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ECOLE FRANCALSK DE ROME
MÉLANGES
D'ARCHEOLOGIE ET D'HISTOIRE
XXXIX* année — 1921-1922
PARIS
Ancienne Librairie FONTEMOING & C^
E. DE BOCCARD, Successeur ^1>^
1, rue de Médicis ^ ^^ ^y^ "y^
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ROME -" >
SPITHÔVER, Place d'Espagne.
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Les premières feuilles du présent fascicule des Mélanges
étaient sous presse, lorsque notre Ecole a été brusquement frappée
du deuil le plus cruel: Mgr. Duchesne, après une courte ma-
ladie, s'est éteint dans la soirée du vendredi 21 avril.
Il ne nous appartient pas de dire tout ce qu'ont perdu, par
sa mort, les lettres et l'érudition françaises; mais nous sentons,
avec une émotion profonde, ce que notre chère Ecole a perdu :
cette bonté affectueuse, ces conseils tempérés de douce ironie,
la conversation la plus spirituelle et la plus acérée alternant
avec les évocations les plus hautes de la thi'ologie et de l'his-
toire, et surtout, pendant vingt-sept années, l'exemple d'un la-
beur incessant, conduit avec une méthode presque infaillible.
On n'imagine guère ce qu'aurait pu être ce recueil sans sa col-
laboration de plus d'un quart de siècle; jamais elle ne lui a
fait défaut. L'article qui ouvre ce volume est le dernier dont
n otre Directeur ait corrigé les éjneuves; sa belle écriture est
demeurée vive et nette jusqu'à la fin.
Nos Mélanges, comme la plupart des Kevues savantes, ont
été gravement retardés par la guerre; il nous a paru bon, pour
leur rendre leur activité normale, de réunir en un seul volume
les années 1921 et 1922; et nous exprimons le vœn que l'an-
née 1923 soit entièrement consacrée à la glorieuse mémoire de
.M{;r. Uiic-Lesne. Des articles de ses amis les plus fidèles ôvo-
qiierout sa figure et feront eounaitre la f^irandeur de ses tra-
vaux. D'autres travaux, dûs aux plus notables pjuini les au-
cieus membres de l'Ecole, s'accorderont autant que possible, à
sou esprit et à sa méthode; et les i)lus jeunes de l'Ecole, ceux
(|ni ont eu la faveur de ses dernières paroles et qui lui ont dit
le suprême adieu, tiendront à iionneur, si imparfaite (pie soit
encore leur science, à être admis, auprès de leurs émineuts de-
vanciers, dans riiommage rendu par cette Revue à celui qui
en fut l'âme.
André Pékaté, Directeur intérimaire
Joseph Roserot de Mei.in - Emile G. Léonard
Jean Colin - Pierre Fabre - Charles Terrasse
Fernand Benoit - Marcel Durrt - Pierre Noailles
Jean Porcher, membres de V Ecole.
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LE SANCTUAIRE DE SAINT LAURENT
Le sanctuaire de saint Laurent, sur la voie Tiljurtine, est, après
ceux des apôtres Pierre et Paul, le plus vénérable de la banlieue
romaine. Il s'offre à nous sous l'aspect de deux nefs d'église, mises
bout à bout et dos à dos, -différentes de niveau et aussi de struc-
ture. La nef du fond, à l'est, primitivement plus basse que l'autre,
a été relevée de quelques mètres, de sorte que son pavé actuel est
plus haut que celui de l'autre nef. Cette nef du fond a été amé-
nagée pour servir de clireur, en arrière de l'autel, lequel est au
niveau relevé. L'autre nef se prolonge jusqu'à la façade, à l'ouest.
De ce coté l'église s'ouvre sur la voie publique par un porche où
l'on voit, entre autres décorations, le portrait du pape Honorius III
(1216-1227). Chronologiquement, c'est le point d";trrivée, car de-
puis le XIIP siècle l'édifice n'a pas subi de modification essen-
tielle. Sous Pie IX on le restaura, on le décora, mais en somme
on le respecta. C'est alors que De Rossi en fit l'oVijet d'une étude
importante ', dout par la suite je fis mon profit dans le commen-
taire du JÀher pontificulis. Depuis la publication du tome I"^ de
mon édition (188.5), M. Santé Pesariui a étudié de très près ce mo-
nument composite ; il a même pu, avec M. Josi, y faire des fouilles ',
et ces fouilles, quoique limitées, ont donné des résultats importants,
qui, sur certains points, ont renouvelé le sujet.
Je crois devoir revenir ici sur l'exposition que j'avais présentée
dans mon édition du Liber pont ifiraJis'. Sur bien des points je me
' Bullett., 1864, p. 42 ; cf 1876, p. 22, 2.S.
' Stiuli Bomani, t. I, p. 37.
' Silvestre. note 84; Xvste III, n. 12; Pelage, II, nn. 5 et 6.
4 LE SANCTUAIRE DE SAINT LAURENT
raiif,'e à ro|)inioii de M. Pesariiii, dont J'apprécie fort les travaux
sur les basiliques roniaiues, Saint-l'aui. Saiiitefîmix et autres. Quand
je me vois obligé de le contredire, ce n'est pas, qu'on le sache
l)ien, avec plaisir, car il est de ceux dont, en ces matières, le suf-
fraffe importe.
Le S!inctiiiiir«> primitif.
La plus aneienni^ deseriptiun du s:mctu:iirc de saint Laurent
nous est fournie par la vie de Silvestre dans le Liber /joiififii-atis '.
Le passage où nous la trouvons parait bien i)rovenir d'un docu-
ment du temps de Constantin. Voici ce qui en l'ésuUe :
1° Constantin élève une basilique an martyr sur la voie Ti-
burtine, au dessus ' du souterrain, supra arennriu rri/jttae.
2" Cette liasilique ne contient pas la tombe sainte, mais elle
communique par un escalier avec le souterrain où elle se trouve:
nsqne ad corpus s. Laurentii marti/ris fecit f/radus ascensionis et
dcscensionis.
' Eodem tempore fecit basilicam beato Lauientio martyii \na Ti-
burtina in agrum Veranum supra aienavio cryptae et usipie ad corpus
sancti Laurentii mavtyris fecit grados ascensionis et descensionis; in quo
loco construxit absidam et exoinavit niarmoribus porpliyreticis et de-
super loci conclusit de argento et cancellis de argento piirissimo ornavit
qui pens. libras mille, et ante ipsum locuni in erypta po.suit Inceniaui .. .
^ Les niss. A ont ici la variante suJi aroian'o, qui semble bien n'être
qu'une cacographie de swpra. Ainsi du moins en avons-nous jugé, Momm-
sen et moi, car, dans nos deux éditions, nous avons adopté la leçon
des antres manuscrits. Sub arenario n'u en efifet aucun sens; on n'ira pas
chercher une basilique sous les galeries d'un arénaire ou d'une cataconibe.
Si l'auteur avait -soulu dire dans le souterrain, il aurait écrit in nrenario
comme le font de nombreuses passions de martyrs romains (v. Michèle de
Kosai, Roma soit, t. L P- H; '9''"'' Romani, t. I, p. 37-52 et le L. P.
lui-mcuie, p. 151 l'ar., 332). L'expression sub arenario ne se rencontre
qu'à propos de la décollation des martyrs Marins etc. (19 janvier); encore
ne senible-t elle pas indiquer un lieu souterrain, mais un lieu découvert,
situé sur une déclivité, à proximité d'un arénaire, mais à un niveau
plus bas.
LE SAKCrrAIRE DE SAINT LAURENT 5
3° Dans ce lieu souterrain, in crypta ', il construit une abside
et l'orne d'un placage de porphyre : cette abside s'ouvrait sans
doute eu face de la tombe sainte.
4° Le dessus de celle-ci (desuper loci) a une fermeture d'argent
iconclusit de ar<ie>ito) : il y a des grilles d'argent du poids de
mille livres. Pour bien comprendre ces détails, il faudrait savoir
au juste quelle était la forme du tombeau. Il semble bien, par le
mot conclusit, que ce n'était pas un sarcophage simplement adossé
au mnr, mais plutôt un sarcophage sous niche ou un arcosoliwn.
Dans ces conditions, la fermeture s'appliquait à l'espace libre
entre le tombeau et le sommet de la niche. Quant aux grilles,
je les conçois comme formant balustrade un peu en avant de la
tombe.
5 ' En avant de la tombe aussi sont suspendues une lampe d"or
à dix becs et une couronne d'argent ornée de cinquante dauphins.
Le luminaire est complété par deux grands candélabres de bronze.
6" Devant le tombeau, des reliefs en argent représentant la pas-
sion de s. Laurent : chacun d'eux est éclairé par une lampe à
deux becs. Où étaient au juste ces médaillons? Sur la grille? C'est
difficile; ils auraient empêché de voir la tombe sainte. Plutôt dans
l'abside.
Ainsi, deux parties: une basilique à ciel ouvert, une chambre
souterraine, reliées par un escalier. Il faut noter que, dans la
chambre souterraine, il n'est pas questiop d'autel. 11 n'en est pas
question non plus à propos de la l)asilique: mais de celle ci on
ne donne ancune description, de sorte que le silence à son égard
n'a pas la même importance que pour le sanctuaire souterrain.
Aussi n'est-il pas douteux qu'il ne faille rapporter à la basilique
' In quo loco. Locus a ici le sens ordinaire: uu peu plus loin, dans
la même phrase, il a, par deux fois, le sens de tombeau. C'est en ce sens
que Prudence l'emploie, précisément à propos de ce sanctuaire, dans un
passage cité plus loin.
6 LE .SAN(TIIAIUE I>K SAINT I.ATRKNT
le mobilier eucharistique dont la suite du texte nous donne une
énumératiou, sous une rul)rique spéciale, Donum (juod ohMit (Cons-
tantinus); uni! iiatèiie d'or, deux d'argent, un si///i/i)is d'or, deux
d'argent; dix calices «ministériels» en argent, deux amae. aussi
d'argent ; enlin un métrètc, d'argent encore.
Au milieu de ce catalogue de vaisselle liturgique apparaissent
trente lampad;iires (fura) d'argent, de vingt livres chacun. Comme
on ne voit pas comment tant de lampadaires aiirairnt pu tenir dans
la crypte, il est naturel de les attribuer à la basilique et nous
avons ici un nouvel argument pour établir que notre liste a bien
rapport à cet édifice et nmi au sanctuaire d'en bas.
Cett(! seconde liste d'olijets sacrés est séparée de la première
par une énumératiou de liuit immeubles appartenant au sanctuaire
laurentien. Cette disposition, cette distril)ution du mobilier sacré en
deux listes nettement distinctes, est un indice de plus en faveur de
la distinction des deux i)arties du sanctuaire.
C'est ce lieu saint que Prudence a eu sous les yeux ; il le men-
tionne rapidement à propos de saint Laurent ' lui-même:
AEnEMQrE, Luiiri'nti, fuam
vestalis intrat Chtudia . . .
Beatus Urhis ivrohi.
qi(i te (te tuorum cominus
sedem célébrât ossumn !
Cui 'propter advolvi licet,
qui flelibns spargit locum . . .
Mais c'est à propos de saint Hippolyte qu'il le décrit *. Celui-ci
avait, de l'autre côté de la voie Tiburtine, nn sanctuaire souter-
rain, plus complet que celui de s. Laurent, car on y trouvait un
autel, sai-ramenti donutrix mensa^ et Ton y recevait la communion
' Peristeph., II, 527-8; 534.
2 Peristeph., XI, 215 230.
LE SANCTUAIRE DE SAINT LAURENT 7
pascit item saiicfis Tibricolas thijjibus. Mais, lea jours de fête, cette
petite église souterraine deveuait insuffisante et force était de se
transporter dans une basilique voisine, dont les hautes murailles
splendidement décorées accueillaient des foules nombreuses. Deux
rangées de colonnes soutenaient le toit et les poutres dorées de la
charpente; trois nefs, celle du milieu plus large, plus élevée; au
fond, sur des degrés, la chaire épiscopale.
C'est dans cette église que l'on célébrait les vigiles solennelles.
Il en est question dans la vie de sainte Mélanie la jeune ' à propos
de la vigile de saint Laurent à laquelle la sainte aurait voulu assister
iii sancti martyris basilica. Comme elle en fut empêchée, elle se
dédommagea le lendemain en allant prier avec sa mère ad mar-
tyrium heati Laurentii. Si je ne me trompe, les deux termes ba-
silica et martyrium correspondent dans ce texte à la basilique su-
périeure, spacieuse et bien éclairée, appropriée k de grandes réu-
nions nocturnes, et à la crypte sainte, plus indiquée pour la prière
individuelle.
Cette crypte est mentionnée expressément dans une inscription
de Tannée 405, trouvée en 1900 dans les travaux du Campo Ve-
rano ' ; sa teneur renseigne exactement sur l'emplacement (ju'elle
occupait à l'origine : FI. Eu) talus lu h. comparavit locum sivi se
rivo ad mesa beat/ marturis Laurenti descendentib . in cripta parte
dextra de fossore . . . (lo)ci ipsius die III Kal. mains FI. Stilicone
secundo conss. La mensa {mesa) B. Laurentii, c'est le tombeau du
saint ; la crypte, c'est le souterrain dans lequel on descend par des
degrés. Ce texte est en parfaite conformité avec la description du
Liber pontifkalis.
A côté de cette inscription il convient d'en citer une autre qui,
elle, a disparu depuis longtemps, mais dont nous avons le texte
' Rampolla, .S'. Jlchuna giuniore, p. 6.
- Nuovo Bull., 1900, p. 127, pi. III, avec le commentaire de M. Ma-
rucchi.
« LE «ANCTfAIUE I>E SAINT LAURENT
daii.1 un rccui-il ('^])igraplii(|iu' du IX' siècle '. Klle y est indiquée
in hiisUiiii S. l.diiii'iitii lircit ilturnm :
Siiccediinl meliotii tihi mirunda tufinii
qnae Leopaidi liihor cura et rigUmida ferit.
SiimplihxK Iku'c propriis ornarit mnenin C/irisli.
licspice et inç/ressu x>^('<''<^<> nora quneqtte révisa :
i/ielestis manns ecre Dei (/tiae praemin rerldit
ijiKie cumuJdtd rides iliii)i(i in iieci-lesia Cliristi.
Le dernier vers est iil)sciir ; mais de l'ensemlilc! se dégage l'idée
du renouvellement d'un éditire sacré. H semble que, parmi ces
■meliiira iiiirinidn. l'un duive distingner la déeoi'ation eu mosaïque
d'une conque absidale : la main de Dieu tenant une couronne est
un motif assez fré(|uent de ces ornementations. Le Leopardus, qui
en a eu l'idée et qui en a fait les frais, nous est bien connu, ''est
un prêtre romain du temps de Sirice (384-399), qui l'envoya en
mission à Milan eu 390 '. Vers ce tenips-l:i il s'occupait de la res-
tauration de la basilique Pndentieuiie : plus tard, sous le pape In-
nocent (402-417), il s'occupa de Saint-Vital I //<«'/«« Vestirtae) ai àt
Sainte-Agnès sur la voie Xomentane '. C'était évidemment un homme
riche et généreux.
Le fait que son inscriptioM ti^iire dans le recueil de Wurtzliourg
donne lieu de croire (|u'une partie du monument |irimitif avait été
conservée ilans les remaniements considérables opérés entre le V"' siècle
et le IX". f'ircu choruni, dit la rulirique. Cela parait signifier « dans
la courl)e de l'abside ». L'inscription de Leopardus n'est pas, on le
' De Rossi, Inscr., t. II, p. 155. Dans mon couinientaire au L. P..
t. I, p. 198 et .SIO, j'ai e.\primé l'idée que, dès avant Pelage II, la basi-
lique constanlinienne avait été démolie et reconstruite au niveau du
sol de la crypte souterraine. Cette manière de voir ne me semble plus
soutenable.
= .Jaft'é, 260.
' L. P.. vie d'Innocent.
LE SANCTUAIRbJ I)E SAINT LAURENT !t
virra liiciitot, le seul arfiiiment que l'dii puisse faii-e valoir en fa-
veur (le la eduservatioii, bien longtemps après le IV" sièele, do cette
très ancienne abside.
La basilicii siHM-iosior.
Le sanctuaire de saint Laurent ne conserva pas indéfininient la
disposition qu'on lui avait donnée sous Constantin: une basilique
au dessus du sol, une crypte souterraine où était la tombe sainte.
Ainsi le virent Damase, Prudence, Leopardus, Mélanie. Mais par la
suite il se produisit des changements.
Les itinéraires des pèlerins au VIT siècle ' distin;.;uent en cet
endroit deux basili((ues appelées par eux, l'une hnsilira waior,
l'autre busilicd sjicciosior ou nova. C'est dans celle-ci qu'est la tombe
sainte, et non pins i», crypla, dans une chambre on galerie sou-
terraine. De la basilique speciosior nous avons encore sous les yeux
les nefs avec la tombe sainte, laquelle n'est plus dans nue crypte
souterraine mais dans l'église elle-raême. Cette basilique, nous le
savons par ses inscriptions et ses mosaïques, fut construite par le
pape Pelage II (579-590): il n'est pas étonnant qu'une cinquan-
taine d'années plus tard, ce qui est le temps des itinéraires, elle
ait fait l'etfet d'être neuve et brillante, nom, spci-iosior.
Ainsi, sous Pelage II et depuis, il y avait deux basiliques; les
documents les mentionnent de temps :i autre, jusqu'au milieu du
IX" siècle. Négligeons, pour le moment, les temps postérieurs à
' Salisb.: Postea peivenies ad ecclesiam s. Laïuentii; ibi sunt nia-
gnae basilicae in (|iiaruiii quis speciosioiein (sic) et pausat... Epitome-.
Prope eaiidem viain (Tihurtinam) ecclesia est s. Lamentii maior, in qua
corpus eius primum fuerat hnmatuui, et ibi basilica nova pulchritu-
dinis ubi ipse modo icquiescit ... jVo//<!a: luxta hanc viam (riftitrtmam)
iacet S. Laurentiiis in sua ecclesia... et ibi prope in altéra ecclesia pan-
sant hi inartyies, Ciiiaca, etc. (De Rossi, B(wi<t sott., t. I, p. 178. 179).
10 LE SANCTirAlUK DE MAINT LAI'UENT
l'chige et tiichoiift de percer les ténèbres qui enveloppent i)oiir noua
l'histoire (lu monument entre le IV' sièele et l:i lin du V! .
Deux points sont siirs:
1" Dè8 avant l'élage, la IxisHim iwt'n»- existait et on l'appe-
lait ainsi. Ceci résulte de deux inscriptions du V siècle environ,
ou du commencement du VI', dans lesquelles cette liasilique est
mentionnée '. Or une hnsilim maiur suppose une basilim minor.
I/édiliee péla-icn a donc succédé à une autre basilique, que l'on
appelait ou pouvait appeler b<isHir<i minor.
2° Jusqu'en 468 au moins le tomlieau de saint Laurent est
demeuré souterrain. Trois papes du V" siècle, Zosime (f ^l^),
XysU- 111 (t t^0)> Hilaire Cf ■^'^'^)^ <'"''*'"t enterrés à S" Laurent.
Si, pour Zosime, le livre pontifical se conteTitc .rindi(iucr la sé-
pulture iiixta corims B. Lmtrentii nmrtyris, pour les deux antres,
il marque expressément que leurs sépultures étaient in criipta, ce
qui, d'après un usage constant, veut dire qu'elles étaient sous terre.
Ainsi l'élage a tiwivé une busiliva minor préexistante, à laquelle
il a substitué la sienne. Etait-ce encore la basilique de Constantin
située au dessus du s(d, ou bien l'avait-on déjà reconstruite et dé-
placée, en l'enfonçant pour ainsi dire jusqu'au niveau de la tombe
sainte? Voyons si nous ne trouverons pas quelque éclairi'isscment
là-dessus dans rinscrii)tion " où sont décrits les travaux exécutés
sous Pelage :
Demovil Domiinis trnfhrns, ut har crenia
lus quondam latebris nunr modo fulgor inest.
Angustos adifus renernbile corpus habebaf
' De Rossi, BiilL, 1876, p. 22, 2.J: in fcASSILTCA MAXIO,r... IX
BASILICA MAIORE AI) DOMXV LAVRESTIVM.
'■ Cette inscription a été refaite en niosaïiiiie et placée en liaut de
l'arc triomphal. Mais il est fort douteux que telle soit sa place primi-
tive, .le croirais plutôt qu'elle se lisait au bas de l'église, comme les
inscriptions analogues de Sainte-Sabine et de Sainte-Marie-.Majeure (celle-ci
disparue). Rien ne prouve (lu'elle ait été en mosaïque.
LE SAK'CTCAIKE DE SAINT LAURENT U
hiii- uhi »unr jMpitluni largior ' auta capit.
Enda pi uni lies imtuit su h monte reciso
estqiie remota (/nui mole ruina mina.r.
Ainsi, oppositimi de l:i nuit et du jour: le sanctuaire nrl corpus
était étroit, obscur, difficile d'accès; des éUoulements étaient à
craindre; tel était l'état antérieur. Maintenant une large enceinte,
obtenue en tranchant et en dél)layant uue partie de la colline, de
sorte que Tédifice est désormais en sûreté. Supposons que Pelage
eût déjà trouvé la basilique enfoncée dans le sid et ((u'il se fût
borné à l'exhausser en y étaldissant un étage de galeries, on voit
bien qu'il y aurait donné plus de jour, mais ou ne voit pas qu'il eût
rendu plus facile d'accès le saint tombeau, ni qu'il eût élargi l'en-
ceinte; on ne comprend pas que, pour ses travaux, il ait eu besoin
de se procurer un emplacement en taillant dans la colline voisine.
Ainsi la disposition nouvelle ", la basilique enfoncée jusqu'au
niveau de la tombe sainte, est très vraisemblablement du temps de
Pelage. Depuis l'année -168, où l'ancienne disposition durait encore,
rien de ce côté n'avait été changé.
Pelage lui-même ne paraît pas avoir tout supprimé. La tombe
du martyr, bien entendu, ne put être changée de place. Cependant,
comme on démolissait la catacorabe autour d'elle, en vue de l'isoler
complètement, elle perdit son aspect primitif. C'est pendant ces
travaux que se produisit le fait rapporté par saint Grégoire ' ; un
accident eut lieu : la tombe sainte fut ouverte ; les ouvriers et autres
personnes présentes aperçurent les ossements du martyr. Ils mou-
rurent tous dans les dix jours.
' Lotuiior. par erreur, sur la mosaïque actuelle.
- Ou dirait que les tombeaux des trois papes Zosime, Xyste Itl et
Hilaire furent sacrifiés aux nouveaux arrangements ou tout au moins
placés moins en vue: aucun d'eus n'est mentionné dans les itinéraires
du VIF siècle.
' Reg., IV, 30 (594).
12 I,K SANCTIIAIUK I)K SAINT LAI'RENT
Les (liiiize belles coUinnes, dont leH cliaijiti'iuix si éiégiints siip-
lioitciit riiicoliérent eiitablenioiit de Pélag-i' II et sa (galerie supé-
rieure, doivent provenir de quel((uc éililicc ])lus ancien. Ce n'est
pas une eonjeeture trop hasardée (|ue de supposer ([u'elles ont été
tout sini])ienient déména},'écs de la basilique eonslMiitiiiiiiine, où elles
avaient dû venir d'ailleui's. Mais on jx'iit, je orciis, jionsser les
conjectures plus loin.
La mosaïque de Tare nous offre, sur sa surf.iee plane, une dé-
coration qui ne se rencontre guère que dans les conques alisidales.
Le Christ, assis sur le globe terrestre, entre les apôtres Pierre et
r.iul, Mccucille, d'un rôté, le pape l'élage II présenté par saint
Laurent, de l'autre saint Hippolyte, présenté par saint Etienne.
Pour que ce sujet n'ait pas été réservé à l'abside, il fallait que
celle-ci ne fût pas disponible. Or si cette abside avait été construite
ou reconstruite par Pelage, c'est à lui qu'il eût incombé de la
décorer. S'il ne l'a pas décorée, c'est qu'elle l'était déjA ; ainsi
elle lui était antérieure ; c'était l'abside de la basilique constan-
tinienne. Ici il faut en revenir à l'inscription de Leopardus, la-
quelle se présente comme la dédicace d'une mos.iù|ue absidale,
exécutée, vers l'année 400, dans cette basilique, et visible en-
core au IX'' siècle. Ces deux indications, celle que fournit la
mosaïque de Pelage et celle qui se déduit de l'inscription de Leo-
pardus, convergent merveilleusement ; il est difficile de ne pas en
tenir compte.
Une particularité de cette église, c'est que la tombe sainte
était au milieu de la nef et non pas sous l'arc principal, ni en
arrière vers l'abside. Dans le dispositif moderne ceci a été corrigé.
On a transporté l'autel pour le mettre à l'aplomb du tombeau de
saint Laurent.
LE .SAiNLTIJAlRE DE SAINT LAURENT 13
La hasilica luaior.
Maintenant il fant nous occuper de la basilirrt niaior.
Le livre pontifical, après avoir relaté la fondation du sanctuaire
au temps de Constantin, n'en parle plus avant celui de Valenti-
nien ill, dans la vie du pape Xyste III (432-440). Une vingtaine
d'années avant ce pape, Rome avait été assiégée, mise à rançon
et pillée par Alarie. La plupart des églises avaient perdu leurs
ornements en métal précieux, soit parce que les barbares les avaient
emportés, soit parce que les autorités ecclésiastiques les avaient elles-
mêmes réquisitionnés pour aider à paj^er les impositions des vain-
queurs. La tranquillité revenue, le gouvernement de Placidie et de
son fils Valentinien 111 s'efïorçait de rendre aux églises une partie
de ce qu'elles avaient perdu. C'est ce qu'on les voit faire à Saint-
Pierre, à Saint-Paul et au Latran. Pour ces trois églises le livre
pontifical rapporte expressément l'intervention de l'empereur. En
ce qui regarde Saint-Laurent, dont il s'occupe ensuite, il commence
par dire que le pape Xyste fit, c'est-à-dire refit, la confession du
martyr ; qu'il y plaça des colonnes de porphyre, une balustrade
en porphyre, surmontée de grilles d'argent ; que l'autel et la con-
fession reçurent des ornements d'argent: qu'il refit aussi l'aliside,
y plaça une statue du saint et aussi des grilles. Dans ces travaux
on retrouve les principaux éléments de la décoration constantinienne,
que, semhle-t-il, on s'attaclia à reconstituer. Toutefois il faut noter
l'adjonction d'un autel.
Mais le livre pontifical continue : Ferit axtem husilieam s. Lau-
rentio qitod Valentivianiis Aug. concessit, ttbi et obtidit . . . Suit
une énumération de vaisselle sacrée, adaptée aux exigences d'une
grande église.
Où était cette église? J. B. de Rossi la place sans hésiter à
Saint-Laureut-hors-les-raurs. Cette attribution a été contestée ces
14 LE SANCTI'AIRK I>E SAINT LAVRENT
temps (Icniicrs par des i)ersonnes qui. reiionvelaiit tiiie ojiiniDii an-
cienne, ridentifient ù S' Laurent in Liicinu et proposent à ce sujet
des arguments d'apparence sérieuse. Aussi dois-je exposer les raisons
pour lesciuelles je demeure, sur ce point, fidèle au sentiment de
De Kossi ' et comment je résons les objections qu'il a suscitées.
1° Le Liber poiitificalis, quand, après s'ctre occupé d'églises
extra muros, il passe à des églises intra-muros ■ signale d'ordinaire
ce cliîingement par quelque formule comme in nrhe Borna, intra
urbem Jlomam, etc. Ainsi dans la notice d'IIilaire, après avoir
parlé de Saint-Pierre, de Saint-Paul et de Saint-Laurent, il passe
aux tittiU de la ville : in urbe vero Roma. Un peu plus bas dans
la même notice, après les constructions élevées près de S' Laurent,
il passe à un monastère urbain, intra urbe Roma. Dans la notice
de Symmaque, après avoir énuméré diverses fondations suburbaines,
il en vient à l'église des ss. Silvestre et Martin : intra ciritatem
Romanam. Ici, rien de semblable : nous sommes d'abord à Saint-
Laurent-hors-les-murs; après avoir énuméré divers embellissements
ou restaurations de la tombe sainte, on nous parle, sans autre ex-
plication, d'une basilique de même vocable. Il est naturel de croire
que nous sommes encore au lieu appelé par antonomase Ad s. Lau-
rentium, c'est-à-dire près du tombeau du saint.
2° .l'ajiniterai que l'usage constant du Liber jwntificalis et, en
général, de tous Us documents romains est de réserver au sanctuaire
du Verano la dénomination Ad s. LMureritium, sans autre qualificatif.
Les autres églises de S' Laurent sont désignées par quelque spé
' t'ependiint, à la suite des' observations de M. Santé Pesarini et de
ses exi)crtises du moniiiuent, je crois devoir abandonner l'identification,
admise par De Rossi, entre l'ancienne . ftasîfica maior et la nef de la
liasilicnic actuelle. Cette nef est, comme le poicbe occidental, du teiuiis
d'Honorius III. Mais elle me paraît occuper une partie de l'emplace-
ment de la basilica maior.
' Sauf pour la basilique de Latian, mentionnée d'iialiitudc avec celles
de s. Pierre et de s. Paul.
LE SANCTUAIRE DE SAINT LAURENT 15
cification, i» Dumnso, in Lucina. in Formoso. Autrement des con-
fusions n'auraient pas manqué de se produire. C'est comme pour
les églises de Sainte-Marie, de Saint-André, etc. Tant qu'il n'y eut
qu'une église de Sainte-Marie, le livre pontifical appelle cette église
Sainte-Marie tout court. Quand les églises de ce vocable se multi-
plièrent, apparurent les désignations de S. Maria Maior et S. Ma-
ria ad Praesepe. Le nom du saint ne suffisait pas à indiquer l'église
dont on parlait. Or ici rien de semblable : pas question de Lucine
pas plus que de la situation à l'intérieur des murs ou de la qua-
lité d'église titulaire. Interprété d'après Tusage courant du temps
où il a été écrit, ce texte nous conduit à S' Laurent-hors-les-murs
et non ailleurs.
3° Mais, nous dit on, comment expliquer les mots quod Talen-
tinianus Any. concessit .? Quel besoin d'une autorisation impériale
poui' construire une église dans Vager Yerarms qui appartenait à
l'église romaine dès avant la persécution ? Tandis que la basilique
in Lucina s'élève sur un emplacement qui, en partie, était occupé
par un édifice public, le cadran solaire du Champ de Mars. En
vain dirions-nous que l'église in Lucina existait déjà en 366, puis
qu'on y fit l'élection du pape Damase. On répond que, dans le récit
des Gesta inter Liberinm et Felicem où il est question de cette
élection, le lieu où fut élu Damase est désigné simplement par
l'expression in Jjucinis, tandis que celui où fu.t, le même jour,
élu son compétiteur Ursinus est indiqué par l'expression in basi-
lica Iidii. Cette différence doit signifier (jne la basilique de Jules
était un édifice spacieux, une vraie basilique, tandis que, au lieu
dit in Lucinis, il n'y avait qu'un local restreint enserré dans les
édifices publics. — Cette distinction me parait bien subtile. Du mo-
ment où les électeurs de Damase avaient choisi le lieu in Lucinis
pour s'assembler, c'est qu'il devait offrir un espace assez grand,
les élections épiscopales attirant toujours beaucoup de monde. De
plus il serait difficile de signaler une élection pontificale célébrée
IG LE SAN<;TrAIRK i)K SAINT LAI'RENT
en ces toini>s-l;i en (Icihura iriine église. Enfin, il est facile de dire
que le cadran solaire du (Jliamp de Mars existait encore au IV siècle :
mais cette affirmation est liien risquée. I^es régionnaires du IV* siècle
indiquent robélisque in Cumpo ]\fnrfio, sans souffler mot de la sur-
face où, A l'origine, un système de lignes et de chiffres indiquait
l'heure d'après la longueur de l'ombre i)rojetée par l'oliélisque ; ils
ne parlent que de l'oljélisque lui-même ; Ammien Marcellin en
fait exactement autant (XVII, 4, 12); l'itinéraire d'Einsiedlen men-
tionne en même temps l'obélisciue et l'église Saint-Laurent in Lu-
cina. Ainsi l'église et l'obélisque ont coexisté jusqu'au VIII*' siècle ;
on peut même dire jusqu'au XVIIT, car c'est seulement alors que
Benoît XIV fit déterrer les fragments du monolithe, tombé et brisé
depuis longtemps sur son emplacement primitif, pour en orner la
place de Monte Citorio. Rien n'oblige d'admettre que la surface
occupée à l'origine par le cadran solaire ne fût pas disponible dès
le IV'' siècle: déjà, au temps de Pline, le fameux horoJoghim était
détraqué depuis longtemps et ne donnait plus que des indications
inexactes '. Il semble que, si l'appareil chronométrique eût encore
fonctionné sous leurs yeux, les régionnaires ne se seraient pas bornés
;"i mentionner l'obélisque, mais qu'ils auraient employé le terme
hoiologium ou quelque autre de même sens. Du reste, qui sait si
l'église actuelle, reliâtie au XVII' siècle aiirès l'avoir été déjA au
XII", occupe exactement rempl.-u'cment de celle des temps anté-
rieurs î"
Je disais tout à l'henre (|u'il y avait (|neb|ne suljtilité à opposer
les deux désignations in hasHicn lulii et in Lucinis, la première
visant une grande basilique, la seconde les édifices assez étroits
(l'un ancien fitiili(s. Regardons-y de plus prés. Est il bien sûr que
la formule //( Lncitiis soit, en elle-uiéme ou par opposition à l'autre,
in hasilira Inlii. exclusive d'une véritable basilique? Saint Jérôme,
' Pline, Hist. iiat., XXXVl, 73.
LE SANCTUAIRE DE SAINT LAURENT 17
en racontant dans sa chronique les raëines événements, désigne la
basilique libérienne par le mot Sicininum, tout court: Ursinus a
qiiihusdam ejiiscojnts co)tstitutus Sicininum cnm suis inraâit. Il
s'agit là d'une vraie basilique, toute neuve encore, puisque sa
construction remontait à quatorze ans au pins. S' Jérôme et l'au-
teur des Gestd sont contemporains: ils parlent des mêmes événe-
ments: s'il est impossible de voir dans l'expression Sicininum de
S' Jérôme autre chose qu'une vraie basilique, pourquoi cette inter-
prétation ne vaudrait elle pas pour la fcirmule in Lucinis^ Pour
indiquer les stations liturgiques de la l)asilique de Latran, on di-
sait couramment in Lateranis on ud Lateranis '.
Je conclus donc que rien n'autorise à détourner cette formule
de son sens naturel et qu'une basilique in Lncinis existait en 366,
soixante-dix ans avant Xyste III.
Mais pourquoi Xyste III a-t-il eu besoin, pour sa basilique de
Saint-Laurent, d'une autorisation officielle ? Nous n'en savons rien.
Le livre ])ontifical parle de Saint-Laurent après avoir mentionné
les liliéralités de Valentinieu III en faveur des basiliques de Latran,
de Saint-Pierre et de Saint-Paul. Peut-être, pour Saint-Laurent,
comme pour les trois autres sanctuaires, s'agit-il seulement d'une
contribution pécuniaire. La famille impériale d'Occident était, nous
le savons, très dévouée au culte du grand martyr. Mais admettons
qu'il se soit agi d'une autorisation de bâtir. Qui sait si les nou
velles constructions n'empiétaient pas sur le domaine public ou sur
quelque domaine funéraire privé ^ La voie Tiburtine était tout
proche : si la nouvelle basilique méritait vraiment le qualificatif
maior. comme elle ne commençait (on le verra bientôt) qu'à l'ouest
des ambons actuels, elle devait étendre ses nefs bien au delà du
porche d'Honorius III. Ajoutons encore l'atrium dont elle dut être
précédée et l'ouverture sur la voie publique : il y a, dans ces dé-
' Lectionnaire romain publié dans la Jievue bénédictine, 1910, p. 49
et suiv.
Mélanges d'Arch. et d'Hist. 1921. 2
18 I,E SANCTI'AIRK DK SAINT I.AI'RKNT
vcloppeineiits, de ([uni l';iii(' su]iiiosci' une extension uii ileli'i du ilo-
iiiaine ('cclésiusticiue de ïnt/er Veranus et, par suite, di' quoi cxpli
quer la nécessité d'une autorisation officielle.
■C'e n'est pas seulement de ce coté que l'af/er Veranus était
limité. Au sud et au sud-est de la basilique ad l'orpus s'étendait, au
IV' siècle encore, une propriété privée, celle d'un riche païen appelé
Léon, qui plus tard se convertit et devint même évêque '. Le tom-
beau de S' Laurent était dans Vnger Veraniis. oui: mais à quehiues
mètres de là on était eu dehors de ce domaine ecclésiastique.
4" Au rapport de Pompeo Ugonio (1588j', on voyait de son
temps dans l'abside de S' Laurent in Lucina une peinture repré-
sentant le Christ entre les apôtres Pierre et Paul, les martyrs
Laurent et Etienne, puis, d'un côté, Lucine, tenant le modèle de
l'église, de l'autre côté. Sixte III, l'un et l'autre avec leurs noms
écrits au dessus de leurs têtes. De ceci il ])eut résulter que Tau-
teur de ces peintures interprétait le Liber poHtifirdJis comme le
fait maintenant M. Saute Pesarini, ou procédait d'après une tra-
dition fondée sur cette interprétation. P. Ugonio estimait que la
peinture pouvait remonter à « qualche centinaia d'anni>>; elle ne
devait pas être antérieure k la reconstruction de l'église au XII"
siècle et h sa consécration par Anaclet II (1130)'.
En ces temps-là, il n'y avait plus, au Verano, ([u'une seule ba-
silique de Saint Laurent, la basili(|ue pélngienne, ou ad inrjius :
l'autre, on le verra bientôt, avait perdu sou vocable i)our devenir
' L. P., t. I, p. 250, note 3.
« Siaziom, p. 184.
' Est il bien sûr que le pape ligure dans cette eoinposition ait toujours
été Sixte III? Anaclet II ue répugnait pas à se faire représenter dans
les monuments de son temps. J'ai expliqué ailleurs (L. /'., t. II. p. :î25^
qu'il avait figuré au Latran dans la cliajjelle de Saint-Xicolas, avec son
nouj ; et que, par la suite, ce nom fâcheux avait été remplace d'abord
par celui de Calixte II, puis par celui d'Anastasc IV. Qui sait si le nom
de Sixte III que P. Ugonio lisait vers la fin du XVP siècle ne repré-
sentait ])as une correction ?
LE SANCTUAIRE DE SAINT LAURENT 19
une église de Sainte-Marie. Dans ces conditions il était naturel
de chercher ailleurs la basilique de Xyste III. Ou avait le choix
entre les deux vieilles églises titulaires in Bamaso et in Lu-
riiia. Mais la fondation de la première était attribuée par le livre
pontifical au pape Dainase, tandis que la fondation de l'église
in Lucinn n'y est marquée nulle part. C'est à celle-ci qu'inévita-
blement on devait rattacher le texte de la vie de Xyste III, que
Ton n'était plus tenté d'appliquer à la Ixisilica mnior de la voie
Tibnrtine.
Revenons au V*^ siècle. C'est, je pense, la basilica maior de
saint Laurent dont la dédicace est consignée daus le martyrologe
hiérônymien, le 2 novembre: Dedivatio hasilicae sanrtorum Xysti,
Hippolijfi et Laurentii. Les dédicaces des églises constantiniennes,
du Latrau. du Vatican, de la voie d'Ostie et autres ne figurent
pas dans cette compilation. En revanche on y trouve celle de deux
autres édifices auxquels Xyste III s'est intéressé. Saiiite-Marie-Majeure
et Saint-Pierre-ès-liens. Le culte d'Hippolyte. nous le voyons par
Prudence, fusionna de bonne heure avec celui de Laurent, dans le
sanctuaire de celui-ci. cela par pure raison de voisinage, car les
histoires ' de ces deux martyrs n'offrent aucun point de contact.
Pour le pape Xyste, le maître de Laurent, c'est le contraire : s'il
est adjoint ici au martyr de la voie Tiburtine, bien que son tom-
beau, à lui, fût sur la voie Appienne, c'est parce que son souvenir
demeurait intimement lié à celui de son diacre.
C'est sans doute encore la basilica maior qui apparaît avec la
basilica minor dans la vie du pape Hilaire; il y a là, à la suite
l'une de l'autre, deux listes de pièces d'orfèvrerie, où sous deux
rubriques différentes, ad hentum I.aurentium marti/rem ' et in ba-
' La légen<le. elle, en établit bientôt; mais elle dérive des monu-
ment? et non pas ceux-ci d'elle.
2 Maiorem, letton adoptée par De Rossi à la suite de Vignoli. n'est
pas documentée par les manuscrits.
20 LE SAN'CTI'AIRE DE SAINT LAURENT
sUiru heati Lmirentii marti/r/s. Los édificps se inultii)li;iiciit autmir
(lu sanctuaire de la voie Tiburtiiie. Le même pape Ililaire y cons-
truisit un monastère, deux bains, une maison de campagne (prae-
totium), deux bibliothèques '. Son successeur Simplicius y fonda •
une « basilique » en l'honneur de saint l'Etienne ; Symniaque un
hospice (hahiiari(lu) pour les pauvres ^. Au delà de Symmaque et
pendant longtemps, le livre pontifical parle peu de Saint-Laurent.
Les constructions de Pelage II sont cependant notées: Hic fecit
supra lorpris heati Laiiroitii warti/ris hasilicnni a finidamento
constructam et tuhulis argenteis exornavit sepidclirum eiiis. Dans
la vie de Grégoire 11 (715-731) on relate des réparations à l'église
Saint-Laurent qui mena(;ait ruine, sa charpente ayant lieaucoup
souffert : mais on ne nous dit pas à laquelle des deux basiliques
furent faites ces réparations. Du reste, les biographes pontificaux,
dans leurs énumérations de dons sacrés ■*, se bornent souvent à
mentionner l'église Saint-Laurent, sans spécifier; je pense qu'ils
visent ainsi la basilique tifl corpus, plutôt que l'autre. Les deux sont
bien distinguées dans les vies d'Hadrien (772-795) et de Léon IV
(847-855); nous y voyons aussi que la bnsilica maior avait fini par
être mise sous le vocable de la sainte Vierge. Ce changement
pourrait bien avoir eu lieu du temps d'Hadrien. Voici les textes:
Hadrien (49 Vign.; p. 500 de mon édition): Fccit in iiecclesia
heati Laurentii martyr is foris muros, scilicet uhi sanctum eins
corpus requiescif. restem de stauracim : et in aecclrsia maiore
uliam simiJiter fecit restem. Nam et tectum eiusdem Ijeuti Laurentii
l)assilicae maiore, qui iam distertus erat et traties eius cnnfracti,
noviter fecit.
' L. P, t. I, p. 245.
« JJirf., p. 249.
3 J6»rf., p. 263.
* Vies d'Adrien, p. 500. 504, .505. 508, 511, 512; de Léon III, t. II,
p. 2, 9, 10, 20; de Grégoire IV, p. 76; de Léon IV, p. 120; de Benoît III,
p. 145. 14IÎ; de Ximlas, p. 153, 166.
LB SANCTITAIRE DE SAINT LAURENT 21
Ihid., 64 Vign.; p. 505: In basiliea maiore quae appellatur
suncte Dei genetricis qui aderat (acUuieret) iuxta hnsilimm sancti
Lanrentii martyris adque lévite tihi dus sanrtmn corpus requiescit,
foris muros huius civitatis Bomae obtulit vêla, etc.
Ihid., 75 Vign.; p. 508: BasiUcam S. Laurentii martyris uhi
sanctum eins corpus quiescit, adne.iam Ijfisilicae maioris quae
dudum isdem praesul coHstru.rerat, ultro citroque noviter restau-
ravit.
Léon IV, 59 Vign.; p. 120: Olitidit in hasilica sanctae Dei
genetricis... quae ponitur foris muros istius civitatis Romanae
iuxta Ijeatum Laurentium vestem, etc. Et in ecclesia heati Laurentii
martijris quae ponitur foris muros oljtulit turibulum,, etc.
Nibby ', trompé par le cliangemeut de vocable, ne reconnut pas
dans ce dernier texte l'ancienne l/asilica maior, encore distincte,
au milieu du IX'^ siècle, de la basilique pélagienne ; il attribua au
pape Hadrien la réunion des deux basiliques eu une seule.
Les textes u"'' 2 et 3 de la vie d'Hadrien nous donnent un
précieux renseignement topograpliique. La basilique majeure, disent-
ils, est unie (adne.ra), adhérente {quae adhaeret), à la basilique
ad corpus. Or la ligne de contact n'est pas à chercher sur le flanc
nord ni sur la façade est de la basilique ad corpus: cela est exclu
par la déclivité de la coUiue. Du coté du sud ont toujours été les
monastères, oratoires et autres dépendances ; l'église Saint-Etienne
s'y voyait aussi : la place était prise. C'est seulement du côté de
l'ouest qu'il y avait l'espace nécessaire i)our une autre basilique.
L'adhérence devait se produire par les absides ; autrement l'accès
de la nouvelle basilique efit été difficile; d'ailleurs on a dû tenir
à ce que l'autel et l'abside de la basilique majeure fussent rap-
prochés le plus possible de la tombe sainte. En somme la basilique
majeure devait s'élever à peu près sur l'emplacement où s'élèvent
' Dintonii, t. II, p. 252. ^
22 LK SANCTUAIRE DK SAINT l.AUKBNT
les nefs actuelles et s'ouvrir, eomine à présent, sur la voie Ti-
burtine.
C'est en cette éf;lise (|U(' le pape Léon IV institua la station
de l'octave de l'Assomption (22 août;, avec nue vigile solennelle.
Il voulut la célébrer lui-même, la première année; et, constatant
avec plaisir (|u'il y était venu beaucoup de fidèles, il les récompensa
de leur zèle en leur faisant une distribution d'argent '.
Dans cette église il y avait alors ' trois chapelles ou oratoires,
dédiés respectivement à sainte Harlie, à saint Nicolas et à sainte
Eugénie; il n'en reste plus trace. Du reste, comment en resterait-il
trace? L'église elle-même, la basilica maior. a disparu.
Car — et ici les observations et les fouilles de MM. .losi et Santé
Pesarini conduisent à des résultats certains — la partie occidentale du
monument, celle à laquelle on accède parle portique d'Honorius III,
ne saurait être identifiée avec la basilica maior du \' siècle. Les
colonnades de la nef sont du même temps que celle du portique
extérieur, c'est-à-dire du XllT' siècle. Pour obtenir le dispositif
actuel on a dû jeter bas la hasilira maior; quelques-uns de ses
matériaux, colonnes et autres, ont pu entrer dans la reconstruction;
mais l'eusemble de celle-ci représente une bâtisse nouvelle.
Les fouilles, mallieureusement, n'ont pas pu être poursuivies
jusqu'au point où l'on eût souhaité qu'elles le fussent. Cependant
elles ont amené un résultat très important. Les arasements de la
première abside, celle de la Imsilica speciosior ou nd corjnis, ont
été mis au jour, assez loin, vers l'ouest, de l'endroit où l'on au-
rait pensé les retrouver. 11 est établi maintenant que l'arc où l'on
voit la mosaïque de Pelage II n'est pas le front d'une abside, mais
un véritable arc triomphal, ouvert entre la nef majeure et un transept.
De celui-ci nul n'avait soHp(;ouné l'existence avant M. Pesarini. Il
était fort large, et cette largeur inusitée doit, ici comme à Saint-
1 L. P., t. II, p. 112.
2 /.. P., t. II, p. 112.
LE SANCTIAIRË PE SAINT I.AIREXT 23
Paul, trouver son explication dans quelque nécessité d'ordre reli-
gieux. Je soupçonne que Pelage II aura voulu comprendre dans la
même enceinte et l'abside de l'église constantinienne et le tombeau
du martyr. La distance entre les deux était trop grande pour qu'il
fût possible d'installer l'autel à l'apltmili de la tombe sainte; on
se résigna à laisser celle-ci an milieu de la grande nef, assez loin
de l'autel. Maintenant ils sont à l'aplomb l'un de l'autre : mais
cette disposition ne remonte qu'aux remaniements d'Honorius III.
En somme, tenant compte des testes, de l'état présent du mo-
nument, des fouilles de MM. .losi et Santé Pesarini et des expli-
cations de celui-ci. Je proposerais de tracer ainsi qu'il suit, les
gi'andes lignes de l'histoire de Saint-Laurent-hors-les-murs.
1° En 258 et jusqu'à Constantin, tombeau souterrain.
2° Au IV' siècle, sanctuaire :\ deux étages, la crypte souter-
raine où se trouve la tombe sainte; la basilique au dessus du sol,
communiquant avec la crypte par un escalier. Cet état de choses
se maintient jusqu'à Pelage II. De la basilique d'alors il ne reste
que l'inscription de Leopardus. conservée dans les manuscrits, et
les colonnes en marbre blanc, transportées daus la basilique péla-
gienne.
3° Au y siècle le pape Xyste 111 fait construire derrière la
basilique constantinienne, c'est-à-dire à l'ouest de celle ci, une se-
conde basilique, que ses proportions font qualifier de maior. Ainsi
le sanctuaire comporte deux basiliques au dessus du sol et une
crypte dd corpus.
■4° Sous Pelage II la I)a8ilique eonstautinifnne est démolie, son
emplacement est déblayé et creusé jusqu'au niveau de la tombe
sainte. A ce niveau une nouvelle basilique est construite, en uti-
lisant les colonnes de l'ancienne et en conservant son abside.
5° Vers la fin du VHP siècle la basiJica maior est placée sons
le vocable de sainte Marie ; au IX" siècle, Léon IV y établit une
station pour l'octave de l'Assomption. La basilique cesse d'être une
24 I.E SANCTrAIKE DK SAINT LAPHENT
basilique de Saint-Laiircnt ft l'on commence de rapporter à S' Lau-
rent in Lucina ce que le Liber pontificalis dit de la fondation
de Xyste III.
6° Sous Ilonorius III, la ljasili(iHe majeure, sans doute en mau-
vais état, est dcnioiie ; il en est de même du chevet et du transept
de la liasili(|uc p( la^^icnne ; avec les nefs de celle-ci on arrange un
cliienr qui s'étend derrièi-e nn nouveau maitreautel, celni-ci à
l'aplomb de la tombe sainte; à l'ouist de cette partie ancienne,
Ilonorius 111 fait établir les nefs et le ))oi'clie (|iie l'on voit au-
jourd'hui.
L. DrCHF.SNE.
SITULA DI TERRACOTTA
IN FORMA DI CARRO PROCESSION A LE
ED AT.TRl UTENSILI DELLA SECONDA ETÀ DEL BKONZO
ATTINENTI AL MITO SOLARE
(PI. I)
I recenti atudi intorno al simbolismo primitive, specialmente
dell'età del brouzo, teudouo a riaffermare sempre pii'i l'esistenza
d'una fase religiosa, costituita dai culti délie cosi dette divinità
solari od astrali, intorno ai quali è raggruppato tutto un nuovo
sistema di scopei'te dalFItalia alla Scaudinavia e dalla Gallia alla
regione dell'Egeo. L"importaiiza e l'esteusione di quei culti è oramai
un fatto assicurato Uinto uel moudo greco-egeo, cume iu tutta TEu-
ropa centrale.
II famoso carro di Trundholm (Isole di Seeland) del 2' pe-
riodo dell'età del bronzo, mouumento preellenico délia cosi detta ci-
viltà del bronzo spiralizzato, è stato come il punto di partenza per
addivenire alla identificazione di tutta uua série di suppellettili cul-
tuali, contrassegnate da simboli eliaci, la cui messe, finora abbon-
dantissima, è andata sempre più arricchendosi '.
Le più anticlie manifestazioni religiose, relative ai culti so-
lari, si lianno, com'è noto, da soggetti di earri o di barche, sim-
boli del tragitto del sole intorno alla terra, secondo la concezione
primitiva ; e quei soggetti risalgono alla preistoria in apparenza
' Cfr. Eeginald A. Smith, Proceedings of the Society of Antiquaires
of London (dec. 3, 1903, fig. 5, 6, 7); Déclielette J., Le culte du Soleil aux
temps préliistoriqties [Rev. Arche'ol.^ Paris, 1909, 4" sér., t. XIV, p. 309
suiv.}; Id., Man. d'Archéol. prehisl., II, 413 suiv.
2B SITL'LA IH TERRACOTTA
(li sculture rupestri, eninc ((luU'- clie si os.servaiio sulle roccie délia
Scandinavia, di ruotc, di disclii e di altri simlioli astrali rlie dcco-
rano le sup|)cllt'ttili délia siTdiida rtà del liroiiz". Lr lifrui'c dcl
cigno e del eavallo preesiHtevano fin dall'età pii'i reniota eoiiie di
conduttori délia barea o del carro, veicoli Holari. La presenza di quegli
auiiiiali clilic larga diffusicnic in tutt.i riMiroiia e lo stessu nome
« Cycniis i> nelhi initoiogia gi'eco-runiana l'u applicato agli eroi le
riii avveiiture si riannodano direttanicnte al cielo eliaco '.
Jj'immagine del cigno, conie qnella dcl cavallo, la rnota, i cerclii
a spirale, quelli concentrici, i disclii stellati, quelli radiati, la
swastika ed altri siniboli stilizzati aljbondano, corne è noto, nelle
snppellettili del période halstattiano dell'Europa centrale e segna-
tamente deiritalia del nord lino alla fase finale delFetà del bronze
Il a quella iniziale del ferro, a cominciare dagli ossuarii d'argilla
délie necropoli felsinee, per continuare ininterrottaniente sulle ciste
a disegno geometrico, sui cinturoni di bronzo battiito, sugli scudi,
siii caschi, snlle corazze, ecc, ecc.
Alla liinga série di questi nteusili contrassegnati ila siniboli
astrali, mi sia concesso aggiuugere altri tre originali, conservati
nella mia privata coUezione d'antichit:\.
Il primo (tav. I, n. 1), rinvenuto nella necropoli di Cervetri,
consiste in una coppa di bronzo, a lamina martellata, con labbro
decorato da sottile cordoncino spiraliforme, avente l'ausa di fianco
rappresentata da una laminetta accartocciata e retta da due bol-
loncini. Al di sopra dell'ansa si éleva una decorazione a traforo,
composta di circoli concentrici, arieggianti la forma di tre barche
' Maury, Mdiijioit de ht (iirce, t. I, p. 417, n. 6; Deeliarnip. Mi/tho-
log. de lu Grèce auh'que, p. 104; Lang Andr., ^[ythes, citlics et reUgio)ii!
(trad. Marinier), Paris, 1896, p. 257 suiv.
IN FORMA DI CARRO PROCE8SIONALE 27
solari e terniiiiauti alFestremità in teste di cigno a beeco alluugato.
Due (li questi animali, poggiati sulTorlo, sostengono rispettivameiite
col becco un gruppo di tre eatenelle le qiiali si distacoano dal più
basso dei cerchi. Al di sotto del recipiente si osaerva, di riauco,
una himinetta rettangolare fermata da due bolloucini, con le estre-
mità ripiegate a forma di un banchettn, la quale, in contraste col
fondo sporgente délia coppa, serve a mantenerla in equilibrio.
11 lato caratteristico di questo vaso è costituito dalla décora
zione sinibolica a traforo clie si sopraeleva al fiance, la quale so-
miglia in tutto a quella dei tre scudi di bronzo di Nackiialle (Isole
Halland délia Svezia), di Magdebourg (Sassonia prussiana) e di
Clonbrin (Contea di Longford in irlanda), recanti il segno naviforme
tradiziouale, costituito da circoli convergenti che arieggiano la figura
di cigni '. Di queste applicazioni, con disegni a traforo, si hanno
altri esenipi, più o meno corrispondenti, ma sempre staccati dai
recipieuti cui appartenevano; e si possono citare quelli délia ne-
cropoli.di Verucchio, di Tarquinia, di Vetulonia, di Perugia e del
ripostiglio di S. Francesco di Bologna, risalenti all'ultima fase
dell'età del bronzo o alla prima età del ferro '. Fer il fatto d'es-
sersi finora rinvenute staccate dai loro recipienti, quelle applica-
zioni 0 anse traforate furono crédule tanti dischi o pendagli. L'Evans
le paragona al famoso pendaglio d'oro eginetico, e la loro prove-
nienza tipica orientale, seconde il Pigorini, sarebbe argomento per
dover cercare dalla parte dell'Egeo gli elementi i quali penetra-
rono nella primitiva civiltà del pepolo délie terreraare, trasfornian-
dola gradatamente in quella posteriore di Villauova, non estante
' Armstrong. Procceding of the lioijal Irisli Academy, 1909, p. 251,
pi. XIII; Déchelette, Manuel cit., II, p. 439. fig. 181.
- Brizie, Notiz. degli Scavi, 1894, p. 292 segg. ; Id., Notù. cit.,
tav. XIII bis, 19; Ghiiardini, Notiz. cit., 1882, tav. XIII bis, 19 e p. 190;
Falchi, Vetulonia, tav. XVIII, 16; Zannoni, La fonderia di Bologna,
tav. XLIV, 62; Pigorini, Antichità italiche del tipo di Villanova nel Cir-
condario di Rimini (in BoUett. di Palttn. Ital, a. XX, 1894, n. 10-12).
28 SITia.A 1)1 TKItHACOTTA
riipiiiiolie del Reinadi, clic la iiuova lucc si propaKasse invece dal-
rcK'cidente verwo oriente '.
L'altro utensilc, riprodotto al ii. 2 dclla tavnla a^;,'iiinta. lia
niolta rassomiglianza coi fiisti ciliiidrici di lironzo sormoutati dalla
lifîura del eigiio, corne quelli scopcrti a Gréoiilx i Basse Aljii), a
Svijany iHoemiaj e conservati m-l musco di Loiidra ". Aircstrcinità
supcriore vi si seorge un cijjno posato, e sottostaiite aU'impugna-
tura, ch'è costituita da una spirale, è sitiiata una l)arca votiva for-
mata da due eigni associât! a meta corpo. Non mancano altri esem])i
di queste barche formate daU'unione di due cigni lu opposte di-
rezioni, corne pu("> vedersi nei due modelli di tiliule di Szatmâr (Un-
glieria) e di Corneto ïarquinia '. Il gambo sottostante alla barca,
nel nostro eseraplare, è attravcrsato da iin cordoncino disposto ad elica
per lutta la lungliezza del t'usto.
L'originalità di questo curioso utensile consiste poi in un fascio
d'anelletti rotondi, sciolti l'iiuo dall'altro, clie sono infilati attorno
al mauico, in maniera da non poterne uscire. A eiic servivauo quegli
anelletti ?
Non è improbaliile olie, rome i eigni, essi al)liiano iiotuto avère
un ideutico signiticato solare. Motivo a sospettarlo è Tcsistenza di
quel piecoli cilindri vuoti, guarniti di campanelle o inaniglie aile
quali sono attaccate tante série d'anelli, e clie sono stati riuveimti
nelle palafitte di Grésine, lago di IJouiget, ed in qualclie altra lo-
' Evans A., Mycenaean ireasure from Aegitia, in Journ. of Helleti.
Stnd., vol. XIII, part. II, p. 195 e sogg. ; Pigorini, IH, p. 174.
- Défhelette, Manuel, p. 48, tig. 187, n. 1-3. Alcuni di questi fusti
cilindrici, aormontati da animaletti associât! a meta corpo, dalla inisura
di 0"',24 a 0"',.-50, furono rinvenuti iii Sardegna e più tardi in Olimpia.
Dai più furono ritenuti per tante spade votive, ovvero piecoli scettri.
di propoizione ridotta (Ved. l'ais E., Il rijwstiylio di brotui di Albini,
pressa Teti, in Biillett. Archeohg. Sardo, 1884, pp. 67-179; De Kiddcr,
Les bromes antiq. du Louvre, II, n. 3719.
3 Montelius, Civ. primit. d'Italie, II, tav. 277, fig. 2; Hoernes, Ury.
d. Ktinst, pi. XIV, fig. 9; Oédielette, Ivi, p. 441, fig. 182.
TN rORMA r>I CAKIiO PUOCESSIONAI.R 2Î)
oalità (lella Franoia orientale '. Quel cilindri, appartcnenti aU'ultiiiia
fase (leiretà del bronzo, sono stati consi(l>M-ati coiue tanti sistri o
stninuuiti cultuali. atti a ]iro(lurrc- runiore, e veiif<ono para^onati
pure a quel scettri con disco a sospensione di cui *)iio niunitc fcrte
statuette, relativaraente moderne, raffiguranti
il dio Bouddha. Ma poicliè aleuni di quei ci-
lindri, corne (luelli trovati a Brésnier ("Ain),
con uiia spada di bronzo del tiiio Ronzano, re-
cano, al luogo degli anelli, dei crescenti ino-
bili parimenti attaccati ad anelli, cosi sono
atati classificati fra gli utensili rituali aduperati
uelle cerimonie riferentisi al culto dellc divi-
nità solari e lunari.
Anelletti niobili sospesi a maniglie si ri-
scontrauo pure in certe figurine provenienti
dalla Scandinavia, la cui relazione con i culti
solari non puo essere messa in dubbio. Ma
una conferraa évidente ci viene dalla statuetta
di bronzo dello Zeus celtico, trovata a Chàtelet,
presso Saint-Dizier (Alta Marna), oggi al museo
del Louvre ^ (fig. 1).
Il nume, di évidente significato solare, lia la m.ino sinistra
appoggiata alla ruota, nientre con l'altra solleva il fulmine. Alla
spalla destra è so.speso, a modo di bandoliera, un grosso anello al
quale stanno intilati undici anelli o inagliette composte da un filo di
bronzo ripiegato a forma di S. Intorno a quelle strano vilnppo d'anelli
0 magliette è d'uopo fermare Tattenzioue, perché a me semltra clie
niuno, sino ad ora, sia riuscito a coglienie il significato preciso.
FlG. 1.
1 Déchelettc, Ivi, t. Il, p. 304.
' Gaidoz, Le dieux gaidoi» du Soleil (Keviie ArcheoL, 1884, t. Il, .'Î3);
Reinach S., Repert. de la staticaire grecq. et rain., t. 11, vol. 1, p. 17. n. 3;
Déchelette, Ilrid., p. 466, fig. 168.
30 SITIU.A MI TEKKAirrrTA
Il sei,'II<) / . CDinc r Hiitii. 11(111 I' c'Iii- IIIIH (idppia spirMJe n (ii'Uli-
swiistika (Mirviliiica, »inili(plii soIuit, divciiuto il motivo urnamcntale
pil'i romuiic di iiii;l série iiifiiiita di (if;;;etti. F. detto aiiehe spirale
(I ourle, canr ri>rri-iitf e « ((in-imi dieti'ii ». Infatti (iiielle eiirvc ii
Kpirali ;,'iiistapi)().ste senil)ra eiie si s(dle\iiin l'iina appresso alTaltra
per i-a\v(il;;prsi su loro stessc in un innviir'intii uniforme die rap-
l)resenta corne le onde del mare. La « 8()iraie a onde » non sarebbe,
secondo aleiini, elie « Fesprcssione sistematica délie onde del mare,
Mietainoifnsata in seni]>lice eoncetto decorativo » '. La si rinviene in-
fatti in una quantità di inonunienti, ineominciando dai vasi a «le-
eorazione geomotrica délie provincie meridionali ", per continuare
snlle steli funerarie etriiselie ', sugli s]iecclii, ecc. . . . '. La sua ])ro-
venienza daU'oriente non è duhl)ia, riscontrandosi tra i manufatti
délia Creta niinoica lefr. i <;< pitlioi » di Gnosso) e dell'agro di Mi-
cene ''. Tralaseio ora le tante spiegazioni clie si sono date al gruppo
délie spirali poste in braecio allô Zeus celtico *. Quel gruppo, per
' Ducati 1'., Le piètre funernrie fehinec \\\\ ^[oninn. dei Linrei, 1911.
col. 502).
' Patroni (in Monum. dei I.incei, VI, tav. XIII, p. 1-2. col. .S57, 358,
fig. 4, 5; cfr. col. 387;,
* Ducati, Le piètre fnn. cit., col. 501 e segg. : Id., Osserraz. archeol.
s»7/a permanema degli Etriischi in Felsiiia, in Atti e Mem.. I90S. ]). 6-1,
n. 2.
< Gerhard, FArush. Spiegel, tav. LXX e CCCXCIV. Per altri nionu-
menti, ved. Monum. dejriKtit., I, 1882, tav. XLII, n. 2-5 (fregio d!una
tomba di Boraarzo); Martlia, Art éfriisii., tig. 273. p. 402; Montelius, Cir.
prini., tav. 107, fig. 15. Escinpio tipico di .sjjirali a onde, in inezzo aile
(piali si scorgono dei pcsci natanti, offre una stelc etrnsca di Bologna
(Notii. degli Scam, 1876, p. 68); Ducati, Piètre fitn., n. 10, tig. 82, col. 585.
■■■ Monum. dei Lincei, VI, col. 344 (cfr. Tesoro d'Aireo u Micené);
Perrot-Chipiez, Hisf. de l'Art. VI. tav. A', fig. 269-75, p. 622 segg. Spi-
rali corabinate, orizzontali c verticali, sulle stèle di Micene, ved. in
Schlieniann, 3Iiicénef. fig. 140; PerrotCliipiez, Ibid., fig. 360, p. 765.
^ Possono \'edersi in Balfoiu- E., The évolution of décorative Art.
London, 1893, p. 121 seg. ; Soldi-Colbert, /,« languf sacrée, t. I, « Le my-
stère de la création •, p. 452: Flouest Ed., Deu.r stèles de laraire. stiiri
d'une note sur le signe symbolique en S. Paris, 1885, p. 78 e segg.: Houssay
IN FORMA DI CARRO PROCESSIONALE 31
analogia al fulmine clic si vedc in maiio del Niinieed alla riiota
situata al fianco, dal cui niUio dériva corne il rumore del tiiono,
;lovrel)be, seoondo alciini, simbolizzare la pioggia. AlTidca d'un sini-
l)olo nieteorico era vcuuto il Flouest, supponendo elie il gruppo
délie maglictte a spirale dovesse più proprianiente rapin-esentarc
l'oUa ripiena da cui si riversa l'acqua, iu forma di pioggia ferti-
lizzante, sulia terra '. Ma questa apiegazione non è eompleta e va, a
mio giudizio, integrata nel senso che il grujjpo délie spirali at-
taccate aU'aaello, non è soltanto l'inimagine astratta d'un sirabolo
meteorico, quello délia pioggia, ma è la figura d'un vero e proprio
istrumento magico, adoperato iiclla liturgia priniitiva, C(d qiiale si
produceva il tintinnio siguifieativo che doveva imitare la caduta
délia pioggia. In questo senso, l'ordigno posto in mano a Zens è
in perfetta corrispondenza con ((uelli di oui ci stiamo occupando,
1 quali rappresentano tante specie di crepitaouli di uso magico-reli-
gioso.
Non sembra potersi dubitare che tutti quegli utensili, costituiti
da anelli niobili infilati o atlaecati ad un sosteguo, dovessero ri-
vestire un carattere eultuale e venissero utilizzati nelle cerimonie
magiche e lustrali corne una specie di tintinnnbula o, meglio, di
crepitacula, a fine di seongiuro per provocare la pioggia. E noto corne
Fed., Nouvelles recherch. sur la fiiune et hi flore des rases peints de l'époque
mycénienne, in Rev. Archéol., Paris, 1897, p. 11 segg.; Ballet, de t'Acud.
roy. de Belgique, 3" sér., t. XVI, p. 623 segg. ; William-Simpson (in Journ.
of tlie Roy. Asiat. Society, 1890, t. XXII, nouv. sér., p. 306^; Sehlieuiann.
Mycènes. p. 8.ô.
' Flouest, Deu.r stèles, p. 79. L'acqiia o la pioggia sta in relazione
non solo cnn la focondità della vita terrestre, ma ancora con la rinaseita
nella vita futura. In questo senso il simbolo ilella spirale, come niotivo
di deeorazione. è rappresentato nelle stèle fuiierarie e negli stessi monu-
menti cristiani (vedi Goblet-D'Alviella in Btilkt. de VAcad. Roy. de Bel-
gique, Class. de Lettr., 1900, n. 9-10, pp. 707-3.') . Il Gozzadini invcce
aveva ritenuto olie la figura della spirale nei monumenti sepolcrali do
vesse siinholizzare l'Oceaiui o la palude Stygia, le cui onde circonda-
vano il niondo infpmalo { itti dei IJucei, ser. 3, vol. XII, 188ô, p. 298).
.'Î2 sjiii.A m iKunAcorrA
il liiitiiiiiiii ilrl raille .ivcva ^r.iiiili' iiillin-uza nrlla (•clrlira/.iiiiic di
;ilcuni riti '. (iuest'intt'rpri'tazionc ('■ fuvoritu d;il niimero jiiuttosto
alilxiiidapte ili (|iief?li nteiisili, spccialmcnte fni le suppellcttili «Iclle
tmiilic ililla prima clà (Ici fcrro. in iiiczzo
aile (iiiali pii'i freiiucntc <a riiivwiirsi è
(|uclla s]iicic (li soiiagliera costituita lia
1111 ^rossll aiidlo al (jiiak' staniio infilati
taiiti aiu'Ui più piccoli •' i fitç. 2).
(Jrcati dal nimlmlismo astrale, sittatti
iiti'iisili facevano parte del rituale ina-
gico-reli^^ioso, corne avvenue più tardi
délia ruota inaf^iea e del disciis, clie
tanta diffusione ebbero nelle cerimouie
sacre dei ^Teci e de! romani e peiietrarono in seguito nella stessa
litiirifia délia Cliiesa '.
FiG. 2.
' Heinacli S.. Orphcufi, yi. l-_>7 (tiadiiz. Dflla Toiic).
' Caylus, Uccueil, t. 1, p. 201 e pi. LXXXI. n. 2; Cli. Cornault. in Re>:.
ArcMol.^ n. s., t. XVIII (1868;, p. 5(5: Babelon-Blanehet, Cat. des hroii-
ze», etc. p. 639, Hg. 188;5; DaU'Osso I., Guida al mttseo naz. d'Ancona,
Ivi, 1915, pp. 115, 123. Per altri utensili analoglii, tiovati nella necropoli
di Bologna e altrove, vedi Gozzadini (Rev. Archéoh, 1886, II, p. 130);
.luthnei-, Jahreshefte d. osterr. arch. Inst., VII (1901), pp. 146, 149, Kg. 67 ;
Saglio, /J/e/ioHn. d. Antiq., ». v. « Tintinnabiilum », « Crcpitaculniii •, « Di-
8CUS », « Sistrum » ; Lindenschmit, Die Alterthumer unserev heidnischen
Vorzeit, t. II, fasc. X, tav. II. Alcuni esemplari di fusti eilindrici, sor-
montati da una specie di porno al ((iiale stanno infilati tanti anelletti a
giiisa di sonaglieia. sono segnalati da G. v A. De Mortillet (.I/hncV jjreliist..
2' édit., pi. cm, n. 13S4) e dallo Chantre E. (Age du bronze. I, pp. 201
e 155). Anche (luci disehi di bronzo attaccati ad un manubrio dal quale
pendono altri disehi più piccoli, adoperati neirnltinia fase dell'otà del
bronzo come tains-tams o tintinnabula, vengono ritenuti per utensili di
évidente carattere solare (G. e A. De Mortillet, Ibid., pi XC, n. 1133; Dé-
chelette, Ibid., p. 305).
^ Siilla ruota liturgica, sui cerclii c disclii di métallo ed altri ordegni
adoperati come ainesi di culto presso i Greci ed i Koniani, come pure
presso altri popoli iiido-cuiopei e, nel modio evo, dalla Cliiesa, vedi Wil-
liam Simpson, The Biiddliist Prcihyng-Wheel, a collection of ynateriah
IN FORMA DI CARRO l'ROCBSSIONALE 33
11 significato évidente di questi arredi oiiltuali ci proviene da
una pittura cainpana del V secolo, nella quale si scorge un aacer-
dote che con la mano sinistra sostiene un sistro, mentre reca nella
destra un altro istrumento formato da una série di anelli infilati
ad un sostegno '.
Altro forme analoglie a questa specie di sonaglietto potrebbero
ricavarsi da quella del crepitacnhim, il eui nome Marziale ed
Apuleio applicarono al sistro egiziano ^, ma ehe in realtà è dovuto
a quella specie di sonaglietto puérile {puérile crepitaculum) che fa
rumore qnando si agita. Un esemplare di questo génère, proveniente
da una tomba di Vulci, consiste in un cerchio metallico, numito
di manico, al quale sono applicati, nella periferia, tanti anellini
mobili ^. Altro tipo somigliante, trovato a Pompei, consiste in un
cerchio metallico guarnito di piccoli sonagli alla periferia *.
Ma l'attenzione principale, in mezzo a tutto il gruppo di og-
getti che rivestouo un carattere niagico e religioso, di contenuto
solare ^, è dovuta a quei curiosi recipienti in forma di palmipedi,
poggianti sopra un carro a due o più ruote, i quali appartengono
alla série dei recipienti votivi délia seconda età del bronzo, dedi-
cati aile divinità solari, com'è raanifesto dalla preseuza di una o
più figure di cigni che vi si scorgono associati.
bearing upon the symboUsm of the wheel and circular movements, Londres,
1896; Goblet d'Alviella, Moulins à prières, roues magiques et circumam-
bulattons (in Croyances, rites, institutions, t. 1, Pans, fJeuthner, 1911,
p. 24 suiv.).
' Holbig, Wandegemdlâe Campanicns. i\. 1112.
2 .Mait., XIV, .04; Apul.. Met., XI, p. 240.
» De Witte, Gat. de la collect. Durand, n. 1881.
* Cfr. Saglio, Dictionn. cit., s. v. «Crepitaculum».
= L'elenco più completo di tali oggetti si ha daU'Hoernes .M., \ Mittheil.
der Anthropolog. Gesell. in Wien, Ivi, 1892, p. 107). Cfr. ancht Reinaeh S.,
La Sculpture en Europe (Anthropolog., 1896, p. 172).
Mélanges fl'Arch. ut d'Hisf. 19-21. 3
34 SITULA m TERRACOTTA
A ([ucsta sperii' di situle iii form.-i di carri ])i-occsnioiiali t-il al-
l'uso a cui erano destinate, occorre rivolgere aiicora l'attenzione,
poicliè le opinioni fiiiora pmfestsate a ri;riiardo di esse non mi Hem-
braiio abl)astaiiza cliiaic e ciiiivincenti. l'are an/ituttii assodato clie
quei carrctti di bronzn sicno tante ridiizioni votive di modelli di
grandi dimensioiii plie venivano trasportati propessionalmente nelle
cerimonie reli^'iose '. Il Déclielctte, fin' lia tontata una classifica
di (lui'lle sitiilc, tanto di quelle mnntate -iiillc niote, clie délie altre
più scmplici olie venivano rccate a braecia, le di\ide in tre ca-
tégorie :
1'^ Sitiile senipliei, in foi'ina di reeipienti nniinarii. non montate
siille ruote, con deeorazione di ei^^ni o d'altri cinlilcini sdlari. Ap-
partengono a qiiesta categoria le aitiile di brnnzo, a derurazione geo-
metrica, di Orvieto e di Bolognsl.
2" Situle in forma di reeipienti nitnati sul carretto. decorate
di figure di cigni elie si vedono jier lo più disposti salle assi o
siiUe ruote stesse del carretto (esenipl. di Skallerup e di Szaszva-
rosszék, del niuseo di Vienna).
3" Situle costituite da uiio o pin eigni colloeati sul carretto
(osempj. di Bourg-snr-Sprée [Lusace inférieure] e di Conieto Tar-
quinia). Queste tre catégorie di situle, provenienti anche dalle
tombe dell'Etruria, appartengono ai periodi proto-etrusco ed etrusco.
' Aiiticliissinio è l'nso di fortiiie di ruote gli arrt-di cultiiali e pro-
vienc forse daU'epoca délie prime niigrazioni dei popoli. I carri preisto-
rici in génère possono cssere rignardati conie riprodnzioni ridotte di ar-
redi cultuali i quali, corne il leggendario cavallo troiano e gli arredi
sacri, mobili,dellIndia (carro di Krishraas in (liagganathi, abbisognavano,
per essere trasportati, di raolti uomini e di raolti cavalli (Hoernes M.,
Ungeschichtc d. hildenden Kunst in Europa, tav. XXXIII, XXXV, 2;
XXXVI, 6; Id. L'iiomo, storia nat. e preistoria, traduz. Zanolli, Soc.
Edit. Libr., 191.-5, vol. II, p. 510 segg.). Una situla processionale sopra un
carro tirato dai cavalli si scorge, in rozzo graffito, sopra nn frammento
vascolare della fine deU'età del bronzo, trovato a Oedunburg (Unglieria)
(L. Bella, Anngrahiiiigen nuf deiii Jiurgstult hei Oedenhurg in Mittheil.
d. Aiilhrnpol. frit^ell.^rli. h) TI'/c». 1S9I, Sitsini;isherichle, p. 80, fig. 11).
IN FORMA DI CARRO PROCESSIONALE 35
Ma nelle tre catégorie ricordate il Dtk'iielette ha dimenticato
di comprendere, pure avendoli menziouati in altro luogo, quei car-
retti semplici, senza protome di cigni, recanti nel mezzo un reci-
piente per lo più rotondo, di bronze martelhito, corne il carretto
di Peccatel (Mecklembourg) e di Mihivec (Roeraia), ed altri di forma
e striittura consimile, scoperti, per la maggior parte, iiei paesi del
Sud e principalmente in Italia ', ai quali non puù uegarsi, per quelle
elle vedremo, un'identiea destinazione cultuale.
Tutti i inodelli qui ricordati di situle montate sul carretto sono
di bronze. Un solo tipo di terracotta, se i raiei riscontri sono esatti,
ne costituirebbe reccezieue, ed è prepriamente l'esemplare ripro-
dotto al n. 3 délia tavela 1, appartenente alla mia privata raecolta
di antichità.
Questo esemplare, proveniente dal niezzogiorno d'italia, tu rin-
venute presse Canosa, a nord délia città, in une scavo praticato
per la costruzione deiracquedotto pugliese, seconde le informazioui
avute dal sig. Gaetauo Pepe, antiquario di Napoli, presse il qnale.
or sono pochi anni, ebbi roccasione d'acquistarlo. Faceva parte di
una tomlia, la cui suppellettile andô quasi totalraente dispersa.
L'oggetto consiste in un cigno ad ali spiegate, posato sul car-
retto a quattro ruote di quattre raggi prominenti. La testa deU'uc-
cello è divisa per meta da un'apertura longitudinale, come negli
altri esemplari di ciguo cemuni alla regione média d'italia ^. Sulle
due pareti delFapertura sono praticati quattro piccoli buelii, i quali
servivano probabiimente a raantenere altrettanti lacciuoli o briglie.
Una piccola apertura rettangolare si osserva sul dorso delTanimale,
alla quale forse doveva corrispondere il coperchio. Délia presenza
di quest'ultimo potrebbe farci sospettare un altro esemplare ana-
' Reinecke, Grabfunde vomEnde der reinen Biomeseit ans Norddeutsch-
land, AlterthUmer. V, tab. 39; Virchow, Congr. Internat, d' Anthropol. et
d'ArcMol. préhist.. Paris, 1867, p. 251; Undset, ^Ji</fe Wageii-Gebilde (in
Zeitsch. fur Ethnol., Berlin, 1890, p. 49); Déchelette, II, 284 suiv.
' Vedi Déchelette, Ivi, 445, fig. 186.
36 HITIIA 1)1 TKUKACOTTA
loj^o di cij^mi coricuto su (■;irrc'tt<i di lumizd, |ini\ l'iiiiMite «lai tuiimli
di GlaHiuac iHosnia). Tntttasi di un cigno di proporzioui più pic-
c'dle, applicnto, como coperciiio, HuiraixTtuni clie si scorgc nel dorso
(li altro ei^no. Fui'i darsi riio la li^curiua soprastante al copcivliio.
invecc di quella d'un cigno, fosse stata qualclie volta una ti;^urina
uinana, come quella del torso di donna, in atto di supplicare il
ciclii, riscontrata dal Furtwaengler sopra un' impronta sigillare di
piraniidc vntiva in tcrracotta. 11 Furtwaenfrler orede trattarsi délia
madré Terra, in atto d'iniplorare da ZeuM la pioggia, seconde la
descrizione riportata da l'ausania d'una statua in queiratteggiameuto,
elle sorgeva neiracropoli di Atene, jjresao l'Erectlieion : << l'r,; y.-^r>.<i.r
'-•/.îTE'jo'jTT); 'JTa'. 'j': tov Aia ' ». Pen'i a torto ritiene clie al disotto
del mezzo buste di donna si seorga une strato di erba o di culmi
di grano recisi ', dovendo trattarsi iuveee d'un earro proeessionale ^.
Tornando all'interessante terracotta di Canosa, unioa iifl suo gé-
nère, aggiungerô che essa è vagamente policroniata uei tre colori,
bianco, rosso e turchino. Misura cm. 18 ' ', di altezza dalla testa del
eigno alla base, e em. 1^^ ' „ di lun.ijhczza.
La mancanza di doeunieiiti archeologiei e storioi non consente
di distinguere esattaniente tra la religione astrale, l'astrologia e la
' Zeus, accnnmlatore délie nuvole (N'3o=).t.-)= tît-t;) le faoeva ricadere
in forma di pioggia ('VjVis;, 'Oy-Ppis; AiaiT^p). Nei paesi di siccità s'in-
vocava il nunie percliè scendesse in forma di acqua:'V<j:/, jusi (dicevano
gli Atenicsi) w -Jt"'.! Z=0, /.i-i. tt.; àpo'j^a: t'Ùv 'AST.-.otiwi tai tmi -sîiwv.
Nelle monete di Ephesus si vede Zeus assise snl monte Peion, col fulmine
nella desti-ii e con la sinistia nell'atto di riversare la pioggia sulla terra
(Mionnet, Siij^pkm., VI, 141, n. -113; Lenoimant Cli., Ao»»'. </«?. mythoh.
pi. VIII, n. 1-2).
' Furtwai'ngler, Kunsiinnchiihlirhf Untersuchungen, p. ^.^T ; Seller.
Class. Reneii-, 1897, p. 175; 1898, p. I;î7; Id., Mei^terwerke, cit., p. 257.
Cfr. ivi la nota del Frazer e rO\-erbecli, Kunstimjtholog., « Zeus », p. 227.
' Vedi Hoeiiies M., L'uomn, stmid iint. e priiglnria, sop. cit., 1. cit.
IN FORMA 1)1 CAUUll PUOCK.SSIONALE 37
magia proprianiente detta nelle diverse epoclie délia preistoria. Ma
è molto probabile che quei carri abbiano avuto un carattere piut-
tosto raagico che religioso. 11 Déchelette, elie è st;ito il primo a fare
dei ciilti solari la base délia religione neU'età del bronzo, studiaudo
la provenienza di quei carretti processionali alla situla, è tratto
a sospettare che essi abbiano avuta qualche relazione con le divi-
nità solari preposte al culto délie acque termali. Buoua parte, in-
fatti, provengono da località dov'erauo situate sorgenti d'acque mi-
nerali. Non v'ha dubbio che aile acque le quali presentano qualità
curative, soprassedessero le divinità solari e principalmente ApoUo.
Ma siffatta considerazioue, l)enchè affiancata da un'esegesi rigorosa,
filologica ed epigratica, ha uu carattere piuttosto vago e non ab-
bastanza sicuro per poter determinare, nel suo lato précise, l'uso
a cui quei carretti erano destinât! '.
Dubitando infatti dell'interpretazioue proposta dal Déchelette, cosi
si esprime il Loisy a proposito del carro di Seeland : « Bien dif-
ficile de dire si ces petits chariots solaires servaient k honorer
le Soleil, à lui rendre un culte proprement religieux, ou n'étaient
pas plutôt des objets servant à des rites magiques aj'ant pour but
d'aider, stimuler, renforcer le Soil dans sa course, comme ces
quadriges que chaque année à Rhodes, ou précipitait à la mer » '.
Il passe di Festo sul sacrificio annuale délia quadriga solare, che
si praticava a Rodi, dice cosi : « liliudii qui quotannis qnadrigas
Soli l'onserratas in nuire iiiciinif. qiiod is fali ciirriciilo fertur cir-
cumrehi mundum ». Lasciando ora da parte l'opinione del Blinken-
berg, iutorno all'uso di quei earri ', nemmeno è da ritcnersi soli-
' Seeondo aleuni, trattaiidosi di acque teniiali, curative, non man-
cherebbero élément! per riferirsi al eulto d'un dio spéciale délia pioggia.
Vedi Haddon A. C, Lo studio deU'uomo (trad. A. Giardina), R. Sandron
edit.. p. 286.
' Loisy Alfr., Bévue d'histoire et de Uttér. religieuse, 1912, p. 186.
' Il Blinkenberg {Me'm. de la Soc. Royal des Antiq. du Xord, Co-
pénague, 1896, p. 83) richiaraa il passe d'Omero {Odi/ss., IV, 131) ove
38 SlTUl.A DI TEUUACOTTA
damento foiidata qiirlla dcl Tlimpel e del (ii'Ui)]i<', i qu.ili hanno
cercato di riaiinodaiT al inito délia caduta di Fetonte il rittiale
rodiano délia preeipita/.ione délie quadrighe nel mare '. Ma il tnito
di Fetouto, secoiido la concezione pii'i récente del Keinacli, ni spiega
per un rito sacrificale, originato dalla presen/a del oavallo bianco
0 del cavallo-sole, sia clie questo venisse precipitato in mare, ov-
vero gettato aile fianniie ''. Xiimerose sopravvivenze infatti di quel
rito, tanto neiranticliità, eonie iielle odierne eostumanze poi)olai'i,
tendouo a dimostrare, secondo riOtnogratia e<)nii)arata, elle l'uso di
quelle ecrimonie (l'incendid o raiiiiefjaniento dei carri, dei cavalli,
il precipitare délie ruote iiili.immatc dalle colline verso la riviera. i
cuai detti fuoclii di San (Jiovanni, ecc. . . .) rispoude ad un princi-
pio generico di magia sinipatiea, ciré una concezione di carattere
astrale, eonuine aile mitologie vediclie, iraniclie. germaniche ^. Il
rito infatti in tutte le sue molteplici e svariate nianifcstazioni, dalle
cerimonie anticlie aile coatumanze popolari odierne, non riispeccliia
elle une dei soliti processi di magia, mercè il qiiale Tnomo ere-
deva d'asservire, d'csaltare o diniinuire le forze iiaturali.
Ritornando al carro di Seeland, bene a ragione il lieiiiadi ha
atfermato clie tanto qucsro ebe altri carri simili, recanti seinplice
mente il disco piazzato nel ccntro, servissero aile praticlie di niagia
intese ad aecrescere l'eflicacia del sole, nieiitn- tiiltc le .iltie specie
Elciia liceve un caiicstro d'aigento moiilalo sul oani'tto, per deiiositarvi
la lana (Vei], Furtwaciigler, Meislenrerke des yriechiscli. jiliisiik, 1893,
pp. 257-63).
' Tilnipel, Philol. Jahrb.. siip])!. XVI, 1887, p. 165: Gruppe, Griech.
Mythol., p. 265.
' lleinacb S., Cultes, Mi/thes et Jieligiong, Paris, Leroux, 1912, t. IV,
p. 45 suiv.
^ Rosclicr, LexHcon, s. v. « Ilelios » : Frazer, Golden liough, t. III,
pp. 238, 301. Sulle sopravvivenze del mito solare nel f'olk-lon moderne,
vedi Gaidoz, Le dieu gaulois du Soleil, cit. tBei: Archéol., 1884, II, p. 33):
Frazer, Les origines magiques de la Royauté (tiad. Loyson], Paris, (ieuth-
ner, 1920, p. 108.
IN FORMA Dl CARRO PROCESSIONALE 39
di ciirri, fostituite da recipienti montati sulle ruote, erano destiuate
a riti speciali per provocare la piogjçia '.
Quest' interpretazione è favorita dalla testinionianza di qualche
scrittore e sopratutto daU'esempio che ci offre il famoso carro di
Crannon. Questo carro, ccnie si scorge sulle nioiiete, è a similitu-
dine perfetta degli altri carri ai quali abbiamo acceunato, recanti
un recipiente di rame di forma rotondeggiante (carri di Milavec
e di Peecatel). Le monete in oui si vede effigiato, quando sieno
di perfetta conservazione, lasciano pure scorgere, poggiati sulle assi
délie ruote posteriori, dei cigni ".
La presenza del carro sulle monete di Crannon vuole alludere,
com' è noto, aile cerimonie magiohe che si celebravano in quel paese
per provocMre la pioggia. Antigono Carystio ricorda corne il carro
di Crannon, nei periodi di siccità, veniva posto in movimento e
si faceva scorrere l'acqua dal recipiente che vi era istallato per
imitare la pioggia, corne dallo stesso movimento délie ruote deri-
vava il rumore che imitava il tuono '. Questi carri probabilmente
erano rauniti di grosse ruote (ii/nquina) che, per ragioue délia loro
rassomiglianza col taraburo, dovevano produrre un fracasso assor-
dante che veniva paragonato al tuono ■*. In questo senso la ruota
doveva forse simbolizzare il tuono, attrihuto di Giove, come si è visto
più addietro nella statuetta di bronzo dello Zeus celtico. La fuuzione
magico-religiosa del carro di Crannon puo raettersi in relazione con
quello che dice Livio délia siccità che regiiava in quel paese: «■ Et
riae inopis aqnanim, quae inter Sycnrium et Cranona est » ".
' In, p. 48, n. 1. Sev. hist. des Belig., 1908, p. 3.
' Vedi esempl. in Brit. Mus. Cat. (Thessalia), pi. II, 11-15; Head,
Hist. Ntimoi-um, Oxford, 1887, p. 249; Leake \V. M., JVum. helh:ii., Lon-
don, 1854, p. 43.
■^ Antig. C'aryst., Hist. mirai}, (in Script. Ber. Mirah. Graeci, Edit.
Westeiinann, c. XV, p. 64). Cfr. Furtwaengler, Meisierwerke, etc., loc. cit.
< Piob., ad Virg. Georg., I, 163; II, 444.
5 Liv., XLII, 64.
40 SITCI-A 1)1 TEIIHACOTTA
Quel rito magico, intoso a provorare la pioggia, non doveva es^
sere sconosciiito agli Klirei. Un passo dcU'Antico Testamento ac-
cenna alTesistenza crun vaso a l'otcili- iicl te iiipici di Salomunc '.
L'impiego di un i-'tiMiincntd, i c il caiiu, iiilia litiirgia pri-
niitiva, sflihciif t'ai'cia parti', cunii' niaiiirt'stazidiic ndij^'iuHa, deiran-
tico cerinioniale inerente al culto dcUe divinità solari, non è in
realtà che nna pratica di niagia, i)rod()tto di quel misticismo po-
](olarc flif j^li ctiHij^rali dcsigiiano col noi ]i « iiiagia iiuitativa »
o « mimetiea » (imitaziouc dclla naturaj, o di <t niagia omeoi)atica »
(simpatia naturale), le oui operazioni imniaginarie si fondano su pre-
tesi ra])|)oi'ti tVa l'uoiiin c la natura, nci qiiali l'energia magica,
per contatto diretto o nicdiato, intcrvieiie pci' invertire quei rap-
port! ^. Dall'arte di provocare l'energia magica dériva principal-
raente l'essenza del culto nell'età primitiva, culto sopratutto utili-
tario dal punto di vista sacerdotale, scevro di preoccupazioni sen-
tiinentali o idealisticlic. L'iniziazione ai misteri délia niagia, dice
il Saintyves, « procure à la fois une force et une science, une va-
leur personnelle et une autorité sociale » ^.
Ma Tuso del carro processionalc, cunie arredo cultuale presse
i Romani, sembra doversi riscoiitrarc^ auclie nelle leriniunie sacre
che accompagnavano la celeluazidne ûfWAqiiaelicium. Nel testo
grammaticale di Varrone iiKiiialis luji/s iudica, como è uoto, la
' Jtoy., III, c. VII, 1.5-51: « l^iatiior qnoiiué lotae. . . cohacrebant sibi
subter basini... Taies autem lotae eiant, (pialcs soient in curni tieri...
In suuiraitate antem basis eiat (piaedam lotunditas dimidii eubiti, ita
fabrefaeta, ut liiter desuper posset imponi ». La pratica si rieonnette
all'uso dello stesso popolo di provocare la pioggia, il quale consistera
nel versare suH'altaïc del tcmpio l'acipia délia fontana di Siloe durante
il frastuono délie trombe ((Joblet D'Alviella, CwDancfs, rites, etc., cit.,
II, p. 106).
- Reinach S., L'art et la magie, in Anthropologie, 1903, pp. 257-66; Id.,
Cultes, Mythes, etc , I, p- 129 suiv.; Frazer, Les origines, cit., p. 35 suiv.
■' Saintyves P., Xa force magique di( maiia des j^riyiiiti/s, etc., Paris,
Nourry, 1914, p. 64.
m FORMA DI CARRO PROCESSIONALB 41
« pietrii dellji pioggia », i1a nidnare (scorrerej. A questo appella-
tivo iniplicanto il ricordu (Vuiia liturf;:ia primitivamente in uro,
parrebbe succeduta l'esegesi posteriore apportata aH'antico testo
pontificale clie considerava la parola eome derivata da mnnes, quasi
a dinotare la pietra clic serviva da porta nWOrvus, vasta fossa
destinata a ricevere le primizie dei prodotti locali, offerte ai niani
nella cerinionia cbe precedeva la fondazione délia città '. D'altra
parte il testo anteriore conservatoci da Lalieone addita precisamente
le miififiles petrae come quelle ch' era in uso di portare in giro
(verrere) in tempo di siccità, per impetrare la pioggia ". Questo
rite faceva parte délia disciplina augurale degii Etrusclii, dai quali
i Romani derivarono anche quello del mundus ', e lo introdussero
nella cerimonia AdWAquaeJicium^ in cui il Japis iiianalis era por-
tato in processione fino al tempio di Giove, aceompagnato dalle ma-
trone che incedevano a piedi nudi, circostanza clie fece applicare
alla eeriraouia il nome di nudipedalia '. L'azione che, secondo i
grammatici, chiarisce l'impiego del lapis manalis, va ricercata nelle
parole movere o trahere lapidem ", le quali indicano il trasporto cbe
facevasi délia pietra. Questa, essendo di proporzioni grosse, non
poteva essere portata sulle braccia, ma trascinata da un veicolo.
Se poi si riflette che era di fiirma cilindrica (/*( modiim ciilindro-
' Secondo alciini, tra i riti niagici per ottenere la pioggia, e la reli-
gione dei moiti vi era un' intima connessione. Vedi Frazer, Le rameau
d'or, I, 106 suiv., 122; E. Hoffmann, K/ie/x. il/its. fur PhiloL, L, 1895,
p. 484 seg. ; Pettazzoni R., La reh/jioiie primitira in Sardegna, Piacenza,
1912, p. 110 seg.
- Fulgent-Planciad, De prisco sermone, s. v. « Manales », p. 388;
cfr. MuUei-Deecke, Etrusker, II, p. 184.
^ MuUer-Deecke, Ivi, p. 99.
* Preller, Eomische Mythol. (2-^ edit.), pp. 172, 312. I testi relativi alla
funzione del lajns manalis sono riportati dal Marc|uardt (Ze culte chez ks
Romains, trad. Brissaud, t, I, p. 312), Paris, Thorin, 1889 ; cfr. Mannhardt,
Mythol. Forsch., Octoberross, p. 128.
' Non. Marc, 547; Serv., Aen., III, 175.
42 srriiLA ni tkuhacotta
rum) e che da Varrone viene appellata truUewm, cioè bacino ', do-
veva certamente consistere in un recipiente di pietra di {grandi di-
mi'nsioiii, die recavasi in processione sopra un caiTo c da cui soa-
tiirivii raciiiia iinitMiidu il fadcrc délia pioggia '.
Ija cerimonia aiiticliissima ([v\V AqudeJicium cd altre praticlie
derivanti dall'applicazione di congegni divcrsi, creati dal rituale
inagico, per invertire l'ordine di successions nci fenomeni naturali,
tanto nell'aiiticliità clie nei teinpi presenti, dipciidono, cnme si è
detto, dalla credenïa, comune a quasi tutti i popoli, in quella spe-
cie di leganie misterioso fra l'uomo e la natura, per cui quelle si
crede in diritto di ottenere da questa cio che vu(de, imitandniie
l'esempio con Firapiego di nicz/.i artiticiali clic custituiscono la cosi
detta magia simpatica.
Questo principio applieato ai riti di magia fulguralc e toni-
truale, apiega anche l'origine di alcuni miti e leggende favolose.
La pratica del carro di Ci-annon, di fondo tessalico, era assoeiata
al cultn deireroe locale Salmoneo. Caduta in disuso, il rito si cri-
' ^'al■l■, 1. I de rit/t P. li. ap. Non. Marc. cit.. 15, 32. Xonio Marcello
afferma che il tndleum era propriamente l'utensile atto a lavarsi le maui.
Secondo Vanone, starebbe fra il mateUin e \2i pelris; ma quegli soggiunge
ancora che mediante Vurceolus, chiamato pure ariuaemanaUs, aquimanah,
aquimanarimn (xsp'îss''), si ^■ersava racqua nel IruUeum (Varr. ap. Non.
Marc, Ibid., Gloss. Labbe, s. v. ; Saglio-Daremberg, Dictionn. d. Antiq., s. v.).
* Cfr. Warde Fowler, Rom. festk-als of the period. of thc Jiepublic,
London, 1899, p. 233. Due cerimonie che si praticavano in Francia e nel
Portogallo nascondono forse il rito antichissimo del hipis manalis. In
Francia, dipartimento deU'Iscre, fino a mezzo secolo addietro, in circo-
stanza di siccità si potevano vedere processioni recantisi a visitare un
sasso ritenuto portentoso, il quale veniva dai processionanti sollcv.ato dal
siiolo e girato due o tre volte, secondo la quantità dcU'acqna che si de-
siderava. Per altre pratiche curiose, relative alla pietra délia pioggia,
vedi Sebillot P., Le paganisme contemporain, Paris, Doin, 1908, p. 243 suiv.
IN FORMA DI CARRO PROCESSIONALE 43
stallizzo nella leggenda. Seeoiido la favola, Salmoiieo aveva preteso
d'irnitare Giove, affettandoiie. rattitndine col lanciare folgori da un
carni dal qiiale derivava odiiic il rumore del tiiono e lo serosciare
délia piuggia. Per taie audacia fu da Giove fulminato '. Col trionfo
delle idée antropomorfiche, dalla scomparsa del rito nacque la leg-
genda deireroe, corne dall'annegamento rituale dei cavalli liianchi
era derivato il raito di Fetonte. Cosi pure quelle di Danae si deve
alla personifîcazioiie d'un rito niagico per provocare la pioggia, se-
condo la più récente concezione del Keinach '", il quale peraltro crede
potersi questo proeesso di evoluzione estendere a tutte quelle leg-
' V'iig., Aen., 6, 585 seg. ; Apollod., I, 9, 7.
- Cultes, mythes:, etc.. II, 196; IV, 4; Id., OrpUeus (trad. Délia Torie),
I, 118-21. Danae in greco significa • secca » e vonebbe personificare
l'aridezza délia terra. La pioggia d'oro inviata da Giove, seconde la fa-
vola, sarebbe stata una pioggia naturale, benefica più dell'oro per i tc-
sori che apporta. Evidenteuiente nel rito antiehissimo, primitive dell'Ar-
golide, la giovinetta Danae siniboleggiava la terra e veniva, seconde un
rituale magico, cerimonialmente annatiiata, corne si usa anche o^gidi in
alcuni paesi délia Roinania, délia Serbia e délia Germania, nei qnali,
quando la pioggia tarda a cadere, si affretta con un rito popolare di niagia
simpatica. Viene spogliata una giovinetta de' suoi abiti e le si fanno ablu-
zioni d'acqua per tutto il eorpo. Un rito magico di questa specie si po-
trebbe riseontrare nella statuetta di terracotta, trovata a Cipro, già délia
collezione Lawrence-Cesnola, oggi del British Muséum. Rappresenta una
giovinetta seduta sopra un piede ed appoggiata ad uno scoglio sulla cui
cima da un mascherone sgorga l'acqua. Essa è in atto di rovesciarsi sulle
spalle un' idra piena del liquide. Alla base è scritto; OKA H OMBIMOI
{la dea délia pioggia). Le Danaidi sarebbcro state delle sacerdotesse del-
l'Argolide, le qnali con processi magici provocavano la pioggia. Quest'in-
terpretazione è favorita da nna tradizione locale, riferita da Esiodo, poscia
da Strabone, Servie, Plinio, Eustazio, seconde la quale le tiglio del re
Danaos sarebbero state le prime a scavare i pozzi nell'Argolide. La tra-
dizione locale dice senz'altro che quelle eroine benetattrici, pervenute
dallEgitto, avrebbero arreeata l'acqua in un paese arido (-iXjS'.'y'.ii
'Apfoç, come le chiama Omero). Vedi Hesiod., Fragm.^ LXIX, 72, alias 35;
Eust., ad Iliad., p. 461: Roscher, Lexilion, s. v. » Danaiden ». La loro
immagine di benefica attivit.à fu trasformata, da un' esegesi tardiva suc-
ceduta al rito, in (piella di condannate al supplizio consistente r.ell'uso
continue del vaglio forato. Lo Schwartz pure (Der TTraprung der Mytho-
logie, p. 160) considéra Danae come un mito délia pioggia.
44 HITIÎl.A 1)1 TKHKAO'nTA
gciiilc iiiitdlo^'iclif clic rillcttoïKi f,'li ci-oi pcriti o s;ici-iti(';iti dalla
collera, délia diviiiità. A qiicHto ;,'rup|)o di eroi siipjilii-iati appar-
tengono, corne è iinto, Adoiie, Orfeo, DioiiiHÎo Zagreo, Atteoiie, Pcn-
teo, Ippolito ed altri '.
Nelle reli^'idui primitive, diiii(|iir. il culto dc^'li ci-oi dériva dal-
rev(plii/,ioiie niitiea délia |)ratiia saei rdotale, oondeusata iiei rili di
iiiagia; coiicetto qiiesto elie riflette iii génère Torigirie stessa délia
divinità. E note, infatti, clie la credcnza nella magia ha preceduto,
iicllo svolgiinento dcH'idea religiosa, (|uella iiegli dei '. L'antica
iU'uspicina considerava il tnono, la folgore e lo scrosciare délia
pioggia corne veicoli di forza magiea, prodotto di correnti fra cielo
e terra, base di legami e di scarabi fra l'uomo e la divinité.
Nell'antica atoria di Roma la leggeiida di Saltnoneo si traduce
in altri cpisodi di eroi saerificati, i qnali ne ra])preseutano tante
duplicazioui. Col ricorso ai riti di magia i prinii re di Roma, clie
erauo sopratutto sacerdoti, provocavano il tuouo e la pioggia. Amu-
lio 0 Romolo Silvio, re d'Alhalonga, la cui reggia fu inghiottita
dalle acque, era stato fulminato da Giove perché, con nna mac-
china che si era costrnita, pretendeva d'imitare il riimore del tuono
e lo scrosciare dell'acqna ^. Riscontri simili si hanno nelle leggende
di Romolo, Tuilo Ostilio e, secondo alcnni, anche in (inella di Enea *.
Il Frazer ed il Granger riteugouo che quci primi re pastori e
selvaggi della Roma preistorica incarnassero lo spirito délia vege-
tazione (cfr. il re di Xemi dalla barba a foglie di canna, i Silvii
d'AIba, simlmleggianti le foreste. Quirino, pcrsoniticaziono della
« Quercus », ecc); nia il coucctto del loro castigo licorne quello del re di
' Reinach, Cultes, Mythes, etc., II, 164 suiv., IV. 45 suiv.
' Frazei- J. G., Les origines, cit., p. 32 suiv.
' Euseb., Chr. Can., 1. I, e. 45-6. Vedi Piganiol A., Essai sur les
origines de Jiome (in Bihlioih. des Ecol. franc. d'Athènes et de Rome,
fasc. ex, 1917, p. 256); Frazer, Les origines magic^ues, cit.. p. 223 suiv.
* Frazer, Ivi; Pais E.. Storia di Jioma, vol. 1, [laite 1 ' (Toiino, Clausen,
1898, p. 192).
IN FORMA m CARKO l'ROCESSlONALE 45
Marsig;lia, del re di Nemi, del re de" Satuniali, dp,i phnrmacoi
délia Grecia) derivava 'lalTesipiazione e dal sacrifizio che dovevano
compiere a beneticin délia comunità. délia tribu o del élan. In altre
parole, il loro destino tragico e l'assassinio obbligatorio facevano parte
del rito del dio-re sacrifieato, coraune a tutto il mondo mediter-
raneo '.
X fîoma la ceriiuonia del Regifuiiiiim. seeondo alciini, sarebbe
stata ispirata dalla leggeuda delPassas^iinio di Romolo. Costui è uc-
ciso e fatto a pezzi (assassinio rituale) ed i pezzi vengouo divisi
fra gli astanti. Vi è in quest" allusione al rito selvaggio deU'owiw-
phagia qualclie riflesso alla cerimonia di Orfeo, Dionisio, Zagreo
e di altri eroi sacrificati ".
Tornando ora al rito di provocare la pioggia, è noto corne esso
fu esercitato in tutti i tempi, sotto l'aspetto di pratiche svariate,
in quasi tutti i paesi d'Europa, associato ad elementi del culto pre-
valente ^
' Frazer, Golden Bowjh. 2-^ ediz., I, Magic. Art., t. II. p. 171, «The
kings of Roma and Alba »: Id., Les origines magiques, p. 306 siilv.; Gvanger F.,
A portrait of the rex Xemorensis, in Class. Rer., XXI, 1907, p. 194:
Reinacli, Cidtes, Mythes, etc., I, 332 suiv.
' Paiily-Wissowa, Real Kncyclop., 469, s. v. « Regifiigium », art. di
A. Rosemberg; Reinacli, Cultes, etc., II, «ri 96; HI, 37: Id., Herue Ar-
chéol, 1902, II, 242; Fonçait P., Le culte de Dioni/.'iios en Attique, 1904,
p. 24 ; Piganiol, Essai, cit., p. 260. La luga del le, coine indica la voce
stessa (Regifugium), sarebbe stata, seeondo il Fiazer, una cerimonia ine-
rente al rito agrario dei Saturnali, islituita per addolcire il ricordo d'un
costume anteriore, il qu.ale esigeva la condanna a morte del re in per-
sona, sacrifizio annuale che se non fu più praticato, sopravvisse, in forma
di simbolo, fino allera cristiana (Frazer. Les origines, etc., p. 300 suiv.).
Un accenno alla morte violenta (assassinio rituale) dei primi re d'Alba
e di Roma, corne personificazioni divine, si rinvienc in Plauto tCasina.
II, 5, 2.3-29). Il passo è segnalato dallo stesso Fiazer (li-i. p. 317). Vedi
pure sulla morte del lii.r Xemorensis, p. 328.
' Al contenuto magico délia favola di Salmoneo ci riporta un'usanza
ch'esisteva a Dorpat, villaggio délia Livonia. Gli abitanti di quel vil-
laggio, in eircostanza di siccit;"i, erano soliti di ricorrere ad una pra-
tica curiosa. Tre persone si arrampicavano ad un albero di pino; una
4fi srni.A m TiouKACO'rrA
(!li ctiKifirafi li.-iniKi dcsrritte e s(';;uitc iifl loi-o svol^'inii'iito tuttc
le opriiiioiiie derivjite in questo hciiso dall'aiitichitA, quelle clie oggi
si svolgono intonio alla co»i detta « pietra délia pioggia », quelle
délia « baKiiatura délie statue » (m1 altre elie rivelano il sovrapporsi
dell'idea cristiana a quelle aiitiehissime delTepoca tnitologiea o pre-
mitologica. Délie quali, se talora preseutano diversitàin apparenza,
non intaceano il eontenuto sostanziale fondato sul jn-ineipio niagieo-
animistico, comune alla credenza di tutti i popoli '.
Giovanni Pansa.
di esse perciioteva con un martello un recipicnte di métallo, piovocando
un rumore assordante; l'altra aptava t'uriosamentc un tizzone acceso da
cui si spandevano attorno infinité scintille; la terza infine immergeva un
grosso rarao in un seceliio d'aeipia e ne sparscva il liqui<lo attorno (Fra-
zer, Golden Boiigh, t, I, p. 82; Mannliardt. Antihe ll'dW- uiul Felillnilte,
p. 342; Reinaeh, Cultes, etc., II, p. 164).
' Spcciali investigazioni sulle pratiche usate per provocare la piog-
gia sono state fatte dal Frazer, dal iMannhardt, dal .Sebillot, dal Tylor,
dal Pitre, dal Bellucci e da altri etnografi. Da notarsi, pev la densità
délie notizie raccolte snil'argomento, il dotto e diligentissiiuo studio di
R. Corso, col titolo : Deus Phmiis. Sagyio di Mitolofiia popolare, pub-
blicato in Hilychnis (giugno 1918).
E T u D p: s
SUR LES
RELATIONS DU SAIXÏ-SIÈGE ET DR L'EGLISE DE FRANCE
DANS LA SECONDE MOITIÉ DU XVI» SIÈCLE
I.
ROME ET P0I8SY
(1560-1561)
Introduction. — Les sources.
Sommaire. — La lenomuiée exagérée du • colloque » a fait oublier
l'événement plus important dont il n'est qu'un épisode: l'Assemblée de
Poissy.
Les sources utilisées jusqu'à ce jour - récit de Claude d'Espence,
Commentaires de La Place et correspondances contemporaines - de même
que les relations modernes ne donnent qu'un aspect incomplet.
Il faut interroger aussi les sources «romaines»: papiers de la non-
ciature, documents pontificaux, lettres, awisi et diarii.
La petite ville de Poissy, aux environs de Paris, jouit d'une
certaine notoriété dans l'histoire de France. Elle y a droit. Un
roi y reçut le baptême, qui fut ensuite un excellent chef d'Etat
et un grand saint. Des « parlements » de justice — et Ton sait
quel juge parfait les présidait — s'y tinrent sous son règne. Cela
pouvait sutfire i\ consacrer son rôle historique.
Mais la renommée est nue personne capricieuse ; elle aime le
bruit et l'étrange. Aussi a-t-elle oublié — ou peu s'en faut — ce que
le saint roi aimait à rappeler en s'intitulant « Louis de Poissy ». Des
ministres réformés étant venus, un beau jour de septembre 1561,
argumenter avec des théologiens catholiques dans la petite ville, elle
40 ROME ET IMUSSY
a inannK- an cniiliairi' iiiic ;,'raii(li' atti'iitinii. Kt |)arcc (lu'im a ac-
coutumé (le ((ualifior ce « colloque * de fumeur, c'est lui qui dé-
tonnais si^^iialc l'oissy à la mémoire des historiens. Les deux noms
paraissent inséparaliles.
La fj^loire de Poissy pourrait être d'un meilleur aloi. Les hommes
ont un particulier penchant à prolon;^er le souvenir de ce qui les di-
vise : tout au iiKiins, le ^oû' '^^ ^'<^ chicane prime, chez eux, celui de
la concorde. Le colloque les sert à souhait. Ce magnifique exemple
(lu fiiror thrologicus — dont on a dit. au reste, i)lus de mal qu'il
n'est séant — est un prétexte trop commode aux polémistes pour
qu'ils y renoncent volontiers. Matière à controverses inépuisables,
les uns y voient une manœuvre hardie du protestantisme, avide de
s'imposer k un gouvernement hésitant — manœuvre qui aurait at-
teint sou but, du moins en partie; les autres n'y reconnaissent qu'une
regrettable complaisance des catholiques séduits par un espoir sans
fondement. Aiusi, selon l'humeur qui l'agite, l'historien du colloque
de Poissy accuse l'intranaigeance du cardinal de Lorraine ou celle
de Théodore de Bèze, et stigmatise, en deux sens contraires, la vi-
vacité des passions qui firent échouer cet essai de conciliation.
D'aucuns voudraient élever le déliât Jus((u';i la « grande his-
toire ». A les entendre, tout l'intérêt de la situation religieuse
de 1561 converge sur le «fameux» colloque: celui ci aurait in-
fluencé d'une manière décisive les événements contemporains. M. le
baron de RuWe, son plus récent historien, nous assure qu' « il est...
le point de déjiart de la guerre civile, la première rencontre où
l'historien peut mesurer la profondeur de l'aliime qui séparait les
deux partis » '.
Il n'est assurément pas sans intérêt de rechercher si, au rao-
miMit où la lutte religieuse allait prendre un caractère tragique,
quelque moyen existait de la conjurer et s'il a été tenté. On de
' Ruble (baron Alphonse de). Le Colloque de Poinm/ clans les Ménuiires
de la Société de VlUxtoire de Paris, t. XVI (18S9), p. I.
LES SOURCES 49
vrait toutefois établir que ce moyen était bien celui dont le gou-
vernement (le Catherine de Médicis prit l'initiative à Poissy. C'est
une question, en effet, de savoir si des conférences contradictoires
entre théologiens répondaient à ce but, comme c'en est une, plus
générale, que jamais doctrinaires opposés aient retiré de pareilles
joutes autre chose que plus de raisons de persévérer dans leurs
opinions respectives. Alors — comme en des temps plus proches
de nous — les circoustauces exigeaient peut-être plus d'action, in-
telligente mais ferme, que de conférences.
Quoi qu'il en soit, le regret de constater que le Colloque. « par
une sorte de parti pris, a toujours été négligé » ' des historiens tant
protestants, que catholiques ou neutres, a conduit, semble-t-il, ceux
qui s'en sont occupés, k en exagérer l'importance. A première vue,
n'est-il pas déjà piquant de voir attribuer le titre de CoUo'pie de
Poissfi à une étude dont l'objet est de publier, comme l'a fait
M. de Ruble, un <.< journal » où il est question, à titre au moins égal,
de bien autre chose: à savoir d'une assemblée chargée d'étudier
les questions qui seraient soumises au concile général .^ M. de Ruble
est à ce point absorbé par le colloque aux dépens de l'assemblée
qu'il lui arrive de prendre celle-ci pour l'autre ". De même, c'est
encore ce titre qu'a choisi un de ses devanciers, M. Henri Klipffel,
pour le travail, d'une portée déjà plus générale, qu'il a donné sur
l'assemblée aussi bien que sur le colloque. On semble ainsi vouloir
indiquer que cette réunion de l'épiscopat français n'avait pour objet
que de préparer l'audition des docteurs de la Réforme. C'est bien
l'impression qui ressort du récit fourni par VHisfoire de France
de M. L-ivisse : de Fassemldée, rieu — si ce n'est, dan^< un passage
assez confus, l'alhisiou à un programme qu'elle ne traita point —
' Ibid.
■ Cfr. Ruble, Le Colloque de Poissy, p. 10, où il dit que la com-
munion générale faite par les évêques le 3 août eut lieu « le lendemain
de l'ouverture du colloque». Or si l'assemblée commença le 30 — ou le
31 — juillet, on sait que « l'ouverture du colloque » se fit le 9 septembre.
Mélanges <fArch. et d'Hist. 19-21. 4
50 KOME ET poissy
rien, Hiii'iii (|ii'i'llc fait ti;,'iire de siiii])!!- prétexte au colloque '. Le
P. Prat, dans son étude sur Le 1'. lAvjncz au Colloque de Poissa
et à Paris en 1501 ', eonimet la même erreur quand, parlant de
« rassemblée du clerj^é ili' Frame (|ui devait se réunir au mois de
septembre 1561 k Poissy », et à laquelle Catherine de Médicis avait
prié les « chefs » huguenots « de venir exposer leurs difficultés,
leurs prétentions et leurs griefs », il ajoute : « cette as8eml)lée fut
appelée le colloque de Poissy ».
Dans un style beaucoui) plus imagé, M. Napoléon Peyrat nous
raconte qu'eu « août 1501 » Catherine quitta le Louvre pour Saint-
Germain accompagnée de « soixante prélats de l'église gallicane » qui
venaient, « au milieu des chasses féodales et de jeux chevaleresques,
assister au colloque de Poissy .. . Ils espéraient peut-être, singulière
illusion, réconcilier par ces combats de la parole la Kéforniation toute
sanglante cncoi'e de son martyre et la théocratie romaine qui ne transige
pas avec l'esprit humain » '. M. Peyrat ne méconnaît pas toutefois
que les évêques ne songeaient pas seulement aux chasses féodales
et k la réconciliation de la Réforme avec la théocratie romaine:
ils se rendirent à Poissy. dit-il. où ils avaient à voter des subsides
k la régente et « k déléguer un prélat pour assister à la clôture
du concile de Trente » ■*. Et c'est tout pour l'assemblée.
La réalité est toute diflTérente et oblige à reconnaître que si le
colloque est célèbre » il convient de le réduire, avec M. Henri
Hauser, ans proportions d'un « épisode ». Rien plus, on ne peut
l'étudier comme un fait isolé, complet en lui-même. Il est indis-
pcnsal)lc pr)ur en saisir la i)ortée, voire même pour s'expliquer
la manière dont il s'est déroulé, de le replacer dans son cadre ira-
> Cfr. t. VF. p. 47.
■ Parue dans la CoJkdion de précis historiques, 1889, pp. 71-.S5,
puis en tiré à part (1889;.
' Le Colloque de Poissi/ et les conférences de Saint-Germain eu 1:V!1,
Paris, 1868, in Kl. p. -2.
' Ilnd., p. 51.
LES SOURCES 51
médiat. Or ce cadre naturel et uéeessaire lui est fourni jiar un
événement d'une tout autre envergure que cette expérience politi-
que de Catherine et du Chancelier, et qui est précisément l'as-
semblée ou, comme on l'a encore appelée, le concile national de
Poissj-. La direction que va prendre le colloque, les éléments de
snccès ou d'échec qu'il renferme, dépendent étroitement des dis-
positions de ces évoques de France, témoins, ou même acteurs, du
débat. Dès lors, ce qu'il importe d'établir avant tout, ce sont ces
dispositions, les influences qui s'exercent sur ce « concile », les cou-
ditioDS posées par lui — car il pose des conditions — à cette
conversation. Kt puis, plus liant que cette assemblée, la dominant
de toute son autorité, n'y a-t-il pas un autre témoin à interroger ?
A lire ce que Jusqu'à ce jour on nous a raconté de Poissy, ne
semUle-t-il pas que ces évêques n'ont affaire qu'avec le gouverne-
ment roj'al qu'ils secondent et le calvinisme qu'ils écoutent.' L'Eglise
de France, à Poissy, est-elle à ce point « gallicane » qu'elle agisse
de sa seule et indépendante volonté, ou bien son chef suprême, le
pape, y joue t-il son rôle? L'a-ton consulté, quel compte a été
tenu de sa réponse, coniment a-t-il envisagé cette entreprise, l'a-t-il
suivie, aidée, modérée ou contrariée ? Bref, quelle a été l'influence
de Kome sur les délibérations tant de l'assemblée que du colloque ?
Et quels seutiraents a-t-elle rencontrés dans l'episcopat frani'ais: de
factieux ou de coopérateurs, ou simplement de dociles suliordoiinés ?
Autant de questions à résoudre sous peine de n'avoir ([u'une idée
incomplète, sinon inexacte, des événements de Poissy.
Ce n'est ni des comptes rendus contemporains, ni des relations
modernes qu'il faut attendre la réponse à ces questions '.
' La hibUoyrnphie de Poissy a été établie, pour les sources impri-
mées, par le si utile manuel de M. Henri Hauser, Les sources de î'hist. de
Fratice, XVl' s., t. III (1912), pp. 177-179 et passm, 2 Wd. et t. II ; 1909):
52 nOME ET fOISSV
Los iircniic'i'rt Huiit réili^'és, ([ue U-ui's auteurs h- \cinllciit mi imii.
avec une préoccupation trop apolof^étique pour que celles-ci y trou-
vent leur place, du moins exacte C'est le «- joui'ual » où le docteur
par les annotations de Itaiini et ('unit/, dans leur édition île V Histoire
cccleKiaiiti(iue des Â'glises réforméea an roijmtme de France^ t. I''' (188."i),
pp. 556-737 et celles du baron de Huble {Le CoUn/jue de Poissy dans les
Mémoires de In Société de l'IIint. de Paris t. ,\V1 (I8H9), ])p. 2-54);
auxquelles on peut ajouter les indications du ('(ttniogue de l'IIist. de
France Ao la Bibliothèque nationale, t. I"'^1895), pp. 252-253; — pour
les sources manuscrites, par les ouvrages spéciaux dont on trouvera la
mention à la lin de la liste qui suit, en particulier par Kuble, op. cit.
Voici cette liibliogiaplne, complétée sur différents points, telle qu'elle
a été utilisée ju8(iii'à ce jour.
A. Sources directes.
1" Docxtmenis isolés puhli es dès l'ifil: a) Les diseonrs de Hèze pro-
noncés dans les séances des 9, 24 et 26 sept. ; — h) les quatre requêtes
présentées au roi par les réformés; — e) le discours du card. de Lor-
raine le 16 sept.; — d) les Articles de Vasscmhlée de /'oissi/ proposez en
riiosfrl ... du card. de Lorrains, le 1'''' août; — e) la Proposition et haran-
gue faite par monsieur le Chancelier de France... à l'assemldé'- des Pré-
lats. — Cfr. C'itnloyue de THist. de France, loc. cit.
2° KelatlonK: a) Discours des actes d" Poissy repri.s dans une autre
éd. sous le titre Ample discours des actes de Poissi/ parus en 1561 ; —
6) L'accord du poinct de la Cène accordée au concile national tenu ii Poissy,
relatif à la réunion privée du l''' octobre, paru avant le 6 janvier 1562
(date d'une lettre d'Espence à I'cvê(|ue de Paris protestant contre cette
publication); c) de 1561 (?): un récit anonyme des séances des 1.3, 26 et
30 sept. (B. N. franc. ^ri:i:i. f. 21); une lettre datée du 24 sept. 1561 ra-
contant celles des 9 et 10 sept. [Ihid., Coll. Moreau740, f. 124); une lettre
de Pierre Martyr à BuUinger, du 19 sept. 1561, relative aux 16, 17 et
19 sept. (Bibl. S'« Geneviève, w.s. .H47; tî. 158-163 v", copie XVIII'', re-
produite en partie seulement, dans les Calrini opéra. XVIII, col. 723-
725) et un récit du même Martyr (Vermilii relatio colloquii Possiaceni)
sans date, relatant dilïérents entretiens avec la reine-mère et les séan-
ces des 16, 24 et 26 septembre, publié par Hoîtinger i ff/s/. eccl., t. VII,
p. 714 et suiv.) et reproduit par les Calrini opéra, XVIII, col. 760-774:
— (/) le journal de Claude d'Espence, vraisemblablement rédigé en 1561.
en tout cas avant le 1°'" oct. I.î70, comme le prouve une lettre du card.
d'Armagnac de ce jour {Coll. Dupuy 309, f. 34). De ce journal, la Bibl.
nat. conserve deux copies {Coll. Dtipuy (141 et fonds franc. l/f^I.'l) sous
le titre Brief rcceiiil et sommaire de tout ce qui s'est faict en la ville de
Puissy durant l'u'^rirmh'ée des prelal: de l'église gallicane scavoyr depuis
LES SOURCES 53
catholique Claude d'Espence, appliqué à mettre eu valeur son rôle
conciliateur, n'envisage la situation que du point de vue français —
Je veux dire, dans ses rapporta avec la politique royale et l'état du
le XXVP jour chi )»ois de juillet jusque au XIII I d'octobre lôdl. Deux
autres se trouvent dans le registre G 8 * 58S des Arch. Nat., une à la
Bibl. Mazarine (»is. 3510, 1489 A), une dans les archives des PP. Jésuites
de la province de Lyon (cfr. Fouqueray, Hist. de la C'« de Je'sus en
France, t. \"' (1910), p. 250, n. 3), et la Bibl. du Sénat en possède deux
résumés, l'un qui va du 31 juillet au 24 sept. (ms. 9117, coté 266 dans
le nouveau catalogue mais classé encore dans les armoires sous son an-
cien n°, pp. 6fi5-669), l'autre ne conuneni;ant (pi'au 9 sept, et s'arrêtant
au 3 oct. (ms. 9449, coté 1098 dans le nouv. cat., pp. 185-204). — Le
même auteur a laissé un second récit n'embrassant que la période du
9 sept, au 13 oct. dont original (?) dans la Coll. Dupuy 309, flf. 8-16, et
copies dans le fonds français de la B. N. {17814, S. 76 114 et 3943, f. 92
et suiv.), aux Arch. Nat. {G 8 * 588), à la Bibl. Mazarine {ms. 3510,
1489 A) et à la Bibl. du Sénat {ms. 9117, pp. 671-698 et {ms. 9449,
pp 219-271). — Le premier journal d'Espence à été utilisé par la Coll.
des Procès-rerbau.r des assemblées générales du clergé de France, t. I"' (1767),
pp. 15-40, et publié in extenso (sauf deux dissertations de l'auteur rel.v
tives à un texte présenté le 4 oct.) par le baron de Kuble {Le Colloque
de Poissy) qui a donné aussi le second journal en partie; — e) en
1562, Cl. d'Espence publie son traité. De ri rcrbi T>ei in sacris scrip-
turis, eollatio habita Sangermani cum minislris, traduit l'année suivante
sous le titre Traité de l'efficace et i-ertu de la parole de Dieu où il ra-
conte les conférences privées du 25 sept, au 13 octobre. Une lettre de
lui, en latin, adressée à l'év. de Paris, Eustache du Bellay, le 6 jan-
vier 1.562, traite des points discutés dans ces mêmes conférences, et a
été însérée par Raynaldi dans les Annules ecclesiastici, t. XV de l'éd.
Mansi (1756), pp. 175 179; — /') les documents isolés publiés dès 1561:
le Discours et VAinple discour.s. rejjroduits in e.rtenso où résumés, cons-
tituent le fond du récit relatif à Poissy qui se trouve dans les Com-
mentaires de V estât de la religion et republique souhz les rois Henry et
François seconds et Charles neuflème publiés en 1565 par le président
Pierre de La Place (réédités sons le titre Ilistoire de nostre temps, s. 1.,
1566, et insérés dans les Mémoires de Cdndé, éd. Secousse, 1743, puis
par Biichon dans les Chroniques et 3Iémoires sur Vhist. de France, XVI s.,
éd. du Panthéon littéraire), repris par Jean de Serres (Commentariorum
de Statu religionis... libri très, s. 1., 1571), La Popelinière {La vraie et
entière histoire de ces derniers troubles, Cologjie, 1571), Jean Le Frère, de
Laval {La vraie et entière histoire dt ces derniers troubles ... Paris, 1573)
qui démarque La Place dans un sens catlioliqiie, Simon Goulart {Mémoires
f)4 Kf)MK r/r roiasv
pays — et un traité où il i-st olili-^ô de se défendre fontre le» ac-
cusations de tiédeur et de (■(impiaisanre qui lui viennent de deux
côtés à la fois. Ce sont les C'ommniliiirrs du président l'ierre de
(If rratiit (k France sans Chitrlea neii/iime.. ., 1876. et — si elle est bien
de lui — Yllistoire ecvlésiustique des F.ijlises réformées au royaume de
France, Anvers, 1580, rééditée par Banm et Cunitz (t. I"'', Paris, 1883,
pp. 556-737).
B. Sources indiukutb.s.
1" Lettres de contemporains : de C.allieiine de Mr(licis (publ. L;i l'i'i-
rièie dans les Doc. inéd. de l'Hist. de Fr., t. I'''', 1880); de Calvin, Bèze,
Pierre Martyr (loannix Calrini oj)era dans le Corpus reformalorum, éd.
liaiim, Cunitz et Keuss, 1860-1000); de Sébastien de Laubespine, év. de
Limoges (Négociations... relatives au règne de François IJ, piibl. Paris,
dans les Doc. inéd., 1841); de Cliantonay {Arcli. Xat., K. 149:i, 141)4 et
14!)r>)-, d'iimbassadenrs anglais (Cnlendars of State papers. Foreign, 1561-
15(i2), toscans (Négociations diplomatiques de la France arec la Toscane,
publ. Desjaidins dans les Doc. inéd., t. III, 186.Î), vénitiens (Xégoda-
tions des ambassadeurs vénitiens, publ. Tomuiaseo dans les Doc. inéd.,
t. I"', 1838 1: d'Hubert Languet, agent du duc de Saxe (Epistolac se-
cretae... Halle, 1699, liv. Il), de Coligny, Condé, .Jeanne d'Albret (Arcli.
et bibl. de la ville de Genève) ; de Babou de La Bouidaisière, ambassa-
deur à Rome (B. N. franc. 310.^, 2S12; Coll. Dupuy 35/ ; Cinq cents de
Colhert 343, 300), de divers (Pasquier, (Kurres complètes. Amsterdam, 1723);
du nonce Santa Croce (.^ymon, Tous les synodes nativnau.r des Eglises
réformées de France, La Haye, 1710, et Ciuilter et Uanjou, Archives cu-
lieuses..., 1ère série, t. VI, 1835).
2° Journaux et mémoires: Brusiart (Nicolas), .f<turi«il des choses plus
remarqtmliles... i.ô.W-Î.V// publ. dans les Mémoires de Condé, éd. .Secousse,
t. P''; Mémoires de Castelnau publ. Le Laboureur, Bruxelles, 1731 : ilfe'm.
du duc de Guise publ. Micband et Poujoulat (Co/^ rfe Mém. pour l'Jiist.
de France, l«'ie série, l. \ 1. ISS!»); Mém. de Claude llaton publ. Bour-
quelot dans les Doc. inéd., t. V', 1857.
3° Pièces diverses: (Marquets (Anne de) | Sonets, prières et denses
en forme de pasqmns pour Vassemhlée de messieurs ks Prélats et Docteurs
enue a Poissij M. D. LXI, s. 1., 1566; Taran(Ier,'/>e.s actes dePoissy mis-
en Jiyme françoyse . . . s. 1. n. d.; liecueil de pièces de vers, ehmusons, son-
nets... rassemblés par Passe des Noeiids (B. 'H. franc. ii^tiOii-iiiiôO.')): une
poésie sur les membres du Colloque (B. N. franc. lOUlO).
4" Recueih de documents: V Histoire du président Montagne (B. N.
franc. 15404); Mémoires de Condé, résultat de publications successives
de 1564 :'i 1568, reprises, avec des additions, par Secousse en 1743 ; Coll.
des Procès-verbaux des .assemblées .générales du clergé de France, t. l",
LES so(;rces 55
La Place, protestant, qui, repris par les écrivains de son parti, no-
tamment dans l'Histoire ecclésiastique des Eglises re'formées, servi-
ront à souligner le lieau rôle que les Calvinistes se persuadent
d'avoir en, opposé à l'opiniâtreté et mauvaise foi de leurs adver-
saires. Pas plus que la relation catholique, le récit protestant ne
nous renseigne sur l'action de Rome, quelques allusions méprisantes
au pape et an concile ne pouvant tenir lieu de documentation vé-
ritable. En outre, si le journal d'Espence va du 26 juillet au 14 oc-
tobre, et englobe ainsi l'assemblée et le colloque, l'Histoire eccle'-
siastiqi(e — pour ne citer désormais La Place que dans sa forme la
plus complète — ne vise presque exclusivement que le colloque.
Tels sont les deux chefs de ce qu'on peut appeler « la tradition
de Poissy ».
C'est elle qui a inspiré les liistoriens modernes. Il n'est donc
pas étonnant que leur point de vue soit demeuré aussi restreint. Sans
1767; les Œuvres complètes de 2IicheI de. VHospitat publ. Duféy de l'Yonne,
Paris, 1824; loannis Calrini opéra déjà cité.
C. Histoires générales: pour rappel, La Place, SeiTes, La Popeli-
nière. Le Frère de Laval, Goulart, VHist. eccle's. des Egl. Re'f. : Thou ^J.-A.
de), nistoriariim siil temporis, liv. XXVHl (éd. 1620, 1621. 1626 et 1733);
Sacchini (Francesco), Historiae societatis lesii pars secunda, Anvers, 1620,
liv. V, n. 199 et ss. ; Raynaldi, Annales ecclesiastici, anu. 1561 (t. XV.
dans réd. Mansi, 1766, pp. 168-186): Sattler, Geschichte des Herzogthums
Wurtemberg, Ubn, 1769-178.3, 13 vol. in-8", t. IV (1771). pp. 180188;
fiaum (Jean-Guillaume), Tlieodor Seza, Leipzig, 181.3, 2 vol. in-S'; Sol-
dan, Geschichte des Protestaittismus in Fraiikreich, Leipzig, 1885, 2 vol.
in-8°, t. l"'. J'y ajoute pour couiplément de bibliographie, bien qu'il
n'ait pas encore été utilisé, l'ouvrage du P. Fouqueray, Histoire de la
C'e de Jésus en France, t. 1". 1910, pp. 248-262.
D. Ouvrages spéciaux : Mourgues (Emile), Etude sur le Colloque de
Poissy I thèse présentée à la faculté de théologie protestante de Stras-
bourg), Strasbourg, 1858, in-S', 52 pp.; Kliptfel (H.), Le Colloque de
Poissy, Paris [1867], in -18, 206 pp.: Peyrat (Xapoléon), Le Colloque de
Poissy et les conférences de Saint-Germain en lôdl, Paris, 1888, in-12,
98 pp.; Delaborde (Comte Jules), Les Protestants à la cour de Saint-
Germain lors du Colloque de Poissy, Paris, 1874, in-8', 85 pp.; Ruble
(Baron Alphonse de). Le Colloque de Poissy dans les Mém. de la Société de
IHist. de Paris..., t. XVI (1889), 54 pp.
56 KOMK KT l'IMSSV
doute, on h pensé l'élargir en faisant appel, en guise de commen-
taire, aux éléments que Cournit la littérature épistolaire, mémoria-
liste ou documentaire de l'éiioque. C'est ainsi que des enipi'uiits ont
été faits à la corresijiindaiicc de Cliantonay l'ambassadeur espagnol,
à celle des représentants de l'Angleterre, de la Toscane, du Duc
de Saxe ou de Venise. Les agents du roi à l'étninger, un Lau-
l>csj)iii(' à M;iilriil, un llalioii de l/a iionrd.-iisiéri' à Rome, ont dit
leur mot (jui n'i'st pns innlilc. Iticn cntiMidii, <iii ;i consulté Im riclie
collection du ('orpus rcformiUorum pour en extraire des letties de
Calvin, de Rèze, de Pierre Martyr. ("Catherine de Médicis a fourni
les siennes, ce n'est i|Mc justirc. i.cs arcliivi's et la liililiotliè()uc de
la ville de Genève en ont livré de Cidigny, de (Jondé et de .Icaniie
d'Albret. Des mémoires (oit été utilisés : ceux de Castelnau et du
duc de (luise, ceux de Claude ll.iton, plus disert mais plus suspect
aussi, le journal de Nicolas liruslart. I"t, avec i-ux, des relations
fragmentaires, des pièces de geni'(! divers, recueillies par les Mé-
moires dits de Condé, par Rayualdi continuateur des Annales ec-
desiustici de Baronius, par Le Plat dans ses Monumenta du Con-
cile de Trente ou Louis Paris dans ses Nnjoriaiions irliil/rcs nu
règne de Franmis II. sans compter ([uelques documents de la Col
lection Ditpuii ou du loniN français de la Hibliotliéque nationale.
Môme la poésie est venue égayer ce sujet de « pasquins » et son-
nets moqueurs.
De ces historiens de Poissy. certains n'ont fait que lui con-
sacrer quelques pages, leur but principal n'étant pas de l'étudier.
Ainsi Soldan au cours de son Histoire dn protestantisme en France,
Hauni, avec plus d'insistance déjà i)our sou Théodore de B'cze. Plus
récemment Kruger, dans la Grande encyclope'die, sans entrer dans
le détail, a émis un jugement général. Le P. Fouqueray, reprenant
les données de son confrère du XVII' siècle, le P. Saccliini, réserve
au rôle des Jésuites à Poissy plusieurs pages de son Histoire de
la Conqmr/nie de Jésus en France, et ce sont peut-être les plus
LES SOURCES ;) I
neuves qu'on ait écrites sur la matière. D'autres, dans des travaux
peu étendus d'ailleurs, Mourgues, Peyrat, Klipffel, le comte De-
laliorde, le baron de Rublc ont visé directement le sujet.
Mais toutes ces productions appellent une même remarque: à
l'exception de quelques indications, forcément très brèves, du P. Fou-
queray, et de trois ou quatre pages de Ruble, le Colloque seul en
fait l'objet, soit qu'on y suive, comme ce dernier, le texte d'Es-
pence, soit qu'on s'inspire de l'Histoire ecclésiastique. Seul, KlipflFel
est bien près d'élargir le snjet puisqu'il ajoute des considérations sur
les articles de réforme proposés :Y l'assemblée et un aperçu du rôle
des Jésuites '.
Si l'on passe à l'examen des préoccupations qui ont guidé ces
auteurs -- et on s'aperçoit vite que plusieurs paraissent étrangères
à l'histoire " — on ne peut que constater davantage combien il leur
a manqué des sources essentielles pour emlirasser la question dans
son ensemble, et ainsi ne point risquer de la fausser. Tous, en etïet,
tournent dans le cercle, à peine plus large, des premiers récits —
tous n'ayant interrogé que les sources que J'appellerai « françai-
ses ». J'entends par là qu'elles proviennent, soit des chefs ou des
agents de la politique royale et de ceux qui, à l'étranger comme
à l'intérieur, en reçoivent les échos; soit des narrateurs de la pre-
' Si les dix lignes consacrées au Colloiiue par M. Monnet, dans son
Histoire générale de l'Eglise (t. V, La Renaissance et la Réforme. Paris
19)0, pp. 429-4.30), sont suffisantes, étant donné le caractère très général,
de l'ouvrage, on est assez surpris de n'y trouver aucune mention de l'as-
semblée des évêques. Elle aurait peut-être pu se placer p. 496, dans le
eh. snr la réforme catholique, quand on signale que « les princes ne par-
laient plus que de conciles nationaux (c'est moi qui souligne), de confé-
rences, de collociues ».
- Pour Kliptïel, par exemple, c'est jmr peur t[\w le clergé consent à
entendre les réformés; les décrets disciplinaires sont « une simple manœu-
vre du clergé contre l'ordonnance d'Orléans dont il s'agissait d'atténuer l'ef-
fet », etc. Cfr. le compte rendu qui a été donné de son travail par Henri
de l'Epinois dans la Reme des Questions historiques, t. IV' (1868), pp. 362
et 363.
58 nOMB ET l'OISSV
mi(''i'r' lifiiri'. tnus tlié<ilo;^iciiH mi liiKtniiciis fraiirais mus par les même8
pi't'oceupatioiis que le gouverucmiiit de Charles IX. Des témoins
« nimains » — c'est-à-dire eeux qui peuvent refléter la situation jugée
(lu |iniiit lie vue (If lîmiie — un seul jusqu'ici a déposé: le nonce
.Santa Croce. Mais il le fait iiicidrniiin'iit. par l'intermédiaire du
trop fâcheux Aymon, et sans faraud piotit pinir nous. Il n'est en
effet arrivé à Paris qu'après la dissolution de l'assemblée et ne de-
viendra réellement utile que pour l'essai de reprise du colloque en
Janvier et lévrier 1562 li Saint-ticiniain.
En résumé, pour établir 1rs rclatinns de rEglis(' de France avec
le Saint-Siège dans la seconde moitié du XVF siècle, relations dont
Poissy forme le premier acte, il nous faut recueillir un écho direct,
de source romaine. Or il n'est pas vraisemblable que le Saint-
Siège n'ait pas manifesté ses idées très explicitement dans une ma-
tière qui l'intéressait au premier chef. Il est impossible qu'il ait
nbanilonné le soin de les faire connaître à quelque Chantonay plus
ou moins acrimonieux et maladroit. Pour ne parler que de la se-
erétairerie d'Etat, si attentive toujours aux affaires de France, ou-
tillée autant que nulle autre chancellerie à cette époque, servie par
des agents que pouvaient lui envier les autres gouvernements. ])eut-
on admettre qu'elle n'ait ])as donné les instructions les jiliis jné
eises à ses nonces ? Avec quelle science de la situation elle l'aura
fait, quel souc^i des nuances, quelle souplesse, quel libéralisme même,
nous aurons l'occasion d'en juger. Va\ tout cas, elle a une oreille :\
Paris, à Madrid, près de l'empereur, en Pologne, à Veuise, i)artout
où quelque chose d'utile ;'i entendre peut-être entendu. Elle est
donc k même d'être renseignée. Soyons convaincus qu'elle aura su
en profiter pour agir. A côté de ces agents diplomatiques, il ne
faut pas onldier qu'à Trente, à Bruxelles ou à Anvers, tel cardinal
légat, tel envoyé extraordinaire, ju-éposés à la reprise des séances
du Concile, s'efforcent eux aussi ;l ne rien ignorer de tous ces con-
LES SOtTRCES 59
seils du roi, diètes, assemblées, conciliabules, colloques, provoqués
par des préoccupations identiques à celles qui président à la grande
œuvre de Trente. Or tous ces représentants du Saint-Siège se
connaissent. Relations de famille, de « clientèle », amitiés nouées
au temps de communes occupations :i la curie pontificale : les mo
tifs sont nombreux qui maintiennent entre eux le contact. Autour
de ces chefs de service qui s'écrivent, ne fût-ce qu'en raison de
leur fonction, tout un personnel subalterne vit, regarde, écoute et
agit. Tel secrétaire, à Trente, renseignera son ancien « patron »
demeuré à Rome, tel agent — comme tous les cardinaux en avaient
un dans l'entourage du pape — reste en commuui cation suivie
avec le Légat parti vers quelque cour. Il y a donc bien des chan-
ces pour que — si ces correspondances n'ont pas disparu — nous
y retrouvions la trace des intentions, des espoirs, des directives de
Rome quant aux affaires qui préoccupent Catherine et son Chan-
celier, les Guises ou Coudé, le cardinal de Tournon ou Lorraine,
les catholiques de Paris ou les réformés de Genève. Tout n'y aura
pas le même caractère de document. On sait combien, au XVl"
siècle — et peut-être encore à une époque assez récente — il s'est
mêlé d'éléments divers dans les informations qui remplissent ces
correspondances. A côté de l'otticiel — soigneusement transmis en
chiffre s'il est besoin — nous trouverons les confidences les plus
variées sur la vie privée : commissions de courtoisie ou d'utilité
banale, détails de santé, calculs de budget ou de « carrière ». Il
faudra faire un tri. Mais presque tout sera précieux ne fût-ce que
pour mieux saisir un caractère et, par là, mieux discerner la portée
d'une influence. Ignore-t on ce que peuvent entraîner de conséquen-
ces, pour la marche d'une négociation, l'humeur chagrine d'un diplo-
mate ou sa cordialité, une dyspepsie ou une belle santé, son ai-
sance et sa bonne grâce ou son air rogue et sa gaucherie à l'au-
dieuce dans la chambre de la Reine '!■
60 KOMB ET l'oiasv
Il 11'}' a pafl ({»(• dans la clianibre de Callieriiii- (|ii(> l'on s'oc-
cupe des att'aire.s religieuses de France. Elles intéressent, à un
degré presque égal, le roi d'Espagne et l'empereur, pour ne citer,
après le nii très-chrétien, que les deux plu» puissants partenaires
de la partie qui se joue en Europe au moment des revendications
protestantes et des efforts catlinli(|nes autour du Concile général.
Près de ces souverains, Konie a des mandataires. Nous avons in-
térêt à savoir d'eux de quelle manière ils étaient chargés de pi'ésenter,
d'appuyer ou de cniitrariiT lasscnihh'M^ de l'uissy. L'n Cli.-intimay
est trop partial ])our nous renseigner avec profit, mais un nonce
Delfino paraîtra un esprit assez clairvoyant, indépendant même,
iwiir (|ue niius puissions ilous lier à sou témoignage.
\a\ dehors de ces correspondances diplomatiques n'y a-t-il pas
à supposer ([ue nous trouverons d'autres sources romaines? Bien en-
tendu, tout ce qui émane du Souverain Pontife, bulles, brefs, ins-
tructions, allocutions consistoriales, conversations avec tel cardinal
OH tel aniliassadeur, devra être consulté. Peut-être même nous ar-
rivera-t-il de rencontrer des annotations de la main même du pape
en marge d'une proposition des évêques de Poissy. On devra faire
la part du tem])érament du l'iief de l'Eirlisc ))our ne ]ias juger
également de la valeur d'une liiille et de celle d'une répli(|ue en
consistoire. Mais, à des degrés divers et sous des formes (|ui la
rendront ]ilus vivante, nous aurons du moins la pensée pon-
tificale.
Et enfin, si une heureuse fortune nous mettait sous les yeux,
faisant pendant au «journal» d'Espenee, quelqu'un de ces diarii
dont étaient friands les Italiens du XVP siècle, une relation mi-
nutieuse des ge.stes des prélats fr.mçais de Poissy, et des appré-
ciations sur eux, et des jugements sur les grands actenrs de la
politique royale, et des impressions sur les orateurs de la Réforme,
et des détails sur le rôle du légat Hippolyte d'Esté, sur celui
des théologiens — principalement des Jésuites — qui lui servaient
LES SOURCES 61
(le conseils ? Est-il impossible que les archives romaines ne nous
réservent pas de ces surprises ?
Correspondances de nonces, documents pinitificaux, et môme diarii
et arrisi, les arcliives de Rome ou de telle autre ville d'Italie en
renferment en effet. Ils constituent ces sources romaines indispensa-
bles :'i ([ui veut établir les relations de l'Eglise de France avec le
Saint-Siège dans la seconde moitié du XYI' siècle et, pour com-
mencer, pendant l'assemblée et le colloque de Poissy.
Papiers de la nonciature de France. - La nonciature de France
avait pour titulaire en 1561 Sebastiano (lualterio, plus connu sous
le nom d'évêque de Viterbe '. Nommé à ce poste le 29 mars 1560,
après l'avoir occupé une première fois de 155-1 à 1566, il ne
devait le quitter que le 30 octobre 1561. C'est doue lui qui a
dirigé la politique du Saint-Siège dans notre pays pendant toute
la période qui nous intéresse. Sa coh-espondanee sera dès lors la
première source romaine à consulter. 11 est toutefois malaisé de la
reconstituer, et elle reste incomplète. Dom René Ancel, dans l'in-
troduction k son premier volume des Nonciatures de Paul IV ^ a
signalé la dislocation des archives de la famille Gualterio vers le
milieu du XVIT siècle. Depuis cette époque les originaux ont dis-
paru, à des très rares exceptions près, et les copies qui demeurent
des lettres expédiées ou reçues par le nonce sont dispersées, :Y l'état
souvent de simples résumés ou d'extraits, dans les dépôts du Va-
tican, de Modène ou de Naples. C'est là que j'ai dû les chercher.
Un autre travailleur y était passé avant moi. M. Josef Susta, dans
ses quatre volumes sur la Curie romaine et le Concile de Trente
' Cfr. sa l)iogrnpliic diins Ancel, Nimc'uture.i de Paid IV, t. 1' (1900),
]!]). xix-xw.
■^ IIM., pp. 1-11.
fi2 HOMK hVT l'OISSV
SOUS l'if / r. ;i i-('Miiii i|ii.tMti't('' (le inati'Tiaiix : cijiTC'MpoïKl.iiicfs de
nonces, de légats, brefs du jjape, iiistruftioiis de la secrétairerie
d'Ktat. (|iril a aco()ni])aj,'tiéa de copieux commentaires '. Je n'ai eu
l(^ plus slinvcut ((u'à ciiutn'iliT sur place ses indications. Il m'est
arrivé aussi de |)ouv()ir les cuiiiplctc'r, n^is préoccupations irétant
pas toujours les mêmes.
I.i's pièces publiées, ou simi)lement signalées, par Susta com-
menccut en Janvier lôfil. Mais les extraits de Modéne débutent
en Juin 15(i0et vont Jus(|u'au 2S octol)re de l'année suivante '. Ils sont
complétés par ceux que donne un rcf^istre des ardiives du Vatican,
le Concilio ISS ^ qui pourrait bien être le recueil orifcinal des
' Susta (Joseph), Die rocmische Kurie iind das Konzil ron Tri&iit
uiiter Plus IV, Vienne, 1904-1914, 4 vol. in-.S".
' Susta les indi(iue sous la mention Concilio ou Cahiers de Viterho.
La cote exacte, à VArcMvio di Statn de Modcne, est la suivante: 7)ocm-
menti di slati esteri, Jioma, busta 110, fiha Concilio di Trento. Ces do-
cuments font partie de la série cataloguée Camelleriit ducale Jistense ;
h'.sleri). La liasse Concilio di Trento en compieml plusieurs autres ainsi
réparties: 1) Rapports sur les art'aires de France par Ilippolyte d'Esté
(12 nov. 1561-8 mars 15()2), traduction de la correspondance cliiffrée,
H9 pp.; trad. de la corr. chiffrée de Santa Croce (26 mars-2H déc. 1562),
38 pp. — 2) Une chemise avec ce titre Diario imperfetto del colloquio
di Poissy con altri alcuni raggiiayli délie cosc civili e religionarie di Vran-
cin negli anni I.VIO, l.'>(il, 16(12, indication rédigée au XIX"' s. et inexacte,
pui.si|u'il ne s'agit pas d'un diario, mais 1" d'une relation de rassemblée
de Fontainebleau le 21 août 1.560 (11 jip.), 2° de cinq cahiers contenant
des analyses de lettres de l'év. de Viterbe, les trois premiers désignés
])ar les capitales A, B, C, le quatrième intitulé Copia degli articoli, ren-
fermant, il est vrai, le texte des quatre articles proposés par les réfor-
més le 17 août 1561, mais aussi des extraits de lettres du nonce; elle
cinquième sans titre, faisant suite au précédent; en tout 157 pages (et
non folios comme dit Susta) pour des lettres qui vont dn 5 juin 1560 au 18
oct. 1561. Toutes ces copies sont du XVI". Je saisis l'occasion qui m'est
offerte pour dire avec ([uel empressement et quelle parfaite cordialité
les travailleurs sont accueillis :i YArrhivio di Stato et à la Biblioteca
Kstense de Modène par MM. l'mberto Dallari et Douienico Fava conser
valeurs de ces deux deiiôts, à la Biblioteca Naiionale de Naples par
MM. Martini et Tortora Brayda. Je les en remercie très vivement.
3 Ff. 85 v°-89 V".
LES SOURCES fi3
analj'ses faites à la Secrétairerie d'Ertat aussitôt après réception
(les courriers et où l'on trouve des résumés pour les lettres du mois
d'amit et une 'le septcmlirc 1561. Dans la même série Coiieilio,
le registre 150 nous fournit une lettre du 8 sept, qui n'est pas
dans les deux précédents recueils. Enfin, toujours aux arcliivos du
Vatican, les Varia Poîiticorum 9 et 14 en donnent douze entre le
29 mai et le 8 sept. 15(51. Presque toutes ces lettres sont adressées
au cardinal Borromeo dont un registre de la Bibliothèque natio-
nale de Naples nous otfre inversement la correspondance avec le
nonce '. En y ajoutant des documents tels que les instructions re-
mises ;l l'évèque de Viterbe à son départ pour Paris ", nous pos-
sédons déjà bon nombre d'éléments pour juger des idées qui vont
diriger la politique pontificale durant cette difficile nonciature, et
aussi pour apprécier la manière dont le titulaire de ce poste saura
les présenter et travailler à leur succès.
Nous verrons comment cette « manière » ne répondit pas à l'at-
tente de Rome et provoqua le rappel de Sebastiano Gualterio. Sou
remplaçant, Prospero Santa Croce, avait, lui aussi, représenté une
première fois le Saint Siège à Paris de 1552 à 1554. En octobre
1561, il venait de Portugal, et nous trouverons dans la corres-
pondance de cette nonciature quelques indications sur ses senti-
ments en rejoignant son nouveau po^^te ^. Arrivé à Paris alors que
les prélats de Poissy venaient de se séparer, il ne pourra nous
donner sur l'assemblée qu'un témoignage de deuxième main, mais
il n'en sera pas moins un informateur utile pour nous dire en quel
état il recueillait la succession de son prédécesseur, quelle opinion
' Ms. XL G. 3, Rffjistro di httere di S. Carlo (146 ff.) copies du
XVIP s. de lettres écrites du 2 juillet 1561 au 29 août 1563 au carrt.
de Ferrare, légat en France (ff. 1-64), du 26 janvier 1560 au 25 août 1561
aux êvêqucs de Fermo, de Viterbe et au nonce Santa Croce (ff. 69-146).
2 Arch. Vat., Vai: Polit 116, f. 374 v°: 1560, 1" mai.
' Ihid., Niimiature direrse 10?.
64 KOME ET l'OISSV
il avait de Him actiiiii. et noii-i iiiilii|nrr rDiiciitatinn <li- celle (nie,
liii-inéme se i)ropo8ait. De plus, c'est lui qui va assister au pro-
longement (lu collotiue dans les conférences de Saint-Germain en
Janvier l."iil2, en suivre les résultats, noter la répercussion des dé-
crets (le l'asseiiililée sur les tractatiims qu'il est chargé de conduire
en vue du concile de Trente. Miidii, il est le témoin des événements
dont va sortir la première guerre civile. Aussi les papiers de sa
nonciature seront-ils une source indispensable i)our l'histoire de cette
périiide. Hn attendant l'édition, certainement très soignée, que nous
en promet M. (i. Constant, ancien membre de l'Ecole française de
Rome, nous avons la ressource de les consulter aux archives du
Vatican '. Si les originaux ont disp.iru du moins j'ignore où
ils ont échoué — des copies en plusiiMirs exemplaires nous en ont
été con.servées. Plus favorisés que pnur la correspondance du pré-
cédent nonce, nous trouvons celle de Santa Croce soigneusement
transcrite vers la fin du XVIT siècle dans un gros registre de tJ9:î
folios, le Nn)i.:i(itur<' diverse 32 bis". Elle commence au 1(> oetn-
lire 15(51 pour ne s'arrêter ((u'au 10 janvier 1664.
Correspondances diverses. — Autour des correspondances de
ces deux nonces, d'autres viennent se grouper qui les complètent
henren^ement. .l'ai déjà signalé celle du cirdinal Rorromeo avec
l'évèque de Viterlic. Il faut y ajouter celii' du même secrétaire
' M. Serbat t'ait erreur (juaud il dit : ' les lettres de Santa Croce
ont été imprimées • (Les assemblées du clergé de France, p. 11 . Une très
petite partie, oui - quarante-neuf en tout —que le prêtre apostat Jean
Aymon déroba à la Bibliothèque royale de Paris et publia, en l'accom-
pagnant d'une lamentable traduction fran(;aise, dans son livre intitulé
Tous les synodes nationaux des Eglises réformées de France, La Haye.
1710, 9 vol. in-4". C'est cette édition partielle qu'ont reproduite Ciniber
et Danjou dans leurs Archives curieuses de rhi.'itoire de France, lèri^ sôiie.
t. VI, pp. 1-170.
- Un autre registre, le Pio f>:' (ancien Pio 133) contient la même
correspondance. Un peu plus ancien, peut-être, il est beaucoup moins
soigné comme écriture.
LES .SOl'RCES 65
d'Etat avec Hipjjulyte d'Esté iiendant la durée de sa légation en
France (juin 1561 à mars 1563)', avec les légats à Trente ', les
nonces d'Espagne, d'Allemagne, de Portugal, de Pologne ^. Voici
également des lettres et des rapports du cardinal de Ferrare, de-
puis le 12 juillet 1561 jusqu'au 13 juin 1563, dans une copie
du XVI" siècle conservée à la Bibl. Vallicelliana de Rome iL 13,
tf. 7-136) ^. Elles sont adressées pour la plupart à Francesco Maria
Visconti, l'agent du cardinal à Rome, les autres au secrétaire d'Etat.
On en rencontre encore dans diverses séries des archives et de la
bibliothèque du Vatican ^.
Les Monumenta histurica sociefa/is lesti ont pulilié les lettres
des PP. Lainez, de Polanco et du Coudret qui accompagnèrent
Ferrare en France, du P. Broët préposé pendant longtemps à la
direction des maisons des Jésuites en France, du Père Salmeron
vicaire de la Compagnie à Rome *'. On y trouvera bien des rensei-
' Arch. Vat., Numiature Germania 4.
' Ibid., Coneilio 50, 60, 150.
^ Arch. Vat., Vnr. Polit. 14, Xumiat. Germania i, yun<:iat. dir. 107,
Nunziat. Venezia 2, Niimiat. Colonia 170 A ; Bibl. Vat., liarberini
lat. 814 fcorr. de nonces en Allemagne). — On sait (pie l'Institut liis-
tori(iiie prussien de Rome a poussé très activement la publication des
nonciatures d'Allemagne, travail à peine amorcé chez nous. Je n'ai donc
eu qu'à dépouiller les deux volumes donnés sur la période 1560 156.3,
Steinherz, Nuntinturberichte aus Deutschland, Vienne, 1897-1914; t. l"'' (Ho-
sius und Delfino, 1560-1.561) et t. III (Delfino, 1562-1563).
* Aux Arch. du Vat., le Vnr. Polit. 130 est une copie du XNII*' siècle
de la même correspondance.
^ Arch. Vat., Miscellanra, nrm. I, t. .30, f" 139 (nouv. nuraér."") extrait
d'une lettre du 18 avr. 1562, Paris, aux légats à Trente; Var. Polit. 124
(f. 17) et Var. Polit. 136 (f. 49), lettre ilu cardinal à l'év. de Caserte
(1562, 2 janvier, St. Germain-en-Layel pour se justitier des critiques fai-
tes à sa légation, qui a été publiée dans Lettere di principi, Venise, 1581,
f. 231-232 v°. — Bibl. Vat, Barherini 576{Unov. 1561-28 juillet 1562',
lettres publiées dans Babize Mansi, ISliscellanea t. IV. d'après un ras. de
la bibl. des Ermites de S. Augustin à Lucques, dérivant, dit la préface,
d'un ms. de la Bibl. du Vatican.
" Monumenta historica Sorietatis lesu: Lainii rnonumenta, t. ^' et ^T
(1.560-1567), Madrid, 1915; Polancï complemenla, t. 1='' (1541-1567), et
Mélangen d'Arch. et d'Hinl. 19-21. 5
6B HUME ET l'OISSY
giieraents sur la situation rcligieune et l'action tlt; la nonvelic so-
ciété toute (li'voiiée à la politique du Saint-Sièfîe, eu particulier
des détails sur la légation du cardinal.
A Trente, un secrétaire aotif comme Mu/.io Calino ', h Vienne
le sage cardinal Ilosius', à Rome le savant cardinal Amulio '' re-
çoivent sur les affaires de Franco des informations (|u"il sera Iton
de ne pas négliger.
On sait aussi l'activité épistolaire des amliassadeurs anglais, tos-
cans, vénitiens.
Documents pontificaux. — Les actes de Pie IV — bulles, lirefs
instructions, allocutions — .sont di.sséminés dans les différentes sé-
ries des Arcliives du Vatican: lîefiest<t Vaticana 1!)23, 1931^ Varia
l'uliticonnn ll(i, Xiinziature diverse 107, ConciJio 90, 150, Aiiii,
consisioriulia cuncdldrii S, entre autres. On en trouvera encore à
la Bibliotliè([ue du Vatican {Burherini lat. 858, 2877), à la Bi-
bliothèque nationale de Naples {XI, G. 3). Mgr Stephan Eh.ses les
a interrogés, en ce qui concerne le concile de Trente, pour son
tome V des Artn. paru en 1919 dans la Vielle collection que publie
la Goerresyeseïïschnft. Je n'aurai qu'à profiter de son travail, quitte
à voir si telles pièces qu'il a simplement signalées ou analysées ne
sont pas pour nous d'un intérêt direct.
Documents divers. — F>ntîn, dans la masse des copies qui for-
ment la collection bigarrée des Varia Politicornm ou de telle au-
tre armoire des MisceUanea, parmi celles du fonds Borghese ou de
Il Biblidtlièque Barherini, il y a à glaner des textes de documents
Appendi.r f) ibi t. II (L'iGT, Madrid. llUlî-UtlT: h'pixtohie PP. Paschasii
lfcoe;îetc.(lfJ42-15li2i. Madrid. 190;i: Kjiist. P.Sabm-ronis.U I" (1.536-1565),
Madrid, 1906.
' Cfr. ses lettres dans Baluze-Maiisi, Miscellanen. t. IV, p. 192 et sq.
' Cfr. Stdiiislai Hosii opéra, éd. Cologne, 1584; 2 vol, in-f" et Stein-
hcrz, NioilidiKrliericlite..., tA".
■' Bilil. Vat.. Imrh'n-ini .'>T.il (1560-1561).
LES SOURCES 67
officiels ( couvocatioii des évêques. ordonnanees du mi, artiides et
décrets de rassemblée), des informations sur tel conseil du roi, des
cinnptes rendus de séances, résumés de discours du Cliancelier, re-
uiontraiices espagnoles, rapports du nonce '. Toutes ces ressources ne
sont pas d'une égale valeur. Les renseignements qu'on y pourra
puiser ne concernent pas tous directement l'objet de notre étude.
Mais il n'en est pas qui ne nous aide à constituer le cadre des
événements et — si l'on veut me permettre cette figure — à nous
donner l'atmosphère et la température de la cour de Rome. Xe fût-
ce que par leur nombre et les fréquentes répétitions de nouvelles
semblables, elles nous prouveront au moins l'attention avec laquelle
on suivait h Rome les événements de Poissy et de Saint-Oerniain.
« Avvisi » . relations et « Diarii » . — Que si l'on tient à plus
de précision et de détails, ou à plus d'encliainemeut dans la des-
cription des faits et gestes qui constituent la vie de l'assemblée de
Poissy, telle que la jugeait ou la désirait ou la provoquait le Saint-
Siège, là encore les archives l'omaines peuvent satisfaii'e notre cu-
riosité. Il n'y a qu'A, ouvrir les Diarii qu'elles nous ont conservés.
Commençons par écarter le document improprement désigné sous
le nom de Diario imperfeito del coUoquio di Poissy des archives
de Modène ^. Dans l'esprit du rédacteur moderne de cette mention,
il s'agit d'un journal «incomplet». Son défaut est ailleurs: les
1 Arcli. Vat., MisceUanea, arm. I. t. 30 (ti', 7,5-92. 124-130, 137-138,
1.Ô1-150, 161-162) copies des articles de Poissy, an-isi sur les séances de
l'assemblée ou du colloque, ordonnance de Charles IX sur le fait de la
religion, etc. — Ihid., arm. II (Varia j)olHicon(m) pièces déjà signalées
pour la nonciature de l'év. de Viterbe dans Var. Polit, f) et i4; autres
1 épli(iues ou pièces nouvelles dans les registres ?8, 33, 3(i, si, S3, 130.
— Cnncilio 103 (Décrets de Poissy'. — Borf/hese I, f. ^3 (relation sur
l'assemblée de Fontainebleau, instructions du card, de Tournon), t. 44
(lettre de Ferrare). t. 3S0-2SS (lettre de l'év. de Viterbe) ; II, t. 47(! (lettre
de Ferrare). — Bibl. Vat., Barherini laf. 850 (Decreto irapio fatto in
Poissy), S95 (décrets de Poissy). Urbhiri.'i 817 (tableau du gouvcriieiiient
de Catli. de Médieis).
■^ Documeiiti csteri, lîoma. Inistn 110, liasse Concilio di Treiito. à.
G8 ROME ET POISSY
pièces groupùes sous ce titre ne sont pas un <<; Jimrnal » mais seu-
lement, comme je l'ai dit plus haut, des extraits ou des analyses
de la correspondance du nonce, l'évêque de Viterbe.
Ce dernier avait pourtant tenu — ou fait tenir — un véri-
table «journal » des séances de Poissy. Ou n'en i)eut douter à cer-
tains passajjes des lettres échangées entre la Secrétairerie d'Etat
et les légats à Trente, entre ceux-ci et le nonce lui-même. Aux
légats, le nonce écrit de 8aint-Cloud, le 8 septembre 1561: «Vos
Seigneuries en jugeront par la copie d'un journal que j'ai fait » '.
Il est vrai que le texte italien (una copia d'un diario che n'ho fatto)
ne permet pas de décider s'il se donne pour l'auteur du diario ou
simplement de la copie. Mais il y a un diario approuvé par lui :
voilà qui est déjà certain. On le remercie de Trente, le 22 septem-
bre, et de la lettre du 8, et du journal qu'il a envoyé « en même
temps », et aussi « di questa diligente fatiea sua di raccogliere le
attioni di tanti giorni et mandarci, in un tratto, cosi certo et fidèle
ragguaglio di tutto » ".
Peut-être même, à entendre cette dernière phrase, faut-il pen-
ser que c'est bien lui l'auteur.
J'aimerais à connaître le sort de ce « journal » envoyé aux lé-
gats. Mais avant d'en trouver un ailleurs que dans leurs papiers,
on ne dépouillera pas ceux-ci sans quelque profit. A défaut d'un
diario proprement dit, on y rencontre en effet deux documents d'un
genre tout voisin '. Ce sont des feuilles à'avrisi qui furent envoyées
par le cardinal de Mantoue an nonce Commendone alors à Anvers,
ainsi qu'en témoignent les mentions inscrites au dos de ces pièces.
Sur la première, on lit cette indication du destinataire: <( per nions.
Commendone », puis — de la main de ce dernier, autant que j'en
' Areh. Vat., ConciUo lôO, f. 122. — Susta, I, p. 249.
» Arch. Vat., Concilia 150, f. 123 v".
' md., Misccllanea, arm. I, t. 30, flf. 128-159, et 1;35-1.3B (nouv.
nuiuér."").
LES SOURCES 69
puisse juger — « lô(il. Avrisi di Pari;// de H V d'agosto. lii-
cevuti in Aurersd iili 25 di sett., dal rard. di Mantora. legato » ; sur
la seconde, toujours de la même main, « 15f>l. Arvisi di Francia,
XV fin a XXI. Eicevuti in Arirersa a (ici le feuillet a été ro-
gné) di setl. dal Car. (rogné) Mantora legato ». Le cardinal de
Mantoue, Ercole Gonzaga, était en effet à Trente, en qualité de
légat, depuis le 16 avril 1561 '. Nous savons d'autre part que
Gian Francesco Commendone, évêque de Zante, avait été adjoint
à Hosiua et Delfino, nonces près de l'empereur, et qu'après avoir
parcouru l'Allemagne pour engager des négociations avec les prin-
ces protestants, il était arrivé à Anvers au mois de mai '. Il avait
pour instruction de se tenir en rapport étroit avec les légats '. C'est
ainsi que Mantoue le mettait au courant, par ces arvisi, de l'as-
semblée de Poissy. Ceux du 5 août relatent les faits du 30 juillet
et des l" et 3 août. Les autres embrassent les événements des 8,
12, 24, 25, 27 et 30 août ^
La première de ces deux pièces est telle qu'elle fut expédiée
de Paris. Le style direct qu'on y emploie en est la preuve : « Di
Poissi habbiamo nuova...;la processione et communione che
fu liieri » est-il dit avant l'inscription de la date du 5 août,
mise en fin de l'information par la même main qui a rédigé celle-ci.
La seconde n'est qu'un résumé de la pièce originale, comme le
montre la forme usitée pour tous les extraits du même genre:
« C/ie nell'assemblea . . .; che s'eranno ridotti li stati » etc. Si
l'on rapproche la date de réception à Anvers (25 sept.) de celle
' C'fr. Drei (Giovanni), Il eard. IJrcole Gonzaga alla presidema del
concilio di Trento, dans VArchirio délia R. Società romana di Storia
patria, t. XL (1917), p. 212.
* Cfr. Pallavicini, Hist. du Conc. de Trente, éd. Migue, t. II, col. 966.
' Cfr. Drei, op. cit., p. 215.
* t XV fin a XXI > porte la mention des seconds an-isi. Le chiffre
XXI est une distraction, puisqu'il est parlé des faits du 30 août. De
même, en tête de la pièce, une main postérieure a ajouté la date erro-
née de 1563.
70 ItOMK ET POISSY
OÙ les légats reçurent à Trente le Diario de Viterbe (22 gcpt.au
plus tard) on est amené i\ eonclure que ces arrisi peuvent être
un extrait du diaiitj en question, ou du moins s'en inspirent.
Un troisième courrier a])portc à Commendone un écho des ren-
seignements fournis aux légats par le nonce de France. La copie
qui en conserve des extraits dans les liliscfllnnea. ann. I. t. 30,
f. 130, porte cette mention de Commendone « l'ifll, Arrisi di Frnn-
riu â[e^\ 29 d'nfiosto. Jîirevuti in Bnisselle n li S d'ot\M}re^ d<il
rurdj di Minifoni ». Elle donne quelques indications pour la ])é-
riode du 24 au 27 août. C'est un résumé des avis faussement in-
titulés t Arrisi di l'oi/sl ili'l C/ird. di Ffirrini » <|u'oii trouve dans
le Varia poliiirorum 14, f. 135. Au lieu de Ferrara il faut lire
Viterbo. Nou seulement Ferrare n'arriva en France que le 19 sep-
tembre, mais il y a concordance parfaite entre plusieurs des nou-
velles données par ces arrisi et les extraits de lettre de Viterbe
dans Concilia 138, ff. 85 v° et 88 '.
Tous ces documents, si utiles qu'ils soient, sont encore bien dé-
cousus. On dirait autant de dépêches laconiques, volontairement im-
personnelles. Mais Commendone continue de se tenir ;iu courant.
Et voici que, grâce à ses correspondants, nous avons le premier
récit d'origine « romaine » que Ton i)uisse présenter pour la séance
d'ouverture du enUdque. Il ne s'a.irit plus d'une de ces notes hâ-
tives où seuls ont été consignés les points principaux, ainsi que des
chefs d'arguments. Cette fois, on met sous nos yeux une véritable
narration, détaillée et vivante. Elle occupe dans ce même t. 30
des Miscellanea les folios 89 à 92. Au dos du dernier feuillet,
Commendone s'est contenté d'inscrire « IndJ. Arrisi de hi coiifira-
tione (sic) di Poi/si di IX di set/'' » sans indiquer le lieu ni la date
de la réception, non plus que l'expéditeur. Est-ce l'original ? Oui,
' L'attribution des rimsî' di Poj/si i\ Ferrare les a fait (|ualitier d' « a-
nonynies » par Susta (I, p. 242).
LES SOURCES 71
A en juger par le caractère de ratures et de siircliarges qui ne pa-
raissent pas le fait d'un copiste, et aussi par l'écriture, italienne,
plus petite et plus irrégiilière que celle k laquelle nous ont Iia-
liitués les chancelleries romaines de cette époque. Mais l'auteur,
s'il parle à la première personne et s'adresse directement à son
correspondant, garde néanmoins l'anonymat. Pas de signature. C'est
un rapport plutôt qu'une lettre. Après avoir indiqué la composi-
tion de l'assemblée de Poissy et l'objet de ses délibérations, on
nous donne tout au long, avec commentaires, la séance du 9 septem-
bre, puis, plus brièvement, celle du 10. Par quelques détails, ce
récit diffère des autres que nous pourrons avoir de cette ouverture
du colloque, ou les complète.
Qui peut bien être ce narrateur ? Quelqu'un de la nonciature
aurait, serable-t-il, écrit en italien, à l'accoutumée. Or cette rela-
tion est en latin. Elle accuse toutefois une personne dont la mis-
sion est de renseigner; le ton de certaines phrases suffirait à, l'in-
diquer. Cet agent est un catholique. L'emploi du latin fait sup-
poser qu'on n'a pas affaire h un laïc: italien, français, espagnol,
il se fût servi de sa langue; allemand ou anglais, il ne serait pas
catholique. On songe aux Jésuites que nous allons bientôt voir si
attentifs aux. discussions avec les réformés. Muzio Calino, l'un de
ces actifs informateurs qui, de Trente, restaient en correspondance
suivie avec des membres de la curie romaine, éeriva, le 28 octo-
bre, que les légats « sont habitués à recevoir même des diarii de
ce qui se passe au colloque » '. 11 dit cela à propos di'arrisi du
P. de Polanco que vient de lui communiquer le cardinal Cornaro.
Polanco n'est pas encore à Paris à la date du 9 septembre. L'au-
teur de notre récit s'y trouve et part avant le 16, puisqu'il ter-
mine ainsi : et quia conipulsiis siini iter arripere et non Uciiit po-
stremum Patnim responsum audire^ i\di<pm ab allô querenda snnt :
' Baluze-M.anBi, Miscellanea, t. IV, p. 196; lettre au card. Cornaro.
72 HOMB ET P0IS8V
a me union islu nunc dntd suffiriiint. Je ne voudrais pas forcer
les h3'potlièses, dans inoii désir de fonnaitre le rédacteur de ce
docuracnt; mais l'impression qu'il s'agit d'un religieux chargé de
renseigner ses supérieurs et qui passe la main à un confrère pour
le reste de sa mission, cst-i'lle exagérée? Ne serait-il pas l'un des
Jésuites de la maison de Pai-is dont le supérieur, le V. l'ascliase
Hroët, informe soigneusement li- I'. Lainez de la situation religieuse,
en particulier des ])réparatit's du i-(ill(M|iie ' ?
Quelle (|iie sdil la valeur de ces rapi)roelienients et la conclusion
qu'on en voudra tirei-. nous n'avons ])as, dans le narrateur du 0 septem
bre, un témoin direct. Comme l'auteur des nrrisi, il raconte ce qu'il
a entendu dire, ainsi ([ue le spécifie sa première phrase : <r /ler
suhI que de siinndo nd l'ulsinriim (sic) in GuUia celebrata intrl-
Uyere potui : die !) septeiiihris, nnno lôdl ».
Avec le témoignage suivant, nous faisons un pas de plus. Sans
doute, c'est aussi un (nii dire, mais nous savons le nom du rap-
porteur. 11 est donné par une copii' du XVI'' siècle qui se trouve
à la liililiotlièque Casanatense de Uome ())is. .5/'.S'.'^, f. 73) et porte
ce titre : « copia d'alcnni capituli d'utia IHtera scritùi dal P. M." Po-
lanco nella aorte di Franein a' i'I di seltembre l-iCl ». On y lit
un résumé général et très liref des deux discours (|ui ont occupé
les séances des it et Iti septemljre, et (|nelques réflexions intéres-
santes sur la situation religieuse, le rôle du Père Lainez et l'at-
titude des prélats fran(;.iis. Bien que cette pièce ne tignre pas au
nombre des lettres du P. de Polanco publiées par les Moiuinienta
' CiV. Monitmentn histaiica Societiitis lesii, Kpixtohe PP. Paxvha.tii
Broeit, etc , Madrid, 1903. — En tout cas, le récit du 9 sept, dont il
est ici question ne tigure pas parmi les lettres du P. Broët ni celles
d'aucun des Jésuites dont les ilfo»i(«ip«/rt publient la correspondance. Je
<lois noter également ipie ce récit n'est pas précédé de la divise /'<w
Chrisii usitée par les Jésuites dans leurs lettres de cette épO(|ue. Il est
vrai (ju'elle n'accompagne pas davantage les extraits d'une lettre du P. de
Polanco, ni même l'original d'une longue relation de la séance du
2ô sept, par le même religieux dont il va être parlé.
LES SOURCES 73
historicd Sorii-tatis Ifsn, il n'y a pas lieu de rejeter l'atti-ibiitioii
que lui en t'ait le ms. de la Casanateiise. Celui ci est compris dans
un recueil des Miscellanea rariart<m narrntiomim et rerum nora-
rum composé en 1697, comme l'indique le titre placé au premier
feuillet par nne main du XVIT siècle — titre suivi de cette indi-
cation de propriété « Procurntorie goneralis Soc. lesu ». Or c'est
aussi au XVII" siècle qu'on a mis, au verso du feuillet contenant
le document en question, cette note : « del 2>- Pol. Belle cose di
Frayiza et miserie di qitesto regno nella religione ». L'origine est
ainsi autliontiiiuée par un membre de la ('onipagnie de Jésus. On
lit d'ailleurs, à la suite de cet extrait, un autre emprunt fait au
même religieux, et qui peut convenir, quant au fond, à une lettre
dudit Polanco datée du 29 décembre et publiée par les Monmnenta '.
Encore un pas de plus, et nous possédons la déposition d'un
témoin oculaire, la première en date, et peut-être la seule, avec
celle d'Espence, du côté des catholiques. De nouveau, c'est au P.
de Polanco que nous la devons. Il a assisté aux séances des 24
et 26 septembre et en a laissé le récit << vécu » dans une longue
lettre adressée le 27 de Poissy, à son confrère le P. Salmeron,
vicaire de la Compagnie à Rome -. Le texte est en espagnol et a
été inséré dans les Lainii monumenta (t. VI, pp. 54-.58); mais
une traduction italienne en fut faite dont les Monumenta liistorira
Societdtis lesu signalent un exemplaire dans les ai'(iiives de la
Compagnie ^. .l'en ai trouvé un autre — peut-être même est-ce la tra-
' Cfr. Lainii monumenta, t. VI, p. 183.
* Ce récit a été utilisée par le P. Francesco Saccliiiii, continuateur
d'Orlandini, dans V Histnriae Soeietatis lesu pars secunda sive Laiiiius,
Anvers, 1620; in f., n° 199, puis par le P. Piat de la même Compagnie
dans la Coll. de Précis historiques, janvier 1H89, et en tiré à ijart (Le
}'. Laynes au Colloque de Poissi/ et à Paris en 1.561).
' Sous la cote ' cod. Epist. Polanci, n" 37 ^, cfr. Lainii monumenta,
t. VI, p. 54, n. 2. L'éditeur fait remarquer (|iie l'original autograjihe ne
porte ni la devise Pax Christi ni la mention de lieu Di Poisi que donne
la trad. italienne. C'est cette trad. ital. qne publie le P. Prat.
74 ROME ET POISSV
diu'tion originale — aux arrhivps du Vatican (Miscpllanen. nrm. I,
t. 30, ff. IGl iiiouv.)-lfi2j. Elle porte une mention qui nous in-
téresse j)ar('c ()uVlle est de la main de Commendone, comme celles
des documents déjà signalés que lui transmettait le cardinal de
Mantoue. Sous les ratures qui l'ont effacée, on peut deviner An-
rersn. Au-dessus est écrit « De rehus nov[is\ G[aUi^^canis ». Pas
de date de la réception ni de nom d'expéditeur. Rien non plu»
qui iiiiliqui- rautt'ur mi le copiste lie cette version. Kaut-il nttri
liuer celle-ci, comme le récit anonyme du 9 septembre, à quelque
membre de la communauté de Paris ' ?
En tout cas. c'est un compagnon français du P. de Polanco et
du P. Lainez à Poissy, le P. Annil)al du Coudret, qui écrivit en
italien à un confrère resté en Sicile, le P. Domenecli, un autre
compte rendu de la même séance du 27. Il figure dans \ts Lainii
momtmenla, t. VI, à la suite du récit de Polanco dont il ne donne
d'ailleurs qu'un très bref résumé au milieu d'informations plus
générales.
Aux Pères de la Compagnie de Jésus nous sommes redevables
d'un dernier document où sont consignés quelques renseignements
directs et indirects sur le colloque. C'est le journal tenu par Po-
lanco depuis la fin de mai 1561 jusqu'au début de 1563. On le
' Il faudrait, pour donner à ces hypothèses une réponse satisfaisante,
pouvoir comparer ces différentes pièces au.\ originaux des lettres soit
du P. Broët, soit de ses confrères de Paris et de Kome, originaux
conservés dans les archives des PP. Jésuites. M. llauser, après avoir
répété avec M. Monod que « personne en dehors de la Société ne sait
uiênie où (ces archives} se trouvent >, conclut: «tout contrôle est donc
iuqjossible > {Sources de l'histoire de France, XV!' s., t. 11, p. 138J. Est-
ce bien sûr? Le livre du P. Fouqueray donne les références des docu-
ments utilisés. Quant aux dépôts où ils se trouvent, il n'est pas prouvé
qu'on en refuse impitoyablement l'accès. Si je n'ai pas encore |ni faire
le contrôle (pie j'indique, je peux affirmer que. du moins à Kome. les
travailleurs trouvent près du P. Grossi Gondi, archiviste de IT'niversité
Grégorienne, comme près du P. Tacchi Venturi, le savant historien de
la Compagnie en Italie, le plus cordial accueil, et j'aime à les en re-
mercier sincèrement.
LES .SOURCES 75
trouvfi'H en appendice dans les PoUinci complementa ', t. II, pp. 838
;'i 844, avec ce titre : De itinere Lainii ac Polanci in GaUiam
(t/iiio h'iCl. Il est rédigé en espagnol.
11 tant encore mentionner nn compte rendu, en latin, des séan-
ces dn 24 et du 26 sept., adressé vraisemblal)lement au cardinal
Seripando, dans les papiers de qui il est conservé à la Bibliothè-
([ue nationale de Naples ^ L'auteur doit être un théologien, ;V en
juger par la précision dogmatique avec laquelle il a résumé les
discussions qui remplirent ces deux séances. Aussi bien, est-ce plutôt
un exposé des thèses mises en présence qu'un récit historique pro-
prement dit. On y trouvera peu de détails sur les orateurs et les
assistants. Néanmoins sur ce dernier point, son utilité est appré-
ciable: c'est le seul document, que je connaisse, où soit donné le
nom du dominicain qui accompagna le cardinal de Ferrare dans
sa légation.
Avis, rapports, relations au cours d'une lettre, nous n'avons
eu jusqu'à présent que des aperçus fragmentaires de l'assemblée.
Voici enfin un récit complet.
Dom René Ancel, dans s&^ Nonciatures de Paul IV {t. 1', p. V,
n. 2), signalait eu 1908 un « Diaire de l'assemblée des évêques
à Poissj' » conservé dans le Varia Politironnii 124 des archives
du Vatican \
' MoxKiaenta liistorica Soeietatis lesu, Madrid, 1917.
- Bilil. naz. Naples, ms. IX. A. 49, t. Il, ff. 356-.367: Coîloquiiim de
reliyioiie Poyssiactim. Ce document est signalé dans les Documenti ine-
diti... siil concilia di Treiito (Rome, 1874, in-8', p. 330, n° 28) du P. Ge-
neroso Calenzio qui ajoute: « pare autografo del Seripando». — Je dois
les plus vifs remerciements au Comte Ambrogio Caiacciolo di Torchia-
rolo qui a bien voulu prendre la peine de copier pour moi ce document,
et à l'extrême obligeance duquel i"ai maintes fois eu leconrs pour mon
étude sur Antonio Caiacciolo.
^ Ff. 188-240 (ane. num."" 186, et non 1.^8 comme l'indique D. Ancel,
à 238). Pour éviter toute confusion en ce qui concerne les références aux vo-
lumes des ^'al^^ll Politicoritm, je signale ipril n'y a pins à distinguer
entre leur numéro ancien et noureau. Cette double nuuiération prove-
7G ROME ET rOISSY
J'en ai renrontré depuis une réplique dans le vol. 136 de la
même collection '. Cette dernière est toutefois plus courte: elle
est interrompue dans le récit de la séance du 2fi septembre, alors
que l'autre s'étend jusqu'au 9 octobre, mais cesse Itrusquement
au milieu du développement d'un vote de l'évêque de V^alence. Ccjï
deux manuscrits sont, le iircinirr, de la fin du XVI' s., le second,
du XVII", peut-être mC'uie du coniincmenient du XVIII'' siècle. Leur
contriliutii)n à l'histoire de Poissy nie paraissait assurément des plus
appréciables, mais Je déplorais d'en rester au discours tronqué de
révé(|ue de Valence, et plus encore de tenir ainsi la preuve d'un
premier journal plus complet et (jui m'éelia|)pait. Un heureux hasard
me récompensa du parti pris d'interroger indistinctement tous les
dépôts de Rome, n'eussé-je aucun esjioir précis d'y recueillir quel-
que pièce pour mon travail. La Hibliothèque Vittorio Emanuele pos-
sède un fonds, le fonda gesnit'u-o, dont les manuscrits proviennent
nait de ce qu'on avait intercalé, après le vol. 30 de cette série, ini
recueil A'indiei di varie istruzioni qui n'avait rien à faire avec elle.
Le recueil ayant été catalogué sous le n° 31, l'ancien 31 était de-
venu 32, et ainsi de suite, les deux cotes figurant simultanément
au dos du volume, la première sous la rubrique Varia Politicoriim,
la seconde avec celle de Jliscellanea, arm. II. D'où de fréi|uentcs
erreurs, tant dans les demandes des volumes que dans les irféieii-
ces des auteurs qui les avaient utilisés (c'est ainsi que D. Ancel aj)-
pelle Var. Polit. 125 le 124, sans spécifier s'il s'agit du n" ancien ou du
nouveau). Pour remédier à cCs inconvénients, il a été décidé, au cours
des remaniements auxquels on procède actuellement aux archives du
Vatican, de conserver aux Var. l'olit. la numération qu'ils portent, c. à. d.
l'ancienne. La nouvelle signifiera désormais : Miscellanea, arm. II. Le vol.
136 fait toutefois exception, son n" CXXXV de Varia- l'olit. ayant été
transformé, par l'adjonction d'un trait, en CXXXVI, en même temps qu'on
lui donnait ce n° comme Miscellanea, arm. II. L'employé ne peut donc
faire aucune erreur matérielle à son sujet.
' Ff. 468-583. Le T'. /'. i:SfJ a, de toute évidence, été copié sur le
V.P. 124. Il comprend les mêmes omissions de phrases, la même orthographe
des noms propres — à de très rares exceptions près — et ne se distingue
de l'autre que par la modernisation de l'orthographe courante: teologi,
congregasione, nunzio, Paolo, etc. au lieu de thmlogi, congregatione. nuvtio,
Paulo.
LES SOURCES 77
des archives de la maison généralice des Jésuites. J'en connaissais
le très utile inventaire dressé par M. Georges Bourgin ', ancien
membre de l'Ecole française de Rome. Mais il ne signale pas ledocu-
ment que je vis indiqué, sous la cote ms. 403 ^, par le catalogue ma-
nuscrit de la bibliothèque '* avec ce titre : Diario delVasseniblea
de'rescori di Poissi/ per Je rose délia reVuiione et espedieiifl 2>resi
per qitelhi l'nniio 1561. Au premier coup d'np.il je reconnus le « .jour-
nal * des Varia Politicornm 134 et 13f!, mais complet celui-là, car
il comprend, avec la fin du discours de Valence, les autres discus-
sions du 9 octobre et les dernières séances de l'assemblée. Il ajoute
même quelque chose au récit d'Espence puisqu'il s'achève sur une
mention du 17 octobre. De plus je constatai qu'à la suite de ce
diario venaient des arrisi non signalés par l'inventaire, véritable
diario, eux aussi, pour la période du 19 septembre au 26 octobre.
Ce sont ces deux documents qu'il me reste à étudier.
Le ms. gesuifico 403 est un gros volume de 576 folios où sont
réunies des pièces concernant les affaires religieuses de la France
au XVI' siècle. Le Diario âeWassembJea de' vesrovi a Poiss;/ —
tel est son titre exact — y occupe les folios 127 ù 164. 11 for-
mait primitivement, avec les avvisi ([ui lui font suite, un cahier
' Bourgin (Georges), Inventaire analytique et extraits des inss. du fonda
gesuitico de la Bihlioteea nazionale Vittorio Emanuele de Rome concernant
l'hist. de France (XV1''-X1X' s.) extr. de la. Sev. des Bibliothèques, ji^n-
vier-fév. 1906) Paris, 1906; in-8°, 80 pp.
2 L'inventaire de M. Bourgin dit seulement (p. 44): « 399-403, 417, 418 » .
« Miscellanea... venete e d'altri paesi, del aecolo XVI •, XVI= siècle.
^ L'auteur de ee catalogue est le commandeur Giorgi, aiijourrt'luii
directeur de la Bibliothè(ine Casanatense où —comme le commandeur Ca-
sanova, surintendant des Arcliives du royaume, à PArchivio di Stato,
le docteur De Gregori à la Vittorio Emanuele, les directeurs des biblio-
thèques Angelica, Cliigi, Corsini, Vallieelliana — il m'a témoigné la cour-
toisie la plus empressée et (loniié toutes les facilités possibles de travail.
Je ne saurais dire assez combien l'accueil de tous les archivistes et bi-
bliothécaires d'Italie que j'ai eu jusqu'à présent l'occasion de voir, est à
la fois cordial, serviable et simple.
78 KdMK KT IMIISSV
isdir il(jiit 1.1 riiliiil.-itiiiii priiprc a ('•li- siirrliai-géc de celle ilii l'i'-
j^istre. Sou éiwiture italienne, presque droite, régulière et nette, est
cell(^ (|ue l'on reneontre eouraininent dann des lettres de 1561. Il
ne jieut jias i-tre ilc lieauenup postérieur à cette date et se trouve
ainsi l'ainé îles trois manuscrits du lUiirio. Son antériorité par rap-
port aux lieux autres est encore soulignée par des formes et une
orthographe plus arciiaique: fiissf, HljbitJ/f!S<>. l'ipinh', /los/ifi, f.rleriore,
texto, Saxonid. au lieu de fosse, obhedisse, p<jii(df', oslia, asteriore,
testa, Sassoniii, liieu qu'on puisse souvent relever une comparaison
inverse avec le Vnr. Polit. 124.
Quelle parenté y a-t-il entre ce manuscrit de la \ittiirio Knia-
nuele et ceux du Vatican, enti'e eux et roriginai ? Comme les Va-
ria Politicorum, le Gestiitico 403 n'est qu'une copie. Ecrit du com-
mencement à la fin de la même main appliquée — celle qui trans-
crivit également les avris/ suivants — il ne trahit, à ]>art quel-
ques étourderies de lecture, aucune des hésitations que emiiporte
une première l'édactiou. On s'i^n rend mieux compte encore à com-
parer certains passages des trois manuscrits — disons désormais
des deux, le Vnr. Polit. 130 copiant très fidèlement le Vur. Polit. 124.
Là en effet où le copiste de (les. 103 a omis une plir.ise donnée
par Var. Pol. 124, on constate qu'il a été trompé dans sa lecture
par deux mots identiques entre lesquels se trouve la phrase sautée.
Le fait se renouvelle plusieurs fois. 8"il n'y .avait les raisons de
.date que j'ai notées, on pourrait ainsi penser que Vnr. Polit. 124
a servi de modèle à Ges. 403. M.iis ce dernier ne se distin>;'ue pas
de l'autre seulement par des mots ou des membres de phrases omis;
il en diffère e.icore par des expressions dissemblaltles, ajoutées,
et môme contraires. De plus, il lui m;ini|Ue tout le eoiiiiite rendu
de la séance du I' octobre que donne i)ar contre le \'(ir. Polit. 121.
Pour supposer la dé|)endance entre eux il faudrait donc admettre
que le copiste de Ges. 403 a omis déliliérémeut ce iiassage, une
simple inattention ni> pouvant expliquer l'absence des trente ligues
LES SOl'RCES 79
et plus, précédées d'une date visible, qu'il comprend. Inversement,
une autre preuve s'ajoute à celles-ci pour rejeter l'emploi de Ges. 403
par Ym'. Polit. 124. Elle est dans l'interruption de ce dernier au
milieu du récit du 9 octobre, tandis que le premier poursuit jus-
qu'au 17. Il ne s'agit pas d'une suppression de feuillets du Var.
Polit. 124: l'interruption a lieu en effet en pleine page.
Pour ces motifs, il faut considérer que ces deux copies sont
indépendantes et qu'elles n'ont pas été établies d'après le même
modèle. De celui qui a servi :\ chacune d'elles je ne sais rien. Mais
les manuscrits du Vatican et de la Vittorio Emanuele permettent
de préciser certains points concernant l'original.
Celui-ci n'était pas une compilation faite, à l'aide de docu-
ments antérieurs, quelque temps après les événements. Avant de
rechercher si l'auteur du diario assiste lui-même à ceux qu'il dé-
crit, on peut du moins affirmer qu'il rédige ses notes pendant la
tenue de rassemblée et souvent au jour le jour, à mesure que se
déroulent les séances. « Hoggi, XXX di luglio — aujourd'hui,
30 juillet, a eu lieu la première réunion des prélats. ..». C'est
ainsi qu'il débute. Il continuera de la même manière : « Questa
mattina poi, prima di agosto ... ; questa matfina de' due d'agosto ... ;
in questo si è eonsuramato tutto il di d'oggi XII di questo [mese] ».
On a remis aux évêques le programme des questions « che si ha-
veranno da trattare in queste prime congregationi ». Il annonce
son intention d'informer son correspondant à mesure que ces ques-
tions seront traitées : « Non si mancherà di seriverne et avvisarne
a mano a mano». Toutefois, il est certain qu'il rédige d'ordinaire
au passé. Sans trop tenir compte de sa formule la plus habituelle :
« alli 14...: la matina de i XVIII etc.» qui peut fort bien s'en-
tendre Comme un équivalent de: « aujourd'hui l-i . , . , ce matin 18 »,
le caractère de récit iiost erentum ressort nettement d'indications
comme celle-ci: «cette délibération s'est poursuivie fin tiitto il di
XXIX . . . onde // d) segitente ... ; daUi X sino alli XVI ... on traita
80 KOMK ET PdlSSy
de la Miihvriilidii . .. iii«(|ir;'i cf (|uc survint la jniiiiiéc du IC fixée
à iiiiiiiseignciir illustrissime de Loii'aiiie... ». De même, alléguant
une absence (|u"il a dû faire du 17 au 20 septembre, il déclare
n'avoir rien appris de mitaliii- (pii se soit passé jusqu'au 25. Ces
exemples pourraient être multipliés; niais s'il lui arrive d'être en
retard de i(U(d(|ues jours, son récit n'en conserve pas moins toutes
les mari[ues diiu véritable «journal». La rédaction devait en
être terminée au plus tard à la fin d'octobre. Le -i novembre, une
lettre de Ferrare au pape montre que le légat avait à cette date
pris connaissance des décrets de Poisay ', dont il est dit, ])armi les
dernières informations du Diario ; «lea cardinaux demandèrent, le
14 octobre, la permission de les lui communiquer».
L'auteur du Diario est un homme bien renseigné. A-t-il assisté
à quelques unes des séances? Une expression comme le sf heu mi
ricordo — si je m'en souviens bien — qu'il em]iloie. le jour même
de l'ouverture de l'assemblée, en résumant le discours du Chan-
celier, peut ne pas être une simple allusion à un exposé qu'on
viendrait de lui en rapporter. Mais il ne se sert nulle part de ce mode
direct qu'on trouvera sous la plume du P. de Polauco (« et je les vis
alor.s etc...>>j qui puisse sans contredit attester sa présence. A de
nombreux indices, on se rend compte néanmoins qu'il sait aussi exac-
tement le détail de telles attitudes, de tels mouvements de l'auditoire,
que s'il les avait constatés personnellement. Il noter.i (|ue le cardinal
de Tournon s'étant d'abord levé se rassit sur un ordre du roi; il
spécifiera que l.i harangue de Pierre Martyr « fi'i lunga di mez/.a
liora », que le I'. Lainez s'approcha du cardinal de Lorraine pour
lui demander l.i permission de parler. Quand il rapporte l'impres-
sion jiroduite par la fameuse phi-ase de Bèze sur l'Eucharistie, il
ajoute : « Qiiando . . . dette quella comparatione ... si scorse in ogu'uno
generalmente . . . un pallore estr.iordinario, dico etiam di quelli délia
' Arcb. Vat., Concilio ]5(i, i. 1.52. cfr. Susta, I, p. 29:!.
LES SOURCES 81
nuov.i >i('tta >>. Ce n'est là pourtant qu'une connaissance par oui-
tiire. 11 le iléelare lui-même en mentionnant ù propos de l'attitude
du roi (|ui fit mine de se lever après la phrase de Bèze : « il quale
atfetto, diroiiu clie si scorse hucIk! nel Re di Navarra ». De toute
façon, sou information parait puisée :\ la meilleure source.
Il est indiiliitable encore qu'il ne s'est pas uniquement servi
de ses souvenirs personnels ou de ceux d'un témoin qui le rensei-
gnait. Lorsqu'il insère in extenso des morceaux aussi considérables
que les discours de Bèze ou d'Espence, il est bien évident qu'il
ne les a pas retenus de mémoire et qu'on ne les lui a pas réci-
tés. De même, s'il reproduit la censure de la confession de Bèze.
11 a doue eu des documents sous les yeux. A ce propos, telle de
ses réflexions sera intéressante A, retenir. Dans le récit de la séance
du 9 septembre, au moment de copier la harangue de Bèze, il
l'annonce ainsi : l'oratione c/ie lia data in stmnpu, aucor che sia
stata ampliata d'un moudo, seguita in questo modo ». Nous sa-
vions déjà que le texte imprimé de son discours avait été publié
par Bèze dès 15G1, et les éditeurs de V Histoire ecclésiastique
estiment que ce fut « probalilemeut . . . peu de jours après le col-
loque » '. La phrase du diario pourrait préciser la date. A moins de
supposer que l'auteur, rompant avec son habitude de rédiger son
journal, sinon après chaque séance, du moins k très peu de temps
d'intervalle, ait laissé son récit en suspens à partir du 9 septem-
bre pour ne l'achever que le colloque terminé, il faut admettre
que le discours de Bèze fut imprimé presque aussitôt après qu'il
eut été prononcé. Ou bien, sans interrompre pour autant son récit,
le narrateur se serait réservé d'intercaler ce discours par la suite?
De toute manière, il parait impossible, vu l'allure générale du
diario, qu'il ait dil en attendre la communication jusqu'après le
colloque. Ce texte aurait donc été imprimé entre le 9 septembre
' Histoire eccle'siastique des Eglisa réformées, éd. Banni et Cunit?,
t V, p. 560, n. 2.
MflauneH ifAnh. ,1 dllisl. U«l. 6
82 lidMK KT l'OISSY
et le Iti cictolii-c il:it<: fni.ilc (lu iliiino. M;iis si Ton (Mitciid l'ai
liiaioii faite |iar raiitciii' à smi alisciioi^ du 17 au 20 soptemlire
— ainsi i|ii'il scinhlc li'';,''itiine — roiiiini; uni' indication qu'il vu
reprendre un j'uiriial déjà mené Jus(|u'à répoque <le son départ,
il en résulter.iit (pie le diseonrs était imprimé avant le 17 sep-
temlire.
Le (Utirio pourra dnne servir à résoudre r|uelqnes problèmes
de ce genre. Son intérêt, s'il se Uornait à cela, .serait néanmoins
assez mince. Il est lieureusenient ailleurs. On eu jugera par le
texte même qui sera joint, comme pièce Justificative, à cet exposé
des sources «romaines» de Poissy. Je ne ferai ici (prénumérer
les prineiiwles raisons de cet intérêt.
La i)remière est de nons faire connaître l'attitude de l'épis-
copat fran(^ais et le jugement que porte sur lui l'informateur « ro-
main » du (Jiniio. Espence à peine nous renseigne sur un ou deux
votes. Ici nous savons ce que pensent les évêques d'Evreux, de
Lisieux, de Saint-lirieuc, de Paris et de Troyes. Bèze s'est contenté
de souligner les « violences » du premier. On nous dit l'opinion
des prélats sur la ([uestion des annates. des préventions, qui ton-
client de si près la curie romaine. On calcule les appuis ou les
résistances que celle-ci doit rencontrer dans son action.
Espence et Vllistoi}-/' eidcsiastique nous donnent des textes ou
des résumés des principaux discours: le d'iarlo, beaucoup plus com-
plet, en fournit d'I'.spence lui-même, de Pierre Martyr, de Tournon,
des théologiens, qu'on ne rencontre ni dans le Brief receuil ouïe
Traite' de Vefjicnec et rertn de la parole de Diett. ni dans l'His-
toire ecch'siasfiiine. La longue di-scussion sur les ordres monastii|ues,
les 20 août et 4 à S seiiteiiilire, apparaîtra en particulier comme
toute nouvelle.
Enfin, si le diario ne commence qu'au oO juillet tandis que
Espence débute au 2ti. il s'étend un peu plus loin que ce dernier
et surtout donne des renseignements sur des séances dont celui-ci
LES SOUKCES 83
ne parle pas (4, 5, 9, 12, 1:5, 14, 16, 18, 20, 21, 25, 26, 28
août; 4, 8, 10, 28 sept.) ou les eomplète (7 août; 2, 16, 26
sept.; 4 oot.). Ij' Histoire ecclésiastique n'a touché à l'assemlilée
qu'en passant ; pour le colloque lui-même qui fait l'objet de ses
développements, non seulement le cliario rend, naturellement, un
autre son, mais apporte de nouveaux documents.
Le rédacteur du dinrio est donc particulièrement liien reiiseiRné
sur ce qui se passe à Poissj-.
Qui peut-il être ?
Un Italien: cela parait certain, non pas tant à cause de la
langue dans laquelle est écrit le dinrio, langue familière à beau-
coup de Français d'alors, que pour certaines maladresses lorsqu'il
traduit un texte français comme le discours de Bèze ou la confes-
sion de foi des prélats (cette façon, par exemple, de rendre le
pronom on par Vhuomo, ou perceroir par 2^er questo vedere, pour
ce voir!). On pourrait, Je crois, préciser (|ue cet Italien est un ro-
main, si l'on fait attention à des formes, particulières aujourd'hui
encore à la région de Rome : dita pour due, magnate pour man-
yiate, emploj'ées, la première par le (jesuitico 403, la seconde par
le Varia Politicorum 124.
Un catholique : sans aucun doute, ne fût-ce que pour le ton
dont il parle des réformés: et un catholique ennemi des tolérances
du Chancelier.
Un ecclésiastique : tout au moins un homme versé dans les ques-
tions théologiques, cela se sent à la façon dont il les résume.
Un agent de la diplomatie pontificale, ou quelqu'un chargé de
renseigner la Secrétairerie d'Etat: témoin le soin qu'il met à noter
les sentiments de l'assemblée quant aux exemptions de la juridic-
tion épiscopale accordées aux chapitres et aux monastères, quant aux
dispenses d'âge, aux préventions et aux annates, toutes choses en
quoi sont visées les prérogatives du Saint-Siège.
84 I«1MK KT l'OISSV
A groii])Pr cpfl divor.s vlrmi-iits, on iicquiiTt l.i cniu iition (pie
le diarin provient, à n'en pas doutei-, de la nonciature de Pari».
Dans le rej^istre Concilio 138 où sont réunies des analyses de cor-
respondanres di|)loniati(|iies, il en exist(! un al)ré;,'é, pour la période
du 16 au ^1) août, sous le titre Esiratto del diario. il s'y trouve
intercalé au milieu de résumés de lettres du nonce '.
Que celui-ci ait rédigé lui-même le diario, on peut être tenté
de le croire si l'on inter])réte rij^oureusement sa phrase dn 8 sep-
tembre aux légats leur annonçant l'envoi d'uni' copie d'un diario
«qu'il a fait», si également on relève le ton d'autorité des juge-
ments formulés. Mais l'expression de la lettre aux légats peut aussi
bien signifier que ce journal est étalili par ses ordi-es et ((u'il
l'adopte pour sien, de même que ces Jugements peuvent n'être que
ratifiés par lui. Quand on a l'habitude du courrier de Vitei-be, on
est même amené à trouver le style du diario un peu trop imper-
sonnel pour qu'on puisse y reconnaître le langage toujours tran-
chant, souvent emporté, qui est celui des lettres du nonce. Peut-
être aussi cette formule indirecte: « du 17 au 20, l'auteur du diario
s'en fut à la rencontre de monseigneur le légat » et cette autre:
« le cardinal de Châtillon fit savoir que le nonce s'était plaint »
indiquent elles que ce dernier ne tient pas lui-même la plume. Peut-
être encore, comme je l'ai mentionné, faut-il voir dans certaines
phrases — le « se ben mi ricordo » du début, par exemple — la
preuve que le rédacteur assista à quelques séances de l'assemblée;
or, pour ce discours auquel s'applique ce << si je m'en souviens
bien », le nonce écrit au secrétaire d"Etat qu'il a « entendu dire »
que le Chancelier avait qualifié l'assemblée de concile national '.
Il est donc plus vraisemblalile que le diario est l'œuvre d'un
agent de la nmK'iatnre. ,1'ainierais assurément ;'i pouvoir préciser
' Arcb. Vat., Concilio 138, f. 90 r» et v°.
« Ihid., f. 87 r»; 7 août.
LES SOURCES »0
davantage. Mais il faudrait couuaitre tout le personuel attaché à
l'évèque de Viterbe pour avoir quelque raison sérieuse de mettre
un nom en avant. Voici tout ce que j'en sais: le nonce avait un
secrétaire, Cipriano Saracinello, qu'il envoya à Rome avec un rapport
daté du 8 septembre et différentes pièces. Saracinello arriva à Kome
le 19 '. C'est lui, vraisemblablement, qui remit au secrétaire d'Etat
la partie du diario dont le Concilio 138 donne un résumé. Etant
donnée cette dernière date, il ne peut être l'auteur en question
puisque celui-ci est dit avoir été du 17 au 20 septembre au-de-
vant du cardinal de Ferrare près d'arriver à Saint-Germain. Tout
au plus pourrait-il être celui de la première partie et on devrait
admettre qu'il passa la main à un successeur.
Un autre agent de la diplomatie pontificale apparaît souvent à
cette époque : Niquet, abbé de Saiat-Gildas au-Bois. Secrétaire et
liomme de confiance de Ferrare, il apporta en France, au mois de
mars 1561, la bulle de réouverture du concile et remporta la ré-
ponse à Rome. Pour lui attribuer le dlan'o, il faudrait d'abord
établir qu'il était de nouveau à Paris de fin juillet à fin octoljre. Pour
octobre, c'est exact, et c'est probable pour septembre, du moins
en partie. A lui, la phrase sur l'absence, du 17 au 20 septembre,
occasionnée par l'arrivée du légat, peut convenir. Ferrare l'envoya
à Rome le 4 novembre ". Il a pu à cette date emporter la dernière
partie du diario. En était-il l'auteur tandis que Saracinello le se-
rait de la première ?
' Cfr. Susta, I. p. 254. A ce propos, on relève les indications sui-
vantes en ce qui concerne les relations de la nonciature de Paris avec
Rome ou les légats; il fallait environ 10 jours à un courrier pour attein-
dre Rome (Saracinello porteur dun pli du 8 septembre arrive le 19);
10 jours ég.^lelnent de Paris à Trente en remettant les lettres ;i Bologne
(Saracinello, dans le même voyage, remit à Bologne, au courrier les lé-
gats, des pièces qui furent rei;ues à Trente le 19); 5 jours environ de
Rome à Trente (une lettre de Borromeo datée du 26 juillet pars-int aux
légats le !"■ août. Cfr. Susta. 1. p. 54).
' Ibid., p. 302.
Ob ROME ET POiaSY
11 ne faut ]);ih, je crois, songer iri :i Tiin des Jésuites de la
maison de Paris. Il aurait sans doute souligné la reconnaissance de
la Conii)agnie par rassemblée le 15 septembre, et, dans la séance
du 26, qualifié Lainez de «notre Père» ou «notre Père f^énéral *
M(!lon l'usage de ces relifiicux.
(Jm'iim démontre <iii imii l'une de l'es liy|iotliè?<i's (|ii;iiit à l'au-
teur effectif du diario, il est cei'taiu que le nonce en est bien l'au-
teur responsable : par l'ordre qu'il a donné de le tenir, la surveil-
Imucc qu'il a exercée sur ce travail, et l'expression des sentiments
(ju'il a couverts de sou autorité. Dans cette relation nous avons
l'écho fidèle des événements de Poissy tels que les connut et les
apprécia le représentant du Saint-Siège à Paris.
Le dernier document dont j'aie à parler complète très heureuse-
ment et ce récit, et ces jugements ? Ce sont les ArrisI di Francia
MDLXI qui, à la suite du Diario, occupent dans le ms. gesuHico 103
les folios 164 k 193.
Ecrits de la même main que le diario, eux aussi ne sont qu'une
copie. Le fait qu'ils commencent, avec leur date du 19 septembre,
sur la même feuille où s'achève le diario avec la mention du 17
octobre, suffirait à le prouver.
Ils embrassent la période du vendredi 19 septembre au dimanche
26 octobre. Ces dates pourraient au premier al)ord faire conclure k
une simple réplique d'une fraction du diario à laquelle on aurait
donné une suite. Il n'en est rien. Sans doute, on trouvera dans ces
arrisi un résumé de l'assemblée et du colloque (ff. 166 v° 174 v°j,
mais différent d'allure de celui du diario. Plus commentaire que
compte rendu, il est précédé, entremêlé et suivi de considérations
sur la situation générale, d'anecdotes, de descriptions de fêtes, de por-
traits, bref de ces mille détails auxquels on reconnaît un informateur
curieux, témoin souvent de ce qu'il décrit et ayant toujours l'oreille
aux écoutes pour recueillir tout ce qui, de près ou de loin, peut
intéresser son correspondant. Avec des qualités en partie seulement
LES soi: RUES 8(
aemblahles, le rédacteur du diario fait plutôt figure d'einploj'é cons-
«ieucieux, Treil fixé sur la tâche précise, strictement documentaire,
ini peu sèche et uu peu froide, qui lui a été assignée.
Aus-îi, au lieu d'un procès-verbal de l'assemblée et du colloque
tic Poissy, le^ Avvisi constituent ils nu tableau général où ces deux
événements se relieut à l'ensemble de la vie de cour, de la vie re-
ligieuse, politique et mondaine, en cette année 1561. Dès lors, il
y aur.i lieu de se méfier de certaines informations qui risquent
<le n'être que des racontars. Mais le cadre de Poissy en est élargi
«t plus vivant. Le diario y bénéficiera aussi de précisions intéres-
santes, tel le récit détaillé de l'arrivée du cardinal de Ferrare, sa
réception, son installation, son genre de vie, la manière dont il rem-
plit sa mission — toutes choses résumées (?j par le diario dans la pe-
tite phrase laconique déjà citée: «Du 17 au 20 septembre, l'auteur
•s'en fut au-devant de monseigneur illustrissime le légat ».
Car, pour être plus libre dans son récit, le rédacteur des ai-
visi ne vise pas moins à l'exactitude. Il se trompera sur quelques
<late8' en ce qui concerne les événements antérieurs à son « arrivée
A la cour». Mais, pour les faits passés sous ses yeux — car il
est, au contraire de l'auteur du diario, le témoin de la plupart
des choses qu'il raconte — les détails qu'il fournit seront d'un
précieux intérêt.
« .Tournai » aussi que ces tirvisi, du moins pour une bonne partie.
Bien des phrases le prouvent: <,< 13 oct. - on a raconté (la /lier à
Paris ... ; 14 oct. - aujourd'hui sont revenus à la cour ... : 19 oct. -
Monseigneur Santa Croce est arrivé à Paris hier . . .\2h oct. -je
suis venu liier soir ici...*.
On peut facilement préciser, môme pour les passages qui ne
portent pas une date bien définie, l'époque de la rédaction. Les
premières pages semblent avoir été écrites aussitôt après l'arrivée
du légat (19 septembre) par laquelle débute le récit. Ce qui suit,
c'est-à-dire le résumé de l'assemblée et du colloque, est rédigé
88 KOMK ET l'OISSV
avjiiit lo 1 :i octolii'c ,iii plii-i t;ii-il. ])lli^^(|U(■ à ce Jour li- c.irMftère
de « joiirii;il » est attesté par la manière même dont parle l'auteur.
Comme Je I'mI dit, cette rédaction se termine au 26 oetolire.
I,:i minutie avec laquelle sont décrits les gestes du cardinal
de F( rr:iie. le fait (jue son arrivée à la cour semlile coïncider —
:i ]ieM de jniir-^ i)rès du nioin?* — ■ avec celle du iKirr.iteur. dniment
h penser qu'il faut chereher ce dernier parmi les personu:i;,'es qui
accompagnaient le cardinal. Ici le choix devient assez ditfieile. On
VdV.iit dans cette suite trois évêques, des .lésuites. un Frère mineur
et un Dominicain. Ne discutons pas maintenant l'e-vactitudô de
cette liste fournie — on mieux, complétée — parle nonce f^anta
Croce '. Quelle qu'elle soit, les avvisi, par le genre de vie qu'ils
8U])pnsent chez leur auteur, ne paraissent pas convenir ;\ un reli-
gieux Franeiseain ou Duniiuicain, non ])lus qu'au P. Laine/ et à
ses eompagnouB. L'évèque d'Adria, ou celui de Sinigaglia, «m celui
de Fermo? Mettons qu'ils aient accompagné le cardinal, je crois
(|u'il faut voir de iiréférence dans l'aud'ur des arrisi un persim-
nage tout à la fois moins en vue que ces prélats et attaché d'une
manière plus étroite à l:i personne de Ferrare. Les soupçons se
porteraient alors sur cet abbé de 8aint-(4ildas-au-Bois, celui (jue
les correspondances de l'époque appellent tout simplement « Ni-
chetto », secrétaire, confident, agent du Légat, et son courrier de
coutianee pour les missions k Romf'.
.Je reconnais ne faire là qu'une suiipositiou. le texte même des
avvisi ne' trahissant ])oint l'anonynint. Impossible en tout cas d'y
voir caché l'évèque de Viterbe, comme derrière l'anonymnt du â'ntrio.
En effet, sans s'arrêter ;'i d'autres invraisemblances, il -:u()it de no-
ter que l'auteur des nrvisi résume les événements de 1561, anté-
rieurs au 19 septembre, comme ayant précédé son arrivée k la
cour, ('ela ne peut convenir à Viterbe. Le choix ne jiMrait pas non
' Cfr. De ciriUlms (hiUia dissdisioniJius pulil. Marténe (Coll. Scripto-
nan. t. Y, col. 14271.
LES .SOURCES 89
[il IIS devoir se porter sur les représentants de Venise, de Florence ou
(le Ferrare. La raison qui exclut Viterbe les atteint aussi, ou telle
autre équivalente. L'ambassadeur de Ferrare est nommé comme un
tiers par l'auteur des cirvisi. Il en est de même pour celui de Man-
toue qui d'ailleurs n'y aurait pas fait le récit d'une aventure où
son rôle n'est rien moins que glorieux. Michèle Soriano, dans ses
dépêches, parle du légat d'une autre manière que les avrisi ' ; de
plus, ce n'est pas lui qui aurait résumé l'assemblée et le colloque
comme des événements antérieurs à son arrivée, puisqu'il était à Paris
de Juillet à novembre 1561. M. -Antonio Barbaro, qui lui succéda,
déclare ne rien vouloir dire de l'assemblée parce qu'elle << n'eut pas
lieu de [son] temps », et s'il parle de Ferrare, rien ne rappelle
dans ses renseignements ceux des avrisi^. Niccolô Tornabuoni, à
Paris dès juillet 1560, dans ses rapports :Y Cosme de' Medici, ne
mentionne même pas l'arrivée de Ferrare, et la façon dont il traite,
très succinctement, du colloque ne concorde pas avec celle des avrisi ^.
Restons en donc à l'hypothèse de Nichetto, comme vraisemblalile
sinon prouvée, sans exclure toute autre solution.
Cet examen des sources que j'ai appelées «romaines» suffira, je
pense, pour montrer l'intérêt qu'il y a à ne pas les négliger. On n'a
entendu jusqu'à présent que la voix du gouvernement royal et celle
du parti réformé. Convenons que le pape et les évêques de France
ont aussi leur mot à dire en ces matières. Ces sources nous révè-
lent ce qu'ils ont dit et fait. Files justifient l'idée que j'exprimais
' Cfr. Despatches of Michèle Suriano . . . publ. sir Heniy Layard [Hu-
gnenot Society, t. VI), 1891.
^ Cfr. Relazioni degli amhasciatori veneti uJ Seiialo, publ. Alberi,
ser. I, t. IV; p. 151 et sq.
' Cfr. Négocialions diplomatiques de la France arec la Toscane publ.
Desjardins {Coll. Doc. inéd.\ t. III, p. 459 et sq.
:iu itoME KT l'ornsv
îiu début, à savoir (|ue le colloquo de l'oissy a fixé trop excliisive-
ment l'attention de.s historiens de cette évolution religieuse dont
l'année 1561 passe, à bon droit, pour être une date décisive, et que
l'assemblée est d'une tout autre importance au point de vue de l'orien-
tation des idées qui vont diriger la politique religieuse jusqu'à l'E-
dit de Nantes. Si l'on tient :i faire du colloque une «clé» permet-
tant de pénétrer le secret des combinaisons de Catherine de Médi-
cis, les sources romaines prouvent qu'il faut en employer une se-
conde pour déchiffrer entièrement le texte confus de cette époque.
Cette seconde « clé », les sources romaines nous la livrent. Elles met-
tent la politique de Uome en face de celle de la reine.
Ce sont les origines et le développement de ce cdutiit que je
vais essayer de retracer.
(A suivre) .
Joseph Rosekot dk Melix.
MDLXI. Diai'io dellassemblea de' Veseovi ii l'uissy '.
A. Original inconnu.
B. Copie du XVI" s. — Rome, Bibl. Vittorio Enianuele, fonda ge-
sititico, ms. 403, ff. 127-164.
C. Copie fin XXl' s. couim.' XVII''. Aieh. Vaticanes, Miscellanea,
aiiu. II, vol. 125 ;ou Varia Poh'ticoriim 124).
D. Copie XVII'= s. ou connu.' XVHI". Aich. Vaticanes, Miscellanea,
aim. II. vol. l.SH (ou ]'ar. Polit. 13tj).
127 Hoggi, XXX di luglio, è stata la prima cougregatione de' pre-
lati dove è interveuuto il re eon la madré et cou tutto il suo
cousiglio. Et si li è dato principio con non su che poche parole
elle ha detto Sua Maestà. [le qualijj, con tutto che da i più non
fussero iutese, parve pen'i elle volessero inferire che biso^n.iva che
in questa aduuauza si quietassero i tnmulti et divisione ch'erano
iu questo regno per couto délia religione. Il quai propos! to fu poi
seguitato dal cancelliere cou uua lunga oratione nel princiiiio dell.i
' La copie qui porte ce titie et dont le te.Kte est donné ici est celle
du lus. yesuitico 4()3 que j" ai préférée à celles de Varia Politicorum 124
et 131! pour les raisons exposées au chap. des sources romaines. Je la
complète ou la corrige à l'aide de Var. Polit. I:i4 (et, dans nn seul cas.
de Var. Polit. 130]. Les additions sont mises entre crochets [ ] ; les
lectures préférées sont signalées en note ainsi que les variantes intéres-
santes qui ne pouvaient toutefois servir de complément ou de correc-
tion. — Pour lune comme pour lautie de ces copies, je ne tiens aucun
compte de la ponctuation, ni de l'attribution des majuscules, ni des
formes u pour v, ou v pour u. (Qu'il suffise de dire que dans ces mss.
tous les v sont écrits u et quelques u, au commencement d un mot, sont
écrits v). Mais je conserve telle quelle l'accentuation, les j finaux, la ma-
nière de transcrire les chiffres, certaines abbréviations d'une signification
évidente, comme S. S'", S. il/'", S"", car''', ill»'^ etc., et, naturellement,
l'orthographe des noms propres, même celle des noms communs, sauf à
mentionner par sic les cas incontestables d'inattention.
« F. P. 134.
92 BOME ET IMUSSY
(|iliile, scusamlosi, Sdttn il (•iiiii.iti(l:iiiii-iitii (Ici n-, du- à lui r-li'ci-a
ignorante H pcffatore fusse tocco (Il nioRtrare, in un conseiiso «le
tanti sig." di hiioniRsima vita et di eccellénte doctrina, quello olie
si havesse à tare, disse ehe si doveva eredere che essendo il cuore
de i re in niano di Dio, S. M/" eliristianissiina, per diviua inspi-
ratione si fusse mossa à eonvocarli, liavendn per avventura riser-
vato à Ici la gratia di poter ridurre in tranquillità et unione
quelle discordie et tr.-ivagli ehe, da qnaldie teni]») in quà. si erano
suscitati in Francia jht ccinto délia rfligionc, rosa che non era
piaciuta a S. M. divina di eoncedere ne al re Francesco primo,
110 à llenrico et Francesco seconde, si corne non gli piacque che
Moyse iiitroducesse il populo noUa terra di proinissione et David
dedicasse il tempio, ma si beiie Josuè et Salamone fsie) : et eoii
cio sia che altre volte era stato risoluto che il vero et solo rime-
dio de' presenti mali era un coneilio /< générale o nationale, il re
Francesco haveva fatto pin volte instanza al papa che volesse cou
l'autorit;'! ,Mi;i ))rocurarc che si liavesse un i)Uon coneilio. etc. Ma
coine la cliristianità è divisa in tanti potentati che son difficili
ad accordarsi in questa parte, il negotio era andato tuttavia alla
lunga, et che, anco adesso che era inditto, Dio sa qnando se ne
fusse venuto alla fine ! Di modo che si poteva temere che fra tanto
il maie di questo regno non si facesse incuraliile essendo urgen-
tissimo et havendo bisogno di rimedio présente il quale era nelle
mani di essi prelati et che loro erano fatti giudici di questa causa
nella discussioiie ' délia quale si dovevano perô spogliare di tutte
le passioni et interessi proprij et proporsi solamente per fine
l'honore di Dio, il benefitio délia Francia et la carità verso il
prossimo. Et su questo disse clie cou quelli delh» nuova religioue
si havevano da portare come padri et come pastori, ammonendoli,
iiisegnandoli et tirandoli doleemente, et non nsare quel rigore del
' G. 4(lS : divisione.
joriiXAi, DK l'assemblée 93
tuocd elle s'era usato per il passato, il quale haveva fattd scmpre
nuiltiplieare in luoco d'estingiiere il uumero degli Iieretici; et
qiiesto eonfermo con più esempi et particolarmente con quelle
délia setta ariiana. Entn'i poi à dire clie si niaravigliava che vi
fiissero alcuni che trovassero strano elle si t'acesse uù coiicilio
nationale, essendo che questa non era cosa nuova et che non sola-
v" mente [se n']erano fatti altre volte, ma si era visto che ne i | con-
cilij provinciali erano stati ritrattati de concilij uuiversali allegando
(se ben mi ricordo) la ritrattatione del eoneilio ariminense. Et ad
altri che dicevano che questo non si dovesse fare in tempo che
eravamo cosi sotto al eoneilio générale che già si era risposto,
che 1 riniedio di qnello per le difficultà dette di sopra era troppo
lontano, oltra che loro, per la cognitione che havevano dell'infir-
iiiità délia Fi-ancia, et per Taffettioue che dovevano havere à gli
ammalati ch'erano lor padri^ figliuoli et fratelli, potevano trovare
et applicare medicamenti più salutari ' che non haverelibe fatto
UU medico forastiero : auzi che esso teneva per certo che '1 papa
niedesimo -, quando in questo gli havessero domandato consiglio,
non haverebbe fatto altro che consigllarsi con loro corne quelli che
beu sapevano dove peceavano gli humori ; et che quando non lo
havessero voluto '' cliiamar coueilio, lo chiamassero assemblea, ô
con quel nome che volevano, pur * che con esso si remédiasse à
i presenti bisogui : et che tutto quello che determinassero si saria
potuto mandare al eoneilio générale, se si facesse, o sottoposto alla
censura del papa et délia Sede Apostolica, et che dovevano assi-
curarsi che S. S.''^ l'haveria trovato ' buouo purche vedesse che ci
tusse il servitio di IHo et Tutilità di questo regno; et che tauto
* V. P. 134: rimedii più salutiferi.
2 Omis par F. P. 1^4.
' F. P. 124: si saria potuto.
* G. 403: più.
' F. 1'. 124 : ritrovato.
94 HO.MK ET l>UI.S.sy
])ii'i si (lovevaiio sforzarc di far l)eiie quaiito in tal caso potevaiio
psser ccrti clie il re liaveria fatt" osservare inviolaliilniciit*; i loro
editti et constitiitioiii. Dove inaiicaiido per il contrario ai debito
loro, oltra die quel die determinasisei-o non duraria tre giorni,
li.-tvevano da temere Tira di l'io, et di non esnere astretti poi a
fare. loro mal grado, <iU('llo dio non liavessero voluto fare di liuona
voglia. Fiuito chc ebbe il oancelliere, il rev.'"" car.'" di Turnone,
corne j)resideute et cape dell'assembla (sic), si levo su, et ritor-
nato poi à sedere, per comandaraonto dd ré, ringratiô Sua M.'"
clie si fusse degnata di aiidarc ad liononirc qudla compagnia con
la preseuza sua. et, ad iniitatione di Costantino, messosi à sedere
cou gli altri vescovi, et délia Ijuona volontà clie mostrava a suoi
sudditi. Uispose che, credendo loro che se li havesse da parlare
sopra i capi die conteneva la lettera in virtù délia quale S. M.'-'
gli havcva fatti adunare, già si erano apparecebiati alla risposta,
ma che, essendo stata la proposta di inonsigaore cancelliere di versa
da qublla, era for/.ato a pregare S. M.'-' che gli volesse dar li-
centia d'ussemblarsi fra loro per cousultare ciù die si liavesse da
rispondere, et, a fine che lo potessero far più maturamente, si
contentasse anche di voler far dar loro la detta proposta ' in
f. 128 scriptis; et che, in tanto, esso poteva || assicurare S. M.*" che lei
non haveria saputo desiderare ne maggior zelo, ne miglior volont;'i
di quel che si scoiiriva in tutti quei prdati : et che, quanto a
quelli délia nuova religioue essi si sariano portât! con loro da
padri et da pastori se si fussero voluti riconoseere et ricevere gli
aramaestramenti et ammonitionj et non darle. Ne si passn per
all'hora più oltre. liavendo questa risposta di Turnone ben sodi-
, sfatto al re et a tutta l'assemblca. cccetto die il caucdliere ri-
spose di non poter dare la sua proposta in scriptis perche, podie
bore innanzi, gli era bisognatu niutare il proposito che liaveva
' G. 403: risposta; I'. J'. l:J4 : preposta.
JOURNAL DE L ASSEMBLEE 9f>
peiisato di tenere, di sorte che potev;i dire di liaver parl.ito al-
l'improviso. Et esseiidogli di nuovo fatto istanza da' prelati, et
dal re et regina acconsentito, che si desse, lui disse che erano in
quella comjjagnia hnoraini taiito dotti et di taiito buona meniDria
che si sarebbono ricordati di quel circgli liaveva detto ; et che
lui havria potuto heu fare un'altra nratioiie, ma dir le medesime
cose et cou tiucirordiiie era impossiliile. Tuttavolta, quanto più
subterfugij esso cereava di non voler mettere nuUa in scriptis,
tanto più replicavano et instavano i detti prelati, et la regina
coniando che si desse in ogni modo.
Questa mattina poi, prima di agosto, i prelati 8i sono radunati
fra loro, et havendo votato su la proposta del Cancielliere (sic), si
è risoluto di non volere acconsentire in aleun modo a concilio na
tionale, ma si bene à una semplice asserablea, con patto perô che
non s'hahbia da entrare a dentro [più] ' di quel che possono et
devono liuonamentc, rimettendo tutto quel che faranno alla censura
di S. S.** et délia Sede Apostolica.
VA per il vero non si puô laudare à bastanza l'unione che si
vede insin (jui in tutti i jirelati ", non essendone inteso pure un
s)lo che alibi dato voto scandaloso, anzi essondosi sentito ' quel
che molti non aspettavano dal car.^® Ciattiglione *, havendo S. S.
ill.'"-^ '' dettu bene la scntentia sua et di più t'atto un lnnf;'o en-
comio in lande di N. S."'. F. stato anco risoluto fra loro che in
((uesta prima domenica si cauti una messa solenne la ([uale sarà
celebrata dal S.<"' car.''' Arraignach '', et che tanto i vescovi come
i deputati jiabliino a ricevere il santissimo sacramento et che chi
' V. P. 1:^4: ad entrai- più dcntio di quel.
'^ V. P. 124: si vede sin (pii de prelati.
3 F. P. 124: inteso.
* Châtillon.
^ V. P. l:iii: sua Santità ill."'-*.
« F. P. 124: d'Arniignaili.
ROME ET l'OI.S.SV
lion vi si trova niia e-sduso del tutto ila qucsta compagnia. Fu aii-
v" elle ] risoluto flic non si faeease congrégation générale se non due
volte la scttiniaiia. iIim'- il liinecli et giovedi, la domenica si va-
casse il i divini ullirij, et clie gli altri 4 giorni si consultassf, —
fra i (leputati clie sono i SS.""' eardinali di Lorena et Borhone,
l'arcivescovo di Torsi ' et i vescovi di Uses, Evreux, Soes ', Paris,
Orlean ^, Lavaiir ', Lisienx ", inaienic con alcnni tlieologi, —
quello elle si havesse a proporre nella congregatione générale.
I quali essendosi congregati il dopo desinare, i theologi fecero in-
stanza di volere intervciiirc et dare aiieo loro il voto nella cor-
gregation générale, il clie qucgli altri non volsero acconsentiie
senza la particiiiatioiie di tutta la eompagnia. Onde, et per questo,
et perche si era odorato che doppo clie i prelati son ridotti *• à
Poissy il re hareria risoluto un editto nel quale ordinas-se che, da
qui innanzi, le parrocchiali fussero elettive, et di più che negli
atati che si hanno da tenerc a Pintoisa " voleva separare da i
vescovi lo stato ecclesiastico et trattare con essi a parti (sic), fu
intimata istraordinariamente la congrégation générale per questa
matina de' * due d'agosto nella quale, essendosi resi i voti sopra
tntte tre queste eose, fu risoluto circn alla prima, che si eleges-
sero XII theologi i quali havessero da entrare in congregatione
solamente quando fussero domandati, et all'hora parlare per modo di
consultatione. Et qnanto alFaltre, due furono eletti i eardinali Armi-
irnacli et Sciattiglione et 11 vescovi di Kvreux et di Bainsa' ad andare
' Tours.
' Séez. V. P. 124: Sois. .
■■< V. P. IM: Oïliens.
* V. P. 124: La Vacar.
5 G. 403: Liseux.
« Omis par F. P. 124.
' Pontoise.
« Omis par V. P. 124.
^ Baveux. T'. P. H4 : Ravusa.
.lOl'RNAL J)K L'AS.SE.MIiLKK 97
ilitinnii ;i rimostrare al re clie, essendo qiiesto editto seaiidalo.so,
di m.ila consequeiitia et trojjpo pre{,nuditiale alla lil)ertà ecclesia-
stica, S. M/" non vo^lia imblicarlo ne innovare eosa aleuna du-
rante questa assemblea, o almeno gli faccia dar copia deU'editto,
affine che loro possino dire aU'incontro le lor ragioni, et non vogli
far cosa che non possi senza liavergli uditi '. Et, quanto all'altro
particnlare, che, essendo Fordine ecclesiastico tutto un corpo,
S. M.*-' non vogli dividerlo, massime che il lor clerc non si con-
tenta ne puo rispouder' nulla aile pr[opJoste di S. M.'^'^ senza i
suoi vescovi.
Si è anco niandato hoggi a sollecitare il cancelliere che dia
la copia délia sua proposta, ma in lui si è scoperta poca fantasia
di darla.
Domenica a' '■ tre d'agosto si [è] atteso solamente aile cose
{. 129 delTanima, havendo tanto i cardinal! et || vescovi corae i deputati
de gli absenti et i theologi preso il santissimo sacramento tutti
di coiupagnia, eccettuati pei'o il S."'' car.'*" di Sciattiglion, Valenza,
i due vicarij di Tolosa ^ et Beovois ', due de' quali, ciô è i
primi, furono comraunicati da parte dal vescovo di Uses, et gli altri
due dall'abbate di Salignac; la quai cosa non è passata senza
scaudalo di molti, per qualche ombra et sospitione che si ha del-
l'opinione " di questi vj. Il doppo desinare andorno i due cardi-
nali e i due vescovi deputati ad esponere la loro ambasciata alla
regina et al consiglio : et fu loro risposto ch'erano stati maie in-
formati quanto al particolare délie parrocliiali, perche di quello
non se u'era mai parlato, nia si bene di mandare ad esecutione
' V. P. 124 : senza essere uditj.
2 Omis par T'. P. 134.
3 Toulouse. G. 403: Tolesa.
* Beauvais.
° V. P. 134: s' ha di qnesti sei.
Mèlaiiçies d'Arcli. et d'HM. 19-21. 7
9H Rd.MK i:t roissv
cio clii- In lisdliitii iij <>iliiMs ciic.i l;i iiiiiiii)iati<in(' df i vescovadi
elle vacHvatxi iliiraiito la initinr l'tà (Ici vc. cii»'- clic xij iiobili et
xij cittadiiii layci. insicmc cdI iiictni]iolitaiiii et simi sufrra;,'aiii et
il rapitolo et cmati dclla cliicsa clic Rarà vacante, lialiliiiio j,'!!!!!-
tamentp a ])rocedcre alla elcttioiu; di iij iicrsoiiaggi, iiiio de" quali
sarà poi eletto dal re ot iiominafo a X. S."'. Kt havciido fatto i
detti ' S.'' (Icpiitati iiistantia clic aiiclic di (|ncsto non volessero
[dejterniinarc cosa alcnna sinn a tanto clic craiio occupati ncU'as-
semblca, fi'i lor risposto olie in qiiestn non si facova prefrinditii»
se non al rc, la conscicn/.M d<'l ([uale volevano vcdcrc di non a-r-
gravarla durante la sua piieritia. Kt cosi s'iiitendc cliç lianno poi '
esegnito, liavendo niandato ])er monsij;.''' di Silva ^ al parlampnto
qnesta espeditione, insieme con moite altre clie furono accordate
in (h'iiens tocoaiiti la politia dcl re;riio : et, per quel die si cicde,
sarà facil cosa clio '1 dotto ])arianicnto non voglia acconsentire clio
i laici lialibino jjarte in qnesta elettionc, jier participare délie
préposition! et opinionj' di Oalvino et atte ■* a cavare '" più tosto
inalc elle 'icnc. (^nanto ]ioi al pardcolar" délia separatione di die
s'erano <lolnti, fn trovafa la pétition loro ra^'ionevole, et die, es-
sendo o doveiido venire i depiitati dcl clcin .1 l'ontoisa, ne es.sendo
ragione die essi prelatj lassassero '" la fattioiie piii importante per
vacaro a quest'altra, andassero pensando fra loro la sovventione
die vorriano dare al rè, perche 8. M.'-' Tassicnrava die non | lia-
veria voliito da loro pii'i di quello die liavessero potuto et voluto.
Kt ultiniamente si risolsero di non voler dare la propositione del
caiicellierc in scri])tis. non liavendo quel sig."' detto cosa iirenie-
' Omis par T. 1'. VM.
^ ^'. p. J.'l : s"inten<lc )ioi cl
■' Selve.
* G. 4()H: con atti.
■' V. P. 134 : causare.
"' V. P. rj-l : interlassassero.
JOURNAL DE 1," ASSEMBLÉE 99
ditataiTiente, ne dovendo lor vcscovi ponderare o star ' tanto suUe
parole: clie lassassero star gli effetti, essendo clie il line dalla
proposta di esso cancelllere non tcndeva ad altro elie à esortargli
a pigliare qualche riraedio aile turliulentie di questo regno che
non pativano dilatione. Et con questa risolutione detti s.'' se ne
tornaro à Poissy. La sera poi al tardj, fu mandate a tutti i pre-
iati la nota délie proposition! che si haveranno da trattare in
queste prime congregationi, che sarà con questa. Et come ci sia
niente di risoiuto, non si mancherà di scriverne et avvisarne a
mano a mano, non esseudosi sino ad hora odorato altro se non che,
quanto all'articolo délia pluralità de' benefitij, il sig.'' cardinale
di Borboue ha dato un voto degno délia bontà, pietà et grandezza
sua, cioè che si contenta di restare con due soli di v o vij che
u'iia.
Alli i et 5, non si è fatto altro clie ragionare délia cosa délia
sovventione, perche esseudosi sparso un rômore, si ben con poco
fondamento, che il rè diseguava di gravar' forte la mano sopra
gli ecclesiastici et cavarne per il menu da xvij milioni di franchi
con alienarue per un milione d'entrata, sono stati a consultare il
partito che si haveva da pigliare. senza perô che sia coucluso
nulla fra loro.
Alli 6, comparse poi a Poissy il connestabile et niousig.' di
Mortier mandati dalla regina. pjt essendo ricevuti in congregatione,
detto connestabile espose la causa délia lor venuta, la quale era
in sostauza che la regina gli mandava per visitar quella compa-
gnia et per fargli inteudere che S. M.'" si trovava molto contenta
et sodisfatta del buon priiicipio che havevan dato a questo saut"
negoti" (lella religione, massime colla precedentia délia conimunionc
' r. P. 1:24: pondérale tanto su le parole.
100 KOMK KT PrjlSHY
gênerait^ clic si eru fatta : et clic spcrava clic ropcra si saria coii-
dotta in modo clie, prima, qiiesto regiio, et, consequcutcmciite, tutta
hi cristianità n'iiaveria Bcntito liciiefitio ; ma die lien S. M.'" »i
doleva clie l'havcssei-o tralassata un poco pcr attciidciv à una
f. 130 eo8a || di nianco importanza eon haver dato oreccliie a nn:i voce
vana du; il rè disegnasse di fare alienatione de' béni délia
Chiesa, etc. perche questa non era stata mai sua iiitentione et non
se n'era mai ragionato se non da qnalcli iino privatamente et per
modo di divisare ', et clie si assicurassero pure die S. M.'" vo-
leva conservare et accrescer' quelle stato più presto die diininiiirlo.
Ma die era ben vero die, essendo stati quasi tutti loro beiieticati
dal padre et dall'avo del l'è, dovevano liavcrlo per raccomandato
ncUe sue nécessita, et che in questo non si ))refigeva loro alcun
termine, ma solamente clie facessero quel elie potessero et voles-
sero et ne trattassero quando gli (sic) pareva, ne per questo aflfare
interrompessero punto la loro ]irincipale impresa; se liene gl'eBor-
tava, per benefitio loro et d"altri, à terminarc il tutto più jircsto
clie fusse possibile. Dipoi il detto s/"" connestabile fece le sue
eerimonie private, mostrando rafTettioiie et devotione die haveva
a quel dignissinio ordine et quanto " desiderava di potergli far
servitio in publico et in privato. Fugli risposto dal s/" car.'*" di
Tornoiie, in nome di tutta la compagnia, die loro ringratiavano
la regina del favore die gli haveva fatto in mandarli a visitare,
il quale era stato tanto maggiore quanto s'era servits d'un perso-
naggio dolla portata ch'era rEeeellenza sua: la ringratiavano pa-
riinenti dell'opinione die liaveva che in quella assemblea si fusse
per fare qualche buon frutto [nel] che si sariano affaticati quanto
dovevano ; et ultimamente deirinimanit;\ et modestia clie usava cou
essi circa il fatto délia sovventione et ch'egli ' liavesse levato ogiii
' G. 40o : dicusare. .
- Ibid. : (|uanto clie.
•' V. P. 134: che gli havessc levato ogni sciiipulo dall aiiiniu.
JOURNAL DE l'aSSEMBLÉIB 101
scrupnlo lial lor" animo perche, in efFetto, se beiie in congregatione
non s'era mai ragionato de i disegni ehe si diceva havere il rè
sopra le cose délia Cliiesa, pur s'erano divolgati de" propositi in
questa materia ehe portavan fastidio a loro et uiuno honore alla
S. M/-'', la quale haverebbe anciii! conosciuto in questa parte ehe
gli erano araorevolissinii et fidelissimi suggetti, etc. La iiresentia
del connestabile et la qualità dell'ambasciata ha molto confortato
questi s.'' prelati di modo ehe attendono incessantemente alla loro
impresa, et dove havevauo ordinato di far congrégation publica
due volte la settimana, adesso la fanno ogni di due volte, luivendo
cominciato alli vij à entrare nelle cose délia riforma al ehe son
procedute non so ehe poche parole del s."'' cardinale di Turuone,
il quale, parlando in laude délia buon'opera ehe incominciavano,
concluse pero ehe tutto quel ehe si déterminasse s'intendesse con
protesta del beneplacito et censura del papa, délia Sede Apostolica
et del concilio ehe era già aperto ; la quai cosa non solaniente fù
approvata, ma risoluto ehe se lie rogasse un acto solenne, et cosi
fu fatto. Si comincio poi dal primo articulo ehe contiene : Quid
praescribe/idion sit ejj/scopis. Et sopra questo fu opinato lunga-
raente da iij theologi de i sij deputati, et il doppo desinare ne
parlorno iij altri.
Alli viij si è seguito il medesimo ordine, ne si è fatto altro se
non ehe hanno cousultato gli altri vj theologi et alcuni canonisti.
Alli viiij poi, prima ehe i vescùvi ehe dovevano dire l'opinion
loro nella medesima materia comiuciorno ' à parlare, il cardinale
di Tornone propose ehe, per meglio mostrare Tunione ehe era fra
essi, si dovesse fare una confessione di fede [générale] ^ in quel
' V. P. IM: cominciassero.
- G. 403: confessione di fede qitantu (?).
102 HOMK ET POISSV
modo elle fusse parso all;i comp;ignia ; la qnal proposta parendo
a (|iialciriiiio clie, se fusse stata adniessa, potesse facilnioiite causar
disordini' et confiiRiono, et iiin-isimc se fniMlfli'iiiio liavessc )-if>usato
di escquirla corne si poteva sospettarc, non pass" altrimciite. Ma
fil per li pii'i conrliiso che se ])iir parca neeessario clu; la detta
confessiiiiie si faeesse, questo si riserbasse alla fine dell'assemblea,
et elle in taiito s'iiavesse taeitamente per fatta [oon] la commii-
niont' elle fecero iiisicme l'altro f,'iorno ; si clic, sciiz'alti'a ))i-ece-
dentia, si venne al dir de' pareri, ne quali, et per essere la ma-
teria di inolti capi et appartcnenfe alla persona di essi veseovi, si
c lassato il campo liheni a ciascuiio di compiaccrsi in quel che
f. 131 pii'i j;li c piaeinto. || Et in questo si è consummato tutto il di
d'hog^i xij di questo, et ci resta aucora a cavare gli articuli di
quel che si è dette, d'approvarli et di forniai'nc il decreto. Si po-
triano dire molti particolari d'intorno alfopinioni che sono uscite ;
ma si riserl)ono a mandargli cou i capi distintaraente deile >eM-
tentie più notabili et niassime de' theologi et canonisti a' quali,
senza aggiungerei nnlla ' che importi, si è rimessa una gran parte
de' veseovi. L'orationc del sig.'" card.'*' di Lorena è stata, fra
l'altre, illustre, havendo molto ordinatamento compreso con essa
quasi tutto quello che si pu<') dire circa munus episcopale. Et in
particularc, quanto alla rcsidenti.i, lia detto clie se il rè vorrà
astrlngere quelli clic suuo del suo coiisiglio privato a st.ar conti-
novainente alla corte, essi dehliino più tosto risegnare il veseovado
che stare di continovo absent! dalla sua chiesa; et che si debba
jiregare il rè' a non aniniettere [piùj "' per l'avvenire veseovi in
detto consiglio. Ha consultato ancora che si deveria supplicare à
S. S.'" di concedere manco suffraganei che si puo in questo regno,
et che non volesse, da qui innanzi, approvare la persona de' ve-
' r. P. lâà: cosa nnlla.
• G. 403: non ammettere per l'avrenirc più veseovi.
.loi" UN AI. 1)K l'assemblée 103
scovi elle saniiino nominati se non con quelle couditioni elle coii-
tieiie la forma de coneordati. Seiattiglione nella sua parte ' lia
coiicliisi) cou L'oreua fsic; et ha detto che si doverebbe scrivere
al papa et reiidergli conto di quest'assemblea. Ma ha bene agglunto
elle qiie^ti délia iiuova religione non si dovevano, per sua opinione ',
(hiamar loro avvei-sarij ma pii'i presto ^ deviati, et che bisognava
iiisegiiarli et cerear" ogni iiiezzo di ridurli con caritA. et non con
asprezza. Et di questo lia parhito in un certo modo ' che alcuni
lianno creduto elle egli sappi che qiialeh'un d'essi ha da coniparire
in steceato. Valenza si è contenuto sin qui dentro à termini ne
ha detto cosa che possi dar' ombra o sospitione alcuna, se non in
quanto parlando deiramministratioue de' sacramenti che il vescovo
deveria tare spesse volte per se stesso, corne di battezzare '' et
altro, disse che saria stato anche bene che quattro o sei volte
v" l'anno havesse fatto una communione générale et fatto partecipe | il
suo popolo del corpo et del sangue del Siguore. Dal che alcuni
hanno preso occasione di calunniarlo che egli halibia voluto inten-
dere che cio si dovesse fare sub utraque specie come pare che
inferisclii nel suo catechisino.
AUi xiij. essendosi inteso che gli heretici havevano occupato
le chiese délia Vaura et d'Appames ^, la congregatione deputù i
S.'' cardinal! di Toruoue et d'Armignacli ' per audare a pregare
la regiua che volasse ripriniere queste insolentie con qualche buoua
provisione. Et Lavendo eseguito l'uffitio loro, et fattolo confermare
da un gentirhuomo che era venuto k posta con questa nuova, oltra
' T'. P. 124 : nella più parte.
' T". P. 124: suo parère.
3 V. P. 124: tosto.
* V. P. 124: mezzo.
'^ F. P. 124: fare per se istesso, come di battezzare spesse volte.
•^ Lavaur, Pamiers.
" T'. P. 124 : et Armignac.
1U4 HOMK KT r'OlSSV
l'essersi haviitd .-iwisri olic 'I sig.'" cardinale Strozzi liaveva por-
tato un siinil pericolo nella persona sna, et che si eraiio fatte
altre novitA in |iii'i |iarti (Ici regno, S. M.'" risjiDSc cIk; voIcvh die
le cose dellu Cliicsa fiiHsoro (•(inscrvatc in o;,'iii modo et ordini'i rlie
si spedissero letterc patciiti a tutti i ;<ovei'Mat()ri de' liio;;flii et
offitiali regij clie in simili occasioni pigliaasero le armi et faecs-
sero osscfvare l'editto del rè. 11 clie è giiidicato elie sia un buoii
rimedio.
(iuesto medesimo giornn, liavendo tutti i vcscovi tiuito di votare
so))ra il primo articnio, et parendo (•hf il S.'" far.''' di L'ireno
liavesse dette ' et compreso ogni cosa cmi il sim voto, fi'i pregato
a volerlo mettere in isoritto per ])otcre con (|Mrll(i prineipalmente
t'ormare il lor "^ decri'ti), il qnale o alnieno la sostanza si niaiidonV
corne sar;\ fatto. Hor, mentre che clii ha il carico attende à far
questo, si entro per non perder tempo à dire Topinioni sopra gli
altri artiouli, csaiiiiiiando (|iici [(•in(|iiej ^ flie seguono suceessiva-
mente doppo il primo, tutti iii nua volta, et cominciando secondo
Tordinc da i theologi ehe, quel di, ne ])arlaroiio sei, tra' i|nali
furono de i primi Buttiglier et Salignac, intervenendovi il ])rinoi))(ï
di Coude et quello délia Rocca Sorion * ehe ne pregarono la con-
gregatione et furno niodestirai ascoltatori. Il detto Buttigliere par-
f. 132 lando de || dignitatibus ecclesiarum cathedralium tooco il primato
délia Cliiesa, et redegit in ordinem la romana mettendola la terza
o quarta cathédrale tra vj ehe ne noniino ci<iè la detta romana,
la hierosolimitana, alcssandrina, antioehena, eonstantinopolitaua et
rartaginese, et hiasmo anche gli organi et qualeh'altra cirimonia
che s'usa nella ('hiesa. Et, in somma, in tutti i suoi parcri an-
dava daudo qnalche saggio délia sua poco buona dottrina, si come
' V. r. IM : detto benissimo.
- Omis par V. P. r^4.
^ G. 403 : quel vescovi che . . .
' V. P. i:J4 : Roccasurion (I.a Hoclie-siir-'^'on).
JOURNAI. DE l'assemblée 105
iiel primo articulo niostro di tenere secondo l'opinione d'Aerio
olie episcopus non esset supra praesbitenim et disse parimente
t'iie, quanto a lui, teneva clic i suffraganei non liavessero aiitorità
nessuna.
Alli xiiij, furono ascoltati altri quattro theologi solaraente,
de" quali non vi è per adesso altro clie dire di notaliile. se non
che. tanto questi conie qiielli che havevano parlato prima, par clie
quasi tutti dieno niolto a traverso aU'esentione, che si concède a
i capituli, délia potestà de' vescovi.
Alli XV, s'attese a celelirare la festa.
Alli xvj, seguitando i canonisti et theologi di dire il parer
loro fu da alcuno di essi proposto che per l'avvenire si provedesse
à i beneficij con cuni per elettione del populo, accioche non ea-
dessero in mani di persone ignoranti, di niala vita et non atte a
siniil carieo, si come interveniva bene spesso in coloro che si erano
provisti, o per via di Roma dove si davano a chi correva nieglio,
o verameute da i vescovi clie gli couferivano senza distintione a
staffieri ', cuochi * et ad altri simili lor servitori. Ma à ' questo fu
risposto ' che non per cin si venivano a fuggire gli iuconvenienti,
anzi che col farli elettivi si saria dato occasione a ' pratiche ille-
cite, à simonie et a raolti altri disordini, oltra che non era cosa
honesta che i pastori che havevano a rispondere " del lor gregge
non havessero anco a sodisfarsi di qtiesta sorte di ministri. Onde
convennero che il meglio fusse di pregare il papa che li piacesse
' V. P. 124: cocchieri.
2 Omis par T'. P. J2i.
3 M.
* V. P. IM: visto.
5 G. 403: à.
"■ V. P. 124 : (lisponere.
106 ROME ET POI.SSV
<li levjir via la preventioiie et rimetterli ;ill:i (iispcisitioiie di qiicUi
a chi toc'ca ordinariamente conferirli, i qiiali, cciu l'ordine ehc si
farà rirm i ciirati, dovoraiino eleggcr semprc pi-rsone idonee et
v° suffieioiiti. Si h. | anolio parlato ehe la troppo facile coiicessione
dclle ilispense è stata caiisii di iiKilti alnisi, et 1)it taiito si è de-
terniinato che s\ supplic.lii parimeiite S. S/" a ikhi volcrc dispeii-
aare su2)fir aetate, taiito ne' curati corne ne can<inii'i ' et di questi '
non volerue crear più ad eff'eclum.
x\lli xvij i pri'lati non si adiinanino per csserc il di di do-
menica.
La niattina de i xviij, il s.'"" rar.''' Sciattiglione, siguendo
l'ordine che haveva dalla regina et dal ir di Navarra, espose in
«ougregatione corne il nuntio del papa si ci'.i duluto eon loro del
perdimento àA tcuipo clic si faceva à Poissy, occupandosi ((uei
sig." tutto il di in dispute che eiano pcr la raaggior parte su-
perflue, et mcttendo a canipo cose che non potevano ne dovevano
trattarne, con tutta la protesta ^ che liavevano fatto di sottoniet-
tere ogni decisione alla censura di S. S.'", et che da questo lor
procedere si poteva giudicare che havessero poco riguardo all'in-
teresse délie altre uatioui délie quali una gran parte s'cra inca-
niinata a Trento, et al dispendio che ne risultava a S. S.*'', ha-
vendo consunimato xv giorni nelle discussioni d'uno articulo che si
poteva risolvere in uno o in due al più ; et che in oltre haveva
il detto nuntio ricordato che la licentia che si pigliavano una gran
parte de' prelati d'andar tutto il di à Parigi generava più tosto
-scandalo che alcun * Ijuono etïetto ; et che per tante haveva fatto
' (t. 403: canonisti.
- Ihid. : questo.
3 Ihid.: potestà.
* V. P. li>4: un.
JOURNAL DE L'ASSEMULÉE 107
graiidissima instauza cbe volessero soUeeitarli alla speditioiie. Onde,
parendo a lor M. M.'" che detto nuntio fusse mosso da moite buone
ragioni et clie fusse per il vern poca dignità che i prelati clie sono
stati chiamati per «no effetto a Poissy si vedessero cotidianamente
per le strade di Parigi, gli esortavano a volere accelerare quanto
prima il lor negotio ne :\ musarsi nelle arenglie rlie facevano or-
dinarianiente i tlieologi et canonisti, et ultimatameute a non par-
tirai di Poiss.y senza famé dir prima uua parolo (sic) alla regina.
Comineiarono poi i prelati a votare sopra i detti articnli che erano
stati discussi da i theologi et canonisti. Et Lorena che fu uno de'
primi che parlasse si porto liene al solito, ancorche mostrasse di
non approvare ne anche lui ' la cosa dell'esentioni, di che parlô
perù con tutta quella modestia et reservatione che conviene, cosa
f. 133 che non haveva fatto || l'abbate Salignach, il quale, discorrendo
sopra qnesta medesima materia, disse apertamente che il papa non
haveva più autorità d'esimere il clero dalla inriditione del vescovo
che si havesse di dispensare il figliuolo che non ul)bidisse al padre.
Il car.'" Ciattiglione anccra ha detto - assai buon voto, non si
essendo disteso ^ quasi in altro che in commendare le buone ordi-
nationi de' canoni et osortare all'osservantia di quelli.
Alli xjx comparse in congregatione raonsign.'*' di Mortiere man-
dato dalla regina a far ilitendere a quel s/' che dovessero inviare
a Poutoisa i lor deputati per gli stati, et che tutti quelli che erano
del consiglio dovessero trovarsi domenica a San Gerraano. Et eirca
le opinioni de vescovi che parlarono non vi fu cosa di considera-
tione. discorrendo per il più sopra cose dette da altri, o riraet-
tendosi a qnei che havevauo parlato.
' F. P. l'ii: anchora ohe non approvasse manco lui.
- Ibid.: dato.
3 Ibid.: quasi steso.
lO.S KOMK KT l'OIMSY
Il (li (Ici XX tocco tra gli altri a dir la «lia neiitentia al vc-
8C0V0 (li Troia ', et, dove tutti fin (|ui lianrio parlato fratizesf!, esso
recitù uii'diatioiK' latiiia clic liaveva portata scritta, la quale con-
tcncvM ])ci- la iiiaggior parte cose extra areiiani '. Bia8ro<'i coiiie
ahusd clie gli iiuoinini si incensassero nelle chiese, et mostrô anche
lui (li tenere quclla (jjjinione che fusse eguale l'autorità del vescovo
et del ])rete. Et, parlaiido de gli abusi ehe causava il numéro
grande de saeerdoti povcri, disse che dovcvain^ iniparare ^ ([ualche
arte per guadagnarsi da vivere, et non isdegnarsi di quelli eser-
citij che havevano fatto Pietro, Giovanni, et gli altri apostoli clie
erano stati ô pescatori, n fatto (|ualclie altro mestiero. Il vescovo
di Parigi che siede appresso * al dctto di Troia, nel principio del
sno voto, tasso in générale queste lunghe declarationi ^ che si fa-
cevano lontane per lo più dalla niateria proposta, le quali non
servivano ad altro che a consuiumare il tem])o in darno, et di poi,
senza nomiiiare anche '^ persona, entro a confutare tuttc quelle cose
scandalose, che pareva che potessero inferirsi ad alcuni luoglii
dell'oratione del detto nions.™ di Troia.
Alli xxi hanno seguitato i vescovi di «lare il vot(i, et Valenza
si è portato nel suo assai bene, et ha rieordato che si suppliciii
N. S. ad ordinare che in Roma non si promovino più preti fran-
zesi, del che ha assicurato tutta questa compagnia che S. S.'" se
v" ne contentera. | D'altri non s'è inteso alcun particolare notahilc.
Onde, havendo ciascuno finito di votare, sono stati iiij giorni se-
gueuti senza far nulla, se non che '1 car.'" d'Armignach, la mattina
del XXV, disse ciregli era stato il di innanzi alla Corte et che la
' Troyes.
' V. P. 124: ascuani.
' G. 403 : guadagnare.
< Omis par V. P. 124.
^ V. P. 124 : declamationi.
« Omis par F. P. 124.
JOURNAL DE I.'aSSEMBI.ÉE 109
lefjina jrli liaveva cumandato d'esponere alla cougregatione olip il
rè POU il siio eoiisiglio havevano risolnto clie questi délia miova
religione fussero uditi in ogni modo, et clie pero pensassero iu che
maniera et in clie tempo Thavessero a ricevere. Sopra la quai
propositioue, il dopo desinare, si diedero i voti. Et esso Armignach
fu il primo approvando clie dovessero essere rieevuti et ascoltati,
se ben, che non si haveva da venire in contentione con loro, ti-
rando a questo proposilo non so che passo délia Sapientia. Il s."''
car.'*' di Lorena che seguito appresso, disse che quella compagnia
era in aspettatione che si havessero a consultare se costoro si
havessero da ricevere o no ; ma poi che di questo si era dato la
sententia prima che loro ne trattassero, ne gli restava a vedere
se non del modo et del tempo ; che a lui pareva che si ordinasse
che questi heretici dessino il carico a un solo di comparire, il
quale portasse in scritto quello che volevano dire sotto scritto (sic)
pero da tutti gli altri lor deputati, et che costui fusse ascoltato
in presentia de tlieologi deputati, et poi si gli rispondesse, in voce
0 in scritto, secondo che pareva alla compagnia; ma che, prima
che si venissa (sic) a far questo, era bene di finire d'esaminare
questi articuli che si son proposti per la riformatione. Alla quai
sententia fu acconsetito (sic) da tutti i vescovi eecetto che da
cinqup ' [i] quali dicevano et protestavano che questi heretici non
si dovevano ammettere in nessun modo. Et ci fu di loro che disse
che questo era un far contro ius divinum. Et il vescovo di Cor-
novaglia " disse che, avanti che si délibérasse se havessero da
compartire ^ o no, s'era bene di veder' quarintententione (sic) fusse
la loro et se venivano in quel modo che '1 caucellier' havea pro-
' G. 403: uno.
' Comouaille (Quimper).
^ V. P. 124 : coniparere, ce qui donne un sens différent : < avant de
délibérer s'ils [les ministres! avaient à comparaître » au lieu de « avant
(le délibérer s'ils [les prélats] avaient à octroyer [cette faveur] ».
110 UOM1-; Kl l'oi.s.sv
|)onto, C'i('i ('• cijine (isliil"li ;'i pailri et volessero rii'onosccre i vesnivi
|)iT giiidici : altiiiiienti cciiscliat non esse adniittcndos.
AUi xxvi funiiiii ])roi)iisti duc altri arti<'uli, ciù i' JM ipfonna-
i. 134 fione monasteriorum et Quid \\ sentiendiim de comniendis, 8opra i
qiiali comiuc'iorno al solito a diHcorrere i tlieologi. Et Saligiiac clie
fil il iiiiiiio disse clie la institution nionastica era eomiuciata per
liaura et per nécessita, cii'i è per fuggire la j)erseeutione de" firanni
et il t'urore de' gli heretici ; et la divise in tre sorti, cioé in
anchoreti (sicj clie erano quelli clie si ritiravano nelle solitiidini,
et in questo proposito, parlando di S.*" Antonio elle alla morte di
Paulo Hereniita prese la sua veste, disse che questo s'era conver-
tito poi in superstitione. Li altri [cliiamôj crenobiti etrecitodifu-
samente quelle che ne scrive San Gieronirao, et disse che tanto
questi come i primi erano seculari in quel primi tempi. Fecene
poi una terza speeie et gli nomino Removath ' in lingua egiptia,
et questi disse che erano peggiori di tutti et elie hanno con l'ipo-
crisia corrotto la santità délia vita, et gli dipinse in questo modo
che porta vano le maniche larghe, le calze alla marinaresca, et che
era lor peculiare il sospirare sjiesso, Tandare a visitare le vergini
et dir maie de' preti. Biasmo la varietà dell'habito et del nome,
et la vita otiosa che tenevano, et reprovô molto l'ordine mendi-
cante come [cosa] che répugna alla carità ehristiana la quale non
permette che nessun vada mendicando ma elie si gli provedesse da
chi haveva il modo, et che loro aneora dovessero guadagnarsi da
vivere con qualche essercitio manuale, addueendo tra l'altre un'au-
torità di Justino '' martire il quale, sopra quel passo « mmue /'abri
films est hicY^, dice che Cristo faceva de' carri, de gli aratri et
altre opère de legiiame. Detesto molto gli abusi et gli errori elie
I V. P. 124: Removot; V. l'. 13>> : Reiiovot.
s F. P. iU: Agostino.
JOUKNAL DE L ASSEMBLEE 111
er.-uio tra moiiacj, li qnali colloeavano la pietà christiauM in lebiis
adiaplioris, conie saria a dire un gran numéro di salmj, il volere
plie protittasse aU'anima il farsi seppcllire o nelle vesti di Saiv
Fraucesco o di San Domenico. Et sopra tutto gli pareva impietà
elle dicessero elie la professione era il seconde battesrao. Et qui
tassi'i molto un libro che si cliiama Laracrum conscient.iœ. Et
quanto alla riforma, è stato di parère flie i monaci tutti indiffe-
rentemente debbano essere sottoposti al vescovo; che i nionasterii
v" siano scuole et nessuno vi habbi grado, se non | coloro che inse
gnauo: clie le raonache imparino lettere, et, ne gli uffitij, doppo
che havevauo cantato in latino, dichino anche qualche cosa in vol-
gare i)er coloro che non intendono. Et, in somma, si ritorni ogui
cosa alla pristina purità et splendore. Circa le coramende, ha detto
solamente che, pure '1 commendatario facci il débite suo, non i'ap-
prova manco che uno che sia monaco. Buttigliere è stato délia
medesima opinione di Salignae circa Torigine de' monasteri, et non
più di lui ha approvato la varietà ' de gli ordini, et h.i detto
che. essendo il nome di ehristiano aniplissimo et eccellenti^simo ',
hanuo voluto esser chiamati religiosi, et che sono andati spar-cndo
(1 "lia ver nieriti d'avanzo, i quali chiamano opéra supererofiatJonis,
et gli applicano a benefitio di questo et di quelle, et asseri-;con(>
ihe lero solamente sono nella vita di perfettione. Et ha biasiniato-
parimente il numéro inlinito che ve n'è, allegando che,. a tempo
di papa Pio secondo, il générale di Cordeglieri offerse per la cru-
ciata 20000 frati da portar'armi, senza che ne venisse a jiatir
piinto nelle chiesc il cnlto divine. Et, quanto al sue voto. si puo
comprendere che più teste saria d'opiniene che s'havessero da
snpprimere del tutto che riformare, se bene ha detto che la vita
hereniitica è parsa a qualch'uno odiosa. tuttavia si è fatta laiida-
' G. 403: veiità.
-' Omis par V. P. Ti4.
112 KOMK KT l'OI.S-sV
Itilc |i(>i- 1 iiistitutioni ili S.'' l'adi'i. Laiiiio anche i inoiiasteri ni
«lessei'u più tustn in cciniinciKla clic in titulo, )icr il ' clie f^li ab-
bâti non attendono ad altm chr alla crapiila, intanto clic si dice
per proverbio essere un miracolo (HiaMd<j «i trova un nmnacd clic
non crépi per aver troppo nian);iatii o tmjipo bcvutn. A ([ueste
duc opinioni c M:dn conti-adcttii ([uasi da tutti jrli altri tlicologi,
et clii lia risposto à uiia parte, et clii à un'altra, essendo.si pr<i-
vata l'iii8titutionc de' inonasteri anticliissima, et non solamente ]ier
nécessita, ma anche jicr devotioiie, et antichissimo aiicora il iionie
di religioso. Si è ancd detîu che il bene et l'orationi clie si faniio
per i fondatori et licncfattoi-i délie cliiese, non solamente gio-
f. 135 vaiio, Il ma che non ne dovevauo esser defraudati in" alciin modo;
et vi è statu clii l'iia provato et col testimonio di Calvino il quai
dice in un hmco clic non consiglieria mai nessunu délia sua setta
à tener beuefitij perche ^ono obligati a tare per i fondotorj (sic;
quella sorte di prece et oratione clie esso non approva ; aggiuu-
gendû " costui che allego il luego che pero si maravigliava che
alciini che tenevano Topinione del dctto Calvino non liavessero
sornpolo di conscienza di teiiere de" luioni vescovadi et abbadie.
Furono anche difesi gli ordiiij de" meiulicanti, et oltra il testimo-
nio de' dottori, l'essempio del poveio Lazzaro et altri, fu detto
che le riccliezze che havevaiid niolti monasteri iKui eraiio altro clie
elemosine, et che si corne era stato licito a coloro di jiigliar Tassai,
cosi non era disconveniente a quest'altri di prendere il poco. Et
quanto al numéro grande, [fu detto] che nel Testamento Veccliio
si trova che tra i (!iudei, che non havevano 100 leglie di paese,
vivevano ^ in un iiiedesimo tempo più di 200O0 leviti i quali
non si occupavano ne aiico loro in essercitij manuali, et che taiito
maggiormente dovevano questi religiosi esser nutriti in Francia
' V. r. l:J4 : a causa.
- V. P. I:i4 : soggiuiigeiido.
3 G. 4(13: venivaiio.
.lOlîKXAL DE 1,'ASSKMI!I-ÉE 113
elle î' 1111 regiio cosi gi'amle et cnsi alioïKl.-intc, et clie se disonliiie
vi er.i circ.i gli offiiij, nnitiuiii, lialiiti, et altre ceriiiuuiie, che
questo iiasceva per colpa di quelli che rusavano ad 1 bitum et
non de' priini institutori. Qiiello dove si vede iuclinare buona '
parte de' tlieologi, circa la rifnrnia de' detti monasteri, si è che
per ravveuire s'usi maggior circouspettione et diligentia iiel rice-
vcre de" monaci, et specialmente " che siano tali che ne posai
ritornar qualclie utile spirituale ad honor di Dio et benefitio de'
popoli : et che è bene che entrino giovanettj, ma non faccino la
professioue se non grandi et ne gli anni che conoscliino vera-
mente cio che essi fanno ^ ; et questo s'intende tanto per gli huo-
mini corne * per le donne. Et perche pare in un certo modo che
v° l'havere a i)agar danari per entrare in una J religione sia spetie
di simoiiia. ciie tanto i monaci corne- le raonache o non liabbino :\
pagar uiilla, ù veramente questo sia moderato, massime dove sono
i conventi ricchi. Che gli abbati faccino residentia, et siano sacer-
doti, et servino all'altare : altriniente non possino godere de' pri-
vilegij. Et che i religiosi d'ogui sorte non habbino licentia di
potere " uscii-e de' lor claustri, come si fa spesso, rediicendosi à
una vita secolare et scandalosa. Quanto aile essemptiouj de' mo-
nasteri dalla iuriditione de" vescovi, molti gli coucludono contra,
fondati su l'autorità de' concilij generali a' quali disse Salignac
che i pontefici non potevano derogare. Ma k questo fu risposto che
in materia fidei i concilij obligano ciascuno, ma, iu quelle cose
che soDO iuris positivi ^ et secunduni politiam, il papa puô dispensare
ex diversitate temporum et personarura. Uno di questi theologi ha
dato nu voto inolto différente da gli altri, dicendo che è come im-
' V. P. 124: niolta.
- Ihid.: precipuaniente.
' Ihid.: cio che si faccino.
* Ihid.: q^ianto.
^ Ihid. : non liabbino da nscire.
" Ihid.: petitivi.
114 HOMK KT l'dlSSV
poasil)ilc elle siipiM (|iiestii cosa de" nioii:isti.'ri si possa far rifoniia
alcniKi in (|iiell;i Im' a-isenihlra, et iiiostra clip la diffieiiltà proeedi;
da fi eau*-: la prima !■ per rispetto di i-oIoi-d elle Ikiiiiim faeulià
di diire le aliliadic. iiel elie. per il pii'i. nim si guarda à qualità
di liei-soiie : la 2', per rispetl'i di (|Melli elie t,'ià tPll'^Olio l'abliadic.
i (|iiali antepniii;(inii il giiadagiio alla pietà et al doMto l'iio. et
sono iii j;raii parte |)ei'.>onp elip diffieilmeiitf si wittoporraTiiio alla
riforiiia ; la ÎS". pei' la niolti|)lioità et \ariptà de' monasteri del-
l'iino et dell'alti'o sesso, iiel (|iial easo hisogneria rliiamare tutti
quelli cdip v'Iianno intéresse à dire la ra.uiou loro : la 4°, jier le
diffei-eiitie délie eoiisiietildini et délie ref^olo : la 5". per gli abusi
i (|iiali liorniiiai eiMiio ereseiiiti in ti'opjio Lrran eoj)ia : la fi°, per
la VMrii'tà délie opiiiioni elle si dieevaiio tr.i loro sopra ' le ]il'iine
institution! de" detti monasteri et sopra - la riforma cite si pri'-
tendeva di fare. Sono stnte da molti iniiiroliate ^ le rommende. et
si è detto ehe essendo depositi tein]Mirarij si erano ))oi jier almso
fatte perpétue; et de ^^li aeeoiioinati (piasi eiaseuiio ne sente maie,
f. 136 Et si è eonsumniato || in asecdt.ue i[uesti tlieologi fin tutto il
di XXIX, et niassinie <-lie il j;:ornn didli xwij si vaen pei' ri^petto
délia posa de .^li Sîtati. Xel (|iial di. fii seiilita un'oratione di rinello
del terzo Stato, non sol.imeiite <e.ind.ilosa. ma seeleraln et einpia.
liavendo persuaso elie si dovesse abolire del tutto l'ordine eeide-
siastieo, et de,tto in qnesto ])roposito elie, si eome Dio liavev.a
riserv.ito ad (»sia. elie eomineio à l'e.niiare di viij anni. elie al suo
tempo si retrov.-isse l.-i le,;,'-j;-e elie era persa. et jier idolatri feee
ammazzar' |>oi tutti i preti elie er;iiio a ipiel teinjio. et fii ripu^
tato il mi.ulior re elie liavessero liavuto iirima o li.-ivessero do])po
lui j;li llelirei, eosi liaveva risevvato a qiiesto giovinetto re elie
' T'. r. 1^4 : tanto sopra.
2 Ihid.: quanto délia riforma.
^ Jliid. : appioliate.
.lOlRNAL DK 1. ASSEMBLEE llO
era il vero Osia, che ;i tempo suo si st-oprisse la purità ' del-
TEvaugelio et la veritiY délia parola di Dio che era stata iiascosta
daU'arvciiiniento di Cliristo in qiia ; persuadendogli quasi aperta-
meute ad imitarlo et nietter maiio nel saugue de' preti come caus;i
deiridolatrie che si commettono hoggi ; et disse che nessuuo si
doveva maravigliare di qtiello clie lui haveva detto che la parola
di Dio fusse stata cosi luugainente celata, perclie auche nel testa-
mento vecciiio fu proniessa ad Adam et ratificata ad Abrani, ne
peiVi gli tïi data tino al tempo di Moisè, che ci corsero più di
2000 anni. Onde i prelati, il di seguente, risolsero tra loro che
tutti i cardinali, insieme cou molti ' vescovi dovessero andare à
domaadar giustitia alla regiua contra di costui il quale, senza
havernc commissione alcuna, haveva havuto ardire di lasciarsi
uscire di bocca Ijiasteme cosi horreude et scélérate. 11 che non fn
eseguito subito perche la corte doveva partire per iij o iiij giorui
da S.*" Germano.
AUi XXX, non si è parlato se non délia sovventione, et, havendo lo
stato ecclesiastico di disempegnare il domiuio del re tolto assunto ',
lianuo deputato alcunj prelati à vedere quanto importa questo
debito, et pensare iu che modo et in quanto tempo potrauuo satisfare.
Alli xxxj che fu donienica si riposarouo et cosi il di seguente \
A" ij di settembre tutti i cardinali et vescovi congregati a
Poissy furono à San Germano a rimostrare al re gli insulti et gli
' 1'. P 1J4 : verità.
' Ihid.: molti altri.
^ llikJ. : liavendo lo stato ecclesiastico tolto assunto di disimpesnaïc
il douiinio del Re.
* Ibid.: si posonio essendo domenica et cosi paiimente il di se-
guente.
116 itd.ME i;t I'oissy
aggravi chu sono loi- fatti in moite l)ande del 8no re;rno, pt a
dolersi che l'editto non fusse osservato; ma non mono a f;iro in
stanza per il castigo di quello dip fcce l'orationc ]i<t il tcrzo
stato ', essendo clie, se bene roiidonavano ' volentieri l'ingiuria
rlie ora stata fatta a tutti in générale, non potevano [)fiVi non
(lesiderare et prnriirare Tenienda ili (|uclla elie era stata f^itta a
Dio, alla Chiesa sua et al rc. Il (|iiaie, linjio liaver risposto garlia-
tamente ch'egli si voleva eonsei-vaie cou gli efTetti il nome di
ehristianissimo diede eommessione al eaneelliere di supplii'e al resto
per lui. Ma il detto fingendo di non liaver' udito olie qiiollo del
terzo ordine ^ si fusse dishonestato tauto nella sua orationc et non
diseendendo ad aleuii rimedio di quelli che haveria desiderato
quella eompagnia, fù più tosto eagione di aeerescere in loro il
dispiacere elie di sminuirlo. Pure la i-egina et il re di Navara
diedero buona intentionc et di voler dar' ordine clie l'editto si
osservasse per tutto et di voler far eastigare quello del terzo stato.
Et a canto a cauto gli ricercarono à volersi eonteut.ire ilic 'I re
potesse alienare per 500000 franelii d'entrata délie Inr nndite.
la ([ual cosa fu ricusata corne non Iccita, ma dato pero intentione
che in qualche modo si sariiino sforzati per la parte loro di sati-
sfare aile nécessita di S. M/'\ conforme a qnello di cbe poco prima
liavevano dato intentione.
Alli iiij poi, comiucioriio i catliolici (sic) et i vescovi a votare
sopi-a i due articuli de refnrmaiinne monasterionnn et de commen-
dis, et continuorno niattina et sera fîno alli viij, nel quai di, ha-
vendo finito ogniuno di dare la sua o|)inioue, fu risoluto che si
terminasse il coUoquio et [sij desse il earico al S.""" car.'* di Lo-
f. lo7 rena di riveder |j eon diligentia i voti di ciascnno et formare i
' r. P. 124: ordine.
' G. 403: condanavano.
3 V. P. 124: stato.
JOURNAL DE L ASSEMBLEE 1 1 i
eanoni per mandarj^li poi alla censura di N. S. et dcl concilio.
In tutti questi voti, non si è intesa cosa che liabbia oITeso, se non
quello l'he lianno detto prima il vescovo di Usez, dipoi il car.'"
Ciattislioae, et ultimo loco Valenza, intorno all'opere ' de supe-
rerogatidue, diceudo Usez che ara una arrogantia ;ï dire che '1
christiano ne poteva havere per rivendere, allegando quel passo
deU'Evaugelio dove Cristo disse a quel giovane che haveva fatto
tutto quello che deveva : « Vade et tende rem ", et abiit tristis » ;
et Ciattiglione, che era inettia k dire che le nostre opère appli-
cliino il merito délia passioue di Gie.su Christo ad altri, allegando
S.'" Ag"Stino quando dice che non ci è mai stato apostolo che non
habbi havuto bisoguo di dire : « Dimitte nohis débita nostra » ; et
Valenza, che il vocabulo de supererogatione era stato trovato stra-
nio, allegando San Paulo ad Galatas et ad Ephesios; et che la
parabola quicquid supeieroyaieiis ex [seusuj allegorico non elice-
batur ^ argumentum ; et che se questo fusse stato detto al pecca-
tore haveria maggiore apparenza. Aile quali opposition! fu risposto
dal vescovo di S.'" Brius ■*, che '1 negare che i nostri meriti et
oratioui non possino servire per aiutare l'un' l'altro era un negare
che noi siamo merabri di Christo, allegando i Cor. ^°, et l'oratione
dominicale che dice « dimitte nohis » et non « dimitte mihi » ; et
concludendo ' che questa era una délie propositioui di Calviuo per
impugnare il raerito delFopere, et che tanto niaucava che lui lusse
di questa opinione, che non si voleva guardare di dire che l'opère
erano state cosi grate a Dio che sopra di quelle ei'ano fondate le
promesse fatte à i nostri antichi padri Abram etc. ; dicliiarando
l'ethimologia del verbo supererogare che non era far pin che
' V. P. r^4: al \'0t0.
2 Ibid.: etc.
3 G. 403: dicebatiir.
* Saint-Brieuc.
5 G. 403: conebido.
118 ROMK KT roissv
l'iluomo non doveva, corne cr.-i stiito presiiposto. ma clic nogare
sin^nificava donarr, et snpprrn/f/dre tlonare largamente. Diede
v° anclie [ un jioco di scandain (|iicllo che disse detto car.'" Ciatti-
f,'lione dell'ordine de' meiidicanti cioè clie la loro era iina terrihil
jii-ofessione ' per esscrne stata privata la Cliieaa di Din per lo
spatio (Il 1200 aiini in sino à tanto che sia stata portata dentro
uiia bisaecia ; et clie, intanto che siano hiiomini da hene et ubi-
dienti k lor vescovi, siano accarezzati, piirche non si ciioprino
di'll'omlira di certe Olcmcntinc. l'arinieiitc, lu trovato stranici «luello
elle il veacnvo di Valenza si fcce cadere in proposito, parlando '
de" frati in forma di dcrisione: eio è che San Thomiiso diclii che
tanta ^ratia si riceva nella professione quanta nel hattesmo et che
iin'altra ("sic), che lui non voleva noniinare, diche (sic) che si ri-
mette la pcna et la colpa.
Ci fu anche chi disse che le comraende non poterant sulistineri
de iure et che '1 papa non poteva tare che i monaci havessero
nulla di proprio.
Alli IX, il n- colla i-e;;ina et fratello, cou il re et repina di
Navarra et tutto il suo consig-lio, fu a Poissy, dove, essendosi
posti nel luogho deputato à sedere. stettero per un poco aspettando
che fussero introdutti i ministri della uuova rcligionc ; i quali,
essendo finalniente comparsi, si posero in ginocchioni et diedero
spatio h un gentiThuorno normande di adimandare audienza per
loi'o : il quale liavendola impctrata, Tlicodoro incomincin a parlare.
et l'oratione che ha dato in stampa, ancora che sia stata ampliata
(riiM nioiulo, seguita in qucsto modo:
Suit (tf. 137 v" à 147 v") le discours de Bèze. traduit en italien. Le texte,
dirtVrcnt de ocliii ilc La Place (|u"a reproduit VHisioire ecclesiasti(jiie, n'est
' V. F. lai: perfettione.
' Ibid.: parando.
JOURNAL DE l'aSSEMULÉE 119
\y.\s non pins entii-ieinent conforme à la première édition imprimée parue
pou i\v Jours après la séance du 9 sept. Il concorde, sans doute, avec
celui que Bèze remit ce jour-là et (|ui fut confié au cardinal de Tournon
qui l'aura communiqué à l'auteur du âiario. Les différences ne sont pas
d'ailleurs telles qu'on puisse, avec ce dernier, qualifier d'« ampliata d'un
nioudo » la version originale imprimée. Elles consistent 1° (f° 139 v°)
dans un appel au roi Je Navarre: « Et quello clie v'appartiene, Ke di
Navarra, Sire, et a voi SS." 111.'' principi del sangue » i Vur. pol. 12i,
place Sire avant Hé di Xavarraj alors que le texte français porte sim-
plement : « C'est la droicture de vous, Sire, et des illustres princes du
sang > (Hist. ecclh., I, p. 564) appel réitéré f° HT « da voi, Re di Na-
varra, Sire, et dagli altri eccellentissimi piincipi del sangue » au lieu de
• de vous, Sire, et îles très excellents... > (Hist. eccle's., I, p. 577); 2° une
apostrophe directe aux cvêques: « che voi Prelati monsignori » tandis
(|u'il y a: " vous Messieurs» dans YBist. eccli's. (I, p. 564): 3" (pielques
mots omis: f" 137 V dall'assistentia del nostro Iddio > au lieu de •< de
l'assistance et faveur de nostre Dieu • {Hist. ecclés., I, p. 560) ; f 140 v°,
• proprii ta di quelle » au lieu de <■ propriétés substantielles d'icelles »
(Hist. ecclÂs.,!., p. 566): f° 141 v° • d'oiîerire par la remissione » au lieu
de « l'offrir derechef pour la rémission » (Hist. eccle's., I, p. 568) ; f ° 145 v"
« quanto agli aitri sacramenti » au lieu de « quant aux autres cinq sa-
crements o (Hisl. ecclés., I, p. 575) — ou ajoutés: f" 141 « quello ch'è stato
fatto di nuovo, secondo che noi possiam conoscere, non è stato sempre
fatto » au lieu de « ce qui a esté hasti n'a tousiours esté basti... » (Hist.
ecclés., I. p. 567) ; et quelques conjonctions (et) on membres de phrase
{egli -diee) sans importance; — ou modifiés: f° 142 ♦ S. Giovanni nella sua
prima catholicâ» au lieu de « en sa première canonique » (Hist. ecclés., I,
p. 568); f° 142 v° « ci è fatto buono » au lieu de « nous est alloué • (Hist.
ecclés., I, p. 569); f° 145 v° «alla nostra cogitatione « au lieu de «à la
conjonction de nous » (Hist. ecclés., I, p. 574) ; ibid. <■ io non tocco punto . . .
io credo » au lieu de « nous ne touchons point . . . nous croyons » (Hist.
eeclés.. I, p. 575); ibid. «nella vera cognitione > au lieu de «en vraye
recognoissance » (Hist. ecclés., 1, p. 575); f° 147 « ci conduce, nous con-
duit « au lieu de « nous a conduis • (Hist. ecclés.,!, p. 577); ô". 143 V,
144 v" « l'araor di Dio » au lieu de • l'honneur de Dieu > (Hist. ecclés.,
l, pp. 571, 573).
120 KIIMK KT l'OIS.SY
QlUllliIo il (Icttn 'l'iicddni-o ilcttr (|llcll;i (■•iIllli.-llvltioMi- di'lla (lis-
tantia (loi corpo del S/" neirimstia alla distantia ' dt-l cielo nel
centro délia terra, si scorse in ofçni iiiin •^eiieralmcnto un risen-
timeiito et un pallori' cstraordiii.irin. dico etiani di i|iiilli dcila
niiova rclii;i(iiic '•. in tantn clic rm-atorc si •i^^niincnto et si fcrmo
taiitii l'Iic il S.'"' car.''' di Tiirniinc licldic siiatin di diri' ((Mcstc jjarolc:
« Ali, Madama, eonie potete voi comportare clie in presenza vostra
si dieano questc l)iantenie ! Alnieno, dateei licenza elie nui possianio
partirc di ([ua ». Al clio S. M.'" non fccc altra risposta clie eo '1
far senihiautc di volerai rizzare et dar segno d'iiaverne presa ;^rande
alteratione. Il qnale affetto ' dieono clie si seoper.se ■* anelie nel rè
di Navarra. Kt se il dettu car.''' di Tiinidne fusse stato se^niitato
da dua (sic) o trc altri. i'» ojiinion di iiiolti che .si sariii interrotto
questo eongresso. T'omc il detto Tlicodoro lidibc poste fine alla
,sua arenga, il detto cardinale, rizzatosi in piedi, et indrizzato nic-
desimamcnto il slio jiai'lare al re, adimandô ehe Tlieodoro des.se in
scrittura ((uel clic liaveva detto, perche oonlidavano lor vescovi. eon
l'ainto di. l)io et délia gloriosa Vergine et di tutti i santi, di ri-
spondere come si eonveniva al çrado et uffitio loro. Et per questo
effetto adiinundo un.i audicnza, et gli fi'i accordata per il di xvi.
La niattina scgiu'ntc clie fii alli x, si feee congregatione gé-
nérale per consultare sopra la risposta che si dovesse fare alla
propositione di Théodore Besa. Et poi che fu dispntato da alcuni
molto à lungo se si havesse a rispondcre particolarmeiite à tutti
i punti tocchi da detto Besa, ô vcro à (|iiattro capi soli che erano
stati i principali, essendo la ])rima ii])ininne seguitata da molti
de'theologi, i (|ii;ili )ici- lo più scrviv.-ino airostentationc dclla lor
' V. P. 1^4: distantia delln siiiiiiiiità del cielo.
■ Ihid: set ta.
3 Ihid.: effetto.
* Ihid. : si scorse.
.loVRXAL DE l'assemblée 121
dottriiui, il vescovo di Samlir '. quando venue a dare il voto i5U0
f. 14S concluse con diverse ragioni et autoritA che, poi che i] il Besa in
mme de. i ministri di Ginevra haveva diretto il suo parlare al rè,
alla regiiia et principi del sangne, ncm si doveva in modo alcuno
condursi a parlare in forma di risposta, perche il farlo non sa-
rebbe altro che un voler" entrare in lite con gli heretici, facendo
l'offitio di parte et mostrando di consentire nel giuditio di quelli
à i quali si parlava. Et che perô l'opinion sua cra che si facesse,
non risposta. ma una - remostranza per la qnale havesse da esser
conosciuto corne il trattare di tal materia apparteneva solo al con-
cilio universale, et che altri non ne potevano ne dovevano esserne
auditori non clic giudici. Et il vescovo di Valenza al quale tocco
a parlare dipoi. laudando et approvando in ogni parte il voto di
detto vescovo, disse che a lui non restava da dire altra cosa se
non questa clio. non solo non credeva che il re, la regina, i prin-
cipi del sangue, liavessero pensato mai a farsi giudici nelle cose
délia rdigione, ma che sapeva ben lui esser vero il contrario. Onde,
essendo stato ' seguitato il voto di detto vescovo per i più, fù
concluso che monsig/'' ill.""" di Lorena fusse quello che facesse
detta rimostratione et si estendesse solo suU'autorità délia chiesa
et suUa verità del vero corpo di Christo nel sagramento deireu-
charestia, C(.n conditione che se ne havesse à formare una scrittura
la quale restasse in man sua sottoscritta da tutti délia * con-
gregatione. Il che gli fu accordato, corne cosa che, per discarico
suo, fu trovato (sic) ragionevole da ciascuno. Et cosi tutti i car-
dinali corne i vescovi, dico etiam quei pochi che son riputati su-
spetti. si sottoscrissero airautorità délia Chiesa et alla realità et
presentia del sautissimo sacramento.
' Saint-Brieuc.
■ T'. P. I:i4 : una certa limostranza.
^ Omis pai- V. P. 134.
* F. P. ]:J4 : da tutta la.
122
KdMK KT POISSV
Dalli X sino alli xvij si attese iV trattar délia sovveiitione clie
Mi liaveva da dare al ri;, sen/.a pero clie si venissc à eoin-lusione
alcnna, esscnili» clic i prcl.-it j iimi vulcvano passai- rull'cit.i die lia-
v' vevaiio fatta ili riscuotere il domiiiio del | rc in vj aiiiii, et la ii--
;,'iiia desiderava clie in qnesto scambin acconsentissero ad ima alic-
ni
iiatioiii' di . t'raiiclii d'ciitrata. lOt suiira ((iiesto aiidarniiu à torinp
nioltc praticlic, tanto clic supra^^iuiise la j,noriiata dc'xvj ' asscgnata
a monsig.'''' ilI."'" di Loruna, il quale, oltre alli iniiiistri soliti.
hebbe d'avantaggio, per auditore, l'ietro Martire, veiiuto due giorni
avanti sotto un salvci coiidoUo del rè, et, pcr quaiitu si dice, enn
iina provisionc di 12 scndj il giorno. Uora S. S." ill.'"". voltando
il suo parlarc al rc il qiialc liavcva incnata molto niaggiore com-
pagnia clie non liavea fatto il giorno dcUi ix, disse cIjc |o i-ico-
iioscevano per lor vero sovrano et natiiral sigiioie, et cije di loro
si liaveva da proniettere qiiella niedesima obedieiitia clie era stata
prestata a gli altri rc da i loro antecessori : ma clie la S. M.'-'
liaveva ben da sapere clie la podestà ehe lianuo i rè viene da Dio,
et die pen'i come sono suoi ministri, eosi sono andie délia Chiesji
sua et non capi ; la ([ual cosa coiitirmo cou niulte autorità, et in
particolare cou iina di 8aii (iiovan Grisost(niio (sic; die parla di
Constantino iniperatore. Et aggi[o]nse questo ehe li rè non solo non
erano capi délia Cliiesa, ma die erano conimessi alla cura de'pa-
stori come l'altre pécore. Propose dipoi di volere tare intendere a
S. M.** in nome di dii egli parlava, et dopo questo esporre quanto
liaveva da loro in commessione. Onde, al primo disse die parlava
])êr tutti gli arcivescovi et vescovi presenti et per li procuratori
degli absent! délia Francia, et die liaveva in comraissione, lassando
ogni altra cosa, da trattare solo délia Cliiesa et del santissimo sa-
cramento mostrando ehe le interpretationi délie Scrittiire apparte-
' G. mi: XVII.
jorKXAi. DE lassemhi.be i-io
neva (sic) alla Cliicsa catholica et apostoliea, et chc nelle contro-
vei-sie délia religione gli autichi padri haniio havuto di mauo in
mano riooi-so aile Cliiese supeiiori, et che sopra tutt.', et univer-
sale, è stata teuiita sempre quella della qiiale è capo hoggi N. S.''*'
f. 1 4!i che è a Roma ; 1| et elle iioi liabbianio la parola di Dio in due
niodi : per traditione ' o per iscrittura, dichiaraudo che la detta
parola fu innanzi alla Chiesa et la Cliiesa innanzi alla Scrittiira,
et provaudo che i eoncilij non potevano errare neqiie cirea doctri-
iiam. neque circa mores; et in questo proposito dichiaro un luogo
di S.*" Agostino allegato da Theodoro che si contradichino in his
(juae recipiunt rautationem seeuudum diversitatem temporum et lo-
oorum. Quanto poi alla materia del santissimo sacramento, si fermù
sopra quelle pai'ole « /loc est corpus meiim. etc. » raostraudo che non
potevano esser più ehiare. et che quello che non fn dichiarato dal
primo evaugelista saria stato dichiarato dal secondo, et se non dal
secondo dal terzo, coiue ^^ vede in molti altri Juoghi, allegando
quello del Ricco ; et che non si puo intendere che in queste pa-
role sia parahola o sorte alcnna di oscurità, essendo quella una
historia, un testainento coufermato colla morte, un coraaudamento
et un sacramento, dannando ' molto la curiosità di qnelli che vo-
gliono mettere in disputa cose cosi alte, che avanzauo la lor ca-
pacità et i quali cominciano i lor primi quesiti con questa prima
dimanda: « come puo essere questo?». Et clie la uostra era fede
et eoii quella bisognava procedere, che liaveva letto iu una serit-
tura fatto (sic) ultimaraente da uno della Confessione d'Augusta et
di più reputati uella Gerraania, che queste parole erano chiarissime
et indubitatissime, et che non era stata cosa lodevole parlare coutra gli
absent!, volendo (credo io) tassare Theodoro per haver parlato nella
sua oratione non sô che contra à quelli della detta Confessione
' G. 403: traduttione.
' V. P. 124: dandando.
124 KO.MK KT l'OlSSY
d'Auguata. Xcll'iiltiiMH partr, csurtô et »ii|)])lici'i il vl- à viih-re coii-
Hervai'si iii i[iii'lla rcli^^ionc clie liavcvaiio teiiuta il padre, l'avo,
l'ava, il IVatcllo et tutti f,'li aiitciossori, et esorto et siipplico la
regiua, noininandola lor sovrana dama, a voler coiiservare il rè suo '
v" figlinoli) iielFaiitica religioiic de i suoi | aiiteoessori et del rè padre
di lui et iiuuitu di lei, et far di sorte elie gli potesse al suo tempo
restitiiij-e il deposito, che era stato fatto in sua mano, del rè suo
figliuolo, in quello stato che i'haveva ricevuto ; et che nel conser-
vare la religione nel figliuolo non couseg(iirel)be lei miner laude clie
faeesse Terentilla neirhaverla acquistata nel rè Clovis suo marito ;
et di ([uesto medesimo fcee insitantia a tutti i principi del sangue,
uominaiido solo Antonio, re di Navarra.
Il car.'" Turnone, subito che Loreiia hclilie (inito, si levo in
pledi, ma liaveiido cominciato lies-a à jjarlare et stando ciascuno
ferrao, gli conveiine tornare à sedere. Il quai Besa disse che, se
non duhitasse di tediar troppo S. M.'" , vorrebbe fare di présente
risposta :ï quello eiie era stato detto contra di loro, et che diman-
davano fusse lor dnto et luoco et tempo di poterlo fare. Et detto
questo, si butto con gli altri .-ipostati " in ginoceliioni. AU'liora Tur-
none s'accosto al rè et alla regina et disse che .se loro volevauo
sottoscriversi alli due articoli dichiarati dell' ' autorità délia Chiesa
et del sacramento, che corne à penitenti aprirebbono le braccia per
ricevergli ; ma quando stessino ostinati, non volevauo trattar' cosa
cosa alcuna con loro et clie non erano per haver mai altro che un
solo Dio, iina sola frde et un solo rè.
Dalli xvij sino alli xx. l'aiitoi'e del diario fu ad iucoutrare
mons."' ill.'"" legato, ne ha iuteso che, da quel di sino alli xxv,
' y. P. 124: loro.
- Il y a Apost.\ une autre (?) main a ajouté en surcharge: ati.
V. P. 124: apostoli.
3 G. 403 et 1'. P. 134: dall".
.TOIRXAL DE l'aSSBMBLËE 125
si:i aocaduta cosa die méritasse di esser uotata, essendo la parte
de" veseovi occupata nel uegotio délia sovventione, iutoriio alla
qnale si risolsero di comune conseiiso di non voler passare Tofferta
[fatta] et di mandare dire alla regina, come fecero poi per il
car.''" di Loreua et Borbone. che loro non volevano disponere délia
parte de' lor frutti che toccavano à i poveri et aile chiese, ma
solo di quello che toecava aile persone loro : et ministri (sic) a
f. 150 prepararsi per |j la giornata cbe era atata assignata il giorno
delli XXV (sic) per udire, seeondo dicevano, i nostri luoghi che il
s."^ car.'*' di Lorena si era oflFerto nella sua arenga di mostrare
circa Taiitorità délia Chiesa et del sagramento, senza havere ad
entrare in nessuna sorte di disputa, et, secoudo loro, per havere a
cementare tutte Topinioni che sono lioggi in controversia con i nostri.
Hora essendo veuuto mercoredi xxv (sic i di settembre, présente
la regina, re di Navarra et la regina sua moglie, i principi del
sangue et tutti i sig." del consiglio, eccettuato il s."'' car.'*" di
Tnrnoiie, il s.''"' car.''" di Lorena propose che desiderava d'iuten-
dere da gli avver.'^arij se volevano accousentire à quel [due] '
articuli, cioè délia Chiesa eatholica et délia presenza del corpo di
N. S.''" nel sacramento deU'eucharestia : et se havevano qualche
diflScultà sopra i detti articuli, la potevano esporre che sarebbe.
stata lor fatta anipia risposta. Besa, accompagnato da Pietro Mar-
tire et da xv ô xx di quella setta, rispose al primo articulo,
confessando che la Chiesa era una evoeatione in quanto alTethi-
mologia del vocabulo, la quale evoeatione dichiarô di due sorti :
cioè interiore et exteriore. L'interiore è solamente congregatione
de gli eletti et predestiuati délia qnale parla San Paulo à i Ro-
man j cosi dicendo: <i Qnos praescivU. hos prardestinarit, et quos
praedesfinarit. lios et rocarit ron formes fier/, etc. ». La evoeatione
' G. 403: X.
12() KOMK K|- l'OI.SSV
extoriiii-e è l;i roiisrcKîitimie co.si di-lli iji-i-dcstiiiati comi (sic; de
i reprobi. El di qunsti iiitege N. S."- ncirEvangelio adducendo la
iiietatorii (telle x ver-iiii (iclie i|iiali v eraiio stolte et v prudeiiti,
i;t qiiella délia letc gittata iii iiiai-e iiella qiiale si eoiiteneva ogni
sorta di pesci, ete. ; coneludondo iii questa parte aeeordar.si con
l'opinione di mous."'' car.'" di Lorena. Dieliiara sic; pni i segni
délia vera Cliiesa esser due: ciù c la purità dcUa dottrina et
ramiiiiiiistratioiie de' sacraineiiti, cliiaiiiaiido qiiesti due se^iii es-
sentiali, i quali mostravauo che la Cliiesa loro era vera coiiciosia
ehe essi predicassero la dottrina ravata dalla purità délia Scrittura
sacra seuza af^f;iungcrvi i> dimimiirvi cusa alcuna. et il mcdesimo
facessero de' sacranieiiti. | Aggiuiise un'altro | seguoj per il 3" [ il]
quale chiauio extriuseco et accidentale che è la suceessione perso-
nalc, cLiamandd la prima extraordinaria et la seconda ordinaria.
Délia suceessione |della dottrina] addusse Tesempio di Hieremia
et di Esaia, di Daniel et di molti altri profeti i quali non succe-
devano personalmente al saeerdotio levitico, ma furono cliiamati
extraordinariamente per annunciare la vera parola di Dio al po-
pulo, poiche gli ordinarij sacerdoti liavevano oseurata et oorrotta
la vera dottrina, et clic la medesinia vocatione fatta liaveva Dio
verso loro per predicarc la verità délia sua parola, aceusaiido i
noatri di haverla oseurata et velata, talclie si posero nel numéro
de' ministri extraordinarij di Dio. Soggiunse poi che la suceessione
personale o veramcnte ordinaria si faceva per inipositioiieni niaiiuuni.
la quale, ancor che tacitamente esso accett_asse non essere cosi
manifesta appresso di loro come era appresso noi altri, nondimeno
la noatra pativa moite difticultà tra le (|uali vi messe qnella di
papa Giovanni feniina et di Giovanni xxii heretico. Veiine poi
all'autoritîY di essa Cliiesa, la quale autorità dissi (sici dovcrc esser
regolata tutta et fondata tutta ' s<ipra l'espressa parola di Dio
' Omis par T'. /'. 1:^4.
JOURNAL DE L ASSEMBLÉE 127
esponendo quel luogo di San Panlo: <( Qnod Ecclesia est roi uni nu
et fun(Jfimentnni reritafis » passive et non activé, cioè che la Ciiiesa
non è colonna et fuiulamento délia verità, ma deve sustentarsi et
appoggiarsi alla parola di Dio clie è la colonna et fondameuto
délia verità, dalla quai parola di Dio ogni volta clie essa Cliiesa
si dipart^i et discompagni, veramente erra. In questo senso accetto
i qnattro concilij prinii generali et i dottori che furno in que"
tenipi, i quali. in quanto sono coufornii all'espressa parola di Dio,
mm hanno errato, ma nel resto potevano errare, et lianno f'atto de
gli errori ; adducendo in esempio il primo concilio Niceno al quale,
seconde che riferisce Sozomeuo, havendo deliberato di fare un de-
creto che i saeerdoti non togliessero moglie all'avvenire, un solo
huomo, detto Paphnutio, si oppose à questo decreto talche non fu
F. 151 messo in essecutione. Addusse poi uu'autorità |j di Agostino che
dice che concilia priora eniendantur a posterioribus, et nltimamente
si scus('i di non voler parlare délia cena conciosia che fusse un
misterio ineffabile et incomprensibile, et che era molto meglio ra-
gionar prima di molt'altre cose che erano in controversia ; et eon
questo coiicluse la sua arenga. Mons.'*' il car.''^ di Lorcua dette
c.irico di rlspondere a monsig.''" Despansa ', dottore délia Sorbona,
il ([uale, doppo haver detto un picciolo proemio per manifestare
il desiderio che haveva délia pace et unione délia Chiesa, si volto
a Hesa cosi dicendo : <.< Maistre Théodore Bese, se voi nella vostra
arenga haveste * posto nella Chiesa questa distintione d'intcriore
et exteriore. mons.''' il car.'" di Lorena non haveria durato fatiga
di rispondere in qnella parte per confutare la vostra opinione. Et
([uaiito a i segni délia Chiesa (lassando per hora di ragionare se
voi liavete la vera dottrina et i veri sacramenti, percioche questo
si esaminerà nell'articulo del S."^° sacramento delFencharestia dove
' Claude d'Espence. — V. P. 124: De Spansa.
■ V. P. ]J4 : havessino.
l2S HOME ET POl.SSV
s|)fi'i;imo, iii L)i(», di mostrarvi cliiarainente i-lie voi sicte iu uno
aliiSîSo (li errori,) parlera solamente del terzo segno, cioè délia siie-
cessione, la quale voi liavete distinta in extraordinaria et ordiiiaria,
ut vi siete po.sto iiel numéro de' ministri extraordinarij, adducendo
eaempi del Veecliio Testainciito i qtiali, eonic siani» veri, non fanno
a proposito délia vostra successione. Iraperoehe, quando Dio cliia-
mo extraordinariamente i profeti et altri liuomini santissimi neila
lege vecchia. fai'eva manifesta la loro voeatione o eou niiracoli, u
con presentin et auturità délia Serittura, eome leggiamo di Moisè
il quale provn la sua missione eon molti miraecli, per i quali, esso
et la sua dottrina, ancor e}ie paresse nuova, fu accettata dal po-
pulo d'Israël. Il medesimo diciamo d'Isaia, Daniel, et altri profeti,
i quali provorno la loro missione con qualclie mirac(d<p. In San
(iiovan Battista clie apportù la dottrina nuova et inaudita, cio è
il battesmo nell'aequa per la remissione de' peccati, vediamo la
sua vocatione essere approvata con l'autorità délia Serittura, per-
v° cioclie I essendo egli domandato clii fusse: «Ego roicJamaiiiis i»
déserta, etc. ». Il N. S.''', parlando di lui, a])provo la sua voca-
tione con la medesima antorità délia serittura, eosi dieendo: << Hic
enirn est de qno scriptum est: Ecce eijo iiiifto (ine/eli<m meum qui
precedet, etc. ». Eccovi adunque clie questa vocatione o missione
extraordinaria, h fine che ella sia recevuta et creduta, bisogna clie
sia approvata, et con miraecli, et con prescientia et autorità délia
Serittura. Ilora, maistro Théodore Bese, raostrateci, vi prego, qualehe
uno do' vostri clie liahlii fatto miracoli, o ven'i addueeteci qualcbe
luoecj délia serittura clie ci liabbi profetizzato o avvertiti di questa
vostra extraordinaria vocatione, et allhora iioi vi erederemo et rice-
veremo voleutieri la vostra nuova dottrina. Ma perclie voi non potete
mostrare ne Tuno ne Taltro, si conclude elie vui non siate ministri
di successione extraordinaria. Ne potete dire che voi siate de gli
ordinarij, non havendo irapositione di mano, senza la quale voi
non ])otrete addurmi esempio veruno che, dopo gli apostoli et di-
JIHUNAl. DE l'assemblée 129
«repoli (li N. S.'*' i quali li:ivev;iuo inmediate rieevuta qiiesta au-
torité drt lui, vi sia stato vescovo o sacerilote veruuo, approvato
et ricevuto dalla Chiesa senza questa visibiie impositioue di mano.
Ne vol, m." Théodore Bese, quaiulo partisti (sic) da Parigi, las-
aando la vostra madré Chiesa, credo io che voi haveste rieevuta
impositione di mano. Vi potrei per questo dimandare chi siete voi ?
[con che] ' autorità inculcate al populo una nuova dottrina et am-
rainistrate ' i sacramenti ? poscia che voi non siete ministri ne
extraordinarij ne ordinarij délia Chiesa. 'Veugo liera all'autorità di
essa Chiesa et de' concilij, i quali vi mostrerA per hora ad Itomi-
nem che non possono errare nelle cose appartenenti alla fede, non
bisogiiando metterci la conditione che voi dite, cio è che sia hisogno
che i detti concilij siano conformi all'espressa parola délia Scrit-
tura. Voi confessate che il Padre è ingenito et il Figliuolo sia
omusio, eioè consustantiale al Padre ; che i putti si devino bat-
f. 152 tezzar'; || che la madré di N. S.™ sia stata senipre vergiue et
innanzi et doppo '1 parto; et nondimeno non mi potrete addurne
espressa Scrittura di questo nome ingenito, dell'omusio, del bat-
tesmii de" putti et délia perpétua virginità délia madonna dopo il
parto. liesta adunque che, si come la Chiesa ci ha data et appro-
vata cou testimouio tutta la Scrittura sacra, cosi parimeute ella ci
ha manifestato et manifesta tutta via i veri sensi di essa Scrittura.
Et in questo non ho approvata mai quella questione che va per
la bocca di ciascuno se la Chiesa [sia sopra la Scrittura, ô la
Scrittura sopra la Chiesa] K Ma ho crcduto et hora affermo che
la Chiesa et la Scrittura siano di pari autoritii, percioche quelle
istesse Spirito S.*" che dittù à i profeti, à gli apostoli et altri
huominj santi, quelle istesse Spirito S.*^", dico, è et assiste conti-
' G. 403 : dunque, mis en surcharge.
' V. P. 124: adininistratione de sacramenti.
' V. P. 134 s'arrête après ♦ o la Scrittura»; V. P. 136 : a achevé
la phrase.
MéUivçies d'Arrh. et d'Ilixt. Util. ^
KiO UOMK ET l'olShV
iiuanu'iite ' ncllu sua Oliiesa, l't per taiitd (|uaiit1(i iiasco ' rlifficultà
sopra quak'lie ' senso délia Scrittiira. bisngna olic quello istfsso
Spiritii S.'" clic fcpo la Srrittiira et assiste iiclla fliiesa ci inostri
et (licliiari il vcro soiiso siio. coinc av\('mic iicl primo coiicilio
Nicciio (lo\(' ilispiitaiiilusi dclhi iliviiiitM lii Cliristd nc^'ata (la frii
Arriaiii. i catliolici adùiicevano quella auforità di San (iiovaiiiii:
« Jù/o ri Pater inuini .sinniis» per provare la consustantialità dd
Figliiiolo Col Padrc, et coiilirinavaiio la detta aulorità coii raltie
autorità délia Sorittui'a. [(ili Arriani aU'iiiçonti-o recevevano la
raedesma autorità interi)retaiido quello innmi vnliiiitate et non na-
tura, provaiido i|iiesta ioro interpretatioiie cou nM'alfro liio^^o d(dla
Scrittiira] clie dice; « Volo ni fxtis /iinini sirnti /■(/o r/ l'utcr
uiniM SKDiiis ». Hcro\ i clie un inedesimo liioi^o dcUa Scrittura,
ricevuto parimentc da i catliolici et da yli Arriani, era divorsa-
inente interpretato da Ioro. Era jicr tanto liisnirno che lo Spirito
S.*^", in ([uel concilio uni\ersale ciie raiipresentava la CliieHa uni-
versale, manifestasse (comc veramente nianilesti')) il vero senso di
quel Inogo dclhi Serittura, ciô è elie quel luogo iinnm s'intendesse
per Tunità délia natiira et non s(damente délia volontà. Cii'ca lo
esempio di l'aplmniitio isic). aneorelie jiotrei dirxi elle Sozonieno
fusse stato, i>er il testinionio di (ire.norio piinio. ineolpato di liavere
adlierito alla niiova * setta de" Novatiaui, | et elie per conséquente
la sna Uisttii'ni non fusse da esser ' rieevuta, nondimeno voglio
valernii del suo testinionio eome di autore approvato, ma con cor-
rettione. Il detto esempio di Paphnutio è stato allegato falsamente
et fnor di proposito, conoiosia ehe Sozomeno non diclii che '1 con-
cilio Xieeiio lialilii \(ilnto far Icgge o decreto die i sacei-doti si
' V. P. 1:J4 : oïdinaiiaiiiente.
- Ihid. : nasce (pialchc.
^ Ibid.: alcun.
* Onn's pai- T'. /'. lx'4.
■'• Ces <leux mots omis pai T. /'. ]./4.
JOUUNAI, DE I.'aS.SEMBLKE 131
maritassero (percioclie questo non si trovo mai dal teuipo de gli
apostoli sino all'hora ohe qiielli die erano già fatti sacerdoti po-
tessero tor moglie.) ma era beue in iino uso, corne è hoggi nella
Chiesa greca, cbe quelli clie havessero moglie potevano poi farsi
preti. Onde Sozomeno dice in quel luogo che '1 concilie deliberava
di fare una legge o decreto, che i vescovi o sacerdoti [ c'havessero
tolto prima moglie quando poi venivaiio a farsi vescovi o sacerdoti]
si asteuessero dalle raogli, et che solo Paphuutio si oppose à qnesto
decreto, dicendo clie era castità Thaver commertio colle mogli '.
In oltre, il coucilio non havea aucora decretato ; talche in questo
(ancora che quello che era posto in deliberatione fusse stato errore
come non era errore) non si puo dire che "1 concilie havesse er-
rato. Quanto aU'autorità d'Agostino, voi sapete beue che innanzi
a lui non erano stati più che tre concilij generali, ciô è il Niceno,
Constantinopolitano et Ephesino, de" quali leggiamo bene che 1
secoudo approvo la fede del primo, et il 3" approvo la cmifessiouc
del primo et del 2°; et non si trova già clie l'uuo habbia emen-
dato ralfro. La onde non è verisimile che Agostino inteudesse che
l'uno correggesse Taltro, ma si bene che '1 posteriore dichiarasse
il superiore. 0 vero si puo dire che, poiche i concilij non possono
errare ne nelle cose délia fede, ne nelle cose appartenenti ;\ i
costumi, vero è che le cose délia fede son immutabili, ma quelle
de' costumi si mutano secondo il luogo et le persone, si puo dire,
dico, elle Agostino intendesse che un concilio posteriore possi emen-
dare un concilio superiore nelle cose appartenenti à i costumi, non
già rhe il coucilio superiore havesse errato in quel tempo che li
t. 153 determiiii'i, ma che al tempo dell'altro |i concilio che segue, per la
niutatione de" tempi, de" luoghi et délie persone, dette cose ap-
partenenti à i costumi dovevano mutarsi et, per conseguente,
emendarsi. Et di questa emendatioue è ragionevole che Agostino
' Tout ce membre de phrase, clepuis -^ et che solo Paplniiitin •, est
omis par T'. P. 1^4.
132 KO.MK ET I-OISSY
intend<^s«e ». Et qiiesta mi pare clie fusso la nomma ddla risposta '
(li moiis.""" Dospansa il quale, ancorclie non rispoiidesso a certe
miniitit» addiitti' dal Mesa como diro di p:i|(a (iiovaiini fciniiia et
di papa Giovanni xxij heretiro. risposp et satisfece aile rose prin-
cipal! pienamente, oon Ratisfattione et contentezza di tutti i catho-
liei, et con rossore et eonfusione de gli avvcrsarij i quali non
potevano in modo nessiino provare qnella loro extraordinaria et
fanatica vocatione. VA in etfetto ^'■li argnmenti de nostri fiirmi si
potenti et eflficaci che gli avversarij non seppero che si rispondere
se non dire clie erano stati approvati dal magistrato civile. Et à
questo fu risposto loro clic '1 magistrato non liaveva tal' autorité
et nemo dat quod non Iiahet. Mons."^' il car.'" di Lorcna, doppo
molti ragionamenti tra l'nna et l'altra parte, fece ex tempore una
Iiclla et dotta condnsione, dicendo che essendosi ragionato a pieno
del primo articnlo cio è dcU'autorità délia Cliiesa et de' concilij,
et conoseendosi gjà cliiaramente la verità clie era dcl canto nostro,
hisognava venire al seconde articulo cioè alla verità del corpo ' di
N. S.'" nel santissimo sacramento deireucharestia, sopra del qnale,
si corne egli si è offerto nella stia arenga niostrar loro con con-
senso universale di tutti i dottori de' primi 500 anni la detta
verità, cosi liaveva già pronti i libri et l'autorità di ciascnno di
detti dottori. Et quando non volsero stare à i dottori, che non
voleva altro per provargli questa verità che l'espresso texto del-
ri'.vangelio; concludcndo che se essi non si sottoscrivevaiio a qiiesto
articulo non sariauo stati pii'i ammessi in altro ragionamento.
Mostn') poi una confessione délia verità del corpo di N. S.'''' del
(sic) sacramento sottoscritta da cento ministri in circa di (|uclli
v° délia confessione Augnstana, la quale scrittura sottoscritta è stata
mandata ultimamente al re da i dnchi di Vittinburg ' et Saxonia,
' ^'. P. 1^4: che fosse la risposta.
2 Ibid. : alla verità di N. S.-^"
•'* Wurtemberg.
JOURNAL DE L'ASSEMBLÉE l'i'i
Aa\ couti Palatiiij et l'antgravio d'Oxia ', i qiiali havendo havuto
nuovo (sic) (li questa assumblea di Poissy s'erano a' xv d'agosto
asseuiblati in Luiiiberg ° cou i detti tninistri, dove havendo di
comun coiiseiiso fatta la detta confessione la maiidavano a S. M."
pregandola et persuadendola clie vogli pii'i tosto stare nella con-
fessione délia Cliieaa romana clie lassarsi tirare aU'assurda, falsa
et fantastica opiuioue de' calviuisti. Esso s.°^' car.'" per maggior
teiTore de gli avversarij ha volute servirsi délia detta confessione,
con intentione che se costoro eonfessaranno la presentia di N. S.'«>
nel sagramento si possino poi più facilmente ridurre ajla verità
délia transubstautiatione. Gli avversarij risposero che in questo
volevano consultar fra loro et poi risponderiano quando piacesse
alla regina, la quale assignô loro il terzo giorno che fu il venerdi.
Il di de i xxvj, essendo parao a tiitta la compagnia de'vescovi
che '1 s.""^ car.''' di Lorena, che haveva solamente a rimostrare i
luoghi citati uella sua arenga, si fusse lassato tirare a quello che
meno loro approvavano di disputare de' dograi, fecero un'atto alla
presentia sua per il quale dichiaravano rhe quello che passava in
qneste conferentie circa la dottrina era senza consenso loro, et che
intendevauo di stare alla determinatione che [non] se ne facesse.
Et questo non ostaute, il venerdi xxvij (sic) di settembre, il pre-
fato car.''' di Lorena, présente la regina, re et regina di Navarra,
et gli altri principi del sangue et siguori del consiglio privati (sic),
cou più di veuticinque vescovi et altritanti theologi, propose bre-
vemeute che essendosi neU'altro congresso presa risolntione che Besa
f. 154 et altri, ô sotto scrivessero il seconde articule, o che non si || do-
vesse più ragionar con esso (sic) lero, desiderava d'intendere quel
che deliberavano di fare. AUhera Besa, con i medesimi et mag-
gior numéro di compagni, doppo havere detto un Itreve jiroliemie
' Landgrave de Hesse.
« Naumbourg(?) — V. P. VU: Lunembergh ; V.P. 136: Luxembergh.
134 KOMK KT POISSV
in Miiii scusîi, (liï<se che per fnrsi meglio inti'iider»' liavcva p<ii-tat")
in scriptis qnelle coRe le quali flcsidorava fare intendere alla re-
gina et alla rompa^nia. La detta sfrittiira, in somma, eontcneva
duo capi. Nel primo, si dolse dcl s.'"' car.'" du- i simi tlifolo^'i
siano nel primo eon^^resso piitrati a ragionare dclla loro vofationi-,
esaendo rajfioncvole die si dovcva jirima ragionare délia duttrina
che venire a questa parte délia vocatione. Et in qiiesto mostrava
elle fusse stato lor fatto torto perelie aneor'esso potrebbe domandar
loro se quando fnrno f'atti vescovi erano stafi elctti dal p(i|iulo et
se liavevano la vita et la dottrina elie si ricereava a siniil grado,
o vero se liavevano eomprata questa dignità per favore, pei" ser-
vitù, o per (lanari. VA in quest'ultima parte toceo taeitamente l'an-
nate et parve a lui di li.ivere posto in dubbio l'autoritA de'nostri
vescovi et liaverci pagato délia medesima nioneta. Xel 2° eapo, en-
tro nella materia del sacramento, facendo unu confessione oseura
et dnbia secondo il solito, ci(') è che uella cena essi ricevevano vc-
ramente il eorpo et il sangue di N. S.'"'' aggiungendovi la solita
elausola per fede, et che '1 modo di riceverlo era ineffabile et in-
comprensibile. Preg<S poi il s."* car.''' di Loreua che dicesse loro se
parlava ' in nome di tutta la compagnia o privato nome, aggiungendo
in oltre che se il detto s.'" si contentava dell'articulo délia cena
délia confessione Augustana, essi per aventura lo sottoscriveriano
volentieri. 11 s.™ car.'® non inancô di risponder subito alla detta
scrittura, mostrando, nel primo cajio, che Besa havesse ))Oca espe-
ricntia di fare i vescovi in Francia. et che dove haveva spe-
rato prima che di qnesti congressi si dovesse venire h qualche
buona | et sauta uiiione, hora considerava che essi s'allontauavano
il più che potevano da questa santa opéra, percioche erano entrati
a biasimare l'elettioni de'nostri vescovi coii grandissirao pregiuditio
delTautorità del re ; et ridasse questo punto in materia di stato,
' Le ms. V. P. l:S6 s'arrête là.
JOURNAL DE l'aSSEMBI.KE 135
(k'duceiido oou ragioni clie essi volevano non solaraente biasimare
r.uitoi-ità del re présente et de'passati, ma cercavano ancora di di-
niiniiiila a fatti). Et in qiiesta parte dechiarô clie tiitta l'autorità del
populo di Fraiicia, per conseuso di esso populo, era data alla maestà-
regia, di maniera che la persona denomiuata dal re ad alcuna cliiesa
veuiva per eonseguente ad esserc approvata et eletta dal populo :
ollra di ciè, dopo cbe il papa liaveva eletta la persona denonii-
nata dal re nelle boUe vi è una lettera indirizzata al clero et
al populo per aeeon>ientire alla detta elettione, [talclie, in quu-
luiiqiie modo s'intenda l'elettione] de vescovi di Francia, si tro-
verà il modo houosto et ragiouevole. Venue poi a ragionare del-
l'aunate, provaudo che non vi era simonia percioclie si fa eon con-
sentiniento et comune accorde in segno di riconoscere la superio-
rità délia S.*" Sede Apostolica. Et, quanto alFatiVonto che Besa
diceva essergli stato t'atto, disse che il raedesmo Besa n'era stato
cagioné, haveudo detto che essi erano ministri estraordinarij. Et
il detto Besa fu ancora causa di entrare in ragionamento délia
veritù del corpo di N. S.''* uel sacraniento délia eucharestia, ha-
veudo in quella sua prima arenga detto in pubblico quella biastema
eio t che '1 corpo di N. S.'" era cosl loutano dalla cena eome il più
alto del cielo al più profonde délia terra, et che per questo era
necessario ragionare di questa santissima et vera presentia del corpo
del nostro Sig.''' nel detto sacramento per tor via lo scandalo et
qualche mala opinione che poteva essere impressa neU'auimi degli
auditori. Soggiuuse poi clie egli et la compagnia de'theologi non pro-
posero quello articulo délia Confessione Augustana quasi approvan-
f. 155 dolo il , ma perche conoscevauo che la via di condurgli alla ve-
rità délia transustantiatione era di farli confessare la presentia
reale del corpo di N. S." nel sacramento, et, iu questa parte, quelli
délia Confessione Augustana era[no] più vicini alla verità che essi.
Concluse poi in un bello et eflScacissimo modo la detta presentia
con l'autorità di tre evangelisti et con quella di San Paulo : « Ac-
13() KOME KT l"l)l.SSV
(■ijiHf \i'f\ rtiiiimt'fl/fe, lior est corpus mi'iim. liihite ex hoc otnnes,
hic est sanguis meus, etc. » et finalmonte non domandava alfr'arrae
l)er profunir qnosta verità elie l'espressa parola di r);<i. Besa rispose
brevcmente et non molto a propositf», talclu- l'iotro Martire volso
ainfarlc (sic) mn iin.i jii'i'nu'ilitata uratidiif la qnalc e^'li récita iii
linj;iia italiana. si'ns:in(liisi clic cosi ^li cra stato comniaiidato dalla
regina. La sua iiratimn- l'u liui^^a di iiic/z'm-a, et cinitciini' iliic
parti priiicii)ali : l'uiia cinc cIk^ la lui'n vocatimie cra légitima,
l'altr.i fil tntta ad inipruliarc la jiiitiia oratioiie clic fece il car.'"
di Lorena qiiando parlo délia vcrità et pi-csentia dcl corpo di
Christo nel sacramento. Kt disse clic in (|iicl mistcrio vi erano
quattro cosc, cioc : liistoria alla quale aiiparticue dire la verità
senza parlar figurato ; la seconda die vi er.i il precetto, « et j)receptiim
Boniini lucidum [est\ iUvminans oculos. etc.»; la terza, che vi
era testamento ncl qnalc vcraniciitc si dclilic dire hi Vdluntà dcl
testatore; la qnarta et nltinia, clie era sacramento il qnalc dcliba
tenere il segno et la cosa significata. Et in qnesto, qnanto alla
prima disse clie, circa alla successione délia dottrina, che toro pen-
savano d'haverla, predicando (corne facevano) la pnra ' parola di
Dio, et che, ancora clie non liavessero imposition di niano, l'iiave-
vano pero in virtiitc et clie la nécessita gli scusava se non liave-
vaiio l'attiiale, nmi havendo da clii riceverla, perche se fussero an-
dati da i vescovi essi non gliel'haveriano dat.i, tenendo iiiia dot-
trina contraria alla loro, et per il contrario essi si sariano tatti
v° eonscientia di | rieeverli (sic) per non mostrarc con scandale d'altri
d'approvare la loro autorit:'». Et in questo proposito addnsse due
esempi, l'nno di (|uella isie) che stava tra gli infîdeli et credeva
in Christo et. non liavendo clii lo liattez/.assc, pregava un turco
che gli buttasse l'acqua addossn con l.i forma délie parole: « ego
te haptizzo in m/iiiiiie l'utris et FiliJ rf Spirittts Sancti » di
' Omis par T. /'. V34.
JOURNAL DE L'aSSEMBLÉE 137
modo che, conie il biittizzaiite uon era ministre) di Dio non ha
vendo mai liavuta impositioue di mano et non per questo il bat-
tizzato, venendo tni i christiunj, haveva bisogno di niiovo battesmo,
cosi loro potevano ricevere la impositione di mano ' esteriore come
in effetto liavevano ricevuta da i miuistri délie lor cliiese o da'ma-
ijistrati civili. Et l'altro esempio è di Sefora, moglie di Mosè, la
quale c'ssendo femmina et gentile et, per conseguenza, non ministra
délia circuncisione, cireuncise il fîgliuolo generato da Mosè, ne si
dubbito délia validit;\ di detta circuncisione. Quanto poi alla se-
conda che coutiene la confntatione délie ragioni del s.""' car.'® di
Lorena, si sforzù, eon l'autorita délia Scrittura, di provare che
neU'historia spesso vi è parlar ligurato, et cosi anche ne precetti,
ne sacramenti et ne testameuti. Per la prima, allego due autorità
del Genesi che sono: ^penitet me fecisse hominem, etc.» et « om-
nes anime que exieraiit e.r htmbis Jacob et ingresse sunt in Egiptum
erant numéro septuaginta », dove pare che '1 parlar sia tigurato.
Contra la seconda, cioè i precetti, addusse "" l'autorita di N. S.™
in San Matteo: f. C arête à f'ermento p/iariseorum, etc. ». [Contra, 'û
terzo et il quarto, coniuncendo insieme il testamento cou il sacra-
mento, coucio sia che '1 sagrameuto sia come un sigillo del testa-
mento, allego Tautorità deU'Exodo: « Çiiod magnum est P/iase]
idest transitât (sic) Dominj». Et in elTetto in tutta questa seconda
parte non. hebbe altra mira che di improbare la verità del corpo
del sacraniento, ancorche astutamente raostrasse di voler dire altro.
Mons.'''' di Spansa rispose bcnissimo ' à quest'ultima parte, percioche
alla prima parte dove provava la sua vocatione era stato già ri-
f. 156 sposto nel primo congresso, dicendo che gli argumenti || non erano
à proposito, percioche il car.'"" non provô quella verità délia histo-
' Tout ce membre de phrase, depuis « et uon per iiuesto » jusqu'à
\-A impositione di mano >, a été omis par V. P. 124.
' G, 403: ehe et addusse.
' I". P. 1.24: buonissime.
homf: i;t I'oissy
ria |ho1:i|, ma ila tiitff i|Ui|lc ijuattro cosc iusienK-, li- i)iiali. lutte
iiisiemente trovandosi iii quel santissimo misterio, facevaiut clie le
l>arole dovevano inteud'-rsi sciniilicemente et assolutameute seuza
tiiippii ' o pai'lare (ii;iirat(i veiMiiii». VA uoii si trovcrà mai luii;;o
aUniiio uiiUa Scritlura cIk^ euutenj^iii queste quattro eo.se iiisieine
cioè historia, iireoetto, H-ieraniento et testameiito, elie lialilii parlai-
iigurato. Et non obstante questa vera solutione, si rispose nell'ai-
giimento contra il precetto, clie N. S.""" medesimo si dichiaro dicendo
a gli aïKjstuli : « 7v/o dico (If frniifiito plidriseorum /[iKid esl liipo-
crisis ». Contra l'argumento ultime, si è risposto clie il texto non
dice quod agnus est Phase, ne s'iuteude a questo modo, ma dice:
^ Comedite /ï'stin(i>//er. est (fiiim triinsiliis Domiiii » ciù è: « nian-
giate presto questo agnello per cio die il ■Sig.''*' passa » ù « vera-
mente | èj il passaggio del Sig.''' », come se noi dicessimo: « niangiate
con allegrezza pereioche è la doinenica et la festa del Sig.'*».
Et iii eti'etio si satiaf'ece à pieiio et con sutisfattione di ciascuno à
gli argomenti di esso l'ietro Martire il (iiialc pereioche iiel Hue délia
sua areiiga liaveva exortato ogiii uno a propalare liheraiiioiite qiiello
elle sentiva di dentro.
Il Padre Laynes accostatosi al s.'''* car.'*' di Lorena et preso
d.i lui licenza di parlare, voltatosi alla regina, disse clie con tutto
clie egli fusse forestière, clie uoudimcno trattaudosi d'uiia cosa coin-
nniue con ogni uno, et mosso aiicora daU'invito di fra Pietro Mar-
tire che cosi lo domando sempre, fece un bello, devoto et dotto
ragionameuto, mostraiido con efficacissime ragioni l'autorità délia
Cliiesa catliolica et délia Santa Sede Apostolica, et clie alla detta
Cliiesa appertiene (sic) solamente rinterpretatione del vero senso
doUa Scrittura.. Et in questo coufutè l'espositione che Besa liaveva
v° data délia ] Cbiesa « qiiod ipsa erat columnn et firnuimentum
veritaiis » ; et chi si parte da essa entra iii iiifiiiiti crrori : et
' Il seinblo iiuil iiianiiiu' ici un ou plusieurs mots.
JOURNAL i)K l'assemblée 139
olie (luosti délia nuova reIi.^■ione iinitaiio li altri clie si devinnio
dalla Cliiesa, [i] qiiali, con dolo.i parole et aotto spetie di pietà,
sparjîono et imhoccano velenosa et pestifera dottrina' nelli animi
delli aiiditori et massime di quelli clie non sono versati et periti
délia Sacra Serittnra; et clio. pcr qiiesto, l'aseoltarli cosi in pu-
l)lico era pericolosissimo et di molto scandalo ; talclie S. M.*-' de-
veva, per honor di Dio et per sicurezza délia conscientia sua, non
trovarsi in simili ragionamenti, ma jjotria deputare alfuiii liuomini
dotti i quali potrebbono disputare nella presentia di (iiialcirnno de
principi che hanno autorità à fine clie non nasea qualclie disordine.
Prese poi occasione di dichiarare la verità del santo sacramento con
questo esempio facile et sensato clie S. M. *^ si tigurasse un principe
il quale, vedendo assediata la sua citt;\ con periculo manifeste di
essere disolata, si espose contra gli inimici esgo inedesimo, i quali
liavendo seacciati et debellati libero la patria sua; et clie, volendo
di una vittoria cosi grande lassar qualelie memoria [et] potendolo fare
in tre modi, cio è con istituire clie in un certo tempo determinato
si leggesse quella liistcria in presentia di tutti i cittadinj liberati,
6 eo 1 fare rappresentare questa fattione come in una comedia dove
si fingesse che si combattesse contra gli inimici et ottenesse vittoria,
o vero col comparire esso medesimo in seena per maggior memoria
di quel fatto, havesse voluto eleggere questo terzo come più noliile,
L 157 più' degno et più eccellente; et che in questo modo N. S.''' Jesu
Christo' haveva voluto lassare una memoria d'ùna rappreseutatione
délia morte sua per segno d'haver liberata la generatione luimana
dalla morte et dal peccato colla presentia del suo medesimo corpo.
Et haveudo qui finito di parlare con molto zelo, il Besa, voltato
alla regina, disse : « Madama, costui ci voi-ria ' mandare a Trento, —
et questa saria una buona via di pacifîcare le cose délia religione
in Francia — , et fa ' che la cena sia una comedia et che Christo
' T. P. 124: liaveria vobito.
2 G. 403: far.
140 liO.MK KT l'OlSSY
sia qiiello clie vi giiinclii cli l);i;,';!ttcllc ». Si venue poi u. disputure,
cou arf,'umenti in forma, délia iircseiitia del eorpo di X. S.'" nel
sacraniento. Et di (iiielli clic arKunieiitorno iJ Hesa fu il i)rinio clie
adomandô confuBumente ' sopra le parole deiriCvau'jelio « lioc est
corpus meum, etc. » se quel pi-mioine demostrativo hoc demostrava
qiialchc cosa, cioè il pane o veraiiiciitc il corpo del Si^îuore; perclie,
se demostrava il pane, veneria in eoiiseqiienza che il pane era il
corpo del S.'", dove se non dimostrava altro che il corpo, dalle
parole di N. S/'' in questa institutione si cava che qucsto sacra-
m(!nto sia dimidiato et imperfetto, perche coutiene la cosa signili-
cata et non il segno cioè la specie. Gli fu risposto da Dujjre che
quel prouome hoc non dimostrava il pane, iierchc saria inia iirc-
positione enormissima " che "1 pane fusse il corpo del S." , ma clie
era un pronome vago et non signato, che bisognava congiungerlo
con il suo predicato cio è il corpo, et cosi viene a diraostrare 80-
laraeute il corpo del S.''" ; et che, quauto al segno, lo contiene be
nissimo, perche non lii.sogniava (sic) disgiungere queste parole dalle
précèdent! dette nella medesima cena, cioè « accepit Dominus ^ pa-
nem, henedixit, fregit, dicendo: hoc est corpus meum, » et che
mettendo tutte queste i)arole insieme et non separando l'una dalTaltra
si inteudono insieraemente le spetie del pane che è il segno, et la
cosa significata che è il corpo del S.''"' ; talche il sacranieuto non
v° viene ad esser | imperfetto, anzi perfettissimo, contenendo in questa
iustitutioue il segno et la cosa significata. Hor Besa volendo re-
plicare et non iutendendo bene l'argumento coine quel che non in-
tendeva quel dimostrativo vago et signato \ ancurche egli l'havesse
dichiarato con uno eserapio materiale, Dnpre gli disse che venisse
alla loro scuola per imparare i termini, et provocù Fietro Martine
' V. P. 134: asaai confusamente.
^ Iliid.: eronicissima.
' G. 403: accepte Domino papem.
* V. P. 124: significato.
.HH'RN'AL DE I. ASSEMBLEE 141
elle iiitendeva meglio dettj terminj a fjirsi innanzi. Allora Pietro
Martire fece due argnmenti, uno ' c'uiè clie Cliristo in qiiella insti-
tiitioiie aceepit paiiem, benedixit paiioni et fregit paneni : facendo
tuttavia mentione del pane, bisogiiava rlie non inlendesse altro se
non [che ilj ' pane era il sno rorpo, cloè significava et era fignra
del suo corpo '. Et adducendo in qnesto nna interpretatione di Ter-
tnliano in i° Whvo Adrersus MarrioDeni /lereticum che dice:«7Jro-
fessns itaqiie se conmpisrctitin roncupisse eâere paschn. ncceptnm
pane»! et distrihufum discipulis corpus staim illum fecit, hoc est
corpus meum dicendo. idest fiçiura corporls mei. etc. ». L'altro ar-
guraento fu cIip San Panlo, ad Corinthios, et San Luca, negli Atti
de ç/li Aposfoli, cliiamorno questo sacramento pane. Di San Pnulo
citô quelFautorità: « panis \quem] frangimus, nonne*, etc.». Di
San Luca: « communicabant in frartione jJanis ». Et per roborare
il suo argnmento, addusse iin'autnrità di S.'" Agostino, libro contra
Adimantum. che dice : «non duhitavit Dominus dicere: hoc est
corpus mexm, ciim ^ signmn daret sui corporis ». Al primo ar-
gumente fu risposto che non si negava che in tutta quella insti-
tutione Christo " dicesse: « nccepif panem, Ijenedirit panem. fregit
panent » : ma si uegava bene la consequentia cioè che ne " seguisse
che quel pane fn.sse il corpo di Nostro S.''", percioche per virtù
di quella parola hoc est corpus meum la 8ustantia del pane si
transmutô nella sustantia del corpo di Christo, altramente la sua
parola non sarebbe stata vera, perche disse « questo è il corpo mio » ^
' Omis par V. P. 124.
« G. 4Ô3: quel.
■' V. P. 124: significava il suo corpo et figurava il suo corpo.
* G. 403: frangi meus non ne etc.
s F. P. 124: in.
* 11 faut sans doute reconstituer la phrase : « che. in tutta questa in-
stitutione di Christo, si dicesse ».
" G. 403: non.
* Mio est omis par V. P. 124 •
142 HOME ET l'Ol.sSV
i. 158 et non « questa || è la fi;j»ra del corpo niio ». Kt il detto DupK-
(lisse clie si era offerto di provaiT questa vcrità mn la cspressa
parola ili Dio scnza aggiuugere o diiniuiiire parola veruna. All'iii-
tcrpretationi di TertiiUiano rispose clie cséo Tertulliauo in molti
altri luo;;lii ha dccdiiarata l'opinion sua di questa verità, come, fccc
ncl liliru Df rrsiiyrertione caniis clie disse « earo corpore et san-
guine CJiristi vescitur ut' et anima de Ueo saginetur » ; et die in
quell (sic) libro Adrersus Marcionem, parlando contra Marcione
elle metteva in Cliristô un corpo fautastico et non vero, volse pro-
varli coii questo saeramcnto clie Christo liaveva vero corpo perche
qiiesto sagramento era figura del corpo suo, et rei non verae iiulla est
figura. Al secondo argumento fu detto [clie] da Panlo et da Luca
il corpo di N. S/*' era chiamato pane cioè cilio et nutrimento. se-
condo la consuctudine de gli Hebrei elie cliiainano pane ogni sorte
di ciljo; et, in questo significato, la carne et il corpo di X. S.''' era
vero cibo et vero nutrimento nostro '. Fu fatto (sic) un" altra
risposta a questo proposito che Christo si chiamava veramente
pane corne è scritto in S. Oiovanni: « eyo sum punis rerus qui
de cela (sic) descendi ». Et in questo significato, San Paulo, San
Luca et altri dottori antichi cliiamorno la carne del S/* pane perche
veramente nutrisce Fanima nostra. AlFautorità d'Augustino (sio
rispose che esso Agostino in inliniti altri luoghi confessa la vei-ità
et la presentia del corpo di N. S.'"' uel sacramento, et che biso-
gnava interpretare Augustino (sic) per Agostino. Et percioche uel
sacramento è il ^ segno visibile et la cosa significata visibile, Agu-
stino (sic) dice che il S.'*" non dubito dire: « questo è il corpo mio »
ancorche quel segno visibile fusse figura del corpo suo. Finiti questi
argumenti, volsero ragionar' di altre cose, ma non si audo pii'i oltre
perche la regina si levo, essendo già notte.
' Omis pai- V. P. U4.
2 V. P. I2i: céleste.
3 Omis par V. P. 134.
JOl'RXAI. DE L ASSEMHLEE H.'i
Alli xxviij la regina col suo eonsiglio accettô l'offerta elie li.-i-
veva fatta la Cliiesa di risouotere in vi anni il dominio dol iv, il
qiialc imiiorta cosi confusaniente 16000000 di franchi, se liene alla
Chiesa importa di xxi o xxij milioni. Onde la congregatione maiidn
snbito il vescovo di San Briux ' alla caméra de'conti a Parigi pcr
ritrarre veraniente quelle che il re '" cava délie iiij décime, liavondo
opinione, con una accrescimento di dua (sic) o trecento mila fraiiclii
di pin, di poter pagarc detta somma in termine di xij anni, se
liene il rè, come si è dette, ribavrà il sno in termine di sei.
Alli xxviiij et xxx il s.'"' car.''' di Lorena se ne ando a Me-
dine ', et lasciù la carica di formare * i canoni [al sig.'' cardinal
(Il Tornone in compagnia di non so quanti vescovi o ^ tlieologi, i
quali vi attesero ineessantemente due virlte il giorno.
[A di primo d'ottoVive, havendo monsig.'*" 111.'"" di Lorena tro-
vato, nel ritorno suo da Medone, clie monsig.''" ill.'"" di Tornone
et altri prelati et theologi c' liaveano vacato in qnesta sua a'psentia
a formare i canoni sopra le cose delliberate nelle loro congrega
tioni. elle, di quelle che Sua S. ill.'"" n'havea formate prima, ne
cr.i stato siancellato o vero altei-ato non so che uno, sene dolse
acerhamente nella congregatione générale, indrizzando il suo par-
l.ire al sig."' cardinal di Tornone, et concludendo a buona cera che
non era per comportarlo. Onde scusando queU'altro sopra tutti i
deputati ch'erano stati di questo parère et non acquietandosi per
questo Lorena, Tornone dis.se che poiclie sua sig." ill."'" voleva e^■-
s'rc snjira le eongregationi. cirei;li si protestav.i di non volerci in-
' Saint-Brieuc.
- r. r. 124: che '1 cava.
' Mendon. — )'. P. 1J4: .Medon.
* F. P. ÎV4 ; la carica di seguitare di fonnaie.
•'■ Ihid.: et.
144 ROME KT l'OlSSY
tervcnire pii'i ; et, cosi detto, sene usci fiiora et ni f«cf portare nell<-
sue camere. La quai cosa dettr forte uel nano a tutti i vescovi.
parendoli che Loreiia si vpudicasse troppa autorità sopra di loro,
et pertanto sene dolseni modesta mente et lo feoero capace del torto
che S. S. 111. ""* havea, poiiendof^li in eonsiderationc la eontentez/.a
rhe sariano per piirliare (picsti ininistri iiitendiMiiln rlir tia huo
incomineiasse ad essere disnnione. Onde rironoseiiitosi Ldrena, parvc
l)ene alla eonçregatione di inaiidar monsig.""'' d'Amiens et d"Orleans
a pregare il detto sig/'' cardinale ciic v(de!)se ritoniaïc, essendo
che la congregatione havea pn'8o per prnpria riiiipiitatione du-
Lorena gli dava, et fattogli confessarc che nnn si ]ioteva dolere di
lui. Del die Tornone non sene rese difficile, et cosi, senza moite
parole, fu posto fine a qtiesta alteratione] '.
Alli ij es.sendosi inteso clie i vescovi di Usez, Valenza, Sali-
gnach et Buttiglieri et Disiiansa ei-ano convenuti due volte à di-
sj)utare privatamente cdn (|iicsti niinistri. et clie il niincire cm-n-va
che i dctti ciiiqiie si vaiilavano di csscrc stati deiJiitati dalla con-
gregatione, fu da tutti dctln clie se, cra vero che iiessumi di (juel
corpo si fusse gloriato di essere stato eletto da loro à disputare,
die meritavano non solo di essore scacciali da qnella eomiiagnia
ma' di essere connumerati nd ninmni di altii lieretici. 11 medesimn
di, Besa feee appresentare nella cougregatinne Finclusa confessione
die egli et i eompagni volevano fare intornd aU'articiilo del sa-
eramento. et scgnila [in (iiicstn modo|.
Suit la traduction du texte de cette confession telle qu'on la trouve
dans VHist. écriés., 1, pp. 676-677 et dans Espence (Kuble, p. 41) avec
cette seule ditférence, que l'auteur du diario a inintelligeminent traduit
< prend . par <■ parendo » et omis . donne » dans la formule « présente,
donne et exhibe veiitahlemeiit la sulistance de son cor|)s •. Ile même
' Tout ce paragiaiilie iLiani|ue ilans G. -KiS,
3 G. 403: et.
JOIRNAI, DE l'assemblée 145
il naduit .percevoir» par > per iinesto vedere, pour ce voir»! — Le
Vai: poUl. 125, contraireinent à Gas. 403, Ait - la fede rende vere le
cose promesse • au lieu de « rende presenti », qui est ponforme au texte
de Bèze.
Ne mancarono di quelli che consigliavano che detta confessione
si accettasse ', usando di questo termine che da un mal pagatore
l)isognava accettare quel ehe si poteva havere. Al che fu risposto
che non era da paragonare le cose délia fede con il dare et con
rhavere, perche bisognava parlarne chiarameute et non con tante
coperte et ombre conie facevano co^toro. Et pero fu risoluto da
tutti di non accettarla.
Fu anco ragionato et risoluto di tare fare un cathechismo il
quale habbino ad usare tutti i curati per la F'rancia ad instruire
il populo, et di eensurare la confessione di Calvino ; ma sin hora
non è stato dichiaratn du ne liabbi da liavere la cura.
Alli iiij il vescovo di Valenza ° porto in congregatione un'altra
confessione di Theodi>ro dcU'inoluso tenore :
Ici traduction de la formule donnée par Espence (Rublb, pp. 41-42)
et VJJist. I celés.. I, p. GTS, sauf les différences suivantes: ■> et che noi
pigliamo et mangiamo spirituahiiente » au lieu du « que nous mangeons
sacramentel lenient » d'Espence, du « que nous recevons et mangeons sa-
cramentellement, spirituellement » de VHist. ecclés. ; — « per esserne vivi-
ficati > conforme à VHiii. ecclés. alors qu' Espence ajoute «et rassasiés »; —
Ijijrliamo realmente et con effetto il vcro... » au lieu de « nous prenons
très véritablement et de fait, seu realiter et re ipsa, le vray » (Espence-
Rrm.E); « nous prenons vrayement et de faict le vray... » {Hist. ecclés.) ;
l'adjonction de « nostro Salvatore Giesii Cristo » à cette phrase, Espence
disant t Nostre Seigneur Jésus-Christ » et Vffist. Ecclés. simplement « nos-
tre Seigneur »; — dans la dernière phrase « del nostro salvatore ,Jesu
' V. P. Ii4 : s'eccettuasse.
' V. P. 124 ajoute : in nome délia Reggina.
Melaïujfn i/'.-l i-cft. ••! il'Ilint. Util. ^0
■14b rio.Mi': KT l'oissy
Cristo . au lifu de . iriccliiy • (Ksi'KXfE-Kiiiii.K , . (rict-liiy nostre Sau-
veur • {Hist. ecclé.1.]; — pntin • per servare, pour conservf r • traduisant
le «percevoir» d'Espence et de Vlfist. erclés.
Va ponlio il (Ictto vcscovo nidstro (|u;isi clif l.i rc;,'in:i deHJde-
rasse rlic si aoeettasse detta confossione, la conj^re^^jatioiie deputo
il veseovo di Legiiix, délia Vaiira et di Cialone ', a forinare la eoii-
fcssione ehe voleaiio clie facessero a S. M.'" , et a dolersi del pro-
cèdes maliffno di costoro.
Il veseovo di Seex ', iiel medesfinio giorim, dnjio essersi scu-
sato de colloquuij elie liaveva fatti con questi niiiiistri, disse clic
poi clie ia eongre^ratioiie non li trovava IjHonJ, si eome non }rli
ti-ovava anco lui. non sentendo mai useir dalla lioeca di detti mi-
niatri se non cose perniciose, esso non ci voleva j>ii'i intervenire,
et pregô la eompaïnin ' h volerlo scusare eon la rc.^ina.
Dalli iiij sino alli xiiij ^ è suecesso clie il veseovo di Lexias ',
il pii'i veecliio dei tre vescovi ehe furno députât! a loruiare la
confessione de" prélat! et la " censura di quella del IJesa et com-
pagni, dopo havere fatto prima un poco d"orat!oneella, appresentô
la tletta confessione insienie cun la censura, ii- (|Uali t'uruo lette
ad alta voce da un de sefriTtariJ, et il tciiorc deU'una et delTal-
tra è quello ehe seguita :
Confessione de" prelati,
La traduction placée ici est identiijue au texte donné par l'/Zis/. ecclés.,
1, p. GSf), sauf « iiubstantialuiente » au lieu de « transubstantiellement » en
f. ItiO (|uoi il concorde avec Espense (Kiiiîle, pp. 42-43) dont il diffère en di-
sant « per la virtù et. potentia délia divina parola», conforme à VHht.
' Lisieux, Lavaur, t'iiâlons. — 1^'. P. I:i4 : Legieux, la Vaura.
• Séez. — T'. P. 1^1: Seir.
' T'. P. 134 : congregatione.
< Ihid. : dalli 4 sino alli 9.
"" Lisieux. — V. P. J34: Lexius.
" G. 40:i: la confcsi-ione de' jirelati alla censura.
.lOUK.VAL DE l'assemblée 147
ecclés., tandis qu'Espence dit seulement « par la puissance de la divine
parole ». Le traducteur a omis « Jésus-Christ » ajouté par les deux textes
aux derniers mots • Nostre Seigneur ».
Vient ensuite:
Censura délia confessione di Tlieodoro Besa tatta da prelati et
theologi.
Traduction identique au texte donné par VHist. ecclés., I. pp. 680-
682, à part de légères moditications : adjonction de «et spetialmente^ »
dans la premièie phrase, ♦ realmente » dans la phrase « est aussi actuel-
lement an sainct sacrement », et « sacra » ajouté au dernier mot « l'Ecri-
ture » : — omission de « chi lo mangia indegnamente » dans la phrase
f. 161 de S. Paul, avant « si mangia il giuditio » ; — traduction par « have-
vano vera fede » de « auroient toutesfois en vraye foy ».
Dopoi il s.*"' car.'"" di Tornoiie, corne présidente, fece dare la
detta confessione al s.""" ear.'^ d'Armignach perche l'approvasse, et
S. S. ill.™-'. replicando tre volte quella prima parola « io credo
et cont'esso », proruppe in tante lachrinie, che eccito per il vero
nella maggior parte una eontritioue mirabile. Di poi seguito il
car.'*' dell'Lorena (sic), et recitô anelie lui semplicemente il tenore
délia detta confessione, con qiiesta aggiunta : ch'anathematizzava la
confessione di Théodore Besa et eompagui. Borhone fece il mede-
sirao et si ufferse k sottoscriverla cou il proprio sangue. Guisa an-
v° cora ] disse quasi una cosa simile. Et il medesimo fecero tutti gli
altri vescovi '. di Usez, Ciartres, Vencia ' et Valenza iji fnore, de'i
quali i prinii tre: chi disse, che ci si voleva pensare : chi si scuso
di haverla fatta una volta ; et chi disse che il concilio et il papa
solo lo poteva astringere à una confessione di fede. Ma Valenza
replicn. quanto al santissimo sacramento, che fides quae nititur
verho Del inducit et efficit presentia (sic) Domi)ii, volendo inferire
' 11 manque un mot, sans doute ■ quelli •.
^ Chartres, Vence.
14S KO.MK ET POI.S.SV
rlie daU'assistputi;! «idla tVdc liave«-^e da diiicndon- la prescntia del
corpo del S/''; ot continiiô qiiesto cou 3 aiitnrità : priiiia « e.nil-
tarit Abraham, etc.» dove dire «se riflisse iliem Ihinini »\ se-
conde per la {^iii-<tificatioiic olif i'- fatta in nui per iiistitiani Del
la quale <• pure in cielo; tertio alle^f') il concilio Niecno ' in une
articulo che non è impresso, dieendo clie in quello ai leggeva « fide
efficiemiis agnitm Dei esse snper mensnm ' ete ». Finito elie elihe
Valenza, et non curandosi Turnone elie si gli replieasse, dai)oi che
la cosa si era vinta per la pluralità de i voti, il signor card.'" del
Lorena (sic) disse a tutti quel S." elie essendo stato incolpato Des-
pansa di haver sottoseritto la confessione del Besa, voleva clie egli
uiedesimo se ne giustificasse, et gli dette adito di dire eiô che vo-
leva. Ma costui, in eambio di scusarsi, si cavi'j una scrittiira fuor
di petto et cominciù a leggerla pin con il capo che con la hocea,
fermandosi quasi sopra ogni parola, et perciie ooncliiudeva niente
fu giudicato fusse mezzo fuor di s^. In ultime parve che volesse
inferire che la confessione che egli liaveva, non so se rai deliba dire
accettata h sottoscritta, ô exortato che si approvasse, non diceva
f. 162 I' clic la fede appoggiata in su la parola di Dio facessc et rendesse
presenti le cose promesse, ma che la parola di Dio appoggiata su
la fede faceva questo etfetto, et che quel che lui haveva ô detto, o
sottoseritto, 0 posto innanzi, l'haveva sostenuto serapre, biasmando
quel termine che .si era usato di anathematizzare et dichiarare he-
retica la confessione délia •i)arte contraria, essendo che loro non
eran di quella vita et dottrina de" padri de' primi cinque cento anni,
che dovessero assicurarsi cosi facilmente ad anathematizzare et che
i iiostri avversarij ci- havevano poi fatto una risposta che ci haveva
(lato da fare, volendo inferire che la loro confessione liaveva l'es-
chisiva da poterla dichiarare hcrctica. Et in etfetto fu facile a
' 1,1' ms. V. P. 134 s'arrête la.
* Il V a meiisem.
JOURNAL DE L'aSSBMBLÉE 149
scnprire <li ' luiver sentito puliliciire lieretica iina confessioiie ilella
quale era stato i)ortatore, et clie, per minor maie, liaveva persuaso
ch(î si aeeettasse, gli haveva fatto passare i termini clie gli ap-
partcuevaiio et raassimi' verso il car.''" di Loreua suo padrone.
Airiiora si fecc iniiaiizi un maestro Pellettier, dottore délia Sor-
bona, et disse ehe, quanto costoro rispondessero, Dio suseitenï molti
elle coufuteriano facilmente tutti i loro argumenti. Et di poi, vol-
tato a nions.'" di V'alenza, coniincio ad impugnare la sua opinione
corne lieretica, allegaudo, oltra gli altri passi tocclii nella censura,
clie Abraham vidit fide diem Domini corne cosa cbe haveva da
essere, et che nos iustificamur ctiam ex iustitia nostra, et ehe l'ar-
ticulo del concilie Niceno era stato allegato falsamente perche non
diceva « fide efficiemus » sed « inieUigimus » et sic non faciebat
v" ad proposituni. Aile | quali coufutatioui, Valenza non seppe che si
replicare se non buttar la cosa in risa et dire che quel monaco
si voleva attaccar con lui. In questo mentre. Despansa, ragiouando
cou Bottigliere, faceva seiubiante di liiasmare le resolutioni che
erano state prese. Onde, che gli era accanto prese occasione di farli
un poco di riprensione et dirgli che doveva captivare l'intelletto
suo cou quello di tanti personaggi litterati che erano stati di quelle
parère. Dal elie irritato Despansa cominciô ad insultare mous.™ di
Ambruno ', et la pit'i niodesta parola fu che egli dovesse andare
alla scuola, et replicandogli quell'altro raodestameute, entro nella
liza Bottigliere et cominciô parinieute ad insultare Ambruiio, et
replicandogli raltro che egli non amava di essere laudato da un
frate sfratato, Buttigliere gli diede una mentita per conclusione.
Despansa quel giorno perse tutto qucUo che si era acquistato quel
due giorni délie conferentie, ancorche dapoi si sia raveduto et ha
domandato perdono aU'arcivescovo d"Ambruno.
' Il manque sans doute un mot: > fù facile a scoprire che, di ha.
ver...» ou » che Fliaver sentito... gli haveva fatto passare...».
' Embrun.
lîiO nOME ET P0I8SY
Dn'.iltro giorno, fii lttt;i in congregatione una aggionta che al-
iiini rioordavano clie si facessero canoni di supplicare il i)apa pr-r
la commimione sub iitraqiie aporio. Kt essendosi vemito -i i voti,
fu riaoluto clie non si dovcsse fare, stante la prohiliitioiie che ne
i'aiino i concilij Constanticnsc et di Basilea. Ma fu ben detfo clie
qiielli elle la desifleravano potevano partieularmente adimandarla
al papa o al eoneilio. Fii |iariiiienti' i)ropnsto elie si dovesse pi'o-
vedere al numéro eceessivo délie messe, et elie per l'avvenire non
potesse ogni une ad libitum far dipingere délie imagini, et che
i. 1G3 nelle cathedrali et collégiale || i ministri et assistenti liavessero à
fiimmiinioarsi conie il saeerdotc sub una specie. Ma perche si da-
bitô che sotto questa jjroposta de i ministri et assistenti non si
audasse a caraino di toglier via le messe basse, fu dechiarato che
detti ministri et assistenti s'intendessero il diacono et subdiacooo
solo.
Fra questo tempo torm'i il vescovo di San Briux da l'arigi et
referi di baver trovato nella r'.uinTa de" eonti che délie (piattro
décime non son venuti mai al re di netto più di un millione et
quando centotrentasette milia franchi. Onde, con raccrescimento di
200000 di avantaggio, si son chiariti di poter colorire il disegno
loro come di sopra si ^ detto: et, nel compartire questo accresci-
mento, ci è' stato non ])<ico romorc. perche li cnrati volcvano essere
esenti. Pure, alla fine, ogni cosa si è accommodata, et Taccommo-
daraento è stato : che i vescovi pagheranno einque décime, gli
abbati et priori soi. et i cnrati (|nnttni. ITora, si atti'iide a for-
mare alcuue conditioni sutto le ([uali vojilioiio i i>rclati far que-
st'obligo al re.
La sera dclli xiiij, i prelati liuirono i lor canoni et le con-
ditioni che adiman(lava[no] al re in contracambio dclla sovventione
che ImporterA alla f'hicsa 22000OOO di franchi, se bene a Sua
JOURNAL DE l'aSSEMBLÈE 151
Maestà non ne verrannii in vj iinni se non svj, i quali si hanuo
(l.i impiegar tutti a riscuotere il siui dominio. Tra dette conditioni,
vi è che S. M.'' Iiabbi a livucaie tutti gli editti che ha fatti
V iiiutia [ la libertà ecclesiastica, et scacciare dal suo regno tutti i
uiinistri délia nuova religione. Fecero poi tra loro una confessione
generalis.-iima, dal siguore ear.''" Ciattiglione in poi, che, conie non
ei-a stato présente all'altra et a moite cose che havevano fatte in
quest'ultimo, cosi negô di volerai sottoscrivere a questa, doleudosi
che si cercasse ' con questi luodi di volere sospeudere la persona.
In quanto al vescovo di Usez, V^alenza, Vancia et Ciartrcs, non
fiirno quel di prescnti, et stimati che fussero stati avvertiti di
quello che si doveva fare; ma, in cambio loro, vi furno quattro
altri che non vi furno alla prima.
Fatta la confessione fn dicliiarato l'assemblea fiuita, et seuza
nietter tempo in niezzo, o dare spatio in corte che fussero fatti
fermare a Poissy, tutti li eardinali se ne vennero a San Gerraauo
et appresentonu) i lor canouj alla regina, domandandogli ° liceutia
di potergli dare al Legato. Et di piiï, fecero instantia che N. S.'*"
non fusse spogliato délie preventioui perche, quantunque lor sup-
plicassero che S. S.*" se ne volesse spotestare, non intenderouo
pero di haverla contra il suo beneplacito. Dltimamente, adomau-
f. 164 darono liceutia || per tutti i vescovi di poter tornai-e aile lor chiese.
Et S. M.'^'' rimesse tutte queste deliberationi al suo consiglio, il
quale, tutto il giorno delli xvj, si occupé solo a intendere i canoni,
et resolse che alli xvij non si trattasse d'altro che d'iutendere il
voto d'ognuno circa i rimedij che si potriano applicare a tanti
disordini che surgouo In diverse parti del regno per conte délia
religione.
' Il y a cerasse.
' Il y a doiiunidadogli.
LETTERA INEDITA 1)1 GIOVANNI ARGIROPULO
AD ANDREOLO GIUSTINIANl
Aile dodici lettere latine dell' umanista bizantino Giovanni
Argiropulo pubblicate dal Lanipros, 'ApYupo7:o'j>i£i3:, Atene, 1910,
p. 187-203 ', è da aggiungerne una tredieesima, clie si conserva
in fonde al codice Vaficaiio greco 889 cartaeeo del secolo decimo
sesto. Il codice, che puô dirsi gemello del VaUiceUano greco 22
(B-99), perché scritto da uno stesso anianuense con eguale carta
e inchiostro e contiene molti opuscoli in comune °, dopo il quater-
nione formate dai fogli 169-176 (nianca il numéro /-|i', che gli
spetterebbej e un qiiaternione vnoto, ha tre fogli pergamenacei di
cm. l-t X 9i5i <^' cwi '1 pi'inio è in bianco, il secoiido contiene la
lettera dell' Argiropulo, il ter/o, incollato aU'assicella di legno
délia legatura, sotto il titolo Ex Cl/iriac/io Ancoiiitano, ha una
ricetta per fabbricare l'inchiostro, scritta da mano diversa.
La lettera è iudirizzata ad Andreolo Giiistiniani, persouaggio
ben noto délia prima raetà del secolo decimoquinto. Infatti lo Hopf,
Chroniques Grr'co-Romaines, p. 505, registra, nell'albero genealo-
gico délia famiglia Giustiuiani Banca, genovese e corapartecipe délia
Magaona di Chio, un Andreolo (1392-1456) di Nicolo e i suoi
tredici figli avuti da Carenza Longo. Quest' Andreolo non solo col-
' La stampa di alcuue lettere latine dellAigimpulo o attinenti al-
1 Argir. sarebbe liuscita più corietta, se il Lanipros avesse conosciuto
l'edizioiie fattane dallo Zippel, Ver la biografa dclV Argiropulo, Giornale
storico délia letieratura italiana, 28 (1896), p. 9-2-112. Vedi anche la cri-
tica di X. Festa. Atene e Borna, 13 (1910), col. 370 s.
- Anche il cod. Vaticano greco 94!) sembla scritto dalla stessa mano.
Iâ4 I.BTTBHA INKlJlTA
tivava le lettere (lia scrittu iina Itdazionr deU'atlacco e difesii di
Scio nel 1431 ïd terza rima, édita da G. Porro Lambertciighi in
MisceU'inea di Storia IMiana, 6 [Toriiio, 1865], p. 543 558),
ma era anche un appasiiiiinato collezionista di manitscritti, moncte,
statue ed altri oggetti d'arte. Alla sua lilteralità e alla sua pro-
tezioiie facevaiio ricursi) ;,'li uiiuinisti coiitemporaiici jmt appa^çare
la loro brama di possédera o scoprire i lesori delTantichità flas-
sica, corne Ciriaco d'Ancona, Giacomo Hracelli ', l'oggio Braceio-
lini, dei qnali ci sono pervenute diverse lettere a lai indirizzate per
chiedcre qualelie og<^etto antioo in regalo o il suo aiuto. In omago^io
alla sua dottrina o alla sua lihenilità gli lianiio dedicato opère
iimanisti eminenti conie, ad escmpio, Ciriaco d'Ancona la tradu-
zione di una vita d'Kuripide', Ambrogio Traversari la versjone del
De animarum immortulifale et corporis resiirreclione di Enea di
Gaza', Epistol. 2-'>, 11, ed. Melius, col. 969 s., e Leonardo di Chio
il De lera nobiUtate contra Poggium *.
' Cfr. Biaggio t'arlo, Giacomo BraceUi e V itmanesinio dei Lignri al
siio tempo, Atii delta Società Ligure di storia patria. 2'i (1890), p. 39-51.
.Miller AV., TJie Latins in tlie Levant, London, 1908, p. 423, inenziona
Andreolo « a connoisseur o( art and a writer of Italian verse, to wliom
Miany of his letters (di Ciriaco) are addressed ».
- Cfr. Braggio, o. t., p. 46.
' La versione del Tra\eisari fu édita prima a Venezia ./jer Ate-xun-
dnnii de Pagniiiitiit a. ]n]:i menue Vllliri: indi a Basilea dal Frobenio
nelTottobre 1516 sotto il titolo Aeneae Platonici cliristiani de immortalitate
aiiimi, deqiie eorporum re.vitrrectione dialogus aiireus Ambrosio Camal-
dulensi interprète, insieme con Atcnagora, De resurrcctione, tradotto da
Marsilio Ficino e colle sentenzc di Sisto, tradotte da Rufino. La stampa
veneta fu riprodotta a fîenova nel 1645 coU'aggiunta di lettere del doge
Kaffaele Adorno e del Biacelli ad Andreolo. La versione riprodotta in
Migne, P. G., 85, col. 871-1003 c quella di Giovanni Wolf.
* 11 trattatello lia forma di lettera ad Andreolo (Incip. : -Andreolo
.lustiniano, viro iiisigni, Leonardus Archiepiscopus Lesbi salutem dicit.
t'um coram praestanti viro Lucliino G;itelu.\io ». Expl. : « Vale igitur, et
tu vir spectabilis et insignis .^ndreole, hoc nostro sermone utaris » cet.):
cfr. Caroli Poggii />e nobilitate...; Leonardi Chiensis De vera iiobilitate
contra Pogyiinn ...: Abcllini, 1657, p. h'i-^i.
Dl lilOVANNI ARGIROI'ULO 155
Il Truversari parla di Andreolo anche in una lettera a Nicolo
5îicoli del 18 novembre U80 — Episf., 8, 35, Mehus, col. 393,
a proposito di Francesco da Pistoia {quello stesso clie nel l-t33
(•ercava e trovava codici in Siria per il Nicoli, Epist., 8, 48), il quale
« literas ad me dédit, quibus multa pollicetur mihi de Andreolo illo
(îeniiense nobili... Ceteriim ex alio Tlieologo Jacobo illiiis socio sum
tactils certior quod, qnum fratcr eius ex liisce locis rediisset, dixerit
sibi vidisse, se pênes Andreara ipsuni nummos aureos vetustissimos, et
quaedam id genus, quae mittere ille instituisset dono ; et quuni ea me-
inoratus juvenis tuto perferre esset pollicitus, noluisse illuni ; verum
ad redditum Francisci, qui proxime futnrus est, reservare malle,
ut ipse ea perferat ad te ».
Notizie più concrète intorno alla .scoperta di monete e statue
antiche avvenuta a Chio in quel tempo, e intorno al nostro An-
dreolo, si hanno nell'epistolario del Poggio, il quale eon lettera
allô stesso Nicoli del 23 settembre dice che il nominato Francesco
di Pistoia ' « satis diligens fuit iu exequendis mandatis meis, uam
lieri redditae milii sunt ab eo litterae scriptae Ciiii, quibus milii
significat se habere nomine meo tria capita marmorea... Addit etiani,
quemdam Andreoluni .liistinianum nescio quid ad te niissuruni . . .
l'jgo statim rescripsi Magistro Francisco et scripsi Andreolo (est
enim ut audio a Rinuccio nostro -, vir admodum doctusj, ut per-
(|uiraiit au aliqua ex eis statuis lialieri posset vel precio, vel preci-
bus, et in eo adliibeant operani et diligentiam, mihique enarrent
liane rem diligeutius ».
Il Poggio infatti, assillato dalla smania di venire in possesso
délie teste marmoree, o meglio di statue intègre, soUecito più volte
per lettera tanto il missionario domenicauo, quanto il nobile signore
Genovese.
' Poggii Episf. IV, 12, éd. De Tonellis, I, p. 325.
' Kinuccio da Castiglione, sul quale v. Sabbadini, Le scojyerte dei
codici lat'ini e greci ne' secoli XIV e XV, Firenze, 1905, p. 49, 66, 69.
156 I.K-riKRA INICDITA
Al P. Maestr» Fraucesco (la l'i^itoia cnsi scrivc ila Ruina ' :
« rridem liu'uiii littera» a te ex Cliio iliiplii-aUis : auti;a Labueram alias,'
(liiihiis lespondi ; et item scripsi ad praestantinsiniuni virum Aii-
dream Justiniamim, quas litteras misi Cajetam . . . lu prioribus
litteris... wribis te Iialiere numiiie iiieo, hoc est qiiae te ad nie
delatuiuni pdlliccris, tria caiiita inainKirca cxiniii o|ii"ris unum Mi-
iiurvae, alterum .lunonis, tertium Bacclii... Si qiiid vero signuni
iiitoj,'rum pusses reperirc, qiiod tecum afferres, triiimpliarem certe.
Ad hoc advoca consilium Andreae uosti i, oui etiam hac de re scribo,
qui si mihi aliquid de suis miserit, bene foeiieratus feret. Id certe
re ipsa experietur se coniplacuisse homiui minime in^rato. Satist'a-
ciam saltem litteris Ueneficio sue, eiimque eelelirem reddam apud
multos pro sua, si qua erit in me, l)enefieentia . . . Quoniam scio
te non esse pecuuiosuiii. (|uidi|uid dandum esset pro bis et aliis
capitibus, aut signis, pro adiniplendo memoriali meo, sumas aliunde
mutuo sub fide mea... Quaniquam rogavi quemdam Januensem, ut
scribat istic Andreolu iiostro, aut alteri. ut tibi vd XX vel XXX
aureos uomine meo tradat, si tibi fuerit opus pro eniendis scul-
pturis... Valc et me Andreolo nostro commenda ».
SuUo stesso argomento il Poggio scrive direttamente ad An-
dreolo Giustiniaui ■ :
« Poggiiis pi. sal. dirit .\ndreolo Justiniano V. C. — Licet vel
nimium tibi raolestus, qui binis jani litteris de eadem re tecum
agam, vel parum prudens possim videri, qui iguoto mihi aliquid
oiieris iraponere audeani, nullo meo in te otticio praeeunte, tamen
confisus tua, (|uam eximiam dicuut, luiraauitate, malui desiderii mei
quam modestiae rationem habere... Scripsit ad me duabus jam epi
stolis... Franciscus Pistoriensis habere se capita quaedani marmorea
rairaudi operis, quae dono velit ad me déferre, additque in litteris
' Poggii Epist. IV, 15, éd. De Tonellis. 1. p. o30 = Kpist. XVIII,
p. 181 delledizione di Parigi, 1723.
' Poggii Ephi. IV, 18, éd. De Tonellis, I, p. 341.
Di (JiovANXi ak(;iroi'i:lo 1o<
suis te queraadmodiim decet virura ingenii praestantis atque eriiditi,
copiosum e«se sciilpturarum, quas egregias multis ex locis eonqnisieris.
lusuper eura te liberalissimum testetur, meanim vern litterarum
cupidnm. linrtatur. nt ad te scribatn. petamqne aliqnid in qiio te mihi
satisfaotiirnm affirmât... Peto igitiir a te rogoque... ut si quod habes
signiim niarranreum, vel caput nohite, in quo dando mm magnopere
ofFendari.?, velis id mihi elargiri, mittereque per Franciscum doniim,
fnturum mihi gratissimum omnium, qnae mihi donari possent . . .
» Roniae XXII die .Januarii (aniii, ut opinor, 1431, oome an-
nota ginstamente l'editore) ».
Ma il Poggio non era stato il solo a rivolgergli simile richiesta,
giaccliè il Bracelli scrive ad Andreolo il 2 luglio 1440: « Piget
nie quod dilitias tuas maimorea signa petierim : inopem enim te,
quod ignorabam, earuni rcrum liheralitas fecit. Itaque oro te desinas
statuam ad me mittere: si quis vero casus effecerit, ut eiusraodi sta-
tuarum copia tibi sit, tune patiar ut electo aliquo Phidiaco vel
Polycletico opère meas aedes, quae tuae sunt, exornes»'. Il passo
è una chiara testimonianza délia liberalità di Andreolo. che inviô
doni anfhe ad Kugenio IV e allô .stesso Poggio. Costui pero, riniasto
frodato délia maggior parte dei l'egali dalla scaltrezza di Franceseo
da Pistoia, si vendicô denunciandone al donatore con roventi pa-
role la eondotta indegna e sleale ■.
' Cfr. Braggio, o. c, p. 45, nota 2.
' Tutto cio risulta dalla lettera del Poggio .scritta ad Andreolo da
Ferrara il 15 iiiaggio 14.38. « Non respondi antea litteris tuis, neqne tibi
gratias egi pro muneribus, quae ad me misisti, propterea quod Franciscus
Pistoriensis qui ea detulit, adeo suis mendaeiis, quae phira sunt verbis,
mihi stomachum commovit, ut non possem quieto esse animo ad respon-
dendum. praesertim cum de eo mihi scribendum esset, qui longe abest
a l)oni viri moribus, qualeni eum esse existiraabam cet. Dona tua l'on-
titici, me intermedio, sunt reddita: quae ille grato animo caepit ». Il Poggio
ringrazia anche per il dono nianilato alla propria moglie dalla consorte
d'Andreolo. Ct'r. Poggii Opéra, Basilea 1513, fol. 124 '' ; Mil, 1538, p. 329;
Poggii Epist., éd. De Tonellis, II, p. 174-177. V. anche Walser, Pnggius
Florentinus, Leben ttnd Werke, Leipzig, Teubner, 1914, j). 148.
158 l.KTTKKA INKIilTA
Cosi stnndo If cose, erii beii iiaturale clie :il iiobile (Jenovese
si rivolgessero anche i dotti bizantini per soddisfare la sua brama
di intrattenersi con persone dotte o di acquistare libri ed oggetti
antichi, utteiiendoiie in eompenso sussidi nelle loro angustie finan-
ziarie e comnieiidatizie per i principi e sigiiori italiani, presso i
((uali si trovarono fostretti a rifugiarsi negli aiiiii liii- jireeedettero
e elle scguirono la caduta di Costantinopoli.
Tra questi dotti dobbiamo ora annoverare auclie (iiovaniii Ar-
giropulo, corne risulta dalla lettera latina, che qui pultl)licliiamo,
benehè dalle opère di lui e dalla Idografia, che ne ha tesHuto re-
centemcnte il Lampros, nulla traliica délie relazioni avute con il
Giustiniani e del sue passaggio per Cliio. Cio non deve sorpren-
dere, quando si rifletta alla scarsezza di particolari intorno alla
vit.i di un autore, di cui non si conosce esattamente ne Tanno di
nascita ne quello délia morte (serondo il Lampros o. c. p. l'j' e
ça', l'Argiropulo sarelibe nato circa il 1410 e niorto ueiraiitiinno
del 1491 o 1492: seconde una notizia del cod. Barber, hit. 878
del s. XVII, pubblicata in Bessarione, 25 [1920J, p. 146, egli sa-
rebbe morto il 26 giugno 1487j.
Nella lettera l'Argiropulo chiede scusa di non essersi recato
a far visita e atto di ossequio ad Andreolo, inentre era di pas-
saggio per Chio. Egli attril>nisce la mancata visita aile sue di-
sgrazie e calaniità, che non gli pennettono faeilmente di presen-
tarsi al. cospetto di personaggi esimii, perché potrelibe sembrare
che lo facesse non per amore délia virti'i e del proprio migliora-
nieuto spirituale. ma per chiedere i rimedi contre tali calaniità : e
accenna anche al suo « innatus (luidam piidor, queni non iion()nam
habentem ledere experientia docet ». K tinisee cou una Iode dci
« preclara facinora » e délie « eximiae virtutes », che la fama ha
propalato iihique ferrnnon. « Nobillitas enim, probitas, virtusque
scientiaque tua me non modo in tuum compulsere amorem, vernm
etiam tuornm facinorum preconem egregiura mérite confecere ».
DI filOVANNI ARGIKUPULO l.)!l
Si deve intendere il seguente « Vale continue felis atque beatus »,
col quale l'autore suol ehiudeir altrp sue lettere (ad esi. le lettere 8- 1 0 ).
corne définitive commiato dairamiro, iicll'istaiiti' di lasciare l'isola,
puntd di sosta nella sua peregrinazionc ? O piuttosto tutta la let-
tera va interpretata corne un garliato e pudibondo annunzid.
o preavviso del suo arrivo a Cliin in cosi misère eondizioni, per
provoeare' indirettamente Taiuto e la protezione del mecenate, dci
cui « facinora » era divenuto « preco egreg'ius » ?
L'accenno alla fama è proprio uuo dei luoglii più coniuni, è
il tasto che gli umanisti toccano i)iii di t'rei|uente per muovere l'amor
proprio o la vanità délie persone poteiiti e facoltose a confédéré
sussidi o protezione. L'ha toccato anche il Poggio, quando promette
ad Aiidreolo di renderlo célèbre, se lo soddisfenY nel suo desiderio
di possedere qualcuna dellc statur •^"*' '■ .-".-to .,11-,..^ ., r'^.■,,. i_
Per cio non è improbabile che Tepistola sia una soUecitazione
di aiuto, concepita in terraini alquauto sostenuti, conforme al na-
tiirale alquanto altero ed arrogante di ilii la scrisse.
Ma in clie auiio fu scritta ? Xon lo possiamo sapere, perché
l'autore lia oniessu nella data proprio Fanno, corne ha fatto anche
in altre lettere, le quali pero in buona parte si possono datare in
base alla segnatura del giorno, mese ed anno, in cui furono ri-
cevutc (cosi le lettere 6, 7, 8, 11).
Daltra parte l'accenno aile disagiate eondizioni dello scrivente
non ci offre un sut'Kciente indizio cronologico, essendosi trovato
l'ArgiropuIo quasi senipre in l'istnttezzi' tinanziaric, anche quando
percepiva pubblico onorario, e cio in grau parte i>er sua colpi
(cfr. Migne, P. G., 158, col. 989 : Lampros. o. r ., v/,'-;). Perô è da
vedere, se dall'esame délia vita dell'Argiropulo non si possa sup-
porre corne probabile un detcrminato y^eriodo di tempo.
' Vedi il passo lifeiito a p. Inti.
IhO I.ETTKKA INKDITA
L'Ai-;^ii'oiiiilii, iiitcl-vciiiiti) al rcMicilii) di FiTiara iicl 14:î'.l, ai
ritrova al principio del 1441 a Costaiitiimpcili, (Idvp riceve una
lettfira di Fi'ancescn Filelfo, cho gli raccoinaiida il proprio fi^iclin
(iiammario e Piotro l'ci'lconi, aiidati cidà |ici' ra^ioni di stiidin.
Alla fine dello stesso aiino si stabilisco pres*i lesiile fioreiitiiiu
Palla Strozzi a Padova, dove iiise^na privataniPiite e attende a^li
stiidi di latiiin, Hlo^ilia c mediciiia, eonse^iiendo nel 1444 la laiirea
dottorale 'T/im|»ros. (/.<■.. ]>. •.-/ -/.'). Tornato a Hisanzio, tiene la
cattedra di tih-sofia iiidla scinda detta Z;v(.jv dal 1444 al 1450
(<>. fl., p. y.'-'/.'/). Tra la fine del 1450 e il i)rincipio del 1451
accompagna a Roma il cardinale Isidoro di Rnsnia e présenta a
Xicoli'i V nna lettera, in cui t'a apcrta profcssiune di t'cde catto-
lioa e racconianda al jinntcficp i duc figli Alessandro e Nicola
(o. c, p. 129-141). Si trova di niiovd a Costantinopoli nel 1452
insieme con il cardinale Isidoro, con Farcivescovo latino di Chin
Leonardo (îinstiniani, con Michèle Apoatolio ed altri poclii greci
favorpvoli all'unione (o. c, p. A;' ss. ).
Si ignorano completamente le peripezie deU'Argiropnlo durante
Fasaedio e subito dopo la presu di Costantinopoli. Fgli si sarebbe rifu-
giato nel Peloponneso colla fanii.irlia, pii sarebbe venuto in Italia
da solo, per cercarvi i nic/.zi di snssistenza. Pcrsnaso che non gli
sarebbe stato inipossiliilç di sisteniarc se e i suoi. specialmente a
Firenze mediante la prote/.innc di .unici intluenti fad eserajiio, di
Donato Aceiaioli), torm'i in Murca ]wr i)render seco in Italia la
famiglia. Ma non pote ripartirne subito con i suoi, perché il despota
di Morea Tommaso Paleologo, minacciato dai Tnrchi, credette di
valersi délia sua eloqnenza e influenza personale per riuscire ad
ottenere soccorsi dal ji.-ipa e dai sovr.-ini occidentali i o. c, p. aT ss).
Ed ecco la lettera di Callisto 111 did 15 niar/.o 1456 che rac-
conianda al Diica Francescii Stor/a FArgiropulo couie legato di
Tommaso Paleologo, e qnella del Filelt'o al medico di Carlo VIII
di Francia (o. r., p. 314, 317 s.). Durante il suo viaggio in Francia
m i;lciVANNI AlUilUOPHI.U
vieiie noiniu.ito pnif'essorc iiello studio tioréiitino, ove prese a com-
ment.irp l'otiea Niconiaolica il 4 fohbraio 1-157 e contiiiU('p a pro-
fess.-uT siii" al 1471 (o. c, p. ux-yy'). Passato a Roma nell'aii-
tiiniio (li qiiest'anno, insognA lettere grcelie neirUniversità Komana
fiiio alla sua morte, semiire in mezzo ;ul aiigU8tie eoononiiclie,
giusta il passe, forae alquaiito esagerato, délia lettera di Costantino
Lascaris a Giovanni Pardo: x.aTKAîi-to 'M tov Êy.iv ■/.y3rr^'r,-ry
Iwâvw.v TOV ' ApY'jpOTîO'jXov £V [l-écr, 'Pl-»J.r, -îvoy.jvov y.yi y.vM t-
•/.y.'7--r\'i Tv; ia'jToCi piâ>.0'j; àxo'V,'^ô|/£vov (o. c, p. vy; ss.)-
Ma è inutile segnire le vicende dell'Argiropnlo oltre il 1456,
dal moniento che il destinatario Audreolo fiinstiniaiii è morte
proprio in queiranno.
Se anteriorraente al 1456 v'è nella vita dell'nmanista bizan-
tino nn période di tempe, eui si pessa con niaggier probabilità
assegnare la sua lettera al Giustiniani, dev'essere quelle che segnl
imniediatamente la presa di Costantinopoli. In qnali tristissime
condizioni siasi trovato allora l'egregio professore di filosofia, è
facile immaginare, e le si puo arguire anehe dalle descrizioni che
di quel tragici moraenti ci hanne lasciato altri suoi compagni d
sventura. Fer l'Argiropulo, di cui nulla ci è pervenulo interne ai
suoi tristi casi, parla invece Douato Acciaioli nella lettera a Gia-
corao Amnianati del 5 agosto 1454: « Cum Johannes Argyropolus
bisantius, vir iam pridem in Italia clarus, nunc vero in fortuna
misera censtitutus, nuper Florentiam venisset... Is igitur aversa
fleggi : cversa) nobilissima patria, tiliis in manibus barliarorum
relictis, omnibus bonis spoliatus ad iiontiticem confngere statuit,
quem unicum praesidium fertunis suis in tante (leggi : tanta) rerum
iactnra futurum esse cenfidit » (o. c, p. 313).
Sono peri'i abbastanza significative anche le brevi t'rasi iniziali
délia lettera ad Andreolo : « Fortunae perversae meae atque cala-
mitates ». Fer cui si puo tranquillamente supporre che la lettera
imaufjK d'Anh. et d'UM. IWl.
162 I.KITKKA INKIilTA
appartenga a quel travagliatissimo iiit<M'vallo dclla vita dcU'Ar;.'!-
l'opulo, in ciii era in cerca di rifnjci" it di inf/.zi di siissistenza.
Comiinqup aia, la lettcra ad Aiidreoln ('■ la pii'i aiitica fra le
lettere latine scritte daU'Argiropiiln. cssendo le Icttere 1" e 2"
del 1460, la 3" del 14(18, la r," dcl 1470, la ti" e 7" den471,
la 8» e 9- dcl 1472. la 10" <• 11" dcl 147(i.
<iuesta cil'costanza, cd ;inclic il disagin in ciii t'ii scritta. li
dànno la ragione dellc drficonzc délia lettcra (luanto all;i lingiia
e allô stile latino (basta rilevare il « eompiilsen' »;. Sfabilitosi jioi
in Italia c preso maggior eontatto colla Ictteratnra latina classica
cd umaiiistica, in condi/iciii d'aniinn pii'i favnrcvuli. TAivii^opill"
riescirà a scrivere Icttcrc latine ]>ii'i accnratc.
Rouja, diceiiibie 1921.
Su. vin GllSKI'l'K JIkr(ati.
UOVANNl AUGIHDPUI.O
Clarissimo ;ic spcctatissimo Viro diomiuo) Andreolo Justiiiiaiio.
Johannoa Ar^iroptilus ' (■onstantinopolitaniis sfalntem) p(hirimam)
d(icit).
Foitiiiiar perversae ineae atqiie calamitates haiid ' me facile
preditiis at(iiie ornatos ' uiros adiré sane permittiuit. iioii enim for-
tasse aiiiDi'e uii-tutum ae ut ex eis me melior exeam, sed ut cala-
mitatum l'emedia postulem eos, adiré uidebor. Quod etsi u(iii turpe
pernitiosumque est (pietatem enim includit atque al) ineredibili
qiiadam necessitate procedere solet), tameii inoportunitatem qnan-
dam molestiainque atïerre uidetur. quae sapientis esse equidem dnxi
ex actibus suis expellere continueque exterminare. banc, praestan-
tissime uir, uelim existiraes causam ne fuisse, quo meam in te
summiin bonivolentiam unico saltera ad te aditu minus potuissem
ostendere. accessit ad hoc et pudor quidam ■* inuatus, qnem non
nonquam iialientem ledere experientia docet. Quam ob rem uenia
me dignura | esse existimes, si non negligentia sed industria mo-
raentoue nature te non adiuisse mihi contigisse uidetur. qui pro-
fecto niin nuper tua preclara faeinora exiniiasue tuas uirtutes,
nerum ubique fama déférente ' terrarum, iamdiu intellexi rairarique
caepi at(iue laudibus summis extollere. nobillitas enim, probitas,
uirtus scientiaque tua me non modo in tuum compulsere amorem,
nerum etiam tuorura facinorum preeonem aegregium merito confe-
cere. Vale continue felix atque l)eatus et me aemper tuum esse
cognosce.
Ex Cliio, dum eo peregrinarer in eandera, tertio Kalendas Au-
gustas.
(Ex Cad. Vat. f/i: 8S0).
' Ex Argiro|jobis entend.
' A'.r haut emeiirl.
■^ l'redietos atque hornatos (c et /( expuiictis).
* Quidam aiipra lin. add.
■'■ Deflferente ipriore /' expuncto).
LA BASILIQUE SOUTERRAINE
DE LA PORTA MAGGIORE
(PI. II-V)
Dans son savant article de la Revue Ardie'ologique ' M. Franz
Ciimont considère la basilique souterraine de la Porta Maggiore
comme la plus importante des découvertes faites k Rome depuis
celle des Catacombes. Le Gouvernement italien semble être du même
avis. Non content d'avoir déblayé à grands frais et au milieu de
difficultés de toute sorte le remarquable monument qui attire de-
puis (juplques années l'attention de tous les savants s'intéressant
aux questions de religion et d'art antiques, il prépare l'édition d'un
grand ouvrage illustré où se trouveront une centaine de reproduc-
tions photographiques et de restitutions des stucs décoratifs, dues
à des spécialistes. Comme la situation de lu basilique, au dessous
de la voie ferrée de Rome-Naples, est très précaire, comme l'hu-
midité fait courir ;i la décoration les plus grands dangers, on a
décidé de dévier la ligne et de faire disparaître le talus qui re-
couvre l'édifice.
Découverte et descriptioii générale de l'értiiice.
En avril 1917 un affaissement observé par le personnel du
chemin de fer Rome-Naples, inexplicable au premier moment, obli-
gea les ingénieurs du réseau à faire des recherches dans le sous-
' Fr. Cuuiont, La hasilique souterniine de la Porta Maggiore, dans
la Revue Archéologique, 1918, II, p. 52-73.
166 I.A liA.SII.KJI'K .SorTKKKAl.NK
sol. Ôii constata d'abord rcxistcnce d'un jitiits ciiciilain', jniis d'un
P'and corridor soiiterriùn légcremeiit incliné fenviron 15 " „' et enfin
d'un grand édifice (fig. 1) décoré de stucs lilancs et rempli de terre jus-
»i: -yp'.i'ï;'?'"!^-'??!?
qu'au tiers de la hauteur primitive. La Direction des Fouilles,
aussitôt avertie, fit déblayer soigneusement une partie du corridor
et de la basilique même. La très légère montée du corridor et la
différence de niveau d'au moins 10 m. entre la voie Prénestine
antique et le sol de la basilique, prouve que dans l'antiquité on
DE I.A IMPUTA MAUdlDRE Jbl
ne pouvait entrer dans celle-ci qu'après une promenade relative-
111 'nt longue dans une demi-obscurité, éclaircie seulement de temps
en temps par un trou dans le plafond. Ueaucoup mieux illuminé
était le « prouaos » dans lequel ou arrive en empruntant le cor-
ridor. Ce vestibule est à peu prés carré (H, 62 > 3,50 m.) comme
l'atrium qui précédait les anciennes églises chrétiennes. Le pave-
ment est formé par une mosaïque de pierre blanche. Une double
liôrdure de petites pierres noires fait le tour du vestibule ; une
antre, également double, forme au centre un ])lan carré placé à
un niveau légèrement inférieur. Les angles de ce dernier carré de
lignes noires sont ornés de palraettes. Au centre se trouve un puits,
creusé dans le tuf et pourvu d'un canal de dérivation. Ce fut pro-
bablement l'emiilacement d'un liénitier, comme on en trouvait de-
vant les temples grecs '.
On entre immédiatement du pronaos dans la basilique. Celle-
ci se compose de trois nefs d'une longueur de 12 m. et d'une lar-
geur respective de 2,3 et 2 m., divisée de chaque côté par trois
piliers rectangulaires (env. 0,95, 1,15 m.) qui sont à leur tour
réunis par des arcades surbaissées. Au contraire les voûtes des
nefs sont à tonneaux semi-cylindriques; à l'extrémité de la nef
principale se trouve une abside semi-circulaire avec un rayon de
1,55 m. La basilique est pavée comme l'atrium; les piliers sont
entourés de doubles bandes noires, 'qui contournent aussi quelques
trous, ayant renfermé probablement des mosaïques précieuses ou
des incrustations de marbre, volées postérieurement [lar des pil-
lards à une époque jusqu'à présent indéfinie". Sir Arthur Evans
' Voyez Daremberg et Saglio, Diclfonnaire des antiquités, s. v. Lus-
tratio (Bouché-Leclercq), p. 1407-1408.
' M. Lanciani espère trouver dans quebiue musée les parties enlevées
et avec celles-ci la solution de quelques unes des questions touchant les
moyens de ses constructeurs {Il Santuario sotterraiieo, etc., Boîlettino
ComnnaJe di Borna, XLVI, p. 69-84).
168 I.A HASll-lyCK SdlTKUUAINK
m'a fait reinanjucr <|iii' la doiililc Imnliiri' nuire (|iii suit tuul le
pourtour de la iiasiliqiie est interroniime di^vant l'aliside. et a rap-
proché ce détail d'une lialustradi; placée dans une villa roj'ale dé-
couverte près de Knossos en Crète, et ((ui est interrompue )»réci-
sement devant l'emplacement du trône '. Dans l'abside de notre
basilique ou voit nettement les traces laissées |)ar un sié^e (thro-
nos) jadis attaché au mur de fond '.
On voit dans les piliers les cadres et les tenons de fer ([iii at-
tachaient probablement des plaques de niarlire. Au dessus de ces
cadres se trouvent de ]ietites consoles d'une hauteur de O.Sd m.
et d'une largeur de 0,;J5 m.
Cette courte description prouve que l'édifice souterrain a par-
faitement l'aspect du second type de basili(|ue décrit dans le livre
très connu de C. Leroux ' et destiné à servir de lieu de réunion
pour les initiés aux mystères. 11 sutiira de comparer le Iflfsleiion
de Samothrace (fîf;-. 2), datant du IIl' siècle avant notre ère et le
lîakeheion d'Atliènes i II' siècle ajjrès .1. C.j ■*.
' La remarqué au sujet du tiûtie tut faite pour la première fuis par
Sir Arthur Evans après la communication sur la Basilique lue par Ma-
dame Strons devant la Ilellenic Society à Londres en octobre 1920; lors
de son séjour à Kouie en février de cette année, Sir Arthur visita la
basili(|ue avee Madame Strong et constata le détail de la iKirclure noire.
Le lendemain même, je rencontrai Sir Arthur à la lîritish School. où il
voulut bien me communiquer ses précieuses observations.
- M. le prof. (i. Bendinelli a voulu expliiiuer les trous dans le mur
de fond comme des points d'appui d'une statue. Cette supposition ne me
semble pas très probable. Je ne connais aucun exemple d'une statue at-
tachée de cette manière à une muraille et je crois que le fait que la
partie inférieure du mur de fond a été peinte en couleurs jusqu'à une
hauteur de moins de 2 m., exclut la présence d'une statue qui, si l'on
admettait la thèse de M. Bendinelli, se serait détachée sur le mur du
fond en partie contre une paroi lilanche et en partie contre une surface
coloriée.
' G. Leroux, Les ori<jin(s île Véihficc hi/posh/h (Bibliothè(|ue des éco-
les françaises d'Athènes et de Rome, fasc. lOS . Paris, 1913.
* Lerou.x, p. lt)0 (fig. 59) et p. 319.
DE LA PORTA MAGGIORE 169
Le siège, dont on a les attaches, et pour lequel M. Evans
nous a trouvé un joli point de coraparaisou dans un pays où le
roi était toujours à la fois le grand-prêtre,
nous a t'ait penser au |io'j/.61o; nommé plu-
sieurs fois dans les mystères orphiques '.
On a déblayé dans le fond de l'abside
une cavité creusée dans le roc, qui s'étend
jusque sous le mur même de rhémicyr-le.
Cette cavité contenait les ossements d'un
chien et d'un porcelet. Les deux petits trous,
au milieu de la cavité, indiqués sur le
plan ^ ffig. 1), ont problabement servi à re-
cueillir le sang de ces sacrifiées. Le sang
du chien et celui du porc avaient selon les
anciens des qualités purificatrices ^. En outre
le sacrifice du porc est très fréquent dans
les mystères *, circonstance qui me semble
prouver avec évidence le caractère religieux
de l'édifice.
La nef centrale de la basilique n'était
éclairée que par une grande ouverture au
dessus de l'entrée qui donne sur le pronaos.
Ce trou étant bouché, on peut, dans les cir-
constances actuelles, juger de l'effet de cet éclairage quand ou fait
éteindre toute la lumière électrique disposée dans l'édifice, ii l'excep-
FiG. 2.
' Cf. Ht/mni Oi-phtri (rd. Abel), I, 10 et XXXI, 7; E. Maass, Oriiliciis,
Munich, 1895, p. 180; 0. Kern, Das Demeterheiligtum von Pergamu» und
die Orpliischen Hymnen, dans l'Hermès, 40 (1911), p. 431-436.
- D'après les Notùie degli Scavi, 1918 (Gattit qui donnent aux pa-
ges 30 et suivantes la piemière relation des fouilles.
^ Voyez les sources citées par M. Foinaii dans les XotUie, 1. c.
* .M. G. A. Rizzo, Dioiiyi:os Myntes dans les Memorie délia lîeule Ac-
cademia di Aicheoloyia di Xiipoli, vol. III (1918), p. 42-43.
170 I,A HA.SII,I(;rK .SlltTKItUAINK
tion (les nmporiles placées en liant 'lu proiiaos. On s'aijcivoit alors
quo la décoration de stiie aoquiert un relief licaiieonp plus aeeentué,
l'R fÏL'nres se détaillant pre-ique eiitiérciiicnt du |daf(ind. C'est sans
doute cet effet pour ainsi dire magique qui a i'apj)elé à M. Cumont '
le texte connu de Platon ' nous décrivant les vivants comme des
êtres enchaînés dans une grotte de façon qu'ils ne voii-nt ipie la
])aroi opposée à la lumière derrière eux, en haut et très loin. « Kn-
través de telle manière dans leurs m<iuvements, les mortels ne dis-
tinguent ([ue l'ombre des choses réelles qui s'interposent entre eux
et le feu et se dessinent sur la i)aroi illuminée ». l'iaton a emprunté
cette comparaison aux Pytli.i;idriciens. l'cupliyrc ' luius Tassiire et
riaton lui-même, dans le passage où il définit ' la philosophie une
méditation sur la mort et le corps un tomhcau, nomme comme son
précurseur dans ces idées le Pythagoricien Pliilulaos ''.
- L'esprit entièrement fixé sui' cette idée, M. Fianz Cumont s'est
liuiilé à chereiier uniquement chez les Pythagoriciens des analogies
pour l'explication des scènes que l'on voit représentées dans la ha-
silique souterraine. ,Ic suis d".i\ is que l'éminent savant a trop res-
treint le terrain de se^ recherches. Il me semble évident (|ue les
théories pj'thagoriciennes se sont combinées très tôt avec les idées
religieuses professées par les Orphiques et le culte de Dionysos.
La première fusion se trouve déjà dans les dialogues de Platon ''%
et dans les tumuli de la nécropole de Sybaris, qui renferment sans
doute les dépouilles des derniers Pythagoi-iciens. et dans lesquels
on trouve à coté de la tète lUi dans la main droite des morts des
' liev. arch., 1. c., p. tit.
' Platon, République. VII. 511.
■* Porphyre, De antro nynipharum, 6.
* Platon, CraUjlus, \Q0 G. Cf. Cumont, Jiasse;/»a d'arte. K\\ (1921),
2. p. 44, ann. 3.
5 Platon, Phiiedo, (il B-62 B.
" Voy. J. Buinet dans Hn-^tiiiris Kiiei/clop/ieâia nf religions nnd ethics,
X (1918), p. 527, col. 1.
UE LA PORTA MAGCIORE 171
tablettes d'or contenant des sentences orphiques '. Les symboles
dionj'siaques sont très fréquents sur les vases funéraires de l'Italie
méridionale ^.
La survivance des idées pythagoriciennes et orphiques et de
b-ur intime union jusqu'au commencement de notre ère me semble
jirouvée par la préférence donnée par Ovide — qui connaissait si
bien les besoins intellectuels et spirituels de son époque — aux
tliéories de la métempsychose exposées par le philosophe de Saraos
et décrites avec tant de ferveur par l'orphicisant Virgile ^.
Dans l'art ornemental le formalisme pythagoricien et le spiri-
tualisme pur de la religion orphique cèdent la première place au
cycle Dionysiaque. Dionysos entré dans les cultes des mystères ■*,
on commença à Juger tout son thiasos digne de figurer sur les tom-
beaux et les sarcophages, comme symbole de « l'ivresse éternelle »
promise par Musée et son fils aux purs '. La mort n'est plus con-
sidérée comme un triste départ, telle qu'elle est représentée par
les reliefs funéraires des Grecs de l'époque classique, mais comme
une victoire. Un scholiaste d'Aristophane "^ écrit : «On donnait aux
morts des couronnes parce qu'on les considérait comme vainqueurs
dans la lutte de la vie ». Sur une des petites plaques d'or trouvée
dans le tombeau d'un pythagoricien à Thnrii on lit: « .l'ai échappé
' Voy. Notizie degli Scavi, 1879, p. 86.T (Cavallari) et D. Coniparetti,
Laniinette orfiche, Florence, 1910, p. 43;
■ Voy. Albizzati, Saggio di esegesi .tperimeHlah nellc pitture funerarie
dei vasi italo-greci, dans Dissrrfdzioni délia Poniificia Aecademia di Ar-
cheologia, sér. II, tome XIV, Rome, 1920. p. 147-232.
^ Cf. C. Pascal, Le credeme d'oltre tomba iielle opère letterarie deî-
l'antiehità classica, Catania, 1912, II, p. 1.Ô8160; sur la pénétration or-
phique en Italie F. Weege, Etrush'sche Malerei, Halle, 1921, p. 25-56.
* Il se fond avec Zagreus, il est initié aux mystères d'Eleusis 1 Pla-
ton], Axiochos, 31. D. Abel, Orphica, p. 284, 13 et il possède des mystè-
res à Tegée et à Argos (Pausanias, VIII. 54, 5).
^ Platon, Bépiihlique, 313 D. Cf. J. Harrison, Piolegnmena to the study
of greek religion, 2«' éd. Cambridge, 1908, p. 613.
^ Schol. Aristopli., Lysistr., 601.
172 l.A HASII.IQLE SOITKRKAINB
:iu cercle triste et luKiil)re de» réiiuMniutidiis ; j'ai gagné dans une
course rapide la couronne tant sonliaitée et je suis descendu dans
le sein de la Reine de l'Enfer»'.
De nombreux vases funéraires de l'Italie méridionale et les pein-
tures sépulcrales de FaestuTii représentent le mort corainc un vain-
(lueur de retour d'un (Mincoiiis .-itlilrtifiuc. Il reçoit de l.i main
de la Victoire une couronne, un diadème ou une écuelle pleine d'eau.
« Nikè devient une figure tombale par excellence ; on la trouve
représentée assise sur une stèle ou un tumulus ; offrant les symboles
non seulement à des jeunes hommes — qui ue sont plus figurés
comme des athlètes — mais aussi à des femmes » '. Des couronnes
en or ou en cuivre doré se trouvent souvent dans des tombeaux grecs.
Puisqu'on rencontre aussi très souvent la Victoire sur les sar-
cophages et les autels funéraires de l'époque impériale ^', selon mon
avis, ou ne peut renoncer k la conclusion que la croyance antique
qui considérait la mort comme une victoire et comme la couronne
de la vie eut beaucoup d'adeptes pendant toute l'antiquité. La con-
séquence inévitable de cette conviction doit être l.i j^lorilicUion de
la mort considérée comme nue vie meilleure et désiralile aviuit toute
autre chose, et la théorie que la vie est seulement une prépara-
tion à l'outretomlie. Telle fut déjà la conviction des Orphiques.
Ceux qui étaient initiés à leurs mystères faisaient tous les efforts
possibles pour être plus justes, meilleurs que les autres hommes*:
ils menaient une vie pure ^ et terminaient leurs prières en souhai-
tant une mort heureuse » ".
' Comparetti, iMininette orficlie, p. 27 avec ann. 2.
' G. l'atroni, Im ceramica antica delVltalia méridionale, Napks, 1807,
p. 162.
' W. Altmann, Jiômische GrahalUire, Berlin, 1905, p. 101 et suiv.
■• Diodor. Sic., V, 49, h.
^ Cf. par ex. Hymni Orphici (édit. Abel, Leipzig, 1885), IV, 9, XVII,
10, LVIII, 10, LXIl, 12, Eurip., Hippol, 99t; et suiv. et V. Maccliioro,
Zagreus, Bail, 1920, p. 157, n. 4.
« Cf. p. e. Hymni Orphici, XIII, 10, XX, T,, XXVIII. 11, XXXV, 7.
DE I.A PORTA MAGGIORE
Quoique la doctrine orphique soit relativement liien connue de-
puis longtemps ' et la symbolique dionysiaque des tombeaux ro-
mains suffisamment étudiée ', on u"a presque jamais pensé à dé-
montrer le lien étroit qui existait entre les deux. On était géné-
ralement d'opinion que l'orphisme n'a joué qu'uu rôle secondaire
au milieu des antres religions étrangères '. Cependant la place im-
portante occupée par la théorie orphique et la figure de Pythagore
dans les renvres d'Ennius, Ovide et Virgile, les nombreux frag-
ments d'une litérature orphique sous l'Empire et surtout la col-
lection des « Hymnes orphiques » rédigés à une époque tardive *
et présentant le caractère très prononcé de litanies, auraient dû
faire supposer que l'orphisme, après la disparition des Pythagori-
ciens comme parti politique, a fondé un peu partout des « com-
munautés >■> qui ont existé pendant un temps relativement long.
Cicéron parle d'une de ces « communautés » dans son discours contre
Vatinius^. Pendant le règne d' Auguste, Nigidius Figulus se considérait
comme prophète du Pythagoreïsme et l'empereur se vit contraint
d'expulser de l'Italie un Pythagoricien grec connu comme « magus » ".
Une communauté orphique a laissé ses traces à Pergame, où
elle doit avoir existé depuis le troisième siècle avant .T. C. jusqu'au
' La seule source complète et encore utilisable est r^(7?aoi)7iaw»s de'
Lobcck (Regensburg, 1829). A présent on peut utiliser le travail inté-
ressant de V. Macchioro, Zagrevs, Bari, 1920. Les sources récentes d'in-
formation anglaises sont nommées par M. me A. Stiong, Apotheosis and
AfUr Life, London, 1918. p. 24, et M. P. (Jardner in Hastitujs Encijcl.,
IX (1917), p. 82.
' W. Altmann, Rômische Grahnltàre: H. Duetschke, liavennatische
Studien, Leipzig, 1909; V. Macchioro, Il simh /h'smo nelh figurmioni se-
pohrali romane, dans Memorie R. Ace. di Xapoli, 1 (1911), p. 9-144,
M.inf Strong, 1. c.
' M.nip A. Strong, 1. c.
* Christ, Griechische Liierahtrgeschichte, h" édition, p. 796.
' Cicéron, in Vat., VI, 14 cité par M. Ctimont, Rev. Arch.., 1. c, p. 62.
^ Jérôme, Chronic. Oh/mp., 188, 1: « Anaxilaus Larisaeus Pytagori-
cus et magus ab Augusto Urbe et Italia pellitur » cité par M. Cuuiont, ib.
174 i.A liAsii.Uin-; .sorrKKUAiM-:
second après J. *'• '. Si les iioinljreux savants '■' i|ui sont d'avis que
les belles peintures murale» d"une villa suliurbaine de Pompei
découverte en 1909 représentent l'initiation aux mystères orphi-
ques ont raison, nous possédons là une auti-e preuve de la persis-
tance de la foi orphique. Il n'y a doue selon nous pas de motif
valalilf pour nier a pi-iori que notre basilique soit le local oi'i se
réunissait une communauté d'une religion syncrétique, composée
d'éléments pythagoriques, orphi(|ues et dionysiaques.
Revenons maintenant m la desrription de l'édifice et de sa dé-
coration.
Les traces de sacriiiees purificatoires sous Ut mur même de
l'aliside nous a déjà prouvé le caractère religieux de la basilique.
La blancheur de tonte la décoration en stuc (dans laquelle il n'y
avait que le fond sin- lequel était placé le siège du « pasteur *
et le plafond du vestibule qui formassent des taches de couleur)
nous semble indiquer l'idée or])hique de la pureté. Les orphiques
couvraient leurs morts d'un linceul de lin blanc et bal)illaii'nt de
la même manière leurs initiés ^.
La (léc()iati<»ii eu stuc dn vestibule.
Le plafond du vestibule ne nous est conservé (jne sur trois
côtés, le quatrième est entièrement détruit. On y distingue, dans
des encadrements très prononcés, plusieurs petits tableaux peint.s
sur fonds coloriés, qui nous ramènent tous à la symbolique des
tombeaux. Nous avons déjà jiarié de la signification funéraire de la
' Voy. infra.
• Enumérés par Maceliioro, Zmjrciis, p. 12. Le Nestor des savants ita-
liens, M. D. Couipaietti (Le nozze di Ilacco ed Arianna, etc., Florence, 1921)
et le célèbre mythologue allemand M. 0. Gruppe (Philologisclu- îloc^eii-
schrift, 2 mais 1921, col. 245-250) (l'article nous a été courtoisement in-
diqué par M.mp Strong) nient tout rapport avec les mystères.
3 Voy. Cavallari, Kotizie degli Scan, 1879, 1. c. et Maceliioro. Za-
greus, p. 241.
DE LA PdRTA MAGGIORB J (O
Victoire, clont nous retrouverons partout diins hi liasiliqiie des exem-
plaires magnifiques. Les Ménades montant des panthères et portant
le tliyrse sont des figures bien connues du thiasos de Dionysos. La
liseuse qu'on rencontre tant de fois sur le.s sarcophages peut figurer
l'âme qui lit dans le livre de la vie ' ou bien le catéchumène qui
étudie le livre sacré des mystères '. 11 me semble probable que les
candélabres qu'on voit ici seuls, mais combinés dans la basilique
avec des Victoires, peuvent être considérés comme symboles de l'âme,
représentée comme une fiamme dans la philosophie d'Heraclite —
ici probablement interprète d'une opinion orphique ^ — et dans
la foi populaire romaine *. Cette idée se confond aisément avec
celle du tombeau. On connait l'habitude d'allumer des lampes
dans les cimetières''. La pensée du lieu du dernier repos est vive
dans toute la basilique; la partie iufériciirc des parois tant d;i ves-
tibule que de l'édifice principal est ornée des symboles du tom-
beau: colonnes ou arbres entourés d'un enclos.
Dans plusieurs caissons sont figurés de petits amours: tantôt
ils montent des chars attelés de boucs ou d'autres animaux et for-
ment un élément du thiasos qui représente le cortège des initiés,
tantôt ils ver.sent l'eau d'une cruche. Dans ce dernier cas ils ont
la même signification que nous avons donné aux Victoires funé-
raires: ils oft'reut l'eau de la vie éternelle aux âmes des fidèles.
' Duetsflike. BaroDiiilische Siiidifii, p. 18 < et t^uiv.
- R. Paribpiii, Xotùie degli fcavi. 1919, p. 112; Maccliioio. Zat/reus,
p. 74.
■* Maccliioro, Kraclito e Vorfismo, dans Gnosis, Bivista di utoha re-
ligiosa, I (1920), p. 1 et suiv. et dans Zagreus, p. 247, ann. 1.
* Plante, Trhi., 11,4, 91 (492): » scintillulam aniniae quam quuni extem-
plo eiuisimus •; Térence, Ad., III 2, 16: « seni animaui piimum extingue-
rem». Uf. Cicéron, Som». Scnj)., III, 7: » aninnis datus est ex illis seiupi-
ternis ignibus »: Verg . Aen., VI, 745 et suiv.
•"■ Cf. p. e. .Marquardt-Mau, Prhat leben der Borner, p. 3(38, ann. 1
et G. Spano, La iUuminazione délie vie di Pompei dans Atti délia Beale
Ace. di Arch. di Napoli, VII (1920), II, p. 72 et suiv.
176 I.A IIA.SIl,l(ii:K SOI TKKliAI.NE
[iC petit tableau sur lequel on voit les petits amours ehasser (les
l)api lions et s'amuser avec reux qu'ils ont pris doit avoir en un
sens synil)iili(|iie [imicc (|u'nu le rctionve très souvent sur des mo-
numents funéi'aires '. M. Cnniont '• cite à propos de notre basilique
un passage de Pliifarque ' : «Le vrai amoureux, c'est à dire celui
qui s'est épris du vo/.rov /.y/ov ajirf'S sa mort ir.-i^oiry.'. v.y.: /.y.-
TCOpYia-TTai /M 'V.aTîAîC T.fÀ TOV ajTOV rïOV fKrOS) ZVOi y'jit'ldt'l
y.v.i n'i'^j.r.iYiT.O.Cfi, y/'-'-', o'j t.'j'i.vi v.\ t'^'j; '^it:'r,ir,\ /.yÀ \\ZiZ'j-
'"iiT/, ; ^ciij.(o-/5t; î).,rwv /.y.i y.y.-y.hy.o^iyj STîpa; y.^y r,zy\, yîvÉtîoj; ».
D'une conception au moins également élevée témoigne rii\n)Ui-
orpliique dédié à F.ros, (|iii nous semlile donner i.'à et \îi un com-
mentaire des scènes ligurées dans le vestibule \
Sur la paroi qui sépare le vestibule de la basilique et préci-
sément au-dessus de l'entrée de celle ci on distingue une grande
tète d'Océanus cnti'c deux divinités marines. Océanus. une des figures
de dernier plan dans l.i mytiiologie grecque ', était considéré par
les orphiques comme le prince des Titans, le seul bienfaisant p;irmi
eux '', et a été célébré dans un de leurs hvmnes. C'est justement
' Voy. Maccliioio. Simluilixmn, passim. Cf. p. e. C. I. L., \'I. 211011:
« Scita hic sita est jiapilio volitans texto religatus araneo est illi piaeda
lepens huic data mors siibita est », et le petit poème fait par renipcieur
Hadrien sur son lit de moi t.: « Animula vagiila blandiila Ilospes coines-
que corporis. Quae nunc abibis in loca Pallidula, rigida, nudula. Nec ut
soles dabis iocos ».
* Cumont, Rer. Arcli., 1. c, p. âT.
^ l'iutarqne, Amiiton'iin, c. 20, p. 76li B.
* Hymn. (hyhic, UIII (édit. Abel, p. 89).
To;»>./.T, 1T7 = p JîiTat. -ypippi^iv (nos. -up tSpi ;i: i), ij&p5y.ji ipy.r.
<7uu.ir ai'ovra tjîoT; rM Svïitsî; àvspwTtoi;,
î'JTràXotiisv, SiouT, (céleste et mortel '), iràvTui /.>.t.?c«; v/Di-i
àXXà, u.àzap, xa;opaT; ^■lù.i.ït; u.ùarT,oi auiî'pyovi,
'^aùlo'j; S'îzTiTrii'j; 3''>p;j.à; k~i> Twvî'à-i— cu.r = .
^ A'^oy. Rnscher, MylhoJcg. Ladkcn, s. v. Oleaiios (WeiszSckcn,
col. 817.
^ Abel, Oriihiat, fr. 3!> et 100.
\->K I.A PORTA MAGCIORE 177
(lan-i cet liymiR'-çi qu'on trouve une expres'sioii qui, selon mon opi-
nion, ]ieut expliquer le sens syinliolique de l;i tète d'Oeéanus qu'on
trouve en haut île la porte d'entrée de la basilique. On y lit :
K/.v.r;, ij.7./.y.-j, T.'j'l.Wt.'ii, S'îGv zyvt'Taz asy^TOv,
xiay.y. oTao-/ yxir,:, ^■^J'^- "oAo'j, ÔYpo/.ïls'jSï,
l).5o'.: îùaîvîwv u.'jn-y.'.'. y.t/y.^'.nu.i'i'j-, ztîs '.
Kst ee que le construeteur de la basilique a voulu indiquer que
l'entrée de celle-ci est « la fin des choses terrestres, olijet de nos
désirs, et la porte du ciel •» ?
La décoration eu stuc, de la basilique.
L'édifice principal qui fait suite au vestibule est orné avec
grande profusion de bas-reliefs en stuc, distribués sur les murs,
les piliers et les voiites. A ce qu'il me semble on a suivi dans la
disposition de cette décoration un système logique.
La rangée inférieure nous montre partout des tomlieaux traités
symboliquement dans la manière décrite plus haut en parlant du
vestibule et entremêlés :Y des scènes de vénération des images sa-
crées'. Le visiteur de la basilique se promène donc dans un en-
tourage qui lui rappelle toujours la mort et les occupations ter-
restres qui sont la meilleure préparation à la vie d'outre-tombe.
Au dessus des cimetières et des lieux sacrés pendent des oscilla
de formes différentes. Les oscilla servaient comme purification de
l'air '. Ou doit supposer que les tables chargées d'offrandes qu'on
1 Hymiii Orphici [éd. Abel), LXXXIII, v. s. 6-9.
' Dans une de celles-ci on voit une personne s'agenouiller devant la
statue d'un dieu. M. Cuniont {Rev. Arch., 1. c.) rappelle qu'on avait jusqu'à
présent constaté ou du moins rendu probable cette attitude seulement
pour les mitliriaques. Voy. Cumont, Textes et monuments, etc., II, p. 62.
•' Seivius, Aen., VI, 741, XII, 603, Georg., II, 389, 0. Boetticher,
Der Baumlultus der Hellenen, Berlin, 1856, p. 83, Hiid dans Daremberg
et Saglio, Dictionn. â. Ant., s. v. Oscilla, p. 257, II.
1-2
178 l,A HASII.K^IK SIHTKHlt^NK
voit à l:i même liiiiitcur sur les pîirois ])ostériciirPS des nefs laté-
rales avaient nn sens identique et rappelaient dans la mémoire îles
(idéies le souvenir de leurs (uiiipai. Un des hymnes orphiques parle
de la préparation d'une telle tahle '. On la retrouve avee plusieurs
symboles haehiques sur le eippe d'Aniemptus '. Le rameau de pal-
iniei' sur une de ees tables symbolise probablement Timpressiou de
victoiio ot d'élévation morale pi'oduite par Tagapè dans l'âme du
coniminiiant. Les agapai et l'adoration des dieux étaient les moyens
pour arriver ;\ l'extiise, l'inspiration dionysiaque, l'état de grâec
dans lequel on voit prochaine la vietoire sur la cliaii-.
Cette inspiration même me semble indiquée par les Vietoii'cs,
les grands vases et les tambourins qui décorent la partie supé-
rieure des parois latérales et des piliers. Le syml)oIi8me est ex-
j)rimé d'une manière jilus claiiv en b;i-; d'une des voûtes latérales.
On voit là deux si)hinx ;'i eoté d'un ciatére, image connue de l'àme
éprise de la divinité '.
Les voûtes enfin représentent à ec i|iril nie semble la substance
de ces espoirs, nourris i)ar l'inspiniti'in et la piété.
En dépit de raiijiarente loL;ii|iie d'une telle division, il reste
beaucoup d'incertitude dans l'explication des différentes scènes, sur-
tout dans celles des voûtes. Mais aussi sur les parois latérales et
les piliers les énigmes insolubles ne font i>as défaut. (>ufl est le
sens précis des hermés, des dieux bai'lius, des figures ilebout avec
les bras étendus? Dans les dei-nières on ])eut voir — comme l'a
déjà fait M. Cumont — des « orantes », c'est-à-dire des Ames im-
plorant un bon accueil dans le règne des morts, en se fondant pour
' tlymni Orphici (édit. Abcli. XI, IV, ,s 9. Cf. aussi .Maecliioro. Xa-
yreiis, p. 76-80.
• Altmann, Sâw. GifihnDdre. ]). 111, plancli. I et II: Maecliioro. Sitn-
holimie, p. 79-80.
^ Dareniberg et Saglio. Dictioiiii. des Autiquiiés, s. v. Sphin.r iH. Ni-
cole).
DE LA PORTA MAGGIOKE 179
cette explication .sur les reliefs de le partie inférieure de Faliside,
où une Victoire oflFre :\ Tune des crantes qui la flanquent une cou-
ronne. Cette scène nous rappelle tout de suite les mosaïques absi-
dales de l'époque chrétienne, où la main de Dieu oft're aux martyrs
leurs couronnes.
Dans les cymbales et les Hûtea — symboles des mystères ' —
qu'eu rencontre sur les parois, on pourrait voir aussi une allusion
k la passion de Zagréus, célébré par les orphiques comme Ré-
dempteur. Firniicus Maternus - raconte que les orphiques imitaient
avec des cymbales et des flûtes les hochets k l'aide desquels l'en-
fant Zagreus fut leurré par les Titans. Il est possible que les por-
traits dont on voit les traces sur les piliers aient représenté —
comme le suppose M. Cumont — les sages grecs; mais l'état très
mauvais de conservation rend difficile toute identification certaine.
Eu outre il me semble qu'on peut élargir de beaucoup le choix,
.lamblique ' donne une liste de ce qu'on pourrait nommer les « pa-
pes » pythagoriciens et, k la fin de son livre, il énumère 218 hom-
mes et 17 femmes qu'on pourrait définir comme saiuts ou héros
de la foi. Un fragment de stuc, conservé dans le musée de l'An-
tiquarium à Rome, appartenant sans doute à un portrait en mé-
daillon, prouve qu'Apollonius de Tyane lui aussi était vénéré comme
un saint '.
Les petites boites qu'on voit représentées dans plusieurs endroits
sont sans doute des cistae mysticae contenant les arrann ''.
Deux piliers sont ornés de reliefs. Sur l'un Deraeter — carac-
térisée comme déesse des mystères par la cista mj'stica, d'où sort
' Cp. p. e. Proclus sur Platon, Alcib., I, p. 479 (Cousin, 2" rd.): ;■<
tol; a'joTT.ptit; /.a; l-i rai; T:XcTaT; y^praïas; ô au>.5;.
2 Pirmicus Mat., de erroi: prof, reîig., VI, 5; Abel, Orphica, fr. 200.
^ Janibliche, de vif. pyth.., c. 38.
< Cp. E. Meyer dans Jfermef:, 52 (1917), p. 38(), ann. 1 ; C. 1. 1.., M.
29828.
^ Cp. Mail dans Paulj'-Wissow.T, RealcncycL, III, col. 2592.
180 I.A KASIIMQIK SdlTKKUAlNK
le serppiit — donne ;Y Triptol^mc 1cm ('i)is de lil/' ', b'pMfnit ciM-hrlt
par les hymnes orptiicjncs roinnif sym'iole de jiaix et di' liiejii-tre '.
Snr l'aiitre pilier Hercule reeo't les pomme» d'or des mains
d'une Ilespéride. Il faut se rappeler (pie les IFespéride» sfnit très
fréquentes sur les vases funéraires de l'Italie méridionale ' et que
leurs pommes étaient parmi les instruments employés par les Ti-
tans pour séduire Zagreus '. Selon une forme pen connue du mythe
d'Hercule '", celui-ci, après un long et difficile voyage dans la coupe
du soleil, aurait tué le dragon Ladon et reçu après ces dures
épreuves les pommes d'or qui lui assuraient l'immortalité. H est
très probable que les orphiques ont considéré les exploits du iiéros
comme une espèce de passion comparable aux travaux que l'àme
immortelle doit supporter sur la terre. Ils considéraient Hercule
comme ayant existé depuis la création '^', c'est-à-dire qu'ils voyaient
en lui un dieu descendu sur la terre et l'adoraient comme un Sau-
veur portant son aide à tous les malheureux '.
L'abside.
Dans toutes les églises, la coquille de l'abside est ornée du sujet
le plus important, le plus dogmatique. Il est donc a priori pro-
bable qu'on doit chercher là la clef du secret de la basilique sou-
terraine. D'autres circonstances fortifient selon moi cette opinion.
Le relief qui remplit tonte la coquille est beaucoup plus grand
que tous les antres, la composition en est plus compliquée et le
travail plutôt médiocre. C'est surtout cette dernière constatation qui
' Abel, Orphica, fr. 217.
- Bymni Orphici (éd. Abel), XL.
^ Albizzati, 1. c, p. 207.
* Abel, Orphica, fr. 196.
^ Gp. Pauly-Wissowa, Bt!a}encyc1., VIII, col. 1245 (Sittig).
« Abel, Orphica, fr. 36 et 39.
" Bymni Orphici (éd. Abel), XII.
DE l.A PORTA MAOfilURE lOl
uic fuit suppost^r (lu'iei les prêtres n'ont pas i)erniis aux ouvriers
(le s'inspirer de modèles antérieurs. Comme cette partie de la dé-
coration est très mal conservée et que la reproduction photographique
(pi. Il, fig. Ij tt'est pas suffisamment claire, j'emprunte la description
à l'article de M.' Cumont '.
« Nous avons devant nous au premier plan une mer houleuse
où se dressent des rochers. Sur les récifs qui, à droite, bordent
le rivage, une femme entièrement voilée tenant A la main une Ij're
descend vers les dots; derrière elle, un Amour ailé semble la pous-
ser doucement par les épaules ; devant elle, enfoncée dans l'eau
jusqu'à mi-corps, une ligure tient à deux mains, pour la recevoir,
une étotfe, qui, en s'abaissant vers le milieu, dessine une sorte de
nacelle, où la ligure voilée s'ap])rête à poser un pied. Sur les ro-
chers de gauche, un autre personnage lui correspond: c'est un homme
assis sur une pierre, la tête appuyée tristement sur la main ou se
cachant le visage dans les mains; devant lui, au milieu des va-
gues soulevées, se dresse un Triton tenant ses attributs habituels,
une rame et une conque marine. Entin, au fond, sur un écueil
isolé ou sur un Ilot, Apollon est debout; il porte son arc de la
main gauche et étend la droite vers la femme voilée. Un autre
rocher sort de la mer entre lui et elle, mais il n'est plus possi-
ble de déterminer si un personnage s'y trouvait représenté ; on
songerait à Diane à côté d'Apollon ».
M. Fornari qui 'fut le premier à décrire la basilique pensait
au pi'emier moment ' à la mort de 8appho, mais écartant ensuite
' Cumont, Bev. Arch., p. 65.
- \'oy. l'allusion de M. R. Paribiui dans le Bolletlino d'Arie, 2"^ sé-
rie, I (1021), III, p. 104, ann. 4. M. C. Densmore Cuitis a développé la
même hypothèse dans un article de Y American Journal of Archaeology
(XXXIV, 1920, p. 146 et suiv.) en se fondant sur la conformité complète
avec Ovide {HerouL, XV, 161 suiv.}. Tout en admettant cette concordance
on doit supposer pourtant (avec Cumont, Hassegna d'Arte, VIII (1921),
2, p. 44) un sens symbolique pareil à celui de la .Sappho d'.lusone,
c. VI (cf. F. Weege, Etruskische Malerei, p. 34).
1X2 LA HASIMCJUE .SOL'TERHAI.NE
cette idée, il publia sa seconde explication acceptée et fortifiée par
M. Ciiinont, et restée, selon mon opinion, lu plus probable. Toute
la comiwsition illustrerait le voyage de l'àme (représentée ici,
«•omme dans un des toml)caux de la Voie Latine, par une femme
Vdiléej vers les lies des Hicnlicurenx, localisées selon les l'ytliago-
riciens d;iiis le soleil et l;i luiic. i>M forme de la « nacelle », res-
semblant à la fois à la lune et à une barque, ra])])elle à M. Cu-
mont le bateau de Kà qui transporte les morts égyptiens et la
théorie dos Manichéens qui croient que la lune est un vaisse;iu
dans lequel les âmes voyagent de la terre au soleil. La mer hou-
leuse serait selon les Pythagoriciens « la matière dont ils oppo-
saient l'agitation tumultueuse à rharmonie constante des cieux *. La
lyre servirait à caractériser le désir mystique, la nostalgie du ciel,
et le personnage assis en face de l'àme voilée « le pécheur accablé
de honte et de remords, auquel il est interdit d'atteindre le séjour
des élus » '.
Nous avons déjà montré qu'il n'y a pas besoin, dans l'inter-
prétation de la basilique, de se limiter aux seules idées pytliago-
ricienucs, et croyons donc pouvoir trouver ailleurs quelques argu-
ments pour corroborer la théorie de MM. Fornari et Cumont. Les
Néréides et les autres divinités marines se trouvent comme figures
sépulcrales dès le cinquième siècle sur les vases de l'Italie méri-
dionale". Les hymnes orphiques' les invoquent pour porter le sa-
lut aux initiés parce que les Néréides étaient ïes premières :\ mon-
trer la vénérable t-I-t/: de Bacchus et de Perséphone \ S 'Ion Ser
vins ■' Virgile a voulu indiquer la lune comme séjour des bienheu-
reux et Plutarque en parle amplement ''. Le « liatean des morts »
' t'umont, Rev. Arch., I. c, p. 69.
- Albizzati, 1. c, p. 200.
' Hijmni Orphici (éd. Abel\ XXIV.
* Cp. Maass, Orpheus, p. 191.
'S Serv., Am., VI, 887 et V, 735.
'» Plutarque, de fade tn orbe lunae, c. 28 et suiv.
DE LA PORTA MAGOIORK IP.i
Hci trouve aussi, à ce qu'il semble, sur un vase italiote '. Le per-
scinuai^e triste, assis sur le rocher, t'ait pense)' à Juvénal ", « at
illc I:ini sedi't in ripa taeti'uniquc novicius liorret l'ortiimea nec spe-
rat caeuosi gurgitis aluura Infelix ». Selon les initiés c'est unique-
ment ceux qui avaient méprisé les mystères qui étaient condamués
aux peines de l'enfer décrites p.ir la tradition populaire *.
Un fragment orphique me semble indiquer que cette doctrine
supposait aussi un passage de Tànie k travers l'air '.
La lyre Joue un rôle important dans les mystères °, surtout à
cause de son influence civilisatrice ". Je suppose que l'arbre qu'on
voit sur le rocher même d'où descend la figure voilée, représente
symlioliquement le tombeau, situé très souvent dans un lucus '.
Les stucs (les voûtes.
La décoration des nefs latérales montre très souvent les mêmes
sujets traités dans une manière différente. Cette uniformité me sem-
ble indiquer qu'à l'époque de la construction de la basilique le
sens symbolique de ces combinaisons était à tel point tixé et pré-
dominait tellement l'exécution qu'on n'avait pas à craindre les cri-
tiques sévères, mais plutôt à espérer le jugement bienveillant des
âmes pieuses, parfaitement disposées à voir à travers l'enveloppe
parfois défectueuse l'éternelle beauté du texte illustré. Malheureu-
sement c'est précisément ce texte qui nous fait défaut. A peine
pouvons-nous tenter de sentir le symbolisme des Victoires, des
' Albizzati, 1. c, p. 194-195.
^ Juv., III, 261 et suiv.
3 Platon, Fhaedo, p. 69 C. Cp. S. Reinaeli, Rur. Aich., 1903, I, p. 151-
200; Hairison, Prokgomena, p. 614-62.3.
* Abel, Oiphica, fr. 156: 'OpjrJ; -r.i 'A/_ipij<T;îtJ Aiavr.-) àssii-j /.aX=T.
^ Cp. Macchioro, Zagrens, p. 91-94.
'^ Martian., e. IX, 923.
' Serv., Aen., HI, 302; E. Rhode, Psyché, 4^ éd., p. 230.
184 I.A liASlI.lQUK .SDITKHIfAINK
Orantes, des ligures tr;ms|)(irt«es par des ilivinité.s mariiii'.s: mais que
faut-il i)ciiser des Méiiadcs qui pufilleut des fruits, font des sacrifices
en Jouaiit de la lli\tr, se réunissent aiitonr d"un arlii'i': i|iie si^rnifie cette
réunion de iirètres autour d'Aindlon ! Coniiiient ex|)li(|Uer les scènes
itliyplialliques, la procession dn van saci'f; ', la punition de Marsyas?
OV'st la tradition écrite qui nous manque, ce i|ui rend juste-
ment « mystérieuses » des choses qui étaient révélées même aux
simples. Une comparaison avec le syinlinlisme clii-étien démontre
avec évidence Jusqu'à (|uel point nous déi)endons des textes dans
nos tentatives d'exi)lieation. Qui aurait clierelié dans la figure hu-
maine sortant de la ;:uenle d'un monstre marin une allusion à la
résurrection, si le Nouveau Testament ne nous avait pas informés
<ln fond symbolique de l'Iiistoire de Jouas ? Mais qui nous expli-
(|n(^ la pensée du ])eintrc des vases grecs qui a représenté dans
la même situation le chef des Argonautes. .lason ' ? Comment pour-
rait-on interpréter la riche iconographie chrétienne si l'on avait
uniquement à sa disposition les écrits des auteurs païens ou quatre-
vingt-liuit prières en forme de litanie-s, comme nous les jjossédons
des orphi(iues ? Qui aurait deviné une signification mystique d'une
telle profondeur dans la danse des lîaccliantes avec la tête d'Orpiiée,
(pi. II, fig. 2) si le hasard ne nous avait p.is conservé les spécu-
lations sur sa mort expiatoire qui mit fin au ressentiment de Zeus
contre les hommes, ])rovoqué par le meurtre perpétré par les Titans
sur la personne de Zagreus ?
Lii voûte (le lu iieC centrale.
Les marges du plafond ciiili-al sont peuplées d'une grande
quantité de « scènes de genre » (|ui senildcnt rei>ivsenter la vie réelle.
' Cp. J. E. Harrison in Jonnial of lulkuic sfudies. XXIII (1903),
p. 32.^ fit 8uiv. et dans l'rolegnmena, j). .")19, 527, .'J31-Ô34: Rizzo, Dio-
iiysos Mysles, p. 80.
• Roscher, Mytholdij. T.e.ticun, .s. \-. Jnson, col. S.'i-Sli.
DE LA rOHTA MA(iliI()UK lor>
On y distingue (pi. lllj des exercices de gymnastique et d'escrime,
dirigés quelquefois par un pédagogue, des rencontres de person-
iriges solennellement habillés, des jongleurs et des prestidigitateurs.
Ou 'est tenté de croire à une imitation dans le goût hellénistique
I caractérisé par les formes trop pleines) des « tranches de vie »
qu'on admire sur les vases et les reliefs de l'époque grecque clas-
sique. La scène de jonglerie par exemple est sans doute une ré-
plique de celle qu'on trouve sur un vase de bronze du Louvre '.
II y aurait pourtant un détail qui nous en ferait douter. Les acteurs
d'un de ces reliefs sont des pygmées ; on retrouve ces nains con-
trefaits sur les peintures du columhurium de la Villa Doria-Pam-
pliili où l'on a supposé qu'ils symbolisent la vanité des occupa-
tions d'ici-bas ^.
Autour du centre on voit quatre table;iux d'un caractère tout à
l'ait différent. La fig. 1 de la pi. I\' nous montre une âme représentée
par une femme, le visage empreint d'une ferveur, d'une résignation
très rare dans l'art antique : Hermès, caractérisé, à ce qu'il sem-
ble, comme dieu de la mort par une tige de pavot, la conduit par
la main. Hermès était vénéré par les Pythagoriciens comme -yij.'.y.-^
T(ov 'y'jywv ^. En face (fig. 2) se trouve .Jason qui, aidé par Médée,
s'empare de la Toison d'Or. Il est certain que le héros de lolcos a
joué un rôle important dans 1" hagiographie orpliique. Nous possé-
dons même des « Argonautica » avec une introduction parfaitement
orphique. 11 nous est pourtant impossible de trouver la moindre
preuve (|u"on ait jamais considéré ses ^tovosvtî; y.ib'i'j'. * comme
une vie de martyr. La descente dans l'intérieur d'un monstre ma-
rin, dont nous avons parlé, et le passage de Pindare ^, « Phrixus
' De Ridder, Bronzes antiques, tig. 52, p. 104, cité par M. l'ornari.
= Cp. E. Samter dans Rom. MMh.. VIII (189:5), p. 101 et suiv. et
IJoscher, Mithol. Lexicon. s. v. Pygmaeeii, col. 331>>.
■' Diogèn. Laerce, VIII, 1, 31.
* Hésiode, Theogoii.. 994.
' Pindare, Pi/th., [V, 159 avec le sclioliaste.
186 I.A IIASIMQIK SOITKKRAIXK
nous prie d'aller au palais d'yEètè» et (le transporter son âme »,
restent inexplicables. Notri- tableau présente un déUiil curieux.
Jason est munté sur une table, au dessous de laquelle se trouve
une autre table surmontée d'une petite caisse. Il me semble très
probable qu'on doive penser ici à un appareil magique tel que la
table mentionnée dans un |),'ipyrMs de Leyilc '.
A ces reliefs font |)cndant deux autres. La signification de
l'un est claire. 11 repiéscnte la lil)ération d'ilésione par Hercule.
Plusieurs monuments trouvés le long du Rhin montrent que l'épo-
que impériale a trouvé dans ce vieux mythe une allusion à la li-
bération de l'âme par un lîédenipteur. Sur une gemme on voit aux
pieds de la vierge encbaîiiée un cotVrct (jui rapi)ellc iirobablement
la eista mi/stica '.
En face du tableau d'ilésione on en voit nu (|iiatriénie ( pi. V, fig. 1 )
<lont l'explication, autant ([uc Je sache, n'est pas encore trouvée. Sur
un troue très sinipU^, on plutôt sur un liane formé de deux blocs
de pierre quadrangulaires profilés, une femme est assise dans nue
attitude pensive, la tète appuyée sur la main droite, la gauche te-
nant une idole qui ressemble à la déesse Athéna armée d'un bou-
clier et tenant probablement mie laiice de la main droite élevée.
Les vêtements ne couvrent que la parlie inférieure du corps. Un
homme entièrement nu, dont le manteau — est-ce une peau de
bête ? — a glissé sur la cuisse gauche, est debout devant elle.
Les boucliers au dessus de la figure de l'iiomme et les guirlandes
attachées avec des rittae me semblent indiquer que la scène se passe
devant ou dans un temple. Le pied gauche de l'homme est appuyé
sur un bloc de pierre grossièrement éiiuarri, qui ressemble de très
' Publié par Dietericli dans les Johi-h. /'. <l. I:h(ss. Alteit. Supple-
mentband, XVI, p. 799-830, v. s. 26 et suiv.
- Cp. Drexler dans Rosciier, Mythol. Lexikon, s. v. Hesiou, col. 2593-
2594.
DK LA PORTA MAOtilOUB 1H7
près aux -rli'i^oi se trouvant selon M. Maccliioro ' dans beaucoup
(le scènes relatives aux mvstères.
Les reliefs du centre (pi. 111 et pi. V, fig. 2) représentent tous les
deux un rapt. Au milieu du plafond nous voyons Ganyniède porté au
ciel par un génie ou un dieu, symbole connu de l'apothéose '. Ganymède
porte dans la main droite une aiguière, dans l'autre un tlarabeau. Ces
ol)jets symbolisent sans doute respectivement l'enthousiasme diou}--
siaque ' et la fervente ai-deurdcTàme. Le second des tableaux centraux
(pi. \, fig. 2) représente l'enlèvement d'une des Leucippides, scène que
l'on rencontre également sur plusieurs sarcophages *. Il n'est pas pro-
bable qu'on ait pensé à autre chose qu'à l'ascension de l'âme, l'apo-
théose — qui est-ce qui se ferait faire un sarcophage décoré d'une de-
scente en enfer? — et pourtant il y a un contraste incontestable entre
la conduite de Ganymède et celle de la Leueippide. Le visage du Dio-
scure rappelle l'idée de la beauté sombre qu'on se forme ordinaire-
ment de Lucifer. N'oublions pas que l'on voit dans les nefs latérales
«u châtiment de Marsyas et le travail impuissant des Danaides ".
' Macehioro, Zagreus, p. 28-42.
- L'idée de rapothéose si fréquente pendant l'époque impériale (cf.
e. a. Altraann, Uômisclie Grahalttire. p. 276 et suiv. E. Arthur Strong dans
le Journal of Roman Shtdies, I, p. 24 et suiv. et dans Apotheosis and
after Jife, passim) se trouve déjà dans le douzième livre des lettres de Ci-
céron à Atlicus.
' L'aiguière se trouve sur de nombreux autels et placiues funéraires,
où l'un ne peut pas supposer le sens astrologique, que M. Cumont croit
trouver dans notre relief.
* Mélanges de VEc. de Borne, 1885, pi. 12; Robert, Sarkoplmgsrehefs,
III, 2, 57 et .08 (p. 180-184): S. Reinaeh, BeNefi=, II, 197 (= III, 288), III,
33, 256, 379. — Cf. maintenant G. Bendinelli, Di un frawincnto marmo-
reo, etc. dans Ausonia, X (1921).
^ M. Cumont (dans la Bassegna d'arte antica e moderna, VIII (1921),
2, p .38, ann. 6) explique les Danaides comme des âmes avides de vo-
lupté, insatiables de jouissances et cite Platon, Gorg., 493 A, Lucrèce, III,
935 et suiv., 1003 et suiv., Rhode, Psyché, I, p. 326 et suiv, Norden, In
Varronis saturas, p. 332 et suiv. Il me semble pourtant plus probable
d'y voir les non-initiés (cf J. E. Harrison, Prolegomena ta Greek Beli-
gion, p. 613-623).
l.A HASII.igi'E SOITERKAINK
(loiistiMutioii et stvl»'.
Il seiM prudent (riittcndro le déblaiement eomplet de l'éditiee
])our se déeider sur les dates fournies ])ar la construction. MM. For-
nari et Gatti ont constaté que, dans les parties visibles du béton,
ne se trouvent pas de fraj^ments de marbre ou de briques; cela
indii|uerait la iireniiére moitié du I" siècle a]irés .lésus ('liri>*t. Un
Trafiment (Vojms reticnlatum d'excellente exécution entrevu par
M. Gatti an-dessus de l'ouverture qui illumine le pronaos, pour-
r.iit indi(|uer la même période. M. lîendinelli, un des prochains édi-
teurs de la basilique, a cité une foule d'analogies pour les sujets
et la manière d'exécution de la décoration en stuc qui corroborent
les indications plutôt vagues de la construction et rappellent aussi
la première moitié on le milieu du P' siècle de notre ère ".
Je veu,\ remarquer à ce propos que l'évidente inégalité de style
des reliefs constatée tout de suite par M. Fornari ' et la tendance
archaïsante, dont on voit des exemples dans nos figures, caracté-
risent aussi les peintures murales de la maison de la Farnesine,
conservées au Musée des Thermes, dont les stucs représentent des
scènes des mystères.
En outre il me semble que l'on peut retenir dans la décoration
de la voûte centrais une circonstance qui n'est pas sans importance.
Exception faite des reliefs de Ganymède et de l'enlèvement de la
Leucippide, on distingue très bien deux parois, divisées dans la m;i-
niére habituelle des peintures murales de Porapei, par exemple
celles de la maison des Vettii. Le socle est formé par une espèce
de predella remplie de petites scènes ol)longues. Les es|)aces vi-
' Une savante conférence de cet archéologue fut faite pour la première
fois devant « l'Accademia l'ontificia » le 21 avril li)21 et répétée ensuite
à l'Associazione IJomana di Arclieologia.
2 Cp. R. Paribeni, Catahxjo âel Museo délie Terme, 3'' édit. (1920),
n" 710 et 720.
DE LA PORTA .MACiCilORE 189
des, siirnioiitnnt ce socle, présentent des scènes encadrées comme
de vrais tableaux (Hermès et l'âme, Jason et Médée) ou bien re-
présentées comme vues par une fenêtre (Hésione et Hercule). Cette
division est parfaitement indiquée pour une paroi — on la re-
trouve par exemple dans la maison de Livie sur le Palatin —
mais pas du tout pour une voûte. Sans en avoir eu l'intention, on
a démontré cette impropriété en exposant au Musée des Thermes
les stucs de la Farnésine, qui formaient une voûte sur des parois
concaves mais nmi plafonnantes, le long des murs verticaux, non
seulement sans en changer la perspective, mais même en améliorant
leur effet. J'en conclus que le cycle des représentations mystiques de
la Farnésine et de notre basilique a été inventé et représenté pour
la première fois dans un pays où l'on n'avait pas l'habitude de con-
struire des voûtes, par exemple dans la Grèce et l'Italie méridionale.
Les candélabres stylisés et les palmettes qui remplissent avec des
masques ' les vides entre les tableaux de la voûte centrale sont
également bien plus appropriés à un mur vertical qu'à une voûte.
M. Fornari a voulu déterminer aussi l'identité du constructeur
de notre édifice et il l'a fait d'une manière, selon moi, très ingé-
nieuse et vraisemblable. Il a fait remarquer' qu'à une distance d'en-
viron deux cents mètres de la basilique ont été trouvées de nom-
breuses inscriptions d'esclaves et d'affranchis appartenants à la fa-
milia des Statilii ^. Une de ces épitaphes porte le cognonien très
rare de Mystes *. En outre on a découvert dans le même cimetière
' De tels masques barbus sont très fréquents sur les monuments fu-
néraires. M. Maechioro (Zagrem, p. 119-120) les veut expliquer comme
le visage du dieu, symbole de sa présence parmi les fidèles. Le dieu su-
prême des orphiques était, comme tous les dieux de? mystères. Un et
sans forme définie (Proclus, Enneail., I, 6, 9 cité par Harrison, Prole-
gometia, p. 624).
^ Notizie degli Scari^ 1. c. p. 50-52.
' C. I. L., VI. 62l.S-fi640, cj). Jordan-Hulsen, Topographie /l'oms, I,
3, p. 363, ann. 52, Kichter, Topographie Boms, p. 352.
* C. I. L., VI, 6632.
190 I.A IIA.SII.KJIK Slil TKHItAIXK
iiiif lii'llc unie de inarlirc avec des scène» qui se réfèrent aux mys-
tères d'Hleusis '. Ces indioations sont combinées par M. Foruari
avec le procès contre le proconsul T. Statilius Taiirus, accusé de
magicae suj/erstitiones'' par les complices d'Ag-rippine.
La conjecture de M. Fornari me semble très vraisemldaldc et
je crois pouvoir la fortifier encore en mettant le fait isolé dans
le cadre complet de la lutte de rcli^'ions t|iron peut entrevoir dan-<
le premier siècle de notre ère.
L'crapcrenr Caligula semble avoir eu des tendances égyptiennes
prononcées ''. Son successeur Claude au contraire fut un admirateur
sincère de tout ce (|ui était grec * et essaya entre autre d'introduire
les mystères d'Eleusis !i Rome ". Il est donc très proliable qu'il
ait autorisé T. Statilius Taurus à construire une basilique orphique.
Mais Cl:n;;Ic était dominé par l'autorité de sa femme .\;,'rip])ine.
Nous ne savons pas quelles ont été les sympathies religieuses de
celle-ci, mais il est très remarquable de constater que les cultes
féminins de Cybèlc et d'isis jouissaient de la faxcur de Néron, le
tiis d'Agrippine '''. Il aura été très facile à celle-ci de trouver
des arguments d'accusation contre les Orphiques et leur protecteur
Statilius. Déjà Cicéron reproche aux f>rphiques le meurtre rituel '
et le fameux seiiatns rotisultuM ilc h'iiir/i(i»(ilil>us défendait les
' Cp. e. a. llelbig-Anicliing, Fiilirer cintrh dif Mttseen liomis. ;i"' éd..
II, n° 1325, I). 111 et suiv. : G. E. Rizzo, // sarto/'ago di Torre nom dans
Bôm. Mitt., 1910, p. 106, 131 et suiv.. planche VII (la première répro-
duction satisfaisante); Paribeni. Catiilotin. n" 440.
' Tacite, Ami., XIT, r>9.
' H. JI. K. Leopold, (Jiilirikkclhig niu ket Heidendom in Home (K\o-
lution du paganisme à Home). Rotterdam, 1918, p. 110.
* Voj'. le témoignage non suspect de Sénèque dans TApokololcynthosi».
^ Suétone, Claude, c. 25 : Sacra J'^Ieiishiia etiam tinnsferrc e.T Attiea
liomam conatnit est.
^ Cp. F. Cuniont, I.cs leJiijifnis orieiitaks dans VKinpire Boniain (p. 66
et suiv. de la traduction allemande de (iehrich, 2' édit., Leipzig, 1914)
et G. Lafaye, Divinités d'Alexandrie, l'aris. 1SS4, p. 59.
' Cicéron, in Vat., VI, 14.
DE LA PORTA MAGGIOKE 1;)1
réiinidns iimnlireuses, telles qu'elles auraient pu êti'e d'après k's
dimensions de notre basilique. Le suicide de Statilius, qui con-
sidérait naturellement la mort comme un bienfait pai-ce qu'elle li-
bérait son àme immortelle, et l'indignation des sénateurs qui con-
naissaient certainement le caractère très élevé de la doctrine des
mj'stères, s'expliquent avec facilité. En outre le merveilleux état
de conservation de tous les stucs, l'absence complète de graffhi et
de traces de fumée me pai'aissent prouver que l'édifice souterrain
n'a été fréquenté que pendant un temps très court.
Mais les arguments d'une défaveur des mystères grecs dans
l'empire romain à partir du milieu du premier siècle après Jésus
Christ me semlileraient faibles, si je ne rencontrais leurs traces
dans une autre partie du monde antique, en Asie Mineure.
Là le culte impérial est lié très étroitement à celui des mys-
tères justement dans la première moitié du premier siècle. Des mon-
naies attril)uent à Livie, épouse d'Auguste, et à Agrippine majeure
l'épitbète de Kap-ooôpo; '. Des inscriptions appellent celle-ci 3'sà
It^P'Ai-cy. AioAi; K^pTio^opo; '. Elle fut vénérée à Mitylène, oi'i
naquit en 18 sa tille .Iulia ', de 20 à 31 après Jésus-Christ, avec
son mari (iermanicus, qui porte le nom vraiment orphique de véo;
rîô;, c'est-à-dire Zagreus '. Les memlires de la famille impériale
eu général sont étroitement liés aux cultes des mystères ^. Les ar-
chéologues allemands ont retrouvé dans le sanctuaire de Déméter à
Pergame — bâti entre 269 et 263 avant J. C. et fréquenté jusque
dans la second'! moitié du deuxième siècle après J. C. — des sta-
tues de membres de la famille impériale et des dédicaces à ces
membres mêmes. Mais il y a un rapprodiement très curieux et, selon
' H. Hepding dans Atheii. Mittli. (litlO), p. 44.3.
- Hepding, ihid.
■' Tacite. Ann.. II, 54.
* Tiiuipel dans Pauly-Wissowa. lieaknc, I, 1036, cp. Abel, Oiphica,
IV. 191.
^ Hepding, ihid.
192 LA HASILKilK SOI TKKKAINK
moi, très iiii|i(]it:uit à f.iii-c jnnir riiisturicn île notre baRiliquc. On
a trouvé dans le winctiiMire de l'ergame de» statues d"Aujj;uste,
d'Agrippine majeure et d'un niemlire de la famille Claudius, pn>-
hahlement Tilière ', puis on saute au règne d'Hadrien. Si Ton eoni-
l)ine l'existence de cette lacune avec le fait que le pronaos du
temi)le de l'erganie a été restauré par un certain C. Clandius Si-
lanus dans la seconde moitié du deuxième siècle ', il nous semble
po8sil)le de conclure que le sanctuaire dans lequel on trouve les
traces évidentes de tend.nices ori)liiques ' n'a ])as joui des faveurs
de la famille imijériale et i)ar conséquent des munificences de pro-
tecteurs riclii's durant une période qui s'étend d'environ l'an ôO
après .1. C. jusqu'au règjie d'Hadrien. Il semble que la doctrine
orphique, favorisée par les premiers empereui-s, célébrée par Vir-
gile — avec naturcUemiiit la sympatliie d'Auguste — sur le point
de devenir religion otlicielle avec Claude, a été étouffée par les em-
pereurs suivants qui montrent tous des tendances « égyptisjintes » '.
Peut-être la liasilique souterraine construite avec la permission de
Chiude, mais fermée an-sitot après ;V cause de l'opposition d'Agrippine,
nous indique-t-clle le mouient précis du re\irement des opinions '.
H. M. H. Lkopoi.i..
' Ilepding. 1. c. p. ."lUO-âOl.
- Hcpding, 1. c, p. 4-12.
■' 0. Kern, Das Demeterheiligtum run l'ergamon tiiid die Oijihischeii
Hymnen dans VTIenncs, 46 (1911), p. 431-436.
■• G. Lafaye, Divinités d' Alexandrie, Paris, 1884, p. .56 et suiv. ; 11. M.
R. Leopold, Ontirikheling ran het Heidendom in Home (Evolution du
paganisme î'i Konie), Rotterdam, 191S. p. 111112.
^ Madame E. Arthur Strong, qui a suivi et assiste mes études avec
un empressement (jui est an-dessns de ma reconnaissance, a bien voulu at-
tirer mon attention sur une étude du savant professeur Cli. Hiilsen (Die
Ausgrahnngeu lu Hum im W. Jahrhjiiidcrt, Hl, 3 (29, 1, 21], p. 48-52;.
L'illustre archéologne voit <lans la basilique une salle à manger souter-
raine et explique toute la décoration comme une « Vcrlierrlicliung von
Gesang und Wein ». Tout ce cpii précède montre que Je ne puis partager
l'opinion de l'cniinent spécialiste de la topographie romaine.
!.!• DEVELOPPEMENT DE l/HIvSTOIPiE DE JOSEPH
DANS LA LITTÉKATURE ET DANS L'ART
AU COURS DES DOUZE PREMIERS SIÈCLES
II n'est pas question de faire, en ces quelques pages, une revue
ooraplète et détaillée des monuments iconograpliiciues où se trouve
retracée l'iiistoire de Joseph, depuis le début de Fart chrétien
jusqu'au XIII' siècle: il y faudrait tout un livre. Je me propose
seulement de marquer, par quelques exemples, les étapes de ce
développement, et d'essayer d'en comprendre les raisons. Pourquoi
cette histoire, plutôt qu'un autre épisode de la Genèse? Le choix
n'en est p;is arbitraire: les monuments où elle figure sont nombreux:
mieux qu'une autre, on la retrouve presque toujours dans les cycles
un tant soit peu étendus de l'Ancien Testament; même aux époques
de pleine décadence, on en découvre quelques représentations. Les
Pères, de leur côté, l'atfectiounent entre toutes; elle jouit enfin
d'une renommée et d'une popularité singulières, et qui vont toujours
en s'allirniant davantage.
Un fait surpi'end d'abord: parmi les p(Miitures des catacombes,
on n'a pas jusqu'ici trouvé trace de l'histoire de Joseph. Ce récit
touchant et merveilleux, un des plus variés et des plus mouve-
mentés i);irmi ceux que nous rapporte l'Ancien Testament, ce récit,
où l'on retrouvait si bien le doigt de Dieu, devait pourtant frapper
r:îme et l'imagination populaires. Il a tout le charme de la légende ;
il ouvre à la rêverie d'immenses horizons. Mais cette longue hir-
toire auecdotique et pittoresque ne s'accordait pas avec l'art des
MélntigfK d'Àrch. et d'HM. 19-21. 13
194 l.E llliN Kl.lil'i'K.MKSr
(■:it;i(iimlics : un snit :\*si-/. ipio <i-t ;irt n'a jriioiv- (le |iri''iiccii|ia-
liniis ii:irr;itivcs. et rin'il ivsiiini' plutôt (|u"il ni' racoiiti'.
l'iiiirtaiit, iriiii aiiti'r |i(i;iit de vue .liisi-|ili ii'ntriMit-il pas, (•(uiitmc
Suzanne, ou Daniel an milieu des liims, (ni ciicuir les trois Ilélireux
dans la fciurnaise, un témoi-rnajre éclatant de la Miisérieurde et de
la ])nitection divines':' Di^s épiscides (•diniMe .Icisepli sm'taiit de la
eiterne, on .Inscpli tiré de prison, n'étaientils pas aussi rielies de
symbolisme funéraire que Noé sortant de l'arclie, ou .lonas vimii
par le monstre? Sans doute: mais on n'avait évidemment pas Tlia
liitude do les considérer de e<'tte façon. Nous toindions ici une
nouvelle preuve <le Télroite rtdat'ou (pli unit tniiti' une sérii- de
fresques des catacombes et les oraisons de la liturgie funéraii'e '.
Qu"on relise en etfet la belle et véiu''i-able prière des agonisants,
la ('(Duinrtuhtfii) a»h)iiic du bréviaire rimiain. qui' Le r.i.-iiit met
en parallèle avec la décoration des sare(q)liages ° : on y voit ajipa-
raitre successivement Hénoeli et Elle, Noé, Job, Isaae, Moïse, Da-
niel, les trois (léln-eiix. Sii/.ainie, David, et fnllii Pierre et l'aiil ;
il n'y est fait aucune iiieiitinn de .losepli '.
C'est que. dès le début du 111'' s'èele, mi était aeeoiitiimé à
cliercher dans l'iiistoire de Joseph un syinb(disme ])lus coinpli(|ué
et plus spécialement tliéologi(ine. Jose])li est une figure du ("lirist.
Isaae aussi, il est vrai, .binas aussi, et la meilleure. puis(|ue
c'est Jésus Ini-inéme qui s'i'St <'omparé à lui '. Mais Isaae, comme
' l'eut-éti-e moins étroite ceiiendaiil (pi'oii ne l'admet aiijounlliiii
eomuiunéraent.
'-' Etude sur les sarcophages chrétiens autiijites de la rille d'Arlrs.
p. xxvi. — Cf. aussi A. Pératé, Archéologie chrétienne, p. 72.
^ De niênie la prière de Severus, dans la(|uelle sont énuiuérés .Noé.
Abialiain, Isaac, Jacob, l,otli, Moïse, Josué, les trois Hébreux, Daniel,
.lonas. Judith, Suzanne, Esther. 'Dnites ces inières ont leur origine dans
lin rituel juif.
* Math., XII, 40. — « SicMit iniiii fuit .lonas in ventre ccti tribus
<liebu8 et tribus noetibiis, sic erit Pilins liominis in corde torrae trilnis
diebu6 et tribus nootibiis».
1>B I."H1.ST(MRE de JOSEPH 195
Jonas, ue préfij^ureiit le Christ (m'a un momeut détenu i né, dans
une circonstance particulière. 11 y avait là, étant donné l'art de
l'époque, qui ne craint ni les copies, ni les imitations, des modèles
fixés une fois pour tontes, de véritables types qui se transmettaient
et qu'il suffisait de reproduire. L'avantage était double: les artistes,
entraînés par Tliabitude, exécutaient facilement et vite de sembla-
bles morceaux ; et les fidèles, qui les retrouvaient partout à peu
près les mêmes, les reconnaissaient sans peine, et atteignaient,
derrière l'image, l'idée qui y était si intimement associée. Plus
difficile était l'histoire de Joseph. Très vite, on vit dans le pa-
triarche un type du Christ, non pas dans tel ou tel accident de
sa vie, mais dans sa vie tout entière. Déjà TertuUien en dégage
tout un symbolisme raffiné : « .loseph, lui aussi, figure le Christ, déjà
par ce senl fait — pour ne pas m'attarder — qu'il a .souffert persé-
cution de la part de ses frères, par la grâce de Dieu, comme le
Christ, trahi par Judas, a été vendu par les juifs, ses frères selon la
chair. Mais il est béni aussi en ces termes: «Sa beauté est celle
» du taureau, ses cornes sont les cornes de la licorne»... en ceci
aussi il préfigurait le Christ » '. Je ue suivrai pas TertuUien dans
les arguties par trop subtiles de son symbolisme ; je retiendrai seu-
lement que déjà la méthode d'exégèse allégorique a trouvé dans
l'histoire de Joseph un de ses sujets de prédilection. .Mais, ou le
voit, elle n'avait pas encore pénétré vraiment l'âme du peuple:
l'art des catacombes ne raffinait pas tant, et le symbolisme en
était plus accessilile. Voilà sans Joute la raison ))oiir laquelle
l'hisfnire de Josepli n'y apparaît i>as.
Il faut aller jusqu'à l'époque constantiuienne pour en trouver
les premières traces ; encore l'rpuvre elle-même, du moins sous sa
forme primitive, a-t-elle depuis longtemps disparu. Suivant une in-
' Ad Mai;.. III, 18.
19() I.K DKVKI.Ol'I'KMKNT
^tîiiieiiwe et sédiiisantc liyiidtlit'sc de M;,'i- Wil]H'rt ', — tro]) iii'^énipuse
et troll S(!diiis;iiite peut-être, — lis utiles li:ir()(|ues qui ornent
:iu.jourd"liui la grande nef de S' .lenii de Latran, et qui sont dÙH à
Innocent X (J 644-1 655) seraient la dernière transformation des
niosaii|ues originales. Nous savons en effet ' que Constantin avait
fait décorer cette nef de scènes eni]iruiitées à l'Aniien et au Nouveau
Testament, dont les deux premières représentaient d'un côté Adam
cliassé du Paradis terrestre, de l'autre le bon larron. Tel est pré-
cisément le sujet des deux lias reliefs les iiliis pi-oelies de l'autel ;
il parait donc très vraisemblable (pie le souvenir de cette toncor-
dance des deux Testaments se soit, à travers toutes sortes de chan
gements et de vicissitudes, conservé jusqu'à nous. Le.s pi'incipales
scènes de la vie du Clirist se déroulaient sur la paroi de droite,
tandis que celle do gauebe présentait les fUjuri's correspondantes.
Nous avons ainsi le Baptême de Jésus, et, en face, le Déluge; le
Sacrifice d'Isaac, et le Portement de croix; .Josepli vendu par ses
frères, et Judas; le Passage de la Mer Ronge et la Di'srciite aux
limbes; enfin, la Délivrance de Jouas et la Résurrection. Les sym-
boles se' font plus variés que dans les catacombes ; rexplieation
allégorique de la Bible commence :\ entrer davantage dans les ha-
bitudes des fidèles: et puis, comme, dans ces concordances^, le sens
de la figure est éclairé par la scène du Nouveau Testament qui
lui fait face, le symbolisme reste facilement accessible. Ce rappro-
eliement entre Joseph vendu par ses frères et la trahison de Judas
.■ivait, du reste, été fait depnis longtemps, puisque Tertullien,
' Mosfiiken nud 3Ialeieicn, p. 202 et suiv.
2 Migne, P. L., CXXIX. 2S9. . Petnis, et Petrus T)eo ainabiles pre-
» sbyteri et vicaiii Adiiani Papac Renioris Komae dixerunt : • Taie cjuid
> et divae mcmoiiae Coiistantimis niagniis impeiator olim focit: aediticato
. enim templo Salvatoris Roniae. in duobus parietibus tenipii iiistorias
• veteies et novas dcsignavit, hinc Adam de paradiso exeuntem, et nide
• laironem in paradist<7n intrantem figiirans •.
' Dont celle-ci est le premier exemple.
I>E 1. HISTOIRE DE JOSEPH liu
dans le passage cité tout à l"heiire, se borne à Tindiquer comme
une chose déjà connue, et se détend d'y insister '.
Il est possible que des scènes de l'iiistoire de Joseph aient
décoré, sous Constantin, d'antres basiliques: mais tout souvenir
en a disparu. Sous le pontificat de Libère (352-366) elles ont
dû contribuer à orner S' Pierre, et la basilique libérienne, qui
n'était pas encore S"" Marie Majeure. Ici encore, nous sommes ré-
duits à rhypothèse : il est vrai qu'elle touche ;\ la certitude.
Bien que datant du pape Formose (891-896j, les peintures de la
nef de S' Pierre, dont une description et deux dessins de Grimaldi
nous ont conservé une partie ', reproduisaient, selon toute appa-
rence, les mosaïques antérieures. Un passage du Liber rontiflcalis
semblerait déjà l'indiquer ^. Panvinio, tout en faisant remonter
jusqu'à Constantin la décoration primitive, parait aussi le penser *.
Mais Mgr Wilpert apporte à ces témoignages incertains une con-
firmation à peu près indiscutable '. Dans la série des médaillons
des Papes qui courait au-dessous de ces peintures, Libère est seul
représenté, avant Formose, avec le nimbe carré, Vindichim rirent/s :
c'est donc au plus tard sous son pontificat qu'on avait exécuté ces
médaillons, depuis restaurés et continués à ditl'érentes reprises, et le
reste de la décoration, auquel ils sont étroitement liés. Il y avait là,
du côté nord, 46 scènes de l'Ancien Testament, et, de l'autre côté,
' Tert., loc. cit. « Ne demorer cuisuiu •.
- Eugène Jilïintz, liecherdies .<»c l'u'iivie areliéologiiiue de Jacques Gri-
maldi, âàm Bibliotltèque des Ecoles françaises d'Atlu'nes et de Rome, t. I,
p. 247 sq.
' L. P., éd. Duchesne, U, 227. « Hic pei' ])ictmam lenovavit totani
ecclesiain beati Pétri principis apostolorum > .
■* Panvinio, De rébus antiquis memorabilihus et praestantia basilicae
saneti Pétri, dans Mai, Spicilegium, IX, 233. « Kormosus Papa totam
sanetl Pétri apostoli Ijasilicani, vetere pictuia quaiu ex musivo Constan-
tinus fecerat exolescente, variis novis picturis eximie totam condecora-
vit, quae adliuc siipersunt ».
5 ■\Vilpert, op. cit., p. 379.
198 I,K KKVKI.OI'I'KMKNT
4t> du Xoiiveau '. ({rimaldi ne put maUieiireimenient en voir qu'une
inoitit', le reste étant déjà détruit : et e'est préeisément dans ee
qui maiiquc qui- riiistnirc ilc ,Iosf|ili. (|iii ne pouvait i)as ne pa»* faire
partie de ee ^nind cuscnilile. devait se dévelo]q)er.
A S''' Marie Majeure, dont pinirtaut un Imii uuinlire de mosaï-
ques sont parvenues Jusqu'à nous ', nous ne sommes ])as i)lus heu-
reux, et nous ne pouvons que constater, entre l'histoire de Jaroli
([Ui aeliève la série de franche, et eelle de Moïse (|ui eoninienee la
séi'ie de droite, un liiatiis qui devait être eomldé par trois seènes
de la vie de Joseph. Quelles étaient oes scènes? En Talisence de
toute indication, on ne i)eut ])as même le ennjeeturer ^. An reste,
ici comme à S' Pierre, elles faisaient partie d'un jrrand ensemMe
historique; si ce n'est, à S"' Marie Majeure. (|u'iui chapitre de
l'épopée du peuple hébreu, depuis Abraham Ju.squ'à .Josué, tandis
qu'à S' Pierre toute la Genè.se se déroulait, et l'Exode après la
Genèse, il n'y a pourtant pas de ditféreuce essentielle entre les deux
séries ^ Désormais t.-i fiiiKi-f peut se passer de réplique: nous ne
' Mgr Wilpert dit -ii. Mais le plan de Tilierio Alfarano montre qu'il
y avait 22 colonnes, plus 2 piliers, et, par conséquent, 2'i entre-colonne-
ments; dans chacun de ceux-ci. d'après les dessins de Grinialdi, étaient
disposés deux tableaux. En réalité, en tous cas du temps de Formose,
il n'y avait que 13 scènes du Nouveau Testament, la Crucifixion tenant
un espace quadruple des autres.
' Il est bien vraisemblable que ces mosaïques datent de Libère;
néanmoins le plus sage est peut-être de s'en tenir à la formule de Mgr
Wilpert: «Die [Mosaïken] der Hochwiinde sind unmittelbar oder mit-
telbar Liberius zuzuschreiben », op. cit., p. 417.
^ Peut-être faudrait-il penser plutôt à des scènes ou l'aide de Dieu
est plus particulièrement manifeste ; le secours que Dieu apporte an Juste
p.araît être, en effet, l'idée dominante qui a guidé, dans imc certaine
mesure, le choix des autres épisodes. Il serait d'ailleurs téméraire de
s'avancer trop loin dans cette voie.
* Il faut noter cependant à S'» iMarie Majeure la première mani-
festation d'une tendance ([ui dominera de plus en plus dans les siècles
suivants, et (pi'on peut appeler inirrdutiijiir. Encore cette observation ne
porte-telle pas sur la vie de Joseph, qui était, là comme à S' Pierre,
racontée à grands traits pour l'êditicatioii des fidèles.
DE L HISTOIRE DE JUSEI'Il r.'.l
trouvons même pas exprimée A S'' Marie Majeure riinion des deux
Testaments qui est proclamée à S' Pierre. Mais qu'on ne s'y trompe
p.is : à la basilique Vaticane non plus, Tl n'y a pas de parallé-
lisme eorarae au Latran : entre les scènes qui se font face il serait
vain de vouloir clierelier une eorrespondanee qui n'existe pas.
L'histoire du Peuple Saint et des liéros de l'ancienne Loi, c'est,
pour le chrétien, l'histoire des ancêtres '. Elle est maintenant snftisani-
inent connue, suffisamment populaire, pour pouvoir être écrite d'un
bout à l'autre, et se passer de tout commentaire. A cette fin du
IV' siècle, l'explication allégorique et symbolique de la Bible est
devenue tout à fait courante; saint Hilaire, saint Ambroise et leurs
disciples l'ont répandue partout. On sait comment un passage donné
du Texte Sacré est susceptilde de fournir un triple sens ', un sens
littéral, un sens figuré par lequel, sous un événement de l'Ancien
Testament, on découvre, avec plus ou moins de clarté, l'annonce
d'un fait du Nouveau: enfin un sens moral: nous devons tirer une
règle de conduite des exemples que nous ont laissés nos pères. Ainsi,
dans les sermons purement moraux comme dans ceux où s'expri-
nniient des aperi,-us théologiques, l'histoire de l'Ancien Testament
avait sa place, et une place importante. Quoi d'étonnant, dès lors,
((u'elle se répétât sur les murs des basiliques ?
Aussi voit-on partout se multiplier ces grands cycles, à la fin
du IV'' et au début du V' siècle '. Joseph y venait à son rang,
' Cf. S' Jean Damascène, De fide ortliodoxa, 1. IV. ♦ Sanctis Pa-
tiibus visum est, ut, refricandae quam prinium meiuoiiae causa, tamquaui
praeclara quaedam tiophaea. in imaginibus pingantur».
' Origène, lUji ifx'^', IV, P. G., XI, 364 sq., a le premier donné hi
tliéorie de ce système d'exégèse.
' Par exemple. S' Laurent in Dauiaso, décorée « histoiiis saevis »
(lettre du pape Hadrien à Chartenmijne). — S' Ambroise de Milan, dont
il nous reste les titnU, de S' Ambroise lut-raême. — S' Félix, à Noie. —
S' Paul hors les murs. — L'église dont le Dittochaeiim de Prudence nous
a conservé les tiiiili — etc.
200 I.K I>KVKI,Or>l"KMi;NT
après Isaae et .laro'i. Déj:'! sa vie eomnieii(;ait à devenir une des plus
illustres de l'Ancien Testament. Des prédieateurs comme saint Am-
lu'oise ', des écrivains comme Prosper d'Aquitaine', pour ne citei'
que ceux là, en étudiaient chaque détail, tiraient de eliaque pas-
sage un enseignement tliéologique on nioral. Un des premiers,
le premier peut-être parmi les patriarches, Joseph reçoit le titre
de sunctus \ Néanmoins, à en juger jiar les documents que nous
possédons — inallieureusenient en trojp petit noniUre — son his-
toire n'est guère tracée, en général, que du point de vue narratif,
et dans ses grandes lignes, aux murs des églises. Les titiiU de
saint Ambroise ne font mention qiu' di' ([natre tableaux '. Moindre
encore en était le développement dans la série de peintures dont
Prudence nous a conservé les inscriiitions : deux épisodes seulement,
sur vingt-quatre pour l'Ancien Testament, y étaient consacrés ■'.
Le peintre de 8' Paul était, lui, i)lns explicite ". Sur les quarante-
' De Joseph piitrinrca, .Migne, ]'. 7.., XIW Ii41.
' Lihey de promisitionibus et jjraeilictionilms Dei. I. -20
^ Ambroise, loc. cit. « Justum est igitur ut cum in Aljraliaui didi-
cei'itis impigiam fidei ilevotionem, in Isaac sinceiae mentis puiitatem, in
Jacob, etc.Sit igitur nobis propositns .>.«>îcfM.<' Josepli tamquam spécu-
lum castitatis ». — Il faut ajouter d'ailleurs (pie, dans d'autres passa-
ges, S' Ambroise ne refuse pas à quelques patriarches le titré de sancius.
* 1. Présentation à Jacob de la tunique ensanglantée. — 2. Joseph
emmené en Egypte. — 3. La chasteté de Joseph. — 4. Joseph devenu tout
puissant, sans doute avec le rappel du songe (pii lui prédisait sa gran-
deur. Les (/h(?/ sont cités par Garrucci, I, 4lil, S-9-lO-n. Dans ces com-
mentaires de la décoration jieinte, le.* préoccup.ations théologiques se mêlent
aux préoccupations morales; mais, ici comme d.ins le De Joseph pa-
triarca, les premières le cèdent aux secondes.
■' 1. Le songe de Pharaon. — 2. Josci)li reconnu par ses frères. Le
choix paraît assez singulier: on peut penser cependant que l'artiste a
voulu montrer, dans le piemier épisode, l'appui que Dieu donne à l'âme
fidèle (• interprète Cliristo»): dans le second la beauté du pardon des
injures. 11 n'est en aucun cas possible d'y voir le développement suivi
d'une idée symbolique, pas plus que dans les iiluli de S' Ambroise.
^ J'admets, avec Mgr Wilpert, (pie les peintures cle Cavallini qui
couvraient autrefois les murs de la nef, et (pie nous a conservées le
DE I. UISTOIUE DE JO.SEl'H JUl
deux tableaux qui couvraient la paroi droite de la nef, neuf étaient
réservés à Joseph. Ils racontent en détail toute la première partie
do l'histoire du patriarche, jusqu'au songe de Pharaon ' : il est vrai
qu'ils passent le reste sous silence. Il est particulièrement surpre-
nint de voir supprimée, dans une basilique consacrée à saint Paul,
cette deuxièmie partie : dans toutes les' explications allégoriques,
Heujamiu est en effet considéré comme le type de l'Apôtre '. Il
eût donc été très naturel que son histoire fût racontée eu détail,
d'autant i)lus qu'elle se serait eu quelque mesure opposée au récit
de la vie du saint qui se déroulait peut-être déjà sur la paroi de
gauche. Voilà la preuve que les artistes qui exécutaient ces grands
cycles n'avaient guère de préoccupations symboliques.
Ces peintures sont donc nettement narratives, et on y retrouve
ce caractère anecdotique que nous avons vu se manifester pour la
première fois aux mosaïques de S" Marie Majeure. On a r.ittaché,
et avec raison, l'origine de cette tendance, qui, à mesure que l'on
pénètre dais le Moj'eu Age, s'affirme de plus en plus, àl'iutluence
des Bibles historiées, dont le nombre,' depuis le IV" siècle, s'ac-
e.-oit sans cesse *. Mais les homélies des Pères }' ont aussi leur
Barb. 4406. n'étaient que le renouvçllenient d'une décoration antique, très
vraisemblablement du Y" siècle.
' 1. Songe de .Joseph. — 2. Il le raconte aux siens. — 3. Il va
trouver ses frères. — 4. Il est jeté dans la citerne. — ii. Il est vendu.
— 6. Chasteté de Joseph. — 7. Joseph en prison. — 8. Songe de Pha-
raon. — 9. Explication du songe.
' Arabroise, de Joseph pritriarca, VIII, X, XI, XIII. — Prosper
d'Ai|uitaine, Liber de promisfiionibits ef praedietionihus TJei, I, 30, 31, etc.
' Cf. un catalogue dans Tikkanen, Die Genesismosaikeit von S. Marco
in Venedig, und ihr Verhdîfniss zu den Miniaturen dei Culluiwibel, nebst
einer Untersitehung ilber der Urspmnrj der mitielalterïichen Genedsdarstel-
lang, besonders in der byzantinischen und italienischen Kunat {Acta Socie-
tatis scientiaruin Fennicae, Helsingfors, 1889). Qu'il suffise ici de citer
la Genèse de Vienne, la Bible de Cotton, le Pentateuque d'Ashburnham,
qui sont, avec la Bible de Qaedlimbourg, les monuments les plus vénéra-
bles. A l'époiiue carolingienne, la diffusion des manuscrits à miniatures est
encore accrue.
•JJ2 i.iv i)i;vKr.i)i'i'F;MK.NT
l):ir(. Il ne faudrait d'aillfiirs jjas cniiie que le récit pluH Holjrc.
i|iii ne retrace que les scènes ])i'irici|)ales. soit J:iDiais abandonné.
Il ne retrouve par exemple, .m \'Iir ou au IX" siècle, aux murs
de 8" Marie Antique: sur une vinj,'taiue de tableaux empruntés
à la (ienèse, l'histoire de .losepli n'en occuim (jne quatre, et eom-
pr(!ud seulement six scènes''. Mais la tendance aiiecdotique est de
beaucoup la plus forte: pour n'emprunter d'exemples qu'au récit
qui nous intéresse, il suttit de citer, ;in VI' siècle, la chaire de
Muxiinicn, à Ravenne, qui y consacre dix scènes, et, au XIl' ou
XUI'' siècles, les mosaïques de S' Marc de Venise, où il est r.ieonté
<'n trente -huit tableaux.
Ces exemples, on ne saurait en allonirer iiulétîniraent l:i liste.
Sobres ou prolixes, encouragés par les Féres, trouvant dans les
manuscrits k miniatures des recueils de modèles qu'ils peuvent
imiter plus ou moins servilement, les décorateurs semblernient
devoir multiplier, aux murs des liasiliciues, les représentations de
la llenèso. Il n'en est rieji : pendant ti-ois siècles, on ne renconire
presque plus de ces grands enseml)les. On est d'abord tenté de
croire qu' à Rome les invasions des Goths, les attaques des Lom-
bards, ont dû briser tout elt'ort .-irtistiiiue. et que, si l'Iiistoire de
.loseph, comme l'Ancien Testament entier, disparait, c'est ([ue toute
décoration disparait. 11 n'en est rien cependant, et, dans les temps
les ])lus troublés, on ne cesse pas, non seulement d'orner les lia-
^ 1. Joseph raconte ses songes. — 2. Il e.*t vendu. — 3. Il est présenté
à Putiphar. — 4. Chasteté de Joseph. — ï>. Joseph conduit en prison. — 6. l.e
festin de Pharaon. II est d'ailleurs probable qu'une 5« fresque a disparu.
Mais, on le voit, seuls sont relatés les événements les plus importants. Griin-
eisen rapporte ces peintures an pape Nicolas F'' (858-67), Mgr Wilpeit ;i
Paul V (757-67). Je pencherais plutôt en faveur de cette dernière opinion.
Il est en effet de toute vraisemblance que l'église fut abandonnée après le
tremblement de terre de 847, puisque sous Léon IV on la construit ^juxta
\'iani sacram •> (cf. L. P., II, 145 et 15S)
DE 1,'hI.STOIKE de JOSEPH 203
siliqiies, mais d'en construire ou d'eu reconstruire '. Sans doute,
un certain nombre de ces monuments sont ignorés de nous, et ont
disparu sans laisser de traces ; mais il est néanmoims difficile d'ad-
mettre que, si le cycle de la Genèse y avait figuré souvent, il
n'en eût subsisté d'autre exemplaire que celui de S"' Marie Antique.
A Ravenne non plus, qui était encore, au VI" siècle, en pleine pros-
périté, et où plusieui'S grands ensembles ont été conservés, nous
ne trouvons, à S' Vital, que ([Uelques représentations isolées de
l'Ancienne Loi ', et, à S' Apollinare Nuovo. ce sont les miracles
et la Passion du Christ qu-i occupent les deux côtés de la nef ^.
Seules paraissent rester en faveur les scènes de l'Ancien Testament
qui permettent le développement des concordances. C'est une con-
cordance que la basilique dont Ru^ticus Elpidius nous a conservé
les tituli * montrait au long de ses parois, assez analogue — plus
développée peut-être — à celle du Latran ". Au siècle sui\ ant, c'est
' Au VI*' siècle, la grande mosaïque de SS. Corne et Dauiien, sous
Félix IV (^526 530) — lare triomphal de S' Laurent, sous PéLage II
(079-5901 — probablement la mosaïque absidale de S' Théodore.
Au Vil" siècle, les mosaïques de S'" Agnès (llonorius, 625-6.30) et
de S' Etienne le Rond (Théodore, 642-649).
Au VIII'?, la chapelle de .lean VII (705-707 1 — les peintures de
S' Chrysogone (Grégoire III, 731-741) — les mosaïques de S'^' Suzanne
et des SS. Nérée et Achillée (Léon III, 795-816).
Au IX', les mosaïques de S'"? Cécile et de S'^ Praxède (Pascal I, 817-824)
— celles de S' Marc, et la décoration de S' Georges (Grégoire IV, 827-844).
Il faut ajouter à cette liste, forcéme^it très incomplète, les peintures
de S''ï .Marie Antique, et celles de S' Clément, qui s'échelonnent jusqu' au
XP siècle.
- Moïse gardant les troupeaux — se déciiaussant devant le buisson
ardent — recevant les Tables de la Loi. — Dans les lunettes mêmes,
sacrifice d'Abel et de Melehisédech. — Sacrifice d'Abraham et Abraham
recevant les trois anges.
' Cf. Baumstark, I mosaici di S. Apollinare Niiovo e Vantico anno
lifiirgico ravennate, dans Rassegna Gregoriana, 1910. p. 34 sqq. Il y a
là un curieux essai d'explication du choix des sujets représentés.
< Migne, P. L., LXII, 543.
= Eve séduite par le serpent était opposée à l'Annonciation: le bon
larron entrant au paradis répondait — comme au Latran — à l'expulsion
204 LK IJÉVBLOI'FEMENT
encore une concordanoe, pins restreinte, celle-là, que lienoit, ablié
(le Wearmoutli, fait peinilre « pour orner le nionastère et l'église de
S' Paul » '. Mais l'histoire du iicuple de Dieu ne décore plus les
rnurs des basiliques.
Faut-il en chercher la raison dans un état d'e»])rit analogue
à celui de Maxime Planudes, ((iie cite M. IJréhier dans sun liel
ouvrage sur Fart chrétien ': « l-ntiv le pi'finier et le nouvel Adam,
la nuit s'étendit sur le monde » '. Il y aurait eu aioi--; une espèce
de dédain pour cette nuit, que l'on eût jugé inutile de représen-
ter. Mais Maxime Planudes, comme le fait remarquer d'ailleurs
M. Bréhier, est du XIV'' siècle, et rien ne prouve (|ue cette ma-
nière de penser existât déjà, à Rome, huit siècles aiiiiaravant.
Tout au contraire, Grégoire le Grand n'écrit-il pas, à la lin du
VF siècle, de nombreuses homélies sur l'Ancien Testament * ? l'onr
nous en tenir à l'objet de notre étude, il parle fort souvent de
Joseph, dont il commente l'histoire au point de \ ue allé;;oriquf
comme au point dt^ vue moral ". Mais il y a une autre explication,
d'Adam et d'Eve, la Vision de Pierre aux animaux de l'aiche, le Don
des langues à la Tour de Babel. Joseph vendu par ses frères faisait
pendant à la trahison de Judas, le Sacrifice d'Abraham à la Montée au
Calvaire — encore comme au Latran — la manne à la Multiplication
dos pains, Mo'ise montant au Siiiaï au Sermon sur la Jlontagne. — l.a
basilique à laquelle se rapportent ces tifiili de Rusticus Elpidius peut,
au reste, être antérieure au VP siècle.
' Bède, Viia '> SS. Ahhatum, F. L., XC'XIV, 720. 11 ne signale que
(juatie tableaux. « Isaac. ligna quibns inimolaretur portantem, et Domi-
nun) cnicein in ((ua pateretur ae(|ue portantem » — toujours le sujet du
Latran — « proxima super invicem regione, pictura conjunxit. Item ser-
penti in eremo a Moyse exaltato, Filiuui liouiinis iu cruce exalt.itiiui
coniparavit ».
- L. Bréhier, L^art chrétien, son déirlopjiement icoxoijrttphiiiuf des
origines à nos jours, p. 114.
^ Migne, P. G., CXLVII, 1008.
* Ejpositio in heatum Job. — IJliri ihio in Kiechiilem.
5 Migne, P. L., LXXV, 58:").
6 Migue, P. L., LXXV, 74.Ô; LXXVI, 546, 1054.
DE I,"|I1ST(11RK DE .lO.SBPIl 205
la plus simple de tontes, et qui est ])eutètre la vraie. N'est-il pas
très probable que, d'une manière générale, par suite des guerres,
des pillages, et de la barbarie envahissante, la connaissance des
Livres Saints ait été moins répandue qu'il l'époque précédente? On
ne savait plus « l'Histoire Sainte », ou on ne la savait plus que
fort mal. Combien de catholiques, de nos Jours, l'esteraient hési-
tants devant un épisode quelconque de la vie de Joseph ' ? A quoi
lion exposer à la vue des tidèles des images qu'ils ne compren-
draient pas? La connaissance de l'Ancien Testament se restreint
de plus en plus à l'élite intellectuelle, laïque et surtout religieuse:
le peuple l'oublie, en dehors des événements principaux ". Pour
qu'il l'ait vraiment rappris, il fant attendre le XIF siècle. Et,
par un phénomène assez singulier, tout le terrain que perd la Bible
est gagné par les légendes de martj'rs et de saints ^.
.lusqu'ici, toutes les représentations de l'histoire de .loseph que
nous avons rencontrées étaient intimement liées à un cycle plus
ou moins étendu de l'Ancien Testament. Ces cycles disparaissant,
cette histoire quitte aussi les murs des basiliques ; mais la tradi-
tion iconographique s'en perpétue de diverses manières : sans par-
ler des Bibles illustrées, on la retrouve ça et là sur un siège épis-
copal, sur une pyxide, parfois encore associée k d'autres épisodes
de la Genèse, le plus souvent isolée *. Sans doute, ces représenta-
tions sont rares: elles permettent pourtant de se rendre compte
f|ue l'on s'habitue à considérer l'histoire de .loseph comme une
' Kxce])tons toutefois l'épisode de la femme de Putiphar, popularisé
par la Renaissance.
- Comme je le faisais remarquer plus haut, les concordances lui de-
meuiaient plus accessibles, les scènes s'expliquant et s'éclairant l'une
l'autre; elles sont d'ailleurs, au demeurant, presque toujours les mêmes.
' S' Chrysogone, S' Clément. 8"= Marie Antique.
* Chaire de Maxiraien. pyxides de la collection Basilewsky, du mu-
sée de Berlin, coffret de Sens; cf. Garrucci, VI, 439.
206 I.K I)KVl:l,l)l'PK.MK.NT
uiiit<', et non plus sculcnuMit cciiiiinr une sini])li' |)artic «le l;i ;,'ran(lf
épopée. Le missel de Hobbio, publié ]):u- Mabillon, sous le titre de
Sncramrntarium (kiHiraiium ', et que M. Delisle fait remonter au
VII'' siècle, lions montre du reste, mieux que les monument», iii-
eomplets et fra;;mentaires. riniportaiiee croissante qu'elle continue
à prendre : une préface particulière y est consacrée à .losepli '■', ce
((ui n'arrive pour aucun autre des liéro.s de l'Ancienne Loi. Il est
la figure par excellence, celle qiii résume et complète toutes les
antres, le vérital)le type de .lésus-Clirisi. l'coutons le texte litnr-
.i;iqne. <;< Vere di;;nnm et justiim est per C'iiristnm Dominum
nostnim. Cujns typum .losi'pli iinrtan-i. immcnso aiiiore a pâtre di-
lii,ntiir. in occulto odio a fratriUus repoitatur. lUum denifpic ode-
rant fratres sui ])ropter niysteria somniorum: et Cliristum Dominum
perse(|uebantiir .Indaci propter maiiifest.-itionem virtiitiim. Illr ad
visitandnra populum a Deo Pâtre piissimo destinatur: ille errabat
pei- lieremuni. ut inveniret fratres. qui noscebantur pastores. Hic
{'liristus Dnminus praediealiat in iiojhiIo, ut al) errore converteret
pereatores. llliim in Dotaliini \ cndiderunt fratres. et occidere tracta-
vornnt: linne Cliristum l»ominuiii lîithania La/.arum snsoitantein
dohierunt Judaei, et erueifigere statuernnt. Ille in cisterna servan-
dus reputatnr: liif custodiae militum deputatur. Ille a frati-ibus:
liic Christus Dominus a .liidaeis traditiir. Ille Ismaelitis tri^inta
argenteis veuditur in descrto : hic Christus Dominas trijrinta ar-
jcenteis a .hidaeis. llhim fratres vendiderunt in ^Egypto: liunc mi-
lites exspolia\i'riiiit. Ille addicitur scrvitnti: hic Christus Dominus
adfigitnr cniei. Illi- in .E,i::ypto descendit : hic Cliristus Dominus in
ligno pependit. <'iim illo duo d.uiin.iti scrv.intur in carcere: cnm
<'hristo Domino duo iatroiies adiniisniilMr in crnce. .bisejdi.damna-
' Il n'est pas .spéc.iti<pieiiient gallican: c'est un essai • extiaordinai-
leiuent mal réussi » de combinaison entre l'usage romain et l'usage gal-
lican. Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 167 (V" éd.).
' Mabillon, Musaeum Italiciim. I. ;508. — Conteslatio de Joseph.
liE i.'msTiiiRK iiK .i(i.si;i'ii 207
tis somnia exponit: Cliristus Domimis hitroiii praemia pi-nmittit
acterna. .loscpli de er-jastiild egressus ('oniixinitiir: Christus Domi-
mis iiiteniiim oxs])oliatiiftis aiigirilitur. IIlo post tribulatioiiem per-
veiiit afl lionoreni : Cliristus Domimis ])ost resiirrectioneQi triuin-
plians ascendit ad Pativm. Tlle frumenta distrihuit iu -Egypto: liir
iMii'liaristiaiii eoiisecra\ it in imindo. Illc a fr.itrilms est adoratus
in terris: liie Cliristus Doniinus al) Angelis jiigiter adoratiir in coe-
lis. Cni etc. ». Il y a là tout le développement A\iQe concordtnuf. on
(juinze talileaux de I:i vie de Joseph s'opposent au récit de la Passion
dn Christ et de sa glorieuse Résurrection '. Ce n'est pas à dire que ce
parallélisme soit une miuveanté au VU' siècle: suffisamment de pas
sages cités dans le cours de cet article prouvent le contraire". Seule-
ment nulle part il u'a été encore développé avec une symétrie aussi
concise et aussi rigoureuse. Mais il faut attendre pour voir se réa-
liser dans l'art cette longue série de représentations symlioliques.
' Voici cette roticonlaiire, telle qu'elle ressort du texte. — 1. Josepli
est poursuivi par la liaine de ses frères, le Christ par celle des juifs. —
2. Joseph cherche ses frères, comme le Christ les cherche par la prédi-
cation. — .3. Les frères de Joseph méditent sa mort, comme, après la
résurrection de Lazare, les Juifs méditent la mort du Christ. — 4. Josej)!!
est jeté dans la citerne, le Christ entre les maies des soldats. — ."i Jo-
seph est vendu comme le Christ. — 6. Il est vendu trente deniers d'ar-
gent, comme le Christ (remarquez que, dans la Vulgate, Joseph est
vendu, non pas trente deniers, mais vingt pièces d'or). — 7. Joseph est
vendu pour .aller en Egypte (qui est le type de l'enfer, de la mort et
du dénuement): le Christ est dépouillé de scS vêtements. — 8. Joseph est
réduit en servitude, comme le Christ est attaché à la croix. — 9. Joseph
va en Egypte, c'est-à dire vers la mort, coinnie le Christ en croix. —
10. L'échanson et le panetier s'opposent :\n lior. et an mauvais larron.
— 11. Joseph explique les songes de ses compagnons, le Christ promet
au bon larron la vie éternelle. — 12. Joseph sort de prison, le Christ
ressuscité descend aux Limbes. — 1;>. Joseph arrive aux honneurs: le
Christ, après ses souffrances terrestres, monte vers son Père. — 14. Joseph
distribue le blé, qui est la figure de l'Eucharistie. — l.ô. Joseph est adoré
par ses frères, comme le Christ par les anges.
■ Il y faut ajouter, comme un peu antérieur au ."ilissel, le cli. XXX
(\es (ihiaestiones in Oevesim d'Isidore de Sèville (Migne. P. L.. LXXXIII.
p. 271 sqq.).
20H l,K I>KVKI.01'PKMENT
NijiiH voyons repiil'.-iitri- l'iiistnii-c di^ .I<is('])li. avic l;i rjciiésc
tout eiitièn-, ilans la net' de S' l'icrri' in Krrcntillo coinme dans
celle de S' Jean l'nitc latine: mais, dans rnnc. il ne subsiste que
deux seènes ' ; dans l'aiure, les nécessités de lu décoration ont ré-
duit l'artiste à ne re])résenter qn'nn seul épisode: c'est le sonjre
de Joseph, ((ni termine, sur le mur de uMiielie, la série des snjets
de l'Aneien Testament: il senihle que l'on ait voulu, la place man-
quant pour retracer la vie du ])atrinrclie, rappeler du moins son
existence. Au reste, ces peintures, où s'allirme d'ailleurs une \<-
ritable Renaissance, ne sont guère (|n"iiiie reprise des grands cycles
basilicaux du IV' et du V'' siècle.
Au XIII" sié' 1'^, toute l'iiistoii-e de Joseph se déroule, détaillée
sans prolixité, sur une des deux ])l;iques de marbre — provenant
(l'ambons. sans doute — ([ui sont aiijnunriini encastrées dans les
])arois d'une chapelle de S"' Restitute, :i Naples, Santa Maria del
Principio. Celle ([ui nous occupe décore le mnr de gauche '. Ces
quinze petits talileanx, d'exécution sol)re. de style pres(|ne antique,
sont une narration très vivante, mais probablement sans intention
de symbolisme ^. Si nous voulons trouver une illustration parfaite
' 1-e songe de Joseph. — Les frères de Joseph en Egypte.
* Bertaux, L'Art daiix l'Ilcdie méridionale, p. 775, et pi. XXXIV
et. Alinari, 11598). Il l'attribue, et non sans de solides raisons, à Técole)
•de Peregrino. qui a sculpté le porche de Sessa. L'opinion courante datait
ce bas-relief du VIII'- siècle. \'enturi (Storia dell'urte italiana, III. .55-2)
l'assigne à la fin du ML'.
■' Les sujets sont disposés par rangs de cin(|, et, par «ne • anomalie
singulière » se suivent de droite à gauche. La première rangée raconte
l'histoire de Joseph avant sa captivité en Egypte; la seconde, cette capti-
vité; la troisième, son élévation.
1. Joseph raconte son songe à Jacob en présence de ses frères
{(iett., XXXVII, 9). — -2. Jacob envoie Joseph retrouver ses frères; Joseph
part, un ballot au bout d'un bâton; son chien saute devant lui; un oiseau,
dont la signification m'échappe, est perché au dessus (XXXVII, l.'M4).
— 3. A droite, Joseph est entouré et entraîné par ses frères ; ;'i gauche
l'un d'eux le met dans la citerne (XXXVII, 24). — 4. La tunique ensan-
glantée est présentée ;'i Jacob, qui déchire ses vêtements (XXX\'II.32-:54V
|>K 1, 'histoire de josbfii 209
(It^ Grégoire le Grand et d'Isidore de Séville, du Missel de Bobbio
et de Walafried Stralto, c'est eu France qu'il faudrait aller: une
étude des vitraux d<' Honrges, de Chartres, d'Auxerre, de Poitiers
serait nécessaire.
Une telle étude, qui a d'ailleurs été faite, ne saurait entrer
dans le cadre de cet article : qu'il suffise d'avoir suivi les représen-
tations de l'histoire de Joseph depuis les origines jusqu'à leur complet
épanouissement. Du long chemin parcouru, il n'est peut-être pas
inutile de marquer les étapes principales. Dès son apparition au
— 5. Joseph est vendu aux Madianites; il est, à droite, sur un cha-
meau, tandis qu'à gauche un Madianite reçoit les vingt pièces d'or
(XXXVII, 28). Il y a interversion entre ces deux dernières scènes; je
n'en découvre pas de raison profonde. II faut sans doute penser que le
sculpteur, ayant place le deuil.de Jacoli dans le ((uatriènie compartiment,
n'a pas trouvé, pour remplir le cinquième, d'autre épisode postérieur de
l'enfance de Joseph, et a été obligé de revenir en arrière.
6. Joseph est vendu à Putiphar, qui l'accueille, assis devant sa
uuiison (XXXVII, 63> — 7. Il s'enfnit en laissant son manteau (XXXIX, 12).
— 8. La femme de Putiphar accuse Joseph en présentant le manteau
comme pièce à conviction : Joseph, à gauche, est saisi par deux gardes
(XXXIX, 17-20). — 9. Songes de l'échanson — à gauche — et du panc-
tier — à droite — (XL, 9 sqq.). — 10. Songe de Pharaon. A droite on voit les
vaches et les épis; à gauche, Pharaon couché dans un lit (XLI, 1-7).
11. Explication du songe. Pharaon est à droite, sur un trône; de-
vant lui, Joseph parle; à gauche, une foule écoute dans une attitude
admirative (XLI. 15-37). — 12. Joseph est promené en triomphe sur un
char (XLI, 43). — 13. En prévision des années de disette, il fait amasser
rlu grain dans les greniers (XLI, 48-49). — 14. La coupe est retrouvée
<lans le sac de Benjamin, qui se croise les bras, tandis que ses frères
font des gestes d'étonneraent (XLIV, 12). — 15. Rencontre de Joseph
et de Jacob: tons deux s'embrassent (XLVI, 29).
On voit que, jusqu'au treizième épisode, la narration est assez dé-
taillée. Au contraire, avec les deux derniers, les événements se précipi-
tent. On ne peut guère expliquer cette singularité que, comme tout à
l'heure, par une raison matérielle. L'artiste paraît s'être aperçu tout à
coup du manque de place et il s'est vu obligé, pour arriver à une con-
clusion, de santer par dessus un assez grand nombre de scènes, néces-
saires cependant à l'intelligence du récit. Du moins a-t-il tenu à termi-
ner ce récit.
MelaiH/es il'Arch. et dfli.il. liyi. 14
210 I.K IIKVKI.Ol'I'K.MKNT
IV* siècle, cette histoire n'est qu'une i)artie <le la jurande liistoirc
(lu peuple (le Dieu: elle en est inséi)aral)li': c'est ainsi qu'elle trouve
place aux mnrs des l)asili(|ues. dans les sérirs narratives r|ui do-
minent nettement :'i la fin du IV'' siècle et au V'", comme dans les
séries allégoriques, plus proelies de la décoration des catacombes,
qui, antérienres sans doute aux précédentes, mais éclipsées un mo-
ment par elles, se perpétuent encore après leur presque complète
disparition. Dans la longue période qui s'étend du Vr an XII' siècle,
Je n'ai pu relever qu'un petit nombre de représentations de l'histoire
de Joseph: mais elles ont pourtant leur valeur: c'est le moment où
la vie du patri;irclie. qui n'rst plus encastrée dans la fJenèse, va
prendre une certaine indépendance, et former un tout en elle même.
Mais, pour comprendre l'achèvement de cette évolution, qui n'est plei-
nement accomplie qu'au Xlll' siècle, il faut consulter la littérature
ecelésiastiqne ; ici, point de ces ;irrèts. ])iiint de ces reculs, au moins
apparents, que nous avons cnnstatés dans riconoj;rai)hie : la ligne
est droite, de TertuUien à saint Hilaire et ;i saint Amhroise, de Gré-
goire le Grand et d'Isidore de .'léville à Raban Maur et :i Wala-
fried Strabo. Et, sans ibiute. qiuiiul TertuUien écrit les lignes que
l'on ;i lues tout à l'heure, le symbolisme de Joseph est déjà fixé
dans ses grands traits: mais chaque Père, de sîèele en siècle, le
précise, l'accroit, l'établit dans des détails de plus en plus minutieux.
Il suffit de comparer les deux bouts de la i-haine, TertuUien ' et
Walafried Strabo -, on même s.-iint Amhroise ' et le missel de Bobbio,
pour se rendre compte des progrès réalisés. Souvent, il est vrai,
ces écrivains se répètent: mais une étude nu peu attentive de ceux
mêmes qui paraissent se lépéter le jilus montrera presque toujours
quelque perfectionnement. (|uel(|ui' pierre nouvelle ajoutée à l'édi-
'-' Glossa ordiiiana. iii (Itit., XXXVII S(|q.
^ De ,To^r})h pnfncinn. Migne. P. L.. XIV, 641 sqq.
DE I- HISTOIRE DE JOSEPH 211
fice '. Peu à peu, Joseph est ainsi devenu la figure la plus popu-
laire (le l'Ancien Testament, et celle aussi dont le symlxilisme était
le mieux connu et le plus développé. « Noster Joseph. Oliristus Do-
minus»; « Verus Joseph, Dominus Jésus Christus », s'écrie, avec
Prosper d'Aquitaine ' et Isidore de Séville ', tout le Moyen Age.
L'expression artistique de cette idée était déjà esquissée au Latrau :
mais c'est seulement aux vitraux des cathédrales du XIII" siècle
qu'elle prend tout son développement et toute son ampleur.
Pierre Fabre.
' Par exemple Prosper d'Aquitaine, Liber de promissionibits et prae-
dictionibus Dei, I, XXV à XXXII, et Isidore de Séville, Çuaesfiones in
Gen., Migne, P. L., LXXXIII, 271 sqq.
' Op. cit., XXIX.
' In Gen., XXX. Isidore de Séville a d'ailleurs développé aussi un
long parallèle entre Moïse et le Christ. Cf. Qwiestiones in E.rodum, P. L.,
LXXXIII, 287 sqq.
ASKLÈPIOS ET LES CHARITES
NOTE AD SUJET D'UN BAS-RELIEF DU VATICAN •
(PI. VI)
Sur l'invitatiou d'un de nos maîtres, nous avons étudié un bas-
relief du Musée Pio-CIementino, qui est actuellement dans la Ro-
tonde et qui représente, de gauche à droite, Hermès et un homme
agenouille, Asklèpios, les trois Charités. La reproduction la plus an-
cienne est celle de Visconti ^ et elle semble bien être l'archétype
des reproductions ultérieures, toutes plus ou moins fidèles. Eu ou-
tre jamais cet ex-voto n'a été reproduit en liéliogravure, la pu-
blication de l'ouvrage de M. Ameluug ayant été interrompue. Une
communication ' faite récemment à l'Académie des Inscriptions na-
t-cUe pas enfin donné un renouveau d'intérêt à ce qui touche au
culte d'Asklèpios ?
Visconti nous apprend que ce bas-relief se trouvait autrefois dans
la loggia scnperta. l'ancienne loggia d'Innocent VIII, que l'on gagne
de la Salle des ^lusques; la. Besc/ireibinig Bonis* précise encore:
le bas-relief était sous la première fenêtre, parmi les parents pau-
' Je suis heureux de remercier de leur aide M. Salomon Reinach et
M. Noscara. ainsi que M. Amelung. qui m'a permis de publier une pho-
tographie à paraître dans le 3^ volume de ses Sculpturcn des Vaticanischen
Muséums.
' E. Q. Visconti, IV, pi. 13 (l*-'" éd., 1788; éd. des Œuvres complè-
tes, 1820) î — un erratum de Moller-Osterley a été reproduit par Saglio :
I, p. 125, s. V. Aesculapitis, n. 44, lire: Mus. Pio-C'lem.. IV, pi. 13 et non
I, pi. 32.
^ Communication de M. Carcopino sur une mosaïque de Lauibiridi
(3 et 10 mars 1922); je n'en connais encore qu'un résumé succinct.
* II, p. 195, n° 12.
214 ASKI.KIMO.S F/r I.K.S CIIAHITKS
vres (lu musée. Maintenant la place est vide ; c'est que, la loggia
scoperfa n'étant plus accessible au puMie, l'ex-voto a été jugé
(ligne (le la Rotonde et placé vers 1885 dans la base de la statue
de Claude mentionnée dans Ilclbip au n" 299 de la 3' édition. De-
puis lors tous les catalofifucs ' imtciit son existence; mais Helbig
a omis de compléter son nrticir siii- l,i statue de Claude |i:ir la
description du bas-relief (|ui en orne le piédestal.
Le long séjour (jue cet ex-voto a fait sur la loijgin srojjertii
explique l'état de mauvaise conservation dans lequel il se trouve
actuellement; la pierre a partout été entamée par les intemp('rie8
et l'on ne distingue plus que les lignes générales. Au centre Asklè-
pio8, chevelu et barbu, vêtu d'un manteau qui laisse à découvert
la poitrine et l'épaule droite et nenveloppe que le bras gauche et
les jambes ; la main droite passe devant le corps et s'appuie sur
le bâton autour duquel s'enroule le serpent; le bras gauche est
allongé; la représentation d'Asklè])ios la pins voisine de celle-ci est
celle que l'on voit sur un diptyque " autrefois à Rome et mainte-
nant à Liverpool. A gauche Hermès, selon le type hellénique du
IV* siècle; il semble jeune et imberbe; on distingue les bords roulés
du pétase sans toutefois voir des traces d'ailes; une courte clila-
myde couvre seulement le bras gauche et laisse le corps à peu près
nu ; dans la main gauche on voit le caducée. Devant Hermès est
agenouillé un homme vêtu, comme Asklèpios, d'un manteau qui
laisse à découvert le côté droit. A droite le groupe des trois Cha-
rités :« nudae, connexac, . . . una aversa pingitur, duae nos respi-
ciunt » '; le groupe est assez connu pour qu'il n'y ait rien à ajouter
à la brève description de Servius, si ce n'est que le mouvement
des têtes (deux étant tournées vers la gauche, la troisième au con
traire vers la droite) assure et l'équilibre du groupe et celui de l.i
' Catalogue officiel, deni. ('(l. tVan(;ai8e. 1914, n° 550.
- Reinach, Ueliefs, II, p. 455. n° :i.
' Serv., ad Aen., I, 720.
ASKI-KPli'S ET LES CHARITES 215
composition de l'ex-voto tout entier: c'est exactement le groupe du
Louvre et celui de Sienne '. celui aussi que reproduisent un sarco-
phage de la Villa Mattei et un fragment conservé au Campo Santo
de Pise '.
Nous ne savons pas où ce bas-relief a été trouvé, mais la nature
du marbre, la tète barbue et le costume du dédieant. enfin la wm-
l)arai8on avec un bas-relief de la Salle des Statues ', tout porte à
croire que nous sommes en ])résence d'une ceuvre grec<[ue : la nu-
<lité des Charités et l'Hermès obligent à lui assigner une date assez
tardive. Notre bas-relief est évidemment uu ex-voto à Asklèpios : le
travail en est assez grossier; Térosion a affiné les formes, mais on
reconnaît aisément qu'à l'origine le groupe des Charités était lourd ;
nous serions donc en présence de l'œuvre non d'un artiste, mais
d'un marbrier travaillant selon des modèles courants: nous aurions
en effet pu multiplier les exemples de représentations identiques.
D'où viennent donc les difficultés d'interprétation ? D'abord on ne
distingue plus ni physionomies, ni détails; on ne sait si le dédieant
vient implorer ou remercier; on ne sait quels étaient les attributs
des Charités. En second lieu, si sur cet ex-voto les divinités sont
représentées d'après des types connus, c'est leur réunion dans une
même composition qui étonne ; l'étude de toutes les représentations ^
que nous ayons des Charités ne nous fournit presque aucun élément
de comparaison; nous sommes en présence d'un groupement nouveau
dû à \:\ fantaisie du client et à la nature particulière de sou vreu.
La question est de savoir quelle était aux yeux du dédieant. sup
' Reiiiach, Stafiutire, I. p. 152 et p. 34(i.
-' Reinach, Reliefs, III, p. 295, n° 1 et p. 115, n" 1.
^ Amelung, Sculpt. des Vatic. 3Ius., n" 260. pi. 53: — Helbig. n° 188-
* Cf. Jahn (Otto), Die EntflUintng der Europa, Wien. 1870. — A propos
d'un fragment, l'auteur consacre une longue digression (p. 32-44) aux
Charités: son étude, à laquelle est joint en note) un catalogue des re-
présentations figurées, est très importante et forme la base des travaux
ultérieurs.
216 ASKI.lilMO.S ET l.liS CIIARITE.S
pliant 011 remerciant, la raison <ln rapproclienieiit d'Asklèpios et des
Charités.
Chez Visconti ' nous trouvons une explication que reprendront
plusieurs commentateurs, entre autres Guigniaut ' et K. 0. Millier '.
D'après Visconti cet ex-voto serait en un mot un rébus: les Grâces
seraient là pour montrer ((ue le dédieant f/ratias agit. Dire que les
Grâces ont toujours été le symbole de la reconnaissance, citer l'exem-
ple des habitants de la Olicrsonèse q\ii leur élevèrent un autel pour
les remercier du secours venu d'Athènes, oe n'est pas prouver que
le sculpteur ait eu l'intention de jouer sur les mots. Visconti fait
en outre appel à un ex voto du Capitole ' dédié aux Nymphes:
au centre Hercule et Mercure sur un rocher, au-dessous d'eux un
dieu fluvial appuyé sur une urne, :'i droite deux nyrai)lies qui en-
lèvent Hylas, le favori d'Hercule, :'i gauche le groupe des trois
Grâces. Visconti explique ce bas-relief comme le précédent, dont
il a eu raison de le rapprocher. Mais on accepterait plus vo-
lontiers soit l'explicatiou de Jalin "', jiour qui les Grâces représen-
tent ici la puissance de la nature ([ui a su réveiller les sources,
soit celle de M. Stuart Jones ", qui voit en elles des divinités lo-
cales; le groupe des Grâces enfin a peut-être été imposé â des clients
dociles pour faire pendant à celui des Nymphes et d" Hylas. Kn
tous cas on ne saurait guère admettre un calembour qui eût cer-
tainement frappé d'une fa(,'on si vive les anciens que nous en trouve-
rions des traces nombreuses et sur les monuments et dans les textes.
' Op. cit., p. !i-2.
' Notiv. Gakrie Myth., XCI, n° 313.
' Handb. der Arch. der Knnsf, 3« éd. [1878], S 394, n° 3.
* Reinach, Reliefs. III, p. 191, n° 1 ; — Stuart Jones, n° 93, pi. .53; —
mancpie également dans Hclbig. — Notons en passant l'insuliisance des
commentaires publiés au sujet de cet ex-voto; il y aurait à étudier ses
trois inscriptions (C. 1. L., VI, 166) et leurs rapports de date et de sens.
^ Op. cit., p. 38.
^ Catalogue, texte, p. 220.
ASKLÈPKIS ET LES CHARITES 217
Mais toutes ces remarques n'ont d'ailleurs de valeur que si nous
sommes en présence d'une œuvre romaine; c'est à ce seul point de
vue que se sont placés jusqu'ici les commentateurs. Si on admet,
comme il nous parait nécessaire de le faire, que ce bas-relief est
une œuvre grecque, l'hypothèse de Visconti est définitivement rui-
née, puisque la langue grecque ne se prêtait pas à ce jeu de mots.
L'une des Charités ayant le même nom, Aglaé, que l'une des
filles d'Asklèpios, Panofka ' est d'avis que ce sont les trois filles
du dieu que le sculpteur a représentées sous la forme des trois
Charités. Mais il faudrait dire: trois des filles du dieu, car on lui
'en reconnaît le plus souvent quatre '. Pour affermir son explica-
tion Panofka avance qu'il s'agit d'une prière et non d'un remer-
ciement ; il veut tirer argument des physionomies, des attitudes et
de l'absence de présents ; nous avons déjà vu que les physiono-
mies étaient trop abimées, les attitudes trop conventionnelles pour
fournir une indication quelconque; quant aux présents on n'en voit
pas habituellement sur les ex-voto à Asklèpios ^.
Jahn * repousse aussi l'explication de Visconti, note celle de Pa-
nofka sans se décider à l'approuver; il préfère une explication
beaucoup plus générale : les Charités sont pour lui un symliole de
reconnaissance, mais aussi de force vitale aux yeux du malade
guéri de tous ses maux, de même que, sur le bas-relief du Capi-
tole, elles représentaient la puissance de la nature. L'auteur de
V urticle Aesculapius" du Saglio se. ralliait à l'explication de Pa-
' Asklèpios «. (lie Asklepiade», Abhandl. der Berliner Aead., 1845,
p. .350 et n. 5.
■' Plin., Hisi. Kat., XXXV, 137.
3 Cf. P. Girard, B. G. H., 1877 et 1878; — VAskUpeion d'Athènes,
1881 [tout le chapitre sur les ex-voto, p. 97 et sqq.] ; — M. Besnier. L'Ile
Tihérine dans l'antiquité, 1902 [3'^ partie, le Sanctuaire d'Esculape,
p. 135 et Bqq.|.
* Op. cit., p. 39.
* I, p. 125, milieu de la colonne de droite.
218 ASKI.ÈPIDS KT I.EN tltAKlTK.S
iiofka : cdiii de l'article (hiilinc ' a suivi une i-xplicatioii i|ui eut
inspirée de celle de Jalin et se contente de la compléter nur un
point: c'est de celle de L. Ménard que je veux parler; il la ré-
sume lui-même ainsi : * Le groupe des charités {sic) placé à coté
i-xpiinie à la fois le bienfait du Dieu et la reconnaissiince de celui
((ui a fait exécuter cet ex-voto»'.
A notre "avis on peut admettre aussi que ce has-relief repré-
sente deux scènes; puis(|iie le dédicant est accompagné de Mercure,
c'est qu'il vient intercéder: donc mu- ])reniière scène nous montre
la première partie de l'iiistoire, la sup))lication du malade. Les
Charités représenteraient dans une deuxième scène la guérison oh-
tenue. tjiiiii i|u'il en soit, sur la question primordiale de la signi-
fication du groupe des Cliarites nous sommes d'accord ;ivec Jahn :
peut-être nous permettrions-nous de ])réciser un ])eu plus qui' lui
en disant qu'en dei-nière analyse il représente ici la santé.
L'explication de Visconti (les Grâces symbolisent l'expression
ijratiits atjfirc) est à rejeter: celle de l'anofka (les GnJees repré-
sentent trois des lilles d'Esculape) est peu vrai.semblabe. L'expli-
cation de Jahn et celle que nous venons à notre tour de proposer
s'accordent à reconnaître que les trois Charités personnifient non seu-
lement le bienfait et la reconnaissance, mais aussi la force vitjile
dans tout ce qu'elle a de Vion. Pour préciser notre pensée, nous
dirons que dans le cas qui nous occupe les trois Grjvces tiennent
la place d'Hygie, presque toujours représentée auprès de son père.
Sénèque ' s'est déjà moqué des interi)rétations trop subtiles — ///.«.•
ineptiis — ; les deux dernières ont au contraire le mérite de recon-
uaitre au groupe des Cliarites une signilication des plus larges.
Marcki. Di rky.
' II, p. Itjtio, milieu de la colonne de droite.
' Xfs chariiéft, si/ntholi" du lieu social, Gx/.. Beaux Arts. t. \"II. l.sT.'l.
p. l.'îl.
5 lifii.. I. ;i.
École française de Rome, Mélanges 1921.
PI. I.
Ecole française de Rome, Mélanges 1921.
PI. II.
FiG. 1.
FiG. 2.
Ecole française de Rome, Mélanges 1921.
PI. m.
^'
.^
Ecole française de Rome, Mélanges 1921.
PI. IV.
t?T??5P::^'^-?
n
•M
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'f V ' r/:^./ b
' ,.;-:^ï?3i^
/
F 10. 2.
Ecole française de Rome, Mélanges 1921
PI. V.
V
l-iu. 1.
FiG. 2.
Ecole française de Rome, Mélanges 1921.
PI. VI
A
7'
HERCULE FUNERAIRE
(PI. vil)
L'uttentiou de M. Franz Curaoïit fut attirée eu même temps
que la mienne sur le monument que nous publions aujourd'hui
sur son conseil. C'est un couvercle de sarcophage négligé, non pas
inconnu, puisque Furtwiingler et Collignon en ont fait mention ',
et que Matz et von Duhu l'ont décrit ^ Il se trouve au Palais
Farnèse, à gauche du passage qui mène de la cour dans le jardin,
à la base d'une sorte de trophée pittoresque de débris antiques, et
posé sur une cuve qui lui est étrangère. Ni sa valeur artistique
ni son état de conservation ne le recommandent k l'attention, mais
bien les conceptions religieuses et funéraires auxquelles il donne
une forme sensible : à ce titre il mérite, nous semble-t-il, les pho-
tographies que nous en avons fait exécuter (planche VII).
Sur un lit de repos sont étendus les deux époux. Le mari, torse
uu et athlétique, avec un large collier sur la poitrine, les cheveux
courts, la barbe très courte, tient de la main gauche un large
scijpJius et passe le bras droit derrière l'épaule de sa femme. Celle-ci,
coiffée à la mode du IIP siècle de notre ère, vêtue de la stola
ceinte au-dessous de la poitrine, et couchée sur son manteau qui
lui enveloppe les jambes et retombe sur l'épaule gauche, s'accoude
du bras gauche et laisse pendre de la main droite un collier ou
une couronne. Aux pieds de la femme, un enfant, dont la tète a
' Furtwiingler, in BuUettino deU'lnstituto, 1877, p. 125. — M. Col-
lignon, Les statues funéraires dans l'Art Grec (1911), p. 322.
- Matz et von Duhn, A)itike BihJwerke in Bnm (1881!, II, p. 478,
n. 3411.
Mélaïujeu rl'Arcli. fl dHint. li>21-lfl->2. 15
220 HEHUI'LE KINÉItAlHE
disparu, tient une grappe de raisin et un oiseau. Derrière le dos
de riiomme se voient la tète d'une dépouille de lion, nn carquois
rempli (U- ll(''clies et uni- massue noueuse.
Ces trois attributs, et aussi bien d'ailleurs le scyp/iiis. caracté-
risent le mort, et en font un Hercule IJomain.
L'origine de ce monument nous est inconnue, mais nous savons
par disse Aldroandi qu'il se trouvait déjà au milieu du XVI* siècle
« nel Palagio nuovo del Reverendiss. Farnese, clie stà fra Campo
di Fiore, e '1 Tevere », sous le portique, à main gauche eu entrant :
la description du savant naturaliste est assez précise, et prouve
que le groupe attirait l'attentiou à cette date '.
Nous ne chercherons pas à renmnter plus haut. Le groupe
existe : il pose une question : Hercule a-t-il joué nn rôle propre-
ment funéraire dans les conceptions religieuses Romaines ? Nous
voulons essayer de répondre ;\ cette question.
I. — Les Saucophaces « héracléexs ».
(}. Micali n'eu doutait pas, au moins i)our ce qui est des Etrus-
ques: « Questa grande divozione per Ercole nel rito sepolcrale,
écrivait-il ', veniva forse dal mito clie lo tiene per vincitore délia
morte uella sua discesa agli inferni ». Le malheur est qu'il n'a
pas pris la peine d'énumérer les doeumeuts (jui prouveraient « cette
grande dévotion », ni de montrer en quoi consistait le rite sépul-
cral étrusque et ccminient Hercule y participait. Bien plus: Hercule
n'apparaît presque jamais de façon sûre dans les scènes mytholo-
' <. Qui presso, écrit Aldroandi. sono giù a terra ili niezzo riiievo
(lue tigure giacenti, una di liuoino, l'altra di donna: l'huonio alibraceia la
donna, c con la mano sinistra tiene una scuilellina; la donna si tiene la
niano sinistra sotto la gola; e sotto le spalle deU'huomo è una testa di
leone >. {Le statue antiche che per fiilta Sonia si rerigono. raccolte e (h-
.<critte per M. L'iisse Aldroandi, Venetia, 1056 et 1Ô.Ô8, Roma. 156i, p. 146).
' G. Micali, Storia degli antichi popoli italiani ' (1S36). III, p. 46.
HERCULE Fl'NÉRAIRE 221
giques sculptées avec tant d'aboiidaiice par les Etrusques sur leurs
nrues fuuéraires '. Force nous est doue de croire que Micali a donné
une forme beaucoup trop précise à une idée vague ou à une im-
pression due à l'abondance des vases béracléens de fabrique grecque
trouvés dans les sépultures étrusques.
E. Petersen a mieux orienté la recherche eu notant la fréquence
relative de l'image d'Hercule sur les sarcophages et tombeaux ro-
mains ", et le précieux ouvrage de Cari Robert ' permet enfin une
étude systématique de ces monuments *. Mais, pour la commodité
de notre recherche, nous les distribuerons autrement que le savant
allemand.
Et d'abord, il arrive parfois qu'aux angles d'un sarcophage
apparaissent des masques d'Hercule coiffé de la Ironie '' ou des her-
mès du héros ". On pourrrait croire que ce détail comporte un sens
funéraire précis, comme sans doute les masques d'Haramon fréquents
aux angles des sarcophages et des urnes cinéraires ". Mais aux
mêmes places se voient ailleurs des figures sans caractère déter-
' Cfr. H. Brunn, BuUett. delVInsL, 1859, p. Ifi2.
= Annali delVInst., XXXII, 1860, p. 373 s(|.
3 C. Robert, Die antiken Sarhophagrelief'fi Berlin, 1890; 1897; 1904).
* C. Robert a indiqué (III. 1. p. 120) les savants qui, avant bii, avaient
dressé des listes plus ou moins complètes des sarcophages héracléens :
Zoega, Li Bassirilieii. àntichi ai Borna (1808), II, p. 52 sqq. ; Hagen,
lie Herciilis laboribus (1827), p. 69 sq(|. ; Stephani, IJer ausruhende Heralles
(1852), p. 199 sqq. ; Klllgmann. Annali dfirinst., XXX"VI (1864), p. 301 sqq.
— Il faut y joindre : H. Heydemann, iX''» Hanischex WincUelmannspro-
gramm (1884), p. 17 (l'ivresse d'Heicnle).
5 Par exemple: couvercle de sarcophage au Vatican (Annali dell'Inst.
XL, 1868, p. 263). Le sarcophage représente les travaux d'Hercule.
^ Sarcophage des Amazones, provenant de Salonique, au Louvre.
(C. Robert, II, p. 84, n. 69 et pi. 29). .\ux deux autres angles figurent
des « caryatides » féminines.
' Haramon est appelé par Nonnos (D«o»iys., XIII, 371): ■|:(iivsp:o; Zïû;.
On rapprochera l'épitliète du nom des Hespérides, et de l'épigramme fu-
néraire du Ps. Platon, fr. 15: 'A^t;.;: irpii ;j,âv D.aïAîte; hi ÇwcTgiv Iwo;, iùv
&£ fjïvùi Xàu.T^-'.i "i:(j77=|io; il (fliAivii-, (citée par B. Schweitzer, Herakles,
(1922), p. 134, n. 1).
222 HER(;i:i,t; funéraire
miné, ou des rauRques de Barbares ou de Satyres '. A supposer
donc qu'on ne doive pas restreindre leur intérêt à une fonction dé-
corative, on pourra tout au plus leur accorder une valeur apotro-
païque, comme aux antétixes similaires des temples étrusques.
Restent les sarcophages enx-mème-*.
1° Un très grand nombre d'entre eux représentent de façon
plus ou moins complète la suite des travaux d'Hercule. C. Robert
distingue trois séries successives d'après la disposition des scènes ' :
la plus ancienne ne semble pas antérieure an IT siècle de notre
ère, et il se pourrait que la passion de Commode pour Hercule
eût contril)né à la diffusion de ce type sous une forme un peu moT
difiée. Mais la représentation des Douze Travaux sans choix, et sans
même qu'une scène aussi importante i)our l'eschatologie que la des-
cente d'Hercule aux Enfers soit jamais mise en valeur (elle est
reléguée soit dans un coin, soit sur l'une des petites faces), ne
saurait a priori suffire à faire attribuer au héros un rôle funéraire.
Peut-être même Hercule n'y figure-t-il pas. selon l'expression de
C. Robert, « comme idéal de la perfection humaine, voué à la gué-
rison de l'humanité », mais ])lus simplement comme symbole des
triiverses de la vie liumaine. De toute façon, la question devra
être discutée.
Deux sarcophages de ce type méritent par contre d'être isolés
pour le groupement original des scènes qu'ils représentent :
a) C.Robert, u. 116, pi. XXXII (Rome, Palais Torlonia) : Le
couvercle porte aux angles des masques d'Hercule ; à l'extrémité
gauche de la frise peut-être le jeune Hercule aux prises avec les
serpents; à l'extrémité droite, peut être trois Hespérides pleurant
le vol des fruits par le héros. La cuve commence à gauche la série
p.ir l'épisode du lion, la termine à droite par celui des Hespérides.
' Voir cependant i»fra. p. 250 et 262. le rôle funéraire des Satyres.
^ III, 1, p. 115-117.
HERCULE FUNÉRAIRE 223
/;) C.Robert, u. 120, pi. XXXIII (Londres, British Muséum):
Le couvercle porte aux angles des masques d'Hercule; à l'extré-
mité gauche de la frise, Hercule enfant aux prises avec les ser-
pents; à l'extrémité droite, le héros assis sur la Ic'ontè prenant une
vaste tasse des mains de la Victoire eu présence de Minerve. La
cuve représente, de gauche à droite : Cerbère, l'Amazone, Y Arbre
des Hespe'rkles, les juments de Diomède, et le lion.
Daus ces deux sarcophages il semble, par comparaison avec les
autres du même type, que la disposition des scènes réponde à une
conception particulière de la vie d'Hercule, marquée par des triom-
phes successifs sur la mort, ou aboutissant à des jouissances d'im-
mortalité. Sans même user du premier monument décrit, dont l'in-
terprétation est parfois douteuse, le second nous présente deux
séries indépendantes des exploits du héros, dont l'une (celle de la
cuvej nous conduit à sa victoire sur Cerbère, c'est-à-dire sur la
puissance iufernale; l'autre (celle du couvercle) à son triomphe
olympien et à l'acquisition de l'immortalité. Intention d'autant plus
nette que l'une des séries se développe de gauche à droite et l'autre
en sens inverse. Enfin la scène des Hespérides, ancienne image de
l'île des Bienheureux, séjour des héros, figure au centre de la cuve,
à la place la plus en vue, alors que, dans le premier sarcophage
cité, elle est représentée, une et peut-être deux fois, en fin de série,
à son rang pour ainsi dire chronologique, comme terme de la vie
terrestre d'Hercule. Ajoutons enfin que le sarcophage n. 120 est
saus doute le plus ancien des monuments romains de ce genre qui
représentent la suite des travaux d'Hercule '.
2° Il y a longtemps déjà que Stephani a établi une liste des
sarcophages ou Hercule se trouve mêlé au thiase bachique ^ eu
indiquant que de telles représentations devaient figurer l'éternité
' Selon C. Robert [op. cit., p. 142) il date du milieu du II« siècle p. C.
2 Stephani, Ver Ausruhende Herakles, p. 197 sq.
224 HBRCL'LE FUNÉRAIRE
bienlieureuse des « élus », plus spécialement des initiés. Non seu-
lement Hereiile est uni :"i Bacchus dans l'Assemblée des dieux ' ; mais,
sur un saiT()i)h;ij;e du Palais Mattei ^, aux trois figures d'une ménade
entre deux IJacehus tenant des cantliarcs et accompagnés de Pan,
répondent trois images statuaires d'ilcvculc: l'une symbolisant le
repos (type FariièseJ, une anti-e la victoire (Hercule tenant les pom-
mes des llespérides), la tmisirnic la Jouissance élysiaque (Hercule
lyricine). Un fragment cntin. du Palais Mattei ^, nous montre le
banquet d'Hercule et nacdius, couchés, eu présence des divinités
capitoliues. Minerve, Jupiter et Junon, assises. Ce monument mé-
nage pour nous la transition avec un auti-e gioujje d'un intérêt plus
direct ici.
3° Hercule est en ert'et parfois représenté à-demi couché, dans
l'attitude du convive, non seulement sur le fragment du Palais
Mattei, mais sur un sarcophage de la Vill;i Pamfili*: on le voit
là, étendu sur la Ir'oittè, la main droite sur la massue, à la gau-
che le scypltus, devant une caverne ou un arbre: deux Amours
cherchent k le désarmer. La scène est encadrée entre deux Victoires
tenant des bandelettes ; aux angles, des génies renversent des tor-
ches. Dès l'abord, C. Robert semble avoir raison de voir dans cette
représentation « l'apothéose du mort sous les traits d'Hercule » :
d'.uitaut plus que le héros tient ici la place du médaillon nù sont
le plus souvent figurés les défunts. Le sarcophage du Palais Far-
nèse répond ;l la même conception, qu'il exprime avec plus de force
encore.
4° Entre les <$ parcrga » d'Ilerculc, i|ui Hgureut isolément sur
des sarcophages, il faut distinguer la lutte contre les Centaures '",
' C. Holicit, ni, -2. n."* 193 et 194.
2 Id. 111. 1. n. 141.
^ M., ih., n. 140 et p. 164.
* h\ , Hk. n. 142 et p. 166.
^ Id., (V)., M. i:J2 et suiv.
HERCULE FUXÉRAIKE 225
à cause du nombre des exemplaires et de l'ancieuneté relative du
type '. On se doute que cette scène, souvent traitée déjà par les
artisans campaniens et étrMS({ue3, peut avoir un sens funéraire";
normalement il semble qu'elle doive ici en avoir un ; mais rien
n'est encore éclairci.
ô° Les autres travaux du héros se rencontrent rarement isolés.
A : Hercule assiste à renlèvement de Proserpine sur un sarco-
phage du Capitole^: à l'enlèvemeut d'Hylas pur les Nymphes sur
un sarcophage du milieu du III" siècle ' : deux scènes assez claires
de symbolisme funéraire.
B : Accompagné de Vénus, il domine et contemple Tunion de
Mars et Rhéa Silvia (portant les traits des morts) auprès du Ti-
l)re " : scèue plus difficile à expliquer.
C: Ou le voit, sur d'autres sarcophages, peut-être (le per-
sonnage n'est pas très net) initié aux mystères d'Eleusis avant sa
descente aux Enfers '': et ramenant Alceste des Enfers, lui-même cou-
ronné du peuplier infernal ". Les allusions sont claires.
D: Une seule fois à, notre connaissance, il est représenté lut-
tant contre les juments de Diomède ': sens obscur.
6" Hercule est figuré sur un sarcophage ^ baisant en signe de
remerciement la main de Minerve: au nwin9 conclu sioti de ses tra-
vaux terrestres, dans lesquels la déesse l'aida avec constance: mais
' Les n"* 135 et 136 i-euioiiteiit à la première moitié du IL' siècle p. C.
' Cfr. Rosclier-Tiiuipel, lioscliers Le.r der Mijth., s. v. Kentaureii, 2',
col. 1054-105(;.
'■> C. Robert, 111, 1, n. 144.
^ 1(1, ih., n. 130 et p. 163.
^ Id., ih., n. 88.
^ NotUie deiili Scavi, 1905, p. 410 sqq. Cfr. G. E. Rizzo, Rom. Mit-
heil, XXV (1910), p. 89 sqq. et pi. II-VH.
" C. Robert, 111, 1, n. 22 et suiv. (nombreux exemplaires) et p. 30.
* Petit sarcophage du Louvre, ex Carapana (Catalogue sommaife des
tiiarbrcs antifpies, 1896, n. 1495).
9 C. Robert, IH, 1, n. 138 et p. 162.
226 HERCULE KUNKRAIKE
peut-être iiii;i;,'e «le son iijiotht'usc, si on rapiiroclie eette image du
monument funéraire «Flgel, où Ton voit le eliar de Minerve, en-
tourr ilu eerele zodiacal, enlever Ilereulc au eiel '.
7" 11 reste enfin trois monuments des plus singuliers, certaine-
ment très ])leins d'idées, mais qui doivent être interprétés avec une
prudence extrême :
A : Sarcophage romano étrusque du Musée de Palerme, da-
tant sans doute du premier siècle avant notre ère. Il présente: aux
extrémités, d'une part, Hercule entraînant Cerltère ; dr l'autre, un
nocher poussant sa l)aniue sur les tlots; — au centre: un iiomine
couché sur nu lit à pavillon entre deux Charons ailés, à figure de
satyre, appuj'és chacun sur un cipiie.
B: C. Robert, III, 1, n. 140, pi. LU, p. 152 s(,q. De gauche
à droite se présentent successivement: un mort conduit par Mercure :
— - Ulysse passant devant le roclier des Sirènes qui, avec Cerbère,
marquent l'entrée des Enfers ; — Hercule marchant vivement
vers la droite; — Bacchant et Bacchante jouant de la doulile tinte
et du tympanou; — Danaide agenouillée tenant une urne; — deux
Sources debout". Sans tenir compte des détails obscurs, l'unité de
la scèue est marquée par la présence de Mercure Psychopompe
:i gauche, la localisation de l'entrée des Enfers, la représentation
des joies et des peines infernales par les Bacchants et la Da-
naïde ■*. Dans ces conditions. Hercule se trouve être entré aux
Enfers; Ulysse passant prés du seuil, échappe aux dieux souter-
r;iins; un défunt conduit \r.iv Mercure s'achemine vers eux. Her-
cule a donc été choisi, ici, non comme héros, mais comme symbole
d'une ci-oyance relative aux Enfers: ne serait-ce pas celle de la
' S. Kcinach, Rép. th reliefs, I, p. 103. Cfi'. Kenie il'Hisl. îles Re-
ligions, 1-2, {1915}, p. 386 et 80 (1919), p. 76.
^ Même représentation sur un relief grec funéraire de l'Italie Aléd-
dionale, Areh. Jahrb. (Amtig.) X.KIX, 1,^1-1. p. \i^\^ »i\., tii;. p. 455.
s Cfr. Platon, Gorgias, 493 B.
HERCULE FLNÉRAIRE 227
résurrection ? Il représente celui qui. après avoir vu Pluton, re-
vint au jour.
C: H. He3demann a signalé' dans la cour du Liceo Gian-
none, à Béuévent, un bas relief sans doute funéraire (0",90 sur
1"',75) dont la superficie est très abimée, trouvé près de la <;< Porta
Calore », aujourd'hui rasée. Hercule y est représenté les jambes en-
veloppées d'un tablier, la massue dans la main droite, les pommes
dans la gauche : vers lui vient un cavalier barbu, vêtu d'uu man-
teau. — Ces derniers détails excluent l'iiypothèse d'un relief votif,
comme il s'en trouve à Athènes et ailleurs; au surplus, le cava-
lier en tenue de voyage est une des formes les plus fréquentes que
revêt le mort sur les urnes funéraires étrusco-latines; enfin l'atti-
tude même d'Hercule et le détail caractéristique des jambes enve-
loppées ■ en font le héros victorieux arrivé au calme immortel. Mais
en pouvons-nous conclure, dès maintenant, que le relief représente
l'arrivée du mort au pays des Bienheureux (distinct de l'Olympe),
figuré par Hercule lui-même .?
Tels sont les sarchophages héracléens. Si quelques-un.s .semblent
pouvoir admettre une explication symbolique funéraire, le sens de
la plupart demeure incertain: et les séries les plus importantes,
celles des Douze Travaux, de la vie Dionysiaque, des Centaures,
ou bien souffrent toutes sortes d'interprétations ou bien restent to-
talement énigmatiques. Avant donc d'en entreprendre la discussion,
n'est il pas opportun de se rendre compte, p.ir la comparaison de.s
autres .sarcopliages figurés romains, s'il est légitime de chercher
sous ces images un sens, quel qu'il soit, ou .s'il n'est pas préféra-
ble de les considérer comme de simples ornements tirés de l'im-
mense bagage mythologique ?
' Bullettino delVImt., 1868, p. 102.
■ ' Voir infra.
228
HKUtlI.E KUNKKAIKK
Classement drs sdrcojilKiijes /It/iiri's romains.
La liste, li)ii;,'iic, et ;ui prcniiiT aljurd coiifusc t\f ces représen-
tations a été établie par M. Martlia ', reproduite i)ar M. K. Cahen ',
et doit être complétée d'après C. Robert. Sans cliercher à Tapprofon-
<!ir (les dangers d'interprétation Ini semblent trop graves), M. Cahen,
après av'oirnoté l'abondaneedes fal)les relatives à la fragilité humaine,
reconnaît d'autres mythes très populaires (dont celui d'Hercule), « ce-
pendant moins souvent traités » '. II nous parait ici nécessaire de risquer
un classement, avec d'ailleurs la plus grande prudence possible. Mais
pouvons-nous admettre, avec M, Cahen, que des fables aussi différentes
que celles d'IIippolyte, d'Alceste, et de Proserpine, par exemple,
n'aient eu qu'une signification: la caducité des choses de ce monde ?
1° Celle-ci est fréquemment représentée par des catastrophes
mythologiques: d'accord. Mais plus fréquentes encore sont les scènes
d'enlèvement''. Il suffit de dresser les deux listes:
A : Enlèvements
B: Catastrop/ies
d'Ariane (par Baeehus)
d'Europe
de Ganymède
d'Hélène
d'Hellé et Phryxos
d'Hippodamie (par Pélopsj
d'Hylas
des Leucippides
de Proserpine
Actéon
Amazones
Hippolyte
Géants
Marsyas
Méléagre
Niobides
Phaèton
' Qiiid significnrerint sejjtdcralea Xereidum figurae, p. 111.
' Daremberg-Saglio, s. v. Sarcophngus, 107-1, ii. 1.
' Il attiimc même (1. c, n. 2) ((ue les leprésentations des Tiavaux
sont très peu nombreuses. Or 0. Kobert en a relevé plus de trente exem-
plaires (III, 1, n. 101 à i:il).
■■ Qui se retrouvent d'ailleur.s dans les stucs des tombeaux de la Voie
Latine et de la Basilique souterraine de la Porta Maggiore à Rome.
HEKCULE Fl'NERAIRE
229
D'autres représentations se groupent sans difficulté sous trois
chefs, dont deux au moins sont d'interprétation aisée:
C: Amours d/rines
et immortalifc'
L) : Descentes aux Enfers
et lietoiir des Enfers
Adonis et Vénus
Castor et Pollux '
Diane et Endymion
Léda et Jupiter
Mars et Rhéa Sih'ia
Mars et Vé^us
Pelée et Thètis
Psyché et l'Amour "
Alceste
Orphée et Eurydice
La dernière série que nous déterminerons est très distincte des
autres, sinon facile à définir; elle comprend les figurations d'un
homme assailli par des êtres hostiles:
E.
Actéon et ses chiens ^
Oreste et les Furies
Penthée et les Méiiades
On se rendra mieux compte de l'individualité de cette série,
si l'on se rappelle les nombreuses urnes funéraires étrusques oii est
sculpté un homme fou une femme), symbolisant le mort, aux prises
avec des monstres variés (fauves, Scyllas, Tritons, Charons) repré-
sentant les forces infernales. Les sarcophages romains ont, suivant
' On sait que Pollux, immortel, partagea son bonheur divin avec
Castor mortel: par amour fraternel.
' Sans compter le symbolisme facile du nom de Psyché: on ferait
facilement de ce mythe, tant il est clair, la tête de la série.
' Les Anciens eux-mêmes rapprochaient Penthée d'Actéon. Cfr. Lu-
cien, Deoruni Concil., 7; de Peiegriru morte, 2.
230 HERCILE FUNÉRAIRE
leur tendiinofi ordinaire, substitué des scènes mythologiques précises
aux figurations purement symboliques; au reste les Furies ont un
caractère infernal constant; les Ménades, compagnes de Bacchus
souterrain ', punissent sur Pentliée la violation des mystères. On
pourrait éprouver quelque scrupule à placer dans cette série la fable
d'Aotéon, si le l)eau sarcophage peint de Florence (qui date du
jV^me siècle avant J. C.) ne portait sur chaque fronton tin Jwmme
assailli par des chiens, non autrement caractérisé comme Actéon :
le chien n'est-il pas ici l'animal infernal, comme Cerbère, ou Orthros
le chien de Géryon, parent du loup ou semlilal)le au loup, dont la
déi)ouille sert de coiffure au Fluton étrusco-latin ? Quifl qu'il en soit,
le sens funéraire indéniable de la représentation à une date aussi
haute lui donne un intérêt particulier.
Ainsi, la plus grande part des représentations figurées sur les
.sarcophages romains se rattachent à quelques idées très simples:
départ de ce monde (enlèvements), fragilité de l'homme (catastro-
phes), espérances dans la protection divine et dans le triomphe sur
la mort (Amours divines, descentes aux Enfers), crainte des êtres
infernaux. Nous ne voulons pas dire par 1;Y que tout Romain, en
commandant un sarcophage de ce genre, songeait aux idées symbo-
lisées par les figures; avec les temps, le symbolisme primitif, devenu
routinier, devait avoir perdu toute sa force (qui songe aujourd'hui
k la]^signification des couronnes que nous continuons à déposer sur
les tombes?); mais, comme il n'est rien de plus persistant que les
coutumes religieuses et surtout funéraires, les marbriers continuaient
à représenter sur les sarcophages certains sujets, à l'exclusion des
antres, même quand ils avaient cessé d'y attacher un sens.
2° Un second groupe est constitué par des scènes héroïques
qu'avaient popularisées l'épopée et la tragédie.
' Ce sont les déesses clithoniennes iiui envoient et apaisent la folie :
le nom des Ménades est doi.c significatif. Cfr. Oriihée, violateur des En-
fers, déchiré par elles.
HERCULE FUNÉRAIRE 231
A : Cijde Troyen :
Ilion: Achille: Ulysse:
Jugement de Paris (iLariagede Tliétiset Pelée) Enlèvement du Pal-
Prise d'Ilion Achille à Skyros ladium
Hector attaquant les vais- Ulysse et Philoctète
seaux Ulysse et les Sirènes
Priam aux pieds d'Achille
Dispute des armes d'Achille
B: Antres Cycles:
Jason : Œdipe : Oreste
Jasou en Colchide Œdipe et le Sphinx Meurtre de Clytemnestre
Médée à Corinthe Vie d'Œdipe Oreste et Iphigénie
C: Antres héros:
Bellérophon. — Dédale et Icare. — Prométhée... '.
Un tel « répertoire » à l'usage de la sculpture funéraire remonte
sensiblement plus haut que l'Empire : à preuve les urnes étrusques
ou étrusco romaines accumulées au Musée de Volterra -. Nous ne
saurions affirmer que dans le choix de ces représentations les idées
symboliques ci-dessus mentionnées n'ont joué aucun rôle^: il est
même difficile de discerner si la notion d'/ieroisation n'a pas con-
tribué à faire sculpter de telles scènes sur les sarcophages *. Mais
l'incertitude nous oblige à garder à ce groupe son individualité en
face des sarcophages à sens symbolique.
3° Les sarcophages « héracléens » qui nous occupent forment-
ils un troisième groupe, ou doivent-ils être interprétés comme ceux
' Reste non classé le sarcophage C. Robert, III, 1, n° 33, de sujet
d'ailleurs incertain.
- Et aussi (pielques monuments grecs italiotes: Voir infra.
^ C'est au contraire probable dans des scènes comme « la prise d'Ilion »,
« Ulysse et les Sirènes», «Œdipe et le Sphinx »...
* Cfr. Lucien, Ver. hist.. II, 6 sqq. : les héros sont réunis dans l'île
des Bienheureux, sous le commandement (V Achille.
232 IIEUCn-E Kl'NKRAIRE
du premier ou du second ? C'est uue question que nous ne pour-
rons résoudre qu'à l'aide des textes ou par une comparaison mi-
nutieuse des monuments. Sans préjuger la n'-ponse, il importe ce-
pendant de remarquer que ces sarci'pliages, comparés avec les autres
monuments du nicme genre classés ci-dessus, nous donnent l'inipri-s-
sion d'une ri'cliiTclic symlioliquc. Kn effet:
a) I/extrême variété et rincohérence des tlièiiics héracléens
traités par les marbiers ne concordent pas avec l'exacte limitation
et la netteté chronologique des thèmes empruntés à uue tradition
littéraire (tragédie ou épopée);
h) La singularité de certains épisodes triés dans la vie d'Her-
cule, sans qne leur célébrité les aient recommandés à l'attention,
incite à leur chercher une signification spéciale :
c) La présence d'Hercule dans des scènes où il ne joue pas
le premier rôle, ou qui sont même tout à fait étrangères à sa lé-
gende : enlèvement d'Hylas ', enlèvement de Proserpine ", union
de Mars et Rhéa Silvia, non seulement témoigne d'une espèce d'en-
traînement k le faire figurer sur les monuments funéraires, mais
nous oblige A nous demander si, outre le symbolistne purement ra-
tionnel dont nous avons donné plus haut des exemples, les Romains
n'avaient pas des raisons reliç/ieuses de le faire sculpter, de pré-
férence à d'autres liénis, sur leurs sarcophages.
Ces indices nous encouragent à chercher maintenant la discus-
sion, et, si possible, la preuve. Nous procéderons, normalement, des
temps les plus proches de nous vers les influences italiques plus
anciennes qui se sont exercées sur la pensée Romaine, et vers la
source de ces influences, autant que nous jinurrons la saisir par les
textes confrontés avec les monuments.
' La fable Alexandrine ([ui fait d'Hercule rainant d'Hylas exi-use la
présence du héros, mais ne l'explique pas.
' Il est peu probable qu'il y ait ici une allusion à l'ingérence d'Her-
cule dans le culte syracusain de Proserpine.
HERCULE FUNÉRAIRE 233
II. — Le symbolisme des «Douze Tkavaux »
AUX deux PKEMIEKS SIECLES DE NOTRE ÈRE.
Les sarcophages qui représentent la série des Douze Travaux
ne remontent pas plus haut que le milieu du IT siècle après J. C.
IjCS idées philosophiques ou religieuses qui les expliquent doivent
donc se chercher dans les auteurs des débuts de l'Empire Romain.
Nous prendrons surtout nos exemples dans Sénèque, bien qu'il se
soit adonné plus à la direction qu'à la prédication ', Dion Chrysos-
tonie, Plutarqne, et Lucien qui, grâce à sa qualité de pamphlétaire,
aborde des idées plus communes, moins purement philosophiques
que les précédents.
Ce n'est pas que la popularité d'Hercule dans le monde italo-
sicilien dût beaucoup d'abord aux philosophes. La religion y eut
la principale part; après elle, les auteurs comiques^ et les peintres
de vases qui, dans la Grande-Grèce, utilisaient leurs imaginations'.
L'influence de la comédie et du drame .satyrique attiques, qui ridi-
culisaient de si bonne grâce le héros ^, ne se fit sentir que plus
tard, et modérément, semble t-il, tandis que la tragédie devait, au-
delA des pièces de Sénèque '', fournir pour une part importante aux
thèmes de ballet: spectacle vraiment populaire qui, au second siècle
de l'Empire, utilisa sans discrétion les divers épisodes de la vie
' Cf. G. Boissier, La Meligion Romaine (V Auguste aux Antonins,
t. n, p. 25.
- Epicliarnie avait écrit un 'Hoï/.X-?; -n.-A. i|>o>.r,, et uu "Hêi; ^ày-c;.
'■' Scènes de phi vaques sur les Vases Apuiiens. Voir 0. Navarre, Da-
remberg Safflio, s. v. Phlyalces, p. 435 sqq.
* Dio Chrys., XXXII (éd. Teubner, I, p. 432).
'■ Hercules furens. — Hercules Oetaeus. — Même si cette dernière
pièce doit être retirée à Sénèque, en tout ou en partie, comme le pensent
i-ci'tains savants (et la conclusion n"est pas certaine), elle appartient à
son temps et à l'inspiration stoïcienne: ce qui nous suffit ici (Voir la
bibliographie résumée du problème dans l'édition Peiper-Richter, Leipzig,
l!t02, p. 319 sq.).
2:14 iiKRciiLK ki;néraire
d'Hercule '. En même temps, la faveur de VAra Maximn, fort
ai'f^rui" à partir du III" siècle avant J. C, et peut-être renouvelée
à la tin (in promior ^'râce à Auguste et Vir;rilo, donnait à toute
cette iniaf,'crii' un intérêt iiatinnal et reli;<ieux.
1 . Ileriiitr siinihale de ht Jierfeciion pliilosoj)hiijii/>.
L'interprétation ]ihil(is(ipliique, elle, se fit f<urtout i:\-i\fc aux
Stoïciens et aux Cyniques. Ils furent d'accord, dès le premier siècle
de notre ère, et d'autres avec eux, pour créer une sorte de /.oiv^
pliilosophi(|ue, h tendance morale, et qui n'était qu"« une sorte de
stoïcisme aifailili » ". Ainsi les deux sectes travaillent par des moj'ens
divers, les Cyniques par li-nr zèle de propagande ', les Stoïciens
])ar leur long effort pour unir la philosophie aux religions popu-
laires ■*, à un même résultat, acquis à la fin du II" siècle: la vul-
garisation de leurs principes moraux en conformité avec les formes
extérieures de l'ancienne mythologie ".
Or Héraclès est, pour les Cyniques, le « fondateur » de la Secte,
leur dieu '', qu'ils cherchent à imiter jusque dans ses attitudes ",
qu'ils appellent « le meilleur de tous les hommes, homme divin
certes, et que Ton a raison de croire un dieu » ". tenant aux Stoï-
' Lucien, De Saltatione, 41 et 50.
^ G. Boissicr, La Tldifiion R'imainc d'Auguste au.r A iitonhiR, t. II. p. 13.
' Ils arrêtaient les passants pour les endoctriniT: cfr. Sénèque,
Jip., 29, 2.
* G. Boissier, oj). cit., II, p. 105.
^ L'emploi prédominant de la langue grecque dans la prédication
philosophique au II'' siècle est peut-être, comme le pense Boissier [oji.
cit., II, p. 102) un signe de son expansion à travers le peuple.
'' Lucien, Conririum, 16: « Ilps-ivu ooi, (à K^.javOî, . dit le Cynique
Alcidama.s, «'Hpi/.Xî'ou; 'A^/tr.ii'-y^ » — et plus loin: « ïsô rasTî'fî'j 5îo5
-'yj 'Hjjïz.Xî'ou; ». On comparera, sur Héraclès héros des Cyniques, les pages
de M. L. François {Essai sur Dion Chrysostome, 1921, p. 150-171), de
caractère plus strictement philosophique.
' Apulée, Florid.f 22. — Lucien. Conriv.. 14.
' Lucien, Cynicus, l.'î.
HERcri-B FUNÉRAIRE 235
cieiis, non contents de considérer Hercule comme un «sage» ', ils
«n font le symbole de l'esprit philosophique lui-même '. Tous étant
d'accord, d'ailleurs, pour vanter presque dans les mêmes termes sa
résistance à la volupté, sa force et son énergie '' ; pour atténuer les
crimes ou les faiblesses que l'ancienne légende, plus humaine, lui
avait laissés ■* ; pour en faire en un mot le type de la perfection
telle qu'ils la concevaient ^ ; c"e8t-;\-dire de la philosophie dédai-
gneuse ^, ;\ la fois active et contemplative ", au besoin sententiense : '
au point que Lucien, éprouvant le besoin de distinguer les vrais
des faux philosophes (et cela est cependant, selon son habitude,
dirigé contre les Cyniques), ne trouve personne à adjoindre à Piii-
losophie, chargée de cette enquête, sinon Héraclès lui-même, le héros
des Cyniques ".
2. Hercule rapiirorhr du peuple.
Cette perfection philosophique n'eût sans doute pas été fort
propre à toucher le peuple, si la prédication n'avait attaché ses
soins à présenter surtout Hercule comme un « purificateur » de
' Ou « pliilosoplie », Sapiens: Sénèque, De Conat. Sap., 2. — Comme
tel : pieux (Epictète, Entr., III, 26, 32), strictemenl obéissant aux ordres
de la divinité (id., /b., III, 22, 57) qui d'ailleurs l'accompagne en toutes
circonstances (id., ih., II, 16. 44}, et l'exerce à la vertu au moyen des
épreuves imposées par Eurysthée (id., ?7)., I, 6, 30-36; cfr. Il, 16, 44).
2 Plutarque, Mor., 376 (;.
' Cfr. Sénèque, De Const. Sap., 3; et Lucien, Cynicii», 13: s-jv-pa-rA;
xat xapTipô; rr* /.ai /.o-x-ih r.9;>.E x.at Tp'jcpîv su/. ÈêoOXîTS.
* Sénèque, Herc. fur., 487, dénombre Géryon à la suite des hôtes
criminels, tandis que Pindare, fr. 169 Schroeder, condamne la violence
d'Héraclès. — Et Plutarque, Moi:, 785 E, trouve que c'est une plaisan-
terie déplacée de la part des peintres de le représenter aux pieds d'omphale.
5 Plut., 3loral., 192 C; 217 D; 1065 C.
« Dio Chrys., LXVI (Teulin., II, p. 227); — Plut., 3Ior., 90 D.
' Plut., 3}oi:, 387 DE.
' «Toutes mes actions, disait Alexandre, ne valent pas une parole
d'Héraclès . (Plut., Mor., 181 D).
^ Lucien, Fugitiri, 23.
Mélange» d'Arch. et dllM. l!^21-lf^>2. 16
236 IlKltClI-B llNfcHAlHK
lii terre ' un « vengeur » (irsinti'Tessè •, un tenant de la Jnstiee.
qui partiiut poursuit les méehunts et «eeourt les lions ', et au be
soin s'élève contre la vanité et la richesse ■*. Il est rare pourtant
que le prédicateur oublie la leçon morale : Hercule purifia la terre,
ainsi doit on purifier son ârae^; Hercule détruit ses maux physi-
ques sur le bûcher de l'Oeta: avec une même énergie, luttez contre
le mal moral"; — au besoin même, il modifiera la légende pour
les nécessités de son enseignement '. Il n'en reste pas moins que
le héros est sans cesse présenté sous la fi;;ure éminemment popu-
laire du roi juste destructeur des tyrans * et du pacificateur nni-
verseP': belles images qui flattent la foule.
Mieux encore. Au lieu d'en faii'c un idéal inaccessible, et par
suite décourageant, les iirédicalciirs pujiulaires surent çà et là in-
diquer qu'Hercule avait ii.-irt'ois failli, (|u"il avait « péché » avec
H.ylas, s'était laissé flatter par les Cereopes, que son bel éf|uilibre
philosophique avait été rompu par un accès de fblie '". Et ainsi.
' Lucien, Deoi: Dial., 13. — Epictéte insiste surtout sur le caractère
moral de cette purification: voir lùitretienx, II, 16, 44; II, 16, 45: III.
24, 13; ni, 26, 32. Cfr. III, 26, 31-32. où il attribue à la seule puissance
morale d'Héraclès sa domination sur le monde.
' Sénèque, De lienef., I, 13.
3 Lucien, BîsylecHS., 20 (c'est la doctrine stoïcienne); — Sér... Uni.
fur., 271 sq(i.; Dio Chrys., IX (t. I, p. 155).
« Dio Chrys., VIII 't. 1, p. 150}. ffr. .\pulée, Apolofiia. 22.
= Dio Chrys., V (t. I. p. 94).
s Id., LXXVIII (t. II, p. 284).
■ Ainsi l'épi.'^ode de Nessus: Dio Chiys., LX (t. II, p. 190 sq.) —
Sur l'interprétation morale des travaux d'Hercule, cfr. E. Weber, De IMone
Clirys. Cyniconim nectatore, p. 139 sq. et 236-257. L'ancienneté du pro-
cédé est attestée par le titre d'un dialogue d'Antistènes: 'Hfaz.Xx; i u-siîlw-.
r. -ifi ços-i-noîcu; /.«i layxii; iCrusius. Bhein. 3Iuii., 44, 311,4). Les Stoïciens
suivirent sur ce point les Cyniques (Ed. Xorden, Jw Varrotii.'< satura.^
Menippeas observationesi seleclae. ]i. 300).
' Dio Chrys., 1 (t. I. p. 12 sq(|.;:— Sén.. Traii., pasxhn, surtout dans
Herc. fur.
' Sén., Herc. fur., 250; ih., 442-445: — llerc. oet., 794 s.|(i.
'" Plut., Mor., 990 E; 60 C; 167 D.
HERCULE FUNÉRAIRE 237
qu'ils le voulusseut ou non, ils satisfaisaient la foule qui s'était
attachée à Hercule autant pour le pittoresque de ses aventures et
même pour ses défauts que pour ses vertus. De sorte que la phi-
losophie des deux premiers siècles de l'Empire avait trouvé un nou-
veau moyeu, plus « actuel », de contribuer à la popularité d'Her-
cule, sans pour cela gêner les habitudes religieuses ou autres qui
avaient fondé cette popularité.
Car, malgré la tendance officielle de considérer à Rome Hercule
comme un Dieu ', le peuple, par affection sans doute, préférait le
rapprocher de lui et en faire un héros. A vrai dire, dès Hérodote,
on hésitait ^, et l'ambiguïté de cette situation fournit encore aux
railleries de Lucien, qui se demande comment Hercule peut A la
fois se trouver au ciel et avoir son ombre aux Enfers ^. Les phi-
losophes, non sans habileté, concilièrent ces diverses tendances, en
affirmant qu'Hercule était un mortel que sa vertu avait fait con-
sidérer comme fils de Jupiter ■*, et qui, par son courage et ses bien-
faits, avait mérité les honneurs divins, comme les Dioscures ou Bac-
chus': et les mauvais plaisants admettaient implicitement ce sys-
tème, lorsqu'ils fiisaient disputer Hercule de préséance avec Bac-
chus ou Esculape, liomme, lui aussi, divinisé pour ses mérites ".
' Ce qui explique sans doute l'eneur voulue de Virgile qui fait invoquer
à VAra Jla.diiia les autres dieux auprès d'Hercule {Arii., ^'III, 103), alors
que nous savons par Servius {ad hc.) que le rite du sanctuaire exigeait
au contraire que la prière fût adressée à Hercule seul : lite réservé aux
héros, non aux dieux, comme nous l'apprend Plutarque {Moral, 285 E).
' Hérodote prétendait qu'il était dieu chez les Egyptiens, héros chez
les Grecs: Cf. Plutarque, Mor., 857 D. Voir: Mnsée Belge, 1910, p. 313-
340: Héraclès, le dieu et le héros.
' Lucien, Dial. Mort., 16.
* Dio Chrj's., II (t. I, p. 38); — Epictète, J'Jntr., II, 16, 44.
^ Ps. Lucien, Chandemns, 6; — Plut., il/oc, 361 E; — Apulée, Apo-
logia, 22. Cfr. Epictète, Mitr., III, 22, 57. — A la tin de l'Antiquité
païenne encore, Nonnos (Dionys., XIII, 21-34) affirme qu'Hermès, Apollon,
Dionysos, et Zens lui-niênie, n'ont mérité le ciel que par leurs fatigues et
leure exploits.
^ Lucien, Jup. Tray., 12; Deor. I)ial.. 13.
238 HEUCI:LE KtNKItAIRE
On ne s'arrêta pas en si beau cliomiii : Ifr héms Hercule est
volontiers considéré comme un homme, tout simplement, victime d'ac-
cidents misérables ', au reste serviable ;\ ses concitoyens '. Et l'on
donne couramment sou nom à tel contemporain ', à un SôstratoB
de Béotie, qui vit sur le Parnasse, à la dure, détruit les brigands,
fait des routes et des chaussées *. Ainsi s'achève l'humanisation du
héros.
3. Hercide symljoli' de hi fortime et de l'infortune humaines.
Le voilà familièrement adoré, ou, pour mieux dire, fréquenté
par les soldats et les paysans'^, par les ouvriers et les esclaves ':
par tout le petit peuple. Mais, plus ^généralement encore, devenu
le symbole suprême à la fois de la fortune et de l'infortune, c'est-
à dire de toute condition humaine.
Sans avoir jamais été affranchi des nécessités de l'existence,
les biens lui ont coulé en abondance, il a été toujours vainqueur,
la Fortune l'a sans cesse accompagné dans le cours de ses travaux ":
est-ce pour la récompenser qu'il lui a donné la corne d'Achelôos, l'un
des plus hauts présents de la nature, qui « figure l'affluence des biens
et le bonheur » ? * Eu tout cas. la Fortune et Hercule se trouvent
intimement liés ".
' Sén., Herc. Oet., puKxim ; — Ps. Dio Clirys., LXIV (t. II. p. 212).
2 Dio Cbiys, XLVII (t. II, p. 130).
■' Varron, 'A">.),»; sîts; 'Hpot/.Xr?.
* Lu''ien, Demona.r, 1: « iv 'Hpa/.).:'a si "EXXr.v-; {y.iXyn /.i: m;i-s iliit >.
5 Hercules Militaris; Hercules Jiiisticus.
^ G. Boissier, La Keligion Romaine d'Auguste au.r Antonins, II, 240.
' Plut., Mor., 1058 C; Dio Chrys., XXXVII (t. II, p. 297): LXIII
(t. II, p. 205).
s Dio Chrys.. LXIV (t. II, p. 208); LXIII (t. II, p. 205 sq)
'■' Déjà dans l'Iiyiune homérique à Héraclès (XV, 9). les hommes de-
mandent à Héraclès divinisé, avec le courage, le bonheur matériel. Et
les Grecs de la péninsule italiipie l'imploraient pour « la lionne réputa-
tion », oi;av à-yiOiv: nous dirions « la réussite » (inscription archaïque de
S. Manro Forte, près Potenza: l\ot. d. Seari, 1882, p. 120 et pi. XI).
HERCULE FUNÉRAIRE 239
Mais le héros n'en est pas moins, il est peut-être davantage,
le sj'mbole de la souffrance '. Il partage avec Peuthée et Actéon,
qui figurent si souvent sur les sarcophages à ce titre ^, le triste
privilège d'être appelé le plus malheureux des hommes, et on le
priait pour éviter les malheurs ^. Mieux (et en cela il fournit aux
infortunés un symbole plus flatteur encore), il est une sorte de
martyr de la vertu ■*. Et, si Ton reconnaît avec Plutarque ^ que la
vie n'est qu'un long cercle de peines, si l'on avoue avec Senèque "
« qu'elle est dure la route qui mène au ciel », Hercule, qui « par
de grandes peines a acheté l'immortalité ~ », n'est-il pas, comme
l'affirment les philosophes, l'image la plus nette à la fois et la plus
populaire des misères de ce monde et des espérances de récompense
céleste ?
■i. Hercule et le « Triomphe sur la mort » ;
sa lutte contre les Enfers.
Telle apparaissait sj'mboliquement la vie d'Hercule. Mais il
est quelque chose qui semble avoir intéressé encore davantage les
Romains, c'est son triomphe sur la mort. On a remarqué à bon
droit combien les descriptions et représentations des Enfers les préoc-
cupaient plus que le Grecs * : que cela fût dans leur Génie naturel,
ou qu'ils eussent subi l'influence des Etrusques ', ou même des py-
thagoriciens (ou orphiques) de l'Italie méridionale '". Et à nul mo-
I Daus Euripide déjà (fferc. fur., 1010 et 1195 sqq.): mais en des
formules tragiques très banales.
• Lucien, Deor. Goncit., 7.
••• Dio Chrys., VIII (t. I, p. 149).
* Id., XXXI (t. I. p. 349).
' Plut , 3Ior., 107 A-C.
^ Herc. fur., 437: «Non est ad astra mollis e tenis via ».
" Lucien, Deor. Concil., 6.
^ G. Boissier La Religion Romaine... , I, p. 273 et 27G .<q.
^ Cfi-. F. Weege, Die Etruskifclw Malerei, ^Halle, 1921), ixissim.
'" E. Nordcn, Vcrg. Aen.VI', p. 21.
240 HERCULE FrNÉUAIKE
ment sans doute davantage qu'aux I"" et II" siècle de notre ère '.
Nous avons la bonne fortune de posséder deux tragédies de Sé-
nèque sur Hercule (Heirules f'iirens; llorcules OeUieus) et leurs mo-
dèles grecs (Euripide, 'Mis:/./."?;; y.7'.voaîvo; : — Sophocle, les Tra-
chiniennes). L'occasion est belle pour qui veut se rendre compte
de l'évolution des idées et de la différence des préoccupations. Or,
dans les pièces latines, il est sans cesse question des Knfers, de la
mort, de la vie future, alors qu'on serait en peine d'en trouver
deux ou trois mentions dans les pièces grecques. Il est vrai que
Sopliocle en avait écrit une intitulée 'lIpz/./.v;; ir.': Ty.vy.pw, où il
traitait de la descente d"IIér:ieb'"s au.\ ICnfers: mais c'était un drame
satyrique, où le héros devait avoir un rôle peu sévère, selon la tradi-
tion, et qui par suite se prêtait difficilement à la philosophie.
Que nous apprennent done les tragédies de Sénèque ?
Trois fois Hereule a été aux prises avec les divinités de la
mort, et trois fois il en a triomphé: voilà (e qui a frappé 8énèque,
et ce qu'il dit avec une force extrême, exagérée encore p.ir l'emploi
constant de l'antithèse.
à) Et d'abord à Pylos ', il engage la lutte contre <,< le roi
qui règne sur les peuples les plus nombreux » : il le blesse, « et
mortis dominus pertimuit mori » ^.
h) Puis il descend aux Enfers, pour aller y chercher Cer-
bère. Mais Sènèque a grand soin de représenter ce voyage comme
une entreprise violente dirigée contre Plutou, et qui alioutit à la
confusion des puissances de mort, dont les droits sont frustrés *.
■ Cfi'. les fantaisies impériales île Caligula, et d'Hadiien dans sa villa
de Tibur, G. Boissier, Fromenades A trheoloniqties ', p. 2.Ô0.
- La légende se trouve déjà dans Homère, 7/., E, 89.5 sqq.
^ Sén., Herc. fur., 565.
* Id. ib., 47 sqq. : « EftVcgit'eccc liiiieii infenii loiiis, | et opima uicti
régis ad superos refert ■> . — « K<edus umbraruui périt > . — Ih., 55 sq. : <■ Pa-
tefaeta ab imis manibus retio nia est, | et sacra dirae mortis in aperto
iacent». — Cfr. id., Herc. Uet., 1558: « Morte dcuicta » — Xe dirait-on
pas d'un poète chrétien qui chanterait la victoire du Christ sur la moit ?
HERCLLE FLXÉRAIRE 241
c) Enfin le bûcher de l'Oeta lui permet « âe briser à nou-
veau l'affreuse puissance de la mort », « île vaincre à nouveau
l'Kufer » '.
Des affirmations aussi nettes et aussi répétées ' ne laissent au-
cun doute sur le sens symbolique attadié par Sénéque à ces trois
épisodes de la vie d'Hercule. Ce n'est pas le lieu de rechercher
s'ils avaient ce sens ciiez les Grecs ' : mais nous sommes bien forcés
de remarquer que ni chez Sophocle ni chez Euripide on ne trouve
rien de semblable ni même d'approchant.
Il y avait une difficulté dans cette interprétation, si Ton veut
simplement considérer le mythe d'Hercule comme une belle histoire
bien ordonnée. C'est que ces triomphes successifs sur la mort mar-
([uaient autant Je fois la tin logique du cycle d'aventures^. Les
Grecs n'en étaient pas gênés, puisqu'ils n'insistaient pas sur le sens
profond de ces épisodes; sms doute, lorsqu' Euripide indique que
la descente aux Enfers est le dernier des travaux ordonnées par
Eurysthée \ utilise-t-il une vieille tradition conforme au sens réel
' Lorsque le litiros est brûlé par la tunique de N'essus, Alcmène les-
horte en ces termes {Itère Œt., 1376): « Mortemque differ: quos soles,
vince iuferos ». — Son ombre apparaît à Alcmène qui s'écrie (»6., 1947 sq.) :
«A .Styge, gnate, redis iterum milii: | fractaque non semel est mors bor-
rida ?» ; — et il répond '^1976) : « Inferna uiei rursus Alcides loca » .
- Nous n'avons pas cité tous les passages que l'on pourrait invoquer.
' Il semble que de telles idées n'aient pas été tout à fait étrangères
au moins à certaines parties de la population hellénique. Sur la croyance
en la valeur purifiante et libératrice du feu manifestée par le biicher de
rOeta, voir: B. Schweitzer, HeniJchs, 1922, p. 235: mais cette croyance
semble s'être afl'aiblie avant de reprendre une force sensible au siècle
dont nous nous occupons. — Le symbolisme de» délivrance contenu dans
le mythe d'Héraclès aux Enfers semble assuré par un vase de l'Italie
méridionale qui représente à la fois la descente d'Orphée chez Hadès,
celle d'Héraclès vainqueur de Cerbère et la délii-rance de Thésée (W. Ame-
lung, Orj^hisches in unieritalischen Vasenmalerei, Boni. MitiheiL, 1898, p. 103
et 106 sq.).
* Il en était d'ailleurs de même, mais moins nettement, de l'aven-
ture des Hespérides.
" Eurip., 'H:. _u.»ijiM.., 827 sqq. Cfr. ih., 427.
242 HERCULE FUNÉRAIRE
de cet événement ' ; mais il n'en fait d'autre usa;^e qui- de donner
désormais le droit à liera de se décliaiiier personnellement contre
le héros, dont les ratij,'iieH ne sont donc pas linies '. Mais Sénèque,
insistant sur le symbolisme de ces aventures, ne peut qu'eu subir
l'incohérence. Il allirme non seulement que la Descenff aux Enfer»
est le douzième des travaux ^; mais que c'est l;'i le lalpciir suprême,
et le couronnement de sa carrière vi<t(iricusc ', l'exiduit au dessus
duquel il n'y a plus rien ''. \'A il se tniuve jiar suiti' fort embar-
rassé pour qualifier le bûcher de l'Octa (;t signifier qu'il marque
« la dernière fin » de la vie d'Hercule '^ : la gradation se trouve ainsi
sauvegardée dans la mi'sure du po9sil)le. <''est-à-dire fort mal. Encore
a-t-il fallu négliger l'aventure de Pylos, moins connue que les autres.
Mais on peut penser que de telles subtilités étaient étrangères
à la généralité des Romains; que pour eux la Descente aux Enfers
et le Bûcher de- l'Oeta avaient exactement même signification et que
l'un des deux évènenu;nts suffisait à figurer le triom|)lic sur la mort.
Il est même probable que le peuple était plus sensible au symbo-
lisme de la Descente aux Enfers, d'un effet plus direct sur des
imaginations vulgaires, possédées par la ti'rreur des peines d'ontre-
' CtV. Dio Ciiiys., XLVII (t. II, p. l.-JO). — Selon von Wilaniowitz-
JMoelleudorff {Heraklea ', I, p. no), la légende argienne antê-liésiodique
d'Héraclès se terminait par un voyage aux Enfers et un voyage au ciel,
conformes d'ailleuis à la légende primitive. Sans aller jn.squ'à une re-
construction aussi complète, et par suite aussi aventureuse, il ne semble
pas douteux que le voyage vers Hadès ait été originairement le dernier
exploit du héros (0. Gruppe, Pauly-Wissowa Beat-Kncycl., Suppl. III,
1027 s(|. — Cfr. Ettig, Adwntntica, Leipziyer Siud. z. class. Fhilol., \:\,
p. 283).
- L'ancienne légende ne connaissait pas cette interdiction faite à liera
d'accabler Héraclès durant le cycle des Douze Travaux, et Sénèque ne
l'utilise pas.
3 Sén., Herc. fur., 832 sq.; et 12S2.
* Sén., Herc. Oet., 1197: «Spolia nunc traxi nltima \ fato stupent««.
^ Sén., Herc. fur.., 614: « Da, si (piid ultra est •.
" Sén. Herc. Oet., 1477 sq.: « Hir tilii (llerculil cmenso fieta | ter-
rasi|uc et umbras, finis e.rtremus (bitur.
HERCl'LE FUNÉRAIRE 243
tombe et crédules à oertaiiies superstitions qui, entre autres moyens
magiques d'acquérir l'immortalité bienheureuse, énou(;aient, « la
vue de Vcdiiis (Jnpiter infernal ^ Phiton) et de sa femme »'. 11
est curieux de voir Sénèque faire nu usage direct de ces croyances
populaires: ce (lui ajoute à la contîance que nous pouvons avoir
dans l'objectivité des conceptions eschatologiques énoncées dans ses
pièces. En effet, non seulement il indique qu'étant descendu vivant
aux Enfers, Hercule désormais ne peut plus mourir °, mais il af-
firme :\ plusieurs reprises que cet exploit lui donne des droits à
la vie immortelle en compagnie des dieux ''. Il est même possible,
' Maitianus Capella, II, 142. Cette tradition est certainement an-
cienne, piiis(|n'elle remontait à rEtrurie(« Vedium oum uxore conspicere,
sicut suadebat Etriuia»). Les Grecs ne la connaissaient pas. C'est ainsi
i)ue Sophocle {2'rach., 1202) montre Héraclès, près de monter sur le bû-
cher d'Oeta, s'attendant à aller aux Enfers, comme tous les hommes après
h'ur mort: il menace son fils Hyllos, s'il n'accomplit pas ses dernières
volontés, de le punir du fond de l'Hadès, v-pO-v. — Au contraire, Virgile
semble bien y faire allusion ,4e»., VI, 129. C'est à peine, dit-il, si Ju-
piter accorde la fuvevr de pénétrer vivant aux Enfers à quelques enfants
des dieux, qui la méritent par leur vertu. La vue des Enfers est donc
ici conçue comme une récompense réservée à des hommes qui ont des
droits à riraraortalité bienheureuse. Quelle peut être cette récompense,
sinon de leur permettre d'acquérir ensuite plus facilement cette immor-
talité? — L'introduction de cette superstition dans le monde Romain
doit donc être assez ancienne, en tout cas antérieure à la ruine totale
de l'Etrurie, consommée par Sylla. On n'invoquera pas contre une telle
conclusion les tentatives épicuriennes du début du premier siècle avant
J. C. pour supprimer les terreurs de l'Enfer par l'aflirmation de la mort
totale de l'individu (cfr. G. BoiBiier, La Beligion liomaine..., I, p. .SOTsqq.):
elles s'adressaient au public restreint de l'aristocratie dé}h fortement tou-
chée par l'irréligion. Si des nobles presque athées craignaient encore les
peines d'outre-tonibe, que devait-il en être du peuple '.' Et quelles supers-
titions variées devaient lui offrir des consolations ou des espérances'/
' Sén., Herc. Oet., 766 sq. : «Mors refugit illum, victa quae in regno
suo I semel est •.
^ Sén., Herc. Oet., 79 sq. : Que le monde soit bouleversé, s'écrie
Hercule « si post feras, post bella, post stygium canem 1 haud dum astr;i
merui ». — Et la formule est parfaitement claire Herc. fur., 423: « In-
ferna tetigit (Hercules), posset ut supera assequi ».
244 HBKCILE KI'.NÉKAIRE
dans fies conditions, que la de.<eente d'IIeri-iile aux Enfers soit pour
les hommes non seulement un s;/mhoIe. mais une ijaiantie d'ira-
niortalité: e'est du moins ce que semblent indiquer quelques vers
d'interprétation difficile '. Hercule, dit Sénèque, a étaldi la paix
à travers le monde ' ; et le poète continue en ces termes :
Transuectus iiada Tartari
paca'is redit inferis,
iam nullus superest timor :
iiil ultra iacet inferos.
Le sens général est très clair: la descente aux Enfers marque
l'achèvement de la pacification universelle. Mais comment compren-
dre cette pacification, sinon (ce que fait Sénèque) comme la des-
truction de tous les monstres, de tous les tyrans qui oppriment
l'humanité f Et alors il faut bien entendre « timor (homintim) », et
conclure que VEnfer n'est plus à crainde pour les mortels. A
quoi répond cette affirmation, comment se figurait-on cette déli-
vrance, c'est ce qu'il nous est impossible de dire. « On croit, nous
rapporte Servius ', qu'avec le secours des morts un homme peut
arriver ;\ tenir tête au destin », c'est à dire à la prédestination
de sa vie et surtout de sa mort. Cette simple phrase nous autorise-t-
elle à supposer que les dévots d'Hercule espéraient, grâce à lui,
échapper à Pluton :'
5. Ilf'nule et « le Triomphe sur lu mort » : l'apotlicose p(tr le feu.
Mais si le peuple se figurait d'ordinaire le séjour des âmes
sous la terre et dans le tombeau, la société cultivée le pla(;ait de
préférence dans les astres*; et il est donc logique que, la foule
' Ilerc. fur., SS9 snq.
^ L'idée est commune à cette date, et très firijucmmeiit exprimée
p.Tr Sénè(iue.
^ Ad Virg. Georg., I, 277.
' Cfr. G. Boissier, La Jieligioii Uoiiuiiiie..., I, p. 304 sqq.
HERCULE FUNÉRAIRE 245
s'attachant surtout ;\ la Descente aux Enfers, l'aristocratie de l'esprit
ait choisi plutôt comme symbole du triomphe sur la mort le bûcher
de rOeta.
Les préférences de Sénèque ne sont point douteuses. Quand il
parle pour son compte, avec une entière sincérité, il déclare que
« c'est la vertu qui trace le chemin vers les astres et les dieux » ' ;
ou, de façon un peu plus atténuée, « que les mérites de l'homme
sur terre l'autorisent k demander à la divinité d'accepter son esprit
dans les astres » " : sans se soucier d'ailleurs de la contradiction
réelle entre de telles formules et les vers où il exprime les croyances
populaires ^. Sous forme mythologique, c'est l'apothéose d'Hercule, sa
réconciliation avec Junou, son mariage avec Hébé : toutes choses rebat-
tues, et dont il se débarrasse par une prophétie *. Mais, philosophique-
ment parlant, cette apothéose n'est que la figure de celle des justes.
Aussi Sénèque trouvet-il utile d'exprimer cette idée non point
seulement sous l'image d'Hercule, mais en termes tout généraux :
« la vertu, dit-il, a sa place marquée parmi les astres » " ; plus pré-
cisément, le courage ^ ; mieux encore, la résistance stoique et silen-
cieuse à la douleur '. Avec les philosophes, les rois justes gagneront
le ciel, ou, à la rigueur, siégeront comme juges aux Champs-Elysées *.
' Sén., Herc. Oet., 1942 sq.
' Id., (6., 1701 sqq.
^ Voii- supra. — A la suite du dernier passage cité, Hercule a l'air
très persuadé que, sans une volonté expresse de Jupiter, il ira avec les
autres morts aux Enfers. — Dans Herc. fur.., l. c, la Descente aux En-
fers suffisait à lui livres l'accès auprès des immortels.
* Sén., Herc. Oet., 1432 sijq.
= Id., ib., 1564.
'^ Id., ib., 1984 sqq.: < Uiuiiiit fortes, i nec Tietliaeos saeua per amnes
I uos fata trahent ».
' Id., ib., 1710 sqi).: «Si noces dolor | abstnlerit iiUas, pande tum
Stygios lacus, | et redde fatis ».
* Sén., Herc. fur., 739 sqq. — Il y a, dans ce dernier passage, un
curieux mélange des croyances philosophiques et des traditions de la
religion populaire,
246 HKRCl'LE FliSKRAlItE
A vrai dire, il est parfois difficile de déterminer dans Séuèque
s'il conçoit ce séjour dans les astres comme une réalité métapliy^itiue
(ce que semlile faire Plutarquej, ou si ce n'est pour lui (iii'une
façon enipiiatique de signifier l'immortalité de la gloire '. Mais les
philosopiies stoïciens ou cyniques ne se contentaient pas toujours
de prendre le hiiclier de l'Oeta pour un symbole, et de conseiller
à leurs adeptes « de faire an moral ce que fit Hercule sur TOeta,
lorsque, détruisant ce qui était humain en lui, il devint dien*';
tel d'entre eux, le Cynique Peregrinus, curieusement frotté de chris-
tianisme et de brahmanisme, se brûla vif, laissant courir un soi-
disant oracle, « qu'il allait siéger auprès d'Héphaistos et du prince .
Héraclès » '. Et l'apothéose impériale n'était rien autre chose, sauf
le détail que le souverain était mort: le philosophe s'était mieux
conformé au rite d'immortalité institué par Hercule.
Car c'est bien un rite. La foule qui assiste à l'apothéose im-
périale ft (|ui voit lin aigle s'échapper du bûcher * est persuadée
qu'à ce moment le prince mort devient dieu : comme Hercule. Mais,
nous l'avons vu '', Hercule, ayant aperçu de son vivant l'iuton et
l'roserpine, par cela seul, qui est encore un rite, s'est affranchi
de la mort. Et les deux conceptions, cependant contradictoires, se
retrouvent dans les mêmes pièces de Sénèque : attestant simplement
ceci, que les différentes classes de la population cherchaient de fa-
çons différentes à satisfaire les mêmes aspirations, mais dans une
seule légende, celle d'Hercule.
' Voir Herc. Oet., 1986 sq(j. : « Scd cuui suminas | exiget lioias con-
sumpta dies, | iter ad superos (/^^r/if pandet «.Cfr. De trinKiitiU. aiiiiin\ là.
' Ijucien, Hermotim., 7. C'est un Stoïcien qui parle.
' Lucien, De Peregrini morte, ât*. — Pour l'ancienneté du rite: voir
Phorkys ressuscitant sa tille par le feu (Lycopliron, 48). A Rome: Cfr. Cic,
De divin., L 23.
* Lucien, l. c, pour se moquer de Peregrinus et des crédules, dit
qu'un énorme vautour s'est écliappé des tlanimes en criant: c 'ICXi-s-. -vîo
fianw o'È; 'OX'ju.ttsv » parodie très sensible.
5 Supra, p. LM3-244.
HERCULE FUNÉRAIRE 247
Quant à l'esprit et même k la manie d'interprétation mystiqne
;'i cette date, quelle nieillenre preuve en donner que cette remar-
que de Dion Clirysostôme ' qu'on voyait « k Athènes la statue d'un
enfant initié aux mystères d'Eleusis, sans inscription : et l'on dit
que c'est Héraclès » ; alors que l'ancienne tradition prétendait que
le liéros avait été initié à l'âge d'homme ? Mais quoi ? Le myste
éleusinien n'avait il pas subi des épreuves ? Ne voyait-il pas face
à face les dieux souterrains ? N'était il pas, par cela seul, assuré
d'une immortalité bienheureuse ? Et ne représentait-il pas, somme
tonte, par ces différents traits, les mêmes eiforts, les mêmes rites,
les même.s espérances que tous, peuple et aristocratie, se plaisaient
à retrouver dans la vie aventureuse d'Hercule ?
Conclusions.
Ainsi s'affirme le symbolisme des sarcophages << aux Douze Tra-
vaux », le plus ancien d'entre eux' insistant le plus sur les scènes
du triomphe sur la mort, sans hésiter même à bouleverser l'ordre
des tra\aux pour mieux mettre ces scènes en valeur: c'est l'exact
commentaire figuré des vers de Sénèque, des phrases que nous
trouvons dans Lucien, Epictète et Dion.
Pourquoi, daus la suite, le symbolisme de ces sarcophages sem-
b!e-t il négliger les scènes d'immortalité pour s'attacher, semble-t-il,
aux seules traverses de la vie d'Hercule, considéré • comme l'exemple
A la fois de l'acharnement du sort et de l'appui constant de la
Fortune : c'est une question à laquelle il nous est difficile de ré-
pondre. Faut-il voir dans ce fait le témoignage d"un fléchissement
des conceptions métaphysiques, une vue plus réaliste de la destinée
liumaine ?
nio Chrys., XXXI (t. p. 375).
N. 120 de C. Robert.
248 HERCII.E KI'.NKRAIRE
Dm iiKiiiis sommes-nous sûrs que l'idée de l'immortalité ratta-
chée au mytlie d'Hernile n'avait pas disparu à la fin du H' et au
III' siècles de notre ère. Elle avait pris d'autres formes, peut-être
plus parlantes. puis(|n'elles dé;,Mf^eaient la scène essentielle de l'en-
semlile légeiul.-iire : edle, très ancienne, de l'hommage rendu à Mi-
nerve grâce à qui le héros est monté au ciel ' ; ou celles, bien plus
fréquentes, de sou initiation aux mystères d'Eleusis, ou du retour
d'Alceste sauvée i)ar lui des Enfers ■.
Et (lu'il soit liii'ii spécifié que, lorsque nous parlons de sym-
bolisme, nons n'entendons pas exclure pour cela l'hypothèse de»
croyances magiques dont nous avons parlé plus haut: mais le se-
cond ])niiit est encore douteux, le premier est sûr.
II. — Symbolisme Dionysiaque: Hercule et 15.\cchus.
1. Hercule et la rie future Dionysiaque.
Le groupe le plus homogène des sarcophages héracléens, après
celui des Douze Travaux, comprend des représentations variées d'Her-
cule mêlé au thiase I)achique ''. C'est précisément l'inverse des pré
cédentes: d'une part, le héros souffrant; de l'autre, le héros plongé
dans la joie et le iilaisir.
Mais, au reste, et de longue date, Dionysos a chez les Grecs un
rôle ehthonien et quasi infernal. Déjà Heraclite affirmait qu'il était
« le même qu'Hadès »^ ; Aristophane avait représenté aux Enfers le
cha'ur suave des initiés d'Eleusis invoquant à la fois Hacelios et
Démèter chthouienne '', et, dans la même pièce, faisait allusion au
' Sxtpra. p. 225.
* Supra, p. 225.
' Supra, p. 223 sq.
* Cfr. E. Norden, TVr^. Aeii., VP, p. 16ti.
^ Aristoph., Jian., 316 sqq.
HERCLI-E FUNÉRAIRE 249
banquet des bienlieureux, auquel participent les morts justes':
la tradition voulait qu'ils s'y enivrassent, conception à coup sûr
])opiilaire (peut-être orphique) de la vie future, et dont Platon est
écœuré ^.
Ces croyances se répandirent de lionne heure en Italie ^, et sur-
tout en Etrurie où elles se révèlent non seulement par divers sym-
boles aux frontons des tombes \ mais par les représentations ex-
pressives et d'ailleurs bien connues du bacchant étendu sur un sar-
cophage de Corneto '" et du cortège des âmes conduites par des dé-
mons dionysiaques, peint dans la Tomba del Tifone, à Corneto aussi ^.
L'Empire Romain ne les oublia pas : pommes de pin, grappes de raisin,
grenades, lièvres, phallus sculptés sur les tombes des premiers
siècles de notre ère, témoignent de la persistance de cette concep-
tion dionysiaque (en partie aussi aphrodisiaque) de la vie future";
comme aussi l'inscription souvent citée où les morts sont assimilés
aux Satyres et aux Naïades ^ et celle qui fait allusion à l'ivresse
' Aristoph., Ban., 85.
^ Platon, Besp., II, 363 C-D. — Cfr., id. Plmedr., 248 G.
^ Cfi'. B. Schnpder, Studien ^^« dcn GrahdenJcmalern der Bomischen
Kaiserzcif {Bonnet- Jahrb.. 1902), p. 55-60, surtout p. 60. — On songeia
aussi au.\ vases fabrifiués dans l'Italie Méridionale: les symboles dionysia-
ques s'y multiplient de la fa(;on la plus curieuse. Un exemple qui nous
intéresse ici est celui de l'Hydiie à fig. rouges trouvée à Abella et conser-
vée à Naples (Heydemann, 2852;, qui représente Hercule cueillant les
fi'uits des Hespérides: symbolisme d'outre-tombe très possible. Dans le
champ et sous les anses se voient un chevreuil, un lièvre et deux fau-
ves : images dionysiaques certaines.
* Silènes, ])anthères. fauves de part et d'autre d'un cratère (dès hi
fin du VF et durant tout le V*^ s. avant J. C). '\'oir F. Weege, Die
Etriisl-ixche Mahrei (Halle. 1921), p. 94, tig. SO: p. 91, fig. 77; p. 68,
fig. 62; p. 99, fig. 83.
^ Du IV'-III» siècle? Dessin ancien, à lunitié fidèle, dans F. Weege,
op. cit., p. 15, fig. 12.
"> Epoque romano-étrusi|ue. F. AVeegp, op. cit.. p. 43, fig. 39 et
pi. 49, 2.
■ B. Schrœder, Grahdenhm., p. 72; 59; 60; 73.
» C. I. X., III, 686.
250 HERCULE PrN'ËKAIRE
iiiiisiciili' (lu I':ii;ulis flionysi;i(|iiP '. Kt les témoignage» littéraires
eimlirinoiit ceux des mimiinu'iits '.
Une telle conception de la vie fntnic offrait trois thèmes plas-
tiqnes : le chant fniii mi iiun m la dansej et la musique (tlûte ou
lyre); — l'ivresse au milieu du tliiase bachique; — le banquet
couché. Tous trois utilisèrent Hercule comme figure marquante de
riiorame arrivé à la béatitude éternelle; et tous trois furent rais
en reuvre sous cette forme ])ar les artisans grecs des VT' et V' siècles
avant notre ère, dont les vases s'exportaient en (|nantitè dans l'Italie
Centrale et surtout en Etriirie.
Le premier semble le plus ancien ' et donne de la vie future
dionysiaque une image moins grossière que les autres. Mais dès la
première moitié du V siècle un cratère attique ;"i fig. r. de Népi *
montre Héraclès ivre et chancelant, accompagné de Dionysos, d'Her-
mès et d'un Satyre qui joue de la double flûte. Et d'autres vases,
à peu près aussi anciens, représentent Héraclès couché servi par
des Satyres ^ ou buvant en compagnie de Dionysos ". Imitées en
Ktrurio, ou dans les pays d'influence étrusque, comme le prouvent
' C. I. L., VI, 30122.
' Voir pav ex. Lucien, Ucr. hitf., II, 6 s(|i|.
■" Ilydrie à fig. n. de Vulci (Miinich : .lalin 132): fig. dans Micali,
Slorin degli ant. pop. ital.' flS.îti), pi. XCIX, 8. — .\nipliore à fig. n.
de Viilci (Rome, Vatican: Helbig, Fiihrei; 1912, n. 4ôt;);fig. 3/Hseo Gre-
goriano, II, pi. LVI (ou -XL), 1. — Staninos î"! fig. r. d'Etrnrie (Florence.
Musée Aich. : H. Heydemann, BuV. Iitst., 1870, p. 181). — Sur les deux
premiers vases, Héraclès joue de la cithare en présence de Dionysos;
sur le troisième, de la double flûte entre deux Satyres. Nombreuses sont
les autres représentations du héros citharède en présence non plus de
Dionysos; mais d'Athéna. Hermès on Zens: nous ne les énuméi-ons pas
ici parcequ'ils sont moins probants.
< Nof. d. Scaci, 1918, p. 19.
^ Coupe de Caeré à fig. r.: E. Pottier, Kpih/kos, Monum. l'iot. IX
(1902), p. 160 sq. et pi. XV. — Cratère à fig. r., provenant d'Etrurie:
CataL Campana, IV-VII, A. 80.
® Cylix attique à fig. r. de Xola (au British Muséum): W. Helbig,
TiuU. Inst., 1864, p. 182. — Gr. Taxes Brit. Mus., t. III (1896), E 66.
HERCULE Kr.NÈKAIRE 251
une coupe h fig. r. île Chiusi ' et la frise de l:i grande ciste de
Préneste conservée au Louvre ", ces représentations se retrouvent
sans cliangenients sur les sarcophages Romains des II" et III'' siècles
de notre ère : témoignage de la vitalité singulière de ces conceptions,
qui nous sont encore attestées au IV' siècle ', neuf cents ans après les
premiers documents figurés qui s'}' réfèrent.
Et, sans doute, il n'est pas étonnant que cette conception de
la vie future dionysiaque ait été plus foi-te que le symbolisme phi-
losophique du bûcher de l'Oeta et de l'apothéose d'Hercule par les
flammes*; mais plutôt que les sarcophages relatifs à la vie souf-
frante du héros soient plus nombreux que ceux qui insistent sur
l'ivresse de l'au-delà. Il est vrai que les sarcophages sculptés
ne pouvaient être à l'usage que de familles assez riches et d'un
certain raffinement; et rien ne nous dit que la niasse du peuple
ne continuait pas à vivre sur les vieilles idées grossières de la
bienheureuse immortalité dionysiaque: Héraclès, le héros souffrant,
mais au reste grand buveur et même dissolu ', fournissait un sym-
'nole fort expressif de ce délassement immortel, par l'excès de ses
jouissances aussi bien que de ses travaux.
2. Les Hercules couche's : leur siijnifiiafion dionijsiîKine et funéraire.
Il n'y a donc point de doute sur le sens qu'il faut attribuer
à ces représentations d'Hercule, lorsque le héros est Joint k Bac-
chus ou à des personnages de son thiase. Mais l'incertitude subsiste
' Musée de Berlin: Furtwângler, n. 2947.
' H. Brunn, Annali Inst, XXXIV (]862), p. 5 sqq.; 6g. Monumenti,
VI-VII, pi. LXI LXII. — Hercule est couché à côté d'une femme (Hébé?)
dans un banquet bacliique très caractérisé.
' Autel (Clarac, Mus. de Sciilpi., II. pj. 134 et 1.3.5) : à Baechus sont
joints Mercure et Hercule.
* Von WiiamoAvitz-.Moellendorfï, HemVles, p. 304.
^ Voir par ex. Ps. Lncien, Amores, 1.
3Maugt.i <l\irch. et ilHist. lffll-lSf>2.
252 IIKUCII.K I-INKHAIHK
Mil siijf't lift-; « Ilcri'iilcs ciiiiclii'-s tcii.-iiit l:i cinipc », (ine nous uviiii*
trouvés sur certains sarcopliag-es '. Quoi sens Ifs Romains atta
cliaient-ils ;V ces fif^ures? Kt comment y ('•taient-ils arrivés?
Les savants discutent encore pour savoir si le banquet, qm-
les artisans ^recs commencent d^s le IV siècle :\ sculpter assidû-
ment sur les stèles fiiiit''i-;iiics. est une image de la vie future ou
une représentation du déi'uut dans ruii des actes de sa vie ' ; la
présence du serpent, du pore sacrificiel, du cheval, sur nombre de-
ces reliefs semlilc devoir imus imliner à la |iremièrc interprétation '.
Le fait (pie le baufinet des bienheureux se retrouve en Amérique,
dans rinde, clu'n les iieiiples Germaniques^; la confusion des Enfers-
avec une sorte d"« ile des plaisirs» dniis l,i e(pmédie grecque ''.-
le devoir que se font les ])liiloso])lies de mettre en garde les ima-
ginations populaires contre une telle cnneeption de la vie future'^:
la confirment, nous parait il, de façon suffisante.
Duc autre preuve, un peu plus oblique, ])artira de la remarque-
pleine de sens faite par E. Rohde ". que la cérémonie du O:ôvo;,
théoxénie ;\ l'ancienne mode, où les convives étaient assis, non cou-
chés, devint plus tard celle de la yJ.i'jr,, an théoxénie couchée " r
' Siipra, p. 2-24.
' B. Schrœder, Grahdenkm., p. 50, en admettant les deux interpré-
tations, préfère dans la plupart des cas la seconde.
3 Cfr. S. Rcinach, R'perf. Hdieff^ Gr. et R.\ II. p. 43; 50; 148; 15:i:
IBO; 176; 415; 41»!; 417; 418; 4.31 : lit, p. 441. - Voir, pour le cheval,.
L. Malten, Arch. Jnhrh., XXIX, (1914), p. 218 S(iq.
* Ettig, Acheruntica, Leipz. Stud. z. class. Thilol., 13, p. 396 et n. 3.
"' Voir Aiistoph. Enn., jmsaim: les bouti(iues de victuailles et les
jouiies ilansouses ((ui attendent le faux Héraclès: - Phérécrate, \\i-i'i.'i.y.;,
tV. 108. — Cfr. Kttig, l. c, p. 299.
'' Ces « antres de Dionysos • aux Enfers, selon Platon (TUaedr..
248 C), ne donnent qu'une nourriture imaginaire; pour Plntanpie (Moral.,
565 E-566 A), ils constituent le I.étlié. i|u'il faut fuir. — Cfr. Kttig. /. c.
p. 325 et n. 2.
" E. Rohde, Psijche. p. lt>() sqq. : 121, n. 2: et p. 693 ad p. 121.
"* La différence est la nième (pi'à Rome entre le seUisterniiim et Ifr
lectisternmm.
HERCrLE FfNÉRAIRE 253
l'une et l'autre presque réservées aux dieux chthoniens. Mais au
lien d'une simple succession, peut-être vaudrait-il mieux parler d'une
alternance des deux rites. Car, antérieurement à la période classique-
archaïque, les rois de Sparte et les grands personnages mycéniens,
assimilés à des héros, étaient couches dans leur tombe avec les at-
tributs de la vie et en particulier de^ gobelets d"or et d'argent à
portée de la main ' : tandis que, jj/î^s tard, les reliefs funéraires
trouvés à Sparte ° représentent les morts héroïsés d'une taille dé-
mesurée, recevant assis des offrandes. Dans ces conditions, ceux,
beaucoup plus récents, de Locres Epizépbyi-ienne, qui gardent aux
morts plus ou moins assimilés aux dieux infernaux, l'attitude as-
sise ' ont la même signification que les nombreuses terre-cuites fu-
néraires de Tarente, remontant jusqu'au VIP siècle *, et qui offrent
les mêmes représentations, mais couchées, ou que les reliefs pan-
helléniques d'où uous sommes partis.
Ces monuments qui, de diverses façons, s'appliquent à donner
au mort un aspect surhumain et des attributs dionysiaques nous
obligent à conclure que l'hérolsation de caractère bachique était
' E. lîohde. Psychf, p. 153 156. — A V.ipliio, cfr. Pussaud, Les Ci-
rih'satious préiieUétiitjues^ ]). 169.
• Dé même à Xanthos, au tombeau des Harpyes {Monum.. IV, pi. III).
3 T.. Malten. Arch. Jahrh., XXIX, 19U, p. 248 sq.
* Voir F. Lenoimant, Gaz. Arch., 1881-82, p. 1.56-163; — Monum.
deirimt., XI, pi. LV et LVÏ; — Amiali dell'Inst., 1883, p. 194 sqq.; —
Journal of liellenic stud.. 1886, p. 8-10, pi. 63 et 64: — F. Dueramler,
Kleine Schriften (^ Annah. 1883, mais avec figures). 1901, III, p, 5 sqq.;
— E. Pottier. Statuettes de terre-cuite dans V Antiquité, p. 206. — Remar-
quer particulièrement (W. Helbig, Bull, de TInst.., 1881, p. 197 sq.):
a) Homme seul, couché: près de lui une amjjhore; — h) Homme seul,
couché; près de son épaule, masque ;irchaï(iue de Silène, de face: —
c) autres avec la tasse (ou canthare); ou avec la tasse et la h/re : tous
symboles dionysiaques. — Autres figures couchées du même genre: dans
une sépulture à liosamo-Medma (Xot. d. Scari, 1917, p. 42 sq. et fig. 8):
autres de même provenance {Th., 1902, p. 48); — figurine couchée te-
nant un kéras, bronze de Locres Epizéphyrienne (J7>., p. 42).
254 HBRCL'LB F|IN|i;HAIKK
couninte en (ivkcc, ot surtout dans l'Italie Méridionale: peut-être
même le nombre prodif^ieiix de pareilleH figures A Tarente s'explicpie-
t-il Justement par l'extension anormale du culte des héros dans
cette ville '.
Nous voilà conduits d'autre part à donner toi't à M. Collignon,
qui prétend ' que l'origine des statues funéraires deini-coucliées n'est
pas en Grèce, mais en Etrurie. Les Etrusques en sculptant dans
les derniers siècles avant notre ère les innombrables couvercles figu-
rés de leurs urnes cinéraires, n'ont innové que sur un point, grave
il est vrai, en re])rodiusant d'une faeon réaliste les traits des
défunts'. Mais, (|\i;int au tliènie, ils le trouvaient réali.sé, partie
dans les reliefs et terres-cuites helléniques ■*, partie dans les sar-
cophages anthropoïdes gréco-sémitiques, dont on a trouvé de si
beaux exemplaires ii Parthage.
Il est remarquable qu'à ce souci bien italien du réalisme cor-
respond un affaiblissement du caractère divin ou héroïque des figu-
res. Si cet affaiblissement est dans la seule expression, ou s'il est
dans la conception même de la mort et de la vie futni-e pendant
cette période, c'est ce que nous ne saurions dire. M.iis il reste en
tout cas que, si le mort étrusque ne prend plus les traits ni l'ap-
parence sereine d'une divinité, il continue à participer aux Joies du
])aradis dionysiaque. Quelques-uns en effet peuvent liien conserver
les attributs de leur i)rofession ou de leur vie terrestre: le plus
grand nombre, et de beaucoup, tiennent, soit la phiale, soit le rhyton
' E, Rohde, l'si/che. p. KÎO,
^ M. Collignon, Statues fum'rairrs . . . ^ p. 347 sqq.
' Encore ne faut-il pas exagérer, même sur ce point. Il importe de
tenir compte du développement chronologique du thème: lorsque les Etru.s-
ques peignaient les meniez scè)tes dans leurs tomlies souterraines aux V''
et IV"^ siècles, leurs personnages sont idéalisés comme ceux des repré-
sentations grecques contemporaines.
* Aussi bien l'inilnence grecque se fait-elle sentir directement en Om-
lirie. X'oir le petit bronze (citliarède couché) de Norcia (JV. d. Scari. 187.S,
p. 22 et pi. II, 5), et le relief funéraire d'Assise {Ib., 1894, p. 48).
HERCULE FUNÉUAIRE 255
bachique, étant les vrais desceudauts des belles figures qui ban-
quettent sous terre à Corneto '.
Mais en ce détail encore de la coupe mise aux mains du mort,
les Etrusques sont les disciples des Grecs qui, outre leurs idées
sur Tivresse des bienheureux, prétendaient que l'immortalité pou-
vait s'acquérir par simple participation au nectar, à Tambroisie,
à une boisson divine, quelle qu'elle soit: idée soutenue encore au
ir siècle de notre ère ^, et que les auteurs de l'extrême décadence
continuent à exprimer avec une parfaite clarté, lorsqu'ils veulent
expliquer comment les fils adultérins de Jupiter ont pu accéder à
l'Olympe ^. Ce breuvage d'immortalité était sans doute à l'origine
la source de vie \ dont la fontaine Mnémosyne des Orphiques, vers
laquelle se hâtent les initiés, est un souvenir précis \ Mais il n'y
a pas au fond de différence entre la source et le breuvage com-
posé: soma des Indiens, ambroisie et peut-être vin chez les Grecs ".
' Le bacchant, que nous citions plus liant, peut-être un prêtre de
Dionysos paré de ses attributs ; mais le sculpteur ne l'aurait pas fait, s'il
n'avait pensé que ces signes extérieurs d'initiation étaient par euxmèmes
une promesse, ou même une garantie (voir infru) de béatitude.
2 Pausan., II, 13. Cfr. Annali delVImt., 1830, p. 14« sqq.
^ Bacchus: voir Nonnos, Dion., XL, 419 sqq.; — Mercure: voir Mar-
tianus Capella, I, 34: « luno... tune etiam Cyllenium diligebat, quodeius
uberibus educatus poculum immortalitatis exhauserat ». — D'un point de
vue tout général, le même auteur (II, 141) donne le poculum immortalitatis
comme un des moyens magiques d'acquérir l'immortalité ; Cfr. *., II, 134.
* Sur la source de vie dans le folklore européen, voir: A. Wiinsche,
Die Sagen i-om Stbenshuuvi und Leheiiswasser (Ex oriente hi.r, I, 1905).
C'est une croyance peut-être plus ancienne chez les Indo- Européens que
le fruit d'immortalité (B. Seliweitzer, Herakles, p. 134, n. 1}, devenu chez
les Grecs la pomme des Hespérides (cfr. 0. Gruppe, Pnuhj-Wissotva,
Suppl. Illf 1077).
^ Voir infra.
•* On remarquera que cette boisson de vie se trouve chez les Celtes
et les Slaves (B. Schweitzer. Herakles, p. 233), mais d'ailleurs aussi bien
chez les Babyloniens, aux mains du Roi du Monde Souterrain, de même
que c'est Dionysos Chtlioiiien (|ui dispense le vin aux bienheureux dans
le Paradis hellénique.
256 HEUCULK Fl'Nl';nAlKE
Or nul des liéros privilégiés appelés dans l'Olympe n'était ])liis
populaire qu'Héraclès. Qu'on y joigne, si l'on veut, sa réputation
d'intrépidiî liuvcur. réjjandue par la comédie attique et la farce
siculo-italiote. Mais d'on venait-elle, cette réputation ? Voilà un
des cas les plus nets où nous aboutissons à une impasse. Avant
la naissance de la comédie, Héraclès nous le verrons, buvait
auprès du Centaui't; l'iiolos. VA ce serait le contraire du lion
sens que de croin^ qu'un auteur l'oniiciuc, si original fût il, ait
innové d'une fa^'on grotesque sur un personnage sympathique;
la comédie vit d'exagération sur des faits connus; si elle fait
d'Héraclès un ivrogne, c'est (lu'ancienneineiit déjà Héraclès se
trouvait en rapjxirts quelconques, mais sérieux, avec Dionysos,
ou avec le vin, ou avec n'importe qiwA liquide d'une puissance
reconnue.
Le plus ancien témoignage sur le scy|)lius d'Héraclès est celui
de Stésichore, donc grec occidental, et se rattache à l'aventure de
Pholos ' ; au temps d'Euripide, ce gobelet est devenu un attribut
personnel et bien connu du héros '. Mais les représe/itntiuiis 2)his-
tiques de r« Héraclès au Scyphus » apparaissent aux V'^-IV siècles
avec tous les caractères de l'originalité dans les cités helléniques
de Grande-Grèce, Crotoue, Tarente, Héraclée ', et peut-être en Sicile
à Sélinonte *. Le fait que, dans ces figures, le héros est toujours
au repos, que parfois il tient la corne d'abondance, ou est accom-
' Stésichore, ir. 7: -zJ-ï-is-i ôi kiAùii Sî'-a; sy.;y.îTfOv w3 TptXi-yuvo» |
iTÎv£i £7rta;^saevo;, ri pi &t Tripiôxxî 'hoXs; /.cpioa;.
' Eurip., Aie, 726 sqq. ; 795 sqq.
3 Gr. Coins Brit. Mus., Itahj, p. 253 (lliintcria» Coll.. I, p. 131);
— p. 218; — p. 226, 229 et 2.32. — Anneau dor du VI« siècle prove-
nant de Grande- Grèce: r'urtw.-ingk^i', (feschn. Steiiien im Antiqiiarium ron
Birliii, n. 291.
* Plombs représentant, senitile-til, Héraclès tenant le t-antiiare et la
corne d'abondance {Not. d. Snir!. l^^H, p. .(02. n. XX scjq.). Mais ces
monuments sont-ils d'origine giecqiie?
HERCULE FUNERAIRE
pAfTiié de la Victoire, est au moins une forte présomption en faveur
de riiypotiièse qu"il s'agit ici d'Héraclès arrivé au bonheur per-
pétuel dionysiaque que lui ont mérité ses travaux.
Le thème se précise légèrement au IV siècle dans un sens déjà
indiqué par des monnaies de Crotone, d'Héraclée et de Mél^ponte',
mais qui trouva son expression suprême dans la statue de Lysippe,
1"« Héraclès Epitrapézios », assis, et tenant, semble-t-il, le scyphus " :
type qui se répandit rapidement dans toute l'Italie ^.
Mais, tandis que la figure de THercule au scyphus assis ou
•debout dégénérait très vite en celle ù'Hercules Bibax, ivre et chan-
celant, dont on trouve de nombreux esmplaires surtout dans le
•domaine étrusque ', et se perpétuait sous l'Empire romain jusqu'à
faire le sujet, fort vulgaiie, de nombreuses tessères de plomb '',
une autre représentation prenait corps à la même date et sans
<loute dans la même région : celle de l'Héraclès couché *. Elle était
fort ancienne, nous le verrons, et remontait jusqu'au W siècle
par les peintuix-s des vases attiques ' : mais c'est à Tarente qu'elle
-semble avoir pris la forme statuaire et peut-être sa pleine valeur
' Gr. Coins Brlt. Mas., Ilaly.p. -25.3: — p. 243; — p. 231 (Hunterian
<JoU.. I, p. 87: début du III'' siècle).
^ Stace, Siht., IV, 6, 56: « Tenet liaec marcentia fiatris poeiila. adhiic
uieminit manus altéra caedis >. — Cfr. Martial, IX, 43.
■'' Cfr., pour le style, le bronze de Pomi)ei : Xot. d. Scavi, 1902,
p. 572 sqq. et flg. 3; — pour l'extension du type: Jlacrobe, Sai., V, 21,
16: « Herculem ueio fictores ueteres non sine causa cuiu poculo fece-
runt, et non nuiuquaui cassabundum et ebriuni, etc. ». — Une indica-
tion chronologique précieuse nous est donnée par une pierre gravée de
trarail Hulique, du III'' ou II"" siècle avant notre ère; Furtwiingler, Geschn.
Steinen Antiquar. Berlin, n. lol7.
* Xot. d. Scavi, 1916, p. 114-116.
5 A Kome et Ostie: Xof. d. Scavi, 1900, p. 263 et 268.
"■ Liste des Hercules couchés dans Stephaui, Der ausntheiide Herakles,
p. 125-128.
" Par exemple: Gerhard, Aiiserles. Vasenhilder, II, pi. 108, p. 82 sq. ;
— Plus tard, la coupe de Biygos (Gr. Vases Brit. Mus.. III, 1896, E. 66
et pi. VI).
258 HKRITLE Ff.NLRAIRE
symbolique': Lysippu encore peut avoir tnivaillé ù son éhtbora-
tion ilélinitivc '. Mais ce qui est sftr, c'est qu'elle se répajidit dans
le pays latin, puisqu'on en trouve des répliques importantes sur la
Via Portiiensis ", et à Home même au Forum Boarium, où on
l'appelait soit Hercules Cuhans, soit Hercules Oliunrhis *, non par-
ce qu'il se trouvait dans le quartier des huiliers ', mais parcequ'il
portait la couronne olympique d'olivier '^'^ insigne de la victoire qui
lui avait mérité le repos '.
Ces différents caractères, seyplius, position assise ou couchée,
lorsque les Romains les donnent à Hercule, gardent visiblement
leur sens d'héroisation dionysiaque, on d'immortalité bienheureuse.
C'est ainsi que sur le tombeau des Haterii, à Centocelle, un temple
est figuré, dans lequel est assis Hercule, et .sur le fronton duquel
se voient l'arc, la massue et le scyphus '^ : prés de Rome, au bord
' F. Lenoimant, 0(u\ Arcli., 1^81-82, p. lf>8. — L. Maiiani .Vf*«. </.
Scan, 1897, p. 227 scm. (avec figures). — Voir supra, p. 252 si).
- Cfr. Bionze giéco-Honiain d'Esté: Not. d. Scavi, 1888, p. 'M sq.
et pi. I, 8 et 8 bis. La statuette est de type lysippcen.
■î L. Mariani. /. c. p. 228.
* Cfr. Petersen, Xnt. d. Sciivi, 189.5, p. 458 sqq.: — Id. Uôm Mtttlicil.,
96, p. 99 sqq.
^ Les Olean'i étaient groupés plus au noid-est, dans le Vélabre.
Cfr. Plante, Capi., 4»9: « Oiniies de conipecto rem agunt quasi in l'o-
labro olearii >.
•■ Preller, Hegionen, p. 194 s([.
' Petersen prétendait (Not. â. Scavi, 1895. p. 4G0; de même Hiilsen,
th., p. 261) que la couronne olymiii(nie était inconciliable avec l'attitude
du héros couché. Mais justement le repos n'est-il pas pour Héraclès le
fruit et la récompense de ses victohe.<<'! D'autres représentations du uièuie
genre (Lanvy, lidm. MiUheiL, 1897, XII, p. 56 u\i\. et 144 S(iq.) ne mon-
trent-elles pas Hercule la tête ceinte des bandelettes de Victoire, ou ac-
compagné du laurier, qui a la même sens? L'une d'elles même n'a-telle
pas été dédiée par un sophroniste pour une victoire remportée par ses
éplièbes à Eleusis (Lu-wy, /. c, p. 61)'? — Pour le sens dionysiaque (pii
s'attachait aussi k cette figure, cfr. le Silène couché, une tasse à la main,
d'un relief d'Ostie (Not. d. Scai-I, 1909, p. 199. et fig. 1, p. 200).
' Monumenii dcU'Inst.. V, pi. VI II.
HERCULE FUNÉRAIRE 259
de la Via Portuensis, dans une chapelle d'Hercule Vainqueur, le
héros est représenté deux fois, assis tenant la pomme des Hespé-
rides, coiiclic' tenant le scypus : ' deux images d'immortalité, mais
dont la seconde insiste sur le caractère dionysiaque de ce repos.
Mieux encore : à Acqua Traversa, à l'ouest de la Via ClocUa, on
a trouvé dans un petit temple de Bacchus la statue d'une divinité
orientale, et les figures de Bacchus et d'Hercule couclié : ' le même
qui se voit ailleurs, près de l'arbre et du serpent «héroïques»,
au milieu des Nymphes et servi par des Satyres '.
3. Le défunt sous le traits d'Hercnle.
C'est précisément ce symbolisme, ancien en Italie, nous venons
de le voir, mais d'ailleurs assez simple, qui explique le choix de
l'Hercule couché sur certaines tombes Romaines, aux lieu et place
de l'image du défunt *, ou même avec les traits du défunt ■'.
On nous dit que la représentation du mort sous la forme d'un
dieu, en particulier avec les attributs de Dionysos ou d'Hermès,
ne remonte en Grèce qu'au III' siècle, après Alexandre ". Mais c'est
ne pas vouloir tenir compte d'une tendance, à laquelle se ratta-
chent les croyances orpiiiques ", et qui date de bien plus loin, si
l'on songe à l'iiéroisation des rois archaïques *. Mais il eiît vrai
qu'il y a souvent indétermination dans le type divin qui sert de
' Xot. d. Scavi, 1889, p. 24;i sqq.
•^ Bev. Archeol., 1919, t. X, p. 229.
^ Kelief de Madara, en Bulgarie (Arch. Jahrh., Aiizeig., XXVI, 1911,
p. 367).
* Supra, p. 224 scj.
^ Sarcophage Farnèse.
^ M. Colligon, Les statues funéraires dans l'Art Grec, p. 31(5.
' Cfr. F. Weege, Etriisk. Malerei^ p. 25.
* Supra, p. 253. On pense naturellement au mort égyptien transuiué
en Osiiis: Cfr. Maspero, Histoire de V Orient classique, les Origines, p. 182.
260 ilKKCri.K KI'NËKAIRE
«support» an défunt; et iiouâ ne pouvons affirmer que le<» reliefs
trouvés à Lucres Epizéphirieune (et qui datent des deux premiers
tifis du V siècle) représentent les morts sous les traits des dieux
infernaux : si nou^ en étions silrs, la question serait bien simplifiée.
Quoi qu'il en soit des iiiHuenccs diverses qui ont pu à ce sujet
s'exercer sur l'Italie, il est certain qu'on y tmuvait à une date
assez reculée des prédispositions sinjjulières à cette habitude. La
plus ancienne de ces pratiques consistait à déposer dans le tombeau
sur la face du mort uu masque présentant les symboles égyptiens
ou, plus généralement, sémitiques du soleil radié ou du disque so-
laire': ou les traits d'un Satyre ou de Silène"; ou ceux d'un
Cliaron plus ou moins dionysiaque '. Ce qui est- bien différent des
bijoux funéraires à symboles ajiotropaïques qu'on enfermait aussi
dans les toml)es '. Eu effet, ces masques doivent sans doute, comme
les bijoux, protéger le mort dans son voyage aux Enfers, mais en
lui donnant précisément l'apjjarence des êtres divins qu'il rencon-
trera sur sa route, et en particulier de ceux qui peuvent lui être
dangereux. De sorte que cette pratique révèle un essai de con-
fusion entre le mort et des êtres divins déterminés, et une croyance
dans l'efficacité magique de cette ressemblance ''.
Faut-il penser que les statues étrusques, d'apparence archaïque,
servant d'urnes cinéraires, que l'on a trouvées en assez grand nom-
' Le soleil radie flanqué de deux urw.is; le disque solaire inscrit
dans le croissant de lune: à Cliiusi (Xot. d. Scavi, 1915, p. 15 et (ig. H-10)
— en Sardaigne {Xot. d. Scan, 1918, p. 152 sqq., fig. 7-8).
* En Sardaigne. Voir Helbig, l'Epopée homérique, p. 73, n. 5. — Not.
d. Scan, 1918, p. 145 sqq.; fig. 1-2.
^ .Musée d'Orvieto.
* Par ex.: diadème terminé jiai- deux têtes d'.\clielôos, trouvé :i l'o
pulonia {Xvt. d. Scari, 1908, p. 201. tig. ;3).
^ De uième sens, nous senilile-t-il, mais avec moins de clarté comme
il est normal d'une civilisation plus raffinée, sont les liermês portraits
(jue Ion voit sur des stèles gree(iucs: parfois avec les attributs d'ilcr-
mis ou d'Héraclès. Le caractère apotropaïque des hermès est bien connu.
\'oir sur ces monuments: M. Collignon, Statues funéraires... p. 324 sqq.
HERCULE FUNÉRAIRE 261
bre', représentent des divinités à l'apparence desquelles est confié
le salut du mort? Si l'idéalisme de leurs traits peut le faire penser,
nous n'avons cependant aucune certitude à ce sujet. Mais il est
apparent que, sans assimiler tout à fait le défunt à une divinité,
on le mettait volontiers en Italie sous la sauvegarde de Jupiter,
Juuon, Vénus '".
Enfin, quoi qu'en dise M. Wissowa (et que ce soit ou non sous
une influence grecque), l'héroisation n'était pas tout k fait étran-
gère à la pensée italique. D'après Ennius ^, Romulus vit dans le
ciel cum dis genitalilms : c'est-à-dire, semble-t-il, avec les dieux
mêmes du terroir latin, Picus, Faunus, Latinus. Si cette croyance
ne put résister au réalisme des annalistes, les sentiments qui l'avaient
soutenue reprenaient de la vigueur dans les douleurs particulières \
et contribuèrent sans doute à faire adopter la coutume de l'apo-
tiiéose impériale, sinon ;Y faire croire toujours k sa réalité ^. Mais
les Empereurs défunts n'étaient pas seuls à être considérés comme
des héros ou comme des « Saints » ".
L'assimilation du mort romain à un dieu ' est une résultante
de ces difierents agents : magie funéraire, confiance dans la protec-
tion des dieux, croyance aux héros, fortifiés par l'infiueuce hellé-
' Musée grégorien (cfr. Annali d. Insf., XV, 184.3. p. oô7); — Musée
de Berlin (Catalogue [1891], n. 1282);— Musée de Chiusi, n. 483; — etc.
- C. I. L.. H, 6054; VI, 2461.3. — Voir M. Coilignon, Statues fu-
néraires; — Daremberg-Saglio s. u. Sepulcrum, p. 1268; — Schr<ciler,
Grabdenkiii., p. 62, n. 2.
■' Eanius, Annal., 119, (Vahlen). Cfr. G. Bohsiei; Beligion Eomaine,
1. p. 114 et n. 4.
* Parex. Cicéronet sa fille Tiillia. Cfr. G. Boissier, op. cit. I, p. 117-118.
■'' Cfr. G. Boissier, op. cit., I, p. 179. La croyance dans les effets de
rapotliéo.se s'affaiblit au I"' siècle, reprend beaucoup de vigueur au II=,
est encore persistante au IV"^ (Voir Capitolin, Marc-Aur., 18).
« Cfr. C. I. i., VI, 7581: « Deae Sanctae meae Primillae ».
' Sclirœder, Grahdenl-m., p. 61 66. — C. I. L., VI, 15592 sq. affirme
sans précision que le mort est in formam deormn.
262 HBRCl'LK FUNÉRAIRE
nique, surtout ;'i partir ilii II'' Nièdc a. (\ Mais l'attriliucr à cette
seule inHueiiee serait une fort lourde erreur.
Et, de même que les Grecs paraissent avoir choisi pour jouer
ce rôle des divinités de sens funéraire, les Romains s'en tinrent
presque exclusivement aux << déesses de la naissance et de la mort »,
Juuon, Vénus, Diane; ' ou aux divinités ayant un rapport très net
avec les Enfers, comme Mercure, l'iuton, Proserpine, Gérés, avec
lesquels se confondent par exemple les membres de la famille des
Haterii sur leur tonilieau de Centocelle ' ; très fréquemment aussi
Baccliua ' et les personnages de son thiase, Satj'res ou Naïades *,
dont la signification n'était pas différente. Et sans doute cela parait
normal, logique, de confondre le mort avec un dieu souterrain: mais
l'ancienne magie n'y est p.as étrangère.
Parmi les antres divinités qui assument ce rôle se trouvent en-
core Attis et les Dioscures °, dont les légendes de résurrection sont
expressives": Spes ^, dont le symbolisme funèbre est assez clair:
et Fortiiua *, qui, à Préueste, se trouve liée à Diane Trivia et Liber
Pater ', et, daus un petit sanctuaire trouvé à Rome, à Vénus, Plu-
ton, Sérapis, sans comjjter trois licrmès bachiques '". Cela ne ferait
' Schrceder, loc. cit., p. 62. Ct'r. M. Collignon, oj). cit., p. 323.
- Monumeiiti, V, pi. VII.
^ Cfr. Statue de Denys l'Ancien à Syracuse {M. Collignon. op. cit.,
p. 237), mais peutètie avec Jeu do mots. — Eu Etrurie, aupra, p. 249. —
Sous l'Empire: .M. Collignon, op. cit., p. 328; C. I. L., M, 15314; Apulée,
Metam., S, 7. — Cfr. Kolide, Psijche, II', p. 360.
< Heuzey, Mission en Macédoine, p. 129. — Peidrizet, Cultes et my-
thes du Pange'e, p. 96.
■> Schrœder, Gi-obdenkm., p. 63. — C I.L.. VI, 21521 P. 1109 (ilu temps
des Flaviens ?).
'^ Attis est un autre .\donis; Castor et Pollux fnViuentent alterna-
tivement l'Olympe et les Enfers.
' Par ex.: C. I. L., \l, 15292 sq.
' C. I. L.. Ih. — Voir E. Calicn, rhuemhertj-Sayliu, s. u. .Sepulcrum,
p. 1328.
' Cfr. .innali d. Inst., 1873, p. 236. «
'" Not. d. Scavi, 1885, p. 67.
HERCULE FUNÉIiAlUE 263
donc pas difficiiltt', si rim no trouvait aussi en sa compagnie Her-
cule et Apollon. Et là en effet est le point délicat: car on voit
ailleurs le mort, non seulement sous les traits d'Hereule, mais sous
ceux du Soleil ou d'Apollon, aussi bien en Grèce qu'à Rome '. Or,
il semble difficile, a priori, de faire de ce dernier un dieu in-
fernal . . .
Mais un dieu protecteur de l'àme dans son voyage infernal, oui.
Car ce n'est pas sans raison que Sardes et Etrusques mettaient son
symbole sur le masque funéraire, an lieu de lui donner les traits
du Satyre ou de Cliaron ' : et ce n'est pas non plus sans raison que
les Hellènes de Grande-Grèce, et les indigènes à leur ressemblance,
mettaient dans les tombes de petits bateaux pour faciliter aux morts
le voyage versHadès'. Influences égyptiennes, dira t-on. Qu'en savons-
nous ? Prenons les choses comme elles se présentent, elles sont par
elles mêmes assez riclies de signification. La route appareute du
Soleil ven rO"cident est la même que celle des héros, Héraclès
et Dionysos en particulier, vers les îles des Bienheureux, vers le
pays des Hespérides aussi, qui est un autre paradis héroïque. Mieux:
Apollon va, dit la légende, chez les Ilyperboréens ; or les-Hyper-
boréens figurent aussi une région bienheureuse ', de bombance et de
vie immortelle'': et l'on a pu supposer, non sans raison, qu'Apol-
lon s'y était substitué an Dionysos tlirace '''. Mais Hér:iclès aussi,
' En Grèce: voir M, Collignon, Statues funéraires..., p, 321. — A
Rome: Sclirœdei', Grab. Denhm., p. 63. — Un frère et une sœur con-
foniius avec Diane et Apollon, en Macêloine: Heuzey, Mission en Ma-
ce'doine, p. 236, n. 107.
» Supra, p. 260.
3 L. Malten, Arch. Jahrh., XXIX. lOU, p. 228 sq.
< Cfr. Arcl.ii: f. Bel. Wissensclmft, X, 1907, p. l.'>2 sqii.
^ Hé.si0!le. fr. 60-62 et 209 (Rzsach): — Pindare, Pi/th.. X.
« 0. Sclmeder. Archir. /". Jiel. Wiss.. VIH, 1905, p. 69 sqq. et sur-
tout p. 84. — Le texte obscur de VAxioclws (III, 3) unit, à Délos, Ar-
téuiis-Oupis et Apollon Hécaergos au dieu infernal Hadès, à Dionysos et
Héraclès, en relation avec les Hvperboréens (Cfr. XoKrelhs A>inales. 1836,
p. 62).
264 HERCILK FI,'Ni;;l{AIHK
allant vers l'ouest, avait iic'-iiétré cliez les Ilyperborécns ', au moins
selon l'une des nombreuses traditions relatives :\ ses découvertes
de paradis terrestres. Kt si l'on désire une preuve pins nette du
parallélisme des deux divinités dans ee trajet fabuleux vers l'Oc-
cident, on la possède : car, pour traverser l'Océan lorsqu'il allait
vers riiifernal Géryon, c'est la « coupe » du Soleil que réclame
Héraclès, et qu'il obtient de gré ou de force '.
Telle est, à vrai dire, la seule tradition où nous voyons Apol-
lon (ou le Soleil: la distinction ici n'est pas très nette) jouer un nde
funéraii'e ; plus précisément, où nous le voj'ons tracer la route ou
faciliter le voyage vers les pays ultra-terrestres. Et c'était sans
doute une assez valable raison d"invo(|uer son aidi- pour des êtres
•chers appelés par la mort à tenter ce même trajet; et môme de
mettre le défunt plus directement sous sa protection, en lui faisant
prendre les traits et les attributs du dieu auquel nul ne pouvait
résister.
Mais, par la même occasion, il se trouve qu'achèvent de s'ex-
pliquer les images du mort sous les traits ou avec les attributs
d'Hercule. Ce n'est pas seulement un symbole d'une vie future bien-
heureuse, sous la figure du héros qui, après avoir tant souffert,
avait enfin obtenu la béatitude dionysiaque. Car on ne s'explique-
rait pas alors que la statue fût un portrait. La masse des ancien-
nes croyances plus ou moins oubliées, plus ou moins confuses, dont
' Documents rassemblés par: Millier. Dorier-, I, p. 279.
• Voir les textes rassemblés: Aintah d. Inst., XXIV, 1852, p. % sq.
— Cette coupe est un dépas d'or selon Stésicliore: un léhè.<: selon Tliéo-
lytos. Héraclès est représenté naviptuant dans cet esquif d'un nouveau genre
sur un vase célèbre du Vatican ucproduit dans Dareniberg-Saglio, s. v. Her-
rtiles. p. 93, fig. 8763; efr. Apollon tenant la lyre et naviguant sur le
trépied à travers l'Océan ^^ftls. Gregor., II, pi. XV): le parallélisme est
absolu, n'y ayant point de ditlërence entre le lébès seul et le lébès posé
sur trépied.
HERCULE FUXÉUAIRE 265
nous retrouvons des traces dans cette figure est bien autrement im-
pressionnante que le symltolisme philosophique ou même populaire
des Douze Travaux sculptés sur les Sarcophages.
Ce demi-gisant est le descendant direct des Etrusques couchés
sur leurs urnes, des statues enfermant dans leur poitrine les cen-
dres des morts, des squelettes que Ton retrouve tout parés de leurs
bijoux, armés, et la coupe à portée de la main : la persistante il-
lusion de ce que les Egyptiens appelaient le « double » explique
le soin que les vivants prenaient de sauvegarder autour des morts,
ou de leurs images ', les apparences de la vie. Mais cela ne leur
suffisait pas encore ; car le mort, pensait-on (les Pythagoriciens et
les Orphiques avaient plus que quiconque contribué à répandre de
telles idées en Italie ^) avait uii dur voyage à accomplir: un voj'age
où il trouverait des divinités sévères, et d'autres cruelles ; et d'au-
tres aussi, sans doute, prometteuses de félicités immortelles, mais
dont il fallait gagner l'amitié si l'on voulait être de leur suite.
Le moyen magique d'adoucir les démons et d'entrer dans la fami-
liarité des dieux bienfaisants, c'était de leur ressembler; ou de
ressembler au héros puissant qui avait brisé les portes des Enfers,
Ce n'est pas pour une autre raison que le Dionysos d'Aristophane
a pris la massue et la Ic'otité, et qu'il va consulter Héraclès sur
le chemin qui mène au Styx: sous la vulgarité réaliste des détails,
la foi en Héraclès se devine encore; mais la bouffonnerie est com-
plète en ce que Dionysos lui-même, sans tout l'attirail dont il s'est
embarrassé, aurait dû avoir facile accès aux Enfers, où ses « mystes »
chantent en son honneur. Le Romain inconnu qui, au IIP siècle de
' Au premier siècle de notre ère, on croit encore naïvement dans
certains milieux que la statue funéraire est animée (Pétrone, Sut., 71 et
74. Cfr. Sclirœder, Grabâenkv)., p. 48).
- Cfr. B. Sciiweitzer, Herakks, p. 79, n. 1.
266 HEItCirLB FIXÉKAIRE
notre ère, se f:iisait représenter en Hercule sur sa. tombe, qu'il le
voulût ou non, suivait les antiques traditions et s'assurait, sous les
traits du héros, uno heureuse descente au pays des ombres '.
Jean Bayet.
{A siiiire).
' Cette habitude de confondre les morts avec les dieux, (jui se ré-
pand surtout depuis Nerva (.Sclud-der, Grahdenkm., p. 66), s'exerce avec
une certaine sûreté encore au III" siècle, où l"on voit sur des sareopha
ges Méléagre et Atalante (C. Robert, Ant. Sark. Bel, III, 2, n"" 23f>,
240, 258^, Diane et Hippoyte (Id., ib., 179'), Mars et Kliéa Silvia (Id., ih.
188 et 190), Achille et Penthésilée (Id., th., 92, 94, 95. 99), pourvus des
traits des morts. .Mais déjà, dans le fait de choisir pour cet usage indiffé-
remment des héros ou des dinux, se marque la décadence des antiques con-
oeptious. On ne tient plus (|u";i une chose: faire figurer les portraits des
défunts dans la scène sculptée sur le sarcophage. I,a déculfnce est com-
plète par ex. C. Robert, III, 2, nos igs et 179, où tous les personnages
sont confondus.
L'INTERROGATOIRE DE MAROARIT
Document inédit sur Benoit XIII (1410-1411)
ET SUPPLÉMEMT À l'InVENTAIRE DU FONDS DES NOTAIRES d'OraNGE
CONSERVÉ À LA BIBLIOTHÈQUE DU VATICAN
Il existe à l;i bililiotlièqiie et aux areliives du Vntifan des fonds
encore peu étudiés ou tout à fait ignorés, qui fouiniruient d'impor-
tantes sources :ï l'iiistoire de la Provence et du eonitat V'^enaissin.
L'un d'eux, surtout intéressant pour la ])rincipauté d'Orange aux
XlV^et XV siècles, est constitué par les registres des notaires de cette
ville, dont un répertoire a paru dans les Mélanges de l'Ecole fran-
çaise de Rome '. Ce fonds avait été transporté d'Orange au palais
d'Avignon pendant les guerres de religion, saus doute vers 1562,
pour être mis à l'abri des bandes du baron des Adi'ets;'" il fut
<lans la suite enrichi de quelques registres de notaires provenant
d'Avignon et du comtat.
Deux répertoires en furent dressés, l'un, malheureusement partiel,
en 1594, sous la légation du cardinal d'Aequaviva^, l'autre, inachevé
et sans date, écrit au moment de l'expédition des registres à Rome ^.
' A. de Boilaril, Le fonds des notaires d'Orange à lu hiblio'hètjne du
Vatican [391 numérosl, dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. XXX,
1910, pp. 209-256.
■' Voir la note de la fin du XVII" siècle publiée pai' de Boiiard, op.
cit., p. 210, note 1.
' Indice n. 146 (Arcliives du 'S'atican): Inde.c lihroritm manuscripto-
rum qui in archivio Palatii Avinionensis reperti sunt iempore legationis
m. et R. D. D. Octarii, cardinalis de Acguavira, anno Domini 1.594.
fol. 4-5", et fol. 150"-152. — Il ne signale qu'un seul registre de Pons
Simon (1429-1432) et aucim de Guillaume Simon, tous deux largement
représentés dans le fonds du Vatican et le répertoire de 1631.
* Archives du Vatican, Miscellanca, Arm. I, \ol. 175, fol. 115-152\
Les feuillets 149, 150 et 151'' sont en blanc.
Mélangea d'Arch. et d'Ilist. 1921-192-2. 18
268 i,'ixTi;i!i!ii(;.\T()ii(i: i>k .mah(;ai!It
Soi-to de liorrlcroaii iVcnvoi. il c^t iiifitiih'' sur le dernier feuillet:
« Nota de lihri de »(j(nri rlic /'urorio }i(jrl(ili ii Homn d'Aii-
gnone ».
On ifruorait jufçqu'ioi la date à laquelle cette seetion des ar-
chives palatines d'Avignon avait été transpoi-tée à Rome. Des en-
vois ])artiels eurent lieu sans arrêt depuis le XVF siècle jusqu'à
l'annexion du comtat Veuaissin, notamment sous les pontificats de
Pie IV, de Clément VIII et d'I'rbaiii VIII '. C'est à ce dernier
pape que l'on doit attribuer la venue au diâteau Saint-An^re dn
fonds ((ui nous occupe en ce moment.
Les habitants d'Orange ou du comtat Venaissin avaient fréquem-
ment besoin d'extraits des regisitres notariaux qui se trouvaient à
lîomc : ils devaient à cette occasion s'adresser à des fonctionnaires
des archives du cliâteau Saint-Ange. Par hasard, une de ces de-
mandes de recherches, émanée de la légation, et relative au collège
Saint-Martial d'Avignon-, permet de dater de ItiSl la iiotu de
lihri de noturi che fvrono porfiiii a Borna d'Arigiionc. L'expédi-
tion dut être l'œuvre de Gio. Battista Quaratesi, l'archiviste en-
voyé par Urbain VIII en lt)28 an palais d'Avignon, qui dès son
arrivée faisait un tri parmi les archives utiles à la cour romaine '.
' \'oii' Uachard, Les nrcliires du Vatican (IJnixelIcs, 1874), pp. 8-i;!.
- Fia le scritture portate d'Avignone l'anno 1631 vi sono li atti del
notaro Pietro Bassarelli [Le même sans lionte (pie Massarelli dont un
registre de 1454 (?i est mentionné dans la Noia de Hbri...\ che viveva
l'anno 137!1 a tempo di Clémente VIT. antipapa, successore in Avignone
di (iregorio XI"", regnando alloia in Ronia papa Uibaiio VI°. 11 s'' Bi-
saica e i)iegato di ceioaie si fia le scritture ed atti del d° notaro vi é
i|Malclie cosa aspettante al rettoiato di S. Martiale, ilell'oriline di S. Be-
niMÎctto cliiniaecns., e di esse pigliarne una nota, perche si sara neces-
.•-ario, si t'aiaimo copiaie per exteiiKum .. (Archives du Vatican, 3Iiscel-
latiea, Arm. I. vol. 170, fol. 171). — Ce registre est aujourd'hui perdu.
^ Lettre de Quaratesi au cardinal Fr. Barberini, légat d'Avignon.
!) sept. 1626. (Bibliothèque du Vatican, 5oW-m»i/ M//»/, 9747, fol. 188).—
Voir également une lettre de J. .M. Siiarés, évéque de \'aison, au car-
dinal C. Barberini {iiidei». ;!055: et 2059, fol. 22:i).
L INTERROGATOIRE DE MARGARIT 2bH
Les deux inventaires dressés en Avignon, malgré de grandes
inesactitudes de noms et de dates ', renferment des indications assez
précises pour que Ton ne puisse douter qu'ils concernaient le fonds
des notaires actuellement conservé à la Bibliothèque du Vatican ',
dont le répertoire présente 393 numéros. Tel qu"il existait avant
le transport à Rome, il était beaucoup plus riche; on s'en rend
compte facilement par les anciennes cotes que porte le dos de chacun
des registres. Il est d'ailleurs possible qu'il fût déjà incomplet eu
1631, vu l'état de désordre des archives palatines.
Parmi les registres perdus, il suffira de citer les Hecognitiones
hononim immobiliuni hahitatorum ciritatis Aracisensis (1500 et
1544) et les registres de Castellus Berengarii (1326-1328) indiqués
dans VIndke de 1594; les registres de Jacobus Episcopi et le Liher
causiiritm criminaliiim perjudices de 1481 de Nicolas de Bellaudio ^
signalés par le même Indice et par le répertoire de 1631 ; enfin les
nombreux registres dont fait mention ce dernier, parmi lesquels ceux
de Johannes Gardabatii de 1303-1304, de Bertrandus Berardi de
1340, 1390 et 1412, de Castellus Berengarii de 1354-1356, de Bi-
chen [Nicolas de Brelien] de 1405, de Guillaume Simon de 1408 et
1425, le ctitnsti-iim honorum civifutis Ardusicensis de 1409 etc....
On trouvera ci-dessons, sous les numéros 392 et 393, un in-
ventaire de MisceUnnea. récemment réunis au fonds des Atti no-
tariU di Orange conservé à la Bibliothèque du Vatican, et qu'a
bien voulu nous indiquer Mgr Le Grelle.
' Ainsi dans les dates de certains registres de Pons Simon (1428
us(iue ad WHO, et 1423 usque ad 1034^, et de Beraudus Gilii et Petnis
Trabalii (124f: nsque ad 1350), indiciués par la Xota rf* lihri...
- Par exemple: Ant. det^iinteno, 1406 (Inv.de 1594 et n" 392 du fonds) :
Guil. Boetii (Inv. de 1594 et nos 41-42); p. Simonis, 2 Nov. 1411-9 Mars 1412
et 141.8-15 (Inv. de 1631 et nos 288 et 290): .T. Gardatas, 1311 (ihidem et
n" 133), Curif epiitcopah's Araumcensis, 1460 et 1464 {ibidem et ii"» 359 et
360), Befiisiiiini in causa Nieiensi, 1357 {ibidem et n" 371) etc
^ Le nom du notaire n'est pas indiqué, dans le répertoire de 1631.
Il est orthographié, dans l'Indice de 1594. Bellundi.
270
I. IN'TEFJKOliATOlKK 1)K MAHGAUIT
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L INTERROGATOIRE DE MARGARIT
Parmi ces fragments, il est un csiliier écrit par le notaire Pierre
Jeun, sans doute aviguonuais ', dont le contenu sort de l'ordinaire
des actes notariés: l'interrogatoire d'un catalan, Esinanart Margarit,
au service de Pierre de Luna (Benoit XIII). Dans le style précis
de ces sortes de pièces, malgré une langue très barbare, cette dé-
position relative au siège du palais des Papes d'Avignon en 1410-
1-111, complète les renseignements fournis par la chronique de
Martin d'Alpartil et le chronicon jmrnim Ârhiionense de scbismate
et beJlo °. Elle éclaire l'activité des agents du pape d'Avignon.
Chargé par le chanoine Antoine Vincent, gouverneur pour Be-
noit XIII de la place-forte d'Oppède, de négocier des alliances utiles
;i la délivrance du Palais, Margarit quitta Opj^ède, le 5 Août 1410.
.\près dix mois de voyages et de pourparlers, il fut fuit prisonnier
pai' les troupes du roi de France à la traversée du Rhône, au début
du mois de juin 1411, et conduit à Tournon. Il y fit une première
déposition devant Gasconet, bailli du Yivarais: et, les 10 et 11 juin,
les notaires mandés en hâte à cet effet lui firent subir un interro-
gatoire plus détaillé, dont on trouvera ci-dessous le procès-verbal.
La torture arracha à Margarit des renseignements bien précieux;
mais ils ne lui valurent pas une grâce qu'il n'était pas coutume
' Les comptes de la trésorerie d'Avignon portent un ordre de paî-
ment, le 4 juillet, au nom de « Xerio Buzaffi, speciator, pro expensis per
ipsum faetis cuin magistro Petro lohanni, notario... pro examinando quem-
dam catalanum vocatum Margarit, et steterunt septem diebus • (Avignon,
Archives de la ville, EE 637, fol. 282^1.
* Chrouique en provençal allant de 1397 à 1416, publiée par le chev.
Carreri, d'après un ms. des archives du marquis Rangoni Machiavelli,
dans les Annales d'Avignon et du Comtat-Veitatsxin , 4* année, 1916
N.Valois en avait fait une reconstitution partielle (Extrait de l'^lHdKaî're
du BiiUetiii de la Société de l'Hittoire de Fiance, 190'2). Les clironi(iues
de P. de Arenis ou de Bertrand Boysset ne donne:it presque rien sur
l'époque du siège du Palais.
272 l.'lNTEItUDdATOinE I)K MAKGAUIT
d'accorder aux émissaires de Pierre de Luua. Avec l'autoriRation
royale, les Avi^noniiais prirent possession du prisonnier, et, le 24 août,
li; bâtard de Poitiers ' eut mission de le transférer de Tnurnon en
Avignon '•'. Le 21 septembre, il était décapité sur la jdace Saint-
Didier ', et sa tète et les quartiers de son corps, exposés aux jwrtes
de. la viUc sciviiiiit d'(\ciii|dc aux partisans de Benoit XIII. Pour
taire ce t'iiiiébre transport, les syndics n'avaient trouvé d'autre
a;^ent, ((u'un Juif, Léonet Pallier, exécuteur de basses besognes;
précédemment, il avait été cliargé de préparer deux cent cinquante
barils de fumier et d"ordures, destinés à être lancés sur les assiégés
«ad damiuni vexationeni » ■* !
L'exécution de Margarit sonna le glas de la défense catalane.
]je 80 septembre, la garnison signait une capitulation qui devait
avoir lieu d.ms Tespaie de cinquante jours, si des secours d'ici là
n'étaient jioint arrivés '. Le 22 novenilire, les catalans évacuaient
le pal.iis des Pajies (rAvignoii.
' Etienne, frèic de Philippe île Poitiers, chainbelian du roi.
- o Solvit Nntinus, tliesauraiins, Stéphane dicto bastanio de Pictavio,
pro expeusis per eum et doniinum Franciscum Alberassii, procuratoreui
et actorem civitatis Avinionis, cnin eoiuin societatc fiendis apml locuui
de Tunwne. ubi de pioxinio accessuri suiit ad liabendum et addnrendum
ad banc presentem civitatom queindam catlialanum voc-atuni Margarit
pênes dominum Gasconbtum, militem, baylivum Vivariensem extantein
captivuni scu prcsonerium, vz, flor, XX ». (Avignon, .\rchives de la ville.
Comptes de la guerre des ciittiTans, EE [sans numéro] fol. 227). Communi-
cation de M. P. Pansier).
^ « Solvit Nutinus Doininico Arenguerii, raercatore, factori pretlicti
Anthonii de Nardiiclio [mercatoris\ .ab iina parte flor. V per ipsum de nian-
dato douiinorum \xi»dicnrum\ sohitos dicto Muscailello, carnifici, pro exe-
qntione facta per eum in per.sonam cnjusdam catlialaiii ex inimicis, nun-
cupati Margarit, suis exliigentibus démentis decapitati die XXI niensis
Inijus. — Item plus ab alla parte pro removendo capud ipsius deffuncti
a platea S. Desiderii ubi deeapitatus extitit extra civitatem portando,
flor. !.. 2« sept. 1411 Ubùlem, fol. 232).
* Mandat du restant de la somme due \m\w les deux besognes.
1« mai 1412 [ibidem, fol. 2.06").
^ N. Valois, La France et le ijraiid schisme d'Orient, t. IV, p. 169.
L INTEltltOliATdlItE I>E MAROARIT
>[ar,i;;irit, en mourant, avait emporté les derniers espoirs d'un re-
tour de fortune. Krrant depuis le mois d'août 1410 sur les routes
de France, de Savoie et d'Ai-agon, après avoir reçu les promesses
les plus encoura.£reaiites, il avait vu la défection ou la lassitude
gagner les partisans de son maître.
Le pape d'Avignon avait quitté cette ville dès 1403: prisonnier
à son tonr dans l'état pontifical, qui au siècle précédent avait été le
refuge de la papauté. i)risonnière des factions à Rome, il avait dû
olierdier une lilierté vagabonde dans le royaume d'Aragon. 11 ne ces-
sait do proclamer, avec une confiance pleine d'orgueil et de dignité, les
droits sacrés qu'il avait reçus au conclave d'Avignon, et, refusant de
se démettre, voyait une partie de la chrétienté suivre son obédience.
Les Avignonnais, jouant de cet esprit d'indépendance où ils se
plaisaient d'être ;'i l'égird de leurs souverains, s'étaient déclarés
en 1410 pour le pape de Rome, Alexandre V, proclamé par le
concile de Pisi\ La mort rapide du nouveau pontife, et l'élection
de Jem XXIll (17 mai) n'amenèrent point une réconciliation entre
les deux fractions de l'église. Bien au conti-aire, lîenoit XIII avait
recommencé la guerre, et, des troupes étant arrivées de Catalogne,
son neveu Rodrigue de Luna s'était enfermé au début du mois de
mai derrière les hautes murailles du palais des Papes, pour conserver
au moins à sou maître un signe visible de domination. Ses soldats
s'étaient partagé la garde de quelques points de la ville ' et avaient
occupé la jilace forte d'Oppède ', dans le conitat.
' Entie autres la ^'il^e-GL■l•euce, la roche des Doms, le petit Palais
et la tour du pont Saiut-Benezet, qui n'allait pas tarder à ètie prise.
- Lé gouverneur en était le olianoine Antlioiuiis Viiicentii, déjà men-
tionné eu 1398 parmi les défenseurs du Palais, comme étant l'un des
magistri uxeiii. Son neveu Barthélémy sera otage à la reddition du
Palais en 1411 \R. P. Ehrlo, Martin de Alpartils chroidca aciiiarum tem-
poribiis Benedicti XIII, dans (Quelle» luid Fomchuiigen . .. herausgegehen
i-on der Guireggenelhclial'l, t. XII (1906), p. 59 et p. 564 1.
274 I.'lXTIJKUOflATOlRK I>K MAKOAKIT
Le projet des catalans était (l'atteiidre ; ils escomptaient un re-
virement (les Avi-^noniiais, et espéi'aient que, ^'râce à ries secours qui
ne pouvaient tarde)-, liemiit XIII )-entrerait dans la seconde Rome
revenue à son nliédience. Le mot d'ordre qu'avait re^-u Rodrigue
de Luna était de ne pas s'épuiser en escarmouches, mais de bien
;;aiiler le Palais. . .
La iiiissioii (le Marj^arit ('tait donc de ;;rande importance. Les
chroniques ne lions renseignent que sur la situation apparente des
adversaires et sur le résultat des opérations; l'interrogatoire de
cet obscur partisan de Pierre de Luna nous lait rntrevoir les n(-go-
ciations qu'il poursuivit inlassablement.
De nouveaux roncours étaient promis à Hiiinit XIII. Marg.irit
se rencontra près de Berne avec deux capitaines qui combattaient
alors contre les Sui.sses pour le compte d'Amédée VIII de Savoie,
le seigneur de Sallenôves ' et Guignes de Montliel. seigneur dT-n-
tremont '. Ils n'étaient point des inconnus dans le comtat Venaissin.
Le premier en juin 1410 avait fait un traité avec Rodrigue de
Luua, et le bmit courait parmi les Avignonnais (|ne « lo segnor
de Saranovo dévié intrar au dicli palays, et puys corre la villa,
et la mètre à saqueman » '. (^uant à (inigues de Montbcl, à la tête
de ses bandes, il .avait ravagé certaines iilaees du cnmtat en 1401 '.
' Guignes, seigneur de Sallen(')ves (arr. ilAiniecy. Hmite-Saroie), d'une
famille appaientée aux Viry. Au XVI^' siècle, la baionnie de Sallen(")ves
appartiendra aux Viry (^voir Bibliothèque Nationale, Nouveau d'IIozier,
vol. 335, ytilice yénéalogique d'ailleurs très inexacte^.
' Entreniont, arr. de Bonncville (Haute-Savoie). (înigues de Montbel,
fils de .Jean, (''tait en outre seigneur de Montellicr, de Gré-ey (voir C"^ de
Vorîys. Armoriai et iiubiliaire de Vdiirieii diuhe' de Sarair (îrcnoble. IPOO).
t. IV, p. 68".
^ Chroniei»! parrum Ariniuiiense de ncliismate et hello, Joe. cit., p. KH
(14 juin). Cfr. également Bibliotliè(|ue Nationale, latin 8.^75, fol. 268''.
* Jos. Fornéry, Histoire du comte' renai.'min et de la rille d' Acignon
éd. Duhamel (Avignon, 1909), t. I, p. 404.
L'INTERROGATOIRE DE MARGARIT 2(:)
A la suite des négoci<ations de Margarit, dès le mois d'octobre 1410,
il envoya quelques hommes d'armes daus la contrée ; leur présence
inquiéta les Aviynonnais qui deinandorent i)roteption au duc de Berry,
gouverneur du Languedoc '.
Un autre capitaine savoyard, un des grands condottieri de
l'époque, Amé de Virj' ", qui s'était distingué dans les armées bour-
guignonnes pendant la campagne de Liège ■', venait de rompre avec
le comte de Savoie :\ la suite d'une guerre malheureuse contre le
duc de Bourbon. 11 se proposait de descendre dans le comtat Ve-
naissin, et rien n'était plus à craindre pour les Avignonnais que l'ini-
mitié de celui qui avait répandu la terreur dans le Bourbonnais '.
Benoit XIII reyut même des offres d'un de ses anciens adversaires,
Randon, seigneur de Joyeuse '', nommé un an auparavant capitaine
dins le comtat Venaissin par le roi et le légat d'Avignon, cardinal
de Thury ", et qui pour des retards de paiment s'apprêtait k fran-
chir le Rhône. Enfin, depuis la mort de Louis II ', le nouveau duc
de Bourbon, .lean l", était amené par sa politique autibourgui-
gnonne, et par ressentiment contre le roi *, à se ranger sous l'obé-
dience du pape d'Avignon. 11 permettait libre passage dans ses
' Lettre du duc de Berry aux syndics d'Avignon leur annonçant
l'envoi de son sénécli.al d'Auvergne, 7 oct. [1410] (Avignon, Arcliivcs de
la ville, AA Si et EE 350).
- Viry, canton de .Saint Julien-en-Genevois {Haute-Sanoie}.
^ Cfr. J. L. (ïrillet. Dictionnaire historique des dép. du Mont-Blanc
et du Lànaii (1807), t. 111, p. 438.
* Voir sur cette guerre la Chronique du bon duc Loys de Bourbon
(Société de l'Histoire de France), pp. 292-302; et la Chronique d'En-
guerran de Monstreht (ibidem), t. Il, pp. 2 3.
^ Joyeuse, arr. de Largentière {Ardèche).
^ Le 22 mars 1410 il paraît avec ce titre (N. Valois, op. cit., t. IX.
pp. 161-162).
" Louis II mourut le 19 août 1410.
* Le roi confisqua en 1411 le Beaujolais, appartenant an duc de
Bourbon, et une partie du comté de Tonnerre, dont il donna le gouver-
nement au duc de Bourgogne.
276 i,'inti;ku(»«atoirk i>k maiuiarit
terres aux V>ande:4 du seigneur d'Eiitremont, et liieiitôt se vit ntlVir
par Pierre de Luiia le gouveniemciit de l'état pontifical '.
Plusieurs places du comtat, nous apprend é;^aleinent la déposi-
tion de Margarit, avaient promis d'uuvrir leurs porte»: les châte-
lains de Pout-de-Sorgue, de Cliâteauueuf-de-Gadague, d'Kntraigues
et de bien d'autres villes étaient prêts à recevoir les secours envoyés
au pape scliisinatique.
Ainsi 1(! |)rintenips de l'année 141 1 était inaniué de signes en-
Odurageants pour la diplomatie de Benoit XIII ; le comtat Venaissin
était menacé d'une guerre dévastatrice, qui serait peut-être favô-
ralile au pape d'Avignon.
Mais les catalans se heurtèrent à fnrte partie. Charles VI, de-
puis le concile de Pise, était décidé à mettre lin au schisme qui
était en voie de s'éterniser. Les ordres donnés à ses officiers et la part
plus active prise par les ducs de Berry et de Bourgogne encoura-
gèrent les Avignonnais. A prix d'argent ils obtinrent la défection des
condottieri et le concours de leurs voisins. Amé de Viry, que ses
querelles avec le duc de Bourbon rangeaient d'ailleurs dans le parti
bourguignon, disparut de la scène '. Le sire de Sallenôves, travaillé
depuis longtemps par le comte de Savoie '', et pressenti par Renier
' N. Valois, op. cit., t. IV, p. IGT.
^ Paîment effectué le i n)ai 1411 ^jar Nutinus, trésorier d'Avignon,
au notaire d'Orange, » prete.\tu salaril pro instruraenlis compromissi et
sententie nuper factis, habitis et celebralis iiiter dominos sindicos Avi-
nionis... et Ameueum de Vihiaco, et alios suos conipliccs pro parte do-
mini de Intermontibus, super nonnullis querelis et petilionibus quas ipse
doiiiinus de lutenuontibus faciebat et habere pretendebat contra civi-
tatem •. (Avignon, Archives de la ville. Comptes de layuerre des catalans,
EE [sans numéro], fol. 256. Communication de AI. 1'. Paiisier).
^ Voir les lettres du comte de Savoie aux syndics: Ki nov.. 1:.' dc'c.
1410 et 26 mars 1411; la réclamation d'une récompense par Jacques Garet,
secrétaire du comte, qui s'est entremis auprès des seigneurs d'Entreiuont
et de Sallenôves (de AiildiiorK) et n'a touché que douze florins, I.t nov.
1410 [ibidem, A A 34 >.
L INTERROGATOIRE DE MARGARIT 'J I (
Pot, gouverneur du Dauphiué, passa à la fin d'avril 1411 au ser-
vice du duc de Bourgogne; le gouverneur en récompense reçut de
la ville les témoignages les plus vifs de reconnaissance accompa-
gnés de cinq cents florins '. Quant au seigneur d'Entremont, égale-
ment circonvenu par le comte de Savoie ", il montra dés lors peu
d'empressement à tenir ses engagements.
Les secours d'ailleurs auraient été levés en vain. Le roi, ap-
prenant, disait-il, que « les seigneurs de Jouyeuse, d'Antreraont et
de Salenove, Jehan de Torckefelou, escuier, son frère Ferrebourt,
et aultres se sont efforciez et efforcent de mettre sus et assembler
gens d'armes tant de nostre royaume comme d'ailleurs, en enteuciou
d'aller lever le siège que ont tenu et fait tenir par l'espace de
XIIIl moys ou environ Nostre-Saiut-Père le Pappe et les lial)itans
de la ville d'Avignon devant le palais » enjoignait le 29 mai k
tous ses officiers de s'opposer par les armes à leurs incursions '.
11 donnait des ordres an sénéchal de Beaucaire pour la garde des
passes du Rhône, faisait surveiller celles de l'Isère et de la Du-
rance, et à la même date prescrivait (jue fussent payés immédia-
tement au seigneur de Joyeuse les gages qui lui étaient dus par
' Lettre des syndics à Renier Pot, 2 mai 141 1 : « A magnifie et puis-
sant seigneur, Mons. Eegnier Pot, chevalier, gouverneur du Dalphiné,
conseiller et chambellan du roy, nostre très cliier et reduuhté seigneur.
Très honoié et puissant sire, nous nous reecomandons humblement à la
vostre niagniticence. Si avons entendu pleinement et aperceu tant par le
noble Ardoyn de Launay, parent vostie, pourteur des présentes, (piant par
Mons. le Recteur et par Mous, le \'iguier de ceste présente cité la bonne
volante et affection et la bonne diligence qu'il vous ha pieu de mettre
et faire sur la provision des enneinix de ceste présent cité et de la
comté de Veneisse, c'est assavoir du seigneur d'Eîs'TUEMON.s et de Sel-
LENEUVE et des aultres leur complices, par la ipielle provision et par
vostre moyen leur venue et leur entreprinse c'est destournée ». (Avignon,
Archives de la ville, EE 3ôl).
' \'oir siijira, p. 276, note 3.
^ Lettre de Charles '^^l {ibidem, boite 39). Cfr. lettre de Raspondi,
aml)assadenr de la ville à Paris, en avisant les syndics (iT/h/^)», EE 351,
2, en italien).
278 I,'lNTERK(lflATI>IUK I>K MAUCARIT
le cardinal de Tliury, lé^^at sous Alexandre V, dussent-ils ôtre
payés sur la succession même du cardinal '.
Enfin, le 20 juin, il donnait pleins pouvoirs à riiili|)](e de
Poitiers pour diriger les opérations du siège '.
Eu face de pareilles mesures, Pierre de Luna ne pouvait rien.
Les quelques troupes fidMes qui avaient tenté de forcer le blocus
s'étaient fait battre : ainsi était il advenu à la passe de Malleniort ',
sur la Durance, de cent \ingt catalans dél)ar(iués k Bouc; et vers
le même temps, îi Caromb ■*, des vingt-cinq cavaliers que Guicliard
de la Tour, écuyer du seigneur de Sallenoves, amenait de Savoie,
et ([ui étaient tout ce que la corruption pratiquée par les ennemis
de Pierre de Luna n'avait pu détacher de son service. Pendant
ce temps, de la roche de Peniseola, où il avait trouvé un dernier
asile, le pape d'Avignon voyait le vide se faire autour de lui:
sans argeut, abandonné de ses cardinaux, il ne re])résentait plus
qu'un principe d'opposition A l'Eglise Romaine. Il ne pouvait ce-
pendant croire à la défection de ses condottieres, et disait encore
le 13 octobre, alors que la capitulation du palais des Papes était
signée, d'attendre, et que le duc de Hourbon allait sauver le siège
pontifical ''.
Fei{x.\xii Benoit.
' Lettre de Charles VI au sénéchal de Beaueaire tiliidem, boite 39,
n° 20). Le cardinal était mort à Saint-André de Villeneuve le 20 dé-
cembre (Chronicon parmim Avhiionense, loc. cii., p. IBS).
' Avignon, Archives de la ville, EE 35L 2, n" 1;3.
' Mallemort, arr. d'Arles, canton d'Eygnières (BoucheadH-Bhùnè). —
Lettre des syndics et élus de la guerre d'Avignon à un habit,int des
Martigues, 30 mai 1411 (Avignon. Archives de la ville, EE 351,2, n» 11).
Cfr. X. Valois, op. cit., t. I\', p. 166. Les catalans furent battus par Pierre
d'Acigné, sénéchal de Provence.
* Caromb, arr. de Carpentras {Vnucltise). X. Valois, np. cit., t. IV.
p. 166, note 3.
s N. Valois, op. cit., t. IV. p. 170, note 1 (Bulle de Benoît XIII datO.-
de Peniseola).
l'intekuogatoire de- maiïgarit 279
L'intt'i-rogatoire (le Margarit (Juin 1411). '
|M0 Juin].
I. Depositio j)rima fada per infrasrriptuni Març/arit roram
domifw bai/lirio de Vivaresio *, rommissario in loco de Tornono,
ahsentihus Kertio Buzaffi et Petrn Johannis notariis.
Quibiis peracti.s, dictiis doniinus baylivitis et coramissarius vo-
leiis scire juxta tenoreoi sue comiuissionis quis esset, et unde erat
idem Mai-garit Ksmaiiart, prisonerius. ipsnm interrogavit, niedio suo
corporali jnrameuto, unde erat, qui dixit quod ipse erat de Soba-
deil ', diocesis Barcellonie. Requisitus eum dicto juramento quid
faeiebat in présent! patria, qui disit quod ipse erat et fuerat in
venditione, sciiicet in rastri) d'Oppeda \ ad stipendia Pétri de Luiia '',
ubi stetit spatio septem mensium, et dixit verum fore quod ipse
dioessit a dicto loco d'Oppeda, de precepto domini Antlionii Vin-
centii, canonici et gubernatoris dicti loei d'Oppeda, in niense au- i) août 1410
gusti " proxime lapso, et accessit in comitatu Sabaudie ad domi-
nuni de Salanova et dominum d'Antreniout; et rcpperto in Sperna ",
proppe Beniam *, ul)i erat || iu stipendiis domini comitis Sabaudie,
in exercitu quem faeiebat idem dominus cornes contra illos de
Berna, ipsum dominum de Salanova requisivit quathinus atten-
dere vçllet pacta que fecerat cum domino Roddigiio. capitaneo pa-
latii Avinionensis ''. l,iui(iuidem dominus de Salanova sibi ijjsi lo-
' Cahier de 18 folios, papier. Atti iKjiarili di Oran(je, vol. 392, 1.
' Gasconet.
^ Sabadell, en Catalogne.
■' Oppède, arr. d'Apt, canton de Bnniiieux {Vauclusc).
5 Benoît XIII.
'' Voir infra S II.
' Spins ;?) près de Berne, district d'Aarberg (Suisse).
* Berne, en Suisse.
5 Voir supra l'Introduction. Le 14 .Iiiin 1410 le seigneur de Salle-
nôvea devait mettre la ville à sac.
2H0 I.'I.NTKKKDGATOIUK DF. MAKCAKIT
(liicnti ns|)riii(lit qii"(l f;ic<T('t lilieritt-r si liaborct ar;^entiini, m-i]
quia non liabdiat argontum non pnferat sil)i attciKlfi'e. VA sn])cr
hoc dictiis doniiiiiis de Salaiiova, lialiita supor hof dr-liberatione,
misit queiidam scntiffcruin. vocatiini (liiicliardiim <li- Tiirr»', cdmi-
tatus Saliandie. qui acorssit ad dictmii Petrnm de I>una, a Terra-
gona, ulii crat'. l't ijisc lo((u<-iis tiiiu- traiisivit pcr dictum lociim
d'Oppeda ad dictum domiuum Antlioniuin Vinccntii, si volebat quic-
quani scriberc dicto Petro de Luna. (|ui sihi dixit quod sic, et sibi tra-
didif dii.is littiras olausas, ijuas ipse loqueiis ]iortavit dicto Petro
de Luna. Et post. duni fuerint ipse loquens et dictus Gnicliardus
in presentia dicti Pétri de Luna, ip?e loquena dixit j] ' dicto Petro
de Luna quod dictus de Salanova Sue Sanctitati se recomendal'St
et sihi niittel)at dictum Guicbardum de Turre. qui Guicbardus ex
parte diiti doniini de Salanova dicto Petro de Luna dicere habebat
illa que sibi dixerat et oneraverat idem dominus de Salanova. Et
super hoc, idem Guicbardus dicto Petro de Luna dixit illa que
sibi dicere babuit. lîequisitus si fuit presens in verbis sibi dictis
dicto Petro de Luna, dixit quod non, sed hene verum est (|Uod
dictus Fetrus de Luna sibi dicto Guichardo deliberare fecit in Bar-
cellonia quatuor milia tlor. et super hoc idem Guicbardus dédit
cautiones honas et sutîicientes de restitucndo dicto Petro de Luna,
seu suis gentibus, dicta quatuor milia floren. casu quo non deser-
virent silii. Et hiis actis retrocesscrunt ad dictum dominum de Sa-
lanova, in Sabaudia, cui idem Guicbardus dixit quod habuerat a
dicto Petro de Luna IlIT' mili.i tlor.: et tune idem domiiius de
Salanova fuit coutentus de hoc, et super hoc liene scit quod dictus
dominus de Salanova fecit totum qnod potuit de veniendo || in
' Le pape était airivé à Tarragone en juin: il ipiitta cette ville
pour Sarago.sse le 5 novembre. I/entreviie eut donc lieu avant cette date
(H. Denitle, Chronique de P. de Arenis. Archn- fiir l.itterntur tind Kiiclieir
genchichte defi Mitielullers. t. III 1 18.S7\ p. HiS]. On trouvera un récit dé-
taillé de l'entrevue iiif'ra au S II.
l'iXTERROUATOIRB de MAROARIT 28t'
coiiiit.-itii Vciijiyssini fiuii diotis cei'tis geiitiliiis :u-mnrum, sed uon
potuit. caus.im scientie rcdfleiis, qni:i vidit ft<\...
10 Juin 1411.
II. Seqiiitur (Irjiosifio facfn per (liifiim Mui-guritum in jire-
sentia dicti domini haiilivil. présente ibidem Xeryo Buzuffi. in qna
srripsit Peints Johaiinis notarius mandata prefati domini hai/liri.
Aiino Domini millesimo quateiTeutesinio iiiulecimo, et die dé-
cima meiisis juuii, coustitutus preffatus Margarit coiam dicto do-
mino liaylivo, commissario auctoritate regia deputato, qui juravit
super sancta Dei euvaugelia, per eum corporaliter libre tacto, di-
cere, respondere, et testifficare veritatem, et perlecta eidem in vul-
gari prescripta depositione in dicto loco de Tornono ', et coram
eodem domino baylivo facta, ipse Margaritus integraliter in eadem
persévéra vit.
Item, ulterius ibidem extitit ipse Jlargaritus [j ' interrogatus si
ipse Margaritus ipsi domini (sic) liaylivio omnimodam dixit seu
confessus fuit veritatem, dixit quod sic, de iiiis de quibus extitit
interrogatus,
Item, ulteri\is interrogatus quando exivit locum d'Oppeda dixit 5 août 1410
quod die quiutu mensis augusti, vcl circa, preteriti.
Item, ulterius interrogatus dictus Margaritus si tune exivit solus
aut associatus, dixit quod tune recessit sibi àssociato uuo homine
loci predicti d'Oppeda, vocato Alziario Fermandi dicti loci.
Item, ulterius interrogatus dictus Margaritus cujus mandato
exivit, uec (sir) quo ivit cum eo ipse AIziarius, dixit quod maudato
domini Antlionii Vincentii. in sua alia depositione norainati.
Item, ulterius interrogatus dictus Margaritus cujus status erat
ipse Alziaiius, dixit quod est satis juvenis liomo, et est homo ru-
sticus, sive aft'avator.
' Touinon [Ardèche).
282 i,"inteiîro(;ati)1rk dk MAHt;AHiT
Item, ulteriiis interrogatua dietus Margaritus quo iverunt iiisimiil,
ilixit quod uwqHe iji lorum dp Payorna ' pf fiducialiter se liabendo
nnns servando aliiim.
Item, ulterius interrogatns dietus Margarit si iverunt ])ede.stri
vel II equestri, respondit et dixit quod pedestri.
Item, nltpriu>< iIlte|•rogatu^^ dietus Margarit si eo tune dietus
Antlioiiius dédit eisdem argentum pro eorum sumptibus, dixit quod
sic, scilieet unum scutum in auro et unum Horenum in aiiro.
Interrogatns ulterius dietus Margarit quani viam teniiernnt ten-
dendo iter pei- comitatnm Venayssini, dixit quod prima die iverunt
eirea loeuin de (!(inla. et versus loenm de Paternis, et deinde vereus
lociini de Carpentorate, et deinde versus loenm de Carunbo, non
intrantibus loea ipsa, et inde versus Auraycam ", ubi etiam non intra-
runt, et inde subsequenter secpiti fiierunt eorum iter quousqne fne-
rnnt in dicto loeo de Payernii.
Item, ulterius interrogatus dietus Margaritus si medin tempore,
potins qnam exiverunt comitatum predictum, fuit loeutns eum aliquo
in aliquo loeo dieti eomitatus, dixit quod non, née de die. née de
nocte.
Item, ulterius interrogatns si, dum fuit in dictis partibns Sa-
baudie, fuit loeutns enm dieto domino de Salanova | ■* et domino
d"Antrenions, dixit quiul sie.
Item, ulterius interrogatns dietus Margaritus in quo loeo loeutns
fuit cum dominis de Salanova et d'Antremons, dixit quod in loeo
de Payerna predicto. ubi fuit loeutns cum dictis dominis de Sala-
nova et d'Antremons; et eo tnne ipse Alziarius reddiit versus loeum
])iTdietum d'Oppeda. ipso loqnente tune iliidem diniisso.
Item, ulterius interrogatns dietus Margaritus qnid eo tune ipse
loquens dietis dominis de Salanova et d'Antremons [dixif], dixit
' Payerne, canton de Vaud (Suisse).
' Gordes, Penic.«, Cai-pentras, Caromb et Orange {Vaiicluse).
l/lNTERROGATOIltE DE MAUGAItlT 283
qiiod prout iii ali;i sua depositioiie ' facta coram dirto domino baj'-
livin fontinetur.
Item, iilterius interrogatus dictas Margarit si ipse dominus de
Salaiiova scripsit dicto domino Anthonio, dixit quod sic, scilicet
quod Mai'garitiis predictiis latins eideni domino Anthonio deberet
scribei-e ab omnibus, et eo tune ipse Margaritiis latins sibi per
dictum Alziarinm dicto domino Autlionio scripsit.
Item, nlterins inteiTogatus dictns Margaritus quantum tempus
stetit ipse Margarit loquens in partibus illis, dixit quod per quinque
septimanas, et hoc || in Payerna ', Gebenna ^ et (de) Salanova ^,
ubi ciintinne procuravit quod ipse dominus de Salanova in partibus
Avinionis et coraitatus Vena3'ssini veniret cum gentibus armoruni
quos ducere dehebat.
Item, ulterius interrogatns dictus Margaritus quod in numéro
gentium duccre debebat in partiVius Avinionis et comitatus Venays-
sini, dixil qnnd cum ipse dominus de Salanova, quam dominus
d'Aiitremons, qui simul fecerant liguam, numéro XII'' equorum.
Item, ulterius interrogatus dictus Margaritus si tnuf temporis
erat Ouichardns de Turre cum ipsis dominis de Salanova et quidam
(sir) alio pro jiarte domini d'Antremons, vocato Cotcyart, quia ipse
dominus d'Antremons non poterat interesse, fuit ipse Guicliardus cum
eisdem ubi fecerunt eorum tractatum ; et, ipso loquente présente,
dixit ipse dominus de Salanova quod non poterant habere gentes,
neque possent, nisi mediantilius peccuniis. VA eo tune ipse loquens
respondit sibi domino de Salanova quod, licet ipse dominus de Sala-
nova haliuisset tria milia flor., nichil pro dicto ejus niagistro || ^ fece-
rat, sed si daret niagistro suo Petro de Luna bonos fidejussores, ipse
ab eodem haberet.
' Voir supra S I-
' Payerne, canton de A'aud (Suisse).
' Genève.
* Sallenôves. canton d'Annecy (Hinitc Savoie).
Mélaiifies d'Arch. r> d'IIiif. 19-21-lÇi->2. 19
284 l.'lNTKKUlICATIllHK DK MAHfiAItlT
Item, iilteriiis interrogatus dictiis Mar^aritus si tune obtiilerimt
dari fidojiissorcs, dixit quod sic, soiliret Antlionium Morrey de Say-
ccllo, (|iiiMii !]).■;(> <iiiicli;n-dus scfuiii diixit \cisiis |)artcs Catlialoiiie,
in quibiis partiljus ipsi- Ouicliardus ivit al( iina parte sine ipso lo-
quente, et ipse loqiieiis ab alia, et 8o siniiil reperiermit in loco de
Pei'pinhiaco '. It(3ui, ulterius interrogatus dictiis Margaritus loquens
si ipse dominns de Salanova aliquid sibi dicto loqnenti dédit. p<i-
tius (|uani rcccclcrct. dixit quod sic, niiiini equm valoris XI! tior..
iiiinni jiai' stivalloriini, IIII"' tior. in nidiieta Sabaudic
Item, dirit idem MargaritiK (jiind tiinc fuit faeiendo itei- simni
et yens versus Ilnpjicdani, diiiii fuit in loen de (iratianupoli • in
hostaleria Boris, reperiit quenidam Petrnm Oriselli, qui pro parte
dieti doniini de Salauova versus ipsnm loquentem veniebat. eum
quo simnl ivernnt usque in loeum d'0]>peda predietura. Item, ulte-
rius interrogatus dietus Margaritus I! l()(|uens ad quid ipse domi-
nns de Salanovn mandaliat ipsuni Petrum Tlriselii cum eodem in
dietum loeum, dixit quod adeo ut ipse loqueretnr eum domino An-
tlionio Vineentii, ut sibi dicto domino de Salunova mandaret qua-
tuor vel V"^ Ûciv., ut in iina littera per ipsuni tune sibi pro parte
ipsius domiiii de Salanova per ipsum Petrum portata latins conti-
nebatur, et bue i)r" iialjondo geutes armorum in partibus Lombar-
die. Va tune ipse dominas Antbonius si')i domino de Salanova per
dietum Petrum portari feeit IP seuta, et post, facta per ipsum lo-
quentem relatioue ipsi domino Antlmnio de omnibus |)cr ipsum
loquentem per antliea'mi in illis partilms faetis, ijise bi(|uens stetit
ibidem per duaa noetes et per nnam diem.
Item, ulterius interrogatus dietus lo(|uens Margaritus si scit quod
ipse dominns de Salanova proeuraverit habere gentes armorum de
partibus illis, dixit quod neseit, q\ioniam niejiil adliue feeit.
' Perpignan (Pjiréiiées-(hientules).
- Grenoble (Isère).
l'interrogatoire de margarit 2S5
Item, ulterius hiterrogatiis dictus Margarittis 8i ivit post || ''' hoc
versus niagistrum suiim Petriim de Luua, dixit quod sic, et quod
eo tune idem Aiithouios sibi loquenti tradidit duas litteras clausas
ipsi Petro de Luua magistro suo portandas et tradeudas.
Item, ulteriu-; interrogatus dictus Margaritus quid eontinebatur
iu illis, dixit se nescire.
Item, ulteriui^ interrogatus dictus Margaritus loquens per quam
viam ivit ipse loquens dura reecssit, dixit quod ipse loqueus equester
cum une parvo pedite simul trausiveruut per porti/m de Malamorte ' ,
et inde iverunt u^que iu iusula Martici *. Et, dum ibidem fuit ipse
loquens, tradidit dietum equm dicte famulo, causa reverteudi et re
deundi ipsura in loto predicto de Oppeda, et ipse intravit mare iu
uua barca cujusdam Pétri, de ejus cognoraine dixit se non recor-
dare, super qua ivit usque prope Agatham ^, et ibidem locavit
unam raulam, quam equitavit usque in locum de Bitterris \ ubi
émit uiuun rousinuni pretio quinque francorura, cum quo ivit usque
in Perpinhiauo ', et ipso ibidem tune in dicto loco, et in bostaleriam
Eqiii Aibi applieato, stetit circa duas || dies in dicte loco et hosta-
leria, potius quam ipse Guichardus ibidem applicaret. Sed tune lapsis
dictis duobus diebus, ipse applicuit cum dicto tidejussore supradicto,
euntes eques (s/<), et cum unô famulo, quein cum eis ducebaut, et . ■
in crastiuum simul iverunt quousque fuerunt in Terragoua ". 5 uov. 1410
Et ibidem magistro ipsius loquentis Petro de Luua ipse loquens
fecit relationem suam de gestis per eura in partibus Sabaudie pre-
dictis, et litteras quas portabat eidem tradidit, et inde dixit dicto
magistro suo quod quidam Guichardus de Turre ibidem erat, seu
cum eodeni applicuerat, et qui cum eodem applicuerat qui cum
' Malleniort, sur la Duiance, arr. d'Arles i Bouches-du-Bhône).
- Martigues (Bouches-du-Bhône).
^ Agde (Hérault).
* Béziers l'Hérault).
^ Perpignan (Pyrénées-Orientales).
'• Sur la date de l'entrevue de Tarragone voir supra, p. 280, note.
286 L'INTEKUIIOATOIKK DE MAKIiAHlT
eodem loqui volebat. VA tune ipse ejus miigister Petnis de Luna
sibi lo(iU(;nti primo dixit, si ipse loqiiens sciebat nova de palatio;
qui iii(|iuMis tiiiu: eepit dieei'f qiiod sic: seilieet, quod ipse doininiis
Antlioniiis silii Irxiiieiiti dieerat quod palatium Avinionis miiiabatiir
fortitci-, rt tuiic ipse cjus ma^ister oepit reddere. Et ulterins in-
terroKavit ii)suni biqucutcni (juid faeiel)at ipse dominiis Antlionius
Vinceiitii, ([ui biqucus dixit j| " quod bene, et qnod recomendabat se
eidem et Suc Sanotitati. Kt ulterins dixit eidcni Petro de Lima
quod dominus de Salanova et d'Antremous se eidem reeomeudabaiit,
et quod multuni affeetabaut sibi servire, sed nieliil jioterant facere
sine ])eceuuiis, et. prout prcdixerat, inandaliant (iuiidiardo de la
Tour predietuni pro habendis IIH" tloren., et qui secum dueebat
unum niereatorem, qui mercator daret in Barchinonia fidejussorem
in eisum restituendi. Ju quciii ipsi inf'ra ecrtiini tcniiius minime
servirent, seilieet nsque in frstum Paselie tune t'uturum ', de resti-
tuendd (lieta (juatuor niilia floren., et qnod ipse Guieliardus de
Turre, qui ibidem erat, latins eidem explicaret. Tune vcro ipse
roagister suus Petrns de I^una dixit et jussit quod iiisc finieliardus
eorani ij)s() veniret, quiiil l'actuni fuit: et eo tune ipse (iniehardns
sibi dicto Petro de Lnna presentavit et porrexit unam litteram
credentie, quam vidit et legit, et, qua visa sive leeta, fuerunt loquti
ad invicem sine || ipso loquente.
Item, ulterins interrogatns dietus Marg.uitus loqnens (piid eidem
dixit, dixit (|nod crédit (juod fuerant loeuti de materia et traetatu
snpradieto.
Item, ulteiMUS interniijatns qnid inde fVcerunt siiniil de (jremissis,
dixit quod ipse magister suus Petnis de Luna jussit et voluit dicta
quatuor milia Horen. aiiri per (^nillelniuni de FeiKillieto ' ibidem
expedienda.
' 12 avril 1411.
- Guillaume de Fenouillet servit d'intermédiaire entre Benoît XIII et
ses partisans de Provence. Peu auparavant, il avait remis de la part de
l'interrogatoire de mXrgarit 287
Item, ulterius interrogatus per quem modiim fuit expetlitiis,
dixit ([iiod dictas Anthoiiiiis Morrey de Saycello, qui cum dicta
Guicli.irdip, ut premittitur, iverat, rogavit Nicolaum Carrerie de
Gebeuna, ibidem in Barchinonia tenentera mercaturas, ut vellet pro
eodem per modum carabii respoiidere pro II II" tlov. predictis infra
cortum terminum tradendis in Geltenua. qui Xicolaus lioc consentiit
faccre in coralho : et iu pignore erga ipsiim Guillermum de Fe-
nolheto ipsuui coralhiuni dimisit, et tune ipse Gn'ûlelmus de Fe-
uolheto se obtulit ipsi Authonio et Nicliolao tradere in peccunia
sumraam dictorum quatuor milia (sic) floren.
Item, ulteriu? interrogatus dictas ilargaritus si tune ipsi Anthonius
et Nicolaus habueruntseu reeeperunt dicta IIII*' (| * Hor. dixit quod An-
thonius Morrey habuit tune mille flor., et ipse Nicolaus IX'^^ libras dicte
moiiete Barchinonis, valentes mille scnta. Et ulterius dixerunt inter se,
ipsi Anthonius et Nicolaus, minime se récépissé de dictis IIIP' flor.
Item, ulterius interrogatus dictus Margaritus si ipse Anthonius
dictos mille flor. auri expe(njdivit dictis dominis de Salanova et
d'Antremons, dixit quod sic, scilicet sexcentos dicto domino de Sa-
lanova et IIII"' eeutos dicto domino d'Antremons, et hoc in pre-
sentia fratris Michaelis, preceptoris de Calateus, de Velha '. Item,
ulterius interrogatus si ipse Nicolaus Chaj'riera expedivit seu tra-
didit dicta mile scnta, dixit quod non, sed illa reddidit seu resti-
tuit, sicut a dicto Anthonio Morrey dici audivit.
l'évèque de Barcelone 40 florins à l'cvêque de Vaison, G. de Pesserat,
0. P. (Voir lettre de remereîments de levêque de Vaison à l'évèque de
Barcelone, 19 mai 1410, Puig y Puig, Pedro de Lima, ûUimo paj)a de
Aviîiihi. Barcelona, 1920, iD-4°. p. 533),
' Sans doute le commandeur de Calatayud, de l'ordre des Hospi-
taliers de Saint-Jean de Jérusalem, originaire de la ville de Vêla (située
à l'Ouest de Ualatayud, prov. de Soria), Rodrigue de Luna était lui-même
commandeur de l'ordre, auprès duquel il trouva quelque appui; un frère
de Tordre, Bardachin, qui était à son service, fut capturé par les Avi-
gnonnais.
288 l.'lNTERUOGATOlItE l)K MAKGARIT
Item, interrog.ituH dii-tiis Mar^'aritus (|iiarc ergo ipse Nicolaus
dicta mile Hcuta non tradidit dictis domino de Salanova et d'Aii-
tremons, dixit qiiod ex eo, quia cum t'uerunt in Oebenna, siciid
ipse loquens dici audivit, ipse Xicolaus Chareyria et Aiitlionins
Morrey cum ipsis || contL'nipdcliaiit, co (piia duliifaliant jn-optcrfa non
facereut illud servitium. quod t'acerc convi'niraiit, et qiind non dc-
derunt eautionem mercatorum sive pcrsonarum ydonearum, et di-
xeruiit 'i\m Antiioniua et Nieolaus quod non eisdem (kliberareut
eisdem illa mille sciita, siriid dici audivit a dirto Antliouio: icversus
fuit ipsi (iuillclmeto de Fenolheto, ut re vera ymaginatur ipse loquens.
Item, ulterius interrogatus si tune temporis erat iu partions
illis Sabaudie ipse Margaritus, dixit quod sic, et quod tune tem-
poris infirmabatur ipse loquens propter tibiam unam. Et nicliil pro-
tune fuit confessus, uec per eonsequens exaiiiinatiM.
11 Juin 1 111.
III. De iimne itndecirna intitulata mensis junii, fidl nUerins
(lir/iis Jlniriaritus interrogatus qnid inde fuit subseii>ilni)i. Dixit
février 1411 quod tractu temporis, scilicet quin(iue septiraauarum, ipsi domini
de Salanova et d'Antremons simul in loco de Yerna ' loeuti fue-
runt. Il " ipso loquente absente, et coucordaruut quod mandarent pro
quodam capitaueo gentium armoruni, qui liul)el)at Xll^ equos, vocato
Ferrabot ", oui scripseruut, et inde ipse Ferrabot iu loco Fontis
Bellivicini ^, ubi ipse dominus d'Antremons venit locutuui cura eo,
et simul coiicord.ivcnnit ([uod iret in l<i('o de Beleys % ubi crat do-
' Yeune, air. de CliambiMy {Sanoie).
' Fenabot ou Fenebourt, capitaine dauphiiiois, frère de Jean de Tor-
chefelon (Avignon, Archives de la ville, EK 637, f. 277; cfr. lettre de
Oiarles VI du 29 mai 1411, citée p. 277, Archives de la ville, boite 39).
Les deux frères sont désignés par Charles VI parmi les capitaines qui au
printenq)S de 1411 rassendjiaient des troupes pour la levée du siège
d'Avignon.
' Pont-de-Beauvoisin. arr. dr CJKiinlic'ry [Sarnir).
< Bellcy {.iiii).
l'interrogatoire de marc.arit 289
minus predictiis de Salaiiov.i, et ex eo ut simul pussent eolloquinm
liabere et ibidem siniul uiia etiani cuni ipso loquente. Ibidem fuerunt
loeuti ad invieem, et conconlaverunt ipsi doniinus de Salaiiova et
d'Aiitrenions ((uod sibi dicto Ferrabut dare[HJt sexeentum (sic) tior.,
in diniinutione stipeudiornm ejusdem, scilicet ipse doniinus de Sala-
nova ducentum(s/(") tlor. et ipse doniinus d'Antremons quatuorceutîOH.
Et tertia die sequenti iverunt in loco Sancti Dionisii ', qui est dicti
domini de Salanova, ubi liubuit a dieto domino d'Antremons du-
centioH rtor. in pecuiiia sabaiidiensi, et alios ducentum in corseriis,
et Inde ibidem liaberet ab ipso doniimo de Sala || nova quatuoi-
tacias et uiinm peytral argeuti iii deductione dictornm ducentum
tloren. per ipsuni, ut preraittitur, premissorum pro nouaginta quinque
tior.: et residuura nsqne supplemeutum dictorum dneentorum tioren.
debebat sibi solvere in octava die martii sequenti, ubi debebat ipse
doniinus d'Antremons cum dieto Ferrabot. per terrain domini de
Bur'ion/o ', favore ipsius domini d'Antremons, transitiim ipsorum
t'acere; et ibidem debebant transire inter Villamfrancani ' et la
mayson blanra*, et ijisos ibidem, qui dicto transitu ipse dominus
d'Antremons illos debebat recipere, et Itacnlum capitaneatus ipsorum
sumere. Qua die adveiiiente, ipse Ferrabot fuit et ibidem applicuit
cum gentibus suis, sed eo tnnc ipse dominus d'Antremons non ibidem
venit, sed in dicta dieta deflfecit. Et ulterius ipse 'Ferrabot, videns
quod idem dominus d'Antremons non veniebat, se redduxit circa ab-
batum (sic) de Cluliiaeo "j sed ibidem non niultum stetit, quia ba-
stardus de Bourbon/o " qui contra ipsum diseurreret |j "' voluit, et
propterea reeessit ab illo loco, nescit tanien quo ivit.
' Saint-Denis-le-Cliosson, canton d'Ambin-ieu (Ain).
' Jean de Bouibon, comte de Clermont ,t 1433).
^ Villefraiiche-sui-Saône (lihône).
* La Maison-Blanche, cant. de Trévoux, en*- de Pareicux (Ain).
^ Cluny. arr. de Mâcon (Saône-et-Loire).
"^ Hector de Bourbon, fieie du duc Jean, ciéi' chevalier en 1409 et
tué au siège de Soissons en 1414.
290 I,"1NTKUI<0(1AT(IIRK I)K MAKIiAUlT
Item, iilterius iiiterrogîitus dictus Mui-garitiis qua de causa non
fuit iii dicta dicta doiiiiMus d'Aiitrciniiiis ouiii dicto Fcrraliot coii-
V(!iita, dixit quod ex eu quia ipse lo(|ii(iis dici midivit (piod ipsc do-
iiiinus d'Aiitrciiious prociiral)at liabere argeiituiii in loeo de (Jhani-
l)ayriiiii '. Interrogatus in ((no loco erat pro tiiiie ipse loqiiens, dixit
(|ii{»d in locd Sancti Dyonisii ciiiii dicto domino de Salanova. ul)i
expectabaut ((uoil i]isc dniMinus d'Aiitrcnioiis cuni aliis tiansitun;
fecissent, et i|iiod dum fiiissiMit in S.iliaiidia se iiosnlsscnt cuni eis,
et percepto quod ipse domiuus d'Antrenioii.s detKcerat in dicta dicta,
et per consequens ipse Ferraliot recedebat, quia doniinus predi-
ctum (sic) d'Antreiiions venerat ibidem in dicto loco Sancti Kyonisii,
et fiierat lociitus cuni ipso domino de Salauova et ipso lo(iuente
super predictis. Ijjse dominus d'Antremons, post plura et divcrsa
vcrVia inter se babita, eiinitavit et sihi arriimit iter \ ersus bjcuni
(b' Villa Fraiica, sed potins ([uani iliidcni cssct, et cxistens eirca
lociiin de lîonig', ipse || dominii-; (rAiitreinons niandavit duos bo-
ulines, équités suos, voeatos Fraiicisquuin et Vingaudum. portantes
unam litterain ipsi Ferrabot quod rediret ; et qui ipsum Ferrabot
reperiei'Uiit per quatuordecini Icncas ultra dictani alibatiani Cluliia-
censem. Qui Ferabot responsnni sibi feeit, qnod ipse non defTicerat
iu sua dieta, et quod culpa ipsius domini d'Antremons fuerat quia
recesserat, et qund iniantiim in codcm crat non reddiret, nisi liabcret
solutionem unius nunsis. F,t lialiita dicta responcione, ipse dominus
d'Antremons reddiit in dicto loco Sancti Dionisii, ubi ciini dicto do-
mino de Salanova, et eodeni lixincnte iliidein existcnte, fueruiit sininl
de dicta niateria locuti.
Quil>ns peractis, tune idem (b)niiMUs d'Antremons et dominus de
S.ilanova concorda\ criint (|Uod siuiiil cer:a die repei'irent se in loco
' Cliauibéry (Snroie].
^ Bognens, lianiean de la commune d'Andert-Coiidoii, sur la rivière
Furans, à environ 2 kil. N. O. de BcUey {Ain).
l/lXTERROGATOlUE DE MARGARIT 291
voeato (le Vymier ', qui est cnjusdam abbatis, (|ui est de parentela
dicti domini d'Antremons, in qua dieta fuerunt, et ipse loquens. Ubi
t'iiermit coiRurdes quod ipse domintis de Salanova iret locutuni cuin
.lohanue d'Aix, et Johanne Guioraardi, et aliis eapitaneis et soeiis,
cum quibus fuit locutus; || " et cura eis convenit quod, completo ser-
vieio per eos pi'omisso comiti de Tonaii *, ipsi libenter cum eodeui
venirent ad diseurrendum eontra comitatum Venayssiuum et civi-
tateni Aviiiioiiis. Et eo tune quidam Quilmetus, capitaneus, et quidam
Yvonetus de Nuce sibi dicto domino de Salanova convenerunt et
promiserunt venire, eo quia societas dieti comitis de Toruaii '" non
lisdem placebat. Et subito dieti omnes eapitauey, qui erant nu-
méro XXII capitaneorum, cepenint ire versus dominum eomitem de
ïonerre ', existentem in loco predioto de Villa Franca,et ipse dominus
de Salanova ivit et reddiit in dicto loco Vimerii, ubi per presens
ipse dominus de Salanova ipsum dominum d'Antremons fef] ipsum
loqueutem dim;sera(u)t. Et tune ipsi Yvonetus et Quilmotus se de
societate predictoriim, qui iverant in dicto loco de Yilla Franca,
dicesserunt, et reversi fuerunt ante dictura locum de Yimier, et erant
numéro novemcentum equi vel circa, ubi fiiin dictis dominis de Sala-
nova et d'Antremons convenerunt, scilicet quod quilibet lionio armo-
rum habens très equos haberet pro mense quindecim Hor,. || et capita-
neus pro qualibet lancea liabere deberet unum florenum pro suo statu.
Et convento per hune modum inter eos, in crastinum transive-
runt Sonam, circa locum predictum de Vimier ', et iverunt in terra
' Vimy. aujoid'hui Neuville-sur Saône, arv. de Lyon (Bhône). Appar-
tenait à l'alibaye de l'Ile-Barbe, dont l'abbé était alors Aynard de Cordon
« gentilhomme de bon lieu, voisin et amy du seigneur d'Entremons ^
Le Laboureur, Le maziire,? de Vahhai/e royale de rile-Barhe-les-Li/oii
(Paris. 1681), p. 217).
' Le Comte de Tonnerre, Louis II de Châlon. li était alors en fort
mauvais ternies avec le roi et le duc de Bourgogne (Voir supra Intro-
duction).
^ Neuvillc-sur-Saône (l-tlninc).
292 l'iNTERROGATOIKK DK MAIUiARIT
S.ih.indi»:, et in die festivitatis Fiische fuerimt iii rippa Rudani intiT
1-2 aviil 1411 lociiin <U' Moiitelrolt ' et de Lugduno ', aden ut transirent si pas-
sent, et, ipse loquens nna cum eis sein])er, non putueruiit transire
propter deffeetum navigioruni.
Item, nlterius interrogatus si fecerat tieri navigia jjer antliea,
dixit ((iiod sic in loeo de Sayeello ', sed fnerunt capta per gentes
Dalpiiinatus, et, (|uia non potuerunt esse dicte liarque in dicta die,
non potuerunt venire ad ipsoruni optatum trausseunda.
Item, nlterius iiitirrogatus dirtus Margaritus, qiio uomine vo-
caliatur magister ([ui dictas liarquas fecit ia Sayeello, dixit se
ncscire.
Item, ulterius interrogatus dictus Margarit si idem loquens pro
faeiendo lieii dictas barcas mandavit domino Anthonio pro peccuniis,
dixit quod sic, et mandavit et scripsit dicto domino Anthonio ., '" per
Hernardum, t'amulum Hernini de Mortiers, quod sibi maudaret du-
eentum tlor., aut quod ipse dominus Antlionius scriberet uuam lit-
tei'am securitatis, (|uoniam (iuicliardus de la Tour iUos mutuaret.
Et ipse dominus Autiionius scripsit unam litteram, quam portavit
ipse Bernardus ipsi Guicliardo, pro dictis ducentis llor. tradeud/s,
qui Guichardus \ visa dicta litteras paratum se obtulit ipsos IF'
tloren. rautuare, et inde illos mutuavit, de qnibus recepit ipse lo-
quens XLI tlor. et dictus dominus de Salanova nonaginta duos Hor.,
et residuum fuit solutura pro dictis duabus barquis.
Item, ulterius interrogatus ([uid inde fecerunt dictus dominus de
Salanova et ipse loquens cum aliis supradictis capitaueis etgentibus.
ex eo quia non poterant eorum transitum facere seu habere, dixit
quod tune venit ibidem ergo {sic) ipsos dominus Andréas de Ve-
' I,ieu inconnu.
- Lyon (Uhone).
'" Seyssel, sui- le UluMie, liauuau du canton de Lluiis. air. de Belley
UMn).
* Guichard de la Tour fut fait ]iiisouMicr \w\\ après en avril à Ca-
rouib (V''i"cbise).
l'iXTERROUATOIRE de MAIIGARIT 293
liuo ', miles, qui sibi dicto domino de Salanova dixit quid volebat
ipse dominus de Salanova, quoniam non poterat sine periculo tran-
sire, qnoniam si transivisset ipse esset invasus et debellatus, et quid
fac-ei'e intendebat ; |j non erat in terra de Sabaudia, de quo eidem
poterat prossequi unum magnum dampnura, et quod si ipse volebat
veuire cum domino gubernatore Dalphinatus ' in servitio domini
Burgundie, ipse dominus gubernator faceret sibi dare stipendia unius
mensis, et faceret ipsum retincre de domo ipsius domini duxis ', et
ipse dominus gubernator faceret sibi responsura de stipendiis pre-
dictis, tamquam Raynerus Pot, et non tamquam gubernator. Tune
vero ipse dominus de Salanova respondit quod ipse loqueretur cum
dictis capitaneis, et, inde illis facta mentione de predictis, fuerunt
contenti se ponere et ire in servitio dicti domini duxis Burgundie,
et in crastinura fuenmt cum dicto domino gubernatore locuti, et fue-
runt inter se concordes. Tandem post dictam concordiam, ipse do-
minus de Salanova fuit sibi loquenti loqutus, cui dixit, et quod bene
poterat videre : quod non poterant transire, et quod dictus dominus
gubernator volebat in ipsos incurrere, sed ipsura opportebat recipere
dictum viagium in servicio dicti domini duxis Burgundie, ne gentes
' André de Vélin, chevalier dauphinois.
- lîenier Pot, souveiuenr du Dauphiné. La défection du seigneur de
Salleuôves eut lieu avant le 2 mai 1411 (Voir p. 277, note 1, la lettre des
syndics d'Avignon à Renier Pot^.
3 Le duc de Bourgogne tint sa promesse, et donna une charge au
.seigneur de Sallenôves. L'état des officiers et domestiques de Jean duc
de Bourgogne contient en effet cette mention : ♦ Guigue, seigneur de Sa-
lenove, escuier, conseiller, chambellan » (Mémoires pour serrir à ^'histoire
de France et de Bourgoijne contenant ... les états des maisons et officiers
des ducs de Bourgogne (Paris, 1729). 2<^ partie, p. 107). 11 cessa quelques
années de paraître dans le comtat: fut en 1411 gouverneur pour Char-
'es VI de la forteresse de Montfaucon en Berry et obligea le duc de
Bourbon à en lever le siège (Le Laboureur, Histoire de Charles VI (Pa-
ris, 1663). t. Il, p. 812): reçut le 19 août 1412 du duc de Bourgogne le
château de Santans (D. Plancher. Histoire de Bourgogne (Dijon, 1748),
t . III, p. 353).
2il4 i,'intekr<x;at(jiue dk mahcakit
cuin codera existentes inter se (lispergfreiitiir, et, post, hipso dicto
mense, ipse (| '' dominus de Salaiiova, si posset, fapere[/J t|iiod pro-
miserat.
Et tiiiic ipsi' loquens dicessit ab ipso domino de Salanova niul-
tum conteinptiose, et sine boua voluntate, et ipse loquens, ipso duniiiio
de Salanova ibidem dimisso, ivit versus dominum d'Antremons, quem
nipperiit in loco de Lanieu ', cui narravit conventa per ipsum do-
niinnni de Salanova eum dicto domino giib(!rnatore. Qui dominus
irAntrcMiiiiis ccjjit valde eontristari, et «uliito ccpit mandare bastar-
dam de Guil)elleta ' versus Joliannem de (îuiomart, qui (se) de sei-
vicio comitis de Tornono ^ se retraxerat, qui bastardus yens et indè
reddiens retulit dicto domino d'Antremons, quod subito erga ipsum
veniret, et erat presto facere servitium suiim, hoc est transituni
f'acere in coniitatu Venayssini contra civitateni Avinionensem ; et
illo tune habita responcione predieta per pretlatum dominum de
Tonneirra, ipse dominus d'Antremons, et ipse loquens associatus
eisdem, alii(Mibns in societate ijjsius domini d'Antremons existentibus,
dicesseruiit de dicto loco Sancti Dyimisii. et ivcnint in loco de Ora-
' Lagnieu, air. de Belicy {Ai>ii.
• Sans doute un bâtard de la famille de Giblet. Cette famille origi-
naire du royaume de Chypre tire son nom de la ville de Bihlium. éga-
lement comme sous les formes Gibellctnm, Zibelet, Ciblet (Voir E. Petit,
Chartes de Vahbaye. cistercienne de S'-Serge de Gildet, dans Mi'ni. Soc.
Nat. Antiquaires de France, t. XLVIII; Mon. Hist. Patriae, Liber iuriiim
reipuhlicae Genuensis, pp. 230, 308, etc . .). Le royaune de Chypre n'est
pas sans être en relation aux XIV'' et XV" siècles avec la maison de
Savoie: en 1325 Jean de Giblet est choisi pas Andronique le .leiine. em-
pereur de Constantinople, pour aller chercher en son nom Jeanne, fille
du comte de Savoie, qu'il allait épouser. Plus tard, en 1432, un Henri de
Giblet est témoin à Nicosie au mariage d'Anne de l.nsignan, fille du roi
Janus avec Louis de Savoie, comte de Genève, fils du duc Amédée VIII.
(Voir Du Cange, Familles d'Outremer, seigneurs de Giblet: Mas-Latrie,
Histoire de Chypre, t. II, p. 525).
^ Inadvertiince du scribe. Il s'agit du comte de Tonnerre (^voir su-
pra, p. 291, où il est dit (jue .lean de (Jiiiomart était au service de ce
comte).
1,'INTERROGATOIRE DE MAKGARIT 295
pona ', ulii reperierunt Johannem Giiioinarfli predictuni || cuni certis
aliis capitaneis, et dorainum de Jaiigosa^ cum q[iio] domino de Jau-
gosa simul feceriint certa pacta et coiicordantias, scilicet qiiod aimiil
debebant transira in dicte comitatu contra eundem et dictam civitatem
Avinionis. Et inde simul venerunt in Vivaresio, sine dicto domino de
.laugosa, et circa locum de Mastra ^, et, dum fuerunt ibidem, scientes
et percipientes contra gentes pacem se admiseere jungebant, dictiis
Joliannes Giiiomardi fuit cum gentilius suis versus montem et ap-
plicuit circa pontera Sancti Ranberti ■*. Ipse autem dominus d'Antre-
mons cum ipso loquente remanserunt in dicto loco de Mastra, et ex
post ipse loquens percepit quod ipse .loliannes Guiomard ibidem fuit
diffaidatus cum geutibus suis, quo facto et percepto per eos ipse do-
minus d'AntremoTis dicessit a loco Sancti Desiderii % eundo versus
domum suam, et dictus dominus de Jaugosa ad requisitionem dicti
doinini d'Antremons, associato sibi loqueute uno homine dicti domini
de Jaugosa vocato Ruscivel, transire feeit Rodanura, qui Ruscivelhis
ipsum loquentem dusit usque in loco de Tornono ', et dum || '^ fue-
runt in ripperia Rodani causa transenndi, fuit quidam Perulhonus
Do... ", qui ipsinn Margarituiii in prc/.onariiini cepit ex jiarte regia,
et inde dicto domino liailivio scu in suis manilius expedivit.
Item, ultcrins iuterrogatus cujus intentionis tune crat ipse Mar-
garit, dixit quod erat intentionis redeundi versus dictum dominnm
d'Antremons causa liabendi litteras nb ipso, que dirigerentur dicto
domino Anfbonio in excnsatione ipsius loqnentis ac prcmissorum.
Item, ulteriusquid portabat ipse Margaritus, dixit super equo sno
non habebat nisi quasdam bigias in quibus ab infra erant certe
' Craponne, arr. de Lyon (Rhône).
• Randon, seigneur de Joyeuse.
^ La Piastre, air. de Tournon ÇArdèche).
* Saint-Kambert d'Albon, air. de Valence (T)rôme).
^ Saint-Didier-de-Crussol, arr. de Tournon (Ardèche).
" Touinon- (Ardèche).
' Le papier est déchiré à cet endroit.
296 I.'lNTKKHlXiATDIUK I)K .MAI«;AK1T
llttere, acilicet duc que fiierunt iiiipei- pcr ilDiniiiinn foiiiitem Valeii-
ihiensem ' mise difto doiniiio d'AiitiTinoiis rogatorie, qiiod, quando
gcntes RUc esset (sic) loj^i;itr in terra sua, (quodj vellet de eadeni
exire, et quod non faeeret dampnnni in partibus suis.
Item, ulterius interro^atus dictiis ^[ai-garit si nuper convenerant,
([niid in i-ej:iio, adeo ut pusset eurnm transitum facere, reciperent
fortalitia et eastra in regno, dixit quod iiun, nain non opportebat
illud t'M(( Tc. (|iiiini.ini dictus domiiui^i de .laugosa liabebat || litterain
transitiis, sicud ipse dominus de .laugosa dicerat eis.
[Item |, ultei'ius interro.uatus si, medio tenipore dum fuerunt in
))artil)iis Vivaricn-tihus, quecunquo liabuei'unt née ' receperuiit eausa
Vivendi solverunt, dixit quod ille jet ipse] dominus d'Antremons
(ipse) ceperunt, [victualia de] quibus vixerunt, soluta fuerunt [ad]
vicera que ipse .loliannes Guioniardi ; non, quando vixerunt super
patria, sirud est de more fieri inter gentes arma sequentes.
Item, ulterius interrogatus si scit quod, ante quod ipse Margarit
in fine bujusmodi negotii premissornm in dieto portu esset captus,
iiabuit litter.-is ali aliqno de partibus romitatus et Avinionis. conti-
nentes qiiod sul)ito venire debereut et transitum ipsorum facerent in
eoraitatu, quoniam paratum erat eis apperire januas locorum, qui
Margaritns resi)onderat et dixerat quod, tempore quo erat altereatio
propter unum lioniinem de Carpentorr;/»» eaptum pendente tregua eci-
mitatus et loei predieti d'Oppeda, fuit iiuidam Guilhetus de Saneto
Petro et quidam (| '^ voeatus Franciscus, alias Filholus, quos eredit
morari eura Bernardono de Serris ^. qui ibant propter debatum dum
capti siiit: idem doininus Anthuiiius qui recpiisivit ipsum Frauei-
■ Louis II de Poitiers, comte de Valentinois.
' Lire vel. Aux lignes suivantes le texte est effacé.
•' Bernardon de Serres, seigneur de Malaucène, capitaine gascon, qui
en 1412 combattra aux ordres du duc de Bourbon contre Amé de \"irv
{Chroniqite (V Enguerra» de Motixtrehi. .Société de l'Histoire de France,
t. II, p. 255).
L INTEKROGATOIRE I>E MARGARIT
spiim. alias voeatum Filholnni, si vellet in partibus Sahaiiriie portare
unam litteram tradeiifiani i])si domino de Salanova, qui Filiiolus re-
spondit qiiod sic, et convenerunt quod qnia ipse Filholus debeliat
ire iu loco Pontis Sorgie ' causa videndi et providendi uni equo suo
ibidem existent! excanbioso, tune vero dictus dominus Antlionius
fuit in concordia cum ipso Filliolo, et eidem dixit quod litteram
sibi scribetur et mandaret in dicto loco Pontis Sorgie, quod et fecit;
et dum ipse Franciscus. alias Filliolus, narravit Bertrando, castel-
lano dieti loci Pontis Sorgie, recessum suum, ipse Bertrandus sibi
dicto Francisco dédit unam litteram credeutie, dirigendani dicto do-
mino de Salanova.
Item, nlterius interrogatua quid continebat credentia illa, dixit
et respondit quod ipse Franciscus, de sui Bertrandi parte, diceret
quod nuper ipse Bertrandus ipsi domino de Salanova pactum fe-
cerat. et sibi || sub tide corporis sui promiserat quod quandoeunque
ipse dominus de Salanova cum suis gentibus ibidem veniret, quod
ipse ipsum cum gentibus suis recoUigeret et apperiret dictum locum
Pontis Sorgie, et hoc quod ipsa promisio facta extiterat post pacta
t':icta inter dominum Rodericum et dominum de Salanova, dum exi-
verat palatiura, qui inter se feceraut nnum signum, scilicet quod
fregerant unum denarium et quilibet sibi retinuerat medietatem, et
quod dum esset in comitatu et patria ipsius, et se reddidissent ma-
gistro suo Petro de Luna, quod idem faceret ipse de loco predicto
Pontis Sorgie. dum tamen certe alie fortalitie dicti comitatus se
reddidissent.
Item, ultei-ius interrogatus si nuper ipse Margarit verba liée,
scilicet quod nuper iliidem veuerat iiuidam famulus qui dixit quod
castellus (sir) Pontis Sorgie a])peruit Januas dicti loci modo per ipsum
Bernardum dicto, dum tamen alii loci dicti comitatus se redderent,
dixit quod non per alium moduiii.
' Pont-deSorgiie, arr. d'Avignon ' }'(iuclii!ie).
298 I.'lNTKUHOliATOIHB DE MAKdAUlT
Item, ulterius interrogatus si ijwe fitmulus alia -vice ibidem
fuerat, dixit qiiod sic, portando ex parte ipsiiis doraini Anthonii || '^
litteras contiiiftites qiiod festiiiaret gentes iit venirent iii partibiis
predictis, si venirc dcbebant, alias non.
Item, iiltBrius interroKatns qiiid contiiii'liatiir iii littri'a dicti di>-
iiiiiii Aiilliiiiiii Viiicciitii iiii|>er primo lier dictiim Fraiicisciim. alias
Filliohim, inissa uiia cum dicta litteni dicti Hertrandi, qnoniam rc-
spondit quod ipso rcgebat ipsum domiinim de Salanova quod, quam
luiiinnii ]K)S8et, se expediret de venieiido cum gentibus suis iii dicto
CDiiiitatii, quoniam ipse satis habebat peccuuias pro soIvpikIo «-i^. et
quod qiiandii veiiircnt lacèrent eis boiium festiim.
'27 tV\iiiT 141 1 Item, iiltcrius intcrrogatus si scit quod circa die III cai'iiis-
jirivii, \\)^o li)qiieiitc exeiinte, in loco Belleycense ' applicnit quidam
l'eyrotus, de natione Aragonum, de steblita Iloppede, qui portavit
sibi l(i(iuenti et dicto domino de Salanova pro parte ipsius domini
Antliiinii Vincentii litteras, dixit quod sic, continentes quod eidem
notiim faciebat quod diceret dominis de Salanova et d'Autremons
quod non dubitarent in aliquo. quoniam dum applicuissent in dicto
comitatu, satis liabebant fortalitia in quibus se possent recolligere,
et quod ipse Peyrotus vcrbaliter sibi jnxta credeutiam dictarum
litterarum sibi ex i>arte dicti ii<imiiii Antiinnii, (piod domiiius Castri
Xovi '" se t'ortem fecerat erua eum, quod, quandocuiKiue venirent,
^iiii faccrct dari introytiini ([uinque :| fortalitiarum, scilicet Castri
Xovi, de Vedena, de luteraquis, de Rubione et Coste '.
Item, ulterius interrogatus qualiter hoc scit. dixit ([luid dictns
doniinns Antlionius maiidaxcrat eisdçm (piod babeivnt introytum et
retractum dictorum castrorum, dixit (|uod ex eo quia ipse dominus
Castri Novi dicto domino Antiionio scripserat, et exinde i)er ipsum
' Belley {Ai»).
•î Châteauueuf-de-Oadagne {Vatichise).
s Vedène, Entraignes, Robion et La Coste (Vaiicliixe).
L INTEHROIJATOIRE DK MAKdARIT •>.^\^
Peyretum pro parte dicti domini Anthonii sibi loquenti dixi fecerat
in dicta credentia sua, et inde post iiec ipse Margaritus predictis
dominis de Salanova et d'Aiitrenions exposiiit et iiarravit.
Item, ulterius iiiterrogatus si scit qiiod sint alia fortalitia, sive
loca, in quibns iii dicto comitatu ipsi debere[»]t iiiiinicia se redducere
et recolligere, qui dixit et respondit se tantuni scire quod ipse Pey-
retus fanuilus predictiis per dictam suam credentiam sibi ex parte
dicti domini Antiiunii dixit quod ipsi essent recolletti in loco Insuie et
de Cavallione ', et quod niagis esset de hiis certus, quoniam aliqui
scindici eorum cum aliquibus de dictis locis debebant venire (locum)
cura eodem iu dicto loco d'Oppeda.
Item, dixit ulterius quod nuper ipse Bernardus per presens
portaverat unam litteram ex parte dicti domini Anthonii, quod,
quandocunque veuirent casus quod essent in partibus comitatus pre-
dicti, ipse scriberet, || " quod fecit, et quara litteram ipse Bernardus
portavit, et sibi loquenti tradidit, et illam ipsi domino de Salanova
tradidit, [et] domine de Montedracone ', coromatri sue, quod quando
ibidem e»sent, quod eisdem darent victualia, et inde reduceret eos
ibidem ; tamen non fuerunt certi de eisdem.
Interrogatus ulterius si scit aliquem de Avinione qui de die, nec
de nocte, aliqualiter istis de palatio prebendo victualia, ne alias eis
scribendo consilium, auxilium, nec favorem dederint, dixit quod non.
Item, ulterius interrogatus si ipse scit de comitatu aliquem seu
aliquoa qui similiter hoc fecerint, dixit quod non.
Item, ulterius interrogatus si s[r]it aliquem qui intraverit nec
exiverit palatium, dixit quod sic: scilicet, Bernardus predictus qui
pluribus vicibus intravit. et exivit, et plures alii homiiies de
Hoppeda.
Item, interrogatus qui fuerunt alii qui ibidem palatium exive-
rent, dixit se nescire.
' L'Isle-surSorgue et Cavaillon (Vauelusr).
^ Montdiagon, comm. de Saint-Genix (Savoie).
Mélunges tl'Arch. et ilHht. IMl-Ufi-J. 20
300 l/lNTHUHOUATOlUK, I>K MAKriAKIT
Itcin, iuti'rrDjjiitiis .-ni i|iiiil cvivcniiit jicc i-ccldiciinit. dixit (|Hoi|
ex eo quod iiiterdiiin ixirtalmnt littcras liinciudc, et alla victiialia
neccessaria, acilicet sotulatas. calif^as, et quamplura alia.
Item, iiltorius iiiterroKatiis iiiidc ciiicruiit illi predicta que iii diefo
palatic) portaverunt, dixit quod in Hi>p|)eda et alilii iii l'roviiicia.
Item, ulterius interrogatus per qtietn locum intraverunt, dixit
quod »ubtus || pontein.
Item, ulterius interm^'atus si lialiuiTUiit de pulvei'e lioiiliarda-
rum, dixit quod aliqiii de cxeuntil)iis portaverunt ([uiiique vel sex
quintalia salpêtre, sed eertive de eorum nominiiius dixit se neseire.
Item, ulterius interrogatus qualiter hoc scit, dixit quod ex eb
quia Peyrotus silii dixit.
Item, fuit ulterius interrogatus si 8[c]it quod in dicto palatio
sint vietualia magna, dixit quod nuper dioi audivit a dieto Ber-
nardo, qui infra dietum palatium fuit et exivit, quia satis erat de
blado, et satis de carniUus saisis, et satis de vino, et higuminibus
dixit se nieliil petisse. et satis erat de bescuelie, et satis erat de
oleo, et quingenta pondéra risi.
Item, ulterius interrogatus si s[^]it (|uod infra dietum palatium
intraverunt gentes, dixit quod nuper, antequam Mardonenehn ' e[s]t
in Avinione captus, audivit dici a dieto Peyroto, in parti'ius Sa-
b.uidie, quod infra dietum palatium dixit quod dici audivit a dieto
Beruardo quod eirea XX vel XXV in universo.
Item, ulterius interrogatus si s[f]it quod sunt in dietn palatio
liomines, dixit (luod llll' 'j et XI " in die insultus faeti in Avinione.
' Jacques de Hardonèclie fut jdis, alors qu'il jiortait des vivres au
palais, et eut la tète tianchéo le -21 février 1411. Sa tête fut exposée
devant la Roche des Douis {Chronicon parrnm Avinioiieii.te de schismate
et bello).
' Ce cliitfre conconle avec le nombre de • t.nO prisonniers estans an
dit palays et chastel d'Oppède > auxquels le roi Charles VI accordera un
sauf-conduit après la levée du siège (Avignon, Archives de la villr.
EE XA. -r.
I.'lXTERROGATOlUK l>^; MAR(iAKir .301
ItiMii, ulteriiis iiiten-ogatus si s[r]it (lund iii dicto iiisultu ' de
dictis liominilms palatii fueruiit murtiii, dixit se iiescire, tamen
crédit (|Uod fueriint plnres viilnerati.
Item, ultei-ius iiiteiTOgatus si sf'Jit qiiod siiit de artilhiaria satis
iminiti. dixit (jund audivit dici qiiod imper feceruiit inu:enia fustea,
et qiiod fueriint interdiini tVacta et iuterdiiin nititHoata, et de aliis
dixit .se iieseire.
Item, ulterius iiiterrogatus si s[(Jit qiiod siiit homines armorum
in loeo predicto de Oppeda, dixit se nescire.
Item, ulteriiis iuterrogatus si s[tjit quod siiit bene provisi de
omnibus, dixit quod sic, sicut dici audivit.
Item, ulterius interrogatus si s[c'Jit quod infra palatium luiper
ejus raagister scripserit. dicit quod scit auuo presenti, dum ultimo
ipse loqueus fuit in Terragona, dominus Cenessencis ', qui sild lo-
((uenti dixit quod ipse magister suus Petrus de Luua seripserat
domino Roderico per modum bulle, quod non destruerent civitatem
Avinionis quantum posseut, et non exierent erga {sic) palatium ||
escaramussando, .sed quod custodirent bene palatium, et alla de hiis
dixit se nescire.
Item, ulterius interrogatus si s[r]it statiim gentium Avinionis
captarura intVa dictum palatium, dixit quod audivit dici a dicto
Peyroto quod aliqui(sj de ipsis fuerunt mortui '. Et alias non fuit
interrogatus.
' L'assaut eut lieu le 15 tëvriei- 1411.
-' L'évêque de Senez, Aviaio Nicolai, de l'ordre des Dominicains,
connu pour sa sympathie envers Benoît XIII (voir N. Valois, La France
et le grand achisme d'Occident, t. III, p. 490; t. IV, p. 278: R. P. Ehrle,
Martin de Alpartih chronica...^ dans Çuellen und Forschnngen... heratis-
gegehen von der Gôrres-GeseUsehaft, t. XII, p. 187, note 3). Il prenait en-
core ce titre en 1414; Benoît XIII lui donnera plus tard le siège de Huesca.
^ Il s'agit sans doute des notables d'Avignon enfermés dans le pa-
lais en mai 1410, et dont trois moururent de maladie en janvier 1411
[Chronicon j)arrun) Avinionevse de schi^male et hello, opus cit., p. ISiM.
LE8 TROPHEES FARNESE
(PI. VIII)
Sous le sefoiul porche du Palais Faruése, daus les deux niches
([ui à droite et ;i gauche précèdent le jardin, on peut voir deux
« ensembles de fragments », proches parents de ceux que composent
les architectes de la Villa Médicis pour certains de leurs « envois » :
entassement d'ornements les plus di\ ers, urnes, frises et sarcophages.
Deux trophées (pi. VIII, fragm. A et B), un dans chaque groupe, occu-
pent le centre. Ce sont eux que je voudrais étudier ; en effet ils n'ont
été cités par les anciens Farnésiens qu'en passant et en bloc ' et pour
ainsi dire jamais reproduits : ils méritent d'ailleurs de retenir l'at-
tention, tant le travail en est tin et soigné; ils ont en outre une
valeur documentaire, puisque l'on en connaît l'origine et partant
la date.
Ils faisaient partie d'un entablement qui ressautait à l'aplomb
de colonnes et décoraient la face du ressaut, tandis que les côtés
étaient ornés de gritfons et d'arimaspes; ils sont eu marbre et re-
présentent une Victoire couronnant un trophée ; celui-ci se compose
de ce que j'appellerai le trophée i)roprement dit (bonnet et tunique
ennemis sur un arbre en croix) encadré de boucliers et dressé sur
un monceau d'armes. L'ensemble du relief a 0,68 m. de largeur ;
ou peut seulement déduire quelle était la liauteur, puisque la partie
supérieure des deux trophées a été tronquée : elle était d'envi-
ron 0,62 m., comme celle du plus complet de nos fragments ffig. A).
An-dessous d'eux on voit encore l'architrave décorée de moulurations
' Hoiirdon et Laurent- Vibert, Le l'alain Farnéi-e d'après l'inrcntaire
de ir,:,3, Mélanges, XXIX (1909), p. 145.
iiOi i.ics ■[■itoiMlioios i-aum:si.;
diverses : rangées d'îicantliea, d'ovcn, ... ; ils ('faient siirmriiiti'-K iriiiie
forniclio rf)ni]iii''t«' fort travailii-o, dont on possède ('■f,';i!<'iiifnt (|iir|(|ucs
restes au Palais FaiMièsi'.
C'est en 1820 que ces reliefs furent placés on ils sont '. Ils
vinrent remplacer dans leurs niclies vides une statue d'empereur
avec inscrijjtion et une représentation de la Forliiiui ïierlu.r trans-
portées à Naples • et rappeler l'admirable e(dleetion d'anti(|ues
qu'enfermait le Palais an temps de Fnlvio Orsini '.
Ils viennent de la Ilniiixs Flmin du l'alatiii: lîiaiieliiiii les dé-
crit: « ...si vdjijnisoilii ijinlld j.diirili ffi-ijin. iln- ndjiriialurn ml >i))i>
(le nipHiUi ihJlf idlinnit' : iii-llu i/iiiilf ii'di'si hiki Vitlarid dhlln
coronure loi trofeo coinposlo /If' .•i/Knilir mililnii cnn dllre iippiedi
elefiantem/'nti; inirerciatc i> ' et sa planche IV donne un dessin sur
lequel nous leviendrons.
Hiancliiui nous dit aussi ". et ses indications ont été tout à la
fois utilisées et précisées par ceux qui ont tenté de reconstituer le
palais des Flaviens '', (|uclle était la jilaee de cet entablement.
11 courait tout autour île VAidd Maiiiid: il y avait seize ressauts
' Ce renseignement est dû à Niliby, Borna nelanno MDCCCXXX VI IT,
Parte II, antica, p. 430; tout ce (pii provenait du Palatin est parti à Naples
(lit-il, « mena alcmii /'rammenti di airhitettitru che vi restaioiio fiii'<il-
Vannn 1820, ed oggi esistono nel Palazzo Farneac •. yuelle est la source
de Nibby, je ne sais. Mais alors que ses indications touchant le XN'I*"
et le XV II" siècles sont .souvent peu dignes de foi, il efit naturel de ne
pas mettre en doute un fait dont il a été contemporain.
- Bourdon et Laurcnt-Vibert, art. rite, p. 192, n. 1.
^ DeNolhac, Xcs- rnllection>t d'antiquités deFulrio Orsini. MélatKjrs, IV
(1884), p. 139.
■* Bianchini, del J'ala-zo de' Ct-snri, Vérone, 17:î8. p. 04.
■• Id., p. 50 sqq.
" Cf.. entre autres, Deslane. I.r Palais des Césars au M' Palatin^
Gaz. areh., XIV (liSSS', p. 121 st|(|.: — id., Monuiiicnts antiques relerés
et restaurés par les architectes pensionnaires de l'Académie de France, II,
pi. 123-4; — Btthlmann-.Miinclien. der Palast der Flaricr auf dem Palatm
in Koni. Zeitschrift fur Gesch. der .\rcliit.. I, |fé\-. 1!»0S|. p. 113 sipp : en
particulier p. 123, fig. 7.
LES TROPHEES KAR.NESK
305
ilomiiiJiiit autant tle colonnes et formant aiiiHi des niches que gar-
nissaient des statues colossales.
Si Ton veut sentii- tlotter un peu de la poésie des ruines, où ils
furent trouvés gisants, siir ces fragments isolés aujourd'hui, et dé-
pouillés de leur prestige, il faut regarder un dessin de la fin du
XVIII'' s., œuvre d'nn certain Nadorp ; il fait partie delà collection
privée du sénateur Lanciani, (|ui me Ta aimablement communiqué '.
Fjg. 1.
Fragment C.
Il représente le sommet des Jardins Farnèse, c'est-à-dire le péristyle
du palais de Domitien ; au fond et à gauche l'ancien couvent de la
Visitation ; au premier plan, à gauche également, un des énormes cha-
piteaux corinthiens qui sont demeurés sur les lieux, et à droite un
de nos deux ressauts; on distingue la Victoire et le trophée.
On peut compléter ces fragments grâce à d'autres et grâce aussi
à des dessins. Si l'on erre sur le Palatin et que Ton examine tous
' Il lu'a paiii inutile de le reproduiie ici à cause de l'imprécision
des détails.
.'ÎOfi I.KS TUOIMIKKS KAKNI^ISK
ICH débria (|iii l'oniciit encore, on retrouve hi Jlmiiiia Flnriii éparsi-
dans les anciens .lai'dins Farnèse. J'ai découvert (l"al)onl un frafçinent
de tropliée (fig. 1, fra^ni. (') encastré dans un des piliers (|ui sont de-
vant le ('asino Farni^se, en Ixirdure du CUr-us Virtorine (celui de
droite pour qui rejrai'de le Forum . 11 s'agit d'armes en monceau: le
fragment a une haiiteiir de ii.'-!'i m., une largeur de 0,44 m.: ces
dimensions correspondent fort Iden à celtes des monceaux d'annes des
tropliées Farnèse yl et 7? ' ; l'enclievêtrenient semble calqué; si un
examen attentif révèle (|nelqiie détail différent, n'oulilions pas que A
et B ne sont pas non ])liis tout-à fait semblal)leâ l'un à l'autre et
que cette variété ajoutait au charme de la décoration; enfin ce reste
se trouve tout près de la Domus Fluiia; toutes ces raisons amènent
à conclure que l'on est bien en présence d'un fragment du même
entablement.
Parmi les ruines mêmes du palais des Flaviens, dans une des salles
voisines dn péristyle, on a conservé un trophée : un bonnet et une
sorte de tunir|iie de fourrure (fig. 2, fragm. D) : ce fragment a 0,22 m.
de hauteur, dimension exacte de la place où sur. le fragment li
manque le trophée pi-oprement dit ; l'un complète évidemment l'autre.
Ou s'attendrait ;'i trouver des vestiges plus importants de ces
seize reliefs. Mais dans les nombreux « inventaires Farnèse » ° nulle
indication de trophée, l'arme n'.i i)Our ainsi dire plus rien (|ui vienne
du Palatin. Le dernier Calnhupie du 3Iusre de KitpJes ne révèle
l'existence d'aucun débris de ce genre dans le musée auquel est
échue la presque totalité des collections Farnèse.
Comme reproduction nous avons avant tout celle de Biaucliiui '.
La Victoire se tient à droite comme dans le fragment B\ elle étend
' Fragment A hauteur 0.28 ui.: largeur 0.40 ni.
h . 0,28 m.; . 0,3r) m.
C . 0.2(5 m.: . 0,44 m.
^ Dociitiienti inédit! jicr servi iv alla sloria dei ^fll.^iei d' Itulia. Imeii-
tari J-'arnefiiani. I, p. 72 (invent, de InfiS). III. p. 18(i (invent, ilc 17i>7).
^ Bianchini, op. cit., pi. IV.
LKS TR(irHKES FAltNI^SE HOT
le liras droit vt ciiiiriiiiiic un tmiilirc qui jini^tc un bonnet et une
tuni(|iie li.-ii'li.-ircs: ,iii pied linéiques Mpnies. Ce dessin est bien dif-
férent des trophées (|ni simt .-ni l'iiL-iis Farnèse. Quelle pnuvreté,
quelle séelieresse dans les détails! A la fuurrui'e earaetéristii|iie dont
FiC4. 2.
Fiasnieut I>.
sont faits le bonnet et la tunique l'auteur a substitué une étotfe
quelconque. (îràee à lui nous reconnaissons à coté de la Victoire un
candélabre dont nous devinerions à peine le ])ied sans son concours ;
il uous indique aussi le geste des Victoires, mais le niouvenieut des
Jambes et des ailes encore intactes sur no^ fragments sufiit à nous
montrer combien elles étaient en réalité plus légères. Ou Biancliini
s'est inspiré d'un relief ditféreut de ceux que nous avons; cela me
308 I.KS rliOl'IlKlOS KAKNKSB
parait ])ru probable: nos frafjnients proviennent (le trois trophée»
courus dans le même esprit, et anciin des seize reliefs ne devait
être si priifoiKléinenl disseniblalilc. (lu liii'ii encore — ce ()ui nie
senïljle très plausil)le — partant d'iiii de ees trophées, qu'il l'ait
vu complet on qu'il ait en à le leeoiistituer, il l'a reproduit
avec une ainialile fantaisie; sa traduction est une « belle infidèle»,
on, jioui- mieux dire, elle est infidèle sans plus: non seulement les
détails sont inexacts, mais encore la v;ileiir artistique du bas-relief
disparait à peu près complètement.
Canina, lui. reproduit le dessin de liiancbini retourné ijonr ainsi
dire: l.i \'ictoire se trouve :i fi;uielie '. l?eaucon|i plus intéressjinte
est la reproduction de Ilaugwit/ ". il prétend la donner « tiar/i (1er
Zeichnuncj Bidtir/ihii's » : mais en réalité elle se rapproche davan-
taj^e du dessin de (':inin;i et en re;;ardant de plus pvl-H on se rend
compte qu'elle a été insjjirée |i;ir le frajrment .1 du l'alais Farné.se ;
la \'ietoire ne se présente pins de face; le liouelier rond avec aigle
est au premier plan. Sans vouloir le dire, Haugwitz a complété le
dessin de Canina à l'aide du fragment A ; sa figure n'est d'ailleurs
pas suliisamment distincte^.
Sur chacun de nos bas reliefs — pour en venir maintenant ;i
une description détaillée — nous devinons encore une Victoire; on
ne voit plus que le bas de la robe qui, très longue, laissait seulement
dépasser le bout des pieds chau.ssés de cnlcei de la forme la plus
simple. Les ailes à demi-déployées sont grandes: elles devaient monter
aussi haut que la tète et descendent plus bas que le genou ; cha-
' Canina, (;/;■ ed^/!^i ,ti Kmtia, IS.')!, III, ji. Ui et IV, pi. -2!^, fig. 1:
— le commentaire est insignifiant.
- Ilangwitz, Der Palatin..., litOI, tig. l.î.
' En outre l'article cité de Biihlraann-Miinclien donne la photogiapliie
(p. 122, fig. Ô-6) des deux ensembles de fragments du Palais Farnèse; —
le n" 28980 de la Collection .Minnri donne l'ensemble de gauche; —
aucune de ces reprodiictions ne permet l'ctude des armes.
LES TROPIIKBS FARNESE 309
cune des déesses avait une attitude particulière. Les représentations
de Victoires couronnant des trophées sont innoniljrables tant sur les
bas-reliefs que sur les monnaies ' ; en se fondant sur ce qui reste
de nos deux Victoires on peut essayer quelques rapprochements. On
songe aussitôt à celle qui couronne un trophée sur le côté droit de l'autel
des Lares Augustes^; mais elle est prête à s'envoler et d'un autre
type ^. Il en est d'autres assez voisines : une Victoire sur nue base
dédiée à Jupiter, Sol, Sérapis \ dresse un tiophée auprès de Rome (?)
personnifiée, mais elle a moins de majesté ; la statuaire nous donne
un type semblable dans la Victoire de Lyon ^ d'une tenue plus
sévère, d'une ligne plus ancienne. La représentation la plus proclie.
Je la trouve sur la liante voûte de l'are de Rénévent '' : la Victoire
couronne Trajan. On peut donc dire que l'on a là un motif assez
répandu, sans qu'il y ait pourtant une Victoire vraiment identique
aux nôtres. A rapprocher ainsi de leurs srpurs les Victoire Farnèse,
on arrive moins à les compléter qu à sentir mieux leur grâce et
leur majesté; grâce dont étaient empreints les types hellénistiques
qui leur ont donné naissance ', majesté plus proprement romaine et
due au ciseau national.
Cette perfection nous la retrouverons dans les armes : je ne
m'arrête pas aux candélabres presqu'entièreraent disparus et que
nous sommes réduits à admirer à travers Hiancliini. Kii principe
' Furtwiiiigler, Arcli. Jnhrh., III, p. 203. — Inihoof-Bluiner, Niimism.
Zeiisch., Wieii. 1871, III, p. 1. — Woeleke, Beitriiçie zur Geschichte des
Tropaions, Bon». Jahrh.^ 1911, p. U)2. — Ad. Reinacli dans Sayllo s. v.
Tropaeum^ \', 507 b sqq.
'' Reinach, Reliefs, III, p. 3'2. — Woeleke, art. cité, p. 191,
' Cf. Amehmg, Sculpt. des Vatic. Mus., II, 87'', texte p. iM4: autre
autel des Lares avec Victoire.
* Reinacl), Reliefs, III, p. 188. — Strong, Roman sciilptuie. Londou»,
1907. pi. 97.
■^ .Julliaii, Gallifi, p. 269.
'^ Reinacli, Reliefs, I, p. 66, n° 2.
' Studniczka, Die Sieyesgdttin, Leipzig, 1S98, p. 26.
.'ilO LES TROI'IIKKS FAKNfcSE
un trii|)lié<; doit rc])réseiiter des armes Piiiiemies; c'est de là qu'il
faut partir pniir exaininer d'altord ce qui daus nos inoucfaux d'annos
n'est de toute évidence pas romain. Li- tVa^'uii'nt I>. cnnipipsi'; Itii-
méme de deux morceaux qui se conii)lètent, montre en quoi consistait
le trophée proiirenient dit: une espèce de tnni<|ne et un bonnet de
tiiiirnirc: celui ci l'st petit et tel ((iic ikpus le retrouvons sur bien
liis tiMplit'cs. L.i foiiriMire a la lornic d'un dmible plastron avec une
rTliaiicniic- ([iii prriiii't de passer la tcte : c'est, en plus simple, ce-
que nous avons sur l'un des trii)diées dits de Marins, à f^antlie de
l'escalier du Oapitolc '. Sur .1 et sur B les armes viennent se ;rrouper
.nitiiiir d'une riiurnne de fniiiie ciini(|ue. .\u ])reniier .aspect on voit
en elle l'ancêtre du bonnet à poils: il faut f.iire au bon sens l.i
concession d'avouer que c'est fort possiltle. .Mais si naturelle qiu-
soit l'explication, je ne la crois pas exacte: ces bonnets seraient
trop frr.inds et non .'i réclielle : ni la Colonne Trajane, ni la Co-
lonne .Xurélienuc ne rej)résentent aucune coiffure de ce genre: on
croit la reeonnaitre, alors qu'on voit seulement l'abondante cheve-
lure en liroussailles qui caractérise les Barbares ; si le lionnet de
fourrure est bien connu de l'antiiiuitc, ainsi que le prouvent le
fragmemt D et de nombreux sarcophages -, il est plus bas et de
forme ronde ; Je ne le retronvc pas ici *, où Je vois de prétërenci-
une fourrure disposée connue un draj) à l'étalage d'un tailleur et
|il.i<ee là ])onr servir de centre à tout le monceau. Sur les trophées,
la fourrure symbolise le pays t'roid, et. naturellement, aux yeux
des Romains la contrée nordii|ue par excellence, la Cermanie. Sans
I Reinach, IMiefif. I, p. 291. — Helbig-Amelnng, Fiihrer..., 1, p. 40i».
- Bienkowski, Die DarsteUungen der GaUier..., Wien. 190S : cfr.
KnjiimunijHnfeln^ IV, VII.
• ' On pense aussi aux glands :'i franges qui se trouvaient à la liase
des enseignes (efr. Domaszewski, Die Fiihiieii im nimisclieti Heere, Vienne.
1SS5, p. 64, fig. 80: enseignes prétoiiennes de l'arc des Argentarii au
Forum Bon ri II m): mais que signifierait cet ornement en l'absence de toute
enseigne V
LES TROPHEES FARNESE dl 1
doute est-elle également portée pur des sh/i/iferi et des niiisiriens
romains ', ou par des (iaulois ', mais Doniitieii est le triouipliateur
des Germains,
Vi(t(jr II iiperbiirnei) mimen nh (irJic iiiUt^;
aussi semble-t-il que la vieloire évoquée ici soit bien eelle qu'il a
reui])ortéc sur les Germains.
La Daeie à son tour est rappelée par un couteau à lame pointue
et recourbée (fragment B). le même que l'on voit à tout instant sur
les reliefs de la Colonne Trajane * : au-dessus une lame de forme
semblable, beaucoup plus grande, sans doute également dace, mais
que la Colonne Trajane ignore.
Les fragments A et B portent un instrument singulier (lieauioup
plus net sur B). 11 se compose d'un tulie recourbé et d'un pavillon
de forme allongée. Je crois que nous sommes en présence d'une
trompette et plus particulièrement d'une espèce de carnyx '. A bien
dire cet instrument ne ressemble en rien aux carni/ces que nous
observons par exemple sur la cuirasse de l'Auguste de Prima Porta "
ou sur les trophées de l'Arc d'Orange ', car on n'y retrouve point
une tète d'animal ; toutefois on peut voir dans le pavillon les mâ-
choires du monstre, et dans les deux échancrures centrales leur point
d'attache. Il s'agit donc en définitive, à mon sens, d'une cafny.c
simplifiée ; d'abord gauloise, cette trompette devint par la suite la
caractéristique de tous les Barbares du Nord; celle-ci peut appar-
tenir à un peuple voisin des Gaules, i)eut-étre aux Chattes.
' l'icllorius, Die Tntiiiiigsiiiile, pi. Vil, \'I1I: II, jj. 21), 3f). 37.
■' Bienkow'ski, op. cit., toc. cit.
3 Martial, X, 102.
* Ciehoiius, op. cit., pi. LVIl et CV.
■■* Wit'lcke, iirt. cité; cfr. note 104: bibiiograpliie de la cnnii/.r.
'' Bii>nko\vski, De simulacris Burhanirnm ycnti'iim apwt Koiiiuno^
Ciacovie, 1900, fig. 2 et 5.
" Espéraudieu, Bas-reliefs de la Gaule romaine, I, p. 198 sq(|.
312 I.KS THOrilKKS KAUNfcSE
Les lances sont rciiiar(|ualilcs: cUi's ont avec leurs deux pointes
int'érieui'es la forme l)ieM coiiiiiio du « fer de lance » ; or celles qui
se trouvent aui- les tombes militaires de la région rhénane ont l'extré-
mité sciiililaliic M uni- rciiiiji' allongée ', celle des Barbares de la Co-
loiinr Ainéliciine à une pyiamide ; rexplication est aisée: le com-
battant doit retirer sans peine son arme du corps de l'adversaire.
Seules les pointes de tiédies ont exactement la forme qui nous oc-
cupe ', mais nos armes n'eu sont point, étant donnée leur taille. Par
exce|)tion, au centre d'un trophée daee du liritish Muséum ' se
dresse une lance identique: la nôtre peut donc être avec vraisem-
blance une arme dace que sa forme rendait particulièrement meur-
trière.
Les haches sont très pesantes, :ï tranchant unique, large et recti-
ligne. Les légionnaires et les vigiles en ont d'ordinaire une dont
le deuxième tranchant est remplacé par un pic et que Ton ap-
pelle dohihia ' ; nous avons ici un outil plus simple et sans doute
barbare.
Parmi les armes restantes, il en est qui sont tout à la fois ro-
maines et barbares. De l'entassement des boucliers émergent dans
nos trois fragments des poignées de glaives; c'est le pommeau rond
{ca/mhisi du rjlitdiiis /lisjxuiicHsiii, que porte habituellement le légion-
naire ^. Mais après avoir passé de l'Kspagne à Rome, ce gladiiis
avait passé de Rome dans les provinces du Danube. On le trouve
dans la main du Noricum ( l) personnifié de la basilique de Neptune "
I Jionn. Jahrb., LXXVII (18S4), pi. I, n. 1.
' Baiimeister, Deiikmnlcr dcr Klass. Alterl.. s. v. Wuff'eii (.Vil). .Miiliei)
«g. 2812.
' A. H. Siiiitli, ^1 Catulogiie of fculptiire ... Srttish SImeum, Lon-
dres, 1904, III. p. 427, n" 2620.
* Ciehorius, op. cit., pi. LX\'I1.
^ Baumeister, oj>. cit., p. 2072. tig. 229n-9t>: pommeaux en ivoire
trouvés près de Mayence.
'' Bienkowski, De simulacris p. (i4, fig. 53.
LES TROPHÉES KARXÈ.SB 318
et avec plus de netteté encore sur le bas-relief du Louvn' où un
guerrier dace s'apprête à en frapper un soldat romain '.
Le carquois tel qu'on le voit sur les trophées dits de Marins
appartient aux Barbares et aux auxiliaires qui combattaient pour
Rome; le trophée du Britisii, un sarcophage de la Villa DoriaPam-
phili ■ en ont d'analogues à ceux de notre frise: il faut remarquer
la boucle ronde qui servait à les attacher.
Voici enfin les armes pour lesquelles l'artiste, tout en demeurant
fidèle à certaines données réelles, s'est le plus complaisamment livré
à la fantaisie, les casques et les boucliers. Les fragments B et C
contiennent chacun un casque: celui de B a eu le frontal brisé par
le temps ; les nécessités techniques ont obligé l'artiste à en relever
le couvre-nuque et à en éeourter le garde-joue visible; par contre
celui de C a un frontal, mais ni couvre-nuque, ni garde-joue; il
semble d'ailleurs avoir été scié à sa partie inférieure par ceux qui
l'ont encastré oîi il est. Quoi qu'il en soit, tous deux sont assez
semblables entre eux et rappellent un casque romain reproduit par
Lindenschmit ' ; les Barbares en ont d'analogues, bien que ceux des
Daces en particulier soient d'ordinaire oblongs ' ; mais à la base de
notre dessin il y a un modèle romain. La fantaisie est surtout prouvée
par la décoration. Sur le casque de B un gi'iffon, pareil à ceux que
l'on voit encore sur les reliefs latéraux de notre ressaut; sur l'antre
un cavalier nu, monté sur un cheval. Ils sont donc comparables aux
cuirasses « historiées» " ; le griffon se retrouve, portant Apollon, sur
la hanche droite de l'Auguste de Priiiut Porta : mais le casque
' Reinach, Statuaire, I, pi. 141. — Michnn, Lp< Bas-reliefs Itistariques
romains du Loucre, Mon. Piot, XVII, p. 207.
^ Matz-Duhu, II, 331.9; — Bienkowski, op. cit.. ûg. ,5.S.
^ Bauraeister, op. cit., fig. •22SS-89.
'' Cichorius, ojj. cit.. pi. LVU.
^ Reinach, Statuaire, II, p. 574 sqq. — Wiclcke, art. cité, p. 188:
liste des cuirasses » historiées ».
ni4 LKS TltDl-IIÉK.S FAUNteK
liistorié est lui auHsi un olijot de luxe ; ooiifiirc de piiradi', mi ne
le porte pas: il n'est (|iic dn <loniaii)e artistiqnc.
Les bonclier» sont jxiui- la plupart plats et ovales, sortes de
soilii, Tiiais avec cette partieiilarité d'être reetilifines aux deux
extrémités: c'est là un moyen terme entre le liouelier réellement
ovale et le tioufdier liexaf^onal, d'abord gaulois, puis germain '. Il y
a également deux lioueliers ronds, — d'autres ovales, mais pointus
vers le lias, le liant étant par contre large et fortement liomité, —
sur le l'ragiiKMit (' enfin une sorte (\t pella (le pointillé indique que
le bouclier n'est jias lirisé, mais complet); ces deux derniers genres,
on le sait, ne t'ont point partie de l'armement régulier du soldat
romain, sans que toutefois aucun monument autorise à en faire
l'attribut de telle ou t«lle race de Barbares.
Les décorations sont variées. Mais remarquons d'abord un sctiliim
du fragment (' : en haut et en bas deux aigles opposées, chacune sur
nu fondre : ce bouclier se retrouve à plusieurs reprises sur la Co-
lonne Trajane '; M. Cichdrius y voit l'emblème de la / uhi Civium
Uomunornm, qui était en Pannonie en 80, 84 et 85 '; sur i^ on
peut reconnaître un bouclier orné de deux lions et ce fauve était
l'emblème de la IV Vhtrhi, légion créée par Vespasien et (|ui
prit part aux expéditions daccs de Domitien. Ces ornements, qui
ont une origine historique, ne sont pas les seuls; il y a des oies,
v(datiles qui accdnipagneiit souvent Mars'; des daui)liins. motif qui
orne une grande partie des frises et des corniches de Y Aidn Mai/un :
un bouclier rond du t'ragment .1 montre une .'ligle sur un foudre;
le grand oiseau de proie joue un rôle de prédilection dans la déco-
ration de la Domiis Fhiiin ; on en reti'onve encore actuellement
' Babelon, QuchjHes monnaies tU V Kmpereur Domitien (Germanin
('(t}ilitj, liev. Xinii., 1917-l.S, p. :î-2 et pi. I, particulièrement tig. 10.
^ Cichorius, op. cit., pi. XXVII (II, p. 1S4); — pb XLIII : — pi. XLVII.
^ C: I. J.., m, Dipl. XIII (XI), XVI ^LXXIV). XVII (XII).
< Pauly-Wissowa, s. v. Gai,^ ((Kck). VII, 1, p. T8.'>.
LES TROl'HÉES FAKXÉSE 315
plusieui-s dans ses ruines: sur le fragment (' un scarabée stylisé '.
Les rapports même de la décoration des frises et des boucliers, et
en même teraps. la variété des détails, la recherche de la diversité,
prouvent le fantaisie de l'artiste '.
Après toutes ces démonstrations de détail, et née d'elles, une
question se pose: quelles victoires représentent ces trophées? Il est
facile d'y répondre. Le Palais a été achevé en 92 seulement ^. Do-
mitien portait le titre de Germaiiirus depuis le premier semestre
de 84: d'autre part il avait triomphé des Daces à deux reprises, en 86
après avoir vengé la défaite d'Oijpius Sabinus, et en 89 après avoir
vengé celle de Cornélius Fuscus. Evidemment ces trophées font allu-
sion, malgré les mélanges et les fioritures Imaginatives, aux deux
triomphes de Domitien sur les Chattes et sur les Daces
. . . tnodo Germanas mies, modo Daca sonantem
Praplia *.
De même que sur les trophées de la colonne Trajane " sfr mêlent
armes daces et sarmates. parce que Trajan a célébré à la fois le
triomphe sur denx peuples distincts, de même nous avons ici des
armes daces et germaines. Mais de plus, grâce à un contre-sens du
sculpteur, nous voyons des armes romaines et des annes de fantaisie.
C'est que déjà, tout en conservant, on l'a vu, une valeur documen-
' Un 5' fragment trouvé au Palatin au moment de la mise en page
porte deux boucliers présentant encore d'autres dessins: croissant, etc.
- Pour les Victoires et pour les armes voir également: Beccarini.
Un deceunio di nuovi scari in Pompei, Milan. 1922, pi. XXIII (armamen-
tarium) : Musées de T Algérie et de la Tunisie, Delattre, iliisée Larigerie
de S' Louis de Carihage, II, Leroux. 1.H99. p. 5 et pi. I (en particulier bou-
cliers des trois formes indiquées plus haut).
^ Gsell. Essai sur Je règne de Domilien, p. 9.5: — cfr. Martial. VII. 56.
* Stace, Silv.. IV. 2, 65.
^ Cicliorius, op. cit.. pi. LVII. — II. p. 371.
ilélmiri'S' li'Arrh. .1 <flli.<l. 19-21-192i. 9^
;{H) I.KS llîol'IlKKS KAriXK.sK
taire n'-fUe, le tropliéi' n'i^st plus ^'iii'ir (iiriiii motif rli'-cnr.itif '.
Dôcorative rimprécisioii volontaire, qui pitrmet au visiteur <1c ilonnrr
un peu cours à son ima;;inntioii sans être arrêté par des détails
trop nets, décoratifs l'appel à des motifs iri-aoiousenient irréels, le
mélange de l'exuetitude à l'invention, décoratif encore le choix arlii-
traire de l'artiste qui, par un caprice souverain, omet le détail at-
tendu pour (juelque autre imperceptible : il rappelle les Daces i)ar
leur couteau à peine visible, mais supprime leur dragon-enseigne
qui eût été si caractéristi(|ue '.
Ce motif décoratif semble avoir atteint sons sa main une sorte
de perfection. Dans la composition nous sommes à un point d'alion-
tissement. On eonsidère d'ii.iliitude qu'il y a deux sortes de tro-
phées: des armes en monceau forment l'une, des armes en panoplie
l'autre '. Ici les deux types sont combinés ; le tropliée est, ])eut-on
dire, complet: Victoire, panoplie, mouce.ni d'armes.
Quitte à négliger un peu l'exaetifude, dans la symétrie de ses
seize reliefs le sculpteur .1 veillé .'1 la variété. Son souci artistique
a été raffiné: il a voulu éviter la monotonie par des nuances dis-
semblables, ne négliger nul détail, même ceux qui sont destinés à
perdre leur individualité, :'i se fondre dans le tout, ne laisser au
hasard aucune de ces minuties que le jjrofaue dédaigne et qui font
le régal des délicats; il a rêvé d'un ensemble imposant et martial.
' Cfr. Bartoccini, I.n drcora'ioiie deltu luise detla cohniio tniifum.
Bail. dclVnssoc. arch. roiii., 1!UI, p. 140: l'auteur démontre que les relief>
de la ("olonne obéissent ;i la vérité historique, tandis qu'il y a dans les
trophées de la base des armes (pii ne sont pas daces (tuniques à focah-.
cuirasses segmeniatac, carni/rrs).
^ Le but est si bien atteint que les opinions les plus diverses i-e
peuvent excuser. Ainsi Bi;incliini, o;j. c//., p. 54: ^ ira le quali si pos^sono
riconoscere le proprie ancor de' Gerniani, du berettoni tessiiti di finohl.
o di lava, 0 di capelli, ad nso dellu nasiotie, » — et par contre Beschici-
hioig Ttom'.i, III, p. 87: « Die KapUdleti iraren mit Tiophâe» geschiiiiiclt.
<i>( deiiDi man dadsche Miitzcn erhUelcie ».
' .\d. Keinach. Saylio. art. ril,\ V. j). .")14 et sq(|.
LES TROPHEES FARNBSE 611
mais il a voulu que l'œil, dont les c.iprices sont aiultiples, pût aussi
errer avec complaisance sur la flexibilité de motifs secondaires,
mais ingénieusement diversifiés; il a représenté presque toutes les
formes de boucliers, prenant soin de n'en répéter que très rarement
rornenieutation. La finesse du détail est telle que l'on peut dire
comme Bianchini ' le fait de bases de colonnes placées dans la même
salle: « scoJjiite quanta finamente potrehhero formarsi in cera ». Les
armes du deuxième plan sont travaillées avec le même soin : les
ornements des casques et des boucliers sont d'nne rare délicatesse,
les poignées de glaives, les haches ont été minutieusement représen-
tées et le carquois montre encore la mince courroie qui servait à
le pendre à l'épaule.
Sans doute si l'on compare uos deux Victoires aux œuvres grec-
ques et aux statuettes de bronze d'inspiration hellénistique directe,
on est prêt à leur reprocher quelque lourdeur : le genou est bas et
les plis se répètent, monotones ; mais qu'on les rapproche d'autres
reliefs romains, on sent qu'il y a là une habileté inconnue à l'époque
d'Auguste et perdue à celle des Antonius. Surtout — et c'est ce
qui donne peut-être à cette sculpture sa saveur originale — si les
détails sont précis, l'ensemble garde pourtant une sorte de fluidité,
quelque chose de flou, d'estompé; il y a là, peut-on dire, de l'im-
pressionisrae. La seule aile qui reste à la Victoire du fragment B est
bien caractéristique à cet égard : ni raide, ni stylisée, elle dessine
comme nonchalamment une courbe moelleuse. Et la déesse est plus
vivante avec cette langueur souple qu'elle ne le serait droite et
hiératique. Sur elle comme sur les armes qu'elle domine, les lu-
mières et les ombres se plaisent à jouer très marquées; ainsi les
fantasmagories aériennes viennent parer l'aMivre d'une nouvelle
grâce.
' Bianchini. op. cit., p. ,52.
318 LK.S TROIMIKKS FARNKSK
Martial évntiiif une fi'tc on Dumition ro(;oit à sa table
equcs, popwhisijue patresque,
pour ("élébrer ses succès,
Tantu tuas, Caesar. cflehrunt conriria J/ninis '.
Nos trophées Farnèse, comme les vers du poète, redisaient les
louanges de l'empereur, mais i)lus discrètement. Le cadre qu'ils
rehaussaient de leur beauté était digne de recevoir les plus nobles,
les plus fastueux personnages. Même aujourd'hui, en dépit de leur
mutilation, ils sont de ces glorieux vestiges où s'affirme l'épanouis-
sement artistique dont peut s'enorgueillir — on le reconnait main-
tenant volontiers ° — le principal sinistre et grandiose de Domitien.
Marcel Dirky.
' Martial VIII, 50, £)1.
- Strong, 02J. cit., p. 145 sqfi.
JEAN DE CANDIDA
ET LE CARDINAL DE SAINT-DENIS
Lursqu'il partit pour Rome en novembre 1491, chargé par le
roi de France d'une importante mission auprès du pape, Jean de
Billières-Lagraulas, abbé de Saint-Denis, emmenait parmi les person-
nes qui composaient son ambassade le napolitain Jean de Candida '.
S'il l'avait choisi, c'est qu'il le connaissait depuis plusieurs an-
nées ; il appréciait l'étendue de ses connaissances historiques, et
avait été à la cour de Charles VIII un de ses protecteurs les plus
actifs : nous l'apprenons de Jean de Candida lui-même, dans la
préface d'une courte Chronique des rois de Sicile qu'il écrivit à la
demande de l'abbé et que nous a conservée le manuscrit latin 7578
du Vatican '.
Ce que nous savions jusqu'à présent de la" vie de cet italien,
français d'adoption, également liabile, au dire de son ami Robert
■ Godefroy, if/.sf. de Charles VIII, p. (îlT; Ch. Saniaian, Jean de
Bilhères-Lagraulas {Moyen Aye. 1920), pag. loi.
* Au f. 93 *. Voir a la fin de cet article, app. I. Le manuscrit, tout
entier du XV" siècle, contient en outre: 1" Trois compilations latines
sans valeur '^deux Histoires de France des origines à Pliilippe VI, qui
s'étendent des ff. 1 à 16 et 17 à 85; la première est datée de mai 1331;
— ime Histoire des Comtes de Toulouse d'après Guill. de Puj'laurens et
Pierre des Vaux-de-Cernay, du f. 86 au f. 9'] ). 2° Une généalogie des rois
de Fiance depuis Louis VIII, intitulée Figura généalogie qua multis vi-
rihus ReJ' Francorum Caroïus oetavus qui hodie est extat naturalis et le-
gitimus hères et successor regni Sicilie, progenitus ab isto Ludovico octavo
qui progenuit reges Sicilie de domo Andegavie (f. 92). Elle se termine par
une signature, malheureusement grattée avec soin, dont il n'est plus pos-
sible de lire qu'un P initial. — Le texte de Jean de Candida porte des
rubriques et des corrections autographes de l'auteur.
.'Î20 .FKAN DE CANDIDA
lîi'ironiHjt, à l;i (liphiinatic, à l'iiistoire, et k la -gravure en mé-
dailles ', peut tenir en quelques lignes. Les documents nous le
montrent d'aWord au service des ducs de l'ourfrojjne ; il y était
eu 1477, et y resta au moins jusqu'en 1479, date ;\ laquelle
il fut, on ne sait pourquoi, cmprisunné h Lille ". Nous le trou-
viius ensuite à la cour du jeune Charles VIII, auquel il présenta
une Histoire de France latine, et dont il devint bientôt le conseiller '.
Dès lors son nom parait dans un certain nombre de circonstances
où la ])olitique tV.uieoitalieiine est en cause. Il fit i)artie en avi-il
1490 de l'ambassade envoyée par le roi de France :\ la duchesse
Blanche de Savoie pour l'aider, ainsi que son fils Charles II, contre
les prétentions de P!iili]ipe de liiigey \ Kn novembre 1491, il est
à Rome, avec Jean de r.iliiéres. 11 y retourna dans les dei-niers
mois de l'année 1493, pour le compte cette fois de Guillaume
Bri(;(iniiet. (jui dut peut-être :\ ses démarches son chapeau de car-
dinal ''. On perd sa trace après 1503, date à laquelle il exécuta
les médailles de Pierre Bri(;onnet, .yénéral de Laugiiedoil, et de
Thomas Bohier, général de Normandie ''.
Il faut compléter ces maigres données par celles que fournit
le texte de sa nomination de pi-otonotaire apostolique '. Cette pièce
est du 19 avril 1488: déjà, elle le montre, il était conseiller du
roi, et désigné comme ambassadeur auprès du Saint-Siège. On l'at-
' Lettre signalée par L. Delisle, JiHilioth. (h- VEcole des Chartes,
1890, p. olO: « Robeitus etc. .Joanni CanJidae, siinuuo et oratori et hi-
stovieo ac sculptoriae artis atque plastices liac aetate omnium consuni-
matissimo, S. P. D > {Guiliehui de Mara e/)(s<o/ne, ep. XXII, édit. de
1514, f. 8h).
- H. de la Toui'. Jean de Candida {lier, de Xumismatiqtie, 1894) p. 327.
^ Ibid., p. 465. La préface de ce petit ouvrage a été publiée par
C. Couderc, liiljî. de VEr. des Chartes, 1894, p. 566.
* Lettre de Charles VIII à l'arclievêque d'Auch. 23 mai 1490 (Lettres
de Charles VIII, édit. P. Pélicier, III, p. 39).
^ H. de la Tour, toc. cit., p. 171.
« Ilrid.. p. 493.
' Reg. Vaîie. (Î9.ô. fol. i;i;i. Voir jibis bas. app. 11.
ET LE CARDINAL DE SALXT-DEN'IS 321
tendait suus \wn à Rome, (ii'i il devait prêter serment jioiir s;i nou-
velle eliarge entre les mains du cardinal de Saint-Georges, Raphaël
Riario: il est possible qu'il y ait été euvoyé dès cette époque.
Si Tipiivre artistique de Jean de Caiidida, dont nous n'avons
pas à nous oeeuper ici, est maintenant Iden connue ', ou ignore
tout de son rôle exact comme diplomate; l'on n'était guère plus
heureux jusqu'ici pour son œuvre historique, dont il ne restait
qu'un seul témoin, In médiocre compilation offerte à Charles VIII ;
et l'on doutait même, malgré les afHrmations de l'auteur, que ses
travaux eussent jamais eu dans cet ordre une importance quelcouque.
IjC texte qui fait l'objet de la présente note prouve tout au moins
que ses contemporains fondaient sur lui de grands espfiirs. Il n'est
l)as daté, mais la Chronique qui lui fait suite s'arrête à l'avène-
ment de Louis XII: elle fut donc écrite entre le 7 avril 1-198
et le 6 aoiit 1499, date de la mort du cardinal abbé de Saint-
Denis qui en reçut la dédicace.
Ce dernier, aui(uel Lonis XI et Charles Vlll confièrent de nom-
Itreuses missions diplomatiques en Espagne, en Bretagne, à Rome,
était évêque de Lombez depuis 1473; il devint abbé de Saint-
Denis eu 1474, et cardinal du titre de Sainte-Sabine le 20 sep-
tembre 1493. Entre temps il avait été nommé président de l'Echi-
(juier de Normandie (2G mai 1484j. Envoyé à Rome en 1491, il
ne devait plus quitter l'Italie, où il eut à jouer le rôle délicat
d'intermédiaire entre Charles VIII et Alexandre VI pendant l'ex-
pédition de Naples '"'.
De par ses fonctions mêmes, l'abbé de Saint-Denis, ehef^dii
monastère où se poursuivait depuis des siècles la rédaction des
C/ironiques latines de Saint-Denis et des Grandes Chroniques de
France, était appelé à s'occuper de questions relatives ù l'histoire.
' H. de la Tour. op. cit.
- L'h. .'^ainaian, op. rit.
322 JKAN DE CANKIKA
.leaii de Billi^res en effet (lemaiidii et obtint en 1482 du eliauee-
lier Pierre d"Oriole que la eliarge d'iiistoriograplie du royaume,
qu'avait exercée par exception jusqu'en 1476 ral)lié de Saint-Manr
.Jean Castel, fût rendue à un moine de Saint-Denis '. C'est lui, nous
apprend la préface à la Ç/ironiipic tics rois dr Siiilr. qui, d'accord
avec le successeur de l'icrrc d'Oriole, <!nilbnime di- Itocliefort, et
par conséquent de façon officielle, confia à Jean de Caudida la ré-
daction d'une Jurande histoire de France où seraient résumés tous
les ouvrages antérieurs. Ce travail, i)onr leiiuel ils le savaient bien
préparé pai- ses recherches dans de noml)reHses liililiothèques, fut
commencé, mais interrompu, nous dit l'auteur, par l'ambassade à
Home de 1491. la mort du chancelier Guillaume de Hochefort
(12 août 1402), et la fin malheureuse de l'expédition de Naples,
i|ui lui poita. nous l'en croyons volontiei's. un très jri'os dommage.
11 est peu probable qu'il n'ait dû qu'à la petite Histoire de France
présentée au roi d"être désigné pour un ouvrage aussi important;
s.-uis doute, sa qualité de napniitMiii l'iit pdiir beaucoup daus le choix
"du chancelier et de Tablié de .Saint-Denis. A cette époque en effet
l'on s'occupait déjà de rassembler de toutes parts des documents
prouvant les droits de Charles VIII sur le royaume de Naples. En
juillet 1484 arrivait à Paris le mémoire rédigé par des clercs de
Provence sous l'inspiration dT-tienne de \'csc poui' démontrer que
riiéritage des droits des angevins appartenait au roi de France*,
.lea'n de Bilhères-Lagraulas travaillait lui-même à réunir des té-
moignages ^. Bientôt allait paraître le Traite' des droits du lloji
Ç/iarles VIII (txx roi/aumes de Xaples. Sicile et Arrngon de Léo-
nard Baronnat (1491) ^ .lean de Caudida. nap(ditain gagné ;\ la
' Cil. Saniaran, op. cit.. p. 228 s.
- H.-Fr. Delaborde, L'expédition de Chartes VIII en Italie, p. 164.
^ A. de Boislisle, Notice sur Etienne de Vei>c (Ann.-Biill. de la Soc.
de VHist. de France, 1880), p. 2:i7. n. 2.
< Godefroy, Hist. de Cliarlfn VIII. p. 67.Ô.
ET LE CARDINAL DE SAINT-DENIS 323
cause française, historieu, était l'homme qu'il fallait. Il est signi-
ficatif qu'il ait été préféré à Robert Gaguin: dès la mort de Jean
Oastel cil 1476, celui-ci avait demandé à Pierre d'Oriole la faveur
d'être chargé de la composition d'une histoire de France latine
depuis les origines *. Il ne l'obtint jamais, malgré ses instances, et
n'en arriva pas moins, seul, sans aide, à terminer son Compeiidium
de oriyine et yestis Franco m m, alors que Jean de Candida ne fit
rien. Vers le même temps, un autre italien, Paul Emile, était nommé
liistoriographe du royaume, à charge d'écrire une liistoire de France
en beau latin classique ". C'est à lui, seinble-t-il, et aux Grandes
Chroniques, que notre auteur fait allusion, lorsqu'il avoue s'être
demandé pourquoi on le priait d'écrire, lui aussi, une œuvre ana-
logue: «ego, tametsi Francorum cronice jam accepte vulgo cireum-
ferreutur, et essent qui regio stipeiulio iddeni opus politius aggressi
elaborare pergereut, tamen . . . opus incepi ». Nous partageons son
étounement. Mais, comme lui, nous ne pouvons guère que consta-
ter le fait, sans chercjier à Texpliquer: les premières années du
règne de Charles VllI ont vu la publication ou la mise en train
de trois histoires otlicielles, les Grandes Chroniques de France ^,
l'histoire de Paul Emile et, la dernière en date d'après ses pro-
pres termes et si nous les avons bien compris, celle de Jean
de Candida.
A Rouen, alors qu'il présidait l'écliiquier de Normandie, Jean
de lîiliières avait communiqué à son protégé les chroniques eon-
' L. Thuasne, Roherti Gaguini epistolae et orationes, I, p. 38, 252, 278.
^ Elle parut pour la première fois en 1517 (Brunet, Manuel, I, 64).
^ On lit dans la préface de l'édition Fr. Regnault, Paris, s. d. : « A
l'honneur et louange de X. .S. Jhû Clnist et de toute la court eelestielle
de paradis et à l'honneur et révérence de vous, mon tresredoubté et tres-
souverain seigneur Ciiarles huitiesme de ce nom treschrestien roy de
France, je vostre treshunible et tresobeyssant serviteur nprcg votre com-
mandement, ay fait les grandes croniques de France conteaans ces pre-
sens trois volumes >.
324 JKAN UK CA.NIUDA
servées dans les « anckiines ari'liivos » ' de cette ville. Les notes que
prit alors celui ci lui servirent plus tard pour sa C/ironique des
rois de Sicile. Il se flatte d'avoir, ^râce à elles, écrit l'histoire de
rétablissement des noniiaiids dans rilalic méridionale avec plus
d'exactitude que ceux (|ui avaient traité ce sujet avant lui, Gio-
viano Pontano et Flavio liicimld de Forli. Sans donie l'untano ne
lui consacre qu'une demi-page au début du de hello Neapolitano.-
Mais sou ouvrage ne comportait pas plus, tenant k Flavio Biondo,
le récit qu'il en donne dans ses llistoriae ah inrlimtlione romani
imperii ad unmnn 11 10 '' n'est pas aussi eironé que Jean de ('andida
voudrait le faire croire.
Je.\n Pokcheh.
Préface de la ('hi-onique des rois de Sicile de Jean de Catidida.
[Ad Reverendissiniuni d. Cardinalem Sancti Dynnisii etc. cro-
nica Keguni SicilieJ '.
Keverendissimo iu Cliristo Patri et Uomino Domino .lohauni Ab-
bati Sancti Dionisii Parisiorum, Epieoopo Lumbariensi, Sancte Ro-
mane Ecclesie tituli Saucte Sabine presbytero Cardiuali, devotus
et fidelis servitor Johannes Candida prosperitatem.
Egerat sepe mecum Reverendissima Paternitas tua una cum
clarissimo viro Guillermo de Rupeforti, Francie cancellario, ut Fran-
corum liistoriam a variis varie couscrii)tam nieo modo ab origine
' Probablement hi bil)li((tbi'i(ue caiiitulaiie. ou relie de l'abbaye de
Saint-Ouen. Ct'r. U. Omont, Catal. goiOi-. des Manuscrits de.i Bihh piibl.
de France, I, Rouen, p. X s.
' Decad. II, lib. 2, édit. de lô.'ii), p. 190 E.
' De la luaiu de Jean de Candida.
ET LE CARDINAL 1»E SAINT DE.Nl.S iJ25
contexeiTui, rati vos ambo me iiloneum esse uegotio, quem iiove-
ratis al) adiilescentia amatorein historié, ac, per oinnes quas multas
penigravi terras, bihliothecas veteres diligenti cura atque studio
quesivisse si quid in illis seriptuni de Francis reperirem. Quod
ego, tametsi Francorum cronice Jam accepte vulgo circumfer-
rentiir, et essent qui regio stipendio iddem opus politius aggressi
elaborare pergerent, tanieu voluntati vestre morem gerens, opus
quidem incepi, inceptura vero quominus ad exitum perducerem
obitus effecit cancellarii, et tua roniana profectio, ac subinde michi
non parva ex neapolitana rebellione secuta calamitas. Xunc autem
Rome cum te cupere diceres, ut laborem susciperem ordine tibi
describeudi qui fuerint Sicilie reges et uude ortum habuerint,
nichil me tibi pro meis viribus licet recusare, presertim preclara
et honesta petenti, taraen. Reverendissime Pater, in disserenda re-
ruin origine res siue laljore non est: laburavit euini in ea re re-
gil)us suis Ferdinando et Alfonso vir etatis nostre doctissimus Jo
lianues Pontanus; sed nec ipse, neque patrum nostrorum memoria
diligentissimus 'scriptor Blondus, Normanoruni Comitum in Italia,
ex quibus Rogerius prinius rex extitit, exactam originem prodide-
riint. At ego Rothomagi, nbi diu iiiclita Normanoruni diicum se-
des fuit, tuo et Cancellarii presidio, qui illic michi cronicas eorum
a veteribus ipsius urbis archivis in manibus venire curastis, raulta
de Normanis que ab historia desiderantur repperi preterniissa. Ve-
rura, Reverendissime Pater, si quando quod desideratur plane ha-
beri non po^sit, at illud quod est desiderio proxiraum spernendum
non puto. Tua tamen Révérend issi ma Paternitas in hoc opuscule
non.tam meam facultatem quani fidem et diligentiara sibi arcceptam
dignabitur suscipere.
Vatic. l.it. lï>l!<. fol. !t3»i
326 .IKAN DE CANDIDA
Innocent VIII noinme Jran ih: (.Uindida protonoùtire aposto-
lique. — Home, III arril I48H.
Innocentius etc. I)il(!eto filio magistro Johanni Candida clerico
Avelinensis diocesis, iiotario nostro, salutem etc. Ad prcclara vir-
tutiiiii doua ((iiibiis te ali illdriiiii largitoro multipliciter insiguitum
fiognovimus iiostre dirigente» coiisideratioiiis intuitum, dignum re-
putainus et debitum ut te specialibus attollamus laiidibus et pre-
cipuis titulis decoremus. Ciim itaque, sicut aecepiinus, tii, qui vir-
tutuui decoraris oriiatibus, iiostris et romane ecclesie obsequiis di-
sponas insistere, uosque alias gratuni seutiamus tue famé et probi
tatis odorem, et propterea persoiiain tuam grato prosequentes af-
feetu, et intendeiitcs pro incritis digiiioris nominis titulo dccoraro,
motu proprio, non ad tuam vol altcrins pro te nohis super hoe
ohlate petitionis instantiam, sed de nostra mei'a liberalitate, te, qui
pro parte carisaimi in Christo filii nostri Caroli Franeoruni régis
ilhistris ad nos et Sedem Apostolifam orator destinatus, et, ut ac-
ceiiimns, ejnsdera régis consiliai-iiis cxistis, in nostrum et dicte sedia
notariura tenore presentiiim reeipimiis auctoritate apostoliea et con-
stituimus ac aliorum nostrorum et ejusdem sedis notariorum numéro
et eonsortio favorabiliter agregnmus.
Volumus autem ut, antequam insiguia offieii hujusmodi recipias,
de eo fideliter exercendo in manibus dilecti filii nostri Raphaelis,
i^ancti Georgii ad Vélum Ann'um diaconi cardinalis, camerarii no
stri, prestes nostro et romane erclesie nomine fidelitatis deltite in
forma solita juramentum. Nulli etc. nostre receptionis, constitu-
tionis, agregationis, eoncessionis, et voluntatis infringere eto. Si
quis etc. Datum Rome, apud Sanctum Petrum, anno etc. 1488,
tertiodecimo Kalendas Maii, Pontilieatus nostri anno quarto.
(Reg. V.itic. 69.Ô. fol. fitii'-tîT").
AD BUECHELER, 634
Haec tihi, kaia, luus cons(rip[si reibfi] maritus
0 dulcis coniunr, de[rtrae sola\men amissae.
lam sine te orh\a domus mo]lesta mih[i manet, Or]cus
Et caeJ[ebs mihi\ vita placet, [^neqtie d]t<ras amab[o]
Funere mut[undas] t(des acce\ ndere] faces.
Telle se présente, dans le recueil désormais classique de Riie-
cheler, sons le n° 634 ', une inscription d'Henchir-el-Ksour, prés
Tébessa (Algérie), dont les lacunes étendues et la métrique capri-
cieuse ont, à diverses reprises, sollicité l'ingénieux effort des lati-
nistes. Auparavant, les Comptes-Feiidus de l' Académie d'Hijipone
en avaient publié une reconstitution fantastique ', et Schmidt, au
Corpus. VIII, 16737, ne s'était risqué qu'à lui donner, par en-
droits, quelques compléments fragmentaires. Depuis, Cbolodniak ^ a
voulu arracher aux lignes suivantes un secret dont Buecbeler avait
justement désespéré, et que la pauvreté des vestiges encore visibles
nous dérobera toujours. Mais lorsque ce virtuose du vers latin,
jouant avec les quelques lettres qui apparaissent encore à la ligne 7
(RVC) et :i la ligne 8 (NVTRISTlSj, prétend continuer Buecbeler,
il ne nous offre, sous le nom de compléments, qu'une composition
de son cru : et lorsque, dans les parties de l'inscription qui comportent
une légitime tentative de restitution, il parait se séparer de Bue-
cbeler, il se borne à modifier dans le détail la forme des idées qu'il
lui emprunte fidèlement. Et certes, je n'aurais point conçu l'espoir
' Buecheler, Carmina Epigraphica. I, p. 301.
^ Année 1888, p. CXVII et CXXXI.
^ Cholodniak, Carmina sepuleralia latina epiyraphica -, n" Î2-2.
328 Ali HtBCHKLER, Ki4
(Vamender Biicclielcr, si ce in.-iitre n'avait pus dft se contenter,
comme Sclimidt. pour accomplii- nue tâclie aussi délicate, des estam-
pages plus on moins ini|);irraits des archéologues locaux, et si l'ad-
mirable tome \" ([vti Jnsrriptioiis Jatines de V Algérie, Ast M. Osell,
ne venait point d'apporter an texte en discussion, par l'examen
minutieux et sûi' auquel M. (!sell lui-même et M. AHiertini ont sou-
mis l'original, le secours décisif de leçons nouvelles et certaines '.
L.i ligne 6 de l'inscription, après le mot FVNERE par le<|ui'l
elle commence, ne présente, ni le groupe MVI que porte le Corpus.
ni le groupe MVT qu'a adopté Rneclieler. mais le groupe ATV sui\i
d'une courlie ([ui n'a i)u api)artcuir qu'à un C ou à un O. Après
quoi, s'ouvre une lacune que la comparaison avec les ligues précé-
dentes force d'évaluer ;\ quatre ou cinq lettres au maximum : et cette
lacune est elle-même suivie, non d'un T, mais d'un I. lîneclieler
s'est donc fourvoyé dans sa transcription :
nei[ve d\uras umiih\i)\
Fiinere muf\anrhis] taies ftcce[ndere\' fares.
Sclimidt, au Corpus, avait approché davantage la vérité, en indi-
quant qu'il devait s'agir de la torche nui)tiale: mais, à peine éhau-
chée, son interprétation ne prend corps qu'avec la lecture de M. Gsell
et les compléments qu'elle lui a si heureusement suggérés:
nec d])(r(is (iniali[o]
F>n>ere ii ti(\o »uj)f]iales ncie[»dere] fines.
Inconsolalile de la mort de sa femme, le mari qui a rédigé cette
épitaphe se refuse à rallumer, sur le liûclier funêUre de la bien-aimée,
les torches d'un second et cruel liyincn.
' Stéphane Gsell, hiscripiious latines de l'A Ige'rie, tome I, Iiiacriplions
de la Proconsulaire, Paris, 1922. n" .S599.
AD liUECUELER, <Î34 329
Seulement, qu'on y prenne garde: cette première difficulté vaincue,
d'antres vont surgir aussitôt.
D'abord, l'énergie désespérée avec laquelle le survivant s'at-
tache au souvenir de la disparue disqualifie la forme dont tons le.s
éditeurs ont, jusqu'ici, revêtu ses regrets:
Et c(ieJ\ehs miJii^ rilti placet . . .
Horace a bien pu clianter la vie du célibataire:
Xihil (lit esse prias, nieliiis )ii} raelibe rita ' :
et cette réminiscence des EpHyes n'est sans doute pas étrangère
aux compléments de Buecheler. Mais, à y réfléchir, elle doit suffire
à les écarter. Même atténué par le contexte et la signification res-
treinte qu'il donne au mot ciielebs, cet air de veuf apaisé, sinon
joyeux, sonne faux sur une tombe. Sed nuiic non erat his îoctis,
comme dit le poète ', dont la philosophie facile serait ici d'une
inadmissible inconvenance. A vrai dire, on s'attend au langage con-
traire: et, au lieu de mU/i] rita i^lacet, l'époux en deuil a plutôt
dicté: neque^ rita jilaref.
Mais il y a plus. Aux vers précédents, les éditeurs s'accordent
à entendre que le mari aspire :\ rejoindre celle qu'il a perdue.
Buecheler a compris:
lam sine te orhfa dowiis mo^lesta mih[i niaiiet, Or]ii<s
Et ine}[ehs milnl ritn placet.
Cholodniak. de son côté, transcrit:
lam sine te orbi[tas nwllesta mi i^estat et ro]fii(s
Et rael[ebs mi lit] rita i^laeet.
' H or., Serm., I, 1, 88
* Hor.. Ars poet., 19.
380 AD niFECHELER, d'M
Or aucune de ces lectures n'arrive à rendre cohérents les vers
qu'elles estropient. La contradiction est voilée dans la seconde, si
n)\fpis désigne le ln'ichcr (|ui sci'vit ;uix funérailles de la femme et
dont le mari garde ]irésfiite la vision douloui-euse :
. . . rof/KS aspiciendiis iimalde
Coniiuiis '.
Elle est tlaijraiitf' dans la première, où le survii^ant est partagé
entre la résignation à son veuvage et le désir d'en finir avec l'exis-
tence. Elle subsiste dans les deux, puisque, dans chacune d'elles,
le vers 4 accepte le sort — pJacet — dont le vers 3 dépeint l'into-
léralile fardeau — mo]lest<i mi — . Enfin l'une et l'autre exagèrent
jusqu'à l'invraisemblance les licences que s'octroient avec la quan-
tité les plus maladroits dos versificateurs africains, et les mots
qu'elles imaginent substituent au dactyle et au spondée fou trochée)
exigés par la règle des mètres d'une monstrueuse difformité " :
... t)u/i[ï tiiilnf'f, (ii-yitx
. . . ml rlf'xfilf ('f nijgus:
Visiblement, l'interprétation s'égare. Il n'est, pour rorient<'r sur
une meilleure voie, qu'à suivre, .-iijpés MM. Osell et .VIbertini, les
enseignements de l'original.
Le détail des restitutions proposées par IJuecheler est condamné
liar les constatations qu'ils ont faites.
Il nous est interdit de conserver orl/\ii ihtmiis] puisque''le R de
OI'iB est suivi d'un I qui, nettement marqué sur la pierre, entraîne
le substantif orbi]tas auquel l'adjectif féminin mo\lesta va se rat-
' .luvénal, X, 241-242.
' Il est à noter cependant ini'à la fin du v. 4, la désinence de (l]iiras
est abrégée sans droit, et qu'à la fin du v. 2 IVi de itmisftae est traité
comme une brève.
An BIECHELER. (i.H4 331
tacher tout natiirellemoiit : orb[jtas m()\h'sta mi (s. e. est), la soli-
tude m'est intolérable.
De même, »iili\l ))ianet\ doit disparaitre, jiiiis(iu'au lieu de l'H que
Bueclieler pensait avoir lu sur ses estampages, l'inscription montre les
restes iucontestaldes d'une lettre bouclée qui ne peut être qu'un P,
un B ou un K. Elle ne permet plus de décider si les trois derniers
caractères du vers 3 sont CVS ou GVS, et pourrait donc autoriser
aussi bien Cholodniak à lire ro](ins que Buecheler à compléter Orjcus
ou 0>\(ius. Mais, comme le juge M. Gsell, ces restitutions « sont
aussi peu satisfaisantes l'une que l'autre », et, en réalité, elles tom-
bent toutes ensemble devant ce fait que le premier mot du vers à
rétablir ne consiste point dans radverl)e iani, mais dans la conjonction
n(tm. Entre ce vers et le vers précédent :
0 (luhis foniun.r, de[.itrae s<Aa\me» amissac
comme le lisent Bueclieler et M. Gsill, ou mieux', peut-être, comme
l'avait lu Schmidt :
0 dulcis coniunx, <le[rtrae 1eni]men (imissaf
il existe un lien rationnel, qu'elles méconnaissent, mais (|u'on aura
vite fait de renouer si l'on a soin de rendre aux vocables latins
leui- signification normale. L'apposition du vers 2 ne peut offrir
qu'un sens: l'épouse que pleure le rédacteur de l'épitaphe d'Henchir
el Ksour était la consolation, ou. mieux, le soulagement du malheui'
qui l'avait dès longtemps frappé et qui va redoubler de cruauté,
maintenant qu'elle ne sera plus près de lui pour en atténuer les
coups: la perte de la main droite — de[.rtr(ie . . . amissae]. La dé-
tresse où cette mort l'a laissé est affreusement pénililc. En efî'et
— iHuii — , sans sa femme, sans l'assistance coutinnello de sa ten-
' Avec Icmmeii. dont la picmiére syllabe est brève, le vers est un
peu moins faux. Le terme, d'ailleurs, est plus juste. Enfin levamcn et amilto
sont rapprochés par Virgile u4f«., III. 709 et 710).
Jlelaiifics (lArch. tt d'IUft. lWl-l!e2. 22
332 AI) HIKCIIBI.EK, B31
(licwR ', il r.-ssentiia Tanif rtiim.' <l.- la solituile, et il vwhm-r.K toute
la souffrance de son infirmité:
Nam sine le <,rhi\liis „io\l'-!^l'i wi. i\esto>iue ,>,'n,\r„s
Et (■ael[i'lis . . .
Aussi na-t-il jilus de plaisir à vivre: [ne'iue\ >ilu plarel: et.
IM.urtant, il ne se remariera jamais: [tier (ï]uras <i)mlj\o\...
Ainsi compris, les vers d'IIencliir el Ksour ne contiennent pas
plus de talent. Mais dal.ord ils sont plus corrects et se tcnninent
ordinairement par les j.ieds oldij^atoires des hexamètres. Kn outre,
ils ae succèdent selon un di-velopperaent progressif, où la logique
— enfin — reprend ses droits, et (pie marque, avec le nam qui
Tamorce, la symétrie de ses deux affirmations et de ses deux né-
gations consécutives et lialancées— »rs/02Me muncus et melebs..;
neque vitu plaret wr duras umaho. Enfin ils révèlent chez leur
auteur, pauvre victime d'une vie deux fois brisée, la sincérité d'une
douleur ejiceptionnelle et poignante, un sentiment naïf et profond:
et, mieux que des élégances de style et des ornements d'emprunt,
la simplicité de cette plainte émouvante saura toujours, et surtout
aujourd'liui, trouver le chemin de nos cTurs :
Haec til)i, kara, tuiis consaip[si verba] maritus.
0 duMs coniunr. de\3trae leva\men amissae.
Xatn sine te orbi[tas 7no]lesta mi, r\estoqHe m(in]ais
Et cnel[el>s. neqne] rifn plaret, {nev d]uras umab\o}
Funere a tn\<) nnpt\ia\i-s arie{ndeye\ faces.
Jérôme C.^iicopino.
' Le passé uutn^li '\n\ fibrine -i la diTiiiéic lipio de linscription y
fait pputètre allusion.
NECROLOGIE
Ferdinand Chalandon
(1875-1921)
Le 31 octobre 1921 mourait à Laus.iiiiic, d'un mal contracté
;\ la guerre, Ferdinand Chalandon, ancien élève de l'Ecole des Char-
tes, ancien meml)re de l'Ecole de Rome. Avec une tristesse mêlée
d'orgueil, nous ùisci-ivons son nom auprès de ceux des nombreux ca-
marades, jeunes gens ou hommes mûrs, qui ont sacrifié généreuse-
ment ;\ la patrie une vie tantôt riclie de promesses, tantôt déjà
féconde en œuvres.
Ferdinand Chalandon était né le 10 février 1875, ;\ Lyon; il
y commença ses études, et vint les achever h Paris au lycée Louis-
le-Grand. En 1895, il prenait sa licence d'histoire et entrait à
l'Ecole des Gliartes; en 1897, il obtenait le diplôme des Hautes-
Etudes et, deux ans après, celui d'archiviste-paléographe. En sor-
tant de l'Ecole des Chartes, il était envoyé au Palais F.irnèse.
C'est là que Je le connus et que se noua bientôt entre nous
une amitié que la mort seule a pu rompre. Nous avions débarqué
à Rome à quelques jours d'intervalle : nous en fîmes ensemble l'inou-
bliable découverte. Premières visites au Forum et au Palatin, aux
églises et aux musées, promenades dans Rome et dans la Campa-
gne : il n'est pas de lieu ici où je ne le retrouve.
.U4 Ii;l!lllNANIl CirAI.AMiOS
Altiste et li-ttiv. <'lial;iii(1oii ii'ét.-iit pas de ceux ilfiiit les lii-
liliii(liè(|iies cl les Mri-lii\is ulisorlieiit les journées entières et é|inisent
tinilc 1:1 cni-insiti-. Il MMil.iit tout voir et était apte à tout ;?o(lter.
('i' qu'on apereevait d'ahonl en lui, <''était une faculté remarqua-
ble d'attention et d'oUservation : il fallait quelque temps, et quel-
(|iie intimité, pour dé<'onvrir une vivaeité et une rieliesse d'impres-
sions que masquait, tiuitot une réserve assez froide, t.-uitôt uni- ironie
un i)eu amère. Dans la conversation la plus familière, s'il déclarait
volontiers son Ju.:;enient. il éprouvait comme une ^'êne ou une ])U-
deiir à exprimer son sentiment ou à laisser deviner son émotion.
Les deux .-innées qne ( 'li.il.inilon passa en It ilii- furent à moitié
remplies par des voyages. L'étude qu'il avait entreprise sur la do-
mination des Normands le conduisit à visiter méthodiquement le
X.ipolitain. la O.ilalire. les l'ouiUes et la Sicile. Il .illait de couvent
en couvent, d'une l)il)liothèque communale à une archive capitulaire.
ne se laissant rebuter ni par les mauvais gites, ni par les accueils dé
courageants. Les démêlés de Ohalandou avec certains chanoines de
l'Italie méridionale sont demeurés légendaires dans les fastes dt
notre Kcole. Tantôt par iguor.mce paresseuse, tantôt par méfiance,
ces braves gens commençaient toujour.s par nier l'exi-îtence des do-
cuments qu'ils po^sédaient, on p.ir en refuser la communication.
Xoti-e ami savait les mettre dans l'embari-as .sans les contredire ;
presque toujours son insistance courtoise et surtout son calme ini
|)erturbable av.iieut raison des résistances et des ruses de l'archi-
viste ineommoile. Oouili'eii (r.icte> iMi|iortaMls, enni'iieu de précieux
diplômes, dénicliés par Cli iluidou dans des eachetti's invraisembla-
bles, furent .ainsi déchiffrés et cojiiés à la hâte, sous l'ivil inquiet
ou courroucé d'un chanoine !
Les résultats de ces ri'chcrclies apparaissent d'al)ord partielle-
ment dans les Mélanu^es de TR'-ole de Rome (Diplomifiqiie de9
Normands de Sirilc et dr l'Itiilie Méridionale, t. XX, p. 155 et
auiv. ; Etat politi'iiie d" l'Italie Méridionale à l'arrivée des Xor-
FERDINAND CUAl.ANDON 335
wdiiils. t. XXI, p. 411 et suiv.). De retour n Paris, Clialaiidon
met en anivre l'eusemlile des matériaux rapportés d'Italie et publie
en 1903 la Ki(misinatique des Normands de Sicile, en 1907 Vliis-
luire de ht domination normande en Sicile et dans V Italie Méri-
dionale. Ce dernier ouvrage lui valut en 1909 le grand-prix Gobert.
Mais avant de venir à Rome, Chalandon avait abordé une autre
étu(h', qu'il a poursuivie aussi longtemps qu'il a pu travailler, et
que sa mort devait niallieureusenient interroniiire : l'histoire de l'em-
pire byzantin. A VEssai tur le règne d'Alexis Comncne, qu'il
présenta comme thèse lois de sa sortie de l'Ecole des Chartes
(1900J, firent suite, en 1912, deux études consacrées k Jean II et
à Manuel. Le prix Bordin récompensa à deux reprises cette col-
lection remarquable. La Société d'Histoire du Moyen Age de Cam-
l)ridge voulut associer Chalandon à son entreprise : deux impor-
tants chapitres de la Cambridge' s Mediœral lUstory sont signés de
lui (t. IV : Conqtiête de l'Italie par les Normands : t. V : Les
premiers Comnènes).
Peu à peu son dessein s'élargit et il rêve d'écrive une histoire
complète de l'empire byzantin de|)uis .Justinien. On a retrouvé dans
ses papiers la rédaction inachevée d'un volume, qui devait faire
suite à la monographie de Manuel, et l'ébauche de plusieurs tra-
vaux qui se rapportent aux périodes antérii ures et postérieures de
l'histoire byzantine.
Enfin de lîyzance, la curiosité de Chalandon s'étaité tendue à
l'Asie-Mineure et à l'Orient Latin. L'examen critique qu'il avait
fait des sources chrétiennes et occidentales de l'histoire des Croisades,
l'amenait à cette conclusion, qu'on ne connaîtrait l;i vérité sur ces
expéditions lointaines et diversement héroïques, qu'après avoir rap-
l)roché des chroniqueurs chrétiens les liistoriens arabes, et revisé
les traditions d'occident par l'étude des sources musulmanes. Plusieurs
fois, il m'avait confié son ambition d'écrire un livre qu'on pût enfin
intituler sans mentir « Histoire des Croisades >>.
Mêla tiges d A rch. et d Hist. l'Jil-lifii. 22*
:Î3(» KKUllINANI" CIIAI.AMION
Aux premiers jours «le l'.'12, j'étais chargé d'une mission «l'étude
dans le Levant. Clialandnn me |)ri>posa île nraceompa^iner. Je re-
tripuvai avee joie I 'Mn<'ien eonip;i;.'uoii des années d'Italie, et nous
partîmes ensrniMe pour Coiistantiiiople. Pendant six mois, un iti-
néraire qu'il avait préjjaré lui même avec un soin minutieux, nous
conduisait de Tlirace en Kgypte, et de là en Palestine ; nous par-
courions ensuite la Syrie: puis achevai, en voiture, en AV7e/- (ra-
deau), nous allions dA!e]i à Oi't'a et à Diarliékir, de Diarhékir,
en descendant le Tigre, à Mossoul et à lîagdad ; nous retournions
enfin, par le désert, de Bagdad à Damas et à lieyrouth. .le n'ai
jamais mieux apprécié qu'au cours de ce voyage les qualités qui
faisaient de Chalanilon, non pas seulement un érudit, mais un histo-
rien. Sa culture étendue et son excellente mémoire ne l'encomhraient
pnint de références et de souvenirs: elles le guidaient simplement
d;iiis cette évocation directe du passé qne nous demandions tour à
tour :iux inscriptions et aux ruines, aux monuments et aux paysa-
ges... La dernière fois que je l'ai vu, :i Paris, quelques mois
avant sa mort, il ne m'a parlé que de l'Orient, réveillant en moi.
l'un après l'autre, les souvenirs de ce voyage merveilleux.
Des travaux par lesquels Chalandon s'était préparé à l'étude
de ce dernier sujet, il en est qu'il a amenés à une forme presque
définitive, comme la SigiUographie de VOrient Latin à Irpoque
des Croisades, entreprise en collaboration avec M. Schlumbei-ger,
et qui, nous l'espérons, sera liicTitôt achevée et publiée. D'autres
ne .sont qu'ébauchés : c'est le cas de deux études .sommaires, inti-
tulées l'une Le Moyen Age chrétien et musulman du V au XIII'
siècle, l'autre Mahomet, les .inities, les Jfuns qu'il :ivait promises
:'i M, Eugène Cavaignac pour son Histoire Universelle, et qui, dans
son dessein, devaient être terminées en 192:}. Madame Chalandon,
(|ui était [lonr iiotie ami. non seulement une admirable compagne,
mais aussi une ((dlabor.itrice éprouvée, a pieusement entrepris de
rassembler et d'ordonner, sans y faire ni adjonction ni retouche.
FERDINAND CIIALANDON 337
les nombreuses notes manuscrites laissées par sou mari. Nous pos-
séderons ainsi, grâce k elle, outre une bibliographie complète, un
Cadre exact où viendront s'inscrire à leur rang toutes les ])arties
d'une o'uvre eousidéralde par son étendue et par sa valeui'.
Cette leuvre, les spécialistes d'histoire du Moyen Age et parti-
culièrement d'histoire 1)yzantine en ont déjà relevé les très rares
mérites. Leurs jugements autorisés indiquent assez la place que
tenait le savant et l'écrivain dans le monde de l'érudition et de
la recherche historique. On a voulu marquer ici celle que continue
d'occuper, dans le souvenir ému des « Romains » qui l'ont connu
et aimé, le camarade et l'ami trop tôt disparu.
Maurice Pernot.
Ecole française de Rome. Mélanges 1921-1922.
PI. Vil.
A. ENSf-.WBLE
SARCOPHAGE DU PALAIS FARNÈSE.
Ecole française de Rome. Mélanges 1921-1922.
PI. Vlll.
.^^
TABLE DES MATIERES
l,f sanctuaire île saint Lauient, par L. Duchesne 3
Silula di teiiacotta in fonua ili cario processionale ed altri nten-
sili délia seconda età del Ijionzo attinenti al mito solare, par
(i. Pansa (pi. I) 25
Etudes sur les relations du Saint-Siège et l'Eglise de France dans
la seconde moitié du XVI" siècle: I. Rome et Poissy (1560-1501),
par J. RosEROT de Melin 47
Lettera inedita di Giovanni Argiropulo ad Andreolo Ginstiniani.
par S. G. Mbrcati 153
La basilique souterraine de la Porta Maggiore, par H. M. R. Leo-
POLD (pi. II-V) 165
Le développement de l'histoire de Joseph dans la littérature et dans
l'art an cours des douze premiers siècles, par I'. Fabre . . 193
Asklèpios et les Charités. Note au stijet d'un bas-relief du Vatican,
par M. DURRV (pi. VI) 213
Hercule funéraire, par .T. Bavet (pi. Vil) 219
L'interrogatoire de Margarit, par F. Benoit 267
Les trophées Farnèse, par M. Dijrrv (p!. VIII) 303
Jean de Candida et le cardinal de Saint-Denis, par J. Porcher . 319
Ad Buecheler, 634, par J. Carcopino 327
Ferdinand ( 'halaudon. Nécrologie, par M. Pbknot 333
Planches hors texte: I. Utensili délia seconda età del bronzo attinenti
al mito solare. -^ II, III, IV. V. La basilique souterraine de la
Porta Maggiore. — VI. Ex-voto à Asklèpios. — Vil. Sarcophages
du Palais Farnèse. — VIII. Les trophées Farnèse.
ECOLE FKANÇAISE DE ROME
l
MÉLANGES
D'ARCHEOLOGIE ET D'HISTOIRE
XL" aimée (1923) - Fasc. Ml
PARIS
Ancienne Librairie FONTEMOING & C=
E. DE BOCCARD, Successeue
1, rue de Médicis
ROME
SPITHOVER, Place d'Espagne.
UN AUTEL DU CULTE PHRYGIEN
AU MUSÉE DU LATRAN
Au CDurs r]e travaux exécutés au Pàlazzo dei Conrertendi, qu'il-
lustre le souvenir de Bramante et de Raphaël, et dont la façade
s'étend, entre le Borgo Niiovo et le Boryo Yecchio, sur tout le côté
ouest de la place Scossarnralli ', on a retrouvé, dans l'été de 1919,
•k environ trois mètres de profondeur, un autel de marbre, dont
la partie inférieure a disparu, et dont la face antérieure porte une
inscription grecque, tandis que les deux côtés et la face postérieure
présentent une série de symboles en bas-relief qui ont évidemment
rapport au culte de Cybèle et d'Attis. M. Marucchi, qui a très bien
vu l'importance de cet autel, l'a fait transporter au Musée du La-
tran ■ : il en a de plus donné un commentaire assez nourri, ac-
compagné de bonnes photogravures \ dans les Notizie degli Scari *
et dans les Atti délia Ponf/firia Arcademia romnna di arrJieolof/ia ".
C'est sur ce commentaire que je me propose ici de revenir, l'il-
lustre archéologue n'ayant voulu apporter qu'un jjr/mo (nmiinzia
de la découverte et ayant dû le faire assez rapidement '^.
' Ces piécisions sont nécessaires, M. Marucchi, ou plutôt, jf pense,
son typograplie (Xoihie deyli Scari. 1922. p. 81} plaçant ce palais au
Borgo Pio.
' Salle \, n" 247.
^ Malheureusement tfop réduites, du luoiiis en ce qui couceine l'ins-
cription.
* 1922, p. 81-87.
= Série II, t. XV, p. 271-278.
^ Avant de commencer cette étude, qui n'est mienne qu'en partie, je
tiens à dire ici ce que je dois: à M. Carcopino, Directeur de l'Ecole, qui
a attiré mon attention sur le sujet et m'a libéralement confié une série de
notes qu'il pensait mettre lui-même en «euvre ; à M. Franz Cumont. qui
4 UN AITKI, Dr CILTK l'KKVOlEN
L'autel a environ <)"'.75 de large, 0"',H0 de profondeur, et,
dans l'état où il nous est parvenu, 0"',57 de haut '. Sur le côté
droit est sculpté un arbre qu'à sa forme, à ses feuilles en aiguilles
et à ses fruits, on reronn;iit aisément pour un pin. A ses branches
sont suspendus, à j^auclie une syrin^e à oin(| tuyaux ", :'i droite un
tiimpanum. et peut-être un pedum '. Au tronc de l'arbre est ap-
puyée la double flûte : dans la partie inférieure était représenté
un taureau, dont on peut voir encore la tête, le cou et la croupe.
Du enté gauche est répété le même arlire, ans l)ranches du-
([uel on voit, cette fois, d'un coté les cymbales, de l'autre le bon-
net ])hryf;ien, qui coiffe l'extrémité d'un rameau, et la syringe, ici
à quatre tuyaux seulement *. Au pied de l'arbre on distingue en-
core, nuil;;ré plusieurs cassures de la pierre, la tête, le cou, et la
croupe d'un bélier '. Ces deux reliefs sont exécutés sans élégance,
mais avec un certain soin.
La face postérieure di' l'autel est :n\ enntr.-iire sculptée très
sommairement et grossièrement. Dans les champs triangulaires cir-
conscrits par deux torches croisées en forme d'X, ou reconnaît, en
m'a suggéré nue Iiypotliése féeon<le, et ma aidé de toutes les manières,
mettant à ma disposition, avec une inlassable bonne grâce, les trésors
<le sa science et de sa bildiothèque; à mon collègue et ami M. Louis
Leschi, dont le secours ma été bien précieux, et qui a passé avec moi
(le longues heures au Latran. pour essayer d'arriver à une lecture plus
complète de l'inscription.
' 0'",65, en comprenant les volutes ou coussinets ipii en bordent la
partie supérieure.
■ La forme à cinc] tuyaux est i-elativement rare: on cite un Hermès
archa'Miue du musée de r.\cropole. un sarcophage du musée de Taormine,
un autre sarcophage précisément au Latran.
^ M. Marucchi l'affirme: Je n'oserais l'assurer avec autant de certi-
tude. Il pourrait s'agir d'une bandelette, infnla. ou simplement de l'cxtré-
mité du lien qui sert à soutenir le tympanum.
* f'est là, à ma connaissance, une représentation unique.
•■* I,a courbe qui se dessine au dessus et en arrière de la tête du
bélier n'est pas, comme on ])ourrait le croire d'après les reproductions, une
corne de l'animal, mais l'extrémité recourbée d'un pedum.
AU MUSEE DU LATRAN O
haut, une patère, à gauche un pedum, à droite une aiguière. Tout
autour se déroule une longue guirlande, évidemment une infida.
Toutes ces représentations, ou n'a pas de peine à s'en rendre
compte, se rattachent étroitement au culte de Cybèle et d'Attis, et
particulièrement à la cérémonie du taurobole. Aux branches du
pin, l'arbre sacré de l'Ida, l'arbre qui, coupé chaque printemi>s
par les Dendrophores, était le symbole et l'image même du dieu
mourant, enseveli, et ressuscité ', sont suspendus ou appuj'és les at-
tributs d'Attis, bonnet phrygien, pedum pastoral, Hûte champêtre.
Torches, bandelettes, aiguière, patère, cymbales, double chalumeau,
tambourin, tous ces objets avaient leur place au sacrifice régéné-
rateur qu'achève d'évoquer l'image du bélier et du taureau. Seul
manque l'instrument essentiel du sacrifice, le couteau. 11 parait
donc certain qu'il s'agit ici d'un de ces autels dits taiiroholiques,
ou comménioratifs d'un taurobole, que l'on a retrouvés en assez
grand nombre ^ et sur les reliefs desquels prennent place, en des
groupements variés, tels ou tels des attributs qui viennent d'être
détaillés ici. C'est ainsi que, sur l'autel de Périgueux ^, on re-
trouve, avec le bucrane et la tête de bélier qui sont, pour ainsi
dire, de fondation, le pin, le pedum, les infulae, le bonnet phry-
gien, la syringe ', les cymbales, le doul)le chalumeau, l'aiguière,
la patère: il ne manque que le tyrapanum, et encore faut-il sans
doute le reconnaître, suspendu au pin, à côté du pedum '.
Mais, ;\ côté des bas-reliefs, il y a l'inscription, dont le sens
se laisse saisir avec moins de facilité. Cette inscription couvre en-
' (^'fr. Griaillot, Le culte de Cybèle, Mère des Dieuj; cli. III.
' Voir la liste dans Graillot, op. cit., p. 1.Ô9-160, eu note, et 167
171, également en note.
^ Cfr. Espérandieu, Keciieil général des bas-reliefs de la Gaule ro-
maine, II, n° 1267.
■* Ici à sept tuyaux, ce qui est un type fréquent.
^ L'autel de Périgueux montre en outre un buste d'Attis sur un petit
autel, et le poignard à crochet, harpe, instrument rituel du sacrifice. .
(l UN AUTKh I>r UrLTE PIIKYGIEN
tirriMMiMit la face aiiti'riciirf de l'aiitel. sauf l'espace occiipé par la
moulure qui l'encadre '. Dans l'état actuel, elle se compose de six
vers grecs à peu près complets, au l>as desquels on peut déchif-
frer quelques lettres d'un se pticme vers. A et- dernier devaient
faire suite un. trois ou ciiu| autres, car la disposition même de
l'inscription, où les vers 2. 4, (> sont gravés en retrait, montre que
l'on a affaire à une série de distiques. La lecture n'en est pas très
aisée, le marl)re étant en assez mauvais état, les lettres souvent
assez serrées et peu profoiidéincnt gravées, les mots enfin se sui-
vant sans aucun intervalle "'. \'oici celle que donne M. Marucchi,
avec les suppléments qu'il propose ^,
"Kpya voov îrpr;;'.^ [iiov îço/ov É'tQaz zjottzvtz *
Ila[[x0'j]).to'j :rpa-;;iXw[vJ to'jto "pépw to OOy.a
"0; o[i]; 77«Xîv(ij3'7<Jv £t:' IvJp'jêiriV -y.'K'. TaOpov
"llvxyz /.y.'. xpïLov 7'jy.ê&Xov îÙT'jyt"/;;
'0/.TW vàp Âu/.âf-jxv-a; iTz' ôï/.[o](7'.v -^pîaiovTx;
Nûy.Ta XtxiTxei^àTa; aù9i; £9y)/.£ cpâo;.
Kt voici la trailuctiim ciuil en donne:
« Le opère, i pensieri, gli atti, sono utili prima di ogni cosa
a rendere eccelleute la vita. lo ara porto questa sacra uflerta di
l'.-untilio, il quaic duc voltc conduase ad Kiiriliia nuovamente re-
' Le champ laissé lilnc pom- l'iusciiiition niesiire eiivirou 0"' -41 de
large, sur 0'" 61 de haut jusqu'à la cassure de la pierre, La hauteur des
lettres varie de 0'" 025 à 0™ 035.
' L'inscription reçoit le Jour de face, de sorte que l'éclairage en est
très mauvais: ou peut s'aider heureusement d'un assez bon estampage qui
est dans la même salle, près d'une fenêtre.
= Atti, XV, 275. et Xotinv. 1922, «6.
•* llps T»>(Ta dans .1»/. C'est sans doute une erreur typographique; il
y en a quelques antres au point de vue de l'accentuation. On peut se de-
mander aussi ponr(|uoi, dans les ,1/^', tous les vers, sauf un. commencent
par une minuscule, alors ({ue dans les Xothie, tous, sauf un également,
commencent par une majuscule.
Ar MC'SÉB DU LATRAN 7
trocedente il toro e Tariete sirabolo di félicita. I cessanti vent'otto
anni disperdeudo la iiotte niiov^amente ripose la luce ».
II faut avouer que cette traduction réclame un commentaire. Il
est donné par Texcellent helléniste qu'est M. Comparetti, dans une
lettre que publie aussitôt après M. Marucclii. Mais ce commentaire
commence par ruiner l'interprétation du premier distique, et par
y substituer ce qui me parait être la véritable traduction. Celle
que Ton vient de lire, en efîet, n'est pas soutenable un instant,
d'abord du point de vue du grec: s'il est ditticile d'admettre une
coupure après le premier vers d'un distique, et surtout du premier
distique, il est tout à fait impossible de considérer isolément cette
suite de mots à l'accusatif, qui ne sont appuyés par aucun verbe
ni par aucun sujet, et Je renonce à comprendre comment M. Ma-
rucchi a pu en tirer la phrase qu'il nous présente. Il faudrait en-
core la repousser, cette phrase, au point de vue du simple bon
sens: qu'est-ce en effet que cette vie, que les œuvres, les pensées',
les actes servent ;'i rendre excellente, mais qui, par conséquent, pour-
rait être considérée en dehors de toute pensée et de toute action ?
Qu'est-ce autre chose qu'une entité absolument vide de sens? Aussi,
sans s'attarder plus lonjjtemps sur ce qui ne peut être qu'un lapsus,
la seule traductimi (|u'il faille considérer est celle qui se dégage
du commentaire de M. Comparetti, et du rapprochement intéressant
qu'il fait avec une autre inscription taurobolique :
« Poichè il monumento consiste in un'ara cou sopra i due lati
scolpiti i simiioli del taurobolio e criobolio, chiaro é il signiticatu
del primo distico, nel quale l'autore dell'epigrafe, riconlando le
squisite virtù dell'anima del defunto Pamfilio, nelle opère, pensieri
e atti, ci dice essere questa la sacra otïerta sacrificale, 6Civ.x, che
egli apporta su quell'ara : concetto questo che va ravvicinato a
quanto si dice neiriscri/.ione dedicatoria Orelli Henzen n. 1900"
' Et le grec dit -''-ov, donc la pensée.
^ C'est -idire C. I. T.., VI, 499.
" UN ai;tel du culte phrygien
« Taurobolio priobolioqiie pf-rfccto . . . iliis .-iiiimac suae tnt-nti!>que
cnstodibus aram dicavit >> '.
Pour les autres distiques, M. Marucclii et M. Comparetti sont
parfaitement d'accord. IJtiii/bia. ("est la Plirygie, où Pamphylios
est allé offrir deux fois le taurobole et le eriobole. Son sacrifice
fait, il voit, du vaisseau qui le ramène vers Rome, les côtes phry-
giennes s'effacer de nouveau à l'horizon (Tua^f/opiov): image in-
génieuse et poétique, tmp ingénieuse ))fut-étri'. et, même pour ce
texte en vers, trop poétique. Au retour de son second voyage, ses
années s'arrêtent (vipsaîovTa:) ; il meurt à vingt-liuit ans, la nuit
se disperse, et de nouveau brille pour lui l'éternelle lumière. Ainsi
l'inscription serait, non point dédicatoire, mais funéraire °, et ne
commémorerait ((uc d'une façon tout à fait indirecte un sacrifice tau-
robolique.
Avant de discuter cette traduction et cette intcrprétatinn, il
faut signaler que la lecture faite par M. Marucchi et M. llallilierr,
et les suppléments proposés par eux, semblent devoir être rectifiés
sur quelques points. Au début du vers 2. on lit très nettement,
non point II A, mais TA: le Jambage de l'A pénètre assez avant
sous la barre du F, et la comparaison avec r.zo-y.'i-y. dn vers l
et rr.'y.yz du vers 4 ne peut laisser jjlace à aucun doute. Le nom
de l'initié n'est donc pas Pamphylios. Il fant peut-être lire Vv.-
[u.zJawj, d'autant mieux qu'avant le A il semble bien que l'on
distingue deux jambages obliques qui conviendraient parfaitement
à un A. (Jamalias est un nom rare, il est vrai, mais oriental ^, et
que pouvait par conséquent fort bien porter un disciple de la Grande
Mère.
' Atti. XV, 275.
- On a vu plus haut que M. Couiparotti i);irle du « ilefunto > Pamphy-
lios. M. Maïucehi dit expressément (.4 »;, XV, 274) (|iie réminent helléniste
• giudico per prima cosa clie l'iscrizione non è dcdieatoria. ma funèbre ".
' On le trouve sur une monnaie de Pergame (cfr. -Mionnet, Descrip-
tion de médailles nni/gMes. siippl.V, 427 fMysie,92471)à l'etfigie d'Auguste.
AU MISEE DU LATRAX It
Ceci est d'ailleurs de peu d'importance. C'est assurément par
le nom de l'initié que débute le vers 2. Qu'il s'appelle Garaalias
ou Pampbylc, Iç sens de l'inscription n'en est pas changé le moins
du monde. Il en va tout auti'enient du début du vers 3, où M. Ma-
rueolii lit : <.< o: f)[',]: rrzAÎvop'TOv ... ». On voit nettement sur le mar-
bre, en effet, ^ et ;; mais entre ces deux lettres, l'espace est as-
sez grand pour en loger trois ou quatre, et non pas une. On pour-
rait piMiser. il est vrai, que. la pierre étant en cet endroit en mau-
vais état, le lapicide aurait négligé un certain espace, pour re-
prendre la gravure sur une partie meilleure : il aurait, en somme,
laissé un « blanc ». et le t'ait se rencontre plus d'une fois en épi-
gra])hie. Mais une autre oljjection vient renforcer la première. Si
on admet le i)i:, on est obligé de scander -y.Atvop'T&v — u,
autrement dit de donner à TriAiv la valeur de deux longues, alors
que sa valeur réelle est de deux Itrèves, et qu'il se retrouve, avec
l'ctte valeur de deux brèves, dans le même vers. Ces différences
se rencontreraient difficilement déjà dans une pièce où les négli-
gences de prosodie seraient continuelles: dans cette inscription qui
est, par ailleurs, d'uue correction presque parfaite ', elles sont pu-
rement et simplement inadmissibles -. Il faut donc rejeter le Si;,
et trouver une autre lecture. Un examen attentif de la pierre per-
met de distinguer assez nettement, après le A, deux hastes verti-
cales, qui pourraient être les jambages d'un M. Près du C, on dis-
tingue vaguement le lias d'une liaste. Ces traces peuvent autoriser
à lire AHOVC; mais ce ne saurait être qu'une conjecture. Une
autre lecture bien tentante serait AITIC. Mais nous n'avons en épi-
graphie aucun exemple de ce nom transposé en grec.
' Je n'ai relevé qu'une seule faute de quantité, au vers 2, où la
première syllabe de Oîy.a est comptée pour une brève, alors que, régu-
lièrement, elle est longue. Encore faut-il noter que, si la première syllabe
de Oju est longue au présent et à l'imparfait, elle est brève à l'aoriste,
de même que celle de ii-jih.
- Il faudrait en outre faire de ou une longue.
10 fN AI'TEI, Dr Cri.TK l'IlKVOIEN
Pour les ver» 4, 5 et 6, la icetiire de M. Marueclii parait exeel-
Icnte. Ije septième vers, très mutilé, laisse pourtant encore apercevoir
quelques lettres, mais ilont Je ne réussis à tirer aucun sens. Voici,
en résumé, la leçon et les suppléments qu'il semble falloir proposer:
"l'ipyz 'l'j'j'i 7:i-/i;iv fiiov îi'y/yi ii^'i.r -jo-avTz
\'y['j.y.\i.wt -py.r:'.S(.j[v] tojto oîooj to H~j<j.y.
"0; A[/,''/jJ; nzA'.vop'ïov à-' V,j-y/'y.i\'i T.rK: txO;ov
"lly^Yî /-z'. v.iî'.ov 'î'jv.ooAov îjT'j/_îr,:.
'0/.TW vas ).'jy.2!^y.vT5:; é-;r' îîx.07'.v vipî'/îovrz;
>j'j/.ry. rt'.yjXcàâ^a: 5:00'.; ïO/i/.î ozo:
.../,x.['j| [vJ'>o; r,;.>.(ôv
Il nv :i pas à revenir sur le sens des deux premiers xava,
qui parait liien être celui qu'indique dans son commentaire M. Com-
paretti. Seul doit être chauffé le nom de l'initié. Mais, pour le
vers 3, et sans mêuu' tenir CDiiipte de la nonvelli' Irfturc projrosée,
il est permis d'élever des doutes. Tour (|ue l'on puisse voir les
côtes phrygiennes s'etfaeer à l'horizon, il f;uidrait .-iv.mt tout que
la Phrygie eût des cotes. Or, un coup d'œil sur une carte suffit
pour se rendre compte qu'au III'' comme au IV siècle, la Phrygie
était séparée de la mer par l.i Pampiiylie et la Pisidie, la Lycie,
la Carie, etc. Mais d'ailleurs, pourquoi le mot K'jp'j^ji"/) signifierait-il
Phrj-gie ? Ce nom est employé par Hésiode, à deux reprises',
comme celui d'une fille de Pontos et de Gaia. Hésiode nous ap-
prend qu'elle av.iit un cuMir d'airain, et quelle eut des enfants du
titan Krios ''. Une autre Rniyliia était une Amazone, t\\w tua llé-
raklès ^. Une autre était tille d(^ Thespios '. Itien. dans tout cela,
' Hés., Tbéog., 23!», 375.
' On est tenté d'abord d'aftaoliei- une importance particulière à ce
nom à propos d'une inscription où il est question de riiohule. Mais il ne
faut voir là qu'une coïncidence.
' Diodore, 4, Iti.
* ApoUodore, 2, 7. s. 2.
AT MISÉE I)l' LATlîAX 11
qui rappelle le moins du inonde la Plirygie ', et Je ne vois pas
sur quoi M. Comparetti a fondé cette interprétation.
Mais V.'jyj'oirr' pourrait être l'aociisatif, non point de KJp'jêt'a,
mais de Ivjpjêir;; -, qui est à peu prés l'équivalent grec du latin
omnipotens. Ce serait donc vers le Tout-Puissant ^ que Gamalias
aurait conduit taureau et bélier, c'est-à-dire, bien évidemment, vers
Attis:^ et l'épitliète de -XAiv^pcov, traduction grecque de resur-
(jeutem. doit être aussi rapportée an même dieu, au dieu qui, clia-
que année, après que ses fidèles l'avaient pleuré et mis au tom-
beau, triomphait de la mort au jour des Htlnria ". Quant à AïioC;,
(in sait quels liens étroits unissent Démèter ou Deo et Cybèle":
un texte de Clément d'Alexandrie montre qu'on allait jusqu'à les
identifier '. On peut seulement se demander s'il faut rattacher A/;oij;
à TzOpov et à x-p'/jv, et alors il y aurait là une allusion à quel-
C|ue tradition inconnue *■, ou s'il ne faut pas traduire « le resaus-
' On peut ajouter ([u'un initié qui ani-ait fait deux fois le voyage
de Phrygie pour se faire taurobolier eût montré un zèle peu commun. Nous
savons que Julien, marchant contre les Perses, se détourna de son che-
min pour voir Pessinonte: mais il n'était pas venu de Rome pour cela,
("est à Rome même que les Romains recevaient le taurobole : point n'était
besoin d'aller en Phrygie.
' C'est M. Franz ('nniont qui m'a suggéré cette hypotlièse et la tra-
duction qui eu découle, et qui, me semble-t-il, emporte la certitude.
'' On trouve iOpjS'.r; accolé comme épithète à plusieurs noms de di-
vinités: à Poséidon (Pindare, 01., 6, 58): à Hadés (Juliani Aeg., Anih.
2ml.. VII, 599, 6); à Apollon {ibid.. IX, 525. ti).
* Omnipotens est une épithète fréquente de Cybèle et dAttis. Cfr.
Graillot, op. cit., index : omnipotentes. — C. I. i., VI, 509, autel dédié
♦ 'Attîi 6' 'ji]/ioT9 zai ouvj'ysvTi to tiîv ». — Keil et von Premerstem, Zweite
Heise, 1911, p. 110. n. 211: « Kl; ô^i; i-' îùoa-'sT; un-^a; m-i oOpàvts- y.Efi>,Ti
ôjvay.i; To3 àfiai-aT:v S-iO » (ce dernier rapprochement m'a été fourni par
M. Curaont).
5 Le 25 mars. Cfr. Graillot, op. cit., 131-132.
'■ Cfr. Graillot, op. cit., 156, 178-179, 516.
" Clément d'Alexandrie, Protrept.. II, 15 (Dindorf.i. Cfr. Graillot, loc.
cit. ; Hepding, ylMîs, 31; voir aussi Proclus, In Platoni rempuhlicam eomin.,
éd. Kroll, I, 125.
" C'est l'avis de M. Cnmont.
12 UN ACTEL Dl' CII.TE l'IlKYGIEX
cité (le Deô », ce qui neniit une farmi |ilu8 iwtU- encore de dési-
gner Attis '.
Reste le dernier disti(|iic, où M. Mariicclii it M. ('omi).intti ont
voulu voir la mort de l'initié ;ï vingt-liuit ans, et son entrée dans
la béatitude éternelle. Pour cela, il a fallu traduire -/ipîiy.sovTK;
par « eessanti, arrestatisi », et M. Comparetti retire même de ce
mot rimpresaiori d'une mort subite ^ Mais -/ipEt/.Éw parait liien ne
Jamais si;^iiilier antre ciiosc- que <,< être paisible, tranquille, rester
eu repos ». C'est par essence un verbe qui, pour parler comme les
vieilles grammaires, exprime un état, et point du tout un change-
ment ^. 11 est donc questinii ici d'années paisibles et non d'années
qui finissent brusquement. Ajoutons que la traduction de M. Ma-
ruechi fait trop bon marché de la préposition ir.i, qu'elle supprime
purement et simplement. I^e sens n'est donc pas. à couj) sûr. eelni
(lu'ont admis les deux érudits.
Mais (lucl est-il Mo ne me flatte pas de l'étaldir avec certitude.
Un mot-à-mot conscieucieu.x parait ne pouvoir aboutir qu'à la tran.s-
position suivante: «En effet, ayant dispersé la nuit.il j-établit la
lumière pour vin;;t-linit années ])aisiblcs»\ Or cette plirase ])rend
un sens, pour peu que l'on se souvienne des croyances des fidèles
d'Attis et de Cybèle. Le baptême sanglant qu'était le taurobole
n'avait ((u'une efficacité limitée. L'initié, an bout d'un certain temps,
' On voit que la lecture Aiti; s'cxi)li(iuerait d'elle-même et donnerait
à l'interprétation du vers une certitinlc liien séduisante: «celui qui est
revenu de chez Pluton ».
' Aiti, XV, 276. ♦ Seml)ra clie morisse improvvisamente, al termine
del suo seconde viaggio, forse nel viaggio di ritorno ».
' C'est e.\actemcnt le latin (juiesco. Sextns Empirions oppose r.fE^sîi
à ■nkfazTsaHoLi (712, 15).
* M. Cnmont, qui m'a proposé cette traduction, à laquelle j'étais ar-
rivé de mon côté, cite pour le sens de Èai, Thuc., III, ti8 « èti Sixa
sTr, ., et Xén., Anab., VI, 6, iitj « i-i Tfsî< iiaipa; .. On pourrait multi-
plier les exemples. Peut-être un autre uiot-à-uiot serait-il valable, qui
dissocierait o/.tm et sî/.ioii; mais je n'ai pu aboutir de ce côté.
AU MrSÉE DU I.ATRA.N 13
devait se racheter de iionveau : un nouveau taurobole était néces-
saire pour retrouver « l'état de grâce ». La durée de cette période
d'« immunité » jiarait bien, il est vrai, avoir été de vingt ans et
non point de vingt-huit '. Mais ne peut-on admettre que dans cer-
tains cas, et après un second taurobole, par exemple, cette période
était plus longue •, ou que le eriobole avait aussi une vertu purifi-
catrice dont la durée s'étendait à huit ans? D'ailleurs, si quelques
textes parlent de vingt ans, d'autres parlent d'une régénération défi-
nitive ■^. 11 semble donc que le chift're de vingt ne soit pas exclusif.
Cependant, tant que d'autres textes ne seront pas venus appuyer
celui-ci, le sens proposé ici ne saurait être considéré comme certain.
Pour résumer et conclure cette trop longue discussion, voici à peu
près comment il faudrait, semble-t-il, traduire ces quelques vers:
« ,1e porte comme offrande les œuvres, la pensée, l'action °, la
vie supérieure *, toutes les vertus de l'.àme de Gamalias, qui au Tout
Puissant Ressuscité [de Deoj, a dtnix fois amené le taureau ' et le
' Cfr. InreHi carmen contra jxtganos. v. ti2 (Hepding, op. cit.. 61):
• Vivere cmn speras viginti mundus in annos ». — C. I. L., VI, 504 et .012.
* Aj"!',; prouve bien qu'il s'agit ici seulement du second taurobole.
^ CI. L.. VI, 510 et 733: < In aeteinum renatus,.. > « Renatus in
aeternum ».
* Pour Hippocrate, le chitïie vingt-huit avait une particulière impor-
tance: « Hippocrates medicus in septeni gradus aetates distribuit. Finem
primae putavit esse septiuium annum, secundae quartum deeimum, tertiae
duodetricensitmon . . . y (Censorinus, De die natali, XIV [Hultsch, 25, 2]).
Vingt-huit est d'ailleurs un multiple de sept. On sait la valeur
(pravait ce chiffre dans l'astrologie et la magie pour l'évahiation de la
durée de la vie. Cfr. Firmicus Maternas, il/'irt. (Kroll) I, 25fi, 17: < Sane
extra cetcros climaeteras etiam septimi .anni et noni per omne vitae tem-
jius inultiplicata ratione currentes naturali quadam et latenti ratione va-
riis homineni periculorum discriminibus scniper afficiunt,.,». Et Censo-
rinus, op. cit., 26, 16: « Unde apparet, ut in morbis dies s>^ptimi suspecti
sunt et crîsimic dicuntur, ita per omnera vitam septiuium quo(iue an-
num periculosum et velut crisinion esse et climactericum vocitari».
= Il est difficile de différencier nettement l^-^a et -pÀ^w.
® C'est la vie de l'initié.
" Ou peut-être: «le taureau de Deo ■.
14 l'N AITBI- l>|- (.Ml.TK l'IIHVGIEX
l)élier, gage du lioiiliciir. Il ;i, en effet ', dispersé la nuit, et, pour
vingt liuit années de paix, rétabli la himière du salut»'"'.
Il n'y ;i (l(pne ici rien de funéraire, et il s'agit d'une inseription
dédieatoire. Mais le caractère en est assez singulier. Faite pour com-
mémorer un taurobole, elle n'eu prononce même pas le nom. A la
iii-e, 1111 ne se douterait guère qu'il s'agit d'un rite barbare et gros-
si(!r; à peine soup(,-oiinerait-on un sacrifiée sanglant sous cette pé-
riplirase: tkOsov Ti'iy.'^'z '. Au reste, ce n'est pas de ce sacrifice (|ue
le dédieant fait lunninage à la divinité: il lui consacre, comme la
seule chose vraiment digne d'elle, l'âme régénérée et parée de toutes
les vertus que le i-(juge baptême a fait iiaitn-. La pensée s'est dé-
gagée de la grossièreté du rite et s'élève bien au dessus: elle est
toute imprégnée de spiritualisme et d'idéalisme; on y retrouve presque
comme un éclui affaibli des paroles de l'adiniralde psaume:
« Quoniain si voluisses sacrificium, dedisseni utique: lioloeaustis
non ileleetaberis.
» Sacrificium Oeo spiritus contribulatii^; : cor contritum l't liumi
liatum, Ueus, non despicies » ■*.
Sans doute, les inscriptions nous ont laissé d'autres exemples de
cette transformation du culte plirygieii, surtout au IV' siècle, de cette
superposition d'idées morales et de toute une tlié(dngie spiritualiste
;nix pratiques du matérialisme le ]ilus bas '. Cette épuration du culte,
' ;\I. Manicchi ne traduit pas le ^ip. Ce mot paraît introduire l'expli-
cation du premier vers. C'est parce que l'initié s'est assuré la grâce que
sa vie est pure et jiarfaite.
- C'est le double sens de ï>'";. M. (^omparetti rapproche ce mot île
la formule clirétienni!: • Lux perpétua liice:U eis ». Oui, à condition dé
carter le sens funéraire. Cfr. Firm. Mat., />c errore prof. reZ., XIX: « .\iTjs
•àvi <i)'3; » et aussi • 6rxa; 'jio;[w] lii^a; rpw; > (K. 262, 6).
' De iiiënie. sur les l)as-reliefs de rantel. la hnrpr n'est pas leprc-
seiitée.
* Ps. .50. I7-l,s.
^ Dittenberger, iSylloge ■' n"!t85: « "AfOiGTi; r.rt: i-^i'là: ôtavcia; -;i-Tt5
iiopidt y.n: -vjiai;i ». — ('. /. T^. VI, 499 •• diis animae suae nientisque custo-
dibus...» XII, 1277: • Helns fortnnae rector nientisque magister ».
AU MUSÉE nu LATKAX 15
SOUS l'influence des idées courantes, de doctrines mystiques comme
les mystères d'Isis et d'Eleusis, et peut-être aussi du christianisme,
qu'il fallait comliattre par ses propres armes, est déjà connue '.
Mais nulle part elle n'est aussi marquée, nulle part n'est aussi dé-
veloppé l'élément moral.
J'ai ])arlé du IV'' siècle. A dire vrai, rien ne permet de donner
à cette inscription une date précise. M. Marucclii penche pour les
premières années du IV% ou peut-être la fin du III' siècle, à cause
de l'emploi de la langue grecque '. Mais il n'y a pas à appliquer
ici les règles de l'épigraphie chrétienne. Les-deux inscriptions grecques
datées du culte de C.ybèle qui ont été retrouvées à Rome sont au
contraire de la tin du IV'' siècle '. M. Graillot * estime que la rédaction
des dédicaces en langue grecque, voire même en dialecte ionien ',
et en vers, est un des traits de cette affectation d'archaïsme dont
.luHen a donné l'exemple, et qui marque particulièrement les der-
niers temps du paganisme. Les tendances idéalistes qui viennent
d'être relevées donnent une impression analogue. Mais il ne peut
s'agir ici que de probabilité.
En tous cas, et quelle qu'en soit la date exacte d'érection, cet
autel doit être rapproché de ceux qui ont été découverts dans les
mêmes parage.s, au début du XVH' siècle, et dont les inscriptions ont
été conservées par Grimaldi ''. Tous sont évidemment en relation avec
le Plirtifiianum, le grand temple de la Mère des dieux qui, ju8qu''à
la fin du IV'' siècle, lutta, sur la colline du Vatican, colline sainte
' Cfr. Graillot, op. cil., 543.
- Atti, XV, 278.
^ C. 1. L. VI, 509. (370). Ihid. 30966 (377).
* (iiai)lot, 0}i. cit.. p. 550.
'■' Ce qui est précisément le cas de celle qui nous occupe. Les mots
qui y sont employés semblent presque tous tirés d'Homère ou d'Hésiode,
de même que certaines expressions comme, ;Sr,/.= -iic;. (Cû: Iliade, VI, 5-6).
^ Elles sont reproduites par Marucchi, ^Ȕ, XV', 276-278. Mais on les
trouve au Corpus, VI, n"* 497-504. Deux seulement de ces autels sont
encore existants; l'un (n" 503) est au Capitole, l'autre (n" 497) au Louvre.
16 l'N AUTEL DU CULTE l'HKVlilKN
pour l(;s doux i-cli;?ii)ii.s, (Mintrc le christianisme. L'eniplacwneut de
cp Piiryf^ianuin. dont parli'iit les rù^ionnaires du IV* siècle, n"e8t
I)as coiiiiu avi'c pivcisioii '. Les autels découverts au XVH" siècle
l'ont été à langle sud-est de la façade de S' Pieire, et au palais
Cesi ■■'. Mais s'agit-il, comme on l'a cru Jusqu'ici, du palais Cesi qui
se trouve derrière la colonnade, entn; la rhi tlel SanfUflizio et
1. Palazzo dei ConverteuUi.
2. Bases d'autels trouvées dans le cirque.
'à. Palazzo Cesi.
4. Palazzo Cesi . in Egii<to ■
la strmJa deUi' Catenc*. Ne serait-ce pas plutôt de celui (|u"a\aient
acheté, une (|Mar.intaine d'années plus tôt, Anjrelo et Pierdonato Cesi,
« in borgo Veccliio » ? Ce dernier emplacement .serait singulière-
ment proche de celui où a été trouvé notre autel. Et précisément,
ce palais est dit s'élever « in luogo detto Egipto » ^. N"est-il pas
tentant de voir là le dernier et vague souvenir de la céléhration. en
ce lieu même, des mystères orientaux, qui, à travers tout le Moyeu
Age. aurait atteint le X\"r siècle?
' Cfr. Duclicsne, Vaticana, Mél. d'arcli. et d'hi^t.. 1!I02, 8: Joidan-
Huelsen, Topographie, I, 3, 659.
2 C. /. i., VI, p. 93.
^ Lanciani. Storin dejili scai'i, IV, 108.
Al Mr.SÉE Dr I.ATKAX 17
Tout ceci, il f:iut le reconuaitre, est liypotlièse. et hypotiièse fra
gile. Les autels trouvés dans les fondations de S' Pierre n'étaient
pas i» situ. Brisés pour la plupart « cnn mazzi di ferro ». ils
avaient été jetés là. nous dit Grimaldi ', « in disprezzo di qiiesta
idolatria, uno sopra Talti'o ». Ceux du palais Cesi, où qu'ils fus-
sent, ne devaient pus être non plus à leur emplacement primitif.
Le notre l'était-il davantage ? Rien ne le prouve, quoi qu'en pense
M. Marurclii " : la partie inférieure en eût été retrouvée. Cependant
les uns et les autres n'étaient pas, sans doute, très éloignés de l'en-
droit où ils avaient été érigés, car il n'est pas vraisemblable que
les chrétiens qui les ont brisés en aient transporté les morceaux à
de grandes distances '. De cette dispersion, on est donc en droit de
conclure que le Plu-ygianum. dans le voisinage immédiat duquel
tous ces autels devaient se dresser, occupait, avec ses dépendances —
baptistère, etc. — une étendue de terrain considérable. Peut-être aussi
la découverte du nouvel autel devra-t-elle conduire à cliercher l'em-
placement du Piirygianum plus à l'est qu'on ne l'a fait jusqu'ici '.
Si minces, si incertains que soient ces renseignements, il en faut
pourtant tenir cunipti'. L'autel du pàluszo dei Conrertendi ne peut
les donner que si l'on admet qu'il est commémoratif d'un tauro-
l»ole, et non funéiaire ". L'objet de cette étude a été d'essayer de
' Cfr. C. I. L.. VI. ],. 93.
- Atti. XV, 272.
^ Les autels trouvés dans les fondations de S' Pierre avaient été Jetés
dans ce qui restait du cirque do Xéron, abandonné depuis que la basilique
en occupait le côté nonl. Mais c'est évidemment en dehors du cirque qu'il
faut cherclier lenii)lacement du Phrygianuni. (Cfr. Duchesne, Vatirxoin, p. 8}.
* Vraisemblablement dans l'espace compris entre la via Cornelia (ou
l'ortica Sancti Pétri) au nord, la via Septimiana à l'est, et la via Aurélia
Xova (?) à l'ouest.
"' Aussi comprend-on mal le parti i|u"essaie d'en tirer, au point de
vue topograpliique, M. .Marucchi. Il n'y a aucune raison, si on considère
lé monument comme funéraire, de le mettre en relation avec le Phry-
gianum. Pure co'incidence, si ce tombeau, placé le long de la via Cor-
nelia, est voisin du temple de Cybèle.
Mehtiiiiejt d'Arch.et ri'IlM.KHa. 2
18 L'S AITEI, Dr CII.TE l'IlBtVCIEN
le démontrer, d'essayer aussi de donner de l"insfripti<pn une expli-
cation plus fidèle et peut-être plus elaire. Mais liien des points en
eore demeurent obscurs. Moins lieiinux (|iii' l'initié, jf m- puis
prétendre avoir entièrement dispersé la nuit, <•! rétaldi jtartont la
lumière. Sonliaitons qu'elle n'ait pas à attendre vinjrt liuit ans pour
briller de tout son éclat.
J'iKURK F.abue:.
HERCULE FUNERAIRE
(Snite et fin. of. t. XXXIX'. tas.-. IV-Vi
IV. — Symbolisme Dio.n'ysi.^que (suite):
Hercile et les Centaures.
Le groupe le plu;* iiuportaut des sarcophages liéraeléeus, après
ceux des « Douze Travaux » et du « Repos Dionysiaque », est celui
des « Centauroraacliies ». Rien de plus étrange, au premier abord,
que de voir une telle représentation choisie comme sujet funéraire,
parmi tous les pairrija du héros. Car les Centaures ne sont pas
des hommes, et leur extermination par le héros ne semble pou-
voir prêter à aucun symbolisme religieux.
Xous voulons ici chercher à nous rendre compte: 1" à quel
ensemble de légendes et de monuments se rattache cette représen-
tation: 2° si elle a pris, à un moment donné, un sens funéraire
précis; et sous quelles influences.
Ces questions demeureraient insolubles, si nous n'avions dès main-
tenant un guide: le caractère dionysiaque des Centaures.
Leur nature n":i pas au fond varié pendant tout le cours de
l'antiquité classique. Fils d'Ixion et de la Nuée, Nephela, selon
Pindare ', c'est-à-dire, suivant sa propre expression, assimilés aux
«eaux des orages célestes» ". ils deviennent seulement plus vo-
lontiers, semble-t-il, vers la fin du paganisme, les fils des « Hya-
des humides », filles du fleuve Lamos ' ; c'est-à-dire des formes
' Pindare, Pifth., II, 66 et 79 sqq.
2 Pind., 01., X, 2 sq.: lùpaviwv uoiTùi-, iy-Ksw-y, jrœiS.,,-, .\t*ï>.a;.
' Xounos, Diont/s., XIV, 143 sqq.
20 IIKUCII.K KINKKAIKK
(les ciiiix IfiTcstres. Uiio .-iiitru rMce de CentaurnB a d'aillpurs
('■ti' ))i-iirlnit(' par la spiiiciicf timiliéf à terre de Zens poursuivant
Aplirorlite ' : et ce mytlie, à (Irfaiit d'autre mérite, a celui de
iMiueilier l'origine rhthovinme et l'origine c'ieslt' attriliuées siieceB-
siveiiieiit aux Centaures'. An surplus, les noms que les Anciens leur
(loniKMit évoquent souvent cette nature aquatique et chthonienne ^.
Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient été de très lionne heure liés
à Dionysos, dieu du principi' luimide et dieu souterrain*: traînant
son cliar. jiortant même le dieu '" que leurs mères ont sauvé de
la colère d'iléi-a ^: sujets :'i s'enivrer aussi bien que les Satyres dont
ils reproduisent certains traits physiques ■ et ])arfiiis même leA
' Nonnes. Dionys., Xl\, 19."! sqq.; XXXII. 72.
- Cette légende peut être une création fantaisiste de Nonnos lui-même
(Betlie, Pnnhi-'W'isnova, s. v. Kenlmtren, col. 173): elle n'en reste pas
moins expressive, i)ar sa signitication voulue.
■* La liste la plus longue dans Ovide, .Wtnm.. XII, 210 sqq. Outre
les noms à signification géograijluque (ex.: Ilélimns. Ménalée, Riiiliée)
ou guerrière (Areus. Antiniaque. Bianor. Dêmoléon. Doiylas. Stiplielus.
Térée), (pii ne nous intéressent pas ici, les plus nombreux ont un sen.s
aquatique (Cyllarus ?, Cyniehis. Cliromis, Creneus. Eurytns. Hêlops. Opliio
née, Petreus) ou souterrain (Brouius, Erigdupus?. Cbtlionius.Dictys ?. Eu-
rynoniiis). Dans Nonnos. qui ne donne que douze noms de Centaures, on
trouve: Kétens, l'étraios, Spargeus (D/ohj/s.. XIV, 1«7 s<|i|.) de significa-
tion aquati(pic. Sur un Canthare attiqiie de Vulci (Berlin, n. 1737: fig.
dans Gerhard, ?Jtr. Camp. VnxetthiM., pi. XIII. 1-3", l'un des trois Cen-
taures se nomme encore l'étraios.
* Le Centaure Bromus. d'Ovide, rappelle Dionysos Bromios.
' Nonnos, 7))'ohi/s.. XIV, 2fi4.
'' Les Nymphes fluviales, filles de Lamos, reçoivent Dionysos enfant
(Nonnos. Jh'ovps., IX. 28: XLVII. <î7s). if en ])unition sont frappées de
folie par Héra (Id.. ih.. IX. .3S}.
" Les Centaures-Phères de Nonnos {iJwu.. XIV, 171 scjq.) ont la qneiie
de cheval comme les Satyres, mais les cornes de taureau, comme Dio-
nvsos lui-même. — On trouve des Centaures îi face de Satyre ou de Si-
lène sur des vases grecs importés en Italie, et représentant la lutte d'Ilé-
raclés contre les Centaures: a) Oenochoé à fig. n. de Bologne (E. Brizio,
JJ)(?/. /ji.s^, 1872, p. 83): — h) Stammos ;i fig. r. de Corneto (W. IIell>ig,
Bull Inst.. 18(î9, p. 172).
HERCLLE FUNÉRAIRE 21
noms '. Tout cela est assez connu pour ne pas exiger de plus amples
développements '.
Mais voici qui est plus curieux : d'après les documents figurés,
Héraclès se trouve engagé dans une double série parallèle d'aven-
tures contradictoii-es avec les Centaures et les Satyres. D'une part,
ami des Centaures et ami des Satyres ; de l'autre, liostile aux Cen-
taures et hostile aux Satyres; enfin engagé dans une lutte précise
contre un Centaure et un Satyre.
1. Alliance tJ' Héraclès arec les Centaures et les Sati/res.
Si, en effet, la tradition littéraire, généralement acceptée sans
nuances par les modernes, voulait que le Centaure Pholos eût reçu
de Dionysos un tonneau (pit/ios) plein d'un vin délicieux, qu'il de-
vait ouvrir pour le seul Héraclès lorsqu'il se présenterait devant
lui ^ ; qu'attirés par le parfum les autres Centaures fussent accourus
et, avec leur ordinaire brutalité, eussent engagé la lutte contre le héros
qui les extermina \ — d'autres traditions représentaient le pithos
comme contenant le vin des Centaures (et ils accouraient donc contre
' Le Centiuiie Phlégiéon d'Ovide rappelle le Satyre Phlégréos (Noim.,
Dion., XIV, 107); l'un des Centaures de Nonnos (î6., XIV, 191) s'appelle
Phaunos.
- Leur parenté originelle est avec les Silènes asiatiques, dieux des
soiu'ces et des marécages, que la tradition attique (début du V" siècle),
puis pau-liellénique, confondit eux-mêmes avec les Satyres. Cfr. L. de Ron-
chaud, Dar.-Sagîio, a. v. Centauri, p. 1010; — Nicole, ih., s. v. Sniyri-
Sileni, p. 1091 sq. ; — Bethe, Pauly-Wissoica, s. x.Kentaitren, col. 173 sq.
^ Uoscher-Tilmpel, lioschers Lex., 2, 1043.
* C'est le mythe le plus souvent figuré sur les vases. A. Héraclès
amicalement reçu par Pholos: aj Anqjhore à fig. n. de Vulci (Annali
(l. Inst., III, 1831, p. 150. n. 373*. Sans doute à Munich, Jahn, 691); b) Pe-
tit vase à fig. n. de Cliiusi {Bull. Tnst.^ 1850, p. 163); c) Amphoie à fig. n.
de Corneto (Bruschi, Bull. Inst.. 1859, p. 132); dj Amphore ;i fig. n. de
Corneto (Bull. Inst.., 1866, p. 234) ; e) Amphore à fig. n. provenant d"E-
trurie (ex-Campana. Musée de Florence. Cfr. Drittes Hallisclies Winckel-
mamtsprog., p. 95, n. 47): f) Amphoie ;'i fig. n. de Corneto (N. d. Scavi,
1892, p. 157); y) Amphore à fig. n. de Bologne (Heydeniann, Miitlml..,
22 IIERCILK Kl'.NKRAIItK
n/Tiicl^s pour (lé Fendre leur liieii légitime), et certains vases (ij^urent
lléradès en train de boire tranquillement, non pins avec le seul
Pholos, mais en compagnie de deux ou i)lnaieurs Centanres '. D'ail-
leurs Pliolos n'est pas le senl sympathique de cette race monstrueuse
dans la légende héroïque des (irecs: Chiron. le maître d'Achille, de
.lason et d'Asclépios ", est un reste de la même conception, qui se pré-
cise de fa(,îon intéressante par les fresques de Pompei, sûrement imi-
tées de modèles alexandrins, où l'on voit Chiron enseigner à Achille
non plus la chasse et les arts virils, mais le jeu de la lyre ^.
Les Satyres et Silènes ne manquent pas d'ontourer Héraclès des
mêmes prévenances que les Centaures : ils lui servent le vin, l'eni-
vrent, enveloppent de leurs danses le héros citharède on tihicine *.
Les mêmes thèmes se trouvent repris par la sculpture funéraire ro-
p. 59 = Gerliaid, Aiiserles Vasenh.. pi. 119-120. 5-6 = S. Reinach, I{('jj.
Vases P., II, p. 64); h) Amphore à fig. n. d'Etiiirie (e.\-Canino. De Witte,
Deser. 1837, n. l^-=ilirit. Mus., Cat. 1S51, n. (jGl); i) Amphore à fig. n.
d'Etrurie {Cfitnl. Cnmpana, IV'-VII, A, 446). — B. Héraclès auprès du pi-
tlios, assailli par les Centaures: n Amphore à fig. n. de \"ulci (ex-Can-
delori. Miinich, Jahn, 622 = Mîcali, Storia d. uni. popoli ital.^ III, p. 159 sq.
et pi. XCIX, 9); h) Amphore à fig. n. de La Tolfa (Bull. Imi., 1866,
p. 229 sq.); c) Vase do Corneto (ex-Bruschi. Bull. Iiisl., 1869, p. 172);
d) Cratère de Bologne (Arnoaldi Veli, Bull. Iiigt.. 1879, p. 214 sqq.);
e) Stamnos à fig. r. de Faléries (A. Délia Seta, Museo di Villv Giulia,
I, p. 63, n. 868). — Autant que possible, nous ne citons dans cette étude
(pie des vases trouvés en Italie, et, de préférence, en Etrurie.
' Par ex.: a) Cylix à fig. r. de Vulci (ex-Canino, 564. Cfr. Ainml.
Inst.. III, 1831, p. 150, n. 373*): Héraclès assis au milieu de Centaures
(pli s'enivrent. — h) Cratère à fig. r. d'Etrurie (Calai. Campana, IV-VII,
A, 72): Héraclès imberbe découvrant le pithos en présence de deux Cen-
taures. — cj Léeythe à fig. n. de provenance inconnue ; Louvre, Pottier,
F. 470): Uéraclès lève le couvercle du pithos entre deu.r Centaures. —
Peut-être aussi l'hydrie à fig. n. de Vulci ex-Candelori, Munich (Jahn) 435.
' Piudare, Xeiii.. III, troisième triade.
^ Voir W. Helbig, Waiidgemâlde Campaniens (1S6S), 1291-1295. La
conception peut remonter plus liant que rAlexandrini:>ine, puisque déjà
dans Homère Achille est repivsenté jouant de la lyre (7/., 1, 186 sqq.).
* On voit Hercule: A: Servi par un seul Satyre on Silène: a Coiiiie
attique à fig. r. de Vulci (Berlin. Furtwiingler 2.534 : fig. dans Gerhard.
Tririlsch. und Ge/ïisye. pi. VIII); b) Cratère à fig. r. d'Etrurie (Catal. Cam-
IIKHCULE irXERAIRB 2.r>
maille avec uik- persistance singulière ' ; et il n'est pas douteux que
ces monuments soient relatifs k la vie future dionysiaque ' ; mais leur
rapprochement avec les précédents, qui nous montrent Hercule dans
les mêmes rapports avec les Centaures, va en devenir très instructif.
En etfet, le tliiase des Centaures ' amis d'Hercule n'est-il pas
l'équivalent du thiase des Satyres folâtrant autour du héros? *
Plus brutalement: la réception d'Hercule par Pholos ii'est-elle pas
pana, IV-VII, A., 80. Le Satyre lui apporte la lyre et l'umoclioé. Déjà
cité); — ou par plusiems: c; Coupe à tig. r. de Caeié (E. Pottier, 3Ion.
Piot, IX, 1902. p. 160 sq. et pi. XV. Déjà citée); d) Fragment de Cra-
tère à tig. r. de Sant'AfÇata dei Coti (Vatican. Héraclès assis sur une
chlamyde devant un portique, tenant la massue, est servi, en présence
d'Athéna, par deu.x Satyres qui lui apportent l'un un plateau, l'autre un
scyplius; deux autres Satyres regardent). — B: Jouant de la tlûte, ac-
compagné par des Satyres; e) Lécytlie à fig. r. (Vienne. De Laborde,
Vases (In C" de JAimherg, 11, pi. IX b et XV = S. Reinaeh. liép. Vases
peints, II, p. 221); /) Staninos à fig. r. provenant d'Etrurie (Musée de
Florence, Bull. Inst., 1870, p. 181. Déjà cité). — On remarquera que tou-
tes ces représentations (sauf e) sont de date plus récente (pie les figu-
rations de l'Amitié d'Héraclès avec les Centaures.
' Stucs d'une tombe de la voie Latine: Hercule jouant de la cithare
en présence de Diane, Minerve, Bacchus et un Satyre (Annnli Inst.,
XXXIII, 1861, p. 230-23:i; Monumenti, VI, pi. LUI). — Pour les sar-
cophages, voir supra, l" art., I. Remarquer ceux du Vatican (Museo Pio-
C'iementino, IV, pi. 26 = Annal. Inst., XXXV, 1868, p. 384 = Stefan i,
Ausruhende Hemk'.es, p. 195), oi'i Hercule triomphe en même temps que
Bacchus ; de Lyon (Bail. Inst, 1871, p. 183), où il tient le scyphus au
milieu d'un cortège bachique (cfr. la patère des Pennes au Cabinet des
Médailles); le sarcophage ovale Ouvarofï (ex-Altemps, Bull. Inst., 18S0,
p. 27 sqq.) où il est couché au milieu du thiase, — En dehors des re-
présentations funéraires, voir aussi la vasque de fontaine de Gortyne
(Louvre Catal. sommaire, 1896, n, 2237) où Nymphes, Satyres, Silène,
Hercule, entourent l'enfant Bacchus endormi,
- Supra, 1«'' art., IL
^ Les Centa\ircs entourent Bacchus comme ailleurs le font les Sa-
tyres sur un fraquent de sarcophage du Louvre (n. 1658 1.
* Selon Bethe {Pauly- Wissoica, a. v. Kentauren, 173), les Centaures
n'apparaissent dans le thiase bachique qu'à partir du IV<^ siècle a. C. —
Mais les vases à fig. n. qui représentent la réception amicale d'Héraclès
par Pholos prouvent qu'ils dispensaient, comme les Satyres le breuvage
de Dionysos. Or ces vases datent presque tous de la fin du VP siècle.
24 IIEKCII.K KISKRAIRE
mic image de racccssion <hi lirnis à la vie future (lioiiysiaiiuc .'
On pourrait croire que les Grecs dans cette aventure considéraient
surtout la participation au breuvage divin (pie lui avait réservé
Dionysos, à le voir représenter, i)ar exemple, au fond d'une eylix
à fig. n. de Vulci '. seul devant le pitlios où il plonge la main,
plein d'une Joie muette ': mais les documents sont insuffisants. Plus
expressif est le fait qu'il soit accompagné auprès de Pholos par
Hermès^, oh Atliéna *, ou ])ar les deux:'' comme cela se passe
sur les innouilirables vases (|ui le représentent emmené vers les
dieux sur le char d'Atliéna; et comme c'est la règle lors(|u'il est
introduit dans l'assemblée Olympienne en récompense de ses fati-
gues terrestres. Mais quoi ^ Il arrive si souvent qu'Atliéna l'assiste
dans n'importe le(|uel de ses travaux, et ((u'IIerniès l'accompagne,
par exemple dans sa descente aux Enfers, qu'on ne peut vraiment
rien conclure de ce détail encore.
Mais voici le point important, dont l'interprétation ne nous
parait pas douteuse. Non sfulenient Héraclès reçu par l'holos est
.souvent représenté couché, dans l'attitude de repos qu'il prend ail-
leurs en la compagnie de Dionysos liii-méiiie, lorsciue l'artiste a
voulu indiquer qu'il était arrivé au terme de ses fatigues et à la
récompense bien méritée de ses exploits '': mais sur une ncnochoé à
' Ex-t'andrlori. Mimicli. Jalin. 1097.
'' Ce thème siinplitiê seudde avoir été préféré par les Ktiuf<|ues. Veil-
le scarabée: Furlwlingler, Aiit. (ietiunen. pi. XVII, 22.
^ Amphore :'i fig. n. de Coineto {Bull. Inst., 1866, p. 234).
< Amphore à fig. n. de Corncto {Bull. Imt., 1859, p. 132); Amphore
à fig. 11. de La Tolfa ((6., 1866, p. 229 sq.) ; llydrie à fig. n. de Vulci
(Miinicli, .Jahn, -i;55): Cyatbe à tig. n. de Vnici (V Biit. Mus.. Cat. 18.il,
661): Amphore :i fig. n. d'Italie ;? Bull. Imt.. 1S69, p. 127).
'■ Amphore à fig. n. de Bologne (S. Reinacli, Bep. Vase^ P.. 11,
p. 64, 2-5).
* Amphore à fi;;, n. d'Etniiie (7^W(^fs Hall. Winckelm. progr.. p. 95,
n. 47): Amphore :i fig. n. de Vulci (Munich, .lahn. 691 — Annali Inst..
1831, p. 150 ?}: Cylix ;i fig. r. de Vulci ex-Oanino 564. Auuali Iiiist..
1831, p. 150, n. 373 •).
HERCULE FUNERAIRE 2o
fig. n. de rancienne collection Oppermaiin ', on le voit désnrmé,
couronné, les jdmbes enveloppées dans ini nuin/ciiii, assis sur le
lit la patère à la Tnain, auiirés de Diolos eouclié, tons deux sous
un berceau de rameaux et de fruits. Or il apparaît que, toutes les
fois qu'un artiste grec représente Héraclès en manteau (souvent eu
manteau lirodé\ c'est qu'il veut indiquer le repos définitif du héros
et son accès aux voluptés divines •. lît cette lialiitude persiste chez
' Au Cabinet des Médailles, à Paris: <le lîidder, n. 271 (provenance
inconnue).
' Voir en particulier : A : H. sur le point de monter au bûcher de TOeta :
Vase à fig. r. de Nola {BkV. 7».sf., 1845, p. .'i7). — B: Ennneiié chez les
dieux dans le char d'Athèua: Vase à fîg. n. de Chiusi (Bull. Inst., ISnl,
p. 52); Amphore à fig. n. de Vulci (Brit. Mus., Caf. 1851, n. 600); Pe-
liké lucanienne à fig. r. (Munich, Jahn, 384; .I/o»;»/"., IV, pi. XH). —
C: Apothéose dans un quadrige guidé par Hermès: Cratère ;'\ fig. r. de
Bologne {Bull. Iiist, 1879, p. 221, Annali lust., 1880, p. 100 sqq. et pi.);
Amphore (étrusque?) à fig. r. de la Sabine (Lisbonne: S. Keinach, Bép.
V. P., I, p. 368, 1). — J) : Banquet Dionj'siaque d'Héraclès : Ocnochoé
à fig. n. de Vulci (Bibl. Nationale, De Kidder, n. 264); Cyli.v à fig. r.
de Nola iBrit. Mus, Bull. Inst., 1864. p. 182: H. Heydemann IX'-" Hall.
Winchelm. progr., p. 14). — E : H. ivre conduit par Dionysos et Her-
mès: Cratère à fig. r. de Népi {Not. cl. Scai-i, 1918, p. 19). — F: H. couché
parmi les dieux ou les satyres: Hydrie à fig. n. de Vulci (Brit. Mus.,
Caf. 1851, 454) ; Oenochoé à fig. n. d'Etrurie (Berlin, Cat. 1924. Peut être);
Amphore à fig. r. et n. de Vulci (.Mlinich, Jahn, 388): Coupe ;'i fig. r. de
Caeré (E. Pottier; Mon. l'iot, IX, 1902. p. 160 sq. et pi. XV). — (i:
H. assis servi par des satyres: fragment de Cratéie à fig. r. de .San-
t'Agata dei Goti (Saticula) (Museo Gregoriano\ — H: H. assis avec
Atlu'iia au milieu des dieux: Oenochoé ;i fig. n. de Caeré (Louvre, Pottier,
F. 117); .Vraphore à fig. n. de Corneto .Musée de Covneto, n. I(i36. Bnll.
Insf., 1885, p. 79); Coupe ;"i fig. n. de Vulci (S. Reinach, Bcp. V.P.,ll,
p. 70, 6-8). — I: Même scène, le manteau jeté sur la léontè: Oenochoé
à fig. H. d'Etrurie (iM. de Florence, Uitll. hist., 1870, p. 181); Amphore à
fig. n. de Vulci (Munich, .Jahn, 270) ; Petite amphore à fig. r. de la col-
lection Faina (Orvieto. Athéna, accompagnée d'un taureau, verse ;i boire
à Héraclès; an revers Dionysos). — J; H. avec les Muses: fragment de
vase à reliefs à inscriptions grecques, trouvé à Arezzo (Nof. tl. Scari,
1884, p. 377 et pi. VIII). — I/hydrie :i fig. r. de Vulci (Bull. Iiist., 1844,
p. 36 s(i. et p. 41 sq.) représentant un (piadrige :u'Compagné d'une feuimç,
d'Hermès et d'.A.théna, et sur lequel se tient Hér;iclès en manteau et une
femme couverte de la léontè et tenant les rênes (Omphale ?) est d'inter-
2h IIKKCII.E irXIOKAlKE
Iph l'tiiisqiics ', et clans la sfiil|)tiiir île l'iôiiipiic liuiiiaiii : '' dnii-
naiit ainsi ririiprcssioii d'iiiK! quasi-ril)lij[^ation ritiielie. Kt au ci'é-
piiscule du paganisme, le; même sens s'attachait, 8fml)le-t-i!, au
« manteau constellé » (|iii' le granil Héraclès remet à I)ionys(js au
terme de ses exjjliMts ten-i.'stres, en lui taisant Ixiire le nectar, vers
1,1 lin lie réjjopée de Ximnos ■'.
Nous sommes ainsi amenés à conclure que l'amitié d'Hercule
avec les Centaures est, an même titre que ses bons rapports avec
les Satj'res, une iniauc lii- la liéatitiidi' dionysiaque réservée aux
héros après leni nimt.
2. Luttr (f lli'iarli s lontre h'S Centaures et les Safi/res.
Aussi liien. si l'on a coiitnine di- parler de l'externiination des
Centaures par Hercule, ne devrait-on pas ouldier que, d'après les
monuments figurés, ses rapports avec les Satyres sont souvent mau-
liiétation iloiiteuse, iii:vis ne saïuaif, étant donné la présence des dieux
et la ressenililance du thème avec celui du char d'Athéna, contredire
l'interpiétation générale de tons ces monuments. — Sur cette question,
voir déjà: Brunn, Bull. Imt., 1850, p. 52.
' Acrotère de style sévère de Caeré (an Louvre), représentant Athéna
qui sort A boire à Hercule assis devant elle (H. Heydeniann, A'//''» HaV.
^V'inckelm. pvoyr.. p. 35). — Miroir gravé de Popnlonia: II. demi-nu, les
jambes enveloppées dans un grand manteau et tenant une phiale, embrasse
Alcniène en présence de .Inpiter (A'o/. d. Senvi, 190i>, p. 7 sq. et tig. 2). --
Coupe à fig. r. de Chiusi (Berlin, 29J7): H. jeune et couronné, sans léontè,
mais portant un clude sur les bras, regarde une Ménade assi.se sur un rocher.
- Statue du Louvre {Cat. 1896, lôGô) provenant d'Alexandrie: Her-
cule, les jambes enveloppées dans un manteau, la léontè sous la massue
sur laquelle il s'appuie, tient de la main gauche le bandeau de l'athlète
et un cep de vigne. — Sarcophage des Amours de Mars et Vénus (C.Ro-
bert, Ant. Sark. Rel.^ III, 2, n. 194): Hercule, parmi les dieu.r, est à
moitié nu, et un grand manteau lui enveloppe les jambes. — Bronze
trouvé à Vienne, en France {Bull. jTh.s/.. l.'-iGT, p. 42): Hercule, temnil le
.•ictjplius dionijsiaque. porte, outre la léontè, le pallium et la tuuiiiue talaire.
■' Nonnos, liionys., XL, 420 sq. et 578. Le duc de Luynes (Xou-
relles Annales. 1831), p. 67) assimilait à tort ce manteau à la nébride.
HKUUL I-IC FINKUAIKE -J l
v;iis '. Kt s:iiis doute li;s critiinics ont tendance :i exi)li(|Mer ces re-
l)réseiit;itions ]i,ii' l'intliicnco du divimc satyriqiie: mais ne devront-ils
pis reoonnaitiT que la conlusiou sensible des Cercopes avec les
Satyres ■, et la destruction des vignes de Syleus par le liéros ^ re-
présentent les restes d'une légende où Héraclès était foncièrement
liostile à Dionysos et à son tliiase *. coninie il Test d'ordinaire aux
Centaures, et même parfois :i Pliolos, d'lial)itiule son ami '.
Sans chercher ici l'explication de ce phénomène, il est donc rigou-
i-enscment vrai de dire (|u'llercule ne se conduit pas avec les Centaures
autrement i|u'avec les Satyres: tantôt leur ami, tantôt leur ennemi ".
' Voir les listes dressées par II. Heydeinann, IX''^ Hall. M'inckelm.
l'roijr.. (1884), p. 9, n. 22 (Héraclès volé par les Satyres;; et p. 13 sq.
(Rapports d'H. avec les Satyres). Parmi les vases trouvés en Italie, re.
niarquei-: A: Hercule volé par les Satyres: Cratère de Kuvo (H. Heyde-
u;ann, lor. cit.^ pi. I et II); Scyphus à fij; r. de Nola (Louvre. Catal.
Campana. XI, 85. Cfr. PhiMogus, 27, p. 17, pi. II, I); Hydrie à fig. r.
de provenance iuconnue (Mnsco (Iregririano, II, pi. 19, 1. Cfr. Helbig,
Fïihrer (1912), n. 531). — B: Héraclès buvant, défendant son canthare
contre les Satyres: Scypiius de Ruvo {Ilull. InsL, 183fj, p. 113). — C: H. dé-
tendant les déesses assaillies par les Satyres: Cylix à fig. r. de Brygos
trouvée à Capoue (Brit. Mus., E. 65. (ig. Moiiuinenfi, IX, pi. XLVI;. —
D: H. attaquant un Satyre: Amphore a fig. r. de Vulci (Musée de Parme.
H. Hcydcmann, ///'«''' H«ll. Winclcelin. proijr.^ p. 48).
■' Schol. ad Lycophr., -l/ec, 691. — Millingen, Peintures^ de vases
ijrecs, pi. XXXV et p. 56 sq. ; Peliké à fig. r. de S. Maria di Capua (Berlin,
11. 2359. Cfr. XVII'f^ Berliner WhicMiiiaïuisprogr.. p. 3 sqq., et pi. 1-2;.
■' Cylix à fig. r. de Capoue (Musée de Ziirich. Annali I)isi., 1878,
p. ;U s(|. et pi. C); Cylix à fig. r. de Vulci (ex-Campana. S. Reinach,
/.''■>. r. P.. I, p. 392, 1-2): Amphore :i fig. r. d'Orvicto (id., ih., I, p. 228 sq.
Moiriiiiiiiiti\ XI, pi. L).
* Ailleurs, c'est un géant, non caractérisé comme Héraclès, ipii est
en lutte contre les Satyres (BuUet. Coimmale, 1889, p. 17-25).
^ Amphore à fig. n. de provenance inconnue, au Louvre (Pottier, F. 266 ;
fig. id., th., II, pi. 81): Héraclès défend le pithos contre Pholos et les
autres Centaures, de même qu'il défend sa coupe de vin contre les Satyres.
* Cette remarque siittit à rendre vaines les tentatives, incertaines
d'ailleurs, de Kidgewaj- 7'he carhj a<je of Greece, I, 177) et de Bethe
(Pnuly-Wissoira, ». v. Kentaiiren, eo\. 172-173) pour expliquer l'union de
la douceur et de la sau\agerie chez les Ceutaures.
'28 HERCULE FfNÉRAIRE
Va \:i iliHiciilt(; n'est pas dans l"iiitci|)i(-tHtii)ii dionysiaque, qu'il
/'nui donner aux uns comme aux autres des partenaires d'Hercule,
mais dans la singularité d'une telle contradiction qui les intéresse
les MUS luiiniie les autres.
3. Lutte. (V 1 [('rades contre un Centaure et un Satyre,
La comparaison se ])oursuit avec une pareille aisance lorsque le
héros, suivant l'esprit simplificateur des Grecs, s'oppose non plus
à un j^roupe, mais à un seul adversaire. Centaure ou Satyre.
Est-ce faute de i)lacc que le dessinateur s'est si souvent contente
de mettre a\ix prises Héraclès et un seul Centaure? ' Ou la sim-
plification est-elle purement symbolique ? " Elle prend une forme bien
])lus |)récise lorsqu'il s'agit de Nessns, ou. si l'on i>réfèrç, du Centaure
ravisseur de l'emme ' : les représentations en sont fort nombreuses *,
' «) Ocnociioé à lig. n. de Bologne {Bull. Inst, l>s72, p. m. Déjà
citée); — fi) ('oui)e à fig. n. d'Etiurie {('atal. Campana, IV-VII, D, 718
= Pottiei-Louvre, F. B7 ; tig. tfi., II, pi. 68); — c) Oenoclioé à fig. d. de
Vulci (Leyde. S. Keinaoh, Bcp. V. P., Il, p. 269, 5); — rf) Cylix à fig.
n. de Vulci (ex-Candelori. Mtinich, Jahn. 6.Ô0); — e) Cyathe à fig. n. de
Vnlci (Museo Gregoriano, II, pi. A. IV, 4): — /') Amphore à fig. n. de Cor-
neto (Musée de Corneto); — (j) Amphore à fig. n. de Vulci (Miinicli,
Jahn, ô5). — On donne souvent au Centaure, et la plupart du temps sans
raison, le nom d'Eurytion: en fait la représentation simplifiée remonte
aux origines mêmes de l'art grec.
» Cfr. par ex. le camée Demidotf {Bull. Inst, 1834, p. 120).
^ La fréquente présence dans ces scènes d'enlèvement de personnages
accessoires, hommes ou femmes, dans des attitudes très singulièrement
tran(|uilles; et même d'Hermès et d'Athéna (Amphore à fig. n. de Vulci:
Museo Gregoriano, II, pi. A. XXXII, 2 = Helbig, Fiihrer, n" 446. —
Amphore à fig. n. d'Etrurie: Cat. Campana, IV-VII, D. 1081); sur une
amphoie archaïque à fig. n. (Etrurie, Cat. Campana, II, 418) l'attitude
d'Héraclès, (pii tient la femme du bras ganche et attend de pied ferme
latta(iue du Centaure: nous font douter (pi'il s'agisse, dans tous les cas,
de l'enlèvement prccis de Déjanirc.
' Nous en avons relevé jusiiuà di\-niiif ex<mplaircs trouvés à coup
sûr dans les pays étrusques, presi|ue tous vases ;i fig. n.. et ipiphpies-uns
fort anciens.
HERCILE FUNERAIRE iJi»
et assez monotones en général. Mais eelles qui sortent de la ba-
Tialité sont instructives. Quelques unes en effet montrent, contrai-
rement à la légende, Xessus accompagné d'autres Centaures, comme
si l'enlèvement de la femme intéressait toute la race des « fîls de
la Nuée », et telle est la conception qui semble avoir été reçue par
les Etrusques lorsqu'ils sculptèrent des Centaures sur leurs urnes
funéraires ', Ce thème du rapt et du secours trouvé en Hercule
semble encore précisé par la double représentation, d'un parallé-
lisme voulu, d'une amphore à fig, n. ° qui figure: d'une part, Hé
raclés cherchant à enlever une femme au Centaure: de l'autre, une
femme conduite par Hermès vers Héraclès qui tire de l'arc sur un
homme barbu en fuite. Rien ne nous autorise h suivre le commen-
tateur qui veut voir en cette dernière scène l'histoire d'Iole et Eu-
rytos: mais il est très sûr, d'après l'attitude d'Hermès et de l'homme
qui s'enfuit, que la femme vient d'être délivrée de quelque danger
par l'intervention d'Héraclès. Les deux scènes se font donc pendant.
.Te ne sais si on peut être aussi affirraatif à propos d'une amphore
de Vulci ^, où. à un héros hnherhe et non raracterisc délivrant une
femme des mains d'un Centaure en présence de deux hommes et
de deux femmes, répond, sur l'autre face, un groupe d'un symbo-
lisme funéraire très évident : un oiseau à tète humaine entre deux
sphinx. Le fait même qu'à Héraclès est substitué un héros quel-
conque prouve que cette représentation était, aux j-eux des Grecs,
d'un sens plus général que l'Iiistoriette de Nessus *, Et si l'on ad-
' Voir jnfru.
- De provenance incertaine, Bull. Inat.. lS4fi, p, 65 sq.
' A fig. n. : Berlin, n" 1702,
* Ce monument semble particulièrement probant contre l'opinion de
M. Bethe {Pauhj-Vrissoica. s. v. Kenianie», col, 173). qui ])rctend (|ue le
rapt des femmes ne devient caractéristique des Centaures » qu'à partir
de 500 >. Mais d'ailleurs le mythe dit de Xessus aurait-il été si répandu
au VP siècle, s'il n'avait été parlant, s'il n'avait en une signification gé-
nérale? — Remarquer aussi t\ue le seul Héraclès se trouve aux prises
avec (Jeii.r Centaures, Eurytion et Xessus, à propos de la seule Déjanire.
30 IIKUCILE FINÉKAIKK
mettait que les* dftux scènes se répondent, on serait amené dès main-
tenant :'i se demander si le Centaure avec lequel Iléraelès est si
souvent aux prises n'est pas un monstre infernal qui enlève les
hommes, au même titre par exemple qne le Cliaron souvent repré-
senté sur les monuments funéraires des Etrus(|ue8.
Cette liypotlièsc trouverait une sorte de confirmation dan- la
lutte d'IIéraelès contre If Satyre voleur, pendant tlu r'entaur<- ra-
visseur de femme.
Sans doute les vols du Satyre ont-ils le plus souvent dans les re-
présentations qui nous en sont parvenues une allure peu sérieuse '. Mais
il semble que, dans l.i lé;;(ende primitive, il en était tout auti'ement;
Xous pos.sédons en etl'et un doul)let de la légende de l'Héraclès Arca-
dien dans le récit des exploits d'Argos Panoptès ', qui, pasteur de
bœufs comme Héraclès ^, comme lui tue un sanglier qui dévastait l'Ar-
cadie et se couvre de sa peau ', tue le monstre infernal Rcliidna qni
enlevait les pa.ssants comme Héraclès détruit l'Hydre de Lerne '', met
enfin à mort « le Satyre », Satyros, qui tyrannisait l'Arcadie et volait
les troupeaux '', comme Héraclès en Italie, selon les légendes grecques
et gréco-latines, tue Lakin(]s à Crotone, ' Latinos à Locres *, Cacus
à Ronu' ■'. un videur incninui sur le fameux vase de Capoue "\
' Siq)r<i. p. 27, 11. 1. .Joindre: u) S. Heinach, Jiép. V. P., II, p. ;!18. 1
(= Jaiin, PhiUiloym, 1868. p. 18); — h) Arch. Jahrh.. I. p. 273, D.
5 Apollodore, Bih}., IL 1, 2. — Cfr. v.Wilamowit/.-Môllendorft', Criech.
Tra;/., Préface du Cyclope, 7.
' C'est lui qni fut donné comme gardien à lô transfonm-e en \aclie.
CfV. Ed. Mcyer, Forsch., l, p. 78.
< \'oii' Hercule ooiflë d'une dépouille de sanglier . "sur un q'iaihntif Ko-
mano-( 'arapanien (Babelon, Hloniiaief de In Jiép. Romaine, I, p. lit, iv'* lti-18).
^ I/hydie, selon Hésiode ( r/ico//., 813), est tille d'Kcliidn.i, qui enfante
aus.si Ortluos, le chien infernal de (iéryon. et Cerbère. Voir infm.
^ Sur Argo.s-lIéraelés contre Satyros, voir: Rosrhcr, I.e.rilttn, s. v.
jSatj/ros, col. 447.
" Diod. Sic, IV, 24, 7; — Serv., ad Verg. Aen., III, 552.
* Conon, Xair., 3 (p. 126, 4 sqq. ■\Ve>term.).
» Virg., Aeii., VIII: — Tite-I.ive. etc....
'" Ânvali deJriDut., XXIII (1S5I).
IIBKCI'LE FlNÉItAIKB 31
Il :ipparnit donc qu'à Torigiue Héraclès était aussi bien l'eu-
nciiii mortel du Satyre qu'aux temps classiques il Test du Centaure,
Nessus si l'on veut. Or le satyre chapardeur des vases du V*™" siècle
était aussi, et beaucoup plus brutalement, un enleveur de femmes,
-"riv.vj.y.rr,;, qui tiouvait devant lui Héraclès, par exemple dans
la célèbre coupe de Brygos que nous citions plus liant: de la même
façon (|Ue le Centaure qui veut emporter Déjanire. Seulement, au
fur et à mesure que le Satyre, pour des raisons littéraires, devenait
un personnage comique, ce rôle se trouvait réservé aux Centaures,
dont la face humaine prenait d'ailleurs au besoin les traits du Sa-
tyre ou du Silène ' : l'exploit et le châtiment, qui primitivement
étaient le lot commun de Satyre et du Centaure, se trouvèrent la
])art exclusive du dernier.
A quoi mms ont conduit ces longs détours? D'abord à ceci:
que nous devons considérer les sarcophages où Hercule lutte contre
les Centîuues comme étant de caractère dionysiaque, malgré leur
ap]iarente contradiction avec ceux où le héros fait amicalement partie
du thiase bachique '. Mais ensuite, et surtout, à la certitude d'un
parallélisme absolu, dès le VP ou le X' siècle a. C, entre l'atti-
tude d'Hercule à l'égard des Centaures et sa conduite avec les sa-
tyres; en conséquence, nous disposons d'un instrument d'investigation
jilus puiss int i)our résoudre la question essentielle ici : la lutte entre
Th'vculr et les Çr))i<nires fi-t-i'lle idie râleur funéraire pre'cise? En
effet, les documents relatifs aux Satyres funéraires nous aideront à
interpréter ceux qui concernent les Centaures funéraires: secours
non négligeable dans un problème aussi délicat.
' Siiprn, p. :>0, n. 7. Voir surtout lAuipliore de Caeré {Bidl. Inst.,
ISSI. ]). Ifi4 S(i. Déjà citée), où Nessus (?) a une tète de Silène ar-
chaïque.
^ Sans exclure, bien entendu, la possibilité d'une évolution différente.
et même divergente, des deux thèmes.
;-52 iiKiiri;i,E f-i'.\f;iiAiUK
4. I.r prohlrmo dr lu « iiiif/irr hi/'rnirilr » dfS f'PDliiurns.
La questiou du rûle infernal des ('entaures a été débattue avee
une extrême incertitude par Roscher-Tumpel ', qui, après avoir ac-
cumulé des docuuieuts très mêlés, concluent à l'existence d'une obs-
cure légende italo-étrusque ; plus récemment par Ed. Norden ", qui
rejette la conclusion de Uosclier et aflirme q\ie « toute la pensée est
jrrecque » ; et par Korte '', qui indiqui' un point de départ voisin
du nôtre, mais d'une telle généralité i|n'aufune conclnsinii jirécise
ne ]tiMit en être espérée '.
Tous trois ont peut-être en tort de se tenir de fro|) près au
texte célèbre de Virgile, qui place les Centaures dans le vestibule
des Enfers ". Ces vers ont bî mérite d'éliranler riraaginatiou et de
nous contraindre, pour ainsi dire, à poser la question. Mais ils ne
sont qu'un document au milieu d'une foule d'autres qui s'y ratta-
chent de plus ou moins loin, et qui doivent être systématiquement
groupés, si l'on vent essayer de se reconnaître dans les conceptions
très variées et très cliangeaiites de l'eschatologie gréco-italique '.
' Roschcr, Le.riloii. II. 1, col. 10.'i4-105li.
- Verg. Aen., \l°, p. 21ô sq.
' Lettre citée par Ed. Norden, op. cit., p. 215.
■• II se contente de rappeler que les Centaures sont originairement
très voisins des Silènes ioniens à pieds de chevaux, qui sont la suite du
Dionysos souverain des ombres. Nous avons montré que les Satyres, cou-
fondus avec les Silènes, avaient eu, danf: les temps historiques, une car-
rière ])arallèle à celle des Centaures, dans leurs rapports arec Héraclès.
'' Virg., Aen., VI, 289 sq, — Imité par: Stace, Théh., 10, i>34 et
Sih:. V, .-i, 277 sqq.; et Sénèque, Herc. fur., 782 sqq.
'■ C'est dire (pie ne peuvent nous contenter ni les aftiruiations de
M. Betlie {l'atdij-Vissoira, s. v. Kentanren, col. 174, 28-4.'5| qui se tire
d'aft'aire en niant purement et simplement que Silène ou Centaure aient
Jamais joué un rôle funéraire, et en taxant Virgile d'imagination poé-
tique, sans d'ailleurs apporter aucune discussion de ce qu'il critique ni
aiu'uue preuve de ce qu'il avance ; — ni le raisonnement de M. B. Schw ei-
tzei- ( Héraclès, p. 80 et 105 sq.) qui, se fondant sur le ' fait rai)porté
HKKtTLE FII.NEKAIKE àr,
Que n'.-i ton reiii;iri|ué d'abord les contriulk-tioiis ronstantes dans
la foule des légendes helléniques relatives aux Centaures? Cette
race, selon Pindare également odieuse aux hommes et aux dieux ',
(et c'est le caractère même des êtres infernaux, en particulier
d'Hadès), a cependant fourni l'éducateur des héi'os fils des Olym-
piens unis aux mortelles, et celui qui re<;ut avec tant de bienveil-
lance dans sa caverne Héraclès, le héros presque dieu. — Cette race
vonée à la mort, cette race exterminée comme pourrait l'être u'em-
porte quel groupe humain (et pourtant elle est d'origine divine),
a pour suprême représentant un être immortel, Chiron. — Et cepen-
dant cet immortel est rélégué aux Enfers; et de pitoyables légendes
cherchent à expliquer gauchement pourquoi il y est, après on ne
sait quel pacte avec les Erynnies -. — Que n'avouentelles (ce serait
plus simple) qu'il n'y a point de différence essentielle entre Chiron
et les autres Centaures, que tous sont immortels, mais démons in-
fernaux ? Ainsi s'expliquerait qu'au lieu d'avoir les traits des Sa-
tj'res ou des Silènes, on en trouve qui présentent la face horriljle
de la Gorgone ', de même qu'ailleurs on voit la (iorgoue infer-
nale * sous la forme d'une Centauresse °.
par Elien ( l'or, hint., IX. IG) que le Centaure Mares, ancêtre des Anso-
uiens, avait trois âmes, ce (jui le rapproche en effet des êtres infernaux
multiples et en iiarticnlier de Géryon (voir infra), a voulu conclure de
cet indice fragile an caractère funéraire des Centaures en Italie ; mais
la donnée d'Elien est insuffisante, et le raisonnement de M. Schweitzer,
très oblique, n'est pas tonjours convaincant.
' Pindare, J'illh.. Il, SO: 70V0-... yj^'li à'-Spi-îi •(ifanoip-.u sûr | 1-1
HiÙ-i ■/i./.5i;.
' Àpollodore. Bibl., II. h. 4.
^ Scarabée archa'unie. Cfr. Miiller-Wiesi'ler, T). a. K., 1, n" 324.
■* Infernale déjà dans Homère, Od., "', fi.U.
^ Vase béotien à reliefs du Louvre. Voir L. Malten, lJ(i<t Pferd iin To-
teiHjlaiibeii, Arch. Jahrh.. XXIX, 1914, p. 182, fig. 3. — M. Malten sup-
pose que Méduse, primitive déesse infernale et chevaline, ne fut introduite
que plus tard dans le cercle des Gorgones non chevalines il. c, p. 181-184i.
Mais le texte d'Homère et le scarabée cité supra rendent l'iiypotlièse à la
fois inutile et aventureuse. — Cfr. deux scarabées grecs d'influence pliéni-
méhimiei <rArch. et fVHii^t. iii2i. 3
.il llKlilILK KINI^ItAlliE
CiiiniiK'iit sr l'ait il i-iicore (|uc, voues primitivement aux eaux
pures (les ora;;es et des SiUirces Jailliss;iiites ', on les trouve ailleurs
rélé;i:ués dans l'Iiumidc o'iscurité du chaos": mieux encore, liés au
llux des l'Miix suiruriMi>i's à l'impure odeur de cadavre ^, qui, aux
yeux (le tiiiitc l'Antiquité, étaient d'origine infernale? — Et comment
exi)li(iiicr ciiliii nm- le sang de Xessus soit un poison mortel aux pro-
digieux effets ', tandis que la mystérieuse Centaurée ( KevTZ'jp i; -oir.)
ressuscite les morts et fait revenir vivant de l'Hadès sans retour? ^.
Ce sont là autant d'indices d'une doulile nature des Centaures,
avec prédominance nette du caractère infernal, surtout peut-être en
Orient, où ils semblent se trouver mêlés à la démonologie vulgaire ''.
Mais ce double caractère explique avec une parfaite netteté qu'aux
temps classi(|ues Héraclès se montre, comme nous l'avons vu, tantôt
leur ami, taiitiit leur adversuire. selon qu'ils sont des demis-dieux
bienfaisants ou des démous funestes. Quant à savoir huiuelle des
deux fonctions leur fut attribuée d'abord, c'est ce qui échappe to-
talement à notre reclierelie.
cienne, provenivit sans doute d'Etriiiie: la Gorgone ailée, à corps de che-
val, tient sur l'un un lion, sur l'antre un sanglier (Fnrtwiingler, Ant. Gem-
vieil, pi. VH, 39 et 40 = Micali, .S'<onn. .., pi. 46. 18 et 17): tous deux
semblent dater du VI' siècle.
I Siqjia, p. 19.
- Bérose, f'rngm.. I, 4 (Millier}.
^ Pansan.. V, 5, 10; — Philon. -i?-. i..'ii:7..i: Ki-j.:j, I (Bernays).
— Textes réunis par Kosclier, loc. cit.
* Voir Sophocle, Trach., 688 sqq. ; — Sénèque, Herc. oei.. 720 sqq.
■"' Nonnos. Dioiiys.. XXXV, 63. — Chiron. selon certaines légendes,
ressuscite Actéon et i)eiit-êtrc Iliiipolyte >. Rfinach, Aicliit: f'iir Heli-
gionsicis., X, 1907, p. fil).
'' Voir la platpie de bronze archaïque d'01ynq)ie (Uoscher. Le.rikon,
s. V. Keiitduren, 1047, fîg. 4): en ipiatre registres de haut en b:\s: trois
oiseaux: deux gritî'ons affrontés : Héraclès tirant sur un Centaure i|ui
s'enfuit: Artémis « persique • entre deux lions qu'elle tient la tète en
bas. Cette tigure rappelle celle d'Ishtai-, la déesse infernale des Babylo-
niens: les gritt'ons ont aussi un caractère funéraire. — Cfr. les Onoeen-
taures en .Judée, sorte de démons infernaux iRoscher, loc. cil.].
HERCULE FUNERAIRE 35
Les Centaures pénétrèrent en Italie sans doute par plus d'une
voie; mais ils ne semblent avoir connu une réelle popularité que
dans deux domaines: la Campanie et IKtrurie '. De prétendre avec
Elien ' qu'ils furent naturalisés dans la péninsule parce que Mares,
père des Ausoniens, avait la forme d'un Centaure, c'est une plaisan-
terie. Il est naturel d'attribuer leur introduction en Campanie aux
colons locriens fondateurs de Cunies ' : quant aux monuments étrus-
ques, dont quelques-uns remontent fnrt haut, ils n'excluent pas,
tant s'en faut, la possibilité d'influences orientales.
Telle quelle, la légende italique des Centaures est d'une pau-
vreté stupéfiante: dans les termes où la connaissait Lycopliron,
elle se bornait à dire que, chassés de Thessalie par Hercule, ils
avaient traversé la Tursénie et s'étaient réfugiés dans l'ile des Si-
rènes, dont les chants les avaient fait mourir ''. Intéressante ce-
pendant à divers égards: d'abord en ce qu'elle rattache (gauclie-
mentj l'aventure des Centaures :'i l'histoire d'Héraclès ; — ensuite
en ce qu'elle ne peut citer aucun épisode de leur vie terrestre en
Italie "^ ; — enfin en ce qu'elle s'applique à lier matériellement,
par la course fuyante des Centaures, les deux seules régions où
nous les voyons bien connus '". Cette légende a donc tous les ca-
ractères d'une création mixte, d'un échafaudage pénible; sa mes-
quinerie s'en aggrave d'autant: il devient sensible que les Cen-
taures n'ont pas eu d'existence active sur le sol italii|ue.
' La Sicile ne semble pas s'être beaucoup occupée d'eux. Cfr. cependant
la comédie dEpichanne, 'Hpaz.Àr; -api 'I'oam, témoignage littéraire en con-
cordance, malgré ([uelque retard, avec rimagcrie aftique de cette légende.
- Elien, Vai: hist., IX, 16.
' Roscher, Le.rH:nn, s. v. Kciitaureii, col. 1044 s((.
* Lycophr., .4Zc./-., 670, et Tzetzes, ad loc. — Cfr. Ptoléinée, Xor. hirif.
ô, p. 192, 22 (Westenn.): Apollodore, Bibl, II, 5, 4.
^ Les monuments figurés non plus ne nous permettent, d'en recons-
tituer aucun.
"" L'île des .Sirènes est, selon toute vraisemblance, une création Cn-
méenne.
36 IIKKCILE FlNI^;i{AIKK
Il n'y ont pas vécu: mais ils y sont morts. Kt de quelle mort!
Il vaudrait mieux appeler eela une disparition. Car enfin l'île des
Sirènes peut, par telle eolonie ^reeque, être localisée en un point
déterminé de la côte italienne. Mais, mytliiquement parlant, c'est
une ile infernale du lontain Occident; ' les Sirènes, tous les Grecs
le savent Cet leurs discijiles italiens), sont des démons qui attirent
les hommes aux ;,ninfl'n's inrcrnaux: Ulysse est trop connu dans ces
parages pour (lUc nul on i^omi-e. Et si quelqu'un l'tait tinte d'ou-
blier ce que signifient au juste ces « îles occidentales », on lui rap-
pellerait, et le jardin des Ilespérides. et les lies des liérns liienlien-
reux. et rRrytliic du tri)ilc (Ji'ryon. pasteur (ril.idi's : on lui «lirait
((ue la rJorgone infernale aussi habite une île << océanique » ', et
de nirine les (larpyes ^. Et il serait sans doute amené à se demander
])iiui'(iuoi dans la légende it.iliote l'île des Sirènes devient aussi
l'ile (les Centaures? Au juste, les Satyres eux aussi n'habitent-ils
]ias de lointaines iles occidentales, qui portent leur nom ^ ? Mais
tandis (|iie les S.-ityres y vivent leur lihi'e vie dinnysiai|iie, les
' Alix contins du monde, cest-à-dire :'i l'entrée de l'iladès: Voir
l'Iaton, Cmti/I., 403 D. Cfr. L. Malien, .-trc/i. Ja/irft., X.MX. l!ill. p. 239.
' A. Fnrtwiingler, liosfliers Le.ril-on. s. v., Itiilô.
' (iardieniies de rArliie des Ilespérides, selon certaines traditions.
Cfr. (). Kern, De Orphei theorinniis, p. 88, (cité par E. Norden, Vrni.
Aeii., \'I-, p. 215).
■* Stiabon, X, 466. — Même si l'on admet que c'est là une anecdote
!îéographi(iue et rationaliste provenant de navigations assez tardives, il
resterait à se demander pounpioi les navigateurs ont tronvé des satyres
dans ces parages, et pourquoi ils ont répandu l'historiette. Le moins
qu'on eu puisse dire, c'est ([u'ils s'attendaient à tontes sortes de mer-
veilles en approchant des contins occidentaux autrefois hantés par Dio-
nysos (Lucien. Ver. hist., \. 7, jiarle d'une île occidentale où ont abordé
seuls Dionysos et Héraclès). Mais, plus proliableiuent. ils comptaient at-
teindre soit les jardins des Ilespérides. soit un quelconque paradis dio-
nysiaque. Martianus Capella, (]ui place les Ilespérides à l'extrémité de
rAfri(pie, fait du Mont Atlas ce petit tableau... fantaisiste, mais pit-
toresque: <i Per diem silet, nocte et ignibus micat; tibiis, fistnlis, cym-
halis tyuipanisque percrepat, Satyris Aeyipanisqiie bacchantibus' (VI, 667).
HERCULE FUNÉRAIRE 37
Centaures n'atteignent à l'ile (les Sirènes que pour y mourir;
oui certes : mais pour y mourir à force d'entendre des chants
mélodieux, ce qui était considéré comme une jouissance para-
disiaque.
Nous voilà conduits à nue contradiction claire, mais inextri-
cahle. Eu effet, ne possédant aucune autre forme de la légende,
nous ne pouvons expliquer comment, de modification en modifica-
tion, elle a pu aboutir à une telle absurdité ou, si Ton préfère,
incohérence. On voit bien qu'à un moment donné en Italie (sans
doute en Campanie) les Centaures, inexistants sur terre, se sont trouvés
lie's aujc Sirènes, êtres infernaux ; on soupçonne qu'ils ont eu, pour
ces populations occidentales, un rôle funéraire plus accentué du fait
que leur rôle terresti-e était plus réduit, tandis qu'en Grèce la
distinction n'avait jamais été nette : et c'est tout.
Les mêmes difficultés se représentent lorsqu'on serre d'un peu
près les textes littéraires que certains critiques ont invoqués pour
prouver le rôle infernal des Centaures. Virgile ' a placé dans le
« vestibule » des Enfers les Centaures, les Scyllas, Briarée, l'Hydre
de Lerne, la Chimère, les Gorgones, les Harpyes : mais ce sont des
ombres. On part de là pour affirmer que les Centaures figurent dans
cette liste comme pourraient le faire des morts quelconques ; donc
qu'ils n'ont aucun nde funéraire. Mais, pour la moyenne des ima-
ginations populaires, les Gorgones (sauf Méduse) et les Harpyes
continuaient à exister et à enlever les morts: de même Scylla ;
taudis que la Chimère et l'Hydre avaient été tuées de fait. Le texte
de Virgile ne prouve donc rien, puisque le poète a modifié de parti-
pris les croyances communes de son temps. Il a voulu symboliser
à l'entrée des Enfers la destruction des monstres, infernaux ou ter-
restres, par les héros bienfaisants. Mais cela ne préjuge pas la double
question qui nous intéresse: parmi ces monstres, les Centaures sont-ils
' Virg., Aen., VI, âS;') sqq.
38 HERCIXE KI'NKKAIUE
iiitVi'ii.uix OU teri'f.-ftrcs ? Etaient-ils, avant Virjjile. placés à l'entrée
des Knfers, selon des croyances ])lus ou moins populaires ' ?
Les vers de Sénèque ne sont pas plus clairs ', sauf en ceci que
les Centaures « émergent » de la foule anonj'me des morts, comme
s'ils étaient caractéristiques du lieu, comme l'Hydre, dont la nature
infernale est bien assurée '. Mais la présence des Lapithes vient
confondre toute certitude.
Et il y a pire incertitude dans les deux passaj^es de .Stace que
l'on iuviKiuê pour le mènie olijet: l'un, en effet, fait des Centaures
de vaines ombres, parmi celles des monstres punis, tont en laissant
entendre que ces monstres api)artiennent en propre à l'Ercbe ' :
tandis que l'autre groupe nettement les Centaures avec Cfrbère.
l'hydre et Scylla, comme des êtres « diaboliques » attachés à la
punition des coupables, et qui s'écartent devant les morts justes \
Ces textes nous laissent dans l'état pénible d'un homme qui
ferait toujours le même rêve, en prévoirait sans cesse la conclusion.
et dont les idées se confondraient régulièrement au moment où la
solution est ])rocl]e. Nous avons l'impression que les trois poètes,
travaillant sui- une matière commune fon ne ])eut dire en effet que
Sénèque et Stace siiin-nt Virgile, puisque les trois conceptions dif-
' Le texte du l's. l'iatoi-. A.'iochos. III. pouir.iit faire penser que
les Grecs unissaient les Centaures à Scylla, comme monstres infernaux:
« C'est comme si Axioehos craignait Scytla on ii» Centaure, qui n'existent
pas à présent et qui n'existeront pas non plus aprrs s« mort'.
• Sen., Herc. fur., 782 sqq. — Hercule tra\ersc le Létlié dans la
barque de Charon: « Tune u.asta trépidant monstra. Ceiitauri truces. | La-
pithaeque multo ad bella succensi mero...», puis l'Hydre de Lcrne.
' Cfr. E. Norden, Verg. Aen., VP, p. 215 et 275. Voir infra.
* Stace, Théb., IV, 534 sqq.: « Quid tibi monstra Erebi, Scyll.^s, et
inane furentes | Centauros, solideque intorta adamante gigantum | uincula.
et.angustam centeni Aegeonis uuibramV». — C'est à peu près la con-
ception de Virgile, moins iiomogène cependant, parce que les deux ca-
r.ictères contradictoires sont exagérés chacun dans son sens.
^ Stace, .S'(7t\, V, 3, 277: < Nidlo sonet asper ianitor ore | Centan-
rosque hydraeque grèges Scyllaeaiiue monstra I aue^ae cèlent valles ».
HERCtrLE fUXKRAIRE 39
forent entre ellesj, ont interprété selon leurs propres idées philc-
sriphiques et l'à-propos momentané de leurs œuvres des données
pi>piil:iirês dont ils ne voulaient pas se faire les complices, ([uoiqu'ils
fussent séduits par leur caractère poétique. Mais ce n'est là qu'une
impressiiin.
5. Lr rôle fuiii'fiiivf drs C'eiifaiires.
La clarté, ce qui paraîtra sans doute singulier, vient des mo-
numents étrusi|ues: en particulier des urnes funéraires si nombreuses,
surtout à Volterra. et classées dans le grand recueil de Brunn-
Korte '.
Un premier point luirs de doute, c'est que, sur ces monuments,
les Centaures se trouvent fréquemment groupés avec des êtres in-
fernaux : Gorgone '" ; Scylla ' ; la Chimère ' : enfin le Sphinx, Charon
' Brunn-Koite, I r/licri délie Urne etnisclie, II, p. 15ô-17l.i et pi. LXflI
à I.XXIII.
- .leunes Centaures de part et d'autre d'une tête de Gorgone sur deux
urnes de Montepulciano au Musée de Palerme (Brunn-Kôrte, II, pi. LXIV,
4 et 5). — Pour le caractère funéraire de cette représentation en Etrnrie,
on comparera les urnes de Volterra, n"' 88, 39 et 42, où figurent des
tètes de Gorgones à ailettes, rapprochées d'une urne (sans n°) du même
Musée, où se voit à la même place un démon femelle ailé, des ailettes
aux clieveux, tenant une épée et assis sur un rocher: thème funéraire
fréquent (le plus souvent le démon est de caractère marin et enlève un
homme). — Ce groupement et sa signification peuvent d'ailleurs venir
de la Grèce archaïque (voir supra, p. 33 et n. 5): limportant ici est de
voir (praux temps classiques, et en Italie, il n"a rien perdu de son sens,
au contraire.
■' Roseher, LexiliOH. s. v. Kentauren, 1055. Le démon marin enle-
vant le mort est fréquent sur les urnes de Volterra : voir par ex. n° 392 ;
un curieux Sej'lla mâle sur les urnes n"" 71 et 449. — Scylla a un ca-
ractère infernal déjà dans Homère {Od., /, 100) ; cfr. E. Norden, Verg.
Aen., VP, p. 215, et supra, p. 37.
■• Roseher, Le.ril-ori. s. v. Kentauren^ 1055 ; cfr. id., Gorgotien, p. 28 sqq.
— Pour le caractère infernal de la Chimère, voir: Usener, De Iliadis
carminé quodam Phocaico (Bonn, 1875), p. 40 ; Ettig^ Acheruniicn, Leipz.
Si. z. class. Phil., XIII. p. 336; E. Norden, op. cit., p. 215. Textes exprès-
40 IIKRCL'LE KINÉKAIKK
et une Furie, mir une urne (|ui sciiilili' vouloir cumuler tous les
thèmes funéraires possibles '.
Il arrive d'autre part (jue, sur ces urnes, les thèmes de la lé-
gende grecque soient repris, mais avec des modifications expressives.
C'est ainsi que la Centaurouiacliie. à laquelle une ciste italique '
donne une forme déjà extrêmement vague et générale, parait repré-
sentée, au mépris des traditions grecques, comme la lutte de plu-
sieurs hommes contre un seul Centaure ', ou, si l'on préfère, comme
le sauvetage d'un homme des mains ennemies du Centaure; sans
(|ue l'amphore qui y figure fasse aucunement allusion au pitlios de
Plmlos. comme lr prouvent et sa position et sa présence dans quau'
tité d'autres moiniMiciits du même genre où il ne saurait en êti'e
sit's de Lucien, Dial. invrl., 30, 1 ; Meiiipp., 13 sq. — Sur le uiênie mo-
nument, avec le Centaure et la Cliiuière se voit une fomuie ailée qui est
soit Gorge, soit Aitémis persi(iue. Cette déesse, très ré])andne en Ktrurie
sous la forme de la lloTna 'jt.owv, et dont les origines orientales ne sont
pas douteuses (Fr. l'oulsen, Der Orient iiml die fmligriech. Kunst, p. 113
sqq. I. figure elle uiême dans des représentations peut-être funéraires
(Diadèmes en or de Kiev: luttes de cavaliers contre des Griffons et Ar-
témis pcrsique: Arch. Ameig., XXXIII. lOlS, p. UOs(|q. — Cfr. Gerhard,
Etiuskische Spieyel, pi. 243 .A. : .\rtéinis persique et Gorgone.
' De Volterra (Hrunn-Ktirte. II, pi. LXIII, 3). Petites faces : «) Cliaron
et Furie, chacun tenant un serpent, de part et d'autre d'un objet droit,
peut-être un eippe funéraire; b) Spliin.x terrassant un homme et tournant
la tête vers un oiseau. Face principale: Centaure luttant {?) contre un
serpent. — La lutte d'un démon infernal contre le serpent se comprend
très bien même à côté d'autres démons ayant le serpent comme attribut:
car le serpent funéraire représente aussi bien le dieu infernal que le mort
(0. Seiffert, Die Totenschlange auflakotiisvhen Keliefn). De la même façon
le griffon est figuré sur un sarcophage dévorant un serpent (C. Robert,
III, 2, 166 a et b).
■ Cari .lacobsen, N;/ Carhbeiy Ghjptothel;, Hclbiij Museet. 4. 81. p. 'iH.
^ Brunn-KOrte, II, pi. LXVII, 2: Deux centaures dos à dos assaillis
par deux guerriers; sous chacun «Veux un jeune homme en bonni.-t
phrygien terrassé; entre eux deux, une amphore pointue renversée. —
Id.. [b.. II, pi. LXVII, 1: Un homme terrasse le centaure, un antre ac-
court: un troisième, clevant, semble fuir: devant lui, une amphore de-
bout. — La représentation de la première urne doit être considérée comme
double et symétriiiue.
HERCULE FUNÉRAIRE 41
question '. De même le mythe de Nessus est modifié de la façon la
plus singulière : si parfois il arrive que soit figuré assez nettement
Hercule délivrant une femme des mains du Centaure ', ici encore,
comme dans les représentations précédentes, le Centaure est isolé
et il a plusieurs adversaires : fait si remarquable que les éditeurs
de la seconde y voient « Hercule introduit dans une Centauroraachie,
on ne sait pourquoi » ^. Disons simplement que le mythe de Nessus
a été généralisé par les sculpteurs étrusques pour devenir le thème
du Centaure enleveur de femme assailli par les héros, nous serons
plus près de la vérité : à preuve d'autres urnes de même genre,
mais où manque Hercule '.
Ainsi les Etrusques, en reprenant les images des Grecs, ne les
comprennent plus comme illustrations de légendes précises. Hs gé-
néralisent ; et toujours dans le même sens. Des aventures aussi dif-
férentes à l'origine que celles de Pholos et de Nessus fpeut-ètre
contaminée par celle d'Eurytion) deviennent une seule et même
chose : l'homme (ou la femme) tombé aux mains du Centaure tt
délivré par l'intervention du héros, qui, loi'squ'il se précise, est
Hercule. Que ces représentations, par leur généralité même, puis-
sent avoir un sens symbolique, cela est assez clair; mais la dé-
monstration n'en sera possible qu'après examen d'antres monuments.
Car le Centaure apparaît d'urdinaire sur les urnes étrusques
dans une tout autre position. 11 est seul, toujours, et triomphe à
la fois de plusieurs ennemis ''. Les (Jrecs ne connaissaient rien de
semblable. Or quand ou voit les peuples italiques innover dans des
représentations d'origine hellénique, on doit y porter une extrême
' Voir par ex. Biunii-Kôrte, II, pi. LXIII, 2: Jeune Centaure cou-
rant au-dessus d'une amphore renversée. Voir infra.
2 Urne de Chinsi (BiiU. 7)i,s/., 1S59, p. 162); — Urne de Pérouse
(Brunn-Korte, II, pi. LXXI, 9).
' Brunn-Korte, ad loc. cit.
< Brunn-Korte. II, pi. LXXI, 10 et 11.
'" Brunu-Korte (II, pi. LXIX sqq.) en comptent seize exemplaires.
4Z IIEKITI.K Fr.NKUAlHE
attention. Mais il y :i plus. Ce tiième du Centaure vainqueur de
])luHienrs adver.sairi-s se trouve mêlé, d'étrange façon, au mythe
d'Oonomaos sur deux urnes de Volterr.i '. Ce mythe e^lt Tun des plus
expressifs de la scnlplure funéraire romaine: il représente à la fois
l.i soudaineté et la vulgarité des accidents mortels, et renchainement
des eatawtro])lios entraînées l'une par r.-iutre. L'introduction dans
une pareille scéni' du Centaure tricini])liant ne tiguretelli- pas la
\Lctoire d'IIadès et la vastf déruute des iionimes devant la mort !
Simple hypothèse encore. — Voici d'autres urnes où se voit
le Centaure seul fou deux Centaures symétrii|tu's, ce qui revient
au même) enlevant une femme "' (|ui, dcirdiii.iire, ronseiil à soir
enlhement': plusieurs fois le Centaure tient une palme. Kt le
sens funéraire de ces représentations est attesté soit par la présence
de la patère oinbili(|uée '. soit par les représentations annexes du
;;rifl"on hippocampe ', suit i)ir le groupement complexe de divers
éléments sur l'une de ces urnes. Ou y voit", entre les deux Cen-
taures barbus qui, dos à dos, et reposant chacun sur une grande
amphore, enlèvent des femmes, un jeune homme assis de face, une
' HninnKiirlp, II, pi. LW'III, 3 et 4. — Ce i)Oiiiiait être nue bévue
du sculptcui-: un sarcopliage romain du Louvre (^74 ex-Boighèse) figure,
devant le chai- dOenomaos, un cavalier vu de dos, dont le tronc hu-
main semble prolonger le corps du cheval. Mais, étant donné l'abon-
dance des urnes du groupe précédent, dont le thème exact se retrouve
dans ces deux monuments, il est certain (pie l'erreur des sculpteurs (s'il
y a erreur) a été \-olontaire.
' Urne étrusque du Musée de Païenne n. .'i,'). t'fr. Brunu Korte. II,
pi. LXVI, s.
^ Urnes de Cliiusi lininn-Koiti-. Il, |il. LXIV, (î) et de N'olterra
(id., «■&., pi. LXIV, 7).
* Sur des urnes de \'olten.M (nu. .">-2, ;U, iïtlSi. la grande phiale oui-
biliquée est présentée par deux déuious ailés nus, coiunie ailleurs le (ior-
goneion.
5 Urne de Palerme. — .Les dénions mr.rins, dérivés de la croyance
à un voyage maritime vers les Enfers, sont fréquents et sur les urnes
étrusques et sur les sarcophages romains.
^ Brunn-Kiirte, II, pi. LXV, 7.
HERCILE FINÉRAIRE 43
épée nue ;\ la main: sur les petits notés, d'une part le couple des
défunts se tenant par la main; riiomnie en armes accompagné de
son clK'\al : de l'autre un Cdnjjle. l'Iiomme tenant nn rouleau, dc-
liout devant un homme assis tenant lui-même un rouleau. Que Ton
interprète comme on veut ces deux dernières scènes (peut-être le
«congé» et le «jugement»), il est visible qu'il s'agit ici des
défunts, si souvent représentés ailleurs sur le couvercle des urnes.
Quant à la figure centrale, elle ressemble singulièrement, pour l'ar-
mement et pour la place qu'elle occupe, au démon marin on au
démon femelle tenant une épée. que l'on voit sur d'autres monu-
ments funéraires étrusques '. La face iirincipale a donc un sens
siimbolique (mort et enlèvement), tandis que les faces secondaires
sont des representafioiis n'iil/stfs: leur union pouvant figurer, si
l'wii veut, la succession clironologique du congé, de la mort, du
voyage infernal, du jugement. Laissons même de côté cette dernière
liypotliése, peut-être trop séduisante: il reste comme fait certain
que le Cextaiire ici Joue un rôle funéraire '".
Le curieux, dans ces derniers monuments, c'est (|ue la femme
ciiusente à son enlèvement, tandis que, dans les précédents, le Cen-
taure faisait figure de meurtrier ou de ravisseur brutal. Plus saisis-
sante encore la contradiction, lorsque l'on remarque sur les uns et sur
les autres des symboles dionysiaques très clairs : soit les amphores.
Soit souvent dans les groupes où le Centaure terrasse plusieurs ad-
versaires, l'écharpe de lierre qu'il porte au travers dn torse. L'in-
terprétation de ce dernier détail est certaine. Celle des amphores
nous force à entrer dans quelque détail.
' Urne de Volterra n. 62; autre s;ins ii.. citée déjà suprii.
■ Il importe de remarquer qu'ici encore une influence grecque est
possible. Un relief de terre-cuite, du début du IV' siècle, trouvé à Ta-
rente, représente un mort liéroïsé emporté par un Centaure vers le Lit et
le Banquet (Bom. MittheiL, XII, 1897. pi. VII). Le monument est isolé,
mais expressif. KeplaL'é au milieu de notre argumentation, il la confirme,
nous semble-til, tout en tirant d'elle une nouvelle force.
44 HERCULE rrNÉRAIRB
Porphyre, dont l'éducation symboliste ne laisse rien il désirer,
hésite entre deux interprétations: Cratères et Amphores sont les
symboles des sources, dit-il quelque part; de Bacehus et des Nym-
phes, énonce-t-il ailleurs '. Etant donné la nature de Bacehus,
il n'y a pas là contradiction, mais seulement indétermination. Au
surplus, les sources elles-mêmes ne sont pas étrangères, tant s'en
faut, au monde infernal ni aux pratiques funéraires: sans revenir
sur la Mnémosyne des Orphiques', sans suivre dans ses hardies
hypothèses Furtwiingler qui voit sur certains monuments grecs et
étrusques Hercule en train de recueillir l'eau merveilleuse des En-
fers à la Source de Vie ', il est certain que la lustration aux fon-
taines emportait presque toujours pour les imaginations antiques le
sens d'une purification, et finit même par être expressément notée
comme un moyeu magique d'ac(|uérir l'immortalité \
Mais le symbolisme dionysiaque des amphores est l)ien plus
probable. Les nombreux monuments qui représentent Hercule na-
viguant sur un radeau d'amphores ^ ne font que donner une forme
mythique :'i un thème très général, au moins influencé par les con-
ceptions dionysiaques ", et qui doit être celui de la navigation vers
' Poipbyie, Antre des Nymphes^ 17 et 13.
* Supra, 1" art., II, 2.
' Furtwiingler, Ant. Gemmen, W. p. 107 198. Ces hypothèses peu-
vent être fondées : mais nous nous en tenons ici :\ une étude aussi objec-
tive que possible.
* Martianus Capella, II, 142: « lympba subluere ».
^ Pierres gravées: Furtwângler, Ant. Gemmen, pi. XIX, 38; LXIV,
26; XX, 41 (étrusques); XIX, 37 et 38 (italiques). — Miroirs gravés:
Gerhard, Etr. Spiegel, I, pi. XXIX, 18; CXLIX; CCCXLI,1; CCCXCVIII.
— Voir sur ce sujet Martlia, Art Jitrusipie, p. 593 (qui propose à ce
thème une origine assyrienne): Courbaud, La yaoigaiion d'Hercule, in
Mélanges de V Ecole de Rome, XII, 1892, p. 274; Furtwângler, Aut.
Gemmen, III, p. 198.
•^ Le navigateur n'est pas toujours Hercule: Furtwiingler. Ant. Gem-
men, pi. XIX, 36 et XX, 39. C'est un Satyre ou Silène sur lienx scara-
bées étrusco-italiques (id.. il>., pi. XVIII. 13 et XIX, 35). Le personnage
de l'intaille XIX, 36 tient une amphore et probablement un poisson: le
HERCULE FUNÉRAIRE 45
les iles Fortunées, le pays des Hespérides, en tout cas un paradis
liai^liique ' : sens survivant encore, bien (|u'avili par des conseils épi-
curiens, !<ur les intailles hellénistiques ou romaines qui figurent
des squelettes aux prises avec des amphores à coup siir pleines de
vin ■'. On a remarqué d'autre part qu'au \W siècle les coupes et
les amphores se multiplient dans les scènes liachiques gravées sur
les miroirs étrusques: il faut y joindre cette constatation que, snr
des miroirs où l'on voit Hercule le pied sur une amphore renversée,
le héros est accompagné par des Victoires '. Or, pour les Etrus-
ques, victoire, accession k l'Olympe, et bonheur dionysiaque se con-
fondaient, comme le prouve un miroir où l'on voit, au milieu de
symboles bachiques, Hercule assis dans le giron de Junon qui l'al-
satyre de XIX, 35, tient le thyise et un poisson : le rapprochement est
instructif. — L'origine plastique du thème est-elle dionysiaque? On pour-
lait le penser en voyant sur un scarabée italique (ou étrusque) de Ber-
lin (Furtwangler, Avt. Gemmen, XIX, 40) Hercule imberbe, assis fatigué
sur une ainpliore, et sous lui trois amphores réunies. L'amphore comme
symbole du repos se trouve derrière Héraclès Jeune, assis sur une mon-
naie grecque de Phaestos (E. Babelon. Mon. Grecques, pi. 256, 6 et 8).
' Une hydrie à tig. r. trouvée à Abella (Naples, Heydemann, 2852)
donne un caractère dionysiaque très net au jardin des Hespérides: Hé-
raclès cueille tranquillement les fruits : on voit un lièvre, un chevreuil,
des fauves.
2 Furtwiingler, Aiit. Gemmen. pi. XXIX, 47 et 49; XLVI, 26. —
Ces pierres, montées en anneaux, étaient à coup sûr destinées à exerci-
tcr les buveurs à profiter de la vie, comme les vases de Boseo-Reale;
cfr. Pétrone, Sat., 34. Mais les attitudes rivantes des squelettes ivrognes
sont dérivées des anciennes croyances en la vie future dionysiaque, dont
les Epicuriens se moquaient, aussi bien i|ue Piaton, mais poiu' d'autres
raisons.
' Gerhard, Etr. Spieç/el, V. pi. 63. 2: pi. 64. — Considérer l'am-
phore comme un prix agonisticpie est une hypothèse bien fragile: de quoi?
et pouniuoi apparaît-elle dans des circonstances si variées? Sans netteté,
et sans préciser la différence entre la victoire agonistique et l'hérolsation,
M. Schroeder écrit [Grabdenhii., p. 54): < In den Aniphoren aber, die
hiiufig in der Zweimahl vorkommen, mag sieh eine Erinnernng an die
zuni Grabkult und dann in Agonistichem Sinnc zum Hrros in Bcziehung
stehenden Amphoren forterben .
in IIKKCri.K FINKItAlKK
laite ' en présenre de Jupiter, Minerve, Tiiran (V'enusj et Méaii ("Vic-
t(iire) tenant prêts les rameaux de la vietoire. Il résulte d une étude
ciimparée de ce» monuments (pie, le plus souvent, à jtartir du
HT' siècle, ram])liore a, en Etrurie, un sens bachique, ordinaire-
ment lié à une conception dionysiaque de l'immortalité liienlieureuse'.
Les iii-iies (|ui nous occupent ne remontent pas plus haut que-
ce siècle, tant s'en faut: et doivent donc être interprétées suivant
ces princi])es. L'aniphnre qui y ligure se retrouve sur les sarco-
phages Romains sous la forme de cornes d"al)ondance croisées ',
ou sous celle, plus nette encore, des cratères, ou corbeilles de fruits,
renversés, parfois joints à des syralioles bachiques '.
("(■la étant donné, le problème des urnes funéraires étrusques
à r('i)résentations de Centaures se pose en ces termes: le Centaure
étrusque est tanttit un massacreur, tantôt un enleveur de femme ;
et, dans ce dernier cas, tautut la femme appelle la délivrance,
tantiit elle consent à son enlèvement: enfin, en toutes ces circon
stances, le Centaure a un caractère di(inysia(]ue. Comment se con-
cilient ces éléments ?
Nous rappelons qu'aux VI'-V siècles les nioiiununts (/)■'(,« nous
représentaient Héraclès, de fa(;iin à ])en près seniblal)le, alternati-
vement ami et :idversaire des Centaures bachiques et des Satyres:
((u'au IV siècle, dans l'Italie méridionale se multiplient les pein-
tures et sculptures, de caractère peut-être nrpliieiue i iivee sûrement
' L'allaitcnieul ii:irllér:i coiiiiiie rite (ragrêgation d'ini liéros ;i rulyiiqie
est bien connu.
■ l'ne urne étrusque du Louvre figure un jrrilVon courant au dessus
d'une amphore renversée: ce (|Hi montre liieii ipu'. de dionysia(iue. h'
symbolisme était devenu funéraire.
' Motit très fréquent. Sur un sareopliage du Louvre, elles sont te-
nues par deux fleuves ooiicliés entre les(|nels se voit une baripie ;'i un
rameur, sous le méil.iillon du di'l'uiil: allusion très nette au voyage vers
l'au-delà.
* Par ex. panthères, satyres. — 11 arrive jiurfois, bien entendu. i|ue
ces corbeilles .soient de simples bouche-trous.
HERCULE FUNBRAIItE 47
influence pytliagoricienne), qui figurent avec complaisance les tour-
ments des Enfers et donnent un sens symbolique aux « Descentes »
d'Orphée, d'Héraclès, etc.; qu'entiii rKtrurie, par l'intermédiaire
de la Canipanie ou autrement, pénétrée à une date reculée par les
croyances et les espérances dionysiaques, se fait peu à peu sur
l'au-delà des idées de plus en plus sombres, sans renoncer pour
cela à ses conceptions d'iiéroisation bachique. Et nous demandons
si les Centaures dionysiaques des urnes étrusques ne sont pas les
envoj'és du dieu souterrain, conçu tantôt comme un tyran, tantôt
comme un bienfaiteur?
Que l'on n'oppose pas à cette conclusion la contradiction ([u'elle
semble présenter. Sous l'Empire Romain encore, si l'enlèvement de
l'àme était reproché d'ordinaire aux immites dei (Pluton, Ditis,
Proserpine) ou aux âirae iioJucres (Harpyes, Gritïon, Aigle, Sphinx)
d'autres textes funéraires l'attribuent à de plus douces divinités,
aux souffles de l'air (niirae). à Vénus, aux Nymphes ', qui en fe-
ront leur compagne dans le thiase bachique. Ue même les Cen-
taures, que, sous des influences sans doute orientales, les Etrusques
représentaient autrefois ailés " comme les ravisseurs infernaux aux-
quels ils se substituaient déjà dans certaines imaginations grecques ',
enlèvent doucement les femmes sur les urnes étrusques dans le
même temps où l'on voit Charon aux oreilles de Silène, à la face
de Satyre ^ presser cruellement le voyage du mort vers les Enfers.
Et si les Centaures infernaux, bienveillants dans certains cas, dans
d'autres se imoitrent cruels ", ils ne diffèrent [nis j)(>ur cela des
' Sohroeder. Grabdeiil.iii.. p. 69-70 et p. 69, n. 6.
'• Rosclier, Le.iikon, s. v. Kentauren, col. 1045. Cfr. supra, p 3.3, n. 5
' Cfr. Vv. Boll., Aus: der Offenbarung Johannis, p. 72; et lettre de
Kôrte citant le vase italique ^rc/t. Jahrh.. I, p. 304, n. 10 (Norden, Ver<j.
Aen., VI-, p. 215 sq.). Joindre: supra, p. 4.S, n. 2.
* Par ex. >irne de Volterra n. 400: Quadrige conduit par Satyre-
Cliaron (nu, ailé, tenant un serpent et le pedum) et soutenu par Triton ailé.
"^ Théognis (542) les appelle ù'i-i-^iy.:. C'est un des caractères des
démons de l'Hadès. Cfr. Dieterich, NeJcyia, p. 48 sq.
4» IIBRCII.K FINKKAIHK
BHtyres-Silènes qui, criipls en Italie et parfois déjà en Orèee ', l'-taient
d'antres foin, dans le même pays, les représentants de la jfpiiissancc
diiinysiaqne ".
La eontradietion en res matières gênait si |)en les ICtnisqne»
:i la tin de la Képnblique Romaine que, sur une peinture célèbre
de la Tomba ib'l Tifone ^, on voit un cortège d'âmes accompagné
])ar des démons dionysiaques, aux clievenx serrés dans un nœud
de serpents, les uns ayant les traits synipatliiques d'uni' jeune mé-
nade, d'un satyrisque, d'un joueur de trompe, tandis que l'iiorrihle
Cliaron, à farf de Silène, à la patte de Jion, tient son redoutable
niarti'au. Cette belle, mais incertaine re|irésentHtiiin confond les idées
.si nettement ti^inées nu III'' siècle avant notre ère dans les pein-
tures de la Tomha del Cardinale (à Corneto au.ssij on l'Ame du mort
se trouve attaquée ]>;\v un m.uivais démon, mais défendue par un
« ange gardien » \ ( bi peut certes trouver qu'il y a eu décadence
dans les conceptions funéraires des Etrusques : mais ici nous avons
à constater, non à discuter, encore moins à juffer.
6. De la ili'radence e'tn(si/i(r à V Empire romain.
L'art funéraire de l'Kiniiirc, tout en acceptant vcdontiers les
tliémes des urnes étrusques, choisit entre eux. augmente on diminue
leur importance '', les modifie en tel ou tel sens.
' .Satyres dans des scènes d'ouiopliagie : voir G. Nicole. Daremh.-Sa-
glio, s. V. Saii/n-SHeni, p, 1095, col. 2. — Cfr. .Stèle funéraire de Bo-
logne {Mommi. d. Liiirei, 1910, XX, p. 651, p. 66-68): torse d'un démon-
Silène gigantesque sortant du sol et tenant le mort.
' Voir par ex. la tombe peinte de Corneto déjà reproduite par Mi-
caii, Storia d. niitiihi pop. ItaUani ^. 1836, III, p. 103 sq. et pi. I.XVII.
Elle représente des jeux et des danses bachiques; en fronton, deux .■Si-
lènes ithyplialliques. canards et panthères
' F. Weege. Etmsl;. Mahrei. fig. 39 (p. 4.3) et pi. 49. -2.
* Id., ih., p. 87 sc|q.
^ Ainsi l'image du démon marin brandissant la rame se trouve re-
léguée, en toutes petites diraen.sious, sous le médaillon réservé au défunt.
IlElilTLE FUNÉRAIRE 49
Il gard.i l;i doiiSk' oiinception funéraire des Centaures. Muis aux
Centaures f.ivoralilcs il rouserva le caractère dionysiaque ', et il
accentua encore leur sens de compagnons bienveillants du mort dans
le voyage infernal eu leur donnant une forme à moitié marine '.
Aux Centaures meurti'iers. au contraire, il n'attribua aucun signe
dionysiaque ; il leur donna régulièrement comme adversaire Hercule ;
et, au lieu d'admettre, comme le faisait la somlire imagination des
Etrusques, la déroute des hommes écrasés par ces monstres, il pré-
féra montrer l'écrasement des Centaures par le héros protecteur.
Mais cette modification progressive des idées eschatologiques ne
saurait étonner; beaucoup plus frappante nous parait être la per-
pétuité des deux thèmes opposés, que nous avons notés dès les
VF-V siècles en Grèce, et retrouvés chez les Etrusques.
V. — HkKOI'LE CriNTKE LE.S MONSTRES INFERNAUX.
Toutes ces singularités jjrésentées par les monuments funéraires
italiques, et cette sorte de perpétuité fondamentale depuis les plus
lointaines conceptions mythologiques des Grecs (à nous directement
accessibles) Jusqu'aux premiers siècles de l'Empire Romain nous
autorisent à nous demander si la légende hellénique primitive n'avait
pas retenu dans l'iiistoire d'Héraclès un élément infernal puissant,
et peut-être prépondérant.
Il est bien entendu que nous restreignons la question de pnrti-
pris: il ne s'agit pas de rechercher les éléments i-htlnmiois du per-
sonnage et du culte d'Héraclès, mais le rôle (]u"il joue d(ni.< If minide
' Cfr. Sarcophages du Louvre n"^ :.'SH et lOl:» (Catai. 1896).
C'est ainsi que le médaillon du mort est soutenu par des Centaures
marins tandis qu'au dessous le monstre Scylla brandit vainement sa rame
sur les sarcophages du Louvre n"* :584 et ;J9G. Voir aussi u" 322(Catal. 1896).
Déjà, dans certaines uincs étrusques, l'auipiiore sur laquelle repose le Cen-
taure pourrait figurer la traversée d'un fleuve ou de la mer.
HMiiiHjes crArr)i. ,•! <l'lli«l. Utt:;. 4
;>U iiBK) ri.i': FixiiitAiiiK
(les Knfi'is. Ce rôle est visible ilans l'aventure de Ci-rbère; il a été
l)ien mis en Inmiére dans eelle de fJéryon '. Ce «ont des pareclles
de \éi'ité: non-i vidiions essayer iei niip synthèse aussi complète que
|)iissililo.
1. Les roiiai/rs d'Hercule vers l'uK-delà.
II subirait pr('s(|ue de ce voyage bien connu vers le Pays des
liienlieunux ' pour déceler une véritable olistination à mêler Hé-
raclès aux choses d'outretombe. Tous les « doublets >> du Paradis
ont tour à tour sa visite: il vaudrait mieux dire que la multiplicité
de ces aventures a beaucoup nui à la clironologie liéradéeniie, car
on ne sait toujours où )ila<er telle ou telle expédition.
C'est ainsi (pic, sous sa forme la plus générale. Tile des Bien-
heureux, à l'extrême Oeeideut ', avait pour souverain tantôt Kronos
seul \ tantôt avec lui Héraclès, selon Plutarciue ', qui la confond
avec l'iIc (i'Ogygie: et sans doute atil raison.
Mais ce pays des Bienheureux, pour de jeunes imaginations,
n'est guère remarquable que par l'abondance de.s arbres porteurs
de fruits merveilleux ' : c'est dire qu'il n'est point différent de celui
des llespérides. où Héraclès va, audcl.ï de l'Océan et toujours à
l'ouest, cueillir les fruits, symlioles à l.i fois d'immortalité et «le
fécondité '. Mais, d'.uitic part, l'île des llespérides n'est pas plus
' Voir Weifker, l'anh/- ]}'issoicu, s. v. Geryon, col. 12.^9.
- Sur la date de l'intioduction en Grèce de l'île des Bienheureux
(apiès la l'atroclide et la Xekyia homériques), von Rohde, Psi/che,
j). 72 sq. — On a tendance aujourd'hui à penser que le voyage hellénique
des âmes n'est pas déiivé de croyances égyptiennes oh indiennes: il s'agit
lilutôt d'une ancienne paienté IPauly-M'issoira, s. v. Katahasi.% 2361).
' Kohde, Psi/rhe, p. 77.
* Hésiode. Cfr. Rolide. J'.s-i/c/ic, p. i«t.
'' Plutar(|ue, 3Iot(il., 941 : légende du nord, nioilitiée par les Grecs.
■^ Pind:ire, Oli/nip.. M. (il si|q. et fr. lOtî Berg!<. Cfr. Stepliani. l)er
atisniheitde Heiallex. p. 27.
" Sittij;-, /'ni(?y-117.<.«i/m. VIII, 1, col. 1244 si|. — B. Schweitzer,
Heraldef. p. l:i4. n. 1,
HERCULE FUNÉRAIRE 51
séparable des Enfers pour les anciens Grecs, que les Champs-Elysées
du Léthé ou du Tartare pour les imaginations classiques : car les
Gorgones infernales, selon Hésiode, lialiiteut « au-delà de l'Océan,
aux limites de la Xuit, là où sont les Hespérides harmonieuses » '.
La descente d"Héraclès vers Cerbère n'est donc qu'un épisode ou
une dérivation des aventures précédentes ' ; seulement elle traite
des côtés terribles de Tautre vie, au lieu d'insister sur les pro
messes de bonhenr immortel.
Celle de Géryon a le même sens. Daus son ile d'Erythie, tou-
jours au-delà de l'Océan, le monstre tient ses troupeaux enfermés
dans une étabJe « nébuleuse » ^; il vaudi'ait mieux traduire par
<,< infernale » '. Ce n'est que plus tard que la spéculation des my-
thographes distingua la lutte d'Héraclès contre le bouvier Géryon
près de Gadès, et celle qu'il soutiut contre Menoitès, bouvier d'Ha-
dès, dans les Enfers mêmes '.
Et d'autres légendes le faisaient encore aller au pays des Hy-
perboréens '', qui est une autre région bienlieureuse ', oîi règne,
plutôt qu'Apollon, le Dionysos Thrace *.
Et même, à cette tradition des voyages funéraires, qui étaient
con(;us de préférence comme se faisant par eau, à travers l'Océan ',
' Hésiode, 'Tlicoy., 274 sq.
- Les aventures des Hespérides et de Cerbère sont jointes dans la
plus ancienne conception du Dodekathlos. Voir B. Sehweitzer, Herakîes,
p. 135.
' Hésiode, Thi-oij., 294: <7Taô;j.M =■' r.spo'c-iTi.
■* Cet àr.j est celui qui rend invisible; c'est la caractéristique d'Ha-
ilès et la propriété de sa y.jrir.. Erinys est f.spotpsîTi:. Cfr. Hésiode, Tlieug.,
tibS: j-i îitpsu rïpiîvTo;. Id., il'.. 682: TipTapsv r.tpiti-coL.
5 Apollod., B/hl, II, V. 10 et 12.
^ Pindare, Olymp.. III, 28.
' Id., Pyth., X, 45 sqq.
s Cfr. 0. Schroeder, Hyperhoreer (Anhit: f. JiMj. \\'Us.. \'II1, 11105,
p. 79-81 et 84). Voir supra, l"'' art., suh fine.
' C'est peut-être une ancienne façon de signifier la ditSculté d'ac-
céder aux pays bienheureux, tous localisés hors de la portée des hom-
mes (E. Kohde, Psyché, p. 78). — Cfr. Bateaux trouvés dans les tomltes
52 IlERCrLE FUNÉRAIRK
se rattache, semblp-t-il, une aiirienne figure d'Héraclès, aussi cé-
lèbre par les exploits maritinips que par ses victoires terrestres'.
Mais tiiiit cela ne nous ponnet pas une eonelusidn très ])réci8e.
En eft'ct, nous voyons Ijien que, lii encore, comme lorsqu'il s'agis-
sait (les Satyres et des Centaures, Héraclès se trouve engagé mainte
fois dans des aventures d'outre-tomhe, seml)lables au fond, mais
d'apparences contradictoires : bonheur immortel ou voyage plein
de dangers. Mais le fait même que ces aventures sont des « dou-
blets » l'une de l'autre nous empêche de déterminer si cette série
de légendes est secondaire ou essentielle dans le caractère du héros.
2. Les ruces infernalrs d' Hr'sioiJe à Virgile.
Vnjci (|Mi est plus net Hésiode, qui se pique dans sa Théo-
gouie de dire l'exacte vérité, indique deux lignées infernales:
A: les enfants de la Nuit": Moros, Kér^. TArtwatos, Hypnos,
les Songes, Mômos et Oizus, les Hespérides. li's Moires et les Kères,
Némésis, Apaté, Philotès, Géras, Eris. — Création visiblement plii-
losophique et atisti'aiti' que nous laisserons de côté ))oui' le moment.
li: la race de Fliorkus et Kétô ', qui donne au premier degré:
les Orées, l(>s Gorgones. Echidna, le Serpent des Ilespe'rides: de
apulieimes (L. Malten. Ari-h. Jiilirh., XXIX, 1914. p. 22>S sq.): — Syni-
bolisuie marin des tombes étrusques (F. Weege, £tr. ilalerei, fig. 55
et 7;"); pi. 8, 66; Beilage, III, 1, 2,4); des urnes étrusques (infra). —
Sous l'Empire: voir Schroeder, Grabdenkm., p. 66 sq. et 68: V. Mac-
chioro, H simbolismo neUe figurmioni sepolcrali romane (Napies. 1909).
— Mêmes croyances chez les Anglo-Saxons (B. Schweitzer, Heiakles,
p. 22it|. — Ailleurs, le voyage est symbolisé par le cheval ou le char
(Delbriick, .4)-c/i. Ameig., 1912, p. 271; — I,. Malten, /m. o/.. p. 186 s.|.:
— Sciiroeder, loc. cit.. p. 69).
' Pindare, Nem., I, 95 sq.
2 Hésiode, Théog., 211 sqq.
^ Xous indiquons en italiques les adversaires (pie la légende clas^i-
que oppose à Héraelès.
* Hésiode, Theng., 270 sqq.
HERCULE FUNÉRAIRE 53
Médousa, l'une des Gorgones, sont issus Pégase et Chrysaoi-; et de
Clirysaor, Ge'ri/on ; d'Echidna descendent à différents degrés: Or-
lltros, Ccrhcrc. V Hi/dre de Lerne, la (^'liimère, le Lion de Némée
et le Sphinx.
Cette dernière généalogie est pour nous du plus haut intérêt
parce (pfelle est composée d'éléments nettement hétérogènes, mais
ayant tous une « personnalité », et de façon k constituer une fa-
mille d'un caractère infernal non douteux '.
Or cette famille infernale, décimée par plusieurs héros ' fournit
au seul Héraclès «<.(• de ses victimes: le Serpent des Hespérides,
Gèrynu, Orthros, Cerbère, THydre, et le Lion; et la descendance
d'Echidna en particulier disparaît presque tout entière sous sa main.
Ce fait, rapproché de ses nombreux « voyages vers l'au-delà », est
' 11 n'y a d'incertitude que dans la descendance directe de Médousa :
mais sou petit-fils ("xéryou possède ce caractère au plus haut degré. —
Pour les Grées: cfr. leurs noms, Enyô et Pemphrêdô (de T7ïia«'.'u? ou Béot.
pour TsvôpYiSuj-/ = la Suceuse); et Schol. ad Apoll. Rhod., (Aryon.. IV, 1515)-
— Les Gorgones sont liées aux Hespérides par Hésiode lui-même (T/ieoj/.,
274 sqq.); au reste bien connues à cet égard. — Ecliidna est àixa-'n
[ib., ;300) comme les démons de l'Hadès: et toute sa descendance est in-
fernale. — Le Serpent des Hespérides, souterrain comme Echidna (/ft., 344),
habite les extrémités de la terre (ih.. 335: Trupioi/ h ■ii'(iXa:z: une correc-
tion ne s'impose pas), c'est-à-dire les Enfers. Voir supra. — Pour Gé-
ryon, Orthros son chien, Cerbère (àanuTîn; comme Echidna : liés., Théog.
311), cela va de soi. — L'Hydre, Xuvpà lojTa («6., 313. Cfr. Echidna qua-
lifiée lie Xuff-ri: ib., 304), habite le marais de Lerne, une des entrées du
monde infernal (on y faisait des offrandes aux morts; voir Archiv fïir
Relig. Wiss., XII, 1909, p. 294 sq.); cfr. B. Sahweitzer, Herakles, p. Ib6.
— Pour la Chimère, voir références dans E. Norden, Very. Aen., VP,
p. 215; Ettig, Acheruntica (Ltipz. Stud. z. class. Pliil., 13), p. 336. —
Le Lion invulnérable (Bibl. Apollod., II, V, 1), -■/;,/.' àvBpMToi; (Hés., Théog.,
329), à côté de la Sphinx (ôXoio : Tliéog., 324. Etymologiquement ; celle
qui serre, qui étreint), figure constamment sur les tombes gréco-asiati-
ques, étrusques et Romaines en un sens infernal non douteux que nous
aurons à préciser dans la suite.
- .Médousa tuée p.ar Persée (Hés., Théog., 280); la Chimère par Bel-
lérophon (ib., 325); la Sphinx par Oedipe. Cfr. B. Schweitzer, Heraklea,
p. 87: «.leder ordeiitliclie Héros musi einmtil mit dem Todesdiunon selbst-
ringen ».
54 HERCULE FUNÉRAIRE
au moins troublant. l'U. même si le» victoire» du héros sont an-
t(''rieui-es ;'i la ^^énéalogic constituée par Hésiode, il n'en reste pas
moins que, le caractère de ces monstres étant poni' inu- Ixiiine part
originel et attaché :"i leur forme même, elles doivent être considé-
rées, jus(|u':'i preuve du rontraire, comme des ricfoires sur V<s. Enfer-».
Mais sans rhcrchcr à i-einontcr plus li:iiit ((u'Hésiode, ce qni
est fort aventureux, on peut suivre (rindice en indice cette con-
ception dans le cours des siècles. Nous avons pour guides dans
cette recherche les caractères spécifiques prêtés i)ar l'imagination
populaire aux monstres infernaux : d'altord l'anthropophagie ' : puis
la multiplication des organes, en particulier des bras et des têtes " :
— enfin le polymorphisme '.
Les indices li/f/'rain's de la ii('ri)étuité de la tradition hésio-
dique se groupent d'uni' ]i.irl au V siècle avant notre ère; de
l'autre dans les deux premiers siècles de l"Kmpire Romain.
Les vers des « Grenouilles ^ » qui rassemblent à l'entrée des
Enft'rs, deri'ière r.\clii''ron, « des scri)ents et des monstres terribles »,
' Par ex.: en Grèce: Eurynoinos, Perséplione confondue avec Hé-
cate, Cerbère, etc ; sans doute Hadès lui-même (Ettig, Acherunticu.
|). 279, n. 2 et Addeiirhim, p. 407; L. Malten, Arch..Jalirb., XXIX. 19!4,
p. 247); — (le là en Italie (Lucrèce, 1,852; Yiig., j4f)(., \'I. 207: Arnobe,
Adn. Gent., II, 5;ii.
• Le triple Géryon, la tiiiile Hécate, le triple Cerbère; le triple Ty-
phon (B. Schweit'/.er, Henihla^. p. 72-7(i): Hennés infernal (id., iV)., p. 85(.
— Mais, dans Hésiode (Throy., 312), Cerbère a cinquante têtes comme
l'Hydre de Virgile; Echidna dans Aristophane {Jiati., 473) en a cent.
Briarée et ses frères, qui ont cent bras, malgré l'incohérence de la lé-
gende où ils sont 'déj;\ engagés du temps <rilésiode, gardent chez Ini
très nettement un caractère infernal (A'oir Theog., (j21 sq. et 7.'î4sqq.:
ils sont les gardiens iln Tartare). — Une explication de cette bizarrerie
a été tentée par M. B. Schweitzer (Heralcle.t, p. 84), mais implicitement
contreilite par lui-mênie. lors(|n'il constate le même phénomène dans les
mythologies du nord ;id., th.. p. 86).
^ Empousa ( Avistoph.. Ttnn., 289-292) se fait tantôt bceuf, tantôt
mulet, ou femme, ou chien. Cfr. L. Malten, Areh. Jahrb., XXIX, 1914.
1). ISO, et n. .'J.
' 14:! sq. ; — 470 sqq.
HEIÎCl LE FUXhKAIUE 55
«les Chiens du Cocyte, Ecliidna h cent tètes, la Murène '. les Gor-
gones », peuvent être nue parodie du Tliésée d'Euripide ; 51. Norden
les fait remonter plus haut, à une 'HpK/./.ÉO'j; /.aràoz'ji; ", dont
on retrouve des traces précises par t-semple dans Bacelij'lide : on
peut aussi bien supposer des inflnences orpliico-pythagoriciennes; ce
qui est sûr, c'est que ces images ne sont indépendantes ni de la
Théogonie d'Hésiode ni de la légende d'Héraclès. Dans les mêmes
années Euripide, qui appelle un fou <s ' X'.bo'j f^xy.yo-^, attri-
bue au venin de l'hydre le pouvoir de rendre insensé * : établissant
ainsi un rapport net entre le monstre tué par Héraclès et les
Enfers '.
Mais si, d'autre part, on passait saus transition de notre re-
marque sur Hésiode au fameux passage de l'Enéide, VI, 273 sqq.,
il semblerait que Virgile s'est contenté de donner une forme poé-
tique et plastique aux généalogies du poète grec. Car, en dehors
d'autres personnifications du même genre, on retrouve chez lui le
Deuil (Liirtus ^= 'O'i^O;), les Soucis et les Maladies [Ciirae, Morhi
= Mcilfzt), la Vieillesse (Senectus = r/,3à:), la Misère (Ef/esfas,
Lahor = Môoo;), la Mort (Letian = Hzvztoi, kv-;) et le Sommeil
{Sopr/r = "V-vo;), les Euménides (=: les Kères), la Discorde (Di-
scordiii = 'Kp!;) et les Songes; et, à coté des Centaures, Scyllae
et Harpyes, on voit Briarée, l'Hydre '', la Chimère, les Gorgones
et Géryon. Il semble donc y avoir des motifs non point pour dire
' On songera que Pliorkus et Kétô, ciéateuis de cette race hésio-
diqup, sont des dieux marins.
■ E, Norden, Very. Aeii. VI-. p, '27.Ô.
' Eurip., Hen: fur., 1119.
* Id., ih., llSO-1190: y.aw5y.=vw -iTjXw ->.a-y/.'H;; | U7.-:^aio:u.i,'j .Sïuit;
' La folie est, pour les Grecs, toujouis envoyée par des divinités
infernales, ou au moins chtouiennes.
•^ L'Hydre apparaît à Virgile (après Euripide, .Aristophane, Hésiode)
comme tellement symbolique des Enfers qu'il en place une seconde an
second seuil des Enfers (celui du Tartare): Aen., VI, 576,
»b IIERCUl.B FINKHAlKi-;
simplement, comme Milelilm-fer ', (Hie i-e développement vient des
croyances populaire», mais pour le l'atfaciier à la lonffue tradition
A moitié populaire à moitié savante qui n-inoiiti' à Hésiode. Les Silius
Italiens, Valcrius Flaccns, Sénèque le Trafique '", lorsqu'ils se conten-
tent de suivre Vir^^ile, n'aioutent rien à riinportance expressive de ce
passage ; mais il est curieux de voir, grâce à eux. l'idée de 1' « Hnl'er »
liée, encore aux I" et II' siècles de notre ère, à l'apparition des
monstres tués par Hercule ou au moins de leurs ombres^. Survi-
vance de la conception liésiodi(iue ? Nous ne l'aflirmerons pas en-
core: mais cette liaison fondamentale entre le liéros et les monstres
inrcniaux est encore possible à cette date.
Tels sont les jalons: voyons si les ninriuments ne nous aident
jias :'i p;isser de l'un ;i l'autre.
On conn;iit l.i iViMiucnce sur les toml)iaux étrusques des ligures
de Centaures, de Cliiméres \ de Spliinx et lions de caractère ionien
archaïque ' ; de lions surtout '"'. Rappeler que le lion funéraire figure
souvent en (îrèce par Jeu de mots av(!c le nom du mort ' n'en-
traîne aucune consé(ni(nee (juand il s'agit de monuments étrusques
ou puniques". I)ire(|iril symbolise la garde, le courage héroïque",
1 .Milclilicefer, .1»/; dn- Kiinsl., p. 229. n. 1. Cfr. Ettig. Acheruiilicii,
p. 350, n. 2.
■^ Siliiis Ital.. riirh.. IV, WM snq.-. Sihi.. V. :3, 277. — Valer. l'Iaccus.
III, 224 siiq. — Séuè(|iu'. Hcrc. fur., 782 s(|(|.
^ Sen., Hcrc. Oel., 1936 sqq.: « Anguesquc suos | Ilydia sub undi.s
territa mersit, | teque laborex, a gnate, timentV » — Lucien, Jup. trcuj.. 32.
* Milchh(pfer, Anf. dcr Kttnsf. p. 229; K. :\leyor, GUumhirren iind
Kentuure» : Heyne, ad Verij. loc. cit.
^ E. Calien, Daremherg-Saglio. s. v. Sepulcrum, p. 1231.
<■' Voii- Xot. d. Scavi, 1903, p. 17 sq. ; p. .3.02 sqq.; — 191(5, p. 27ii sqi|.
— Les lions de l'ancienne sépulture dite de Romnlns, sur le Forum Romain.
Cfr. E. F. Wecge, Etr. Makrei. p. 17. — Le gisant du sarcophage dit d'I
Mugnaic (Musée de Corneto) a des sphinx :i ses pieds, ;i sa tète des lioin'.
' Gardner, Scidptnred tomb.<i of IMlas, p. 1 .30 sq. ; E. Italien, /. c, p. 1 222.
' Toutain, Bemic dex Jifttdcs .'l»c., XIII. 1911. ]i. Kî.t si|q.: F. Cu-
niont. il)., p. 379 sq,
'' M. Collignon, Statue.'! fiincrmrcs..., ji. 4.3; Cfr. il/., p. 22() scjq.
HERtULE FUNÉRAIRE 57
peut être juste dans certains cas. Mais, après ce qui précède, ne
doit-on pas préférer l'interprétation qui en fait un démon de la
mort', rî/Opo>.£ojv qui déchire les âmes'-, autre forme de Cer-
bère"^; ou, d'un autre point de vue l'animal dionj'siaque \ que
Ton voit paré de lierre comme les Centaures des urnes étrusques ^ :
en tout cas un être infernal, une sorte de lion de Némée ' ? De même
le serpent funéraire, qui pour le Grecs avait fini par représenter
le mort, était primitivement le dieu infernal lui-même ' ; et les
Etrusques s'obstinaient à lui confier le rôle de ministre redoutable
d'Hadés ". «iuant aux Centaures, nous avons vu ce qu'il fallait en
penser, i'-n un mot, une lionne part des monstres infernaux d'Hé-
siode et de Virgile se retrouvent sur les monuments étrusques. Dans
ces conditions, n'est-il pas plus qu'aventureux, pour mieux dire n'ap-
paraît il pas systématique et faux d'affirmer avec C. Sittl, et bien
d'autres à sa suite, que, dans ces monuments, « les figures fautas-
tiques des Orientaux et des Grecs ipar exemple les satj'res et les
Centaures) ne servaient qu'à la décoration, sans que les Etrusques
s'occupassent de leur signification mytliologique » ' ?
' l'sener. De lliad. carminé ijiwflnm Phoctiico, p. o'i sqq. ; Binckner,
Friedhof um Krida)ios^ p. 76-79.
^ Kaibel. Epiçjr. ex lapid. coll.. it.'). cité pai- L. Malten. Arcli. Jahrh..
XXIX, 1914. p. 213. n. 3.
^ Sur un sarcophage d'Athènes représentant les travaux ilHèraclès
(C. Robei-t, Ant. Sark. Bel.. III. 1, n° 99), Cerbère a une tète de lion
entre deux têtes de chien.
* Xonnns, Dionys., XIV. I(i2.
^ Lion sans doute funéraire d'Ancône: Noi. d. Scavi. 1902. p. 44ti sqq.
— Cl'r. ib.. p. 478 sq.
^ Peut être conçu comme apparente à l'Hydre de Lerne encore dans
Nonnos, Dionys., VIII, 240: X^a/TsêoTM -asà Xi^-ir,.
' 0. Seitfert. Die l^otensclilanye auf lakonischcn lieliefs: — Archir.
f. Kclig. Wi$.s., XX, p. 146. — Pour la fréquence de l'alternance, cfr.
L. Malten, Arch. Jahrb.. XXIX. 1914, p. 235 sqq.
" Voir par ex. F. Weege. Eti: Mal, p. 30 et 39: fig. 22 (Tomba
deirOrco, Corneto) et 49 (Vase Faina, Orvieto).
■' C. SittI, Annali deirinst, LVII, 188.Ô, p. 135.
ÔH HEHCIXE FINÈHAIKE
Nous ne prétendons pas en faire des élèves d"!Iésiode ; mais
nous sommes en droit de dire que les conceptions populaires que
nous trouvons systématisées dans la Théogonie, plus ou moins mê-
lées, plus ou moins contaminées (surtout par les idées orphiques et
dionysiaques en Italie vivaient eiifoi'e en Ktrurie entre le IV et
le IV siècle, avant di- irparaitre presiiue sans aucun «■liangement
<lans Virgile.
3. Hercule contre les races infernales :
rlérelop pements de la conception .
Les preuves de la \italité de cette conception ne manquent pas.
C'est ainsi que, d"une part, au H' siècle av.int notre ère, l'aigle
qui dévorait l'rométliée et que l'ancienne tradition ' faisait périr de
la main d'Héraclès, se trouve introduite dans la généalogie infer-
nale d'Hésiode, comme tille de Typhon et d'Echidua ° : — que, d'autre
part, les Harpyes, très anciens démons de la mort ', dans les Théo-
gonies dites d'Acusilaos, Phérécydes, Epiménides, deviennent les sen-
tinelles du Tartare et les gardiennes de l'arbre des Hespérides, c'est
à-dire figurent à la fois parmi les adversaires d'Héraclès et :\ côté des
races infernales d'Hésiode : peut-être même y entrèrent-elles par con-
fusion avec les Gorgones * : et de même la Spli3'nx, au lieu d'Œdipe,
trouva sans doute, selon certaines légendes, un adversaire en Héraclès^.
' Hésiode. Tliéoij., 52'> s(|q.
- Apollod., BiliL, II, V, 11. — Nous rappelons que l'aigle ligure,
comme la Goigone, le sphinx et le griffon, sur les monuments funéraires
Uoinaiiis (Cfr. E. Calien, Daremherg-Sagh'o, s. v. Sepulcndii. p. 123.5.
' Hom., 0(1, a, 211 sq.: ;, 371; j, 61 65; 79 sqq. Cfr. Rolide, Psyché,
p. 65 sq. et 69, n. 2.
■• Vase ctnif:fp(e à tig. n. (Berlin, 2157): cfr. A. Furtwiingler, lioscherx
Lex.^ s. V. Gorgonen, 1708. — Les Harpyes considérées connue des cavales :
voir L. Malten, Arch. Jiihrb., XXIX, 1914, p. 199. Cfr. t^iipra, p. 33, le
rapprochement entre les (lorgones et les Centaures.
5 Bull. d. Iiist., 1S50. p. 33. Cfr. Gerhard, Aitserles. Vaseiibihi. 128,
p. 152-154.
HEUCLLK ITNKRAIRE Ôt)
Selon le même esprit, Héraclès prend position plus nettement
<|ue du temps d'Hésiode contre l;i première race infernale, contre les
entants de la Nuit. H est inutile d'insister sur Texpéditioii vers les
Hespérides, ses anciennes ennemies (et parfois, par contre, ses bien-
faitrices). Mais les hymnes orphiques appellent le héros K-/;pa;^.'jvT7;:,
celui qui chasse Kêr ou les Kères '. Et, de même, Héraclès est re-
])résenté sur des vases trouvés en Italie comme accablant la Vieil-
lesse, Géras, fils de la Nuit ". Quant à sa lutte contre Thanatos,
tous les lecteurs d'Euripide la connaissent.
Comme si les raythographes postérieurs tenaient à accentuer
les deux caractères essentiels de ces généalogies d'Hésiode : leur
effort de groupement de tous les monstres infernaux et lenr insis-
tance :Y leur opposer le héros Héraclès.
Même extension, plus large encore, dans le monde grec occi-
dental. Triton, le dieu marin, que l'art du VIIT siècle mettait déjà
aux prises avec Héraclès ', est localisé par les colons grecs aux
environs de Curaes, où il prend nn (•.uactère chtlionien et infernal,
et où ("peut être dès le VT sièclej il <Milève Misène, comme le fe-
rait Charon ou tout auti'c démon de THadès ■" : voilà donc encoi'e
' Hymnea Ori^h.^ X[[, IH. C'est ce ([ue. au lémoignage de Théognis
(3: xaità: o'à-i zrpa; âXa)./.:), fait aussi Aitéiiiis, la déesse que l'on re-
présente généralement comme nue tueuse d'hommes et de fauves (comme
Héraclès lui-même): car les deux fonctions sont connexes. Cfr. supra les
Centaures et les Satyres; infra Ecliidna, lîadés. tantôt meurtriers tantôt
bienfaisants.
■ Surtout le vase nolan trouvé à Capoue {Scavi, 1877, p. 16 sq.).
Peut-être aussi l'œnochoé à fig. n. de Vulci (Berlin, 1927). Cfr. C. Smith,
Journal of hellenic studies. IV, 1883, p. 104 sqq.
' Coupe de Praisos. Cfr. Anmial Brit. School Athena, X, pi. III.
■■ E. Norden, Verg. Aen., VI', p. 179-180. — Remarquer que pour
Hésiode déjà il est un 5=wi; Bio; {Thértf/.. 933i. — Lucaiu (P/iore., IX,
348 sqq.) suit la tradition italique, fortement enracinée dans les imagi-
nations par les urnes funéraires étrusques, lorsqu'il jilace ce dieu au
lac Triton en Afrique, près du Léthé et du Dragon des Hespérides: en
im mot aux portes des Enfeis. Mais des influences sémitiques sont en
outre fort possibles.
60 HERCULE FL'NÉRAIKE
un exploit d'Héraclès précise dans le sens de la pensée liésiodique.
— L;i source utilisée par Lycopliron ', selon laquelle Héraclès fut
englouti par le monstre marin auquel était exposée Hésione, et
sortit cliaiive de cette aventure, est-elle aussi d'origine occidentale
et peut-elle s'interpréter de la même façon ? Ce n'est pas certain '.
— Mais voici (|iii se rattache sans ambiguïté à cette conception: c'est
la légende rapportée par Lycophron encore ', et qui veut que Scylla,
ayant volé les bœufs d'Héraclès, ait été tuée par le héros, mais
ressuscitée ]>ar son père Pliorkus. 11 n'est rien de plus uet que
cette anecdote: Scylla, parente des Harpyes et cliienne de l'Ha-
dès ', a été rattadiée, par Pliorkus, à la race infernale constituée
dans la Tiiéogonie : et opposée à Héraclès, comme ses frères et ses
neveux; seulement, comme elle était immortelle, la cohérence de
la légende s'en est ressentie. Quoi qu'il en soit, on retrouvera
Scylla et sur les urnes étrusques et dans les textes latins où il
est question des Enfers, multipliée pour les besoins de la c:iuse,
de façon k faire pendant aux Furies, Centaures, etc '.
Les Etrusques, que nous venons de voir directement influencés
en ce sens par les (!rees occidentaux, allèrent- plus loin, par leui's
propres forces, semlile-t-il, et avec ce génie de généralisation qui
se manifestait déjà à propos des Centaures. Le Griffon, sans doute,
uni aux Ariniaspes dans le pays des Cimmériens, avait déjà chez
les Grecs un car:ictère infernal : les Etrusciues l'accentuèrent, peut-
être relativement t.ird. comiiie le pense Conestabile '', en tout cas
' Lycophi-., Ak.i:, ,32-37 et .S'e7io/. nd 34 et 37.
- D'origine sud-asiatique selon L. Frobenius, lias Zeitallcr des Soii-
nfnyottes.
' Lycophr., Alex., 44-49 et Schol. ad 46.
* Homère, Od., y., 100.
' E. Norden, op. cit., p. 215, ne trouve de Scyllae. au i>luriel, qu'avec
Lucrèce, de naf. rer., IV, 732 et V, 893.
" A propos d'une urne funéiaire de Pérouse {Peiuyin. V, XXI'"-, '2.
— Cfi-, pi. LV, LXXXI. 4).
HERCULE FUNERAIRE Dl
de la façon la plus nette '. Or des monuments étrusques représen-
tent d'une part Hercule combattant un Griffon -, de l'autre un héros
quelconque tirant le monstre d'une caverne ^ comme Hercule tire
Cerbère des Enfers *. Le rapprochement de ces deux figurations
rend caduque riijpothèse singulière de Conestabile, qu'il s'agit
dans le dernier cas d'une déformation des jeux du Cirque, le griffon
ayant été substitué à un lion ; non : le griffon, être infernal comme
les Centaures, trouve chez les hommes des adversaii-es héroïques,
dont Hercule est l'un. Peut-être la lutte d'Hercule contre des mons-
tres anguipèdes ^ a-t-elle le même sens, si on la rapproche des
figurations de ces monstres dans la Tomba del Tifone à Corneto,
et sur certaines urnes funéraires étrusques: une certitude est ici
' Démons à type de giiffon dans la Tomba deU'Orco à Corneto. Voir
F. Wee^e, i?/r. 3Ialerei, p. 50 sq. et fig 25 et 53. — Char de Pioser-
pine tiré par des griffons sur deux vases de la collection Faina (id., ih.,
p. 5;-i sq. et fig. 49). — De là, la fréquence des griffons dévorant des ani-
maux ou devant la torche funéraire, svir les sarcophages Romains (voir
par ex. C. Robert, Ant. Sari. Bel, II, 140; III, 1, 24^ et SI"-'': 111,2,
166»-''; etc ). Pour le symbolisme de la première représentation, voir
infra. C'est plus tarJ seulement, nous semble-t-il, que le griffon devient,
comme l'aigle, un symbole de l'Apothéose (voir F. Cumont, Heviie Hi.'^i.
des Bel, LXIV, 1911, p. 154).
2 De Witte, Bull. d. Inst, 1867, p. 131: « Vaso di rozzo stile etrusco
in possesso dell'Instituto ». Cfr. J. Roulez, Annali d. Inst., 1871, p. 150 sq.
— Le thème n'est pas abandonné par les Romains : Hercule figure entre
deux griffons qu'il semble vouloir étrangler sur la cuirasse d'une statue
impériale (Zoega, Bassiril., II, pi. 109, p. 274). — La liaison était peut-
être déjà établie entre le moni^tre et le héros par des Grecs occidentaux:
sur des monnaies d'Ambracie, on voit à l'avers la tête d'Héraclès, au
revers les Griffons.
^ Déjà sur une intaille mycénienne: Fnrtwangler, Ant. Gemmen,
III, pi. VI, 18 (= Penot- Chipiez, Hist. de l'Art Ant., pi. XVL 16, et
fig. 374}. — Pour les monuments étrusques, voir Milani, Stiidi e Mate-
riali, II, p. 7 s(|(|.
■■ Cfr. P. Ducati, Boidic. d. Lincei., série V, t. 19, p. 179, n. 3.
^ Vase de Munich (Jahn, 337); — Bronzes Etrusques (Conestabile,
J'erugia, pi. LXXVI et LXXXV). Cfr. A. Reinach. Les têtes coripées
d'Alise et Hercule à Alesia {iiihl. Pro Alesia, fasc. 3), p. 10 n. 3.
02 iiKm;i:i.n ku.skuaikk
ilifticile à obtenir. Mais an rm'-mc urrlre de pensées apparCu-tiiieiit
sans auciiii (loiitf, d'une |)art cette tasse conservée û Copenliague
représentant llérailé-; en tiain d'extraire' d'une caverne nu monstre
à tête énfirnie et (|ui tire la langiu- '. de l'autre les fameuses urnes
étrusques m'i l'un vnit un iiéros, ))eut-ètre Ulysse, l'épée ou la pa-
tére à la main, recevant un monstre denii-liumain fattaclié lui aussi
par un licol) Iiors d'un jmtcal: rejjrésentation certainement infer-
nale ■ ; évocation de morts ou de démons contre lesquels on a pi-is
des précautions comme envers des êtres hostiles.
Le mouvement d'imaf;ination que révèlent ces monuments est
fout à fait seml)Ialdo à lelui que tr.iliit In Théogonie d'Hésiode;
mais avec des miidificatiiins qui iirou\cMt (pie les Etrusques ne se
contentaient \n\!i de répéter une lei-on liicii apprise, mais avaient
fait entivr cette conce])tion lielléui(|ue dans leurs croyances propres
relatives aux enfers.
4. Coiiiliision.
Dune. Iiirsi|ue Virgile reproduit pres(|ue dans 1rs inrMnes ter
mes, nous l'avons vu, li's ;;énéal()gies d'Hésiode, mais eu en sjié-
cifiaiit le earactèi'e infernal, il riq)résente. selon son hahitude, la
' Ihdktl. Xiip<ililm\6, Xiiwa Série, V. 1 1 = Hosclier, I.e.r.A. oooi
= S. Keinach JiVi). V. PehiU, I, p. 490.
- Yoh: Amhmi, De'moiwlogie KtiHi<ijue{Mèla>i<ie'i de l'Kcole ih ]liiiiii:
XXX, 1910, p. 257) et P. Oucati, J'Jse(jesi di dhiine urne etriisclic [Jien-
die. Acecid. d. Lincei, ser. V. t. 19, 1910) p. 161-180, et surtout p. ltj«.
— On lemaiipiera (pi'en Italie l'iysse se substitue volontiers à Hercule
dans le rôle infernal que nous étudions: les épisodes des .Sirènes, du Cy-
clope, de Circé, se trouvent sur des urnes étrusciues (Ducati, loc. cit.,
p. 1(58); Polyplième figure, peut-être comme démon antliropophaf;e. dans
la Timha dcïï'Orco (F. Weege, Etr. Malerei, p. 28) ; et Ulysse infernal
aussi sur les peintures de l'Esquilin, du V' siècle a. C. (id., »/<.. p. 'M).
Les philosophes (pii unissent Hercule et Ulysse comme iicros symholi-
i|ues de même signifii-ation (Sénèque, De Coiist. Snjj., 2, par ex.) ne font
i|ue suivre le mouvement des croyances populaires.
HERCULE FUXBUAIRE b^
plus aurienne pensée grecque, enrichie et modifiée par le travail
séculaire des peuples italiques, en particulier des Etrusques, et en-
nnldic par sa philosophie personnelle: mais la part des traditions
est incomparablement plus grande que celle de l'imagination poé-
ti(iue. Et, s'il en est ainsi, on con(;oit rimportance de ce rôle d'Her-
cule ennemi des monstres infernaux : rôle déjà précis au temps
d'Hésiode, élargi de siècle en siècle, et surtout dans le monde grec
occidental : mais généralisé par les Etrusques de fayon à symbo-
liser, aux dépens même de la personnalité d'Hercule, la lutte des
héros contre la puissance d'Hadès. Peut-être faut-il ajouter que la
popularité croissante d'Hercule à Rome, surtout à partir du IP siècle
(t. ('.. a préparé la réaction des marbriers de l'Empire contre le
syuihiilisnip trop vague et trop général des Etrusques, en faveur
ùu dieu de VAiri Ma.rima.
VI. — Relations coxtkadictoikes d'Hercule
AVEC i,Ks Dieux de la Mort.
Ce i)arti-pris d'opposer Hercule aux puissances infernales prend
une forme plus franche, lorsque récits mythiques et monuments
figurés le mettent aux prises avec les dieux même de la mort.
Mais comme ces documents sont rares et dispersés, il importait
de montrer d'aljord (jue nous nons trouvons avec eux en face
des déljris d'une forte et durable conception, non de fantaisies
mythographiques. La preuve est faite que le héros était systé-
mati((Uemcnt opposé aux familles infernales. Nous aurons désor-
mais mnins de surprise à le voir eugagé dans des rapports va-
rialiles et même contradictoires avec Hadès, on autres divinités
apparentées.
M IlEKCn.E FI NKi<AII{E
1. Héraclès ru lutte contre tes Dirinites de la Mort:
Iladès, liera. Poséidon.
Le témoignage le plus ancien, et l'nn des phn expressifs, est
celni de l'Iliade ', qu'il faut eonsidérer dans son enseinlile. malgré
son apparence déeouaue.
'{"l.f, "^''llp/,, OTî v.'.v /.sîTTîio; -zî; 'Ay.O'.TyJi-jvo;
oî^iTspov y.y.-r y.y^ov oïttw zz'.'^'\o)y'.-ii
'^ï^AVÎ/.ît • TÔTî /.ai 'J.IV ZVV^iCî'TT'jV '/.Off'-jVI à"Avo:.
T)v^ (i"A'.'V/;; àv roîcjt —sî.wito; (oy.'jv o'wrov,
£ÙT£ ;a'.v wJTO; ivy.p, 'jîo; A'.o; aÏYiO/ot'j,
Èv -'!(/(.) £v vî/.jci7'7t SaAÎvWv, 'jh'j'/riC'.'i ihi-tv.z'i . . .
Héraclès Idesse Héra et Iladés. Ou ne nous dit pas si c'est le même
jour, en la même occasion. Mais c'est fort possilile, comme nous
allons le voir.
Lorsque la légende se fut ;i la fois jjrécisée topograpliiiiuement
et altérée mytliologiquement, Héraclès trouva devant lui comme
adversaires, à P/ilos. Poséidon, Phoibos, et Hadès • : il y a, dans
la coalition de ces trois dieux, une sorte d'absurdité, on, jiou)' miens
dire, prééminence de leur caractère anthropomorpliique sur leur
nature originelle. Aujourd'hui, on a tendance à expliquer « iv — 'j).(.)
£v ^z/.'jz'yy'. » par « au seuil du royaume des morts » : la légende
c'est ensuite développée, dit-on, par jeu de mots sur -'Aoz '. L'es-
sentiel de cette explication nous semble irréfutable : il s'agit ici
d'un combat cmiti'e la puissance infernale '. Dans ces conditions.
' lloni.. llimi: E.. .Wâ sqq.
2 Pindare, 01., L\, 43 sqq.
3 Ettig, Achenniticd, p. 392-394.
' Aussi bien Pylos de Messénie est-il une des portes des Knter?.
Cfr. Holule, Ffiiehe, p. 53, n. 1.
HEKCTLE FINÈRAIUK 65
il n'y a aucune difficulté, mais plutôt vraisemblance à penser qu'Héi'a
était groupée avec Hadès contre Héraclès, de même qu'au témoi-
gnage d'Hésiode elle suscitait contre le liéms des monstres de race
infernale, l'Hydre, le Lion ' : sa nature originelle clitliouienne a été
démontrée ". N'accepterait on pas riiypothèse, il resterait qn'Héra,
divinité souterraine comme Hadès, et qui prend ciiez lui des com-
plices, a trouvé eu Héraclès un adversaire audacieux et heureux.
Mais nous avons peut-être des raisons d'affirmer l'alliance, à un
moment précis, d'Héra et Hadès.
H suffit de se rendre compte de l'étroite parenté entre Hadès
et Poséidon, dont il sul)siste encore des traces dans le texte de Pin-
darc que nous citions tout à l'heure '. Or une amphore à figures
noires de Vulci, peut-être grecque, mais alors très influencée par
des conceptions et représentations italiques (nous la croyons plutôt
pour notre part italique), représente Hercule, suivi d'une femme,
8'avan(;ant dans une attitude menaçante contre Junon Caprotiue ac-
compagnée de Neptune \ C'est une scène bien singulière. Directe-
ment, Hercule n'a eorabattu qu'une fois. ;\ notre connaissance, contre
Neptune: et c'est à Pylos. comme le dit Pindare : et. d'autre part,
la blessure qu'il infligea à .lunon est unique, elle aussi. En bonne
logique, il en résulterait que le vase représente la bataille de
Pylos: îv -'j),w îv vî/.'jîTT',. Mais la logique seule en pareil cas
est bien dangereuse, Jious dira-t-on. Comment se fait-il alors que
' Voir supra.
' Voir en particulier Sam Wide, Chthonische utid liimmhache Gôtter
{Archiv. f. Helùj. M'iss., X. 1907), p. 2."-> 7-268.
' Sur cette parenté, voir L. Malten, Areh. Jahrb., XXIX. 1914.
p. 179-181. Mais, trop cantonné dans des questions d'onomastii|ue et
détymologie, ce savant n'a pas pensé à utiliser le monument, bien connu
cependant, sur lequel nous tondons notre discussion.
* British Muséum, Cnf.. II, B. 57 (ex-427). Voir Rom. Mitilml.. 1887,
p. 174. — Figures dans: Gerhard, Auserles. Vasenh., pi. 127; et S. Rei-
nach, lîépert. vases peints, II, p. 67, (9, 10 et 11). — Etudié par Miss
E. M. Douglas, Journal of Roniati Sfudies, III, 1913, p. 61 73.
.Vi-latigei> d'Areh. ft dHht. 19-2B. 5
66 IIBRCUI.K rCXKHAlKK
Sénèqur, décrivîiiit cette l):it:iille, arme l'iiiton «riin trident, roiiime
s'il était Neptune ' ? Pour un imitateur aussi raffiné des Grers. un
vulj^aire contre-sens est incroyable, une cnnfusion de réminiscences '
reste possible, mais n'explique pas tout, surtout dans un passage
choral, c'est-à-dire particulièrement soigné; il faut admettre que la
confusion plastique entre Pluton et Neptune était courante dans
cette aventure de Pylos. Et peut être, dans ces conditions, le
« Poseldôu S) du vase de V'ulci n'est-il pas Poséidon, mais Hadès?
Mieux vaut dire qu'ils ne se distinguent pas nettement.
Simple eouclusion : à Pylos, Héraclès a livré une grande bataille
contre les divinités infernales, et il en est sorti vainqueur: lui mortel
contre trois immortels! '.
La lutte contre Cerbère ^déjù dans iiomère) est-elle une atté-
nuation de cette lutte directe contre Hadès? Aucune donnée chro-
nologique ne nous permet de l'affirmer. Mais il est certain que les
deux légendes avaient le même .sens. Et sans doute ce sens restait-il
très limpide en Italie, et surtout en Etrurie, où le loup (ou le chien )
est la forme courante du démon évoqué des Enfers ^ et du dieu même
des morts qui se coiffe de sa dépouille ' : encon- au XIV''"'' siècle, nti-
' Sen.. Hftc. fur., 564 sqq.: « Ilic, qui rex populis phiribus iinpe-
rat, I bello cura peteres Nestoreara Pylon, | tecum eonseruit pestiferas
raanus, ] ielum iergcmina cuspide praeferens ». — Le choeur s'adresse à
Hercule.
* Pour fixer les idées, le Tfi-jXû/.-.vt sVstw d'Homère, par exemple.
^ Que ce soit confusion, ou variante de cette légende, une tradition
conseivée par Panyasis (frg. 7 et 20. Cité par Weicker, P«H7y-ll'/>soirfl.
s. v. Geiyon, 1287) rapportait qu'Héra avait été blessée par Héraclès
dans son combat contre Géryoïi h lljXw y.[i.ifiivi-:. Mais (îéryon. être
infernal (inf'ra, p. 4()). n'est ici, connue la notation du lieu l'indique,
qu'un substitut d'IIadès: ce qui confirme singulièrcuient notre inter|iré-
tation du texte d'Homère et du vase itali(|ue.
^ Cfr. Deux des urnes citées supra.
" Toniha Golini d'Orvieto (.Martha, Art Etrusque, tig. 2ti6. 279. 292):
Tomba delF Orco à Corneto (vers le milieu du IV'-' s. a. C). Voir F. Weege.
Ktr. Malerei, p. 27, tig. 22 et 68. Cfr. Hadès de la Tomha Campiuinri
à Vulci (Dennis, Ciliés and Cemeteries . . . ^ I, p. 465).
HBRCl'LE iTN'ÉRAlRE 67
lisant la croyance populaire qui fait du loup le symbole de l'avarice,
Dante jette k « Pluto », sons-ordre de Satan, l'injure de « male-
detto lupo » '.
Cette inimitié se saisira d'autre part, d'une façon plus large,
mais aussi plus confuse, dans les rapports mytliologiques d'Héraclès
avec l:t famille de Poséidon.
M. Malten a mis en valeur à bon droit la ressemblance entre
Poséidon et Hadès -. En dehors des arguments qu'il apporte, il suf-
firait sans doute de remarquer d'uue part la double origine ma-
rine (Phorkus et Ivétô) de la grande race infernale d'Hésiode ^ ;
de l'autre, la double activité des Telcliines, démons marins, qui
ont forgé le trident de Poséidon ■", et stérilisé l'Ile de Rhodes, d'où
ils avaient été chassés par les fils du Soleil, en y répandant les
eaux du Styx et du Tartare ', pour être très persuadé qu'il y a
relation ou même confusion entre les êtres marins et les êtres in-
fernaux ^. Dans ces conditions, et après ce qui précède, on sera
moins étonné de voir dans la légende grecque Héraclès accabler
non seulement Nélée, fils de Poséidon, et Periklymenos, son fils
ou petit-fils, dont les noms sont d'ailleurs expressifs ', mais aussi
' Dante, Iiiferuo VII, 8. Les autres réféiences d'Ettig, Acheruniiea,
p. 49, ne sont pas du tout probantes.
- L. Malten, loc. cit. (;fr. B. Sclnveitzer, Herakles, p, 90.
■^ Remarque faite pour la seule Gorgone par A. Furtwiingler, Roricher.
s. V., Ifi95.
* Callimatiue, Hymn. IV i» Del., .'31. Comme forgerons, apparentés
aux Cyclopes, (|ui n'ont qu'un n'il commi' plusieurs autres rtres in-
fernaux.
^ Nounos, Dioiii/s., XIV', ;i(:)-48: comme ailleurs les Erynies (id., */(.,
XLIV, 258-263).
'^ Cfr. lott'rande de poissons aux UKuts dans l'Italie du sud {Xoi. </.
Scavi. 1908, p. 7). M. B. Schweitzer {Hentldes, p. 190 sq.) a réuni des
exemples qui prouvent les rapports établis entre les poissons et l'âme
des morts dans une grande partie du monde.
" Le « Sans-pitié > et !"« Illustre au loin» (Cfr. Sén., loc. c//.,p. 40,
n. 1). Voir L. Malten, loc. cit., p. 179 et 188, p. 180 et n. 1 : il cite la
glose expressive d'Hésychius: ll:jn>'.XiJy.svo; • 6 IIXîOtwi.
68 HERCILE KINÈKAIRE
Ktéatos ', Aiiti'-c '. Husiris ', Eurypyle ■*, Sarpédon '^, Alébion et
Derkynos en Ligurie ", Kryx en Sicile ' : tous fils de Poséidon : —
Polyj?onos et Télégonos *, ses petits-fils : — Angeas et les Molio-
nides, que Ton appelle fils de Poséidon, en Klide ". Un pareil mas-
sacre de la descendance de Poséidon par un seul héros ne peut
être que voulu : et il n'est comparable comme ampleur et signifi-
cation qu'il celui des enfants d'Ecliidna par le même Héraclès.
Le sens infernal non douteux de certains de ces noms '" : le fait
que plusieurs de ces adversaires provoquent directement le héros " :
le détail d'après lequel Eryx a été vaincu f7-ois fois rie suite à la
lutte '' : le caractère sanguinaire de Busiris qui immole tons les
étrangers qui touchent à son royaume, pour olitenii- la pluie '': au-
tant d'indices qui confirment cette interprétation.
Il e><t dmii' linrs de doute qu'lléraelès n'a pas seulement conihattu
les monstres liorrihles des Enfers, mais qu'il est entré en lutte directe
contre les divinités de la mort: Héra, Hadès. Poséidon et sa race '''.
' Pindare. <)}., XI, 33.
'^ ApoUod.. Bibl, II, V, 11. Antée est fils de la Terre. Hécate, la
déesse infernale triple, est surnommée 'Aiti-ï (Hésychins, s. v.). Cfr. E.
Norden, Verg. Aen.. VI', p. 203.
3 Apollod., Bibl. II, V, 11.
* Id., /'-.. Il, VII. 1.
■' M., 'V,.. II. \-. ;i.
« Id.. /',., II. V, 10.
' Id., /'-.
» Id., ih., II, V, 'X
3 Id., ib., TI, VII, 2.
'" Nélée, Péiiklyniénos, Eiirypyle. Ktéatos 'cfr. -j.ojtwi).
" Antée, Eryx.
'■ La ' triplicité infernale • est bien connue. Voir iiifrn. p. 73.
'•' Rapprocher la eoiitnme assez fréquente chez les demi-civilisés
d'établir un rapport entre les morts et la pluie: ainsi chez les Zufii
en Amérique (Loisy, Le sacrifice^ p. 38H st[. et 481 sq.), chez les Dinka
d'.\fri<jne (id.. ib., p. 481) ; et de même chez les Romains, d'après ce que
nous savons du rite du Mnnalis lapis.
* .\ ces divinités de la mort, peut-être faut-il ioindre Tyidiée. en-
nemi d'Hercule selon Virgile {Aen., VIII. 298).
HERCULE FL'.N'ÉRAIRE 69
2. Héraclès' allié aux divinités infernales.
En face de ces documents directs et de sens certain, des in-
dications dispersées de sens contraire peuvent être réunies. On n'in-
voquera pas contre elles leur apparence sporadique : car, quelles
que soient la richesse et la confusion des légendes gréco- italiques,
il est fatal qu'une conception maitresse aussi forte et aussi ancienne
que la précédente ait amené la ruine de la conception opposée, en
n'en laissant subsister que de vagues débris. Xi la contradiction
qu'elles semblent présenter: car nous avons étudié une contradic-
tion du même genre lorsqu'il s'agissait des Centaures et de leurs
rapports avec Héraclès. La question de date, seule, se pose et reste
primordiale, mais ne prendra toute sa valeur que lorsque nous
serons en état de faire une synthèse définitive.
Il y a d'abord quelques indices obliques de date récente (sous
la forme où ils nous sont parvenus), mais expressifs par cela même.
Si, en effet, « Apollodore » (IV siècle a. C.) nous parle dans sa
« Bibliothèque » de Minos et de Rhadamante, nous sommes à peu
près sûrs qu'il ne remonte pas à la signification historique ni à l'acti-
vité réelle de ces deux personnages, mais qu'il les connaît comme
juges des Enfers, dans leur rôle mythologiqiie. Il est normal, dans
ces conditions, qu'Héraclès mène la guerre contre les fils de Minos,
comme il le fait contre ceux de Poséidon: il l'est moins qu'il donne
ensuite l'ile de Thasos aux petits-fils de ce même Minos '. Admet-
tons cependant ici la survivance incohérente de deux traditions
historico-mythologiques contraires. Comment se fait-il alors qu'après
la mort d'Amphitryon Alcmène, mère d'Héraclès (et qu'on retrouve
snr des monuments de l'âge classique, surtout en Etrurie, dans
l'Olympe avec son fils), épouse Rliadamante, héros des Enfers et
' Apollod.. B,I>1.. II. V. !i.
70 mOItCll.K f'IXKRAlHE
siégeant li\-bas à rôté de Miiios ' ! Et pren (Irons nous avec sim-
plicité comme; un conti; de nonrrico l'îinecdotp que nous a trans-
mise le même texte, à pni])ii>i (rKrraflès lui-même ? Quand il partit,
nous raconte-t-on. pour comliattre le lion de Némée, il conseilla à
son hôte M(dorclios de remettre ie sacrifice qu'il préparait : « Si je
reviens, lui dit-il, vous sacrifierez à Zeus Sauveur: sinon à Hn-acUs
lirros il/'s Enfers» '. (h\ i)eiit prétendre, il est vrai, qu'à la date où
écrit « Apollodore » la iintiiMi iriirnusatinn est si répandue que n'im-
porte quel mort peut être qualifié de héros (=: (7/ mnties, sans plus):
cependant la substitution d'Héraclès a Zeus comme bénéficiaire du sa-
crifice semble exclure l'idée d'une simple nffrande fiiiiér.iire ; ensuite,
on n'oubliera pas que, pour l'auteur de la Xekyia Odysséenne, Héraclès
errait éternellement aux Enfers, ce qui provoqua plus tard la glose
maladroite et scandalisée de la vulgate ': et n'y avait-il pas une sur-
vivance de ])areilles conceptions à Colone, ville de cultes chtho-
niens, di'i un autel <VHéraclès se trouvait près de la ])iirte d'Hadès ■* ?
Nous ne cherchons pas à dissimuler la fragilité de tels indices.
Le moins cependant (|u"on en puisse dire, c'est qu'il nous donnent
rinijjression d'un groupement d'Héraclès avec Hadès et les demi-
dieux des Enfers. Miuos et Khadamante. Cette union est réalisée par
la spéculation postérieure. Stobée. pour expliquer que. dans le texte
homérique de la Nekyia. Héraclès soit en-derh du Heuve des morts,
en fait un gardien du Seuil, une sorte d'éjiouvantail pour les criminels,
un iiiinisti-e des hautes-œuvres de Pltiton. comme pouvaient l'être Cer-
' ApoUod.. Tiihl.. II, IV, 11. — .Selon le poète épique Asios, Alcmène
e.-Jt, avec Kuiydiké et Démôiiassa (de nom et peut être de rôle infernal i, fille
d'Eiiphylé et d'Auiphiar.aos (l'ausan.. V. 17. 7 sq.) Or Auiphiaraof, comme
Troplionios, a été englouti vivant dans les Enfers et y vit éternellement
(Kohde. Psyché, p. 106 s(|q.): en cela plus caractérisé comme ' démon » du
monde souterrain que Tirésias. un autre devin, lui aussi au-dessus de la foule
des morts, mais qui aux Enfers n'a plus de corps Hohde. Psijche, p. 110 .
2 Apollod., BihJ.. II, V. 1.
^ Hom., 0(7., )., 602 sqq.
* Archir f. ReUg. Wixseiisrlmft. 14. (U'ii;. p. .'i90.
HERCCI.E FIXEIÎAIRB il
bère, ou Géryon cliez les Etrusques '. Et une inscription latine groupe
sans amphibologie possible Hercule et Dis Pater dans la même invo-
cation '. Documents liien tardifs, dira-t-on. Soit; bien que nul n'ignore
le sacrifice institué par Héraclès prés de Syracuse à la source C\"anée,
noire entrée des Enfers P""i' Perse plioue. déesse infernale. l\ est
vrai que si Ton s'arrêtait à tous les sacrifices faits par le héros . . .
De fait, voici le témoignage essentiel de cette alliance d'Hé-
raclès avec les divinités de la mort, le texte qui donne leur sens
;'i ces indications dispersées et sujettes à discussion.
Aux VP-V siècles a. C, les Grecs du Pont étaient en posses-
sion d'une légende singulière, qui nous a été conservée par Héro-
dote '. Revenant d'Erythie après avoir vaincu Géryon, Héraclès ar-
riva, disait-on, dans le pays désert qui devait plus tard s 'appeler
la Scytliie; pendant son sommeil, ses chevaux disparurent; il ne les
recouvra qu'après s'être uni daus V'Vlxir, yvi (« la Terre boisée »)
au monstre Ecliidna, qui eut de lui trois fils, dont Scythes. En dehors
de sa conclusion éponymique, ce récit a une extrême valeur grâce
aux autres traditions de même source qui l'accompagnent et qui
prouvent que la Scythie autrefois passait justement chez les Grecs
piiur la Terre des morts, quelque chose de mixte entre le Paradis
et ri'ufer \ 11 n'y a donc aucun doute: cette légende tenait à unir
' Stobée, Ecl,\, 423 W.: . T!y.Mj = tTai i/.Ti; à. --yj-. iôi/.ou; œavTMia;
'»oêîpà; iy.:r2iuv toù €â>.X5VTs; /.ai ti^£U5vt5; ., . Où -^àp or. /.ai cuts; twv xs-
).a^oy.î'v(i>/ HOTiv, û; 'ApiaTap^w SîzsT, àXXj. -io-i /.îXa^ovTMv. — Cité par Ettig,
Acheruniica, p. 274: n. 1.
- C. I. L.. VI, 139: Diti patii | et Ilerculi.
3 Hérodote, IV, 8-10.
* Et plus proche de l'Enfer que du Paradis. — C'était autrefois le
pays des Cimraériens (Hérod., IV, II}, habité par les Arimaspes (qui n'ont
qu'un œil comme les Grées) et des '-i-'ôpioi-j-si (Hérod., IV, 18). Même cette
' VXair. -j^iô, OÙ habite Ecbidna dans sa caverne, « seul endroit boisé de toute
la région » (Hérod., IV, 19) n'est pas sans rappeler les îles des Bienheureux,
ou, mieux, le pays des Hyperboréens, oii, « aux sources ombreuses de
ristros » Héraclès «admira les arbres», et d'où il rapporta l'olivier à
Olympie (Pindare, 01, lll, 20 et 57. Cfr. Pausianas, V. 7, 89).
(Si lIERCrLE FL'XKKAIRK
dans un monde d'outre-tomlie Héraclès et Kchidna, déesse Infernale
et mère de toute; une race infernale ' exterminée, peu s'en faut,
par Héraclès lui-même. Contradiction évidente. Bien entendu. Mais
n'en avons nous pas trouvé une du même ^enre lorsiju'il s'agi.ssait
des rapports d'Hercule avec les Satyres et les Centaures, êtres
:'i moitié lia(lii(|nes, à moitié infernaux ' ?
:i. 1 ni midi' et alJ innée d'Hercule avec Géryon.
Géryon fournit un antre rxiMni)lc, plus ciim[)lexc, mais intéres-
sant, «lu même |iliéiioinéne.
Il seniUle étalili anjord'luii qu'il était orifjituiiri'mciit un être
infernal . pent-etre .iiiparenté à l'osoidim, dieu des aliimes, qui
ébranle la terre * : connu en tout cas des Etrusques '' comme un as-
sistant majestueux au trône d'IIadès''. .\utour de lui, dans la lé-
g'ende lielléni(|Ue. hou cliien Ortlims, frère de Cerlière. comme lui
déchire les criminels aux Enfers ' ; son bouvier Eui'ytion, que tue
Héraclès, porte le même nom que le Centaure qui. avant Nessos,
essaya d'enlever Déj.mire au héros: Menoitès enfin, qui annonce à
Géryon la niorfde son chien et de son pâtre, est forinellement spé-
' Voir supra, p. 71.
' Voir supra, IV.
' V. Wilamowitz-Mcellendorfï, Héraclès, I', p. 45 et 6.5. — Weickcr.
Paiily-Wissoii-a, \'Ii, 1289. — B. Scllweitzer, Herakles, p. 87.
■ * 0. Gruppe, Griech. Mythol., p. 459, n. 1.
' A. Reinach, Les têtes coupées d'A lise, p. 3, ii. 3. — V. Weejçe. Etr. 3{al.,
p. 28. Peut-être représenté comme un personnage à trois têtes de taureau
(De Witte, Xourelles Amiales, 1838, p. 214; Revue Arch., 1875, II, p. 381 1.
^ Corneto, Ti»)il)a (lell'Oreo.
' Silius Ital., Punie, XIII, 844 sqq.; Cfr. Ettig. Avheruniica, p. 381
et n. 7. — Géryon lui-même devient dans l'imagination populaire un
doublet de Cerbère, aussi à craindre que lui; voir Lucien, FugiVi'it', 31 :
il s'agit d'une femme soi disant couverte par trois chiens: ■ Ki'pëfjjîv
Tc/o, dit un des interlocuteurs, xili-ai 021 r, l'r.zji-.r.i, ù; r/_:i i lifaxXf;
CÎTS; aJîi; i7ii-5< .. Cfr. id., rt., 32.
HERCULE FUNÉRAIRE 73
oifié coiTime bouvier d'Hadès, et, selon une autre légende, fut ren-
contré et vaincu par Héraclès dans les Enfers mêmes '. On est allé
jusqu'à dire (non sans fondement) que la lutte Héraclès-Cerbère n'était
qu'un doublet relativement récent de la lutte Héraclès-Géryon *.
Aussi bien, même si sa )iature ne l'avait poiut comporté, la
forme même de Géryon le vouait à ce rôle infernal. Stésichore se
le représentait ailé comme tant d'autres monstres de l'Hadès ^. Et
sa triple fête (ou son triple corps) le condamnait à être parent des
Trinités féminines de la fécondité ^ d'Hécate et de Cerbère ''. en un
mot des êtres infernaux. Et cela aussi bien dans le monde italique,
même en deliors des influence grecques '', ou dans les pays celtiques ' ?
' .\pollod., Bihl, II, V. 12.
' B. .Schweitzer, Heraldes, p. 102.
3 Stcsich.. fr. 14 (Siiclifort) r= Schol. ad Hesiod. Theoy., 287. De même
dans certains monuments figurés: ainsi l'amphore à fig. n. de Vulci, de
la collection de Luyries (Cabinet des Médailles, de Ridder, 202).
* Horai, .Moirai, Cliarites. Cfr. lier. Hist. d. Bel, fi9 (1914;, p. 355.
^ Appelé par Euripide tantôt -fi-A^xii,- {Herc. fui:, (jll, 1277. — Cfr.
(îéryon rpizàpr-is;), tantôt TpiaMu.ar;; (ib., 24). — .Sur la tricéplialie en
Grèce, cfr. Ad. Reinacli, Féfichfs Etoliens {Rev. d' Kthnographie et de So-
ciologie, 1912). — .Sur la multiplication des organes cliez les êtres infer-
nau.x, voir supra, n. 4 et infrn, n. 6 et 7. — Cfr. le piêcisv yp'joîir,^ tpi-étviXsj
prêté à Hermès, dieu psychopompe, par VHi/mne homêr., III, 530.
"■ Buste à trois tètes opposées trouvé dans une tombe de Terni {Xot.
d. Scari, 191(i, p. 197 et fig. 5). — Soi-disant Géryon à Padoue (Suét.,
Tib., 14) et Agyrion (Diod. .Sic, IV, 24, 3). — Peut-être des divinités
secondaires apparentées aux orages (Cfr. en Grèce les Harpyes inferna-
lesi: .Martian. Capella, II, 164: « inteniperiae et alii triptes* ( tricipites? —
Grotins: thripes) diuorum ». — Le souterrain Cacus à Rome ^Properce, V,
9, 10). — Herilus, tils de linfernale Feronia (Virg., .-IfK., VIII, .5(51;
Servius, ad toc. ; Lydus, de Mens, I, 8). = L'influence grecque est plus
sensible dans Varron (Sat. TpisôiTT.; TjtTrjXis; et -spi l^a-ju-^r;. Cfr. Ettig,
Aeheruntiea, p. 347 et n. 1), Stace {Théb., IV, 455 sqq.), etc = Mais
les croyances populaires semblent reparaître avec Dante, qui représente
Lucifer comme un géant ailé, à triple face, sortant à mi-corps de la glace
(Inf., XXXIV, 38 sq(i.\
' Dieu :'i trois têtes ou à trois faces, à cornes de taureau (S. Rei-
nach, Cultes, Mythesct lieliyions, III, p. I(i6 et 1691. Assimilé à Orcus (A. Rei-
nach, Les têtes coupées d'Alise, p. 3 et 15) ou à Dispater (^B. Schweitzer.
74 IIERCCLE KINÉRAIKE
Seuli;meiit, selon la remarqui' profonde de Miss ,1. K. Harrison ',
les héros de l'Ancien temps sont démons ponr le nouveau ; et, même
devenus démons, conservent parfois en certains lieux des adorateurs.
C'est ainsi ])ar exemple (jne Tityos, torturé par les Olympiens aux
Enfers ', en Eubée est honoré comme un héros '. Sans doute vaut-il
mieux dire i|uç riinaginatioii aMtii|iic m- distiii;j^ue pas très nette-
ment le liéros du démon: carie «Mort Local» aie plus souvent
en Grèce tout à l:i fois le rôle liicnfais.int du guérisseur et celui,
moins aimable, du sorcier qui envoie les intempéries et ruine les
récoltes. Quoi d'étonnant, dans ces conditions, à vo\v les habitants
de (iadés l'aire des lihatinns de sanjr sur l.i tnmbe de Géryoïi ', et
les Thébains conserver ses os comme des reliques'? Mais il est
plus singulier à coup sûr d'apprendre ([u'iléraclés, qui avait tué
déryon en l'rythie, l'honora comme un héros à Agyrion en Sicile,
en même t(;Mi|)s ([u'Iolaos lui môme, son compagnon dans cette expé-
dition vers l'extrême Occident ".
On peut dire, il est vrai, qu'Agyrion est une ville sikèle dont
l'hellénisme est tout de surface, que le culte d'Héraclès s'est su-
perjwsé à celui d'une divinité triple locale, et que la tradition de
Diodore représente l'ett'ort de conciliation entre le culte grec des
Léontins et le cnlte indigène des Agyriens. Il y aurait fort à dire
sur cette conceptiini : le très beau monnayage d'.\gyrion présente
Herakles, p. 39), ce qui le rapproche de Géryon infernal, dont il prit même
le nom [k. lleinach, l. c); identifié d'autre part à Mars (Ttei: Et. Ane,
X, 1908, p. 17,3), Silvain (B. Schweitzer, 1. c.\ .Mercure gardien des routes
et des marchés (B. Schweitzer, op. cit., p. 67 sq.), ce qui le rapproche de
l'Hercule italique. Il ré.alisc donc en terre barbare l'union Hercule-Géryon
dont nous allons nous occuper. -
' J. E. Harrison, Prolegomi'na to the .•itiid;/ uf yrech lieligio»', 1908,
p. 194 et .•i37.
- Homère, Orf., >., ô76.
3 .Strabon, IX, 3, 423.
* Philostrate. Vit. ApoUon., V, 5.
^ Lucien, Adu. indoctum, 14.
« Diod. .Sic, IV, 24.
HERCULE FUNÉRAIRE 75
un Héraclès juvénile de pure race grecque, qui ne donne aucune-
ment l'impression de la barbarie. Mais, au reste, la fusion ou con-
fusion des cultes est-elle chose si rare en Grèce et en Italie qu'il
faille la suspecter lorsqu'on la rencontre sur son chemin ? Nous
nous occupons ici d'Hercule funéraire en Italie ; et nous trouvons des
exemples, dans ce même domaine, d'une conception doul)le et con-
tradictoire des rapports entre Hercule et Géryon. Il suffirait de le
constater. Mais le fait en question est-il si isolé dans ce pays, et
par suite si inexplicable qu'on veut bien le dire ? Héraclès d'Agyrion
honore l'infernal Géryon tout comme Héraclès de Syracuse établit
le culte de l'infernale Perséplione à la Cvanée. Ce que l'on peut
en inférer, c'est qu'en Sicile, soit à la suite d'interprétations cosmi-
ques des colons grecs eux-mêmes, soit par pénétration des croyances
locales, les relations amicales d'Héraclès avec les divinités infer-
nales ont été plus précises, peut-être, qu'elles ne le furent en Grèce
jiropre.
H y avait entre Héraclès et Géryon des liens, et une sorte de
prédisposition à s'allier et à se confondre. Tous les deux pasteurs
guerriers d'immenses troupeaux de breufs ', peut-être l'un et l'autre
héros prophylactiques '", leur culte semble en bien des endi'oits lié
au jaillissement des sources chaudes ' : trois caractères qui convien-
' Géryon taureau lui-même : Cfr. son étymologie {'[xaùn-i = mugir).
Géryon est appelé aussi Tauriseos, surtout en Gaule (Animien Marcel.,
XV, 9). Voir A. Keinach, Les fêtes coupées d'Alise, p. 3.
' Héraclès àAt;!xa/.3ç: rôle développé chez les peuples italiciues. —
Le taureau est propliylactique (comme le lion cliez les Hindous, les Hit-
tites...) chez les Grecs. EtiHS(iues et Romains: cfr. les cornes, les faces
d'Achelôos comme emblèmes protecteurs des monuments funéraires (Voir
Archiv f. Relig. Wiss., 15, 1912, p. 475 sq.). — Il n'y a d'ailleurs pas op.
position, tant s'en faut, entre le rôle prophylactique et le rôle infernal
d'un héros: voir supra p. 47 et infra.
^ La chose est bien connue pour Hercule. — M. 0. Gruppe {Pauly-
Wissoirri, suppl. 111, s. v. Heraldes, 1064, 12) a réuni les documents qui
prouvent le fait pour Géryon : il y a certitude ou forte probabilité à
76 HEROl'LE FU.NKUAIRE
lient fort bien à des liéros infernuiix '. II n'est donc pas éton-
nant que, eonfonnénient ;ï leur nature et non à leur histoire, ils
aient eoni'lii alliance à Ajjyrion ; ni que peut-être Géryon se soit
substitué à Hercule dans une variante de la légende Romaine de
Cacus '■'.
Snitta en Lydie {loc. cit.. 972, 67), Ségeste-Eiyx en Sicile {loc. «'«.,991,
52), Bauli et Padoue en Italie {loc. cit., 995, 44; 996, 64); mais ce sont
coujectuies gratuites quand ce savant veut lier un culte de Uéryon aux
sources des Tlieinioijyles {loc. cit., 941, 38), d'Akélè en Lydie {loc. cit.,
972, 42) d'iliméra en Sicile [loc. cit., 991, 64): où le culte d'Héraclès
n'entraîne pas forcément celui de Gérj"on. — On ajoutera qu'Eurj-iion,
bouvier de Géryon, a un nom de source; comme d'ailleurs le Centaure Eu-
rytion et le Molionide Eurytos (B. Schweitzcr, HeraMes, p. 154), tués eux
aussi par Héraclès.
' Pour la valeur funéraire du Taureau et de la magie propliylac-
ti(jue, voir supra. — Pour le sens funéraire attaché aux sources chau-
des et à l'eau en général, in fia p. 81 sqq. Plusieurs sarcophages Romains
présentent sous le médaillon du défunt des fleuves couchés; un autre,
bien plus expressif, dont le couvercle figure le couple couché, a donné
à riiouiine la forme d'un fleuve : il est nu, accoudé sur un masque qui
verse de l'eau, ou boit un oiseau {Antiali d. I»st.. VII. 1835. p. 3 et
tav. d'ufjy. A. 4. Au Louvre).
' Selon Veiriiis Flaccus (Orig. Geiit. Jîom., 6 et 8), dont le nom
même est >ine recommandation, le vainqueur de Cacus fut non pas Her-
cule, mais « un p;"itre très fort » nommé Garanus ou Becaranus. Les ef-
forts pour ramener le nom de Garanus à A'erifs (Criti(|ue dans: Winter,
Tlie myth of Hercules al Rome, University of Micliigan Studies, Iluma-
nist. séries, vol. IV, 1910, p. 255-257) ou à Kanitws (Jordan, Hermès,
III, lvS69, p. 409. Combattu par Peter, Eoschers Lex., I, 2274. et Wis-
sowa, Paît/y- n'!'s,w«'fl, III, 1168) sont restés vains. On tend atijourd'hui
(Hôfer, Ro.-ichers Le.v., s. v. Becaranus, 72) :\ rapprocher hi nom de la
forme Garyoncus (Tctpj I'ovï;;^ Geryoneus) qu'on lit sur \in vase chalcidien
(Bibl. Nationale, de Ridder, 202. Kretschmer. Griech. ^'aseni)lsehrif^., 47). La
(jualiti': de pâtre, l'indication d'une très grande force, sont communes a
Hercule et à Géryon (Géryon dit le plus fort de tous les mortels déjà
dans Hésiode, Tlieog., 981); le nom donné par Verrius Flaccus se rap-
proche singulièrement de celui de Géryon tandis que ses actes sont ceux
que la vulgate attribue ;i Hercule: s'il ne s'agissait que de logique, la
conclusion ne serait pas douteuse. Mais d'aillenis tous les faits précé-
dents semblent concorder avec la logique.
HERCULE FUNERAIRE 11
i. Confusion iVI[t'r<i(}t' nier des dieux ou héros infernaux.
Cette confusion entre Herenle et Géryon est probable, non cer-
taine: son ifTentification avec le dien celtique à triple tête est pos-
sible, non prouvée. Pour aller plus loin, il nous faut prendre d'au-
tres guides. Ce seront, si l'on veut, les Géants, vêtus de peaux de
fauves comme Hercule '. parfois pasteurs de boeufs comme Géryon "' :
souterrains au surplus, soit de leur nature propre comme fils de la
Terre, soit (dit la légende tardive) pai-ce qu'ils ont été rélégués
aux Enfers à la suite de leur révolte contre Zeus. Lucien, décri-
vant l'Héraclès Ogmios des Gaulois ^, le déclare « plus semblable
à Charon ou Japet ou à l'un des ÛT:orasTzocoi qu'au dieu grec »,
bien qu'il en porte les attributs: arc, massue et peau de lion. A
défaut d'autre intérêt, cette indication nous autorise à faire ce que
faisaient les Grecs, c'est à-dire à ne pas refuser la comparaison
entre Héraclès et les Géants infernaux.
Briarée est, pour Hésiode, un dieu gardien de l'Hadès * : pour
Callimaqne. un monstre foudroyé, enseveli sons l'Etna à la place
de Typhœus ' ; l'Iliade enfin '' lui donne aussi le nom d'Aegaeôn
qu'il partage avec Poséidon : autant de preuves de sa nature in-
fernale. Mais, d'autre part, les colonnes d'Hercule s'appelaient au-
trefois B;'.7;£(o cTf'/.x'. ■ : et on trouve mentionné en toutes lettres
' Cfr. S. Reinach. Bépert. de vases peints, I. p. 245; II, p. 41, 5-6.
' Le géant Polybôtès est étymologiquement le « riche en bœufs »
{Scliol. ad Theocrit.. X, 15t ; ou, si l'on préfère, avec Wilamowitz, le
<■ X^elbruUer » (voir E. Xorden, Verg. Aen. VI-, p. 2.59): les deux inter-
prétations sont voisines des deux sens étymologiques de « Gérvon ».
' Lucien, Héraclès. 1.
* Hésiode, The'og., 617 s(i(|. Voir suprn^ V. 2°.
^ Callimaque. Hymn. IV, iti Del.. 143.
« Homère, II, A, 404.
' Aristt. EL, F. H., 5, 3 (Didot fr. 296 b.); cfr. Cliarax Pergamen.,
Fr. hist. gr. (Millier), III. p. 640, 16.
78 HKKCI'I.K FINKRAIUK
iréraclès l$sizpî(.j; ' : c'est-à-iliic un II/t.k-Ii's ciiiifiiiulii avec Rriarée-
Aegaeôn.
Morrheus, l'eiincnii acliani<'- de Dionysos, non seulement e>t sem-
lilaWe aux Oéants, nous dit Nonnos ', mais il est fils de Tj-phon '
et comme tel appartient à une race infernale. Or on l'appelle
ly.^>h,; niyyù.ic,', \
Faunus, fils de Neptune et de Circé ^, a de t|ui tenir: et il
n'est pas besoin de la niaise explication de Servins" pour recon-
naître en lui un dieu infernal. Hercule, selon une légende qui nous
a été conservée par Derkylos ", tua Faunus. Mais d'autre part,
chacun eonnait l'union cultuelle d'Hercule et Faunus, représenté par
Silvain, sou dérivé ancien et son substitut i)resque constant à l'âge
classique''; on est allé jusqu'à dire, sans preuves suffisantes, que
Silène-Silvain, démon des eaux bienfaisant et sage, n'est pas dif-
férent d'Hercule dieu des sources''. En tout cas, sous l'Kmpire Ho-
niaiii, certaines n^ivres d'art représentent de façon indiscutable Her-
cule dans l'attitude de Silvain-Faunus, tenant des fruits dans un
pli de la léonté '" : et, dans un texte bizarre. Hercule apotro)iaiqne
est dit petif-tils (le Silvain ".
Bien entendu, ces identifications assez tardives re'po.sent, pour
une part, sur la banale conception de la « force d'Hercule ». Orecs
' Cléaniue. ap. Zenol).. V. 48 ;/■>. /i/s(. gr.. II, [). :i20, 56).
~ Xonnos, Dioiiys.. XXXIV, isi.
3 Id., ib., 183.
* Id., (6., 192.
5 Id., ih., XIII, 330.
^ Ad ^'erg. Aeii.^ VII. 91: « Faunus infernus dicitiir ileiis: et con-
jrrue: nam nihil est tena inferius in qua tiabitat >.
* Derkylos. Jtal., III = F. H. G., Miiller, p. 387, H.
* ^■oir surtout R. Peter, lioschers Lcr., I, 29.i0-29.",9 et 29«3-29t;i^.
t'fr. Boeinn, Pmihj-Wissoa-a, VIII, 590-593.
^ Furtwiingler, Antik. Gemme», III, p. 196-199.
'" C. I. L.. VI, 274. — Clarac, Musée de Sciilpt.. n. 990 (t. V. pi. 796 1.
" C. I. L., VI, .30738: « Hercules Inuicte Sancte Sihiani iiepos, Imc
aduenisti, ne quid hic fiât inali •.
HERCULE FINÉRAIRE 79
et Romains, avec leur belle manie de eliereluT à tout dieu étran-
ger un équivalent Romain ou Grec, utilisaient Hercule comme subs-
titut de tout être divin remarquable par sa force physique. Mais
cela n'explique pas, ou fort incomplètement, sou identification avec
Hriarée, Grec, et Silvain, Romain. Et il reste que le troisième dieu
auquel il se sul)8titue, Morrlieus-Sandès, a, comme les deux autres,
un caractère infernal .'iccentué.
5. CoRclusioH. '
Il faut convenir, après ces recherches un peu divergentes d'ori-
gine, mais de résultats concordants, qu'Héraclès avait été assidû-
ment mêlé par les Grecs aux dieux de la Mort, soit pour les com-
battre, .soit pour se joindre à eux, soit même pour se confondre
avec eux. H ue s'agit pas ici d'un symbolisme philosophique, ni
de conceptions sur la vie d'outre-tombe, mais de la légende elle-
même, et telle, et si singulière, qu'il faut se demander si la nature
même d'Héraclès ne le prédisposait pas à ce rôle. Pour que cette
recherche soit valable, il convient d'en exclure autant que possible
les éléments proprement héroïques, les qualité qu'Héraclès partage
avec les autres demi-dieux ou héros locaux. Réduits à des indices
moins nomlireux, nous n'eu serons que plus fort dans nos conclusions.
VII. — Les prédispositions infernales d'Héraclès
1. IjCs jijdntes lirrnc} rennes.
S'il est vrai que l'arbre ou la plante qui se trouvent attachés
à une personne divine nous aident à concevoir sa nature originelle,
le doute ne sera pas possible concernant Héraclès. Saus même faire
état de la légende cependant assez ancienne, mais locale, qui faisait
naître l'aconit de la bave de Cerbère tiré des Enfers p;ir le
W IIKKII I.K FI NKKAlliE
liéros ', Iph deux arbres qui lui sont consacrés, l'ulivicr et le peu-
l>licr, ont un CMractcre infernal tr^s net.
l.'iiljvier avait été apporté à Olympie par Héraclès °. fin dit
qu'il n'y fut donné en ])rix qu'à jjurtir de la septième Olympiade,
en remplacement de la pomme ' : ce qui fournirait un terminus
post quem puiir la légende reçue dans le monde grec au début
du V siècle, selon laquelle Héraclès avait été le cliercher au pays
des Hyperlwréens pour en ombrager l'Altis *. Mais sans doute l'union
d'Héraclès avec rolivier est elle plus ancienne, peut-être même pri-
mitive ■'. Ce i|ui cil tout cas n'est pas douteux, c'est la provenance
infernale de cet arbre, liien établie an \' siècle'': et son rôle fu-
néraire, encore exploité par Calliniaque '.
Même légende pour le i)euplier blanc, urhos /icmiled * : Héraclès
l'a apporté à Olynipie des bords de l'Acliérou. « Heuve de Tliesprotic »,
ajoute le prudent et rationaliste Fausianas ": autant dire des Enfers '".
Car, dans la Nekyia homérique, le bois sacré de Perséplione est composé
de peupliers coupés de prairies ", et, aux temps classiques, le culte
mystérieux de Sabazios Dionysos, dieu clitlionieu, se célébrait la tète
couronnée de fenouil et de peuplier, symboles géuésiques et infernaux'-.
Les témoignages sur ce point sont donc clairs et concoi'dauts.
' Hérodoros d'Héraclée, fr. 25 (K. H. G. Mliller, II, p. :55». — Xéno-
plion, Anab., VI, 2, ."i. — Cfr. Ettig, Acheritntica, p. ;il5 S(|.
- l'ausan., V, 7. 8.
3 Cfr. Bev. Hist. /.V/ilg/oHs, 69, (19U). p. .î-lli.
< Pindare, 01, III, 24 sqq.
^ La massue, arme personnelle et caractéristique d'Héraclès, est de-
venue un olivier à 'Prézène (Cfr. A. Keinacli, Jier. JfiM. lieligions. Ii9,
'1914), p. 353 et n. 2).
" Kscliyle, Clmeph., ;57:!.
" Calliniaque, ïambes, II, 23 sqq. (éd. Budé, p. 169).
" Virgile, Aeji., VIII, 276: 216 : « llercnlea bicolor... popnlu.s uuibra •.
' Pausan., V, U, 2.
'" Serv., ad Vrni. Aeii.. V. i;!4: VIII. 27l3. Cfr. YAtig.. Acheiiditica.
p. 316, n. 4.
" Homère, Od., /.. 510. Cfr. Rolule, Psiiflie. p. 49.
'• Déuiosthène, Coron.. 313.
IIEIÎCILE FI NÉKAIUE 81
2. Bc'iarli's dieu des eaii.r: l'euu infernale.
L'importance d'Héiarlèti comme dieu des eaux a été mainte
fois mise en valeur: nous ne rappellerons ici que quelques détails.
Créateur de lacs, à Léontinoi en Sicile ', en Etrurie aussi, dans
la forêt Ciminienne °, Héraclès se trouve, par rapport aux fleuves,
dans une situation double analogue à celle que nous avons remar-
quée dans ses relations avec les Centaures et les dieux de la mort :
ayant la haute main sur leur sources ^, il est l'ennemi du fleuve
Aclieloos ^, détourne l'Alpliée et le Péuée dans les écuries d'Augias °;
mais, selon une autre légende assez ancienne, il reçoit l'aide du
fleuve Duras ". Nous avons d'autre part dit déjà quelques mots de
son rôle marin ', de ses traversées océaniques très comparables :\
son trajet marin vers l'Hadès *, rappelées fréquemment encore dans
Sénèque ''. Mais c'est comme dieu des sources, et de préférence des
sources cliatidos qu'Héraclès est surtout caractérisé '". Et c'est ainsi
' Diod. Sic, IV. -24.
- Virg., AeiK. Vil. fit»? : Serv., ad loc; Stiabon, V, 22(î; Liv., XXII,
1 ; etc. . . .
' Aelius Aristid., V, 35: « /.wpi; 6i irr.fai itczati.iia-i ûêdTuv £™vuu.5t
K»t aÙTai To3 OîsO ('Hpa/,>.:Ou;) ■ TSootÙTr.-i ivapà rat; Nù;J.tpat; zïf.nX' '^'i"' ^osi-
ôpia-j ».
* Apollod., Bihl.. II, VII, .j.
^ kl., il).. Il, V, 5.
<5 Hérodote, VI, IHS.
" Suprit, p. 52.
' Euripide, Herc. fur., 400, 851. Cfr. Id., *.. 427: - iir/.su^' i- "Aioav ».
^ St'iièqne, Herc. Oet.. 49 sqq.; Herc. fur., 275, 327 sqq., 539 sqq.,
554 sq(i.
'" Cfr. Gei-lianl, Auserhi- Vaseiib.. II, p. 162 et n. 8-15; — Jahn,
.irch. Beitriige, pi. 4: — Hartwig, Herakles mit dem Fullhorn, 15; —
Pieller, Griech. Mijth., IV. 274: — Id., Riim. Myth., IP, p. 144-297; -
Peter, lioschent Le.r., I, 2964; — 0. Gruppe, Griech. Myth.. 454. — Les
textes généraux les phis expressifs sont ceux d'Athénée (512 F) et de Plu-
tarqiie {Moral.. 776 D: Héraclès découvreur de sources). C(V. Id. Moral.
307 C.
Mi'lmujes iVArrli. W allixi. I<i28. 6
82 lIEUliLE ir.NÉUAlKli
quV'ii (irèfe ', en Sicile ", en Cainpanie ' et en Etniric ', de l:i dans
tout l'Empire Humain, Hercule règne sur les sources et les thermes '■'.
ly;i croyance à la provenance ehtlionienne des eaux chaudes, in-
fernale des eaux sulfureuses, est hien connue, et pour ainsi dire
Monnaie. 11 est d'un intérêt beaucoup plus puissant ici de montrer
avec (|iiclle persistance et quelle universalité l'eau sous toutes ses
formes a été mise en l'apports avec l'Empire des morts.
Il existe, pour rantiquité g-recque, un texte d'une force d'expres-
sion rcmarqualile, deux vers d'Empédocle '', dont Diojrèiie Laërce
nous donne la clef:
.N-^TT',: 0' r. Sz/.;j'j'.; i-i7:'./.zo~. oi/.as: Ïîotscuv
« Zeus éclatant avec Hérè nourricière, dit le philosophe: et Aido-
nens avec Nèstis, qui emplit de l'amertume des larmes les j'eus
des mortels...». Et Dioj;cne ajoute: « Par Zeus il entend le feu;
par Hérè la terre ; par Ai'dôneus l'air; par Nèstis l'eau » '. Le grou-
pement de ces quatre noms, les épithèfes, les gloses, l'étj'mologie
même *, concordent de la fa(;on la plus absolue : au couple céleste
' Surtout les sources ehaïuies de l'Œta: Hérodote. VIT. ITfi: Sophocle,
Tvachhi., 6o4 : etc. . . .
-' Par ex. :i Himéra: Diod. Sic, IV, 2;3, 1.
^ A Bauli.
^ Par ex. à Vetulonia (Mcmorie deU'Inst., I, 1832, p. 109); ii Caeré
(I.iv.. XXII, 1. 10).
■'■ Un exemple très net à Lauibèse : voir .1. Bayet, Les statues d'Hercule
dans les grands thermes de Lamhèse, Société arch. Coiistantine, 48 (1914».
^ Fr. 57 (Karst). — Te.xte un peu différent, de même sens: Fr. Phil.
Omec, Mullach (161): « IVt'ît:; S'.t- ôaxpisi; tî'-v-jî! /.jïs'j-iwaa ^fîT-'.iv ».
" Diog. Laert., VIII, 76: « it» y-i-, zi rùp ki-ju-i • 'Hfr.i ii -rr.i fî-i-
Aïôwvîa ôi Tà< i-'soc yf.iTii ii -i jSwj ». — Glose comparable dans Stobée
(«7. I. 10, 11 b. Waelisni.): «-.NrfJT!;- ts or:p;j.a c.ai -i God? ».
'* Zeus: cfr. dies: le jour, la foudre, le feu. — Héra: étymologie con-
testée (peut-être le ciel?). — .Wdôneus : l'invisible: cfr. VUrz homérique
cpii cache les divinités et la /.jih. dHadès qui rend Bellérophon invi-
^iilplc. — Nèstis: de n.-'-it.) = à Jeun. On se rappellera le jeûne de Coré
IIEKCULE FUNÉKAIRE 83
Zeus-IIéra fait pendant le couple souterrain Aulôneus-Nêstis ' ou
Hadès-Perséphonè. Et cette déesse des Knfers, qu'on lui donne l'em-
pire des mers et des poissons ', ou qu'on la rapproche de Coré, engloutie
dans la source Cyané avec Hadès ravisseur, est de toute certitude
une déesse des eanx et celle qui, pour la philosophie d'Empédocle,
représente cet élément à l'exclusion des autres divinités. Autour de
ce texte précieux pourraient se grouper de nombreuses indications
mythologiques qui, à sa lumière, prennent toute leur valeur ^. Mais
les autres confirmations ne manquent pas.
On a remarqué que « l'association des morts à la production
de la pluie est assez commune et significative » ■* chez les demi-civi-
lisés de la Nouvelle-Calédonie '^ et de l'Australie '^, d'Afrique ', d'Amé-
rique ' ; mais aussi bien d'ailleurs dans les civilisations antiques,
■ peut-être chez les Israélites ', à coup sûr dans la religion avestique,
rompu par des grains de grenade; et le jeûne prolongé de sa mère allant
à sa recherche. Eriskigal, déesse babylonienne des Enfers (A. Jeremias,
Roseliers Le.r.. s. v. Nenjal, \i. 259-260), déesse de l'obscurité (cfr. Evinys
rsîîœorTi;) comme Hadès, <• mange de la terre au lieu de pain, boit des
lannes au lieu de vin > ; et les morts babyloniens ne mangent pus.
' En particulier en Sicile, sembie-til: Photius, Le.r.,.- .N^utt,; • lu.z\i./.r,
6ïi; ■ -.^Xiti;. Cfr. Eustatiie, II., 1180, 14.
^ Hippolyte, Jief'ttt. omn. haeres., 7, 384. y-r.GT:- est le nom d'un
poisson. Cfr. Wagner-Drexler. Roachers Lex., s. v., III, 287-289.
■* Ainsi: l'influence liumide de Diana-Luna (Macrobe, .?««., VII, 16):
01- la lune est, selon une ancienne tradition, le séjour des morts (Plut.,
Moral., 942 D-F). — Hécate, souvent confondue avec la lune, est dite
parfois -raups/.ipais;, et mugit (Roscher, Selenc, n. 84; 13.): et p. 177):
or le taureau, pour les Grecs et les Romains à leur suite, est la forme
animale constante des fleuves et des torrents.
■* Loisy, 7>e sacrifice, p. 211.
^ Id., iv*., p. 212.
''' Pour certaines peuplades australiennes, des animaux aquatiques,
comme les requins, les crocodiles, les serpents, passent pour servir d'habi-
tacle aux défunts (Loisy, Le sacrifice, p. 470).
■ Chez les Dinka {ib., p. 481) et les Bambara («6., p. 167).
^ Chez les Zurii (ib., p. 144, 169, 388 8(|(i., 4SI s.).
" l.K)isy, Le sacrifice, p. 158.
84 HBKCILE KfNKRAlKK
aux Anthestéries d'Athènes, à Romr- avec- le rite singulier du lapis ma-
italis '. Il se peut, d'autre part, qu'Hercule se soit trouvé mêlé à
de pareilles pratiques. Ku ctfet, parmi les proeédés magiques em-
ployés par les primitifs pour pmduin' la pluie, il en est un qui
eunsiste à uriuer, parfois à paraître uriner du sang ', et il existe
des indices d'un tel rite dans l'antiquité préhelléniqiie '. Or, si l'on
adopte la méthode proposée par M. Deonua pour expliquer par la
religion l'origine des types ])lastiques de l'antiquité classique, ne
serat nn pas conduit non seulement à considérer la représentation
d"« Hercule la main sur la hanche » comme un dérivé ])lus décent
de r<< Hercule la main au ]>hallus », geste de la génération ', mais
encore à rappeler les figurines (V HeiritJes mitigens, multipliées sous
l'Empire Romain avec le sens grossier des suites de l'ivresse, et
;\ mettre ce tv'iie en rapport avec la nature du dieu des sources
et de l'eau "' ! Simple hyj)othèse, d'ailleurs iiivéritialdc.
Les auteurs latins du premier siècle de noti-e ère ne manquaient
pas '' de se représenter les ahords des Enfers comme une forêt
d'arbres funèbres, ifs, yeuses, cyprès, sapins, où volent les mânes,
et dans les prufondeurs de laquelle (■(•nie une source '. l'eut-être
suivaient-ils, consciemment ou non, les croyances des mystiques
grecs de Pltalic méridionale, qui conduisaient l'âme vei-s le lieu
désiré où la source infernale s'épanchait au pied du « cyprès blanc » '.
Mais ces mysti(iues utilisaient eux mêmes d'antiques croyances dont
nous trouvons des traces précises dans les légendes classiques; car
' hl, il>.. p. 181 sq.: 183: 214.
2 Ul., th., p. «2 et n. 3: p. 211 et n. -_'. (fr. Usener, Archir. f. JieL
Wiss., 1904, p. 28.^.
' Cfr. JfcîM/e Hist. lieliy.. .Mai-Juin ini4, p. .'iSci.
' Cfr. lieiiie nist. Keliji.. 1919 (t. 80), p. 77 sqq.
•'' Le même geste se retrouve dans des figures de Silène, dieu aqna-
tii|ue lui aussi.
'' X'oir Ettig, Aeheruntica. p. 367 sq. et 368, u. 1.
" Sénèque, Oed., 545; — T/ii/., 665; — Lucain, Plitirs., IIL 411.
« l. G„ Si,, 641. Cfr. E. Norden, Verg. Aeii., VP, p. 167, n. 1.
HERCULE FfNÈKAIRE 85
h l'arbre des Hespérides coulait aussi une source, source merveil-
leuse d'ambroisie, nous dit le poète', c'est-à-dire d'immortalité;
sans doute Héraclès n'allait-il pas chercher dans l'ile lointaine les
seuls fruits que lui demandait Eurj'sthée; il allait vers le paradis
terrestre goûter l'eau magique qui lui assurerait le bonheur éternel,
comme aux initiés de Graude-Grèce. N'y avait-il pas nue variante de
cette légende, qui lui faisait rencontrer aux Enfers mêmes la source
gardée par le serpent^ ? En tout cas, la confusion paraît encore sensible
dans Callimaque, d'après lequel Dénièter cherchant Coré alla Jusqu'au
jardin des Hespérides ''. A cette source infernale comme à la Cyanée,
nous retrouvons groupés Héraclès et Perséphone. Et ce rôle infernal
de la source n'est point particulier aux croyances helléniques: que
l'on se rappelle les fontaines de Judée, d'où sortent les âmes ■*.
Les Heuves des Enfers sont célèbres; et non seulement le Co-
cyte ou l'Achérou , mais un fleuve géographiquement bien observé,
l'Eridan. pour Virgile encore, parcourt les Champs-Elysées ". La lé-
gende vulgarisée à son sujet ne savait plus bien distinguer, sem-
ble-t-il, s'il fallait le considérer comme fleuve infernal à l'égal de
' Euripide. Hippol., 74-1 sq. Cfr. H. Heydemann, Bull. d. Inst., 1871,
p. 223. — Elle est repiésentée sur un vase de Ruvo {Bull. d. Tnst.^ 1836,
p. 119).
- Dans Soplioele, 'Hpa-i/.?,; =-; Tgc'<a;'.), où il était question de la
descente du héros aux Enfers (fr. 216 Dindorft'): « Tpî'tpojui xpr-jr.; tpùXaxa
xupiir.v ô((i[i .. Mais l'interprétation locale est douteuse.
^ Callimaque, Hymn. VI, in Cerei:, 11.
* Dieterich, Mutter Erde-, p. 18 sqq. Cfr. Archiv. f. Rel. TT^'is.ç., 17
(1914), p. 352. — On trouverait, pensons-nous, des croyances analogues
dans l'antiquité romaine. Mais la discussion des documents nous condui-
rait trop loin : nous la remettons à une autre étude.
^ La légende de sa traversée par les morts (substituée à celle de
l'Océan) se répand chez les peuples italiques dès le IV*^ siècle avant no-
tre ère (Cfr. Uamurrini, Anncili d. I)ist., 1872, p. 288).
6 Virg., Aen., VI, 6n9. - Voir Th. Bergk, Kl. Schriften, II, 718 ;
Dieterich, Nehyia. 27; E. Norden, Venj. Aen., VI', p. 29ô sq. — C'est
grâce aux Nymphes de l'Eridan qu'Héraclès peut apprendre le chemin
qui mène au Jardin des Hespérides (Apollod., Bibl., II, V, 11).
8(> IIBKCILE FINÉRAIUE
l'ArlKM'nii, lin j/aradisifiqur comme la source des Hespérides; c'est
dans SCS flots, en effet, que Pliaéton avait été enseveli au milieu
de ses sipuin ti'ansformécs en prupjiers ' avant d'être ramené au
ciel parmi les astres ' : mais, d'autre part, A'irgile en réserve la
Jouissance aux morts liieniicurcnx et Lucien ' fait voler sur se»
bords « les iiomiiics liienliciircux com])af;nons d'Apollon *> transfor-
més eu cygnes. Nous rencontrons toujours devant nous cette même
incertitude: f.iut-il voir dans Irs Knfcrs une odieuse demeure sou-
terraine ou les douces prairies dans lesquelles s'exerce la libre ac-
tivité des héros? Et de même l'Ister. dans la région voisine de
ses sources, est. nous l'avons vu. pour l'indai'c, un fleuve des Hy-
perlioréens aux rives duquel pousse l'olivier, arbre infernal comme
les peupliers qui l)ordcnt l'Eridan *. De même encore Aclielôos,
dont le uias(]iic cornu ajjparait si souvent avec un caractère apn-
tropaïque sur les temples des Etrusques et sur leurs monuments
funéraires. Il était ciiez les Grecs souvent considéré comme le dieu
suprême des eaux''; mais ses filles, les Sirènes, sont du cortège
infernal de Perséplione '^. et habitent un marais près de Catane en Si-
cile ". comme Per.séi)iione possède une source pi'ès de .Syracuse. Aussi
bien le taureau, forme que prenait habituellement Aclielôos, avait-il à
la fois un sens aquatique ** et funéraire ''. Et c'est peut-être en tant
que dieu infernal (lu'.Vrlii'lôos entre en lutte avec Héraclès.
' Ovide. Métam.. II. ;-524 sqq.: — Sénèqiie. f/err. Oit. IST S(|(i.: —
Lucien. De eleciro sett cycnin, 4.
- Xonnos, Diorn/s.. XyXVIII. 424.
' Lucien, loc. rit.
* Pindare, 01.. 111,24 sqq. Voir supra p. 80.
» Cfr. Furtwiuiglei-, Collection Saboiii-nff. I, pi. XXVII et XXVIII.
" Knripide.-Hc/., 175 si]. — Apollon. Rhod., ^r/;o». , 8i)4-S<lfi. - Cn.
Ch. Michel, Daremlierg-Safilin., s. v., 1.353 sqq.
■ Nonnos, Dioiiys., XIII. .312-31.3.
' Ovide, FasI., VI, 197 sq.: Nonnos, l)ioiii/s.. L 4^2.
5 Gardner, Sculptnred tomhs of Hellti.t, IS94, p. 130 sq.: M. Colli-
gnon, Statues funéraires p. 234 sq. — Les bœufs de Oéryon: voir
supra, p. 75. Ceux d'Hadès: dans les KpaîTâT».X;i, comédie de Phérécrate:
HBRCL'LE FINÉRAIRE 87
Nous avons incliqué plus haut la uatnre foncièrement infer-
nale de plusieurs ilivinités marines ' et n'y reviendrons pas. sinon
pour achever de coustater que l'eau, sous toutes ses formes, a été
considérée par l'Antiquité comme une production ehthonienne et
infernale, non comme une émanation céleste. Elle a ce double ca-
ractère, que nous retrouvons si souvent dans ce domaine, d'être
bienfaisante comme ag-ent purificateur '", et d'être maudite comme
cliâtiment éternel des grands coupables '. Et, d'autre part. Hercule,
dieu des sources, se trouve miitliologiquemeiit avec les divinités des
eaux en rapports tantôt d'amitié tantôt d'inimitié, comme il l'est
avec les Satj'res, les Centaures, et les divinités de la mort.
3. La Tîlchessr et ta Fr'condité d'origine irifertinle.
Il est un fait reconnu, complexe seulement du point de vue
de la chronologie, c'est que le dieu de la richesse est en union
étroite avec le dieu de la mort, quand il ne se confond pas avec
lui. Il apparaît assez vraisemblable (jucn Grèce cette identification
de Ploutos ou Ploutôu avec Hadès ne fut absolue d'abord qu'à
Eleusis * : ce qui obligerait à eu concevoir l'extension comme assez
tardive. S'il est vrai cependant que cette conception repose sur
Apollod., Bihl.. H, V. 12; cfr. Ettig, Acheruntica. p. 2^8 et n. 5. — Voir
aussi Callimaque, Epigr. XIII, 5-6; lamb., I, 2 (cd. Budé).
' ^^oir siqjra, p. 67 sqq.
- I. Scheftelowitz, iJw' Smidentilgung diirch Wasser {Arcliii^ f. Belig.
Tl'îss.. 17, 1914, p. 35.^ sqq.).
^ Platon, Besp., II, 363 C. — Châtiment transféré aux Danaïdes pour
l.\ première- fois dans VAxioclius : cfr. Ettig, Aclieruntica, p. 314. — C'est
une conception originaiiement ifaliote, semble-t-il : voir Platon, Gonjias,
493 A-B. Il est intéressant de rapprocher de ce texte expressif deux mo-
numents funéraires, rungrecapulien(^'l)-c/i. Anzeig., XXIX, 1914, p. 453 sq.,
fig, p. 45.5), l'autre romain (C. Robert, Ant. Saric. Hel., III, 1, n. 140,
pi. LU et p. 152 8(1.), où les Danaïdes, à elles seules, sj-mbolisent les peines
de l'Enfer.
■* E. Xorden, Verg. Aen.. XI", p. 39.
88 HBRCL'I.K KfNI-;i{AlKB
riili'p ti't's priiiiitivi' (In iioinlire incalculalile des morts et sur celle
lie l'orif^iiie souterraine des rielies moissons ', si d'autre part elle
est liée à rima;i;iiiation po])iilaii-e du festin des Bienheureux '. il
n'est pas indispensable de rattacher au développement et à lu
faveur des cultes éleusiniens les croyances analofriies des peiipli-s
italiques sur le «Trésor d'Orcus » ' et sur la iluulilc natiiic du
Saturne Romain, dieu agricole d'une part, de l'autre gardien du
Trésor puhlic et de la bonne foi commerciale *, d'ailleurs divinité
infernale^. Aussi bien la distinctinn entre les esprits des morts et
les esprits d(^ la nature est-elle eu général peu nette *.
Or, selon une tradition grecque, Héraclès et Cronos ('.Saturne)
régnaient ensemble sur l'ile fabuleuse d'Ogygie à l'Occident, c'est-
à-dire sur le l'aradis des Bienheureux '. Selon une tradition gréro-
latine, c'était Hercule qui a\;Mt dressé le |inmier autel romain à
Saturne"; et Ton pimv.iit rapprocher les cultes romains des deux
divinités", l't une inscription purement italique, dont nous avons
déj;\ parlé, unit lli'rcnle et Dis l'atei'. dieu à la t'ois des morts
et des richesses '". C'est (lu'IIereule en Italie avait en garde les
trésors aussi bien (|m";'i Rome Saturne"; mieux, il en faisait dè-
' C'est ainsi (jue déjà pour Hésiode {Theofi.. 420) Hécate donne aux
lioninies qui la ])iient la richesse (i>.Si;) dont elle dispose. Et de même
les hommes de la race d'or, devenus 3ai;;.i-i£: après leur mort, sont ap-
pelés par lui -XouTooorai (Hés., Ojj., 126)
'' Ettig, Acheruiitka, p. 296 sq. et 297, n. 1.
'' Moriis thesauri : Orcinus tliesaunts. Cfr. l'iellcr. Rom. Miitli.-'. Il,
p. 63.
* Plutarqiie. Ti. Gracchiis, 10: MniiiL. 27.5 A-B: — Appieri. /;. c, I, .'il.
5 Osov ûrrouSaîo-i /.ai /_9i-!;-. (Plntar(|Me. M'iriiL, 266 E).
^ TyOisy, Le Sacrifice, p. 131.
' Plutarque, .Iforo/.. 941 et 11. 'il.
* Dionys., Hal., VI. I, 4.
" Plutan|ue, 3/(«v('., 266 E: ;'i lleriiile aiis>i un sacrifie tête découverte,
et il est dieu de la vérité.
I" C. I. L.. VI, 139.
" Zvetaieft", Si/lh.iif J)>sri: O.sranim. 187S, n. 56. p. .'Uî oK; — C. I. J...
X. 7197.
HERCULE Fl'NÉRAIRE 89
couvrir, en Grèce sans doute, mais surtout dans le monde italique ',
comme par exemple, parmi les demi-civilisés les Haida croient que
les morts envoient des richesses ;\ leurs parents pauvres restés sur
terre": sur ce point la différence entre le dieu des richesses et le
simple mort-héros bienfaisant n'est pas très nette.
Mais le plus curieux, c'est de voir peu à peu cette qualité de
dieu de l'abondance se limiter à une représentation particulière
d'Hei-cule, et justement à la plus expressive en matière funéraire,
celle de l'Hercule couché. C'était une imagination de pure saveur
italique ^ de représenter l'avare « couché », nous dirions accroupi
sur ses trésors *. La statue d'Enules Olitmrius, qui se trouvait au
forum Bonrium, au centre du marché campagnard de Rome, et qui,
d'après les dernières découvertes archéologiques, représentait le dieu
couché, put donner matière à des applications précises du proverbe, et
même à des légendes populaires. De fait, un itinéraire du liant Moj'en-
âge "" mentionne dans la Begio TrunsUhiriiKt un <,< Ifciciilcs suit terni
riiediiis rubans, snh qno j/luriuiitiii uiiruni jiositum est » : résidu singu-
lier, mais sans ambiguïté, du travail séculaire de l'antiquité païenne.
Nous passons sans difficulté de la notion de richesse à celle de
fécondité. Héraclès avait sur l'Œta « un Jardin luxuriant que tous
pouvaient cueillir » " : et il est possible que ce soient des colons lo-
criens, venus de la même région, qui aient transporté la légende
d'Héraclès en Grande-Grèce au cap Lacinien '. Plastiqueraent, cette
conception s'exprime par la figure d'Hercule tenant la corne d'abon-
' Diod. Sic. IV, 21; Dionys.. H.il.. I. 40: Horace, Sat., II. VI. 10-13:
Perse, II, 10.
- Van Gennep, Les Rites de pcissuf/e, p. 223. Vf. suprii, p. 88. n. 1.
^ Cfr. E. Norden, Veig. Aen.. VI-, p. 288 sq.
* Pétrone. .S'a?., 38 (Inciibus): Horace, Sat.. I, 1, 70 sq.; Liv., VI, 1.5. ô
(incubantes jiublicis thesmiris]; Quintilien, X, 1. 2. — Cfr. A. Otto, Spricli-
wôrler (1890), p. 173 sq.
^ Glose du Curiositm. Rey. XIV. Cfr. .lonlan, Tnp., II, p. 13.
« Eusèbe, Pr. ev., V. 21, 4 et 22, 1.
" 0. Grappe, Griech. Mythol., p. 372, n. 10 et 4.57, n. 4,
f>0 lIKItL'ILK Kl XKRAIKK
(lance ' ; figure multipliée tle façon singulière par les Grées italiotes
sous toutes les formes, iutailles, l>n)ii/.es, mais surtout terres-
cuites ", ee (|ui proiivi' sa i)iipiilarité: aimée des Romains, ijui la
peignent, la seiili)tent et la gravent '.
Les différentes légendes gree(|ues sur la corne d'aluinrlanee, qu'elle
ait été prise :iu dieu des eaux Aclieloos ', ou remplie de fruits par
les Xymphes-llespérides, ou donnée à Héraclès par Plonton-liadès ''
et présentée par le héros à Zens et Héra, unissent toutes au sym-
Itolisme de fécondité les souvenirs des expéditions d'Héraclès vers
les Enfers ou les îles des Bienheureux. On peut penser, il est vrai,
que ces histoires n'eurent pas gi'ande pu'dicité, ou du moins grande
influence, dans les milieux popula'res italiques: l'idée d'almndanee
primait très certainement le sens funéi'aire de ces représentations,
au moins à l.i tin de la liépuhlique et sons l'Empire romain. Mais
il senilile n'en avoir pas été de même au temps où les cités grecques.
étrus((ues et latines étaient encore assez vivantes pour agir les unes
sur les autres. Monuments et textes prouvent qu'au déhut de notre
ère encore Hei-cnle prenait assez volontiers la forme ou le symbole
d'un (lien ])liali(iphorr. i|ui le rattaciient aux très anciennes reli-
gions naturistes de la ijéninsnlc itali(|n(' ''. Or les représentations
' En (irècc proiji-r. sur luie nioniiaic d .Vtliènes (voir fî^. linschen)
Lex., I, 2157).
- Monnaies d'HéiacKe de l,ncanie: onyx à Pétrograd. — Bronze du
IV siècle à Berlin. — Terres cuites de Tarentc, Fasano, Ignazia. Pae-
stum, etc — Voir RoDchers Lea:, loc. cit.. 2159 et 2176 : Bull. â. Inst..
1S84, p. 236; etc....
' Par ex, Annali d. Inst.. 187i), pi. .M ; — Ib., 1S78, p. 210 sq. et il/o-
numenti, X, pi. LVl, 1; — Cohen, Médailles itiip., Antonin, 383,
* V. Wilamowitz-.Moellendortf, Heraldes, p. 291.
^ Gerhard, Gesamin. Akad. AhhniidL. ]). 46. n. :!1 et 32: Fnrtwiingler,
KoKchers Lex., I, 21S7 sq.
* Colson, Hercule Phallophore {An)iiile.< du Mii^ee Guimct, t. IV t. —
Voir en particulier un bronze de l'Italie Mcriilionale, où de la corne d'abon-
dance tenue par Hercule sortent des phallus [Gaiette archéol., 1877, pi. 26) :
cfr. l'anecdote sur Commode (Ael. Lamprid., 10. 9), (|ui fait d'un fiivori
> pêne prominente ultro modum animaliuui • un prêtre A'Hercules Rtistictis.
HERCULE ITNEUAinE HI
des parties naturelles avaient à coup sûr un emploi et une valenr
funéi-aircs, non pas uniquement apotroitaïques, mais qui semblent se
rattacher i)lutôt au culte de Démcter et de Ploutos-Hadès dans les
cités grecques de Sicile et d'Italie ', et aussi bien en Etrurie, à
Arezzo, à Castiglione délia Pescaia". Et la philosophie tardive n'avait
pas oublié cet antique symbolisme, puisque Porphyre dit encore '
que Perséphone veille « snr tout ce qui nait d'une semence » '.
4. ('onchisio)i.
Ainsi, certains des caractères essentiels de rHéraclès Grec, dé-
veloppés encore dans le monde italique, rapprochaient le héros
des divinités infernales. Cela ne veut pas dire qu'il ait été con-
fondu avec elles, mais cela explique qu'il ait Joué un rôle parmi
elles. Et ce rôle, presque toutes les fois que nous avons voulu le
j)réciser, est apparu double et contradictoire : amitié et inimitié.
VIII. — CoORtiIXATION DES KÉSrU'ATS.
Nous avons sans doute maintenant le droit de tenter une syr.-
thèse qui rende compte de cette contradiction. Et d'aliord, résu-
mons la suite chronologique de nos certitudes.
' A Syracuse: Not. d. Smri, 1897, p. 485 avec fîg. : cfr. Kekule,
Terracotten ans Sicilien, pi. 51. — A Locres Epizéphyrienne : Not. </. Scari,
1917, p. 105 et fig. 8 ; p. 153, et fig. 58.
2 Not. d. Scavi, 1878, p. 335; 1882, p. 258.
■' Porphyre, Antre des Ni/mphes, 14.
< L'idée est très ancienne. Déjà Hésiode {Théog., 450 sqq.) se repré-
sentait Hécate comme une déesse nourricière « conrotrophe ^, et en même
temps dispensatrice de la richesse (voir siq^ra, p. 88). D'autre part, Dé-
nièter, déesse de la terre féconde, est considérée souvent comme une déesse
des morts {Myt». Maynum, p. 218. 49 et 281, 9. — Cfr. Saglio-Pottier.
s. V. Ceres, p. 1025).
92 HERCULE FUNÉRAIRE
1° La plus ancienne synthèse mythologique à nous connue,
celle d'Hésiode, met aux prises systématiquement Héraclès avec les
familles infernales; et cette conception, loin de s'atténuer, se précise
au cours des siècles.
2° P^ntre le VI' et le V siècle, on se renil compte, d'après les
textes, mais surtout avec l'aide des vases de fabrique attique, de
l'union étroite Héraclès-Dionysos. Le thème général est celui du
repos héroïque dans un paradis bachique. Mais parmi les servants
de Dionysos, les Satyres tendent de plus en plus :i être les ami»
d'Héraclès, les Centaures deviennent presque toujours ses ennemis.
3" Le flottement entre les deux conceptions des êtres infernaux,
redoutables ou bienfaisants, est dès lors constant, surtout, semble-t-il,
eu Italie, où les théories orphico-pythagoricieiines insistaient avec
prédilection sur les peines des Enfers, tandis que par contre les
caractères chthonions d'Hercule prenaient un développement parti-
culier.
4° Aussi, à partir du III" siècle (ou de la fin du IV'), Hercule
n'apparait-il plus que par exception sur les monuments funéraires,
en Etrurie par exemple, bien que les idées des Etrusques sur les
Enfers concordent très strictement avec les conceptions grecques in-
diquées plus haut, avec tendance progressive à s'assombrir et à in-
spirer la terreur plutôt que l'espérance.
5° La fin de la République romaine et le premier siècle de
l'Empire marquent une reprise intelligente à la fois des représen-
tations étrusques et des idées hésiodiques, plus ou moins obnubi-
lées, mais toujours subsistantes. La philosophie les étaie d'un sym-
bolisme précis en accord avec les idées populaires sur Hercule.
t)° Les ir et II r siècles de notre ère nous révèlent par les
nombreux sarcophages héraeléens qui nous sont parvenus (et en par-
ticulier celui du palais Farnèse) que ce travail n'a pas été vain.
Mais si toutes les conceptions antiques s'y retrouvent, la pensée
moderne n'a pas réalisé davantage l'unité que ne le faisaient les
HERCri.E FUNERAIRE 9iJ
Grecs du V" siècle: Enfer ou Paradis? Hercule symbole de la lutte
ou du repos éternel ? elle ne choisit pas. Les images d'Hercule ont
un vague sens funéraire, mais ne témoignent pas d'une conception
cscliatologique précise.
1. Lit diffindtr essenfieUfi.
Nous avons montré en passant comliien les thèmes iconogra-
phiques avaient été persistants, et avec quelle délicatesse et quelles
nuances ils avaient évolué de Grèce en Etrurie et d'Etrurie à Rome.
Ce n'est donc ni dans la suite, parfaitement établie, des jalons
chronologiques, ni dans les variantes des monuments figurés que
réside la difficulté de cette synthèse. Le doute subsiste sur deux
points : d'abord, comment se fait-il qne la notion d'Hercule funé-
raire ait survécu entre le IV* et le \" siècles avant notre ère, mal-
gré la contradictiou des idées courantes sur les rapports avec les
dieux ou démons de l'au-delà î' — ensuite, sous quelle forme doit-on
se représenter ce sens fune'raire indéterminé' attaché à la figure
d'Hercule encore au 111° siècle de notre ère ? Mais, en fait, ces
deux questions se ramènent à une seule : quelle est la croyance
fondamentale qui, parmi tous ses avatars et ses contradictions, a
permis à l'Hercule funéraire de sulisister pendant neuf cents ou
mille ans?
Le problème nous semlile pduvoir être résolu avec une suf-
fisante approximation : la certitude, espérons-le, sera acquise par la
poursuite des fouilles et par les nouvelles découvertes.
2. La leçon des fouilles de &rande-&rèce.
Celles de Locres Epizéphyrienne et de Rosarno-Medma, à elles
seules, sont fort instructives. On a trouvé dans les sépultures de
Locres un nombre considérable de plaques en terre cuite, frag-
M iifsnci'i.K rr.Nioit.MKK
ineiitées, ayant appartenu à de petits autels d'usage funéraire ' : ce
sont, pour la pln))art. des répliques d"un sujet bien connu de l'an-
cien art ionien, Fattaiiue d'un animal faillie, en général un cervidé,
l)ar un ou deux fauves ". Font exception les sujets suivants:
u) Un hippogriffe fou griffon) saisissant un chevreuil par der-
rière ■'' :
h) Un sphinx assis ' ;
n) La lutte d'Héraclès contre Adielôos ' ;
(I) Un taui-eau " :
e) Un quadrige en course".
Les deux dernières de ces reiirésentations ont un sens indé-
terminé : le taureau peut être prophylactique ou figurer l'animal
du sacrifice; — le quadrige peut être agonistique ou faire allusion
à l'enlèvement du mort par Iladès. Dans le doute, force nous est
de ne rien conclure.
Mais les trois autres sont plus i)réciscs. La présence du sphinx,
monstre k coup sûr funéraire, sur l'un de ces autels nous aide
à concevoir le sens qui s'attachait à la lutte du gritTun. autre
monstre infernal, contre le chevreuil. Sans doute une telle scène
est-elle assez commune avec une valeur purement ornementale, par
exemple sur les objets ciselés trouvés dans les tombes de la Russie
Méridionale: mais elle se rap|)riiclic aussi de toutes les représen-
' Voir les raisons de M. P. Orsi {yot. d. Scan, 1917, p. 149). — Ils
formaient parfois deux des parois de la fosse (par ex. dans les sépul-
tures n. 1-224 et 1.-M7).
- P. Orsi, loc. cit., p. II."), 120, 1-19. etc....
^ Loc. cit., fig. .")5.
■• Loc. cit., fig. hi.
^ Loc. cit.. fig. 24 (.sépulture n. ia47 . M. Orsi remarque: « È la ii;im:i
volta elle una di codeste arulette esee dal carapo ovvio e generico délie
lotte animal), per otïrirci un soggetto mitologico •.
'• Xol. d. Scam, 1913, Supplem.. p. 33 {.Sép. n. ^00).
• Xot. d. Scavi, 1917, Hg. 17 (Sep. n. 1224).
HEKCULE FI'NÉRAIIÎE 95
tatious 011 légendes d'honinies victimes des monstres de l'Enfer ',
et fignre à ce titre plus tard sui- les sarcophages romains; et si
un synil)olisme de cette nature n'est pas certain pour tous les au-
tels où figurent des luttes entre animaux, il n'est pourtant pas impos-
sible u-ijriori. Dans ces conditions, il n'y aurait point difficulté k
voir dans la lutte d'Héraclès contre Achelôos une scène de sens
funéraiie. et le premier eu date des monuments héracléens d'une
telle signification.
La question est un peu compliquée du fait qu'à Caulonia des
autels du même genre ont été trouvés non pas dans des tombes, mais
dans des habitations, que par suite leur usage était domestique,
non funéraire comme à Loeres - ; et qu'à Medma, colonie de Locres,
les sujets des autels funéraires sont tirés de la tragédie et de la
mythologie \ comme la plupart de ceux des urnes étrusques et des
sarcophages romains. De sorte que nous sommes conduits à recher-
cher pour ces représentations, en particulier celle de la lutte d'Hé-
raclès contre Achelôos, ou celle de sa lutte contre le lion sur une
urne de Gr.agnano \ un sens assez général pour convenir aussi bien
à un autel domestique qu'à un autel funéraire, et à telle scène
mythologique de supplication nu de purilicatiou. qui figure sur l'autel
de Medma % tout en étant susceptil)le d'un développement plus
exclusivement funéraire, le cas échéant.
n n'y a qu'une conception, nous semble-t-il. (jui réponde à ces
diverses conditions: celle de la valeur apotropaïque ou, si l'on pré-
fère, prophylactique de telle figure ou de telle divinité.
' \ou siqjtd. V. 2.
^ P. Orsi, Kot. d. Scaii, 1913, Snpplem., p. 3:!, n. 1.
" Id., !b., p. 59 sqq.; — Not. d. Scat% 1917, p. SB sq., 45, 53.
* Près de Naples: Not. d. Scavi, 1888, p. tiô.
= Les interpiétations diffèrent : les uns y voyant les vieiges lociien-
nes suppliantes à l'autel d'Atlièna d'Ilion: les autres le niytlie des
Prœtides.
96 HEIKII.E FI NKKAIUK
'■j. 1,11 ntKfiip iijioln/jjai'jiie.
La fonction apotropaïqne s"oj)ère soit p;ir la répnlsion ( pliallu».
parties natnrelles en général, peut-être les fornes), soit par le mi-
rat''tisnip (par ex. li- dessin île IVeil ])Oiir combattre le mauvais n-il,
l'enfouissement de la pierre de foudre ou de la hache pour pro-
téger la maison de la foudre '). Le funeste Gorgonéion devient
ainsi, l'f pour les deux raisons, la figure apotrnpauiue type chez
les Grecs ( lioucliers. temples, etc......
Lorsque rimagin.ititin appuie sur les dangers de l'antre monde
et s'etfraie des monstres qu'elle a créés, il est naturel, dans ces
conditions, qu'elle utilise les figures de ces monstres pour en re-
pousser l'attaqur. On a conclu nu peu vite, et sans lieaucoup pré-
ciser ce que l'on voulait dire, que les Centaures, Scylla, Hriarée,
Hydre, Chimère, etc placés aux portes des Enfei-s par les
poètes, avaient un nile apotropaique '" : ce qui n'a ])as grand sens
en pareil lieu. Mais sur hs tombes, c'est tout autre chose; l'image
fioirraire de la (iorgone éloiguera la Gorgone /'/(/V'rnrtZe elle-même
des sépultures grecques ou étrusques ', de même que le taureau
prophylactique chez les Indiens .sera une garantie contre le dieu
de la mort, Yania .lux cornes de taureau '. Ht. d'une façon plus
expressive encore et plus directe, nous l'avons vu, le masque de
Satyre ou de Charon, déposé par certains Sardes ou Etrusques sur
la face du mort ou auprès de lui. le met à l'abri des entreprises
brutales des démous infernaux ".
' Cfr. B. Scliweitzev, Heml.h.t, p. 30.
' Hoscliers Ia'x.. s. v. Keniaiiren, 10ô4-105ti.
' Govgoneia apotropaïcpies des tombes du V^' s. à Kcitscli : .\. Fuit-
wiingler. lioschem Lcx.. s. v. Gorgo, 1715. — Gorgone tenant des lions
sur les monuments étrusques: id., (6., 1707.
* Archiv f. Kehg. ]Vifssenschnft. \h (1912:, V- -t7.'> sq. et 4.'i7.
^ Voir mnra III. 3.
MKlK'll.E KINÈRAIIÎK 97
Une dt'rnii'Te surtc {l'apotropaisme consiste ;'i se mettre sous la
protection fii/itrr'f d'un dieu puissant. Car pour tous les esprits
primitifs l'image équivaut à la réalité: c'est même une conception,
magique sans doute elle aussi, mais beaucoup moins irrationnelle
que les deux précédentes: nous admettons encore sans ditliculté
qu'une tombe soit sous la sauvegarde de la croix. Mais, dans l'An-
tiquité, les vieilles idées mimétiques demeurent inséparables de cette
crojance. Le mort fi.:;uré sous les traits d'Héraclès ou Dionysos
revêt le personnage fort et heureux qu'ont été l'un et l'autre de
ces dieux, et s'impuse pnur ainsi dire, par confusion, à la bien-
veillance des êtres infernaux. C'est ce que prouvent les textes des
comiques: l'idée d'Aristophane de costumer Dionysos en Héraclès
pour lui pi'rmettre d'accéder à l'Hadès atteint, il est vrai, k la
boufî'onnerie, en ce que Dionysos était par lui-même assez préservé
contre les embûches du voj'age ; mais lorsqu'un mage, préparant
Méuippe :'i descendre .imx Enfers, lui donne la léonté, le « pileus »
et la lyre ', il ne tait qui' lui donner V<q)pnrence des liéros qni
ont su braver l'KntVr, Hérailés, Ulysse, Orpiiée '. Hercule était
tout désigné pour ce dernier emploi prophylactique, étant le gar-
dien du seuil en Grèce et en Italie, le protecteur des routes, mais
aussi le << chasseur de Kères » et l'ennemi de la Mort ^.
Ce double rôle de protecteur domestique et infernal (que nous
avons indiqué :i propo-i des autels des cités grecques du Bruttinm)
lui était un avantage considérable. « Ange gardien » en toutes les
circonstances de la vie et de la mort, il ne risquait pas de perdre ce
caractère par désuétude, an cas on les idées sur les périls de Tâme
en voyage vers l'Hadès se seraient atténuées jusqu'à disparaître ; il
l'exerçait seulement avec plus de force lorsque, périodiquement, les
' Lucien. Mrnippe, 8.
- L'intention comiiiue est dans racciimulation d'attributs inconciliables,
s 'Hpi-./.Ç-: n-.j.>/y,-.-r.;: Lvcopliron, AL, 663 et Scliol. ; — Etymol. Maqn.,
>11, 27; Enstathc. (kl. XIV. 529, p. 1771, 45.
JMaiH/ei' (l'Arcli. et tVllM. lii-23.
98 IIRItcri.K l'I.NKHAlUK
crises (!<• teneurs infcnialfs rcBuaisisBaient \e monde; et comme il
y (Hait toiijoiMN pivt. (III s'explique sa pfipnlarité en ce domaine.
Il avait iraillrins une antre force, et une garantie de dnrée,
dans son alliance avec Bacclins-Dionysos. Car, si les Grecs limi-
taient l'action de Dionysos à la pn'îsidence d'une sorte de |)aradis
liiciilicnriiix. irs l'",triisi|ii('s scnilileiit avoir adiiiis (iirilai1('>s liii-ni(!me
ponvait |)rcndre un caract(''i'e dionysiaque sans que pour cela fût
adoucie la férocité des démons, ses serviteurs '. Et, selon les pré-
férences particulières, ou celles du téni))s, Hercule i>ouvait ou don-
ner r(!spéranec du paradis dionysiaque, ou se faire invoquer de
coni|)af;ni(' avec U-. dieu des Enfers, Dispater-Dionysos, ou offrir
une garantie individuelle contre les démons infernaux, même lia-
cliiques, comme les Centaures. C'était, en fait de croyances d'outre-
tciinlie. un (lieu à toutes lins, et toujuurs lion à invoipier.
A ce point même, on a tort sans doute de se limiter à une
certjiine sorte d'apotropaïsme. .Aussi bien les distinctions que nous
avons établies plus haut pour la couniiiidité de l'exposition n'ont-
elles auciine portée dans la iiratique de ces procédés. Tel geste,
telle ligure a, pour celui ([ui l'enipldie. une imimrtauce délinie.
mais irraisonnée. C'est proprement un urte mat/iqui', qui échappe
à la discussion et développe ses conséquences en deiiors des lois
de la nature, lleccule apotro]iai(|ue n'est pas essentiellement dif-
férent de la (iorgone apotmiiaique nu des cornes i)ropliylacti(iues.
4. Lu )iiii<i/i' il'niiiiioifiil/fe.
|)ans quelle mesure cette croyance», cette confiance eu la force
niagi(iue d'Hercule s'est-elle perpétuée à travers les derniers siècles
de l'Antiquité, c'est ce qu'il est difficile de déterminer. Ce dieu était
' Fres(|ne de Coineto. 'l'intiliri del Tifone. Cf. supra. W. h. auh fine.
— Vase Faina, oi'i Hadès, tenant le rtynse, préside aux supplices des
morts: cfr. F. Weege, JCtrii.ik. Mahrei, p. 5.-5 sq. et tig. 49.
HERCULE ITNÉRAIRE 99
tellement caractérisé par ses attributs et son histoire qu'il échap-
pait en partie au puissant syncrétisme religieux qui domina le monde
Romain. D'ailleurs, à côté de cet effort rationnel et quasi-scienti-
fique vers l'unité divine, l'antique magie subsistait: elle précisait
seulement son but. semble-til. et se donnait pour objet l'acquisition
de l'immortalité. Martianus Capella a réuni sept moyens de l'obtenir:
1" Boire au «poculum iramortalitatis » et se couronner d'iîi'Ctoo/ ':
2" « Voir Védius et son épouse, selon le précepte des Etrusques » ":
?>" Evoquer les Euménides effray.mtes. par les merveilleux pro-
cédés des mages . de Chaldée ' ;
■i" « Se consumer par le feu » :
5° « Se laver :i la source » :
fi" « Battre une image de l'àrae, selon l'enseignement d'un certain
Syrien » * :
' Martianus Capella, II, 141.
• Id., II, 142: < Tune Philologia ex aioin:ite praeparato aceiraque pio-
pria Athanasiae primitus supplicauit. iinUriqiie eius (/. e. Apotlieosi) gra.-
tiammultaiitationepersoluit. i|iiod nec Uediuracum uxore couspexcrit sicut
suadebat Etrurla, use Eumenida.< et Chaldaea miracula formidarit, nec igné
usseiit (/. c. Apotheosis) eaui, nec lymplia subhieiit, née animae simulacrum
Syri cuiusdam dogmate uerberarit, née Piiasi senis litu Chaiontis manibns
inuolutani immovtalitatem moi-tis auspicio oonsecrarit ». — On comparera
Virgile {Aen., VI, 740 sqq.) qui décrit la purification des âmes, aux En-
fers, par lair, l'eau et le feu : . Aliae panduntur inanes | suspensae ad uen-
tos: aliis sub gurgite nasto | infeetuui eluitur scelus, aut exuritur igni».
' Le texte dit: «Trembler devant les Euménides et les merveilles
des Chaldéens •. Il est si vague i|u'il faut l'interpréter.
* Il est impossible ici de prendre shniilacnim dans le sens indiqué
parServius fad Veivi. Aen., IV, 654). d" < apparence corporelle des hommes
devenus dieux par r.A.pothéose ». Il y aurait aussi des difficultés :i accepter
le sens de Lucrèce ;l, 120-123;, qui suit Ennins et sans doute une doc-
trine pythagoricienne (Gianola, La fortuna di Pitagora, p. 26), et selon
lequel les simiilcw ra sont, ax.r h'nfers. des formes intermédiaires entre
les :\nies et les corps. Faut-il traduire par . l'apparence corporelle (jui
enferme l'âme ., c'est-à-dire le corps du patient? on par « une figure
représentant l'âme.? — Dans l'un on l'autre cas, il sagit dune fusti-
gation rituelle d'initiation: on comparera la curieuse fresque delà villa
Item .à Pompei où se voit une femme fouettée par un génie ailr.
100 IIERCII.E Kt:NÉRAIRE
7" « Suivre le rite du \ iiill.irii Pliasus, griire :iii(|ucl l'iinmipr-
talité cachée dans les maiiii^ de ('liaron est appelée eliez les dieux
au innmeiit même de la mort s> ' :
Aniolio incntiDiinc en outre des sacrifices auxquels les Etrusques
attriliii.iifiit le putivoir de procurer l'immortalité': mais le texte
est trop |)i'u préeis |)iiiir être utilisable de façon directe. Tenons-
nous en donc aux procédés indiqués par Martianus Oa))ella.
Trois d'entre eux (les troisième, sixième et sc])tième) se rat-
tachent aux superstitions orientales et sont <rorig:ine relativement
récente dans le monde Romain. Mais les quatre autres remontent
à des croyances grecques qui s'étaient implantées sans difficulté dans
le domaine italifiue. Nous avons déjà parlé du « poculum immor-
talitatis >> ', qui, sans entrer dans tous les raffinements de Martianus
Oapell.i, était représenté soit ]);u' la conjjc d'ambroisie '. soit par
l'allaitement divin ''. Le feu, outre sa puissance purificatrice, pro-
duit l'immortalité et dans l'ancienne légende et dans les croyances
des temps historiques'^. I^es sources sont, avec la mer, les plus vi-
goureux agents de lustration. Et même la vertu libératrice de la vue
des dieux, n'était pas un dogme purement étrusque, quoi qu'en dise
le grammairien : les mystes d'Eleusis, eux aussi, voyaient les dieux,
et en concevaient des espérances précises d'immortalité bienheureuse ".
' Mot-àinot: «au début de la mort».
- Arnobe, II, p. 8(>: « .\tqiie Ktruria libris in Acheronticis pollicetur,
certoriim aninialinm sanguine nuniiuibus certis dato, diuinas animas fïeri
et ab legibus mortalitatis eduei ».
' Supra. III, 2.
* Voir par ex. Apulée, 3Ietam.. VI, 2'A: « Jupiter, porrecto anibrosiae
poeulo. « Sume, inquit, Psyelie, et iinmortalis esto». — Cfr. Ovide.
Metam., XIV, 606-607.
^ Supra, loc. cit.
" Cfr. la légende de Déiuétcr et Dênioplion {H;inni. Tlom.. IV. :2o7 sqq.):
celle de la fille de l'horkus ressuscitée par le feu (Lyoopliron, .^1/., 48). —
Aux temps historiiiues: l'Indien Calanus ;Cicéron, J)e Diiiin.. 1,23); Papo-
théose impériale, etc — Voir supra, II, 5.
■ .Vpulée. 3Wr(»i.,XÎ. 23. Voir Arehiv.f.Relig. Wiss.. 14 0911). P- ô69.
HERCULE FUNÉRAIRE 101
Or ces quatre procédés magiques d'acquérir l'immortalité avaient
en Hercule pour ainsi dire leur prototype: Hercule couché tenant
la coupe (ou allaité par Junon '), Hercule debout en présence du
couple infernal, Hercule montant au ciel au-dessus du bûcher de
rtEta, Hercule se baignant à. la source vive ', c'étaient des thèmes
courants déjà entre le VP et le IV' siècle avant notre ère. Et il
se trouvait que le même héros qui avait multiplié sans utilité ses
voyages vers rau-delà ^, et qui avait presque monopolisé les luttes
contre les monstres infernaux ^, avait aussi épi'ouvé sur lui tous les
moyens d'acquérir l'immortalité. Hlogisme frappant dans un cas
comme dans l'autre.
5. Conclusion.
Mais la distinction de ces trois thèmes est elle-même une illu-
sion. Ce sont trois images d'une seule réalité. Héraclès, et après
lui Hercule, fut toujours le protecteur des hommes obsédés par les
espérances et les terreurs de l'au-delà: il extermina d'abord les
monstres de cauchemar dévorateurs des morts ; il fraya plus tard
les routes qui menaient aux paradis terrestres : il donna enfin à la
croyance en l'immortalité de l'âme plusieurs formes sensibles, aussi
réelles que des certitudes.
A l'origine, qu'en était-il? Héraclès avait-il ce rôle funéraire
au moment où il naquit comme dieu? H est impossible de le savoir,
et la question même n'a en soi aucun sens. La certitude commence
pour nous avec le texte d'Hésiode et les poteries du VF siècle.
C'est un travail roulu qui a mêlé Hercule à toutes les représen-
' Par ex. sur des miroirs étrusi(ue8 : Gerhard, Etrusk. Spiegel, II,
pi. 126.
- Cette dernière représentation surtout en Etrurie.
■'' Supra, V, 1.
* Supra, V, -2, .3.
102 IIKK(;ll.K FI XÉltAIKK
tiitioiin lie la vio iiifi'i-iiali'. (,' a t;ti'; la voloiitt- des Oi-i'c», des Ktrus-
ques et de» Koiiiaiiis, que ses ((ualités dp divinité forte, bienfaisante
et protectrice fussent des garanties ma;^iques pour la vie future.
Le sarcophage du l'alais Farnèse réalise par son type, sinon
par l'intention de Fartisaii qui le sculpta, la synthèse d'une foule
d'idées qui vont plonger Jusque dans la magie primitive et qui, en-
richic-i de siècle en siècle, aboutissent à faire d'Hercule le double
d'un mort anonyme, son puissant protecteur d'outre-torabe, son garant
d'une immortalité bienheureuse.
Jeax Bayet.
quelqup:s italiens d'avkinon
AU XIV'^ SIÈCLE
1.
Les archives de Datini à Prato.
Francesco di Marco Datini, dont le nom est resté populaire à
l'rato, sa ville natale, est peu connu en Italie ' et totalement ignoré
en France ; cependant le personnage est curieux et nous lui de-
vons l'existence d'archives de première importance.
Francesco est né ;V Prato vers 1330 '". Son père était un mo-
deste marchand et c'est chez lui qu'il acquit cette science de la
comptabilité qu'il devait pousser à un degré de perfection inconnu
de ses contemporains. II fut de bunne heure livré à lui-même: en
1348 Marco di Datino succomba à la peste qui sévissait en Tos-
cane; Francesco avait 18 ans. Pendant quelques temps il vécut
avec sa mère et trois frères plus jeunes sous la direction d'un tu-
teur dont il semble ne pas avoir eu trop ;\ se louer ^. Les diffi-
cultés qu'il trouvait dans sa famille le poussèrent à tenter fortune
' C. Guasti, dans l'iiitioduction de son Ser Lapn Mazzei, lettere di
un notuio a un mercante (M secolo XIV, Florence, Le Monnier, 1880, a
donné une bonne notice biographique à laquelle tous ceux qui ont parlé
de Francesco Datini ont emprunté largement, tels I. Del Lungo, Fran-
cesco di Marco Datini mercante e benefattore, Prato, 1897, réinqiriiné dans
les Conférence Florentine, Milan, 1901 ; t'arradori, F. di M. Datini mer-
cante pratese del sec. XIV, Prato; 0. Daini, Notizie storiche mita Pin
Casa dei Ceppi e su F. di M. Datini da Prato, Prato, 1910.
• Voy. dans C. Gruasti, op. cit., les lettres 12, 1 18, 234.
' C. Gnasti, op. cit., II, p. 349.
104 (K'EI.IJUES ITALIENS Ii'A VKiXIlN AT XIV*: .SIÈCLE
ailleurs; à peine Mvitit il .itteiiit sa innjorité (|ii'il deiiiaiula et ob-
tint le partage dii patrinioiiu* paternel et se rendit à Pise '.
CiMiihien denienrat-il ilans ee grand port de commerce, nous
ne savons: alla t-il sï-falilir ailleurs, c'est probable, et Guasti le
propose ', sans en avancer d'ailleurs aucune preuve, mais les ar-
cliives sont muettes il cet égard. Une chose certaine c'est que nous
le voyons fixé à Avignon en 1358 ^. Le choix était heureux. Dé-
liais (|Me la résidence des papes faisait de cette ville la capitale du
inonde clirétieii. ratiliicm e des pèlerins, le luxe des eardinaiix, le pas-
sage continuel df^ ambassades, le séjour des princes à la cour pon-
tificale, tout ce mouvement d'hommes et d^irgcnt favorisait le com-
merce d'une f.-ieoM |iarticnliéi-e. D'Italie, de France surtout, les mar-
chands, les liaiiquiers, les changeurs accouraient * : il n'y avait pas
de grosse maison qui n'eût des représentants dans la ville papale '.
' V. Guasti, ijp. lit.. 1, |], xviii,
^ « Diconolma non ne lio docmnento) che. lasciato iu l'isa il tratiieo
in luano a un coinpagno, passasse a Genooa; e quivi pure fatta com-
pagnia, se n'and.asse a Valema e a Barcellona « . — Ces villes sont pré-
ciseiuent celles où il eut plus tard des comptoirs et des associes, mais
rien ne prouve ((u'il les ait habitées.
■' Acte de i)rocni:Uion du 21 février 1358 reproduit par C. Ouasti.
op. cit.., p. xvui (Florence, Arch. dijjlo-m. provenant des Ceppi de Prato'.
* Voy. C. Piton, Les Lombards en France et à Paris, Paris, 1892;
La Sorsa, L'organizzazionc dei camhiatori fioreitiini nel medio evo, Ceri-
gnola, 1904. Consultez aussi Yver, Le commerce et les tnurchaiits dans
l'Italie méridionale au XIll' et au XIV' siècles, Paris, 190:!, et Peruzzi
Storia dcl cnmmercio e dei bancUieri di FIrtiise, Florence, 1868.
= Peut-être que l'appât du gain n'était pas le seul mobile de Fran
cesco qni pensait rencontrer de nombreux compatriotes sur les bords du
Kliôiie. I,c cardinal de Prato, Nicolas Albertini, ipii avait tant fait pour
fixer dans le Cointat Clément V, avait certainement attiré autour de lui
des gens de la ville natale, et depuis sa mort, survenue en 1321, les
relations n'avaient pas cessé cntie Prato et Avignon. Nous relevons par
exemple dans Schafer, Die Auagahen dcr apostoliachen Kammer... Pader-
born, 1914 {Vatikanische Quellen... ron der Gorresfie.'selhchaftjt. IU) quel-
ques individus originaires de Prato, parmi lescpiels Pantins, cainérier du
pape en 1335 (p. 23\ Bernard, sergent d'armes du roi d'Aragon en 1353
(p. 523}.
Qt'BLljrBS ITALIENS d'aVIGNON AU XIV^ SIÈCLE 105
A côté d'antiques et de riches maisons eoniine celle des lîardi,
des Peruzzi, des Alberti, celle de Francesco était bien modeste.
En 1367 encore', ce n'était qii'nne boutique de peu d'importance,
mais il 'y dépensait une activité inlassable et ses affaires ne ces-
saient de s'étendre. Sa spécialité était la vente des armes, les temps
étaient favorables à ce genre de commerce ' ; mais en même temps
par le procédé si souple de la société en commandite ^, il avait
des intérêts dans de multiples affaires *. De Florence, il faisait
venir des tableaux à sujets religieux, des émaux, des ornements
sacerdotaux, de beaux coffres peints, de Crémone des draps fins, de
Gènes des voiles do coton, de Venise des soieries, d'Espagne des
épices, de Bourgogne des toiles, de Paris des chaperons de couleur;
sa fortune croissait de Jour en jour. Un événement qui aurait pu
la compromettre vint au contraire lui donner un essor inattendu.
La mésintelligence qui depuis deux années s'accusait entre Flo
rence et le Saint-Siège '', éclata au consistoire du ^!l mars 1376,
lorsque Grégoire XI lança l'interdit sur la ville rebelle, révoqua
tous ses privilèges et confisqua tous ses biens ". Un des premiers
effets de l'exconimunicatiiin fut l'expulsion des marchands Horen-
tins d".\vignon ". Francesco Datiiii échappa à cette mesure, sans
' A cette date commence la s:nie inimciroiiipiie des registres du fo»-
daco d'Avignon.
- C'est le moment où les grandes compagnies et tous les pillards
ciu'ellcs traînaient à leur suite ravageaient le Comtat.
' E. Bensa, I)i alcune importanti notizie attinenti alla sfon'a del dt-
riito commerciale che emergono dai dociimenti delV Archivio Datiiii {Atti del
Ctnigreaxn internagioniile di scienze storiche, Rome, 1901. vol. IX, p. lO.ôl.
* En particulier le commerce du sel; voy. dans les registres d'.\vi-
gnon le Memoriule -IS (1368-1370), p. 186 et suiv.
^ A. Gherardi, La guerra dei Fiorentini con papa Gregorio XI detta
la gnerra degli oito Santi... Florence, 1868.
"* F. I, Perrens, Histoire de Florence, t. V, p. 121 et suiv.
" Ils auraient été au nombre de 600: voy. Croît, pis., R. I. S., t. XV,
col. 1070. — Selon Poggio Bracciolini. R. I. .S., t. XX, col. 233, plus
de 500.
106 wUELQrtS ITAI.IKN.S d'aVIIINON" AT XIV'- SIÉCI.K
(liie MOUS safliioiis cxaftiMiieiit pDiirquoi. A vrai dire il était de
Prato et non de Floiviioe. cette raison pouvait à la ri;^iieiir suf-
fire '. Xoiis eroyoïis ])liitôt (lu'il avait su déjà s'assurer de puis-
santes amitiés, à la four imntitieaie - et que ses coffres s'étaient
généreusement ouverts aux tVé(iU{iits emprunt-^ di' la f^'liaiii^re apos-
tolique.
Franeeseo restant à jieu près seul sur le mai-clié d'Avi-^non ^,
ses aff.iires prirent une extension eousidéralile. Il était rielie, il
venait de faire eoiistruire une lielle maison', il avait 4ii ans: ses
amis l'engageaient vivement à se marier, jugeant (|ue la vie qu'il
menait Jusqu'alors était peu digne de son rang ''.
Notre mai'cliand s'aperçut al<irs qu'une de ses voisines, veuve
d'un certain Domenico Bandini, exécuté à Florenee lors de la ré-
\idution des Ciompi, avait deux filles. 11 demanda l'une, Marglie-
rita. en mariage: elle ne lui apportait rien'' mais elle a\ait vingt
ans. Les noces se firent ;in carnaval de l'aiiuée l;l7l> '.
« lo credo clie Dio ordiim ([uando na(|ni ch'io dovese avère mogle
elle fose lîoi-entina, clie tanto io credo averlla tolta una fanciilla
' C'est celle qu'indique Bonin.segna di Matteo, son associé d'Avignon,
dans une lettre qu'il lui adresse en 1384 en faisant allusion à ces évé-
nements.
- Nous avons relevé dans les registres d'Avignou des traces de ses
étroits rapports d'amitié avec le maréchal du pape Aymar d'Aigrefenille,
et surtout avec le fils de ce dernier, Jean d'Aigrefenille. seigneur de
firaniat. (Lot, arrond.' de Gourdon).
^ Notons cependant qu'un bon nombre de tlorentins étaient demeu-
rés dans la ville. Voyez à cet égard un document curieux déjà signalé
par de Loye dans l^s archire.t de la Chambre Apostolique au XIV' s.
{liihl. (les &. franc. d'Athènex et de Bonie., fasc. 80t la liste de la popu
lation d'Avignon en 1378 [Jiey. Aven. Greg. XI, 32, f. 428-507).
* - 0 trope chose ne! chapo e tutti volta foe murare e bastire una
bella cliasa e botegha...» Lettre du 2S mars 1374 a Moima Piera di
Pratese {Cartegyi prirati dirersi. cartella E .
^ C. Guasti. op. cit.. p. xxxin.
"^ Id., I. 28. 74.
" Voy. le document publié par <). Dami, op. cit., p. 30.
QUELQUES ITALIENS d'aVIGNOX AU XIV- SIECLE 107
cli'a nome Marglici-it:i, hiqiiale fue fig'luola (li Doraenicho Baiidini
iilqiiale fue taglata la ttsta a Firenze, gia fa piu tempo, clie fue
aiHiolpato (lare Fireuze a miinsingiiore '. La madré di (luesta faeulla a
nome Mona Ivanora, seroclia del Pilice Gherardini %• rimase di questo
Domenielio III fanculle e III figluoli: e la donna giovnne di venti
anui, liiiona donna cliome fnse mai inPirenze etenutauna altra nionna
Diana; Tuua serodia e maritata a Firen/.e a uno cifa nome Nieeliolo
del Amanato. (•on])angiio di me^er Pazino, l'altre due sono qua mie
vieine cliola madré e elio fratelli. lo elionoscho loro ed eglino eho-
nosclieno me, e grande tenpo cli'ahiamo anta amista inscrae... » ^.
Franceseo vécut eneon- quelques, années à Avignnn, mais il
n'avait jamais perdu l'espoir de retourner dans sa patrie et les amis
qu'il avait trouvés eu Provence ne pouvaient lui faire oublier ceux de
Toscane '. Vax 1382, après avoir laissé sa maison entre les mains d'as-
sociés très surs ', il quitta Aviguim où il avait vécu plus de oO ans.
Francescii était sans doute heureux de uioutrer à ses compa-
triotes sa jeune femme et de j'ouir de la considération que lui valait
' Baitolonieo des Medici que le parti de lopposition avait mis à sa
tète en septembre 1360. Fossati, Il tiimulto dei Ciompi con l'aiuto di
n'wvi docitmeiiti, p. 91, dans les Ptihblicazioni del R. Istituto di studi su-
periori in Fireme. sesioïie fiJosofia e filoJopia, vol. I, lô juin 1873. Dans
la liste des conjurés condamnés par contumace: T)ominicnm Donati Ban-
dini, populi Saneti Tridiaui, ... condeunati nella testa e confiscazione dei
béni... (p. 20.5). Il ne fut exécuté que lors du soulèvement de 1364.
■ Costoro furono quegli che voUeno guastare lo stato di Firenze...
J)oinenico di Donato Bandiiii, del Fondaccio, fugli mozzo il capo... Pel-
licia Gherardini della casa de" Oherardiui . . . Tutti costoro volievano so-
vertire il popolo di Firenze. [Diario d'anouivio fiorentino, dans les Doev-
menti di sioria itnliaiin^ T. VI, p. 298).
. ' Lettre du 28 août 1376 à Monna Fiera {Ccirley. prir. diversi, car-
teUa E).
* Jusque Ifi la guerre de Florence avec le pape ne l'engageait guère
à rentrer, mais le parlement de 1382 remettant un peu d'ordre dans la Ré-
publique, le moment lui sembla favorable. (C. Guasti, op. cit., p. xxxvii).
' Boninsegna di Matteo e Tieri di Benci. Voy. l'excellente intro-
duction dont le prof. S. Xicastro a fait précéder l'inventaire des archives
de Datini. {Gli archiri della Storia d'Italia, série II, vol. IV).
10>S tJl'EI.QlES ITAI.IKNS Ij'aVICNON AC XIV> SIKUI.K
une lortunc (li;j:i légeiulaire ; dès son nîtoiir :'i Prato, il s'occupa de
construire un palais et de le faire décorer par des artistes choisis
avec soin ', mais sou activité était trop grande pour qu'il al>an-
donnât déjà les affaires. Cette année même il fonde une couipa^jnie
A. Prato ■', puis Tannée suivante, en 1383, une compagnie à Pise '.
A ce moment il s'établit industriel; Varie délia htna tlorissait à
Prato depuis de lonj^nies années, Francesco décide d'avoir une fa-
brique M son prdjire cumpte '. En 1383 enfin, il est « tavoliere »
c'est à dire lianquier, au marché neuf de la Porta Rossa, à Flo-
rence ''. Toutes ces sociétés g-ardaieut avec Avignon et les grandes
villes commerçantes du bassin méditerranéen les relations les plus
étroites.
Pour achever cette rapide énumération, signalons les derniers
<( fondar/ii » créés par Datini, celui de Gènes en 1392, celui de
\'alence en Espagne en 1393 : la même année celui de Barcelone
qui lui survécut et dura jusqu'en 1-tll; enfin, le dernier en date,
celui de Majorque qui s'ouvre en 1395.
Cependant au milieu de tant d'entreprises qui réussissaient
toujours à souhait, Francesco n'était pas heureux; il se désolait
de n'avoir pas d'héritier '' et pour fléchir la nature il s'adressait
' C. (xuasti, 02>. cit., p. xlii et suiv. Cet auteur a" publié le plus
grand nombre des lettres d'artistes adressées à Datini. Ce palais existe
encore, c'est aujourd'hui la Pia casa dei Ceppi i|iii abrite les archives
' S. Nicastro, op. cit., p. xv.
* 7fî., p. xvii.
■• /(/., p. xvr
^ Id., p. xvii. Sur l'rato, voy. la BihlioijralUi pralcsc, Prato, 184-1.
IjBs histoires de Prato sout demeurées manuscrites, voy. S. Nicastro,
op. cit., p. II en note.
" C. (jtuasti, op. cit., p. xi.v et suiv. parle assez mystérieusement
d'une tille naturelle de Francesco, Ginevra. Elle fut mariée en 1407 à Léo
nardo di Ser Tomaso. {Cait. fam. e priv., cartella X).
' En 1395 encore son ami, maître Naddino, médecin du pape Be-
noît XIII, envoie à sa femme certaine ordonnance dont il avait éprouvé
l'efficacité sur une de ses clientes d'.Vvignon. {Cart. fam. e priv., car-
tella VI,.
QUELQUES ITALIENS d'aVIGNOX AU XIV: SIÈCLE 109
aux raérleehis les plus réputés. Cette situation le rendit plus apte
à écouter les pieuses exhortations d'un de ses amis, le notaire ser LapjM)
Mazzei ', et pour obéir à ses conseils, il décida de léguer sa for-
tune à une œuvre charitable établie à Prato depuis longtemps déjà,
les Cepjii dei poveri '-.
Ce qui intéresse plus directement l'historien que cet acte de
philanthropie, c'est la disposition particulière du testateur' qui voulut
qu'après sa mort toutes les archives des différents comptoirs fondés
par lui, des compagnies de commerce dont il avait fait partie,
toutes les lettres même échangées entre lui et ses multiples cor-
respondants fussent réunies et conservées dans sa ville natale. Cette
heureuse disposition fut rigoureusement exécutée, et en dépit des
pertes et des accidents survenus, elle explique la présence à Prato
d'archives peut-être uniques au monde.
Nous n'entreprendrons pas la description de ce fonds que Livi
a classé avec soin ' et dont le professeur 8. Nicastro a publié un
inventaire excellent ^ rendant faciles les recherches ''. Pour donner
une idée de son importance, nous dirons seulement qu'il renferme
plus de 700 registres uu caliiers et environ 420 liasses contenant
' Ses relations avec Datini remontent à 1390: C. Guasti. op. cit.,
p. Lxvi et suiv.
' Sur le sens de ce mot et l'oiisine de l'iastitiition. voy. 0. Danii,
op. cit., p. 13 et suiv.
' Testament du 31 juillet 1410, publié par C. Guasti, o^j. cit., t. II,
p. 273 et suiv. Datini mourut le 16 août 1410 et fut enterré dans l'église
San Franeesco de Piato.
* G. Livi, L'arehirio ai un mercante toscano del sec. XIV, dans l'Ar-
chivio storieo italiano, sér. V, tome XXXI, p. 425; brève connnunication
signalant leur intérêt. L'auteur a donné un meilleur aperçu de son tra-
vail, ainsi qu'un inventaire paitiel et des extraits de documents dans
une brochure intitulée: DfiU'nrdiiiio rli F. Datini menante pratese, Fi-
renze, Lumachi, 1910.
^ Voy. plus haut p. 107, note 5.
^ Nous tenons à remercier M. Franchi, prorreditore de la Fia casa
dei Ceppi de Prato de la bienveillance avec laquelle il a favorisé nos
recherches dans le riche dépôt confié à sa garde.
110 l^L'EUilj'ES ITAI.IKNS UAVKJXON' Af MV»: SIÈCLE
lilus (le 100.000 Icttri's ', sjiiis fMtiii))t<'r le-i iiièces détachées ile pr.i-
venaiice diverse.
Cette masse iniposanti- de dueumeiits est répartie eu autant de
séries (iiiil y a eu de « mgioni » c"est à dire de maisons fondées,
plus deux séries comprenant les « es/rane/ s> et les « /Ihe e f'rnm-
menfi ». Chaque série se subdivise eu deux sections: dans la pre-
mière, les « lihri *, les livres de comptal)ilité, rangés par catégories
{Cumpioni. Mi'moriali, lîicorfJanzr. atc.) et jiar ordre chronulogique,
dont hi iiuménitation est continue: dans l.i seconde, li' « rartfififfio »
comprenant lii e()rrespondance commerciale, les lettres étant classées
dans l'ordre alphabétique des villes dont elles proviennent. Il convient
de faire dans la série de Prato une place spéciale à deux groupes de
lettres précieuses, le <,< cartcyyiu /'(tiniliare e privato » contenant la
correspondance échangée entre Franeesco et ses parents et amis, et
les « cartcggi priruti âhersi » formés de lettres de caractère privé.
Il nous reste maintenant à chercher ce qu'on peut tirer de cette
source si importante de documents. Leur nature môme a invité les
érudits à les utiliser pour l'histoire du conimeroe ". A cet point de
vue ce n'est |).is leur ancienneté (pli les rend particulièrement pré-
cieux ■'' mais plutôt leur richesse, leur ét:it de conservation et leur
' S. Nicastio, op. lit., p. II, reproduisant une noie de Livi, (-value
ce nombre à 140.000. Les liasses (pie nous avons d(''pouillçes rent'evnianr
en moyenne de 230 à 250 lettres, le cliift're que nous donnons ne nous
paraît i):>s exagéré.
- E. Bensa, Di alcime importnnti notizic nitinetiii alla aioria del di-
ritto commerciale clie emeryono dai documenti dell'archivio Datini {Alti
del Coiiriresso inteni. di scienze storiche, Roma, 1003). L'auteui- a indi(iu('-
combien cette étude pouvait éclairer les origines du droit connnen-ial
moderne. — G. Arias, Le societîi di commercio medierali in rapporto con
la Chiesa (Arch. di Storia patria, vol. XXIX, p. 351). — Signalons enfin
un récent ouvrage du prof. Corsani, non encore paru en librairie, snr la
comptaliilit(' employée par Datini et ses agents et en particulier sur la
(piestion de la tenue des livres en jiartie doidile.
' On conserve en Italie des archives coniniereiales beancoiqj plus
anciennes (voy. Yver et l'enizzi, op. cit.,). Poui' la France, voy. Blan-
QUELQUES ITALIENS D'aVIGNOX AT XIVE SIÈCLE 111
composition. Pour chaque « ragione » une série presqu'intégrale de
livres de compte, la eoiieordaiice des divers registres, grand livre,
entrées et sorties, livrc> de caisse, etc., nous permet de suivre de
près les différents opérations commerciales, de faire des recherches
rainutieu.ses et d'obtenir des résultats précis.
Signalons en passant ' les indications multiples qu"on peut eu
tirer sur la vie économique au moyen-âge, les grandes routes com-
merciales, les moyens et les frais de transport par terre et par mer ',
le trafic de Fargent. les relations de l'Italie et de la France mé-
ridionale avec rOrieut '\ autant de questions qui mériteraient une
étude approfondie.
Il ne faudrait pas croire cependant que ces archives d'une
maison de commerce du XIV' s. n'intéressent que . les économistes,
Farchéologue pourra les consulter avec fruit pour l'histoire de l'ar-
mement et du costume en général ^ ; l'historien d'art relèvei-a des
notes aliondantes sur le commerce des tableaux et des objets d'art
à lette époque, utiles pour expliquer la diUusion et l'influence de
l'art florentin.
Ce qui fait, à nos yeux, la valeur exceptionnelle de ces archi-
ves, c'est la masse vraiment funsidérable des lettres qu'elles con-
card, Documents inédits sur le commerce de JlarseiUe au 37. aye (XIII" s.),
Marseille, 1884-5, 2 vol. — Voy. également divers articles de Forestié
relatifs aux livies de compte des frères Bonis raarclumds à Montauban
an XIV*" s. {Arch. hist. de (htscogne, n"' 20. 2.3, 26).
' Xous avons l'intention de consacrer un pioehaiii article à une des
plus anciennes compagnies dont ces archives aient gardé la trace, celle
conclue, en ]3(i7, à Avignon entre Francesco di Marco et Toio di Alberto
de Florence.
' Voy. E. Bensa, Il contralto d'assicurazione nel Medio Kto, Gênes.
1884. Les éléments de ce travail sont tirés des archives de Prato.
^ Sans intérêt est déjà signalé par G. Livi, DalVarchivio . . .
' Signalons comme exemple dans le carteggio de Barcelone (lettres
d'Avignon, année 1393) une lettre contenant des dessins de tissus, en
l'espèce des velours à deux tons. On conserve même à Prato, une lettre
datée de 1405 à laquelle sont encore attachés des échantillons de drap.
1 !2 y(Kl,(ilK.S ITAI.IKNS DAVIONON AT XIV'- SIKtLK
tieiinfiit '. Fi-.iiirescip avait des agents vt des cniTespoiidants répan-
dus dans tonte l'Kurope méridionalo, et c'étaient des gens de toutes
conditions, des niarrliands pour la plnpart, mais aussi de grands
seigneurs, des princes de l'Kglise ", des littérateurs, des ai-tistes ^,
des médecins ■•. Les lettres (jui, par leur valeur littéraire, ou parce
qu'elles étaient signées de noms connus, ont attiré l'attention des
érudits italiens, sont maintenant publiées en grande partie, mais
les autres ne sont pas à dédaigner *, elles nous donnent sur la vie
privée du temps des renseignements vivants: ce sont des documents
humains de premier ordre pour une époque qu'il iic tant ])as seu-
lement étudier à l'aide de sources diplomatiques.
Il n'est pas jusqu'aux lettres de nature commerciale qui n'aient
leur utilité pour l'Iiistoi-ien. On l'a déjà dit ". et à juste raison,
les marchands du moyen âge peuvent être considérés comme les
premiers journalistes. Les événements politiques, en ce temi)s là.
comme aujourd'hui, avaient une répercussion .sur les changes et sur
les prix, les mouvements de troupes faisaient la vente ou la nié
vente, les guerres on les désordres entravaient ou arrêtaient les
moyens de transport, autant de motifs pour se tenir, aussi exacte-
ment que possible, au courant des événements. Voilà pourquoi il
ne faut pas craindre de i)arcourir cette volumineuse correspondance,
au milieu de l'énuniér.ition fastidieuse des marchandises reçues et
' Voy. p. 110, note 1.
- S. Nicastro, op. rit., p. 111 et suiv. Il cite liiiiaUlo degli Alhi/.zi.
Niccolô da Uzano, Guido dcl Palagio. les Strozzi. les Bardi. les Corsini.
les Fiescobaldi. les Pugliesi; les cardinaux Ammanati, d'Ailly et ("ossa.
3 Voy. p. 108, note L
* L'intérêt de leurs lettres est indiqué par G. Livi {.lich. stor. itiil..
sér. V, t. XXXI, p. 4-25).
^ Signalons également l'intérêt philolojrique de textes aussi anciens
CM langue vulgaire. Quoi(pie la grande majorité des correspondants soient
italiens, ou trouve des lettres en provençal, provenant de Marseille. d'Arles
et des Martigues (B. du Rli.), d'autres en catalan. Il existe même des
pièces en arabe et en liébreu.
i» G. Livi, oj). cit.
yUELQLES ITALIENS d'aVIGNO.V Al' XU'K SIÈCLE 113
expédiées, on trouvera de place en place la mention d'un fait con-
temporain, daté avec précision, souvent transcrit par un témoin
oculaire, et qui nous offre parfois le moyen de savoir ce que les chro-
niqueurs ne nous disent pas '.
Tels sont, rapidement éuumerés, les renseignements qu'on peut
demander aux archives de Datini, elles sont assez riches pour y
répondre. On jugera sans doute qu'elles méritent d'occuper une
place de premier ordre au milieu des archives commerciales trop
souvent considérées comme négligeables. Peut-être même, qu'à un
point de vue plus général, elles pourront figurer en bon rang parmi
les sources de l'histoire des paj's méditerranéens.
Robert Brun.
' En particulier les lettres de Cirioni sur le siège de Pise (1405-6)
et celles de Piero di Benintendi sur la domination française à Gênes.
Mélanges d'Arch. et <lllist. ly-i3.
ELPENOR A ANTIUM?
Dans son Histoire des Antiquitr's Romaines, I, 72, Deuys d'Ha-
licarnasse cite Aristote comme ayant raconté que des guerriers Acliéens
après la guerre de Troie étaient venus sur les côtes de la mer
Tyrrliénienne : «ApiCTOTÉ^ïi; Se ô cpiXodoço; 'A/xioiv tivz; ['Ttcoeî...
tëT^E'jtwvtx: slQsïv sî; tÔv tottov tî); O"!/.'?;; o: •axIz'.zx'. Aa-
Dans son bel ouvrage sur Virgile et les oritjines d'(>stie, p. 201,
.1. Carc.opino, citant ce texte à son tour, après avoir dit qu'il re-
produit la leçon de tous les manuscrits de Denys, fait justement
remarquer, quïl ne comporte que deux interprétations: «Ou bien
l'on donne à rô-o; le sens de contrée, et par Aartviov, c'est le
Latium qu'il faut entendre, mais alors il convient de corriger Aa-
Tiv'.ov en Aarivr.. Ou bien plutôt l'on prend to-o; dans l'accep-
tion restreinte d'une localité précise: mais alors comme ou ne Don-
nait aucune ville de ce nom en Italie sur la mer Tyrrhéuieune,
il faut corriger, comme l'a fait l'éditeur Kiessling, Arriviov en
Aaouîvtov ».
.le crois aussi qu'il faut plutôt prendre t6— o; dans l'acception
d'une localité précise, mais j'hésiterais à changer Aa-tv.ov en Az-
'ji'.-i'.'yi, avec Kiessling: je le cliangerais plutôt en ''Avti&v. En
d'autres termes, la localité visée par ce texte est pour moi la vieille
ville latine d'Antium, située sur la mer Tyrrliénienne.
Paléographiquement, on a pu, si je ne me trompe, pa.sser aussi
facilement de "Avtiov que de, Aa&'jiviov à Aariviov, surtout dans
l'écriture capitale (ANTION): et géograpliiqueraeiit. Antium me
116 EI.Pfc.NOU A anthmV
scnibli' n'-])oM(ln' .iiissi l)i(ii mu luoiii» (jik' L.iviniuni aux cxi^rcnfcs
(lu texte.
M:iis il va, à mm sens, uik^ nii'illciirc raison de pivIVTi;!' Au-
tium. C'est qu'Homère nie semble s'être fait, bien avant Aristote,
réolio (le la même tradition, et avoir visé le site. d'Antium, dans
le r(''cit de raventiirc d'F.I])énor.
Celle-ci est racont(ie dans l'Odyssi-e, aux chants X, 552-560 ;
XI, 51-78; et XII, 1-15. Rappelons-la brièvement: «Il y avait,
dit le iioèto, un tout jeune lioinmc qui n"ét;iit p;ts très brave k
la j;ii('ire, ni d'esprit liicu (■quilibré. Sur le toit de Cireè. où il
('■tait venu ciierclii r le trais, il s'était couehé, ai)j)es;uiti )iar le vin.
Et il dormait à l'écart de ses compagnons, lorsque, réveillé en
sursaut par le brouhalia du départ, il se leva soudainement, et
oMbli:iMt i|iril devait revenir en .ai'rière (z'!/Oiiov) pour descendre par
le grand escalier, il alla du côté opposé, en face ly.y.-:yM~iy.:.{j),
et tomba du toit. Il se rompit le cou et son âme descendit chez
lladès ».
Des enfers, Elpéiior renionte vers la lumière iorscprUlysse vient
à l'entrée, et après lui avoir rac<intè sa fin ni.ilbeurense, il le sup-
plie de veiller, lors(iu'il sera retourné à l'ile d'Eaea. chez Circé, h
brûler son corps, et ii lui élever au bord de la mer un tumulus
(cYi'j.y.), « monument, dit-il. d'un malheureux, qui piquera la cu-
riosité des hommes il venir ».
Ulysse revenu chez Circé fait ce qui lui a été demandé. On
l)riile le cor|)s au bord de la mer, à l'extrémité de la lanç/ue de
terre (jiii s'tirarice dans lis flots (6f)' «xpoTaTr, Tz^ôz/' y.'A.Tr,) ; on
élève \\n nTt'j.y et on place dessus une sfèle et une rame.
\'oil;'i l'épisode d'Elpéilor.
Les philologues les moins portés aux interprétations géographi-
(jues du texte homérique reconnaissent que le poète a une pensée
de derrière la tête. Ils soupçonnent, dans son insistance ;V préciser
ELPÉNOR À ANTIUM? 117
le lieu et les circonstances de la séi)ulture, une intention qui est
à dégager.
Cette intention, il ne semble pas malaisé de la découvrir quand
on prend garde au dessein qu'ont manifestement poursuivi d'au-
tres poètes eu racontant des aventm-es semblables. L'un de ceux-ci
est l'auteur de l'Enéide. Son intention est claire quand il invente
les aventures de Misène et de Palinure, et l'apparition de Thybris
à Enée '. Il connaît sur la côte italienne deux caps, l'un appelé
Palinure, l'autre Misène : près de l'emboueliure du Tibre un vieux
temple a existé, centre d'une fédération religieuse. Il veut expli-
quer les noms des caps, et l'origine du sanctuaire. Il invente les
épisodes de Palinure et de Misène et l'apparition du vieux Dieu
local, à Enée, à qui il annonce la future construction d'un temple en
cet endroit ". On est donc fondé à croire qu'usant d'un même pro-
cédé le poète Odysséen a voulu expliquer l'origine du nom de
quelque promontoire peut-être surmonté d'un tertre tunuilaire avec
stèle, ou lui-même en forme de tumulus.
Dans l'Iliade, comme dans l'Enéide, il est question, en divers
endroits, de tel ou tel (7"Ôu.« ou ;j.v?;y,a consacré à un personnage
plus ou moins célèbre (de Sarpédon, en Lycie, IL. XVI, 45.5 sq.;
de Miryna. en Troade, 77., II, 813, 814). Achille, après la mort
de Patrocle, demande qu'on lui élève un haut tumulus au bord de
rUellespont, {II., 23, 248), et qu'après sa mort à lui on en élève
un autre plus grand à côté de celui de Patrocle. Et aujourd'hui
encore, dans la plaine de Troie, auprès du cap Sigée, ou montre
deux tumulus situés à côté l'un de l'autre, et présentant la dif-
férence de proportions qu"indi(|ue le poète. Il les avait donc en
' V. .En., V, 835; VI, 327 sq.; VIII. fô.
' Au lieu de exit., dans le vers: « Hic milii magna domus celsi caput
urbibus exit », je propose extet, qui vaut mieux pour le sens et liont la con-
fusion avec exit était très facile dans l'écriture capitale. EXTET ressemble
à EXIT dont on fit exit pour le vers. En sens contraire, L. Havet et Car-
copino, op. cit., p. 55.3, n. 5.
118 EI-PfeNOU À antil'mV
vue (vniimc des ri;;ilitr-s existantes, lorsqu'il iinai^iiuiit les reconi-
iiKUiil.'itiims (rAcliillc.
Il est donc à sui)])oser, que romme raiitirui- d»- THnéide, et ce-
lui (le l'Iliade, quel qu'il soit, le poète Odysséen a visé quelqut?
ré.-ilité fréographiqup, et comme il place chez Circé et aux environs
l'aventure d'Elpénor, il est vraisemblalile que ri/.:oTXTr, T/.-rr ,
dont il parle, doit être cherchée dans les environs de Monte Circeo
où la tradition j)lace le séjour de la magicienne.
Avons-nous le moyen d'appuyer cette hypothèse ? La question
relevant de la géographie, c'est à la géographie d'aliord qu'il con-
vient de donner la parole.
Un document du plus haut intérêt est le périple de la Médi-
terranée attribué à Seylax de Carianda. Il a été retouché, croit-on
au IV" s. avant notre ère. Mais les renseignements qu'il renferme
sont dignes de foi et remontent souvent, comme ceux des péri-
l)les, à \ine haute anti(iiiité. Si nous ouvrons ce périple, et que
nous y suivions la description des côtes de la Méditerranée dans la
région qui nous occupe, nous lisons ceci . . .
<;< T). Tyrrhéniens. A partir d'Antihes est la nation des Tyrrhé
niens jusqu'à la ville de lîonie.
li. 7. Les iles de Corse et de Sardaigne...
8. Les Latins. A la Tyrrhéuie confine le pays des Latins, jus-
qu'à Circei. Le monument d'Elpénor ito I''.a-/;vo;o; ii.'ir.ij.y.) t'ait
]>artie du ))ays latin. La navigation le long des côtes latines est
d'un jour et d'une nuit.
9. Les Volsqnes . . .
10. Les Campaniens. .\ux Volsques confinent les Campaniens.
Les villes grecques en Campanie sont : Cumes, Naples. La naviga-
tion le long de l;i Camji.inie est d'un jour ».
On remarquera la brièveté de ces indications, et que si elles
nous renseignent sur la durée des circumnavigations, elles ne nous
ELPEKOR A AXTIUM .-' lll»
font pas connaitre la distance d'une ville à Tautre sur la cote, ou
même d'un point à un autre, en dehors des terminus. On ne nous
dit rien, par exemple, de la distance de Ciimes à Naples, ni de
celle du tumulus d'Elpénor à la Tyrrhénie ou au Circeo. Un poète
qui utiliserait de tels documents serait exposé à altérer les rap-
ports de distance.
Le renseignement important, ici. c'est l'existence sur la cote
du Latium, entre Circei et Rome, d'un tumulus d'Elpénor, et cela
à une époque très ancienne, car vraisemblablement ce o.v^y.z est anté-
rieur à rOdyssée, comme les tumulus qui portent les noms d'Achille
et de Patrocle le sont à l'Iliade, comme les caps Palinure et Mi-
sène le sont à l'Enéide.
Peut-on eu déterminer l'emplacement d'une façon un peu pré-
cise? Je le crois. Le fait que, le poète place l'aventure d'Elpénor
chez Circé invite, nou* l'avons dit, à chercher son tumulus de ce
Coté, mais d'a|)rès le péri|ile, il ne faut pas le chercher à Circei
même. Si en effet il avait voulu le mettre là, le géographe aurait
parlé autrement. Car quand il écrit que le pays des Latins s'étend
jusqu'à Circei, c'est jusqu'à Circei exclusivement, tout comme plus
haut quand il dit que la Tyrrhénie s'étend jusqu'à la ville de
Rome, il met Rome hors de la Tyrrhénie. Donc pour lui le avry.z
fait partie du pays latiu; il le dit expressément, mais pas Circei.
Ils ne sont donc pas à la même place. Il faut donc le chercher au
pays latin, et, d'après le poème, sur une langue de terre qui s'a-
vance dans la mer.
Or, entre Circei et les Bouches du Tibre, il n'y a guère que
deux promontoires de ce genre : la pointe d'Astura et celle d'An-
tium. La première ne semble pas avoir présenté d'intérêt pour la
géographie ancienne. Du moins Strabon, entre Rome et Circei, ne
mentionne cju'Antium. C'est donc plutôt, semble-t-il, au promontoire
où s'éleva le très ancien établissement latin de ce nom, qu'il faut
rattacher le 'J.^ir.ij.x d'Elpénor.
120 ELPÉNOR À ANTIIM?
A cette suggestion de lu géographie l'ononuistiquc donne, je
crois, une confirmation intéressante.
Pour des Sémites (Carthaginois, IMiénicicns i)iirs ou plus uu
moins hellénisés comme les Chalcidiens qui fondèrent Cumes au
XI'' s. avant notre ère) ces expressions, deiant, en face, ont un sens
particulier. \ e:in^e de leur manière de s'orienter, en se tnurnant
non pas, comme nous, vers le nord, mais vers l'est, ce qui est </'•■
rant pour eux est au lerant, l'i l'orient. Il en est de même, na-
turellement, de ce qui est vers la lumière, face h la lumière. Or
cela se dit justement el-peneij-or. Elpénor est donc, pour des Sémi-
tes, ou des Grecs connaissant une langue sémitique, le doublet sé-
mantique, l'équivalent au point de vue du sens, à la fois du grec
àvTiov, 3:vT!/.p'!i, et du latin Antium.
Mais ici une objection est h écarter. Klpénor, à moins de raison
contraire, doit être interprété d'après le grec. C'est vrai. Le mal-
heur est que l'explication grecque de ce nom « l'homme de resjié-
rance » va contre le récit de sa malheureuse aventure, et tout particu-
lièrement contre l'épithète de malheureux. «''"/)g 6tJ'7vr,vo:, que lui
donne le poète. Même en admettant une explication grecque du ntun
d'Elpénor, il resterait que le poète a établi sa l)roderie poétique
sur un [Aviiaa historique, situé sur la côte du Latium.
Mais une interprétation sémitique e«t d'autant plus légitime,
qu'outre qu'elle explique certains détails de l.-i mort accidentelle
du personnage, le passage abonde en façons de jiarler <iMifi(rmes à
celles des peuples sémitiques. Ainsi la plupart des commentateurs
de l'Odyssée sont d'accord pour admettre que le nom de Cimmé-
riens, dont il est question en cet endroit (11, 14, sq.) et que le poète
fait vivre dans une nuit funèbre, se rattache au sémitique Ivimmer,
lequel signifie obscurité, ténèbres. Il faut bien reconnaître aus*i
qu'en parlant, à propos du pays de Circé (XII, 3, -1) de « la maison
de l'aurore » le poète emploie une expression semblable à celle
dont use l'auteur du livre de .)ob, lorsqu'il parle (XXXIII, 19-20)
ELPÉNOR À ANTIUM ? 121
de « la maison de la lumière, et de celle des ténèbres ». Enfin
rauteur de l'Odyssée connaît la façon de s'orienter en se tournant
vers Test, et cluv. lui aussi, ou Ta fait remarquer, « derrière » si-
gnifie quelquefois « à Votiest >>, et <.< vers la lumière » « à l'est ». Ho-
mère dit d'Ulj'sse, par exemple, que beaucoup d'iiomuies en ont
entendu parler, soit de ceux qui habitent vers l'aurore et le soleil,
soit de ceux qui haliitent derrière, vers le (^ôcpo; ténébreux ' (Od.,
XIII, 240-241). Donc, une interprétation sémitique du nom d"El-
pénor semble indiquée en cet endroit, comme s'accordaut bien avec
la façon de parler que le poète emprunte à des sources plus ou
moins directement sémitiques.
De plus, comme nous l'avons dit plus haut, eu admettant cette
interprétation, on trouve an récit poétique, d'un naturel si parfait,
un charme de plus, et on en comprend mieux le caractère. Par un
périple ou autrement, le poète connaît, à quelque distance vers le
nord de monte Cirreo, sur une langue de terre s'avauçant dans la
mer, un [xvyjy.z d'Elpénor. Il sait de plus le rapport de sens qu'il
y a entre 'ElTtTÎvwp et ivTÎov, àvri/.p'j ou /.ZTzvTcx-pû. Il établit
sur ces données le jeu de sa fiction, et tonte sa broderie ])oétique.
l'entre les diverses manières possibles de faire périr son héros, il
choisit celle qui le désoriente, pour ainsi parler, et le fait tomber
du toit de Circé, en allant non pas en arrière, vers l'ouest où était
le grand escalier, comme dans les palais Mycéniens ou Achéeus,
mais en face. y.aTavrix.o'j, et vers la lumière, à l'est, el-penej'-or.
,\iusi le nom d'Elpénor explique certaines circonstances du récit
Odysséen.
Explique-t-il aussi, comme un original les mots qui le traduisent,
les noms grec d'zvrtov, et latin d'Autium, cela est possible, et
l'on a des cas analogues, mais nullement nécessaires à notre thèse.
' Cité par Béraid, les Pliéiiieiens et l'Odyssée, II, p. 319. ,Ie suis d'au-
tant plus heureux d'invoquer ici le savant ouvrage de M. V. Bérard que
j'y ai pris la première idée de ce travail.
122 KI.I'IONOK A ANTMM?
Il >!' pimrraif tvf's Ijicii en l'flVt (lu'iiii ('■(.iMissoment ;rreo situé en
face du Ktpy.aîov en ;iit pris le; nom d' Avtiov, comme la ville si-
tuée en face de N-.-dzïa (Xice) sur la cote de Provence a pris le
mm d'AvTÎTCoX'.; fAutibesj et est appelée quelquefoi8 ' Avtiov par
des géographes fommc Srylax. Même sans cette équivalence éty-
mologique, les arguments précédeminciit invoqués rendent vi-aisem-
blablc la venue an ])ri>ini)ntnii(' d'Antium, d'Acliéeiis retour de
Troie.
Il faut ajouter que d'anciennes tradititms appuient cette vraiscni-
Mancc. Sans jjarlcr dn témoignage d'Aristote, rappelé au début de
ce travail, et qui pourrait viser aussi l>ien notre promontoire que
n'importe quelle autre partie de la côte latine, même si l'on n'ad-
met \nm que Azrtv'.ov vienne d''A/Ttov, il y en a une autre qui at-
tribue la fondation d'Antiura à un fils (V Ulysse et de Cirre'\et
une autre encore, à moins (|ue ce ne soit la même, rappelée h la
fin de la T/ii'ogonie (1011), et d'après laquelle « nés d'Dlysse et de
Circé, dans les retraites des îles sacrc'es (les caps sont .souvent ap-
pelés îles par les poètes de ce temps) Lalinos, Telegonos, et Agrios
régnèrent sur les illustres Tyrrliéniens ».
Il est donc vraisemblable que ce n'est pas seulement le so\i-
venir de IWiiollon du lielvédère et des Rostres trouvés à .\ntiuni,
mais que c'est encore un des épisodes les plus célèbres de l'Odys-
sée, qu'il faut rattacher au nom ou du moins au site de l'antique
cité latine.
L. Bavard.
' Cfr. Dciiys. op. rtt., I. 72, 5.
LETTRES
ÉMANANT DE LA COUR PONTIFICALE
À L'ÉPOQUE BU CONCLAVE DE VITERBE
(1-270- 1272 :
Le Manuscrit 505 (ancien 1>. 8. 9) de la Biblioteca Angelica,
à Rome, est un recueil de formulaires du XIIP s., d'origines di-
verses, suivi du dialogue De ira de Sénèque. La notice que lui a con-
sacrée Narducci ' aurait grand besoin d'être complétée ; mais ce tra-
vail dépasserait les limites de cet article '. Du feuillet 14 au feuillet 21
s'étend une collection de 39 lettres de la deusième moitié du XlIP s.,
la plupart adressées à des Français. Ce n'est là qu'un mauvais brouil-
lon, plein d'incorrections, où règne le plus grand désordre. Peut-être
l'auteur avait-il l'intention d'en composer un ars dictaminls, comme
il était de mode alors. De lui-même nous ne savons que fort peu
de choses: on lit dans le n" 6 de la série, anonyme, qui sans doute
devait servir d'introduction à l'ouvrage : « Ecce quasdam epistolarum
fiirmulas, quas olim ad desideria plurimorum dictavi, collectas in
uuum tibi transmitto ». Si. comme il est probable, ces mots s'ap-
pliquent à l'auteur de la collection, les lettres ont été toutes
' Catalogns codicum maïuiscriptuniiii ... in Bihliotheca AnyeUca. I,
p. 223.
- Le u" 4 de Narducci (« Epistolae aiuatoriae ») n'est autre que la
Rota Veneris du célèbre et fécond dictator Boncompagno da Sigua. On
a de ce petit formulaire à l'usage des amoureu.ic d'autres manuscrits.
Cfr. C. Sutter, Ans Leben u. Sehriften des M. Boncomxmgno, p. 81, et
Gaudenzi, dans BuU. Istit. storico iial.. .\1V, p. 88 ss. Des extraits ont
.été publiés par Sutter, et par Monaci, Rendiconti Ace. dei Lincei, ser. W,
vol. ô (1889), p. 68.
124 LETTKK.S ÉMANANT DE LA COUR PONTIFICALE
composées par lui : de plus il est certain ijuil trnait de près à la
cour pontificale : y était-il nhbmiator, comme son contemporain Ri-
chard de l'ofi ? ' Rien n'est moins invraisemblaltle : son recueil en
ettet ne contient guère que des pièces écrites pour des personnages
do la curie.
Beaucoup d'entre elles sont dépourvues d'adresse sans qu'il soit
possible de compléter cette lacune par les indications du texte; quel-
ques-unes sont représentées seulement jiar de courts fragments: les
unes et les autres ne sont plus que des dél)ris inutilisables. Le reste
se date facilement des années 1270-1272: on trouvera ici, intégra--
lement ou en partie, celles qui ont paru mériter d'être connues.
Jkax Pohchkr.
(fol. 14). P. Uberti, notaire apostolique, avise les frères mi-
neurs de Nîmes qu'une somme de 40 livres tournois leur a c'té
attribuée sur la succession du cardinal Henri de' Bartholomeis,
e'vêque d'Ostie (entre le 25 oct. 1271 et le 24 juill. 1272).
Religiosis et vencrandis viris suis aniicis in Oliristo carissiniis
guardiano et fratrilius Nemausensilius ordinis fratruni Minorum •
P. Uberti, apostolice sedis notarius, salutem in eo qui est omnium
vera sains. Sancte conversationis et vite studio, prout novimus,
1 Les termes qu'emploie celui-ci dans l'introduction de son formulaire
sont très-voisins de ceux qui viennent d'être cites: « quasdani litteras di-
versaruni forniarura secundum Romane curie stilum ex niandato superioris
et ingenii uiei parvitate confectas >. (H. Bresslau, Handb. d. Urkunden-
lehre, II-, I, 266 n.).
- Cfr. le Provinciale ordinis frutnim Minorum tetHStissiinuiit, XV, I,
dans Sbaralea, Bidlariwn, V, 588.
A l'époque du conclave de VITEKBB 125
diligentor insistifis. et animarum prooiirande saluti sollicite desii-
datis. Ilujusmodi siquitlem vestra sanctissitna mérita propensius at-
teiidentes. mine cum facilitas se obtiilit sollicitam adhibinins operam
et sollicitudinem operosam, ut vobis gravatis paupertatis oneribus
super qua vester ordo saliibriter est fiindatus aliquid proveiiiret oon-
solationis subsidiuiii, saltini sumptiiose vestre fabriee oportunum. Hinc
est quod cum pie raemorie doniinus H[eiiricus] Ostiensis et Vêle
trensis episcopus ' in egritiidine de qua obiit constitutus de bonis
suis testamentum condiderit, ae venerabiles dominum S[imonem] '
tituli Sancte Cecilie presbjternm, dominum (([ttobonum] '' Sancti
Adriani diaconum cardinales, necnon virura houorabilem magistrum
P[etruni] de Montebruno ^ camerarium apostolice sedis et nos ipsos
cum i]isius testament! executores constituens nonnulla bona ad se
expectantia per nianus illorum et nostras in usus pios indistincte
reliquerit erogiuida, nos ad premissa vestra mérita pie mentis oculos
cnnvertentes cum executoribus ipsis procuravimus qnod de hnjusmodi
lionis indistincte relictis vobis .xl. lil)re turrouenses dari debeant in
opus vestre fabriee integraliter comorande, predictam autem pecu-
niam de manibus mercatorum Senensium qui in Montepessulano mo-
rantes super hoc spéciales litteras recipinnt ab eorum sociis qui
noscuiitiir in Roraana curia residere faciatis recipi, predicte fabriee
usibus deputandam, ac supradicti episc.opi animam liabeatis in ve-
stris orationibus commendatam, niissarum solleniis quot et qualiter
vobis visum fnerit pro remissione peccatnrnm illius devotissirae ce-
' Henri de" Bartliolomeis, le célèbre juriste, connu au Moyen Age
sous le nom d'Hostiensis, nioi-t le 25 oet. 1271. C'est lui qui, malade, fut
autorisé le 8 Juin 1270 à sortir du « palais découvert » de Viterbe oi'i se
tenait le conclave. Les cardinaux .Simon et Ottoboni. dont il est question
plus bas, l'avaient quitté pour la même raison deux jours auparavant.
Cfr. G. Signorelli, Vitevho nelhi !<torin délia Chiem. p. 261.
- Simon de Brion, le futur Martin IV.
' Ottoboni Fiesclii, plus tard Adrien V.
' Pierre de Montlniin devint archevêque cle Xarlionne le 24 juill.1272.
\-2(< l.KITKKS KMA.NANT l)K LA COCK l'UNTlFlCALK
leliratis mib illiua optentu fiducie, qiiotl si possibilitas atllierit (sii)
Iiujusmodi elotriDsine do nostris vol de bonis aliis allquid adici no-
stra diligeiitia i)nifurabit.
II.
(fol. 14''). Lettre d' encuurayement à V Eglise de Paris ((in de
Tannée 1271 ').
Sorit's iiinlestiarum que comiiiiiiii iiiatri Parisiensi ecclesie infc-
nintiir vestras milii suniiii.itini tacta jifr littoras nt per discretum
viiMiin iii.i;;istriiiii [ R. | vcsti'iiiii miiifcium scriatim (^xposita sic au-
dientis lurbavit audituni, quod et ad occureiidum illis in ipso eoriini
iiiitio P(i amplius audientis ;ininiuni exritavit, quo majore inculeau-
doi'iini siiiiiliuiii iirotciidit iiidiciu, iiimm potins détériora verisinii-
liter comniinatur. Licet auteni status curie adhibendis eirca talia
remediis propter defectnni capitis luicusque prorsus ineptus et sol-
licite inst.uitie memorati niayistri et devotorum ipsi ecclesie votis
abstiterit, ut uec collegii revereudoriini p.itrum dominonim cardina-
liuiu littcrc iilitincri potucrint wc ali.i sii>sidia que negocii exigebat
qualitas procurari, qui,\ tanien virtus Altissimi doninm David sua
pietate respiciens in ea ccirnu .salutis erexit, in universali ecclesia
prr ipsiiis miserioordiani dosidpr.ito quaniqiiam ]iost diutine vaca-
tionis incomoda creato ])astore, spes non indigne succrescit (|Hod
post ipsins pastoris ad partes istas adventum, quem audivistis, nt
credo, jipud .Vrcdii clertiimis sut- t< inpore constitutura *, in hiis et aliis
relevatinuis débite proniptitudn non deerit. sed autore Domino adc-
runt .-inxilia ijnitectionis .•iceonindi' in tempère nportnu" .. . F,t c(in-
' .^ur b'S (léuiêlés oiitrc l'évéïiiie de Paris rt l'adiiiinistralion loyab',
Cfr. Jordan, lier/. Clément IV, n'» 835, 18(î2. l!tl-2. 1913: (Juiiand. «f/;.
Grég. X, n"« 528, 987, 101«, 106H, 1076, etc.
' Grégoire X. élu le l""' sejjt. 1271 alors ciu'il était en Terre Sainte,
n'arriva en Italie qu'en janvier 1272.
À LÉPtXJUE DU CONCLAVE DE VITERBE 127
sidérantes qiieso, si placet, quod si veuerauda l'arisiensis ' ecclesia,
quain Virgo virgiimm. que in ea sui noininis vineulo insiguita sibi
spéciale tripudiiim sue laudis elegit, personaruni insignium et fa-
cultatum liabuudautia iusignivit, primis succumbat iusultibus, facile
minores ecclesie inremediabiliter sequentibus opprimentur. vobis et
aliis providere in soliditate vestre constantie studeatis...
III.
(fol. 15''j. Michel de Toulouse^, vice-cltancelier de V Eglise Ro-
maine, exprime au roi de France Phili^jpe III ses condoléances
pour la mort de Saint Louis et lui recommande les inte'réts de
la Chrétienté') entre le 9 mars et le 21 août 1271'.
Streuuissimi.p prinoipi domino Pii[ilippuJ Dei gratia victorioso et
illustri régi Fraucorum . . etc. louge vite spaciura, prosperitatis ple-
nitudinem et honoris aucmentum. Ab eo tempore quo discretionis
annos attigi et cepi quanturalibet de rébus ingruentibus ae de con-
ditionibus domoruin illustrium nieditari, occurrit mee considerationis
obtutibus regalis aula Fraucie, preiens ' edibus seculariura princi-
pum, sublimis fama, potentia et virtute, in quibns bec aula pre-
fulgida et a largitore bonorum omnium benedicta non solum habuit
oonsistentie coutiuuitate preconium, set divina sibi assistente cle-
mentia suscepit usque in fines orbis terre predicabile increnientum,
' JIs. Ve)>erandi pr.
- Le nom de l'expéditenr de la lettre a disparu de l'adresse, mais
comme il se dit originaire des terres d'Alfonse de Poitiers, il est fort
probable que c'est Michel de Toulouse. Il est souvent question de lui
dans la correspondance d'Alfonse de Poitiers, auprès duquel il semble
avoir été persona yrata (Molinier, Corr. atJmitiistr. d'A. de P., n°s 1381i
1.S82, 1618. 2043). Le comte de Toulouse, encore vivant à l'époque de la
lettre, est mort à Savone le 21 aoiit 1271.
' Ms. : precniitis.
128 I.KTTKKS ÉMANANT l»K I,A (;i)ru l'ONTlKICALK
jinmt cvidriitia fiicti decl:init, ox eo qiiod reges illiii» incliti non
solum a mari iisiiiic ad mare suos geiierosos propagaverunt ' pal-
mites, sed (-tiam ultra ceperunt ■ victoriosis aiispiciis ramos exteii-
<lere ac barltaras sibi subicere nationes. Processit ergo iiimiriim de
considcratione liiijusmodi quod me predicte aille clarissime piiro
corde, siiiccn» aiiimo rt lidc imn lii-ta iiidissoliiliilitcr me devdvi,
ut ex tune l'ecolende memorie domino L| iidovicoj régi Francoriim
piissimo patri vcstro suiscjne germanis natisque snblimibtis, preser-
tiiii riim dr terra inagnilii'i |)riiici]iis dnmiiii A[lf(insi| Pictavensis
et Tiniltisf cDiiiitis vestri patrui virtimsi urrigincm traxerim, .sic
dcviitiiiii et olisequiosuni me reddenni. (|niid si ci vel nomeu suiim
invocaiitibus placere possem aliquando me inter feliees felicissimuni
rcputarem. Quare de ipsius genitoris vestri precelsi obitu dolore
inexplicaliili didui ', et lacrimas cupiosas ett'udi, (piod vobis latins
aperuissem jiresentibus \ nisi pepercisseni occnpationibus vestris
onini cumpassione dignissimis vel timuissem sopiti materiani siisci-
tare doloris; ])re8ertim cum Imnerosa vestrarum sollicitndinum mul-
titude nnnc ad alia n<iii debeat pertralii, nisi ad illa que lionorem
Dei concineiit et salutem cummissi vobis exercitus eliristiaiii. Agite
igitur ooustanter, magnifiée princeps, lesn Cbristi ncgocium quod
idem pater veater assumpsit salnbriter proscquendum, ut sicut ipse
in regno sulis rcliquit lieredcni iuclitum. sic in virtntum exereitio
successorem liabeat geuerosum. V'erum cum ego illam circa perso-
nam vestram clarissimam l'egali preminentia decoratam devotionis
gerara et fidei plcuitndiuem que adjectionem non recipiat, sed pla-
cide promptitudincm cxeciitionis admictat, vestrc celsitudini perso-
nam et bona totalitcr ott'erens et ex])onens intègre vestris et ve-
stroriirn obsfi[uiis ac régie jussioni jirecise siibmittens. queso snji-
' Ms. : propagant.
' Ms. : cepit.
' Ms. : dohri.
* Philippe m ('tait a: rivé à Vitcibe le ',» mars 1271.
À i.'ki'oqub du conclave de viterbe 129
pliciter et siippliro reverenter ' qiiatenus me vestrorum aimiuiif-
rautes devotoruin et tidelium numéro (lij;iiemini ad statum amumie-
rationis jiuiicimn milii qiiandoque precipere, ut experiatur serenitas
regia quod ei eupio magis obsequia opère quam serraone.
IV.
ffol. 11). MklieJ de Toulouse déplore la maladie d'Alfonse de
Poitiers et donne des iionrelles du conclave {sifAut le 21 août 1271).
Nobili et egregio viro domino . . spécial! amico M. de . . sa-
lutis plenitudiiiem et paratam etc. Quedam vestre littere tristitiam
coutiueiites mihi nuper fueruiit per qiiemdam ipsarum Iiajulum pre-
sentate. Tristitiam siquidcm super eo quod principem illum raagui-
ficum dumiiiuin.. comitera pati deiiiital)ant in tibia. Liravi uiclii'
lominus debilitate corporis exinde subsecuta '. Super quo amaris-
simam puuoturara in corde sentio, patienti plene compatior et cum
languente langueo. et ita patior cum intirmo, quod carnis et san-
guinis libentis'îime vellera Jacturam reraediabilem perpeti, cum tali
pacto quod idem meus dominus deberet cito restitui pristine sani-
tati. Undf jjrecor ex corde divine pietatis cleraentiam quod ei
salutem conférât integram et festinam ... De creatioue vero Ro-
mani pontificis et c-ousolatione vidue nostre raatris, secundum ea
que hiis diebiis accitata suut et cotidie aceitantur non minima spes
promittitur quod hiis finis in proximo apponetur. Set non audeo
scribere superassertive amicis et dominis. cum non sit determinata
Veritas de futnris . . .
1 Ms.: re.
- Il s'agit éviilenmieut ici d'Alfonse de Poitiers, malade depuis son
l't'toui' (le Tanis. et qui devait mourir à Savone le 21 aoi"it 1271.
HMunge» ilArcli. tt tilihl. lifiS. 9
VM LE'rrRKS émanant de I.A CoIR I'OXTIFIUAI.E
V.
(fol. 17). Mic/ie] (Je Toulouse rcprorhr ok ilitnirelier de C/Kirlrs
d'Anjou Geojfroi de Beaumont, enrichi en Afrique, d'aroir écrit
des plaisanteries désobligeantes à son égard, se plaint de son ava-
rice, et lui conseille, dans son intérêt, de se montrer géuéren.r
envers lui (entre h' T"' nov. 1270 et le l"' sept. 1271)'.
Deaiirato diuliim nmic, utiuam sine prejudicio amicoriim, tota-
liter aui-eo domino G. de Bellomonte caneellario regio veneraiidn.
811US M. de Tliolosa sanete Romaue ecclesie vieeeanoellarius. olini
argenteus, nunc nec etiam argrentatris. salutein et sie prndeiiter inil-
larinos congregare ac aureos, ut nhlivionj niiiiic non conimittat aniicus.
Non est novum neque insolitum, immo comnne fere jani nnniilius,
qnod de jejuniis libenter disputât venter plenus. Unde si l'oituna.
(lue eeca non indigne deseriliitur. vos iiltr:i s])em et meritiun mm
gustalibus fulvidis et granis aureis ae tarenis replevit. in tantum,
ut, indueta exinde quadam nausea juxta morem pregnaiitium que
triticenm panem et odorif'erum viuum fastidiiint appetentes interdnni
lateres et aeetum, pallor argenteus quem diseolor prndueebat AtlVioa
vobis fieret optativns, ])rofe<'tn sine adinirationis inonrsu non -ohini
exenipla yronica set ridieulosa ])roverbia erant audaeter adversus
vestros aniieos et dominos. quiVius eadem fortuna tergum porrigit,
indueenda. sicut in (niibusdaiu vestris littcris nujier ex en i-ontr.-i
me insultare eurastis, qnod, velnt niediei dolentes pro.^perit.itcni
aeris pre dolore lucri mm babiti eirca dilectorura memoriani \i-
' Cette curieuse lottri'. d'un style très coniiiliciué et souvent ol)scui-,
fait allusion aux richesses accumulées par le ministre du roi de Sicile
à la suite du traité de Tunis (ju'il avait hii-niême négocie (l""' nov. 1270).
jMichcl de Toulouse ne partage pas sur les opérations financières df
Charles d'Anjou la vertueuse indignation de certains de ses contemporains
(cfr. Guill. de Xangis. Oexta Phil. III. dans ///«/. dr Fr.. XX, 47(î K):
mais sa lettre la justifie.
À l'époque du conclave de VITERBE 131
dentur raorbum inourrisse, ego attenuatis divitiis et earens cum
receptionibus numorum ' assuetis vos agentes in barbaricis partibus
non visitavei'ani nuncio sive scriptis. Sane hujusmodi visitationis
omissio ex dolore tali non accidit, sed es illa sola causa processit,
quod dedignor intra illorura esse eollegiiim de quibiis vos estis et
vestri similes qui verbalibus cedulis arairoruni memoriam comen-
datis, quam ego seraper liabeo in meute firinissiniam, non verborum
volantium, sed liberalis efficatie productivam.
Verum diffiteri nolo, quia forte fonseientia salva non posseni,
quod olim Iialiito pâtre ae domino generoso •, sub cujus telioi do-
minio ab iuferioribus venerabar, visitabar a sociis, et a superioribus
amplexabar, cujusque secundis temporibus carebat loeulus ^ ruga
meus, copliiui pecunias vomebant et esquisita joealia, caméra qiioque
spleudebat soericis (sic) rubrieata, eram longe jocundior, ut * qui
sim nunc earens tanti patris solatio, dura vix a paucis verbali sa-
lutatioue solliciter, dum etiam crumena prolixo vacat otio si in eo
fundo jam, proh dolor!, immédiate perspecto. Set si, ut scripsistis
et credo, farciti de olim cesareo et nunc regali numismate ac ma-
rabottinis dupplicibus et albis Affrice millarinis sic extollimini, quod
vestris amicis, ne dixerim domiuis, non nisi de jocoso dictamine
serviatis, affirmantes expresse supervaeuam vestrarum opuni liabun-
dantiam non esse vacuitatum loculorum et scrineorum sitientium
supplecturara, vosque per cousequens de jactantia in.solita et par
citate non cognita déférentes, quis vestri tiuibriani vestimenti tan-
gere poterit cum taudem Grecorum yperpera triumplialiter lian
rietis ', picturata tolletis tapetia, et paunos sericos co]ise(|uemini
' Ms. : luimenim.
- Le pape.
' Ms. : foruhj.
* Ms.: .'.
^ Le bruit courait que Charles d'Anjou allait taire une expédition
contre Michel Paléologue. Cfr. la lettre de P. de t^ondé citée par Ch.-V.
Langlois, Règne de Phil. III, p. .50.
132 LETTRES ÉMANANT l>E LA «OrK PONTIFICALE
îuiro tectos ? Certe, iii»i deiciatur' ab aliqiiibuR (juod pro «e loqiiitiir
(Ti-atianiis, consiiUfi |tis vobis fnret et longe iitiliiis, qiiod, juxta pro-
VRrl)iiiiii ili' i|iiii ciiiisiliuin suinitur satis saniim. iit advoeatus seii
inedieus iiiterdum sit ])ro fiitiiro tempore salutandu», ex nuiie me
respieeretis '" realiter, de supeiHiia saltem de qua vos jaetastis di-
vitiariiiu afflucntia, que distribiite eoiiereseuiit, eonservate putrescunt,
seminate terminant, retente diffamant, quam si exjjeetaretis erea-
tionem dante Domino proximam Romani pontiKcis, quaiido tliesanros
volentimn et nolentium nostre vaeiialiit exeellentia majestatis. Cete
rnm de intimata sainte eatholieorum prineipiim vestra qiioqne ae do-
mini l'I rtrij ^eniiani vestri frloriosi eamerarii eoniitis nostri domini
specialis, qiiem affeetnose saliitari deposeo, ac de insinnatis nimoril)iis
et processu exereitns cliristiaiii sinceritati vestre referens ;,'ratiarnm
multipliées aetiones. volo seire ae tenere vos tirniiter quod me sic ple-
iiarie possidetis eorde et animo nt deineeps adjeotionom nnllani reei-
piat liujusmodi plenitud<i.
VI.
rfol. 18''i. ConsfiH tnt.r rnrdinnv.r rr'miis en conclave de hâter
l'élection dit pape. Xotirelles fin dur de Bourgogne et de son fils
Robert (début di- l'année 1271?).
Qnia Roni.ine matiis ecelesie aiino fere revoliito seonudo sponsi
solatio destitute ueuoi-ium videtnr ad preseiis an desidie forpore
' Ms. : deiceiiir.
- Ms. : respiictis. La correction respiceiTlis (resptc'etis) s'appuie sur un
exeni])le de Ducanji^e, t. V. p. 729, col. .S: respirere aliquem mxinere. Le
sens général de la phrase est clair: faisant allusion à la plaisanterie
de Ci. de Beauraont qui l'avait comparé à un médecin rendu malade par
la santé de son client, M. de Toulouse lui conseille d'ajcir envers lui
coninie envers un médecin (ou un avocat), dont il est a\ antai^eux de se
ménager pour plus tard les bonnes grâces: de lui témoigner son respect
par quelque générosité, sans attendre la création du pape, (pii ne se gê-
nera pas pour vider sa bourse, avec ou sans son autorisation. — Je ne
sais :'i ((uel passage de (iratien l'auteur fait allusion.
À l'époque du conclave de VITBRBE 133
neglectum seu tedio lassitatis l^sic) sopituni aut errore ignorantie post
terga projeetum sive labore invidie vel raiioore alterius cujuscumque
malitie destitiitum veluti desperatum, dignum duxi hoc derelictum
negocium ia mente vestra facere redivivum, si forte cogitatus iii-
cidat vestre cure de ipsius relevatioue fortune, ad quod me humaui-
tatis affectio débita movit, caritatis vestre ratio impulit, et reipu-
hlice amor aecendit. Humanitatis enim cultum quem debeo vobis
impendo cum in adversis spiritum comijassionis exliibeo. Scio quippe
quod sunt nonnuUa quibus vexamini gravia et periculosa iucomoda
sicut quod in operibus ejus ad quod estis specialiter deputati non
prosperamiui, set casus vos excipiunt luctuosi tanto per discordiara
nocui quanto essent per concordiam profuturi . . . Egre quidem nun-
ctio luctuosisque suspiriis refero quod vestrum coUegium eo de-
solationi est proximum, quo in se ipso divisum, ejusque populus per-
cusso pastore dispersus est lupis crassantibus dissipatus. Vos enim
dilferendo iiegoeium quod vestris solis incumbit eervicibus promoven-
dnm deflueudo deticitis, alios vero super quos etiam geniens contristor
et dolens compatior expectaudo aftiigitis, titubantes sternitis, vulne-
ratos etiam jugulatis, et quamvis ex predictis malis sitis interius
angustiati et exterius angustati, exteriora tamen vestra non multum
deploro ineomoda, quia facile reparabilia sunt temporalia detri-
menta, et plerumque correptionis sunt causa, intima vero mala quibus
animi vestri langueut et coiiscientie sordent, que verè vestrum col-
legium constituant miserum, meum reddunt spiritum geniebundum.
Errorem igitur istum dum sic est recens corrigite, antequam pre-
valeat scisma extinguite, ne si mora convaleat non prius vos de-
serat (|uam extinguat... Presens Robertus domini ducis Burgundie
vestri et ecclesie Romane devoti residuorum liberorum primogenitus '
reverentie vestre conjunctum et divisum offert illud posse modi-
' Les autres fils du duc Hugues IV «'■taient morts, Eudes en 1266,
Jean en 1267.
134 LETTRES ÉMANANT l)B LA COL'U l'ONTITICALE
ciiiii i|iio(] lialict exteriuM et ImiiaD) vr)liiiitatcin que latet interiiis,
<l(ia iii liac vila nicliil discretiiis vel majiis, siip]»licans obnixius lit
ipsuni vcstra lai-itas statuât inter illos quos aniat. Preterea du-
minus., diix lîiirj;iiiidic jiatcr eju8 a Neapuli ' U!*que Aretiuin,
ubi nie iiivtiiit casiialiti^r, iiimtius, sfrii)sit mandatiim ", ut eiini in
vestro auditorio dili^ontci- et solicm])iiitei' reddcreni exeu.satuni super
eo quod vobis non scripserat transieus per Cornetum, et licet pr<>
vero asserat se tune ydoneum non babuisse seriptorcni, nicliilominns
tanien nniltuni se reddit culpaliibnn. l'nde si placet eulpe cognitio
et exce])tionis ratio re(bbuit ipsnm le^ittime jienes vestram béni-
volentiam excusatum.
' De nov. 1270 à février 1271, le duc de Hourgof^iie avait exercé
les fonctions de vicaire général du roi de Sicile (Durrieu, Reg. Aiig., 1, 139)
- Ms. : mandumus. Le mot nnniius, de lecture certaine, est peut-être
une faute.
ATTIDEIA
I.
Sur la date de riutroductiou officielle à Rome
du culte d'Attis.
Lorsqu'en 204 avaut uotre ère, les Romains ' se décidèrent à
introduire dans la ville le culte de Cybèle, ils eurent soin d'en
éliminer les éléments orgiastiques trop manifestement contraires aux
sereines tendances de leur religion traditionnelle. La Grande Mère
des Dieux fut installée sur le Palatin, mais son trouble compagnon,
le liei Attis mutilé dont les sectateurs orientaux imitaient les trans-
ports et portaient la blessure, fut relégué à la porte du sanctuaire.
Un prêtre et une prêtresse empruntés à la Phrygie se chargèrent
d'accomplir dans l'ombre les rites où la dignité romaine ne se sou-
ciait point de descendre ; et les seules fêtes reconnues par l'Etat et
déploj'ées par ses soins se célébraient more romcDw et graeco ritu.
sous la surveillance du Sénat et avec le concours de sodalités aris-
tocratiques en dehors desquelles la foule impressionnable des petites
gens était jalousement maintenue. De fait, ni les jeux en quoi elles
consistaient, les Mefirilensia, qui duraient du 4 au 10 avril, et
auxquels Térence a donné la plupart de ses comédies, ni les sa-
crifices qui en ouvraient et fermaient le cycle solennel et où les
officiants, la tête ceinte d'une couronne de laurier, offraient une
génisse à la déesse, tandis qu'un édile curule venait déposer sur
' Sur ce point, voir le livre très complet de Graillot, Le culte de Cy-
bèle Mère des Dieux à Rome et dans l'Empire romain, Paris, 1912. La
page <|ul suit résume les idées développées en ses deux premiers cha-
pitres.
l:i(i ATTIDKIA
ses genoux les prémic's de l;i innisscrii pructiainc. ni mêiiic la ci'--
réinonie de la lamtio, qu'Ovide fixe au 4 avril, et au cour.» de la-
(liiclle l'idole et son attirail étaient plongés dans VAlwo, à peu prés
comme Héi-a Argienne était jnirifiéc dans la source Kanatlios et
Maia dans l'eau de la mer à Ostie ', n'avaient de quoi effaronclier
la piété romaine toujours en garde eontre les effusions qui peuvent
troubler les âmes des liomraes ', ou même dérouter ses habitudes.
Il semblait qu'en entrant dans le l'autiiéon de la Répulili(|Mi-
ridéenne se fût transformée à stni exemple et qu'elle eût dépouillé
les caractères essentiels de sa religion orientale. Mais ce n"était
qu'une apparence, ou plutôt "-e ne fut ((u'une étape de sa carrière
romaine. La suite compromettante' dont elle .avait été séparée par
l.i iirudence des Pntres devait finir par la rejoindre. Sous rp.ni-
pire. Atfi^ vint partager son a]iotliéose ollicicllc, et les mythes et
les rites qui, en Asie Mineure, faisaient coitége ;\ leurs divinités as-
sociées obtinrent droit de cité à leur tour et se déroulèrent pub!;-
(luement dans la suite des fêtes du mois de Mars, à travers les
lamentations du «jour du sang» et l'allégresse des H/lfiritt. C'tM
ici, d'ailleurs, ([ue les historiens cessent de s'entendre: et la date
qu'ils assignent à cette extension révolutionnaire du rnlte de la Mé;i-
des Dieux varie, selon leurs ralculs. de la première moitié du I'
siècle ap. .1. C. an dernier tiers du troisième. D'après M. Cuniont .
suivi par M. Graillot ^ l'intronisation d'Attis dans le férial romain
fut roMivre de Claude: d'après M. Wissowa, qui a connu ces eon-
' Cfr. J. Caivopino, Virgile et les origines d'Ostie, Paris, lillit. p. 14")
et I4G.
' Paul, Sent., V, 21, 2: Qui novas sectas vel ratiotie incoyiiitas riti-
(jioiies induciint, ex quibus atiimi hominum îiioveantur, honestiores deportan-
tur, humiliores capite puniiintur.
' Franz Cuiuont, Les religions orientales dans le l'aganisme romain -,
Paris, 1909, p. 83. M. Hepding. Attis. Gieszen, 1903. i). 147. avait sou-
tenu aussi cette opinion.
■• Graillot, op. cit.. p. 115.
ATTIDEIA 137
olusions mais ne s'y est point rallié ', il est impossible qu'elle ait
précédé le milieu du II' siècle; enfin, d'après M. von Domaszewski,
elle serait bien plus tardive encore et ne remonterait pas plus haut
que le principat de Claude II (268-270) ^ Je voudrais apporter
à l'opinion de M. Cumont l'appui de documents qui, laissés jus-
qu'ici en dehors de cette question chronologique, paraîtront peut-
être de nature à la trancher définitivement.
Un texte domine le débat : niallieureusement, il est de basse épo-
que, et peu explicite: c'est le passage du De Mensibus du byzan-
tin Johannès Laurentius Lydus, auquel les modernes, quelles que
soient l'importance et l'iiiterprétation qu'ils lui donnent, doivent se
référer d'abord :
TY, —z'j t^z/.y.'J.'.y.- Kr.Aïvàôiv W-y'/ioi'i (Jîvdpov ttit'j; -7.;i tmv
i^tvàsooôcwv èûîiîTO i-i Tw IIzaztko' t"/;v .le éostÀv IvÂaCà'.o; o
lia^ùîù; x.5'.T£<;-/;'77.T0 (Lydus, Z)eJie«s(6MS, IV, 59, p. 113 WuensehJ.
11 n'est pas douteux que I'joût/, visée dans ces lignes ne coïn-
cide avec Varhor Intriit du calendrier de Philocalus ■*. Même date,
le 11 des kalendes d'avril ou 22 mars, même procession du pin
sacré, qu'escortent les dendrophores. Il n'est pas douteux, non plus,
que, pour l'auteur, cette addition au calendrier religieux de la cité
romaine n'ait exigé l'intervention du Prince, et que cette initia-
tive ait, non seulement impliqué la reconnaissance par l'Etat du col-
lège religieux des dendrophores, mais décidé de l'avènement dans
les Fastes de la Ville de tout le cycle cnltiiel que la République
avait ignoré et qui gravita désormais autour de la mort et de la
' Wissowa, Religion ii. Kultus der Jiomer -. Jliinich, 1912, p. 321-322.
' Von Domaszewski, Mnyita Mater in Roman inscriptions, dans le
Journut of roman Studies, 1911. p. .06.
' C. T. L.. P, p. 260.
rùsurref.-tiou il'Attis. 11 n'en est (|iic plus intéressant <li- savoir à
quel empereur — K7.z'j5'.o; o ISaTÙî'j; — nous devons le rapporter.
Dans son article du Jounial of roman Sliidies. paru en ll'll,
M. Von Domaszewski a soutenu (|u'il s'agissait de Claude II, et
voici brièvement résumée sa spécieuse argumentation.
Il est raconté dans VHisfoire Aiifiuste que la nouvelle de l'é-
lévation de Claude II à l'Kmpire par les légions assemblées au
siège de Milan fut annoncée à Rome, dans le sanctuaire palatin de
la Magna Mater, le jour du .sang, le 24 mars: imiti rmii »ii)i-
tiatuin esset VIII /.■al(eiirlas) a2)ri}is ijiso in sacrario Matris, san-
ffuinis die. Chindiiim imperutorem fuclum . .. \ Or un papyrus de
Strasbourg tixe au 28 août 268 le comuieneemeut du règne de
Claude II '. Par conséquent, l'information de l' His/oirr Antiiiste qui
l'avance au 24 mars de la même année est destituée de fondement.
Le biographe qui savait que Claude II avait accrédité à Rome les
fêtes d'Attis se serait amusé, si l'on en croit M. von Domaszewski,
à associer le souvenir de sou avènement à celui de leur institution:
et si, par ce détour, la véracité de ['Histoire Auguste est entamée
une fois de plus, du moins cette fiction supplémentaire dont on
charge la mémoire de ses auteurs luius pro<-ure-t-elle l'avantage
d'éclaircir et corroborer l'assertion de Lydus. Ce n'est plus le té-
moignage unique et tardif que son isolement autant que son éloi-
gnemeut frappaient d'une légitime suspicion, et la personnalité de
Claude II dont a parlé Lydus se trouve établie par la légende qui
s'est greffée sur l'un de ses actes authentiques ".
A cette ingénieu.se mais fragile construction, l'on pourrait com-
mencer par opposer, soit les in.scriptions qui ont servi :'i M. Wissowa
à reporter cent ans i)lus tôt l'introduction à Rome du culte d'.\ttis *,
» nta Claiulii. 4, 2.
2 Pap. Str., I, 32.
^ Cfr. l'article précité de JI. vou Douiaszewski, p. .jti.
* Wissowa, oj). cit.. p. 322.
ATTIDEIA 139
soit les textes littéraires qui attribuent aux fêtes d'Attis une ori-
gine sensiblement plus haute, notamment celui de VHistoire An-
ilHstf qui nous muntre Alexandre Sévère eonseutant à corser la fru-
galité habituelle de ses menus à roccasiou des grandes réjouissan-
ces de Tannée, comme le Jour des Hilarin ', soit celui de Tertul-
lien qui raille rarcliigalle ruinai ii d'avoir versé sou sang pour le
salut de Marc-Auréle, à la date rituelle du dix des kaleudes d'avril,
exactement six jours après la mort de cet empereur, survenue le
17 mars aux frontières, mais connue à Rome seulement après le 2i '.
Mais point n'est besoin de sortir des textes visés par M. von Do-
maszewski pour écarter les conclusions qu'il en a sollicitées : celui
de l'Histoire Auguste ne recèle point la contradiction qu'il lui prête;
([Uant à celui de Johannès Laurentius Lj'dus, il exclut formellement
l'interprétation qu'il en donne.
Assurément, le papyrus de Strasbourg auquel M. von Doniaszewski
s'est référé compte la première année du i)rincipat de Claude, en
268, non du dies satKjuinis, le 24 mars, mais du 22 août, cinq
mois plus tard. Toutefois, il résulte d'une étude approfondie des jm-
Pliri que la chronologie impériale était essentiellement variable en
Egypte et qu'elle y donne lieu k des difficultés peu communes : tout
récemment, M. Arthur Stein, dans V ArcJiiv fi'ir PapyrusforscJinnfi,
y a dénombré plusieurs systèmes concurrents, celui d'Alexandrie,
dont les monnaies nous fournissent les éléments, et ceux de la /(op^z,
que les papijri permettent de reconstituer, et qui, en constant re-
tai-d sur le précédent, ne s'accordent pas toujours entre eux. C'est
' Vitu Severi Alexnndri, 37, H: Adliibebalur anser diehus festis J;alen-
dis autein ianuariis et hilctriis...
- Tertullien, Ajj., 25: Itaque maiestatis suae in Urbem conlaiae grande
documentmn nostrae etiam aetati proposait, eum Marco Aurelio apud Sir-
niium reipublicae exempta, die decimo sexto halendarum aprilium, archi-
gallus ille sanctissivius die nono kalend. earuindem, quo saiiguinem . . . U-
hahat, pro sainte imperaloris Marci iam intercepti, solita aeque imperia
mandant.
ainsi, par exemple, que nonilire de papipi placent Tavénenient de
Claude II au cours de la seizième année du principal de Gallien,
tandis que les monnaies alexandrines l'assignent à la quinzième, et
qu'un papyrus de TeMynis, renchérissant encore sur les préten-
dues précisions du papyrus de Strasbourg, prolonge le principat de
Gallien jusqu'au 28 octobre 268 '. Qu'est ce à dire, sinon que le
point de départ des années régnahs, loin d'être fixe en Egypte, s'y
déplaçait suivant la i)lus ou moins grande rapidité avec laquelle la
nouvelle des changements politiques survenus en cette période con-
vulsive se propageait de Rome jusqu'aux extrêmes confins de la
•/WG5! ? Les divergences qui sulisistent entre le comput alexandrin
et celui de nos sources littéraires, puis entre le comput des papi/ri
et le comput alexandrin, expriment tour à tour la durée qui s'écoula
entre Tavénement théori(ine de Claude II à Home et s;i reconnais-
sance ultérieure à Alexandrie, puis dans les divers nomes égyptiens.
Ainsi l'anecdote de V Histoire Aur/uste, touchant les circonstances de
la proclamation de Claude II à Itome. qui cadre, d'ailleurs, avec
les indications d'Eusèbe ", se concilie parfaitement avec les données
papyrologiques qu'on a tort de lui objecter. Les chronologies aux-
quelles se réfèrent respectivement ces données et l'anecdote ne se
déroulent point sur le même plan, et il n'y a rien à tirer d'une con-
tradiction qui, au vrai, ne saurait exister entre elles '. Au surplus,
il est impossible de fortifier par quelque raisonnement que ce soit
une identification qui n'est point dans Lydus. Car le contexte de cet
auteur, et c'est de quoi l'on ne s'est pas encore avisé, exclut for-
mellement celle que M. von Domaszewski lui a prêtée. Le seul Claude
qu'ait connu Lydus, le seul, en tout cas, dont il ait parlé dans le De
Mensibus, c'est le troisième successeur d'Auguste, Ti. Claudius Nero.
' Pap. Tebt., II, 581. Cfr. Arthur Stcin, Archii- fur Pttpyni/sforschumi,
VII. 1923, p. 30 et suiv.
^ Eusèbe, ap. Hieron., p. 182 Sch.
' Stein, op. cit., loc. cit., p. 45.
ATTIDKIA 141
Eli (l(>li(irs (lu pass.i^ic qui nous arrête, L^vdus a, en effet, cité
une antre fois Claude en des termes qui méritent de retenir notre
attention. Lydus vient de nous entretenir des crises d'épilepsie dont
Jules César avait souffert, et, avec une crédulité qui nous fait sou-
rire, il s'enquiert des remèdes propres à ■i^uérir cette terrible ma-
ladie. Il raconte:
'AsETT^; os 0 -(~yi i;y.r,vi,T(ôv 'A;â?(ov o'j).ai/o: lv7,«'j5io) Ky.lrsy.z'.
Ypxçwv £7rt<7To).r,v -ept -%■, O'.' opvsojv Oîpot-îia; or.'riv, vi-ap Y'-'~'j;
T'jv TÔ) y.(ij.'y.-7'. 0— Tov ij.z-y. ij.i\<-rj; f^w6|^.îvov é-i é^ooazoa; rpsT:
5:~r A^vâTTîiv £T'."/.v;'i^iz;, oaoùo; oi v.y.i t/,v y.y.zh'.y.^ -vj Y'-'~''j;, otî
^TioavO"/;, év 'jf)»—', d'.ooy.£v/iv tw "«o too— w in/'iv.v (Lydus, De
Mensihus, IV. KU, p. l-t-S Wuenscli).
Bien entendu, nous laissons ;'i Lydus l'étrange pharmacopée à
base de foie de vautour rôti au miel et de cœur de vautour pul-
vérisé dont il nous garantit Tefficace. Mais quand il se \ante de
l'emprunter à une lettre adressée à KàzO'^io; Kaïczp par Arétas,
phylarque des Arabes, nous sommes obligés de confesser la vraisem-
blance et la sfireté de ses informations. Nous connaissons plusieurs
« Caïds » arabes du nom d'Arétas: r'ApÉr-/; o rwv Api^cov Tjpy.wo;
dont il est question au livre II des Maecabées et auprès duquel,
en 169 av. .1. C, le grand prêtre de .lérusalem, .Fason, avait espéré
trouver un refuge qui lui manqua'; l'Arétas o ' ApzSojv '^jyjù.v'j-.
que Josèphe nous montre écliouaut. en 96 av. ,T. C, dans son projet
de délivrer Gaza alors assiégée par Alexandre Jaunée ' ; l'Arétas
dont les monnaies répètent ce titre de \\y.n<.\v'j-, et qui a guerroyé
contre Pompée et ses lieutenants en 62 av. .1. C. '. Mais sous l'Em-
pire, il n'y en a qu'un dont le souvenir soit venu jusqu'à nous:
Arétas JV, qui gouverna les Nabatéen à partir de 9 av. J. C. et
dont les monnaies s'arrêtent jusqu'ici à la quarante-huitième année
' Macf.. II, 5, 8. Cfr. P.-TP., II, c. 673.
2 Josèphe, Ani.. XIII, 360 et suiv. Cfr. P.- 11'., ihid.
' Josèphe. BeU. hid., I, 8, 1. Cfr. 7^.-11'.. II, c. 674.
142 ATTIUKIA
(le son règne, «nit en 3!» ap. J. C. '. C'est de lui que dépendait
namns, quand Saint Paul dut s'enfuir de cette ville ", sans doute
;'i l:i fin dr ■!'.•. Il est ])(issilde (|U<,' son gouvernement se soit ])ro-
loiigé quelque temps encore, au delà du iTi janvier 41, tlies im-
perii de Claude; possible que celui-ii n'ait |ias attendu d'être em-
pereur pour améliorer une santé qui fut |)répaire surtout pendant
sa jeunesse: per omne fere pueritiue atque adulescnfine teni//)is
rariis et tenucibns morliis lonflictatus est \ Si Suétone ni Hiou
Cassius ne font de Claude un épileptique. ils traoeiit de lui un por-
trait où il n'en vaut guère mieux. Il était agité d'un perpétuel trem-
Idenieiit de la tc-te et des mains: -', àï hr. nGi'j.v. -/o-roiii/,; cottî
y.y.\ -r, y.soaAv; y.y.i -y.'.-, /i^nvi ut.'^j'zzz'j.zvi * : H. dans l'empereur
qu'il était devenu, la honehe baveuse, les narines humides, le bal-
butiement et une agitation ineoereible ne cessaient point de dé-
noncer la lameutalile faiblesse nerveuse d'un anormal: risus inde-
cens. ira fni-pior, spiinutnte r/ctit. umeiitilms- nnriliiis. praeterea
l/)igufie titithfuitia. rapittqtie mm semper tinti in ijimntiilociimiiue
actn rel mn.rime trenmlntu '. Il est tout à fait vraisembable que
Claude, avec cette curiosité érudite qui est un des traits syni))a
thiques de sa nature, ait cherché un soulagement à ses maux Jiis(|ue
chez les Arabes. Il est sûr, en tout cas, qu'entre Arétas et lui les
intermédiaires ne manquaient pas, puisqu'Arétas était le propre
beau-père du tétrar(|ne Antipas" et que personne n'ignore les rap
ports dintimité eonliautc (|ui unirent ('lande, avant et ai)rès son
élévation au tnine. aux princes de la dynastie Juive d'IIérode ".
Les Coïncidences nous interdisent de rejeter, comme apocryphe,
' Cfi-. Wilckcn. s. v. Aretas, 7'.- M'.. W. r. i;H.
- II Cor.. II, :i-2.
' Suét.. Cldwl. 2.
« Cass. Dio, L.\, 2. 2.
"' Suét., Claiid., m.
'' Clerraont-Oanneau, Ker. Arrli. m:, II. p. 37<S.
■ Groag, s. v. Clavdim, P.- II".. 111. c 2783.
ATTinEIA 143
riii>;iifnifi;inte iiotioe de Lydus. Ccliii-r'i nous a transmis la mémoire
d'un petit fait que tais^-nt les sourees à nous eonservées. mais qu'il
n'a pas inventé; et le KXaôXio; KyJ.fyxp aucjuel il le rai)porte est.
à fiiup sûr, Ti. Claudius Nero.
Si. maintenant, l'on relit les quelques lignes de Lydus sur l'éopTvî
du -2 mars, on s'aperçoit que le lO.a'jèto: o Wrijù-Vj; qu'elles men-
tionnent se confond de même avec cet empereur. Lydus l'y désigne
clairement par les mots qui accompaniient, comme une fiche signa-
létique. l'auteur de la réforme cultuelle qu'il vient d'enregistrer:
T/v fSî èopTr.v lO.îi'jfî'.o: 6 IW.'T'.AîÙ; x.ztîctv^tzto, zv/;p o'jtco
Sîxzio: T.z'J. Tz; y.-J.'JS.'.'., co; aYi-spz tov éx'jtv;; tvzîoz às-/o'jL».îv7|7
/.î^.î'jTa'. ù'jy.vzi z,biT,^i vza7i9"/;vat zÙTw, rrv àà z— s'.— O'j'iav /.itvzt
'j:r-izy. i Lyilus. 7)r ^[rmihus. IV, .^9, p. 113 Wuensch'.
Le trait est frappant et sans réplitjue. Si, en effet, Claude n'a
pas été l'homme Juste que vante ici Lydus, il a été, si l'on peut
dire, le juge fait homme, chez (jui la passion du tribunal tour-
nait à la manie. Suétone, qui insiste sur ce côté de son caractère,
a remarqué avec complaisance la légèreté et la solidité alternées
de sa jurisprudence. Or quel exemple, entre autres, l'historien des
Douze Césars nous donne-t-il de son à-propos ? Précisément ie même
qu'a iiai'ré Lydus et qui, nous dépeignant Claude comme une sorte
de Salomon joyenx, le met aux prises avec une difficulté d'attri-
bution d'enfant plus on nmins analogue à celle que la Bible pose
au roi de .Térnsalem, et la lui fait résoudre par une supercherie de
comédie, en contraignant une mère à reconnaître le fils qu'elle se
refuse h éjjonser: fcmhiam non iifii/osrrnfem filiiim siiiim. dithia
utrhnqiie arffn mentonnti fine, ad ronfessionem compiilit indicfn ma-
trimonio inrenis '. Du rapprochement des deux textes jaillit, réha-
bilitée, la science de Lydus. Ce compilateur était un pauvre esprit,
chimérique et borné, envahi de préjugés ineptes et de curiosités
' Suét.. Chiud.. 15.
144 ATTIDf;IA
dérisoires ; mais il posst'-dait une excellente liil)liotli('(|Ue que nous
avons |)erdue : et n'eussions nons ]r.)s d'antres témoignages qui nous
pcrinJHScnt de ra|))>i>rti'r ;'i Ti. Plandins Xero l'insci-tion des fêtes
d'Attia dans le ealendrier romain, que nous n'aurions pas plus le
droit de révoquer en doute l'assertion de Lydus sur ce point ([ue
nous ne sommes autorisés A écarter les anecdotes qu'il nous conte eu
passant sur la lettre d'Arétas à Claude, ou sur l'ingénieuse manière
dont Claude s'y prit, un jour, pour confondre une mar/itn-. A plus
forte raison, sommes nous tenus de croire Lydus, quand de nom-
breuses attestations du culte romain d'Attis se sont produites à des
époiincs, non seulement antérieures aux régnes d'Antonin et de
Marc-Aurèle, auxquels M. Wissowa assigne le début à Rome des
fêtes métroaques du mois de mars, mais encore si voisines du prin-
cijjat de Claude que l'indication du Dr Mensibtig. irrécu.sable n
priori, va se trouver, en quelque sorte, vérifiée p.ir l'expérience.
Certes — et M. Wissowa, fidèle interprète d'un matériel épi-
graphique qu'il possède et manie en maître, ne s'y est pas trompé —
les inscriptions métroaques, à elles seules, ne sauraient nous con-
duire aussi haut.
Elles se réiiartissent essentiellemenl en deux groupes: les ins-
criptions relatives :\ des dendrophores, dont les collèges religieux
furent nécessairement contemporains du culte i)our lequel ils ont
été organisés; les inscriptions qui comniéiuorent le taurobole, ce sa-
crifice dont l'offrande solennelle au Caiaiinm. placée par le calen-
drier de Philocalus le 28 mars, au lendemain de la clôture du
cycle férié d'.Vttis '. in présuppose l'institution.
Or. il f.iut r.ivouer. ni les unes ni les autres n'apparaissent
avant le i)rini'ipat d'.Xntonin le l'ienx.
' l'iiilocalus. ap. C I. /... I*, p. 2tiO: I' A»/, (ipr.^ iuitium Vaiaiti.
ATTIDEIA 14f>
M. Grailldt, il est vrai, croit discerner le souvenir (riiii tau-
robole dans une dédicace d'Osilippo (Lisbonne), datée du consulat
de M. Atilius et Annius (iallus, en 108 ap. J. C. '. Mais, outre
qu'elle vient d'une province éloignée de l'Empire, ce qui en af-
faiblit d'autant la portée, elle est, à mon avis, bien loin d'auto-
riser une pareille interprétation. Le texte porte: Mntri De | um
M(Kj(niie) Ide \ ae Phrtjiyiac) Flfuria) Tjirhe cerna \ phur(a) per
M(arcHiii) IitUiinni Cnss(ium) et Cass(ium) Ser(ermn) ". Du fait
qu'il émane d'une ceruophore, et que le kernos. >.< plateau circulaire
qui supporte une série de petits récipients » ^ a été utilisé dans les
tauroboles, M.draillot en tire l'indice que la dédicace commémore un
taurobole. De ce que Flavia Tyclié n'a point consacré elle-même
son offrande, et de ce que, souvent, les tauroboles s'accomplissaient
par procuration, M. Graillot tire une présomption plus forte en-
core. Mais l'indice est faible, et la présoinjjtion se l'etouriie contre
la thèse. D'aliord, le l;enios n'a rien de spécitiquement taurobolique.
Accessoire banal de tous les cultes, nous le retrouvons dans les mys-
tères d'Lleusis, dans les rites égyptiens, dans la religion punique *.
Dans le culte métro.ique, il remplissait des fonctions trop nombreu-
ses et diverses pour que nous ayons le droit de conelure de son
emploi à la réalité d'un taurobole. Il jouait un rôle dans toutes
les processions, dans toutes les danses sacrées où des jeunes filles
le tenaient dans la main ou le portaient sur la tète. Suivant la
définition du sdioliaste, la ceruophore est la prêtresse chargée du
vase sur lequel on place d'habitude, non les vires du taureau égorgé,
mais les lami)es où l)rille la flamme mystique ". Quant aux inter-
médiaires à qui Flavia Tyché s'en est remise, il serait contraire
' Graillât, op. cit., p. I."i9.
^ C. 1. i., II, 17;i.
■' Graillot, up. cit.. \\. ITs.
* Ibid., p. 178-179.
'" Ihid., p. 25.'!, n. .'<.
M<'l(iiHi''s ifArrh. ,1 tlllM. 1<«1 10
146 ATTIIIKIA
:i tous les exemplfs qu'ils lui ensiseiit prêté leurs liou8 offices pour
un tanrobole : cette forme de sacrifice ne requiert, à l'ordinaire,
qu"uu officiant: ou le niyste lui-même, ou le prêtre à qui le mystc
s'est adressé et qui a qualité pour communiquer aux simples lidéles
les vertus inliérentcs à ce répu;,'nant lpa|)téme: mais, dans la fossi;
où se répand à Hots le sang du taureau, nous ne voyons jamais
descendre qu'un tauroliolié à la fois '. Flavia Tycliè n'a point né-
cessairement subi le tanrobole parce qu'elle était cernopliore ; et si
jamais elle s'y est exposée, ce ne fut sûrement pas par l'entremise des
deux personnages que nomme sou inscription et à qui, selon toute
probabilité, elle avait simplement confié le soin d'ériger le petit monu-
ment qui nous a conservé son nom. Kn quelque sens qu'on la retourne,
il n'y a rien à faire, en vérité, de la dédicace de Lisbonne.
M. Cumont qui, à juste titre, dédaigne d'y recourir, a allégué,
pour son compte, une inscription de Pouzzoles, de 13-t ap. J. C,
qui rappelle le second taurobole dont a bénéficié, cette année-là,
une certaine Herennia Fortunata ". Mais ce n'est point Attis ni la
(îrande Mère à qui ce sacrifice fut offert; c'est Vénus Caelestis;
je ne pense pas qu'on puisse faire état, pour résoudre le problème
((ui nous occupe, d'un texte qui ne l'intéresse pas directement : et,
passé 104, nous retombons, avec les dédicaces tuuroboliques, sur
les mêmes exemples dont M. Wissowa s'est prévalu et qui, pro-
venant de Lyon et de Leetoure, datent l'un de 160 et les autres
de quelques années plus tard ^.
C'est à peine si nous serons plus heureux avec les dendropho-
rcs, qui ne commencent à poindre à l'horizon épigraphique qu'avec
des inscriptions d'Ostie, sous Antimin le Pieux \
' (fr. les inscriptions n'unies par (îraillot. op. rit., p. I5;i et ItiO et
la description, si précise, de Prudence. reii.-<teph., X, 1016-1020.
- '\ /. L., X, 1096: efr. Cumont. s. v. Crioholium. dans 7'.- H'.. IV.
c. 17i;i.
» CI. L.. Xlll. 520 et 1751.
4 C. 1. L., XIV. 97, (17, 3.$ et 280.
ATTIDEIA 147
Aujuiravant, M. Graillot a invoqué une iiisci-ijitioii de Rome
puMiée dans le recueil irCh-elli et ITenzen et reproduite dans le
beau livre de M. Waltziii^ sur Lrs lor^xiralions iirufe.ssiontieUi's île
VEmpire romain :
Dis manibus.\ Entijcheti Caes(aris) n(ostri) \ liberfo, qui reli-
qiiH I colhffio sno den<lvoph(orum) \ (sesiertium mille) n(ummum)
ut ex reditu | omnibus annis ei parentent \ ciim rep(iihlica) col-
1e(i(ii) dendropli(orum) \ aère collato bene | merenti \ Suret et Se-
iiet'(io)te) co(n)s(n}ibus) (Orelli, 4412; Waltzing, 1377).
Le consulat de L. Liiinius Sura et Q. Sosius Senecio se place
en 107; et ce texte serait concluant, s'il était autlieutique. Mal-
heureusement, nous ne le connaissons que par une copie de C4ori ',
et aussi bieii les singularités de sa rédaction que l'étrangeté de
ses sigles ■ et le chiffre ridicule de sa donation justifient les édi-
teurs du Corpus de ne l'y avoir pas accueilli et M. Dessau de l'avoir
formellement accusé de faux ^.
M. Cumont, qui a eu soin de s'en passer dans son remarquable
article sur les Deiidropl/ori. dans la Bealet/ci/clopaedie de Panly-
Wissowa, a cru néanmoins pouvoir refouler sur le 1" siècle, d'abord
en 79, puis en 97, les mentions qui concernent l'activité de cette
corporation raétroaque.
Le fait est qu'une • inscription de Reggio Cahibria, datée du
5 des ides d'avril du 9' consulat de Vespasien et du 8'' de Titus,
a été gravée « ob muiii/icentinm earum \ quue dendroplioros | ho-
nororerutit » ■*, et il en résulte que Rhegium, dès 79 ap. J. C,
possédait un collège de dendrophores; mais, bien que je partage
l'opinion de M. Cumont, ((u'il doit s'agir là des dendrophores de
' Avec cette indication: Koniae iii vinea lohannis Bancheiii; cfr. Oori,
Symholae litterariae, Deeas RoiiHoia. IX. p. 232 (Rome, 17n4(.
- Rep. = republica.
^ Ap. AVissowa, op. cit., p. 322, n. 3.
^ C. I. L., X, 7.
148 ATTIDEIA
f'vbMe et d'Attis. et que leur reconiiuissancc officielle a l'extrémité
niéridioiiaie de ritalii' implique leur i-eeonnaissaiire à Rome, je ne
puis l'avaufcr (|Ui' cuninii' uni' doul)lc l]y|)otliése. De même, l'autre
texte, cité par M. Cumoiit. qui, datant de 97 et découvert dans la
banlieue de Rome « in vinea Honelli », prés de la porta Portesi',
consiste en une dédicace il Silvaniis ]).... par les iultores SH-
ravi D....', irintéressc les dendrophores (|uc si, par comparaison
avec les dédicaces, cci-taiuenient postérieures' et exluimées de la
Basilira JlHariiiiiii sur le Caelius, on admet par avance (|uc le
nom du Silvauus auciucl il est consacré doit se restituer lu Sil-
rninis Dendnijilntriis. et, en outre, que les riilfurn; qui l'ont ré-
digé, ou bien sont des dendrophores, ce (jui, je le crains, n'est ni
démontré ni démontrable, ou, du moins, soutiennent avec les den-
drophores des ra|)ports éti-oits. ((u'il est léfritime de eonjecfui'er.
mais (|Mi n'ac(iMirrcnt de consist.ince (pie d.ans l;i mesure où la
constitution M l'icinic. et antérieurement ;'i i'T, d'un collège métroaque
des dendrophores, a été démontrée par ailleurs.
A plus forte raison, des l'éserves ideuti(|ues doivent-illes être
formulées à l'égard de la subtile et forte ilémonstratinu par laquelle
M. (Jraillot s'est etl'orcé d'extraire d'une inscriiJfion de lîonie datée
de 206 la preuve indirecte que c'est sous Claude, et vraisembla-
bleiiiriit par son intervention, que le collège des dendro])hores avait
été i-econnu par le Sénat comme association légalement autori.séc.
Kn cette année 2(Mi. le collège des dendrophores de Rome, i/iiihiis
ex s. c. coire Jicet, reçut d'un certain Ti. Claudius Chresimus, « oli
Jionforew) qiiint/iietimiJ/fri/is », une somme de 10.000 sesterces dont
le revenu serait ]iartagc chaque année entre ses membres, an jour
anniversaire de si t'ondation, le 1'"^ août ^. Or c'est pn-ciM'inent un
' C. T. L., VI, (;4-2.
■ Cfr. C. I. L.. VI, ti41 et 30973. M. Graillot date la Insilica Hihi-
riiuKi du régne d'Hadrien {i>2). cit., p. 149); cfr. Huelsen, Jioin. Mitt.. VI.
is;n, p. 110.
' C. I. /.., VI, 2ii(;!ii.
ATTIDEIA 149
l" août — le l"' août 10 av. J. C. — que Claude naquit à Lyon '.
Ce n'est sans doute pas le hasard qui a fait coïncider ainsi les
deux natalUia. celui du collège et celui de TEmpereur, mais bien
plutôt uue harmonie préétablie par la bienveillance de Claude en-
vers ces dendrophores auxquels il a conféré l'existence corporative,
et la gratitude du collège que Claude a fondé ". Mais cette déduction,
à laquelle j'adhère sans réticence, n'est solide que si déjà Ton est
convaiucu de rorganisation claudienne du collège des dendrophores.
Ainsi donc, si nous n'avions pas accepté au préalable l'histo-
rieité du texte de Lydus, toutes ces remarques, quelle qu'en soit
la finesse, tous ces rapprochements, quelque pénétration qu'où leur
accorde, perdraient toute valeur probante contre les statistiques
èpigraphiques de M. Wissowa. Assurément, celles-ci ne sauraient
lui être objectées, car il y a une erreur commune, mais certaine,
à conclure des premiers exemples que nous possédions du fonction-
nement d'une institution à la date de cette institution même ; et,
à tout prendre, il n'est pas plus extraordinaire d'ouvrir entre la
création des dendrophores, que Lydus attribue k Claude, et les
premiers souvenirs que les dendrophores nous aient laissés sous
Antonin le Pieux, un intervalle d'un siècle, qu'il ne l'est de cons-
tater près d'un siècle et demi de distance entre l'ultime mention
que l'épigraphie nous ait encore fournie de leur activité, en 288
ap. J. C. ^, et la constitution impériale qui les a définitivement
supprimés en 415 \ Mais, d'antre part, ce serait se bercer d'il-
' C. I. i., I-, p. 240 et 248 : Suét.. Claiid.. 2, 10 etc.
* Graillot, op. cit., p. 143. Après bien des recherches, je n'ai trouvé,
quant à moi, qu'une inscription qui, à la rigueur, pourrait attester la
célébration du culte d'Attis à Rome, dès lépoque flavienne, c'est l'épi-
taphe métrique C. I. L., VI, 10098 (Bnecheler, 1110), qui commence par
le vers Qui colitis Cyhelea et qui Phryija plangitis Attia et se termine
par un appel à Domitille. Mais encore faudrait-il être sûr de la person-
nalité de cette dernière et du sens même de la poésie.
3 VI. L., VIll, 8457.
•" Cod. Tlieod.. XVI. 10, 20. 2.
lusicms que de solliciter des inscriptions .intérieures aux statistiques de
M. Wissowa un témoign.-ige en faveur de Lydus, et comme la preuve
d'une véracité ((ue présupposent les interprétations par lesquelles
on se H;ittr de la démontrer. Hn résumé, l'épigrapliie, livrée à elle
niùmi', ristc miitrc au déliât, et c'est aux sources littéraii'cs qu'il
nous appartiriit ilr iiiiiscj- les i-(inli]'niatiiins (|ni nous manquent.
On lit dans les Tiihtihi d'Arrien, au chapitre ^>''> un éloge mé-
rité de la faculté d'adaptation des Romains ([ui n'ont ixiint hésité à
emprunter aux Barbares, soit les armes, soit les méthodes de combat
dont ils appréciaient l'utilité. Au risque de passer poui' les triljii-
taires des peniiles ((u'ils avaient soumis, lliércs on ( iaiihiis, ils s'as
similaient à leur école de nouveaux moyens de \;iiniic. Tel était,
ajoute Arrien, leur amour passionné de la patiic ([uils prenaient
son liicn ])artout où ils le croyaient découvrir et (|u"ils attiraient
sur la Ville la piofectinn des divinités étrangères. Entn; autres
rites, ils ont accompli ceux de la religion phrygienne — àpÎTZ'.
hi îi-'.-'i y. /.'A <I>;'j-''.a. Dans Rome, non seulement est adorée la
dée8.se de Pessinonte, mais la passion d'Attis est pleurée à la mode
d'Asie: x.z; yzp r, 'Vix yJ)-:v.; r, it>^r-'.7. tvj.xzx'. i/. Wz'^cvi'ÀJZ'j;
éXOoOffx y.xï To 7:£vOo; to xysi tw ' .\ttyi «l'pvyiov sv 'l^ioar, —z-i-
OîTtzi (Arrien, Tnltikn, 38, 4). .\rrien a donc connu la célébration
puldique, à Rome, du Siiiiiinis, le 2-1 mars. Il en parle an pré-
sent, entre une allusion .-nix cultes grecs et une autre à la législa-
tion des XII tables, comme d'un usage li;iliitiiel et dés longtemps
passé dans les moeurs '. Or Arrien ;i composé son traité dans l.i
' (tV. Graillot, "p. cit.. ji. 137: «En liîT, année qui précéda la mort
du piince, le deuil autour d'Attis et le bain de Cybéle sont déjà consi-
dérés connue de grandes fêtes romaines •. En réalité, le texte d'.-Vrrien in
dique moins rinqwrtance que l'ancienneté du culte d'Attis.
ATTIDEIA 151
vingtième année du règne d'Hadrien '. Kn 136-137, par conséqnent,
les fêtes du mois de mars étaient une coutume déj:\ vieille; et l'in-
troduction ofticii-lle du culte d'Attis à Rome est par là reportée à
plusieurs généi-ations en arriére.
Le récit par Suétone de la précipitation avec laquelle, en mars 69,
Otlion brusqua son départ de Rome pour cette campagne de Bé-
driac contre les Vitelliens qui devait lui être fatale, nous contraint,
en effet, de remonter jusqu";\ la dynastie .liilio Claudienne. En voici
la phrase principale :
Erpeditinxpni attfem impigre atqiie etiam praepiropere inrhoarit
{OfJio), iniUa nr reJifjioniim cura, si'd et mofls necdnm conditis
(nirihbits (quod utiti'piHiis infaustmn habetur) et die qno cultores
deum Matris lamentnri et plangere inciphint (Suét., Otho. 8) '.
Dan.s l'esprit de ses c.outemporains, Othon s'est exposé :\ la colère
divine par ses négligences sacrilèges: nuUa ne retigionum cura.
Le pluriel icli(iioiuim. dont s'est servi Suétone, est significatif. De
fait, Othon a manqué à deux religions ensemble: il a failli à la
religion de Mars, lors(|ue l'empereur ne s'est point donné la peine
d'accomplir jus(in';iu bout le rite, obligatoire en toute saisun pour
le général qui se rend ans armées, imposé chaque année, en dehors
de toute expédition militaire, par le retour, entre les Equirria
du 27 février et du 14 mars, du Çtiinquatnis du 19 mars et du
Tubilustr'nim du 23 mars, des grandes fêtes dédiées au dieu de
la guerre, et qui consiste non seulement à promener solennelle-
ment les boucliers sacrés de reposoir en reposoir — anciUa mo-
rere — mais à les rapporter avec dévotion en leur temple de la
regia — - nncilia condere ^. Et, de même, Othon a failli à la religion
' Arrien, Taktika. ch. 44 : et, sur ce passage, et la composition de
ce traité en général, cfr. Wilhelm Christ, Geschichte der Gr. Litemittr^,
p. 672.
^ Texte cité mais non utilisé en ce sens, par Hepdiug. o}». cit., p. 1.51.
' Cfr. Wissowa, oji. cit., p. 141 et Habel, s. y. nneilia, dans P.-W..
I. c. 2113.
ATTIDEIA
(le la rirande Mi'tc, (|iiaiiil. ])as>;aiit outre au cai'actère néfaîtte du
Sdtujnis. il a clioisi le "2 1 iiiar-i, le jour lugulire de la mort d'Attis,
pour sortir de la villr '. Il est évident qu'aux yeux des sujets
d"()tlion. coinnip à ropiiiiiMi de Suétoue, les deux rites étaient éga-
IrmiMit prescrits par la rcHj^ioii de l'Ktat. OAw'x qui eoncerue \c<
liiiiicliers de Mars eu faisait pai'tie depuis une liante antiquité — qwnl
anfiqiiifus infhi(shim huhctiir. Celui que commandait dès lors le
eulte métroaque ne pouvait reveudi(iuer une aussi haute tradition:
rapproché de la réllcxion précédciiti-. le silence que Suétone ohserve
i\ cet égard prend tonte sa valeur. Mais il est clair (|u'cn tili la
religion d'Attis avait eu le temps, déjA, de s'imposer à une iqiiriioii
pMhli(|ue qui s'impressionne et tremhlc de la voir transgresser.
Nous n'avons plus qu'à chercher depuis (|Mandi'
Deux indications précieuses et concordantes nous sont fournies
par Denys d'IIalicarnasse et par Ovide. Dans ses Anflquitp's romaims
])uldiées en 7 av. J. C. '"', Denys manifeste son admiration pour la
piété calme et grave du |icnple rmnain. cajjalile de vouer à la
Grande Mère des Dieux un culte d'où sdnt exclues les pi-atiqucs
orgiastiques des Phrygiens '. D'antre part, dans ses Fastes parus au
lendemain de la mort du poèt<'. m 1 s .ip. .1. ('. \ ()\ide, qui décrit,
au livre IV', les fêtes de Cyl)clc du mois d'avril, est muet, au
livre 111, sur les fêtes d'.\ttis du mois de mars. Il est donc eer-
' Sur la foi d'un passage de Tacite, Ilist.. I. 00. on lixe quelipic
fois au 14 mars le départ d'Otlion pour raiinée. Mais le témoignage de
Suétone est formel et précis, confirmé par le rapproclicinent, sur le ca-
lendrier, du tubiluslrium et du sanguis — parfaitement conciliable avec le
renseignement de Tacite qu'on lui oppose et qui regarde, non la sortie
effective dOthon, mais l'annonce i|u'il en fit — priait idus mardua —
aii Sénat et an peuple. Cfr. d'ailleurs, le témoignage concordant fourni
d'autre part. Hist.. I, 89: fuere qui Othoiii iiwynx reli/jionenKiiie iioiiiliim
coiidifonim riiicilium adferri'nt.
' CtV. Radermacher. s. v. IHouijsios, dans l'.M'.. V, c. 234.
^ Den. Hal., Ant. rom., II, 19: cfr. Graillnt, op. cit., p. li:i.
* Cfr. Schanz, Gesch. tkr rôm. Lit.^, H, 1, p. 213.
ATTIDEIA 158
tiiiii, comme tout le monde en convient aujourd'hui, que la réforme
religieuse qui eut pour l)ut d'introduire offleiellement le cycle d'Attis
au calendrier romain, postérieure de toute façon au prinoipat d'Au-
guste, n'était sans doute pas encore réalisée au début du règne de
Tibère: et le prol)lème chronologique que nous nous proposons d'élu-
cider tient tout entier entre ces deux termes : un terminus a quo
déterminé par le silence des Fastes, en 18 ap. J. C. ; et le ter-
minus ad qiieiii que nous avons extrait du passage précité de Sué-
tone, en tî9 ap. J. C.
Or, un examen pins attentif des vers d'Ovide va nous permettre
de resserrer encore cette fourchette chronologique. Pour Ovide, en
effet, la Jaratiu de la Mnçina Mater inaugure les Meycûensia. et
il y est procédé au jour anniversaire de son transfert d'Ostie à
Rome en 204, et de sa première baignade sacrée dans les eaux de
l'Almo, le 4 avril'. Pour Arrieu, au contraire, et justement dans
le chapitre que nous avons précédemment utilisé, le rite de la Ja-
rutio termine le cycle des fêtes d'Attis: to 'XoOTpov r, Péa à.o'ou
ToD •;:îvOo'j; 'Xv^ys'- 'l*p'J"j'wv voLiw Xo'jTai ' ; soit, d'après les infor-
mations que nous devons k d'autres auteurs, le six des kalendes
d'avril — diem se.rtiim Kalendas apriles^ — le 27 mars, par
conséquent. Mais il y a mieux que le témoignage d'Arrien, contem-
porain de l'empereur Hadrien: le calendrier rustique que l'on ap-
pelle le JMenoJoyium CoJotianum * et qui a été gravé vers le milieu
du l" siècle ap. .T. C. '', fixe déjà la Inratio au 27 mars ''. Comme il
n'y a pas de doute que le changement de date de la lacatio n'ait
procédé de la réforme du culte phrygien, et n'ait accompagné l'insti-
' Ov., Fust., IV, .'J37 et suiv.
' Anien, TaMiIca, 33, 4.
^ Cfr. Aium. Marc, XXIII, 3, 7; Vibius Sequester, De Fliim., Geogr.
Lut. min., éd. Kiese, p. 146.
* C. I. L., VI, -2305 (aujourd'hui au Musée de Naples).
'■ Hnebner, Exempta, p. 342, n° 979: saeculi primi eiiciter medii.
•■ Cfr. le Menologitun Wdlense, aujourd'hui disparu, C. I. i., VI, 230ti.
tution du cycle fh-\r cii l'hoiiiK-ur d'Attis. nous n'.ivoiiK |)liis le
clioix, pour en désigner l'auteur, de 18 à 50 ap. .1. C, iju'entre
Tibère, rU-37), Caligiila (37-41) et Claude (41-54). Tibère est hors
de cause : il ne s'est occupé des religions étrangères que pour les
persécuter '. L'intervention de Caligula est également invraisem-
blable : en son court règne, il ne s'est intéressé qu'à Isis et aux
rites Egyptiens-. Reste Claude, auquel un dernier texte va nous
ramener nécessairement.
C'est un modeste panigraplie de la conipilatioii Juridique dé-
couverte en 1821 par le cardinal Angelo Mai dans un manuscrit
palimpseste de la Vaticane •', et connue des juristes sous le nom de
Frafiments du Vatican. Nous en ignorons, et le titre ancien, et
l'auteur. Mais comme la plus récente des constitutions auxquelles
elle se réfère est de 372. elle a dû ctrc composée dans le dernier
quart du IVf-me siècle. Sous la rubrique De e.nusnfione, elle groupe
tous les cas d'exemptions de tutelle qu'elle a colligés dans les lois,
resci-its et traités antérieurs. Un grand nombre de ces précédents
sont attribués par elle à Hadrien \ quelques autres à Auguste '^.
Au J^ 148, elle énonce, sans le dater, un cas d'exemption singulier
qui a trait à l'exercice du culte métroaque : de même, dit-elle, est
dispensé de la tutelle celui qui. dans le Port, et par Tordre ])roplié-
tique de l'archigalle, aura sacrifié pour le salut de l'empereur: ffiw
is qui in l'orhi pro sainte imjieratoris surnim farit e.r intiri-
natione archigaUi e.rcusalur.
.\vec sa perspicacité coutumière, M. Cumont a tout de suite dis-
cerné l'importance et le sens de cette disposition ". Le sarnim ([u'elle
' Cfr. Bouché-Leclei-cq, L'intolérance religieiife et ta potitiijite, l'aiis.
1911, p. 77.
2 Cfr. ibid., p. 88.
' Sous une copie des Collatioitex Ae<jypti aiiachoretarum de Cassien.
* Cfr. § 141 et passim.
^ Cfr. S 158 et passim.
* Cumont, s. v. Dendrophori, dans P.- M'., V. c. 219.
ATTIDEIA
cite consiste dans le sacrifice taurobolique. 'Ucxcusdtio dont Iiéné-
ficie qui l'a offert confère évidemment au taurobole nn caractère
officiel; mais ce privilège n'est acquis qu'à une double condition:
il faut que le taurobole ait été consommé pro shIk/c iwperatoris:
il faut qu'il ait été prescrit par l'archigalle ; et ces deux réserves
suffisent à mettre en lumière l'admirable prudence des empereurs :
ils consentent ;\ introniser le rite de la religion d'Attis le plus con-
traire à la sévère décence du mos maionim : dans le même temps,
ils s'efforcent d'eu prévenir l'abus et d'en lier l'accomplissement à
la dévotion qu'exige leur propre divinité. Mais, à mon avis, le
texte suggère nue troisième restriction dont bi portée est peut-être
l)lns grande encore: le sr/er«)» dont dérive rr;y«««//o ne peut éti'e
offert n'importe où : la célébration en est rivée h un territoire
strictement défini ; elle n'est valable que i» Poiiii.
La vitalité de la religion de Cybèle et d'Attis, à Ostie et au
Fort, nous est attestée pnr de trop nombreux monuments ' ])onr
((u'une pareille localisation du taurobole puisse nous surprendre.
.Atais elle ne saurait, à elle seule, rendre compte du monopole de
lait i(ni sul)sist:iit encore à la période tardive où s'élabora la coni-
l)ilatioii juridique qui nous en ;i gardé la trace. Il est, Je crois, im-
possible de ne p;is distinguer là, et en nu siècle où le taurobole
était couramment pratiqué à Rome même, dans le sanctuaire ap-
proprié du Cninnum, la survivance d'un état de choses antérieur et
différent. De même que Rome avait commencé par nationaliser
i'Idéeune sans comprendre Attis dans ses lettres de naturalisation,
de même elle a dû commencer par accueillir Attis dans ses murs
sans les ouvrir aux rites d'.\ttis qui lui inspiraient le plus de ré-
pugnance. Et dans le moment où elle a rendu publiques les fêtes
du dieu et arrêté le cérémonial de leur déploiement i)ulilic, elle
eu a peut-être exclu provisoirement le taurobole ; elle ne l'aurait
' Cfr. r. 1. L., XIV, 35, a7, 38, 324 etc.
A'mUEIA
reconnu que là où elle la encouragé, dans sa banlieue, au Portus.
Cette conclusion s'ébauche déjà dans l'étude d'un calendrier où
l'initmm Caiuni, le 28 mars, se juxtapose et se surajoute au pro-
gramme cyclique des fêtes du mois de mars, au lieu de s'y incor-
porer '. Maintenant, elle se précise grâce à la prescription que ren-
t'eniieiit lus Fraipncntu du Vdlii'un. L'empereur ipii a iiitriiduit le
culte d'Attis dans la ville est le même qui a retenu le taurohole
aux portes de la cité: In Portu. Et cet empereur, nous Talions
voir, ne peut être (|iic Ti. (ylaudius Nero.
Personne aujourd'hui ne songe à contester à Claude sa sollici-
tude pour rMiindiie du peuple romain "'. l'intérêt qu'il a porté au
développement d'Ostie ^, l'honneur, enfin, d'avoir réalisé, au Nord
du Til)re, la grandiose création d'un port, dont les difficultés, pas-
sées en proverbe ', avaient rebuté les plus illustres de ses prédé-
cesseurs '". Et de cette activité résulte déjà la présomption que les
privilèges attachés au sol ostien furent une concession de Claude ;
mais les termes mêmes (|ue muis lisons ilaiis les l'nu/meiils du Va
iicun y sulistituent une pi-euve décisi\c.
En etfet, la locution in Por/ii (|u'ils (•nii)biient garde remi)reinte
de ce règne, et de sou temps — à l'exclusion des autres. Au IV'"'"
siècle, qui est celui où ils s'élaborèrent, le Port a rompu les liens
qui depuis sa fondation, avaient uni ses destinées à celles de la
colonie d'Ostie; devenu autonome, il s'intitule orgueilleusement le
Port de Rome: Portus Romanus'^. Auparavant, le Port, de par la
' Cfr. supra, p. 144.
2 Ofr. Suét., Claud., 18, 19: Tac, Ann., XII, 4;î.
■' Cfr. .1. Caicopino, y^es inacriptions giimnliennesi. dans les MéUin<ies
d'archéologie et d'histoire^ 1911, p. 209.
< Quintilien, Inst. or., III, 8, 16.
^ César, peut-être ? (Cfr. Plut., Caes., 58 1; Auguste, sûrement: cfr. en
dernier lieu, J. Carcopino, Virgile et les origines d'Ostie. p. 738 et suiv.
" Clironogr. ann. 354, p. 646 Mounnseii : Hieron. J£p., LXVI, 11;
LXXVII, etc. Cfr. Dessau, C. I. Z,., XIV, p. 7, r.. 1 et 2.
volonté de Néron, désircnx de frustrer lu mémoire de son père adoptit"
du juste hommage qui Ini revenait, avait reçu et continué de por-
ter ' le nom de Poiiiis Atcf/usti, en souvenir des projets qu'Auguste
avait mis en œuvre et que Claude eut le mérite de reprendre et de
conduire à terme ■. Mais, sous le règne de Claude, un mot suffisait
pour désigner l'ouvrage auquel le Prince avait voué ses ressources
et son labeur: c'était le Port par excellence, le Port /.xt' èço/jîv:
Portus. C'est le Port, sans plus, qu'au témoignage de Suétone,
Claude a construit à Ostie: Porfnm Ostiae e.rtru.rif^. C'est au Port,
sans plus, qu'empruntèrent leurs raisons sociales toutes les corpo-
rations instituées à ses débuts, pour son service, les fabri navales
Poft{uenses) *, les jiell zones Portfueiises) ', les pisfores Port(nenses) ^.
Enfin, c'est le Port, sans plus, qui figure sur la magnifique ins-
cription, magnifique par la beauté de sa gravure et la souveraine
plénitude de sa rédaction impériale, que les visiteurs du Lat)o
Traiano admirent aujourd'hui en passant sur la lia Portuense :
Tifheriust Claiid/iis. Diusi f'fiUus) Caesar \ . .. fossis ductis a Ti-
heri 02>ens Por/(/[*-] | caussii emissis'iue in mare Urheni \ iminda-
lionis jjericiilo Jiberavit ' . En écrivant, à son tour, le Port, sans
plus, le rédacteur des Fragments du Vatican a parlé le langage
qui fut officiel sous Claude et tomba en désuétude aussitôt après
la mort de Claude, et Veicusatio juridique qu'il nous a transmise
plus de trois cents ans plus tard jaillit, textuellement, du droit édicté
par Claude.
' Au II' siècle, on trouve l'addition et Traiani (C. I. L., XIV. 408).
■ Cfr. sur cette dénomination, et son histoire, J. Caicopino, Virgile
et les origines d' Ostie. p. 742- 74y.
3 Suét., Cland., 20.
* C. I. L, XIV, 169.
5 Ibid., 277.
■i Ibid., 374.
' Ibid., 85. L'inscription est datée de 46.
Nous revenons ainsi à notre point (le départ, par un détour
qui n'est jjas sans profit. Car non seulement l'affirmation de Lydiis
sdit \ ictnrifiisi' lie toutes les objections, mais les textes convergents
f^roiipés autoiii- d"i'llo permettent d'apprécier à sa Juste mesiir"' la
réforme religieuse ()uen tonte vérité elle atti-iliiie à Ti. CLiiidiiH
Nero.
Pour la pniiiiéi'e fois, Claude a admis au calendrier de la re-
ligion romaine les fêtes d'Attis. Mais, ce faisant, il .-i pi-is soin d'en
atténuer le caractère, et, si Ton peut ainsi parler, d'en ronianiser
l'esprit: d'abord, en dépl.ir.int. pour formir le cycle nouveau, une
eérémonir -i hu(iiclle le piii|ilc romnin étail depuis longtemps ac-
coutumé, celle de la hini/io i|u'il avance du 4 avril au 27 mars ';
puis en préposant à cette célébration une corjjoration profession-
nelle convertie tout exprès en une corporation religieuse, U- collège
des dendrophores " qui dut, de ce chef, adopter Attis pour patron,
mais que la foi en Attis n'avait i)as réuni, qu'elle n'enipèclia point
de dater sou propre natalicium. non du ritm-l dmit il était chargé,
mais du mttujiciuiii de son impérial fondateur, et où les tiédes et
les indittérents pouvaient coudoyer les enthousiastes, neutraliser au-
tant que subir la contagion de leur ardeur: enfin, et surtout, en
refoulant hors du cyele férié et jusqu'au l'artus ce sacrifice du
taurob(de qui n'attirer.i de t'aviurs à ses officiants que s'ils l'ofl'i'cnt
en territoire ostien, sur l'ordre de l'andiigalle et i)Our le salut de
César ''.
Ces précautions, que la forée des (dioses et le mouvement des
âmes rendront Idcntot su])irHues. doniu'Ut :i i)enser que Claude n'a
' Cfr. supra, p. L'iÛ-l'îli.
- Cfr. Lydus. Inc. cit., et siiprit. p. 187.
' Cfr. .^xpra, p. 15.^.
ATTIDEIA 159
point borné là son action, et que, peut-être, elle s'est étendue à
la rt-t'onte du sacerdoce inétroaque. Mais c'est une autre question,
et elle requiert, par son importance comme par sa difficulté, uu
examen approfondi. En attendant qu'elle soit abordée à son tour,
les résultats de cette première enquête suffisent à rendre à Claude
l'initiative que lui accordait L\-dus et qui révèle, une fois de plus,
l'audacieuse sagesse et la largeur calculée de sa politique d'assi-
milation.
Rome. 19 mai 1923.
Jérôme C.^rcopixo.
\
NECROLOGIE
Gaston Etchegoyen
Gaston Etcliego.ven est mort :ï Madrid le 16 décemlire 1922,
à l'âge de trente deux ans. Je ne saurais dire avee quelle tristesse
nous avons appris cette nouvelle douloureuse.
Né à Pont-Saint-Esprit le 22 mai 1890, Etchegoyen était resté
dè.s l'enfance orphelin de son père, qui mourut en 1891. C'est au
titre de fils d'offteier qu'il entra comme boursier au collège d'Uzès,
qu'il (|uitta pour le l\cée Lakanal. Il fit sa rhétorique à Henri IV,
avec uu maître qui l'airaa, Georgin, et sa philosophie avec Méli-
nand. 11 sortit du lycée Henri IV avec le prix de philosophie,
et une bourse de vacances pour l'Espagne. En juin 1912, il pre-
nait sa licence d'espagnol. La guerre le trouva dans l'Est; mais
après deux années passées aux armées, il fut réformé pour lésion
de la vue. Revenu :\ Paris, il décida de préparer son diplôme
d'études supérieures à l'Ecole des Hautes Etudes, sous la direction
de deux maîtres excellents, M. François Picavet, aujourd'hui dis-
paru, et M. Morel-Fatio. L'année suivante, en 1917, il demanda
à être envoyé comme rédacteur à la Résidence Générale du Maroc,
et comme contrôleur à Ber-Rechid. Depuis de longues années déjA,
il se passionnait pour l'étude des grands mystiques du Moj'en Age,
et surtout jiour la liante figure de sainte Thérèse. Sur les conseils
des maîtres que j'ai nommés, et aussi sur ceux de JI. Henri De-
1()2 CASTON KTflIKCOYEN
lacroix, il entreprit un travail approfondi sur la doctrine de la sjiinte
d'Avila et sur ses sources. Deux années passées à l'Ecole des
Hautes Etudes Hispaniques de Madrid sous raffectuense direction
do M. Pierre Paris, une année passée à l' Picole française de Rome
lui permirent de réunir la documentation nécessaire à son étude,
et de l:i rédiger. En oftol)re 1!)21, il venait 8"étal)lir à Madrid,
où il était nommé professeur de lettres et pliiloso])iiic au Lycée
Français. C'est lli qu'il a été enlevé en quelques jours, de» suites
d'une opération de l'appendicite Jugée d'abord grave, et qui ce-
pendant sembla devoir réussir. Près de lui était sa mère qu'il ado-,
rait, et pour l.-uiui'Ue il était tout au monde. Il n'est pas de mots
qui puissent adoucir une semblable douleur.
Ce long travail devait former sa thèse de duetor.it. Etcliegoyeu
disparait au miiment où cette thèse, à la(|nelle l"imi)rim:itur était
donné, allait être publiée. Ses maîtres, ses amis, n'imt jj.is voulu
que son oeuvre disparût. Cette thèse qui n'aiir.i pas. Iiél.is ! les
honneurs de la soutenance, paraitni ilaiis la Hil)liothèque de l'Ecole
des Hautes Etudes Hispaniques, dont elle formera le quatrième
fascicule. Elle a pour titre: L'amour dirhi. essai sur les sourees
(le sainte T/ie'rèse.
Etchegoyen, d'une :une délieate et ii.issionnée, ét.ait particuliè-
rement apte à comprendre le symbolisme et le mysticisme. Il avait
donné ici même, l'année dernière, q»el(|Ues Versets choisis du Lirre
de l'Ami et de l'Aime, de Raymond EuUe : ces courtes pages dé-
notent le sens profond (in'il avait des mysti(|Ues. et. p.ir l.i tiiiesse
de sa traduction, de rares qualités de sensibilité. Il était un ca-
marade charmant. |dein d'esprit, de gaité. Nous l'avons trop iien
connu: assez toutefois pour avoir appris à l'estimer et à l'aimer.
Injuste et détestable mort, qui emporte avec elle t.iiit d'intelligence,
d'espérances, tant de nobles qu.ilités de resi>rit et du cœur !
('iiaiu.es Tkuu.\ssk.
v^"
BIBLIOTHEQUE NUMISMATIQUE A. ENGEL
L'Ecole française vient de recevoir une donation magnifique.
M. Arthur Engel, ancien membre de l'Ecole (promotion 1878),
dont le nom (■tait déjà associé, avec une respectueuse gratitude,
au souvenir de ses déliuts, lui a offert la bibliothèque qu'il avait
réunie en vue de ses recherches de numismate et pour la prépa-
ration de travaux numismatiques universellement estimés.
Cette bibliothèque comprend plus de 2000 brochures et de
1800 volumes dont plusieurs constituent de véritables raretés de
bibliophile. Il a été possible de réserver aux richesses de cette col-
lection spéciale une salle séparée où elle gardera sa physionomie
propre ; et l'Ecole est heureuse de pouvoir attester publiquement
à son ancien ses sentiments de profonde reconnaissance.
J. C.
A
FARNESIANA
Le cardinal Al<;xainln' H Fanièse, petit-fils de Paul III, ae-
erut réclat dont la Sainte Eglise Romaine illustrait sa maison par
son rôle non moins mémorable de protecteur des lettres et des arts.
Dans cette Italie du XVI*" siècle qui, par sa diplomatie, excellait
:'i évoluer au milieu de puissances étrangères, il est une figure de
premier plan. Cardinal ] romu par son grand-père dès l'âge de qua-
torze ans, en 1534, puis vice chancelier de l'Eglise et doyen du
Sacré Collège, il prit, sous le pontificat de huit papes, une part
d'autant plus personnelle à la politique romaine que ses attaches
de famille avec la maison ducale de Parme et ses bénéfices en
France le plaçaient au centre de la rivalité entre la monarchie
française et la maison d'.\utriche.
Au milieu d'une vie si remplie il s'était ménagé une retraite
studieuse. Tandis qu'au piiino nohile du Palais Farnèse se dérou-
lait le faste de la représentation, au second étage des bibliophiles
et des artistes rassemblaient les manuscrits précieux de la litté-
rature grecque et latine et constituaient une galerie de médailles,
de camées et de peintures. Archéologue — il avait été à l'école
de Paul III — et doué d'un goût très sûr pour les arts, il est
resté célèbre par les fouilles du Palatin et du Forum et par son
mécénat ami des constructions. Il attacha son nom aux églises de
San-Lorenzo-inDamaso et du Gesù, aux palais Farnèse de Rome,
de Caprarola et de Gradoli, et mit l'écu fleurdelysé sur d'innom-
brables monuments. En lui revivait l'esprit de l'humanisme fécond
qui distingua les cardinaux du XV' siècle.
Mélanges iVArch. cl iVHHI. li+23. ' 11
Iti6 KAIÎNESIANA
Le Pillais l"arM('Mr ilc Itoiiii' c'tait ili'viMiii un viritalilc iiiiisée.
l>éjà, sous les portiques de la eour, le rumaiii ou rétraii^'ei- épris
d'art voyaient avec étonueinent se drenser les plus lieaux marbres
anti(jues ' ; les deux lIiTeulc, la statue dit Fluii'. Ii- i;r()U|)i' du
Taureau, la Vénus Farm-sc aeeonipagnaieut le visiteur jusqu'aux
escaliers majestueux ((ui le eonduisaient aux appartements du car-
dinal et à la Librairie. Celle-ci occupait le !,'rand salon de faeade
au second étage et ses trois fenêtres ouvraient sur la place Far-
nése ". L'on se plait à se représenter Alexandre venant y oubliei'
les soins de la politique pour la société d'une docte cour, où Fou
distingue Molza, Mgr. .love, Pietro Vettori, et Fulvio Orsini. Il
avait eu i)our uiaitre l'iiumaniste Romolo Amaseo, et ses .secrétaires
lurent des lettrés, tels Mgr. Giovanni délia Casa, Fauteur du Ga-
hiir'e ou Anuibal Caro, (|u'eli'ray,iit un peu le faste de sa maison,
mais qui fut séduit par « l'application aux études que montrait le
cardinal » \ Faut-il rappeler que ce fut au cours d'une de ces
réunions d'Iiuniauistes qu'Alexandre Farnèse, s'inspirant des Éloges
de Paul Jove, suggér.iit à Vasari l'idée d'écrire ses « Vies des ar-
tistes » * ?
■ Voir l'inventaire des antiques du palais en 1568 publié dans les
Docnmenti inedili per xerrire alla storia dei musei d'Italia. t. I (1878),
pji. 74-75. Les antiques farnésiens sont aujourd'hui au Musée de Xaple?.
' La disposition de la l)ibliotlié(|ue a été étudiée dans les Mi'langex
d'archéologie et d'histoire par 1'. Bourdon et U. Laurent-Vibeit, t. XXIX
(1909), pp. 158. UÎ3-164. La «grande librairie » est située au dessus de la
salle Salviati. La bibliotlio(|ue occupait en outre une salle contigiie à celle-ci
sur la fa(;ade, et les trois ])ièces voûtées donnant sur la cour: cette se-
conde librairie (la piccola libreria) servait surtout de dépôt d'archives.
' Voir la curieuse lettre d'A. Caro à Lodovico Beccadello. datée de
("ivita nova, 14 oct. 1547, par laquelle il lui fait part de la demande du
cardinal qui désire le prendre pour secrétaire, dans Lcltere CXXVJI
(Ifl corn. A. Caro raccoltc da G. Bernardino Toniitano, Opîlergino (Ve-
iiezia, 1791), p. 40.
* Vasari. Le rite di' 2'ii< eccelleiiti jjittori, satliori ed archiicttori (Fi-
rcnze, 188i;, t. VII, pp. 681-2. L'épisode se place en 1546.
LA BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DU ('Alll)INAL FARNÉSE
I.
La bibliothèque grecque du cardinal Farnèse
SUIVIE d'un choix de Lettres
d'Antoine Eparque, Mathieu Devaris et Fulvio Oesini.
Nous n'envisageons ici (lu'iiii faible côté de l'activité littéraire
d'Alexandre Farnèse, étudiant en lui l'helléniste. Dès la première
moitié du siècle, lorsque Paul III l'eut appelé à Rome et que se
dessina pour lui une carrière l)rillante dans l'église, le cardinal
s'était consacré à l'étude de la littérature grecque et latine. En
1540 — il avait alors vingt ans — Pierre Bembo s'adressait à
lui pour recommander au pape Antoine Eparque « cosi dotto nella
sua bella lingua, lui disait-il, corne sapete * ', sûr que son origine
corfiote serait le meilleur des titres pour gagner la faveur du jeune
humaniste. 11 resta en effet en rapports avec Eparque lorsqu'il s'éta-
blit à Venise, et nous savons par ses lettres que Paul III et son
petit-fils lui servaient une pension de 160 écus ".
Le faste des légations dont le cardinal fut chargé auprès de
l'empereur ni les « plaisirs trompeurs » des coui's ne changèrent
ses goûts. Revenu à Rome en 154-1:, il se remit à faire des étu-
des, à l'âge ou tant de jeunes gens, écrit gracieusement Alexandre
Manzoli, <:< gionti a quelle due strade de la gioventude », s'ache-
minent vers la mauvaise voie : car la jeunesse est une sirène '.
' Lettre de P. Bembo publiée par Emile Legrand, BihJiographit hel-
lénique, t. II, p. 364. Cf. la lettre grecque d'Eparque au cardinal pu-
bliée ibid., p. 370.
' Voir infra Lettre II: cf. les lettres publiées par L. Dorez, Antoine
Eparqiie, dans les Me'Ianges d'archéologie et d'histoire, t. XIII (1893).
^ Lettre d'Al. Manzoli au cardinal, datée de Padoue, 3 nov. 1544 :
« con non poca satisfattione mia ho iiiteso il bel pensiero che vi ha ac-
ceso a ritornar ai studii de le boue letere, et anchora m'è assai piacciuto
hi elettione fatta di M. Roraolo... So che V. R. S. non è molto tempo
168 KAKNKWANA
Il iiiaii(l:i tout i-xpi'és rie l'.nlo^'iic Hrimulo Amasm pniii- lui en-
seigner les belles-lettres, et, J)pu après, donna mission au cardinal
de Santa-Croee (Marcel Cervinj de décider Georges Corinthios à
venir à Kimie lui d<inner des leçons de grec '. Alexandre Man/.oli,
tout en le félicitant de la voie qu'il clinisissait, craignait un peu
qu'une telle résolution ne résistât pas aux entraînements de son âge.
L'étonnement ne fut pas moindre chez un autre familier du
cardinal, bolonais comme Romolo Auiaseo ', en qui un esprit ai-
mant les contrastes se iiWiirait ;i voir le maître de la « sinistra
via», Marco-Tnllio Garganello: clerc voluptueux et volontiers phi-
losophe, il avait connu la jeunesse d'Alexandre Farnèse. Son « pa-
tron >> l'avait dnté d'une petite place à sa légation d'Avignon, et
))our rien .in iimude il u'eût échangé la vie facile et douce que
l'on y menait pour le sfiidio du jialais, non plus que pour les
pompes romaines. Son badinage charmait le cardinal: cela explique
le ton parfois léger que nous trouvons à sa i)lume: « lo non vo-
rei, lui écrivait-il, clie la studiasse piu tanto. clflia pur troppo bone
lettere. lo non so s'Aristotele e Humer furno mai tanti valent! !
La pigli esempio da me, stia aliegni e faci l'araor, e se costi non
che in varii modi lia provato gli occulti inganni di cosi fatta etade, et
se ne è assai ben diffesa . . . » . Le reste de la lettre contient des recom-
mandations pour l'éducation de son fière, Raniice Farnèse. — Lettre de
R. Amaseo, de Bologne, 10 nov. ]ri4;5 etc. (Archive d'état de Parme,
Epistolario sceito, Amaseo). Cf. l'article de Ronehini dans les Atti e me-
morie délie BR. Depui. di sUiria patria per le prorincie 3Iodenesi e Par-
mensi, t. VI (1872), in 4", p. 275.
' Réponse du cardinal de Santa-Croce, datée de Bologne, 24 février
l!i48: «M. Annibal Caro mi dice in nome di V. S. I. che in la pratica
di condurre al suc servitio M. Giorgio Coiinthio ella se ne rimette in
tntto a me... Oltro a quello che pii'i volte ragionando con lui ho potnto
conoscer io ho anche testimouio conforme da tutti cpiesti literati ch'egli in-
tende bene la lingua greca e che è persona ihi bene • (Bibliotliéipie Pa-
latine de Parme, Carteggio Farnesiano, Ceniiii).
* Romolo Amaseo était né à Udine, mais il s'était établi de bonne
heure à Bologne.
LA BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DO CARDINAL FARNÈSE 169
vi sono belle dame, V. S. III™'' mi (lia comissione clie ne conduro
una troppa tanto bella che quei filosofi, e greci, e latini che ha
all'iiitornii lassanino i studi c libri ])cr daiizar ron esse e far l'a-
mor » '.
Francesoo-Maria Molza de Modène, humaniste et libertin, s'il
eût encore vécu, se fût contenté de sourire des conseils du Gar-
ganello. Mais une telle révolution ne vint point troubler le paisible
studio du Palais Farnèse . . .
Nombreux étaient les lettrés qui le fréquentaient: on trouvera
le nom de certains d'entre eux dans l'article suivant intitulé « La
maison du cardinal en 1554 ». Parmi les érudits et les hellénis-
tes, il en était un qui occupait une place toute particulière dans
la vie d'étude du cardinal, son bibliotiiécaire, Fulvio Orsini. L'on
connaît peu sa jeunesse. Il fut pour aiusi dire nourri à l'ombre
du Palais ; sans doute quitta-t-il de bonne heure le service de Gen-
tile Delfini, chanoine de Saint-Jean de Latran, qui s'était chargé
de son éducation. Le 1*^' août L554, trois ans avant que le Gar-
ganello nous instruise de la cour savante d'Alexandre Faruése. il
est porté sur les rôles de sa maison ". Peut-être est-ce en cette
même année que, grâce à la protection de ses nouveaux patrons, le
cardinal de Saint-Ange et son frère le cardinal Farnèse. il obtint
un canonicat à Saint-Jean de Latran, dont le premier était archi-
prêtre ^ ? Il ne quitta plus dès lors la maison Farnèse. Il devint
' Lettre datée d'Avignon, 22 février 1557. Arcliive d'état de Parme,
Carteggio Farnesiano, Franeia, 10. — La vie du cardinal, relativement à
celle de l'époque, fut digne. Il convient à ce sujet de rectifier la citation
que fait M. L. Romier d'une lettre assez légère du Garganello, datée du
9 nov. 1557, et qui fut adressée non au cardinal mais à son secrétaire
Francesco Gherardini (citée dans Les origines politiques des guerres de
religion. I. Henri II et l'Italie, p. 131, note 1).
' Parmi les « familiari che sono in viaggio ». Publié iiifrn ^ II.
^ Sur la date de ce canonicat, voir P. de Nolhac. Ln bibliothèque
de Fiilrio Orsini. p. 8, note 1. — Il ne faut point confondre notre Fulvio
avec un autre Fulvio Orsini qui accompagna le cardinal en 1514 dans
170 FARNKSIANA
secrétaire et bibliotliécaire de Ranuce, cardinal de Saiiit-Aii;;e :
pnis, à la mort de celui-ci, en 1565, Alexandre héritant de sa bi-
bliothèque, s'attacha plus étroitement Fulvio dont il fit à sf)n tour
son bibliothécaire.
Kt, certes, Fuh i(i no ])iniv;iit trouver dans un mécène de col-
laborateur plus actif. L'éruilitiiiu et l'archéologie étaient alors tou-
tes tournées vers l'antiquité païenne : dans les œuvres de la litté-
rature ancienne les humanistes faisaient une place de choix à la
langue grecque, « sans laquelle c'est honte que une personne se die
S(;avant » '. Alexandre Farnèse s'intéressait personnellement à cette
dernière. Un de ses protégés, le grec Mathieu Devaris, ne trouvait
de meilleure façon de se rappeler à sa mémoire (lUc de composer,
à l'occasion de la mort de son frère, le duc Horace, «nielques vere
grecs qu'il jiii;;nait à sa lettre de condoléances".
Le cardinal accrut sans cesse sa librairie pas l'achat de ma-
nuscrits ou la cdiiic (ju'il en faisait faire: c'était un juur Antuiue
Eparque qui lui offrait une copie des Stronmtes ^ ou de quelqu'un
des manuscrits qui composaient sa bibliothèque ^ ; une autre fois,
Fulvio lui promettait un l'rorope '', ou lui soumettait la traduction
grecque du Concile de Trente de Mathieu Devaris '■ à la fin de
laquelle il avait garde qu'on n'oubliât un liommaj^e au cardinal.
On bien il lui reccminiandait Francesco l'atrizi. rhoninie le plus
sa légation raiprés de Sa Majesté Catholique, et que l'on trouve à Bruxel-
les, à Cambrai, etc. (Archive d'état de Naples. Carte farnesiane, fascio
415, fasc. 2; voir documents postérieurs, Aicli. d'état de Painie. A'p!.<to-
lario scelto, F. Orsino).
' Eabelais, Pantagruel. Lettre de Gargantua à l'antafcincl, cliap. \'ni.
' Lettres publiées infra III et V.
3 Lettre I.
* Lettre d'Epanjuc, L. Dorez, op. cit., p. 300.
° Lettre dOrsini au card. Farnèse à Caprarola, 2s juin l.')74. Biblio-
thèque Palatine de Parme, Carteggio Farnesiano, Or.shii.
« Lettre d'Oisini au card. Farnèse, 29 sept. 1583, publiée dans Let-
1ère di F. Orsini ai Farnexi par A. Konchini, lettre XVIII (extrait des
Atti e memorie délie Dcputaz. di storia patria dell' Emilia, 1879).
LA BIIiLIOTHÈQl'E GRECQUE UV CARDINAL FARNÉSE 171
versé du monde dans la connaissance d'Aristote, et lui proposait
certaine copie de manusprits d'Angelo Colocci '. En bibliotliécaire
averti et soucieux de la gloire de son « patron », il veillait à ce
qu'une réédition de Pausanias, faite ;\ Francfort, et comportant la
traduction de Romolo Amaseo, contint la dédicace au cardinal Far
nèse qu'y avait mise ce dernier '". Le cardinal lui-même s'occu-
pait volontiers de travanx d'érudition grecque ; il ne dédaignait
pas, en visitant ses nombreux bénéfices, de consacrer quelques heu-
res à ses chères études. Ainsi écrivait-il, de son archevêché de
Monreale en Sicile, au cardinal Sirleto, qu'il ferait son possible
pour s'occuper des livres grecs dont il lui avait donné commission \
En 1571, il envoya Fulvio Orsini à Grottaferrata faire l'in-
ventaire des manuscrits grecs de l'abbaye basilienne de Sainte-
Marie, dont il était abbé commendataire \
Dans son amour pour la langue retrouvée, le cardinal voulut
qu'une épigraphe grecque commémorât sa figure: il fit graver à son
effigie une médaille, dont le revers représentait une flèche frappant
au centre d'une cible, et il clioisit cette fière devise, empruntée au
YIW chaut de l'Iliade I5AA,V On'(0S ' — image symbolique du
snccès qui couronnait ses entreprises.
' Lettre d'Oisini au eard. Fainèse, 3 août 1577, publiée dans li ear-
teggio del card. A. Farnese par M. Ant. Boselli, lettre 4 (extrait de VAr-
chivio storico pcr le prodncie Panneiisi. 1921).
2 Lettre citée p. 170, note 6.
■•' « lo faro la diligentia che V. S. 111. mi serive per conto de' libri
greei», 20 avril 1568: Bibl. du Vatican, Vat. lat. 6189, part. 3, p. 622.
Voir la lettre du card. Sirleto, 3 avril 1568: « In Sicilia soleano esser
libri greci assai et boni, prego V. S. Ill'"" che facci eercare in quelli
monasterii et se facci f;iie prima un' inventario di quel clii se trova, et
portilo quando con la gratia di X" Sig"' Dio ritorn;ira a Roma » (Bi-
bliothèque Palatine de Parme, Carteggin Farnesiano, Sirh-to).
^ Voir la lettre III publiée par Ronchini, Lettere di T'iiln'o Orfhii
ai Farnesi {op. cit.).
= Ir. Atl'6, La Zecea e moneta Parmigiaiia (Parma, 1788t, p. 172,
note 105; Litta, Le famiglie celehri italiane, vol. IH. tav. II, n. 9. L'avers
172 FAHNKSIANA
En cette ser-onde moitié du nic-cle, les études lielléiiistiqueA, nmi
moins que les hellénistes, avaient besoin d'un pi-otecteur. L'en-
tliousiasine de la lienaissaiii-e pour {'('•riKlitioii profane s'était éteint.
Cependant, le mouvement d'études gree([ues, à la suite de la réae-
tion à la crise lutliérienuc et sous l'impulsion du concile de Trente,
s'orientait vers l'exégèse biblique, qui redonna (juelque vie à l'hel-
lénisme : ce fut répoque des travaux accomplis par les cardinaux
Sirleto et Carafa. Fulvin Orsini lui-niémc dut, non sans (iucl(|ue
regret, abandonner l'antiquité profane, pour s'occuper de la ré-
vision de la Vulgate ou de celle du texte des Psaumes; il colla-
bora à l'édition de la liible des Septante '. MuIn il s'éi'lia|)))ait
souvent vers ses anciennes amours. A ce litre, une lettre de lui
adressée au cardinal Farnèse mérite d'être publiée: elle est datée
de 1576 et a trait au Cirque de Kon;e '. licmplie de citations
d'auteurs grecs, avec lesquels il était familier, elle montre de quelle
commune passion le vieil iinmanisnic ])ar('ii animait le cardinal et
son bibliothécaire: «Aujourd'hui, lui dit-il, vous savez qu':i Home
on ne trouve plus personne avec «jui s'entretenir de ces choses».
Le cardinal n'était certes point. (|noi(|u' en die Fulvio, le seul
protecteur de l'antiquité. Mais il n'en est |)as moins vrai qu'à
cette époque certains papes, saint l'ic \" notamment, écartèrent avec
quelque brutalité les hellénistes qui avaient connu un dernier pro-
tecteur en Pie IV, son prédécesseur. Les Orecs, réfugiés à Home
sous la menace turque, furent heureux de trouver rhos|)italité au-
près du petit-fils de Fan! III. dans une famille qui s'était mon-
porte la légende alexan. card. far. s. r. k. caxcell. — Cf. sur l'inter-
prétation, P. Jove, Dialoyu delVimprese militari et amorose (Vinegia, 15.57).
p. 73. La devise illimk-, VIII, 282) aurait été suggérée par Molza.
' \'oir P. de Xolhac, op. cit.., p. 49; Dejob, De riiifluence du concile
de Trente, pp. 18-19; cf. Bibl. du Vatican, lettres de V. 0. :'i Sirleto et
Carafa, Regin. lat. 2023, fol. 385 et 3;>3.
' Lettre publiée infra XIL — En lô^^O, Kulvio enverra au cardi-
nal une intaille représentant le Cirque (Konchini, op. cit., lettre XV).
LA BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DU CARDINAL FARNÈSB ITif
trée si libérale aux artistes et aux savants. Le Palais Fanièse
abrita plusieurs d'entre eux ; s'il est quelquefois difficile de mettre
un nom sous l'épithète de « greco » qui revient si fréquemment
dans le « Rôle de la maison du cardinal », on peut cependant iden-
tifier certains ^'■recs sans trop d'incertitude. Ainsi y rencontre-ton
Alexandro, que l'on appelait communément . il- G-rechetto, et qui
n'est autre que le jrraveur Alexandre Cesati '. Xous savons que le
peintre Theotocopuli — le Grecco — se rencontra au Palais Far-
nèse, dont il fut l'hôte, avec le croate Clovio {M. Giidio), qui de-
vait se rendre célèbre par l'illustration du livre de prières dit
cardinal.
Le même toit abritait les copistes grecs attachés à la cour des
Farnèse : les deux Devaris et un certain .lean, peut être Jean Ho-
norius d'Otrante •, tous trois portés sur le « rôle de la maison du
cardinal ». Mathieu Devaris (M. Mattheo Grecu), de Corfou, avait
été à la cour de Paul III en 1541 ; il entra au .service de son petit-
fils en 1551, et raccompagna dans le voyage que fit Alexandre
Farnèse à sa légation d'Avignon à la fiu de cette même année. Il
y demeura avec Pierre Devaris, son neveu, pendant le séjour du
cardinal à la cour du roi de France ^ : il semble s'être alors oc-
cupé, plutôt que d'érudition, de ses propres affaires, peu brillante»
(il était accablé de dettes), et de l'administration de la légation.
Il reçut divers bénéfices dans le comtat Venaissin, notamment 1^
vicariat de l'église de Malaucèue et un office de chapelain à Val-
' Alexandio était chypriote par sa mère; il regagna Chj'pre en 15tt4>
Sur lui voir l'étude de Ronchini dans les Atti e memorie... per le pro-
vincie Modenesi e Parmensi, 1864, in-4'', p. 251.
■ Sur ces copistes grecs voir Miintz, La bibliothèque du Vatican atc
Xrr s., pp. 99-103; p. de Nolhac, op. cit., pp. 30, 78, 158-165; et sur
.M. Devaris, E. Legrand, Bibliographie hellénique, t. I, p. cxcv.
' Voir « Rotulo di quelli che sono venuti aloggiare al palazzo pic-
colo (d'Avignone|, 10 dec. 15.52: Matia Greco, bocche 3 », Archive d'état
de Parme, Rama, busta 1.5. Cf. lettre du Garganello du -21 sept. 1.553,
ibid., Fraiiciu, busta 8; et lettres publiées i)i/'jit III à X.
174 KAliNESIANA
rcaR '. Rentré k Rome, peu apn'-s le cardinal, vers le mois de
septembre de r.innôp ir>ri4. il fit dès lors partie de la maison de
.son « patron ». Il olitiiit. par sa faveur, la charge de rorrectcur
à la Librairie du Vatican. (|U(' lui donna l'ie IV, en 1.562, mais
ne tarda pas. sous Pie V. à ressentir les effets de la défaveur dans
l.i(|uelk' ce pape tenait les iiellénistes ; il fut privé de sa prn-
vision, à l'époque où Antoine Kparque ", lui aussi, se voyait sup-
primer sa pension. 11 s'adressa de nouveau à .son protecteur habi-
tuel, le suppliant, par um- lettre pleine d'amertume, qu'on lui
conservât au moins les faveurs péniblement acquisses : « Non miiior.
'ist virtus ijuam quaererc pardi tneri » ^. Durant vinj^t-liuit années,
il ne quitta point le service du cardinal, et ce fut au Palais qu'il
écrivit ses ouvrages dont le plus célèbre est une traduction grecque
des décrets du loucile ilc Trente, iiarue, deux ans après sa mort
en 1583. Les lettres qu'on a de lui, adressées au cardinal, sont
peu explicites snr ses travaux, sinon sur sa santé et le misérable lo-
jrement qu'il ■"•cupait au Palais. Mais scm neveu. Pierre Devaris,
a eu soin, d.ms la ])réface d'un ouvrage posthume de son oncle,
<iu'il dédia, en 1.588. à Alexandre Farncse \ de nous retracer avec
piété la vie de Messer Mattlieo. Il publia à la suite de sa préface
des épigrammes grecques <|ue celui-ci avait adressées à Alexan-
dre, à Ranucc i.u A Horace Farnèse.
On trouvera eu appendice à cet article quelques unes de ses
lettres au cardinal Farnèse.
' Lettre de Vacca. recteui- (l\i comtat au cardinal. -JO mai 15.">4 (.\r-
cliive d'état de Panne, Frmicia.d): le tout lui rapportait une trentaine
(l'écus l'an; plus tard il recrut un cinonicat à l'isie (lôôS). Cf. Lettre pu-
l)liée infra X.
'■' Eparque avait été \myr de sa pension en l.')(i7 (L. Dore/., op. cit.,
p. :290).
' Lettre IX.
' Cette préface est en tête de l'ouvrage iiititub'" Mntth. Devarii hber
de graecae linywie particiilix: elle est reproduite par K. Legrand. Bihlin-
f/raphie hellénique, pp. 52-()0.
I.A BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DU CARDINAL FARNÈSE 175
Le cardinal Farnèse avait hérité de la bibliothèque déjà célè-
bre formée par Paul III. Accrue par son frère Ranuce, cardinal
de Saint-Ange, et grossie de plusieurs legs, parmi lesquels les ma-
nuscrits de révèque de Viterbe étaient l'un des plus importants,
elle comptait parmi les grandes bibliothèques de Rome. Angelo
Roccha ' et Frédéric Schott '" la citent avec éloge. Libéralement
ouverte aux érudits. elle fut utilisée par les hellénistes du XVF siècle
qui consultèrent les exemplaires rares de quelques-uns de ses ma-
nuscrits pour l'amélioration d'éditions grecques. Nous ne nous oc-
cupons point ici des lettres latines, qui lui durent également beau-
coup, tel le Feshts que donna Fulvio d'après le manuscrit Far-
nésien ^. Parmi les œuvres grecques, citons TAgamemnon d'Eschyle
]niblié par Pietro Vettori \ le fragment du XV livre d'Athénée '
ou les Eglogues physiques de Stobée " qu'édita Ganter l'un en 1.564
les autres en 1575. Ganter avait eu connaissance du manuscrit far-
nésien d'Athénée par la communication que lui en avait faite Mu-
ret ; aussi ce dernier eut-il soin de rectifier de sa main, dans l'exem-
plaire des « Norarum 'iectionum lihri ijuatiior » que lui donna
Ganter, la source à laquelle était prise la leeon d'Athénée, l'im-
' BIbliotheca AiMstolica Vaticana. Rome, 1591, p. 898. Voir le pas-
sage cité par P. de Nolhac, op. cit.. p. 445, note 2.
^ Itinerarinm nobiliorum Italiae regionum auctonbits Fr. Schotto e
F. Hieronymo . . . Pars secunda. Vincentiae, 1600, p. 147.
■' P. de Nolhac, op. cit.. p. 44. Cf lettre de Fulvio au cardinal (158.3)
publiée dans les Lettere di F. Orsini ai Farnesi, par Roneliini, lettre XVIII
(rxtrait des Atti e memorie délie l)ep. di storia patrin delVEmilia, 1B79).
■* De Navenne, Rome, le Palais Farnèse et les Farnèse, p. 676.
^ P. de Nolhac, La bibliothèque d'un humaniste du XVP siècle. Ca-
talogue des livres annotés par Muret, p. 33.
"5 De Navenne, op. cit., p. 677. — Ce ms. du XIV« s. (Bibl. de Xa-
ples, III. D. 15) donne le meilleur texte de Stobée que nous ayons. Hee-
ren dans sa notice sur les niss. de cet écrivain le prend comme Codex
A (Cf. Cyrillus, Cndices graeci mss. Regiae bibliothecae Borbonicae, t. II,
p. 388).
176 KAKN'EKIANA
pression portant par crrenr <( c\ Vatioana liildiotlieca » '. Ce fut
la collation faite par Henri Estienne, lors d'un séjour à Rome. (|ui
servit également à réditimi d'Atliénéc que donna cinquante ans plus
tard à Lyon Isaac Casaubon (l<i21)'.
Ainsi la bil)liotiièqn(' Farnésienne était devenue un lieu d'étude
pour les hunianistos des deux cotés des Alpes. Isaac ('asauhon pou
vait écrire dans la préface de l'ouvraf^e que nous venons de citer :
« Farnesianas illas notas passim reperias in eruditorum biljliothe-
cis non soluni Italorum sed et Cisal|)innrum ».
A la mort dWlexandre, en 1589, la bil>liothéque Farnésienne,
par son testament, fut léguée à .son neveu Odoard, avec défense
expresse d"eii faire sortir un seul ouvrage '. Fulvio Orsini continua
d'en être le bibliothécaire. Elle resta dans la famille des ducs de
Parme jusqu'à la succession bourbonienne. En 1784, le roi Oharles
de Naples, infant d'Espagne, fils aîné de Philippe V et d'Elisabetli
Farnèse, ayant reçu de l'empereur le duché de Parme et di- Plaisance,
transporta sa capitale à Naples et y installa la bibliothé(|ue Far-
nésienne, qui devint en ISlt! la liihliotfcd Borhunicn. Agrandie
de différents fonds monastiques ou privés, elle forme aujourd'hui
la Bibliothèque Nationale de Naples.
On ne connaissait point de plus ancien inventaire de la biblio-
thèque Farnésienne ([Ue celui qui fut dressé le 1" avril 1653, par
' Galiehni Vanteri l'ItraiectiHi Xoraium lectioiiiim libri i/imtuor. Ba-
sileae per (mot iiam) pt remiilacé varY'Doctissimo viro Marco Antonio Mit-
reto Ghil. Canterus d. d., de la main de Canter (Exemplaire de la Bibl.
Victor-Emmanuel, Rome, coté 71. 2. B. 10). — Voir la rectification p. 1-27.
Le fragment d'Athénée occupe les pages 128-173).
' Ixnaci Cnsnuhoin AHimadrersioniim in Athen. dipnosophintas libri
XV'. Lugduni, apiid viduam Ant. de Harsy et Petrum Ravaud, lt;21.
\'oir la préface Ad lectorem.
' Testament du l.S mai 1.580, Archive d'état de Xaples, fascio 400,
fasc 8. La bibliothèque était encore au palais Farnèse de Rome en 1653;
elle fut transportée à Parme avant 1T27 (P. Bourdon et R. Laureut-Vi
bert, Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. XXIX (i;t09), p. 153).
LA BIBLIDTHÉIJUE GRECQl'E DU CARDINAL FARNÉSE 177
oi-dre du duc de Parme, et qui se ti'ouve actuellement à l'Archive
d'Etat de Parme (Palais de la Pilotta), sous ce titre : « Inventario
délie librarie elie ha in Roma *nel Palazzo detto di Faruese il
Ser"" Sig. Duca di Parraa » '. Nous publions un inventaire anté-
rieur des manuscrits grecs, conservé à l'Archive d'état de Naples.
Il pemiet, malgré sa composition succincte, de préciser la liste des
auteurs grecs que possédait le cardinal Farnèse. Fragment d'un
catalogue de la bibliothèque, il fut sans doute fait en 1584, peu
de temps avant la mort du cardinal, par les soins du majordome
du Palais, le cavalier abbé Tiburce Buree '", qui dressa à cette
date un inventaire général du Palais Farnèse ^. Cette note aura
donc l'avantage de mettre en lumière la part qui revient à Paul III
et aux cardinaux Ranuce et Alexandre dans la composition du fonds
farnésien de la bibliothèque de Naples \ La plupart îles manus-
crits qu'elle signale s'y trouvent encore ; leur bon état de conser-
vation et rhomogénéité du fonds ne peuvent que faire regretter
les quelques lacunes que Ion y trouve. 11 suffit de signaler la perte
des œuvres de Denis l'Aréopagite et d'André, archevêque de Césarée,
' La liste des inss. grecs occupe les folios 4 à 13.
- Tiburce Burce paraît avec ce titre dans un rôle de la maison du car-
dinal, datant de la fin de sa vie (Archive d'état de Naples. fascio 4(X)). 11
avait auparavant été chargé de mission par le cardinal à la coin- de P'ranee.
■ L'inventaire des niss. grecs n'est pas daté. Il appartient à un cahier
dans la numérotation duquel il porte les numéros de folio 99 et 100. Il
existe dans la même liasse (fasc. VI un autre fragment de cet inven-
taire généra], portant les n<" de folio 1. 14 et 15 (Inventario universale
délia guarda robba: objets d'art et parements). Ce dernier fragment est
daté de 15S4; son format et son écriture permettent d'attribuer l'inven-
taire des mss. grecs au même cahier. La garde-robe se trouvait au se-
cond étage, dans les salles voisines de la bibliothèque.
■* Il existe denx catalogues imprimés des manuscrits grecs de la bibl.
de Naples; l'un de Pascal Batti, Catalogus mss. graecorum Bibl. liegiae
Neapolitunae (\191) publié dans la Bihliotheca graeca de Fabricius (3'^ éd.,
Hamburgi, 1796), t. V, pp. 774-793; l'autre de Salvator Cyrillus, Codices
graeci mss. Regiae Bihliotliecae Borhonicae (΀.sc)7p<! iNeapoli, 1826-1832),
2 vol. in-4", qui sert de catalogue actuel.
178 FAllNKSIANA
inaiiilHcrit mentionné à la tin du XVIII' siècle par Pascal Halii.
qui le datait du XI 1^ siècle ', ou celle de ÏAmatoria de Partlieiiios
et des épitres de Manuel Chrysoloras, dont il ne reste qu'un fra;;-
mcnt de trois lettres publiées par Salvatore Cirillo dans son ca-
talogue de la Bibliothèque Bourboniqne '. Notre inventaire, par
contre, ne signale ni le manuscrit des Stromates qui fut envoyé
par Antoine Eparque au cardinal Farnèse, ni celui de Saint-Jean
Damascène que Fulvio Orsini prêta, avec tant de recommandations,
au cardinal de Santa Scverina \ et qui se trouvent tous deux à la
Bibliothèque de Naples.
CATALOGUK DES MANUSCRITS GRECS
Copia delli 1/hri die sono nrl Palazzo Farnese.
Gkeci manuscripti.
1. Thucydidcs.
2. Plato de republica.
3. Demosthenis orationes Oliuthiacae.
4. Aristotelis physica.
5. Damascius philosoplius de primis principiis.
6. Homeri Ilias.
7-8. Aphtonius. Hermogenes.
9-10. Nemesius de natura hominis. Procli liber...
11. Aristotelis organura cum scholiis Ammouii et Philoponi.
12. Herodotus.
IH. Aristotelis iiietaphysica cum scholiis incerti authoris.
li-lT). Paraphrasio inuouiinati authoris in Etbica Aristotelis. In-
dex in Athcncum.
' Baffi, n. «.').
î Cyrillus, 111. A. 16 (t. H, pp. 213-300).
' Voir infra les Lettres I et XI.
LA BIBLIOTHÈQUE GREOQUE DU CARDINAL FARNÈSE 17!»
16. Liber de inetris incerti Maximi '.
17. Aphtoiiius.
18. Troilas sopliista in Hermogenem.
19. Phoebiimonis sophiste liber de Hguris rhetoricis.
20. flermogeues cum seholiis.
21. Theophrasti characteres.
22. Incerti de tigiiris orationis.
23. Adamautii sophiste pliisiouomia.
24. Fragmenta quedam Isaae Argyri.
25. Joannis Diacoui aenigmata.
26. Theodori Prodromi earmina.
27. Sophoclis Ajax et Antigona.
28. Moscliopuli grammatica.
29. Lycocliroii cum sciioliis '".
30-32. Aeschylus. Hesiodiis. Honieri Batracliomyomachia.
33. Grammaticus sine nomine.
34-36. Hesiodi . . . zOoxi (sic). Moschopulosinea. Piudarus cum
seholiis.
37. Aristoteles de Anima.
38-39. Moschopulus. Fabulose liistorie iiiiarum Gregorius Nazan
zenus meminit in epitapiiio Basilii.
40. Constantin! Manasse historia versibus politicis seripta ab
Adam ad Nicephorum.
41-42. Protomate Astrologiea quedam confusa sine nomine. Theo-
logica item sine nomine.
43. Grammaticus ineertus.
44. Sophoclis tragédie très.
45-47. Aristoteles . Theodori Prodromi in II libro posteriorum .
Alexander Aphrodisei in elenchos.
48. Diûdori Siculi libri quinque priores.
' Maxiuius Planudes.
^ I.ycophron.
180 FARNESIANA
41t. Op])iaiii tV;i;;iii('iil:i de pisoibiis ciiin sclmliis.
•"i'>. Dcniostlienis oratio de Cdrona.
•'il. Kiiripidis tragédie qiiinque.
.5253. Aristopliaiii!* comédie très. Metapliisiee voiiiniimim priiieipi.i
l'iatiiiiius.
54. De eoiiH'ili.-u'iiin ditiereiitiis.
55. Lexicon };reco-latiiuiin.
56. Joseplii aiiti(iiiitatiiiii libri alicinut.
57. Euripidis tra^redie très.
58. Niconiaeiii iiitrciduetin Aritmetires.
59. Euripidis tragédie très.
tiO-til. Graiiiniaticiis incertus. Voces attice ex imaginibns.
• 12. Pliilitstrati et ))(ietarum libris coUeetae a Moschopulo et
Tliccl.nl,,.
<)3-ti5. Magistro (wn (ieorgius Cherobosciis de figuris poetiei?.
Isaae monaolius de metris poetieis: et alia Polibii
historianiiii e])itome.
*îfi-ti7. Juliaiii syiiipiisiiiiii. dirinthu-s de dialectis.
tiS. Canoiie.s apostolunim ciim expositione Zonare et Balsamonis.
iiV*-70. Gregoriiis Nazaii/.eni Christiis patiens. Nireplioriis Xantlm
pidus de temporibus.
71. Sanetnrniii Hasilii et Gregorii epistide.
72. Joaiinis Stobaci l'iiisiea.
7:'.. Simplieiiis in i".|)ictetiim.
74. Lueiaiius cuni scludiis inipert'eetus,
75. Hesiodiis.
7i). Pindari Olyiiiiiira.
77. Teoeritus eiim scliuliis.
7S-7!'. Dionisius Areopagita ciini selu)liis. .\iidreas areliiepiseo-
pus Caesaricusis in .Uiannis ai)oealypsim.
80. Paiilns Aegineta.
81. Aristotelis Moralium.
LA BIBLIOTHÈQUE ORECQUE DU CARDINAL FARNÈSE 181
82. ApoUonii Argonautiea.
83. Theodoretus in ps.ilmiiK.
84. Honieri Ilias.
85. Theofllatiis ' et alii in ppistolas Fauli.
86. [Epigrammata] greca in-f" cnni scoliis.
87. Lesieou greco-latinum in-f°.
88. .Iulius Pollnx '" in-4".
89-91. Juliiis PoUux. Steplianus ^ et Pliilostratus iuf°.
92-93. Variiius ^ in-f ' (2 exemplaires).
94. Cornucopia Varini in-f'.
95. Urbanus ^ in 4".
!it>. Uenarciius (?j '' in-S".
!i7-98. Clirysoloras et Varinus in-4".
99. Homeri Ilias in-8".
100. Homeri Odyssea in-8".
101. Homerus cuni scholiis inf".
102. Aristopiianes eiim comento in-4°.
103. Aristoplianes in-4'.
104. Theoeritus cum scholiis in-8°.
105. Aesehylus in 4" cum scholiis.
lOii. Aesehylus in 8°.
107. Aescliylus cum scholiis iii-8°.
108. Sopliocles cum scholiis in-4°.
109.110. Sopliocles in-8° idenx exemplaires).
111. Calliraaens in-4".
112. Dionisius de sitn orbis in-4".
113. Sibillana carniina in-4".
' Theophylactus.
^ Steplianus Byzantimis de L'rbibus.
^ Varinus Phavorinus Camers (f 1537).
^ Urbanus de Belhino. Le nis. manque.
'' Deinarcliûs ('.'). Le nis. manque.
,l/--7<i»f/<-N d'Arch. et d'I/isl. UiiU. 12
182 KAHNKSIANA
114. ( •p|)i;uiiis (If piscilins in-8".
11"). Aiiucn'on iii-«".
lit;. Q. Cahilier ' in 8".
117. ilcniilotu.s iu-f".
1 18. 'riiiicyilidps in-f°.
11 It. Tliucydidcs cum ciinieiito ili-f'.
120. XciKiplioii iii-f".
121-123. Xenopliontis omissa. l'ictlinn. lIciiKliaiiiis in-t".
124. XeniipliDii tribus tiioiiiis iii-H".
125. l'olil)ius grece et lutine in-t"".
12(>. l'olibii Astiamet in-8°.
127-128. Diogenes Ijai-rtius. Aristoplianns iii-4°.
129. Euspbii liistoria ecclesiastica iii-f .
180. Kuscbius dp prpparatione evaiijipjip.i in-f".
131. Plutai-plii vite iiif .
132. Aeliainis de varia liistoria in-4 '.
133. Arriaiuis iii-8°.
134. l'artlicni aiiiaforia in-8".
135. AppuUodorus in-8".
136. .losppii in f°.
137. Dion. in-f".
138. Dioni.sius llalicariiassns in t"'.
139. Diodorns in-4".
140. Keliodoriis in-4".
141142. Aplitimiiis et llermogenes in-8°.
143-144. Uionisius. Longinus in-4".
145. Lil)anius iu 4°.
14f). Deinostcnes ciim coninientci in-f'.
147. Diiniisii Clirisostonu orationes in-S°.
' .'^an8 doute le lUS. du XV^'s. : «Tà'Ov.rfw :Tafa>.iir5u.ivi .. portîMit
le n. 242 dans le catalogue de Baffi. Il n'est plus mentionné par le ca-
talogue de S. Cirillo.
LA BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DU CARDINAL KARNÈSB 183
148-149. Deraosthenis et Aeschinis oratioiies in 4°.
150-151. Epistole grâce et Chrisostomi serniones iii-4".
152. Athenens iii-f".
153. Pausaniiis in-f°.
154. Strabo iii-f".
155. Lucianus duobus tomis in-8.
156-157. Plutarchi opuscula in-f* (deux exemplaires).
158. Scriptores gnomici in-8°.
(Archive d'état do Naples, Carte Farnesiaiie, Parma et Roma
fascio 400, fasc. 8).
APPENDICE
Lettres d'Antoine Epar(^ue, Mathieu Devakis et Fultio Orsini
Tableau indiquant la provenance des lettres.
I, II : Archive d'état de Parme, Epistolario scelto, busta E.
III, IV: Archive d'état de Parme, Carteggio Farnesiano, Francia,
busta 8.
VI, VII: ibidem, busta 9.
V, VIII, IX : Archive d'état de Parme, Epistolario scelto, busta M.
X : Bibliothè(iue du Vatican, Vat. M. 6792, fol. 48.
XI: Arcliive d'état de Parme, Epistolario scelto, busta 0.
XII : Archive d'état de Naples, Carte Farnesiane. Borna, fascio
737, fasc. 0.
I.
Antoine Eparque au cardinal Farnèse, à Borne.
Illustrissimo mio patrone. Li giorni passât! feci scriver quelli
fragmenti over eccertpti di Stromati ', quali si ha potuto trovar
' Il s'agit des Stromatu de Clément d'Alexandrie. Dans une lettre
à Cervini du 18 janvier 1543., Eparque signale ce ras. parmi ceux qu'il
a chez lui (L. Dorez, Antoine Eparque, op. cit., p. 300; cf. p. 298). —
Ce ms., dont on ne trouve pas mention dans notre inventaire, doit être
le II. A. 14 de la Bibliothèque de Naples (n. 165 de l'Indice de BaiH).
184 FAItNBSIA.SA
de (|ui, !• (li |>(ii scritti riiicontrai foii l'auttontico, et volendo olie
vegnisse il ditto lilim secur di non eB><er l)afcnato o ver auche snia-
rito, et con sparagno de la spesa dil corriero, dimandai a oui gli
piaceva che lo consignasse, et, tardando la rispoHta, mi parRe di
eonsignarlo al R'"" legato de qui per mandarlo seguro. Lo haria
fatto ligar, ma prv inetcrlo V. S. K'"" inscma con quelo clic man-
dai per mail del S"' l'icro Strozzi ' non l'iio ligato. Et si ditto
libro non satisfa al dcsidoi-io di quella, accctti il bon voler del
suo perpetno servitoi-c. OHercndo me, l'Iic havciido V. S. H"'" !i-
centia, corne gia lio scritto, dal duea di Fiorenza ', de andar et
recopiarlo ogni volta chc saro avisato. Et a quella di continue mi
raccomando da servitore et basio gli la niano. — AUi 23 di set-
tembre 1542, in Venetia. — Il servitor di quella — Ant° Eparcho.
Antoine Kpitr'/ur an cnrd/iml Furnèse, à Ilow '.
111'"" et R"'" Mons'" patrone et benefattore colendissimo.
L'eceeaiva benignita di V. 111"'-'' et R"^" S. da eccesiva baldanza
alli suoi devotissimi servidori nelli loro gran bisogni, come lia fatto
liora a me, il qualc, non obstante che sappia quanto (luella sia
occupatissima et in cose di tanto peso, non di meno m'assicuro
d'interpellarla et d'implorare il suo et patrocinio et soccorso in
' Pierre Strozzi. fils de Filippo Strozzi de Florence, capitaine pro-
tégé par t'atlieriiie de Médicis et passé an service de la France. Il est
célèbre par la défense de Sienne et la prise de Calais; il fut créé maré-
chal de France.
' Cosrae I de Médicis. duc de Florence, qui acheta nce partie des
manuscrits d'Eparque (cf. L. Dorez, op. cit., p. 291).
■' Sur l'adresse: «AU'... car»! Farnese patrone et benefattore colen-
ilissimo >.
LA BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DU CARDINAL FARNÈSE 185
qiiesto elle qiiell;i si degnera inteiuler qui sotto '. Perché io rai
trovo quindiei boeclie, f'ra otto figlioli et altri, et trovo mi fuor di
casa mia et seiiza altro soccorso, cLe quelle che la clementia di
S. Beatitudine et di V. Ill'»" et R'"» S. dall'una, et da l'altra la mia
industria mi ha procacciata et procaccia, resguardando al fine et
cogiioseendo che mancando io, o vero non potendo me essercitare,
per vecchiezza ù malattia, alla detta mia famiglia mancaria il vi-
vere, ho pensato di ricorrere alli piedi di S. Beati"" et di V. 111™"
et R™'' S. che si voglino dignare di provedere a questo pericolo
et bisogno mio in questo facil modo, che S. Beati"*' et V. 111™" S.
si degnino metter fino a ducati duceuto d'oro di pensione in peraoua di
Giorgio mio figliolo", l'i sopra qualche benefitio consistoriale, ô dove
a quelle placera, et lassarano di pagarmi piu per Tavenire S. Beati""
li cento scudi, che la mi fa dare ogni anno, et le sessanta che
mi fa dare V. 111'"" et R™" S., il che sara grandissima quietatione
del animo mio, et sara cosa degnissima de la grandezza deU'animo
di S. Beati"" et di V. 111™* et R™" S., et in oltre a me partorirano
otio da poter spendere tutte le forze di quel poco ingegno, che Dio
m'ha dato, in essaltatione et gloria délia 111™" casa Farnese, et
singularraeute di V. 111™" et R™" S., la quale è vivissimo e
splendentissirao raggio del altro primo et raaggior sole. La sup-
plica in questa materia è drezzata a Sua Beati"", ma la speranza
mia è siugularmente fondata anche in V. 111™" et R™" S., alla
quale humilraente basciando la mano preghero Dio per la sua es-
saltatione et perpétua félicita. — Alli 20 di novembre 1544, in
Venetia. — Di V. Ill™'' et R™* S. — devotissimo servidore — An-
tonio Eparcho.
' Cf. lettre du 24 octobre à Cervini (L. Dorez, o/;. cit., p. 307). Epar-
que avait déjà écrit sur le même sujet au cardinal pour lequel il avait
composé une épigramme grecque. — Voir ses plaintes nombreuses à Cer-
vini et à Favnése {ihid., pp. 299, 301).
* Voir la lettre à Ceivini du 7 février 1543, L. Dorez, op. cit., p. 301.
186 FARNEKIANA
III.
Mathieu Devaris an ciinliiial Furnhf, lérjat d^ Avignon.
Ill""" et R'"" S' mio Fatrone osa"'".
Alli giorni passati scrÎBSi à V. S. 111"'" et li""" iiuanto mi ditto
el dolor délia trista iKiva del S' Duca ilcu-atio ', la (jual ci lia
oltra modo addolorati, iiou solameiite per la perdita del ditto S'' ,
ma ancliora pensando al dolor clie tal perdita doverà haver recato
alla S. V. 111'"", uoii dimeiio sperando noi plie quella liabbia :\ com-
portar questo tal dolor, ancor che gravissimo, cou quel animo clie
(■lia lia gia coniixirtate le altre sue adversità, temperiarao el di-
spiacer' grande che qiiestn caso ci apporta. Sopra di clie essendo
io entrato in fantasia di dirne qualclie cosa, et liavendo conside-
rato elle delli t'atti j;raudi, cou gran difticultà se ne puo dir cosa
elle se accosti alla graiide/.za loro, pertanto io. per non durar,
corne si dice, fattica per iinpoverire, mi sono contentato metter in
dui versi ' un mio piccolo concetto, li quali mando à V. S. Ill"'-'
per non restar' di far ((uel poco eh' io posso eon scusa di non
poter far Tassai, che si conviene. Noi per gratia de Dio stanio
bene, et di continuo pregiamo per la felice vita di V. S. Ill""" et
R'"", alla quai basando le mani liumilmeute ci raccomandiarao. —
D'Avignone, alli XXV d'Agosto 1553. — Di Vostra 111'"" et R"'"
Sig'iii — devotissimo servitore — Mattlieo Greeo.
' Horace, duc ilo Castro, ficrc du cardinal, qui avait rjKiusc Diane
(le France, tille de Henri 11, mourut la même ann(>e, le 19 juillet 1553,
d'une blessure re(;ue au service de la France, à la défense d'Hesdin.
^ Ce distique est perdu. Il né se trouve pas dans les ver.< grecs im-
primés par Pierre Devaris en tête de l'ouvrage de Mathieu Devaris
(Liber de graecae Hnguae particulis).
LA BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DU CARDINAL FARNÈSE 187
IV.
Mnthien Devaris l'i Finncesco Gherardini, secrétairo du cardinal .
S"'' Glierardino mio osa""".
Rengratio V. S. con tutto el core chc in taiiti travagli tenga
memoria ili me. Prego V. S. qiianto al negotio délia naturalità
attenda nou tanto al presto qiuinto al bene, cioè, si possibile est,
alla pooa spesa, per clie Dio sa cbe io aneora non possores pi-
rare per li molti debiti neli quali souo riniastD, ne spero poter
mai respirare se non mi vien qualclie aiuto extraordinario. Per
soccorso à questi giorni el Capponi di Lione ha mandato el niio
tbrziere, che era stato lassato in Fiorenz;a, in niano al fattore
de Guadagni ', qui, in Avignone, con ordine cbe non me lo dia,
se io non gli paglio nove scudi et mezzo d'oro. Il che, se altro
aiuto non mi viene. non potro altramente riscotere. Prego V. S.
ne parli con el S'" M. Haceio ' e con el S*"' Cavalliere Ugolini, alii
quali prego V. S. rai raccomandi strettissimamente. Io bo scritto
gia due volte al 111'"" S'"' nostro patrone doppo lo morte del S"''
Duca Horatio, non so se le ditte mie lettere sieno pervenute in man
di Sua S"'' lU""", prego V. S. me ne dia aviso. Et con ogni bona
occasione mi tenga sempre raccomandato à Sua S'''* 111""% et mi
tenga nella sua bona gratia. Se M. Douato Giannotti si trova dove
siate voi, di gratia. S"' mio, raccomandatemeli strettissimamente.
Pietro mio nipote attende à studiar' et basa le raani di V. S., con
raccommandarse alla sua bona gratia. Le cose di qua fluctuano;
Dio faci che si aceommodino con la veniita del 111°*° patrone et
' Les Gadagne avaient une maison de banque à Lyon; ils étaient
avec les Capponi les agents financiers du cardinal et s'occupaient de
ses rapports avec la France.
^ Baccio Nasi, banquier représentant la maison Gadagne, et chargé
des atïaires du cardinal en France.
1«8 PAKNKNIANA
de voi altri tutti. Noi sti.imo tutti benf. Pcr j^ratia di Dio il si-
raile desidcranid sia di voi. — D'Avif^iionc alii 4 di Bctteinbre 1.').'>.3.
— Servitoi-f di V" S'''" Mattlico Greco.
V.
Mdtliieii Ik'varis au rurilinal Fainèsc, Injat iV Avignon.
111'"" et R"^" S°'' Patrone osa"'"'.
Li sonetti che à questi di si sono visti qui, sopra la morte
del sig™ duca Horatio, mi lianiio excitato a fare qiiesti versi greci '
sopra la medesima materia, oltra il disticho clfio feci in quel prin-
l'ipio del caso. Li quali mei versi mando à V. S. Ill">" et R""*, pi-
Sliando questa occa.sioiie, poi clie non lu'i altra. di farle riven-nza,
per non le uacire di memoria, et ancbe per suppliearla le piacoia
inanzi il suo ritorno impetrare da la Maestà del Re la gratia de
la mia naturalità, corne il Gheraidino le riccordarà à tempo et
loeo debito. Prego el S"'" ]")io prunperi tutti li t'atti di V. S. 111'""
et R"^'^ et ce la restituisea (|ui ((uanto più presto, con sua bunna
contentezza et sattisfatione. — D'Aviguone, alli VI d'Ottobre 1">.53.
— D. V. S. 111'"" et R"""^ devottissimo servo — Matthio Gi-eco.
VI.
Mat/lien Deraris an itiidinal F<iinf'S'\ Ir'tiai d'Avignon.
111'"" et R'"" .Sig"'' mio et patroue oss"^".
La sorte mia lia voluto, che nel comiiiciamento de la mia ser-
vitu con V. S. 111""' io liabbia havuto tante ditlicult;'i, che anchora
non ne potendo uscire, anzi per la débilita ricadendoci spcsso, sia
' Une lettre du uu'iuc à Kiauccseo Glicianlini, datée du même joui
accompagne ce billet au caidinal.
^ Ce .sont ces vers ipii sont iuiprimés dans l'ouvrage cité de .Mathieu
Devaris, ;i la suite de la iiréface (épitapliu d'Horace Farnèse).
LA BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DU CARDINAL FARNÈSE 189
tbrzato fare aile volte sapere a V. S. 111'"" la sconsolatione, nella
quale mi trovo per esser immerso iielli di'biti, clie dal partir mio
du Ronia incominciai a fare nierce di casa Colonna, clie mi ritenne
indebitamente seiidi cento et quiudici ; essendo poi giunto in questa
terra, sfornito di tutte le cose necessarie, et seiiza un quattrino,
mi convenue fare di molti altri debiti, ii qnali mi stanno ancliora
adosso, non havendo mai potuto pagarli, per l'absentia di V. S. 111™"
per la quale sono adietro di scudi sessantanove; trcntacinque sono,
elle io ho !?pesi uel viaggio da Roma fin qui, dieci per la vettura del
forziere de miei libri et arnesi, et vintiqnattro sono per resto délia
mia provisione corsa perfin'alla partita di V. 8. III'"'* d'Avignone,
doppo la quale è ben vero, ch'io ho sempre liavuto li quindici
scudi, che V. S. 111'"-'' mi ha assegnati ogni mesi, ma di quelli non
ne ho potuto mai avanzar niente per pagar debiti, corne V. S. 111"^'^
sarà ragguagliatii dal S'"' Kaglione, il quale ha provato quanto
Costa il vivere in questa terra. Per taiito supplico V. S. 111"'" non
mi lassi sommergere uelli debiti, ma si degni soccorrermi di qualche
parte delli sessantanove scudi, che rcsto liavere da V. S. 111"'", la
quale prego Uio viva longamente felice. — D'Avignone, alli XIII
di Geunaro 1554. — Di V. S. 111'"" et R""^ — devotissimo ser-
vitore Mattheo (ireoo.
VI.
Mat/iii'K Dvnuis à Fnnwesco Glii/rardini, secrc'tairc du cardinal
à la cour du Hoi 'J'rt's-Ç/nrfieti.
Molto Magnifico et Reverendo Sig""' mio oss"^°.
La speranza che continuamente habbiamo havuto del vostro ri-
torno, ha fatto che da certo tempo in qua, io non habbia scritto
à V. S., corne dovevo, non solamente per oftitio, ma anche per bi-
sogno, per contodi Pietro, mio nepote, el quai io ho menato d'Italia
con grande mio incommodo et spesa per metterlo in qualche modo
190 KARNESIANA
ncl servitio del 111'"" nostm patrono. Hora s'el ritorno di Sua Si-
giioria in Avignone si proloiigasse, perche io son risoluto, à questa
primavera, dar rocapito al ditto min nepote, pregc» la S. V. faci
opéra, insieme foii el S'"' Kaglioiie ', di far accettare diito niio
iiepote per servir iiella seeretaria o nella caméra per aiutante, o
per el servitio de la tavola, et per dir meglio in tutti li ditti ser-
vitii, per <he egli e da hasto e da sella. Ne faci diffifulta il (■oii-
dnrlo, per clie io ve lo maiiden'i à mie sj)esp, il olic iiaverei fatto
al partir vostm de qui, se io havesai sapnto ch'el ritoriio si fusse
prolongato tanto. Et quaiido V. S. non ci vedesse verso di farlo
accettare in modo elie egli lialiliia victiim et vestitum, la prego
me Io fafi saper liberamente per ihe io lu inviarô in Italia o in
(lualclie ultra parte, che si guadagni el pane, et faci servitu con
qualclie patrone, che li possa dar da vivere, perche da me ha im-
jiarato f^ia assai, et altro non ne ])no sperarc, stando io alla merce
d'aitri. l''t io cdiiimiiiciai servir el cardinal lîidulti ", con nianeo
lettere che Pietro non ha al présente, si che vo^lio che anche lui
comminci k tentar la sua fortuna et mi si levi dale spalle, per che
troppo ho che fare per me, come sa el S""' Raglione et lui refe-
rira à V. S. ogni cosa, et per qnesto io non saro piu longo, rac-
eommandandomi sempre alla bona gratia di V. S., la quai prego Dio
conservi felice. — U'Avignone, alli 1-'! di genaro 1554. — • .\1
servitio de V. S. Matthio Greco.
Placera à V. S. sollicitare à tempi e lochi la niia lettera di
naturalita.
' Familier de la maison du cardinal.
- Devaris avait élé bibliotiiéoairc de ce cardinal: on a de lui
un inventaire do la bibliotlièqiie <le Fîidolfi (cf. P. de Nolhac, r»/*. cit..
p. 12->).
LA BlBLIOTHKtiUE GRECQUE Dl' CARDINAL FARNÈSE 191
VIII.
Mat/i/rii Devuris au mrdinal Farn'ese '.
Ill'"" et R'"° Sig'"' patrone colendisaimo
lo credo non esser mai stato tropo molesto a V. S. Ill'"'' in chie-
derli cos'alcuna fiior di quanto Te piacciuto apprezzarla mia ser-
vitii, anzi mi son sempre lodato del biion trattamento che ho da
lei per tutto, dove iio pensato poter acerescere il suo buon nome.
Ma in una sola cosa la mi perdouera, se per il passato son stato
et per l'avenir saro sforzato a esserli molesto, dico in suppliearla
à riraediar alla angustia délia liabitatione che ho in casa sua. Percio
che tal angustia mi preme et affligge in modo clie contamina ogni
liona sattisfattion che io habbia, et principalmente li studii, a tal
che mi rende amara tutta la vita. Et s'io dicessi clie questo pre-
Judica qualche cosa al buon nome e fama, che V. S. 111'"* ha in
questa corte, di favorir et accarezzar i letterati, so che direi il
vero. Percioclie de quelli che mi cognoseeno, alcuni di qualche im-
portanza, in questa corte, che mi stimano forse piu di quanto io
voglio, vedendo et sapendo con quanto mio scomraodo et indignita
di V. S. 111°'-" io liabiti in casa sua, dove alcuni altri giudicati di
manco stima sono moito meglio accomodati, parlo di stantia, che
non son io, il quale se non per altro alraeno per la età et per li
studii ne ho maggior bisogno, restano molto meravigliati che V. S. Ill'"*
lo comporti et non vi remedii sapendolo. Del quai giuditio di tal
persone quanto eonto ella ne lialtbia a fare et ne sia per fare,
lassero il pensiero a lei. A me basta haverneia avertito. non come
interressato in questo caso, ma per far ofRtio di buon servitor.
Tornandola a supplicar che se pur ella giudicasse, che in undice
' Cette lettre, qui ne porte pas de date, doit être datée de novem-
bre 1562, selon la mention qu'elle porte au dos, écrite de la inain du
secrétaire du cardinal.
192 FAKNESIANA
aiiiii di servilii ' io non raeriti di liaver qualche aiigumento, mu clie
com])ensn;in(lo un bon con l'altro, clie lio da V. S. Ill'"", io mi
dcldiia contontare et portai- in ])ati('ntia l'inconimodo délia stantia,
al niciHi fila iiii facci sentir incoininodd l'f danno in (iiialelie altro
licne d(' (|iianti si dc;;na di t'arnii, et in scanibiu mi acf'resca il
commodo délia stantia, et cosi verra a servar la medesma quan-
tita de béni, se non in nnmero, almeno in pondère, il quai re-
medio, se mi rinscissi' bene eon pit;liar stantia à pijri'mc- t'uor di casa
di V.S. Ill'"", non harei indugiato taiito a t'arlo. Ma perche Tliabitar
i'uor di casa, f> in tutto o in parte, e di molto maggior iucommodo,
resta, poi clie altrameute non posso rimediar a questo mio bisogno,
supplicar V. S. Ill""* a rimediarce lei, il clie ella potra far facil-
raente, quando vorra mostrarsi patrone in casa sua, et far veder
a ogniuno che le stantiae di essa non son de clii prima le occupa,
ma de chi V. S. Ill'"'' per sua electione et non per favor de altri
vorra che elle sieiio. Prego Dio conservit et prosperi V. S. 111'"-'.
— Dévot"'" et affettionat"'" Servo di V. S. 111"^» — Matthio Greco.
IX.
Mathif'it Deraiis nu, rardinaJ Fnrnhe à Caprarola,
111""' et R™" Sig"' patrone Col"'".
Da certi giorni in qua, essendomi io un poco riiiavntn del mal
del fianco et vertigine che per tutto il niese passato mi havevano
molestato, presi animo et mi ero gia inesso in assetto per venir-
mene k goder' la presentia di V. S. 111""'. et le delitie et freschi
di Caprarola, se ben ancora io non havessi, come anche non ho.
' Matliieii serait donc entré au service du cardinal en 1551 : cette
date concorde ^ un an près avec celle que donne P. Devaris dans la
préface de l'ouvrage de son oncle paru en 158H, où il parle des vingt-
huit ans de service de M. Devaris.
LA BIBLIOTHÈQUE GRECQUE DU CARDINAL FARNÉSE 193
fatto progresse alcnno nel fatto délia mia provisione délia libi-aria ',
ne qnanto al possesso et eonfinnatione di essa, ne manco quanto
al ritrame frutto alouno. Ma essendo poi arrivato il S""" Tovani ',
rt dicendo che costi si comincia gia à far apparechio per ricever
il Papa, di qiiesto altru niese, alla fine del quale la S. V. 111""»
sarà di ritorno, lio g-iudicato che venendo io costi, non farei altro
se non occupar' un allog^amento senza far servitio alcuno à
V. S. 111"'", et qui non haverei clii procurasse il negotio di detta
mia provisione, per il qnal eonto tengo, che s'io fussi costi, che la
S. V. 111™* mi concederia ch'io me ne ritomasse qui, et pertanto
snpplico sia contenta ch'io resti qui, senza dar le spesa alcuna. et
mi faci gratia commander" a M. Aseanio Celso che adoperi il nome
et favor di V. S. 111"'-' appresso Mons. del (TÎglio. tliesaurier". et
appresso il Card. Sirleto, Iiibliotbecario, et altri con chi liisognasse
per remettermi nel possesso et usufrutto di detta provisione, la
<iuale Y. S. Ill™-' mi ha da principio fatto haver', et sempre per
il passato rai vi ha mantenuto. reccordandosi di quel ditto: Non
minor es virtus qnam quaerere parta tneri. Cosi Dio, nostro Sig''*'
mautenghi et conservi la S. V. 111™". — Di Roma, alli 17 di hi-
glio 1572. — Di Vostra Sig"" 111™» et R™'' devot™° et obligat™'-
.servo Matthio Greco.
X.
Supplique de Pierre iJeruris nu Pape [14 juin 1581].
S™" et Beat™" Padre
Pietro de Vari, nepote de messer Mattheo (ireco, familiare pou-
tificio et correttore délia libraria Vaticana, mancato hieri ' dalla
' Devaiis avait obtenu de Pie IV en 1562 la charge de correcteur à la
Librairie du Vatican (P. de Xolhac, La bihh'othèque de Ftilvio Orsini, p. 30).
2 II s"" Thoarre, familier du cardinal: Rôle de la maison du cardi-
nal, § III.
^ Mathieu Devaris mourut le 13 Juin 1581 (P. de Xolhac, La hi-
hlioihèqtie de Fiilvio Orsitii. p. IfiO. note 4).
194 KAKXBSIANA
))reseiite vit.i ion ((iiattordeci luo^lii di Monti, otto délia Recupe-
ratione et sei ilcl seconde d'Avi^Mione, che liavea nella sua persona.
liavendoiic prima che moresse rcnuiitiato li sei d'Avigiione a esso
l'ietro suo nepote, et da hii venduti per sostentare esgo meHser Mat-
tlieo SUD zio, con la segurtà délia sopraviventia di quaranta giorni,
delli (juali ii'è vissiito tredeei, supplica la S'" V. per li nieriti di
esso inesser Mattlieo, iiivecchiato et morto al servitio délia Sede
Apostolica, et per le fatiche eli'lia fatto et fa di eontinno esso
Pietro per essa libraria, nel scriver greeo, senza alcuna piovisione,
et sopratutto per esser rimasto esso Pietro povero con il carico di
doi sorelle et doi nepoti, vedove poverissime, che se degni per gratia
ad esso Pietro olie delli sudetti 14 luoglii almeno li sei del se-
eoudo d'Avignone, reniintiati et venduti. corne è detto, restino ad
esso Pietro, overo si degni la S. V. confirmare a esso Pietro la
provisione camerale cli'liavca il sudetto messer Mattlieo, suo zio,
corne correttore délia liliraria Vaticana, secondo elie V. R'"' ha già
concpsso in voce, per parola deirill""' signor Cardiuale Sirleti, a
favore di esso Pietro, per la reniuneratione délie sudette fatiche
che esso Pietro ha fatto et fa di foiitimm nel scriver ureco per
essa libraria, eome è detto, senza alcuna provisione, et anco per
la dedicatione che esso Pietro fa hora alla S. V. del Catachismo
greeo et del Concilio Tridentino tradotti in greeo dal detto messer
Mattheo, et di moltr altre sue opère greche degne d'esser reposte
nella libraria \"aticana, per poter sostentar se, et le sudette sue
poverissime parenti. Che oltra che la S'" V. farà opéra conforme
aU'infinita pietà et liberalità sua, esso oratore con tutti li suoi
pregaranno l'Oniiipoteute Iddio per la conservatione et prospérité di
V. B"''. Alla (juale baeiano humilissimamente li S"" Piedi.
Au dos ; S. D. N.
Ser Pietro de Vari Greeo, nepote
del q. M. Mattlieo Greeo
LA BIBLIOTllÈCnE GRECQUE Dl" CARDINAL FARNÉSE 195
XI.
Fulrio Orsiiii au cardiiutl Fdrnrse^ <'i t'nprarola.
111™" et R»"" S"- raio Col'"»
Diedi il S. Datuasceno ' al cardinale di Santa Severina ' con
quelli avvertimenti clie V. S. 111"^" mi diede. Mi dispiacque bene
fhe "1 libro fosse sciolto et corroso nelle estremità, essendo di piu
di 700 o almeno 6 00 d'antiehità. in carta pergameno di 204 carte,
libro venerando et pretioso, si corne Tistesso Car''' eonobbe et heb-
belo carissimo. Ma non è questo solo che hà bisogrno del servitio,
perche ne sono nella libraria di V. S. lll™" piu di cinquanta pezzi
de libri délia inedesima i[ualita, che e una compassione a vederli,
et in specie quelle epistole di S. Hieronimo scritte in letere tna-
iuscole, che vale ducento pezzi d"oro per la sua bonta, stà sciolto
senza coverta, dove meritaria con li altri esser ligato in cipresso
et coverto et risarcito. Del che havend'io avvertito V. S. 111™'' piu
volte, ho voluto recordarglelo ancora in questa occasione. Il sud-
detto S"" Cardinale fece vedere l'indice de libri, quale io [Ao] sot-
toscritto. da Hieronimo Mercuriale ' et fra Onofrio ^, che me con-
segnorno li libri di V. S. 111™'', per sno ordine, pezzo per pezzo et
in questa materia non s'ê trovato altro. Ho coniprate le medaglie
che V. S. III"''' commanda per che il mandato sarria andato in
' Ce ms. n'est pas porté dans notre inventaire, qui l'ut fait peu après,
en 1584. Il s'agit du ms. de la Bibl. de Xaples, II. B. 16. de 20.5 folios,
datant du XIIP siècle, et dont la reliure est semblable à celle des au-
tres mss. du cardinal, bien que ne portant pas son écu.
- Giulio Santorio.
' Jérôme Mercuriale, célèbre médecin du XVI'^ s., qui soigna le car-
dinal à la tin de sa vie.
* Onofrio Panvinio. Voir sur lui l'étude de Bonchini dans les Atti
e memorie délie RR. DepuUiz. di storia putria per le provincie Modenesi
e Parmensi, t. VI (1872), p. 207.
196 FAKNK8IANA
liin;^!) pcr riiidispositioiip dcl S'' Ascaiiio Celso. Il vescovo délia
Ri|);i, vicario di S. Oiovaiiiii, in'liîi dato il nome d'mi medico clie
(lice liavei' pioposto a V. S. 111'"", clie si cliiariia Da;^anello Da-
};'aii{'lli dala Maiidola iicUa Marca, etie liof;fgi di legge in Marerata,
condotto da (|uclla coniinunità, et \« prupone corne liuonio di bontà
et fede, riincttcTidosi circil vahu'c ali'iiifiu'ni.itioiie clie V. S. 111""
ne pigliaià. Alla (|nale io liiimiliss'" liacio le niani. — Da Roma,
à XXX di lii;;lio ir)80. — Di V. 8. 111'"" et K'"" (.blif,'ati8simo
servitore Fiilvio Oi-Rino.
Xll.
yiilr/ij Orsiiii II II rinrliiial Fiiriiî'sr.
U\'"" et R"'" S'"
Con (|nesta sera nn disegno ' clie io ho fatto faie dell'Iliiipo-
<iroiTio, il quale tniovo clie appresso Greci era ([uello istesso elle
appresso Romani il circo, donde Phitarclic iiilli Prohlemi eliiama
il circo Flaminio, i-7:o'^;oao; <l>).vi[j.ivio: '" : et il circo Coiistantino-
politano, quale lia la forma iatessa del circo Max", et ''■ quasi in-
tègre, dalli scrittori «'• cliiamato Hipi>odronio. Si clie ((iiesto si puo
teiiere per t'ernio clie llipiiodromo sià il nicdcsimo ciie Circo. et
' Il serait intéressant de connaître le dessin de Fnlvio Orsini. Le
cardinal avait fait graver une trentaine d'années auparavant par Jean
lieniaidi de Oastel Bolognese plusieurs médaillons de cristal pour la cas-
sette qui est aujourd'liui au musée de Naples (n° 71ô). Les dessins en
avaient été faits par Michel Ange et Perino del Vaga ^■a8ari, éd. Fi-
renze, 1880, t. V, p. 373; cf. également lettre dWiinibal Caro, 4 fév.
1540, dans Lettcre del coin. A. Caro raccoUe du H. liernurdinn Tomitano
Opitergino (1701), p. 13). Une de ces intailles représente précisément une
course de chars, et porte cette devise: CIRCUS XOSTEH ECt'K ADEST
POPULI yoUJPTAS. Une autre, qui témoigne de la même recherche
ai-chéologiciue, nne Nanmachie figui-ant la bataille de Salamine, avec cette
inscription grecque: ZI-l'ZoV NaVMAXIA Mi:i AAH Mil a.
- Aetia Romaini.
LA BIBLlOTHÉylE OKECQUE DU CARDINAL FARXÉSE 197
raolti de latini hanim iisiirpato questa voce per Tistosso cireo, corne
Martiale :
PulvereiinMiuc fu;j:;ix Hippodromon uiifrula puisât '.
Homero è il primo scrittore, appresso di clii sia noniinato THip-
podromo, del quale fà mentione nel XXIII dell"/. '", nelli gioehi
ciie descrive per Tesequie di Hettore :
AÏS Sî TOO ÉxâTïpQîV Ép-/;pÉ?)5!T7.'. ^'JO Aî'jy.w
Èv ^'jvo/viT'.v ô^o'j, Xc'o; o'îrrr:oS:o|j.o; x[j.z,iz.
N'hanuo poi fatta mentione li altri scrittori. di maiio iu mano,
come Liiciano nel Nli/rino : y.y.': -i Oéarpa, /.ai tov Ir.T.ohooij.'j-i,
y.v.'. zi^ T(ôv r,vio/(>jv tiy.'j-/v.i.
E detto Hippodronio. z-o tz; i— -oripoy.iz:. cioé à cursu equo-
rum, la quale ir.Tzoh ^o'j.iv. e detta da' Latiui Liidi curriles, cir-
censes, cerfameii eqiiestir.... eguiria, et in altri raodi, che tutti
corrispondiiuii alla i--0'\:oaiz. délia quale tVi mentione Tluicydide
nel terzo : oi AO/.vvTo; totî tov y.-^'ôy/y. j— oir.Tav /.y.'. ("T&èp&j/.ia;,
et Xenophonte : rro/'jv oivo-/ tt'.o'vte; î—'aijTO'.;, /.y.': ir-or^poj/izv
"oir, 'jzvTô; ^, et Aristophane: ;7:T:ç.ooo|Ai5:v ilî-î'.
Ma appresso li Atlieuiesi non solo il luogo dove si facevauo li
giochi era detto i~—6hiO'j.r>;, ma la festa ancora istessa et '.t:-o-
^pôaio; u.riv, il mese nel quale li giochi se celebravano.
Che la forma del Hippodromo fosse la istessa che quella del
Cireo si cava da raolti luochi et specialmente da quelle che scrive
Pietro Gillio " deirHippodromo o vero cireo de Constantinopoli. Credo
bene che appresso de Greci l'Hippodromo non servisse à tanti giochi
a quali il cireo, et specialmento il Maximo in Roma, dove si fa-
' Livre XII, épigr. L.
' Iliade, XXIII. 329-330.
^ Helléniques, III. 2, 5.
^ Eirene, vere 899.
■'' P. Gyllii, De toporjrafia Constantinopoleos et de illius atitiqintati-
bus libri quattwr (Lyon, 1561).
itélange» d'Arch. et d'Ilist. !(«). 13
198 FARNBSIANA
ccv;iiio cinque gioclii, ma serviva solo per il corso de cavalli. et
per le friostre, et per la eseieitationc aiicora de ;;iovini. délia ((uaie
|)are clie fafcia iiieiitioiie \'ir^,'ili(i nel \'I1 ihW. Iriifidt' :
Alite urbein pneri et primoevo rtore iuveutns
Exci'ceiitur eqlli^<, doinitantque in pulvere curriis.
Kt er.i ciiTiinulato (|iicst(i llippodromo iiora de niiiri et iiora
de biissi, platani et eypressi, nella forma clie lio detto del eiren.
Che è quanto li<'> potuto oavare dalli serittori antichi iii (|uest;!
materia, non liavendone seritto li moderni, et in Ronia non essendoi
hoggidi, rome V. .S. lilnstrissinia sa, eon clii eonferire queste cose.
Se non san'i quello fhe V. S. IIl""" desidera, la supplico ordinarmi
de novo quello elie liavrù da eereare. (^on clie hiimilissimamente
le bacio le mani. — Ha Homa. à VIII d'au'ostn l'iT'!. — Ohli-
gatissimo servitore Fui. Or"".
II.
La iiiaisoii du i-artliiiiil Farnèse ou 1554.
Le <■< rôle » de la maison d'Alexandre F.irnèse que nous pu
blions ci-dessous se trouve à l'Arcliive d'état de Naples, dans la
section si riche des Carte Farnesianr (fascio 400) '. La date en
est intéressante. Depuis l")r>2, le cardinal, après (pielques dé-
mêlés avec Jules III au sujet du duché de l'arme et un assez
long exil, était bien en cour. La guerre de Parme s'était terminée
par la victoire du roi de France, au grand profit de la famille
Farnèse remise en possession du duché ". Alexandre, rentré en triom-
' Ce fascio contient également un rôle datant de la tin de la vie du
cardinal.
' Cf. L. Roniicr, I.ea premiers reprcseniciiii.< de hi Frauce au palais
J-'arnése (IbbS), dans les ^féla>l{|es d'arclu'ologie et d'histoire, t. XX.XI
(1!)11), p. 11.
LA MAISON DU CARDINAL FARNK.SE 199
pliateur à Rome, avait vu tout le peuple, abaudoiiuaut ses tra-
vaux, se porter an devant du cortège qui raccompagnait au palais
<lu Souverain Pontife. A la fin de cette même année, il accomplis-
sait le voyage de France : durant le long séjour qu'il y fit, par
sou hal)ileté comme par les séductions de sa nature, il conquérait
les ministres et les dames de la cour, tandis que son frère, Horace,
duc de Castro, épousait Diane de France, la fille du roi. Il était
;Y l'époque la plus brillante de sa vie ; jeune et magnifique, il voyait
l'argent couler à Hots de ses nombreux bénéfices de France et
d'Italie.
Cette liste de sa « famille » donne l'état de sa maison à son
retour de France '. Elle dut subir alors une réorganisation dont
le rôle, daté du P'' août 1554, est en quelque sorte le compte-
rendu. Au palais Farnèse, le cardinal Alexandre était le chef de
famille, son frère Ranuce, cardinal de Saint-Ange, n'ayant alors
que vingt-quatre ans. Mais si certains personnages, comme Fulvio
Orsini, comptent déjà à l'effectif de sa maison, il semble qu'ils
fussent néanmoins attachés plus spécialement à la personne de son
frère. On sait en effet qu'à cette date Fulvio était bibliothécaire
de Rauuce '".
La « famille » du cardinal, sans compter vingt et une person-
nes mortes après le pontificat de Paul III (1550J, ne comprend
pas moins de 188 personnages, outre les serviteurs qui leur sont
attachés, ou, pour employer les termes du rôle, 314 bouches^.
' Le caidinal avait séjourné en Fiance et en Avignon de la fin de
l'année 1.552 au milieu de 1554; il était rentré à Rome dans les premiers
jours de juillet 1554.
'*•' P. (le Nolhac, La bibliothèque de F. Orsini, p. 9. Fulvio ne devint
bibliothécaire d'Alexandre qu'en 1565, à la mort de Ranuce.
' Le total donné par le rôle est quelque peu différent. L'auteur du
rôle a en effet fait un décompte, (jui nous semble fantaisiste, par lequel
il arrive au chiffre de 305 bouches (If'*- liste 184; 2" liste 50; 3'^ liste 60;
Titio 3 = ce qui ferait en réalité 297).
200 KARNÏWIANA
Ce n'est point le lieu de faire une étu'le détaillée de chtican
de ceux-ei. On a vu ei-desxiis, à propos de la liililiotlièqiie ^reeque
du cardinal, de quel cercli; iriiumaniBteM il était cntonié : «-"est évidem-
ment la partie la plus intéi'esaante de sa eour. Xkus ne pouvons
mieux faire, pour illustrer ectte nomenclature, que de renvoyer à
rintéreasante préface, dont Pierre Devaria fit précéder l'ouvrage pos-
thume de son oncle, le <■; T,ihn' de ffraecae linipine finit irnlh » '.
Pierre Dcvai'is avait cmnju la cour du cardinal au tcniips de sa
splend(;ur. Mais son épiti'c dédicatoire, évoquant le souvenir de
celui qu'il glorifie, résonne pour nous comme un éloge funéltre. tant.
sa date est rajjprocliée de celle de sa mort! Moins d'un an après,
en effet, le 2 mars 1589, disparaissait Alexandre Farnése. ce car-
dinal qui avait eu la passion de construire et qui voulut être en.sc-
veli au Oesù, qu'il avait fondée, sous une simple dalle de porphyre , . .
Pierre Hevaris ne peut s'empêcher, dans son enthousiasme, d'aj)-
])eler le Palais un Parnasse ou un Pinde. On y rencontrait une
' L'oiiviagc j)anit à Home en lôSH. — On trouvera cette préface
dans Legrand, Tiihiiogiaphii- lii-Ui''i>i<jiie, t. II, pp. 52-60. En voici un ex-
trait: " Ulii enini iiisi donii tuae, Pater aniplissime (ut a Poetica inci-
piam facultate), vehit in Piiido aliquo monte vol Parnasso, Franciscus
Maria .Mol'/.a. Lanicntius (ianiharus, Bernardus ('a)iiiellns. aliic|. iieiniulti
poetac nostia aetate praestantissimi tloruerunt ? Ul)i iiniqiiani pluies, quam
donii tnae aut eloquentiae laude, aut variarum, pulcherriuiarnuKi. renim
cognitione praestantes? Ex ([uilius si Romuluni Auiasaeuui, Annilialeni
('arum, Carohun (iualteruceiuui, Pulvium Ursinum (cuius uientio nobis
erit alias infra non sine laude ipsi débita facienda^ Guidnni Lolgium,
Antonium Acliuni Episcopum, deinde Polenseui, alteruni item Antoniuni
Aeliuni Miiandulanum. ciui Cassertae item est postea praefectus Episcopus,
loanncni Haptistaui Possevinnui, Mieronynium Mercurialeni nostra aetate
niedicuni celeUeiiiinum: si vol hos, inquain, (ut caetoros (|uauipluriinos
taceani), i)rof'orre vclim, nonio, ut opinor. erit, oii fuerit lioruni eruditio,
vel coiisnetudine fainiliari nos possit vel teineiitatis accusare... ». Il cite
ensuite Bernardin Mart'ei et Aidinghelli, Marcel Cervin et Facchinetti
« qui cuni primuni Romani venit in fuorum numéro doniesticorum cuni
siimnia laude versatus est • (Matthaeii Devarii liber de graecne lingune
particulis. Ad Ale.randnim P'arnesiuw Cardinaleiii S. Ji. E. Vice caiicel-
Inrium. Rouiae, ap. Fr. Zannettum, 1588).
LA MAISON DU CARDINAL KARNKSE 201
])léiade de pni-tes, Benibo, délia Casa, Benedetto Varclii, Loreuzi)
Gunibura, Giovanni Francesco Leone, Mol/a, Bernardo Capello...
ritis loin, il compare la demeure du cardinal à un cheval de Troie,
ilos entrailles duquel sortirent tant d'évèques ou de cardinaux, lu-
mières de la République chrétienne, et deux pontifes, Marcel Cer-
vin et Antoine Facchinetti, Marcel II et Innocent IX.
A côté de lettrés, la cour du cardinal Farnése comptait tous
ceux dont les exigences princières cherchaient la société, des ban-
((uiers, les frères Nasi, Israélites florentins attachés à la banque
Gadagne ', et chargés des affaires financières du cardinal en France;
des compositeurs de musique, parmi lesquels il est intéressant de
noter la présence d'un élève du maître flamand Willaert, le limou-
sin Léonard Barré (M. Leonarclo) ', qui avait été chanteur à la cha-
pelle pontificale de 1537 A, 1552 et qui semble à cette date avoir
quitté le service du pape; enfin des artistes, tels le miniaturiste Clovio
(.1/. Ginlio miniufore), Alexandre Cesati (Alexandro greco)^, et peut-
être le Primatice (Il Boloyna) \ que l'on ne s'étonnerait point d'y
voir, lui qui a si justement été défini « le peintre des humanistes » '".
Les fonctions plus humbles de la maison et de la table sont
largement représentées par les siopatori^ scalci et sottoscalci, hotti-
glieri. cuoci. le trinr/ante et le eredenziero etc., qui voisinent
avec les officiers employés à la cour de France et h la légation
d'Avignon. Parmi ceux-ci notons le capitaine Ugolin et le capitaine
de Mornas, dont on retrouve souvent le nom dans la correspondance
jiolitique du cardinal, M. de la Barthelasse et Antoine de Gouges
' Voir sur eux L. Romier, Les nriijine^ politiiiuefi des guerres de re-
ligion. I. Henri II et l'Italie, p. 144.
^ J. Combarieu, Histoire de la iiiii,siijiit\ t. I, p. 51;?.
^ Sur Clovio et Cesati voir supra T. La hibt. grecqtie du cardinal.
* Plusieurs personnages fuient désignés sou.s ce nom, par exemple,
un charpentier, (îirolamo en 1545 (Rodocanachi, Le château Saint- Ange,
p. 147); il senilde ipi'il faille voir ici le Primatice, (|u'on appelait commu-
nément ainsi.
^ L. Dimier, Le Primatice, p. 106.
202
FARNESIANA
(M. di Gufiia), et ses lieutenants dans le conitat Venaissin, Jacques-
Marie Sala, représentant du léf;at en Avignon, puis vice-léf^at, An-
tonio JaeoiMcllii, (iio. Franccsro Leone, et le bolonais Gio. Ant.
Faochinetti, li- l'iitur Innocent IX, ((ue la conBance du cardinal
avait investi i)ar deux fuis du vicariat général de son arclievêehé
d'Aviirnon '.
RÔLE DE LA MAISON DU CARDINAL EN 1554.
I. lîotolo (W familial i presenti dell'Ill"
vese. fatto qiiesto di primo d'agosfo 1554.
et II'"" Car'' Far-
Mens, di Pola
Mons. del Giglio H. ;i
M. Curtio, luaggiiirdomii B. 4
S.' abbate Bufalino B. :î
S.'' (ierinanioo B. 3
S.' Sforza délia Torre H. 4
Secretaria
M. Giuliano Ardinglielli B. :î
Mons.'' le Recevidor B. ?>
Mous.'' di Gugia B. J
M. Mario Leone B. 1
( M. Francesco Gerardini") • (B. 3)
Camerieri
Boeche 1 M. Tlidinaso Tlioinasi
B. 4 M. Pietro Filippo
M. Francesco Calvi
Rodnmonte
M. Battista Arrivaben
M. Postliumo
(M.Silvio Lolli)-
Anditori
M. (iio. Antonio Facch
iietto
M. Melrliior de Valerii
Medici
M. Gio. Vincentio
M. Ascanio Celso
S.'' Fabio Orsino
M. Lorenzo Amadeis
B. S
B. 2
B. 2
CapeUatii
M. Bellisario Maris
M. Antoniii .I;ironit'lli
B. 2
B. 2
B. 2
B. 2
P.. 2
B. 2
(B. 2)
B. 0
B. 2
B. 3
B. 2
B. 2
' En 15;5r)-t), et en ]548-],ô50. Il lut ilaiit- la suite ('vétiue de Boio
sue, avant d'être éhi pape en 1591. Voii i-iii- lui la préface de P. De-
varis, citée snprti.
° Il est i)Oité aa^^ la liste II.
I.A MAISON" DU CARDINAL l'ARNÉSE
203
M. Micliele d:i Como
M. Antonio Cerrnto
Portieri
GenfiUiuoni/»i
Il S. Rodrigo Raglion
Mous/ délia Bertolaccia
Mons.'' Prevosto di San Pol
M. Giulio délia Croce
M. Faiidosio Malnipote
M. Vincentio Marcone
M. Ginlio Speranzini
M. Giuliano Celio
M. Antico
M. Pietro Pauolo da Pi-
perno
M. Pauolo Lilio
Cap." Bartlioloineo
M. Benigno Cacciati
M. Alfonso Alveres Portu-
ghese
M. Giacovo, gia creden-
ziei'o B. 2
La Valle, torriero B. 2
Virtnos/
M. (;io. Battista Siciliano ' B. 2
l'fflriali
M. Agolaiite. scalco B. 3
Cap." di Mornàs B. 3
M. Vincentio, trinciante B. 2
M. Hieroninio, eonipotista B. 3
B. 2
B. 2
B. 2
B. 2
B. 2
B. 1
B. 1
I!. 1
B. 1
B. 1
B. l
B. 4
B. 2
B. 1
barbieri B. 2
M. Aurelio, guardarohba B. 2
M. Scipione Bassanello,
sottoscalco B. 2
M. Pietro, spenditoie B. 2
M. Giovanni Scliertinio,.so-
prastante B. 2
M. Marcantonio, armaruoIoB. ]
M. Galeazzo et
M. Bernaz-dino
M. Berardino da Canine,
portinaro B. 1
Il Venetiano, scopator se-
fi'eto B. 1
Matteo, scopator comune
ajutante B. 2
M. Vittoria B. 1
Lavandara coraune B. 1
Gio. Canathieri B. 1
(M. Marcello Impo)- (B. 2)
(Olivero Brachieri)^ (B. l)
Stalla
Il s."' Pro'^pero, ca valle -
rizzo
Gian, baccalaro
Gian de Lilla
Girardo famigli
Marino di
Provenzale stalla
Gian Gianni
B. 3
B. 1
B. fi
Giardinieri
Bertino
Don Guido
ïiardinieri B. 2
' A U suite M. Leonardo imisico harré (il est porté au § II).
- Il est porté dans la liste II (Marcello Impie?).
^ Même observation que ci dessus.
204 KAKNESIANA
(iiaeoiniiiii dalle SpalliiTt-
«1 prête
H. 1
lîarlKiii (lella cucina I!. 1
M. l'rolilio, cuocx) comiiin' H. -
liolo^'iui et
.lecco
«■edentii-ri B. 2
(iiiattari di cacina
Pasticrieri
Failli
B. 4
B. 1
Ajjiutanti di crcden/a
B.
■2
(i\o. Battista Piacentino B.
1
I)es}ieiisii
Marco Parinigiano
Francesco Reale Spoleti
B.
ino B.
1
1
Claudio, despensiero
B.
1
Carlo
B.
1
Francesco, afiiutaiitt' di
di-
Baripiiciiio
J{. 1
-
spensa
15.
1
Lacc/iè
Jiotliiilirria
Turs
B.
1
Gallina et ) botti-
B.
2
Normando
B.
1
Menico da Graduli 1 jil
iori
Gianni
B.
I
Agiutante
B.
1
Vasdii tre
B.
•'•
Canihiii
l'drnfrenieri
Valentino f'anavuo
B.
1
Beriiardo
B.
Falzina
B.
1
Alessandro
B.
Agiutante
B.
1
Nicco
B.
Tiii/'Uo
Gian da Nivella
Baldassaro
B.
B.
Don Claudio, scaico
B.
1
Pauolo, coceliiero
B.
Vincentio, trineiante
B.
1
Pitigian
B.
Fantasia a^'iu
B.
2
(Carlino)
(B. 1)^
Pietro Stagnieri tauti
Antonio Franzesi
B.
1
(Savoia)'
Mrdattieri
('iiiitiii
yi: Francesco, cuoco
se-
Stetano | ...
, mulattieri
.Matteo 1
B.
-
creto
B.
1
L'acquaruolo
B.
1
Pottaggieri
B.
•)
Gianni, carrattiero
1!.
1
' Même observation c|uc ci-dessus.
^ A la suite Vitale Caniori B. 1 barré.
3 Portr- dans le S II.
LA MAISON DU CAKOINAI. l'AUNÈSB
•2or>
II. Jîotolo de' fnmiUnri deiriU.'"" H li.'"" Jùirnpsp che sono
ridiigio.
Mous, tli Caserta
S. Fulvio Oi'sino
Conte Pauolo Vogadro
S. Eucherio
M. Aniiibal Caro
M. Francesco Girardini
-M. Fabio Beninbene
M. Estor Paliotti
M. Marcello Impio
M. Marcello Gargano
M. Silvio LoUi
M. Giacomo da Perugia
M. Gio. Maria da Milauo
B.
4
M. Augelo Perozzi
B.
•l
B.
4
M. Gio. Greco, serittore
B.
•>
B.
3
M. Leonardo, miisico
B.
2
B.
4
M. Alessandro Greco
B.
2
B.
2
M. Giiilio, miniatore
B.
o
B.
2
M. Ettore, organista
B.
1
B.
2
M. Angelo Voglia
B.
a
B.
2
Oiiviero Bracchiero
B.
1
B.
2
M. Guglielmo, maestro di
B.
2
stalla
B.
•>
B.
o
Giovanni da Savoia
P..
1
B.
2
Cari i no
B.
1
B.
1
M. Fabricio, dentici
P..
2
III. BoioJo de' famiUari ubsenti che possono re>iir' rolendo.
Mous. Tliolomei
Mous, di Bitonto
Mons. di Sala
M. Bernardo Cappello
M. Gio. Fraucesco Leoni
M. Alessandro Guaruelli
M. Marcello Alfauo
M. Scipione Bozzuto
Conte Oiiviero
M. Baccio Nasi
M. Fi'ancesco Nasi
M. Gio. Battista Rotolo,
capellano
M. Pietro Cania
M. Francesco Davila
M. Nicole Seghizza
M. Lorenso Bologna
B.
4
M. Antonio Amidano
B.
2
B.
4
M. Andréa Portughese
B.
1
B.
4
M. Gio. Andréa da Sutri
B.
o
B.
3
'W.. Oratio Baglione
B.
1
B.
2
M. Antonio Piaden
B.
1
B.
1
J[. Kemigio, niedico
B.
3
B.
2
M. Gio. Battista Vitale
B.
2
B.
2
M. Cesare Villano
B.
2
B.
2
M. Francesco Frabaccio
B.
2
B.
2
M. Pasquino, gnardarobba B.
1
B.
2
M. Hieronimo, despensiero B.
1
M. Giannes, bottigliero
B.
1
B.
2
Il cavalier Gambaro
B.
o
B.
2
Il S.' Thoarre
B.
•)
B.
2
Agostino
B.
1
B.
2
II Bologna
B.
1
B.
2
Nicolo, scopator secreto
B.
1
20fi
FAnSESIANA
Modraiio 1!. 1
•Corsetto li. 1
M. Matteo Greco 15. 2
}i\. Pietro Greco, suo iii-
pote r>. 1
M. Giiido I.olli. s(>;,'n'tario li. 2
M. l'r.iiieesco Cappello V>. 1
Molossi
limrhi
IV'. Fumiliuri (Ml'IU.'"" et It.'"" Farnesi; <iiii morti dop/io
lu mi/rtr delhi fflicf iin'm. di Pauolo PI'. 11/ ' siiio a questo d'i
primo d'iiflos/o M 1)1.1 1 [ I .
Mons. Jovio
Romolo Amaseo
Conte Campeggio
Cavalier Ugolino
S.'' Gio. Antonio Carrafa
Don Camillo
Il provo.sto Hoianlo
11. Ottavlano Secolio
M. Gandolfo (la Modena
M. Perino, sonatore
M. Gio. Antonio Pelliceia
M. Spadaccino
Giannino da Castro
Simon CavadarOv
M.° Xegrino et |
M.° C'eechino )
Gio. >[aria
liassano
Moretto Caniellai'o
Ronii
Lopes
cuochi
V. M. Titiii, maestro di casa Roeclie 3.
(Archive d'ét.Tt de N.TpIes. l'arma ri It'im/i. taseio 400).
{A suivre).
Fernand Benoit.
' Paul 111 mouint le 10 novembre 1550.
CORRECTION
À EPHEMERIS EPIGRAPHfCA, VIII, n. 632
Dans le Musée Municipal de Terraeine figure une dédicace isiaque
dont la lecture peut donner lieu à quelques restitutions. Il s'agit
d'un autel en marl)re de 0"',S8 de liauteur et de 0"',43 de lar-
geur. La forme en est très banale: le cippe proprement dit repose
sur une base moulurée et supporte une tablette également ornée
de moulures. Sur les faces latérales sont représentés : à droite, une
/xitera, à gauche, un urreiis. Sur la face antérieure figure une
inscription qui a été publiée déjà dans VEjifiemeris Epigraphim '
sous la forme suivante :
ISI RESTIT,K.
L • TERENTIVS
STEPHANVS
AVG ARAS ET
5. ORO VM • PEG
«lA-SVA-D-D-ET
/' /' / / / ■ ' E X • P •
D
Isi(di) restitidri(ci) | L(Hcius) Tercntius \ Stephanus ] Aug(ustalis)
aras et \ Oro\Jo<jtl^um pec(tt) | (n)ia sifa dionum) diedit) et... ]
ex p(?) ... I d.
' Eph. Epiitr.. VIII, p. Iô6, n. 632.
208 CORRECTION
La lecture orologium k la cinqui('-Die ligne de riiiscription est
une restitution de MommBen. De prime abord elle parait difficile-
ment acceptable, sinon pour le sens, du moin» à cause de l'impos-
sibilitc de faire tenir les deux syllabe» lotji que Mommsen rétablit,
dans l'intervalle laissé en blanc par les éditeurs de VEjJinnetis
Epigrupliica entre oro et nm.
Un examen attentif de rinsiriiitiim, cxaincii fait sut- l'aiitcl
lui-même et, à cause des conditions défectueuses où il se trouve
])lacé, poursuivi sur un estempage, permet de lire à la ligne .'> : DRO
au lieu de ORO et de rétablir un M dans la lacune, vi- qui donne
DROMVM.
La ligne 7 de l'inscription dans {' Kplinneiis ne correspond en
aucune façim à la réalité. Une ligne entière a été supprimée que
nous essaierons, dans la mesure où le texte nous le permi-ttra, de
rétablir.
Les lignes 7 et 8 dans VEphemeris donnent des fragments très
incomplets de la ligne 8 de l'original et celui-ci offre en outre une
ligne 9 qui a disparu complètement dans l'édition.
Les quatre premières lignes de l'inscription, très nettement conser-
vées sur l'autel et de fort bonne gravure d'ailleurs, en lettres de
44 mm. de haut, ne présentent aucune difficulté et il faut bien lire :
Isi(di) restitutri(ci) \ L(ucius) Terentius \ ^tephaniis \ AïKiotstaVisl
(iras et . . . |
La cinquième ligne toute mutilée permet de lire néanmoins le
mot: dnininm. Nous reviendrons tout à l'heure sur l'interprétation
de notre texte. Pour le moment, il nous suffit de l'établir.
La cinquième ligne se termine par : pecu ... et il n'est pas besoin
comme le font les éditeurs de VEphemeris de rétablir Vu, qui figure
sur l'inscription, mais de dimension réduite et à l'intérieur du C.
La sixième ligne donne la fin du mot précédent... itin. L'//
])eut se lire bien que fort endommagé, puis «m lit: sua. d.d. et . . .
A EPHEMERIS BPIGRAPHICA, VIII. N. 632 209
La septième ligne qui disparait dans V Kphemeris et la huitième
mal reproduite sont cependant fort suggestives. Les voici telles
qu'elles peuvent être lues sur l'inscription :
AI \0 1 I S ITAR.
SER EX D • D •
Le mauvais état de la pierre qui est profondément engravée
ne permet pas d'en lire davantage. Une restitution n'est possible
que par une interprétation du texte. POSER est mis évidemment
pour posueijnnti, la chute de Vx voyelle devant une autre voyelle
étant un phénomène assez, courant pour qu'il n'y ait pas lieu de
supposer une erreur du lapicide. Ce pluriel {posuerunt) nous oblige
à chercher dans la ligne 7 la mention d'un sujet autre que L. Te-
rentius Stephanus et qui, au pluriel lui-même, ou bien se joignant
à Terentius puisse justitier le pluriel du verbe. Nous avons été
conduits ainsi à lire sous les lettres et fragments de la ligne 7 :
Al \G 1 1 S le mot ANXOR.\TES qui nous évoque la population
d'Anxur recevant le don de Terentius et en prenant possession par
un acte officiel, car la ligne 8 se termine par : EX • D • D ■ rx
diecreto) d(ecHrioHum).
L'inscription pourrait s'arrêter là et ce fut sans doute l'avis
des éditeurs de VEphemeiis qui ne donnent à leur huitième ligne
qu'un D emprunté sans aucun doute à la ligne précédente. En réa-
lité sur l'autel figure une neuvième ligne, très mutilée, de gravure
mauvaise au surplus, et dont la lecture est conjecturale. La voici
telle qu'elle se présente à l'examen :
ET POS'^ VM
POS est certain par une lecture directe. L'espace qui suit et qui
peut renfermer trois lettres est. inallieuieusement, très abimé. Après
210 riiKUEC-noN
1"8, il subsiste une liarrc liorizoïitalo, reste d'un T ( ?). VM est sur.
Nous pro|)osons de cuniijli'tcr comme ceci le mot mutilé: P08TICVM,
et rinscrlptioii se présenterait ainsi ;
ISI RESTITtk,
L TERENTIVS
STEPHANVS
AVG-ARASET
DROMVM PEG
NIA SVA D • D • ET
Al-lXOrcHES ITAR,
SER EX D • D •
ET POSTicVM
Isi((li) Ilesfitntrifci} L(iicins) Terentius \ Stephanus \ AiifK iistnlii-/
aras H \ dromuni pecu j nia sua d(onum) d(edit) et | Anrorutcs
ita po I s\u]er(t(nt) r.r d(ecreto) d(ecw-ionum) | et pos[tir\»)n.
Le sens général du texte est riair: il s'agit du don fait à Isis
Hestitutrix de difTérents objets ou éditices. don accomi)li par un
particulier et dont tonte la cité doit profiter. Il n'est donc pas im-
possible de voir là, étant donné le titre d'Augustalis que porte le
d(mateur, une de ces générosités auxquelles étaieut soumis les per-
sonnages nommes Augustalcs. Kn plus de la somme honoraire fixée
d'avance et que payait le nouveau membre de la corporation, il
n'était pas rare, que par une générosité spontanée, ou, au besoin,
provoquée par ses concitoyens, petente populo ', il ne fit construire
des édifices d'utilité publique ou d'agrément, ou bien ne fit procéder
à des distributions de vin, de gâteaux, à des jeux. Comme la plupart
des Augustales, L. Terentius Steplianus est un at^'ranclii et il est
' C. I.L.. Il, 2100.
A EPHEMERIS EPIGRAPHICA, VIII, N. t)32 -Jl 1
possible de voir en lui un (le ces affranchis grecs qui, sous remiiire,
s'étaient enrichis dans le commerce ou l'industrie. Sous la forme
latine du coynomen Stephauus se dissimule mal un nom grec et
c'est, sans doute, par un affranchissement que ce Stephanos est entré
dans la gens Tercntia. Le fait même qu'il est Augustalis est une
preuve de plus de sa qualité d'affranchi. Ces fonctions n'étaient-clles
pas recherchées surtout par cette catégorie de gens actifs, entre-
prenants, laborieux qui, écartés des honneurs municipaux, pouvaient
grâce à elles, eft'acer dans une certaine mesure le déshonneur d'être
sortir des rangs des esclaves? L'accès au collège des Augnstales
ne représentait-il pas, selon une inscription d'Espagne, les plus hauts
honneurs auxquels peut atteindre un affranchi .^ ' Et il n'est pas
sans intérêt de remarquer que L. Tereutius est sans doute un grec
d'origine, car dans une certaine mesure, cela nous éclaircira sur
la nature du don qu'il a fait à ses concitoyens. L. Terentius, est-il
dit, sur l'inscription, fait don à Isis d'autels et d'uu droiinis. Le
mot ne se rencontre pas en latin et parait bien transcrit directe-
ment d;i grec opdao;. Epigrapliiquement on rencontre dromi, mais
dans une inscription de Tibur que Jlomrasen, à très juste titre
semble-t-il, range parmi ses apocryphes. Il y est fait mention d'un
priitHrator dromi. Mais si dromus n'existe pas, Inqiudromus se trouve
chez Pline - et chez Sidoine ' où le sens n'est pas douteux de pro-
menade couverte. Le sens du mot grec ^^<j[j.ot peut d'ailleurs nous
éclairer. Etymologiquement ripoy.o; signifie : lieu où l'on court, et
il est pris fréquemment dans ce sens chez les poètes \ C'est la piste
où s'élancent les chars, où s'entraînent les coureurs et, d'après
Tite-Live '. il y avait à Sparte un diviiios qui était une sorte de
' ('. /. L., II. 1944. « Omnibus lionoiilius i|iios libertini geieie po-
tuerunt honoratus ».
^ Pline, .0, ep. 6.
' Sidoine, 2, cp. 2.
* Homère, Odyssée, 1\. 605. — Sopliocle, Electre, 713.
* Tite Live, XXXIV, 27.
•2\-2 COKKKtTION
terrain de maïKPuvres. Clic/, lus pi'o.sateurs, et en partioiilier che/.
riatoii ', '^soy.o; aif^nifie sini])lement lieu de promenade et, pour dé-
«ij^iicr une promenade eouverte, c'est-à-dire un /iii/jorlro)iii<s. l'iaton
emploie l'expression /.y.TZCTîyov h^'jij.c-i '. Mais il y a mieux : dé-
<-rivant les anciens temples de TEf^j-pte, Strabon écrit : « A l'entrée
<le l'enceinte sacrée se trouve une avenue pavée en pierre, large
-d'un plêtlire environ et plutôt moins que plus, et trois ou quatre
t'ois plus lonfiue et même quelipicfois davantage. On appelle cette
.ivenup le « dromos ». Comme dit Callimaque : « C'est le dromim sacré
<rAnuliiK ». .\vec des dimensions variables, ce dromos, dit encore
•Strabon, se retrouve dans tons les temples égyptiens » '. t^n'y a-t-il
<lonc de surprenant à ce (|u'Hn édifice consacré à Isis conserve le
nom .sous lequel il était connu dans le pays d'origine de la divinité ?
Parlant grec en latin Steplianns a offert à la divinité égyptienne
un dronnis. c'est-à-dire une avenue, peut-être pavée, qui. de même
i|ue le droniiis d'Iliéro]i(dis était liordé de sphinx ', était peut-être
Iwrdée d'autels (aras et drmnum), et sur laquelle un des rites prin-
cipaux du culte isiaque, les processions. i)ouvait se dérouler: C'était
le •") mars, la procession du luuighim Isidis dont .Apulée nous donne
une si jolie description il:ins le XI' livre des Métamorphoses'' et qui
fêtait solennellement l'onvertiirc de la mer. C'étaient aussi du 1 "2
.111 14 novembre les l'êtes de l;i Passion et de l'Invention d'Osiris,
' Platon, TheeMe, p. 144. G.
' Platon, Kltthi/dcme, 27;i. A. « Iv.usXeivT;; Si -iiar.oizii-r.-i iv 7w y.n-a-
n-:i^(ù ôpi;J.M, /.ai jj^id tîÛtû) Ô'J't, tsïÎ; ôp5[ji.s'j; ■nifn'i.rX-Ai-ï r.i-r.i >.
^ Strabon, XVIII, C. î^Oii. Les diinensions indiquées ici représentent
:îO mètres de largeur environ et 90 mètres de longueur. « KaTà zrri slopîXrv
-:r,^ «t; ri Tc'u.sv5; XiOÔTrpwTo'v trj-zi'f ;oaooç, ~>.ctTs; u.h 55Sv r).£'iptaT6'< r. xat
IXaTTS'', y.rxî; ôi -/.ai Tpî^rXâc.sv xai TSTpaitXoic.s'*, éotw 5:rîu xaî y.:T!^5'i' xaXstTai
ii Tsùro Spo,v.5:, /.»9i:: = p Ka>.f.i;AO-/_5; ■îpr./.îi « ô Spjiis; ispi; sÎts; '.\-<îJëiSo; ».
Le dromos du Sérapeion de Délos a été décrit par Pierre Roussel, Lts
t-ultes cgypiiewt à D'-lns, Nancy, 1916, p. 51. Cf. les mentions du dromos
dans l'épigrapliie délienne. ibid., p. 222.
* Strabon, loc. rit
^ Apulée. .Vflitm.. XI, 1-7 et IS .'iO.
A KI'HEMERl.S EPIGRAPHICA, VIII, X. 6:^2 213
OÙ, (le nouveau, les isiaques se livraieut à des manifestations d'abord
funèlires, puis éclatantes d'allégresse '. Quoi qu'il en soit, que nous
adoptions le sens de promenade publique ou d'espace en quelque
sorte consacré, entourant des autels ou bordé par eux, il nous est
bien difficile, par la simple lecture de cette inscription de nous
faire nue idée de la magnificence du don fait à la ville de Ter-
racine par Terentius Stephanus. Ce présent devait avoir cependant
une certaine importance si, du moins, nous en jugeons par les mots
qui marquent la prise de possession par la ville: « Les Anxorates
les ont établis ainsi (les autels et le dromusi par décret des dé-
dirions ».
Jlais plus encore que la formule qui, somme toute, est banale
et qui n'a d'autre intérêt que de nons prouver que la générosité
du donateur s'adresse à l'ensemble de ses concitoyens et que Vordo
decurionum a accepté le don après délibération, ee qui est digne
de remarque, c'est le nom sous lequel sont désignés les habitants :
Anxorates, les liabitants d'Anxur. C'est la première fois que se ren-
contre sur un document épigraphique ou dans un texte historique
le nom d'Anxorates pour désigner les habitants de Terracine, de
l'antique cité des Volsques, Anxur, de la Colonia Anxurnas de la
République '. Anxurnas, chez Tite-Live ^, Anxurus, chez Virgile *,
qui est l'épithète de Jupiter, Axoranus (Ti. Claudius Axoranus) sur
l'inscription des colons de Terracine '', telles sont les formes con-
nues. L'ethnique Anxoras est cependant formé très régulièrement
sur Anxur, ou mieux sur "Ayçwp, le nom grec de Terracine ", si
' Pour tout ce qui concerne le culte d'Isis, je me suis inspiré de
l'ouvrage de M. Lafaye sur le Culte des divinités Ale.randrines hors de
VEfiypte et de l'excellent article donné par le même auteur dans le
TUctionnaire des Antiqtntés de Dareinherg et Saglio, v. Isis.
- La Blanchère, Terracine. Essai d'histoire locale, di. IV, p. 45.
3 Tite-Live,' XXVU, 38. 4.
* Virgile, Enéide, 7, 799.
5 C. I. L., X, 633L
' Diodore de Sicile. 14, 16, 5.
Mélatigeg d'Arch. et d'Hint. 19-23. 14
211 CnUKECTlON
])lu.s simplement encore on ne veut pa8 admettre une confusion «i
fréquente en épigrapiiie entre O et V^, qui de Saturnina fait Sa-
toi'iiina et Canoleins de Canuleius. Et Ii-k deux liypothèses se iiré
si*ntent ou d'un nom formé ;'i la grecque, ce qui confirmerait ce
(|ue iKHirt disiiiMS i)récédemnieiit à propos de dromus, un liien d'uni'
affectation d'archaïsme qui redonnait aux Terraciniens de l'époque
impériale le nom de leurs ancêtres Volsques. (Quelle que soit Thypo-
tlièse adojttée, il est intéressant de rencontrer l'existence d'une forme
d'ethnique en us, atis, formée directement 8ur le radical Anxur,
comme Ardeas était formé sur Ardée, Antias, sur Antium, et cela
l)ourrait eoutiroK r une leiMui de Madwif; dans le texte de Tite Live
où il est questidu du iieuple d'Anxur '. Les éditions de Tite-Live
donnent jjour la piuiiart: a Via die ad Senatum hi populi vencrunt.
Ostiensis, Alsiensis, Antias, Anxurnas, etc...... Madwig adopte
Anxuras en signalant que Anxurnas est la le(;on des manuscrits les
plus récents. Notre exemiile épigraphi((ue pourrait lui donner raison.
C'est en tout cas, la première inscription de l'époque impériale où
figure le nom d'Anxur, qui partout ailleurs a disparu remplacé par
Tarracina ou mieux Tarricina '.
Notre texte, une fois rétabli, n'offrait pas jus(iu"ici de, diflicultés
insurmoutahles, et permettait des interprétations somme toute peu
aventureuses. Nous n'oserions pas en dire autant de la fin de l'ins-
cription et c'est .sous toutes réserves que nous proposons une in-
terprétation du mot (|ue nous avons cru pouvoir rétalilir.
Nous voulons parler de la neuvième ligne de l'inscription où
nous lisons: ef pos\tir\nM.
Il seiulde tout d'abord que cela ait été ajouté après couj), l.i
fiumule e.i docreto decurionym terminant très normalement la
donation et l'installation des uras et du dnimns. Il semble (juc la
gr.ivure soit moins bonne i|ue dans le reste de l'inseription et les
' Tite-l.ive, loc. cit.
' ],a Blanchèic. op. ctl.
À EPHBMERIS EPIGRAPHICA, VIII, S. 632 215
lettres en tout cas sont plus petites. Mais eu supposant que ce soit
uue mention ajoutée après coup, de quoi peut-il s'agir? Postkum '
signifie : ce qui est en retrait, dans la partie postérieure d'un édifice.
De là, chez Horace " le sens de porte de derrière. Par extension,
posticum a signifié les chambres situées en retrait dans la maison,
à l'écart, et enfin, chez Lucilius ', il a pris le sens de latrines,
comme nous voyons chez Montaigne * le mot « retrait » prendre cette
signification et en italien le mot « cesse ». Pourrait-on supposer
alors que dans le voisinage du dromiis, Terentius a fait construire
des latrines publiques?
Si étrange que cela puisse paraître au premier abord nous
irions même jusqu'à dire que dans l'inscription elle-même se
trouve une indication en faveur de cette hypothèse. Elle nous est
fournie par la divinité à qui Terentius fait sa dédicace: Isis Resti-
tutrix.
Isis est par excellence la divinité bienfaisante qui écarte des
liommes, lorsqu'ils mettent en elle leur confiance, le mal physique
et le mal moral. Pour cette raison elle est la Déesse de la Sauté,
et reçoit en grec les épithètes de cùzti^x, é— "^/.oo:, en latin sospi
fatriT. reslitufri.r salutis, ou comme dans l'inscription qui nous
occupe restitufiir tout court, c'est-à-dire, Isis ([ui redonne la santé,
qui rétablit le malade '•'. Or, il se trouve que cette épithète de
restitufrir a été jointe aussi à la Fortune ', avec qui Isis, surtout
.sous l'Empire, a été très souvent identifiée, lorsque la Fortune, sou-
veraine dispensatrice des biens de ce monde est devenue l'objet d'un
culte universel. L'identification fut si étroite qu'il se créa une
' Vitruve, 3, 1.
* Horace, Ep. I, 5, 31. Atria servantem postico falle clientem.
' Lucilius, Satir. reliquia, éd. Millier, liv. VIII, frag. IX.
* Montaigne, Estais, I, 249. III, 289.
^ Cf. en particulier Eph. ep., VII, 1194. A Ostie, une dédicace à Isis
♦ reginae restitutrici salutis meae ».
'^ Xothie degli Scavi, 1888, p. 391. J)eaf Fortunae restifufriei...
216 CORRECTION
aorte de divinité mixte, ayant les attributH de l'une et do l'antre
et appelée Isis-Tyche, ou mieux Isi-Tj'che '.
La Fortune, comme Isis, a, entre autres rôles, eelui de rendre
la santé ou du moins de veiller au bien-être physique de ses ado-
rateurs. Aussi bien la voyons-nous parfois honorée sous des formes
et en des places qui ne sont pas sans nous surprendre. Nous voulons
faire allusion ici à la dédicace à la Fortune qui se trouve à Ostie
dans le . . . posticum de la caserne des Vij,'iles. M. J. Carcopino, dans
un article du Journal des Savants (année 1911, p. 45()) relatant
la découverte de cet ex-voto ;\ la Fortune 8:iinte a montré qne
le passage de Clément d'Alexandrie on il est dit (pie « les Ro-
mains placent la Fortune, qu'il considèrent comme une déesse
très puissante, dans les latrines, qu'ils consacrent à la déesse comme
un temple digne d'elle » ". doit être interprété de la façon la plus
littérale. Le même fait semble se dissimuler sous la ])hrase de
Pline l'Ancien: « toto (luijipe niundn et omuilius locis . . . Fortuna
invoeatur » ^. Qu'y a-t-il donc d'étrange à voir placer sous l'invo-
cation d'une Isis ayant les attributs, les épithètcs, les prérogatives de
la Fortune et dans le voisinage de ses autels, un édifice lui aussi
consacré à cette divinité et (|ui ne paraissait pas indigne d'elle'/ *
' C. I. L., XIV, 2864. liulktin de Correspondance hellénique, 1882,
p. 339, n. 43.
■ Clément d'Alexandrie, Proireptieun, IV, 51, 1 : Pw«.a;oi Si -à «.•'■jtoTi
z.aTspSwjiaTa Tr Tiiyri àvaT'.ftï'vTe; /.ai -aùziti lAîf ioTr.v ei9u.£vi>i ôsiv, cpî'poiTî; si;
TJN -/.ovpùia àiiiir,y.ai aÙTri, à^io'» vsùv tov àasàfSta vsiu.a'fTE; ■zf, 6îw.
■' Pline, H. N., II, 22.
* La place du mot 2'osiicutii dans riuscrii)tion, où il fi-jure comme
ajouté après coup, ainsi ((uc la gravure jjhis mauvaise, les lettres plus
petites et irrègiilières jioMrraient faire interpréter posticuvi comme une
inscription injurieuse gravée par un contempteur d'Isis. Sorte de graffito
écrit dans les mêmes sentiments qui inspiraient Clément d'Alexandrie. Ce
serait alors une insulte à la divinité à iiui l'on offrirait à coté d'autels
et d'édifices en quelque sorte liturgiques, un autel d'un autre genre, mais
([ui répondait :\ ses prérogatives... Nous ne croyons pas qu'il convienne
(le s'arrêter à cette solution, mais encore avons-nous juge nécessaire de
l'envisager.
À BPHBMBRIS BPIGRAPHICA, VIII, N. 632 217
« A Isis qui redonne la santé, Lucius Tereutius Steplianus, Au-
gustalis, a fait don, à ses frais, d'autels et d'un dromus et les
Anxorates les ont ainsi établis par un décret des décurions — et
aussi des latrines ».
Telle est la traduction que nous proposons de l'inscription que
nous venons d'étudier. On peut la dater approximativement de la
fin du P"^ siècle ou du début du IV, c'est-à-dire d'une époque oîi.
d'une part, le culte d'Isis se répand dans l'Empire et où Isis joue
à elle seule le rôle des principales déesses du paganisme, où d'autre
part, Terracine est dans sa plus belle période. C'est l'époque, à
Terracine, des grands travaux, des embellissements et des construc-
tions utiles : à côté des temples, des basiliques, des théâtres, on
construit le Port. C'est, sans doute, à ce moment que L. Terentius
offre à sa ville l'ensemble d'édifices dont le souvenir épigrapLiquc
.seul nous est parvenu. Peut-être un jour, s'il est possible de re-
pérer l'emplacement où a été trouvée cette dédicace, des archéo-
logues exhumeront-ils des vestiges du dromos d'Isis. Qu'il nous suffise
de l'avoir rétablie dans sa forme primitive et d'avoir essayé de
montrer l'intérêt qu'elle présente et qui, par les particularités
qu'elle renferme, m'a paru dépasser celui d'un banal ex-voto.
Louis Leschi.
QUELQUES ITALIENS D'AVIGNON
AU XTV^^ SIÈCLE
II.
Naddino de Prato médecin de la cour pontilicale.
Maître Naddino di Aldobrandino Bovattieri n'est pas tout à fait
inconnu, car Marini, dans son ouvrage sur les médecins de la cour
pontificale, le cite au nombre de ceux dont s'entourait Clément VII '.
Les archives de Datini conservent de lui une quarantaine de lettres
qui permettent d'esquisser sa biographie ". En 1385 il exerçait
déjà la médecine à Prato ^; il était marié et père de jeunes en-
fants. Sa femme, Donna Antonia tenait une boutique, mais nous
ne savons ce qu'elle vendait ; en tous cas, ce devait être une source
de revenus précieuse pour le ménage dont la situation ne parait
pas avoir été florissante ^ C'est sans doute ce qui le détermina à
' « Oltie il Tornamira, ed il Pozoli stipendio Clémente VII altri me-
dici cioe Pietio Folquete negli anni 1:^93, e Nandino, o Nadine da Prato
(che pin sotte sentirem chiamarsi Naidino da Firenze) cui alli 16 di
agosto di quest'anno fuiono dati 100 fiorini, ôO agli 11 di iiiarzo 1394 it>
deductionem 300 flnrenor. auri pro stipendio annuo pro anno presenti i>i-
cepto die prima martit, e aldi 20 di luglio, altri ^0», Marini, Degli archia-
tri pontificii^ Roma, 1784, t. I, p. 103.
' Cnrtef/gio familiare e privato di Fraiicesco di Marco Datini, car-
tella VI. Déjà signalées par G. Livi, DaU'archirio di F. Datini..., Flo-
rence, 1910.
' Lettre du 9 juin 1385 adressée à Datini qui lui a demande son
avis sur un bain qu'un certain messer Piero lui a conseillé.
* Naddino était d'une famille de commerçants, son frère Baldello
était marchand; nous le voyons passer à Avignon, avec ses compagnons
220 (JIJF,I,QrK.S ITAI.IKSS D'AVIONON AU XIV*- SIÈCLE
tenter fortune à l'étniii^'er. Avignon était, à ce moment, iiu centie
d'attraction très imissant, mais coml)ien surtout pour les gens de
l'rato qui avaient vu leur compatriote Franccsco Datini y acquérir
si rapidement riciiesse et considération. Une occasion se présenta
l)oiir notre médecin de faire le voyage dans d'excellentes condi-
tions. La commune de Florence avait décidé d'envoyer en France
une ambassade pour négocier un mariage entre la fille de la reine
Marguerite, veuve de Ciiarles de Duras, et le Jeune Louis d'Anjou ' ;
Philippe Corsini ', célèl)re jurisconsulte, ami de Francesco, était
au nombre des amitassadeurs ^, c'est vraisemblablement lui qui pro-
mit a Naddino une recommandation pour son frère, le cardinal de
Florence ■*, résidant aloi-s à Avignon. Il partit donc laissant à Prato
femme et enfants.
L'ambassade quitta Florence le 26 septembre: le .') octobre elle
entrait à Pavie :
« Venimoci Venardi sera a di cin(iue d'Otobre. sani e salvi
tutti, lodato Idio, e qui stemo tre o quatro di; non .siamo pas-
sati ne passeremo a Melano iupero lae v'e un poco di mortal-
lita. .. » ■'.
Le voyage se faisait dans de bonnes conditions :
« in pero faciamo buona vita e ordinata, el caminare faciamo ada-
gio ».
au déliut lie l'année 1380 — Son beau frère, l'iero del maestro Jacopo
était également « buon lagioniere e buono scriptore » ; il avait fait son
apprentissage chez Piero di Filippo à Gênes, puis, dans cette même ville,
chez Ginciozzo de Kicci. Dans une lettre du 15 mai l."58t), Xaddino le
recommande à Datini qui cherchait un employé.
' Voy. Minerbetti, dans Tartini, lier. Ital. Scripturcs, t. Il, col. 11.!.
» Negri, Scritt. Fiorent. (1722), p. 171.
' Diario d'anonimo fiorentino, dans les Documeiili di storia italia)ui,
vol. VI, p. 4(i6-7.
* Pierre Corsini, de Florence, évêque de Florence, cardinal du titre
de Port« et S'^' Kufinc (Baluze, Vit. pap. aven., t. I, col. 1040 1052).
5 Lettre du 8 oet. Vim.
QUELQUES ITALIENS u'AVlliSON AU XIV»- SIÈCLE â'21
Notre médecin il est vnii n'avait ciiià se louer de sa monture :
« el ronzino insino a qui m'a fatto buoii servigio ... in tutta la
brigata nonn'e ronzino clie meglio passeggi cli'el mio...» '.
Dans cet équipage, Naddino arriva à Avignon le mercredi
24 octobre 1386. Son premier soin fut d'aller voir le cardinal de
Florence qui le reçut avec bienveillance :
« L'altra di vieitai iiostro singnore raesser lo papa e videmi molto
volentieri, e cosi messer di Cosenza * e messer di Napoli ' tuo;
non credo aquesti di andare a Santo Antonio ^ perche astetto in
prima aconciare certe mie cose e vestirmi al modo e all'usanza di
qua ch'e tucta strana dalla nostra ' »,
Naddino n'était pas encore installé et logeait dans la boutique
de Jacopo di Nero. L'exercice de son art le conduisit à Sorgues
où se trouvaient les ambassadeurs florentins :
« Qiiesta mattina di Santa Lucia " fanno questi ambascidori da
Firenze um bel desiuare al capitano e al castellano di qnesto castello
e altri assai, e io sono stato qui con loro per certi bisougni duo di . . .
Iscritta in fretta al ponte a Sorga " la matina di Santa Lucia ... ».
Naddino faisait de rapides progrès dans les bonnes grâces de
ses bienfaiteurs et sa clientèle augmentait de jour eu jour:
« Sono da poi ocorsi casi d'infermità lequali auti aile muni,
lodato ne sia sempre Idio, di tutti n'abbiamo auti honore : et gio-
' Lettre du 8 cet. 1386.
^ Nicolas Biancaccio, archevêque de Coseuza, caidinal évêiiue du
titre d'Albano (Baluze, t. I, col. 1256-60).
^ Thomas AinmaDati, de Pistoie, archevêque de Naples, cardinal du
titre de S"^ Praxède (Baluze, t. I, col. 1337-9) — C'était un ami de Da-
tini ainsi ipie son frère Boniface dont les archives de Prato conservent
quelques lettres (Carteg. fam. e prirato, carteUa V).
* Saint-Antoine, commune de l'Isle-Sur-La-Sorgue (Vaucluse).
^ Lettre du 26 oct, 1386.
'' 13 décembre.
" Sorgues, Vaucluse, arrond.' d'Avignon.
'2-ii QUEUjiEs iTAr.iBN.s o'avionok au xiv- siècle
vi'di mattina manxiai coii cardiiialo d'Amieiise ', coii certi altri me-
(lici, e fu in sua pre.senza certa collatione délia quale assai piacqiii
al cardinale, in tanto olie mi eliiamo da parte anzi io partisai, e
lircgonimi io il vicitasse due volte la septimana e fosse suo me-
<lico; egli e potente e saviu c ricclio e spero dallui avère assai
utile e honore * '".
Tous ces succès rencourageaii'ut à s'étalilir à Avignon, aussi
di's le (l(!'l)iit de l'année \'-\X~ deniandct il (lu'ini lui envoie diverses
affaires en deux paquets, dans l'un on mettra certaines étoffes:
« eioe la mia cioppa scarlatta el niio mantello mescolato, cioe ta-
liario, e quelli panni lini l'Autonia vuole mandare, e tovaglie e
tcnziiida picliole, come ad voi pare » :
<lans l'autre, tous ses livres:
<< e fatti dare al maestro (iiovanni di Haiidiiccio ' uiio lihro ebessi
rhiama il viatico e le chiose di Glierardo cremonese * sopresso, e
certi quaderni di libri picholi di Galieno ch'egli a di raia niano.
Apresso dilli clic faccia reudere iiiiclli li1)ii ch'io prestai a maestro
Matteo . . .
Io mandai a l'Antunia por Guido i bottuni de mei panni e cosi
nno scanipoletto ' di panno |)er uno capuccio ... » ''.
Mais ce ne sont pas seulement des vêtements et des livres qu'il
réclame, ce sont aussi des nouvelles. Tous ceux qui l'entourent,
' Jean de la Grange, bénédictin, évêque d'Amiens, cardinal évêque
(le Fiascati (Baluze. t. I, col. 11,04-70 et col. 14Ô8-60).
' Lettre du 7 janvier 1387.
^ Médecin de Pr.ato ainsi que son fils Bandino [Curt. fam. e prir.,
cartella VIII, lettres de 1390 à 1401).
* Gérard de Crémone, né prés de cette ville eu 1114, traducteur d'ou-
\rage8 arabes. Voy. Bonconipagni, Delhi vita e délie opère di Gherardo
cremonese... dans Atti nuovi IJncei (1850-1), t. IV.
^ Diminutif de scampolo, coupon.
'' Un peu plus tard il se plaint de n'avoir rien rei;u ' e avendo auti
i libri are fatto alcuno bell'atto scicntitico che marcbbe fatto honore... »
(Lettre du 30 mai 1387).
QUELQUES ITALIENS d'aVIGNON AU XIV SIÈCLE 223
les prélats, les seigneurs de la cour pontificale sont friands de
savoir ce qui se passe à Florence et il recommande à ses corres-
pondants de l'en informer:
« E perche uso assai con monsingnore e cou altri singnori di
t|ua e vegio molto si dilictono d'udire novelle di costa, arei charo
<luando mi scrivi ne scrivessi alcuna volta délie cose che ocorrono
in nostro paese, specialniente a Firenze, come di tracte di priori,
Il eleccione d'ambasciate, o di quelli cherici da Genova o da Luca
sieno, 0 gente d'armi vi sia, o d'altra novita vi fosse, con que
inodi honesti che saprai ; son cose non costano e viensi in lor ma-
gior gracia per lo piacere ne prendono » '.
D'ailleurs, par réciprocité, notre médecin s'efforce d'envoyer,
lui aussi, les nouvelles du jour mais par un souci professionnel
assez compréhensible, il s'intéresse surtout à l'état sanitaire de la
ville et aux répercussions possibles sur son métier; tels sont les
détails qu'il donne sur l'épidémie qui sévit :'i Avignon au prin-
temps de 1387 :
« Apresso monsingnore e stato infreddato molto, e con febre con-
tinua molti di., XIIII. d. XV., ora e ben guarito e cosi chiaro come
fosse mai ; in somma tutti i cardinal! qui infermarono, e per la
septimana santa il papa si trovo all'uficio cou pochi acompagnato.
In nostra casa qua tutti sono stati bene, excepto, un faneiullo ch'a
nome Salimbeue ... ».
Les bonnes nouvelles que le médecin envoyait à ses amis don-
nèrent envie à uu de .ses confrères de venir le rejoindre. Aussitôt
Naddino envoya une lettre tout à fait décourageante ; il n'y avait
plus d'emploi disponible, la vie était hors de prix, les clients exi-
geaient des chirurgiens ou pour le moins des docteurs en physique.
Lui même se tuait de travail pour pouvoir lutter honorablement
avec tous les savants qui l'entouraient. Le tableau est amusant,
' Lettre du 21 janvier 1887 adressée à Monte d'Andréa à Prato.
224 QUBUiUES ITALIENS I/aVIONON Ai: XIV- SIÈCLE
cncorf que la fraiiite de la confiirreiice ne soit pas étrangère à
Sun inspiration :
« Al maestro Giovanni ' dirai per mia parte clie qui ora \»-r
Tarte sua i guadaiigni son piclioli, el più del arte délia cirugia
si fa per barbieri, e acci alcuno cerusico ben sufiiciente in srientia
o in ])i'atica, e non fanno uientc e queironore o pagamento si fa
allui clie a uno barbiere. Apresso le spese ora ci sono cliarissime ;
o peiisato sopra suoi fatti, e non so vedere, die venguendo a sue
spese, e stando assu spese, eve riesclia essere qua aconcio in casa
per meno di fier. ce. solio per me che l'o provato. Con questi sin-
gnori, non vegio modo aconciarlo in perô che que che sono po-
tenti son forniti ; e apresso vogliono dottori in fisica : tutto giorno
prengono questioni, o in raedicina o in filosofîa, e so ben com'el
fatto va, che io ch'o pur vedute délie cose, se non fosse il grande
studio chio fo di di e di notte, non mi potre scharmire " dalloro.
Non dimeno, egli e savio, e da me ara quelle aiuto che dee fare
l'un fratello a l'altro ».
Naddiiio cepoiulant songeait à revenir faire un séjour :'i Prato :
il avait re(;u la nouvelle de la mort de sa mère ■* et désirait ré-
gler une succession assez embrouillée, mais ses afTaires prenaient
à Avignon une tournure si favorable qu'il craignait, en s'absentant,
d'en compromettre les résultats. Un à un les cardinaux influents
le prenaient à leur service avec d'autres médecins du pape :
« Mon singnor d'Amiense l'altro giorno mi .mando fior. 30. Mes-
ser di Raveuna ^ ra"a preso per 8U0 medico e null'altro vuole,
corne ch'ora sia ito a Pavia, al conte, insieme col conte di Gi-
nevra : uiesser di Cosenza, ch'e un singnore da molto, e que sti
qui m'a preso per suo medico per alchuno caso ch'adivenne a Baf-
' Giovanni Banduceio, de Prato. Voy. p. 222, note 3.
' Schermire, tenue d'eserime.
' Lettre du 30 mai 1387.
* Pileo de Prata, archevêque de Haveniie, cardinal piètre de Sainte
Prisque (Baluze, t. I, col. 1359-63).
IJIIELQITBS ITALIENS d'aVIGXON AU XIV SIÈCLE 225
filo ' 9110 fratello. Il cardinale di Pietramala ■, s'aspetta aquesti di,
e credo governare l'ostallo suo, corne il siio camarlingo m'a detto
per sua parte. Credo far bene a tempo . . .
« 0 grande voglia di venire di costa non per 8tare, ma per
vedere i parenti e gli amici e ordinare i miei fatti, e poi menarne
di qua l'Antonia e le fanciuUe. Or del venire ora sono da tucti
amici sconsiglato per lo sviamento ' de Tarte mia, e pella spesa
del venire, e per la donna clie in queato tempo non guadagnerebbe
niente, ma perderebbensi due, tre o quatro mesi più utili dellanno ;
et per tanto se per te costa si potesse satisfare aquello e di bi-
songno ne miei facti, non passerei a costa qnesto anno.
Come tu sai i' sono stato duo verni sanza la donna e la fami-
glia ... in pero io sto maie e malcontento sanza lei, e ella sanza
me, non tanto per aver figliiioli. de quali o pocha voglia » ^
Pendant ce temps sa femme était dans la gène la plus complète
et ne songeait qu'à venir le rejoindre. Peut-être aussi prêtait-elle
l'oreille aux bruits que faisaient courir maître Giovanni Banduccio
qui, mécontent du peu d'encouragement reçu de sou confrère avi-
gnonnais, se vengeait eu prêtant au mari absent une conduite moins
que rocommandable :
« Da poi la sera di Sabato Santo essendo a conlatione cou mon-
singnore ricevi una tua lettera e un altra del maestro Giovanni e
fu quella del maestro Giovanni tanto disonesta, e turbomi si forte
cli'io credetti la mattina délia Pasclia non comunicarrai come aveva
deliberato, poi pur mi vinsi e comunicami, lodato ne sia sempre
Idiol... Io mi meraviglio clie tu monstri dubitare délia favola
cbetti disse il maestro Giovanni, non sia vera, che tu mi scrivi,
se fosse cosi voi fareste inale. Io non credo che fosse mai alcuno
' Il fut sous Benoit XIII niarêolial de l'église romaine. Voy. Baluze,
t. I, col. 12fi0.
' Galeotto Tarlati de Pietramala, créé cardinal de S' Georges in
Velabro par Urbain VI en l.i}78: ayant quitté son parti, il fut nommé
cardinal du même titre par Clément VII en 1387 (Baluze, t. I, col. 1363-4).
' Interruption, dérangement.
* Lettre du 21 mars 1388.
226 QUEi.gi'ES ITALIENS i/avi(;non au xivk siècle
sanza la donna sua, clie vivesse più honestamcnte di me e più
casto, cosi porebbe essere ma più no; non feniina teni ne tengo.
ne fo cosa d'avere figlinoli ne el)l)i mai ne aro figliuoli senon délia
mia donna, se I)io ci dea tanta f^ratia che noi possiamo vivere
insieme: or di questo non euro in pero cholla hiiona vita fa \ni-
ffiardo ehi parla maie ».
Ce ((ui diminuait la valeur de ces protestations indignées c'est
(|ue dans la même lettre, le mari insistait pour démontrer combien
le moment était mal clioisi pour voyager ; sur mer, la piraterie,
l'insécurité absolue ', sur les chemins de terre, les incursions d'hom-
mes d'armes, la guerre encore '. Décidément il valait mieux at-
tendre des jours plus paisibles. Ses lettres ne nous apportent désor-
mais que des protestations du désir de revoir sa patrie et sa fa-
mille, mais de plus en plus ses intérêts le retiennent en Provence.
ses protecteurs lui laissent même espérer sa prochaine nomination
comme médecin du pape:
« Questi di e venuto il cardinale di Valentia ^, il quai' e gran
signore e di sangue reale, perè che l'avolo fn re di Raona ' e la
madré fu serochia del re Roberto e di Santo Lodovico ^ ed a di
rondita più di quaranta milia fiorini, ed e stato e anchora e questo
di in casa di monsignore, perch'anno insieme particulare amicitia.
e non li e anchora assegnata livrea. Egli m"a preso per suo
' < E pare ch'el mare da qui a Pisa sia ora mal sicuro; aquesti di
una galca da Niza, si diee di Madama .Margherita, venue insin dentro al
Rodano...» (Lettre du H avril 1388).
' C'est l'époque du passage des bandes de Bernard de la Salle en
Toscane (Minerbetti, dans 7i. I. S., t. II. col. 158). — Naddino lui-même
signale que la guerre sévit dans le Piémont entre .lean Galéas Visconti
et le seigneur de Padoue.
^ Jacques d'Aragon, évoque de Valence, cardinal du titre de Saint
Clément (Voy. Antonio, Bibl. Hisp. Vet, t. II, p. 177).
* Jacques II roi d'Aragon.
^ Il y a ici une étrange confusion, c'est la femme de Jacques II,
Blanche, qui fut sunir de Saint Louis évêque de Toulose et de Robert,
roi de Naples.
IH'ELQUES ITALIENS D AVIC.XON Al' XI V^ SIECLE 22 (
medico, ed o iiiferrao di gotte. ni' "1 pusso ccm mio honore la-
sciare, potrebbomi tare assai di lieiif, ikhi in",! anrliora deputato
salaro ».
« Adpresso il cardinale di Spagna aflue^^ti di m'a assai com-
fortato io faccia venire la donna, e sVlia viene, dicie io non du-
biti délie spese, in pero che vuole fornirmi in casa di provisione
di pane e vino e leugna, or tueto questo cerclio mectere in saldo
e prendere lieenzia dalloro per tre inesi . . .
Lodato Idio jo mi veggio tncto giorno procedere inanzi, ed e
stata fatta al papa buona relaeione di me per aqiiesti signori e per
altri prelati assai, in modo cli'io spero. se oliaso interviene alcuno,
essere chiamato tra suoi medici » '.
«... leri in sulla terza mori il luion singnore del cardinale
d'Albano ^, il quale era molto anticlio, fu vicitato da me e due
medici del papa. Vise iufernio octo di. c en tanta patiencia e di-
vocione mori, cli'io non dnbito cli'eire santo in paradiso. Tucto
Vignone gli corre a casa per divotione e non si possono guardare
i panni che ave in dosso per ch'ongni persona n'en vuole qualche
poco per reliqua; e dicesi ch'ier" sera inluraino subito uno ch'era
stato X anni eiecho ; e stamane si fa la sepultura eun tanta devo-
tione del populo che non vedesti mai siniile » ^.
!Notre médecin obtint enfin de ses protecteurs l'autorisation de
s'absenter, ce fut pour accompagner en Italie le cardinal de Ra-
venne que Clément VIT avait nommé légat le 4 mai 1389 ■*. Le
17 juillet il arrivait à Prato mais il n'y fit qu'un séjour de quel-
ques mois et ne jugea pas utile, cette fuis encore, d'emmener sa
femme ni ses enfants. Fidèle à ses habitudes il chercha le moyen
de ne pas faire seul le chemin du retour. Une ligue venait pré-
cisément d'être conclue à Pise entre .lean Galéas et un certain
' Lettre du 24 janvier 1389.
^ Auglic de Grimoard, né à Grizac (Lozère) en 1320, frère d'Ur-
bain V, cardinal évêque d'Albano (Voy. .\\ha.nbs. Famille de Grimoard:
et Baluze, t. I, col. 982 et 993-.Ô).
3 Lettre du 16 avril 1.389.
* Baluze, t. I, col. 1363.
•22S (iUELg|-Kfl ITAI.IKN.S D'aVKJNON AT XIVe SIÈCLE
iiombi-e de villes italicniirs ' ; le-* Florentins, ayant appris que le
comte (le Vertu s'apprêtait à rompre ses engagements, envoyè-
rent au rni (11- l-"iance, ]pnur lui demander du secours, une ambas-
sade dans la(|uelle liguraieiit l'Iiilippe Corsini ' et Matteo di Ja-
copo Arri^lii. Une partie des ambassadeurs s'embarquèrent à Gê-
nes, les autres, suivis de Naddino, continuèrent par la voie de
terre ' : ils ne tardèrent pas à tomber entre les mains d'un allié
lie .Ican (ialéas, le iiiar(|iiis I,az;ini dr Finale':
« Fratello karissimo ', come credo abbi sentito délia mia presura
a Finale "^ insieme eliolli ambaseiadori nella quale fu robato di ea-
vali. (ii-iiari e paiiiii, taiitn clic i)oi-to danno di piii di fier. CGC. or
chôme piaque addio, jier lionta di Matteo di .lacopo Arrigi, col
quale solo ero rimaso in prigione. ])er inezo d'uno ambaseiadore
dcl conte, il qual'era veniito per libcrare lui, fui liberato dalloro
M ili X di questo, sano ma jxivero e in farsetto '. jier singnlare
jrratia di Dio; dieo cosi perche liberati eli altri, solo me. erano
diliberati far riraedire, e per tanto mi partirono dagli altri facien-
domi dire cli'io mi poncsse la ta.;;lia. c mandarommi di sopra a
giiardare in iiiia tone ; e ])er tanto. vi prego ringratiate Matteo
|icr mia parte, perche dallui congnosco essere liberato.
Da poi fui in Genova a di XI, et credendo avère grande al-
legrezza per la mia liberagione. come fui ginnto senti la nialadetta
novella délia morte del mio caro fratello, la (juale m'a tanto do-
lore dato <Iie niolto m'cra meglio stare ueU'aspra prigione in ch'io
' Roncioiii. Istorie Pixiute. dans .1 n/i. .</o)-. ilal.. 1. (1. ijart. 11. p. !l4ti.
' • Dot tore di lege». Voy. plus li.iut, p. -220.
' Lettre datée de IMse, le -20 décembre 1389.
^ « Et duo istoruui oratoruui fuerunt capti a Marchione Lazaro aniico
dicti comitis Virtutuni, ipii per iter terrenum ibant ex Geniia...». Spc-
eimen historiae Smomeni Pisiorie)if:iii (Muratori. t. XVI. col. 1141). « A sua
petizioue prese li dctti due .ambaseiadori, e li loro eompagni, e rubogli.
e raisegli in pregion(\ e (piivi li tiene molli mesi... (Cliron. de Miner-
betti, dans Tartini, lier. Jinl. Script., t. II, col. 191).
' Lettre adressée à Francesco Datini, de Gcne.<. le 13 avril l.'iîtO.
'• Auiourd'lini Finale Tia (Province de Gênes).
^ Farsetto, veste courte.
QUELQUES ITALIENS D AVIGNON AU -MV^ SIÈCLE 22i>
era che qnesto. Et sono si .■ulolorato eheiranimo non mi ci sente ne
patiscie di scrivere alla Lorita ne a siior Lena ', ne alla raia donna.
Et pero non posso ricorrere senon ad voi, elie stete nostro padre
e fratello, e pregovi che qneste donne vicitiate per mia parte, e
dite loro quel che vi pare, e nionstrate questa lectera, in pero chel-
l'Antonia rai scripxe non crederebbe mai jo fossi fuori di prigione
se non vedisse lectera di mia manu. Or queste donne y\ racomaudo
qiianto posso ».
Naddino ne se laissa pas abattre par tous ces malheurs, le
Itl avril il s'embarquait pour Nice ". Pendant deux ans nous per-
dons sa trace: nous le retrouvons à Avignon, au mois de mai 1392
et bien décidé, seniblet-il, à y recevoir sa famille ^. malheureuse-
ment les événements politiques vinrent, encore une fois, entraver
ses bonnes dispositions :
« Da poi si ruppe nna pace s'era fatta tra 1" papa e messer
Ramondo di Torena * nipote di papa Gregorio, e perche esso era
ben fornito di gente d'arme e noi ifforniti, e teneva quasi asse-
diato Vignone, e senon fosse il Rodano, sarerao stati molto maie,
e certo questi signori isbigotirono perch'elli aveva qui nel Vinesi
ben mille laucie di buona gente e nessuno usava gia tre mesi pas-
sare i portali, salvo il ponte, ora per la gratia di Dio e per bonta
del duca di Beri, la pace e fatta, il quale per questo estato a Vi-
gnone la gente d'arme comincia a sgomberare, et credo ci riposeremo
bene, e per questo non vi risollicitava délia venuta délia donna,
pero che se guerra fosse, qui si farelibe poco e pin tosto vorrei la
famiglia di costa » '.
' Parentes de Naddino demeurant à Prato.
' « Or questo di cioe a di XVI mi parto da Genova insu iino lento
che mi dee porre a Xiza » (Lettre du 16 avril 1390).
3 « Et Dio sa si o grande desiderio d'avere di qua la mia famifflia »
(Lettre du 1 mai 1392).
* C'est le traité conclu le 5 mai 1392 à .Saint-Eémy. — Sur les évé-
nements auxquels cette lettre t^iit allusion, consultez Valois (Noël), La
France et le grand schisme d'occident, t. Il, p. 347-50.
= Lettre du 19 octobre 1392.
}lélanrjff d'Arch. et d'ilisl. lS^2iS. 15
2."30 (H'El.ljlEK ITAl-lKNS ll'AVKi.NO.N AU XIV»'- SIÈCLE
Lr liiit \iTs lequel tmidait Naddiiio depuis son arrivée à Avi-
;,'iiipii l'ut riifiii atteint: an délint de Tannée 13;t3, et prol)ablement
le 1"^ mars, Olénieiit \'!I li' nnninia an nf)inlire de ses médecins
avec un traitement annuel de oi'O Horins '. Naddino s'empressa
d'annoncer la nouvelle à sa famille ', et peu de temps après, vers la
lin de mai, sa femme protita du départ d'amis de Prato pour s'eni-
l)ar(|ner à l'ise avec ses enfants, un tout jeune ^rareon et deux filles
de 7 à S ans '\
Mais le sort s'aeliarnait sur notre homme, et comme pour don-
ner raison à toutes les résistances qu'il avait (qjposées à ce voyage.,
le Ijateau abordait aux côtes de l'rovence, lorqu'il fut assailli i)ar
des corsaires et dépouillé de tout ce qu'il contenait. Les pirates
firent aux femmes tous les honneurs imaginables, mais leur prirent
argent, bijoux et trousseau. Les pauvres voyageure arrivèrent à Arles
à pied, misérables; il fallut que Matteo Benini, coiTespondant de
Oatini dans cette ville leur prêtât argent et ilievaux pour arriver
à Avignon :
«...Il panfio ' di Steve Micheli e la destriera di Peretto Mi-
cheli giunseno a salvamento in Bocholi " a di X\'I di questo, e a
di XVIII vogliando intrare in Rodaiio al grado di Pasciou '' fu-
rono asaliti da due galee e I brighantino armate di Gienovesi ',
e anogli rubato IIII balle di panni e d'altra merchatantia asai e
levato loro tutto l'arnese e fornimento délie fuste, e Steve e Pe-
' Voy. p. '21it, note 1.
^ « Aquesti di il papa nostro singnore m'a eletto pcr suo medico, e
grandi promesse nii fa di fanni bene, e pin volte m'a detto. lo raando
piesto per la niia famigla. Anchora non m'a asingnata alcuna provisione
couiel fara te ii'avisero, e mandcro per la niia faniiglia... > (Lettre du IH
mai 1393).
' Voy. plus loin, p. 23L note 4.
^ A rapprocher de panfano, soi te <b' navire de guene.
5 Port de Bouc (B. du Bhône, arrond. d'AixK
" Le grau de Passon, embouchure du Khône au nioyeii-àge (voy. Des-
jardins, Aperçu hislvriiiue sur les embouchures du lîhône, Paris, l!S67).
' Partisans du pape Boniface IX.
QUELQUES ITALIENS d'aVICiSOX AU XIV^- SIÈCLE 231
retto Micheli tlispogliati e hisciatogli in giuppone, e simile anno
levato danari e altre gioie alla mogliera di maestro Naddino e alla
mogliera di Tieri ', e sta notte il panfio del detto Isteve e la de-
striera di Peretto son giunti presso di qui a II leghe, e questo di
XVIIII sono venute qui per terra le dette donne e Tieri e tutta
l'altra lor famigla e qui rimarano ista notte e lo mattino se
n'andrano a V'ingnone ...» '".
Naddino s'occupa aussitôt d'installer sa famille, c'est à cette
occasion que son ami Bouinsegna ^ chercha une jeune esclave pour
tenir sa maison ^.
Peu de temps après Clément VII mourut subitement, mais cette
mort ne changea en rien la situation du médecin ; le nouvel élu.
Pierre de Luna, était favorable aux italiens, il le maintint dans
sa charge avec le même traitement :
« Come ai'ete saputo qui fu eletto in papa, di concordia di tutti
cardinali, il cardinale ch'era délia luna '. il qual'e per certo un
santo huomo e di grande scienza et operatione, ed e disposto s
procurare l'unione di santa chiesa con ongni ragionevole modo, ed
' Tieri di Benei, associé de Datini dans la < ragione » d'Avignon.
- Pise, Carleggio. cartella 1. lettre du 17 juin 1393 envoyée par Mattec
Benini d'Arles.
^ Associé de Datini à Avignon.
■• Lettre de Boninsegna, du 25 Janvier 1394, adressée à Simone d'An-
dréa a Barcelone « qui e il maestro Nadino da Prato il quall'ee grande
amicho di Franciescho di Marcho ed ee grande amico nostro cliello re-
putiamo padre e fratello ed egli e qui e medicho di papa e da suoi car-
dinalli, e perô noi lo voremo servire chôme facimo Franciescho di Mar-
elio e melglio se fare si potese. Elgli v'e qui e la dona ed ee I fa-
ciullo maschio e II faciulle femine d'etta VIII in VIIII anni... e per-
che ora si trova malle serviciali vorebf" per la donna e per la famiiglia
una ischiava picoletta d'etta di XII in XIIII anni che fose séria... >
(Barcelone, carteggio. cartella 2). Les archives de Datini ont fourni de
nombreux renseignements sur le commerce des esclaves au moyen-âge.
(R. Livi, La schiat-itù médiévale e la sua influema sut caratteri antro-
pologici degli Italiani, dans Rivista it. di Sociologia, an. XI, p. 537).
î* Elu le 28 septembre, il prit le nom de Benoît XIII voy. Valois
No51), op. cit., t. III, p. 15 et suiv.)
232 lilKI.QIKS ITAI.IKNS IJ 'AVIGNON Al' XIV»^ SIÈCLE
iii qupsto metere tntta sua solicitndine, Idio ci dia gratia di ve-
derla imita. A Fiorcntini porta fjrando ainore e sono qui poi che
fu papa ben veduti. Et nio a ordinato suc mediro cou quello sa-
lario che dava l'altro.
Qui si spera avère tosto pace con messer Ramoudo di Torena
pero ciiecci sono due maliscalchi di Francia a tractarla ed e ri-
mesa di volonta délie parti in certi cardinal!. Idio ci concéda questa
pace e l'altra, che mestier u'abiamo * '.
Les soucis d'ailleurs n'allaient pas manquer de fondre sur la
famille du médecin. C'est d'abord la santé de son fils et de sa
femme qui lui donne de sérieuses inquétudes ". En Provence, la
guerre contre Raymond de Turenne a repris avec une nouvelle
violence, le schisme se prolonge en dépit des assurances données
par le nouveau pape. Avignon se vide et l'activité du commerce ra-
lentit. Ce sont des plaintes continuelles sur le marasme des aflFaires;
les lettres de Xaddino nous en apportent un éelio :
« A messer Nicolo di messer Lapo da Prato •'. fn risposto per
Bonisegna gia piu tempo fa . . . (lacune) fui con qnesti signori et
maximaraente con messer Bonifacio \ e per nuUa il consigliono
che del présente si parla per venir qua, pen'i che qui nulla si fa,
ma tutti siamo in commotione, che come avete sentito, a Parigi
sono raunati di mandaniento del re tucti i prelati di Francia e di
sua jurisditione '', apresao vi sono ambasciadori de prencipi délia
Magna, del re di Spagna e del re d'Aragono, e dicesi che vi s'a-
spetano quelli d'Inghilterra, et tucto e per unire lo scissma di santa
chiesa, che Dio il permetta ora mai per sua misericordia, aecio
che nel populo cristiano sia niio ovile e uuo pastore ; e per certo
' Lettre du 28 octobre 1394.
* Lettre du 15 août 1395.
' Xiccolo di Ser Lapo Migliorati {Cait. fam, e prit:, carfella XII.
lettres de loSO à 1408).
* l'inhablenient Boniface Ammanati. de Pistoie. nommé en 1397 car-
(liiKil du titre de S" Adrien.
^ Assemblée du clergé de France convoquée pour le 2 février \'a-
lois, op. cil., t. III, p. 27).
QUELQUES ITALIENS d'aVIGNON AU XIV^ SIECLE 233
si dicie, e vedesi assai, ch'el re di Francia vuole mettere tucta sua
possa a ranconciare la chiesa santa. Idio gli cousigli di quelle sia
bene de cristiani » '.
« A Farigi sono ritornati i sijjuori duchi ' elie venuo qui. Apresso
v'e con loro honorevole ambasciata del re d'Inghilterra, per pren-
dere moglie per lo re d'Inghilterra ^, chi dicie la figliuola del re
di Francia cb'e di VII anni, e chi dicie délia figliuola del conte
di Lanzone ', la quale si dicie essere una bella creatura, e questo
pui si credo. Apresso traetono de unione délia chiesa insiemo
chol duca di Bavieri e con ambasciadori del re de Romani ', che
piu di fa furono a Parigi. Idio dia loro gratia di mettere il raoudo
in pacie, che mestier ciene. Qua si fa poco, di qualunche arte, le
merchatantia, e tucto, ci paiono morte''...».
« Credeti chella chiesa di Dio venisse a unita piu tosto nou
viene. Idio lo concéda cliel mondo non puo stare bene sanza quella.
Qui e uno grande abate con XXV cavalli, ambasciadore del re
d'Inghilterra ', per procurare questa unione ; di qua si fa poco cd
ecci mal sicura la terra, e meno il mare. I vostri di qua e noi
stiamo tutti bene » *.
« Au moment où elles devenaient si intéressantes pour l'histoire,
les lettres de Naddino s'interrompent, et désormais, pour le suivre,
nous n'avons plus que les brèves nouvelles des associés de Datini.
» Lettre du 11 février 1395.
' Les ducs de Berry, de Bourgogne et d'Orléans étaient arrivés à
Avignon le 22 mai 1395, avec les délégués de l'université de Paris. Ils
repartirent vers le 10 juillet sans avoir rien obtenu de Benoît XIII. (Voy.
Jarry, La tne politiriue de Louis de France, p. 133).
^ Richard II qui épousa, l'année suivante, Isabelle, fille de Charles VI,
âgée de 8 ans.
* Pierre II, comte d'Alenc^on; voy. le P. Anselme, Hist. geiiéal. de
la Maison de France, t. I, p. 271.
^ L'archevêque de Magdebourg, chancelier de Wenceslas, roi des
Komains.
" Lettre du 15 août 1395.
" Sans doute l'abbé de Westminster, chargé par Richard II d'une
ambassade auprès des deux papes.
* Lettre du 31 septembre 1896.
2:-J4 liUEI^QUES ITAI.IB.N.S d'aVIONON AU XIV»- SIÈCLE
D'ailleurs les tril)ulations n'étaient pas terminées ))our notre mé-
decin; à la fin (le l'imnée 1307, à un moment on la peste sévis-
s:iit dans le Cointut. le tléau enii)i)rta une de ses filles. Aussitôt il
alla chwclier à Carpentras un air plus sain, mais ({uelques jours
après sa femme surcomlia à la eontagion :
« Arête sentito cliomc niori uiia di ((iielle faiicuUe di maestro
Nadino e chôme ella tue inorta, subito maestro Nadino se n'andoe
a Carpretrasso chon tutta la famiglia sua, di che, quando fne istato
XV die, Mena Tonia levene malle una domenica sera, di che i due
di mori e n'e istato uno jrrande danno, Idio le perdoni ! E Dio
sae chôme maestro Nadino e riniaso isehonsolato 1 » '.
Inconsolalile, il ne faudrait pas prendre ce mot à la lettre, car
une petite note trouvée dans la correspondance de Tieri di Benci
nous apprend que le dimanche 30 octol)re 1401, maître Naddino
se remariait avec une avij;nonnaise de :!0 ans, une veuve célèbre
])ar sa beauté, (|u'on ap])elait « la bella teliera » '■.
Les deux dernières lettres que nous aj-ons de lui sont de 1407.
Elles nous montrent un père de famille soucieux de l'avenir de
son fils. Avignon ne lui iiaraissant pas une ville pnqire à former
d'honnêtes jeunes gens, il demande à son ami Cristofano da Bar-
berino ^, établi ;\ Barcelone, de prendre le jeune Francesco dans
sa maison de commerce. Dès le mois d'août, c'était une chose faite,
et le père se félicitait de sa décision :
« Fratel charissimo per Tommaso ' ebbi tua lectera laquai viddi
volentieri molto, e non dubito puncto che per bonta da te, e si
per la memoria di (^aroceio, che fu ad te e ad me padre, tu ai
fatto e fanii di Francosclid mio figlio conic di ttio nipote e figliuoln
' Florence, airteiiçiia, lettres d'Avignon.
" U.
^ Ciistofano di Bartolo Caiocci da Barberino. Voy. lettres de lui à
Datini dans Carteg. fam. e prir., carteUa VII.
* Tommaso di .Scr (iiovanni da \'ici'liio, tMuployc dans la « ragione •
d'Avignon.
yfËLQUËS ITALIENS DAVIGXOX AT XIV^ SIÈCLE 235
e cosi ti preglio. Questa villa di Vignone e niolto disposta maie
a far buoiii giovani per molti casi e disposicioni checci ocorraiio
in fare cadere clii non e ben savio in vicii e niali eostumi : et per
tanto. diliberai insieme con Toramaso mandarlo di costa, dove si
viva pii'i lionesto che qui . . .
Qui sono oggi novelle certe corne Domeuicha passata d'ora in
Marsilia, il papa ando a sau Francescho ' cun tucti i cardinali. e
uidi la messa e fuesi un sermone, dove fe legiere una bolla, la
quale a fatta, che contiene com'e disposto e obligasi a unire sancta
chiesa per resignatione e cessione del papato sanza ninna reserva-
tione '. Questa e buona novelia, per ella si spera aremo in brève
tempo l'unione di Sancta chiesa. Idio ti guardi sempre. Sono al
tuo piacere. Scripta in Vignone a di 9 di febraio.
Per lo tuo maestro Xaddino, medico, da Prato '.
«... Ora per questa jo ti ringratio, pin posso, di quanto beue a
facto effai a Francescho mio fîglio. Egli si loda di te piu clie di padre.
Va io era ben certo che faresti cosi per la memoria deU'amista
antica col tuo buon zio Caraccio. Tucta volta ti prego tu lo coregga
e reprehenda in tucte quelle cose ch'e mestieri, e nel rispiarmare
di nuUa, come tuo.
La mortalita e qui in Vignone, ben che pichola in risposta di
quel ch'e stato del mese passato . . . Idio la faccia cessare per la sua
misericordia. De fato délia chiesa si dice moite cose, e chi dice
che quel da Roma non verra a tener la giornata * .. . non so che
sara; so ben eh'el papa nostro, s'aparechia a tenerla, e a mandati
per tucti i cardinali che son qui che sub pena inobedientie, essi
' Dans l'église des Frères Mineurs, cette cérémonie eut lieu le 6 fé-
vrier 1407.
^ Ce sont le» lettres du 31 janvier répondant aux propositions de
Grégoire XII. (Valois, ojj. cit.. t. III, p. 193).
^ Lettre du 9 février 1407. [Carleggi privati diiersi. cartella A). Frag-
ment de cachet de cire rouge, avec impression d'uns ceau rond de l.ô mm.
de diamètre environ, portant un écu et en exergue une légende où se
lit encore Pr.\to.
* L"entrevue de Savone, laborieusement négociée entre Grégoire XII
et Benoît XIII.
236 (jrELQl'ES ITALIENS d'aVIONON AT XIV>: SIKCLE
sieno alliii a N'iza a XVI di di septembre ', e cosi tueti si niettono
in puneto.. . * ».
Telle fut l'existence ' fertile en péripéties de eet liiimMe médecin
de Toscane, qu'Avignon, la \ille fastueuse et brillante bien que
déjà A son déclin, avait attiré et su retenir. Nombreux furent les
Italiens qui, comme lui, vinrent alors s'établir en Provence, et
resserrer les liens qui tunt naturellement unissaient les deux pays
voisins. Si la plupart ont disparu sans laisser le moindre souve-
nir, n'en soyons ([ue ])lus attentifs à faire sortir de l'oubli ceux
qui observèrent avec curiosité les événements dont ils étaient les
témoins et qui viennent, de si loin, nous en apporter un écho.
Robert Brix.
' Voy. N'alois, op. cit., t. 111, p. r)4-4.
' Lettre du 26 août 1407 miême soti'.cc que la préci'dente;.
' Nous ne connaissons pas la date de la iiioit de N'addino, mais elle
est certainement postérieure ;i celle de Datini, c'est à dire à 1410, sinon
nous en aurions trouvé la mention dans la correspondance de la « ni-
yione > d"Avignon.
ATTIDEIA
II.
Galles et arcliisalles.
On ne peut étudier Torganisation romaine du culte d'Attis sans
être tout de suite frappé de la diflFérence qui, malgré leur ana-
logie verbale, sépare galles et arcliigalles '.
Extérieurement, d'abord, et quoi qu'on en ait dit ', ils s'op-
posent. Dans nos textes ^, les galles se présentent dans un accou-
' Graillot, Le culte de Cijhèle, Mère des Dicnx t'i Rome et ddiis l'em-
pire romain, Paris, 1912, p. 230, a résumé, sur ce point, une opinion i(uasi
universelle. Je ne vois guère que M. Lafaj-e qui ait émis un avis ilitl'é-
rent et fasse de l'archigalle le supérieur des galles (s. v. Gallus, dans le
Dictionnaire des Antiquités Saglio et Potlier, II, p. 1458; cf. infra, p. 2.ô7).
2 On mêle d'ordinaire, comme si leur identité était établie, les textes
et les monuments qui les concernent (cf. Lafaye, o^>. c«(., ?oc. crt., p. 1457 )
Cumont, s. v. Gallon, P. W., VII, c. 677 et 678): et bien (pie Madame
Strong ait récemment appuyé de son autorité l'identification avec des
portraits d'archigalles de deux bas-reliefs dont l'un, découvert sans sa
tête et aujourd'hui perdu, a été publié par Montfaucon (cf. S. Iteinacli,
Statnaire, II, 506, 6) et l'autre, aujourd'hui au Musée des Conservateurs,
par Winckelmann {Mon., 1, pi. VIII; cf. S. Reinach, Bfliefs, 111, 207, 1),
je ne crois pas qu'il y ait lieu de la maintenir. Ni sur l'un ni sur l'autre
ne se lit une inscription qui la justifie. Celui de Montfaucon n'est peut-
être pas authentique (pour l'authenticité s'est prononcé, en dernier lieu,
J. Keil, dans les Jahreshefte des osterr. Institutes, 1915, p. 75). L'autre ne
cadre nullement avec la description de l'archigalle que nous lisons chez.
Prudence (voir ci-après). Son aspect co'incide au contraire, avec celle (pie
les auteurs nous ont laissée des galles ; et il convient de l'attribuer à
un simple relif/iosus de la Grande Mère i)ar comparaison avec le cisti/er
de Bellone (|u'il a été réservé à Madame .Strong de nous fiiire si bien
connaître [Papers of the British Schoot of Rome, IX, 1920, p. 205-21:^
et pi. XXVI).
^ Cf. Graillot, op. cit., p. 298-300.
2;-J8 ATTIUEIA
trmiKMit t'(niiv(ique et «-iard, .-ivec les tresses tireboucliounées de leur
clieveliin: retoinbaiit sur leurs épaules ', (les boucles aux oreilles',
(les médaillons et des colliers sur la poitrine ', le visage glabre et
fardé *, le corps enveloppé d'une robe de couleur rappelant, par
sa forme, la stohi d(>s femmes ". Au contraire, cliez rarcljigalle,
môme dé|)('int i)ar un Chrétien comme Prudence, subsiste un air de
majesté : c'est un iiomme (jui n"a point les cheveux plus longs que les
autres hommes", qui porte toute sa barbe ', se coiffe d'une mitre qu'en-
tiiuiv une couroinie dorée ", mais, pour le surplus, s'habille comme
les uiagisti-ats devant l'autel où ils officient, d'une toge drapée à la'
mode gabienne '. A l'aspect, les galles restent des Phrygiens, des
barbares, des étrangers. L'archigalle, au contraire, s'est civilisé.
De fait, tandis que les galles semblent se recruter dans la
foule des jiauvrcs gens et des esclaves, l'areliigalle, obligatoirement,
irossède la cité romaine '". Si l'on admet que les galles ont toujours
compté parmi eux des castrats dont la mutilation, proscrite en
principe ", comm • un crime capital, dès la fin du T' siècle '■ dans
toutes les classes de l'I^nipire, a i)u continuer d'être partout tn-
' C. I. L., VI, 22(52: leiifjiosns cipillatiis. Cf. Tuiuont. s. v. (iallo.".
P. W., V, c. 675.
^ Cf. Graillot, op. cit., p. 299.
'^ Arnobc, II. 41: ut innecterent catenis coUii. Suidas, s. v. irpiîrY.^icu.
^ Aug., Cii\ T)ei, VII, 26: f'acie dealbata.
5 Cf. les textes réunis par Graillot, op. cit., p. 298, n. 3 et 5-6.
^ Prud., Perist., 1013: festa vittis tempora; ibkl., 1044: ostfndat udiim
rerticem.
' Ilnd., 1044 : harham giaveni.
* Ibid., 1014: corona ttim respe.m.'! aureu.
'^ Ibid.. 1015: cinctu Gabino sericam ftiltus togam (cf. le bas-relief
précité de Montfaucon).
"• C'est ce qu'a fortement établi ('nmont, s. v. ArchiriaUii/!, P. II".,
II. c. 484.
" Sur la législation antérieure aux Flaviens, cf. Monimsen, Droit
Pénal, trad. Dui|uesiie, II. p. 354 et suiv. Sur la législation flavienne.
cf. Gsell, E.isai sur la vie et le règne de Domitien, Paris, 1894, p. 84.
" Cf. Dig., XLVIII, 8, 4, 2; Cod. Itist., XLII, 1 et infra, p. 24.5.
lérée ', il est certain qne l'arcliigalle n'apparaît jamais comme un
semlrir^ et qu'au caMir de la Pisidie ', comme k Tusculum ^ il
est capable de vivre dans les liens du mariage. Enfin, tandis que
les galles, bien loin de se grouper en une coi'poration légitime,
comme les cannophores ^, ou les dendrophores « (j^iiiJuis ex senatus
consulta coire licet » '', ne forment, chez les auteurs qui nous en
parlent, que des troupes assemblées par hasard, saus cohésion ni
statut, et n'interviennent au drame sacré du Sarxjuis que comme
des figurants de rencontre, et non comme ses acteurs obligés ', l'ar-
chigalle apparaît comme le chef authentique de la religion métroa-
que dans chaome des églises locales auxquelles elle avait donné
naissance *. Il y est préposé, pour sa vie entière", par la double
' Je résume ici l'opinion cornante, mais je ne la partage pas,
cf. inf'ra, p. 309 et suiv.
^ Sa qualité de citoyen romain suffit à exclure jusqu'à la possibilité
d'une castration sur laquelle les Chrétiens, pour les besoins de leur po-
lémique, ont trop complaisamment insisté. Le sximmus saeerdos de Pru-
dence, identique au maaitmis Phry.v saeerdos de C. 1. L., VI, 508, n'a
rien d'un castrat (cf. supra, p. 238, n. 7).
' Cf. l'inscription de Saghir, en Pisidie, publiée par Sterret, puis
par Rainsay, Stiidies . .. of iJie eastern Provinces of the Bonian Empire.
Aberdeen, 1906, p. 3-13. n. 22: AO=r.?.:a | OÙ=-vj-t» | Zrjov.o;; | Ky,eu<;T..»/-,[ûJ I
àpy_i-(iXXi'j ; cf. infra, p. 256.
■• c. I. L., VI, 32466: coniu(gi) he\ne mereiili] | cuiii quo ri[xit...]
I nrchigallo Tusc\ulnno\ | et sibi : cf. infra, p. 253.
^ Sur ces confréries qne l'épigraphie nous tait connaître à Ostie
(C. I. L., XIV, 34, 35. 36, 37, 40, 116, 117, 118, 119,284, 285) à Locri, à
Saepinura et à Milan, cf Graillot, op. cit., p. 262-264.
' C. I. L., VI, 29691.
^ Je résume ici l'opinion courante, cf. Graillot, op. cit., p. 127 et 304.
Mais je ne la partage même point: les galles, comme tels, n'apparaissent
point dans les inscriptions; cf. infra, p. 257 et suiv.
<* Cf. Cumont, s. v. Archigalhis, P. W.. II, c. 484; Graillot, op. cit.,
p. 234, croit que plusieurs églises pouvaient dépendre du même archi-
galle ; mais n'est-ce point prendre pour une conséquence de leur orga-
nisation un silence épigraphi(|ue dû au hasard de nos découvertes?
' Voir l'archigalle de Lyon qui est resté en fonctions au moins de
184 à 190 (G I. L., XII, 1782, XIII, 1752); et celui de Salone qui mou-
rut archigalle après dix-sept ans d'exercice (C. J. i., III, 2920 a).
240 ATriDElA
îiutorité du sénat de la citi'' dont le vote l'avait élu et des quin-
déceinvirs qui l'assistent à Rome ' et dont il tient, partout, son
investiture '. Alors que les ^x^'Hes (nit l'air de comparses auxquels
la liturj;ie métroaque ne laisse aucun rôle défini ^, il est le grand
])rétre de Cybéle et d'Attis, siimmus sacerdos * : et, dans la pratique
(le leur culte, il s'éf,'ale à la dignité d'un véritable pontife ': en les
priant, en leur ortrant le sacrifice prescrit par leurs rites, il rem-
plit une fonction que TKtat Juge nécessaire à sa propre stubilité
et couvre de sa protection. L'archigalle de la Ville, dout parle
TertuUien, appelle solennellement sur Marc-Auréle les bénédictions
des divinités phrygiennes et les vreux de leurs fidèles épars à tra-
vers le monde " : et les ordres prophétiques de l'archigalle d'Ostie,
pareillement émis pour le salut de l'empereur, sont sanctionnés par
les privilèges que la loi concède à qui sut convenablement y dé-
férer '. En sorte que si l'individualité des galles se perd dans l'ombre
des ruelles où, par vague tolérance plus ciue par droit explicite,
ils circulent en mendiants, l'archigalle émerge dans l'éclat des cé-
rémonies publiques comme l'un des soutiens de l'Empire. En vérité,
la différence est radicale et nous n'avons qu'à rechercher l'origine
et la forme, la date et les raisons d'une discrimination qui n'est
pas contesta l)Ie.
' Les i|uindéc.einviis assistent l'arcliinalle de Home, non seulement
dans les processions de la lamtio, mais dans ta célébration des tauro-
boles (C. I. L., VI, 508; cf. in fia, p. 252).
' Ce qui vaut pour les simples sacerdote.t vaut a fortiori pour l'ar-
chigalle : cf. la fameuse inscription de Cnmes (C. /./-., X, 36118I.
■* Cf. infra, les listes dressées, p. 257.
* Prudence, Perist., 1011.
^ Ibid., 1043: procedit inde pontifex.
* TertuUien, Apol.^'ih: archigallus iUe sanctissimus, die... quo san-
guinem impurum lacertos qxwque castrando libahut, pro sainte imperatoris
Marci iam intercepti solita aeqiie imperia mandavit.
' Fragm. Vatic, 148.
ATTIDEIA 241
I. — L'ARCHlfiALLAT, INSTITUTION DE ClAUDE ?
Si, comme je crois ravoir établi ', le paragraplie des Fragments
du Vatican qui donne force de loi aux oracles de l'archigalle a
été emprunté par leur compilateur à une constitution de Claude,
ou k un sénatus-consulte rendu sous le règne de Claude, il n'y a
pas de doute "' que cette distinction si tranchée ne soit l'anivre de
cet empereur, et n'ait accompagné l'ensemble des dispositions par
lesquelles il a réorganisé la religion métroaque. Mais sur ce point
particulier, en quoi donc a consisté, au juste, l'initiative de Claude?
Les plus récents historiens du culte métroaque s'entendent pour
la définir par un simple emprunt. Dans l'organisation phrygienne
qu'il s'agissait de transférer sans heurt au «peuple romain, Claude
aurait trouvé un arcliigalle et des galles. Sans molester les galles ni
les poursuivre, il aurait renoncé à faire appel à leur concours et
adn\is, en revanche, l'arcliigalle au sommet de sa réforme. Mais
l'archigalle aurait toujours gardé la marque de son origine étran-
gère. Au dire de il. Cumont, la forme, non latine, de son nom
suffirait à la prouver': etM.Oraillot.de rencliérir encore et d'.nf-
' Voir mon article précéilcnt sur hi date de Viiiti-oilnctioii officielle.
à Rome, du culte d'Atti.<<. dans Metitiiyes d' archéoloyie et d'iiistoire, 1923.
p. 154 et suiv.
- C'est la conviction de M. Lafaye lop. cit., hc. cit.. p. 1457 i, et
celle de M. Cumont (s. v. Gallos, P. H'., c. 676). M. Graillot (op. cit.,
p. 230-231) ajourne la distinction jiis(iii";i l'époque flavienne où furent
aggravées les sanctions contre l'eunucliisme. Mais il se fonde unique-
ment sur l'idée, sûrement erronée. i|ue Juvénal aurait encore connu un
archigalle de IJome au(|uel le satirique accole la qualitication ignomi-
nieuse de .lemivir. D'abord, en aurait tort de prendre an sérieux toutes
les injures de Juvénal. Ensuite et surtout, on chercherait vainement
dans le texte invoqué (Sat., VI, 511-521) la mention d'un archigalle.
Quant à ra«<îVes de la Sat.. II, ll.'î, il ne peut être un archivai le (cf Grail-
lot, op. cit., p. 236, n. 1).
^ Cumont, s. v. ArchiyaUus, P. IC, II, c. 484: beweist schon die
Form dièses Namens seinen orientalischen Ursprung.
242 ATTIDKIA
firmer: « rairliiffallc est un |)iir produit de l'Orient » '. Je rrois, pour
ma part, que nos textes, au lieu de justifier ce point de vue. sug-
gèrent une, interprétation toute différente. Par leur répartition rliro-
nolofji(liie, ils nous apportent l'attestation réciproque que l'ICmpirc
a cherché à éliminer les galles et qu'en revanche l'arcliigallat ne
doit à rOrient ((uc son nom grec et qu'il est une création de
Claude. Avant ce iiriuce, en effet, nous rencontrons souvent des
prêtres de Cybèle et d'Attis qui s'appellent des galles : mais nous
ne connaissons pas d'archigalles ; après Claude, c'est le contrairf
qui nous échoit et qui est la vérité.
Examinons d'abord les documents de l'époque impériale. Ils
révèlent des contradictions qui sont autant de surprises. D'abord,
l'opposition est frappante cnti'c la statistique des passages emprun-
tés aux auteurs et celle des inscriptions. Nous avons, sur les gal-
les, une multitude de mentions littéraires : et il n'a été, jusqu'à
présent, découvert qu'une seule inscription où ti^rure un galle, dans
des conditions d'ailleurs suspectes et sur les(iuelles nous aurons à
revenir. Par contre, si à Rome et dans la campagne romaine, en
Italie, en Dalmatie, en Espagne, en Afrique et en Asie ont surgi
des épitaphes ou des dédicaces consacrées à des archigalles ou par
leurs soins ', nous sommes forcés d'avouer qu'abstraction faite des
passages déjà cités ^ de Prudence, où l'arcliigalle est désigné sans
être nommé *, de TertuUien ^ et des Fiafimeufs du Vatican " qui
se réfèrent expressément à sa fonction sacerdotale, il n'existe nulle
' Graillot, op. cit., p. 230.
' Cf. infra, p. 252 et suiv.
^ Cf. supra, p. 238.
* Prudence, Ferixieph., X. 10(J(i et suiv.
^ TertuUien, ApoL, 25.
" Fragments du Vatican, § 148. •
ATTIDEIA 243
part chez aucun antre écrivain ancien, une allusion, si fugitive
qu'elle soit, à un ardiigalle authentique. Les seules qui aient été
relevées ' sont au nombre de quatre, toutes postérieures à la dif-
fusion du Christianisme, et visiblement destinées à englober les
archigallcs dans la réprobation de l'eunuchisme. Or, ce reproche ne
saurait leur être imputé "' : il s'applique, en réalité, aux simples
galles et tend évidemment, pour les besoins de la polémique, ou
sous son intluenee, à assimiler purement et simplement le pontife
par excellence du culte de Cybèle aux misérables dont la flé-
trissure est devenue un de ses lieux communs ^. Ce déséquilibre
entre l'épigraphie et la tradition, entre l'épigraphie qui retient
ce que la tradition néglige et la tradition qui ne perd pas une
occasion d'étaler ce que l'épigraphie nous dérobe, sutïirait. par lui
même, à éveiller nos soupyons. Si galles et archigalles avaient été
doués également d'une existence otRcielle, il n'y aurait aucune raison
pour qu'il se fût produit; et le seul fait que nous le constations
' Cf. lliesannis Lingnae Latniae, s. v. avchi(irilht)i. II. c. 461.
^ Cf. nupra, p. 239.
^ Les textes sont les suivants: 1" Tert., De resnrr. carnis, 16: A't
lamen caltcem non dico renenarium, in queni mors aliqua ruciarit, sed
frictricis vel archigaUi vel gladiatoris aut carnificis npiritu infectum. quaero
an minys damnes (juam oscilla ipsoniiii. En pareille compagnie, Tarchi-
galle souillé dont parle ici Tertullien est, évidemment, un eunuque.
2° Schol. ad .îuv., II, 116: archigaUi cinaedi ijKcm maguhtm conspurca-
tinn dicimiis, qui jniMica imjnidiciliam professus est. Le texte parle de soi.
3" Servins -, ad Aen.. IX, 115: Mater Magna instituit ut quotannis in
sacris suis [Attis] plangeretur et eff'ecit nt ciiJtores sut viriles sihi partes
amputarent qui archigalli appeUantur. Il n'y a aucun doute sur l'équi-
valence archigalli = galU. 4° Firmicus Maternas, Adv. Math., III. ,ô, 24:
archigaUos facient et (qui) lirilia propriis sibi amputant manibus: ihid..
III, 6. 22: faciat (genifura) eunuchos aut abscisos archigaUos aut herma-
pliroditos; ibid., IV, 13. 5: aut stériles aut eunuchos aut archigaUos aut
hermapliroditos facxet. Clairs en eux mêmes, ces passages de Firmicus
Maternus s'élucident encore mieux par comparaison; cf. ibid.^W. 30, 3:
facient stériles effeminatos et abscisos gallos : VI. 31, f>: publicos cinaedos
haec genitura aut certe abscisos gallos effieiet : et VII, 25, 4 et VII, 25,
10 et 13.
iicius indique déjà que les fçalles restaient, sans aucun doute, en
■deliors d'une lé;i:alité qui n'a voulu connaître que l'arcliigalle.
Mais il y a ]dus : (juaiid iimis rejçardons de prés les textes des
•quatre premiers siècles de notre ère qui. postérieurement au princi-
pal de Claude, concernent les j^alles, nous ne pouvons pas ne ])as
ê.ti'e frapjiés de leur aspect, soit archaïque ou local, soit irréel.
Qu'on en parcoure la collection si complète réunie par M. (iraillot ' :
OH l>icn les citations alléguées viennent d'historiens et de scholiastes
qui ont la prétention de nous renseigner sur le sacerdoce des gal-
les, mais alors ils reportent au passé ou continent, comme une excep-
tion. :'i l'extrémité des provinces, la description qu'ils niuis en lais-
sent; ou liien elles sont tirées, soit des satiriques païens, comme
Perse, .luvénal et Martial, soit des apologistes chrétiens, qui se
dressent en face d'un l'aganisme moribond comme les pins mordants
des satii'iques; et, dans les deux cas, elles valent tout juste ce que
vaut la convention d'un invarialde paniiililet.
Dans le galle, satiriques et Chrétiens insultent l'eunuiiue, le rir
(ihsr/siis livré, par sa mutilation volontaire, aux plus dégoûtantes
déliauches. Tour les uns comme pour les autres, le (jiilliis et Vex-
)niiJiiis. Vciiiiin /nis et le riiuirdux sont synonymes et i)areillement
voués au inépiis que méritent une vie dégradée et des nueurs abo-
minal)les. Les galles se châtrent par vice, dit Saint Jérôme : \ibidiw
truncittus '. Ce sont des fous et des invertis — Galli al/srirlrreiitiir.
jiiolli-s ronserrarentur ^ — dont Saint Augustin ne sait ce qu'il faut
11' plus haïr, leur insanité ou leur turpitude : insana perstrepit tiirpi-
tii(h) '. Ils n'ont plus rien d'humain — ner riros se lier femiiias fa-
riuul — renchérit Lactance ' : et Minueius Félix d'ajouter (|u'ils insul-
' (ùaillot, op. cit., eh. VllI, ].. 287-;îl!>.
■ S. Jérôme, In Ifoxmm, I. 4. 14.
=1 S. Aug., Civ. Dei, II. 7.
^ Ibid., VII, 28.
'' Lact., Dit: Inst.. I, 21. IC.
ATTIDEIA 24Ô
tent h la providence divine, « citm si eiiniichos deus vellet. posset ^yro-
*'reare, non fncere » '. Quant :i Saint Justin, il ne s'en laisse pas non
plus accroire et note d'infamie leur prétendue piété : si; /.tvzirJiav
i-o/.ô-TfyVT^'. '. Or, si on laisse de côté l'argument métaphysique
Invoqué contre eux par Minucius Félix, on s'aperçoit que l'impitoya-
ble censure des Chrétiens a ramassé les traits dont, pour s'amu-
ser, la satire païenne avait déjà criblé les galles. Le mot de Lac-
tance reproduit, en le gér.éralisant, le motif de la sentence railleuse
que le préteur de 78 av. notre ère avait portée contre un galle
du nom de Genueius, exclu des libéralités testamentaires qu'il pré-
tendait recueillir par la raison que « Genucium neque lirorum par-
tihns interponi posse neqiœ midierum » '. Saint Augustin reprend
A son compte les expressions même de Juvénal :
Hic tinpis Cl/Mes ... *
La sorte de Jiliido frénétique dont Saint Jérôme les inculpe est re-
prochée par Lucien aux eunuques d'Atargatis ", et elle éclate dans
répigramme où Martial raconte l'irréparable mésaventure survenue
à Misitius sur la route de Ravenne:
Semiriro Cyheles l'iim gref/e jiinxif iter '.
Cette scabreuse anecdote, dont les lecteurs des Epigrnmmes ne
pouvaient rire que parce qu'ils la savaient imaginaire on lointaine,
relève de la fantaisie: à une époque où Domitien venait de châtier
la castration comme un crime ", elle constitue un anachronisme
' Minucius Félix, Orfatius, 24. 4.
- Justin, Apol, I, 27. p. 70 E Otto.
^ Val. Max.. VII, 7, 6.
< Juvénal, Sut., II, 111.
= Lucien, De Dea Syria. 22: -^g/ouït fiXXn ■"-ly.aivo'/Tai. Cf. Martial,
VI, 2, 6: Et spado moechus erai.
« Martial, III. 91, 2.
' Cf. supra, p. 2H8.
MéUiiuf.^ li'An-h. fl <rilist. 1(>2>!. 16
246 Ai-riDKiA
('vidoiit et concertf'-; elle trahit chez rautenr le parti-pris de traiter
;ï sa façon un tlième déjà fixé et populaire; et ses variations re-
joignent celle» des apolo;,'istes. Les galles qu'il nous présente sont,
par définition, des cinaecii ', comme chez Saint Justin: et ses eu-
nuques, en général, sont esclaves des plus basses passions :
Af priKS o mores rf sjuiflo moi'clius état '.
Aussi bien vnyons nous naître cliez lui une confusion, qui,
avec le temps, va s'épaissir toujours davantage, entre le galle con-
sacré à Cybèle et Attis et le castrat dont l'éviration n'a pas la
piété pour excuse. Plusieurs fois, dans son œuvre, le mot gallus
est en quelque sorte, sécularisé, employé comme un synonyme, adé-
quat et commode, A'euniicJiiis ou de spuâo '. Dans la deuxième
moitié du second siècle, cette évolution verbale sera achevée. Le
terme f/allus dépouille alors toute signification nij'stique ; il n'in-
dique plus que la tare i)hysique dont les galles de Cybèle étaient
autrefois atHigés ; et. par exemple, sous Marc-Aurèle \ au plein d'une
])ériode ù laquelle on assigne d'ordinaire la définitive expansion
dans l'Empire, des cultes inétroaques ', un document jiiridi(|ue dont
\r modèle a été élalioré dans les bureaux du procureur général du
' Maitial, Aj;., IX, 2, 1."!: iiunc et miseros, Cyliele, praecide cinaedos.
•■! Ibid., \l, •->, (î.
^ Les développements littrraiies n'oUservcnt pas la différence juri-
di(|ne. indiquée phis bas. p. 247. n. 2. de Veiiiinehiis et du spudo. Sur cet
emploi du mot f/a//iw. cf. ihid., I, 36, lô; H, 4ô, 2; XL 72, 2 et 74, 2,
.M. Oraillot, obsédé par sa recherche des galles de Cybèle, en a reconnu
un dans le vers II, 45, 2: IJemens, cum ferro quid tihi? Gallus erat\ et
s'est étonné de voir substituer ici le fer à la pierre dans le rite de Tévi-
ration niétroaque (Oraillot, op. cit.. p. 296, n. 8). Mais Martial n"a commis
aucun solécisme liturgique pour la simple raison qu'en composant cette
épigramme il ne songeait nullement à la religion de la Grande Mère.
* Cf. sur cette clironoloj;ie, .J. Carcopino, Reiue des Etudes Ancien-
ws. 1922, p. 219 et suiv.
^ Cf. Oraillot, o;». cit.. cli. V.
ATTIDEIA 247
fisc en Egypte, le « gnomon de l'idiologue » use du mot gallus
pour désigner, en dehors de toute considération religieuse, tous les
rnstrati — quelle qu'eu soit l'origine — rendus inaptes par leur
infirmité, naturelle ou acquise, à disposer, par testament de plus
du tiers de leur fortune: « Si un « galle » ou un impuissant meurt
intestat, sa fortune est confisquée ; s'il a rédigé un testament, ou ne
confisque que les deux tiers et le restant est délivré aux personnes
de sa catégorie en faveur desquelles il a testé » '. — « yâDiOjv
xat caSstôv . . . aîrà tsasut/îv, £5:[v ioJtzQETOi z— oOy.voJ'Jiv tz
pjTîâpyovTa 5:]va[>.3t]a?zv£T5'.i, èzv os SiaQûvTat . . . to '^è rptrov
oi; èiv h'.y.Ty.'Si-i-y.', oy.ooJXoo; » ". Si, entre 169 et 172, date vrai-
semblable de la compilation du gnomon ^, le mot gallus a perdu sa
signification première, s'il est devenu un simple nom commun \ in-
difl'érent a toute idée religieuse, applicable à tous les castrati sans
exception, c'est qu'il avait, depuis longtemps déjà, cessé de dési-
gner, dans l'Empire, les tenants d'une fonction cultuelle déterminée.
Si, en eft'et, nous relisons maintenant les auteurs qui, posté-
rieurement au milieu du P'' siècle ap. J. C, et sans intention po-
lémique, nous ont voulu renseigner sur les galles de la religion
métroaque, nous verrons, ou bien qu'ils les relèguent aux confins
de lointaines provinces, en des contrées demeurées étrangères aux
' J'adopte, à un ou deux mots prés, l'excellente traduction de M. Théo-
dore Reinach.
^ Art. 11-2 du gnomon, 1. 244 et suiv. Pour le commentaire, voir la
remarquable édition de M. Théodore Reinach, dans la Nouvelle Revue
historique de droit français et étranger, 1920, p. 49 et suiv. M. Th. Rei-
nach a démontré que cet article vise à la fois les -yâxxoi, c'est à dire les
castrati, et les uaftpa;, littéralement les pourris, c'est à dire, certainement,
les spadones, ou impuissants. Juridiquement, en effet, ces deux catégories
d'anormaux, que les littérateurs confondent habituellement, étaient dis-
tinctes.
'^ Cf. J. Carcopino, loc. cit., p. 228.
* Cf.Et.de Byz., s. V. Vàlkou %T.i, \/.n-iTi -jàp toù; TEy.vo'J-'vou; ta aî-
Soîa -jiXXsu; '.at.Lmi. — Hésychius, 8. V.: l'iXXo; ô «775x5115; t.tsi ô sÛnoj/o;.
— Suidas, 8. V.: roiXXii, oi rm no-an.
248 ATTIDEIA
mœurs de l'Empire qui, pour (les raisons de défense, le» avait
absorliéfs sans les assimiler, ou bien qu'ils le» considèrent comme
une espèce disparue.
Non seulement les lexicof^raphes byzantins ' dont le langage ne-
prouverait pas grand chose, mais Servius, au IV' siècle ", et Lactan-
tius Placidus ^, au VF, décrivent à l'imparfait ou au plus-que-parfait
les processions des galles connue leur barbare mutilation. Lucien,
parlant soricuseniciit, ne nous les montre organisés qu'à la frnntièrt-
de rKu|>lirate, dans le sanctuaire (|iie possédait la Déesse sj'rienne '
A lliérniKjlis Bambycè '. Hérodien ne s'intéresse à eux qu'à pro-
])os du transport de la pierre noire en 204 :iv. .1. ('. et les rat-
tache au temple de l'essinonte *'. Quant à Pline r.\ucien, si, consul-
tant ses fiches, il écrit à propos d'eux : ver non aliijua (jentium
'/uoqne in hoc discrimina et sacrorum etiam. citru perniciem a/nt-
putaiiiihus Matris demn f/allis ', on aurait tort de faire fond sur
le participe présent qu'il emploie ; car. d'une part, dans un autre
l)assage de son Histoire Xaticrelle. où il repi'end les termes du
précédent, il se sert aussi du présent, mais nomme l'auteur dont
il transcrit les observations et qui, probablement né sous le consu-
lat de Marins et de Carbon ", était vieux de plus d'un siècle : M. Cae-
lius: Samia lesta ^fafris demn sacerdotes, qui Galli rocantur, ri-
riiitnlem nmpiitare ner aliter ritrn perniciem, M. Caelio creda-
' Voir notamment, Eti/mologiciim magnum, s. v. l'iXXî;, p. 220 Gaisford:
È^ = Ts'u.N0VT3 -yàp 1£ TiXotJU.£N5t T^ Ô£(0.
^ Serv., ad Aoi., X, 220: Galli futura 2>raenuntiahant.
■' Lact. Plac, ad Theb., XII, 224: Se galli ahscidere consneverant.
' Je ne cherche pas à éluder ce témoignage, bien qu'il ne concerne
pas le culte métroaque, parce (pi'on pourrait toujours m'opposer l'inti-
mité des rapports (pii semblent avoir uni les deux religions, phrj-gienne
ot syrienne.
^ Luc, De Dca Sijria. 2*5-27 et .")0-ôl. 11 n'y a rien à tirer de Chro-
nosolon, 12, ni de Liicins, 35.
" Hérod., I, IL II n'y a rien à tiicr de Plut.. Adr. ("olot., 33.
" Pline. iV. //., XI. 2t;L
" Cf. Pline. X JL. \"1I. 165.
ATTIDEIA 249
mus ' ; et d'autre part, dans sa description de la Phrygie, il note
au passé le souvenir des prêtres de Cybèle et le nom qu'ils tirè-
rent du fleuve Gallos '.
Les coneordauees de ces textes, les pénalités portées par Do-
mitien, et aggravées par ses successeurs du 11° siècle, contre l'eu-
nuchisme ' laissent si peu de place à la présence des galles dans
la refonte romaine de la religion de Cybèle et d'Attis, que M. Grail-
lot ne parait l'admettre qu'à la fin de l'Empire, dans la déca-
dence de la législation, lorsque les galles se mirent à « envahir les
temples » *. Mais je doute que, même restreinte de la sorte, la thèse
qu'il a soutenue puisse être acceptée. Je crois, pour ma part, que
cette invasion apparente de l'eunuchisme dans les cultes métroaques
procéda uniquement de l'irruption simultanée de la polémique chré-
tienne dans leur histoire. Que, dans l'effondrement matériel et le
désarroi moral du IIP siècle ap. J. C, l'Etat n'ait plus détenu ni
la force ni l'autorité nécessaires pour proscrire et châtier l'eunu-
chisme, comme auti-efois, passe encore ; mais qu'il l'ait consacré
publiquement, en conférant aux seniiriri une place d'honneur dans
la hiérarchie de l'une de ses religions, voilà qui heurte la vraisem-
blance, et est contredit par nos documents. Par exemple, Lactance
se garde bien d'affirmer que la Grande Mère en est venue à exi-
ger réviration de ses prêtres; tout au contraire, il écrit que même
de son temps, de son temps encore, elle ose se réjouir de leur
mutilation: ideo efinm huhc gallis saiertloiihus gatidet^. Il n'at-
' Pline, N. H., XXXV, 16.^.
' Pline, N. H., V, 147. Martianus Capella, VI, 687, est un décalque
de Pline. A noter aussi, ([ue dans V Agamennon de Senèque, les secta-
teurs de Cybèle et d'Attis sont des viri, et non des semiviri i686).
3 Cf. big., XLVIII, 8, 6; 8, 4, 2: 8, 5.
* Graillot, op. cit., p. 289, n. 1.
^ Lact., Epit., 8. Cf. Paulin de Noie, XXXII, 88: Nimc quoque se-
miviri mysteria turpia plangunt. Il est à noter, d'ailleurs, que les invec-
tives de Saint Augustin sont également rétrospectives. (Cf. Cir. Dei,
VII, 26: usqiie in hesttrnum diem — ).
250 ATTIDBIA
teste donc pas une innovation ou une reviviscence : il témoignerait,
nu plus, d'une surviviiiice, si nous n'avions la preuve qu'aux siè-
cles antérieurs les pratiques métroaques étaient tontes différentes
<le celles qu'il imagine. De même, il n'y a rien à tirer de la dé-
dicace à la Grande Mère, découverte à Lectoure et datée de 239,
•où il est rappelé qu'au jour du sang, le 24 mars, de cette année-
là, « Valer/a Gemma rires ercepit EiUychetis » '. M. Graillot se
figure qu'on peut y discerner le souvenir d'une mutilation sacer-
dotale, celle d'Kutychès qui venait d'entrer dans l'ordre ^ Cet éta-
lage sur le forum, cette vanterie inscrite sur la pierre d'une cou-
tume réputée criminelle serait, en vérité, une énormité juridicpie.
Mais il est possible d'interpréter tout autrement un texte qui ne
l'a point commise. Les rires, dont la dédicace gauloise commémore
la transfusion à Valeria (xemina par la vertu du sacrifice métroa-
que et l'intermédiaire de l'officiant, s'identifient aux forces surna-
turelles qui sont censées s'échapper à flots de la castration suivie
d'égorgement des victimes obligées, bélier ou taureau: et l'inscrip-
tion de Lectoure, si importante pour l'histoire du criobole et du
taurobole, n'a rien à voir avec l'éviration des galles. Knfin, vers
le même temps où Saint Augustin invectivait contre les Païens:
« Votre Grande Mère des dieux a introduit des castrats dans les
temples romains et conservé la cruauté de leurs rites » ^, un autre
de leurs adversaires, que nous désignons, faute de mieux, sous le
nom de l'Ambrosiaster * , avouait, malgré qu'il en eût, que les vo-
cations à l'eunudiisme ne se déterminaient qu'à grand' peine, à
^ C. I. i.., XIII. .510.
2 Graillot. op. cit.. p. 317.
^ Aug., Civ. Dei, \'II, 26: At vero ista Magna âeorwii Mater etiam
Bomanis templis ca.itraios inhilH adque isiam saeritiam moremque servavit.
Sur la portée rétrospective du passage, cf. ^upra, p. 249, n. 5.
* Sur PAnibrosiaster, dont le pamphlet aurait été compose entre 374
et 382, cf. Cuinont, dans la Hevite d'Iiistuire et (h- htlpi-nliirr religieuses,
VIII, 1904. p. 417.
ATTIDEIA 251
force (le promesses et de menaces ', et dressait, sans y penser,
contre leur persistance une invincible objection, en affirmant le
maintien de la loi en vertu de laquelle « einiiirJws i)i recjtto Romano
fieri non 1/cet » '. Or, à prendre à la lettre les accusations des
Chrétiens, non seulement, au IV' siècle, les galles seraient deve-
nus les prêtres de Cybèle et d'Attis, mais ces faux dieux du Pan-
théon romain ne conuaitraient pas d'autres ministres: sacra \eorum]
a gallii- sncerdofibiis lelcbruntia- '\ Dans cette phrase de Lactance,
le mot gaU/ est pris dans son acception usuelle. Ce n'est pas un
titre, c'est une épithète de nature. Accolée ;i tous les servants de
la religion métroaque, ce nom d'eunuque révèle l'idée précon(;ue
qui anime la polémique chrétienne, et qui poussait déjà, contrai-
rement à toute raison, Tertullien, Firmicus Maternus et le scho-
liaste de Juvénal à châtrer jusqu'aux archigalles, sans exception *.
Dans l'enthousiasme de la foi nouvelle, le Chrétien prend tous les
métroaques pour des eunuques, tous les prêtres païens pour des
monstres contre nature: tantnm castitatem ersecranUir \Pagani]nt
etiam cinaedis delectentiiv, magisterio eorum subiecti ". Mais par
son outrance même, cette conception révèle sa fausseté ; et le scho-
liaste de Lucien est le premier à ramener les accusations à la
mesure d'une plaisanterie consacrée par l'usage ". Il ne faut pas
se laisser duper par les artifices d'une rhétorique stéréotypée. Et au
' Ambrosiaater, ap. Migne, XXXV, c. 2349 f: abucisi in mulieres
transformanUir, quos constat minis circiimpeniri et promissis praemiis ad
hune dolorem et dedeeus eogi.
« Ibid., c. 2349 r. Cf. Amm. Marc, XVIII. 4, 5.
3 Laet., Div. Inst., I, 17, 7.
* C(. les textes cités supra, p. 243, n. 3.
^ Ambrosiaster, ap. Migne, XXXV, c. 2342 c.
^ Scho). Luc, ad Siip2i. trag., 8, IV, p. 173 Jacobitz, cité par Hep-
ding, Attis, seine Mythen u. sein KuU, Glessen, 1903, p. 28: i:à raÙTa /.ai
v3-( Trai^sTai toùts xirà Tzii-ut-i tùv ïOisO/wv li; tw 'Attiôi ÈTriTinSîiw* àva^-ToBit.
'Ap;jtoôtci)Têpot Si, V. /.tva'.ôs'jsi'^ro, •/.•x'iiz'. y.'xi a'jtô; "A-rt; tscsOts; £-'à;A'53Tî'o6)
lifu (ic ciiiifiiiiiln- une j)révciiti')ii uvim- l;i vérité, et ili- traiisfiinner
lin poiicif littéraire en institution d'état, il convient, sur le caractère
exeeiitioiincl et extralégal des galles, sur le véritalile sens de la
réforme Claudienne qui les a exclus de l'organisation raétroaque.
de s'en fier au témoignage écrasant île répigrapiiic.
Celle-ci, à l'époque impériale, nous permet de enmpter un nomlire
relativement élevé d'archigalles.
En voici la liste, dont les éléments ont été gr(nipés d'abord
par Goehler ', puis par M. Graillot '.
1. — Rome. C. I. L., VI, 218:5:
C(aiu8) Camerius | Crescens, | archigallus Matris | Deum Magnae
Ideae et | Attis populi Romani, | vivus sibi fecit et | Camerio Eu-
cratiano lil)(erto) | suo ceteris autem libertis utri usqne sesus loca
singula ] sepulturae causa. H(oc) ml'onumentum) h(eredemj e(xterum)
n(on) s(equetur).
Non datée; UV siècle?
2. — Rome. C. I. L., VI, 508 :
Potentissf imisj diis [M(agnae) D(eornm) M(atri et At] ti Menoty-
ranno, ] Serapias Ii(onesta) f(emina), sacfejrfdos) [deum] | Matris et
Proserpinae, | taurolp(diuni criobol(ium) cerno | perceptum per Fl(a-
viumj Antoni|um Eustocliium, sac(erdotem; Phryg(a) | maxfimumj,
praesentib(us) et tradentib(us) | cflarissimis) v(iris) ex ampliss(imo)
et sauctiss(irao) \ eoll(egio) XV vir(orum) s(acrisj ffaciundis), die-
XIII Kalfendas) | Maias, Cerealibus, d(ominis) n(ostris) Conatantinoj
Maximo Augiusto) (quintum) et | Licinio luu(iore) Caes(are) cofn)8(u-
libus).
' Goehler, De Mdtris Magnae apuâ liomanos cidtu, Meis/.eu, 18i%, p. 40.
* Graillot, op. cit., p. 2:(4, n. 2. 11 convient d'enlever de la liste dressée
par Graillot l'arcliigallc de Lanuvium dont l'existence est liée à l'interpré-
tation certainement erronée dn bas-relief capitolin (cf sujira, p. 2.'i7. n. 2).
ATTIDEIA 253
Datée de 319 ap. .1. C. Eiistocliius est désigné par le titre, pro-
bablement réservé alors à l'archigiille de Rome, de Sacerdos Phryx
maximiis,
3. — Tusculiim. r. I. L., VI, 32466 :
... couiiifgi) be[nenierenti] | eiim qiio vi[xit annis...] | arehi-
gallo Tuac[ulano] | et sibi.
Non datée: iriir siècles?
4. — Ostie. C. I /.., XIV, 34 :
P[ro salute imp(eratoris) ... | ... FJelicis Q(uintus) Caeeilius |
Fuscus archigal lus eoloniae 08ten|sis imaginem \ Matris Deum
ar|genteani p(ondo) I cum | signo Neraesem | kannophoris | Ostien-
sibus d(onura'i d(edit).
Sous Marc-Aurèle seul empereur (169-176).
5. — Ostie. C. I. L.. XIV, 35 :
Q(uintu8) Caeeilius | Fuscus archigallus c(oliiniae) Oi stiensis) |
imaginem At tis argent[e]am | pondoi I cum sigillo | Frugem aereo-
ca]nnophoris Ostien sibus donum dédit.
Même date.
6. _ Ostie. C. I. L.. XIV, 385 :
M(arcus) Modius | Maxximus isic) | archigallus | eoloniae | 0-
stiens(is_).
Pas de date : fin du IT siècle ?
7. — Capoue. C. I. L., X, 3810:
Virianus Anipliatus archigallus M(atris) D(eorum).
D"après le nom, sans prénom, l'inscription serait du IV" siècle.
Voir, toutefois, nos numéros 1 1 et 12.
204 ATTIDEIA
8. — Tergeste (Triestej ? C I. />., V, 488 :
Lfucius) Publicius | Syntropus ] urchigallus | v(ivusj ffecit; silti
•et I [suis]. Iliofij inroimiiiciitiiiii) liCeredem) n(oni «(equetur).
Pas de .l;iU-. III' sii-cle ;'
!t. — Mei-ita (Lùridii). C I. /,., II, 5260:
M(!itri) d(eorura) s(acriim) | Val(eriii3) Avita | aram tauriboli
siii natalici red|diti d(edit) dfcdicavit), 8acerdo|te Doeyrico Va-
ie|riano, arc[li]igaIlo Piiblicio Mystico.
Pas de date; voir supra, ii. *!.
10. — Milev (Mila). C. I.L.. VIII. lUltM:
Mfagnae) D(eorum) M(atri) | Sanctae | sacrinn l'artum | pro
sainte | [i]nip(cratoris) Caes(ari9j M(arci) Aureli(i) Sej[veri Ale-
xandri] Pii Fel( icis) Aug(iisti). . . | Qu[inti] Claudii Basilicus i nap (?)
et Miu'tiiis criolio[li]|iim fecerunt et ipsi sii8c[e] perunt per C. Aemi-
lium Satur|niiium sacerdotem ex va|ticinationo arcliifralli.
Datée: 222-2.35.
11. — Lugdunum (Lyon). <'. T. L., XII, 1782:
... ex vaticlnatione Pusniii Iuliani arfiii fralli, iiichoatnin
XII kal(enda9) Mai(as), consurajmatnm VIII kal{endas) Mai(a.s)
L(ueio} Eggio MaruIIo | Cn(aeoj Papirio Aeliano co('n)s(«libus), prae-
«uate Aelio | C[astren].s( i] saeerdote, tibicitie AlUio Verino.
Datée: 184 ap. J. C.
12. — Lugdunum (Lyon). C. I. L., XIII, 1751:
. . . Tauriboliuni fecejrnnt dendrophori | Lugduui consistantes, |
XV kal(enda9) Iulias, | Inip(eratore) [CaesfareJ M(areo) Anrel(io)
fîommodo Aug(usto)] | Marco Sura Septimiano) co(n)s(ulibus) er.
vaticinatione | Pusoni Iuliani arclii galli .. .
Daté: 190 ap. .). C.
ATTIDEIA 255
13. — Salonae (Salone). Inscription trouvée à lader (Zara).
C. I. i., m, 12920 u:
D(is) Mfanibus). | L(ucio) Barbunteio [ Demetrio archig(allo) |
Salonitano, qui | annis XVII usq(ue) ad annios) | LXXV integr(e) |
sacra confecit, | BarUuntcia Thallu|sa Clistera patrono | pientis-
s(imo) posuit.
Pas de date, probablement fin W siècle.
14. — Savatra de Lj'caonie (aujourd'hui, Ak-Oren). Anderson,
Jourmd <jf HeUenic Sfiidies. XIX, p. 280, n. 163.
AzXz Attz/.&'j y.y/'.'^y.'k\\^t.']'yj ^zz~-r, iM/iTic 0î(7jv | '/.'X,vj.\j.r,-ir,
î'j/ vîv.
Pas de date. Les noms pourraient aussi bien remonter à la pé-
riode hellénistique qu'à la période romaine. Mais la paléographie
de l'inscription oii les 6 et tO lunaires voisinent avec les formes
carrées de ces lettres nous contraint à descendre Jusqu'à l'Empire
plus probablement à l'époque des Antonins au plus tôt '. Cf. d'ail-
leurs les Aurelii de Savatra, mentionnés aux numéros suivants de
l'article d'Anderson.
15. — Hiérapolis de Phrygie. Cf. ludeich. Die Alterthiimer
von Hiérapolis (Inschriften), Supplementband au Jahrhuch des Jcais.
âeufschen arc/i. Institiifs, IV, 1898, p. 83, n. 33 :
'H fiJo-jAr, y.y.[}] 0 S[yiju.]'j; £TÎar,<7av | [!Mz(p-AOvi] A'jo(r,'Xiov)
KÛT'j/irvbv, I ip/iyaV/.ov | àvSpïiàvT&; àv3c [TJTâTîi ~î'[p]î-|
[!5?>ôovT[a] >'.0'7i[;j.t](o; /.ai 0-r,pî![To]a[v]Ta toî; 9j![oî: i;]i07:[pj-
Est placée, par le prénom et le gentilice de cet archigalle. vers
le dernier tiers du second siècle ou la première moitié du IIP.
' Cf. Le Bas-Waddington. commentaire au n. 1034.
256 ATTIDEIA
IG. — Kiitiii nous ajouterons à cette liste un arcliigalle qui,
BiuiH ajjpartenir i)eut-être au culte métroaque de stricte obédience,
intéresse néanmoins son histoire, à une époque où les différences
qui avaient séjjaré les diverses religions orientales tendent à se
tondre :iii ereuset du syncrétisme.
A Sagliir, en i'isidie. Cf. Ramsay, après Sterret, dans le»Studies. ..
d/' t/ie fdstern l'rarinces of the Uuman Empire, Aberdeen, 190f!,
p. 34:i, n. 22.
Aùp-/i>.iy. I Oikvo'jSTa | Zvjn^i^rj-, | K/S'JTT'.avoL'j] | y.^/y^iXKvi
I TTj'; 6s]â; 'A[5r£]aif5o]; rbv iviîs'.âvTs: ï[;f. \ rôiv] iStojv ,|
v.'iyJAiyj.y.-\o>'i j:'/c'7T'/;|'7£v 'ApTé|y.'.o'. 1y.~:'-.\_yt\(^r,'rr, vj/rri.
Remonte à la même époque ((lie la ])réoédente, et pour les
mêmes raisons (cf. Aurélia Vennsta à la 1. 1 ).
Au total, seize inscriptions nous font connaître quatorze archi-
galles parmi lesquels douze sont appelés i)ar leurs noms.
Ce premier résultat n'est pas négligeable.
D'abord, cette statistique épuise la totalité de nos doeuments
épigrapliiqnes ; et comme aucun des exemples sur lesquels elle porte
n'est probablement plus ancien que la seconde moitié du 11" siècle
ap. ,1. C, comme tous, à coup sûr, appartiennent à l'époque impé-
riale, elle présume déjà, dans rarcliigallat, une institution de l'Km-
pire. Ensuite, elle se répartit entre douze textes rédigés en latin et
découverts dans les parties occidentales de l'Empire, et deux textes,
.seulement, rédigés en grec et exhumés de cet Orient d'ofi Ton fait or-
dinairement venir les archigalles : et par là elle dément la eonviction
commune, et nous invite à chercher en Occident, et plus précisément
en Italie, d'où proviennent huit de nos exemples, l'origine d'un sacer-
doce dont les traces en Asie sont clairsemées et insignifiantes. Enfin,
elle oppose sa richesse à l'indigence de l'épigraphie relative aux
simples galles en un si violent contraste que nous allons être tenus
de les bannir d'une terminologie (jue l'archigalie a seul envahie.
ATTIDEIA 257
Ce n'est point, je le sais, l'opinion courante; mais celle-ci ne
subsiste que par une secrète inconséquence. « Si l'archigalle est
bien un grand prêtre, écrit M. Lafaj'e. il est naturel de penser que
les prêtres placés sous ses ordres doivent porter le nom de galles,
qu'ils soient ou non Phrygiens et eunuques. Cependant il est pro-
bable que dans le nombreux pei-sonnel catalogué . . . , il faut refuser
ce titre aux assistants de tout genre: chantres, musiciens, appari-
teurs et aux membres des confréries, tels que les dendrophores et
les cannophores. Il reste encore dans la liste une quarantaine de
prêtres proprement dits qui peuvent être qualifiés de galles» '. En-
core qu'il y eût quelque étrangeté à grouper sous un titre iden-
tique des personnes aussi dissemblables que des Phrygiens et des
cires romani, des hommes et des semiriri. le raisonnement serait
plausible, si réellement les inventaires dressés par Goehler. puis
par M. Graillot, contenaient la quarantaine d'exemples qu'il nous
annonce comme sa propre vérification. Mais, en fait, ces individus
« qui peuvent être qualifiés de galles » ont omis d'user de la lati-
tude qu'on leur îtccorde. En dehors des dendrophores et des can-
nophores dont les corporations sont, par nature, étrangères aux dif-
férents degrés de la prêtrise, Tépigraphie de l'époque impériale nous
déroule une infinité de grades et de fonctions dans le culte métroaque :
2 cernophores ', 2 hymnologues ^, 3 tibicines \ 2 ci/wbalistriae ',
2 t!/mj}anistriae ^', o apparatores ', 2 neditui *, au moins 7 religiosi'^,
et, pour finir, non pas une quarantaine de prêtres, mais bel et bien
' Lafaye. s. v. Galhm. dans le Dictionnaire des Antiquités Sagho et
Bottier, II. p. 1458.
- Graillot. op. cit., p. 253. n. ô.
^ nid., p. 2.55. n. 2 et 3.
* Ihid.. p. 257. n. 3.
* Ihid.. p. 258. n. 5.
^ Ibid., p. 259, n. 4 et 5.
" Ibid., p. 260. n. 3.
* Ibid., p. 261. n. 2 et 3.
» Ibid., p. 283, n. 7.
258 ATriDKIA
108 sarfirdotrs '. M. Lafaye n'a entciiilu .se prévaloir que de cetti-
dernière catégorie. Mais ne lui éeliappe-t-ellc pas, comme les autres .'
Les sacerdotes qui la composent ne s'appellent pas plus galles sur
les inscriptions qui nous ont transmis leur souvenir, que les aeditui,
que les tihicines, ou même que les hyranologues, ces chantres des cha-
pelles métriiaques, que M. Graillot, entraîné sans doute par la sé-
duction d'un rapprochement qu'il suggère sans l'énoncer, mais que
le silence des documents anciens n'autorise même pas à amorcer,
voudrait ciianger en castrats '. Ira-t-on prétendre que ces sacerdotrs
sont des galles lionteux ! Des galles qui cachent leur condition et
rougissent de leur vrai nom ? Il faudrait déjà retenir de cette expli-
cation que l'Empire a di.scrédité le nom de galles, l'a rendu ina-
vouable. Mais cette explication même ne vaut rien ; car, sur 108 sa-
cerdotes, on compte 75 prêtres auxquels elle pourrait à la rigueur
s'appliquer, mais aussi 33 prêtresses ^ qui auraient dû, en ce cas.
revendiquer le nom de çiallae, absent de la tradition littéraire *, et
qu'il y aurait, au .surplus, criante absurdité à métamorpiio.ser, pour les
besoins de la cause, en autant de se.miriri de fait ou d'intention. Alors,
une seule constatation s'impose; c'est que, contre 14 arehigalles e^
141 desservants de tout ordre du culte métroaque, l'épigraphie ne
nous a encore révélé que deux galles dont l'un est un galle authen-
tique, mais vécut bien avant l'Empire, et dont l'autre est un Romain
du IIP siècle mais n'a rien de ce qui caractérise le galle métroaque.
Le premier nous est présenté par une inscription de Cyzique.
exactement datée de l'année 4i> avant notre ère, c'est à dire an-
térieure de quatre-vingts ans à la réforme Claudienne ^. Nous an-
' Giaillot. op. rit., p. 23ft. n. 3 (70) et 26.s. n. 1 (33).
2 Ihid., p. 255.
' Cf. la liste dressée par Graillot, op. cif., p. 248. n. 1.
* Forcellini, s. v. Gulhi. III, p. 1S2, ne l'indique que comme s'ap-
pliquant par dérision à des galli (Catull., (i3, 12 et 34i
^ Cf. <'. I. G.. 36t!S: et Ditteuberger, Si/lloge^ 763. C'est la seule
inscription (|u"ait encoio connue M. Lafaye, loc. cil., p. 145S. n. 8.
ATTIDEIA 25i>
rons à faire état de ce cas particulier lorsque nous nous effurce-
rons tout k l'heure de ressaisir, en ses traits les plus généraux,
l.i situation que cette réforme a eu jxiur liut de modifier; mais il
est clair qu'on n'en saurait rien conclure pour la définir elle même.
Le second est mort ;\ Rome, où fut trouvée son épitaplie en 1880 ',
à la tin du II' siècle ou plus probablement dans le courant dn
III"'; mais il suflira de citer en entier l'inscription où il est men-
tionné, et de tenir soigneusement compte des particularités de gra-
vure que les éditeurs successifs ont :i l'envi enregistrées pour écarter,
à son tour, ce témoignage inconsistant.
('. 1. i., VI, 32462 :
D{i8) M(anibus). | Terentia Matrou(a) | C^aio) Iulio Abdederae
(sic) I fecit fratri pientissi mo beuemerti (sic) (îallo | Diasueiaes | ab
Isis et Serapis.
Inde a V. 5 verba Gallo . . . alia manu perscripta sunt: v. (î,
litterae inclinatae in litura repositae.
Ce texte fut-il assuré, qu'il serait tout de même inopérant
puisque le seul galle que connaisse Tépigrapliie de l'époque impé-
riale n'a pas appartenu au culte phrygien de Cybèle et d'Attis,
mais relève de la religion sémitique de la Bea Syria. Mais il est loin
de nous oflFrir toutes garanties de correction. Le mot gallo et tous ceux
qui le suivent ont été tracés après coup, et les premières lettres dn
mot Diasuriaes furent inscrites en surcharge, à la place d'autres ca-
ractères préalablement martelés. Or, si la main du lapicide a tremblé,
la langue dut lui fourcher également '. Gallo pourrait bien résulter
d'une de ses méprises: et son galle ressemble à un archigalle '.
' Aujourd'hui au Musée des Conservateurs. Sur cette inscription
cf. Lanciani, Bull. Coin., 1880. p. 10: Fph. h'p., IV, 873; Dessau, lii-
scriptioncs selectae, 4280.
- A la ligne 3, Abdederae est peut-êtie pour Abderae; à la 1. 5 lie-
nemerti (le groupe ne a été suscrit) est sûrement pour benemerenti.
^ Archi aurait-il sauté par haplographie au contact du groupe final
du mot précédent erti'!
2t;0 ATTIDEIA
Au lieu d'être embrigadé dans l'une de ces Ijandes vagabonde»
dont les auteurs anciens, de Juvénal ' à Saint Augustin', promè-
nent le tint.iinarre ;'i travers les rues et les earrefDUrs, il est at-
taché à un sanctuaire déterminé, et dessert le teni))le que la Dm
St/ria possédait dans la troisième région dite Isis et Seruph.
Ensuite et surtout, ce prétendu galle n'est pas un eunuque ; et la
cité romaine dont il est investi, et que proclament ses tria nmnina.
nous interdit absolument de supposer qu'il ait subi l'éviration ri-
luelle. S"obstinera-t-on, néanmoins, :\ alléguer un exemple aussi dou-
teux ? Comme il ne nous fournit toujours qu'l galle contre 14 ar-
chigalles et 141 prêtres ou acolytes, il n'aboutit qu'à contredire
la tradition littéraire qu'on chercherait à en étayer: et, quoi qu'on
fasse, ou se heurtera aux deux cornes du dilemme : ou admettre
que dans le clergé métroaque, comme dans certaine armée noire de
comique réputation, il y avait quatorze généraux pour un simple
soldat, ce qu'est déraisonnable et démenti par les auteurs anciens,
ou renoncer à faire de l'archigalle le chef de galles organisés sous
son autorité, ce qui revient à le rejeter hors de la hiérarchie qu"il
domine. Préfère-t-on, au contraire, ainsi que le suggère le simple
bon sens, abandonner h son sort cet z-x; épigraphique. nous n'avons
plus nn seul galle à opposer ;i la masse des cuUores de tout genre
((ue les inscriptions des temps impériaux répartissent dans les cadres
du culte public de Cybèle et d'Attis. Autant alors convenir, comme je
r.-ifUrraais en commençant, que, sous Tl'uipire au moins, ils en furent
délibérément exclus.
Avant l'Empire, en ettet, il en allait de tout autre manière;
et Ton peut soutenir, sans chance d'erreur, que les rôles, alors,
étaient renversés.
' Juvénal, Sat., VI, 511 et suiv.
* Aug., Civ. Dei, \U, 26.
ATTIDEIA 261
Malgré sa pauvreté à l'époque républicaine, l'épigraphie nous
a conservé la mention d'un galle tout pareil à ceux dont nous en-
tretiennent les atitmirs tle cette période. Il s'agit du Sotéridès qui a
payé les frais de Ver-roto de Cyzique, auquel J'ai déjà fait allusion,
et qui est consacré à la Mv-rr.p locale, dite Kotiané. Un de ses
amis, M(areus) Stl.iccius, fils de Marcus, avait été compris dans le
détachement que la cité libre de Cyzique recruta, en 46 av. ,1. C,
pour secourir Cé.sar engagé dans sa lutte contre les Pompéiens
d'Afrique, et il s'était embarqué sur la galère Soteira avec ce ren-
fort. Sotéridès fut averti par la Déesse au service de qui il s'était
consacré, et du malheur (|ui serait survenu à Stlaccius tombé caj)tif
aux mains de Tennemi, et de la délivrance du prisonnier; il remercia
alors Cybèle par la longue dédicace qui est aujourd'hui exposée au
Musée du Louvre '. Il est certain que Sotéridès n'était pas le premier
venu, puisqu'il fut capable de couvrir la dépense de ce monument,
et qu'il s'était lié à Cyzique avec un homme dont les nomina et
la filiation font un citoyen romain. Or, ce Sotéridès est un galle;
il ue dissimule nullement sa condition, et affiche les révélations
que son état plus encore que sou zèle lui attirent de la divinité.
Il qualifie exactement M. Stlaccius de compagnon — 'j-h -vj
iàivj ij'jy.^jio'j — expression dont il n'y a pas lieu d'inférer que
M. Stlaccius était un galle lui aussi, puisque l'inscription ne lui
confère pas ce titre, mais qui prouve, à mon avis, que ce Romain
s'était affilié à la secte de Sotéridès, en partageait les pratiques et
les espérances. Si bien que cette dédicace nous apprend du même coup,
et la place que le culte de la Mère des Dieux occupait à Cyzique ",
■ C. 1. G., 3668. Cf. Dittenberger, Sylloge'; 348 (= Stjlhye'^, 763).
1. -2: liJtr.î'.oT,; -j-iXXî; ='j;i;j..'is? ^Vr'fi Ko[Tia-if,] . . . le surnom n'est pas sûr.
La lecture, à la 1. 5, li ni -tz^rf-i SuT[:ipa, est de M. Wilhehii, ^1 rch.-Epigr.
MUtheilungen mis Oesterreich, XX, 1897, p. 74. Cf. sur la même inscr.,
VVilhelm, Gotl. gel Ameig., 1903, p. 797.
^ Vraisemblablement, le navire qui portait Stlaccius était lui-même
consacré à la Grande Mère et s'appelait Soteira (ou Sotèria) comme cehii
qui amena à Ostie la pierre noire de Pessinonte (cf. Graillot, op. cit., p.67)-
Mélatiijes d'Arcti. et ifllist. 1923. 17
et le r;iii;r (jn'iiii ;;.illi- cuiiime Sott-l'idés y foiiait à son tour: d.ins
Cyzique où n'-^nait la i>aiii('. les galles, commi' lui, eiu'on; en 4<;
av. J. C, faisaient fij^ure de personnages.
Or une impression semblable se dégage des textes liistoi'i(|iies on
intcr\ icMiient des galles avant le |iriiii'iput de Claude. l'.iontons.
pal' exemple, ce (pie nous ronte Strabun des galles de Hiérapolis
de Plirygie. Il soiipi-uime IiIhh les subterfuges auxquels ils recou-
rent pour renforeer leur prestige ; mais il le constate et n'ose pas
encore les dénoneei- formellement. Ces galles possédaient le pouvoir
l)rodigii'Ux de pénétrer ini]iunément dans l'antre méphitique qu'on
montrait aux .-ilwrds de leur ville, et que, comme s'il ouvrait sur
les profondeurs infernales, on dénommait le Plutoniu;n, et d'en
ressortir sans avoir ressenti l'Mspliyxie dont bêtes et gens tombaient
lUMlinaii'eiiient victimes. Il se demande d'oi'i leur vient cette éton-
n;nite iiiniuuiité ; si elle leur est commune avec tous les eunuques,
ou si les eunuques voués à la Mère sont seuls à la mériter: s'ils
ont absorbé à l'avance quelque .-intidote, ou si vraiment ils sont cou-
verts par la providence divine '. C'est cette explication que les in-
téressés se complaisaient à fournir, et le fait que Strabon l'ait ré-
pétée, sans rire ni s'indigner, prouve ([u'elle équivalait sur place
à une vérité de foi. Aux yeux de leurs compatriotes, les galles de
Hiérapolis, aux ])remiers temps de n(>tre ère, étaient envidoppés do
la présence des dieux '.
Ailleurs, et au|)ara\ .nit. nous les voyons conduire les atfaires
des hommes.
Lors de la cam|p:ij;ne de Cu. Manlius \'uls(i en Galatie, en 185»
av. J. C. se place un épisode où les récits concordants de Po
1 Strabon, XIII, 4, 14, p. 630 C: ihi :Ta/Tu.- [tw-.] sjt.o tvî^ttpwuivw.
TSÙ75, e{T£ y.o'vS'* TW'* rsp; T5 iêfS'', >''Œt S[T; ô;ta TTpOvsia..., êÎT; àvTcSjTJi; TlOt
O'j'/aasaî Ti'jTO'j O'jy.€atv0'<Tî;.
* Sur l'impossibité d'avancer plus tôt que 18 ap. .1. C. rédition dé-
finitive de la géograpliie de Strabon, cf. Ettore Pais, lialia antica, Bo-
logne. 11)2.S. I. ]). 294-2!».'>.
ATTIDEIA 263
lybe ' et de Tite-Lire ' nous montrent en belle posture les galles de
Pessinonte. Le consul venait d'arriver au fleuve Sangarios ; il était
en train d'y construire un pont, quand on lui annonça leur visite. Ils
se présentèrent à lui, en grande pompe, revêtus de tous leurs in-
signes, et lui annoncèrent solennellement que leur Déesse lui pro-
mettait victoire et conquête. Tite-Live enregistre leur prophétie
sans commentaire, mais Poh'be ajoute que Cn. Manlius Vulso, ap-
paremment ravi du présage, réserva aux ambassadeurs de Cybèle
le plus bienveillant accueil '. On objectera peut-être à cette nar-
ration qu'à Pessinonte, où devait subsister jusque sous Julien l'A-
postat la métropole de la religion métroaque, les galles constituè-
rent jusqu'en 25 av. J. C. un gouvernement théocratique, d'abord
indépendant, puis vassal de Pergame ^ et que cet exemple manque
de portée générale. Mais l'année qui précéda l'expédition de Cn. Man-
lius chez les Galates, Polybe '^ et Tite-Live". toujours d'accord,
nous font assister à une scène qui n'eut point la Phrygie pour
théâtre, et où, néanmoins, les galles de la Mère des Dieux jouent
un rôle identique. Quand, en 190 av. J. C. les Romains entrepri-
rent de porter en Asie la guerre contre Antiochus, C. Livius Sa-
linator projeta de s'emparer de Sestos, pour, de là, franchir le
détroit des Dardanelles. Aussitôt les galles de se présenter aux
portes de leur cité, et de demander aux Romains, au nom de C}'-
' Polybe, XXI. 37, 4-7: ^aia-j-iviiTat -yi),).»! s/. IIïiJCi'.vsOiTs; . . . lx'^f!i%
' Liv., XXXVIII, 18, 9: ... GalU Matris Magnae a Pessinunte oceur-
rcre cum insignibns suis, vaticinantes fanatico carminé deam Romanis i^iam
helli et rictoriam dare imperiuimpie eiiis regionis.
3 Po].,ibid.: «û; [FiXXsu;] 6 T'-aTo; ïi>.avesw-w; ù-tiila-o.
* Sur le séjour — j'allais écrire le jn-lerinage — de Julien à Pessinonte,
cf. Graillot, op. cit., p. 354. Sur l'histoire des rapports de Pessinonte et
de Pergame, cf. Cardinali, Regno di Pergamo, 1906. p. 106: et Stiihelin.
Gesch. der llei)ias. Galater ', p. 39, n. 1.
s Polybe, XXI, 6, 7.
s Liv., XXXVII, 9, 9-10.
2t;4 ATni>EIA
lièle dont ils sont les Herviteiir» et «e prétendent les inspirés,
d'épargner leurs murs et leur ville. Livius les écouta jusqu'au bout
et respecta leur inviolabilité : yiemo eorum riolaius est '. Leur succès
enhardit les magistrats de Sestos et les négociations eoramencérent '.
Que, maintenant, l'on rapproche ces divers récits entre eux et
avec l'inscription de Oyzique; il est impossible qu'on n'eu retire
point une idée favorable à la situation dont bénéficiaient alors les
galles. Sur les côtes grecques, comme au cœur des montagnes
phrygiennes, en 46 av. J. C. comme au début du IV siècle avant
notre ère, là où se dresse un sanctuaire de la Mère et d'Attis, le
service en est assuré par des galles, et ceux-ci, dans la Cité, Jouis-
sent du prestige et de l'influence qui n'appartiennent qu'aux re-
présentants les plus hautement qualifiés des sacerdoces publics.
Or, du milieu de ces galles, aucun arcliigalle ne se détache
encore. En vain cherclierait-on le nom de ri:y iyKA^.o; dans un
dictionnaire grec. Il ne figure ni au TZ/rsinmix. ni dans les lexiques
de Soplioklès et de Van Herwerden, composés avant la récente
])ublication des trois inscriptions de l'époque impériale, que nous
avons citées i)lus liant ' et qui le renferment. On le trouvera bien
dans le livre de Weise sur les mots passés du grec en latin *,
mais comme sous entendu et non attesté sous la forme grecque que
l'auteur dérive, par voie d'hypothèse, de quelques-uns des exemples
que nous avons déjà relevés ^. En sorte que ce terme auquel on
:ittril)ue une origine orientale parce qu'il revêt une forme grecque,
ne se rencontre pas en Orient aux temps hellénistiques, et n'y ap-
paraît en grec qu'au cours d'une période où il avait déjà été la-
tinisé. L\ir/iKm/')ifinti ex silenfio fiit-il ianiais plus éloquent?
' Liv., XXXVII, !t, 9-10.
2 Ibid.
^ Cf. siipra, p. 252 et suiv.
* Weise, Die griechische Wôiier im Lntehi. Leipzig, 18.S2. p. .US.
' Cf. supra, p. 240 et 252 et sui\-.
ATTIDEIA 265
On arguera peut-être contre lui de l'état de notre documenta-
tion par trop ruineuse et fragmentaire, et il est possible qu'en
raison de ces lacunes, on le juge plus spécieux que convaincant.
Ce qui, à mon avis le rend absolument décisif, c'est que les textes
peu nombreux, il est vrai, mais explicites, dont nous disposons avant
1" l'empire, ne se bornent point à observer le silence sur l'arcbigalle,
ce qui, après tout, nous laisserait la faculté d'eu appeler, sur son
compte, aux découvertes à venir. Ils sont, en outre, rédigés de
telle sorte que la place que nous pourrions, le cas échéant, réserver
à cette intervention problématique d'un iy/i'^y.l'ko; est déjà prise.
Ils donnent des chefs aux galles qu'ils promènent en corps et nous
montrent en action ; et ces chefs ne sont pas des arcliigalles.
A la tète des galles que nous avons vus saluer Cn. Manlius ve-
naient un Attis et un Battakès : -apayivrjvTsc. vi/.'Xot -ap' "A-iTif^o;
y.y.ï KaTTZ/.O'j '. L' Attis présidait la prêtrise de Pessinonte, et le
Battakès — si toutefois il s'en distinguait ' - — lui servait de second.
C'est à l'Attis, comme à un autre souverain, que les dynastes de
Pergame, à partir de 163 av. J. C, adressèrent les lettres proto-
colaires inscrites sur les trois tables de marbre que Mordtmann
découvrit en 1859 dans le cimitière arménien de Sivri-Hissar, sur
l'emplacement de Tancienne Pessinonte: "Atts-.A'j; "AttiXi îîpîî
yxi^z:-/ '. Et c'est le Battakès qui, en 103 av. ,1. C, parut sur le
Forum aux heures critiques de l'invasion cimbrique et promit aux
Romains, anxieux de l'avenir, l'infaillilile protection de ses dieux :
' Polybe, XXI, 37. 4.
^ Il paraît s'en distinguer dans le p.assage précité de Polybe. Mais
il n'est question que de V Attis dans les lettres des Attalides, et que du
Battakès chez Diodore et Plutarque (voir ci-après), comme si les deux
noms eussent pu alternativement servir pour ne désigner qu'une seule et
même fonction. Jusqu'à l'an dernier, les titres de Sultan et de Calife tra-
duisaient, dans un seul homme, les deux aspects du pouvoir du comman-
deur des croyants.
' Dittenberger, O. G. I. 5., 315.
266 attidp:ia
— îst To^iTOv Xî -/Vi^rfi à-pizeTo y.vX \W-7./.r,-, '. Ci' galle, dont
l'aspect scandalisa les vieux romains et lui attira quelques injures',
IMiitarqiK; rMiiiicllc o -'7,; asyâ/r,; y./|Tp&; iîpî'j;, comme s'il était
le grand prêtre de Pessinonte '. Diodore le représente drapé dans
une robe à ramages qui indique sa dignité ro_vale ^ et ceint de
cette énormi' ciiuromic d'or ^ (|ue Prudence, cinq siècles plus tard,
verra luire encore au front de l'arcliigalle '. Mais si celui-ci a lié-
rite ses emblèmes et le remi)lai;a, il lui a succédé sous un nom
qu'antérieurement à la réforme romaine aucun des chefs de la re-
ligion métroaquc n'a jamais porté.
Ainsi, en quelque direction que s'orientent nos reclierelies, elles
aboutissent toujours au même résultat. Avant que les Romains n'eus-
sent adopté Attis, la prêtrise métroaque était peuplée de galles qui.
sans disparaître après, ont néanmoins cessé à ce nionuMit d'en faire
partie. Et, inversement, l'arcliigalle, qu'ell(> ignoiait avant l'Em-
pire, apparaît ])our la première fois dans le texte des Vrarimoits
du Vatican qui remonte au principat de Claude, et semble contem-
l)orain de la réforme métroaciue opérée par cet empereur. Tout se
passe, en dernière analyse, comme si cette réforme avait consisté,
en un double travail d'épuration et de concentration : épuration,
en ce qui concerne les galles, qu'elle raye des cadres de la re-
ligion officielle; concentration en ce qui concerne l'archigalle. qui,
sans être un castrat comme les galles, al)sorl)e leurs pouvoirs et
les dépasse: unique dépositaire de l'esprit de Cybèle et d'Attis qui
planait jadis au dessus d'eux, il devient en chaque église métroaque
le chef qui, per.sonnellement inspiré des dieux — e.r vaUcinatione
' Plut., Mai:, 17.
2 Ibid.
» Diod., XXXVI, l.S, 1: GTiXr-- à.Oivr.i ôiiy.sjoo'., fiio./i/.rv àïta-v l'r:
* Ibid.: x.JJSiO''.. . -[à? oTfs>»<5v t\/vi 'J-îp;j.£-ji')Y. .
^ Prud., Peristeph., 1014: ... corona tum repe.mx niirea.
ATTIDEIA 267
archigaUi ' — , eominande au reste du sacerdoce et à l'entière com-
munauté des fidèles '".
Et sans doute cette conclusion, d'où vont découler de grandes
conséquences, et qui résulte, avec une force en quelque sorte néces-
saire du simple Jeu de nos textes, aurait été formulée depuis long-
temps, si un témoignage, un seul ^, ne paraissait faire obstacle à
leur enseignement et en bouleverser l'ordonnance chronologique.
Nous ne pourrons la développer et recueillir toutes les le(;ons qu'elle
comporte qu'après l'avoir définitivement écarté de notre route.
II. — L'arcuigalle de Parrhasios.
Il s'agit du passage de l'Histoire Xntitrellf où Pline, énumé-
rant les principales anivres du peintre Parrliasios, lui attribue un
« archigalle » entré plus tard dans la collection de l'empereur
Tibère. Le voici, tel qu'il figure dans l'édition Maylioff et que l'a
rendu fidèlement la traduction d'Adolphe Reinach :
<i [Parrhasiiis] pinrit et A>r/iiifaUi<m : qnam pirturam amarit
» Tiberiiis princeps ntque ut uuctor est Deculo, HS \LX\ aesft-
* matam cubiculo siio inchisit » (Pline, A^. H., XXXV, 70).
« Parrhasius peignit aussi uu archigalle, peinture qu'aima l'em-
» pereur Tibère et que, selon le témoignage de Deculo, estimée
» qu'elle était à six millions de sesterces, il plaça dans sa chambra
» :\ coucher » (.\d. Reinach. Recueil JliUiet, I, Paris, 1921, p. 233).
' Cf les inscriptions n. 10, 11, et 12 et le texte des Fragments dn
Vatican.
2 Cf. le texte de Tertullien cité plus haut, p. 240. n. 6.
' Je ne vois pas où M. Graillot aurait trouvé dans Varron une al-
lusion à un archigalle (Graillot, op. cit., p. 104). Les lignes de Varron
qu'il a citées à ce propos {ibid., n. 6) ne nomment point l'arehigalie ; et
dans les fragments des Euménides n'interviennent que les gaUi et les
gallantes (cf Hepding, op. cit., p. 12).
26H A'niiiEiA
Sous ceUe forme, la jilirase de Pline ne prête a aucune, ainl)i-
giiité. Parmi les niivres de Parrhasios, les anciens comptaient un
portrait, plus ou moins libre, d'archigalle : et comme le floiuif de
ce peintre se place entre la fin de la guerre du Péloiwnnèse ' et
les environs de l'année :{70 av. .1. C. \ il résulte de cette iden-
tification du tableau du maître que l'institution des archigalles de-
vrait remonter à la seconde moitié du V siècle avant notre ère,
au plus tard ; et il senilileiMit, en conséquence, que les historiens
qui tiennent i)Our rorij;inft orientale et reculée de Tarcliigallat
dussent s'en prévalnji- viotorieu.sement.
Or, c'est à peine s'ils osent en tirer parti. Goellier ])asse la
phrase sous silence^. M. Lafaye écrit à l'iraproviste : «Pline l'An-
eien est le premier (|iii |).irle d'un arcliigalle : il est probable que
ce titre s'introduisit soim Claude » ' et invo((ue brusquement au se-
cours de la vérité le seul texte qui la démente expressément, comme
si, en son for intérieur, il frappait l'information de Pline d'anachro
nisme rédhibitoirc. M. Ilepding, qui la transcrit, se borne :\ nous
renvoyer à un commentaire de Zoëga qui en conteste le fondement '.
Non seulement, M. Graillot n'en fait point état, mais il exprime l'avis
que le nom de galle, dont dérive celui d'arcliigalle, n'entre en usage,
dans la langue grec(|ue, ([u'à « l'époque macédonienne » ", .soit un
demi-siècle environ aju-ès la mort de Parrhasios. Enfin M. Cumont,
si favorable qu'elle soit à sa thèse, renonce à l'exjjloiter. 11 la cite
' Cf. Paul Girard, 7,« Peinture untique, l'aiis, s. d.. j). 210.
' Cf. Ad. Keinaeli, op. rit., p. -m. n. 261 et p. 226. n. 1.
' Goelher, op. cit., p. 40.
* Lafaye, op. cit., loc cit., p. 14r)7.
^ Hepding, op. nt.. p. 22. Siii- le raisonnement de Zoi'ga. ef. in/ru.
].. 270.
« Graillot. np, cit.. p. 2!t2.
ATTIDEIA 2Gi*
dans sou article Air/iifidUus, mais en remartjuaut que les auteurs
grecs ne fournissent point d'autre exemple du mot zp/iyaAAo; '.
Dans son article guUos, il la mentionne ;\ nouveau, mais c'est pour
l'écarter: à l'entendre cette fois, la notice de Pline repose sur
quelque quiproquo; et la peinture que possédait Tibère peut bien
avoir été un faux ". Ainsi le texte de V Histoire XafureUe embarrasse
ceux mêmes aux mains desquels il met la seule arme capable de
défendre leur théorie. Pourquoi celui qui ne partage point leur
opinion a'iuclinerait-il devant l'autorité qu'explicitement ou non ils
rejettent à l'envi ?
L'hypothèse du «s faux Parrhasios » serait, en vérité, aussi com-
mode que spirituelle. Mais, difHcileraent compatible avec l'éducation
et le sens artistiques dont Tibère semble avoir été doté ^, elle dé-
place les données du problème, sans le résoudre ni les changer.
Car un faussaire doit commencer par mettre les vraisemblances
de son côté: et pour attribuer un arcliigalle à Parrhasios avec
quelques chances de succès et faire recevoir le tableau comme tel
au temps de Tibère, il fallait que tout le monde fût alors persuadé
que les archigalles existaient déjà, lorsque peignait Parrhasios, ce
qui ne nous oblige pas strictement à en reporter l'origine jusqu'au
Y' siècle av. J. C, mais nous contraint tout de même à la recher-
cher, non seulement plus liant que le principal de Claude, mais
au delà de la conquête romaine, en pleine période hellénistique.
Reste la confusion dont M. Cumont a aussi parlé : mais nous
ne sommes en droit de la supposer qu'à la condition d'en rendre
compte.
C'est bien à quoi se sont attachés les modernes qui, indifférents
à l'histoire de la religion métroaque mais passionnés pour celle de
l'art antique, cherchèrent à reconstituer les « sujets » d'un de*
1 Cumont, P. W.. II, c. 484.
' Ibid., VII, c. 676.
3 Cf. infra, p. 282, 2f^3.
270 ATTIDEIA
plus grands peintres de l'IIellénisme. Toutefois la diversité de leurs
tentatives est signe qu'elles n'ont point pleinement réussi : et, de fait,
elles se réfugient en des à-peu-près dont une criti(|ue tant soit peu
exigente ne saurait se contenter.
Adolphe Keinacli a d'abord songé à identifier l'areliigalle de
Parrhasios avec le taldeau du mégabyze que Ttetzès attribue à cet
artiste '. Les mégaljyses ont posé d'autres fois, et devant les plus
grands, Zeuxis ' et Apelle ' ; et ils avaient fini par atteindre, du
t'ait de leur physionomie spéciale et de leur costume extraordinaire,
;'t la généralité d'un type pictural *. Il ne .serait donc pas impos-
sible « priori qu'une érudition superficielle eût brouillé les hiérar-
ciiies, et pris pour un grand eunuque du culte métroaque le grand
prêtre eunuque de la Diane d'Kphése '. Mais à relire Ttetzès, on
se convainc qu'exécuté à Kphèse « le mégabysc » de Parrhasios
n'avait pas quitté cette ville. Ce n'est donc pas lui qui vint échouer
dans le « cubiruhan » impérial, et, avec une clairvoyante loyauté,
.\dolphe Reinach a tout de suite abandonné son explication.
.\utrefois, Zoega avait émis l'idée que « l'archigalle » de Par-
rliasios représentait, en leur mollesse équivoque, les formes nues
de rarchigalle idéal, du servant divin de Cybéle que fut le bel
.\ttis ''. Kt Adolphe Keiiiach qui, finalement, s'est rallié à une opi-
nion voisine, conclut, de son côté, que l'archigalle de Parrhasios
était « un jeune prêtre de Cybèle que la perte de la virilité a
eflféminé » '. Mais on se demande alors pourquoi ni Pline ni l'auteur
' Ttetzès, Chil. VIII, 398-404: cf. A. Keinach. oi>. cit., n. 281, p. 2.34,
et p. 233, n. 3. Cf. Pfulil, Malerri itml /.eichnxtng (1er Griechen, Munich,
1023, II, p. 693.
- Elien, Hi^t. Vni:. 11. -2: cf. A. Keinach. op. cit., n. 210, p. 192-193.
3 Pline, X. H.. XXXV, 93. Cf. A. Reinach, op. cit., n. 4ti9, p. 352.
* Cf. Quintilien, Inst. Or., V. 12. 21, cité par A. Reinach, op. cit..
p. 234, n. 1.
■'' Cf Ch. Picaril. Kphèse et Claros. Paris, 1922, p. 163 et guir.
* Zoëga, Bassirilieri antichi, Rome, 1808. p. 98, n. 85.
' Ad. Reinach, op. cit., p. 233, n. 3.
ATTIDEIA 271
de Pline n'ont désigm'' le modèle par son nom, pourquoi, l'un après
l'autre, ils auraient recouru à une dénomination, dans les deux cas,
aussi gravement inexacte. Si Parrhasios avait jeté son dévolu sur
un galle adolescent, pourquoi la voix publique aurait-elle promu
ce modèle, en dépit de sa jeunesse, au rang suprême et tardif de
la hiérarchie métroaque ? Et si c'est Attis même que Parrhasios
avait représenté, Attis dans l'éclat de sa nudité, pourquoi lui im-
posa-telle le nom d'un de ces prêtres du Dieu, que l'on ne conçoit
et qui ne figurent ailleurs qu'empêtrés eu de longues robes de fem-
mes et surchargés de colliers, de bracelets et d'innombrables pende-
■ loques!
Au fond, tout le monde voit la difficulté qu'eût éprouvée Par-
rhasios à aller peindre à Pessinonte un galle authentique ' et le
peu d'intérêt qu'il y aurait pris. Tout le monde sent l'absurdité
<iui consiste à accepter, sur la foi des copistes de Pline, que Tibère,
l'ennemi des superstitions étrangèi'es, le persécuteur des cultes égy-
ptiens et sémitiques, le prince qui, sans pitié, chassa de la Ville
les mages et les astrologues - ait poussé l'inconséquence jusqu'à
s'éprendre d'un vieux castrat d'archigalle, et la dépravation jusqu'à
en accrocher l'image dans sa cliambre à coucher ^. Alors on
garde la phrase de Pline, puis on s'empresse de la tourner, pour
éviter le ridicule d'une interprétation insoutenable. Mais ce n'est
pas respecter les textes que de modifier aussitôt et sans droit la
signification consacrée des mots qu'ils renferment; et, plutôt que
de conserver la leçon arrhiiinUum, que les manuscrits nous trans-
mettent, mais qui, correctement comprise, nous mène droit à une
' Cf. A. Reinach, uij. cit., p. 233, n. 3 : . . . c'est à Eplièse que Panhasios
a pu avoir des galles pour modèles.
' Sur l'attitude de Tibère à l'égard des religions orientales, cf. Suêt.,
Tib., 36; Tac, Ann., II, 32 et 85.
^ Cf. Zoëga, oy. cit., loc. cit. : Non so immagiuarmi corne un vecchio
eunuco, quali essere doveano i bommi sacerdoti di Cibele, per Tarte un
grato oggetto essere poteva.
272 ATTIDKIA
impasse, il est pri-fi'Table d'en proposer une correction qui resti-
tuera sa vraie forme à la phrase de Pline, et du même coup, lui
rendra le sens cummuii.
Rarement, il tant l'avouer, le besoin de V^mi-ndatio ciitica se
fit aussi cruellement sentir qu'en ces quelques li^rnes dont les données
accessoires, plus ou moins défigurées ])ar la tradition manuscrite,
ont depuis longtemps exigé, pour devenir intelligibles, l'intervention
des éditeurs; et nous n'hésiterons plus à retoucher le sujet de la
peinture de Parrhasios quand nous aurons dû, au préalable, rétablir
le prix auquel elle était estimée '.
Tous les manuscrits, à l'exception du plus ancien, portent:
]IS LX uestiiiiatHiii. Seul, le liandieniensis (X*" sièclej donne HS
LX aestimuUtm. Il est, incontestablement, meilleur. Une estimation
à 60 sesterces, soit :\ 15 deniers qui feraient environ 16 francs-or,
d'une onivre de Parrhasios, implique une telle sottise qu'il n'y a
pas lieu de s'y arrêter: le chiffre du Bamherqensis constitue un
iiiinimiiiii au dessous duquel le bon sens nous interdit de descendre.
Mais ce minimum est-il le chiffre exact? Jahn, le premier, ne l'a
pas pensé. Il a jugé à bon droit que soixante mille sesterces
(= 15000 deniers = 16100 francs-or) représentaient une somme
notoirement inférieure à celle que devait valoir, au temps de Tibère,
un original grec du 1'"'' tiers du IV siècle av. J. C. Aussi bien,
puisque Pline s'est obligé à inscrire en face de la iieinture de
Parrhasios l'évaluation k laquelle elle avait été taxée, c'est que la
valeur en était considérable et appelait, par son énormité, une mention
particulière. Jalin :\. donc eori'igé LX en ILX et sa correction est
' Je crois qu'il faut retoiiclier aussi le nom de Vanrtor \\u\ a renseigné
Pline et revenir ;'i la lecture des anciens éditeurs: T). Kpulo. Je me propose
de revenir l)ientôt :ullcMr8 sur ev point.
ATTIDEIA 273
généralement admise aujourd'hui. Majiioff l'a insérée dans son texte;
et Adolplie Reinaeh n"a pas manqué de la prendre pour base de
la traduction que nous avons reproduite. Ainsi A'emendatio en emen-
datio, l'archigalle de Parrhasios a passé de soixante mille sesterces
(= 16100 francs on à soixante fois cent raille sesterce8(= 1.610.000
francs-or). Mais j'ai la conviction que les éditeurs sont tombés
d'une exagération dans l'excès contraire, et que si les manuscrits
ont déprécié Tceuvre du peintre d'Ephèse, la leçon — 6 millions
de sesterces — qu'ils y rétablissent maintenant la surestime avec
autant d'invraisemblance.
Les prix d'oeuvres d'art célèbres abondent au livre de Pline ;
et d'autres auteurs anciens nous ont i)rocuré des indications de
même ordre. Si l'on fait alistraction de celles qui concernent les
« colosses », aucune ne s'élève à la hauteur vertigineuse où cul-
mine ce tableau de chevalet. Pour seulement en approcher, il faut
s'évader de l'époque sur laquelle Pline est le mieux informé, remonter
jusqu'aux temps légendaires du roi Candaule qui paj'ait les ouvrages
des peintres au poids de l'or: « repensam auro » '. Les Attalides,
malgré leur opulence, n'ont payé le Dionysos d'Aristide que 600.000
deniers, soit 2.400.000 sesterces ■ ; et ils n'offrirent de la Nekyo-
raanteia de l'Athénien Nicias que 60 talents, soit 1.4-iO.OOO ses-
terces^. Alexandre lui même, dans l'ivresse de son triomphe, n"a
versé à Apelle, son peintre-lauréat, pour le grand Zeus fulminant
qu'il destina au temple d'Ephèse que vingt talents, soit 480.000 se-
sterces, s'il s'agit de talents d'argent, et, au plus, 4.880.000 sesterces,
s'il s'agit, ainsi que Pline le prétend, de talents d'or '. Quant aux
Romains, ils se montrèrent, dans leurs achats, beaucoup moins pro-
' Pline, X H.. XXXV, 5.5.
- Ihid., 24.
' Ibid.. 132. Pline à pris soin, d'après VarroQ, d'établir pour nous le
rapport du denier, et partant du sesterce, qui est un quart de denier,
au talent attique: Tukntnm Atticum >j<; VI taxât M. Varro (Ihid.. loti).
< Ibid., 92.
(ligues que les rois lielh'iiisticiues. Muiiiniius Jugeait plus expéditiC
(le confisquer que il"aequ(';rir (les peintures dont les prétentions <h-
leurs initciirs lui l'ai^Hicnt soup(;onner le pouvoir magique '. Plutôt
((ue de faire les Irais de l'original, Lueullus aeheta 2 talents, c'est
à dire moins de ôO.OOO sesterces, une copie de la Stépbanopolis
de Pampliile '. Hortensius obtint ponr 144.000 sesterces les Argo-
nautes de Cydias, dont la eél(';brité durait encore au IV' siècle de
notre ère, quand les i;('gionnaire8 d(''signaient jiar leur nfini le por-
tique oi'i cette peinture fut exposée '. Agripi)a négocia, avec les
magistrats de Oyzique, l'acquisition de deux œuvres de maîtres, un
Ajax et une Aphrodite. |)our 1.200.000 sesterces les deux ^ : et
Jules César décida 'riinoniaclios de Byzance à lui céder un Ajax et
une Médée pour l.i soninie globale de î^it talents, ce qui ne fait
point tout k fait 1 million de sesterces par ouvrage ' ; enfin Strabon
nous a gardé le souvenir de la libéralité dont Auguste fit preuve
à l'égard des gens de Cos à i|ui il venait d'enlever l'Aiiadyomène
d'Apelle: 100 talents, soit, au total 2.400.000 sesterces". Si de
la peinture nous passons à la sculpture, le soi-disant archigalle de
l'arrliasios, évalué selon les calculs de Jahn et de Maylioff, conti-
nuerait à battre tous les records. Le Diaduméne de Polyclète, liien
que ce cliifi're fit ])artie de sa gloire, ne valait que 100 talents.
2.400.000 sesterces: Polyditus Sicyonius Diadumeiium fecit moUiter
iiirenem centum falfntis nohilitatum '. Les ouvrages des ciseleurs
d'or les plus i-ecliercliés coûtaient un demi-million de sesterces au
maximum *. Arcésilaos, dont les statues faisaient prime sur le marché
1 Pline, N. H.. XXXV. 24.
« IbJil, 125.
3 Ibid., 130.
* Ibid., 26.
^ Ibid., 13R.
5 Strabon, XIV, 2. i;t, p. (i57 C.
■ Pline, N. H., XXXIV, 55.
« Ibid., XXXIII. 186.
de la sculpture, avait promis de livrer à son ami Lucullus, pi.ur
un million de sesterces, une Félicitas qui aurait fait pendant à la
Venus Genitrir érigée, plus tard, sur le Forum de César: mais
la mort survint avant qu'il ne l'eût exécutée, et la grosse somme
convenue ne fut jamais payée'. Seuls les divers «colosses», dont
Pline a établi le prix de revient avec la même minutie qu'il en
a mesuré les dimensions gigantesques, atteignent on dépassent les
proportions pécuniaires de la petite peinture de Parrhasios qui te-
nait, avec bien d'autres meuliles, dans la chambre à coucher de
Tibère: le Mercure du Puy de Dôme qui exigea dix ans d'eft'orts
et une dépense de 4 millions de sesterces \ le Colosse de Rhodes
que Charès de Lindos avait dressé à 70 coudées de hauteur pour
800 talents ou 7.200.000 sesterces '. La correction de Jahn reste
écrasée sous le poids de telles comparaisons, et nous devons de-
mander à un examen plus attentif des manuscrits d'en dégager le
texte qu'elle compromet.
Elle part, en effet, d'une observation juste mais incomplète.
Elle s'appuie sur la simplification fautive, par les copistes, des
indications numérales, mais elle n'en a pas suttisamment pénétré le
mécanisme.
Les Romains ne disposaient pas. eu général, de signes spéciaux
pour les chiffres. Ils devaient jusqu':i mille, emploj^er des lettres
de leur alphabet, et, pour les milliers, ces mêmes lettre surmontées
d'un trait. Mais ces procédés rudimentaires étaient gros de méprises.
En effet, les copistes avaient pris l'habitude, lorsque des lettres
affectées d'une signification numérique intervenaient au milieu des
autres, de les en distinguer, non seulement en les Hanquant de points
séparatifs, mais eu leur superposant une barre horizontale. Si bien
que dans tout manuscrit littéraire, soigneusement calligraphié, le
' Pline. X H.. XXXV, 1.Ô6.
* Ihid., XXXIV. 40.
= Ihid., 41.
groupe LX du Bnmberfieiisis peut îiuksî bien «'interpréter 60 que
60000 et (|ue s;i vérituhle valeur est ù déduire du eontexte. Cette
iii(létfniiin;itiiiii intrinsèque rendait superflues, dans la plupart de-
eafl, les prérautimis des eupistes: et ils ont dil, de très bonne heure,
s'en dispenser. Dans la majorité des nianuserits de Pline, elles n'ont
été prises (|ue par exeeptinn : et (|uand elles y figurent, elles sont
capables, conmie pimr le Iliniilirriii-iiais. d'en aeei'oitre l'autorité:
mais elles ne nous ])ernietteiit pas ]iiiiir -^i peu d"o])ter entre les
milliers ou les simples unités : et elles ne nous intei'diseut pas non plus,
si le eontexte nous y eufçaj^e, de monter ju.squ'aux centaines de mille.
Pour dénombrer les centaines de mille, les Romains avaient bien
adopté un signe plus développé, un cadre entourant les lettres qui
les comptaient d'une barre horizontale au dessus d'elles, et de deux
hastes à droite et à gauelie, et formant comme un trapèze sous
lequel elles s'alignaient. En théirrie. rien n'était plus caractéristique
que ce rectangle incomplet: | | et qui dut plus t'acileni<-nt éviter
les erreurs. Mais, en pratique, cette distinction supplémentaire ne
servait pas à grand chose, sinon peut-être à faire jaillir de nou-
velles sources de confusion. Nous savons, en ett'et. par les inscriptions.
qu'au second siècle de notre ère les gra\eurs y recouraient pour
signifier les mille ', coucurremeut avec l'autre procédé : et il est
prol)able que les copistes, dès le même temps, partagèrent ces er-
rements: dans le vain es])oir d'écarter un malentendu, ils en créaient
un autre, et précipitèrent, sans aucnii doute, un discrédit iiui n'avait
pas attendu, pour se manifester, leur initiative malheureuse.
Dès le premier siècle, il était devenu très ditticile de distinguer
entre les milliers et les centaines de mille. Suétone nous conte une
anecdote qui en dit long à cet égard. Livie avait laissé :i celui
qui devait être l'empereur Galba un legs particulier de 50 millions
de sesterces: IIS |('CC('('|. Mais l'avarice de son fils veillait : sous
' Cf. Cagnat. Cniirt! d'i'piymphie ^ \\. .">-2.
ATTIDEIA 277
le prétexte que le legs avait été attribué en chiffres et non en
lettres, il ramena la lil)éralité de sa mère à 500.000 sesterces;
HS CCCCC. et eut la satisfaction de voir Gallja la décliner '. Sous
Tibère, par conséquent, ou déjà l'habitude était contractée d'encadrer
les milliers des barres réservées, en principe, aux centaines de mille,
ou les barres étaient souvent si faiblement marquées que la valeur
des chiffres qu'elles encadraient continuait de flotter, incertaine,
enti-e les mille et les centaines de mille.
L'épigraphie nous permet, en effet, de suivre toute la série
de dégradations par laquelle les deux notations finissaient par se
rejoindre. Les inscriptions nous fournissent assurément nombre
d'exemplaires du type défini plus haut :
|XV*, à Rome i f '. /. L.. VI, 10050).
IXVlllI, à Milan (C. /. L., V, 5262).
|T|. à Veleia iC. I. L., XI, 1147, xiii et xvii).
|XI1I|, à Sieca >€. I. /,., VIII, 1641).
Mais elles en contiennent, aussi, des variantes de plus en plus
fantaisistes et négligées :
1. )XX(. à Ostie (C. I. Z., XIV, 98).
2. yx(. à Capoue (C. I. L., X, 3851 et 3852).
3. I XX j, à Nimes (C. I. Z., XII, 3313).
4. 10"'. :V Bénévent [C. I. /.., IX, 6072).
5. iTT, il Bénévent (C. T. L.. IX, 6075).
6. I XV ', près Bénévent (Notizie degVt Scavi, 1897, p. 160).
Or ces différents dispositifs sont loin d'avoir la netteté du modèle.
La figure 4 conduit tnut droit à la suppression pure et simple des
' Suétone, Galha, 5: Sestertium namque quingenties ciim praecipuum
inter hgatarios habuisset, quia notata non perscripta erat summa, herede
Tiherio legatum ad qiiingenta revocanie, ne haee qiiidem accepit.
iUtnnges dArch. H iFUixI. KtîA.
278 ATTIDKIA
tiaiTPs vf'rtioales et à la réduction fonséquente des Cfiilniiii's de
iiiillf aux milliei-s. La figure 3 y mène indiroctement en multipliant
les posHJljilités d'une des fonfnsions les plus habituelles aux copistes:
celle du point séparatif et de la liaste droite '. Les figures 6 et 7
sont égalcuu-iit pi rilleiiscs, par l'inégalité éventuelle de leurs branches
verticales et par la présence irrégulière des points séparatifs qui
les encadrent °. La haste plus courte, ou la haste que n'accoste
aucune piniçtuation doit être vue fatalement par un leil distrait
coninie un point séparatif: l'autre haste, isolée par cette première
niélecture, tend alors à se fondre en celles des lettres qui, tout eu
se rapprochant d'olleniènie par leur forme, comportent une signi-
fication numérique compatible avec le contexte, soit l'unité exprimée
par une ligne verticale que rien ne distingue d'une liaste d'enca-
drement, soit le chiffre 50. rendu par un L dont la confusion avec
l'I est perpétuelle dans les manuscrits •. Toutes ces causes d'erreur
ont joué tour :'i tour dans le texte de l'Iine pour le fausser; cf.
])our peu que nous nous arrêtions aux données de centaines de
mille qu'il comporte, nous constaterons ([u'elles ont indifféremment
snlii CCS diverses déformations.
Al. Oinissi'/ii.
1. l'iiue. JI. X.. XXXIII. l:i7 :
Xt'ifis copiiis hoc est |r//| LXXXVI 1 1 Imminum.
La présence initiale de l'encadrement n'est pas douteuse, puisque,
])récédant l'indication des simples milliers, le chiffre VII ne peut
désigner que les centaines de mille. Or, sauf le Bambergetisis, tons
les manuscrits ont omis l'encadrement.
' L. Ilavet, op. cit., Jj ISn.
' lliid., ^ 607, 637, etc. Il est à noter. i)ar cxomplo. ipie sur rinscription
<lcs Xotizie. le point séparatif, gravé à gauche, fait défaut à droite.
ATTIDEIA 279
2. Pline, H. N., XXXIII, 156 :
Zopijrus qui Areopagitas et iudiciiim Orestis in duolms sii/j/iiii
JfS I XII I aestimatis fecit.
Les centaines de raille, postulées par le sens sont correcteinent
exprimées par le Bambergensis JXII |; mais les trois barres entre
lesquelles il les a inscrites manquent à tous les autres manuscrits.
B). Transformations.
1. Transformation de la haste de droite en l'unité'.
Pline raconte qu'en S av. J. C, sous le consulat de C. Asinius
Gallus et de C. Marcius Censorinus, C. Caecilius Isidorus, dont le
patrimoine avait pourtant gravement souffert des guerres civiles,
publia un testament qui dénombrait ses jmmenses richesses et dis-
posait qu'une somme de 1 million de sesterces en serait distraite
pour couvrir, le moment venu, les frais de ses funérailles :
H. X., XXXIII, 135: funerari se iussit HS [x~\.
Le texte n'est pas douteux ; et s'il a négligé la barre hori-
zontale supérieure, le Bamhergensis n'a en garde d'oublier les hastes
latérales: |X|. Or les autres manuscrits ont transformé cette in-
dication de 10 centaines de mille en 11 mille: XL Visiblement,
comme ils avaient commencé, soit par omettre la barre de gauche
trop brièvement indiquée sur leur modèle, soit par l'assimiler à un
point de séparation, ils ont, par une conséquence toute naturelle,
convertira barre de droite en la lettre I qui signifie l'unité.
2. Transformation de la haste de yatohe en L.
Le passage de Y Histoire Naturelle, cité plus haut, où Pline
nous met au courant du marché intervenu entre Lucullus et Ar-
césilaos se termine par la phrase suivante (XXXV, 156): eidem
a Lucullo HS \x\ signant Feliritatis loratum cui mors utriusque
inviderit.
•iHO ATTIDEIA
Le chiffre des oentaiiics lie mille est attestf'- dans le liamhei-
<je>isis par un dessin identi(|ue au précédent: | X |; mais les autres
manuserits donnent LX. Leur faute est inverse de la précédente,
et procède des mêmes raisons, retournées.
De ces deux transformations, quelle était la plus fréquente.
A priori, il semble que l'insertion erronée du chiffre L doive avoir
été plus répandue que l'autre ' : mais pour le problème qui se pose
à nous, cet élément ne présente pas d'intérêt, puisque le passage
en discussion ne comporte pas une indication de l'unité. Si donc
il est vrai, comme tout le monde en tombe aujourd'hui d'accord,
que nous ne puissions faire autrement que de restituer des centaines
de mille sous la leçon HS LX du Bambergensis, nous n'avons que deux
moyens à notre disposition : la corriger en 6 millions de sesterces, en
supposant avec .lahn, Mayoff et Adolphe Heinacli. qu'elle a laissé
tomber les barres verticales qui marquaient primitivement la somme :
|l.X (, on la rétablir en l iiiillinn de sesterces: 1 X 1. en sup-
posant qu'elle n'a laissé tomber que la seconde et converti la pre-
mière en L, par la méprise qui a aveuglé tous les copistes moins
un sur les conditions réelles du contrat passé entre Lucullus et le
sculpteur Arcésilaos. De ces deux termes, le premier est exclu en
fait par l'échelle des prix ([ue nous avons dressée tout à l'heure.
C'est donc le second que nous sommes forcés d'adopter. Et le membre
de phrase où Pline évalue la peinture de Parrhasios, que Tibère
;ivait placée dans sa chambre à couclier, doit être lu, sans aucun
doute :
IIS |X| uestimatam cuhicnlo mio i/ir1nslt \^Tiberins].
' Voici une contre-épreuve empruntée à Suétone, Caes., 42: « l't
exhmcstne quoqne urbis f'reiiuentia suppeieret, saiixit, ne quis civis maior
annis nginti minorre decevi qui sacramenio non teneretur, plus triennio
continno Italia abcsnet •. Decem est impossible. Le sens re(iuiert LX qu'a
en effet restitué Casaubon. Le chiffre L a été confondu avec un point
séparatif et LX est devenu \.
ATTIDEIA 281
Mais il y a une catégorie de signes qui donne lieu, dans les ma-
nuscrits latins, à. plus de fautes encore que les chiffres romains, ce
sont les mots tirés du grec et, comme tels, estropiés deux fois pour
une '. L'accusatif arcfiigalhim, dans le passage controversé, est cer-
tainement l'un d'entre eux. Comme tous les vocables à forme grecque
ou dérivée du grec dont Pline affuble les peintures et les statues
des artistes grecs, il procède du titre que la critique d'art et l'opinion
liellénistiques attribuèrent avant lui à l'reuvre de Parrliasios. Ses
manuscrits nous l'ont transmis sous une forme entièrement latine,
mais elle ne doit pas nous faire illusion. Ils contiennent encore trop
de mots écrits en caractères grecs, et les fautes dont leurs transcrip-
tions de mots grecs en caractères latins sont émaillées sont trop
nombreuses^, pour que nous ne soyons pas invités à admettre que
l'archigalle de Parrhasios figurait en grec dans l'archétype. Anhi-
gallum est la transposition obligée i^ircJùgullon ', et archignUon
la transposition normale d' APXIPAAAON *. Neuf siècles se sont
écoulés entre la leçon primitive et celle du plus ancien de nos ma-
nuscrits. Il n'est point surprenant que l'étude des faits nous ait
déjà contraints à supposer une méprise sous le texte que ces ma
nuscrits nous ont transmis ; et il était, en quelque sorte, fatal que,
dans un intervalle aussi long, et au cours des transformations mul-
tiples subies par le texte original pour passer d'une forme grecque
écrite eu caractères grecs à une forme grecque écrite en caractères
latins et de là h. une forme pliée aux lois de la déclinaison latine,
des fautes vinssent s'y glisser: nous en ressaisirons la genèse, pour
' L. Havet, op. cit., S 873-875.
' Cf. Pline, N. H., praef., 24, 25, 33, et VII, 210.
^ Cf. Pline, X. H., XXXIV, 59: Pythagoras... ApoUinem fecit qui
DicaeuK appellatus est (Dicaeus — S:/.o.<.;;).
* L. Havet, op. cit., S 788: Un éditeur est fondé à admettre les ca-
ractères grecs quand il y en aura des traces directes dans les mss.
282 ATTIDKIA
Itcu qu'à l'aide des observations de Imn sens que le contexte et la
situation nous imposent nous essayons de remonter, de proche en
proche, jusqu'à la fjrapliic ;,'rocque que nos manuscrits ont finale-
ment défij^urép.
Ija pciiitiirc de l'arrliasios que désigne le terme à rétablir |)lai-
sait infiniment à l'empereur Tibère: il l'aimait — aniavil — ; et
séduit par elle, il l'avait renfermée, comme un précieux trésor, en
sa chambre à coucher: ruhirulo siio incluait. Ne saurions-nous déjà
être guidés par sa prédilection et la vogue de son temps ? par les
goûts de sa caste et ses idées personnelles en art ?
Comme les princes de sa maison, comme les grands seigneurs
de vieille roche parmi lesquels il était fier de compter ', il se flattait
d'être un connaisseur, et il ne l'était pas autrement que les autres.
Après lui. Néron s'éprendra de l'Amazone de Strongylinn, celle que
la beauté de ses cuisses avait fait surnommer l'Eucnèmos, au point
(le ne jamais s'en séparer, de l'emmener en ses voyages et de la
loger avec lui sous sa tente " ; et Caligula s'entlaniniera pour l'Hé-
lène et l'Atalante de Lanuvium d'une si grande passion qu'il les
eût emportées dans son jjalais s'il avait pu les détacher du mur
où elles étaient peintes à la fresque ^. Avant lui, Auguste avait subi
le charme du grand peintre de femmes qu'avait été Nicias, et il
s'était empressé d'enlever aux Alexandrins son Hyacinthe *, bril-
lant portrait d'un bel adolescent « aux jambes bien droites, aux
bras <léjà vigoureux, aux rondeurs charnues » ^. Til)ère, comme Au-
gnste, Caligula et Néron, est friand des jolies études de nu. N'est-
ce-pas Pline qui nous raconte, en un autre passage de l'Histoire
KittnrrUc. ((iTil s'était follement engoué de l'Apoxyomenos de Ly-
' Sur ce caractère de Tibère, cf. Gelzer, s. v.. /'. 11'.. X. p. 520
et suiv.
■■' Pline, N. H., .KXXIV, 82.
' Ihid., XXXV, 17.
* Ihid., XXXV, 121.
■^ l'hilostr. l'Ane, XXXIll. trad. Bougot. p. 3i;t-320,
ATTIDEIA 283
sippe et qu'il avait remplacé l'original par une copie à l'entrée des
Thermes où Agrippa l'avait ti,\é, et emporté, comme un voleur, dans
sa chamlire à coudier ', cette vivante représentation d'un éplièbe
svelte et robuste qui sort du bain après la palestre ' ? Avec son
temps, Tibère aimait la force, mais en sa fleur, et le charme fé-
minin, même en des figures viriles. Son goût, comme celui de l'é-
poque, recherchait les formes caressantes et s'imprégnait de sen-
sualité. Une secrète affinité le rapprochait, en dépit des siècles
révolus, de Parrliasios, l'artiste ami du luxe et du plaisir, qui se
vêtait de pourpre et se chaussait de sandales nouées de courroies
d'or ', le peintre des délicatesses charnelles, qui, disaient ses ad-
versaires, nourrissait ses créations, non de viande, mais de roses \
et qui se délassait de ses grandes compositions par de petits sujets
libertins '. Ces préférences sont si marquées que, pour y adapter
la leçon des mss. de Pline, les modernes, de Zoëga à Ad. Reinach,
n'ont pas hésité à l)ousculer le sens usuel des mots latins et à
affirmer que le Parrhasios qui voisina avec l'Apoxyomenos dans le
cuhieulum impérial consistait en un Attis ou en un jeune prêtre
nu ; forcé de renoncer à cet expédient par la signification de l'ac-
cusatif anhigaUum, je ne puis lui substituer qu'un vocable qui les
respecte, un titre qui convienne à ce tableau de boudoir, à cette
peinture d'alcove, quelque chose comme ce « Couché de la mariée »
que la gravure de Moreau le Jeune, au XVIIP siècle français, a
popularisée.
Considérons un instant, le problème comme résolu: et puisqu'aussi
bien la « nouvelle mariée » se dit, en grec, àpTiyy.y.o;, supposons
que c'est ce nom grec, à l'accusatif, que Pline avait copié sur ses
' Pline, N. H., XX. XI Y, 62.
- M. CoUignon, Lysippe, p. 35.
' Athénée, XII, p. 543 C.
■* Plut., De gloria Athen., 2.
•'• Pline, N. H., XXXV, 72: Pinxit et minoribiis iabellis lihidines, eo
génère petiihtntis ioci se reficiens.
284 ATniiKiA
auteurs. La ti'ansitiou sera aussi ai^^ée, nous Talions voir, d'AI'rirX-
IMON ù AP\li"\AA()\ que celle (rrs/iYzV/.ov à archiiiaUum.
Il iiVfit pas (le méprise plus hanale que celle de deux A pour
un M, et r('ci]iro(|ucnipnt. Le mot TAMOC et If mot l'AAAOC,
bien que de sens irréi-onriliables, étaient laits pnur se confondre à
chaque instant: le style du copiste, anienc :i les tracer madiinalc-
ment, allait plus vite que sa réflexion, et, par exemple, le fonc-
tionnaire subalterne du service de Tldiolo^'ue, arrivant à la régie
par laquelle ce haut fonctionnaire prescrivait à tous ses subordon-
nés de confisquer une part des hérédités testamentaires laissées par
des castrats ou des impuissants n"a ])as iiian(|né de l)rouiller les
lettres, et, là où le sens requiert «les eunuquis ». TAAAii.N, de
copier tranquillement «les mariages», TAMiiN'. Invei-sement, si
le texte de Pline portait AI' l'irAMON, un copiste étourdi a pn
lire et transcrire AP Tir AAAO.N.
M;iis cette premièi'c mélecture dni( en déclenrhor aussitôt une
autre, corrélative, simultanée. AI'TIPAAAO.N ne donnant aucun
sens, il était inévitable que le T qui s'écrit 1 dans les papyri
en curiale du I""' et du IT siècles se transformât en un \. (|iii, dans
les papiiri de la même époque, s'écrit par deux barres s'intcrceptaut
plus i)rès de leur sommet que de leur base ". IjCs deux lettres
étaient paléographi(|uemeut interchangeables ', et le passage d" APTI-
TAAAON à APXITAAAON s'effectue par un processus qu'on peut
qualifier d'automati(iue.
Du point de vue de la psychologie, la faute n'est ni moins lo-
gique ni moins compréhensible, et procède de ce principe de bana-
lité croissante si bien mis en relief par M. L. Havot V Le mot
' Gnomon de Idiohijiu\ 1. 244. Cf. l'apparat ciiticpie de M. Th. lîei-
nach, et, supra, p. 247.
- Gardthausen, Grierh. Palaeoijraphze, Leipzig, 19l;î. pi. 1.
' Voir les trois premières colonnes du tableau dressé par Thouipson.
Introduction to greeh... l'alaeoiiraplii/, Oxford, 1912, p. 192.
* L. Havet, op. cit.. S 8.^1 .
ATTIDEIA 285
xori'^'y.ij.oz était le mot juste, mais c'était un mot relativement rare,
sans analogie avec le latin, et où les copistes ignorants étaient
condamnés à trélniclier. Les Grecs de Tépoque classique avaient un
terme quasi technique pour désigner la nouvelle mariée : -/ûapr, '
qui se trouve déjà dans Homère avec cette acception et dont les
Romains ont tiré mjmplm '. Mais il comportait, dans les deux lan-
gues, d'autres significations, et entre autres, celle de nymphe, di-
vinité des eaux. A défaut de contexte, on ne pouvait choisir entre
elles, et cette incertitude le rendait impropre à servir isolément
de titre aux œuvres des artistes. Pour parer à toute ambiguïté,
ceux-ci devaient recourir à des noms composés sur la valeur des-
quels ne subsistait aucune indécision : Eschyle, Euripide, Hérodote,
Xénophon emploient vj&vaat,: ; à l'époque hellénistique, prévaut la
forme àpTiyzao;, ^, commune aux tardives Dionysiaques de Nonnos ■*,
aux Halieutiques d'Oppien ^, aux poètes de l'Anthologie " et aux épi-
taphes de Rome'; c'est ce vocable plutôt que le précédent, que
Pline a traduit quand, délaissant à son tour le terme amphibologique
de m/mpha, il a cité, dans ses énumérations d'œuvres d'art, d'autres
nouvelles mariées: nora nupta ^ ; et à tout prendre il était au moins
aussi répandu et régulier que la plupart des titres que les historiens
romains avaient reçus des Grecs, et que nous reconnaissons, tant bien
que mal, sous le travestissement latin dont ils les avaient revêtus. Les
noms de rîvV.vv; u.ç,: de Strongylion ■', de la Treorvô- ao/.o; de Pausias '"^
' Cf. Theaaurus grec, s. v.
2 Foreellini-De Vit, s. v.
^ Tliesaurus grec, s. v.
* Xonnos, IHonys., VIII, 190.
^ Oppien, HaL, IV, 178.
« Anih. Pal. XIV. 125, 4.
• I. G., XIV, 1835.
« Pline, Xi/., XXXV, 78; cf. Plaute, Cos., 1, 30; Varron, ap. Non.
II, 340: Juvénal, Sut. II. 117.
s Pline, N. H., XXXIV. S2.
'" Ibid., XXXV, 123.
28() AITIDKIA
de la 'jiEAio'j.aiv/, de Praxitèle', du r.zy.'j\'}h\j.vi>j% d'Antignotos '
et de Daippos ^ ne sont attestés, comme lui, que postérieure-
ment à l'époque elassiqiic; et, moins iieureux f|iif lui, les noms du
-p'.Xvi'Tco; de Canaeiios *, du tzjso/.tovo; de l'raxitéle '', du «îtao;-,'-
yvo7:r/); de Styppax ' ne sont attestés nulle part en dehors des
citations latines qui nous les ont transrais". Bien enti'iidii. i'app:!-
rat critique de Pline est liouri-é de toutes les fautes qui les ont
écorchés; et les bévues dont ils furent victimes remontent souvent,
au delà du moyen âge, à rinintelligence des premiers copistes. Le
mot àpTi'yajj.o; a partajçé leur sort. Si approprié qu'il fût à son
objet, il exi;,^eait, ])(iiir être apprécié, la connaissance du ^\w. et
ne disait plus rien à qui ignorait la langue ou la savait fort mal,
et en était réduit à chercher — ou à trouver d'instinct — , à ce
vocable irréductible à l'analyse, un substitut moins insolite et inac-
•cessible. Une des défaites où se réfugiait le plus volontiers en ])a-
reil cas la demi-science des copistes «rOccidcnt consistait dan« le
remplacement du nom commun qui les embarrassait dans le nom
propre ou le pseudo nom propre qui, par le son, s'en rapprochait
•davantage. Ainsi dans un manuscrit de Phèdre, t&O'j'; a été, tout
naturellement, transformé en Aesopus " ; et, si l'ingénieuse conjec-
ture de M. Six est fondée, l'iîiyo'jy.Év/; — la Douloureuse — que
Pline attribue à Calamis et dont la Pénélope du Vatican nous of-
frirait la réplique, s'est pareillement métamorphosée en Alcmène '.
' Pline, 2Vr. 7f., XXXIV, 70.
« Ihià., XXXVI, Hfi.
' Ihid., XXXIV. ST.
* Ibid., 75.
s Ibid., 70.
« Ibid., 81.
' Par Pline luiniênie, ou, pour sàroiî,-. par .Macrolie (Sut.. I. 17. 4!M.
Pour les exemples, voir le TJiesaicrits grec.
' L. Havet, op. cit., S ^74, a allégué cet exemple d'après Phèdre.
III, 14, 12.
■' Cf. C. li. Ac. /««•)■., 1914. p. 217 et Pline, X. H.. XXXIV. 71.
ATTIDEIA 287
Peut-être même des raisons pins intimes, jaillies de la cons-
cience du copiste, ont elle conduit sa main sans même qu'il s'en
doutât ? Un des chapitres les plus suggestifs du manuel de M. L.Havet
dénombre les fautes introduites dans les mss. par la religion : « les
auteurs classiques sont païens: or leurs copistes à l'époque byzan-
tine sont, en général, des Chrétiens; et, à l'époque Caroline, ce sont
des moines. De là, un désaccord entre les préoccupations des au-
teurs et celles des copistes: par suite, des fautes qui christianisent, soit
les idées mêmes du texte, soit l'apparence du texte, soit l'appa-
rence individuelle des mots » '. Ici le pluriel (/('/, entaché de po-
lythéisme, est recouvert par le singulier deus; là, amen, qui ne
fournit aucun sens en ces divers passages, vient évincer tamen,
agmen, ou amnem ^. comme l'idée de sainteté change XaiitJmm en
sancihum^, ou la peur de l'enfer chasse /«/)r)/(os devant /nfernos\
Mais pourquoi réserver au Cliristianisme ce privilège d'erreurs?
Dès la fin du I" siècle, en tout cas, dans le courant du H", il devait
exister à Rome des dévots de Cybèle, obsédés de ses mystères et
révérents de ses prêtres au point de les rencontrer un peu partout.
En sorte que préparée par les similitudes de la paléographie, dé-
terminée par les difficultés du grec, la conversion d'AP riTAMON
en .\PVirA.\A()N aurait été, en outre, facilitée par la popularité
du culte d'Attis et la ferveur de ses fidèles. Si cette dernière con-
jectui-e est plausible, non seulement elle confirme la théorie de
M. L. Havet par un exemple emprunté pour la première fois au
Paganisme, mais elle resserre l'enehaïuement des causes qui ont
entraîné le copiste de la le(;ou de l'archétype à celle des mss. :
et leur logicjup est un indice de plus de la justesse de notre cor-
rection.
1 L. Havet, op. cit.. S 1093.
2 Ibid., § 1094.
' Ibid., .§ 1095.
* Ibid.
288 ATIIliKIA
Mais de ce que notre emrutlafio est conséquente, il suit seulement
qu'elle est poasilile et probable. Voici qui la certifie.
Dans sa Vir de Tibère, Suétone a copieusement décrit les dé-
bauches séuiles auxquelles l'empereur se serait livré dans sa soli-
tude de Caprée'. Non content de violenter les femmes et de souil-
ler do Jeunes garçons, le Prince se serait entouré de livres porno
grapliiques et d'iinaf^es obscènes". Parmi celles-ci figurait une (cuvre
de Parrliasio>( (|u'il avait ae(|uise eu vertu d'un siii^'ulier testa-
ment. Le défunt lui avait donné à choisir entre cette peinture et
un million de sesterces: comme le tableau représentait Atalante
s'attardant complaisamment aux baisers de Méléagre, Tibère, bien
loin de s'en offenser, ne put résister à la tentation de le posséder,
le préféra au million et le mit dans sa chambre ''. Confrontons
avec cette page de Suétone le texte de Pline en discussion. Si nous
le lisons tel qu'il est édité, il faut admettre que Tibère possédait
deux tableaux de Parrhasios dans son cuhiritJum, celui dont Pline
nous a parlé, celui que Suétone rappelle comme un opprobre. Le
Parrhasios de Pline aurait représenté un archigalle et valu six
millions de sesterces. Le Parrhasios de Suétone aurait figuré les
amours d'Atalante et ne se fût évalué qu'à un million. Nonobstant
ces différences, la vérité est si forte que les modernes ont rapproché
autant qu'elles le leur permettaient les taltleaux qu'elles séparent ;
et Ad. Reinach ' et Klein '' ont supposé que, sorties du même atelier,
celui de Parrhasios, les deux peintures avaient par surcroît été
dévolues à Tibère en vertu du même testament et selon deux clauses
' Suét., Tih., 43.
ï Ibid., 44.
^ Ibid.: voir ci-après p. 289.
* Ad. Reinacii, Hevue de Philologie. 1914, p. 248.
^ Klein, Gesch. der griecli. Kuenstler, Leipzig. 1905, p. 178 et 181.
Kn cette deniière page, Klein fait même allusion à la possibilité d'iden-
tifier le Méléagre et l'arcliigalie. Mais comment, si l'on n'adopte pas la
correction ici proposée?
ATTIDEIA 289
de rédaction analogue. Kn réalité, il n'y a pas lieu de les comparer
par ce qu'elles se confondent ; et il suffira de mettre en regard du
texte de Suétone qui concerne l'une, le texte de Pline, qui semble
concerner l'autre, tel que Je propose de le rétablir, pour se con-
vaincre de leur identité.
Pline, X. H.. XXXV, 70: Suétone, Tiber., 44:
[Purrhasiiis] piiirit el Ar- 0'«'"<' P"i-i(tsi qiœqiie ta-
tigamon, qtuim picturam mua- hulam in qna Meleacjro Ata-
rit Tiherins prinreps atque, ut '««'« ore morigeratiir, leiiaiam
auctor est Beculo. HS !~| «''^' cnndiiione %d, si argu-
aestimatam cuhintlo stw in- »'««'o offenderetur. decies pro
ch(sil. ^" sestertium acciperet. non
modo praetiilil, sed in cubiculo
• dedii'urit.
Même auteur: Parrliasios : même emplacement: le ctibicidum
de Tibère; même estimation: dix fois cent mille sesterces; même
sujet: celui et celle que Suétone appelle Méléagre et Atalante unis-
sent longuement letirs lèvres, comme de jeunes époux ; et l'Artigamos
dont parle Pline s'avérait sans doute nouvelle mariée par la pré-
sence et l'attitude de son mari. Evidemment, les deux tableaux n'en
font qu'un et les titres différents qu'il porte chez Pline et chez
Suétone proviennent des appellations concurrentes que la critique
d'art des anciens a souvent appliquées à une seule et unique réalité.
Il y aurait, en effet, tout nu chapitre à composer sur les noms
de tableaux et de statues que Pline nous a transmis; et nous nous
tromperions en enfermant les oMivres de l'art antique, :'i partir du
jour de leur apparition, en un état-civil rigide et désormais im
muable. Tout au contraire, les créations des maîtres, reflétaient
2flO AITIDKIA
<lans leuTH iléiinmiiiatioiiH simiiltaïu'-es ou successives, soit les péri-
péties (le leur histoire, soit la faveur cliaii^cante du public. Une
Atlièna de Phidias parut si belle aux générations qui l'ont suivi
qu'elles l'appelèrent la Beauté: Miitervatn tam eximiae puJchritudi-
iiis ut Fnrmae nomen acceperit '. Alcamène, originaire de l'Attique
et Agoracrite, né dans l'île de Paros, avaient concouru devant le
I>hnos, pour une statue d'Aphrodite. Les Athéniens favorisèrent
leur compatriote ; et Agoracrite, liattu d iiiécontent. ne consentit à
vendre son œuvre qu'à la condition ((u'elle ne resterait pas à
Athènes et qu'on la nommât Némésis '"'. Pythagoras de Rhegiuni
avait sculpté un Apollon citharède qu'Alexandre annexa au butin
(|u"il avait récolté dans Thébes vaincue; comme à l'intérieur du
bronze on retrouva l'or que les Thébains fugitifs y avaient déposé,
cet Apollon fut désormais désigné par l'epithète du Juste: fpii iJi-
raeus appcllatits fst '. De même la majesté que respirait le Périclès
de Crésilas lui valut rappellation d'Olympien '. Plus tard, les Ro-
mains, sur ce chapitre, imitèrent les Grecs. Parce qu'il avait ap-
partenu à Brutus, l'enfant de Strongylion devint le Philippicn ' :
et lorsque les couleurs de la fameuse Anadyomène, d'Apelle, eurent
pâli, et qu'au temps de Néron, toute une partie du bas de la pein-
ture se filt effacée, elle changea d'étiquette et fut couramment la
Mfjvùx.vr,a'3;, l'unijanitiiste °.
' Pline, N. H., XXXIV, 54: Minerram t<im f.rîmiae putchritiulini.''
lit Format nomen acceperit.
- Ihid.. XXXV'I, 17: Çiuim Agoracritus ea lege signum siinm reixli-
disse traditur ne Atheni< esset et appellasse Nemesin.
' Ibid., XXXIV, 59.
* Ibid., 74.
'■> Ibid., 82: Idem Strongylion fecit puernm, i/tiem amando Brutus Plii-
tippiensis cognomine sua inhistravit.
' Cf. Pétrone, Sat.. 8;î. Le texte porte monocremon. La correction
est de Studniczka. Ad. Reinacli, op. cit., p. 333, préfère restituer mono-
chromon ; mais ce dernier terme qui convient à une technique en général
a difficilement désigné un tableau en particulier.
ATTIIIEIA 291
Mais il y a plus. Au sortir (le l'atelier, les fviivres d'art n'étaient
j)as toujours identifiées. La maîtresse de Pausias, dont ce peintre
avait voulu immortaliser les traits, s'appela indifféremment la Gly-
cère, du nom qu'elle portait à la ville — ou la tresseuse de cou-
ronnes — Steplianoplokos — , ou la marchande de couronnes — 8te-
phanopolis ' — ; et eu dépit de leur ingéniosité, les critiques d'art
n'étaient point parvenus à s'entendre sur la personnalité de l'homme
que Céphisodote avait .sculpté la main levée, en train de haran-
guer un invisible auditoire: /"(«r// fi rontionantem manti eJatu : per-
sona in iurerfo est *.
Enfin nous avons la preuve, décisive pour résoudre l'apparente
contradiction où Pline et Suétone ont l'air d'être tombés à propos
du Parrhasios cher à Tibère, que, d'une génération à l'autre, les
points de vue et les conceptions esthétiques changeaient notable-
ment, et que cette mobilité de l'opinion entraîna avec elle les
titres des chefs d'œuvre que les hommes ne cessaient d'aimer, tout
en renouvelant sans cesse les raisons de leur dileetion.
De ces curieuses modifications, je me limiterai à citer deux
exemples.
Une fresque célèbre de Protogéne de Caunos, étendue aux mu-
railles des Propylées, glorifiait les galères de l'Etat athénien, la
Paralienne et l'Hammonias. Quelle que soit la manière dont le pein
tre ait traité son sujet, qu'il ait symbolisé l'Hammonias par une
femme dressée sur le rivage, ou qu'il l'ait représentée réellement
sur rade, en vue d'une côte peuplée de figurantes, c'est un fait
que, par la suite, on l'interpréta comme un épisode des poèmes
' Pline, X. H., XXXV, 125: cf. ihùl, XXT. 4.
» Ibid.. XXXIV. 87.
292 ATIIDEIA
lioniéri(|ues et que l'IlammoiiiaB est devenue, «laii» riinaf^iiiatioii de
aes admirateurs, une Nansicaa '.
Le second exemple est jibis frappant encoi'c et nous ramène au
centre de notre discuH.sion, puiscju'il va démontrer qu'une « Nou-
velle mariée », celle d'Aétion a subi, sons TinHuence de semblables
variations psychologiques, une métamor])lioso anabrgue à celle qui,
dans l'esprit des Romains, a transformé la peinture de Par-
rhaaios.
Le tableau le plus célèbre d'Aétion représentait une scène de
noces que Lucien nous a décrites comme étant celles d'Alexandre
et de Roxaiie '. Or l'iinc, (|\ii a dressé la liste des (euvres de ec
peintre, ne fait aucune allusion à ce mariage et se liorne à com-
prendre dans son énumération « une nouvelle mariée remarqualile
par sa pudeur » — « et nova nupta verecundki Hotabilis * ^ . Le si-
lence de Pline sur les noces d'Alexandre et de Roxane est d'au-
tant jdus surprenant (|Ue cette iieinturc d'Aétion, non seulement
avait fait en (Irèce la réputation du peintre qui, étant venu le
montrer k Olympie, y avait remporté un tel succès qu'un des
Hellanodices, Proxénidas, lui avait fait épouser sa fille incontinent \
mais l'avait consacrée en Italie où le tableau avait été ti-ansporté
et 011 Lucien le dépeint encore. Aussi, ]>lutôt que de prêter à l'iine
un incroyable oubli, Adolphe Reinacli a-t-il déjà proposé, avec une
clairvoyante pénétration, d'identilicr le chef d'ieuvre d'Aétion, selon
Lucien, avec la niini impta mentionnée dans Vnisloiic Xat k relie ' :
' Pline, X. ]/.. \XXy, lOÏ: Quidam et nm-es l)inxisse Jisque ad guiii-
iliiaiietisimnm (untidii : argumenlum esse, qtiod ctim Athenis celeherrimo
loco Minervae deluhri propylon pingeret, ubi fecit nnhiJem ParaJum et
Hammoniada, quam tiitidam Nausicaan vacant . . .
' Lucien, Ilerod., 4-6. L'orthographe Aétion, plus fiéquenmient .it-
testée, est la meilleure. On tiouve aussi la forme Eétion.
3 Pline, iY. H., XXXV, 78.
* Cf. Lucien, Hrrod., 4.
■' Ad. Reinach, p. 37", n. 4: Ce tableau (n. 506) est sans doute iden-
ti<|iie au suivant \n. .')07).
et cette interprétation est d'autant plus jilansilile que certaines
phrases de Lucien sur Roxane « vierge d'une beauté accomplie » qui
« baisse les yeux », toute confuse, devant Alexandre debout à ses
cotés viennent à point nommé confirmer, en le motivant, le juge-
ment de Pline sur cette peinture « rerccuinUa iio/dhilis ».
Seulement Adolphe Reinach s'est arrêté trop tôt sur la voie qu'il
gardera le mérite de nous avoir enseignée. A tort, il est resté per-
suadé de l'historicité du tableau où il se figure qu'Aétion avait
inscrit la date de sa victoire olynipi(|ue et les noms de ses per-
sonnages ' : et il a implicitement reproché à Pline d'avoir frustré
cette (vnvre fameuse de ses caractères propres, pour la signaler
d'un mot lianal. et en perdre le sujet dans la foule des noces
anonymes. Or, s'il est un résultat auquel nous conduit l'examen
attentif de toutes les données du problème, c'est bien le contraire.
Relisons le chapitre de Lucien. Sur le tableau d'Aétion, Lu-
cien a reconnu, non seulement Roxane et Alexandre, mais Héphaes-
tion qui les assiste en qualité de i)aranyniplie. Un admirable ado-
lescent, sur lequel Héphaestion s'appuie, lui a paru une person-
nification de l'Hyménée : mais il n'ose affirmer: oô via ÉTrîyi-
vp7-T0 TO'jvo;Aa '-. Ad. Reinach a déduit de cette négation que le
nom, seul, de ce personnage avait été omis. Mais elle peut aussi
bien s'appliquer à tous les acteurs de la scène. L'inscription de
noms au dessus ou à côté des personnages n'est pas une garantie,
car elle n'est peut être intervenue qu'après coup, non seulement
après la mort du peintre, mais entre la composition de rHistoirr
KatnreUe et celle du traité de Lucien, alors que s'était depuis
longtemps évaporé le souvenir des intentions de l'artiste. Selon
l'interprétation d'Ad. Reinach, la nomenclature d'Aétion aurait
été incomplète, indice qu'elle n'était pas authentique. Et suivant
l'interprétation que je préfère, elle aurait été absente du tout au
' Ad. Keinacli. p. 377, n. 5.
- Lucien, Herod., 5.
îMiiuneis d'Areh. et tllliit. lW-23. 19
294 ATTIDEIA
tout. Dans les deux "'as, le rliamp s'ouvre largement aux fantai-
sies des exégèses ultérieures. Nous n'avons pas à prendre parti
l)our Lucien contre l'iiue. l'Iinc a pi-osaïquemeut défini le sujet
qu'il renonçait à individualiser. Pour embellir son exposé, I>ucien.
au contraire, a mis un nom sur chacun des acteurs de la .scène
(|u"i! ,1 ■<! lirill;uiiiiient illustrée.
Au surplus, eu poursuivant jusqu'à la dernière ligne la lecture
de ce morceau de bravoure, on ne peut se défendre de l'impres-
sion que l'auteur n'était point dupe de son assurance. Après non»
avoir montré, à chacune des extrémités du taldeau, des amours qui
s'ébattent parmi des armes, motif (|ui rejiarait dans un grand nom-
bre de fresques pompéiennes, dont les unes représentent Mars et
Vénus, d'autres Ariane et Dionysos, d'autres enfin l'amant et l'a-
mante, mais aucune Alexandre et Roxane ', Lucien dégage, en ter-
mes curieusement amliigus, le .^ymliole de ces détails. Ils signifient
la passion d'Alexandre pour Roxane, unie à la passion de la guerre,
que son amour n'a pas eu le pouvoir d'abolir dans le cwur du
roi '. Et d'uu autre point de vue, ajoute Lucien, ce tableau était
réellement nuptial puisque Aétion lui a dû son pro])re mariage avec
la fille de l'Hellanodice Proxénidas: ->./;•/ oCt.V r, y» ti/.wv r-^-r.
■/.■/.'. y.'tj.of. •■T<i:rj.:''j-i -: ï~'. ~r,-. r).'/;Oîi*; o'.soâv7i ïjO'iny. — loy.vY;-
n7.'j.i'rrt -C-t "AîTiojv. -r-i t'-O II;(j;îv;^'jj O'jyzTÉpa '. Sous ce rap-
prochement final, perce une explication, toute différente de celle
qu'à préférée Lucien, et destinée à faire choir le tableau des
hautes cimes de l'histoire héroïque dans la calme vallée de l'exis-
tence journalière. Ces dernières lignes s'accordent étrangement à la
définition de Pline — Koni iiiipta — ; et que l'auteur de VHis-
tuire Naturelle ait justement saisi le vrai caractère de cette simple
peinture de genre, c'est ce que Lucien nous suggère lui même —
' Cf. Reinach, op. rit., p. ."i7S, n. 4.
♦ Lucien, Herod., 5.
3 Ibid.. 6.
ATTIDBIA 295
Y«(y.7)Aiciv ri z~ï Tv;; «Xr.Qeia; — , et ce qui l'essortira avec cer-
titude des limites chronologiques où nous sommes tenus d'enfermer
l'activité d'Aétion.
Réfléchissons un instant sur les dates. Alexandre a épousé Roxane
en 327 av. J. C, s'est remarié en 324, et Héphaestiou est mort
en 323 '. Si Lucien avait dit vrai, nous serions obligés de placer
la composition des Noces de Roxane et d'Alexandre où figurait Hé-
phaestiou entre 327 et 324, soit, au plus tôt dans la 2' année de
la 113' olympiade, et, au plus tard, dans la 1" année de la 114'^
olympiade. Or Pline place dans la 107'" olympiade, par conséquent
eutre 352 et 349 av. J. C, le flontit d'Aétion ' et partant la
production de sou chef d'œuvre à Olyrapie ^. D'où cette alternative :
ou Pline s'est trompé de six ou sept olympiades daus sa chronologie,
ou l'attribution de Lucien est fausse.
Convaincu de la véracité de Lucien, Adolplie Reinach a été
naturellement amené à modifier les chiffres de Pliue et à convertir
CVII en CXIII ou OXIIII. Cari Robert et Rossbach les ont cor-
rigés de leur côté ; mais l'opération qu'ils osèrent y pratiquer est
beaucoup plus radicale \ Comme Adolphe Reinach, ils prennent
comme point de départ de la carrière d'Aétion sa composition des
noces d'Alexandre et de Roxane; puis, constatant qu'un autre Aétion,
qu'ils lui assimilent, figure au nombre des amis de Théoerite " et,
sans doute aussi de Callimaque, puisqu'une épigramme du poète
alexandrin semble lui rapporter une statuette du Héros thrace qu'on
' Ad. Reinach, op. cit., p. 377, n. 5.
2 Pline, A'^. -ff., XXXV, 78: Clariet CVII Olympiade exstitere Aetion
ac Tlierimachits.
' Cf. Ad. Reinach, op. cit., p. 377, d. 5: «Si le /lo)'(«* d'Aétion était
rattaché à une Olympiade il y a tout lieu de croire que ce fut celle où
il fit admirer son chef d'ouvré à Olympie ».
* C. Robert et Rossbach, s. v. Aetion, P. W., I, c. 700; suivis par
Pfuhl, op. cit., p. II, 771.
s Anth. Pal, VI, 337.
296 ATTI1>EIA
\oyiut (lanH une maison d'Anipliipolin ', ils reculent jusi)u'à la CXXX'
olympiade, aux approriies du milieu du HT' niécle avant notre ère
la période de son plein éiiaiiDiiisBement.
A vrai dire, on est un peu embarrassé pour opposer une ar-
f^umentation eu forme à la niarclie imprévue de raisonnements auK»i
arbitraires. L'ami di- Tliéooriti' n'est pas un peintre, mais un sculp-
teur; et, si Aétion a cultivé la statuaire comme la peinture ", l'ho-
raonymie avec lui de l'ami de Tliéocrite ne prouve rien en faveur de
leur identité : Aétion ou Eétiim était un ovoas: fort répandu au IV"
siècle ^, et l'Aétion cité par Callimaque n'a rien à voir avec le ou les.
artistes de ce nom, puisqu'il n'est ])as l'auteur de la statuette à
laquelle l'épi^ramme est consacrée, mais bien, ainsi que Pierre Rous-
sel l'a lumineusement établi, le projjriétaire de la maison où le
Héros tlirace. tri tiii ^-ai'nisaire en liilb-t de lotrement — i-'.'jry.h-
[i.'j; — , avait reçu l'iiospitalité '. Hulin. la correction au ])rix de
laquelle ou se tiatte de maintenir uni ce vi;ioureux faisceau de
faibles présomptions, paléo^rai)liiquement indéfendable, est, en outre,
condamnée sans appel, par la répétition, en un autre passage de
VHistoire Naf)(vcUi\ du même chiffre des olympiades pour le /hjriiit
d'Aétion — oh/vipiade CVII ou ohimpiade centeshna sepiima —
et l'exactitude nous en est, cette fois, garantie, mieux encore que
par l'unanimité des manuscrits, par la place intermédiaire qu'il
occupe après l'olympiade CIIII, assignée k Praxitèle et Euphranor
et avant l'olympiade CXIII, réservée en tonte vérité à Lysippe, le
sculpteur favori d'Alexandre le Grand ^. De ce chapitre de Pline,
' Callim., Kp., 24.
« Cf. hifru, p. 2M7.
' Cf. Kirchner, Pios. Atticu, I, p. ;556.
* Pierre Roussel, Keviie des Etiides Grecques. 19-21. p. 2titi et sniv. :
cf. L. Havet, Revue de Philologie, 1922, p. 154.
5 Pline, N. H., XXXIV, 50-51: LXXXXV Ohnupimle floruere Nau-
cydes... Patroclu.i . . . , CIWÏ Pra.riteles, Kuphranor; CVII Aétion, Tlieri-
machus ; CXIII J,2/f>i})pns fuit.
ATTIDEIA 297
il est permis tVinférer qu'Aétion fut sculpteur et peintre à la fois,
comme tant d'autres artistes grecs dont la richesse de dons et d'ajv
titudes annonçait les génies universels de la Renaissance. Mais il
en ressort aussi que, peintre et sculptem-, Aétion connut la gloire
vingt-cinq ans avant la conquête macédonienne et ne saurait l'avoir
acquise par un tableau des noces d'Alexandre le Grand avec la Prin-
cesse sogdienne. La vérité du chiffre de Pline implique celle de
son attribution ; et Lucien n'a changé ce titre de la « nouvelle
mariée » que Pline donne à la peinture d'Aétiou que par un ana-
chronisme, moins fort, évidemment, que celui que commettaient cer-
tains historiens de l'art rapportant à Polj'clète une statue d'Hé-
phaestion ', mais inspiré des mêmes raisons esthétiques pour lesquel-
les, un peu plus tôt, au temps de Suétone, le titre de Méléagre et
d'Atalante avait été imposé à l'Artigamos de Parrhasios.
Toujours, semble-t-il, les peintres se sont moins souciés de
nommer les formes auxquelles ils insuftiaient la vie que de les
jeter, harmonieuses et pareilles à leur vision ou à leur rêve, sur
le l)ois ou la toile ou le mur qu'ils décoraient à la fresque. Au
temps de la jeunesse du Titien, le Concert champêtre ne se distin-
guait pas de .ses autres Nude, et dans les admirables figures où
la po-<térité a cherché tour à tour Vénus, Médée, une allégorie de
1 amour profane et de l'amour sacré, le grand Vénitien a voulu
exprimer la beauté de la fille de Palma, et la force de sa ten-
dresse pour elle '". Même quand il emprunte son sujet à la vie, et
s'efforce de traduire la réalité, l'artiste l'interprète au travers de
lui-même, l'accorde au rythme de ses aspirations profondes, l'éclairé
des reflets de son âme. Ce que M. H;>uzey a dit des plus déli-
' Pline. N. H., XXXIV, 6-i: Jdeiii (Lysippusi fecit HepJutestionem,
Ale.randri iimicum, ipiei» quidam Polyclito ad^cribtint, cum is centum
prope annis ante fuerit.
' Voir le beau livre de Louis HourticM|, La Jeunesse du Titien, Pa-
ris, 1919.
298 ATTIDKIA
cieuses parmi les terres cuites grecques, qu' « elles sont suspendues
entre le monde réel et le monde idéal..., dans une indécision qui
fait une partie de leur grâce» ', pourrait bien être la formule dé-
finitive de la plupart des créations de l'art grec, et s'applique sans
effort à ces peintures du IV'' siècle que les coroplastes de Myrina
ont imitées'. Dans son adniir.iflDii pour ces radieuses images qui
planent au dessus d'elle, eutre ciel et terre, la postérité ne se rési-
gne point au charme de leur Hottement, et les rattache, tantôt à
la patrie des hommes, tantôt à celle des héros et des dieux. Parmi
les scènes nuptiales qui égayaient de leurs riantes couleurs les maisons
de Pompéi et de Rome, la plupart, encore aujourd'hui, sont suscep-
tibles de deux explications, l'une réaliste et l'autre mythologique •'.
Dans l'antiquité, les critiques ont alternativement passé de l'une
à l'autre, selon icius tempèranient>i ])^rsl)Il^el^', nii rnii-iix suivant
la tendance dominante de leur époque. A i)artir d'Hadrien, le monde
romain assiste comme à une renaissance de l'idéalisme iiellénique * :
il s'ingénie à le retrouver dans le chefs d'nenvre consacrés ; la lé-
gende ou l'histoire quasi fabuleuse lui paraissent seules dignes de
les avoir inspirés. Sous les Flaviens, au contraire, la mode était
au réalisme '' : les vieux maîtres passèrent alors pour avoir uni-
([uement fixé, en traits immortels, la vie de tous les Jours. Les
tableaux ((u'il avaient cou(;us pour se satisfaire eux mêmes du-
' Cité par E. Pottier et Salonion Kcinach, La nécropole de Myrina,
p. 447.
- Ihid., p. 448.
' Que de points d'interrogation anx identifications signalées par
.S. Keinacli dans son Répertoire des peintnres grecques et romaines, Paris.
V>2'1: p. 55, 4 (Pompéi): Artémis et llippolyte?; — p. M, 6 (Pouipci):
Aphrodite et Adonis?; — p. (i(i, 7 (Pompéi): Mars et Vénus ou scène
intime entre mortels V; — p. 114, 7 (Pompéi): intimité de Dionysos et
d'Ariane? — p. 3.'!0, 1 (lîome): scène intime? Dionysos et Ariane? —
p. 402, 5 (Esqnilin) : Dionysos 4't Ariane?; etc.
* Cf. Mrs. Strong, Komtiii sculpture, T.ondres, U>07, p. 362.
■■> IJi'rf., p. 254.
ATTIDEIA 299
rent répondre aux vœux secrets et divers des générations qui les
suivirent. Les engouements se succédèrent, mais sans se ressembler ;
et c'est seulement à la réflexion que se révèle, sous les admira-
tions contradictoires, l'identité incontestable de leur objet. Ainsi Lu-
cien et Pline ont vanté le même tableau d'Aétion ; mais Pline n'avait
vu qu'une nova luiptn là où Lncien songera à Roxane ; de même
Pline et Suétone nous ont parlé du même tableau nuptial de Par-
rhasios: mais Suétone a voulu qu'Atalante y donnât à Méléagre
le long baiser ' qu'aux yeux de Pline le jeune mari venait y re-
cevoir de la nouvelle mariée: Phixif \^Pnnhasii)s'\ et Artiçinmnn ...
III. — Les conséquences d'une coekection.
A peine rétalili dans sa véritable teneur, le texte de Pline nous
ouvie en tous sens de nouveaux horizons. Il aide les archéologues
dans leur poursuite des originaux grecs à travers les libres copies
du monde hellénistique et du monde romain. Il éclaire d'un jour
favorable la figure de Tibère à Caprée. Il concourt à mettre en
pleine lumière lu réforme, par Claude, de la religion métroaque.
Et cliacun de ces conséquences vaut la peine d'être suivie par nu
examen particulier.
Depuis Winckelmaun. on a souvent rattaché à l'influence du
tableau d'Aétion l'adniiral)le fresque du siècle d'Auguste connue
.sous le nom des Xoces Alduhrnndines : et ce n'est qu'en ces der-
' Suétone, Tih.. 44: Meleagro Aialnnta ore inon'geraiiir {Snv le sens,
cf. infra, p. 301, n. 2). La scène se comprendrait mieux, d'ailleurs, si au
lieu de Méléaj^re, Suétone avait désigné Mélanion ou Hippoménès (cf. Xû.
Reinaeh. op. cit., p. 236, n. 1). Sur les fres(iues de Pompéi, comme sur
les peintures de vases, où Méléagre et Atalante sont en tête :i tète, ils
observent une attitude des plus réservées (Helbig, Wandgemàlde Cam-
paniens, n. 1165: S. Reinaeh, Répertoire des T'oses, 251).
300 A'ITIDKIA
nii-res années qu'uiic réiiPtion s'est produite contre la lé^^itiinité du
rappmeliement. Forster, fl'abord, qui le premier soumit les Xores
Aldohranrlines à mut étude miiiutieuse et approfondie: Cari lin-
hert, qui y a décelé la inaniére de Polygnnfe par l'art avec le-
quel cette composition sait, saii>< rompre son unité, répartir les
personnages qui la reni])lissent sur deux tliéàtres à la fois, au de-
hors et dans la maison; enfin M. Nogara, ((ui a édité de cette leuvre
une pulilicatiou digne d'elle ', ont soutenu qu'elle dérivait d'un ori-
ginal préliellénistique. antérieur :\ Apelle et au milieu du IV* siècle.
Mais leur chronologie ne prouve plus rien contre Action, du mo-
ment (|ue le témoignage de Pline nous a ])ermi8 d'écarter l'identi-
fieation faite par Lucien du chef d'ceuvre d'Aétion avec le mariage
d'Alexandre et de Koxane, et que- Ion conserve pour Vaicmè de cet
artiste la 107' olympiade indiquée par Pline, soit la période com-
prise entre 852 et 849, vingt ans avant Va/.mè d'Apelle (332 329) '.
(.Uiant à rantagoiiisnic qu'on a cru a|)erccvoir entie la niaguiti(|U('
sérénité des Nocs Ahlohiandities et le mouvement qui ressort de
la description de T^ucien, ce n'est sans doute qu'une illusion, si le
tableau d'Aétion était surtout remarquable, comme l'écrit Pline,
par sa dignité et sa pudeur: ft nova iitipUi leremndia im/dhilis.
Du reste, M. Nogara lui-même, lorsqu'il cherche ;'i résumer eu une
brève formule le caractère des Noces AMohrandhies, les considère
comme « la représentation d'un mariage humain idéalisé par l'art » ''.
Il se sert à peu près textuellement des termes où MM. S. Keinach
et E. Pottier ap])récient les gracieuses figurines de terre cuite où
' Cf Nogara, Antichi iiffrcschi del Vaticano e del Laterano. Rome,
1907. p. ■24-2."). On trouvera là les références et les analyses des travaux
antérieurs. Il n'y a que quelques années d'intervalle entre Polygnote mort
peu avant 430 et Parrliasios dont la production a commencé aussitôt
après. (Sur Polygnote, voir Fornari, Axisonia^ 1919, p. 722).
- Cf. Pline, JN'. H.. XXXV. 79: Apelles Cous olympiade ceiitr.tinia
duodecimd,
' Nogara. op. cit.. p. 1!'; uiatiimonio iiuiano arlisticauiente idealizzato.
ATTIDKIA 301
ils out cru saisir roinnir un rctlet ilii flief ird'uvrc d'Aûtioii ' : et
l'on persistera, sans doute, ;ï penser avec eux que ce tableau cé-
lèbre, non seulement était présent à l'esprit des coroplastes de My-
rina, mais qu'il a plus ou moins librement influencé ces Noces Ah
(lobraudiiies qui nous en ont transmis, à défaut du détail, l'inspi-
ration maîtresse et la tonalité générale d'iiarmoniense décence et
de grave tendresse.
Même si la teclinique en était semblable, la note dominante du
tableau où Parriiasios a traité le sujet devait rendre un son très dif-
férent. L'appréciation de Pline sur celui d'Aétion ne se comprend
bien que si, jadis, on le comparait déjà à une autre peinture du
même genre mais d'un tout autre esprit. Or, dans le temps, la nom
impta d'Aétion a suivi immédiatement VArtitjumos de Parriiasios;
et c'est entre elles, sans doute, que le parallèle s'était institué. Aussi
bien, la description ([ue, sous le nom d'Atalante, Suétone a esquissé
de cette dernière — [tnarito nota nu^Hd] ore morigeratur — nous
montre que la « nouvelle mariée » de Parriiasios se distinguait plus
par son ardente p;ission que par une chaste réserve ".
Des scènes aussi animées sont fréquemment reproduites dans
les fresques de l'époque romaine. Mais elles ne mettent ordinaire
nient en présence que l'amant et l'amante ; et V Aiiigamos ne pou-
' E. Pottier et S. Keinach, op. cit., p. 446 et suiv.
* Cf. Suétone, J'ih.. 44. Je ne comprends pas qu'A. Reinacli ait pu
traduire qu'« [Atalante] rendait à |Méléagre| un service qui n'est pas fort
honnête » (op. cit., p. 237 1 et commenter ensuite: «La nature exacte
du sujet figuré par Parrhasios est difficile à déterminer» (ihid.). 11 a été
mieux inspiré quand il a écrit (Rev. de Phil., 1914, p. 248, n. 1): « On
a souvent cité le texte en latin avec l'air de s'en eftaroucher >, mais « pris en
lui même, [il] pourrait s'entendre sans grivoiserie ». Comme le prouve le
texte correspondant de Pline, cette interprétation est la seule acceptable;
et à moins de taxer d'obscénité le baiser d'une femme à son mari, rien-
dans le passage incriminé, n'autorise à y voir les obscénités graveleuses
que le contexte y fait sous-entendie. Dans le sens contraire (cf. encore
Pfuhl, 02). cit., p. G90), le nom A'Art/yamos eût été attribué au tableau par
dérision, hypothèse que paraissent exclure le sérieux et la brièveté de Pline.
;î02 ATIIDKIA
vait répondre osteiisiMempnt à son titre que si elle était accom-
l»iignée (les i)aranymplies et de la suite oblif^ée des noces, qui lui
t'ont également cortège, et dans les Noces Al(l'/hniiiili)i>'s. et dans
Il description (|ue I>ucien nous a laissée de la mira nupta d'Aé-
tiiin. D'autre part, les peintures nuptiale» recueillies dans les fouil-
les de Ponipri nu sur les murs des anciennes maisons de Rome sont
séparées par plusieurs siècles du flornit de Parrhasios: et plutôt
que de descendre jusqu'à (•Iles, une encpiëte liiétiiodiquc poursuivie
sur les traces de son iiiHuence devra s'arrêter de préférence aux
scènes dévelojjpées sur les vases apulieus, dont la fabrication, s'é-
ilii'ldiiiKUit ciitrt^ y')0 et 250 av. ,1. C, a commencé au lendemain
de la mort de cet artiste '. Précisément i)armi les vases dont la
provenance semble la mieux établie, et dont l'apparition remonte
M la deuxième moitié du IV' siècle av. ,1. C M. Bendinelli en a
récemment cumpté 18, aujourd'hui disséminés parmi les divers
musées d'Eur.ipe. d mt les tlaucs sont ornés de « peintuies nuptiales »
unissant, en une combinaison originale, l'idéalisation héroïque ou
divine à un réalisme voluptueux '. Sur six d'entre eus, une pr-
likr de Tareiite. un stammis de Ivuvo, une jx'lilcè de Rari, un slii-
liliiis de Xaples, un cratère de la l{ibliothè(|ue Nationale, et un lé-
cythe de Munich, le couple s'étreint avec amour. Sur le stnmnos
de Ruvo, au dessous de l'Kros (|ui la couronne de myrte et d'une
femme qui lui jette une ceinture, au milieu d'un vol de colombes,
entre le par:inymphe (|ui la regai'de de loin et des servantes qui
accourent, l'épouse que l'époux tient sur ses genoux est suspendue
à ses lèvres '. La peinture de ce vase proeèdetelle de VArtkianws
' Cf l'article de Ch. Picai.l, liaU. Cor,: Iloll.. l:»ll. p. •JÛû. Sur
les peintures romaines cf. surtout Monumenii. XII. pi. \\\\: et Mau.
Ammli deUInut., 1884, p. 322 et suiv.
' Bendinelli, Ansonia, 1919, p. 205 et suiv.
^ C'est le n. 5 du catalogue de Bendinelli. Il avait été public, avec
une bonne reproduction, par .lalta. Aimiili (leU'Insfitiilo. 1870. pi. S et
p. 325.
ATTIDEIA 303
de Parrhasios ? Les thèmes sur lesquels les autres vases apuliens
« :i représentations nuptiales » déroulent leurs variations se ratta-
chent-ils à son Ecole, à l'art léger et voluptueux qu'il mit à la
mode, si tant est qu'il ne l'ait pas inventé ' ? Je laisse aux archéo-
logues le soin d'en décider, et j'ai hâte d'arriver aux conséquences his-
toriques qu'entraine en sa résurrection le véritable texte de Pline
sur la « nouvelle mariée » de Parrhasios.
Pour Tacite, pour Suétoue. Tibère vieillissant tombe dans les
pires aberrations de sensualité, et il ne s'est retiré dans l'Ile de
Caprée que pour s'y livrer, sans gêne ni témoins, à ses vices abo-
minables.
Tacite l'affirme brièvement à trois reprises. Au début du Livre I
des Annales, il nous montre le futur empereur dans son exil volon-
taire à Rhodes, méditant de secrètes débauches: et sécrétas libt-
dines meditatum *, sans qu'on puisse discerner s'il s'y abandonnait
déjà ou si sa nature liypocrite et perverse se contentait d'en caresser
l'idée pour le jour où un pouvoir sans frein lui permettrait de
tout oser ^. De toute façon, c'est, rétrospectivement, l'ombre de Caprée
qui s'allonge sur le séjour de Rhodes. A la fin du livre VI, Tacite
raconte que Tibère, déjà malade et ne tenant plus à la vie que
par un fil, consumait ses dernières forces dans l'assouvissemeut de
ses viles passions: ni/iil a litiidinihus omittebat '. Enfin et surtout,
au début de ce même livre des Annales, Tacite exprime l'avis
• Ad. Reinach, oj). cit., p. 236, n. 1, note que la première mention
de tableaux licencieux se trouve dans V Hippolyte d'Euripide (V. 1005)
joué en 428. c'est à dire bien près de la date à laquelle on fait com-
mencer la production de Parrhasios.
= Tac, Ami., I, 4.
' Voir sur le sens douteux du p.assage, la note de Jacob, dans son
édition des Annales, I. p. 14. n. 1.
* Tac, Ann., IV, 46.
;i04 ATTIDBIA
(|iie, dans le clioix qu'il avait fait de Caprée pour demeure, l'em-
pereur avait été {juidé par sou intention de cacher, dans la soli-
tude des roclicrs et de la mer, des crimes et des dissolutions dont
il était honteux. Alors furent inventés les noms, auparavant inconnus,
de sellarit et de spintriae, qui rappelaient les raffinements et les lieux
de sa lubricité : l'tni'/nr jnimum iijnotn nutr lordlnihi yfjierla sini/
sellarlorniH li s/)i>//riiiniiii ex fuedUat.e lori <ic iiinltijiUci patientia '.
Ces deux iinnis infâmes" ne se retrouvent, et l'un à côté de l'autre,
que dans les deux ciiaiiitres tristement célèbres de Suétone, où le bio-
graphe, friand de scandaleux commérages, s'est étendu, avec une.
lamentable complaisance, sur les débordements de Tibère ;\ Caprée ".
Il suffît de placer en i-egard des allusions de Tacite les dévelop-
pements de Suétone pour acquérir la conviction que les unes comme
les autres dérivent d'une même source, que Suétone n'a pas plus
citée que Tacite, mais qui leur est commune, et dont la restitution
de Pline, XXXV, 70, va nous déceler les mensonges.
Car ou Pline n"a pas connu leur auteur, ou, s'il Fa connu, il
l'a traité, comme s'il ne le connaissait pas, par le mépris, et a jugé
inconsistante une tradition qne tous les détails de Suétone ne par-
viennent pas à étayer.
Quelles preuves, en effet, Suétone et l'auteur de Suétone ap-
portent-t-ils de leurs allégations ? D'abord, un calembour, que répétait
la voix publique, sur cette villa de Caprée transformée h peu de
frais en Ciiprineni». la villa du bouc ^. Ensuite et surtout, la dé-
' Tac, Ami.. VI. 1.
* L'étymologie de xpintriaa {apintiias, seul, se retrouve chez Suét.,
Cal. 16, et VU., 3 en rapiioit exprinié ou tacite avec Tibère}, n'est pa*
établie, écrit Jacob, I, p. 371, n. 11. 11 me semble ([u'elle peut être déduite
du grec a-:iir,f- cf. Forcellini, V, 598.
' Suét., Tî'ft., 43: et ritlgo, nomine iwtulae ahutentex, Cuprinenm dicii-
tahant. Je me demande, d'ailleurs, si la facilité du jeu de mots auquel
prêtaient les tria nomina de Tibère n'a pas plus fait pour sa réputation
d'ivrognerie que celle-ci, pour la popularité du jeu de mots icf. Suét.,
ibid., 42 : Jiiberius Caldiu.'i Mero).
coratioli qui en déshonurait les murs et les jardins, statues libidi-
neuses, tableaux obscènes, images pornographiques ; et Suétone, se
décidant à préciser ses accusations, nomme, entre autres, les illu-
strations des livres attribués à Elephantis et le tableau de Parrhasios.
En ce qui concerne les premiers, produit peu recommandable de
la corruption alexandrine, Pline, qui les cite ', ne dit rien de la
curiosité que Tibère aurait eue pour eux, et qu'il eût partagée
avec nombre de ses contemporains, car, d'Ovide à Martial, la poésie
légère du Haut-Empire parait leur avoir fait plus d'un scabreux em-
prunt ■. Quant à la peinture de Parrhasios, Pline nous apprend
bien, comme Suétone, qu'elle valait un million de sesterces et que
Tibère l'avait enfermée dans sa chambre k coucher, mais il en
écarte, non seulement par son silence, mais par le titre qu'il lui
donne, VArtigamos, le reproche d'épouvantable lubricité dont la
chargent les insinuations de Suétone '. Par conséquent, ou les ra-
contars recueillis par Tacite et Suétone n'ont pris corps qu'après
la publication de VHixfoire Xdtiiri'lh- et seraient d'apparition trop
tardive pour mériter créance, ou bien ils circulaient déjà dans les
pamphlets contemporains de Tibère, que Tacite a dû consulter \ et
dont Suétone, à son tour, alimenta sa chronique scandaleuse % mais
Pline, meilleur juge des faits qui s'étaient passés de son vivant,
n'a pas daigné ajouter foi à leurs grossières calomnies.
Si, outre Rhin, la version répugnante que Tacite et Suétone
s'efforcèrent d'accréditer sur le honteux séjour de Tibère à Caprée,
parait aujourd'hui abandonnée '' : si, en France, de Voltaire à Victor
' Pline, N. H., XXVIII. 81.
^ Cf. Cnisius, s. v. Klephaiitis. P. W.. V. c. -232.").
^ Je laisse de côté l'imputation d'adnltère formnlée par Dion Cassins.
LVIII, 22, 1 et démentie par Tacite, Ann.. VI. 19.
* Plus, sans doute, ijne ne le croit l'h. Fabia, Les sources de Tacite,
Paris, 1893, p. 341.
^ Source évidente, encore (jne Macé, £»■<«; sur Sue'tone, Paris, 1900,
p. 357 et suiv., n"y fasse pas allusion.
« Cf. Gelzer, s. v. Iulius tTibenus,, P. W., X, c. 517.
.■i06 ATIIDKIA
Diiniy ', l'Ile a suscité de vives contradictions, le virus n'en est
pas eiicorr ('■liiiiim'- définitivement'; et il ne sera pas snperHu de
montrer par (imls artifices elle s'est élaborée.
Il est avéré que Pline n'en a pas su ou n'ea a pas cru le
premier mot. Pour lui, la célébrité de Caprée tient à la résidence
de Tibère: mais l"eiii|iercur lui parait, non pas s'être réfu^'ié là
comme en un mauvais lieu, mais s'y être retranché comme dans une
citadelle, et l'île, désormais fameuse, est grandie, non souillée, par
ce souvenir : mor u Surrcnto VTII distantes, Tiberi principis arve
nobiles Capreuf '. Ces quelques lignes détruisent l'odieu.se légende :■
et celles où Pline, sans commentaire, mentionne VArtigamos de
Parrliasios, chère à Tibère, recèlent peut-être les seuls éléments
de réalité qu'elle implique et autour desquels elle se cristallisa.
Ce tableau avait toute une liistoire. On l'estimait un niiilinn de
sesterces \ et c'est exactement cette somme que Til)ère eût touchée
en récompense, s'il avait renoncé à la revendiquer dans la succes-
sion qui lui était échue ''. Or ce tableau représentait une nouvelle
mariée dans une abandon plus libre qu'à l'ordinaire en ces pein-
tures de genre. 11 n'en fallait pas plus pour le suspecter d'oliscénité
et conclure de Foption de Tibère que le vieil empereur était en
proie aux plus basses concupiscences et hanté d'inavouables désirs.
De tout temps, la médisance contre les puissants de ce monde s'est
contentée d'apparences grossies et défigurées, et elle s'est toujours
répandue d'autant plus largement que l'opinion du vulgaire envisage
avant tout les jouissances matérielles du i)i)Uvoir et la satisfaction
' Duruy. Histoire des Jiomains, édition illustrée, IV, p. 356, n. 1.
^ Voir, par exemple, Gaston Boissier, L'opposition sous les Césars.
Paris, 1875, p. 182 : • Sa raison resta ferme au milieu des plus gramls
excès»; — Fabia, op. cit., p. 342: «le roc mystérieux et terrible où le
tyran se souilla de tant d'infamies».
3 Pline, .Y. H., III. 82.
* Ibid., XXXV, 70.
5 Suétone, TU)., 44.
ATTIDEIA 307
illimitée qu'il est censé procurer à tous les appétits et -i tous les ca-
prices. Tibère n"a pas échappé à cette misère des grands; et c'est ainsi
que par un défi à la vraiseml.lance, par la férocité exaspérée de ses
adversaires et par le soupçon envieux de la foule, le moins enjoué d.s
empereurs — Tiherius Caesar minime romis imperafor ' —, l'homme
dont Tacite a convenu, en un moment de sincérité, qu'il paraissait
insensible an plaisir — tndiis rohiptatihus arocatns ' —, que
Pline appelle, au vu et au su de tous ceux qui l'approchèrent, le
pins triste des mortels — irisfissimxs, ut constat, homimnn '' —
et chez qui la sombre sévérité du caractère n'avait fait que se
roidir avec l'âge — i„ senecta iam serero* —, s'est transformé,
dans l'éloignement de Caprée et sur la vague rumeur de ses goûts
artistiques, en une sorte de monstre lubrique dont les hideuses tur-
pitudes confondent l'imagination. Mais l'hi-stoire ne doit pas êtr.^
dupe; et, pas plus qu'on ne saur.-iit accuser d'incondnite un amateur
de Fragonard, ou de mauvaises m.Turs les fermiers généraux qui
ont donné leur nom à l'édition des Contes de La Fontaine, nous
ne devons prêter l'oreille aux pamphlétaires dont Tacite s'est fait
l'écho, et auxquels Suétone accorda la publicité quasi officielle de
ses biographies, pour la seule raison que Tibère, collectionneur.
eut la faiblesse d'aimer des statues ou des peintures plus ou moins
dévêtues, et qu'il a mis chez lui. à la place d'honneur, dût cette
fantaisie lui coûter un million de sesterces, la « nouvelle mariée »
du galant Parrhasios.
Mais la vraie leçon de Pline ne contribue pas seulement à laver
la mémoire de Tibère de ses pires souillures: en débarrassant notre
tradition du seul exemple d'archigalle qu'on ait jamais rencontré
' Pline. .V. H., XXXV, 28.
2 Tac, Ânn., III, 37.
' Pline. X. H., XXXVIII, 23.
* Ibid., XIV, 144.
;508 ATTIDEIA
dans les textes, antéricureinciit an règne de Claude, elle afTcrmit,
en le8 eoiiiplétant, les résultats auxquels nous étions déjà arrivés
<lans nos reclierclie» sur la réforme religieuse à laquelle le neveu
(le Til)ére mérite d'attacher son nom.
Celle-ci revêt un double aspect, selon qu'on considère l'orga-
nisation du culte métroaque en son pays d'origine ou qu'on envisage
son extension aux autres parties de l'Empire, provinces, Italie, Rome.
Car la politique de Claude a été systématique, et en même temps
qu'il introduisait Attis dans le Panthéon de l'Empire, en créant
le sacerdoce approprié au nouveau dieu romain, il a réorganisé le
sacerdoce qui, depuis des siècles, en la métropole pessinontéeiine.
en personnifiait, tout en la servant, l'antique et omnipotente di
vinité.
.\vaut Clauili'. le culte était exercé :\ l'essinontc par les galles,
appelés aussi hakèles Mes eunu([ues de la Grande Mère, .sous rautoritô
de l'Attis et du Rattakès, ou mieux de l'Attis-Battakès, s'il convient
de réunir sur la même dignité ces deux titres " qu'aurait portés, sui-
vant les circonstances, leur chef suprême, grand prêtre de leur reli-
gion. Certes Claude ne s'est i)oint senti capable de snppi-iinci- l'ennu-
chisme local: pendant toute la durée de l'Empire, nous continuerons
:\ nous heurter, dans les sanctuaires de Plirygie. à la troupe des cas-
trats de Cybèle et d'Attis. comme au teni]is lointain où ils ve-
naient saluer processionnelleuient les généraux de la République
victorieuse ', et coninic dans In période plus rapprocliée, où Strabon
s'enquérait des causes de l'incroyable immunité dont il semblaient
jouir au milieu des mortelles exhalaisons du Phifoinum d'Hiéra-
polis ^ Pline enregistre le miracle dans son llisfoin' Xa/urelle ' :
' Cf. (iiaillot, op. cit., p. 292.
■ Connue précisément les galles et les bakèles ((Iiaillot. op. ci!.,
p. 292, n. 7). Cf. supra, p. 2fi;5.
^ Cf. supra, p. 2(;.'i.
* Cf. supra, p. 262.
5 Pline, K. //., II, 208.
ATTIDEIA 309
et, deux siècles après le règne de Claude, Dion Cassius s'en émer-
veillait encore '. l^a règle par laquelle l'éviration était impitoya-
blement i)rosrrito du territoire de l'Empire souffrait donc une excep-
tion ; mais si nous ne trouvons plus de galles attachés à des sanctuai-
res métroaques qu'en Phrygie, force uous est de conclure que
l'exception valait pour la Phrygie et ne valait que pour elle. F'.t,
d'ailleurs, la législation impériale a été combinée de telle sorte qu'il
devint impossible à l'eunucliisme de s'étendre à d'autres territoires
et qu'en Phrygie même il n'occupe plus qu'une position subordouute.
Sans doute, il ferait illégitime de récuser le témoignage indi-
rect des lieux communs que nous avons relevés à l'encontre des
castrats de Cybèle et d'Attis chez les satyriques païens, comme
dans les apologies chrétiennes, et de nier que des castrats ambu-
lants ont parcouru les provinces, les municipes italiens et jusque
les rues de Rome, en faisant sonner bien haut les noms des divi-
nités dont ils se prétendaient possédés et en provoquant, selon les
circonstances et les lieux, les sympathies et les aumônes ou le mé-
pris et les huées -.
Mais, d'abord, il semlile que leurs exhibitions n'aient pas été
libres de se produire en tout temps. La triste bande, dont Apulée,
en des passages sur lesquels on revient toujours pour en affirmer la
fréquence, nous a narré tous les tours aux livres VIII et IX de ses
Métamorphoses, se cachait des autorités, et, copieusement rossée
par les cavaliers lancés à ses trousses, s'en va finir, menottes aux
mains, au « violon » municipal : eos retrorsum abducunt pagani
statimque vinctos in TuUianitm compingitnt ' ; et, à prendre k la lettre
les vitupérations d'Arnobe et de .Saint Augustin, les galles n'auraient
' Cass. Dio, LXVIII, 27, 4, p. 266 Boissevain. Le Pluiotiium et sans
doute aussi les galles avaient dispaiu au temps de Julien (cf. Amui.
Marc, XXIII, 6, 18), indice, entre plusieurs, de la régression de l'eunu-
chisme au IV^« siècle.
- Cf. siqjra, p. 239.
' Ap., Met., IX, 10.
Méliiniies d'Arch. el (flIM. lf^2a. 20
310 ATTIDKIA
affronti'' le jri-aiiil Jniii- uni- ilaiis la (■(•Ic'liratinn pi'Tiodiquo des niys
téreH in(''troa(|iieM '. ICnsiiiti' et siiitnut. ils n'ont pu so rcf-nitt r (in'cii
Plirygie. Aucun texte ne nous l'affirme (•xpresséincnt ; H néannioin»
le fait pai-ait ronstant, non jias tout à eause du nombre des exem
pies où r('tliiii(|M(' riirvx intervient eniTiine mm simple synonyme île
t/allus ' qu'en raison des dispositions spéciales sous le coup des-
quelles les galles avaient été placés. Hépliaestion d'Alexandrie,
dont la pnidnetion littéraire date du second siècle de notre ère.
nous apprend, en elVet, que les Romains frappaient les galles, cou-
pables Si leurs yeux d aMiir contracté une infirmité avilissante, d'une
taxe personnelle: oi yâA/.o'. fiiz'ià/.AOvTXi cb; hy,').z:yi voiov ïy',-i-
tô; Sto /.y.: <7WJ.7-y. oopov jt£>.o-jv 'Pcoy.ziO'.: îi; to^to ^. Il ne
saurait être questiim de soumettre à cet impôt d'autres fçalles que
les Phrygiens, car, en général, la castration était châtiée d'une
sanction bien autrement terrible qu'une amende, puisqu'elle vouait
ses victinuis à la ])eine capitale *. Mais on aper(;oit tout de suite
l'intérêt (|ue poursuivait le législateur cti y assujettissant les galles
phrygiens, lui Plirygie môme, il entravait la |)ropagande de l'eu-
nuchisme jiar l'astreinte de ces taxes punitives; hors de Phrygi".
il acquérait. i)ar le contrôle fiscal '", le moyen de repérer à tout
moment et en tout lieu les Phrygiens en déplacement, et de limi-
ter aux individus de leur race, surtout quand ils s'expatriaient, une
pratique dont leur religion atténuait, sans l'effacer, la tare cri-
minelle. Ainsi il réduisait sur place les foj'ers de l'infection, ei
l'enipèchait de devenir contagieuse au dehoi's.
' Arnobe, V, 17: rriraii quoa hdnrsse robiaciim in ;.<i(ih.< tiiiiiiiiiis
rklemus sacris. Cf. Aug., Civ. l)ei. \'I, 7.
« Cf. Georges, Lat. Wfirteihiidi, H, p. liiOil.
2 Heph. Al., p. ti8 Gaisford. p. I!>4 Westplial. cité iiar Giaillot. ap. ri'..
p. 288.
* Cf. supra, p. 2;i8 et 245. Au Bas-Knipire, l'importation d'eunHi|ues
des terres barbares dans Vorhis Poinaunf est restée permise {Cod. lusl..
I\', 32, 2, 1).
^ La taxe inipliciiie un rôle et des iei;u8 périodique.".
En soi, ce texte si précieux d'Héphai-stion ne décide point de
la période où fut prise une aussi haliile mesure. Mais ce ne sera
point s'aventurer trop loiu dans la voie de l'hypothèse que de la
rapporter au gouvernemeut de l'empereur Claude. Elle ne se coor-
donne avec tant de précision aux autres parties de sa réforme que
parce qu'elle eu fit primitivement partie ' : et, eu tout cas, la portée
n'en est pas contestable. Par la restriction des jours où l'activité
des galles pouvaient impunément se déployer, le Prince ne faisait que
rendre vigueur à la prescription énoncée par Cicéron dans le De
legibus: praeter Ideae Mutris famulos, eosque iustis diebus, ne quis
stipem cogito' ... stipem sustulimus nisi eaiii quam /id paucos dieg
propriam Ideae Matris e.rcepimus : hnplet enini superstitione animas
et exhaurit domos ^. En restreignant à un peuple la tolérance de
l'éviration sacerdotale, il s'inspirait peut-être de l'exemple qu'avaient
donné en 102 av. J, C. les magistrats de la République, lorsqu'un
esclave de Servilius Caepio s'étant châtré eu l'honneur de Cybèle,
ils le déportèrent outre mer, avec défense de rentrer jamais dans
la Ville, et laissèrent entendre qu'une telle mutilation ne pouvait
se perpétrer qu'hors de la présence du peuple romain *. Mais si, par
là, l'empereur revenait à la sévérité des vieilles mœurs, et ressus-
citait les rigueurs du passé, il posait pom- la première fois ce prin-
cipe cuius regio eius religio. auquel une si grande fortune était
promise, et ouvrait les voies à l'avenir immédiat, en fournissant
aux Flaviens le modèle qu'ils n'auront qu'à suivre, pour essayer,
par l'imposition du didrachme aux circoncis ^ de contenir, sinon
' On ne peut choisir, d'ailleurs, entre les Princes antérieurs à ^'es-
pasien (voir ci-après) qu'entre Auguste sous qui la Galatie fut érigée
en province, et Claude.
5 Cic, De Leg., Il, 9. 22.
' Ihid., 16, 40.
* Obsequens, 104: serfus Servilii Caepionis Matri Ideae se praeci-
dit et trans mare exportatus ne unqtiam Romae reverteretur.
^ Sur l'institution du didrachme par Vespasien, cf. Cass. Dio, LXVI, 6,
et Gsell, Essai sur la vie et le règne de Domitien^ p. 289-290.
H12 ArriDEiA
dans les limites territiiriales de la Judée, du moins dan» lex fron-
tières ethniques du peuple juif, la diffusion de sa religion na-
tionale.
Mais en même temps qu'elle s'effnrrait de tarir les sources du
reenitement des galles, la législation T'Iaudienne abaissait leur con-
dition, et jusqu'en Phrygie, les rejetait en marge de la liiérarchic
régulière dont les chefs n'étaient pas, ne pouvaient pas être eu-
nuques. Xous sommes renseignés de première main sur l'organisa-
tion impériale du saeerdoce pessinontéen par deux inscriptions de
Sivri-IIissar, publiées par A. Koerte ', et attribuées par lui à l'épo-
que des Flaviens, d'abord à cause de leur paléographie, ensuite en
raison des étapes de la carrière militaire de l'un des deux person-
nages auxquels elles sont respectivement consacrées, le plus ancien
des deux, qui semble avoir pris part à la guerre de .Judée en 70 ".
Ces dédicaces honorent, l'une, l'Attis lîèras et l'autre, l'Attis Dèio-
taros; elles émanent toutes les deux de la collectivité des mystes
des mystères de Cybèle : oi twv tvj; 8îoj ;j.'j'7-r-/;oi(ov tj.dnl-'xi^ —
'A... G'jvij/ja-zy.: \ Si vraiment aux galles de cette époque s'ap-
])liquait la déHnition de M. Graillot — les galles sont les mystes
qu'ont reçu l'initiation majeure, les mystes qu'ont atteint le plus
haut degré de l'échelle mystique ° — , il n'y a aucun doute que
leur nom n'eût figuré en toutes lettres dans ces inscriptions. Or il
en est absent, et ils se parent d'un titre rituel dont il n'existe
pas d'autre attestation et qui l'élimine. Ces u/jg-x: ou cjva'jffTat
s'appellent 'A 'A-rry^ox-roî ". Ainsi, :Y la fin du T'' siècle de notre
' A. Koerte, dans les AU. MUtéhmge>i, XXII. 1897, p. .37 et suiv.,
et XXV', 1900, p. 437 et suiv. On les trouvera dan.s Ditteiiberger O. G.
I. S., n. 540 et 541, et c'est d'après ce recueil que je les cite.
« A. Koerte, Att. Mitteilungeti, 1897, p. 40.
3 0. G. I. S., 540, 21.
' Ihid., 541, 9.
^ Graillot, op. cit.^ p. 293.
« O. G. I. S., 540, 20 et 541, 6.
ère, il n'y :ivait plus à Pessinonte, dans les cadres du sacerdoce,
que des galles inavoués, si même il y avait encore place, dans la prê-
trise officielle, pour des galles authentiques, ayant obtenu, par leur
mutilation sexuelle, cette consécration suprême dont M. Graillot
n"hésite point à faire « le véritable sacrement de Tordre » ^ J'en
doute tout à fait, pour ma part, quand celui d'entre eux que les
mystes de Pessinonte ont chargé d'élever le monument dont leur
assemblée avait décrété l'érection à l'Attis Dèiotaros, M(arcu8j Ma-
gius Nicephorus, porte les tria nomina qui impliquent sa qualité
de citoyen romain et excluent, par là même, la réalité de son évi-
ration ".
Tous ces mystes, qu'ils eussent ou non compris des eunuques
dans leurs rangs, obéissaient au collège sacerdotal suprême dont
leurs dédicaces dessinent les grandes lignes constitutionnelles. Hèras
y est dit le dixième prêtre Attis après l'archiprètre et le cinquième
des Galates — ôi/.ZTOv <j.z-k tJov v.z/'.zzzx, ~i'j.-z-vi Si Vy-'hy-d'i ';
et Dèiotaros le neuvième prêtre Attis après l'ai-chiprêtre et le qua-
trième des Galates — v/xto-i 'i.t-y. tov xy/'.tziy., tîtzstov âj Pa-
'/.xzôyj '. Le libellé concernant Hèras, beaucoup plus long, ajoute
que la dignité dont il était revêtu lui avait été conférée à vie —
à:7. ^iiO'j it^ix '; — et nous serions d'autant moins fondés à in-
férer de la rédaction plus brève concernant Dèiotaros, que les fonc-
tions de ce dernier, lesquelles, préséances à part, sont identiques
aux précédentes, n'avaient pas eu la même durée, que, pour lui,
comme pour Hèras, comme, k Rome, pour Vimperatof, l'énoncé de
son titre s'incorpore à son état-civil : "Atti; Izzt'ji Ar, loTxpo; °. Evi-
demment, le gouvernement de l'église métroaque de Pessinonte re-
' Graillot, op. cit.. p. 293.
' Cf 0. G. I. S., 541, 12 et 18.
^ Ibid., 540, 1-2.
* Ibid., 541, 2-4.
' Ibid., 540. 5.
• Ibid.. 541. 1-2.
1)080 sur un conseil des Onze que préside Vv.y/'.ziZj^ et dont les
dix membres, se répartissant, par moitié, entre les deux rares qui
coexistaient dans la cité, la phrygienne et la galate, ne se distin-
guaient plus, à l'intérieur de la catégorie ethnique où leur nais-
.sance les avait prédestinés ((uc par l'ancienneté de leur accession
au sacerdoce. Comment y étaient-ils parvenus? M. Graillot ne se
prononce pas nettement à cet égard ' ; mais je crois que les ins-
cription^< pai-lent assez clair. DMotaro.s est le fils de lieras: la prê-
trise est devenue liéréditaire dans les grandes familles du terroir: si
Dèiotaros n'occupe ])as, dans la section à laquelle il est inscrit, le même
rang que son père, cela tient sans doute, simplement, au fait que
la dédicace du second a suivi à plus long intervalle son entrée
dans le collège; et le roulement fiiniiliul au(|nel li' conseil des Attis
doit son renouvellement perpétuel suffirait à en écarter brutale-
ment les galles eunuques, si nous n'étions pas assurés, d'autre part,
de leur incapacité à y jamais pénétrer, par léminente condition
de ceux que nous y voyons siéger. Hèras et Dèiotaros sont des
citoyens romains. Ils appartiennent à l'ordre équestre. Tous deux
ont exercé le flaminat provincial de la religion des Augustes, Dèio-
taros deux fois', lieras, six fois'; et celui-ci, avant de rentrer
dans sa patrie, avait nlitenu aux armées les commandements les pins
importants, dans la cohorte des Ituréens dont il fut jiréfet, dans
les légions XTI Fulminata et III Cyrenaica où il avait été tri-
bun *. On n'imagine pas cet ancien officier des armées victorieuses
de Vespasien et de Titus se résignant au contact des castrats d'At-
tis eu ce collège où il n'est assis qu'à la dernière place; et son
r;iug dans la hiérarcliie sacerdotale nous garantit que le conseil
tout entier, de Vv.z/'.i^t'j:; au dixième des iîiôî;, se composait né-
' Graillot, op. cit., p. 'àv>'2.
2 Cf. 0. G. I. S.. 541, 4.
3 Ibid., 540, H.
* Ibid., 540, 14-17.
ATTIDEIA 315
fessairemeiit de prêtres romanisés, en dehors de toute participation
éventuelle, possible, des ^'<il'es orientaux. Cette organisation de la
ville sacrée de Pessinonte, <,< antique et sainte entre toutes » ', « séjour
et domicile de la Mère des Dieux s> ', est certainement l'œuvre de
l'Empire. Entre elle et celle que nous devinons au travers des
récits des époques antérieures, s'étend un fossé trop large pour
n'avoir pas été creusé volontairement. M. Graillot opine que cette
transformation jirofonde fut opérée par Auguste, mais il ne motive
son avis que par la rédaction, en 25 av. J. C, de la Galatie en
province romaine ^. Les inscriptions précitées me semblent, au con-
traire, démontrer que ce bouleversement concerté d'une théocratie
plusieurs fois séculaire se rattache à la l'éfoime Claudieune. Les
deux Attis père et fils, dont les inscriptions de Sivri-Hissar nous
ont révélé l'existence à l'époque des Flaviens s'appellent Ti. Claudius,
comme l'empereur, et sont inscrits à sa tribu, la Qnirina *. Leur
état-civil est celui du Prince qui fit citoyen romain le premier
membre de leur famille; et l'institution d'un sacerdoce transmis-
sible aux membres de la nouvelle gens, n'ayant pu la précéder,
en a forcément suivi ou plutôt accompagné la naturalisation. A Pes-
.sinonte, comme ailleurs, la refonte organique du culte métroaque
porte, eu quehiiie sorte, la signature de Claude; et pour mesurer
l'importance des résultats qu'il y a obtenus, il sutfira de comparer
la situation qu'il y avait trouvée à celle qu'il y laissa.
Au dernier siècle de la République, le sacerdoce pessinontéen
détient un pouvoir temporel et se concentre aux mains d'un grand
prêtre; et celui ci, qu'il s'agisse du Battakès venu à Rome en 103,
' Cic, Pro Sestio, 2(i: fanum sancfissimanim atquc antiijuissimarum
religionum.
• (Jic, X>e har. resp.. XIII, 28: Pessimmtem — sedem dnmiciliumque
Matris Deoruin.
' Cf. Graillot, op. cit., p. 353.
* Cf. Kubitscliek, De mmanaritni trihuum origine ac propagatione
Vienne, 1882, p. 200.
31H ATTIIJKIA
OU (lu triste sire — scélérat et imiiur — iiuquel, quaruiite cinq
ans plu» tard, Clodius, trilmii de la plélie, a vendu la prêtrise aux en-
chère» ', est un castrat '. Après Claude, comiMc dans nos inscriptions
Flaviennes, la prêtrise est dissociée du gouverncincnt : et ses titulaires
n'interviennent dans la conduite des affaires de la (Jalatic que pour
autant qu'ils ont été délégués par les suffrages de leur cité au
xoivôv de la province. Kn outre, elle est divisée entre onze tïpîî;
et le président de leur c<nispil, Vi^y.zzv'j; n'est qu'un primus inier
parcs: il porte le nom du dieu, comme autrefois: c'est un "Atti;
comme ceux de ses prédécesseurs auxquels écrivaient les Attales '' ;
mais c'est un "Arr'.: îîoî'j; et ce titre qu'il partage avec ses dix
collègues s'humanise encore davantage en s'ajoutant à son nom de
famille au lieu d'en tenir lieu. Enfin, non seulement le sacerdoce
est inaccessible aux castrats de la Grande Mère, mais tout retour
offensif de reunucliisnie au sommet de sa hiérarchie est désormais
prévenu par la loi iiéréditaire de sa transmission parmi les familles
de l'essinonte les plus illustres et les plus jirofondéraent loyalistes
et romanisées. Même au ctrur de la Phrygie, là où l'on doit ad-
mettre, à cause du régime d'exception qui lui est concédé, qu'elle
s'incorpore toujours k une église nationale, la religion de Cybèle
et d'Attis s'est, au fond, sécularisée.
A plus forte raison, l'est elle dans le l'este de l'Kmpire.
' Sur cet incident, cf. Graillot, ap. ril.. p. Ïi3. Le tribiinat de Clo-
dius se place en 58 av. ,1. C. Cf. P. 11'., IV, p. 84.
' Pour l'Attis du temps de Clodiiis, le fait ressort des tenues mêmes
lie la diatribe de Cicéron, De har. resp., XIII, 28: liragituro gallograeco
iMPiîRO HOMiNi... Pour le Battakcs de 103 av. J. C, il résulte des atta:
(pies et injures dont l'immunité diplomatique n'arriva point à le cou-
vrir (cf. Graillot, op. cit., p. 97). Je ne sais pourquoi .M. Graillot l'a con-
testé, sous le prétexte que le nom d'eunuque ne figure pas expressément
parmi les grossièretés cipiivalentes {pii furent prodiguées à cet ambas-
sadeur déconcertant {ibid., p. 231). pui.sipie ailleurs M. Graillot semble
.Tvoir rattaché à cette ambassade les cas déviration qui se produisirent
à Rome l'année d'après (ibid.. p. 98).
ATTIDEIA 317
En Plirygie, les efforts assiniilateurs du Prince se heurtaient
aux organisations préexistantes. Dans les autres provinces et en
Italie où la divinité d'Attis venait, pour la première fois, de se
faire reconuaitre par l'Etat, ils étaient plus nécessaires encore et
purent se déployer en toute liberté. En Plirygie, le recrutement de.s
galles était contrarié, non prohibé, et si leur rôle était passé à
l'arrière plan des temples qu'ils avaient autrefois peuplés et régis,
ils continuaient d'y être admis. Ailleurs, leur prosélytisme est in-
terdit, et parmi tous les sanctuaires métroaques que les découvertes
modernes ont remis au jour en deliors de la Phrygie, il n'y en
a pas un qui ait fait ouvertement appel à leur méprisable con-
cours. A la condition qu'ils se montrent capables d'établir à toute
réquisition de l'autorité leur origine plirj'gienue, ils peuvent béné-
ficier d'une tolérance individuelle ; mais leurs rites, qui se survi-
vent en Phrygie, sont proscrits ailleurs du culte que l'Empereur
entend propager k sa façon. Dans chaque cité où il l'installe, le
sacerdoce métroaque est confié, non à une sorte de conseil, comme
à Pessinonte, mais à un prêtre unique, dont le titre rappelle, en
le dominant, le souvenir des galles, et qui, sans avoir le droit de
leur ressembler, devient cependant, eu nom, le galle suprême, le
galle par excellence : urchiqallus. Au premier abord on est tenté de
dénoncer une contradiction entre les tendances de la réforme Clau-
dienne à Pessinonte, où la prêtrise est démembrée, et dans la Ville,
les colonies et les niunicipes de l'Empire où son unité se recons-
titue aux mains d'un seul sous le vocable oriental qui a disparu
du langage employé par les inscriptions de Sivri-Issar. Mais le désac-
cord n'est qu'apparent, et souligne, eu fin de compte, l'ingéniosité
dont le gouvernement de Claude a fait preuve pour varier les
moyens d'une immuable politique.
En Phrj'gie où l'empereur avait pu laisser subsister des galles,
avec l'évidente intention d'en provoquer à la longue l'amoindris-
sement, il eût été inopportun et contraire au but vi.se d'accorder
au l'résident du collège sacerdotal un titre qui les eût rapproclirs
de lui et relevés aux yeux du vulgaire. Le premier des Attis, au
lieu de s'intituler ■>;:/;•,■>:),/,'>;, assume le titre d'àsyiïpî'j;, qui Thel-
lénise et élargit encore la distance qui sépare sa haute personnalité
de la foule de» galles, simples mystes indignes de la prêtrise pro-
prement dite. Au contraire, dans tous les pays où les galles ne
])ouvaient entrer dans les cadres du culte officiel, il n'y avait point
d'inconvénient i'i inipiiscr à son clict' un nom qui n'intégrait le leur,
en le majorant, que rapporté à ses lointaines origines phrygiennes.
Kn entrant sous une forme latine dans le nom composé de Vanlii-
finUiis. le vieux mut pessinontéen dépouillait la honte de sa signi-
fication initi.-ile, et, elle était si bien oubliée dés le second siècle,
(|ue l'arcliigalle d'Ostie, M. Jlodius Maximus, ayant à faire choix
d'armes parlantes, a dressé un coq ((lallns) sur sa ciste votive '.
Pour des orientaux, l'arcliigalle dispensait de recourir aux galles,
et, par la force, toujours victorieuse sur l'esprit ])o]iulaire. des ana-
logies verbales, pouvait, tout en répudiant leurs pratiques abomi-
nables, communiquer sans intermédiaire avec leurs dieux.
Kt |iar là s'affirme la grande préoccupation de Claude qui s'ef-
for(,'a, en même temps qu'il étendait k l'Kmpiie entier la religion
de Cybèle et d'Attis, d'en rénover l'âme et, si l'on peut dire, d'en
déplacer l'axe spirituel des rives du Saugarios à celles du Tibre.
Farce qu'il redoutait l'indépendance et l'hégémonie éventuelle du
sacerdoce niétroaquc, il l'avait, à Pessinonte, brisé, monnayé en
onze prêtres-Attis égaux en pouvoir sinon en dignité ; et, pour la
même raison, il le centralisa dans chaque cité où la religion mé-
troaque, fut i)ubliquoment pratiquée, aux mains d'un prêtre supé-
rieur que son titre iVaiT/iigaUns soustrayait par avance à toute
tentative de subordination et d'embrigadement. Dépendant, à l'ex-
' Cf l'excelb'Ute pliotograpliie Je cette ciste, aujoui'd'luii au Musée
du Lafrari (cf C. 1. 1... \\\ , Ss.'i), publiée par Vaglieri, (htin. Home,
mu, p. 111, tig. 18.
ATTIDETA 319
cliision de toute autre autorité, du séuat local et du collège romain
des quindécemvirs qui l'avaient élu et investi, chacun de ces archi-
galli était souverain en son domaine municipal, ce qui consacrait son
autorité sur tous les autres prêtres ou desservants de son sanctuaire,
et assurait son autonomie il l'égard des autres archigalles et de la
métropole phrygienne ; et ce n'est qu':'i Rome, en la personne de
César, le pontife.r nia.tinms, grand maître du collège quindécemviral,
auquel toutes étaient soumises, que venaient se rejoindre les églises
raétroaques disséminées à la surface de l'Empire, divisées par leur éga-
lité théorique, unies par leur obédience et leur fidélité à l'empei'eur.
Claude, en effet, a su lier plus ou moins étroitement le culte
de la Grande Mère, réorganisé par ses soins, au culte impérial. Ce
n'est point l'eft'et du hasard si les deux Attis prêtres que nous
connaissons à Pessinonte, vers la fin du I"'' siècle ap. J. C, ont
été, l'un après l'autre, et plusieurs fois chacun, flamines provin-
ciaux des Augustes; et c'est une conséquence directe des mesures
édictées par Claude que l'habitude, bientôt contractée par les ar-
chigalles, de prescrire l'accomplissement des rites les plus carac-
téristiques de leur religion <,< pour le s;ilut de Tempereur ». Les
privilèges dévolus par Claude aux taurolioliés du Fort dont le sa-
crifice avait été offert dans cette intention, sur l'ordre prophéti-
que de l'arcliigalle d'Ostie, ont accru l'importance de ce dernier;
et, parce que, nulle part plus (ju'à Rome, où ils étaient encouragés
par sa présence et l'appareil de sa souveraineté, les sacrifices mé-
troaques consacrés à l'empereur, n'acquéraient efficace et solennité,
l'archigalle de Rome — archiflnllus popiûi romani — finit par obte-
nir une primauté sur les autres, et s'arroger l'honneur, dont Tertul-
lien se gausse, d'expédier par diplômes cachetés et courriers exprès
des mandements à tous ses corréligionnaires du monde : solita aeque
iniperia manduvH ... o nnnfios fardas, o somniculosa diplomata ! ^.
* Tortnllien, Apoh, 25.
320 ATTIIiKIA
AiiiHi (le toutes celles qui <mt acconipagiié la réforme de Clamle,
l'institutioii de rarelii^çaile ent s;iiis doute la plus orifjinale et la plus
féconde. Par elle, le l'rinee. a opéré une révolution conservatripe.
Il a sauvt'ffai'dé les furmeK, mais cliauf^é le fond de la religion
inétro.-u|Mi- qu'il iiitriiiiisait (ii'-linilivcmi'nt dans ri^iiijiii'c. Il en con-
servait les noms, j)onr se déli.irrasser plus sûrement de ses réalités
inassimilaldçs; il voulut fortifier la cohésion de l'Ktat par les nou-
veautés qu'on aurait jugées les ])lus propres à léliranler. et il
se servit, pour diffuser le nouvel idéal romain, de l'adaptation du
vieux culte barbare d'Asie-Mineuro.
Si, en ett'et, on rap])rocli(' ces conclusions des résultats obtenus
dans l'étude précédente ', on ne peut pas ne pas être frappé de
la logi([ue volontaire de sa réforme. Elle n'a pas été l'épisode
anecdotique qu'on pourrait croire en relisant la brève incidente de
Lydus, qui est seule, aujourd'hui, A, l'attester positivement. La va-
riété, la souplesse des multiples combinaisons qu'elle implique, et
dont l'étude de ses témoignages indirects nous a révélé le jeu et
l'agencement, prouvent l'importance qu'y attachait le Prince, et
traduisent en divers modes l'unité profonde du plan qu'il avait
conçu et dont les fins lui parurent sans doute essentielles au main
tien et à la grandeur de l'Etat.
Claude est parvenu au pouvoir suprême en un moment criti-
que de la vie morale de l'Empire, dans le désarroi des conscien-
ces et le choc des croyances qui de toutes parts venaient s'en dis-
puter la ])ossession. Si la dévotion h Kome et à Auguste s'inspi-
rait d'un sentiment vivace de foi patriotique, le stérile formalisme
auquel était réduite la vieille religion des ancêtres ne suffisait plus
k remplir le vide des intelligences et des cœ.urs. lOu vain, Tibère.
' Cf. Mélangef:. i;>2.'!, |i. L'iô-lôf).
ATTIDEIA 321
avait-il pourcliassé les novateurs, exilé les astrologues, proscrit les
isiaques, déportt' en niasse quatre mille Juifs ou judaïsants '. Les
liommes (-ontinuaient k deuiander ;i la reli.i,'-ion autre chose et plus
que des recettes verbales et des habitudes, et il apparaissait déjà
que le mouvement qui les entraînait vers ces divinités étrangères,
dont les nitminu gouvernaient l'univers, et les mystères procuraient
à la fois nne explication du monde, des règles pour la conduite
de l'existence et un espoir d'immortalité, n'était plus de ceux qui
s'arrêtent à coups d'édits et par des opérations de police. La sa-
gesse consistait à y céder dans toute la mesure compatible avec
l'intérêt fondamental de l'Etat, à le diriger s'il était possible, et,
comme on dit vulgairement, à faire la part du feu. Caligula avait
rouvert la Cité aux cultes égyptiens dont il était l'adepte ^. Claude
inaugura son règne par une proclamation de tolérance ' ; et ce n'est
qu'en 49, selon Paul Orose *, qu'il se décida à sévir contre les Juifs
et les Chrétiens, dont les dissensions, nous rapporte Suétone, exci-
taient des troubles continuels ". Mais en même temps qu'il renon-
' Suétoue, l'ib.. 36: Ji.iieinas caerhitoiiias, Aegyptos, ludaicosque
compesciiii . . . E.rpulif et matlieDiaticoa : Tac. ,Anii., II, s5 (en 19 ap. J. C):
Actum et de sarn'!< Aigi/pti/^ hidaicisque peUendix, factumque patruni con-
sultiim ut quattuor niiliu libertini generis. eu superstitione infecta... in
insulam Sardiniam veherentur.
« Suét., Cal, 57.
•■' Josèphe, Ant., XIX, 5, S. De la tolérance de Claude à l'égard des
Isiaques nous possédons une preuve, entre autres, dans la dédicace de
Velletri à Isis et Sérapis, datée de 51 et publiée par 0. Jlaruccbi, Atti
delV Accademia pontificia, 1921, p. 279. C'est, je crois, au début du règne
<le Claude que fut construite la basilique orpliico-pytliagoricienne de la
Porta 3Iaggiore.
* Orose, VII, 6, l.'i. Le procès de magie intenté par Claude à T. Sta-
tilius Taurus ne date que de 52 ap. J. C. (Tac, Ann.. XII, 59).
' Suét., Claud.. 25: ludaeos impuhore Chresto assidue tumultuantes
Roma e.rptûit. Cf. Acta Aj)., XVIII, 2: &•.« -i ôiaTîrsjri'vai K'i.o.ùi:yi /upi^sodu
-i-mti T5'j; 'li'jôniî'j; à-i tt; 'Pw;j.t;. Cass. Dio, LX, 6, atténue encore la
rigueur (|u'aurait déployée le gouvernement de Claude en affirmant qu'il se
borna à interdire aux Juifs turbulents le droit de réunion (■« (;uvï6:s;!;£a(iai).
322 ATIIUEIA
çait à la pei-m'-fiition, il f>ntre])rit d'abBorber dans la religion de
l'Etat, en conformité avec elle, et en soutien de la piété envers
rKnipirc, des tciidunces qu'il se sentait impuissant à maîtriser; et,
si Ton peut ainsi jiarler. il monta la concurrence.
Son iiitriitioii priniièii', nnus apprend Suétone, avait été d'uni-
versaliser cette religion d'Eleusis dont l'élévation doctrinale devait
arrêtei' Néron sur le seuil de son « telestèrion » '. Mais Démèter et
lakklios ne se laissèrent pas déraciner; et Claude dut se rabattre
sur la Grande Mère et Attis, dont le culte, eu Attique, s'était
purifié h leur contact ". La ressemblance des deux Déesses-Mères
fut une raison proliable '' de son cboix définitif '. L'ancienneté et
' Suét, Nero, M.
' Sur les rapports tiès lointains de rorpliisuic et de la religion pliry-
gienne, cf. Giaillot, op. cit., p. 21. L'Eumolpide Timotliée, à la fm du IIl"
siècle avant notre ère. s'était dédié à l'étude des mythes métroaiiues (cf. Ar-
nobe, y, b). Sur la pénétration progressive de la religion inétroaipie par
la religion éleusinienne, cf. Graillot, op. cit. p. 504-505. Au \'^ siècle,
Euripide les confond {Hélène, 1301-1307); le Mètrôon d'Athènes servait pri-
mitivement au culte de Démèter ; c'est au Mètrôon d'Agrai que se célé-
braient les petits mystères d'Eleusis; sur les monuments éphébiques du
II« et du 1"' siècles av. .1. ('.. Démèter, Korè et Mèter Théon forment
une triade sacrée, etc.
' Sur les mobiles auxquels Claude aurait obéi, cf. Graillot, op. cit.,
p. 116. Claude avait trouvé associés, dans la tradition de sa famille, la
véniration des mystères d'Eleusis, que ses ancêtres, avaient protégés
{('. I. L., III, 547), et le respect de cette religion métroaque, au Dieu de
qui les Appii Clatidii, descendants d'Attus (= Attis) Clausus pouvaient
se rattacher, et la Déesse, l'an 204 av. ,J. C, avait été accueillie en terre
latine par Claudia Quinta. Sur son inclination personnelle au syncrétisme
orphi(|ue, cf les ingénieuses remarques suggérées à M. Leopold par la
succession des dédicaces à Démèter dans le sanctuaire de Pergamc {Mé-
Janges, 1922, p. 192).
* Sur les attitudes, pareillement expectantes des Romains et des Athé-
niens à l'égard de la religion métroaque, cf. P. Foucart, Les associa-
tions religieuses chez les grecs, Paris, 1873, p. 90. L'analogie peut être
poussée loin dans le détail, s'il est vrai que Claude ait pensé d'abord
restreindre an Port l'usage du taurobole, comme les rites d'Attis n'a-
vaient été admis par les Athéniens (|ue dans le Mètrôon du Pirée (Fou-
cart, op. cit., p. 97).
ATTIDEIA 323
la forme de radojition de Cybèle l'ont sûrement déterminé. Kn
développant et protégeant le culte de la Magna Mut/r. Claude
garantissait ses innovations par l'autorité des ancêtres qui l'avaient
introduite dans la Ville ; en remaniant les rites d'Attis qu'il y
introduisait à son tour, il ne faisait que renouer la tradition des
aïeux, achever, en l'amplifiant, leur œuvre d'accommodation, et il
se flattait de l'espoir de refouler l'invasion des superstitions étran-
gères par celle des religions orientales qu'il lui était le plus facile
de décanter, d'assagir et de romaniser.
En cela, il devait échouer, puisque le Christianisme détruira cette
religion là comme les autres. Mais si elle a tenu si longtemps, c'est
grâce à Claude, à l'esprit qu'il lui a communiqué, à la solidité de
l'organisation rationnelle dont il la dota. Certains auteurs, scandalisés
des ressemblances que les historiens ont cru découvrir entre le culte
métroaque et le culte chrétien, les ont niées en bloc, se refusant
à admettre le moindre point de contact entre eux, et ils n'ont vu
dans la religion de Cybèle et d'Attis qu'un cloaque d'impudicités
et d'erreurs où montent seulement « des relents d'abattoir et de
mauvais lieu » '. Sur les pages des apologistes, ne passent, en effet,
que ces effluves empoisonnés: mais entre leurs descriptions des rites
obscènes ou sauvages qu'ils abominent il juste titre, et la réalité
des temps impériaux, s'interpose la réforme de Claude, par qui
les vieux mystères, redressés et rajeunis, s'imprégnèrent de la spi-
ritualité qui affleure dans nombre d'inscriptions païennes du IV et
du IV' siècles", et concourent, par les vaticinations des archigalles.
' R. P. Lagrange. lievue Biblique, 1919, p. 480. Les analogies, par
contre, ont été marquées avec force par Ch. Guigneheit, Eertie Histo-
rique, 1915. 2 (CXIX), p. 163.
' Pour le II' siècle, voir à Arles le saicopliage et l'inscription fu-
néraire de Iulia Tyranna (Espérandieu, I, p. 146, n. 181); pour le IV' siècle,
cf. l'inscription du Vatican publiée par 0. Marucchi iAiti deW Accademia
Pontificia, 1921, p. 272-273 et Notizie, 1912, p. 81-87), et si élégamment
élucidée par Pierre Fabre i Mélanges, 1923, p. 1-18).
;i maintenir l'unité de l'Empire. Plutôt donc que de masquer ou
rrcuser des uiialoj^ies incontentables. il convient de le» rapporter à
la source commune où puisèrent le sacerdoce réformé des dieux
Phrygiens et celui du Christianisme vainqueur, et de remonter
ju8qu':'i la discipline souveraine dont Rome les a pareillement
marqués, de sdii i)li inerta(;al)le.
Rome. 10 juillet 192:!.
Jkkômk C-^rcopino.
NECROLOGIE
Georges Digard
Georges Digard naiiuit à Versailles le 1''' juillet 1856. Il était
le fils d'un homme très-cultivé, qui s'intéressait vivement aux choses
italiennes, et qui fut le traducteur de VHistoire tiniterseUe de
César Cantù. Docteur en droit et archiviste paléograplie. il avait
été nommé membre de l'Ecole de Rome :ï la fin de l'année 1882;
il y passa deux années sous la direction de M. Le Blant. C'est
là qu'il apprit à connaître et à apprécier le très-regretté Paul
Fabre, avec lequel il se lia d'une étroite et inaltérable amitié'.
Digard fut nu professeur de l'enseignement supérieur; pendant
plus de trente cinq ans, il enseigna, à divers titres, l'histoire du
moyen-âge aux étudiants de l'Institut Catholique de Paris. Il y a
laissé le souvenir d'un niaitre adrairalileuieiit informé, très conscien-
cieux, très-dévoué ; à la logique et la rigueur d'un plan étroitement
observé, il préférait la liberté de l'exposition, qui lui permettait,
à la vérité au prix de digressions, d'ouvrir à ses auditeurs de
larges percées à droite et à gauche de la route qu'ils étaient ap-
pelés à suivre. C'est une méthode éminemment suggestive, encore
qu'elle ne puisse être recommandée à tous.
Grâce à ses études juridiques, qui s'alliaient fort bien avec son
goût pour l'histoire, Digard eût pu cultiver avec succès le champ
' Il a laissé un témoignage de cette amitié dans la belle et savante
notice qui forme la préface des Melaïujes Paul Fabre (1902).
Mélanges d'Arch. et d'Hist. 192a. • 21
.'iSB (IKOKIIKS DKIAKI)
fécond dp Tliistoiro du droit. 11 en donna la preuve en puMiant,
sous ce titre : Im l'apanle et V étude du droit romain au XIII' sièclf,
iiii iii('nioire qui est demeuré un excellent chapitre d'histoire juridi-
(|ue. Mais son séjour à l'Ecole de Rome devait le conduire à d'autres
travaux. Il fut un vrai Romain ; tout en gardant à la terre natale
un indéfectible amour, il vit en Rome la comniuiiis patria ; c'était
une grande joie pour lui que d'y retourner souvent et d'en faire
goûter i)ar ceux qu'il aini.iit le cliannc ])énétrai)t. .\ussi c'est
avec allégresse qu'il se voua à iliistoire de la Rome pontificale.
Chargé par M. Le Blant de continuer la publication des registres de
llouifacr VKI fonimiiicéc par MM. Maui'ice Faucon et ,\ntoine Tlio-
nias, il ne crut point que sa tâche consistât uniquement à publier
in extenso ou à résumer des textes, encore que mieux que personne il
fut à même d'en comprendre le très-grand intérêt. Non content de
donner au public la portion de beaucoup la plus considérable du Re-
gistre (il reste bien peu ile chose à t'aire pour (jue la puldication soit
achevée), il avait de bonne heure formé le projet d'écrire, en manière
d'introduction, un ouvrage qui devait être une large et grande histoire
(lu ijoiitificat du pape Caetani '. Il ne se borna pas â caresser ce
projet comme un lieau rêve, il y travailla pendant près de qua-
rante années, et l>ieu sait quelle somme de lalieur il y a dépensée.
Cependant il est mort sans avoir mené â bien sa rude tâche. Cela
tient à la fois à la nature du sujet et à certains traits fort hono-
rables du caractère de l'autcnr.
Le sujet était extrêmement étendu. Il ne s'agissait de rien
moins ([ue d'écrire l'histoire de la Papauté pendant une période
critique. Il fallait dépeindre .son action législative et administrative
sur la vie intérieure de l'Eglise, menacée par l'hérésie, siuguUè-
' Cet ouvrage devait, d'après la première pensée de l'aiiteur, être
une thèse de doctoiat è.s lettres. Il comptait consacrer la seconde thèse à
,Iean de Procida. L'étude de la transformation politique ni.in|uée par les
Vêpres .Siciliennes semblait à Digard le prologue naturel d'une histoire
de Boniface VIII.
(iEOKciEs nir.AUO "iST
rement alourdie dans snn (viivre spirituelle i)ar l'exagération de ses
richesses temporelles, enfin déchirée par les rivalités de l'ancien
elerfçé et des ordres nouveaux, espoir de l'avenir, (|ui attii'aient à
eux les hommes les plus fervents et les plus éclairés. Il fallait en
outre raconter l'histoire des rapports de la Papauté avec les puis-
sances séculières, ce qui ne se pouvait faire sans une connaissance
exacte de l'ensemble de la politique européenne; il incombait à
l'auteur de démêler l'écheveau très cimipliqiié des fils qui s'entre-
croisaient de toutes parts, si bien que le moindre incident qui ve-
nait à se produire où que ce fut. en Sicile ou en Aragon, en Ar-
ménie ou en f^cosse, ne manquait point de réagir sur les relations
du Saint-Siège avec les divers souverains. De ces difficultés Digard
se rendait fort bien compte: cependant, tant le sujet le captivait,
il passa outre et se mit résolument à l'ouvrage.
Surtout l'évolution de la politique des Etats européens le pas-
sionnait. Il avait fait comme son domaine propre de l'époque de
Philippe-le-Hardi et de Philippe-leBel ; tous les personnages, même
secondaires, lui étaient familiers; il savait leurs tendances, leurs
ambitions, leurs intrigues; mais il n'était pas de ceux que la vue
des arbres empêche d'apercevoir la forêt. Que de fois, au cours des
conversations auxquelles il se livrait volontiers, ses amis ont trouvé
]il-iisir et profit à le voir, fouetté par les interrogations ou les
objections, s'élever au-dessus des faits particuliers pour dégager,
avec une puissante originalité, les grandes lignes et les figures maî-
tresses de l'histoire politique telles qu'elles lui apparaissaient !
Nous retrouvions dans ses appréciations l'indépendance du juge-
ment et la haute conscience qui le caractérisaient en toutes choses ;
nous sentions d'ailleurs que sa préparation était complète, et ceux
qui le connaissaient moins bien s'imaginaient qu'ils n'auraient pas
à attendre longtemps l'ouvrage annoncé.
Malheureusement Digard, en érudition, était un scrupuleux.
Assez perspicace pour apercevoir toutes les difficultés du sujet, il
:!2.'- ciKOWlES KIliAItll
ne sf s('iit:iit j;ini;iiH assuré de les avoir surmontées. Avait-il coin
|)ORé un cliaiiitre, il croyait en voir les défauts et le Jetait au pa-
nier. |Miiir 11' ri'rciiimii'nccr l't le recommencer encore; pendant ce
temps, la liililioj;raphie s'enrichissait d'ouvrages nouveaux, puldiés
en France ou ;i rétran;,'er, et la tâche se compliquait. 11 imprima
plusieurs centaines de pages et les fit mettre au pilon. L'ouvrage,
(pril remettait sans cesse sur le métier, (init par y rester; c'est
.liiisi (|\ie MOUS n'avons |)as riiistoire de Honiface VIll iittendue
ilopuis si longtemps. Tant il est vrai (|ue, dans le domaine des tra-
vaux de l'esprit c(»mme ailleurs, la recherche du mieux est .souvent
reiineniie du l)ien '.
Qucli|ues rares fragments nous restent, qui nous font regretter
ce que l'auteur ne nous a pas donné. Dès l'Ecole de Rome, Di-
gard avait entrepris, aux Archives du Vatican, des études diplo-
matiques qui, adressées en manuscrit j"! la commission des Ecoles
d'Atiiènes et de Rome, avaient été .jugées très-favnral)lement ; elles
fournirent un mémoire mWtuU'. Xourdles ohsen niions sur la diplomu-
tique pontificale, auquel se rattachent deux articles publiés en 1886
et en 1887 dans la Bibliothèque de VEmlc des Chartes: l'un sur
la série de registres pontificaux du XIIT' siècle, où, contre un érudit
allemand, l'.-niteui' défend, avec Inpinion commune, le caractère
officiel et original des registres, et l'autre où il fait connaître Un
(troupe de « Litière notute » du temps de Boniface VIII. Enfin il
n'est (|ue Juste de lappeler le mémoire publié en cette Revue
en 1.S83, sous ce titre: Boniface VIII et les recteurs de Bretagne '.
Si, ])ar la faute d'une conscience trop délicate, Uigard n'a point
permis :iux historiens de bénéficier de ses recherches et d'apprécier,
eomnu' il eût convenu, ses hautes qualités intellectuelles, il a laissé
à ceux ([ui l'ont connu l'exemple d'une très-belle vie morale. Chef
de famille, propriétaire foncier, mêlé aux affaires de sa commune
' Kn 1885, Digard donnait encore à nos Mélanges Doit documents
sur l'riilise de S' Maximin en Frorence..
OEORGES DIlîARn 329
artésienne, associé à une foule d'œuvres charitables pour lesquelles
il payait o:énéreuseraent de sa personne et de sa liourse, il fut
avant tout un Immme de bien : ceux qui l'ont connu intimement
seront unanimes k ajouter qu'il fut un ami parfait. Il trouva dans
la fermeté de sa foi chrétienne la force de supporter le deuil cruel
qui l'atteignit en septembre 191-t, lorsqu'en Champagne son tils
fut frappé à mort par une balle allemande. Malgré sa douleur il
se remit au travail et par son exemple rendit le courage à tous
les siens. Lui-même travailla jusqu'à sou dernier jour: c'est au
moment où il quittait sa villa de Versailles pour aller faire son
cours à l'Institut Catholique qu'une maladie insidieuse et impla-
cable le foudroya.
Paul Fourxier.
."b
3-^
TABLES DES MATIERES
Un autel du culte pluygien au Jluséc du Latiaii, par P. Fabre . 3
Hercule funéraire [suite et fin), par J. Bayet 19
Quelques italiens d'Avignon au XIV siècle, par K. Brun:
I. Les archives de Datini à Prato 103
II. Naddino de Prato, médecin de la cour pontificale . . -219
Elpénor à AntiumV par L. Bavard 115
Lettres émanant de la Cour Pontificale à répoi)ue du Conclave de
Viterbe 1270-1272 , par J. Porcher 123
Attideia, par J. Carcopino:
I. Sur la date de Tintroduction otticielli' à Home du culte
d'Attis 135
II. Galles et arcliigalles 237
Farnesiana, par F. Benoit;
I. La bibliothèque grecciue du cardinal Farnèse, suivie
d'un choix de Lettres d'Antoine Eparque, Mathieu Devaris et
F'ulvio Orsini 167
II. La maison du cardinal Farnèse en 1554 19S
Correction à Ephemeria Epùjraphica, VIII, u. 632, par L. Lesuhi 207
Gaston Etchegoyen. Nécrologie, par C. Terrasse 161
Georges Digard. Nécrologie, par P. Fournier 325
ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME \
MÉLANGES
D'ARCHEOLOGIE ET D'HISTOIRE
XLI* année (1924) - Fasc. 1-V
PARIS
Ancienne Libraikie FONTEMOING &. G"
E. DE BOCCARD, Successeur
1, rue de Médicis
ROME
SPITHÔVER, Place d'Eapagne.
Tip. Cug
■^
L'ALPHABET DE MARSILIANA
ET
LES ORIGINES DE L'ÉCRITURE À ROME
Dans le beau livre consacré aux fuuilles du Prince Tonimaso
Corsini à Marsiliana d'Albegna, M. Antonio Minto, du Musée de
Florence, a publié un nouvel alphabet étrusque, qui vient s'ajouter
à une série déjà nombreuse de documents du même genre '. Cet
alphabet de Marsiliana présente le très vif intérêt d'être non seu-
lement le plus parfait, mais aussi, de beaucoup le plus ancien de
tous cens que Ton connaît. Il est destiné à devenir le type de l'al-
phabet étrusque archaïque. Nous reprenons, en l'étudiant ici, une
vieille tradition des Mélaiiyes et de l'Ecole Française de Rome. Que
l'on se reporte, en effet, au volume de 1882; on y trouvera sous
des signatures illustres, trois articles consacrés à un autre alphabet
du même genre, celui du vase de Formello près de Veies, qui venait
d'être découvert ". Nous aurons également à renvoyer fréquemment
à un autre article de Bréal, dans les Mémoires de Société de Lin-
fiuisfique de Paris. Sur les rajtports de Vulphahet étrusque avec
Valp/mhet lutin ^. Enfin, plus récemment, notre regretté camarade
Anziani a repris, dans les Mélanges Gagnât., l'étude de l'alphabet
' Antonio Minto. Marxiliana d'Albegnn, Le scoperie archcologiche de!
Principe Bon Tommaso Corsini., Firenze, Alinari, 1921, in-4°, 312 pages,
LUI planches.
- Michel Bréal, Inscriptions du vase Chigi., p, 203, 206. — François Le-
normant, L.'Alpjliahet grec du vase Chigi, p. 302-308, — (4. F. Gainunini,
Les inscriptions éirusqites du vn,^e Chigi. — Cf. T, Moinmsen, ^l?/"a6«(() (/ceco-
italico primitivo del vaso Chigi, dans Jiallettino delV Instituto, 1.S82, p. 91 96.
3 M. S. L., VII, 1892, p. 129-13i.
4 L AM'IIAIIET DE MAKSILIANA
et du syllabaire du vase Galassi trouvé autrefois à Cervetri et édité
par Lepsius '. Je voudrais essayer ici de préciser le» indicatious
nouvelles qui se dégagent de l'alplialiet de Marsiliaiia et surtout
mettre en lumière la confirmation qu'il apporte ;i certaines idées,
depuis longtemps proposées, mais non encore universellement admises,
touchant l'origine de l'écriture on Etrurie et à Korae.
I.
La tonibc aux ivoires de Marsiliaiia.
Je n'ai, sur ce chapitre, qu'à suivre, en le résumant, l'excel-
lent exposé de M. Minto. Sur un petit poggio dominant la vallée
de l'Albegna, le château de Marsiliana occupe l'emplacement de
quelque ancienne bourgade étrusque. L'Albegna aboutit à la mer
à cinq ou six kilomètres de là, un peu au sud du Monte Argentario.
Non loin de son embouchure se trouvait le port de Telamon. A
quelque distance au nord du fleuve, vers l'intérieur des terres, se ren-
contre Vetulonia. Au sud, les cités les plus proches étaient Cosa
puis Vulci. Nous nous trouvons donc à Marsiliana, au sud de l'ile
d'Elbe, au centre même de l'Etrurie maritime.
Autour de l'oppidum, une centaine de sépultures ont été mises
à jour, tantôt disséminées dans la campagne, tantôt groupées en
petits cimetières. Elles s'espacent, dans le temps, sur environ deux
siècles et demie, depuis la fin de la période villanovienne où les
inhumations commencent à se mêler aux incinérations, jusqu'à l'é-
pbque des premières toml)es à ciiambre, de la fin du IX'' siècle en-
viron, jusque vers le milieu du VI' siècle. Les plus nombreuses, et
de beaucoup les plus riches, sont les tombes à fosse sous tumulus
entourées d'un cercle de pierre comme les circoJi de Vetulonia. Elles
' D. Anziani, Le l'u-ie Galassi, dans Mel. Cagmit, 1912, p. 17-30. —
Cf. R. Lepsius, Annali deU'Istituto, 1836, p. 186-203.
ET LES ORIGINES DE L'ÉCRITURE À ROME 5
datent de la seconde moitié du VIII" siècles et du début du VIP.
C'est d'une tombe de ce geui-e que provient la tablette à écrire en
ivoire sur l'un des bords de laquelle est gravé l'alphabet.
Le cercle fiu.r ivoires de Marsiliana ' contenait trois squelettes
inhumés sans aucun doute en moine teni])». Vers l'un des angles de
la tombe, un bloc de tuf rectangulaire avait été creusé pour re-
cevoir un grand bassin de bronze laminé qui contenait de nombreux
objets d'or, d'argent et particulièrement d'ivoire. Contentons nous
de signaler quelques uns des plus caractéristiques: deux fibules d'or,
l'une à sanguisuga et à ressort, de petites dimensions, ornée de
zig-zags et de méandres en granulé, l'autre, plus grande, :\ arc
serpentant ; toutes deux à très long étrier ". La grande fibule à arc
serpentant est du même type que la fibule célèbre de Préneste por-
tant la signature : 3Ia))ios med vlierhaked Numasioi '. De même
taille et de même type sont deux fibules en argent *. D'une tombe
voisine ^ provient une magnifique fibule d'or dont l'arc et l'étrier
portent un défilé de petits canards ". Cette ornementation rappelle
l'exemplaire fameux du British Muséum provenant, semble-t-il, de
Cervetri, et sur lequel se détache pareillement une suite de lions
et de sphinx '.
Cette orfèvrerie décorée k la fois de motifs géométriques et de
figures stylisées d'animaux réels ou fantastiques mais appartenant
tous au monde oriental fait partie intégrante du mobilier des tombes
à cercle de Vetulonia et des grandes fosses de Vulci et de Pré-
' Tombe LXVII — Minto, p. 119 sqq.
» Minto, pi. XII, fig. 4, 7.
'■' Mm. Mifteil., II, 1887, p. 37-39.
< Minto, pi. XII, fig. 11.
■^ Tombe XLI. circolo délia Filmla.
« Minto, pi. XI, fig. 1.
' Minto. p. 197 et note 1. t'f. .Marshall, Catalogue of JeweUery, n° 1376;
.Milani, Bendiconti Lincei. XXI, \%V2, p. 317, fig. 1; Pinza. EUiologia an-
tica toscano-laziale, p. 376 sqq.; pi. 16, y. — Pouf la fibule de la tombe
Regolinl-Galassi, cf. Pinza, Bom. Miiteil, XXII, 1907, p. 58, 59 et note 1.
(l I. AM'IIAMET I>K MAKSII.IANA
iicstp '. Il s'en ('Ht retrouvé plusieurs exemplaires dans la dianilMc
iiiférieiirc du tiiirnilus Regoliiii-fialassi à Cervetri "'. l'AU- apparaît lar-
gement répandue dans Dtalie centrale depuis la lin du VIIl' siéelc
jus(|u';ï la (in du VITsièele; elle y suscita de momlireuses imi-
tations en liron/e. M. K.iro (|ni l'a étudiée spécialement à Vetulonia
la émit de fabrication locale '. On ne saurait méconnaître cepen-
dant (|ue les modèles, au moins, de ces bijoux et surtout, de leur
décoration géométrique et figurée, ne iirovieunent de l'Orient pro-
tolielléui(|ue. C'est de là que, dans le courant du VHP siècle, ils
furent introduits en Htrurie pour être ensuite rei)roduits dans phi-
sieurs des grands centres de la première civilisation italienne *.
La tombe aux ivoires de Marsiliana fournit d'ailleurs, sur le
bord d'une roupe d'aigent, un exemple de cette décoration figurée
de type oriental : une suite de deux félins en arrêt derrière deux
oies nageant. Un(ï telle composition rappelle nettement l'Egypte '■".
La série la plus caractéristique, comme l'indique le nom donné
à la tombe qui nous occupe, est celle des ivoires. Laissant de côté
les menus objets et fragments peu reconnaissables. pour lesquels
nous nous contentons de renvoyer à la publication de M. Minto ",
nous mentionnerons seulement ceux dont la décoration figurée donne
pour ainsi dire la note de la civilisation au milieu de laquelle
apparaît l'alphabet. Ce sont :
— une petite tète humaine, d'environ deux eeutinu''tres, aux
arcades sourcilières proéminentes et fortement arquées, aux larges
' Montcliiis, Jm cirilisaiion primUive en Jinlie, 11, Italie centrale,
pi. 191, 1, pi. 193 (Vetulonia) ~ pi. 261, pi. 2(;2, 1, 2, :i ,Vulci) — pi. 869, 5:
bronze et ivoire ; pi. 370 (Palestrina i — pi. 378 (provenance indéterminée).
' Pinza, Rom. J\[itteiî.,XXU, 1907, p. 57 sqq. Montelius, ihid.. pi. 340, 5.
Autre exemplaire de Cervetri. Montelius, iliid.. pi. 332, 10.
' Z« orificerie ili Vetulonia, dans Milani, fltiuli e MateridU, I. p. 249, 2.50 .
* Cf. A. Grenier, Bologne riUanoviemie et étrusque, < 1912î, p. 299, 300.
5 Minto, fig. 12. p. 213: cf. p. 121.
^ P. 122-127.
l;r l,KS UKKil.N'K.S DE L ECRITURE A ROME (
oreilles et portant une petite barbe en pointe (Minto, pi. XXI.
fig. 13)'.
— deux liras liiimaiiis fonstitués dune série de (lis<iiics d'ivoire
montés sur un lil de bronze ; les mains sont soigneusement scul-
ptées ; ees liras semblent avoir ajipartenu à quelque poupée (Minto,
(ig. 16, p. 253 et pi. XIX, 1 r/, 1 h).
— deux exemplaires, dont l'un seulement est complet, d'un
disque d"ivoire percé d'un trou central : sur l'niu' des faces sont
sculptés en fort relief deux cliiens couchés en rond, museau contre
museau (Minto, pi. XIX, 5).
— deux manches d'ivoire, longs de 0,14, dont l'extrémité forme
disque. Comme les deux chiens sur les exemplaires précédents, deux
iigures humaines recoquillées épousent la courbure du disque ; entre
elles est (iguré un lion marchant dans les flancs duquel chacun df^sdeux
personnages couchés semble plonger un poignard (Minto, pi. XIX, 2).
— deux poignées représentant uii lion accroupi. De la gueule
largement ouverte sortent les jambes et le ventre d'un homme (Minto,
pi. XIX, 6, 7). C'est :\ notre connaissance la première représentation
plastique du motif bien connu du fauve androphage ".
— une pyxide à peu près cylindrique, haute de 0,28 et de 0,10
de diamètre (Minto, pi. XVIII, fîg. 14, p. 223). Le corps en est orné
de deux zones de reliefs superposés : en haut, deux bouquetins lut-
tent à coups de cornes ; un lion s'apprête à dévorer un homme
terrassé qui brandit encore son poignard ; au dessus des deux scènes
volent des oiseaux de proie. Sur la zone inférieure, de part et d'autre
d'un sphinx et d'un bélier, on distingue deux fois un fauve prêt
à dévorer un homme. Le couvercle de la pyxide a pour poignée
' Signalons, pour uiéuioirc, des fragments d'une lamelle d'argent ayant
appartenu, soit à un masque funéraire, soit plutôt comme le donne à
penser la présence de deux petits clous d'argent, au revêtement d'une
âme de bois formant l'armature d'un buste. On y reconnaît les deux
oreilles, des parties de la chevelure et quelques autres détails du vi-
sage. (Minto, p. 121 et 211 1. La tombe à la fibule (tombe XLI) contenait
un buste en tôle de bronze dont la tête fait malheureusement défaut
(Minto, pi. XLIII, p. 211 et 277) et qui rappelle le buste en bronze la-
miné de la tombe d'Isis à Vulci. (Cf. Martha, AH Etrusque, p. 498, tig. 32.Ô ;
Montelius, La civilis. prim.., II, pi. 266, 8).
' Cf. A. Grenier, Bologne, p. 385, 386, notes 2 et 3.
I, ALPHAHBT I)K MAKSILIANA
une Heiir de lotus autour de laquelle sont encore dessinées au trait
de» scènes de lutte entre hommes et animaux: un personnage cul-
buté se défend avec une hache sans manche contre une sorte de
liouquetin; derrière l'homme apparaît un sphinx, puis une série
d'animaux plus ou moins reconuaissables : bélier, poisson, serpent,
bouquetin. Une fleur de lotus stylisée semble marquer, derrière le
Iinu(niefin qui assaille l'homme, le commencement de la scène.
Fis. 1-
La tablette à écrire de Marsiliana.
— un magnifique peigne orné de figures en ronde bosse et en
relief (Minto. pi. XVII et fig. 13, p. 228, 229 1. Sur le haut de cette
pièce d'apparat se détache une fleur, au pistil de laquelle était
fixée une clochette d'argent ; de part et d'autre, deux félins, éga-
lement en ronde bosse marchent en sens opposé l'un de l'autre.
Sur le corps du peigne, au dessus des dents, se voient, d'un côté
deux sphinx affrontés et, de l'antre, deux fauves ailés dont l'un
semble en train d'avaler un serpent. De chaque côté, les bords du
peigne se relèvent en un long col terminé par une tête de griffon ;
au dessus d'elles, deux protomes semblables étaient reliées par des
chainettes d'argent aux félins et à la clochette de la fleur du haut
du peigne.
ET I.BS ORIGINES DE L ECRITURE A ROME 9
— enfin la tablette à écrire (Miiito, pi. XX, voir notre fig. 1) '.
C'est une planchette d'ivoire quadrangulaire d'environ 9'"^ sur 5.
Une bordure large d'un demi centimètre entoure la partie centrale
creusée pour recevoir la couche de cire sur laquelle on écrivait.
C'est sur un des longs côtés de ce cadre qu'a été incisé, à l'aide
d'une pointe métallique, d'un trait fin et sûr, l'alphabet. La tranche
de la tablette est ornée, de trois côtés, d'une tresse en relief; sur
le quatrième côté, deux têtes de lion servent de poignée. Cette dé-
coration est de même style que celle des autres ivoires. Sur le fond
de la tablette s'aperçoivent des traces produites par la pointe du
style parfois trop lourdement appuyée. Il s'ensuit que la tablette
a servi. L'aphabet gravé sur l'un de ses bords était un modèle
destiné A guider les exercices d'écriture de son possesseur.
Nous n'avons pas à instituer ici l'étude de ce groupe d'ivoires
ni l'analyse de leur décoration. On trouvera sur l'un et l'autre point
toutes les indications essentielles dans la publication de M. Minto "'.
Il nous importe seulement de préciser l'origine de ce mobilier dont
fait partie la tablette à écrire et sa date.
Les motifs figurés sur les ivoires de Marsiliana accusent net-
tement leur origine orientale. Ces objets proviennent, reconnaît
M. Minto, de quelque colonie ou centre insulaire de la Grèce Asia-
tique ^. Parmi les ivoires trouvés en Etrurie, il convient en effet
de distinguer deux catégories. Les uns, garnitures de meubles, cof-
frets, pyxides ou boites de miroirs appartiennent A, l'art ionien.
Ils datent surtout du VI' ou du V siècle. La plupart peuvent avoir
1 D'après une photographie aimablement oommuniquée par M. Minto
que je tiens à remercier ici de sa courtoisie. On remarquera que la pi. XX
du volume de M. Minto présente les caractères de gauche à droite, tandis
que notre figure les donne de droite à gauche. C'est notre figure qui
est juste; le renversement de l'image sur la planche de M. Minto pro-
vient d'une inadvertance du photograveur qui a employé son cliché à
l'envers.
' Minto, p. 214 scjq.
5 Minto, p. 247.
III I, ALPHABET l>K MAHSILIANA
été. sculptés (MI Ktriirii! '. I/antre j^roupe est plus .-incien. Il est
earaetérisé par le type tout (U-iental des figures qui le décorent et
semlile étranger à l'Ktriirie. f^es olijets qui le composent durent
y être importés. C'est il cr gi-oui)e qu'appartiennent les ivoires de
la tiiMilic de Marsiliana.
i'ar les figures (jui les décorent, ils viennnent se ranger à coté
de ceux de la tomlie Barlierini de l'réneste ", et de la toinlie Re-
golini-Galassi de Çervetri ^. Mais par leui- style ils p.:iraissent plus
anciens que les ivoires de Fréneste. Excei)tioii faite du groupe en
ronde bosse d'un lion portant sur son dos le cadavre d'un lioninic,
les exemplaires de la tombe Harberini sont d'une factun^ plus cor-
recte mais plus sèche et d'un relief plus plat. On y sent déjà la
précision du style ionien. Les ivoires de Marsiliana se ia|)i)rocl)e-
raient davantage du fragment di' i)yxide provenant de la tombe
Kegolini-(!alassi de Caeré, si l'uu en peut juger par les médiocres
reproductions que nous possédons de cet objet '. Ce fragment )iorte-
rait des caractères chypriotes ". Il est possible qu'il ait été fabriqué
à f'iiypre. D'autre ])art les nomlireux ivoires trouvés à l'Artemision
d'Ephèse paraissent provenir de Rhodes •"'. Ces deux îles qui, du-
rant les premiers siècles du dernier millénaire avant notre ère,
ont été ;'i la fois i>iiéniciennes et grecques senil)lent avoir été comme
les lieux de rendez-vous où la (Iréce posl-mycénieniie s'est fami-
■ A. (irenier, Jiohiijne, p. 361. l'oUack, ll^im. Mitteil., ISUU, p. 311 s(|(|.
^ A. Délia Seta, La GoUezione Burherini di AnticltHà l'renestiue,
dans Biillet. d'Aiic, 1909, n"» 5, 6, Mai, Juin.
■' Ihid., Kg. Il, a, h. Cf. Poiilsen, Der Orient u. die. fiiihgriech. Kunst,
p. 58, tig. 58.
* Pinza, Rom. MHteiL, 1907, p. 123-125. Muxeo etrmco Greyoriano^
I, pi. VIII. Montelius, II, pi. 337, 12, 14. Cf. Poulsen, lier Orient...,
fig. 143, 144, p. 180.
'" Poulsen, ibid.., p. 129. ,\I. Albi/.zati renianiue ijue ces caractères
prétendus chypriotes sont cxtrèmenient douteux et paraissent se réduire
à d(^ simples traits juxtaposés an liasaid, Dissert. Accad. Pontif., 1920,
p. 13, n. 1.
"^ Poulsen, ibid., \). 100 sqq.
ET LES ORIGINES DE L Et'KlTI'KE A ROME II
liarisée avec rabondant répertoire figuré tle l'Orient. C'est de cette
imagerie orientale, ou syroliétéenne, comme dit M. Minto, que re-
lève la décoration des ivoires de Marsiliana. On n'y distinuue encore
aucun caractère hellénique. Est-ce T'Iiyprc, est-ce Rhodes ou bien
quchiuc autre centre encore iiulétcrmiiié qui a produit ces n-u-
vres ? Nous ne saurions le préciser. Mais on ne saurait hésiter à
y reconnaître un art tout pénétré des influences de l'Asie antérieure.
Une figurine d'ivoire issue d'une autre tombe a rirrolo de Mar-
siliana ' apporte au sujet de l'origine de tout ce groupe d'objets
une indication décisive. C'est une déesse nue, une Fécoudité, te-
nant d'une main un vase qui semble recueillir le lait qui s'écoule
de la mamelle droite et, de l'autre main, pressant son sein gauche '".
Quelques fragments d'une mince lamelle d'or conservent la trace
du manteau qui devait envelopper la déesse eu laissant :\ nu le
devant du corps et, en particulier, la poitrine. « C'est Chypre, dit
» M. Minto, qui a fourni la série la plus riche d'ex-voto de ce
» genre ... La statuette de Marsiliana se trouve bien loin par sa
» technique et son style de la perfection des figurines d'Ephèse qui
» relèvent déjà de l'art grec » ^. Elle nous transporte en plein
Orient.
Nous croyons donc pouvoir réunir en un seul groupe, à Marsi-
liana, les ivoires et les huit scarabées d'émail qui paraissent, non
des imitations, mais bien des exemplaires autlientiquenient égyj)-
tiens ■". Nous en attribuerons l'importation en Etrurie au grand
courant de commerce préhellénique qui a répandu jusqu'en Espague
des ivoires non sans analogie avec ceux de Marsiliana ^ et qui a
multiplié, eu Italie, les scarabées, les coupes d'argent ciselé et
' Circolo deîla Fibiila, tombe XLI, Minto, p. SI.
' Minto, pi. XVI. p. si; et ■21fi-218.
3 Ibkl.
* Ihid., p. 247, 24.S.
* Poulsen, Der Orient u. die fmhgriech. Kiinst, p. 51 sqq.
12 I.AI.I'IIAHIOT I)K MAKSILIANA
lepoiisé et divers autres iihjets de caractère nettement oriental.
Ce commerce, a-t-on ' remarqué, décline puis ceBse à peu près com-
plètement an cours du VIT siècle, tandis que s'aflirme sur les
côtes italieuiies la prépondérance des Grecs '. t^u'il soit purement
pliéiiicieii ou que les Etrusques eux mêmes y aient participé en
allant, dès ce moment, chercher dans les ports étrangers les objets
que nous trouvons dans leurs tombes, il i)arait incontestalde que
rOrient a précédé l'hellénisme sur les rives tyrrhéniennes. C'est
à ce Hot oricTital qu'il faut attribuer les ivoires de Marsiliana.
Le caractère particulièrement oriental de ces ivoires les ran{?e
parmi les ])lu8 aTiciens de ceux qui ont été trouvés en Italie. Leur
style, remarque M. Minfo, est pins archaïque que celui des objets
similaires provenant de Caeré et de Préneste •'. La tonilie Rcgolini-
(ialassi, en effet, était une tombe à chambre primitive sous tumulus.
Les tombes lîernardini et Harberini de Préneste étaient des fosses
entourées d'une construction eu pierres. L'un vt i';iutre type d'ar-
chitecture fiiiiéruire se classent jiprès les tnmiili à rircolo tels que
la tonilie aux ivoires de Marsiliana. Les sépultures de Caeré et de
Préneste étaient abondamment fournies de vaisselle italo f,'éométrique,
qui apparaît bien à Marsiliana dans les premières tombes à chambre
mais fait :\ peu jirès complètement défaut dans les circoli. Si l'on
accepte comme date des premières le milieu du Vil" siècle, il nous
faut donc remonter ])our les circoli, k la fin du VIIP et au début
du Vir siècle. Les scarabées de Marsiliana fournissent précisément
les dates approximatives de 750 à 650. M. Minto adopte, pour le
Cercle aux ivoires le terme fin du VIIT ou début du VIF siècle.
IVaccord avec lui, nous pouvons, sans grande erreur, fixer aux en-
virons de l'an 700 la sépulture qui nous fournit la tablette à écrire
et son alphabet.
' V. Knlirstedt. Phiinikischer llatuM an der italischeii M'estkiiste,
dans Klio, XII, VJV2. p. 4til 47:!.
' Minto, p. 246.
ET LES ORIGINES DE L ECRITURE A ROME là
II.
La tattlette à écrire et Talplialtet »le 3Iarsiliaiia.
La tablette à écrire fait partie intéjcrante du groupe d'ivoires
décrit ci-dessus. Elle apparaît donc comme de fabrication orientale.
L'usage d'écritoires de ce genre se trouve en effet confirmé, pour les
régions que baigne la Méditerranée orientale, dès une époque très
ancienne '. L'alphabet au contraire est purement grec. C'est l'alphabet
complet de 26 lettres. Il conserve, comme nous le verrons plus loin,
plusieurs caractères d'origine phénicienne que l'usage hellénique,
tel qu'il nous est connu par les inscriptions, n'a pas tardé à éli-
miner. Mais il est complètement formé ; il présente même déjà les
trois caractères supplémentaires inventés ou du moins adoptés par
les Grecs. Il ne comporte donc aucune relation particulière avec
les moyens d'écriture primitivement en usage à l'est de la Médi-
terranée, et dont certain, comme celui de Chypre, fut conservé Jusqu'à
une époque assez basse. Il ne nous apprend rien sur l'origine et
la formation des signes graphiques adoptés par le monde hellénique.
C'est un ali)liabet grec parfait qu'il nous faut prendre comme tel.
Comment, se demandera-ton tout d'abord, en est-il venu à se
trouver incisé sur une tablette de provenance orientale ? Il est fort
peu vraisemblable qu'il ait été gravé au lieu même ofi fut fabriqué
la tablette: un ciseleur sur ivoire n'est pas, en même temps, maître
d'écriture. Comment d'ailleurs aurait-il connu avec la précision que
' Cf. Dareraberg. Saglio, Pottier, Diction, des Antiquités, s. v, Tii-
hella. M. Minto croit trouver des tablettes à écrire dès les plus anciennes
dynasties égyptiennes. Il renvoie à Flinders Pétrie, The Tioijal Tomba of
the cnrliest Dynasties, II, pi. 35, fig. 4; pi. 38, tig. 50 et 51. Il s'agit,
comme Flinders Pétrie l'indique avec toute apparence de raison, soit d'un
fragment d'une boite d'ivoire, soit de petites palettes à fard. Les exem-
plaires <le la pi. 3S 80ut lieaucoup trop petits (5 à ti cin.iiiour avoir servi
d'écritoires.
14 I.AI.I'llAliKT I>K MARSILIANA
nous constaterons plus loin, les particularités alplialictiqufs do-
minant dans la région étrusque à laquelle devait al»outir la tal)lette?
Celle-ci dut certainement être livrée vierge. L'alphabet y fut gravé
après coup.
Je me trouve, Jusqu'ici, en parfait accord avec M. Minto. Mais
Je ne crois pas pouvoir le suivre plus loin. Partant de l'idée que
l'alpliabet est clialcidien, il y reconnaît, sur la tablette, comme
une mar(nic d'importation '. Les Cbalcidiens auraient donc servi
d'intermédiaires entre les ateliers orientaux où furent faliriqués les
ivoires et l'Etrurie. Cette hypothèse, si elle se vérifiait, aurait le .
vif intérêt de résoudre en faveur de l'un des peuples grecs le plus
précocement industrieux et actif sur mer, le problème si discuté
de la diffusion en Occident de la civilisation non seulement iouienue
et protoliellénique mais même orientale. Mais si l'alphabet de Mar-
siliana présente avec celui qui fut en usage à Chalcis et à Cumes
une certaine ressemblance, il apparaît surtout identique aux autres
alphabets connus en Ktrurie. Il est étrusque en même temps que
grec. Quelle raison auraient eu les marins ou le négociant qui trans-
porta la tablette ù écrire du lieu d'origine à Marsiliana d'y ins-
crire un alphabet? N'estil pas plus simple et plus conforme à la
vraisemblance d'admettre que l'alphabet fut gravé dans le pays même
oi'i la tablette fut en usage, c'est-à-dire en Etrurie? Si l'on veut
tout expliquer, on imaginera, puisqu'il côté de la tablette nous trou-
vons les restes d'une poupée, que l'un des trois corps inhumés dans
la tombe aux ivoires, pouvait être celui de quelque enfant apprenant
à écrire et pour lequel son maître aurait pris soin d'inciser un
beau modèle sur le bord de la tablette servant à ses exercices.
Que l'on n'aille pas d'ailleurs attril)uer à ce jeu d'imagination
plus d'importance qu'il n'en a dans notre esprit. Le véritable pro-
blème est de déterminer si l'alpliabet de Marsiliana est véritable-
' Minto, p. 247.
ET LES ORIOINES DE l'É('R1TIRE À ROME 15
ment fh.ilciilieii. I/hypotlièse tlo JI. Minto le suppose résolu. Je ne
partage pas sa foi.
Le dogme de rorigine chaleidienne de l'écriture étrusque a eu,
en effet, et conserve encore ses hérétiques. Eu 1882, à propos de
l'alphabet du vase Cliigi de Formello près de Veies, Fr. Lenormant
s'élevait vivement contre l'attriljution à Clialcis de cet alphabet et
de l'alphabet analogue du vase Galassi de Caeré '. 11 en cherchait
le modèle à Tarente. D'antre part, Milani objectait que la connais-
sance de l'écriture était beaucoup plus ancienne en Etrurie que la
fondation de Cumcs qui, suivant la doctrine courante, aurait sei'vi
d'intermédiaire entre Chalcis et les Etrusques '-. Plus récemment.
Anziani, reprenant l'idée de Lepsius, croyait pouvoir reconnaître
sur le vase Galassi un alphabet pelasgiqne ^. Laissant de coté le
nom mythique des Pelasges, M. Hammarstriim ccmclut une étude ex-
trêmement sérieuse de l'alphabet étrusque et latin en rapprochant
l'écriture étrusque de celle des inscriptions de Béotie et en sug-
gérant qu'elle aurait été introduite eu Italie par les Tyrrhènes
chassés de Béotie et d'Attique et finalement établis ;V Lemnos *.
Sans doute l'alphabet tarentin de Leuormant n'estil qu'un docu-
ment de basse époque et fort incertain; sans doute la chronologie
de Milani exagère-t-elle l'antiquité des premières incriptions étrus-
ques et les conclusions d' Anziani dépassent-elles de lieaucoup le
document étudié; sans doute encore, toutes les raisons de M. Ham-
niarstriim n'emportent elles pas la conviction et l'intervention sup-
posée des Tyrrhènes de Lemnos est-elle sujette à de fortes objec-
tions. Il u'en résulte pas moins de toutes ces oppositions, émanant
de savants fort au courant des choses étrusques, que la doctrine
' Malnnges d'Arch. et d'Hist., II, 1882, p. 302-308.
^ Mascn topografico dell'Etruria, 1898, p. 33, 36.
3 Mélaniies Caijnat (i;)I2), p. 28, 29.
* Bdtriiijc ztir Geschichte des etniskisclwii, liitcinisclu')! niid firicchi-
sclicii Alphabet!!, dans Acta Societatis Scicntiaruin Fennic(u\ t. XI.IX. n. :?,
Helsingfors, 1920, in 4", 58 p.
16 L'aI.I'IIAHKT dk maksiliana
courante est loin d'être aBsurée par des raisons décisives. Laissant
de côté tonte l'exégèse ancienne, essayons, à l'aide du document
nouveau que constitue l'alphabet de Marsiliana de voir comment
se présentent les faits.
La tache serait facile si nous disposions pour Chalcis ou pour
Cumes d'un alijljalict comparable à celui que Marsiliana nous fournit
pour l'Etrurie. 11 n'en est rien. Nous présenterons donc ici comme
type de l'écriture chalcidienne l'alphabet qui résulte des plus an-
ciennes inscriptions de Cumes telles qu'elles viennent d'être pu-
bliées à nouveau par M. Gabriel dans l'important travail consacré
aux anti(|uité8 de la grande colonie de T'halcis '.
Ce sont :
N" 1. Les commencements de deux alphabets, jusqu'à la lettre h
incluse, superposés comme s'il s'agissait d'établir une concordance
entre eux. Le premier, en raison de la forme caractéristiqne du h
semble corinthien. Nous le laisserons de côté; et n'utiliserons que
le second qui parait bieu chalcidien. Ces alphabets sont incisés sur
un petit lécythe italo-géométrique d'un type courant à Cumes et,
fort probablement, de fabrication locale. Ce vase se place au plus
tard dans le dernier quart du VIII' siècle, dit M. Gabriel '. L'al-
phabet est donc à peu de choses près contemporain de celui de
Marsiliana. (Gabriel, col. 230).
N° 2. Inscription: hisamenetinnuna incisée sur la base d'un
lécythe du même genre que le précédent, provenant de la tombe
n° 17. (Gabriel, col. 231. Cf. Not. Scavi, 1908, p. 113 sqq.).
N° 3. Inscription: TaTatY); ti^A XyioûOo;" d; rt'xv us 7.\^<szi
h'jdil'ji serai gravée sur un lécythe de type protocorinthien pro-
venant des fouilles de Lord Vernon à Cumes en 1845. Le vase se
trouve au Musée Britannique (Gabriel, col. 307, pi. LI, fig. 1.
Cf. Roelil, Iiisciijitiimes gr. antiquissimae, n° -524).
I B. Gahrici, Ciiiiia, Mon. Lincei, XXII, 191.3.
^ L'ensemble do la chronologie do M. Gabriel nie seniblr un pou
exagoroc dans le .sous do lantiiiiiito: jo dirais plutôt ici; preuiiôre moitié
du ¥11*= siècle.
ET LES ORIGINES DE L'ÉCKITURE A ROME 17
X"' 4 et 5. Deux inscriptions lapidaires provenant de tombes
à chambre archaïques. Sriij.oyoc^ihot azw.'.-o (Gabrici, col. ")72,
fig. 212; cf. Roehl, n» 528) et ù-'j rz: /.li-n: zvjzz: Asvo; bT.'j .
(Gabrici, fig. 213, col. 573). Ces inscriptions peuvent encore dater
du VU* siècle.
Les deux alphabets n^' 1 sont gravés de gauche à droite ; les
n°^ 2 et 3 de droite à gauche ; l'inscription de Democharis est
boustrophédon ; la dernière va de gauche à droite. Nous nous en
tenons à la forme générale des lettres en négligeant les particu-
larités du tracé qui nous semblent d'importance tout à fait se-
condaire.
De ces diverses inscriptions cnmanes approximativement con-
temporaines résulte le tableau que l'on trouvera p. 18.
Les l'essemblances sont incontestablement nombreuses entre l'al-
phabet de Marsiliana et la plus ancienne paléographie de Cumes.
Mais elles sont peu caractéristiques. Que l'on consulte en effet les
tableaux de Kirchhoff ' ou de Larfeld ", on s'apercevra que la plu-
part des caractères identiques à Marsiliana et ;\ Cumes sont com-
muns à la majorité des alphabets grecs, en particulier à tous ceux
du groupe occidental. C'est ainsi que M. Haramarstrom peut aisé-
ment rapprocher l'alphabet étrusque de l'alphabet béotien '.
Les remarques que l'on peut faire indiquent tout d'abord une
cei'taine indépendance de l'alphabet étrusque par rapport à celui
de Cumes.
La troisième lettre. F est identique à Cumes et à Marsiliana.
Mais dans tous les autres alphabets d'Etrurie apparaît la forme C
dont l'emploi est appelé à se généraliser en Etnirie et à Rome.
Cette forme domine également sur les amphores ehalcidiennes du
' Studien iur Gexchichte (?es ijrirch. Alphiihrts* (18><7). Siii- l'aljjhabet
chaleidicn et ses dérivés, p. 117 si|(|.
- Griechische Epigraphik^ (1914) dans hvan v. Millier, Maiidbiich, I, 5.
' Beitràge z. Gesch. des Klrusk. Lat. u. Griech. Alpltahets, dans Acta
Soc. Scient. Feniiicac, (Hclsinj-fors, 1920], p. 47 sqq.
Mélanges dArch. rt dllist. l!tk!i. 2
18
I, AI.PIlAHirr IlK MAKSIMANA
MARSILIANA
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Alpliabcts :ircli,aïi|iics de ('unies.
VT' ai(''{li^ tniiivri's en Ktnirie. Le passago de riiii à l'autic ty]ii'
.s'('xpli(|iii' aisrmiiit : il s'est opéré sporadiiiiiemciit et spontanément,
ET LES ORIGINES DE L'ÉCRITURE À ROME 10
semble-t-il, dans plusieurs alphabets du Péloponnèse et de la Grèce
occidentale. Nous apercevons la transformation de ce caractère en
Etrurie, entre l'alpliabet de Marsiliana et ceux de Vêles et de
Caeré, c'est-à dire durant la première moitié du VU' siècle. Il n'est
pas certain que l'évolution en ait été aussi précoce à Chalcis et
à Cumes '. Ce caractère, se serait donc modifié en Etrurie, indé-
pendamment de l'écriture chalcidienne.
La forme du delta confirme cette impression. Il tend à Mar-
siliana vers la forme circulaire ; il est plutôt triangulaire à Cumes
Ici encore, la forme qui fut adoptée par les écritures italiennes
paraît plus ancienne en Etrurie que dans la paléographie de Chalcis.
De même le II apparaît dans l'une des inscriptions les moins an-
ciennes de Curaes sous les deux formes nettement angulaires II
et I'. La première est sans exemple en Etrurie. La seconde, qui
se voit déjà abâtardie à Marsiliana, est remplacée, dès les alpha-
bets de Veies et de Caeré par uu P qui ne diffère du p qu'en ce
que la bouche n'est pas entièrement fermée. Cette forme qui ne se
rencontre pas à Cumes n'est cependant pas inconnue à Chalcis mais
elle est aussi fréquente en Béotie. Ici encore, on ne saurait affirmer
l'influence de la paléographie de Cumes sur l'écriture étrusque.
Le digamma présente nettement sur le fragment d'alphabet de
Cumes la même forme F qu'à Marsiliana. Mais à Chalcis il a
constamment la forme M. Les deux types coexistent en Béotie. La
plupart des alphabets occidentaux ont F. Chalcis semble donc avoir
abandonné la forme pi'imitive qu'a consi'rvée l'Rtrurie.
La lettre H présente à Marsiliana la particularité de deux
traits intérieurs, tandis que sur le fragment d'alphabet de Cumes
elle en est complètement dépourvue. Ce ne sont là, de part et
' En Eubce la foriiic I lestc iloiiiinantr: voir U's iiisfi'i]ilioiis !<m'
lamelles de plomb: lîoi'lil, Iiiscr. (jr. aiiliti.. p. .S9, ii" liO-lil. A Chalcis
même nous trouvons la forme C: IJoehl, n" .ÎTI, ligne (5. Mais le n" 375
présente r. Cf. Kiichhoft"^, p. Ils, ligne 1.
20 1,'ALl'IIAHFrr IlK MARSILIANA
d'autre, (|uc île moniies anomalies. La forme courante à un trait
est commune aux alphabets étrusques de Voies et de C'aeré et à
deux autres inscriptions de Cumes. L'inscription n" 5 de Cumes
présente la forme H qui prédomine, aux VI' et V' siècles, dans
la plupart des alphabets occidentaux, et se généralise aussi, vers
la même époque, en Etnirie. Nous avons là Texemple d'une évo-
lution parallèle en pays grec et étrusque.
Nous trouvons à Marsiliana le sigma à trois traits des alpha-
bets de Cumes et de Chalcis, remplacé à Veies et à Caeré par le
sigma à quatre traits. Sur ce point, l'alphabet étrusque le plus
ancien présente avec celui de Cumes une concordance (|ui ne se
remarque plus entre les alphabets moins anciens.
Dans les plus anciennes inscriptions de Cumes, que nous avons
prises en considération, la lettre / fait défaut. C'est là un simple
hasard. L'écriture chalcidicnne présente de façon constante le -t-
avec la même valeur ; qu'en Etrurie '. La forme de la lettre, à
Marsiliana est \ plutôt que + . Mais sur les autres alphabets
étrusques elle est + plutôt que X. Ces incertitudes daus le tracé
paraissent dépourvues de signification.
Quelle conclusion tirer de ces menues particularités? Au mi-
lieu d"un ensemble de signes alphabétiques communs à tout le groupe
occidental, les lettres gamma, digamma, pi et sigma pi'ésentent, au
cours du Vir siècle, une évolution différente à Cumes et en Etrurie.
La lettre 11 montre une simplification identique dans les deux ré-
gions, mais cela seulement au VI' siècle. Cette indépendance de
' La plupart des exemples proviennent des amphores dites chalci-
dienncs du VI' siècle dont Torigine est d'ailleurs discutée. (Dngas, art.
Va.s-rt, p. 6.'Î7 dans Dkt. des Aiitiii.: Ducati, Sforia délia C'enim. grera,
p. I!t7). — Cf. Kietsclimer, Griech. Viise)ii)ischnfte)), p. 6;f-65: KirchhoflF*.
p. 121 sqq. — On trouve la même forme sur un casque de bronze prove-
nant de Locres, ou peut-être de l'aestum, Roehl, n" iJ38. — Sur une inscrip-
• tion de Regium, n°5:^2. — En Eubée, sur les lamelles de plomb de Styra,
ibid., p. 89, n"67; p. 91, n" 115, p. 95 n° 289 sqq.
ET LES ORIGINES DE I/ÉCUITIRE À ROME 21
l'Etrurie à l'égard de dîmes est surprenante, s'il est vrai qu'au
début du Vir siècle ou à la fin du siècle précédent, l'Etrurie ait
emprunté à Cumes son écriture. L'alphabet étrusque de Marsiliana
parait plus archaïque que les plus anciens de ceux que nous ren
controns à Cumes. De tels indices ne sauraient cependant suffire à
infirmer la doctrine courante toucliant l'origine cumane de l'alphaliet
étrusque.
Le fait significatif, nous seml)le-t il, se trouve ailleurs. La dif-
férence capitale entre l'alphabet étrusque et celui de Chalcis-Curaes
consiste dans le nombre des sifflantes. Les Etrusques ont conservé
les trois caractères dont l'alphabet phénicien fournissait le modèle:
samedi ffl, sadé M et sein devenu sigma ii. Chalcis et (Junies au
contraire, n'ont jamais connu que le sigma.
Cette divergence constituait l'argument principal de Lenormant
contre l'origine chalcidienne de l'alphaljet étrusque. C'est parce
qu'il croyait retrouver un samedi sur un alphabet provenant de
Vaste en terre d'Otrante qu'il préconisait l'origine tarentine de l'écri-
ture étrusque '. On ne peut songer à maintenir toute son argumen-
tation. L'alphabet de Vaste, gravé sur une lame de bronze qui a
disparu, très mal copié en 1805, puisqu'il fut présenté comme une
inscription ayant un sens, lui prête une base trop chancelante. Cet
alphabet présentait, entre le p et le c^, un caractère | — | que Lenor-
mant corrige eu 1-|-|, mais dont Roehl se demande s'il ne représente
pas simplement, après p simple, un p suivi de Ji et dans lequel
d'autres croient reconnaître un sigma à trois branches disposé ho-
rizontalement '. Quoi qu'il en soit, la place occupée par ce signe
dans l'alphabet interdit d'y voir un samedi ; cette lettre, en efî'et,
se rencontre invariablement entre iN et O. L'alphabet de Vaste est
un alphabet messapien d'assez basse époque sans relation particu-
lière avec l'alphabet étrusque.
' .Wlaniies, 11 (1882), p. 302-308.
' Larfeld, Grieeh. Epigraphik^ (1914). p. 218.
22 I.Al.l'IlAliKT l)K MAU.SIf.IANA
Loiiormaiit n'en avait pas moins raison (Vinsisler sur la gravité
il(,' la lacune que constitue raliscncc d\i samedi dans l'écriture elialci-
ilienne. Sans doute, dira-t on, si nous n'avions en Ktrurie, comme
à (Munies, que des inscriptions, n'y trouverions-nous pas le snmec/i.
La lettre ne (i;,'iii-c en effet que dans les alpliahets; elle n'a pas
trouvé son emploi dans l'écriture étrusque. N'avons-nous pas ainsi,
dans nos alphabets, des lettres qui ne sont d'aucun usaf^e : k en
français, // en allemand ! La présence du smncih dans les alplia-
liets étrusques, eonelut Kirehhof, prouve sini))lenient qu'il existait
dans les alplial)ets de Onmes '.
Nous ne le croyons pas. T^a lettre pl]éni<'ieune ^ mmerh existe
en effet dans de nombreuses écritures greciiues, où elle a la va-
leur xi. ('e sont toutes les écritures où le caractère supplémentaire \
a la valeur <lii. Klle a disparu au contraire, d'une façon générale,
de tous les alphabets grecs où le / a la valeur ri ■. Il y a dolic eu
choix. Ln ])rét.int .ni / la valeui' ;/, les Ohaleidiens ont du éliminer la
lettre qui pour les Grecs avait déjà ce son ; ou plutôt, ils n'ont
prêté au signe complémentaire y^ le son ri que parce qu'ils n'avaient
l)lus le caractère exprimant ce sou. La disparition du samech est
doue, chez eux, ou contemporaine, ou même antérieure à l'intro-
duction d.nis r.ilpliabet grec des signes complémentaires / o 'i,
c'est-à-dire fort ancienne '.
' Stiulien zur (iencltichic des yriech. Alplutliets*, j). I:i7.
- Voir le tableau de Larfeld. Griech. Kpiyvaphil;.
^ On rencontre cependant dans certains des alphabets occident.inx,
où /. := .r(, quchiues exemples de ï. .Mais ils sont ou tardifs on fort in-
certains. En Arcadie, Roehl, /. G. A., n"* 105, 106, 107. I.ittem Z,dit Roehl
à propos du n. 10'), et son observation vaut pour les snivants, ixdicium
est scriptiu-ae ionicae sensim se inferentis. En Béotie, l'inscription Roehl
n. 128 est des plus incertaines: on trouve l'un à côté de l'autre, dans
un texte inintelligible, les caractères /, et ;. II s'agit probablement du
groupe x" qui "'est pas sans exemple en Béotie. Pour la Thessalie, je
n'ai pas trouvé dans Uoelil l'exemple auquel fait allusion le tableau de
Larfeld.
KT LES OUKilKES DE L'ÉCRITURE À UO.ME 23
11 convient en outre de noter la forme tonte partienlière dn
samech étrnsqne, nne croix inscrite dans un rectangle. Klle dérive
sans doute de celle du sumi-ch phénicien mais s'en écarte beaucoup
plus que le E ionien. On ne saurait cependant attribuer aux Etrus-
ques cette transformation du caractère original puisque le samedi
est chez eux une lettre morte qui figure dans les alphabets mais
non dans l'écriture. D'où leur vient-elle î' Rien ne l'indiq.ne. Ils
l'ont reçue eu tout cas, d'un passé assez lointain pour n'avoir laissé
aucune trace dans toute la paléographie grecque.
L'absence du zddr M, non seulement à Cumes, mais dans toute
l'écriture chalcidieuue conduit aux mômes conclusions que celle du
samer//. Kn Etrurie cette lettre figure non seulement dans les al-
phabets mais aussi dans les inscriptions. Elle devait y correspondre
à nne articulation particulière de la sifflante. Dans l'ensemble de la
Grèce, au contraire, l'écriture s'est généralement contentée d'un ca-
ractère unique. Les différents alphabets ont adopté, les uns le
zadé M, les autres le sigma 1,. Ce sont bien là, en effet, deux let-
tres différentes et non pas le même caractère placé soit horizonta-
lement, soit verticalement '. On remarque que dans les régions où
le zarle a prévalu, le s'ninia ne parait pas et vice-versa. Ces deux
lettres s'excluent l'une l'autre ; le tableau de Larfekl l'indique net-
tement.
Il y a cependant des exceptions. Dans l'inscription d'Aliou-Simbel
et dans celle de Lygdarais à llalicarnasse (453) % zadd apparaît
à côté de — sous la forme T. En Arcadie, dans une inscription
de Mantinée, on le rencontre sons la forme N ', la même que
présente, en Etrurie, l'alphabet de Caeré. Dans ces différents cas,
e sadé a une valeur propre, différente de celle du sigma. Cer-
' Bvéal, Mélanges, II (1882), p. 204.
2 Roehl, I. G. A., .ÔOO.
3 B. C. //., XVI (1892), p. 569 sqq.. pi. XIX. Il ne s'agit cpu- de la
deuxième inscription. Cf. HomoUe, ihid., p. 593.
:i4 I. AI.I-IIAIIKT IHC MARSILIANA
t.-iiiifts rcritiircs ;^recqii(!s mit dimc possc-dé un double sit,'iic pour la
sillluiitc '.
l'.irnii les exempl<'S que nous possédons, il faut distinguer feux
d"Asie Mineure et eelui d'Areadie. Kn Asie Mineure, les faits pa-
raissent aneieiis. La foriiir particulière du -iidr' T semide dériver
direetement de celle de la lettre phénicienne. 11 peut donc 8':i;^ir
de la conservation d'un caractèi-e traditionnel. Cependant, dans l'al-
phabet numéral de Milet ce même zade apparaît ajouté, hors de
sa place normale, tout à la fin, après les signes complémentaires.
Sans avoir jamais complètement disparu, il devait tomber en désué-
tude. Artificiellement rétabli hors de sa place normale, il ne s'est
trouvé ensuite qu'irréf^ulièrcment en usage. L'emploi qui en est fait
dans l'inscription de Lygdamis à llalicarnasse témoigne suffisamment
de cette irrégularité ". Les alphaliets d'Asie Mineure n'ont donc
obéi que partiellement à la règle grecque imposant le choix entre
les deux caractères. La forme T du zade\ qu'ils ont sporadique-
ment conservé ou restitué, leur est particulière et n'a rien de
commun avec la lettre telle qu'elle apparaît dans les autres al-
phabets grecs. Les écritures de cette région se distinguent d'ail-
leurs nettement de celles de tout le groupe occidental. Leur exemple
ne saurait rien prouver en ce qui concerne l'aliihaliet de Chalcis-
Curaes.
L'Arcadie au contraire usait de l'alphaliet occidental et le groupe,
dans son ensemble, n'a jamais connu que le sigma. Le sadé n'y ap-
paraît, remplaçant le sigmii, qu'à Céphallonie et h Ithaque, où sa
présence s'explique aisément par l'influence de Corinthe. L'inscrip-
tion d'Areadie où cette lettre se rencontre à côté du sigma ne
date que du IV'' siècle. La séparation entre les cités grecques n'a-
' Voir pour le détail des faits Laifeld, Griech. Epigraphilc. p. 358;
2" éd., 1914, p. 225.
* Ligne 2: 'AV.i/.«s-«T[iMl/.li!ino8 40 et 41:' A>.iz->,:<ia75\ 'A>,./.a:7a-;'>!o>v.
Cf. Laifeld, ihid., p. 225.
ET LES ORIGINES DE l'ÉCRITURE A UdME 25
vait jamais été telle que le voisinage ou toute autre circonstance
ne pût établir de contamination entre les écritures. Ne voyons-nous
pas Corintlie elle-ménif, après avoir usé du .:fi(lf' durant tout le
VP siècle, le remplacer au V° par le sii/mn. Autour de TArcadie
la moitié environ des cités du Péloponnèse employaient le -nclr.
Il parait vraisemblable que FArcadie emprunta à quelqu'une d'entre
elles ce caractère étranger à son écriture pour le spécialiser dans
un emploi particulier. Sa présence, à coté de sigma, dans un al-
phabet du groupe occidental n'est qu'un jeu ortliographique. L'ac-
cord de tout le groupe prouve l'abandon du zade en faveur du
sigma dès une époque très ancienne, antérieure en tous cas à tout
document écrit. Chalcis qui a donné le ton au groupe ne pouvait
faire exception à la règle.
On ne saurait donc attribuer au hasard l'absence des deux sif-
flantes siimerh et zadr dans l'écriture chalcidienne. Sans doute ne
possédons-nous pas d'alphabet complet de cette origine ;i mettre en
regard de celui de Marsiliana. Mais si nous possédions un tel al-
phabet rétonnant serait d'y trouver ces deux caractères exclus très
anciennement de façon constante et de propos délibéré de tous les
alphabets de la Grèce occidentale. L'écriture chalcidienne qui a
prêté à / la valeur .ri. et .1 toujours employé sigma ne saurait
posséder samedi et zadr. L'alphaliet étrusque qui les possède n'est
donc pas clialcidien.
Est-il béotien, comme pense M. Hammarstnim t L'ensemble des
caractères béotiens, qui ne se distinguent guère des chalcidiens, pré-
sente, avec l'écriture étrusque, des ressemblances ni plus ni moins
marquées. Les particularités de tracé sur lesquelles insiste le savant
finlandais paraissent fort peu probantes. Le fait important serait,
à notre avis, l'apparition d'un samedi k la fin d'un alphabet béo-
tien '. ilais s'agit-il l)ien d'un Samedi ? Sur un vase sont gravés
' Kalinka, Athen. MitUil., XVII. 189-2, p. 101-124, pi. G. Cf. Hammai-
stiôm, p. 44, 4.5.
26 I,'AM'IIAIii;T l)K MAKSII-IANA
ili'iix ;il|)li;il)(tts, l'un d(! 2;î lettres, l'îiiitre corn])iirtaiit en pins, après
les (■:ir;icti''r(;s complémentaires, deux sif^nes assez jieu distincts. Le
second est lin cercle entouré de six rayons divcrfji-nts ; le jircniier
rcsseiiililc à une croix gammée très mal dessinée, |)liis qn';'! toute
aiiti-e cliose. On croit rcconnaitre dans l'un un 12 et dans l'autre
lin KiiiiK'cli du ty])e étrusque. La lettn^ aurait re(;u cette place à
la (in de r.ilpli.-ilict, sup])ose M. Ilammarstroni, de même que dans
l'alpli.ilict iiiiinéral de .Milct le rrtrfc s'est trouvé ronvrivé à la suite
des autres caractères. L'incertitude du dessin s'ex|)liquerait par
l'embarras du peintre à re])roduire un sij^ne disparu depuis long-
temps de l'usage.
Le vase ne date, en et^'et, que de la seconde moitié du V''
ou mémr (ic l.i iircniiérc moitié du IV'' siècle, ("omnicnt le souvenir
du snmech disi)aru de ru.sage se serait-il conservé Jusqu'à une époque
aussi liasse l S'il fallait voir une lettre dans ce signe, nous iiréfé-
rerions y rcconnaitre quelque dét'orniation du / ou pcut-éti-c du y.
Le prétendu oj est lui-même fort douteux. N'avons-nous pas là sim-
plement deux signes quelconques, deux fausses lettres, destinées à
compléter la seconde ligne de l'.ilplialiet .^ Le snwcdi de cet alphabet
de Béotie nous ii.'irait en tout cas aussi sujet à c.-intion (|ne celui
t\r i'.il|ilialict di' \'.istf qui induisit autrefois Lenonii.int en crreiii-.
11 nous parait bien avi^ntureux d'asseoir la nioindi-e conclusion sur
un p.ircil griliouillage.
Si M. llammarsti-oni tient à multiplier les points de contact
entre l'alphabet béotien et l'alphabet étrusque, c'est (|ue rali)habet
béotien lui parait l'origine de celui de Lemnos lequel, à son tour,
serait proche parent de celui de Phrygie. « .le ne jmis me soustraire
à l'impression, disait autrefois Pauli, que l'alphaliet étrus(|ue et
l'alphaljet phrygien dérivent de la même origine ' ». Mais Kiirte,
après Kretsclimer, montre bien qu'il n'existe .'Uicuu rapport parti-
' l'aiili, Altilali^chr Forschitiiyeii, II-, 2 (189-4I.
ET LES ORIGINES DE L ECRITI'RE A ROME 2l
ciilier entre les écritures étrusque et plirygieniie '. Elles semblent
appartenir à deux groupes différents. Aussi M. Hanimarstmni re-
cule-t il dans un passé très lointain les prétendus rap])orts qu"il
pense apercevoir entre la liéotie, Leninos et la Phrygie. Il en vient
\ heurter ainsi contre de nouvelles difficultés. Les inscriptions béo-
tiennes que nous connaissons et celles de la stèle de Lemiios ne
sont guère antérieures au Yl" siècle '. C'est vers la fin du deuxième
ou le début du premier millénaire avant notre ère que M. Ham-
marstnim date la colonisation, non hellénique, mais venue cependant
de Grèce, qui aurait introduit en Italie une écriture d'origine béo-
tienne. Mais existait-il dès ce moment une écriture béotienne? Kn
tout cas l'intervalle entre cette première colonisation de l'Italie et
les premiers documents épigraphiques est l)eaucoup trop considé-
rable pour que le tracé et même la forme du caractère permette
la moindre conclusion.
D'ailleurs, tout en admettant, mais pour de tout autres raisons
que des raisons de paléographie, la parenté des Tyrrhènes de
l'âge classique avec ceux d'Etrurie \ il nous semble qu'il vaut
mieux ne pas compliquer d'hypothèses de ce genre le problème,
déjà difficile par lui-même, de l'origine de l'écriture étrusque.
Y faire intervenir les Pelasges comme Anziani ou les Tyrrhènes
de Lemnos, comme M. flammarstriira, c'est expliquer l'oljscur par le
plus obscur.
Pour nous en tenir aux faits, constatons que les documents épi-
graphiques grecs nous font connaître avec assez de précision les
particularités de l'écriture hellénique depuis le début du VIP siècle
environ. Vers cette même date, la talilette de Marsiliaiia. d'accord
' Art. Etriisker dans Paiily-Wissowa. Tt. i-,'., col. 733-4: forme diffé-
rente du .'.; i=psi et non chi. Kretschmer. Einleitwig. p. 240 et Ath.
Mitteil, XXI (1896), p. 428.
^ En dernier lieu, Xachmaiison et Karo, Atheit. Miti., l'J08. p. 47-74.
^ A. Grenier, Bologne, p. 460 sqq.
dn I, AI.l'IlAIiKT I>K MAKSILIANA
avec les iiiKcriptiims et le» alu'ci'daireK de l'Ktrurie archaïque, nons
présente un alpliatjct distinct par de» particularités liicn caractéris-
tiques de ronscmlili- ûcy* alphabets grecs contemporains. Rien n'au-
torise il mettre l'iiii quelconque de ces alphabets grecs, chalcidien,
béotien nu aiitrt;, à part de cet cnseml)le grec, pour le rapprocher
du type étrusque. Comment, eu cfTet, l'un d'eux, seul entre tous,
aurait-il conservé ces caractères superflus qui ne se rencontrent,
tous à la fois, (iti'en Ktrniiey Tel ([n'il se |)résente, Talplialiet étrus-
que ne se rattache donc à aucun des alphal)ets enimus dans la
Grèce archaïque.
Il est grec cependant. On ne saurait le contester. L'cnsemhle
de ses caractères et surtout l'ordre et la valeur des signes com-
plémentaires le rattachent au groupe occidental. Cependant il pos-
sède, à la fois le sif/ma des alpliabets occidentaux et le ^ade des
aiiihabcts orientaux. Il a adopté les signes com])léinentaires des
al]ilial)ets occidentaux, mais sans opérer les suppressions qui cor-
respondaient logiquement à l'introduction de ces signes; il ))ossède
y = ,r/ et le samedi. Au moment où ces innovations s'introduisent
dans les écritures grecques il a donc son autonomie; il prend et
il garde, il imite, mais incomplètement et avec indépendance. Il
ajiparait déjà eontaniiné de barbarisme.
L'origine grcciiue de l'écriture étrusque remonte par conséquent
à une période voisine de celle qui vit la séparation des grands
groupes occidentaux et orientaux et riiitroiltiction des signes com-
plémentaires. Elle est beaucoup plus ancienne, en tout cas, que
l'état de dispersion dont témoignent les premiers documents épi-
graphiques. Tandis que le particularisme créait en Grèce presque
autant d'alphabets que de cités, l'alphabet étrusque s'était, depuis
longtemps, écarté du foyer commun. Pour le cluilcidien, comme
pour le béotien, il n'est qu'un parent lointain... un cousin d'Etrurie.
L'hypothèse ((ui attriliue à Cumes l'introduction de l'écriture
en Etrurie, se trouve donc réduite au seul appui des circonstances
ET LES ORIGINES PB l'ÉCRITIRE À ROME 29
de voisinage entre la colonie greoqne et la côte tyrrhénienne. Mais
la chronologie vient ruiner cet apjmi. L'iiellénisrae de l'alphabet
étrusque parait remonter à une époque antérieure à celle de la
colonisation grecque en Italie. Et, d'autre part, le milieu archéo-
logique dans lequel s'est trouvée la tablette de Marsiliana semble
indiquer que les Etrusques savaient écrire avant que Cumes n"e-
Xistàt ou du moins n'exerçât son influence sur l'Etrurie.
Je n'ai pas à m'engager ici dans les discussions que soulève
encore la date de la fondation de Curaes. Des raisons de vraisem-
blance, plutôt que des preuves certaines inclinent la plupart des
savants à admettre, pour cette fondation le milieu du \' HP siècle '.
M. Gabriel la place au IX' siècle. Mais il reconnaît, dans la dif-
fusion de la poterie italo-géoniétrique en Etrurie, le premier indice
de l'espansion des influences cumanes '. Nous pouvons donc laisser
de côté les dates positives et nous en tenir A une chronologie re-
lative.
Or on ne peut manquer d'être frappé de l'absence, ou du
moins de l'estréme rareté, en Etrurie, jusqu'à la période des tom-
bes à chambre, de la poterie italo-géométrique. Cette céramique
fait ;\ peu près complètement défaut dans les sépultures ;'i circolo
du type de celle qui a livré, à Marsiliana, la tablette à alphabet.
Ces tombes étrustiues à circolo ne présentent, d'une façon générale,
aucun point de contact avec les plus anciennes tombes grecques
de Cumes. Leur mobilier se rapproche plutôt, au contraire, du
' Cf. L. Pareti, Studi Siciliani e italioti, Firenze (1914), p. 310-330
Gardthauseii, Dax Alter Italischer Srhrift und die Griindung von Ctima
dans Neue Jahrbilcher f. Klass. Atterth., 37 (1916), p. 369-378. Schweitzer,
Geometrische Stile in Griechenland, dans Athen. Mitteil., 1918, (tout le
fascicule) partie, p. 31, 41, 42. Après de longues discussions, qui me pa-
raissent loin iléclaircir le problème, la conclusion du M. Schweitzer i>':\.\t-
puie surtout sur l'autorité de Gardtlianseu.
2 E. Uabiici, Cuma. Mon. Liucei. XXII, 1913. col. 372 si|i|., purtic.
402-414.
30 I.AI.I'IIAIIKT niO MAUSIIJANA
contenu des sépnltiin^s indiKi'-iicH prélielléniques, si soifjneusemeiit
piil)li('T8 par M. (ialn-ici. liU point de départ de toute notre étude
iia-il pas été, d'ailli'urs. le contraste fiappant entre le caractère
spécifiquement i]rlléni()ue de l'alphabet do Marsiliaua et l'aspect
tout orientai ilii iiii>liilicr doiit faisait partie la tablette à écrire?
(^Mclic, (pic soit l.i date (il- la fondation de Cumes, l'écriture est
donc antérieure en l'^trurie aux premières influences proprement
helléniques et spécialement cumanes.
S'il parait aussi peu vraiseml)lal)le d'attribuer aux Chalcidiens
rimportation en Italie de la pacotille orientale qu'aux l'Iièniciens
lintroductiiin ili' Ircriture grecque en Italie, on peut penser à
l'activité propre des Ktrnsqucs, marins eux-mêmes et tout pénétrés
d'influences à la fois orientales et hellénir|ucs. Mais qu'on m'excnse,
dans l'état actuel de nos connaissances, de me gai-der de la ten-
tation de sulistitu(U' (ju('l((n"autre hypotlièse, insuftisamnient fondée,
à celle que je eoinliats. De lionnes raisons de nier ne comportent
pas toujours les éléments d'une solution positive. Qu'il me suffise
d'avoir défaire, de l'heureuse trouvaille de M. Minto à Marsiliaua,
le eai'aetère p.irticnliei' de l'alphabet étrusque en face des antres
alphabets grecs et de conclure simplement que cet alphabet n'est
pas chalcidien.
III.
L'iil|tIialM't «le >Iarsilianii, les iilplialxts t'tnis«|iies
et les dehiits tie récriture à Home.
Si l'alphabet de Marsiliana est le plus ancien des alphabets
étrusques, il n'est pas le seul. Aucun peuple n'a montré autant
de constance que les l'',ti'us(iues ou leurs clients d'Italie à inscrire
des alphabets ou d<>s ])arties d'alphabet sur des vases faisant partie
d\i mobilier fnnér.iii'c, parfois même sur les parois des chambres
ET I.ES ORKJIXES DE l/ÉCRITURE À KOME 31
sépulcrales ' ou les cippes qui les surmontaient '. Cliacun de ces
documents a fait l'objet, lors cle sa découverte, d'une étude dé-
taillée. M. E. Lattes en a donné récemment une utile récapitula
tion '. En publiant l'alphabet de Marsiliana. M. Minto n'a pas
manqué de le comparer aux plus importants des alphabets étrus-
ques dont il présente le talileau \ Xous n'avons (jne jieu de choses
;\ ajouter à ses observations dont nous voudrions seubnient essayer
de tirer la conclusion.
Le tableau de la page 32 reproduit en partie celui que donne
M. Minto. Ou y trouvera, dans la première colonne l'alphabet de
Marsiliana (Mars.). Vient ensuite l'alphabet incisé à la pointe sur
le vase Chigi trouvé à Forniello près de Veies (Veies), reproduit
Melam/es, II (1882), pi. VI et Bull. Inst., 1882, planche jointe à
la page 91 : puis celui du vase Galassi provenant de Caeré [Caeir\
reproduit AnnaJi Inst.. 1836, pi. B et par Anziani. Blelaru/es Ga-
gnât, p. lit; enfin celui de Colle prés de Sienue.
Les circonstances de la trouvaille du vase Chigi de Veies sont
incertaines; il s'agit d'un vase de céramique indigène ibuccJiero
ital'uo) dont il est difficile de préciser la date. La forme des let-
tres semble ancienne. Sont-elles du VU" ou du XV siècle, nous ne
saurions l'indiquer. Il parait cependant au moins aussi ancien que
celui du vase Galassi de Caeré dont la date n'est pas uon plus
évidente. Nous sommes mal renseignés sur les fouilles dont il pro-
vient. Anziani le dit trouvé dans l'une des tombes supérieures du
' A Colle, près de ."tienne, alpliabet peint sur Va paroi d'une tombe
à chambre; la partie inférieure à partir de la lettre 0 a disiiaru. C. I. E.
n° 1761" . Roehl, In.icrip. gr. Antiq., n° 535.
-' Deux cippes de Chiusi portant trois alphabets, tianinrrini. Anuali.
1871, p. 156 sqq., C. I. E., n"' 1372, 1373.
Il est possible que les signes de l'alphabet aient possédé une valeur
mystique: cf. Dieterieh, ,4 B C Denkmàler. dans Shein. Mus., 56 (1901 ;,
1). 7710.'). L'alphabet de Marsiliana en ce cas se distinguerait par son
caractère esscntiellenu'nt pratique, ipioiqu'il provienne aussi d'une tombe.
^ E. Lattes, Vi/endt' finriirlie d'^H'alfiihcUi etnt.ico. dan:- .^felll. ilel
rinst. Lomhardo, 21 (190K), p. 303 siiq.
* Marsiliana, p. 239 sqq.
32
I, AI.PIIAIIEI IIK MAKSIMANA
tiimnlua Rej,'olini-f!;ilassi (p. 27J. Mîiis je n'en trouve pas trace
dans rctiKk de l'iiiza {R<mi. lili/lril, XXII, l!t07. p. 14'.» sqq.j.
Mkks.
VCItS.
CAfRf.
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Fig. 3. — Alphabets étrusques et latins.
Comme il a été publié par I.epsius dès Avril 183(i et'qiie les denx
premières tombes supérieures du tumulus n'ont été découvertes que
KT LES ORIfilNES DE l/ÉCRlTtJRE À ROME 33
du 23 Mars au 13 Avril 1836, je suppose que le vase doit pro-
venir des fouilles de rannée précédente. Nous adopterons pomme
date approximative de ces deux alphabets, les environs de l'an 600.
Celui de Sienne est plus récent et ne peut guère remonter plus haut
que Tan 500.
De tous ces alphabets étrusques, le plus ancien de beaucoup
est celui de Marsiliana. Seul, il se trouve inscrit de droite à gauche ;
les autres vont uniformément de gauche à droite. On notera cepen-
dant, sur l'alphabet de Caeré, que le B fait exception à la règle
et conserve ses boucles à gauche. Une autre preuve d'ancienneté
est fournie par la forme V de la troisième lettre. Cependant, si
l'alphabet de Caeré donne nettement la forme C, le syllabaire qui
s'y trouve joint montre, comme un exemple démonstratif, le pas-
sage de l'une à l'autre forme '.
Dans ce syllabaire, le digamma s'écrit F et non F comme dans
l'alphabet. C'est par cette forme de la cursive, plutôt que par
l'influence du 1! clialcidien, que nous expliquerons la forme C du
digamma dans l'alphabet de Sienne.
Les autres particularités paraissent peu significatives. Un coup
d'oeil sur notre tableau permettra au lecteur de les relever. L'absence
du O à. Caeré semble due :\ la négligence.
On remarquera, jusque sur l'alphabet de Sienne, la présence
du j+l sameeh, et dans les deux autres, celle du M zadé^ altéré
à Caeré pour le distinguer du N à quatre branches.
Malgré la différence de date considérable — au moins deux
siècles — qui sépare l'alphabet de Marsiliana de celui de Sienne
et malgré la distance dans l'espace, c'est essentiellement le même
alphabet que nous présentent ces divers documents. Tel fut, peut-on
affirmer, le type originel de l'alphabet étrusque. Il représente bien
' Voir la planche de Lepsius ou d'Anziani; il faut lire, comme An-
ziani: cj, ca, eu... et non, comme Lepsius, &z, ba, bu...
Mélanges d'Arch. et d'Hist. 192i.
.M LALI'IIAllKT 1)K MAH.SILIANA
la norme (h; récrituri', (ixéi- tiès le début de la civilisation étrusque
en Italie et n'ayant subi que de minimes atteintes jus(iu"à l'époque
(•lassi((U(MleH toinlies à ehaiiiljrc l'uurnies de vases attiques, c'est-à-dire
Jus(jue vers le V siècle.
('e n'est pas là cependant l'alpiialpet que l'un inialifii' ;j;éné-
raleinent d'étrusque. An/.iani, après Lepsius, recourt, pour le dé-
nommer, au terme mythique de ]i('las(iiqiie. Se rangeant à la tra-
dition 'le Kirchhot', de Roehl, de Kretsclimer. M. Minto l'appelle
c/i(ih-i(lle>i. Pour la plupart des spécialistes, l'alphabet proprement
étrusque parait earaetéi'isé par l'altsence de certaines lettres : du 6
et du '/ ainsi que de la voyelle o et par la présence d'un nouveau
signe coinplénientaire 8 =^ /'. Kn eti'et, c'est un alphabet ainsi réduit
d'une part et atigraenté de l'autre i\w pi'ésentent les documents
postérieurs. Citons, entre autres, les deux cippes de Chiusi ', qui
débutent par a. e, /■, z . .. , la tasse de bucchero de Koselle. au Musée
de Grosseto, qui senilde provenir é.ualcnient de Chiusi ''. les deux
tasses de Nola et la soucoupe de Boniarzo ■• où Hréal reconnaît
le type parfait de l'alpliabet étrusque \ Tous ces alphabets com-
mencent par a, c, e, v, ~ . . . Us ont supprimé le mnirrli mais conservé
le zadé ; ils n'ont plus la voyelle o ; ils se terminent par le signe 8.
Les cippes de Chiusi datent du V siècle, la tasse de Roselle et
celles de Nola, peut-être du IV; la soucoupe de Bomarzo, la plus
récente de toutes, du IH". Nous avons donc là l'alphabet étrusque
classique s'oi)posant à celui de la période archaïque.
' l'u seul des trois alphabets est complet et encore la fin en rst-clle
confuse. Garaurrini croit y reconnaître le caractère S (Annali., 1H71,
p. 158 sqq. et la planche) que ne donne pas le fac-similé du Corpus C. I. E.,
n. 1373.
2 Lattes, Vicetide futielkhe. dans Mrm. Jiixt. l.omh., -il (l'.IO.s), p. 803.
' Weeiçe, }'asci(lonim ramp/ai. hixrrijit. itiih. p. .'!, n. 1. CI'. I,:ittes,
ilM., p. 304.
* Barnabei, Not. Scavi, 1,S!)7. p. :')09.
■■ Mcm. Soc. Liwj., VII, 1892, p. 128-l;i4.
ET LES ORIOINBS 1>B l'ÉCRITI'RE À ROME 35
On s'explique parfaitement les modifïeations subies durant cette
période par l'alpliabot étrusque. Elles ont eu pour objet de mettre
récriture en liarmonie avec la plionétique et témoignent d'un ef-
fort raisonné, d'une véritable réforme de rortiiojrraphe, dirait-on,
si l'on se trouvait en Grèce. On sait, en effet, que la langue étrusque
ne parvenait pas à distinguer les articulations h^ [i^ d de ^), k, t.
Comme les sons de sa labiale et de sa dentale devaient être plus
proches de la sourde que de la sonore, qu'elle prononçait plutôt p
et i que h et rZ, l'écriture abandonna ces deux lettres. Pour la
gutturale, tantôt, elle conserva la troisième lettre de l'alphabet en
lui attribuant une valeur voisine de k et, tantôt même, elle la sup-
prima. Elle laisse tomber de même le mmech dont elle n'avait
pas l'emploi et la voyelle o qui se confondait avec u. Quant à
la nouvelle lettre 8 ^ /', différente de o = ph^ l'origine en est
obscure. Elle apparaît dans les inscriptions étrusques dès les tombes
à chambre du début du V siècle, peut-être même de la tin du
VI° siècle. Elle y remplace le groupe primitif F H = /''. L'alphabet
de Marsiliaua confirme seulement l'indication fournie par ceux de
Veies et de Cacré, à savoir que le signe 8 ^= f était étranger k
l'alphabet archaïque et représente une adjonction postérieure.
Si l'on ne tient compte que de l'alphabet étrusque récent, abrégé
de plusieurs lettres et augmenté de 8 = /", il est clair que l'alphabet
latin qui ne connaît pas le signe 8 et qui possède au contraire les
lettres supprimées par l'étrusque, n'en procède pas. Si l'on s'obstine
à classer parmi les alpliabets rhalcidiens les alphabets archaïques
trouvés en Etrurie, on aboutira à la doctrine cnurantc, telle qu'elle
' Hamraaistiôni, Beitnigc z. Gestk , p. 2-7. Voir en dernier lion
B. Nogara, Dissert. Poiitif. Accad., 2^ série. M, 1920, p. 300-301. FH = /'
ne se rencontrciait ipie dans l'Etrmie niéridiunale. Le signe 8 apiiaraî-
trait dans tout le territoire étrusque de l'Italie centrale dés le \'Il'' et
le VI'= siècle. Je ne connais pas ces exemples du VU'' .siècle, l^e signe
fait défaut en tout cas dans tous nos alphabets arehaïcine.f. I,;\ fibule de
Prèneste, au VII'' siècle, écrit rhevhaked.
36 l.'Al.l'llAliET DE MAIWIMANA
s'exprime dans la plupart des manuel» claHsiques: «L'alphabet
latin vient directement et »ans l'intermédiaire des EtruwjueK, de«
alphabets grecs de l'Italie méridionale, plus i)rccisément, il a été
omprunté aux Chalcidiens » '. Momnisen lui-même, cependant, avait
formellement renoncé à cette théorie préconisée autrefois dans ses
Unteritalischfi Dialekte (1850). « L'alphabet étrusque », disait-il en
publiant l'alphabet du vase Chigi de Formello, près de Veies, « n'était
» pas originairement incomplet ; c'était bien l'alphabet grec de 26 let-
» très. Nous devons admettre désormais que le même alphabet peut
» avoir servi de modèle aux Latins et aux Ktrusques, chacun de
» ces deux peuples l'ayant par la suite modifié suivant le génie
» propre de sa langue ». Hréal poussait plus loin sa conclusion et
excluait décideinnient l'hypothèse d'un emprunt parallèle des La-
tins et des Ktrus(iues à l'écriture grecque. C'est bien des Ktrusques
(jue les Romains auraient appris l'écriture. « L'alphabet étrusque
» a régné pendant un temps sur toute la péninsule. Si nous avions
» des inscriptions latines des premiers siècles de Rome, nous ver-
» rions que ce ne sont pas les Grecs mais leurs voisins de Clusium
» et de Vulci qui leur ont enseigné à écrire . . . Selon la tradition
» antique, Démarate le Corinthien apporta les lettres grecques aux
» Etrusques. Or, Démarate était donné forame le père de Tarquin
» l'Ancien avec qui la civilisation tyrrhénieniie fait son entrée à
» Rome. Entre lllellène qui donne et le Latin qui reçoit, la légende
» place l'émigré de Tarquiuies, l'industrieux époux de Tanaquil » '.
Les développements qui précèdent montrent assez que nous nous
rangeons entièrement à l'avis de Bréal. Comme nous possédons au-
jourd'hui, au moins une inscription des premiers siècles de Rome
([u'on ne fonnaissait pas en LS92, celle du Forum, ni>iis voudrions
' Sommer, Ilandhiicli <lrr Int. ImuI. h. T'nnnenhhre 0902), p. '2h.
Cf. Conway, The Italie Diulects, Part. Il; Biu-k, Ginmmar of Oscan and
Umbrian (1904), p. 25, etc.
i Mem. Soc. Ling., VII (1892), p. 133, 134.
KT LES ORIOINES IlE 1, ECRITIRE A ROME ai
essayer île prouver la rigoureuse exactitude du fait qu'il deviuait.
L'ali)lial)et latin dérive directement de Talpliabet étrusque, mais
de l'alphabet étrusque archaïque, tel que nous le font connaître les
exemplaires de Marsiliana, de Veies, de Caeré et de Sienne.
Notre figure '^ présente, en regard de ces vieux alphabets étrus-
ques, ceux qui se trouvent mis en œuvre dans les trois inscriptions
latines qui nous semblent les plus anciennes: l'inscription du cippe
trouvé sous le lapis niger du Forum ', celle qui se lit sur le vase
provenant des pentes du Quirinal, connu sous le nom de vase de
Duenos • et enfin la plus ancienne de toutes semble-t-il, celle de
la fibule de Préneste ' qui paraît dater de la seconde moitié du
VIP siècle. L'inscription du Forum remonte au plus haut ;'i la fin du
Vl" siècle, peut-être même seulemeut il la première partie du V siècle ;
celle de Duenos, très postérieure, ne date que du IV siècle. L'écriture
n'en a pas moins conservé un caractère archaïque très marqué.
La forme générale des lettres est foncièrement identi(iue à celle
des anciens alphabets étrusques. La différence consiste daus l'absence,
à Rome de certaines lettres.
Les unes font défaut, sans aucun doute, par accident. Nous
avons affaire en effet k des inscriptions ou très mutilées comme
celle du Forum, ou très courtes, comme celle de la fibule : celle
de Duenos compte une centaine de lettres mais cepeiidaut pouvait
ne pas employer tous les caractères de l'alphabet. Nous attribuons
donc au hasard l'absence de B et de Z. Le B en effet semlile avoir
toujours fait partie de l'alphabet latin, mais il devait être moins em-
ployé à l'époque archaïque qu'il ne le fut plus tard : certains groupes
1 (tamurrinî, Pdleoymfia ilrl Monumi-nto, dans Notizie âegli Scam,
1899, p. 159-169. Cf. D. C'ompaietti, Isi:rizio)ie arcaica del Foro romano,
Firenze, 1900.
' Dressel, Aimali Inst., 1880, p. 158-19.^, tav. d'agg. L. — Bréal,
Mélanges. Il (1882), p. 147-167. pi. III. — P. Giuseppe Bonavenia, Dis/iert
PonUf. Accad., 12, 1915, p. 127-144.
' Bôm. Mitteil, II (1887), p. 37-39.
'M 1,'aij'iiabet de marsiliana
iiu1o-ciin)|)(''cii« qui devinrent h demeuraient eiifore ù Tt'-tat f/?/:le
nom niénic de l>iicn<is = hrinis nu bonus nous en l'nurnit un cxcniplc.
Si l'on récuse le hasard, U- défaut momentané de B s'expliquera
l)ur rinilucnee de l'alplialiet étrusque récent ((ui avait en effet re-
noncé ;'i eette lettre, (^uant ;'i Z nnus savons qu'il a siilisisté dans
le vieil aljjhaliet latin Jusqu'à l'année 312 où le censeur Appius
Claudius Caccus le sujiprima comme inutile pour introduire à sa
])lace dans l'alphabet la lettre Ci.
Nous ciinsidéreroiis au eonti'aire connue eoj-respondant à une
lacune de l'alpiiabet l'absence des autres lettres. Ces lettres sont
les trois aspirées: 0, •p et '^ = chi ; elles ne figurent jias dans
récriture parce qu'elles faisaient défaut dans la phonétique latine.
Il en est de même ixinr le samcrli et le zndé.
L'alphabet latin, en somme a subi, en partant de l'alphabet
étrusque archaïque, une réduction motivée par les mêmes principes
qui ont dirigé lu forme orthographique étrusque. La langue étant
autre, les résultats ont été différents. Les premières inscriptions de
Rome montrent clairement, nous semble-til, l'écriture étrusque ada-
ptée à l'expression du latin. Les données de la paléographie concor-
dent a\ ec les indications de l'histoire : une jjériode étrusque à la-
queUe sMceède un développenieni romain autonome.
Nous avons scrupule à insister sur l'origine étrusque de l'écri-
ture latine ; cependant quelques pi'euves accessoires pourront épargner
aux partisans des anciennes théories d'aller chercher à Cumes ou
chez les (!recs de l'Italie méridionale, des maîtres d'écriture pour
les Romains qui, à Oaeré, à Veies, à Narcé, avaient rKtriis()ue à
leurs portes et qui, ;'i Rome inèine, l'eurent durant deux siècles
dans leurs murs.
Hréal a montré spirituellement que si nous avons maintenant
un C à la place du ■,'> •' 1=* troisième place de l'alphabet, la faute
en est aux Etrusques et non pas aux Latins comme le supposait
Corssen. Ce sont les l'.trusques qui confondaient r et ;/ et non les
ET LES ORIGINES DE L'ÉCRITURE À ROME 39
Romains, puis(|ue les Romains rétabliront pins tard le G à la place
de Z, sans auriin doute parée qirils en avaient besoin. S ils avaient
oublié ce sou, ils ne l'auraient pas inventé à nouveau. « Lorsque de
» tels vices existent dans la prononciation, ils sont inguérissables »,
remarque très justement Bréal '.
Nos inscriptions romaines trahissent Tintluence étrusque. Les
Latins distinguaient bien la sonore g et la sourde c, mais comme
ils avaient appris l'alphabet des Etrusques, ils ne connaissaient qu'un
seul signe C, pour rendre l'une et l'antre. Dans l'inscription du
Forum, rerei représente régi: dans celle de Puenos, /"eret? = fecit :
dans cette inscription on trouve l'un h côté de l'autre cosmis = cornes
ou eomis et rirco = virgo, à moins qu'il ne faille lire avec Bréal
cosmisu i.rco = commissus crgo. De toute façon, les sons g et r
s'expriment par la même lettre, la lettre étrusque ".
L'alphabet latin a, comme l'étrusque, une surabondance de si-
gnes pour noter la gutturale sourde : c, /.-, q. On connaît la règle
du latin archaïque spécialisant '' devant e ou /, h devant a ou nue
consonne, q devant o ou n. L'inscription du Forum orthographie
Kalnforem, snh-ros, quoi. De cet usage, que rien ne justifie en latin,
M. Haramarstnim trouve l'origine dans l'Etrurie méridionale. Les
Romains auraient donc emprunté à leurs voisins non seulement
les caractères de l'alphabet mais les règles d'emploi.
Ils leur auraient emprunté, montre M. Hammarstriim jusqu'aux
noms des lettres, si diiTérents des noms grecs et qu'ils nous ont
transmis. Si nous épelons aujourd'hui he'. ce', de' et non héfa, delta,
gamma, c'est parce que les Etrusques l'ont appris aux Romains.
Nous savons par les grammairiens anciens que les Latins dé-
nommaient ainsi leurs lettres ^. Mais comment remonter à la uo-
I Mem. .5oc. Ling., VII (1892), p. 131.
° Hammarstrdin, Beitratje s. Geschichte. . . , p. 28-30.
■' W. Sclnilze, Die lat. Buchstabennamen, dans Sitzungshev. I!it1.
Akad., 1904, p. 7G0 siiq.
•lu I, Al.PIIAIlKT IIE SIAKSIMANA
meiiclutiiic iilplialjétique ôtriisqui- ? M. II:tiTini:iHtr<ini la di-diiit d'une
série d'observations intéressantes '. On sait qm: Tancii-nne éiiigra-
pliie latine supprime parfois la voyelle entre deux consonnes; il
faut alors, pour lire le mot, prononcer non pas le son, mais le
n(ini de la pi'cmière consonne : /;«'■ par exemple, se lira hene, dci-
mus, (Inimns : knis, /i-anis '. On aperçoit ainsi que le nom des
gutturales doit être l'origine de la spécialisation de leur emploi :
r s'appelait ce et s'employait devant e : k- = ka, devant a : q = qu de-
vant n ou o. Or ce système d'abréviations est d'origine étrusque.
M. Hammastriim en trouve dans l'épigraphic et spécialement dans
les noms j)ropres de très nombreux exemples : Ptroni = Petronius '.
Le précieux recueil de Scliulze \ sans même recourir au Corpus
étrusque, met le fait bien en évidence. Des analyses de M. Ilam-
niarstriim il ressoi-t clairement que r, p, t, f, s'appelaient en
étrusque ce, pe, te, re.
Il en était de même pour l, >«, «, r. Des mots tels que akl/is =
akl{e)-/is, arcmsnei = arrm(e)snei, prestAe = presmefie, prpns^=
pr{e)pis, indiquent qu'elles devaient s'épeler le ou el, me ou em, ne ou
en, re ou er. M. Hamniarstrom admet une vocalisation primitive le,
me etc., transformée plus tard en el, em. Peu importe d'ailleurs.
Le seul ciiangement qui nous paraisse ici significatif. c"est celui
de lambda, mu, nu, riio en le, me, ne, re.
L'origine de notre nomenclature alphabétique est donc étrusque.
Les noms des lettres eux-mêmes coutirment bien la séparation que
nous nous sommes efforcés de marquer entre l'alphabet grec d'une
part et l'alphabet étrusco-latin d'autre part.
' Beitràge s. Gesch p. 1.5 sqq.
' Sur ce fait, cf. A. Ernout, 3Iem. Soc. Ling.: XllI, p. 307 sqq.
3 C. I. E., 34.53; C, I. L., XIV, 3210.
* W. Schulze, Ziir Geschichte dfrlat. Eigennamen, dans Ahhandh,
der Gesellschaft d. Wissen.ich. z. Gotiingen, X. F., v. 2, 1904.
ET LES OKICIINES DE l'ÈCRITUUB À ROME 41
Nous croyons donc pouvoir, en guise de conclusion, résumer
comme suit les faits sur lesquels le précieux document pui)lié par
M. Minto contribue à une lumière nouvelle :
Ij L'usure de l'écriture était courant en Ktrurie dés le VIIT
siècle. Il parait antérieur aux premières influences grecques sur
l'industrie, l'art et l'ensemble de la civilisation qui, à ce moment,
est plutôt orientale que teintée d'hellénisme.
2) L'alplialiet étrusque est grec, mais la présence de caractères
dès longtemps abandonnés par tous les alphabets grecs connus in-
terdit de le confondre avec l'alplialtet particulier d'un peuple grec
quelconque. Il représente un alphabet distinct de tous les autres
et qui doit s'être séparé du tronc commun vers le moment de la
première division entre alphabets orientaux et occidentaux.
3) L'alphabet étrusque archaïque subsista sans modification ap-
préciable jusque vers le (ff'but du V*^ siècle. C'est au cours de cette
période ancienne qu'il fut adopté par les Latins.
4) Vers le début du V'" siècle intervint en Etrurie une réforme
orthographique dont l'effet fut de resserrer le rapport de l'écriture
avec la phonétique étrusque. Les Latins, de leur côté, accomplirent
une réforme parallèle mais indépendante, abandonnant les lettres
étrusques qui ne leur servaient pas, mais sans remédier entièrement
aux confusions introduites par l'influence étrusque et eu conservant
des traces nombreuses et diverses des habitudes anciennes.
5) La différence entre l'alphabet latin et celui des Osques et
des Ombriens ne tient pas à une diversité d'origine; les uns et les
antres sont étrusques. Mais, à la base de l'écriture latine se trouve
l'alphabet étrusque archaïque. Les Osques et les Ombriens au con-
traire ont adopté l'alphabet étrusque réformé, soit qu'ils aient appris
à écrire plus tard que les Latins, soit qu'ils se soient soustraits
moins tôt à l'influence étrusque.
A. Grenier.
LA CAPTIVITE ET LA MORT
DE JEANNE I''" DE NAPLES
La question de savoir où, quand et comment mourut la reine
Jeanne 1''"' de Naples a longtemps passé pour presque insoluble.
« L'historien, écrivait Noël Valois en LS96, ne peut guère se pro-
noncer ni sur la date exacte ni sur le caractère de cette fin tra-
gique » '. Mais ce serait à désespérer de l'érudition si de temps en
temps quelqu'un de ces problèmes ne cédait aux efforts des cher-
cheurs. Tour à tour Erler ' et de Blasiis ' par le rapprochement
des données des différentes chroniques, Jarry ^ et Tropea '" par la
publication de lettres jusqu'alors inconnues ont rendu celui-ci moins
ardu. Le temps nous parait venu de lui consacrer une étude d'en-
semble " où nous joindrons aux renseignements déjà acquis la con-
' La France et le yrand Schisme d'Occident, t. II, p. .''il.
' Dans son édition du De Scismate de Tliieny de Nyem (Leipzig,
1890) p. 48, notes 2 et 3 de la p. 48.
■'' Voir, dans l'édition du C'hronieon Siculum publiée par cet érudit
{Monumenti siorici de la Società napoletana di Storia patria. 1. Cionaclie,
Naples, 1887) les notes 1, 2 et 4 de la p. 45.
* La mort de Jeanne J/(sie), reine de Jérusalem et de Sicile, en 13S2,
in Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. LV (1894), p. 239.
^ I)>i€ lettere inédite intnrno alla morte délia regina Gioranna T' di
Napoli, in Niioi^o Archirio Veneto, 1909, ]). 475. On trouvera dans cet
article un historique du problème.
^ Madame Margarcte Rothbarth a consacré :\ cette question, sous le
titre « Todesart und Todesd.atuui .lohannas», un court appendice de son
■ UrbanVI und JV('n^je?(Ab]iaudlungen zur Mittleren und Neuerengeschichte
herausgegeben von (leorg V. Below, Heiurich Finke, Friedrich Meineeke .
Heft 49. Berlin und Leipzig, 1913. Pp. 93-97). Nous discuterons la thèse
qui y est contenue, ni.ais tout le travail souiïre d'avoir été t'ait d'après
les seuls documents publiés et sans aucune recherche dans les archives.
•Il I.A OAITlVITfc ET LA MORT
tiiliiitiiiii lie ilMiiiiMi'iits iiK'dits qui' nous avons eu l:i lionne fortune
ilr Iroiivei- <iii plutôt ilr l'ctrouver.
Les sources narratives ont été jusqu'à la publiciition de Jarry
les seules où l'on i)ût puiser pour l'histoire de la mort de la reine
.lc;uinf. Il est vr;ii qu'elles étaient nomlireuses, car, l'événement
ay.int à la fois ému les imaginations et excité les curiosités, il est
peu de clironiqiies ilc (jnelque étendue de la lin du XIV" siècle
et du XV^'"'" siècle qui ne lui consacrent une mention. On trou-
vera dans Erler une énnmération des principales d"entre elles; nous
n'en citerons ici que quatre dont nous ferons pins spécialement état
comme contemporaines des faits que nous étudions: le Chronicon
sividum, les Giornali napoletani ciel dttcn di Monteleone ',\e De
Scismate de Thierry de Nyem et la Vita prima démentis Y II' '.
A l'avantage que nous venons de signaler elle joignent le mérite
d'avoir été composées les deux premières dans le Royaume et sans
doute à Naples même, les dernières dans l'entourage des papes ri-
vaux Urbain VI et Clément VII. C'est donc l'écho de trois milieux
ti'ès différents et bien informés qu'elles nous apportent.
.Si intéressantes que soient ces clironiques, elles ne sont plus ap-
pelées à jouer, comme on le verra, qu'un rôle de contrôle et de
complément dans la documentation de notre sujet depuis que l'on
a sur la (in de .Icanue T'''" les versions officielles que les deux
prétendants au trône de Naples, Charles de Duras et Louis d".\njou,
ont jugé bon de publier. La version de Charles de Duras nous est
connue par la circulaire qu'il fit tenir, peu de temps après la mort
de la reine, à un certain nombre de communautés et de seigneuries
' Ed. de N. F. Favaglia, dans la mrnu^ collection i|ih' le Chronicon
Sicuhim (Naples, 1895).
2 Vitae 2}apiir)im Are>iio)iensinm, rd. .Mollat, t. I (Paris, 191t)).
I)K JEANNE l*'"-' DE NAPLBS 45
italiennes, peut-être à toutes. Une seule expédition de cette cir-
culaire nous est parvenue sous sa forme orig-inale : c'est celle qui
fut envoyée à Fruucesco da Carrara, seigneur de Padoue ' : mais
les termes s'en retrouvent textuellement dans la lettre que les Flo-
rentins, au reçu de la nouvelle ', écrivirent à Pietro Gambacorti,
capitaine général de Pise, pour la lui transmettre': enfin le con-
tenu, sinon les mots eux mêmes, s'en reconnaît dans la réponse
que les anciens de Lucques firent, le 17 août, au faire part de
Charles de Duras, daté du l'"'' de ce mois ^. Cette réponse a échappé
à nos prédécesseurs, bien qu'elle eût été analysée dans l'inventaire
de M. Fumi * : mms la donnons en appendice '.
Les lettres publiées par Jarry et par Tropea étaient assez pré-
cieuses pour que le dernier de ces éditeurs et M.™" Rotliliartii pen-
chassent à en adopter les affirmations. Elles ne contenaient pour-
tant qu'une thèse. Nous avons retrouvé l'expression officielle de la
thèse contraire, c'est à-dire la version présentée par Louis d'.\njou
de la mort de sa mère adoptive, en deux documents qui se com-
plètent parfaitement. Le premier est une lettre, datée du 18 sep-
tembre 1383, adressée par Louis :\ quelqu'un de ses fidèles '^ pour
lui notifier son avènement au trône de Naples. Conservée dans les
archives de Lucques ', elle a été signalée dans l'inventaire de
M. Fumi *" mais n"a Jamais été ni éditée ni même utilisée ; aussi
' Tiopea, loc. cit.. jip. 479-4S0.
' Jarry, loc. cit.
' R. Archivio di Stato in Lucca, An^iani al tempo délia libertà, n. 530.
c. 177 V.
* Begesti. II. Caifeggio degli Anziiuii (Lucca. 1!)03. in 4"), n. 9(îO.
^ Appendice n° I.
' «La lettera, dit M. Fumi, présenta lutta la forma di iina circolare
destinata aile dignità del legno. Questo esemplare certamente é ipiello
capitato in mani degli auibasciatori di Lucca che si trovavano in ]*e-
rugia nclla meta ili novenibri' 13.s:'., i-oiiie dalla loio lettera ilrl 11 ili (|iiel
mese ».
' Amaini <il leiiiiio drltn Jibcrti'i, n. 439.
« N. 1102.
4() LA CAFTIVITÉ ET I.A MORT
la (lonnoiiH nous en ai)i)eiidire '. I>e second de ces document», qne
nous publions paieillcmeut ', est la lettre par laquelle la reine
Marie, veuve dr Louis d'Anjou, annonçant aux Marseillais, le 20
août l:i85, le décès de son mari, retrace tonte Thistoire de l'expé-
ilitiou (le celui-ci en Italie. L'original en fut vu aux archives de
Marseille, au XVI 1'"'" siècle, par l'iiistorien de cette ville, Ruffi.
qui l'aiialj'sa d'une façon suffisamment exacte '. Depuis, il disparut
des cartons et ccliappa ainsi aux recherclies de Noël Valois : celui-
ci se borna à mciitioniur le récit de Uuffi d'une note assez rapide
pour (|u'aucun des érudits postérieurs ne songeât à consulter V Mis.-
toire de Marseille. La pièce n'était d'ailleurs qu'égarée et l'actuel
archiviste municipal, M. Isnard, eut tôt fait de la retrouver; nous
devons à sa grande obligeance d'en avoir eu connaissance et le
prions ici k nouveau d'agréer nos remerciements.
Deux autres récits de la mort de la reine Jeanne ])rovenaut
l'un de Clément VII. l'autre d'un partisan de Louis d'Anjou nous
étaient signalés i)ar l'inventaire de la série AA des archives mar-
seillaises de M. Mabilly et par une note de Noël Valois. Malheu-
reusement la bulle de Clément VII (Marseille AA. 6.5) par laquelle
ce pape demande aux Marseillais de reconnaître le jeune Louis III
ne contient à propos de la fin de Jeanne que des exclamations,
des dithyrambes, et aucun renseignement. Quant au manuscrit des
archives de la Haute-Garonne que cite Noël Valois, d'après une com-
munication, il ne fournit absolument aucun détail sur les événements
dont nous nous occupons ; ce qu'en dit le savant auteur * est erroné,
ainsi qu'a bien voulu nous l'apprendre l'archiviste de ce département.
' Appendice ii" II.
' Appendice n" III.
' Histoire de la ville de Marseille, 2>' éd., t. I (Maiscille, Kifttî), p. -217.
* Op. cit.. p. 51. «Un de ses partisans, qui adressa vers la mônir
époque un long uiéinoire au pape d'Avignon, affirme que la reine .leannc
fut étouffée après avoir subi bi torture par la distorsion des membres
(Arcli. de la Ilaute-tTaronnc. V. 1, fol. iW) ■.
DE JEANNE I':'"-' DK NAI'LES 47
On sait fomment s'ouvrit la traj^édie (iiii (levait coûter la liherté,
puis la vie à Jeanne l''"*". Déjà en l>ntte à riiostilité d'Urbain VI
par suite de la faveur qu'elle avait montrée à Clémeut VU dès
les débuts du Grand Schisme, cette reine s'attira, par l'adoption
du duc d'Anjou Louis pour iiéritier, l'inimitié mortelle de son neveu
Charles de Duras à qui elle avait paru jusque là réserver la cou-
ronne. Cliarles prit fait et cause pour Urbain VI, descendit de
Hongrie, où il se trouvait alors, en Italie avec des troupes aguerries,
alla recevoir à Rome, le 1'' Juin 1381, l'investiture des royaumes
de Jérusalem et de Sicile, repoussa, le 24 de ce mois, l'assaut que
lui livra à Anagni le mari de la reine, Othou de Brunswick, passa
la frontière et, le 16 Juillet, entra dans Naples dont les haliitants,
urbanistes déclarés, lui facilitèrent l'accès '. La souveraine, entourée,
dit-on, de cinq cents partisans, parmi lesquels deux cardinaux, les
grands oflficiers de la cour et les deux belles sœurs de Charles de
Duras, Jeanne et Agnès, s'était enfermée dans le Château Neuf,
qui était à la fois son palais et la |)lus puissante de ses forte-
resses. i)our y attendre le secours qu'elle demanda en tonte hâte
à son mari et à ses sujets de Provence ". Cliarles de Duras, de
' La marche de Charles de Duras est excellemment résumée par JI'i"" An-
gola Valente dans son ouvr.ige consacré à la femme de ce prince (il/nr-
gherita di Burazzo. Naples, 1909. P. 12, note 1). Il faut seulement com-
pléter le récit qu'elle en fait, et par exemple en ce (|ui concerne la liataille
d'Anagni, par les précieux renseignements contenus dans les lettres de
Cristoforo da Piacenza, représentant de Mantouc auprès d'Urbain W.
(Arturo Segrè, / dis2)acci di C. da P., 1.S78-18.S3, in Archirio Ston'co lia-
liano, h" série, t. XLIV, 1909). Notons aussi que le Jottnial de ,Iean le
Fèvre, chancelier de Louis d'Anjou, est d'accord avec les auteurs italiens
pour fixer la date de l'entrée de Charles à Naples au Ki jiiillc-t (éd. Mo
ranvillé. p. s).
- In rapport de Nicola Ficsco au comte de Savoie {Arch. stur. ilal.,
IiTP série, t. XIII, p. 112 et Caméra, Elucidn-azioni storico-diploinatiche
•IH LA CAITIVITI'; KT I.A MUIIT
son coti';, cciminein;!i imiiié(li:it<Mnciit '. sur tt'iTC et sur mer, le siège <lii
cliâtcau, qui fut tout de suite poussé très activement tant il avait
liesoiii (rcinporter la place avant (lue les troupes d'Otlion, occupées
à rava^'cr les environs de la capitale, n'eussent tenté quelque effort
suprême, avant surtout que les forces provençales ne fussent venues
les grossir. Trois balistes bombardèrent le château de ((uartiers
de roclie et y jetèrent des immondices et des cadavres en putré-
faction. l)('s travailleurs sapèrent les fundations des tours. Hicntnt
intonio al reijno <li (iiovanna I". Salerne, 1SS9, j». 29.1) parle d'une lettre
que la reine assicgc-e aurait écrite à son mari pour l'appeler à l'aide.
— Le 18 juillet, l'un des assièges, le comte cliauibrier Giacomo Arcnccia
da Capvi dépèdia, par l'intermédiaire du patron d'une galère catalane,
une demande de secours aux Marseillais. On trouvera cette lettre dans
N. Valois, 021. cit., t. Il, p. 10; mais l'intérêt vraiment émouvant de ce do-
cument nous pousse à le publier à nouveau, d'après l'original (Ardi. de
Marseille BB 2S. fol. 55 v"): « Nobilibus et prudentibus viris Communi-
tatis civitatis Massilie honorabilibus amicis suis magnus camerarius regni
Sicilie. Nobiles et prudentes viri et honorabilcs aniici, brevitate teniporis
non possumus lacius vobis seribere ipiia Perrus Catanii, patronus, lator
presencium, vos apercius informabit quia domina regina, comuuuiis do-
mina, est acriter obsessa in Castro Novo N'capolis per Caroluni de Du-
racio, dato sibi aditu et introitu Neapolis per Neapolitanos. licet cloniinns
Otto, vir domine, sit in campis cnm octigentis {sic} lanceis. Itaqne si vos .
succurretis sibi cnm galeis, domina poterit recuperare Neapolim. Propterea
rogamns vos multuni quod, pro lidelitate vestra, succurratis sibi in isto
articulo necessitatis tanquam domine naturali. Scriptum festinanter in
Castro Novo civitatis Neapolis, die XVI 11" julii, IIIF indictionis. Post
scriptum: domina babet castra et fortillicia civitatis Neapolis. Scriptum ut
supra». Cette lettre fut communiquée le 1'^^'' août an Conseil de Marseille
qui nomma une commission pour pourvoir à toutes les mesures utiles et
tit iirévenir le sénéchal de Provence. — Par contre la lettre de Jeanne
à Rinaldo Orsini (jui fait l'objet de l'article de M. Egidi sur la ScrUtwn
segrctn di Giovanna I" di Napoli {Arch. ator. prov. NapoMane, t. XXXI.
190ti, p. 360) est du 7 aoiit 1380 et ne se rapporte pas au siège du Châ-
teau Neuf comme le dit M. A. Segrè, op. cit., p. 305, note 1.
' Dès le 18 juillet, (riacomo da Capri écrivait: << domina regina est
acriter obsessa in Castro Novo Neapolis » et, le lendemain, Charles de
Duras dans une lettre aux habitants de Chieti: « Civitatem tenemus po-
tenter, Castrum novuni in niaxima obsidionc tenentes ubi deget .lohanna
(Caméra, op. cit., p. 294).
DE JEANNE l'-""- DE NAPLES li'
la famine s'ajouta aux dangers du siège '. Des pourparlers eu-
rent lieu à l'hôpital royal de l'Incoronata, le 20 août, entre
Charles de Duras et un parlementaire du Château Neuf, Ugo di
Sanseverino. Soit que la reine eflt refusé de se rendre, ainsi que
l'assure Coluccio Salutati, soit que ces entretiens eussent eu comme
résultat, selon la version des Giornali Napoletani, la promesse faite
par Jeanne qu'elle se rendrait le 25 si aucun événement ne se
produisait d'ici là, la forteresse tenait encore lorsque, le 24, Othon
de Brunswick, parti de Capoue, s'introduisit dans le Cliâteau Saint
Elme, qui dominait Xaples et que les partisans de la reine avaient
conservé. Le lendemain " il en descendit pour livrer bataille, fut
mis en déroute et fait prisonnier. Bien que le Château Saint Elme
et le Château Capouan fussent encore au pouvoir des siens, Jeanne,
désespérant des secours de Provence, ne crut plus pouvoir résister
dans le Château Neuf qui, d'ailleurs, était miné. Elle envoya donc
à nouveau Ugo di Sanseverino auprès de Charles de Duras, puis
eut elle même avec celui-ci, le 26 août, dans les jardins du Château,
un entretien ([ui dura jnsi[u';i la nuit. Charles savait être séducteur:
il usa de son charme, prodigua à la souveraine protestations de res-
' On trouvera un récit très vivant de ce siège dans l'ouvrage de G. de
Blasiis iiitituK- Le Case dei Priiicipi Angioiiii (in Racconti di storia na-
poletanri. Naples, 1908. PP. 291-293). Aux chroniques utilisées par cet au-
teur il faut ajouter les renseignements donnés par la bulle d'excommu-
nication de Charles de Duras par Clément VII (A.Valcute, o^. «7., p. 171)
et par la lettre que Coluccio Salutati envoya à Charles pour le féliciter
de ses succès {Epistolario di G. S., public par Novati, t. II, Rome, 1893,
pp. 17-18). La bulle de Clément VII parle du bombardement du château
avec des immondices et des restes humains; le Cosmodromium de (}(j\w-
linus Persona donne les mêmes renseignements, en li's délayant. <'f. aussi
les Diarii Neapolitani ciijusdam fragmenta pulili(''s dans ÏArch. stor. pruv.
Nap., t. VI, p. 335.
' Ces dates des 24-25 août pour l'arrivée d'Othon et la bataille sont
données par les Giornali del duct, di Monkleonc. ("oluccio Salutati et les
Diarii Neapolitani citjiisdam fratjincnia. Cristoforo lia Piaeenza indiiiue
les 25-26 août.
Mélanges d'Arck. et d'Hist. 1924.
50 LA CAITIVITK ET LA M<IKT
pict et promesses '. Due convention écrite fut établie ', parait-il,
à la suite de laquelle Jeanne, rentrant dans sou château, y arbora,
en signe de capitulation, la bannière de «on vainqueur, tandis que
celui-ci retournait an palais du ^rand sénéeiial où il avait établi
ses quartiers ^.
" Voir dans Vllistoria Aqinla>ia(SS. RU. Ital. t. XVI, col. h:^ô-.s36)
le discours qu'Antonio di Buccio prête à la reine.
' Cf. la lettre de la reine Marie: «... ipsam (re^inam) blandis et
subdolis verbis, inultis faclis proniissionibus, eciain in scriptis redactis
et firinatis, ad se reddendum induxit ' .
3 Aux clironiques dont s'est servi De Blasiis pour le récit de ces évé-
nements on peut ajouter les informations d'origine -îénoise qui furent trans-
mises au Conseil de Marseille, dans sa séance du It! septembre 1.H81, de
la part du Sénéchal de Provence. Noël Valois y fait une courte allusion
(t. II, p. 11); voici en son entier le passage du Registre des délibérations
qui s'y rapporte (Arch.de Marseille. BB "28. fol. til): « Dictus dominus
Honoratus [de Berra, magister rationalis], in dicto consilio e.\ parte dicti
domini senescalli e.\posuit referendo qnod dictus dominus senescallus,
dum esset in Xicia, die doniinica proxinio preterita, et se disponeret ad
recessum apud Neapoliui cuni omnibus galeis armatis pro domine nostre
regine presidio et succursu liabuit quatuor aut quinque litteras de civi-
tate Janue et aliunde sibi et cortis reginalibus tidelibus specialiter desti-
natas continentes quod dominus dnx Brusnsiensis, domine regine maritus
inelitus, ad tractatuni nephariuui, prevaricatum et faisuui civium Neapo-
litanornm, legiualiuui rebelliuui. die XXIIII augusti cum sua génie ar-
migera intravit civitatem Neapolis. In cujus ingressu captus de persona
proditionaliter extitit et demnm in diversis sue persone partibus vulne-
ratus ad morteui et ibi devictus absolute cura suis, ubi muiti gladio pe-
rierunt. Deinde dicta nostra rcgina post dictum conHictum modo preraisso
habitum utpote territa et afflicta nimio pre dolore. apertis portis Castri
Novi de Xeapoli ubi tune residebat cum suis tidelibus se reddidit in po-
testate domini Karoli de Duracio, sui rebellis, absque alia rcsistencia
aliiiuali ». Il y a une légère discordance, pour les dates, entre ce texte
et les chroniques dont nous avons suivi la chronologie. Encore pourrait
on la faire disparaître en interprétant les mots « intravit civitatem Xea-
polis ■> comme désignant l'entrée d't.)thon dans le Château !>aint Elme et
en remarquant que rien, dans ce document ne s'oppose à la division, faite
par des récits plus explicites, de l'opération en deux Journées.
DE JKANNK V"^' PE NAPLBS
Sans doute Cliarles de Duras avait il juré de traiter Jeanne
en souveraine, peut-être même de lui laisser faire demeure au
Château Neuf. Une semaine ne s'était cependant pas écoulée de-
puis le 2(> août ((Ue, le J septemi)re, il la tit conduire prison-
nière au Cliâteau de l'CEuf et s'installa h sa place dans le palais '.
A en croire les Ghinuili <Ip1 Ihnu di Monteleow; il aurait eu de
fortes raisons d'ai^ir ainsi, cai' la veille même de ce transfert, le
1" septenilirc. dix galères jjrovengales, portant entre autres sei-
gneurs le comte de Caserte, auraient apparu en vue de Xaples -.
Il est naturel que, séduits par ce qu'il y avait de tragique dans
cette arrivée des secours ([uelques jours à peine aj^'ès la reddi-
tion, la plupart des auteurs aient accepté cette date ■'. Elle est
mallieureiiscmcnt inexacte. En effet, le 12 septembre, le comte de
Caserte était encore en Provence ^ ; et quant à la flotte, le sénédial
de Provence prenait ses dispositions pour la faire partir lorsqu'il
apprit h Nice, le S septemlire, la catastrophe de Naples '". Il nous
faut donc acc(q)ter de pi'éférence pour la date de la première ap-
' Chionicoii Siciiluiii, p. :!!•: . Anno Domini M.CCC.LXXXI. die II
septembris, V. ind., domina rciiina Johanna exivit de Castro Novo et por-
tat;i fuit captiva sub bona custodia ad Castinm 0\i et idem veio rex
Caiolns intravit ad rtormiendnni in Castro Novo ».
' P. 20: « Lo primo de setterabre de la 5» ind. in Napole vcnncro
dece salée île l'rovenzani in soccorso délia regina et allliora la trovaro
in presone, et |)er questo non fo niente iloro venuta, e sopra qneste ga-
lee venea lo conte de Caserta et Angeliizzo de Sarno •.
^ Déjà an XV"""' siècle, Buonincontro écrivait dans ses Annales:
« (bornes Casertae. qui reginae partinm erat. kalendis septendiris ex
Provincia cum deeeiu trirpniil)us venit, reginae subventnrus, ipiarto
post die (|uo .Ioliann;i sese Carolo dedcrat ». (SS. RM. lUil., XVI,
col. 42).
*" Arcli. Vaticancs, IntmUus et Exitits, vol. .■i;)4, fol. 120.
^ Voir supra, p. 50, note 3.
52 LA CAITIVITfc ET LA MflItT
paritioii des galères i)roveni;ales sur la côte napolitaine celle du
22 septemldv que donne le Chronicon Siciihnn ' et le tninsfert
lie la reine au Ciiàteaii «le l'Œuf cesse d'être en corrélation avec
cet événement.
Charles de Duras avait pris la précaution de séparer .Ir-anne
d'Otlion de Hrunswick, (jui fut emprisonné an Ciiateau Neuf ainsi
que le grand chancelier Nicolas Spinelli da Giovinazzo. Au château
de l'Œuf, où se trouvait également détenu le comte chamhrier Gia-
como da Capri ', la souveraine n'aurait en, à en croire la lettre de
la reine Marie, que la compagnie et les lions offices de quelques sui-
vantes et de quelques serviteurs; dès ce moment elle aurait été
durement traitée '. Peut-être y eut-il à son égard une recrudescence
de sévérité après le parlement qui se tint A Napics au déhut de
' P. 40: « Eodem anno et eoileui mcnse. die XXH ejusdem, V galei'
Provincialiuiii et una Catalanonini ciim imiitis nohilibus baronitiiis Pro-
vincialibus intraverunt poitu (sic) Neapolis et cuiii fucrunt in Castro
Novo (siC' ubi erat captiva domina regina Johanna eievavenint lausum
sub nomine dicte regine et illo die cepenint ^olectam Castrimaris .. Après
avoir dévasté les côtes napolitaines, ces galères en vinrent à un accord
avec le nouveau roi. Antonio di Biiccio, Hist. Aiptil., col. 843; «El lè
Carlo poco se ne illo curone | elie avea presa oune signoria I E colli pa-
tron! délie galee favellone ». Cet accord eut lieu sans doute vers le milieu
du mois d'octobio car la lettre de Cristoforo da Piacenza du 24 de ce mois,
envoyée de Roiiic. en parle comme en train d'être conrlii. Aucun document
contemporain ne dit que les patrons de ces galères aient vu la leine captive
ni qu'ils aient été exhortés par elle à la venger, ainsi que le raconte
Tristano Caracciolo (Vita Joannae /'"').
• Cristoforo da Piacenza écrit, le 8 décembre: « In factis autem do-
mine illius scélérate undieris antique sic loquor quod est in Castro Ovi
una cum Jacobo de Capua... Dominus Octo, dux Brondvicensis, est in
Castro Xovo. ubi rex residet ad presens, et dominus Xieolaus «U- Xua-
poli •. Cf. aussi les Diarii nenpolitani fragmenta^ p. :Viô: • Et sic dicta
domina rostituit castruni et <lata carceri in Castro Ovi cum domino .lacobo
de Capus (.s/e), comité de .-^spercli et certis aliis • et le CltioiiUon Si-
cidiiiii, p. 40: « Eodem die VIII septerabris ejusdem ind.- dominus Otto
de Derroia {sic) portatus fuit captivas in Castro Novo >.
■* « Ipsam in Castro suo Ovi duris et inbnmauis carocribus cum mo-
dica familia miserabiliier tenait carceratara ».
DE JKANNE I' '=' DK NAPI.BS 53
novembre et où l'on s'occupa de son sort '. En tout cas au moins
dès la fin de novembre "'lie était fort étroitement surveillée et per-
sonne ne ponv.iit lui parler sans autorisation ". Une phrase de Cri-
stoforo da l'iaeenza qui fait allusion à de prétendus aveux ■' per-
mettrait même de supposer qu'on ne laissait pas la malheureuse en
repos et qu'on essayait de lui extorquer des déclarations compromet-
tantes ; mais peut-être n'y a t-il là que fantaisies d'un esprit sans
grande élévation intellectuelle * ni morale.
Si bien gardée qu'elle fût au Château de l'Œuf, Jeanne ne
l'était, parait-il, pas encore assez. On découvrit au mois de décem-
bre un complot tramé par un de ses partisans, le propre lieau-
frère de Cliarles de Duras, Charles d'Artois. Celui-ci, fait pri-
sonnier avec Othon de Brunswick, avait prêté hommage à son
vainqueur et avait été mis en liberté. Une fois maître de ses
mouvements, il forma le plan de faire assassiner Charles' de Duras
' Cristoforo da Piacenza, annonc;ant. le 24 octobre, le prochain par-
lement, écrivait: « Ibi tratabitur inter alia, uti potui sentiie, de quiète
patrie et quid debebit esse de fatis dictormu domini Octonis et Johanne ».
Sur ce parlement voir le Chronico» Siculum, pp. 41-42.
* Cristoforo da Piacenza, lettre du 8 décembre : «... et ibi eustodiuntnr
(regina et Jacobus de Capro) tamqiiam oculi pupilla ad instanciam régis
et nullus cum eis loqui audet, nisi de licentia ».
' • Nam, si vellem scribeie oninia que spoute confessa fuit tam de
interfectione virorum suorum {sic) quaiu de aliis criminibus occnltis et
de scismate pcv ipsam posito in ecelesia Dei, imiis quaternus papiri non
suficeret ».
■• On verra dans la même lettre comment l'informateur mantonan
accueillait sans sourciller les racontars d'après lesquelles la défaite d'( Hlion
de Brunswick aurait été due à un prodige. Les soldats du mari de la
reine avaient été empêchés par une force surnaturelle de monter à che-
val, de tirer leur épée, etc. Ce récit avait été fait à Cristoforo par l'un
des soldats d'Otbon. Il est vrai que ces rêveries, dont on trouve un
écho dans les chroniques de Thierry de Nieni et de Froissart, semblent
avoir eu quelque crédit jusque chez Lo\iis d'Anjou. Celui-ci fit mettre
à mort, à la fin de l'année 1382, un héraut de Charles de Duras, Garillo
Caracciolo, aux sorcelleries du(piel on attribuait la défaite d'Othon de
Brunswick (cf. N. Valois, t. II, p. .ô(i).
LA CAITIVITK ICT LA MOUT
aux liîiins de l'oiizzoles l't écrivit au duc d"Anji)U de liàtcr woii
arrivée. Sa lettre fut interceptée; il fut arrêté et rejeté en prison'.
La reine avait-elle eu (luelque part dans cette conspiratinn ! Kllc
fut traitée comme s'il en était ainsi. Dans les derniers jours de
décemlire elle fut tirée du Cliàteau de l'Œuf et amenée, par le
temps le plus ri^çoureux, avec les quelques personnes qui lui ser-
vaient de suite, dans la forteresse de Xocera ''. Dès ce moment son
sort devient pour in>us très obscur; il ne l'était pas moins pour
les contemp<iraius. Si Cristoforo da Piacen/.a était exactement au fait
de la sifcnilication de ce transfert il n'en était pas ainsi d'autres
inforniatenrs ordinairement fort liien renseignés. Une lettre de
i'iorcncc. ilatéi' du 'i avril et qui fut communiquée aux Marseillais
par le iluc d'.Vnjou, laisse entendre que .Jeanne, conduite à Noccra
et placée .sous bonne garde, avait cependant trouvé moyeu, grâce
au comte de Sauseveriuo, d'échapper à son ennemi, soit qu'elle
eût réduit le cliàteau de Noeera en sa ilomination soit qu'elle eût
pu se réfugier en lieu sûr ^. Il n'en était malheureusement p;is
' Nous tiioiis tous ces renseignements d'une lettre de Cristoforo da
l'iaccnza, datée du i janvier 1382.
-' Ce transfert nous est connu par la lettre de la reine Marie celle
de Cristoforo da l'iacenza, du 4 janvier 1;JS2, et le Chroiiieo» Siciihim :
1° « Deinde cnm magno inteinperic temporis ad casfnini Xucerie captivam
duci fecit invitani. manibus injectis in eam pcr alitpins ex proditoribn.s
suis; » 2" « Post (|ue omuia idem rex prefatus dorainam .lohannam reuioveri
fecit de Castro Ovi ubi erat et duci ad «pieuidam locuni nui notatur Xueera
Sarracenorura ibi(|ue incarcerata est: • 3" « Anno Domini MCCCLXXXIII
(sic) die XXVI II mensis januarii dominam reginaui fecit rcx portari
captivam in castro Xucerie cum magna gente arniigera, et Jacobus de
Capro cum nxore et liliis portati fuerunt captivi in dicto castro cnui ea>.
La date donnée par le Chronicon Sieiihim est fausse, réviMiemcnt .ayant
eu lieu avant le 4 janvier 1.382.
3 Arch. de Marseille, BB 2S>, fol. 13;> verso et X. Valois, op. cit., t. II,
p. .00, note 2. « Novcritis quod, prout alias scripsi vobis, domina fuit uiissa
per dominum K. de Castro Ovi ad Castrnm Xucberii, quod dictus dominus
Rarolus dederat domino Joannoto, et ibi ipsaui fecit poni in bona custodia
et, secundud) quoJ inichi s.-iibitur per auiicum meuui, licct non bene certi-
DE JEANNE l'^'"' DE NAPLES nf)
ainsi et, au moment où cette lettre quittait Florence, l'infortunée
souveraine avait été extraite (lu château de Nocera et enfermée
dans une des forteresses que les Duras possédaient dans la Basilicate.
le château de Muro. Le Chro»iron fiicnlmu fixe ce nouveau transfert
au 28 mars 1382 ', date qui convient assez à ce que dit la lettre
de la reine Marie du temps liivernal et des grandes pluies par
lesquels la prisonnière dut voyager '.
Sis en plein cœur des Apennins napolitains, Miiro « s'étage en
amphithéâtre de In base à la cime d'une montagne assez élevée qui
s'adosse au massif couvert de forêts et de pâturages que cou-
ronnent les cimes du Pisterola et du l'aratello garnies de neige
jus(|u'à l'entrée de l'été. Tout en haut de la ville les ruines
d'un château du AIoycn-Age dominent un profond ]iréci]ii{'e sur
lequel est Jeté un |)ont du XIL siècle qui a résisté aux divers
cataclysmes » ^.
(icct an domina, ciini Dei ailjntorio. est extra castnim et in loco sccuro aut
liabet castrum Nucherie in potcstate sua, qnod, ut retïert dictas meus
aniiciis, ipsa fecit cum auxilio comitis Sancti Severini ». Il y a peut-être
quelque chose de vrai dans cette fausse nouvelle; il est possible par
exemple qu'un complot ait été formé par Ugo di Sanseverino pour libérer
la reine et que ce projet, découvert, ait été la cause du transfert de
Jeanne de Nocera à ,\[uro. Il faut d'autre part rapprocher de cette lettre
du 6 avril la mention suivante consignée à la date du !=■■ avril dans le
Jmirnal de Jean le Fèvre (p. 28): « Ce jour vint Tarcevesque de Bene-
vent et 11 aultres qui venoient de Fondes et disoient nouvelles de la
Hoynne, desquelles monseigneur le duc faisoit grant feste, ce me samble
a petite cause ».
1 P. 45: « Anno Domini MCCCLXXXII, die sabbati XXVIII m;ircii,
V ind., doniinus rex Karolns misit captivaui dominani reginaui Johannaui
et douiinnm Ottoneni de Brosoic (sic) virum suiiin, dorainara reginaui ad
castrum Mûri et dominum Odoncm ad castrura Sancti Felis de provincia'
Basilicate, et associavit eos dominus Karolus de Montealto, regni nia-
gister justiciarius, cura magna gente armigera •.
' « Dcmum cuui multis pluviis et ineptitudine temporis, tempore liie-
mali, .ad castrum Miiri crudelius dnei fecit >.
^ \'ivien de Saint Martin, Xoureau Dictionnaire de ge'oyraphie uni-
verselle.
r)6 i,A (;ai'tivitk kt la mokt
C'est dans ce cliAtcaii que fut fiiferméfi la rcino. OliarleH de Duras
y envoya, jioHtéricurcmeut à l'arrivée de relle-ei, semlde-t-ii, le
f^cûlicr qui devait la ;,'ardcr '.
Le nom inrnir d(^ riinniinc elioisi par f'Iiai-lcs rend suspecte la
Miinsion dmit il a\ait été chargé. Palamcdc iîiizziitii "' aijpartenait à
une des grandes familles napolitaines qui avaient pris le plus violem-
ment parti contre Jeanne. Le personnage le plus marquant de cette
maison ^, Luilovico, était dans les ordres. Dès les premiers moments
du (Irand Schisme il s(^ décliaina contre Clément VIL Lorsque ce
pontife vint à Naples, Ludovico Hnzzuto souleva le peuple contre
lui et mena le sac d<' l'Iiotcl di' l'archevêque Clémentin Bertrand
de Rodez ■*. Nommé à la |>lacc de celiiici par Urbain VI, il fut
à son tour ini|iiiété par la reine Jeanne (|ui lit jeter lias les im-
meubles qu'il possédait tant à Casasana qu'à Naples et l'incarcéra '.
La victoire de Charles de Duras le vengea; ce fut lui qui parla au
nom du clergé dans le parlement réuni à Naples le •'> novembre 1381
pour y régler les questions pendantes, en particulier le sort de la
reine ". On imagine quelles durent être ses suggestions ;\ l'égard
de la princesse seliisraatique qui l'avait persécuté. Plusieurs autres
membres de la famille Buzzuto ' se trouvent parmi les partisans de
Charles de Dur.is mais Palamede avait un titre tout ])articulier k
la reconnaissance et à la conliance du minvean roi : c'est lui (|ui,
' Cf. la lettre de la reine iMaric : « Et iidstiiiodnni, I':ilaiiiude>io Kii-
zuto niinistro neciiiieie illuc destinato... ».
- Nous ne connaissons le nom du geôlier de Jeanne «lue p.ar la lettre
de la reine Marie, mais il n'y a aucune raison de mettre en doute ce
renseignement.
■' L'une des femmes de cette maison, Cecca Buzziita, aurait une place
à côté de la reine Jeanne et. sous un nom mythologique dans la Teseide
de Boccace. Cf Caméra, Klucubrazioni, p. 301, note 3.
* Chronicon Siculum, p. 36.
5 16., p. 37.
8 Ib.. pp. 42-4;i.
" GianncUo, .Marino, l'ietro, Triglione. Cf. Gioniali. pp. 26-27.
nE JEANNE I^'"' DE NAPLES ;l (
le 16 juillet 1:581, ayant pimétré le premier dans Naples, avait ilé-
terminé le soulèvement des Napolitains et ouvert h son maître la
porte du Marché par où celui-ci était entré '.
Muro fut la Conciergerie de la reine .leanne comme Nocera avait
été sa Tiiur du Temple. Elle avait encore autour d'elle des sui-
vantes et des serviteurs. Son geôlier les renvoya captifs à Naples ",
lui laissant comme toute compagnie une de ses dames provençales
et trois esclaves tartares. un homme et deux femmes. De ses Ktats,
de ses trésors, il restait encore à Jeanne quelques hagues: un Jour
Palamede les lui arracha des doigts. Et la reine de Sicile manqua
parfois de la nourriture grossière qu'on lui accordait '.
Puis vint la fin. Ici il faut nous arrêter pour traiter les deux
problèmes qui se posent an sujet de la date ex;icte et de la na-
ture de cette mort \
' ll>., p. 18.
2 Peut-être est-ce par eux (|u"iin informateur du duc d' Anjou, qui
n'avait quitté le Koyaume que le 23 mai, avait eu de la captive les
quelques nouvelles auxquelles fait allusion une lettre de Louis aux Mar-
seillais, du 8 juin 1382: « nobis retulit... quod domina regina, mater
nostra reverenda, nostruiu senciens adveatiim et succursum, adeo quod
credi non posset existit consolata ». (^rc/f. de Maneille. N. Valois, t. II,
p. 50).
'■' Voir la lettre de la reine Marie.
^ Le lieu où mourut la reine n'est pas douteux. Les indications
données à ce sujet par la lettre de la reine Marie sont confirmées jjar
les chroniques {Clirunicon Sicidnm. Cronica tU XapoU di Notargiacouio,
Vita Johannae /"■' et Genealogia Caroli I' de Tristano Caracciolo^ et par
une bulle, rapportée dans Ugiielli, Itah'a .tacra, t. VI, col. 1037, aux
termes de laquelle Clément VII transfère à l'olsino le siège épiscopal de
Muro, cette dernière ville lui ayant toujours été hostile et ayant été
le théâtre de l'assassinat de Jeanne. Il n'y a pas à tenir compte des
indications discordantes des Giornali del Duca di MonteUnne, suivis
par Nicola di Borbona, selon lesquels la reine serait morte à Xaples,
ni des textes postérieurs (.\nnales de Buonincontro et de Ludovico
di Kaimo) ipii la font mourir «in arce S. Felieis (ou S. Fi-lisi agri
Consani ».
5H LA CAI'IIVITK KT LA >II)UT
Ia-s (loiiticcs lies rliii>iiit|Ucs sont, en ce (|lii (•(iiiccriic la date <]ii
(li'cèrt (Ir la n-iiic .Icaiiiif. coiitratlictoires : les fiiornnli fiel iJuai di
Motiteleone, par (•xemi)le, placent cet événement au 12 mai ' et le
C/troniron Siculum au 12 Juillet". Il n'y a rien à prendre à <e
propos dans les lettres de la reine Marie et de Louis d'Anjou:
eclui-ci se contente de dire que sa mère adoptive était morte avant
qu'il n'arrivât dans le royaume. La version de Charles de Duras
contient par contre à ce sujet des précisions qu'il faut certainement
accepter. Les deux expressions les plus complètes que nous en ayons,
la circulaire adi-essée à Franccsco da Carrara et la lettre des Flo-
rentins à l'ietro (Janibacorti fixent le décès de .leanue au 27 Juillet.
On comprend mal le motif qui aurait poussé Charles de Duras à
répandre sur ce point une indication t'aussc. D'autre part cette date
concorde à la lois .ivec la mention rapportée par le Clnoninm Si-
r.uhim au :'>! juillet des ol)sè(|ues de la souveraine et avec le fait
que c'est dans la première quinzaine d'août que la triste nouvelle fut
connue en Italie '. Nous ])eusous donc avec Tropea et M"" Kothbartli
' P. 23: « Anno Douiini 13S-2. 12 niaii, '>■• indiltione venue nioita la
rej^ina Gioanna in Napole ».
'' P. 45: « (iue domina rcj^ina asseiitur fuisse mortua in carecre dicti
castii Mûri Xll Julii ejiisdeni anni, ejusdcm ind. ».
■' La mort de la souveraine n'était ])«» encore connue à Milan le
4 août au moment où Barnabo Visconti écrivait :i Louis de («onzasue (pic
le seul but de ;^ucrre de Louis d'Anjou était l:i délivrance de Jeanne
(Osio, Doctimenti (liplomatici tratti âagli Archivî milnvesi. T. I, Milan.
IHM, p. 228). C'est entre le 6 et le 8 août que les anib:issadeurs de Pise
rencontrant le duc d'Anjou à Bologne, lui présentèrent leurs condoléances
pour la mort de sa mère adoptive, « si dolseno al duclia del danno di
uiadà la reiua (iiovanna ■> (Kuini. R. Archivio di Lucca, Ji'iiexli, parte II.
n. lOliO). Le H ;ioût le sénat de \'enise charge son ambassadeur auprès de
Louis d'Anjou de lui exprinior la ])rofonde douleur causée ;'i la Seigneurie
par la mort inoi)in '■(• de l:\ rein<' .leanne (Perret, Histoire des relations de
DE JEANNE P'"'' DK NATLES .l'.l
que Jeanne de Xaples mourut le 27 juillet 1-582. Mais nous nous
séparons complètement d'eux en ce qui concerne les circonstances de
cette mort.
«Jeanne, disent les lettres provenant directement on iiidirccte-
n)cnt de Cliarles de l)Mras, est morte de nialadie après avoir alijni'é
le scliisme et avoir reyu les derniers sacrements »'. Un j, 'm éliloni
l)ar ce que cette version avait d'imjirévii, M. Tropea affirme qu'il
n'a aucune raison de ne pas l"acce|iter. Mais les documents nou-
veaux ((ue nous apportons au début font entendre une déclaration
aussi catégorique et diamétralement opposée: Jeanne a été assas-
sinée sur l'ordre du duc de Duras, et dans telles circonstances jn-é-
cises. Disons tout net que latlirmation de Charles de Duras, à elle
seule, ne prouve rien car, auteur de la mort de sa tante, il n'al-
lait pas s'en accuser, et que celle de Louis d'Anjou n'est, par elle
même, pas plus décisive : la reine prisonnière fût elle morte de
la France avec Venise du XIII'' s. à l'avènement de Charles VIII. ïoiiie I,
lS9t), p. 44). Enfin le Dinrio d' Anonimo florentino (Dociimenti di stnria
italiana. Florence, 1876. I*. 444) fixe au 1.") août la date à laquelle se ré-
pandit dans la ville la nouvelle annoncée par Charles de Duras: » Oniji,
a di XV d'agosto lo8'2 vennono in Firenze novclle da Napoli, conie la
reina Giovanna era passatadi questa vita, con buon conosciniento, e coiue
il re Carlo gli ave^\a fatto içrande onore al suo eorpo >. La lettre très
intéressante en ce qui concerne la rivalité de Charles de Duras et de
Louis d'Anjou qu'Henri Verwer et Thierry Fabor d'Ehenheini écrivirent
de Kome aux autorités de Strasbourg, le 11 ociohvc Vi'!^'2 (Urlinidcnhiirh
fier Stadt Strasshnrg. T. Vl, 18!)9. P. 6;i) ne contient pas de précisions
utiles an sujet de la date de la mort de Jeanne : « llertzog Otte von Biims-
wich ist tôt nnd seyt inen nut ob er rehtcs oder niueiites Iodes sii;e,
uiid die Kunigin ist lange tôt ».
' •> Quodau) gravi morbo depressa, intinnit;itis suo lectuiu plurilius
dielius incolnit ac, ex divine inspiratione gracie, nientalibns oculis ad
liiceni veritatis appertis ad cor snnm reversa cognoscensipie se talsis sci-
sniaticoriim snggestionibns fuisse delusaui, assunq)sit penitudiiiis spiritum
verunique pastoreni ccclesie doniiniim nostniui Urbanuiu papaui VI"' oie
et corde in confessione et contrictione professa extitit. Et, receptis per
eam sacrosanctis sacramentis ecclesiasticis, die XXVII julii nnper elapsi,
sicut Domino placnit, ab h;ic vita decessit ».
00 1,A CAITIVITK ET I-A Mf>nT
maladie qu'il aurait eu iiitrn-t à n-ndro son adversaire ros]ionsalde
<le eette fin et à accréditer le liniit d'nn meurtre.
(le n'est pas cependant qu'il faille rejeter définitivement l'nne
et l'autre version : l'une d'elles est vraie mais cliacunc d'elles
est incapal)le à étaMir (|n"elle est la vraie, l-^t c'est ici (|Up lions
soniinçs oldifîés de revenir aux chroniques. Pour dép.-irtajçer les
tiiéses conti'aires de jjarties intéressées, il nous faut d'abord
nous enquérir de ce que les cont^-mporains ont su ou cru de l'évé-
nement.
Or c'est un f.iit depuis longtemps reconnu que presque tons
les documents narratifs atfriliiicnt à la violence la nioi't de la reine
et cela quelque soit le parti dont ils sont l'expression. Ne voit-on
pas par exemple s'accorder en cela le De Scismate ' de l'Urbaniste
Tliierrj' de Xyem et l'Avi-^nonnaise Vifa prima démentis septimi ' ?
L'effet de cette quasi- unanimité n'est guère atténué par les quelques
exceptions que l'on peut signaler. On tire argument de ce que les
Giornali del Diica di Monleleone et le Chronicon Sinilum ne par-
lent pas de meurtre '. Mais n'est-il pas beaucoup plus étonnant
que ces chroniques, rédigées par des contemporains, sans doute k
Naples, c'est à dire dans un milieu favorable :\ Charles de Duras
et dans le lieu même on, sous la pression de l'autorité, la version
de la mort naturelle devait être la plus répandue, n'est-il pas éton-
nant, disons-nous, que ces chroniques, ne fassent aucune allusion
à cette version et se bornent à constater le fait dans des termes
' r. 4S: « Quani captivain et diligenter custoditam ad ipiûddam ra-
slium in Aprucio destinavit (Karolus), in cnjns quideni castii capclla, cniu
qnadani die oraret, nt fertur, sedens aute altare genuflexa, de niandato
ipsius Karoli per quatuor satellites Ungaros fnerat strangulata ».
* P. 487: « Dicto ctiam dmante tempore, piefata Joliana regina im-
nianiter fertnr intercnipta fuisse per miiiistros dicti Karoli, eo sic fieri
ordinante. Modus aiiteni inteiemptionis sue varie cxtitit et est narratu».
Xam aliqui dixeiunt ipsani strangnlatani. aliqui sub una culcitra snjjpo-
sitani ligatauKpie manibns et pedibus suffocatani extitisse-'.
' Voir p. 58, notes 1 et 2.
DE JKANNE l"-:'": DE XAl'LES t)I
dont la brièveté peut donner à penser? Et voici le seul conteniponiin
qui prenne la défense de Charles de Duras contre l'accnsation d'as-
sassinat : Donatii dcgli AUiinzani, l'ami de Colucciii Sahitati et,
comme lui, l'un de ces humanistes admirateurs du lettré et bien
disant Charles de la Paix. 11 commence par attirmer ' que la version
de la mort naturelle est la plus vraisemblable et la plus répandue;
pourtant certains ont parlé de suicide et d'autres d'un meurtre exé-
cuté jV l'iusu de Duras. Il ne s'inscrit véritablement en faux que
contre les accusations dont celui ci était l'objet et cela avec une
violence qui rend son témoigna,o;e suspect et à l'aide d'un argu-
ment dont l'efficacité est plus que iloiiteuse. « D'autres, dit-il, pour-
suivant le roi lui-même de leurs aboiements, comme c'est l'habitude
des méchants, ont osé dire que la reine avait été empoisonnée : cela
paraîtra une absurdité pure si l'on pense au caractère du roi et
à la mansuétude dont il fit preuve envers tous ses ennemis vain-
cus ». Belle mansuétude en effet, qui détermina Cliarles à faire
crever les yeux à Halthasar de Brunswick, pour s'être évadé, à jeter
en prison, sans jamais plus les rendre à la liberté, la femme et
les enfants du comte chanifirier de .leanne, (iiacouio da Capri, à in-
carcérer sa propre l)elle sreur, Jeanne de Duras, qui mourut captive!
Loin de contredire le témoignage des sources narratives, ce que nous
savons du caractén^ de ("liarics de Duras ne peut que le contirnier.
' Dans son adaptation du De Clari.t iniilii'rihu.f de Boceace. Voici
le passage, tel que le lappoite l'édition G. Manzoni (Bologne, 1881) aux
pages 394-395: « Alcuni dicono (e questa è più l'amosa opinionc, ed è
tenuta veia) che ella mori naturalmentc corne la niaggioi- parte degli no-
mini, essendo costietta da inferniità. o foise peieliè l'indegna e non nie-
ritata sua infelice sorte la menasse al fine ipiasi conic sdegnosa di vivere.
Altri, sparlando (le texte latin dit: ol)latr:int('s) coniro il re, coine é iisanza
de' rei. hanno ardito dire che fii avvelenata, la (piale opinionc (levé i)a-
rere vana e talsa, s'io guardo alla mansiietiidine c alla beiiigiiilà di cjucl
re contro tntti i vinti da lui. .Mcuni ail ri. tr:itti ibil ililetto ili tari' il
pcx'cato più aspro, non h:iiino tcmiilo iiioninM.iie che K'i lu .-.Iraiigolata
con un laccio, benchô forse seiiza eoscienza del rc, e, al po^tiitto, non
sapendone egli alcuna cosa > .
(ii LA UAITIVITK KT LA MORT
Un liomrae qui «■oiiiiîiisaait le iKiiivcaii roi et (|iii était de son parti
jusqu'il accaWler d'outraj^es .Jeanne vaincue, Crietoforo ila Piacenza,
écrivait de Home, le 4 janvier, après la découverte du complot de
lidlurt il'Artois et le transfert de la reine i Nocera: « A ce qu'on
(lit. elle ne vivra ])as lon^temiis. Ut fertur, mndiei erunt dies sui ' ».
L;i pni]iliétie ne tai'da |)as à se réaliser.
L;t ciiunaissancr dos conjonctures au milieu ilcs(|iiciles mourut
.leaniir de \:iplcs doit ciiliii nous pousser dans je même sens que
celle des téuioi.i^nages <le Topiniou publi(|ue contemporaine et du
caractère de Charles de Duras. Oelui-ci avait besoin que l.i vieille,
reine fût morte lors(|ue son rival Louis d'Anjou ]iénétrerait dans
le royaume et Louis ne s'y est pas trompé : « Il la fit assassiner,
dit il dans sa lettre, loi'squ'il eût appi'is notre arrivée, croyant que
cette mort inclinerait les sujets du royaume et de l;i Provence à
lui obéir ». Le syuelironisme est exact car .Jeanne mourut .lu moment
où son fils adoptif, quittant les états du Comte Vert m'i il .iv.iit lon-
guement séjourné, entrait en Lombardie et d'autre part le raisonne
ment prêté à Charles de Duras est pai'faitoment justifié. Tant que la
vieille reine vivait. Cli.-irles n'était qu'un rebtdle et un usurpateur,
et Louis le défenseur de la souveraine. Une fois .Jeanne morte, Charles
redevenait le plus proche parent de la défunte, son héritier naturel,
celui qu'elle av;iit il'aliord désijçné ]iour le troue: et Louis n'était
plus (junn étr.iuncr coureur de testaments, choisi dans un moment
d'égarement et sous l.i pressiou de l'antipape. Charles gagnait autant
.'i 1.1 mort de la reine qiM' Louis y perdait. De là l'empressement du
|>i'eniier à comniuni(|ner xrhi et orbi le décès de sa tante : de là la
signifii-ative |)réc.iution (|u'il prend d'exi>oser. ]dnsieHrs jours du-
r.iiil, le corps de la défunte afin qu'il n'y eût pas de doute, que
tous les intéressés, c'est à dire tous les Napolitains et par eux tous
' D'après M.'"' lîotliliarfh ces mois pourr.iient signifier ipie la reine
■■t;iit in:ilade à mourir!
DE .lEANXB 1' "K I)K NAl'LES 63
les sujets du royaume, fussent au courant de la situation nou-
velle. De là au contraire, de la part de Louis d'Anjou, de ses
partisans, du pape d'Avi.niioii, la siufi'ulJère ulistiuation (ju'ils met-
tent à prétendre Jeanne vivante, longtemps après que toute l'Italie
eût connu sa fin: Louis ne se fit couronner que le 80 août 1388
et les Provençaux n'admirent la réalité qu'un ou deux ans plus
tard '.
Tout nous incline donc à penser que la reine Jeanne l'ut as-
sassinée; il nous reste à dire ce que fut ce crime. D'accord sur
le fait du meurtre, les dircmiciiu's ne le sont plus sur ses moda-
lités. Tons les supplices ont été mis un avant: stranj;nlatiiin, étouf-
fement, empoisonnement, et le fer, et la faim. Nous nous en tien-
drons aux données officielles, c'est à dire aux renseignements fournis
par les lettres de la reine Marie et de Louis d Anjou et pro-
venant de l'enquête que ce prince conduisit lui même aux envi-
rcins (If Muro pour connaître la vérité sur la mort de sa mère
ado))tive. Ces deux lettres réunies nous donnent tous les dét.-iils
' En janvier 138-3 le Conseil de Marseille croyait encore la souve-
raine vivante: on lit en effet dans sa déliliéiation du 27 janvier: « Scri-
li:itm- immibus nnivcl■sitatillu^ Provincie et notifficentur bona nov;i (pie
haljemus de vita domine nostre regine et alils relatis per dominuni
Rod|erieum?] militeni, patronnra galee de Valencia, et quod persévèrent
constante!- in fidelitale > (Areii. de .Marseille, BB 39, fol. 245). Quand la
cite d'Arles fit célébrer un service pour la défunte, le 9 décembre 1384,
« y ac pron et asas de debatz, cai- los nus volien que Rom mantegncs
que madama era viva et d'autres non» (Journal de Bertnind Boyssct).
C'est seulement le (î juillet 1385 que l'évêqne de Vintimille notifia ;in
Conseil de Marseille, ;ui nom du pape, la mort de la reine Je:inne (.Vreli.
de Marseille, BB .30, fol. 5 v"), « de qna pref';itns dominns noster, facta
prins et recepta per suani s;inctitateni in(|uisitione diligenti tant a co-
niitibns, baronibus et nobilibns dicti regni (piani eciam per illos qui de
morte ipsins fuernnt plenissinie inforniati a longe tempore citra ejus
sanctitas habuit verani ijiforniacionem ». Notons en passant qu'il y eut
donc :in moins deux empiètes sur la mort de Jeanne I'^"'^ l'une faite à
la fin de 1382 ou en 1383 dans les environs de Muro par l.onis d'Aiijon.
l'autre postérieure, conduite à .Avignon par Clément VII.
64 LA OAI-rlVITfc KT l.A MORT
fiouliaital)les et |)i'urtaiil peu de mots sufliKent \ retracer l'atroce
scèiii; (lu 27 juilli't I:i82. Quatre bourreaux m; Ji^tèreut sur la
reine, lui lièrent les mains et les pieds et rétoufrèrent entre deux
matelas '.
Morte assassinée, il est liicii pr(ilial)le (|ue .leaniic est morte, au
regard des fidèles du pape de Rome, scliismatique. (Je que raconte
Charles de Duras de sou abjuration survivrait difficilement à la falde
de la mort naturelle, dont c'était le ciim])lément normal. On |)ourrait
évidemment imaginer que la reine aurait abjuré, sincèrement ou
non, à un moment où sa vie n'était pas encore en danger. Mais,
aux termes mêmes des lettres qui .mnoncent cette rétractation il
semble bien que celle-ci ait en lieu an cours même de la maladie
fatale. D'ailleurs, eu dcliors de ces letti'es, aucun document ne men-
tionne ce revireraeut que les Urbanistes (la remarque est de M. Jarry )
n'auraient certes pas maTiqué de publier, s'il avait eu lieu. Aux
cantiques par lesquels Louis d'Anjou et Clément VH exaltaient dans
' Lettre de l^ouis: «... eoniiii malreui et iiatunileui doniiiiaui non
tamqiiain leginam sed velut sarraccnani in eaiceril)us raaceratam per
quatuor furciferos, ligatis sibi prias nianibiis et ))e(Hhiis, fecerunt imma-
niter suttocari ». Lettre de Marie de Bretagne: ... ipsani dominam re-
ginam piissimaui matrein suaui inter duo niatracia . . . surt'ocare fecit».
Même note dans le codicille de Louis, en date du 20 septembre 1384
(Arcli. Nat., P 13;U'', cote 454^): « Sufïocationis exitio crudelius est per-
euipta 1. Nous avons retrouvé une expression otficieuse de la tradition
de l'étouft'enient dans une des mentions accoiiq)agnant un arbre généa-
logique destiné à prouver les droits de Louis .\II à la couronne de Xa-
ples (Bibl. Nat., Dossiers bleus, vol. n. 480, pièce 29). Charles de Du/.as.
y est il dit, après (pi'il eust prinse prisonnière ladite Jchannc et ipiil
cntcndist (pi'elle avoit fait son héritier Loys, duc d'Anjou, il la feist
morir entre deux coites de lit ». Par contre Léonard Baronnat, auteur d'un
traité des droits de Cliarles Vlll à la couronne de Xaples, parle de stran-
gulation.
DE JEANNE I '■"•■ DE NAPLBS *i5
la soaveraine défunte le martyr et le confesseur de la foi ' ne ré-
pondit jamais, de la part de la cour de Rome aucuue revendica-
tion de l'excommuniée.
Une dernière assurance peut être enfin demandée sur ce point
à ce que nous savons du sort des restes de l'infortunée. Amené à
Naples, le corps de la reine fut porté à Santa Cliiara •. De la sa-
cristie où il avait été déposé, des grands seigneurs et des ambas-
sadeurs étrangers, parmi lesquels les comtes de Nola, de Mileto et
de Montalto le portèi'ent sur une civière placée dans le chaiur^.Y eut-
il quelque cérémonie religieuse ? Aucune clirouique ne le dit expli-
citement et le texte du Chronieon Sk'uhini <,< rex Karolus fecit tieri
essequias domine regine Johanne in ecclesia Sancte Clare cum multis
luminariis, sine clericis et religiosis » a poussé M. de Blasiis à le
nier et à parler d'obsèques civiles. Il semble bien en eft'et que le
transport du corps à Santa Chiara ait eu beaucoup moins pour but
de lui assurer des prières que de permettre à tous les Napolitains
de constater ce dont il fallait qu'ils fussent persuadés: la mort
de leur souveraine *. Les Annales ForoUiienses ne se trompent que
' Voir par exemple la bulle du Itj Juin 1385 par laquelle Clément VII
demande aux Marseillais de reconnaître Louis III: « Inter omnes seculi
mulieres illustres seu rosa in spinis emicans et fiagrans tam nos et ro-
manara eeelesiam quani vos et omnes alios subditos suos suavitatis odore
mirabili (Johanna) respergebat. . . De miseria hujus mundi traiisiit ad bea-
titudinem regni Dei ubi modo letatur et régnât, ubi spernens euiulos et
derridens, ablata sibi sceptra récupérât et in cetu sanctoium uiartiruin
coronatur ». (Arcli. de Marseille, AA. 65).
' Les Giornali Napoletani concordent sur ce point avec le Chro-
nieon Siculum. Buonincontro, Ludovico di Ralmo, Tristano Caracciolo,
après eux, parlent également de Sainte Claire.
•* Chronieon Siculam. p. -lli: » Et corpus ejus detulerunt a sacristia
usque ad locum ubi erat letteria et redusserunt a letteria uscpie ad sa-
crestiara comités et l)arones et ainbassiatorcs, videlicet cornes Noie, cornes
Mileti, cornes Montisalti ».
* C'est ce que dit sans ambages un partisan de Charles, Donato de^li
Albinzani (loe. cit.): « l'oi ch'ela fu uiorta fu portata in luogo pubblico
dovc ella stette alla vednta d'ogiii uomo. accioehé niuuo duliita:'SO ilapoi
ch'ela fosse viva » .
SIélaiigeji d'Arih. et d'Hist. 19-24. 5
66 LA CAITIVITI'': ET I,A MOKT
de quelques détails lorsqu'elles disent qu' « on laissa pendant trois
jours le corps de la reine sans sépulture sur une place de la ville » ;
car le récit des Giornali ciel iHiea di Monteleone concorde avec
elles sur le principal : « le cadavre de la reine, rapportc-t-il, fut
placé au milieu du cliœur de Santa Cliiara à l'altandon pour que
chacun pût le voir ; il y resta sept jours entiers ' ». Les historiens
et les poètes se sont souvent arrêtés k ce spectacle bien émouvant
en effet: une civière au pied du mausolée que Jeanne avait fait
élever k son grand père et prédécesseur le roi Robert ; des cierges
nombreux, peut-être pour permettre de mieux retrouver les traits
royaux sur le visage livide; point de prêtres; mais, tout autour
du corps, une foule avide et épouvantée; et la mort avait déjà fait
à ce point son œuvre que tous ne reconnaissaient pas la souveraine
qu'ils avaient vue pendant quarante ans.
Puis le corps fut reporté à la sacristie. Nous ignorons où il
fut enseveli. Des traditions locales prétendent placer la sépulture
de la reine Jeanne les unes sur le Mont Gargan ', les autres à Sul-
mone ^. Mais, en l'état actuel de la question, elles ne s'ajjpuient que
sur quehiues inscriptions récentes. Ou comprend d'ailleurs mal pour-
quoi le corps de l'infortunée princesse aurait été transporté en ces
lieux. Il serait plus logique, nous semble-t-il, de chercher cette sé-
pulture à l'endroit même du drame, à Muro, si nous u'étions obligés
de croire au transport du corps à Naples et par ce que les chro-
niques l'attestent, et pour les raisons politiques qui le commandaient.
.\mené à Naples, le corps a dfi y être enterré. Il semlile qu'il n'ait
' P. 22: «... c fo po.sta (la ii'gina (iiovannai in nie/.zo lo clioro (h'
la (^cclosia de .Santa Cliiara in abandono cli'ogni uno la vedcsssc cl stot-
tonce tutti sette gioini, et chi credea cli'eia morta, e chi no ».
• Cette tradition mentionnée par d'Engenio, Celano et Sismondi, est
encore très vivante: un érudit napolitain, M. l'abbé Quitadamo, en fait
l'objet de recherches dont nous attendons les résultats avec le iilus vif
intérêt.
■' Voir .Viitinori, Mon. stoi: di'ijH Aliriai, III, 87.
DE JEANNT: l*"- DE NAPLRS 67
jamais eu les honneurs d'un monument '. î^t la tradition relatée par
les auteurs du XV'™*" siècle d'après laquelle Jeanne aurait été ense-
velie aux alentours de Sainte Claire reste à nos yeux la plus pro-
bable.
Emile Gr. Léonard.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
1382, 17 août. — Lucques.
Lettre des Anciens de Lucques à Charles de Duras.
^Archives de L\ici|ues. Amiani al tempo delta libertà, n" 530, c. 177 v").
D. Régi Carolo.
Serenissime prineeps et domine lionorande. Reoepimus vestre
maiestatis litteras datas Xeapoli die primo in«tantis mensis obituni
serenissime domine Domine lolianne dudum regine etc. continentes,
pi"o quibus beniguitati régie quas possumus gratiarum rependimus
actiones. Cogimur quidem, sieut vestra serenitas scribit, antiquo devo-
tionis zelo quo singiilariter ad inclitam regiam domum vestram super
' On ne lui en connaissait pas au XV''m>- siècle. Cf. Biionincontro,
col. 42 : « Sepulta est in aede divae Clarae absque alio funeie et monu-
mento marmoreo praeter mornm consuetudineni > et Tristano Caracciolo,
Vita Joannae L"-: « Ossa Neapolini leportata, nullo exequiaitim neque
sepulcri honore in aede divae Clarae et ignoto loco sita sunt ». On a
parfois prétendu reconnaître son tombeau dans un monuiuenî voisin de
celui du roi Robert, mais M. Volpicella a démontré qu'il s'agissait de cebii
de Marie de Valois. On trouvera les renseignements les plus précis sur
cette question dans cette étude de S. Volpicella, D'uji sepolcro angioino
in Santa Chiara.
68 LA CAITIVITK KT I.A MORT
"liitii tante doniiiip tina cum vestra maicstate regia quantum nogtra
comproliondit liuinanitas condolere. Sed, Deo favente, eo minus dolore
(•()mi)ellimMr, sicut ceteris Christicolis presertim ventre domus inelitc
devotis oonti^isse credimua, quod ipsa iam prenominata serenissima
domina ad lucem veritati>< reducta se suumque reco;^noscens auturem
atquo creatorem bone poiiitiidinis s|)iritiiiii pn/assumpsit, se dévote
subiciens ecelesiasticis saeramentis. Nos enim casui pio eompatientes
affectu semper nos offerimus ad qiielibet celsitndiiii vestre j^rata.
Datiiin I.Mcc die XVIJ" Aii-usti MCCCLXXXIJ".
1383, 18 septembre. — Tiirenln.
Lettre de Louis II d'Anjou.
(Archives de Luc(iues, Anziani al tempo délia lihertà, n" 439).
Magnifiée vir et fidelis dilecte. Traxit nos maternalis afFectio et
filiale debitum incitavit nt de remotis partibus pro liberatione sere-
nissime prineipisse domine lohanne, dei gratia Ferusalem et Sieilie
regine, matris et domine nostre reverendissime, veuientes dirigeremns
in regnuni felieia castra nostra, sperantes executioni realiter tradere
quod menti videliatnus rationabiiiter inlierere. Sed cessît desiderium
nostrum frustra. Nara infesta et abominabilis mors illius toti mundo
notoria ipsani nobis ante nostrum adventum surripuit, quam Deus,
sicut pie credendum est, in beatorum catalogo misericorditer coUo-
cavit. Et licet nobis hueusque verteretur in dubium, an ipsa domina
Regina mater et domina nostra viveret, an mortis glutinio subia-
eeret, quia taraeu prope infelicem civitatem Mûri in qua ipsa do-
mina mater nostra tenebatur captiva per octo miliaria venientes,
ut iiiiva de ipsa exquisitius sentiremus, fiiimus per nonnullos ma
gnates aliasque tidedignas personas veridice informati quod ijisa
domina Regina, diutini squalore carceris inibi macerata, non natu-
DE JEANNE I'«K DE NAPLES (i9
ralitcr obiit, sed quass:it:i iniuste et nepharie cniciata extitit per
nefandissinios matricidas Karulum et Margaritam de Durazio, iniqui-
tatis et impietatis filios ac totius perfidie et malignitatis alumiios,
qui coUatorum eis benefitiorura et vite ipsi Karolo per totum im-
meraores, et ad prestita per eos liomagia et fidelitatis saeramenta
millatenus adverteiites, ipsam dominaiii reginam eoruin matrem et
iiatiiralem domiuain, non tamquani reginam sed velnt saracenara
in carcerilius maeeratam, per ((iiatiinr fnroiferos, ligatis >(i1ii prius
manibus et pedibus, fecerunt iininaiiiter suffocari. 0 neplias borri-
dtim ! 0 execrabile faciniis! o piacularr Hagitinm ! Benefactricem be-
nefitiati, matrem filii et subditi dominam occideruut, fel pro nielle,
pro curialitate incuriani et doluni pro pietate reddentes! De cuius
criideli nece nedum iioljis et cliristianis singulis, sed saracenis et
barbaris dolendum restât visceraliter et lugendnm.Nos vero, tamqnam
eiiis filius adoptivus ac fiiturus hères et universalis suecessor qui
rationabiliter locum matris ingredimiir, intendentes de règne isto
aliisque terris et loeis, tune suis et luinc nostris, velut de spécial!
nostro pomerio, radicitus extirpare tribnlos, et illudat fs/c ?) in illa
pacis ameuitate reponere, ut quod diu niultis noscitur conquassatum
angustiis, ventilatum tur1)inibus et guerrarum fremitibus lacessitum,
ulteriores crueiatus nnn ingéniât, sed tranquiUitatis et paris pulcri-
tudinem, favente uobis divina gratia, ubique cognoscat, nec minus
de tam crudeli nece, que mentes audientium sauciat, vindictani
sumere ad posteros exemplariter tiausituram, ne tantum abomina-
bile scelus impunitum transeat, sed eulpabilis quilibet meritam
penam luat, licet sperenius quod ipse Deus nltionum Dominus abo-
rainatUB in celis suum de superis vibrabit gladium, et tanti patra-
tores sceleris adducet confusibiliter in profuudum, disposuimus solium
régale conscendere et quod filiale debitum exigit, tara firca repa-
rationem residue partis regni, quam circa incumbentia nobis alla
forti manu extentoque brachio executioni débite studiosis operibus
deuiandaro, licet ab ijjsa domina regina assumeudi titnlum digni-
70 I.A CAlTlVITli KT I.A MORT
tatis iTgic aiiitiii-itaterii lialiuisseimis ]ilenari:ini illaiiiquc (listiilc-
rimiis matcriio lioiiuri siio filialiter déférentes.
l'it ecce die dominica ' im|)er lapBi mensis augiisti, in maiori
Triearirensi eeelesia, adstantilius iKinnulIifi repli ma^natiiiUH, comi-
tiliiis, l>:iriinilillH et nnbililiiis aliis in nniltitiiiliiic ('i>|iiiisa lii>nia;;iiini
iigiiiiii t'acieiitibus et tidclitatis del)it(; .sacranieiiluin prestaiitilins,
et aliquibus ex eis honores et titnios et militari; cintçiiluni recipien-
tilm-», videlicet spectabilibus Liidovico nostro primogenito titulum
dueatus Calabrie, Henrico de Britaiiia milite cognato nostro titulum
dispotatus Romanic, Fulcoue de Saitu senescallo Provineie, ao viris
magnifiais comité Tricariclii titulum ducatus Venusi et titulum mar-
ehionatus Corpliiensis, Ugone de Saneto Severino titulum eomitafns
Potentie et cingnium niilitare, Tlmmassio de Saucto Severino titulum
("Dmitatus Montis Caveosi, Sti^pliano de Saucto Severino titulum eomi-
tatus Matliere etNicolao deAlamauia milite titulum comitatus IJultini,
uec non prefato Ugone et laenlid eius tilici, ae filio Comitis Tricarici,
Dyegho de la Rattlia, lacobo do Petrafixa, Antlionio de (!rap])inci,
Nicolao Measanello, loliannutio de Petrafixa et plurilms aliis einguluni
militare, nos, invocato prius Cliristi nomine. régie dignitatis titulum
assumsisse, premissis ut expeditsoleninitatibus debitis, tibi ad gaiulium
presentibus intiiiiaiiius. ut t'eliciiini iiiistnirnui successuum reddaris
particeps, qui lal)orum nobiscum presiMitlaliter non es expers, certa
tenens fiducia quod ex nunc in autea quantum regalis dextera nostra
valeat singuli rebelles penaliter aentient, et quantum contra eos ani-
mosius et ferventius procedere habuerimus confusibiliter recognoseent.
Post hee ut de felicibus nostris snccessibus nova sentias certiora,
ecce tibi preseutibus intimamus (luatenus pridie ad terrani ^Mnntelle
' 30 août. Cf. N. Valois, o}]. cit., t. II, p. 62 et H3, note 1. Nous n'in-
sisterons pas, pour le moment, sur la fin de cette lettre étrangère au
sujet qui nous occupe. Notons seulement qu'elle eomplète les documents
utilises par Noël Valois (//)., p. .02, 72) tant au sujet du couronnement de
Louis d'Anjou (dont elle précise la date, le lieu et les circonstances) qu'à
celui des progrès de ce prince autour de Tareute.
DE JEANNE IKIK DE NAPLES (1
eum iiostni cxcnitii persoimliter .•locerlentes, terram ipsani, projjter
iiotoria liomiiiiim illins fariiiora et démérita, destriii et combiiri
feeimus et Uoiia illonini ad saccomanduni poiii. Deiiide per partes
Principatus rastra (?) Terre Ooiitiirsii, Serrariim et Piscilioai ac ha-
nmia F'as.uiPllc eum plurilius alijs locis se nobis liberaliter red-
diderunt, que sub iiostra fidelitate tenentur. Postuiodiim vero ad
hanc civitatem Tarent! pervenimua, ubi fuimus ciini multa ylaritate
reeepti, et oastnim civitatis ipsius fossatis et gentibiis facimus teneri
restrictum, ita qund évadera non poterit manns nostras.
Civitas etiam ciim rastro Gallipolis post nostrnm adventum est
similiter ad obedientiam nostram reducta. Et speramus quod in brevi
tota ista provincia ad nostre niaiestatis tidelitatem debitam rever-
tetur. Et ut titulum et intitulatioiiem nostram scias, ecce tibi mit-
tinins infrascriptam, mandantes tibi, ut per oranes terras provincie,
tue jurisdictioni subiecte, tara tenorera prescriptarum nostrarnm
litterarum. quani etiam intitulationem nostram faeias per tuas litteras
cuni tenore presentium divulgari, ac niandare quod in instruraentis
appouatur nostra iiititulatio in bel? verba videlicet: Régnante sere-
nissimo domino nostro Ludovico Dei gratia illustri Jérusalem etSicilie
rege, ducatus Apulie, principatus Capue, Andegavie et Turonie duce,
comitatunm Provincie, Forcalquerij, Ceuomanie et Pediniontis l'omite,
regnorum vero eius anno primo. Datnm Tarenti die XVII.I" mensis
Septembris, VU Indict.
III.
1385, 20 août. — MurseiUe.
Ijettre de la reine Marie de Bretagne aux Marseillais.
(Archives de Marseille, AA. supplément).
Maria, Dei gracia regina Jherusalem et Sicilie, ducissaAndegavie,
Provincie et Forcalquerii, Cenoniaiiie, Pedimontis ac Rouciaei corai-
tissa, bajnla. tntrix et .idministratrix illustris nati nostri Ludovici,
72 I.A CAI'TFVITK KT LA MORT
.llicriiH:il('ni et Sicilic ref^iH ct.ite ininoris, reK"'"'»"")"*' "'' ''niiiiiim
.iliornm tiri'.iniiii «•justlem, egregiis, iiobiliWus et priulditilnis viris
siiidicis, generali coiisilio ac iiniversitati liomimim fidelissimc civi-
tiitis regin M.-issilipiisis. regiis devotis et fidclilnis iiostris dilectis,
salntom et roljure attiii;;! tidei, deviitionis et vei-itatis. l'iliali pietate
urgcinur, necessitiidiiie Haiiguinis stimulaniiir, fraterna ])iiiigimiir
oaritate mensque nostra ardeiieiiis provocatur iit sanetiim, iiiiiin ae
jiistiini ])ro]i(isitiiin clare memorie sereiiissimi consortis iiostri, eiii
Meus parrat. ardnrc fîdei et earitatis z.elo virilins proseqnamiir. Ad
(lUiid cor iKistniiu in diviiia |)(isitiini potestatc ipsiiis cleineneia iiicli-
navit, in qiia sola onnieni reposuimus aneorani spei iiostre, que
sperantes in se niinquam deseruit, quin pia proposita adjuvet, eqna
corroljoi-et, saneta eontirnict et Jnsta desideria ini))leat i)ietiite sii-
perna. Aniarissime enim nostra visccra coninioventnr non soliim diebiis
et horis singulis sed momentis, cum tani ablioniinabile scehis, tam
exeeraliile faciniis, tani Ingendum ac ninetis evi temporibus deplo-
randum piaonliini pir inlididcni, inipium. fidefragiim, jtroditorein
ingratissinunii. fidolitatis et tidei violatoreni noturiuni Cai-olum de
Diiracio eontra clare memorie serenissimam dominam Joliannam,
Jlierusalem et Sicilie reginam, reverendissimam dominam et matrem
nostram, iiaturalem et ligiam dominam Caroli supradicti et, ut dul-
ciori pro voeabiilo iiuncupemus, elenicntissimnm et piissimani matrem
suani iniideliter, impie, ingratissime et iin(|ne |).itratnm. paiinis
indnta lugiibribus, perctiaso pectore, sparsis erinibns, lacerato vultu,
lugentibus oeiilis, cnm clamore orriliili et ineffabili nlulatu eondignam
exposcens vindictam, nostre eelsitudinis oculis .histieia représentât.
Nam per univers! orbis circulum ac mundi tocins climata veridica
fama perduxit, et vos satis novistis quod nusquam mater erga pro-
l)riiim tiliuni diilfiorem pietatem exerçait': nam ipsum Carolum,
' L'ingratitude de Charles de Duras envers celle qui avait protégé
son enfance est un des tliénies favoris de ses adversaires; on le retrouve
par exemple, couiiue \v lappeHo M."^' Valentc {op. cit., p. 4. note 1) dans
DE JEANNE n"*: DE NAPLES 73
ntroque parente orbutiini, omni auxilin et eniisilin destitiitiim. inter
sua ubera in ulnis propriis nutrivit', de ipso aiixiaiii et teiierem
cnram gerens sicut ipsum ex proprio eorpore gennisset; et, contra
voluntatem elare meniorie régis Lndoviei et fratrum suorum il-
liistrium •, vitam sibi ae virilitateni preservavit et visnni et i])siini
Carohini cnm nmltis laerimis, diversis modis, viis variis exquisitis iit
phirimum, intVa sua liraehia retinendo, mater ipsa piissinia servavit
illesiim et ipsum ])ateniis maeulis heresis et lèse majestatis' neplian-
dis criminilius deniijratuni dignitatibus, honoribus, statu, fama ae
bonis oniiiiiiiis omni jnris disposieione privatum et etfeetum inlia-
bilem ad predieta in integruni restituit et dignitatem, famam, liono-
rem et statum eidem reservavit et bona, ac processus ab utroque
rite et recte factos fecit t(dli de medio ut ex ipsis beresis et lèse
majestatis paternis criminibus contra iji.sum Carolum denigi-ata mê-
la lettre de la reine Jeanne au dnc de Bavière (Romano, X/ccnh) Spi-
nelli (la Giniinaszo, Naples, 1902, p. 593) et dans la bnlle d'excommu-
nication fulminée contre Charles par Clêmint VII ;VaIente, op. cit.,
p. 170).
' Noms n'avons pas retrouvé la date à laquelle mourut la mère de
Charles, .Margherita Sanseverino; pour ce qui est du père de Charles,
Louis de Duras, il serait mort le 22 juillet 1362, c'est à dire deux mois
après son cousin et ennemi le roi Louis de Tarente, second mari de la
reine Jeanne (f 26 mai 1362'. Charles, né en 1354, avait alors de sept
à huit ans. Mais peu après sa nais.sance, son père, s'étant révolté, avait
été contraint de le remettre en otage aux souverains et la reine .leanne
l'avait fait élever. Cf. Caméra, op. cit., p. 244.
' Robert et Philippe de Tarente.
^ Louis de Duras, jaloux de l'accession de Louis de Tarente au
trône et mécontent de sa situation personnelle, s'était révolté peu après
le couronnement de son rival. Dès lors et jusqu'au moment où, en l.'}60,
il fut emprisonné au Château de l'Œuf entre les murs duipiel il mourut,
il ne cessa de susciter les plus graves embarras au roi de Sicile, s'al-
liant contre lui aux grandes compagnies et essayant de provoquer une
nouvelle invasion du roi de Hongrie. Il avait de plus pris le parti d'un
hérésiarque, l'évéque d'Acpiino ipii s'était réfugié sur le Mont Gargan où
les Duras seuil)leiit avoir favorisé des doctrines an.alogues à celles des
fraticelles.
(I LA CAl'TIVITK KT I.A MORT
nidi'i.-! iinii patorct ' et, liciiclifiii lieneficiis potidie ciiiiiiiImiiiIci, ncptciii
pnipriani '' ex sorore »ilii utrimf|ue coiijnncta, qiiam miiltiim ililigi'bat,
ilispi'iisacidiic a scde apostolica cuin maximis stmliis et laboribus i)ro-
dinita, ciiiii s<-cini(li( ex patenia liiica et (piarto nx materna coiisaii-
glliiiitatis gradihii^ jiin;;cliaiitur, in niatiiiiinniinii cnpiilavit et i-ivi-
tat(!s, terras, casti'a, pi'ovisiones amplissiinas coiifessit cidctn. Lefçantiir
oi-onicft aç pnidentinm veti-rnin scripta rimentiir, structeiitur aiitiqiia
tenipoi'a et prnspif iiiitur iiHMlcriia, iimi rcpcriciitiir tain fnidflis im-
pictas, tam iiifrratitiido Ikii ribilis et tain alilimniiiaiida prudelitas
cumulate in uniiin. Nam i])sc homo ncquani pm t.intis beneficiis
silii sic pie, sic dementer impensis rcddens j)ro nielle venenum,
pro i)ietate doliim, aoeenstis ineftVenata liliidine doiniiiandi, filial! pie-
tate rejecta, caritatc fratcriii saiinuiiiis violata. (idc lai-crata. tide-
litate t'iigata, ^ratitudine maciilata, juramcntis relii^ionis caleatis et
oiniii liuinaiiitate peiiitus proeul puisa, saliitis proprie immemor, jiira-
inciitiinini iKiinau'ii ligii et fidelitatis notiirius vidlator, eum sue iie-
i|iiici niidii-iliiis. f|iios iiijïratitudo, pnidieio et imjjietas silii foiitrre
j;avit in niniui, rrunnin invasit, ipsain in Castro Novo, ubi taiita ab
ipsa licnclieia receperat, tennit ciini taiita inhumanitate obsessam,
qiind piidet direre et refTcrrr. et. ut tantam |)ietatem brevi com-
in'ciicndaniiis cioqnio, oninein noccndi nindiim queni ipse et sue nero-
iiiee. l'rudelitatis eompliees impio ingenio exeogitare seiverunt contra
ipsain suam doininam naturaleni et raatrem piissimam non est veritus
exereere ipsain(|ue l)landis et subdolis verbis, multis factis promissio-
niliiis eciam in scriptis redaetis et firniatis, ad se reddendum induxit.
(Uii ncc verlnini unifiiin cibscrvavit sed, riipto fédère, promissionibus
viiilatis, ipsani in cistro suo Ovi duris et inliunianis earceril)us euni
' l/('dit par lequel Jeanne n'habilite la mémoire de Louis de Ta-
rente et restitue les liiens du défrnt an Jeune Charles est du 20 mai l'îii.'!.
Cf. Caméra, op. cil., p. 249.
- Marguerite, tille de Charles de Duras (t 134H) vl de .Marie, scinir
de la reine (t 136(>\
DE JEANNIO I' '"; DE NAI'LE.S 75
mo.lica lamilia miscrabiliter tcuuit carccratam. Deinde oum inaguo
intempérie temporis ad castnim Nucerie eaptivam diiei fecit iiivitam,
manibus iiijectis in eani per aliquos ex proditorilnis suis, ubi adluic
fuit inhumanius et vilius pertraetata. Demum cum multis pluviis et
ineptitudine temporis, tempure liiimali, ad castrum Miiri crudeliiis
duci fecit, ubi ultra solitum fuit inhumanius pertraetata. Et que ab
infautili etate in regalibus sedibus in magnis fnerat nutrita deliciis
ibi cibis quandoque, proli dol.,r, ut audivimus, eguit rusticanis. Et
postmodum, Palamudesio {air. liuzuto ministro nequicie illuc deatinato,
de illis p.iueis mulieribus quas in sua miserabili societate dimiserat ac
servitoribus aliquibu.s qui sibi lacriraabiliter serviebant majorem par-
lera duci fecit Xeapolini captivos, uua sola nobili Provinciali ma-
trona cum duabus tartaris et uno tartaru relictis ibidem, et aliquos
anulos quos teuebat in digitis, qui de omnibus reguis et dominiis suis
ac amplissimis facultatibus sibi remanseraut, ab ejus manibus ipse
impius Palamidesius cum violencia extirpavit. Postquam autem Ca-
rolus ipse felicem elare memorie dicti domini cousortis nostri ad
veguum sensit adventum, ipsam dominam reginam piissimam matrem
suam iuter duo matracia, quod amarissime refferimus, crudeliter et
inhumaniter suffocare fecit, credens quod iiropter mortem ipsius
regni ac Provincie fidèles ad ipsius obedien.'iam facilius indinarent,
qnod, si recte sapuisset, debuisset pocius oppositum cogitasse, sicut
rei exitus et experiencia rerura, omuium magistra, deraonstrat. Nam
veri fidèles et devoti, tam regnicole quam Provinciales non ad ol)e-
dienciam, ut infidelis sibi ipse meutitur, sed ad viudictam tanti
facinoris virilius et ardencius animantur. Quantas autem crudelitates
et iucredibiles inhumanitates idem Carolus exerçait contra illustres
deffunctum dominum Robertum de Artesio, dncem Duracii, et domi-
nam Johaiinara de Dnraeio, ejus coujugem, tam silji proxima consan-
guinitate conjnuctos, credimus, audivistis. Exurgat igitur cum severe
vindicte gladio divina potencia oraniumque in orbis circulo régal ia
sceptra tenencium, insurgant omuia elementa et omnium regnico-
W I,A (JAl'IlVIirc KT I,A MOKT
lanim ;ic fidfîliiim Proviiifialiiim et precipue virorum MaHsilieiisiiim
caritate et ardciiti tiilclitatis zclo corda inflamnift ut iiol)i8ciini, pudi
itii'tValiili spc (liviiii anxilii. viriliter arma sumatis et i)ri) tani lior-
rciidi et al)l](iiiiiiiandi facinoris exeini)lari siinieiida vindirta maiiiis
siiiiit'tis ,m1 prcliiiin et digitos more solito striiiKatis ad l)clhim.
Speramiis eiiim iiidiiliie quod Altitonans de astris ad tam f'acinoro-
siim et exeeraliile viiidicandiim sceltis maiium einittet Jlldiciiim (sicj,
justaiii seiiteiiciain t'iiliiiiiiabit |icr i|iiaiii frimiiiis ci-ndHlissinii patra-
tores jjene iiove et C(mdigni^^sime tauto seeleri teriat gravitate. Nos
enim ad %'estri supplicacionem super lioc nostre majesiitati fideliter
et deviite iii aiiditorin iiostru factani in et sulj verlm regali et fide
nostris lianim série pro noUis et rege, nato iiostro, promittimus et
ita iiiiiiiilms rcgiiicolis et Provincialibiis tidelihiis regiis et nostris
volumus esse iiotum qiiod, nobis vita (sic) comité pietate divina, uiia
voliisciim et aliis fidelibus regiis et nostris piuni premissuni pro-
positiini dicti serenisainii doniini r-onsdrtis nostri. qui, quod duleuter
refl'iu-inius, pretate domine regine ac regni reeuperacioneni oiim tantis
laborilius et miseriis prosequendo, ut nostis, Altissimo reddidit spiri-
tuin, lu'osequenuir ((Uousque finem eonsequamur o])tatuiii. l'-t insuper
ad ali(|uani eoncordiara, uuionem, pacem seu aniicitiam cuni dicto
Cai'iilii (le IMiiMcio et Margareta, ejus uxore, eorumque liberis, fau-
etoribus et conseils ac aliis qui manus sacrilegas in dictam dominam
.lohuiinara reginam. revendissiniani matrem nostram, oui Deus parcat,
injcçenint ncc ciiin aniliaxiatoribus l'rovincie qui tune ad iiresen-
ciam dicti ('aroii accesscrunt ' et [conscii ?J mortis ipsius extiteruiit
' Lille dcli'gation de ijrovençaux appaitenaut au parti de 1' « Union »
favoialile à Cliaries iiartit poui- Naples peu après le 11 juin 1382, date
à la(piellc les Draguignonuais avaient nommé leur représentant. Cf. Mi-
reiir, in Revue dus Sociétés Savantes, 1876, p. 457. Ce sont sans doute ces
ambassadeurs qui rapportèrent en Provence, dès la fin de l'année 1382
ou le <iébut de l'année suivante, la nouvelle de la mort de la reine: « Cuu;
domina nostra domina .lohanna, olim regina. sit mortu.a, ut asscrtuni fuit
Aquis et cum juranieiito in consilio Unionis per duos ambaxiatorcs » (dé-
libér.ition de la communauté de Draguignan du 17 février 1383. Archives
DE JEANNE 1*"^ pj; XAPLES 77
minime veniemus seu descendomus. Quinynio in personis ipsoriini
sine aliqua remissione quantum poterimus tam crudele et neplian-
dum pai'icidium, divina noliis dextera suffragante, fiini iiisius domine
sanguis innoxins, vocem emittens, higubrem vindictam exposcens, ad
supeniam majestatem clamavit de terra, ita exeniplariter vindiec-
mus, qiiud nullani, mundi durante machina, obliviem habebitur. In
cujus rei testiumnium bas iiostras patentes litteras fieri nostrliine
sigilli munimine jussimus niborari. Datura in dieta civitate Massilic
per uobilem et egregium virum Raymundum Beruardum Faram(?',
militera, legum doctorera, magne régie curie raagistrnm racionaleni,
maiorem et secundarium appellacionum Provincie judicem, locunte-
nentem prothonotarii regni Sicilie, coUateralem, cousiliarium nostrum
et regium et fidelem dilectum, anno Domini millesimo trecentesimo
octuagesimo quinto, die vicesima menais augusti, octave indictionis,
regnorum vero dicti régis nati nostri anno primo.
de Draguignan BB 4, fol. 260). Mais cette nouvelle ne semblait pas sûre
aux propres paitisans de Cliailes et les Draguiguanoais ne le reconnu-
rent comme leur seigneur (|ue •> duuimodo ipsa domina nostra rogina, ut
praetangitur, sit mortua».
FARNESIANA
III.
Mademoiselle du Gaiiguier, dame rt'lioinieur de la Reine.
Lorsque le cardinal Alexandre Farnèse vint à la courde France,
pendant l'hiver de 1552, il re(;ut de tous le meilleur accueil du
monde. Des raisons politiques s'y prêtaient. Les princes de Parme,
iiabiles à tirer profit du Roi comme de l'Empereur, avaient réussi
à engajçer la France dans une nouvelle expédition d'Italie, qui
devait rendre à leur famille le duché de Parme ; cette alliance
avait été scellée par le mariage de la fille de Henri II, Diane de
France, avec le duc Octave, frère du cardinal. D'autre part, Ale-
xandre Farnèse était naturellement séduisant; il mettait au plus
haut prix le talent de plaire et savait montrer partout « un vi-
sage aimable et souriant » '. Jeune et dansant à ravir ', il était dé-
signé parmi les successeurs éventuels de .Tules III et possédait ces
qualités de raffinement que recherciiait l'entourage de Catherine de
Médieis: c'en était assez pour qu'il fût à la mode.
La Cour était en effet ouverte :'i l'influence italienne. Ou se
piquait d'y parler le toscan le plu^ pur et les demoiselles de la
Reine se montraii-nf, nous dit un contemporain ', « délia liiigua fns-
' • Hilari et seieno vnltu, ut suns mos est >, rapporte l'auteur du
Diaire de la Cour Pontificale à iiiopos de la réception faite à Caprarola
par Farnèse au cardinal Bnrromée, le 2 septembre l.^^)n: Bibl. du Vatican.
MiscelL, Arm. XII, vol. 29, fol. 375.
- Une « gaillarde > dansée devant la Reine le rendit célèbre: Di- Xa-
venne. Home, le pa'ais Farnèse et les Farnèse, p. 519.
^ Epitre de Jean-Baptiste du Four à la fin du Dccamc'ron de Boccaco
(Lyon, G. Roville, 15.55), publiée p.ir K. Picot, Les Français italianisants
an XF7« siècle, t. II, p. 10.
80 KAltNESIANA
l'aiiîi tiiiito studiosi; et dolte che bene et ornutaraciitc la purlaiiii
et IcggiadraiiK'iitc la scrivaiKi ». Alexandre Fanièsc eut t"t l'ait de
dixtiiifçuer l'une d'entre elles dont il se lit le serviteur: << l)ien heu-
reux estoit-il (lui piMivoit estre touché de l'amour de telles dame»
et bien heureux aussi qui en pouvoit escapar! » '. Durant son séjour
à la Cour il rtuliciehait volontiers la eonversation des t'eraraes et
.sembla abandonner (|uel(iue peu une conduite austère qui allait faire
de lui. à Konii', le protecteur de Tordre des Jésuites. On lui prêta
inénie, à la mort de son frère, le duc Horace, « l'idée plaisante de
prendre femme » pour s'assurer des biens temporel.') de sa maison ".
Ainsi, trente ans après ce voyage, la Reine pourra-t-elle évo-
quer avec regret, eu pensant à lui, « ce jjratieux siècle » et les
« Dames de ce temps-là, belles et de bonnes maisons, et que vous
aimie/,, lui écrit un eonlident, et qui vous aimoient » '.
Il avait pris congé de la Cour le 24 juin 1.554 avec la promesse
(l'un prompt retour; son départ fut déploré. Il laissait en France,
eoinme dans s.i lé;;;ition d'Avignon \ mainte dame impatiente de son
alisenee. Mais les anné(!s passèrent et avei- elles évolua la politique
des Karnèse qui se rapprochaient de l'Empire, non moins que l'esprit
du cardinal ([ui oublia l'épicurisrae de .sa jeunesse.
Les dames de la Reine en furent particulièrement dé.sappointées :
« Madamoyselle de Pierre, lui écrivait Lavigne, abbé de llautviller.
' Brantôme, Oeuvres complètes, éd. L.alaniie. t. VII. Discours II « Sur
la Reync, mère de nos roys derniers », p 332.
2 Lettere inédite di A. Caro, éd. Mazzucclielli (1.S29). t. II, p. 14.'î.
Horace qui avait épousé Diane de France le 14 t'évriiT l.'i.")3 mourut le
irt juillet de la niêine année.
' Lettre de l'abbé de Plainpied au cardinal, 1 octobre 1581: L. Ro-
uiicr, Les premiers rejjresentanis de la France nii jmhtis Farnèse, dans les
« Mélanges d'archéologie et d'histoire», t. XXXI (101 D, p. .30.
■• Une lettre caractéristique de Marguerite de Lévis (M""* de Lers,
femme (r.-Vutoine d'Arpajon) au cardinal, datée d'Avignon, 1°'' juillet 1558,
est pnl)Iiée par L. Ronder dans T^s origines politiques des (jiierres de reli-
ijioH, t. I., p. 123, note 3.
M.VDKMOI.SELLE DU GAUCiUIIOR SI
est fort msirrye que vous n'estes ïi Bloys ceste hiver pour daucer
;\ ses nopces. 8i vous estes pape, elle vous fera parriu de son pre-
mier fils qu'elle aura afiin que iuy donnies congé de manger la
cliair » '. Espérant reparaître quelque Jour à la Cour, il n'avait
garde d'ailleurs de rompre avee elle ; et la Reine, en politique avisée
(|ui ne dédaignait aucun moyen de renseignement, se servait vcdim
tiers de la séduction féminine pour le service de l'Etat. Aussi les
lettres du cardinal étaient-elles attendues avec impatience: « Votre
letre, lui écrit le même abbé, me fust arrachée des mains par nos
damoj'selles, les quelles liront eltes-mesmes les recomandacions que
vous me comandiez que Je leur tisse ».
Ces lettres du cardinal sont malheureusement perdues, mais non
point quelques billets qui lui furent adressés. Elles devaient au
reste être pleines de froideur et fort méfiantes, si l'on en croit le
désespoir de celle qui fait l'objet de cet article.
Elle signait d'un A et d'un C entrelacés de courtes missives
écrites en français, qu'elle lui faisait parvenir, pliées eu quatre,
dans les rapports de ses agents à la Cour. Elles sont restées
telles quelles dans les lettres où elles étaient incluses. C'est sans
doute la même mystérieuse correspondante qui, six mois après le
départ du cardinal, lui mandait « en ung estuy certain portraict » ',
quelque crayon, qu'il sc^'ait curieux de retrouver.
L'énigme de son nom n'eût point été facile à déchiffrer si la
main indiscrète d'un secrétaire d'Alexandre Farnèse n'eût inscrit
au dos de l'un de ces billets, à côté de la date, «(ioghier» '. Un
non moins indiscret prélat, plus homme de Cour que d'Eglise, nous
eût du reste mis sur la voie. Jacques du Brouillât, archevêque d'Arles
' Lettre de Lavigne, < abbé d'AnivilIiers • (il s'agit de Jean de Ca-
lavac, abbé de llautvillei', au diocèse de Reims), du 4 décembre i555,
datée d'Anet: éd. par de Navenne, oi). cit.. p. 525.
- Lettre de Gui Dalmatio au cardinal, Paris, 26 févriei- 1555 (n. st.) :
Arch. d"Etat de Xaples, Carte Farnesiane, 739 D.
^ Lettre citée infra p. 92, note l.
82 FARNESIANA
par la faveur de la Reine ', voulut bien se charger, lors d'un voyage
à Fontainciileau, de rappeler au cardinal le souvenir trop oublié de
cette dame de la Cour. On peut seulement regretter que le séjour
qu'il y fit coïncidât avec l'une des grandes fêtes de l'Eglise et qu'il
se découvrit à cette date une certaine pudeur à lui « mander riens
des dames pour estre trop près de Pasques ». Néanmoins l'assn-
rait-il, avec une pointe de reproche pour n'en pas profiter, que
« la plus part on grant envie de vous voii- » et qu'il l'avait rap-
pelé « à Mademoiselle du Goguicr qui vous rend, lui disait-il, ses
recommandations ainsy de pareille affection et dict que, si aves grant-
regret de ne l'avoir creu, (que) vous i poves remédier aiséement et
que le tabouret d'auprès du lict de la Reine ne vous faudra jamais»^.
Celle qui signait de deux initiales les billets au cardinal n'est
autre en effet que Mademoiselle du Gauguier.
Elle devait être fort belle ; jamais aucune femme ne fut autant
portraiturée '. Plusieurs crayons d'elle, datant précisément de cette
époque, nous ont été conservés. Le visage plein et d'un agréable
' Il avait re(;u l'archevêché d'Arles en 1550, alors qu'il n'était pas
encore entré dans les ordres. Ses lettres sont conservées aux Archives d'Etat
(le l'arme, Carteg. Farnes., Francia 9 (24 février au 24 mars 1.Ô55. n. st.).
' Lettre du (î mars 1555. datée de Fontainebleau, Ibid.
■' ,Te remercie mon ami Jean Porcher qui a bien voulu me transmettre
de nombreux renseignements sur l'iconographie de cette personne. Voici
la liste de ses portraits: An Musée Condc, à Cha.ntillv (voir E. de .Mo-
reau-Nélaton, Chantilly. Cmi/oiitt français (ht XVI' niècle, liUO) sont con-
servés les crayons de la Coll. de Castle-Howard ivoir le catalogue de
cette coll. publié par L. Ronald Gower, TJiree Huiidred french portraits...
Londres, 1875, t. 1; on trouvera un index des portraits dans Bouchot,
Les portraits oju; rrayons des X.VI'' et XVII'' siècles conserves à la
Bibl. Nat., 1884, p. 365): « M« la Gran, de Beaune », fait malgré son
titre avant son second mariage, peut-être du vivant de son premier mari,
mort en 1556 (Gower n. 1 19; Morean-Nélaton pi. CLVIll): « M' la Grand >,
d'attribution douteuse ((lower n. 56; Morean-Nélaton pi. CLIX); « M"'"^
(lu (ioguier», fait avant 15.56 i Gower n. 115; .More.au-Nclaton pi. CLX);
« M'"'' de Ch;'iteaubrun », fait i)lus tard, après la mort de son premier
ui.ari (Gower n. 46; Moreaii Nélatou pi. CLXI): elle porte le titre d'un
fief maternel et est représentée en costume de veuve; il date peut-être
MADEMOISELLE DU GAITOHIER t<3
«
ovale, le nez d'un pur profil, une bouche petite et bien dessinée,
enfin un air intelligent et quelque peu ii-onique sont dans l'un de
ces portraits fort bien mis en valeur par une fraise de dentelles
et un chaperon qui dégage un front élevé, encadré par deux touffes
de cheveux.
Mademoiselle du Gauguier, Claude de Beaune, était la fille de
Guillaume de Beaune. seigneur de Semblançay et de la Carte, vi-
comte de Tours et de Bonne Cottereau, dame de Châteaubnin '.
Elle avait épousé très jeune, en 1538 si l'on en croit un spirituel
quatrain de Marot, un liomme fort vieil, — il était né vers 1482, —
Louis de Bourges, dit Bvrgensis, premier médecin du roi '. Mé-
decin de François I", puis de Henri II, ce personnage était seigneur
de Montgauguier, petite ville située entre Blois et Poitiers, dans
la paroisse de Saint-Lubin-en-Vergonnais ^ : sa femme fit de ce fief
un de ses titres.
Louis Burgensis résidait, par sa charge, à la Cour; Claude de
Beaune dut tout naturellement y occuper un emploi. Les écrivains
du temps nous disent en effet qu'elle était l'une des demoiselles
de la chambre de la Reine. L'un d'eux, Jean-Baptiste du Four,
dans son Epitre en italien imprimée en 1.555 à la suite de l'édi-
de 1563 et a servi de modèle à la peintuie du MrsÉE or Loitre (n. 102(î),
provenant de la Coll. Gaignières. Elle n'était pas encore à cette époque
duchesse de Roannais. Le Musée de Chantilly possède une réplique de
ce crayon (lloreau-Xélaton pi. CLXII), provenant du duc d'Auiuale. • — A
la BiBL. DE.S Arts-et-Métiei{.s. « -M. la Grand ■, vol. de la Série -M c 3,
t. I, n. 24 (^Bouchot. Les portraits aii.r crayons..., p. 310 et 312). — A la
BiBL. Nat., «Madame du Goguier>, crayon fait vers 1555, dans le Re-
cueil Lécurieux, fol. 52, n. 8 (Bouchot, o}}- cit., p. 39 et 168). — 11 en
existait enfin un autre dans le Cabinet Fontctte, sous le n. 46, aujourd'hui
perdu (Bouchot, op. cit., p. 324).
' P. Anselme, Histoire généalogique, t. VIII. p. 2S6. Elle était la sa>ur
de Renaut de Beaune, grand aumônier de France, archevêque de Bourges,
puis de Sens, et la petite tille de JaiMiues de Beaune qui fut exécuté à
Semblançay pour malversations tinauciéies. Elle naquit peu avant 1524.
* P. Anselme, t. II, p. .381. — Voir les vers de Marot cités infra p. 85.
' Arr.' de Poitiers, cant. de Mirebeau (Vienne).
84 KARNESIANA
tioii du Dr'aniirro» (le noccuoc, la citi", aux (•oti'S de Mesdcmoi-
selles de Piennes et d'AvauKour, parmi les dame» de la Reine
qui excellaient dans la laiifcue toscane '. Un autre, l''rani;oia de
liillou, la drclarc dans Le Fort inexpvgnahJe de Vhonneur du sere
/'l'miiiiii - pulilii- la même année, « sage et très (idelle servante de la
fjrant royne ». Son nom parait fort souvent dans les lettres de Cathe-
rine de Médieis: elle était en correspondance politique avec les grand»
personn:iges du royaume et tenait la reine au courant d'une quan-
tité d'aftaires^. Nous savims ([u'eii l")(i4 elle était trésorier;; <le la
reine : elle figure eu cette qualité, sous le nom de « Madame Claude
de Beaune, dame du Gauguier et de Cliasteaubrun » parmi les « Of-
iicirrs domestiques de la maison de la reyne ». Elle cessa d'exercer
Sou (liiice en 1.5(58 ■*. Elle s'était eu effet remariée l'année précé-
dente avec Claude GoutHer, duc di' Roannais, Grand écuyer de la
Couronne^: elle porta dès lors le titre de « Madame la Grand »".
Xul doute que ce ne soit la même dont parlera Brantôme dans son
' Epitie do Du Four, citée par E. Vient, Les Fntnrais italianisants,
t. II, p. 10.
' Edité ;\ l'aris par Jean d'Allier on lô.nfi, fol. 73' à 74. Fr. do Billon,
(pli avait été secrctairo d'Octave Farnose, frère du Cardinal, était mieux
que personne placé pour la connaître: 11 nous donne son nom patrony-
mique, Claude de Beaune. Néanmoins E. Picot voit dans M*"" du Gau-
guier la fille du médecin dn roi: voir sur ce point î'H/ra p. 85, note 3.
' Lettre de la reine à M. de Soul)ise. 2 septembre 1562: Lettres de
Catherine de Medicis (Documents inédits i, t. 1, p. 390. — Lettre de la
même au cardinal Farnose, fin août 1554: ibid., p. 94. d'après les Arch.
d'Etat de Mantouo. Cette lettre eutiôrement autographe existe également
aux Arch. d'Etat de Parme, Carteg. Farnes., Francia 5. — Lettre d'An-
toine de Gouges au c:irdinal, 18 mai 1558: voir infra, p. 93, note 1. —
Cf une autre lettre à la Bibl. Nat, fran<;. 20451, fol. 233.
' Jjcttres de Catherine de Médieis, t. X, p. 507. Ce fut pent-ôtre l'an-
née do sa mort. Elle est également citée en 1558, en couqjagnie de Ma-
dame d'Avaugour, dans une < notice sur un compte de l'écurie do la Reine •:
Ibid., p. 22, note 1.
•'■' En 15G7 selon le P. Anselme, op. cit., t. V, p. (UO.
^ C'est le titre que lui donnent divers portraits de Chantilly ou do
la Bibl. des Arts-et-Métiers.
MADEMOISELLE DU GArGt'IER .SÔ
Discours sur la Beijne mère de nos roi/s derniers ' : « Madame de
Rouanays, de la maison de Sainct-Blausay, dicte avant Madame de
Chasteanbriant ", fort favorite de la reyne, sa maistresse ».
Il n"y a donc pas lieu de croire, à la suite d'Emile Picot, que
deux personnes parurent en même temps à la Cour, Claude de
Beaune, femme de Louis de Bourges, et une fille qu'avait eue ce-
lui-ci d'un premier mariage, sous le nom distinct de Jladame et
Mademoiselle du Gauguier '.
J^es circonstances du mariage de Claude de Beaune ne laissent
point que d'expliquer au contraire d'une façon fort curieuse cer-
taines poésies contemporaines : il parait que la jeune mariée ne
trouva point, de la part de son mari, les étrennes généreuses que
lui avaient offertes, par ironie. Clément Marot ■*, sans doute à l'oc-
casion même du mariage :
Pour vostre estrene qui vaille
Je vous baille
Tant d'esbats et passetemps
Que de celluy que j'entens
Ne vous cbaille.
' Brantôme, Œuvres coiiqjUtef:. (kl. Lalaniie, t. VII, p. 387.
* Lire « Madame de CliaBteaubnm •.
3 E. Picot, op. cit., t. II, p. 10, note 2. Une belle-fille de Claude de
Beaune épousa en effet André de H.iciiueville, conseiller au Parlement
de Paris: elle serait morte avant 1559 (P. Anselme, t. II, p. 381; cf. le
Paulraier, Ambroisc Parc, p. 37, note 5). Jlais les différents noms aux
portr.aits de Claude énumércs pins haut et le témoignage de Fr. do Billou
sont fort explicites (voir sur ce dernier p. 84, note 2). Le texte sur lequel
s'appuie Picot, d'après une brève indication donnée par le marquis de
Laborde (Comptes des bâtiments du roi, t. II, p. 321), a été mal inter|)rêté.
Le voici: «Item, à la chambre, garderobbe et cabinetz de Monsr, et de
Madamoyselle du Gouguier » (Comptes de Saint-Gerraaia-en-Laye, 1548-
1550, Bibl. Nat„ franc. 4480, fol, 127). Il n'y est nullement dit ([ue . M>"'
du Gauguier avait sa chambre :i côté de son père ».
* Etrennes dédiées à « .Madame de Gauguier > , datées de l.ô3îS : éd.
P. .leannet, t. II, p, 210, n" LU,
86 l'AKNKSlANA
Bien au contraire Claude dut-elle méditer un autre de ses qua-
trains qu'il lui adressa pour Texliorter à porter le faix
D'une vertu qui se nomme
Patience '.
Au reste VAlmanach à Madame du Gorif/uier r|iic lui dédia
Mellin de Saint-Gelais pour la renseigner, disait-il, sur les oijseu-
rités du Calendrier mmain, par ses équivoques grivoises ne laisse
aucun doute à cet égard ". Mais d'autres vers du même poète per-
mettent de penser que celle qui dans le Calendrier avait élu pour
fête « la Fasque et fcste du passage », symljole de son « creur pas-
sager » ^, eut ses raisons de ne point connaître l'impatience. KUe
était au demeurant fort honnête et au courant des règles galantes
de l'amour courtois. Ainsi le pense François de Billon, secrétaire
d'Octave Farnèse. dans Le Fort ine.rpuynable de V/wnneiir du
sexe féminin, qui place dans le « bastion de la chasteté et hon-
nesteté des femmes », telle une nouvelle sainte Barbe, celle qu'il
admire « pour ses diverses et lionnestes qualitez, de longue beauté
environnées » et « qui sans se lasser sçait si longuement manier
• Ibidem, n" LI.
- Œuvres poétiques, Lyon, l.'iTl, p. 69 et 70. Madame du Gau});uier
avait ilemaudé au poète qui se picpiait d'être astronome, de lui expliquer
clairement le Calendrier romain. Celui-ci trouva une amusante fai;on de
s'en tirer, notamment dans le quatrain du Quaresme :
Au Quaresme il ne peut faillir,
Car onc vous n'en peustes sortir
Depuis qu'on vous fit approcher
D'un qui point iic touche à la chair.
Ce calendrier, postérieur aux poésies de .Marot, dut être composé,
peu de temps avant la mort du vieu.\ médecin, de 104^ à 1554.
' La Pasque et foste du passage
Se doit bien mettre à vostre usage
Pour la prison du Dieu léger
Où fut vostre cœur passager.
MADEMOISELLE DU fiAI'GlTIER 87
Testandart de tous le plus pénible» ', l'étendard symbolique sans
doute de la vertu de patience ... Sa « longue beauté » fut en effet
l'une de ses meilleures armes : après avoir été mise au rang des
« péchés oubliez » par Alexandre Farnèse ^, au souvenir duquel
elle se rappellera en vain de longues années, cette femme aux
multiples noms vit mourir son mari octogénaire en 1556 et at-
tendit la quarantaine pour convoler en secondes noces, en 1567,
avec le duc de Roannais, qui pour la quatrième fois prenait femme.
Le « dieu léger » que Mellin de Saint Gelais emprisonna dans son
cœur fut seul coupable d'une aussi longue incertitude. Mais peut-
être le fut-il aussi d'une certaine tendresse que nous révèlent ses
lettres h. Alexandre Farnèse : Mademoiselle du Gauguier était elle
parmi tant de « dames belles et de bonnes maisons », l'une de
celles « que vous aimiez et qui vous aimoient » ? Les deux lettres
entrelacées A et C au bas des billets de Claude de Beaune à Ale-
xandre Farnèse le laissent supposer: l'une étant l'initiale de Claude
l'autre ne saurait l'être que du nom d'Alexandre.
Fehnand Bknoit.
'■ Fr. (le Billon, op. cit., M. T6'- et 74.
- Lettre publiée infVa, ii" II.
88 FAKNIOSIANA
Lettres de Mademoiselle dl' Gauguier
AU CARDINAL FaRNÈSE '.
Monseigneur
Puisque le moyen do vous rsci'ipre me Heni osté parrequc le
Roy s'en va liors d'icy pour trois sepmaiiies, je ne ditl'ércray plus
à me ramentevoir en vostre bonne grâce et vous supplier très hum-
blement, par la première dépeselie que ferez par de(;a, me mander
quant vous y panses estre ; car j'ay entendu du ciievalier Tiburtio •
que ce ne seroit qu'à la fin d'avril ou au coniniancomeut de may.
Le désir que j'ay du contraire m'einpesclie de le croire jusques ii
ce que j'aye de voz nouvelles. Je m'assure que vous estes adverty
de celles qui ce peuvent mander de ceste compagnie, qui me gardera
voua ennuyer de reditte. Les autres je remettray à les vous conter
et prieray Dieu vous donner. Monseigneur, tout l'heur et contante -
ment que vous désires.
A Fontainebleau, ce 22 de mars [1555] '.
' Provenance des lettres: 1. Arch. d'Etat de Napics. Carte Fariio-
siane, 739 B. — II. Ibid., 74'2 B. — III. Ibùl, 692 G. — IV. Ibid., 709.
— V. Arch. d'Etat de Parme, Carteggio Farnesiano, Roma 22.
^ Tiburce Buicc, chargé des affaires du cardinal on Franco. Il sera
plus tard majordome du Palais Farnèse.
' Cette lettre est contenue dans une missive adressée au cardinal par
Tiburce Burce. A cette époque le cardinal avait déjà quitté Fltolio et
était en Avignon, d'où il repartit précipitamment à la (in du mois, rappelé
à Kome par la mort de Jules III (L. llomier, op. cit., t. II, p. 76).
MADEMOISELLE DU GAIGIIIER 89
Monseigneur
Je ne scay plus que dire ny penser, sinon que je suis du tout
aux péchés oubliez. Mais Je ne laiseré pourtant de désirer tousjours
vous faire très luunlile service, jusques h ce que Je congiioisse en-
cores davantage que ceste vouluuté vous est dé8agréal)le. Si ma puis-
sance luy estoit esgalle, j'aurois eest heur de vous voir ou savoir
bientost aussi content que liomme du monde et que vostre mérite
le mérite. Or, il uie fault prandre patience attendant ce que la for-
tune envoyra, qui sera peult estre myeux que Je n'espère. Je ne
vous puis escripre pour ceste heure beaucoup de novelles que Je
scay: celles qui touchent vostre service, j'en ai adverty cenlx qui
les vous feront entendre et qui )' pourvoyront ; les autres, si quelque
jour J'ay ce bien de les vous pouvoir conter, se sera tout au long
et lors Je suis seure ([ue vous ni'advoueres que J'ay mérité estre
mise (ainsi que je souhaittei au rancq de voz très humbles et plus
affectionnées servantes.
De Bloys, ce 27'' de décembre [1555].
Je vous ay escript par M' le maresçlial Strozi ', qui m'a liien
promis me mander de voz nouvelles; à la vérité jayc envye et
peur de les savoir.
Pierre Stiozzi, maiéclial de France, mort en juin 1558.
90 FARN'KSIANA
III.
Monseigneur
.l'ay reeeu par ce ^l'iitillinmiiu' la letie qu'il vous a pieu m'escri-
pri', (ii'i j"ay taict tout ce qui m'a esté possiljle de satisfaire, tant
a publier vostre affectionnée voulunté au service du Koy et de la
Royne ', comme à la sollicitacion de l'att'aire qui a conduit ce por-
teur par deçà. Mais à tous ces deux jioints, je me suis trouvée, :\
mon jjrand regret, trop innutile, car pour le premier l'on croit si
liicu de vous et ce qu'avez dernièrement faict a esté receu de telle
façon qu'il en rend plus certain tesmoignage que je ne puis faire.
Quant à l'autre, il n'a pas tenu que la Uoyne n'eust bonne en-
vye de faire plaisir à ce dit porteur et que Madame - ne l'en ayt
assez suppliée, qu'il ne s'en retourne content comme je croy qu'il
vous fera entendre et tous les erapeschemens qu'il y a trouvez.
,Ie m'en remettre sur luy pour ne vous ennuyer de i-editte et
vous diray, Monseigneur, que quant j'eusse sceu que les nou-
velles de ceste compagnie vous eussent esté agréables, je n'eusse
failly vous en faire part, comme je feray aussi quant il vous
l)l:iir.i le nie commander et non autrement, craiguant de mespren-
dre, car le monde est plain de plusieurs mutacions. Vous avez en-
tendu le mariage de Madame vostre seur ' et ce qui estoit advenu
' A cette date, les Farnèse étaient brouillés avec Henri II qu'ils
avaient lâcliement (initié après en avoir reçu des bienfaits; les béné-
fices du cardinal en France avaient été séquestrés et distribués au car-
dinal de Ferrare.
- Diane de Poitiers?
^ Diane de France, veuve d'Horace Farnèse, mort le 19 juillet 15.53 ,
avait épousé, par contrat signé le 3 mai 1557, François de Montmorency,
fils du connétable. François de Montmorency avait à cette occasion rompu
les fiançailles qui l'unissaient depuis 1.553 avec M»"»' de Fiennes, Jeanne
de llallnin, fille d'Antoine de Halluin, demoiselle d'iionncur de la Reine
les fiançailles furent déclarées clandestines et nulles.
MADEMOISELLE DV GAl'Gl'IER 91
à Piennes ' qui est :'i ceste lienre cliez sou frère. De l'infortniie de
Madame de Rohan ', puisque la scaves, je ne vous en diray plus
rien, craignant renouvelliT voz douUeurs. Il n'y a rien eu ny en
l'endroit de Maricourt uy autres, depuis qu'estes party, qui mérite
vous estre mandé et est, ce me semble, ceste court au mesrae estât
que la laisastes. A ceste occasion je ne vous feray, Monseigneur,
plus long discours et après m'estre très humblement recommandée
à vostre lionne grâce, je prieray Dieu vous donner très longue et
très heureuse vie.
De Compiègne, ce 8' de juillet [1557] ^
Vostre très humble servante — Di- GnmiiEiî.
IV.
Qui eust jamais peu croire veu tant d'asseurances que vous
m'aves donnée de vostre amitié que vous eussiez demeuré si lo-
gueraent sans m'escripre ? Certainement ce ne seroit pas moy si je
ne l'avais veu; et, le voyant, je vous considère, qui pour raille
et mille fois que .j'ay eu crainte que feussiez en lieu dangereux
ou mal à vostre aysc n'avez seuUement une fois eu souvenance de
m'en faire entendre i)ar uiig mot de lettre la vérité. Or, je ne
sçay à quoy m'en prandre, si ce n'est à ma Fortune qui ne me
veult permettre nul réconfort entre tous les ennuytz que m'a ap-
' iMp"'' de Piennes la plus jeune des enfants dAntoine de Halhiin:
voii- la note précédente.
- Madame de Roiian fut comme M?"" de Piennes rhéiuïne d'un scan-
dale: elle avait été rendue mère par le duc de Nemoui-s, puis abandonnée
par lui en 1557.
^ Cette lettre porte au dos, de la main du secrétaire du cardinal:
ôr,portata da M. Pompeo Gotfifredi. - On sait d'autre part (pie la reine
était à Compiègne ce .jour-là : Lettres de Catherine de Médias (Documents
inédits), t. I, p. 107.
92 TAUNESIANA
portés vostre absanre, laquelle je n'ay bien aentue ("encore» que je
l'eusse préveue) cc])enilant que je vous ay peu voir, tant mes
yeulx avoyeiit déceu mon entendement ; mais depuis ilz en ont bien
receu (et avee rayson ) leur part de la peyne. Je ne dits pas cecy
pour vous requérir de me mander souvent de voz nouvelles, si ce
vous est peyne, car je ne veulx de vous sinon ce qui vous est
agréalile, et scay avec quelle incommodité vous povez escripre de
vostre main entre tant et si différentes occupations que vous avez.
Mais je ne puis dire aussi que vos lettres ne m'apportent le plus
forant plaisir que je saurois recevoir et qu'elles ne me soient sur
toutes choses chères pour le continuel désir que j'ay de savoir si
vous estes contant et quelles sont voz pensées et en quel degré je
suis de vostre bonne grâce, que j'estimeray et garderay tant qu'il
vous plaira m'en faire part, comme ma vie. Si n'estoit que le che-
valier Tiburce m'a dit qu'il vous mande toutes les bonnes nou-
velles, je me mettrois eu devoir de vous en faire part et me ser-
virois du chiffre qu'il m'a baillé, .l'attandré ce qu'il vous plaira
m'en mander et feray fin à ceste lettre, non à me recommander
très huii\l)l(Mnent à vostre bonne grâce. De Reins, ce 13' juillet.
Monseigneur
Il y a si lonjitemps que vous nous menasses de venir que je
ne say plus qu'on croire? et crains fencores que le Roi eseripve pour
' Cette lettre doit être datée, semble-t-il, ilu mois d'octobre 1558: il
y est fait allusion à la ti'êve de Cercamp qui précéda le traité du Câ-
teauCambrésis sigué l'année suivante. En effet la liasse d'où est tirée
cette lettre renferme, entre antres documents de 1558, un billet de M''"' du
Gaugiiier, par lequel elle supplie le cardinal de lui répondre au sujet de
l'abbaye de Grandselve, et qui porte au dos: .58, Goghier. Ce billet est
également signé des deux initiales A C. — A cette date .M»""'' du Gau-
guier était veuve.
MADEMOISEM-F. DU GArcilIKU 93
Vôtre cnii;;t'' du Papppj, f|uaiit sorcs ]in'st m |i;irtir, il siirvicmic
quchiuu nmivdlo oocnsimi (|ui vous arrcstc par dchi. S'il est ainsi.
je ne scaurois faire autre elrnse que de m'euiiuyer et vous sup-
plier très humblement erapesclier la fortune de m'estre contraire
en tout; et si elle a puissance de mVslongner de vostre présence,
que je ne la sois poinct de vostre bonne gi'ace, laquelle je mettray
peyne de consrrver et vous faire tousjonrs très linmble service, à
quoy j'aray plus grant plaisir que je n'ay eu jusques à ceste heure
pour la tresve. Je ne say d'icy en avant quelle joye elle m'appor-
tera : si c'est qu'elle liaste vostre retour, je ne désire rien de myeulx.
Il ne saui'oit estre si tost que vous n'ayes encores, entre cy et la,
moyen de me mander de voz nouvelles, lequel, s'il vous plaist, ne
laiserez passer sans m'en départir. De ma part, je feray le sam-
blable à toutes les occasions et le chevalier ' m'a promis me faire
parler à celuy qu'avez envoyé icy, que je n'ay encores veu, avant
qu'il aille k son abaye, afïin que, luy absent, si le dernier venu
a ;\ faire de chose qui soit en ma puissance, j'aye ce bien de m'y
employer et n'estre poinct inutille, où je vouldrois tant vouluntiers
faire service. Le chevalier m'a dit que le Roy et tout le monde
se rcsjouyst de vostre retour; je vous laisse penser ce que je puis
faire. Mais je prie Dieu que ce soit autant à mon contantement
qu'il me sarable estre raisonnable, et que ceulx que trouvères sans
empeschemens ne m'en puissent donner.
' Le chevalier Tiliurce Buice, agent du canlinal à la Cour. Il avait
fort affaire k cette date, les bénéfices du cardinal en France ayant été
mis sous séquestre par ordre de Henri II. Ils lui furent bientcit restitués
d'ailleurs. Cf., au sujet de l'abbaye de Grandselve, la lettre citée à la
note précédente et une lettre d'Antoine de Gouges disant au cardinal
que « M»ll'du Goughier » lui écrit relativement à cette affaire et cpr « elle
trouve excellente l'opinion qu il en a > : Arch. d'Etat de Parme, Frauda 11
il'aris. IS mai l.'i.^S).
UNE MOSAÏQUE DE ÏEBESSA
(PI. I)
Dans le Musée de Téhessa, à l'intérieur de la cella du Temple
dit de Minerve, parmi les monuments antiques que M. Gsell a dé-
crits dans son Cataloj^e figure une mosaïque dont la découverte
est récente et qui, pour ce motif, n'a pas été étudiée encore et
ne se trouve pas au Catalogue. Nous devons à l'amabilité de M. Rey-
gasse, administrateur de la Commune Mixte de Tébessa et Con-
servateur du Musée, d'avoir pu l'étudier à loisir et de la publier
aujourd'hui. La mosaïque fut découverte en Janvier 1922 au cours
des travaux d'établissement d'une route qui, par la porte de Solo-
mon relie la ville européenne de Tébessa à la ville indigène située
au S. W. et à environ 500 mètres de la première. Elle a été vue
d'abord par M. Fargues, maire de Tébessa, puis sur les indications
de M. Gsell relevée avec beaucoup de soin et placée au Musée, où
elle figure très honorablement auprès des deux pavements en mo-
saïque qui y out été déjà recueillis '. Malheureusement, elle n'a
pu être retrouvée entière, des travaux antérieurs en ayant irrémé
diablement détruit une partie. Elle devait mesurer dans son inté-
grité, 5'", 80 de longueur sur 4", 40 de largeur. Si la longueur est
intacte, il ne subsiste par contre que 2"',.")5 de la largeur et ainsi
un peu moins de la moitié en a été perdu. En outre, dans la partie
que nous po.ssédons il existe deux lacunes assez étendues et fort
regrettables en ce qu'elles détruisent trois médaillons sur les huit
qui subsistent des douze que comportait l'ensemble.
' Cf. Gsell, Cutaluyue du Musée de Tébessa, pag. 64-70.
% i:nk Mo.SAKjri': iik tériîssa
C'est une ni(isai((iie à foiul lil.iiic sur lequel ressurtent des teintes
plus roncces où dominent le rouge et le jaune. Un cadi'e im|Mirtant
la lioidc, |)liis large sur un des petits côtés du rectangle {U"',70j
que sur les grands côtés (0"',60). Ce cadre est foi'mé, du deliors
au dedans, par: une bordure; noire, large de O^.O?, une tresse rouge
et ocre de 0"',2", "ne bonlure ronge de 0"',03, une série de volutes
noires en forme de Ilots ijrcrs ou de postes, de 0"',10 de large,
une nouvelle bordure rouge sur laquelle se fixent des deutieules
Jaunes. Chaeun de ces motifs est séparé de ses voisins et mis en
relief, à la fois, par une bordure l)lanclie.
A l'intérieur de ce cadre la mosaïque représente une série de l'in
ceanx de feuillage enserrant des médaillons, et, encastré vers le centre
de cette décoiatioii, se trouve un tableau, lui-même dans un cadre.
Les rinceaux sont représentés s'élevant du sol, comme j;iillis-
sant de quatre pieds d'acanthe et gagnent ce qui est actuellement
le liaut de la mosaïque, l'ii raison de sa position verticale contre
une paroi de muraille. L'ensemlile de l.i mosaïque, rinceaux, mé-
daillons, cadi'e central, est orienté du même côté. Les médaillons
h personnages de 0"',40 de diamètre étaient an nomlire de douze.
(Jinq seulement sont intacts et permettent une interprétation. Sept
ont donc disparu complètement ou en partie. Uu certain nombre
d'autres médaillons sur lesquels le cadre extérieur ou le tableau
central empiètent sont remplis par des ornements eu forme de jidtes
ou lioucîiers d'amnzune alternativement blancs et noirs.
D'autres pelte.s remplissent les intervalles entre les rinceaux et
les médaillons. Une demi-rosace enfin, renferme des motifs décoratifs
en forme de fer de lance, dans lesquels il est possible de recon-
naître des feuilles cordiformes de lierre dont l'usage en Afrique
est fréquent dans un sens prophylactique ' et (|ui sont destinées
à préserver du mauvais icil.
1 Gagnât et Cliapot, II, p. 200.
l'NE MOSAÏQUE DE TÉBESSA 97
L'étude des médaillons :V figures se présente dès l'abord comme
suggestive : chacun de ces médaillons est un petit tableau, cliaquc
petit tableau, sauf un, est un petit drame ou au moins une action
animée. Pour la clarté de l'exposition nous donnerons à chacun
des eiuq médaillons intacts, à partir de celui qui figure en haut
à gauche de la mosaïque une lettre: A, B, C, D, E.
Les médaillons A et B pourraient représenter respectivement
la chasse et la pèche. Le médaillon A nous montre, eu effet, un
félin que sa petite taille et la couleur de son pelage jaune tacheté
de noir nous font facilement reconnaître pour un guépard '. Il est
représenté, bondissant sur la croupe d'une gazelle qui s'enfuit. Celle-
ci, nettement reconnaissable à son poil beige, à la forme de ses
cornes, rectilignes et inclinées en arrière est de la variété « Anti-
lope oryx » '. Il en existe une autre représentation à Tébessa même
sur une mosaïque du Musée '.
On pourrait admettre que le guépard ne saisit pas la gazelle
pour son propre compte, mais qu'il est un de ces pardi apprivoisés
dont il est question chez un poète vandale d'Afrique, que l'on
dressait à chasser avec les chiens * et qui, de nos jours encore,
servent aux arabes à forcer la gazelle ^. Sous le ventre de la gazelle
est représenté un arbuste ou un arbre. Si l'on tient k l'interpré-
tation symbolique, le médaillon B représenterait la pèche. Un per-
sonnage nu, un enfant, semble-t-il, debout h l'arrière d'une embar-
cation, pêche à la ligne. Un poisson, à l'extrémité de la ligue, a
déjà saisi l'appât. Deux autres poissons de taille plus grande, sont
représentés au dessous de la barque, au milieu de petits traits
ondulés qui servent en général aux mosaïstes k représenter les flots.
1 Gsell, Hisi. une. de l'Afrique du Nord, I, p. 11'2 si|.
- Gsell, op. cit.^ p. l'20.
^ Gsell, Catalogue du, Musée de Tébessa, pi. IX.
* Anthulogia latina, éd. Riese, p. 237. Cf. Keller, Thiere des classi-
sehen AJtertlmms, p. 154.
5 Gsell, Ilist. anc. de V Afrique du Nord, I, p. 113.
Mélanges d'Arcfi. et âHisl. IMl. 7
98 UNE MOSAÏyi'E DE TÈBESSA
Deux avirous sont fixés an flanc de l'emlparcation, tous les deux
du même côté. A l'avant, on distingue une perche et un cordage,
perche d'accostage, sans doute, et câble pour amarrer le petit navire.
Si l'on rapproche le navire figuré sur ce médaillon des bateaux
représentés sur la mosaïque d'Althiburus, dont on a pu dire que
c'était un « Catalogue figuré de la batellerie gréco-romaine ' », on
peut le ranger dans la catégorie des petits bateaux de pêche et de
plaisance, cydaniin, — dans lequel sont figurés deux pêcheur» re-
tirant un filet — ou plucida, ou regeiia, tous navires à proue et
à poupe relevées, surtout la proue et dont, en outre, la coque à
l'arrière s'allonge en uue saillie que l'on pourrait prendre pour un
éperon. En outre le bordage à l'arrière est surmonté d'une tête
d'animal et rappelle le navire appelé Musculus sur la mosaïque
d'Althiburus, dont la poupe est ornée d'une tête de souris et qui
se manœuvre à la rame. Mais, en réalité, ces petits détails qui (mt
leur importaure pour distinguer et classer des navires qui offrent,
d'autre part, bien des points de ressemblance, ont pu être mé-
langés ici, et qu'il nous suffise de reconnaître, exactement repro-
duite, une embarcation légère de pèche ou de plaisance, mais
faite plutôt pour la mer ealme et les cours d'eau que pour les
flots agités.
Le manque de proportions entre le personnage et son embar-
cation est manifeste, mais cependant l'attitude du pêcheur est
i)ieu rendue, le bras gauche, écarté, fait contrepoids au corps
penché en avant dans une attitude d'attention et les jambes, écar-
tées aussi, assurent la stabilité du persounage dans sa légère em-
barcation.
L'étude du médaillon C va uous permettre de poser un petit
problème. C'est une scène :\ trois personnages, trois animaux. A
gaucii(>, un coq, très reconnaissable à sa crête rouge, au panache
' Gaueklcr, Mon. et Mem. Viot, t. Xll, p. 114.
INE MOSAÏQUE DE TÉBESSA 09
de plumes de sa queue, est perché sur une sorte de colonne qui
repose sur une base. Il se dresse dans une attitude orgueilleuse.
Vers lui, s'élance ;i tire d'ailes un oiseau de grande taille qui, par
la forme du bec, des ailes, par sa couleur noire est reconnu faci-
lement pour un oiseau de proie. Sur le sol, un troisième volatile,
un autre coq, semble se blottir et s'aplatir contre le sol. Au fond
de la scène :V droite, on voit une maison à un étage, couverte
d'une terrasse et dont la façade est percée d'une porte et de trois
fenêtres. Cette scène dont des animaux sont les acteurs est la tra-
duction en image d'une fable grecque qui se trouve dans Babrios '
et dont voici le texte :
« Deux coqs de Tanagra qui ont, dit-on, du courage comme des
hommes, se battaient. Le vaincu, tout couvert de blessures, alla
cacher sa honte dans un coin de l'iialtitation. L'autre, aussitôt,
perché sur la maison, battait des ailes, en poussant de grands cris.
Un aigle, alors, l'enleva de son toit. Quant au premier, il devint,
tout à son aise, le maître des poules et il obtint ainsi une plus
belle récompense que le vainqueur. Homme, toi non plus, ne sois
jamais vantard, si la fortune t'a élevé au-dessus d'un autre. Beaucoup
n'ont dû leur salut qu'à leur infortune ».
Il n'est pas douteux que le mosaïste n'ait voulu illustrer ici
cette fable. Tout s'y retrouve, personnages et cadre, jusqu'à la
maison dont un angle sert d'abri au vaincu humilié. C'est, à notre
connaissance, un des premiers exemples de fable représentée par
l'image. A Herculanum ', une peinture nous montre un àne qui se
précipite entre les mâchoires d'un crocodile, cependant que le maître
' Babrii f'abulae Aesopeae, cd. Crusius. Muî'.oty.oii, p. 1.3. ô. Parmi les
fables en prose attribuées à Esope, le récit ci-dessus se trouve trois t'ois
avec de légères variantes et plus ou moins de détails.
La Fontaine, enfin, a êerit sur le même sujet la fable des Deux Coqs,
1. VII, fah. XI n.
^ Champtleury, Hist. de lu caricature antique, p. 103.
100 UNE MOSAÏlil E UE TÉBESSA
lie l'âne setnl)li', par (lerri<'ie, renoncer à le retenir, et c'est une
fable connue d'Horace ((ui écrit :
«... ut ille,
» qui maie parentem in rupis protusit asellum
» iratus. . . ' ».
Phèdre nous dit aussi qu'il a vu, peint dans des cabarets, le
combat des rats et des belettes ". Mais du premier exemple nous
avons l'image sans avoir le texte du récit auquel Horace fait seu-
lement allusion — et du second, nous avons le récit sans en pos-
séder l'image. Pour la première fois, nous possédons ici une illus-
tration qui, d'après l'étude des détails, répond presque minutieusement
:\ la fable dont Babrios nous donne le texte. Un détail particulier
cependant est à noter et qui est curieux par lui-même. C'est que
le texte de Babrios dit que le Coq pour claironner sa victoire s'est
perché sur la maison (s-i to '^wy.r) et que l'oiseau de pmie l'emporte
du toit iky. ■ttévo'j;). Or, nous avons dit que le Coq est représenté
perché sur une sorte de colonne. Nulle part dans le texte de Ba-
brios, ni dans les versions ésopiques en prose, il n'est question de
colonne ^. H est d'autant plus remarquable de noter ce détail in-
troduit par le mosaïste dans le médaillon, que nous devons retrouver
le même détail d'un coq sur une colonne dans les représentations
chrétiennes du Reniement de S" Pierre. Une fresque du Cimetière
de Cyriaque dans les Catacombes représente le coq perclié sur une
aorte de piédestal entre le Christ et S' Pierre *, mais c'est surtout
sur des sarcopli.tges que le détail de la colonne apparaît '. En outre,
et c'est sans doute l'origine des représentations des sarcophages.
' Horace, Ep. I, 20, 15.
2 Piièdre, IV, ti: « Historia quorum et in tabernis pingitur >.
' Fabiilae AesoiJicac colhctnc, éd. Hafm, p. 10. 21, 21'>, '2K.
* Wilpert, Le pitUtre (kUc Catacombe^ pi. 242, n. 1.
^ Maruochi. / mi»)umf>iti de! 3Iusco eristiaiio lMtertt)ie>isi\ pi. XXIX.
u. 2 b.
UNE MOSAÏin'B DE TÈIiESKA 101
« à Jérusalem, il existait une colonne avec un coq de l)ronz(' au
sommet en souvenir du reniement, et Prudence nous apprend qu'il
y avait en avant de la Basilique de Saint Jean de Latraii un autre
coq de bronze sur une colonne de porphyre ' ». Il n'y a rien de
chrétien, certainement, dans la mosaïque de Tébessa, mais n'est-il
pas curieux de voir dans des scènes si différentes pour le fond
comme pour la forme se retrouver un détail rendu de façon identique.
Ij'ideiitilication du médaillon C n'a-t-elle pas son importance
pour l'étude des médaillons A et B, tel est le petit problème que
nous nons sommes posé. Les lacunes de la mosaïque, malheureuse
ment, ne permettent pas de donner une réponse catégorique à l.i
question qui se pose de savoir si les médaillons A et B décrits plus
haut ne pourraient pas aussi représenter des fables. Peut-être dans
le médaillon A, serait-il licite de voir le dénouement de la fable du
« Cerf se voyant dans l'eau » ". Il est vrai que dans Babrios le cerf
est poursuivi par des chasseurs, mais chez les imitateurs de Babrios ■'
le cerf est remplacé par une gazelle ("(Vjp/.â;) et les chasseurs par
un fauve (>.éuv). Donc voilà de nouveau une source littéraire.
Un détail que nous avons signalé plus haut a son importance.
L'arbuste ou l'arbre figuré sur le médaillon ne serait-il pas mis là
pour représenter la forêt, où le cerf (ou iiien la gazelle) fut empêché
de s'enfuir par ses cornes encombrantes ? C'est un procédé fréquent
chez les mosaïstes que de symboliser une forêt par un seul arbre.
Quant au détail du guépard remplaçant le lion, il peut pro-
venir du fait que nous sommes en Afrique et que le mosaïste s'est
inspiré de scènes plus proches de lui, ou bien encore qu'il a voulu
faire entrer dans son petit taljleau un détail qui était fréquent en
ornementation: le fauve poursuivant une proie, de même qu'il a
juché son coq sur une colonne, modifiant légèrement les données
' Cf. Dom Cabrol, Dictionnaire d'archéologie chrétienne, art. Coi).
2 Babrios, Mj9ia,agji, 43. — La Fontaine, VI, 9.
^ Babrios, éd. Crusius, p. 269, 14 et p. 289.
102 INE MOSAÏ<irH DE TÈBESSA
de ses sources litténiires ilans le sena de certaines représeiitationg
ti-aditioiiiielles. Le médaillon B, lui aussi, pourrait entrer dans notre
fabliei', et comme le précédent, il présente quelques détails modifié».
Il y a en effet chez Balirios, la fable du « Pêcheur et du petit
poisson » '. Mais si « la ligne de roseau et le fil en crin de clieval »
de la fable de IBabrios sont indiqués, du moins dans le texte lit-
téraire le pêclieur est-il sur le rivage. Le petit poisson a déjà saisi
riiamc(;on, et imiir Justifier le raisonnement (lu'il tiendra tout à
riieurc, d'autres poissons plus gros que lui sont figurés sous la
barque. Sans doute ce motif du pêcheur il la ligne est fréquent
dans les mosaïques, et en particulier iii Afrique ', bien que, d'or-
dinaii'c le pêcheur tenant une lij,'ne soit riiprésenfé stir le rivage
et que l'on réserve la l>ar(|Ue poui' l;i péelic an iilct on au liarjion '.
mais sans qu'il y ait rien d'absolu en cela. Le détail de la barque
ne serait-il pas une modification du sujet dans le sens de repré-
sentations trailitioniR'lles comme nous l'avims vn pour les inédailions
A et C, et le mosaïste n'a-t-il pas introduit dans la scène la re-
présentation d'un bateau de plaisance, parce qu'il avait parmi ses
modèles une scène de pêche qui, sous des formes assez variées, est,
nous l'avons dit, fréquente dans les mosaïques africaines. Kn somme,
il n'est pas possible de donner une réponse catégorique au petit pro-
blème que nous posions tout-à-l'lieure, mais l'interprétation certaine
du médaillon C nous parait être un argument assez fort en faveur
de l'interprétation dans le sens des fables, des médaillons A et H.
Nous ne pouvons pas, malheureusement, en dire autant pour les
médaillons D et E. Le premier de ceux-ci est d'interprétation dif-
ficile. Le second s'interprète bien mais ne semble pas pouvoir se
rattaclier aux fables. Nous laissons de coté les médaillons qui figu-
1 Babrios, MjOiay.e5i, (î. — La Fontaine, V, 3.
' Cf. en particulier, Catal. musée de Sfax, i)p. :i-4, pi. 1 et IV.
' Mosaïques de Sousse. Inventaire des mosaïiiiies de l'Afriiine. n" l.'i!*.
Rev. aich., 1897, II, p. 12.
UNE MOSAÏQUE DE TÉBBSSA 10:$
roiit (Mitre I) et E. Ils sont trop abîmés pour permettre uue étude — et
tiiut ;ui jilus sur l'un peut-on distinguer la tète d'un dauphin...
et sur l'autre la moitié d'une colombe (?) ... Le médaillon D repré-
sente un personnage barbu — vêtu d'une peau de bête autour des
hanches. Il est couché, mais se soulève sur le bras gauche et re-
garde de coté avec une expression de colère ou de terreur. Il est
placé entre deux arbres comme si le mosaïste avait voulu le re-
présenter dans une forêt. S'agit il d'un Pan? Il semble que sa main
droite étreigne un objet qui ressemble k une syrinx. Est-ce une person-
nification de fleuve? Les détails du morceau se fondent dans la teinte
brune que l'artiste lui a donnée et son identification est bien difficile.
Le médaillon E, par contre, repi-ésente une scène très animée
et facilement reconnaissable : Un petit Eros s'est dissimulé jusqu'à
mi-corps dans un masque de théâtre, un masque de vieillard à
barbe et à cheveux blancs. Il passe sa main par la bouche ouverte
du masque et l'agite pour figurer une langue tirée.
Il eflFraie ainsi un deuxième petit Eros qui s'enfuit en battant
des ailes et en étendant les bras vers le premier en signe de pro-
fonde frayeur. Cette scène, la plus joliment reproduite de celles
que nous avons décrites jusqu'ici n'est pas uue nouveauté et l'espiè-
glerie de l'Eros qui se dissimule dans un masque tragique pour
eff'rayer ses compagnons a inspiré à plusieurs reprises les artistes.
En sculpture la scène figure surtout sur des sarcophages représen-
tant des amours qui jouent au milieu d'attributs dionysiaques. Sur
un sarcophage du cimetière chrétien de Mcidfa à Carthage ', sur
deux autres sarcophages, l'un de la collection Mattei, l'autre de
la villa Albani ', la même scène est reproduite, avec quelques petites
variantes: la main de l'enfant agite un petit serpent. Une statue
actuellement au musée du Capitole représente un enfant ((ui joue
' Reinaeh, Bepert. des reliefs grecs et romains, II, p. 3, 3. — C. R.
Académie, 1906, p. 424.
« Reinaeh, op. cit., III, p. 295, 3. Mon. .Mattliei. III, pi. XLVII.
104 UNK MOSAÏQUE VB TÉBE8SA
HVL'f lin m:iH(|iiR it qui va le poser sur son visa^fc '. Parmi le» peiii-
Imvs, la pliiH ooniiiie est une peinture (rilerculanum ' qui repro-
iliiit Mil Hujet de ce genre. Une mosaïque de Sfax, enfin très délé-
iioré(; iiiallieiireusement, reproduit la même se^nc, parmi les jeux
(le plll^<ieurs Amours '. 11 s'afjit donc d"iiM nintif assez ré|)aiidii.
motif K'"icieux et amusant à la fois — et il n'y a pas lieu ici de
cherclier une inter])rétatioii symliolique : le mosaïste a exécute un
petit tableau (|ui devait être parmi les modèles courants des ate-
liers, et dont l'inspiration vient sans doute des peintures alexaii-
drines. Aussi bien est-ce parmi les médaillons que nous avons
examinés, le plus artistement dessiné, le plus fin, par les détails
comme par te coloris, par l'exactitude des proportions, comme par
la vie des personnages.
La même minutie dans le détail se retrouve dans le sujet central.
Le tableau placé au centre de la mosaïque mesure actuellement
r",10 X l",!'). Sa loiigiK'iU' primitive devait être de 1",40 en-
viron. Il est encadré d'une torsade rouge et de deux larges filets
blancs. Quoique fort endommagé puisque près de la moitié a dis-
paru, il représente Uapliné poursuivie par Apollon.
A gauche, Daphné dans l'attitude d'une fugitive tombée sur un
genou, se transforme en laurier.
Le mosaïste l'a représentée au moment où. d'après Ovide :
torpor gravis occupât artus,
Mollia cingnutur tenui praecordia libro,
In frondem crines, in raraos bracchia crescunt :
Pes modo tam velox pigris radicibus liaeret,
Ora cacumcn obit...^
' Catalog of thc Mnseo ('(qiitolim l'Bntish Scliool at Roui), p. 317,
n° 8, pi. 79.
- Pitturc d'ErcoIano, I, p. 181. pi. XXXIV. Ilelbig, Wandgein. Cainii..
n" 754. Cf. Darcmberg et Saglio, art. l.udi, p. 1359, fig. 4639.
^ Musée de Sfax. ji. 7 et [il. VI i. Gaiiekler, Invent, des mosaïques, n. 29.
■• Ovide, Metam., 1. I, v. r)4H-r)r)2.
UNE MOSAÏQUE DE TÉBESSA 105
De l;i tôte, pu effot, des épaules, des CDndes, des mains, des liaii-
ilies et (les genoux Jaillissent des tiges eouvertes de feuilles d'un
vert pâle. Les pieds n'apparaissent pas: ils sont déjà enfoncés
dans le sol et du sol s'élèvent aussi deux pousses vertes. Le (•ori)s
de la Jeune tille est nu Jusqu'aux lianclies ; dans sa course, dit le
poète :
«... nudabant eorpora venti ... ».
Les Jambes sont drapées dans un vêtement gris. Le visage, tourné
vers la droite, est peu expressif. La jeune fille regarde fixement
le dieu qui la poursuit. Apollon a disparu i)res((ue complètement.
Un ne voit jilus de lui qu'un br.is, une jambe et un fragment de
chevelure ou de couronne. Autant qu'on peut en juger par ee qui
subsiste de la mosaïque ;i droite, la tète du dieu est entourée d'un
nimbe vert pâle, sorte de rayonnement que les peintres et les mo-
saïstes ont fréquemment représenté autour de la tête des divinités
et en particulier des divinités sidérales '.
Le dieu tout en courant se baisse pour saisir le bras de Dapliné
mais sa main n'étreint qu'une branche de laurier. Le paysage dans
lequel se déroule la scène est formé par deux masses d'un brnn
rougeâtre qui semblent constituer les bords escarpés d'une vallée
étroite entre lesquels le ciel se voit dans le lointain. La métamor-
phose de Daphné, en etfet, toujours d'après Ovide, a lieu dans la
vallée du Tempe. Devant la jambe droite de Daphné une tache
claire représente le cours du fleuve Penée, père de la Nymphe,
qui est un des acteurs du drame. C'est vers lui que Daphné a
précipité sa course pour échapper ;\ la poursuite amoureuse du dieu :
«... Spectans Peueidas undas»,
' Cf. à Tiragad. Mosaïque de Diane siuprise par Acteon. Ballu et
Gagnât, Musée, de Timgad, p. 37, pi. XIV. — Stephani, Nimbus uvd Strah-
lenkran,-, Mêm. de l'Académie de S' Pétersbourg, VI'' si-rie. Se. polit.,
t. IX.
106 UNE MOSAÏQIIK I>E TÉHESSA
elle adreRHe à son pi'-ro la prirre qui Hcra exaiifée et la inétaimir-
phose se produit.
C'était lin sujet assez fréfiuemment reproduit par la peinture
ou sur les inosaùiues ([ue les Amours d'Apollon et de I)ai)liné,
mais sauf |)eut-étre sur la inosai(|ue de Lillelioiine ' et sur une
p(^intun' de Staliics '', nulle ]>art la scène n'avait été représentée
aussi mouvementée, et nulle part, surtout, la transformation en
laurier n'avait été indiquée avec ce réalisme. A Lillebonne et à
Staliies la position de Dapliné est à ])eu près la même qu'à Té-
Ijessa. La Nymphe en courant est tonil)ée sur les genoux et elle se
retourne vers le dieu qui la poursuit. Mais dans ces deux œuvres
la métamorphose u'est pas même commencée. A Stables, l'idée en
est évoquée par un bosquet de lauriers vers lequel la jeune fille
se penche comme pour s'y réfu;;ier. Sur une peinture de l'onipei,
remar((ual>le par l'immobilité et pour mieux dire par la froideur
et l'indifférence des personnages, deux petits rameaux sur les épaules
et un autri' sur la tète de la Jeune fille permettent de recnnnaitre
qu'il s'agit bien de Dapliné, mais ce sont plutôt des ornements i|ui
ne modifient en rien la ligure de la Nymphe. Nulle part, donc, nous
ne rencontrons ce réalisme, cette précision dans le détail, dans la
représentation des branches qui jaillissent en touffes de la tète, « ora
cacumen obit », des hanches, nulle i)art, ce geste si expressif du
dieu qui voulant saisir une main, ii'ètreint qu'un rameau feuillu '.
Il semblerait par les œuvres d'art que nous avons conservées
([ue les artistes aient hésité à al)ordcr ces sujets de métamorpluises.
' Mosaïque de Lillebonne. (îaz. aicliéol., 1.S85, pi. V.\. 14. Inventaire
des ra()saï(|ues de la Gaule, fasc. II, 1051.
- Ilelbig, WandgemàUe Cnmpanien.% 207, 208, 211, 212, 213. Sta-
bles, 206.
^ Pour tout ce qui concerne les leuvres d'art inspirées par les amours
il'Apollon et de Dapliné, et en particulier par la uiétamorpliose, voir Over-
l)cck, Oriechisehe Kunntmythologie, III, p. 497 sq.
UNE MOSAÏQUE DE TÈBESSA lOT
mis îi la mode par la littérature alesandrine, avec les poèmes île
Nicandrc et de Farthénos, et que l'œuvre d'Ovide avait répandus
et fait goûter à Rome. Les exemples en sont peu nombreux, et
dans la sculpture en particulier on ne pourrait guère citer que le
marbre de Florence ' ou la métamorphose de Dapliné est repré-
sentée avec le réalisme que la statue du Bernin, à la Villa Bor-
ghèse atteindra seule. Et cependant, la peinture avait eu plus
d'audace et un passage de Lucien est très intéressant à cet égard.
Dans àAr.Or; irj-ooix I, 8, il écrit que les voj'ageurs dont il
raconte les aventures aperçurent entre autres merveilles « celle de
plants de vigne dont la tige, drue et élancée jaillissait du sol, et
qui par le haut étaient des femmes, parfaites au-dessus des hanches,
comme les peintres clicz nous représentent Dapliné se changeant
eu arbre lorsqu'ApoUon va pour la saisir. Des rameaux jaillis-
saient des extrémités de leurs doigts... et leurs tètes étaient coif-
fées des vrilles, des feuilles et des grappes de la vigne ...» '.
Voilà donc une preuve qu'il existait une façon de représenter la
métamorphose de Dapliné, qui dift'ère notablement des représenta-
tions rencontrées jusqu'ici à Pompei, à Stables, à Lilleboune, et qui
se rapproche tout-à-fait, au contraire, de notre mosaïque.
Aussi n'est-il pas interdit de voir eu elle une imitation et peut-
être la reproduction exacte de quelque peinture célèbre de l'Ecole
Alexandrine — et, en ett'et, la façon dont le tableau est inséré dans
la mosaïque, le cadre qui l'entoure, jusqu'à ses dimensions, tout cela
fait pen.ser à un tableau de chevalet — du moins à une œuvre pa-
rallèle et qui nous donne une idée — hélas, incomplète — de ce
' ("f CoUignon, Hist. de la Sculpture grecque, II, p. 589.
^ Lucien. 'kXrMii îiTspia. I. 8... sipsy.;/ àu.ir=Xwi ■/.fîy-a 7cpa<jTii;'i • -.h
■J.VI -jàp à— i -r.i -fî;, ô i-iXv/jii aàri; îùsovij; xai ~ï"/.'J;, ~i o; iiw -j'j/aT/.î; flootn,
io'yt IV. -îa-i 'K%^^i'f^-i àï7a-/Ta I)^3'j5at -iXiiOL, Tsta'JTïi'* ïTas'ry-T* t:^"* Aà'jvT.v
■jpias'jtjn ipTi Tsù 'A~5X>.'j)V5; /.aTaXa;Aêâv3vT5î à~3Ô£vôp5'j7.{vT,'^ 'Att; 0= tw-i
ôot/.TÛXwv i/.5w* 2H=cûÛ5'*73 ayraT; 5: /.Xâosî ... /-a: 'j,rr> /.ai Ta; /.-'ja/.à; :/.iv.a>v
=).i;i Te /.ai oiiXXst; /.aie fiSTpuot.
108 UNE MOSAÏIJIK I»K TKKRSSA
que pouvaient être les a-uvres dont nous parle Lucien. Peut-être
Ovide luiniême a-t-il puisé son inspiration dans quelque peinture
Alexandrine ', et a-t-il reproduit dans ses vers quelque tableau qiu-
Lucien connaissait. Il est bien diflicile, jiour ne pas dire impos-
sililc, d'étalilir la liiiation de ces œuvres. C^u'il nous snfiise de re-
connaître dans cette mcsaïque une représentation imagée du récit
d'Ovide, et d'adjoindre cette mosaïque à toutes celles qui, si noni-
l)reuses, ont traité des sujets (|ni fig'iircnt dans les récits du poète ■'.
.\utant qu'il est possil)lc de préciser une date en ces matières
la mosaïque doit dater du début du III" siècle de notre ère. On
peut l'inférer par le choix du sujet du tableau central — les mo-
saïques des époques antérieures reproduisant des sujets du cycle
troyen, et d'inspiration homérique de préférence à des sujets traités
par Virgile et Ovide — on peut aussi le déduire du médaillon des
« Deux coqs et de l'épervier ». Si, comme il semble certain, la fable
de B.ibrius est la source dont le mosaïste s'est inspiré, et nous avons
vu avec quelle exactitude, il n'est pas possible de faire remonter la
date de son œuvre plus haut car la science moderne place Babrios
à la tin du second et au début du III'" siècle ^. C'est à cette époque,
en outre, que les mosaïstes se plaisent à des représentations ;\ ten-
dances didactiques, et donnent sur leurs œuvres de véritables ca-
talogues de fruits, d'animaux ou, comme nous l'avons vu plus haut,
de navires, dessinés dans leurs moindres détails et présentés par
leur nom inscrit à côté d'eux sur l'œuvre d'art. Cependant, si la
mos;ii(|ue de Tébcssa nous donne un f.iblicr illustré — et nialhcu-
' Cf. Ad. Reinach, Textes grecs et lnti)is relatifs à Vliistoire de la pein-
ture ancienne, p. 4-19.
' La série des mosaïques inspirées par Ovide est très iraportiinte, en
particulier en Afrique. Cf. ftauckler. Dahreuiberg et Saglio, Musivum
opus. p. 2118, n. 7. — Gsell, Mon. de l'Algérie, II, p. 100 sq.
^ Th. Keinach, Sur l'époque de nahrius, Rev. des Et. gr., 1893, p, 39.5.
— Beltrami, De Bahrii aetate. Bologna, 1906. — Crusius, art. liabrios
dans VEncyclopadie de Pauly-Wissowa.
UNE MOSAÏQIE DE TICHK.S.SA 109
reusement nuitilô — il y a autre chose en elle, et l'artiste qui l'a
composée a fait prouve à la fois d'habileté et (le fantaisie, d'exac-
titude et d'une certaine originalité. Telle ((u'elle s'offre à nous,
malg-ré les dégradations qu'elle a subies, les lacunes trop grandes
qu'elle présente, cette mosaïque nous a paru mériter que l'on s'attarde
un peu à la considérer. Fables, sujets de genre, scène mythologique
chacune de ses parties nous a semblé apporter quelque contri-
bution, si modeste soit-elle, à l'étude des procédés d'art et des
sujets traités par les artistes de la fin dn IP et du début du III"
siècle. Nous avons cru retrouver dans le tableau placé au centre
la mise en image d'un épisode conté par Ovide, épisode qui, nous
le savons par Lucien, avait inspiré d'autres tableaux dont celui-ci
reste le seul exemple. Ces tableaux sont des œuvres grecques ou
alexandrines — le texte de Lucien l'indique '. 11 n'est donc pas in-
terdit de mettre au nombre des sources d'Ovide à côté des poèmes
alexandrins de Théodore, de Didymarchos, d'Antigone, de Nicandre,
de Boeo, des œuvres de peintres de la même école, car plus hardie
que la sculpture, la peinture a pu chercher sou inspiration dans
les sujets de Métamorphoses.
Les sujets de genre qui, avec les fables, entourent le tableau,
comme une série de médaillons entourent sur une muraille l'œuvre
principale, n'apportent rien de nouveau à l'étude de la décoration
romaine. Nous les avons retrouvés ailleurs, en sculpture et en pein-
ture. Il n'en est pas de même pour les fables. Ce n'est pas la première
fois que les artistes ont représenté des scènes dont les animaux
sont les acteurs, mais il nous a semblé que c'était la première fois
((ue sous le drame représenté on pouvait mettre un texte, dont
la scène est une illustration. Illustration, où cependant le souci de
la décoration, de l'effet artistique reste assez grand pour que la
vraisemlilanfe soit conservée, ce qui a pour contre-partie de per-
' Cf. plus liaut la eit:ition dr Lucien: -xs'/y.N, éerit-il, chez nous,
dans le monde grec.
110 UNE MO.SAÏQt'E DK TËBESSA
mettre rpielciues doutes pour l'interprétation rigoureuse des deux
première scènes. Nous croyons, cependant, que les rapprochements
faits au cours de cet article sans emporter la conviction, ne ren-
contrent aucune objection insurmontable. Nous savons par l'iiue
que les ouvrages des anciens étaient souvent illustrés, par un ]mo-
cédé dont l'invention est attribuée par lui à Varron '. De même
les Alexandrins avaient sans doute emprunté à l'Kffypte l'îirt de
tracer des dessins et des figures coloriées sur les manuscrits. M ne
nous déplait pas de penser à l'existence d'un recueil illustré des
failles de Balirios, i|iii aurait été un ouvrage d'éducation à la fois
et une u'uvre d'art.
Quelle que soit la solution adoptée, cette œuvre pour être moins
artistique, peut être, que d'autres ensembles trouvés en Afrique
et dont les musées de là-lias otï'rent de très lieaux exemplaires,
est très intéressante par sa composition, sa variété dans l'inspira-
tion, son originalité dans l'expression.
Elle prouve l'existence, attestée d'ailleurs par d'autres œuvres,
dont certaines récemment découvertes et encore inédites, d'un centre
d'art important dans ranti(iue Théveste et qui n'a peut-être pas
encore livré tous ses secrets.
L. Leschi.
' Pline, Hist imt.. XXX\'. p. 11.
LE MONUMENT DE SKJ'TIME «EVERE
AU FORUM BOMtlUM
Le jjL'tit monument que l:i corporation dos banquiers et celle
des marchands de bœufs élevèrent, en 204, à Sei)tinie-Sévère et à
la famille impériale, sur le Forum hoariitm ', n'a pas été, jusqu'ici,
l'objet d'une étude d'ensemble; les vieux illustrateurs d'antiquités
romaines,' Guattani *, Desgodetz ', Rubeis'', Rossini ", Canina '^, lui
ont consacré quelques pages et qnebines phuicbcs, où l'on relève sou-
vent des inexactitudes pleines de fantaisie; les topographes, Platner ',
Becker *, Jordan °, Nibby '", Huelsen ", Lanciani "^, en font brève
mention dans leurs livres ou leurs articles; les épigraphistes, Bor-
mann ", Dessau '^ se sont occupés de l'inscription qui remplit l'en-
tablement et lui ont fait place dans leurs recueils; les historiens
' On a longtemps admis que le niotiuiiient de .Septime-Sévère se trou-
vait, non pas sur le Forum boarium, mais aux envii-ons immédiats de
cette place. Nous verrons plus loin (pp. 121 si|.) ce qu'il en faut penser.
- Guattani, Mon. Ant. Ined., pp. 94 sq.
^ Desgodetz, Les édifices antiques de Home, pp. 96 sq.
* Rubeis, Veteres arcus Augustorum, pi. 20 sq.
^ Rossini, Gli archi trionfali, pi. 60 et 61.
^ Canina, Edifizi di Borna antica, pi. 253, 254 et 255.
' Platner, dans la Beschreibung der Stadt Bom, IIP, pp. 337-339.
* Becker, Haiidhuch der rôinischen Aîterthumer, I, pp. 473-474.
^ Jordan, Topographie, I-, p. 470.
'" Nibby, Borna nelVanno 1838, pars I antica, Tp^. 487-489.
" Huelsen, Il foro hoario e le sue adiaceme nelV antichità (I)iss. Ace-
Pont., s. II, t. VI, a. 1896).
'■•' Lanciani, Becenti scavi di Borna e contorni, XXXI (Bull. Inr^t., 1871.
pp. 247-249). — The ruins and excavations of ancient Bom, pp. 521 522. —
Storia degli scavi di Borna, t. III, p. 42.
'3 Bormann, .SWrarco del Foro boario {Bull. Insf., 1867, pp. 217-210).
'* Dessau, Inscriptiones selectae, n° 426.
112 LK MO.M'MKNT DE .SKITIMK SfcVl'ntK
des institutions, comme Walt/.inj? ' l'ont commentée avec énidition;
les :irchéolof!:iies •, enfin, ont étudié la riche décoration du monu-
ment pour y cliei-clier une manifestation des tendances artistiques
de l'époque sévérieune.
Mais personne — à notre connaissance — n'a étudie jiour lui-
même ce curieux petit édilice. Nous avons cru qu'il serait intéres-
sant de se livrer à ce travail et de tenter une coordination de tous
les résultats atteints dans des travaux partiels. Nous arriverons peut-
(■tre, en rapprochant les unes des autres les conclusions des érudits
cités plus haut et en y ajoutant, lorsqu'il paraîtra nécessaire, nos
hypothèses personnelles, h dissiper quelques-unes des oljscurités du
sujet.
I.
C'est à rinscription qui le couronne ^ qu'il faut demander les
premiers et les plus précis renseignements sur rorij;ine, la nature
et la destination de l'édifice. Elle est ainsi conçue:
Imp. Caes. L. Septimio Severo Pio Pertinaci Aug. Araliic. Adia-
henic. Parthic. niax. fortissimo felicissimo j Pont. Max. Trih. potest. XII
Imp. XI Cos. III Patri patriae et | Imp. Caes. M. Aurelio Antonino
Pio Felici Aug. Trib. potest. VII Cos. /// P.P. Procos. fortissimo
felicissimoque principi et \ Iuliae Aug. matri Aug. n. et castrorum
et scnatus et patriae et Imp. Caes. M. Aureli Antonini Pii Fclicis
Aug. I Parthici muximi Britannici maximi \ argentari et negotiantes
lioari liuiiis lovi qui inve/ient (sic) devoti numini eorum '.
' Waltzing. Etude historique sur les corporations professionnelles chez
les Bomuins, t. IV, p. 8.
' Strong, Boman Sculpture, pp. 300-301. Cf. aussi F. Reber, Die Ruinen
Homs, pp. 345-347.
' C. I. i,., VI, 1035. Dcssau. loc. cit.
* Tous les mots qui ne font pas partit' île la ivilaction piiniitivo sont
en italique.
AT FOKUM BOAKUM IK!
Cette inseription porte la trace de nombreuses- retouclies et pré-
sente, en outre, quelques p.irticularités remarquables:
A la date de riuscription — 204, d'après le chiffre des puis-
sances tribunitienues de Sévère et de Caraealla ' — ce dernier n'avait
été consul qu'une fois, en 202. Il revêtit son deuxième consulat en 205
Le troisième est de 211. Le quartième de 213. C'est donc entre ces
deux dernières dates qu'il convient de placer la nouvelle rédaction.
Les mots qui suivent le chiffre des consulats : P.F. Proras. fortis-
simo felicissimoque princ'tpi remplacent le nom et les titres de
Géta, qui devaient être ainsi conçus: Et P. Septimio Getae nobi-
îissimo Caesari.
Bormann ° fut le premier à noter les modifications subies par
la ligne 4: Jiilia Domna ne peut pas avoir été ([ualifiée, en 204,
Sévère et son fils aine régnant, de mater Au<j{usti) n{ostri). Ici
encore, le souvenir de Géta était rappelé par la formule: mater
Auy<i{t(storum duornm). Il peut sembler étrange que Géta, qui était
alors César, soit traité d'Auguste dans cette partie de l'inscription. En
fait, la chose était eouraute et Ton connaît des inscriptions d'Afrique où
elle ne fait aucun doute ^.
Mais Caraealla n'a pas seulement supprimé, sur l'inscription de
notre monument, tout ce qui pouvait rappeler le souvenir de son
fj'ère. Il a voulu aussi effacer la mémoire de l'épouse abhorrée que
lui avaient imposée Sévère et Plautien. Bormann a remarqué le pre-
mier que les mots fit senatus et patriae fit étaient gravés in litiira.
Nous ne reprendrons pas son argumentation, à laquelle il suffit de
se reporter. Sa conclusion, qui nous parait indiscutable, est que la
rédaction primitive portait: et Fxhiae Plaiitillde Aug. C'est, du
' La douzième puissance tribunitieniie de Sévère va du lOdèccnibre 203
au !• décembre 304, comme la septième de Caraealla.
- Les renvois à Bormann, dans tout le cours de ce paiaKiai)iie, se
réfèrent à la note parue dans le Bull. Inst., 18ti7. pp. 217-219.
■' C. /. L. VIII, 2551, 4322, 4323, 906.
Mélniiyea (VAi-ch. cl dllist. 1924. 8
111 l,K MONl'NENT \>K .SKITIMK SÈVfcKK
reste, la seule irtanièi-e (l'cx|)li(HKT la répétition au génitif du nom
et des titres de Caracalla.
Les mots Partkiei nmximi Brilannici maximi, (jui f<)rm(.'iit, à
eux seuls, la cinquième ligne, sont aussi in Utura. Borniann pro-
pose d'y substituer le nom et les titres de Plautien, dont la chute
date des premiers jours de 205 '. C'est la seule I13 potlièse admissible,
encore qu'on ne puisse préciser, comme le fait Dessau '', les titres
portés ici par le l'réfet du Prétoire.
La sixième ligne de l'inscription a été, elle aussi, remaniée et
très visiblement. Mais il ne s'agit plus, ici, d'une correction im-
posée par le gouvernement. T'e sont les dédicants eux-mêmes qui
ont jugé utile de modifier leur rédaction primitive. Aussi, convient il
de laisser, pour le moment, de côté, cette dernière ligne, dont l'im-
portance est d'un autre ordre. Mais à propos des corrections |)réeé-
dentes, un problème se pose, (|ue les éditeurs du C. 1. L.^oiit iudi(iué
sans le résoudre: à quelle épo(iiie l'iuseription de notre monument
a-t-elle été modifiée ?
En ce qui concerne la mention de (!éta. la chose ne t'ait aucun
doute: c'est certainement entre le meurtre de (îéta et le quatrième
consulat de Caracalla, c'est ;V dire entre la fin février 212 * et le
1"' janvier 213. Mais la diflîculté augmente avec les mots rempla(;ant
les noms et les titres de l'iautilla et de Plautien.
' Voir, à ce sujet, l'excellente discu.ssion de Bormann, loc cit.
' Dessau, lue. cil., renvoie le lecteur, ])(uir le titre de Plautien. à l'ins-
cription n" 456 de son recueil, où le Préfet du Prétoire est traité de
e. i\ pontificis nobilissimi pr. pr. vccexsarii Axtgg. et comitis per oinnc.'t
expcditiones enrum, titres manifestement trop longs pour l'espace à couvrir
dans notre inscription.
^ Ils s'e.vpriment ainsi: <■ l'iautillae et l'iautiani nomina utruui erasa
sint Plantiano occiso, an (pio tenipore Gelae qumiue nouien erasuui est.
non sum disputatnrus ». C. /. !.. VI, 1035.
* Dion Cassius, LXXVII, '2-:i. TTi^t. .t,«/. Vit. SV--., 21. il-7; 25. 7:
Vit. Corac, 2, 4. Hérodien, IV, 3-4.
AT FORl'M BOARirM 115
Au moment de la clmte de ce dernier, en 205. Phiiitilla avait
été exilée avec son frère dans l'île de Lipara '. Mais Caraoalla attendit
la disparition de Sévère pour ordonner le meurtre de Plautilla '. Ceci
fait supposer que le nom de Plautilla fut martelé en 211 seulement.
Sévère n";ivait pas de raisons d'en vouloir ;\ sa belle-fille et la preuve
en est que Caracalla n'acheva de satisfaire sa haine que lorsqu'il
fut vraiment le maître de l'Empire '.
Quant au nom de Plautien, il fut certainement martelé aussitôt après
la chute du Préfet du Prétoire, c'est à dire au cours de l'année 305.
On ne saurait admettre qu'il en soit allé autrement sur un édifice
situé au cipur de Rome, à l'un des endroits les plus fréquentés de
la cité. Mais, ici, une difficulté se présente: le titre de BritannicKS
maximus n'a été porté par Caracalla qu'en 210 *. Quanta celui de
Parthicus imixiiniis, il est très rare sur les inscriptions antérieures
à la mort de Sévère ". Ainsi, la cinquième ligne de l'inscription
n'a pas pu être "gravée avant 210, c'est-à-dire cinq ans après la
chute de Plautien.
La couclusioii à laquelle on aboutit est donc que notre inscription
a été l'objet de trois martelages successifs: le premier, en 205, après
la chute de Plautien, a porté sur la cinquième ligne; le deuxième,
en 211, après la mort de Sévère, sur les mots et Fulriae Pluu-
tïllae At<g.,k la quatrième ligne : le troisième, enfin, en 212, après
la mort de Géta, supprima les mots et P. Septimio Getae nobilissimo
Caesari, à la ligne 3 et la lettre ;i à la ligne 4. Quant aux mots
de remplacement, ils ont été gravés en deux fois: en 211, les mots
Parthici marhn't Britannici maximi ont été substitués à la mention
de Pl:iutien et les mots et senatus et patriae et au nom de Plautilla:
' Dion Cassius, LXXVI, R, 3. Héiodien, III, 13, 3 et IV, 6,3.
2 Dion Cassius, LXXVII, 1. 2. Héiodien. IV, 6, .3.
^ Voir, surtout, Hérodien, III, 13, 3.
* C. I. X., IX, 6010. — Eckhel. VII, l^S, 210. — Colien, Cnmmlht, 185.
^ Voir, à ce sujet, les Indices: du C. 1. L. Le tîtie de Parthicus mn/rimus
se rencontre, en revanche, assez fréciucmment, sur les monnaies.
116 I.K MONl'MKNT llK SKITIMK SflVfellB
en 212, pour remplacer le nom ilc Géta, Caracivlla n'est paré des
titre» de Cos III p. p. proios. fortissimo felicissimoque priticipi et
a substitué à la formule luatri Aiif/g.., celie-ei : iiutlri Aug. n.
11 n'est pas inutile de l'cjjlaeer dans rinKcription les mots mar-
telés, pour se faire une idée i)!us nette de son texte primitif. Telle
était donc, en 204, l'inscription de notre monument:
« Imp. Caes. L. Septimio Severo l'io Pertinaci Aug. Araltic. Adia-
benic. Parth. max. fortissimo felicissimo [ Pont. Max. Trib. poteat. XII
Imp. XI Cos. III patri patriae et | Imp. Caes. M. Aurelio Antonino
Pio Felici Aur-. Trib. potest. VU Cos. et P. Septimio Getue nobilis-
simo Caesuri cl \ Iuliae Aug. matri Aug. et castroruin et Fulriae
rimttiUae Aîkj. Imp. Caes. M. Aureli Antonini Pii Felicis Aug. I
uxori tiUae P. Fidrii PJautiani e. r | argentari et negotiantes
Imari liuius loci dcvoti iiumini cnrum ».
On remarquera qu'à la dernière ligne, le mot hjci avait, seul,
été gravé, à l'origine. Ce n'est que plus tard, à une époque évidem-
ment impossible il préciser, que les dédicants lui ont substitué les
mots loci qui iiireJien/. Nous cherclierous tout à l'Iieure les raisons
de ce cbangement. Il eonvient, tout d'abord, d'examiner avec soin
cette dernière ligne, où les dédicants se font connaître ;\ nous.
Ce sont les argentari et negotiantes hoari qui ont consacré à
Septime-Sévère et à sa famille la i)orte triomphale du Forum Boa-
rium. 11 s'agit ici, sans aucun doute, de deux corporations distinctes
qui se sont réunies pour supporter, en commun, la dépense. Le terme
d'argentari est assez vague et peut se traduire de deux manières:
ces argentiers sont, ou bien des orfèvres — et dans ce cas, ils s'ap-
pellent plus correctement f'ahri argentarii — ou des lianqniers chan-
geurs de monnaie. Il est, quelquefois, assez, difficile de décider entre
les deux '. Ici, en revanche, l'hésitation n'est pas possible. Seuls
des baïKiuiers peuvent s'être associés ;\ des marchands de Itn-ufs pour
' Voir, à ce sujet. W.iltziriL'. '>/). cil., t. IV. p. S ol les références
citées.
AIT fORt'M BOAJÎIUM 117
élever, à iViiis eoiiimuns, un momiment honorifique. Cette :i8soci:i-
tion f;iit supposer, liu reste, des relations d'affaires qui jettent un
jour curieux sur la manière dont de grands syndicats de commerçants
pourvoj-aient.eu margi' de l'Annone ', à rapprovisionnement de Rome.
Le fait que les niarcliands de bœufs dont il est question ici sont en
relations suivies avec des Ijauquiers, prouve, en effet, qu'il ne s'agit
pas, en l'espèce, de petits boutiquiers, mais bien plutôt de capita-
listes traitant les affaires eu gros.
Mais poursuivons: les banquiers et les négociants qui ont élevé
la porte d'honneur ont tenu à nous faire savoir que le centre de leurs .
affaires était le Forum hoarium, puisqu'ils ajoutent hums loci. Fuut-il
admettre que plusieurs associations, opérant dans divers endroits de
la cité, se livraient au même négoce? C'est peu probable. Depuis
l'époque républicaine, le Fonim hoarinm servait de marché aux boeufs
et notre inscription prouve seulement qu'il l'était resté, sous l'Em-
pire, au moins jusqu'au début du IIP siècle '. Seulement, le primitif
marché aux bceufs s'est transformé. Tandis qu'à l'origine on y ame-
nait le bétail, comme sur nos champs de foire rui'aux, la place, ornée
de temples superbes, toute proche du gigantesque Circus ma.rimiis,
entourée de portiques de marbre, ne pouvait plus, sous l'Empire,
servir ;'i un pareil usage ''. L'ancien marché aux bestiaux dût se
transformer alors en une bourse de la viande où riches négociants
' Nous ne disons pas: en dehors de l'Annone. Cette administration,
en effet, s'occupait de tout ce qui concernait l'approvisionneiuent de Rome,
mais plus spécialement des denrées qui faisaient l'objet de distributions
gratuites ou à prix réduit.
- Huelsen, art. Boarium Forum, dans la lîeakncyllopàdie de Pauly-
Wissowa considère, à juste titre, l'inscription de notre monument comme
une preuve que le commerce des bœufs se faisait encore au Forum Boa-
riuin, à l'époque impériale.
' On ne voit pas comment des troupeaux de bœufs auraient traversé
le centre de la cité pour arriver au Forum Boarium. On peut, il i-st vrai,
supposer que les bestiaux étaient amenés par bateaux et débarqués sur
les quais du Tibre, mais la chose est bien peu probable.
Ils LU MO.N'II.MK.NT DK SEITIMH .sfcVKRK
l't l).iiii|iiicrs se i-t'iinissuiciit, ))e»t-<;trc <]:iiis une liasili(|iii-, puiir lixcr
les ciiuis. Iji iii;in|ii:iiit ((lie le centre de leurs opératinnH se trouve
au Forum hoaritim, les iléilicauts ont donc voulu se distinguer à la
fois des maquignons, qui n'y avaient point accès et des liouciiers
détaillants, qui se rencontraient dans tous les quartiei-s de la ville.
Ce désir apparaît avec plus d'évidence encore dans la modifi-
cation qu'ils ont fait subir au texte ])riniitif, sulistituant à lori les
mots lui'i qui invehent. Cette rédaction est étrange à i)ius d'un titre.
Va d'aliui'd, la forme inrehent est un futur qui ne; se justifie guère,
(iu.iltaiij ', après Nardini, a tenté de l'expliquer de la manière sui-
vante : au moment du règlement des comptes, certains des associés
auraient refusé de contriliuer au payement des frais de la construction.
Alors, la corporation aurait déridé, (|uc ceux-là seuls pouriaient im-
porter, désormais, qui auraient payé leur (|Uotc-])art. L'emploi du futur
se trouverait ainsi (>xpliqué. Néanmoins, l'hypothèse n'est guère sa-
tisfaisante. On ne voit pas comment une cor])oration aurait pu inter-
dire le commei'ce :i quelques-uns de ses membres. Les collèges pro-
fessionnels n'avaient pas, ;ï Rome, surtout au déliut du 111" siècle,
le pouvoir absolu sur leurs membres qu'ils devaient acquérir plus
tard, au Bas Kmpire et au Moyen Age ■. C'étaient plutôt des sociétés
de secours mutuels, autorisées et contrôlées par les pouvoirs publics.
Nous pensons qu'il faut tenir inrehent \w\\v une erreur du lapicide.
La bonne rédaction devait être inrehunt. L'intention des dédicants
n'en apparaît pas moins fort claire. La mention du lieu ne sulMsant
pas à les distinguer des bouchers, les négociants du Forum hoarium
ont voulu marquer, sans aucun douti' possible, que le commerce
auquel ils se livrent n'est pas un commerce de détail, mais uu com-
merce de gros. Ce sout des « importateurs », c:ir le verbe inrehere
ne saurait siguitier ici autre chose qu'importer ^. VA il n'y a rien
' Guattani, o^j. cit., pp. 30-3'2.
2 Waltzing, op. cit., t. I, pp. 181-195.
3 Cf. l'Iiuc, Histoire Naturelle, XVIII, 17, 45; 33, 33. X.KI.K. 1, S.
Al' FOmiM BOARIUM 110
(l"(''tonii.int ;'i ce (|IK' Ips fcmmisiseiirs fie vi;in(lc de l;i <irM)i(lc ville
et les liMiiqiiicrs (|iii scuit liiiis liaillciirs de fonds fassent leurs af-
faires au Forum hodritiw. C'est la région où se eoncentrent les
principaux services d'approvisionnement de la capitale '.
La sMio nnnonae se trouvait, en effet, aux temps réinildicains,
sur la place actuelle délia Bocca délia Verità. Sous Claude, elle fut
transférée au porticus Minncia, sur le Forum Jiolitorium, voisin du
Forum hoarium. Le Bas-Empire devait la ramener à son empla-
cement primitif et il se peut que certains bureaux de TAnnone y
soient toujours restés '. Sans doute, il n'a jamais été fait à Rome
de distributions gratuites ou A prix réduit de viande de brenf. Il est
pourtant difficile d'admettre que l'administration de l'Annone ait
pu négliger complètement le eorameree de la viande. Kn fait, un texte
juridique va nous prouver la sollicitude du gouvernement, à l'époque
de Sévère, pour tout ce qui touchait à l'approvisionnement de la capi-
tale. Du même coup, il nous permettra de soupçonner quelques-unes
des raisons pour lesquelles les banquiers et les importateurs de bœufs
du Forum hoarium ont cru devoir honorer la famille impériale d'une
façon si particulière.
Nous lisons, aux Fraf/menfd Vaticana. 236, ceci:
« Ulpiauus. Sed et qui in furo suario negotiantur. si duabus
bonorum annonam juvent, habcnt excusationom litteris allatis
[a praefecto] urbis testimonialibus negotiatoris ; ut imperator noster
(Caracalln) et divus Severus Man[ilio] Cereali rescripserunt ; quo
rescrîpto declaratur, ante eos non habuisse immunitatem. sed nune
eis dari eam, ([iiae data est his, qui annonam populi Romani ju-
vant ».
' On ignore l'emplacement du Forum Siiarium. Le Forum lioUtorium
confinait au Forum Boarium.
^ ^'oil^ sur tout ceci, Piganiol, I^es origines du Forum boarium, dans
les Mélanges de V Ecole fhinçaise de linmr, t. XXIX. 1909, pp. 10:î-144,
et particulièrement pp. 121-122.
120 LK MONII.MUNT DK SKI'TIMK SKVKItp;
Sans (loiit(!, il n'est pas question, ici, des importatenrs de Im-nfi'
et nous sommes oMi^'és de raisonner par analogie. Il est, ponrtant,
liien peu ])i-(il).ililc. i|iie la sollicitude du fçouvernement se soit limitée
aux négociants liii niarelié aux cochons. Mais le principal intérêt
de ce fragment n'est pas là. Ce qu'il nous prouve, c'est que les
commerçants en denrées alimentaires, et particulièrement ceux qui
importaient, étaient considérés comme liés au service de l'Annone,
niême lorsque les matières dont ils faisaient commerce ne figuraient
l)as dans les distriliutions gratuites. On sait, en effet, (ju'il y eut
seulement à partir du règne d'Aurélien des distributions régulières
de viande de jiorc '.11 n'est donc pas téméraire de penser que nos
marchands de lueufs sont compris parmi ceux qui annonam pojmli
Itomani jurunl. Leur présence an Fonnii hunrium ne fait que con-
firmer cette liypothèse. Et c'est peut-être pour reconnaître une fa-
veur semblable à celle que le reserit accorde aux marcliands de
cochons que fut élevé notre moniuiicnt.
Ceci n'est, du reste, qu'une hypothèse et il faut bien avouer
que nous ignorons les motifs précis de la reconnaissance témoignée
à la famille impériale, d'une façon si éclatante, par les banquiers
et les marchands de bceufs du Forum hotiriiim. Mais il nous est
liien permis de voir dans ce monument une iireuve, et de la bonne
administration de Sévère, et du loyalisme dynastique dont firent
preuve, au cours de son règne, les classes moyennes de la société
romaine ^. Il témoigne de la prospérité renaissante de l'Hnipire
' Homo, Essai sur la vie et le rèyne de T Empereur Aurélicn. p. 17!i.
' En province, suitont en Afri(|ue et en Orient, de tels témoignages
sont innoiubraliles. [1 n'était pourtant pas inutile, selon nous, de mettre
en relief un témoignage provenant de la capitale, où la popularité de
Sévère, en raison de ses origines seiui-barbares, aurait pu être moins grande.
Les textes qui nous racontent l'entrée de Sévère à Rome, en l!>;}(7/i»7. Aiig.
Vit. Sev., 7,2-5; Dion Cassiiis, LXXIV, 2, 2-3; Mérodien, II, 14, 3), prouvent
qu'en fait, au début du règne, il y eut une espèce de méfiance entre l'eni-
perenr africain et la population de Rome. Notre monument prouve (pie la
situation avait coniplèteiueut changé, dix ans plus tard.
AT FORll.M noAUIIM IL'l
uprès la i)ûriode de mollesse et d'incertitudes que fut le Principat
de Commode et les douloureuses années de guerre civile qui assu-
rèrent le pouvoir à Sévère. Il prouve que l'Empereur africain, s'il
n'iiésita pas ;'i violer maintes traditions respectables, s'attirant ainsi
la haine de l'aristocratie sénatoriale, eut à creur de restaurer, non
seulement la beauté, mais aussi la pi-ospérité de la capitale. A ce
titre, notre inscription a sa place à côté des monnaies si nombreuses,
dont les légendes ennsi)ireut à nous montrer, dans le règne de Sé-
vère, une continuation ou plutôt une résurrection du siècle |iacifiqne
et prospère des Anton ins '.
II.
P. ftraef '" a cherché de rai.sons plus précises à la reconnais-
sance des commerçants envers Sévère et la famille impériale: ils
auraient voulu remercier l'empereur d'avoir embelli leur Forum,
en élevant à l'entrée l'arc voisin, le Janus Quiulrifrons. Celui-ci
est, en réalité, de liien plus basse époque '. Mais, puisqu'il est gé-
néralement admis que le Janus formait l'entrée du Forum, une
question se pose: Quelle était donc la position de notre porte d'hon-
neur, p.ir rapport à la grande place?
Les problèmes de topographie que soulève le Forum hoarium
ont donnée lieu à une littérature assez abondante \ Mais les érudits
' Voir là-dessus Cohen, Description hir^ioriqne des moniuiies frappées
sous l'Empire romain, t. IV.
- P. Graef, dans les Denkmaler der klassischen Altertums, de Bau-
meister, t. IIl, art. Triumph- und Ehrenhogen. p. 1880, S 20 et 21.
^ Nous n'avons pas TiGtention d'aborder ici le probb''iiic obsciif de
la date du Janus. Mais les fragments d'éditices antéiieius (|iie l'on a re-
trouvés dans ses piliers massifs suffisent à démontrer (pi'il est bien pos-
tériem- à l'époque de Sévère.
* Voir, surtout, la dissertation d'Huelsen et l'article de Piganiol, déjà
cités. En outre, tous les topographes se sont pbis ou moins occupés de la
question, et en particulier .lordan, op. cit., I, 2, pp. 474-487 ; Lanciani, Buins
and Exenixitions, pp. 51b sq. ; Jordan-Huelsen, Topographie. I, 3, p. 143.
122 I,K MONUMENT 1)K SKITIME SÉVÈKE
qui s'en sont ofciipcR n'ont pa» sonj^é, aiit:int que nous wicliioiiH, à
se servir de notre mununient eomme d'un point de repère, pour
lixer rcxtciisiciii ilc Vtirni dn Fiiniiii. I/iiiscrijition que nous ve-
L:i partie li;icliiin'e rc|]irsêiitr le» luodilicatiiins sid)ies ]);ir Varea du
Farum Imurium entre le début du 111*^ siècle et le délml du IV''.
liiiiis d'étudier est, imuft.int, liieii eiaire: la ])iii-te d'iioiiiieiir s'éle-
vail à l'entrée du Forum. (>n ne saurait explii|tier autrement les
mots liiiiiis lori. Mais alors, eomment le Jnrms aurait-il pu se trouver,
lui aussi, en burdiiic de la place t Les deux monuments ne sont \r.\»
tout à fait orientes d(^ la même i'aeon et si le Fontin hutiri/ini eoni-
menee au Juiius, la porte d'honneur des haïuiiiiers et des marcliaiids
de lioMifs n'est pas sur le Forum, luais le long d'une rue avoisinante
(voir le ])lan ci dessus). II n'y a qu'une manière, à notre avis, de
sortir de ditlieulté: sup])oser que Vnrm n'a pas toujours eu la même
superlieie et que ses contours ont varié, notamment, entre le dél)ut
du Iir' siècle, époque de notre monument et le IV' où fut construit
le Janus.
AT KORtIM BOARIIM 12:5
11 r.nit {r.ilmnl se rappeler les grandes lignes de la topogi'a-
liliie aiiti(|ne dans la région située entre le Forum boarittm, d'une
part et le Forum Romain et le Palatin, d'autre part. Le Virus
Tuscns déboueliait du Forum Romain entre la basilique .Iulia et
le Temple de Castor, pour aboutir à l'angle Nord-Onest du Cirrus
nuuimus, après avoir longé le tianc Ouest du Palatin '. A l'angle
des rues actuelles de San Teodoro et du Vélabre. le Cîirus Vic-
toriae rejoignait le Virus Ttisrtis. De l;'i se détachait une voie qui,
à travers le Vélabre, suivant la direction de l'actuelle rue du Vé-
labre, aboutissait au Forum hottrium. C'est elle qui traversait le
Janus, de la face Est à la face Ouest. Du Forum romain au Fo-
rum holilorium. sur le flanc sud du Capitole, s'étendait le Virus
Jwjarius. Ue là se détadiait, sans doute, vers le Forum bourinm,
une rue qui passait sous les arcades Nord et Suil du Janus '.
Notre monument devait s'élever à l'entrée d'une rue sensiblement
parallèle '.
' Tontes les indications topographiques contenues dans le paragrajjhe
ont été empruntées à la Forma urhis Homae de M. Lanciani.
- Dans toute cette description, nous paraissons nous écarter assez
sensiblement île l'opinion de Sarti {Note nstiyraticlie. dans YArchivio di
Stona patria. t. IX, pp. 495-496), suivant lequel seule la face Ouest
du .AajiK.s aurait été en bordure du Forum boarium. Notre hypothèse,
semble impliquer, en effet, (pie la face méridional^ du Janus donnait, elle
aussi, sur la place. Comment expli(|iiei-, dés lors, pouniuoi cette face est
moins ornée (pie celles qui regardent l'Est et l'Ouest V Pour sortir de la
ditficultê, il siirtit d'admettre qu'à lépoiiue où l'on construisit le Janus
la liinite orientale de la place passait par la face Ouest du monument.
Les trois autres côtés étaient entourés par le flot des maisons. Ainsi, la
remarque de Sarti sur l'inégale ornementation des faces du Janus vien-
drait confirmer l'Iiypothèse que nous exposons plus bas: « E poichè nieno
ornate furono le due faccie di mezzodi e tiamontana, pnô ragionevol-
uiente dedursene che gnardassero sopra due vie, le quali, passando qnivi
lungo i lati méridionale e boréale dcH'arco, venissero a fiir capo nel foro
boario » .
^ Dans l'état actuel de nos connaissances en matière de topogra-
phie romaine, il n'est pas possible d'identifier la rue. certainement très
étroite, qui débouchait sur le Forum hourium par notre porte d'honneur.
l?l I,K M0N'IMP;NT I)K SKITIMK SfcVKKK
Des expliciitioiiR que nous venons de donner, il reHsort, en tout
fiiis, qu'au IV" siècle, la porte d'honneur était située, non |)a8
sur le Forum liouriitm, mais sur une rue Joij^iant le Vicus Tu-
sriis au Janus. Pour justifier les ternies de l'inseription, il faut
dune sii|)|K)ser iiirciitre le déliut du III'' siècle et le déliut du
IV', Vnrea du Forum a été légèrement réduite du côté du Vé-
lalire. A l'époque où l'on construisit notre édifice, les limites de-
la place étaient, sans doute, les suivantes: 1 " une li;rne joignant
l'angle Nord-Ouest du Circus marimus au carrefour du Virus Tu-
scHS et du Clirus Victoriae formait le côté occidental du Forum;
2" Au nord, la limite, dirigée de l'Est à l'Ouest, gagnait directe-
ment le Tjliri'. à partir du même carrefour. C'est sur cette ligne
qu'au déljouclié d'uni' ruelle venant du Virus Jufiarius, se dres-
sait la porte d'honneur.
liCs ihoses avaient, sans doute, complètement changé au IV'
siècle. Tout le tei'rain compris entre les pentes du r.ilatin et le
Jonits avait été envahi par des constructions nouvelles. De jirime
.ihord, il semide malaisé de justifier pareille hypothèse. On sait,
en effet, que le III" siècle fut une époque de troubles graves,
peu favorable au développement urbain. Mais les gouvernements
faillies de cette jiériode durent laisser toinlier en désuétude les rè-
gles d'édilité ([ui fixaient rextension des places iinl)li(|nes '. l",t puis.
On pourrait songer an Viciits Ciiniirius, cité à plusieurs reiirises dans les
Actci Scuictomm ((! août, p. 141; 10 août, p. .")18; 25 août, p. 115). Mais
les indications sont trop vagues pour nous permettre iiième un essai d'iden-
tification. Tout ce ([ue nous savons, c'est (|ue le Vicus Candiiiai passait
près de Saint-Georges-au-Vélabie: Vicus: Canariius ad S. (ieorgium. Sur
tout ceci, cf. Dnchesne, I.ihcr jiontificaUs, t. II, p. 41, note (il.
' On a précisément découvert, en 171H, à 200 m. au Sud-Kst clc
Sainte-Marie-in-Cosmedin, un cippe qui nianpie, vers le Sud. la limite
du Forum hoarium (('. 1. L., VI, 919). Un cippe semblable fut mis au
jour entre l'église de .'^ainte-Marie-in-Cosmedin et la maison des Sanirs
de Saint-Viiicent-de-Paul (C. 7. i., VI, 31.=i74) en 1886. L'inscription est
ainsi con(;ue: L. Asprentis, M. Caeciliua Coniutus. L. Vohisetius Catulus.
P. T.iriiiitis Stolo, C. Pontius Paeligntm curatores locorum ptiblicorum iu-
AV FORUM BOARllM 125
dans la seconde moitié du siècle, un fait nouveau s'est produit: la
construction de la muraille d'Aurélien. Sans doute, pour limiter la
dépense, Aurélien s'est il attaché à utiliser autant que possilde les
terrains du domaine pul)lic. Mais il n"a pas pu le faire toujours :
de noraljreuses maisons de rapport, dans les quartiers populeux,
comme celui du Traustévère, tout proche du Forum hoarium, fu-
rent, sans doute, rendues inhabitables '. Les locataires qui les oc-
cupaient auront cherché ailleurs des espaces libres. Enfin, la cons-
truction de la muraille, en rejetant hors du périmètre urbain les
quartiers excentriques, entraina prol>ablement un afflux de la po-
pulation à l'intérieur de l'enceinte fortifiée. En fait, dans tout l'Em-
pire, la construction des enceintes défensives aboutit à un resserre-
ment des populations urbaines, de sorte que leur densité put aug-
menter, tandis que l'Empire, au total, se dépeuplait '. Tout ceci,
à coup sûr, est loin de présenter une certitude absolue, mais nous
avons cru qu'il n'était pas inutile de formuler une hypothèse nou-
velle sur les limites orientales de ce Forum boarium, dont l'im-
portance fut si grande dans la vie de la cité impériale.
dicamlorum ex s{enatus) c[onsnlto) e.r privato in puhlicw» redigerunt. Nous
voyons là quel souci eurent les empereurs des premiers siècles d'empê-
cher les occupations injustes de sol public par des particuliers. Cf. Hnel-
sen, art. cit., pp. 272-27.3. Que de telles règles d'édilité n'aient pu être
appliquées dans le dernier ipiart du III'' siècle, il n'est pas pos.sihle de
le prouver, lu.iis la faiblesse des gouvernements de cette époque rend la
chose tout à fait vraisemblable.
' Sur la muraille d'Aurélien, cf. Homo, op. cit.. pp. 210-.30ti.
' Tous les textes sont d'accord sur les deux phénomènes: le dépeu-
plement général de l'Empii-e et l'espace de plus en plus étroit occupé par
les villes resserrées entre leurs nouvelles murailles. Elles prennent, dès
lors, presque partout, la physionomie ([u'elles conserveront pendant le
moyen-âge.
126 l,B MO.M'MKN'I' llK SEITIMK .SKVfcRK
III.
On a roufume df désigner sous le nom iVArr dis Orfèvres le
iiionumciit de Si-ptime-Sév^re au Forum honrimii. Le terme d'or-
ferres constitue iiii l'iiux-seiis. nous ruvoiis vu. Celui iVurr ne con-
vient pas davanta^'e: il ne s'agit pas d'un arc, mais d'une })or/e
d'honneur. Et M. Ourtis ', h juste titre, ne fait pas figurer notre
monument dans son catalogue des arcs romains. De fait, aucun de
ses éléments architecturaux n'est en plein cintre; par \k. il se dis-
tingue de tous les édifices de même nature ".
La porte d'honneur de Septime-Sévère comporte deux piliers
massifs rectangulaires, que surplomble un entalileraent horizontal.
Les dimensions de l'ensemble sont assez réduites: l'ouvc^rture entre
les i)iliers est de :J m. 12: la largeur totale du monument était
de ti m. l'y ; la largeur actuelle, i\ partir du mur de Saint-Georges-
au-Vélabre, est de 5 m. 05 euviron : l'édifice a 4 m. 78 de hau-
teur sous l'entablement : 5 m. 95 de hauteur totale '.
Notre monument est construit en marbre blanc ; seules, les ba
ses des piliers sont eu travertin. La plus grande partie du pilier
Est est engagée dans le campanile de Saint-Gcorges-au-Vélabre. En
février 1871, le mur de Saint-Georges fut en partie démoli; on
espérait découvrir ainsi quelques-uns des reliefs disparus. En réa-
lité, seul le jiliis petit et le moins intéressant de ces reliefs sub-
' Ciirtis, liiimnn monumental arches, dans les Supplementanj pa/jeers
of the American School of Classical Studies in Kom, vol. 2, 190.S, p. 70,
note 4.
' Les arcs à une seule ouverture sont innombrables. Ils appartien-
nent à toutes les époipies do l'Empire et sont ré])andus dans toutes les
parties de l'ancien monde romain. Tous sont en plein cintre.
^ Les mesures que nous doiiiious ici sont tirées de l'ouvrage de Des-
godetz, loc. cit., aussi exact, à ce point de vue. ipi'i! l'est peu dans ses
reproductions de bas-reliefs.
Ali KORl'M ROARUTM 127
aistait encore. M. Lanciani :i niodiité coninifiit les autres seulptures
avaient été détrnites '.
L'état (le conservation de la porte d'honneur est fort impar-
fait. Les bas-reliefs de la face Nord ont presque entièrement dis-
paru. Ceux de la face Sud sont fort endommagés et il n'est pas
de partie du monument qui n'ait subi, peu ou beaucoup, les injures
du temps et des hommes. Malgré ces déf^radations, l'édifice n'a rien
perdu de son caractère de richesse un peu prétentieuse.
Et, de fait, si, en traduisant argenfarii par orfèvres, les ar-
chéologues qui ont baptisé notre monument n'avaient eu d'autre in-
tention que de manifester l'impression qu'il produit ;\ première
vue, ils n'auraient pu être mieux inspirés. U" Arc des Orfèvres est
une œuvre d'orfèvrerie, où le sculpteur n'a rien négligé de ce que
son ciseau pouvait embellir. L'architecture du monument est, d'ail
leurs, fort simple, dans ses lignes générales: les piliers sont ornés,
sur chacune de leurs quatre faces, par deux pilastres surmontés de
chapiteaux composites. Au dessus, l'entablement est constitué par
une architrave et une frise assez simples, que domine une corniche
' Lanciani. Becenti scari di Roma e contorni, XXXI, dans le Bull.
Inst., 1871, pp. 248-249. Voici le récit des événements, d'après les mé-
moires de Flaniinio Vacca, 103, reproduits par Lanciani, loc. cit. : « Al
tempo di Pio IV capitô in Roma un Goto con un libre anticliissiuio, nel
quale si trattava d'un tesoro, con il segno «l'un serpe, ed una figuretta
di bassorilievo che da un lato teneva una cornucopia, e dallaltro ac-
cennava col dito verso terra. Tanto cerco il diligente Goto, che trovô li
suddetti segni in un fiaiico di un arco; c andato dal Papa, gli domando
licenza di cavarc il tesoro, il (piale disse vhc a|)partcneva ai lîomani:
ed esso andato dal popolo, ottenne giazia di cavarlo, e couiinciato nol
detto fianco dell'arco, a forza di scarpello entré deiitro e fece corne una
porta, e quanrto si trovava a niezzo del fianco voleva poi calarsi gii'i a
piombo... Ma il popolo Roniano dubitando non ruinasse l'aico. i- inso
spettiti délia malvagifà del Goto... si sollevarono contro di lui, il (piale
ebbe grazia di andarscne via: e fu tralasciata l'opéra. Ancora vi sta la
bucca che vi fece il scarpellino. lo non vi vedo altro rilievo fuori di
quello accennato; e non v'è diibliio cht' (piflli segni furono fatti c scol-
piti da chi fece l'arec > .
128 LE MONI'.MKNT l>K SKITI.MK SfcVÉKK
rifliemeiit oriK'iufiitée. Riitir les pilastres et Ich chapiteaux, dans
la liaiiteur de l'entalileiiient, s'inscrivent de nomlireux lias-relief».
LVnscmlile ne niannnc pan d'iiTic certaine élégance et l'impreRsiun
est rendue plus forte eiicorc par le voisinage du Jatnis. aux formes
lourdes et massives.
Une description détaillé des reliefs peut sembler inutile. Ton», en
effet, sont bien connus et catalogués dans le répertoire deS. Rei-
iiaeli '. tiiielques-uns, pourtant, sont restés mystérieux et nous es-
sayerons, en les étudiant avec ([uelques détails, d'en préciser la
signification. Les autres ne doivent pas, non plus, être laissés de
coté, soit qu'ils nous offrent des représentations précieuses d'objets
cultuels, de scènes religieuses, d'enseignes militaires, d'armes bar-
bares, soit qu'ils nous montrent des soldats romains conduisant des
prisonniers Partlies. L'ornementation, enfin, mérite d'être étudiée
pour ce qu'elle nous permet d'ajiprendre sur les tendances artisti-
ques au dèlnit du IIP .siècle.
La décoration des diverses faces du monument semble avoir
présenté une certaine unité. Aussi convient il d'étudier ensemble,
dans un premier groupe, les sujets des faces intérieures, qui sont
essentiellement religieux ; à ce groupe, nous joindrons les bas-re-
liefs inférieurs, qui semblent former une suite et se rattachent net-
tement aux scènes religieuses. Les sujets de la face Ouest, sou-
' S. Keinach, Ttépeiinire de bas-reliefs grecs et romains. I, pp. 271-272.
Pour suivie les descriptions (jue nous allons faire, le lecteur vomira liien
se reporter à ce recueil. Il tant noter, toutefois, que .M. .'>. Keinacli n'a
pas dressé les dessins de son répertoire d'après l'original, mais li'après
les planelies de lîubeis, op. cil. Aussi son ouvrage contient-il un certain
nombre deneurs de détail que nous relèverons au fur et à mesure dans
des notes. Enfin, il y a quelques omissions^: 1" Le bas relief représentant
une scène de sacrifice au-dessous du panneau de Caracalla; 2° Le Bac-
chiis, à droite de l'inscription, est simplement restitué — à l'époque de
Rubeis, il était engagé dans le mur de Saint-Georges-au-Vélabre. — On
trouve encore de boimes reproductions de la face Sud et du panneau
représentant Sévère, et Jiilia Domna dans le recueil de l'. (iusuian. L'art
décoratif de Borne, t. IH, pi. 1.59 et 160.
AU FORUM HoARIUM 129
veuirs des triomphes militaires, forment un deuxième groupe. Enfin,
nous mettrons à part le grand bus-relief de la face Nord, le plus
énigmatique de tous.
Le grand bas-relief que l'on aperçoit à l'intérieur de la porte,
à droite, représente Septime-Sévère et Julia Domna sacrifiant. Une
observation s'impose, à première vue : le groupe formé par l'em-
pereur et l'impératrice ue i-emplit pas tout le champ libre. M. S. Rei-
nach ' suppose qu'à gauche de.Iulia Domna se trouvait un troisième
personnage, dont l'effigie a été martelée. L'examen du monument
nous a conduit à une conclusion analogue. Quel pouvait donc être
le personnage ainsi effacé? Remarquons d'abord qu'il y a, relative-
ment, très peu d'espace libre entre Julia Domna et la liordure de
rais de C(eur qui entoure le bas-relief. Uu examen ])lus attentif
montre, pourtant, que la robe de l'impératrice a été fort élargie
dans le bas, du côté de l'effigie martelée. 11 semble qu'on ait voulu
dissimuler, autant que possible, le vide ainsi créé. Enfin, au-dessus
de l'épaule gauche de Julia, on aper(;oit un caducée fort bien con-
servé, qui semble appartenir ;'i un personnage aujourd'hui invisible,
dont le bras droit, possédant l'attriliut, aurait été dissimulé der-
rière le dos de l'impératrice.
Il faut donc penser, pour compléter notre groupe, à une di-
vinité caractérisée par le caducée. L'hypothèse de Mercure, la plus
naturelle, au premier abord, ne saurait être retenue. On ne s'expli-
querait pas les raisons pour lesquelles l'crtigie du Mercure aurait été
martelée. Parmi les abstractions personnifiées, si fréquentes dans la
mythologie romaine, Par, Victoria^ et Felic/tas portent quelquefois un
caducée. Il est fort peu probable que la l'aix ait eu sa place sur un
monument où sont glorifiés, par ailleurs, des triomphes militaires ■.
On aurait, en revanche, de bonnes raisons de reconnaître, auprès
de Julia Domna, une Victoire, si le caducée n'était un attribut timt
' S. Reinacli, op. cit., p. 272.
- Telle est, pourtant, rbvpotliesc de Kubcis, lue. cit., ii\. 21, commentaire.
Métnmieii iVAixh. ut d'Hist. 19-2-1. 9
130 LK MONt'MKNT UK SEITIMK SKVKKK
î\ fait exceptionnel de cette dée!*se. Reste la Félicité: sa place est
toute indiquée sur un édifice consacré au bonheur de la famille
impériale et qui témoi^'ne, tout entier, de la prospérité dont jouis-
sait Rome sous le règne de Sévère. Enfin, les représentations de
la Félicité au caducée sont innombrables sur les monnaies impé-
riales et notamment sur celles de Septime Sévère et de sa famille '.
On peut donc admettre que le groupe de Sévèi-e et de Julia Uomaa
était complété par une Félicité au caducée.
Mais pourquoi donc cette Félicité a-t-elle été, par la .suite, en-
tièrement effacée, au point qu'il ne reste plus d'elle que son ca-
ducée! L'inscription du monument, qui porte, elle aussi, nous l'avons
vu, la trace de nombreuses ratures, va peut être nous fournir l'expli-
catiuu de cette étrangeté. Observons d'abord que, des cinq person-
nages auxquels le monument fut dédié", trois seulement ont subsisté
sur les bas-reliefs: Septime-Sévère, Caracalla et Julia Domna. Le
quatrième, Géta, figurait, comme on le verra bientôt, sur le pan-
neau qui fait face à celui que nous étudions. Seule Plautilla n'au-
rait doue pas eu sa place sur les tableaux de l'intérieur du mo-
nument, où les dédicants paraissent avoir voulu représenter toute
la famille impériale. L'oubli serait étrange et il apparaît que l'ef-
figie de Plautilla, si elle a jamais figuré sur nos bas-reliefs, en a
été effacée, à l'époque même où l'on martela son nom sur l'inscri-
ption. C'est donc bien elle qui se trouverait à la gauche de Julia
Domna. Et le caducée, seul vestige que la haine de son mari ait
laissé .subsiter d'elle, fait supposer que la jeune femme fut représentée
sous les attributs de la Félicité. De fait, en 204, son mariage remon-
tait à deux aus ;\ peine '. Des sujets soumis devaient considérer
' Los monnaies de ce type sont troj) iioinbieuses pour qu'il soit pos-
sible de les énuraérer. Voir Cohen, oi). cit., t. IV.
' Septirae-Sévère, Caracalla, Géta, Julia Domna et Plautilla.
■• C'est en 202, en effet, que Caracalla avait éponsc Plautilla (Dion.
LXXVl. 1, 2).
AU FORIM BOARItlM 131
la fille de Plantien comme l'espoir et le bonheur de la dynastie.
Us devaient ignorer les dissentiments par lesquels le jeune mé-
nage était déjà troublé. Cette représentation de Plautilla en Féli-
cité méritait d'être signalée. Elle doit être rapprochée des effigies
monétaires de la jeune impératrice '.
Les portraits de Sévère et de Julia Domna, bien qu'ils n'of-
frent aucune difficulté d'interprétation, sont tout de même intéres-
sants au point de vue iconograpliiciue. L'empereur est représenté
la tète couverte d'un pau de sa toge, à la manière des prêtres ro-
mains sacrifiant. On ne le reconnaît qu'aux trois boucles de che-
veux qui tombent sur son front. On retrouve ces boucles sur tous
les portraits de Sévère, à l'avers des médailles, comme sur les bustes
et les bas-reliefs '. En dehors de cela, l'attitude fatiguée, voire un
peu affaissée de l'Empereur, caractérise seule notre portrait. Le
sculpteur a dû faire un effort de réalisme, mais sa main a trahi
ses intentions. Il n'a pas réussi à faire une figure vraiment vivante,
vigoureusement individualisée. En somme, sans les boucles de che-
veux caractéristiques et si le monument n'était pas daté, on songerait
plutôt, devant ce bas relief, à l'un des derniers Antonins qu'à Septime-
Sévère.
Julia Domna "", placée an centre de la composition, est repré-
sentée de face. Elle parait plus grande que son mari. Sa tête est
ornée d'un diadème recouvert d'un voile qui descend régulièrement
sur les deux épaules. Sa chevelure ondulée, séparée en deux niasses
par une raie qui part du milieu du front, entoure la figure d'une
auréole très régulière : on retrouve cette coiffure sur les monnaies
et dans les bustes *. Sa main droite, levée, semble répandre des
' On en trouve un relevé fort complet dans l'article de Stein (Pauly-
Wissowa's Realencyklojjddie, t. VII', col. •28Ô-2S1.
^ Bernouilli, Uomische Ikonogrnphit, IP, p. 22.
' Dans Reinach, loc. cit., Julia est représentée la uiaiii droite ouverte
et levée.
* Voir, notamment, le buste de Gnbii, au Louvre.
l')2 LE .Mf)Ni:MENT I)K SKITIME SKVfiRE
grains d'encens. On apen.-oit un morceau du Itras droit brisé au
dessous du coude. L'autre main, inerte, pend gauchement sur la
lianriic. On a l'impression qu'elle a été ajoutée après coup, sans
aiu'un souci des proportions, pour masquer le vide créé i)ar la dis-
parition (le l'efligie de Plaiitilla. On sent, d'ailleurs, le même souci
de réalisme que nous signalions tout à l'iieure, à ])ropos du |)or-
trait de Sévère: Jiilia Domna n'est pas Hattée. On dirait une femme
déjà âgée, dont les traits s'empâtent '. La figure est sans expres-
sion et le sculpteur n'a réussi qu'à lui donner une dignité assez
vulgaire. Le seul trait vraiment significatif est la coujje sémitique de
la physionomie, qui rappelle étrangement celle de la déesse syrienne.
L'ensemble de la composition est é(|Mililiré de la manière sui-
vante: au centre, en relief peu accusé, .lulia Domna, de face, do-
minant plus ou moins les deux auti'es personnages: à droite et à
gauche, Sévère et Plautilla, vus de trois quarts et en relief beau
coup plus accusé. Les parties les jilus saillantes sont, en général,
mutilées.
Le tableau de gauche représente une auti-e scène de sacrifice,
offert, celui-ci, par Caracalla et Géta. L'efiigie de ce dernier a été
martelée, mais la place qu'il occupait est parfaitement visible. Ca-
racalla est debout, auprès d'nn trépied sur la tablette duquel se
trouvent un certain nombre de fruits, parmi lesquels on distingue
une pomme de pin. A l'époque où notre bas-relief le représente,
Caracalla, né en 188 ', a seize ans. Il serait cuiieux de pouvoir
connaître autrement que par des effigies monétaires trop souvent
idéalisées ou grossières, les traits du jeune prince en 204. Seize
' .lulia Domna, née h Knièse à une éiiocpie impossililo à préciser,
était certainement beaucoup plus jeune (pie son mari, et n'avait guère
plus de trente-cinq ans, en 204, puisque son mariage date de 187.
^ La date de la naissance de Caracalla (186 ou 188) est extrcnie-
nient controversée. Sans entrer, pour le moment, dans la discussion, nous
admettons celle de 188, et celle de )87 pour le mariage entre Sévère et
.Julia Domna.
Af FIIRfM BOARHÎM 133
ans, c'est làge où l'iiorame l'affirme, déjà, sous radolescent. Kt de
fait, le caractère et les passions de Caracalla ont. en 204, la même
violence qu'ils conserveront jusqu'à la tin. 11 y a deux ans que
son père a cru devoir le marier. M.iis ce uiariiige politique, qui
aurait pu avoir de lions résultats, si Caracalla eut été assez sonmis
pour .s'y résigner, ne produira, après trois ans de déchirements fé-
roces, que le meurtre tragique de Plautien et Texil de Plautilla '.
Kt bientôt l'Empereur va .se voir contraint, par l'indi-^cipline de
ses fils, à chercher loin de Rome, dans les landes de Bretagne, un
glorienx emploi à leure passions sans frein '. Tout cela, on aimerait
à le deviner sur notre bas-relief. On aimerait à rapprocher cette
effigie du buste admirable de Berlin, que semble habiter l'âme sau-
vage et vigoureuse de Caracalla '. Mais les mutilations du relief
et aussi la médiocrité du sculpteur ne nous laissent rien voir de
tel. Le seul trait individuel est l'épaisseur caractéristique du cou.
L'ensemble se signale par les mêmes gaucheries d'attitudes, les
mêmes faiblesses de dessin, que nous avons déjà notées dans le
bas-relief précédent.
Au-dessous des deux grands sujets que nous venons d'étudier,
régnent des bandes ornementales qui, toutes deux, représentent une
série d'instruments de sacrifice \ Ces lias reliefs sont assez bien con-
servés et on reconnaît facilement les objets. Ce sont: un lHuus au-
gurai, un praefericulum ; une patère ornée de feuilles d'acanthe :
un bonnet de flamine, richement brodé et surmonté de Vape.r: nu
asperyiUum ou aspersoir: un slmpuliim ou simpuvium, sorte de
vase à manche, destiné à puiser dans les récipients d'eau lustrale;
' Ce n'est point ici le lieu de raconter cette tragédie de palais, mais
il est certain que le mariage de Caracalla avec Plautilla fut une des
causes principales de la chute du Préfet du Prétoire.
- Hérodien, III, 14, 2: Dion Cassius. LX.WI, 11, 1.
' Bernouilli. op. cit., IT', planche 20.
* Nous les décrirons de gauche à droite, eu couimein;;iiu \yA\ celle
qui se trouve au-dessous du panneau de gauche (Sévère et Julia Domna).
1.14 I,K Mo.MMKNT l»K SKITIMK SKVKKE
une gaine, ornée d'une cliim^'re et contenant trois couteaux de hh-
crifice; une acerrn, ou coffret :"i encens; une mrena, ou liadie
de sacrifice; une patère, moins ornementée que la précédente, «eu-
leniciit décorée de palmettes ; un l)ucràne avec des bandelettes ; de
iKuneau un praefericulum ; un maliens, maillet pour assommer les
IjfBufs; enfin, un lahruni destiné à contenir l'eau lustrale. On con-
naît un certain nombre de frises du même f,'enre : sur le temple
de Vespasien, à Rome; sur des lias-relicfs du Musée du Oapitole
et du Musée du Louvre ' et ailleurs. De nombreuses monnaies
portent aussi, à leur revers, des représentations d'objets cultuels ".
Sur chaque bande, les objets sont disposés symétriquement par r.ip-
port à un centre, constitué, sur le panneau de droite, par le bon-
net de llamine et sur le panneau de gauclic par le Imcràne.
Les bas-reliefs de proportions réduites, qui garnissent les piliers
du monument, entre les bases des pilastres, sont conservés, en tout
ou en partie, au nombre de cinq. Ils se rattachent, ))ar leurs sujets
aux représentations de sacrifices (juc nous offrent les ;,'randH pan-
neaux déjà étudiés.
Le petit bas relief de la face Ouest est aux trois quarts effacé
et assez énigmatique. On y voit un paysan fun bouvier) pousser
devant lui trois animaux. 8i l'on en juge par l'importance de la
partie disparue, ce paysan devait conduire bien plus que trois ani-
maux, tout un troupeau. L'hypothèse de Guattani ^, suivant lequel
notre bas-relief représenterait un laboureur qui trace son sillon
(allusion à la fondation de Rome) est, dès tors, inadmissible. Pour
la même raison et aussi parce que les trois animaux semblent de
même espèce, on ne peut supposer qu'il s'agisse d'un Ijii'uf, d'un
' Cf. Clarac, Musée de Sculpture, (. II, n" 307, pi, •222 et Catalogue
o/' ihe Museo Capitohno (7?c(//s/i School at Rom), planche 61.
' Voir notamment la monnaie n° 582, de Caracalla (Cohen, op. cit.,
t. IV, p. 204).
^ Guattani, op. cit.. pp. 30-32.
AU KOIUIM BOARllrM 135
moiituii l't (l'un iiorc. Le luis-relief est, (ra])rès nous susceptible de
deux interprétations qui ne s'excluent pas alisolunient l'une l'autre:
d'une part, il contient une allusion fort claire k l'une des corporations
qui construisirent le monument, celle des marchands de bœufs;
d'autre part, il l'eprésentc le commencement d'une action qui se
poursuit sur le bas-relief des autres faces: avant d'éti-e conduit au
sacritïce, le taureau a fait partie d'un troupeau et c'est ce que le
sculpteur a voulu nous montrer ici.
Nibby ' a supposé que, sur la face Est de l'are (celle qui est
aujourd'hui cachée dans Saint (iorges-au-Vélabre) une mensa ar-
gentaria faisait pendant k notre bas-relief. De la sorte, les deux
corporations dédieantes auraient été évoquées, l'une par un trou-
peau de banifs, l'autre par une table de changeurs. ,Tnsqu':'i quel
point cette hypothèse séduisante est-elle fondée ? C'est le secret de
Saint George au- Vélabre. En tout cas, elle est vraisemblable.
Les bas-reliefs des faces Sud et Nord ^ sont les mêmes : ils re-
présentent tous deux l'animal au moment où on le conduit au sacri-
fice ; ceint du dorsuale, le taureau porte sur la tète nue plaque
de forme triangulaire {frontale) '. Autour de lui, deux victimaires,
nus jusqu'i'i la ceinture et revêtus d'une sorte de tablier serré à
la taille et descendant assez bas, presque jusqu'à la cheville. L'un
d'eux porte sur l'épaule la sacena, qui va servir à tuer la victime.
Les petits bas-reliefs de l'intérieur nous montrent la scène du
sacrifice, an moment de la mise à mort. Un seul est complet : celui
qui se trouve du côté droit; mais l'autre était identique, A quel-
ques détails près. Le tableau comporte six personnages : deux Ca-
milles, nu tibiceii et trois victimaires. La scène est orientée de
' Nibby, op. cit., pars II nntica, p. 488.
• Celui de la face Nord est aujourd'hui caché deirière la ijuéiite du
gardien.
' On voit un taureau revêtu d'un ornement semblable s>ir l'ini des
bas-reliefs de la Villa Médicis, que l'on a lon{;temps attiibiié à \'Ara
Faeis.
KiO I,K MONUMENT VK SKPTIMK SÉVÈRE
gauclie à droite. f)n voit d'aliorfl un Camille, vêtu (rniic tunique
assez courte, serrée ;'i la iciiitiire et portant de la main ^^anelie
la Ki''"P !i couteaux, de la droite un praefericulum \ devant lui,
un autre Camille, vêtu de la même façon, a dans le« bras une
aceira qu'il tient entr'ouvei'te ; puis, e'est un victimaire, la liache
levée pour frapper. Le taureau est maintenu par un troisième victi-
maire, accroupi : il semlile ployer les pattes de devant de l'animal,
])onr l'obliger à tendre le ('(m, tandis (|u'un de ses collègues, dont
on n'aperçoit que le buste, retient, sans doute, les pattes de der-
rière ; cependant, un liliireii joue de la (Ifite. Le taureau est fort
exactement rendu et l'attitude de la bête, à moitié terrassée, mais
que l'on sent résister encore de tous ses muscles anx efforts des
victimaires, est pleine de force et de naturel. C'est à couj) sur l'un
des morceaux les moins médiocres de notre monument. L'artiste a
pu, du reste, copier de bons modèles, car de telles représentations
ne sont pas rares à l'époque impériale.
Même scène, avec quelques variantes, sur le bas-relief de gaudie:
le premier Camille porte de longs cheveux et par dessus sa tunique à
mauclies on aperçoit une sorte d'étole. Il tient dans .ses bras une
acerra entr'ouverte. Le deuxième personnage a la tête voilée comme
un prêtre et porte, d'une main un piaefericuliim et de l'autre une
patère. Nous apercevons euHn le victimaire, prêt à frapper. Le
reste du bas-relief est détruit. Il semble, tout d'abord, que l'ordre
dans lequel les objets cultuels sont placés entre les mains des per-
sonnages soit h peu près celui où nous le voycms sur la frise qui
court au dessus du l>as-relief, mais cette observation n'est plus juste
pour le tableau d'en face. Il ne faut donc pas chercher le commentaire
littéral de la frise à objets cultuels dans les bas-reliefs que nous
venons d'étudier.
On doit noter seulement, entre les divers tableaux qui déco-
rent les parois intérieures de la porte d'honneur, une sorte d'har-
monie ilensemble: l'esprit du spectateur est, par tous, ramené à
AU FORUM BOARIUM 137
Tidi'ip de sacrifices, sanglants ou de libations, en tous cas, de cé-
riinionie religieuse. Et le caractère de ces sacrifices n'est pas douteux :
ce sont des actions de grâces pour toutes les prospérit(''s dont les
Dieux comblent la famille impériale et l'Empire tout entier.
Mais il y a mieux : aux mois de mai et juin 204, ont été cé-
lébrés à Rome les jeux séculaires. Il est probable que le monu-
ment du Fornm hourium a été élevé sous l'impression profonde
de cette solennité. Serait-il téméraire de chercber dans nos bas-re-
liefs une allusion précise aux sacra saecularia, de voir, dans l'évé-
nement, une explication, au moins partielle, de l'édifice et dans
rédifice luimèrae un commentaire de l'événement'? En d'autres
termes, les jeux séculaires de 204 ont ils comporté quelques-unes
des cérémonies que nous venons de voir représentées?
Noua n'avons que bien peu de renseignements sur les jeux sé-
culaires de 204 et nous sommes obligés de les supposer à peu près
analogues à ceux d'Auguste eu l'an 17 '. La plupart des sacrifices
que comportaient les sacra saecularia se faisaient more acJiiro.
c'est-à-dire que le prêtre avait la tête découverte. Or, nos bas-re-
liefs représentent Sévère voilé de la toge. Il n'y a, d'autre part,
rien de particulier aux jeux .séculaires dans le sacrifice du taureau.
Il faut donc bien reconnaître (jue si nos bas-reliefs contiennent des
allusions au grand événement religieux de l'an 204, ou bien elles
sont matériellement inexactes, ou bien, dans l'état actuel de nos
connaissances, nous ne sommes pas en mesure de les interpréter.
Un seul fait subsiste : ce n'est pas en vain que les banquiers et
les marchands de bœufs ont donné, sur leur monument, une telle
ampleur à la représentation de scènes religieuses; le souvenir des
' Voir, sur les jeux séculaires en général, et sur ceux de 17 et de 204,
en particulier, la giande étude que Moiuuisen a consacrée, dans VEphe-
meris epiijruphica, t. VIII, pp. 225-309, sous le titre de Comiiientaria
htdornm siiecularium cpùntorum et septimorum, aux fragments d'inscrip-
tion (jui nous sont parvenus sur ces solennités et se trouvrnt au Musée
des Tlifiiuts C. I. L. VI, 32326-32336).
138 LB MO.NUMKNT HK SKI'TIME SKVÉRE
surr» saecularia, liieii qu'il ne suffise pas à doiiiier aux lias-reliefs
(le l'édifice une valeur dofumentaire, a pourtant très hien pu con-
férer aux scènes des i)arois intérieures cette gravité religieuse dont
elles sont empreintes. Devant cette traduction artistique des inten-
tions de Sévère, resUMor orhis, on songe involontairement, si l'on
oublie la différence des temps et des hommes, au Carmen siifirulnre
d'Horace et à VAra paris qui, eux aussi, traduisirent jiar la splen-
deur <lii inarlire et l'iiarnionie du poème, une grande pensée poli-
tique. Mais il ne faut pas s'attarder trop à ces prestigieux souve-
nirs, si l'on veut apprécier, comme elle le mérite, une o'uvre du
Iir siècle. . .
Le bas-relief qui remplit le panneau central de la face Ouest
diffère complètement, par son sujet, de ceux (|Ue mous venons d'e-
xaminer. L:\, nous avions des scènes paisibles de sacrifices et tout
conspirait à nous rappeler le bonheur de la famille impériale et
la prospérité de l'Hiiipire. Ici, ce sont des allnsidus aux victoires
remportées par Sévère sur les Parthes ; c'est le souvenir des triom-
phes guerriers, après celui des travaux de la paix. Par cette dis-
piisition, notre monument rappelle l'arc de Bénévent. où les bas-
reliefs tournés vers la campagne, semblent se rapporter à la poli-
tique extérieure de Trajau, ceux qui sont tournés vers Rome, à sa
politique intérieure.
Le tableau de la face Ouest représente quati'c personnages, deux
soldats romains et deux )ii-is(iniiiers li.'irliai-es, dont l'un au second
plan. Les soldats romains sont simplement vêtus d'une tunique et
d'un sat/iim aux bords dentelés. Ils ont la tête nue et sont chaussés
de cdicei. Rien de particulièrement militaire dans ce costume. On
reconnaît surtout leur qualité au fait qu'ils portent le glaive et
emmènent deux barbares prisonniers. Le premier soldat a l'épaule
gauche cachée derrière celle de sou compagnon et parait conduire
le prisonnier dont on n"aper(;oit que les pieds. A l'arrière-plan. Dans
1,1 main droite, le deuxième soldat tient les chaines qui lient le
AU KOUUM liOARlt'SI V]9
prisonnier qui- l'on découvre tout entier. Les tètes des soldats ro-
mains sont complètement eftacées '.
Les prisonniers sont certainement des Partlies. Par là, notre
bas-relief rejoint ceux de l'are du Forum. Comme eux, il commé-
more les victoires partliiques. N'étaient les certitudes historiques
que nous possédons par ailleurs, rien ne nous induirait à voir, dans
nos prisonniers, des Parthes. Celui qu'on aperçoit tout entier est
coitTé d'un pileus et vêtu de pantalons étroits, tumbaut Jusqu'à la
cheville, d'une tunique serrée à la taille et d'un manteau agrafé
sur l'épaule. Ses bras sont liés derrière le dos. Aucun caractère
ethnique sur cette figure barbue. On n'y voit que la tristesse et le
découragement de la défaite, assez bien rendus, d'ailleurs. En somme,
quand on compare les Parthes de notre monument avec ceux de
l'arc du Forum, avec les Barbares de la colonne Antonine et les
Daces de la colonne Trajane, on a l'impression qu'il s'était créé,
à Rome, un type conventionnel de Barbare, que l'on retrouve à
peu près le même sur tous les bas-reliefs où l'artiste a eu l'oc-
casion de symboliser des victoires par un cortège de vaincus. Ce
bas-relief est, du reste, aussi médiocre que les autres. Le sculp-
teur n'a pas su, si même il y a songé, nous donner, avec peu de
personnages, grâce à l'utilisation des arrière-plans, l'impression d'une
foule vivante et animée. Nous sommes bien loin de ce mouvement
intense qui anime les tableaux de l'arc du Forum : les banquiers
et les marchands de bœufs, pour réduire les frais se sont adressés
à des artistes de moindre renom.
Au-dessons du bas-relief que nous venons d'étudier, court une
l)ande ornementée " de mêmes dimensions que celles qui régnent au-
' Dans Rubeis, loc. cit., et dans Reinach qui le reproduit, on voit
encore la figure des deux soldats romains et du prisonnier Barbare de
l'anière plan. Nous n'avons pas cru devoir faire état, dans notre étude,
de ces gravures de Rubeis, qui reproduisent peut-être la réalité de son
époque, mais dont il est impossible, aujourd'hui, de contrôlei- l'exactitude.
* Le dessin de Reinach est, ici, très insuffisant.
MO 1,1.; MoXr.MKNT KK SKITIME SÉVKKK
dessous (les grands motifs des faces intérieures. Mai» ici, ce sont,
j)èle-inêle, des armes Itarbares, et non plus des oljjcts de sacrifices,
fini udiis voyons représentées. Près de la moitié du lias relief a dis-
paru. Ce (|ui en reste i)ourrait néanmoins nous donner une idée de
la faiMiii de comliattre des Partlies si l'artiste avait eu souci de
l'exactitude. Des représentations analogues ne sont pas rares dans
l'art romain. Pour n'en citer ([u'un exemple, je i'a])pellerai qu'ici
même on étudiait récemment les Trophées Farnése, on ligui-ent (i(M
armes germaines et daces '. C'est que tout trophée, tout témoignage
de victoire s'accomp.'ignait de monceaux d'armes barbares. Mais l'é
tnde minutieuse des armes représentées sur notre frise, étude qui,
seule, permettrait d'identifier les objets, est rendue très difficile par
l'état de dégradation du monument. Nous apercevons d'almrd '^ un
bouclier rond, dont la forme n'a rien de caractéristique. Dans ce
bouclier s'inscrivent diverses armes ou objets militaires: et d'a-
l)ord, une inha. dont on reconnaît nettement rcMilionclinrc : une
dulahra et peut-être un gladius.
Un antre groupe est constitué par des objets d'haliillement, (jui
ne sont pas particuliers aux Partlies: une tunique; un pileus; enfin
un olijet assez difficile à identifier, qui pourrait être une pcltn. ou
l)ien nn manqua dont on apercevrait surtout les garde-joues ''. Va\
poursuivant vers la gauche, on aperi;oit une pointe de lance, une
trompette recourbée, un carquois, un bouclier, et enfin, au point
on le relief va disiiaraitre, un cas([ne, peu distinct, du reste.
'Pont ceci, on le voit, est assez lianal. La tuiii()Ue ;ip]i;ir;ut
snr (le n(nnlirenx trophées et partout avec une forme ideiiti(|ne. Le
pilf/is était une coilfure asiatique: mais il est attribué p.irfois, sur
' .Marcel Duri y. Les trophées Farnése, dans les Mélanges de l'Ecole
française de Rome, t. XXXIX, 1921-1922, pp. 303-318.
' Nous décrirons les objets en all.int de droite à gauciie. des par-
tics les mieux conseivées aux plus dégradées.
'■' Comparer le c:is(iue que l'on aperçoit sur un bas-reliefs du lîritisli
Muséum, (Heinacli, op. cit., t. Il, p. 497).
AU FORIM BdAUIUM 141
les moiHimeuts, à d'autres qu'à des gens d'Asie '. La doJahra n'est
pas rare dans les mains des Barbares et elle se distingue assez
nettement de la securis des Romains '. Le seul olijet vraiment ea-
raetéristique de notre bas-relief serait, peut-être, celui dans lequel
nous avons reconnu une jifUn ou un cas(|ue à ijarde joues. Il est
malheureusement imjiossible de se pronimcei' dans l'état aotuel de
dégradation du bas-relief.
Du reste, tous ces trophées et aecnnuilatious d'armes se ressem-
blent étrangement. Si l'on ne vent pas admettre qu'il s'est formé
un type traditionnel: si l'on tient ;"i ce que les sculpteurs aient
travaillé d'après nature, on est bien forcé de reconnaître qu'ils ont
copié n'importe quelles armes, parmi celles, innombrables et diverses,
que les empereurs envoyaient dans la viUe après chaque campagne.
Souvent même, on trouve des armes romaines mêlées aux armes
barbares et notre bas relief, s'il était mieux conservé, nous en offri
rait peut-être un nouvel exemple.
Nous venons de voir représentés, à l'intérieur de l'édifice, tous
les membres de la famille impériale auxquels il fut dédié; sur
la face Ouest, des soldats romains et des prisonniers Partlies évo-
quaient les triomphes guerriers. Quel pouvait donc être le person-
nage ', aujourd'hui méconnaissable, qui formait, à lui seul, le sujet
du grand bas relief de la face Sud? 11 ne semble pas, à première
vue, ((ue nous ayons affaire, ici, à un membre de la famille im-
périale. On ne comprendrait pas que l'on eut représenté deux fois,
sur un même monument, les mêmes personnages. Un certain nombre
d'hypothèses sont possibles: aucune n'est certaine. Les banquiers
et les marchands de bœufs auront peut-être voulu représenter sur
la face Sud du monument les divinités tutélaires de leurs collèges.
' Les Daces de hi colonne Tr.ajane le portent (pielquefoi^.
-' La dolahrn est assez proche parente de la bipenne pivliistoiii|nc.
^ Reinacli, loc. cit., le représente inexactement: dans la rralilé. le
bras droit est levé.
HS l.K MIlNIMICNT l»K MKITIMK .SKVfcltK
Mais il serait ctr;iiij,'e (|ii'cll(!S oiisHciit opciipé une iiluce plus ;,'ran(le
et plus en vue que les dieux protecteurs de la l'amillc impériale.
On peut encore supjjoser — et rencatlrement d'enseipies préto
riennes donnerait quelque consistance à cette hypothèse — (jue la
l'ace Sud de l'édifice piéseutait l'effig-ie de soldats prétoriens pa-
raissant, là, monter la garde. IjC fait n'est pas sans exemple : on
voit ainsi des stddats comme en sentinelle sur reiitaldement de l'arc
de Constantin. Mal^né tout, la présence de ces soldats ne s'explique-
rait f,''i"''re sur un monument dédié par des particuliers. Reste Plau-
tien, dont le nom et les titres remplissaient toute la cinquième li^ne
de l'inscription. Mais plusieurs difficultés se présentent; d'abord,
bien qu'aujourd'hui très mutilée, la figure ne parait pas avoir été
martelée, comme celle de Ciéta, dont il ne reste plus aucune trace ;
en second lieu, puisqu'il faut supposer que, sur l'autre pilier (celui
qui est engagé dans le mur de Saint-Oeorges-au-Vélabre), était
représentée une tij;iire semblaltle, il ne semble pas facile de trouver
un personnage, dans l'Empire, qui ait pu être honoré, en 204, au
même titre que Plautien '. Mais il est possible de tourner eu même
temps les deux difficultés: pourquoi ce personnage n'aurait il pas
été P. Septimius Géta, le frère de Septime Sévère, qui fut consul
en 203, précisément avec Plautien, mourut sans doute dans les der-
niers jours de 204 et auquel Sévère fit élever alors une statue sur
le Forum?' Dans cette hypothèse, l'effigie de Plautien se serait
trouvée sur le ])ilier engagé dans Saint-Georges, ui'i rien n'a sulisisté
et le bas relief méconnaissable que nous cherchons à identifier aurait
représenté P. Septimius Géta. Telle nous parait être la supposition
la plus vraisemblable, encore qu'elle laisse subsister bien des doutes.
En tout cas, si Plautien fut représenté sur la face Sud, il avait
un cadre digne de lui : les pilastres de cette face sont, en effet,
' A partir de l'an 200. en effet, et jusqu'à sa chute, en 205, Plau-
tien fut seul Préfet du Prétoire. Cf Borghosi, Œiivrcx. t. X. pji. 80-H5.
2 Dion Cassius, LXXVI, 2.
Ar FORUM noARH'M ll.'î
orués d'enseignes prétorienues lUnit trois sont ronservi'es ; l'une d'elles
parfaitement bien. Ces enseignes sont iiarnii les plus caractéristiques
et les pins complètes que l'on possède. M. Domaszewski en a donné
une description à laquelle il nous suffira de renvoyer le lecteur '.
Ce qu'il y a de plus intéressant pour nous, ce sont les pdrtraits
d'empereurs dont elles sont ornées. On y reconnaît, dans des mé-
daillons, SeptimeSévère et Caraealla, dont les effigies ressemblent
fort à celles des revers monétaires. L'empereur était entouré de
ses deux fils, mais le portrait de Géta fut martelé, là comme ail-
leurs. La présence des enseignes prétoriennes sur notre monument
a la portée d'un symbole: la monarchie militaire, dont la princi-
pale force résidait dans le glaive des soldats, a mis là son em-
preinte. Et le fait est d'autant plus rcni.irtiiialilc (pic rien ne r;ip
pelle, sur ces multiples bas-reliefs, le |ioiivoir civil, toujours représenté,
en théorie, par le Sénat.
Et pourtant, rien n'y fut omis de ce (|ui pouvait flatter l'or-
gueil de Sévère: la grande inscription de l'entablement est encadrée
par les dieux de Leptis Magna ', devenus les divinités tutèlaires
de la famille impériale et, par elle, de l'Empire : Hercule et liacchus.
La figure d'Hercule, à gauche de l'inscription, n'a rien de par-
ticulier: le dieu est debout, dans le nii liéroique, appuyant sa main
droite sur la massue et portant sur sou liras gauche replié une
dépouille de lion.
Depuis longtemps on admettait que la divinité qui. de l'autre
côté de rinscri()tion, faisait pendant à Hercule, était Bai'chus. Et
de fait, ils sont souvent représentés ensemble, tant sur les mon-
naies de Leptis qise sur celles de Sévère. Les fouilles de février
1871 dans le pilier de Sainte-Georges-au-Vélabre ont confirmé cette
' Domaszewski, Die Fuhnen, p. 64,fig.80.Voir aussi Gagnât et Cliaiiof.
Manuel d' archéologie romaine, t. II, p. 34H, ti^;. .'i49'.
- Cf. les monnaies de Leptis à l'eftigic dllerenle et Bacclius. dans
L. Millier, Xniiiismatique de l'ancienne Afrique, t. H, pp. 3-14.
114 I,E MONIMKNT DE HKITIME SÉVÈRE
opinion. Muis Hiicchu» n'est pas figuré tel que nous le voyons sur
le dessin de l{ul)cis, qui est une re-titution '. « Sur notre :ire,
Hacclins est représenté avec une sini])!»- chlaniyde jetée sur les
épaules, des chaussures très hautes et ornementées, la eorne d'aljon-
dance dans la main ;;auche et la droite tournée vers la terre»'.
M. Laiiiiani (ibserve avec raison qu'il régne dans toute l'attitude
« un Je lie sais quoi de féminin », mais il se refuse à croire que
l'intention du sculpteur ait été de représenter un Hacchus féminin,
tel que celui qui était honoré ;'i Emése au début du IV'" siècle *.
11 observe qu'il n'y a, somme toute, de féminin, dans notre bas-relief,
que la çlicvclure longue et bouclée dn dieu. M;iis rien n'exclut
pourtant l'Iiypothèse que nous ayons aft'aire ici à un Hacelius fé-
minin, ('ertains. traits la confirment même: la poitrine fortement
accusée, la largeur des hanches et l'attitude d'une gracilité toute
féminine, voilà des arguments assez faibles, il faut en convenir.
Mais le culte, à Emèse, d'un Hacelius féniiiiiii les renforce singu-
iéremcnt. C'est que, eu effet, si Sévère était de Leptis, Julia Domna
était d'Emèse. Quoi d'étonnant à ce que les banquiers et les mar-
chands de bœufs aient voulu honorer du même couj) un dieu de
Leptis et un dieu d'Emèse? La chose restera, néanmoins, dou-
teuse, tant (|ue l'iconographie de Bacchus ne sera pas mieux établie.
Iai décoration du monument *. Nous ne donnerions pas une
idée complète de notre porte d'honneur si après, voir étudié les
bas-reliefs à personnages ou ceux dont l'intérêt i)rincipal réside dans
' Cf. Reinach, loc. cit., p. 271.
^ Lanciani, Rcccnti scavi di Komit c anilonii. X.XXI. dans le lUttl.
Inst, 1871, p. 248.
' Théodovet. Histoire ecclésiasti(jrU(; III, 7.
* Nous étudions sous ce tître les rinceaux de feuillage qui ornent
les pilastres de la face Ouest et des parois intérieures; les petites scènes
purement décoratives que l'on voit au dessus des grands sujets de chaque
face; enfin, l'ensemble de la décoration (chapiteaux, caissons, architrave,
frise, corniche) qui n'a rien d'original et otïrc seiileiiient un exemple de
style composite romain au début du III" siècle.
AU FORUM BOARU'M 14Ô
les sujets qu'ils traitent, nous ne consacrions quelques pages à
rornementation pure, si variée et si abondamment répandue. Tou-
tefois, cette abondance même nous fait un devoir de nous limiter.
Aussi allons-nous insister surtout sur les rinceaux des pilastres,
qui nous semblent représentatifs de certaines tendances d'art et
de certaines techniques, et passer plus vite sur le reste.
Les pilastres de la face Ouest et ceux des parois intérieures
du monument sons ornés de rinceaux de feuillage dont la foi'me
générale rappelle les motifs analogues que l'on voit sur quantité
de monuments romains depuis le siècle d'Auguste et dont il faut
chercher l'origine dans l'art hellénistique : d'une touffe d'acanthe
surgit un enroulement régulier de feuillages et de fleurs qui porte,
au sommet, un aigle luttant contre un reptile. La première im-
pression qui s'en dégage est toute de lourdeur et de monotonie.
Dès l'abord, on note une singulière absence d'espaces vides; un
relief trop accusé qui, loin de mettre en valeur l'élégance des
formes par de délicates dégradations d'ombre et de lumières, semble
demander tous ses effets à des oppositions brutales d'éclairage;
enfin, une apparente identité de motifs, qui donne une piètre idée
de la fantaisie de l'artiste. Un examen plus attentif démontre que
la dernière au moins de ces observations n'est pas tout à fait
exacte; mais, en revanche, il nous explique d'où provient notre
impression première d'une œuvre lourde et sans nuances.
Et d'abord, nous constatons que le sculpteur a fait tout ce
qu'il a pu pour éviter la monotonie. Il suffit de comparer atten-
tivement deux rinceaux orientés dans le même sens, pour s'en con-
vaincre. Les difi'érences sont légères, mais elles n'en attestent pas
moins le scrupule de l'artiste : ici, c'est un petit rameau, terminé
par un épi, qui entoure, d'un dessin capricieux, la tige principale ;
nous le retrouvons ailleurs, mais le mouvement n'est pas le même,
plus simple, plus hardi. Les fleurs aussi diffèrent: celles-ci sont
plus grosses, plus épanouies, celles-là plus tendres, encore en bouton.
Mèlanijtis d'Arcli. et d'Hht. iy-24. 10
14(5 LK MONUMENT I>K SEITIME SÉVÈRE
On n'f'ii finirait pas s'il fallait éniimérer toutes les nuances de dé-
tail ([W le fàcliPiix (■Uit de conservation du monument laisse en-
CDi'c aiiparaitre. U'oi'i venait donc l'impression de monotonie que
nous ressentions tout à l'heure ? Surtout, je crois, de l'absence
d'êtres animés sur ces végétaux stylisés. Au siècle d'Aufjuste, bous
les Flaviens, sous les Antonins encore, les artistes parsemaient de
petits animaux, d'êtres humains, parfois demi-divins, leurs rin-
ceaux de feuillage '. Ici, rien de tel : le décor végétal doit se suffire à
lui-même. Il aurait pu, du moins, gagner en élégance et en légèreté
ce qu'il perdait de richesse et d'amusante variété. Mais, pour y
réussir, l'artiste était insuffisant et manquait de moyens techniques.
L'examen de la technique montre, en effet, que le sculpteur
n'emploie i)lus guère, pour exécuter ses reliefs, le ciseau, mais
suitdiit et i)resque exclusivement la mèche, qui lui permet de creuser
davaiiLi^e le mar'ire et de donner ainsi tonte leur force aux op-
positions d'omhro et de lumière. Mais, si le travail est plus rapide
et plus facile, il est aussi plus lâché, plus négligé. Cette espèce
de plan supplémentaire, obtenu en détachant nettement les reliefs
du fond, aurait pu être utilisé comme il le fut sur un fragment
de pilastre, au Musée du Latran ', où la verve du sculpteur a su
nous donner l'imi)ression même de la vie, dans sa grouillante va-
riété. Mais déjà nous approchons de l'époque où dominera complè-
tement, dans l'art décoratif, la technique du blanc sur noir. Le
bas-relief, dès lors, est complètcmint détaché de la sculpture : le
dessin seul importe, et non plus le relief.
Et c'est précisément, ici, le dessin qui est faible et mal or-
donné. Les spiraic^s des rinceaux sont beaucoup trop lourdes pour
' On pourrait citer d'innombrables exemples dont réniimération nous
semble inutile. Il suflira de feuiHeter le recueil de Gusman, oj). cit., les
catalogues de Musées, l'ouvrage d'Altman, G-ralmltâre, etc.
- Cf. une reproduction de ce b.as-relief dans Cagnat et Cliapot.
op. cit., t. I, p. 554, fig. 303.
AU FORUM BOAKIl'M 14 1
l'étroit espace qu'elles doivent couvrir: de là cette impression
d'accablement, dont nous parlions tout à l'iieure. D'énormes Heurs
occupent presque entièrement l'intérieur de chaque volute ; les tiges,
presque partout recouvertes de feuilles, sont trop grosses et, par
suite, leur mouvement manque d'ampleur. Ce serait faire tort à nos
pilastres que de les comparer à d'autres monuments décoratifs
d'époque antérieure. Tout 3" sent la médiocrité: technique peu sûre,
dessin trop lourd et enfin défaut d'imagination qui n'a pas permis
:'i l'artiste de renouveler des motifs trop connus. L'emploi des aigles
comme couronnement des pilastres en constitue peut-être la seule
originalité. Il sont, du reste, de bien meilleure facture que ceux
qui soutiennent des guirlandes au-dessous du Bacchus '. Mais la re-
présentation des aigles est si peu nouvelle dans l'art romain !
Les sujets ornementaux qui surmontent les grandes scènes de
l'intérieur et le bas-relief de la face Ouest ne présentent aucun
intérêt: ici, ce sont deux victoires soutenant avec gaucherie une
lourde guirlande et qui semblent écrasées sous le poids de leur
fardeau : là, quatre Camilles autour d'un turibulum ". Les fouilles
de février 1871 ont rais au jour un des bas-reliefs qui ornaient
la face Sud du monument. Ce ne sont plus, ici, des Victoires, mais
des aigles dont les serres se crispent sur le foudre, qui soutien-
nent une guirlande dans leurs becs. On remarque un motif sembla-
Iile sur un bas-relief du tombeau des Haterii, datant du I"'' siècle ? ^.
Le sujet qui f;usait pendant, sur l'autre pilier, a été détruit: mais
on a toutes raisons de croire qu'il était identique.
Les chapiteaux, les caissons, l'architrave, la frise et la corniche
n'ont riin d'original. Leur ornementation est à peu près la même
que celle de l'arc du Forum. Les rinceaux qui décorent la frise
doivent être rapprochés de ceux des pilastres. Sur la frise, l'exé-
' Voir plus bas.
' On remarque des décors analogues sur l'arc de Bénévent.
' Cf. Gusman, op. cit., I, planche 27.
140 LE MONIMKNT DK SKITl.ME SKVERE
cutiuii est plii8 liii'î,'*', If relief moins accusé, la valeur artistique
liien supérieure: d'une touflc d'acanthe, aux angles du monument,
jaillissent des volutes d'iiu dessin ferme et hardi. On ne souffre pas,
ici, de cette absence d'espaces libres que nous relevions, tout à
l'heure, sur les pilastres. C'est toujours au seul décor véj^étal que
le sculpteur a emprunté ses motifs, mais la lonj^iieui' de la surface
à couvrir n'était pas assez grande pour qu'il riscjuàt de tomber
dans la monotonie.
C'est peut-être dans l'ornementation de la corniche qu'apparaît
avec le plus de netteté la prodigalité de décor? qui, nous l'avons
vu, caractérise le monument tout entier. (3eci, du reste, n'a rien de
surprenant : l'ordre compo.-ite est, de tous les ordres romains, celui
qui compoi'te rornemeutatiou la plus abondante. Les éléments de
cette décoration, que l'on retrouve sur ((Uantité d'édilices du même
style, ne méritent pas une description détaillée. La plupart d'entre
eux n'ont ici rien d'original : on y retrouve les olives, les perles
et les piécettes qui, déjà, encadrent l'inscription et courent autour
de l'architrave; des rangées de feuilles de chêne, d'oves, de rais
de cauir et d'étroites guirlandes comportant des fleurs et des têtes
humaines stylisées complètent le matériel décoratif de notre cor-
niche.
On voit, en somme, qu'il n'y a guère de particulier dans cette
ornementation que rabondance avec laquelle elle est répandue sur
toutes les parties du monument. Le goilt du siècle s'y est partout
manifesté ; ou s'éloigne de plus en plus de la simplicité élégante
et raffinée qui caractérisait l'art augustéen. Ou n'est plus capable
d'exprimer, ni, peut-être, de liien comprendre les délicates nuances
où s'étaient complus les artistes de l'époque flavienne. L'influence
de l'école d'Aphrodisias, qui avait exprimé un moment le cosmo-
f^ politisme raliiné du règne d'Hadrien, s'est éteinte. Sous Septime
Sévère, l'art conserve bien les tendances cosmopolites qu'il avait
eues au milieu du II" siècle, mais c'est d'un autre cosmopolitisme
AU FORIM BOAUllJM 149
qu'il s'agit, plus large, certes, mais aussi plus grossiei-. Les élé-
ments étrangers au vieux moude gréco-romain tendent, de plus en
plus, à y prédominer. L'empereur est un Africain marié avec une
Syrienne. L'un et l'autre aiment à s'entourer de gens de leurs pays.
Un goût nouveau se forme qui, s'il accepte encore les règles exté-
rieures des disciplines classiques, les applique dans un espi-it dif-
férent. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner ce que cette transforma-
tion de la société romaine aurait pu donner d'énergies nouvelles à
l'art épuisé de l'antiquité, si tout n'avait été brusquement inter-
rompu par les misères du HT siècle. Un monument, étudié à part,
ne constitue guère qu'un symptôme. L'examen du détail semble
prouver, nous l'avons vu, que la transformation du goût s'accom-
pagnait fâcheusement d'une décadence de la tehuique. Or, c'est
ici sui'tout qu'il ne faudrait pas tirer de notre cas particulier des
conclusions générales: on a supposé que les mêmes artistes qui
avaient tr.ivaillé au grand arc du Forum exécutèrent, l'année sui-
vante, le monument du Forum boarium '. Mais il suffit de comparer
des détails presque identiques pour se convaincre que les banquiers
et les marchands de Ijœufs ont eu recours ;\ d'autres artistes, de
moindre valeur. Et l'on a, parfois, l'impression que plusieurs sculp-
teurs ont travaillé à notre monument, dont toutes les parties ne
semblent pas d'une égale facture.
Nous sortirions de notre sujet en nous livrant ici :Y une com-
paraison minutieuse entre le monument qui nous occupe et les édi-
fices construits à la même époque, à Rome ou ailleurs. 11 est éga-
lement impossible d'étudier les imitations qu'il peut avoir suscitées
au XV et au XV^P siècles. Il n'est pourtant pas douteux que le
monument auquel Clierubino Alberti donna le nom de ïarco di la
vacha el toro et Giuliano da Sangallo celui, bien plus étrange
d'acco didecio ^, un édifice toujours resté visible au pied du cam-
' Desgodetz, o^j. cit., p. 96.
* Cf. Lanciaui, The ruins and excavations of uncient Rom, pp. 521-522.
150 Lp; MON'tTMKNT UK SKITI.MK MÉVÈIMC
paiiili- «Ir S;ii)it Georf<cs aii-Vclaljre, a trouvé des imitateurs en un
temps oi'i partout on croyait défouvrir Tantiquité et où l'on se
Hattait de la ressusciter '. Et le peuple romain, qui professait, pour
les Mioiiuments de son ancieiiin' histoire, un respect qui ne réussit
pas toujours aussi liicii à les sauver de la dcstruition, faillit, imus
l'avons vu, faire un mau\ais parti, sous l'ic IV. à ce ;rotli dont la
main sacrilège risquait ilc ruiner l'édifice, dans U: vain espoir d'y
découvrir un trésor.
C'est ainsi que la porte d'iionncur du Forum buarinm a pu tra-
verser les siècles et que, malgré les atteintes du temps et des hommes,
elle évoque encore aujourd'hui pour nous cet automne de l'Empire,
où !(■ monde, sons le n'onvernement ferme de SeptimeSévère, goûta
une dernière fois la paix et la prospérité dont il avait joui au
siècle d"or des Aiitonins. Et pour peu qu'on interprète notre monu-
ment toute l'époque s'y retrouve, avec cette activité matérielle, ces
tragédies de palais, ce goût un peu barbare des architectures lourdes
et somptueuses qui, diversement, la caractérisent. Ceci nous excu-
sera, sans doute, d'avoir consaci-é tant de pages à un monument
de si petite gloire ''.
Jac^iks Madavle.
' Il est, lont de niênic, ieuiai(|uable, que notre uionunii-nt n'ait été
reproduit dans aucun ouviage imprimé avant le XVII'' siècle, ('f. Lan-
ciani, Storia deijli scavi di Roma, t. III, p. 42.
' .le remplis ici un agréable devoir en exprimant à M. le iirofessenr
Laiiciaiii toute ma gratitude pour les suggestions fécondes qu'il m'a four-
nies et dont j'ai fait, au coins de ce travail, le phis large usage.
Fxole française de Rome, Mélanges \92A
PI. I
mosaïque de DAPHNE (musép de tebfssa)
TABLES DES MATIERES
L'aljjlialift de iM:usiliana et les origines de récritme à Rome, par
A. Gkknier 3
La captivité et la mort de Jeanne 1' ■■» de Xaples, jiar E.- G. Léonard 43
Farnusiana, par F. Benoit:
IIL Mademoiselle du Gauguier, dame d'honneur de la Reine 79
Une mosaïque de Tébessa, par L. Leschi (pi. I) 95
Le monument de Septime Sévère au Furum Bourium. par J. Ma-
UAULE 111
Plaiiclie )ioi's texte: Mnsaïciue de Dapliné (Musée de Tébessa).
eipeDiNO Lier FEB 1
107g
D École fztmçalse de Rome
m Mélanges d'archéologie
E4 et d'histoire
t.39-
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