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Full text of "Mélanges d'archéologie et d'histoire"

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ECOLE    FRANCALSK    DE    ROME 


MÉLANGES 


D'ARCHEOLOGIE  ET  D'HISTOIRE 


XXXIX*  année   —   1921-1922 


PARIS 

Ancienne  Librairie  FONTEMOING    &    C^ 

E.    DE    BOCCARD,   Successeur  ^1>^ 

1,  rue  de  Médicis  ^  ^^ ^y^ "y^ 

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ROME  -"     > 

SPITHÔVER,  Place  d'Espagne. 


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Les  premières  feuilles  du  présent  fascicule  des  Mélanges 
étaient  sous  presse,  lorsque  notre  Ecole  a  été  brusquement  frappée 
du  deuil  le  plus  cruel:  Mgr.  Duchesne,  après  une  courte  ma- 
ladie, s'est  éteint  dans  la  soirée  du  vendredi  21  avril. 

Il  ne  nous  appartient  pas  de  dire  tout  ce  qu'ont  perdu,  par 
sa  mort,  les  lettres  et  l'érudition  françaises;  mais  nous  sentons, 
avec  une  émotion  profonde,  ce  que  notre  chère  Ecole  a  perdu  : 
cette  bonté  affectueuse,  ces  conseils  tempérés  de  douce  ironie, 
la  conversation  la  plus  spirituelle  et  la  plus  acérée  alternant 
avec  les  évocations  les  plus  hautes  de  la  thi'ologie  et  de  l'his- 
toire, et  surtout,  pendant  vingt-sept  années,  l'exemple  d'un  la- 
beur incessant,  conduit  avec  une  méthode  presque  infaillible. 
On  n'imagine  guère  ce  qu'aurait  pu  être  ce  recueil  sans  sa  col- 
laboration de  plus  d'un  quart  de  siècle;  jamais  elle  ne  lui  a 
fait  défaut.  L'article  qui  ouvre  ce  volume  est  le  dernier  dont 
n  otre  Directeur  ait  corrigé  les  éjneuves;  sa  belle  écriture  est 
demeurée  vive  et  nette  jusqu'à  la  fin. 

Nos  Mélanges,  comme  la  plupart  des  Kevues  savantes,  ont 
été  gravement  retardés  par  la  guerre;  il  nous  a  paru  bon,  pour 
leur  rendre  leur  activité  normale,  de  réunir  en  un  seul  volume 
les  années  1921  et  1922;  et  nous  exprimons  le  vœn  que  l'an- 
née 1923  soit  entièrement  consacrée  à  la  glorieuse  mémoire  de 


.M{;r.  Uiic-Lesne.  Des  articles  de  ses  amis  les  plus  fidèles  ôvo- 
qiierout  sa  figure  et  feront  eounaitre  la  f^irandeur  de  ses  tra- 
vaux. D'autres  travaux,  dûs  aux  plus  notables  pjuini  les  au- 
cieus  membres  de  l'Ecole,  s'accorderont  autant  que  possible,  à 
sou  esprit  et  à  sa  méthode;  et  les  i)lus  jeunes  de  l'Ecole,  ceux 
(|ni  ont  eu  la  faveur  de  ses  dernières  paroles  et  qui  lui  ont  dit 
le  suprême  adieu,  tiendront  à  iionneur,  si  imparfaite  (pie  soit 
encore  leur  science,  à  être  admis,  auprès  de  leurs  émineuts  de- 
vanciers, dans  riiommage  rendu  par  cette  Revue  à  celui  qui 
en   fut   l'âme. 

André  Pékaté,  Directeur  intérimaire 

Joseph  Roserot  de  Mei.in  -  Emile  G.  Léonard 
Jean  Colin  -  Pierre  Fabre  -  Charles  Terrasse 
Fernand  Benoit  -  Marcel  Durrt  -  Pierre  Noailles 
Jean  Porcher,  membres  de  V Ecole. 


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LE  SANCTUAIRE  DE  SAINT  LAURENT 


Le  sanctuaire  de  saint  Laurent,  sur  la  voie  Tiljurtine,  est,  après 
ceux  des  apôtres  Pierre  et  Paul,  le  plus  vénérable  de  la  banlieue 
romaine.  Il  s'offre  à  nous  sous  l'aspect  de  deux  nefs  d'église,  mises 
bout  à  bout  et  dos  à  dos,  -différentes  de  niveau  et  aussi  de  struc- 
ture. La  nef  du  fond,  à  l'est,  primitivement  plus  basse  que  l'autre, 
a  été  relevée  de  quelques  mètres,  de  sorte  que  son  pavé  actuel  est 
plus  haut  que  celui  de  l'autre  nef.  Cette  nef  du  fond  a  été  amé- 
nagée pour  servir  de  clireur,  en  arrière  de  l'autel,  lequel  est  au 
niveau  relevé.  L'autre  nef  se  prolonge  jusqu'à  la  façade,  à  l'ouest. 
De  ce  coté  l'église  s'ouvre  sur  la  voie  publique  par  un  porche  où 
l'on  voit,  entre  autres  décorations,  le  portrait  du  pape  Honorius  III 
(1216-1227).  Chronologiquement,  c'est  le  point  d";trrivée,  car  de- 
puis le  XIIP  siècle  l'édifice  n'a  pas  subi  de  modification  essen- 
tielle. Sous  Pie  IX  on  le  restaura,  on  le  décora,  mais  en  somme 
on  le  respecta.  C'est  alors  que  De  Rossi  en  fit  l'oVijet  d'une  étude 
importante  ',  dout  par  la  suite  je  fis  mon  profit  dans  le  commen- 
taire du  JÀher  pontificulis.  Depuis  la  publication  du  tome  I"^  de 
mon  édition  (188.5),  M.  Santé  Pesariui  a  étudié  de  très  près  ce  mo- 
nument composite  ;  il  a  même  pu,  avec  M.  Josi,  y  faire  des  fouilles  ', 
et  ces  fouilles,  quoique  limitées,  ont  donné  des  résultats  importants, 
qui,  sur  certains  points,  ont  renouvelé   le  sujet. 

Je  crois  devoir  revenir  ici  sur  l'exposition  que  j'avais  présentée 
dans  mon  édition  du  Liber  pont ifiraJis'.  Sur  bien  des  points  je  me 

'  Bullett.,  1864,  p.  42  ;  cf  1876,  p.  22,  2.S. 

'  Stiuli  Bomani,  t.  I,  p.  37. 

'  Silvestre.  note  84;  Xvste  III,  n.   12;  Pelage,  II,  nn.  5  et  6. 


4  LE   SANCTUAIRE    DE   SAINT   LAURENT 

raiif,'e  à  ro|)inioii  de  M.  Pesariiii,  dont  J'apprécie  fort  les  travaux 
sur  les  basiliques  roniaiues,  Saint-l'aui.  Saiiitefîmix  et  autres.  Quand 
je  me  vois  obligé  de  le  contredire,  ce  n'est  pas,  qu'on  le  sache 
l)ien,  avec  plaisir,  car  il  est  de  ceux  dont,  en  ces  matières,  le  suf- 
fraffe   importe. 

Le  S!inctiiiiir«>  primitif. 

La  plus  aneienni^  deseriptiun  du  s:mctu:iirc  de  saint  Laurent 
nous  est  fournie  par  la  vie  de  Silvestre  dans  le  Liber  /joiififii-atis  '. 
Le  passage  où  nous  la  trouvons  parait  bien  i)rovenir  d'un  docu- 
ment du   temps  de  Constantin.    Voici   ce  qui   en   l'ésuUe  : 

1°  Constantin  élève  une  basilique  an  martyr  sur  la  voie  Ti- 
burtine,  au  dessus  '    du  souterrain,   supra  arennriu  rri/jttae. 

2"  Cette  liasilique  ne  contient  pas  la  tombe  sainte,  mais  elle 
communique  par  un  escalier  avec  le  souterrain  où  elle  se  trouve: 
nsqne  ad  corpus  s.  Laurentii  marti/ris  fecit  f/radus  ascensionis  et 
dcscensionis. 

'  Eodem  tempore  fecit  basilicam  beato  Lauientio  martyii  \na  Ti- 
burtina  in  agrum  Veranum  supra  aienavio  cryptae  et  usipie  ad  corpus 
sancti  Laurentii  mavtyris  fecit  grados  ascensionis  et  descensionis;  in  quo 
loco  construxit  absidam  et  exoinavit  niarmoribus  porpliyreticis  et  de- 
super  loci  conclusit  de  argento  et  cancellis  de  argento  piirissimo  ornavit 
qui  pens.  libras  mille,  et  ante  ipsum  locuni  in  erypta  po.suit  Inceniaui .. . 

^  Les  niss.  A  ont  ici  la  variante  suJi  aroian'o,  qui  semble  bien  n'être 
qu'une  cacographie  de  swpra.  Ainsi  du  moins  en  avons-nous  jugé,  Momm- 
sen  et  moi,  car,  dans  nos  deux  éditions,  nous  avons  adopté  la  leçon 
des  antres  manuscrits.  Sub  arenario  n'u  en  efifet  aucun  sens;  on  n'ira  pas 
chercher  une  basilique  sous  les  galeries  d'un  arénaire  ou  d'une  cataconibe. 
Si  l'auteur  avait  -soulu  dire  dans  le  souterrain,  il  aurait  écrit  in  nrenario 
comme  le  font  de  nombreuses  passions  de  martyrs  romains  (v.  Michèle  de 
Kosai,  Roma  soit,  t.  L  P-  H;  '9''"''  Romani,  t.  I,  p.  37-52  et  le  L.  P. 
lui-mcuie,  p.  151  l'ar.,  332).  L'expression  sub  arenario  ne  se  rencontre 
qu'à  propos  de  la  décollation  des  martyrs  Marins  etc.  (19  janvier);  encore 
ne  senible-t  elle  pas  indiquer  un  lieu  souterrain,  mais  un  lieu  découvert, 
situé  sur  une  déclivité,  à  proximité  d'un  arénaire,  mais  à  un  niveau 
plus  bas. 


LE   SAKCrrAIRE    DE   SAINT    LAURENT  5 

3°  Dans  ce  lieu  souterrain,  in  crypta  ',  il  construit  une  abside 
et  l'orne  d'un  placage  de  porphyre  :  cette  abside  s'ouvrait  sans 
doute  eu  face  de  la  tombe  sainte. 

4°  Le  dessus  de  celle-ci  (desuper  loci)  a  une  fermeture  d'argent 
iconclusit  de  ar<ie>ito)  :  il  y  a  des  grilles  d'argent  du  poids  de 
mille  livres.  Pour  bien  comprendre  ces  détails,  il  faudrait  savoir 
au  juste  quelle  était  la  forme  du  tombeau.  Il  semble  bien,  par  le 
mot  conclusit,  que  ce  n'était  pas  un  sarcophage  simplement  adossé 
au  mnr,  mais  plutôt  un  sarcophage  sous  niche  ou  un  arcosoliwn. 
Dans  ces  conditions,  la  fermeture  s'appliquait  à  l'espace  libre 
entre  le  tombeau  et  le  sommet  de  la  niche.  Quant  aux  grilles, 
je  les  conçois  comme  formant  balustrade  un  peu  en  avant  de  la 
tombe. 

5  '  En  avant  de  la  tombe  aussi  sont  suspendues  une  lampe  d"or 
à  dix  becs  et  une  couronne  d'argent  ornée  de  cinquante  dauphins. 
Le  luminaire  est  complété  par  deux  grands  candélabres  de  bronze. 

6"  Devant  le  tombeau,  des  reliefs  en  argent  représentant  la  pas- 
sion de  s.  Laurent  :  chacun  d'eux  est  éclairé  par  une  lampe  à 
deux  becs.  Où  étaient  au  juste  ces  médaillons?  Sur  la  grille?  C'est 
difficile;  ils  auraient  empêché  de  voir  la  tombe  sainte.  Plutôt  dans 
l'abside. 

Ainsi,  deux  parties:  une  basilique  à  ciel  ouvert,  une  chambre 
souterraine,  reliées  par  un  escalier.  Il  faut  noter  que,  dans  la 
chambre  souterraine,  il  n'est  pas  questiop  d'autel.  11  n'en  est  pas 
question  non  plus  à  propos  de  la  l)asilique:  mais  de  celle  ci  on 
ne  donne  ancune  description,  de  sorte  que  le  silence  à  son  égard 
n'a  pas  la  même  importance  que  pour  le  sanctuaire  souterrain. 
Aussi  n'est-il  pas  douteux  qu'il  ne  faille  rapporter  à  la  basilique 

'  In  quo  loco.  Locus  a  ici  le  sens  ordinaire:  uu  peu  plus  loin,  dans 
la  même  phrase,  il  a,  par  deux  fois,  le  sens  de  tombeau.  C'est  en  ce  sens 
que  Prudence  l'emploie,  précisément  à  propos  de  ce  sanctuaire,  dans  un 
passage  cité  plus  loin. 


6  LE    .SAN(TIIAIUE    I>K    SAINT    I.ATRKNT 

le  mobilier  eucharistique  dont  la  suite  du  texte  nous  donne  une 
énumératiou,  sous  une  rul)rique  spéciale,  Donum  (juod  ohMit  (Cons- 
tantinus);  uni!  iiatèiie  d'or,  deux  d'argent,  un  si///i/i)is  d'or,  deux 
d'argent;  dix  calices  «ministériels»  en  argent,  deux  amae.  aussi 
d'argent  ;  enlin   un  métrètc,   d'argent  encore. 

Au  milieu  de  ce  catalogue  de  vaisselle  liturgique  apparaissent 
trente  lampad;iires  (fura)  d'argent,  de  vingt  livres  chacun.  Comme 
on  ne  voit  pas  comment  tant  de  lampadaires  aiirairnt  pu  tenir  dans 
la  crypte,  il  est  naturel  de  les  attribuer  à  la  basilique  et  nous 
avons  ici  un  nouvel  argument  pour  établir  que  notre  liste  a  bien 
rapport  à  cet  édifice  et  nmi  au  sanctuaire  d'en  bas. 

Cett(!  seconde  liste  d'olijets  sacrés  est  séparée  de  la  première 
par  une  énumératiou  de  liuit  immeubles  appartenant  au  sanctuaire 
laurentien.  Cette  disposition,  cette  distril)ution  du  mobilier  sacré  en 
deux  listes  nettement  distinctes,  est  un  indice  de  plus  en  faveur  de 
la  distinction   des  deux   i)arties  du  sanctuaire. 

C'est  ce  lieu  saint  que  Prudence  a  eu  sous  les  yeux  ;  il  le  men- 
tionne rapidement  à   propos  de  saint  Laurent  '    lui-même: 

AEnEMQrE,  Luiiri'nti,  fuam 
vestalis  intrat  Chtudia  .  .  . 
Beatus  Urhis  ivrohi. 
qi(i  te  (te  tuorum  cominus 
sedem  célébrât  ossumn  ! 
Cui  'propter  advolvi  licet, 
qui  flelibns  spargit  locum  .  . . 

Mais  c'est  à  propos  de  saint  Hippolyte  qu'il  le  décrit  *.  Celui-ci 
avait,  de  l'autre  côté  de  la  voie  Tiburtine,  nn  sanctuaire  souter- 
rain, plus  complet  que  celui  de  s.  Laurent,  car  on  y  trouvait  un 
autel,  sai-ramenti  donutrix  mensa^  et  Ton  y  recevait  la  communion 

'  Peristeph.,  II,  527-8;  534. 
2  Peristeph.,  XI,  215  230. 


LE    SANCTUAIRE    DE    SAINT    LAURENT  7 

pascit  item  saiicfis  Tibricolas  thijjibus.  Mais,  lea  jours  de  fête,  cette 
petite  église  souterraine  deveuait  insuffisante  et  force  était  de  se 
transporter  dans  une  basilique  voisine,  dont  les  hautes  murailles 
splendidement  décorées  accueillaient  des  foules  nombreuses.  Deux 
rangées  de  colonnes  soutenaient  le  toit  et  les  poutres  dorées  de  la 
charpente;  trois  nefs,  celle  du  milieu  plus  large,  plus  élevée;  au 
fond,  sur  des  degrés,  la  chaire  épiscopale. 

C'est  dans  cette  église  que  l'on  célébrait  les  vigiles  solennelles. 
Il  en  est  question  dans  la  vie  de  sainte  Mélanie  la  jeune  '  à  propos 
de  la  vigile  de  saint  Laurent  à  laquelle  la  sainte  aurait  voulu  assister 
iii  sancti  martyris  basilica.  Comme  elle  en  fut  empêchée,  elle  se 
dédommagea  le  lendemain  en  allant  prier  avec  sa  mère  ad  mar- 
tyrium  heati  Laurentii.  Si  je  ne  me  trompe,  les  deux  termes  ba- 
silica et  martyrium  correspondent  dans  ce  texte  à  la  basilique  su- 
périeure, spacieuse  et  bien  éclairée,  appropriée  k  de  grandes  réu- 
nions nocturnes,  et  à  la  crypte  sainte,  plus  indiquée  pour  la  prière 
individuelle. 

Cette  crypte  est  mentionnée  expressément  dans  une  inscription 
de  Tannée  405,  trouvée  en  1900  dans  les  travaux  du  Campo  Ve- 
rano  '  ;  sa  teneur  renseigne  exactement  sur  l'emplacement  (ju'elle 
occupait  à  l'origine  :  FI.  Eu)  talus  lu  h.  comparavit  locum  sivi  se 
rivo  ad  mesa  beat/  marturis  Laurenti  descendentib .  in  cripta  parte 
dextra  de  fossore . . .  (lo)ci  ipsius  die  III  Kal.  mains  FI.  Stilicone 
secundo  conss.  La  mensa  {mesa)  B.  Laurentii,  c'est  le  tombeau  du 
saint  ;  la  crypte,  c'est  le  souterrain  dans  lequel  on  descend  par  des 
degrés.  Ce  texte  est  en  parfaite  conformité  avec  la  description  du 
Liber  pontifkalis. 

A  côté  de  cette  inscription  il  convient  d'en  citer  une  autre  qui, 
elle,  a  disparu    depuis    longtemps,  mais  dont  nous   avons  le  texte 

'  Rampolla,  .S'.  Jlchuna  giuniore,  p.  6. 

-  Nuovo  Bull.,  1900,  p.  127,  pi.  III,  avec  le  commentaire  de  M.  Ma- 
rucchi. 


«  LE   «ANCTfAIUE    I>E   SAINT    LAURENT 

daii.1  un   rccui-il  ('^])igraplii(|iu'  du   IX'  siècle  '.  Klle  y  est   indiquée 
in   hiisUiiii   S.   l.diiii'iitii  lircit   ilturnm  : 

Siiccediinl  meliotii   tihi  mirunda  tufinii 
qnae  Leopaidi  liihor  cura  et  rigUmida  ferit. 
SiimplihxK  Iku'c  propriis  ornarit   mnenin   C/irisli. 
licspice  et  inç/ressu  x>^('<''<^<>  nora  quneqtte  révisa  : 
i/ielestis  manns  ecre  Dei  (/tiae  praemin  rerldit 
ijiKie  cumuJdtd   rides  iliii)i(i   in   iieci-lesia   Cliristi. 

Le  dernier  vers  est  iil)sciir  ;  mais  de  l'ensemlilc!  se  dégage  l'idée 
du  renouvellement  d'un  éditire  sacré.  H  semble  que,  parmi  ces 
■meliiira  iiiirinidn.  l'un  duive  distingner  la  déeoi'ation  eu  mosaïque 
d'une  conque  absidale  :  la  main  de  Dieu  tenant  une  couronne  est 
un  motif  assez  fré(|uent  de  ces  ornementations.  Le  Leopardus,  qui 
en  a  eu  l'idée  et  qui  en  a  fait  les  frais,  nous  est  bien  connu,  ''est 
un  prêtre  romain  du  temps  de  Sirice  (384-399),  qui  l'envoya  en 
mission  à  Milan  eu  390  '.  Vers  ce  tenips-l:i  il  s'occupait  de  la  res- 
tauration de  la  basilique  Pndentieuiie  :  plus  tard,  sous  le  pape  In- 
nocent (402-417),  il  s'occupa  de  Saint-Vital  I //<«'/««  Vestirtae)  ai  àt 
Sainte-Agnès  sur  la  voie  Xomentane  '.  C'était  évidemment  un  homme 
riche  et  généreux. 

Le  fait  que  son  inscriptioM  ti^iire  dans  le  recueil  de  Wurtzliourg 
donne  lieu  de  croire  (|u'une  partie  du  monument  |irimitif  avait  été 
conservée  ilans  les  remaniements  considérables  opérés  entre  le  V"'  siècle 
et  le  IX".  f'ircu  choruni,  dit  la  rulirique.  Cela  parait  signifier  «  dans 
la  courl)e  de  l'abside  ».  L'inscription  de  Leopardus  n'est  pas,  on  le 

'  De  Rossi,  Inscr.,  t.  II,  p.  155.  Dans  mon  couinientaire  au  L.  P.. 
t.  I,  p.  198  et  .SIO,  j'ai  e.\primé  l'idée  que,  dès  avant  Pelage  II,  la  basi- 
lique constanlinienne  avait  été  démolie  et  reconstruite  au  niveau  du 
sol  de  la  crypte  souterraine.  Cette  manière  de  voir  ne  me  semble  plus 
soutenable. 

=  .Jaft'é,  260. 

'  L.  P..  vie  d'Innocent. 


LE   SANCTUAIRbJ    I)E   SAINT   LAURENT  !t 

virra  liiciitot,  le  seul  arfiiiment  que  l'dii  puisse  faii-e  valoir  en  fa- 
veur (le  la  eduservatioii,  bien  longtemps  après  le  IV"  sièele,  do  cette 
très  ancienne  abside. 


La  basilicii  siHM-iosior. 

Le  sanctuaire  de  saint  Laurent  ne  conserva  pas  indéfininient  la 
disposition  qu'on  lui  avait  donnée  sous  Constantin:  une  basilique 
au  dessus  du  sol,  une  crypte  souterraine  où  était  la  tombe  sainte. 
Ainsi  le  virent  Damase,  Prudence,  Leopardus,  Mélanie.  Mais  par  la 
suite  il  se  produisit  des  changements. 

Les  itinéraires  des  pèlerins  au  VIT  siècle  '  distin;.;uent  en  cet 
endroit  deux  basili((ues  appelées  par  eux,  l'une  hnsilira  waior, 
l'autre  busilicd  sjicciosior  ou  nova.  C'est  dans  celle-ci  qu'est  la  tombe 
sainte,  et  non  pins  i»,  crypla,  dans  une  chambre  on  galerie  sou- 
terraine. De  la  basilique  speciosior  nous  avons  encore  sous  les  yeux 
les  nefs  avec  la  tombe  sainte,  laquelle  n'est  plus  dans  nue  crypte 
souterraine  mais  dans  l'église  elle-raême.  Cette  basilique,  nous  le 
savons  par  ses  inscriptions  et  ses  mosaïques,  fut  construite  par  le 
pape  Pelage  II  (579-590):  il  n'est  pas  étonnant  qu'une  cinquan- 
taine d'années  plus  tard,  ce  qui  est  le  temps  des  itinéraires,  elle 
ait  fait  l'etfet  d'être  neuve  et  brillante,   nom,  spci-iosior. 

Ainsi,  sous  Pelage  II  et  depuis,  il  y  avait  deux  basiliques;  les 
documents  les  mentionnent  de  temps  :i  autre,  jusqu'au  milieu  du 
IX"  siècle.  Négligeons,   pour    le    moment,  les    temps    postérieurs  à 

'  Salisb.:  Postea  peivenies  ad  ecclesiam  s.  Laïuentii;  ibi  sunt  nia- 
gnae  basilicae  in  (|iiaruiii  quis  speciosioiein  (sic)  et  pausat...  Epitome-. 
Prope  eaiidem  viain  (Tihurtinam)  ecclesia  est  s.  Lamentii  maior,  in  qua 
corpus  eius  primum  fuerat  hnmatuui,  et  ibi  basilica  nova  pulchritu- 
dinis  ubi  ipse  modo  icquiescit ...  jVo//<!a:  luxta  hanc  viam  (riftitrtmam) 
iacet  S.  Laurentiiis  in  sua  ecclesia...  et  ibi  prope  in  altéra  ecclesia  pan- 
sant hi  inartyies,  Ciiiaca,  etc.  (De  Rossi,  B(wi<t  sott.,  t.  I,  p.  178.  179). 


10  LE   SANCTirAlUK    DE   MAINT    LAI'UENT 

l'chige  et  tiichoiift  de  percer  les  ténèbres  qui  enveloppent  i)oiir  noua 
l'histoire  (lu  monument  entre  le  IV'  sièele  et   l:i   lin   du    V!  . 

Deux   points  sont  siirs: 

1"  Dè8  avant  l'élage,  la  IxisHim  iwt'n»-  existait  et  on  l'appe- 
lait ainsi.  Ceci  résulte  de  deux  inscriptions  du  V  siècle  environ, 
ou  du  commencement  du  VI',  dans  lesquelles  cette  liasilique  est 
mentionnée  '.  Or  une  hnsilim  maiur  suppose  une  basilim  minor. 
I/édiliee  péla-icn  a  donc  succédé  à  une  autre  basilique,  que  l'on 
appelait  ou   pouvait  appeler  b<isHir<i   minor. 

2°  Jusqu'en  468  au  moins  le  tomlieau  de  saint  Laurent  est 
demeuré  souterrain.  Trois  papes  du  V"  siècle,  Zosime  (f  ^l^), 
XysU-  111  (t  t^0)>  Hilaire  Cf  ■^'^'^)^  <'"''*'"t  enterrés  à  S"  Laurent. 
Si,  pour  Zosime,  le  livre  pontifical  se  conteTitc  .rindi(iucr  la  sé- 
pulture iiixta  corims  B.  Lmtrentii  nmrtyris,  pour  les  deux  antres, 
il  marque  expressément  que  leurs  sépultures  étaient  in  criipta,  ce 
qui,  d'après  un  usage  constant,  veut  dire  qu'elles  étaient  sous  terre. 

Ainsi  l'élage  a  tiwivé  une  busiliva  minor  préexistante,  à  laquelle 
il  a  substitué  la  sienne.  Etait-ce  encore  la  basilique  de  Constantin 
située  au  dessus  du  s(d,  ou  bien  l'avait-on  déjà  reconstruite  et  dé- 
placée, en  l'enfonçant  pour  ainsi  dire  jusqu'au  niveau  de  la  tombe 
sainte?  Voyons  si  nous  ne  trouverons  pas  quelque  éclairi'isscment 
là-dessus  dans  rinscrii)tion  "  où  sont  décrits  les  travaux  exécutés 
sous  Pelage  : 

Demovil  Domiinis  trnfhrns,   ut  har  crenia 
lus  quondam    latebris  nunr  modo  fulgor   inest. 
Angustos  adifus  renernbile  corpus  habebaf 

'  De  Rossi,  BiilL,  1876,  p.  22,  2.J:  in  fcASSILTCA  MAXIO,r...  IX 
BASILICA  MAIORE  AI)  DOMXV  LAVRESTIVM. 

'■  Cette  inscription  a  été  refaite  en  niosaïiiiie  et  placée  en  liaut  de 
l'arc  triomphal.  Mais  il  est  fort  douteux  que  telle  soit  sa  place  primi- 
tive, .le  croirais  plutôt  qu'elle  se  lisait  au  bas  de  l'église,  comme  les 
inscriptions  analogues  de  Sainte-Sabine  et  de  Sainte-Marie-.Majeure  (celle-ci 
disparue).  Rien  ne  prouve  (lu'elle  ait  été  en  mosaïque. 


LE   SAK'CTCAIKE    DE   SAINT   LAURENT  U 

hiii-  uhi  »unr  jMpitluni  largior  '  auta  capit. 
Enda  pi  uni  lies  imtuit  su  h  monte  reciso 
estqiie  remota  (/nui  mole  ruina   mina.r. 

Ainsi,  oppositimi  de  l:i  nuit  et  du  jour:  le  sanctuaire  nrl  corpus 
était  étroit,  obscur,  difficile  d'accès;  des  éUoulements  étaient  à 
craindre;  tel  était  l'état  antérieur.  Maintenant  une  large  enceinte, 
obtenue  en  tranchant  et  en  dél)layant  uue  partie  de  la  colline,  de 
sorte  que  Tédifice  est  désormais  en  sûreté.  Supposons  que  Pelage 
eût  déjà  trouvé  la  basilique  enfoncée  dans  le  sid  et  ((u'il  se  fût 
borné  à  l'exhausser  en  y  étaldissant  un  étage  de  galeries,  on  voit 
bien  qu'il  y  aurait  donné  plus  de  jour,  mais  ou  ne  voit  pas  qu'il  eût 
rendu  plus  facile  d'accès  le  saint  tombeau,  ni  qu'il  eût  élargi  l'en- 
ceinte; on  ne  comprend  pas  que,  pour  ses  travaux,  il  ait  eu  besoin 
de  se  procurer  un  emplacement  en  taillant  dans  la  colline  voisine. 

Ainsi  la  disposition  nouvelle  ",  la  basilique  enfoncée  jusqu'au 
niveau  de  la  tombe  sainte,  est  très  vraisemblablement  du  temps  de 
Pelage.  Depuis  l'année  -168,  où  l'ancienne  disposition  durait  encore, 
rien  de  ce  côté  n'avait  été  changé. 

Pelage  lui-même  ne  paraît  pas  avoir  tout  supprimé.  La  tombe 
du  martyr,  bien  entendu,  ne  put  être  changée  de  place.  Cependant, 
comme  on  démolissait  la  catacorabe  autour  d'elle,  en  vue  de  l'isoler 
complètement,  elle  perdit  son  aspect  primitif.  C'est  pendant  ces 
travaux  que  se  produisit  le  fait  rapporté  par  saint  Grégoire  '  ;  un 
accident  eut  lieu  :  la  tombe  sainte  fut  ouverte  ;  les  ouvriers  et  autres 
personnes  présentes  aperçurent  les  ossements  du  martyr.  Ils  mou- 
rurent tous  dans  les  dix  jours. 

'  Lotuiior.  par  erreur,  sur  la  mosaïque  actuelle. 

-  Ou  dirait  que  les  tombeaux  des  trois  papes  Zosime,  Xyste  Itl  et 
Hilaire  furent  sacrifiés  aux  nouveaux  arrangements  ou  tout  au  moins 
placés  moins  en  vue:  aucun  d'eus  n'est  mentionné  dans  les  itinéraires 
du  VIF  siècle. 

'  Reg.,  IV,  30  (594). 


12  I,K   SANCTIIAIUK    I)K    SAINT    LAI'RENT 

Les  (liiiize  belles  coUinnes,  dont  leH  cliaijiti'iuix  si  éiégiints  siip- 
lioitciit  riiicoliérent  eiitablenioiit  de  Pélag-i'  II  et  sa  (galerie  supé- 
rieure, doivent  provenir  de  quel((uc  éililicc  ])lus  ancien.  Ce  n'est 
pas  une  eonjeeture  trop  hasardée  (|ue  de  supposer  ([u'elles  ont  été 
tout  sini])ienient  déména},'écs  de  la  basilique  eonslMiitiiiiiiine,  où  elles 
avaient  dû  venir  d'ailleui's.  Mais  on  jx'iit,  je  orciis,  jionsser  les 
conjectures  plus  loin. 

La  mosaïque  de  Tare  nous  offre,  sur  sa  surf.iee  plane,  une  dé- 
coration qui  ne  se  rencontre  guère  que  dans  les  conques  alisidales. 
Le  Christ,  assis  sur  le  globe  terrestre,  entre  les  apôtres  Pierre  et 
r.iul,  Mccucille,  d'un  rôté,  le  pape  l'élage  II  présenté  par  saint 
Laurent,  de  l'autre  saint  Hippolyte,  présenté  par  saint  Etienne. 
Pour  que  ce  sujet  n'ait  pas  été  réservé  à  l'abside,  il  fallait  que 
celle-ci  ne  fût  pas  disponible.  Or  si  cette  abside  avait  été  construite 
ou  reconstruite  par  Pelage,  c'est  à  lui  qu'il  eût  incombé  de  la 
décorer.  S'il  ne  l'a  pas  décorée,  c'est  qu'elle  l'était  déjA  ;  ainsi 
elle  lui  était  antérieure  ;  c'était  l'abside  de  la  basilique  constan- 
tinienne.  Ici  il  faut  en  revenir  à  l'inscription  de  Leopardus,  la- 
quelle se  présente  comme  la  dédicace  d'une  mos.iù|ue  absidale, 
exécutée,  vers  l'année  400,  dans  cette  basilique,  et  visible  en- 
core au  IX''  siècle.  Ces  deux  indications,  celle  que  fournit  la 
mosaïque  de  Pelage  et  celle  qui  se  déduit  de  l'inscription  de  Leo- 
pardus, convergent  merveilleusement  ;  il  est  difficile  de  ne  pas  en 
tenir  compte. 

Une  particularité  de  cette  église,  c'est  que  la  tombe  sainte 
était  au  milieu  de  la  nef  et  non  pas  sous  l'arc  principal,  ni  en 
arrière  vers  l'abside.  Dans  le  dispositif  moderne  ceci  a  été  corrigé. 
On  a  transporté  l'autel  pour  le  mettre  à  l'aplomb  du  tombeau  de 
saint  Laurent. 


LE    .SAiNLTIJAlRE    DE   SAINT    LAURENT  13 

La  hasilica  luaior. 

Maintenant  il  fant  nous  occuper  de  la   basilirrt    niaior. 

Le  livre  pontifical,  après  avoir  relaté  la  fondation  du  sanctuaire 
au  temps  de  Constantin,  n'en  parle  plus  avant  celui  de  Valenti- 
nien  ill,  dans  la  vie  du  pape  Xyste  III  (432-440).  Une  vingtaine 
d'années  avant  ce  pape,  Rome  avait  été  assiégée,  mise  à  rançon 
et  pillée  par  Alarie.  La  plupart  des  églises  avaient  perdu  leurs 
ornements  en  métal  précieux,  soit  parce  que  les  barbares  les  avaient 
emportés,  soit  parce  que  les  autorités  ecclésiastiques  les  avaient  elles- 
mêmes  réquisitionnés  pour  aider  à  paj^er  les  impositions  des  vain- 
queurs. La  tranquillité  revenue,  le  gouvernement  de  Placidie  et  de 
son  fils  Valentinien  111  s'efïorçait  de  rendre  aux  églises  une  partie 
de  ce  qu'elles  avaient  perdu.  C'est  ce  qu'on  les  voit  faire  à  Saint- 
Pierre,  à  Saint-Paul  et  au  Latran.  Pour  ces  trois  églises  le  livre 
pontifical  rapporte  expressément  l'intervention  de  l'empereur.  En 
ce  qui  regarde  Saint-Laurent,  dont  il  s'occupe  ensuite,  il  commence 
par  dire  que  le  pape  Xyste  fit,  c'est-à-dire  refit,  la  confession  du 
martyr  ;  qu'il  y  plaça  des  colonnes  de  porphyre,  une  balustrade 
en  porphyre,  surmontée  de  grilles  d'argent  ;  que  l'autel  et  la  con- 
fession reçurent  des  ornements  d'argent:  qu'il  refit  aussi  l'aliside, 
y  plaça  une  statue  du  saint  et  aussi  des  grilles.  Dans  ces  travaux 
on  retrouve  les  principaux  éléments  de  la  décoration  constantinienne, 
que,  semhle-t-il,  on  s'attaclia  à  reconstituer.  Toutefois  il  faut  noter 
l'adjonction  d'un  autel. 

Mais  le  livre  pontifical  continue  :  Ferit  axtem  husilieam  s.  Lau- 
rentio  qitod  Valentivianiis  Aug.  concessit,  ttbi  et  obtidit . . .  Suit 
une  énumération  de  vaisselle  sacrée,  adaptée  aux  exigences  d'une 
grande  église. 

Où  était  cette    église?  J.   B.  de   Rossi   la  place    sans    hésiter  à 
Saint-Laureut-hors-les-raurs.    Cette   attribution    a   été   contestée   ces 


14  LE    SANCTI'AIRK    I>E   SAINT    LAVRENT 

temps  (Icniicrs  par  des  i)ersonnes  qui.  reiionvelaiit  tiiie  ojiiniDii  an- 
cienne, ridentifient  ù  S'  Laurent  in  Liicinu  et  proposent  à  ce  sujet 
des  arguments  d'apparence  sérieuse.  Aussi  dois-je  exposer  les  raisons 
pour  lesciuelles  je  demeure,  sur  ce  point,  fidèle  au  sentiment  de 
De  Kossi  '   et  comment  je  résons  les  objections  qu'il  a  suscitées. 

1°  Le  Liber  poiitificalis,  quand,  après  s'ctre  occupé  d'églises 
extra  muros,  il  passe  à  des  églises  intra-muros  ■  signale  d'ordinaire 
ce  cliîingement  par  quelque  formule  comme  in  nrhe  Borna,  intra 
urbem  Jlomam,  etc.  Ainsi  dans  la  notice  d'IIilaire,  après  avoir 
parlé  de  Saint-Pierre,  de  Saint-Paul  et  de  Saint-Laurent,  il  passe 
aux  tittiU  de  la  ville  :  in  urbe  vero  Roma.  Un  peu  plus  bas  dans 
la  même  notice,  après  les  constructions  élevées  près  de  S'  Laurent, 
il  passe  à  un  monastère  urbain,  intra  urbe  Roma.  Dans  la  notice 
de  Symmaque,  après  avoir  énuméré  diverses  fondations  suburbaines, 
il  en  vient  à  l'église  des  ss.  Silvestre  et  Martin  :  intra  ciritatem 
Romanam.  Ici,  rien  de  semblable  :  nous  sommes  d'abord  à  Saint- 
Laurent-hors-les-murs;  après  avoir  énuméré  divers  embellissements 
ou  restaurations  de  la  tombe  sainte,  on  nous  parle,  sans  autre  ex- 
plication, d'une  basilique  de  même  vocable.  Il  est  naturel  de  croire 
que  nous  sommes  encore  au  lieu  appelé  par  antonomase  Ad  s.  Lau- 
rentium,  c'est-à-dire  près  du  tombeau  du  saint. 

2°  .l'ajiniterai  que  l'usage  constant  du  Liber  jwntificalis  et,  en 
général,  de  tous  Us  documents  romains  est  de  réserver  au  sanctuaire 
du  Verano  la  dénomination  Ad  s.  LMureritium,  sans  autre  qualificatif. 
Les  autres  églises  de  S'  Laurent  sont  désignées    par  quelque    spé 


'  t'ependiint,  à  la  suite  des' observations  de  M.  Santé  Pesarini  et  de 
ses  exi)crtises  du  moniiiuent,  je  crois  devoir  abandonner  l'identification, 
admise  par  De  Rossi,  entre  l'ancienne .  ftasîfica  maior  et  la  nef  de  la 
liasilicnic  actuelle.  Cette  nef  est,  comme  le  poicbe  occidental,  du  teiuiis 
d'Honorius  III.  Mais  elle  me  paraît  occuper  une  partie  de  l'emplace- 
ment de  la  basilica  maior. 

'  Sauf  pour  la  basilique  de  Latian,  mentionnée  d'iialiitudc  avec  celles 
de  s.  Pierre  et  de  s.  Paul. 


LE    SANCTUAIRE    DE   SAINT   LAURENT  15 

cification,  i»  Dumnso,  in  Lucina.  in  Formoso.  Autrement  des  con- 
fusions n'auraient  pas  manqué  de  se  produire.  C'est  comme  pour 
les  églises  de  Sainte-Marie,  de  Saint-André,  etc.  Tant  qu'il  n'y  eut 
qu'une  église  de  Sainte-Marie,  le  livre  pontifical  appelle  cette  église 
Sainte-Marie  tout  court.  Quand  les  églises  de  ce  vocable  se  multi- 
plièrent, apparurent  les  désignations  de  S.  Maria  Maior  et  S.  Ma- 
ria ad  Praesepe.  Le  nom  du  saint  ne  suffisait  pas  à  indiquer  l'église 
dont  on  parlait.  Or  ici  rien  de  semblable  :  pas  question  de  Lucine 
pas  plus  que  de  la  situation  à  l'intérieur  des  murs  ou  de  la  qua- 
lité d'église  titulaire.  Interprété  d'après  Tusage  courant  du  temps 
où  il  a  été  écrit,  ce  texte  nous  conduit  à  S'  Laurent-hors-les-murs 
et  non  ailleurs. 

3°  Mais,  nous  dit  on,  comment  expliquer  les  mots  quod  Talen- 
tinianus  Any.  concessit  .?  Quel  besoin  d'une  autorisation  impériale 
poui'  construire  une  église  dans  Vager  Yerarms  qui  appartenait  à 
l'église  romaine  dès  avant  la  persécution  ?  Tandis  que  la  basilique 
in  Lucina  s'élève  sur  un  emplacement  qui,  en  partie,  était  occupé 
par  un  édifice  public,  le  cadran  solaire  du  Champ  de  Mars.  En 
vain  dirions-nous  que  l'église  in  Lucina  existait  déjà  en  366,  puis 
qu'on  y  fit  l'élection  du  pape  Damase.  On  répond  que,  dans  le  récit 
des  Gesta  inter  Liberinm  et  Felicem  où  il  est  question  de  cette 
élection,  le  lieu  où  fut  élu  Damase  est  désigné  simplement  par 
l'expression  in  Jjucinis,  tandis  que  celui  où  fu.t,  le  même  jour, 
élu  son  compétiteur  Ursinus  est  indiqué  par  l'expression  in  basi- 
lica  Iidii.  Cette  différence  doit  signifier  (jne  la  basilique  de  Jules 
était  un  édifice  spacieux,  une  vraie  basilique,  tandis  que,  au  lieu 
dit  in  Lucinis,  il  n'y  avait  qu'un  local  restreint  enserré  dans  les 
édifices  publics.  —  Cette  distinction  me  parait  bien  subtile.  Du  mo- 
ment où  les  électeurs  de  Damase  avaient  choisi  le  lieu  in  Lucinis 
pour  s'assembler,  c'est  qu'il  devait  offrir  un  espace  assez  grand, 
les  élections  épiscopales  attirant  toujours  beaucoup  de  monde.  De 
plus  il  serait  difficile  de  signaler  une  élection  pontificale    célébrée 


IG  LE    SAN<;TrAIRK    i)K   SAINT    LAI'RENT 

en  ces  toini>s-l;i  en  (Icihura  iriine  église.  Enfin,  il  est  facile  de  dire 
que  le  cadran  solaire  du  (Jliamp  de  Mars  existait  encore  au  IV  siècle  : 
mais  cette  affirmation  est  liien  risquée.  I^es  régionnaires  du  IV*  siècle 
indiquent  robélisque  in  Cumpo  ]\fnrfio,  sans  souffler  mot  de  la  sur- 
face où,  A  l'origine,  un  système  de  lignes  et  de  chiffres  indiquait 
l'heure  d'après  la  longueur  de  l'ombre  i)rojetée  par  l'oliélisque  ;  ils 
ne  parlent  que  de  l'oljélisque  lui-même  ;  Ammien  Marcellin  en 
fait  exactement  autant  (XVII,  4,  12);  l'itinéraire  d'Einsiedlen  men- 
tionne en  même  temps  l'obélisciue  et  l'église  Saint-Laurent  in  Lu- 
cina.  Ainsi  l'église  et  l'obélisque  ont  coexisté  jusqu'au  VIII*'  siècle  ; 
on  peut  même  dire  jusqu'au  XVIIT,  car  c'est  seulement  alors  que 
Benoît  XIV  fit  déterrer  les  fragments  du  monolithe,  tombé  et  brisé 
depuis  longtemps  sur  son  emplacement  primitif,  pour  en  orner  la 
place  de  Monte  Citorio.  Rien  n'oblige  d'admettre  que  la  surface 
occupée  à  l'origine  par  le  cadran  solaire  ne  fût  pas  disponible  dès 
le  IV''  siècle:  déjà,  au  temps  de  Pline,  le  fameux  horoJoghim  était 
détraqué  depuis  longtemps  et  ne  donnait  plus  que  des  indications 
inexactes  '.  Il  semble  que,  si  l'appareil  chronométrique  eût  encore 
fonctionné  sous  leurs  yeux,  les  régionnaires  ne  se  seraient  pas  bornés 
;"i  mentionner  l'obélisque,  mais  qu'ils  auraient  employé  le  terme 
hoiologium  ou  quelque  autre  de  même  sens.  Du  reste,  qui  sait  si 
l'église  actuelle,  reliâtie  au  XVII'  siècle  aiirès  l'avoir  été  déjA  au 
XII",  occupe  exactement  rempl.-u'cment  de  celle  des  temps  anté- 
rieurs î" 

Je  disais  tout  à  l'henre  (|u'il  y  avait  (|neb|ne  suljtilité  à  opposer 
les  deux  désignations  in  hasHicn  lulii  et  in  Lucinis,  la  première 
visant  une  grande  basilique,  la  seconde  les  édifices  assez  étroits 
(l'un  ancien  fitiili(s.  Regardons-y  de  plus  prés.  Est  il  bien  sûr  que 
la  formule  //(  Lncitiis  soit,  en  elle-uiéme  ou  par  opposition  à  l'autre, 
in   hasilira   Inlii.  exclusive  d'une  véritable  basilique?  Saint  Jérôme, 

'  Pline,  Hist.  iiat.,  XXXVl,  73. 


LE   SANCTUAIRE    DE   SAINT    LAURENT  17 

en  racontant  dans  sa  chronique  les  raëines  événements,  désigne  la 
basilique  libérienne  par  le  mot  Sicininum,  tout  court:  Ursinus  a 
qiiihusdam  ejiiscojnts  co)tstitutus  Sicininum  cnm  suis  inraâit.  Il 
s'agit  là  d'une  vraie  basilique,  toute  neuve  encore,  puisque  sa 
construction  remontait  à  quatorze  ans  au  pins.  S'  Jérôme  et  l'au- 
teur des  Gestd  sont  contemporains:  ils  parlent  des  mêmes  événe- 
ments: s'il  est  impossible  de  voir  dans  l'expression  Sicininum  de 
S'  Jérôme  autre  chose  qu'une  vraie  basilique,  pourquoi  cette  inter- 
prétation ne  vaudrait  elle  pas  pour  la  fcirmule  in  Lucinis^  Pour 
indiquer  les  stations  liturgiques  de  la  l)asilique  de  Latran,  on  di- 
sait couramment  in  Lateranis  on  ud  Lateranis  '. 

Je  conclus  donc  que  rien  n'autorise  à  détourner  cette  formule 
de  son  sens  naturel  et  qu'une  basilique  in  Lncinis  existait  en  366, 
soixante-dix  ans  avant   Xyste   III. 

Mais  pourquoi  Xyste  III  a-t-il  eu  besoin,  pour  sa  basilique  de 
Saint-Laurent,  d'une  autorisation  officielle  ?  Nous  n'en  savons  rien. 
Le  livre  ])ontifical  parle  de  Saint-Laurent  après  avoir  mentionné 
les  liliéralités  de  Valentinieu  III  en  faveur  des  basiliques  de  Latran, 
de  Saint-Pierre  et  de  Saint-Paul.  Peut-être,  pour  Saint-Laurent, 
comme  pour  les  trois  autres  sanctuaires,  s'agit-il  seulement  d'une 
contribution  pécuniaire.  La  famille  impériale  d'Occident  était,  nous 
le  savons,  très  dévouée  au  culte  du  grand  martyr.  Mais  admettons 
qu'il  se  soit  agi  d'une  autorisation  de  bâtir.  Qui  sait  si  les  nou 
velles  constructions  n'empiétaient  pas  sur  le  domaine  public  ou  sur 
quelque  domaine  funéraire  privé  ^  La  voie  Tiburtine  était  tout 
proche  :  si  la  nouvelle  basilique  méritait  vraiment  le  qualificatif 
maior.  comme  elle  ne  commençait  (on  le  verra  bientôt)  qu'à  l'ouest 
des  ambons  actuels,  elle  devait  étendre  ses  nefs  bien  au  delà  du 
porche  d'Honorius  III.  Ajoutons  encore  l'atrium  dont  elle  dut  être 
précédée  et  l'ouverture  sur  la  voie  publique  :  il  y  a,  dans  ces  dé- 

'  Lectionnaire  romain  publié  dans  la  Jievue  bénédictine,  1910,  p.  49 
et  suiv. 

Mélanges  d'Arch.  et  d'Hist.  1921.  2 


18  I,E   SANCTI'AIRK    DK    SAINT    I.AI'RKNT 

vcloppeineiits,  de  ([uni  l';iii('  su]iiiosci'  une  extension  uii  ileli'i  du  ilo- 
iiiaine  ('cclésiusticiue  de  ïnt/er  Veranus  et,  par  suite,  di'  quoi  cxpli 
quer  la   nécessité  d'une  autorisation  officielle. 

■C'e  n'est  pas  seulement  de  ce  coté  que  l'af/er  Veranus  était 
limité.  Au  sud  et  au  sud-est  de  la  basilique  ad  l'orpus  s'étendait,  au 
IV'  siècle  encore,  une  propriété  privée,  celle  d'un  riche  païen  appelé 
Léon,  qui  plus  tard  se  convertit  et  devint  même  évêque  '.  Le  tom- 
beau de  S'  Laurent  était  dans  Vnger  Veraniis.  oui:  mais  à  quehiues 
mètres  de  là  on  était  eu  dehors  de  ce  domaine  ecclésiastique. 

4"  Au  rapport  de  Pompeo  Ugonio  (1588j',  on  voyait  de  son 
temps  dans  l'abside  de  S'  Laurent  in  Lucina  une  peinture  repré- 
sentant le  Christ  entre  les  apôtres  Pierre  et  Paul,  les  martyrs 
Laurent  et  Etienne,  puis,  d'un  côté,  Lucine,  tenant  le  modèle  de 
l'église,  de  l'autre  côté.  Sixte  III,  l'un  et  l'autre  avec  leurs  noms 
écrits  au  dessus  de  leurs  têtes.  De  ceci  il  ])eut  résulter  que  Tau- 
teur  de  ces  peintures  interprétait  le  Liber  poHtifirdJis  comme  le 
fait  maintenant  M.  Saute  Pesarini,  ou  procédait  d'après  une  tra- 
dition fondée  sur  cette  interprétation.  P.  Ugonio  estimait  que  la 
peinture  pouvait  remonter  à  «  qualche  centinaia  d'anni>>;  elle  ne 
devait  pas  être  antérieure  k  la  reconstruction  de  l'église  au  XII" 
siècle  et  h  sa  consécration  par  Anaclet  II  (1130)'. 

En  ces  temps-là,  il  n'y  avait  plus,  au  Verano,  ([u'une  seule  ba- 
silique de  Saint  Laurent,  la  basili(|ue  pélngienne,  ou  ad  inrjius  : 
l'autre,  on  le  verra  bientôt,  avait   perdu  sou   vocable   i)our  devenir 

'  L.  P.,  t.  I,  p.  250,  note  3. 

«  Siaziom,  p.  184. 

'  Est  il  bien  sûr  que  le  pape  ligure  dans  cette  eoinposition  ait  toujours 
été  Sixte  III?  Anaclet  II  ue  répugnait  pas  à  se  faire  représenter  dans 
les  monuments  de  son  temps.  J'ai  expliqué  ailleurs  (L.  /'.,  t.  II.  p.  :î25^ 
qu'il  avait  figuré  au  Latran  dans  la  cliajjelle  de  Saint-Xicolas,  avec  son 
nouj  ;  et  que,  par  la  suite,  ce  nom  fâcheux  avait  été  remplace  d'abord 
par  celui  de  Calixte  II,  puis  par  celui  d'Anastasc  IV.  Qui  sait  si  le  nom 
de  Sixte  III  que  P.  Ugonio  lisait  vers  la  fin  du  XVP  siècle  ne  repré- 
sentait ])as  une  correction  ? 


LE    SANCTUAIRE    DE    SAINT    LAURENT  19 

une  église  de  Sainte-Marie.  Dans  ces  conditions  il  était  naturel 
de  chercher  ailleurs  la  basilique  de  Xyste  III.  Ou  avait  le  choix 
entre  les  deux  vieilles  églises  titulaires  in  Bamaso  et  in  Lu- 
riiia.  Mais  la  fondation  de  la  première  était  attribuée  par  le  livre 
pontifical  au  pape  Dainase,  tandis  que  la  fondation  de  l'église 
in  Lucinn  n'y  est  marquée  nulle  part.  C'est  à  celle-ci  qu'inévita- 
blement on  devait  rattacher  le  texte  de  la  vie  de  Xyste  III,  que 
Ton  n'était  plus  tenté  d'appliquer  à  la  Ixisilica  mnior  de  la  voie 
Tibnrtine. 

Revenons  au  V*^  siècle.  C'est,  je  pense,  la  basilica  maior  de 
saint  Laurent  dont  la  dédicace  est  consignée  daus  le  martyrologe 
hiérônymien,  le  2  novembre:  Dedivatio  hasilicae  sanrtorum  Xysti, 
Hippolijfi  et  Laurentii.  Les  dédicaces  des  églises  constantiniennes, 
du  Latrau.  du  Vatican,  de  la  voie  d'Ostie  et  autres  ne  figurent 
pas  dans  cette  compilation.  En  revanche  on  y  trouve  celle  de  deux 
autres  édifices  auxquels  Xyste  III  s'est  intéressé.  Saiiite-Marie-Majeure 
et  Saint-Pierre-ès-liens.  Le  culte  d'Hippolyte.  nous  le  voyons  par 
Prudence,  fusionna  de  bonne  heure  avec  celui  de  Laurent,  dans  le 
sanctuaire  de  celui-ci.  cela  par  pure  raison  de  voisinage,  car  les 
histoires  '  de  ces  deux  martyrs  n'offrent  aucun  point  de  contact. 
Pour  le  pape  Xyste,  le  maître  de  Laurent,  c'est  le  contraire  :  s'il 
est  adjoint  ici  au  martyr  de  la  voie  Tiburtine,  bien  que  son  tom- 
beau, à  lui,  fût  sur  la  voie  Appienne,  c'est  parce  que  son  souvenir 
demeurait  intimement  lié  à  celui  de  son  diacre. 

C'est  sans  doute  encore  la  basilica  maior  qui  apparaît  avec  la 
basilica  minor  dans  la  vie  du  pape  Hilaire;  il  y  a  là,  à  la  suite 
l'une  de  l'autre,  deux  listes  de  pièces  d'orfèvrerie,  où  sous  deux 
rubriques  différentes,  ad  hentum  I.aurentium   marti/rem  '  et  in  ba- 

'  La  légen<le.  elle,  en  établit  bientôt;  mais  elle  dérive  des  monu- 
ment? et  non  pas  ceux-ci  d'elle. 

2  Maiorem,  letton  adoptée  par  De  Rossi  à  la  suite  de  Vignoli.  n'est 
pas  documentée  par  les  manuscrits. 


20  LE   SAN'CTI'AIRE    DE   SAINT   LAURENT 

sUiru  heati  Lmirentii  marti/r/s.  Los  édificps  se  inultii)li;iiciit  autmir 
(lu  sanctuaire  de  la  voie  Tiburtiiie.  Le  même  pape  Ililaire  y  cons- 
truisit un  monastère,  deux  bains,  une  maison  de  campagne  (prae- 
totium),  deux  bibliothèques  '.  Son  successeur  Simplicius  y  fonda  • 
une  «  basilique  »  en  l'honneur  de  saint  l'Etienne  ;  Symniaque  un 
hospice  (hahiiari(lu)  pour  les  pauvres  ^.  Au  delà  de  Symmaque  et 
pendant  longtemps,  le  livre  pontifical  parle  peu  de  Saint-Laurent. 
Les  constructions  de  Pelage  II  sont  cependant  notées:  Hic  fecit 
supra  lorpris  heati  Laiiroitii  warti/ris  hasilicnni  a  finidamento 
constructam  et  tuhulis  argenteis  exornavit  sepidclirum  eiiis.  Dans 
la  vie  de  Grégoire  11  (715-731)  on  relate  des  réparations  à  l'église 
Saint-Laurent  qui  mena(;ait  ruine,  sa  charpente  ayant  lieaucoup 
souffert  :  mais  on  ne  nous  dit  pas  à  laquelle  des  deux  basiliques 
furent  faites  ces  réparations.  Du  reste,  les  biographes  pontificaux, 
dans  leurs  énumérations  de  dons  sacrés  ■*,  se  bornent  souvent  à 
mentionner  l'église  Saint-Laurent,  sans  spécifier;  je  pense  qu'ils 
visent  ainsi  la  basilique  tifl  corpus,  plutôt  que  l'autre.  Les  deux  sont 
bien  distinguées  dans  les  vies  d'Hadrien  (772-795)  et  de  Léon  IV 
(847-855);  nous  y  voyons  aussi  que  la  bnsilica  maior  avait  fini  par 
être  mise  sous  le  vocable  de  la  sainte  Vierge.  Ce  changement 
pourrait  bien  avoir  eu  lieu  du  temps  d'Hadrien.  Voici  les  textes: 
Hadrien  (49  Vign.;  p.  500  de  mon  édition):  Fccit  in  iiecclesia 
heati  Laurentii  martyr is  foris  muros,  scilicet  uhi  sanctum  eins 
corpus  requiescif.  restem  de  stauracim  :  et  in  aecclrsia  maiore 
uliam  simiJiter  fecit  restem.  Nam  et  tectum  eiusdem  Ijeuti  Laurentii 
l)assilicae  maiore,  qui  iam  distertus  erat  et  traties  eius  cnnfracti, 
noviter  fecit. 

'  L.  P,  t.  I,  p.  245. 

«  JJirf.,  p.  249. 

3  J6»rf.,  p.  263. 

*  Vies  d'Adrien,  p.  500.  504,  .505.  508,  511,  512;  de  Léon  III,  t.  II, 
p.  2,  9, 10,  20;  de  Grégoire  IV,  p.  76;  de  Léon  IV,  p.  120;  de  Benoît  III, 
p.   145.  14IÎ;  de  Ximlas,  p.   153,  166. 


LB    SANCTITAIRE    DE   SAINT   LAURENT  21 

Ihid.,  64  Vign.;  p.  505:  In  basiliea  maiore  quae  appellatur 
suncte  Dei  genetricis  qui  aderat  (acUuieret)  iuxta  hnsilimm  sancti 
Lanrentii  martyris  adque  lévite  tihi  dus  sanrtmn  corpus  requiescit, 
foris  muros  huius  civitatis  Bomae  obtulit  vêla,  etc. 

Ihid.,  75  Vign.;  p.  508:  BasiUcam  S.  Laurentii  martyris  uhi 
sanctum  eins  corpus  quiescit,  adne.iam  Ijfisilicae  maioris  quae 
dudum  isdem  praesul  coHstru.rerat,  ultro  citroque  noviter  restau- 
ravit. 

Léon  IV,  59  Vign.;  p.  120:  Olitidit  in  hasilica  sanctae  Dei 
genetricis...  quae  ponitur  foris  muros  istius  civitatis  Romanae 
iuxta  Ijeatum  Laurentium  vestem,  etc.  Et  in  ecclesia  heati  Laurentii 
martijris  quae  ponitur  foris  muros  oljtulit  turibulum,,  etc. 

Nibby  ',  trompé  par  le  cliangemeut  de  vocable,  ne  reconnut  pas 
dans  ce  dernier  texte  l'ancienne  l/asilica  maior,  encore  distincte, 
au  milieu  du  IX'^  siècle,  de  la  basilique  pélagienne  ;  il  attribua  au 
pape  Hadrien  la  réunion  des  deux  basiliques  eu   une  seule. 

Les  textes  u"''  2  et  3  de  la  vie  d'Hadrien  nous  donnent  un 
précieux  renseignement  topograpliique.  La  basilique  majeure,  disent- 
ils,  est  unie  (adne.ra),  adhérente  {quae  adhaeret),  à  la  basilique 
ad  corpus.  Or  la  ligne  de  contact  n'est  pas  à  chercher  sur  le  flanc 
nord  ni  sur  la  façade  est  de  la  basilique  ad  corpus:  cela  est  exclu 
par  la  déclivité  de  la  coUiue.  Du  coté  du  sud  ont  toujours  été  les 
monastères,  oratoires  et  autres  dépendances  ;  l'église  Saint-Etienne 
s'y  voyait  aussi  :  la  place  était  prise.  C'est  seulement  du  côté  de 
l'ouest  qu'il  y  avait  l'espace  nécessaire  i)our  une  autre  basilique. 
L'adhérence  devait  se  produire  par  les  absides  ;  autrement  l'accès 
de  la  nouvelle  basilique  efit  été  difficile;  d'ailleurs  on  a  dû  tenir 
à  ce  que  l'autel  et  l'abside  de  la  basilique  majeure  fussent  rap- 
prochés le  plus  possible  de  la  tombe  sainte.  En  somme  la  basilique 
majeure  devait  s'élever  à  peu  près  sur  l'emplacement  où   s'élèvent 

'   Dintonii,  t.  II,  p.  252.  ^ 


22  LK   SANCTUAIRE    DK   SAINT    l.AUKBNT 

les  nefs  actuelles  et  s'ouvrir,  eomine  à  présent,  sur  la  voie  Ti- 
burtine. 

C'est  en  cette  éf;lise  (|U('  le  pape  Léon  IV  institua  la  station 
de  l'octave  de  l'Assomption  (22  août;,  avec  nue  vigile  solennelle. 
Il  voulut  la  célébrer  lui-même,  la  première  année;  et,  constatant 
avec  plaisir  (|u'il  y  était  venu  beaucoup  de  fidèles,  il  les  récompensa 
de  leur  zèle  en  leur  faisant  une  distribution  d'argent  '. 

Dans  cette  église  il  y  avait  alors  '  trois  chapelles  ou  oratoires, 
dédiés  respectivement  à  sainte  Harlie,  à  saint  Nicolas  et  à  sainte 
Eugénie;  il  n'en  reste  plus  trace.  Du  reste,  comment  en  resterait-il 
trace?  L'église  elle-même,  la  basilica  maior.  a   disparu. 

Car  —  et  ici  les  observations  et  les  fouilles  de  MM.  .losi  et  Santé 
Pesarini  conduisent  à  des  résultats  certains  —  la  partie  occidentale  du 
monument,  celle  à  laquelle  on  accède  parle  portique  d'Honorius  III, 
ne  saurait  être  identifiée  avec  la  basilica  maior  du  \'  siècle.  Les 
colonnades  de  la  nef  sont  du  même  temps  que  celle  du  portique 
extérieur,  c'est-à-dire  du  XllT'  siècle.  Pour  obtenir  le  dispositif 
actuel  on  a  dû  jeter  bas  la  hasilira  maior;  quelques-uns  de  ses 
matériaux,  colonnes  et  autres,  ont  pu  entrer  dans  la  reconstruction; 
mais  l'eusemble  de  celle-ci   représente  une  bâtisse  nouvelle. 

Les  fouilles,  mallieureusement,  n'ont  pas  pu  être  poursuivies 
jusqu'au  point  où  l'on  eût  souhaité  qu'elles  le  fussent.  Cependant 
elles  ont  amené  un  résultat  très  important.  Les  arasements  de  la 
première  abside,  celle  de  la  Imsilica  speciosior  ou  nd  corjnis,  ont 
été  mis  au  jour,  assez  loin,  vers  l'ouest,  de  l'endroit  où  l'on  au- 
rait pensé  les  retrouver.  11  est  établi  maintenant  que  l'arc  où  l'on 
voit  la  mosaïque  de  Pelage  II  n'est  pas  le  front  d'une  abside,  mais 
un  véritable  arc  triomphal,  ouvert  entre  la  nef  majeure  et  un  transept. 
De  celui-ci  nul  n'avait  soHp(;ouné  l'existence  avant  M.  Pesarini.  Il 
était  fort  large,  et  cette  largeur  inusitée  doit,  ici  comme  à  Saint- 

1  L.  P.,  t.  II,  p.  112. 

2  /..  P.,  t.  II,  p.  112. 


LE    SANCTIAIRË    PE    SAINT    I.AIREXT  23 

Paul,  trouver  son  explication  dans  quelque  nécessité  d'ordre  reli- 
gieux. Je  soupçonne  que  Pelage  II  aura  voulu  comprendre  dans  la 
même  enceinte  et  l'abside  de  l'église  constantinienne  et  le  tombeau 
du  martyr.  La  distance  entre  les  deux  était  trop  grande  pour  qu'il 
fût  possible  d'installer  l'autel  à  l'apltmili  de  la  tombe  sainte;  on 
se  résigna  à  laisser  celle-ci  an  milieu  de  la  grande  nef,  assez  loin 
de  l'autel.  Maintenant  ils  sont  à  l'aplomb  l'un  de  l'autre  :  mais 
cette  disposition  ne  remonte  qu'aux  remaniements  d'Honorius    III. 

En  somme,  tenant  compte  des  testes,  de  l'état  présent  du  mo- 
nument, des  fouilles  de  MM.  .losi  et  Santé  Pesarini  et  des  expli- 
cations de  celui-ci.  Je  proposerais  de  tracer  ainsi  qu'il  suit,  les 
gi'andes  lignes  de  l'histoire  de  Saint-Laurent-hors-les-murs. 

1°  En   258  et  jusqu'à  Constantin,  tombeau  souterrain. 

2°  Au  IV'  siècle,  sanctuaire  :\  deux  étages,  la  crypte  souter- 
raine où  se  trouve  la  tombe  sainte;  la  basilique  au  dessus  du  sol, 
communiquant  avec  la  crypte  par  un  escalier.  Cet  état  de  choses 
se  maintient  jusqu'à  Pelage  II.  De  la  basilique  d'alors  il  ne  reste 
que  l'inscription  de  Leopardus.  conservée  dans  les  manuscrits,  et 
les  colonnes  en  marbre  blanc,  transportées  daus  la  basilique  péla- 
gienne. 

3°  Au  y  siècle  le  pape  Xyste  111  fait  construire  derrière  la 
basilique  constantinienne,  c'est-à-dire  à  l'ouest  de  celle  ci,  une  se- 
conde basilique,  que  ses  proportions  font  qualifier  de  maior.  Ainsi 
le  sanctuaire  comporte  deux  basiliques  au  dessus  du  sol  et  une 
crypte  dd  corpus. 

■4°  Sous  Pelage  II  la  I)a8ilique  eonstautinifnne  est  démolie,  son 
emplacement  est  déblayé  et  creusé  jusqu'au  niveau  de  la  tombe 
sainte.  A  ce  niveau  une  nouvelle  basilique  est  construite,  en  uti- 
lisant les  colonnes  de  l'ancienne  et  en  conservant  son  abside. 

5°  Vers  la  fin  du  VHP  siècle  la  basiJica  maior  est  placée  sons 
le  vocable  de  sainte  Marie  ;  au  IX"  siècle,  Léon  IV  y  établit  une 
station  pour  l'octave  de  l'Assomption.  La  basilique  cesse  d'être  une 


24  I.E   SANCTrAIKE    DK   SAINT    LAPHENT 

basilique  de  Saint-Laiircnt  ft  l'on  commence  de  rapporter  à  S'  Lau- 
rent in  Lucina  ce  que  le  Liber  pontificalis  dit  de  la  fondation 
de  Xyste  III. 

6°  Sous  Ilonorius  III,  la  ljasili(iHe  majeure,  sans  doute  en  mau- 
vais état,  est  dcnioiie  ;  il  en  est  de  même  du  chevet  et  du  transept 
de  la  liasili(|uc  p(  la^^icnne  ;  avec  les  nefs  de  celle-ci  on  arrange  un 
cliienr  qui  s'étend  derrièi-e  nn  nouveau  maitreautel,  celni-ci  à 
l'aplomb  de  la  tombe  sainte;  à  l'ouist  de  cette  partie  ancienne, 
Ilonorius  111  fait  établir  les  nefs  et  le  ))oi'clie  (|iie  l'on  voit  au- 
jourd'hui. 

L.    DrCHF.SNE. 


SITULA  DI  TERRACOTTA 
IN  FORMA  DI  CARRO   PROCESSION  A  LE 

ED    AT.TRl    UTENSILI    DELLA    SECONDA    ETÀ    DEL    BKONZO 

ATTINENTI    AL   MITO   SOLARE 

(PI.  I) 


I  recenti  atudi  intorno  al  simbolismo  primitive,  specialmente 
dell'età  del  brouzo,  teudouo  a  riaffermare  sempre  pii'i  l'esistenza 
d'una  fase  religiosa,  costituita  dai  culti  délie  cosi  dette  divinità 
solari  od  astrali,  intorno  ai  quali  è  raggruppato  tutto  un  nuovo 
sistema  di  scopei'te  dalFItalia  alla  Scaudinavia  e  dalla  Gallia  alla 
regione  dell'Egeo.  L"importaiiza  e  l'esteusione  di  quei  culti  è  oramai 
un  fatto  assicurato  Uinto  uel  moudo  greco-egeo,  cume  iu  tutta  TEu- 
ropa  centrale. 

II  famoso  carro  di  Trundholm  (Isole  di  Seeland)  del  2'  pe- 
riodo  dell'età  del  bronzo,  mouumento  preellenico  délia  cosi  detta  ci- 
viltà  del  bronzo  spiralizzato,  è  stato  come  il  punto  di  partenza  per 
addivenire  alla  identificazione  di  tutta  uua  série  di  suppellettili  cul- 
tuali,  contrassegnate  da  simboli  eliaci,  la  cui  messe,  finora  abbon- 
dantissima,  è  andata  sempre  più  arricchendosi  '. 

Le  più  anticlie  manifestazioni  religiose,  relative  ai  culti  so- 
lari, si  lianno,  com'è  noto,  da  soggetti  di  earri  o  di  barche,  sim- 
boli del  tragitto  del  sole  intorno  alla  terra,  secondo  la  concezione 
primitiva  ;  e  quei   soggetti   risalgono  alla   preistoria     in    apparenza 

'  Cfr.  Eeginald  A.  Smith,  Proceedings  of  the  Society  of  Antiquaires 
of  London  (dec.  3,  1903,  fig.  5,  6,  7);  Déclielette  J.,  Le  culte  du  Soleil  aux 
temps  préliistoriqties  [Rev.  Arche'ol.^  Paris,  1909,  4"  sér.,  t.  XIV,  p.  309 
suiv.};  Id.,  Man.  d'Archéol.  prehisl.,  II,  413  suiv. 


2B  SITL'LA    IH    TERRACOTTA 

(li  sculture  rupestri,  eninc  ((luU'-  clie  si  os.servaiio  sulle  roccie  délia 
Scandinavia,  di  ruotc,  di  disclii  e  di  altri  simlioli  astrali  rlie  dcco- 
rano  le  sup|)cllt'ttili  délia  siTdiida  rtà  del  liroiiz".  Lr  lifrui'c  dcl 
cigno  e  del  eavallo  preesiHtevano  fin  dall'età  pii'i  reniota  eoiiie  di 
conduttori  délia  barea  o  del  carro,  veicoli  Holari.  La  presenza  di  quegli 
auiiiiali  clilic  larga  diffusicnic  in  tutt.i  riMiroiia  e  lo  stessu  nome 
«  Cycniis  i>  nelhi  initoiogia  gi'eco-runiana  l'u  applicato  agli  eroi  le 
riii   avveiiture  si   riannodano  direttanicnte  al   cielo  eliaco  '. 

Jj'immagine  del  cigno,  conie  qnella  dcl  cavallo,  la  rnota,  i  cerclii 
a  spirale,  quelli  concentrici,  i  disclii  stellati,  quelli  radiati,  la 
swastika  ed  altri  siniboli  stilizzati  aljbondano,  corne  è  noto,  nelle 
snppellettili  del  période  halstattiano  dell'Europa  centrale  e  segna- 
tamente  deiritalia  del  nord  lino  alla  fase  finale  delFetà  del  bronze 
Il  a  quella  iniziale  del  ferro,  a  cominciare  dagli  ossuarii  d'argilla 
délie  necropoli  felsinee,  per  continuare  ininterrottaniente  sulle  ciste 
a  disegno  geometrico,  sui  cinturoni  di  bronzo  battiito,  sugli  scudi, 
siii   caschi,   snlle   corazze,  ecc,  ecc. 


Alla  liinga  série  di  questi  nteusili  contrassegnati  ila  siniboli 
astrali,  mi  sia  concesso  aggiuugere  altri  tre  originali,  conservati 
nella  mia  privata  coUezione  d'antichit:\. 

Il  primo  (tav.  I,  n.  1),  rinvenuto  nella  necropoli  di  Cervetri, 
consiste  in  una  coppa  di  bronzo,  a  lamina  martellata,  con  labbro 
decorato  da  sottile  cordoncino  spiraliforme,  avente  l'ausa  di  fianco 
rappresentata  da  una  laminetta  accartocciata  e  retta  da  due  bol- 
loncini.  Al  di  sopra  dell'ansa  si  éleva  una  decorazione  a  traforo, 
composta  di  circoli  concentrici,  arieggianti  la  forma  di  tre  barche 

'  Maury,  Mdiijioit  de  ht  (iirce,  t.  I,  p.  417,  n.  6;  Deeliarnip.  Mi/tho- 
log.  de  lu  Grèce  auh'que,  p.  104;  Lang  Andr.,  ^[ythes,  citlics  et  reUgio)ii! 
(trad.  Marinier),  Paris,  1896,  p.  257  suiv. 


IN    FORMA    DI    CARRO    PROCE8SIONALE  27 

solari  e  terniiiiauti  alFestremità  in  teste  di  cigno  a  beeco  alluugato. 
Due  (li  questi  animali,  poggiati  sulTorlo,  sostengono  rispettivameiite 
col  becco  un  gruppo  di  tre  eatenelle  le  qiiali  si  distacoano  dal  più 
basso  dei  cerchi.  Al  di  sotto  del  recipiente  si  osaerva,  di  riauco, 
una  himinetta  rettangolare  fermata  da  due  bolloucini,  con  le  estre- 
mità  ripiegate  a  forma  di  un  banchettn,  la  quale,  in  contraste  col 
fondo  sporgente  délia  coppa,  serve  a  mantenerla  in  equilibrio. 

11  lato  caratteristico  di  questo  vaso  è  costituito  dalla  décora 
zione  sinibolica  a  traforo  clie  si  sopraeleva  al  fiance,  la  quale  so- 
miglia  in  tutto  a  quella  dei  tre  scudi  di  bronzo  di  Nackiialle  (Isole 
Halland  délia  Svezia),  di  Magdebourg  (Sassonia  prussiana)  e  di 
Clonbrin  (Contea  di  Longford  in  irlanda),  recanti  il  segno  naviforme 
tradiziouale,  costituito  da  circoli  convergenti  che  arieggiano  la  figura 
di  cigni  '.  Di  queste  applicazioni,  con  disegni  a  traforo,  si  hanno 
altri  esenipi,  più  o  meno  corrispondenti,  ma  sempre  staccati  dai 
recipieuti  cui  appartenevano;  e  si  possono  citare  quelli  délia  ne- 
cropoli.di  Verucchio,  di  Tarquinia,  di  Vetulonia,  di  Perugia  e  del 
ripostiglio  di  S.  Francesco  di  Bologna,  risalenti  all'ultima  fase 
dell'età  del  bronzo  o  alla  prima  età  del  ferro  '.  Fer  il  fatto  d'es- 
sersi  finora  rinvenute  staccate  dai  loro  recipienti,  quelle  applica- 
zioni 0  anse  traforate  furono  crédule  tanti  dischi  o  pendagli.  L'Evans 
le  paragona  al  famoso  pendaglio  d'oro  eginetico,  e  la  loro  prove- 
nienza  tipica  orientale,  seconde  il  Pigorini,  sarebbe  argomento  per 
dover  cercare  dalla  parte  dell'Egeo  gli  elementi  i  quali  penetra- 
rono  nella  primitiva  civiltà  del  pepolo  délie  terreraare,  trasfornian- 
dola  gradatamente  in   quella  posteriore    di  Villauova,    non  estante 

'  Armstrong.  Procceding  of  the  lioijal  Irisli  Academy,  1909,  p.  251, 
pi.  XIII;  Déchelette,  Manuel  cit.,  II,  p.  439.  fig.   181. 

-  Brizie,  Notiz.  degli  Scavi,  1894,  p.  292  segg.  ;  Id.,  Notù.  cit., 
tav.  XIII  bis,  19;  Ghiiardini,  Notiz.  cit.,  1882,  tav.  XIII  bis,  19  e  p.  190; 
Falchi,  Vetulonia,  tav.  XVIII,  16;  Zannoni,  La  fonderia  di  Bologna, 
tav.  XLIV,  62;  Pigorini,  Antichità  italiche  del  tipo  di  Villanova  nel  Cir- 
condario  di  Rimini  (in  BoUett.  di  Palttn.  Ital,  a.  XX,  1894,  n.  10-12). 


28  SITia.A    1)1    TKItHACOTTA 

riipiiiiolie  del  Reinadi,  clic  la  iiuova  lucc  si  propaKasse  invece  dal- 
rcK'cidente  verwo  oriente  '. 

L'altro  utensilc,  riprodotto  al  ii.  2  dclla  tavnla  a^;,'iiinta.  lia 
niolta  rassomiglianza  coi  fiisti  ciliiidrici  di  lironzo  sormoutati  dalla 
lifîura  del  eigiio,  corne  quelli  scopcrti  a  Gréoiilx  i Basse  Aljii),  a 
Svijany  iHoemiaj  e  conservati  m-l  musco  di  Loiidra  ".  Aircstrcinità 
supcriore  vi  si  seorge  un  cijjno  posato,  e  sottostaiite  aU'impugna- 
tura,  ch'è  costituita  da  una  spirale,  è  sitiiata  una  l)arca  votiva  for- 
mata da  due  eigni  associât!  a  meta  corpo.  Non  mancano  altri  esem])i 
di  queste  barche  formate  daU'unione  di  due  cigni  lu  opposte  di- 
rezioni,  corne  pu(">  vedersi  nei  due  modelli  di  tiliule  di  Szatmâr  (Un- 
glieria)  e  di  Corneto  ïarquinia  '.  Il  gambo  sottostante  alla  barca, 
nel  nostro  eseraplare,  è  attravcrsato  da  iin  cordoncino  disposto  ad  elica 
per  lutta  la  lungliezza  del   t'usto. 

L'originalità  di  questo  curioso  utensile  consiste  poi  in  un  fascio 
d'anelletti  rotondi,  sciolti  l'iiuo  dall'altro,  clie  sono  infilati  attorno 
al  mauico,  in  maniera  da  non  poterne  uscire.  A  eiic  servivauo  quegli 
anelletti  ? 

Non  è  improbaliile  olie,  rome  i  eigni,  essi  al)liiano  iiotuto  avère 
un  ideutico  signiticato  solare.  Motivo  a  sospettarlo  è  Tcsistenza  di 
quel  piecoli  cilindri  vuoti,  guarniti  di  campanelle  o  inaniglie  aile 
quali  sono  attaccate  tante  série  d'anelli,  e  clie  sono  stati  riuveimti 
nelle   palafitte  di   Grésine,  lago  di   IJouiget,  ed  in  qualclie  altra  lo- 

'  Evans  A.,  Mycenaean  ireasure  from  Aegitia,  in  Journ.  of  Helleti. 
Stnd.,  vol.  XIII,  part.  II,  p.  195  e  sogg.  ;  Pigorini,  IH,  p.  174. 

-  Défhelette,  Manuel,  p.  48,  tig.  187,  n.  1-3.  Alcuni  di  questi  fusti 
cilindrici,  aormontati  da  animaletti  associât!  a  meta  corpo,  dalla  inisura 
di  0"',24  a  0"',.-50,  furono  rinvenuti  iii  Sardegna  e  più  tardi  in  Olimpia. 
Dai  più  furono  ritenuti  per  tante  spade  votive,  ovvero  piecoli  scettri. 
di  propoizione  ridotta  (Ved.  l'ais  E.,  Il  rijwstiylio  di  brotui  di  Albini, 
pressa  Teti,  in  Biillett.  Archeohg.  Sardo,  1884,  pp.  67-179;  De  Kiddcr, 
Les  bromes  antiq.  du  Louvre,  II,  n.  3719. 

3  Montelius,  Civ.  primit.  d'Italie,  II,  tav.  277,  fig.  2;  Hoernes,  Ury. 
d.  Ktinst,  pi.  XIV,  fig.  9;  Oédielette,  Ivi,  p.  441,  fig.  182. 


TN    rORMA    r>I    CAKIiO    PUOCESSIONAI.R  2Î) 

oalità  (lella  Franoia  orientale  '.  Quel  cilindri,  appartcnenti  aU'ultiiiia 
fase  (leiretà  del  bronzo,  sono  stati  consi(l>M-ati  coiue  tanti  sistri  o 
stninuuiti  cultuali.  atti  a  ]iro(lurrc-  runiore,  e  veiif<ono  para^onati 
pure  a  quel  scettri  con  disco  a  sospensione  di  cui  *)iio  niunitc  fcrte 
statuette,  relativaraente  moderne,  raffiguranti 
il  dio  Bouddha.  Ma  poicliè  aleuni  di  quei  ci- 
lindri, corne  (luelli  trovati  a  Brésnier  ("Ain), 
con  uiia  spada  di  bronzo  del  tiiio  Ronzano,  re- 
cano,  al  luogo  degli  anelli,  dei  crescenti  ino- 
bili  parimenti  attaccati  ad  anelli,  cosi  sono 
atati  classificati  fra  gli  utensili  rituali  aduperati 
uelle  cerimonie  riferentisi  al  culto  dellc  divi- 
nità  solari   e   lunari. 

Anelletti  niobili  sospesi  a  maniglie  si  ri- 
scontrauo  pure  in  certe  figurine  provenienti 
dalla  Scandinavia,  la  cui  relazione  con  i  culti 
solari  non  puo  essere  messa  in  dubbio.  Ma 
una  conferraa  évidente  ci  viene  dalla  statuetta 
di  bronzo  dello  Zeus  celtico,  trovata  a  Chàtelet, 
presso  Saint-Dizier  (Alta  Marna),  oggi  al  museo 
del  Louvre  ^  (fig.  1). 

Il  nume,  di  évidente  significato  solare,  lia  la  m.ino  sinistra 
appoggiata  alla  ruota,  nientre  con  l'altra  solleva  il  fulmine.  Alla 
spalla  destra  è  so.speso,  a  modo  di  bandoliera,  un  grosso  anello  al 
quale  stanno  intilati  undici  anelli  o  inagliette  composte  da  un  filo  di 
bronzo  ripiegato  a  forma  di  S.  Intorno  a  quelle  strano  vilnppo  d'anelli 
0  magliette  è  d'uopo  fermare  Tattenzioue,  perché  a  me  semltra  clie 
niuno,  sino  ad  ora,   sia  riuscito  a  coglienie   il  significato   preciso. 


FlG.   1. 


1  Déchelettc,  Ivi,  t.  Il,  p.  304. 

'  Gaidoz,  Le  dieux  gaidoi»  du  Soleil  (Keviie  ArcheoL,  1884,  t.  Il,  .'Î3); 
Reinach  S.,  Repert.  de  la  staticaire  grecq.  et  rain.,  t.  11,  vol.  1,  p.  17.  n.  3; 
Déchelette,  Ilrid.,  p.  466,  fig.  168. 


30  SITIU.A    MI    TEKKAirrrTA 

Il    sei,'II<)     /  .    CDinc  r    Hiitii.   11(111  I'  c'Iii-   IIIIH  (idppia  spirMJe  n  (ii'Uli- 

swiistika  (Mirviliiica,  »inili(plii  soIuit,  divciiuto  il  motivo  urnamcntale 
pil'i  romuiic  di  iiii;l  série  iiifiiiita  di  (if;;;etti.  F.  detto  aiiehe  spirale 
(I  ourle,  canr  ri>rri-iitf  e  «  ((in-imi  dieti'ii  ».  Infatti  (iiielle  eiirvc  ii 
Kpirali  ;,'iiistapi)().ste  senil)ra  eiie  si  s(dle\iiin  l'iina  appresso  alTaltra 
per  i-a\v(il;;prsi  su  loro  stessc  in  un  innviir'intii  uniforme  die  rap- 
l)resenta  corne  le  onde  del  mare.  La  «  8()iraie  a  onde  »  non  sarebbe, 
secondo  aleiini,  elie  «  Fesprcssione  sistematica  délie  onde  del  mare, 
Mietainoifnsata  in  seni]>lice  eoncetto  decorativo  »  '.  La  si  rinviene  in- 
fatti in  una  quantità  di  inonunienti,  ineominciando  dai  vasi  a  «le- 
eorazione  geomotrica  délie  provincie  meridionali  ",  per  continuare 
snlle  steli  funerarie  etriiselie  ',  sugli  s]iecclii,  ecc. . . .  '.  La  sua  ])ro- 
venienza  daU'oriente  non  è  duhl)ia,  riscontrandosi  tra  i  manufatti 
délia  Creta  niinoica  lefr.  i  <;<  pitlioi  »  di  Gnosso)  e  dell'agro  di  Mi- 
cene  ''.  Tralaseio  ora  le  tante  spiegazioni  clie  si  sono  date  al  gruppo 
délie  spirali   poste  in  braecio  allô  Zeus  celtico  *.  Quel  gruppo,   per 

'  Ducati  1'.,  Le  piètre  funernrie  fehinec  \\\\  ^[oninn.  dei  Linrei,  1911. 
col.  502). 

'  Patroni  (in  Monum.  dei  I.incei,  VI,  tav.  XIII,  p.  1-2.  col.  .S57,  358, 
fig.  4,  5;  cfr.  col.  387;, 

*  Ducati,  Le  piètre  fnn.  cit.,  col.  501  e  segg.  :  Id.,  Osserraz.  archeol. 
s»7/a  permanema  degli  Etriischi  in  Felsiiia,  in  Atti  e  Mem..  I90S.  ]).  6-1, 
n.  2. 

<  Gerhard,  FArush.  Spiegel,  tav.  LXX  e  CCCXCIV.  Per  altri  nionu- 
menti,  ved.  Monum.  dejriKtit.,  I,  1882,  tav.  XLII,  n.  2-5  (fregio  d!una 
tomba  di  Boraarzo);  Martlia,  Art  éfriisii.,  tig.  273.  p.  402;  Montelius,  Cir. 
prini.,  tav.  107,  fig.  15.  Escinpio  tipico  di  .sjjirali  a  onde,  in  inezzo  aile 
(piali  si  scorgono  dei  pcsci  natanti,  offre  una  stelc  etrnsca  di  Bologna 
(Notii.  degli  Scam,  1876,  p.  68);  Ducati,  Piètre  fitn.,  n.  10,  tig.  82,  col.  585. 

■■■  Monum.  dei  Lincei,  VI,  col.  344  (cfr.  Tesoro  d'Aireo  u  Micené); 
Perrot-Chipiez,  Hisf.  de  l'Art.  VI.  tav.  A',  fig.  269-75,  p.  622  segg.  Spi- 
rali corabinate,  orizzontali  c  verticali,  sulle  stèle  di  Micene,  ved.  in 
Schlieniann,  3Iiicénef.  fig.  140;  PerrotCliipiez,  Ibid.,  fig.  360,  p.  765. 

^  Possono  \'edersi  in  Balfoiu-  E.,  The  évolution  of  décorative  Art. 
London,  1893,  p.  121  seg.  ;  Soldi-Colbert,  /,«  languf  sacrée,  t.  I,  «  Le  my- 
stère de  la  création  •,  p.  452:  Flouest  Ed.,  Deu.r  stèles  de  laraire.  stiiri 
d'une  note  sur  le  signe  symbolique  en  S.  Paris,  1885,  p.  78  e  segg.:  Houssay 


IN    FORMA    DI    CARRO    PROCESSIONALE  31 

analogia  al  fulmine  clic  si  vedc  in  maiio  del  Niinieed  alla  riiota 
situata  al  fianco,  dal  cui  niUio  dériva  corne  il  rumore  del  tiiono, 
;lovrel)be,  seoondo  alciini,  simbolizzare  la  pioggia.  AlTidca  d'un  sini- 
l)olo  nieteorico  era  vcuuto  il  Flouest,  supponendo  elie  il  gruppo 
délie  maglictte  a  spirale  dovesse  più  proprianiente  rapin-esentarc 
l'oUa  ripiena  da  cui  si  riversa  l'acqua,  iu  forma  di  pioggia  ferti- 
lizzante,  sulia  terra  '.  Ma  questa  apiegazione  non  è  eompleta  e  va,  a 
mio  giudizio,  integrata  nel  senso  che  il  grujjpo  délie  spirali  at- 
taccate  aU'aaello,  non  è  soltanto  l'inimagine  astratta  d'un  sirabolo 
meteorico,  quello  délia  pioggia,  ma  è  la  figura  d'un  vero  e  proprio 
istrumento  magico,  adoperato  iiclla  liturgia  priniitiva,  C(d  qiiale  si 
produceva  il  tintinnio  siguifieativo  che  doveva  imitare  la  caduta 
délia  pioggia.  In  questo  senso,  l'ordigno  posto  in  mano  a  Zens  è 
in  perfetta  corrispondenza  con  ((uelli  di  oui  ci  stiamo  occupando, 
1  quali  rappresentano  tante  specie  di  crepitaouli  di  uso  magico-reli- 
gioso. 

Non  sembra  potersi  dubitare  che  tutti  quegli  utensili,  costituiti 
da  anelli  niobili  infilati  o  atlaecati  ad  un  sosteguo,  dovessero  ri- 
vestire  un  carattere  eultuale  e  venissero  utilizzati  nelle  cerimonie 
magiche  e  lustrali  corne  una  specie  di  tintinnnbula  o,  meglio,  di 
crepitacula,  a  fine  di  seongiuro  per  provocare  la  pioggia.  E  noto  corne 

Fed.,  Nouvelles  recherch.  sur  la  fiiune  et  hi  flore  des  rases  peints  de  l'époque 
mycénienne,  in  Rev.  Archéol.,  Paris,  1897,  p.  11  segg.;  Ballet,  de  t'Acud. 
roy.  de  Belgique,  3"  sér.,  t.  XVI,  p.  623  segg.  ;  William-Simpson  (in  Journ. 
of  tlie  Roy.  Asiat.  Society,  1890,  t.  XXII,  nouv.  sér.,  p.  306^;  Sehlieuiann. 
Mycènes.  p.  8.ô. 

'  Flouest,  Deu.r  stèles,  p.  79.  L'acqiia  o  la  pioggia  sta  in  relazione 
non  solo  cnn  la  focondità  della  vita  terrestre,  ma  ancora  con  la  rinaseita 
nella  vita  futura.  In  questo  senso  il  simbolo  ilella  spirale,  come  niotivo 
di  deeorazione.  è  rappresentato  nelle  stèle  fuiierarie  e  negli  stessi  monu- 
menti  cristiani  (vedi  Goblet-D'Alviella  in  Btilkt.  de  VAcad.  Roy.  de  Bel- 
gique, Class.  de  Lettr.,  1900,  n.  9-10,  pp.  707-3.')  .  Il  Gozzadini  invcce 
aveva  ritenuto  olie  la  figura  della  spirale  nei  monumenti  sepolcrali  do 
vesse  siinholizzare  l'Oceaiui  o  la  palude  Stygia,  le  cui  onde  circonda- 
vano  il  niondo  infpmalo  {  itti  dei  IJucei,  ser.  3,  vol.  XII,  188ô,  p.  298). 


.'Î2  sjiii.A  m   iKunAcorrA 

il  liiitiiiiiiii  ilrl  raille  .ivcva  ^r.iiiili'  iiillin-uza  nrlla  (•clrlira/.iiiiic  di 
;ilcuni  riti  '.  (iuest'intt'rpri'tazionc  ('■  fuvoritu  d;il  niimero  jiiuttosto 
alilxiiidapte  ili  (|iief?li  nteiisili,  spccialmcnte  fni  le  suppellcttili  «Iclle 
tmiilic  ililla  prima  clà  (Ici  fcrro.  in  iiiczzo 
aile  (iiiali  pii'i  freiiucntc  <a  riiivwiirsi  è 
(|uclla  s]iicic  (li  soiiagliera  costituita  lia 
1111  ^rossll  aiidlo  al  (jiiak'  staniio  infilati 
taiiti   aiu'Ui    più    piccoli  •'   i  fitç.  2). 

(Jrcati  dal  nimlmlismo  astrale,  sittatti 
iiti'iisili  facevano  parte  del  rituale  ina- 
gico-reli^^ioso,  corne  avvenue  più  tardi 
délia  ruota  inaf^iea  e  del  disciis,  clie 
tanta  diffusione  ebbero  nelle  cerimouie 
sacre  dei  ^Teci  e  de!  romani  e  peiietrarono  in  seguito  nella  stessa 
litiirifia  délia  Cliiesa  '. 


FiG.  2. 


'   Heinacli  S..   Orphcufi,  yi.   l-_>7  (tiadiiz.   Dflla    Toiic). 

'  Caylus,  Uccueil,  t.  1,  p.  201  e  pi.  LXXXI.  n.  2;  Cli.  Cornault.  in  Re>:. 
ArcMol.^  n.  s.,  t.  XVIII  (1868;,  p.  5(5:  Babelon-Blanehet,  Cat.  des  hroii- 
ze»,  etc.  p.  639,  Hg.  188;5;  DaU'Osso  I.,  Guida  al  mttseo  naz.  d'Ancona, 
Ivi,  1915,  pp.  115,  123.  Per  altri  utensili  analoglii,  tiovati  nella  necropoli 
di  Bologna  e  altrove,  vedi  Gozzadini  (Rev.  Archéoh,  1886,  II,  p.  130); 
.luthnei-,  Jahreshefte  d.  osterr.  arch.  Inst.,  VII  (1901),  pp.  146,  149,  Kg.  67  ; 
Saglio, /J/e/ioHn.  d.  Antiq.,  ».  v.  «  Tintinnabiilum  »,  «  Crcpitaculniii  •,  «  Di- 
8CUS  »,  «  Sistrum  »  ;  Lindenschmit,  Die  Alterthumer  unserev  heidnischen 
Vorzeit,  t.  II,  fasc.  X,  tav.  II.  Alcuni  esemplari  di  fusti  eilindrici,  sor- 
montati  da  una  specie  di  porno  al  ((iiale  stanno  infilati  tanti  anelletti  a 
giiisa  di  sonaglieia.  sono  segnalati  da  G.  v  A.  De  Mortillet  (.I/hncV  jjreliist.. 
2'  édit.,  pi.  cm,  n.  13S4)  e  dallo  Chantre  E.  (Age  du  bronze.  I,  pp.  201 
e  155).  Anche  (luci  disehi  di  bronzo  attaccati  ad  un  manubrio  dal  quale 
pendono  altri  disehi  più  piccoli,  adoperati  neirnltinia  fase  dell'otà  del 
bronzo  come  tains-tams  o  tintinnabula,  vengono  ritenuti  per  utensili  di 
évidente  carattere  solare  (G.  e  A.  De  Mortillet,  Ibid.,  pi  XC,  n.  1133;  Dé- 
chelette,  Ibid.,  p.  305). 

^  Siilla  ruota  liturgica,  sui  cerclii  c  disclii  di  métallo  ed  altri  ordegni 
adoperati  come  ainesi  di  culto  presso  i  Greci  ed  i  Koniani,  come  pure 
presso  altri  popoli  iiido-cuiopei  e,  nel  modio  evo,  dalla  Cliiesa,  vedi  Wil- 
liam Simpson,    The   Biiddliist    Prcihyng-Wheel,    a  collection   of  ynateriah 


IN    FORMA    DI    CARRO    l'ROCBSSIONALE  33 

11  significato  évidente  di  questi  arredi  oiiltuali  ci  proviene  da 
una  pittura  cainpana  del  V  secolo,  nella  quale  si  scorge  un  aacer- 
dote  che  con  la  mano  sinistra  sostiene  un  sistro,  mentre  reca  nella 
destra  un  altro  istrumento  formato  da  una  série  di  anelli  infilati 
ad   un  sostegno  '. 

Altro  forme  analoglie  a  questa  specie  di  sonaglietto  potrebbero 
ricavarsi  da  quella  del  crepitacnhim,  il  eui  nome  Marziale  ed 
Apuleio  applicarono  al  sistro  egiziano  ^,  ma  ehe  in  realtà  è  dovuto 
a  quella  specie  di  sonaglietto  puérile  {puérile  crepitaculum)  che  fa 
rumore  qnando  si  agita.  Un  esemplare  di  questo  génère,  proveniente 
da  una  tomba  di  Vulci,  consiste  in  un  cerchio  metallico,  numito 
di  manico,  al  quale  sono  applicati,  nella  periferia,  tanti  anellini 
mobili  ^.  Altro  tipo  somigliante,  trovato  a  Pompei,  consiste  in  un 
cerchio    metallico  guarnito  di   piccoli   sonagli  alla  periferia  *. 


Ma  l'attenzione  principale,  in  mezzo  a  tutto  il  gruppo  di  og- 
getti  che  rivestouo  un  carattere  niagico  e  religioso,  di  contenuto 
solare  ^,  è  dovuta  a  quei  curiosi  recipienti  in  forma  di  palmipedi, 
poggianti  sopra  un  carro  a  due  o  più  ruote,  i  quali  appartengono 
alla  série  dei  recipienti  votivi  délia  seconda  età  del  bronzo,  dedi- 
cati  aile  divinità  solari,  com'è  raanifesto  dalla  preseuza  di  una  o 
più    figure  di   cigni  che  vi   si   scorgono  associati. 

bearing  upon  the  symboUsm  of  the  wheel  and  circular  movements,  Londres, 
1896;  Goblet  d'Alviella,  Moulins  à  prières,  roues  magiques  et  circumam- 
bulattons  (in  Croyances,  rites,  institutions,  t.  1,  Pans,  fJeuthner,  1911, 
p.  24  suiv.). 

'  Holbig,    Wandegemdlâe  Campanicns.  i\.  1112. 

2  .Mait.,  XIV,  .04;  Apul..  Met.,  XI,  p.  240. 

»  De  Witte,  Gat.  de  la  collect.  Durand,  n.   1881. 

*  Cfr.  Saglio,   Dictionn.  cit.,  s.  v.   «Crepitaculum». 

=  L'elenco  più  completo  di  tali  oggetti  si  ha  daU'Hoernes  .M.,  \  Mittheil. 
der  Anthropolog.  Gesell.  in  Wien,  Ivi,  1892,  p.  107).  Cfr.  ancht  Reinaeh  S., 
La  Sculpture  en  Europe  (Anthropolog.,  1896,  p.  172). 

Mélanges  fl'Arch.  ut  d'Hisf.  19-21.  3 


34  SITULA    m   TERRACOTTA 

A  ([ucsta  sperii'  di  situle  iii  form.-i  di  carri  ])i-occsnioiiali  t-il  al- 
l'uso  a  cui  erano  destinate,  occorre  rivolgere  aiicora  l'attenzione, 
poicliè  le  opinioni  fiiiora  pmfestsate  a  ri;riiardo  di  esse  non  mi  Hem- 
braiio  abl)astaiiza  cliiaic  e  ciiiivincenti.  l'are  an/ituttii  assodato  clie 
quei  carrctti  di  bronzn  sicno  tante  ridiizioni  votive  di  modelli  di 
grandi  dimensioiii  plie  venivano  trasportati  propessionalmente  nelle 
cerimonie  reli^'iose  '.  Il  Déclielctte,  fin'  lia  tontata  una  classifica 
di  (lui'lle  sitiilc,  tanto  di  quelle  mnntate  -iiillc  niote,  clie  délie  altre 
più  scmplici  olie  venivano  rccate  a  braecia,  le  di\ide  in  tre  ca- 
tégorie : 

1'^  Sitiile  senipliei,  in  foi'ina  di  reeipienti  nniinarii.  non  montate 
siille  ruote,  con  deeorazione  di  ei^^ni  o  d'altri  cinlilcini  sdlari.  Ap- 
partengono  a  qiiesta  categoria  le  aitiile  di  brnnzo,  a  derurazione  geo- 
metrica,  di  Orvieto  e  di  Bolognsl. 

2"  Situle  in  forma  di  reeipienti  nitnati  sul  carretto.  decorate 
di  figure  di  cigni  elie  si  vedono  jier  lo  più  disposti  salle  assi  o 
siiUe  ruote  stesse  del  carretto  (esenipl.  di  Skallerup  e  di  Szaszva- 
rosszék,  del  niuseo  di   Vienna). 

3"  Situle  costituite  da  uiio  o  pin  eigni  colloeati  sul  carretto 
(osempj.  di  Bourg-snr-Sprée  [Lusace  inférieure]  e  di  Conieto  Tar- 
quinia).  Queste  tre  catégorie  di  situle,  provenienti  anche  dalle 
tombe  dell'Etruria,  appartengono  ai  periodi  proto-etrusco  ed  etrusco. 

'  Aiiticliissinio  è  l'nso  di  fortiiie  di  ruote  gli  arrt-di  cultiiali  e  pro- 
vienc  forse  daU'epoca  délie  prime  niigrazioni  dei  popoli.  I  carri  preisto- 
rici  in  génère  possono  cssere  rignardati  conie  riprodnzioni  ridotte  di  ar- 
redi  cultuali  i  quali,  corne  il  leggendario  cavallo  troiano  e  gli  arredi 
sacri,  mobili,dellIndia  (carro  di  Krishraas  in  (liagganathi,  abbisognavano, 
per  essere  trasportati,  di  raolti  uomini  e  di  raolti  cavalli  (Hoernes  M., 
Ungeschichtc  d.  hildenden  Kunst  in  Europa,  tav.  XXXIII,  XXXV,  2; 
XXXVI,  6;  Id.  L'iiomo,  storia  nat.  e  preistoria,  traduz.  Zanolli,  Soc. 
Edit.  Libr.,  191.-5,  vol.  II,  p.  510  segg.).  Una  situla  processionale  sopra  un 
carro  tirato  dai  cavalli  si  scorge,  in  rozzo  graffito,  sopra  nn  frammento 
vascolare  della  fine  deU'età  del  bronzo,  trovato  a  Oedunburg  (Unglieria) 
(L.  Bella,  Anngrahiiiigen  nuf  deiii  Jiurgstult  hei  Oedenhurg  in  Mittheil. 
d.    Aiilhrnpol.   frit^ell.^rli.  h)  TI'/c».    1S9I,  Sitsini;isherichle,  p.  80,  fig.   11). 


IN    FORMA    DI    CARRO    PROCESSIONALE  35 

Ma  nelle  tre  catégorie  ricordate  il  Dtk'iielette  ha  dimenticato 
di  comprendere,  pure  avendoli  menziouati  in  altro  luogo,  quei  car- 
retti  semplici,  senza  protome  di  cigni,  recanti  nel  mezzo  un  reci- 
piente  per  lo  più  rotondo,  di  bronze  martelhito,  corne  il  carretto 
di  Peccatel  (Mecklembourg)  e  di  Mihivec  (Roeraia),  ed  altri  di  forma 
e  striittura  consimile,  scoperti,  per  la  maggior  parte,  iiei  paesi  del 
Sud  e  principalmente  in  Italia  ',  ai  quali  non  puù  uegarsi,  per  quelle 
elle  vedremo,  un'identiea  destinazione  cultuale. 

Tutti  i  inodelli  qui  ricordati  di  situle  montate  sul  carretto  sono 
di  bronze.  Un  solo  tipo  di  terracotta,  se  i  raiei  riscontri  sono  esatti, 
ne  costituirebbe  reccezieue,  ed  è  prepriamente  l'esemplare  ripro- 
dotto  al  n.  3  délia  tavela  1,  appartenente  alla  mia  privata  raecolta 
di  antichità. 

Questo  esemplare,  proveniente  dal  niezzogiorno  d'italia,  tu  rin- 
venute  presse  Canosa,  a  nord  délia  città,  in  une  scavo  praticato 
per  la  costruzione  deiracquedotto  pugliese,  seconde  le  informazioui 
avute  dal  sig.  Gaetauo  Pepe,  antiquario  di  Napoli,  presse  il  qnale. 
or  sono  pochi  anni,  ebbi  roccasione  d'acquistarlo.  Faceva  parte  di 
una  tomlia,  la  cui  suppellettile  andô  quasi  totalraente  dispersa. 

L'oggetto  consiste  in  un  cigno  ad  ali  spiegate,  posato  sul  car- 
retto a  quattro  ruote  di  quattre  raggi  prominenti.  La  testa  deU'uc- 
cello  è  divisa  per  meta  da  un'apertura  longitudinale,  come  negli 
altri  esemplari  di  ciguo  cemuni  alla  regione  média  d'italia  ^.  Sulle 
due  pareti  delFapertura  sono  praticati  quattro  piccoli  buelii,  i  quali 
servivano  probabiimente  a  raantenere  altrettanti  lacciuoli  o  briglie. 
Una  piccola  apertura  rettangolare  si  osserva  sul  dorso  delTanimale, 
alla  quale  forse  doveva  corrispondere  il  coperchio.  Délia  presenza 
di  quest'ultimo  potrebbe  farci  sospettare  un   altro   esemplare  ana- 

'  Reinecke,  Grabfunde  vomEnde  der  reinen  Biomeseit  ans  Norddeutsch- 
land,  AlterthUmer.  V,  tab.  39;  Virchow,  Congr.  Internat,  d' Anthropol.  et 
d'ArcMol.  préhist..  Paris,  1867,  p.  251;  Undset,  ^Ji</fe  Wageii-Gebilde  (in 
Zeitsch.  fur  Ethnol.,  Berlin,  1890,  p.  49);  Déchelette,  II,  284  suiv. 

'  Vedi  Déchelette,  Ivi,  445,  fig.  186. 


36  HITIIA    1)1    TKUKACOTTA 

loj^o  di  cij^mi  coricuto  su  (■;irrc'tt<i  di  lumizd,  |ini\  l'iiiiMite  «lai  tuiimli 
di  GlaHiuac  iHosnia).  Tntttasi  di  un  cigno  di  proporzioui  più  pic- 
c'dle,  applicnto,  como  coperciiio,  HuiraixTtuni  clie  si  scorgc  nel  dorso 
(li  altro  ei^no.  Fui'i  darsi  riio  la  li^curiua  soprastante  al  copcivliio. 
invecc  di  quella  d'un  cigno,  fosse  stata  qualclie  volta  una  ti;^urina 
uinana,  come  quella  del  torso  di  donna,  in  atto  di  supplicare  il 
ciclii,  riscontrata  dal  Furtwaengler  sopra  un'  impronta  sigillare  di 
piraniidc  vntiva  in  tcrracotta.  11  Furtwaenfrler  orede  trattarsi  délia 
madré  Terra,  in  atto  d'iniplorare  da  ZeuM  la  pioggia,  seconde  la 
descrizione  riportata  da  l'ausania  d'una  statua  in  queiratteggiameuto, 
elle  sorgeva  neiracropoli  di  Atene,  jjresao  l'Erectlieion  :  <<  l'r,;  y.-^r>.<i.r 
'-•/.îTE'jo'jTT);  'JTa'.  'j':  tov  Aia  '  ».  Pen'i  a  torto  ritiene  clie  al  disotto 
del  mezzo  buste  di  donna  si  seorga  une  strato  di  erba  o  di  culmi 
di  grano  recisi  ',  dovendo  trattarsi  iuveee  d'un  earro  proeessionale  ^. 
Tornando  all'interessante  terracotta  di  Canosa,  unioa  iifl  suo  gé- 
nère, aggiungerô  che  essa  è  vagamente  policroniata  uei  tre  colori, 
bianco,  rosso  e  turchino.  Misura  cm.  18  '  ',  di  altezza  dalla  testa  del 
eigno  alla  base,  e  em.    1^^  '  „  di    lun.ijhczza. 


La  mancanza  di  doeunieiiti  archeologiei  e  storioi  non  consente 
di   distinguere  esattaniente  tra  la  religione  astrale,  l'astrologia  e  la 

'  Zeus,  accnnmlatore  délie  nuvole  (N'3o=).t.-)=  tît-t;)  le  faoeva  ricadere 
in  forma  di  pioggia  ('VjVis;,  'Oy-Ppis;  AiaiT^p).  Nei  paesi  di  siccità  s'in- 
vocava  il  nunie  percliè  scendesse  in  forma  di  acqua:'V<j:/,  jusi  (dicevano 
gli  Atenicsi)  w  -Jt"'.!  Z=0,  /.i-i.  tt.;  àpo'j^a:  t'Ùv  'AST.-.otiwi  tai  tmi  -sîiwv. 
Nelle  monete  di  Ephesus  si  vede  Zeus  assise  snl  monte  Peion,  col  fulmine 
nella  desti-ii  e  con  la  sinistia  nell'atto  di  riversare  la  pioggia  sulla  terra 
(Mionnet,  Siij^pkm.,  VI,  141,  n.  -113;  Lenoimant  Cli.,  Ao»»'.  </«?.  mythoh. 
pi.  VIII,  n.  1-2). 

'  Furtwai'ngler,  Kunsiinnchiihlirhf  Untersuchungen,  p.  ^.^T  ;  Seller. 
Class.  Reneii-,  1897,  p.  175;  1898,  p.  I;î7;  Id.,  Mei^terwerke,  cit.,  p.  257. 
Cfr.  ivi  la  nota  del  Frazer  e  rO\-erbecli,  Kunstimjtholog.,  «  Zeus  »,  p.  227. 

'  Vedi  Hoeiiies  M.,  L'uomn,  stmid  iint.  e  priiglnria,  sop.  cit.,  1.  cit. 


IN    FORMA    1)1    CAUUll    PUOCK.SSIONALE  37 

magia  proprianiente  detta  nelle  diverse  epoclie  délia  preistoria.  Ma 
è  molto  probabile  che  quei  carri  abbiano  avuto  un  carattere  piut- 
tosto  raagico  che  religioso.  11  Déchelette,  elie  è  st;ito  il  primo  a  fare 
dei  ciilti  solari  la  base  délia  religione  neU'età  del  bronzo,  studiaudo 
la  provenienza  di  quei  carretti  processionali  alla  situla,  è  tratto 
a  sospettare  che  essi  abbiano  avuta  qualche  relazione  con  le  divi- 
nità  solari  preposte  al  culto  délie  acque  termali.  Buoua  parte,  in- 
fatti,  provengono  da  località  dov'erauo  situate  sorgenti  d'acque  mi- 
nerali.  Non  v'ha  dubbio  che  aile  acque  le  quali  presentano  qualità 
curative,  soprassedessero  le  divinità  solari  e  principalmente  ApoUo. 
Ma  siffatta  considerazioue,  l)enchè  affiancata  da  un'esegesi  rigorosa, 
filologica  ed  epigratica,  ha  uu  carattere  piuttosto  vago  e  non  ab- 
bastanza  sicuro  per  poter  determinare,  nel  suo  lato  précise,  l'uso 
a  cui  quei  carretti  erano  destinât!  '. 

Dubitando  infatti  dell'interpretazioue  proposta  dal  Déchelette,  cosi 
si  esprime  il  Loisy  a  proposito  del  carro  di  Seeland  :  «  Bien  dif- 
ficile de  dire  si  ces  petits  chariots  solaires  servaient  k  honorer 
le  Soleil,  à  lui  rendre  un  culte  proprement  religieux,  ou  n'étaient 
pas  plutôt  des  objets  servant  à  des  rites  magiques  aj'ant  pour  but 
d'aider,  stimuler,  renforcer  le  Soil  dans  sa  course,  comme  ces 
quadriges  que  chaque  année  à  Rhodes,  ou  précipitait  à  la  mer  »  '. 
Il  passe  di  Festo  sul  sacrificio  annuale  délia  quadriga  solare,  che 
si  praticava  a  Rodi,  dice  cosi  :  «  liliudii  qui  quotannis  qnadrigas 
Soli  l'onserratas  in  nuire  iiiciinif.  qiiod  is  fali  ciirriciilo  fertur  cir- 
cumrehi  mundum  ».  Lasciando  ora  da  parte  l'opinione  del  Blinken- 
berg,   iutorno  all'uso  di  quei  earri  ',  nemmeno  è  da  ritcnersi   soli- 

'  Seeondo  aleuni,  trattaiidosi  di  acque  teniiali,  curative,  non  man- 
cherebbero  élément!  per  riferirsi  al  eulto  d'un  dio  spéciale  délia  pioggia. 
Vedi  Haddon  A.  C,  Lo  studio  deU'uomo  (trad.  A.  Giardina),  R.  Sandron 
edit..  p.  286. 

'  Loisy  Alfr.,  Bévue  d'histoire  et  de  Uttér.  religieuse,   1912,  p.   186. 

'  Il  Blinkenberg  {Me'm.  de  la  Soc.  Royal  des  Antiq.  du  Xord,  Co- 
pénague,  1896,  p.  83)   richiaraa   il   passe  d'Omero  {Odi/ss.,   IV,  131)  ove 


38  SlTUl.A    DI    TEUUACOTTA 

damento  foiidata  qiirlla  dcl  Tlimpel  e  del  (ii'Ui)]i<',  i  qu.ili  hanno 
cercato  di  riaiinodaiT  al  inito  délia  caduta  di  Fetonte  il  rittiale 
rodiano  délia  preeipita/.ione  délie  quadrighe  nel  mare  '.  Ma  il  tnito 
di  Fetouto,  secoiido  la  concezione  pii'i  récente  del  Keinacli,  ni  spiega 
per  un  rito  sacrificale,  originato  dalla  presen/a  del  oavallo  bianco 
0  del  cavallo-sole,  sia  clie  questo  venisse  precipitato  in  mare,  ov- 
vero  gettato  aile  fianniie  ''.  Xiimerose  sopravvivenze  infatti  di  quel 
rito,  tanto  neiranticliità,  eonie  iielle  odierne  eostumanze  poi)olai'i, 
tendouo  a  dimostrare,  secondo  riOtnogratia  e<)nii)arata,  elle  l'uso  di 
quelle  ecrimonie  (l'incendid  o  raiiiiefjaniento  dei  carri,  dei  cavalli, 
il  precipitare  délie  ruote  iiili.immatc  dalle  colline  verso  la  riviera.  i 
cuai  detti  fuoclii  di  San  (Jiovanni,  ecc. . . .)  rispoude  ad  un  princi- 
pio  generico  di  magia  sinipatiea,  ciré  una  concezione  di  carattere 
astrale,  eonuine  aile  mitologie  vediclie,  iraniclie.  germaniche  ^.  Il 
rito  infatti  in  tutte  le  sue  molteplici  e  svariate  nianifcstazioni,  dalle 
cerimonie  anticlie  aile  coatumanze  popolari  odierne,  non  riispeccliia 
elle  une  dei  soliti  processi  di  magia,  mercè  il  qiiale  Tnomo  ere- 
deva  d'asservire,  d'csaltare  o  diniinuire  le  forze  iiaturali. 

Ritornando  al  carro  di  Seeland,  bene  a  ragione  il  lieiiiadi  ha 
atfermato  clie  tanto  qucsro  ebe  altri  carri  simili,  recanti  seinplice 
mente  il  disco  piazzato  nel  ccntro,  servissero  aile  praticlie  di  niagia 
intese  ad   aecrescere   l'eflicacia  del  sole,  nieiitn-  tiiltc  le  .iltie  specie 


Elciia  liceve  un  caiicstro  d'aigento  moiilalo  sul  oani'tto,  per  deiiositarvi 
la  lana  (Vei],  Furtwaciigler,  Meislenrerke  des  yriechiscli.  jiliisiik,  1893, 
pp.  257-63). 

'  Tilnipel,  Philol.  Jahrb..  siip])!.  XVI,  1887,  p.  165:  Gruppe,  Griech. 
Mythol.,  p.  265. 

'  lleinacb  S.,  Cultes,  Mi/thes  et  Jieligiong,  Paris,  Leroux,  1912,  t.  IV, 
p.  45  suiv. 

^  Rosclicr,  LexHcon,  s.  v.  «  Ilelios  »  :  Frazer,  Golden  liough,  t.  III, 
pp.  238,  301.  Sulle  sopravvivenze  del  mito  solare  nel  f'olk-lon  moderne, 
vedi  Gaidoz,  Le  dieu  gaulois  du  Soleil,  cit.  tBei:  Archéol.,  1884,  II,  p.  33): 
Frazer,  Les  origines  magiques  de  la  Royauté  (tiad.  Loyson],  Paris,  (ieuth- 
ner,  1920,  p.  108. 


IN    FORMA    Dl    CARRO    PROCESSIONALE  39 

di  ciirri,  fostituite  da  recipienti  montati  sulle  ruote,  erano  destiuate 
a  riti   speciali   per  provocare  la  piogjçia  '. 

Quest'  interpretazione  è  favorita  dalla  testinionianza  di  qualche 
scrittore  e  sopratutto  daU'esempio  che  ci  offre  il  famoso  carro  di 
Crannon.  Questo  carro,  ccnie  si  scorge  sulle  nioiiete,  è  a  similitu- 
dine  perfetta  degli  altri  carri  ai  quali  abbiamo  acceunato,  recanti 
un  recipiente  di  rame  di  forma  rotondeggiante  (carri  di  Milavec 
e  di  Peecatel).  Le  monete  in  oui  si  vede  effigiato,  quando  sieno 
di  perfetta  conservazione,  lasciano  pure  scorgere,  poggiati  sulle  assi 
délie  ruote  posteriori,  dei  cigni  ". 

La  presenza  del  carro  sulle  monete  di  Crannon  vuole  alludere, 
com'  è  noto,  aile  cerimonie  magiohe  che  si  celebravano  in  quel  paese 
per  provocMre  la  pioggia.  Antigono  Carystio  ricorda  corne  il  carro 
di  Crannon,  nei  periodi  di  siccità,  veniva  posto  in  movimento  e 
si  faceva  scorrere  l'acqua  dal  recipiente  che  vi  era  istallato  per 
imitare  la  pioggia,  corne  dallo  stesso  movimento  délie  ruote  deri- 
vava  il  rumore  che  imitava  il  tuono  '.  Questi  carri  probabilmente 
erano  rauniti  di  grosse  ruote  (ii/nquina)  che,  per  ragioue  délia  loro 
rassomiglianza  col  taraburo,  dovevano  produrre  un  fracasso  assor- 
dante  che  veniva  paragonato  al  tuono  ■*.  In  questo  senso  la  ruota 
doveva  forse  simbolizzare  il  tuono,  attrihuto  di  Giove,  come  si  è  visto 
più  addietro  nella  statuetta  di  bronzo  dello  Zeus  celtico.  La  fuuzione 
magico-religiosa  del  carro  di  Crannon  puo  raettersi  in  relazione  con 
quello  che  dice  Livio  délia  siccità  che  regiiava  in  quel  paese:  «■  Et 
riae  inopis  aqnanim,  quae  inter  Sycnrium  et  Cranona  est  »  ". 


'  In,  p.  48,  n.  1.  Sev.  hist.  des  Belig.,  1908,  p.  3. 

'  Vedi  esempl.  in  Brit.  Mus.  Cat.  (Thessalia),  pi.  II,  11-15;  Head, 
Hist.  Ntimoi-um,  Oxford,  1887,  p.  249;  Leake  \V.  M.,  JVum.  helh:ii.,  Lon- 
don,  1854,  p.  43. 

■^  Antig.  C'aryst.,  Hist.  mirai},  (in  Script.  Ber.  Mirah.  Graeci,  Edit. 
Westeiinann,  c.  XV,  p.  64).  Cfr.  Furtwaengler,  Meisierwerke,  etc.,  loc.  cit. 

<  Piob.,  ad  Virg.  Georg.,  I,  163;  II,  444. 

5  Liv.,  XLII,  64. 


40  SITCI-A    1)1    TEIIHACOTTA 

Quel  rito  magico,  intoso  a  provorare  la  pioggia,  non  doveva  es^ 
sere  sconosciiito  agli  Klirei.  Un  passo  dcU'Antico  Testamento  ac- 
cenna  alTesistenza   crun   vaso   a  l'otcili-   iicl    te  iiipici  di   Salomunc  '. 

L'impiego   di    un    i-'tiMiincntd,   i c    il    caiiu,    iiilia   litiirgia   pri- 

niitiva,  sflihciif  t'ai'cia  parti',  cunii'  niaiiirt'stazidiic  ndij^'iuHa,  deiran- 
tico  cerinioniale  inerente  al  culto  dcUe  divinità  solari,  non  è  in 
realtà  che   nna  pratica  di   niagia,   i)rod()tto  di   quel    misticismo  po- 

](olarc   flif   j^li   ctiHij^rali  dcsigiiano   col  noi ]i    «  iiiagia  iiuitativa  » 

o  «  mimetiea  »  (imitaziouc  dclla  naturaj,  o  di  <t  niagia  omeoi)atica  » 
(simpatia  naturale),  le  oui  operazioni  imniaginarie  si  fondano  su  pre- 
tesi  ra])|)oi'ti  tVa  l'uoiiin  c  la  natura,  nci  qiiali  l'energia  magica, 
per  contatto  diretto  o  nicdiato,  intcrvieiie  pci'  invertire  quei  rap- 
port! ^.  Dall'arte  di  provocare  l'energia  magica  dériva  principal- 
raente  l'essenza  del  culto  nell'età  primitiva,  culto  sopratutto  utili- 
tario  dal  punto  di  vista  sacerdotale,  scevro  di  preoccupazioni  sen- 
tiinentali  o  idealisticlic.  L'iniziazione  ai  misteri  délia  niagia,  dice 
il  Saintyves,  «  procure  à  la  fois  une  force  et  une  science,  une  va- 
leur personnelle  et  une  autorité  sociale  »  ^. 

Ma  Tuso  del  carro  processionalc,  cunie  arredo  cultuale  presse 
i  Romani,  sembra  doversi  riscoiitrarc^  auclie  nelle  leriniunie  sacre 
che  accompagnavano  la  celeluazidne  ûfWAqiiaelicium.  Nel  testo 
grammaticale    di   Varrone    iiKiiialis    luji/s  iudica,    como    è  uoto,  la 


'  Jtoy.,  III,  c.  VII,  1.5-51:  «  l^iatiior  qnoiiué  lotae. . .  cohacrebant  sibi 
subter  basini...  Taies  autem  lotae  eiant,  (pialcs  soient  in  curni  tieri... 
In  suuiraitate  antem  basis  eiat  (piaedam  lotunditas  dimidii  eubiti,  ita 
fabrefaeta,  ut  liiter  desuper  posset  imponi  ».  La  pratica  si  rieonnette 
all'uso  dello  stesso  popolo  di  provocare  la  pioggia,  il  quale  consistera 
nel  versare  suH'altaïc  del  tcmpio  l'acipia  délia  fontana  di  Siloe  durante 
il  frastuono  délie  trombe  ((Joblet  D'Alviella,  CwDancfs,  rites,  etc.,  cit., 
II,  p.  106). 

-  Reinach  S.,  L'art  et  la  magie,  in  Anthropologie,  1903,  pp.  257-66;  Id., 
Cultes,  Mythes,  etc ,  I,  p-  129  suiv.;  Frazer,  Les  origines,  cit.,  p.  35  suiv. 

■'  Saintyves  P.,  Xa  force  magique  di(  maiia  des  j^riyiiiti/s,  etc.,  Paris, 
Nourry,  1914,  p.  64. 


m   FORMA    DI    CARRO    PROCESSIONALB  41 

«  pietrii  dellji  pioggia  »,  i1a  nidnare  (scorrerej.  A  questo  appella- 
tivo  iniplicanto  il  ricordu  (Vuiia  liturf;:ia  primitivamente  in  uro, 
parrebbe  succeduta  l'esegesi  posteriore  apportata  aH'antico  testo 
pontificale  clie  considerava  la  parola  eome  derivata  da  mnnes,  quasi 
a  dinotare  la  pietra  clic  serviva  da  porta  nWOrvus,  vasta  fossa 
destinata  a  ricevere  le  primizie  dei  prodotti  locali,  offerte  ai  niani 
nella  cerinionia  cbe  precedeva  la  fondazione  délia  città  '.  D'altra 
parte  il  testo  anteriore  conservatoci  da  Lalieone  addita  precisamente 
le  miififiles  petrae  come  quelle  ch'  era  in  uso  di  portare  in  giro 
(verrere)  in  tempo  di  siccità,  per  impetrare  la  pioggia  ".  Questo 
rite  faceva  parte  délia  disciplina  augurale  degii  Etrusclii,  dai  quali 
i  Romani  derivarono  anche  quello  del  mundus  ',  e  lo  introdussero 
nella  cerimonia  AdWAquaeJicium^  in  cui  il  Japis  iiianalis  era  por- 
tato  in  processione  fino  al  tempio  di  Giove,  aceompagnato  dalle  ma- 
trone che  incedevano  a  piedi  nudi,  circostanza  clie  fece  applicare 
alla  eeriraouia  il  nome  di  nudipedalia  '.  L'azione  che,  secondo  i 
grammatici,  chiarisce  l'impiego  del  lapis  manalis,  va  ricercata  nelle 
parole  movere  o  trahere  lapidem  ",  le  quali  indicano  il  trasporto  cbe 
facevasi  délia  pietra.  Questa,  essendo  di  proporzioni  grosse,  non 
poteva  essere  portata  sulle  braccia,  ma  trascinata  da  un  veicolo. 
Se  poi  si  riflette  che  era  di  fiirma  cilindrica   (/*(  modiim  ciilindro- 


'  Secondo  alciini,  tra  i  riti  niagici  per  ottenere  la  pioggia,  e  la  reli- 
gione  dei  moiti  vi  era  un'  intima  connessione.  Vedi  Frazer,  Le  rameau 
d'or,  I,  106  suiv.,  122;  E.  Hoffmann,  K/ie/x.  il/its.  fur  PhiloL,  L,  1895, 
p.  484  seg.  ;  Pettazzoni  R.,  La  reh/jioiie  primitira  in  Sardegna,  Piacenza, 
1912,  p.  110  seg. 

-  Fulgent-Planciad,  De  prisco  sermone,  s.  v.  «  Manales  »,  p.  388; 
cfr.  MuUei-Deecke,  Etrusker,  II,  p.  184. 

^  MuUer-Deecke,  Ivi,  p.  99. 

*  Preller,  Eomische  Mythol.  (2-^  edit.),  pp.  172,  312.  I  testi  relativi  alla 
funzione  del  lajns  manalis  sono  riportati  dal  Marc|uardt  (Ze  culte  chez  ks 
Romains,  trad.  Brissaud,  t,  I,  p.  312),  Paris,  Thorin,  1889  ;  cfr.  Mannhardt, 
Mythol.  Forsch.,  Octoberross,  p.  128. 

'  Non.  Marc,  547;  Serv.,  Aen.,  III,  175. 


42  srriiLA  ni  tkuhacotta 

rum)  e  che  da  Varrone  viene  appellata  truUewm,  cioè  bacino  ',  do- 
veva  certamente  consistere  in  un  recipiente  di  pietra  di  {grandi  di- 
mi'nsioiii,  die  recavasi  in  processione  sopra  un  caiTo  c  da  cui  soa- 
tiirivii   raciiiia   iinitMiidu    il    fadcrc   délia   pioggia  '. 


Ija  cerimonia  aiiticliissima  ([v\V AqudeJicium  cd  altre  praticlie 
derivanti  dall'applicazione  di  congegni  divcrsi,  creati  dal  rituale 
inagico,  per  invertire  l'ordine  di  successions  nci  fenomeni  naturali, 
tanto  nell'aiiticliità  clie  nei  teinpi  presenti,  dipciidono,  cnme  si  è 
detto,  dalla  credenïa,  comune  a  quasi  tutti  i  popoli,  in  quella  spe- 
cie  di  leganie  misterioso  fra  l'uomo  e  la  natura,  per  cui  quelle  si 
crede  in  diritto  di  ottenere  da  questa  cio  che  vu(de,  imitandniie 
l'esempio  con  Firapiego  di  nicz/.i  artiticiali  clic  custituiscono  la  cosi 
detta  magia  simpatica. 

Questo  principio  applieato  ai  riti  di  magia  fulguralc  e  toni- 
truale,  apiega  anche  l'origine  di  alcuni  miti  e  leggende  favolose. 
La  pratica  del  carro  di  Ci-annon,  di  fondo  tessalico,  era  assoeiata 
al  cultn  deireroe  locale  Salmoneo.  Caduta   in   disuso,  il   rito  si  cri- 


'  ^'al■l■,  1.  I  de  rit/t  P.  li.  ap.  Non.  Marc.  cit..  15,  32.  Xonio  Marcello 
afferma  che  il  tndleum  era  propriamente  l'utensile  atto  a  lavarsi  le  maui. 
Secondo  Vanone,  starebbe  fra  il  mateUin  e  \2i  pelris;  ma  quegli  soggiunge 
ancora  che  mediante  Vurceolus,  chiamato  pure  ariuaemanaUs,  aquimanah, 
aquimanarimn  (xsp'îss''),  si  ^■ersava  racqua  nel  IruUeum  (Varr.  ap.  Non. 
Marc,  Ibid.,  Gloss.  Labbe,  s.  v.  ;  Saglio-Daremberg,  Dictionn.  d.  Antiq.,  s.  v.). 

*  Cfr.  Warde  Fowler,  Rom.  festk-als  of  the  period.  of  thc  Jiepublic, 
London,  1899,  p.  233.  Due  cerimonie  che  si  praticavano  in  Francia  e  nel 
Portogallo  nascondono  forse  il  rito  antichissimo  del  hipis  manalis.  In 
Francia,  dipartimento  deU'Iscre,  fino  a  mezzo  secolo  addietro,  in  circo- 
stanza  di  siccità  si  potevano  vedere  processioni  recantisi  a  visitare  un 
sasso  ritenuto  portentoso,  il  quale  veniva  dai  processionanti  sollcv.ato  dal 
siiolo  e  girato  due  o  tre  volte,  secondo  la  quantità  dcU'acqna  che  si  de- 
siderava.  Per  altre  pratiche  curiose,  relative  alla  pietra  délia  pioggia, 
vedi  Sebillot  P.,  Le  paganisme  contemporain,  Paris,  Doin,  1908,  p.  243  suiv. 


IN    FORMA    DI    CARRO    PROCESSIONALE  43 

stallizzo  nella  leggenda.  Seeoiido  la  favola,  Salmoiieo  aveva  preteso 
d'irnitare  Giove,  affettandoiie.  rattitndine  col  lanciare  folgori  da  un 
carni  dal  qiiale  derivava  odiiic  il  rumore  del  tiiono  e  lo  serosciare 
délia  piuggia.  Per  taie  audacia  fu  da  Giove  fulminato  '.  Col  trionfo 
delle  idée  antropomorfiche,  dalla  scomparsa  del  rito  nacque  la  leg- 
genda deireroe,  corne  dall'annegamento  rituale  dei  cavalli  liianchi 
era  derivato  il  raito  di  Fetonte.  Cosi  pure  quelle  di  Danae  si  deve 
alla  personifîcazioiie  d'un  rito  niagico  per  provocare  la  pioggia,  se- 
condo  la  più  récente  concezione  del  Keinach  '",  il  quale  peraltro  crede 
potersi  questo  proeesso  di  evoluzione  estendere  a  tutte  quelle  leg- 

'   V'iig.,  Aen.,  6,  585  seg. ;  Apollod.,  I,  9,  7. 

-  Cultes,  mythes:,  etc..  II,  196;  IV,  4;  Id.,  OrpUeus  (trad.  Délia  Torie), 
I,  118-21.  Danae  in  greco  significa  •  secca  »  e  vonebbe  personificare 
l'aridezza  délia  terra.  La  pioggia  d'oro  inviata  da  Giove,  seconde  la  fa- 
vola, sarebbe  stata  una  pioggia  naturale,  benefica  più  dell'oro  per  i  tc- 
sori  che  apporta.  Evidenteuiente  nel  rito  antiehissimo,  primitive  dell'Ar- 
golide,  la  giovinetta  Danae  siniboleggiava  la  terra  e  veniva,  seconde  un 
rituale  magico,  cerimonialmente  annatiiata,  corne  si  usa  anche  o^gidi  in 
alcuni  paesi  délia  Roinania,  délia  Serbia  e  délia  Germania,  nei  qnali, 
quando  la  pioggia  tarda  a  cadere,  si  affretta  con  un  rito  popolare  di  niagia 
simpatica.  Viene  spogliata  una  giovinetta  de'  suoi  abiti  e  le  si  fanno  ablu- 
zioni  d'acqua  per  tutto  il  eorpo.  Un  rito  magico  di  questa  specie  si  po- 
trebbe  riseontrare  nella  statuetta  di  terracotta,  trovata  a  Cipro,  già  délia 
collezione  Lawrence-Cesnola,  oggi  del  British  Muséum.  Rappresenta  una 
giovinetta  seduta  sopra  un  piede  ed  appoggiata  ad  uno  scoglio  sulla  cui 
cima  da  un  mascherone  sgorga  l'acqua.  Essa  è  in  atto  di  rovesciarsi  sulle 
spalle  un' idra  piena  del  liquide.  Alla  base  è  scritto;  OKA  H  OMBIMOI 
{la  dea  délia  pioggia).  Le  Danaidi  sarebbcro  state  delle  sacerdotesse  del- 
l'Argolide,  le  qnali  con  processi  magici  provocavano  la  pioggia.  Quest'in- 
terpretazione  è  favorita  da  nna  tradizione  locale,  riferita  da  Esiodo,  poscia 
da  Strabone,  Servie,  Plinio,  Eustazio,  seconde  la  quale  le  tiglio  del  re 
Danaos  sarebbero  state  le  prime  a  scavare  i  pozzi  nell'Argolide.  La  tra- 
dizione locale  dice  senz'altro  che  quelle  eroine  benetattrici,  pervenute 
dallEgitto,  avrebbero  arreeata  l'acqua  in  un  paese  arido  (-iXjS'.'y'.ii 
'Apfoç,  come  le  chiama  Omero).  Vedi  Hesiod.,  Fragm.^  LXIX,  72,  alias  35; 
Eust.,  ad  Iliad.,  p.  461:  Roscher,  Lexilion,  s.  v.  »  Danaiden  ».  La  loro 
immagine  di  benefica  attivit.à  fu  trasformata,  da  un'  esegesi  tardiva  suc- 
ceduta  al  rito,  in  (piella  di  condannate  al  supplizio  consistente  r.ell'uso 
continue  del  vaglio  forato.  Lo  Schwartz  pure  (Der  TTraprung  der  Mytho- 
logie, p.  160)  considéra  Danae  come  un  mito  délia  pioggia. 


44  HITIÎl.A    1)1    TKHKAO'nTA 

gciiilc  iiiitdlo^'iclif  clic  rillcttoïKi  f,'li  ci-oi  pcriti  o  s;ici-iti(';iti  dalla 
collera,  délia  diviiiità.  A  qiicHto  ;,'rup|)o  di  eroi  siipjilii-iati  appar- 
tengono,  corne  è  iinto,  Adoiie,  Orfeo,  DioiiiHÎo  Zagreo,  Atteoiie,  Pcn- 
teo,    Ippolito   ed   altri  '. 

Nelle  reli^'idui  primitive,  diiii(|iir.  il  culto  dc^'li  ci-oi  dériva  dal- 
rev(plii/,ioiie  niitiea  délia  |)ratiia  saei  rdotale,  oondeusata  iiei  rili  di 
iiiagia;  coiicetto  qiiesto  elie  riflette  iii  génère  Torigirie  stessa  délia 
divinità.  E  note,  infatti,  clie  la  credcnza  nella  magia  ha  preceduto, 
iicllo  svolgiinento  dcH'idea  religiosa,  (|uella  iiegli  dei  '.  L'antica 
iU'uspicina  considerava  il  tnono,  la  folgore  e  lo  scrosciare  délia 
pioggia  corne  veicoli  di  forza  magiea,  prodotto  di  correnti  fra  cielo 
e  terra,  base  di  legami   e  di  scarabi  fra  l'uomo  e  la  divinité. 

Nell'antica  atoria  di  Roma  la  leggeiida  di  Saltnoneo  si  traduce 
in  altri  cpisodi  di  eroi  saerificati,  i  qnali  ne  ra])preseutano  tante 
duplicazioui.  Col  ricorso  ai  riti  di  magia  i  prinii  re  di  Roma,  clie 
erauo  sopratutto  sacerdoti,  provocavano  il  tuouo  e  la  pioggia.  Amu- 
lio  0  Romolo  Silvio,  re  d'Alhalonga,  la  cui  reggia  fu  inghiottita 
dalle  acque,  era  stato  fulminato  da  Giove  perché,  con  nna  mac- 
china  che  si  era  costrnita,  pretendeva  d'imitare  il  riimore  del  tuono 
e  lo  scrosciare  dell'acqna  ^.  Riscontri  simili  si  hanno  nelle  leggende 
di  Romolo,  Tuilo  Ostilio  e,  secondo  alcnni,  anche  in  (inella  di  Enea  *. 

Il  Frazer  ed  il  Granger  riteugouo  che  quci  primi  re  pastori  e 
selvaggi  della  Roma  preistorica  incarnassero  lo  spirito  délia  vege- 
tazione  (cfr.  il  re  di  Xemi  dalla  barba  a  foglie  di  canna,  i  Silvii 
d'AIba,  simlmleggianti  le  foreste.  Quirino,  pcrsoniticaziono  della 
«  Quercus  »,  ecc);  nia  il  coucctto  del  loro  castigo  licorne  quello  del  re  di 

'  Reinach,   Cultes,  Mythes,  etc.,  II,  164  suiv.,  IV.  45  suiv. 

'  Frazei-  J.  G.,  Les  origines,  cit.,  p.  32  suiv. 

'  Euseb.,  Chr.  Can.,  1.  I,  e.  45-6.  Vedi  Piganiol  A.,  Essai  sur  les 
origines  de  Jiome  (in  Bihlioih.  des  Ecol.  franc.  d'Athènes  et  de  Rome, 
fasc.  ex,  1917,  p.  256);  Frazer,  Les  origines  magic^ues,  cit..  p.  223  suiv. 

*  Frazer,  Ivi;  Pais  E..  Storia  di  Jioma,  vol.  1,  [laite  1  '  (Toiino,  Clausen, 
1898,  p.  192). 


IN    FORMA    m    CARKO    l'ROCESSlONALE  45 

Marsig;lia,  del  re  di  Nemi,  del  re  de"  Satuniali,  dp,i  phnrmacoi 
délia  Grecia)  derivava  'lalTesipiazione  e  dal  sacrifizio  che  dovevano 
compiere  a  beneticin  délia  comunità.  délia  tribu  o  del  élan.  In  altre 
parole,  il  loro  destino  tragico  e  l'assassinio  obbligatorio  facevano  parte 
del  rito  del  dio-re  sacrifieato,  coraune  a  tutto  il  mondo  mediter- 
raneo  '. 

X  fîoma  la  ceriiuonia  del  Regifuiiiiim.  seeondo  alciini,  sarebbe 
stata  ispirata  dalla  leggeuda  delPassas^iinio  di  Romolo.  Costui  è  uc- 
ciso  e  fatto  a  pezzi  (assassinio  rituale)  ed  i  pezzi  vengouo  divisi 
fra  gli  astanti.  Vi  è  in  quest"  allusione  al  rito  selvaggio  deU'owiw- 
phagia  qualclie  riflesso  alla  cerimonia  di  Orfeo,  Dionisio,  Zagreo 
e  di   altri  eroi  sacrificati  ". 

Tornando  ora  al  rito  di  provocare  la  pioggia,  è  noto  corne  esso 
fu  esercitato  in  tutti  i  tempi,  sotto  l'aspetto  di  pratiche  svariate, 
in  quasi  tutti  i  paesi  d'Europa,  associato  ad  elementi  del  culto  pre- 
valente  ^ 

'  Frazer,  Golden  Bowjh.  2-^  ediz.,  I,  Magic.  Art.,  t.  II.  p.  171,  «The 
kings  of  Roma  and  Alba  »:  Id.,  Les  origines  magiques,  p.  306  siilv.;  Gvanger  F., 
A  portrait  of  the  rex  Xemorensis,  in  Class.  Rer.,  XXI,  1907,  p.  194: 
Reinacli,  Cidtes,  Mythes,  etc.,  I,  332  suiv. 

'  Paiily-Wissowa,  Real  Kncyclop.,  469,  s.  v.  «  Regifiigium  »,  art.  di 
A.  Rosemberg;  Reinacli,  Cultes,  etc.,  II,  «ri  96;  HI,  37:  Id.,  Herue  Ar- 
chéol,  1902,  II,  242;  Fonçait  P.,  Le  culte  de  Dioni/.'iios  en  Attique,  1904, 
p.  24 ;  Piganiol,  Essai,  cit.,  p.  260.  La  luga  del  le,  coine  indica  la  voce 
stessa  (Regifugium),  sarebbe  stata,  seeondo  il  Fiazer,  una  cerimonia  ine- 
rente  al  rito  agrario  dei  Saturnali,  islituita  per  addolcire  il  ricordo  d'un 
costume  anteriore,  il  qu.ale  esigeva  la  condanna  a  morte  del  re  in  per- 
sona,  sacrifizio  annuale  che  se  non  fu  più  praticato,  sopravvisse,  in  forma 
di  simbolo,  fino  allera  cristiana  (Frazer.  Les  origines,  etc.,  p.  300  suiv.). 
Un  accenno  alla  morte  violenta  (assassinio  rituale)  dei  primi  re  d'Alba 
e  di  Roma,  corne  personificazioni  divine,  si  rinvienc  in  Plauto  tCasina. 
II,  5,  2.3-29).  Il  passo  è  segnalato  dallo  stesso  Fiazer  (li-i.  p.  317).  Vedi 
pure  sulla  morte  del   lii.r  Xemorensis,  p.  328. 

'  Al  contenuto  magico  délia  favola  di  Salmoneo  ci  riporta  un'usanza 
ch'esisteva  a  Dorpat,  villaggio  délia  Livonia.  Gli  abitanti  di  quel  vil- 
laggio,  in  eircostanza  di  siccit;"i,  erano  soliti  di  ricorrere  ad  una  pra- 
tica  curiosa.  Tre  persone  si  arrampicavano  ad   un  albero  di  pino;  una 


4fi  srni.A  m  TiouKACO'rrA 

(!li  ctiKifirafi  li.-iniKi  dcsrritte  e  s(';;uitc  iifl  loi-o  svol^'inii'iito  tuttc 
le  opriiiioiiie  derivjite  in  questo  hciiso  dall'aiitichitA,  quelle  clie  oggi 
si  svolgono  intonio  alla  co»i  detta  «  pietra  délia  pioggia  »,  quelle 
délia  «  baKiiatura  délie  statue  »  (m1  altre  elie  rivelano  il  sovrapporsi 
dell'idea  cristiana  a  quelle  aiitiehissime  delTepoca  tnitologiea  o  pre- 
mitologica.  Délie  quali,  se  talora  preseutano  diversitàin  apparenza, 
non  intaceano  il  eontenuto  sostanziale  fondato  sul  jn-ineipio  niagieo- 
animistico,  comune  alla  credenza  di  tutti  i  popoli  '. 

Giovanni  Pansa. 


di  esse  perciioteva  con  un  martello  un  recipicnte  di  métallo,  piovocando 
un  rumore  assordante;  l'altra  aptava  t'uriosamentc  un  tizzone  acceso  da 
cui  si  spandevano  attorno  infinité  scintille;  la  terza  infine  immergeva  un 
grosso  rarao  in  un  seceliio  d'aeipia  e  ne  sparscva  il  liqui<lo  attorno  (Fra- 
zer,  Golden  Boiigh,  t,  I,  p.  82;  Mannliardt.  Antihe  ll'dW-  uiul  Felillnilte, 
p.  342;  Reinaeh,  Cultes,  etc.,  II,  p.  164). 

'  Spcciali  investigazioni  sulle  pratiche  usate  per  provocare  la  piog- 
gia  sono  state  fatte  dal  Frazer,  dal  iMannhardt,  dal  .Sebillot,  dal  Tylor, 
dal  Pitre,  dal  Bellucci  e  da  altri  etnografi.  Da  notarsi,  pev  la  densità 
délie  notizie  raccolte  snil'argomento,  il  dotto  e  diligentissiiuo  studio  di 
R.  Corso,  col  titolo  :  Deus  Phmiis.  Sagyio  di  Mitolofiia  popolare,  pub- 
blicato  in   Hilychnis  (giugno  1918). 


E  T  u  D  p:  s 

SUR   LES 

RELATIONS  DU  SAIXÏ-SIÈGE  ET  DR  L'EGLISE  DE  FRANCE 

DANS  LA  SECONDE  MOITIÉ  DU  XVI»  SIÈCLE 


I. 

ROME  ET  P0I8SY 

(1560-1561) 

Introduction.  —  Les  sources. 

Sommaire.  —  La  lenomuiée  exagérée  du  •  colloque  »  a  fait  oublier 
l'événement  plus  important  dont  il  n'est  qu'un  épisode:  l'Assemblée  de 
Poissy. 

Les  sources  utilisées  jusqu'à  ce  jour  -  récit  de  Claude  d'Espence, 
Commentaires  de  La  Place  et  correspondances  contemporaines  -  de  même 
que  les  relations  modernes  ne  donnent  qu'un  aspect  incomplet. 

Il  faut  interroger  aussi  les  sources  «romaines»:  papiers  de  la  non- 
ciature, documents  pontificaux,  lettres,  awisi  et  diarii. 

La  petite  ville  de  Poissy,  aux  environs  de  Paris,  jouit  d'une 
certaine  notoriété  dans  l'histoire  de  France.  Elle  y  a  droit.  Un 
roi  y  reçut  le  baptême,  qui  fut  ensuite  un  excellent  chef  d'Etat 
et  un  grand  saint.  Des  «  parlements  »  de  justice  —  et  Ton  sait 
quel  juge  parfait  les  présidait  —  s'y  tinrent  sous  son  règne.  Cela 
pouvait  sutfire  i\   consacrer  son  rôle  historique. 

Mais  la  renommée  est  nue  personne  capricieuse  ;  elle  aime  le 
bruit  et  l'étrange.  Aussi  a-t-elle  oublié  —  ou  peu  s'en  faut  —  ce  que 
le  saint  roi  aimait  à  rappeler  en  s'intitulant  «  Louis  de  Poissy  ».  Des 
ministres  réformés  étant  venus,  un  beau  jour  de  septembre  1561, 
argumenter  avec  des  théologiens  catholiques  dans  la  petite  ville,  elle 


40  ROME    ET    IMUSSY 

a  inannK-  an  cniiliairi'  iiiic  ;,'raii(li'  atti'iitinii.  Kt  |)arcc  (lu'im  a  ac- 
coutumé (le  ((ualifior  ce  «  colloque  *  de  fumeur,  c'est  lui  qui  dé- 
tonnais si^^iialc  l'oissy  à  la  mémoire  des  historiens.  Les  deux  noms 
paraissent  inséparaliles. 

La  fj^loire  de  Poissy  pourrait  être  d'un  meilleur  aloi.  Les  hommes 
ont  un  particulier  penchant  à  prolon;^er  le  souvenir  de  ce  qui  les  di- 
vise :  tout  au  iiKiins,  le  ^oû'  '^^  ^'<^  chicane  prime,  chez  eux,  celui  de 
la  concorde.  Le  colloque  les  sert  à  souhait.  Ce  magnifique  exemple 
(lu  fiiror  thrologicus  —  dont  on  a  dit.  au  reste,  i)lus  de  mal  qu'il 
n'est  séant  —  est  un  prétexte  trop  commode  aux  polémistes  pour 
qu'ils  y  renoncent  volontiers.  Matière  à  controverses  inépuisables, 
les  uns  y  voient  une  manœuvre  hardie  du  protestantisme,  avide  de 
s'imposer  k  un  gouvernement  hésitant  —  manœuvre  qui  aurait  at- 
teint sou  but,  du  moins  en  partie;  les  autres  n'y  reconnaissent  qu'une 
regrettable  complaisance  des  catholiques  séduits  par  un  espoir  sans 
fondement.  Aiusi,  selon  l'humeur  qui  l'agite,  l'historien  du  colloque 
de  Poissy  accuse  l'intranaigeance  du  cardinal  de  Lorraine  ou  celle 
de  Théodore  de  Bèze,  et  stigmatise,  en  deux  sens  contraires,  la  vi- 
vacité des  passions  qui   firent  échouer  cet  essai   de   conciliation. 

D'aucuns  voudraient  élever  le  déliât  Jus((u';i  la  «  grande  his- 
toire ».  A  les  entendre,  tout  l'intérêt  de  la  situation  religieuse 
de  1561  converge  sur  le  «fameux»  colloque:  celui  ci  aurait  in- 
fluencé d'une  manière  décisive  les  événements  contemporains.  M.  le 
baron  de  RuWe,  son  plus  récent  historien,  nous  assure  qu'  «  il  est... 
le  point  de  déjiart  de  la  guerre  civile,  la  première  rencontre  où 
l'historien  peut  mesurer  la  profondeur  de  l'aliime  qui  séparait  les 
deux   partis  »  '. 

Il  n'est  assurément  pas  sans  intérêt  de  rechercher  si,  au  rao- 
miMit  où  la  lutte  religieuse  allait  prendre  un  caractère  tragique, 
quelque  moyen  existait  de  la  conjurer  et  s'il  a  été  tenté.  On  de 

'  Ruble  (baron  Alphonse  de).  Le  Colloque  de  Poinm/  clans  les  Ménuiires 
de  la  Société  de  VlUxtoire  de  Paris,  t.  XVI  (18S9),  p.    I. 


LES   SOURCES  49 

vrait  toutefois  établir  que  ce  moyen  était  bien  celui  dont  le  gou- 
vernement (le  Catherine  de  Médicis  prit  l'initiative  à  Poissy.  C'est 
une  question,  en  effet,  de  savoir  si  des  conférences  contradictoires 
entre  théologiens  répondaient  à  ce  but,  comme  c'en  est  une,  plus 
générale,  que  jamais  doctrinaires  opposés  aient  retiré  de  pareilles 
joutes  autre  chose  que  plus  de  raisons  de  persévérer  dans  leurs 
opinions  respectives.  Alors  —  comme  en  des  temps  plus  proches 
de  nous  —  les  circoustauces  exigeaient  peut-être  plus  d'action,  in- 
telligente mais  ferme,  que  de  conférences. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  regret  de  constater  que  le  Colloque.  «  par 
une  sorte  de  parti  pris,  a  toujours  été  négligé  »  '  des  historiens  tant 
protestants,  que  catholiques  ou  neutres,  a  conduit,  semble-t-il,  ceux 
qui  s'en  sont  occupés,  k  en  exagérer  l'importance.  A  première  vue, 
n'est-il  pas  déjà  piquant  de  voir  attribuer  le  titre  de  CoUo'pie  de 
Poissfi  à  une  étude  dont  l'objet  est  de  publier,  comme  l'a  fait 
M.  de  Ruble,  un  <.<  journal  »  où  il  est  question,  à  titre  au  moins  égal, 
de  bien  autre  chose:  à  savoir  d'une  assemblée  chargée  d'étudier 
les  questions  qui  seraient  soumises  au  concile  général  .^  M.  de  Ruble 
est  à  ce  point  absorbé  par  le  colloque  aux  dépens  de  l'assemblée 
qu'il  lui  arrive  de  prendre  celle-ci  pour  l'autre  ".  De  même,  c'est 
encore  ce  titre  qu'a  choisi  un  de  ses  devanciers,  M.  Henri  Klipffel, 
pour  le  travail,  d'une  portée  déjà  plus  générale,  qu'il  a  donné  sur 
l'assemblée  aussi  bien  que  sur  le  colloque.  On  semble  ainsi  vouloir 
indiquer  que  cette  réunion  de  l'épiscopat  français  n'avait  pour  objet 
que  de  préparer  l'audition  des  docteurs  de  la  Réforme.  C'est  bien 
l'impression  qui  ressort  du  récit  fourni  par  VHisfoire  de  France 
de  M.  L-ivisse  :  de  Fassemldée,  rieu  —  si  ce  n'est,  dan^<  un  passage 
assez  confus,   l'alhisiou   à   un  programme  qu'elle  ne  traita   point  — 

'  Ibid. 

■  Cfr.  Ruble,  Le  Colloque  de  Poissy,  p.  10,  où  il  dit  que  la  com- 
munion générale  faite  par  les  évêques  le  3  août  eut  lieu  «  le  lendemain 
de  l'ouverture  du  colloque».  Or  si  l'assemblée  commença  le  30  —  ou  le 
31  — juillet,  on  sait  que  «  l'ouverture  du  colloque  »  se  fit  le  9  septembre. 

Mélanges  <fArch.  et  d'Hist.  19-21.  4 


50  KOME  ET  poissy 

rien,  Hiii'iii  (|ii'i'llc  fait  ti;,'iire  de  siiii])!!-  prétexte  au  colloque  '.  Le 
P.  Prat,  dans  son  étude  sur  Le  1'.  lAvjncz  au  Colloque  de  Poissa 
et  à  Paris  en  1501  ',  eonimet  la  même  erreur  quand,  parlant  de 
«  rassemblée  du  clerj^é  ili'  Frame  (|ui  devait  se  réunir  au  mois  de 
septembre  1561  k  Poissy  »,  et  à  laquelle  Catherine  de  Médicis  avait 
prié  les  «  chefs  »  huguenots  «  de  venir  exposer  leurs  difficultés, 
leurs  prétentions  et  leurs  griefs  »,  il  ajoute  :  «  cette  as8eml)lée  fut 
appelée  le  colloque  de   Poissy  ». 

Dans  un  style  beaucoui)  plus  imagé,  M.  Napoléon  Peyrat  nous 
raconte  qu'eu  «  août  1501  »  Catherine  quitta  le  Louvre  pour  Saint- 
Germain  accompagnée  de  «  soixante  prélats  de  l'église  gallicane  »  qui 
venaient,  «  au  milieu  des  chasses  féodales  et  de  jeux  chevaleresques, 
assister  au  colloque  de  Poissy  .. .  Ils  espéraient  peut-être,  singulière 
illusion,  réconcilier  par  ces  combats  de  la  parole  la  Kéforniation  toute 
sanglante  cncoi'e  de  son  martyre  et  la  théocratie  romaine  qui  ne  transige 
pas  avec  l'esprit  humain  »  '.  M.  Peyrat  ne  méconnaît  pas  toutefois 
que  les  évêques  ne  songeaient  pas  seulement  aux  chasses  féodales 
et  k  la  réconciliation  de  la  Réforme  avec  la  théocratie  romaine: 
ils  se  rendirent  à  Poissy.  dit-il.  où  ils  avaient  à  voter  des  subsides 
k  la  régente  et  «  k  déléguer  un  prélat  pour  assister  à  la  clôture 
du  concile  de  Trente  »  ■*.   Et  c'est  tout  pour  l'assemblée. 

La  réalité  est  toute  diflTérente  et  oblige  à  reconnaître  que  si  le 
colloque  est  célèbre  »  il  convient  de  le  réduire,  avec  M.  Henri 
Hauser,  ans  proportions  d'un  «  épisode  ».  Rien  plus,  on  ne  peut 
l'étudier  comme  un  fait  isolé,  complet  en  lui-même.  Il  est  indis- 
pcnsal)lc  pr)ur  en  saisir  la  i)ortée,  voire  même  pour  s'expliquer 
la   manière  dont   il  s'est  déroulé,  de  le  replacer  dans  son  cadre  ira- 

>  Cfr.  t.  VF.  p.   47. 

■  Parue  dans  la  CoJkdion  de  précis  historiques,  1889,  pp.  71-.S5, 
puis  en  tiré  à  part  (1889;. 

'  Le  Colloque  de  Poissi/  et  les  conférences  de  Saint-Germain  eu  1:V!1, 
Paris,  1868,  in  Kl.  p.  -2. 

'  Ilnd.,  p.  51. 


LES   SOURCES  51 

médiat.  Or  ce  cadre  naturel  et  uéeessaire  lui  est  fourni  jiar  un 
événement  d'une  tout  autre  envergure  que  cette  expérience  politi- 
que de  Catherine  et  du  Chancelier,  et  qui  est  précisément  l'as- 
semblée ou,  comme  on  l'a  encore  appelée,  le  concile  national  de 
Poissj-.  La  direction  que  va  prendre  le  colloque,  les  éléments  de 
snccès  ou  d'échec  qu'il  renferme,  dépendent  étroitement  des  dis- 
positions de  ces  évoques  de  France,  témoins,  ou  même  acteurs,  du 
débat.  Dès  lors,  ce  qu'il  importe  d'établir  avant  tout,  ce  sont  ces 
dispositions,  les  influences  qui  s'exercent  sur  ce  «  concile  »,  les  cou- 
ditioDS  posées  par  lui  —  car  il  pose  des  conditions  —  à  cette 
conversation.  Kt  puis,  plus  liant  que  cette  assemblée,  la  dominant 
de  toute  son  autorité,  n'y  a-t-il  pas  un  autre  témoin  à  interroger  ? 
A  lire  ce  que  Jusqu'à  ce  jour  on  nous  a  raconté  de  Poissy,  ne 
semUle-t-il  pas  que  ces  évêques  n'ont  affaire  qu'avec  le  gouverne- 
ment roj'al  qu'ils  secondent  et  le  calvinisme  qu'ils  écoutent.'  L'Eglise 
de  France,  à  Poissy,  est-elle  à  ce  point  «  gallicane  »  qu'elle  agisse 
de  sa  seule  et  indépendante  volonté,  ou  bien  son  chef  suprême,  le 
pape,  y  joue  t-il  son  rôle?  L'a-ton  consulté,  quel  compte  a  été 
tenu  de  sa  réponse,  coniment  a-t-il  envisagé  cette  entreprise,  l'a-t-il 
suivie,  aidée,  modérée  ou  contrariée  ?  Bref,  quelle  a  été  l'influence 
de  Kome  sur  les  délibérations  tant  de  l'assemblée  que  du  colloque  ? 
Et  quels  seutiraents  a-t-elle  rencontrés  dans  l'episcopat  frani'ais:  de 
factieux  ou  de  coopérateurs,  ou  simplement  de  dociles  suliordoiinés  ? 
Autant  de  questions  à  résoudre  sous  peine  de  n'avoir  ([u'une  idée 
incomplète,  sinon   inexacte,  des  événements  de   Poissy. 


Ce  n'est  ni  des  comptes  rendus  contemporains,  ni  des  relations 
modernes  qu'il  faut  attendre  la  réponse  à  ces  questions  '. 

'  La  hibUoyrnphie  de  Poissy  a  été  établie,  pour  les  sources  impri- 
mées, par  le  si  utile  manuel  de  M.  Henri  Hauser,  Les  sources  de  î'hist.  de 
Fratice,  XVl' s.,  t.  III  (1912),  pp.  177-179  et  passm,  2 Wd.  et  t.  II  ;  1909): 


52  nOME    ET    fOISSV 

Los  iircniic'i'rt  Huiit  réili^'és,  ([ue  U-ui's  auteurs  h-  \cinllciit  mi  imii. 
avec  une  préoccupation  trop  apolof^étique  pour  que  celles-ci  y  trou- 
vent leur  place,  du  moins  exacte  C'est  le  «-  joui'ual  »  où  le  docteur 

par  les  annotations  de  Itaiini  et  ('unit/,  dans  leur  édition  île  V Histoire 
cccleKiaiiti(iue  des  Â'glises  réforméea  an  roijmtme  de  France^  t.  I'''  (188."i), 
pp.  556-737  et  celles  du  baron  de  Huble  {Le  CoUn/jue  de  Poissy  dans  les 

Mémoires  de  In  Société  de  l'IIint.  de  Paris t.   ,\V1  (I8H9),  ])p.  2-54); 

auxquelles  on  peut  ajouter  les  indications  du  ('(ttniogue  de  l'IIist.  de 
France  Ao  la  Bibliothèque  nationale,  t.  I"'^1895),  pp.  252-253;  —  pour 
les  sources  manuscrites,  par  les  ouvrages  spéciaux  dont  on  trouvera  la 
mention  à  la  lin  de  la  liste  qui  suit,  en  particulier   par   Kuble,  op.  cit. 

Voici  cette  liibliogiaplne,  complétée  sur  différents  points,  telle  qu'elle 
a  été  utilisée  ju8(iii'à  ce  jour. 

A.  Sources  directes. 

1"  Docxtmenis  isolés  puhli es  dès  l'ifil:  a)  Les  diseonrs  de  Hèze  pro- 
noncés dans  les  séances  des  9,  24  et  26  sept.  ;  —  h)  les  quatre  requêtes 
présentées  au  roi  par  les  réformés;  —  e)  le  discours  du  card.  de  Lor- 
raine le  16  sept.;  —  d)  les  Articles  de  Vasscmhlée  de  /'oissi/  proposez  en 
riiosfrl ...  du  card.  de  Lorrains,  le  1''''  août;  —  e)  la  Proposition  et  haran- 
gue faite  par  monsieur  le  Chancelier  de  France...  à  l'assemldé'-  des  Pré- 
lats. —  Cfr.    C'itnloyue  de  THist.  de  France,  loc.  cit. 

2°  KelatlonK:  a)  Discours  des  actes  d"  Poissy  repri.s  dans  une  autre 
éd.  sous  le  titre  Ample  discours  des  actes  de  Poissi/  parus  en  1561  ;  — 
6)  L'accord  du  poinct  de  la  Cène  accordée  au  concile  national  tenu  ii  Poissy, 
relatif  à  la  réunion  privée  du  l'''  octobre,  paru  avant  le  6  janvier  1562 
(date  d'une  lettre  d'Espence  à  I'cvê(|ue  de  Paris  protestant  contre  cette 
publication);  c)  de  1561  (?):  un  récit  anonyme  des  séances  des  1.3,  26  et 
30  sept.  (B.  N.  franc.  ^ri:i:i.  f.  21);  une  lettre  datée  du  24  sept.  1561  ra- 
contant celles  des  9  et  10  sept.  [Ihid.,  Coll.  Moreau740,  f.  124);  une  lettre 
de  Pierre  Martyr  à  BuUinger,  du  19  sept.  1561,  relative  aux  16,  17  et 
19  sept.  (Bibl.  S'«  Geneviève,  w.s.  .H47;  tî.  158-163  v",  copie  XVIII'',  re- 
produite en  partie  seulement,  dans  les  Calrini  opéra.  XVIII,  col.  723- 
725)  et  un  récit  du  même  Martyr  (Vermilii  relatio  colloquii  Possiaceni) 
sans  date,  relatant  dilïérents  entretiens  avec  la  reine-mère  et  les  séan- 
ces des  16,  24  et  26  septembre,  publié  par  Hoîtinger  i  ff/s/.  eccl.,  t.  VII, 
p.  714  et  suiv.)  et  reproduit  par  les  Calrini  opéra,  XVIII,  col.  760-774: 
—  (/)  le  journal  de  Claude  d'Espence,  vraisemblablement  rédigé  en  1561. 
en  tout  cas  avant  le  1°'"  oct.  I.î70,  comme  le  prouve  une  lettre  du  card. 
d'Armagnac  de  ce  jour  {Coll.  Dupuy  309,  f.  34).  De  ce  journal,  la  Bibl. 
nat.  conserve  deux  copies  {Coll.  Dtipuy  (141  et  fonds  franc.  l/f^I.'l)  sous 
le  titre  Brief  rcceiiil  et  sommaire  de  tout  ce  qui  s'est  faict  en  la  ville  de 
Puissy  durant  l'u'^rirmh'ée  des  prelal:  de  l'église  gallicane  scavoyr   depuis 


LES   SOURCES  53 

catholique  Claude  d'Espence,  appliqué  à  mettre  eu  valeur  son  rôle 
conciliateur,  n'envisage  la  situation  que  du  point  de  vue  français  — 
Je   veux  dire,  dans  ses  rapporta  avec  la  politique  royale  et  l'état  du 

le  XXVP  jour  chi  )»ois  de  juillet  jusque  au  XIII I  d'octobre  lôdl.  Deux 
autres  se  trouvent  dans  le  registre  G  8  *  58S  des  Arch.  Nat.,  une  à  la 
Bibl.  Mazarine  (»is.  3510, 1489  A),  une  dans  les  archives  des  PP.  Jésuites 
de  la  province  de  Lyon  (cfr.  Fouqueray,  Hist.  de  la  C'«  de  Je'sus  en 
France,  t.  \"'  (1910),  p.  250,  n.  3),  et  la  Bibl.  du  Sénat  en  possède  deux 
résumés,  l'un  qui  va  du  31  juillet  au  24  sept.  (ms.  9117,  coté  266  dans 
le  nouveau  catalogue  mais  classé  encore  dans  les  armoires  sous  son  an- 
cien n°,  pp.  6fi5-669),  l'autre  ne  conuneni;ant  (pi'au  9  sept,  et  s'arrêtant 
au  3  oct.  (ms.  9449,  coté  1098  dans  le  nouv.  cat.,  pp.  185-204).  —  Le 
même  auteur  a  laissé  un  second  récit  n'embrassant  que  la  période  du 
9  sept,  au  13  oct.  dont  original  (?)  dans  la  Coll.  Dupuy  309,  flf.  8-16,  et 
copies  dans  le  fonds  français  de  la  B.  N.  {17814,  S.  76  114  et  3943,  f.  92 
et  suiv.),  aux  Arch.  Nat.  {G  8  *  588),  à  la  Bibl.  Mazarine  {ms.  3510, 
1489  A)  et  à  la  Bibl.  du  Sénat  {ms.  9117,  pp.  671-698  et  {ms.  9449, 
pp  219-271).  —  Le  premier  journal  d'Espence  à  été  utilisé  par  la  Coll. 
des  Procès-rerbau.r  des  assemblées  générales  du  clergé  de  France,  t.  I"'  (1767), 
pp.  15-40,  et  publié  in  extenso  (sauf  deux  dissertations  de  l'auteur  rel.v 
tives  à  un  texte  présenté  le  4  oct.)  par  le  baron  de  Kuble  {Le  Colloque 
de  Poissy)  qui  a  donné  aussi  le  second  journal  en  partie;  —  e)  en 
1562,  Cl.  d'Espence  publie  son  traité.  De  ri  rcrbi  T>ei  in  sacris  scrip- 
turis,  eollatio  habita  Sangermani  cum  minislris,  traduit  l'année  suivante 
sous  le  titre  Traité  de  l'efficace  et  i-ertu  de  la  parole  de  Dieu  où  il  ra- 
conte les  conférences  privées  du  25  sept,  au  13  octobre.  Une  lettre  de 
lui,  en  latin,  adressée  à  l'év.  de  Paris,  Eustache  du  Bellay,  le  6  jan- 
vier 1.562,  traite  des  points  discutés  dans  ces  mêmes  conférences,  et  a 
été  însérée  par  Raynaldi  dans  les  Annules  ecclesiastici,  t.  XV  de  l'éd. 
Mansi  (1756),  pp.  175  179;  —  /')  les  documents  isolés  publiés  dès  1561: 
le  Discours  et  VAinple  discour.s.  rejjroduits  in  e.rtenso  où  résumés,  cons- 
tituent le  fond  du  récit  relatif  à  Poissy  qui  se  trouve  dans  les  Com- 
mentaires de  V estât  de  la  religion  et  republique  souhz  les  rois  Henry  et 
François  seconds  et  Charles  neuflème  publiés  en  1565  par  le  président 
Pierre  de  La  Place  (réédités  sons  le  titre  Ilistoire  de  nostre  temps,  s.  1., 
1566,  et  insérés  dans  les  Mémoires  de  Cdndé,  éd.  Secousse,  1743,  puis 
par  Biichon  dans  les  Chroniques  et  3Iémoires  sur  Vhist.  de  France,  XVI  s., 
éd.  du  Panthéon  littéraire),  repris  par  Jean  de  Serres  (Commentariorum 
de  Statu  religionis...  libri  très,  s.  1.,  1571),  La  Popelinière  {La  vraie  et 
entière  histoire  de  ces  derniers  troubles,  Cologjie,  1571),  Jean  Le  Frère,  de 
Laval  {La  vraie  et  entière  histoire  dt  ces  derniers  troubles  ...  Paris,  1573) 
qui  démarque  La  Place  dans  un  sens  catlioliqiie,  Simon  Goulart  {Mémoires 


f)4  Kf)MK  r/r  roiasv 

pays  —  et  un  traité  où  il  i-st  olili-^ô  de  se  défendre  fontre  le»  ac- 
cusations de  tiédeur  et  de  (■(impiaisanre  qui  lui  viennent  de  deux 
côtés  à   la   fois.   Ce   sont   les   C'ommniliiirrs  du    président    l'ierre   de 

(If  rratiit  (k  France  sans  Chitrlea  neii/iime.. .,  1876.  et —  si  elle  est  bien 
de  lui  —  Yllistoire  ecvlésiustique  des  F.ijlises  réformées  au  royaume  de 
France,  Anvers,  1580,  rééditée  par  Banm  et  Cunitz  (t.  I"'',  Paris,  1883, 
pp.  556-737). 

B.  Sources  indiukutb.s. 

1"  Lettres  de  contemporains  :  de  C.allieiine  de  Mr(licis  (publ.  L;i  l'i'i- 
rièie  dans  les  Doc.  inéd.  de  l'Hist.  de  Fr.,  t.  I'''',  1880);  de  Calvin,  Bèze, 
Pierre  Martyr  (loannix  Calrini  oj)era  dans  le  Corpus  reformalorum,  éd. 
liaiim,  Cunitz  et  Keuss,  1860-1000);  de  Sébastien  de  Laubespine,  év.  de 
Limoges  (Négociations...  relatives  au  règne  de  François  IJ,  piibl.  Paris, 
dans  les  Doc.  inéd.,  1841);  de  Cliantonay  {Arcli.  Xat.,  K.  149:i,  141)4  et 
14!)r>)-,  d'iimbassadenrs  anglais  (Cnlendars  of  State papers.  Foreign,  1561- 
15(i2),  toscans  (Négociations  diplomatiques  de  la  France  arec  la  Toscane, 
publ.  Desjaidins  dans  les  Doc.  inéd.,  t.  III,  186.Î),  vénitiens  (Xégoda- 
tions  des  ambassadeurs  vénitiens,  publ.  Tomuiaseo  dans  les  Doc.  inéd., 
t.  I"',  1838 1:  d'Hubert  Languet,  agent  du  duc  de  Saxe  (Epistolac  se- 
cretae...  Halle,  1699,  liv.  Il),  de  Coligny,  Condé,  .Jeanne  d'Albret  (Arcli. 
et  bibl.  de  la  ville  de  Genève) ;  de  Babou  de  La  Bouidaisière,  ambassa- 
deur à  Rome  (B.  N.  franc.  310.^,  2S12;  Coll.  Dupuy  35/  ;  Cinq  cents  de 
Colhert  343,  300),  de  divers  (Pasquier,  (Kurres  complètes.  Amsterdam,  1723); 
du  nonce  Santa  Croce  (.^ymon,  Tous  les  synodes  nativnau.r  des  Eglises 
réformées  de  France,  La  Haye,  1710,  et  Ciuilter  et  Uanjou,  Archives  cu- 
lieuses...,  1ère  série,  t.  VI,  1835). 

2°  Journaux  et  mémoires:  Brusiart  (Nicolas),  .f<turi«il  des  choses  plus 
remarqtmliles...  i.ô.W-Î.V//  publ.  dans  les  Mémoires  de  Condé,  éd.  .Secousse, 
t.  P'';  Mémoires  de  Castelnau  publ.  Le  Laboureur,  Bruxelles,  1731  :  ilfe'm. 
du  duc  de  Guise  publ.  Micband  et  Poujoulat  (Co/^  rfe  Mém.  pour  l'Jiist. 
de  France,  l«'ie  série,  l.  \  1.  ISS!»);  Mém.  de  Claude  llaton  publ.  Bour- 
quelot  dans  les  Doc.  inéd.,  t.   V',  1857. 

3°  Pièces  diverses:  (Marquets  (Anne  de)  |  Sonets,  prières  et  denses 
en  forme  de  pasqmns  pour  Vassemhlée  de  messieurs  ks  Prélats  et  Docteurs 
enue  a  Poissij  M.  D.  LXI,  s.  1.,  1566;  Taran(Ier,'/>e.s  actes  dePoissy  mis- 
en  Jiyme  françoyse . . .  s.  1.  n.  d.;  liecueil  de  pièces  de  vers,  ehmusons,  son- 
nets... rassemblés  par  Passe  des  Noeiids  (B.  'H.  franc.  ii^tiOii-iiiiôO.')):  une 
poésie  sur  les  membres  du  Colloque  (B.  N.  franc.   lOUlO). 

4"  Recueih  de  documents:  V Histoire  du  président  Montagne  (B.  N. 
franc.  15404);  Mémoires  de  Condé,  résultat  de  publications  successives 
de  1564  :'i  1568,  reprises,  avec  des  additions,  par  Secousse  en  1743  ;  Coll. 
des  Procès-verbaux  des  .assemblées  .générales  du   clergé  de  France,  t.  l", 


LES  so(;rces  55 

La  Place,  protestant,  qui,  repris  par  les  écrivains  de  son  parti,  no- 
tamment dans  l'Histoire  ecclésiastique  des  Eglises  re'formées,  servi- 
ront à  souligner  le  lieau  rôle  que  les  Calvinistes  se  persuadent 
d'avoir  en,  opposé  à  l'opiniâtreté  et  mauvaise  foi  de  leurs  adver- 
saires. Pas  plus  que  la  relation  catholique,  le  récit  protestant  ne 
nous  renseigne  sur  l'action  de  Rome,  quelques  allusions  méprisantes 
au  pape  et  an  concile  ne  pouvant  tenir  lieu  de  documentation  vé- 
ritable. En  outre,  si  le  journal  d'Espence  va  du  26  juillet  au  14  oc- 
tobre, et  englobe  ainsi  l'assemblée  et  le  colloque,  l'Histoire  eccle'- 
siastiqi(e  —  pour  ne  citer  désormais  La  Place  que  dans  sa  forme  la 
plus  complète  —  ne  vise  presque  exclusivement  que  le  colloque. 
Tels  sont  les  deux  chefs  de  ce  qu'on  peut  appeler  «  la  tradition 
de  Poissy  ». 

C'est  elle  qui  a  inspiré  les  liistoriens  modernes.  Il  n'est  donc 
pas  étonnant  que  leur  point  de  vue  soit  demeuré  aussi  restreint.  Sans 

1767;  les  Œuvres  complètes  de  2IicheI  de.  VHospitat  publ.  Duféy  de  l'Yonne, 
Paris,  1824;  loannis  Calrini  opéra  déjà  cité. 

C.  Histoires  générales:  pour  rappel,  La  Place,  SeiTes,  La  Popeli- 
nière.  Le  Frère  de  Laval,  Goulart,  VHist.  eccle's.  des  Egl.  Re'f.  :  Thou  ^J.-A. 
de),  nistoriariim  siil  temporis,  liv.  XXVHl  (éd.  1620,  1621.  1626  et  1733); 
Sacchini  (Francesco),  Historiae  societatis  lesii  pars  secunda,  Anvers,  1620, 
liv.  V,  n.  199  et  ss.  ;  Raynaldi,  Annales  ecclesiastici,  anu.  1561  (t.  XV. 
dans  réd.  Mansi,  1766,  pp.  168-186):  Sattler,  Geschichte  des  Herzogthums 
Wurtemberg,  Ubn,  1769-178.3,  13  vol.  in-8",  t.  IV  (1771).  pp.  180188; 
fiaum  (Jean-Guillaume),  Tlieodor  Seza,  Leipzig,  181.3,  2  vol.  in-S';  Sol- 
dan,  Geschichte  des  Protestaittismus  in  Fraiikreich,  Leipzig,  1885,  2  vol. 
in-8°,  t.  l"'.  J'y  ajoute  pour  couiplément  de  bibliographie,  bien  qu'il 
n'ait  pas  encore  été  utilisé,  l'ouvrage  du  P.  Fouqueray,  Histoire  de  la 
C'e  de  Jésus  en  France,  t.  1".  1910,  pp.  248-262. 

D.  Ouvrages  spéciaux  :  Mourgues  (Emile),  Etude  sur  le  Colloque  de 
Poissy  I  thèse  présentée  à  la  faculté  de  théologie  protestante  de  Stras- 
bourg), Strasbourg,  1858,  in-S',  52  pp.;  Kliptfel  (H.),  Le  Colloque  de 
Poissy,  Paris  [1867],  in -18,  206  pp.:  Peyrat  (Xapoléon),  Le  Colloque  de 
Poissy  et  les  conférences  de  Saint-Germain  en  lôdl,  Paris,  1888,  in-12, 
98  pp.;  Delaborde  (Comte  Jules),  Les  Protestants  à  la  cour  de  Saint- 
Germain  lors  du  Colloque  de  Poissy,  Paris,  1874,  in-8',  85  pp.;  Ruble 
(Baron  Alphonse  de).  Le  Colloque  de  Poissy  dans  les  Mém.  de  la  Société  de 
IHist.  de  Paris...,  t.  XVI  (1889),   54  pp. 


56  KOMK    KT    l'IMSSV 

doute,  on  h  pensé  l'élargir  en  faisant  appel,  en  guise  de  commen- 
taire, aux  éléments  que  Cournit  la  littérature  épistolaire,  mémoria- 
liste ou  documentaire  de  l'éiioque.  C'est  ainsi  que  des  enipi'uiits  ont 
été  faits  à  la  corresijiindaiicc  de  Cliantonay  l'ambassadeur  espagnol, 
à  celle  des  représentants  de  l'Angleterre,  de  la  Toscane,  du  Duc 
de  Saxe  ou  de  Venise.  Les  agents  du  roi  à  l'étninger,  un  Lau- 
l>csj)iii('  à  M;iilriil,  un  llalioii  de  l/a  iionrd.-iisiéri'  à  Rome,  ont  dit 
leur  mot  (jui  n'i'st  pns  innlilc.  Iticn  cntiMidii,  <iii  ;i  consulté  Im  riclie 
collection  du  ('orpus  rcformiUorum  pour  en  extraire  des  letties  de 
Calvin,  de  Rèze,  de  Pierre  Martyr.  ("Catherine  de  Médicis  a  fourni 
les  siennes,  ce  n'est  i|Mc  justirc.  i.cs  arcliivi's  et  la  liililiotliè()uc  de 
la  ville  de  Genève  en  ont  livré  de  Cidigny,  de  (Jondé  et  de  .Icaniie 
d'Albret.  Des  mémoires  (oit  été  utilisés  :  ceux  de  Castelnau  et  du 
duc  de  (luise,  ceux  de  Claude  ll.iton,  plus  disert  mais  plus  suspect 
aussi,  le  journal  de  Nicolas  liruslart.  I"t,  avec  i-ux,  des  relations 
fragmentaires,  des  pièces  de  geni'(!  divers,  recueillies  par  les  Mé- 
moires dits  de  Condé,  par  Rayualdi  continuateur  des  Annales  ec- 
desiustici  de  Baronius,  par  Le  Plat  dans  ses  Monumenta  du  Con- 
cile de  Trente  ou  Louis  Paris  dans  ses  Nnjoriaiions  irliil/rcs  nu 
règne  de  Franmis  II.  sans  compter  ([uelques  documents  de  la  Col 
lection  Ditpuii  ou  du  loniN  français  de  la  Hibliotliéque  nationale. 
Môme  la  poésie  est  venue  égayer  ce  sujet  de  «  pasquins  »  et  son- 
nets moqueurs. 

De  ces  historiens  de  Poissy.  certains  n'ont  fait  que  lui  con- 
sacrer quelques  pages,  leur  but  principal  n'étant  pas  de  l'étudier. 
Ainsi  Soldan  au  cours  de  son  Histoire  dn  protestantisme  en  France, 
Hauni,  avec  plus  d'insistance  déjà  i)our  sou  Théodore  de  B'cze.  Plus 
récemment  Kruger,  dans  la  Grande  encyclope'die,  sans  entrer  dans 
le  détail,  a  émis  un  jugement  général.  Le  P.  Fouqueray,  reprenant 
les  données  de  son  confrère  du  XVII'  siècle,  le  P.  Saccliini,  réserve 
au  rôle  des  Jésuites  à  Poissy  plusieurs  pages  de  son  Histoire  de 
la  Conqmr/nie  de  Jésus  en   France,  et   ce  sont    peut-être  les  plus 


LES   SOURCES  ;)  I 

neuves  qu'on  ait  écrites  sur  la  matière.  D'autres,  dans  des  travaux 
peu  étendus  d'ailleurs,  Mourgues,  Peyrat,  Klipffel,  le  comte  De- 
laliorde,  le  baron  de  Rublc  ont   visé  directement  le  sujet. 

Mais  toutes  ces  productions  appellent  une  même  remarque:  à 
l'exception  de  quelques  indications,  forcément  très  brèves,  du  P.  Fou- 
queray,  et  de  trois  ou  quatre  pages  de  Ruble,  le  Colloque  seul  en 
fait  l'objet,  soit  qu'on  y  suive,  comme  ce  dernier,  le  texte  d'Es- 
pence,  soit  qu'on  s'inspire  de  l'Histoire  ecclésiastique.  Seul,  KlipflFel 
est  bien  près  d'élargir  le  snjet  puisqu'il  ajoute  des  considérations  sur 
les  articles  de  réforme  proposés  :Y  l'assemblée  et  un  aperçu  du  rôle 
des  Jésuites  '. 

Si  l'on  passe  à  l'examen  des  préoccupations  qui  ont  guidé  ces 
auteurs  --  et  on  s'aperçoit  vite  que  plusieurs  paraissent  étrangères 
à  l'histoire  "  —  on  ne  peut  que  constater  davantage  combien  il  leur 
a  manqué  des  sources  essentielles  pour  emlirasser  la  question  dans 
son  ensemble,  et  ainsi  ne  point  risquer  de  la  fausser.  Tous,  en  etïet, 
tournent  dans  le  cercle,  à  peine  plus  large,  des  premiers  récits  — 
tous  n'ayant  interrogé  que  les  sources  que  J'appellerai  «  françai- 
ses ».  J'entends  par  là  qu'elles  proviennent,  soit  des  chefs  ou  des 
agents  de  la  politique  royale  et  de  ceux  qui,  à  l'étranger  comme 
à  l'intérieur,  en  reçoivent  les  échos;  soit  des  narrateurs  de  la  pre- 

'  Si  les  dix  lignes  consacrées  au  Colloiiue  par  M.  Monnet,  dans  son 
Histoire  générale  de  l'Eglise  (t.  V,  La  Renaissance  et  la  Réforme.  Paris 
19)0,  pp.  429-4.30),  sont  suffisantes,  étant  donné  le  caractère  très  général, 
de  l'ouvrage,  on  est  assez  surpris  de  n'y  trouver  aucune  mention  de  l'as- 
semblée des  évêques.  Elle  aurait  peut-être  pu  se  placer  p.  496,  dans  le 
eh.  snr  la  réforme  catholique,  quand  on  signale  que  «  les  princes  ne  par- 
laient plus  que  de  conciles  nationaux  (c'est  moi  qui  souligne),  de  confé- 
rences, de  collociues  ». 

-  Pour  Kliptïel,  par  exemple,  c'est  jmr  peur  t[\w  le  clergé  consent  à 
entendre  les  réformés;  les  décrets  disciplinaires  sont  «  une  simple  manœu- 
vre du  clergé  contre  l'ordonnance  d'Orléans  dont  il  s'agissait  d'atténuer  l'ef- 
fet »,  etc.  Cfr.  le  compte  rendu  qui  a  été  donné  de  son  travail  par  Henri 
de  l'Epinois  dans  la  Reme  des  Questions  historiques,  t.  IV'  (1868),  pp.  362 
et  363. 


58  nOMB   ET    l'OISSV 

mi(''i'r'  lifiiri'.  tnus  tlié<ilo;^iciiH  mi  liiKtniiciis  fraiirais  mus  par  les  même8 
pi't'oceupatioiis  que  le  gouverucmiiit  de  Charles  IX.  Des  témoins 
«  nimains  »  —  c'est-à-dire  eeux  qui  peuvent  refléter  la  situation  jugée 
(lu  |iniiit  lie  vue  (If  lîmiie  —  un  seul  jusqu'ici  a  déposé:  le  nonce 
.Santa  Croce.  Mais  il  le  fait  iiicidrniiin'iit.  par  l'intermédiaire  du 
trop  fâcheux  Aymon,  et  sans  faraud  piotit  pinir  nous.  Il  n'est  en 
effet  arrivé  à  Paris  qu'après  la  dissolution  de  l'assemblée  et  ne  de- 
viendra réellement  utile  que  pour  l'essai  de  reprise  du  colloque  en 
Janvier  et  lévrier   1562  li  Saint-ticiniain. 

En  résumé,  pour  établir  1rs  rclatinns  de  rEglis('  de  France  avec 
le  Saint-Siège  dans  la  seconde  moitié  du  XVF  siècle,  relations  dont 
Poissy  forme  le  premier  acte,  il  nous  faut  recueillir  un  écho  direct, 
de  source  romaine.  Or  il  n'est  pas  vraisemblable  que  le  Saint- 
Siège  n'ait  pas  manifesté  ses  idées  très  explicitement  dans  une  ma- 
tière qui  l'intéressait  au  premier  chef.  Il  est  impossible  qu'il  ait 
nbanilonné  le  soin  de  les  faire  connaître  à  quelque  Chantonay  plus 
ou  moins  acrimonieux  et  maladroit.  Pour  ne  parler  que  de  la  se- 
erétairerie  d'Etat,  si  attentive  toujours  aux  affaires  de  France,  ou- 
tillée autant  que  nulle  autre  chancellerie  à  cette  époque,  servie  par 
des  agents  que  pouvaient  lui  envier  les  autres  gouvernements.  ])eut- 
on  admettre  qu'elle  n'ait  ])as  donné  les  instructions  les  jiliis  jné 
eises  à  ses  nonces  ?  Avec  quelle  science  de  la  situation  elle  l'aura 
fait,  quel  souc^i  des  nuances,  quelle  souplesse,  quel  libéralisme  même, 
nous  aurons  l'occasion  d'en  juger.  Va\  tout  cas,  elle  a  une  oreille  :\ 
Paris,  à  Madrid,  près  de  l'empereur,  en  Pologne,  à  Veuise,  i)artout 
où  quelque  chose  d'utile  ;'i  entendre  peut-être  entendu.  Elle  est 
donc  k  même  d'être  renseignée.  Soyons  convaincus  qu'elle  aura  su 
en  profiter  pour  agir.  A  côté  de  ces  agents  diplomatiques,  il  ne 
faut  pas  onldier  qu'à  Trente,  à  Bruxelles  ou  à  Anvers,  tel  cardinal 
légat,  tel  envoyé  extraordinaire,  ju-éposés  à  la  reprise  des  séances 
du  Concile,  s'efforcent  eux  aussi  ;l  ne  rien  ignorer  de  tous  ces  con- 


LES   SOtTRCES  59 

seils  du  roi,  diètes,  assemblées,  conciliabules,  colloques,  provoqués 
par  des  préoccupations  identiques  à  celles  qui  président  à  la  grande 
œuvre    de    Trente.    Or    tous    ces    représentants    du    Saint-Siège    se 
connaissent.   Relations  de  famille,    de   «  clientèle  »,   amitiés    nouées 
au  temps  de  communes  occupations  :i  la  curie  pontificale  :  les  mo 
tifs  sont  nombreux  qui  maintiennent  entre  eux  le  contact.  Autour 
de  ces  chefs  de  service  qui  s'écrivent,  ne    fût-ce  qu'en    raison  de 
leur  fonction,  tout  un   personnel  subalterne  vit,  regarde,  écoute  et 
agit.  Tel  secrétaire,  à  Trente,    renseignera    son    ancien   «  patron  » 
demeuré  à  Rome,  tel  agent  —  comme  tous  les  cardinaux  en  avaient 
un  dans    l'entourage  du  pape    —    reste    en    commuui cation    suivie 
avec  le  Légat  parti  vers  quelque  cour.  Il  y  a  donc  bien  des  chan- 
ces pour  que  —  si  ces  correspondances  n'ont  pas  disparu  —  nous 
y  retrouvions  la  trace  des  intentions,  des  espoirs,  des  directives  de 
Rome  quant  aux  affaires  qui   préoccupent  Catherine  et  son    Chan- 
celier,  les  Guises  ou  Coudé,   le  cardinal  de  Tournon  ou    Lorraine, 
les  catholiques  de  Paris  ou  les  réformés  de  Genève.  Tout  n'y  aura 
pas  le  même  caractère    de   document.   On    sait  combien,    au  XVl" 
siècle  —  et  peut-être  encore  à  une  époque  assez  récente  —  il  s'est 
mêlé  d'éléments  divers  dans  les    informations    qui   remplissent   ces 
correspondances.  A  côté  de  l'otticiel   —  soigneusement  transmis  en 
chiffre  s'il  est  besoin    —  nous    trouverons  les  confidences  les  plus 
variées  sur    la  vie  privée  :    commissions  de    courtoisie   ou  d'utilité 
banale,  détails  de  santé,  calculs  de    budget  ou   de   «  carrière  ».   Il 
faudra  faire   un  tri.   Mais  presque  tout  sera  précieux  ne  fût-ce  que 
pour  mieux  saisir  un  caractère  et,  par  là,  mieux  discerner  la  portée 
d'une  influence.   Ignore-t  on  ce  que  peuvent  entraîner  de  conséquen- 
ces, pour  la  marche  d'une  négociation,  l'humeur  chagrine  d'un  diplo- 
mate ou  sa  cordialité,  une  dyspepsie    ou  une    belle   santé,  son  ai- 
sance et  sa  bonne  grâce  ou  son  air  rogue  et  sa  gaucherie  à   l'au- 
dieuce  dans  la  chambre  de  la  Reine  '!■ 


60  KOMB  ET  l'oiasv 

Il  11'}'  a  pafl  ({»(•  dans  la  clianibre  de  Callieriiii-  (|ii(>  l'on  s'oc- 
cupe des  att'aire.s  religieuses  de  France.  Elles  intéressent,  à  un 
degré  presque  égal,  le  roi  d'Espagne  et  l'empereur,  pour  ne  citer, 
après  le  nii  très-chrétien,  que  les  deux  plu»  puissants  partenaires 
de  la  partie  qui  se  joue  en  Europe  au  moment  des  revendications 
protestantes  et  des  efforts  catlinli(|nes  autour  du  Concile  général. 
Près  de  ces  souverains,  Konie  a  des  mandataires.  Nous  avons  in- 
térêt à  savoir  d'eux  de  quelle  manière  ils  étaient  chargés  de  pi'ésenter, 
d'appuyer  ou  de  cniitrariiT  lasscnihh'M^  de  l'uissy.  L'n  Cli.-intimay 
est  trop  partial  ])our  nous  renseigner  avec  profit,  mais  un  nonce 
Delfino  paraîtra  un  esprit  assez  clairvoyant,  indépendant  même, 
iwiir  (|ue  niius  puissions  ilous  lier  à  sou   témoignage. 

\a\  dehors  de  ces  correspondances  diplomatiques  n'y  a-t-il  pas 
à  supposer  ([ue  nous  trouverons  d'autres  sources  romaines?  Bien  en- 
tendu, tout  ce  qui  émane  du  Souverain  Pontife,  bulles,  brefs,  ins- 
tructions, allocutions  consistoriales,  conversations  avec  tel  cardinal 
OH  tel  aniliassadeur,  devra  être  consulté.  Peut-être  même  nous  ar- 
rivera-t-il  de  rencontrer  des  annotations  de  la  main  même  du  pape 
en  marge  d'une  proposition  des  évêques  de  Poissy.  On  devra  faire 
la  part  du  tem])érament  du  l'iief  de  l'Eirlisc  ))our  ne  ]ias  juger 
également  de  la  valeur  d'une  liiille  et  de  celle  d'une  répli(|ue  en 
consistoire.  Mais,  à  des  degrés  divers  et  sous  des  formes  (|ui  la 
rendront  ]ilus  vivante,  nous  aurons  du  moins  la  pensée  pon- 
tificale. 

Et  enfin,  si  une  heureuse  fortune  nous  mettait  sous  les  yeux, 
faisant  pendant  au  «journal»  d'Espenee,  quelqu'un  de  ces  diarii 
dont  étaient  friands  les  Italiens  du  XVP  siècle,  une  relation  mi- 
nutieuse des  ge.stes  des  prélats  fr.mçais  de  Poissy,  et  des  appré- 
ciations sur  eux,  et  des  jugements  sur  les  grands  actenrs  de  la 
politique  royale,  et  des  impressions  sur  les  orateurs  de  la  Réforme, 
et  des  détails  sur  le  rôle  du  légat  Hippolyte  d'Esté,  sur  celui 
des  théologiens  —  principalement  des  Jésuites  —  qui  lui  servaient 


LES  SOURCES  61 

(le  conseils  ?   Est-il   impossible  que    les  archives    romaines    ne  nous 
réservent  pas  de   ces  surprises  ? 

Correspondances  de  nonces,  documents  pinitificaux,  et  môme  diarii 
et  arrisi,  les  arcliives  de  Rome  ou  de  telle  autre  ville  d'Italie  en 
renferment  en  effet.  Ils  constituent  ces  sources  romaines  indispensa- 
bles :'i  ([ui  veut  établir  les  relations  de  l'Eglise  de  France  avec  le 
Saint-Siège  dans  la  seconde  moitié  du  XYI'  siècle  et,  pour  com- 
mencer, pendant  l'assemblée  et  le  colloque  de  Poissy. 


Papiers  de  la  nonciature  de  France.  -  La  nonciature  de  France 
avait  pour  titulaire  en  1561  Sebastiano  (lualterio,  plus  connu  sous 
le  nom  d'évêque  de  Viterbe  '.  Nommé  à  ce  poste  le  29  mars  1560, 
après  l'avoir  occupé  une  première  fois  de  155-1  à  1566,  il  ne 
devait  le  quitter  que  le  30  octobre  1561.  C'est  doue  lui  qui  a 
dirigé  la  politique  du  Saint-Siège  dans  notre  pays  pendant  toute 
la  période  qui  nous  intéresse.  Sa  coh-espondanee  sera  dès  lors  la 
première  source  romaine  à  consulter.  11  est  toutefois  malaisé  de  la 
reconstituer,  et  elle  reste  incomplète.  Dom  René  Ancel,  dans  l'in- 
troduction k  son  premier  volume  des  Nonciatures  de  Paul  IV ^  a 
signalé  la  dislocation  des  archives  de  la  famille  Gualterio  vers  le 
milieu  du  XVIT  siècle.  Depuis  cette  époque  les  originaux  ont  dis- 
paru, à  des  très  rares  exceptions  près,  et  les  copies  qui  demeurent 
des  lettres  expédiées  ou  reçues  par  le  nonce  sont  dispersées,  :Y  l'état 
souvent  de  simples  résumés  ou  d'extraits,  dans  les  dépôts  du  Va- 
tican, de  Modène  ou  de  Naples.  C'est  là  que  j'ai  dû  les  chercher. 
Un  autre  travailleur  y  était  passé  avant  moi.  M.  Josef  Susta,  dans 
ses  quatre  volumes  sur  la  Curie  romaine  et  le  Concile  de  Trente 


'  Cfr.  sa  l)iogrnpliic  diins  Ancel,  Nimc'uture.i  de  Paid  IV,  t.  1'  (1900), 
]!]).    xix-xw. 

■^  IIM.,  pp.   1-11. 


fi2  HOMK    hVT    l'OISSV 

SOUS  l'if  /  r.  ;i  i-('Miiii  i|ii.tMti't(''  (le  inati'Tiaiix  :  cijiTC'MpoïKl.iiicfs  de 
nonces,  de  légats,  brefs  du  jjape,  iiistruftioiis  de  la  secrétairerie 
d'Ktat.  (|iril  a  aco()ni])aj,'tiéa  de  copieux  commentaires '.  Je  n'ai  eu 
l(^  plus  slinvcut  ((u'à  ciiutn'iliT  sur  place  ses  indications.  Il  m'est 
arrivé  aussi  de  |)ouv()ir  les  cuiiiplctc'r,  n^is  préoccupations  irétant 
pas  toujours  les  mêmes. 

I.i's  pièces  publiées,  ou  simi)lement  signalées,  par  Susta  com- 
menccut  en  Janvier  lôfil.  Mais  les  extraits  de  Modéne  débutent 
en  Juin  15(i0et  vont  Jus(|u'au  2S  octol)re  de  l'année  suivante '.  Ils  sont 
complétés  par  ceux  que  donne  un  rcf^istre  des  ardiives  du  Vatican, 
le   Concilio  ISS  ^  qui    pourrait    bien   être    le  recueil    orifcinal    des 

'  Susta  (Joseph),  Die  rocmische  Kurie  iind  das  Konzil  ron  Tri&iit 
uiiter  Plus  IV,  Vienne,  1904-1914,  4  vol.  in-.S". 

'  Susta  les  indi(iue  sous  la  mention  Concilio  ou  Cahiers  de  Viterho. 
La  cote  exacte,  à  VArcMvio  di  Statn  de  Modcne,  est  la  suivante:  7)ocm- 
menti  di  slati  esteri,  Jioma,  busta  110,  fiha  Concilio  di  Trento.  Ces  do- 
cuments font  partie  de  la  série  cataloguée  Camelleriit  ducale  Jistense  ; 
h'.sleri).  La  liasse  Concilio  di  Trento  en  compieml  plusieurs  autres  ainsi 
réparties:  1)  Rapports  sur  les  art'aires  de  France  par  Ilippolyte  d'Esté 
(12  nov.  1561-8  mars  15()2),  traduction  de  la  correspondance  cliiffrée, 
H9  pp.;  trad.  de  la  corr.  chiffrée  de  Santa  Croce  (26  mars-2H  déc.  1562), 
38  pp.  —  2)  Une  chemise  avec  ce  titre  Diario  imperfetto  del  colloquio 
di  Poissy  con  altri  alcuni  raggiiayli  délie  cosc  civili  e  religionarie  di  Vran- 
cin  negli  anni  I.VIO,  l.'>(il,  16(12,  indication  rédigée  au  XIX"'  s.  et  inexacte, 
pui.si|u'il  ne  s'agit  pas  d'un  diario,  mais  1"  d'une  relation  de  rassemblée 
de  Fontainebleau  le  21  août  1.560  (11  jip.),  2°  de  cinq  cahiers  contenant 
des  analyses  de  lettres  de  l'év.  de  Viterbe,  les  trois  premiers  désignés 
])ar  les  capitales  A,  B,  C,  le  quatrième  intitulé  Copia  degli  articoli,  ren- 
fermant, il  est  vrai,  le  texte  des  quatre  articles  proposés  par  les  réfor- 
més le  17  août  1561,  mais  aussi  des  extraits  de  lettres  du  nonce;  elle 
cinquième  sans  titre,  faisant  suite  au  précédent;  en  tout  157  pages  (et 
non  folios  comme  dit  Susta)  pour  des  lettres  qui  vont  dn  5  juin  1560  au  18 
oct.  1561.  Toutes  ces  copies  sont  du  XVI".  Je  saisis  l'occasion  qui  m'est 
offerte  pour  dire  avec  ([uel  empressement  et  quelle  parfaite  cordialité 
les  travailleurs  sont  accueillis  :i  YArrhivio  di  Stato  et  à  la  Biblioteca 
Kstense  de  Modène  par  MM.  l'mberto  Dallari  et  Douienico  Fava  conser 
valeurs  de  ces  deux  deiiôts,  à  la  Biblioteca  Naiionale  de  Naples  par 
MM.  Martini  et  Tortora  Brayda.  Je  les  en  remercie  très  vivement. 

3  Ff.  85  v°-89  V". 


LES   SOURCES  fi3 

analj'ses  faites  à  la  Secrétairerie  d'Ertat  aussitôt  après  réception 
(les  courriers  et  où  l'on  trouve  des  résumés  pour  les  lettres  du  mois 
d'amit  et  une  'le  septcmlirc  1561.  Dans  la  même  série  Coiieilio, 
le  registre  150  nous  fournit  une  lettre  du  8  sept,  qui  n'est  pas 
dans  les  deux  précédents  recueils.  Enfin,  toujours  aux  arcliivos  du 
Vatican,  les  Varia  Poîiticorum  9  et  14  en  donnent  douze  entre  le 
29  mai  et  le  8  sept.  15(51.  Presque  toutes  ces  lettres  sont  adressées 
au  cardinal  Borromeo  dont  un  registre  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale de  Naples  nous  otfre  inversement  la  correspondance  avec  le 
nonce  '.  En  y  ajoutant  des  documents  tels  que  les  instructions  re- 
mises ;l  l'évèque  de  Viterbe  à  son  départ  pour  Paris  ",  nous  pos- 
sédons déjà  bon  nombre  d'éléments  pour  juger  des  idées  qui  vont 
diriger  la  politique  pontificale  durant  cette  difficile  nonciature,  et 
aussi  pour  apprécier  la  manière  dont  le  titulaire  de  ce  poste  saura 
les  présenter  et  travailler  à  leur  succès. 

Nous  verrons  comment  cette  «  manière  »  ne  répondit  pas  à  l'at- 
tente de  Rome  et  provoqua  le  rappel  de  Sebastiano  Gualterio.  Sou 
remplaçant,  Prospero  Santa  Croce,  avait,  lui  aussi,  représenté  une 
première  fois  le  Saint  Siège  à  Paris  de  1552  à  1554.  En  octobre 
1561,  il  venait  de  Portugal,  et  nous  trouverons  dans  la  corres- 
pondance de  cette  nonciature  quelques  indications  sur  ses  senti- 
ments en  rejoignant  son  nouveau  po^^te  ^.  Arrivé  à  Paris  alors  que 
les  prélats  de  Poissy  venaient  de  se  séparer,  il  ne  pourra  nous 
donner  sur  l'assemblée  qu'un  témoignage  de  deuxième  main,  mais 
il  n'en  sera  pas  moins  un  informateur  utile  pour  nous  dire  en  quel 
état  il  recueillait  la  succession  de  son  prédécesseur,  quelle  opinion 

'  Ms.  XL  G.  3,  Rffjistro  di  httere  di  S.  Carlo  (146  ff.)  copies  du 
XVIP  s.  de  lettres  écrites  du  2  juillet  1561  au  29  août  1563  au  carrt. 
de  Ferrare,  légat  en  France  (ff.  1-64),  du  26  janvier  1560  au  25  août  1561 
aux  êvêqucs  de  Fermo,  de  Viterbe  et  au  nonce  Santa  Croce  (ff.  69-146). 

2  Arch.  Vat.,  Vai:  Polit  116,  f.  374  v°:  1560,  1"  mai. 

'  Ihid.,  Niimiature  direrse  10?. 


64  KOME    ET    l'OISSV 

il  avait  de  Him  actiiiii.  et  noii-i  iiiilii|nrr  rDiiciitatinn  <li-  celle  (nie, 
liii-inéme  se  i)ropo8ait.  De  plus,  c'est  lui  qui  va  assister  au  pro- 
longement (lu  collotiue  dans  les  conférences  de  Saint-Germain  en 
Janvier  l."iil2,  en  suivre  les  résultats,  noter  la  répercussion  des  dé- 
crets (le  l'asseiiililée  sur  les  tractatiims  qu'il  est  chargé  de  conduire 
en  vue  du  concile  de  Trente.  Miidii,  il  est  le  témoin  des  événements 
dont  va  sortir  la  première  guerre  civile.  Aussi  les  papiers  de  sa 
nonciature  seront-ils  une  source  indispensable  i)our  l'histoire  de  cette 
périiide.  Hn  attendant  l'édition,  certainement  très  soignée,  que  nous 
en  promet  M.  (i.  Constant,  ancien  membre  de  l'Ecole  française  de 
Rome,  nous  avons  la  ressource  de  les  consulter  aux  archives  du 
Vatican  '.  Si   les  originaux  ont   disp.iru  du  moins    j'ignore    où 

ils  ont  échoué  —  des  copies  en  plusiiMirs  exemplaires  nous  en  ont 
été  con.servées.  Plus  favorisés  que  pnur  la  correspondance  du  pré- 
cédent nonce,  nous  trouvons  celle  de  Santa  Croce  soigneusement 
transcrite  vers  la  fin  du  XVIT  siècle  dans  un  gros  registre  de  tJ9:î 
folios,  le  Nn)i.:i(itur<'  diverse  32  bis".  Elle  commence  au  1(>  oetn- 
lire   15(51    pour  ne  s'arrêter  ((u'au   10  janvier  1664. 

Correspondances  diverses.  —  Autour  des  correspondances  de 
ces  deux  nonces,  d'autres  viennent  se  grouper  qui  les  complètent 
henren^ement.  .l'ai  déjà  signalé  celle  du  cirdinal  Rorromeo  avec 
l'évèque  de   Viterlic.    Il   faut  y    ajouter    celii'    du   même    secrétaire 


'  M.  Serbat  t'ait  erreur  (juaud  il  dit  :  '  les  lettres  de  Santa  Croce 
ont  été  imprimées  •  (Les  assemblées  du  clergé  de  France,  p.  11  .  Une  très 
petite  partie,  oui  -  quarante-neuf  en  tout  —que  le  prêtre  apostat  Jean 
Aymon  déroba  à  la  Bibliothèque  royale  de  Paris  et  publia,  en  l'accom- 
pagnant d'une  lamentable  traduction  fran(;aise,  dans  son  livre  intitulé 
Tous  les  synodes  nationaux  des  Eglises  réformées  de  France,  La  Haye. 
1710,  9  vol.  in-4".  C'est  cette  édition  partielle  qu'ont  reproduite  Ciniber 
et  Danjou  dans  leurs  Archives  curieuses  de  rhi.'itoire  de  France,  lèri^  sôiie. 
t.  VI,  pp.  1-170. 

-  Un  autre  registre,  le  Pio  f>:'  (ancien  Pio  133)  contient  la  même 
correspondance.  Un  peu  plus  ancien,  peut-être,  il  est  beaucoup  moins 
soigné  comme  écriture. 


LES   .SOl'RCES  65 

d'Etat  avec  Hipjjulyte  d'Esté  iiendant  la  durée  de  sa  légation  en 
France  (juin  1561  à  mars  1563)',  avec  les  légats  à  Trente ',  les 
nonces  d'Espagne,  d'Allemagne,  de  Portugal,  de  Pologne  ^.  Voici 
également  des  lettres  et  des  rapports  du  cardinal  de  Ferrare,  de- 
puis le  12  juillet  1561  jusqu'au  13  juin  1563,  dans  une  copie 
du  XVI"  siècle  conservée  à  la  Bibl.  Vallicelliana  de  Rome  iL  13, 
tf.  7-136)  ^.  Elles  sont  adressées  pour  la  plupart  à  Francesco  Maria 
Visconti,  l'agent  du  cardinal  à  Rome,  les  autres  au  secrétaire  d'Etat. 
On  en  rencontre  encore  dans  diverses  séries  des  archives  et  de  la 
bibliothèque  du  Vatican  ^. 

Les  Monumenta  histurica  sociefa/is  lesti  ont  pulilié  les  lettres 
des  PP.  Lainez,  de  Polanco  et  du  Coudret  qui  accompagnèrent 
Ferrare  en  France,  du  P.  Broët  préposé  pendant  longtemps  à  la 
direction  des  maisons  des  Jésuites  en  France,  du  Père  Salmeron 
vicaire  de  la  Compagnie  à  Rome  *'.   On  y  trouvera  bien  des  rensei- 

'  Arch.   Vat.,  Numiature  Germania  4. 

'  Ibid.,  Coneilio  50,  60,  150. 

^  Arch.  Vat.,  Vnr.  Polit.  14,  Xumiat.  Germania  i,  yun<:iat.  dir.  107, 
Nunziat.  Venezia  2,  Niimiat.  Colonia  170  A  ;  Bibl.  Vat.,  liarberini 
lat.  814  fcorr.  de  nonces  en  Allemagne).  —  On  sait  (pie  l'Institut  liis- 
tori(iiie  prussien  de  Rome  a  poussé  très  activement  la  publication  des 
nonciatures  d'Allemagne,  travail  à  peine  amorcé  chez  nous.  Je  n'ai  donc 
eu  qu'à  dépouiller  les  deux  volumes  donnés  sur  la  période  1560  156.3, 
Steinherz,  Nuntinturberichte  aus  Deutschland,  Vienne,  1897-1914;  t.  l"''  (Ho- 
sius  und    Delfino,  1560-1.561)  et  t.  III  (Delfino,  1562-1563). 

*  Aux  Arch.  du  Vat.,  le  Vnr.  Polit.  130  est  une  copie  du  XNII*'  siècle 
de  la  même  correspondance. 

^  Arch.  Vat.,  Miscellanra,  nrm.  I,  t.  .30,  f"  139  (nouv.  nuraér."")  extrait 
d'une  lettre  du  18  avr.  1562,  Paris,  aux  légats  à  Trente;  Var.  Polit.  124 
(f.  17)  et  Var.  Polit.  136  (f.  49),  lettre  ilu  cardinal  à  l'év.  de  Caserte 
(1562,  2  janvier,  St.  Germain-en-Layel  pour  se  justitier  des  critiques  fai- 
tes à  sa  légation,  qui  a  été  publiée  dans  Lettere  di  principi,  Venise,  1581, 
f.  231-232  v°.  —  Bibl.  Vat,  Barherini  576{Unov.  1561-28  juillet  1562', 
lettres  publiées  dans  Babize  Mansi,  ISliscellanea  t.  IV.  d'après  un  ras.  de 
la  bibl.  des  Ermites  de  S.  Augustin  à  Lucques,  dérivant,  dit  la  préface, 
d'un  ms.  de  la   Bibl.  du  Vatican. 

"  Monumenta  historica  Sorietatis  lesu:  Lainii  rnonumenta,  t.  ^'  et  ^T 
(1.560-1567),  Madrid,  1915;    Polancï    complemenla,   t.    1=''    (1541-1567),  et 

Mélangen  d'Arch.  et  d'Hinl.  19-21.  5 


6B  HUME    ET    l'OISSY 

giieraents  sur  la  situation  rcligieune  et  l'action  tlt;  la  nonvelic  so- 
ciété toute  (li'voiiée  à  la  politique  du  Saint-Sièfîe,  eu  particulier 
des  détails  sur  la  légation  du  cardinal. 

A  Trente,  un  secrétaire  aotif  comme  Mu/.io  Calino  ',  h  Vienne 
le  sage  cardinal  Ilosius',  à  Rome  le  savant  cardinal  Amulio ''  re- 
çoivent sur  les  affaires  de  Franco  des  informations  (|u"il  sera  Iton 
de  ne  pas  négliger. 

On  sait  aussi  l'activité  épistolaire  des  amliassadeurs  anglais,  tos- 
cans, vénitiens. 

Documents  pontificaux.  —  Les  actes  de  Pie  IV  —  bulles,  lirefs 
instructions,  allocutions  —  .sont  di.sséminés  dans  les  différentes  sé- 
ries des  Arcliives  du  Vatican:  lîefiest<t  Vaticana  1!)23,  1931^  Varia 
l'uliticonnn  ll(i,  Xiinziature  diverse  107,  ConciJio  90,  150,  Aiiii, 
consisioriulia  cuncdldrii  S,  entre  autres.  On  en  trouvera  encore  à 
la  Bibliotliè([ue  du  Vatican  {Burherini  lat.  858,  2877),  à  la  Bi- 
bliothèque nationale  de  Naples  {XI,  G.  3).  Mgr  Stephan  Eh.ses  les 
a  interrogés,  en  ce  qui  concerne  le  concile  de  Trente,  pour  son 
tome  V  des  Artn.  paru  en  1919  dans  la  Vielle  collection  que  publie 
la  Goerresyeseïïschnft.  Je  n'aurai  qu'à  profiter  de  son  travail,  quitte 
à  voir  si  telles  pièces  qu'il  a  simplement  signalées  ou  analysées  ne 
sont  pas  pour  nous  d'un   intérêt  direct. 

Documents  divers.  —  F>ntîn,  dans  la  masse  des  copies  qui  for- 
ment la  collection  bigarrée  des  Varia  Politicornm  ou  de  telle  au- 
tre armoire  des  MisceUanea,  parmi  celles  du  fonds  Borghese  ou  de 
Il  Biblidtlièque  Barherini,   il  y  a  à  glaner  des  textes  de  documents 

Appendi.r  f)  ibi  t.  II  (L'iGT,  Madrid.  llUlî-UtlT:  h'pixtohie  PP.  Paschasii 
lfcoe;îetc.(lfJ42-15li2i.  Madrid.  190;i:  Kjiist.  P.Sabm-ronis.U  I"  (1.536-1565), 
Madrid,  1906. 

'  Cfr.  ses  lettres  dans  Baluze-Maiisi,  Miscellanen.  t.  IV,  p.  192  et  sq. 

'  Cfr.  Stdiiislai  Hosii  opéra,  éd.  Cologne,  1584;  2  vol,  in-f"  et  Stein- 
hcrz,  NioilidiKrliericlite...,  tA". 

■'  Bilil.   Vat..  Imrh'n-ini  .'>T.il  (1560-1561). 


LES  SOURCES  67 

officiels  (  couvocatioii  des  évêques.  ordonnanees  du  mi,  artiides  et 
décrets  de  rassemblée),  des  informations  sur  tel  conseil  du  roi,  des 
cinnptes  rendus  de  séances,  résumés  de  discours  du  Cliancelier,  re- 
uiontraiices  espagnoles,  rapports  du  nonce  '.  Toutes  ces  ressources  ne 
sont  pas  d'une  égale  valeur.  Les  renseignements  qu'on  y  pourra 
puiser  ne  concernent  pas  tous  directement  l'objet  de  notre  étude. 
Mais  il  n'en  est  pas  qui  ne  nous  aide  à  constituer  le  cadre  des 
événements  et  —  si  l'on  veut  me  permettre  cette  figure  —  à  nous 
donner  l'atmosphère  et  la  température  de  la  cour  de  Rome.  Xe  fût- 
ce  que  par  leur  nombre  et  les  fréquentes  répétitions  de  nouvelles 
semblables,  elles  nous  prouveront  au  moins  l'attention  avec  laquelle 
on  suivait  h   Rome  les  événements  de  Poissy  et  de  Saint-Oerniain. 

«  Avvisi  » .  relations  et  «  Diarii  » .  —  Que  si  l'on  tient  à  plus 
de  précision  et  de  détails,  ou  à  plus  d'encliainemeut  dans  la  des- 
cription des  faits  et  gestes  qui  constituent  la  vie  de  l'assemblée  de 
Poissy,  telle  que  la  jugeait  ou  la  désirait  ou  la  provoquait  le  Saint- 
Siège,  là  encore  les  archives  l'omaines  peuvent  satisfaii'e  notre  cu- 
riosité. Il  n'y  a  qu'A,  ouvrir  les  Diarii  qu'elles  nous  ont  conservés. 

Commençons  par  écarter  le  document  improprement  désigné  sous 
le  nom  de  Diario  imperfeito  del  coUoquio  di  Poissy  des  archives 
de  Modène  ^.  Dans  l'esprit  du  rédacteur  moderne  de  cette  mention, 
il  s'agit  d'un  journal  «incomplet».    Son   défaut   est    ailleurs:  les 

1  Arcli.  Vat.,  MisceUanea,  arm.  I.  t.  30  (ti',  7,5-92.  124-130,  137-138, 
1.Ô1-150,  161-162)  copies  des  articles  de  Poissy,  an-isi  sur  les  séances  de 
l'assemblée  ou  du  colloque,  ordonnance  de  Charles  IX  sur  le  fait  de  la 
religion,  etc.  —  Ihid.,  arm.  II  (Varia  j)olHicon(m)  pièces  déjà  signalées 
pour  la  nonciature  de  l'év.  de  Viterbe  dans  Var.  Polit,  f)  et  i4;  autres 
1  épli(iues  ou  pièces  nouvelles  dans  les  registres  ?8,  33,  3(i,  si,  S3,  130. 
—  Cnncilio  103  (Décrets  de  Poissy'.  —  Borf/hese  I,  f.  ^3  (relation  sur 
l'assemblée  de  Fontainebleau,  instructions  du  card,  de  Tournon),  t.  44 
(lettre  de  Ferrare).  t.  3S0-2SS  (lettre  de  l'év.  de  Viterbe)  ;  II,  t.  47(!  (lettre 
de  Ferrare).  —  Bibl.  Vat.,  Barherini  laf.  850  (Decreto  irapio  fatto  in 
Poissy),  S95  (décrets  de  Poissy).  Urbhiri.'i  817  (tableau  du  gouvcriieiiient 
de  Catli.  de  Médieis). 

■^  Documeiiti  csteri,  lîoma.  Inistn   110,  liasse  Concilio  di  Treiito.  à. 


G8  ROME   ET    POISSY 

pièces  groupùes  sous  ce  titre  ne  sont  pas  un  <<;  Jimrnal  »  mais  seu- 
lement, comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  des  extraits  ou  des  analyses 
de  la  correspondance  du  nonce,  l'évêque  de  Viterbe. 

Ce  dernier  avait  pourtant  tenu  —  ou  fait  tenir  —  un  véri- 
table «journal  »  des  séances  de  Poissy.  Ou  n'en  i)eut  douter  à  cer- 
tains passajjes  des  lettres  échangées  entre  la  Secrétairerie  d'Etat 
et  les  légats  à  Trente,  entre  ceux-ci  et  le  nonce  lui-même.  Aux 
légats,  le  nonce  écrit  de  8aint-Cloud,  le  8  septembre  1561:  «Vos 
Seigneuries  en  jugeront  par  la  copie  d'un  journal  que  j'ai  fait  »  '. 
Il  est  vrai  que  le  texte  italien  (una  copia  d'un  diario  che  n'ho  fatto) 
ne  permet  pas  de  décider  s'il  se  donne  pour  l'auteur  du  diario  ou 
simplement  de  la  copie.  Mais  il  y  a  un  diario  approuvé  par  lui  : 
voilà  qui  est  déjà  certain.  On  le  remercie  de  Trente,  le  22  septem- 
bre, et  de  la  lettre  du  8,  et  du  journal  qu'il  a  envoyé  «  en  même 
temps  »,  et  aussi  «  di  questa  diligente  fatiea  sua  di  raccogliere  le 
attioni  di  tanti  giorni  et  mandarci,  in  un  tratto,  cosi  certo  et  fidèle 
ragguaglio  di   tutto  »  ". 

Peut-être  même,  à  entendre  cette  dernière  phrase,  faut-il  pen- 
ser que  c'est  bien  lui  l'auteur. 

J'aimerais  à  connaître  le  sort  de  ce  «  journal  »  envoyé  aux  lé- 
gats. Mais  avant  d'en  trouver  un  ailleurs  que  dans  leurs  papiers, 
on  ne  dépouillera  pas  ceux-ci  sans  quelque  profit.  A  défaut  d'un 
diario  proprement  dit,  on  y  rencontre  en  effet  deux  documents  d'un 
genre  tout  voisin  '.  Ce  sont  des  feuilles  à'avrisi  qui  furent  envoyées 
par  le  cardinal  de  Mantoue  an  nonce  Commendone  alors  à  Anvers, 
ainsi  qu'en  témoignent  les  mentions  inscrites  au  dos  de  ces  pièces. 
Sur  la  première,  on  lit  cette  indication  du  destinataire:  <(  per  nions. 
Commendone  »,  puis   —  de  la  main  de  ce  dernier,  autant  que  j'en 

'  Areh.  Vat.,  ConciUo  lôO,  f.  122.  —  Susta,  I,  p.  249. 

»  Arch.  Vat.,  Concilia   150,  f.  123  v". 

'  md.,  Misccllanea,  arm.  I,   t.  30,  flf.  128-159,  et    1;35-1.3B   (nouv. 

nuiuér.""). 


LES  SOURCES  69 

puisse  juger  —  «  lô(il.  Avrisi  di  Pari;//  de  H  V  d'agosto.  lii- 
cevuti  in  Aurersd  iili  25  di  sett.,  dal  rard.  di  Mantora.  legato  »  ;  sur 
la  seconde,  toujours  de  la  même  main,  «  15f>l.  Arvisi  di  Francia, 
XV  fin  a  XXI.  Eicevuti  in  Arirersa  a  (ici  le  feuillet  a  été  ro- 
gné) di  setl.  dal  Car.  (rogné)  Mantora  legato  ».  Le  cardinal  de 
Mantoue,  Ercole  Gonzaga,  était  en  effet  à  Trente,  en  qualité  de 
légat,  depuis  le  16  avril  1561  '.  Nous  savons  d'autre  part  que 
Gian  Francesco  Commendone,  évêque  de  Zante,  avait  été  adjoint 
à  Hosiua  et  Delfino,  nonces  près  de  l'empereur,  et  qu'après  avoir 
parcouru  l'Allemagne  pour  engager  des  négociations  avec  les  prin- 
ces protestants,  il  était  arrivé  à  Anvers  au  mois  de  mai  '.  Il  avait 
pour  instruction  de  se  tenir  en  rapport  étroit  avec  les  légats  '.  C'est 
ainsi  que  Mantoue  le  mettait  au  courant,  par  ces  arvisi,  de  l'as- 
semblée de  Poissy.  Ceux  du  5  août  relatent  les  faits  du  30  juillet 
et  des  l"  et  3  août.  Les  autres  embrassent  les  événements  des  8, 
12,  24,   25,   27  et  30  août  ^ 

La  première  de  ces  deux  pièces  est  telle  qu'elle  fut  expédiée 
de  Paris.  Le  style  direct  qu'on  y  emploie  en  est  la  preuve  :  «  Di 

Poissi habbiamo  nuova...;la   processione  et  communione  che 

fu  liieri »   est-il  dit  avant  l'inscription  de  la  date  du  5   août, 

mise  en  fin  de  l'information  par  la  même  main  qui  a  rédigé  celle-ci. 
La  seconde  n'est  qu'un  résumé  de  la  pièce  originale,  comme  le 
montre  la   forme    usitée    pour    tous    les  extraits    du  même    genre: 

«  C/ie  nell'assemblea  . . .;  che  s'eranno  ridotti  li  stati »   etc.  Si 

l'on  rapproche  la  date  de  réception  à  Anvers  (25  sept.)  de  celle 

'  C'fr.  Drei  (Giovanni),  Il  eard.  IJrcole  Gonzaga  alla  presidema  del 
concilio  di  Trento,  dans  VArchirio  délia  R.  Società  romana  di  Storia 
patria,  t.  XL  (1917),  p.  212. 

*  Cfr.  Pallavicini,  Hist.  du  Conc.  de  Trente,  éd.  Migue,  t.  II,  col.  966. 
'  Cfr.  Drei,  op.  cit.,  p.  215. 

*  t  XV  fin  a  XXI >  porte  la  mention  des  seconds  an-isi.  Le  chiffre 
XXI  est  une  distraction,  puisqu'il  est  parlé  des  faits  du  30  août.  De 
même,  en  tête  de  la  pièce,  une  main  postérieure  a  ajouté  la  date  erro- 
née de  1563. 


70  ItOMK    ET    POISSY 

OÙ  les  légats  reçurent  à  Trente  le  Diario  de  Viterbe  (22  gcpt.au 
plus  tard)  on  est  amené  i\  eonclure  que  ces  arrisi  peuvent  être 
un  extrait  du  diaiitj  en  question,  ou   du  moins  s'en   inspirent. 

Un  troisième  courrier  a])portc  à  Commendone  un  écho  des  ren- 
seignements fournis  aux  légats  par  le  nonce  de  France.  La  copie 
qui  en  conserve  des  extraits  dans  les  liliscfllnnea.  ann.  I.  t.  30, 
f.  130,  porte  cette  mention  de  Commendone  «  l'ifll,  Arrisi  di  Frnn- 
riu  â[e^\  29  d'nfiosto.  Jîirevuti  in  Bnisselle  n  li  S  d'ot\M}re^  d<il 
rurdj  di  Minifoni  ».  Elle  donne  quelques  indications  pour  la  ])é- 
riode  du  24  au  27  août.  C'est  un  résumé  des  avis  faussement  in- 
titulés t  Arrisi  di  l'oi/sl  ili'l  C/ird.  di  Ffirrini  »  <|u'oii  trouve  dans 
le  Varia  poliiirorum  14,  f.  135.  Au  lieu  de  Ferrara  il  faut  lire 
Viterbo.  Nou  seulement  Ferrare  n'arriva  en  France  que  le  19  sep- 
tembre, mais  il  y  a  concordance  parfaite  entre  plusieurs  des  nou- 
velles données  par  ces  arrisi  et  les  extraits  de  lettre  de  Viterbe 
dans  Concilia  138,  ff.  85  v°  et  88  '. 

Tous  ces  documents,  si  utiles  qu'ils  soient,  sont  encore  bien  dé- 
cousus. On  dirait  autant  de  dépêches  laconiques,  volontairement  im- 
personnelles. Mais  Commendone  continue  de  se  tenir  ;iu  courant. 
Et  voici  que,  grâce  à  ses  correspondants,  nous  avons  le  premier 
récit  d'origine  «  romaine  »  que  Ton  i)uisse  présenter  pour  la  séance 
d'ouverture  du  enUdque.  Il  ne  s'a.irit  plus  d'une  de  ces  notes  hâ- 
tives où  seuls  ont  été  consignés  les  points  principaux,  ainsi  que  des 
chefs  d'arguments.  Cette  fois,  on  met  sous  nos  yeux  une  véritable 
narration,  détaillée  et  vivante.  Elle  occupe  dans  ce  même  t.  30 
des  Miscellanea  les  folios  89  à  92.  Au  dos  du  dernier  feuillet, 
Commendone  s'est  contenté  d'inscrire  «  IndJ.  Arrisi  de  hi  coiifira- 
tione  (sic)  di  Poi/si  di  IX  di  set/''  »  sans  indiquer  le  lieu  ni  la  date 
de  la  réception,  non  plus  que  l'expéditeur.  Est-ce   l'original  ?  Oui, 


'  L'attribution  des  rimsî'  di  Poj/si  i\  Ferrare  les  a  fait  (|ualitier  d'  «  a- 
nonynies  »  par  Susta  (I,  p.  242). 


LES  SOURCES  71 

A  en  juger  par  le  caractère  de  ratures  et  de  siircliarges  qui  ne  pa- 
raissent pas  le  fait  d'un  copiste,  et  aussi  par  l'écriture,  italienne, 
plus  petite  et  plus  irrégiilière  que  celle  k  laquelle  nous  ont  Iia- 
liitués  les  chancelleries  romaines  de  cette  époque.  Mais  l'auteur, 
s'il  parle  à  la  première  personne  et  s'adresse  directement  à  son 
correspondant,  garde  néanmoins  l'anonymat.  Pas  de  signature.  C'est 
un  rapport  plutôt  qu'une  lettre.  Après  avoir  indiqué  la  composi- 
tion de  l'assemblée  de  Poissy  et  l'objet  de  ses  délibérations,  on 
nous  donne  tout  au  long,  avec  commentaires,  la  séance  du  9  septem- 
bre, puis,  plus  brièvement,  celle  du  10.  Par  quelques  détails,  ce 
récit  diffère  des  autres  que  nous  pourrons  avoir  de  cette  ouverture 
du  colloque,  ou  les  complète. 

Qui  peut  bien  être  ce  narrateur  ?  Quelqu'un  de  la  nonciature 
aurait,  serable-t-il,  écrit  en  italien,  à  l'accoutumée.  Or  cette  rela- 
tion est  en  latin.  Elle  accuse  toutefois  une  personne  dont  la  mis- 
sion est  de  renseigner;  le  ton  de  certaines  phrases  suffirait  à,  l'in- 
diquer. Cet  agent  est  un  catholique.  L'emploi  du  latin  fait  sup- 
poser qu'on  n'a  pas  affaire  h  un  laïc:  italien,  français,  espagnol, 
il  se  fût  servi  de  sa  langue;  allemand  ou  anglais,  il  ne  serait  pas 
catholique.  On  songe  aux  Jésuites  que  nous  allons  bientôt  voir  si 
attentifs  aux.  discussions  avec  les  réformés.  Muzio  Calino,  l'un  de 
ces  actifs  informateurs  qui,  de  Trente,  restaient  en  correspondance 
suivie  avec  des  membres  de  la  curie  romaine,  éeriva,  le  28  octo- 
bre, que  les  légats  «  sont  habitués  à  recevoir  même  des  diarii  de 
ce  qui  se  passe  au  colloque  »  '.  11  dit  cela  à  propos  di'arrisi  du 
P.  de  Polanco  que  vient  de  lui  communiquer  le  cardinal  Cornaro. 
Polanco  n'est  pas  encore  à  Paris  à  la  date  du  9  septembre.  L'au- 
teur de  notre  récit  s'y  trouve  et  part  avant  le  16,  puisqu'il  ter- 
mine ainsi  :  et  quia  conipulsiis  siini  iter  arripere  et  non  Uciiit  po- 
stremum  Patnim  responsum  audire^  i\di<pm  ab  allô  querenda  snnt  : 

'  Baluze-M.anBi,  Miscellanea,  t.  IV,  p.  196;  lettre  au  card.   Cornaro. 


72  HOMB   ET   P0IS8V 

a  me  union  islu  nunc  dntd  suffiriiint.  Je  ne  voudrais  pas  forcer 
les  h3'potlièses,  dans  inoii  désir  de  fonnaitre  le  rédacteur  de  ce 
docuracnt;  mais  l'impression  qu'il  s'agit  d'un  religieux  chargé  de 
renseigner  ses  supérieurs  et  qui  passe  la  main  à  un  confrère  pour 
le  reste  de  sa  mission,  cst-i'lle  exagérée?  Ne  serait-il  pas  l'un  des 
Jésuites  de  la  maison  de  Pai-is  dont  le  supérieur,  le  V.  l'ascliase 
Hroët,  informe  soigneusement  li-  I'.  Lainez  de  la  situation  religieuse, 
en   particulier  des   ])réparatit's  du   i-(ill(M|iie  '  ? 

Quelle  (|iie  sdil  la  valeur  de  ces  rapi)roelienients  et  la  conclusion 
qu'on  en  voudra  tirei-.  nous  n'avons  ])as,  dans  le  narrateur  du  0  septem 
bre,  un  témoin  direct.  Comme  l'auteur  des  nrrisi,  il  raconte  ce  qu'il 
a  entendu  dire,  ainsi  ([ue  le  spécifie  sa  première  phrase  :  <r  /ler 
suhI  que  de  siinndo  nd  l'ulsinriim  (sic)  in  GuUia  celebrata  intrl- 
Uyere  potui  :  die  !)  septeiiihris,  nnno  lôdl  ». 

Avec  le  témoignage  suivant,  nous  faisons  un  pas  de  plus.  Sans 
doute,  c'est  aussi  un  (nii  dire,  mais  nous  savons  le  nom  du  rap- 
porteur. 11  est  donné  par  une  copii'  du  XVI''  siècle  qui  se  trouve 
à  la  liililiotlièque  Casanatense  de  Uome  ())is.  .5/'.S'.'^,  f.  73)  et  porte 
ce  titre  :  «  copia  d'alcnni  capituli  d'utia  IHtera  scritùi  dal  P.  M."  Po- 
lanco  nella  aorte  di  Franein  a'  i'I  di  seltembre  l-iCl  ».  On  y  lit 
un  résumé  général  et  très  liref  des  deux  discours  (|ui  ont  occupé 
les  séances  des  it  et  Iti  septemljre,  et  (|nelques  réflexions  intéres- 
santes sur  la  situation  religieuse,  le  rôle  du  Père  Lainez  et  l'at- 
titude des  prélats  fran(;.iis.  Bien  que  cette  pièce  ne  tignre  pas  au 
nombre  des  lettres  du   P.  de  Polanco  publiées  par  les  Moiuinienta 

'  CiV.  Monitmentn    histaiica  Societiitis  lesii,  Kpixtohe  PP.  Paxvha.tii 

Broeit,  etc ,  Madrid,  1903.  —  En  tout  cas,  le  récit  du  9  sept,  dont  il 

est  ici  question  ne  tigure  pas  parmi  les  lettres  du  P.  Broët  ni  celles 
d'aucun  des  Jésuites  dont  les  ilfo»i(«ip«/rt  publient  la  correspondance.  Je 
<lois  noter  également  ipie  ce  récit  n'est  pas  précédé  de  la  divise  /'<w 
Chrisii  usitée  par  les  Jésuites  dans  leurs  lettres  de  cette  épO(|ue.  Il  est 
vrai  (ju'elle  n'accompagne  pas  davantage  les  extraits  d'une  lettre  du  P.  de 
Polanco,  ni  même  l'original  d'une  longue  relation  de  la  séance  du 
2ô  sept,  par  le  même  religieux  dont   il  va  être  parlé. 


LES   SOURCES  73 

historicd  Sorii-tatis  Ifsn,  il  n'y  a  pas  lieu  de  rejeter  l'atti-ibiitioii 
que  lui  en  t'ait  le  ms.  de  la  Casanateiise.  Celui  ci  est  compris  dans 
un  recueil  des  Miscellanea  rariart<m  narrntiomim  et  rerum  nora- 
rum  composé  en  1697,  comme  l'indique  le  titre  placé  au  premier 
feuillet  par  nne  main  du  XVIT  siècle  —  titre  suivi  de  cette  indi- 
cation de  propriété  «  Procurntorie  goneralis  Soc.  lesu  ».  Or  c'est 
aussi  au  XVII"  siècle  qu'on  a  mis,  au  verso  du  feuillet  contenant 
le  document  en  question,  cette  note  :  «  del  2>-  Pol.  Belle  cose  di 
Frayiza  et  miserie  di  qitesto  regno  nella  religione  ».  L'origine  est 
ainsi  autliontiiiuée  par  un  membre  de  la  ('onipagnie  de  Jésus.  On 
lit  d'ailleurs,  à  la  suite  de  cet  extrait,  un  autre  emprunt  fait  au 
même  religieux,  et  qui  peut  convenir,  quant  au  fond,  à  une  lettre 
dudit  Polanco  datée  du  29  décembre  et  publiée  par  les  Monmnenta  '. 
Encore  un  pas  de  plus,  et  nous  possédons  la  déposition  d'un 
témoin  oculaire,  la  première  en  date,  et  peut-être  la  seule,  avec 
celle  d'Espence,  du  côté  des  catholiques.  De  nouveau,  c'est  au  P. 
de  Polanco  que  nous  la  devons.  Il  a  assisté  aux  séances  des  24 
et  26  septembre  et  en  a  laissé  le  récit  <<  vécu  »  dans  une  longue 
lettre  adressée  le  27  de  Poissy,  à  son  confrère  le  P.  Salmeron, 
vicaire  de  la  Compagnie  à  Rome  -.  Le  texte  est  en  espagnol  et  a 
été  inséré  dans  les  Lainii  monumenta  (t.  VI,  pp.  54-.58);  mais 
une  traduction  italienne  en  fut  faite  dont  les  Monumenta  liistorira 
Societdtis  lesu  signalent  un  exemplaire  dans  les  ai'(iiives  de  la 
Compagnie  ^.  .l'en  ai  trouvé  un  autre  —  peut-être  même  est-ce  la  tra- 

'  Cfr.  Lainii  monumenta,  t.  VI,  p.  183. 

*  Ce  récit  a  été  utilisée  par  le  P.  Francesco  Saccliiiii,  continuateur 
d'Orlandini,  dans  V Histnriae  Soeietatis  lesu  pars  secunda  sive  Laiiiius, 
Anvers,  1620;  in  f.,  n°  199,  puis  par  le  P.  Piat  de  la  même  Compagnie 
dans  la  Coll.  de  Précis  historiques,  janvier  1H89,  et  en  tiré  à  ijart  (Le 
}'.  Laynes  au  Colloque  de  Poissi/  et  à  Paris  en  1.561). 

'  Sous  la  cote  '  cod.  Epist.  Polanci,  n"  37  ^,  cfr.  Lainii  monumenta, 
t.  VI,  p.  54,  n.  2.  L'éditeur  fait  remarquer  (|iie  l'original  autograjihe  ne 
porte  ni  la  devise  Pax  Christi  ni  la  mention  de  lieu  Di  Poisi  que  donne 
la  trad.  italienne.  C'est  cette  trad.  ital.  qne  publie  le  P.  Prat. 


74  ROME   ET    POISSV 

diu'tion  originale  —  aux  arrhivps  du  Vatican  (Miscpllanen.  nrm.  I, 
t.  30,  ff.  IGl  iiiouv.)-lfi2j.  Elle  porte  une  mention  qui  nous  in- 
téresse j)ar('c  ()uVlle  est  de  la  main  de  Commendone,  comme  celles 
des  documents  déjà  signalés  que  lui  transmettait  le  cardinal  de 
Mantoue.  Sous  les  ratures  qui  l'ont  effacée,  on  peut  deviner  An- 
rersn.  Au-dessus  est  écrit  «  De  rehus  nov[is\  G[aUi^^canis  ».  Pas 
de  date  de  la  réception  ni  de  nom  d'expéditeur.  Rien  non  plu» 
qui  iiiiliqui-  rautt'ur  mi  le  copiste  lie  cette  version.  Kaut-il  nttri 
liuer  celle-ci,  comme  le  récit  anonyme  du  9  septembre,  à  quelque 
membre  de  la  communauté  de   Paris  '  ? 

En  tout  cas.  c'est  un  compagnon  français  du  P.  de  Polanco  et 
du  P.  Lainez  à  Poissy,  le  P.  Annil)al  du  Coudret,  qui  écrivit  en 
italien  à  un  confrère  resté  en  Sicile,  le  P.  Domenecli,  un  autre 
compte  rendu  de  la  même  séance  du  27.  Il  figure  dans  \ts  Lainii 
momtmenla,  t.  VI,  à  la  suite  du  récit  de  Polanco  dont  il  ne  donne 
d'ailleurs  qu'un  très  bref  résumé  au  milieu  d'informations  plus 
générales. 

Aux  Pères  de  la  Compagnie  de  Jésus  nous  sommes  redevables 
d'un  dernier  document  où  sont  consignés  quelques  renseignements 
directs  et  indirects  sur  le  colloque.  C'est  le  journal  tenu  par  Po- 
lanco depuis  la  fin  de  mai   1561  jusqu'au  début  de   1563.  On  le 

'  Il  faudrait,  pour  donner  à  ces  hypothèses  une  réponse  satisfaisante, 
pouvoir  comparer  ces  différentes  pièces  au.\  originaux  des  lettres  soit 
du  P.  Broët,  soit  de  ses  confrères  de  Paris  et  de  Kome,  originaux 
conservés  dans  les  archives  des  PP.  Jésuites.  M.  llauser,  après  avoir 
répété  avec  M.  Monod  que  «  personne  en  dehors  de  la  Société  ne  sait 
uiênie  où  (ces  archives}  se  trouvent  >,  conclut:  «tout  contrôle  est  donc 
iuqjossible  >  {Sources  de  l'histoire  de  France,  XV!'  s.,  t.  11,  p.  138J.  Est- 
ce  bien  sûr?  Le  livre  du  P.  Fouqueray  donne  les  références  des  docu- 
ments utilisés.  Quant  aux  dépôts  où  ils  se  trouvent,  il  n'est  pas  prouvé 
qu'on  en  refuse  impitoyablement  l'accès.  Si  je  n'ai  pas  encore  |ni  faire 
le  contrôle  (pie  j'indique,  je  peux  affirmer  que.  du  moins  à  Kome.  les 
travailleurs  trouvent  près  du  P.  Grossi  Gondi,  archiviste  de  IT'niversité 
Grégorienne,  comme  près  du  P.  Tacchi  Venturi,  le  savant  historien  de 
la  Compagnie  en  Italie,  le  plus  cordial  accueil,  et  j'aime  à  les  en  re- 
mercier sincèrement. 


LES  .SOURCES  75 

trouvfi'H  en  appendice  dans  les  PoUinci  complementa  ',  t.  II,  pp.  838 
;'i  844,  avec  ce  titre  :  De  itinere  Lainii  ac  Polanci  in  GaUiam 
(t/iiio  h'iCl.   Il  est  rédigé  en  espagnol. 

11  tant  encore  mentionner  nn  compte  rendu,  en  latin,  des  séan- 
ces dn  24  et  du  26  sept.,  adressé  vraisemblal)lement  au  cardinal 
Seripando,  dans  les  papiers  de  qui  il  est  conservé  à  la  Bibliothè- 
([ue  nationale  de  Naples  ^  L'auteur  doit  être  un  théologien,  ;V  en 
juger  par  la  précision  dogmatique  avec  laquelle  il  a  résumé  les 
discussions  qui  remplirent  ces  deux  séances.  Aussi  bien,  est-ce  plutôt 
un  exposé  des  thèses  mises  en  présence  qu'un  récit  historique  pro- 
prement dit.  On  y  trouvera  peu  de  détails  sur  les  orateurs  et  les 
assistants.  Néanmoins  sur  ce  dernier  point,  son  utilité  est  appré- 
ciable: c'est  le  seul  document,  que  je  connaisse,  où  soit  donné  le 
nom  du  dominicain  qui  accompagna  le  cardinal  de  Ferrare  dans 
sa  légation. 

Avis,  rapports,  relations  au  cours  d'une  lettre,  nous  n'avons 
eu  jusqu'à  présent  que  des   aperçus   fragmentaires   de  l'assemblée. 

Voici  enfin  un  récit  complet. 

Dom  René  Ancel,  dans  s&^  Nonciatures  de  Paul  IV  {t.  1',  p.  V, 
n.  2),  signalait  eu  1908  un  «  Diaire  de  l'assemblée  des  évêques 
à  Poissj'  »  conservé  dans  le  Varia  Politironnii  124  des  archives 
du  Vatican  \ 

'  MoxKiaenta  liistorica  Soeietatis  lesu,  Madrid,   1917. 

-  Bilil.  naz.  Naples,  ms.  IX.  A.  49,  t.  Il,  ff.  356-.367:  Coîloquiiim  de 
reliyioiie  Poyssiactim.  Ce  document  est  signalé  dans  les  Documenti  ine- 
diti...  siil  concilia  di  Treiito  (Rome,  1874,  in-8',  p.  330,  n°  28)  du  P.  Ge- 
neroso  Calenzio  qui  ajoute:  «  pare  autografo  del  Seripando».  —  Je  dois 
les  plus  vifs  remerciements  au  Comte  Ambrogio  Caiacciolo  di  Torchia- 
rolo  qui  a  bien  voulu  prendre  la  peine  de  copier  pour  moi  ce  document, 
et  à  l'extrême  obligeance  duquel  i"ai  maintes  fois  eu  leconrs  pour  mon 
étude  sur  Antonio  Caiacciolo. 

^  Ff.  188-240  (ane.  num.""  186,  et  non  1.^8  comme  l'indique  D.  Ancel, 
à  238).  Pour  éviter  toute  confusion  en  ce  qui  concerne  les  références  aux  vo- 
lumes des  ^'al^^ll  Politicoritm,  je  signale  ipril  n'y  a  pins  à  distinguer 
entre    leur  numéro  ancien  et  noureau.  Cette    double  nuuiération  prove- 


7G  ROME    ET    rOISSY 

J'en  ai  renrontré  depuis  une  réplique  dans  le  vol.  136  de  la 
même  collection  '.  Cette  dernière  est  toutefois  plus  courte:  elle 
est  interrompue  dans  le  récit  de  la  séance  du  2fi  septembre,  alors 
que  l'autre  s'étend  jusqu'au  9  octobre,  mais  cesse  Itrusquement 
au  milieu  du  développement  d'un  vote  de  l'évêque  de  V^alence.  Ccjï 
deux  manuscrits  sont,  le  iircinirr,  de  la  fin  du  XVI'  s.,  le  second, 
du  XVII",  peut-être  mC'uie  du  coniincmenient  du  XVIII''  siècle.  Leur 
contriliutii)n  à  l'histoire  de  Poissy  nie  paraissait  assurément  des  plus 
appréciables,  mais  Je  déplorais  d'en  rester  au  discours  tronqué  de 
révé(|ue  de  Valence,  et  plus  encore  de  tenir  ainsi  la  preuve  d'un 
premier  journal  plus  complet  et  (jui  m'éelia|)pait.  Un  heureux  hasard 
me  récompensa  du  parti  pris  d'interroger  indistinctement  tous  les 
dépôts  de  Rome,  n'eussé-je  aucun  esjioir  précis  d'y  recueillir  quel- 
que pièce  pour  mon  travail.  La  Hibliothèque  Vittorio  Emanuele  pos- 
sède un  fonds,  le  fonda  gesnit'u-o,   dont  les  manuscrits    proviennent 

nait  de  ce  qu'on  avait  intercalé,  après  le  vol.  30  de  cette  série,  ini 
recueil  A'indiei  di  varie  istruzioni  qui  n'avait  rien  à  faire  avec  elle. 
Le  recueil  ayant  été  catalogué  sous  le  n°  31,  l'ancien  31  était  de- 
venu 32,  et  ainsi  de  suite,  les  deux  cotes  figurant  simultanément 
au  dos  du  volume,  la  première  sous  la  rubrique  Varia  Politicoriim, 
la  seconde  avec  celle  de  Jliscellanea,  arm.  II.  D'où  de  fréi|uentcs 
erreurs,  tant  dans  les  demandes  des  volumes  que  dans  les  irféieii- 
ces  des  auteurs  qui  les  avaient  utilisés  (c'est  ainsi  que  D.  Ancel  aj)- 
pelle  Var.  Polit.  125  le  124,  sans  spécifier  s'il  s'agit  du  n"  ancien  ou  du 
nouveau).  Pour  remédier  à  cCs  inconvénients,  il  a  été  décidé,  au  cours 
des  remaniements  auxquels  on  procède  actuellement  aux  archives  du 
Vatican,  de  conserver  aux  Var.  l'olit.  la  numération  qu'ils  portent,  c.  à.  d. 
l'ancienne.  La  nouvelle  signifiera  désormais  :  Miscellanea,  arm.  II.  Le  vol. 
136  fait  toutefois  exception,  son  n"  CXXXV  de  Varia- l'olit.  ayant  été 
transformé,  par  l'adjonction  d'un  trait,  en  CXXXVI,  en  même  temps  qu'on 
lui  donnait  ce  n°  comme  Miscellanea,  arm.  II.  L'employé  ne  peut  donc 
faire  aucune  erreur  matérielle  à  son  sujet. 

'  Ff.  468-583.  Le  T'.  /'.  i:SfJ  a,  de  toute  évidence,  été  copié  sur  le 
V.P.  124.  Il  comprend  les  mêmes  omissions  de  phrases,  la  même  orthographe 
des  noms  propres  —  à  de  très  rares  exceptions  près  —  et  ne  se  distingue 
de  l'autre  que  par  la  modernisation  de  l'orthographe  courante:  teologi, 
congregasione,  nunzio,  Paolo,  etc.  au  lieu  de  thmlogi,  congregatione.  nuvtio, 
Paulo. 


LES   SOURCES  77 

des  archives  de  la  maison  généralice  des  Jésuites.  J'en  connaissais 
le  très  utile  inventaire  dressé  par  M.  Georges  Bourgin  ',  ancien 
membre  de  l'Ecole  française  de  Rome.  Mais  il  ne  signale  pas  ledocu- 
ment  que  je  vis  indiqué,  sous  la  cote  ms.  403  ^,  par  le  catalogue  ma- 
nuscrit de  la  bibliothèque  '*  avec  ce  titre  :  Diario  delVasseniblea 
de'rescori  di  Poissi/  per  Je  rose  délia  reVuiione  et  espedieiifl  2>resi 
per  qitelhi  l'nniio  1561.  Au  premier  coup  d'np.il  je  reconnus  le  «  .jour- 
nal *  des  Varia  Politicornm  134  et  13f!,  mais  complet  celui-là,  car 
il  comprend,  avec  la  fin  du  discours  de  Valence,  les  autres  discus- 
sions du  9  octobre  et  les  dernières  séances  de  l'assemblée.  Il  ajoute 
même  quelque  chose  au  récit  d'Espence  puisqu'il  s'achève  sur  une 
mention  du  17  octobre.  De  plus  je  constatai  qu'à  la  suite  de  ce 
diario  venaient  des  arrisi  non  signalés  par  l'inventaire,  véritable 
diario,  eux  aussi,  pour  la  période  du   19  septembre  au   26  octobre. 

Ce  sont  ces  deux  documents  qu'il  me  reste  à  étudier. 

Le  ms.  gesuifico  403  est  un  gros  volume  de  576  folios  où  sont 
réunies  des  pièces  concernant  les  affaires  religieuses  de  la  France 
au  XVI'  siècle.  Le  Diario  âeWassembJea  de'  vesrovi  a  Poiss;/  — 
tel  est  son  titre  exact  —  y  occupe  les  folios  127  ù  164.  11  for- 
mait primitivement,    avec    les    avvisi  ([ui  lui   font  suite,  un   cahier 


'  Bourgin  (Georges),  Inventaire  analytique  et  extraits  des  inss.  du  fonda 
gesuitico  de  la  Bihlioteea  nazionale  Vittorio  Emanuele  de  Rome  concernant 
l'hist.  de  France  (XV1''-X1X'  s.)  extr.  de  la.  Sev.  des  Bibliothèques,  ji^n- 
vier-fév.  1906)  Paris,  1906;  in-8°,  80  pp. 

2  L'inventaire  de  M.  Bourgin  dit  seulement  (p.  44):  «  399-403,  417,  418  » . 
«  Miscellanea...  venete  e  d'altri   paesi,  del  aecolo  XVI  •,  XVI=  siècle. 

^  L'auteur  de  ee  catalogue  est  le  commandeur  Giorgi,  aiijourrt'luii 
directeur  de  la  Bibliothè(ine  Casanatense  où  —comme  le  commandeur  Ca- 
sanova, surintendant  des  Arcliives  du  royaume,  à  PArchivio  di  Stato, 
le  docteur  De  Gregori  à  la  Vittorio  Emanuele,  les  directeurs  des  biblio- 
thèques Angelica,  Cliigi,  Corsini,  Vallieelliana —  il  m'a  témoigné  la  cour- 
toisie la  plus  empressée  et  (loniié  toutes  les  facilités  possibles  de  travail. 
Je  ne  saurais  dire  assez  combien  l'accueil  de  tous  les  archivistes  et  bi- 
bliothécaires d'Italie  que  j'ai  eu  jusqu'à  présent  l'occasion  de  voir,  est  à 
la  fois  cordial,  serviable  et  simple. 


78  KdMK    KT    IMIISSV 

isdir  il(jiit  1.1  riiliiil.-itiiiii  priiprc  a  ('•li-  siirrliai-géc  de  celle  ilii  l'i'- 
j^istre.  Sou  éiwiture  italienne,  presque  droite,  régulière  et  nette,  est 
cell(^  (|ue  l'on  reneontre  eouraininent  dann  des  lettres  de  1561.  Il 
ne  jieut  jias  i-tre  ilc  lieauenup  postérieur  à  cette  date  et  se  trouve 
ainsi  l'ainé  îles  trois  manuscrits  du  lUiirio.  Son  antériorité  par  rap- 
port aux  lieux  autres  est  encore  soulignée  par  des  formes  et  une 
orthographe  plus  arciiaique:  fiissf,  HljbitJ/f!S<>.  l'ipinh',  /los/ifi,  f.rleriore, 
texto,  Saxonid.  au  lieu  de  fosse,  obhedisse,  p<jii(df',  oslia,  asteriore, 
testa,  Sassoniii,  liieu  qu'on  puisse  souvent  relever  une  comparaison 
inverse  avec  le  Vnr.  Polit.  124. 

Quelle  parenté  y  a-t-il  entre  ce  manuscrit  de  la  \ittiirio  Knia- 
nuele  et  ceux  du  Vatican,  enti'e  eux  et  roriginai  ?  Comme  les  Va- 
ria Politicorum,  le  Gestiitico  403  n'est  qu'une  copie.  Ecrit  du  com- 
mencement à  la  fin  de  la  même  main  appliquée  —  celle  qui  trans- 
crivit également  les  avris/  suivants  —  il  ne  trahit,  à  ]>art  quel- 
ques étourderies  de  lecture,  aucune  des  hésitations  que  emiiporte 
une  première  l'édactiou.  On  s'i^n  rend  mieux  compte  encore  à  com- 
parer certains  passages  des  trois  manuscrits  —  disons  désormais 
des  deux,  le  Vnr.  Polit.  130  copiant  très  fidèlement  le  Vur.  Polit.  124. 
Là  en  effet  où  le  copiste  de  (les.  103  a  omis  une  plir.ise  donnée 
par  Var.  Pol.  124,  on  constate  qu'il  a  été  trompé  dans  sa  lecture 
par  deux  mots  identiques  entre  lesquels  se  trouve  la  phrase  sautée. 
Le  fait  se  renouvelle  plusieurs  fois.  8"il  n'y  .avait  les  raisons  de 
.date  que  j'ai  notées,  on  pourrait  ainsi  penser  que  Vnr.  Polit.  124 
a  servi  de  modèle  à  Ges.  403.  M.iis  ce  dernier  ne  se  distin>;'ue  pas 
de  l'autre  seulement  par  des  mots  ou  des  membres  de  phrases  omis; 
il  en  diffère  e.icore  par  des  expressions  dissemblaltles,  ajoutées, 
et  môme  contraires.  De  plus,  il  lui  m;ini|Ue  tout  le  eoiiiiite  rendu 
de  la  séance  du  I'  octobre  que  donne  i)ar  contre  le  \'(ir.  Polit.  121. 
Pour  supposer  la  dé|)endance  entre  eux  il  faudrait  donc  admettre 
que  le  copiste  de  Ges.  403  a  omis  déliliérémeut  ce  iiassage,  une 
simple  inattention   ni>  pouvant  expliquer  l'absence  des  trente  ligues 


LES  SOl'RCES  79 

et  plus,  précédées  d'une  date  visible,  qu'il  comprend.  Inversement, 
une  autre  preuve  s'ajoute  à  celles-ci  pour  rejeter  l'emploi  de  Ges.  403 
par  Ym'.  Polit.  124.  Elle  est  dans  l'interruption  de  ce  dernier  au 
milieu  du  récit  du  9  octobre,  tandis  que  le  premier  poursuit  jus- 
qu'au 17.  Il  ne  s'agit  pas  d'une  suppression  de  feuillets  du  Var. 
Polit.  124:  l'interruption  a  lieu  en  effet  en  pleine  page. 

Pour  ces  motifs,  il  faut  considérer  que  ces  deux  copies  sont 
indépendantes  et  qu'elles  n'ont  pas  été  établies  d'après  le  même 
modèle.  De  celui  qui  a  servi  :\  chacune  d'elles  je  ne  sais  rien.  Mais 
les  manuscrits  du  Vatican  et  de  la  Vittorio  Emanuele  permettent 
de  préciser  certains  points  concernant  l'original. 

Celui-ci  n'était  pas  une  compilation  faite,  à  l'aide  de  docu- 
ments antérieurs,  quelque  temps  après  les  événements.  Avant  de 
rechercher  si  l'auteur  du  diario  assiste  lui-même  à  ceux  qu'il  dé- 
crit, on  peut  du  moins  affirmer  qu'il  rédige  ses  notes  pendant  la 
tenue  de  rassemblée  et  souvent  au  jour  le  jour,  à  mesure  que  se 
déroulent  les  séances.  «  Hoggi,  XXX  di  luglio  —  aujourd'hui, 
30  juillet,  a  eu  lieu  la  première  réunion  des  prélats. ..».  C'est 
ainsi  qu'il  débute.  Il  continuera  de  la  même  manière  :  «  Questa 
mattina  poi,  prima  di  agosto  ...  ;  questa  matfina  de'  due  d'agosto  ...  ; 
in  questo  si  è  eonsuramato  tutto  il  di  d'oggi  XII  di  questo  [mese]  ». 
On  a  remis  aux  évêques  le  programme  des  questions  «  che  si  ha- 
veranno  da  trattare  in  queste  prime  congregationi  ».  Il  annonce 
son  intention  d'informer  son  correspondant  à  mesure  que  ces  ques- 
tions seront  traitées  :  «  Non  si  mancherà  di  seriverne  et  avvisarne 
a  mano  a  mano».  Toutefois,  il  est  certain  qu'il  rédige  d'ordinaire 
au  passé.  Sans  trop  tenir  compte  de  sa  formule  la  plus  habituelle  : 
«  alli  14...:  la  matina  de  i  XVIII  etc.»  qui  peut  fort  bien  s'en- 
tendre Comme  un  équivalent  de:  «  aujourd'hui  l-i  . , .  ,  ce  matin  18  », 
le  caractère  de  récit  iiost  erentum  ressort  nettement  d'indications 
comme  celle-ci:  «cette  délibération  s'est  poursuivie  fin  tiitto  il  di 
XXIX  . . .  onde  //  d)  segitente  ...  ;  daUi  X  sino  alli  XVI ...  on  traita 


80  KOMK    ET    PdlSSy 

de  la  Miihvriilidii . ..  iii«(|ir;'i  cf  (|uc  survint  la  jniiiiiéc  du  IC  fixée 
à  iiiiiiiseignciir  illustrissime  de  Loii'aiiie...  ».  De  même,  alléguant 
une  absence  (|u"il  a  dû  faire  du  17  au  20  septembre,  il  déclare 
n'avoir  rien  appris  de  mitaliii-  (pii  se  soit  passé  jusqu'au  25.  Ces 
exemples  pourraient  être  multipliés;  niais  s'il  lui  arrive  d'être  en 
retard  de  i(U(d(|ues  jours,  son  récit  n'en  conserve  pas  moins  toutes 
les  mari[ues  diiu  véritable  «journal».  La  rédaction  devait  en 
être  terminée  au  plus  tard  à  la  fin  d'octobre.  Le  -i  novembre,  une 
lettre  de  Ferrare  au  pape  montre  que  le  légat  avait  à  cette  date 
pris  connaissance  des  décrets  de  Poisay ',  dont  il  est  dit,  ])armi  les 
dernières  informations  du  Diario  ;  «lea  cardinaux  demandèrent,  le 
14  octobre,  la  permission  de  les  lui  communiquer». 

L'auteur  du  Diario  est  un  homme  bien  renseigné.  A-t-il  assisté 
à  quelques  unes  des  séances?  Une  expression  comme  le  sf  heu  mi 
ricordo  —  si  je  m'en  souviens  bien  —  qu'il  em]iloie.  le  jour  même 
de  l'ouverture  de  l'assemblée,  en  résumant  le  discours  du  Chan- 
celier, peut  ne  pas  être  une  simple  allusion  à  un  exposé  qu'on 
viendrait  de  lui  en  rapporter.  Mais  il  ne  se  sert  nulle  part  de  ce  mode 
direct  qu'on  trouvera  sous  la  plume  du  P.  de  Polauco  («  et  je  les  vis 
alor.s  etc...>>j  qui  puisse  sans  contredit  attester  sa  présence.  A  de 
nombreux  indices,  on  se  rend  compte  néanmoins  qu'il  sait  aussi  exac- 
tement le  détail  de  telles  attitudes,  de  tels  mouvements  de  l'auditoire, 
que  s'il  les  avait  constatés  personnellement.  Il  noter.i  (|ue  le  cardinal 
de  Tournon  s'étant  d'abord  levé  se  rassit  sur  un  ordre  du  roi;  il 
spécifiera  que  l.i  harangue  de  Pierre  Martyr  «  fi'i  lunga  di  mez/.a 
liora  »,  que  le  I'.  Lainez  s'approcha  du  cardinal  de  Lorraine  pour 
lui  demander  l.i  permission  de  parler.  Quand  il  rapporte  l'impres- 
sion jiroduite  par  la  fameuse  phi-ase  de  Bèze  sur  l'Eucharistie,  il 
ajoute  :  «  Qiiando  . . .  dette  quella  comparatione  ...  si  scorse  in  ogu'uno 
generalmente . . .  un  pallore  estr.iordinario,  dico  etiam  di  quelli  délia 

'  Arcb.  Vat.,  Concilio  ]5(i,  i.  1.52.  cfr.  Susta,  I,  p.  29:!. 


LES   SOURCES  81 

nuov.i  >i('tta  >>.  Ce  n'est  là  pourtant  qu'une  connaissance  par  oui- 
tiire.  11  le  iléelare  lui-même  en  mentionnant  ù  propos  de  l'attitude 
du  roi  (|ui  fit  mine  de  se  lever  après  la  phrase  de  Bèze  :  «  il  quale 
atfetto,  diroiiu  clie  si  scorse  hucIk!  nel  Re  di  Navarra  ».  De  toute 
façon,  sou   information   parait  puisée  :\  la  meilleure  source. 

Il  est  indiiliitable  encore  qu'il  ne  s'est  pas  uniquement  servi 
de  ses  souvenirs  personnels  ou  de  ceux  d'un  témoin  qui  le  rensei- 
gnait. Lorsqu'il  insère  in  extenso  des  morceaux  aussi  considérables 
que  les  discours  de  Bèze  ou  d'Espence,  il  est  bien  évident  qu'il 
ne  les  a  pas  retenus  de  mémoire  et  qu'on  ne  les  lui  a  pas  réci- 
tés. De  même,  s'il  reproduit  la  censure  de  la  confession  de  Bèze. 
11  a  doue  eu  des  documents  sous  les  yeux.  A  ce  propos,  telle  de 
ses  réflexions  sera  intéressante  A,  retenir.  Dans  le  récit  de  la  séance 
du  9  septembre,  au  moment  de  copier  la  harangue  de  Bèze,  il 
l'annonce  ainsi  :  l'oratione  c/ie  lia  data  in  stmnpu,  aucor  che  sia 
stata  ampliata  d'un  moudo,  seguita  in  questo  modo  ».  Nous  sa- 
vions déjà  que  le  texte  imprimé  de  son  discours  avait  été  publié 
par  Bèze  dès  15G1,  et  les  éditeurs  de  V Histoire  ecclésiastique 
estiment  que  ce  fut  «  probalilemeut . . .  peu  de  jours  après  le  col- 
loque »  '.  La  phrase  du  diario  pourrait  préciser  la  date.  A  moins  de 
supposer  que  l'auteur,  rompant  avec  son  habitude  de  rédiger  son 
journal,  sinon  après  chaque  séance,  du  moins  k  très  peu  de  temps 
d'intervalle,  ait  laissé  son  récit  en  suspens  à  partir  du  9  septem- 
bre pour  ne  l'achever  que  le  colloque  terminé,  il  faut  admettre 
que  le  discours  de  Bèze  fut  imprimé  presque  aussitôt  après  qu'il 
eut  été  prononcé.  Ou  bien,  sans  interrompre  pour  autant  son  récit, 
le  narrateur  se  serait  réservé  d'intercaler  ce  discours  par  la  suite? 
De  toute  manière,  il  parait  impossible,  vu  l'allure  générale  du 
diario,  qu'il  ait  dil  en  attendre  la  communication  jusqu'après  le 
colloque.  Ce  texte  aurait  donc  été  imprimé  entre  le  9    septembre 

'  Histoire  eccle'siastique  des  Eglisa  réformées,  éd.  Banni  et  Cunit?, 
t    V,  p.  560,  n.  2. 

MflauneH  ifAnh.  ,1  dllisl.  U«l.  6 


82  lidMK    KT    l'OISSY 

et  le  Iti  cictolii-c  il:it<:  fni.ilc  (lu  iliiino.  M;iis  si  Ton  (Mitciid  l'ai 
liiaioii  faite  |iar  raiitciii'  à  smi  alisciioi^  du  17  au  20  soptemlire 
—  ainsi  i|ii'il  scinhlc  li'';,''itiine  —  roiiiini;  uni'  indication  qu'il  vu 
reprendre  un  j'uiriial  déjà  mené  Jus(|u'à  répoque  <le  son  départ, 
il  en  résulter.iit  (pie  le  diseonrs  était  imprimé  avant  le  17  sep- 
temlire. 

Le  (Utirio  pourra  dnne  servir  à  résoudre  r|uelqnes  problèmes 
de  ce  genre.  Son  intérêt,  s'il  se  Uornait  à  cela,  .serait  néanmoins 
assez  mince.  Il  est  lieureusenient  ailleurs.  On  eu  jugera  par  le 
texte  même  qui  sera  joint,  comme  pièce  Justificative,  à  cet  exposé 
des  sources  «romaines»  de  Poissy.  Je  ne  ferai  ici  (prénumérer 
les  prineiiwles  raisons  de  cet   intérêt. 

La  i)remière  est  de  nons  faire  connaître  l'attitude  de  l'épis- 
copat  fran(^ais  et  le  jugement  que  porte  sur  lui  l'informateur  «  ro- 
main »  du  (Jiniio.  Espence  à  peine  nous  renseigne  sur  un  ou  deux 
votes.  Ici  nous  savons  ce  que  pensent  les  évêques  d'Evreux,  de 
Lisieux,  de  Saint-lirieuc,  de  Paris  et  de  Troyes.  Bèze  s'est  contenté 
de  souligner  les  «  violences  »  du  premier.  On  nous  dit  l'opinion 
des  prélats  sur  la  ([uestion  des  annates.  des  préventions,  qui  ton- 
client  de  si  près  la  curie  romaine.  On  calcule  les  appuis  ou  les 
résistances  que  celle-ci   doit  rencontrer  dans  son  action. 

Espence  et  Vllistoi}-/'  eidcsiastique  nous  donnent  des  textes  ou 
des  résumés  des  principaux  discours:  le  d'iarlo,  beaucoup  plus  com- 
plet, en  fournit  d'I'.spence  lui-même,  de  Pierre  Martyr,  de  Tournon, 
des  théologiens,  qu'on  ne  rencontre  ni  dans  le  Brief  receuil  ouïe 
Traite'  de  Vefjicnec  et  rertn  de  la  parole  de  Diett.  ni  dans  l'His- 
toire ecch'siasfiiine.  La  longue  di-scussion  sur  les  ordres  monastii|ues, 
les  20  août  et  4  à  S  seiiteiiilire,  apparaîtra  en  particulier  comme 
toute  nouvelle. 

Enfin,  si  le  diario  ne  commence  qu'au  oO  juillet  tandis  que 
Espence  débute  au  2ti.  il  s'étend  un  peu  plus  loin  que  ce  dernier 
et   surtout  donne  des  renseignements  sur  des  séances  dont   celui-ci 


LES   SOUKCES  83 

ne  parle  pas  (4,  5,  9,  12,  1:5,  14,  16,  18,  20,  21,  25,  26,  28 
août;  4,  8,  10,  28  sept.)  ou  les  eomplète  (7  août;  2,  16,  26 
sept.;  4  oot.).  Ij' Histoire  ecclésiastique  n'a  touché  à  l'assemlilée 
qu'en  passant  ;  pour  le  colloque  lui-même  qui  fait  l'objet  de  ses 
développements,  non  seulement  le  cliario  rend,  naturellement,  un 
autre  son,   mais  apporte  de  nouveaux   documents. 

Le  rédacteur  du   dinrio  est  donc  particulièrement  liien  reiiseiRné 
sur  ce  qui  se  passe  à  Poissj-. 
Qui  peut-il  être  ? 

Un  Italien:  cela  parait  certain,  non  pas  tant  à  cause  de  la 
langue  dans  laquelle  est  écrit  le  dinrio,  langue  familière  à  beau- 
coup de  Français  d'alors,  que  pour  certaines  maladresses  lorsqu'il 
traduit  un  texte  français  comme  le  discours  de  Bèze  ou  la  confes- 
sion de  foi  des  prélats  (cette  façon,  par  exemple,  de  rendre  le 
pronom  on  par  Vhuomo,  ou  perceroir  par  2^er  questo  vedere,  pour 
ce  voir!).  On  pourrait,  Je  crois,  préciser  (|ue  cet  Italien  est  un  ro- 
main, si  l'on  fait  attention  à  des  formes,  particulières  aujourd'hui 
encore  à  la  région  de  Rome  :  dita  pour  due,  magnate  pour  man- 
yiate,  emploj'ées,  la  première  par  le  (jesuitico  403,  la  seconde  par 
le   Varia  Politicorum  124. 

Un  catholique  :  sans  aucun  doute,  ne  fût-ce  que  pour  le  ton 
dont  il  parle  des  réformés:  et  un  catholique  ennemi  des  tolérances 
du  Chancelier. 

Un  ecclésiastique  :  tout  au  moins  un  homme  versé  dans  les  ques- 
tions théologiques,  cela  se  sent  à  la  façon  dont  il  les  résume. 

Un  agent  de  la  diplomatie  pontificale,  ou  quelqu'un  chargé  de 
renseigner  la  Secrétairerie  d'Etat:  témoin  le  soin  qu'il  met  à  noter 
les  sentiments  de  l'assemblée  quant  aux  exemptions  de  la  juridic- 
tion épiscopale  accordées  aux  chapitres  et  aux  monastères,  quant  aux 
dispenses  d'âge,  aux  préventions  et  aux  annates,  toutes  choses  en 
quoi   sont  visées  les  prérogatives  du   Saint-Siège. 


84  I«1MK    KT    l'OISSV 

A  groii])Pr  cpfl  divor.s  vlrmi-iits,  on  iicquiiTt  l.i  cniu  iition  (pie 
le  diarin  provient,  à  n'en  pas  doutei-,  de  la  nonciature  de  Pari». 
Dans  le  rej^istre  Concilio  138  où  sont  réunies  des  analyses  de  cor- 
respondanres  di|)loniati(|iies,  il  en  exist(!  un  al)ré;,'é,  pour  la  période 
du  16  au  ^1)  août,  sous  le  titre  Esiratto  del  diario.  il  s'y  trouve 
intercalé   au   milieu  de  résumés  de  lettres  du  nonce  '. 

Que  celui-ci  ait  rédigé  lui-même  le  diario,  on  peut  être  tenté 
de  le  croire  si  l'on  inter])réte  rij^oureusement  sa  phrase  dn  8  sep- 
tembre aux  légats  leur  annonçant  l'envoi  d'uni'  copie  d'un  diario 
«qu'il  a  fait»,  si  également  on  relève  le  ton  d'autorité  des  juge- 
ments formulés.  Mais  l'expression  de  la  lettre  aux  légats  peut  aussi 
bien  signifier  que  ce  journal  est  étalili  par  ses  ordi-es  et  ((u'il 
l'adopte  pour  sien,  de  même  que  ces  Jugements  peuvent  n'être  que 
ratifiés  par  lui.  Quand  on  a  l'habitude  du  courrier  de  Vitei-be,  on 
est  même  amené  à  trouver  le  style  du  diario  un  peu  trop  imper- 
sonnel pour  qu'on  puisse  y  reconnaître  le  langage  toujours  tran- 
chant, souvent  emporté,  qui  est  celui  des  lettres  du  nonce.  Peut- 
être  aussi  cette  formule  indirecte:  «  du  17  au  20,  l'auteur  du  diario 
s'en  fut  à  la  rencontre  de  monseigneur  le  légat  »  et  cette  autre: 
«  le  cardinal  de  Châtillon  fit  savoir  que  le  nonce  s'était  plaint  » 
indiquent  elles  que  ce  dernier  ne  tient  pas  lui-même  la  plume.  Peut- 
être  encore,  comme  je  l'ai  mentionné,  faut-il  voir  dans  certaines 
phrases  —  le  «  se  ben  mi  ricordo  »  du  début,  par  exemple  —  la 
preuve  que  le  rédacteur  assista  à  quelques  séances  de  l'assemblée; 
or,  pour  ce  discours  auquel  s'applique  ce  <<  si  je  m'en  souviens 
bien  »,  le  nonce  écrit  au  secrétaire  d"Etat  qu'il  a  «  entendu  dire  » 
que  le  Chancelier  avait  qualifié  l'assemblée  de  concile   national  '. 

Il  est  donc  plus  vraisemblalile  que  le  diario  est  l'œuvre  d'un 
agent  de  la  nmK'iatnre.  ,1'ainierais  assurément  ;'i    pouvoir   préciser 


'  Arcb.  Vat.,  Concilio  138,  f.  90  r»  et  v°. 
«  Ihid.,  f.  87  r»;  7  août. 


LES   SOURCES  »0 

davantage.  Mais  il  faudrait  couuaitre  tout  le  personuel  attaché  à 
l'évèque  de  Viterbe  pour  avoir  quelque  raison  sérieuse  de  mettre 
un  nom  en  avant.  Voici  tout  ce  que  j'en  sais:  le  nonce  avait  un 
secrétaire,  Cipriano  Saracinello,  qu'il  envoya  à  Rome  avec  un  rapport 
daté  du  8  septembre  et  différentes  pièces.  Saracinello  arriva  à  Kome 
le  19  '.  C'est  lui,  vraisemblablement,  qui  remit  au  secrétaire  d'Etat 
la  partie  du  diario  dont  le  Concilio  138  donne  un  résumé.  Etant 
donnée  cette  dernière  date,  il  ne  peut  être  l'auteur  en  question 
puisque  celui-ci  est  dit  avoir  été  du  17  au  20  septembre  au-de- 
vant du  cardinal  de  Ferrare  près  d'arriver  à  Saint-Germain.  Tout 
au  plus  pourrait-il  être  celui  de  la  première  partie  et  on  devrait 
admettre  qu'il  passa  la  main  à  un  successeur. 

Un  autre  agent  de  la  diplomatie  pontificale  apparaît  souvent  à 
cette  époque  :  Niquet,  abbé  de  Saiat-Gildas  au-Bois.  Secrétaire  et 
liomme  de  confiance  de  Ferrare,  il  apporta  en  France,  au  mois  de 
mars  1561,  la  bulle  de  réouverture  du  concile  et  remporta  la  ré- 
ponse à  Rome.  Pour  lui  attribuer  le  dlan'o,  il  faudrait  d'abord 
établir  qu'il  était  de  nouveau  à  Paris  de  fin  juillet  à  fin  octoljre.  Pour 
octobre,  c'est  exact,  et  c'est  probable  pour  septembre,  du  moins 
en  partie.  A  lui,  la  phrase  sur  l'absence,  du  17  au  20  septembre, 
occasionnée  par  l'arrivée  du  légat,  peut  convenir.  Ferrare  l'envoya 
à  Rome  le  4  novembre  ".  Il  a  pu  à  cette  date  emporter  la  dernière 
partie  du  diario.  En  était-il  l'auteur  tandis  que  Saracinello  le  se- 
rait de  la  première  ? 

'  Cfr.  Susta,  I.  p.  254.  A  ce  propos,  on  relève  les  indications  sui- 
vantes en  ce  qui  concerne  les  relations  de  la  nonciature  de  Paris  avec 
Rome  ou  les  légats;  il  fallait  environ  10  jours  à  un  courrier  pour  attein- 
dre Rome  (Saracinello  porteur  dun  pli  du  8  septembre  arrive  le  19); 
10  jours  ég.^lelnent  de  Paris  à  Trente  en  remettant  les  lettres  ;i  Bologne 
(Saracinello,  dans  le  même  voyage,  remit  à  Bologne,  au  courrier  les  lé- 
gats, des  pièces  qui  furent  rei;ues  à  Trente  le  19);  5  jours  environ  de 
Rome  à  Trente  (une  lettre  de  Borromeo  datée  du  26  juillet  pars-int  aux 
légats  le  !"■  août.  Cfr.  Susta.  1.  p.  54). 

'  Ibid.,  p.  302. 


Ob  ROME    ET    POiaSY 

11  ne  faut  ]);ih,  je  crois,  songer  iri  :i  Tiin  des  Jésuites  de  la 
maison  de  Paris.  Il  aurait  sans  doute  souligné  la  reconnaissance  de 
la  Conii)agnie  par  rassemblée  le  15  septembre,  et,  dans  la  séance 
du  26,  qualifié  Lainez  de  «notre  Père»  ou  «notre  Père  f^énéral  * 
M(!lon   l'usage  de  ces  relifiicux. 

(Jm'iim  démontre  <iii  imii  l'une  de  l'es  liy|iotliè?<i's  (|ii;iiit  à  l'au- 
teur effectif  du  diario,  il  est  cei'taiu  que  le  nonce  en  est  bien  l'au- 
teur responsable  :  par  l'ordre  qu'il  a  donné  de  le  tenir,  la  surveil- 
Imucc  qu'il  a  exercée  sur  ce  travail,  et  l'expression  des  sentiments 
(ju'il  a  couverts  de  sou  autorité.  Dans  cette  relation  nous  avons 
l'écho  fidèle  des  événements  de  Poissy  tels  que  les  connut  et  les 
apprécia  le  représentant  du  Saint-Siège  à  Paris. 

Le  dernier  document  dont  j'aie  à  parler  complète  très  heureuse- 
ment et  ce  récit,  et  ces  jugements  ?  Ce  sont  les  ArrisI  di  Francia 
MDLXI  qui,  à  la  suite  du  Diario,  occupent  dans  le  ms.  gesuHico  103 
les  folios   164  k   193. 

Ecrits  de  la  même  main  que  le  diario,  eux  aussi  ne  sont  qu'une 
copie.  Le  fait  qu'ils  commencent,  avec  leur  date  du  19  septembre, 
sur  la  même  feuille  où  s'achève  le  diario  avec  la  mention  du  17 
octobre,   suffirait  à  le  prouver. 

Ils  embrassent  la  période  du  vendredi  19  septembre  au  dimanche 
26  octobre.  Ces  dates  pourraient  au  premier  al)ord  faire  conclure  k 
une  simple  réplique  d'une  fraction  du  diario  à  laquelle  on  aurait 
donné  une  suite.  Il  n'en  est  rien.  Sans  doute,  on  trouvera  dans  ces 
arrisi  un  résumé  de  l'assemblée  et  du  colloque  (ff.  166  v°  174  v°j, 
mais  différent  d'allure  de  celui  du  diario.  Plus  commentaire  que 
compte  rendu,  il  est  précédé,  entremêlé  et  suivi  de  considérations 
sur  la  situation  générale,  d'anecdotes,  de  descriptions  de  fêtes,  de  por- 
traits, bref  de  ces  mille  détails  auxquels  on  reconnaît  un  informateur 
curieux,  témoin  souvent  de  ce  qu'il  décrit  et  ayant  toujours  l'oreille 
aux  écoutes  pour  recueillir  tout  ce  qui,  de  près  ou  de  loin,  peut 
intéresser  son  correspondant.  Avec  des  qualités  en  partie  seulement 


LES    soi:  RUES  8( 

aemblahles,  le  rédacteur  du  diario  fait  plutôt  figure  d'einploj'é  cons- 
«ieucieux,  Treil  fixé  sur  la  tâche  précise,  strictement  documentaire, 
ini  peu  sèche  et  uu  peu  froide,  qui  lui  a  été  assignée. 

Aus-îi,  au  lieu  d'un  procès-verbal  de  l'assemblée  et  du  colloque 
tic  Poissy,  le^  Avvisi  constituent  ils  nu  tableau  général  où  ces  deux 
événements  se  relieut  à  l'ensemble  de  la  vie  de  cour,  de  la  vie  re- 
ligieuse, politique  et  mondaine,  en  cette  année  1561.  Dès  lors,  il 
y  aur.i  lieu  de  se  méfier  de  certaines  informations  qui  risquent 
<le  n'être  que  des  racontars.  Mais  le  cadre  de  Poissy  en  est  élargi 
«t  plus  vivant.  Le  diario  y  bénéficiera  aussi  de  précisions  intéres- 
santes, tel  le  récit  détaillé  de  l'arrivée  du  cardinal  de  Ferrare,  sa 
réception,  son  installation,  son  genre  de  vie,  la  manière  dont  il  rem- 
plit sa  mission  —  toutes  choses  résumées  (?j  par  le  diario  dans  la  pe- 
tite phrase  laconique  déjà  citée:  «Du  17  au  20  septembre,  l'auteur 
•s'en  fut  au-devant  de  monseigneur  illustrissime  le  légat  ». 

Car,  pour  être  plus  libre  dans  son  récit,  le  rédacteur  des  ai- 
visi  ne  vise  pas  moins  à  l'exactitude.  Il  se  trompera  sur  quelques 
<late8'  en  ce  qui  concerne  les  événements  antérieurs  à  son  «  arrivée 
A  la  cour».  Mais,  pour  les  faits  passés  sous  ses  yeux  —  car  il 
est,  au  contraire  de  l'auteur  du  diario,  le  témoin  de  la  plupart 
des  choses  qu'il  raconte  —  les  détails  qu'il  fournit  seront  d'un 
précieux  intérêt. 

«  .Tournai  »  aussi  que  ces  tirvisi,  du  moins  pour  une  bonne  partie. 
Bien  des  phrases  le  prouvent:  <,<  13  oct.  -  on  a  raconté  (la /lier  à 
Paris  ...  ;  14  oct.  -  aujourd'hui  sont  revenus  à  la  cour  ...  :  19  oct.  - 
Monseigneur  Santa  Croce  est  arrivé  à  Paris  hier . .  .\2h  oct.  -je 
suis  venu  liier  soir  ici...*. 

On  peut  facilement  préciser,  môme  pour  les  passages  qui  ne 
portent  pas  une  date  bien  définie,  l'époque  de  la  rédaction.  Les 
premières  pages  semblent  avoir  été  écrites  aussitôt  après  l'arrivée 
du  légat  (19  septembre)  par  laquelle  débute  le  récit.  Ce  qui  suit, 
c'est-à-dire    le    résumé    de    l'assemblée    et    du    colloque,  est    rédigé 


88  KOMK    ET    l'OISSV 

avjiiit  lo  1  :i  octolii'c  ,iii  plii-i  t;ii-il.  ])lli^^(|U(■  à  ce  Jour  li-  c.irMftère 
de  «  joiirii;il  »  est  attesté  par  la  manière  même  dont  parle  l'auteur. 
Comme  Je   I'mI   dit,  cette  rédaction  se  termine  au   26  oetolire. 

I,:i  minutie  avec  laquelle  sont  décrits  les  gestes  du  cardinal 
de  F(  rr:iie.  le  fait  (jue  son  arrivée  à  la  cour  semlile  coïncider  — 
:i  ]ieM  de  jniir-^  i)rès  du  nioin?*  — ■  avec  celle  du  iKirr.iteur.  dniment 
h  penser  qu'il  faut  chereher  ce  dernier  parmi  les  personu:i;,'es  qui 
accompagnaient  le  cardinal.  Ici  le  choix  devient  assez  ditfieile.  On 
VdV.iit  dans  cette  suite  trois  évêques,  des  .lésuites.  un  Frère  mineur 
et  un  Dominicain.  Ne  discutons  pas  maintenant  l'e-vactitudô  de 
cette  liste  fournie  —  on  mieux,  complétée  —  parle  nonce  f^anta 
Croce  '.  Quelle  qu'elle  soit,  les  avvisi,  par  le  genre  de  vie  qu'ils 
8U])pnsent  chez  leur  auteur,  ne  paraissent  pas  convenir  ;\  un  reli- 
gieux Franeiseain  ou  Duniiuicain,  non  ])lus  qu'au  P.  Laine/  et  à 
ses  eompagnouB.  L'évèque  d'Adria,  ou  celui  de  Sinigaglia,  «m  celui 
de  Fermo?  Mettons  qu'ils  aient  accompagné  le  cardinal,  je  crois 
(|u'il  faut  voir  de  iiréférence  dans  l'aud'ur  des  arrisi  un  persim- 
nage  tout  à  la  fois  moins  en  vue  que  ces  prélats  et  attaché  d'une 
manière  plus  étroite  à  l:i  personne  de  Ferrare.  Les  soupçons  se 
porteraient  alors  sur  cet  abbé  de  8aint-(4ildas-au-Bois,  celui  (jue 
les  correspondances  de  l'époque  appellent  tout  simplement  «  Ni- 
chetto  »,  secrétaire,  confident,  agent  du  Légat,  et  son  courrier  de 
coutianee  pour  les  missions  k   Romf'. 

.Je  reconnais  ne  faire  là  qu'une  suiipositiou.  le  texte  même  des 
avvisi  ne'  trahissant  ])oint  l'anonynint.  Impossible  en  tout  cas  d'y 
voir  caché  l'évèque  de  Viterbe,  comme  derrière  l'anonymnt  du  â'ntrio. 
En  effet,  sans  s'arrêter  ;'i  d'autres  invraisemblances,  il  -:u()it  de  no- 
ter que  l'auteur  des  nrvisi  résume  les  événements  de  1561,  anté- 
rieurs au  19  septembre,  comme  ayant  précédé  son  arrivée  k  la 
cour,   ('ela   ne   peut   convenir   à  Viterbe.  Le  choix  ne  jiMrait    pas  non 

'  Cfr.  De  ciriUlms  (hiUia  dissdisioniJius  pulil.  Marténe  (Coll.  Scripto- 
nan.  t.  Y,  col.   14271. 


LES   .SOURCES  89 

[il IIS  devoir  se  porter  sur  les  représentants  de  Venise,  de  Florence  ou 
(le  Ferrare.  La  raison  qui  exclut  Viterbe  les  atteint  aussi,  ou  telle 
autre  équivalente.  L'ambassadeur  de  Ferrare  est  nommé  comme  un 
tiers  par  l'auteur  des  cirvisi.  Il  en  est  de  même  pour  celui  de  Man- 
toue  qui  d'ailleurs  n'y  aurait  pas  fait  le  récit  d'une  aventure  où 
son  rôle  n'est  rien  moins  que  glorieux.  Michèle  Soriano,  dans  ses 
dépêches,  parle  du  légat  d'une  autre  manière  que  les  avrisi  '  ;  de 
plus,  ce  n'est  pas  lui  qui  aurait  résumé  l'assemblée  et  le  colloque 
comme  des  événements  antérieurs  à  son  arrivée,  puisqu'il  était  à  Paris 
de  Juillet  à  novembre  1561.  M. -Antonio  Barbaro,  qui  lui  succéda, 
déclare  ne  rien  vouloir  dire  de  l'assemblée  parce  qu'elle  <<  n'eut  pas 
lieu  de  [son]  temps  »,  et  s'il  parle  de  Ferrare,  rien  ne  rappelle 
dans  ses  renseignements  ceux  des  avrisi^.  Niccolô  Tornabuoni,  à 
Paris  dès  juillet  1560,  dans  ses  rapports  :Y  Cosme  de' Medici,  ne 
mentionne  même  pas  l'arrivée  de  Ferrare,  et  la  façon  dont  il  traite, 
très  succinctement,  du  colloque  ne  concorde  pas  avec  celle  des  avrisi  ^. 
Restons  en  donc  à  l'hypothèse  de  Nichetto,  comme  vraisemblalile 
sinon  prouvée,  sans  exclure  toute  autre  solution. 


Cet  examen  des  sources  que  j'ai  appelées  «romaines»  suffira,  je 
pense,  pour  montrer  l'intérêt  qu'il  y  a  à  ne  pas  les  négliger.  On  n'a 
entendu  jusqu'à  présent  que  la  voix  du  gouvernement  royal  et  celle 
du  parti  réformé.  Convenons  que  le  pape  et  les  évêques  de  France 
ont  aussi  leur  mot  à  dire  en  ces  matières.  Ces  sources  nous  révè- 
lent ce  qu'ils  ont  dit  et  fait.  Files  justifient  l'idée  que  j'exprimais 

'  Cfr.  Despatches  of  Michèle  Suriano . . .  publ.  sir  Heniy  Layard  [Hu- 
gnenot  Society,  t.  VI),   1891. 

^  Cfr.  Relazioni  degli  amhasciatori  veneti  uJ  Seiialo,  publ.  Alberi, 
ser.  I,  t.  IV;  p.  151  et  sq. 

'  Cfr.  Négocialions  diplomatiques  de  la  France  arec  la  Toscane  publ. 
Desjardins  {Coll.  Doc.  inéd.\  t.  III,  p.  459  et  sq. 


:iu  itoME  KT  l'ornsv 

îiu  début,  à  savoir  (|ue  le  colloquo  de  l'oissy  a  fixé  trop  excliisive- 
ment  l'attention  de.s  historiens  de  cette  évolution  religieuse  dont 
l'année  1561  passe,  à  bon  droit,  pour  être  une  date  décisive,  et  que 
l'assemblée  est  d'une  tout  autre  importance  au  point  de  vue  de  l'orien- 
tation des  idées  qui  vont  diriger  la  politique  religieuse  jusqu'à  l'E- 
dit  de  Nantes.  Si  l'on  tient  :i  faire  du  colloque  une  «clé»  permet- 
tant de  pénétrer  le  secret  des  combinaisons  de  Catherine  de  Médi- 
cis,  les  sources  romaines  prouvent  qu'il  faut  en  employer  une  se- 
conde pour  déchiffrer  entièrement  le  texte  confus  de  cette  époque. 
Cette  seconde  «  clé  »,  les  sources  romaines  nous  la  livrent.  Elles  met- 
tent la  politique  de  Uome  en  face  de  celle  de   la   reine. 

Ce  sont  les  origines  et  le    développement  de  ce  cdutiit  que  je 
vais  essayer  de  retracer. 

(A   suivre) . 

Joseph  Rosekot  dk  Melix. 


MDLXI.  Diai'io  dellassemblea  de'  Veseovi  ii  l'uissy  '. 

A.  Original   inconnu. 

B.  Copie  du  XVI"  s.  —  Rome,  Bibl.  Vittorio   Enianuele,  fonda  ge- 
sititico,  ms.  403,  ff.  127-164. 

C.  Copie  fin  XXl'  s.  couim.'    XVII''.   Aieh.    Vaticanes,  Miscellanea, 
aiiu.  II,  vol.  125  ;ou   Varia  Poh'ticoriim  124). 

D.  Copie  XVII'=  s.  ou  connu.'  XVHI".  Aich.  Vaticanes,  Miscellanea, 
aim.  II.  vol.   l.SH  (ou    ]'ar.  Polit.    13tj). 


127  Hoggi,  XXX  di  luglio,  è  stata  la   prima  cougregatione  de'  pre- 

lati  dove  è  interveuuto  il  re  eon  la  madré  et  cou  tutto  il  suo 
cousiglio.  Et  si  li  è  dato  principio  con  non  su  che  poche  parole 
elle  ha  detto  Sua  Maestà.  [le  qualijj,  con  tutto  che  da  i  più  non 
fussero  iutese,  parve  pen'i  elle  volessero  inferire  che  biso^n.iva  che 
in  questa  aduuauza  si  quietassero  i  tnmulti  et  divisione  ch'erano 
iu  questo  regno  per  couto  délia  religione.  Il  quai  propos! to  fu  poi 
seguitato  dal  cancelliere  cou   uua   lunga  oratione  nel  princiiiio  dell.i 

'  La  copie  qui  porte  ce  titie  et  dont  le  te.Kte  est  donné  ici  est  celle 
du  lus.  yesuitico  4()3  que  j"  ai  préférée  à  celles  de  Varia  Politicorum  124 
et  131!  pour  les  raisons  exposées  au  chap.  des  sources  romaines.  Je  la 
complète  ou  la  corrige  à  l'aide  de  Var.  Polit.  I:i4  (et,  dans  nn  seul  cas. 
de  Var.  Polit.  130].  Les  additions  sont  mises  entre  crochets  [  ]  ;  les 
lectures  préférées  sont  signalées  en  note  ainsi  que  les  variantes  intéres- 
santes qui  ne  pouvaient  toutefois  servir  de  complément  ou  de  correc- 
tion. —  Pour  lune  comme  pour  lautie  de  ces  copies,  je  ne  tiens  aucun 
compte  de  la  ponctuation,  ni  de  l'attribution  des  majuscules,  ni  des 
formes  u  pour  v,  ou  v  pour  u.  (Qu'il  suffise  de  dire  que  dans  ces  mss. 
tous  les  v  sont  écrits  u  et  quelques  u,  au  commencement  d  un  mot,  sont 
écrits  v).  Mais  je  conserve  telle  quelle  l'accentuation,  les  j  finaux,  la  ma- 
nière de  transcrire  les  chiffres,  certaines  abbréviations  d'une  signification 
évidente,  comme  S.  S'",  S.  il/'",  S"",  car''',  ill»'^  etc.,  et,  naturellement, 
l'orthographe  des  noms  propres,  même  celle  des  noms  communs,  sauf  à 
mentionner  par  sic  les  cas  incontestables  d'inattention. 

«  F.  P.  134. 


92  BOME    ET    IMUSSY 

(|iliile,  scusamlosi,  Sdttn  il  (•iiiii.iti(l:iiiii-iitii  (Ici  n-,  du-  à  lui  r-li'ci-a 
ignorante  H  pcffatore  fusse  tocco  (Il  nioRtrare,  in  un  conseiiso  «le 
tanti  sig."  di  hiioniRsima  vita  et  di  eccellénte  doctrina,  quello  olie 
si  havesse  à  tare,  disse  ehe  si  doveva  eredere  che  essendo  il  cuore 
de  i  re  in  niano  di  Dio,  S.  M/"  eliristianissiina,  per  diviua  inspi- 
ratione  si  fusse  mossa  à  eonvocarli,  liavendn  per  avventura  riser- 
vato  à  Ici  la  gratia  di  poter  ridurre  in  tranquillità  et  unione 
quelle  discordie  et  tr.-ivagli  ehe,  da  qnaldie  teni]»)  in  quà.  si  erano 
suscitati  in  Francia  jht  ccinto  délia  rfligionc,  rosa  che  non  era 
piaciuta  a  S.  M.  divina  di  eoncedere  ne  al  re  Francesco  primo, 
110  à  llenrico  et  Francesco  seconde,  si  corne  non  gli  piacque  che 
Moyse  iiitroducesse  il  populo  noUa  terra  di  proinissione  et  David 
dedicasse  il  tempio,  ma  si  beiie  Josuè  et  Salamone  fsie)  :  et  eoii 
cio  sia  che  altre  volte  era  stato  risoluto  che  il  vero  et  solo  rime- 
dio  de'  presenti  mali  era  un  coneilio  /<  générale  o  nationale,  il  re 
Francesco  haveva  fatto  pin  volte  instanza  al  papa  che  volesse  cou 
l'autorit;'!  ,Mi;i  ))rocurarc  che  si  liavesse  un  i)Uon  coneilio.  etc.  Ma 
coine  la  cliristianità  è  divisa  in  tanti  potentati  che  son  difficili 
ad  accordarsi  in  questa  parte,  il  negotio  era  andato  tuttavia  alla 
lunga,  et  che,  anco  adesso  che  era  inditto,  Dio  sa  qnando  se  ne 
fusse  venuto  alla  fine  !  Di  modo  che  si  poteva  temere  che  fra  tanto 
il  maie  di  questo  regno  non  si  facesse  incuraliile  essendo  urgen- 
tissimo  et  havendo  bisogno  di  rimedio  présente  il  quale  era  nelle 
mani  di  essi  prelati  et  che  loro  erano  fatti  giudici  di  questa  causa 
nella  discussioiie  '  délia  quale  si  dovevano  perô  spogliare  di  tutte 
le  passioni  et  interessi  proprij  et  proporsi  solamente  per  fine 
l'honore  di  Dio,  il  benefitio  délia  Francia  et  la  carità  verso  il 
prossimo.  Et  su  questo  disse  clie  cou  quelli  delh»  nuova  religioue 
si  havevano  da  portare  come  padri  et  come  pastori,  ammonendoli, 
iiisegnandoli  et  tirandoli  doleemente,  et  non  nsare  quel  rigore  del 

'   G.  4(lS  :  divisione. 


joriiXAi,  DK  l'assemblée  93 

tuocd  elle  s'era  usato  per  il  passato,  il  quale  haveva  fattd  scmpre 
nuiltiplieare  in  luoco  d'estingiiere  il  uumero  degli  Iieretici;  et 
qiiesto  eonfermo  con  più  esempi  et  particolarmente  con  quelle 
délia  setta  ariiana.  Entn'i  poi  à  dire  clie  si  niaravigliava  che  vi 
fiissero  alcuni  che  trovassero  strano  elle  si  t'acesse  uù  coiicilio 
nationale,  essendo  che  questa  non  era  cosa  nuova  et  che  non  sola- 
v"  mente  [se  n']erano  fatti  altre  volte,  ma  si  era  visto  che  ne  i  |  con- 
cilij  provinciali  erano  stati  ritrattati  de  concilij  uuiversali  allegando 
(se  ben  mi  ricordo)  la  ritrattatione  del  eoneilio  ariminense.  Et  ad 
altri  che  dicevano  che  questo  non  si  dovesse  fare  in  tempo  che 
eravamo  cosi  sotto  al  eoneilio  générale  che  già  si  era  risposto, 
che  1  riniedio  di  qnello  per  le  difficultà  dette  di  sopra  era  troppo 
lontano,  oltra  che  loro,  per  la  cognitione  che  havevano  dell'infir- 
iiiità  délia  Fi-ancia,  et  per  Taffettioue  che  dovevano  havere  à  gli 
ammalati  ch'erano  lor  padri^  figliuoli  et  fratelli,  potevano  trovare 
et  applicare  medicamenti  più  salutari  '  che  non  haverelibe  fatto 
UU  medico  forastiero  :  auzi  che  esso  teneva  per  certo  che  '1  papa 
niedesimo  -,  quando  in  questo  gli  havessero  domandato  consiglio, 
non  haverebbe  fatto  altro  che  consigllarsi  con  loro  corne  quelli  che 
beu  sapevano  dove  peceavano  gli  humori  ;  et  che  quando  non  lo 
havessero  voluto  ''  cliiamar  coueilio,  lo  chiamassero  assemblea,  ô 
con  quel  nome  che  volevano,  pur  *  che  con  esso  si  remédiasse  à 
i  presenti  bisogui  :  et  che  tutto  quello  che  determinassero  si  saria 
potuto  mandare  al  eoneilio  générale,  se  si  facesse,  o  sottoposto  alla 
censura  del  papa  et  délia  Sede  Apostolica,  et  che  dovevano  assi- 
curarsi  che  S.  S.''^  l'haveria  trovato  '  buouo  purche  vedesse  che  ci 
tusse  il  servitio  di  IHo  et  Tutilità  di  questo  regno;  et    che    tauto 


*  V.  P.  134:  rimedii  più  salutiferi. 
2  Omis  par  F.  P.  1^4. 

'  F.  P.  124:  si  saria  potuto. 

*  G.  403:  più. 

'  F.  1'.  124  :  ritrovato. 


94  HO.MK    ET    l>UI.S.sy 

])ii'i  si  (lovevaiio  sforzarc  di  far  l)eiie  quaiito  in  tal  caso  potevaiio 
psser  ccrti  clie  il  re  liaveria  fatt"  osservare  inviolaliilniciit*;  i  loro 
editti  et  constitiitioiii.  Dove  inaiicaiido  per  il  contrario  ai  debito 
loro,  oltra  die  quel  die  determinasisei-o  non  duraria  tre  giorni, 
li.-tvevano  da  temere  Tira  di  l'io,  et  di  non  esnere  astretti  poi  a 
fare.  loro  mal  grado,  <iU('llo  dio  non  liavessero  voluto  fare  di  liuona 
voglia.  Fiuito  chc  ebbe  il  oancelliere,  il  rev.'""  car.'"  di  Turnone, 
corne  j)resideute  et  cape  dell'assembla  (sic),  si  levo  su,  et  ritor- 
nato  poi  à  sedere,  per  comandaraonto  dd  ré,  ringratiô  Sua  M.'" 
clie  si  fusse  degnata  di  aiidarc  ad  liononirc  qudla  compagnia  con 
la  preseuza  sua.  et,  ad  iniitatione  di  Costantino,  messosi  à  sedere 
cou  gli  altri  vescovi,  et  délia  Ijuona  volontà  clie  mostrava  a  suoi 
sudditi.  Uispose  che,  credendo  loro  che  se  li  havesse  da  parlare 
sopra  i  capi  die  conteneva  la  lettera  in  virtù  délia  quale  S.  M.'-' 
gli  havcva  fatti  adunare,  già  si  erano  apparecebiati  alla  risposta, 
ma  che,  essendo  stata  la  proposta  di  inonsigaore  cancelliere  di  versa 
da  qublla,  era  for/.ato  a  pregare  S.  M.'-'  che  gli  volesse  dar  li- 
centia  d'ussemblarsi  fra  loro  per  cousultare  ciù  die  si  liavesse  da 
rispondere,  et,  a  fine  che  lo  potessero  far  più  maturamente,  si 
contentasse  anche  di  voler  far  dar  loro  la  detta  proposta  '  in 
f.  128  scriptis;  et  che,  in  tanto,  esso  poteva  ||  assicurare  S.  M.*"  che  lei 
non  haveria  saputo  desiderare  ne  maggior  zelo,  ne  miglior  volont;'i 
di  quel  che  si  scoiiriva  in  tutti  quei  prdati  :  et  che,  quanto  a 
quelli  délia  nuova  religioue  essi  si  sariano  portât!  con  loro  da 
padri  et  da  pastori  se  si  fussero  voluti  riconoseere  et  ricevere  gli 
aramaestramenti  et  ammonitionj  et  non  darle.  Ne  si  passn  per 
all'hora  più  oltre.  liavendo  questa  risposta  di  Turnone  ben  sodi- 
,  sfatto  al  re  et  a  tutta  l'assemblca.  cccetto  die  il  caucdliere  ri- 
spose  di  non  poter  dare  la  sua  proposta  in  scriptis  perche,  podie 
bore   innanzi,  gli  era    bisognatu    niutare    il    proposito    che    liaveva 

'   G.  403:  risposta;    I'.  J'.   l:J4  :  preposta. 


JOURNAL    DE    L  ASSEMBLEE  9f> 

peiisato  di  tenere,  di  sorte  che  potev;i  dire  di  liaver  parl.ito  al- 
l'improviso.  Et  esseiidogli  di  nuovo  fatto  istanza  da'  prelati,  et 
dal  re  et  regina  acconsentito,  che  si  desse,  lui  disse  che  erano  in 
quella  comjjagnia  hnoraini  taiito  dotti  et  di  taiito  buona  meniDria 
che  si  sarebbono  ricordati  di  quel  circgli  liaveva  detto  ;  et  che 
lui  havria  potuto  heu  fare  un'altra  nratioiie,  ma  dir  le  medesime 
cose  et  cou  tiucirordiiie  era  impossiliile.  Tuttavolta,  quanto  più 
subterfugij  esso  cereava  di  non  voler  mettere  nuUa  in  scriptis, 
tanto  più  replicavano  et  instavano  i  detti  prelati,  et  la  regina 
coniando  che  si   desse  in  ogni  modo. 

Questa  mattina  poi,  prima  di  agosto,  i  prelati  8i  sono  radunati 
fra  loro,  et  havendo  votato  su  la  proposta  del  Cancielliere  (sic),  si 
è  risoluto  di  non  volere  acconsentire  in  aleun  modo  a  concilio  na 
tionale,  ma  si  bene  à  una  semplice  asserablea,  con  patto  perô  che 
non  s'hahbia  da  entrare  a  dentro  [più]  '  di  quel  che  possono  et 
devono  liuonamentc,  rimettendo  tutto  quel  che  faranno  alla  censura 
di   S.  S.**  et  délia  Sede  Apostolica. 

VA  per  il  vero  non  si  puô  laudare  à  bastanza  l'unione  che  si 
vede  insin  (jui  in  tutti  i  jirelati  ",  non  essendone  inteso  pure  un 
s)lo  che  alibi  dato  voto  scandaloso,  anzi  essondosi  sentito  '  quel 
che  molti  non  aspettavano  dal  car.^®  Ciattiglione  *,  havendo  S.  S. 
ill.'"-^  ''  dettu  bene  la  scntentia  sua  et  di  più  t'atto  un  lnnf;'o  en- 
comio  in  lande  di  N.  S."'.  F.  stato  anco  risoluto  fra  loro  che  in 
((uesta  prima  domenica  si  cauti  una  messa  solenne  la  ([uale  sarà 
celebrata  dal  S.<"'  car.'''  Arraignach  '',  et  che  tanto  i  vescovi  come 
i   deputati   jiabliino  a  ricevere  il  santissimo  sacramento  et  che    chi 

'    V.  P.  1:^4:  ad  entrai-  più  dcntio  di  quel. 

'^  V.  P.  124:  si  vede  sin  (pii  de  prelati. 

3   F.  P.  124:  inteso. 

*  Châtillon. 

^   V.  P.  l:iii:  sua  Santità  ill."'-*. 

«   F.  P.   124:  d'Arniignaili. 


ROME    ET    l'OI.S.SV 


lion  vi  si  trova  niia  e-sduso  del  tutto  ila  qucsta  compagnia.  Fu  aii- 
v"  elle  ]  risoluto  flic  non  si  faeease  congrégation  générale  se  non  due 
volte  la  scttiniaiia.  iIim'-  il  liinecli  et  giovedi,  la  domenica  si  va- 
casse  il  i  divini  ullirij,  et  clie  gli  altri  4  giorni  si  consultassf,  — 
fra  i  (leputati  clie  sono  i  SS.""'  eardinali  di  Lorena  et  Borhone, 
l'arcivescovo  di  Torsi  '  et  i  vescovi  di  Uses,  Evreux,  Soes  ',  Paris, 
Orlean  ^,  Lavaiir  ',  Lisienx  ",  inaienic  con  alcnni  tlieologi,  — 
quello  elle  si  havesse  a  proporre  nella  congregatione  générale. 
I  quali  essendosi  congregati  il  dopo  desinare,  i  theologi  fecero  in- 
stanza  di  volere  intervciiirc  et  dare  aiieo  loro  il  voto  nella  cor- 
gregation  générale,  il  clie  qucgli  altri  non  volsero  acconsentiie 
senza  la  particiiiatioiie  di  tutta  la  eompagnia.  Onde,  et  per  questo, 
et  perche  si  era  odorato  che  doppo  clie  i  prelati  son  ridotti  *•  à 
Poissy  il  re  hareria  risoluto  un  editto  nel  quale  ordinas-se  che,  da 
qui  innanzi,  le  parrocchiali  fussero  elettive,  et  di  più  che  negli 
atati  che  si  hanno  da  tenerc  a  Pintoisa  "  voleva  separare  da  i 
vescovi  lo  stato  ecclesiastico  et  trattare  con  essi  a  parti  (sic),  fu 
intimata  istraordinariamente  la  congrégation  générale  per  questa 
matina  de'  *  due  d'agosto  nella  quale,  essendosi  resi  i  voti  sopra 
tntte  tre  queste  eose,  fu  risoluto  circn  alla  prima,  che  si  eleges- 
sero  XII  theologi  i  quali  havessero  da  entrare  in  congregatione 
solamente  quando  fussero  domandati,  et  all'hora  parlare  per  modo  di 
consultatione.  Et  qnanto  alFaltre,  due  furono  eletti  i  eardinali  Armi- 
irnacli  et  Sciattiglione  et  11  vescovi  di  Kvreux  et  di  Bainsa'  ad  andare 


'  Tours. 

'  Séez.   V.  P.  124:  Sois.  . 

■■<  V.  P.  IM:  Oïliens. 

*   V.  P.  124:  La  Vacar. 

5  G.  403:   Liseux. 

«  Omis  par  F.  P.  124. 

'  Pontoise. 

«  Omis  par  V.  P.   124. 

^  Baveux.   T'.  P.  H4  :  Ravusa. 


.lOl'RNAL    J)K    L'AS.SE.MIiLKK  97 

ilitinnii  ;i  rimostrare  al  re  clie,  essendo  qiiesto  editto  seaiidalo.so, 
di  m.ila  consequeiitia  et  trojjpo  pre{,nuditiale  alla  lil)ertà  ecclesia- 
stica,  S.  M/"  non  vo^lia  imblicarlo  ne  innovare  eosa  aleuna  du- 
rante questa  assemblea,  o  almeno  gli  faccia  dar  copia  deU'editto, 
affine  che  loro  possino  dire  aU'incontro  le  lor  ragioni,  et  non  vogli 
far  cosa  che  non  possi  senza  liavergli  uditi  '.  Et,  quanto  all'altro 
particnlare,  che,  essendo  Fordine  ecclesiastico  tutto  un  corpo, 
S.  M.*-'  non  vogli  dividerlo,  massime  che  il  lor  clerc  non  si  con- 
tenta ne  puo  rispouder'  nulla  aile  pr[opJoste  di  S.  M.'^'^  senza  i 
suoi  vescovi. 

Si  è  anco  niandato  hoggi  a  sollecitare  il  cancelliere  che  dia 
la  copia  délia  sua  proposta,  ma  in  lui  si  è  scoperta  poca  fantasia 
di   darla. 

Domenica  a'  '■  tre  d'agosto  si  [è]  atteso  solamente  aile  cose 
{.  129  delTanima,  havendo  tanto  i  cardinal!  et  ||  vescovi  corae  i  deputati 
de  gli  absenti  et  i  theologi  preso  il  santissimo  sacramento  tutti 
di  coiupagnia,  eccettuati  pei'o  il  S."''  car.'*"  di  Sciattiglion,  Valenza, 
i  due  vicarij  di  Tolosa  ^  et  Beovois  ',  due  de'  quali,  ciô  è  i 
primi,  furono  comraunicati  da  parte  dal  vescovo  di  Uses,  et  gli  altri 
due  dall'abbate  di  Salignac;  la  quai  cosa  non  è  passata  senza 
scaudalo  di  molti,  per  qualche  ombra  et  sospitione  che  si  ha  del- 
l'opinione  "  di  questi  vj.  Il  doppo  desinare  andorno  i  due  cardi- 
nali  e  i  due  vescovi  deputati  ad  esponere  la  loro  ambasciata  alla 
regina  et  al  consiglio  :  et  fu  loro  risposto  ch'erano  stati  maie  in- 
formati  quanto  al  particolare  délie  parrocliiali,  perche  di  quello 
non  se  u'era  mai  parlato,  nia  si  bene   di    mandare    ad    esecutione 

'   V.  P.  124  :  senza  essere  uditj. 

2  Omis  par   T'.  P.   134. 

3  Toulouse.  G.  403:  Tolesa. 
*  Beauvais. 

°   V.  P.  134:  s' ha  di  qnesti  sei. 

Mèlaiiçies  d'Arcli.  et  d'HM.  19-21.  7 


9H  Rd.MK  i:t  roissv 

cio  clii-  In  lisdliitii  iij  <>iliiMs  ciic.i  l;i  iiiiiiii)iati<in('  df  i  vescovadi 
elle  vacHvatxi  iliiraiito  la  initinr  l'tà  (Ici  vc.  cii»'-  clic  xij  iiobili  et 
xij  cittadiiii  layci.  insicmc  cdI  iiictni]iolitaiiii  et  simi  sufrra;,'aiii  et 
il  rapitolo  et  cmati  dclla  cliicsa  clic  Rarà  vacante,  lialiliiiio  j,'!!!!!- 
tamentp  a  ])rocedcre  alla  elcttioiu;  di  iij  iicrsoiiaggi,  iiiio  de"  quali 
sarà  poi  eletto  dal  re  ot  iiominafo  a  X.  S."'.  Kt  havciido  fatto  i 
detti  '  S.''  (Icpiitati  iiistantia  clic  aiiclic  di  (|ncsto  non  volessero 
[dejterniinarc  cosa  alcnna  sinn  a  tanto  clic  craiio  occupati  ncU'as- 
semblca,  fi'i  lor  risposto  olie  in  qiiestn  non  si  facova  prefrinditii» 
se  non  al  rc,  la  conscicn/.M  d<'l  ([uale  volevano  vcdcrc  di  non  a-r- 
gravarla  durante  la  sua  piieritia.  Kt  cosi  s'iiitendc  cliç  lianno  poi  ' 
esegnito,  liavendo  niandato  ])er  monsij;.'''  di  Silva  ^  al  parlampnto 
qnesta  espeditione,  insieme  con  moite  altre  clie  furono  accordate 
in  (h'iiens  tocoaiiti  la  politia  dcl  re;riio  :  et,  per  quel  die  si  cicde, 
sarà  facil  cosa  clio  '1  dotto  ])arianicnto  non  voglia  acconsentire  clio 
i  laici  lialibino  jjarte  in  qnesta  elettionc,  jier  participare  délie 
préposition!  et  opinionj'  di  Oalvino  et  atte  ■*  a  cavare  '"  più  tosto 
inalc  elle  'icnc.  (^nanto  ]ioi  al  pardcolar"  délia  separatione  di  die 
s'erano  <lolnti,  fn  trovafa  la  pétition  loro  ra^'ionevole,  et  die,  es- 
sendo  o  doveiido  venire  i  depiitati  dcl  clcin  .1  l'ontoisa,  ne  es.sendo 
ragione  die  essi  prelatj  lassassero  '"  la  fattioiie  piii  importante  per 
vacaro  a  quest'altra,  andassero  pensando  fra  loro  la  sovventione 
die  vorriano  dare  al  rè,  perche  8.  M.'-'  Tassicnrava  die  non  |  lia- 
veria  voliito  da  loro  pii'i  di  quello  die  liavessero  potuto  et  voluto. 
Kt  ultiniamente  si  risolsero  di  non  voler  dare  la  propositione  del 
caiicellierc   in    scri])tis.   non    liavendo   quel   sig."'    detto  cosa    iirenie- 


'  Omis  par   T.  1'.  VM. 

^  ^'.  p.  J.'l  :  s"inten<lc  )ioi  cl 

■'  Selve. 

*  G.  4()H:  con  atti. 

■'   V.  P.  134  :  causare. 

"'  V.  P.   rj-l  :  interlassassero. 


JOURNAL    DE    1," ASSEMBLÉE  99 

ditataiTiente,  ne  dovendo  lor  vcscovi  ponderare  o  star  '  tanto  suUe 
parole:  clie  lassassero  star  gli  effetti,  essendo  clie  il  line  dalla 
proposta  di  esso  cancelllere  non  tcndeva  ad  altro  elie  à  esortargli 
a  pigliare  qualche  riraedio  aile  turliulentie  di  questo  regno  che 
non  pativano  dilatione.  Et  con  questa  risolutione  detti  s.''  se  ne 
tornaro  à  Poissy.  La  sera  poi  al  tardj,  fu  mandate  a  tutti  i  pre- 
iati  la  nota  délie  proposition!  che  si  haveranno  da  trattare  in 
queste  prime  congregationi,  che  sarà  con  questa.  Et  come  ci  sia 
niente  di  risoiuto,  non  si  mancherà  di  scriverne  et  avvisarne  a 
mano  a  mano,  non  esseudosi  sino  ad  hora  odorato  altro  se  non  che, 
quanto  all'articolo  délia  pluralità  de'  benefitij,  il  sig.''  cardinale 
di  Borboue  ha  dato  un  voto  degno  délia  bontà,  pietà  et  grandezza 
sua,  cioè  che  si  contenta  di  restare  con  due  soli  di  v  o  vij  che 
u'iia. 

Alli  i  et  5,  non  si  è  fatto  altro  clie  ragionare  délia  cosa  délia 
sovventione,  perche  esseudosi  sparso  un  rômore,  si  ben  con  poco 
fondamento,  che  il  rè  diseguava  di  gravar'  forte  la  mano  sopra 
gli  ecclesiastici  et  cavarne  per  il  menu  da  xvij  milioni  di  franchi 
con  alienarue  per  un  milione  d'entrata,  sono  stati  a  consultare  il 
partito  che  si  haveva  da  pigliare.  senza  perô  che  sia  coucluso 
nulla   fra  loro. 

Alli  6,  comparse  poi  a  Poissy  il  connestabile  et  niousig.'  di 
Mortier  mandati  dalla  regina.  pjt  essendo  ricevuti  in  congregatione, 
detto  connestabile  espose  la  causa  délia  lor  venuta,  la  quale  era 
in  sostauza  che  la  regina  gli  mandava  per  visitar  quella  compa- 
gnia  et  per  fargli  inteudere  che  S.  M.'"  si  trovava  molto  contenta 
et  sodisfatta  del  buon  priiicipio  che  havevan  dato  a  questo  saut" 
negoti"  (lella   religione,  massime  colla  precedentia  délia  conimunionc 

'    r.  P.  1:24:  pondérale  tanto  su  le  parole. 


100  KOMK    KT    PrjlSHY 

gênerait^  clic  si  eru  fatta  :  et  clic  spcrava  clic  ropcra  si  saria  coii- 
dotta  in  modo  clie,  prima,  qiiesto  regiio,  et,  consequcutcmciite,  tutta 
hi  cristianità  n'iiaveria  Bcntito  liciiefitio  ;  ma  die  lien  S.  M.'"  »i 
doleva  clie  l'havcssei-o  tralassata  un  poco  pcr  attciidciv  à  una 
f.  130  eo8a  ||  di  nianco  importanza  eon  haver  dato  oreccliie  a  nn:i  voce 
vana  du;  il  rè  disegnasse  di  fare  alienatione  de'  béni  délia 
Chiesa,  etc.  perche  questa  non  era  stata  mai  sua  iiitentione  et  non 
se  n'era  mai  ragionato  se  non  da  qnalcli  iino  privatamente  et  per 
modo  di  divisare  ',  et  clie  si  assicurassero  pure  die  S.  M.'"  vo- 
leva  conservare  et  accrescer'  quelle  stato  più  presto  die  diininiiirlo. 
Ma  die  era  ben  vero  die,  essendo  stati  quasi  tutti  loro  beiieticati 
dal  padre  et  dall'avo  del  l'è,  dovevano  liavcrlo  per  raccomandato 
ncUe  sue  nécessita,  et  che  in  questo  non  si  ))refigeva  loro  alcun 
termine,  ma  solamente  clie  facessero  quel  elie  potessero  et  voles- 
sero  et  ne  trattassero  quando  gli  (sic)  pareva,  ne  per  questo  aflfare 
interrompessero  punto  la  loro  ]irincipale  impresa;  se  liene  gl'eBor- 
tava,  per  benefitio  loro  et  d"altri,  à  terminarc  il  tutto  più  jircsto 
clie  fusse  possibile.  Dipoi  il  detto  s/""  connestabile  fece  le  sue 
eerimonie  private,  mostrando  rafTettioiie  et  devotione  die  haveva 
a  quel  dignissinio  ordine  et  quanto  "  desiderava  di  potergli  far 
servitio  in  publico  et  in  privato.  Fugli  risposto  dal  s/"  car.'*"  di 
Tornoiie,  in  nome  di  tutta  la  compagnia,  die  loro  ringratiavano 
la  regina  del  favore  die  gli  haveva  fatto  in  mandarli  a  visitare, 
il  quale  era  stato  tanto  maggiore  quanto  s'era  servits  d'un  perso- 
naggio  dolla  portata  ch'era  rEeeellenza  sua:  la  ringratiavano  pa- 
riinenti  dell'opinione  die  liaveva  che  in  quella  assemblea  si  fusse 
per  fare  qualche  buon  frutto  [nel]  che  si  sariano  affaticati  quanto 
dovevano  ;  et  ultimamente  deirinimanit;\  et  modestia  clie  usava  cou 
essi   circa   il   fatto  délia  sovventione  et  ch'egli  '  liavesse  levato  ogiii 

'  G.  40o  :  dicusare.   . 

-  Ibid.  :  (|uanto  clie. 

•'   V.  P.  134:  che  gli  havessc  levato  ogni  sciiipulo  dall  aiiiniu. 


JOURNAL    DE    l'aSSEMBLÉIB  101 

scrupnlo  lial  lor"  animo  perche,  in  efFetto,  se  beiie  in  congregatione 
non  s'era  mai  ragionato  de  i  disegni  ehe  si  diceva  havere  il  rè 
sopra  le  cose  délia  Cliiesa,  pur  s'erano  divolgati  de"  propositi  in 
questa  materia  ehe  portavan  fastidio  a  loro  et  uiuno  honore  alla 
S.  M/-'',  la  quale  haverebbe  anciii!  conosciuto  in  questa  parte  ehe 
gli  erano  araorevolissinii  et  fidelissimi  suggetti,  etc.  La  iiresentia 
del  connestabile  et  la  qualità  dell'ambasciata  ha  molto  confortato 
questi  s.''  prelati  di  modo  ehe  attendono  incessantemente  alla  loro 
impresa,  et  dove  havevauo  ordinato  di  far  congrégation  publica 
due  volte  la  settimana,  adesso  la  fanno  ogni  di  due  volte,  luivendo 
cominciato  alli  vij  à  entrare  nelle  cose  délia  riforma  al  ehe  son 
procedute  non  so  ehe  poche  parole  del  s."''  cardinale  di  Turuone, 
il  quale,  parlando  in  laude  délia  buon'opera  ehe  incominciavano, 
concluse  pero  ehe  tutto  quel  ehe  si  déterminasse  s'intendesse  con 
protesta  del  beneplacito  et  censura  del  papa,  délia  Sede  Apostolica 
et  del  concilio  ehe  era  già  aperto  ;  la  quai  cosa  non  solaniente  fù 
approvata,  ma  risoluto  ehe  se  lie  rogasse  un  acto  solenne,  et  cosi 
fu  fatto.  Si  comincio  poi  dal  primo  articulo  ehe  contiene  :  Quid 
praescribe/idion  sit  ejj/scopis.  Et  sopra  questo  fu  opinato  lunga- 
raente  da  iij  theologi  de  i  sij  deputati,  et  il  doppo  desinare  ne 
parlorno  iij  altri. 

Alli  viij  si  è  seguito  il  medesimo  ordine,  ne  si  è  fatto  altro  se 
non  ehe  hanno  cousultato  gli  altri  vj  theologi  et  alcuni  canonisti. 

Alli  viiij  poi,  prima  ehe  i  vescùvi  ehe  dovevano  dire  l'opinion 
loro  nella  medesima  materia  comiuciorno  '  à  parlare,  il  cardinale 
di  Tornone  propose  ehe,  per  meglio  mostrare  Tunione  ehe  era  fra 
essi,  si  dovesse  fare  una  confessione  di  fede  [générale]  ^    in    quel 


'  V.  P.  IM:  cominciassero. 

-  G.  403:  confessione  di  fede  qitantu  (?). 


102  HOMK    ET    POISSV 

modo  elle  fusse  parso  all;i  comp;ignia  ;  la  qnal  proposta  parendo 
a  (|iialciriiiio  clie,  se  fusse  stata  adniessa,  potesse  facilnioiite  causar 
disordini'  et  confiiRiono,  et  iiin-isimc  se  fniMlfli'iiiio  liavessc  )-if>usato 
di  escquirla  corne  si  poteva  sospettarc,  non  pass"  altrimciite.  Ma 
fil  per  li  pii'i  conrliiso  che  se  ])iir  parca  neeessario  clu;  la  detta 
confessiiiiie  si  faeesse,  questo  si  riserbasse  alla  fine  dell'assemblea, 
et  elle  in  taiito  s'iiavesse  taeitamente  per  fatta  [oon]  la  commii- 
niont'  elle  fecero  iiisicme  l'altro  f,'iorno  ;  si  clic,  sciiz'alti'a  ))i-ece- 
dentia,  si  venne  al  dir  de'  pareri,  ne  quali,  et  per  essere  la  ma- 
teria  di  inolti  capi  et  appartcnenfe  alla  persona  di  essi  veseovi,  si 
c  lassato  il  campo  liheni  a  ciascuiio  di  compiaccrsi  in  quel  che 
f.  131  pii'i  j;li  c  piaeinto.  ||  Et  in  questo  si  è  consummato  tutto  il  di 
d'hog^i  xij  di  questo,  et  ci  resta  aucora  a  cavare  gli  articuli  di 
quel  che  si  è  dette,  d'approvarli  et  di  forniai'nc  il  decreto.  Si  po- 
triano  dire  molti  particolari  d'intorno  alfopinioni  che  sono  uscite  ; 
ma  si  riserl)ono  a  mandargli  cou  i  capi  distintaraente  deile  >eM- 
tentie  più  notabili  et  niassime  de'  theologi  et  canonisti  a'  quali, 
senza  aggiungerei  nnlla  '  che  importi,  si  è  rimessa  una  gran  parte 
de'  veseovi.  L'orationc  del  sig.'"  card.'*'  di  Lorena  è  stata,  fra 
l'altre,  illustre,  havendo  molto  ordinatamento  compreso  con  essa 
quasi  tutto  quello  che  si  pu<')  dire  circa  munus  episcopale.  Et  in 
particularc,  quanto  alla  rcsidenti.i,  lia  detto  clie  se  il  rè  vorrà 
astrlngere  quelli  clic  suuo  del  suo  coiisiglio  privato  a  st.ar  conti- 
novainente  alla  corte,  essi  dehliino  più  tosto  risegnare  il  veseovado 
che  stare  di  continovo  absent!  dalla  sua  chiesa;  et  che  si  debba 
jiregare  il  rè'  a  non  aniniettere  [piùj  "'  per  l'avvenire  veseovi  in 
detto  consiglio.  Ha  consultato  ancora  che  si  deveria  supplicare  à 
S.  S.'"  di  concedere  manco  suffraganei  che  si  puo  in  questo  regno, 
et  che  non  volesse,  da  qui   innanzi,  approvare  la  persona  de'    ve- 


'  r.  P.  lâà:  cosa  nnlla. 

•  G.  403:  non  ammettere  per  l'avrenirc  più  veseovi. 


.loi"  UN  AI.    1)K    l'assemblée  103 

scovi  elle  saniiino  nominati  se  non  con  quelle  couditioni  elle  coii- 
tieiie  la  forma  de  coneordati.  Seiattiglione  nella  sua  parte  '  lia 
coiicliisi)  cou  L'oreua  fsic;  et  ha  detto  che  si  doverebbe  scrivere 
al  papa  et  reiidergli  conto  di  quest'assemblea.  Ma  ha  bene  agglunto 
elle  qiie^ti  délia  iiuova  religione  non  si  dovevano,  per  sua  opinione ', 
(hiamar  loro  avvei-sarij  ma  pii'i  presto  ^  deviati,  et  che  bisognava 
iiisegiiarli  et  cerear"  ogni  iiiezzo  di  ridurli  con  caritA.  et  non  con 
asprezza.  Et  di  questo  lia  parhito  in  un  certo  modo  '  che  alcuni 
lianno  creduto  elle  egli  sappi  che  qiialeh'un  d'essi  ha  da  coniparire 
in  steceato.  Valenza  si  è  contenuto  sin  qui  dentro  à  termini  ne 
ha  detto  cosa  che  possi  dar'  ombra  o  sospitione  alcuna,  se  non  in 
quanto  parlando  deiramministratioue  de'  sacramenti  che  il  vescovo 
deveria  tare  spesse  volte  per  se  stesso,  corne  di  battezzare  ''  et 
altro,  disse  che  saria  stato  anche  bene  che  quattro  o  sei  volte 
v"  l'anno  havesse  fatto  una  communione  générale  et  fatto  partecipe  |  il 
suo  popolo  del  corpo  et  del  sangue  del  Siguore.  Dal  che  alcuni 
hanno  preso  occasione  di  calunniarlo  che  egli  halibia  voluto  inten- 
dere  che  cio  si  dovesse  fare  sub  utraque  specie  come  pare  che 
inferisclii   nel  suo   catechisino. 

AUi  xiij.  essendosi  inteso  che  gli  heretici  havevano  occupato 
le  chiese  délia  Vaura  et  d'Appames  ^,  la  congregatione  deputù  i 
S.''  cardinal!  di  Toruoue  et  d'Armignacli  '  per  audare  a  pregare 
la  regiua  che  volasse  ripriniere  queste  insolentie  con  qualche  buoua 
provisione.  Et  Lavendo  eseguito  l'uffitio  loro,  et  fattolo  confermare 
da  un  gentirhuomo  che  era  venuto  k  posta  con  questa  nuova,  oltra 

'  T'.  P.  124  :  nella  più  parte. 

'  T".  P.  124:  suo  parère. 

3  V.  P.  124:  tosto. 

*  V.  P.  124:  mezzo. 

'^  F.  P.  124:  fare  per  se  istesso,  come  di  battezzare  spesse  volte. 

•^  Lavaur,  Pamiers. 

"  T'.  P.  124  :  et  Armignac. 


1U4  HOMK    KT    r'OlSSV 

l'essersi  haviitd  .-iwisri  olic  'I  sig.'"  cardinale  Strozzi  liaveva  por- 
tato  un  siinil  pericolo  nella  persona  sna,  et  che  si  eraiio  fatte 
altre  novitA  in  |iii'i  |iarti  (Ici  regno,  S.  M.'"  risjiDSc  cIk;  voIcvh  die 
le  cose  dellu  Cliicsa  fiiHsoro  (•(inscrvatc  in  o;,'iii  modo  et  ordini'i  rlie 
si  spedissero  letterc  patciiti  a  tutti  i  ;<ovei'Mat()ri  de'  liio;;flii  et 
offitiali  regij  clie  in  simili  occasioni  pigliaasero  le  armi  et  faecs- 
sero  osscfvare  l'editto  del  rè.  11  clie  è  giiidicato  elie  sia  un  buoii 
rimedio. 

(iuesto  medesimo  giornn,  liavendo  tutti  i  vcscovi  tiuito  di  votare 
so))ra  il  primo  articnio,  et  parendo  (•hf  il  S.'"  far.'''  di  L'ireno 
liavesse  dette  '  et  compreso  ogni  cosa  cmi  il  sim  voto,  fi'i  pregato 
a  volerlo  mettere  in  isoritto  per  ])otcre  con  (|Mrll(i  prineipalmente 
t'ormare  il  lor  "^  decri'ti),  il  qnale  o  alnieno  la  sostanza  si  niaiidonV 
corne  sar;\  fatto.  Hor,  mentre  che  clii  ha  il  carico  attende  à  far 
questo,  si  entro  per  non  perder  tempo  à  dire  Topinioni  sopra  gli 
altri  artiouli,  csaiiiiiiando  (|iici  [(•in(|iiej  ^  flie  seguono  suceessiva- 
mente  doppo  il  primo,  tutti  iii  nua  volta,  et  cominciando  secondo 
Tordinc  da  i  theologi  ehe,  quel  di,  ne  ])arlaroiio  sei,  tra'  i|nali 
furono  de  i  primi  Buttiglier  et  Salignac,  intervenendovi  il  ])rinoi))(ï 
di  Coude  et  quello  délia  Rocca  Sorion  *  ehe  ne  pregarono  la  con- 
gregatione  et  furno  niodestirai  ascoltatori.  Il  detto  Buttigliere  par- 
f.  132  lando  de  ||  dignitatibus  ecclesiarum  cathedralium  tooco  il  primato 
délia  Cliiesa,  et  redegit  in  ordinem  la  romana  mettendola  la  terza 
o  quarta  cathédrale  tra  vj  ehe  ne  noniino  ci<iè  la  detta  romana, 
la  hierosolimitana,  alcssandrina,  antioehena,  eonstantinopolitaua  et 
rartaginese,  et  hiasmo  anche  gli  organi  et  qualeh'altra  cirimonia 
che  s'usa  nella  ('hiesa.  Et,  in  somma,  in  tutti  i  suoi  parcri  an- 
dava   daudo  qnalche  saggio  délia  sua  poco  buona  dottrina,  si  come 

'   V.  r.  IM  :  detto  benissimo. 

-  Omis  par  V.  P.  r^4. 

^  G.  403  :  quel  vescovi  che . . . 

'   V.  P.  i:J4  :  Roccasurion  (I.a  Hoclie-siir-'^'on). 


JOURNAI.    DE    l'assemblée  105 

iiel  primo  articulo  niostro  di  tenere  secondo  l'opinione  d'Aerio 
olie  episcopus  non  esset  supra  praesbitenim  et  disse  parimente 
t'iie,  quanto  a  lui,  teneva  clic  i  suffraganei  non  liavessero  aiitorità 
nessuna. 

Alli  xiiij,  furono  ascoltati  altri  quattro  theologi  solaraente, 
de"  quali  non  vi  è  per  adesso  altro  clie  dire  di  notaliile.  se  non 
che.  tanto  questi  conie  qiielli  che  havevano  parlato  prima,  par  clie 
quasi  tutti  dieno  niolto  a  traverso  aU'esentione,  che  si  concède  a 
i   capituli,  délia  potestà  de'   vescovi. 

Alli   XV,   s'attese  a  celelirare  la  festa. 

Alli  xvj,  seguitando  i  canonisti  et  theologi  di  dire  il  parer 
loro  fu  da  alcuno  di  essi  proposto  che  per  l'avvenire  si  provedesse 
à  i  beneficij  con  cuni  per  elettione  del  populo,  accioche  non  ea- 
dessero  in  mani  di  persone  ignoranti,  di  niala  vita  et  non  atte  a 
siniil  carieo,  si  come  interveniva  bene  spesso  in  coloro  che  si  erano 
provisti,  o  per  via  di  Roma  dove  si  davano  a  chi  correva  nieglio, 
o  verameute  da  i  vescovi  clie  gli  couferivano  senza  distintione  a 
staffieri  ',  cuochi  *  et  ad  altri  simili  lor  servitori.  Ma  à  '  questo  fu 
risposto  '  che  non  per  cin  si  venivano  a  fuggire  gli  iuconvenienti, 
anzi  che  col  farli  elettivi  si  saria  dato  occasione  a  '  pratiche  ille- 
cite,  à  simonie  et  a  raolti  altri  disordini,  oltra  che  non  era  cosa 
honesta  che  i  pastori  che  havevano  a  rispondere  "  del  lor  gregge 
non  havessero  anco  a  sodisfarsi  di  qtiesta  sorte  di  ministri.  Onde 
convennero  che   il  meglio  fusse  di   pregare   il   papa  che   li  piacesse 

'    V.  P.  124:  cocchieri. 

2  Omis  par  T'.  P.  J2i. 

3  M. 

*   V.  P.  IM:  visto. 

5   G.  403:  à. 

"■  V.  P.  124  :  (lisponere. 


106  ROME   ET   POI.SSV 

<li  levjir  via  la  preventioiie  et  rimetterli  ;ill:i  (iispcisitioiie  di  qiicUi 
a  chi  toc'ca  ordinariamente  conferirli,  i  qiiali,  cciu  l'ordine  ehc  si 
farà  rirm  i  ciirati,  dovoraiino  eleggcr  semprc  pi-rsone  idonee  et 
v°  suffieioiiti.  Si  h.  |  anolio  parlato  ehe  la  troppo  facile  coiicessione 
dclle  ilispense  è  stata  caiisii  di  iiKilti  alnisi,  et  1)it  taiito  si  è  de- 
terniinato  che  s\  supplic.lii  parimeiite  S.  S/"  a  ikhi  volcrc  dispeii- 
aare  su2)fir  aetate,  taiito  ne'  curati  corne  ne  can<inii'i  '  et  di  questi  ' 
non  volerue  crear  più  ad  eff'eclum. 

x\lli  xvij  i  pri'lati  non  si  adiinanino  per  csserc  il  di  di  do- 
menica. 

La  niattina  de  i  xviij,  il  s.'""  rar.'''  Sciattiglione,  siguendo 
l'ordine  che  haveva  dalla  regina  et  dal  ir  di  Navarra,  espose  in 
«ougregatione  corne  il  nuntio  del  papa  si  ci'.i  duluto  eon  loro  del 
perdimento  àA  tcuipo  clic  si  faceva  à  Poissy,  occupandosi  ((uei 
sig."  tutto  il  di  in  dispute  che  eiano  pcr  la  raaggior  parte  su- 
perflue, et  mcttendo  a  canipo  cose  che  non  potevano  ne  dovevano 
trattarne,  con  tutta  la  protesta  ^  che  liavevano  fatto  di  sottoniet- 
tere  ogni  decisione  alla  censura  di  S.  S.'",  et  che  da  questo  lor 
procedere  si  poteva  giudicare  che  havessero  poco  riguardo  all'in- 
teresse  délie  altre  uatioui  délie  quali  una  gran  parte  s'cra  inca- 
niinata  a  Trento,  et  al  dispendio  che  ne  risultava  a  S.  S.*'',  ha- 
vendo  consunimato  xv  giorni  nelle  discussioni  d'uno  articulo  che  si 
poteva  risolvere  in  uno  o  in  due  al  più  ;  et  che  in  oltre  haveva 
il  detto  nuntio  ricordato  che  la  licentia  che  si  pigliavano  una  gran 
parte  de'  prelati  d'andar  tutto  il  di  à  Parigi  generava  più  tosto 
-scandalo  che  alcun  *  Ijuono  etïetto  ;  et  che  per  tante  haveva  fatto 

'  (t.  403:  canonisti. 
-  Ihid.  :  questo. 
3  Ihid.:  potestà. 
*   V.  P.  li>4:  un. 


JOURNAL    DE    L'ASSEMULÉE  107 

graiidissima  instauza  cbe  volessero  soUeeitarli  alla  speditioiie.  Onde, 
parendo  a  lor  M.  M.'"  che  detto  nuntio  fusse  mosso  da  moite  buone 
ragioni  et  clie  fusse  per  il  vern  poca  dignità  che  i  prelati  clie  sono 
stati  chiamati  per  «no  effetto  a  Poissy  si  vedessero  cotidianamente 
per  le  strade  di  Parigi,  gli  esortavano  a  volere  accelerare  quanto 
prima  il  lor  negotio  ne  :\  musarsi  nelle  arenglie  rlie  facevano  or- 
dinarianiente  i  tlieologi  et  canonisti,  et  ultimatameute  a  non  par- 
tirai di  Poiss.y  senza  famé  dir  prima  uua  parolo  (sic)  alla  regina. 
Comineiarono  poi  i  prelati  a  votare  sopra  i  detti  articnli  che  erano 
stati  discussi  da  i  theologi  et  canonisti.  Et  Lorena  che  fu  uno  de' 
primi  che  parlasse  si  porto  liene  al  solito,  ancorche  mostrasse  di 
non  approvare  ne  anche  lui  '  la  cosa  dell'esentioni,  di  che  parlô 
perù  con  tutta  quella  modestia  et  reservatione  che  conviene,  cosa 
f.  133  che  non  haveva  fatto  ||  l'abbate  Salignach,  il  quale,  discorrendo 
sopra  qnesta  medesima  materia,  disse  apertamente  che  il  papa  non 
haveva  più  autorità  d'esimere  il  clero  dalla  inriditione  del  vescovo 
che  si  havesse  di  dispensare  il  figliuolo  che  non  ul)bidisse  al  padre. 
Il  car.'"  Ciattiglione  anccra  ha  detto  -  assai  buon  voto,  non  si 
essendo  disteso  ^  quasi  in  altro  che  in  commendare  le  buone  ordi- 
nationi  de'   canoni   et  osortare  all'osservantia  di   quelli. 

Alli  xjx  comparse  in  congregatione  raonsign.'*'  di  Mortiere  man- 
dato  dalla  regina  a  far  ilitendere  a  quel  s/'  che  dovessero  inviare 
a  Poutoisa  i  lor  deputati  per  gli  stati,  et  che  tutti  quelli  che  erano 
del  consiglio  dovessero  trovarsi  domenica  a  San  Gerraano.  Et  eirca 
le  opinioni  de  vescovi  che  parlarono  non  vi  fu  cosa  di  considera- 
tione.  discorrendo  per  il  più  sopra  cose  dette  da  altri,  o  riraet- 
tendosi   a  qnei  che  havevauo  parlato. 


'    F.  P.  l'ii:  anchora  ohe  non  approvasse  manco  lui. 

-  Ibid.:  dato. 

3  Ibid.:  quasi  steso. 


lO.S  KOMK    KT    l'OIMSY 

Il  (li  (Ici  XX  tocco  tra  gli  altri  a  dir  la  «lia  neiitentia  al  vc- 
8C0V0  (li  Troia  ',  et,  dove  tutti  fin  (|ui  lianrio  parlato  fratizesf!,  esso 
recitù  uii'diatioiK'  latiiia  clic  liaveva  portata  scritta,  la  quale  con- 
tcncvM  ])ci-  la  iiiaggior  parte  cose  extra  areiiani  '.  Bia8ro<'i  coiiie 
ahusd  clie  gli  iiuoinini  si  incensassero  nelle  chiese,  et  mostrô  anche 
lui  (li  tenere  quclla  (jjjinione  che  fusse  eguale  l'autorità  del  vescovo 
et  del  ])rete.  Et,  parlaiido  de  gli  abusi  ehe  causava  il  numéro 
grande  de  saeerdoti  povcri,  disse  che  dovcvain^  iniparare  ^  ([ualche 
arte  per  guadagnarsi  da  vivere,  et  non  isdegnarsi  di  quelli  eser- 
citij  che  havevano  fatto  Pietro,  Giovanni,  et  gli  altri  apostoli  clie 
erano  stati  ô  pescatori,  n  fatto  (|ualclie  altro  mestiero.  Il  vescovo 
di  Parigi  che  siede  appresso  *  al  dctto  di  Troia,  nel  principio  del 
sno  voto,  tasso  in  générale  queste  lunghe  declarationi  ^  che  si  fa- 
cevano  lontane  per  lo  più  dalla  niateria  proposta,  le  quali  non 
servivano  ad  altro  che  a  consuiumare  il  tem])o  in  darno,  et  di  poi, 
senza  nomiiiare  anche  '^  persona,  entro  a  confutare  tuttc  quelle  cose 
scandalose,  che  pareva  che  potessero  inferirsi  ad  alcuni  luoglii 
dell'oratione  del  detto  nions.™  di  Troia. 

Alli  xxi  hanno  seguitato  i  vescovi  di  «lare  il  vot(i,  et  Valenza 
si  è  portato  nel  suo  assai  bene,  et  ha  rieordato  che  si  suppliciii 
N.  S.  ad  ordinare  che  in  Roma  non  si  promovino  più  preti  fran- 
zesi,  del  che  ha  assicurato  tutta  questa  compagnia  che  S.  S.'"  se 
v"  ne  contentera.  |  D'altri  non  s'è  inteso  alcun  particolare  notahilc. 
Onde,  havendo  ciascuno  finito  di  votare,  sono  stati  iiij  giorni  se- 
gueuti  senza  far  nulla,  se  non  che  '1  car.'"  d'Armignach,  la  mattina 
del  XXV,  disse  ciregli   era  stato   il  di   innanzi   alla  Corte  et  che  la 

'  Troyes. 

'   V.  P.  124:   ascuani. 

'  G.  403  :  guadagnare. 

<  Omis  par  V.  P.  124. 

^  V.  P.  124  :  declamationi. 

«  Omis  par  F.  P.  124. 


JOURNAL    DE    I.'aSSEMBI.ÉE  109 

lefjina  jrli  liaveva  cumandato  d'esponere  alla  cougregatione  olip  il 
rè  POU  il  siio  eoiisiglio  havevano  risolnto  clie  questi  délia  miova 
religione  fussero  uditi  in  ogni  modo,  et  clie  pero  pensassero  iu  che 
maniera  et  in  clie  tempo  Thavessero  a  ricevere.  Sopra  la  quai 
propositioue,  il  dopo  desinare,  si  diedero  i  voti.  Et  esso  Armignach 
fu  il  primo  approvando  clie  dovessero  essere  rieevuti  et  ascoltati, 
se  ben,  che  non  si  haveva  da  venire  in  contentione  con  loro,  ti- 
rando  a  questo  proposilo  non  so  che  passo  délia  Sapientia.  Il  s."'' 
car.'*'  di  Lorena  che  seguito  appresso,  disse  che  quella  compagnia 
era  in  aspettatione  che  si  havessero  a  consultare  se  costoro  si 
havessero  da  ricevere  o  no  ;  ma  poi  che  di  questo  si  era  dato  la 
sententia  prima  che  loro  ne  trattassero,  ne  gli  restava  a  vedere 
se  non  del  modo  et  del  tempo  ;  che  a  lui  pareva  che  si  ordinasse 
che  questi  heretici  dessino  il  carico  a  un  solo  di  comparire,  il 
quale  portasse  in  scritto  quello  che  volevano  dire  sotto  scritto  (sic) 
pero  da  tutti  gli  altri  lor  deputati,  et  che  costui  fusse  ascoltato 
in  presentia  de  tlieologi  deputati,  et  poi  si  gli  rispondesse,  in  voce 
0  in  scritto,  secondo  che  pareva  alla  compagnia;  ma  che,  prima 
che  si  venissa  (sic)  a  far  questo,  era  bene  di  finire  d'esaminare 
questi  articuli  che  si  son  proposti  per  la  riformatione.  Alla  quai 
sententia  fu  acconsetito  (sic)  da  tutti  i  vescovi  eecetto  che  da 
cinqup  '  [i]  quali  dicevano  et  protestavano  che  questi  heretici  non 
si  dovevano  ammettere  in  nessun  modo.  Et  ci  fu  di  loro  che  disse 
che  questo  era  un  far  contro  ius  divinum.  Et  il  vescovo  di  Cor- 
novaglia  "  disse  che,  avanti  che  si  délibérasse  se  havessero  da 
compartire  ^  o  no,  s'era  bene  di  veder'  quarintententione  (sic)  fusse 
la  loro  et  se  venivano  in  quel  modo  che  '1  caucellier'  havea  pro- 


'  G.  403:  uno. 

'  Comouaille  (Quimper). 

^  V.  P.  124  :  coniparere,  ce  qui  donne  un  sens  différent  :  <  avant  de 
délibérer  s'ils  [les  ministres!  avaient  à  comparaître  »  au  lieu  de  «  avant 
(le  délibérer  s'ils  [les  prélats]  avaient  à  octroyer  [cette  faveur]  ». 


110  UOM1-;  Kl    l'oi.s.sv 

|)onto,   C'i('i   ('•   cijine   (isliil"li   ;'i  pailri  et  volessero  rii'onosccre  i  vesnivi 

|)iT  giiidici  :  altiiiiienti   cciiscliat   non  esse  adniittcndos. 


AUi  xxvi  funiiiii  ])roi)iisti  duc  altri  arti<'uli,  ciù  i'  JM  ipfonna- 
i.  134  fione  monasteriorum  et  Quid  \\  sentiendiim  de  comniendis,  8opra  i 
qiiali  comiuc'iorno  al  solito  a  diHcorrere  i  tlieologi.  Et  Saligiiac  clie 
fil  il  iiiiiiio  disse  clie  la  institution  nionastica  era  eomiuciata  per 
liaura  et  per  nécessita,  cii'i  è  per  fuggire  la  j)erseeutione  de"  firanni 
et  il  t'urore  de'  gli  heretici  ;  et  la  divise  in  tre  sorti,  cioé  in 
anchoreti  (sicj  clie  erano  quelli  clie  si  ritiravano  nelle  solitiidini, 
et  in  questo  proposito,  parlando  di  S.*"  Antonio  elle  alla  morte  di 
Paulo  Hereniita  prese  la  sua  veste,  disse  che  questo  s'era  conver- 
tito  poi  in  superstitione.  Li  altri  [cliiamôj  crenobiti  etrecitodifu- 
samente  quelle  che  ne  scrive  San  Gieronirao,  et  disse  che  tanto 
questi  come  i  primi  erano  seculari  in  quel  primi  tempi.  Fecene 
poi  una  terza  speeie  et  gli  nomino  Removath  '  in  lingua  egiptia, 
et  questi  disse  che  erano  peggiori  di  tutti  et  elie  hanno  con  l'ipo- 
crisia  corrotto  la  santità  délia  vita,  et  gli  dipinse  in  questo  modo 
che  porta vano  le  maniche  larghe,  le  calze  alla  marinaresca,  et  che 
era  lor  peculiare  il  sospirare  sjiesso,  Tandare  a  visitare  le  vergini 
et  dir  maie  de'  preti.  Biasmo  la  varietà  dell'habito  et  del  nome, 
et  la  vita  otiosa  che  tenevano,  et  reprovô  molto  l'ordine  mendi- 
cante  come  [cosa]  che  répugna  alla  carità  ehristiana  la  quale  non 
permette  che  nessun  vada  mendicando  ma  elie  si  gli  provedesse  da 
chi  haveva  il  modo,  et  che  loro  aneora  dovessero  guadagnarsi  da 
vivere  con  qualche  essercitio  manuale,  addueendo  tra  l'altre  un'au- 
torità  di  Justino  ''  martire  il  quale,  sopra  quel  passo  «  mmue  /'abri 
films  est  hicY^,  dice  che  Cristo  faceva  de'  carri,  de  gli  aratri  et 
altre  opère  de   legiiame.   Detesto  molto  gli   abusi   et  gli   errori   elie 


I   V.  P.  124:  Removot;   V.  l'.  13>>  :  Reiiovot. 
s  F.  P.  iU:  Agostino. 


JOUKNAL    DE   L  ASSEMBLEE  111 

er.-uio  tra  moiiacj,  li  qnali  colloeavano  la  pietà  christiauM  in  lebiis 
adiaplioris,  conie  saria  a  dire  un  gran  numéro  di  salmj,  il  volere 
plie  protittasse  aU'anima  il  farsi  seppcllire  o  nelle  vesti  di  Saiv 
Fraucesco  o  di  San  Domenico.  Et  sopra  tutto  gli  pareva  impietà 
elle  dicessero  elie  la  professione  era  il  seconde  battesrao.  Et  qui 
tassi'i  molto  un  libro  che  si  cliiama  Laracrum  conscient.iœ.  Et 
quanto  alla  riforma,  è  stato  di  parère  flie  i  monaci  tutti  indiffe- 
rentemente  debbano  essere  sottoposti  al  vescovo;  che  i  nionasterii 
v"  siano  scuole  et  nessuno  vi  habbi  grado,  se  non  |  coloro  che  inse 
gnauo:  clie  le  raonache  imparino  lettere,  et,  ne  gli  uffitij,  doppo 
che  havevauo  cantato  in  latino,  dichino  anche  qualche  cosa  in  vol- 
gare  i)er  coloro  che  non  intendono.  Et,  in  somma,  si  ritorni  ogui 
cosa  alla  pristina  purità  et  splendore.  Circa  le  coramende,  ha  detto 
solamente  che,  pure  '1  commendatario  facci  il  débite  suo,  non  i'ap- 
prova  manco  che  uno  che  sia  monaco.  Buttigliere  è  stato  délia 
medesima  opinione  di  Salignae  circa  Torigine  de'  monasteri,  et  non 
più  di  lui  ha  approvato  la  varietà  '  de  gli  ordini,  et  h.i  detto 
che.  essendo  il  nome  di  ehristiano  aniplissimo  et  eccellenti^simo  ', 
hanuo  voluto  esser  chiamati  religiosi,  et  che  sono  andati  spar-cndo 
(1  "lia ver  nieriti  d'avanzo,  i  quali  chiamano  opéra  supererofiatJonis, 
et  gli  applicano  a  benefitio  di  questo  et  di  quelle,  et  asseri-;con(> 
ihe  lero  solamente  sono  nella  vita  di  perfettione.  Et  ha  biasiniato- 
parimente  il  numéro  inlinito  che  ve  n'è,  allegando  che,.  a  tempo 
di  papa  Pio  secondo,  il  générale  di  Cordeglieri  offerse  per  la  cru- 
ciata  20000  frati  da  portar'armi,  senza  che  ne  venisse  a  jiatir 
piinto  nelle  chiesc  il  cnlto  divine.  Et,  quanto  al  sue  voto.  si  puo 
comprendere  che  più  teste  saria  d'opiniene  che  s'havessero  da 
snpprimere  del  tutto  che  riformare,  se  bene  ha  detto  che  la  vita 
hereniitica  è  parsa  a   qualch'uno  odiosa.   tuttavia  si   è  fatta  laiida- 


'    G.  403:  veiità. 

-'  Omis  par   V.  P.  Ti4. 


112  KOMK    KT    l'OI.S-sV 

Itilc  |i(>i-  1  iiistitutioni  ili  S.''  l'adi'i.  Laiiiio  anche  i  inoiiasteri  ni 
«lessei'u  più  tustn  in  cciniinciKla  clic  in  titulo,  )icr  il  '  clie  f^li  ab- 
bâti  non  attendono  ad  altm  chr  alla  crapiila,  intanto  clic  si  dice 
per  proverbio  essere  un  miracolo  (HiaMd<j  «i  trova  un  nmnacd  clic 
non  crépi  per  aver  troppo  nian);iatii  o  tmjipo  bcvutn.  A  ([ueste 
duc  opinioni  c  M:dn  conti-adcttii  ([uasi  da  tutti  jrli  altri  tlicologi, 
et  clii  lia  risposto  à  uiia  parte,  et  clii  à  un'altra,  essendo.si  pr<i- 
vata  l'iii8titutionc  de'  inonasteri  anticliissima,  et  non  solamente  ]ier 
nécessita,  ma  anche  jicr  devotioiie,  et  antichissimo  aiicora  il  iionie 
di  religioso.  Si  è  ancd  detîu  che  il  bene  et  l'orationi  clie  si  faniio 
per  i  fondatori  et  licncfattoi-i  délie  cliiese,  non  solamente  gio- 
f.  135  vaiio,  Il  ma  che  non  ne  dovevauo  esser  defraudati  in"  alciin  modo; 
et  vi  è  statu  clii  l'iia  provato  et  col  testimonio  di  Calvino  il  quai 
dice  in  un  hmco  clic  non  consiglieria  mai  nessunu  délia  sua  setta 
à  tener  beuefitij  perche  ^ono  obligati  a  tare  per  i  fondotorj  (sic; 
quella  sorte  di  prece  et  oratione  clie  esso  non  approva  ;  aggiuu- 
gendû  "  costui  che  allego  il  luego  che  pero  si  maravigliava  che 
alciini  che  tenevano  Topinione  del  dctto  Calvino  non  liavessero 
sornpolo  di  conscienza  di  teiiere  de"  luioni  vescovadi  et  abbadie. 
Furono  anche  difesi  gli  ordiiij  de"  meiulicanti,  et  oltra  il  testimo- 
nio de'  dottori,  l'essempio  del  poveio  Lazzaro  et  altri,  fu  detto 
che  le  riccliezze  che  havevaiid  niolti  monasteri  iKui  eraiio  altro  clie 
elemosine,  et  che  si  corne  era  stato  licito  a  coloro  di  jiigliar  Tassai, 
cosi  non  era  disconveniente  a  quest'altri  di  prendere  il  poco.  Et 
quanto  al  numéro  grande,  [fu  detto]  che  nel  Testamento  Veccliio 
si  trova  che  tra  i  (!iudei,  che  non  havevano  100  leglie  di  paese, 
vivevano  ^  in  un  iiiedesimo  tempo  più  di  200O0  leviti  i  quali 
non  si  occupavano  ne  aiico  loro  in  essercitij  manuali,  et  che  taiito 
maggiormente  dovevano   questi    religiosi    esser    nutriti    in    Francia 

'   V.  r.  l:J4  :  a  causa. 

-   V.  P.  I:i4  :   soggiuiigeiido. 

3  G.  4(13:  venivaiio. 


.lOlîKXAL   DE    1,'ASSKMI!I-ÉE  113 

elle  î'  1111  regiio  cosi  gi'amle  et  cnsi  alioïKl.-intc,  et  clie  se  disonliiie 
vi  er.i  circ.i  gli  offiiij,  nnitiuiii,  lialiiti,  et  altre  ceriiiuuiie,  che 
questo  iiasceva  per  colpa  di  quelli  che  rusavano  ad  1  bitum  et 
non  de'  priini  institutori.  Qiiello  dove  si  vede  iuclinare  buona  ' 
parte  de'  tlieologi,  circa  la  rifnrnia  de'  detti  monasteri,  si  è  che 
per  ravveuire  s'usi  maggior  circouspettione  et  diligentia  iiel  rice- 
vcre  de"  monaci,  et  specialmente  "  che  siano  tali  che  ne  posai 
ritornar  qualclie  utile  spirituale  ad  honor  di  Dio  et  benefitio  de' 
popoli  :  et  che  è  bene  che  entrino  giovanettj,  ma  non  faccino  la 
professioue  se  non  grandi  et  ne  gli  anni  che  conoscliino  vera- 
mente  cio  che  essi  fanno  ^  ;  et  questo  s'intende  tanto  per  gli  huo- 
mini  corne  *  per  le  donne.  Et  perche  pare  in  un  certo  modo  che 
v°  l'havere  a  i)agar  danari  per  entrare  in  una  J  religione  sia  spetie 
di  simoiiia.  ciie  tanto  i  monaci  corne- le  raonache  o  non  liabbino  :\ 
pagar  uiilla,  ù  veramente  questo  sia  moderato,  massime  dove  sono 
i  conventi  ricchi.  Che  gli  abbati  faccino  residentia,  et  siano  sacer- 
doti,  et  servino  all'altare  :  altriniente  non  possino  godere  de'  pri- 
vilegij.  Et  che  i  religiosi  d'ogui  sorte  non  habbino  licentia  di 
potere  "  uscii-e  de'  lor  claustri,  come  si  fa  spesso,  rediicendosi  à 
una  vita  secolare  et  scandalosa.  Quanto  aile  essemptiouj  de'  mo- 
nasteri dalla  iuriditione  de"  vescovi,  molti  gli  coucludono  contra, 
fondati  su  l'autorità  de'  concilij  generali  a'  quali  disse  Salignac 
che  i  pontefici  non  potevano  derogare.  Ma  k  questo  fu  risposto  che 
in  materia  fidei  i  concilij  obligano  ciascuno,  ma,  iu  quelle  cose 
che  soDO  iuris  positivi  ^  et  secunduni  politiam,  il  papa  puô  dispensare 
ex  diversitate  temporum  et  personarura.  Uno  di  questi  theologi  ha 
dato  nu  voto  inolto  différente  da  gli   altri,   dicendo  che  è  come  im- 

'  V.  P.  124:  niolta. 

-  Ihid.:  precipuaniente. 

'  Ihid.:  cio  che  si   faccino. 

*  Ihid.:  q^ianto. 

^  Ihid.  :  non  liabbino  da  nscire. 

"  Ihid.:  petitivi. 


114  HOMK    KT    l'dlSSV 

poasil)ilc  elle  siipiM  (|iiestii  cosa  de"  nioii:isti.'ri  si  possa  far  rifoniia 
alcniKi  in  (|iiell;i  Im'  a-isenihlra,  et  iiiostra  clip  la  diffieiiltà  proeedi; 
da  fi  eau*-:  la  prima  !■  per  rispetto  di  i-oIoi-d  elle  Ikiiiiim  faeulià 
di  diire  le  aliliadic.  iiel  elie.  per  il  pii'i.  nim  si  guarda  à  qualità 
di  liei-soiie  :  la  2',  per  rispetl'i  di  (|Melli  elie  t,'ià  tPll'^Olio  l'abliadic. 
i  (|iiali  antepniii;(inii  il  giiadagiio  alla  pietà  et  al  doMto  l'iio.  et 
sono  iii  j;raii  parte  |)ei'.>onp  elip  diffieilmeiitf  si  wittoporraTiiio  alla 
riforiiia  ;  la  ÎS".  pei'  la  niolti|)lioità  et  \ariptà  de'  monasteri  del- 
l'iino  et  dell'alti'o  sesso,  iiel  (|iial  easo  hisogneria  rliiamare  tutti 
quelli  cdip  v'Iianno  intéresse  à  dire  la  ra.uiou  loro  :  la  4°,  jier  le 
diffei-eiitie  délie  eoiisiietildini  et  délie  ref^olo  :  la  5".  per  gli  abusi 
i  (|iiali  liorniiiai  eiMiio  ereseiiiti  in  ti'opjio  Lrran  eoj)ia  :  la  fi°,  per 
la  VMrii'tà  délie  opiiiioni  elle  si  dieevaiio  tr.i  loro  sopra  '  le  ]il'iine 
institution!  de"  detti  monasteri  et  sopra  -  la  riforma  cite  si  pri'- 
tendeva  di  fare.  Sono  stnte  da  molti  iniiiroliate  ^  le  rommende.  et 
si  è  detto  ehe  essendo  depositi  tein]Mirarij  si  erano  ))oi  jier  almso 
fatte  perpétue;  et  de  ^^li  aeeoiioinati  (piasi  eiaseuiio  ne  sente  maie, 
f.  136  Et  si  è  eonsumniato  ||  in  asecdt.ue  i[uesti  tlieologi  fin  tutto  il 
di  XXIX,  et  niassinie  <-lie  il  j;:ornn  didli  xwij  si  vaen  pei'  ri^petto 
délia  posa  de  .^li  Sîtati.  Xel  (|iial  di.  fii  seiilita  un'oratione  di  rinello 
del  terzo  Stato,  non  sol.imeiite  <e.ind.ilosa.  ma  seeleraln  et  einpia. 
liavendo  persuaso  elie  si  dovesse  abolire  del  tutto  l'ordine  eeide- 
siastieo,  et  de,tto  in  qnesto  ])roposito  elie,  si  eome  Dio  liavev.a 
riserv.ito  ad  (»sia.  elie  eomineio  à  l'e.niiare  di  viij  anni.  elie  al  suo 
tempo  si  retrov.-isse  l.-i  le,;,'-j;-e  elie  era  persa.  et  jier  idolatri  feee 
ammazzar'  |>oi  tutti  i  preti  elie  er;iiio  a  ipiel  teinjio.  et  fii  ripu^ 
tato  il  mi.ulior  re  elie  liavessero  liavuto  iirima  o  li.-ivessero  do])po 
lui   j;li    llelirei,   eosi    liaveva   risevvato    a    qiiesto    giovinetto    re    elie 


'    T'.  r.  1^4  :  tanto   sopra. 
2  Ihid.:  quanto  délia  riforma. 
^  Jliid.  :  appioliate. 


.lOlRNAL    DK    1.  ASSEMBLEE  llO 

era  il  vero  Osia,  che  ;i  tempo  suo  si  st-oprisse  la  purità  '  del- 
TEvaugelio  et  la  veritiY  délia  parola  di  Dio  che  era  stata  iiascosta 
daU'arvciiiniento  di  Cliristo  in  qiia  ;  persuadendogli  quasi  aperta- 
meute  ad  imitarlo  et  nietter  maiio  nel  saugue  de'  preti  come  caus;i 
deiridolatrie  che  si  commettono  hoggi  ;  et  disse  che  nessuuo  si 
doveva  maravigliare  di  qtiello  clie  lui  haveva  detto  che  la  parola 
di  Dio  fusse  stata  cosi  luugainente  celata,  perclie  auche  nel  testa- 
mento  vecciiio  fu  proniessa  ad  Adam  et  ratificata  ad  Abrani,  ne 
peiVi  gli  tïi  data  tino  al  tempo  di  Moisè,  che  ci  corsero  più  di 
2000  anni.  Onde  i  prelati,  il  di  seguente,  risolsero  tra  loro  che 
tutti  i  cardinali,  insieme  cou  molti  '  vescovi  dovessero  andare  à 
domaadar  giustitia  alla  regiua  contra  di  costui  il  quale,  senza 
havernc  commissione  alcuna,  haveva  havuto  ardire  di  lasciarsi 
uscire  di  bocca  Ijiasteme  cosi  horreude  et  scélérate.  11  che  non  fn 
eseguito  subito  perche  la  corte  doveva  partire  per  iij  o  iiij  giorui 
da  S.*"  Germano. 

AUi  XXX,  non  si  è  parlato  se  non  délia  sovventione,  et,  havendo  lo 
stato  ecclesiastico  di  disempegnare  il  domiuio  del  re  tolto  assunto  ', 
lianuo  deputato  alcunj  prelati  à  vedere  quanto  importa  questo 
debito,  et  pensare  iu  che  modo  et  in  quanto  tempo  potrauuo  satisfare. 

Alli   xxxj   che  fu  donienica  si  riposarouo  et  cosi  il  di  seguente  \ 

A"  ij  di  settembre  tutti  i  cardinali  et  vescovi  congregati  a 
Poissy  furono  à  San  Germano  a   rimostrare  al  re  gli  insulti  et  gli 


'   1'.  P  1J4  :  verità. 

'  Ihid.:  molti  altri. 

^  llikJ.  :  liavendo  lo  stato  ecclesiastico  tolto  assunto  di  disimpesnaïc 
il  douiinio  del  Re. 

*  Ibid.:  si  posonio  essendo  domenica  et  cosi  paiimente  il  di  se- 
guente. 


116  itd.ME  i;t  I'oissy 

aggravi  chu  sono  loi-  fatti  in  moite  l)ande  del  8no  re;rno,  pt  a 
dolersi  che  l'editto  non  fusse  osservato;  ma  non  mono  a  f;iro  in 
stanza  per  il  castigo  di  quello  dip  fcce  l'orationc  ]i<t  il  tcrzo 
stato  ',  essendo  clie,  se  bene  roiidonavano  '  volentieri  l'ingiuria 
rlie  ora  stata  fatta  a  tutti  in  générale,  non  potevano  [)fiVi  non 
(lesiderare  et  prnriirare  Tenienda  ili  (|uclla  elie  era  stata  f^itta  a 
Dio,  alla  Chiesa  sua  et  al  rc.  Il  (|iiaie,  linjio  liaver  risposto  garlia- 
tamente  ch'egli  si  voleva  eonsei-vaie  cou  gli  efTetti  il  nome  di 
ehristianissimo  diede  eommessione  al  eaneelliere  di  supplii'e  al  resto 
per  lui.  Ma  il  detto  fingendo  di  non  liaver'  udito  olie  qiiollo  del 
terzo  ordine  ^  si  fusse  dishonestato  tauto  nella  sua  orationc  et  non 
diseendendo  ad  aleuii  rimedio  di  quelli  che  haveria  desiderato 
quella  eompagnia,  fù  più  tosto  eagione  di  aeerescere  in  loro  il 
dispiacere  elie  di  sminuirlo.  Pure  la  i-egina  et  il  re  di  Navara 
diedero  buona  intentionc  et  di  voler  dar'  ordine  clie  l'editto  si 
osservasse  per  tutto  et  di  voler  far  eastigare  quello  del  terzo  stato. 
Et  a  canto  a  cauto  gli  ricercarono  à  volersi  eonteut.ire  ilic  'I  re 
potesse  alienare  per  500000  franelii  d'entrata  délie  Inr  nndite. 
la  ([ual  cosa  fu  ricusata  corne  non  Iccita,  ma  dato  pero  intentione 
che  in  qualche  modo  si  sariiino  sforzati  per  la  parte  loro  di  sati- 
sfare  aile  nécessita  di  S.  M/'\  conforme  a  qnello  di  cbe  poco  prima 
liavevano  dato   intentione. 

Alli  iiij  poi,  comiucioriio  i  catliolici  (sic)  et  i  vescovi  a  votare 
sopi-a  i  due  articuli  de  refnrmaiinne  monasterionnn  et  de  commen- 
dis,  et  continuorno  niattina  et  sera  fîno  alli  viij,  nel  quai  di,  ha- 
vendo  finito  ogniuno  di  dare  la  sua  o|)inioue,  fu  risoluto  che  si 
terminasse  il  coUoquio  et  [sij  desse  il  earico  al  S."""  car.'*  di  Lo- 
f.  lo7    rena  di  riveder  |j  eon  diligentia  i  voti  di    ciascnno    et    formare    i 

'   r.  P.  124:  ordine. 
'  G.  403:  condanavano. 
3   V.  P.  124:  stato. 


JOURNAL    DE    L  ASSEMBLEE  1 1  i 

eanoni  per  mandarj^li  poi  alla  censura  di  N.  S.  et  dcl  concilio. 
In  tutti  questi  voti,  non  si  è  intesa  cosa  che  liabbia  oITeso,  se  non 
quello  l'he  lianno  detto  prima  il  vescovo  di  Usez,  dipoi  il  car.'" 
Ciattislioae,  et  ultimo  loco  Valenza,  intorno  all'opere  '  de  supe- 
rerogatidue,  diceudo  Usez  che  ara  una  arrogantia  ;ï  dire  che  '1 
christiano  ne  poteva  havere  per  rivendere,  allegando  quel  passo 
deU'Evaugelio  dove  Cristo  disse  a  quel  giovane  che  haveva  fatto 
tutto  quello  che  deveva  :  «  Vade  et  tende  rem  ",  et  abiit  tristis  »  ; 
et  Ciattiglione,  che  era  inettia  k  dire  che  le  nostre  opère  appli- 
cliino  il  merito  délia  passioue  di  Gie.su  Christo  ad  altri,  allegando 
S.'"  Ag"Stino  quando  dice  che  non  ci  è  mai  stato  apostolo  che  non 
habbi  havuto  bisoguo  di  dire  :  «  Dimitte  nohis  débita  nostra  »  ;  et 
Valenza,  che  il  vocabulo  de  supererogatione  era  stato  trovato  stra- 
nio,  allegando  San  Paulo  ad  Galatas  et  ad  Ephesios;  et  che  la 
parabola  quicquid  supeieroyaieiis  ex  [seusuj  allegorico  non  elice- 
batur  ^  argumentum  ;  et  che  se  questo  fusse  stato  detto  al  pecca- 
tore  haveria  maggiore  apparenza.  Aile  quali  opposition!  fu  risposto 
dal  vescovo  di  S.'"  Brius  ■*,  che  '1  negare  che  i  nostri  meriti  et 
oratioui  non  possino  servire  per  aiutare  l'un'  l'altro  era  un  negare 
che  noi  siamo  merabri  di  Christo,  allegando  i  Cor.  ^°,  et  l'oratione 
dominicale  che  dice  «  dimitte  nohis  »  et  non  «  dimitte  mihi  »  ;  et 
concludendo  '  che  questa  era  una  délie  propositioui  di  Calviuo  per 
impugnare  il  raerito  delFopere,  et  che  tanto  niaucava  che  lui  lusse 
di  questa  opinione,  che  non  si  voleva  guardare  di  dire  che  l'opère 
erano  state  cosi  grate  a  Dio  che  sopra  di  quelle  ei'ano  fondate  le 
promesse  fatte  à  i  nostri  antichi  padri  Abram  etc.  ;  dicliiarando 
l'ethimologia  del  verbo    supererogare    che    non    era    far    pin    che 


'  V.  P.  r^4:  al  \'0t0. 

2  Ibid.:  etc. 

3  G.  403:  dicebatiir. 
*  Saint-Brieuc. 

5  G.  403:  conebido. 


118  ROMK  KT  roissv 

l'iluomo  non  doveva,  corne  cr.-i  stiito  presiiposto.  ma  clic  nogare 
sin^nificava  donarr,  et  snpprrn/f/dre  tlonare  largamente.  Diede 
v°  anclie  [  un  jioco  di  scandain  (|iicllo  che  disse  detto  car.'"  Ciatti- 
f,'lione  dell'ordine  de'  meiidicanti  cioè  clie  la  loro  era  iina  terrihil 
jii-ofessione  '  per  esscrne  stata  privata  la  Cliieaa  di  Din  per  lo 
spatio  (Il  1200  aiini  in  sino  à  tanto  che  sia  stata  portata  dentro 
uiia  bisaecia  ;  et  clie,  intanto  che  siano  hiiomini  da  hene  et  ubi- 
dienti  k  lor  vescovi,  siano  accarezzati,  piirche  non  si  ciioprino 
di'll'omlira  di  certe  Olcmcntinc.  l'arinieiitc,  lu  trovato  stranici  «luello 
elle  il  veacnvo  di  Valenza  si  fcce  cadere  in  proposito,  parlando  ' 
de"  frati  in  forma  di  dcrisione:  eio  è  che  San  Thomiiso  diclii  che 
tanta  ^ratia  si  riceva  nella  professione  quanta  nel  hattesmo  et  che 
iin'altra  ("sic),  che  lui  non  voleva  noniinare,  diche  (sic)  che  si  ri- 
mette  la  pcna  et  la  colpa. 

Ci  fu  anche  chi  disse  che  le  comraende  non  poterant  sulistineri 
de  iure  et  che  '1  papa  non  poteva  tare  che  i  monaci  havessero 
nulla  di   proprio. 

Alli  IX,  il  n-  colla  i-e;;ina  et  fratello,  cou  il  re  et  repina  di 
Navarra  et  tutto  il  suo  consig-lio,  fu  a  Poissy,  dove,  essendosi 
posti  nel  luogho  deputato  à  sedere.  stettero  per  un  poco  aspettando 
che  fussero  introdutti  i  ministri  della  uuova  rcligionc  ;  i  quali, 
essendo  finalniente  comparsi,  si  posero  in  ginocchioni  et  diedero 
spatio  h  un  gentiThuorno  normande  di  adimandare  audienza  per 
loi'o  :  il  quale  liavendola  impctrata,  Tlicodoro  incomincin  a  parlare. 
et  l'oratione  che  ha  dato  in  stampa,  ancora  che  sia  stata  ampliata 
(riiM   nioiulo,   seguita   in   qucsto   modo: 

Suit  (tf.  137  v"  à  147  v")  le  discours  de  Bèze.  traduit  en  italien.  Le  texte, 
dirtVrcnt  de  ocliii  ilc  La  Place  (|u"a  reproduit  VHisioire  ecclesiasti(jiie,  n'est 


'   V.  F.  lai:  perfettione. 
'  Ibid.:  parando. 


JOURNAL    DE    l'aSSEMULÉE  119 

\y.\s  non  pins  entii-ieinent  conforme  à  la  première  édition  imprimée  parue 
pou  i\v  Jours  après  la  séance  du  9  sept.  Il  concorde,  sans  doute,  avec 
celui  que  Bèze  remit  ce  jour-là  et  (|ui  fut  confié  au  cardinal  de  Tournon 
qui  l'aura  communiqué  à  l'auteur  du  âiario.  Les  différences  ne  sont  pas 
d'ailleurs  telles  qu'on  puisse,  avec  ce  dernier,  qualifier  d'«  ampliata  d'un 
nioudo  »  la  version  originale  imprimée.  Elles  consistent  1°  (f°  139  v°) 
dans  un  appel  au  roi  Je  Navarre:  «  Et  quello  clie  v'appartiene,  Ke  di 
Navarra,  Sire,  et  a  voi  SS."  111.''  principi  del  sangue  »  i  Vur.  pol.  12i, 
place  Sire  avant  Hé  di  Xavarraj  alors  que  le  texte  français  porte  sim- 
plement :  «  C'est  la  droicture  de  vous,  Sire,  et  des  illustres  princes  du 
sang  >  (Hist.  ecclh.,  I,  p.  564)  appel  réitéré  f°  HT  «  da  voi,  Re  di  Na- 
varra, Sire,  et  dagli  altri  eccellentissimi  piincipi  del  sangue  »  au  lieu  de 

•  de  vous,  Sire,  et  îles  très  excellents...  >  (Hist.  eccle's.,  I,  p.  577);  2°  une 
apostrophe  directe  aux  cvêques:  «  che  voi  Prelati  monsignori  »  tandis 
(|u'il  y  a:  "  vous  Messieurs»  dans  YBist.  eccli's.  (I,  p.  564):  3"  (pielques 
mots  omis:  f"  137  V  dall'assistentia  del  nostro  Iddio  >  au  lieu  de  •<  de 
l'assistance  et  faveur  de  nostre  Dieu  •  {Hist.  ecclés.,  I,  p.  560)  ;  f  140  v°, 

•  proprii  ta  di  quelle  »  au  lieu  de  <■  propriétés  substantielles  d'icelles  » 
(Hist.  ecclÂs.,!.,  p.  566):  f°  141  v°  •  d'oiîerire  par  la  remissione  »  au  lieu 
de  «  l'offrir  derechef  pour  la  rémission  »  (Hist.  eccle's.,  I,  p.  568)  ;  f  °  145  v" 
«  quanto  agli  aitri  sacramenti  »  au  lieu  de  «  quant  aux  autres  cinq  sa- 
crements o  (Hisl.  ecclés.,  I,  p.  575)  —  ou  ajoutés:  f"  141  «  quello  ch'è  stato 
fatto  di  nuovo,  secondo  che  noi  possiam  conoscere,  non  è  stato  sempre 
fatto  »  au  lieu  de  «  ce  qui  a  esté  hasti  n'a  tousiours  esté  basti...  »  (Hist. 
ecclés.,  I.  p.  567)  ;  et  quelques  conjonctions  (et)  on  membres  de  phrase 
{egli  -diee)  sans  importance;  —  ou  modifiés:  f°  142  ♦  S.  Giovanni  nella  sua 
prima  catholicâ»  au  lieu  de  «  en  sa  première  canonique  »  (Hist.  ecclés.,  I, 
p.  568);  f°  142  v°  «  ci  è  fatto  buono  »  au  lieu  de  «  nous  est  alloué  •  (Hist. 
ecclés.,  I,  p.  569);  f°  145  v°  «alla  nostra  cogitatione  «  au  lieu  de  «à  la 
conjonction  de  nous  »  (Hist.  ecclés.,  I,  p.  574)  ;  ibid.  <■  io  non  tocco  punto . . . 
io  credo  »  au  lieu  de  «  nous  ne  touchons  point . . .  nous  croyons  »  (Hist. 
eeclés..  I,  p.  575);  ibid.  «nella  vera  cognitione  >  au  lieu  de  «en  vraye 
recognoissance  »  (Hist.  ecclés.,  1,  p.  575);  f°  147  «  ci  conduce,  nous  con- 
duit «  au  lieu  de  «  nous  a  conduis  •  (Hist.  ecclés.,!,  p.  577);  ô".  143  V, 
144  v"  «  l'araor  di  Dio  »  au  lieu  de  •  l'honneur  de  Dieu  >  (Hist.  ecclés., 
l,  pp.  571,  573). 


120  KIIMK    KT    l'OIS.SY 

QlUllliIo    il    (Icttn    'l'iicddni-o    ilcttr    (|llcll;i  (■•iIllli.-llvltioMi-    di'lla  (lis- 

tantia  (loi  corpo  del  S/"  neirimstia  alla  distantia  '  dt-l  cielo  nel 
centro  délia  terra,  si  scorse  in  ofçni  iiiin  •^eiieralmcnto  un  risen- 
timeiito  et  un  pallori'  cstraordiii.irin.  dico  etiani  di  i|iiilli  dcila 
niiova  rclii;i(iiic  '•.  in  tantn  clic  rm-atorc  si  •i^^niincnto  et  si  fcrmo 
taiitii  l'Iic  il  S.'"'  car.'''  di  Tiirniinc  licldic  siiatin  di  diri'  ((Mcstc  jjarolc: 
«  Ali,  Madama,  eonie  potete  voi  comportare  clie  in  presenza  vostra 
si  dieano  questc  l)iantenie  !  Alnieno,  dateei  licenza  elie  nui  possianio 
partirc  di  ([ua  ».  Al  clio  S.  M.'"  non  fccc  altra  risposta  clie  eo '1 
far  senihiautc  di  volerai  rizzare  et  dar  segno  d'iiaverne  presa  ;^rande 
alteratione.  Il  qnale  affetto  '  dieono  clie  si  seoper.se  ■*  anelie  nel  rè 
di  Navarra.  Kt  se  il  dettu  car.'''  di  Tiinidne  fusse  stato  se^niitato 
da  dua  (sic)  o  trc  altri.  i'»  ojiinion  di  iiiolti  che  .si  sariii  interrotto 
questo  eongresso.  T'omc  il  detto  Tlicodoro  lidibc  poste  fine  alla 
,sua  arenga,  il  detto  cardinale,  rizzatosi  in  piedi,  et  indrizzato  nic- 
desimamcnto  il  slio  jiai'lare  al  re,  adimandô  ehe  Tlieodoro  des.se  in 
scrittura  ((uel  clic  liaveva  detto,  perche  oonlidavano  lor  vescovi.  eon 
l'ainto  di.  l)io  et  délia  gloriosa  Vergine  et  di  tutti  i  santi,  di  ri- 
spondere  come  si  eonveniva  al  çrado  et  uffitio  loro.  Et  per  questo 
effetto  adiinundo   un.i   audicnza,  et  gli   fi'i   accordata  per  il  di  xvi. 

La  niattina  scgiu'ntc  clie  fii  alli  x,  si  feee  congregatione  gé- 
nérale per  consultare  sopra  la  risposta  che  si  dovesse  fare  alla 
propositione  di  Théodore  Besa.  Et  poi  che  fu  dispntato  da  alcuni 
molto  à  lungo  se  si  havesse  a  rispondcre  particolarmeiite  à  tutti 
i  punti  tocchi  da  detto  Besa,  ô  vcro  à  (|iiattro  capi  soli  che  erano 
stati  i  principali,  essendo  la  ])rima  ii])ininne  seguitata  da  molti 
de'theologi,   i   (|ii;ili    )ici-  lo   più   scrviv.-ino    airostentationc  dclla   lor 

'  V.  P.  1^4:  distantia  delln  siiiiiiiiità  del  cielo. 

■  Ihid:  set  ta. 

3  Ihid.:  effetto. 

*  Ihid.  :  si  scorse. 


.loVRXAL    DE    l'assemblée  121 

dottriiui,   il   vescovo  di   Samlir '.  quando  venue  a    dare  il   voto  i5U0 
f.  14S   concluse  con  diverse  ragioni    et    autoritA  che,  poi   che  i]  il  Besa  in 
mme  de.  i  ministri  di  Ginevra  haveva  diretto  il  suo  parlare  al  rè, 
alla   regiiia  et  principi  del  sangne,  ncm  si  doveva   in  modo  alcuno 
condursi  a  parlare    in    forma  di    risposta,  perche    il  farlo  non  sa- 
rebbe  altro  che  un  voler"  entrare  in  lite  con  gli  heretici,  facendo 
l'offitio  di  parte  et  mostrando  di  consentire  nel  giuditio    di  quelli 
à  i  quali  si   parlava.  Et  che  perô  l'opinion  sua  cra  che  si  facesse, 
non  risposta.   ma   una  -  remostranza  per  la  qnale  havesse  da  esser 
conosciuto  corne  il  trattare  di  tal  materia  apparteneva  solo  al  con- 
cilio  universale,  et  che  altri  non  ne  potevano  ne  dovevano  esserne 
auditori   non  clic  giudici.   Et  il  vescovo  di   Valenza  al  quale  tocco 
a   parlare  dipoi.   laudando  et  approvando  in  ogni   parte  il  voto  di 
detto  vescovo,  disse  che  a  lui  non   restava    da    dire  altra  cosa  se 
non  questa  clio.   non  solo  non  credeva  che  il  re,  la  regina,   i  prin- 
cipi del  sangue,   liavessero  pensato  mai  a  farsi   giudici    nelle  cose 
délia   rdigione,  ma   che  sapeva  ben  lui  esser  vero  il  contrario.  Onde, 
essendo    stato  '    seguitato   il  voto   di    detto    vescovo  per    i   più,  fù 
concluso  che    monsig/''   ill."""  di    Lorena    fusse    quello  che  facesse 
detta   rimostratione  et   si    estendesse  solo  suU'autorità  délia  chiesa 
et  suUa  verità  del  vero  corpo  di  Christo  nel    sagramento   deireu- 
charestia,  C(.n  conditione  che  se  ne  havesse  à  formare  una  scrittura 
la    quale    restasse    in    man    sua    sottoscritta   da    tutti    délia  *    con- 
gregatione.   Il  che  gli   fu  accordato,  corne   cosa   che,   per  discarico 
suo,  fu   trovato  (sic)  ragionevole  da   ciascuno.   Et  cosi    tutti    i   car- 
dinali  corne  i   vescovi,  dico  etiam  quei   pochi   che  son  riputati   su- 
spetti.  si  sottoscrissero  airautorità    délia   Chiesa  et  alla  realità   et 
presentia  del   sautissimo  sacramento. 


'  Saint-Brieuc. 

■    T'.  P.  I:i4  :  una  certa  limostranza. 

^  Omis  pai-  V.  P.  134. 

*   F.  P.  ]:J4  :  da  tutta  la. 


122 


KdMK    KT    POISSV 


Dalli   X  sino  alli   xvij   si   attese  iV  trattar  délia  sovveiitione  clie 

Mi   liaveva  da  dare  al   ri;,  sen/.a   pero  clie  si   venissc  à  eoin-lusione 

alcnna,   esscnili»  clic   i    prcl.-it j   iimi   vulcvano  passai-  rull'cit.i  die  lia- 

v'   vevaiio  fatta  ili   riscuotere   il  domiiiio  del  |  rc  in  vj   aiiiii,  et  la  ii-- 

;,'iiia  desiderava  clie  in  qnesto  scambin  acconsentissero  ad  ima  alic- 

ni 
iiatioiii'   di  .         t'raiiclii   d'ciitrata.  lOt  suiira   ((iiesto  aiidarniiu  à  torinp 

nioltc  praticlic,  tanto  clic  supra^^iuiise  la  j,noriiata  dc'xvj  '  asscgnata 
a  monsig.''''  ilI."'"  di  Loruna,  il  quale,  oltre  alli  iniiiistri  soliti. 
hebbe  d'avantaggio,  per  auditore,  l'ietro  Martire,  veiiuto  due  giorni 
avanti  sotto  un  salvci  coiidoUo  del  rè,  et,  pcr  quaiitu  si  dice,  enn 
iina  provisionc  di  12  scndj  il  giorno.  Uora  S.  S."  ill.'"".  voltando 
il  suo  parlarc  al  rc  il  qiialc  liavcva  incnata  molto  niaggiore  com- 
pagnia  clie  non  liavea  fatto  il  giorno  dcUi  ix,  disse  cIjc  |o  i-ico- 
iioscevano  per  lor  vero  sovrano  et  natiiral  sigiioie,  et  cije  di  loro 
si  liaveva  da  proniettere  qiiella  niedesima  obedieiitia  clie  era  stata 
prestata  a  gli  altri  rc  da  i  loro  antecessori  :  ma  clie  la  S.  M.'-' 
liaveva  ben  da  sapere  clie  la  podestà  ehe  lianuo  i  rè  viene  da  Dio, 
et  die  pen'i  come  sono  suoi  ministri,  eosi  sono  andie  délia  Chiesji 
sua  et  non  capi  ;  la  ([ual  cosa  coiitirmo  cou  niulte  autorità,  et  in 
particolare  cou  iina  di  8aii  (iiovan  Grisost(niio  (sic;  die  parla  di 
Constantino  iniperatore.  Et  aggi[o]nse  questo  ehe  li  rè  non  solo  non 
erano  capi  délia  Cliiesa,  ma  die  erano  conimessi  alla  cura  de'pa- 
stori  come  l'altre  pécore.  Propose  dipoi  di  volere  tare  intendere  a 
S.  M.**  in  nome  di  dii  egli  parlava,  et  dopo  questo  esporre  quanto 
liaveva  da  loro  in  commessione.  Onde,  al  primo  disse  die  parlava 
])êr  tutti  gli  arcivescovi  et  vescovi  presenti  et  per  li  procuratori 
degli  absent!  délia  Francia,  et  die  liaveva  in  comraissione,  lassando 
ogni  altra  cosa,  da  trattare  solo  délia  Cliiesa  et  del  santissimo  sa- 
cramento  mostrando  ehe  le   interpretationi   délie  Scrittiire  apparte- 

'  G.  mi:  XVII. 


jorKXAi.  DE  lassemhi.be  i-io 

neva  (sic)  alla  Cliicsa  catholica  et  apostoliea,  et  chc  nelle  contro- 
vei-sie  délia  religione  gli  autichi  padri  haniio    havuto  di  mauo  in 
mano  riooi-so  aile  Cliiese  supeiiori,  et    che  sopra  tutt.',  et  univer- 
sale,  è  stata  teuiita  sempre  quella  della  qiiale  è  capo  hoggi  N.  S.''*' 
f.  1 4!i   che  è  a  Roma  ;  1|  et    elle    iioi  liabbianio    la    parola    di   Dio    in  due 
niodi  :   per  traditione  '   o  per    iscrittura,    dichiaraudo    che  la  detta 
parola  fu  innanzi   alla  Chiesa  et  la  Cliiesa  innanzi  alla  Scrittiira, 
et  provaudo  che  i  eoncilij  non  potevano  errare  neqiie  cirea  doctri- 
iiam.  neque  circa  mores;  et  in  questo  proposito  dichiaro  un  luogo 
di   S.*"  Agostino  allegato  da  Theodoro  che  si   contradichino  in  his 
(juae  recipiunt  rautationem  seeuudum  diversitatem  temporum   et  lo- 
oorum.  Quanto  poi  alla  materia  del  santissimo  sacramento,  si  fermù 
sopra  quelle  pai'ole  «  /loc  est  corpus  meiim.  etc.  »  raostraudo  che  non 
potevano  esser  più  ehiare.  et  che  quello  che  non  fn  dichiarato  dal 
primo  evaugelista  saria  stato  dichiarato  dal  secondo,  et  se  non  dal 
secondo  dal  terzo,  coiue    ^^  vede    in  molti    altri  Juoghi,  allegando 
quello  del  Ricco  ;  et  che  non  si  puo  intendere    che  in  queste   pa- 
role sia  parahola  o  sorte  alcnna    di    oscurità,    essendo  quella   una 
historia,   un  testainento  coufermato  colla    morte,   un   coraaudamento 
et  un  sacramento,  dannando  '   molto  la  curiosità  di   qnelli   che  vo- 
gliono  mettere  in  disputa  cose  cosi   alte,  che    avanzauo  la  lor  ca- 
pacità  et   i   quali  cominciano   i  lor  primi   quesiti   con  questa  prima 
dimanda:   «  come  puo  essere  questo?».   Et  clie   la  uostra  era  fede 
et  eoii  quella  bisognava  procedere,  che  liaveva  letto   iu   una  serit- 
tura  fatto  (sic)  ultimaraente  da  uno  della  Confessione  d'Augusta  et 
di  più  reputati  uella  Gerraania,  che  queste  parole  erano  chiarissime 
et  indubitatissime,  et  che  non  era  stata  cosa  lodevole  parlare  coutra  gli 
absent!,  volendo  (credo  io)  tassare  Theodoro  per  haver  parlato  nella 
sua  oratione  non  sô  che   contra    à    quelli  della    detta    Confessione 


'  G.  403:  traduttione. 
'   V.  P.  124:  dandando. 


124  KO.MK    KT    l'OlSSY 

d'Auguata.  Xcll'iiltiiMH  partr,  csurtô  et  »ii|)])lici'i  il  vl-  à  viih-re  coii- 
Hervai'si  iii  i[iii'lla  rcli^^ionc  clie  liavcvaiio  teiiuta  il  padre,  l'avo, 
l'ava,  il  IVatcllo  et  tutti  f,'li  aiitciossori,  et  esorto  et  siipplico  la 
regiua,  noininandola  lor  sovrana  dama,  a  voler  coiiservare  il  rè  suo  ' 
v"  figlinoli)  iielFaiitica  religioiic  de  i  suoi  |  aiiteoessori  et  del  rè  padre 
di  lui  et  iiuuitu  di  lei,  et  far  di  sorte  elie  gli  potesse  al  suo  tempo 
restitiiij-e  il  deposito,  che  era  stato  fatto  in  sua  mano,  del  rè  suo 
figliuolo,  in  quello  stato  che  i'haveva  ricevuto  ;  et  che  nel  conser- 
vare  la  religione  nel  figliuolo  non  couseg(iirel)be  lei  miner  laude  clie 
faeesse  Terentilla  neirhaverla  acquistata  nel  rè  Clovis  suo  marito  ; 
et  di  ([uesto  medesimo  fcee  insitantia  a  tutti  i  principi  del  sangue, 
uominaiido   solo  Antonio,  re  di  Navarra. 

Il  car.'"  Turnone,  subito  che  Loreiia  hclilie  (inito,  si  levo  in 
pledi,  ma  liaveiido  cominciato  lies-a  à  jjarlare  et  stando  ciascuno 
ferrao,  gli  conveiine  tornare  à  sedere.  Il  quai  Besa  disse  che,  se 
non  duhitasse  di  tediar  troppo  S.  M.'" ,  vorrebbe  fare  di  présente 
risposta  :ï  quello  eiie  era  stato  detto  contra  di  loro,  et  che  diman- 
davano  fusse  lor  dnto  et  luoco  et  tempo  di  poterlo  fare.  Et  detto 
questo,  si  butto  con  gli  altri  .-ipostati  "  in  ginoceliioni.  AU'liora  Tur- 
none s'accosto  al  rè  et  alla  regina  et  disse  che  .se  loro  volevauo 
sottoscriversi  alli  due  articoli  dichiarati  dell' '  autorità  délia  Chiesa 
et  del  sacramento,  che  corne  à  penitenti  aprirebbono  le  braccia  per 
ricevergli  ;  ma  quando  stessino  ostinati,  non  volevauo  trattar'  cosa 
cosa  alcuna  con  loro  et  clie  non  erano  per  haver  mai  altro  che  un 
solo  Dio,  iina  sola  frde  et  un  solo  rè. 

Dalli  xvij  sino  alli  xx.  l'aiitoi'e  del  diario  fu  ad  iucoutrare 
mons."'   ill.'""  legato,  ne  ha  iuteso  che,  da  quel  di   sino  alli   xxv, 


'    y.  P.  124:  loro. 

-  Il  y  a  Apost.\  une  autre  (?)  main  a  ajouté  en  surcharge:  ati. 
V.  P.  124:  apostoli. 

3  G.  403  et    1'.  P.  134:  dall". 


.TOIRXAL    DE   l'aSSBMBLËE  125 

si:i  aocaduta  cosa  die  méritasse  di  esser  uotata,  essendo  la  parte 
de"  veseovi  occupata  nel  uegotio  délia  sovventione,  iutoriio  alla 
qnale  si  risolsero  di  comune  conseiiso  di  non  voler  passare  Tofferta 
[fatta]  et  di  mandare  dire  alla  regina,  come  fecero  poi  per  il 
car.''"  di  Loreua  et  Borbone.  che  loro  non  volevano  disponere  délia 
parte  de'  lor  frutti  che  toccavano  à  i  poveri  et  aile  chiese,  ma 
solo  di  quello  che  toecava  aile  persone  loro  :  et  ministri  (sic)  a 
f.  150  prepararsi  per  |j  la  giornata  cbe  era  atata  assignata  il  giorno 
delli  XXV  (sic)  per  udire,  seeondo  dicevano,  i  nostri  luoghi  che  il 
s."^  car.'*'  di  Lorena  si  era  oflFerto  nella  sua  arenga  di  mostrare 
circa  Taiitorità  délia  Chiesa  et  del  sagramento,  senza  havere  ad 
entrare  in  nessuna  sorte  di  disputa,  et,  secoudo  loro,  per  havere  a 
cementare  tutte  Topinioni  che  sono  lioggi  in  controversia  con  i  nostri. 

Hora  essendo  veuuto  mercoredi  xxv  (sic  i  di  settembre,  présente 
la  regina,  re  di  Navarra  et  la  regina  sua  moglie,  i  principi  del 
sangue  et  tutti  i  sig."  del  consiglio,  eccettuato  il  s."''  car.'*"  di 
Tnrnoiie,  il  s.''"'  car.''"  di  Lorena  propose  che  desiderava  d'iuten- 
dere  da  gli  avver.'^arij  se  volevano  accousentire  à  quel  [due]  ' 
articuli,  cioè  délia  Chiesa  eatholica  et  délia  presenza  del  corpo  di 
N.  S.''"  nel  sacramento  deU'eucharestia  :  et  se  havevano  qualche 
diflScultà  sopra  i  detti  articuli,  la  potevano  esporre  che  sarebbe. 
stata  lor  fatta  anipia  risposta.  Besa,  accompagnato  da  Pietro  Mar- 
tire  et  da  xv  ô  xx  di  quella  setta,  rispose  al  primo  articulo, 
confessando  che  la  Chiesa  era  una  evoeatione  in  quanto  alTethi- 
mologia  del  vocabulo,  la  quale  evoeatione  dichiarô  di  due  sorti  : 
cioè  interiore  et  exteriore.  L'interiore  è  solamente  congregatione 
de  gli  eletti  et  predestiuati  délia  qnale  parla  San  Paulo  à  i  Ro- 
man j  cosi  dicendo:  <i  Qnos  praescivU.  hos  prardestinarit,  et  quos 
praedesfinarit.  lios  et   rocarit  ron formes  fier/,  etc.  ».  La  evoeatione 

'    G.   403:    X. 


12()  KOMK    K|-    l'OI.SSV 

extoriiii-e  è  l;i  roiisrcKîitimie  co.si  di-lli  iji-i-dcstiiiati  comi  (sic;  de 
i  reprobi.  El  di  qunsti  iiitege  N.  S."-  ncirEvangelio  adducendo  la 
iiietatorii  (telle  x  ver-iiii  (iclie  i|iiali  v  eraiio  stolte  et  v  prudeiiti, 
i;t  qiiella  délia  letc  gittata  iii  iiiai-e  iiella  qiiale  si  eoiiteneva  ogni 
sorta  di  pesci,  ete.  ;  coneludondo  iii  questa  parte  aeeordar.si  con 
l'opinione  di  mous."''  car.'"  di  Lorena.  Dieliiara  sic;  pni  i  segni 
délia  vera  Cliiesa  esser  due:  ciù  c  la  purità  dcUa  dottrina  et 
ramiiiiiiistratioiie  de'  sacraineiiti,  cliiaiiiaiido  qiiesti  due  se^iii  es- 
sentiali,  i  quali  mostravauo  che  la  Cliiesa  loro  era  vera  coiiciosia 
ehe  essi  predicassero  la  dottrina  ravata  dalla  purità  délia  Scrittura 
sacra  seuza  af^f;iungcrvi  i>  dimimiirvi  cusa  alcuna.  et  il  mcdesimo 
facessero  de'  sacranieiiti.  |  Aggiuiise  un'altro  |  seguoj  per  il  3"  [  il] 
quale  chiauio  extriuseco  et  accidentale  che  è  la  suceessione  perso- 
nalc,  cLiamandd  la  prima  extraordinaria  et  la  seconda  ordinaria. 
Délia  suceessione  |della  dottrina]  addusse  Tesempio  di  Hieremia 
et  di  Esaia,  di  Daniel  et  di  molti  altri  profeti  i  quali  non  succe- 
devano  personalmente  al  saeerdotio  levitico,  ma  furono  cliiamati 
extraordinariamente  per  annunciare  la  vera  parola  di  Dio  al  po- 
pulo, poiche  gli  ordinarij  sacerdoti  liavevano  oseurata  et  oorrotta 
la  vera  dottrina,  et  clic  la  medesinia  vocatione  fatta  liaveva  Dio 
verso  loro  per  predicarc  la  verità  délia  sua  parola,  aceusaiido  i 
noatri  di  haverla  oseurata  et  velata,  talclie  si  posero  nel  numéro 
de'  ministri  extraordinarij  di  Dio.  Soggiunse  poi  che  la  suceessione 
personale  o  veramcnte  ordinaria  si  faceva  per  inipositioiieni  niaiiuuni. 
la  quale,  ancor  che  tacitamente  esso  accett_asse  non  essere  cosi 
manifesta  appresso  di  loro  come  era  appresso  noi  altri,  nondimeno 
la  noatra  pativa  moite  difticultà  tra  le  (|uali  vi  messe  qnella  di 
papa  Giovanni  feniina  et  di  Giovanni  xxii  heretico.  Veiine  poi 
all'autoritîY  di  essa  Cliiesa,  la  quale  autorità  dissi  (sici  dovcrc  esser 
regolata  tutta  et    fondata    tutta  '    s<ipra    l'espressa    parola    di    Dio 

'  Omis  par   T'.  /'.  1:^4. 


JOURNAL    DE   L  ASSEMBLÉE  127 

esponendo  quel  luogo  di  San  Panlo:  <(  Qnod  Ecclesia  est  roi  uni  nu 
et  fun(Jfimentnni  reritafis  »  passive  et  non  activé,  cioè  che  la  Ciiiesa 
non  è  colonna  et  fuiulamento  délia  verità,  ma  deve  sustentarsi  et 
appoggiarsi  alla  parola  di  Dio  clie  è  la  colonna  et  fondameuto 
délia  verità,  dalla  quai  parola  di  Dio  ogni  volta  clie  essa  Cliiesa 
si  dipart^i  et  discompagni,  veramente  erra.  In  questo  senso  accetto 
i  qnattro  concilij  prinii  generali  et  i  dottori  che  furno  in  que" 
tenipi,  i  quali.  in  quanto  sono  coufornii  all'espressa  parola  di  Dio, 
mm  hanno  errato,  ma  nel  resto  potevano  errare,  et  lianno  f'atto  de 
gli  errori  ;  adducendo  in  esempio  il  primo  concilio  Niceno  al  quale, 
seconde  che  riferisce  Sozomeuo,  havendo  deliberato  di  fare  un  de- 
creto  che  i  saeerdoti  non  togliessero  moglie  all'avvenire,  un  solo 
huomo,  detto  Paphnutio,  si  oppose  à  questo  decreto  talche  non  fu 
F.  151  messo  in  essecutione.  Addusse  poi  uu'autorità  |j  di  Agostino  che 
dice  che  concilia  priora  eniendantur  a  posterioribus,  et  nltimamente 
si  scus('i  di  non  voler  parlare  délia  cena  conciosia  che  fusse  un 
misterio  ineffabile  et  incomprensibile,  et  che  era  molto  meglio  ra- 
gionar  prima  di  molt'altre  cose  che  erano  in  controversia  ;  et  eon 
questo  coiicluse  la  sua  arenga.  Mons.'*'  il  car.''^  di  Lorcua  dette 
c.irico  di  rlspondere  a  monsig.''"  Despansa  ',  dottore  délia  Sorbona, 
il  ([uale,  doppo  haver  detto  un  picciolo  proemio  per  manifestare 
il  desiderio  che  haveva  délia  pace  et  unione  délia  Chiesa,  si  volto 
a  Hesa  cosi  dicendo  :  <.<  Maistre  Théodore  Bese,  se  voi  nella  vostra 
arenga  haveste  *  posto  nella  Chiesa  questa  distintione  d'intcriore 
et  exteriore.  mons.'''  il  car.'"  di  Lorena  non  haveria  durato  fatiga 
di  rispondere  in  qnella  parte  per  confutare  la  vostra  opinione.  Et 
([uaiito  a  i  segni  délia  Chiesa  (lassando  per  hora  di  ragionare  se 
voi  liavete  la  vera  dottrina  et  i  veri  sacramenti,  percioche  questo 
si  esaminerà  nell'articulo  del  S."^°  sacramento  delFencharestia  dove 


'  Claude  d'Espence.  —   V.  P.  124:  De  Spansa. 
■   V.  P.  ]J4  :  havessino. 


l2S  HOME    ET    POl.SSV 

s|)fi'i;imo,  iii  L)i(»,  di  mostrarvi  cliiarainente  i-lie  voi  sicte  iu  uno 
aliiSîSo  (li  errori,)  parlera  solamente  del  terzo  segno,  cioè  délia  siie- 
cessione,  la  quale  voi  liavete  distinta  in  extraordinaria  et  ordiiiaria, 
ut  vi  siete  po.sto  iiel  numéro  de'  ministri  extraordinarij,  adducendo 
eaempi  del  Veecliio  Testainciito  i  qtiali,  eonic  siani»  veri,  non  fanno 
a  proposito  délia  vostra  successione.  Iraperoehe,  quando  Dio  cliia- 
mo  extraordinariamente  i  profeti  et  altri  liuomini  santissimi  neila 
lege  vecchia.  fai'eva  manifesta  la  loro  voeatione  o  eou  niiracoli,  u 
con  presentin  et  auturità  délia  Serittura,  eome  leggiamo  di  Moisè 
il  quale  provn  la  sua  missione  eon  molti  miraecli,  per  i  quali,  esso 
et  la  sua  dottrina,  ancor  e}ie  paresse  nuova,  fu  accettata  dal  po- 
pulo d'Israël.  Il  medesimo  diciamo  d'Isaia,  Daniel,  et  altri  profeti, 
i  quali  provorno  la  loro  missione  con  qualclie  mirac(d<p.  In  San 
(iiovan  Battista  clie  apportù  la  dottrina  nuova  et  inaudita,  cio  è 
il  battesmo  nell'aequa  per  la  remissione  de'  peccati,  vediamo  la 
sua  vocatione  essere  approvata  con  l'autorità  délia  Serittura,  per- 
v°  cioclie  I  essendo  egli  domandato  clii  fusse:  «Ego  roicJamaiiiis  i» 
déserta,  etc.  ».  Il  N.  S.''',  parlando  di  lui,  a])provo  la  sua  voca- 
tione con  la  medesima  antorità  délia  serittura,  eosi  dieendo:  <<  Hic 
enirn  est  de  qno  scriptum  est:  Ecce  eijo  iiiifto  (ine/eli<m  meum  qui 
precedet,  etc.  ».  Eccovi  adunque  clie  questa  vocatione  o  missione 
extraordinaria,  h  fine  che  ella  sia  recevuta  et  creduta,  bisogna  clie 
sia  approvata,  et  con  miraecli,  et  con  prescientia  et  autorità  délia 
Serittura.  Ilora,  maistro  Théodore  Bese,  raostrateci,  vi  prego,  qualehe 
uno  do'  vostri  clie  liahlii  fatto  miracoli,  o  ven'i  addueeteci  qualcbe 
luoecj  délia  serittura  clie  ci  liabbi  profetizzato  o  avvertiti  di  questa 
vostra  extraordinaria  vocatione,  et  allhora  iioi  vi  erederemo  et  rice- 
veremo  voleutieri  la  vostra  nuova  dottrina.  Ma  perclie  voi  non  potete 
mostrare  ne  Tuno  ne  Taltro,  si  conclude  elie  vui  non  siate  ministri 
di  successione  extraordinaria.  Ne  potete  dire  che  voi  siate  de  gli 
ordinarij,  non  havendo  irapositione  di  mano,  senza  la  quale  voi 
non   ])otrete  addurmi   esempio  veruno  che,  dopo  gli  apostoli   et  di- 


JIHUNAl.    DE    l'assemblée  129 

«repoli  (li  N.  S.'*'  i  quali  li:ivev;iuo  inmediate  rieevuta  qiiesta  au- 
torité drt  lui,  vi  sia  stato  vescovo  o  sacerilote  veruuo,  approvato 
et  ricevuto  dalla  Chiesa  senza  questa  visibiie  impositioue  di  mano. 
Ne  vol,  m."  Théodore  Bese,  quaiulo  partisti  (sic)  da  Parigi,  las- 
aando  la  vostra  madré  Chiesa,  credo  io  che  voi  haveste  rieevuta 
impositione  di  mano.  Vi  potrei  per  questo  dimandare  chi  siete  voi  ? 
[con  che]  '  autorità  inculcate  al  populo  una  nuova  dottrina  et  am- 
rainistrate  '  i  sacramenti  ?  poscia  che  voi  non  siete  ministri  ne 
extraordinarij  ne  ordinarij  délia  Chiesa.  'Veugo  liera  all'autorità  di 
essa  Chiesa  et  de'  concilij,  i  quali  vi  mostrerA  per  hora  ad  Itomi- 
nem  che  non  possono  errare  nelle  cose  appartenenti  alla  fede,  non 
bisogiiando  metterci  la  conditione  che  voi  dite,  cio  è  che  sia  hisogno 
che  i  detti  concilij  siano  conformi  all'espressa  parola  délia  Scrit- 
tura.  Voi  confessate  che  il  Padre  è  ingenito  et  il  Figliuolo  sia 
omusio,  eioè  consustantiale  al  Padre  ;  che  i  putti  si  devino  bat- 
f.  152  tezzar';  ||  che  la  madré  di  N.  S.™  sia  stata  senipre  vergiue  et 
innanzi  et  doppo  '1  parto;  et  nondimeno  non  mi  potrete  addurne 
espressa  Scrittura  di  questo  nome  ingenito,  dell'omusio,  del  bat- 
tesmii  de"  putti  et  délia  perpétua  virginità  délia  madonna  dopo  il 
parto.  liesta  adunque  che,  si  come  la  Chiesa  ci  ha  data  et  appro- 
vata  cou  testimouio  tutta  la  Scrittura  sacra,  cosi  parimeute  ella  ci 
ha  manifestato  et  manifesta  tutta  via  i  veri  sensi  di  essa  Scrittura. 
Et  in  questo  non  ho  approvata  mai  quella  questione  che  va  per 
la  bocca  di  ciascuno  se  la  Chiesa  [sia  sopra  la  Scrittura,  ô  la 
Scrittura  sopra  la  Chiesa]  K  Ma  ho  crcduto  et  hora  affermo  che 
la  Chiesa  et  la  Scrittura  siano  di  pari  autoritii,  percioche  quelle 
istesse  Spirito  S.*"  che  dittù  à  i  profeti,  à  gli  apostoli  et  altri 
huominj  santi,  quelle  istesse  Spirito  S.*^",  dico,  è  et  assiste    conti- 

'  G.  403  :  dunque,  mis  en  surcharge. 
'   V.  P.  124:  adininistratione  de  sacramenti. 

'   V.  P.  134  s'arrête   après    ♦  o  la  Scrittura»;   V.  P.  136 :  a  achevé 
la  phrase. 

MéUivçies  d'Arrh.  et  d'Ilixt.  Util.  ^ 


KiO  UOMK    ET    l'olShV 

iiuanu'iite  '  ncllu  sua  Oliiesa,  l't  per  taiitd  (|uaiit1(i  iiasco  '  rlifficultà 
sopra  quak'lie  '  senso  délia  Scrittiira.  bisngna  olic  quello  istfsso 
Spiritii  S.'"  clic  fcpo  la  Srrittiira  et  assiste  iiclla  fliiesa  ci  inostri 
et  (licliiari  il  vcro  soiiso  siio.  coinc  av\('mic  iicl  primo  coiicilio 
Nicciio  (lo\('  ilispiitaiiilusi  dclhi  iliviiiitM  lii  Cliristd  nc^'ata  (la  frii 
Arriaiii.  i  catliolici  adùiicevano  quella  auforità  di  San  (iiovaiiiii: 
«  Jù/o  ri  Pater  inuini  .sinniis»  per  provare  la  consustantialità  dd 
Figliiiolo  Col  Padrc,  et  coiilirinavaiio  la  detta  aulorità  coii  raltie 
autorità  délia  Sorittui'a.  [(ili  Arriani  aU'iiiçonti-o  recevevano  la 
raedesma  autorità  interi)retaiido  quello  innmi  vnliiiitate  et  non  na- 
tura,  provaiido  i|iiesta  ioro  interpretatioiie  cou  nM'alfro  liio^^o  d(dla 
Scrittiira]  clie  dice;  «  Volo  ni  fxtis  /iinini  sirnti  /■(/o  r/  l'utcr 
uiniM  SKDiiis  ».  Hcro\  i  clie  un  inedesimo  liioi^o  dcUa  Scrittura, 
ricevuto  parimentc  da  i  catliolici  et  da  yli  Arriani,  era  divorsa- 
inente  interpretato  da  Ioro.  Era  jicr  tanto  liisnirno  che  lo  Spirito 
S.*^",  in  ([uel  concilio  uni\ersale  ciie  raiipresentava  la  CliieHa  uni- 
versale,  manifestasse  (comc  veramente  nianilesti'))  il  vero  senso  di 
quel  Inogo  dclhi  Serittura,  ciô  è  elie  quel  luogo  iinnm  s'intendesse 
per  Tunità  délia  natiira  et  non  s(damente  délia  volontà.  Cii'ca  lo 
esempio  di  l'aplmniitio  isic).  aneorelie  jiotrei  dirxi  elle  Sozonieno 
fusse  stato,  i>er  il  testinionio  di  (ire.norio  piinio.  ineolpato  di  liavere 
adlierito  alla  niiova  *  setta  de"  Novatiaui,  |  et  elie  per  conséquente 
la  sna  Uisttii'ni  non  fusse  da  esser  '  rieevuta,  nondimeno  voglio 
valernii  del  suo  testinionio  eome  di  autore  approvato,  ma  con  cor- 
rettione.  Il  detto  esempio  di  Paphnutio  è  stato  allegato  falsamente 
et  fnor  di  proposito,  conoiosia  ehe  Sozomeno  non  diclii  che  '1  con- 
cilio   Xieeiio   lialilii    \(ilnto   far   Icgge   o   decreto    die    i    sacei-doti    si 


'    V.  P.  1:J4  :  oïdinaiiaiiiente. 

-  Ihid.  :  nasce  (pialchc. 

^  Ibid.:  alcun. 

*  Onn's  pai-   T'.  /'.  lx'4. 

■'•  Ces  <leux  mots  omis  pai    T.   /'.  ]./4. 


JOUUNAI,    DE    I.'aS.SEMBLKE  131 

maritassero  (percioclie  questo  non  si  trovo  mai  dal  teuipo  de  gli 
apostoli  sino  all'hora  ohe  qiielli  die  erano  già  fatti  sacerdoti  po- 
tessero  tor  moglie.)  ma  era  beue  in  iino  uso,  corne  è  hoggi  nella 
Chiesa  greca,  cbe  quelli  clie  havessero  moglie  potevano  poi  farsi 
preti.  Onde  Sozomeno  dice  in  quel  luogo  che  '1  concilie  deliberava 
di  fare  una  legge  o  decreto,  che  i  vescovi  o  sacerdoti  [  c'havessero 
tolto  prima  moglie  quando  poi  venivaiio  a  farsi  vescovi  o  sacerdoti] 
si  asteuessero  dalle  raogli,  et  che  solo  Paphuutio  si  oppose  à  qnesto 
decreto,  dicendo  clie  era  castità  Thaver  commertio  colle  mogli  '. 
In  oltre,  il  coucilio  non  havea  aucora  decretato  ;  talche  in  questo 
(ancora  che  quello  che  era  posto  in  deliberatione  fusse  stato  errore 
come  non  era  errore)  non  si  puo  dire  che  "1  concilie  havesse  er- 
rato.  Quanto  aU'autorità  d'Agostino,  voi  sapete  beue  che  innanzi 
a  lui  non  erano  stati  più  che  tre  concilij  generali,  ciô  è  il  Niceno, 
Constantinopolitano  et  Ephesino,  de"  quali  leggiamo  bene  che  1 
secoudo  approvo  la  fede  del  primo,  et  il  3"  approvo  la  cmifessiouc 
del  primo  et  del  2°;  et  non  si  trova  già  clie  l'uuo  habbia  emen- 
dato  ralfro.  La  onde  non  è  verisimile  che  Agostino  inteudesse  che 
l'uno  correggesse  Taltro,  ma  si  bene  che  '1  posteriore  dichiarasse 
il  superiore.  0  vero  si  puo  dire  che,  poiche  i  concilij  non  possono 
errare  ne  nelle  cose  délia  fede,  ne  nelle  cose  appartenenti  ;\  i 
costumi,  vero  è  che  le  cose  délia  fede  son  immutabili,  ma  quelle 
de'  costumi  si  mutano  secondo  il  luogo  et  le  persone,  si  puo  dire, 
dico,  elle  Agostino  intendesse  che  un  concilio  posteriore  possi  emen- 
dare  un  concilio  superiore  nelle  cose  appartenenti  à  i  costumi,  non 
già  rhe  il  coucilio  superiore  havesse  errato  in  quel  tempo  che  li 
t.  153  determiiii'i,  ma  che  al  tempo  dell'altro  |i  concilio  che  segue,  per  la 
niutatione  de"  tempi,  de"  luoghi  et  délie  persone,  dette  cose  ap- 
partenenti à  i  costumi  dovevano  mutarsi  et,  per  conseguente, 
emendarsi.   Et  di   questa  emendatioue  è    ragionevole    che    Agostino 

'  Tout  ce  membre  de  phrase,  clepuis  -^  et  che  solo  Paplniiitin  •,  est 
omis  par   T'.  P.  1^4. 


132  KO.MK    ET    I-OISSY 

intend<^s«e  ».  Et  qiiesta  mi  pare  clie  fusso  la  nomma  ddla  risposta  ' 
(li  moiis."""  Dospansa  il  quale,  ancorclie  non  rispoiidesso  a  certe 
miniitit»  addiitti'  dal  Mesa  como  diro  di  p:i|(a  (iiovaiini  fciniiia  et 
di  papa  Giovanni  xxij  heretiro.  risposp  et  satisfece  aile  rose  prin- 
cipal! pienamente,  oon  Ratisfattione  et  contentezza  di  tutti  i  catho- 
liei,  et  con  rossore  et  eonfusione  de  gli  avvcrsarij  i  quali  non 
potevano  in  modo  nessiino  provare  qnella  loro  extraordinaria  et 
fanatica  vocatione.  VA  in  etfetto  ^'■li  argnmenti  de  nostri  fiirmi  si 
potenti  et  eflficaci  che  gli  avversarij  non  seppero  che  si  rispondere 
se  non  dire  clie  erano  stati  approvati  dal  magistrato  civile.  Et  à 
questo  fu  risposto  loro  clic  '1  magistrato  non  liaveva  tal'  autorité 
et  nemo  dat  quod  non  Iiahet.  Mons."^'  il  car.'"  di  Lorcna,  doppo 
molti  ragionamenti  tra  l'nna  et  l'altra  parte,  fece  ex  tempore  una 
Iiclla  et  dotta  condnsione,  dicendo  che  essendosi  ragionato  a  pieno 
del  primo  articnlo  cio  è  dcU'autorità  délia  Cliiesa  et  de'  concilij, 
et  conoseendosi  gjà  cliiaramente  la  verità  clie  era  dcl  canto  nostro, 
hisognava  venire  al  seconde  articulo  cioè  alla  verità  del  corpo  '  di 
N.  S.'"  nel  santissimo  sacramento  deireucharestia,  sopra  del  qnale, 
si  corne  egli  si  è  offerto  nella  stia  arenga  niostrar  loro  con  con- 
senso  universale  di  tutti  i  dottori  de'  primi  500  anni  la  detta 
verità,  cosi  liaveva  già  pronti  i  libri  et  l'autorità  di  ciascnno  di 
detti  dottori.  Et  quando  non  volsero  stare  à  i  dottori,  che  non 
voleva  altro  per  provargli  questa  verità  che  l'espresso  texto  del- 
ri'.vangelio;  concludcndo  che  se  essi  non  si  sottoscrivevaiio  a  qiiesto 
articulo  non  sariauo  stati  pii'i  ammessi  in  altro  ragionamento. 
Mostn')  poi  una  confessione  délia  verità  del  corpo  di  N.  S.''''  del 
(sic)  sacramento  sottoscritta  da  cento  ministri  in  circa  di  (|uclli 
v°  délia  confessione  Augnstana,  la  quale  scrittura  sottoscritta  è  stata 
mandata   ultimamente  al  re  da   i  dnchi   di  Vittinburg  '  et  Saxonia, 

'    ^'.  P.  1^4:  che  fosse  la  risposta. 
2  Ibid.  :  alla  verità  di  N.  S.-^" 
•'*  Wurtemberg. 


JOURNAL    DE    L'ASSEMBLÉE  l'i'i 

Aa\  couti  Palatiiij  et  l'antgravio  d'Oxia  ',  i  qiiali  havendo  havuto 
nuovo  (sic)  (li  questa  assumblea  di  Poissy  s'erano  a'  xv  d'agosto 
asseuiblati  in  Luiiiberg  °  cou  i  detti  tninistri,  dove  havendo  di 
comun  coiiseiiso  fatta  la  detta  confessione  la  maiidavano  a  S.  M." 
pregandola  et  persuadendola  clie  vogli  pii'i  tosto  stare  nella  con- 
fessione délia  Cliieaa  romana  clie  lassarsi  tirare  aU'assurda,  falsa 
et  fantastica  opiuioue  de'  calviuisti.  Esso  s.°^'  car.'"  per  maggior 
teiTore  de  gli  avversarij  ha  volute  servirsi  délia  detta  confessione, 
con  intentione  che  se  costoro  eonfessaranno  la  presentia  di  N.  S.'«> 
nel  sagramento  si  possino  poi  più  facilmente  ridurre  ajla  verità 
délia  transubstautiatione.  Gli  avversarij  risposero  che  in  questo 
volevano  consultar  fra  loro  et  poi  risponderiano  quando  piacesse 
alla  regina,  la  quale  assignô  loro  il  terzo  giorno  che  fu  il  venerdi. 

Il  di  de  i  xxvj,  essendo  parao  a  tiitta  la  compagnia  de'vescovi 
che  '1  s.""^  car.'''  di  Lorena,  che  haveva  solamente  a  rimostrare  i 
luoghi  citati  uella  sua  arenga,  si  fusse  lassato  tirare  a  quello  che 
meno  loro  approvavano  di  disputare  de'  dograi,  fecero  un'atto  alla 
presentia  sua  per  il  quale  dichiaravano  rhe  quello  che  passava  in 
qneste  conferentie  circa  la  dottrina  era  senza  consenso  loro,  et  che 
intendevauo  di  stare  alla  determinatione  che  [non]  se  ne  facesse. 
Et  questo  non  ostaute,  il  venerdi  xxvij  (sic)  di  settembre,  il  pre- 
fato  car.'''  di  Lorena,  présente  la  regina,  re  et  regina  di  Navarra, 
et  gli  altri  principi  del  sangue  et  siguori  del  consiglio  privati  (sic), 
cou  più  di  veuticinque  vescovi  et  altritanti  theologi,  propose  bre- 
vemeute  che  essendosi  neU'altro  congresso  presa  risolntione  che  Besa 
f.  154  et  altri,  ô  sotto  scrivessero  il  seconde  articule,  o  che  non  si  ||  do- 
vesse  più  ragionar  con  esso  (sic)  lero,  desiderava  d'intendere  quel 
che  deliberavano  di  fare.  AUhera  Besa,  con  i  medesimi  et  mag- 
gior numéro  di   compagni,  doppo  havere  detto   un   Itreve   jiroliemie 

'  Landgrave  de  Hesse. 

«  Naumbourg(?)  —  V.  P.  VU:  Lunembergh  ;  V.P.  136:  Luxembergh. 


134  KOMK    KT    POISSV 

in  Miiii  scusîi,  (liï<se  che  per  fnrsi  meglio  inti'iider»'  liavcva  p<ii-tat") 
in  scriptis  qnelle  coRe  le  quali  flcsidorava  fare  intendere  alla  re- 
gina  et  alla  rompa^nia.  La  detta  sfrittiira,  in  somma,  eontcneva 
duo  capi.  Nel  primo,  si  dolse  dcl  s.'"'  car.'"  du-  i  simi  tlifolo^'i 
siano  nel  primo  eon^^resso  piitrati  a  ragionare  dclla  loro  vofationi-, 
esaendo  rajfioncvole  die  si  dovcva  jirima  ragionare  délia  duttrina 
che  venire  a  questa  parte  délia  vocatione.  Et  in  qiiesto  mostrava 
elle  fusse  stato  lor  fatto  torto  perelie  aneor'esso  potrebbe  domandar 
loro  se  quando  fnrno  f'atti  vescovi  erano  stafi  elctti  dal  p(i|iulo  et 
se  liavevano  la  vita  et  la  dottrina  elie  si  ricereava  a  siniil  grado, 
o  vero  se  liavevano  eomprata  questa  dignità  per  favore,  pei"  ser- 
vitù,  o  per  (lanari.  VA  in  quest'ultima  parte  toceo  taeitamente  l'an- 
nate  et  parve  a  lui  di  li.ivere  posto  in  dubbio  l'autoritA  de'nostri 
vescovi  et  liaverci  pagato  délia  medesima  nioneta.  Xel  2°  eapo,  en- 
tro  nella  materia  del  sacramento,  facendo  unu  confessione  oseura 
et  dnbia  secondo  il  solito,  ci(')  è  che  uella  cena  essi  ricevevano  vc- 
ramente  il  eorpo  et  il  sangue  di  N.  S.'"''  aggiungendovi  la  solita 
elausola  per  fede,  et  che  '1  modo  di  riceverlo  era  ineffabile  et  in- 
comprensibile.  Preg<S  poi  il  s."*  car.'''  di  Loreua  che  dicesse  loro  se 
parlava  '  in  nome  di  tutta  la  compagnia  o  privato  nome,  aggiungendo 
in  oltre  che  se  il  detto  s.'"  si  contentava  dell'articulo  délia  cena 
délia  confessione  Augustana,  essi  per  aventura  lo  sottoscriveriano 
volentieri.  11  s.™  car.'®  non  inancô  di  risponder  subito  alla  detta 
scrittura,  mostrando,  nel  primo  cajio,  che  Besa  havesse  ))Oca  espe- 
ricntia  di  fare  i  vescovi  in  Francia.  et  che  dove  haveva  spe- 
rato  prima  che  di  qnesti  congressi  si  dovesse  venire  h  qualche 
buona  |  et  sauta  uiiione,  hora  considerava  che  essi  s'allontauavano 
il  più  che  potevano  da  questa  santa  opéra,  percioche  erano  entrati 
a  biasimare  l'elettioni  de'nostri  vescovi  coii  grandissirao  pregiuditio 
delTautorità   del   re  ;  et  ridasse  questo   punto   in  materia    di   stato, 

'  Le  ms.   V.  P.  l:S6  s'arrête  là. 


JOURNAL    DE    l'aSSEMBI.KE  135 

(k'duceiido  oou  ragioni  clie  essi  volevano  non  solaraente  biasimare 
r.uitoi-ità  del  re  présente  et  de'passati,  ma  cercavano  ancora  di  di- 
niiniiiila  a  fatti).  Et  in  qiiesta  parte  dechiarô  clie  tiitta  l'autorità  del 
populo  di  Fraiicia,  per  conseuso  di  esso  populo,  era  data  alla  maestà- 
regia,  di  maniera  che  la  persona  denomiuata  dal  re  ad  alcuna  cliiesa 
veuiva  per  eonseguente  ad  esserc  approvata  et  eletta  dal  populo  : 
ollra  di  ciè,  dopo  cbe  il  papa  liaveva  eletta  la  persona  denonii- 
nata  dal  re  nelle  boUe  vi  è  una  lettera  indirizzata  al  clero  et 
al  populo  per  aeeon>ientire  alla  detta  elettione,  [talclie,  in  quu- 
luiiqiie  modo  s'intenda  l'elettione]  de  vescovi  di  Francia,  si  tro- 
verà  il  modo  houosto  et  ragiouevole.  Venue  poi  a  ragionare  del- 
l'aunate,  provaudo  che  non  vi  era  simonia  percioclie  si  fa  eon  con- 
sentiniento  et  comune  accorde  in  segno  di  riconoscere  la  superio- 
rità  délia  S.*"  Sede  Apostolica.  Et,  quanto  alFatiVonto  che  Besa 
diceva  essergli  stato  t'atto,  disse  che  il  raedesmo  Besa  n'era  stato 
cagioné,  haveudo  detto  che  essi  erano  ministri  estraordinarij.  Et 
il  detto  Besa  fu  ancora  causa  di  entrare  in  ragionamento  délia 
veritù  del  corpo  di  N.  S.''*  uel  sacraniento  délia  eucharestia,  ha- 
veudo in  quella  sua  prima  arenga  detto  in  pubblico  quella  biastema 
eio  t  che  '1  corpo  di  N.  S.'"  era  cosl  loutano  dalla  cena  eome  il  più 
alto  del  cielo  al  più  profonde  délia  terra,  et  che  per  questo  era 
necessario  ragionare  di  questa  santissima  et  vera  presentia  del  corpo 
del  nostro  Sig.'''  nel  detto  sacramento  per  tor  via  lo  scandalo  et 
qualche  mala  opinione  che  poteva  essere  impressa  neU'auimi  degli 
auditori.  Soggiuuse  poi  clie  egli  et  la  compagnia  de'theologi  non  pro- 
posero  quello  articulo  délia  Confessione  Augustana  quasi  approvan- 
f.  155  dolo  il  ,  ma  perche  conoscevauo  che  la  via  di  condurgli  alla  ve- 
rità  délia  transustantiatione  era  di  farli  confessare  la  presentia 
reale  del  corpo  di  N.  S."  nel  sacramento,  et,  iu  questa  parte,  quelli 
délia  Confessione  Augustana  era[no]  più  vicini  alla  verità  che  essi. 
Concluse  poi  in  un  bello  et  eflScacissimo  modo  la  detta  presentia 
con  l'autorità   di   tre  evangelisti  et  con  quella  di  San  Paulo  :  «  Ac- 


13()  KOME    KT    l"l)l.SSV 

(■ijiHf  \i'f\  rtiiiimt'fl/fe,  lior  est  corpus  mi'iim.  liihite  ex  hoc  otnnes, 
hic  est  sanguis  meus,  etc.  »  et  finalmonte  non  domandava  alfr'arrae 
l)er  profunir  qnosta  verità  elie  l'espressa  parola  di  r);<i.  Besa  rispose 
brevcmente  et  non  molto  a  propositf»,  talclu-  l'iotro  Martire  volso 
ainfarlc  (sic)  mn  iin.i  jii'i'nu'ilitata  uratidiif  la  qnalc  e^'li  récita  iii 
linj;iia  italiana.  si'ns:in(liisi  clic  cosi  ^li  cra  stato  comniaiidato  dalla 
regina.  La  sua  iiratimn-  l'u  liui^^a  di  iiic/z'm-a,  et  cinitciini'  iliic 
parti  priiicii)ali  :  l'uiia  cinc  cIk^  la  lui'n  vocatimie  cra  légitima, 
l'altr.i  fil  tntta  ad  inipruliarc  la  jiiitiia  oratioiie  clic  fece  il  car.'" 
di  Lorena  qiiando  parlo  délia  vcrità  et  pi-csentia  dcl  corpo  di 
Christo  nel  sacramento.  Kt  disse  clic  in  (|iicl  mistcrio  vi  erano 
quattro  cosc,  cioc  :  liistoria  alla  quale  aiiparticue  dire  la  verità 
senza  parlar  figurato  ;  la  seconda  die  vi  er.i  il  precetto,  «  et  j)receptiim 
Boniini  lucidum  [est\  iUvminans  oculos.  etc.»;  la  terza,  che  vi 
era  testamento  ncl  qnalc  vcraniciitc  si  dclilic  dire  hi  Vdluntà  dcl 
testatore;  la  qnarta  et  nltinia,  clie  era  sacramento  il  qnalc  dcliba 
tenere  il  segno  et  la  cosa  significata.  Et  in  qnesto,  qnanto  alla 
prima  disse  clie,  circa  alla  successione  délia  dottrina,  che  toro  pen- 
savano  d'haverla,  predicando  (corne  facevano)  la  pnra  '  parola  di 
Dio,  et  che,  ancora  clie  non  liavessero  imposition  di  niano,  l'iiave- 
vano  pero  in  virtiitc  et  clie  la  nécessita  gli  scusava  se  non  liave- 
vaiio  l'attiiale,  nmi  havendo  da  clii  riceverla,  perche  se  fussero  an- 
dati  da  i  vescovi  essi  non  gliel'haveriano  dat.i,  tenendo  iiiia  dot- 
trina contraria  alla  loro,  et  per  il  contrario  essi  si  sariano  tatti 
v°  eonscientia  di  |  rieeverli  (sic)  per  non  mostrarc  con  scandale  d'altri 
d'approvare  la  loro  autorit:'».  Et  in  questo  proposito  addnsse  due 
esempi,  l'nno  di  (|uella  isie)  che  stava  tra  gli  infîdeli  et  credeva 
in  Christo  et.  non  liavendo  clii  lo  liattez/.assc,  pregava  un  turco 
che  gli  buttasse  l'acqua  addossn  con  l.i  forma  délie  parole:  «  ego 
te   haptizzo    in    m/iiiiiie    l'utris    et    FiliJ    rf  Spirittts    Sancti  »    di 

'  Omis  par    T.   /'.    V34. 


JOURNAL    DE    L'aSSEMBLÉE  137 

modo  che,  conie  il  biittizzaiite  uon  era  ministre)  di  Dio  non  ha 
vendo  mai  liavuta  impositioue  di  mano  et  non  per  questo  il  bat- 
tizzato,  venendo  tni  i  christiunj,  haveva  bisogno  di  niiovo  battesmo, 
cosi  loro  potevano  ricevere  la  impositione  di  mano  '  esteriore  come 
in  effetto  liavevano  ricevuta  da  i  miuistri  délie  lor  cliiese  o  da'ma- 
ijistrati  civili.  Et  l'altro  esempio  è  di  Sefora,  moglie  di  Mosè,  la 
quale  c'ssendo  femmina  et  gentile  et,  per  conseguenza,  non  ministra 
délia  circuncisione,  cireuncise  il  fîgliuolo  generato  da  Mosè,  ne  si 
dubbito  délia  validit;\  di  detta  circuncisione.  Quanto  poi  alla  se- 
conda che  coutiene  la  confntatione  délie  ragioni  del  s.""'  car.'®  di 
Lorena,  si  sforzù,  eon  l'autorita  délia  Scrittura,  di  provare  che 
neU'historia  spesso  vi  è  parlar  ligurato,  et  cosi  anche  ne  precetti, 
ne  sacramenti  et  ne  testameuti.  Per  la  prima,  allego  due  autorità 
del  Genesi  che  sono:  ^penitet  me  fecisse  hominem,  etc.»  et  «  om- 
nes  anime  que  exieraiit  e.r  htmbis  Jacob  et  ingresse  sunt  in  Egiptum 
erant  numéro  septuaginta  »,  dove  pare  che  '1  parlar  sia  tigurato. 
Contra  la  seconda,  cioè  i  precetti,  addusse  ""  l'autorita  di  N.  S.™ 
in  San  Matteo:  f.  C arête  à  f'ermento  p/iariseorum,  etc.  ».  [Contra,  'û 
terzo  et  il  quarto,  coniuncendo  insieme  il  testamento  cou  il  sacra- 
mento,  coucio  sia  che  '1  sagrameuto  sia  come  un  sigillo  del  testa- 
mento, allego  Tautorità  deU'Exodo:  «  Çiiod  magnum  est  P/iase] 
idest  transitât  (sic)  Dominj».  Et  in  elTetto  in  tutta  questa  seconda 
parte  non.  hebbe  altra  mira  che  di  improbare  la  verità  del  corpo 
del  sacraniento,  ancorche  astutamente  raostrasse  di  voler  dire  altro. 
Mons.''''  di  Spansa  rispose  bcnissimo  '  à  quest'ultima  parte,  percioche 
alla  prima  parte  dove  provava  la  sua  vocatione  era  stato  già  ri- 
f.  156  sposto  nel  primo  congresso,  dicendo  che  gli  argumenti  ||  non  erano 
à   proposito,   percioche   il   car.'""  non  provô  quella  verità  délia  histo- 


'  Tout  ce  membre  de  phrase,  depuis  «  et  uon    per  iiuesto  »  jusqu'à 
\-A  impositione  di  mano  >,  a  été  omis  par  V.  P.  124. 
'  G,  403:  ehe  et  addusse. 
'   I".  P.  1.24:  buonissime. 


homf:  i;t  I'oissy 


ria  |ho1:i|,  ma  ila  tiitff  i|Ui|lc  ijuattro  cosc  iusienK-,  li-  i)iiali.  lutte 
iiisiemente  trovandosi  iii  quel  santissimo  misterio,  facevaiut  clie  le 
l>arole  dovevano  inteud'-rsi  sciniilicemente  et  assolutameute  seuza 
tiiippii  '  o  pai'lare  (ii;iirat(i  veiMiiii».  VA  uoii  si  trovcrà  mai  luii;;o 
aUniiio  uiiUa  Scritlura  cIk^  euutenj^iii  queste  quattro  eo.se  iiisieine 
cioè  historia,  iireoetto,  H-ieraniento  et  testameiito,  elie  lialilii  parlai- 
iigurato.  Et  non  obstante  questa  vera  solutione,  si  rispose  nell'ai- 
giimento  contra  il  precetto,  clie  N.  S."""  medesimo  si  dichiaro  dicendo 
a  gli  aïKjstuli  :  «  7v/o  dico  (If  frniifiito  plidriseorum  /[iKid  esl  liipo- 
crisis  ».  Contra  l'argumento  ultime,  si  è  risposto  clie  il  texto  non 
dice  quod  agnus  est  Phase,  ne  s'iuteude  a  questo  modo,  ma  dice: 
^  Comedite  /ï'stin(i>//er.  est  (fiiim  triinsiliis  Domiiii  »  ciù  è:  «  nian- 
giate  presto  questo  agnello  per  cio  die  il  ■Sig.''*'  passa  »  ù  «  vera- 
mente  |  èj  il  passaggio  del  Sig.'''  »,  come  se  noi  dicessimo:  «  niangiate 
con  allegrezza  pereioche  è  la  doinenica  et  la  festa  del  Sig.'*». 
Et  iii  eti'etio  si  satiaf'ece  à  pieiio  et  con  sutisfattione  di  ciascuno  à 
gli  argomenti  di  esso  l'ietro  Martire  il  (iiialc  pereioche  iiel  Hue  délia 
sua  areiiga  liaveva  exortato  ogiii  uno  a  propalare  liheraiiioiite  qiiello 
elle  sentiva  di   dentro. 

Il  Padre  Laynes  accostatosi  al  s.'''*  car.'*'  di  Lorena  et  preso 
d.i  lui  licenza  di  parlare,  voltatosi  alla  regina,  disse  clie  con  tutto 
clie  egli  fusse  forestière,  clie  uoudimcno  trattaudosi  d'uiia  cosa  coin- 
nniue  con  ogni  uno,  et  mosso  aiicora  daU'invito  di  fra  Pietro  Mar- 
tire che  cosi  lo  domando  sempre,  fece  un  bello,  devoto  et  dotto 
ragionameuto,  mostraiido  con  efficacissime  ragioni  l'autorità  délia 
Cliiesa  catliolica  et  délia  Santa  Sede  Apostolica,  et  clie  alla  detta 
Cliiesa  appertiene  (sic)  solamente  rinterpretatione  del  vero  senso 
doUa  Scrittura..  Et  in  questo  coufutè  l'espositione  che  Besa  liaveva 
v°  data  délia  ]  Cbiesa  «  qiiod  ipsa  erat  columnn  et  firnuimentum 
veritaiis  »  ;    et    chi    si    parte    da  essa    entra    iii    iiifiiiiti    crrori  :    et 

'   Il  seinblo  iiuil  iiianiiiu'  ici  un  ou  plusieurs  mots. 


JOURNAL  i)K  l'assemblée  139 

olie  (luosti  délia  nuova  reIi.^■ione  iinitaiio  li  altri  clie  si  devinnio 
dalla  Cliiesa,  [i]  qiiali,  con  dolo.i  parole  et  aotto  spetie  di  pietà, 
sparjîono  et  imhoccano  velenosa  et  pestifera  dottrina'  nelli  animi 
delli  aiiditori  et  massime  di  quelli  clie  non  sono  versati  et  periti 
délia  Sacra  Serittnra;  et  clio.  pcr  qiiesto,  l'aseoltarli  cosi  in  pu- 
l)lico  era  pericolosissimo  et  di  molto  scandalo  ;  talclie  S.  M.*-'  de- 
veva,  per  honor  di  Dio  et  per  sicurezza  délia  conscientia  sua,  non 
trovarsi  in  simili  ragionamenti,  ma  jjotria  deputare  alfuiii  liuomini 
dotti  i  quali  potrebbono  disputare  nella  presentia  di  (iiialcirnno  de 
principi  che  hanno  autorità  à  fine  clie  non  nasea  qualclie  disordine. 
Prese  poi  occasione  di  dichiarare  la  verità  del  santo  sacramento  con 
questo  esempio  facile  et  sensato  clie  S.  M. *^  si  tigurasse  un  principe 
il  quale,  vedendo  assediata  la  sua  citt;\  con  periculo  manifeste  di 
essere  disolata,  si  espose  contra  gli  inimici  esgo  inedesimo,  i  quali 
liavendo  seacciati  et  debellati  libero  la  patria  sua;  et  clie,  volendo 
di  una  vittoria  cosi  grande  lassar  qualelie  memoria  [et]  potendolo  fare 
in  tre  modi,  cio  è  con  istituire  clie  in  un  certo  tempo  determinato 
si  leggesse  quella  liistcria  in  presentia  di  tutti  i  cittadinj  liberati, 
6  eo  1  fare  rappresentare  questa  fattione  come  in  una  comedia  dove 
si  fingesse  che  si  combattesse  contra  gli  inimici  et  ottenesse  vittoria, 
o  vero  col  comparire  esso  medesimo  in  seena  per  maggior  memoria 
di  quel  fatto,  havesse  voluto  eleggere  questo  terzo  come  più  noliile, 
L  157  più' degno  et  più  eccellente;  et  che  in  questo  modo  N.  S.'''  Jesu 
Christo'  haveva  voluto  lassare  una  memoria  d'ùna  rappreseutatione 
délia  morte  sua  per  segno  d'haver  liberata  la  generatione  luimana 
dalla  morte  et  dal  peccato  colla  presentia  del  suo  medesimo  corpo. 
Et  haveudo  qui  finito  di  parlare  con  molto  zelo,  il  Besa,  voltato 
alla  regina,  disse  :  «  Madama,  costui  ci  voi-ria  '  mandare  a  Trento,  — 
et  questa  saria  una  buona  via  di  pacifîcare  le  cose  délia  religione 
in   Francia  — ,  et  fa  '   che  la  cena  sia  una  comedia  et  che  Christo 

'   T.  P.  124:  liaveria  vobito. 
2  G.  403:  far. 


140  liO.MK    KT    l'OlSSY 

sia  qiiello  clie  vi  giiinclii  cli  l);i;,';!ttcllc  ».  Si  venue  poi  u.  disputure, 
cou  arf,'umenti  in  forma,  délia  iircseiitia  del  eorpo  di  X.  S.'"  nel 
sacraniento.  Et  di  (iiielli  clic  arKunieiitorno  iJ  Hesa  fu  il  i)rinio  clie 
adomandô  confuBumente  '  sopra  le  parole  deiriCvau'jelio  «  lioc  est 
corpus  meum,  etc.  »  se  quel  pi-mioine  demostrativo  hoc  demostrava 
qiialchc  cosa,  cioè  il  pane  o  veraiiiciitc  il  corpo  del  Si^îuore;  perclie, 
se  demostrava  il  pane,  veneria  in  eoiiseqiienza  che  il  pane  era  il 
corpo  del  S.'",  dove  se  non  dimostrava  altro  che  il  corpo,  dalle 
parole  di  N.  S/''  in  questa  institutione  si  cava  che  qucsto  sacra- 
m(!nto  sia  dimidiato  et  imperfetto,  perche  coutiene  la  cosa  signili- 
cata  et  non  il  segno  cioè  la  specie.  Gli  fu  risposto  da  Dujjre  che 
quel  prouome  hoc  non  dimostrava  il  pane,  iierchc  saria  inia  iirc- 
positione  enormissima  "  che  "1  pane  fusse  il  corpo  del  S."  ,  ma  clie 
era  un  pronome  vago  et  non  signato,  che  bisognava  congiungerlo 
con  il  suo  predicato  cio  è  il  corpo,  et  cosi  viene  a  diraostrare  80- 
laraeute  il  corpo  del  S.''"  ;  et  che,  quauto  al  segno,  lo  contiene  be 
nissimo,  perche  non  lii.sogniava  (sic)  disgiungere  queste  parole  dalle 
précèdent!  dette  nella  medesima  cena,  cioè  «  accepit  Dominus  ^  pa- 
nem,  henedixit,  fregit,  dicendo:  hoc  est  corpus  meum,  »  et  che 
mettendo  tutte  queste  i)arole  insieme  et  non  separando  l'una  dalTaltra 
si  inteudono  insieraemente  le  spetie  del  pane  che  è  il  segno,  et  la 
cosa  significata  che  è  il  corpo  del  S.''"'  ;  talche  il  sacranieuto  non 
v°  viene  ad  esser  |  imperfetto,  anzi  perfettissimo,  contenendo  in  questa 
iustitutioue  il  segno  et  la  cosa  significata.  Hor  Besa  volendo  re- 
plicare  et  non  iutendendo  bene  l'argumento  coine  quel  che  non  in- 
tendeva  quel  dimostrativo  vago  et  signato  \  ancurche  egli  l'havesse 
dichiarato  con  uno  eserapio  materiale,  Dnpre  gli  disse  che  venisse 
alla   loro  scuola  per   imparare   i   termini,  et   provocù  Fietro  Martine 

'   V.  P.  134:  asaai  confusamente. 
^  Iliid.:  eronicissima. 
'  G.  403:  accepte  Domino  papem. 
*  V.  P.  124:  significato. 


.HH'RN'AL    DE    I.  ASSEMBLEE  141 

elle  iiitendeva  meglio  dettj  terminj  a  fjirsi  innanzi.  Allora  Pietro 
Martire  fece  due  argnmenti,  uno  '  c'uiè  clie  Cliristo  in  qiiella  insti- 
tiitioiie  aceepit  paiiem,  benedixit  paiioni  et  fregit  paneni  :  facendo 
tuttavia  mentione  del  pane,  bisogiiava  rlie  non  inlendesse  altro  se 
non  [che  ilj  '  pane  era  il  sno  rorpo,  cloè  significava  et  era  fignra 
del  suo  corpo  '.  Et  adducendo  in  qnesto  nna  interpretatione  di  Ter- 
tnliano  in  i°  Whvo  Adrersus  MarrioDeni  /lereticum  che  dice:«7Jro- 
fessns  itaqiie  se  conmpisrctitin  roncupisse  eâere  paschn.  ncceptnm 
pane»!  et  distrihufum  discipulis  corpus  staim  illum  fecit,  hoc  est 
corpus  meum  dicendo.  idest  fiçiura  corporls  mei.  etc.  ».  L'altro  ar- 
guraento  fu  cIip  San  Panlo,  ad  Corinthios,  et  San  Luca,  negli  Atti 
de  ç/li  Aposfoli,  cliiamorno  questo  sacramento  pane.  Di  San  Pnulo 
citô  quelFautorità:  «  panis  \quem]  frangimus,  nonne*,  etc.».  Di 
San  Luca:  «  communicabant  in  frartione  jJanis  ».  Et  per  roborare 
il  suo  argnmento,  addusse  iin'autnrità  di  S.'"  Agostino,  libro  contra 
Adimantum.  che  dice  :  «non  duhitavit  Dominus  dicere:  hoc  est 
corpus  mexm,  ciim  ^  signmn  daret  sui  corporis  ».  Al  primo  ar- 
gumente fu  risposto  che  non  si  negava  che  in  tutta  quella  insti- 
tutione  Christo  "  dicesse:  «  nccepif  panem,  Ijenedirit  panem.  fregit 
panent  »  :  ma  si  uegava  bene  la  consequentia  cioè  che  ne  "  seguisse 
che  quel  pane  fn.sse  il  corpo  di  Nostro  S.''",  percioche  per  virtù 
di  quella  parola  hoc  est  corpus  meum  la  8ustantia  del  pane  si 
transmutô  nella  sustantia  del  corpo  di  Christo,  altramente  la  sua 
parola  non  sarebbe  stata  vera,  perche  disse  «  questo  è  il  corpo  mio  »  ^ 


'  Omis  par  V.  P.  124. 

«  G.  4Ô3:  quel. 

■'  V.  P.  124:  significava  il  suo  corpo  et  figurava  il  suo  corpo. 

*  G.  403:  frangi  meus  non  ne  etc. 
s  F.  P.   124:  in. 

*  11  faut  sans  doute  reconstituer  la  phrase  :  «  che.  in  tutta  questa  in- 
stitutione  di  Christo,  si  dicesse  ». 

"  G.  403:  non. 

*  Mio  est  omis  par  V.  P.  124  • 


142  HOME    ET    l'Ol.sSV 

i.  158  et  non  «  questa  ||  è  la  fi;j»ra  del  corpo  niio  ».  Kt  il  detto  DupK- 
(lisse  clie  si  era  offerto  di  provaiT  questa  vcrità  mn  la  cspressa 
parola  ili  Dio  scnza  aggiuugere  o  diiniuiiire  parola  veruna.  All'iii- 
tcrpretationi  di  TertiiUiano  rispose  clie  cséo  Tertulliauo  in  molti 
altri  luo;;lii  ha  dccdiiarata  l'opinion  sua  di  questa  verità,  come,  fccc 
ncl  liliru  Df  rrsiiyrertione  caniis  clie  disse  «  earo  corpore  et  san- 
guine CJiristi  vescitur  ut'  et  anima  de  Ueo  saginetur  »  ;  et  die  in 
quell  (sic)  libro  Adrersus  Marcionem,  parlando  contra  Marcione 
elle  metteva  in  Cliristô  un  corpo  fautastico  et  non  vero,  volse  pro- 
varli  coii  questo  saeramcnto  clie  Christo  liaveva  vero  corpo  perche 
qiiesto  sagramento  era  figura  del  corpo  suo,  et  rei  non  verae  iiulla  est 
figura.  Al  secondo  argumento  fu  detto  [clie]  da  Panlo  et  da  Luca 
il  corpo  di  N.  S/*'  era  chiamato  pane  cioè  cilio  et  nutrimento.  se- 
condo la  consuctudine  de  gli  Hebrei  elie  cliiainano  pane  ogni  sorte 
di  ciljo;  et,  in  questo  significato,  la  carne  et  il  corpo  di  X.  S.'''  era 
vero  cibo  et  vero  nutrimento  nostro  '.  Fu  fatto  (sic)  un"  altra 
risposta  a  questo  proposito  che  Christo  si  chiamava  veramente 
pane  corne  è  scritto  in  S.  Oiovanni:  «  eyo  sum  punis  rerus  qui 
de  cela  (sic)  descendi  ».  Et  in  questo  significato,  San  Paulo,  San 
Luca  et  altri  dottori  antichi  cliiamorno  la  carne  del  S/*  pane  perche 
veramente  nutrisce  Fanima  nostra.  AlFautorità  d'Augustino  (sio 
rispose  che  esso  Agostino  in  inliniti  altri  luoghi  confessa  la  vei-ità 
et  la  presentia  del  corpo  di  N.  S.'"'  uel  sacramento,  et  che  biso- 
gnava  interpretare  Augustino  (sic)  per  Agostino.  Et  percioche  uel 
sacramento  è  il  ^  segno  visibile  et  la  cosa  significata  visibile,  Agu- 
stino  (sic)  dice  che  il  S.'*"  non  dubito  dire:  «  questo  è  il  corpo  mio  » 
ancorche  quel  segno  visibile  fusse  figura  del  corpo  suo.  Finiti  questi 
argumenti,  volsero  ragionar'  di  altre  cose,  ma  non  si  audo  pii'i  oltre 
perche  la  regina  si  levo,  essendo  già  notte. 

'  Omis  pai-    V.  P.  U4. 

2  V.  P.  I2i:  céleste. 

3  Omis  par  V.  P.  134. 


JOl'RXAI.    DE    L  ASSEMHLEE  H.'i 

Alli  xxviij  la  regina  col  suo  eonsiglio  accettô  l'offerta  elie  li.-i- 
veva  fatta  la  Cliiesa  di  risouotere  in  vi  anni  il  dominio  dol  iv,  il 
qiialc  imiiorta  cosi  confusaniente  16000000  di  franchi,  se  liene  alla 
Chiesa  importa  di  xxi  o  xxij  milioni.  Onde  la  congregatione  maiidn 
snbito  il  vescovo  di  San  Briux  '  alla  caméra  de'conti  a  Parigi  pcr 
ritrarre  veraniente  quelle  che  il  re  '"  cava  délie  iiij  décime,  liavondo 
opinione,  con  una  accrescimento  di  dua  (sic)  o  trecento  mila  fraiiclii 
di  pin,  di  poter  pagarc  detta  somma  in  termine  di  xij  anni,  se 
liene  il   rè,  come  si   è   dette,   ribavrà   il   sno   in   termine  di   sei. 

Alli  xxviiij  et  xxx  il  s.'"'  car.'''  di  Lorena  se  ne  ando  a  Me- 
dine  ',  et  lasciù  la  carica  di  formare  *  i  canoni  [al  sig.''  cardinal 
(Il  Tornone  in  compagnia  di  non  so  quanti  vescovi  o  ^  tlieologi,  i 
quali   vi   attesero  ineessantemente  due  virlte   il  giorno. 

[A  di  primo  d'ottoVive,  havendo  monsig.'*"  111.'""  di  Lorena  tro- 
vato,  nel  ritorno  suo  da  Medone,  clie  monsig.''"  ill.'""  di  Tornone 
et  altri  prelati  et  theologi  c'  liaveano  vacato  in  qnesta  sua  a'psentia 
a  formare  i  canoni  sopra  le  cose  delliberate  nelle  loro  congrega 
tioni.  elle,  di  quelle  che  Sua  S.  ill.'""  n'havea  formate  prima,  ne 
cr.i  stato  siancellato  o  vero  altei-ato  non  so  che  uno,  sene  dolse 
acerhamente  nella  congregatione  générale,  indrizzando  il  suo  par- 
l.ire  al  sig."'  cardinal  di  Tornone,  et  concludendo  a  buona  cera  che 
non  era  per  comportarlo.  Onde  scusando  queU'altro  sopra  tutti  i 
deputati  ch'erano  stati  di  questo  parère  et  non  acquietandosi  per 
questo  Lorena,  Tornone  dis.se  che  poiclie  sua  sig."  ill."'"  voleva  e^■- 
s'rc  snjira   le  eongregationi.  cirei;li  si   protestav.i  di  non   volerci  in- 


'  Saint-Brieuc. 

-  r.  r.  124:  che  '1  cava. 

'  Mendon.  —   )'.  P.  1J4:  .Medon. 

*  F.  P.   ÎV4  ;  la  carica  di  seguitare  di   fonnaie. 

•'■  Ihid.:  et. 


144  ROME    KT    l'OlSSY 

tervcnire  pii'i  ;  et,  cosi  detto,  sene  usci  fiiora  et  ni  f«cf  portare  nell<- 
sue  camere.  La  quai  cosa  dettr  forte  uel  nano  a  tutti  i  vescovi. 
parendoli  che  Loreiia  si  vpudicasse  troppa  autorità  sopra  di  loro, 
et  pertanto  sene  dolseni  modesta mente  et  lo  feoero  capace  del  torto 
che  S.  S.  111. ""*  havea,  poiiendof^li  in  eonsiderationc  la  eontentez/.a 
rhe  sariano  per  piirliare  (picsti  ininistri  iiitendiMiiln  rlir  tia  huo 
incomineiasse  ad  essere  disnnione.  Onde  rironoseiiitosi  Ldrena,  parvc 
l)ene  alla  eonçregatione  di  inaiidar  monsig.""''  d'Amiens  et  d"Orleans 
a  pregare  il  detto  sig/''  cardinale  ciic  v(de!)se  ritoniaïc,  essendo 
che  la  congregatione  havea  pn'8o  per  prnpria  riiiipiitatione  du- 
Lorena  gli  dava,  et  fattogli  confessarc  che  nnn  si  ]ioteva  dolere  di 
lui.  Del  die  Tornone  non  sene  rese  difficile,  et  cosi,  senza  moite 
parole,   fu   posto  fine  a  qtiesta  alteratione]  '. 

Alli  ij  es.sendosi  inteso  clie  i  vescovi  di  Usez,  Valenza,  Sali- 
gnach  et  Buttiglieri  et  Disiiansa  ei-ano  convenuti  due  volte  à  di- 
sj)utare  privatamente  cdn  (|iicsti  niinistri.  et  clie  il  niincire  cm-n-va 
che  i  dctti  ciiiqiie  si  vaiilavano  di  csscrc  stati  deiJiitati  dalla  con- 
gregatione,  fu  da  tutti  dctln  clie  se,  cra  vero  che  iiessumi  di  (juel 
corpo  si  fusse  gloriato  di  essere  stato  eletto  da  loro  à  disputare, 
die  meritavano  non  solo  di  essore  scacciali  da  qnella  eomiiagnia 
ma'  di  essere  connumerati  nd  ninmni  di  altii  lieretici.  11  medesimn 
di,  Besa  feee  appresentare  nella  cougregatinne  Finclusa  confessione 
die  egli  et  i  eompagni  volevano  fare  intornd  aU'articiilo  del  sa- 
eramento.   et   scgnila   [in   (iiicstn   modo|. 

Suit  la  traduction  du  texte  de  cette  confession  telle  qu'on  la  trouve 
dans  VHist.  écriés.,  1,  pp.  676-677  et  dans  Espence  (Kuble,  p.  41)  avec 
cette  seule  ditférence,  que  l'auteur  du  diario  a  inintelligeminent  traduit 
<  prend  .  par  <■  parendo  »  et  omis  .  donne  »  dans  la  formule  «  présente, 
donne  et  exhibe    veiitahlemeiit  la  sulistance  de    son    cor|)s  •.    Ile    même 

'  Tout  ce  paragiaiilie  iLiani|ue  ilans  G.  -KiS, 
3  G.  403:  et. 


JOIRNAI,    DE    l'assemblée  145 

il  naduit  .percevoir»  par  >  per  iinesto  vedere,  pour  ce  voir»!  —  Le 
Vai:  poUl.  125,  contraireinent  à  Gas.  403,  Ait  -  la  fede  rende  vere  le 
cose  promesse  •  au  lieu  de  «  rende  presenti  »,  qui  est  ponforme  au  texte 
de   Bèze. 

Ne  mancarono  di  quelli  che  consigliavano  che  detta  confessione 
si  accettasse  ',  usando  di  questo  termine  che  da  un  mal  pagatore 
l)isognava  accettare  quel  ehe  si  poteva  havere.  Al  che  fu  risposto 
che  non  era  da  paragonare  le  cose  délia  fede  con  il  dare  et  con 
rhavere,  perche  bisognava  parlarne  chiarameute  et  non  con  tante 
coperte  et  ombre  conie  facevano  co^toro.  Et  pero  fu  risoluto  da 
tutti   di   non  accettarla. 

Fu  anco  ragionato  et  risoluto  di  tare  fare  un  cathechismo  il 
quale  habbino  ad  usare  tutti  i  curati  per  la  F'rancia  ad  instruire 
il  populo,  et  di  eensurare  la  confessione  di  Calvino  ;  ma  sin  hora 
non  è  stato  dichiaratn  du   ne  liabbi   da  liavere  la  cura. 

Alli  iiij  il  vescovo  di  Valenza  °  porto  in  congregatione  un'altra 
confessione  di   Theodi>ro  dcU'inoluso   tenore  : 

Ici  traduction  de  la  formule  donnée  par  Espence  (Rublb,  pp.  41-42) 
et  VJJist.  I celés..  I,  p.  GTS,  sauf  les  différences  suivantes:  ■>  et  che  noi 
pigliamo  et  mangiamo  spirituahiiente  »  au  lieu  du  «  que  nous  mangeons 
sacramentel lenient  »  d'Espence,  du  «  que  nous  recevons  et  mangeons  sa- 
cramentellement,  spirituellement  »  de  VHist.  ecclés.  ;  —  «  per  esserne  vivi- 
ficati  >  conforme  à  VHiii.  ecclés.  alors  qu'  Espence  ajoute  «et  rassasiés  »;  — 
Ijijrliamo  realmente  et  con  effetto  il  vcro...  »  au  lieu  de  «  nous  prenons 
très  véritablement  et  de  fait,  seu  realiter  et  re  ipsa,  le  vray  »  (Espence- 
Rrm.E);  «  nous  prenons  vrayement  et  de  faict  le  vray...  »  {Hist.  ecclés.)  ; 
l'adjonction  de  «  nostro  Salvatore  Giesii  Cristo  »  à  cette  phrase,  Espence 
disant  t  Nostre  Seigneur  Jésus-Christ  »  et  Vffist.  Ecclés.  simplement  «  nos- 
tre  Seigneur  »;  —  dans   la   dernière   phrase   «  del  nostro   salvatore  ,Jesu 

'   V.  P.  Ii4  :  s'eccettuasse. 

'   V.  P.  124  ajoute  :  in  nome  délia  Reggina. 

Melaïujfn  i/'.-l  i-cft.  ••!  il'Ilint.  Util.  ^0 


■14b  rio.Mi':  KT  l'oissy 

Cristo  .  au  lifu  de  .  iriccliiy  •  (Ksi'KXfE-Kiiiii.K  ,  .  (rict-liiy  nostre  Sau- 
veur •  {Hist.  ecclé.1.];  —  pntin  •  per  servare,  pour  conservf  r  •  traduisant 
le  «percevoir»  d'Espence  et  de  Vlfist.  erclés. 

Va  ponlio  il  (Ictto  vcscovo  nidstro  (|u;isi  clif  l.i  rc;,'in:i  deHJde- 
rasse  rlic  si  aoeettasse  detta  confossione,  la  conj^re^^jatioiie  deputo 
il  veseovo  di  Legiiix,  délia  Vaiira  et  di  Cialone  ',  a  forinare  la  eoii- 
fcssione  ehe  voleaiio  clie  facessero  a  S.  M.'" ,  et  a  dolersi  del  pro- 
cèdes maliffno  di   costoro. 

Il  veseovo  di  Seex ',  iiel  medesfinio  giorim,  dnjio  essersi  scu- 
sato  de  colloquuij  elie  liaveva  fatti  con  questi  niiiiistri,  disse  clic 
poi  clie  ia  eongre^ratioiie  non  li  trovava  IjHonJ,  si  eome  non  }rli 
ti-ovava  anco  lui.  non  sentendo  mai  useir  dalla  lioeca  di  detti  mi- 
niatri  se  non  cose  perniciose,  esso  non  ci  voleva  j>ii'i  intervenire, 
et  pregô  la  eompaïnin  '  h  volerlo  scusare  eon   la   rc.^ina. 

Dalli  iiij  sino  alli  xiiij  ^  è  suecesso  clie  il  veseovo  di  Lexias  ', 
il  pii'i  veecliio  dei  tre  vescovi  ehe  furno  députât!  a  loruiare  la 
confessione  de"  prélat!  et  la  "  censura  di  quella  del  IJesa  et  com- 
pagni,  dopo  havere  fatto  prima  un  poco  d"orat!oneella,  appresentô 
la  tletta  confessione  insienie  cun  la  censura,  ii-  (|Uali  t'uruo  lette 
ad  alta  voce  da  un  de  sefriTtariJ,  et  il  tciiorc  deU'una  et  delTal- 
tra  è  quello  ehe  seguita  : 

Confessione  de"  prelati, 

La  traduction  placée  ici  est  identiijue  au  texte  donné  par  l'/Zis/.  ecclés., 
1,  p.  GSf),  sauf  «  iiubstantialuiente  »  au  lieu  de  «  transubstantiellement  »  en 
f.  ItiO    (|uoi  il  concorde  avec  Espense  (Kiiiîle,  pp.  42-43)  dont  il  diffère  en  di- 
sant «  per  la  virtù  et. potentia  délia  divina  parola»,  conforme  à  VHht. 

'   Lisieux,  Lavaur,  t'iiâlons.   —     1^'.  P.  I:i4 :  Legieux,  la  Vaura. 

•  Séez.  —   T'.  P.  1^1:  Seir. 

'  T'.  P.  134  :  congregatione. 

<  Ihid.  :  dalli  4  sino  alli  9. 

""  Lisieux.  —    V.  P.  J34:  Lexius. 

"  G.  40:i:  la  confcsi-ione  de'  jirelati  alla  censura. 


.lOUK.VAL    DE    l'assemblée  147 

ecclés.,  tandis  qu'Espence  dit  seulement   «  par  la  puissance  de  la  divine 
parole  ».  Le  traducteur  a  omis  «  Jésus-Christ  »  ajouté  par  les  deux  textes 
aux  derniers  mots  •  Nostre  Seigneur  ». 
Vient  ensuite: 

Censura  délia  confessione  di  Tlieodoro  Besa  tatta  da   prelati  et 
theologi. 

Traduction  identique  au  texte  donné  par  VHist.  ecclés.,  I.  pp.  680- 
682,  à  part  de  légères  moditications  :  adjonction  de  «et  spetialmente^  » 
dans  la  premièie  phrase,  ♦  realmente  »  dans  la  phrase  «  est  aussi  actuel- 
lement an  sainct  sacrement  »,  et  «  sacra  »  ajouté  au  dernier  mot  «  l'Ecri- 
ture »  :  —  omission  de  «  chi  lo  mangia  indegnamente  »  dans  la  phrase 
f.  161  de  S.  Paul,  avant  «  si  mangia  il  giuditio  »  ;  —  traduction  par  «  have- 
vano  vera  fede  »  de  «  auroient  toutesfois  en  vraye  foy  ». 

Dopoi  il  s.*"'  car.'""  di  Tornoiie,  corne  présidente,  fece  dare  la 
detta  confessione  al  s."""  ear.'^  d'Armignach  perche  l'approvasse,  et 
S.  S.  ill.™-'.  replicando  tre  volte  quella  prima  parola  «  io  credo 
et  cont'esso  »,  proruppe  in  tante  lachrinie,  che  eccito  per  il  vero 
nella  maggior  parte  una  eontritioue  mirabile.  Di  poi  seguito  il 
car.'*'  dell'Lorena  (sic),  et  recitô  anelie  lui  semplicemente  il  tenore 
délia  detta  confessione,  con  qiiesta  aggiunta  :  ch'anathematizzava  la 
confessione  di  Théodore  Besa  et  eompagui.  Borhone  fece  il  mede- 
sirao  et  si  ufferse  k  sottoscriverla  cou  il  proprio  sangue.  Guisa  an- 
v°  cora  ]  disse  quasi  una  cosa  simile.  Et  il  medesimo  fecero  tutti  gli 
altri  vescovi  '.  di  Usez,  Ciartres,  Vencia  '  et  Valenza  iji  fnore,  de'i 
quali  i  prinii  tre:  chi  disse,  che  ci  si  voleva  pensare  :  chi  si  scuso 
di  haverla  fatta  una  volta  ;  et  chi  disse  che  il  concilio  et  il  papa 
solo  lo  poteva  astringere  à  una  confessione  di  fede.  Ma  Valenza 
replicn.  quanto  al  santissimo  sacramento,  che  fides  quae  nititur 
verho   Del    inducit  et  efficit  presentia  (sic)  Domi)ii,  volendo  inferire 

'   11  manque  un  mot,  sans  doute   ■  quelli  •. 
^  Chartres,  Vence. 


14S  KO.MK    ET    POI.S.SV 

rlie  daU'assistputi;!  «idla  tVdc  liave«-^e  da  diiicndon-  la  prescntia  del 
corpo  del  S/'';  ot  continiiô  qiiesto  cou  3  aiitnrità  :  priiiia  «  e.nil- 
tarit  Abraham,  etc.»  dove  dire  «se  riflisse  iliem  Ihinini  »\  se- 
conde per  la  {^iii-<tificatioiic  olif  i'-  fatta  in  nui  per  iiistitiani  Del 
la  quale  <•  pure  in  cielo;  tertio  alle^f')  il  concilio  Niecno  '  in  une 
articulo  che  non  è  impresso,  dieendo  clie  in  quello  ai  leggeva  «  fide 
efficiemiis  agnitm  Dei  esse  snper  mensnm  '  ete  ».  Finito  elie  elihe 
Valenza,  et  non  curandosi  Turnone  elie  si  gli  replieasse,  dai)oi  che 
la  cosa  si  era  vinta  per  la  pluralità  de  i  voti,  il  signor  card.'"  del 
Lorena  (sic)  disse  a  tutti  quel  S."  elie  essendo  stato  incolpato  Des- 
pansa di  haver  sottoseritto  la  confessione  del  Besa,  voleva  clie  egli 
uiedesimo  se  ne  giustificasse,  et  gli  dette  adito  di  dire  eiô  che  vo- 
leva. Ma  costui,  in  eambio  di  scusarsi,  si  cavi'j  una  scrittiira  fuor 
di  petto  et  cominciù  a  leggerla  pin  con  il  capo  che  con  la  hocea, 
fermandosi  quasi  sopra  ogni  parola,  et  perciie  ooncliiudeva  niente 
fu  giudicato  fusse  mezzo  fuor  di  s^.  In  ultime  parve  che  volesse 
inferire  che  la  confessione  che  egli  liaveva,  non  so  se  rai  deliba  dire 
accettata  h  sottoscritta,  ô  exortato  che  si  approvasse,  non  diceva 
f.  162  I' clic  la  fede  appoggiata  in  su  la  parola  di  Dio  facessc  et  rendesse 
presenti  le  cose  promesse,  ma  che  la  parola  di  Dio  appoggiata  su 
la  fede  faceva  questo  etfetto,  et  che  quel  che  lui  haveva  ô  detto,  o 
sottoseritto,  0  posto  innanzi,  l'haveva  sostenuto  serapre,  biasmando 
quel  termine  che  .si  era  usato  di  anathematizzare  et  dichiarare  he- 
retica  la  confessione  délia  •i)arte  contraria,  essendo  che  loro  non 
eran  di  quella  vita  et  dottrina  de"  padri  de'  primi  cinque  cento  anni, 
che  dovessero  assicurarsi  cosi  facilmente  ad  anathematizzare  et  che 
i  iiostri  avversarij  ci-  havevano  poi  fatto  una  risposta  che  ci  haveva 
(lato  da  fare,  volendo  inferire  che  la  loro  confessione  liaveva  l'es- 
chisiva  da   poterla    dichiarare    hcrctica.    Et  in    etfetto    fu    facile   a 


'   1,1'  ms.   V.  P.  134  s'arrête  la. 
*  Il  V  a  meiisem. 


JOURNAL    DE    L'aSSBMBLÉE  149 

scnprire  <li  '  luiver  sentito  puliliciire  lieretica  iina  confessioiie  ilella 
quale  era  stato  i)ortatore,  et  clie,  per  minor  maie,  liaveva  persuaso 
ch(î  si  aeeettasse,  gli  haveva  fatto  passare  i  termini  clie  gli  ap- 
partcuevaiio  et  raassimi'  verso  il  car.''"  di  Loreua  suo  padrone. 
Airiiora  si  fecc  iniiaiizi  un  maestro  Pellettier,  dottore  délia  Sor- 
bona,  et  disse  ehe,  quanto  costoro  rispondessero,  Dio  suseitenï  molti 
elle  coufuteriano  facilmente  tutti  i  loro  argumenti.  Et  di  poi,  vol- 
tato  a  nions.'"  di  V'alenza,  coniincio  ad  impugnare  la  sua  opinione 
corne  lieretica,  allegaudo,  oltra  gli  altri  passi  tocclii  nella  censura, 
clie  Abraham  vidit  fide  diem  Domini  corne  cosa  cbe  haveva  da 
essere,  et  che  nos  iustificamur  ctiam  ex  iustitia  nostra,  et  ehe  l'ar- 
ticulo  del  concilie  Niceno  era  stato  allegato  falsamente  perche  non 
diceva  «  fide  efficiemus  »  sed  «  inieUigimus  »  et  sic  non  faciebat 
v"  ad  proposituni.  Aile  |  quali  coufutatioui,  Valenza  non  seppe  che  si 
replicare  se  non  buttar  la  cosa  in  risa  et  dire  che  quel  monaco 
si  voleva  attaccar  con  lui.  In  questo  mentre.  Despansa,  ragiouando 
cou  Bottigliere,  faceva  seiubiante  di  liiasmare  le  resolutioni  che 
erano  state  prese.  Onde,  che  gli  era  accanto  prese  occasione  di  farli 
un  poco  di  riprensione  et  dirgli  che  doveva  captivare  l'intelletto 
suo  cou  quello  di  tanti  personaggi  litterati  che  erano  stati  di  quelle 
parère.  Dal  elie  irritato  Despansa  cominciô  ad  insultare  mous.™  di 
Ambruno  ',  et  la  pit'i  niodesta  parola  fu  che  egli  dovesse  andare 
alla  scuola,  et  replicandogli  quell'altro  raodestameute,  entro  nella 
liza  Bottigliere  et  cominciô  parinieute  ad  insultare  Ambruiio,  et 
replicandogli  raltro  che  egli  non  amava  di  essere  laudato  da  un 
frate  sfratato,  Buttigliere  gli  diede  una  mentita  per  conclusione. 
Despansa  quel  giorno  perse  tutto  qucUo  che  si  era  acquistato  quel 
due  giorni  délie  conferentie,  ancorche  dapoi  si  sia  raveduto  et  ha 
domandato  perdono  aU'arcivescovo  d"Ambruno. 

'  Il  manque  sans  doute  un  mot:   >  fù  facile  a   scoprire   che,  di   ha. 
ver...»  ou  »  che  Fliaver  sentito...  gli  haveva  fatto  passare...». 
'  Embrun. 


lîiO  nOME    ET   P0I8SY 

Dn'.iltro  giorno,  fii  lttt;i  in  congregatione  una  aggionta  che  al- 
iiini  rioordavano  clie  si  facessero  canoni  di  supplicare  il  i)apa  pr-r 
la  commimione  sub  iitraqiie  aporio.  Kt  essendosi  vemito  -i  i  voti, 
fu  riaoluto  clie  non  si  dovcsse  fare,  stante  la  prohiliitioiie  che  ne 
i'aiino  i  concilij  Constanticnsc  et  di  Basilea.  Ma  fu  ben  detfo  clie 
qiielli  elle  la  desifleravano  potevano  partieularmente  adimandarla 
al  papa  o  al  eoneilio.  Fii  |iariiiienti'  i)ropnsto  elie  si  dovesse  pi'o- 
vedere  al  numéro  eceessivo  délie  messe,  et  elie  per  l'avvenire  non 
potesse  ogni  une  ad  libitum  far  dipingere  délie  imagini,  et  che 
i.  1G3  nelle  cathedrali  et  collégiale  ||  i  ministri  et  assistenti  liavessero  à 
fiimmiinioarsi  conie  il  saeerdotc  sub  una  specie.  Ma  perche  si  da- 
bitô  che  sotto  questa  jjroposta  de  i  ministri  et  assistenti  non  si 
audasse  a  caraino  di  toglier  via  le  messe  basse,  fu  dechiarato  che 
detti  ministri  et  assistenti  s'intendessero  il  diacono  et  subdiacooo 
solo. 

Fra  questo  tempo  torm'i  il  vescovo  di  San  Briux  da  l'arigi  et 
referi  di  baver  trovato  nella  r'.uinTa  de"  eonti  che  délie  (piattro 
décime  non  son  venuti  mai  al  re  di  netto  più  di  un  millione  et 
quando  centotrentasette  milia  franchi.  Onde,  con  raccrescimento  di 
200000  di  avantaggio,  si  son  chiariti  di  poter  colorire  il  disegno 
loro  come  di  sopra  si  ^  detto:  et,  nel  compartire  questo  accresci- 
mento,  ci  è'  stato  non  ])<ico  romorc.  perche  li  cnrati  volcvano  essere 
esenti.  Pure,  alla  fine,  ogni  cosa  si  è  accommodata,  et  Taccommo- 
daraento  è  stato  :  che  i  vescovi  pagheranno  einque  décime,  gli 
abbati  et  priori  soi.  et  i  cnrati  (|nnttni.  ITora,  si  atti'iide  a  for- 
mare  alcuue  conditioni  sutto  le  ([uali  vojilioiio  i  i>rclati  far  que- 
st'obligo  al  re. 

La  sera  dclli  xiiij,  i  prelati  liuirono  i  lor  canoni  et  le  con- 
ditioni che  adiman(lava[no]  al  re  in  contracambio  dclla  sovventione 
che   ImporterA   alla   f'hicsa   22000OOO  di   franchi,    se    bene    a    Sua 


JOURNAL    DE    l'aSSEMBLÈE  151 

Maestà  non  ne  verrannii  in  vj  iinni  se  non  svj,  i  quali  si  hanuo 
(l.i  impiegar  tutti  a  riscuotere  il  siui  dominio.  Tra  dette  conditioni, 
vi  è  che  S.  M.''  Iiabbi  a  livucaie  tutti  gli  editti  che  ha  fatti 
V  iiiutia  [  la  libertà  ecclesiastica,  et  scacciare  dal  suo  regno  tutti  i 
uiinistri  délia  nuova  religione.  Fecero  poi  tra  loro  una  confessione 
generalis.-iima,  dal  siguore  ear.''"  Ciattiglione  in  poi,  che,  conie  non 
ei-a  stato  présente  all'altra  et  a  moite  cose  che  havevano  fatte  in 
quest'ultimo,  cosi  negô  di  volerai  sottoscrivere  a  questa,  doleudosi 
che  si  cercasse  '  con  questi  luodi  di  volere  sospeudere  la  persona. 
In  quanto  al  vescovo  di  Usez,  V^alenza,  Vancia  et  Ciartrcs,  non 
fiirno  quel  di  prescnti,  et  stimati  che  fussero  stati  avvertiti  di 
quello  che  si  doveva  fare;  ma,  in  cambio  loro,  vi  furno  quattro 
altri  che  non  vi   furno  alla  prima. 

Fatta  la  confessione  fn  dicliiarato  l'assemblea  fiuita,  et  seuza 
nietter  tempo  in  niezzo,  o  dare  spatio  in  corte  che  fussero  fatti 
fermare  a  Poissy,  tutti  li  eardinali  se  ne  vennero  a  San  Gerraauo 
et  appresentonu)  i  lor  canouj  alla  regina,  domandandogli  °  liceutia 
di  potergli  dare  al  Legato.  Et  di  piiï,  fecero  instantia  che  N.  S.'*" 
non  fusse  spogliato  délie  preventioui  perche,  quantunque  lor  sup- 
plicassero  che  S.  S.*"  se  ne  volesse  spotestare,  non  intenderouo 
pero  di  haverla  contra  il  suo  beneplacito.  Dltimamente,  adomau- 
f.  164  darono  liceutia  ||  per  tutti  i  vescovi  di  poter  tornai-e  aile  lor  chiese. 
Et  S.  M.'^''  rimesse  tutte  queste  deliberationi  al  suo  consiglio,  il 
quale,  tutto  il  giorno  delli  xvj,  si  occupé  solo  a  intendere  i  canoni, 
et  resolse  che  alli  xvij  non  si  trattasse  d'altro  che  d'iutendere  il 
voto  d'ognuno  circa  i  rimedij  che  si  potriano  applicare  a  tanti 
disordini  che  surgouo  In  diverse  parti  del  regno  per  conte  délia 
religione. 

'  Il  y  a  cerasse. 

'  Il  y  a  doiiunidadogli. 


LETTERA  INEDITA  1)1  GIOVANNI  ARGIROPULO 

AD  ANDREOLO  GIUSTINIANl 


Aile  dodici  lettere  latine  dell'  umanista  bizantino  Giovanni 
Argiropulo  pubblicate  dal  Lanipros,  'ApYupo7:o'j>i£i3:,  Atene,  1910, 
p.  187-203  ',  è  da  aggiungerne  una  tredieesima,  clie  si  conserva 
in  fonde  al  codice  Vaficaiio  greco  889  cartaeeo  del  secolo  decimo 
sesto.  Il  codice,  che  puô  dirsi  gemello  del  VaUiceUano  greco  22 
(B-99),  perché  scritto  da  uno  stesso  anianuense  con  eguale  carta 
e  inchiostro  e  contiene  molti  opuscoli  in  comune  °,  dopo  il  quater- 
nione  formate  dai  fogli  169-176  (nianca  il  numéro  /-|i',  che  gli 
spetterebbej  e  un  qiiaternione  vnoto,  ha  tre  fogli  pergamenacei  di 
cm.  l-t  X  9i5i  <^'  cwi  '1  pi'inio  è  in  bianco,  il  secoiido  contiene  la 
lettera  dell' Argiropulo,  il  ter/o,  incollato  aU'assicella  di  legno 
délia  legatura,  sotto  il  titolo  Ex  Cl/iriac/io  Ancoiiitano,  ha  una 
ricetta  per  fabbricare  l'inchiostro,  scritta  da  mano  diversa. 

La  lettera  è  iudirizzata  ad  Andreolo  Giiistiniani,  persouaggio 
ben  noto  délia  prima  raetà  del  secolo  decimoquinto.  Infatti  lo  Hopf, 
Chroniques  Grr'co-Romaines,  p.  505,  registra,  nell'albero  genealo- 
gico  délia  famiglia  Giustiuiani  Banca,  genovese  e  corapartecipe  délia 
Magaona  di  Chio,  un  Andreolo  (1392-1456)  di  Nicolo  e  i  suoi 
tredici  figli  avuti  da  Carenza   Longo.  Quest' Andreolo  non  solo  col- 


'  La  stampa  di  alcuue  lettere  latine  dellAigimpulo  o  attinenti  al- 
1  Argir.  sarebbe  liuscita  più  corietta,  se  il  Lanipros  avesse  conosciuto 
l'edizioiie  fattane  dallo  Zippel,  Ver  la  biografa  dclV Argiropulo,  Giornale 
storico  délia  letieratura  italiana,  28  (1896),  p.  9-2-112.  Vedi  anche  la  cri- 
tica  di  X.  Festa.  Atene  e  Borna,  13  (1910),  col.  370  s. 

-  Anche  il  cod.   Vaticano  greco  94!)  sembla  scritto  dalla  stessa  mano. 


Iâ4  I.BTTBHA    INKlJlTA 

tivava  le  lettere  (lia  scrittu  iina  Itdazionr  deU'atlacco  e  difesii  di 
Scio  nel  1431  ïd  terza  rima,  édita  da  G.  Porro  Lambertciighi  in 
MisceU'inea  di  Storia  IMiana,  6  [Toriiio,  1865],  p.  543  558), 
ma  era  anche  un  appasiiiiinato  collezionista  di  manitscritti,  moncte, 
statue  ed  altri  oggetti  d'arte.  Alla  sua  lilteralità  e  alla  sua  pro- 
tezioiie  facevaiio  ricursi)  ;,'li  uiiuinisti  coiitemporaiici  jmt  appa^çare 
la  loro  brama  di  possédera  o  scoprire  i  lesori  delTantichità  flas- 
sica,  corne  Ciriaco  d'Ancona,  Giacomo  Hracelli  ',  l'oggio  Braceio- 
lini,  dei  qnali  ci  sono  pervenute  diverse  lettere  a  lai  indirizzate  per 
chiedcre  qualelie  og<^etto  antioo  in  regalo  o  il  suo  aiuto.  In  omago^io 
alla  sua  dottrina  o  alla  sua  lihenilità  gli  lianiio  dedicato  opère 
iimanisti  eminenti  conie,  ad  escmpio,  Ciriaco  d'Ancona  la  tradu- 
zione  di  una  vita  d'Kuripide',  Ambrogio  Traversari  la  versjone  del 
De  animarum  immortulifale  et  corporis  resiirreclione  di  Enea  di 
Gaza',  Epistol.  2-'>,  11,  ed.  Melius,  col.  969  s.,  e  Leonardo  di  Chio 
il  De  lera  nobiUtate  contra  Poggium  *. 

'  Cfr.  Biaggio  t'arlo,  Giacomo  BraceUi  e  V itmanesinio  dei  Lignri  al 
siio  tempo,  Atii  delta  Società  Ligure  di  storia  patria.  2'i  (1890),  p.  39-51. 
.Miller  AV.,  TJie  Latins  in  tlie  Levant,  London,  1908,  p.  423,  inenziona 
Andreolo  «  a  connoisseur  o(  art  and  a  writer  of  Italian  verse,  to  wliom 
Miany  of  his  letters  (di  Ciriaco)  are  addressed  ». 

-  Cfr.  Braggio,  o.  t.,   p.  46. 

'  La  versione  del  Tra\eisari  fu  édita  prima  a  Venezia ./jer  Ate-xun- 
dnnii  de  Pagniiiitiit  a.  ]n]:i  menue  Vllliri:  indi  a  Basilea  dal  Frobenio 
nelTottobre  1516  sotto  il  titolo  Aeneae  Platonici  cliristiani  de  immortalitate 

aiiimi,  deqiie  eorporum  re.vitrrectione  dialogus  aiireus Ambrosio  Camal- 

dulensi  interprète,  insieme  con  Atcnagora,  De  resurrcctione,  tradotto  da 
Marsilio  Ficino  e  colle  sentenzc  di  Sisto,  tradotte  da  Rufino.  La  stampa 
veneta  fu  riprodotta  a  fîenova  nel  1645  coU'aggiunta  di  lettere  del  doge 
Kaffaele  Adorno  e  del  Biacelli  ad  Andreolo.  La  versione  riprodotta  in 
Migne,  P.  G.,  85,  col.  871-1003  c  quella  di  Giovanni  Wolf. 

*  11  trattatello  lia  forma  di  lettera  ad  Andreolo  (Incip. :  -Andreolo 
.lustiniano,  viro  iiisigni,  Leonardus  Archiepiscopus  Lesbi  salutem  dicit. 
t'um  coram  praestanti  viro  Lucliino  G;itelu.\io  ».  Expl.  :  «  Vale  igitur,  et 
tu  vir  spectabilis  et  insignis  .^ndreole,  hoc  nostro  sermone  utaris  »  cet.): 
cfr.  Caroli  Poggii />e  nobilitate...;  Leonardi  Chiensis  De  vera  iiobilitate 
contra  Pogyiinn ...:  Abcllini,  1657,  p.  h'i-^i. 


Dl    lilOVANNI    ARGIROI'ULO  155 

Il  Truversari  parla  di  Andreolo  anche  in  una  lettera  a  Nicolo 
5îicoli  del  18  novembre  U80  —  Episf.,  8,  35,  Mehus,  col.  393, 
a  proposito  di  Francesco  da  Pistoia  {quello  stesso  clie  nel  l-t33 
(•ercava  e  trovava  codici  in  Siria  per  il  Nicoli,  Epist.,  8,  48),  il  quale 
«  literas  ad  me  dédit,  quibus  multa  pollicetur  mihi  de  Andreolo  illo 
(îeniiense  nobili...  Ceteriim  ex  alio  Tlieologo  Jacobo  illiiis  socio  sum 
tactils  certior  quod,  qnum  fratcr  eius  ex  liisce  locis  rediisset,  dixerit 
sibi  vidisse,  se  pênes  Andreara  ipsuni  nummos  aureos  vetustissimos,  et 
quaedam  id  genus,  quae  mittere  ille  instituisset  dono  ;  et  quuni  ea  me- 
inoratus  juvenis  tuto  perferre  esset  pollicitus,  noluisse  illuni  ;  verum 
ad  redditum  Francisci,  qui  proxime  futnrus  est,  reservare  malle, 
ut  ipse  ea  perferat  ad   te  ». 

Notizie  più  concrète  intorno  alla  .scoperta  di  monete  e  statue 
antiche  avvenuta  a  Chio  in  quel  tempo,  e  intorno  al  nostro  An- 
dreolo, si  hanno  nell'epistolario  del  Poggio,  il  quale  eon  lettera 
allô  stesso  Nicoli  del  23  settembre  dice  che  il  nominato  Francesco 
di  Pistoia  '  «  satis  diligens  fuit  iu  exequendis  mandatis  meis,  uam 
lieri  redditae  milii  sunt  ab  eo  litterae  scriptae  Ciiii,  quibus  milii 
significat  se  habere  nomine  meo  tria  capita  marmorea...  Addit  etiani, 
quemdam  Andreoluni  .liistinianum  nescio  quid  ad  te  niissuruni . . . 
l'jgo  statim  rescripsi  Magistro  Francisco  et  scripsi  Andreolo  (est 
enim  ut  audio  a  Rinuccio  nostro  -,  vir  admodum  doctusj,  ut  per- 
(|uiraiit  au  aliqua  ex  eis  statuis  lialieri  posset  vel  precio,  vel  preci- 
bus,  et  in  eo  adliibeant  operani  et  diligentiam,  mihique  enarrent 
liane  rem  diligeutius  ». 

Il  Poggio  infatti,  assillato  dalla  smania  di  venire  in  possesso 
délie  teste  marmoree,  o  meglio  di  statue  intègre,  soUecito  più  volte 
per  lettera  tanto  il  missionario  domenicauo,  quanto  il  nobile  signore 
Genovese. 

'  Poggii  Episf.  IV,  12,  éd.  De  Tonellis,  I,  p.  325. 
'  Kinuccio  da  Castiglione,  sul  quale  v.   Sabbadini,  Le  scojyerte   dei 
codici  lat'ini  e  greci  ne'  secoli  XIV  e  XV,  Firenze,  1905,   p.  49,  66,  69. 


156  I.K-riKRA    INICDITA 

Al  P.  Maestr»  Fraucesco  (la  l'i^itoia  cnsi  scrivc  ila  Ruina  '  : 
«  rridem  liu'uiii  littera»  a  te  ex  Cliio  iliiplii-aUis  :  auti;a  Labueram  alias,' 
(liiihiis  lespondi  ;  et  item  scripsi  ad  praestantinsiniuni  virum  Aii- 
dream  Justiniamim,  quas  litteras  misi  Cajetam . . .  lu  prioribus 
litteris...  wribis  te  Iialiere  numiiie  iiieo,  hoc  est  qiiae  te  ad  nie 
delatuiuni  pdlliccris,  tria  caiiita  inainKirca  cxiniii  o|ii"ris  unum  Mi- 
iiurvae,  alterum  .lunonis,  tertium  Bacclii...  Si  qiiid  vero  signuni 
iiitoj,'rum  pusses  reperirc,  qiiod  tecum  afferres,  triiimpliarem  certe. 
Ad  hoc  advoca  consilium  Andreae  uosti  i,  oui  etiam  hac  de  re  scribo, 
qui  si  mihi  aliquid  de  suis  miserit,  bene  foeiieratus  feret.  Id  certe 
re  ipsa  experietur  se  coniplacuisse  homiui  minime  in^rato.  Satist'a- 
ciam  saltem  litteris  Ueneficio  sue,  eiimque  eelelirem  reddam  apud 
multos  pro  sua,  si  qua  erit  in  me,  l)enefieentia  . . .  Quoniam  scio 
te  non  esse  pecuuiosuiii.  (|uidi|uid  dandum  esset  pro  bis  et  aliis 
capitibus,  aut  signis,  pro  adiniplendo  memoriali  meo,  sumas  aliunde 
mutuo  sub  fide  mea...  Quaniquam  rogavi  quemdam  Januensem,  ut 
scribat  istic  Andreolu  iiostro,  aut  alteri.  ut  tibi  vd  XX  vel  XXX 
aureos  uomine  meo  tradat,  si  tibi  fuerit  opus  pro  eniendis  scul- 
pturis...   Valc  et  me   Andreolo  nostro  commenda  ». 

SuUo  stesso  argomento  il  Poggio  scrive  direttamente  ad  An- 
dreolo  Giustiniaui  ■  : 

«  Poggiiis  pi.  sal.  dirit  .\ndreolo  Justiniano  V.  C.  —  Licet  vel 
nimium  tibi  raolestus,  qui  binis  jani  litteris  de  eadem  re  tecum 
agam,  vel  parum  prudens  possim  videri,  qui  iguoto  mihi  aliquid 
oiieris  iraponere  audeani,  nullo  meo  in  te  otticio  praeeunte,  tamen 
confisus  tua,  (|uam  eximiam  dicuut,  luiraauitate,  malui  desiderii  mei 
quam  modestiae  rationem  habere...  Scripsit  ad  me  duabus  jam  epi 
stolis...  Franciscus  Pistoriensis  habere  se  capita  quaedani  marmorea 
rairaudi  operis,  quae  dono  velit  ad  me  déferre,  additque  in  litteris 

'  Poggii  Epist.  IV,  15,  éd.  De  Tonellis.  1.  p.  o30  =  Kpist.  XVIII, 
p.  181  delledizione  di  Parigi,  1723. 

'  Poggii  Ephi.  IV,  18,  éd.  De  Tonellis,  I,  p.  341. 


Di  (JiovANXi  ak(;iroi'i:lo  1o< 

suis  te  queraadmodiim  decet  virura  ingenii  praestantis  atque  eriiditi, 
copiosum  e«se  sciilpturarum,  quas  egregias  multis  ex  locis  eonqnisieris. 
lusuper  eura  te  liberalissimum  testetur,  meanim  vern  litterarum 
cupidnm.  linrtatur.  nt  ad  te  scribatn.  petamqne  aliqnid  in  qiio  te  mihi 
satisfaotiirnm  affirmât...  Peto  igitiir  a  te  rogoque...  ut  si  quod  habes 
signiim  niarranreum,  vel  caput  nohite,  in  quo  dando  mm  magnopere 
ofFendari.?,  velis  id  mihi  elargiri,  mittereque  per  Franciscum  doniim, 
fnturum  mihi  gratissimum   omnium,  qnae  mihi  donari   possent . . . 

»  Roniae  XXII  die  .Januarii  (aniii,  ut  opinor,  1431,  oome  an- 
nota ginstamente  l'editore)  ». 

Ma  il  Poggio  non  era  stato  il  solo  a  rivolgergli  simile  richiesta, 
giaccliè  il  Bracelli  scrive  ad  Andreolo  il  2  luglio  1440:  «  Piget 
nie  quod  dilitias  tuas  maimorea  signa  petierim  :  inopem  enim  te, 
quod  ignorabam,  earuni  rcrum  liheralitas  fecit.  Itaque  oro  te  desinas 
statuam  ad  me  mittere:  si  quis  vero  casus  effecerit,  ut  eiusraodi  sta- 
tuarum  copia  tibi  sit,  tune  patiar  ut  electo  aliquo  Phidiaco  vel 
Polycletico  opère  meas  aedes,  quae  tuae  sunt,  exornes»'.  Il  passo 
è  una  chiara  testimonianza  délia  liberalità  di  Andreolo.  che  inviô 
doni  anfhe  ad  Kugenio  IV  e  allô  .stesso  Poggio.  Costui  pero,  riniasto 
frodato  délia  maggior  parte  dei  l'egali  dalla  scaltrezza  di  Franceseo 
da  Pistoia,  si  vendicô  denunciandone  al  donatore  con  roventi  pa- 
role la   eondotta  indegna  e   sleale  ■. 

'  Cfr.  Braggio,  o.  c,  p.  45,  nota  2. 

'  Tutto  cio  risulta  dalla  lettera  del  Poggio  .scritta  ad  Andreolo  da 
Ferrara  il  15  iiiaggio  14.38.  «  Non  respondi  antea  litteris  tuis,  neqne  tibi 
gratias  egi  pro  muneribus,  quae  ad  me  misisti,  propterea  quod  Franciscus 
Pistoriensis  qui  ea  detulit,  adeo  suis  mendaeiis,  quae  phira  sunt  verbis, 
mihi  stomachum  commovit,  ut  non  possem  quieto  esse  animo  ad  respon- 
dendum.  praesertim  cum  de  eo  mihi  scribendum  esset,  qui  longe  abest 
a  l)oni  viri  moribus,  qualeni  eum  esse  existiraabam  cet.  Dona  tua  l'on- 
titici,  me  intermedio,  sunt  reddita:  quae  ille  grato  animo  caepit  ».  Il  Poggio 
ringrazia  anche  per  il  dono  nianilato  alla  propria  moglie  dalla  consorte 
d'Andreolo.  Ct'r.  Poggii  Opéra,  Basilea  1513,  fol.  124  '' ;  Mil,  1538,  p.  329; 
Poggii  Epist.,  éd.  De  Tonellis,  II,  p.  174-177.  V.  anche  Walser,  Pnggius 
Florentinus,  Leben  ttnd  Werke,  Leipzig,  Teubner,  1914,  j).   148. 


158  l.KTTKKA    INKIilTA 

Cosi  stnndo  If  cose,  erii  beii  iiaturale  clie  :il  iiobile  (Jenovese 
si  rivolgessero  anche  i  dotti  bizantini  per  soddisfare  la  sua  brama 
di  intrattenersi  con  persone  dotte  o  di  acquistare  libri  ed  oggetti 
antichi,  utteiiendoiie  in  eompenso  sussidi  nelle  loro  angustie  finan- 
ziarie  e  comnieiidatizie  per  i  principi  e  sigiiori  italiani,  presso  i 
((uali  si  trovarono  fostretti  a  rifugiarsi  negli  aiiiii  liii-  jireeedettero 
e  elle  scguirono  la  caduta  di   Costantinopoli. 

Tra  questi  dotti  dobbiamo  ora  annoverare  auclie  (iiovaniii  Ar- 
giropulo,  corne  risulta  dalla  lettera  latina,  che  qui  pultl)licliiamo, 
benehè  dalle  opère  di  lui  e  dalla  Idografia,  che  ne  ha  tesHuto  re- 
centemcnte  il  Lampros,  nulla  traliica  délie  relazioni  avute  con  il 
Giustiniani  e  del  sue  passaggio  per  Cliio.  Cio  non  deve  sorpren- 
dere,  quando  si  rifletta  alla  scarsezza  di  particolari  intorno  alla 
vit.i  di  un  autore,  di  cui  non  si  conosce  esattamente  ne  Tanno  di 
nascita  ne  quello  délia  morte  (serondo  il  Lampros  o.  c.  p.  l'j'  e 
ça',  l'Argiropulo  sarelibe  nato  circa  il  1410  e  niorto  ueiraiitiinno 
del  1491  o  1492:  seconde  una  notizia  del  cod.  Barber,  hit.  878 
del  s.  XVII,  pubblicata  in  Bessarione,  25  [1920J,  p.  146,  egli  sa- 
rebbe  morto  il   26  giugno   1487j. 

Nella  lettera  l'Argiropulo  chiede  scusa  di  non  essersi  recato 
a  far  visita  e  atto  di  ossequio  ad  Andreolo,  inentre  era  di  pas- 
saggio  per  Chio.  Egli  attril>nisce  la  mancata  visita  aile  sue  di- 
sgrazie  e  calaniità,  che  non  gli  pennettono  faeilmente  di  presen- 
tarsi  al.  cospetto  di  personaggi  esimii,  perché  potrelibe  sembrare 
che  lo  facesse  non  per  amore  délia  virti'i  e  del  proprio  migliora- 
nieuto  spirituale.  ma  per  chiedere  i  rimedi  contre  tali  calaniità  :  e 
accenna  anche  al  suo  «  innatus  (luidam  piidor,  queni  non  iion()nam 
habentem  ledere  experientia  docet  ».  K  tinisee  cou  una  Iode  dci 
«  preclara  facinora  »  e  délie  «  eximiae  virtutes  »,  che  la  fama  ha 
propalato  iihique  ferrnnon.  «  Nobillitas  enim,  probitas,  virtusque 
scientiaque  tua  me  non  modo  in  tuum  compulsere  amorem,  vernm 
etiam  tuornm  facinorum  preconem  egregiura  mérite  confecere  ». 


DI    filOVANNI    ARGIKUPULO  l.)!l 

Si  deve  intendere  il  seguente  «  Vale  continue  felis  atque  beatus  », 
col  quale  l'autore  suol  ehiudeir  altrp  sue  lettere (ad  esi.  le  lettere  8- 1 0 ). 
corne  définitive  commiato  dairamiro,  iicll'istaiiti'  di  lasciare  l'isola, 
puntd  di  sosta  nella  sua  peregrinazionc  ?  O  piuttosto  tutta  la  let- 
tera  va  interpretata  corne  un  garliato  e  pudibondo  annunzid. 
o  preavviso  del  suo  arrivo  a  Cliin  in  cosi  misère  eondizioni,  per 
provoeare'  indirettamente  Taiuto  e  la  protezione  del  mecenate,  dci 
cui   «  facinora  »  era  divenuto  «  preco  egreg'ius  »  ? 

L'accenno  alla  fama  è  proprio  uuo  dei  luoglii  più  coniuni,  è 
il  tasto  che  gli  umanisti  toccano  i)iii  di  t'rei|uente  per  muovere  l'amor 
proprio  o  la  vanità  délie  persone  poteiiti  e  facoltose  a  confédéré 
sussidi  o  protezione.  L'ha  toccato  anche  il  Poggio,  quando  promette 
ad  Aiidreolo  di  renderlo  célèbre,  se  lo  soddisfenY  nel  suo  desiderio 
di   possedere  qualcuna  dellc  statur  •^"*'  '■         .-".-to  .,11-,..^   .,   r'^.■,,.  i_ 

Per  cio  non  è  improbabile  che  Tepistola  sia  una  soUecitazione 
di  aiuto,  concepita  in  terraini  alquauto  sostenuti,  conforme  al  na- 
tiirale  alquanto  altero  ed  arrogante  di   ilii   la    scrisse. 

Ma  in  clie  auiio  fu  scritta  ?  Xon  lo  possiamo  sapere,  perché 
l'autore  lia  oniessu  nella  data  proprio  Fanno,  corne  ha  fatto  anche 
in  altre  lettere,  le  quali  pero  in  buona  parte  si  possono  datare  in 
base  alla  segnatura  del  giorno,  mese  ed  anno,  in  cui  furono  ri- 
cevutc  (cosi  le  lettere  6,   7,   8,   11). 

Daltra  parte  l'accenno  aile  disagiate  eondizioni  dello  scrivente 
non  ci  offre  un  sut'Kciente  indizio  cronologico,  essendosi  trovato 
l'ArgiropuIo  quasi  senipre  in  l'istnttezzi'  tinanziaric,  anche  quando 
percepiva  pubblico  onorario,  e  cio  in  grau  parte  i>er  sua  colpi 
(cfr.  Migne,  P.  G.,  158,  col.  989  :  Lampros.  o.  r .,  v/,'-;).  Perô  è  da 
vedere,  se  dall'esame  délia  vita  dell'Argiropulo  non  si  possa  sup- 
porre  corne  probabile   un  detcrminato  y^eriodo  di    tempo. 

'  Vedi  il  passo  lifeiito  a  p.  Inti. 


IhO  I.ETTKKA    INKDITA 

L'Ai-;^ii'oiiiilii,  iiitcl-vciiiiti)  al  rcMicilii)  di  FiTiara  iicl  14:î'.l,  ai 
ritrova  al  principio  del  1441  a  Costaiitiimpcili,  (Idvp  riceve  una 
lettfira  di  Fi'ancescn  Filelfo,  cho  gli  raccoinaiida  il  proprio  fi^iclin 
(iiammario  e  Piotro  l'ci'lconi,  aiidati  cidà  |ici'  ra^ioni  di  stiidin. 
Alla  fine  dello  stesso  aiino  si  stabilisco  pres*i  lesiile  fioreiitiiiu 
Palla  Strozzi  a  Padova,  dove  iiise^na  privataniPiite  e  attende  a^li 
stiidi  di  latiiin,  Hlo^ilia  c  mediciiia,  eonse^iiendo  nel  1444  la  laiirea 
dottorale  'T/im|»ros.  (/.<■..  ]>.  •.-/ -/.').  Tornato  a  Hisanzio,  tiene  la 
cattedra  di  tih-sofia  iiidla  scinda  detta  Z;v(.jv  dal  1444  al  1450 
(<>.  fl.,  p.  y.'-'/.'/).  Tra  la  fine  del  1450  e  il  i)rincipio  del  1451 
accompagna  a  Roma  il  cardinale  Isidoro  di  Rnsnia  e  présenta  a 
Xicoli'i  V  nna  lettera,  in  cui  t'a  apcrta  profcssiune  di  t'cde  catto- 
lioa  e  racconianda  al  jinntcficp  i  duc  figli  Alessandro  e  Nicola 
(o.  c,  p.  129-141).  Si  trova  di  niiovd  a  Costantinopoli  nel  1452 
insieme  con  il  cardinale  Isidoro,  con  Farcivescovo  latino  di  Chin 
Leonardo  (îinstiniani,  con  Michèle  Apoatolio  ed  altri  poclii  greci 
favorpvoli   all'unione  (o.   c,   p.   A;'  ss.  ). 

Si  ignorano  completamente  le  peripezie  deU'Argiropnlo  durante 
Fasaedio  e  subito  dopo  la  presu  di  Costantinopoli.  Fgli  si  sarebbe  rifu- 
giato  nel  Peloponneso  colla  fanii.irlia,  pii  sarebbe  venuto  in  Italia 
da  solo,  per  cercarvi  i  nic/.zi  di  snssistenza.  Pcrsnaso  che  non  gli 
sarebbe  stato  inipossiliilç  di  sisteniarc  se  e  i  suoi.  specialmente  a 
Firenze  mediante  la  prote/.innc  di  .unici  intluenti  fad  eserajiio,  di 
Donato  Aceiaioli),  torm'i  in  Murca  ]wr  i)render  seco  in  Italia  la 
famiglia.  Ma  non  pote  ripartirne  subito  con  i  suoi,  perché  il  despota 
di  Morea  Tommaso  Paleologo,  minacciato  dai  Tnrchi,  credette  di 
valersi  délia  sua  eloqnenza  e  influenza  personale  per  riuscire  ad 
ottenere  soccorsi   dal   ji.-ipa  e  dai   sovr.-ini   occidentali  i  o.  c,  p.  aT  ss). 

Ed  ecco  la  lettera  di  Callisto  111  did  15  niar/.o  1456  che  rac- 
conianda al  Diica  Francescii  Stor/a  FArgiropulo  couie  legato  di 
Tommaso  Paleologo,  e  qnella  del  Filelt'o  al  medico  di  Carlo  VIII 
di   Francia  (o.  r.,   p.  314,  317  s.).  Durante  il  suo  viaggio  in  Francia 


m    i;lciVANNI    AlUilUOPHI.U 


vieiie  noiniu.ito  pnif'essorc  iiello  studio  tioréiitino,  ove  prese  a  com- 
ment.irp  l'otiea  Niconiaolica  il  4  fohbraio  1-157  e  contiiiU('p  a  pro- 
fess.-uT  siii"  al  1471  (o.  c,  p.  ux-yy').  Passato  a  Roma  nell'aii- 
tiiniio  (li  qiiest'anno,  insognA  lettere  grcelie  neirUniversità  Komana 
fiiio  alla  sua  morte,  semiire  in  mezzo  ;ul  aiigU8tie  eoononiiclie, 
giusta  il  passe,  forae  alquaiito  esagerato,  délia  lettera  di  Costantino 
Lascaris  a  Giovanni   Pardo:    x.aTKAîi-to    'M    tov  Êy.iv   ■/.y3rr^'r,-ry 

Iwâvw.v  TOV  '  ApY'jpOTîO'jXov  £V  [l-écr,  'Pl-»J.r,  -îvoy.jvov  y.yi  y.vM  t- 
•/.y.'7--r\'i   Tv;   ia'jToCi   piâ>.0'j;    àxo'V,'^ô|/£vov   (o.  c,  p.  vy;  ss.)- 

Ma  è  inutile  segnire  le  vicende  dell'Argiropnlo  oltre  il  1456, 
dal  moniento  che  il  destinatario  Audreolo  fiinstiniaiii  è  morte 
proprio  in  queiranno. 

Se  anteriorraente  al  1456  v'è  nella  vita  dell'nmanista  bizan- 
tino  nn  période  di  tempe,  eui  si  pessa  con  niaggier  probabilità 
assegnare  la  sua  lettera  al  Giustiniani,  dev'essere  quelle  che  segnl 
imniediatamente  la  presa  di  Costantinopoli.  In  qnali  tristissime 
condizioni  siasi  trovato  allora  l'egregio  professore  di  filosofia,  è 
facile  immaginare,  e  le  si  puo  arguire  anehe  dalle  descrizioni  che 
di  quel  tragici  moraenti  ci  hanne  lasciato  altri  suoi  compagni  d 
sventura.  Fer  l'Argiropulo,  di  cui  nulla  ci  è  pervenulo  interne  ai 
suoi  tristi  casi,  parla  invece  Douato  Acciaioli  nella  lettera  a  Gia- 
corao  Amnianati  del  5  agosto  1454:  «  Cum  Johannes  Argyropolus 
bisantius,  vir  iam  pridem  in  Italia  clarus,  nunc  vero  in  fortuna 
misera  censtitutus,  nuper  Florentiam  venisset...  Is  igitur  aversa 
fleggi  :  cversa)  nobilissima  patria,  tiliis  in  manibus  barliarorum 
relictis,  omnibus  bonis  spoliatus  ad  iiontiticem  confngere  statuit, 
quem  unicum  praesidium  fertunis  suis  in  tante  (leggi  :  tanta)  rerum 
iactnra  futurum  esse  cenfidit  »  (o.  c,  p.  313). 

Sono  peri'i  abbastanza  significative  anche  le  brevi  t'rasi  iniziali 
délia  lettera  ad  Andreolo  :  «  Fortunae  perversae  meae  atque  cala- 
mitates  ».   Fer  cui   si   puo  tranquillamente  supporre  che   la    lettera 


imaufjK  d'Anh.  et  d'UM.  IWl. 


162  I.KITKKA    INKIilTA 

appartenga  a  quel  travagliatissimo  iiit<M'vallo  dclla  vita  dcU'Ar;.'!- 
l'opulo,   in  ciii  era   in  cerca  di   rifnjci"  it  di    inf/.zi    di    siissistenza. 

Comiinqup  aia,  la  lettcra  ad  Aiidreoln  ('■  la  pii'i  aiitica  fra  le 
lettere  latine  scritte  daU'Argiropiiln.  cssendo  le  Icttere  1"  e  2" 
del  1460,  la  3"  del  14(18,  la  r,"  dcl  1470,  la  ti"  e  7"  den471, 
la   8»  e   9-  dcl   1472.   la   10"  <•    11"  dcl    147(i. 

<iuesta  cil'costanza,  cd  ;inclic  il  disagin  in  ciii  t'ii  scritta.  li 
dànno  la  ragione  dellc  drficonzc  délia  lettcra  (luanto  all;i  lingiia 
e  allô  stile  latino  (basta  rilevare  il  «  eompiilsen'  »;.  Sfabilitosi  jioi 
in  Italia  c  preso  maggior  eontatto  colla  Ictteratnra  latina  classica 
cd  umaiiistica,  in  condi/iciii  d'aniinn  pii'i  favnrcvuli.  TAivii^opill" 
riescirà  a  scrivere  Icttcrc  latine   ]>ii'i   accnratc. 

Rouja,  diceiiibie  1921. 

Su. vin    GllSKI'l'K    JIkr(ati. 


UOVANNl    AUGIHDPUI.O 


Clarissimo  ;ic  spcctatissimo  Viro  diomiuo)  Andreolo  Justiiiiaiio. 
Johannoa  Ar^iroptilus  '  (■onstantinopolitaniis  sfalntem)  p(hirimam) 
d(icit). 

Foitiiiiar  perversae  ineae  atqiie  calamitates  haiid  '  me  facile 
preditiis  at(iiie  ornatos  '  uiros  adiré  sane  permittiuit.  iioii  enim  for- 
tasse  aiiiDi'e  uii-tutum  ae  ut  ex  eis  me  melior  exeam,  sed  ut  cala- 
mitatum  l'emedia  postulem  eos,  adiré  uidebor.  Quod  etsi  u(iii  turpe 
pernitiosumque  est  (pietatem  enim  includit  atque  al)  ineredibili 
qiiadam  necessitate  procedere  solet),  tameii  inoportunitatem  qnan- 
dam  molestiainque  atïerre  uidetur.  quae  sapientis  esse  equidem  dnxi 
ex  actibus  suis  expellere  continueque  exterminare.  banc,  praestan- 
tissime  uir,  uelim  existiraes  causam  ne  fuisse,  quo  meam  in  te 
summiin  bonivolentiam  unico  saltera  ad  te  aditu  minus  potuissem 
ostendere.  accessit  ad  hoc  et  pudor  quidam  ■*  inuatus,  qnem  non 
nonquam  iialientem  ledere  experientia  docet.  Quam  ob  rem  uenia 
me  dignura  |  esse  existimes,  si  non  negligentia  sed  industria  mo- 
raentoue  nature  te  non  adiuisse  mihi  contigisse  uidetur.  qui  pro- 
fecto  niin  nuper  tua  preclara  faeinora  exiniiasue  tuas  uirtutes, 
nerum  ubique  fama  déférente  '  terrarum,  iamdiu  intellexi  rairarique 
caepi  at(iue  laudibus  summis  extollere.  nobillitas  enim,  probitas, 
uirtus  scientiaque  tua  me  non  modo  in  tuum  compulsere  amorem, 
nerum  etiam  tuorura  facinorum  preeonem  aegregium  merito  confe- 
cere.  Vale  continue  felix  atque  l)eatus  et  me  aemper  tuum  esse 
cognosce. 

Ex  Cliio,  dum  eo  peregrinarer  in  eandera,  tertio   Kalendas  Au- 

gustas. 

(Ex  Cad.    Vat.  f/i:  8S0). 

'  Ex  Argiro|jobis  entend. 

'  A'.r  haut  emeiirl. 

■^  l'redietos  atque  hornatos  (c  et  /(  expuiictis). 

*  Quidam  aiipra  lin.  add. 

■'■  Deflferente  ipriore  /'  expuncto). 


LA  BASILIQUE  SOUTERRAINE 
DE  LA  PORTA  MAGGIORE 

(PI.  II-V) 


Dans  son  savant  article  de  la  Revue  Ardie'ologique  '  M.  Franz 
Ciimont  considère  la  basilique  souterraine  de  la  Porta  Maggiore 
comme  la  plus  importante  des  découvertes  faites  k  Rome  depuis 
celle  des  Catacombes.  Le  Gouvernement  italien  semble  être  du  même 
avis.  Non  content  d'avoir  déblayé  à  grands  frais  et  au  milieu  de 
difficultés  de  toute  sorte  le  remarquable  monument  qui  attire  de- 
puis (juplques  années  l'attention  de  tous  les  savants  s'intéressant 
aux  questions  de  religion  et  d'art  antiques,  il  prépare  l'édition  d'un 
grand  ouvrage  illustré  où  se  trouveront  une  centaine  de  reproduc- 
tions photographiques  et  de  restitutions  des  stucs  décoratifs,  dues 
à  des  spécialistes.  Comme  la  situation  de  lu  basilique,  au  dessous 
de  la  voie  ferrée  de  Rome-Naples,  est  très  précaire,  comme  l'hu- 
midité fait  courir  ;i  la  décoration  les  plus  grands  dangers,  on  a 
décidé  de  dévier  la  ligne  et  de  faire  disparaître  le  talus  qui  re- 
couvre l'édifice. 

Découverte  et  descriptioii  générale  de  l'értiiice. 

En  avril  1917  un  affaissement  observé  par  le  personnel  du 
chemin  de  fer  Rome-Naples,  inexplicable  au  premier  moment,  obli- 
gea les  ingénieurs  du  réseau  à   faire  des  recherches  dans  le  sous- 


'  Fr.  Cuuiont,  La  hasilique  souterniine  de   la  Porta  Maggiore,  dans 
la  Revue  Archéologique,  1918,  II,  p.  52-73. 


166  I.A     liA.SII.KJI'K    .SorTKKKAl.NK 

sol.  Ôii  constata  d'abord  rcxistcnce  d'un  jitiits  ciiciilain',  jniis  d'un 
P'and  corridor  soiiterriùn  légcremeiit  incliné  fenviron  15  "  „'  et  enfin 
d'un  grand  édifice  (fig.  1)  décoré  de  stucs  lilancs  et  rempli  de  terre  jus- 


»i:  -yp'.i'ï;'?'"!^-'??!? 


qu'au  tiers  de  la  hauteur  primitive.  La  Direction  des  Fouilles, 
aussitôt  avertie,  fit  déblayer  soigneusement  une  partie  du  corridor 
et  de  la  basilique  même.  La  très  légère  montée  du  corridor  et  la 
différence  de  niveau  d'au  moins  10  m.  entre  la  voie  Prénestine 
antique  et  le  sol  de  la  basilique,  prouve  que  dans    l'antiquité  on 


DE    I.A    IMPUTA    MAUdlDRE  Jbl 

ne  pouvait  entrer  dans  celle-ci  qu'après  une  promenade  relative- 
111  'nt  longue  dans  une  demi-obscurité,  éclaircie  seulement  de  temps 
en  temps  par  un  trou  dans  le  plafond.  Ueaucoup  mieux  illuminé 
était  le  «  prouaos  »  dans  lequel  ou  arrive  en  empruntant  le  cor- 
ridor. Ce  vestibule  est  à  peu  prés  carré  (H, 62  >  3,50  m.)  comme 
l'atrium  qui  précédait  les  anciennes  églises  chrétiennes.  Le  pave- 
ment est  formé  par  une  mosaïque  de  pierre  blanche.  Une  double 
liôrdure  de  petites  pierres  noires  fait  le  tour  du  vestibule  ;  une 
antre,  également  double,  forme  au  centre  un  ])lan  carré  placé  à 
un  niveau  légèrement  inférieur.  Les  angles  de  ce  dernier  carré  de 
lignes  noires  sont  ornés  de  palraettes.  Au  centre  se  trouve  un  puits, 
creusé  dans  le  tuf  et  pourvu  d'un  canal  de  dérivation.  Ce  fut  pro- 
bablement l'emiilacement  d'un  liénitier,  comme  on  en  trouvait  de- 
vant les  temples  grecs  '. 

On  entre  immédiatement  du  pronaos  dans  la  basilique.  Celle- 
ci  se  compose  de  trois  nefs  d'une  longueur  de  12  m.  et  d'une  lar- 
geur respective  de  2,3  et  2  m.,  divisée  de  chaque  côté  par  trois 
piliers  rectangulaires  (env.  0,95,  1,15  m.)  qui  sont  à  leur  tour 
réunis  par  des  arcades  surbaissées.  Au  contraire  les  voûtes  des 
nefs  sont  à  tonneaux  semi-cylindriques;  à  l'extrémité  de  la  nef 
principale  se  trouve  une  abside  semi-circulaire  avec  un  rayon  de 
1,55  m.  La  basilique  est  pavée  comme  l'atrium;  les  piliers  sont 
entourés  de  doubles  bandes  noires,  'qui  contournent  aussi  quelques 
trous,  ayant  renfermé  probablement  des  mosaïques  précieuses  ou 
des  incrustations  de  marbre,  volées  postérieurement  [lar  des  pil- 
lards à   une  époque    jusqu'à  présent  indéfinie".   Sir  Arthur    Evans 


'  Voyez  Daremberg  et  Saglio,  Diclfonnaire  des  antiquités,  s.  v.  Lus- 
tratio  (Bouché-Leclercq),  p.   1407-1408. 

'  M.  Lanciani  espère  trouver  dans  quebiue  musée  les  parties  enlevées 
et  avec  celles-ci  la  solution  de  quelques  unes  des  questions  touchant  les 
moyens  de  ses  constructeurs  {Il  Santuario  sotterraiieo,  etc.,  Boîlettino 
ComnnaJe  di  Borna,  XLVI,  p.  69-84). 


168  I.A     HASll-lyCK    SdlTKUUAINK 

m'a  fait  reinanjucr  <|iii'  la  doiililc  Imnliiri'  nuire  (|iii  suit  tuul  le 
pourtour  de  la  iiasiliqiie  est  interroniime  di^vant  l'aliside.  et  a  rap- 
proché ce  détail  d'une  lialustradi;  placée  dans  une  villa  roj'ale  dé- 
couverte près  de  Knossos  en  Crète,  et  ((ui  est  interrompue  )»réci- 
sement  devant  l'emplacement  du  trône  '.  Dans  l'abside  de  notre 
basilique  ou  voit  nettement  les  traces  laissées  |)ar  un  sié^e  (thro- 
nos)  jadis  attaché  au   mur  de   fond  '. 

On  voit  dans  les  piliers  les  cadres  et  les  tenons  de  fer  ([iii  at- 
tachaient probablement  des  plaques  de  niarlire.  Au  dessus  de  ces 
cadres  se  trouvent  de  ]ietites  consoles  d'une  hauteur  de  O.Sd  m. 
et  d'une  largeur  de  0,;J5   m. 

Cette  courte  description  prouve  que  l'édifice  souterrain  a  par- 
faitement l'aspect  du  second  type  de  basili(|ue  décrit  dans  le  livre 
très  connu  de  C.  Leroux  '  et  destiné  à  servir  de  lieu  de  réunion 
pour  les  initiés  aux  mystères.  11  sutiira  de  comparer  le  Iflfsleiion 
de  Samothrace  (fîf;-.  2),  datant  du  IIl'  siècle  avant  notre  ère  et  le 
lîakeheion   d'Atliènes  i  II'    siècle   ajjrès  .1.   C.j  ■*. 


'  La  remarqué  au  sujet  du  tiûtie  tut  faite  pour  la  première  fuis  par 
Sir  Arthur  Evans  après  la  communication  sur  la  Basilique  lue  par  Ma- 
dame Strons  devant  la  Ilellenic  Society  à  Londres  en  octobre  1920;  lors 
de  son  séjour  à  Kouie  en  février  de  cette  année,  Sir  Arthur  visita  la 
basili(|ue  avee  Madame  Strong  et  constata  le  détail  de  la  iKirclure  noire. 
Le  lendemain  même,  je  rencontrai  Sir  Arthur  à  la  lîritish  School.  où  il 
voulut  bien  me  communiquer  ses  précieuses   observations. 

-  M.  le  prof.  (i.  Bendinelli  a  voulu  expliiiuer  les  trous  dans  le  mur 
de  fond  comme  des  points  d'appui  d'une  statue.  Cette  supposition  ne  me 
semble  pas  très  probable.  Je  ne  connais  aucun  exemple  d'une  statue  at- 
tachée de  cette  manière  à  une  muraille  et  je  crois  que  le  fait  que  la 
partie  inférieure  du  mur  de  fond  a  été  peinte  en  couleurs  jusqu'à  une 
hauteur  de  moins  de  2  m.,  exclut  la  présence  d'une  statue  qui,  si  l'on 
admettait  la  thèse  de  M.  Bendinelli,  se  serait  détachée  sur  le  mur  du 
fond  en  partie  contre  une  paroi  lilanche  et  en  partie  contre  une  surface 
coloriée. 

'  G.  Leroux,  Les  ori<jin(s  île  Véihficc  hi/posh/h  (Bibliothè(|ue  des  éco- 
les françaises  d'Athènes  et  de  Rome,  fasc.  lOS  .  Paris,  1913. 

*  Lerou.x,  p.  lt)0  (fig.  59)  et  p.  319. 


DE    LA    PORTA    MAGGIORE  169 

Le  siège,  dont  on  a  les  attaches,  et  pour  lequel  M.  Evans 
nous  a  trouvé  un  joli  point  de  coraparaisou  dans  un  pays  où  le 
roi  était  toujours  à  la  fois  le  grand-prêtre, 
nous  a  t'ait  penser  au  |io'j/.61o;  nommé  plu- 
sieurs fois  dans   les  mystères  orphiques  '. 

On  a  déblayé  dans  le  fond  de  l'abside 
une  cavité  creusée  dans  le  roc,  qui  s'étend 
jusque  sous  le  mur  même  de  rhémicyr-le. 
Cette  cavité  contenait  les  ossements  d'un 
chien  et  d'un  porcelet.  Les  deux  petits  trous, 
au  milieu  de  la  cavité,  indiqués  sur  le 
plan  ^  ffig.  1),  ont  problabement  servi  à  re- 
cueillir le  sang  de  ces  sacrifiées.  Le  sang 
du  chien  et  celui  du  porc  avaient  selon  les 
anciens  des  qualités  purificatrices  ^.  En  outre 
le  sacrifice  du  porc  est  très  fréquent  dans 
les  mystères  *,  circonstance  qui  me  semble 
prouver  avec  évidence  le  caractère  religieux 
de  l'édifice. 

La  nef  centrale  de  la  basilique  n'était 
éclairée  que  par  une  grande  ouverture  au 
dessus  de  l'entrée  qui  donne  sur  le  pronaos. 
Ce  trou  étant  bouché,  on  peut,  dans  les  cir- 
constances actuelles,  juger  de  l'effet  de  cet  éclairage  quand  ou  fait 
éteindre  toute  la  lumière  électrique  disposée  dans  l'édifice,  ii  l'excep- 


FiG.  2. 


'  Cf.  Ht/mni  Oi-phtri  (rd.  Abel),  I,  10  et  XXXI,  7;  E.  Maass,  Oriiliciis, 
Munich,  1895,  p.  180;  0.  Kern,  Das  Demeterheiligtum  von  Pergamu»  und 
die  Orpliischen  Hymnen,  dans  l'Hermès,  40  (1911),  p.  431-436. 

-  D'après  les  Notùie  degli  Scavi,  1918  (Gattit  qui  donnent  aux  pa- 
ges 30  et  suivantes  la  piemière  relation  des  fouilles. 

^  Voyez  les  sources  citées  par  M.  Foinaii  dans  les  XotUie,  1.  c. 

*  .M.  G.  A.  Rizzo,  Dioiiyi:os  Myntes  dans  les  Memorie  délia  lîeule  Ac- 
cademia  di  Aicheoloyia  di  Xiipoli,   vol.   III  (1918),  p.  42-43. 


170  I,A     HA.SII,I(;rK    .SlltTKItUAINK 

tion  (les  nmporiles  placées  en  liant  'lu  proiiaos.  On  s'aijcivoit  alors 
quo  la  décoration  de  stiie  aoquiert  un  relief  licaiieonp  plus  aeeentué, 
l'R  fÏL'nres  se  détaillant  pre-ique  eiitiérciiicnt  du  |daf(ind.  C'est  sans 
doute  cet  effet  pour  ainsi  dire  magique  qui  a  i'apj)elé  à  M.  Cumont  ' 
le  texte  connu  de  Platon  '  nous  décrivant  les  vivants  comme  des 
êtres  enchaînés  dans  une  grotte  de  façon  qu'ils  ne  voii-nt  ipie  la 
])aroi  opposée  à  la  lumière  derrière  eux,  en  haut  et  très  loin.  «  Kn- 
través  de  telle  manière  dans  leurs  m<iuvements,  les  mortels  ne  dis- 
tinguent ([ue  l'ombre  des  choses  réelles  qui  s'interposent  entre  eux 
et  le  feu  et  se  dessinent  sur  la  i)aroi  illuminée  ».  l'iaton  a  emprunté 
cette  comparaison  aux  Pytli.i;idriciens.  l'cupliyrc  '  luius  Tassiire  et 
riaton  lui-même,  dans  le  passage  où  il  définit  '  la  philosophie  une 
méditation  sur  la  mort  et  le  corps  un  tomhcau,  nomme  comme  son 
précurseur  dans  ces  idées  le  Pythagoricien  Pliilulaos  ''. 
-  L'esprit  entièrement  fixé  sui'  cette  idée,  M.  Fianz  Cumont  s'est 
liuiilé  à  chereiier  uniquement  chez  les  Pythagoriciens  des  analogies 
pour  l'explication  des  scènes  que  l'on  voit  représentées  dans  la  ha- 
silique  souterraine.  ,Ic  suis  d".i\  is  que  l'éminent  savant  a  trop  res- 
treint le  terrain  de  se^  recherches.  Il  me  semble  évident  (|ue  les 
théories  pj'thagoriciennes  se  sont  combinées  très  tôt  avec  les  idées 
religieuses  professées  par  les  Orphiques  et  le  culte  de  Dionysos. 
La  première  fusion  se  trouve  déjà  dans  les  dialogues  de  Platon  ''% 
et  dans  les  tumuli  de  la  nécropole  de  Sybaris,  qui  renferment  sans 
doute  les  dépouilles  des  derniers  Pythagoi-iciens.  et  dans  lesquels 
on    trouve   à   coté   de   la   tète   lUi  dans   la  main   droite   des   morts  des 


'  liev.  arch.,  1.  c.,  p.  tit. 

'  Platon,  République.  VII.  511. 

■*  Porphyre,  De  antro  nynipharum,  6. 

*  Platon,  CraUjlus,  \Q0  G.  Cf.  Cumont,  Jiasse;/»a  d'arte.  K\\  (1921), 
2.  p.  44,  ann.  3. 

5  Platon,  Phiiedo,  (il  B-62  B. 

"  Voy.  J.  Buinet  dans  Hn-^tiiiris  Kiiei/clop/ieâia  nf  religions  nnd  ethics, 
X  (1918),  p.  527,  col.  1. 


UE    LA    PORTA    MAGCIORE  171 

tablettes  d'or  contenant  des  sentences  orphiques  '.  Les  symboles 
dionj'siaques  sont  très  fréquents  sur  les  vases  funéraires  de  l'Italie 
méridionale  ^. 

La  survivance  des  idées  pythagoriciennes  et  orphiques  et  de 
b-ur  intime  union  jusqu'au  commencement  de  notre  ère  me  semble 
jirouvée  par  la  préférence  donnée  par  Ovide  —  qui  connaissait  si 
bien  les  besoins  intellectuels  et  spirituels  de  son  époque  —  aux 
tliéories  de  la  métempsychose  exposées  par  le  philosophe  de  Saraos 
et  décrites  avec   tant  de  ferveur  par  l'orphicisant   Virgile  ^. 

Dans  l'art  ornemental  le  formalisme  pythagoricien  et  le  spiri- 
tualisme pur  de  la  religion  orphique  cèdent  la  première  place  au 
cycle  Dionysiaque.  Dionysos  entré  dans  les  cultes  des  mystères  ■*, 
on  commença  à  Juger  tout  son  thiasos  digne  de  figurer  sur  les  tom- 
beaux et  les  sarcophages,  comme  symbole  de  «  l'ivresse  éternelle  » 
promise  par  Musée  et  son  fils  aux  purs  '.  La  mort  n'est  plus  con- 
sidérée comme  un  triste  départ,  telle  qu'elle  est  représentée  par 
les  reliefs  funéraires  des  Grecs  de  l'époque  classique,  mais  comme 
une  victoire.  Un  scholiaste  d'Aristophane  "^  écrit  :  «On  donnait  aux 
morts  des  couronnes  parce  qu'on  les  considérait  comme  vainqueurs 
dans  la  lutte  de  la  vie  ».  Sur  une  des  petites  plaques  d'or  trouvée 
dans  le  tombeau  d'un  pythagoricien  à  Thnrii  on  lit:   «  .l'ai   échappé 

'  Voy.  Notizie  degli  Scavi,  1879,  p.  86.T  (Cavallari)  et  D.  Coniparetti, 
Laniinette  orfiche,  Florence,  1910,  p.  43; 

■  Voy.  Albizzati,  Saggio  di  esegesi  .tperimeHlah  nellc  pitture  funerarie 
dei  vasi  italo-greci,  dans  Dissrrfdzioni  délia  Poniificia  Aecademia  di  Ar- 
cheologia,  sér.  II,  tome  XIV,  Rome,  1920.  p.  147-232. 

^  Cf.  C.  Pascal,  Le  credeme  d'oltre  tomba  iielle  opère  letterarie  deî- 
l'antiehità  classica,  Catania,  1912,  II,  p.  1.Ô8160;  sur  la  pénétration  or- 
phique en  Italie  F.   Weege,  Etrush'sche  Malerei,  Halle,    1921,   p.  25-56. 

*  Il  se  fond  avec  Zagreus,  il  est  initié  aux  mystères  d'Eleusis  1  Pla- 
ton], Axiochos,  31.  D.  Abel,  Orphica,  p.  284,  13  et  il  possède  des  mystè- 
res à  Tegée  et  à  Argos  (Pausanias,  VIII.  54,  5). 

^  Platon,  Bépiihlique,  313  D.  Cf.  J.  Harrison,  Piolegnmena  to  the  study 
of  greek  religion,  2«'  éd.  Cambridge,  1908,  p.  613. 

^  Schol.  Aristopli.,  Lysistr.,  601. 


172  l.A     HASII.IQLE    SOITKRKAINB 

:iu  cercle  triste  et  luKiil)re  de»  réiiuMniutidiis  ;  j'ai  gagné  dans  une 
course  rapide  la  couronne  tant  sonliaitée  et  je  suis  descendu  dans 
le  sein  de  la  Reine  de  l'Enfer»'. 

De  nombreux  vases  funéraires  de  l'Italie  méridionale  et  les  pein- 
tures sépulcrales  de  FaestuTii  représentent  le  mort  corainc  un  vain- 
(lueur  de  retour  d'un  (Mincoiiis  .-itlilrtifiuc.  Il  reçoit  de  l.i  main 
de  la  Victoire  une  couronne,  un  diadème  ou  une  écuelle  pleine  d'eau. 
«  Nikè  devient  une  figure  tombale  par  excellence  ;  on  la  trouve 
représentée  assise  sur  une  stèle  ou  un  tumulus  ;  offrant  les  symboles 
non  seulement  à  des  jeunes  hommes  —  qui  ue  sont  plus  figurés 
comme  des  athlètes  —  mais  aussi  à  des  femmes  »  '.  Des  couronnes 
en  or  ou  en  cuivre  doré  se  trouvent  souvent  dans  des  tombeaux  grecs. 

Puisqu'on  rencontre  aussi  très  souvent  la  Victoire  sur  les  sar- 
cophages et  les  autels  funéraires  de  l'époque  impériale  ^',  selon  mon 
avis,  ou  ne  peut  renoncer  k  la  conclusion  que  la  croyance  antique 
qui  considérait  la  mort  comme  une  victoire  et  comme  la  couronne 
de  la  vie  eut  beaucoup  d'adeptes  pendant  toute  l'antiquité.  La  con- 
séquence inévitable  de  cette  conviction  doit  être  l.i  j^lorilicUion  de 
la  mort  considérée  comme  nue  vie  meilleure  et  désiralile  aviuit  toute 
autre  chose,  et  la  théorie  que  la  vie  est  seulement  une  prépara- 
tion à  l'outretomlie.  Telle  fut  déjà  la  conviction  des  Orphiques. 
Ceux  qui  étaient  initiés  à  leurs  mystères  faisaient  tous  les  efforts 
possibles  pour  être  plus  justes,  meilleurs  que  les  autres  hommes*: 
ils  menaient  une  vie  pure  ^  et  terminaient  leurs  prières  en  souhai- 
tant une  mort  heureuse  »  ". 

'  Comparetti,  iMininette  orficlie,  p.  27  avec  ann.  2. 

'  G.  l'atroni,  Im  ceramica  antica  delVltalia  méridionale,  Napks,  1807, 
p.  162. 

'  W.  Altmann,  Jiômische  GrahalUire,  Berlin,  1905,  p.  101  et  suiv. 

■•  Diodor.  Sic.,  V,  49,  h. 

^  Cf.  par  ex.  Hymni  Orphici  (édit.  Abel,  Leipzig,  1885),  IV,  9,  XVII, 
10,  LVIII,  10,  LXIl,  12,  Eurip.,  Hippol,  99t;  et  suiv.  et  V.  Maccliioro, 
Zagreus,  Bail,  1920,  p.  157,  n.  4. 

«  Cf.  p.  e.  Hymni  Orphici,  XIII,  10,  XX,  T,,  XXVIII.  11,  XXXV,  7. 


DE    I.A    PORTA    MAGGIORE 


Quoique  la  doctrine  orphique  soit  relativement  liien  connue  de- 
puis longtemps  '  et  la  symbolique  dionysiaque  des  tombeaux  ro- 
mains suffisamment  étudiée  ',  on  u"a  presque  jamais  pensé  à  dé- 
montrer le  lien  étroit  qui  existait  entre  les  deux.  On  était  géné- 
ralement d'opinion  que  l'orphisme  n'a  joué  qu'uu  rôle  secondaire 
au  milieu  des  antres  religions  étrangères  '.  Cependant  la  place  im- 
portante occupée  par  la  théorie  orphique  et  la  figure  de  Pythagore 
dans  les  renvres  d'Ennius,  Ovide  et  Virgile,  les  nombreux  frag- 
ments d'une  litérature  orphique  sous  l'Empire  et  surtout  la  col- 
lection des  «  Hymnes  orphiques  »  rédigés  à  une  époque  tardive  * 
et  présentant  le  caractère  très  prononcé  de  litanies,  auraient  dû 
faire  supposer  que  l'orphisme,  après  la  disparition  des  Pythagori- 
ciens comme  parti  politique,  a  fondé  un  peu  partout  des  «  com- 
munautés >■>  qui  ont  existé  pendant  un  temps  relativement  long. 
Cicéron  parle  d'une  de  ces  «  communautés  »  dans  son  discours  contre 
Vatinius^.  Pendant  le  règne  d' Auguste,  Nigidius  Figulus  se  considérait 
comme  prophète  du  Pythagoreïsme  et  l'empereur  se  vit  contraint 
d'expulser  de  l'Italie  un  Pythagoricien  grec  connu  comme  «  magus  »  ". 

Une  communauté  orphique  a  laissé  ses  traces  à  Pergame,  où 
elle  doit  avoir  existé  depuis  le  troisième  siècle  avant  .T.  C.  jusqu'au 


'  La  seule  source  complète  et  encore  utilisable  est  r^(7?aoi)7iaw»s  de' 
Lobcck  (Regensburg,  1829).  A  présent  on  peut  utiliser  le  travail  inté- 
ressant de  V.  Macchioro,  Zagrevs,  Bari,  1920.  Les  sources  récentes  d'in- 
formation anglaises  sont  nommées  par  M. me  A.  Stiong,  Apotheosis  and 
AfUr  Life,  London,  1918.  p.  24,  et  M.  P.  (Jardner  in  Hastitujs  Encijcl., 
IX  (1917),  p.  82. 

'  W.  Altmann,  Rômische  Grahnltàre:  H.  Duetschke,  liavennatische 
Studien,  Leipzig,  1909;  V.  Macchioro,  Il  simh /h'smo  nelh  figurmioni  se- 
pohrali  romane,  dans  Memorie  R.  Ace.  di  Xapoli,  1  (1911),  p.  9-144, 
M.inf  Strong,  1.  c. 

'  M.nip  A.  Strong,  1.  c. 

*  Christ,  Griechische  Liierahtrgeschichte,  h"  édition,  p.  796. 

'  Cicéron,  in  Vat.,  VI,  14  cité  par  M.  Ctimont,  Rev.  Arch..,  1.  c,  p.  62. 

^  Jérôme,  Chronic.  Oh/mp.,  188,  1:  «  Anaxilaus  Larisaeus  Pytagori- 
cus  et  magus  ab  Augusto  Urbe  et  Italia  pellitur  »  cité  par  M.  Cuuiont,  ib. 


174  i.A   liAsii.Uin-;  .sorrKKUAiM-: 

second  après  J.  *'•  '.  Si  les  iioinljreux  savants  '■'  i|ui  sont  d'avis  que 
les  belles  peintures  murale»  d"une  villa  suliurbaine  de  Pompei 
découverte  en  1909  représentent  l'initiation  aux  mystères  orphi- 
ques ont  raison,  nous  possédons  là  une  auti-e  preuve  de  la  persis- 
tance de  la  foi  orphique.  Il  n'y  a  doue  selon  nous  pas  de  motif 
valalilf  pour  nier  a  pi-iori  que  notre  basilique  soit  le  local  oi'i  se 
réunissait  une  communauté  d'une  religion  syncrétique,  composée 
d'éléments  pythagoriques,   orphi(|ues  et  dionysiaques. 

Revenons  maintenant  m  la  desrription  de  l'édifice  et  de  sa  dé- 
coration. 

Les  traces  de  sacriiiees  purificatoires  sous  Ut  mur  même  de 
l'aliside  nous  a  déjà  prouvé  le  caractère  religieux  de  la  basilique. 
La  blancheur  de  tonte  la  décoration  en  stuc  (dans  laquelle  il  n'y 
avait  que  le  fond  sin-  lequel  était  placé  le  siège  du  «  pasteur  * 
et  le  plafond  du  vestibule  qui  formassent  des  taches  de  couleur) 
nous  semble  indiquer  l'idée  or])hique  de  la  pureté.  Les  orphiques 
couvraient  leurs  morts  d'un  linceul  de  lin  blanc  et  bal)illaii'nt  de 
la  même  manière  leurs  initiés  ^. 

La  (léc()iati<»ii  eu  stuc  dn  vestibule. 

Le  plafond  du  vestibule  ne  nous  est  conservé  (jne  sur  trois 
côtés,  le  quatrième  est  entièrement  détruit.  On  y  distingue,  dans 
des  encadrements  très  prononcés,  plusieurs  petits  tableaux  peint.s 
sur  fonds  coloriés,  qui  nous  ramènent  tous  à  la  symbolique  des 
tombeaux.  Nous  avons  déjà   jiarié  de  la  signification  funéraire  de  la 

'  Voy.  infra. 

•  Enumérés  par  Maceliioro,  Zmjrciis,  p.  12.  Le  Nestor  des  savants  ita- 
liens, M.  D.  Couipaietti  (Le  nozze  di  Ilacco  ed  Arianna,  etc.,  Florence,  1921) 
et  le  célèbre  mythologue  allemand  M.  0.  Gruppe  (Philologisclu-  îloc^eii- 
schrift,  2  mais  1921,  col.  245-250)  (l'article  nous  a  été  courtoisement  in- 
diqué par  M.mp  Strong)  nient  tout  rapport  avec  les  mystères. 

3  Voy.  Cavallari,  Kotizie  degli  Scan,  1879,  1.  c.  et  Maceliioro.  Za- 
greus,  p.  241. 


DE    LA    PdRTA    MAGGIORB  J  (O 

Victoire,  clont  nous  retrouverons  partout  diins  hi  liasiliqiie  des  exem- 
plaires magnifiques.  Les  Ménades  montant  des  panthères  et  portant 
le  tliyrse  sont  des  figures  bien  connues  du  thiasos  de  Dionysos.  La 
liseuse  qu'on  rencontre  tant  de  fois  sur  le.s  sarcophages  peut  figurer 
l'âme  qui  lit  dans  le  livre  de  la  vie  '  ou  bien  le  catéchumène  qui 
étudie  le  livre  sacré  des  mystères  '.  11  me  semble  probable  que  les 
candélabres  qu'on  voit  ici  seuls,  mais  combinés  dans  la  basilique 
avec  des  Victoires,  peuvent  être  considérés  comme  symboles  de  l'âme, 
représentée  comme  une  fiamme  dans  la  philosophie  d'Heraclite  — 
ici  probablement  interprète  d'une  opinion  orphique  ^  —  et  dans 
la  foi  populaire  romaine  *.  Cette  idée  se  confond  aisément  avec 
celle  du  tombeau.  On  connait  l'habitude  d'allumer  des  lampes 
dans  les  cimetières''.  La  pensée  du  lieu  du  dernier  repos  est  vive 
dans  toute  la  basilique;  la  partie  iufériciirc  des  parois  tant  d;i  ves- 
tibule que  de  l'édifice  principal  est  ornée  des  symboles  du  tom- 
beau: colonnes  ou  arbres  entourés  d'un  enclos. 

Dans  plusieurs  caissons  sont  figurés  de  petits  amours:  tantôt 
ils  montent  des  chars  attelés  de  boucs  ou  d'autres  animaux  et  for- 
ment un  élément  du  thiasos  qui  représente  le  cortège  des  initiés, 
tantôt  ils  ver.sent  l'eau  d'une  cruche.  Dans  ce  dernier  cas  ils  ont 
la  même  signification  que  nous  avons  donné  aux  Victoires  funé- 
raires:  ils  oft'reut  l'eau    de   la    vie  éternelle  aux  âmes  des  fidèles. 


'  Duetsflike.  BaroDiiilische  Siiidifii,  p.  18 <   et  t^uiv. 

-  R.  Paribpiii,  Xotùie  degli  fcavi.  1919,  p.  112;  Maccliioio.  Zat/reus, 
p.  74. 

■*  Maccliioro,  Kraclito  e  Vorfismo,  dans  Gnosis,  Bivista  di  utoha  re- 
ligiosa,  I  (1920),  p.  1  et  suiv.  et  dans  Zagreus,  p.  247,  ann.  1. 

*  Plante,  Trhi.,  11,4,  91  (492):  »  scintillulam  aniniae  quam  quuni  extem- 
plo  eiuisimus  •;  Térence,  Ad.,  III  2,  16:  «  seni  animaui  piimum  extingue- 
rem».  Uf.  Cicéron,  Som».  Scnj).,  III,  7:  »  aninnis  datus  est  ex  illis  seiupi- 
ternis  ignibus  »:  Verg .  Aen.,  VI,  745  et  suiv. 

•"■  Cf.  p.  e.  .Marquardt-Mau,  Prhat  leben  der  Borner,  p.  3(38,  ann.  1 
et  G.  Spano,  La  iUuminazione  délie  vie  di  Pompei  dans  Atti  délia  Beale 
Ace.  di  Arch.  di  Napoli,  VII  (1920),  II,  p.  72  et  suiv. 


176  I.A     IIA.SIl,l(ii:K    SOI  TKKliAI.NE 

[iC  petit  tableau  sur  lequel  on  voit  les  petits  amours  ehasser  (les 
l)api lions  et  s'amuser  avec  reux  qu'ils  ont  pris  doit  avoir  en  un 
sens  synil)iili(|iie  [imicc  (|u'nu  le  rctionve  très  souvent  sur  des  mo- 
numents funéi'aires '.  M.  Cnniont '•  cite  à  propos  de  notre  basilique 
un  passage  de  Pliifarque  '  :  «Le  vrai  amoureux,  c'est  à  dire  celui 
qui   s'est  épris  du  vo/.rov  /.y/ov  ajirf'S  sa  mort  ir.-i^oiry.'.  v.y.:  /.y.- 

TCOpYia-TTai     /M    'V.aTîAîC    T.fÀ    TOV     ajTOV     rïOV    fKrOS)   ZVOi  y'jit'ldt'l 

y.v.i  n'i'^j.r.iYiT.O.Cfi,  y/'-'-',  o'j  t.'j'i.vi  v.\  t'^'j;  '^it:'r,ir,\  /.yÀ  \\ZiZ'j- 
'"iiT/,  ;  ^ciij.(o-/5t;  î).,rwv  /.y.i  y.y.-y.hy.o^iyj  STîpa;   y.^y  r,zy\,  yîvÉtîoj;  ». 

D'une  conception  au  moins  également  élevée  témoigne  rii\n)Ui- 
orpliique  dédié  à  F.ros,  (|iii  nous  semlile  donner  i.'à  et  \îi  un  com- 
mentaire des  scènes  ligurées  dans  le  vestibule  \ 

Sur  la  paroi  qui  sépare  le  vestibule  de  la  basilique  et  préci- 
sément au-dessus  de  l'entrée  de  celle  ci  on  distingue  une  grande 
tète  d'Océanus  cnti'c  deux  divinités  marines.  Océanus.  une  des  figures 
de  dernier  plan  dans  l.i  mytiiologie  grecque  ',  était  considéré  par 
les  orphiques  comme  le  prince  des  Titans,  le  seul  bienfaisant  p;irmi 
eux  '',  et  a  été  célébré  dans  un  de  leurs  hvmnes.  C'est   justement 


'  Voy.  Maccliioio.  Simluilixmn,  passim.  Cf.  p.  e.  C.  I.  L.,  \'I.  211011: 
«  Scita  hic  sita  est  jiapilio  volitans  texto  religatus  araneo  est  illi  piaeda 
lepens  huic  data  mors  siibita  est  »,  et  le  petit  poème  fait  par  renipcieur 
Hadrien  sur  son  lit  de  moi  t.:  «  Animula  vagiila  blandiila  Ilospes  coines- 
que  corporis.  Quae  nunc  abibis  in  loca  Pallidula,  rigida,  nudula.  Nec  ut 
soles  dabis  iocos  ». 

*  Cumont,  Rer.  Arcli.,  1.  c,  p.  âT. 

^  l'iutarqne,  Amiiton'iin,  c.  20,  p.  76li  B. 

*  Hymn.  (hyhic,  UIII  (édit.  Abel,  p.  89). 

To;»>./.T,   1T7  =  p  JîiTat.    -ypippi^iv  (nos.   -up  tSpi  ;i:  i),    ij&p5y.ji   ipy.r. 
<7uu.ir  ai'ovra  tjîoT;  rM  Svïitsî;   àvspwTtoi;, 

î'JTràXotiisv,   SiouT,   (céleste  et  mortel '),  iràvTui   /.>.t.?c«;   v/Di-i 

àXXà,    u.àzap,   xa;opaT;   ^■lù.i.ït;    u.ùarT,oi  auiî'pyovi, 
'^aùlo'j;   S'îzTiTrii'j;   3''>p;j.à;   k~i>   Twvî'à-i— cu.r  =  . 

^  A'^oy.  Rnscher,  MylhoJcg.  Ladkcn,  s.  v.  Oleaiios  (WeiszSckcn, 
col.  817. 

^  Abel,   Oriihiat,  fr.  3!>  et  100. 


\->K    I.A    PORTA    MAGCIORE  177 

(lan-i  cet  liymiR'-çi  qu'on  trouve  une  expres'sioii  qui,  selon  mon  opi- 
nion, ]ieut  expliquer  le  sens  syinliolique  de  l;i  tète  d'Oeéanus  qu'on 
trouve   en    haut   île   la    porte   d'entrée   de   la   basilique.   On   y    lit  : 

K/.v.r;,    ij.7./.y.-j,   T.'j'l.Wt.'ii,   S'îGv    zyvt'Taz    asy^TOv, 
xiay.y.    oTao-/    yxir,:,    ^■^J'^-    "oAo'j,    ÔYpo/.ïls'jSï, 
l).5o'.:   îùaîvîwv    u.'jn-y.'.'.   y.t/y.^'.nu.i'i'j-,   ztîs  '. 

Kst  ee  que  le  construeteur  de  la  basilique  a  voulu  indiquer  que 
l'entrée  de  celle-ci  est  «  la  fin  des  choses  terrestres,  olijet  de  nos 
désirs,  et  la  porte  du  ciel  •»  ? 

La  décoration  eu  stuc,  de  la  basilique. 

L'édifice  principal  qui  fait  suite  au  vestibule  est  orné  avec 
grande  profusion  de  bas-reliefs  en  stuc,  distribués  sur  les  murs, 
les  piliers  et  les  voiites.  A  ce  qu'il  me  semble  on  a  suivi  dans  la 
disposition   de  cette  décoration   un   système  logique. 

La  rangée  inférieure  nous  montre  partout  des  tomlieaux  traités 
symboliquement  dans  la  manière  décrite  plus  haut  en  parlant  du 
vestibule  et  entremêlés  :Y  des  scènes  de  vénération  des  images  sa- 
crées'.  Le  visiteur  de  la  basilique  se  promène  donc  dans  un  en- 
tourage qui  lui  rappelle  toujours  la  mort  et  les  occupations  ter- 
restres qui  sont  la  meilleure   préparation    à   la  vie  d'outre-tombe. 

Au  dessus  des  cimetières  et  des  lieux  sacrés  pendent  des  oscilla 
de  formes  différentes.  Les  oscilla  servaient  comme  purification  de 
l'air  '.   Ou  doit  supposer  que   les  tables  chargées  d'offrandes  qu'on 

1  Hymiii  Orphici  [éd.  Abel),  LXXXIII,  v.  s.  6-9. 

'  Dans  une  de  celles-ci  on  voit  une  personne  s'agenouiller  devant  la 
statue  d'un  dieu.  M.  Cuniont  {Rev.  Arch.,  1.  c.)  rappelle  qu'on  avait  jusqu'à 
présent  constaté  ou  du  moins  rendu  probable  cette  attitude  seulement 
pour  les  mitliriaques.  Voy.  Cumont,  Textes  et  monuments,  etc.,  II,  p.  62. 

•'  Seivius,  Aen.,  VI,  741,  XII,  603,  Georg.,  II,  389,  0.  Boetticher, 
Der  Baumlultus  der  Hellenen,  Berlin,  1856,  p.  83,  Hiid  dans  Daremberg 
et  Saglio,   Dictionn.  â.  Ant.,  s.  v.  Oscilla,  p.  257,  II. 


1-2 


178  l,A     HASII.K^IK    SIHTKHlt^NK 

voit  à  l:i  même  liiiiitcur  sur  les  pîirois  ])ostériciirPS  des  nefs  laté- 
rales avaient  nn  sens  identique  et  rappelaient  dans  la  mémoire  îles 
(idéies  le  souvenir  de  leurs  (uiiipai.  Un  des  hymnes  orphiques  parle 
de  la  préparation  d'une  telle  tahle  '.  On  la  retrouve  avee  plusieurs 
symboles  haehiques  sur  le  eippe  d'Aniemptus  '.  Le  rameau  de  pal- 
iniei'  sur  une  de  ees  tables  symbolise  probablement  Timpressiou  de 
victoiio  ot  d'élévation  morale  pi'oduite  par  Tagapè  dans  l'âme  du 
coniminiiant.  Les  agapai  et  l'adoration  des  dieux  étaient  les  moyens 
pour  arriver  ;\  l'extiise,  l'inspiration  dionysiaque,  l'état  de  grâec 
dans  lequel  on   voit   prochaine   la  vietoire  sur  la  cliaii-. 

Cette  inspiration  même  me  semble  indiquée  par  les  Vietoii'cs, 
les  grands  vases  et  les  tambourins  qui  décorent  la  partie  supé- 
rieure des  parois  latérales  et  des  piliers.  Le  syml)oIi8me  est  ex- 
j)rimé  d'une  manière  jilus  claiiv  en  b;i-;  d'une  des  voûtes  latérales. 
On  voit  là  deux  si)hinx  ;'i  eoté  d'un  ciatére,  image  connue  de  l'àme 
éprise  de  la  divinité  '. 

Les  voûtes  enfin  représentent  à  ec  i|iril  nie  semble  la  substance 
de  ces  espoirs,  nourris  i)ar  l'inspiniti'in  et   la   piété. 

En  dépit  de  raiijiarente  loL;ii|iie  d'une  telle  division,  il  reste 
beaucoup  d'incertitude  dans  l'explication  des  différentes  scènes,  sur- 
tout dans  celles  des  voûtes.  Mais  aussi  sur  les  parois  latérales  et 
les  piliers  les  énigmes  insolubles  ne  font  i>as  défaut.  (>ufl  est  le 
sens  précis  des  hermés,  des  dieux  bai'lius,  des  figures  ilebout  avec 
les  bras  étendus?  Dans  les  dei-nières  on  ])eut  voir  —  comme  l'a 
déjà  fait  M.  Cumont  —  des  «  orantes  »,  c'est-à-dire  des  Ames  im- 
plorant un  bon  accueil  dans  le  règne  des  morts,  en  se  fondant  pour 


'  tlymni  Orphici  (édit.  Abcli.  XI, IV,  ,s  9.  Cf.  aussi  .Maecliioro.  Xa- 
yreiis,  p.  76-80. 

•  Altmann,  Sâw.  GifihnDdre.  ]).  111,  plancli.  I  et  II:  Maecliioro.  Sitn- 
holimie,  p.  79-80. 

^  Dareniberg  et  Saglio.  Dictioiiii.  des  Autiquiiés,  s.  v.  Sphin.r  iH.  Ni- 
cole). 


DE    LA    PORTA    MAGGIOKE  179 

cette  explication  .sur  les  reliefs  de  le  partie  inférieure  de  Faliside, 
où  une  Victoire  oflFre  :\  Tune  des  crantes  qui  la  flanquent  une  cou- 
ronne. Cette  scène  nous  rappelle  tout  de  suite  les  mosaïques  absi- 
dales  de  l'époque  chrétienne,  où  la  main  de  Dieu  oft're  aux  martyrs 
leurs  couronnes. 

Dans  les  cymbales  et  les  Hûtea  —  symboles  des  mystères  '  — 
qu'eu  rencontre  sur  les  parois,  on  pourrait  voir  aussi  une  allusion 
k  la  passion  de  Zagréus,  célébré  par  les  orphiques  comme  Ré- 
dempteur. Firniicus  Maternus  -  raconte  que  les  orphiques  imitaient 
avec  des  cymbales  et  des  flûtes  les  hochets  k  l'aide  desquels  l'en- 
fant Zagreus  fut  leurré  par  les  Titans.  Il  est  possible  que  les  por- 
traits dont  on  voit  les  traces  sur  les  piliers  aient  représenté  — 
comme  le  suppose  M.  Cumont  —  les  sages  grecs;  mais  l'état  très 
mauvais  de  conservation  rend  difficile  toute  identification  certaine. 
Eu  outre  il  me  semble  qu'on  peut  élargir  de  beaucoup  le  choix, 
.lamblique  '  donne  une  liste  de  ce  qu'on  pourrait  nommer  les  «  pa- 
pes »  pythagoriciens  et,  k  la  fin  de  son  livre,  il  énumère  218  hom- 
mes et  17  femmes  qu'on  pourrait  définir  comme  saiuts  ou  héros 
de  la  foi.  Un  fragment  de  stuc,  conservé  dans  le  musée  de  l'An- 
tiquarium  à  Rome,  appartenant  sans  doute  à  un  portrait  en  mé- 
daillon, prouve  qu'Apollonius  de  Tyane  lui  aussi  était  vénéré  comme 
un  saint  '. 

Les  petites  boites  qu'on  voit  représentées  dans  plusieurs  endroits 
sont  sans  doute  des  cistae  mysticae  contenant  les  arrann  ''. 

Deux  piliers  sont  ornés  de  reliefs.  Sur  l'un  Deraeter  —  carac- 
térisée comme  déesse  des  mystères  par  la  cista  mj'stica,  d'où  sort 

'  Cp.  p.  e.  Proclus  sur  Platon,  Alcib.,  I,  p.  479  (Cousin,  2"  rd.):  ;■< 

tol;    a'joTT.ptit;   /.a;   l-i    rai;    T:XcTaT;   y^praïas;    ô    au>.5;. 

2  Pirmicus  Mat.,  de  erroi:  prof,  reîig.,  VI,  5;  Abel,  Orphica,  fr.  200. 
^  Janibliche,  de  vif.  pyth..,  c.  38. 

<  Cp.  E.  Meyer  dans  Jfermef:,  52  (1917),  p.  38(),  ann.  1  ;  C.  1.  1..,  M. 
29828. 

^  Cp.  Mail  dans  Paulj'-Wissow.T,  RealcncycL,  III,  col.  2592. 


180  I.A     KASIIMQIK    SdlTKKUAlNK 

le  serppiit  —  donne  ;Y  Triptol^mc  1cm  ('i)is  de  lil/'  ',  b'pMfnit  ciM-hrlt 
par  les  hymnes  orptiicjncs  roinnif  sym'iole  de  jiaix  et  di'  liiejii-tre  '. 
Snr  l'aiitre  pilier  Hercule  reeo't  les  pomme»  d'or  des  mains 
d'une  Ilespéride.  Il  faut  se  rappeler  (pie  les  IFespéride»  sfnit  très 
fréquentes  sur  les  vases  funéraires  de  l'Italie  méridionale  '  et  que 
leurs  pommes  étaient  parmi  les  instruments  employés  par  les  Ti- 
tans pour  séduire  Zagreus  '.  Selon  une  forme  pen  connue  du  mythe 
d'Hercule  '",  celui-ci,  après  un  long  et  difficile  voyage  dans  la  coupe 
du  soleil,  aurait  tué  le  dragon  Ladon  et  reçu  après  ces  dures 
épreuves  les  pommes  d'or  qui  lui  assuraient  l'immortalité.  H  est 
très  probable  que  les  orphiques  ont  considéré  les  exploits  du  iiéros 
comme  une  espèce  de  passion  comparable  aux  travaux  que  l'àme 
immortelle  doit  supporter  sur  la  terre.  Ils  considéraient  Hercule 
comme  ayant  existé  depuis  la  création  '^',  c'est-à-dire  qu'ils  voyaient 
en  lui  un  dieu  descendu  sur  la  terre  et  l'adoraient  comme  un  Sau- 
veur portant  son  aide  à  tous  les  malheureux  '. 

L'abside. 

Dans  toutes  les  églises,  la  coquille  de  l'abside  est  ornée  du  sujet 
le  plus  important,  le  plus  dogmatique.  Il  est  donc  a  priori  pro- 
bable qu'on  doit  chercher  là  la  clef  du  secret  de  la  basilique  sou- 
terraine. D'autres  circonstances  fortifient  selon  moi  cette  opinion. 
Le  relief  qui  remplit  tonte  la  coquille  est  beaucoup  plus  grand 
que  tous  les  antres,  la  composition  en  est  plus  compliquée  et  le 
travail  plutôt  médiocre.  C'est  surtout  cette  dernière  constatation  qui 

'  Abel,  Orphica,  fr.  217. 

-  Bymni  Orphici  (éd.  Abel),  XL. 

^  Albizzati,  1.  c,  p.  207. 

*  Abel,  Orphica,  fr.  196. 

^  Gp.  Pauly-Wissowa,  Bt!a}encyc1.,  VIII,  col.  1245  (Sittig). 

«  Abel,  Orphica,  fr.  36  et  39. 

"  Bymni  Orphici  (éd.  Abel),  XII. 


DE    l.A    PORTA    MAOfilURE  lOl 

uic  fuit  suppost^r  (lu'iei  les  prêtres  n'ont  pas  i)erniis  aux  ouvriers 
(le  s'inspirer  de  modèles  antérieurs.  Comme  cette  partie  de  la  dé- 
coration est  très  mal  conservée  et  que  la  reproduction  photographique 
(pi.  Il,  fig.  Ij  tt'est  pas  suffisamment  claire,  j'emprunte  la  description 
à  l'article  de  M.'  Cumont  '. 

«  Nous  avons  devant  nous  au  premier  plan  une  mer  houleuse 
où  se  dressent  des  rochers.  Sur  les  récifs  qui,  à  droite,  bordent 
le  rivage,  une  femme  entièrement  voilée  tenant  A  la  main  une  Ij're 
descend  vers  les  dots;  derrière  elle,  un  Amour  ailé  semble  la  pous- 
ser doucement  par  les  épaules  ;  devant  elle,  enfoncée  dans  l'eau 
jusqu'à  mi-corps,  une  ligure  tient  à  deux  mains,  pour  la  recevoir, 
une  étotfe,  qui,  en  s'abaissant  vers  le  milieu,  dessine  une  sorte  de 
nacelle,  où  la  ligure  voilée  s'ap])rête  à  poser  un  pied.  Sur  les  ro- 
chers de  gauche,  un  autre  personnage  lui  correspond:  c'est  un  homme 
assis  sur  une  pierre,  la  tête  appuyée  tristement  sur  la  main  ou  se 
cachant  le  visage  dans  les  mains;  devant  lui,  au  milieu  des  va- 
gues soulevées,  se  dresse  un  Triton  tenant  ses  attributs  habituels, 
une  rame  et  une  conque  marine.  Entin,  au  fond,  sur  un  écueil 
isolé  ou  sur  un  Ilot,  Apollon  est  debout;  il  porte  son  arc  de  la 
main  gauche  et  étend  la  droite  vers  la  femme  voilée.  Un  autre 
rocher  sort  de  la  mer  entre  lui  et  elle,  mais  il  n'est  plus  possi- 
ble de  déterminer  si  un  personnage  s'y  trouvait  représenté  ;  on 
songerait  à   Diane  à  côté  d'Apollon  ». 

M.  Fornari  qui  'fut  le  premier  à  décrire  la  basilique  pensait 
au  pi'emier  moment  '   à  la  mort  de  8appho,   mais  écartant  ensuite 

'  Cumont,  Bev.  Arch.,  p.  65. 

-  \'oy.  l'allusion  de  M.  R.  Paribiui  dans  le  Bolletlino  d'Arie,  2"^  sé- 
rie, I  (1021),  III,  p.  104,  ann.  4.  M.  C.  Densmore  Cuitis  a  développé  la 
même  hypothèse  dans  un  article  de  Y  American  Journal  of  Archaeology 
(XXXIV,  1920,  p.  146  et  suiv.)  en  se  fondant  sur  la  conformité  complète 
avec  Ovide  {HerouL,  XV,  161  suiv.}.  Tout  en  admettant  cette  concordance 
on  doit  supposer  pourtant  (avec  Cumont,  Hassegna  d'Arte,  VIII  (1921), 
2,  p.  44)  un  sens  symbolique  pareil  à  celui  de  la  .Sappho  d'.lusone, 
c.  VI  (cf.  F.  Weege,  Etruskische  Malerei,  p.  34). 


1X2  LA     HASIMCJUE    .SOL'TERHAI.NE 

cette  idée,  il  publia  sa  seconde  explication  acceptée  et  fortifiée  par 
M.  Ciiinont,  et  restée,  selon  mon  opinion,  lu  plus  probable.  Toute 
la  comiwsition  illustrerait  le  voyage  de  l'àme  (représentée  ici, 
«•omme  dans  un  des  toml)caux  de  la  Voie  Latine,  par  une  femme 
Vdiléej  vers  les  lies  des  Hicnlicurenx,  localisées  selon  les  l'ytliago- 
riciens  d;iiis  le  soleil  et  l;i  luiic.  i>M  forme  de  la  «  nacelle  »,  res- 
semblant à  la  fois  à  la  lune  et  à  une  barque,  ra])])elle  à  M.  Cu- 
mont  le  bateau  de  Kà  qui  transporte  les  morts  égyptiens  et  la 
théorie  dos  Manichéens  qui  croient  que  la  lune  est  un  vaisse;iu 
dans  lequel  les  âmes  voyagent  de  la  terre  au  soleil.  La  mer  hou- 
leuse serait  selon  les  Pythagoriciens  «  la  matière  dont  ils  oppo- 
saient l'agitation  tumultueuse  à  rharmonie  constante  des  cieux  *.  La 
lyre  servirait  à  caractériser  le  désir  mystique,  la  nostalgie  du  ciel, 
et  le  personnage  assis  en  face  de  l'àme  voilée  «  le  pécheur  accablé 
de  honte  et  de  remords,  auquel  il  est  interdit  d'atteindre  le  séjour 
des  élus  »  '. 

Nous  avons  déjà  montré  qu'il  n'y  a  pas  besoin,  dans  l'inter- 
prétation de  la  basilique,  de  se  limiter  aux  seules  idées  pytliago- 
ricienucs,  et  croyons  donc  pouvoir  trouver  ailleurs  quelques  argu- 
ments pour  corroborer  la  théorie  de  MM.  Fornari  et  Cumont.  Les 
Néréides  et  les  autres  divinités  marines  se  trouvent  comme  figures 
sépulcrales  dès  le  cinquième  siècle  sur  les  vases  de  l'Italie  méri- 
dionale". Les  hymnes  orphiques'  les  invoquent  pour  porter  le  sa- 
lut aux  initiés  parce  que  les  Néréides  étaient  ïes  premières  :\  mon- 
trer la  vénérable  t-I-t/:  de  Bacchus  et  de  Perséphone  \  S  'Ion  Ser 
vins  ■'  Virgile  a  voulu  indiquer  la  lune  comme  séjour  des  bienheu- 
reux  et   Plutarque  en   parle  amplement  ''.   Le   «  liatean  des  morts  » 

'  t'umont,  Rev.  Arch.,  I.  c,  p.  69. 

-  Albizzati,  1.  c,  p.  200. 

'  Hijmni  Orphici  (éd.  Abel\  XXIV. 

*  Cp.  Maass,  Orpheus,  p.  191. 

'S  Serv.,  Am.,  VI,  887  et  V,  735. 

'»  Plutarque,  de  fade  tn  orbe  lunae,  c.  28  et  suiv. 


DE    LA    PORTA    MAGOIORK  IP.i 

Hci  trouve  aussi,  à  ce  qu'il  semble,  sur  un  vase  italiote  '.  Le  per- 
scinuai^e  triste,  assis  sur  le  rocher,  t'ait  pense)'  à  Juvénal  ",  «  at 
illc  I:ini  sedi't  in  ripa  taeti'uniquc  novicius  liorret  l'ortiimea  nec  spe- 
rat  caeuosi  gurgitis  aluura  Infelix  ».  Selon  les  initiés  c'est  unique- 
ment ceux  qui  avaient  méprisé  les  mystères  qui  étaient  condamués 
aux  peines  de  l'enfer  décrites  p.ir  la  tradition   populaire  *. 

Un  fragment  orphique  me  semble  indiquer  que  cette  doctrine 
supposait  aussi  un  passage  de  Tànie  k  travers  l'air  '. 

La  lyre  Joue  un  rôle  important  dans  les  mystères  °,  surtout  à 
cause  de  son  influence  civilisatrice  ".  Je  suppose  que  l'arbre  qu'on 
voit  sur  le  rocher  même  d'où  descend  la  figure  voilée,  représente 
symlioliquement  le  tombeau,  situé  très  souvent  dans   un   lucus  '. 

Les  stucs  (les  voûtes. 

La  décoration  des  nefs  latérales  montre  très  souvent  les  mêmes 
sujets  traités  dans  une  manière  différente.  Cette  uniformité  me  sem- 
ble indiquer  qu'à  l'époque  de  la  construction  de  la  basilique  le 
sens  symbolique  de  ces  combinaisons  était  à  tel  point  tixé  et  pré- 
dominait tellement  l'exécution  qu'on  n'avait  pas  à  craindre  les  cri- 
tiques sévères,  mais  plutôt  à  espérer  le  jugement  bienveillant  des 
âmes  pieuses,  parfaitement  disposées  à  voir  à  travers  l'enveloppe 
parfois  défectueuse  l'éternelle  beauté  du  texte  illustré.  Malheureu- 
sement c'est  précisément  ce  texte  qui  nous  fait  défaut.  A  peine 
pouvons-nous    tenter   de   sentir    le    symbolisme    des    Victoires,    des 


'  Albizzati,  1.  c,  p.  194-195. 
^  Juv.,  III,  261  et  suiv. 

3  Platon,  Fhaedo,  p.  69  C.  Cp.  S.  Reinaeli,  Rur.  Aich.,  1903,  I,  p.  151- 
200;  Hairison,  Prokgomena,  p.  614-62.3. 

*  Abel,   Oiphica,   fr.   156:   'OpjrJ;   -r.i   'A/_ipij<T;îtJ   Aiavr.-)   àssii-j   /.aX=T. 

^  Cp.  Macchioro,  Zagrens,  p.  91-94. 

'^  Martian.,  e.  IX,  923. 

'  Serv.,  Aen.,  HI,  302;  E.   Rhode,  Psyché,  4^  éd.,  p.  230. 


184  I.A     liASlI.lQUK    .SDITKHIfAINK 

Orantes,  des  ligures  tr;ms|)(irt«es  par  des  ilivinité.s  mariiii'.s:  mais  que 
faut-il  i)ciiser  des  Méiiadcs  qui  pufilleut  des  fruits,  font  des  sacrifices 
en  Jouaiit  de  la  lli\tr,  se  réunissent  aiitonr  d"un  arlii'i':  i|iie  si^rnifie  cette 
réunion  de  iirètres  autour  d'Aindlon  !  Coniiiient  ex|)li(|Uer  les  scènes 
itliyplialliques,  la  procession  dn  van  saci'f;  ',  la  punition  de  Marsyas? 
OV'st  la  tradition  écrite  qui  nous  manque,  ce  i|ui  rend  juste- 
ment «  mystérieuses  »  des  choses  qui  étaient  révélées  même  aux 
simples.  Une  comparaison  avec  le  syinlinlisme  clii-étien  démontre 
avec  évidence  Jusqu'à  (|uel  point  nous  déi)endons  des  textes  dans 
nos  tentatives  d'exi)lieation.  Qui  aurait  clierelié  dans  la  figure  hu- 
maine sortant  de  la  ;:uenle  d'un  monstre  marin  une  allusion  à  la 
résurrection,  si  le  Nouveau  Testament  ne  nous  avait  pas  informés 
<ln  fond  symbolique  de  l'Iiistoire  de  Jouas  ?  Mais  qui  nous  expli- 
(|n(^  la  pensée  du  ])eintrc  des  vases  grecs  qui  a  représenté  dans 
la  même  situation  le  chef  des  Argonautes.  .lason  '  ?  Comment  pour- 
rait-on interpréter  la  riche  iconographie  chrétienne  si  l'on  avait 
uniquement  à  sa  disposition  les  écrits  des  auteurs  païens  ou  quatre- 
vingt-liuit  prières  en  forme  de  litanie-s,  comme  nous  les  jjossédons 
des  orphi(iues  ?  Qui  aurait  deviné  une  signification  mystique  d'une 
telle  profondeur  dans  la  danse  des  lîaccliantes  avec  la  tête  d'Orpiiée, 
(pi.  II,  fig.  2)  si  le  hasard  ne  nous  avait  p.is  conservé  les  spécu- 
lations sur  sa  mort  expiatoire  qui  mit  fin  au  ressentiment  de  Zeus 
contre  les  hommes,  ])rovoqué  par  le  meurtre  perpétré  par  les  Titans 
sur  la  personne  de  Zagreus  ? 

Lii   voûte  (le  lu  iieC  centrale. 

Les  marges  du  plafond  ciiili-al  sont  peuplées  d'une  grande 
quantité  de  «  scènes  de  genre  »  (|ui  senildcnt  rei>ivsenter  la  vie  réelle. 

'  Cp.  J.  E.  Harrison  in  Jonnial  of  lulkuic  sfudies.  XXIII  (1903), 
p.  32.^  fit  8uiv.  et  dans  l'rolegnmena,  j).  .")19,  527,  .'J31-Ô34:  Rizzo,  Dio- 
iiysos  Mysles,  p.  80. 

•  Roscher,  Mytholdij.  T.e.ticun,  .s.  \-.  Jnson,  col.  S.'i-Sli. 


DE    LA    rOHTA    MA(iliI()UK  lor> 

On  y  distingue  (pi.  lllj  des  exercices  de  gymnastique  et  d'escrime, 
dirigés  quelquefois  par  un  pédagogue,  des  rencontres  de  person- 
iriges  solennellement  habillés,  des  jongleurs  et  des  prestidigitateurs. 
Ou 'est  tenté  de  croire  à  une  imitation  dans  le  goût  hellénistique 

I  caractérisé  par  les  formes  trop  pleines)  des  «  tranches  de  vie  » 
qu'on  admire  sur  les  vases  et  les  reliefs  de  l'époque  grecque  clas- 
sique. La  scène  de  jonglerie  par  exemple  est  sans  doute  une  ré- 
plique de  celle  qu'on  trouve  sur  un  vase  de  bronze  du  Louvre  '. 

II  y  aurait  pourtant  un  détail  qui  nous  en  ferait  douter.  Les  acteurs 
d'un  de  ces  reliefs  sont  des  pygmées  ;  on  retrouve  ces  nains  con- 
trefaits sur  les  peintures  du  columhurium  de  la  Villa  Doria-Pam- 
pliili  où  l'on  a  supposé  qu'ils  symbolisent  la  vanité  des  occupa- 
tions d'ici-bas  ^. 

Autour  du  centre  on  voit  quatre  table;iux  d'un  caractère  tout  à 
l'ait  différent.  La  fig.  1  de  la  pi.  I\'  nous  montre  une  âme  représentée 
par  une  femme,  le  visage  empreint  d'une  ferveur,  d'une  résignation 
très  rare  dans  l'art  antique  :  Hermès,  caractérisé,  à  ce  qu'il  sem- 
ble, comme  dieu  de  la  mort  par  une  tige  de  pavot,  la  conduit  par 
la  main.  Hermès  était  vénéré  par  les  Pythagoriciens  comme  -yij.'.y.-^ 
T(ov  'y'jywv  ^.  En  face  (fig.  2)  se  trouve  .Jason  qui,  aidé  par  Médée, 
s'empare  de  la  Toison  d'Or.  Il  est  certain  que  le  héros  de  lolcos  a 
joué  un  rôle  important  dans  1" hagiographie  orpliique.  Nous  possé- 
dons même  des  «  Argonautica  »  avec  une  introduction  parfaitement 
orphique.  11  nous  est  pourtant  impossible  de  trouver  la  moindre 
preuve  (|u"on  ait  jamais  considéré  ses  ^tovosvtî;  y.ib'i'j'.  *  comme 
une  vie  de  martyr.  La  descente  dans  l'intérieur  d'un  monstre  ma- 
rin,  dont  nous  avons  parlé,  et   le   passage  de  Pindare  ^,  «  Phrixus 

'  De  Ridder,  Bronzes  antiques,  tig.  52,  p.  104,  cité  par  M.   l'ornari. 
=  Cp.   E.  Samter  dans  Rom.  MMh..   VIII    (189:5),  p.  101  et  suiv.   et 
IJoscher,  Mithol.  Lexicon.  s.  v.  Pygmaeeii,  col.  331>>. 
■'  Diogèn.  Laerce,  VIII,  1,  31. 
*  Hésiode,  Theogoii..  994. 
'  Pindare,  Pi/th.,  [V,  159  avec  le  sclioliaste. 


186  I.A     IIASIMQIK    SOITKKRAIXK 

nous  prie  d'aller  au  palais  d'yEètè»  et  (le  transporter  son  âme  », 
restent  inexplicables.  Notri-  tableau  présente  un  déUiil  curieux. 
Jason  est  munté  sur  une  table,  au  dessous  de  laquelle  se  trouve 
une  autre  table  surmontée  d'une  petite  caisse.  Il  me  semble  très 
probable  qu'on  doive  penser  ici  à  un  appareil  magique  tel  que  la 
table   mentionnée   dans   un    |),'ipyrMs  de    Leyilc  '. 

A  ces  reliefs  font  |)cndant  deux  autres.  La  signification  de 
l'un  est  claire.  11  repiéscnte  la  lil)ération  d'ilésione  par  Hercule. 
Plusieurs  monuments  trouvés  le  long  du  Rhin  montrent  que  l'épo- 
que impériale  a  trouvé  dans  ce  vieux  mythe  une  allusion  à  la  li- 
bération de  l'âme  par  un  lîédenipteur.  Sur  une  gemme  on  voit  aux 
pieds  de  la  vierge  encbaîiiée  un  cotVrct  (jui  rapi)ellc  iirobablement 
la  eista  mi/stica  '. 

En  face  du  tableau  d'ilésione  on  en  voit  nu  (|iiatriénie  (  pi.  V,  fig.  1  ) 
<lont  l'explication,  autant  ([uc  Je  sache,  n'est  pas  encore  trouvée.  Sur 
un  troue  très  sinipU^,  on  plutôt  sur  un  liane  formé  de  deux  blocs 
de  pierre  quadrangulaires  profilés,  une  femme  est  assise  dans  nue 
attitude  pensive,  la  tète  appuyée  sur  la  main  droite,  la  gauche  te- 
nant une  idole  qui  ressemble  à  la  déesse  Athéna  armée  d'un  bou- 
clier et  tenant  probablement  mie  laiice  de  la  main  droite  élevée. 
Les  vêtements  ne  couvrent  que  la  parlie  inférieure  du  corps.  Un 
homme  entièrement  nu,  dont  le  manteau  —  est-ce  une  peau  de 
bête  ?  —  a  glissé  sur  la  cuisse  gauche,  est  debout  devant  elle. 
Les  boucliers  au  dessus  de  la  figure  de  l'iiomme  et  les  guirlandes 
attachées  avec  des  rittae  me  semblent  indiquer  que  la  scène  se  passe 
devant  ou  dans  un  temple.  Le  pied  gauche  de  l'homme  est  appuyé 
sur  un  bloc  de  pierre  grossièrement  éiiuarri,   qui  ressemble  de  très 


'  Publié  par  Dietericli  dans  les  Johi-h.  /'.  <l.  I:h(ss.  Alteit.  Supple- 
mentband,  XVI,  p.  799-830,  v.  s.  26  et  suiv. 

-  Cp.  Drexler  dans  Rosciier,  Mythol.  Lexikon,  s.  v.  Hesiou,  col.  2593- 
2594. 


DK    LA    PORTA    MAOtilOUB  1H7 

près  aux  -rli'i^oi  se  trouvant  selon  M.  Maccliioro  '    dans  beaucoup 
(le  scènes  relatives  aux  mvstères. 

Les  reliefs  du  centre  (pi.  111  et  pi.  V,  fig.  2)  représentent  tous  les 
deux  un  rapt.  Au  milieu  du  plafond  nous  voyons  Ganyniède  porté  au 
ciel  par  un  génie  ou  un  dieu,  symbole  connu  de  l'apothéose  '.  Ganymède 
porte  dans  la  main  droite  une  aiguière,  dans  l'autre  un  tlarabeau.  Ces 
ol)jets  symbolisent  sans  doute  respectivement  l'enthousiasme  diou}-- 
siaque  '  et  la  fervente  ai-deurdcTàme.  Le  second  des  tableaux  centraux 
(pi.  \,  fig.  2)  représente  l'enlèvement  d'une  des  Leucippides,  scène  que 
l'on  rencontre  également  sur  plusieurs  sarcophages  *.  Il  n'est  pas  pro- 
bable qu'on  ait  pensé  à  autre  chose  qu'à  l'ascension  de  l'âme,  l'apo- 
théose —  qui  est-ce  qui  se  ferait  faire  un  sarcophage  décoré  d'une  de- 
scente en  enfer?  —  et  pourtant  il  y  a  un  contraste  incontestable  entre 
la  conduite  de  Ganymède  et  celle  de  la  Leueippide.  Le  visage  du  Dio- 
scure  rappelle  l'idée  de  la  beauté  sombre  qu'on  se  forme  ordinaire- 
ment de  Lucifer.  N'oublions  pas  que  l'on  voit  dans  les  nefs  latérales 
«u    châtiment  de  Marsyas  et  le  travail  impuissant  des  Danaides  ". 

'  Macehioro,  Zagreus,  p.  28-42. 

-  L'idée  de  rapothéose  si  fréquente  pendant  l'époque  impériale  (cf. 
e.  a.  Altraann,  Uômisclie  Grahalttire.  p.  276  et  suiv.  E.  Arthur  Strong  dans 
le  Journal  of  Roman  Shtdies,  I,  p.  24  et  suiv.  et  dans  Apotheosis  and 
after  Jife,  passim)  se  trouve  déjà  dans  le  douzième  livre  des  lettres  de  Ci- 
céron  à  Atlicus. 

'  L'aiguière  se  trouve  sur  de  nombreux  autels  et  placiues  funéraires, 
où  l'un  ne  peut  pas  supposer  le  sens  astrologique,  que  M.  Cumont  croit 
trouver  dans  notre  relief. 

*  Mélanges  de  VEc.  de  Borne,  1885,  pi.  12;  Robert,  Sarkoplmgsrehefs, 
III,  2,  57  et  .08  (p.  180-184):  S.  Reinaeh,  BeNefi=,  II,  197  (=  III,  288),  III, 
33,  256,  379.  —  Cf.  maintenant  G.  Bendinelli,  Di  un  frawincnto  marmo- 
reo,  etc.  dans  Ausonia,  X  (1921). 

^  M.  Cumont  (dans  la  Bassegna  d'arte  antica  e  moderna,  VIII  (1921), 
2,  p  .38,  ann.  6)  explique  les  Danaides  comme  des  âmes  avides  de  vo- 
lupté, insatiables  de  jouissances  et  cite  Platon,  Gorg.,  493  A,  Lucrèce,  III, 
935  et  suiv.,  1003  et  suiv.,  Rhode,  Psyché,  I,  p.  326  et  suiv,  Norden,  In 
Varronis  saturas,  p.  332  et  suiv.  Il  me  semble  pourtant  plus  probable 
d'y  voir  les  non-initiés  (cf  J.  E.  Harrison,  Prolegomena  ta  Greek  Beli- 
gion,  p.  613-623). 


l.A     HASII.igi'E    SOITERKAINK 


(loiistiMutioii  et  stvl»'. 


Il  seiM  prudent  (riittcndro  le  déblaiement  eomplet  de  l'éditiee 
])our  se  déeider  sur  les  dates  fournies  ])ar  la  construction.  MM.  For- 
nari  et  Gatti  ont  constaté  que,  dans  les  parties  visibles  du  béton, 
ne  se  trouvent  pas  de  fraj^ments  de  marbre  ou  de  briques;  cela 
indii|uerait  la  iireniiére  moitié  du  I"  siècle  a]irés  .lésus  ('liri>*t.  Un 
Trafiment  (Vojms  reticnlatum  d'excellente  exécution  entrevu  par 
M.  Gatti  an-dessus  de  l'ouverture  qui  illumine  le  pronaos,  pour- 
r.iit  indi(|uer  la  même  période.  M.  lîendinelli,  un  des  prochains  édi- 
teurs de  la  basilique,  a  cité  une  foule  d'analogies  pour  les  sujets 
et  la  manière  d'exécution  de  la  décoration  en  stuc  qui  corroborent 
les  indications  plutôt  vagues  de  la  construction  et  rappellent  aussi 
la  première  moitié  on  le  milieu  du  P'   siècle  de  notre  ère  ". 

Je  veu,\  remarquer  à  ce  propos  que  l'évidente  inégalité  de  style 
des  reliefs  constatée  tout  de  suite  par  M.  Fornari  '  et  la  tendance 
archaïsante,  dont  on  voit  des  exemples  dans  nos  figures,  caracté- 
risent aussi  les  peintures  murales  de  la  maison  de  la  Farnesine, 
conservées  au  Musée  des  Thermes,  dont  les  stucs  représentent  des 
scènes  des  mystères. 

En  outre  il  me  semble  que  l'on  peut  retenir  dans  la  décoration 
de  la  voûte  centrais  une  circonstance  qui  n'est  pas  sans  importance. 
Exception  faite  des  reliefs  de  Ganymède  et  de  l'enlèvement  de  la 
Leucippide,  on  distingue  très  bien  deux  parois,  divisées  dans  la  m;i- 
niére  habituelle  des  peintures  murales  de  Porapei,  par  exemple 
celles  de  la  maison  des  Vettii.  Le  socle  est  formé  par  une  espèce 
de  predella  remplie   de  petites   scènes    ol)longues.   Les    es|)aces  vi- 

'  Une  savante  conférence  de  cet  archéologue  fut  faite  pour  la  première 
fois  devant  «  l'Accademia  l'ontificia  »  le  21  avril  li)21  et  répétée  ensuite 
à  l'Associazione  IJomana  di  Arclieologia. 

2  Cp.  R.  Paribeni,  Catahxjo  âel  Museo  délie  Terme,  3''  édit.  (1920), 
n"  710  et  720. 


DE    LA    PORTA    .MACiCilORE  189 

des,  siirnioiitnnt  ce  socle,  présentent  des  scènes  encadrées  comme 
de  vrais  tableaux  (Hermès  et  l'âme,  Jason  et  Médée)  ou  bien  re- 
présentées comme  vues  par  une  fenêtre  (Hésione  et  Hercule).  Cette 
division  est  parfaitement  indiquée  pour  une  paroi  —  on  la  re- 
trouve par  exemple  dans  la  maison  de  Livie  sur  le  Palatin  — 
mais  pas  du  tout  pour  une  voûte.  Sans  en  avoir  eu  l'intention,  on 
a  démontré  cette  impropriété  en  exposant  au  Musée  des  Thermes 
les  stucs  de  la  Farnésine,  qui  formaient  une  voûte  sur  des  parois 
concaves  mais  nmi  plafonnantes,  le  long  des  murs  verticaux,  non 
seulement  sans  en  changer  la  perspective,  mais  même  en  améliorant 
leur  effet.  J'en  conclus  que  le  cycle  des  représentations  mystiques  de 
la  Farnésine  et  de  notre  basilique  a  été  inventé  et  représenté  pour 
la  première  fois  dans  un  pays  où  l'on  n'avait  pas  l'habitude  de  con- 
struire des  voûtes,  par  exemple  dans  la  Grèce  et  l'Italie  méridionale. 
Les  candélabres  stylisés  et  les  palmettes  qui  remplissent  avec  des 
masques  '  les  vides  entre  les  tableaux  de  la  voûte  centrale  sont 
également  bien  plus  appropriés  à  un  mur  vertical  qu'à  une  voûte. 
M.  Fornari  a  voulu  déterminer  aussi  l'identité  du  constructeur 
de  notre  édifice  et  il  l'a  fait  d'une  manière,  selon  moi,  très  ingé- 
nieuse et  vraisemblable.  Il  a  fait  remarquer'  qu'à  une  distance  d'en- 
viron deux  cents  mètres  de  la  basilique  ont  été  trouvées  de  nom- 
breuses inscriptions  d'esclaves  et  d'affranchis  appartenants  à  la  fa- 
milia  des  Statilii  ^.  Une  de  ces  épitaphes  porte  le  cognonien  très 
rare  de  Mystes  *.   En  outre  on  a  découvert  dans  le  même  cimetière 

'  De  tels  masques  barbus  sont  très  fréquents  sur  les  monuments  fu- 
néraires. M.  Maechioro  (Zagrem,  p.  119-120)  les  veut  expliquer  comme 
le  visage  du  dieu,  symbole  de  sa  présence  parmi  les  fidèles.  Le  dieu  su- 
prême des  orphiques  était,  comme  tous  les  dieux  de?  mystères.  Un  et 
sans  forme  définie  (Proclus,  Enneail.,  I,  6,  9  cité  par  Harrison,  Prole- 
gometia,  p.  624). 

^  Notizie  degli  Scari^  1.  c.  p.  50-52. 

'  C.  I.  L.,  VI.  62l.S-fi640,  cj).  Jordan-Hulsen,  Topographie  /l'oms,  I, 
3,  p.  363,  ann.  52,  Kichter,  Topographie  Boms,  p.  352. 

*  C.  I.  L.,  VI,  6632. 


190  I.A     IIA.SII.KJIK    Slil  TKHItAIXK 

iiiif  lii'llc  unie  de  inarlirc  avec  des  scène»  qui  se  réfèrent  aux  mys- 
tères d'Hleusis  '.  Ces  indioations  sont  combinées  par  M.  Foruari 
avec  le  procès  contre  le  proconsul  T.  Statilius  Taiirus,  accusé  de 
magicae  suj/erstitiones''   par  les  complices  d'Ag-rippine. 

La  conjecture  de  M.  Fornari  me  semble  très  vraisemldaldc  et 
je  crois  pouvoir  la  fortifier  encore  en  mettant  le  fait  isolé  dans 
le  cadre  complet  de  la  lutte  de  rcli^'ions  t|iron  peut  entrevoir  dan-< 
le   premier  siècle  de  notre  ère. 

L'crapcrenr  Caligula  semble  avoir  eu  des  tendances  égyptiennes 
prononcées  ''.  Son  successeur  Claude  au  contraire  fut  un  admirateur 
sincère  de  tout  ce  (|ui  était  grec  *  et  essaya  entre  autre  d'introduire 
les  mystères  d'Eleusis  !i  Rome  ".  Il  est  donc  très  proliable  qu'il 
ait  autorisé  T.  Statilius  Taurus  à  construire  une  basilique  orphique. 
Mais  Cl:n;;Ic  était  dominé  par  l'autorité  de  sa  femme  .\;,'rip])ine. 
Nous  ne  savons  pas  quelles  ont  été  les  sympathies  religieuses  de 
celle-ci,  mais  il  est  très  remarquable  de  constater  que  les  cultes 
féminins  de  Cybèlc  et  d'isis  jouissaient  de  la  faxcur  de  Néron,  le 
tiis  d'Agrippine  '''.  Il  aura  été  très  facile  à  celle-ci  de  trouver 
des  arguments  d'accusation  contre  les  Orphiques  et  leur  protecteur 
Statilius.  Déjà  Cicéron  reproche  aux  f>rphiques  le  meurtre  rituel  ' 
et  le    fameux    seiiatns   rotisultuM    ilc    h'iiir/i(i»(ilil>us    défendait  les 

'  Cp.  e.  a.  llelbig-Anicliing,  Fiilirer  cintrh  dif  Mttseen  liomis.  ;i"'  éd.. 
II,  n°  1325,  I).  111  et  suiv.  :  G.  E.  Rizzo,  //  sarto/'ago  di  Torre  nom  dans 
Bôm.  Mitt.,  1910,  p.  106,  131  et  suiv..  planche  VII  (la  première  répro- 
duction satisfaisante);  Paribeni.  Catiilotin.  n"  440. 

'  Tacite,  Ami.,  XIT,  r>9. 

'  H.  JI.  K.  Leopold,  (Jiilirikkclhig  niu  ket  Heidendom  in  Home  (K\o- 
lution  du  paganisme  à  Home).  Rotterdam,  1918,  p.  110. 

*  Voj'.  le  témoignage  non  suspect  de  Sénèque  dans  TApokololcynthosi». 

^  Suétone,  Claude,  c.  25  :  Sacra  J'^Ieiishiia  etiam  tinnsferrc  e.T  Attiea 
liomam  conatnit  est. 

^  Cp.  F.  Cuniont,  I.cs  leJiijifnis  orieiitaks  dans  VKinpire  Boniain  (p.  66 
et  suiv.  de  la  traduction  allemande  de  (iehrich,  2'  édit.,  Leipzig,  1914) 
et  G.  Lafaye,  Divinités  d'Alexandrie,  l'aris.  1SS4,  p.  59. 

'  Cicéron,  in   Vat.,  VI,  14. 


DE    LA    PORTA    MAGGIOKE  1;)1 

réiinidns  iimnlireuses,  telles  qu'elles  auraient  pu  êti'e  d'après  k's 
dimensions  de  notre  basilique.  Le  suicide  de  Statilius,  qui  con- 
sidérait naturellement  la  mort  comme  un  bienfait  pai-ce  qu'elle  li- 
bérait son  àme  immortelle,  et  l'indignation  des  sénateurs  qui  con- 
naissaient certainement  le  caractère  très  élevé  de  la  doctrine  des 
mj'stères,  s'expliquent  avec  facilité.  En  outre  le  merveilleux  état 
de  conservation  de  tous  les  stucs,  l'absence  complète  de  graffhi  et 
de  traces  de  fumée  me  pai'aissent  prouver  que  l'édifice  souterrain 
n'a  été  fréquenté  que   pendant   un   temps  très  court. 

Mais  les  arguments  d'une  défaveur  des  mystères  grecs  dans 
l'empire  romain  à  partir  du  milieu  du  premier  siècle  après  Jésus 
Christ  me  semlileraient  faibles,  si  je  ne  rencontrais  leurs  traces 
dans  une  autre  partie  du  monde  antique,  en  Asie  Mineure. 

Là  le  culte  impérial  est  lié  très  étroitement  à  celui  des  mys- 
tères justement  dans  la  première  moitié  du  premier  siècle.  Des  mon- 
naies attril)uent  à  Livie,  épouse  d'Auguste,  et  à  Agrippine  majeure 
l'épitbète  de  Kap-ooôpo;  '.  Des  inscriptions  appellent  celle-ci  3'sà 
It^P'Ai-cy.  AioAi;  K^pTio^opo;  '.  Elle  fut  vénérée  à  Mitylène,  oi'i 
naquit  en  18  sa  tille  .Iulia  ',  de  20  à  31  après  Jésus-Christ,  avec 
son  mari  (iermanicus,  qui  porte  le  nom  vraiment  orphique  de  véo; 
rîô;,  c'est-à-dire  Zagreus  '.  Les  memlires  de  la  famille  impériale 
eu  général  sont  étroitement  liés  aux  cultes  des  mystères  ^.  Les  ar- 
chéologues allemands  ont  retrouvé  dans  le  sanctuaire  de  Déméter  à 
Pergame  —  bâti  entre  269  et  263  avant  J.  C.  et  fréquenté  jusque 
dans  la  second'!  moitié  du  deuxième  siècle  après  J.  C.  —  des  sta- 
tues de  membres  de  la  famille  impériale  et  des  dédicaces  à  ces 
membres  mêmes.  Mais  il  y  a  un  rapprodiement  très  curieux  et,  selon 

'  H.  Hepding  dans  Atheii.  Mittli.  (litlO),  p.  44.3. 
-  Hepding,  ihid. 
■'  Tacite.  Ann..  II,  54. 

*  Tiiuipel  dans  Pauly-Wissowa.  lieaknc,  I,  1036,  cp.  Abel,  Oiphica, 
IV.  191. 

^  Hepding,  ihid. 


192  LA     HASILKilK    SOI  TKKKAINK 

moi,  très  iiii|i(]it:uit  à  f.iii-c  jnnir  riiisturicn  île  notre  baRiliquc.  On 
a  trouvé  dans  le  winctiiMire  de  l'ergame  de»  statues  d"Aujj;uste, 
d'Agrippine  majeure  et  d'un  niemlire  de  la  famille  Claudius,  pn>- 
hahlement  Tilière  ',  puis  on  saute  au  règne  d'Hadrien.  Si  Ton  eoni- 
l)ine  l'existence  de  cette  lacune  avec  le  fait  que  le  pronaos  du 
temi)le  de  l'erganie  a  été  restauré  par  un  certain  C.  Clandius  Si- 
lanus  dans  la  seconde  moitié  du  deuxième  siècle  ',  il  nous  semble 
po8sil)le  de  conclure  que  le  sanctuaire  dans  lequel  on  trouve  les 
traces  évidentes  de  tend.nices  ori)liiques  '  n'a  ])as  joui  des  faveurs 
de  la  famille  imijériale  et  i)ar  conséquent  des  munificences  de  pro- 
tecteurs riclii's  durant  une  période  qui  s'étend  d'environ  l'an  ôO 
après  .1.  C.  jusqu'au  règjie  d'Hadrien.  Il  semble  que  la  doctrine 
orphique,  favorisée  par  les  premiers  empereui-s,  célébrée  par  Vir- 
gile —  avec  naturcUemiiit  la  sympatliie  d'Auguste  —  sur  le  point 
de  devenir  religion  otlicielle  avec  Claude,  a  été  étouffée  par  les  em- 
pereurs suivants  qui  montrent  tous  des  tendances  «  égyptisjintes  »  '. 
Peut-être  la  liasilique  souterraine  construite  avec  la  permission  de 
Chiude,  mais  fermée  an-sitot  après  ;V  cause  de  l'opposition  d'Agrippine, 
nous  indique-t-clle  le   mouient   précis  du   re\irement  des  opinions  '. 

H.  M.  H.  Lkopoi.i.. 

'   Ilepding.  1.  c.  p.  ."lUO-âOl. 

-  Hcpding,  1.  c,  p.  4-12. 

■'  0.  Kern,  Das  Demeterheiligtum  run  l'ergamon  tiiid  die  Oijihischeii 
Hymnen  dans  VTIenncs,  46  (1911),  p.  431-436. 

■•  G.  Lafaye,  Divinités  d' Alexandrie,  Paris,  1884,  p.  .56  et  suiv.  ;  11.  M. 
R.  Leopold,  Ontirikheling  ran  het  Heidendom  in  Home  (Evolution  du 
paganisme  î'i  Konie),  Rotterdam,  191S.  p.  111112. 

^  Madame  E.  Arthur  Strong,  qui  a  suivi  et  assiste  mes  études  avec 
un  empressement  (jui  est  an-dessns  de  ma  reconnaissance,  a  bien  voulu  at- 
tirer mon  attention  sur  une  étude  du  savant  professeur  Cli.  Hiilsen  (Die 
Ausgrahnngeu  lu  Hum  im  W.  Jahrhjiiidcrt,  Hl,  3  (29,  1,  21],  p.  48-52;. 
L'illustre  archéologne  voit  <lans  la  basilique  une  salle  à  manger  souter- 
raine et  explique  toute  la  décoration  comme  une  «  Vcrlierrlicliung  von 
Gesang  und  Wein  ».  Tout  ce  cpii  précède  montre  que  Je  ne  puis  partager 
l'opinion  de  l'cniinent  spécialiste  de  la  topographie  romaine. 


!.!•  DEVELOPPEMENT  DE  l/HIvSTOIPiE  DE  JOSEPH 

DANS  LA  LITTÉKATURE  ET  DANS  L'ART 
AU  COURS   DES  DOUZE   PREMIERS   SIÈCLES 


II  n'est  pas  question  de  faire,  en  ces  quelques  pages,  une  revue 
ooraplète  et  détaillée  des  monuments  iconograpliiciues  où  se  trouve 
retracée  l'iiistoire  de  Joseph,  depuis  le  début  de  Fart  chrétien 
jusqu'au  XIII'  siècle:  il  y  faudrait  tout  un  livre.  Je  me  propose 
seulement  de  marquer,  par  quelques  exemples,  les  étapes  de  ce 
développement,  et  d'essayer  d'en  comprendre  les  raisons.  Pourquoi 
cette  histoire,  plutôt  qu'un  autre  épisode  de  la  Genèse?  Le  choix 
n'en  est  p;is  arbitraire:  les  monuments  où  elle  figure  sont  nombreux: 
mieux  qu'une  autre,  on  la  retrouve  presque  toujours  dans  les  cycles 
un  tant  soit  peu  étendus  de  l'Ancien  Testament;  même  aux  époques 
de  pleine  décadence,  on  en  découvre  quelques  représentations.  Les 
Pères,  de  leur  côté,  l'atfectiounent  entre  toutes;  elle  jouit  enfin 
d'une  renommée  et  d'une  popularité  singulières,  et  qui  vont  toujours 
en  s'allirniant  davantage. 

Un  fait  surpi'end  d'abord:  parmi  les  p(Miitures  des  catacombes, 
on  n'a  pas  jusqu'ici  trouvé  trace  de  l'histoire  de  Joseph.  Ce  récit 
touchant  et  merveilleux,  un  des  plus  variés  et  des  plus  mouve- 
mentés i);irmi  ceux  que  nous  rapporte  l'Ancien  Testament,  ce  récit, 
où  l'on  retrouvait  si  bien  le  doigt  de  Dieu,  devait  pourtant  frapper 
r:îme  et  l'imagination  populaires.  Il  a  tout  le  charme  de  la  légende  ; 
il  ouvre  à  la  rêverie  d'immenses  horizons.  Mais  cette  longue  hir- 
toire  auecdotique  et  pittoresque  ne  s'accordait  pas   avec    l'art   des 

MélntigfK  d'Àrch.  et  d'HM.  19-21.  13 


194  l.E     llliN  Kl.lil'i'K.MKSr 

(■:it;i(iimlics  :  un  snit  :\*si-/.  ipio  <i-t  ;irt  n'a  jriioiv-  (le  |iri''iiccii|ia- 
liniis   ii:irr;itivcs.   et   rin'il    ivsiiini'    plutôt    (|u"il    ni'   racoiiti'. 

l'iiiirtaiit,  iriiii  aiiti'r  |i(i;iit  de  vue  .liisi-|ili  ii'ntriMit-il  pas,  (•(uiitmc 
Suzanne,  ou  Daniel  an  milieu  des  liims,  (ni  ciicuir  les  trois  Ilélireux 
dans  la  fciurnaise,  un  témoi-rnajre  éclatant  de  la  Miisérieurde  et  de 
la  ])nitection  divines':'  Di^s  épiscides  (•diniMe  .Icisepli  sm'taiit  de  la 
eiterne,  on  .Inscpli  tiré  de  prison,  n'étaientils  pas  aussi  rielies  de 
symbolisme  funéraire  que  Noé  sortant  de  l'arclie,  ou  .lonas  vimii 
par  le  monstre?  Sans  doute:  mais  on  n'avait  évidemment  pas  Tlia 
liitude  do  les  considérer  de  e<'tte  façon.  Nous  toindions  ici  une 
nouvelle  preuve  <le  Télroite  rtdat'ou  (pli  unit  tniiti'  une  sérii-  de 
fresques  des  catacombes  et  les  oraisons  de  la  liturgie  funéraii'e  '. 
Qu"on  relise  en  etfet  la  belle  et  véiu''i-able  prière  des  agonisants, 
la  ('(Duinrtuhtfii)  a»h)iiic  du  bréviaire  rimiain.  qui'  Le  r.i.-iiit  met 
en  parallèle  avec  la  décoration  des  sare(q)liages  °  :  on  y  voit  ajipa- 
raitre  successivement  Hénoeli  et  Elle,  Noé,  Job,  Isaae,  Moïse,  Da- 
niel, les  trois  (léln-eiix.  Sii/.ainie,  David,  et  fnllii  Pierre  et  l'aiil  ; 
il   n'y  est  fait  aucune   iiieiitinn   de  .losepli   '. 

C'est  que.  dès  le  début  du  111''  s'èele,  mi  était  aeeoiitiimé  à 
cliercher  dans  l'iiistoire  de  Joseph  un  syinb(disme  ])lus  coinpli(|ué 
et  plus  spécialement  tliéologi(ine.  Jose])li  est  une  figure  du  ("lirist. 
Isaae  aussi,  il  est  vrai,  .binas  aussi,  et  la  meilleure.  puis(|ue 
c'est   Jésus  Ini-inéme   qui    s'i'St   <'omparé   à    lui  '.    Mais   Isaae,  comme 

'  l'eut-éti-e  moins  étroite  ceiiendaiil  (pi'oii  ne  l'admet  aiijounlliiii 
eomuiunéraent. 

'-'  Etude  sur  les  sarcophages  chrétiens  autiijites  de  la  rille  d'Arlrs. 
p.   xxvi.  —  Cf.  aussi  A.  Pératé,  Archéologie  chrétienne,  p.  72. 

^  De  niênie  la  prière  de  Severus,  dans  la(|uelle  sont  énuiuérés  .Noé. 
Abialiain,  Isaac,  Jacob,  l,otli,  Moïse,  Josué,  les  trois  Hébreux,  Daniel, 
.lonas.  Judith,  Suzanne,  Esther.  'Dnites  ces  inières  ont  leur  origine  dans 
lin  rituel  juif. 

*  Math.,  XII,  40.  —  «  SicMit  iniiii  fuit  .lonas  in  ventre  ccti  tribus 
<liebu8  et  tribus  noetibiis,  sic  erit  Pilins  liominis  in  corde  torrae  trilnis 
diebu6  et  tribus  nootibiis». 


1>B   I."H1.ST(MRE    de  JOSEPH  195 

Jonas,  ue  préfij^ureiit  le  Christ  (m'a  un  momeut  détenu i né,  dans 
une  circonstance  particulière.  11  y  avait  là,  étant  donné  l'art  de 
l'époque,  qui  ne  craint  ni  les  copies,  ni  les  imitations,  des  modèles 
fixés  une  fois  pour  tontes,  de  véritables  types  qui  se  transmettaient 
et  qu'il  suffisait  de  reproduire.  L'avantage  était  double:  les  artistes, 
entraînés  par  Tliabitude,  exécutaient  facilement  et  vite  de  sembla- 
bles morceaux  ;  et  les  fidèles,  qui  les  retrouvaient  partout  à  peu 
près  les  mêmes,  les  reconnaissaient  sans  peine,  et  atteignaient, 
derrière  l'image,  l'idée  qui  y  était  si  intimement  associée.  Plus 
difficile  était  l'histoire  de  Joseph.  Très  vite,  on  vit  dans  le  pa- 
triarche un  type  du  Christ,  non  pas  dans  tel  ou  tel  accident  de 
sa  vie,  mais  dans  sa  vie  tout  entière.  Déjà  TertuUien  en  dégage 
tout  un  symbolisme  raffiné  :  «  .loseph,  lui  aussi,  figure  le  Christ,  déjà 
par  ce  senl  fait  —  pour  ne  pas  m'attarder  —  qu'il  a  .souffert  persé- 
cution de  la  part  de  ses  frères,  par  la  grâce  de  Dieu,  comme  le 
Christ,  trahi  par  Judas,  a  été  vendu  par  les  juifs,  ses  frères  selon  la 
chair.  Mais  il  est  béni  aussi  en  ces  termes:  «Sa  beauté  est  celle 
»  du  taureau,  ses  cornes  sont  les  cornes  de  la  licorne»...  en  ceci 
aussi  il  préfigurait  le  Christ  »  '.  Je  ue  suivrai  pas  TertuUien  dans 
les  arguties  par  trop  subtiles  de  son  symbolisme  ;  je  retiendrai  seu- 
lement que  déjà  la  méthode  d'exégèse  allégorique  a  trouvé  dans 
l'histoire  de  Joseph  un  de  ses  sujets  de  prédilection.  .Mais,  ou  le 
voit,  elle  n'avait  pas  encore  pénétré  vraiment  l'âme  du  peuple: 
l'art  des  catacombes  ne  raffinait  pas  tant,  et  le  symbolisme  en 
était  plus  accessilile.  Voilà  sans  Joute  la  raison  ))oiir  laquelle 
l'hisfnire  de  Josepli   n'y  apparaît  i>as. 

Il  faut  aller  jusqu'à  l'époque  constantiuienne  pour  en  trouver 
les  premières  traces  ;  encore  l'rpuvre  elle-même,  du  moins  sous  sa 
forme  primitive,  a-t-elle  depuis  longtemps  disparu.  Suivant   une   in- 

'  Ad  Mai;..  III,  18. 


19()  I.K     DKVKI.Ol'I'KMKNT 

^tîiiieiiwe  et  sédiiisantc  liyiidtlit'sc  de  M;,'i-  Wil]H'rt  ',  —  tro])  iii'^énipuse 
et  troll  S(!diiis;iiite  peut-être,  —  lis  utiles  li:ir()(|ues  qui  ornent 
:iu.jourd"liui  la  grande  nef  de  S'  .lenii  de  Latran,  et  qui  sont  dÙH  à 
Innocent  X  (J 644-1 655)  seraient  la  dernière  transformation  des 
niosaii|ues  originales.  Nous  savons  en  effet  '  que  Constantin  avait 
fait  décorer  cette  nef  de  scènes  eni]iruiitées  à  l'Aniien  et  au  Nouveau 
Testament,  dont  les  deux  premières  représentaient  d'un  côté  Adam 
cliassé  du  Paradis  terrestre,  de  l'autre  le  bon  larron.  Tel  est  pré- 
cisément le  sujet  des  deux  lias  reliefs  les  iiliis  pi-oelies  de  l'autel  ; 
il  parait  donc  très  vraisemblable  (pie  le  souvenir  de  cette  toncor- 
dance  des  deux  Testaments  se  soit,  à  travers  toutes  sortes  de  chan 
gements  et  de  vicissitudes,  conservé  jusqu'à  nous.  Le.s  pi'incipales 
scènes  de  la  vie  du  Clirist  se  déroulaient  sur  la  paroi  de  droite, 
tandis  que  celle  do  gauebe  présentait  les  fUjuri's  correspondantes. 
Nous  avons  ainsi  le  Baptême  de  Jésus,  et,  en  face,  le  Déluge;  le 
Sacrifice  d'Isaac,  et  le  Portement  de  croix;  .Josepli  vendu  par  ses 
frères,  et  Judas;  le  Passage  de  la  Mer  Ronge  et  la  Di'srciite  aux 
limbes;  enfin,  la  Délivrance  de  Jouas  et  la  Résurrection.  Les  sym- 
boles se'  font  plus  variés  que  dans  les  catacombes  ;  rexplieation 
allégorique  de  la  Bible  commence  :\  entrer  davantage  dans  les  ha- 
bitudes des  fidèles:  et  puis,  comme,  dans  ces  concordances^,  le  sens 
de  la  figure  est  éclairé  par  la  scène  du  Nouveau  Testament  qui 
lui  fait  face,  le  symbolisme  reste  facilement  accessible.  Ce  rappro- 
eliement  entre  Joseph  vendu  par  ses  frères  et  la  trahison  de  Judas 
.■ivait,     du     reste,     été     fait    depnis    longtemps,   puisque   Tertullien, 


'  Mosfiiken  nud  3Ialeieicn,  p.  202  et  suiv. 

2  Migne,  P.  L.,  CXXIX.  2S9.  .  Petnis,  et  Petrus  T)eo  ainabiles  pre- 
»  sbyteri  et  vicaiii  Adiiani  Papac  Renioris  Komae  dixerunt  :  •  Taie  cjuid 
>  et  divae  mcmoiiae  Coiistantimis  niagniis  impeiator  olim  focit:  aediticato 
.  enim  templo  Salvatoris  Roniae.  in  duobus  parietibus   tenipii    iiistorias 

•  veteies  et  novas  dcsignavit,  hinc  Adam  de  paradiso  exeuntem,  et  nide 

•  laironem  in  paradist<7n  intrantem  figiirans  •. 

'  Dont  celle-ci  est  le  premier  exemple. 


I>E    1.  HISTOIRE    DE    JOSEPH  liu 

dans  le    passage  cité  tout  à  l"heiire,   se  borne  à   Tindiquer  comme 
une  chose  déjà   connue,  et  se  détend   d'y  insister  '. 

Il  est  possible  que  des  scènes  de  l'iiistoire  de  Joseph  aient 
décoré,  sous  Constantin,  d'antres  basiliques:  mais  tout  souvenir 
en  a  disparu.  Sous  le  pontificat  de  Libère  (352-366)  elles  ont 
dû  contribuer  à  orner  S'  Pierre,  et  la  basilique  libérienne,  qui 
n'était  pas  encore  S""  Marie  Majeure.  Ici  encore,  nous  sommes  ré- 
duits à  rhypothèse  :  il  est  vrai  qu'elle  touche  ;\  la  certitude. 
Bien  que  datant  du  pape  Formose  (891-896j,  les  peintures  de  la 
nef  de  S'  Pierre,  dont  une  description  et  deux  dessins  de  Grimaldi 
nous  ont  conservé  une  partie  ',  reproduisaient,  selon  toute  appa- 
rence, les  mosaïques  antérieures.  Un  passage  du  Liber  rontiflcalis 
semblerait  déjà  l'indiquer  ^.  Panvinio,  tout  en  faisant  remonter 
jusqu'à  Constantin  la  décoration  primitive,  parait  aussi  le  penser  *. 
Mais  Mgr  Wilpert  apporte  à  ces  témoignages  incertains  une  con- 
firmation à  peu  près  indiscutable  '.  Dans  la  série  des  médaillons 
des  Papes  qui  courait  au-dessous  de  ces  peintures,  Libère  est  seul 
représenté,  avant  Formose,  avec  le  nimbe  carré,  Vindichim  rirent/s  : 
c'est  donc  au  plus  tard  sous  son  pontificat  qu'on  avait  exécuté  ces 
médaillons,  depuis  restaurés  et  continués  à  ditl'érentes  reprises,  et  le 
reste  de  la  décoration,  auquel  ils  sont  étroitement  liés.  Il  y  avait  là, 
du  côté  nord,  46  scènes  de  l'Ancien  Testament,  et,  de  l'autre  côté, 

'  Tert.,  loc.  cit.  «  Ne  demorer  cuisuiu  •. 

-  Eugène  Jilïintz,  liecherdies  .<»c  l'u'iivie  areliéologiiiue  de  Jacques  Gri- 
maldi, âàm  Bibliotltèque  des  Ecoles  françaises  d'Atlu'nes  et  de  Rome,  t.  I, 
p.  247  sq. 

'  L.  P.,  éd.  Duchesne,  U,  227.  «  Hic  pei'  ])ictmam  lenovavit  totani 
ecclesiain  beati  Pétri  principis  apostolorum  > . 

■*  Panvinio,  De  rébus  antiquis  memorabilihus  et  praestantia  basilicae 
saneti  Pétri,  dans  Mai,  Spicilegium,  IX,  233.  «  Kormosus  Papa  totam 
sanetl  Pétri  apostoli  Ijasilicani,  vetere  pictuia  quaiu  ex  musivo  Constan- 
tinus  fecerat  exolescente,  variis  novis  picturis  eximie  totam  condecora- 
vit,  quae  adliuc  siipersunt  ». 

5  ■\Vilpert,  op.  cit.,  p.  379. 


198  I,K    KKVKI.OI'I'KMKNT 

4t>  du  Xoiiveau  '.  ({rimaldi  ne  put  maUieiireimenient  en  voir  qu'une 
inoitit',  le  reste  étant  déjà  détruit  :  et  e'est  préeisément  dans  ee 
qui  maiiquc  qui-  riiistnirc  ilc  ,Iosf|ili.  (|iii  ne  pouvait  i)as  ne  pa»*  faire 
partie   de   ee   ^nind   cuscnilile.   devait  se   dévelo]q)er. 

A  S'''  Marie  Majeure,  dont  pinirtaut  un  Imii  uuinlire  de  mosaï- 
ques sont  parvenues  Jusqu'à  nous  ',  nous  ne  sommes  ])as  i)lus  heu- 
reux, et  nous  ne  pouvons  que  constater,  entre  l'histoire  de  Jaroli 
([Ui  aeliève  la  série  de  franche,  et  eelle  de  Moïse  (|ui  eoninienee  la 
séi'ie  de  droite,  un  liiatiis  qui  devait  être  eomldé  par  trois  seènes 
de  la  vie  de  Joseph.  Quelles  étaient  oes  scènes?  En  Talisence  de 
toute  indication,  on  ne  i)eut  ])as  même  le  ennjeeturer  ^.  An  reste, 
ici  comme  à  S'  Pierre,  elles  faisaient  partie  d'un  jrrand  ensemMe 
historique;  si  ce  n'est,  à  S"'  Marie  Majeure.  (|u'iui  chapitre  de 
l'épopée  du  peuple  hébreu,  depuis  Abraham  Ju.squ'à  .Josué,  tandis 
qu'à  S'  Pierre  toute  la  Genè.se  se  déroulait,  et  l'Exode  après  la 
Genèse,  il  n'y  a  pourtant  pas  de  ditféreuce  essentielle  entre  les  deux 
séries  ^   Désormais  t.-i   fiiiKi-f  peut   se  passer  de  réplique:   nous  ne 

'  Mgr  Wilpert  dit  -ii.  Mais  le  plan  de  Tilierio  Alfarano  montre  qu'il 
y  avait  22  colonnes,  plus  2  piliers,  et,  par  conséquent,  2'i  entre-colonne- 
ments;  dans  chacun  de  ceux-ci.  d'après  les  dessins  de  Grinialdi,  étaient 
disposés  deux  tableaux.  En  réalité,  en  tous  cas  du  temps  de  Formose, 
il  n'y  avait  que  13  scènes  du  Nouveau  Testament,  la  Crucifixion  tenant 
un  espace  quadruple  des  autres. 

'  Il  est  bien  vraisemblable  que  ces  mosaïques  datent  de  Libère; 
néanmoins  le  plus  sage  est  peut-être  de  s'en  tenir  à  la  formule  de  Mgr 
Wilpert:  «Die  [Mosaïken]  der  Hochwiinde  sind  unmittelbar  oder  mit- 
telbar  Liberius  zuzuschreiben  »,  op.  cit.,  p.  417. 

^  Peut-être  faudrait-il  penser  plutôt  à  des  scènes  ou  l'aide  de  Dieu 
est  plus  particulièrement  manifeste  ;  le  secours  que  Dieu  apporte  an  Juste 
p.araît  être,  en  effet,  l'idée  dominante  qui  a  guidé,  dans  imc  certaine 
mesure,  le  choix  des  autres  épisodes.  Il  serait  d'ailleurs  téméraire  de 
s'avancer  trop  loin  dans  cette  voie. 

*  Il  faut  noter  cependant  à  S'»  iMarie  Majeure  la  première  mani- 
festation d'une  tendance  ([ui  dominera  de  plus  en  plus  dans  les  siècles 
suivants,  et  (pi'on  peut  appeler  inirrdutiijiir.  Encore  cette  observation  ne 
porte-telle  pas  sur  la  vie  de  Joseph,  qui  était,  là  comme  à  S'  Pierre, 
racontée  à  grands  traits  pour  l'êditicatioii  des  fidèles. 


DE    L  HISTOIRE    DE   JUSEI'Il  r.'.l 

trouvons  même  pas  exprimée  A  S''  Marie  Majeure  riinion  des  deux 
Testaments  qui  est  proclamée  à  S'  Pierre.  Mais  qu'on  ne  s'y  trompe 
p.is  :  à  la  basilique  Vaticane  non  plus,  Tl  n'y  a  pas  de  parallé- 
lisme eorarae  au  Latran  :  entre  les  scènes  qui  se  font  face  il  serait 
vain  de  vouloir  clierelier  une  eorrespondanee  qui  n'existe  pas. 
L'histoire  du  Peuple  Saint  et  des  liéros  de  l'ancienne  Loi,  c'est, 
pour  le  chrétien,  l'histoire  des  ancêtres  '.  Elle  est  maintenant  snftisani- 
inent  connue,  suffisamment  populaire,  pour  pouvoir  être  écrite  d'un 
bout  à  l'autre,  et  se  passer  de  tout  commentaire.  A  cette  fin  du 
IV'  siècle,  l'explication  allégorique  et  symbolique  de  la  Bible  est 
devenue  tout  à  fait  courante;  saint  Hilaire,  saint  Ambroise  et  leurs 
disciples  l'ont  répandue  partout.  On  sait  comment  un  passage  donné 
du  Texte  Sacré  est  susceptilde  de  fournir  un  triple  sens ',  un  sens 
littéral,  un  sens  figuré  par  lequel,  sous  un  événement  de  l'Ancien 
Testament,  on  découvre,  avec  plus  ou  moins  de  clarté,  l'annonce 
d'un  fait  du  Nouveau:  enfin  un  sens  moral:  nous  devons  tirer  une 
règle  de  conduite  des  exemples  que  nous  ont  laissés  nos  pères.  Ainsi, 
dans  les  sermons  purement  moraux  comme  dans  ceux  où  s'expri- 
nniient  des  aperi,-us  théologiques,  l'histoire  de  l'Ancien  Testament 
avait  sa  place,  et  une  place  importante.  Quoi  d'étonnant,  dès  lors, 
((u'elle   se  répétât  sur  les  murs  des  basiliques  ? 

Aussi  voit-on  partout  se  multiplier  ces  grands  cycles,  à  la  fin 
du   IV''  et  au  début  du  V'  siècle  '.  Joseph   y    venait  à    son    rang, 

'  Cf.  S'  Jean  Damascène,  De  fide  ortliodoxa,  1.  IV.  ♦  Sanctis  Pa- 
tiibus  visum  est,  ut,  refricandae  quam  prinium  meiuoiiae  causa,  tamquaui 
praeclara  quaedam  tiophaea.  in  imaginibus  pingantur». 

'  Origène,  lUji  ifx'^',  IV,  P.  G.,  XI,  364  sq.,  a  le  premier  donné  hi 
tliéorie  de  ce  système  d'exégèse. 

'  Par  exemple.  S'  Laurent  in  Dauiaso,  décorée  «  histoiiis  saevis  » 
(lettre  du  pape  Hadrien  à  Chartenmijne).  —  S'  Ambroise  de  Milan,  dont 
il  nous  reste  les  titnU,  de  S'  Ambroise  lut-raême.  —  S'  Félix,  à  Noie.  — 
S'  Paul  hors  les  murs.  —  L'église  dont  le  Dittochaeiim  de  Prudence  nous 
a  conservé  les  tiiiili  —  etc. 


200  I.K     I>KVKI,Or>l"KMi;NT 

après  Isaae  et  .laro'i.  Déj:'!  sa  vie  eomnieii(;ait  à  devenir  une  des  plus 
illustres  de  l'Ancien  Testament.  Des  prédieateurs  comme  saint  Am- 
lu'oise ',  des  écrivains  comme  Prosper  d'Aquitaine',  pour  ne  citei' 
que  ceux  là,  en  étudiaient  chaque  détail,  tiraient  de  eliaque  pas- 
sage un  enseignement  tliéologique  on  nioral.  Un  des  premiers, 
le  premier  peut-être  parmi  les  patriarches,  Joseph  reçoit  le  titre 
de  sunctus  \  Néanmoins,  à  en  juger  jiar  les  documents  que  nous 
possédons  —  inallieureusenient  en  trojp  petit  noniUre  —  son  his- 
toire n'est  guère  tracée,  en  général,  que  du  point  de  vue  narratif, 
et  dans  ses  grandes  lignes,  aux  murs  des  églises.  Les  titiiU  de 
saint  Ambroise  ne  font  mention  qiu'  di'  ([natre  tableaux  '.  Moindre 
encore  en  était  le  développement  dans  la  série  de  peintures  dont 
Prudence  nous  a  conservé  les  inscriiitions  :  deux  épisodes  seulement, 
sur  vingt-quatre  pour  l'Ancien  Testament,  y  étaient  consacrés  ■'. 
Le  peintre  de  8'  Paul  était,  lui,  i)lns  explicite  ".  Sur  les  quarante- 


'   De  Joseph  piitrinrca,  .Migne,  ]'.  7..,  XIW  Ii41. 

'  Lihey  de  promisitionibus  et  jjraeilictionilms  Dei.   I.  -20 

^  Ambroise,  loc.  cit.  «  Justum  est  igitur  ut  cum  in  Aljraliaui  didi- 
cei'itis  impigiam  fidei  ilevotionem,  in  Isaac  sinceiae  mentis  puiitatem,  in 
Jacob,  etc.Sit  igitur  nobis  propositns  .>.«>îcfM.<' Josepli  tamquam  spécu- 
lum castitatis  ».  —  Il  faut  ajouter  d'ailleurs  (pie,  dans  d'autres  passa- 
ges, S'  Ambroise  ne  refuse  pas  à  quelques  patriarches  le  titré  de  sancius. 

*  1.  Présentation  à  Jacob  de  la  tunique  ensanglantée.  —  2.  Joseph 
emmené  en  Egypte.  —  3.  La  chasteté  de  Joseph.  —  4.  Joseph  devenu  tout 
puissant,  sans  doute  avec  le  rappel  du  songe  (pii  lui  prédisait  sa  gran- 
deur. Les  (/h(?/  sont  cités  par  Garrucci,  I,  4lil,  S-9-lO-n.  Dans  ces  com- 
mentaires de  la  décoration  jieinte,  le.*  préoccup.ations  théologiques  se  mêlent 
aux  préoccupations  morales;  mais,  ici  comme  d.ins  le  De  Joseph  pa- 
triarca,  les  premières  le  cèdent  aux  secondes. 

■'  1.  Le  songe  de  Pharaon.  —  2.  Josci)li  reconnu  par  ses  frères.  Le 
choix  paraît  assez  singulier:  on  peut  penser  cependant  que  l'artiste  a 
voulu  montrer,  dans  le  piemier  épisode,  l'appui  que  Dieu  donne  à  l'âme 
fidèle  (•  interprète  Cliristo»):  dans  le  second  la  beauté  du  pardon  des 
injures.  11  n'est  en  aucun  cas  possible  d'y  voir  le  développement  suivi 
d'une  idée  symbolique,  pas  plus  que  dans  les  iiluli  de  S'  Ambroise. 

^  J'admets,  avec  Mgr  Wilpert,  (pie  les  peintures  cle  Cavallini  qui 
couvraient  autrefois  les  murs    de   la  nef,    et  (pie    nous   a    conservées  le 


DE    I.  UISTOIUE    DE   JO.SEl'H  JUl 

deux  tableaux  qui  couvraient  la  paroi  droite  de  la  nef,  neuf  étaient 
réservés  à  Joseph.  Ils  racontent  en  détail  toute  la  première  partie 
do  l'histoire  du  patriarche,  jusqu'au  songe  de  Pharaon  '  :  il  est  vrai 
qu'ils  passent  le  reste  sous  silence.  Il  est  particulièrement  surpre- 
nint  de  voir  supprimée,  dans  une  basilique  consacrée  à  saint  Paul, 
cette  deuxièmie  partie  :  dans  toutes  les'  explications  allégoriques, 
Heujamiu  est  en  effet  considéré  comme  le  type  de  l'Apôtre  '.  Il 
eût  donc  été  très  naturel  que  son  histoire  fût  racontée  eu  détail, 
d'autant  i)lus  qu'elle  se  serait  eu  quelque  mesure  opposée  au  récit 
de  la  vie  du  saint  qui  se  déroulait  peut-être  déjà  sur  la  paroi  de 
gauche.  Voilà  la  preuve  que  les  artistes  qui  exécutaient  ces  grands 
cycles  n'avaient  guère  de  préoccupations  symboliques. 

Ces  peintures  sont  donc  nettement  narratives,  et  on  y  retrouve 
ce  caractère  anecdotique  que  nous  avons  vu  se  manifester  pour  la 
première  fois  aux  mosaïques  de  S"  Marie  Majeure.  On  a  r.ittaché, 
et  avec  raison,  l'origine  de  cette  tendance,  qui,  à  mesure  que  l'on 
pénètre  dais  le  Moj'eu  Age,  s'affirme  de  plus  en  plus,  àl'iutluence 
des  Bibles  historiées,  dont  le  nombre,'  depuis  le  IV"  siècle,  s'ac- 
e.-oit   sans    cesse  *.   Mais  les   homélies    des   Pères  }'   ont    aussi  leur 

Barb.  4406.  n'étaient  que  le  renouvçllenient  d'une  décoration  antique,  très 
vraisemblablement  du  Y"  siècle. 

'  1.  Songe  de  .Joseph.  —  2.  Il  le  raconte  aux  siens.  —  3.  Il  va 
trouver  ses  frères.  —  4.  Il  est  jeté  dans  la  citerne.  —  ii.  Il  est  vendu. 
—  6.  Chasteté  de  Joseph.  —  7.  Joseph  en  prison.  —  8.  Songe  de  Pha- 
raon. —   9.  Explication  du  songe. 

'  Arabroise,  de  Joseph  pritriarca,  VIII,  X,  XI,  XIII.  —  Prosper 
d'Ai|uitaine,  Liber  de  promisfiionibits  ef  praedietionihus  TJei,  I,  30,  31,  etc. 

'  Cf.  un  catalogue  dans  Tikkanen,  Die  Genesismosaikeit  von  S.  Marco 
in  Venedig,  und  ihr  Verhdîfniss  zu  den  Miniaturen  dei  Culluiwibel,  nebst 
einer  Untersitehung  ilber  der  Urspmnrj  der  mitielalterïichen  Genedsdarstel- 
lang,  besonders  in  der  byzantinischen  und  italienischen  Kunat  {Acta  Socie- 
tatis  scientiaruin  Fennicae,  Helsingfors,  1889).  Qu'il  suffise  ici  de  citer 
la  Genèse  de  Vienne,  la  Bible  de  Cotton,  le  Pentateuque  d'Ashburnham, 
qui  sont,  avec  la  Bible  de  Qaedlimbourg,  les  monuments  les  plus  vénéra- 
bles. A  l'époiiue  carolingienne,  la  diffusion  des  manuscrits  à  miniatures  est 
encore  accrue. 


•JJ2  i.iv   i)i;vKr.i)i'i'F;MK.NT 

l):ir(.  Il  ne  faudrait  d'aillfiirs  jjas  cniiie  que  le  récit  pluH  Holjrc. 
i|iii  ne  retrace  que  les  scènes  ])i'irici|)ales.  soit  J:iDiais  abandonné. 
Il  ne  retrouve  par  exemple,  .m  \'Iir  ou  au  IX"  siècle,  aux  murs 
de  8"  Marie  Antique:  sur  une  vinj,'taiue  de  tableaux  empruntés 
à  la  (ienèse,  l'histoire  de  .losepli  n'en  occuim  (jne  quatre,  et  eom- 
pr(!ud  seulement  six  scènes''.  Mais  la  tendance  aiiecdotique  est  de 
beaucoup  la  plus  forte:  pour  n'emprunter  d'exemples  qu'au  récit 
qui  nous  intéresse,  il  suttit  de  citer,  ;in  VI'  siècle,  la  chaire  de 
Muxiinicn,  à  Ravenne,  qui  y  consacre  dix  scènes,  et,  au  XIl'  ou 
XUI''  siècles,  les  mosaïques  de  S'  Marc  de  Venise,  où  il  est  r.ieonté 
<'n  trente -huit  tableaux. 

Ces  exemples,  on  ne  saurait  en  allonirer  iiulétîniraent  l:i  liste. 
Sobres  ou  prolixes,  encouragés  par  les  Féres,  trouvant  dans  les 
manuscrits  k  miniatures  des  recueils  de  modèles  qu'ils  peuvent 
imiter  plus  ou  moins  servilement,  les  décorateurs  semblernient 
devoir  multiplier,  aux  murs  des  liasiliciues,  les  représentations  de 
la  llenèso.  Il  n'en  est  rieji  :  pendant  ti-ois  siècles,  on  ne  renconire 
presque  plus  de  ces  grands  enseml)les.  On  est  d'abord  tenté  de 
croire  qu'  à  Rome  les  invasions  des  Goths,  les  attaques  des  Lom- 
bards, ont  dû  briser  tout  elt'ort  .-irtistiiiue.  et  que,  si  l'Iiistoire  de 
.loseph,  comme  l'Ancien  Testament  entier,  disparait,  c'est  ([ue  toute 
décoration  disparait.  11  n'en  est  rien  cependant,  et,  dans  les  temps 
les  ])lus  troublés,  on   ne  cesse   pas,   non   seulement  d'orner   les    lia- 


^  1.  Joseph  raconte  ses  songes.  —  2.  Il  e.*t  vendu. —  3.  Il  est  présenté 
à  Putiphar.  —  4.  Chasteté  de  Joseph.  —  ï>.  Joseph  conduit  en  prison.  —  6.  l.e 
festin  de  Pharaon.  II  est  d'ailleurs  probable  qu'une  5«  fresque  a  disparu. 
Mais,  on  le  voit,  seuls  sont  relatés  les  événements  les  plus  importants.  Griin- 
eisen  rapporte  ces  peintures  an  pape  Nicolas  F'' (858-67),  Mgr  Wilpeit  ;i 
Paul  V  (757-67).  Je  pencherais  plutôt  en  faveur  de  cette  dernière  opinion. 
Il  est  en  effet  de  toute  vraisemblance  que  l'église  fut  abandonnée  après  le 
tremblement  de  terre  de  847,  puisque  sous  Léon  IV  on  la  construit  ^juxta 
\'iani  sacram  •>  (cf.  L.  P.,  II,   145  et  15S) 


DE    1,'hI.STOIKE    de    JOSEPH  203 

siliqiies,  mais  d'en  construire  ou  d'eu  reconstruire  '.  Sans  doute, 
un  certain  nombre  de  ces  monuments  sont  ignorés  de  nous,  et  ont 
disparu  sans  laisser  de  traces  ;  mais  il  est  néanmoims  difficile  d'ad- 
mettre que,  si  le  cycle  de  la  Genèse  y  avait  figuré  souvent,  il 
n'en  eût  subsisté  d'autre  exemplaire  que  celui  de  S"'  Marie  Antique. 
A  Ravenne  non  plus,  qui  était  encore,  au  VI"  siècle,  en  pleine  pros- 
périté, et  où  plusieui'S  grands  ensembles  ont  été  conservés,  nous 
ne  trouvons,  à  S'  Vital,  que  ([Uelques  représentations  isolées  de 
l'Ancienne  Loi  ',  et,  à  S'  Apollinare  Nuovo.  ce  sont  les  miracles 
et  la  Passion  du  Christ  qu-i  occupent  les  deux  côtés  de  la  nef  ^. 
Seules  paraissent  rester  en  faveur  les  scènes  de  l'Ancien  Testament 
qui  permettent  le  développement  des  concordances.  C'est  une  con- 
cordance que  la  basilique  dont  Ru^ticus  Elpidius  nous  a  conservé 
les  tituli  *  montrait  au  long  de  ses  parois,  assez  analogue  —  plus 
développée  peut-être  —  à  celle  du  Latran  ".   Au  siècle  sui\  ant,  c'est 

'  Au  VI*'  siècle,  la  grande  mosaïque  de  SS.  Corne  et  Dauiien,  sous 
Félix  IV  (^526  530)  —  lare  triomphal  de  S'  Laurent,  sous  PéLage  II 
(079-5901   —  probablement  la  mosaïque  absidale   de  S'  Théodore. 

Au  Vil"  siècle,  les  mosaïques  de  S'"  Agnès  (llonorius,  625-6.30)  et 
de  S'  Etienne  le  Rond  (Théodore,  642-649). 

Au  VIII'?,  la  chapelle  de  .lean  VII  (705-707 1  —  les  peintures  de 
S'  Chrysogone  (Grégoire  III,  731-741)  —  les  mosaïques  de  S'^'  Suzanne 
et  des  SS.  Nérée  et  Achillée  (Léon  III,  795-816). 

Au  IX',  les  mosaïques  de  S'"?  Cécile  et  de  S'^  Praxède  (Pascal  I,  817-824) 
—  celles  de  S'  Marc,  et  la  décoration  de  S'  Georges  (Grégoire  IV,  827-844). 

Il  faut  ajouter  à  cette  liste,  forcéme^it  très  incomplète,  les  peintures 
de  S''ï  .Marie  Antique,  et  celles  de  S'  Clément,  qui  s'échelonnent  jusqu'  au 
XP  siècle. 

-  Moïse  gardant  les  troupeaux  —  se  déciiaussant  devant  le  buisson 
ardent  —  recevant  les  Tables  de  la  Loi.  —  Dans  les  lunettes  mêmes, 
sacrifice  d'Abel  et  de  Melehisédech.  —  Sacrifice  d'Abraham  et  Abraham 
recevant  les  trois  anges. 

'  Cf.  Baumstark,  I  mosaici  di  S.  Apollinare  Niiovo  e  Vantico  anno 
lifiirgico  ravennate,  dans  Rassegna  Gregoriana,  1910.  p.  34  sqq.  Il  y  a 
là  un  curieux  essai  d'explication  du  choix  des  sujets  représentés. 

<  Migne,  P.  L.,  LXII,  543. 

=  Eve  séduite  par  le  serpent  était  opposée  à  l'Annonciation:  le  bon 
larron  entrant  au  paradis  répondait  —  comme  au  Latran  —  à  l'expulsion 


204  LK    IJÉVBLOI'FEMENT 

encore  une  concordanoe,  pins  restreinte,  celle-là,  que  lienoit,  ablié 
(le  Wearmoutli,  fait  peinilre  «  pour  orner  le  nionastère  et  l'église  de 
S'  Paul  »  '.  Mais  l'histoire  du  iicuple  de  Dieu  ne  décore  plus  les 
rnurs  des   basiliques. 

Faut-il  en  chercher  la  raison  dans  un  état  d'e»])rit  analogue 
à  celui  de  Maxime  Planudes,  ((iie  cite  M.  IJréhier  dans  sun  liel 
ouvrage  sur  Fart  chrétien  ':  «  l-ntiv  le  pi'finier  et  le  nouvel  Adam, 
la  nuit  s'étendit  sur  le  monde  »  '.  Il  y  aurait  eu  aioi--;  une  espèce 
de  dédain  pour  cette  nuit,  que  l'on  eût  jugé  inutile  de  représen- 
ter. Mais  Maxime  Planudes,  comme  le  fait  remarquer  d'ailleurs 
M.  Bréhier,  est  du  XIV''  siècle,  et  rien  ne  prouve  (|ue  cette  ma- 
nière de  penser  existât  déjà,  à  Rome,  huit  siècles  aiiiiaravant. 
Tout  au  contraire,  Grégoire  le  Grand  n'écrit-il  pas,  à  la  lin  du 
VF  siècle,  de  nombreuses  homélies  sur  l'Ancien  Testament  *  ?  l'onr 
nous  en  tenir  à  l'objet  de  notre  étude,  il  parle  fort  souvent  de 
Joseph,  dont  il  commente  l'histoire  au  point  de  \  ue  allé;;oriquf 
comme  au   point  dt^   vue  moral  ".   Mais  il  y  a  une  autre  explication, 


d'Adam  et  d'Eve,  la  Vision  de  Pierre  aux  animaux  de  l'aiche,  le  Don 
des  langues  à  la  Tour  de  Babel.  Joseph  vendu  par  ses  frères  faisait 
pendant  à  la  trahison  de  Judas,  le  Sacrifice  d'Abraham  à  la  Montée  au 
Calvaire  —  encore  comme  au  Latran  —  la  manne  à  la  Multiplication 
dos  pains,  Mo'ise  montant  au  Siiiaï  au  Sermon  sur  la  Jlontagne.  —  l.a 
basilique  à  laquelle  se  rapportent  ces  tifiili  de  Rusticus  Elpidius  peut, 
au  reste,  être  antérieure  au  VP  siècle. 

'  Bède,  Viia  '>  SS.  Ahhatum,  F.  L.,  XC'XIV,  720.  11  ne  signale  que 
(juatie  tableaux.  «  Isaac.  ligna  quibns  inimolaretur  portantem,  et  Domi- 
nun)  cnicein  in  ((ua  pateretur  ae(|ue  portantem  »  —  toujours  le  sujet  du 
Latran  —  «  proxima  super  invicem  regione,  pictura  conjunxit.  Item  ser- 
penti  in  eremo  a  Moyse  exaltato,  Filiuui  liouiinis  iu  cruce  exalt.itiiui 
coniparavit  ». 

-  L.  Bréhier,  L^art  chrétien,  son  déirlopjiement  icoxoijrttphiiiuf  des 
origines  à  nos  jours,  p.    114. 

^  Migne,  P.  G.,   CXLVII,  1008. 

*  Ejpositio  in  heatum  Job.  —   IJliri  ihio  in   Kiechiilem. 

5  Migne,  P.  L.,  LXXV,  58:"). 

6  Migue,  P.  L.,   LXXV,  74.Ô;  LXXVI,  546,  1054. 


DE    I,"|I1ST(11RK    DE    .lO.SBPIl  205 

la  plus  simple  de  tontes,  et  qui  est  ])eutètre  la  vraie.  N'est-il  pas 
très  probable  que,  d'une  manière  générale,  par  suite  des  guerres, 
des  pillages,  et  de  la  barbarie  envahissante,  la  connaissance  des 
Livres  Saints  ait  été  moins  répandue  qu'il  l'époque  précédente?  On 
ne  savait  plus  «  l'Histoire  Sainte  »,  ou  on  ne  la  savait  plus  que 
fort  mal.  Combien  de  catholiques,  de  nos  Jours,  l'esteraient  hési- 
tants devant  un  épisode  quelconque  de  la  vie  de  Joseph  '  ?  A  quoi 
lion  exposer  à  la  vue  des  tidèles  des  images  qu'ils  ne  compren- 
draient pas?  La  connaissance  de  l'Ancien  Testament  se  restreint 
de  plus  en  plus  à  l'élite  intellectuelle,  laïque  et  surtout  religieuse: 
le  peuple  l'oublie,  en  dehors  des  événements  principaux  ".  Pour 
qu'il  l'ait  vraiment  rappris,  il  fant  attendre  le  XIF  siècle.  Et, 
par  un  phénomène  assez  singulier,  tout  le  terrain  que  perd  la  Bible 
est  gagné  par  les  légendes  de  martj'rs  et  de   saints  ^. 

.lusqu'ici,  toutes  les  représentations  de  l'histoire  de  .loseph  que 
nous  avons  rencontrées  étaient  intimement  liées  à  un  cycle  plus 
ou  moins  étendu  de  l'Ancien  Testament.  Ces  cycles  disparaissant, 
cette  histoire  quitte  aussi  les  murs  des  basiliques  ;  mais  la  tradi- 
tion iconographique  s'en  perpétue  de  diverses  manières  :  sans  par- 
ler des  Bibles  illustrées,  on  la  retrouve  ça  et  là  sur  un  siège  épis- 
copal,  sur  une  pyxide,  parfois  encore  associée  k  d'autres  épisodes 
de  la  Genèse,  le  plus  souvent  isolée  *.  Sans  doute,  ces  représenta- 
tions sont  rares:  elles  permettent  pourtant  de  se  rendre  compte 
f|ue  l'on    s'habitue    à    considérer    l'histoire    de   .loseph    comme  une 


'  Kxce])tons  toutefois  l'épisode  de  la  femme  de  Putiphar,  popularisé 
par  la  Renaissance. 

-  Comme  je  le  faisais  remarquer  plus  haut,  les  concordances  lui  de- 
meuiaient  plus  accessibles,  les  scènes  s'expliquant  et  s'éclairant  l'une 
l'autre;  elles  sont  d'ailleurs,  au  demeurant,  presque   toujours  les  mêmes. 

'  S'  Chrysogone,  S'  Clément.  8"=  Marie  Antique. 

*  Chaire  de  Maxiraien.  pyxides  de  la  collection  Basilewsky,  du  mu- 
sée de  Berlin,  coffret  de  Sens;  cf.  Garrucci,  VI,  439. 


206  I.K     I)KVl:l,l)l'PK.MK.NT 

uiiit<',  et  non  plus  sculcnuMit  cciiiiinr  une  sini])li'  |)artic  «le  l;i  ;,'ran(lf 
épopée.  Le  missel  de  Hobbio,  publié  ]):u-  Mabillon,  sous  le  titre  de 
Sncramrntarium  (kiHiraiium  ',  et  que  M.  Delisle  fait  remonter  au 
VII''  siècle,  lions  montre  du  reste,  mieux  que  les  monument»,  iii- 
eomplets  et  fra;;mentaires.  riniportaiiee  croissante  qu'elle  continue 
à  prendre  :  une  préface  particulière  y  est  consacrée  à  .losepli  '■',  ce 
((ui  n'arrive  pour  aucun  autre  des  liéro.s  de  l'Ancienne  Loi.  Il  est 
la  figure  par  excellence,  celle  qiii  résume  et  complète  toutes  les 
antres,  le  vérital)le    type  de  .lésus-Clirisi.   l'coutons  le  texte    litnr- 

.i;iqne.    <;<  Vere   di;;nnm    et    justiim   est per  C'iiristnm    Dominum 

nostnim.  Cujns  typum  .losi'pli  iinrtan-i.  immcnso  aiiiore  a  pâtre  di- 
lii,ntiir.  in  occulto  odio  a  fratriUus  repoitatur.  lUum  denifpic  ode- 
rant  fratres  sui  ])ropter  niysteria  somniorum:  et  Cliristum  Dominum 
perse(|uebantiir  .Indaci  propter  maiiifest.-itionem  virtiitiim.  Illr  ad 
visitandnra  populum  a  Deo  Pâtre  piissimo  destinatur:  ille  errabat 
pei-  lieremuni.  ut  inveniret  fratres.  qui  noscebantur  pastores.  Hic 
{'liristus  Dnminus  praediealiat  in  iiojhiIo,  ut  al)  errore  converteret 
pereatores.  llliim  in  Dotaliini  \  cndiderunt  fratres.  et  occidere  tracta- 
vornnt:  linne  Cliristum  l»ominuiii  lîithania  La/.arum  snsoitantein 
dohierunt  Judaei,  et  erueifigere  statuernnt.  Ille  in  cisterna  servan- 
dus  reputatnr:  liif  custodiae  militum  deputatur.  Ille  a  frati-ibus: 
liic  Christus  Dominus  a  .liidaeis  traditiir.  Ille  Ismaelitis  tri^inta 
argenteis  veuditur  in  descrto  :  hic  Christus  Dominas  trijrinta  ar- 
jcenteis  a  .hidaeis.  llhim  fratres  vendiderunt  in  ^Egypto:  liunc  mi- 
lites exspolia\i'riiiit.  Ille  addicitur  scrvitnti:  hic  Christus  Dominus 
adfigitnr  cniei.  Illi-  in  .E,i::ypto  descendit  :  hic  Cliristus  Dominus  in 
ligno  pependit.  <'iim  illo  duo  d.uiin.iti  scrv.intur  in  carcere:  cnm 
<'hristo    Domino   duo   iatroiies   adiniisniilMr   in  crnce.  .bisejdi.damna- 


'  Il  n'est  pas  .spéc.iti<pieiiient  gallican:  c'est  un  essai  •  extiaordinai- 
leiuent  mal  réussi  »  de  combinaison  entre  l'usage  romain  et  l'usage  gal- 
lican. Cf.  Duchesne,  Origines  du  culte  chrétien,  p.  167  (V"  éd.). 

'  Mabillon,  Musaeum  Italiciim.  I.  ;508.  —   Conteslatio  de  Joseph. 


liE  i.'msTiiiRK  iiK  .i(i.si;i'ii  207 

tis  somnia  exponit:  Cliristus  Domimis  hitroiii  praemia  pi-nmittit 
acterna.  .loscpli  de  er-jastiild  egressus  ('oniixinitiir:  Christus  Domi- 
mis iiiteniiim  oxs])oliatiiftis  aiigirilitur.  IIlo  post  tribulatioiiem  per- 
veiiit  afl  lionoreni  :  Cliristus  Domimis  ])ost  resiirrectioneQi  triuin- 
plians  ascendit  ad  Pativm.  Tlle  frumenta  distrihuit  iu -Egypto:  liir 
iMii'liaristiaiii  eoiisecra\  it  in  imindo.  Illc  a  fr.itrilms  est  adoratus 
in  terris:  liie  Cliristus  Doniinus  al)  Angelis  jiigiter  adoratiir  in  coe- 
lis.  Cni  etc.  ».  Il  y  a  là  tout  le  développement  A\iQe  concordtnuf.  on 
(juinze  talileaux  de  I:i  vie  de  Joseph  s'opposent  au  récit  de  la  Passion 
dn  Christ  et  de  sa  glorieuse  Résurrection  '.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  ce 
parallélisme  soit  une  miuveanté  au  VU'  siècle:  suffisamment  de  pas 
sages  cités  dans  le  cours  de  cet  article  prouvent  le  contraire".  Seule- 
ment nulle  part  il  u'a  été  encore  développé  avec  une  symétrie  aussi 
concise  et  aussi  rigoureuse.  Mais  il  faut  attendre  pour  voir  se  réa- 
liser dans  l'art  cette   longue    série  de  représentations  symlioliques. 

'  Voici  cette  roticonlaiire,  telle  qu'elle  ressort  du  texte.  —  1.  Josepli 
est  poursuivi  par  la  liaine  de  ses  frères,  le  Christ  par  celle  des  juifs.  — 
2.  Joseph  cherche  ses  frères,  comme  le  Christ  les  cherche  par  la  prédi- 
cation. —  .3.  Les  frères  de  Joseph  méditent  sa  mort,  comme,  après  la 
résurrection  de  Lazare,  les  Juifs  méditent  la  mort  du  Christ.  —  4.  Josej)!! 
est  jeté  dans  la  citerne,  le  Christ  entre  les  maies  des  soldats.  —  ."i  Jo- 
seph est  vendu  comme  le  Christ.  —  6.  Il  est  vendu  trente  deniers  d'ar- 
gent, comme  le  Christ  (remarquez  que,  dans  la  Vulgate,  Joseph  est 
vendu,  non  pas  trente  deniers,  mais  vingt  pièces  d'or).  —  7.  Joseph  est 
vendu  pour  .aller  en  Egypte  (qui  est  le  type  de  l'enfer,  de  la  mort  et 
du  dénuement):  le  Christ  est  dépouillé  de  scS  vêtements.  —  8.  Joseph  est 
réduit  en  servitude,  comme  le  Christ  est  attaché  à  la  croix.  —  9.  Joseph 
va  en  Egypte,  c'est-à  dire  vers  la  mort,  coinnie  le  Christ  en  croix.  — 
10.  L'échanson  et  le  panetier  s'opposent  :\n  lior.  et  an  mauvais  larron. 
—  11.  Joseph  explique  les  songes  de  ses  compagnons,  le  Christ  promet 
au  bon  larron  la  vie  éternelle.  —  12.  Joseph  sort  de  prison,  le  Christ 
ressuscité  descend  aux  Limbes.  —  1;>.  Joseph  arrive  aux  honneurs:  le 
Christ,  après  ses  souffrances  terrestres,  monte  vers  son  Père.  —  14.  Joseph 
distribue  le  blé,  qui  est  la  figure  de  l'Eucharistie.  —  l.ô.  Joseph  est  adoré 
par  ses  frères,  comme  le  Christ  par  les  anges. 

■  Il  y  faut  ajouter,  comme  un  peu  antérieur  au  ."ilissel,  le  cli.  XXX 
(\es  (ihiaestiones  in  Oevesim  d'Isidore  de  Sèville  (Migne.  P.  L..  LXXXIII. 
p.  271  sqq.). 


20H  l,K     I>KVKI.01'PKMENT 

NijiiH  voyons  repiil'.-iitri-  l'iiistnii-c  di^  .I<is('])li.  avic  l;i  rjciiésc 
tout  eiitièn-,  ilans  la  net'  de  S'  l'icrri'  in  Krrcntillo  coinme  dans 
celle  de  S'  Jean  l'nitc  latine:  mais,  dans  rnnc.  il  ne  subsiste  que 
deux  seènes  '  ;  dans  l'aiure,  les  nécessités  de  lu  décoration  ont  ré- 
duit l'artiste  à  ne  re])résenter  qn'nn  seul  épisode:  c'est  le  sonjre 
de  Joseph,  ((ni  termine,  sur  le  mur  de  uMiielie,  la  série  des  snjets 
de  l'Aneien  Testament:  il  senihle  que  l'on  ait  voulu,  la  place  man- 
quant pour  retracer  la  vie  du  ])atrinrclie,  rappeler  du  moins  son 
existence.  Au  reste,  ces  peintures,  où  s'allirme  d'ailleurs  une  \<- 
ritable  Renaissance,  ne  sont  guère  (|n"iiiie  reprise  des  grands  cycles 
basilicaux   du   IV'  et  du   V''  siècle. 

Au  XIII"  sié'  1'^,  toute  l'iiistoii-e  de  Joseph  se  déroule,  détaillée 
sans  prolixité,  sur  une  des  deux  ])l;iques  de  marbre  —  provenant 
(l'ambons.  sans  doute  —  ([ui  sont  aiijnunriini  encastrées  dans  les 
])arois  d'une  chapelle  de  S"'  Restitute,  :i  Naples,  Santa  Maria  del 
Principio.  Celle  ([ui  nous  occupe  décore  le  mnr  de  gauche  '.  Ces 
quinze  petits  talileanx,  d'exécution  sol)re.  de  style  pres(|ne  antique, 
sont  une  narration  très  vivante,  mais  probablement  sans  intention 
de   symbolisme  ^.   Si  nous  voulons  trouver  une  illustration  parfaite 

'   1-e  songe  de  Joseph.  —   Les  frères  de  Joseph  en  Egypte. 

*  Bertaux,  L'Art  daiix  l'Ilcdie  méridionale,  p.  775,  et  pi.  XXXIV 
et.  Alinari,  11598).  Il  l'attribue,  et  non  sans  de  solides  raisons,  à  Técole) 
•de  Peregrino.  qui  a  sculpté  le  porche  de  Sessa.  L'opinion  courante  datait 
ce  bas-relief  du  VIII'-  siècle.  \'enturi  (Storia  dell'urte  italiana,  III.  .55-2) 
l'assigne  à  la  fin  du   ML'. 

■'  Les  sujets  sont  disposés  par  rangs  de  cin(|,  et,  par  «ne  •  anomalie 
singulière  »  se  suivent  de  droite  à  gauche.  La  première  rangée  raconte 
l'histoire  de  Joseph  avant  sa  captivité  en  Egypte;  la  seconde,  cette  capti- 
vité; la  troisième,  son  élévation. 

1.  Joseph  raconte  son  songe  à  Jacob  en  présence  de  ses  frères 
{(iett.,  XXXVII,  9).  —  -2.  Jacob  envoie  Joseph  retrouver  ses  frères;  Joseph 
part,  un  ballot  au  bout  d'un  bâton;  son  chien  saute  devant  lui;  un  oiseau, 
dont  la  signification  m'échappe,  est  perché  au  dessus  (XXXVII,  l.'M4). 
—  3.  A  droite,  Joseph  est  entouré  et  entraîné  par  ses  frères  ;  ;'i  gauche 
l'un  d'eux  le  met  dans  la  citerne  (XXXVII,  24).  — 4.  La  tunique  ensan- 
glantée est  présentée  ;'i  Jacob,  qui  déchire  ses  vêtements  (XXX\'II.32-:54V 


|>K  1, 'histoire  de  josbfii  209 

(It^  Grégoire  le  Grand  et  d'Isidore  de  Séville,  du  Missel  de  Bobbio 
et  de  Walafried  Stralto,  c'est  eu  France  qu'il  faudrait  aller:  une 
étude  des  vitraux  d<'  Honrges,  de  Chartres,  d'Auxerre,  de  Poitiers 
serait  nécessaire. 

Une  telle  étude,  qui  a  d'ailleurs  été  faite,  ne  saurait  entrer 
dans  le  cadre  de  cet  article  :  qu'il  suffise  d'avoir  suivi  les  représen- 
tations de  l'histoire  de  Joseph  depuis  les  origines  jusqu'à  leur  complet 
épanouissement.  Du  long  chemin  parcouru,  il  n'est  peut-être  pas 
inutile  de  marquer  les    étapes  principales.   Dès   son   apparition  au 

—  5.  Joseph  est  vendu  aux  Madianites;  il  est,  à  droite,  sur  un  cha- 
meau, tandis  qu'à  gauche  un  Madianite  reçoit  les  vingt  pièces  d'or 
(XXXVII,  28).  Il  y  a  interversion  entre  ces  deux  dernières  scènes;  je 
n'en  découvre  pas  de  raison  profonde.  II  faut  sans  doute  penser  que  le 
sculpteur,  ayant  place  le  deuil.de  Jacoli  dans  le  ((uatriènie  compartiment, 
n'a  pas  trouvé,  pour  remplir  le  cinquième,  d'autre  épisode  postérieur  de 
l'enfance  de  Joseph,  et  a  été  obligé  de  revenir  en  arrière. 

6.  Joseph  est  vendu  à  Putiphar,  qui  l'accueille,  assis  devant  sa 
uuiison  (XXXVII,  63>  —  7.  Il  s'enfnit  en  laissant  son  manteau  (XXXIX, 12). 

—  8.  La  femme  de  Putiphar  accuse  Joseph  en  présentant  le  manteau 
comme  pièce  à  conviction  :  Joseph,  à  gauche,  est  saisi  par  deux  gardes 
(XXXIX,  17-20).  —  9.  Songes  de  l'échanson  —  à  gauche  —  et  du  panc- 
tier  —  à  droite  —  (XL,  9  sqq.).  —  10.  Songe  de  Pharaon.  A  droite  on  voit  les 
vaches  et  les  épis;  à  gauche,  Pharaon  couché  dans  un  lit  (XLI,  1-7). 

11.  Explication  du  songe.  Pharaon  est  à  droite,  sur  un  trône;  de- 
vant lui,  Joseph  parle;  à  gauche,  une  foule  écoute  dans  une  attitude 
admirative  (XLI.  15-37).  —  12.  Joseph  est  promené  en  triomphe  sur  un 
char  (XLI,  43).  —  13.  En  prévision  des  années  de  disette,  il  fait  amasser 
rlu  grain  dans  les  greniers  (XLI,  48-49).  —  14.  La  coupe  est  retrouvée 
<lans  le  sac  de  Benjamin,  qui  se  croise  les  bras,  tandis  que  ses  frères 
font  des  gestes  d'étonneraent  (XLIV,  12).  —  15.  Rencontre  de  Joseph 
et  de  Jacob:  tons  deux  s'embrassent  (XLVI,  29). 

On  voit  que,  jusqu'au  treizième  épisode,  la  narration  est  assez  dé- 
taillée. Au  contraire,  avec  les  deux  derniers,  les  événements  se  précipi- 
tent. On  ne  peut  guère  expliquer  cette  singularité  que,  comme  tout  à 
l'heure,  par  une  raison  matérielle.  L'artiste  paraît  s'être  aperçu  tout  à 
coup  du  manque  de  place  et  il  s'est  vu  obligé,  pour  arriver  à  une  con- 
clusion, de  santer  par  dessus  un  assez  grand  nombre  de  scènes,  néces- 
saires cependant  à  l'intelligence  du  récit.  Du  moins  a-t-il  tenu  à  termi- 
ner ce  récit. 

MelaiH/es  il'Arch.  et  dfli.il.  liyi.  14 


210  I.K    IIKVKI.Ol'I'K.MKNT 

IV*  siècle,  cette  histoire  n'est  qu'une  i)artie  <le  la  jurande  liistoirc 
(lu  peuple  (le  Dieu:  elle  en  est  inséi)aral)li':  c'est  ainsi  qu'elle  trouve 
place  aux  mnrs  des  l)asili(|ues.  dans  les  sérirs  narratives  r|ui  do- 
minent nettement  :'i  la  fin  du  IV''  siècle  et  au  V'",  comme  dans  les 
séries  allégoriques,  plus  proelies  de  la  décoration  des  catacombes, 
qui,  antérienres  sans  doute  aux  précédentes,  mais  éclipsées  un  mo- 
ment par  elles,  se  perpétuent  encore  après  leur  presque  complète 
disparition.  Dans  la  longue  période  qui  s'étend  du  Vr  an  XII'  siècle, 
Je  n'ai  pu  relever  qu'un  petit  nombre  de  représentations  de  l'histoire 
de  Joseph:  mais  elles  ont  pourtant  leur  valeur:  c'est  le  moment  où 
la  vie  du  patri;irclie.  qui  n'rst  plus  encastrée  dans  la  fJenèse,  va 
prendre  une  certaine  indépendance,  et  former  un  tout  en  elle  même. 
Mais,  pour  comprendre  l'achèvement  de  cette  évolution,  qui  n'est  plei- 
nement accomplie  qu'au  Xlll'  siècle,  il  faut  consulter  la  littérature 
ecelésiastiqne  ;  ici,  point  de  ces  ;irrèts.  ])iiint  de  ces  reculs,  au  moins 
apparents,  que  nous  avons  cnnstatés  dans  riconoj;rai)hie  :  la  ligne 
est  droite,  de  TertuUien  à  saint  Hilaire  et  ;i  saint  Amhroise,  de  Gré- 
goire le  Grand  et  d'Isidore  de  .'léville  à  Raban  Maur  et  :i  Wala- 
fried  Strabo.  Et,  sans  ibiute.  qiuiiul  TertuUien  écrit  les  lignes  que 
l'on  ;i  lues  tout  à  l'heure,  le  symbolisme  de  Joseph  est  déjà  fixé 
dans  ses  grands  traits:  mais  chaque  Père,  de  sîèele  en  siècle,  le 
précise,  l'accroit,  l'établit  dans  des  détails  de  plus  en  plus  minutieux. 
Il  suffit  de  comparer  les  deux  bouts  de  la  i-haine,  TertuUien  '  et 
Walafried  Strabo  -,  on  même  s.-iint  Amhroise  '  et  le  missel  de  Bobbio, 
pour  se  rendre  compte  des  progrès  réalisés.  Souvent,  il  est  vrai, 
ces  écrivains  se  répètent:  mais  une  étude  nu  peu  attentive  de  ceux 
mêmes  qui  paraissent  se  lépéter  le  jilus  montrera  presque  toujours 
quelque  perfectionnement.   (|uel(|ui'   pierre  nouvelle  ajoutée  à   l'édi- 

'-'   Glossa  ordiiiana.  iii  (Itit.,  XXXVII  S(|q. 

^  De  ,To^r})h  pnfncinn.  Migne.  P.  L..  XIV,  641  sqq. 


DE    I-  HISTOIRE    DE    JOSEPH  211 

fice  '.  Peu  à  peu,  Joseph  est  ainsi  devenu  la  figure  la  plus  popu- 
laire (le  l'Ancien  Testament,  et  celle  aussi  dont  le  symlxilisme  était 
le  mieux  connu  et  le  plus  développé.  «  Noster  Joseph.  Oliristus  Do- 
minus»;  «  Verus  Joseph,  Dominus  Jésus  Christus  »,  s'écrie,  avec 
Prosper  d'Aquitaine  '  et  Isidore  de  Séville  ',  tout  le  Moyen  Age. 
L'expression  artistique  de  cette  idée  était  déjà  esquissée  au  Latrau  : 
mais  c'est  seulement  aux  vitraux  des  cathédrales  du  XIII"  siècle 
qu'elle  prend   tout  son  développement  et  toute  son  ampleur. 

Pierre  Fabre. 


'  Par  exemple  Prosper  d'Aquitaine,  Liber  de promissionibits  et  prae- 
dictionibus  Dei,  I,  XXV  à  XXXII,  et  Isidore  de  Séville,  Çuaesfiones  in 
Gen.,  Migne,  P.  L.,  LXXXIII,  271   sqq. 

'  Op.  cit.,  XXIX. 

'  In  Gen.,  XXX.  Isidore  de  Séville  a  d'ailleurs  développé  aussi  un 
long  parallèle  entre  Moïse  et  le  Christ.  Cf.  Qwiestiones  in  E.rodum,  P.  L., 
LXXXIII,  287  sqq. 


ASKLÈPIOS  ET  LES  CHARITES 


NOTE  AD  SUJET  D'UN  BAS-RELIEF  DU  VATICAN  • 
(PI.  VI) 

Sur  l'invitatiou  d'un  de  nos  maîtres,  nous  avons  étudié  un  bas- 
relief  du  Musée  Pio-CIementino,  qui  est  actuellement  dans  la  Ro- 
tonde et  qui  représente,  de  gauche  à  droite,  Hermès  et  un  homme 
agenouille,  Asklèpios,  les  trois  Charités.  La  reproduction  la  plus  an- 
cienne est  celle  de  Visconti  ^  et  elle  semble  bien  être  l'archétype 
des  reproductions  ultérieures,  toutes  plus  ou  moins  fidèles.  Eu  ou- 
tre jamais  cet  ex-voto  n'a  été  reproduit  en  liéliogravure,  la  pu- 
blication de  l'ouvrage  de  M.  Ameluug  ayant  été  interrompue.  Une 
communication  '  faite  récemment  à  l'Académie  des  Inscriptions  na- 
t-cUe  pas  enfin  donné  un  renouveau  d'intérêt  à  ce  qui  touche  au 
culte  d'Asklèpios  ? 

Visconti  nous  apprend  que  ce  bas-relief  se  trouvait  autrefois  dans 
la  loggia  scnperta.  l'ancienne  loggia  d'Innocent  VIII,  que  l'on  gagne 
de  la  Salle  des  ^lusques;  la.  Besc/ireibinig  Bonis*  précise  encore: 
le  bas-relief  était  sous  la  première  fenêtre,  parmi  les  parents  pau- 

'  Je  suis  heureux  de  remercier  de  leur  aide  M.  Salomon  Reinach  et 
M.  Noscara.  ainsi  que  M.  Amelung.  qui  m'a  permis  de  publier  une  pho- 
tographie à  paraître  dans  le  3^  volume  de  ses  Sculpturcn  des  Vaticanischen 
Muséums. 

'  E.  Q.  Visconti,  IV,  pi.  13  (l*-'"  éd.,  1788;  éd.  des  Œuvres  complè- 
tes, 1820)  î  —  un  erratum  de  Moller-Osterley  a  été  reproduit  par  Saglio  : 
I,  p.  125,  s.  V.  Aesculapitis,  n.  44,  lire:  Mus.  Pio-C'lem..  IV,  pi.  13  et  non 
I,  pi.  32. 

^  Communication  de  M.  Carcopino  sur  une  mosaïque  de  Lauibiridi 
(3  et  10  mars  1922);  je  n'en  connais  encore  qu'un  résumé  succinct. 

*  II,  p.  195,  n°  12. 


214  ASKI.KIMO.S    F/r    I.K.S   CIIAHITKS 

vres  (lu  musée.  Maintenant  la  place  est  vide  ;  c'est  que,  la  loggia 
scoperfa  n'étant  plus  accessible  au  puMie,  l'ex-voto  a  été  jugé 
(ligne  (le  la  Rotonde  et  placé  vers  1885  dans  la  base  de  la  statue 
de  Claude  mentionnée  dans  Ilclbip  au  n"  299  de  la  3'  édition.  De- 
puis lors  tous  les  catalofifucs  '  imtciit  son  existence;  mais  Helbig 
a  omis  de  compléter  son  nrticir  siii-  l,i  statue  de  Claude  |i:ir  la 
description  du   bas-relief  (|ui   en   orne   le   piédestal. 

Le  long  séjour  (jue  cet  ex-voto  a  fait  sur  la  loijgin  srojjertii 
explique  l'état  de  mauvaise  conservation  dans  lequel  il  se  trouve 
actuellement;  la  pierre  a  partout  été  entamée  par  les  intemp('rie8 
et  l'on  ne  distingue  plus  que  les  lignes  générales.  Au  centre  Asklè- 
pio8,  chevelu  et  barbu,  vêtu  d'un  manteau  qui  laisse  à  découvert 
la  poitrine  et  l'épaule  droite  et  nenveloppe  que  le  bras  gauche  et 
les  jambes  ;  la  main  droite  passe  devant  le  corps  et  s'appuie  sur 
le  bâton  autour  duquel  s'enroule  le  serpent;  le  bras  gauche  est 
allongé;  la  représentation  d'Asklè])ios  la  pins  voisine  de  celle-ci  est 
celle  que  l'on  voit  sur  un  diptyque  "  autrefois  à  Rome  et  mainte- 
nant à  Liverpool.  A  gauche  Hermès,  selon  le  type  hellénique  du 
IV*  siècle;  il  semble  jeune  et  imberbe;  on  distingue  les  bords  roulés 
du  pétase  sans  toutefois  voir  des  traces  d'ailes;  une  courte  clila- 
myde  couvre  seulement  le  bras  gauche  et  laisse  le  corps  à  peu  près 
nu  ;  dans  la  main  gauche  on  voit  le  caducée.  Devant  Hermès  est 
agenouillé  un  homme  vêtu,  comme  Asklèpios,  d'un  manteau  qui 
laisse  à  découvert  le  côté  droit.  A  droite  le  groupe  des  trois  Cha- 
rités :«  nudae,  connexac, . . .  una  aversa  pingitur,  duae  nos  respi- 
ciunt  »  ';  le  groupe  est  assez  connu  pour  qu'il  n'y  ait  rien  à  ajouter 
à  la  brève  description  de  Servius,  si  ce  n'est  que  le  mouvement 
des  têtes  (deux  étant  tournées  vers  la  gauche,  la  troisième  au  con 
traire  vers  la  droite)  assure  et  l'équilibre  du  groupe  et  celui  de  l.i 

'  Catalogue  officiel,  deni.  ('(l.  tVan(;ai8e.  1914,  n°  550. 
-  Reinach,  Ueliefs,  II,  p.  455.  n°  :i. 
'  Serv.,  ad  Aen.,  I,  720. 


ASKI-KPli'S    ET    LES   CHARITES  215 

composition  de  l'ex-voto  tout  entier:  c'est  exactement  le  groupe  du 
Louvre  et  celui  de  Sienne  '.  celui  aussi  que  reproduisent  un  sarco- 
phage de  la  Villa  Mattei  et  un  fragment  conservé  au  Campo  Santo 
de  Pise  '. 

Nous  ne  savons  pas  où  ce  bas-relief  a  été  trouvé,  mais  la  nature 
du  marbre,  la  tète  barbue  et  le  costume  du  dédieant.  enfin  la  wm- 
l)arai8on  avec  un  bas-relief  de  la  Salle  des  Statues  ',  tout  porte  à 
croire  que  nous  sommes  en  ])résence  d'une  ceuvre  grec<[ue  :  la  nu- 
<lité  des  Charités  et  l'Hermès  obligent  à  lui  assigner  une  date  assez 
tardive.  Notre  bas-relief  est  évidemment  uu  ex-voto  à  Asklèpios  :  le 
travail  en  est  assez  grossier;  Térosion  a  affiné  les  formes,  mais  on 
reconnaît  aisément  qu'à  l'origine  le  groupe  des  Charités  était  lourd  ; 
nous  serions  donc  en  présence  de  l'œuvre  non  d'un  artiste,  mais 
d'un  marbrier  travaillant  selon  des  modèles  courants:  nous  aurions 
en  effet  pu  multiplier  les  exemples  de  représentations  identiques. 
D'où  viennent  donc  les  difficultés  d'interprétation  ?  D'abord  on  ne 
distingue  plus  ni  physionomies,  ni  détails;  on  ne  sait  si  le  dédieant 
vient  implorer  ou  remercier;  on  ne  sait  quels  étaient  les  attributs 
des  Charités.  En  second  lieu,  si  sur  cet  ex-voto  les  divinités  sont 
représentées  d'après  des  types  connus,  c'est  leur  réunion  dans  une 
même  composition  qui  étonne  ;  l'étude  de  toutes  les  représentations  ^ 
que  nous  ayons  des  Charités  ne  nous  fournit  presque  aucun  élément 
de  comparaison;  nous  sommes  en  présence  d'un  groupement  nouveau 
dû  à  \:\  fantaisie  du  client  et  à  la  nature  particulière  de  sou  vreu. 
La  question  est  de  savoir  quelle  était  aux  yeux  du  dédieant.  sup 


'   Reiiiach,  Stafiutire,  I.  p.  152  et  p.  34(i. 

-'  Reinach,  Reliefs,  III,  p.  295,  n°  1  et  p.  115,  n"  1. 

^  Amelung,  Sculpt.  des  Vatic.  3Ius.,  n"  260.  pi.  53:  —  Helbig.  n°  188- 

*  Cf.  Jahn  (Otto),  Die  EntflUintng  der  Europa,  Wien.  1870.  —  A  propos 
d'un  fragment,  l'auteur  consacre  une  longue  digression  (p.  32-44)  aux 
Charités:  son  étude,  à  laquelle  est  joint  en  note)  un  catalogue  des  re- 
présentations figurées,  est  très  importante  et  forme  la  base  des  travaux 
ultérieurs. 


216  ASKI.lilMO.S    ET    l.liS   CIIARITE.S 

pliant  011  remerciant,  la   raison  <ln  rapproclienieiit  d'Asklèpios  et  des 
Charités. 

Chez  Visconti  '  nous  trouvons  une  explication  que  reprendront 
plusieurs  commentateurs,  entre  autres  Guigniaut  '  et  K.  0.  Millier  '. 
D'après  Visconti  cet  ex-voto  serait  en  un  mot  un  rébus:  les  Grâces 
seraient  là  pour  montrer  ((ue  le  dédieant  f/ratias  agit.  Dire  que  les 
Grâces  ont  toujours  été  le  symbole  de  la  reconnaissance,  citer  l'exem- 
ple des  habitants  de  la  Olicrsonèse  q\ii  leur  élevèrent  un  autel  pour 
les  remercier  du  secours  venu  d'Athènes,  oe  n'est  pas  prouver  que 
le  sculpteur  ait  eu  l'intention  de  jouer  sur  les  mots.  Visconti  fait 
en  outre  appel  à  un  ex  voto  du  Capitole  '  dédié  aux  Nymphes: 
au  centre  Hercule  et  Mercure  sur  un  rocher,  au-dessous  d'eux  un 
dieu  fluvial  appuyé  sur  une  urne,  :'i  droite  deux  nyrai)lies  qui  en- 
lèvent Hylas,  le  favori  d'Hercule,  :'i  gauche  le  groupe  des  trois 
Grâces.  Visconti  explique  ce  bas-relief  comme  le  précédent,  dont 
il  a  eu  raison  de  le  rapprocher.  Mais  on  accepterait  plus  vo- 
lontiers soit  l'explicatiou  de  Jalin  "',  jiour  qui  les  Grâces  représen- 
tent ici  la  puissance  de  la  nature  ([ui  a  su  réveiller  les  sources, 
soit  celle  de  M.  Stuart  Jones  ",  qui  voit  en  elles  des  divinités  lo- 
cales; le  groupe  des  Grâces  enfin  a  peut-être  été  imposé  â  des  clients 
dociles  pour  faire  pendant  à  celui  des  Nymphes  et  d" Hylas.  Kn 
tous  cas  on  ne  saurait  guère  admettre  un  calembour  qui  eût  cer- 
tainement frappé  d'une  fa(,'on  si  vive  les  anciens  que  nous  en  trouve- 
rions des  traces  nombreuses  et  sur  les  monuments  et  dans  les  textes. 


'  Op.  cit.,  p.  !i-2. 

'  Notiv.  Gakrie  Myth.,  XCI,  n°  313. 

'  Handb.  der  Arch.  der  Knnsf,  3«  éd.  [1878],  S  394,  n°  3. 

*  Reinach,  Reliefs.  III,  p.  191,  n°  1  ;  —  Stuart  Jones,  n°  93,  pi.  .53;  — 
mancpie  également  dans  Hclbig.  —  Notons  en  passant  l'insuliisance  des 
commentaires  publiés  au  sujet  de  cet  ex-voto;  il  y  aurait  à  étudier  ses 
trois  inscriptions  (C.  1.  L.,  VI,  166)  et  leurs  rapports  de  date  et  de  sens. 

^  Op.  cit.,  p.  38. 

^   Catalogue,  texte,  p.  220. 


ASKLÈPKIS    ET    LES    CHARITES  217 

Mais  toutes  ces  remarques  n'ont  d'ailleurs  de  valeur  que  si  nous 
sommes  en  présence  d'une  œuvre  romaine;  c'est  à  ce  seul  point  de 
vue  que  se  sont  placés  jusqu'ici  les  commentateurs.  Si  on  admet, 
comme  il  nous  parait  nécessaire  de  le  faire,  que  ce  bas-relief  est 
une  œuvre  grecque,  l'hypothèse  de  Visconti  est  définitivement  rui- 
née, puisque  la  langue  grecque  ne  se  prêtait  pas  à  ce  jeu  de  mots. 
L'une  des  Charités  ayant  le  même  nom,  Aglaé,  que  l'une  des 
filles  d'Asklèpios,  Panofka  '  est  d'avis  que  ce  sont  les  trois  filles 
du  dieu  que  le  sculpteur  a  représentées  sous  la  forme  des  trois 
Charités.  Mais  il  faudrait  dire:  trois  des  filles  du  dieu,  car  on  lui 
'en  reconnaît  le  plus  souvent  quatre  '.  Pour  affermir  son  explica- 
tion Panofka  avance  qu'il  s'agit  d'une  prière  et  non  d'un  remer- 
ciement ;  il  veut  tirer  argument  des  physionomies,  des  attitudes  et 
de  l'absence  de  présents  ;  nous  avons  déjà  vu  que  les  physiono- 
mies étaient  trop  abimées,  les  attitudes  trop  conventionnelles  pour 
fournir  une  indication  quelconque;  quant  aux  présents  on  n'en  voit 
pas  habituellement  sur  les  ex-voto  à  Asklèpios  ^. 

Jahn  *  repousse  aussi  l'explication  de  Visconti,  note  celle  de  Pa- 
nofka sans  se  décider  à  l'approuver;  il  préfère  une  explication 
beaucoup  plus  générale  :  les  Charités  sont  pour  lui  un  symliole  de 
reconnaissance,  mais  aussi  de  force  vitale  aux  yeux  du  malade 
guéri  de  tous  ses  maux,  de  même  que,  sur  le  bas-relief  du  Capi- 
tole,  elles  représentaient  la  puissance  de  la  nature.  L'auteur  de 
V urticle  Aesculapius"  du  Saglio  se. ralliait  à  l'explication  de  Pa- 


'  Asklèpios  «.  (lie  Asklepiade»,  Abhandl.  der  Berliner  Aead.,  1845, 
p.  .350  et  n.  5. 

■'  Plin.,  Hisi.  Kat.,  XXXV,  137. 

3  Cf.  P.  Girard,  B.  G.  H.,  1877  et  1878;  —  VAskUpeion  d'Athènes, 
1881  [tout  le  chapitre  sur  les  ex-voto,  p.  97  et  sqq.]  ;  —  M.  Besnier.  L'Ile 
Tihérine  dans  l'antiquité,  1902  [3'^  partie,  le  Sanctuaire  d'Esculape, 
p.   135  et  Bqq.|. 

*  Op.  cit.,  p.  39. 

*  I,  p.  125,  milieu  de  la  colonne  de  droite. 


218  ASKI.ÈPIDS    KT    I.EN    tltAKlTK.S 

iiofka  :  cdiii  de  l'article  (hiilinc  '  a  suivi  une  i-xplicatioii  i|ui  eut 
inspirée  de  celle  de  Jalin  et  se  contente  de  la  compléter  nur  un 
point:  c'est  de  celle  de  L.  Ménard  que  je  veux  parler;  il  la  ré- 
sume lui-même  ainsi  :  *  Le  groupe  des  charités  {sic)  placé  à  coté 
i-xpiinie  à  la  fois  le  bienfait  du  Dieu  et  la  reconnaissiince  de  celui 
((ui   a   fait  exécuter  cet  ex-voto»'. 

A  notre  "avis  on  peut  admettre  aussi  que  ce  has-relief  repré- 
sente deux  scènes;  puis(|iie  le  dédicant  est  accompagné  de  Mercure, 
c'est  qu'il  vient  intercéder:  donc  mu-  ])reniière  scène  nous  montre 
la  première  partie  de  l'iiistoire,  la  sup))lication  du  malade.  Les 
Charités  représenteraient  dans  une  deuxième  scène  la  guérison  oh- 
tenue.  tjiiiii  i|u'il  en  soit,  sur  la  question  primordiale  de  la  signi- 
fication du  groupe  des  Cliarites  nous  sommes  d'accord  ;ivec  Jahn  : 
peut-être  nous  permettrions-nous  de  ])réciser  un  ])eu  plus  qui'  lui 
en  disant  qu'en   dei-nière  analyse  il  représente  ici  la  santé. 

L'explication  de  Visconti  (les  Grâces  symbolisent  l'expression 
ijratiits  atjfirc)  est  à  rejeter:  celle  de  l'anofka  (les  GnJees  repré- 
sentent trois  des  lilles  d'Esculape)  est  peu  vrai.semblabe.  L'expli- 
cation de  Jahn  et  celle  que  nous  venons  à  notre  tour  de  proposer 
s'accordent  à  reconnaître  que  les  trois  Charités  personnifient  non  seu- 
lement le  bienfait  et  la  reconnaissance,  mais  aussi  la  force  vitjile 
dans  tout  ce  qu'elle  a  de  Vion.  Pour  préciser  notre  pensée,  nous 
dirons  que  dans  le  cas  qui  nous  occupe  les  trois  Grjvces  tiennent 
la  place  d'Hygie,  presque  toujours  représentée  auprès  de  son  père. 
Sénèque  '  s'est  déjà  moqué  des  interi)rétations  trop  subtiles  —  ///.«.• 
ineptiis  —  ;  les  deux  dernières  ont  au  contraire  le  mérite  de  recon- 
uaitre  au  groupe  des  Cliarites  une   signilication  des  plus  larges. 

Marcki.  Di  rky. 

'  II,  p.  Itjtio,  milieu  de  la  colonne  de  droite. 

'  Xfs  chariiéft,  si/ntholi"  du  lieu  social,  Gx/..  Beaux  Arts.  t.  \"II.  l.sT.'l. 
p.  l.'îl. 

5   lifii..   I.  ;i. 


École  française  de  Rome,  Mélanges  1921. 


PI.  I. 


Ecole  française  de  Rome,  Mélanges  1921. 


PI.  II. 


FiG.  1. 


FiG.  2. 


Ecole  française  de  Rome,  Mélanges  1921. 


PI.  m. 


^' 


.^ 


Ecole  française  de  Rome,  Mélanges  1921. 


PI.  IV. 


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F 10.  2. 


Ecole  française  de  Rome,  Mélanges  1921 


PI.  V. 


V 


l-iu.  1. 


FiG.  2. 


Ecole  française  de  Rome,  Mélanges  1921. 


PI.  VI 


A 


7' 


HERCULE  FUNERAIRE 
(PI.  vil) 


L'uttentiou  de  M.  Franz  Curaoïit  fut  attirée  eu  même  temps 
que  la  mienne  sur  le  monument  que  nous  publions  aujourd'hui 
sur  son  conseil.  C'est  un  couvercle  de  sarcophage  négligé,  non  pas 
inconnu,  puisque  Furtwiingler  et  Collignon  en  ont  fait  mention  ', 
et  que  Matz  et  von  Duhu  l'ont  décrit  ^  Il  se  trouve  au  Palais 
Farnèse,  à  gauche  du  passage  qui  mène  de  la  cour  dans  le  jardin, 
à  la  base  d'une  sorte  de  trophée  pittoresque  de  débris  antiques,  et 
posé  sur  une  cuve  qui  lui  est  étrangère.  Ni  sa  valeur  artistique 
ni  son  état  de  conservation  ne  le  recommandent  k  l'attention,  mais 
bien  les  conceptions  religieuses  et  funéraires  auxquelles  il  donne 
une  forme  sensible  :  à  ce  titre  il  mérite,  nous  semble-t-il,  les  pho- 
tographies que  nous  en  avons  fait  exécuter  (planche  VII). 

Sur  un  lit  de  repos  sont  étendus  les  deux  époux.  Le  mari,  torse 
uu  et  athlétique,  avec  un  large  collier  sur  la  poitrine,  les  cheveux 
courts,  la  barbe  très  courte,  tient  de  la  main  gauche  un  large 
scijpJius  et  passe  le  bras  droit  derrière  l'épaule  de  sa  femme.  Celle-ci, 
coiffée  à  la  mode  du  IIP  siècle  de  notre  ère,  vêtue  de  la  stola 
ceinte  au-dessous  de  la  poitrine,  et  couchée  sur  son  manteau  qui 
lui  enveloppe  les  jambes  et  retombe  sur  l'épaule  gauche,  s'accoude 
du  bras  gauche  et  laisse  pendre  de  la  main  droite  un  collier  ou 
une  couronne.  Aux  pieds  de  la  femme,  un  enfant,  dont  la  tète  a 

'  Furtwiingler,  in  BuUettino  deU'lnstituto,  1877,  p.  125.  —  M.  Col- 
lignon, Les  statues  funéraires  dans  l'Art  Grec  (1911),  p.  322. 

-  Matz  et  von  Duhn,  A)itike  BihJwerke  in  Bnm  (1881!,  II,  p.  478, 
n.  3411. 

Mélaïujeu  rl'Arcli.  fl  dHint.  li>21-lfl->2.  15 


220  HEHUI'LE    KINÉItAlHE 

disparu,  tient  une  grappe  de  raisin  et  un  oiseau.  Derrière  le  dos 
de  riiomme  se  voient  la  tète  d'une  dépouille  de  lion,  nn  carquois 
rempli   (U-  ll(''clies  et   uni-  massue  noueuse. 

Ces  trois  attributs,  et  aussi  bien  d'ailleurs  le  scyp/iiis.  caracté- 
risent le  mort,  et  en  font  un  Hercule  IJomain. 

L'origine  de  ce  monument  nous  est  inconnue,  mais  nous  savons 
par  disse  Aldroandi  qu'il  se  trouvait  déjà  au  milieu  du  XVI*  siècle 
«  nel  Palagio  nuovo  del  Reverendiss.  Farnese,  clie  stà  fra  Campo 
di  Fiore,  e  '1  Tevere  »,  sous  le  portique,  à  main  gauche  eu  entrant  : 
la  description  du  savant  naturaliste  est  assez  précise,  et  prouve 
que  le  groupe  attirait  l'attentiou  à  cette  date  '. 

Nous  ne  chercherons  pas  à  renmnter  plus  haut.  Le  groupe 
existe  :  il  pose  une  question  :  Hercule  a-t-il  joué  nn  rôle  propre- 
ment funéraire  dans  les  conceptions  religieuses  Romaines  ?  Nous 
voulons  essayer  de  répondre  ;\  cette  question. 

I.  —  Les  Saucophaces  «  héracléexs  ». 

(}.  Micali  n'eu  doutait  pas,  au  moins  i)our  ce  qui  est  des  Etrus- 
ques: «  Questa  grande  divozione  per  Ercole  nel  rito  sepolcrale, 
écrivait-il  ',  veniva  forse  dal  mito  clie  lo  tiene  per  vincitore  délia 
morte  uella  sua  discesa  agli  inferni  ».  Le  malheur  est  qu'il  n'a 
pas  pris  la  peine  d'énumérer  les  doeumeuts  (jui  prouveraient  «  cette 
grande  dévotion  »,  ni  de  montrer  en  quoi  consistait  le  rite  sépul- 
cral étrusque  et  ccminient  Hercule  y  participait.  Bien  plus:  Hercule 
n'apparaît  presque  jamais  de  façon   sûre  dans  les  scènes  mytholo- 

'  <.  Qui  presso,  écrit  Aldroandi.  sono  giù  a  terra  ili  niezzo  riiievo 
(lue  tigure  giacenti,  una  di  liuoino,  l'altra  di  donna:  l'huonio  alibraceia  la 
donna,  c  con  la  mano  sinistra  tiene  una  scuilellina;  la  donna  si  tiene  la 
niano  sinistra  sotto  la  gola;  e  sotto  le  spalle  deU'huomo  è  una  testa  di 
leone  >.  {Le  statue  antiche  che  per  fiilta  Sonia  si  rerigono.  raccolte  e  (h- 
.<critte per  M.  L'iisse  Aldroandi,  Venetia,  1056  et  1Ô.Ô8,  Roma.  156i,  p.  146). 

'  G.  Micali,  Storia  degli  antichi  popoli   italiani  '  (1S36).   III,  p.  46. 


HERCULE    Fl'NÉRAIRE  221 

giques  sculptées  avec  tant  d'aboiidaiice  par  les  Etrusques  sur  leurs 
nrues  fuuéraires  '.  Force  nous  est  doue  de  croire  que  Micali  a  donné 
une  forme  beaucoup  trop  précise  à  une  idée  vague  ou  à  une  im- 
pression due  à  l'abondance  des  vases  béracléens  de  fabrique  grecque 
trouvés  dans  les  sépultures  étrusques. 

E.  Petersen  a  mieux  orienté  la  recherche  eu  notant  la  fréquence 
relative  de  l'image  d'Hercule  sur  les  sarcophages  et  tombeaux  ro- 
mains ",  et  le  précieux  ouvrage  de  Cari  Robert  '  permet  enfin  une 
étude  systématique  de  ces  monuments  *.  Mais,  pour  la  commodité 
de  notre  recherche,  nous  les  distribuerons  autrement  que  le  savant 
allemand. 

Et  d'abord,  il  arrive  parfois  qu'aux  angles  d'un  sarcophage 
apparaissent  des  masques  d'Hercule  coiffé  de  la  Ironie  ''  ou  des  her- 
mès  du  héros  ".  On  pourrrait  croire  que  ce  détail  comporte  un  sens 
funéraire  précis,  comme  sans  doute  les  masques  d'Haramon  fréquents 
aux  angles  des  sarcophages  et  des  urnes  cinéraires  ".  Mais  aux 
mêmes  places  se  voient  ailleurs    des    figures  sans    caractère  déter- 

'  Cfr.  H.  Brunn,  BuUett.  delVInsL,  1859,  p.  Ifi2. 

=  Annali  delVInst.,  XXXII,  1860,  p.  373  s(|. 

3  C.  Robert,  Die  antiken  Sarhophagrelief'fi   Berlin,  1890;  1897;  1904). 

*  C.  Robert  a  indiqué  (III.  1.  p.  120)  les  savants  qui,  avant  bii,  avaient 
dressé  des  listes  plus  ou  moins  complètes  des  sarcophages  héracléens  : 
Zoega,  Li  Bassirilieii.  àntichi  ai  Borna  (1808),  II,  p.  52  sqq.  ;  Hagen, 
lie Herciilis  laboribus  (1827),  p.  69  sq(|.  ;  Stephani,  IJer  ausruhende  Heralles 
(1852),  p.  199  sqq.  ;  Klllgmann.  Annali  dfirinst.,  XXX"VI  (1864),  p.  301  sqq. 
—  Il  faut  y  joindre  :  H.  Heydemann,  iX''»  Hanischex  WincUelmannspro- 
gramm  (1884),  p.  17  (l'ivresse  d'Heicnle). 

5  Par  exemple:  couvercle  de  sarcophage  au  Vatican  (Annali  dell'Inst. 
XL,  1868,  p.  263).  Le  sarcophage  représente  les  travaux  d'Hercule. 

^  Sarcophage  des  Amazones,  provenant  de  Salonique,  au  Louvre. 
(C.  Robert,  II,  p.  84,  n.  69  et  pi.  29).  .\ux  deux  autres  angles  figurent 
des  «  caryatides  »  féminines. 

'  Haramon  est  appelé  par  Nonnos  (D«o»iys.,  XIII,  371):  ■|:(iivsp:o;  Zïû;. 
On  rapprochera  l'épitliète  du  nom  des  Hespérides,  et  de  l'épigramme  fu- 
néraire du  Ps.  Platon,  fr.  15:  'A^t;.;:  irpii  ;j,âv  D.aïAîte;  hi  ÇwcTgiv  Iwo;,  iùv 
&£  fjïvùi  Xàu.T^-'.i  "i:(j77=|io;  il  (fliAivii-,  (citée  par  B.  Schweitzer,  Herakles, 
(1922),  p.  134,  n.  1). 


222  HER(;i:i,t;  funéraire 

miné,  ou  des  rauRques  de  Barbares  ou  de  Satyres  '.  A  supposer 
donc  qu'on  ne  doive  pas  restreindre  leur  intérêt  à  une  fonction  dé- 
corative, on  pourra  tout  au  plus  leur  accorder  une  valeur  apotro- 
païque,  comme  aux   antétixes  similaires  des  temples  étrusques. 

Restent   les  sarcophages  enx-mème-*. 

1°  Un  très  grand  nombre  d'entre  eux  représentent  de  façon 
plus  ou  moins  complète  la  suite  des  travaux  d'Hercule.  C.  Robert 
distingue  trois  séries  successives  d'après  la  disposition  des  scènes  '  : 
la  plus  ancienne  ne  semble  pas  antérieure  an  IT  siècle  de  notre 
ère,  et  il  se  pourrait  que  la  passion  de  Commode  pour  Hercule 
eût  contril)né  à  la  diffusion  de  ce  type  sous  une  forme  un  peu  moT 
difiée.  Mais  la  représentation  des  Douze  Travaux  sans  choix,  et  sans 
même  qu'une  scène  aussi  importante  i)our  l'eschatologie  que  la  des- 
cente d'Hercule  aux  Enfers  soit  jamais  mise  en  valeur  (elle  est 
reléguée  soit  dans  un  coin,  soit  sur  l'une  des  petites  faces),  ne 
saurait  a  priori  suffire  à  faire  attribuer  au  héros  un  rôle  funéraire. 
Peut-être  même  Hercule  n'y  figure-t-il  pas.  selon  l'expression  de 
C.  Robert,  «  comme  idéal  de  la  perfection  humaine,  voué  à  la  gué- 
rison  de  l'humanité  »,  mais  ])lus  simplement  comme  symbole  des 
triiverses  de  la  vie  liumaine.  De  toute  façon,  la  question  devra 
être  discutée. 

Deux  sarcophages  de  ce  type  méritent  par  contre  d'être  isolés 
pour  le  groupement  original  des  scènes  qu'ils  représentent  : 

a)  C.Robert,  u.  116,  pi.  XXXII  (Rome,  Palais  Torlonia)  :  Le 
couvercle  porte  aux  angles  des  masques  d'Hercule  ;  à  l'extrémité 
gauche  de  la  frise  peut-être  le  jeune  Hercule  aux  prises  avec  les 
serpents;  à  l'extrémité  droite,  peut  être  trois  Hespérides  pleurant 
le  vol  des  fruits  par  le  héros.  La  cuve  commence  à  gauche  la  série 
p.ir  l'épisode  du  lion,  la  termine  à  droite  par  celui  des  Hespérides. 


'  Voir  cependant  i»fra.  p.  250  et  262.  le  rôle  funéraire  des  Satyres. 
^  III,  1,  p.  115-117. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  223 

/;)  C.Robert,  u.  120,  pi.  XXXIII  (Londres,  British  Muséum): 
Le  couvercle  porte  aux  angles  des  masques  d'Hercule;  à  l'extré- 
mité gauche  de  la  frise,  Hercule  enfant  aux  prises  avec  les  ser- 
pents; à  l'extrémité  droite,  le  héros  assis  sur  la  Ic'ontè  prenant  une 
vaste  tasse  des  mains  de  la  Victoire  eu  présence  de  Minerve.  La 
cuve  représente,  de  gauche  à  droite  :  Cerbère,  l'Amazone,  Y  Arbre 
des  Hespe'rkles,  les  juments  de  Diomède,  et  le  lion. 

Daus  ces  deux  sarcophages  il  semble,  par  comparaison  avec  les 
autres  du  même  type,  que  la  disposition  des  scènes  réponde  à  une 
conception  particulière  de  la  vie  d'Hercule,  marquée  par  des  triom- 
phes successifs  sur  la  mort,  ou  aboutissant  à  des  jouissances  d'im- 
mortalité. Sans  même  user  du  premier  monument  décrit,  dont  l'in- 
terprétation est  parfois  douteuse,  le  second  nous  présente  deux 
séries  indépendantes  des  exploits  du  héros,  dont  l'une  (celle  de  la 
cuvej  nous  conduit  à  sa  victoire  sur  Cerbère,  c'est-à-dire  sur  la 
puissance  iufernale;  l'autre  (celle  du  couvercle)  à  son  triomphe 
olympien  et  à  l'acquisition  de  l'immortalité.  Intention  d'autant  plus 
nette  que  l'une  des  séries  se  développe  de  gauche  à  droite  et  l'autre 
en  sens  inverse.  Enfin  la  scène  des  Hespérides,  ancienne  image  de 
l'île  des  Bienheureux,  séjour  des  héros,  figure  au  centre  de  la  cuve, 
à  la  place  la  plus  en  vue,  alors  que,  dans  le  premier  sarcophage 
cité,  elle  est  représentée,  une  et  peut-être  deux  fois,  en  fin  de  série, 
à  son  rang  pour  ainsi  dire  chronologique,  comme  terme  de  la  vie 
terrestre  d'Hercule.  Ajoutons  enfin  que  le  sarcophage  n.  120  est 
saus  doute  le  plus  ancien  des  monuments  romains  de  ce  genre  qui 
représentent  la  suite  des  travaux  d'Hercule  '. 

2°  Il  y  a  longtemps  déjà  que  Stephani  a  établi  une  liste  des 
sarcophages  ou  Hercule  se  trouve  mêlé  au  thiase  bachique  ^  eu 
indiquant   que  de  telles  représentations  devaient    figurer  l'éternité 


'  Selon  C.  Robert  [op.  cit.,  p.  142)  il  date  du  milieu  du  II«  siècle  p.  C. 
2  Stephani,  Ver  Ausruhende  Herakles,  p.  197  sq. 


224  HBRCL'LE    FUNÉRAIRE 

bienlieureuse  des  «  élus  »,  plus  spécialement  des  initiés.  Non  seu- 
lement Hereiile  est  uni  :"i  Bacchus  dans  l'Assemblée  des  dieux  '  ;  mais, 
sur  un  saiT()i)h;ij;e  du  Palais  Mattei  ^,  aux  trois  figures  d'une  ménade 
entre  deux  IJacehus  tenant  des  cantliarcs  et  accompagnés  de  Pan, 
répondent  trois  images  statuaires  d'ilcvculc:  l'une  symbolisant  le 
repos  (type  FariièseJ,  une  anti-e  la  victoire  (Hercule  tenant  les  pom- 
mes des  llespérides),  la  tmisirnic  la  Jouissance  élysiaque  (Hercule 
lyricine).  Un  fragment  cntin.  du  Palais  Mattei  ^,  nous  montre  le 
banquet  d'Hercule  et  nacdius,  couchés,  eu  présence  des  divinités 
capitoliues.  Minerve,  Jupiter  et  Junon,  assises.  Ce  monument  mé- 
nage pour  nous  la  transition  avec  un  auti-e  gioujje  d'un  intérêt  plus 
direct  ici. 

3°  Hercule  est  en  ert'et  parfois  représenté  à-demi  couché,  dans 
l'attitude  du  convive,  non  seulement  sur  le  fragment  du  Palais 
Mattei,  mais  sur  un  sarcophage  de  la  Vill;i  Pamfili*:  on  le  voit 
là,  étendu  sur  la  Ir'oittè,  la  main  droite  sur  la  massue,  à  la  gau- 
che le  scypltus,  devant  une  caverne  ou  un  arbre:  deux  Amours 
cherchent  k  le  désarmer.  La  scène  est  encadrée  entre  deux  Victoires 
tenant  des  bandelettes  ;  aux  angles,  des  génies  renversent  des  tor- 
ches. Dès  l'abord,  C.  Robert  semble  avoir  raison  de  voir  dans  cette 
représentation  «  l'apothéose  du  mort  sous  les  traits  d'Hercule  »  : 
d'.uitaut  plus  que  le  héros  tient  ici  la  place  du  médaillon  nù  sont 
le  plus  souvent  figurés  les  défunts.  Le  sarcophage  du  Palais  Far- 
nèse  répond  ;l  la  même  conception,  qu'il  exprime  avec  plus  de  force 
encore. 

4°  Entre  les  <$  parcrga  »  d'Ilerculc,  i|ui  Hgureut  isolément  sur 
des  sarcophages,   il   faut  distinguer  la  lutte  contre  les  Centaures  '", 


'  C.  Holicit,    ni,  -2.  n."*    193  et  194. 

2  Id.  111.   1.  n.  141. 

^  M.,  ih.,  n.  140  et  p.    164. 

*    h\  ,  Hk.  n.   142  et   p.  166. 

^  Id.,  (V).,  M.  i:J2  et  suiv. 


HERCULE    FUXÉRAIKE  225 

à  cause  du  nombre  des  exemplaires  et  de  l'ancieuneté  relative  du 
type  '.  On  se  doute  que  cette  scène,  souvent  traitée  déjà  par  les 
artisans  campaniens  et  étrMS({ue3,  peut  avoir  un  sens  funéraire"; 
normalement  il  semble  qu'elle  doive  ici  en  avoir  un  ;  mais  rien 
n'est  encore  éclairci. 

ô°   Les  autres  travaux  du  héros  se   rencontrent  rarement  isolés. 

A  :  Hercule  assiste  à  renlèvement  de  Proserpine  sur  un  sarco- 
phage du  Capitole^:  à  l'enlèvemeut  d'Hylas  pur  les  Nymphes  sur 
un  sarcophage  du  milieu  du  III"  siècle  '  :  deux  scènes  assez  claires 
de  symbolisme  funéraire. 

B  :  Accompagné  de  Vénus,  il  domine  et  contemple  Tunion  de 
Mars  et  Rhéa  Silvia  (portant  les  traits  des  morts)  auprès  du  Ti- 
l)re  "  :  scèue  plus  difficile  à  expliquer. 

C:  Ou  le  voit,  sur  d'autres  sarcophages,  peut-être  (le  per- 
sonnage n'est  pas  très  net)  initié  aux  mystères  d'Eleusis  avant  sa 
descente  aux  Enfers  '':  et  ramenant  Alceste  des  Enfers,  lui-même  cou- 
ronné du   peuplier  infernal  ".   Les  allusions  sont  claires. 

D:  Une  seule  fois  à,  notre  connaissance,  il  est  représenté  lut- 
tant contre  les  juments  de  Diomède  ':  sens  obscur. 

6"  Hercule  est  figuré  sur  un  sarcophage  ^  baisant  en  signe  de 
remerciement  la  main  de  Minerve:  au  nwin9  conclu sioti  de  ses  tra- 
vaux terrestres,  dans  lesquels  la  déesse  l'aida  avec  constance:  mais 


'  Les  n"*  135  et  136  i-euioiiteiit  à  la  première  moitié  du  IL'  siècle  p.  C. 

'  Cfr.  Rosclier-Tiiuipel,  lioscliers  Le.r  der  Mijth.,  s.  v.  Kentaureii,  2', 
col.  1054-105(;. 

'■>  C.  Robert,  111,  1,  n.  144. 

^  1(1,  ih.,  n.  130  et  p.  163. 

^  Id.,  ih.,  n.  88. 

^  NotUie  deiili  Scavi,  1905,  p.  410  sqq.  Cfr.  G.  E.  Rizzo,  Rom.  Mit- 
heil,  XXV  (1910),  p.  89  sqq.  et  pi.  II-VH. 

"  C.  Robert,   111,  1,  n.  22  et  suiv.  (nombreux  exemplaires)  et  p.  30. 

*  Petit  sarcophage  du  Louvre,  ex  Carapana  (Catalogue  sommaife  des 
tiiarbrcs  antifpies,  1896,  n.  1495). 

9  C.  Robert,  IH,  1,  n.  138  et  p.  162. 


226  HERCULE    KUNKRAIKE 

peut-être  iiii;i;,'e  «le  son  iijiotht'usc,  si  on  rapiiroclie  eette  image  du 
monument  funéraire  «Flgel,  où  Ton  voit  le  eliar  de  Minerve,  en- 
tourr  ilu  eerele  zodiacal,  enlever  Ilereulc  au   eiel  '. 

7"  11  reste  enfin  trois  monuments  des  plus  singuliers,  certaine- 
ment très  ])leins  d'idées,  mais  qui  doivent  être  interprétés  avec  une 
prudence  extrême  : 

A  :  Sarcophage  romano  étrusque  du  Musée  de  Palerme,  da- 
tant sans  doute  du  premier  siècle  avant  notre  ère.  Il  présente:  aux 
extrémités,  d'une  part,  Hercule  entraînant  Cerltère  ;  dr  l'autre,  un 
nocher  poussant  sa  l)aniue  sur  les  tlots;  —  au  centre:  un  iiomine 
couché  sur  nu  lit  à  pavillon  entre  deux  Charons  ailés,  à  figure  de 
satyre,  appuj'és  chacun  sur  un  cipiie. 

B:  C.  Robert,  III,  1,  n.  140,  pi.  LU,  p.  152  s(,q.  De  gauche 
à  droite  se  présentent  successivement:  un  mort  conduit  par  Mercure  : 
— -  Ulysse  passant  devant  le  roclier  des  Sirènes  qui,  avec  Cerbère, 
marquent  l'entrée  des  Enfers  ;  —  Hercule  marchant  vivement 
vers  la  droite;  —  Bacchant  et  Bacchante  jouant  de  la  doulile  tinte 
et  du  tympanou;  —  Danaide  agenouillée  tenant  une  urne;  —  deux 
Sources  debout".  Sans  tenir  compte  des  détails  obscurs,  l'unité  de 
la  scèue  est  marquée  par  la  présence  de  Mercure  Psychopompe 
:i  gauche,  la  localisation  de  l'entrée  des  Enfers,  la  représentation 
des  joies  et  des  peines  infernales  par  les  Bacchants  et  la  Da- 
naïde  ■*.  Dans  ces  conditions.  Hercule  se  trouve  être  entré  aux 
Enfers;  Ulysse  passant  prés  du  seuil,  échappe  aux  dieux  souter- 
r;iins;  un  défunt  conduit  \r.iv  Mercure  s'achemine  vers  eux.  Her- 
cule a  donc  été  choisi,  ici,  non  comme  héros,  mais  comme  symbole 
d'une  ci-oyance    relative  aux   Enfers:   ne  serait-ce  pas   celle  de    la 


'  S.  Kcinach,  Rép.  th  reliefs,  I,  p.  103.  Cfi'.  Kenie  il'Hisl.  îles  Re- 
ligions, 1-2,  {1915},  p.  386  et  80  (1919),  p.  76. 

^  Même  représentation  sur  un  relief  grec  funéraire  de  l'Italie  Aléd- 
dionale,  Areh.  Jahrb.  (Amtig.)  X.KIX,  1,^1-1.  p.   \i^\^  »i\.,  tii;.  p.  455. 

s  Cfr.  Platon,  Gorgias,  493  B. 


HERCULE    FLNÉRAIRE  227 

résurrection  ?  Il  représente    celui    qui.  après  avoir   vu   Pluton,  re- 
vint au  jour. 

C:  H.  He3demann  a  signalé'  dans  la  cour  du  Liceo  Gian- 
none,  à  Béuévent,  un  bas  relief  sans  doute  funéraire  (0",90  sur 
1"',75)  dont  la  superficie  est  très  abimée,  trouvé  près  de  la  <;<  Porta 
Calore  »,  aujourd'hui  rasée.  Hercule  y  est  représenté  les  jambes  en- 
veloppées d'un  tablier,  la  massue  dans  la  main  droite,  les  pommes 
dans  la  gauche  :  vers  lui  vient  un  cavalier  barbu,  vêtu  d'uu  man- 
teau. —  Ces  derniers  détails  excluent  l'iiypothèse  d'un  relief  votif, 
comme  il  s'en  trouve  à  Athènes  et  ailleurs;  au  surplus,  le  cava- 
lier en  tenue  de  voyage  est  une  des  formes  les  plus  fréquentes  que 
revêt  le  mort  sur  les  urnes  funéraires  étrusco-latines;  enfin  l'atti- 
tude même  d'Hercule  et  le  détail  caractéristique  des  jambes  enve- 
loppées ■  en  font  le  héros  victorieux  arrivé  au  calme  immortel.  Mais 
en  pouvons-nous  conclure,  dès  maintenant,  que  le  relief  représente 
l'arrivée  du  mort  au  pays  des  Bienheureux  (distinct  de  l'Olympe), 
figuré  par  Hercule  lui-même  .? 

Tels  sont  les  sarchophages  héracléens.  Si  quelques-un.s  .semblent 
pouvoir  admettre  une  explication  symbolique  funéraire,  le  sens  de 
la  plupart  demeure  incertain:  et  les  séries  les  plus  importantes, 
celles  des  Douze  Travaux,  de  la  vie  Dionysiaque,  des  Centaures, 
ou  bien  souffrent  toutes  sortes  d'interprétations  ou  bien  restent  to- 
talement énigmatiques.  Avant  donc  d'en  entreprendre  la  discussion, 
n'est  il  pas  opportun  de  se  rendre  compte,  p.ir  la  comparaison  de.s 
autres  .sarcopliages  figurés  romains,  s'il  est  légitime  de  chercher 
sous  ces  images  un  sens,  quel  qu'il  soit,  ou  .s'il  n'est  pas  préféra- 
ble de  les  considérer  comme  de  simples  ornements  tirés  de  l'im- 
mense bagage  mythologique  ? 


'  Bullettino  delVImt.,  1868,  p.  102. 
■  '  Voir  infra. 


228 


HKUtlI.E    KUNKKAIKK 


Classement  drs  sdrcojilKiijes  /It/iiri's  romains. 

La  liste,  li)ii;,'iic,  et  ;ui  prcniiiT  aljurd  coiifusc  t\f  ces  représen- 
tations a  été  établie  par  M.  Martlia  ',  reproduite  i)ar  M.  K.  Cahen  ', 
et  doit  être  complétée  d'après  C.  Robert.  Sans  cliercher  à  Tapprofon- 
<!ir  (les  dangers  d'interprétation  Ini  semblent  trop  graves),  M.  Cahen, 
après  av'oirnoté  l'abondaneedes  fal)les  relatives  à  la  fragilité  humaine, 
reconnaît  d'autres  mythes  très  populaires  (dont  celui  d'Hercule),  «  ce- 
pendant moins  souvent  traités  »  '.  II  nous  parait  ici  nécessaire  de  risquer 
un  classement,  avec  d'ailleurs  la  plus  grande  prudence  possible.  Mais 
pouvons-nous  admettre,  avec  M,  Cahen,  que  des  fables  aussi  différentes 
que  celles  d'IIippolyte,  d'Alceste,  et  de  Proserpine,  par  exemple, 
n'aient  eu  qu'une  signification:  la  caducité  des  choses  de  ce  monde  ? 

1°  Celle-ci  est  fréquemment  représentée  par  des  catastrophes 
mythologiques:  d'accord.  Mais  plus  fréquentes  encore  sont  les  scènes 
d'enlèvement''.  Il  suffit  de  dresser  les  deux  listes: 


A  :  Enlèvements 


B:   Catastrop/ies 


d'Ariane  (par  Baeehus) 

d'Europe 

de  Ganymède 

d'Hélène 

d'Hellé  et  Phryxos 

d'Hippodamie  (par  Pélopsj 

d'Hylas 

des  Leucippides 

de  Proserpine 


Actéon 

Amazones 

Hippolyte 

Géants 

Marsyas 

Méléagre 

Niobides 

Phaèton 


'   Qiiid  significnrerint  sejjtdcralea  Xereidum  figurae,  p.  111. 

'  Daremberg-Saglio,  s.  v.  Sarcophngus,  107-1,  ii.  1. 

'  Il  attiimc  même  (1.  c,  n.  2)  ((ue  les  leprésentations  des  Tiavaux 
sont  très  peu  nombreuses.  Or  0.  Kobert  en  a  relevé  plus  de  trente  exem- 
plaires (III,  1,  n.  101  à  i:il). 

■■  Qui  se  retrouvent  d'ailleur.s  dans  les  stucs  des  tombeaux  de  la  Voie 
Latine  et  de  la  Basilique  souterraine  de  la  Porta  Maggiore  à  Rome. 


HEKCULE    Fl'NERAIRE 


229 


D'autres  représentations  se  groupent    sans    difficulté  sous   trois 
chefs,  dont  deux  au  moins  sont  d'interprétation  aisée: 


C:  Amours  d/rines 
et  immortalifc' 


L)  :  Descentes  aux  Enfers 
et  lietoiir  des  Enfers 


Adonis  et  Vénus 
Castor  et  Pollux  ' 
Diane  et  Endymion 
Léda  et  Jupiter 
Mars  et  Rhéa  Sih'ia 
Mars  et  Vé^us 
Pelée  et  Thètis 
Psyché  et  l'Amour  " 


Alceste 

Orphée  et  Eurydice 


La  dernière  série  que  nous  déterminerons  est  très  distincte  des 
autres,  sinon  facile  à  définir;  elle  comprend  les  figurations  d'un 
homme  assailli   par  des  êtres  hostiles: 

E. 

Actéon  et  ses  chiens  ^ 
Oreste  et  les  Furies 
Penthée  et  les  Méiiades 

On  se  rendra  mieux  compte  de  l'individualité  de  cette  série, 
si  l'on  se  rappelle  les  nombreuses  urnes  funéraires  étrusques  oii  est 
sculpté  un  homme  fou  une  femme),  symbolisant  le  mort,  aux  prises 
avec  des  monstres  variés  (fauves,  Scyllas,  Tritons,  Charons)  repré- 
sentant les  forces  infernales.  Les  sarcophages  romains  ont,  suivant 


'  On  sait  que  Pollux,  immortel,  partagea  son  bonheur  divin  avec 
Castor  mortel:  par  amour  fraternel. 

'  Sans  compter  le  symbolisme  facile  du  nom  de  Psyché:  on  ferait 
facilement  de  ce  mythe,  tant  il  est  clair,  la  tête  de  la  série. 

'  Les  Anciens  eux-mêmes  rapprochaient  Penthée  d'Actéon.  Cfr.  Lu- 
cien, Deoruni  Concil.,   7;  de  Peiegriru  morte,  2. 


230  HERCILE    FUNÉRAIRE 

leur  tendiinofi  ordinaire,  substitué  des  scènes  mythologiques  précises 
aux  figurations  purement  symboliques;  au  reste  les  Furies  ont  un 
caractère  infernal  constant;  les  Ménades,  compagnes  de  Bacchus 
souterrain  ',  punissent  sur  Pentliée  la  violation  des  mystères.  On 
pourrait  éprouver  quelque  scrupule  à  placer  dans  cette  série  la  fable 
d'Aotéon,  si  le  l)eau  sarcophage  peint  de  Florence  (qui  date  du 
jV^me  siècle  avant  J.  C.)  ne  portait  sur  chaque  fronton  tin  Jwmme 
assailli  par  des  chiens,  non  autrement  caractérisé  comme  Actéon  : 
le  chien  n'est-il  pas  ici  l'animal  infernal,  comme  Cerbère,  ou  Orthros 
le  chien  de  Géryon,  parent  du  loup  ou  semlilal)le  au  loup,  dont  la 
déi)ouille  sert  de  coiffure  au  Fluton  étrusco-latin  ?  Quifl  qu'il  en  soit, 
le  sens  funéraire  indéniable  de  la  représentation  à  une  date  aussi 
haute  lui   donne   un   intérêt  particulier. 

Ainsi,  la  plus  grande  part  des  représentations  figurées  sur  les 
.sarcophages  romains  se  rattachent  à  quelques  idées  très  simples: 
départ  de  ce  monde  (enlèvements),  fragilité  de  l'homme  (catastro- 
phes), espérances  dans  la  protection  divine  et  dans  le  triomphe  sur 
la  mort  (Amours  divines,  descentes  aux  Enfers),  crainte  des  êtres 
infernaux.  Nous  ne  voulons  pas  dire  par  1;Y  que  tout  Romain,  en 
commandant  un  sarcophage  de  ce  genre,  songeait  aux  idées  symbo- 
lisées par  les  figures;  avec  les  temps,  le  symbolisme  primitif,  devenu 
routinier,  devait  avoir  perdu  toute  sa  force  (qui  songe  aujourd'hui 
k  la]^signification  des  couronnes  que  nous  continuons  à  déposer  sur 
les  tombes?);  mais,  comme  il  n'est  rien  de  plus  persistant  que  les 
coutumes  religieuses  et  surtout  funéraires,  les  marbriers  continuaient 
à  représenter  sur  les  sarcophages  certains  sujets,  à  l'exclusion  des 
antres,  même  quand   ils  avaient  cessé  d'y  attacher  un  sens. 

2°  Un  second  groupe  est  constitué  par  des  scènes  héroïques 
qu'avaient   popularisées  l'épopée  et  la  tragédie. 

'  Ce  sont  les  déesses  clithoniennes  iiui  envoient  et  apaisent  la  folie  : 
le  nom  des  Ménades  est  doi.c  significatif.  Cfr.  Oriihée,  violateur  des  En- 
fers, déchiré  par  elles. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  231 

A  :   Cijde  Troyen  : 

Ilion:  Achille:  Ulysse: 

Jugement  de  Paris  (iLariagede  Tliétiset  Pelée)  Enlèvement  du  Pal- 
Prise  d'Ilion             Achille  à  Skyros  ladium 

Hector  attaquant  les  vais-  Ulysse  et  Philoctète 

seaux  Ulysse  et  les  Sirènes 

Priam  aux  pieds  d'Achille 

Dispute  des  armes  d'Achille 

B:   Antres  Cycles: 

Jason  :  Œdipe  :  Oreste 

Jasou  en  Colchide  Œdipe  et  le  Sphinx  Meurtre  de  Clytemnestre 
Médée  à  Corinthe        Vie  d'Œdipe  Oreste  et  Iphigénie 

C:  Antres  héros: 

Bellérophon.   —  Dédale  et  Icare.   —  Prométhée... '. 

Un  tel  «  répertoire  »  à  l'usage  de  la  sculpture  funéraire  remonte 
sensiblement  plus  haut  que  l'Empire  :  à  preuve  les  urnes  étrusques 
ou  étrusco  romaines  accumulées  au  Musée  de  Volterra  -.  Nous  ne 
saurions  affirmer  que  dans  le  choix  de  ces  représentations  les  idées 
symboliques  ci-dessus  mentionnées  n'ont  joué  aucun  rôle^:  il  est 
même  difficile  de  discerner  si  la  notion  d'/ieroisation  n'a  pas  con- 
tribué à  faire  sculpter  de  telles  scènes  sur  les  sarcophages  *.  Mais 
l'incertitude  nous  oblige  à  garder  à  ce  groupe  son  individualité  en 
face  des  sarcophages  à  sens  symbolique. 

3°  Les  sarcophages  «  héracléens  »  qui  nous  occupent  forment- 
ils  un  troisième  groupe,  ou  doivent-ils  être  interprétés  comme  ceux 

'  Reste  non  classé  le  sarcophage  C.  Robert,  III,  1,  n°  33,  de  sujet 
d'ailleurs  incertain. 

-  Et  aussi  (pielques  monuments  grecs  italiotes:  Voir  infra. 

^  C'est  au  contraire  probable  dans  des  scènes  comme  «  la  prise  d'Ilion  », 
«  Ulysse  et  les  Sirènes»,   «Œdipe  et  le  Sphinx  »... 

*  Cfr.  Lucien,  Ver.  hist..  II,  6  sqq.  :  les  héros  sont  réunis  dans  l'île 
des  Bienheureux,  sous  le  commandement  (V Achille. 


232  IIEUCn-E    Kl'NKRAIRE 

du  premier  ou  du  second  ?  C'est  uue  question  que  nous  ne  pour- 
rons résoudre  qu'à  l'aide  des  textes  ou  par  une  comparaison  mi- 
nutieuse des  monuments.  Sans  préjuger  la  n'-ponse,  il  importe  ce- 
pendant de  remarquer  que  ces  sarci'pliages,  comparés  avec  les  autres 
monuments  du  nicme  genre  classés  ci-dessus,  nous  donnent  l'inipri-s- 
sion   d'une   ri'cliiTclic   symlioliquc.    Kn   effet: 

a)  I/extrême  variété  et  rincohérence  des  tlièiiics  héracléens 
traités  par  les  marbiers  ne  concordent  pas  avec  l'exacte  limitation 
et  la  netteté  chronologique  des  thèmes  empruntés  à  uue  tradition 
littéraire  (tragédie  ou  épopée); 

h)  La  singularité  de  certains  épisodes  triés  dans  la  vie  d'Her- 
cule, sans  qne  leur  célébrité  les  aient  recommandés  à  l'attention, 
incite  à  leur  chercher  une  signification  spéciale  : 

c)  La  présence  d'Hercule  dans  des  scènes  où  il  ne  joue  pas 
le  premier  rôle,  ou  qui  sont  même  tout  à  fait  étrangères  à  sa  lé- 
gende :  enlèvement  d'Hylas  ',  enlèvement  de  Proserpine  ",  union 
de  Mars  et  Rhéa  Silvia,  non  seulement  témoigne  d'une  espèce  d'en- 
traînement k  le  faire  figurer  sur  les  monuments  funéraires,  mais 
nous  oblige  A  nous  demander  si,  outre  le  symbolistne  purement  ra- 
tionnel dont  nous  avons  donné  plus  haut  des  exemples,  les  Romains 
n'avaient  pas  des  raisons  reliç/ieuses  de  le  faire  sculpter,  de  pré- 
férence à  d'autres  liénis,  sur  leurs  sarcophages. 

Ces  indices  nous  encouragent  à  chercher  maintenant  la  discus- 
sion, et,  si  possible,  la  preuve.  Nous  procéderons,  normalement,  des 
temps  les  plus  proches  de  nous  vers  les  influences  italiques  plus 
anciennes  qui  se  sont  exercées  sur  la  pensée  Romaine,  et  vers  la 
source  de  ces  influences,  autant  que  nous  jinurrons  la  saisir  par  les 
textes  confrontés  avec  les  monuments. 


'  La  fable  Alexandrine  ([ui  fait  d'Hercule  rainant  d'Hylas  exi-use  la 
présence  du  héros,  mais  ne  l'explique  pas. 

'  Il  est  peu  probable  qu'il  y  ait  ici  une  allusion  à  l'ingérence  d'Her- 
cule dans  le  culte  syracusain  de  Proserpine. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  233 

II.  —  Le  symbolisme  des  «Douze  Tkavaux  » 

AUX  deux  PKEMIEKS  SIECLES  DE  NOTRE  ÈRE. 

Les  sarcophages  qui  représentent  la  série  des  Douze  Travaux 
ne  remontent  pas  plus  haut  que  le  milieu  du  IT  siècle  après  J.  C. 
IjCS  idées  philosophiques  ou  religieuses  qui  les  expliquent  doivent 
donc  se  chercher  dans  les  auteurs  des  débuts  de  l'Empire  Romain. 
Nous  prendrons  surtout  nos  exemples  dans  Sénèque,  bien  qu'il  se 
soit  adonné  plus  à  la  direction  qu'à  la  prédication  ',  Dion  Chrysos- 
tonie,  Plutarqne,  et  Lucien  qui,  grâce  à  sa  qualité  de  pamphlétaire, 
aborde  des  idées  plus  communes,  moins  purement  philosophiques 
que   les  précédents. 

Ce  n'est  pas  que  la  popularité  d'Hercule  dans  le  monde  italo- 
sicilien  dût  beaucoup  d'abord  aux  philosophes.  La  religion  y  eut 
la  principale  part;  après  elle,  les  auteurs  comiques^  et  les  peintres 
de  vases  qui,  dans  la  Grande-Grèce,  utilisaient  leurs  imaginations'. 
L'influence  de  la  comédie  et  du  drame  .satyrique  attiques,  qui  ridi- 
culisaient de  si  bonne  grâce  le  héros  ^,  ne  se  fit  sentir  que  plus 
tard,  et  modérément,  semble  t-il,  tandis  que  la  tragédie  devait,  au- 
delA  des  pièces  de  Sénèque  '',  fournir  pour  une  part  importante  aux 
thèmes  de  ballet:  spectacle  vraiment  populaire  qui,  au  second  siècle 
de  l'Empire,  utilisa  sans  discrétion  les  divers  épisodes    de  la    vie 

'  Cf.  G.   Boissier,   La    Meligion    Romaine   (V Auguste   aux   Antonins, 

t.  n,  p.  25. 

-  Epicliarnie  avait  écrit  un  'Hoï/.X-?;  -n.-A.   i|>o>.r,,  et  uu  "Hêi;   ^ày-c;. 

'■'  Scènes  de  phi  vaques  sur  les  Vases  Apuiiens.  Voir  0.  Navarre,  Da- 
remberg  Safflio,  s.  v.  Phlyalces,  p.  435  sqq. 

*  Dio  Chrys.,  XXXII  (éd.  Teubner,  I,  p.  432). 

'■  Hercules  furens.  —  Hercules  Oetaeus.  —  Même  si  cette  dernière 
pièce  doit  être  retirée  à  Sénèque,  en  tout  ou  en  partie,  comme  le  pensent 
i-ci'tains  savants  (et  la  conclusion  n"est  pas  certaine),  elle  appartient  à 
son  temps  et  à  l'inspiration  stoïcienne:  ce  qui  nous  suffit  ici  (Voir  la 
bibliographie  résumée  du  problème  dans  l'édition  Peiper-Richter,  Leipzig, 
l!t02,  p.  319  sq.). 


2:14  iiKRciiLK  ki;néraire 

d'Hercule  '.  En  même  temps,  la  faveur  de  VAra  Maximn,  fort 
ai'f^rui"  à  partir  du  III"  siècle  avant  J.  C,  et  peut-être  renouvelée 
à  la  tin  (in  promior  ^'râce  à  Auguste  et  Vir;rilo,  donnait  à  toute 
cette  iniaf,'crii'   un    intérêt   iiatinnal    et    reli;<ieux. 

1 .    Ileriiitr   siinihale  de   ht  Jierfeciion   pliilosoj)hiijii/>. 

L'interprétation  ]ihil(is(ipliique,  elle,  se  fit  f<urtout  i:\-i\fc  aux 
Stoïciens  et  aux  Cyniques.  Ils  furent  d'accord,  dès  le  premier  siècle 
de  notre  ère,  et  d'autres  avec  eux,  pour  créer  une  sorte  de  /.oiv^ 
pliilosophi(|ue,  h  tendance  morale,  et  qui  n'était  qu"«  une  sorte  de 
stoïcisme  aifailili  »  ".  Ainsi  les  deux  sectes  travaillent  par  des  moj'ens 
divers,  les  Cyniques  par  li-nr  zèle  de  propagande  ',  les  Stoïciens 
])ar  leur  long  effort  pour  unir  la  philosophie  aux  religions  popu- 
laires ■*,  à  un  même  résultat,  acquis  à  la  fin  du  II"  siècle:  la  vul- 
garisation de  leurs  principes  moraux  en  conformité  avec  les  formes 
extérieures  de  l'ancienne   mythologie  ". 

Or  Héraclès  est,  pour  les  Cyniques,  le  «  fondateur  »  de  la  Secte, 
leur  dieu  '',  qu'ils  cherchent  à  imiter  jusque  dans  ses  attitudes  ", 
qu'ils  appellent  «  le  meilleur  de  tous  les  hommes,  homme  divin 
certes,  et  que  Ton  a  raison   de  croire  un  dieu  »  ".  tenant  aux  Stoï- 

'  Lucien,  De  Saltatione,  41  et  50. 

^  G.  Boissicr,  La  Tldifiion  R'imainc  d'Auguste  au.r  A  iitonhiR,  t. II.  p.  13. 

'  Ils  arrêtaient  les  passants  pour  les  endoctriniT:  cfr.  Sénèque, 
Jip.,  29,  2. 

*  G.  Boissier,  oj).  cit.,  II,  p.  105. 

^  L'emploi  prédominant  de  la  langue  grecque  dans  la  prédication 
philosophique  au  II''  siècle  est  peut-être,  comme  le  pense  Boissier  [oji. 
cit.,  II,  p.  102)  un  signe  de  son  expansion  à  travers  le  peuple. 

''  Lucien,  Conririum,  16:  «  Ilps-ivu  ooi,  (à  K^.javOî,  .  dit  le  Cynique 
Alcidama.s,  «'Hpi/.Xî'ou;  'A^/tr.ii'-y^  »  —  et  plus  loin:  «  ïsô  rasTî'fî'j  5îo5 
-'yj  'Hjjïz.Xî'ou;  ».  On  comparera,  sur  Héraclès  héros  des  Cyniques,  les  pages 
de  M.  L.  François  {Essai  sur  Dion  Chrysostome,  1921,  p.  150-171),  de 
caractère  plus  strictement  philosophique. 

'  Apulée,  Florid.f  22.  —  Lucien.  Conriv..  14. 

'  Lucien,  Cynicus,  l.'î. 


HERcri-B    FUNÉRAIRE  235 

cieiis,  non  contents  de  considérer  Hercule  comme  un  «sage»  ',  ils 
«n  font  le  symbole  de  l'esprit  philosophique  lui-même '.  Tous  étant 
d'accord,  d'ailleurs,  pour  vanter  presque  dans  les  mêmes  termes  sa 
résistance  à  la  volupté,  sa  force  et  son  énergie  ''  ;  pour  atténuer  les 
crimes  ou  les  faiblesses  que  l'ancienne  légende,  plus  humaine,  lui 
avait  laissés  ■*  ;  pour  en  faire  en  un  mot  le  type  de  la  perfection 
telle  qu'ils  la  concevaient  ^  ;  c"e8t-;\-dire  de  la  philosophie  dédai- 
gneuse ^,  ;\  la  fois  active  et  contemplative  ",  au  besoin  sententiense  :  ' 
au  point  que  Lucien,  éprouvant  le  besoin  de  distinguer  les  vrais 
des  faux  philosophes  (et  cela  est  cependant,  selon  son  habitude, 
dirigé  contre  les  Cyniques),  ne  trouve  personne  à  adjoindre  à  Piii- 
losophie,  chargée  de  cette  enquête,  sinon  Héraclès  lui-même,  le  héros 
des  Cyniques  ". 

2.  Hercule  rapiirorhr  du  peuple. 

Cette  perfection  philosophique  n'eût  sans  doute  pas  été  fort 
propre  à  toucher  le  peuple,  si  la  prédication  n'avait  attaché  ses 
soins  à    présenter    surtout   Hercule   comme    un   «  purificateur  »   de 

'  Ou  «  pliilosoplie  »,  Sapiens:  Sénèque,  De  Conat.  Sap.,  2.  —  Comme 
tel  :  pieux  (Epictète,  Entr.,  III,  26,  32),  strictemenl  obéissant  aux  ordres 
de  la  divinité  (id.,  /b.,  III,  22,  57)  qui  d'ailleurs  l'accompagne  en  toutes 
circonstances  (id.,  ih.,  II,  16.  44},  et  l'exerce  à  la  vertu  au  moyen  des 
épreuves  imposées  par  Eurysthée  (id.,  ?7).,  I,  6,  30-36;  cfr.  Il,  16,  44). 

2  Plutarque,  Mor.,  376  (;. 

'  Cfr.  Sénèque,  De  Const.  Sap.,  3;  et  Lucien,  Cynicii»,  13:  s-jv-pa-rA; 
xat  xapTipô;  rr*   /.ai  /.o-x-ih   r.9;>.E   x.at  Tp'jcpîv   su/.    ÈêoOXîTS. 

*  Sénèque,  Herc.  fur.,  487,  dénombre  Géryon  à  la  suite  des  hôtes 
criminels,  tandis  que  Pindare,  fr.  169  Schroeder,  condamne  la  violence 
d'Héraclès.  —  Et  Plutarque,  Moi:,  785  E,  trouve  que  c'est  une  plaisan- 
terie déplacée  de  la  part  des  peintres  de  le  représenter  aux  pieds  d'omphale. 

5  Plut.,  3loral.,   192  C;  217  D;  1065  C. 

«  Dio  Chrys.,  LXVI  (Teulin.,  II,  p.  227);  —  Plut.,  3Ior.,  90  D. 

'  Plut.,  3}oi:,  387  DE. 

'  «Toutes  mes  actions,  disait  Alexandre,  ne  valent  pas  une  parole 
d'Héraclès  .  (Plut.,  Mor.,  181  D). 

^  Lucien,  Fugitiri,  23. 

Mélange»  d'Arch.  et  dllM.  l!^21-lf^>2.  16 


236  IlKltClI-B    llNfcHAlHK 

lii  terre  '  un  «  vengeur  »  (irsinti'Tessè  •,  un  tenant  de  la  Jnstiee. 
qui  partiiut  poursuit  les  méehunts  et  «eeourt  les  lions ',  et  au  be 
soin  s'élève  contre  la  vanité  et  la  richesse  ■*.  Il  est  rare  pourtant 
que  le  prédicateur  oublie  la  leçon  morale  :  Hercule  purifia  la  terre, 
ainsi  doit  on  purifier  son  ârae^;  Hercule  détruit  ses  maux  physi- 
ques sur  le  bûcher  de  l'Oeta:  avec  une  même  énergie,  luttez  contre 
le  mal  moral";  —  au  besoin  même,  il  modifiera  la  légende  pour 
les  nécessités  de  son  enseignement  '.  Il  n'en  reste  pas  moins  que 
le  héros  est  sans  cesse  présenté  sous  la  fi;;ure  éminemment  popu- 
laire du  roi  juste  destructeur  des  tyrans  *  et  du  pacificateur  nni- 
verseP':  belles  images  qui   flattent  la  foule. 

Mieux  encore.  Au  lieu  d'en  faii'c  un  idéal  inaccessible,  et  par 
suite  décourageant,  les  iirédicalciirs  pujiulaires  surent  çà  et  là  in- 
diquer qu'Hercule  avait  ii.-irt'ois  failli,  (|u"il  avait  «  péché  »  avec 
H.ylas,  s'était  laissé  flatter  par  les  Cereopes,  que  son  bel  éf|uilibre 
philosophique  avait  été    rompu  par  un  accès  de  fblie  '".  Et  ainsi. 

'  Lucien,  Deoi:  Dial.,  13.  —  Epictéte  insiste  surtout  sur  le  caractère 
moral  de  cette  purification:  voir  lùitretienx,  II,  16,  44;  II,  16,  45:  III. 
24,  13;  ni,  26,  32.  Cfr.  III,  26,  31-32.  où  il  attribue  à  la  seule  puissance 
morale  d'Héraclès  sa  domination  sur  le  monde. 

'  Sénèque,  De  lienef.,  I,  13. 

3  Lucien,  BîsylecHS.,  20  (c'est  la  doctrine  stoïcienne);  —  Sér...  Uni. 
fur.,  271  sq(i.;  Dio  Chrys.,  IX  (t.  I,  p.  155). 

«  Dio  Chrys.,  VIII  't.  1,  p.  150}.  ffr.  .\pulée,  Apolofiia.  22. 

=  Dio  Chrys.,  V  (t.  I.  p.  94). 

s  Id.,  LXXVIII  (t.  II,  p.  284). 

■  Ainsi  l'épi.'^ode  de  Nessus:  Dio  Chiys.,  LX  (t.  II,  p.  190  sq.)  — 
Sur  l'interprétation  morale  des  travaux  d'Hercule,  cfr.  E.  Weber,  De  IMone 
Clirys.  Cyniconim  nectatore,  p.  139  sq.  et  236-257.  L'ancienneté  du  pro- 
cédé est  attestée  par  le  titre  d'un  dialogue  d'Antistènes:  'Hfaz.Xx;  i  u-siîlw-. 
r.  -ifi  ços-i-noîcu;  /.«i  layxii;  iCrusius.  Bhein.  3Iuii.,  44,  311,4).  Les  Stoïciens 
suivirent  sur  ce  point  les  Cyniques  (Ed.  Xorden,  Jw  Varrotii.'<  satura.^ 
Menippeas  observationesi  seleclae.  ]i.  300). 

'  Dio  Chrys.,  1  (t.  I.  p.  12  sq(|.;:—  Sén..  Traii.,  pasxhn,  surtout  dans 
Herc.  fur. 

'  Sén.,  Herc.  fur.,  250;  ih.,  442-445:  —  llerc.  oet.,  794  s.|(i. 

'"  Plut.,  Mor.,  990  E;  60  C;  167  D. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  237 

qu'ils  le  voulusseut  ou  non,  ils  satisfaisaient  la  foule  qui  s'était 
attachée  à  Hercule  autant  pour  le  pittoresque  de  ses  aventures  et 
même  pour  ses  défauts  que  pour  ses  vertus.  De  sorte  que  la  phi- 
losophie des  deux  premiers  siècles  de  l'Empire  avait  trouvé  un  nou- 
veau moyeu,  plus  «  actuel  »,  de  contribuer  à  la  popularité  d'Her- 
cule, sans  pour  cela  gêner  les  habitudes  religieuses  ou  autres  qui 
avaient  fondé  cette  popularité. 

Car,  malgré  la  tendance  officielle  de  considérer  à  Rome  Hercule 
comme  un  Dieu  ',  le  peuple,  par  affection  sans  doute,  préférait  le 
rapprocher  de  lui  et  en  faire  un  héros.  A  vrai  dire,  dès  Hérodote, 
on  hésitait  ^,  et  l'ambiguïté  de  cette  situation  fournit  encore  aux 
railleries  de  Lucien,  qui  se  demande  comment  Hercule  peut  A  la 
fois  se  trouver  au  ciel  et  avoir  son  ombre  aux  Enfers  ^.  Les  phi- 
losophes, non  sans  habileté,  concilièrent  ces  diverses  tendances,  en 
affirmant  qu'Hercule  était  un  mortel  que  sa  vertu  avait  fait  con- 
sidérer comme  fils  de  Jupiter  ■*,  et  qui,  par  son  courage  et  ses  bien- 
faits, avait  mérité  les  honneurs  divins,  comme  les  Dioscures  ou  Bac- 
chus':  et  les  mauvais  plaisants  admettaient  implicitement  ce  sys- 
tème, lorsqu'ils  fiisaient  disputer  Hercule  de  préséance  avec  Bac- 
chus  ou   Esculape,   liomme,  lui   aussi,  divinisé  pour  ses  mérites  ". 

'  Ce  qui  explique  sans  doute  l'eneur  voulue  de  Virgile  qui  fait  invoquer 
à  VAra  Jla.diiia  les  autres  dieux  auprès  d'Hercule  {Arii.,  ^'III,  103),  alors 
que  nous  savons  par  Servius  {ad  hc.)  que  le  rite  du  sanctuaire  exigeait 
au  contraire  que  la  prière  fût  adressée  à  Hercule  seul  :  lite  réservé  aux 
héros,  non  aux  dieux,  comme  nous  l'apprend  Plutarque  {Moral,  285  E). 

'  Hérodote  prétendait  qu'il  était  dieu  chez  les  Egyptiens,  héros  chez 
les  Grecs:  Cf.  Plutarque,  Mor.,  857  D.  Voir:  Mnsée  Belge,  1910,  p.  313- 
340:  Héraclès,  le  dieu  et  le  héros. 

'  Lucien,  Dial.  Mort.,  16. 

*  Dio  Chrj's.,  II  (t.  I,  p.  38);  —  Epictète,  J'Jntr.,  II,  16,  44. 

^  Ps.  Lucien,  Chandemns,  6;  —  Plut.,  il/oc,  361  E;  —  Apulée,  Apo- 
logia,  22.  Cfr.  Epictète,  Mitr.,  III,  22,  57.  —  A  la  tin  de  l'Antiquité 
païenne  encore,  Nonnos  (Dionys.,  XIII,  21-34)  affirme  qu'Hermès,  Apollon, 
Dionysos,  et  Zens  lui-niênie,  n'ont  mérité  le  ciel  que  par  leurs  fatigues  et 
leure  exploits. 

^  Lucien,  Jup.  Tray.,  12;  Deor.  I)ial..  13. 


238  HEUCI:LE    KtNKItAIRE 

On  ne  s'arrêta  pas  en  si  beau  cliomiii  :  Ifr  héms  Hercule  est 
volontiers  considéré  comme  un  homme,  tout  simplement,  victime  d'ac- 
cidents misérables  ',  au  reste  serviable  ;\  ses  concitoyens  '.  Et  l'on 
donne  couramment  sou  nom  à  tel  contemporain  ',  à  un  SôstratoB 
de  Béotie,  qui  vit  sur  le  Parnasse,  à  la  dure,  détruit  les  brigands, 
fait  des  routes  et  des  chaussées  *.  Ainsi  s'achève  l'humanisation  du 
héros. 

3.   Hercide  symljoli'  de  hi  fortime  et  de  l'infortune  humaines. 

Le  voilà  familièrement  adoré,  ou,  pour  mieux  dire,  fréquenté 
par  les  soldats  et  les  paysans'^,  par  les  ouvriers  et  les  esclaves  ': 
par  tout  le  petit  peuple.  Mais,  plus  ^généralement  encore,  devenu 
le  symbole  suprême  à  la  fois  de  la  fortune  et  de  l'infortune,  c'est- 
à  dire  de  toute  condition   humaine. 

Sans  avoir  jamais  été  affranchi  des  nécessités  de  l'existence, 
les  biens  lui  ont  coulé  en  abondance,  il  a  été  toujours  vainqueur, 
la  Fortune  l'a  sans  cesse  accompagné  dans  le  cours  de  ses  travaux  ": 
est-ce  pour  la  récompenser  qu'il  lui  a  donné  la  corne  d'Achelôos,  l'un 
des  plus  hauts  présents  de  la  nature,  qui  «  figure  l'affluence  des  biens 
et  le  bonheur  »  ?  *  Eu  tout  cas.  la  Fortune  et  Hercule  se  trouvent 
intimement  liés  ". 

'  Sén.,  Herc.  Oet.,  puKxim  ;  —  Ps.  Dio  Clirys.,  LXIV  (t.  II.  p.  212). 

2  Dio  Cbiys,  XLVII  (t.  II,  p.  130). 

■'  Varron,  'A">.),»;  sîts;  'Hpot/.Xr?. 

*  Lu''ien,  Demona.r,  1:  «  iv    'Hpa/.).:'a  si  "EXXr.v-;  {y.iXyn   /.i:  m;i-s  iliit  >. 

5  Hercules  Militaris;  Hercules  Jiiisticus. 

^  G.  Boissier,  La  Keligion  Romaine  d'Auguste  au.r  Antonins,  II,  240. 

'  Plut.,  Mor.,  1058  C;  Dio  Chrys.,  XXXVII  (t.  II,  p.  297):  LXIII 
(t.  II,  p.  205). 

s  Dio  Chrys..  LXIV  (t.  II,  p.  208);  LXIII  (t.  II,  p.  205  sq) 

'■'  Déjà  dans  l'Iiyiune  homérique  à  Héraclès  (XV,  9).  les  hommes  de- 
mandent à  Héraclès  divinisé,  avec  le  courage,  le  bonheur  matériel.  Et 
les  Grecs  de  la  péninsule  italiipie  l'imploraient  pour  «  la  lionne  réputa- 
tion »,  oi;av  à-yiOiv:  nous  dirions  «  la  réussite  »  (inscription  archaïque  de 
S.  Manro  Forte,  près  Potenza:  l\ot.  d.  Seari,  1882,  p.  120  et  pi.  XI). 


HERCULE   FUNÉRAIRE  239 

Mais  le  héros  n'en  est  pas  moins,  il  est  peut-être  davantage, 
le  sj'mbole  de  la  souffrance  '.  Il  partage  avec  Peuthée  et  Actéon, 
qui  figurent  si  souvent  sur  les  sarcophages  à  ce  titre  ^,  le  triste 
privilège  d'être  appelé  le  plus  malheureux  des  hommes,  et  on  le 
priait  pour  éviter  les  malheurs  ^.  Mieux  (et  en  cela  il  fournit  aux 
infortunés  un  symbole  plus  flatteur  encore),  il  est  une  sorte  de 
martyr  de  la  vertu  ■*.  Et,  si  Ton  reconnaît  avec  Plutarque  ^  que  la 
vie  n'est  qu'un  long  cercle  de  peines,  si  l'on  avoue  avec  Senèque  " 
«  qu'elle  est  dure  la  route  qui  mène  au  ciel  »,  Hercule,  qui  «  par 
de  grandes  peines  a  acheté  l'immortalité  ~  »,  n'est-il  pas,  comme 
l'affirment  les  philosophes,  l'image  la  plus  nette  à  la  fois  et  la  plus 
populaire  des  misères  de  ce  monde  et  des  espérances  de  récompense 
céleste  ? 

■i.  Hercule  et  le  «  Triomphe  sur  la  mort  »  ; 
sa  lutte  contre  les  Enfers. 

Telle  apparaissait  sj'mboliquement  la  vie  d'Hercule.  Mais  il 
est  quelque  chose  qui  semble  avoir  intéressé  encore  davantage  les 
Romains,  c'est  son  triomphe  sur  la  mort.  On  a  remarqué  à  bon 
droit  combien  les  descriptions  et  représentations  des  Enfers  les  préoc- 
cupaient plus  que  le  Grecs  *  :  que  cela  fût  dans  leur  Génie  naturel, 
ou  qu'ils  eussent  subi  l'influence  des  Etrusques  ',  ou  même  des  py- 
thagoriciens (ou  orphiques)  de  l'Italie  méridionale  '".  Et  à  nul  mo- 

I  Daus  Euripide  déjà  (fferc.  fur.,  1010  et  1195  sqq.):  mais  en  des 
formules  tragiques   très  banales. 

•  Lucien,  Deor.  Goncit.,  7. 

•••  Dio  Chrys.,  VIII  (t.  I,  p.  149). 

*  Id.,  XXXI  (t.  I.  p.  349). 
'  Plut ,  3Ior.,  107  A-C. 

^  Herc.  fur.,  437:  «Non  est  ad  astra  mollis  e  tenis  via  ». 
"  Lucien,  Deor.  Concil.,  6. 

^  G.  Boissier  La  Religion  Romaine... ,  I,  p.  273  et  27G  .<q. 
^  Cfi-.  F.  Weege,  Die  Etruskifclw  Malerei,   ^Halle,   1921),  ixissim. 
'"  E.  Nordcn,   Vcrg.  Aen.VI',  p.  21. 


240  HERCULE    FrNÉUAIKE 

ment  sans  doute  davantage  qu'aux  I""  et  II"  siècle  de  notre  ère  '. 
Nous  avons  la  bonne  fortune  de  posséder  deux  tragédies  de  Sé- 
nèque  sur  Hercule  (Heirules  f'iirens;  llorcules  OeUieus)  et  leurs  mo- 
dèles grecs  (Euripide, 'Mis:/./."?;;  y.7'.voaîvo;  :  — Sophocle,  les  Tra- 
chiniennes).  L'occasion  est  belle  pour  qui  veut  se  rendre  compte 
de  l'évolution  des  idées  et  de  la  différence  des  préoccupations.  Or, 
dans  les  pièces  latines,  il  est  sans  cesse  question  des  Knfers,  de  la 
mort,  de  la  vie  future,  alors  qu'on  serait  en  peine  d'en  trouver 
deux  ou  trois  mentions  dans  les  pièces  grecques.  Il  est  vrai  que 
Sopliocle  en  avait  écrit  une  intitulée  'lIpz/./.v;;  ir.':  Ty.vy.pw,  où  il 
traitait  de  la  descente  d"IIér:ieb'"s  au.\  ICnfers:  mais  c'était  un  drame 
satyrique,  où  le  héros  devait  avoir  un  rôle  peu  sévère,  selon  la  tradi- 
tion, et  qui  par  suite  se  prêtait  difficilement  à  la   philosophie. 

Que  nous  apprennent  done  les  tragédies  de  Sénèque  ? 

Trois  fois  Hereule  a  été  aux  prises  avec  les  divinités  de  la 
mort,  et  trois  fois  il  en  a  triomphé:  voilà  (e  qui  a  frappé  8énèque, 
et  ce  qu'il  dit  avec  une  force  extrême,  exagérée  encore  p.ir  l'emploi 
constant  de  l'antithèse. 

à)  Et  d'abord  à  Pylos  ',  il  engage  la  lutte  contre  <,<  le  roi 
qui  règne  sur  les  peuples  les  plus  nombreux  »  :  il  le  blesse,  «  et 
mortis  dominus  pertimuit  mori  »  ^. 

h)  Puis  il  descend  aux  Enfers,  pour  aller  y  chercher  Cer- 
bère. Mais  Sènèque  a  grand  soin  de  représenter  ce  voyage  comme 
une  entreprise  violente  dirigée  contre  Plutou,  et  qui  alioutit  à  la 
confusion  des    puissances    de  mort,   dont    les  droits  sont  frustrés  *. 

■  Cfi'.  les  fantaisies  impériales  île  Caligula,  et  d'Hadiien  dans  sa  villa 
de  Tibur,  G.  Boissier,  Fromenades  A  trheoloniqties  ',  p.  2.Ô0. 

-  La  légende  se  trouve  déjà  dans  Homère,  7/.,  E,  89.5  sqq. 

^  Sén.,  Herc.  fur.,  565. 

*  Id.  ib.,  47  sqq.  :  «  EftVcgit'eccc  liiiieii  infenii  loiiis,  |  et  opima  uicti 
régis  ad  superos  refert  ■> .  —  «  K<edus  umbraruui  périt  > .  —  Ih.,  55  sq.  :  <■  Pa- 
tefaeta  ab  imis  manibus  retio  nia  est,  |  et  sacra  dirae  mortis  in  aperto 
iacent».  —  Cfr.  id.,  Herc.  Uet.,  1558:  «  Morte  dcuicta  »  —  Xe  dirait-on 
pas  d'un  poète  chrétien  qui  chanterait  la  victoire  du  Christ  sur  la  moit  ? 


HERCLLE    FLXÉRAIRE  241 

c)  Enfin  le  bûcher  de  l'Oeta  lui  permet  «  âe  briser  à  nou- 
veau l'affreuse  puissance  de  la  mort  »,  «  île  vaincre  à  nouveau 
l'Kufer  »  '. 

Des  affirmations  aussi  nettes  et  aussi  répétées  '  ne  laissent  au- 
cun doute  sur  le  sens  symbolique  attadié  par  Sénéque  à  ces  trois 
épisodes  de  la  vie  d'Hercule.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de  rechercher 
s'ils  avaient  ce  sens  ciiez  les  Grecs  '  :  mais  nous  sommes  bien  forcés 
de  remarquer  que  ni  chez  Sophocle  ni  chez  Euripide  on  ne  trouve 
rien  de  semblable  ni   même  d'approchant. 

Il  y  avait  une  difficulté  dans  cette  interprétation,  si  Ton  veut 
simplement  considérer  le  mythe  d'Hercule  comme  une  belle  histoire 
bien  ordonnée.  C'est  que  ces  triomphes  successifs  sur  la  mort  mar- 
([uaient  autant  Je  fois  la  tin  logique  du  cycle  d'aventures^.  Les 
Grecs  n'en  étaient  pas  gênés,  puisqu'ils  n'insistaient  pas  sur  le  sens 
profond  de  ces  épisodes;  sms  doute,  lorsqu' Euripide  indique  que 
la  descente  aux  Enfers  est  le  dernier  des  travaux  ordonnées  par 
Eurysthée  \   utilise-t-il  une  vieille  tradition  conforme  au   sens  réel 

'  Lorsque  le  litiros  est  brûlé  par  la  tunique  de  N'essus,  Alcmène  les- 
horte  en  ces  termes  {Itère  Œt.,  1376):  «  Mortemque  differ:  quos  soles, 
vince  iuferos  ».  —  Son  ombre  apparaît  à  Alcmène  qui  s'écrie  (»6.,  1947  sq.)  : 
«A  .Styge,  gnate,  redis  iterum  milii:  |  fractaque  non  semel  est  mors  bor- 
rida  ?»  ;  —  et  il  répond  '^1976)  :  «  Inferna  uiei  rursus  Alcides  loca  » . 

-  Nous  n'avons  pas  cité  tous  les  passages  que  l'on  pourrait  invoquer. 

'  Il  semble  que  de  telles  idées  n'aient  pas  été  tout  à  fait  étrangères 
au  moins  à  certaines  parties  de  la  population  hellénique.  Sur  la  croyance 
en  la  valeur  purifiante  et  libératrice  du  feu  manifestée  par  le  biicher  de 
rOeta,  voir:  B.  Schweitzer,  HeniJchs,  1922,  p.  235:  mais  cette  croyance 
semble  s'être  afl'aiblie  avant  de  reprendre  une  force  sensible  au  siècle 
dont  nous  nous  occupons.  —  Le  symbolisme  de»  délivrance  contenu  dans 
le  mythe  d'Héraclès  aux  Enfers  semble  assuré  par  un  vase  de  l'Italie 
méridionale  qui  représente  à  la  fois  la  descente  d'Orphée  chez  Hadès, 
celle  d'Héraclès  vainqueur  de  Cerbère  et  la  délii-rance  de  Thésée  (W.  Ame- 
lung,  Orj^hisches  in  unieritalischen  Vasenmalerei,  Boni.  MitiheiL,  1898,  p.  103 
et  106  sq.). 

*  Il  en  était  d'ailleurs  de  même,  mais  moins  nettement,  de  l'aven- 
ture des  Hespérides. 

"  Eurip.,  'H:.  _u.»ijiM..,  827  sqq.  Cfr.  ih.,  427. 


242  HERCULE    FUNÉRAIRE 

de  cet  événement  '  ;  mais  il  n'en  fait  d'autre  usa;^e  qui-  de  donner 
désormais  le  droit  à  liera  de  se  décliaiiier  personnellement  contre 
le  héros,  dont  les  ratij,'iieH  ne  sont  donc  pas  linies  '.  Mais  Sénèque, 
insistant  sur  le  symbolisme  de  ces  aventures,  ne  peut  qu'eu  subir 
l'incohérence.  Il  allirme  non  seulement  que  la  Descenff  aux  Enfer» 
est  le  douzième  des  travaux  ^;  mais  que  c'est  l;'i  le  lalpciir  suprême, 
et  le  couronnement  de  sa  carrière  vi<t(iricusc  ',  l'exiduit  au  dessus 
duquel  il  n'y  a  plus  rien  ''.  \'A  il  se  tniuve  jiar  suiti'  fort  embar- 
rassé pour  qualifier  le  bûcher  de  l'Octa  (;t  signifier  qu'il  marque 
«  la  dernière  fin  »  de  la  vie  d'Hercule  '^  :  la  gradation  se  trouve  ainsi 
sauvegardée  dans  la  mi'sure  du  po9sil)le.  <''est-à-dire  fort  mal.  Encore 
a-t-il  fallu  négliger  l'aventure  de  Pylos,  moins  connue  que  les  autres. 
Mais  on  peut  penser  que  de  telles  subtilités  étaient  étrangères 
à  la  généralité  des  Romains;  que  pour  eux  la  Descente  aux  Enfers 
et  le  Bûcher  de-  l'Oeta  avaient  exactement  même  signification  et  que 
l'un  des  deux  évènenu;nts  suffisait  à  figurer  le  triom|)lic  sur  la  mort. 
Il  est  même  probable  que  le  peuple  était  plus  sensible  au  symbo- 
lisme de  la  Descente  aux  Enfers,  d'un  effet  plus  direct  sur  des 
imaginations   vulgaires,   possédées  par  la  ti'rreur  des  peines  d'ontre- 

'  CtV.  Dio  Ciiiys.,  XLVII  (t.  II,  p.  l.-JO).  —  Selon  von  Wilaniowitz- 
JMoelleudorff  {Heraklea  ',  I,  p.  no),  la  légende  argienne  antê-liésiodique 
d'Héraclès  se  terminait  par  un  voyage  aux  Enfers  et  un  voyage  au  ciel, 
conformes  d'ailleuis  à  la  légende  primitive.  Sans  aller  jn.squ'à  une  re- 
construction aussi  complète,  et  par  suite  aussi  aventureuse,  il  ne  semble 
pas  douteux  que  le  voyage  vers  Hadès  ait  été  originairement  le  dernier 
exploit  du  héros  (0.  Gruppe,  Pauly-Wissowa  Beat-Kncycl.,  Suppl.  III, 
1027  s(|.  —  Cfr.  Ettig,  Adwntntica,  Leipziyer  Siud.  z.  class.  Fhilol.,  \:\, 
p.  283). 

-  L'ancienne  légende  ne  connaissait  pas  cette  interdiction  faite  à  liera 
d'accabler  Héraclès  durant  le  cycle  des  Douze  Travaux,  et  Sénèque  ne 
l'utilise  pas. 

3  Sén.,  Herc.  fur.,  832  sq.;  et   12S2. 

*  Sén.,  Herc.  Oet.,  1197:   «Spolia  nunc  traxi  nltima  \  fato  stupent««. 

^  Sén.,  Herc.  fur..,  614:   «  Da,  si  (piid  ultra  est  •. 

"  Sén.  Herc.  Oet.,  1477  sq.:  «  Hir  tilii  (llerculil  cmenso  fieta  |  ter- 
rasi|uc  et  umbras,  finis  e.rtremus  (bitur. 


HERCl'LE    FUNÉRAIRE  243 

tombe  et  crédules  à  oertaiiies  superstitions  qui,  entre  autres  moyens 
magiques  d'acquérir  l'immortalité  bienheureuse,  énou(;aient,  «  la 
vue  de  Vcdiiis  (Jnpiter  infernal  ^  Phiton)  et  de  sa  femme  »'.  11 
est  curieux  de  voir  Sénèque  faire  nu  usage  direct  de  ces  croyances 
populaires:  ce  (lui  ajoute  à  la  contîance  que  nous  pouvons  avoir 
dans  l'objectivité  des  conceptions  eschatologiques  énoncées  dans  ses 
pièces.  En  effet,  non  seulement  il  indique  qu'étant  descendu  vivant 
aux  Enfers,  Hercule  désormais  ne  peut  plus  mourir  °,  mais  il  af- 
firme :\  plusieurs  reprises  que  cet  exploit  lui  donne  des  droits  à 
la  vie  immortelle  en  compagnie  des  dieux  ''.  Il  est  même  possible, 


'  Maitianus  Capella,  II,  142.  Cette  tradition  est  certainement  an- 
cienne, piiis(|n'elle  remontait  à  rEtrurie(«  Vedium  oum  uxore  conspicere, 
sicut  suadebat  Etriuia»).  Les  Grecs  ne  la  connaissaient  pas.  C'est  ainsi 
i)ue  Sophocle  {2'rach.,  1202)  montre  Héraclès,  près  de  monter  sur  le  bû- 
cher d'Oeta,  s'attendant  à  aller  aux  Enfers,  comme  tous  les  hommes  après 
h'ur  mort:  il  menace  son  fils  Hyllos,  s'il  n'accomplit  pas  ses  dernières 
volontés,  de  le  punir  du  fond  de  l'Hadès,  v-pO-v.  —  Au  contraire,  Virgile 
semble  bien  y  faire  allusion  ,4e».,  VI,  129.  C'est  à  peine,  dit-il,  si  Ju- 
piter accorde  la  fuvevr  de  pénétrer  vivant  aux  Enfers  à  quelques  enfants 
des  dieux,  qui  la  méritent  par  leur  vertu.  La  vue  des  Enfers  est  donc 
ici  conçue  comme  une  récompense  réservée  à  des  hommes  qui  ont  des 
droits  à  riraraortalité  bienheureuse.  Quelle  peut  être  cette  récompense, 
sinon  de  leur  permettre  d'acquérir  ensuite  plus  facilement  cette  immor- 
talité? —  L'introduction  de  cette  superstition  dans  le  monde  Romain 
doit  donc  être  assez  ancienne,  en  tout  cas  antérieure  à  la  ruine  totale 
de  l'Etrurie,  consommée  par  Sylla.  On  n'invoquera  pas  contre  une  telle 
conclusion  les  tentatives  épicuriennes  du  début  du  premier  siècle  avant 
J.  C.  pour  supprimer  les  terreurs  de  l'Enfer  par  l'aflirmation  de  la  mort 
totale  de  l'individu  (cfr.  G. BoiBiier, La Beligion  liomaine...,  I,  p. .SOTsqq.): 
elles  s'adressaient  au  public  restreint  de  l'aristocratie  dé}h  fortement  tou- 
chée par  l'irréligion.  Si  des  nobles  presque  athées  craignaient  encore  les 
peines  d'outre-tonibe,  que  devait-il  en  être  du  peuple  '.'  Et  quelles  supers- 
titions variées  devaient  lui  offrir  des  consolations  ou  des  espérances'/ 

'  Sén.,  Herc.  Oet.,  766  sq. :  «Mors  refugit  illum,  victa  quae  in  regno 
suo  I  semel  est  •. 

^  Sén.,  Herc.  Oet.,  79  sq.  :  Que  le  monde  soit  bouleversé,  s'écrie 
Hercule  «  si  post  feras,  post  bella,  post  stygium  canem  1  haud  dum  astr;i 
merui  ».  —  Et  la  formule  est  parfaitement  claire  Herc.  fur.,  423:  «  In- 
ferna  tetigit  (Hercules),  posset  ut  supera  assequi  ». 


244  HBKCILE    KI'.NÉKAIRE 

dans  fies  conditions,  que  la  de.<eente  d'IIeri-iile  aux  Enfers  soit  pour 
les  hommes  non  seulement  un  s;/mhoIe.  mais  une  ijaiantie  d'ira- 
niortalité:  e'est  du  moins  ce  que  semblent  indiquer  quelques  vers 
d'interprétation  difficile  '.  Hercule,  dit  Sénèque,  a  étaldi  la  paix 
à  travers  le  monde  '  ;  et  le  poète  continue  en  ces  termes  : 

Transuectus  iiada  Tartari 

paca'is  redit  inferis, 

iam  nullus  superest  timor  : 

iiil   ultra   iacet   inferos. 

Le  sens  général  est  très  clair:  la  descente  aux  Enfers  marque 
l'achèvement  de  la  pacification  universelle.  Mais  comment  compren- 
dre cette  pacification,  sinon  (ce  que  fait  Sénèque)  comme  la  des- 
truction de  tous  les  monstres,  de  tous  les  tyrans  qui  oppriment 
l'humanité  f  Et  alors  il  faut  bien  entendre  «  timor  (homintim)  »,  et 
conclure  que  VEnfer  n'est  plus  à  crainde  pour  les  mortels.  A 
quoi  répond  cette  affirmation,  comment  se  figurait-on  cette  déli- 
vrance, c'est  ce  qu'il  nous  est  impossible  de  dire.  «  On  croit,  nous 
rapporte  Servius  ',  qu'avec  le  secours  des  morts  un  homme  peut 
arriver  ;\  tenir  tête  au  destin  »,  c'est  à  dire  à  la  prédestination 
de  sa  vie  et  surtout  de  sa  mort.  Cette  simple  phrase  nous  autorise-t- 
elle  à  supposer  que  les  dévots  d'Hercule  espéraient,  grâce  à  lui, 
échapper  à   Pluton  :' 

5.    Ilf'nule  et   «  le   Triomphe  sur  lu  mort  »  :  l'apotlicose  p(tr  le  feu. 

Mais  si  le  peuple  se  figurait  d'ordinaire  le  séjour  des  âmes 
sous  la  terre  et  dans  le  tombeau,  la  société  cultivée  le  pla(;ait  de 
préférence  dans  les  astres*;    et  il  est  donc    logique  que,  la  foule 

'  Ilerc.  fur.,  SS9  snq. 

^  L'idée  est  commune  à  cette  date,  et  très  firijucmmeiit  exprimée 
p.Tr  Sénè(iue. 

^  Ad   Virg.  Georg.,  I,  277. 

'  Cfr.  G.  Boissier,  La  Jieligioii  Uoiiuiiiie...,  I,  p.  304  sqq. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  245 

s'attachant  surtout  ;\  la  Descente  aux  Enfers,  l'aristocratie  de  l'esprit 
ait  choisi  plutôt  comme  symbole  du  triomphe  sur  la  mort  le  bûcher 
de  rOeta. 

Les  préférences  de  Sénèque  ne  sont  point  douteuses.  Quand  il 
parle  pour  son  compte,  avec  une  entière  sincérité,  il  déclare  que 
«  c'est  la  vertu  qui  trace  le  chemin  vers  les  astres  et  les  dieux  »  '  ; 
ou,  de  façon  un  peu  plus  atténuée,  «  que  les  mérites  de  l'homme 
sur  terre  l'autorisent  k  demander  à  la  divinité  d'accepter  son  esprit 
dans  les  astres  »  "  :  sans  se  soucier  d'ailleurs  de  la  contradiction 
réelle  entre  de  telles  formules  et  les  vers  où  il  exprime  les  croyances 
populaires  ^.  Sous  forme  mythologique,  c'est  l'apothéose  d'Hercule,  sa 
réconciliation  avec  Junou,  son  mariage  avec  Hébé  :  toutes  choses  rebat- 
tues, et  dont  il  se  débarrasse  par  une  prophétie  *.  Mais,  philosophique- 
ment parlant,  cette  apothéose  n'est  que  la  figure  de  celle  des  justes. 

Aussi  Sénèque  trouvet-il  utile  d'exprimer  cette  idée  non  point 
seulement  sous  l'image  d'Hercule,  mais  en  termes  tout  généraux  : 
«  la  vertu,  dit-il,  a  sa  place  marquée  parmi  les  astres  »  "  ;  plus  pré- 
cisément, le  courage  ^  ;  mieux  encore,  la  résistance  stoique  et  silen- 
cieuse à  la  douleur  '.  Avec  les  philosophes,  les  rois  justes  gagneront 
le  ciel,  ou,  à  la  rigueur,  siégeront  comme  juges  aux  Champs-Elysées  *. 


'  Sén.,  Herc.  Oet.,  1942  sq. 

'  Id.,  (6.,  1701  sqq. 

^  Voii-  supra.  —  A  la  suite  du  dernier  passage  cité,  Hercule  a  l'air 
très  persuadé  que,  sans  une  volonté  expresse  de  Jupiter,  il  ira  avec  les 
autres  morts  aux  Enfers.  —  Dans  Herc.  fur..,  l.  c,  la  Descente  aux  En- 
fers suffisait  à  lui  livres  l'accès  auprès  des  immortels. 

*  Sén.,  Herc.  Oet.,   1432  sijq. 
=  Id.,  ib.,  1564. 

'^  Id.,  ib.,  1984  sqq.:  <  Uiuiiiit  fortes,  i  nec  Tietliaeos  saeua  per  amnes 
I  uos  fata  trahent  ». 

'  Id.,  ib.,  1710  sqi).:  «Si  noces  dolor  |  abstnlerit  iiUas,  pande  tum 
Stygios  lacus,  |  et  redde  fatis  ». 

*  Sén.,  Herc.  fur.,  739  sqq.  —  Il  y  a,  dans  ce  dernier  passage,  un 
curieux  mélange  des  croyances  philosophiques  et  des  traditions  de  la 
religion  populaire, 


246  HKRCl'LE    FliSKRAlItE 

A  vrai  dire,  il  est  parfois  difficile  de  déterminer  dans  Séuèque 
s'il  conçoit  ce  séjour  dans  les  astres  comme  une  réalité  métapliy^itiue 
(ce  que  semlile  faire  Plutarquej,  ou  si  ce  n'est  pour  lui  (iii'une 
façon  enipiiatique  de  signifier  l'immortalité  de  la  gloire  '.  Mais  les 
philosopiies  stoïciens  ou  cyniques  ne  se  contentaient  pas  toujours 
de  prendre  le  hiiclier  de  l'Oeta  pour  un  symbole,  et  de  conseiller 
à  leurs  adeptes  «  de  faire  an  moral  ce  que  fit  Hercule  sur  TOeta, 
lorsque,  détruisant  ce  qui  était  humain  en  lui,  il  devint  dien*'; 
tel  d'entre  eux,  le  Cynique  Peregrinus,  curieusement  frotté  de  chris- 
tianisme et  de  brahmanisme,  se  brûla  vif,  laissant  courir  un  soi- 
disant  oracle,  «  qu'il  allait  siéger  auprès  d'Héphaistos  et  du  prince  . 
Héraclès  »  '.  Et  l'apothéose  impériale  n'était  rien  autre  chose,  sauf 
le  détail  que  le  souverain  était  mort:  le  philosophe  s'était  mieux 
conformé  au   rite  d'immortalité   institué   par  Hercule. 

Car  c'est  bien  un  rite.  La  foule  qui  assiste  à  l'apothéose  im- 
périale ft  (|ui  voit  lin  aigle  s'échapper  du  bûcher  *  est  persuadée 
qu'à  ce  moment  le  prince  mort  devient  dieu  :  comme  Hercule.  Mais, 
nous  l'avons  vu  '',  Hercule,  ayant  aperçu  de  son  vivant  l'iuton  et 
l'roserpine,  par  cela  seul,  qui  est  encore  un  rite,  s'est  affranchi 
de  la  mort.  Et  les  deux  conceptions,  cependant  contradictoires,  se 
retrouvent  dans  les  mêmes  pièces  de  Sénèque  :  attestant  simplement 
ceci,  que  les  différentes  classes  de  la  population  cherchaient  de  fa- 
çons différentes  à  satisfaire  les  mêmes  aspirations,  mais  dans  une 
seule  légende,  celle  d'Hercule. 

'  Voir  Herc.  Oet.,  1986  sq(j.  :  «  Scd  cuui  suminas  |  exiget  lioias  con- 
sumpta  dies,  |  iter  ad  superos  (/^^r/if  pandet  «.Cfr.  De  trinKiitiU.  aiiiiin\  là. 

'  Ijucien,   Hermotim.,  7.  C'est  un  Stoïcien  qui  parle. 

'  Lucien,  De  Peregrini  morte,  ât*.  —  Pour  l'ancienneté  du  rite:  voir 
Phorkys  ressuscitant  sa  tille  par  le  feu  (Lycopliron,  48).  A  Rome:  Cfr.  Cic, 
De  divin.,  L  23. 

*  Lucien,  l.  c,  pour  se  moquer  de  Peregrinus  et  des  crédules,  dit 
qu'un  énorme  vautour  s'est  écliappé  des  tlanimes  en  criant:  c 'ICXi-s-. -vîo 
fianw  o'È;  'OX'ju.ttsv  »   parodie  très  sensible. 

5  Supra,  p.  LM3-244. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  247 

Quant  à  l'esprit  et  même  k  la  manie  d'interprétation  mystiqne 
;'i  cette  date,  quelle  nieillenre  preuve  en  donner  que  cette  remar- 
que de  Dion  Clirysostôme  '  qu'on  voyait  «  k  Athènes  la  statue  d'un 
enfant  initié  aux  mystères  d'Eleusis,  sans  inscription  :  et  l'on  dit 
que  c'est  Héraclès  »  ;  alors  que  l'ancienne  tradition  prétendait  que 
le  liéros  avait  été  initié  à  l'âge  d'homme  ?  Mais  quoi  ?  Le  myste 
éleusinien  n'avait  il  pas  subi  des  épreuves  ?  Ne  voyait-il  pas  face 
à  face  les  dieux  souterrains  ?  N'était  il  pas,  par  cela  seul,  assuré 
d'une  immortalité  bienheureuse  ?  Et  ne  représentait-il  pas,  somme 
tonte,  par  ces  différents  traits,  les  mêmes  eiforts,  les  mêmes  rites, 
les  même.s  espérances  que  tous,  peuple  et  aristocratie,  se  plaisaient 
à    retrouver  dans  la  vie  aventureuse  d'Hercule  ? 

Conclusions. 

Ainsi  s'affirme  le  symbolisme  des  sarcophages  <<  aux  Douze  Tra- 
vaux »,  le  plus  ancien  d'entre  eux'  insistant  le  plus  sur  les  scènes 
du  triomphe  sur  la  mort,  sans  hésiter  même  à  bouleverser  l'ordre 
des  tra\aux  pour  mieux  mettre  ces  scènes  en  valeur:  c'est  l'exact 
commentaire  figuré  des  vers  de  Sénèque,  des  phrases  que  nous 
trouvons  dans  Lucien,   Epictète  et  Dion. 

Pourquoi,  daus  la  suite,  le  symbolisme  de  ces  sarcophages  sem- 
b!e-t  il  négliger  les  scènes  d'immortalité  pour  s'attacher,  semble-t-il, 
aux  seules  traverses  de  la  vie  d'Hercule,  considéré •  comme  l'exemple 
A  la  fois  de  l'acharnement  du  sort  et  de  l'appui  constant  de  la 
Fortune  :  c'est  une  question  à  laquelle  il  nous  est  difficile  de  ré- 
pondre. Faut-il  voir  dans  ce  fait  le  témoignage  d"un  fléchissement 
des  conceptions  métaphysiques,  une  vue  plus  réaliste  de  la  destinée 
liumaine  ? 


nio  Chrys.,  XXXI  (t.  p.  375). 
N.  120  de  C.  Robert. 


248  HERCII.E    KI'.NKRAIRE 

Dm  iiKiiiis  sommes-nous  sûrs  que  l'idée  de  l'immortalité  ratta- 
chée au  mytlie  d'Hernile  n'avait  pas  disparu  à  la  fin  du  H'  et  au 
III'  siècles  de  notre  ère.  Elle  avait  pris  d'autres  formes,  peut-être 
plus  parlantes.  puis(|n'elles  dé;,Mf^eaient  la  scène  essentielle  de  l'en- 
semlile  légeiul.-iire  :  edle,  très  ancienne,  de  l'hommage  rendu  à  Mi- 
nerve grâce  à  qui  le  héros  est  monté  au  ciel  '  ;  ou  celles,  bien  plus 
fréquentes,  de  sou  initiation  aux  mystères  d'Eleusis,  ou  du  retour 
d'Alceste  sauvée  i)ar  lui  des   Enfers  ■. 

Et  (lu'il  soit  liii'ii  spécifié  que,  lorsque  nous  parlons  de  sym- 
bolisme, nons  n'entendons  pas  exclure  pour  cela  l'hypothèse  de» 
croyances  magiques  dont  nous  avons  parlé  plus  haut:  mais  le  se- 
cond  ])niiit   est  encore  douteux,   le  premier  est  sûr. 

II.  —  Symbolisme  Dionysiaque:  Hercule  et  15.\cchus. 
1.    Hercule  et  la  rie  future  Dionysiaque. 

Le  groupe  le  plus  homogène  des  sarcophages  héracléens,  après 
celui  des  Douze  Travaux,  comprend  des  représentations  variées  d'Her- 
cule mêlé  au  thiase  I)achique  ''.  C'est  précisément  l'inverse  des  pré 
cédentes:  d'une  part,  le  héros  souffrant;  de  l'autre,  le  héros  plongé 
dans  la  joie  et  le   iilaisir. 

Mais,  au  reste,  et  de  longue  date,  Dionysos  a  chez  les  Grecs  un 
rôle  ehthonien  et  quasi  infernal.  Déjà  Heraclite  affirmait  qu'il  était 
«  le  même  qu'Hadès  »^  ;  Aristophane  avait  représenté  aux  Enfers  le 
cha'ur  suave  des  initiés  d'Eleusis  invoquant  à  la  fois  Hacelios  et 
Démèter  chthouienne  '',  et,  dans  la  même  pièce,  faisait  allusion  au 


'  Sxtpra.  p.  225. 

*  Supra,  p.  225. 

'  Supra,  p.  223  sq. 

*  Cfr.  E.  Norden,   TVr^.  Aeii.,  VP,  p.  16ti. 
^  Aristoph.,  Jian.,  316  sqq. 


HERCLI-E    FUNÉRAIRE  249 

banquet  des  bienlieureux,  auquel  participent  les  morts  justes': 
la  tradition  voulait  qu'ils  s'y  enivrassent,  conception  à  coup  sûr 
])opiilaire  (peut-être  orphique)  de  la  vie  future,  et  dont  Platon  est 
écœuré  ^. 

Ces  croyances  se  répandirent  de  lionne  heure  en  Italie  ^,  et  sur- 
tout en  Etrurie  où  elles  se  révèlent  non  seulement  par  divers  sym- 
boles aux  frontons  des  tombes  \  mais  par  les  représentations  ex- 
pressives et  d'ailleurs  bien  connues  du  bacchant  étendu  sur  un  sar- 
cophage de  Corneto  '"  et  du  cortège  des  âmes  conduites  par  des  dé- 
mons dionysiaques,  peint  dans  la  Tomba  del  Tifone,  à  Corneto  aussi  ^. 
L'Empire  Romain  ne  les  oublia  pas  :  pommes  de  pin,  grappes  de  raisin, 
grenades,  lièvres,  phallus  sculptés  sur  les  tombes  des  premiers 
siècles  de  notre  ère,  témoignent  de  la  persistance  de  cette  concep- 
tion dionysiaque  (en  partie  aussi  aphrodisiaque)  de  la  vie  future"; 
comme  aussi  l'inscription  souvent  citée  où  les  morts  sont  assimilés 
aux  Satyres  et  aux  Naïades  ^  et  celle  qui  fait  allusion  à  l'ivresse 

'  Aristoph.,  Ban.,  85. 

^  Platon,  Besp.,  II,  363  C-D.  —  Cfr.,  id.  Plmedr.,  248  G. 

^  Cfi'.  B.  Schnpder,  Studien  ^^«  dcn  GrahdenJcmalern  der  Bomischen 
Kaiserzcif  {Bonnet-  Jahrb..  1902),  p.  55-60,  surtout  p.  60.  —  On  songeia 
aussi  au.\  vases  fabrifiués  dans  l'Italie  Méridionale:  les  symboles  dionysia- 
ques s'y  multiplient  de  la  fa(;on  la  plus  curieuse.  Un  exemple  qui  nous 
intéresse  ici  est  celui  de  l'Hydiie  à  fig.  rouges  trouvée  à  Abella  et  conser- 
vée à  Naples  (Heydemann,  2852;,  qui  représente  Hercule  cueillant  les 
fi'uits  des  Hespérides:  symbolisme  d'outre-tombe  très  possible.  Dans  le 
champ  et  sous  les  anses  se  voient  un  chevreuil,  un  lièvre  et  deux  fau- 
ves :  images  dionysiaques  certaines. 

*  Silènes,  ])anthères.  fauves  de  part  et  d'autre  d'un  cratère  (dès  hi 
fin  du  VF  et  durant  tout  le  V*^  s.  avant  J.  C).  '\'oir  F.  Weege,  Die 
Etriisl-ixche  Mahrei  (Halle.  1921),  p.  94,  tig.  SO:  p.  91,  fig.  77;  p.  68, 
fig.  62;  p.  99,   fig.  83. 

^  Du  IV'-III»  siècle?  Dessin  ancien,  à  lunitié  fidèle,  dans  F.  Weege, 
op.  cit.,  p.  15,  fig.  12. 

">  Epoque  romano-étrusi|ue.  F.  AVeegp,  op.  cit..  p.  43,  fig.  39  et 
pi.  49,  2. 

■   B.  Schrœder,   Grahdenhm.,  p.  72;  59;  60;  73. 

»  C.  I.  X.,  III,  686. 


250  HERCULE    PrN'ËKAIRE 

iiiiisiciili'  (lu  I':ii;ulis  flionysi;i(|iiP  '.  Kt  les  témoignage»  littéraires 
eimlirinoiit  ceux  des   mimiinu'iits  '. 

Une  telle  conception  de  la  vie  fntnic  offrait  trois  thèmes  plas- 
tiqnes  :  le  chant  fniii  mi  iiun  m  la  dansej  et  la  musique  (tlûte  ou 
lyre);  —  l'ivresse  au  milieu  du  tliiase  bachique;  —  le  banquet 
couché.  Tous  trois  utilisèrent  Hercule  comme  figure  marquante  de 
riiorame  arrivé  à  la  béatitude  éternelle;  et  tous  trois  furent  rais 
en  reuvre  sous  cette  forme  ])ar  les  artisans  grecs  des  VT'  et  V'  siècles 
avant  notre  ère,  dont  les  vases  s'exportaient  en  (|nantitè  dans  l'Italie 
Centrale  et  surtout  en   Etriirie. 

Le  premier  semble  le  plus  ancien  '  et  donne  de  la  vie  future 
dionysiaque  une  image  moins  grossière  que  les  autres.  Mais  dès  la 
première  moitié  du  V  siècle  un  cratère  attique  ;"i  fig.  r.  de  Népi  * 
montre  Héraclès  ivre  et  chancelant,  accompagné  de  Dionysos,  d'Her- 
mès et  d'un  Satyre  qui  joue  de  la  double  flûte.  Et  d'autres  vases, 
à  peu  près  aussi  anciens,  représentent  Héraclès  couché  servi  par 
des  Satyres  ^  ou  buvant  en  compagnie  de  Dionysos  ".  Imitées  en 
Ktrurio,  ou  dans  les  pays  d'influence  étrusque,  comme  le  prouvent 


'  C.  I.  L.,  VI,  30122. 

'  Voir  pav  ex.  Lucien,   Ucr.  hitf.,  II,  6  s(|i|. 

■"  Ilydrie  à  fig.  n.  de  Vulci  (Miinich  :  .lalin  132):  fig.  dans  Micali, 
Slorin  degli  ant.  pop.  ital.'  flS.îti),  pi.  XCIX,  8.  —  .\nipliore  à  fig.  n. 
de  Viilci  (Rome,  Vatican:  Helbig,  Fiihrei;  1912,  n.  4ôt;);fig.  3/Hseo  Gre- 
goriano,  II,  pi.  LVI  (ou  -XL),  1.  —  Staninos  î"!  fig.  r.  d'Etrnrie  (Florence. 
Musée  Aich.  :  H.  Heydemann,  BuV.  Iitst.,  1870,  p.  181).  —  Sur  les  deux 
premiers  vases,  Héraclès  joue  de  la  cithare  en  présence  de  Dionysos; 
sur  le  troisième,  de  la  double  flûte  entre  deux  Satyres.  Nombreuses  sont 
les  autres  représentations  du  héros  citharède  en  présence  non  plus  de 
Dionysos;  mais  d'Athéna.  Hermès  on  Zens:  nous  ne  les  énuméi-ons  pas 
ici  parcequ'ils  sont  moins  probants. 

<  Nof.  d.  Scaci,  1918,  p.  19. 

^  Coupe  de  Caeré  à  fig.  r.:  E.  Pottier,  Kpih/kos,  Monum.  l'iot.  IX 
(1902),  p.  160  sq.  et  pi.  XV.  —  Cratère  à  fig.  r.,  provenant  d'Etrurie: 
CataL  Campana,  IV-VII,  A.  80. 

®  Cylix  attique  à  fig.  r.  de  Xola  (au  British  Muséum):  W.  Helbig, 
TiuU.  Inst.,  1864,  p.  182.  —  Gr.   Taxes  Brit.  Mus.,  t.  III  (1896),  E  66. 


HERCULE    Kr.NÈKAIRE  251 

une  coupe  h  fig.  r.  île  Chiusi  '  et  la  frise  de  l:i  grande  ciste  de 
Préneste  conservée  au  Louvre  ",  ces  représentations  se  retrouvent 
sans  cliangenients  sur  les  sarcophages  Romains  des  II"  et  III''  siècles 
de  notre  ère  :  témoignage  de  la  vitalité  singulière  de  ces  conceptions, 
qui  nous  sont  encore  attestées  au  IV'  siècle  ',  neuf  cents  ans  après  les 
premiers  documents  figurés  qui   s'}'  réfèrent. 

Et,  sans  doute,  il  n'est  pas  étonnant  que  cette  conception  de 
la  vie  future  dionysiaque  ait  été  plus  foi-te  que  le  symbolisme  phi- 
losophique du  bûcher  de  l'Oeta  et  de  l'apothéose  d'Hercule  par  les 
flammes*;  mais  plutôt  que  les  sarcophages  relatifs  à  la  vie  souf- 
frante du  héros  soient  plus  nombreux  que  ceux  qui  insistent  sur 
l'ivresse  de  l'au-delà.  Il  est  vrai  que  les  sarcophages  sculptés 
ne  pouvaient  être  à  l'usage  que  de  familles  assez  riches  et  d'un 
certain  raffinement;  et  rien  ne  nous  dit  que  la  niasse  du  peuple 
ne  continuait  pas  à  vivre  sur  les  vieilles  idées  grossières  de  la 
bienheureuse  immortalité  dionysiaque:  Héraclès,  le  héros  souffrant, 
mais  au  reste  grand  buveur  et  même  dissolu  ',  fournissait  un  sym- 
'nole  fort  expressif  de  ce  délassement  immortel,  par  l'excès  de  ses 
jouissances  aussi   bien  que  de  ses   travaux. 

2.  Les  Hercules  couche's :  leur  siijnifiiafion  dionijsiîKine  et  funéraire. 

Il  n'y  a  donc  point  de  doute  sur  le  sens  qu'il  faut  attribuer 
à  ces  représentations  d'Hercule,  lorsque  le  héros  est  Joint  k  Bac- 
chus  ou  à  des  personnages  de  son  thiase.  Mais  l'incertitude  subsiste 


'  Musée  de  Berlin:  Furtwângler,  n.  2947. 

'  H.  Brunn,  Annali  Inst,  XXXIV  (]862),  p.  5  sqq.;  6g.  Monumenti, 
VI-VII,  pi.  LXI  LXII.  —  Hercule  est  couché  à  côté  d'une  femme  (Hébé?) 
dans  un  banquet  bacliique  très  caractérisé. 

'  Autel  (Clarac,  Mus.  de  Sciilpi.,  II.  pj.  134  et  1.3.5)  :  à  Baechus  sont 
joints  Mercure  et  Hercule. 

*  Von  WiiamoAvitz-.Moellendorfï,  HemVles,  p.  304. 

^  Voir  par  ex.  Ps.  Lncien,  Amores,  1. 


3Maugt.i  <l\irch.  et  ilHist.   lffll-lSf>2. 


252  IIKUCII.K    I-INKHAIHK 

Mil   siijf't   lift-;   «  Ilcri'iilcs  ciiiiclii'-s  tcii.-iiit    l:i   cinipc  »,  (ine  nous  uviiii* 
trouvés    sur    certains    sarcopliag-es  '.   Quoi    sens    Ifs    Romains  atta 
cliaient-ils  ;V  ces  fif^ures?   Kt  comment  y  ('•taient-ils  arrivés? 

Les  savants  discutent  encore  pour  savoir  si  le  banquet,  qm- 
les  artisans  ^recs  commencent  d^s  le  IV  siècle  :\  sculpter  assidû- 
ment sur  les  stèles  fiiiit''i-;iiics.  est  une  image  de  la  vie  future  ou 
une  représentation  du  déi'uut  dans  ruii  des  actes  de  sa  vie  '  ;  la 
présence  du  serpent,  du  pore  sacrificiel,  du  cheval,  sur  nombre  de- 
ces  reliefs  semlilc  devoir  imus  imliner  à  la  |iremièrc  interprétation  '. 
Le  fait  (pie  le  baufinet  des  bienheureux  se  retrouve  en  Amérique, 
dans  rinde,  clu'n  les  iieiiples  Germaniques^;  la  confusion  des  Enfers- 
avec  une  sorte  d"«  ile  des  plaisirs»  dniis  l,i  e(pmédie  grecque ''.- 
le  devoir  que  se  font  les  ])liiloso])lies  de  mettre  en  garde  les  ima- 
ginations populaires  contre  une  telle  cnneeption  de  la  vie  future'^: 
la  confirment,   nous  parait  il,  de  façon  suffisante. 

Duc  autre  preuve,  un  peu  plus  oblique,  ])artira  de  la  remarque- 
pleine  de  sens  faite  par  E.  Rohde  ".  que  la  cérémonie  du  O:ôvo;, 
théoxénie  ;\  l'ancienne  mode,  où  les  convives  étaient  assis,  non  cou- 
chés, devint  plus  tard  celle  de  la  yJ.i'jr,,   an    théoxénie  couchée  "  r 

'  Siipra,  p.  2-24. 

'  B.  Schrœder,  Grahdenkm.,  p.  50,  en  admettant  les  deux  interpré- 
tations, préfère  dans  la  plupart  des  cas  la  seconde. 

3  Cfr.  S.  Rcinach,  R'perf.  Hdieff^  Gr.  et  R.\  II.  p.  43;  50;  148;  15:i: 
IBO;  176;  415;  41»!;  417;  418;  4.31  :  lit,  p.  441.  -  Voir,  pour  le  cheval,. 
L.  Malten,  Arch.  Jnhrh.,  XXIX,  (1914),  p.  218  S(iq. 

*  Ettig,  Acheruntica,  Leipz.  Stud.  z.  class.  Thilol.,  13,  p.  396  et  n.  3. 

"'  Voir  Aiistoph.  Enn.,  jmsaim:  les  bouti(iues  de  victuailles  et  les 
jouiies  ilansouses  ((ui  attendent  le  faux  Héraclès:  -  Phérécrate,  \\i-i'i.'i.y.;, 
tV.  108.  —  Cfr.  Kttig,  l.  c,  p.  299. 

''  Ces  «  antres  de  Dionysos  •  aux  Enfers,  selon  Platon  (TUaedr.. 
248  C),  ne  donnent  qu'une  nourriture  imaginaire;  pour  Plntanpie  (Moral., 
565  E-566  A),  ils  constituent  le  I.étlié.  i|u'il  faut  fuir.  —  Cfr.  Kttig.  /.  c. 
p.  325  et  n.  2. 

"  E.  Rohde,   Psijche.   p.   lt>()  sqq.  :   121,  n.  2:  et  p.  693   ad  p.   121. 

"*  La  différence  est  la  nième  (pi'à  Rome  entre  le  seUisterniiim  et  Ifr 
lectisternmm. 


HERCrLE    FfNÉRAIRE  253 

l'une  et  l'autre  presque  réservées  aux  dieux  chthoniens.  Mais  au 
lien  d'une  simple  succession,  peut-être  vaudrait-il  mieux  parler  d'une 
alternance  des  deux  rites.  Car,  antérieurement  à  la  période  classique- 
archaïque,  les  rois  de  Sparte  et  les  grands  personnages  mycéniens, 
assimilés  à  des  héros,  étaient  couches  dans  leur  tombe  avec  les  at- 
tributs de  la  vie  et  en  particulier  de^  gobelets  d"or  et  d'argent  à 
portée  de  la  main  '  :  tandis  que,  jj/î^s  tard,  les  reliefs  funéraires 
trouvés  à  Sparte  °  représentent  les  morts  héroïsés  d'une  taille  dé- 
mesurée, recevant  assis  des  offrandes.  Dans  ces  conditions,  ceux, 
beaucoup  plus  récents,  de  Locres  Epizépbyi-ienne,  qui  gardent  aux 
morts  plus  ou  moins  assimilés  aux  dieux  infernaux,  l'attitude  as- 
sise '  ont  la  même  signification  que  les  nombreuses  terre-cuites  fu- 
néraires de  Tarente,  remontant  jusqu'au  VIP  siècle  *,  et  qui  offrent 
les  mêmes  représentations,  mais  couchées,  ou  que  les  reliefs  pan- 
helléniques  d'où  uous  sommes  partis. 

Ces  monuments  qui,  de  diverses  façons,  s'appliquent  à  donner 
au  mort  un  aspect  surhumain  et  des  attributs  dionysiaques  nous 
obligent  à  conclure  que    l'hérolsation  de    caractère  bachique   était 


'  E.  lîohde.  Psychf,  p.  153  156.  —  A  V.ipliio,  cfr.  Pussaud,  Les  Ci- 
rih'satious  préiieUétiitjues^  ]).  169. 

•  Dé  même  à  Xanthos,  au  tombeau  des  Harpyes  {Monum..  IV,  pi.  III). 
3  T..  Malten.  Arch.  Jahrh.,  XXIX,  19U,  p.  248  sq. 

*  Voir  F.  Lenoimant,  Gaz.  Arch.,  1881-82,  p.  1.56-163;  —  Monum. 
deirimt.,  XI,  pi.  LV  et  LVÏ;  —  Amiali  dell'Inst.,  1883,  p.  194  sqq.;  — 
Journal  of  liellenic  stud..  1886,  p.  8-10,  pi.  63  et  64:  —  F.  Dueramler, 
Kleine  Schriften  (^  Annah.  1883,  mais  avec  figures).  1901,  III,  p,  5  sqq.; 
—  E.  Pottier.  Statuettes  de  terre-cuite  dans  V Antiquité,  p.  206.  —  Remar- 
quer particulièrement  (W.  Helbig,  Bull,  de  TInst..,  1881,  p.  197  sq.): 
a)  Homme  seul,  couché:  près  de  lui  une  amjjhore;  —  h)  Homme  seul, 
couché;  près  de  son  épaule,  masque  ;irchaï(iue  de  Silène,  de  face:  — 
c)  autres  avec  la  tasse  (ou  canthare);  ou  avec  la  tasse  et  la  h/re  :  tous 
symboles  dionysiaques.  —  Autres  figures  couchées  du  même  genre:  dans 
une  sépulture  à  liosamo-Medma  (Xot.  d.  Scari,  1917,  p.  42  sq.  et  fig.  8): 
autres  de  même  provenance  {Th.,  1902,  p.  48);  —  figurine  couchée  te- 
nant un  kéras,  bronze  de  Locres  Epizéphyrienne  (J7>.,  p.  42). 


254  HBRCL'LB    F|IN|i;HAIKK 

couninte  en  (ivkcc,  ot  surtout  dans  l'Italie  Méridionale:  peut-être 
même  le  nombre  prodif^ieiix  de  pareilleH  figures  A  Tarente  s'explicpie- 
t-il  Justement  par  l'extension  anormale  du  culte  des  héros  dans 
cette  ville  '. 

Nous  voilà  conduits  d'autre  part  à  donner  toi't  à  M.  Collignon, 
qui  prétend  '  que  l'origine  des  statues  funéraires  deini-coucliées  n'est 
pas  en  Grèce,  mais  en  Etrurie.  Les  Etrusques  en  sculptant  dans 
les  derniers  siècles  avant  notre  ère  les  innombrables  couvercles  figu- 
rés de  leurs  urnes  cinéraires,  n'ont  innové  que  sur  un  point,  grave 
il  est  vrai,  en  re])rodiusant  d'une  faeon  réaliste  les  traits  des 
défunts'.  Mais,  (|\i;int  au  tliènie,  ils  le  trouvaient  réali.sé,  partie 
dans  les  reliefs  et  terres-cuites  helléniques  ■*,  partie  dans  les  sar- 
cophages anthropoïdes  gréco-sémitiques,  dont  on  a  trouvé  de  si 
beaux  exemplaires  ii  Parthage. 

Il  est  remarquable  qu'à  ce  souci  bien  italien  du  réalisme  cor- 
respond un  affaiblissement  du  caractère  divin  ou  héroïque  des  figu- 
res. Si  cet  affaiblissement  est  dans  la  seule  expression,  ou  s'il  est 
dans  la  conception  même  de  la  mort  et  de  la  vie  futni-e  pendant 
cette  période,  c'est  ce  que  nous  ne  saurions  dire.  M.iis  il  reste  en 
tout  cas  que,  si  le  mort  étrusque  ne  prend  plus  les  traits  ni  l'ap- 
parence sereine  d'une  divinité,  il  continue  à  participer  aux  Joies  du 
])aradis  dionysiaque.  Quelques-uns  en  effet  peuvent  liien  conserver 
les  attributs  de  leur  i)rofession  ou  de  leur  vie  terrestre:  le  plus 
grand  nombre,  et  de  beaucoup,  tiennent,  soit  la  phiale,  soit  le  rhyton 

'  E,  Rohde,  l'si/che.  p.   KÎO, 

^  M.  Collignon,  Statues  fum'rairrs . . .  ^  p.  347  sqq. 

'  Encore  ne  faut-il  pas  exagérer,  même  sur  ce  point.  Il  importe  de 
tenir  compte  du  développement  chronologique  du  thème:  lorsque  les  Etru.s- 
ques  peignaient  les  meniez  scè)tes  dans  leurs  tomlies  souterraines  aux  V'' 
et  IV"^  siècles,  leurs  personnages  sont  idéalisés  comme  ceux  des  repré- 
sentations grecques  contemporaines. 

*  Aussi  bien  l'inilnence  grecque  se  fait-elle  sentir  directement  en  Om- 
lirie.  X'oir  le  petit  bronze  (citliarède  couché)  de  Norcia  (JV.  d.  Scari.  187.S, 
p.  22  et  pi.  II,  5),  et  le  relief  funéraire  d'Assise  {Ib.,  1894,  p.  48). 


HERCULE    FUNÉUAIRE  255 

bachique,  étant  les  vrais    desceudauts  des   belles  figures  qui    ban- 
quettent sous  terre  à  Corneto  '. 

Mais  en  ce  détail  encore  de  la  coupe  mise  aux  mains  du  mort, 
les  Etrusques  sont  les  disciples  des  Grecs  qui,  outre  leurs  idées 
sur  Tivresse  des  bienheureux,  prétendaient  que  l'immortalité  pou- 
vait s'acquérir  par  simple  participation  au  nectar,  à  Tambroisie, 
à  une  boisson  divine,  quelle  qu'elle  soit:  idée  soutenue  encore  au 
ir  siècle  de  notre  ère  ^,  et  que  les  auteurs  de  l'extrême  décadence 
continuent  à  exprimer  avec  une  parfaite  clarté,  lorsqu'ils  veulent 
expliquer  comment  les  fils  adultérins  de  Jupiter  ont  pu  accéder  à 
l'Olympe  ^.  Ce  breuvage  d'immortalité  était  sans  doute  à  l'origine 
la  source  de  vie  \  dont  la  fontaine  Mnémosyne  des  Orphiques,  vers 
laquelle  se  hâtent  les  initiés,  est  un  souvenir  précis  \  Mais  il  n'y 
a  pas  au  fond  de  différence  entre  la  source  et  le  breuvage  com- 
posé: soma  des  Indiens,  ambroisie  et  peut-être  vin  chez  les  Grecs  ". 


'  Le  bacchant,  que  nous  citions  plus  liant,  peut-être  un  prêtre  de 
Dionysos  paré  de  ses  attributs  ;  mais  le  sculpteur  ne  l'aurait  pas  fait,  s'il 
n'avait  pensé  que  ces  signes  extérieurs  d'initiation  étaient  par  euxmèmes 
une  promesse,  ou  même  une  garantie  (voir  infru)  de  béatitude. 

2  Pausan.,  II,  13.  Cfr.  Annali  delVImt.,  1830,  p.  14«  sqq. 

^  Bacchus:  voir  Nonnos,  Dion.,  XL,  419  sqq.;  —  Mercure:  voir  Mar- 
tianus  Capella,  I,  34:  «  luno...  tune  etiam  Cyllenium  diligebat,  quodeius 
uberibus  educatus  poculum  immortalitatis  exhauserat  ».  —  D'un  point  de 
vue  tout  général,  le  même  auteur  (II,  141)  donne  le  poculum  immortalitatis 
comme  un  des  moyens  magiques  d'acquérir  l'immortalité  ;  Cfr.  *.,  II,  134. 

*  Sur  la  source  de  vie  dans  le  folklore  européen,  voir:  A.  Wiinsche, 
Die  Sagen  i-om  Stbenshuuvi  und  Leheiiswasser  (Ex  oriente  hi.r,  I,  1905). 
C'est  une  croyance  peut-être  plus  ancienne  chez  les  Indo- Européens  que 
le  fruit  d'immortalité  (B.  Seliweitzer,  Herakles,  p.  134,  n.  1},  devenu  chez 
les  Grecs  la  pomme  des  Hespérides  (cfr.  0.  Gruppe,  Pnuhj-Wissotva, 
Suppl.  Illf  1077). 

^  Voir  infra. 

•*  On  remarquera  que  cette  boisson  de  vie  se  trouve  chez  les  Celtes 
et  les  Slaves  (B.  Schweitzer.  Herakles,  p.  233),  mais  d'ailleurs  aussi  bien 
chez  les  Babyloniens,  aux  mains  du  Roi  du  Monde  Souterrain,  de  même 
que  c'est  Dionysos  Chtlioiiien  (|ui  dispense  le  vin  aux  bienheureux  dans 
le  Paradis  hellénique. 


256  HEUCULK    Fl'Nl';nAlKE 

Or  nul  des  liéros  privilégiés  appelés  dans  l'Olympe  n'était  ])liis 
populaire  qu'Héraclès.  Qu'on  y  joigne,  si  l'on  veut,  sa  réputation 
d'intrépidiî  liuvcur.  réjjandue  par  la  comédie  attique  et  la  farce 
siculo-italiote.  Mais  d'on  venait-elle,  cette  réputation  ?  Voilà  un 
des  cas  les  plus  nets  où  nous  aboutissons  à  une  impasse.  Avant 
la  naissance  de  la  comédie,  Héraclès  nous  le  verrons,  buvait 
auprès  du  Centaui't;  l'iiolos.  VA  ce  serait  le  contraire  du  lion 
sens  que  de  croin^  qu'un  auteur  l'oniiciuc,  si  original  fût  il,  ait 
innové  d'une  fa^'on  grotesque  sur  un  personnage  sympathique; 
la  comédie  vit  d'exagération  sur  des  faits  connus;  si  elle  fait 
d'Héraclès  un  ivrogne,  c'est  (lu'ancienneineiit  déjà  Héraclès  se 
trouvait  en  rapjxirts  quelconques,  mais  sérieux,  avec  Dionysos, 
ou  avec  le  vin,  ou  avec  n'importe  qiwA  liquide  d'une  puissance 
reconnue. 

Le  plus  ancien  témoignage  sur  le  scy|)lius  d'Héraclès  est  celui 
de  Stésichore,  donc  grec  occidental,  et  se  rattache  à  l'aventure  de 
Pholos  '  ;  au  temps  d'Euripide,  ce  gobelet  est  devenu  un  attribut 
personnel  et  bien  connu  du  héros  '.  Mais  les  représe/itntiuiis  2)his- 
tiques  de  r«  Héraclès  au  Scyphus  »  apparaissent  aux  V'^-IV  siècles 
avec  tous  les  caractères  de  l'originalité  dans  les  cités  helléniques 
de  Grande-Grèce,  Crotoue,  Tarente,  Héraclée  ',  et  peut-être  en  Sicile 
à  Sélinonte  *.  Le  fait  que,  dans  ces  figures,  le  héros  est  toujours 
au  repos,  que  parfois  il  tient   la  corne  d'abondance,  ou  est  accom- 


'  Stésichore,  ir.  7:  -zJ-ï-is-i  ôi  kiAùii  Sî'-a;  sy.;y.îTfOv  w3  TptXi-yuvo»  | 
iTÎv£i   £7rta;^saevo;,   ri   pi   &t  Tripiôxxî   'hoXs;   /.cpioa;. 

'  Eurip.,  Aie,  726  sqq.  ;  795  sqq. 

3  Gr.  Coins  Brit.  Mus.,  Itahj,  p.  253  (lliintcria»  Coll..  I,  p.  131); 
—  p.  218;  —  p.  226,  229  et  2.32.  —  Anneau  dor  du  VI«  siècle  prove- 
nant de  Grande- Grèce:  r'urtw.-ingk^i',  (feschn.  Steiiien  im  Antiqiiarium  ron 
Birliii,  n.  291. 

*  Plombs  représentant,  senitile-til,  Héraclès  tenant  le  t-antiiare  et  la 
corne  d'abondance  {Not.  d.  Snir!.  l^^H,  p.  .(02.  n.  XX  scjq.).  Mais  ces 
monuments  sont-ils  d'origine  giecqiie? 


HERCULE    FUNERAIRE 


pAfTiié  de  la  Victoire,  est  au  moins  une  forte  présomption  en  faveur 
de  riiypotiièse  qu"il  s'agit  ici  d'Héraclès  arrivé  au  bonheur  per- 
pétuel dionysiaque  que  lui  ont  mérité  ses  travaux. 

Le  thème  se  précise  légèrement  au  IV  siècle  dans  un  sens  déjà 
indiqué  par  des  monnaies  de  Crotone,  d'Héraclée  et  de  Mél^ponte', 
mais  qui  trouva  son  expression  suprême  dans  la  statue  de  Lysippe, 
1"«  Héraclès  Epitrapézios  »,  assis,  et  tenant,  semble-t-il,  le  scyphus  "  : 
type  qui  se  répandit  rapidement  dans  toute  l'Italie  ^. 

Mais,  tandis  que  la  figure  de  THercule  au  scyphus  assis  ou 
•debout  dégénérait  très  vite  en  celle  ù'Hercules  Bibax,  ivre  et  chan- 
celant, dont  on  trouve  de  nombreux  esmplaires  surtout  dans  le 
•domaine  étrusque  ',  et  se  perpétuait  sous  l'Empire  romain  jusqu'à 
faire  le  sujet,  fort  vulgaiie,  de  nombreuses  tessères  de  plomb  '', 
une  autre  représentation  prenait  corps  à  la  même  date  et  sans 
<loute  dans  la  même  région  :  celle  de  l'Héraclès  couché  *.  Elle  était 
fort  ancienne,  nous  le  verrons,  et  remontait  jusqu'au  W  siècle 
par  les  peintuix-s  des  vases  attiques  '  :  mais  c'est  à  Tarente  qu'elle 
-semble  avoir  pris  la  forme  statuaire  et  peut-être  sa  pleine  valeur 


'  Gr.  Coins  Brlt.  Mas.,  Ilaly.p.  -25.3:  —  p.  243;  —  p.  231  (Hunterian 
<JoU..  I,  p.  87:  début  du  III''  siècle). 

^  Stace,  Siht.,  IV,  6,  56:  «  Tenet  liaec  marcentia  fiatris  poeiila.  adhiic 
uieminit  manus  altéra  caedis  >.  —  Cfr.  Martial,  IX,  43. 

■''  Cfr.,  pour  le  style,  le  bronze  de  Pomi)ei  :  Xot.  d.  Scavi,  1902, 
p.  572  sqq.  et  flg.  3;  —  pour  l'extension  du  type:  Jlacrobe,  Sai.,  V,  21, 
16:  «  Herculem  ueio  fictores  ueteres  non  sine  causa  cuiu  poculo  fece- 
runt,  et  non  nuiuquaui  cassabundum  et  ebriuni,  etc.  ».  —  Une  indica- 
tion chronologique  précieuse  nous  est  donnée  par  une  pierre  gravée  de 
trarail  Hulique,  du  III''  ou  II""  siècle  avant  notre  ère;  Furtwiingler,  Geschn. 
Steinen  Antiquar.  Berlin,  n.  lol7. 

*  Xot.  d.  Scavi,  1916,  p.  114-116. 

5  A  Kome  et  Ostie:  Xof.  d.  Scavi,  1900,  p.  263  et  268. 

"■  Liste  des  Hercules  couchés  dans  Stephaui,  Der  ausntheiide  Herakles, 
p.  125-128. 

"  Par  exemple:  Gerhard,  Aiiserles.  Vasenhilder,  II,  pi.  108,  p.  82  sq. ; 
—  Plus  tard,  la  coupe  de  Biygos  (Gr.  Vases  Brit.  Mus..  III,  1896,  E.  66 
et   pi.   VI). 


258  HKRITLE    Ff.NLRAIRE 

symbolique':  Lysippu  encore  peut  avoir  tnivaillé  ù  son  éhtbora- 
tion  ilélinitivc  '.  Mais  ce  qui  est  sftr,  c'est  qu'elle  se  répajidit  dans 
le  pays  latin,  puisqu'on  en  trouve  des  répliques  importantes  sur  la 
Via  Portiiensis  ",  et  à  Home  même  au  Forum  Boarium,  où  on 
l'appelait  soit  Hercules  Cuhans,  soit  Hercules  Oliunrhis  *,  non  par- 
ce qu'il  se  trouvait  dans  le  quartier  des  huiliers  ',  mais  parcequ'il 
portait  la  couronne  olympique  d'olivier  '^'^  insigne  de  la  victoire  qui 
lui  avait  mérité  le   repos  '. 

Ces  différents  caractères,  seyplius,  position  assise  ou  couchée, 
lorsque  les  Romains  les  donnent  à  Hercule,  gardent  visiblement 
leur  sens  d'héroisation  dionysiaque,  on  d'immortalité  bienheureuse. 
C'est  ainsi  que  sur  le  tombeau  des  Haterii,  à  Centocelle,  un  temple 
est  figuré,  dans  lequel  est  assis  Hercule,  et  .sur  le  fronton  duquel 
se  voient  l'arc,  la  massue  et  le  scyphus  '^  :  prés  de  Rome,  au  bord 


'  F.  Lenoimant,  0(u\  Arcli.,  1^81-82,  p.  lf>8.  —  L.  Maiiani  .Vf*«.  </. 
Scan,  1897,  p.  227  scm.  (avec  figures).  —  Voir  supra,  p.  252  si). 

-  Cfr.  Bionze  giéco-Honiain  d'Esté:  Not.  d.  Scavi,  1888,  p.  'M  sq. 
et  pi.  I,  8  et  8  bis.  La  statuette  est  de  type  lysippcen. 

■î  L.  Mariani.  /.  c.  p.  228. 

*  Cfr.  Petersen,  Xnt.  d.  Sciivi,  189.5,  p.  458  sqq.:  —  Id.  Uôm  Mtttlicil., 
96,  p.  99  sqq. 

^  Les  Olean'i  étaient  groupés  plus  au  noid-est,  dans  le  Vélabre. 
Cfr.  Plante,  Capi.,  4»9:  «  Oiniies  de  conipecto  rem  agunt  quasi  in  l'o- 
labro  olearii  >. 

•■  Preller,  Hegionen,  p.  194  s([. 

'  Petersen  prétendait  (Not.  â.  Scavi,  1895.  p.  4G0;  de  même  Hiilsen, 
th.,  p.  261)  que  la  couronne  olymiii(nie  était  inconciliable  avec  l'attitude 
du  héros  couché.  Mais  justement  le  repos  n'est-il  pas  pour  Héraclès  le 
fruit  et  la  récompense  de  ses  victohe.<<'!  D'autres  représentations  du  uièuie 
genre  (Lanvy,  lidm.  MiUheiL,  1897,  XII,  p.  56  u\i\.  et  144  S(iq.)  ne  mon- 
trent-elles pas  Hercule  la  tête  ceinte  des  bandelettes  de  Victoire,  ou  ac- 
compagné du  laurier,  qui  a  la  même  sens?  L'une  d'elles  même  n'a-telle 
pas  été  dédiée  par  un  sophroniste  pour  une  victoire  remportée  par  ses 
éplièbes  à  Eleusis  (Lu-wy,  /.  c,  p.  61)'?  — Pour  le  sens  dionysiaque  (pii 
s'attachait  aussi  k  cette  figure,  cfr.  le  Silène  couché,  une  tasse  à  la  main, 
d'un  relief  d'Ostie  (Not.  d.  Scai-I,  1909,  p.  199.  et  fig.  1,  p.  200). 

'  Monumenii  dcU'Inst..  V,  pi.  VI II. 


HERCULE   FUNÉRAIRE  259 

de  la  Via  Portuensis,  dans  une  chapelle  d'Hercule  Vainqueur,  le 
héros  est  représenté  deux  fois,  assis  tenant  la  pomme  des  Hespé- 
rides,  coiiclic'  tenant  le  scypus  :  '  deux  images  d'immortalité,  mais 
dont  la  seconde  insiste  sur  le  caractère  dionysiaque  de  ce  repos. 
Mieux  encore  :  à  Acqua  Traversa,  à  l'ouest  de  la  Via  ClocUa,  on 
a  trouvé  dans  un  petit  temple  de  Bacchus  la  statue  d'une  divinité 
orientale,  et  les  figures  de  Bacchus  et  d'Hercule  couclié  :  '  le  même 
qui  se  voit  ailleurs,  près  de  l'arbre  et  du  serpent  «héroïques», 
au   milieu  des  Nymphes  et  servi   par  des  Satyres  '. 

3.   Le  défunt  sous  le  traits  d'Hercnle. 

C'est  précisément  ce  symbolisme,  ancien  en  Italie,  nous  venons 
de  le  voir,  mais  d'ailleurs  assez  simple,  qui  explique  le  choix  de 
l'Hercule  couché  sur  certaines  tombes  Romaines,  aux  lieu  et  place 
de  l'image  du  défunt  *,  ou  même  avec  les  traits  du  défunt  ■'. 

On  nous  dit  que  la  représentation  du  mort  sous  la  forme  d'un 
dieu,  en  particulier  avec  les  attributs  de  Dionysos  ou  d'Hermès, 
ne  remonte  en  Grèce  qu'au  III'  siècle,  après  Alexandre  ".  Mais  c'est 
ne  pas  vouloir  tenir  compte  d'une  tendance,  à  laquelle  se  ratta- 
chent les  croyances  orpiiiques  ",  et  qui  date  de  bien  plus  loin,  si 
l'on  songe  à  l'iiéroisation  des  rois  archaïques  *.  Mais  il  eiît  vrai 
qu'il  y  a  souvent   indétermination  dans  le  type  divin  qui    sert  de 


'  Xot.  d.  Scavi,  1889,  p.  24;i  sqq. 
•^  Bev.  Archeol.,  1919,  t.  X,  p.  229. 

^  Kelief  de  Madara,  en  Bulgarie  (Arch.  Jahrh.,  Aiizeig.,  XXVI,  1911, 
p.  367). 

*  Supra,  p.  224  scj. 

^  Sarcophage  Farnèse. 

^  M.  Colligon,  Les  statues  funéraires  dans  l'Art  Grec,  p.  31(5. 

'  Cfr.  F.  Weege,  Etriisk.  Malerei^  p.  25. 

*  Supra,  p.  253.  On  pense  naturellement  au  mort  égyptien  transuiué 
en  Osiiis:  Cfr.  Maspero,  Histoire  de  V Orient  classique,  les  Origines,  p.  182. 


260  ilKKCri.K    KI'NËKAIRE 

«support»  an  défunt;  et  iiouâ  ne  pouvons  affirmer  que  le<»  reliefs 
trouvés  à  Lucres  Epizéphirieune  (et  qui  datent  des  deux  premiers 
tifis  du  V  siècle)  représentent  les  morts  sous  les  traits  des  dieux 
infernaux  :  si   nou^  en  étions  silrs,  la  question  serait  bien  simplifiée. 

Quoi  qu'il  en  soit  des  iiiHuenccs  diverses  qui  ont  pu  à  ce  sujet 
s'exercer  sur  l'Italie,  il  est  certain  qu'on  y  tmuvait  à  une  date 
assez  reculée  des  prédispositions  sinjjulières  à  cette  habitude.  La 
plus  ancienne  de  ces  pratiques  consistait  à  déposer  dans  le  tombeau 
sur  la  face  du  mort  uu  masque  présentant  les  symboles  égyptiens 
ou,  plus  généralement,  sémitiques  du  soleil  radié  ou  du  disque  so- 
laire': ou  les  traits  d'un  Satyre  ou  de  Silène";  ou  ceux  d'un 
Cliaron  plus  ou  moins  dionysiaque  '.  Ce  qui  est-  bien  différent  des 
bijoux  funéraires  à  symboles  ajiotropaïques  qu'on  enfermait  aussi 
dans  les  toml)es  '.  Eu  effet,  ces  masques  doivent  sans  doute,  comme 
les  bijoux,  protéger  le  mort  dans  son  voyage  aux  Enfers,  mais  en 
lui  donnant  précisément  l'apjjarence  des  êtres  divins  qu'il  rencon- 
trera sur  sa  route,  et  en  particulier  de  ceux  qui  peuvent  lui  être 
dangereux.  De  sorte  que  cette  pratique  révèle  un  essai  de  con- 
fusion entre  le  mort  et  des  êtres  divins  déterminés,  et  une  croyance 
dans  l'efficacité  magique  de  cette  ressemblance  ''. 

Faut-il  penser  que  les  statues  étrusques,  d'apparence  archaïque, 
servant  d'urnes  cinéraires,  que  l'on  a  trouvées  en  assez  grand  nom- 

'  Le  soleil  radie  flanqué  de  deux  urw.is;  le   disque   solaire  inscrit 
dans  le  croissant  de  lune:  à  Cliiusi  (Xot.  d.  Scavi,  1915,  p.  15  et  (ig.  H-10) 
—  en  Sardaigne  {Xot.  d.  Scan,    1918,  p.  152  sqq.,  fig.  7-8). 

*  En  Sardaigne.  Voir  Helbig,  l'Epopée  homérique,  p.  73,  n.  5.  —  Not. 
d.  Scan,  1918,  p.  145  sqq.;  fig.  1-2. 

^  .Musée  d'Orvieto. 

*  Par  ex.:  diadème  terminé  jiai-  deux  têtes  d'.\clielôos,  trouvé  :i  l'o 
pulonia  {Xvt.  d.  Scari,  1908,  p.  201.  tig.  ;3). 

^  De  uième  sens,  nous  senilile-t-il,  mais  avec  moins  de  clarté  comme 
il  est  normal  d'une  civilisation  plus  raffinée,  sont  les  liermês  portraits 
(jue  Ion  voit  sur  des  stèles  gree(iucs:  parfois  avec  les  attributs  d'ilcr- 
mis  ou  d'Héraclès.  Le  caractère  apotropaïque  des  hermès  est  bien  connu. 
\'oir  sur  ces  monuments:  M.  Collignon,  Statues  funéraires...    p.  324  sqq. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  261 

bre',  représentent  des  divinités  à  l'apparence  desquelles  est  confié 
le  salut  du  mort?  Si  l'idéalisme  de  leurs  traits  peut  le  faire  penser, 
nous  n'avons  cependant  aucune  certitude  à  ce  sujet.  Mais  il  est 
apparent  que,  sans  assimiler  tout  à  fait  le  défunt  à  une  divinité, 
on  le  mettait  volontiers  en  Italie  sous  la  sauvegarde  de  Jupiter, 
Juuon,   Vénus  '". 

Enfin,  quoi  qu'en  dise  M.  Wissowa  (et  que  ce  soit  ou  non  sous 
une  influence  grecque),  l'héroisation  n'était  pas  tout  k  fait  étran- 
gère à  la  pensée  italique.  D'après  Ennius  ^,  Romulus  vit  dans  le 
ciel  cum  dis  genitalilms  :  c'est-à-dire,  semble-t-il,  avec  les  dieux 
mêmes  du  terroir  latin,  Picus,  Faunus,  Latinus.  Si  cette  croyance 
ne  put  résister  au  réalisme  des  annalistes,  les  sentiments  qui  l'avaient 
soutenue  reprenaient  de  la  vigueur  dans  les  douleurs  particulières  \ 
et  contribuèrent  sans  doute  à  faire  adopter  la  coutume  de  l'apo- 
tiiéose  impériale,  sinon  ;Y  faire  croire  toujours  k  sa  réalité  ^.  Mais 
les  Empereurs  défunts  n'étaient  pas  seuls  à  être  considérés  comme 
des  héros  ou  comme  des  «  Saints  »  ". 

L'assimilation  du  mort  romain  à  un  dieu  '  est  une  résultante 
de  ces  difierents  agents  :  magie  funéraire,  confiance  dans  la  protec- 
tion des  dieux,  croyance  aux  héros,   fortifiés  par  l'infiueuce  hellé- 


'  Musée  grégorien  (cfr.  Annali  d.  Insf.,  XV,  184.3.  p.  oô7);  —  Musée 
de  Berlin  (Catalogue  [1891],  n.  1282);—  Musée  de  Chiusi,  n.  483;  —  etc. 

-  C.  I.  L..  H,  6054;  VI,  2461.3.  —  Voir  M.  Coilignon,  Statues  fu- 
néraires; —  Daremberg-Saglio  s.  u.  Sepulcrum,  p.  1268;  —  Schr<ciler, 
Grabdenkiii.,  p.  62,  n.  2. 

■'  Eanius,  Annal.,  119,  (Vahlen).  Cfr.  G.  Bohsiei;  Beligion  Eomaine, 
1.  p.  114  et  n.  4. 

*  Parex.  Cicéronet  sa  fille  Tiillia.  Cfr.  G.  Boissier,  op.  cit.  I,  p.  117-118. 

■''  Cfr.  G.  Boissier,  op.  cit.,  I,  p.  179.  La  croyance  dans  les  effets  de 
rapotliéo.se  s'affaiblit  au  I"'  siècle,  reprend  beaucoup  de  vigueur  au  II=, 
est  encore  persistante  au  IV"^  (Voir  Capitolin,  Marc-Aur.,  18). 

«  Cfr.  C.  I.  i.,  VI,  7581:   «  Deae  Sanctae  meae  Primillae  ». 

'  Sclirœder,  Grahdenl-m.,  p.  61  66.  —  C.  I.  L.,  VI,  15592  sq.  affirme 
sans  précision  que  le  mort  est  in  formam  deormn. 


262  HBRCl'LK    FUNÉRAIRE 

nique,  surtout  ;'i  partir  ilii  II''  Nièdc  a.  (\  Mais  l'attriliucr  à  cette 
seule  inHueiiee  serait  une   fort  lourde  erreur. 

Et,  de  même  que  les  Grecs  paraissent  avoir  choisi  pour  jouer 
ce  rôle  des  divinités  de  sens  funéraire,  les  Romains  s'en  tinrent 
presque  exclusivement  aux  <<  déesses  de  la  naissance  et  de  la  mort  », 
Juuon,  Vénus,  Diane;  '  ou  aux  divinités  ayant  un  rapport  très  net 
avec  les  Enfers,  comme  Mercure,  l'iuton,  Proserpine,  Gérés,  avec 
lesquels  se  confondent  par  exemple  les  membres  de  la  famille  des 
Haterii  sur  leur  tonilieau  de  Centocelle  '  ;  très  fréquemment  aussi 
Baccliua  '  et  les  personnages  de  son  thiase,  Satj'res  ou  Naïades  *, 
dont  la  signification  n'était  pas  différente.  Et  sans  doute  cela  parait 
normal,  logique,  de  confondre  le  mort  avec  un  dieu  souterrain:  mais 
l'ancienne   magie  n'y  est  p.as  étrangère. 

Parmi  les  antres  divinités  qui  assument  ce  rôle  se  trouvent  en- 
core Attis  et  les  Dioscures  °,  dont  les  légendes  de  résurrection  sont 
expressives":  Spes  ^,  dont  le  symbolisme  funèbre  est  assez  clair: 
et  Fortiiua  *,  qui,  à  Préueste,  se  trouve  liée  à  Diane  Trivia  et  Liber 
Pater  ',  et,  daus  un  petit  sanctuaire  trouvé  à  Rome,  à  Vénus,  Plu- 
ton,  Sérapis,  sans  comjjter  trois  licrmès  bachiques  '".  Cela  ne  ferait 

'  Schrceder,  loc.  cit.,  p.  62.  Ct'r.  M.  Collignon,  oj).  cit.,  p.   323. 

-  Monumeiiti,  V,  pi.  VII. 

^  Cfr.  Statue  de  Denys  l'Ancien  à  Syracuse  {M.  Collignon.  op.  cit., 
p.  237),  mais  peutètie  avec  Jeu  do  mots.  —  Eu  Etrurie,  aupra,  p.  249.  — 
Sous  l'Empire:  .M.  Collignon,  op.  cit.,  p.  328;  C.  I.  L.,  M,  15314;  Apulée, 
Metam.,  S,  7.  —  Cfr.  Kolide,  Psijche,  II',  p.  360. 

<  Heuzey,  Mission  en  Macédoine,  p.  129.  —  Peidrizet,  Cultes  et  my- 
thes du  Pange'e,  p.  96. 

■>  Schrœder,  Gi-obdenkm.,  p.  63.  —  C  I.L..  VI,  21521  P.  1109  (ilu  temps 
des  Flaviens  ?). 

'^  Attis  est  un  autre  .\donis;  Castor  et  Pollux  fnViuentent  alterna- 
tivement l'Olympe  et  les  Enfers. 

'  Par  ex.:  C.  I.  L.,  \l,  15292  sq. 

'  C.  I.  L..  Ih.  —  Voir  E.  Calicn,  rhuemhertj-Sayliu,  s.  u.  .Sepulcrum, 
p.  1328. 

'  Cfr.   .innali  d.  Inst.,   1873,  p.  236.  « 

'"  Not.  d.  Scavi,  1885,  p.  67. 


HERCULE    FUNÉIiAlUE  263 

donc  pas  difficiiltt',  si  rim  no  trouvait  aussi  en  sa  compagnie  Her- 
cule et  Apollon.  Et  là  en  effet  est  le  point  délicat:  car  on  voit 
ailleurs  le  mort,  non  seulement  sous  les  traits  d'Hereule,  mais  sous 
ceux  du  Soleil  ou  d'Apollon,  aussi  bien  en  Grèce  qu'à  Rome  '.  Or, 
il  semble  difficile,  a  priori,  de  faire  de  ce  dernier  un  dieu  in- 
fernal . . . 

Mais  un  dieu  protecteur  de  l'àme  dans  son  voyage  infernal,  oui. 
Car  ce  n'est  pas  sans  raison  que  Sardes  et  Etrusques  mettaient  son 
symbole  sur  le  masque  funéraire,  an  lieu  de  lui  donner  les  traits 
du  Satyre  ou  de  Cliaron  '  :  et  ce  n'est  pas  non  plus  sans  raison  que 
les  Hellènes  de  Grande-Grèce,  et  les  indigènes  à  leur  ressemblance, 
mettaient  dans  les  tombes  de  petits  bateaux  pour  faciliter  aux  morts 
le  voyage  versHadès'.  Influences  égyptiennes,  dira  t-on.  Qu'en  savons- 
nous  ?  Prenons  les  choses  comme  elles  se  présentent,  elles  sont  par 
elles  mêmes  assez  riclies  de  signification.  La  route  appareute  du 
Soleil  ven  rO"cident  est  la  même  que  celle  des  héros,  Héraclès 
et  Dionysos  en  particulier,  vers  les  îles  des  Bienheureux,  vers  le 
pays  des  Hespérides  aussi,  qui  est  un  autre  paradis  héroïque.  Mieux: 
Apollon  va,  dit  la  légende,  chez  les  Ilyperboréens  ;  or  les-Hyper- 
boréens  figurent  aussi  une  région  bienheureuse  ',  de  bombance  et  de 
vie  immortelle'':  et  l'on  a  pu  supposer,  non  sans  raison,  qu'Apol- 
lon  s'y   était   substitué   an    Dionysos   tlirace  '''.   Mais    Hér:iclès    aussi, 

'  En  Grèce:  voir  M,  Collignon,  Statues  funéraires...,  p,  321.  —  A 
Rome:  Sclirœdei',  Grab.  Denhm.,  p.  63.  —  Un  frère  et  une  sœur  con- 
foniius  avec  Diane  et  Apollon,  en  Macêloine:  Heuzey,  Mission  en  Ma- 
ce'doine,  p.  236,  n.  107. 

»  Supra,  p.  260. 

3  L.  Malten,  Arch.  Jahrh.,  XXIX.  lOU,  p.  228  sq. 

<  Cfr.  Arcl.ii:  f.  Bel.   Wissensclmft,  X,  1907,  p.  l.'>2  sqii. 

^  Hé.si0!le.  fr.  60-62   et  209  (Rzsach):  —  Pindare,  Pi/th..  X. 

«  0.  Sclmeder.  Archir.  /".  Jiel.  Wiss..  VIH,  1905,  p.  69  sqq.  et  sur- 
tout p.  84.  —  Le  texte  obscur  de  VAxioclws  (III,  3)  unit,  à  Délos,  Ar- 
téuiis-Oupis  et  Apollon  Hécaergos  au  dieu  infernal  Hadès,  à  Dionysos  et 
Héraclès,  en  relation  avec  les  Hvperboréens  (Cfr.  XoKrelhs  A>inales.  1836, 
p.  62). 


264  HERCILK    FI,'Ni;;l{AIHK 

allant  vers  l'ouest,  avait  iic'-iiétré  cliez  les  Ilyperborécns  ',  au  moins 
selon  l'une  des  nombreuses  traditions  relatives  :\  ses  découvertes 
de  paradis  terrestres.  Kt  si  l'on  désire  une  preuve  pins  nette  du 
parallélisme  des  deux  divinités  dans  ee  trajet  fabuleux  vers  l'Oc- 
cident, on  la  possède  :  car,  pour  traverser  l'Océan  lorsqu'il  allait 
vers  riiifernal  Géryon,  c'est  la  «  coupe  »  du  Soleil  que  réclame 
Héraclès,  et  qu'il  obtient  de  gré  ou  de  force  '. 

Telle  est,  à  vrai  dire,  la  seule  tradition  où  nous  voyons  Apol- 
lon (ou  le  Soleil:  la  distinction  ici  n'est  pas  très  nette)  jouer  un  nde 
funéraii'e  ;  plus  précisément,  où  nous  le  voj'ons  tracer  la  route  ou 
faciliter  le  voyage  vers  les  pays  ultra-terrestres.  Et  c'était  sans 
doute  une  assez  valable  raison  d"invo(|uer  son  aidi-  pour  des  êtres 
•chers  appelés  par  la  mort  à  tenter  ce  même  trajet;  et  môme  de 
mettre  le  défunt  plus  directement  sous  sa  protection,  en  lui  faisant 
prendre  les  traits  et  les  attributs  du  dieu  auquel  nul  ne  pouvait 
résister. 

Mais,  par  la  même  occasion,  il  se  trouve  qu'achèvent  de  s'ex- 
pliquer les  images  du  mort  sous  les  traits  ou  avec  les  attributs 
d'Hercule.  Ce  n'est  pas  seulement  un  symbole  d'une  vie  future  bien- 
heureuse, sous  la  figure  du  héros  qui,  après  avoir  tant  souffert, 
avait  enfin  obtenu  la  béatitude  dionysiaque.  Car  on  ne  s'explique- 
rait pas  alors  que  la  statue  fût  un  portrait.  La  masse  des  ancien- 
nes croyances  plus  ou  moins  oubliées,  plus  ou  moins  confuses,  dont 


'  Documents  rassemblés  par:  Millier.   Dorier-,  I,   p.  279. 

•  Voir  les  textes  rassemblés:  Aintah  d.  Inst.,  XXIV,  1852,  p.  %  sq. 
—  Cette  coupe  est  un  dépas  d'or  selon  Stésicliore:  un  léhè.<:  selon  Tliéo- 
lytos.  Héraclès  est  représenté  naviptuant  dans  cet  esquif  d'un  nouveau  genre 
sur  un  vase  célèbre  du  Vatican  ucproduit  dans  Dareniberg-Saglio,  s.  v.  Her- 
rtiles.  p.  93,  fig.  8763;  efr.  Apollon  tenant  la  lyre  et  naviguant  sur  le 
trépied  à  travers  l'Océan  ^^ftls.  Gregor.,  II,  pi.  XV):  le  parallélisme  est 
absolu,  n'y  ayant  point  de  ditlërence  entre  le  lébès  seul  et  le  lébès  posé 
sur  trépied. 


HERCULE    FUXÉUAIRE  265 

nous  retrouvons  des  traces  dans  cette  figure  est  bien  autrement  im- 
pressionnante que  le  symltolisme  philosophique  ou  même  populaire 
des  Douze  Travaux  sculptés  sur  les  Sarcophages. 

Ce  demi-gisant  est  le  descendant  direct  des  Etrusques  couchés 
sur  leurs  urnes,  des  statues  enfermant  dans  leur  poitrine  les  cen- 
dres des  morts,  des  squelettes  que  Ton  retrouve  tout  parés  de  leurs 
bijoux,  armés,  et  la  coupe  à  portée  de  la  main  :  la  persistante  il- 
lusion de  ce  que  les  Egyptiens  appelaient  le  «  double  »  explique 
le  soin  que  les  vivants  prenaient  de  sauvegarder  autour  des  morts, 
ou  de  leurs  images  ',  les  apparences  de  la  vie.  Mais  cela  ne  leur 
suffisait  pas  encore  ;  car  le  mort,  pensait-on  (les  Pythagoriciens  et 
les  Orphiques  avaient  plus  que  quiconque  contribué  à  répandre  de 
telles  idées  en  Italie  ^)  avait  uii  dur  voyage  à  accomplir:  un  voj'age 
où  il  trouverait  des  divinités  sévères,  et  d'autres  cruelles  ;  et  d'au- 
tres aussi,  sans  doute,  prometteuses  de  félicités  immortelles,  mais 
dont  il  fallait  gagner  l'amitié  si  l'on  voulait  être  de  leur  suite. 
Le  moyen  magique  d'adoucir  les  démons  et  d'entrer  dans  la  fami- 
liarité des  dieux  bienfaisants,  c'était  de  leur  ressembler;  ou  de 
ressembler  au  héros  puissant  qui  avait  brisé  les  portes  des  Enfers, 
Ce  n'est  pas  pour  une  autre  raison  que  le  Dionysos  d'Aristophane 
a  pris  la  massue  et  la  Ic'otité,  et  qu'il  va  consulter  Héraclès  sur 
le  chemin  qui  mène  au  Styx:  sous  la  vulgarité  réaliste  des  détails, 
la  foi  en  Héraclès  se  devine  encore;  mais  la  bouffonnerie  est  com- 
plète en  ce  que  Dionysos  lui-même,  sans  tout  l'attirail  dont  il  s'est 
embarrassé,  aurait  dû  avoir  facile  accès  aux  Enfers,  où  ses  «  mystes  » 
chantent  en  son   honneur.   Le  Romain  inconnu  qui,  au  IIP  siècle  de 


'  Au  premier  siècle  de  notre  ère,  on  croit  encore  naïvement  dans 
certains  milieux  que  la  statue  funéraire  est  animée  (Pétrone,  Sut.,  71  et 
74.  Cfr.  Sclirœder,  Grabâenkv).,  p.  48). 

-  Cfr.  B.  Sciiweitzer,  Herakks,  p.  79,  n.  1. 


266  HEItCirLB    FIXÉKAIRE 

notre  ère,  se  f:iisait  représenter  en  Hercule  sur  sa.  tombe,  qu'il  le 
voulût  ou  non,  suivait  les  antiques  traditions  et  s'assurait,  sous  les 
traits  du  héros,  uno  heureuse  descente  au  pays  des  ombres  '. 

Jean  Bayet. 

{A  siiiire). 


'  Cette  habitude  de  confondre  les  morts  avec  les  dieux,  (jui  se  ré- 
pand surtout  depuis  Nerva  (.Sclud-der,  Grahdenkm.,  p.  66),  s'exerce  avec 
une  certaine  sûreté  encore  au  III"  siècle,  où  l"on  voit  sur  des  sareopha 
ges  Méléagre  et  Atalante  (C.  Robert,  Ant.  Sark.  Bel,  III,  2,  n""  23f>, 
240,  258^,  Diane  et  Hippoyte  (Id.,  ib.,  179'),  Mars  et  Kliéa  Silvia  (Id.,  ih. 
188  et  190),  Achille  et  Penthésilée  (Id.,  th.,  92,  94,  95.  99),  pourvus  des 
traits  des  morts.  .Mais  déjà,  dans  le  fait  de  choisir  pour  cet  usage  indiffé- 
remment des  héros  ou  des  dinux,  se  marque  la  décadence  des  antiques  con- 
oeptious.  On  ne  tient  plus  (|u";i  une  chose:  faire  figurer  les  portraits  des 
défunts  dans  la  scène  sculptée  sur  le  sarcophage.  I,a  déculfnce  est  com- 
plète par  ex.  C.  Robert,  III,  2,  nos  igs  et  179,  où  tous  les  personnages 
sont  confondus. 


L'INTERROGATOIRE  DE  MAROARIT 


Document  inédit  sur  Benoit  XIII  (1410-1411) 

ET  SUPPLÉMEMT  À  l'InVENTAIRE  DU  FONDS  DES  NOTAIRES  d'OraNGE 
CONSERVÉ  À   LA  BIBLIOTHÈQUE  DU  VATICAN 


Il  existe  à  l;i  bililiotlièqiie  et  aux  areliives  du  Vntifan  des  fonds 
encore  peu  étudiés  ou  tout  à  fait  ignorés,  qui  fouiniruient  d'impor- 
tantes sources  :ï  l'iiistoire  de  la  Provence  et  du  eonitat  V'^enaissin. 

L'un  d'eux,  surtout  intéressant  pour  la  ])rincipauté  d'Orange  aux 
XlV^et  XV  siècles,  est  constitué  par  les  registres  des  notaires  de  cette 
ville,  dont  un  répertoire  a  paru  dans  les  Mélanges  de  l'Ecole  fran- 
çaise de  Rome  '.  Ce  fonds  avait  été  transporté  d'Orange  au  palais 
d'Avignon  pendant  les  guerres  de  religion,  saus  doute  vers  1562, 
pour  être  mis  à  l'abri  des  bandes  du  baron  des  Adi'ets;'"  il  fut 
<lans  la  suite  enrichi  de  quelques  registres  de  notaires  provenant 
d'Avignon  et  du  comtat. 

Deux  répertoires  en  furent  dressés,  l'un,  malheureusement  partiel, 
en  1594,  sous  la  légation  du  cardinal  d'Aequaviva^,  l'autre,  inachevé 
et  sans  date,  écrit  au  moment  de  l'expédition  des  registres  à  Rome  ^. 

'  A.  de  Boilaril,  Le  fonds  des  notaires  d'Orange  à  lu  hiblio'hètjne  du 
Vatican  [391  numérosl,  dans  les  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire,  t.  XXX, 
1910,  pp.  209-256. 

■'  Voir  la  note  de  la  fin  du  XVII"  siècle  publiée  pai'  de  Boiiard,  op. 
cit.,  p.  210,  note  1. 

'  Indice  n.  146  (Arcliives  du  'S'atican):  Inde.c  lihroritm  manuscripto- 
rum  qui  in  archivio  Palatii  Avinionensis  reperti  sunt  iempore  legationis 
m.  et  R.  D.  D.  Octarii,  cardinalis  de  Acguavira,  anno  Domini  1.594. 
fol.  4-5",  et  fol.  150"-152.  —  Il  ne  signale  qu'un  seul  registre  de  Pons 
Simon  (1429-1432)  et  aucim  de  Guillaume  Simon,  tous  deux  largement 
représentés  dans  le  fonds  du  Vatican  et  le  répertoire  de  1631. 

*  Archives  du  Vatican,  Miscellanca,  Arm.  I,  \ol.  175,  fol.  115-152\ 
Les  feuillets  149,  150  et  151''  sont  en  blanc. 

Mélangea  d'Arch.  et  d'Ilist.  1921-192-2.  18 


268  i,'ixTi;i!i!ii(;.\T()ii(i:  i>k  .mah(;ai!It 

Soi-to  de  liorrlcroaii  iVcnvoi.  il  c^t  iiifitiih''  sur  le  dernier  feuillet: 
«  Nota  de  lihri  de  »(j(nri  rlic  /'urorio  }i(jrl(ili  ii  Homn  d'Aii- 
gnone  ». 

On  ifruorait  jufçqu'ioi  la  date  à  laquelle  cette  seetion  des  ar- 
chives palatines  d'Avignon  avait  été  transpoi-tée  à  Rome.  Des  en- 
vois ])artiels  eurent  lieu  sans  arrêt  depuis  le  XVF  siècle  jusqu'à 
l'annexion  du  comtat  Veuaissin,  notamment  sous  les  pontificats  de 
Pie  IV,  de  Clément  VIII  et  d'I'rbaiii  VIII  '.  C'est  à  ce  dernier 
pape  que  l'on  doit  attribuer  la  venue  au  diâteau  Saint-An^re  dn 
fonds  ((ui   nous  occupe  en   ce   moment. 

Les  habitants  d'Orange  ou  du  comtat  Venaissin  avaient  fréquem- 
ment besoin  d'extraits  des  regisitres  notariaux  qui  se  trouvaient  à 
lîomc  :  ils  devaient  à  cette  occasion  s'adresser  à  des  fonctionnaires 
des  archives  du  cliâteau  Saint-Ange.  Par  hasard,  une  de  ces  de- 
mandes de  recherches,  émanée  de  la  légation,  et  relative  au  collège 
Saint-Martial  d'Avignon-,  permet  de  dater  de  ItiSl  la  iiotu  de 
lihri  de  noturi  che  fvrono  porfiiii  a  Borna  d'Arigiionc.  L'expédi- 
tion dut  être  l'œuvre  de  Gio.  Battista  Quaratesi,  l'archiviste  en- 
voyé par  Urbain  VIII  en  lt)28  an  palais  d'Avignon,  qui  dès  son 
arrivée   faisait   un   tri    parmi  les  archives  utiles  à   la  cour  romaine  '. 

'   \'oii'  Uachard,  Les  nrcliires  du    Vatican  (IJnixelIcs,   1874),  pp.  8-i;!. 

-  Fia  le  scritture  portate  d'Avignone  l'anno  1631  vi  sono  li  atti  del 
notaro  Pietro  Bassarelli  [Le  même  sans  lionte  (pie  Massarelli  dont  un 
registre  de  1454  (?i  est  mentionné  dans  la  Noia  de  Hbri...\  che  viveva 
l'anno  137!1  a  tempo  di  Clémente  VIT.  antipapa,  successore  in  Avignone 
di  (iregorio  XI"",  regnando  alloia  in  Ronia  papa  Uibaiio  VI°.  11  s''  Bi- 
saica  e  i)iegato  di  ceioaie  si  fia  le  scritture  ed  atti  del  d°  notaro  vi  é 
i|Malclie  cosa  aspettante  al  rettoiato  di  S.  Martiale,  ilell'oriline  di  S.  Be- 
niMÎctto  cliiniaecns.,  e  di  esse  pigliarne  una  nota,  perche  si  sara  neces- 
.•-ario,  si  t'aiaimo  copiaie  per  exteiiKum  ..  (Archives  du  Vatican,  3Iiscel- 
latiea,  Arm.  I.  vol.  170,  fol.  171). —  Ce  registre  est  aujourd'hui  perdu. 

^  Lettre  de  Quaratesi  au  cardinal  Fr.  Barberini,  légat  d'Avignon. 
!)  sept.  1626.  (Bibliothèque  du  Vatican,  5oW-m»i/ M//»/,  9747,  fol.  188).— 
Voir  également  une  lettre  de  J.  .M.  Siiarés,  évéque  de  \'aison,  au  car- 
dinal C.  Barberini  {iiidei».  ;!055:  et  2059,  fol.  22:i). 


L  INTERROGATOIRE    DE    MARGARIT  2bH 

Les  deux  inventaires  dressés  en  Avignon,  malgré  de  grandes 
inesactitudes  de  noms  et  de  dates  ',  renferment  des  indications  assez 
précises  pour  que  Ton  ne  puisse  douter  qu'ils  concernaient  le  fonds 
des  notaires  actuellement  conservé  à  la  Bibliothèque  du  Vatican  ', 
dont  le  répertoire  présente  393  numéros.  Tel  qu"il  existait  avant 
le  transport  à  Rome,  il  était  beaucoup  plus  riche;  on  s'en  rend 
compte  facilement  par  les  anciennes  cotes  que  porte  le  dos  de  chacun 
des  registres.  Il  est  d'ailleurs  possible  qu'il  fût  déjà  incomplet  eu 
1631,  vu  l'état  de  désordre  des  archives  palatines. 

Parmi  les  registres  perdus,  il  suffira  de  citer  les  Hecognitiones 
hononim  immobiliuni  hahitatorum  ciritatis  Aracisensis  (1500  et 
1544)  et  les  registres  de  Castellus  Berengarii  (1326-1328)  indiqués 
dans  VIndke  de  1594;  les  registres  de  Jacobus  Episcopi  et  le  Liher 
causiiritm  criminaliiim  perjudices  de  1481  de  Nicolas  de  Bellaudio  ^ 
signalés  par  le  même  Indice  et  par  le  répertoire  de  1631  ;  enfin  les 
nombreux  registres  dont  fait  mention  ce  dernier,  parmi  lesquels  ceux 
de  Johannes  Gardabatii  de  1303-1304,  de  Bertrandus  Berardi  de 
1340,  1390  et  1412,  de  Castellus  Berengarii  de  1354-1356,  de  Bi- 
chen  [Nicolas  de  Brelien]  de  1405,  de  Guillaume  Simon  de  1408  et 
1425,  le  ctitnsti-iim  honorum  civifutis  Ardusicensis  de   1409  etc.... 

On  trouvera  ci-dessons,  sous  les  numéros  392  et  393,  un  in- 
ventaire de  MisceUnnea.  récemment  réunis  au  fonds  des  Atti  no- 
tariU  di  Orange  conservé  à  la  Bibliothèque  du  Vatican,  et  qu'a 
bien  voulu  nous  indiquer  Mgr  Le  Grelle. 

'  Ainsi  dans  les  dates  de  certains  registres  de  Pons  Simon  (1428 
us(iue  ad  WHO,  et  1423  usque  ad  1034^,  et  de  Beraudus  Gilii  et  Petnis 
Trabalii  (124f:  nsque  ad  1350),  indiciués  par  la  Xota  rf*  lihri... 

-  Par  exemple:  Ant.  det^iinteno,  1406 (Inv.de  1594  et  n" 392  du  fonds)  : 
Guil.  Boetii  (Inv.  de  1594  et  nos  41-42);  p.  Simonis,  2  Nov.  1411-9  Mars  1412 
et  141.8-15  (Inv.  de  1631  et  nos  288  et  290):  .T.  Gardatas,  1311  (ihidem  et 
n"  133),  Curif  epiitcopah's  Araumcensis,  1460  et  1464  {ibidem  et  ii"»  359  et 
360),  Befiisiiiini  in  causa   Nieiensi,  1357  {ibidem  et  n"  371)  etc 

^  Le  nom  du  notaire  n'est  pas  indiqué,  dans  le  répertoire  de  1631. 
Il  est  orthographié,  dans  l'Indice  de  1594.  Bellundi. 


270 


I.  IN'TEFJKOliATOlKK    1)K    MAHGAUIT 


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L  INTERROGATOIRE    DE    MARGARIT 


Parmi  ces  fragments,  il  est  un  csiliier  écrit  par  le  notaire  Pierre 
Jeun,  sans  doute  aviguonuais  ',  dont  le  contenu  sort  de  l'ordinaire 
des  actes  notariés:  l'interrogatoire  d'un  catalan,  Esinanart  Margarit, 
au  service  de  Pierre  de  Luna  (Benoit  XIII).  Dans  le  style  précis 
de  ces  sortes  de  pièces,  malgré  une  langue  très  barbare,  cette  dé- 
position relative  au  siège  du  palais  des  Papes  d'Avignon  en  1410- 
1-111,  complète  les  renseignements  fournis  par  la  chronique  de 
Martin  d'Alpartil  et  le  chronicon  jmrnim  Ârhiionense  de  scbismate 
et  beJlo  °.  Elle  éclaire    l'activité    des    agents    du    pape    d'Avignon. 

Chargé  par  le  chanoine  Antoine  Vincent,  gouverneur  pour  Be- 
noit XIII  de  la  place-forte  d'Oppède,  de  négocier  des  alliances  utiles 
;i  la  délivrance  du  Palais,  Margarit  quitta  Opj^ède,  le  5  Août  1410. 
.\près  dix  mois  de  voyages  et  de  pourparlers,  il  fut  fuit  prisonnier 
pai'  les  troupes  du  roi  de  France  à  la  traversée  du  Rhône,  au  début 
du  mois  de  juin  1411,  et  conduit  à  Tournon.  Il  y  fit  une  première 
déposition  devant  Gasconet,  bailli  du  Yivarais:  et,  les  10  et  11  juin, 
les  notaires  mandés  en  hâte  à  cet  effet  lui  firent  subir  un  interro- 
gatoire plus  détaillé,  dont  on   trouvera  ci-dessous  le  procès-verbal. 

La  torture  arracha  à  Margarit  des  renseignements  bien  précieux; 
mais  ils  ne   lui   valurent   pas    une  grâce  qu'il  n'était   pas  coutume 


'  Les  comptes  de  la  trésorerie  d'Avignon  portent  un  ordre  de  paî- 
ment,  le  4  juillet,  au  nom  de  «  Xerio  Buzaffi,  speciator,  pro  expensis  per 
ipsum  faetis  cuin  magistro  Petro  lohanni,  notario...  pro  examinando  quem- 
dam  catalanum  vocatum  Margarit,  et  steterunt  septem  diebus  •  (Avignon, 
Archives  de  la  ville,  EE  637,  fol.  282^1. 

*  Chrouique  en  provençal  allant  de  1397  à  1416,  publiée  par  le  chev. 
Carreri,  d'après  un  ms.  des  archives  du  marquis  Rangoni  Machiavelli, 
dans  les  Annales  d'Avignon  et  du  Comtat-Veitatsxin ,  4*  année,  1916 
N.Valois  en  avait  fait  une  reconstitution  partielle  (Extrait  de  l'^lHdKaî're 
du  BiiUetiii  de  la  Société  de  l'Hittoire  de  Fiance,  190'2).  Les  clironi(iues 
de  P.  de  Arenis  ou  de  Bertrand  Boysset  ne  donne:it  presque  rien  sur 
l'époque  du  siège  du  Palais. 


272  l.'lNTEItUDdATOinE    I)K    MAKGAUIT 

d'accorder  aux  émissaires  de  Pierre  de  Luua.  Avec  l'autoriRation 
royale,  les  Avi^noniiais  prirent  possession  du  prisonnier,  et,  le  24  août, 
li;  bâtard  de  Poitiers  '  eut  mission  de  le  transférer  de  Tnurnon  en 
Avignon  '•'.  Le  21  septembre,  il  était  décapité  sur  la  jdace  Saint- 
Didier  ',  et  sa  tète  et  les  quartiers  de  son  corps,  exposés  aux  jwrtes 
de.  la  viUc  sciviiiiit  d'(\ciii|dc  aux  partisans  de  Benoit  XIII.  Pour 
taire  ce  t'iiiiébre  transport,  les  syndics  n'avaient  trouvé  d'autre 
a;^ent,  ((u'un  Juif,  Léonet  Pallier,  exécuteur  de  basses  besognes; 
précédemment,  il  avait  été  cliargé  de  préparer  deux  cent  cinquante 
barils  de  fumier  et  d"ordures,  destinés  à  être  lancés  sur  les  assiégés 
«ad   damiuni    vexationeni  »  ■*  ! 

L'exécution  de  Margarit  sonna  le  glas  de  la  défense  catalane. 
]je  80  septembre,  la  garnison  signait  une  capitulation  qui  devait 
avoir  lieu  d.ms  Tespaie  de  cinquante  jours,  si  des  secours  d'ici  là 
n'étaient  jioint  arrivés  '.  Le  22  novenilire,  les  catalans  évacuaient 
le   pal.iis   des  Pajies  (rAvignoii. 

'  Etienne,  frèic  de   Philippe  île  Poitiers,  chainbelian  du  roi. 

-  o  Solvit  Nntinus,  tliesauraiins,  Stéphane  dicto  bastanio  de  Pictavio, 
pro  expeusis  per  eum  et  doniinum  Franciscum  Alberassii,  procuratoreui 
et  actorem  civitatis  Avinionis,  cnin  eoiuin  societatc  fiendis  apml  locuui 
de  Tunwne.  ubi  de  pioxinio  accessuri  suiit  ad  liabendum  et  addnrendum 
ad  banc  presentem  civitatom  queindam  catlialanum  voc-atuni  Margarit 
pênes  dominum  Gasconbtum,  militem,  baylivum  Vivariensem  extantein 
captivuni  scu  prcsonerium,  vz,  flor,  XX  ».  (Avignon,  .\rchives  de  la  ville. 
Comptes  de  la  guerre  des  ciittiTans,  EE  [sans  numéro]  fol.  227).  Communi- 
cation de  M.  P.  Pansier). 

^  «  Solvit  Nutinus  Doininico  Arenguerii,  raercatore,  factori  pretlicti 
Anthonii  de  Nardiiclio  [mercatoris\  .ab  iina  parte  flor.  V  per  ipsum  de  nian- 
dato  douiinorum  \xi»dicnrum\  sohitos  dicto  Muscailello,  carnifici,  pro  exe- 
qntione  facta  per  eum  in  per.sonam  cnjusdam  catlialaiii  ex  inimicis,  nun- 
cupati  Margarit,  suis  exliigentibus  démentis  decapitati  die  XXI  niensis 
Inijus.  —  Item  plus  ab  alla  parte  pro  removendo  capud  ipsius  deffuncti 
a  platea  S.  Desiderii  ubi  deeapitatus  extitit  extra  civitatem  portando, 
flor.  !..  2«  sept.   1411  Ubùlem,  fol.  232). 

*  Mandat  du  restant  de  la  somme  due  \m\w  les  deux  besognes. 
1«  mai   1412  [ibidem,  fol.  2.06"). 

^  N.  Valois,  La  France  et  le  ijraiid  schisme  d'Orient,    t.   IV,  p.  169. 


L  INTEltltOliATdlItE    I>E    MAROARIT 


>[ar,i;;irit,  en  mourant,  avait  emporté  les  derniers  espoirs  d'un  re- 
tour de  fortune.  Krrant  depuis  le  mois  d'août  1410  sur  les  routes 
de  France,  de  Savoie  et  d'Ai-agon,  après  avoir  reçu  les  promesses 
les  plus  encoura.£reaiites,  il  avait  vu  la  défection  ou  la  lassitude 
gagner  les  partisans  de  son   maître. 

Le  pape  d'Avignon  avait  quitté  cette  ville  dès  1403:  prisonnier 
à  son  tonr  dans  l'état  pontifical,  qui  au  siècle  précédent  avait  été  le 
refuge  de  la  papauté.  i)risonnière  des  factions  à  Rome,  il  avait  dû 
olierdier  une  lilierté  vagabonde  dans  le  royaume  d'Aragon.  11  ne  ces- 
sait do  proclamer,  avec  une  confiance  pleine  d'orgueil  et  de  dignité,  les 
droits  sacrés  qu'il  avait  reçus  au  conclave  d'Avignon,  et,  refusant  de 
se  démettre,  voyait  une  partie  de  la  chrétienté  suivre  son  obédience. 

Les  Avignonnais,  jouant  de  cet  esprit  d'indépendance  où  ils  se 
plaisaient  d'être  ;'i  l'égird  de  leurs  souverains,  s'étaient  déclarés 
en  1410  pour  le  pape  de  Rome,  Alexandre  V,  proclamé  par  le 
concile  de  Pisi\  La  mort  rapide  du  nouveau  pontife,  et  l'élection 
de  Jem  XXIll  (17  mai)  n'amenèrent  point  une  réconciliation  entre 
les  deux  fractions  de  l'église.  Bien  au  conti-aire,  lîenoit  XIII  avait 
recommencé  la  guerre,  et,  des  troupes  étant  arrivées  de  Catalogne, 
son  neveu  Rodrigue  de  Luna  s'était  enfermé  au  début  du  mois  de 
mai  derrière  les  hautes  murailles  du  palais  des  Papes,  pour  conserver 
au  moins  à  sou  maître  un  signe  visible  de  domination.  Ses  soldats 
s'étaient  partagé  la  garde  de  quelques  points  de  la  ville  '  et  avaient 
occupé  la   jilace   forte   d'Oppède  ',  dans  le  conitat. 

'  Entie  autres  la  ^'il^e-GL■l•euce,  la  roche  des  Doms,  le  petit  Palais 
et  la  tour  du  pont  Saiut-Benezet,  qui  n'allait  pas  tarder  à  ètie  prise. 

-  Lé  gouverneur  en  était  le  olianoine  Antlioiuiis  Viiicentii,  déjà  men- 
tionné eu  1398  parmi  les  défenseurs  du  Palais,  comme  étant  l'un  des 
magistri  uxeiii.  Son  neveu  Barthélémy  sera  otage  à  la  reddition  du 
Palais  en  1411  \R.  P.  Ehrlo,  Martin  de  Alpartils  chroidca  aciiiarum  tem- 
poribiis  Benedicti  XIII,  dans  (Quelle»  luid  Fomchuiigen . ..  herausgegehen 
i-on  der  Guireggenelhclial'l,  t.  XII  (1906),  p.  59  et  p.  564 1. 


274  I.'lXTIJKUOflATOlRK    I>K    MAKOAKIT 

Le  projet  des  catalans  était  (l'atteiidre  ;  ils  escomptaient  un  re- 
virement (les  Avi-^noniiais,  et  espéi'aient  que,  ^'râce  à  ries  secours  qui 
ne  pouvaient  tarde)-,  liemiit  XIII  )-entrerait  dans  la  seconde  Rome 
revenue  à  son  nliédience.  Le  mot  d'ordre  qu'avait  re^-u  Rodrigue 
de  Luna  était  de  ne  pas  s'épuiser  en  escarmouches,  mais  de  bien 
;;aiiler   le    Palais.  . . 

La  iiiissioii  (le  Marj^arit  ('tait  donc  de  ;;rande  importance.  Les 
chroniques  ne  lions  renseignent  que  sur  la  situation  apparente  des 
adversaires  et  sur  le  résultat  des  opérations;  l'interrogatoire  de 
cet  obscur  partisan  de  Pierre  de  Luna  nous  lait  rntrevoir  les  n(-go- 
ciations  qu'il   poursuivit   inlassablement. 

De  nouveaux  roncours  étaient  promis  à  Hiiinit  XIII.  Marg.irit 
se  rencontra  près  de  Berne  avec  deux  capitaines  qui  combattaient 
alors  contre  les  Sui.sses  pour  le  compte  d'Amédée  VIII  de  Savoie, 
le  seigneur  de  Sallenôves  '  et  Guignes  de  Montliel.  seigneur  dT-n- 
tremont  '.  Ils  n'étaient  point  des  inconnus  dans  le  comtat  Venaissin. 
Le  premier  en  juin  1410  avait  fait  un  traité  avec  Rodrigue  de 
Luua,  et  le  bmit  courait  parmi  les  Avignonnais  (|ne  «  lo  segnor 
de  Saranovo  dévié  intrar  au  dicli  palays,  et  puys  corre  la  villa, 
et  la  mètre  à  saqueman  »  '.  (^uant  à  (inigues  de  Montbcl,  à  la  tête 
de   ses   bandes,  il  .avait  ravagé  certaines  iilaees   du  cnmtat  en  1401  '. 


'  Guignes,  seigneur  de  Sallen(')ves  (arr.  ilAiniecy.  Hmite-Saroie),  d'une 
famille  appaientée  aux  Viry.  Au  XVI^' siècle,  la  baionnie  de  Sallen(")ves 
appartiendra  aux  Viry  (^voir  Bibliothèque  Nationale,  Nouveau  d'IIozier, 
vol.  335,  ytilice  yénéalogique  d'ailleurs  très  inexacte^. 

'  Entreniont,  arr.  de  Bonncville  (Haute-Savoie).  (înigues  de  Montbel, 
fils  de  .Jean,  (''tait  en  outre  seigneur  de  Montellicr,  de  Gré-ey  (voir  C"^  de 
Vorîys.  Armoriai  et  iiubiliaire  de  Vdiirieii  diuhe' de  Sarair  (îrcnoble.  IPOO). 
t.  IV,  p.  68". 

^  Chroniei»!  parrum  Ariniuiiense  de  ncliismate  et  hello,  Joe.  cit.,  p.  KH 
(14  juin).  Cfr.  également  Bibliotliè(|ue  Nationale,  latin  8.^75,  fol.  268''. 

*  Jos.  Fornéry,  Histoire  du  comte'  renai.'min  et  de  la  rille  d' Acignon 
éd.  Duhamel  (Avignon,  1909),  t.  I,  p.  404. 


L'INTERROGATOIRE    DE    MARGARIT  2(:) 

A  la  suite  des  négoci<ations  de  Margarit,  dès  le  mois  d'octobre  1410, 
il  envoya  quelques  hommes  d'armes  daus  la  contrée  ;  leur  présence 
inquiéta  les  Aviynonnais  qui  deinandorent  i)roteption  au  duc  de  Berry, 
gouverneur  du  Languedoc  '. 

Un  autre  capitaine  savoyard,  un  des  grands  condottieri  de 
l'époque,  Amé  de  Virj'  ",  qui  s'était  distingué  dans  les  armées  bour- 
guignonnes pendant  la  campagne  de  Liège  ■',  venait  de  rompre  avec 
le  comte  de  Savoie  :\  la  suite  d'une  guerre  malheureuse  contre  le 
duc  de  Bourbon.  11  se  proposait  de  descendre  dans  le  comtat  Ve- 
naissin,  et  rien  n'était  plus  à  craindre  pour  les  Avignonnais  que  l'ini- 
mitié  de  celui   qui   avait  répandu  la  terreur  dans  le  Bourbonnais  '. 

Benoit  XIII  reyut  même  des  offres  d'un  de  ses  anciens  adversaires, 
Randon,  seigneur  de  Joyeuse  '',  nommé  un  an  auparavant  capitaine 
dins  le  comtat  Venaissin  par  le  roi  et  le  légat  d'Avignon,  cardinal 
de  Thury  ",  et  qui  pour  des  retards  de  paiment  s'apprêtait  k  fran- 
chir le  Rhône.  Enfin,  depuis  la  mort  de  Louis  II  ',  le  nouveau  duc 
de  Bourbon,  .lean  l",  était  amené  par  sa  politique  autibourgui- 
gnonne,  et  par  ressentiment  contre  le  roi  *,  à  se  ranger  sous  l'obé- 
dience du   pape    d'Avignon.    11   permettait    libre    passage    dans    ses 


'  Lettre  du  duc  de  Berry  aux  syndics  d'Avignon  leur  annonçant 
l'envoi  de  son  sénécli.al  d'Auvergne,  7  oct.  [1410]  (Avignon,  Arcliivcs  de 
la  ville,  AA  Si  et  EE  350). 

-  Viry,  canton  de  .Saint  Julien-en-Genevois  {Haute-Sanoie}. 

^  Cfr.  J.  L.  (ïrillet.  Dictionnaire  historique  des  dép.  du  Mont-Blanc 
et  du  Lànaii  (1807),  t.  111,  p.  438. 

*  Voir  sur  cette  guerre  la  Chronique  du  bon  duc  Loys  de  Bourbon 
(Société  de  l'Histoire  de  France),  pp.  292-302;  et  la  Chronique  d'En- 
guerran  de  Monstreht  (ibidem),  t.  Il,  pp.  2  3. 

^  Joyeuse,  arr.  de  Largentière  {Ardèche). 

^  Le  22  mars  1410  il  paraît  avec  ce  titre  (N.  Valois,  op.  cit.,  t.  IX. 
pp.   161-162). 

"   Louis  II  mourut  le  19  août  1410. 

*  Le  roi  confisqua  en  1411  le  Beaujolais,  appartenant  an  duc  de 
Bourbon,  et  une  partie  du  comté  de  Tonnerre,  dont  il  donna  le  gouver- 
nement au  duc  de  Bourgogne. 


276  i,'inti;ku(»«atoirk  i>k  maiuiarit 

terres  aux  V>ande:4  du  seigneur  d'Eiitremont,  et  liieiitôt  se  vit  ntlVir 
par  Pierre  de  Luiia  le  gouveniemciit  de  l'état   pontifical  '. 

Plusieurs  places  du  comtat,  nous  apprend  é;^aleinent  la  déposi- 
tion de  Margarit,  avaient  promis  d'uuvrir  leurs  porte»:  les  châte- 
lains de  Pout-de-Sorgue,  de  Cliâteauueuf-de-Gadague,  d'Kntraigues 
et  de  bien  d'autres  villes  étaient  prêts  à  recevoir  les  secours  envoyés 
au  pape  scliisinatique. 

Ainsi  1(!  |)rintenips  de  l'année  141 1  était  inaniué  de  signes  en- 
Odurageants  pour  la  diplomatie  de  Benoit  XIII  ;  le  comtat  Venaissin 
était  menacé  d'une  guerre  dévastatrice,  qui  serait  peut-être  favô- 
ralile   au    pape   d'Avignon. 

Mais  les  catalans  se  heurtèrent  à  fnrte  partie.  Charles  VI,  de- 
puis le  concile  de  Pise,  était  décidé  à  mettre  lin  au  schisme  qui 
était  en  voie  de  s'éterniser.  Les  ordres  donnés  à  ses  officiers  et  la  part 
plus  active  prise  par  les  ducs  de  Berry  et  de  Bourgogne  encoura- 
gèrent les  Avignonnais.  A  prix  d'argent  ils  obtinrent  la  défection  des 
condottieri  et  le  concours  de  leurs  voisins.  Amé  de  Viry,  que  ses 
querelles  avec  le  duc  de  Bourbon  rangeaient  d'ailleurs  dans  le  parti 
bourguignon,  disparut  de  la  scène  '.  Le  sire  de  Sallenôves,  travaillé 
depuis  longtemps  par  le  comte  de  Savoie  '',  et  pressenti  par  Renier 

'  N.  Valois,  op.  cit.,  t.  IV,   p.  IGT. 

^  Paîment  effectué  le  i  n)ai  1411  ^jar  Nutinus,  trésorier  d'Avignon, 
au  notaire  d'Orange,  »  prete.\tu  salaril  pro  instruraenlis  compromissi  et 
sententie  nuper  factis,  habitis  et  celebralis  iiiter  dominos  sindicos  Avi- 
nionis...  et  Ameueum  de  Vihiaco,  et  alios  suos  conipliccs  pro  parte  do- 
mini  de  Intermontibus,  super  nonnullis  querelis  et  petilionibus  quas  ipse 
doiiiinus  de  lutenuontibus  faciebat  et  habere  pretendebat  contra  civi- 
tatem  •.  (Avignon,  Archives  de  la  ville.  Comptes  de  layuerre  des  catalans, 
EE  [sans  numéro],  fol.  256.  Communication  de  AI.  1'.  Paiisier). 

^  Voir  les  lettres  du  comte  de  Savoie  aux  syndics:  Ki  nov..  1:.'  dc'c. 
1410  et  26  mars  1411;  la  réclamation  d'une  récompense  par  Jacques  Garet, 
secrétaire  du  comte,  qui  s'est  entremis  auprès  des  seigneurs  d'Entreiuont 
et  de  Sallenôves  (de  AiildiiorK)  et  n'a  touché  que  douze  florins,  I.t  nov. 
1410  [ibidem,  A  A  34  >. 


L  INTERROGATOIRE    DE    MARGARIT  'J  I  ( 

Pot,  gouverneur  du  Dauphiué,  passa  à  la  fin  d'avril  1411  au  ser- 
vice du  duc  de  Bourgogne;  le  gouverneur  en  récompense  reçut  de 
la  ville  les  témoignages  les  plus  vifs  de  reconnaissance  accompa- 
gnés de  cinq  cents  florins  '.  Quant  au  seigneur  d'Entremont,  égale- 
ment circonvenu  par  le  comte  de  Savoie  ",  il  montra  dés  lors  peu 
d'empressement  à  tenir  ses  engagements. 

Les  secours  d'ailleurs  auraient  été  levés  en  vain.  Le  roi,  ap- 
prenant, disait-il,  que  «  les  seigneurs  de  Jouyeuse,  d'Antreraont  et 
de  Salenove,  Jehan  de  Torckefelou,  escuier,  son  frère  Ferrebourt, 
et  aultres  se  sont  efforciez  et  efforcent  de  mettre  sus  et  assembler 
gens  d'armes  tant  de  nostre  royaume  comme  d'ailleurs,  en  enteuciou 
d'aller  lever  le  siège  que  ont  tenu  et  fait  tenir  par  l'espace  de 
XIIIl  moys  ou  environ  Nostre-Saiut-Père  le  Pappe  et  les  lial)itans 
de  la  ville  d'Avignon  devant  le  palais  »  enjoignait  le  29  mai  k 
tous  ses  officiers  de  s'opposer  par  les  armes  à  leurs  incursions  '. 
11  donnait  des  ordres  an  sénéchal  de  Beaucaire  pour  la  garde  des 
passes  du  Rhône,  faisait  surveiller  celles  de  l'Isère  et  de  la  Du- 
rance,  et  à  la  même  date  prescrivait  (jue  fussent  payés  immédia- 
tement au  seigneur  de  Joyeuse   les  gages   qui   lui   étaient  dus    par 

'  Lettre  des  syndics  à  Renier  Pot,  2  mai  141 1  :  «  A  magnifie  et  puis- 
sant seigneur,  Mons.  Eegnier  Pot,  chevalier,  gouverneur  du  Dalphiné, 
conseiller  et  chambellan  du  roy,  nostre  très  cliier  et  reduuhté  seigneur. 
Très  honoié  et  puissant  sire,  nous  nous  reecomandons  humblement  à  la 
vostre  niagniticence.  Si  avons  entendu  pleinement  et  aperceu  tant  par  le 
noble  Ardoyn  de  Launay,  parent  vostie,  pourteur  des  présentes,  (piant  par 
Mons.  le  Recteur  et  par  Mous,  le  \'iguier  de  ceste  présente  cité  la  bonne 
volante  et  affection  et  la  bonne  diligence  qu'il  vous  ha  pieu  de  mettre 
et  faire  sur  la  provision  des  enneinix  de  ceste  présent  cité  et  de  la 
comté  de  Veneisse,  c'est  assavoir  du  seigneur  d'Eîs'TUEMON.s  et  de  Sel- 
LENEUVE  et  des  aultres  leur  complices,  par  la  ipielle  provision  et  par 
vostre  moyen  leur  venue  et  leur  entreprinse  c'est  destournée  ».  (Avignon, 
Archives  de  la  ville,  EE  3ôl). 

'  \'oir  siijira,  p.  276,  note  3. 

^  Lettre  de  Charles  '^^l  {ibidem,  boite  39).  Cfr.  lettre  de  Raspondi, 
aml)assadenr  de  la  ville  à  Paris,  en  avisant  les  syndics  (iT/h/^)»,  EE  351, 
2,  en  italien). 


278  I,'lNTERK(lflATI>IUK    I>K    MAUCARIT 

le   cardinal    de    Tliury,    lé^^at   sous    Alexandre   V,  dussent-ils    ôtre 
payés  sur  la  succession  même  du  cardinal  '. 

Enfin,  le  20  juin,  il  donnait  pleins  pouvoirs  à  riiili|)](e  de 
Poitiers  pour  diriger  les  opérations  du  siège  '. 

Eu  face  de  pareilles  mesures,  Pierre  de  Luna  ne  pouvait  rien. 
Les  quelques  troupes  fidMes  qui  avaient  tenté  de  forcer  le  blocus 
s'étaient  fait  battre  :  ainsi  était  il  advenu  à  la  passe  de  Malleniort  ', 
sur  la  Durance,  de  cent  \ingt  catalans  dél)ar(iués  k  Bouc;  et  vers 
le  même  temps,  îi  Caromb  ■*,  des  vingt-cinq  cavaliers  que  Guicliard 
de  la  Tour,  écuyer  du  seigneur  de  Sallenoves,  amenait  de  Savoie, 
et  ([ui  étaient  tout  ce  que  la  corruption  pratiquée  par  les  ennemis 
de  Pierre  de  Luna  n'avait  pu  détacher  de  son  service.  Pendant 
ce  temps,  de  la  roche  de  Peniseola,  où  il  avait  trouvé  un  dernier 
asile,  le  pape  d'Avignon  voyait  le  vide  se  faire  autour  de  lui: 
sans  argeut,  abandonné  de  ses  cardinaux,  il  ne  re])résentait  plus 
qu'un  principe  d'opposition  A  l'Eglise  Romaine.  Il  ne  pouvait  ce- 
pendant croire  à  la  défection  de  ses  condottieres,  et  disait  encore 
le  13  octobre,  alors  que  la  capitulation  du  palais  des  Papes  était 
signée,  d'attendre,  et  que  le  duc  de  Hourbon  allait  sauver  le  siège 
pontifical  ''. 

Fei{x.\xii  Benoit. 

'  Lettre  de  Charles  VI  au  sénéchal  de  Beaueaire  tiliidem,  boite  39, 
n°  20).  Le  cardinal  était  mort  à  Saint-André  de  Villeneuve  le  20  dé- 
cembre (Chronicon  parmim  Avhiionense,  loc.  cii.,  p.  IBS). 

'  Avignon,  Archives  de  la  ville,  EE  35L  2,  n"  1;3. 

'  Mallemort,  arr.  d'Arles,  canton  d'Eygnières  (BoucheadH-Bhùnè).  — 
Lettre  des  syndics  et  élus  de  la  guerre  d'Avignon  à  un  habit,int  des 
Martigues,  30  mai  1411  (Avignon.  Archives  de  la  ville,  EE  351,2,  n»  11). 
Cfr.  X.  Valois,  op.  cit.,  t.  I\',  p.  166.  Les  catalans  furent  battus  par  Pierre 
d'Acigné,  sénéchal  de  Provence. 

*  Caromb,  arr.  de  Carpentras  {Vnucltise).  X.  Valois,  np.  cit.,  t.  IV. 
p.  166,  note  3. 

s  N.  Valois,  op.  cit.,  t.  IV.  p.  170,  note  1  (Bulle  de  Benoît  XIII  datO.- 
de  Peniseola). 


l'intekuogatoire  de-  maiïgarit  279 

L'intt'i-rogatoire  (le  Margarit  (Juin   1411).  ' 

|M0  Juin]. 

I.  Depositio  j)rima  fada  per  infrasrriptuni  Març/arit  roram 
domifw  bai/lirio  de  Vivaresio  *,  rommissario  in  loco  de  Tornono, 
ahsentihus  Kertio  Buzaffi  et  Petrn  Johannis  notariis. 

Quibiis  peracti.s,  dictiis  doniinus  baylivitis  et  coramissarius  vo- 
leiis  scire  juxta  tenoreoi  sue  comiuissionis  quis  esset,  et  unde  erat 
idem  Mai-garit  Ksmaiiart,  prisonerius.  ipsnm  interrogavit,  niedio  suo 
corporali  jnrameuto,  unde  erat,  qui  dixit  quod  ipse  erat  de  Soba- 
deil  ',  diocesis  Barcellonie.  Requisitus  eum  dicto  juramento  quid 
faeiebat  in  présent!  patria,  qui  disit  quod  ipse  erat  et  fuerat  in 
venditione,  sciiicet  in  rastri)  d'Oppeda  \  ad  stipendia  Pétri  de  Luiia  '', 
ubi  stetit  spatio  septem  mensium,  et  dixit  verum  fore  quod  ipse 
dioessit  a  dicto  loco  d'Oppeda,  de  precepto  domini  Antlionii  Vin- 
centii,  canonici  et  gubernatoris  dicti  loei  d'Oppeda,  in  niense  au-  i)  août  1410 
gusti  "  proxime  lapso,  et  accessit  in  comitatu  Sabaudie  ad  domi- 
nuni  de  Salanova  et  dominum  d'Antreniout;  et  rcpperto  in  Sperna  ", 
proppe  Beniam  *,  ul)i  erat  ||  iu  stipendiis  domini  comitis  Sabaudie, 
in  exercitu  quem  faeiebat  idem  dominus  cornes  contra  illos  de 
Berna,  ipsum  dominum  de  Salanova  requisivit  quathinus  atten- 
dere  vçllet  pacta  que  fecerat  cum  domino  Roddigiio.  capitaneo  pa- 
latii  Avinionensis  ''.  l,iui(iuidem  dominus  de  Salanova   sibi   ijjsi    lo- 

'  Cahier  de  18   folios,   papier.   Atti   iKjiarili  di  Oran(je,  vol.  392,  1. 
'  Gasconet. 

^  Sabadell,  en  Catalogne. 

■'  Oppède,  arr.  d'Apt,  canton  de  Bnniiieux  {Vauclusc). 
5  Benoît  XIII. 
''  Voir  infra  S  II. 

'  Spins  ;?)  près  de  Berne,  district  d'Aarberg  (Suisse). 
*  Berne,  en  Suisse. 

5  Voir  supra  l'Introduction.   Le   14  .Iiiin  1410  le   seigneur  de   Salle- 
nôvea  devait  mettre  la  ville  à  sac. 


2H0  I.'I.NTKKKDGATOIUK    DF.    MAKCAKIT 

(liicnti  ns|)riii(lit  qii"(l  f;ic<T('t  lilieritt-r  si  liaborct  ar;^entiini,  m-i] 
quia  non  liabdiat  argontum  non  pnferat  sil)i  attciKlfi'e.  VA  sn])cr 
hoc  dictiis  doniiiiiis  de  Salaiiova,  lialiita  supor  hof  dr-liberatione, 
misit  queiidam  scntiffcruin.  vocatiini  (liiicliardiim  <li-  Tiirr»',  cdmi- 
tatus  Saliandie.  qui  acorssit  ad  dictmii  Petrnm  de  I>una,  a  Terra- 
gona,  ulii  crat'.  l't  ijisc  lo((u<-iis  tiiiu-  traiisivit  pcr  dictum  lociim 
d'Oppeda  ad  dictum  domiuum  Antlioniuin  Vinccntii,  si  volebat  quic- 
quani  scriberc  dicto  Petro  de  Luna.  (|ui  sihi  dixit  quod  sic,  et  sibi  tra- 
didif  dii.is  littiras  olausas,  ijuas  ipse  loqueiis  ]iortavit  dicto  Petro 
de  Luna.  Et  post.  duni  fuerint  ipse  loquens  et  dictus  Gnicliardus 
in  presentia  dicti  Pétri  de  Luna,  ip?e  loquena  dixit  j]  '  dicto  Petro 
de  Luna  quod  dictus  de  Salanova  Sue  Sanctitati  se  recomendal'St 
et  sihi  niittel)at  dictum  Guicbardum  de  Turre.  qui  Guicbardus  ex 
parte  diiti  doniini  de  Salanova  dicto  Petro  de  Luna  dicere  habebat 
illa  que  sibi  dixerat  et  oneraverat  idem  dominus  de  Salanova.  Et 
super  hoc,  idem  Guicbardus  dicto  Petro  de  Luna  dixit  illa  que 
sibi  dicere  babuit.  lîequisitus  si  fuit  presens  in  verbis  sibi  dictis 
dicto  Petro  de  Luna,  dixit  quod  non,  sed  hene  verum  est  (|Uod 
dictus  Fetrus  de  Luna  sibi  dicto  Guichardo  deliberare  fecit  in  Bar- 
cellonia  quatuor  milia  tlor.  et  super  hoc  idem  Guicbardus  dédit 
cautiones  honas  et  sutîicientes  de  restitucndo  dicto  Petro  de  Luna, 
seu  suis  gentibus,  dicta  quatuor  milia  floren.  casu  quo  non  deser- 
virent  silii.  Et  hiis  actis  retrocesscrunt  ad  dictum  dominum  de  Sa- 
lanova, in  Sabaudia,  cui  idem  Guicbardus  dixit  quod  habuerat  a 
dicto  Petro  de  Luna  IlIT'  mili.i  tlor.:  et  tune  idem  domiiius  de 
Salanova  fuit  coutentus  de  hoc,  et  super  hoc  liene  scit  quod  dictus 
dominus  de    Salanova    fecit  totum    qnod   potuit    de  veniendo    ||    in 


'  Le  pape  était  airivé  à  Tarragone  en  juin:  il  ipiitta  cette  ville 
pour  Sarago.sse  le  5  novembre.  I/entreviie  eut  donc  lieu  avant  cette  date 
(H.  Denitle,  Chronique  de  P.  de  Arenis.  Archn-  fiir  l.itterntur  tind  Kiiclieir 
genchichte  defi  Mitielullers.  t.  III  1 18.S7\  p.  HiS].  On  trouvera  un  récit  dé- 
taillé de  l'entrevue  iiif'ra  au  S  II. 


l'iXTERROUATOIRB    de    MAROARIT  28t' 

coiiiit.-itii   Vciijiyssini    fiuii   diotis  cei'tis  geiitiliiis    :u-mnrum,    sed   uon 
potuit.  caus.im   scientie   rcdfleiis,  qni:i   vidit  ft<\... 

10  Juin  1411. 
II.   Seqiiitur   (Irjiosifio  facfn  per    (liifiim   Mui-guritum    in    jire- 
sentia  dicti  domini   haiilivil.  présente  ibidem  Xeryo  Buzuffi.  in  qna 
srripsit  Peints  Johaiinis  notarius  mandata  prefati  domini  hai/liri. 

Aiino  Domini  millesimo  quateiTeutesinio  iiiulecimo,  et  die  dé- 
cima meiisis  juuii,  coustitutus  preffatus  Margarit  coiam  dicto  do- 
mino liaylivo,  commissario  auctoritate  regia  deputato,  qui  juravit 
super  sancta  Dei  euvaugelia,  per  eum  corporaliter  libre  tacto,  di- 
cere,  respondere,  et  testifficare  veritatem,  et  perlecta  eidem  in  vul- 
gari  prescripta  depositione  in  dicto  loco  de  Tornono  ',  et  coram 
eodem  domino  baylivo  facta,  ipse  Margaritus  integraliter  in  eadem 
persévéra  vit. 

Item,  ulterius  ibidem  extitit  ipse  Jlargaritus  [j  '  interrogatus  si 
ipse  Margaritus  ipsi  domini  (sic)  liaylivio  omnimodam  dixit  seu 
confessus  fuit  veritatem,  dixit  quod  sic,  de  iiiis  de  quibus  extitit 
interrogatus, 

Item,  ulteri\is  interrogatus  quando  exivit  locum   d'Oppeda  dixit   5  août  1410 
quod  die  quiutu  mensis  augusti,  vcl  circa,   preteriti. 

Item,  ulterius  interrogatus  dictus  Margaritus  si  tune  exivit  solus 
aut  associatus,  dixit  quod  tune  recessit  sibi  àssociato  uuo  homine 
loci  predicti   d'Oppeda,   vocato   Alziario   Fermandi   dicti  loci. 

Item,  ulterius  interrogatus  dictus  Margaritus  cujus  mandato 
exivit,  uec  (sir)  quo  ivit  cum  eo  ipse  AIziarius,  dixit  quod  maudato 
domini   Antlionii  Vincentii.   in  sua  alia  depositione  norainati. 

Item,  ulterius  interrogatus  dictus  Margaritus  cujus  status  erat 
ipse  Alziaiius,  dixit  quod  est  satis  juvenis  liomo,  et  est  homo  ru- 
sticus,   sive  aft'avator. 

'  Touinon  [Ardèche). 


282  i,"inteiîro(;ati)1rk  dk  MAHt;AHiT 

Item,  ulteriiis  interrogatua  dietus  Margaritus  quo  iverunt  iiisimiil, 
ilixit  quod  uwqHe  iji  lorum  dp  Payorna  '  pf  fiducialiter  se  liabendo 
nnns  servando  aliiim. 

Item,  ulterius  interrogatns  dietus  Margarit  si  iverunt  ])ede.stri 
vel     II     equestri,  respondit  et  dixit  quod  pedestri. 

Item,  nltpriu><  iIlte|•rogatu^^  dietus  Margarit  si  eo  tune  dietus 
Antlioiiius  dédit  eisdem  argentum  pro  eorum  sumptibus,  dixit  quod 
sic,  scilieet  unum  scutum   in   auro  et  unum   Horenum   in  aiiro. 

Interrogatns  ulterius  dietus  Margarit  quani  viam  teniiernnt  ten- 
dendo  iter  pei-  comitatnm  Venayssini,  dixit  quod  prima  die  iverunt 
eirea  loeuin  de  (!(inla.  et  versus  loenm  de  Paternis,  et  deinde  vereus 
lociini  de  Carpentorate,  et  deinde  versus  loenm  de  Carunbo,  non 
intrantibus  loea  ipsa,  et  inde  versus  Auraycam  ",  ubi  etiam  non  intra- 
runt,  et  inde  subsequenter  secpiti  fiierunt  eorum  iter  quousqne  fne- 
rnnt  in   dicto  loeo  de  Payernii. 

Item,  ulterius  interrogatus  dietus  Margaritus  si  medin  tempore, 
potins  qnam  exiverunt  comitatum  predictum,  fuit  loeutns  eum  aliquo 
in  aliquo  loeo  dieti  eomitatus,  dixit  quod  non,  née  de  die.  née  de 
nocte. 

Item,  ulterius  interrogatns  si,  dum  fuit  in  dictis  partibns  Sa- 
baudie,  fuit  loeutns  enm  dieto  domino  de  Salanova  |  ■*  et  domino 
d"Antrenions,  dixit   quiul   sie. 

Item,  ulterius  interrogatns  dietus  Margaritus  in  quo  loeo  loeutns 
fuit  cum  dominis  de  Salanova  et  d'Antremons,  dixit  quod  in  loeo 
de  Payerna  predicto.  ubi  fuit  loeutns  cum  dictis  dominis  de  Sala- 
nova et  d'Antremons;  et  eo  tnne  ipse  Alziarius  reddiit  versus  loeum 
])iTdietum   d'Oppeda.   ipso  loqnente   tune   iliidem   diniisso. 

Item,  ulterius  interrogatns  dietus  Margaritus  qnid  eo  tune  ipse 
loquens    dietis  dominis  de    Salanova  et  d'Antremons   [dixif],    dixit 


'  Payerne,  canton  de  Vaud  (Suisse). 

'  Gordes,  Penic.«,  Cai-pentras,  Caromb  et  Orange  {Vaiicluse). 


l/lNTERROGATOIltE    DE    MAUGAItlT  283 

qiiod  prout  iii  ali;i  sua  depositioiie  '  facta  coram  dirto  domino  baj'- 
livin  fontinetur. 

Item,  iilterius  interrogatus  dictas  Margarit  si  ipse  dominus  de 
Salaiiova  scripsit  dicto  domino  Anthonio,  dixit  quod  sic,  scilicet 
quod  Mai'garitiis  predictiis  latins  eideni  domino  Anthonio  deberet 
scribei-e  ab  omnibus,  et  eo  tune  ipse  Margaritiis  latins  sibi  per 
dictum   Alziarinm  dicto  domino  Autlionio  scripsit. 

Item,  nlterins  inteiTogatus  dictns  Margaritus  quantum  tempus 
stetit  ipse  Margarit  loquens  in  partibus  illis,  dixit  quod  per  quinque 
septimanas,  et  hoc  ||  in  Payerna ',  Gebenna  ^  et  (de)  Salanova  ^, 
ubi  ciintinne  procuravit  quod  ipse  dominus  de  Salanova  in  partibus 
Avinionis  et  coraitatus  Vena3'ssini  veniret  cum  gentibus  armoruni 
quos  ducere  dehebat. 

Item,  ulterius  interrogatns  dictus  Margaritus  quod  in  numéro 
gentium  duccre  debebat  in  partiVius  Avinionis  et  comitatus  Venays- 
sini,  dixil  qnnd  cum  ipse  dominus  de  Salanova,  quam  dominus 
d'Aiitremons,  qui   simul   fecerant  liguam,   numéro  XII''  equorum. 

Item,  ulterius  interrogatus  dictus  Margaritus  si  tnuf  temporis 
erat  Ouichardns  de  Turre  cum  ipsis  dominis  de  Salanova  et  quidam 
(sir)  alio  pro  jiarte  domini  d'Antremons,  vocato  Cotcyart,  quia  ipse 
dominus  d'Antremons  non  poterat  interesse,  fuit  ipse  Guicliardus  cum 
eisdem  ubi  fecerunt  eorum  tractatum  ;  et,  ipso  loquente  présente, 
dixit  ipse  dominus  de  Salanova  quod  non  poterant  habere  gentes, 
neque  possent,  nisi  mediantilius  peccuniis.  VA  eo  tune  ipse  loquens 
respondit  sibi  domino  de  Salanova  quod,  licet  ipse  dominus  de  Sala- 
nova haliuisset  tria  milia  flor.,  nichil  pro  dicto  ejus  niagistro  ||  ^  fece- 
rat,  sed  si  daret  niagistro  suo  Petro  de  Luna  bonos  fidejussores,  ipse 
ab  eodem  haberet. 

'  Voir  supra  S  I- 

'  Payerne,  canton  de  A'aud  (Suisse). 

'  Genève. 

*  Sallenôves.  canton  d'Annecy  (Hinitc  Savoie). 

Mélaiifies  d'Arch.  r>  d'IIiif.  19-21-lÇi->2.  19 


284  l.'lNTKKUlICATIllHK    DK    MAHfiAItlT 

Item,  iilteriiis  interrogatus  dictiis  Mar^aritus  si  tune  obtiilerimt 
dari  fidojiissorcs,  dixit  quod  sic,  soiliret  Antlionium  Morrey  de  Say- 
ccllo,  (|iiiMii  !]).■;(>  <iiiicli;n-dus  scfuiii  diixit  \cisiis  |)artcs  Catlialoiiie, 
in  quibiis  partiljus  ipsi-  Ouicliardus  ivit  al(  iina  parte  sine  ipso  lo- 
quente,  et  ipse  loqiieiis  ab  alia,  et  8o  siniiil  reperiermit  in  loco  de 
Pei'pinhiaco  '.  It(3ui,  ulterius  interrogatus  dictiis  Margaritus  loquens 
si  ipse  dominns  de  Salanova  aliquid  sibi  dicto  loqnenti  dédit.  p<i- 
tius  (|uani  rcccclcrct.  dixit  quod  sic,  niiiini  equm  valoris  XI!  tior.. 
iiiinni   jiai'  stivalloriini,   IIII"'    tior.   in   nidiieta   Sabaudic 

Item,  dirit  idem  MargaritiK  (jiind  tiinc  fuit  faeiendo  itei-  simni 
et  yens  versus  Ilnpjicdani,  diiiii  fuit  in  loen  de  (iratianupoli  •  in 
hostaleria  Boris,  reperiit  quenidam  Petrnm  Oriselli,  qui  pro  parte 
dieti  doniini  de  Salauova  versus  ipsnm  loquentem  veniebat.  eum 
quo  simnl  ivernnt  usque  in  loeum  d'0]>peda  predietura.  Item,  ulte- 
rius  interrogatus  dietus  Margaritus  I!  l()(|uens  ad  quid  ipse  domi- 
nns de  Salanovn  mandaliat  ipsuni  Petrum  Tlriselii  cum  eodem  in 
dietum  loeum,  dixit  quod  adeo  ut  ipse  loqueretnr  eum  domino  An- 
tlionio  Vineentii,  ut  sibi  dicto  domino  de  Salunova  mandaret  qua- 
tuor vel  V"^  Ûciv.,  ut  in  iina  littera  per  ipsuni  tune  sibi  pro  parte 
ipsius  domiiii  de  Salanova  per  ipsum  Petrum  portata  latins  conti- 
nebatur,  et  bue  i)r"  iialjondo  geutes  armorum  in  partibus  Lombar- 
die.  Va  tune  ipse  dominas  Antbonius  si')i  domino  de  Salanova  per 
dietum  Petrum  portari  feeit  IP  seuta,  et  post,  facta  per  ipsum  lo- 
quentem relatioue  ipsi  domino  Antlmnio  de  omnibus  |)cr  ipsum 
loquentem  per  antliea'mi  in  illis  partilms  faetis,  ijise  bi(|uens  stetit 
ibidem   per  duaa  noetes  et   per   nnam  diem. 

Item,  ulterius  interrogatus  dietus  lo(|uens  Margaritus  si  scit  quod 
ipse  dominns  de  Salanova  proeuraverit  habere  gentes  armorum  de 
partibus   illis,   dixit   quod    neseit,   q\ioniam   niejiil   adliue   feeit. 


'   Perpignan  (Pjiréiiées-(hientules). 
-  Grenoble  (Isère). 


l'interrogatoire  de  margarit  2S5 

Item,  ulterius  hiterrogatiis  dictus  Margarittis  8i  ivit  post  ||  '''  hoc 
versus  niagistrum  suiim  Petriim  de  Luua,  dixit  quod  sic,  et  quod 
eo  tune  idem  Aiithouios  sibi  loquenti  tradidit  duas  litteras  clausas 
ipsi   Petro  de   Luua  magistro  suo   portandas  et  tradeudas. 

Item,  ulteriu-;  interrogatus  dictus  Margaritus  quid  eontinebatur 
iu   illis,  dixit  se  nescire. 

Item,  ulteriui^  interrogatus  dictus  Margaritus  loquens  per  quam 
viam  ivit  ipse  loquens  dura  reecssit,  dixit  quod  ipse  loqueus  equester 
cum  une  parvo  pedite  simul  trausiveruut  per  porti/m  de  Malamorte  ' , 
et  inde  iverunt  u^que  iu  iusula  Martici  *.  Et,  dum  ibidem  fuit  ipse 
loquens,  tradidit  dietum  equm  dicte  famulo,  causa  reverteudi  et  re 
deundi  ipsura  in  loto  predicto  de  Oppeda,  et  ipse  intravit  mare  iu 
uua  barca  cujusdam  Pétri,  de  ejus  cognoraine  dixit  se  non  recor- 
dare,  super  qua  ivit  usque  prope  Agatham  ^,  et  ibidem  locavit 
unam  raulam,  quam  equitavit  usque  in  locum  de  Bitterris  \  ubi 
émit  uiuun  rousinuni  pretio  quinque  francorura,  cum  quo  ivit  usque 
in  Perpinhiauo  ',  et  ipso  ibidem  tune  in  dicto  loco,  et  in  bostaleriam 
Eqiii  Aibi  applieato,  stetit  circa  duas  ||  dies  in  dicte  loco  et  hosta- 
leria,  potius  quam  ipse  Guichardus  ibidem  applicaret.  Sed  tune  lapsis 
dictis  duobus  diebus,  ipse  applicuit  cum  dicto  tidejussore  supradicto, 
euntes  eques  (s/<),  et  cum  unô  famulo,  quein  cum  eis  ducebaut,  et  .  ■ 

in   crastiuum   simul   iverunt  quousque  fuerunt   in  Terragoua  ".  5  uov.  1410 

Et  ibidem  magistro  ipsius  loquentis  Petro  de  Luua  ipse  loquens 
fecit  relationem  suam  de  gestis  per  eura  in  partibus  Sabaudie  pre- 
dictis,  et  litteras  quas  portabat  eidem  tradidit,  et  inde  dixit  dicto 
magistro  suo  quod  quidam  Guichardus  de  Turre  ibidem  erat,  seu 
cum  eodeni  applicuerat,    et  qui   cum    eodem    applicuerat    qui   cum 

'  Malleniort,  sur  la  Duiance,  arr.  d'Arles  i Bouches-du-Bhône). 

-  Martigues  (Bouches-du-Bhône). 

^  Agde  (Hérault). 

*  Béziers  l'Hérault). 

^  Perpignan  (Pyrénées-Orientales). 

'•  Sur  la  date  de  l'entrevue  de  Tarragone  voir  supra,  p.  280,  note. 


286  L'INTEKUIIOATOIKK    DE    MAKIiAHlT 

eodem  loqui  volebat.  VA  tune  ipse  ejus  miigister  Petnis  de  Luna 
sibi  lo(iU(;nti  primo  dixit,  si  ipse  loqiiens  sciebat  nova  de  palatio; 
qui  iii(|iuMis  tiiiu:  eepit  dieei'f  qiiod  sic:  seilieet,  quod  ipse  doininiis 
Antlioniiis  silii  Irxiiieiiti  dieerat  quod  palatium  Avinionis  miiiabatiir 
fortitci-,  rt  tuiic  ipse  cjus  ma^ister  oepit  reddere.  Et  ulterins  in- 
terroKavit  ii)suni  biqucutcni  (juid  faeiel)at  ipse  dominiis  Antlionius 
Vinceiitii,  ([ui  biqucus  dixit  j|  "  quod  bene,  et  qnod  recomendabat  se 
eidem  et  Suc  Sanotitati.  Kt  ulterins  dixit  eidcni  Petro  de  Lima 
quod  dominus  de  Salanova  et  d'Antremous  se  eidem  reeomeudabaiit, 
et  quod  multuni  affeetabaut  sibi  servire,  sed  nieliil  jioterant  facere 
sine  ])eceuuiis,  et.  prout  prcdixerat,  inandaliant  (iuiidiardo  de  la 
Tour  predietuni  pro  habendis  IIH"  tloren.,  et  qui  secum  dueebat 
unum  niereatorem,  qui  mercator  daret  in  Barchinonia  fidejussorem 
in  eisum  restituendi.  Ju  quciii  ipsi  inf'ra  ecrtiini  tcniiius  minime 
servirent,  seilieet  nsque  in  frstum  Paselie  tune  t'uturum  ',  de  resti- 
tuendd  (lieta  (juatuor  niilia  floren.,  et  qnod  ipse  Guieliardus  de 
Turre,  qui  ibidem  erat,  latins  eidem  explicaret.  Tune  vcro  ipse 
roagister  suus  Petrns  de  I^una  dixit  et  jussit  quod  iiisc  finieliardus 
eorani  ij)s()  veniret,  quiiil  l'actuni  fuit:  et  eo  tune  ipse  (iniehardns 
sibi  dicto  Petro  de  Lnna  presentavit  et  porrexit  unam  litteram 
credentie,  quam  vidit  et  legit,  et,  qua  visa  sive  leeta,  fuerunt  loquti 
ad  invicem  sine  ||  ipso  loquente. 

Item,  ulterins  interrogatns  dietus  Marg.uitus  loqnens  (piid  eidem 
dixit,  dixit  (|nod  crédit  (juod  fuerant  loeuti  de  materia  et  traetatu 
snpradieto. 

Item,  ulteiMUS  interniijatns  qnid  inde  fVcerunt  siiniil  de  (jremissis, 
dixit  quod  ipse  magister  suus  Petnis  de  Luna  jussit  et  voluit  dicta 
quatuor  milia  Horen.  aiiri  per  (^nillelniuni  de  FeiKillieto  '  ibidem 
expedienda. 

'  12  avril   1411. 

-  Guillaume  de  Fenouillet  servit  d'intermédiaire  entre  Benoît  XIII  et 
ses  partisans  de  Provence.  Peu  auparavant,  il  avait  remis  de  la  part  de 


l'interrogatoire  de  mXrgarit  287 

Item,  ulterius  interrogatus  per  quem  modiim  fuit  expetlitiis, 
dixit  ([iiod  dictas  Anthoiiiiis  Morrey  de  Saycello,  qui  cum  dicta 
Guicli.irdip,  ut  premittitur,  iverat,  rogavit  Nicolaum  Carrerie  de 
Gebeuna,  ibidem  in  Barchinonia  tenentera  mercaturas,  ut  vellet  pro 
eodem  per  modum  carabii  respoiidere  pro  II II"  tlov.  predictis  infra 
cortum  terminum  tradendis  in  Geltenua.  qui  Xicolaus  lioc  consentiit 
faccre  in  coralho  :  et  iu  pignore  erga  ipsiim  Guillermum  de  Fe- 
nolheto  ipsuui  coralhiuni  dimisit,  et  tune  ipse  Gn'ûlelmus  de  Fe- 
uolheto  se  obtulit  ipsi  Authonio  et  Nicliolao  tradere  in  peccunia 
sumraam  dictorum  quatuor  milia  (sic)  floren. 

Item,  ulteriu?  interrogatus  dictas  ilargaritus  si  tune  ipsi  Anthonius 
et  Nicolaus  habueruntseu  reeeperunt  dicta  IIII*'  (|  *  Hor. dixit  quod  An- 
thonius Morrey  habuit  tune  mille  flor.,  et  ipse  Nicolaus  IX'^^  libras  dicte 
moiiete  Barchinonis,  valentes  mille  scnta.  Et  ulterius  dixerunt  inter  se, 
ipsi  Anthonius  et  Nicolaus,  minime  se  récépissé  de  dictis  IIIP'  flor. 
Item,  ulterius  interrogatus  dictus  Margaritus  si  ipse  Anthonius 
dictos  mille  flor.  auri  expe(njdivit  dictis  dominis  de  Salanova  et 
d'Antremons,  dixit  quod  sic,  scilicet  sexcentos  dicto  domino  de  Sa- 
lanova et  IIII"'  eeutos  dicto  domino  d'Antremons,  et  hoc  in  pre- 
sentia  fratris  Michaelis,  preceptoris  de  Calateus,  de  Velha  '.  Item, 
ulterius  interrogatus  si  ipse  Nicolaus  Chaj'riera  expedivit  seu  tra- 
didit  dicta  mile  scnta,  dixit  quod  non,  sed  illa  reddidit  seu  resti- 
tuit,   sicut  a  dicto  Anthonio   Morrey  dici   audivit. 


l'évèque  de  Barcelone  40  florins  à  l'cvêque  de  Vaison,  G.  de  Pesserat, 
0.  P.  (Voir  lettre  de  remereîments  de  levêque  de  Vaison  à  l'évèque  de 
Barcelone,  19  mai  1410,  Puig  y  Puig,  Pedro  de  Lima,  ûUimo  paj)a  de 
Aviîiihi.  Barcelona,   1920,  iD-4°.  p.  533), 

'  Sans  doute  le  commandeur  de  Calatayud,  de  l'ordre  des  Hospi- 
taliers de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  originaire  de  la  ville  de  Vêla  (située 
à  l'Ouest  de  Ualatayud,  prov.  de  Soria),  Rodrigue  de  Luna  était  lui-même 
commandeur  de  l'ordre,  auprès  duquel  il  trouva  quelque  appui;  un  frère 
de  Tordre,  Bardachin,  qui  était  à  son  service,  fut  capturé  par  les  Avi- 
gnonnais. 


288  l.'lNTERUOGATOlItE   l)K    MAKGARIT 

Item,  interrog.ituH  dii-tiis  Mar^'aritus  (|iiarc  ergo  ipse  Nicolaus 
dicta  mile  Hcuta  non  tradidit  dictis  domino  de  Salanova  et  d'Aii- 
tremons,  dixit  qiiod  ex  eo,  quia  cum  t'uerunt  in  Oebenna,  siciid 
ipse  loquens  dici  audivit,  ipse  Xicolaus  Chareyria  et  Aiitlionins 
Morrey  cum  ipsis  ||  contL'nipdcliaiit,  co  (piia  duliifaliant  jn-optcrfa  non 
facereut  illud  servitium.  quod  t'acerc  convi'niraiit,  et  qiind  non  dc- 
derunt  eautionem  mercatorum  sive  pcrsonarum  ydonearum,  et  di- 
xeruiit  'i\m  Antiioniua  et  Nieolaus  quod  non  eisdem  (kliberareut 
eisdem  illa  mille  sciita,  siriid  dici  audivit  a  dirto  Antliouio:  icversus 
fuit  ipsi  (iuillclmeto  de  Fenolheto,  ut  re  vera  ymaginatur  ipse  loquens. 

Item,  ulterius  interrogatus  si  tune  temporis  erat  iu  partions 
illis  Sabaudie  ipse  Margaritus,  dixit  quod  sic,  et  quod  tune  tem- 
poris infirmabatur  ipse  loquens  propter  tibiam  unam.  Et  nicliil  pro- 
tune  fuit  confessus,  uec  per  eonsequens  exaiiiinatiM. 

11  Juin  1  111. 
III.  De  iimne  itndecirna  intitulata  mensis  junii,  fidl  nUerins 
(lir/iis  Jlniriaritus  interrogatus  qnid  inde  fuit  subseii>ilni)i.  Dixit 
février  1411  quod  tractu  temporis,  scilicet  quin(iue  septiraauarum,  ipsi  domini 
de  Salanova  et  d'Antremons  simul  in  loco  de  Yerna  '  loeuti  fue- 
runt.  Il  "  ipso  loquente  absente,  et  coucordaruut  quod  mandarent  pro 
quodam  capitaueo  gentium  armoruni,  qui  liul)el)at  Xll^  equos,  vocato 
Ferrabot  ",  oui  scripseruut,  et  inde  ipse  Ferrabot  iu  loco  Fontis 
Bellivicini  ^,  ubi  ipse  dominus  d'Antremons  venit  locutuui  cura  eo, 
et  simul  coiicord.ivcnnit  ([uod  iret  in  l<i('o  de  Beleys  %   ubi   crat  do- 

'   Yeune,  air.  de  CliambiMy  {Sanoie). 

'  Fenabot  ou  Fenebourt,  capitaine  dauphiiiois,  frère  de  Jean  de  Tor- 
chefelon  (Avignon,  Archives  de  la  ville,  EK  637,  f.  277;  cfr.  lettre  de 
Oiarles  VI  du  29  mai  1411,  citée  p.  277,  Archives  de  la  ville,  boite  39). 
Les  deux  frères  sont  désignés  par  Charles  VI  parmi  les  capitaines  qui  au 
printenq)S  de  1411  rassendjiaient  des  troupes  pour  la  levée  du  siège 
d'Avignon. 

'  Pont-de-Beauvoisin.  arr.  dr  CJKiinlic'ry  [Sarnir). 

<  Bellcy   {.iiii). 


l'interrogatoire  de  marc.arit  289 

minus  predictiis  de  Salaiiov.i,  et  ex  eo  ut  simul  pussent  eolloquinm 
liabere  et  ibidem  siniul  uiia  etiani  cuni  ipso  loquente.  Ibidem  fuerunt 
loeuti  ad  invieem,  et  conconlaverunt  ipsi  doniinus  de  Salaiiova  et 
d'Aiitrenions  ((uod  sibi  dicto  Ferrabut  dare[HJt  sexeentum  (sic)  tior., 
in  diniinutione  stipeudiornm  ejusdem,  scilicet  ipse  doniinus  de  Sala- 
nova  ducentum(s/(")  tlor.  et  ipse  doniinus  d'Antremons  quatuorceutîOH. 
Et  tertia  die  sequenti  iverunt  in  loco  Sancti  Dionisii  ',  qui  est  dicti 
domini  de  Salanova,  ubi  liubuit  a  dieto  domino  d'Antremons  du- 
centioH  rtor.  in  pecuiiia  sabaiidiensi,  et  alios  ducentum  in  corseriis, 
et  Inde  ibidem  liaberet  ab  ipso  doniimo  de  Sala  ||  nova  quatuoi- 
tacias  et  uiinm  peytral  argeuti  iii  deductione  dictornm  ducentum 
tloren.  per  ipsuni,  ut  preraittitur,  premissorum  pro  nouaginta  quinque 
tior.:  et  residuura  nsqne  supplemeutum  dictorum  dneentorum  tioren. 
debebat  sibi  solvere  in  octava  die  martii  sequenti,  ubi  debebat  ipse 
doniinus  d'Antremons  cum  dieto  Ferrabot.  per  terrain  domini  de 
Bur'ion/o  ',  favore  ipsius  domini  d'Antremons,  transitiim  ipsorum 
t'acere;  et  ibidem  debebant  transire  inter  Villamfrancani  '  et  la 
mayson  blanra*,  et  ijisos  ibidem,  qui  dicto  transitu  ipse  dominus 
d'Antremons  illos  debebat  recipere,  et  Itacnlum  capitaneatus  ipsorum 
sumere.  Qua  die  adveiiiente,  ipse  Ferrabot  fuit  et  ibidem  applicuit 
cum  gentibus  suis,  sed  eo  tnnc  ipse  dominus  d'Antremons  non  ibidem 
venit,  sed  in  dicta  dieta  deflfecit.  Et  ulterius  ipse  'Ferrabot,  videns 
quod  idem  dominus  d'Antremons  non  veniebat,  se  redduxit  circa  ab- 
batum  (sic)  de  Cluliiaeo  "j  sed  ibidem  non  niultum  stetit,  quia  ba- 
stardus  de  Bourbon/o  "  qui  contra  ipsum  diseurreret  |j  "'  voluit,  et 
propterea  reeessit  ab  illo  loco,  nescit  tanien  quo  ivit. 

'  Saint-Denis-le-Cliosson,  canton  d'Ambin-ieu  (Ain). 
'  Jean  de  Bouibon,  comte  de  Clermont  ,t  1433). 
^  Villefraiiche-sui-Saône  (lihône). 

*  La  Maison-Blanche,  cant.  de  Trévoux,  en*-  de  Pareicux  (Ain). 
^  Cluny.  arr.  de  Mâcon  (Saône-et-Loire). 

"^  Hector  de  Bourbon,  fieie  du  duc  Jean,  ciéi'  chevalier  en   1409  et 
tué  au  siège  de  Soissons  en  1414. 


290  I,"1NTKUI<0(1AT(IIRK    I)K    MAKIiAUlT 

Item,  iilterius  iiiterrogîitus  dictus  Mui-garitiis  qua  de  causa  non 
fuit  iii  dicta  dicta  doiiiiMus  d'Aiitrciniiiis  ouiii  dicto  Fcrraliot  coii- 
V(!iita,  dixit  quod  ex  eu  quia  ipse  lo(|ii(iis  dici  midivit  (piod  ipsc  do- 
iiiinus  d'Aiitrciiious  prociiral)at  liabere  argeiituiii  in  loeo  de  (Jhani- 
l)ayriiiii  '.  Interrogatus  in  ((no  loco  erat  pro  tiiiie  ipse  loqiiens,  dixit 
(|ii{»d  in  locd  Sancti  Dyonisii  ciiiii  dicto  domino  de  Salanova.  ul)i 
expectabaut  ((uoil  i]isc  dniMinus  d'Aiitrcnioiis  cuni  aliis  tiansitun; 
fecissent,  et  i|iiod  dum  fiiissiMit  in  S.iliaiidia  se  iiosnlsscnt  cuni  eis, 
et  percepto  quod  ipse  domiuus  d'Antrenioii.s  detKcerat  in  dicta  dicta, 
et  per  consequens  ipse  Ferraliot  recedebat,  quia  doniinus  predi- 
ctum  (sic)  d'Antreiiions  venerat  ibidem  in  dicto  loco  Sancti  Kyonisii, 
et  fiierat  lociitus  cuni  ipso  domino  de  Salauova  et  ipso  lo(iuente 
super  predictis.  Ijjse  dominus  d'Antremons,  post  plura  et  divcrsa 
vcrVia  inter  se  babita,  eiinitavit  et  sihi  arriimit  iter  \  ersus  bjcuni 
(b'  Villa  Fraiica,  sed  potins  ([uani  iliidcni  cssct,  et  cxistens  eirca 
lociiin  de  lîonig',  ipse  ||  dominii-;  (rAiitreinons  niandavit  duos  bo- 
ulines, équités  suos,  voeatos  Fraiicisquuin  et  Vingaudum.  portantes 
unam  litterain  ipsi  Ferrabot  quod  rediret  ;  et  qui  ipsum  Ferrabot 
reperiei'Uiit  per  quatuordecini  Icncas  ultra  dictani  alibatiani  Cluliia- 
censem.  Qui  Ferabot  responsnni  sibi  feeit,  qnod  ipse  non  defTicerat 
iu  sua  dieta,  et  quod  culpa  ipsius  domini  d'Antremons  fuerat  quia 
recesserat,  et  qund  iniantiim  in  codcm  crat  non  reddiret,  nisi  liabcret 
solutionem  unius  nunsis.  F,t  lialiita  dicta  responcione,  ipse  dominus 
d'Antremons  reddiit  in  dicto  loco  Sancti  Dionisii,  ubi  ciini  dicto  do- 
mino de  Salanova,  et  eodeni  lixincnte  iliidein  existcnte,  fueruiit  sininl 
de  dicta  niateria  locuti. 

Quil>ns  peractis,  tune  idem  (b)niiMUs  d'Antremons  et  dominus  de 
S.ilanova   concorda\  criint   (|Uod   siuiiil  cer:a  die   repei'irent  se  in  loco 


'  Cliauibéry  (Snroie]. 

^  Bognens,  lianiean  de  la  commune  d'Andert-Coiidoii,  sur   la  rivière 
Furans,  à  environ  2  kil.   N.  O.  de  BcUey  {Ain). 


l/lXTERROGATOlUE    DE    MARGARIT  291 

voeato  (le  Vymier  ',  qui  est  cnjusdam  abbatis,  (|ui  est  de  parentela 
dicti  domini  d'Antremons,  in  qua  dieta  fuerunt,  et  ipse  loquens.  Ubi 
t'iiermit  coiRurdes  quod  ipse  domintis  de  Salanova  iret  locutuni  cuin 
.lohanue  d'Aix,  et  Johanne  Guioraardi,  et  aliis  eapitaneis  et  soeiis, 
cum  quibus  fuit  locutus;  ||  "  et  cura  eis  convenit  quod,  completo  ser- 
vieio  per  eos  pi'omisso  comiti  de  Tonaii  *,  ipsi  libenter  cum  eodeui 
venirent  ad  diseurrendum  eontra  comitatum  Venayssiuum  et  civi- 
tateni  Aviiiioiiis.  Et  eo  tune  quidam  Quilmetus,  capitaneus,  et  quidam 
Yvonetus  de  Nuce  sibi  dicto  domino  de  Salanova  convenerunt  et 
promiserunt  venire,  eo  quia  societas  dieti  comitis  de  Toruaii  '"  non 
lisdem  placebat.  Et  subito  dieti  omnes  eapitauey,  qui  erant  nu- 
méro XXII  capitaneorum,  cepenint  ire  versus  dominum  eomitem  de 
ïonerre  ',  existentem  in  loco  predioto  de  Villa  Franca,et  ipse  dominus 
de  Salanova  ivit  et  reddiit  in  dicto  loco  Vimerii,  ubi  per  presens 
ipse  dominus  de  Salanova  ipsum  dominum  d'Antremons  fef]  ipsum 
loqueutem  dim;sera(u)t.  Et  tune  ipsi  Yvonetus  et  Quilmotus  se  de 
societate  predictoriim,  qui  iverant  in  dicto  loco  de  Yilla  Franca, 
dicesserunt,  et  reversi  fuerunt  ante  dictura  locum  de  Yimier,  et  erant 
numéro  novemcentum  equi  vel  circa,  ubi  fiiin  dictis  dominis  de  Sala- 
nova et  d'Antremons  convenerunt,  scilicet  quod  quilibet  lionio  armo- 
rum  habens  très  equos  haberet  pro  mense  quindecim  Hor,.  ||  et  capita- 
neus pro  qualibet  lancea  liabere  deberet  unum  florenum  pro  suo  statu. 
Et  convento  per  hune  modum  inter  eos,  in  crastinum  transive- 
runt  Sonam,  circa  locum  predictum  de  Vimier  ',   et  iverunt  in  terra 


'  Vimy.  aujoid'hui  Neuville-sur  Saône,  arv.  de  Lyon  (Bhône).  Appar- 
tenait à  l'alibaye  de  l'Ile-Barbe,  dont  l'abbé  était  alors  Aynard  de  Cordon 
«  gentilhomme  de  bon  lieu,  voisin  et  amy  du  seigneur  d'Entremons  ^ 
Le  Laboureur,  Le  maziire,?  de  Vahhai/e  royale  de  rile-Barhe-les-Li/oii 
(Paris.  1681),  p.  217). 

'  Le  Comte  de  Tonnerre,  Louis  II  de  Châlon.  li  était  alors  en  fort 
mauvais  ternies  avec  le  roi  et  le  duc  de  Bourgogne  (Voir  supra  Intro- 
duction). 

^  Neuvillc-sur-Saône  (l-tlninc). 


292  l'iNTERROGATOIKK    DK    MAIUiARIT 

S.ih.indi»:,  et  in  die  festivitatis  Fiische  fuerimt   iii  rippa  Rudani  intiT 
1-2  aviil  1411    lociiin  <U'  Moiitelrolt  '   et  de   Lugduno ',    aden   ut  transirent   si  pas- 
sent, et,   ipse  loquens  nna  cum  eis  sein])er,  non   putueruiit   transire 
propter  deffeetum  navigioruni. 

Item,  nlterius  interrogatus  si  fecerat  tieri  navigia  jjer  antliea, 
dixit  ((iiod  sic  in  loeo  de  Sayeello  ',  sed  fnerunt  capta  per  gentes 
Dalpiiinatus,  et,  (|uia  non  potuerunt  esse  dicte  liarque  in  dicta  die, 
non   potuerunt   venire  ad   ipsoruni  optatum   trausseunda. 

Item,  nlterius  iiitirrogatus  dirtus  Margaritus,  qiio  uomine  vo- 
caliatur  magister  ([ui  dictas  liarquas  fecit  ia  Sayeello,  dixit  se 
ncscire. 

Item,  ulterius  interrogatus  dictus  Margarit  si  idem  loquens  pro 
faeiendo  lieii  dictas  barcas  mandavit  domino  Anthonio  pro  peccuniis, 
dixit  quod  sic,  et  mandavit  et  scripsit  dicto  domino  Anthonio  .,  '"  per 
Hernardum,  t'amulum  Hernini  de  Mortiers,  quod  sibi  maudaret  du- 
eentum  tlor.,  aut  quod  ipse  dominus  Antlionius  scriberet  uuam  lit- 
tei'am  securitatis,  (|uoniam  (iuicliardus  de  la  Tour  iUos  mutuaret. 
Et  ipse  dominus  Autiionius  scripsit  unam  litteram,  quam  portavit 
ipse  Bernardus  ipsi  Guicliardo,  pro  dictis  ducentis  llor.  tradeud/s, 
qui  Guichardus  \  visa  dicta  litteras  paratum  se  obtulit  ipsos  IF' 
tloren.  rautuare,  et  inde  illos  mutuavit,  de  qnibus  recepit  ipse  lo- 
quens XLI  tlor.  et  dictus  dominus  de  Salanova  nonaginta  duos  Hor., 
et  residuum   fuit  solutura  pro  dictis  duabus  barquis. 

Item,  ulterius  interrogatus  ([uid  inde  fecerunt  dictus  dominus  de 
Salanova  et  ipse  loquens  cum  aliis  supradictis  capitaueis  etgentibus. 
ex  eo  quia  non  poterant  eorum  transitum  facere  seu  habere,  dixit 
quod   tune  venit   ibidem  ergo  {sic)  ipsos    dominus  Andréas  de  Ve- 

'  I,ieu  inconnu. 

-  Lyon  (Uhone). 

'"  Seyssel,  sui-  le  UluMie,  liauuau  du  canton  de  Lluiis.  air.  de  Belley 
UMn). 

*  Guichard  de  la  Tour  fut  fait  ]iiisouMicr  \w\\  après  en  avril  à  Ca- 
rouib  (V''i"cbise). 


l'iXTERROUATOIRE    de    MAIIGARIT  293 

liuo ',  miles,  qui  sibi  dicto  domino  de  Salanova  dixit  quid  volebat 
ipse  dominus  de  Salanova,  quoniam  non  poterat  sine  periculo  tran- 
sire,  qnoniam  si  transivisset  ipse  esset  invasus  et  debellatus,  et  quid 
fac-ei'e  intendebat  ;  |j  non  erat  in  terra  de  Sabaudia,  de  quo  eidem 
poterat  prossequi  unum  magnum  dampnura,  et  quod  si  ipse  volebat 
veuire  cum  domino  gubernatore  Dalphinatus  '  in  servitio  domini 
Burgundie,  ipse  dominus  gubernator  faceret  sibi  dare  stipendia  unius 
mensis,  et  faceret  ipsum  retincre  de  domo  ipsius  domini  duxis  ',  et 
ipse  dominus  gubernator  faceret  sibi  responsura  de  stipendiis  pre- 
dictis,  tamquam  Raynerus  Pot,  et  non  tamquam  gubernator.  Tune 
vero  ipse  dominus  de  Salanova  respondit  quod  ipse  loqueretur  cum 
dictis  capitaneis,  et,  inde  illis  facta  mentione  de  predictis,  fuerunt 
contenti  se  ponere  et  ire  in  servitio  dicti  domini  duxis  Burgundie, 
et  in  crastinura  fuenmt  cum  dicto  domino  gubernatore  locuti,  et  fue- 
runt inter  se  concordes.  Tandem  post  dictam  concordiam,  ipse  do- 
minus de  Salanova  fuit  sibi  loquenti  loqutus,  cui  dixit,  et  quod  bene 
poterat  videre  :  quod  non  poterant  transire,  et  quod  dictus  dominus 
gubernator  volebat  in  ipsos  incurrere,  sed  ipsura  opportebat  recipere 
dictum  viagium   in  servicio  dicti  domini  duxis  Burgundie,  ne  gentes 


'  André  de  Vélin,  chevalier  dauphinois. 

-  lîenier  Pot,  souveiuenr  du  Dauphiné.  La  défection  du  seigneur  de 
Salleuôves  eut  lieu  avant  le  2  mai  1411  (Voir  p.  277,  note  1,  la  lettre  des 
syndics  d'Avignon  à  Renier  Pot^. 

3  Le  duc  de  Bourgogne  tint  sa  promesse,  et  donna  une  charge  au 
.seigneur  de  Sallenôves.  L'état  des  officiers  et  domestiques  de  Jean  duc 
de  Bourgogne  contient  en  effet  cette  mention  :  ♦  Guigue,  seigneur  de  Sa- 
lenove,  escuier,  conseiller,  chambellan  »  (Mémoires  pour  serrir  à  ^'histoire 
de  France  et  de  Bourgoijne  contenant ...  les  états  des  maisons  et  officiers 
des  ducs  de  Bourgogne  (Paris,  1729).  2<^  partie,  p.  107).  11  cessa  quelques 
années  de  paraître  dans  le  comtat:  fut  en  1411  gouverneur  pour  Char- 
'es  VI  de  la  forteresse  de  Montfaucon  en  Berry  et  obligea  le  duc  de 
Bourbon  à  en  lever  le  siège  (Le  Laboureur,  Histoire  de  Charles  VI  (Pa- 
ris, 1663).  t.  Il,  p.  812):  reçut  le  19  août  1412  du  duc  de  Bourgogne  le 
château  de  Santans  (D.  Plancher.  Histoire  de  Bourgogne  (Dijon,  1748), 
t .  III,  p.  353). 


2il4  i,'intekr<x;at(jiue  dk  mahcakit 

cuin  codera  existentes  inter  se  (lispergfreiitiir,  et,  post,  hipso  dicto 
mense,  ipse  (|  ''  dominus  de  Salaiiova,  si  posset,  fapere[/J  t|iiod  pro- 
miserat. 

Et  tiiiic  ipsi'  loquens  dicessit  ab  ipso  domino  de  Salanova  niul- 
tum  conteinptiose,  et  sine  boua  voluntate,  et  ipse  loquens,  ipso  duniiiio 
de  Salanova  ibidem  dimisso,  ivit  versus  dominum  d'Antremons,  quem 
nipperiit  in  loco  de  Lanieu  ',  cui  narravit  conventa  per  ipsum  do- 
niinnni  de  Salanova  eum  dicto  domino  giib(!rnatore.  Qui  dominus 
irAntrcMiiiiis  ccjjit  valde  eontristari,  et  «uliito  ccpit  mandare  bastar- 
dam  de  Guil)elleta  '  versus  Joliannem  de  (îuiomart,  qui  (se)  de  sei- 
vicio  comitis  de  Tornono  ^  se  retraxerat,  qui  bastardus  yens  et  indè 
reddiens  retulit  dicto  domino  d'Antremons,  quod  subito  erga  ipsum 
veniret,  et  erat  presto  facere  servitium  suiim,  hoc  est  transituni 
f'acere  in  coniitatu  Venayssini  contra  civitateni  Avinionensem  ;  et 
illo  tune  habita  responcione  predieta  per  pretlatum  dominum  de 
Tonneirra,  ipse  dominus  d'Antremons,  et  ipse  loquens  associatus 
eisdem,  alii(Mibns  in  societate  ijjsius  domini  d'Antremons  existentibus, 
dicesseruiit  de    dicto  loco  Sancti  Dyimisii.  et  ivcnint   in  loco  de  Ora- 

'  Lagnieu,  air.  de  Belicy  {Ai>ii. 

•  Sans  doute  un  bâtard  de  la  famille  de  Giblet.  Cette  famille  origi- 
naire du  royaume  de  Chypre  tire  son  nom  de  la  ville  de  Bihlium.  éga- 
lement comme  sous  les  formes  Gibellctnm,  Zibelet,  Ciblet  (Voir  E.  Petit, 
Chartes  de  Vahbaye.  cistercienne  de  S'-Serge  de  Gildet,  dans  Mi'ni.  Soc. 
Nat.  Antiquaires  de  France,  t.  XLVIII;  Mon.  Hist.  Patriae,  Liber  iuriiim 
reipuhlicae  Genuensis,  pp.  230,  308,  etc  . .).  Le  royaune  de  Chypre  n'est 
pas  sans  être  en  relation  aux  XIV''  et  XV"  siècles  avec  la  maison  de 
Savoie:  en  1325  Jean  de  Giblet  est  choisi  pas  Andronique  le  .leiine.  em- 
pereur de  Constantinople,  pour  aller  chercher  en  son  nom  Jeanne,  fille 
du  comte  de  Savoie,  qu'il  allait  épouser.  Plus  tard,  en  1432,  un  Henri  de 
Giblet  est  témoin  à  Nicosie  au  mariage  d'Anne  de  l.nsignan,  fille  du  roi 
Janus  avec  Louis  de  Savoie,  comte  de  Genève,  fils  du  duc  Amédée  VIII. 
(Voir  Du  Cange,  Familles  d'Outremer,  seigneurs  de  Giblet:  Mas-Latrie, 
Histoire  de  Chypre,  t.  II,  p.  525). 

^  Inadvertiince  du  scribe.  Il  s'agit  du  comte  de  Tonnerre  (^voir  su- 
pra, p.  291,  où  il  est  dit  (jue  .lean  de  (Jiiiomart  était  au  service  de  ce 
comte). 


1,'INTERROGATOIRE    DE    MAKGARIT  295 

pona  ',  ulii  reperierunt  Johannem  Giiioinarfli  predictuni  ||  cuni  certis 
aliis  capitaneis,  et  dorainum  de  Jaiigosa^  cum  q[iio]  domino  de  Jau- 
gosa  simul  feceriint  certa  pacta  et  coiicordantias,  scilicet  qiiod  aimiil 
debebant  transira  in  dicte  comitatu  contra  eundem  et  dictam  civitatem 
Avinionis.  Et  inde  simul  venerunt  in  Vivaresio,  sine  dicto  domino  de 
.laugosa,  et  circa  locum  de  Mastra  ^,  et,  dum  fuerunt  ibidem,  scientes 
et  percipientes  contra  gentes  pacem  se  admiseere  jungebant,  dictiis 
Joliannes  Giiiomardi  fuit  cum  gentilius  suis  versus  montem  et  ap- 
plicuit  circa  pontera  Sancti  Ranberti  ■*.  Ipse  autem  dominus  d'Antre- 
mons  cum  ipso  loquente  remanserunt  in  dicto  loco  de  Mastra,  et  ex 
post  ipse  loquens  percepit  quod  ipse  .loliannes  Guiomard  ibidem  fuit 
diffaidatus  cum  geutibus  suis,  quo  facto  et  percepto  per  eos  ipse  do- 
minus d'AntremoTis  dicessit  a  loco  Sancti  Desiderii  %  eundo  versus 
domum  suam,  et  dictus  dominus  de  Jaugosa  ad  requisitionem  dicti 
doinini  d'Antremons,  associato  sibi  loqueute  uno  homine  dicti  domini 
de  Jaugosa  vocato  Ruscivel,  transire  feeit  Rodanura,  qui  Ruscivelhis 
ipsum  loquentem  dusit  usque  in  loco  de  Tornono  ',  et  dum  ||  '^  fue- 
runt in  ripperia  Rodani  causa  transenndi,  fuit  quidam  Perulhonus 
Do...  ",  qui  ipsinn  Margarituiii  in  prc/.onariiini  cepit  ex  jiarte  regia, 
et    inde   dicto   domino   liailivio   scu    in   suis   manilius   expedivit. 

Item,  ultcrins  iuterrogatus  cujus  intentionis  tune  crat  ipse  Mar- 
garit,  dixit  quod  erat  intentionis  redeundi  versus  dictum  dominnm 
d'Antremons  causa  liabendi  litteras  nb  ipso,  que  dirigerentur  dicto 
domino   Anfbonio  in   excnsatione   ipsius    loqnentis  ac    prcmissorum. 

Item,  ulteriusquid  portabat  ipse  Margaritus,  dixit  super  equo  sno 
non  habebat    nisi   quasdam    bigias  in  quibus  ab    infra   erant    certe 

'  Craponne,  arr.  de   Lyon  (Rhône). 

•  Randon,  seigneur  de  Joyeuse. 

^  La  Piastre,  air.  de  Tournon  ÇArdèche). 

*  Saint-Kambert  d'Albon,  air.  de  Valence  (T)rôme). 

^  Saint-Didier-de-Crussol,  arr.  de  Tournon  (Ardèche). 

"  Touinon-  (Ardèche). 

'  Le  papier  est  déchiré  à  cet  endroit. 


296  I.'lNTKKHlXiATDIUK    I)K    .MAI«;AK1T 

llttere,  acilicet  duc  que  fiierunt  iiiipei-  pcr  ilDiniiiinn  foiiiitem  Valeii- 
ihiensem  '  mise  difto  doiniiio  d'AiitiTinoiis  rogatorie,  qiiod,  quando 
gcntes  RUc  esset  (sic)  loj^i;itr  in  terra  sua,  (quodj  vellet  de  eadeni 
exire,  et  quod   non   faeeret  dampnnni   in   partibus  suis. 

Item,  ulterius  interro^atus  dictiis  ^[ai-garit  si  nuper  convenerant, 
([niid  in  i-ej:iio,  adeo  ut  pusset  eurnm  transitum  facere,  reciperent 
fortalitia  et  eastra  in  regno,  dixit  quod  iiun,  nain  non  opportebat 
illud  t'M((  Tc.  (|iiiini.ini  dictus  domiiui^i  de  .laugosa  liabebat  ||  litterain 
transitiis,  sicud   ipse  dominus  de  .laugosa  dicerat  eis. 

[Item  |,  ultei'ius  interro.uatus  si,  medio  tenipore  dum  fuerunt  in 
))artil)iis  Vivaricn-tihus,  quecunquo  liabuei'unt  née  '  receperuiit  eausa 
Vivendi  solverunt,  dixit  quod  ille  jet  ipse]  dominus  d'Antremons 
(ipse)  ceperunt,  [victualia  de]  quibus  vixerunt,  soluta  fuerunt  [ad] 
vicera  que  ipse  .loliannes  Guioniardi  ;  non,  quando  vixerunt  super 
patria,  sirud  est  de   more  fieri   inter  gentes  arma  sequentes. 

Item,  ulterius  interrogatus  si  scit  quod,  ante  quod  ipse  Margarit 
in  fine  bujusmodi  negotii  premissornm  in  dieto  portu  esset  captus, 
iiabuit  litter.-is  ali  aliqno  de  partibus  romitatus  et  Avinionis.  conti- 
nentes qiiod  sul)ito  venire  debereut  et  transitum  ipsorum  facerent  in 
eoraitatu,  quoniam  paratum  erat  eis  apperire  januas  locorum,  qui 
Margaritns  resi)onderat  et  dixerat  quod,  tempore  quo  erat  altereatio 
propter  unum  lioniinem  de  Carpentorr;/»»  eaptum  pendente  tregua  eci- 
mitatus  et  loei  predieti  d'Oppeda,  fuit  iiuidam  Guilhetus  de  Saneto 
Petro  et  quidam  (|  '^  voeatus  Franciscus,  alias  Filholus,  quos  eredit 
morari  eura  Bernardono  de  Serris  ^.  qui  ibant  propter  debatum  dum 
capti    siiit:    idem   doininus   Anthuiiius   qui    recpiisivit    ipsum    Frauei- 

■  Louis  II  de  Poitiers,  comte  de  Valentinois. 

'  Lire  vel.  Aux  lignes  suivantes  le  texte  est  effacé. 

•'  Bernardon  de  Serres,  seigneur  de  Malaucène,  capitaine  gascon,  qui 
en  1412  combattra  aux  ordres  du  duc  de  Bourbon  contre  Amé  de  \"irv 
{Chroniqite  (V Enguerra»  de  Motixtrehi.  .Société  de  l'Histoire  de  France, 
t.  II,  p.  255). 


L  INTEKROGATOIRE    I>E    MARGARIT 


spiim.  alias  voeatum  Filholnni,  si  vellet  in  partibus  Sahaiiriie  portare 
unam  litteram  tradeiifiani  i])si  domino  de  Salanova,  qui  Filiiolus  re- 
spondit  qiiod  sic,  et  convenerunt  quod  qnia  ipse  Filholus  debeliat 
ire  iu  loco  Pontis  Sorgie  '  causa  videndi  et  providendi  uni  equo  suo 
ibidem  existent!  excanbioso,  tune  vero  dictus  dominus  Antlionius 
fuit  in  concordia  cum  ipso  Filliolo,  et  eidem  dixit  quod  litteram 
sibi  scribetur  et  mandaret  in  dicto  loco  Pontis  Sorgie,  quod  et  fecit; 
et  dum  ipse  Franciscus.  alias  Filliolus,  narravit  Bertrando,  castel- 
lano  dieti  loci  Pontis  Sorgie,  recessum  suum,  ipse  Bertrandus  sibi 
dicto  Francisco  dédit  unam  litteram  credeutie,  dirigendani  dicto  do- 
mino de  Salanova. 

Item,  nlterius  interrogatua  quid  continebat  credentia  illa,  dixit 
et  respondit  quod  ipse  Franciscus,  de  sui  Bertrandi  parte,  diceret 
quod  nuper  ipse  Bertrandus  ipsi  domino  de  Salanova  pactum  fe- 
cerat.  et  sibi  ||  sub  tide  corporis  sui  promiserat  quod  quandoeunque 
ipse  dominus  de  Salanova  cum  suis  gentibus  ibidem  veniret,  quod 
ipse  ipsum  cum  gentibus  suis  recoUigeret  et  apperiret  dictum  locum 
Pontis  Sorgie,  et  hoc  quod  ipsa  promisio  facta  extiterat  post  pacta 
t':icta  inter  dominum  Rodericum  et  dominum  de  Salanova,  dum  exi- 
verat  palatiura,  qui  inter  se  feceraut  nnum  signum,  scilicet  quod 
fregerant  unum  denarium  et  quilibet  sibi  retinuerat  medietatem,  et 
quod  dum  esset  in  comitatu  et  patria  ipsius,  et  se  reddidissent  ma- 
gistro  suo  Petro  de  Luna,  quod  idem  faceret  ipse  de  loco  predicto 
Pontis  Sorgie.  dum  tamen  certe  alie  fortalitie  dicti  comitatus  se 
reddidissent. 

Item,  ultei-ius  interrogatus  si  nuper  ipse  Margarit  verba  liée, 
scilicet  quod  nuper  iliidem  veuerat  iiuidam  famulus  qui  dixit  quod 
castellus  (sir)  Pontis  Sorgie  a])peruit  Januas  dicti  loci  modo  per  ipsum 
Bernardum  dicto,  dum  tamen  alii  loci  dicti  comitatus  se  redderent, 
dixit  quod  non   per  alium   moduiii. 

'   Pont-deSorgiie,  arr.  d'Avignon  '  }'(iuclii!ie). 


298  I.'lNTKUHOliATOIHB    DE    MAKdAUlT 

Item,  ulterius  interrogatus  si  ijwe  fitmulus  alia  -vice  ibidem 
fuerat,  dixit  qiiod  sic,  portando  ex  parte  ipsiiis  doraini  Anthonii  ||  '^ 
litteras  contiiiftites  qiiod  festiiiaret  gentes  iit  venirent  iii  partibiis 
predictis,  si   venirc  dcbebant,  alias  non. 

Item,  iiltBrius  interroKatns  qiiid  contiiii'liatiir  iii  littri'a  dicti  di>- 
iiiiiii  Aiilliiiiiii  Viiicciitii  iiii|>er  primo  lier  dictiim  Fraiicisciim.  alias 
Filliohim,  inissa  uiia  cum  dicta  litteni  dicti  Hertrandi,  qnoniam  rc- 
spondit  quod  ipso  rcgebat  ipsum  domiinim  de  Salanova  quod,  quam 
luiiinnii  ]K)S8et,  se  expediret  de  venieiido  cum  gentibus  suis  iii  dicto 
CDiiiitatii,  quoniam  ipse  satis  habebat  peccuuias  pro  soIvpikIo  «-i^.  et 
quod   qiiandii   veiiircnt   lacèrent   eis   boiium   festiim. 

'27  tV\iiiT  141 1  Item,   iiltcrius    intcrrogatus    si    scit    quod    circa    die   III  cai'iiis- 

jirivii,  \\)^o  li)qiieiitc  exeiinte,  in  loco  Belleycense  '  applicnit  quidam 
l'eyrotus,  de  natione  Aragonum,  de  steblita  Iloppede,  qui  portavit 
sibi  l(i(iuenti  et  dicto  domino  de  Salanova  pro  parte  ipsius  domini 
Antliiinii  Vincentii  litteras,  dixit  quod  sic,  continentes  quod  eidem 
notiim  faciebat  quod  diceret  dominis  de  Salanova  et  d'Autremons 
quod  non  dubitarent  in  aliquo.  quoniam  dum  applicuissent  in  dicto 
comitatu,  satis  liabebant  fortalitia  in  quibus  se  possent  recolligere, 
et  quod  ipse  Peyrotus  vcrbaliter  sibi  jnxta  credeutiam  dictarum 
litterarum  sibi  ex  i>arte  dicti  ii<imiiii  Antiinnii,  (piod  domiiius  Castri 
Xovi  '"  se  t'ortem  fecerat  erua  eum,  quod,  quandocuiKiue  venirent, 
^iiii  faccrct  dari  introytiini  ([uinque  :|  fortalitiarum,  scilicet  Castri 
Xovi,  de  Vedena,  de   luteraquis,  de  Rubione  et  Coste  '. 

Item,  ulterius  interrogatus  qualiter  hoc  scit.  dixit  ([luid  dictns 
doniinns  Antlionius  maiidaxcrat  eisdçm  (piod  babeivnt  introytum  et 
retractum  dictorum  castrorum,  dixit  (|uod  ex  eo  quia  ipse  dominus 
Castri  Novi   dicto  domino  Antiionio  scripserat,  et  exinde  i)er  ipsum 

'  Belley  {Ai»). 

•î  Châteauueuf-de-Oadagne  {Vatichise). 

s  Vedène,  Entraignes,  Robion  et  La  Coste  (Vaiicliixe). 


L  INTEHROIJATOIRE    DK    MAKdARIT  •>.^\^ 

Peyretum  pro  parte  dicti  domini  Anthonii  sibi  loquenti  dixi  fecerat 
in  dicta  credentia  sua,  et  inde  post  iiec  ipse  Margaritus  predictis 
dominis  de  Salanova  et  d'Aiitrenions  exposiiit    et  iiarravit. 

Item,  ulterius  iiiterrogatus  si  scit  qiiod  sint  alia  fortalitia,  sive 
loca,  in  quibns  iii  dicto  comitatu  ipsi  debere[»]t  iiiiinicia  se  redducere 
et  recolligere,  qui  dixit  et  respondit  se  tantuni  scire  quod  ipse  Pey- 
retus  fanuilus  predictiis  per  dictam  suam  credentiam  sibi  ex  parte 
dicti  domini  Antiiunii  dixit  quod  ipsi  essent  recolletti  in  loco  Insuie  et 
de  Cavallione  ',  et  quod  niagis  esset  de  hiis  certus,  quoniam  aliqui 
scindici  eorum  cum  aliquibus  de  dictis  locis  debebant  venire  (locum) 
cura  eodem   iu  dicto  loco  d'Oppeda. 

Item,  dixit  ulterius  quod  nuper  ipse  Bernardus  per  presens 
portaverat  unam  litteram  ex  parte  dicti  domini  Anthonii,  quod, 
quandocunque  veuirent  casus  quod  essent  in  partibus  comitatus  pre- 
dicti,  ipse  scriberet,  ||  "  quod  fecit,  et  quara  litteram  ipse  Bernardus 
portavit,  et  sibi  loquenti  tradidit,  et  illam  ipsi  domino  de  Salanova 
tradidit,  [et]  domine  de  Montedracone  ',  coromatri  sue,  quod  quando 
ibidem  e»sent,  quod  eisdem  darent  victualia,  et  inde  reduceret  eos 
ibidem  ;   tamen   non   fuerunt  certi  de  eisdem. 

Interrogatus  ulterius  si  scit  aliquem  de  Avinione  qui  de  die,  nec 
de  nocte,  aliqualiter  istis  de  palatio  prebendo  victualia,  ne  alias  eis 
scribendo  consilium,  auxilium,  nec  favorem  dederint,  dixit  quod  non. 

Item,  ulterius  interrogatus  si  ipse  scit  de  comitatu  aliquem  seu 
aliquoa  qui  similiter  hoc  fecerint,  dixit  quod  non. 

Item,  ulterius  interrogatus  si  s[r]it  aliquem  qui  intraverit  nec 
exiverit  palatium,  dixit  quod  sic:  scilicet,  Bernardus  predictus  qui 
pluribus  vicibus  intravit.  et  exivit,  et  plures  alii  homiiies  de 
Hoppeda. 

Item,  interrogatus  qui  fuerunt  alii  qui  ibidem  palatium  exive- 
rent,  dixit  se  nescire. 

'   L'Isle-surSorgue  et  Cavaillon  (Vauelusr). 
^  Montdiagon,  comm.  de  Saint-Genix  (Savoie). 

Mélunges  tl'Arch.  et  ilHht.  IMl-Ufi-J.  20 


300  l/lNTHUHOUATOlUK,    I>K    MAKriAKIT 

Itcin,  iuti'rrDjjiitiis  .-ni  i|iiiil  cvivcniiit  jicc  i-ccldiciinit.  dixit  (|Hoi| 
ex  eo  quod  iiiterdiiin  ixirtalmnt  littcras  liinciudc,  et  alla  victiialia 
neccessaria,  acilicet  sotulatas.  calif^as,  et  quamplura  alia. 

Item,  iiltorius  iiiterroKatiis  iiiidc  ciiicruiit  illi  predicta  que  iii  diefo 
palatic)   portaverunt,  dixit  quod   in   Hi>p|)eda  et  alilii   iii  l'roviiicia. 

Item,  ulterius  interrogatus  per  qtietn  locum  intraverunt,  dixit 
quod  »ubtus  ||  pontein. 

Item,  ulterius  interm^'atus  si  lialiuiTUiit  de  pulvei'e  lioiiliarda- 
rum,  dixit  quod  aliqiii  de  cxeuntil)iis  portaverunt  ([uiiique  vel  sex 
quintalia  salpêtre,  sed  eertive  de  eorum  nominiiius  dixit  se  neseire. 

Item,  ulterius  interrogatus  qualiter  hoc  scit,  dixit  quod  ex  eb 
quia  Peyrotus  silii   dixit. 

Item,  fuit  ulterius  interrogatus  si  8[c]it  quod  in  dicto  palatio 
sint  vietualia  magna,  dixit  quod  nuper  dioi  audivit  a  dieto  Ber- 
nardo,  qui  infra  dietum  palatium  fuit  et  exivit,  quia  satis  erat  de 
blado,  et  satis  de  carniUus  saisis,  et  satis  de  vino,  et  higuminibus 
dixit  se  nieliil  petisse.  et  satis  erat  de  bescuelie,  et  satis  erat  de 
oleo,  et  quingenta  pondéra  risi. 

Item,  ulterius  interrogatus  si  s[^]it  (|uod  infra  dietum  palatium 
intraverunt  gentes,  dixit  quod  nuper,  antequam  Mardonenehn  '  e[s]t 
in  Avinione  captus,  audivit  dici  a  dieto  Peyroto,  in  parti'ius  Sa- 
b.uidie,  quod  infra  dietum  palatium  dixit  quod  dici  audivit  a  dieto 
Beruardo  quod  eirea  XX   vel  XXV  in   universo. 

Item,  ulterius  interrogatus  si  s[f]it  quod  sunt  in  dietn  palatio 
liomines,  dixit  (luod  llll'    'j  et  XI  "  in  die  insultus  faeti  in  Avinione. 


'  Jacques  de  Hardonèclie  fut  jdis,  alors  qu'il  jiortait  des  vivres  au 
palais,  et  eut  la  tète  tianchéo  le  -21  février  1411.  Sa  tête  fut  exposée 
devant  la  Roche  des  Douis  {Chronicon  parrnm  Avinioiieii.te  de  schismate 
et  bello). 

'  Ce  cliitfre  conconle  avec  le  nombre  de  •  t.nO  prisonniers  estans  an 
dit  palays  et  chastel  d'Oppède  >  auxquels  le  roi  Charles  VI  accordera  un 
sauf-conduit  après  la  levée   du   siège  (Avignon,   Archives  de   la  villr. 

EE  XA.  -r. 


I.'lXTERROGATOlUK    l>^;    MAR(iAKir  .301 

ItiMii,  ulteriiis  iiiten-ogatus  si  s[r]it  (lund  iii  dicto  iiisultu  '  de 
dictis  liominilms  palatii  fueruiit  murtiii,  dixit  se  iiescire,  tamen 
crédit  (|Uod   fueriint  plnres  viilnerati. 

Item,  ultei-ius  iiiteiTOgatus  si  sf'Jit  qiiod  siiit  de  artilhiaria  satis 
iminiti.  dixit  (jund  audivit  dici  qiiod  imper  feceruiit  inu:enia  fustea, 
et  qiiod  fueriint  interdiini  tVacta  et  iuterdiiin  nititHoata,  et  de  aliis 
dixit  .se  iieseire. 

Item,  ulterius  iiiterrogatus  si  s[(Jit  qiiod  siiit  homines  armorum 
in  loeo  predicto  de   Oppeda,  dixit  se  nescire. 

Item,  ulteriiis  iuterrogatus  si  s[tjit  quod  siiit  bene  provisi  de 
omnibus,  dixit  quod  sic,  sicut  dici  audivit. 

Item,  ulterius  interrogatus  si  s[c'Jit  quod  infra  palatium  luiper 
ejus  raagister  scripserit.  dicit  quod  scit  auuo  presenti,  dum  ultimo 
ipse  loqueus  fuit  in  Terragona,  dominus  Cenessencis  ',  qui  sild  lo- 
((uenti  dixit  quod  ipse  magister  suus  Petrus  de  Luua  seripserat 
domino  Roderico  per  modum  bulle,  quod  non  destruerent  civitatem 
Avinionis  quantum  posseut,  et  non  exierent  erga  {sic)  palatium  || 
escaramussando,  .sed  quod  custodirent  bene  palatium,  et  alla  de  hiis 
dixit  se  nescire. 

Item,  ulterius  interrogatus  si  s[r]it  statiim  gentium  Avinionis 
captarura  intVa  dictum  palatium,  dixit  quod  audivit  dici  a  dicto 
Peyroto  quod  aliqui(sj  de  ipsis  fuerunt  mortui  '.  Et  alias  non  fuit 
interrogatus. 

'  L'assaut  eut  lieu  le  15  tëvriei-  1411. 

-'  L'évêque  de  Senez,  Aviaio  Nicolai,  de  l'ordre  des  Dominicains, 
connu  pour  sa  sympathie  envers  Benoît  XIII  (voir  N.  Valois,  La  France 
et  le  grand  achisme  d'Occident,  t.  III,  p.  490;  t.  IV,  p.  278:  R.  P.  Ehrle, 
Martin  de  Alpartih  chronica...^  dans  Çuellen  und  Forschnngen...  heratis- 
gegehen  von  der  Gôrres-GeseUsehaft,  t.  XII,  p.  187,  note  3).  Il  prenait  en- 
core ce  titre  en  1414;  Benoît  XIII  lui  donnera  plus  tard  le  siège  de  Huesca. 

^  Il  s'agit  sans  doute  des  notables  d'Avignon  enfermés  dans  le  pa- 
lais en  mai  1410,  et  dont  trois  moururent  de  maladie  en  janvier  1411 
[Chronicon  j)arrun)  Avinionevse  de  schi^male  et  hello,  opus    cit.,  p.    ISiM. 


LE8  TROPHEES  FARNESE 

(PI.  VIII) 

Sous  le  sefoiul  porche  du  Palais  Faruése,  daus  les  deux  niches 
([ui  à  droite  et  ;i  gauche  précèdent  le  jardin,  on  peut  voir  deux 
«  ensembles  de  fragments  »,  proches  parents  de  ceux  que  composent 
les  architectes  de  la  Villa  Médicis  pour  certains  de  leurs  «  envois  »  : 
entassement  d'ornements  les  plus  di\  ers,  urnes,  frises  et  sarcophages. 
Deux  trophées  (pi.  VIII,  fragm.  A  et  B),  un  dans  chaque  groupe,  occu- 
pent le  centre.  Ce  sont  eux  que  je  voudrais  étudier  ;  en  effet  ils  n'ont 
été  cités  par  les  anciens  Farnésiens  qu'en  passant  et  en  bloc  '  et  pour 
ainsi  dire  jamais  reproduits  :  ils  méritent  d'ailleurs  de  retenir  l'at- 
tention, tant  le  travail  en  est  tin  et  soigné;  ils  ont  en  outre  une 
valeur  documentaire,  puisque  l'on  en  connaît  l'origine  et  partant 
la  date. 

Ils  faisaient  partie  d'un  entablement  qui  ressautait  à  l'aplomb 
de  colonnes  et  décoraient  la  face  du  ressaut,  tandis  que  les  côtés 
étaient  ornés  de  gritfons  et  d'arimaspes;  ils  sont  eu  marbre  et  re- 
présentent une  Victoire  couronnant  un  trophée  ;  celui-ci  se  compose 
de  ce  que  j'appellerai  le  trophée  i)roprement  dit  (bonnet  et  tunique 
ennemis  sur  un  arbre  en  croix)  encadré  de  boucliers  et  dressé  sur 
un  monceau  d'armes.  L'ensemble  du  relief  a  0,68  m.  de  largeur  ; 
ou  peut  seulement  déduire  quelle  était  la  liauteur,  puisque  la  partie 
supérieure  des  deux  trophées  a  été  tronquée  :  elle  était  d'envi- 
ron 0,62  m.,  comme  celle  du  plus  complet  de  nos  fragments  ffig.  A). 
An-dessous  d'eux  on  voit  encore  l'architrave  décorée  de  moulurations 

'  Hoiirdon  et  Laurent- Vibert,  Le  l'alain  Farnéi-e  d'après  l'inrcntaire 
de  ir,:,3,  Mélanges,  XXIX  (1909),  p.  145. 


iiOi  i.ics  ■[■itoiMlioios  i-aum:si.; 

diverses  :  rangées  d'îicantliea,  d'ovcn,  ...  ;  ils  ('faient  siirmriiiti'-K  iriiiie 
forniclio  rf)ni]iii''t«'  fort  travailii-o,  dont  on  possède  ('■f,';i!<'iiifnt  (|iir|(|ucs 
restes   au    Palais    FaiMièsi'. 

C'est  en  1820  que  ces  reliefs  furent  placés  on  ils  sont  '.  Ils 
vinrent  remplacer  dans  leurs  niclies  vides  une  statue  d'empereur 
avec  inscrijjtion  et  une  représentation  de  la  Forliiiui  ïierlu.r  trans- 
portées à  Naples  •  et  rappeler  l'admirable  e(dleetion  d'anti(|ues 
qu'enfermait  le  Palais  an   temps  de   Fnlvio  Orsini  '. 

Ils  viennent  de  la  Ilniiixs  Flmin  du  l'alatiii:  lîiaiieliiiii  les  dé- 
crit: «  ...si  vdjijnisoilii  ijinlld  j.diirili  ffi-ijin.  iln-  ndjiriialurn  ml  >i))i> 
(le  nipHiUi  ihJlf  idlinnit' :  iii-llu  i/iiiilf  ii'di'si  hiki  Vitlarid  dhlln 
coronure  loi  trofeo  coinposlo  /If'  .•i/Knilir  mililnii  cnn  dllre  iippiedi 
elefiantem/'nti;  inirerciatc  i>  '  et  sa  planche  IV  donne  un  dessin  sur 
lequel    nous    leviendrons. 

Hiancliiui  nous  dit  aussi  ".  et  ses  indications  ont  été  tout  à  la 
fois  utilisées  et  précisées  par  ceux  qui  ont  tenté  de  reconstituer  le 
palais  des  Flaviens '',  (|uclle  était  la  jilaee  de  cet  entablement. 
11   courait   tout  autour  île   VAidd   Maiiiid:    il   y  avait  seize  ressauts 

'  Ce  renseignement  est  dû  à  Niliby,  Borna  nelanno  MDCCCXXX  VI IT, 
Parte  II,  antica,  p.  430;  tout  ce  (pii  provenait  du  Palatin  est  parti  à  Naples 
(lit-il,  «  mena  alcmii  /'rammenti  di  airhitettitru  che  vi  restaioiio  fiii'<il- 
Vannn  1820,  ed  oggi  esistono  nel  Palazzo  Farneac  •.  yuelle  est  la  source 
de  Nibby,  je  ne  sais.  Mais  alors  que  ses  indications  touchant  le  XN'I*" 
et  le  XV II"  siècles  sont  .souvent  peu  dignes  de  foi,  il  efit  naturel  de  ne 
pas  mettre  en  doute  un  fait  dont  il  a  été  contemporain. 

-  Bourdon  et  Laurcnt-Vibert,  art.  rite,  p.   192,  n.  1. 

^  DeNolhac,  Xcs-  rnllection>t  d'antiquités  deFulrio  Orsini.  MélatKjrs,  IV 
(1884),  p.  139. 

■*  Bianchini,  del  J'ala-zo  de'  Ct-snri,  Vérone,  17:î8.  p.  04. 

■•  Id.,  p.  50  sqq. 

"  Cf..  entre  autres,  Deslane.  I.r  Palais  des  Césars  au  M'  Palatin^ 
Gaz.  areh.,  XIV  (liSSS',  p.  121  st|(|.:  —  id.,  Monuiiicnts  antiques  relerés 
et  restaurés  par  les  architectes  pensionnaires  de  l'Académie  de  France,  II, 
pi.  123-4;  —  Btthlmann-.Miinclien.  der  Palast  der  Flaricr  auf  dem  Palatm 
in  Koni.  Zeitschrift  fur  Gesch.  der  .\rcliit..  I,  |fé\-.  1!»0S|.  p.  113  sipp  :  en 
particulier  p.  123,  fig.  7. 


LES   TROPHEES    KAR.NESK 


305 


ilomiiiJiiit  autant  tle  colonnes  et   formant  aiiiHi   des  niches  que  gar- 
nissaient des  statues  colossales. 

Si  Ton  veut  sentii-  tlotter  un  peu  de  la  poésie  des  ruines,  où  ils 
furent  trouvés  gisants,  siir  ces  fragments  isolés  aujourd'hui,  et  dé- 
pouillés de  leur  prestige,  il  faut  regarder  un  dessin  de  la  fin  du 
XVIII''  s.,  œuvre  d'nn  certain  Nadorp  ;  il  fait  partie  delà  collection 
privée  du  sénateur  Lanciani,  (|ui  me  Ta  aimablement  communiqué  '. 


Fjg.  1. 


Fragment  C. 


Il  représente  le  sommet  des  Jardins  Farnèse,  c'est-à-dire  le  péristyle 
du  palais  de  Domitien  ;  au  fond  et  à  gauche  l'ancien  couvent  de  la 
Visitation  ;  au  premier  plan,  à  gauche  également,  un  des  énormes  cha- 
piteaux corinthiens  qui  sont  demeurés  sur  les  lieux,  et  à  droite  un 
de  nos  deux  ressauts;  on  distingue  la  Victoire  et  le  trophée. 

On  peut  compléter  ces  fragments  grâce  à  d'autres  et  grâce  aussi 
à  des  dessins.  Si   l'on  erre  sur  le  Palatin  et  que  Ton   examine  tous 


'  Il  lu'a  paiii  inutile  de  le  reproduiie  ici  à  cause   de    l'imprécision 
des  détails. 


.'ÎOfi  I.KS   TUOIMIKKS    KAKNI^ISK 

ICH  débria  (|iii  l'oniciit  encore,  on  retrouve  hi  Jlmiiiia  Flnriii  éparsi- 
dans  les  anciens  .lai'dins  Farnèse.  J'ai  découvert  (l"al)onl  un  frafçinent 
de  tropliée  (fig.  1,  fra^ni.  (')  encastré  dans  un  des  piliers  (|ui  sont  de- 
vant le  ('asino  Farni^se,  en  Ixirdure  du  CUr-us  Virtorine  (celui  de 
droite  pour  qui  rejrai'de  le  Forum  .  11  s'agit  d'armes  en  monceau:  le 
fragment  a  une  haiiteiir  de  ii.'-!'i  m.,  une  largeur  de  0,44  m.:  ces 
dimensions  correspondent  fort  Iden  à  celtes  des  monceaux  d'annes  des 
tropliées  Farnèse  yl  et  7?  '  ;  l'enclievêtrenient  semble  calqué;  si  un 
examen  attentif  révèle  (|nelqiie  détail  différent,  n'oulilions  pas  que  A 
et  B  ne  sont  pas  non  ])liis  tout-à fait  semblal)leâ  l'un  à  l'autre  et 
que  cette  variété  ajoutait  au  charme  de  la  décoration;  enfin  ce  reste 
se  trouve  tout  près  de  la  Domus  Fluiia;  toutes  ces  raisons  amènent 
à  conclure  que  l'on  est  bien  en  présence  d'un  fragment  du  même 
entablement. 

Parmi  les  ruines  mêmes  du  palais  des  Flaviens,  dans  une  des  salles 
voisines  dn  péristyle,  on  a  conservé  un  trophée  :  un  bonnet  et  une 
sorte  de  tunir|iie  de  fourrure  (fig.  2,  fragm.  D)  :  ce  fragment  a  0,22  m. 
de  hauteur,  dimension  exacte  de  la  place  où  sur.  le  fragment  li 
manque  le  trophée  pi-oprement  dit  ;  l'un  complète  évidemment  l'autre. 

Ou  s'attendrait  ;'i  trouver  des  vestiges  plus  importants  de  ces 
seize  reliefs.  Mais  dans  les  nombreux  «  inventaires  Farnèse  »  °  nulle 
indication  de  trophée,  l'arme  n'.i  i)Our  ainsi  dire  plus  rien  (|ui  vienne 
du  Palatin.  Le  dernier  Calnhupie  du  3Iusre  de  KitpJes  ne  révèle 
l'existence  d'aucun  débris  de  ce  genre  dans  le  musée  auquel  est 
échue  la  presque  totalité  des  collections  Farnèse. 

Comme  reproduction  nous  avons  avant  tout  celle  de  Biaucliiui  '. 
La  Victoire  se  tient  à  droite  comme  dans  le  fragment  B\  elle  étend 

'   Fragment  A   hauteur  0.28  ui.:  largeur  0.40  ni. 

h        .         0,28  m.;         .        0,3r)  m. 

C         .         0.2(5  m.:         .        0,44  m. 
^  Dociitiienti  inédit!  jicr  servi iv  alla  sloria  dei  ^fll.^iei  d' Itulia.    Imeii- 
tari  J-'arnefiiani.  I,  p.  72  (invent,  de  InfiS).  III.  p.   18(i  (invent,  ilc  17i>7). 
^  Bianchini,  op.  cit.,  pi.  IV. 


LKS   TR(irHKES    FAltNI^SE  HOT 

le  liras  droit  vt  ciiiiriiiiiic  un  tmiilirc  qui  jini^tc  un  bonnet  et  une 
tuni(|iie  li.-ii'li.-ircs:  ,iii  pied  linéiques  Mpnies.  Ce  dessin  est  bien  dif- 
férent des  trophées  (|ni  simt  .-ni  l'iiL-iis  Farnèse.  Quelle  pnuvreté, 
quelle  séelieresse  dans  les  détails!   A  la  fuurrui'e  earaetéristii|iie  dont 


FiC4.  2. 


Fiasnieut  I>. 


sont  faits  le  bonnet  et  la  tunique  l'auteur  a  substitué  une  étotfe 
quelconque.  (îràee  à  lui  nous  reconnaissons  à  coté  de  la  Victoire  un 
candélabre  dont  nous  devinerions  à  peine  le  ])ied  sans  son  concours  ; 
il  uous  indique  aussi  le  geste  des  Victoires,  mais  le  niouvenieut  des 
Jambes  et  des  ailes  encore  intactes  sur  no^  fragments  sufiit  à  nous 
montrer  combien  elles  étaient  en  réalité  plus  légères.  Ou  Biancliini 
s'est  inspiré  d'un  relief  ditféreut  de  ceux  que  nous  avons;  cela  me 


308  I.KS    rliOl'IlKlOS    KAKNKSB 

parait  ])ru  probable:  nos  frafjnients  proviennent  (le  trois  trophée» 
courus  dans  le  même  esprit,  et  anciin  des  seize  reliefs  ne  devait 
être  si  priifoiKléinenl  disseniblalilc.  (lu  liii'ii  encore  —  ce  ()ui  nie 
senïljle  très  plausil)le  —  partant  d'iiii  de  ees  trophées,  qu'il  l'ait 
vu  complet  on  qu'il  ait  en  à  le  leeoiistituer,  il  l'a  reproduit 
avec  une  ainialile  fantaisie;  sa  traduction  est  une  «  belle  infidèle», 
on,  jioui-  mieux  dire,  elle  est  infidèle  sans  plus:  non  seulement  les 
détails  sont  inexacts,  mais  encore  la  v;ileiir  artistique  du  bas-relief 
disparait  à  peu   près  complètement. 

Canina,  lui.  reproduit  le  dessin  de  liiancbini  retourné  ijonr  ainsi 
dire:  l.i  \'ictoire  se  trouve  :i  fi;uielie  '.  l?eaucon|i  plus  intéressjinte 
est  la  reproduction  de  Ilaugwit/  ".  il  prétend  la  donner  «  tiar/i  (1er 
Zeichnuncj  Bidtir/ihii's  »  :  mais  en  réalité  elle  se  rapproche  davan- 
taj^e  du  dessin  de  (':inin;i  et  en  re;;ardant  de  plus  pvl-H  on  se  rend 
compte  qu'elle  a  été  insjjirée  |i;ir  le  frajrment  .1  du  l'alais  Farné.se  ; 
la  \'ietoire  ne  se  présente  pins  de  face;  le  liouelier  rond  avec  aigle 
est  au  premier  plan.  Sans  vouloir  le  dire,  Haugwitz  a  complété  le 
dessin  de  Canina  à  l'aide  du  fragment  A  ;  sa  figure  n'est  d'ailleurs 
pas  suliisamment  distincte^. 

Sur  chacun  de  nos  bas  reliefs  —  pour  en  venir  maintenant  ;i 
une  description  détaillée  —  nous  devinons  encore  une  Victoire;  on 
ne  voit  plus  que  le  bas  de  la  robe  qui,  très  longue,  laissait  seulement 
dépasser  le  bout  des  pieds  chau.ssés  de  cnlcei  de  la  forme  la  plus 
simple.  Les  ailes  à  demi-déployées  sont  grandes:  elles  devaient  monter 
aussi   haut  que  la  tète  et  descendent  plus  bas   que  le  genou  ;  cha- 

'  Canina,  (;/;■  ed^/!^i  ,ti  Kmtia,  IS.')!,  III,  ji.  Ui  et  IV,  pi. -2!^,  fig.  1: 
—  le  commentaire  est  insignifiant. 

-  Ilangwitz,   Der  Palatin...,  litOI,  tig.   l.î. 

'  En  outre  l'article  cité  de  Biihlraann-Miinclien  donne  la  photogiapliie 
(p.  122,  fig.  Ô-6)  des  deux  ensembles  de  fragments  du  Palais  Farnèse;  — 
le  n"  28980  de  la  Collection  .Minnri  donne  l'ensemble  de  gauche;  — 
aucune  de  ces  reprodiictions  ne  permet  l'ctude  des  armes. 


LES   TROPIIKBS   FARNESE  309 

cune  des  déesses  avait  une  attitude  particulière.  Les  représentations 
de  Victoires  couronnant  des  trophées  sont  innoniljrables  tant  sur  les 
bas-reliefs  que  sur  les  monnaies  '  ;  en  se  fondant  sur  ce  qui  reste 
de  nos  deux  Victoires  on  peut  essayer  quelques  rapprochements.  On 
songe  aussitôt  à  celle  qui  couronne  un  trophée  sur  le  côté  droit  de  l'autel 
des  Lares  Augustes^;  mais  elle  est  prête  à  s'envoler  et  d'un  autre 
type  ^.  Il  en  est  d'autres  assez  voisines  :  une  Victoire  sur  nue  base 
dédiée  à  Jupiter,  Sol,  Sérapis  \  dresse  un  tiophée  auprès  de  Rome  (?) 
personnifiée,  mais  elle  a  moins  de  majesté  ;  la  statuaire  nous  donne 
un  type  semblable  dans  la  Victoire  de  Lyon  ^  d'une  tenue  plus 
sévère,  d'une  ligne  plus  ancienne.  La  représentation  la  plus  proclie. 
Je  la  trouve  sur  la  liante  voûte  de  l'are  de  Rénévent  '' :  la  Victoire 
couronne  Trajan.  On  peut  donc  dire  que  l'on  a  là  un  motif  assez 
répandu,  sans  qu'il  y  ait  pourtant  une  Victoire  vraiment  identique 
aux  nôtres.  A  rapprocher  ainsi  de  leurs  srpurs  les  Victoire  Farnèse, 
on  arrive  moins  à  les  compléter  qu  à  sentir  mieux  leur  grâce  et 
leur  majesté;  grâce  dont  étaient  empreints  les  types  hellénistiques 
qui  leur  ont  donné  naissance  ',  majesté  plus  proprement  romaine  et 
due  au  ciseau   national. 

Cette  perfection  nous  la  retrouverons  dans  les  armes  :  je  ne 
m'arrête  pas  aux  candélabres  presqu'entièreraent  disparus  et  que 
nous  sommes  réduits  à   admirer  à   travers   Hiancliini.    Kii    principe 


'  Furtwiiiigler,  Arcli.  Jnhrh.,  III,  p.  203.  —  Inihoof-Bluiner,  Niimism. 
Zeiisch.,  Wieii.  1871,  III,  p.  1.  —  Woeleke,  Beitriiçie  zur  Geschichte  des 
Tropaions,  Bon».  Jahrh.^  1911,  p.  U)2.  —  Ad.  Reinacli  dans  Sayllo  s.  v. 
Tropaeum^  \',  507  b  sqq. 

''  Reinach,  Reliefs,  III,  p.  3'2.   —  Woeleke,  art.  cité,  p.  191, 

'  Cf.  Amehmg,  Sculpt.  des  Vatic.  Mus.,  II,  87'',  texte  p.  iM4:  autre 
autel  des  Lares  avec  Victoire. 

*  Reinacl),  Reliefs,  III,  p.  188.  —  Strong,  Roman  sciilptuie.  Londou», 
1907.  pi.  97. 

■^  .Julliaii,  Gallifi,  p.  269. 

'^  Reinacli,  Reliefs,  I,  p.  66,  n°  2. 

'  Studniczka,  Die  Sieyesgdttin,  Leipzig,  1S98,  p.  26. 


.'ilO  LES   TROI'IIKKS    FAKNfcSE 

un  trii|)lié<;  doit  rc])réseiiter  des  armes  Piiiiemies;  c'est  de  là  qu'il 
faut  partir  pniir  exaininer  d'altord  ce  qui  daus  nos  inoucfaux  d'annos 
n'est  de  toute  évidence  pas  romain.  Li-  tVa^'uii'nt  I>.  cnnipipsi';  Itii- 
méme  de  deux  morceaux  qui  se  conii)lètent,  montre  en  quoi  consistait 
le  trophée  proiirenient  dit:  une  espèce  de  tnni<|ne  et  un  bonnet  de 
tiiiirnirc:  celui  ci  l'st  petit  et  tel  ((iic  ikpus  le  retrouvons  sur  bien 
liis  tiMplit'cs.  L.i  foiiriMire  a  la  lornic  d'un  dmible  plastron  avec  une 
rTliaiicniic-  ([iii  prriiii't  de  passer  la  tcte  :  c'est,  en  plus  simple,  ce- 
que  nous  avons  sur  l'un  des  trii)diées  dits  de  Marins,  à  f^antlie  de 
l'escalier  du  Oapitolc  '.  Sur  .1  et  sur  B  les  armes  viennent  se  ;rrouper 
.nitiiiir  d'une  riiurnne  de  fniiiie  ciini(|ue.  .\u  ])reniier  .aspect  on  voit 
en  elle  l'ancêtre  du  bonnet  à  poils:  il  faut  f.iire  au  bon  sens  l.i 
concession  d'avouer  que  c'est  fort  possiltle.  .Mais  si  naturelle  qiu- 
soit  l'explication,  je  ne  la  crois  pas  exacte:  ces  bonnets  seraient 
trop  frr.inds  et  non  .'i  réclielle  :  ni  la  Colonne  Trajane,  ni  la  Co- 
lonne .Xurélienuc  ne  rej)résentent  aucune  coiffure  de  ce  genre:  on 
croit  la  reeonnaitre,  alors  qu'on  voit  seulement  l'abondante  cheve- 
lure en  liroussailles  qui  caractérise  les  Barbares  ;  si  le  lionnet  de 
fourrure  est  bien  connu  de  l'antiiiuitc,  ainsi  que  le  prouvent  le 
fragmemt  D  et  de  nombreux  sarcophages  -,  il  est  plus  bas  et  de 
forme  ronde  ;  Je  ne  le  retronvc  pas  ici  *,  où  Je  vois  de  prétërenci- 
une  fourrure  disposée  connue  un  draj)  à  l'étalage  d'un  tailleur  et 
|il.i<ee  là  ])onr  servir  de  centre  à  tout  le  monceau.  Sur  les  trophées, 
la  fourrure  symbolise  le  pays  t'roid,  et.  naturellement,  aux  yeux 
des   Romains   la   contrée   nordii|ue  par  excellence,  la  Cermanie.  Sans 


I  Reinach,  IMiefif.  I,  p.  291.  —  Helbig-Amelnng,  Fiihrer...,  1,  p.  40i». 

-  Bienkowski,    Die   DarsteUungen    der  GaUier...,  Wien.   190S  :  cfr. 
KnjiimunijHnfeln^  IV,  VII. 

•  '  On  pense  aussi  aux  glands  :'i  franges  qui  se  trouvaient  à  la  liase 
des  enseignes  (efr.  Domaszewski,  Die  Fiihiieii  im  nimisclieti  Heere,  Vienne. 
1SS5,  p.  64,  fig.  80:  enseignes  prétoiiennes  de  l'arc  des  Argentarii  au 
Forum  Bon  ri  II  m):  mais  que  signifierait  cet  ornement  en  l'absence  de  toute 
enseigne  V 


LES   TROPHEES    FARNESE  dl  1 

doute  est-elle  également  portée  pur  des  sh/i/iferi  et  des  niiisiriens 
romains  ',  ou  par  des  (iaulois  ',  mais  Doniitieii  est  le  triouipliateur 
des  Germains, 

Vi(t(jr   II iiperbiirnei)   mimen   nh  (irJic   iiiUt^; 

aussi  semble-t-il  que  la  vieloire  évoquée  ici  soit  bien  eelle  qu'il  a 
reui])ortéc  sur  les  Germains. 

La  Daeie  à  son  tour  est  rappelée  par  un  couteau  à  lame  pointue 
et  recourbée  (fragment  B).  le  même  que  l'on  voit  à  tout  instant  sur 
les  reliefs  de  la  Colonne  Trajane  *  :  au-dessus  une  lame  de  forme 
semblable,  beaucoup  plus  grande,  sans  doute  également  dace,  mais 
que  la  Colonne  Trajane  ignore. 

Les  fragments  A  et  B  portent  un  instrument  singulier  (lieauioup 
plus  net  sur  B).  11  se  compose  d'un  tulie  recourbé  et  d'un  pavillon 
de  forme  allongée.  Je  crois  que  nous  sommes  en  présence  d'une 
trompette  et  plus  particulièrement  d'une  espèce  de  carnyx  '.  A  bien 
dire  cet  instrument  ne  ressemble  en  rien  aux  carni/ces  que  nous 
observons  par  exemple  sur  la  cuirasse  de  l'Auguste  de  Prima  Porta  " 
ou  sur  les  trophées  de  l'Arc  d'Orange  ',  car  on  n'y  retrouve  point 
une  tète  d'animal  ;  toutefois  on  peut  voir  dans  le  pavillon  les  mâ- 
choires du  monstre,  et  dans  les  deux  échancrures  centrales  leur  point 
d'attache.  Il  s'agit  donc  en  définitive,  à  mon  sens,  d'une  cafny.c 
simplifiée  ;  d'abord  gauloise,  cette  trompette  devint  par  la  suite  la 
caractéristique  de  tous  les  Barbares  du  Nord;  celle-ci  peut  appar- 
tenir à   un   peuple  voisin   des  Gaules,   i)eut-étre  aux  Chattes. 


'  l'icllorius,  Die  Tntiiiiigsiiiile,  pi.  Vil,  \'I1I:         II,  jj.  21),  3f).  37. 

■'  Bienkow'ski,  op.  cit.,  toc.  cit. 

3  Martial,  X,  102. 

*  Ciehoiius,  op.  cit.,  pi.   LVIl  et  CV. 

■■*  Wit'lcke,  iirt.  cité;  cfr.  note  104:   bibiiograpliie  de  la  cnnii/.r. 

''  Bii>nko\vski,   De   simulacris  Burhanirnm  ycnti'iim   apwt  Koiiiuno^ 
Ciacovie,  1900,  fig.  2  et  5. 

"  Espéraudieu,  Bas-reliefs  de  la  Gaule  romaine,  I,  p.  198  sq(|. 


312  I.KS    THOrilKKS    KAUNfcSE 

Les  lances  sont  rciiiar(|ualilcs:  cUi's  ont  avec  leurs  deux  pointes 
int'érieui'es  la  forme  l)ieM  coiiiiiio  du  «  fer  de  lance  »  ;  or  celles  qui 
se  trouvent  aui-  les  tombes  militaires  de  la  région  rhénane  ont  l'extré- 
mité  sciiililaliic  M  uni-  rciiiiji'  allongée  ',  celle  des  Barbares  de  la  Co- 
loiinr  Ainéliciine  à  une  pyiamide  ;  rexplication  est  aisée:  le  com- 
battant doit  retirer  sans  peine  son  arme  du  corps  de  l'adversaire. 
Seules  les  pointes  de  tiédies  ont  exactement  la  forme  qui  nous  oc- 
cupe ',  mais  nos  armes  n'eu  sont  point,  étant  donnée  leur  taille.  Par 
exce|)tion,  au  centre  d'un  trophée  daee  du  liritish  Muséum  '  se 
dresse  une  lance  identique:  la  nôtre  peut  donc  être  avec  vraisem- 
blance une  arme  dace  que  sa  forme  rendait  particulièrement  meur- 
trière. 

Les  haches  sont  très  pesantes,  :ï  tranchant  unique,  large  et  recti- 
ligne.  Les  légionnaires  et  les  vigiles  en  ont  d'ordinaire  une  dont 
le  deuxième  tranchant  est  remplacé  par  un  pic  et  que  Ton  ap- 
pelle dohihia  '  ;  nous  avons  ici  un  outil  plus  simple  et  sans  doute 
barbare. 

Parmi  les  armes  restantes,  il  en  est  qui  sont  tout  à  la  fois  ro- 
maines et  barbares.  De  l'entassement  des  boucliers  émergent  dans 
nos  trois  fragments  des  poignées  de  glaives;  c'est  le  pommeau  rond 
{ca/mhisi  du  rjlitdiiis  /lisjxuiicHsiii,  que  porte  habituellement  le  légion- 
naire ^.  Mais  après  avoir  passé  de  l'Kspagne  à  Rome,  ce  gladiiis 
avait  passé  de  Rome  dans  les  provinces  du  Danube.  On  le  trouve 
dans  la  main  du  Noricum  (  l)  personnifié  de  la  basilique  de  Neptune  " 


I  Jionn.  Jahrb.,  LXXVII  (18S4),  pi.  I,  n.  1. 

'  Baiimeister,  Deiikmnlcr  dcr  Klass.  Alterl..  s.  v.  Wuff'eii  (.Vil).  .Miiliei) 
«g.  2812. 

'  A.  H.  Siiiitli,  ^1  Catulogiie  of  fculptiire ...  Srttish  SImeum,  Lon- 
dres,  1904,  III.  p.  427,  n"  2620. 

*  Ciehorius,  op.  cit.,  pi.  LX\'I1. 

^  Baumeister,  oj>.  cit.,  p.  2072.  tig.  229n-9t>:  pommeaux  en  ivoire 
trouvés  près  de  Mayence. 

''  Bienkowski,  De  simulacris p.  (i4,  fig.  53. 


LES   TROPHÉES    KARXÈ.SB  318 

et  avec  plus  de  netteté  encore  sur  le  bas-relief  du  Louvn'  où  un 
guerrier  dace  s'apprête  à   en   frapper  un   soldat   romain  '. 

Le  carquois  tel  qu'on  le  voit  sur  les  trophées  dits  de  Marins 
appartient  aux  Barbares  et  aux  auxiliaires  qui  combattaient  pour 
Rome;  le  trophée  du  Britisii,  un  sarcophage  de  la  Villa  DoriaPam- 
phili  ■  en  ont  d'analogues  à  ceux  de  notre  frise:  il  faut  remarquer 
la  boucle   ronde  qui   servait  à  les  attacher. 

Voici  enfin  les  armes  pour  lesquelles  l'artiste,  tout  en  demeurant 
fidèle  à  certaines  données  réelles,  s'est  le  plus  complaisamment  livré 
à  la  fantaisie,  les  casques  et  les  boucliers.  Les  fragments  B  et  C 
contiennent  chacun  un  casque:  celui  de  B  a  eu  le  frontal  brisé  par 
le  temps  ;  les  nécessités  techniques  ont  obligé  l'artiste  à  en  relever 
le  couvre-nuque  et  à  en  éeourter  le  garde-joue  visible;  par  contre 
celui  de  C  a  un  frontal,  mais  ni  couvre-nuque,  ni  garde-joue;  il 
semble  d'ailleurs  avoir  été  scié  à  sa  partie  inférieure  par  ceux  qui 
l'ont  encastré  oîi  il  est.  Quoi  qu'il  en  soit,  tous  deux  sont  assez 
semblables  entre  eux  et  rappellent  un  casque  romain  reproduit  par 
Lindenschmit  '  ;  les  Barbares  en  ont  d'analogues,  bien  que  ceux  des 
Daces  en  particulier  soient  d'ordinaire  oblongs  '  ;  mais  à  la  base  de 
notre  dessin  il  y  a  un  modèle  romain.  La  fantaisie  est  surtout  prouvée 
par  la  décoration.  Sur  le  casque  de  B  un  gi'iffon,  pareil  à  ceux  que 
l'on  voit  encore  sur  les  reliefs  latéraux  de  notre  ressaut;  sur  l'antre 
un  cavalier  nu,  monté  sur  un  cheval.  Ils  sont  donc  comparables  aux 
cuirasses  «  historiées»  "  ;  le  griffon  se  retrouve,  portant  Apollon,  sur 
la  hanche    droite    de    l'Auguste  de  Priiiut  Porta  :    mais   le  casque 


'  Reinach,  Statuaire,  I,  pi.  141.  —  Michnn,  Lp<  Bas-reliefs  Itistariques 
romains  du  Loucre,  Mon.  Piot,  XVII,  p.  207. 

^  Matz-Duhu,  II,  331.9;  —  Bienkowski,  op.  cit..  ûg.  ,5.S. 

^  Bauraeister,  op.  cit.,   fig.  •22SS-89. 

''  Cichorius,  ojj.  cit..  pi.  LVU. 

^  Reinach,  Statuaire,  II,  p.  574  sqq.  —  Wiclcke,  art.  cité,  p.  188: 
liste  des  cuirasses  »  historiées  ». 


ni4  LKS   TltDl-IIÉK.S    FAUNteK 

liistorié  est  lui  auHsi  un  olijot  de  luxe  ;  ooiifiirc  de  piiradi',  mi  ne 
le  porte  pas:   il   n'est  (|iic  dn   <loniaii)e  artistiqnc. 

Les  bonclier»  sont  jxiui-  la  plupart  plats  et  ovales,  sortes  de 
soilii,  Tiiais  avec  cette  partieiilarité  d'être  reetilifines  aux  deux 
extrémités:  c'est  là  un  moyen  terme  entre  le  liouelier  réellement 
ovale  et  le  tioufdier  liexaf^onal,  d'abord  gaulois,  puis  germain  '.  Il  y 
a  également  deux  lioueliers  ronds,  —  d'autres  ovales,  mais  pointus 
vers  le  lias,  le  liant  étant  par  contre  large  et  fortement  liomité,  — 
sur  le  l'ragiiKMit  ('  enfin  une  sorte  (\t  pella  (le  pointillé  indique  que 
le  bouclier  n'est  jias  lirisé,  mais  complet);  ces  deux  derniers  genres, 
on  le  sait,  ne  t'ont  point  partie  de  l'armement  régulier  du  soldat 
romain,  sans  que  toutefois  aucun  monument  autorise  à  en  faire 
l'attribut  de  telle  ou  t«lle  race  de  Barbares. 

Les  décorations  sont  variées.  Mais  remarquons  d'abord  un  sctiliim 
du  fragment  ('  :  en  haut  et  en  bas  deux  aigles  opposées,  chacune  sur 
nu  fondre  :  ce  bouclier  se  retrouve  à  plusieurs  reprises  sur  la  Co- 
lonne Trajane  ';  M.  Cichdrius  y  voit  l'emblème  de  la  /  uhi  Civium 
Uomunornm,  qui  était  en  Pannonie  en  80,  84  et  85  ';  sur  i^  on 
peut  reconnaître  un  bouclier  orné  de  deux  lions  et  ce  fauve  était 
l'emblème  de  la  IV  Vhtrhi,  légion  créée  par  Vespasien  et  (|ui 
prit  part  aux  expéditions  daccs  de  Domitien.  Ces  ornements,  qui 
ont  une  origine  historique,  ne  sont  pas  les  seuls;  il  y  a  des  oies, 
v(datiles  qui  accdnipagneiit  souvent  Mars';  des  daui)liins.  motif  qui 
orne  une  grande  partie  des  frises  et  des  corniches  de  Y Aidn  Mai/un  : 
un  bouclier  rond  du  t'ragment  .1  montre  une  .'ligle  sur  un  foudre; 
le  grand  oiseau  de  proie  joue  un  rôle  de  prédilection  dans  la  déco- 
ration de  la   Domiis  Fhiiin  ;   on  en  reti'onve    encore   actuellement 


'  Babelon,    QuchjHes  monnaies   tU  V Kmpereur   Domitien  (Germanin 
('(t}ilitj,  liev.  Xinii.,  1917-l.S,  p.  :î-2  et  pi.  I,  particulièrement  tig.  10. 
^  Cichorius,  op.  cit.,  pi.  XXVII  (II,  p.  1S4);  —  pb  XLIII  :  —  pi.  XLVII. 
^  C:  I.  J..,  m,  Dipl.  XIII  (XI),  XVI  ^LXXIV).  XVII  (XII). 
<  Pauly-Wissowa,  s.  v.  Gai,^  ((Kck).  VII,   1,  p.  T8.'>. 


LES   TROl'HÉES    FAKXÉSE  315 

plusieui-s  dans  ses  ruines:  sur  le  fragment  ('  un  scarabée  stylisé  '. 
Les  rapports  même  de  la  décoration  des  frises  et  des  boucliers,  et 
en  même  teraps.  la  variété  des  détails,  la  recherche  de  la  diversité, 
prouvent  le  fantaisie  de  l'artiste  '. 

Après  toutes  ces  démonstrations  de  détail,  et  née  d'elles,  une 
question  se  pose:  quelles  victoires  représentent  ces  trophées?  Il  est 
facile  d'y  répondre.  Le  Palais  a  été  achevé  en  92  seulement  ^.  Do- 
mitien  portait  le  titre  de  Germaiiirus  depuis  le  premier  semestre 
de  84:  d'autre  part  il  avait  triomphé  des  Daces  à  deux  reprises,  en  86 
après  avoir  vengé  la  défaite  d'Oijpius  Sabinus,  et  en  89  après  avoir 
vengé  celle  de  Cornélius  Fuscus.  Evidemment  ces  trophées  font  allu- 
sion, malgré  les  mélanges  et  les  fioritures  Imaginatives,  aux  deux 
triomphes  de  Domitien  sur  les  Chattes  et  sur  les  Daces 

. . .   tnodo   Germanas  mies,   modo  Daca  sonantem 
Praplia  *. 

De  même  que  sur  les  trophées  de  la  colonne  Trajane  "  sfr  mêlent 
armes  daces  et  sarmates.  parce  que  Trajan  a  célébré  à  la  fois  le 
triomphe  sur  denx  peuples  distincts,  de  même  nous  avons  ici  des 
armes  daces  et  germaines.  Mais  de  plus,  grâce  à  un  contre-sens  du 
sculpteur,  nous  voyons  des  armes  romaines  et  des  annes  de  fantaisie. 
C'est  que  déjà,  tout  en  conservant,  on  l'a  vu,  une  valeur  documen- 


'  Un  5'  fragment  trouvé  au  Palatin  au  moment  de  la  mise  en  page 
porte  deux  boucliers  présentant  encore  d'autres  dessins:  croissant,  etc. 

-  Pour  les  Victoires  et  pour  les  armes  voir  également:  Beccarini. 
Un  deceunio  di  nuovi  scari  in  Pompei,  Milan.  1922,  pi.  XXIII  (armamen- 
tarium)  :  Musées  de  T Algérie  et  de  la  Tunisie,  Delattre,  iliisée  Larigerie 
de  S'  Louis  de  Carihage,  II,  Leroux.  1.H99.  p.  5  et  pi.  I  (en  particulier  bou- 
cliers des  trois  formes  indiquées  plus  haut). 

^  Gsell.  Essai  sur  Je  règne  de  Domilien,  p.  9.5:  —  cfr.  Martial.  VII.  56. 

*  Stace,  Silv..  IV.  2,  65. 

^  Cicliorius,  op.  cit..  pi.  LVII.  —  II.  p.  371. 

ilélmiri'S'  li'Arrh.  .1  <flli.<l.  19-21-192i.  9^ 


;{H)  I.KS    llîol'IlKKS    KAriXK.sK 

taire  n'-fUe,  le  tropliéi'  n'i^st  plus  ^'iii'ir  (iiriiii  motif  rli'-cnr.itif '. 
Dôcorative  rimprécisioii  volontaire,  qui  pitrmet  au  visiteur  <1c  ilonnrr 
un  peu  cours  à  son  ima;;inntioii  sans  être  arrêté  par  des  détails 
trop  nets,  décoratifs  l'appel  à  des  motifs  iri-aoiousenient  irréels,  le 
mélange  de  l'exuetitude  à  l'invention,  décoratif  encore  le  choix  arlii- 
traire  de  l'artiste  qui,  par  un  caprice  souverain,  omet  le  détail  at- 
tendu pour  (juelque  autre  imperceptible  :  il  rappelle  les  Daces  i)ar 
leur  couteau  à  peine  visible,  mais  supprime  leur  dragon-enseigne 
qui   eût  été  si   caractéristi(|ue  '. 

Ce  motif  décoratif  semble  avoir  atteint  sons  sa  main  une  sorte 
de  perfection.  Dans  la  composition  nous  sommes  à  un  point  d'alion- 
tissement.  On  eonsidère  d'ii.iliitude  qu'il  y  a  deux  sortes  de  tro- 
phées: des  armes  en  monceau  forment  l'une,  des  armes  en  panoplie 
l'autre  '.  Ici  les  deux  types  sont  combinés  ;  le  tropliée  est,  ])eut-on 
dire,  complet:   Victoire,   panoplie,  mouce.ni   d'armes. 

Quitte  à  négliger  un  peu  l'exaetifude,  dans  la  symétrie  de  ses 
seize  reliefs  le  sculpteur  .1  veillé  .'1  la  variété.  Son  souci  artistique 
a  été  raffiné:  il  a  voulu  éviter  la  monotonie  par  des  nuances  dis- 
semblables, ne  négliger  nul  détail,  même  ceux  qui  sont  destinés  à 
perdre  leur  individualité,  :'i  se  fondre  dans  le  tout,  ne  laisser  au 
hasard  aucune  de  ces  minuties  que  le  jjrofaue  dédaigne  et  qui  font 
le  régal  des  délicats;   il  a   rêvé  d'un  ensemble  imposant  et  martial. 


'  Cfr.  Bartoccini,  I.n  drcora'ioiie  deltu  luise  detla  cohniio  tniifum. 
Bail.  dclVnssoc.  arch.  roiii.,  1!UI,  p.  140:  l'auteur  démontre  que  les  relief> 
de  la  ("olonne  obéissent  ;i  la  vérité  historique,  tandis  qu'il  y  a  dans  les 
trophées  de  la  base  des  armes  (pii  ne  sont  pas  daces  (tuniques  à  focah-. 
cuirasses  segmeniatac,  carni/rrs). 

^  Le  but  est  si  bien  atteint  que  les  opinions  les  plus  diverses  i-e 
peuvent  excuser.  Ainsi  Bi;incliini,  o;j.  c//.,  p.  54:  ^  ira  le  quali  si  pos^sono 
riconoscere  le  proprie  ancor  de'  Gerniani,  du  berettoni  tessiiti  di  finohl. 
o  di  lava,  0  di  capelli,  ad  nso  dellu  nasiotie,  »  —  et  par  contre  Beschici- 
hioig  Ttom'.i,  III,  p.  87:  «  Die  KapUdleti  iraren  mit  Tiophâe»  geschiiiiiclt. 
<i>(  deiiDi  man  dadsche  Miitzcn  erhUelcie  ». 

'  .\d.  Keinach.  Saylio.  art.  ril,\  V.  j).  .")14  et  sq(|. 


LES   TROPHEES    FARNBSE  611 

mais  il  a  voulu  que  l'œil,  dont  les  c.iprices  sont  aiultiples,  pût  aussi 
errer  avec  complaisance  sur  la  flexibilité  de  motifs  secondaires, 
mais  ingénieusement  diversifiés;  il  a  représenté  presque  toutes  les 
formes  de  boucliers,  prenant  soin  de  n'en  répéter  que  très  rarement 
rornenieutation.  La  finesse  du  détail  est  telle  que  l'on  peut  dire 
comme  Bianchini  '  le  fait  de  bases  de  colonnes  placées  dans  la  même 
salle:  «  scoJjiite  quanta  finamente  potrehhero  formarsi  in  cera  ».  Les 
armes  du  deuxième  plan  sont  travaillées  avec  le  même  soin  :  les 
ornements  des  casques  et  des  boucliers  sont  d'nne  rare  délicatesse, 
les  poignées  de  glaives,  les  haches  ont  été  minutieusement  représen- 
tées et  le  carquois  montre  encore  la  mince  courroie  qui  servait  à 
le  pendre  à  l'épaule. 

Sans  doute  si  l'on  compare  uos  deux  Victoires  aux  œuvres  grec- 
ques et  aux  statuettes  de  bronze  d'inspiration  hellénistique  directe, 
on  est  prêt  à  leur  reprocher  quelque  lourdeur  :  le  genou  est  bas  et 
les  plis  se  répètent,  monotones  ;  mais  qu'on  les  rapproche  d'autres 
reliefs  romains,  on  sent  qu'il  y  a  là  une  habileté  inconnue  à  l'époque 
d'Auguste  et  perdue  à  celle  des  Antonius.  Surtout  —  et  c'est  ce 
qui  donne  peut-être  à  cette  sculpture  sa  saveur  originale  —  si  les 
détails  sont  précis,  l'ensemble  garde  pourtant  une  sorte  de  fluidité, 
quelque  chose  de  flou,  d'estompé;  il  y  a  là,  peut-on  dire,  de  l'im- 
pressionisrae.  La  seule  aile  qui  reste  à  la  Victoire  du  fragment  B  est 
bien  caractéristique  à  cet  égard  :  ni  raide,  ni  stylisée,  elle  dessine 
comme  nonchalamment  une  courbe  moelleuse.  Et  la  déesse  est  plus 
vivante  avec  cette  langueur  souple  qu'elle  ne  le  serait  droite  et 
hiératique.  Sur  elle  comme  sur  les  armes  qu'elle  domine,  les  lu- 
mières et  les  ombres  se  plaisent  à  jouer  très  marquées;  ainsi  les 
fantasmagories  aériennes  viennent  parer  l'aMivre  d'une  nouvelle 
grâce. 

'  Bianchini.  op.  cit.,  p.  ,52. 


318  LK.S   TROIMIKKS    FARNKSK 

Martial   évntiiif  une  fi'tc  on    Dumition   ro(;oit  à   sa  table 

equcs,  popwhisijue  patresque, 

pour  ("élébrer  ses  succès, 

Tantu   tuas,   Caesar.  cflehrunt  conriria   J/ninis  '. 

Nos  trophées  Farnèse,  comme  les  vers  du  poète,  redisaient  les 
louanges  de  l'empereur,  mais  i)lus  discrètement.  Le  cadre  qu'ils 
rehaussaient  de  leur  beauté  était  digne  de  recevoir  les  plus  nobles, 
les  plus  fastueux  personnages.  Même  aujourd'hui,  en  dépit  de  leur 
mutilation,  ils  sont  de  ces  glorieux  vestiges  où  s'affirme  l'épanouis- 
sement artistique  dont  peut  s'enorgueillir  —  on  le  reconnait  main- 
tenant volontiers  °    —  le  principal  sinistre  et  grandiose  de  Domitien. 

Marcel  Dirky. 

'  Martial  VIII,  50,  £)1. 

-  Strong,  02J.  cit.,  p.  145  sqfi. 


JEAN  DE  CANDIDA 
ET  LE  CARDINAL  DE  SAINT-DENIS 


Lursqu'il  partit  pour  Rome  en  novembre  1491,  chargé  par  le 
roi  de  France  d'une  importante  mission  auprès  du  pape,  Jean  de 
Billières-Lagraulas,  abbé  de  Saint-Denis,  emmenait  parmi  les  person- 
nes qui  composaient  son  ambassade  le  napolitain  Jean  de  Candida  '. 
S'il  l'avait  choisi,  c'est  qu'il  le  connaissait  depuis  plusieurs  an- 
nées ;  il  appréciait  l'étendue  de  ses  connaissances  historiques,  et 
avait  été  à  la  cour  de  Charles  VIII  un  de  ses  protecteurs  les  plus 
actifs  :  nous  l'apprenons  de  Jean  de  Candida  lui-même,  dans  la 
préface  d'une  courte  Chronique  des  rois  de  Sicile  qu'il  écrivit  à  la 
demande  de  l'abbé  et  que  nous  a  conservée  le  manuscrit  latin  7578 
du  Vatican  '. 

Ce  que  nous  savions  jusqu'à  présent  de  la"  vie  de  cet  italien, 
français  d'adoption,  également  liabile,  au  dire  de  son    ami    Robert 


■  Godefroy,  if/.sf.  de  Charles  VIII,  p.  (îlT;  Ch.  Saniaian,  Jean  de 
Bilhères-Lagraulas  {Moyen  Aye.   1920),  pag.  loi. 

*  Au  f.  93  *.  Voir  a  la  fin  de  cet  article,  app.  I.  Le  manuscrit,  tout 
entier  du  XV"  siècle,  contient  en  outre:  1"  Trois  compilations  latines 
sans  valeur  '^deux  Histoires  de  France  des  origines  à  Pliilippe  VI,  qui 
s'étendent  des  ff.  1  à  16  et  17  à  85;  la  première  est  datée  de  mai  1331; 
—  ime  Histoire  des  Comtes  de  Toulouse  d'après  Guill.  de  Puj'laurens  et 
Pierre  des  Vaux-de-Cernay,  du  f.  86  au  f.  9']  ).  2°  Une  généalogie  des  rois 
de  Fiance  depuis  Louis  VIII,  intitulée  Figura  généalogie  qua  multis  vi- 
rihus  ReJ'  Francorum  Caroïus  oetavus  qui  hodie  est  extat  naturalis  et  le- 
gitimus  hères  et  successor  regni  Sicilie,  progenitus  ab  isto  Ludovico  octavo 
qui  progenuit  reges  Sicilie  de  domo  Andegavie  (f.  92).  Elle  se  termine  par 
une  signature,  malheureusement  grattée  avec  soin,  dont  il  n'est  plus  pos- 
sible de  lire  qu'un  P  initial.  —  Le  texte  de  Jean  de  Candida  porte  des 
rubriques  et  des  corrections  autographes  de  l'auteur. 


.'Î20  .FKAN    DE   CANDIDA 

lîi'ironiHjt,  à  l;i  (liphiinatic,  à  l'iiistoire,  et  k  la  -gravure  en  mé- 
dailles ',  peut  tenir  en  quelques  lignes.  Les  documents  nous  le 
montrent  d'aWord  au  service  des  ducs  de  l'ourfrojjne  ;  il  y  était 
eu  1477,  et  y  resta  au  moins  jusqu'en  1479,  date  ;\  laquelle 
il  fut,  on  ne  sait  pourquoi,  cmprisunné  h  Lille  ".  Nous  le  trou- 
viius  ensuite  à  la  cour  du  jeune  Charles  VIII,  auquel  il  présenta 
une  Histoire  de  France  latine,  et  dont  il  devint  bientôt  le  conseiller  '. 
Dès  lors  son  nom  parait  dans  un  certain  nombre  de  circonstances 
où  la  ])olitique  tV.uieoitalieiine  est  en  cause.  Il  fit  i)artie  en  avi-il 
1490  de  l'ambassade  envoyée  par  le  roi  de  France  :\  la  duchesse 
Blanche  de  Savoie  pour  l'aider,  ainsi  que  son  fils  Charles  II,  contre 
les  prétentions  de  P!iili]ipe  de  liiigey  \  Kn  novembre  1491,  il  est 
à  Rome,  avec  Jean  de  r.iliiéres.  11  y  retourna  dans  les  dei-niers 
mois  de  l'année  1493,  pour  le  compte  cette  fois  de  Guillaume 
Bri(;(iniiet.  (jui  dut  peut-être  :\  ses  démarches  son  chapeau  de  car- 
dinal ''.  On  perd  sa  trace  après  1503,  date  à  laquelle  il  exécuta 
les  médailles  de  Pierre  Bri(;onnet,  .yénéral  de  Laugiiedoil,  et  de 
Thomas  Bohier,  général  de  Normandie  ''. 

Il  faut  compléter  ces  maigres  données  par  celles  que  fournit 
le  texte  de  sa  nomination  de  pi-otonotaire  apostolique  '.  Cette  pièce 
est  du  19  avril  1488:  déjà,  elle  le  montre,  il  était  conseiller  du 
roi,  et  désigné  comme  ambassadeur  auprès  du  Saint-Siège.  On  l'at- 

'  Lettre  signalée  par  L.  Delisle,  JiHilioth.  (h-  VEcole  des  Chartes, 
1890,  p.  olO:  «  Robeitus  etc.  .Joanni  CanJidae,  siinuuo  et  oratori  et  hi- 
stovieo  ac  sculptoriae  artis  atque  plastices  liac   aetate  omnium    consuni- 

matissimo,  S.  P.  D >   {Guiliehui  de  Mara  e/)(s<o/ne,  ep.  XXII,  édit.  de 

1514,  f.  8h). 

-  H.  de  la  Toui'.  Jean  de  Candida  {lier,  de  Xumismatiqtie,  1894)  p.  327. 

^  Ibid.,  p.  465.  La  préface  de  ce  petit  ouvrage  a  été  publiée  par 
C.  Couderc,  liiljî.  de  VEr.  des  Chartes,  1894,  p.  566. 

*  Lettre  de  Charles  VIII  à  l'arclievêque  d'Auch.  23  mai  1490  (Lettres 
de  Charles   VIII,  édit.  P.  Pélicier,  III,  p.  39). 

^  H.  de  la  Tour,  toc.  cit.,  p.   171. 

«  Ilrid..  p.  493. 

'  Reg.  Vaîie.  (Î9.ô.  fol.  i;i;i.  Voir  jibis  bas.  app.   11. 


ET    LE    CARDINAL    DE    SALXT-DEN'IS  321 

tendait  suus  \wn  à  Rome,  (ii'i  il  devait  prêter  serment  jioiir  s;i  nou- 
velle eliarge  entre  les  mains  du  cardinal  de  Saint-Georges,  Raphaël 
Riario:   il  est  possible  qu'il  y  ait  été  euvoyé  dès  cette  époque. 

Si  Tipiivre  artistique  de  Jean  de  Caiidida,  dont  nous  n'avons 
pas  à  nous  oeeuper  ici,  est  maintenant  Iden  connue  ',  ou  ignore 
tout  de  son  rôle  exact  comme  diplomate;  l'on  n'était  guère  plus 
heureux  jusqu'ici  pour  son  œuvre  historique,  dont  il  ne  restait 
qu'un  seul  témoin,  In  médiocre  compilation  offerte  à  Charles  VIII  ; 
et  l'on  doutait  même,  malgré  les  afHrmations  de  l'auteur,  que  ses 
travaux  eussent  jamais  eu  dans  cet  ordre  une  importance  quelcouque. 
IjC  texte  qui  fait  l'objet  de  la  présente  note  prouve  tout  au  moins 
que  ses  contemporains  fondaient  sur  lui  de  grands  espfiirs.  Il  n'est 
l)as  daté,  mais  la  Chronique  qui  lui  fait  suite  s'arrête  à  l'avène- 
ment de  Louis  XII:  elle  fut  donc  écrite  entre  le  7  avril  1-198 
et  le  6  aoiit  1499,  date  de  la  mort  du  cardinal  abbé  de  Saint- 
Denis  qui   en  reçut  la  dédicace. 

Ce  dernier,  aui(uel  Lonis  XI  et  Charles  Vlll  confièrent  de  nom- 
Itreuses  missions  diplomatiques  en  Espagne,  en  Bretagne,  à  Rome, 
était  évêque  de  Lombez  depuis  1473;  il  devint  abbé  de  Saint- 
Denis  eu  1474,  et  cardinal  du  titre  de  Sainte-Sabine  le  20  sep- 
tembre 1493.  Entre  temps  il  avait  été  nommé  président  de  l'Echi- 
(juier  de  Normandie  (2G  mai  1484j.  Envoyé  à  Rome  en  1491,  il 
ne  devait  plus  quitter  l'Italie,  où  il  eut  à  jouer  le  rôle  délicat 
d'intermédiaire  entre  Charles  VIII  et  Alexandre  VI  pendant  l'ex- 
pédition de   Naples  '"'. 

De  par  ses  fonctions  mêmes,  l'abbé  de  Saint-Denis,  ehef^dii 
monastère  où  se  poursuivait  depuis  des  siècles  la  rédaction  des 
C/ironiques  latines  de  Saint-Denis  et  des  Grandes  Chroniques  de 
France,  était  appelé  à  s'occuper  de  questions  relatives  ù  l'histoire. 


'  H.  de  la  Tour.  op.  cit. 
-  L'h.  .'^ainaian,  op.  rit. 


322  JKAN    DE   CANKIKA 

.leaii  de  Billi^res  en  effet  (lemaiidii  et  obtint  en  1482  du  eliauee- 
lier  Pierre  d"Oriole  que  la  eliarge  d'iiistoriograplie  du  royaume, 
qu'avait  exercée  par  exception  jusqu'en  1476  ral)lié  de  Saint-Manr 
.Jean  Castel,  fût  rendue  à  un  moine  de  Saint-Denis  '.  C'est  lui,  nous 
apprend  la  préface  à  la  Ç/ironiipic  tics  rois  dr  Siiilr.  qui,  d'accord 
avec  le  successeur  de  l'icrrc  d'Oriole,  <!nilbnime  di-  Itocliefort,  et 
par  conséquent  de  façon  officielle,  confia  à  Jean  de  Caudida  la  ré- 
daction d'une  Jurande  histoire  de  France  où  seraient  résumés  tous 
les  ouvrages  antérieurs.  Ce  travail,  i)onr  leiiuel  ils  le  savaient  bien 
préparé  pai-  ses  recherches  dans  de  noml)reHses  liililiothèques,  fut 
commencé,  mais  interrompu,  nous  dit  l'auteur,  par  l'ambassade  à 
Home  de  1491.  la  mort  du  chancelier  Guillaume  de  Hochefort 
(12  août  1402),  et  la  fin  malheureuse  de  l'expédition  de  Naples, 
i|ui  lui  poita.  nous  l'en  croyons  volontiei's.  un  très  jri'os  dommage. 
11  est  peu  probable  qu'il  n'ait  dû  qu'à  la  petite  Histoire  de  France 
présentée  au  roi  d"être  désigné  pour  un  ouvrage  aussi  important; 
s.-uis  doute,  sa  qualité  de  napniitMiii  l'iit  pdiir  beaucoup  daus  le  choix 
"du  chancelier  et  de  Tablié  de  .Saint-Denis.  A  cette  époque  en  effet 
l'on  s'occupait  déjà  de  rassembler  de  toutes  parts  des  documents 
prouvant  les  droits  de  Charles  VIII  sur  le  royaume  de  Naples.  En 
juillet  1484  arrivait  à  Paris  le  mémoire  rédigé  par  des  clercs  de 
Provence  sous  l'inspiration  dT-tienne  de  \'csc  poui'  démontrer  que 
riiéritage  des  droits  des  angevins  appartenait  au  roi  de  France*, 
.lea'n  de  Bilhères-Lagraulas  travaillait  lui-même  à  réunir  des  té- 
moignages ^.  Bientôt  allait  paraître  le  Traite'  des  droits  du  lloji 
Ç/iarles  VIII  (txx  roi/aumes  de  Xaples.  Sicile  et  Arrngon  de  Léo- 
nard  Baronnat  (1491)  ^  .lean    de    Caudida.   nap(ditain   gagné  ;\   la 


'  Cil.  Saniaran,  op.  cit..  p.  228  s. 

-  H.-Fr.  Delaborde,  L'expédition  de  Chartes  VIII  en  Italie,  p.  164. 
^  A.  de  Boislisle,  Notice  sur  Etienne  de  Vei>c  (Ann.-Biill.  de  la  Soc. 
de  VHist.  de  France,  1880),  p.  2:i7.  n.  2. 

<  Godefroy,  Hist.  de  Cliarlfn  VIII.   p.  67.Ô. 


ET    LE   CARDINAL    DE    SAINT-DENIS  323 

cause  française,  historieu,  était  l'homme  qu'il  fallait.  Il  est  signi- 
ficatif qu'il  ait  été  préféré  à  Robert  Gaguin:  dès  la  mort  de  Jean 
Oastel  cil  1476,  celui-ci  avait  demandé  à  Pierre  d'Oriole  la  faveur 
d'être  chargé  de  la  composition  d'une  histoire  de  France  latine 
depuis  les  origines  *.  Il  ne  l'obtint  jamais,  malgré  ses  instances,  et 
n'en  arriva  pas  moins,  seul,  sans  aide,  à  terminer  son  Compeiidium 
de  oriyine  et  yestis  Franco  m  m,  alors  que  Jean  de  Candida  ne  fit 
rien.  Vers  le  même  temps,  un  autre  italien,  Paul  Emile,  était  nommé 
liistoriographe  du  royaume,  à  charge  d'écrire  une  liistoire  de  France 
en  beau  latin  classique  ".  C'est  à  lui,  seinble-t-il,  et  aux  Grandes 
Chroniques,  que  notre  auteur  fait  allusion,  lorsqu'il  avoue  s'être 
demandé  pourquoi  on  le  priait  d'écrire,  lui  aussi,  une  œuvre  ana- 
logue: «ego,  tametsi  Francorum  cronice  jam  accepte  vulgo  cireum- 
ferreutur,  et  essent  qui  regio  stipeiulio  iddeni  opus  politius  aggressi 
elaborare  pergereut,  tamen . . .  opus  incepi  ».  Nous  partageons  son 
étounement.  Mais,  comme  lui,  nous  ne  pouvons  guère  que  consta- 
ter le  fait,  sans  chercjier  à  Texpliquer:  les  premières  années  du 
règne  de  Charles  VllI  ont  vu  la  publication  ou  la  mise  en  train 
de  trois  histoires  otlicielles,  les  Grandes  Chroniques  de  France  ^, 
l'histoire  de  Paul  Emile  et,  la  dernière  en  date  d'après  ses  pro- 
pres termes  et  si  nous  les  avons  bien  compris,  celle  de  Jean 
de   Candida. 

A  Rouen,  alors  qu'il  présidait  l'écliiquier  de  Normandie,  Jean 
de   lîiliières  avait  communiqué    à  son    protégé  les  chroniques  eon- 


'   L.  Thuasne,  Roherti  Gaguini  epistolae  et  orationes,  I,  p.  38,  252,  278. 

^  Elle  parut  pour  la  première  fois  en  1517  (Brunet,  Manuel,  I,  64). 

^  On  lit  dans  la  préface  de  l'édition  Fr.  Regnault,  Paris,  s.  d.  :  «  A 
l'honneur  et  louange  de  X.  .S.  Jhû  Clnist  et  de  toute  la  court  eelestielle 
de  paradis  et  à  l'honneur  et  révérence  de  vous,  mon  tresredoubté  et  tres- 
souverain  seigneur  Ciiarles  huitiesme  de  ce  nom  treschrestien  roy  de 
France,  je  vostre  treshunible  et  tresobeyssant  serviteur  nprcg  votre  com- 
mandement, ay  fait  les  grandes  croniques  de  France  conteaans  ces  pre- 
sens  trois  volumes  >. 


324  JKAN    UK   CA.NIUDA 

servées  dans  les  «  anckiines  ari'liivos  »  '  de  cette  ville.  Les  notes  que 
prit  alors  celui  ci  lui  servirent  plus  tard  pour  sa  C/ironique  des 
rois  de  Sicile.  Il  se  flatte  d'avoir,  ^râce  à  elles,  écrit  l'histoire  de 
rétablissement  des  noniiaiids  dans  rilalic  méridionale  avec  plus 
d'exactitude  que  ceux  (|ui  avaient  traité  ce  sujet  avant  lui,  Gio- 
viano  Pontano  et  Flavio  liicimld  de  Forli.  Sans  donie  l'untano  ne 
lui  consacre  qu'une  demi-page  au  début  du  de  hello  Neapolitano.- 
Mais  sou  ouvrage  ne  comportait  pas  plus,  tenant  k  Flavio  Biondo, 
le  récit  qu'il  en  donne  dans  ses  llistoriae  ah  inrlimtlione  romani 
imperii  ad  unmnn  11  10  ''  n'est  pas  aussi  eironé  que  Jean  de  ('andida 
voudrait  le  faire  croire. 

Je.\n  Pokcheh. 


Préface  de  la  ('hi-onique  des  rois  de  Sicile  de  Jean  de  Catidida. 

[Ad  Reverendissiniuni  d.  Cardinalem  Sancti  Dynnisii  etc.  cro- 
nica  Keguni   SicilieJ  '. 

Keverendissimo  iu  Cliristo  Patri  et  Uomino  Domino  .lohauni  Ab- 
bati  Sancti  Dionisii  Parisiorum,  Epieoopo  Lumbariensi,  Sancte  Ro- 
mane Ecclesie  tituli  Saucte  Sabine  presbytero  Cardiuali,  devotus 
et  fidelis  servitor  Johannes  Candida  prosperitatem. 

Egerat  sepe  mecum  Reverendissima  Paternitas  tua  una  cum 
clarissimo  viro  Guillermo  de  Rupeforti,  Francie  cancellario,  ut  Fran- 
corum  liistoriam  a  variis  varie  couscrii)tam  nieo    modo  ab  origine 

'  Probablement  hi  bil)li((tbi'i(ue  caiiitulaiie.  ou  relie  de  l'abbaye  de 
Saint-Ouen.  Ct'r.  U.  Omont,  Catal.  goiOi-.  des  Manuscrits  de.i  Bihh  piibl. 
de  France,  I,  Rouen,  p.  X  s. 

'  Decad.  II,  lib.  2,  édit.  de  lô.'ii),  p.  190  E. 

'  De  la  luaiu  de  Jean  de  Candida. 


ET    LE    CARDINAL    1»E   SAINT  DE.Nl.S  iJ25 

contexeiTui,  rati  vos  ambo  me  iiloneum  esse  uegotio,  quem  iiove- 
ratis  al)  adiilescentia  amatorein  historié,  ac,  per  oinnes  quas  multas 
penigravi  terras,  bihliothecas  veteres  diligenti  cura  atque  studio 
quesivisse  si  quid  in  illis  seriptuni  de  Francis  reperirem.  Quod 
ego,  tametsi  Francorum  cronice  Jam  accepte  vulgo  circumfer- 
rentiir,  et  essent  qui  regio  stipendio  iddem  opus  politius  aggressi 
elaborare  pergerent,  tanieu  voluntati  vestre  morem  gerens,  opus 
quidem  incepi,  inceptura  vero  quominus  ad  exitum  perducerem 
obitus  effecit  cancellarii,  et  tua  roniana  profectio,  ac  subinde  michi 
non  parva  ex  neapolitana  rebellione  secuta  calamitas.  Xunc  autem 
Rome  cum  te  cupere  diceres,  ut  laborem  susciperem  ordine  tibi 
describeudi  qui  fuerint  Sicilie  reges  et  uude  ortum  habuerint, 
nichil  me  tibi  pro  meis  viribus  licet  recusare,  presertim  preclara 
et  honesta  petenti,  taraen.  Reverendissime  Pater,  in  disserenda  re- 
ruin  origine  res  siue  laljore  non  est:  laburavit  euini  in  ea  re  re- 
gil)us  suis  Ferdinando  et  Alfonso  vir  etatis  nostre  doctissimus  Jo 
lianues  Pontanus;  sed  nec  ipse,  neque  patrum  nostrorum  memoria 
diligentissimus 'scriptor  Blondus,  Normanoruni  Comitum  in  Italia, 
ex  quibus  Rogerius  prinius  rex  extitit,  exactam  originem  prodide- 
riint.  At  ego  Rothomagi,  nbi  diu  iiiclita  Normanoruni  diicum  se- 
des  fuit,  tuo  et  Cancellarii  presidio,  qui  illic  michi  cronicas  eorum 
a  veteribus  ipsius  urbis  archivis  in  manibus  venire  curastis,  raulta 
de  Normanis  que  ab  historia  desiderantur  repperi  preterniissa.  Ve- 
rura,  Reverendissime  Pater,  si  quando  quod  desideratur  plane  ha- 
beri  non  po^sit,  at  illud  quod  est  desiderio  proxiraum  spernendum 
non  puto.  Tua  tamen  Révérend issi ma  Paternitas  in  hoc  opuscule 
non.tam  meam  facultatem  quani  fidem  et  diligentiara  sibi  arcceptam 
dignabitur  suscipere. 

Vatic.  l.it.  lï>l!<.  fol.  !t3»i 


326  .IKAN    DE   CANDIDA 


Innocent  VIII  noinme  Jran  ih:  (.Uindida  protonoùtire  aposto- 
lique.  —   Home,    III  arril   I48H. 

Innocentius  etc.  I)il(!eto  filio  magistro  Johanni  Candida  clerico 
Avelinensis  diocesis,  iiotario  nostro,  salutem  etc.  Ad  prcclara  vir- 
tutiiiii  doua  ((iiibiis  te  ali  illdriiiii  largitoro  multipliciter  insiguitum 
fiognovimus  iiostre  dirigente»  coiisideratioiiis  intuitum,  dignum  re- 
putainus  et  debitum  ut  te  specialibus  attollamus  laiidibus  et  pre- 
cipuis  titulis  decoremus.  Ciim  itaque,  sicut  aecepiinus,  tii,  qui  vir- 
tutuui  decoraris  oriiatibus,  iiostris  et  romane  ecclesie  obsequiis  di- 
sponas  insistere,  uosque  alias  gratuni  seutiamus  tue  famé  et  probi 
tatis  odorem,  et  propterea  persoiiain  tuam  grato  prosequentes  af- 
feetu,  et  intendeiitcs  pro  incritis  digiiioris  nominis  titulo  dccoraro, 
motu  proprio,  non  ad  tuam  vol  altcrins  pro  te  nohis  super  hoe 
ohlate  petitionis  instantiam,  sed  de  nostra  mei'a  liberalitate,  te,  qui 
pro  parte  carisaimi  in  Christo  filii  nostri  Caroli  Franeoruni  régis 
ilhistris  ad  nos  et  Sedem  Apostolifam  orator  destinatus,  et,  ut  ac- 
ceiiimns,  ejnsdera  régis  consiliai-iiis  cxistis,  in  nostrum  et  dicte  sedia 
notariura  tenore  presentiiim  reeipimiis  auctoritate  apostoliea  et  con- 
stituimus  ac  aliorum  nostrorum  et  ejusdem  sedis  notariorum  numéro 
et  eonsortio   favorabiliter  agregnmus. 

Volumus  autem  ut,  antequam  insiguia  offieii  hujusmodi  recipias, 
de  eo  fideliter  exercendo  in  manibus  dilecti  filii  nostri  Raphaelis, 
i^ancti  Georgii  ad  Vélum  Ann'um  diaconi  cardinalis,  camerarii  no 
stri,  prestes  nostro  et  romane  erclesie  nomine  fidelitatis  deltite  in 
forma  solita  juramentum.  Nulli  etc.  nostre  receptionis,  constitu- 
tionis,  agregationis,  eoncessionis,  et  voluntatis  infringere  eto.  Si 
quis  etc.  Datum  Rome,  apud  Sanctum  Petrum,  anno  etc.  1488, 
tertiodecimo    Kalendas  Maii,   Pontilieatus  nostri  anno  quarto. 

(Reg.  V.itic.  69.Ô.  fol.  fitii'-tîT"). 


AD  BUECHELER,  634 


Haec  tihi,  kaia,  luus  cons(rip[si  reibfi]  maritus 

0  dulcis  coniunr,  de[rtrae  sola\men  amissae. 

lam  sine  te  orh\a  domus  mo]lesta  mih[i  manet,    Or]cus 

Et  caeJ[ebs  mihi\  vita  placet,  [^neqtie  d]t<ras  amab[o] 

Funere  mut[undas]   t(des  acce\  ndere]  faces. 

Telle  se  présente,  dans  le  recueil  désormais  classique  de  Riie- 
cheler,  sons  le  n°  634  ',  une  inscription  d'Henchir-el-Ksour,  prés 
Tébessa  (Algérie),  dont  les  lacunes  étendues  et  la  métrique  capri- 
cieuse ont,  à  diverses  reprises,  sollicité  l'ingénieux  effort  des  lati- 
nistes. Auparavant,  les  Comptes-Feiidus  de  l' Académie  d'Hijipone 
en  avaient  publié  une  reconstitution  fantastique  ',  et  Schmidt,  au 
Corpus.  VIII,  16737,  ne  s'était  risqué  qu'à  lui  donner,  par  en- 
droits, quelques  compléments  fragmentaires.  Depuis,  Cbolodniak  ^  a 
voulu  arracher  aux  lignes  suivantes  un  secret  dont  Buecbeler  avait 
justement  désespéré,  et  que  la  pauvreté  des  vestiges  encore  visibles 
nous  dérobera  toujours.  Mais  lorsque  ce  virtuose  du  vers  latin, 
jouant  avec  les  quelques  lettres  qui  apparaissent  encore  à  la  ligne  7 
(RVC)  et  :i  la  ligne  8  (NVTRISTlSj,  prétend  continuer  Buecbeler, 
il  ne  nous  offre,  sous  le  nom  de  compléments,  qu'une  composition 
de  son  cru  :  et  lorsque,  dans  les  parties  de  l'inscription  qui  comportent 
une  légitime  tentative  de  restitution,  il  parait  se  séparer  de  Bue- 
cbeler, il  se  borne  à  modifier  dans  le  détail  la  forme  des  idées  qu'il 
lui  emprunte  fidèlement.  Et  certes,  je  n'aurais  point  conçu  l'espoir 

'  Buecheler,  Carmina  Epigraphica.  I,  p.  301. 

^  Année  1888,  p.  CXVII  et  CXXXI. 

^  Cholodniak,  Carmina  sepuleralia  latina  epiyraphica  -,  n"  Î2-2. 


328  Ali    HtBCHKLER,    Ki4 

(Vamender  Biicclielcr,  si  ce  in.-iitre  n'avait  pus  dft  se  contenter, 
comme  Sclimidt.  pour  accomplii-  nue  tâclie  aussi  délicate,  des  estam- 
pages plus  on  moins  ini|);irraits  des  archéologues  locaux,  et  si  l'ad- 
mirable tome  \"  ([vti  Jnsrriptioiis  Jatines  de  V Algérie,  Ast  M.  Osell, 
ne  venait  point  d'apporter  an  texte  en  discussion,  par  l'examen 
minutieux  et  sûi'  auquel  M.  (!sell  lui-même  et  M.  AHiertini  ont  sou- 
mis l'original,  le  secours  décisif  de  leçons  nouvelles  et  certaines  '. 
L.i  ligne  6  de  l'inscription,  après  le  mot  FVNERE  par  le<|ui'l 
elle  commence,  ne  présente,  ni  le  groupe  MVI  que  porte  le  Corpus. 
ni  le  groupe  MVT  qu'a  adopté  Rneclieler.  mais  le  groupe  ATV  sui\i 
d'une  courlie  ([ui  n'a  i)u  api)artcuir  qu'à  un  C  ou  à  un  O.  Après 
quoi,  s'ouvre  une  lacune  que  la  comparaison  avec  les  ligues  précé- 
dentes force  d'évaluer  ;\  quatre  ou  cinq  lettres  au  maximum  :  et  cette 
lacune  est  elle-même  suivie,  non  d'un  T,  mais  d'un  I.  lîneclieler 
s'est  donc   fourvoyé  dans  sa   transcription  : 

nei[ve  d\uras  umiih\i)\ 

Fiinere  muf\anrhis]   taies  ftcce[ndere\'  fares. 

Sclimidt,  au  Corpus,  avait  approché  davantage  la  vérité,  en  indi- 
quant qu'il  devait  s'agir  de  la  torche  nui)tiale:  mais,  à  peine  éhau- 
chée,  son  interprétation  ne  prend  corps  qu'avec  la  lecture  de  M.  Gsell 
et  les  compléments  qu'elle  lui   a   si   heureusement  suggérés: 

nec  d])(r(is  (iniali[o] 

F>n>ere  ii   ti(\o  »uj)f]iales  ncie[»dere]  fines. 

Inconsolalile  de  la  mort  de  sa  femme,  le  mari  qui  a  rédigé  cette 
épitaphe  se  refuse  à  rallumer,  sur  le  liûclier  funêUre  de  la  bien-aimée, 
les  torches  d'un  second   et  cruel   liyincn. 


'   Stéphane  Gsell,  hiscripiious  latines  de  l'A  Ige'rie,  tome  I,  Iiiacriplions 
de  la  Proconsulaire,  Paris,  1922.  n"  .S599. 


AD    liUECUELER,    <Î34  329 

Seulement,  qu'on  y  prenne  garde:  cette  première  difficulté  vaincue, 
d'antres  vont  surgir  aussitôt. 

D'abord,  l'énergie  désespérée  avec  laquelle  le  survivant  s'at- 
tache au  souvenir  de  la  disparue  disqualifie  la  forme  dont  tons  le.s 
éditeurs  ont,  jusqu'ici,  revêtu  ses  regrets: 

Et  c(ieJ\ehs  miJii^   rilti  placet .  .  . 

Horace  a  bien  pu  clianter  la   vie  du  célibataire: 

Xihil  (lit  esse  prias,   nieliiis   )ii}   raelibe   rita  '  : 

et  cette  réminiscence  des  EpHyes  n'est  sans  doute  pas  étrangère 
aux  compléments  de  Buecheler.  Mais,  à  y  réfléchir,  elle  doit  suffire 
à  les  écarter.  Même  atténué  par  le  contexte  et  la  signification  res- 
treinte qu'il  donne  au  mot  ciielebs,  cet  air  de  veuf  apaisé,  sinon 
joyeux,  sonne  faux  sur  une  tombe.  Sed  nuiic  non  erat  his  îoctis, 
comme  dit  le  poète  ',  dont  la  philosophie  facile  serait  ici  d'une 
inadmissible  inconvenance.  A  vrai  dire,  on  s'attend  au  langage  con- 
traire: et,  au  lieu  de  mU/i]  rita  i^lacet,  l'époux  en  deuil  a  plutôt 
dicté:   neque^   rita  jilaref. 

Mais  il  y  a  plus.  Aux  vers  précédents,  les  éditeurs  s'accordent 
à  entendre  que  le  mari  aspire  :\  rejoindre  celle  qu'il  a  perdue. 
Buecheler  a  compris: 

lam  sine  te  orhfa  dowiis  mo^lesta  mih[i  niaiiet,   Or]ii<s 
Et  ine}[ehs  milnl   ritn  placet. 

Cholodniak.  de  son  côté,   transcrit: 

lam  sine  te  orbi[tas  nwllesta  mi  i^estat  et  ro]fii(s 
Et  rael[ebs  mi  lit]   rita  i^laeet. 


'  H  or.,  Serm.,  I,  1,  88 
*  Hor..  Ars  poet.,  19. 


380  AD    niFECHELER,    d'M 

Or  aucune  de  ces  lectures  n'arrive  à  rendre  cohérents  les  vers 
qu'elles  estropient.  La  contradiction  est  voilée  dans  la  seconde,  si 
n)\fpis  désigne  le  ln'ichcr  (|ui  sci'vit  ;uix  funérailles  de  la  femme  et 
dont  le  mari  garde   ]irésfiite  la  vision  douloui-euse  : 

. . .  rof/KS  aspiciendiis  iimalde 
Coniiuiis  '. 

Elle  est  tlaijraiitf'  dans  la  première,  où  le  survii^ant  est  partagé 
entre  la  résignation  à  son  veuvage  et  le  désir  d'en  finir  avec  l'exis- 
tence. Elle  subsiste  dans  les  deux,  puisque,  dans  chacune  d'elles, 
le  vers  4  accepte  le  sort  —  pJacet  —  dont  le  vers  3  dépeint  l'into- 
léralile  fardeau  —  mo]lest<i  mi  — .  Enfin  l'une  et  l'autre  exagèrent 
jusqu'à  l'invraisemblance  les  licences  que  s'octroient  avec  la  quan- 
tité les  plus  maladroits  dos  versificateurs  africains,  et  les  mots 
qu'elles  imaginent  substituent  au  dactyle  et  au  spondée  fou  trochée) 
exigés  par  la  règle  des  mètres  d'une  monstrueuse  difformité  "  : 

...    t)u/i[ï   tiiilnf'f,    (ii-yitx 
. . .    ml    rlf'xfilf  ('f   nijgus: 

Visiblement,  l'interprétation  s'égare.  Il  n'est,  pour  rorient<'r  sur 
une  meilleure  voie,  qu'à  suivre,  .-iijpés  MM.  Osell  et  .VIbertini,  les 
enseignements  de  l'original. 

Le  détail  des  restitutions  proposées  par  IJuecheler  est  condamné 
liar  les  constatations  qu'ils  ont  faites. 

Il  nous  est  interdit  de  conserver  orl/\ii  ihtmiis]  puisque''le  R  de 
OI'iB  est  suivi  d'un  I  qui,  nettement  marqué  sur  la  pierre,  entraîne 
le  substantif  orbi]tas  auquel  l'adjectif  féminin  mo\lesta  va  se  rat- 


'  .luvénal,  X,  241-242. 

'  Il  est  à  noter  cependant  ini'à  la  fin  du  v.  4,  la  désinence  de  (l]iiras 
est  abrégée  sans  droit,  et  qu'à  la  fin  du  v.  2  IVi  de  itmisftae  est  traité 
comme  une  brève. 


An    BIECHELER.    (i.H4  331 

tacher  tout  natiirellemoiit  :  orb[jtas  m()\h'sta  mi  (s.  e.  est),  la  soli- 
tude m'est  intolérable. 

De  même,  »iili\l  ))ianet\  doit  disparaitre,  jiiiis(iu'au  lieu  de  l'H  que 
Bueclieler  pensait  avoir  lu  sur  ses  estampages,  l'inscription  montre  les 
restes  iucontestaldes  d'une  lettre  bouclée  qui  ne  peut  être  qu'un  P, 
un  B  ou  un  K.  Elle  ne  permet  plus  de  décider  si  les  trois  derniers 
caractères  du  vers  3  sont  CVS  ou  GVS,  et  pourrait  donc  autoriser 
aussi  bien  Cholodniak  à  lire  ro](ins  que  Buecheler  à  compléter  Orjcus 
ou  0>\(ius.  Mais,  comme  le  juge  M.  Gsell,  ces  restitutions  «  sont 
aussi  peu  satisfaisantes  l'une  que  l'autre  »,  et,  en  réalité,  elles  tom- 
bent toutes  ensemble  devant  ce  fait  que  le  premier  mot  du  vers  à 
rétablir  ne  consiste  point  dans  radverl)e  iani,  mais  dans  la  conjonction 
n(tm.    Entre  ce  vers  et  le  vers  précédent  : 

0  (luhis  foniun.r,  de[.itrae  s<Aa\me»   amissac 

comme  le  lisent  Bueclieler  et  M.  Gsill,  ou  mieux',  peut-être,  comme 
l'avait  lu  Schmidt  : 

0  dulcis  coniunx,  <le[rtrae  1eni]men   (imissaf 

il  existe  un  lien  rationnel,  qu'elles  méconnaissent,  mais  (|u'on  aura 
vite  fait  de  renouer  si  l'on  a  soin  de  rendre  aux  vocables  latins 
leui-  signification  normale.  L'apposition  du  vers  2  ne  peut  offrir 
qu'un  sens:  l'épouse  que  pleure  le  rédacteur  de  l'épitaphe  d'Henchir 
el  Ksour  était  la  consolation,  ou.  mieux,  le  soulagement  du  malheui' 
qui  l'avait  dès  longtemps  frappé  et  qui  va  redoubler  de  cruauté, 
maintenant  qu'elle  ne  sera  plus  près  de  lui  pour  en  atténuer  les 
coups:  la  perte  de  la  main  droite  —  de[.rtr(ie . . .  amissae].  La  dé- 
tresse où  cette  mort  l'a  laissé  est  affreusement  pénililc.  En  efî'et 
—    iHuii   — ,   sans  sa  femme,  sans  l'assistance  coutinnello  de  sa  ten- 

'  Avec  Icmmeii.  dont  la  picmiére  syllabe  est  brève,  le  vers  est  un 
peu  moins  faux.  Le  terme,  d'ailleurs,  est  plus  juste.  Enfin  levamcn  et  amilto 
sont  rapprochés  par  Virgile  u4f«.,  III.  709  et   710). 

Jlelaiifics  (lArch.  tt  d'IUft.  lWl-l!e2.  22 


332  AI)    HIKCIIBI.EK,    B31 

(licwR  ',  il  r.-ssentiia  Tanif  rtiim.'  <l.-  la  solituile,  et  il  vwhm-r.K  toute 
la  souffrance  de  son   infirmité: 

Nam   sine   le  <,rhi\liis   „io\l'-!^l'i   wi.   i\esto>iue   ,>,'n,\r„s 

Et  (■ael[i'lis  . . . 

Aussi  na-t-il  jilus  de  plaisir  à  vivre:  [ne'iue\  >ilu  plarel:  et. 
IM.urtant,   il   ne  se  remariera  jamais:  [tier  (ï]uras  <i)mlj\o\... 

Ainsi  compris,  les  vers  d'IIencliir  el  Ksour  ne  contiennent  pas 
plus  de  talent.  Mais  dal.ord  ils  sont  plus  corrects  et  se  tcnninent 
ordinairement  par  les  j.ieds  oldij^atoires  des  hexamètres.  Kn  outre, 
ils  ae  succèdent  selon  un  di-velopperaent  progressif,  où  la  logique 
—  enfin  —  reprend  ses  droits,  et  (pie  marque,  avec  le  nam  qui 
Tamorce,  la  symétrie  de  ses  deux  affirmations  et  de  ses  deux  né- 
gations consécutives  et  lialancées—  »rs/02Me  muncus  et  melebs..; 
neque  vitu  plaret  wr  duras  umaho.  Enfin  ils  révèlent  chez  leur 
auteur,  pauvre  victime  d'une  vie  deux  fois  brisée,  la  sincérité  d'une 
douleur  ejiceptionnelle  et  poignante,  un  sentiment  naïf  et  profond: 
et,  mieux  que  des  élégances  de  style  et  des  ornements  d'emprunt, 
la  simplicité  de  cette  plainte  émouvante  saura  toujours,  et  surtout 
aujourd'liui,    trouver  le  chemin  de  nos  cTurs  : 

Haec  til)i,  kara,  tuiis  consaip[si  verba]   maritus. 
0  duMs  coniunr.  de\3trae  leva\men   amissae. 
Xatn  sine  te  orbi[tas  7no]lesta   mi,  r\estoqHe  m(in]ais 
Et  cnel[el>s.   neqne]   rifn  plaret,  {nev  d]uras  umab\o} 
Funere  a  tn\<)  nnpt\ia\i-s  arie{ndeye\  faces. 

Jérôme  C.^iicopino. 


'  Le  passé  uutn^li  '\n\  fibrine  -i  la  diTiiiéic  lipio  de  linscription  y 
fait  pputètre  allusion. 


NECROLOGIE 


Ferdinand  Chalandon 

(1875-1921) 


Le  31  octobre  1921  mourait  à  Laus.iiiiic,  d'un  mal  contracté 
;\  la  guerre,  Ferdinand  Chalandon,  ancien  élève  de  l'Ecole  des  Char- 
tes, ancien  meml)re  de  l'Ecole  de  Rome.  Avec  une  tristesse  mêlée 
d'orgueil,  nous  ùisci-ivons  son  nom  auprès  de  ceux  des  nombreux  ca- 
marades, jeunes  gens  ou  hommes  mûrs,  qui  ont  sacrifié  généreuse- 
ment ;\  la  patrie  une  vie  tantôt  riclie  de  promesses,  tantôt  déjà 
féconde  en  œuvres. 

Ferdinand  Chalandon  était  né  le  10  février  1875,  ;\  Lyon;  il 
y  commença  ses  études,  et  vint  les  achever  h  Paris  au  lycée  Louis- 
le-Grand.  En  1895,  il  prenait  sa  licence  d'histoire  et  entrait  à 
l'Ecole  des  Gliartes;  en  1897,  il  obtenait  le  diplôme  des  Hautes- 
Etudes  et,  deux  ans  après,  celui  d'archiviste-paléographe.  En  sor- 
tant de  l'Ecole  des  Chartes,   il  était  envoyé  au  Palais   F.irnèse. 

C'est  là  que  Je  le  connus  et  que  se  noua  bientôt  entre  nous 
une  amitié  que  la  mort  seule  a  pu  rompre.  Nous  avions  débarqué 
à  Rome  à  quelques  jours  d'intervalle  :  nous  en  fîmes  ensemble  l'inou- 
bliable découverte.  Premières  visites  au  Forum  et  au  Palatin,  aux 
églises  et  aux  musées,  promenades  dans  Rome  et  dans  la  Campa- 
gne :   il  n'est  pas  de  lieu  ici  où  je  ne  le  retrouve. 


.U4  Ii;l!lllNANIl    CirAI.AMiOS 

Altiste  et  li-ttiv.  <'lial;iii(1oii  ii'ét.-iit  pas  de  ceux  ilfiiit  les  lii- 
liliii(liè(|iies  cl  les  Mri-lii\is  ulisorlieiit  les  journées  entières  et  é|inisent 
tinilc  1:1  cni-insiti-.  Il  MMil.iit  tout  voir  et  était  apte  à  tout  ;?o(lter. 
('i'  qu'on  apereevait  d'ahonl  en  lui,  <''était  une  faculté  remarqua- 
ble d'attention  et  d'oUservation  :  il  fallait  quelque  temps,  et  quel- 
(|iie  intimité,  pour  dé<'onvrir  une  vivaeité  et  une  rieliesse  d'impres- 
sions que  masquait,  tiuitot  une  réserve  assez  froide,  t.-uitôt  uni-  ironie 
un  i)eu  amère.  Dans  la  conversation  la  plus  familière,  s'il  déclarait 
volontiers  son  Ju.:;enient.  il  éprouvait  comme  une  ^'êne  ou  une  ])U- 
deiir  à   exprimer  son   sentiment   ou    à    laisser  deviner  son   émotion. 

Les  deux  .-innées  qne  ( 'li.il.inilon  passa  en  It  ilii-  furent  à  moitié 
remplies  par  des  voyages.  L'étude  qu'il  avait  entreprise  sur  la  do- 
mination des  Normands  le  conduisit  à  visiter  méthodiquement  le 
X.ipolitain.  la  O.ilalire.  les  l'ouiUes  et  la  Sicile.  Il  .illait  de  couvent 
en  couvent,  d'une  l)il)liothèque  communale  à  une  archive  capitulaire. 
ne  se  laissant  rebuter  ni  par  les  mauvais  gites,  ni  par  les  accueils  dé 
courageants.  Les  démêlés  de  Ohalandou  avec  certains  chanoines  de 
l'Italie  méridionale  sont  demeurés  légendaires  dans  les  fastes  dt 
notre  Kcole.  Tantôt  par  iguor.mce  paresseuse,  tantôt  par  méfiance, 
ces  braves  gens  commençaient  toujour.s  par  nier  l'exi-îtence  des  do- 
cuments qu'ils  po^sédaient,  on  p.ir  en  refuser  la  communication. 
Xoti-e  ami  savait  les  mettre  dans  l'embari-as  .sans  les  contredire  ; 
presque  toujours  son  insistance  courtoise  et  surtout  son  calme  ini 
|)erturbable  av.iieut  raison  des  résistances  et  des  ruses  de  l'archi- 
viste ineommoile.  Oouili'eii  (r.icte>  iMi|iortaMls,  enni'iieu  de  précieux 
diplômes,  dénicliés  par  Cli  iluidou  dans  des  eachetti's  invraisembla- 
bles, furent  .ainsi  déchiffrés  et  cojiiés  à  la  hâte,  sous  l'ivil  inquiet 
ou  courroucé  d'un   chanoine  ! 

Les  résultats  de  ces  ri'chcrclies  apparaissent  d'al)ord  partielle- 
ment dans  les  Mélanu^es  de  TR'-ole  de  Rome  (Diplomifiqiie  de9 
Normands  de  Sirilc  et  dr  l'Itiilie  Méridionale,  t.  XX,  p.  155  et 
auiv.  ;   Etat  politi'iiie  d"  l'Italie  Méridionale  à  l'arrivée  des   Xor- 


FERDINAND    CUAl.ANDON  335 

wdiiils.  t.  XXI,  p.  411  et  suiv.).  De  retour  n  Paris,  Clialaiidon 
met  en  anivre  l'eusemlile  des  matériaux  rapportés  d'Italie  et  publie 
en  1903  la  Ki(misinatique  des  Normands  de  Sicile,  en  1907  Vliis- 
luire  de  ht  domination  normande  en  Sicile  et  dans  V Italie  Méri- 
dionale. Ce  dernier  ouvrage  lui  valut  en  1909  le  grand-prix  Gobert. 

Mais  avant  de  venir  à  Rome,  Chalandon  avait  abordé  une  autre 
étu(h',  qu'il  a  poursuivie  aussi  longtemps  qu'il  a  pu  travailler,  et 
que  sa  mort  devait  niallieureusenient  interroniiire  :  l'histoire  de  l'em- 
pire byzantin.  A  VEssai  tur  le  règne  d'Alexis  Comncne,  qu'il 
présenta  comme  thèse  lois  de  sa  sortie  de  l'Ecole  des  Chartes 
(1900J,  firent  suite,  en  1912,  deux  études  consacrées  k  Jean  II  et 
à  Manuel.  Le  prix  Bordin  récompensa  à  deux  reprises  cette  col- 
lection remarquable.  La  Société  d'Histoire  du  Moyen  Age  de  Cam- 
l)ridge  voulut  associer  Chalandon  à  son  entreprise  :  deux  impor- 
tants chapitres  de  la  Cambridge' s  Mediœral  lUstory  sont  signés  de 
lui  (t.  IV  :  Conqtiête  de  l'Italie  par  les  Normands  :  t.  V  :  Les 
premiers  Comnènes). 

Peu  à  peu  son  dessein  s'élargit  et  il  rêve  d'écrive  une  histoire 
complète  de  l'empire  byzantin  de|)uis  .Justinien.  On  a  retrouvé  dans 
ses  papiers  la  rédaction  inachevée  d'un  volume,  qui  devait  faire 
suite  à  la  monographie  de  Manuel,  et  l'ébauche  de  plusieurs  tra- 
vaux qui  se  rapportent  aux  périodes  antérii  ures  et  postérieures  de 
l'histoire   byzantine. 

Enfin  de  lîyzance,  la  curiosité  de  Chalandon  s'étaité  tendue  à 
l'Asie-Mineure  et  à  l'Orient  Latin.  L'examen  critique  qu'il  avait 
fait  des  sources  chrétiennes  et  occidentales  de  l'histoire  des  Croisades, 
l'amenait  à  cette  conclusion,  qu'on  ne  connaîtrait  l;i  vérité  sur  ces 
expéditions  lointaines  et  diversement  héroïques,  qu'après  avoir  rap- 
l)roché  des  chroniqueurs  chrétiens  les  liistoriens  arabes,  et  revisé 
les  traditions  d'occident  par  l'étude  des  sources  musulmanes.  Plusieurs 
fois,  il  m'avait  confié  son  ambition  d'écrire  un  livre  qu'on  pût  enfin 
intituler  sans  mentir  «  Histoire  des  Croisades  >>. 

Mêla  tiges  d  A  rch.  et  d  Hist.  l'Jil-lifii.  22* 


:Î3(»  KKUllINANI"    CIIAI.AMION 

Aux  premiers  jours  «le  l'.'12,  j'étais  chargé  d'une  mission  «l'étude 
dans  le  Levant.  Clialandnn  me  |)ri>posa  île  nraceompa^iner.  Je  re- 
tripuvai  avee  joie  I 'Mn<'ien  eonip;i;.'uoii  des  années  d'Italie,  et  nous 
partîmes  ensrniMe  pour  Coiistantiiiople.  Pendant  six  mois,  un  iti- 
néraire qu'il  avait  préjjaré  lui  même  avec  un  soin  minutieux,  nous 
conduisait  de  Tlirace  en  Kgypte,  et  de  là  en  Palestine  ;  nous  par- 
courions ensuite  la  Syrie:  puis  achevai,  en  voiture,  en  AV7e/- (ra- 
deau), nous  allions  dA!e]i  à  Oi't'a  et  à  Diarliékir,  de  Diarhékir, 
en  descendant  le  Tigre,  à  Mossoul  et  à  lîagdad  ;  nous  retournions 
enfin,  par  le  désert,  de  Bagdad  à  Damas  et  à  lieyrouth.  .le  n'ai 
jamais  mieux  apprécié  qu'au  cours  de  ce  voyage  les  qualités  qui 
faisaient  de  Chalanilon,  non  pas  seulement  un  érudit,  mais  un  histo- 
rien. Sa  culture  étendue  et  son  excellente  mémoire  ne  l'encomhraient 
pnint  de  références  et  de  souvenirs:  elles  le  guidaient  simplement 
d;iiis  cette  évocation  directe  du  passé  qne  nous  demandions  tour  à 
tour  :iux  inscriptions  et  aux  ruines,  aux  monuments  et  aux  paysa- 
ges... La  dernière  fois  que  je  l'ai  vu,  :i  Paris,  quelques  mois 
avant  sa  mort,  il  ne  m'a  parlé  que  de  l'Orient,  réveillant  en  moi. 
l'un  après  l'autre,   les  souvenirs  de  ce  voyage  merveilleux. 

Des  travaux  par  lesquels  Chalandon  s'était  préparé  à  l'étude 
de  ce  dernier  sujet,  il  en  est  qu'il  a  amenés  à  une  forme  presque 
définitive,  comme  la  SigiUographie  de  VOrient  Latin  à  Irpoque 
des  Croisades,  entreprise  en  collaboration  avec  M.  Schlumbei-ger, 
et  qui,  nous  l'espérons,  sera  liicTitôt  achevée  et  publiée.  D'autres 
ne  .sont  qu'ébauchés  :  c'est  le  cas  de  deux  études  .sommaires,  inti- 
tulées l'une  Le  Moyen  Age  chrétien  et  musulman  du  V  au  XIII' 
siècle,  l'autre  Mahomet,  les  .inities,  les  Jfuns  qu'il  :ivait  promises 
:'i  M,  Eugène  Cavaignac  pour  son  Histoire  Universelle,  et  qui,  dans 
son  dessein,  devaient  être  terminées  en  192:}.  Madame  Chalandon, 
(|ui  était  [lonr  iiotie  ami.  non  seulement  une  admirable  compagne, 
mais  aussi  une  ((dlabor.itrice  éprouvée,  a  pieusement  entrepris  de 
rassembler  et  d'ordonner,    sans  y  faire  ni    adjonction   ni  retouche. 


FERDINAND    CIIALANDON  337 

les  nombreuses  notes  manuscrites  laissées  par  sou  mari.  Nous  pos- 
séderons ainsi,  grâce  k  elle,  outre  une  bibliographie  complète,  un 
Cadre  exact  où  viendront  s'inscrire  à  leur  rang  toutes  les  ])arties 
d'une  o'uvre  eousidéralde   par  son   étendue  et  par  sa  valeui'. 

Cette  leuvre,  les  spécialistes  d'histoire  du  Moyen  Age  et  parti- 
culièrement d'histoire  1)yzantine  en  ont  déjà  relevé  les  très  rares 
mérites.  Leurs  jugements  autorisés  indiquent  assez  la  place  que 
tenait  le  savant  et  l'écrivain  dans  le  monde  de  l'érudition  et  de 
la  recherche  historique.  On  a  voulu  marquer  ici  celle  que  continue 
d'occuper,  dans  le  souvenir  ému  des  «  Romains  »  qui  l'ont  connu 
et  aimé,   le   camarade  et  l'ami   trop  tôt  disparu. 

Maurice  Pernot. 


Ecole  française  de  Rome.  Mélanges  1921-1922. 


PI.  Vil. 


A.    ENSf-.WBLE 


SARCOPHAGE  DU  PALAIS  FARNÈSE. 


Ecole  française  de  Rome.  Mélanges  1921-1922. 


PI.  Vlll. 


.^^ 


TABLE  DES  MATIERES 


l,f  sanctuaire  île  saint  Lauient,  par  L.  Duchesne 3 

Silula  di  teiiacotta  in  fonua  ili  cario  processionale  ed  altri  nten- 

sili  délia   seconda  età  del  Ijionzo  attinenti  al  mito  solare,  par 

(i.  Pansa  (pi.  I) 25 

Etudes  sur  les  relations  du  Saint-Siège  et  l'Eglise  de  France  dans 

la  seconde  moitié  du  XVI"  siècle:  I.  Rome  et  Poissy  (1560-1501), 

par  J.  RosEROT  de  Melin 47 

Lettera  inedita  di   Giovanni   Argiropulo   ad  Andreolo  Ginstiniani. 

par  S.  G.  Mbrcati 153 

La  basilique  souterraine  de  la  Porta  Maggiore,  par  H.  M.  R.  Leo- 

POLD  (pi.  II-V) 165 

Le  développement  de  l'histoire  de  Joseph  dans  la  littérature  et  dans 

l'art  an  cours  des  douze  premiers  siècles,  par  I'.  Fabre  .  .  193 
Asklèpios  et  les  Charités.  Note  au  stijet  d'un  bas-relief  du  Vatican, 

par  M.  DURRV  (pi.  VI) 213 

Hercule  funéraire,  par  .T.  Bavet  (pi.  Vil) 219 

L'interrogatoire  de  Margarit,  par  F.  Benoit 267 

Les  trophées  Farnèse,  par  M.  Dijrrv  (p!.  VIII) 303 

Jean  de  Candida  et  le  cardinal  de  Saint-Denis,  par  J.  Porcher    .     319 

Ad  Buecheler,  634,  par  J.  Carcopino 327 

Ferdinand  (  'halaudon.  Nécrologie,  par  M.  Pbknot 333 

Planches  hors  texte:  I.  Utensili  délia  seconda  età  del  bronzo  attinenti 
al  mito  solare.  -^  II,  III,  IV.  V.  La  basilique  souterraine  de  la 
Porta  Maggiore.  —  VI.  Ex-voto  à  Asklèpios.  —  Vil.  Sarcophages 
du  Palais  Farnèse.   —  VIII.  Les  trophées  Farnèse. 


ECOLE    FKANÇAISE    DE    ROME 

l 


MÉLANGES 


D'ARCHEOLOGIE  ET  D'HISTOIRE 


XL"  aimée  (1923)  -  Fasc.  Ml 


PARIS 

Ancienne  Librairie   FONTEMOING    &    C= 

E.    DE    BOCCARD,   Successeue 

1,  rue  de  Médicis 

ROME 

SPITHOVER,  Place  d'Espagne. 


UN  AUTEL  DU  CULTE  PHRYGIEN 
AU  MUSÉE  DU  LATRAN 


Au  CDurs  r]e  travaux  exécutés  au  Pàlazzo  dei  Conrertendi,  qu'il- 
lustre le  souvenir  de  Bramante  et  de  Raphaël,  et  dont  la  façade 
s'étend,  entre  le  Borgo  Niiovo  et  le  Boryo  Yecchio,  sur  tout  le  côté 
ouest  de  la  place  Scossarnralli  ',  on  a  retrouvé,  dans  l'été  de  1919, 
•k  environ  trois  mètres  de  profondeur,  un  autel  de  marbre,  dont 
la  partie  inférieure  a  disparu,  et  dont  la  face  antérieure  porte  une 
inscription  grecque,  tandis  que  les  deux  côtés  et  la  face  postérieure 
présentent  une  série  de  symboles  en  bas-relief  qui  ont  évidemment 
rapport  au  culte  de  Cybèle  et  d'Attis.  M.  Marucchi,  qui  a  très  bien 
vu  l'importance  de  cet  autel,  l'a  fait  transporter  au  Musée  du  La- 
tran  ■  :  il  en  a  de  plus  donné  un  commentaire  assez  nourri,  ac- 
compagné de  bonnes  photogravures  \  dans  les  Notizie  degli  Scari  * 
et  dans  les  Atti  délia  Ponf/firia  Arcademia  romnna  di  arrJieolof/ia  ". 
C'est  sur  ce  commentaire  que  je  me  propose  ici  de  revenir,  l'il- 
lustre archéologue  n'ayant  voulu  apporter  qu'un  jjr/mo  (nmiinzia 
de   la  découverte  et   ayant  dû   le   faire  assez  rapidement  '^. 

'  Ces  piécisions  sont  nécessaires,  M.  Marucchi,  ou  plutôt,  jf  pense, 
son  typograplie  (Xoihie  deyli  Scari.  1922.  p.  81}  plaçant  ce  palais  au 
Borgo  Pio. 

'  Salle  \,  n"  247. 

^  Malheureusement  tfop  réduites,  du  luoiiis  en  ce  qui  couceine  l'ins- 
cription. 

*  1922,  p.  81-87. 

=  Série  II,  t.  XV,  p.  271-278. 

^  Avant  de  commencer  cette  étude,  qui  n'est  mienne  qu'en  partie,  je 
tiens  à  dire  ici  ce  que  je  dois:  à  M.  Carcopino,  Directeur  de  l'Ecole,  qui 
a  attiré  mon  attention  sur  le  sujet  et  m'a  libéralement  confié  une  série  de 
notes  qu'il  pensait  mettre  lui-même  en  «euvre  ;  à  M.  Franz  Cumont.  qui 


4  UN    AITKI,    Dr    CILTK    l'KKVOlEN 

L'autel  a  environ  <)"'.75  de  large,  0"',H0  de  profondeur,  et, 
dans  l'état  où  il  nous  est  parvenu,  0"',57  de  haut  '.  Sur  le  côté 
droit  est  sculpté  un  arbre  qu'à  sa  forme,  à  ses  feuilles  en  aiguilles 
et  à  ses  fruits,  on  reronn;iit  aisément  pour  un  pin.  A  ses  branches 
sont  suspendus,  à  j^auclie  une  syrin^e  à  oin(|  tuyaux  ",  :'i  droite  un 
tiimpanum.  et  peut-être  un  pedum  '.  Au  tronc  de  l'arbre  est  ap- 
puyée la  double  flûte  :  dans  la  partie  inférieure  était  représenté 
un   taureau,  dont   on    peut   voir  encore  la   tête,  le  cou  et  la  croupe. 

Du  enté  gauche  est  répété  le  même  arlire,  ans  l)ranches  du- 
([uel  on  voit,  cette  fois,  d'un  coté  les  cymbales,  de  l'autre  le  bon- 
net ])hryf;ien,  qui  coiffe  l'extrémité  d'un  rameau,  et  la  syringe,  ici 
à  quatre  tuyaux  seulement  *.  Au  pied  de  l'arbre  on  distingue  en- 
core, nuil;;ré  plusieurs  cassures  de  la  pierre,  la  tête,  le  cou,  et  la 
croupe  d'un  bélier  '.  Ces  deux  reliefs  sont  exécutés  sans  élégance, 
mais  avec  un  certain  soin. 

La  face  postérieure  di'  l'autel  est  :n\  enntr.-iire  sculptée  très 
sommairement  et  grossièrement.  Dans  les  champs  triangulaires  cir- 
conscrits par  deux   torches  croisées  en  forme  d'X,  ou  reconnaît,  en 

m'a  suggéré  nue  Iiypotliése  féeon<le,  et  ma  aidé  de  toutes  les  manières, 
mettant  à  ma  disposition,  avec  une  inlassable  bonne  grâce,  les  trésors 
<le  sa  science  et  de  sa  bildiothèque;  à  mon  collègue  et  ami  M.  Louis 
Leschi,  dont  le  secours  ma  été  bien  précieux,  et  qui  a  passé  avec  moi 
(le  longues  heures  au  Latran.  pour  essayer  d'arriver  à  une  lecture  plus 
complète  de  l'inscription. 

'  0'",65,  en  comprenant  les  volutes  ou  coussinets  ipii  en  bordent  la 
partie  supérieure. 

■  La  forme  à  cinc]  tuyaux  est  i-elativement  rare:  on  cite  un  Hermès 
archa'Miue  du  musée  de  r.\cropole.  un  sarcophage  du  musée  de  Taormine, 
un  autre  sarcophage  précisément  au  Latran. 

^  M.  Marucchi  l'affirme:  Je  n'oserais  l'assurer  avec  autant  de  certi- 
tude. Il  pourrait  s'agir  d'une  bandelette,  infnla.  ou  simplement  de  l'cxtré- 
mité  du  lien  qui  sert  à  soutenir  le  tympanum. 

*  f'est  là,  à  ma  connaissance,  une  représentation  unique. 

•■*  I,a  courbe  qui  se  dessine  au  dessus  et  en  arrière  de  la  tête  du 
bélier  n'est  pas,  comme  on  ])ourrait  le  croire  d'après  les  reproductions,  une 
corne  de  l'animal,  mais  l'extrémité  recourbée  d'un  pedum. 


AU    MUSEE    DU    LATRAN  O 

haut,  une  patère,  à  gauche  un  pedum,  à  droite  une  aiguière.  Tout 
autour  se  déroule  une   longue   guirlande,  évidemment  une    infida. 

Toutes  ces  représentations,  ou  n'a  pas  de  peine  à  s'en  rendre 
compte,  se  rattachent  étroitement  au  culte  de  Cybèle  et  d'Attis,  et 
particulièrement  à  la  cérémonie  du  taurobole.  Aux  branches  du 
pin,  l'arbre  sacré  de  l'Ida,  l'arbre  qui,  coupé  chaque  printemi>s 
par  les  Dendrophores,  était  le  symbole  et  l'image  même  du  dieu 
mourant,  enseveli,  et  ressuscité  ',  sont  suspendus  ou  appuj'és  les  at- 
tributs d'Attis,  bonnet  phrygien,  pedum  pastoral,  Hûte  champêtre. 
Torches,  bandelettes,  aiguière,  patère,  cymbales,  double  chalumeau, 
tambourin,  tous  ces  objets  avaient  leur  place  au  sacrifice  régéné- 
rateur qu'achève  d'évoquer  l'image  du  bélier  et  du  taureau.  Seul 
manque  l'instrument  essentiel  du  sacrifice,  le  couteau.  11  parait 
donc  certain  qu'il  s'agit  ici  d'un  de  ces  autels  dits  taiiroholiques, 
ou  comménioratifs  d'un  taurobole,  que  l'on  a  retrouvés  en  assez 
grand  nombre  ^  et  sur  les  reliefs  desquels  prennent  place,  en  des 
groupements  variés,  tels  ou  tels  des  attributs  qui  viennent  d'être 
détaillés  ici.  C'est  ainsi  que,  sur  l'autel  de  Périgueux  ^,  on  re- 
trouve, avec  le  bucrane  et  la  tête  de  bélier  qui  sont,  pour  ainsi 
dire,  de  fondation,  le  pin,  le  pedum,  les  infulae,  le  bonnet  phry- 
gien, la  syringe  ',  les  cymbales,  le  doul)le  chalumeau,  l'aiguière, 
la  patère:  il  ne  manque  que  le  tyrapanum,  et  encore  faut-il  sans 
doute  le  reconnaître,  suspendu  au  pin,  à  côté  du  pedum  '. 

Mais,  ;\  côté  des  bas-reliefs,  il  y  a  l'inscription,  dont  le  sens 
se  laisse  saisir  avec  moins  de  facilité.  Cette  inscription   couvre  en- 


'  (^'fr.  Griaillot,  Le  culte  de  Cybèle,  Mère   des  Dieuj;  cli.  III. 

'  Voir  la  liste  dans  Graillot,  op.  cit.,  p.  1.Ô9-160,  eu  note,  et  167 
171,  également  en  note. 

^  Cfr.  Espérandieu,  Keciieil  général  des  bas-reliefs  de  la  Gaule  ro- 
maine, II,  n°  1267. 

■*  Ici  à  sept  tuyaux,  ce  qui  est  un  type  fréquent. 

^  L'autel  de  Périgueux  montre  en  outre  un  buste  d'Attis  sur  un  petit 
autel,  et  le  poignard  à  crochet,  harpe,  instrument  rituel  du  sacrifice.     . 


(l  UN    AUTKh    I>r    UrLTE    PIIKYGIEN 

tirriMMiMit  la  face  aiiti'riciirf  de  l'aiitel.  sauf  l'espace  occiipé  par  la 
moulure  qui  l'encadre  '.  Dans  l'état  actuel,  elle  se  compose  de  six 
vers  grecs  à  peu  près  complets,  au  l>as  desquels  on  peut  déchif- 
frer quelques  lettres  d'un  se  pticme  vers.  A  et-  dernier  devaient 
faire  suite  un.  trois  ou  ciiu|  autres,  car  la  disposition  même  de 
l'inscription,  où  les  vers  2.  4,  (>  sont  gravés  en  retrait,  montre  que 
l'on  a  affaire  à  une  série  de  distiques.  La  lecture  n'en  est  pas  très 
aisée,  le  marl)re  étant  en  assez  mauvais  état,  les  lettres  souvent 
assez  serrées  et  peu  profoiidéincnt  gravées,  les  mots  enfin  se  sui- 
vant sans  aucun  intervalle  "'.  \'oici  celle  que  donne  M.  Marucchi, 
avec  les  suppléments  qu'il   propose  ^, 

"Kpya  voov  îrpr;;'.^   [iiov  îço/ov  É'tQaz  zjottzvtz  * 
Ila[[x0'j]).to'j  :rpa-;;iXw[vJ  to'jto  "pépw  to  OOy.a 

"0;   o[i];   77«Xîv(ij3'7<Jv   £t:'    IvJp'jêiriV   -y.'K'.  TaOpov 
"llvxyz   /.y.'.  xpïLov   7'jy.ê&Xov  îÙT'jyt"/;; 

'0/.TW  vàp   Âu/.âf-jxv-a;  iTz'  ôï/.[o](7'.v  -^pîaiovTx; 
Nûy.Ta  XtxiTxei^àTa;  aù9i;  £9y)/.£  cpâo;. 

Kt  voici   la   trailuctiim   ciuil   en    donne: 

«  Le  opère,  i  pensieri,  gli  atti,  sono  utili  prima  di  ogni  cosa 
a  rendere  eccelleute  la  vita.  lo  ara  porto  questa  sacra  uflerta  di 
l'.-untilio,   il   quaic  duc   voltc  conduase  ad    Kiiriliia    nuovamente    re- 


'  Le  champ  laissé  lilnc  pom-  l'iusciiiition  niesiire  eiivirou  0"' -41  de 
large,  sur  0'"  61  de  haut  jusqu'à  la  cassure  de  la  pierre,  La  hauteur  des 
lettres  varie  de  0'"  025  à  0™  035. 

'  L'inscription  reçoit  le  Jour  de  face,  de  sorte  que  l'éclairage  en  est 
très  mauvais:  ou  peut  s'aider  heureusement  d'un  assez  bon  estampage  qui 
est  dans  la  même  salle,  près  d'une  fenêtre. 

=  Atti,  XV,  275.  et  Xotinv.  1922,  «6. 

•*  llps  T»>(Ta  dans  .1»/.  C'est  sans  doute  une  erreur  typographique;  il 
y  en  a  quelques  antres  au  point  de  vue  de  l'accentuation.  On  peut  se  de- 
mander aussi  ponr(|uoi,  dans  les  ,1/^',  tous  les  vers,  sauf  un.  commencent 
par  une  minuscule,  alors  ({ue  dans  les  Xothie,  tous,  sauf  un  également, 
commencent  par  une  majuscule. 


Ar    MC'SÉB    DU    LATRAN  7 

trocedente  il  toro  e  Tariete  sirabolo  di  félicita.  I  cessanti  vent'otto 
anni  disperdeudo  la  iiotte  niiov^amente  ripose  la  luce  ». 

II  faut  avouer  que  cette  traduction  réclame  un  commentaire.  Il 
est  donné  par  Texcellent  helléniste  qu'est  M.  Comparetti,  dans  une 
lettre  que  publie  aussitôt  après  M.  Marucclii.  Mais  ce  commentaire 
commence  par  ruiner  l'interprétation  du  premier  distique,  et  par 
y  substituer  ce  qui  me  parait  être  la  véritable  traduction.  Celle 
que  Ton  vient  de  lire,  en  efîet,  n'est  pas  soutenable  un  instant, 
d'abord  du  point  de  vue  du  grec:  s'il  est  ditticile  d'admettre  une 
coupure  après  le  premier  vers  d'un  distique,  et  surtout  du  premier 
distique,  il  est  tout  à  fait  impossible  de  considérer  isolément  cette 
suite  de  mots  à  l'accusatif,  qui  ne  sont  appuyés  par  aucun  verbe 
ni  par  aucun  sujet,  et  Je  renonce  à  comprendre  comment  M.  Ma- 
rucchi  a  pu  en  tirer  la  phrase  qu'il  nous  présente.  Il  faudrait  en- 
core la  repousser,  cette  phrase,  au  point  de  vue  du  simple  bon 
sens:  qu'est-ce  en  effet  que  cette  vie,  que  les  œuvres,  les  pensées', 
les  actes  servent  ;'i  rendre  excellente,  mais  qui,  par  conséquent,  pour- 
rait être  considérée  en  dehors  de  toute  pensée  et  de  toute  action  ? 
Qu'est-ce  autre  chose  qu'une  entité  absolument  vide  de  sens?  Aussi, 
sans  s'attarder  plus  lonjjtemps  sur  ce  qui  ne  peut  être  qu'un  lapsus, 
la  seule  traductimi  (|u'il  faille  considérer  est  celle  qui  se  dégage 
du  commentaire  de  M.  Comparetti,  et  du  rapprochement  intéressant 
qu'il  fait  avec   une  autre  inscription  taurobolique  : 

«  Poichè  il  monumento  consiste  in  un'ara  cou  sopra  i  due  lati 
scolpiti  i  simiioli  del  taurobolio  e  criobolio,  chiaro  é  il  signiticatu 
del  primo  distico,  nel  quale  l'autore  dell'epigrafe,  riconlando  le 
squisite  virtù  dell'anima  del  defunto  Pamfilio,  nelle  opère,  pensieri 
e  atti,  ci  dice  essere  questa  la  sacra  otïerta  sacrificale,  6Civ.x,  che 
egli  apporta  su  quell'ara  :  concetto  questo  che  va  ravvicinato  a 
quanto  si   dice  neiriscri/.ione    dedicatoria  Orelli   Henzen  n.  1900" 

'  Et  le  grec  dit  -''-ov,  donc  la  pensée. 
^  C'est -idire  C.  I.  T..,  VI,  499. 


"  UN  ai;tel  du  culte  phrygien 

«  Taurobolio  priobolioqiie  pf-rfccto . . .  iliis  .-iiiimac  suae  tnt-nti!>que 
cnstodibus  aram  dicavit  >>  '. 

Pour  les  autres  distiques,  M.  Marucclii  et  M.  Comparetti  sont 
parfaitement  d'accord.  IJtiii/bia.  ("est  la  Plirygie,  où  Pamphylios 
est  allé  offrir  deux  fois  le  taurobole  et  le  eriobole.  Son  sacrifice 
fait,  il  voit,  du  vaisseau  qui  le  ramène  vers  Rome,  les  côtes  phry- 
giennes s'effacer  de  nouveau  à  l'horizon  (Tua^f/opiov):  image  in- 
génieuse et  poétique,  tmp  ingénieuse  ))fut-étri'.  et,  même  pour  ce 
texte  en  vers,  trop  poétique.  Au  retour  de  son  second  voyage,  ses 
années  s'arrêtent  (vipsaîovTa:)  ;  il  meurt  à  vingt-liuit  ans,  la  nuit 
se  disperse,  et  de  nouveau  brille  pour  lui  l'éternelle  lumière.  Ainsi 
l'inscription  serait,  non  point  dédicatoire,  mais  funéraire  °,  et  ne 
commémorerait  ((uc  d'une  façon  tout  à  fait  indirecte  un  sacrifice  tau- 
robolique. 

Avant  de  discuter  cette  traduction  et  cette  intcrprétatinn,  il 
faut  signaler  que  la  lecture  faite  par  M.  Marucchi  et  M.  llallilierr, 
et  les  suppléments  proposés  par  eux,  semblent  devoir  être  rectifiés 
sur  quelques  points.  Au  début  du  vers  2.  on  lit  très  nettement, 
non  point  II  A,  mais  TA:  le  Jambage  de  l'A  pénètre  assez  avant 
sous  la  barre  du  F,  et  la  comparaison  avec  r.zo-y.'i-y.  dn  vers  l 
et  rr.'y.yz  du  vers  4  ne  peut  laisser  jjlace  à  aucun  doute.  Le  nom 
de  l'initié  n'est  donc  pas  Pamphylios.  Il  fant  peut-être  lire  Vv.- 
[u.zJawj,  d'autant  mieux  qu'avant  le  A  il  semble  bien  que  l'on 
distingue  deux  jambages  obliques  qui  conviendraient  parfaitement 
à  un  A.  (Jamalias  est  un  nom  rare,  il  est  vrai,  mais  oriental  ^,  et 
que  pouvait  par  conséquent  fort  bien  porter  un  disciple  de  la  Grande 
Mère. 

'  Atti.  XV,  275. 

-  On  a  vu  plus  haut  que  M.  Couiparotti  i);irle  du  «  ilefunto  >  Pamphy- 
lios. M.  Maïucehi  dit  expressément  (.4 »;,  XV,  274)  (|iie  réminent  helléniste 
•  giudico  per  prima  cosa  clie  l'iscrizione  non  è  dcdieatoria.  ma  funèbre  ". 

'  On  le  trouve  sur  une  monnaie  de  Pergame  (cfr.  -Mionnet,  Descrip- 
tion de  médailles  nni/gMes.  siippl.V,  427  fMysie,92471)à  l'etfigie  d'Auguste. 


AU    MISEE    DU    LATRAX  It 

Ceci  est  d'ailleurs  de  peu  d'importance.  C'est  assurément  par 
le  nom  de  l'initié  que  débute  le  vers  2.  Qu'il  s'appelle  Garaalias 
ou  Pampbylc,  Iç  sens  de  l'inscription  n'en  est  pas  changé  le  moins 
du  monde.  Il  en  va  tout  auti'enient  du  début  du  vers  3,  où  M.  Ma- 
rueolii  lit  :  <.<  o:  f)[',]:  rrzAÎvop'TOv  ...  ».  On  voit  nettement  sur  le  mar- 
bre, en  effet,  ^  et  ;;  mais  entre  ces  deux  lettres,  l'espace  est  as- 
sez grand  pour  en  loger  trois  ou  quatre,  et  non  pas  une.  On  pour- 
rait piMiser.  il  est  vrai,  que.  la  pierre  étant  en  cet  endroit  en  mau- 
vais état,  le  lapicide  aurait  négligé  un  certain  espace,  pour  re- 
prendre la  gravure  sur  une  partie  meilleure  :  il  aurait,  en  somme, 
laissé  un  «  blanc  ».  et  le  t'ait  se  rencontre  plus  d'une  fois  en  épi- 
gra])hie.   Mais  une  autre  oljjection  vient  renforcer  la   première.   Si 

on  admet  le  i)i:,   on  est  obligé  de    scander  -y.Atvop'T&v — u, 

autrement  dit  de  donner  à  TriAiv  la  valeur  de  deux  longues,  alors 
que  sa  valeur  réelle  est  de  deux  Itrèves,  et  qu'il  se  retrouve,  avec 
l'ctte  valeur  de  deux  brèves,  dans  le  même  vers.  Ces  différences 
se  rencontreraient  difficilement  déjà  dans  une  pièce  où  les  négli- 
gences de  prosodie  seraient  continuelles:  dans  cette  inscription  qui 
est,  par  ailleurs,  d'uue  correction  presque  parfaite  ',  elles  sont  pu- 
rement et  simplement  inadmissibles  -.  Il  faut  donc  rejeter  le  Si;, 
et  trouver  une  autre  lecture.  Un  examen  attentif  de  la  pierre  per- 
met de  distinguer  assez  nettement,  après  le  A,  deux  hastes  verti- 
cales, qui  pourraient  être  les  jambages  d'un  M.  Près  du  C,  on  dis- 
tingue vaguement  le  lias  d'une  liaste.  Ces  traces  peuvent  autoriser 
à  lire  AHOVC;  mais  ce  ne  saurait  être  qu'une  conjecture.  Une 
autre  lecture  bien  tentante  serait  AITIC.  Mais  nous  n'avons  en  épi- 
graphie  aucun  exemple  de  ce  nom   transposé  en  grec. 

'  Je  n'ai  relevé  qu'une  seule  faute  de  quantité,  au  vers  2,  où  la 
première  syllabe  de  Oîy.a  est  comptée  pour  une  brève,  alors  que,  régu- 
lièrement, elle  est  longue.  Encore  faut-il  noter  que,  si  la  première  syllabe 
de  Oju  est  longue  au  présent  et  à  l'imparfait,  elle  est  brève  à  l'aoriste, 
de  même  que  celle  de  ii-jih. 

-  Il  faudrait  en  outre  faire  de  ou  une  longue. 


10  fN    AI'TEI,    Dr    Cri.TK    l'IlKVOIEN 

Pour  les  ver»  4,  5  et  6,  la  icetiire  de  M.  Marueclii  parait  exeel- 
Icnte.  Ije  septième  vers,  très  mutilé,  laisse  pourtant  encore  apercevoir 
quelques  lettres,  mais  ilont  Je  ne  réussis  à  tirer  aucun  sens.  Voici, 
en   résumé,  la  leçon  et  les  suppléments  qu'il  semble  falloir  proposer: 

"l'ipyz  'l'j'j'i  7:i-/i;iv  fiiov  îi'y/yi  ii^'i.r  -jo-avTz 
\'y['j.y.\i.wt  -py.r:'.S(.j[v]   tojto   oîooj  to  H~j<j.y. 

"0;   A[/,''/jJ;   nzA'.vop'ïov   à-'   V,j-y/'y.i\'i  T.rK:  txO;ov 
"lly^Yî   /-z'.  v.iî'.ov  'î'jv.ooAov  îjT'j/_îr,:. 

'0/.TW  vas  ).'jy.2!^y.vT5:;  é-;r'  îîx.07'.v  vipî'/îovrz; 
>j'j/.ry.  rt'.yjXcàâ^a:  5:00'.;  ïO/i/.î  ozo: 

.../,x.['j|  [vJ'>o;   r,;.>.(ôv 

Il  nv  :i  pas  à  revenir  sur  le  sens  des  deux  premiers  xava, 
qui  parait  liien  être  celui  qu'indique  dans  son  commentaire  M.  Com- 
paretti.  Seul  doit  être  chauffé  le  nom  de  l'initié.  Mais,  pour  le 
vers  3,  et  sans  mêuu'  tenir  CDiiipte  de  la  nonvelli'  Irfturc  projrosée, 
il  est  permis  d'élever  des  doutes.  Tour  (|ue  l'on  puisse  voir  les 
côtes  phrygiennes  s'etfaeer  à  l'horizon,  il  f;uidrait  .-iv.mt  tout  que 
la  Phrygie  eût  des  cotes.  Or,  un  coup  d'œil  sur  une  carte  suffit 
pour  se  rendre  compte  qu'au  III''  comme  au  IV  siècle,  la  Phrygie 
était  séparée  de  la  mer  par  l.i  Pampiiylie  et  la  Pisidie,  la  Lycie, 
la  Carie,  etc.  Mais  d'ailleurs,  pourquoi  le  mot  K'jp'j^ji"/)  signifierait-il 
Phrj-gie  ?  Ce  nom  est  employé  par  Hésiode,  à  deux  reprises', 
comme  celui  d'une  fille  de  Pontos  et  de  Gaia.  Hésiode  nous  ap- 
prend qu'elle  av.iit  un  cuMir  d'airain,  et  quelle  eut  des  enfants  du 
titan  Krios  ''.  Une  autre  Rniyliia  était  une  Amazone,  t\\w  tua  llé- 
raklès  ^.    Une   autre   était    tille    d(^   Thespios  '.  Itien.   dans  tout  cela, 

'  Hés.,  Tbéog.,  23!»,  375. 

'  On  est  tenté  d'abord  d'aftaoliei-  une  importance  particulière  à  ce 
nom  à  propos  d'une  inscription  où  il  est  question  de  riiohule.  Mais  il  ne 
faut  voir  là  qu'une  coïncidence. 

'  Diodore,  4,  Iti. 

*  ApoUodore,  2,  7.  s.  2. 


AT    MISÉE    I)l'    LATlîAX  11 

qui   rappelle  le  moins  du    inonde  la   Plirygie  ',  et  Je  ne  vois    pas 
sur  quoi  M.  Comparetti  a   fondé   cette   interprétation. 

Mais  V.'jyj'oirr'  pourrait  être  l'aociisatif,  non  point  de  KJp'jêt'a, 
mais  de  Ivjpjêir;;  -,  qui  est  à  peu  prés  l'équivalent  grec  du  latin 
omnipotens.  Ce  serait  donc  vers  le  Tout-Puissant  ^  que  Gamalias 
aurait  conduit  taureau  et  bélier,  c'est-à-dire,  bien  évidemment,  vers 
Attis:^  et  l'épitliète  de  -XAiv^pcov,  traduction  grecque  de  resur- 
(jeutem.  doit  être  aussi  rapportée  an  même  dieu,  au  dieu  qui,  clia- 
que  année,  après  que  ses  fidèles  l'avaient  pleuré  et  mis  au  tom- 
beau, triomphait  de  la  mort  au  jour  des  Htlnria  ".  Quant  à  AïioC;, 
(in  sait  quels  liens  étroits  unissent  Démèter  ou  Deo  et  Cybèle": 
un  texte  de  Clément  d'Alexandrie  montre  qu'on  allait  jusqu'à  les 
identifier  '.  On  peut  seulement  se  demander  s'il  faut  rattacher  A/;oij; 
à  TzOpov  et  à  x-p'/jv,  et  alors  il  y  aurait  là  une  allusion  à  quel- 
C|ue   tradition   inconnue  *■,   ou  s'il   ne   faut   pas  traduire   «  le  resaus- 

'  On  peut  ajouter  ([u'un  initié  qui  ani-ait  fait  deux  fois  le  voyage 
de  Phrygie  pour  se  faire  taurobolier  eût  montré  un  zèle  peu  commun.  Nous 
savons  que  Julien,  marchant  contre  les  Perses,  se  détourna  de  son  che- 
min pour  voir  Pessinonte:  mais  il  n'était  pas  venu  de  Rome  pour  cela, 
("est  à  Rome  même  que  les  Romains  recevaient  le  taurobole :  point  n'était 
besoin  d'aller  en  Phrygie. 

'  C'est  M.  Franz  ('nniont  qui  m'a  suggéré  cette  hypotlièse  et  la  tra- 
duction qui  eu  découle,  et  qui,  me  semble-t-il,  emporte  la  certitude. 

''  On  trouve  iOpjS'.r;  accolé  comme  épithète  à  plusieurs  noms  de  di- 
vinités: à  Poséidon  (Pindare,  01.,  6,  58):  à  Hadés  (Juliani  Aeg.,  Anih. 
2ml..  VII,  599,  6);  à  Apollon  {ibid..  IX,  525.  ti). 

*  Omnipotens  est  une  épithète  fréquente  de  Cybèle  et  dAttis.  Cfr. 
Graillot,  op.  cit.,  index  :  omnipotentes.  —  C.  I.  i.,  VI,  509,  autel  dédié 
♦  'Attîi  6'  'ji]/ioT9  zai  ouvj'ysvTi  to  tiîv  ».  —  Keil  et  von  Premerstem,  Zweite 
Heise,  1911,  p.  110.  n.  211:  «  Kl;  ô^i;  i-'  îùoa-'sT;  un-^a;  m-i  oOpàvts-  y.Efi>,Ti 
ôjvay.i;  To3  àfiai-aT:v  S-iO  »  (ce  dernier  rapprochement  m'a  été  fourni  par 
M.  Curaont). 

5  Le  25  mars.  Cfr.  Graillot,  op.  cit.,  131-132. 

'■  Cfr.  Graillot,  op.  cit.,  156,  178-179,  516. 

"  Clément  d'Alexandrie,  Protrept..  II,  15  (Dindorf.i.  Cfr.  Graillot,  loc. 
cit.  ;  Hepding,  ylMîs,  31;  voir  aussi  Proclus,  In  Platoni  rempuhlicam  eomin., 
éd.  Kroll,  I,  125. 

"  C'est  l'avis  de   M.  Cnmont. 


12  UN    ACTEL    Dl'    CII.TE    l'IlKYGIEX 

cité  (le  Deô  »,  ce  qui  neniit  une  farmi  |ilu8  iwtU-  encore  de  dési- 
gner Attis  '. 

Reste  le  dernier  disti(|iic,  où  M.  Mariicclii  it  M.  ('omi).intti  ont 
voulu  voir  la  mort  de  l'initié  ;ï  vingt-liuit  ans,  et  son  entrée  dans 
la  béatitude  éternelle.  Pour  cela,  il  a  fallu  traduire  -/ipîiy.sovTK; 
par  «  eessanti,  arrestatisi  »,  et  M.  Comparetti  retire  même  de  ce 
mot  rimpresaiori  d'une  mort  subite  ^  Mais  -/ipEt/.Éw  parait  liien  ne 
Jamais  si;^iiilier  antre  ciiosc-  que  <,<  être  paisible,  tranquille,  rester 
eu  repos  ».  C'est  par  essence  un  verbe  qui,  pour  parler  comme  les 
vieilles  grammaires,  exprime  un  état,  et  point  du  tout  un  change- 
ment ^.  11  est  donc  questinii  ici  d'années  paisibles  et  non  d'années 
qui  finissent  brusquement.  Ajoutons  que  la  traduction  de  M.  Ma- 
ruechi  fait  trop  bon  marché  de  la  préposition  ir.i,  qu'elle  supprime 
purement  et  simplement.  I^e  sens  n'est  donc  pas.  à  couj)  sûr.  eelni 
(lu'ont  admis  les  deux   érudits. 

Mais  (lucl  est-il  Mo  ne  me  flatte  pas  de  l'étaldir  avec  certitude. 
Un  mot-à-mot  conscieucieu.x  parait  ne  pouvoir  aboutir  qu'à  la  tran.s- 
position  suivante:  «En  effet,  ayant  dispersé  la  nuit.il  j-établit  la 
lumière  pour  vin;;t-linit  années  ])aisiblcs»\  Or  cette  plirase  ])rend 
un  sens,  pour  peu  que  l'on  se  souvienne  des  croyances  des  fidèles 
d'Attis  et  de  Cybèle.  Le  baptême  sanglant  qu'était  le  taurobole 
n'avait  ((u'une  efficacité  limitée.  L'initié,  an  bout  d'un  certain  temps, 


'  On  voit  que  la  lecture  Aiti;  s'cxi)li(iuerait  d'elle-même  et  donnerait 
à  l'interprétation  du  vers  une  certitinlc  liien  séduisante:  «celui  qui  est 
revenu  de  chez  Pluton  ». 

'  Aiti,  XV,  276.  ♦  Seml)ra  clie  morisse  improvvisamente,  al  termine 
del  suo  seconde  viaggio,  forse  nel  viaggio  di  ritorno  ». 

'  C'est  e.\actemcnt  le  latin  (juiesco.  Sextns  Empirions  oppose  r.fE^sîi 
à  ■nkfazTsaHoLi  (712,   15). 

*  M.  Cnmont,  qui  m'a  proposé  cette  traduction,  à  laquelle  j'étais  ar- 
rivé de  mon  côté,  cite  pour  le  sens  de  Èai,  Thuc.,  III,  ti8  «  èti  Sixa 
sTr,  .,  et  Xén.,  Anab.,  VI,  6,  iitj  «  i-i  Tfsî<  iiaipa;  ..  On  pourrait  multi- 
plier les  exemples.  Peut-être  un  autre  uiot-à-uiot  serait-il  valable,  qui 
dissocierait  o/.tm  et  sî/.ioii;  mais  je  n'ai  pu  aboutir  de  ce  côté. 


AU    MrSÉE    DU    I.ATRA.N  13 

devait  se  racheter  de  iionveau  :  un  nouveau  taurobole  était  néces- 
saire pour  retrouver  «  l'état  de  grâce  ».  La  durée  de  cette  période 
d'«  immunité  »  jiarait  bien,  il  est  vrai,  avoir  été  de  vingt  ans  et 
non  point  de  vingt-huit  '.  Mais  ne  peut-on  admettre  que  dans  cer- 
tains cas,  et  après  un  second  taurobole,  par  exemple,  cette  période 
était  plus  longue  •,  ou  que  le  eriobole  avait  aussi  une  vertu  purifi- 
catrice dont  la  durée  s'étendait  à  huit  ans?  D'ailleurs,  si  quelques 
textes  parlent  de  vingt  ans,  d'autres  parlent  d'une  régénération  défi- 
nitive ■^.  11  semble  donc  que  le  chift're  de  vingt  ne  soit  pas  exclusif. 
Cependant,  tant  que  d'autres  textes  ne  seront  pas  venus  appuyer 
celui-ci,  le  sens  proposé  ici  ne  saurait  être  considéré  comme  certain. 

Pour  résumer  et  conclure  cette  trop  longue  discussion,  voici  à  peu 
près  comment  il  faudrait,    semble-t-il,  traduire  ces  quelques  vers: 

«  ,1e  porte  comme  offrande  les  œuvres,  la  pensée,  l'action  °,  la 
vie  supérieure  *,  toutes  les  vertus  de  l'.àme  de  Gamalias,  qui  au  Tout 
Puissant   Ressuscité  [de  Deoj,   a  dtnix  fois  amené   le   taureau  '  et  le 

'  Cfr.  InreHi  carmen  contra  jxtganos.  v.  ti2  (Hepding,  op.  cit..  61): 
•  Vivere  cmn  speras  viginti  mundus  in  annos  ».  —  C.  I.  L.,  VI,  504  et  .012. 

*  Aj"!',;  prouve  bien  qu'il   s'agit  ici  seulement   du  second  taurobole. 
^  CI.  L..  VI,  510  et  733:   <  In  aeteinum  renatus,..  >    «  Renatus  in 

aeternum  ». 

*  Pour  Hippocrate,  le  chitïie  vingt-huit  avait  une  particulière  impor- 
tance: «  Hippocrates  medicus  in  septeni  gradus  aetates  distribuit.  Finem 
primae  putavit  esse  septiuium  annum,  secundae  quartum  deeimum,  tertiae 
duodetricensitmon . . .  y  (Censorinus,  De  die  natali,  XIV  [Hultsch,  25,  2]). 

Vingt-huit  est  d'ailleurs  un  multiple  de  sept.  On  sait  la  valeur 
(pravait  ce  chiffre  dans  l'astrologie  et  la  magie  pour  l'évahiation  de  la 
durée  de  la  vie.  Cfr.  Firmicus  Maternas,  il/'irt.  (Kroll)  I,  25fi,  17:  <  Sane 
extra  cetcros  climaeteras  etiam  septimi  .anni  et  noni  per  omne  vitae  tem- 
jius  inultiplicata  ratione  currentes  naturali  quadam  et  latenti  ratione  va- 
riis  homineni  periculorum  discriminibus  scniper  afficiunt,.,».  Et  Censo- 
rinus, op.  cit.,  26,  16:  «  Unde  apparet,  ut  in  morbis  dies  s>^ptimi  suspecti 
sunt  et  crîsimic  dicuntur,  ita  per  omnera  vitam  septiuium  quo(iue  an- 
num periculosum  et  velut  crisinion  esse  et  climactericum  vocitari». 

=  Il  est  difficile  de  différencier  nettement  l^-^a  et  -pÀ^w. 

®  C'est  la  vie  de  l'initié. 

"  Ou  peut-être:  «le  taureau  de  Deo  ■. 


14  l'N    AITBI-    l>|-    (.Ml.TK    l'IIHVGIEX 

l)élier,  gage  du   lioiiliciir.  Il  ;i,  en  effet  ',  dispersé  la  nuit,  et,   pour 
vingt  liuit  années  de  paix,   rétabli   la   himière  du   salut»'"'. 

Il  n'y  ;i  (l(pne  ici  rien  de  funéraire,  et  il  s'agit  d'une  inseription 
dédieatoire.  Mais  le  caractère  en  est  assez  singulier.  Faite  pour  com- 
mémorer un  taurobole,  elle  n'eu  prononce  même  pas  le  nom.  A  la 
iii-e,  1111  ne  se  douterait  guère  qu'il  s'agit  d'un  rite  barbare  et  gros- 
si(!r;  à  peine  soup(,-oiinerait-on  un  sacrifiée  sanglant  sous  cette  pé- 
riplirase:  tkOsov  Ti'iy.'^'z  '.  Au  reste,  ce  n'est  pas  de  ce  sacrifice  (|ue 
le  dédieant  fait  lunninage  à  la  divinité:  il  lui  consacre,  comme  la 
seule  chose  vraiment  digne  d'elle,  l'âme  régénérée  et  parée  de  toutes 
les  vertus  que  le  i-(juge  baptême  a  fait  iiaitn-.  La  pensée  s'est  dé- 
gagée de  la  grossièreté  du  rite  et  s'élève  bien  au  dessus:  elle  est 
toute  imprégnée  de  spiritualisme  et  d'idéalisme;  on  y  retrouve  presque 
comme  un   éclui  affaibli  des  paroles  de  l'adiniralde   psaume: 

«  Quoniain  si  voluisses  sacrificium,  dedisseni  utique:  lioloeaustis 
non   ileleetaberis. 

»  Sacrificium  Oeo  spiritus  contribulatii^;  :  cor  contritum  l't  liumi 
liatum,   Ueus,   non  despicies  »  ■*. 

Sans  doute,  les  inscriptions  nous  ont  laissé  d'autres  exemples  de 
cette  transformation  du  culte  plirygieii,  surtout  au  IV'  siècle,  de  cette 
superposition  d'idées  morales  et  de  toute  une  tlié(dngie  spiritualiste 
;nix  pratiques  du  matérialisme  le  ]ilus  bas  '.  Cette  épuration  du  culte, 

'  ;\I.  Manicchi  ne  traduit  pas  le  ^ip.  Ce  mot  paraît  introduire  l'expli- 
cation du  premier  vers.  C'est  parce  que  l'initié  s'est  assuré  la  grâce  que 
sa  vie  est  pure  et  jiarfaite. 

-  C'est  le  double  sens  de  ï>'";.  M.  (^omparetti  rapproche  ce  mot  île 
la  formule  clirétienni!:  •  Lux  perpétua  liice:U  eis  ».  Oui,  à  condition  dé 
carter  le  sens  funéraire.  Cfr.  Firm.  Mat., />c  errore  prof.  reZ.,  XIX:  «  .\iTjs 
•àvi  <i)'3;  »   et   aussi    •  6rxa;   'jio;[w]   lii^a;  rpw;  >   (K.  262,  6). 

'  De  iiiënie.  sur  les  l)as-reliefs  de  rantel.  la  hnrpr  n'est  pas  leprc- 
seiitée. 

*  Ps.  .50.  I7-l,s. 

^  Dittenberger,  iSylloge  ■'  n"!t85:  «  "AfOiGTi;  r.rt:  i-^i'là:  ôtavcia;  -;i-Tt5 
iiopidt  y.n:  -vjiai;i  ».  —  ('.  /.  T^.  VI,  499  ••  diis  animae  suae  nientisque  custo- 
dibus...»   XII,  1277:  •  Helns  fortnnae  rector  nientisque  magister  ». 


AU    MUSÉE    nu    LATKAX  15 

SOUS  l'influence  des  idées  courantes,  de  doctrines  mystiques  comme 
les  mystères  d'Isis  et  d'Eleusis,  et  peut-être  aussi  du  christianisme, 
qu'il  fallait  comliattre  par  ses  propres  armes,  est  déjà  connue  '. 
Mais  nulle  part  elle  n'est  aussi  marquée,  nulle  part  n'est  aussi  dé- 
veloppé l'élément  moral. 

J'ai  ])arlé  du  IV''  siècle.  A  dire  vrai,  rien  ne  permet  de  donner 
à  cette  inscription  une  date  précise.  M.  Marucclii  penche  pour  les 
premières  années  du  IV%  ou  peut-être  la  fin  du  III'  siècle,  à  cause 
de  l'emploi  de  la  langue  grecque  '.  Mais  il  n'y  a  pas  à  appliquer 
ici  les  règles  de  l'épigraphie  chrétienne.  Les-deux  inscriptions  grecques 
datées  du  culte  de  C.ybèle  qui  ont  été  retrouvées  à  Rome  sont  au 
contraire  de  la  tin  du  IV''  siècle  '.  M.  Graillot  *  estime  que  la  rédaction 
des  dédicaces  en  langue  grecque,  voire  même  en  dialecte  ionien  ', 
et  en  vers,  est  un  des  traits  de  cette  affectation  d'archaïsme  dont 
.luHen  a  donné  l'exemple,  et  qui  marque  particulièrement  les  der- 
niers temps  du  paganisme.  Les  tendances  idéalistes  qui  viennent 
d'être  relevées  donnent  une  impression  analogue.  Mais  il  ne  peut 
s'agir  ici  que  de   probabilité. 

En  tous  cas,  et  quelle  qu'en  soit  la  date  exacte  d'érection,  cet 
autel  doit  être  rapproché  de  ceux  qui  ont  été  découverts  dans  les 
mêmes  parage.s,  au  début  du  XVH'  siècle,  et  dont  les  inscriptions  ont 
été  conservées  par  Grimaldi  ''.  Tous  sont  évidemment  en  relation  avec 
le  Plirtifiianum,  le  grand  temple  de  la  Mère  des  dieux  qui,  ju8qu''à 
la  fin  du   IV''  siècle,  lutta,  sur  la   colline  du  Vatican,  colline  sainte 

'  Cfr.  Graillot,  op.  cil.,  543. 

-  Atti,  XV,  278. 

^  C.  1.  L.  VI,  509.  (370).  Ihid.  30966  (377). 

*  (iiai)lot,  0}i.  cit..  p.  550. 

'■'  Ce  qui  est  précisément  le  cas  de  celle  qui  nous  occupe.  Les  mots 
qui  y  sont  employés  semblent  presque  tous  tirés  d'Homère  ou  d'Hésiode, 
de  même  que  certaines  expressions  comme,  ;Sr,/.=  -iic;.  (Cû:  Iliade,  VI,  5-6). 

^  Elles  sont  reproduites  par  Marucchi,  ^Ȕ,  XV',  276-278.  Mais  on  les 
trouve  au  Corpus,  VI,  n"*  497-504.  Deux  seulement  de  ces  autels  sont 
encore  existants;  l'un  (n"  503)  est  au  Capitole,  l'autre  (n"  497)  au  Louvre. 


16  l'N    AUTEL    DU    CULTE    l'HKVlilKN 

pour  l(;s  doux  i-cli;?ii)ii.s,  (Mintrc  le  christianisme.  L'eniplacwneut  de 
cp  Piiryf^ianuin.  dont  parli'iit  les  rù^ionnaires  du  IV*  siècle,  n"e8t 
I)as  coiiiiu  avi'c  pivcisioii  '.  Les  autels  découverts  au  XVH"  siècle 
l'ont  été  à  langle  sud-est  de  la  façade  de  S'  Pieire,  et  au  palais 
Cesi  ■■'.  Mais  s'agit-il,  comme  on  l'a  cru  Jusqu'ici,  du  palais  Cesi  qui 
se  trouve  derrière  la  colonnade,    entn;  la  rhi    tlel   SanfUflizio  et 


1.  Palazzo  dei  ConverteuUi. 

2.  Bases  d'autels  trouvées  dans  le  cirque. 


'à.  Palazzo  Cesi. 

4.  Palazzo  Cesi  .  in  Egii<to  ■ 


la  strmJa  deUi'  Catenc*.  Ne  serait-ce  pas  plutôt  de  celui  (|u"a\aient 
acheté,  une  (|Mar.intaine  d'années  plus  tôt,  Anjrelo  et  Pierdonato  Cesi, 
«  in  borgo  Veccliio  »  ?  Ce  dernier  emplacement  .serait  singulière- 
ment proche  de  celui  où  a  été  trouvé  notre  autel.  Et  précisément, 
ce  palais  est  dit  s'élever  «  in  luogo  detto  Egipto  »  ^.  N"est-il  pas 
tentant  de  voir  là  le  dernier  et  vague  souvenir  de  la  céléhration.  en 
ce  lieu  même,  des  mystères  orientaux,  qui,  à  travers  tout  le  Moyeu 
Age.  aurait   atteint   le   X\"r  siècle? 


'   Cfr.  Duclicsne,    Vaticana,    Mél.  d'arcli.  et  d'hi^t..  1!I02,  8:  Joidan- 
Huelsen,  Topographie,  I,  3,  659. 
2  C.  /.  i.,  VI,  p.  93. 
^  Lanciani.  Storin  dejili  scai'i,  IV,  108. 


Al     Mr.SÉE    Dr    I.ATKAX  17 

Tout  ceci,  il  f:iut  le  reconuaitre,  est  liypotlièse.  et  hypotiièse  fra 
gile.  Les  autels  trouvés  dans  les  fondations  de  S'  Pierre  n'étaient 
pas  i»  situ.  Brisés  pour  la  plupart  «  cnn  mazzi  di  ferro  ».  ils 
avaient  été  jetés  là.  nous  dit  Grimaldi  ',  «  in  disprezzo  di  qiiesta 
idolatria,  uno  sopra  Talti'o  ».  Ceux  du  palais  Cesi,  où  qu'ils  fus- 
sent, ne  devaient  pus  être  non  plus  à  leur  emplacement  primitif. 
Le  notre  l'était-il  davantage  ?  Rien  ne  le  prouve,  quoi  qu'en  pense 
M.  Marurclii  "  :  la  partie  inférieure  en  eût  été  retrouvée.  Cependant 
les  uns  et  les  autres  n'étaient  pas,  sans  doute,  très  éloignés  de  l'en- 
droit où  ils  avaient  été  érigés,  car  il  n'est  pas  vraisemblable  que 
les  chrétiens  qui  les  ont  brisés  en  aient  transporté  les  morceaux  à 
de  grandes  distances  '.  De  cette  dispersion,  on  est  donc  en  droit  de 
conclure  que  le  Plu-ygianum.  dans  le  voisinage  immédiat  duquel 
tous  ces  autels  devaient  se  dresser,  occupait,  avec  ses  dépendances  — 
baptistère,  etc.  —  une  étendue  de  terrain  considérable.  Peut-être  aussi 
la  découverte  du  nouvel  autel  devra-t-elle  conduire  à  cliercher  l'em- 
placement du  Piirygianum  plus  à  l'est  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'ici  '. 

Si  minces,  si  incertains  que  soient  ces  renseignements,  il  en  faut 
pourtant  tenir  cunipti'.  L'autel  du  pàluszo  dei  Conrertendi  ne  peut 
les  donner  que  si  l'on  admet  qu'il  est  commémoratif  d'un  tauro- 
l»ole,  et  non   funéiaire  ".   L'objet  de  cette  étude  a  été  d'essayer  de 

'  Cfr.  C.  I.  L..  VI.  ],.  93. 

-  Atti.  XV,  272. 

^  Les  autels  trouvés  dans  les  fondations  de  S'  Pierre  avaient  été  Jetés 
dans  ce  qui  restait  du  cirque  do  Xéron,  abandonné  depuis  que  la  basilique 
en  occupait  le  côté  nonl.  Mais  c'est  évidemment  en  dehors  du  cirque  qu'il 
faut  cherclier  lenii)lacement  du  Phrygianuni.  (Cfr.  Duchesne,  Vatirxoin,  p. 8}. 

*  Vraisemblablement  dans  l'espace  compris  entre  la  via  Cornelia  (ou 
l'ortica  Sancti  Pétri)  au  nord,  la  via  Septimiana  à  l'est,  et  la  via  Aurélia 
Xova  (?)  à  l'ouest. 

"'  Aussi  comprend-on  mal  le  parti  i|u"essaie  d'en  tirer,  au  point  de 
vue  topograpliique,  M.  .Marucchi.  Il  n'y  a  aucune  raison,  si  on  considère 
lé  monument  comme  funéraire,  de  le  mettre  en  relation  avec  le  Phry- 
gianum.  Pure  co'incidence,  si  ce  tombeau,  placé  le  long  de  la  via  Cor- 
nelia, est  voisin  du  temple  de  Cybèle. 

Mehtiiiiejt  d'Arch.et  ri'IlM.KHa.  2 


18  L'S    AITEI,    Dr    CII.TE    l'IlBtVCIEN 

le  démontrer,  d'essayer  aussi  de  donner  de  l"insfripti<pn  une  expli- 
cation plus  fidèle  et  peut-être  plus  elaire.  Mais  liien  des  points  en 
eore  demeurent  obscurs.  Moins  lieiinux  (|iii'  l'initié,  jf  m-  puis 
prétendre  avoir  entièrement  dispersé  la  nuit,  <•!  rétaldi  jtartont  la 
lumière.  Sonliaitons  qu'elle  n'ait  pas  à  attendre  vinjrt  liuit  ans  pour 
briller  de   tout  son  éclat. 

J'iKURK  F.abue:. 


HERCULE   FUNERAIRE 

(Snite  et  fin.  of.  t.  XXXIX'.  tas.-.  IV-Vi 


IV.  —  Symbolisme   Dio.n'ysi.^que   (suite): 
Hercile  et  les  Centaures. 

Le  groupe  le  plu;*  iiuportaut  des  sarcophages  liéraeléeus,  après 
ceux  des  «  Douze  Travaux  »  et  du  «  Repos  Dionysiaque  »,  est  celui 
des  «  Centauroraacliies  ».  Rien  de  plus  étrange,  au  premier  abord, 
que  de  voir  une  telle  représentation  choisie  comme  sujet  funéraire, 
parmi  tous  les  pairrija  du  héros.  Car  les  Centaures  ne  sont  pas 
des  hommes,  et  leur  extermination  par  le  héros  ne  semble  pou- 
voir prêter  à  aucun  symbolisme  religieux. 

Xous  voulons  ici  chercher  à  nous  rendre  compte:  1"  à  quel 
ensemble  de  légendes  et  de  monuments  se  rattache  cette  représen- 
tation: 2°  si  elle  a  pris,  à  un  moment  donné,  un  sens  funéraire 
précis;  et  sous  quelles  influences. 

Ces  questions  demeureraient  insolubles,  si  nous  n'avions  dès  main- 
tenant un  guide:   le  caractère  dionysiaque  des  Centaures. 

Leur  nature  n":i  pas  au  fond  varié  pendant  tout  le  cours  de 
l'antiquité  classique.  Fils  d'Ixion  et  de  la  Nuée,  Nephela,  selon 
Pindare  ',  c'est-à-dire,  suivant  sa  propre  expression,  assimilés  aux 
«eaux  des  orages  célestes»  ".  ils  deviennent  seulement  plus  vo- 
lontiers, semble-t-il,  vers  la  fin  du  paganisme,  les  fils  des  «  Hya- 
des    humides  »,    filles    du   fleuve    Lamos  '  ;    c'est-à-dire    des  formes 

'  Pindare,  Pifth.,  II,  66  et  79  sqq. 

2  Pind.,    01.,  X,  2  sq.:  lùpaviwv  uoiTùi-,  iy-Ksw-y,  jrœiS.,,-,  .\t*ï>.a;. 

'  Xounos,  Diont/s.,  XIV,  143  sqq. 


20  IIKUCII.K    KINKKAIKK 

(les  ciiiix  IfiTcstres.  Uiio  .-iiitru  rMce  de  CentaurnB  a  d'aillpurs 
('■ti'  ))i-iirlnit('  par  la  spiiiciicf  timiliéf  à  terre  de  Zens  poursuivant 
Aplirorlite  '  :  et  ce  mytlie,  à  (Irfaiit  d'autre  mérite,  a  celui  de 
iMiueilier  l'origine  rhthovinme  et  l'origine  c'ieslt'  attriliuées  siieceB- 
siveiiieiit  aux  Centaures'.  An  surplus,  les  noms  que  les  Anciens  leur 
(loniKMit  évoquent  souvent  cette  nature  aquatique  et  chthonienne  ^. 
Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'ils  aient  été  de  très  lionne  heure  liés 
à  Dionysos,  dieu  du  principi'  luimide  et  dieu  souterrain*:  traînant 
son  cliar.  jiortant  même  le  dieu  '"  que  leurs  mères  ont  sauvé  de 
la  colère  d'iléi-a  ^:  sujets  :'i  s'enivrer  aussi  bien  que  les  Satyres  dont 
ils   reproduisent    certains    traits    physiques  ■    et    ])arfiiis    même    leA 


'   Nonnes.   Dionys.,   Xl\,   19."!  sqq.;  XXXII.  72. 

-  Cette  légende  peut  être  une  création  fantaisiste  de  Nonnos  lui-même 
(Betlie,  Pnnhi-'W'isnova,  s.  v.  Kenlmtren,  col.  173):  elle  n'en  reste  pas 
moins  expressive,  i)ar  sa  signitication  voulue. 

■*  La  liste  la  plus  longue  dans  Ovide,  .Wtnm..  XII,  210  sqq.  Outre 
les  noms  à  signification  géograijluque  (ex.:  Ilélimns.  Ménalée,  Riiiliée) 
ou  guerrière  (Areus.  Antiniaque.  Bianor.  Dêmoléon.  Doiylas.  Stiplielus. 
Térée),  (pii  ne  nous  intéressent  pas  ici,  les  plus  nombreux  ont  un  sen.s 
aquatique  (Cyllarus  ?,  Cyniehis.  Cliromis,  Creneus.  Eurytns.  Hêlops.  Opliio 
née,  Petreus)  ou  souterrain  (Brouius,  Erigdupus?.  Cbtlionius.Dictys  ?.  Eu- 
rynoniiis).  Dans  Nonnos.  qui  ne  donne  que  douze  noms  de  Centaures,  on 
trouve:  Kétens,  l'étraios,  Spargeus  (D/ohj/s..  XIV,  1«7  s<|i|.)  de  significa- 
tion aquati(pic.  Sur  un  Canthare  attiqiie  de  Vulci  (Berlin,  n.  1737:  fig. 
dans  Gerhard,  ?Jtr.  Camp.  VnxetthiM.,  pi.  XIII.  1-3",  l'un  des  trois  Cen- 
taures se  nomme  encore  l'étraios. 

*  Le  Centaure  Bromus.  d'Ovide,  rappelle  Dionysos  Bromios. 

'  Nonnos,  7))'ohi/s..  XIV,  2fi4. 

''  Les  Nymphes  fluviales,  filles  de  Lamos,  reçoivent  Dionysos  enfant 
(Nonnos.  Jh'ovps.,  IX.  28:  XLVII.  <î7s).  if  en  ])unition  sont  frappées  de 
folie  par  Héra  (Id..  ih..  IX.  .3S}. 

"  Les  Centaures-Phères  de  Nonnos  {iJwu..  XIV,  171  scjq.)  ont  la  qneiie 
de  cheval  comme  les  Satyres,  mais  les  cornes  de  taureau,  comme  Dio- 
nvsos  lui-même.  —  On  trouve  des  Centaures  îi  face  de  Satyre  ou  de  Si- 
lène sur  des  vases  grecs  importés  en  Italie,  et  représentant  la  lutte  d'Ilé- 
raclés  contre  les  Centaures:  a)  Oenochoé  à  fig.  n.  de  Bologne  (E.  Brizio, 
JJ)(?/. /ji.s^,  1872,  p.  83):  —  h)  Stammos  ;i  fig.  r.  de  Corneto  (W.  IIell>ig, 
Bull  Inst..  18(î9,  p.  172). 


HERCLLE    FUNÉRAIRE  21 

noms  '.  Tout  cela  est  assez  connu  pour  ne  pas  exiger  de  plus  amples 
développements  '. 

Mais  voici  qui  est  plus  curieux  :  d'après  les  documents  figurés, 
Héraclès  se  trouve  engagé  dans  une  double  série  parallèle  d'aven- 
tures contradictoii-es  avec  les  Centaures  et  les  Satyres.  D'une  part, 
ami  des  Centaures  et  ami  des  Satyres  ;  de  l'autre,  liostile  aux  Cen- 
taures et  hostile  aux  Satyres;  enfin  engagé  dans  une  lutte  précise 
contre  un  Centaure  et  un  Satyre. 

1.  Alliance  tJ' Héraclès  arec  les  Centaures  et  les  Sati/res. 

Si,  en  effet,  la  tradition  littéraire,  généralement  acceptée  sans 
nuances  par  les  modernes,  voulait  que  le  Centaure  Pholos  eût  reçu 
de  Dionysos  un  tonneau  (pit/ios)  plein  d'un  vin  délicieux,  qu'il  de- 
vait ouvrir  pour  le  seul  Héraclès  lorsqu'il  se  présenterait  devant 
lui  ^  ;  qu'attirés  par  le  parfum  les  autres  Centaures  fussent  accourus 
et,  avec  leur  ordinaire  brutalité,  eussent  engagé  la  lutte  contre  le  héros 
qui  les  extermina \  —  d'autres  traditions  représentaient  le  pithos 
comme  contenant  le  vin  des  Centaures  (et  ils  accouraient  donc  contre 

'  Le  Centiuiie  Phlégiéon  d'Ovide  rappelle  le  Satyre  Phlégréos  (Noim., 
Dion.,  XIV,  107);  l'un  des  Centaures  de  Nonnos  (î6.,  XIV,  191)  s'appelle 
Phaunos. 

-  Leur  parenté  originelle  est  avec  les  Silènes  asiatiques,  dieux  des 
soiu'ces  et  des  marécages,  que  la  tradition  attique  (début  du  V"  siècle), 
puis  pau-liellénique,  confondit  eux-mêmes  avec  les  Satyres.  Cfr.  L.  de  Ron- 
chaud,  Dar.-Sagîio,  a.  v.  Centauri,  p.  1010;  —  Nicole,  ih.,  s.  v.  Sniyri- 
Sileni,  p.  1091  sq.  ;  — Bethe,  Pauly-Wissoica,  s.  x.Kentaitren,  col.  173  sq. 

^  Uoscher-Tilmpel,  lioschers  Lex.,  2,  1043. 

*  C'est  le  mythe  le  plus  souvent  figuré  sur  les  vases.  A.  Héraclès 
amicalement  reçu  par  Pholos:  aj  Anqjhore  à  fig.  n.  de  Vulci  (Annali 
(l.  Inst.,  III,  1831,  p.  150.  n.  373*.  Sans  doute  à  Munich,  Jahn,  691);  b)  Pe- 
tit vase  à  fig.  n.  de  Cliiusi  {Bull.  Tnst.^  1850,  p.  163);  c)  Amphoie  à  fig.  n. 
de  Corneto  (Bruschi,  Bull.  Inst..  1859,  p.  132);  dj  Amphore  ;i  fig.  n.  de 
Corneto  (Bull.  Inst..,  1866,  p.  234)  ;  e)  Amphore  à  fig.  n.  provenant  d"E- 
trurie  (ex-Campana.  Musée  de  Florence.  Cfr.  Drittes  Hallisclies  Winckel- 
mamtsprog.,  p.  95,  n.  47):  f)  Amphoie  ;'i  fig.  n.  de  Corneto  (N.  d.  Scavi, 
1892,  p.  157);  y)  Amphore  à   fig.  n.  de  Bologne   (Heydeniann,  Miitlml.., 


22  IIERCILK    Kl'.NKRAIItK 

n/Tiicl^s  pour  (lé Fendre  leur  liieii  légitime),  et  certains  vases  (ij^urent 
lléradès  en  train  de  boire  tranquillement,  non  pins  avec  le  seul 
Pholos,  mais  en  compagnie  de  deux  ou  i)lnaieurs  Centanres  '.  D'ail- 
leurs Pliolos  n'est  pas  le  senl  sympathique  de  cette  race  monstrueuse 
dans  la  légende  héroïque  des  (irecs:  Chiron.  le  maître  d'Achille,  de 
.lason  et  d'Asclépios  ",  est  un  reste  de  la  même  conception,  qui  se  pré- 
cise de  fa(,îon  intéressante  par  les  fresques  de  Pompei,  sûrement  imi- 
tées de  modèles  alexandrins,  où  l'on  voit  Chiron  enseigner  à  Achille 
non   plus  la   chasse  et  les  arts  virils,   mais  le   jeu  de  la   lyre  ^. 

Les  Satyres  et  Silènes  ne  manquent  pas  d'ontourer  Héraclès  des 
mêmes  prévenances  que  les  Centaures  :  ils  lui  servent  le  vin,  l'eni- 
vrent, enveloppent  de  leurs  danses  le  héros  citharède  on  tihicine  *. 
Les  mêmes  thèmes  se  trouvent  repris  par  la  sculpture  funéraire  ro- 

p.  59  =  Gerliaid,  Aiiserles  Vasenh..  pi.  119-120.  5-6  =  S.  Reinach,  I{('jj. 
Vases  P.,  II,  p.  64);  h)  Amphore  à  fig.  n.  d'Etiiirie  (e.\-Canino.  De  Witte, 
Deser.  1837,  n.  l^-=ilirit.  Mus.,  Cat.  1S51,  n.  (jGl);  i)  Amphore  à  fig.  n. 
d'Etrurie  {Cfitnl.  Cnmpana,  IV'-VII,  A,  446).  —  B.  Héraclès  auprès  du  pi- 
tlios,  assailli  par  les  Centaures:  n  Amphore  à  fig.  n.  de  \"ulci  (ex-Can- 
delori.  Miinich,  Jahn,  622  =  Mîcali,  Storia  d.  uni.  popoli  ital.^  III,  p.  159  sq. 
et  pi.  XCIX,  9);  h)  Amphore  à  fig.  n.  de  La  Tolfa  (Bull.  Imi.,  1866, 
p.  229  sq.);  c)  Vase  do  Corneto  (ex-Bruschi.  Bull.  Iiisl.,   1869,   p.  172); 

d)  Cratère  de  Bologne  (Arnoaldi  Veli,  Bull.   Iiigt..   1879,  p.   214  sqq.); 

e)  Stamnos  à  fig.  r.  de  Faléries  (A.  Délia  Seta,  Museo  di  Villv  Giulia, 
I,  p.  63,  n.  868).  —  Autant  que  possible,  nous  ne  citons  dans  cette  étude 
(pie  des  vases  trouvés  en  Italie,  et,  de  préférence,  en  Etrurie. 

'  Par  ex.:  a)  Cylix  à  fig.  r.  de  Vulci  (ex-Canino,  564.  Cfr.  Ainml. 
Inst..  III,  1831,  p.  150,  n.  373*):  Héraclès  assis  au  milieu  de  Centaures 
(pli  s'enivrent.  —  h)  Cratère  à  fig.  r.  d'Etrurie  (Calai.  Campana,  IV-VII, 
A,  72):  Héraclès  imberbe  découvrant  le  pithos  en  présence  de  deux  Cen- 
taures.  —  cj  Léeythe  à  fig.  n.  de  provenance  inconnue  ;  Louvre,  Pottier, 
F.  470):  Uéraclès  lève  le  couvercle  du  pithos  entre  deu.r  Centaures.  — 
Peut-être  aussi  l'hydrie  à  fig.  n.  de  Vulci  ex-Candelori,  Munich  (Jahn)  435. 

'  Piudare,  Xeiii..  III,  troisième  triade. 

^  Voir  W.  Helbig,  Waiidgemâlde  Campaniens  (1S6S),  1291-1295.  La 
conception  peut  remonter  plus  liant  que  rAlexandrini:>ine,  puisque  déjà 
dans  Homère  Achille  est  repivsenté  jouant  de  la  lyre  (7/.,  1,  186  sqq.). 

*  On  voit  Hercule:  A:  Servi  par  un  seul  Satyre  on  Silène:  a  Coiiiie 
attique  à  fig.  r.  de  Vulci  (Berlin.  Furtwiingler  2.534  :  fig.  dans  Gerhard. 
Tririlsch.  und  Ge/ïisye.  pi.  VIII);  b)  Cratère  à  fig.  r.  d'Etrurie  (Catal.  Cam- 


IIKHCULE    irXERAIRB  2.r> 

maille  avec  uik-  persistance  singulière  '  ;  et  il  n'est  pas  douteux  que 
ces  monuments  soient  relatifs  k  la  vie  future  dionysiaque  '  ;  mais  leur 
rapprochement  avec  les  précédents,  qui  nous  montrent  Hercule  dans 
les  mêmes  rapports  avec  les  Centaures,  va  en  devenir  très  instructif. 
En  etfet,  le  tliiase  des  Centaures  '  amis  d'Hercule  n'est-il  pas 
l'équivalent  du  thiase  des  Satyres  folâtrant  autour  du  héros?  * 
Plus  brutalement:   la   réception  d'Hercule  par  Pholos  ii'est-elle  pas 

pana,  IV-VII,  A.,  80.  Le  Satyre  lui  apporte  la  lyre  et  l'umoclioé.  Déjà 
cité);  —  ou  par  plusiems:  c;  Coupe  à  tig.  r.  de  Caeié  (E.  Pottier,  3Ion. 
Piot,  IX,  1902.  p.  160  sq.  et  pi.  XV.  Déjà  citée);  d)  Fragment  de  Cra- 
tère à  tig.  r.  de  Sant'AfÇata  dei  Coti  (Vatican.  Héraclès  assis  sur  une 
chlamyde  devant  un  portique,  tenant  la  massue,  est  servi,  en  présence 
d'Athéna,  par  deu.x  Satyres  qui  lui  apportent  l'un  un  plateau,  l'autre  un 
scyplius;  deux  autres  Satyres  regardent).  —  B:  Jouant  de  la  tlûte,  ac- 
compagné par  des  Satyres;  e)  Lécytlie  à  fig.  r.  (Vienne.  De  Laborde, 
Vases  (In  C"  de  JAimherg,  11,  pi.  IX  b  et  XV  =  S.  Reinaeh.  liép.  Vases 
peints,  II,  p.  221);  /)  Staninos  à  fig.  r.  provenant  d'Etrurie  (Musée  de 
Florence,  Bull.  Inst.,  1870,  p.  181.  Déjà  cité).  —  On  remarquera  que  tou- 
tes ces  représentations  (sauf  e)  sont  de  date  plus  récente  (pie  les  figu- 
rations de  l'Amitié  d'Héraclès  avec  les  Centaures. 

'  Stucs  d'une  tombe  de  la  voie  Latine:  Hercule  jouant  de  la  cithare 
en  présence  de  Diane,  Minerve,  Bacchus  et  un  Satyre  (Annnli  Inst., 
XXXIII,  1861,  p.  230-23:i;  Monumenti,  VI,  pi.  LUI).  —  Pour  les  sar- 
cophages, voir  supra,  l"  art.,  I.  Remarquer  ceux  du  Vatican  (Museo  Pio- 
C'iementino,  IV,  pi.  26  =  Annal.  Inst.,  XXXV,  1868,  p.  384  =  Stefan i, 
Ausruhende  Hemk'.es,  p.  195),  oi'i  Hercule  triomphe  en  même  temps  que 
Bacchus  ;  de  Lyon  (Bail.  Inst,  1871,  p.  183),  où  il  tient  le  scyphus  au 
milieu  d'un  cortège  bachique  (cfr.  la  patère  des  Pennes  au  Cabinet  des 
Médailles);  le  sarcophage  ovale  Ouvarofï  (ex-Altemps,  Bull.  Inst.,  18S0, 
p.  27  sqq.)  où  il  est  couché  au  milieu  du  thiase,  —  En  dehors  des  re- 
présentations funéraires,  voir  aussi  la  vasque  de  fontaine  de  Gortyne 
(Louvre  Catal.  sommaire,  1896,  n,  2237)  où  Nymphes,  Satyres,  Silène, 
Hercule,  entourent  l'enfant  Bacchus  endormi, 

-  Supra,  1«''  art.,  IL 

^  Les  Centa\ircs  entourent  Bacchus  comme  ailleurs  le  font  les  Sa- 
tyres sur  un  fraquent  de  sarcophage  du  Louvre  (n.  1658 1. 

*  Selon  Bethe  {Pauly-  Wissoica,  a.  v.  Kentauren,  173),  les  Centaures 
n'apparaissent  dans  le  thiase  bachique  qu'à  partir  du  IV<^  siècle  a.  C.  — 
Mais  les  vases  à  fig.  n.  qui  représentent  la  réception  amicale  d'Héraclès 
par  Pholos  prouvent  qu'ils  dispensaient,  comme  les  Satyres  le  breuvage 
de  Dionysos.  Or  ces  vases  datent  presque  tous  de  la  fin  du  VP  siècle. 


24  IIEKCII.K    KISKRAIRE 

mic  image  de  racccssion  <hi  lirnis  à  la  vie  future  (lioiiysiaiiuc .' 
On  pourrait  croire  que  les  Grecs  dans  cette  aventure  considéraient 
surtout  la  participation  au  breuvage  divin  (pie  lui  avait  réservé 
Dionysos,  à  le  voir  représenter,  i)ar  exemple,  au  fond  d'une  eylix 
à  fig.  n.  de  Vulci  '.  seul  devant  le  pitlios  où  il  plonge  la  main, 
plein  d'une  Joie  muette  ':  mais  les  documents  sont  insuffisants.  Plus 
expressif  est  le  fait  qu'il  soit  accompagné  auprès  de  Pholos  par 
Hermès^,  oh  Atliéna  *,  ou  ])ar  les  deux:''  comme  cela  se  passe 
sur  les  innouilirables  vases  (|ui  le  représentent  emmené  vers  les 
dieux  sur  le  char  d'Atliéna;  et  comme  c'est  la  règle  lors(|u'il  est 
introduit  dans  l'assemblée  Olympienne  en  récompense  de  ses  fati- 
gues terrestres.  Mais  quoi  ^  Il  arrive  si  souvent  qu'Atliéna  l'assiste 
dans  n'importe  le(|uel  de  ses  travaux,  et  ((u'IIerniès  l'accompagne, 
par  exemple  dans  sa  descente  aux  Enfers,  qu'on  ne  peut  vraiment 
rien  conclure  de  ce  détail  encore. 

Mais  voici  le  point  important,  dont  l'interprétation  ne  nous 
parait  pas  douteuse.  Non  sfulenient  Héraclès  reçu  par  l'holos  est 
.souvent  représenté  couché,  dans  l'attitude  de  repos  qu'il  prend  ail- 
leurs en  la  compagnie  de  Dionysos  liii-méiiie,  lorsciue  l'artiste  a 
voulu  indiquer  qu'il  était  arrivé  au  terme  de  ses  fatigues  et  à  la 
récompense  bien   méritée  de  ses  exploits '':  mais  sur  une  ncnochoé  à 

'   Ex-t'andrlori.  Mimicli.  Jalin.  1097. 

''  Ce  thème  siinplitiê  seudde  avoir  été  préféré  par  les  Ktiuf<|ues.  Veil- 
le scarabée:  Furlwlingler,  Aiit.  (ietiunen.  pi.  XVII,  22. 

^  Amphore  :'i  fig.  n.  de  Coineto  {Bull.  Inst.,  1866,  p.  234). 

<  Amphore  à  fig.  n.  de  Corncto  {Bull.  Imt.,  1859,  p.  132);  Amphore 
à  fig.  11.  de  La  Tolfa  ((6.,  1866,  p.  229  sq.)  ;  llydrie  à  fig.  n.  de  Vulci 
(Miinicli,  .Jahn,  -i;55):  Cyatbe  à  tig.  n.  de  Vnici  (V  Biit.  Mus..  Cat.  18.il, 
661):  Amphore  :i  fig.  n.  d'Italie  ;?    Bull.  Imt..  1S69,  p.  127). 

'■  Amphore  à  fig.  n.  de  Bologne  (S.  Reinacli,  Bep.  Vase^  P..  11, 
p.  64,  2-5). 

*  Amphore  à  fi;;,  n.  d'Etniiie  (7^W(^fs  Hall.  Winckelm.  progr..  p.  95, 
n.  47):  Amphore  :i  fig.  n.  de  Vulci  (Munich,  .lahn.  691  —  Annali  Inst.. 
1831,  p.  150  ?}:  Cylix  ;i  fig.  r.  de  Vulci  ex-Oanino  564.  Auuali  Iiiist.. 
1831,  p.  150,  n.  373  •). 


HERCULE    FUNERAIRE  2o 

fig.  n.  de  rancienne  collection  Oppermaiin  ',  on  le  voit  désnrmé, 
couronné,  les  jdmbes  enveloppées  dans  ini  nuin/ciiii,  assis  sur  le 
lit  la  patère  à  la  Tnain,  auiirés  de  Diolos  eouclié,  tons  deux  sous 
un  berceau  de  rameaux  et  de  fruits.  Or  il  apparaît  que,  toutes  les 
fois  qu'un  artiste  grec  représente  Héraclès  en  manteau  (souvent  eu 
manteau  lirodé\  c'est  qu'il  veut  indiquer  le  repos  définitif  du  héros 
et  son  accès  aux   voluptés  divines  •.  lît  cette  lialiitude  persiste  chez 

'  Au  Cabinet  des  Médailles,  à  Paris:  <le  lîidder,  n.  271  (provenance 
inconnue). 

'  Voir  en  particulier  :  A  :  H.  sur  le  point  de  monter  au  bûcher  de  TOeta  : 
Vase  à  fig.  r.  de  Nola  {BkV.  7».sf.,  1845,  p.  .'i7).  —  B:  Ennneiié  chez  les 
dieux  dans  le  char  d'Athèua:  Vase  à  fîg.  n.  de  Chiusi  (Bull.  Inst.,  ISnl, 
p.  52);  Amphore  à  fig.  n.  de  Vulci  (Brit.  Mus.,  Caf.  1851,  n.  600);  Pe- 
liké  lucanienne  à  fig.  r.  (Munich,  Jahn,  384;  .I/o»;»/".,  IV,  pi.  XH).  — 
C:  Apothéose  dans  un  quadrige  guidé  par  Hermès:  Cratère  ;'\  fig.  r.  de 
Bologne  {Bull.  Iiist,  1879,  p.  221,  Annali  lust.,  1880,  p.  100  sqq.  et  pi.); 
Amphore  (étrusque?)  à  fig.  r.  de  la  Sabine  (Lisbonne:  S.  Keinach,  Bép. 
V.  P.,  I,  p.  368,  1).  —  J)  :  Banquet  Dionj'siaque  d'Héraclès  :  Ocnochoé 
à  fig.  n.  de  Vulci  (Bibl.  Nationale,  De  Kidder,  n.  264);  Cyli.v  à  fig.  r. 
de  Nola  iBrit.  Mus,  Bull.  Inst.,  1864.  p.  182:  H.  Heydemann  IX'-"  Hall. 
Winchelm.  progr.,  p.  14).  —  E  :  H.  ivre  conduit  par  Dionysos  et  Her- 
mès: Cratère  à  fig.  r.  de  Népi  {Not.  cl.  Scai-i,  1918,  p.  19).  —  F:  H.  couché 
parmi  les  dieux  ou  les  satyres:  Hydrie  à  fig.  n.  de  Vulci  (Brit.  Mus., 
Caf.  1851,  454) ;  Oenochoé  à  fig.  n.  d'Etrurie  (Berlin,  Cat.  1924.  Peut  être); 
Amphore  à  fig.  r.  et  n.  de  Vulci  (.Mlinich,  Jahn,  388):  Coupe  ;'i  fig.  r.  de 
Caeré  (E.  Pottier;  Mon.  l'iot,  IX,  1902.  p.  160  sq.  et  pi.  XV).  —  (i: 
H.  assis  servi  par  des  satyres:  fragment  de  Cratéie  à  fig.  r.  de  .San- 
t'Agata  dei  Goti  (Saticula)  (Museo  Gregoriano\  —  H:  H.  assis  avec 
Atlu'iia  au  milieu  des  dieux:  Oenochoé  ;i  fig.  n.  de  Caeré  (Louvre,  Pottier, 
F.  117);  .Vraphore  à  fig.  n.  de  Corneto  .Musée  de  Covneto,  n.  I(i36.  Bnll. 
Insf.,  1885,  p.  79);  Coupe  ;"i  fig.  n.  de  Vulci  (S.  Reinach,  Bcp.  V.P.,ll, 
p.  70,  6-8).  —  I:  Même  scène,  le  manteau  jeté  sur  la  léontè:  Oenochoé 
à  fig.  H.  d'Etrurie  (iM.  de  Florence,  Uitll.  hist.,  1870,  p.  181);  Amphore  à 
fig.  n.  de  Vulci  (Munich,  .Jahn,  270)  ;  Petite  amphore  à  fig.  r.  de  la  col- 
lection Faina  (Orvieto.  Athéna,  accompagnée  d'un  taureau,  verse  ;i  boire 
à  Héraclès;  an  revers  Dionysos).  —  J;  H.  avec  les  Muses:  fragment  de 
vase  à  reliefs  à  inscriptions  grecques,  trouvé  à  Arezzo  (Nof.  tl.  Scari, 
1884,  p.  377  et  pi.  VIII).  —  I/hydrie  :i  fig.  r.  de  Vulci  (Bull.  Iiist.,  1844, 
p.  36  s(i.  et  p.  41  sq.)  représentant  un  (piadrige  :u'Compagné  d'une  feuimç, 
d'Hermès  et  d'.A.théna,  et  sur  lequel  se  tient  Hér;iclès  en  manteau  et  une 
femme  couverte  de  la  léontè  et  tenant  les  rênes  (Omphale  ?)  est  d'inter- 


2h  IIKKCII.E    irXIOKAlKE 

Iph  l'tiiisqiics ',  et  clans  la  sfiil|)tiiir  île  l'iôiiipiic  liuiiiaiii  : ''  dnii- 
naiit  ainsi  ririiprcssioii  d'iiiK!  quasi-ril)lij[^ation  ritiielie.  Kt  au  ci'é- 
piiscule  du  paganisme,  le;  même  sens  s'attachait,  8fml)le-t-i!,  au 
«  manteau  constellé  »  (|iii'  le  granil  Héraclès  remet  à  I)ionys(js  au 
terme  de  ses  exjjliMts  ten-i.'stres,  en  lui  taisant  Ixiire  le  nectar,  vers 
1,1    lin   lie   réjjopée   de   Ximnos  ■'. 

Nous  sommes  ainsi  amenés  à  conclure  que  l'amitié  d'Hercule 
avec  les  Centaures  est,  an  même  titre  que  ses  bons  rapports  avec 
les  Satj'res,  une  iniauc  lii-  la  liéatitiidi'  dionysiaque  réservée  aux 
héros  après   leni    nimt. 

2.   Luttr  (f lli'iarli s  lontre  h'S   Centaures  et   les  Safi/res. 

Aussi  liien.  si  l'on  a  coiitnine  di-  parler  de  l'externiination  des 
Centaures  par  Hercule,  ne  devrait-on  pas  ouldier  que,  d'après  les 
monuments  figurés,  ses  rapports  avec  les  Satyres  sont  souvent  mau- 

liiétation  iloiiteuse,  iii:vis  ne  saïuaif,  étant  donné  la  présence  des  dieux 
et  la  ressenililance  du  thème  avec  celui  du  char  d'Athéna,  contredire 
l'interpiétation  générale  de  tons  ces  monuments.  —  Sur  cette  question, 
voir  déjà:  Brunn,  Bull.  Imt.,  1850,  p.  52. 

'  Acrotère  de  style  sévère  de  Caeré  (an  Louvre),  représentant  Athéna 
qui  sort  A  boire  à  Hercule  assis  devant  elle  (H.  Heydeniann,  A'//''»  HaV. 
^V'inckelm.  pvoyr..  p.  35).  —  Miroir  gravé  de  Popnlonia:  II.  demi-nu,  les 
jambes  enveloppées  dans  un  grand  manteau  et  tenant  une  phiale,  embrasse 
Alcniène  en  présence  de  .Inpiter  (A'o/.  d.  Senvi,  190i>,  p.  7  sq.  et  tig.  2).  -- 
Coupe  à  fig.  r.  de  Chiusi  (Berlin,  29J7):  H.  jeune  et  couronné,  sans  léontè, 
mais  portant  un  clude  sur  les  bras,  regarde  une  Ménade  assi.se  sur  un  rocher. 

-  Statue  du  Louvre  {Cat.  1896,  lôGô)  provenant  d'Alexandrie:  Her- 
cule, les  jambes  enveloppées  dans  un  manteau,  la  léontè  sous  la  massue 
sur  laquelle  il  s'appuie,  tient  de  la  main  gauche  le  bandeau  de  l'athlète 
et  un  cep  de  vigne.  —  Sarcophage  des  Amours  de  Mars  et  Vénus  (C.Ro- 
bert, Ant.  Sark.  Rel.^  III,  2,  n.  194):  Hercule,  parmi  les  dieu.r,  est  à 
moitié  nu,  et  un  grand  manteau  lui  enveloppe  les  jambes.  —  Bronze 
trouvé  à  Vienne,  en  France  {Bull.  jTh.s/..  l.'-iGT,  p.  42):  Hercule,  temnil  le 
.•ictjplius  dionijsiaque.  porte,  outre  la  léontè,  le  pallium  et  la  tuuiiiue  talaire. 

■'  Nonnos,  liionys.,  XL,  420  sq.  et  578.  Le  duc  de  Luynes  (Xou- 
relles  Annales.  1831),  p.  67)  assimilait  à  tort  ce  manteau  à   la  nébride. 


HKUUL  I-IC    FINKUAIKE  -J  l 

v;iis  '.  Kt  s:iiis  doute  li;s  critiinics  ont  tendance  :i  exi)li(|Mer  ces  re- 
l)réseiit;itions  ]i,ii'  l'intliicnco  du  divimc  satyriqiie:  mais  ne  devront-ils 
pis  reoonnaitiT  que  la  conlusiou  sensible  des  Cercopes  avec  les 
Satyres  ■,  et  la  destruction  des  vignes  de  Syleus  par  le  liéros  ^  re- 
présentent les  restes  d'une  légende  où  Héraclès  était  foncièrement 
liostile  à  Dionysos  et  à  son  tliiase  *.  coninie  il  Test  d'ordinaire  aux 
Centaures,  et  même  parfois  :i  Pliolos,  d'lial)itiule  son  ami   '. 

Sans  chercher  ici  l'explication  de  ce  phénomène,  il  est  donc  rigou- 
i-enscment  vrai  de  dire  (|u'llercule  ne  se  conduit  pas  avec  les  Centaures 
autrement  i|u'avec  les  Satyres:  tantôt  leur  ami,  tantôt  leur  ennemi  ". 


'  Voir  les  listes  dressées  par  II.  Heydeinann,  IX''^  Hall.  M'inckelm. 
l'roijr..  (1884),  p.  9,  n.  22  (Héraclès  volé  par  les  Satyres;;  et  p.  13  sq. 
(Rapports  d'H.  avec  les  Satyres).  Parmi  les  vases  trouvés  en  Italie,  re. 
niarquei-:  A:  Hercule  volé  par  les  Satyres:  Cratère  de  Kuvo  (H.  Heyde- 
u;ann,  lor.  cit.^  pi.  I  et  II);  Scyphus  à  fij;  r.  de  Nola  (Louvre.  Catal. 
Campana.  XI,  85.  Cfr.  PhiMogus,  27,  p.  17,  pi.  II,  I);  Hydrie  à  fig.  r. 
de  provenance  iuconnue  (Mnsco  (Iregririano,  II,  pi.  19,  1.  Cfr.  Helbig, 
Fïihrer  (1912),  n.  531).  —  B:  Héraclès  buvant,  défendant  son  canthare 
contre  les  Satyres:  Scypiius  de  Ruvo  {Ilull.  InsL,  183fj,  p.  113).  — C:  H.  dé- 
tendant les  déesses  assaillies  par  les  Satyres:  Cylix  à  fig.  r.  de  Brygos 
trouvée  à  Capoue  (Brit.  Mus.,  E.  65.  (ig.  Moiiuinenfi,  IX,  pi.  XLVI;.  — 
D:  H.  attaquant  un  Satyre:  Amphore  a  fig.  r.  de  Vulci  (Musée  de  Parme. 
H.  Hcydcmann,  ///'«'''  H«ll.   Winclcelin.  proijr.^  p.  48). 

■'  Schol.  ad  Lycophr.,  -l/ec,  691.  —  Millingen,  Peintures^  de  vases 
ijrecs,  pi.  XXXV  et  p.  56  sq.  ;  Peliké  à  fig.  r.  de  S.  Maria  di  Capua  (Berlin, 
11.  2359.  Cfr.  XVII'f^  Berliner   WhicMiiiaïuisprogr..  p.  3  sqq.,  et  pi.  1-2;. 

■'  Cylix  à  fig.  r.  de  Capoue  (Musée  de  Ziirich.  Annali  I)isi.,  1878, 
p.  ;U  s(|.  et  pi.  C);  Cylix  à  fig.  r.  de  Vulci  (ex-Campana.  S.  Reinach, 
/.''■>.  r.  P..  I,  p.  392,  1-2):  Amphore  :i  fig.  r.  d'Orvicto  (id.,  ih.,  I,  p.  228  sq. 
Moiriiiiiiiiti\   XI,  pi.  L). 

*  Ailleurs,  c'est  un  géant,  non  caractérisé  comme  Héraclès,  ipii  est 
en  lutte  contre  les  Satyres  (BuUet.  Coimmale,  1889,  p.  17-25). 

^  Amphore  à  fig.  n.  de  provenance  inconnue,  au  Louvre  (Pottier,  F.  266  ; 
fig.  id.,  th.,  II,  pi.  81):  Héraclès  défend  le  pithos  contre  Pholos  et  les 
autres  Centaures,  de  même  qu'il  défend  sa  coupe  de  vin  contre  les  Satyres. 

*  Cette  remarque  siittit  à  rendre  vaines  les  tentatives,  incertaines 
d'ailleurs,  de  Kidgewaj-  7'he  carhj  a<je  of  Greece,  I,  177)  et  de  Bethe 
(Pnuly-Wissoira,  ».  v.  Kentaiiren,  eo\.  172-173)  pour  expliquer  l'union  de 
la  douceur  et  de  la  sau\agerie  chez  les  Ceutaures. 


'28  HERCULE    FfNÉRAIRE 

Va  \:i  iliHiciilt(;  n'est  pas  dans  l"iiitci|)i(-tHtii)ii  dionysiaque,  qu'il 
/'nui  donner  aux  uns  comme  aux  autres  des  partenaires  d'Hercule, 
mais  dans  la  singularité  d'une  telle  contradiction  qui  les  intéresse 
les  MUS  luiiniie  les  autres. 

3.   Lutte.   (V 1  [('rades  contre   un   Centaure  et  un   Satyre, 

La  comparaison  se  ])oursuit  avec  une  pareille  aisance  lorsque  le 
héros,  suivant  l'esprit  simplificateur  des  Grecs,  s'oppose  non  plus 
à  un  j^roupe,  mais  à   un  seul  adversaire.  Centaure  ou  Satyre. 

Est-ce  faute  de  i)lacc  que  le  dessinateur  s'est  si  souvent  contente 
de  mettre  a\ix  prises  Héraclès  et  un  seul  Centaure?  '  Ou  la  sim- 
plification est-elle  purement  symbolique  ?  "  Elle  prend  une  forme  bien 
])lus  |)récise  lorsqu'il  s'agit  de  Nessns,  ou.  si  l'on  i>réfèrç,  du  Centaure 
ravisseur  de  l'emme  '  :   les  représentations  en  sont  fort   nombreuses  *, 

'  «)  Ocnociioé  à  lig.  n.  de  Bologne  {Bull.  Inst,  l>s72,  p.  m.  Déjà 
citée);  —  fi)  ('oui)e  à  fig.  n.  d'Etiurie  {('atal.  Campana,  IV-VII,  D,  718 
=  Pottiei-Louvre,  F.  B7  ;  tig.  tfi.,  II,  pi.  68);  —  c)  Oenoclioé  à  fig.  d.  de 
Vulci  (Leyde.  S.  Keinaoh,  Bcp.  V.  P.,  Il,  p.  269,  5);  —  rf)  Cylix  à  fig. 
n.  de  Vulci  (ex-Candelori.  Mtinich,  Jahn.  6.Ô0);  —  e)  Cyathe  à  fig.  n.  de 
Vnlci  (Museo  Gregoriano,  II,  pi.  A.  IV,  4):  —  /')  Amphore  à  fig.  n.  de  Cor- 
neto  (Musée  de  Corneto);  —  (j)  Amphore  à  fig.  n.  de  Vulci  (Miinicli, 
Jahn,  ô5).  —  On  donne  souvent  au  Centaure,  et  la  plupart  du  temps  sans 
raison,  le  nom  d'Eurytion:  en  fait  la  représentation  simplifiée  remonte 
aux  origines  mêmes  de  l'art  grec. 

»  Cfr.  par  ex.  le  camée  Demidotf  {Bull.  Inst,  1834,  p.  120). 

^  La  fréquente  présence  dans  ces  scènes  d'enlèvement  de  personnages 
accessoires,  hommes  ou  femmes,  dans  des  attitudes  très  singulièrement 
tran(|uilles;  et  même  d'Hermès  et  d'Athéna  (Amphore  à  fig.  n.  de  Vulci: 
Museo  Gregoriano,  II,  pi.  A.  XXXII,  2  =  Helbig,  Fiihrer,  n"  446.  — 
Amphore  à  fig.  n.  d'Etrurie:  Cat.  Campana,  IV-VII,  D.  1081);  sur  une 
amphoie  archaïque  à  fig.  n.  (Etrurie,  Cat.  Campana,  II,  418)  l'attitude 
d'Héraclès,  (pii  tient  la  femme  du  bras  ganche  et  attend  de  pied  ferme 
latta(iue  du  Centaure:  nous  font  douter  (pi'il  s'agisse,  dans  tous  les  cas, 
de  l'enlèvement  prccis  de  Déjanirc. 

'  Nous  en  avons  relevé  jusiiuà  di\-niiif  ex<mplaircs  trouvés  à  coup 
sûr  dans  les  pays  étrusques,  presi|ue  tous  vases  ;i  fig.  n..  et  ipiphpies-uns 
fort  anciens. 


HERCILE    FUNERAIRE  iJi» 

et  assez  monotones  en  général.  Mais  eelles  qui  sortent  de  la  ba- 
Tialité  sont  instructives.  Quelques  unes  en  effet  montrent,  contrai- 
rement à  la  légende,  Xessus  accompagné  d'autres  Centaures,  comme 
si  l'enlèvement  de  la  femme  intéressait  toute  la  race  des  «  fîls  de 
la  Nuée  »,  et  telle  est  la  conception  qui  semble  avoir  été  reçue  par 
les  Etrusques  lorsqu'ils  sculptèrent  des  Centaures  sur  leurs  urnes 
funéraires  ',  Ce  thème  du  rapt  et  du  secours  trouvé  en  Hercule 
semble  encore  précisé  par  la  double  représentation,  d'un  parallé- 
lisme voulu,  d'une  amphore  à  fig,  n.  °  qui  figure:  d'une  part,  Hé 
raclés  cherchant  à  enlever  une  femme  au  Centaure:  de  l'autre,  une 
femme  conduite  par  Hermès  vers  Héraclès  qui  tire  de  l'arc  sur  un 
homme  barbu  en  fuite.  Rien  ne  nous  autorise  h  suivre  le  commen- 
tateur qui  veut  voir  en  cette  dernière  scène  l'histoire  d'Iole  et  Eu- 
rytos:  mais  il  est  très  sûr,  d'après  l'attitude  d'Hermès  et  de  l'homme 
qui  s'enfuit,  que  la  femme  vient  d'être  délivrée  de  quelque  danger 
par  l'intervention  d'Héraclès.  Les  deux  scènes  se  font  donc  pendant. 
.Te  ne  sais  si  on  peut  être  aussi  affirraatif  à  propos  d'une  amphore 
de  Vulci  ^,  où.  à  un  héros  hnherhe  et  non  raracterisc  délivrant  une 
femme  des  mains  d'un  Centaure  en  présence  de  deux  hommes  et 
de  deux  femmes,  répond,  sur  l'autre  face,  un  groupe  d'un  symbo- 
lisme funéraire  très  évident  :  un  oiseau  à  tète  humaine  entre  deux 
sphinx.  Le  fait  même  qu'à  Héraclès  est  substitué  un  héros  quel- 
conque prouve  que  cette  représentation  était,  aux  j-eux  des  Grecs, 
d'un  sens  plus  général  que  l'Iiistoriette  de  Nessus  *,  Et  si  l'on  ad- 

'  Voir  jnfru. 

-  De  provenance  incertaine,  Bull.  Inat..  lS4fi,  p,  65  sq. 

'  A  fig.  n.  :  Berlin,  n"  1702, 

*  Ce  monument  semble  particulièrement  probant  contre  l'opinion  de 
M.  Bethe  {Pauhj-Vrissoica.  s.  v.  Kenianie»,  col,  173).  qui  ])rctend  (|ue  le 
rapt  des  femmes  ne  devient  caractéristique  des  Centaures  »  qu'à  partir 
de  500  >.  Mais  d'ailleurs  le  mythe  dit  de  Xessus  aurait-il  été  si  répandu 
au  VP  siècle,  s'il  n'avait  été  parlant,  s'il  n'avait  en  une  signification  gé- 
nérale? —  Remarquer  aussi  t\ue  le  seul  Héraclès  se  trouve  aux  prises 
avec  (Jeii.r  Centaures,  Eurytion  et  Xessus,  à  propos  de  la  seule  Déjanire. 


30  IIKUCILE    FINÉKAIKK 

mettait  que  les*  dftux  scènes  se  répondent,  on  serait  amené  dès  main- 
tenant :'i  se  demander  si  le  Centaure  avec  lequel  Iléraelès  est  si 
souvent  aux  prises  n'est  pas  un  monstre  infernal  qui  enlève  les 
hommes,  au  même  titre  par  exemple  qne  le  Cliaron  souvent  repré- 
senté sur  les  monuments  funéraires  des  Etrus(|ue8. 

Cette  liypotlièsc  trouverait  une  sorte  de  confirmation  dan-  la 
lutte  d'IIéraelès  contre  If  Satyre  voleur,  pendant  tlu  r'entaur<-  ra- 
visseur de  femme. 

Sans  doute  les  vols  du  Satyre  ont-ils  le  plus  souvent  dans  les  re- 
présentations qui  nous  en  sont  parvenues  une  allure  peu  sérieuse  '.  Mais 
il  semble  que,  dans  l.i  lé;;(ende  primitive,  il  en  était  tout  auti'ement; 
Xous  pos.sédons  en  etl'et  un  doul)let  de  la  légende  de  l'Héraclès  Arca- 
dien  dans  le  récit  des  exploits  d'Argos  Panoptès  ',  qui,  pasteur  de 
bœufs  comme  Héraclès  ^,  comme  lui  tue  un  sanglier  qui  dévastait  l'Ar- 
cadie  et  se  couvre  de  sa  peau  ',  tue  le  monstre  infernal  Rcliidna  qni 
enlevait  les  pa.ssants  comme  Héraclès  détruit  l'Hydre  de  Lerne  '',  met 
enfin  à  mort  «  le  Satyre  »,  Satyros,  qui  tyrannisait  l'Arcadie  et  volait 
les  troupeaux  '',  comme  Héraclès  en  Italie,  selon  les  légendes  grecques 
et  gréco-latines,  tue  Lakin(]s  à  Crotone,  '  Latinos  à  Locres  *,  Cacus 
à   Ronu'  ■'.   un   videur  incninui   sur  le  fameux  vase  de  Capoue  "\ 

'  Siq)r<i.  p.  27,  11.  1.  .Joindre:  u)  S.  Heinach,  Jiép.  V.  P.,  II,  p.  ;!18.  1 
(=  Jaiin,  PhiUiloym,  1868.  p.  18);  —  h)  Arch.  Jahrh..  I.  p.  273,  D. 

5  Apollodore,  Bih}.,  IL  1,  2.  —  Cfr.  v.Wilamowit/.-Môllendorft',  Criech. 
Tra;/.,  Préface  du  Cyclope,  7. 

'  C'est  lui  qni  fut  donné  comme  gardien  à  lô  transfonm-e  en  \aclie. 
CfV.  Ed.  Mcyer,  Forsch.,  l,  p.  78. 

<  \'oii'  Hercule  ooiflë  d'une  dépouille  de  sanglier . "sur  un  q'iaihntif  Ko- 
mano-( 'arapanien  (Babelon,  Hloniiaief  de  In  Jiép.  Romaine,  I,  p.  lit, iv'*  lti-18). 

^  I/hydie,  selon  Hésiode  (  r/ico//.,  813),  est  tille  d'Kcliidn.i,  qui  enfante 
aus.si  Ortluos,  le  chien  infernal  de  (iéryon.  et  Cerbère.  Voir  infm. 

^  Sur  Argo.s-lIéraelés  contre  Satyros,  voir:  Rosrhcr,  I.e.rilttn,  s.  v. 
jSatj/ros,  col.  447. 

"  Diod.  Sic,  IV,  24,  7;  —  Serv.,  ad  Verg.  Aen.,  III,  552. 

*  Conon,  Xair.,  3  (p.  126,  4  sqq.  ■\Ve>term.). 

»  Virg.,  Aeii.,  VIII:  —  Tite-I.ive.  etc.... 

'"  Ânvali  deJriDut.,  XXIII  (1S5I). 


IIBKCI'LE    FlNÉItAIKB  31 

Il  :ipparnit  donc  qu'à  Torigiue  Héraclès  était  aussi  bien  l'eu- 
nciiii  mortel  du  Satyre  qu'aux  temps  classiques  il  Test  du  Centaure, 
Nessus  si  l'on  veut.  Or  le  satyre  chapardeur  des  vases  du  V*™"  siècle 
était  aussi,  et  beaucoup  plus  brutalement,  un  enleveur  de  femmes, 
-"riv.vj.y.rr,;,  qui  tiouvait  devant  lui  Héraclès,  par  exemple  dans 
la  célèbre  coupe  de  Brygos  que  nous  citions  plus  liant:  de  la  même 
façon  (|Ue  le  Centaure  qui  veut  emporter  Déjanire.  Seulement,  au 
fur  et  à  mesure  que  le  Satyre,  pour  des  raisons  littéraires,  devenait 
un  personnage  comique,  ce  rôle  se  trouvait  réservé  aux  Centaures, 
dont  la  face  humaine  prenait  d'ailleurs  au  besoin  les  traits  du  Sa- 
tyre ou  du  Silène  '  :  l'exploit  et  le  châtiment,  qui  primitivement 
étaient  le  lot  commun  de  Satyre  et  du  Centaure,  se  trouvèrent  la 
])art  exclusive  du  dernier. 

A  quoi  mms  ont  conduit  ces  longs  détours?  D'abord  à  ceci: 
que  nous  devons  considérer  les  sarcophages  où  Hercule  lutte  contre 
les  Centîuues  comme  étant  de  caractère  dionysiaque,  malgré  leur 
ap]iarente  contradiction  avec  ceux  où  le  héros  fait  amicalement  partie 
du  thiase  bachique  '.  Mais  ensuite,  et  surtout,  à  la  certitude  d'un 
parallélisme  absolu,  dès  le  VP  ou  le  X'  siècle  a.  C,  entre  l'atti- 
tude d'Hercule  à  l'égard  des  Centaures  et  sa  conduite  avec  les  sa- 
tyres; en  conséquence,  nous  disposons  d'un  instrument  d'investigation 
jilus  puiss  int  i)our  résoudre  la  question  essentielle  ici  :  la  lutte  entre 
Th'vculr  et  les  Çr))i<nires  fi-t-i'lle  idie  râleur  funéraire  pre'cise?  En 
effet,  les  documents  relatifs  aux  Satyres  funéraires  nous  aideront  à 
interpréter  ceux  qui  concernent  les  Centaures  funéraires:  secours 
non   négligeable  dans  un   problème  aussi   délicat. 


'  Siiprn,  p.  :>0,  n.  7.  Voir  surtout  lAuipliore  de  Caeré  {Bidl.  Inst., 
ISSI.  ]).  Ifi4  S(i.  Déjà  citée),  où  Nessus  (?)  a  une  tète  de  Silène  ar- 
chaïque. 

^  Sans  exclure,  bien  entendu,  la  possibilité  d'une  évolution  différente. 
et  même  divergente,  des  deux  thèmes. 


;-52  iiKiiri;i,E  f-i'.\f;iiAiUK 


4.    I.r   prohlrmo  dr   lu    «  iiiif/irr   hi/'rnirilr  »   dfS  f'PDliiurns. 

La  questiou  du  rûle  infernal  des  ('entaures  a  été  débattue  avee 
une  extrême  incertitude  par  Roscher-Tumpel  ',  qui,  après  avoir  ac- 
cumulé des  docuuieuts  très  mêlés,  concluent  à  l'existence  d'une  obs- 
cure légende  italo-étrusque  ;  plus  récemment  par  Ed.  Norden  ",  qui 
rejette  la  conclusion  de  Uosclier  et  aflirme  q\ie  «  toute  la  pensée  est 
jrrecque  »  ;  et  par  Korte  '',  qui  indiqui'  un  point  de  départ  voisin 
du  nôtre,  mais  d'une  telle  généralité  i|n'aufune  conclnsinii  jirécise 
ne   ]tiMit  en  être  espérée  '. 

Tous  trois  ont  peut-être  en  tort  de  se  tenir  de  fro|)  près  au 
texte  célèbre  de  Virgile,  qui  place  les  Centaures  dans  le  vestibule 
des  Enfers  ".  Ces  vers  ont  bî  mérite  d'éliranler  riraaginatiou  et  de 
nous  contraindre,  pour  ainsi  dire,  à  poser  la  question.  Mais  ils  ne 
sont  qu'un  document  au  milieu  d'une  foule  d'autres  qui  s'y  ratta- 
chent de  plus  ou  moins  loin,  et  qui  doivent  être  systématiquement 
groupés,  si  l'on  vent  essayer  de  se  reconnaître  dans  les  conceptions 
très  variées  et   très   cliangeaiites   de  l'eschatologie    gréco-italique  '. 

'  Roschcr,  Le.riloii.  II.  1,  col.   10.'i4-105li. 

-   Verg.  Aen.,  \l°,  p.  21ô  sq. 

'  Lettre  citée  par  Ed.  Norden,  op.  cit.,  p.  215. 

■•  II  se  contente  de  rappeler  que  les  Centaures  sont  originairement 
très  voisins  des  Silènes  ioniens  à  pieds  de  chevaux,  qui  sont  la  suite  du 
Dionysos  souverain  des  ombres.  Nous  avons  montré  que  les  Satyres,  cou- 
fondus  avec  les  Silènes,  avaient  eu,  danf:  les  temps  historiques,  une  car- 
rière ])arallèle  à  celle  des  Centaures,  dans  leurs  rapports  arec  Héraclès. 

''  Virg.,  Aen.,  VI,  289  sq,  —  Imité  par:  Stace,  Théh.,  10,  i>34  et 
Sih:.  V,  .-i,  277  sqq.;  et  Sénèque,  Herc.  fur.,  782  sqq. 

'■  C'est  dire  (pie  ne  peuvent  nous  contenter  ni  les  aftiruiations  de 
M.  Betlie  {l'atdij-Vissoira,  s.  v.  Kentanren,  col.  174,  28-4.'5|  qui  se  tire 
d'aft'aire  en  niant  purement  et  simplement  que  Silène  ou  Centaure  aient 
Jamais  joué  un  rôle  funéraire,  et  en  taxant  Virgile  d'imagination  poé- 
tique, sans  d'ailleurs  apporter  aucune  discussion  de  ce  qu'il  critique  ni 
aiu'uue  preuve  de  ce  qu'il  avance  ;  —  ni  le  raisonnement  de  M.  B.  Schw  ei- 
tzei-   (  Héraclès,  p.  80   et   105   sq.)  qui,   se   fondant   sur  le  '  fait    rai)porté 


HKKtTLE    FII.NEKAIKE  àr, 

Que  n'.-i  ton  reiii;iri|ué  d'abord  les  contriulk-tioiis  ronstantes  dans 
la  foule  des  légendes  helléniques  relatives  aux  Centaures?  Cette 
race,  selon  Pindare  également  odieuse  aux  hommes  et  aux  dieux  ', 
(et  c'est  le  caractère  même  des  êtres  infernaux,  en  particulier 
d'Hadès),  a  cependant  fourni  l'éducateur  des  héi'os  fils  des  Olym- 
piens unis  aux  mortelles,  et  celui  qui  re<;ut  avec  tant  de  bienveil- 
lance dans  sa  caverne  Héraclès,  le  héros  presque  dieu.  —  Cette  race 
vonée  à  la  mort,  cette  race  exterminée  comme  pourrait  l'être  u'em- 
porte  quel  groupe  humain  (et  pourtant  elle  est  d'origine  divine), 
a  pour  suprême  représentant  un  être  immortel,  Chiron.  —  Et  cepen- 
dant cet  immortel  est  rélégué  aux  Enfers;  et  de  pitoyables  légendes 
cherchent  à  expliquer  gauchement  pourquoi  il  y  est,  après  on  ne 
sait  quel  pacte  avec  les  Erynnies  -.  —  Que  n'avouentelles  (ce  serait 
plus  simple)  qu'il  n'y  a  point  de  différence  essentielle  entre  Chiron 
et  les  autres  Centaures,  que  tous  sont  immortels,  mais  démons  in- 
fernaux ?  Ainsi  s'expliquerait  qu'au  lieu  d'avoir  les  traits  des  Sa- 
tj'res  ou  des  Silènes,  on  en  trouve  qui  présentent  la  face  horriljle 
de  la  Gorgone  ',  de  même  qu'ailleurs  on  voit  la  (iorgoue  infer- 
nale *  sous  la  forme  d'une  Centauresse  °. 

par  Elien  (  l'or,  hint.,  IX.  IG)  que  le  Centaure  Mares,  ancêtre  des  Anso- 
uiens,  avait  trois  âmes,  ce  (jui  le  rapproche  en  effet  des  êtres  infernaux 
multiples  et  en  iiarticnlier  de  Géryon  (voir  infra),  a  voulu  conclure  de 
cet  indice  fragile  an  caractère  funéraire  des  Centaures  en  Italie  ;  mais 
la  donnée  d'Elien  est  insuffisante,  et  le  raisonnement  de  M.  Schweitzer, 
très  oblique,  n'est  pas  tonjours  convaincant. 

'  Pindare,  J'illh..  Il,  SO:  70V0-...  yj^'li  à'-Spi-îi  •(ifanoip-.u  sûr  |  1-1 
HiÙ-i   ■/i./.5i;. 

'  Àpollodore.  Bibl.,  II.  h.  4. 

^  Scarabée  archa'unie.  Cfr.  Miiller-Wiesi'ler,   T).  a.  K.,  1,  n"  324. 

■*  Infernale  déjà  dans  Homère,  Od.,  "',  fi.U. 

^  Vase  béotien  à  reliefs  du  Louvre.  Voir  L.  Malten,  lJ(i<t  Pferd  iin  To- 
teiHjlaiibeii,  Arch.  Jahrh..  XXIX,  1914,  p.  182,  fig.  3.  —  M.  Malten  sup- 
pose que  Méduse,  primitive  déesse  infernale  et  chevaline,  ne  fut  introduite 
que  plus  tard  dans  le  cercle  des  Gorgones  non  chevalines  il.  c,  p.  181-184i. 
Mais  le  texte  d'Homère  et  le  scarabée  cité  supra  rendent  l'iiypotlièse  à  la 
fois  inutile  et  aventureuse.  —  Cfr.  deux  scarabées  grecs  d'influence  pliéni- 

méhimiei  <rArch.  et  fVHii^t.  iii2i.  3 


.il  llKlilILK    KINI^ItAlliE 

CiiiniiK'iit  sr  l'ait  il  i-iicore  (|uc,  voues  primitivement  aux  eaux 
pures  (les  ora;;es  et  des  SiUirces  Jailliss;iiites  ',  on  les  trouve  ailleurs 
rélé;i:ués  dans  l'Iiumidc  o'iscurité  du  chaos":  mieux  encore,  liés  au 
llux  des  l'Miix  suiruriMi>i's  à  l'impure  odeur  de  cadavre  ^,  qui,  aux 
yeux  (le  tiiiitc  l'Antiquité,  étaient  d'origine  infernale?  —  Et  comment 
exi)li(iiicr  ciiliii  nm-  le  sang  de  Xessus  soit  un  poison  mortel  aux  pro- 
digieux effets  ',  tandis  que  la  mystérieuse  Centaurée  (  KevTZ'jp i;  -oir.) 
ressuscite  les  morts  et  fait  revenir  vivant  de  l'Hadès  sans  retour?  ^. 

Ce  sont  là  autant  d'indices  d'une  doulile  nature  des  Centaures, 
avec  prédominance  nette  du  caractère  infernal,  surtout  peut-être  en 
Orient,  où  ils  semblent  se  trouver  mêlés  à  la  démonologie  vulgaire  ''. 
Mais  ce  double  caractère  explique  avec  une  parfaite  netteté  qu'aux 
temps  classi(|ues  Héraclès  se  montre,  comme  nous  l'avons  vu,  tantôt 
leur  ami,  taiitiit  leur  adversuire.  selon  qu'ils  sont  des  demis-dieux 
bienfaisants  ou  des  démous  funestes.  Quant  à  savoir  huiuelle  des 
deux  fonctions  leur  fut  attribuée  d'abord,  c'est  ce  qui  échappe  to- 
talement à  notre  reclierelie. 


cienne,  provenivit  sans  doute  d'Etriiiie:  la  Gorgone  ailée,  à  corps  de  che- 
val, tient  sur  l'un  un  lion,  sur  l'antre  un  sanglier  (Fnrtwiingler,  Ant.  Gem- 
vieil,  pi.  VH,  39  et  40  =  Micali,  .S'<onn. ..,  pi.  46.  18  et  17):  tous  deux 
semblent  dater  du  VI'    siècle. 

I  Siqjia,  p.  19. 

-  Bérose,  f'rngm..   I,  4   (Millier}. 

^  Pansan..  V,  5,  10;  —  Philon.  -i?-.  i..'ii:7..i:  Ki-j.:j,  I  (Bernays). 
—  Textes  réunis  par  Kosclier,  loc.  cit. 

*  Voir  Sophocle,  Trach.,  688  sqq.  ;  —  Sénèque,  Herc.  oei..  720  sqq. 

■"'  Nonnos.  Dioiiys..  XXXV,  63.  —  Chiron.  selon  certaines  légendes, 
ressuscite  Actéon  et  i)eiit-êtrc  Iliiipolyte  >.  Rfinach,  Aicliit:  f'iir  Heli- 
gionsicis.,  X,  1907,  p.  fil). 

''  Voir  la  platpie  de  bronze  archaïque  d'01ynq)ie  (Uoscher.  Le.rikon, 
s.  V.  Keiitduren,  1047,  fîg.  4):  en  ipiatre  registres  de  haut  en  b:\s:  trois 
oiseaux:  deux  gritî'ons  affrontés  :  Héraclès  tirant  sur  un  Centaure  i|ui 
s'enfuit:  Artémis  «  persique  •  entre  deux  lions  qu'elle  tient  la  tète  en 
bas.  Cette  tigure  rappelle  celle  d'Ishtai-,  la  déesse  infernale  des  Babylo- 
niens: les  gritt'ons  ont  aussi  un  caractère  funéraire.  —  Cfr.  les  Onoeen- 
taures  en  .Judée,  sorte  de  démons  infernaux  iRoscher,  loc.  cil.]. 


HERCULE    FUNERAIRE  35 

Les  Centaures  pénétrèrent  en  Italie  sans  doute  par  plus  d'une 
voie;  mais  ils  ne  semblent  avoir  connu  une  réelle  popularité  que 
dans  deux  domaines:  la  Campanie  et  IKtrurie  '.  De  prétendre  avec 
Elien  '  qu'ils  furent  naturalisés  dans  la  péninsule  parce  que  Mares, 
père  des  Ausoniens,  avait  la  forme  d'un  Centaure,  c'est  une  plaisan- 
terie. Il  est  naturel  d'attribuer  leur  introduction  en  Campanie  aux 
colons  locriens  fondateurs  de  Cunies  '  :  quant  aux  monuments  étrus- 
ques, dont  quelques-uns  remontent  fnrt  haut,  ils  n'excluent  pas, 
tant  s'en  faut,  la  possibilité  d'influences  orientales. 

Telle  quelle,  la  légende  italique  des  Centaures  est  d'une  pau- 
vreté stupéfiante:  dans  les  termes  où  la  connaissait  Lycopliron, 
elle  se  bornait  à  dire  que,  chassés  de  Thessalie  par  Hercule,  ils 
avaient  traversé  la  Tursénie  et  s'étaient  réfugiés  dans  l'ile  des  Si- 
rènes, dont  les  chants  les  avaient  fait  mourir  ''.  Intéressante  ce- 
pendant à  divers  égards:  d'abord  en  ce  qu'elle  rattache  (gauclie- 
mentj  l'aventure  des  Centaures  :'i  l'histoire  d'Héraclès  ;  —  ensuite 
en  ce  qu'elle  ne  peut  citer  aucun  épisode  de  leur  vie  terrestre  en 
Italie  "^  ;  —  enfin  en  ce  qu'elle  s'applique  à  lier  matériellement, 
par  la  course  fuyante  des  Centaures,  les  deux  seules  régions  où 
nous  les  voyons  bien  connus  '".  Cette  légende  a  donc  tous  les  ca- 
ractères d'une  création  mixte,  d'un  échafaudage  pénible;  sa  mes- 
quinerie s'en  aggrave  d'autant:  il  devient  sensible  que  les  Cen- 
taures n'ont  pas  eu  d'existence  active  sur  le  sol  italii|ue. 

'  La  Sicile  ne  semble  pas  s'être  beaucoup  occupée  d'eux.  Cfr.  cependant 
la  comédie  dEpichanne,  'Hpaz.Àr;  -api  'I'oam,  témoignage  littéraire  en  con- 
cordance, malgré  ([uelque  retard,  avec  rimagcrie  aftique  de  cette  légende. 

-  Elien,   Vai:  hist.,  IX,   16. 

'  Roscher,  Le.rH:nn,  s.  v.  Kciitaureii,  col.  1044  s((. 

*  Lycophr.,  .4Zc./-.,  670,  et  Tzetzes,  ad  loc.  —  Cfr.  Ptoléinée,  Xor.  hirif. 
ô,  p.  192,  22  (Westenn.):  Apollodore,  Bibl,  II,  5,  4. 

^  Les  monuments  figurés  non  plus  ne  nous  permettent,  d'en  recons- 
tituer aucun. 

""  L'île  des  .Sirènes  est,  selon  toute  vraisemblance,  une  création  Cn- 
méenne. 


36  IIKKCILE    FlNI^;i{AIKK 

Il  n'y  ont  pas  vécu:  mais  ils  y  sont  morts.  Kt  de  quelle  mort! 
Il  vaudrait  mieux  appeler  eela  une  disparition.  Car  enfin  l'île  des 
Sirènes  peut,  par  telle  eolonie  ^reeque,  être  localisée  en  un  point 
déterminé  de  la  côte  italienne.  Mais,  mytliiquement  parlant,  c'est 
une  ile  infernale  du  lontain  Occident;  '  les  Sirènes,  tous  les  Grecs 
le  savent  Cet  leurs  discijiles  italiens),  sont  des  démons  qui  attirent 
les  hommes  aux  ;,ninfl'n's  inrcrnaux:  Ulysse  est  trop  connu  dans  ces 
parages  pour  (lUc  nul  on  i^omi-e.  Et  si  quelqu'un  l'tait  tinte  d'ou- 
blier ce  que  signifient  au  juste  ces  «  îles  occidentales  »,  on  lui  rap- 
pellerait, et  le  jardin  des  Ilespérides.  et  les  lies  des  liérns  liienlien- 
reux.  et  rRrytliic  du  tri)ilc  (Ji'ryon.  pasteur  (ril.idi's  :  on  lui  «lirait 
((ue  la  rJorgone  infernale  aussi  habite  une  île  <<  océanique  »  ',  et 
de  nirine  les  (larpyes  ^.  Et  il  serait  sans  doute  amené  à  se  demander 
])iiui'(iuoi  dans  la  légende  it.iliote  l'île  des  Sirènes  devient  aussi 
l'ile  (les  Centaures?  Au  juste,  les  Satyres  eux  aussi  n'habitent-ils 
]ias  de  lointaines  iles  occidentales,  qui  portent  leur  nom  ^  ?  Mais 
tandis   (|iie    les    S.-ityres   y     vivent     leur    lihi'e    vie    dinnysiai|iie,     les 


'  Alix  contins  du  monde,  cest-à-dire  :'i  l'entrée  de  l'iladès:  Voir 
l'Iaton,  Cmti/I.,  403  D.  Cfr.  L.  Malien,  .-trc/i.  Ja/irft.,  X.MX.  l!ill.  p.  239. 

'  A.  Fnrtwiingler,  liosfliers  Le.ril-on.  s.  v.,   Itiilô. 

'  (iardieniies  de  rArliie  des  Ilespérides,  selon  certaines  traditions. 
Cfr.  ().  Kern,  De  Orphei  theorinniis,  p.  88,  (cité  par  E.  Norden,  Vrni. 
Aeii.,   \'I-,  p.  215). 

■*  Stiabon,  X,  466.  —  Même  si  l'on  admet  que  c'est  là  une  anecdote 
!îéographi(iue  et  rationaliste  provenant  de  navigations  assez  tardives,  il 
resterait  à  se  demander  pounpioi  les  navigateurs  ont  tronvé  des  satyres 
dans  ces  parages,  et  pourquoi  ils  ont  répandu  l'historiette.  Le  moins 
qu'on  eu  puisse  dire,  c'est  ([u'ils  s'attendaient  à  tontes  sortes  de  mer- 
veilles en  approchant  des  contins  occidentaux  autrefois  hantés  par  Dio- 
nysos (Lucien.  Ver.  hist.,  \.  7,  jiarle  d'une  île  occidentale  où  ont  abordé 
seuls  Dionysos  et  Héraclès).  Mais,  plus  proliableiuent.  ils  comptaient  at- 
teindre soit  les  jardins  des  Ilespérides.  soit  un  quelconque  paradis  dio- 
nysiaque. Martianus  Capella,  (]ui  place  les  Ilespérides  à  l'extrémité  de 
rAfri(pie,  fait  du  Mont  Atlas  ce  petit  tableau...  fantaisiste,  mais  pit- 
toresque: <i  Per  diem  silet,  nocte  et  ignibus  micat;  tibiis,  fistnlis,  cym- 
halis  tyuipanisque  percrepat,  Satyris  Aeyipanisqiie  bacchantibus'  (VI,  667). 


HERCULE    FUNÉRAIRE  37 

Centaures  n'atteignent  à  l'ile  (les  Sirènes  que  pour  y  mourir; 
oui  certes  :  mais  pour  y  mourir  à  force  d'entendre  des  chants 
mélodieux,  ce  qui  était  considéré  comme  une  jouissance  para- 
disiaque. 

Nous  voilà  conduits  à  nue  contradiction  claire,  mais  inextri- 
cahle.  Eu  effet,  ne  possédant  aucune  autre  forme  de  la  légende, 
nous  ne  pouvons  expliquer  comment,  de  modification  en  modifica- 
tion, elle  a  pu  aboutir  à  une  telle  absurdité  ou,  si  Ton  préfère, 
incohérence.  On  voit  bien  qu'à  un  moment  donné  en  Italie  (sans 
doute  en  Campanie)  les  Centaures,  inexistants  sur  terre,  se  sont  trouvés 
lie's  aujc  Sirènes,  êtres  infernaux  ;  on  soupçonne  qu'ils  ont  eu,  pour 
ces  populations  occidentales,  un  rôle  funéraire  plus  accentué  du  fait 
que  leur  rôle  terresti-e  était  plus  réduit,  tandis  qu'en  Grèce  la 
distinction  n'avait  jamais  été  nette  :  et  c'est  tout. 

Les  mêmes  difficultés  se  représentent  lorsqu'on  serre  d'un  peu 
près  les  textes  littéraires  que  certains  critiques  ont  invoqués  pour 
prouver  le  rôle  infernal  des  Centaures.  Virgile  '  a  placé  dans  le 
«  vestibule  »  des  Enfers  les  Centaures,  les  Scyllas,  Briarée,  l'Hydre 
de  Lerne,  la  Chimère,  les  Gorgones,  les  Harpyes  :  mais  ce  sont  des 
ombres.  On  part  de  là  pour  affirmer  que  les  Centaures  figurent  dans 
cette  liste  comme  pourraient  le  faire  des  morts  quelconques  ;  donc 
qu'ils  n'ont  aucun  nde  funéraire.  Mais,  pour  la  moyenne  des  ima- 
ginations populaires,  les  Gorgones  (sauf  Méduse)  et  les  Harpyes 
continuaient  à  exister  et  à  enlever  les  morts:  de  même  Scylla  ; 
taudis  que  la  Chimère  et  l'Hydre  avaient  été  tuées  de  fait.  Le  texte 
de  Virgile  ne  prouve  donc  rien,  puisque  le  poète  a  modifié  de  parti- 
pris  les  croyances  communes  de  son  temps.  Il  a  voulu  symboliser 
à  l'entrée  des  Enfers  la  destruction  des  monstres,  infernaux  ou  ter- 
restres, par  les  héros  bienfaisants.  Mais  cela  ne  préjuge  pas  la  double 
question  qui  nous  intéresse:  parmi  ces  monstres,  les  Centaures  sont-ils 

'  Virg.,  Aen.,  VI,  âS;')  sqq. 


38  HERCIXE    KI'NKKAIUE 

iiitVi'ii.uix  OU  teri'f.-ftrcs  ?  Etaient-ils,  avant  Virjjile.  placés  à  l'entrée 
des  Knfers,  selon  des  croyances  ])lus  ou  moins  populaires  '  ? 

Les  vers  de  Sénèque  ne  sont  pas  plus  clairs ',  sauf  en  ceci  que 
les  Centaures  «  émergent  »  de  la  foule  anonj'me  des  morts,  comme 
s'ils  étaient  caractéristiques  du  lieu,  comme  l'Hydre,  dont  la  nature 
infernale  est  bien  assurée  '.  Mais  la  présence  des  Lapithes  vient 
confondre  toute  certitude. 

Et  il  y  a  pire  incertitude  dans  les  deux  passaj^es  de  .Stace  que 
l'on  iuviKiuê  pour  le  mènie  olijet:  l'un,  en  effet,  fait  des  Centaures 
de  vaines  ombres,  parmi  celles  des  monstres  punis,  tont  en  laissant 
entendre  que  ces  monstres  api)artiennent  en  propre  à  l'Ercbe  '  : 
tandis  que  l'autre  groupe  nettement  les  Centaures  avec  Cfrbère. 
l'hydre  et  Scylla,  comme  des  êtres  «  diaboliques  »  attachés  à  la 
punition  des  coupables,  et  qui   s'écartent  devant  les  morts  justes  \ 

Ces  textes  nous  laissent  dans  l'état  pénible  d'un  homme  qui 
ferait  toujours  le  même  rêve,  en  prévoirait  sans  cesse  la  conclusion. 
et  dont  les  idées  se  confondraient  régulièrement  au  moment  où  la 
solution  est  ])rocl]e.  Nous  avons  l'impression  que  les  trois  poètes, 
travaillant  sui-  une  matière  commune  fon  ne  ])eut  dire  en  effet  que 
Sénèque  et  Stace  siiin-nt   Virgile,   puisque  les  trois  conceptions  dif- 


'  Le  texte  du  l's.  l'iatoi-.  A.'iochos.  III.  pouir.iit  faire  penser  que 
les  Grecs  unissaient  les  Centaures  à  Scylla,  comme  monstres  infernaux: 
«  C'est  comme  si  Axioehos  craignait  Scytla  on  ii»  Centaure,  qui  n'existent 
pas  à  présent  et  qui  n'existeront  pas  non  plus  aprrs  s«  mort'. 

•  Sen.,  Herc.  fur.,  782  sqq.  —  Hercule  tra\ersc  le  Létlié  dans  la 
barque  de  Charon:  «  Tune  u.asta  trépidant  monstra.  Ceiitauri  truces.  |  La- 
pithaeque  multo  ad  bella  succensi  mero...»,  puis  l'Hydre  de  Lcrne. 

'  Cfr.  E.  Norden,   Verg.  Aen.,  VP,  p.  215  et  275.  Voir  infra. 

*  Stace,  Théb.,  IV,  534  sqq.:  «  Quid  tibi  monstra  Erebi,  Scyll.^s,  et 
inane  furentes  |  Centauros,  solideque  intorta  adamante  gigantum  |  uincula. 
et.angustam  centeni  Aegeonis  uuibramV».  —  C'est  à  peu  près  la  con- 
ception de  Virgile,  moins  iiomogène  cependant,  parce  que  les  deux  ca- 
r.ictères  contradictoires  sont  exagérés  chacun  dans  son  sens. 

^  Stace,  .S'(7t\,  V,  3,  277:  <  Nidlo  sonet  asper  ianitor  ore  |  Centan- 
rosque  hydraeque  grèges  Scyllaeaiiue  monstra  I  aue^ae  cèlent  valles  ». 


HERCtrLE    fUXKRAIRE  39 

forent  entre  ellesj,  ont  interprété  selon  leurs  propres  idées  philc- 
sriphiques  et  l'à-propos  momentané  de  leurs  œuvres  des  données 
pi>piil:iirês  dont  ils  ne  voulaient  pas  se  faire  les  complices,  ([uoiqu'ils 
fussent  séduits  par  leur  caractère  poétique.  Mais  ce  n'est  là  qu'une 
impressiiin. 

5.   Lr   rôle  fuiii'fiiivf  drs   C'eiifaiires. 

La  clarté,  ce  qui  paraîtra  sans  doute  singulier,  vient  des  mo- 
numents étrusi|ues:  en  particulier  des  urnes  funéraires  si  nombreuses, 
surtout  à  Volterra.  et  classées  dans  le  grand  recueil  de  Brunn- 
Korte  '. 

Un  premier  point  luirs  de  doute,  c'est  que,  sur  ces  monuments, 
les  Centaures  se  trouvent  fréquemment  groupés  avec  des  êtres  in- 
fernaux :  Gorgone  '"  ;  Scylla  '  ;  la  Chimère  '  :  enfin  le  Sphinx,  Charon 

'  Brunn-Koite,  I  r/licri  délie  Urne  etnisclie,  II,  p.  15ô-17l.i  et  pi.  LXflI 
à   I.XXIII. 

-  .leunes  Centaures  de  part  et  d'autre  d'une  tête  de  Gorgone  sur  deux 
urnes  de  Montepulciano  au  Musée  de  Palerme  (Brunn-Kôrte,  II,  pi.  LXIV, 
4  et  5).  —  Pour  le  caractère  funéraire  de  cette  représentation  en  Etrnrie, 
on  comparera  les  urnes  de  Volterra,  n"'  88,  39  et  42,  où  figurent  des 
tètes  de  Gorgones  à  ailettes,  rapprochées  d'une  urne  (sans  n°)  du  même 
Musée,  où  se  voit  à  la  même  place  un  démon  femelle  ailé,  des  ailettes 
aux  clieveux,  tenant  une  épée  et  assis  sur  un  rocher:  thème  funéraire 
fréquent  (le  plus  souvent  le  démon  est  de  caractère  marin  et  enlève  un 
homme).  —  Ce  groupement  et  sa  signification  peuvent  d'ailleurs  venir 
de  la  Grèce  archaïque  (voir  supra,  p.  33  et  n.  5):  limportant  ici  est  de 
voir  (praux  temps  classiques,  et  en  Italie,  il  n"a  rien  perdu  de  son  sens, 
au  contraire. 

■'  Roseher,  LexiliOH.  s.  v.  Kentauren,  1055.  Le  démon  marin  enle- 
vant le  mort  est  fréquent  sur  les  urnes  de  Volterra  :  voir  par  ex.  n°  392  ; 
un  curieux  Sej'lla  mâle  sur  les  urnes  n""  71  et  449.  —  Scylla  a  un  ca- 
ractère infernal  déjà  dans  Homère  {Od.,  /,  100)  ;  cfr.  E.  Norden,  Verg. 
Aen.,  VP,  p.  215,  et  supra,  p.  37. 

■•  Roseher,  Le.ril-ori.  s.  v.  Kentauren^  1055  ;  cfr.  id.,  Gorgotien,  p.  28  sqq. 
—  Pour  le  caractère  infernal  de  la  Chimère,  voir:  Usener,  De  Iliadis 
carminé  quodam  Phocaico  (Bonn,  1875),  p.  40  ;  Ettig^  Acheruniicn,  Leipz. 
Si.  z.  class.  Phil.,   XIII.  p.  336;  E.  Norden,  op.  cit.,  p.  215.  Textes  exprès- 


40  IIKRCL'LE    KINÉKAIKK 

et  une  Furie,  mir  une  urne  (|ui  sciiilili'  vouloir  cumuler  tous  les 
thèmes  funéraires  possibles  '. 

Il  arrive  d'autre  part  (jue,  sur  ces  urnes,  les  thèmes  de  la  lé- 
gende grecque  soient  repris,  mais  avec  des  modifications  expressives. 
C'est  ainsi  que  la  Centaurouiacliie.  à  laquelle  une  ciste  italique  ' 
donne  une  forme  déjà  extrêmement  vague  et  générale,  parait  repré- 
sentée, au  mépris  des  traditions  grecques,  comme  la  lutte  de  plu- 
sieurs hommes  contre  un  seul  Centaure  ',  ou,  si  l'on  préfère,  comme 
le  sauvetage  d'un  homme  des  mains  ennemies  du  Centaure;  sans 
(|ue  l'amphore  qui  y  figure  fasse  aucunement  allusion  au  pitlios  de 
Plmlos.  comme  lr  prouvent  et  sa  position  et  sa  présence  dans  quau' 
tité  d'autres  moiniMiciits  du  même  genre  où   il  ne  saurait  en    êti'e 

sit's  de  Lucien,  Dial.  invrl.,  30,  1  ;  Meiiipp.,  13  sq.  —  Sur  le  uiênie  mo- 
nument, avec  le  Centaure  et  la  Cliiuière  se  voit  une  fomuie  ailée  qui  est 
soit  Gorge,  soit  Aitémis  persi(iue.  Cette  déesse,  très  ré])andne  en  Ktrurie 
sous  la  forme  de  la  lloTna  'jt.owv,  et  dont  les  origines  orientales  ne  sont 
pas  douteuses  (Fr.  l'oulsen,  Der  Orient  iiml  die  fmligriech.  Kunst,  p.  113 
sqq. I.  figure  elle  uiême  dans  des  représentations  peut-être  funéraires 
(Diadèmes  en  or  de  Kiev:  luttes  de  cavaliers  contre  des  Griffons  et  Ar- 
témis  pcrsique:  Arch.  Ameig.,  XXXIII.  lOlS,  p.  UOs(|q.  —  Cfr.  Gerhard, 
Etiuskische  Spieyel,   pi.  243  .A.  :  .\rtéinis  persique  et  Gorgone. 

'  De  Volterra  (Hrunn-Ktirte.  II,  pi.  LXIII,  3).  Petites  faces  :  «)  Cliaron 
et  Furie,  chacun  tenant  un  serpent,  de  part  et  d'autre  d'un  objet  droit, 
peut-être  un  eippe  funéraire;  b)  Spliin.x  terrassant  un  homme  et  tournant 
la  tête  vers  un  oiseau.  Face  principale:  Centaure  luttant  {?)  contre  un 
serpent.  —  La  lutte  d'un  démon  infernal  contre  le  serpent  se  comprend 
très  bien  même  à  côté  d'autres  démons  ayant  le  serpent  comme  attribut: 
car  le  serpent  funéraire  représente  aussi  bien  le  dieu  infernal  que  le  mort 
(0.  Seiffert,  Die  Totenschlange  auflakotiisvhen  Keliefn).  De  la  même  façon 
le  griffon  est  figuré  sur  un  sarcophage  dévorant  un  serpent  (C.  Robert, 
III,  2,  166  a  et  b). 

■  Cari  .lacobsen,  N;/  Carhbeiy  Ghjptothel;,  Hclbiij  Museet.  4.  81.  p.  'iH. 

^  Brunn-KOrte,  II,  pi.  LXVII,  2:  Deux  centaures  dos  à  dos  assaillis 
par  deux  guerriers;  sous  chacun  «Veux  un  jeune  homme  en  bonni.-t 
phrygien  terrassé;  entre  eux  deux,  une  amphore  pointue  renversée.  — 
Id..  [b..  II,  pi.  LXVII,  1:  Un  homme  terrasse  le  centaure,  un  antre  ac- 
court: un  troisième,  clevant,  semble  fuir:  devant  lui,  une  amphore  de- 
bout. —  La  représentation  de  la  première  urne  doit  être  considérée  comme 
double  et  symétriiiue. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  41 

question  '.  De  même  le  mythe  de  Nessus  est  modifié  de  la  façon  la 
plus  singulière  :  si  parfois  il  arrive  que  soit  figuré  assez  nettement 
Hercule  délivrant  une  femme  des  mains  du  Centaure  ',  ici  encore, 
comme  dans  les  représentations  précédentes,  le  Centaure  est  isolé 
et  il  a  plusieurs  adversaires  :  fait  si  remarquable  que  les  éditeurs 
de  la  seconde  y  voient  «  Hercule  introduit  dans  une  Centauroraachie, 
on  ne  sait  pourquoi  »  ^.  Disons  simplement  que  le  mythe  de  Nessus 
a  été  généralisé  par  les  sculpteurs  étrusques  pour  devenir  le  thème 
du  Centaure  enleveur  de  femme  assailli  par  les  héros,  nous  serons 
plus  près  de  la  vérité  :  à  preuve  d'autres  urnes  de  même  genre, 
mais  où   manque   Hercule  '. 

Ainsi  les  Etrusques,  en  reprenant  les  images  des  Grecs,  ne  les 
comprennent  plus  comme  illustrations  de  légendes  précises.  Hs  gé- 
néralisent ;  et  toujours  dans  le  même  sens.  Des  aventures  aussi  dif- 
férentes à  l'origine  que  celles  de  Pholos  et  de  Nessus  fpeut-ètre 
contaminée  par  celle  d'Eurytion)  deviennent  une  seule  et  même 
chose  :  l'homme  (ou  la  femme)  tombé  aux  mains  du  Centaure  tt 
délivré  par  l'intervention  du  héros,  qui,  loi'squ'il  se  précise,  est 
Hercule.  Que  ces  représentations,  par  leur  généralité  même,  puis- 
sent avoir  un  sens  symbolique,  cela  est  assez  clair;  mais  la  dé- 
monstration n'en  sera  possible  qu'après  examen  d'antres  monuments. 

Car  le  Centaure  apparaît  d'urdinaire  sur  les  urnes  étrusques 
dans  une  tout  autre  position.  11  est  seul,  toujours,  et  triomphe  à 
la  fois  de  plusieurs  ennemis  ''.  Les  (Jrecs  ne  connaissaient  rien  de 
semblable.  Or  quand  ou  voit  les  peuples  italiques  innover  dans  des 
représentations  d'origine  hellénique,  on  doit  y  porter  une  extrême 

'  Voir  par  ex.  Biunii-Kôrte,  II,  pi.  LXIII,  2:  Jeune  Centaure  cou- 
rant au-dessus  d'une  amphore  renversée.  Voir  infra. 

2  Urne  de  Chinsi  (BiiU.  7)i,s/.,  1S59,  p.  162);  —  Urne  de  Pérouse 
(Brunn-Korte,  II,  pi.  LXXI,  9). 

'  Brunn-Korte,  ad  loc.  cit. 

<  Brunn-Korte.  II,  pi.  LXXI,  10  et  11. 

'"  Brunu-Korte  (II,  pi.  LXIX   sqq.)   en   comptent  seize   exemplaires. 


4Z  IIEKITI.K    Fr.NKUAlHE 

attention.  Mais  il  y  :i  plus.  Ce  tiième  du  Centaure  vainqueur  de 
])luHienrs  adver.sairi-s  se  trouve  mêlé,  d'étrange  façon,  au  mythe 
d'Oonomaos  sur  deux  urnes  de  Volterr.i  '.  Ce  mythe  e^lt  Tun  des  plus 
expressifs  de  la  scnlplure  funéraire  romaine:  il  représente  à  la  fois 
l.i  soudaineté  et  la  vulgarité  des  accidents  mortels,  et  renchainement 
des  eatawtro])lios  entraînées  l'une  par  r.-iutre.  L'introduction  dans 
une  pareille  scéni'  du  Centaure  tricini])liant  ne  tiguretelli-  pas  la 
\Lctoire  d'IIadès  et  la  vastf  déruute  des  iionimes  devant  la  mort  ! 
Simple  hypothèse  encore.  —  Voici  d'autres  urnes  où  se  voit 
le  Centaure  seul  fou  deux  Centaures  symétrii|tu's,  ce  qui  revient 
au  même)  enlevant  une  femme  "'  (|ui,  dcirdiii.iire,  ronseiil  à  soir 
enlhement':  plusieurs  fois  le  Centaure  tient  une  palme.  Kt  le 
sens  funéraire  de  ces  représentations  est  attesté  soit  par  la  présence 
de  la  patère  oinbili(|uée  '.  soit  par  les  représentations  annexes  du 
;;rifl"on  hippocampe  ',  suit  i)ir  le  groupement  complexe  de  divers 
éléments  sur  l'une  de  ces  urnes.  Ou  y  voit",  entre  les  deux  Cen- 
taures barbus  qui,  dos  à  dos,  et  reposant  chacun  sur  une  grande 
amphore,  enlèvent  des  femmes,  un  jeune  homme  assis  de  face,  une 

'  HninnKiirlp,  II,  pi.  LW'III,  3  et  4.  —  Ce  i)Oiiiiait  être  nue  bévue 
du  sculptcui-:  un  sarcopliage  romain  du  Louvre  (^74  ex-Boighèse)  figure, 
devant  le  chai-  dOenomaos,  un  cavalier  vu  de  dos,  dont  le  tronc  hu- 
main semble  prolonger  le  corps  du  cheval.  Mais,  étant  donné  l'abon- 
dance des  urnes  du  groupe  précédent,  dont  le  thème  exact  se  retrouve 
dans  ces  deux  monuments,  il  est  certain  (pie  l'erreur  des  sculpteurs  (s'il 
y  a  erreur)  a  été  \-olontaire. 

'  Urne  étrusque  du  Musée  de  Païenne  n.  .'i,').  t'fr.  Brunu  Korte.  II, 
pi.  LXVI,  s. 

^  Urnes  de  Cliiusi  lininn-Koiti-.  Il,  |il.  LXIV,  (î)  et  de  N'olterra 
(id.,  «■&.,  pi.  LXIV,  7). 

*  Sur  des  urnes  de  \'olten.M  (nu.  .">-2,  ;U,  iïtlSi.  la  grande  phiale  oui- 
biliquée  est  présentée  par  deux  déuious  ailés  nus,  coiunie  ailleurs  le  (ior- 
goneion. 

5  Urne  de  Palerme.  — .Les  dénions  mr.rins,  dérivés  de  la  croyance 
à  un  voyage  maritime  vers  les  Enfers,  sont  fréquents  et  sur  les  urnes 
étrusques  et  sur  les  sarcophages  romains. 

^  Brunn-Kiirte,  II,  pi.  LXV,  7. 


HERCILE    FINÉRAIRE  43 

épée  nue  ;\  la  main:  sur  les  petits  notés,  d'une  part  le  couple  des 
défunts  se  tenant  par  la  main;  riiomnie  en  armes  accompagné  de 
son  clK'\al  :  de  l'autre  un  Cdnjjle.  l'Iiomme  tenant  nn  rouleau,  dc- 
liout  devant  un  homme  assis  tenant  lui-même  un  rouleau.  Que  Ton 
interprète  comme  on  veut  ces  deux  dernières  scènes  (peut-être  le 
«congé»  et  le  «jugement»),  il  est  visible  qu'il  s'agit  ici  des 
défunts,  si  souvent  représentés  ailleurs  sur  le  couvercle  des  urnes. 
Quant  à  la  figure  centrale,  elle  ressemble  singulièrement,  pour  l'ar- 
mement et  pour  la  place  qu'elle  occupe,  au  démon  marin  on  au 
démon  femelle  tenant  une  épée.  que  l'on  voit  sur  d'autres  monu- 
ments funéraires  étrusques  '.  La  face  iirincipale  a  donc  un  sens 
siimbolique  (mort  et  enlèvement),  tandis  que  les  faces  secondaires 
sont  des  representafioiis  n'iil/stfs:  leur  union  pouvant  figurer,  si 
l'wii  veut,  la  succession  clironologique  du  congé,  de  la  mort,  du 
voyage  infernal,  du  jugement.  Laissons  même  de  côté  cette  dernière 
liypotliése,  peut-être  trop  séduisante:  il  reste  comme  fait  certain 
que   le   Cextaiire  ici  Joue  un   rôle  funéraire  '". 

Le  curieux,  dans  ces  derniers  monuments,  c'est  (|ue  la  femme 
ciiusente  à  son  enlèvement,  tandis  que,  dans  les  précédents,  le  Cen- 
taure faisait  figure  de  meurtrier  ou  de  ravisseur  brutal.  Plus  saisis- 
sante encore  la  contradiction,  lorsque  l'on  remarque  sur  les  uns  et  sur 
les  autres  des  symboles  dionysiaques  très  clairs  :  soit  les  amphores. 
Soit  souvent  dans  les  groupes  où  le  Centaure  terrasse  plusieurs  ad- 
versaires, l'écharpe  de  lierre  qu'il  porte  au  travers  dn  torse.  L'in- 
terprétation de  ce  dernier  détail  est  certaine.  Celle  des  amphores 
nous  force  à  entrer  dans  quelque  détail. 

'  Urne  de  Volterra  n.  62;  autre  s;ins  ii..  citée   déjà  suprii. 

■  Il  importe  de  remarquer  qu'ici  encore  une  influence  grecque  est 
possible.  Un  relief  de  terre-cuite,  du  début  du  IV'  siècle,  trouvé  à  Ta- 
rente,  représente  un  mort  liéroïsé  emporté  par  un  Centaure  vers  le  Lit  et 
le  Banquet  (Bom.  MittheiL,  XII,  1897.  pi.  VII).  Le  monument  est  isolé, 
mais  expressif.  KeplaL'é  au  milieu  de  notre  argumentation,  il  la  confirme, 
nous  semble-til,  tout  en  tirant  d'elle  une  nouvelle   force. 


44  HERCULE   rrNÉRAIRB 

Porphyre,  dont  l'éducation  symboliste  ne  laisse  rien  il  désirer, 
hésite  entre  deux  interprétations:  Cratères  et  Amphores  sont  les 
symboles  des  sources,  dit-il  quelque  part;  de  Bacehus  et  des  Nym- 
phes, énonce-t-il  ailleurs  '.  Etant  donné  la  nature  de  Bacehus, 
il  n'y  a  pas  là  contradiction,  mais  seulement  indétermination.  Au 
surplus,  les  sources  elles-mêmes  ne  sont  pas  étrangères,  tant  s'en 
faut,  au  monde  infernal  ni  aux  pratiques  funéraires:  sans  revenir 
sur  la  Mnémosyne  des  Orphiques',  sans  suivre  dans  ses  hardies 
hypothèses  Furtwiingler  qui  voit  sur  certains  monuments  grecs  et 
étrusques  Hercule  en  train  de  recueillir  l'eau  merveilleuse  des  En- 
fers à  la  Source  de  Vie  ',  il  est  certain  que  la  lustration  aux  fon- 
taines emportait  presque  toujours  pour  les  imaginations  antiques  le 
sens  d'une  purification,  et  finit  même  par  être  expressément  notée 
comme  un   moyeu    magique  d'ac(|uérir  l'immortalité  \ 

Mais  le  symbolisme  dionysiaque  des  amphores  est  l)ien  plus 
probable.  Les  nombreux  monuments  qui  représentent  Hercule  na- 
viguant sur  un  radeau  d'amphores  ^  ne  font  que  donner  une  forme 
mythique  :'i  un  thème  très  général,  au  moins  influencé  par  les  con- 
ceptions dionysiaques  ",  et  qui  doit  être  celui  de  la  navigation  vers 

'  Poipbyie,  Antre  des  Nymphes^  17  et  13. 

*  Supra,  1"  art.,  II,  2. 

'  Furtwiingler,  Ant.  Gemmen,  W.  p.  107  198.  Ces  hypothèses  peu- 
vent être  fondées  :  mais  nous  nous  en  tenons  ici  :\  une  étude  aussi  objec- 
tive que  possible. 

*  Martianus  Capella,  II,  142:  «  lympba  subluere  ». 

^  Pierres  gravées:  Furtwângler,  Ant.  Gemmen,  pi.  XIX,  38;  LXIV, 
26;  XX,  41  (étrusques);  XIX,  37  et  38  (italiques).  —  Miroirs  gravés: 
Gerhard,  Etr.  Spiegel,  I,  pi.  XXIX,  18;  CXLIX;  CCCXLI,1;  CCCXCVIII. 
—  Voir  sur  ce  sujet  Martlia,  Art  Jitrusipie,  p.  593  (qui  propose  à  ce 
thème  une  origine  assyrienne):  Courbaud,  La  yaoigaiion  d'Hercule,  in 
Mélanges  de  V Ecole  de  Rome,  XII,  1892,  p.  274;  Furtwângler,  Aut. 
Gemmen,  III,  p.  198. 

•^  Le  navigateur  n'est  pas  toujours  Hercule:  Furtwiingler.  Ant.  Gem- 
men, pi.  XIX,  36  et  XX,  39.  C'est  un  Satyre  ou  Silène  sur  lienx  scara- 
bées étrusco-italiques  (id..  il>.,  pi.  XVIII.  13  et  XIX,  35).  Le  personnage 
de  l'intaille  XIX,  36  tient  une  amphore  et  probablement  un  poisson:  le 


HERCULE    FUNÉRAIRE  45 

les  iles  Fortunées,  le  pays  des  Hespérides,  en  tout  cas  un  paradis 
liai^liique  '  :  sens  survivant  encore,  bien  (|u'avili  par  des  conseils  épi- 
curiens, !<ur  les  intailles  hellénistiques  ou  romaines  qui  figurent 
des  squelettes  aux  prises  avec  des  amphores  à  coup  siir  pleines  de 
vin  ■'.  On  a  remarqué  d'autre  part  qu'au  \W  siècle  les  coupes  et 
les  amphores  se  multiplient  dans  les  scènes  liachiques  gravées  sur 
les  miroirs  étrusques:  il  faut  y  joindre  cette  constatation  que,  snr 
des  miroirs  où  l'on  voit  Hercule  le  pied  sur  une  amphore  renversée, 
le  héros  est  accompagné  par  des  Victoires  '.  Or,  pour  les  Etrus- 
ques, victoire,  accession  k  l'Olympe,  et  bonheur  dionysiaque  se  con- 
fondaient, comme  le  prouve  un  miroir  où  l'on  voit,  au  milieu  de 
symboles  bachiques,   Hercule  assis  dans  le  giron  de  Junon  qui  l'al- 


satyre  de  XIX,  35,  tient  le  thyise  et  un  poisson  :  le  rapprochement  est 
instructif.  —  L'origine  plastique  du  thème  est-elle  dionysiaque?  On  pour- 
lait  le  penser  en  voyant  sur  un  scarabée  italique  (ou  étrusque)  de  Ber- 
lin (Furtwangler,  Avt.  Gemmen,  XIX,  40)  Hercule  imberbe,  assis  fatigué 
sur  une  ainpliore,  et  sous  lui  trois  amphores  réunies.  L'amphore  comme 
symbole  du  repos  se  trouve  derrière  Héraclès  Jeune,  assis  sur  une  mon- 
naie grecque  de  Phaestos  (E.  Babelon.  Mon.  Grecques,  pi.  256,   6  et  8). 

'  Une  hydrie  à  tig.  r.  trouvée  à  Abella  (Naples,  Heydemann,  2852) 
donne  un  caractère  dionysiaque  très  net  au  jardin  des  Hespérides:  Hé- 
raclès cueille  tranquillement  les  fruits  :  on  voit  un  lièvre,  un  chevreuil, 
des  fauves. 

2  Furtwiingler,  Aiit.  Gemmen.  pi.  XXIX,  47  et  49;  XLVI,  26.  — 
Ces  pierres,  montées  en  anneaux,  étaient  à  coup  sûr  destinées  à  exerci- 
tcr  les  buveurs  à  profiter  de  la  vie,  comme  les  vases  de  Boseo-Reale; 
cfr.  Pétrone,  Sat.,  34.  Mais  les  attitudes  rivantes  des  squelettes  ivrognes 
sont  dérivées  des  anciennes  croyances  en  la  vie  future  dionysiaque,  dont 
les  Epicuriens  se  moquaient,  aussi  bien  i|ue  Piaton,  mais  poiu'  d'autres 
raisons. 

'  Gerhard,  Etr.  Spieç/el,  V.  pi.  63.  2:  pi.  64.  —  Considérer  l'am- 
phore comme  un  prix  agonisticpie  est  une  hypothèse  bien  fragile:  de  quoi? 
et  pouniuoi  apparaît-elle  dans  des  circonstances  si  variées?  Sans  netteté, 
et  sans  préciser  la  différence  entre  la  victoire  agonistique  et  l'hérolsation, 
M.  Schroeder  écrit  [Grabdenhii.,  p.  54):  <  In  den  Aniphoren  aber,  die 
hiiufig  in  der  Zweimahl  vorkommen,  mag  sieh  eine  Erinnernng  an  die 
zuni  Grabkult  und  dann  in  Agonistichem  Sinnc  zum  Hrros  in  Bcziehung 
stehenden  Amphoren  forterben    . 


in  IIKKCri.K    FINKItAlKK 

laite  '  en  présenre  de  Jupiter,  Minerve,  Tiiran  (V'enusj  et  Méaii  ("Vic- 
t(iire)  tenant  prêts  les  rameaux  de  la  vietoire.  Il  résulte  d  une  étude 
ciimparée  de  ce»  monuments  (pie,  le  plus  souvent,  à  jtartir  du 
HT'  siècle,  ram])liore  a,  en  Etrurie,  un  sens  bachique,  ordinaire- 
ment lié  à  une  conception  dionysiaque  de  l'immortalité  liienlieureuse'. 

Les  iii-iies  (|ui  nous  occupent  ne  remontent  pas  plus  haut  que- 
ce  siècle,  tant  s'en  faut:  et  doivent  donc  être  interprétées  suivant 
ces  princi])es.  L'aniphnre  qui  y  ligure  se  retrouve  sur  les  sarco- 
phages Romains  sous  la  forme  de  cornes  d"al)ondance  croisées  ', 
ou  sous  celle,  plus  nette  encore,  des  cratères,  ou  corbeilles  de  fruits, 
renversés,   parfois  joints  à   des  syralioles  bachiques  '. 

("(■la  étant  donné,  le  problème  des  urnes  funéraires  étrusques 
à  r('i)résentations  de  Centaures  se  pose  en  ces  termes:  le  Centaure 
étrusque  est  tanttit  un  massacreur,  tantôt  un  enleveur  de  femme  ; 
et,  dans  ce  dernier  cas,  tautut  la  femme  appelle  la  délivrance, 
tantiit  elle  consent  à  son  enlèvement:  enfin,  en  toutes  ces  circon 
stances,  le  Centaure  a  un  caractère  di(inysia(]ue.  Comment  se  con- 
cilient ces  éléments  ? 

Nous  rappelons  qu'aux  VI'-V  siècles  les  nioiiununts  (/)■'(,«  nous 
représentaient  Héraclès,  de  fa(;iin  à  ])en  près  seniblal)le,  alternati- 
vement ami  et  :idversaire  des  Centaures  bachiques  et  des  Satyres: 
((u'au  IV  siècle,  dans  l'Italie  méridionale  se  multiplient  les  pein- 
tures  et   sculptures,   de   caractère  peut-être  nrpliieiue  i  iivee  sûrement 

'  L'allaitcnieul  ii:irllér:i  coiiiiiie  rite  (ragrêgation  d'ini  liéros  ;i  rulyiiqie 
est  bien  connu. 

■  l'ne  urne  étrusque  du  Louvre  figure  un  jrrilVon  courant  au  dessus 
d'une  amphore  renversée:  ce  (|Hi  montre  liieii  ipu'.  de  dionysia(iue.  h' 
symbolisme  était  devenu  funéraire. 

'  Motit  très  fréquent.  Sur  un  sareopliage  du  Louvre,  elles  sont  te- 
nues par  deux  fleuves  ooiicliés  entre  les(|nels  se  voit  une  baripie  ;'i  un 
rameur,  sous  le  méil.iillon  du  di'l'uiil:  allusion  très  nette  au  voyage  vers 
l'au-delà. 

*  Par  ex.  panthères,  satyres.  —  11  arrive  jiurfois,  bien  entendu.  i|ue 
ces  corbeilles  .soient  de  simples  bouche-trous. 


HERCULE    FUNBRAIItE  47 

influence  pytliagoricienne),  qui  figurent  avec  complaisance  les  tour- 
ments des  Enfers  et  donnent  un  sens  symbolique  aux  «  Descentes  » 
d'Orphée,  d'Héraclès,  etc.;  qu'entiii  rKtrurie,  par  l'intermédiaire 
de  la  Canipanie  ou  autrement,  pénétrée  à  une  date  reculée  par  les 
croyances  et  les  espérances  dionysiaques,  se  fait  peu  à  peu  sur 
l'au-delà  des  idées  de  plus  en  plus  sombres,  sans  renoncer  pour 
cela  à  ses  conceptions  d'iiéroisation  bachique.  Et  nous  demandons 
si  les  Centaures  dionysiaques  des  urnes  étrusques  ne  sont  pas  les 
envoj'és  du  dieu  souterrain,  conçu  tantôt  comme  un  tyran,  tantôt 
comme  un  bienfaiteur? 

Que  l'on  n'oppose  pas  à  cette  conclusion  la  contradiction  ([u'elle 
semble  présenter.  Sous  l'Empire  Romain  encore,  si  l'enlèvement  de 
l'àme  était  reproché  d'ordinaire  aux  immites  dei  (Pluton,  Ditis, 
Proserpine)  ou  aux  âirae  iioJucres  (Harpyes,  Gritïon,  Aigle,  Sphinx) 
d'autres  textes  funéraires  l'attribuent  à  de  plus  douces  divinités, 
aux  souffles  de  l'air  (niirae).  à  Vénus,  aux  Nymphes  ',  qui  en  fe- 
ront leur  compagne  dans  le  thiase  bachique.  Ue  même  les  Cen- 
taures, que,  sous  des  influences  sans  doute  orientales,  les  Etrusques 
représentaient  autrefois  ailés  "  comme  les  ravisseurs  infernaux  aux- 
quels ils  se  substituaient  déjà  dans  certaines  imaginations  grecques  ', 
enlèvent  doucement  les  femmes  sur  les  urnes  étrusques  dans  le 
même  temps  où  l'on  voit  Charon  aux  oreilles  de  Silène,  à  la  face 
de  Satyre  ^  presser  cruellement  le  voyage  du  mort  vers  les  Enfers. 
Et  si  les  Centaures  infernaux,  bienveillants  dans  certains  cas,  dans 
d'autres  se   imoitrent  cruels  ",   ils  ne    diffèrent    [nis    j)(>ur    cela  des 

'  Sohroeder.  Grabdeiil.iii..  p.  69-70  et  p.  69,  n.  6. 

'•  Rosclier,  Le.iikon,  s.  v.  Kentauren,  col.  1045.  Cfr.  supra,  p  3.3,  n.  5 

'  Cfr.  Vv.  Boll.,  Aus:  der  Offenbarung  Johannis,  p.  72;  et  lettre  de 
Kôrte  citant  le  vase  italique  ^rc/t.  Jahrh..  I,  p.  304,  n.  10  (Norden,  Ver<j. 
Aen.,  VI-,  p.  215  sq.).  Joindre:  supra,  p.  4.S,  n.  2. 

*  Par  ex.  >irne  de  Volterra  n.  400:  Quadrige  conduit  par  Satyre- 
Cliaron  (nu,  ailé,  tenant  un  serpent  et  le  pedum)  et  soutenu  par  Triton  ailé. 

"^  Théognis  (542)  les  appelle  ù'i-i-^iy.:.  C'est  un  des  caractères  des 
démons  de  l'Hadès.  Cfr.  Dieterich,  NeJcyia,  p.  48  sq. 


4»  IIBRCII.K    FINKKAIHK 

BHtyres-Silènes  qui,  criipls  en  Italie  et  parfois  déjà  en  Orèee  ',  l'-taient 
d'antres  foin,  dans  le  même  pays,  les  représentants  de  la  jfpiiissancc 
diiinysiaqne  ". 

La  eontradietion  en  res  matières  gênait  si  |)en  les  ICtnisqne» 
:i  la  tin  de  la  Képnblique  Romaine  que,  sur  une  peinture  célèbre 
de  la  Tomba  ib'l  Tifone  ^,  on  voit  un  cortège  d'âmes  accompagné 
])ar  des  démons  dionysiaques,  aux  clievenx  serrés  dans  un  nœud 
de  serpents,  les  uns  ayant  les  traits  synipatliiques  d'uni'  jeune  mé- 
nade,  d'un  satyrisque,  d'un  joueur  de  trompe,  tandis  que  l'iiorrihle 
Cliaron,  à  farf  de  Silène,  à  la  patte  de  Jion,  tient  son  redoutable 
niarti'au.  Cette  belle,  mais  incertaine  re|irésentHtiiin  confond  les  idées 
.si  nettement  ti^inées  nu  III''  siècle  avant  notre  ère  dans  les  pein- 
tures de  la  Tomha  del  Cardinale  (à  Corneto  au.ssij  on  l'Ame  du  mort 
se  trouve  attaquée  ]>;\v  un  m.uivais  démon,  mais  défendue  par  un 
«  ange  gardien  »  \  (  bi  peut  certes  trouver  qu'il  y  a  eu  décadence 
dans  les  conceptions  funéraires  des  Etrusques  :  mais  ici  nous  avons 
à   constater,   non  à  discuter,  encore  moins  à  juffer. 

6.   De   la   ili'radence  e'tn(si/i(r  à   V Empire  romain. 

L'art  funéraire  de  l'Kiniiirc,  tout  en  acceptant  vcdontiers  les 
tliémes  des  urnes  étrusques,  choisit  entre  eux.  augmente  on  diminue 
leur  importance  '',  les  modifie  en  tel  ou  tel  sens. 

'  .Satyres  dans  des  scènes  d'ouiopliagie  :  voir  G.  Nicole.  Daremh.-Sa- 
glio,  s.  V.  Saii/n-SHeni,  p,  1095,  col.  2.  —  Cfr.  .Stèle  funéraire  de  Bo- 
logne {Mommi.  d.  Liiirei,  1910,  XX,  p.  651,  p.  66-68):  torse  d'un  démon- 
Silène  gigantesque  sortant  du  sol  et  tenant  le  mort. 

'  Voir  par  ex.  la  tombe  peinte  de  Corneto  déjà  reproduite  par  Mi- 
caii,  Storia  d.  niitiihi  pop.  ItaUani  ^.  1836,  III,  p.  103  sq.  et  pi.  I.XVII. 
Elle  représente  des  jeux  et  des  danses  bachiques;  en  fronton,  deux  .■Si- 
lènes ithyplialliques.  canards  et  panthères 

'  F.  Weege.  Etmsl;.  Mahrei.  fig.  39  (p.  4.3)  et  pi.  49.  -2. 

*  Id.,  ih.,  p.  87  sc|q. 

^  Ainsi  l'image  du  démon  marin  brandissant  la  rame  se  trouve  re- 
léguée, en  toutes  petites  diraen.sious,  sous  le  médaillon  réservé  au  défunt. 


IlElilTLE    FUNÉRAIRE  49 

Il  gard.i  l;i  doiiSk'  oiinception  funéraire  des  Centaures.  Muis  aux 
Centaures  f.ivoralilcs  il  rouserva  le  caractère  dionysiaque  ',  et  il 
accentua  encore  leur  sens  de  compagnons  bienveillants  du  mort  dans 
le  voyage  infernal  eu  leur  donnant  une  forme  à  moitié  marine  '. 
Aux  Centaures  meurti'iers.  au  contraire,  il  n'attribua  aucun  signe 
dionysiaque  ;  il  leur  donna  régulièrement  comme  adversaire  Hercule  ; 
et,  au  lieu  d'admettre,  comme  le  faisait  la  somlire  imagination  des 
Etrusques,  la  déroute  des  hommes  écrasés  par  ces  monstres,  il  pré- 
féra montrer  l'écrasement  des  Centaures    par  le  héros    protecteur. 

Mais  cette  modification  progressive  des  idées  eschatologiques  ne 
saurait  étonner;  beaucoup  plus  frappante  nous  parait  être  la  per- 
pétuité des  deux  thèmes  opposés,  que  nous  avons  notés  dès  les 
VF-V  siècles  en  Grèce,  et  retrouvés  chez  les  Etrusques. 


V.     —    HkKOI'LE    CriNTKE    LE.S    MONSTRES    INFERNAUX. 

Toutes  ces  singularités  jjrésentées  par  les  monuments  funéraires 
italiques,  et  cette  sorte  de  perpétuité  fondamentale  depuis  les  plus 
lointaines  conceptions  mythologiques  des  Grecs  (à  nous  directement 
accessibles)  Jusqu'aux  premiers  siècles  de  l'Empire  Romain  nous 
autorisent  à  nous  demander  si  la  légende  hellénique  primitive  n'avait 
pas  retenu  dans  l'iiistoire  d'Héraclès  un  élément  infernal  puissant, 
et  peut-être  prépondérant. 

Il  est  bien  entendu  que  nous  restreignons  la  question  de  pnrti- 
pris:  il  ne  s'agit  pas  de  rechercher  les  éléments  i-htlnmiois  du  per- 
sonnage et  du  culte  d'Héraclès,  mais  le  rôle  (]u"il  joue  d(ni.<  If  minide 

'  Cfr.  Sarcophages  du  Louvre  n"^  :.'SH  et  lOl:»  (Catai.  1896). 
C'est  ainsi  que  le  médaillon  du  mort  est  soutenu  par  des  Centaures 
marins  tandis  qu'au  dessous  le  monstre  Scylla  brandit  vainement  sa  rame 
sur  les  sarcophages  du  Louvre  n"*  :584  et  ;J9G.  Voir  aussi  u"  322(Catal.  1896). 
Déjà,  dans  certaines  uincs  étrusques,  l'auipiiore  sur  laquelle  repose  le  Cen- 
taure pourrait  figurer  la  traversée  d'un  fleuve  ou  de  la  mer. 

HMiiiHjes  crArr)i.  ,•!  <l'lli«l.   Utt:;.  4 


;>U  iiBK)  ri.i':  FixiiitAiiiK 

(les  Knfi'is.  Ce  rôle  est  visible  ilans  l'aventure  de  Ci-rbère;  il  a  été 
l)ien  mis  en  Inmiére  dans  eelle  de  fJéryon  '.  Ce  «ont  des  pareclles 
de  \éi'ité:  non-i  vidiions  essayer  iei  niip  synthèse  aussi  complète  que 

|)iissililo. 

1.   Les  roiiai/rs  d'Hercule  vers  l'uK-delà. 

II  subirait  pr('s(|ue  de  ce  voyage  bien  connu  vers  le  Pays  des 
liienlieunux  '  pour  déceler  une  véritable  olistination  à  mêler  Hé- 
raclès aux  choses  d'outretombe.  Tous  les  «  doublets  >>  du  Paradis 
ont  tour  à  tour  sa  visite:  il  vaudrait  mieux  dire  que  la  multiplicité 
de  ces  aventures  a  beaucoup  nui  à  la  clironologie  liéradéeniie,  car 
on   ne  sait  toujours  où   )ila<er  telle  ou  telle  expédition. 

C'est  ainsi  (pic,  sous  sa  forme  la  plus  générale.  Tile  des  Bien- 
heureux, à  l'extrême  Oeeideut  ',  avait  pour  souverain  tantôt  Kronos 
seul  \  tantôt  avec  lui  Héraclès,  selon  Plutarciue  ',  qui  la  confond 
avec   l'iIc   (i'Ogygie:   et   sans   doute   atil    raison. 

Mais  ce  pays  des  Bienheureux,  pour  de  jeunes  imaginations, 
n'est  guère  remarquable  que  par  l'abondance  de.s  arbres  porteurs 
de  fruits  merveilleux  '  :  c'est  dire  qu'il  n'est  point  différent  de  celui 
des  llespérides.  où  Héraclès  va,  audcl.ï  de  l'Océan  et  toujours  à 
l'ouest,  cueillir  les  fruits,  symlioles  à  l.i  fois  d'immortalité  et  «le 
fécondité  '.   Mais,  d'.uitic   part,  l'île  des  llespérides    n'est   pas  plus 

'  Voir   Weifker,  l'anh/-  ]}'issoicu,  s.  v.  Geryon,  col.  12.^9. 

-  Sur  la  date  de  l'intioduction  en  Grèce  de  l'île  des  Bienheureux 
(apiès  la  l'atroclide  et  la  Xekyia  homériques),  von  Rohde,  Psi/che, 
j).  72  sq.  —  On  a  tendance  aujourd'hui  à  penser  que  le  voyage  hellénique 
des  âmes  n'est  pas  déiivé  de  croyances  égyptiennes  oh  indiennes:  il  s'agit 
lilutôt  d'une   ancienne  paienté    IPauly-M'issoira,    s.  v.  Katahasi.%  2361). 

'   Kohde,  Psi/rhe,  p.   77. 

*   Hésiode.  Cfr.  Rolide.  J'.s-i/c/ic,  p.  i«t. 

''  Plutar(|ue,  3Iot(il.,  941  :  légende  du  nord,  nioilitiée  par  les  Grecs. 

■^  Pind:ire,  Oli/nip..  M.  (il  si|q.  et  fr.  lOtî  Berg!<.  Cfr.  Stepliani.  l)er 
atisniheitde  Heiallex.  p.  27. 

"  Sittij;-,  /'ni(?y-117.<.«i/m.  VIII,  1,  col.  1244  si|.  —  B.  Schweitzer, 
Heraldef.  p.   l:i4.  n.   1, 


HERCULE    FUNÉRAIRE  51 

séparable  des  Enfers  pour  les  anciens  Grecs,  que  les  Champs-Elysées 
du  Léthé  ou  du  Tartare  pour  les  imaginations  classiques  :  car  les 
Gorgones  infernales,  selon  Hésiode,  lialiiteut  «  au-delà  de  l'Océan, 
aux  limites  de  la  Xuit,  là  où  sont  les  Hespérides  harmonieuses  »  '. 
La  descente  d"Héraclès  vers  Cerbère  n'est  donc  qu'un  épisode  ou 
une  dérivation  des  aventures  précédentes  '  ;  seulement  elle  traite 
des  côtés  terribles  de  Tautre  vie,  au  lieu  d'insister  sur  les  pro 
messes  de  bonhenr  immortel. 

Celle  de  Géryon  a  le  même  sens.  Daus  son  ile  d'Erythie,  tou- 
jours au-delà  de  l'Océan,  le  monstre  tient  ses  troupeaux  enfermés 
dans  une  étabJe  «  nébuleuse  »  ^;  il  vaudi'ait  mieux  traduire  par 
<,<  infernale  »  '.  Ce  n'est  que  plus  tard  que  la  spéculation  des  my- 
thographes  distingua  la  lutte  d'Héraclès  contre  le  bouvier  Géryon 
près  de  Gadès,  et  celle  qu'il  soutiut  contre  Menoitès,  bouvier  d'Ha- 
dès,  dans  les  Enfers  mêmes  '. 

Et  d'autres  légendes  le  faisaient  encore  aller  au  pays  des  Hy- 
perboréens  '',  qui  est  une  autre  région  bienlieureuse  ',  oîi  règne, 
plutôt  qu'Apollon,  le  Dionysos  Thrace  *. 

Et  même,  à  cette  tradition  des  voyages  funéraires,  qui  étaient 
con(;us  de  préférence  comme  se  faisant  par  eau,  à  travers  l'Océan  ', 

'   Hésiode,   'Tlicoy.,  274  sq. 

-  Les  aventures  des  Hespérides  et  de  Cerbère  sont  jointes  dans  la 
plus  ancienne  conception  du  Dodekathlos.  Voir  B.  Sehweitzer,  Herakîes, 
p.  135. 

'  Hésiode,   Thi-oij.,  294:  <7Taô;j.M   =■'  r.spo'c-iTi. 

■*  Cet  àr.j  est  celui  qui  rend  invisible;  c'est  la  caractéristique  d'Ha- 
ilès  et  la  propriété  de  sa  y.jrir..  Erinys  est  f.spotpsîTi:.  Cfr.  Hésiode,  Tlieug., 
tibS:  j-i   îitpsu  rïpiîvTo;.   Id.,  il'..  682:   TipTapsv  r.tpiti-coL. 

5  Apollod.,  B/hl,  II,  V.  10  et  12. 

^  Pindare,  Olymp..  III,  28. 

'  Id.,  Pyth.,  X,  45  sqq. 

s  Cfr.  0.  Schroeder,  Hyperhoreer  (Anhit:  f.  JiMj.  \\'Us..  \'II1,  11105, 
p.  79-81  et  84).  Voir  supra,  l"''  art.,  suh  fine. 

'  C'est  peut-être  une  ancienne  façon  de  signifier  la  ditSculté  d'ac- 
céder aux  pays  bienheureux,  tous  localisés  hors  de  la  portée  des  hom- 
mes (E.  Kohde,  Psyché,  p.  78).  —  Cfr.  Bateaux  trouvés  dans  les  tomltes 


52  IlERCrLE    FUNÉRAIRK 

se  rattache,  semblp-t-il,  une  aiirienne  figure  d'Héraclès,  aussi  cé- 
lèbre par  les  exploits  maritinips  que  par  ses  victoires  terrestres'. 
Mais  tiiiit  cela  ne  nous  ponnet  pas  une  eonelusidn  très  ])réci8e. 
En  eft'ct,  nous  voyons  Ijien  que,  lii  encore,  comme  lorsqu'il  s'agis- 
sait (les  Satyres  et  des  Centaures,  Héraclès  se  trouve  engagé  mainte 
fois  dans  des  aventures  d'outre-tomhe,  seml)lables  au  fond,  mais 
d'apparences  contradictoires  :  bonheur  immortel  ou  voyage  plein 
de  dangers.  Mais  le  fait  même  que  ces  aventures  sont  des  «  dou- 
blets »  l'une  de  l'autre  nous  empêche  de  déterminer  si  cette  série 
de  légendes  est  secondaire  ou  essentielle  dans  le  caractère  du  héros. 

2.   Les  ruces  infernalrs  d' Hr'sioiJe  à   Virgile. 

Vnjci  (|Mi  est  plus  net  Hésiode,  qui  se  pique  dans  sa  Théo- 
gouie  de  dire  l'exacte   vérité,   indique  deux  lignées  infernales: 

A:  les  enfants  de  la  Nuit":  Moros,  Kér^.  TArtwatos,  Hypnos, 
les  Songes,  Mômos  et  Oizus,  les  Hespérides.  li's  Moires  et  les  Kères, 
Némésis,  Apaté,  Philotès,  Géras,  Eris.  —  Création  visiblement  plii- 
losophique   et   atisti'aiti'   que   nous  laisserons  de  côté  ))oui'  le  moment. 

li:  la  race  de  Fliorkus  et  Kétô ',  qui  donne  au  premier  degré: 
les  Orées,  l(>s  Gorgones.    Echidna,    le  Serpent   des   Ilespe'rides:  de 

apulieimes  (L.  Malten.  Ari-h.  Jiilirh.,  XXIX,  1914.  p.  22>S  sq.):  —  Syni- 
bolisuie  marin  des  tombes  étrusques  (F.  Weege,  £tr.  ilalerei,  fig.  55 
et  7;");  pi.  8,  66;  Beilage,  III,  1,  2,4);  des  urnes  étrusques  (infra).  — 
Sous  l'Empire:  voir  Schroeder,  Grabdenkm.,  p.  66  sq.  et  68:  V.  Mac- 
chioro,  H  simbolismo  neUe  figurmioni  sepolcrali   romane  (Napies.  1909). 

—  Mêmes  croyances  chez  les  Anglo-Saxons  (B.  Schweitzer,  Heiakles, 
p.  22it|.  —  Ailleurs,  le  voyage  est  symbolisé  par  le  cheval  ou  le  char 
(Delbriick,  .4)-c/i.  Ameig.,   1912,  p.  271;   —   I,.  Malten, /m.  o/..  p.  186  s.|.: 

—  Sciiroeder,  loc.  cit..  p.  69). 

'  Pindare,  Nem.,  I,  95  sq. 
2   Hésiode,  Théog.,  211  sqq. 

^  Xous  indiquons  en  italiques  les  adversaires  (pie  la  légende  clas^i- 
que  oppose  à  Héraelès. 

*  Hésiode,  Theng.,  270  sqq. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  53 

Médousa,  l'une  des  Gorgones,  sont  issus  Pégase  et  Chrysaoi-;  et  de 
Clirysaor,  Ge'ri/on  ;  d'Echidna  descendent  à  différents  degrés:  Or- 
lltros,  Ccrhcrc.  V  Hi/dre  de  Lerne,  la  (^'liimère,  le  Lion  de  Némée 
et  le  Sphinx. 

Cette  dernière  généalogie  est  pour  nous  du  plus  haut  intérêt 
parce  (pfelle  est  composée  d'éléments  nettement  hétérogènes,  mais 
ayant  tous  une  «  personnalité  »,  et  de  façon  k  constituer  une  fa- 
mille d'un  caractère  infernal  non    douteux  '. 

Or  cette  famille  infernale,  décimée  par  plusieurs  héros  '  fournit 
au  seul  Héraclès  «<.(•  de  ses  victimes:  le  Serpent  des  Hespérides, 
Gèrynu,  Orthros,  Cerbère,  THydre,  et  le  Lion;  et  la  descendance 
d'Echidna  en  particulier  disparaît  presque  tout  entière  sous  sa  main. 
Ce  fait,  rapproché  de  ses  nombreux  «  voyages  vers  l'au-delà  »,  est 

'  11  n'y  a  d'incertitude  que  dans  la  descendance  directe  de  Médousa  : 
mais  sou  petit-fils  ("xéryou  possède  ce  caractère  au  plus  haut  degré.  — 
Pour  les  Grées:  cfr.  leurs  noms,  Enyô  et  Pemphrêdô  (de  T7ïia«'.'u?  ou  Béot. 
pour  TsvôpYiSuj-/  =  la  Suceuse);  et  Schol.  ad  Apoll.  Rhod.,  (Aryon..  IV,  1515)- 

—  Les  Gorgones  sont  liées  aux  Hespérides  par  Hésiode  lui-même  (T/ieoj/., 
274  sqq.);  au  reste  bien  connues  à  cet  égard.  —  Ecliidna  est  àixa-'n 
[ib.,  ;300)  comme  les  démons  de  l'Hadès:  et  toute  sa  descendance  est  in- 
fernale. —  Le  Serpent  des  Hespérides,  souterrain  comme  Echidna  (/ft.,  344), 
habite  les  extrémités  de  la  terre  (ih..  335:  Trupioi/  h  ■ii'(iXa:z:  une  correc- 
tion ne  s'impose  pas),  c'est-à-dire  les  Enfers.  Voir  supra.  —  Pour  Gé- 
ryon,  Orthros  son  chien,  Cerbère  (àanuTîn;  comme  Echidna  :  liés.,  Théog. 
311),  cela  va  de  soi.  —  L'Hydre,  Xuvpà  lojTa  («6.,  313.  Cfr.  Echidna  qua- 
lifiée lie  Xuff-ri:  ib.,  304),  habite  le  marais  de  Lerne,  une  des  entrées  du 
monde  infernal  (on  y  faisait  des  offrandes  aux  morts;  voir  Archiv  fïir 
Relig.    Wiss.,  XII,  1909,  p.  294  sq.);  cfr.  B.  Sahweitzer,  Herakles,  p.  Ib6. 

—  Pour  la  Chimère,  voir  références  dans  E.  Norden,  Very.  Aen.,  VP, 
p.  215;  Ettig,  Acheruntica  (Ltipz.  Stud.  z.  class.  Pliil.,  13),  p.  336.  — 
Le  Lion  invulnérable  (Bibl.  Apollod.,  II,  V,  1),  -■/;,/.'  àvBpMToi;  (Hés.,  Théog., 
329),  à  côté  de  la  Sphinx  (ôXoio  :  Tliéog.,  324.  Etymologiquement  ;  celle 
qui  serre,  qui  étreint),  figure  constamment  sur  les  tombes  gréco-asiati- 
ques, étrusques  et  Romaines  en  un  sens  infernal  non  douteux  que  nous 
aurons  à  préciser  dans  la  suite. 

-  .Médousa  tuée  p.ar  Persée  (Hés.,  Théog.,  280);  la  Chimère  par  Bel- 
lérophon  (ib.,  325);  la  Sphinx  par  Oedipe.  Cfr.  B.  Schweitzer,  Heraklea, 
p.  87:  «.leder  ordeiitliclie  Héros  musi  einmtil  mit  dem  Todesdiunon  selbst- 
ringen  ». 


54  HERCULE    FUNÉRAIRE 

au  moins  troublant.  l'U.  même  si  le»  victoire»  du  héros  sont  an- 
t(''rieui-es  ;'i  la  ^^énéalogic  constituée  par  Hésiode,  il  n'en  reste  pas 
moins  que,  le  caractère  de  ces  monstres  étant  poni'  inu-  Ixiiine  part 
originel  et  attaché  :"i  leur  forme  même,  elles  doivent  être  considé- 
rées, jus(|u':'i  preuve  du  rontraire,  comme  des  ricfoires  sur  V<s.  Enfer-». 
Mais  sans  rhcrchcr  à  i-einontcr  plus  li:iiit  ((u'Hésiode,  ce  qni 
est  fort  aventureux,  on  peut  suivre  (rindice  en  indice  cette  con- 
ception dans  le  cours  des  siècles.  Nous  avons  pour  guides  dans 
cette  recherche  les  caractères  spécifiques  prêtés  i)ar  l'imagination 
populaire  aux  monstres  infernaux  :  d'altord  l'anthropophagie  '  :  puis 
la   multiplication  des  organes,  en  particulier  des  bras  et  des  têtes  "  : 

—  enfin  le  polymorphisme  '. 

Les  indices  li/f/'rain's  de  la  ii('ri)étuité  de  la  tradition  hésio- 
dique  se  groupent  d'uni'  ]i.irl  au  V  siècle  avant  notre  ère;  de 
l'autre  dans  les  deux   premiers  siècles  de   l"Kmpire  Romain. 

Les  vers  des  «  Grenouilles  ^  »  qui  rassemblent  à  l'entrée  des 
Enft'rs,  deri'ière  r.\clii''ron,  «  des  scri)ents  et  des  monstres  terribles  », 

'  Par  ex.:  en  Grèce:  Eurynoinos,  Perséplione  confondue  avec  Hé- 
cate, Cerbère,  etc ;  sans   doute  Hadès    lui-même   (Ettig,  Acherunticu. 

|).  279,  n.  2  et  Addeiirhim,  p.  407;  L.  Malten,  Arch..Jalirb.,  XXIX.  19!4, 
p.  247);  —  (le  là  en  Italie  (Lucrèce,  1,852;  Yiig.,  j4f)(.,  \'I.  207:  Arnobe, 
Adn.  Gent.,  II,  5;ii. 

•  Le  triple  Géryon,  la  tiiiile  Hécate,  le  triple  Cerbère;  le  triple  Ty- 
phon (B.  Schweit'/.er,  Henihla^.  p.  72-7(i):  Hennés  infernal  (id.,  iV).,  p.  85(. 

—  Mais,  dans  Hésiode  (Throy.,  312),  Cerbère  a  cinquante  têtes  comme 
l'Hydre  de  Virgile;  Echidna  dans  Aristophane  {Jiati.,  473)  en  a  cent. 
Briarée  et  ses  frères,  qui  ont  cent  bras,  malgré  l'incohérence  de  la  lé- 
gende où  ils  sont 'déj;\  engagés  du  temps  <rilésiode,  gardent  chez  Ini 
très  nettement  un  caractère  infernal  (A'oir  Theog.,  (j21  sq.  et  7.'î4sqq.: 
ils  sont  les  gardiens  iln  Tartare).  —  Une  explication  de  cette  bizarrerie 
a  été  tentée  par  M.  B.  Schweitzer  (Heralcle.t,  p.  84),  mais  implicitement 
contreilite  par  lui-mênie.  lors(|n'il  constate  le  même  phénomène  dans  les 
mythologies  du  nord  ;id.,  th..  p.  86). 

^  Empousa  (  Avistoph..  Ttnn.,  289-292)  se  fait  tantôt  bceuf,  tantôt 
mulet,  ou  femme,  ou  chien.  Cfr.  L.  Malten,  Areh.  Jahrb.,  XXIX,  1914. 
1).   ISO,  et  n.  .'J. 

'   14:!  sq.  ;  —  470  sqq. 


HEIÎCl  LE    FUXhKAIUE  55 

«les  Chiens  du  Cocyte,  Ecliidna  h  cent  tètes,  la  Murène  '.  les  Gor- 
gones »,  peuvent  être  nue  parodie  du  Tliésée  d'Euripide  ;  51.  Norden 
les  fait  remonter  plus  haut,  à  une  'HpK/./.ÉO'j;  /.aràoz'ji;  ",  dont 
on  retrouve  des  traces  précises  par  t-semple  dans  Bacelij'lide  :  on 
peut  aussi  bien  supposer  des  inflnences  orpliico-pythagoriciennes;  ce 
qui  est  sûr,  c'est  que  ces  images  ne  sont  indépendantes  ni  de  la 
Théogonie  d'Hésiode  ni  de  la  légende  d'Héraclès.  Dans  les  mêmes 
années  Euripide,  qui  appelle  un  fou  <s  ' X'.bo'j  f^xy.yo-^,  attri- 
bue au  venin  de  l'hydre  le  pouvoir  de  rendre  insensé  *  :  établissant 
ainsi  un  rapport  net  entre  le  monstre  tué  par  Héraclès  et  les 
Enfers  '. 

Mais  si,  d'autre  part,  on  passait  saus  transition  de  notre  re- 
marque sur  Hésiode  au  fameux  passage  de  l'Enéide,  VI,  273  sqq., 
il  semblerait  que  Virgile  s'est  contenté  de  donner  une  forme  poé- 
tique et  plastique  aux  généalogies  du  poète  grec.  Car,  en  dehors 
d'autres  personnifications  du  même  genre,  on  retrouve  chez  lui  le 
Deuil  (Liirtus  ^=  'O'i^O;),  les  Soucis  et  les  Maladies  [Ciirae,  Morhi 
=  Mcilfzt),  la  Vieillesse  (Senectus  =  r/,3à:),  la  Misère  (Ef/esfas, 
Lahor  =  Môoo;),  la  Mort  (Letian  =  Hzvztoi,  kv-;)  et  le  Sommeil 
{Sopr/r  =  "V-vo;),  les  Euménides  (=:  les  Kères),  la  Discorde  (Di- 
scordiii  =  'Kp!;)  et  les  Songes;  et,  à  coté  des  Centaures,  Scyllae 
et  Harpyes,  on  voit  Briarée,  l'Hydre  '',  la  Chimère,  les  Gorgones 
et  Géryon.   Il   semble  donc  y  avoir  des  motifs  non  point  pour  dire 

'  On  songera  que  Pliorkus  et  Kétô,  ciéateuis  de  cette  race  hésio- 
diqup,  sont  des  dieux  marins. 

■  E,  Norden,   Very.  Aeii.   VI-.  p,  '27.Ô. 

'  Eurip.,  Hen:  fur.,  1119. 

*   Id.,   ih.,    llSO-1190:   y.aw5y.=vw -iTjXw  ->.a-y/.'H;;  |  U7.-:^aio:u.i,'j   .Sïuit; 

'  La  folie  est,  pour  les  Grecs,  toujouis  envoyée  par  des  divinités 
infernales,  ou  au  moins  chtouiennes. 

•^  L'Hydre  apparaît  à  Virgile  (après  Euripide,  .Aristophane,  Hésiode) 
comme  tellement  symbolique  des  Enfers  qu'il  en  place  une  seconde  an 
second  seuil  des  Enfers  (celui  du  Tartare):  Aen.,  VI,  576, 


»b  IIERCUl.B    FINKHAlKi-; 

simplement,  comme  Milelilm-fer  ',  (Hie  i-e  développement  vient  des 
croyances  populaire»,  mais  pour  le  l'atfaciier  à  la  lonffue  tradition 
A  moitié  populaire  à  moitié  savante  qui  n-inoiiti'  à  Hésiode.  Les  Silius 
Italiens,  Valcrius  Flaccns,  Sénèque  le  Trafique  '",  lorsqu'ils  se  conten- 
tent de  suivre  Vir^^ile,  n'aioutent  rien  à  riinportance  expressive  de  ce 
passage  ;  mais  il  est  curieux  de  voir,  grâce  à  eux.  l'idée  de  1'  «  Hnl'er  » 
liée,  encore  aux  I"  et  II'  siècles  de  notre  ère,  à  l'apparition  des 
monstres  tués  par  Hercule  ou  au  moins  de  leurs  ombres^.  Survi- 
vance de  la  conception  liésiodi(iue  ?  Nous  ne  l'aflirmerons  pas  en- 
core: mais  cette  liaison  fondamentale  entre  le  liéros  et  les  monstres 
inrcniaux  est  encore  possible  à  cette  date. 

Tels  sont  les  jalons:  voyons  si  les  ninriuments  ne  nous  aident 
jias  :'i   p;isser  de  l'un  ;i  l'autre. 

On  conn;iit  l.i  iViMiucnce  sur  les  toml)iaux  étrusques  des  ligures 
de  Centaures,  de  Cliiméres  \  de  Spliinx  et  lions  de  caractère  ionien 
archaïque  '  ;  de  lions  surtout  '"'.  Rappeler  que  le  lion  funéraire  figure 
souvent  en  (îrèce  par  Jeu  de  mots  av(!c  le  nom  du  mort  '  n'en- 
traîne  aucune  consé(ni(nee  (juand  il  s'agit  de  monuments  étrusques 
ou  puniques".   I)ire(|iril  symbolise  la  garde,  le  courage  héroïque", 

1  .Milclilicefer,  .1»/;  dn-  Kiinsl.,  p.  229.  n.  1.  Cfr.  Ettig.  Acheruiilicii, 
p.  350,  n.  2. 

■^  Siliiis  Ital..  riirh..  IV,  WM  snq.-.  Sihi..  V.  :3,  277.  —  Valer.  l'Iaccus. 
III,  224  siiq.  —  Séuè(|iu'.  Hcrc.  fur.,  782  s(|(|. 

^  Sen.,  Hcrc.  Oel.,  1936  sqq.:  «  Anguesquc  suos  |  Ilydia  sub  undi.s 
territa  mersit,  |  teque  laborex,  a  gnate,  timentV  »  —  Lucien,  Jup.  trcuj..  32. 

*  Milchh(pfer,  Anf.  dcr  Kttnsf.  p.  229;  K.  :\leyor,  GUumhirren  iind 
Kentuure»  :  Heyne,  ad   Verij.  loc.  cit. 

^  E.  Calien,  Daremherg-Saglio.  s.  v.  Sepulcrum,  p.  1231. 

<■'  Voii-  Xot.  d.  Scavi,  1903,  p.  17  sq. ;  p.  .3.02  sqq.;  —  191(5,  p.  27ii  sqi|. 
—  Les  lions  de  l'ancienne  sépulture  dite  de  Romnlns,  sur  le  Forum  Romain. 
Cfr.  E.  F.  Wecge,  Etr.  Makrei.  p.  17.  —  Le  gisant  du  sarcophage  dit  d'I 
Mugnaic  (Musée  de  Corneto)  a  des  sphinx  :i  ses  pieds,  ;i  sa  tète  des  lioin'. 

'  Gardner,  Scidptnred  tomb.<i  of  IMlas,  p.  1 .30  sq.  ;  E.  Italien,  /.  c,  p.  1 222. 

'  Toutain,  Bemic  dex  Jifttdcs  .'l»c.,  XIII.  1911.  ]i.  Kî.t  si|q.:  F.  Cu- 
niont.  il).,  p.  379  sq, 

''  M.  Collignon,  Statue.'!  fiincrmrcs...,  ji.  4.3;  Cfr.  il/.,   p.  22()  scjq. 


HERtULE    FUNÉRAIRE  57 

peut  être  juste  dans  certains  cas.  Mais,  après  ce  qui  précède,  ne 
doit-on  pas  préférer  l'interprétation  qui  en  fait  un  démon  de  la 
mort',  rî/Opo>.£ojv  qui  déchire  les  âmes'-,  autre  forme  de  Cer- 
bère"^; ou,  d'un  autre  point  de  vue  l'animal  dionj'siaque  \  que 
Ton  voit  paré  de  lierre  comme  les  Centaures  des  urnes  étrusques  ^  : 
en  tout  cas  un  être  infernal,  une  sorte  de  lion  de  Némée  '  ?  De  même 
le  serpent  funéraire,  qui  pour  le  Grecs  avait  fini  par  représenter 
le  mort,  était  primitivement  le  dieu  infernal  lui-même  '  ;  et  les 
Etrusques  s'obstinaient  à  lui  confier  le  rôle  de  ministre  redoutable 
d'Hadés  ".  «iuant  aux  Centaures,  nous  avons  vu  ce  qu'il  fallait  en 
penser,  i'-n  un  mot,  une  lionne  part  des  monstres  infernaux  d'Hé- 
siode et  de  Virgile  se  retrouvent  sur  les  monuments  étrusques.  Dans 
ces  conditions,  n'est-il  pas  plus  qu'aventureux,  pour  mieux  dire  n'ap- 
paraît il  pas  systématique  et  faux  d'affirmer  avec  C.  Sittl,  et  bien 
d'autres  à  sa  suite,  que,  dans  ces  monuments,  «  les  figures  fautas- 
tiques  des  Orientaux  et  des  Grecs  ipar  exemple  les  satj'res  et  les 
Centaures)  ne  servaient  qu'à  la  décoration,  sans  que  les  Etrusques 
s'occupassent  de  leur  signification   mytliologique  »  '  ? 

'  l'sener.  De  lliad.  carminé  ijiwflnm  Phoctiico,  p.  o'i  sqq.  ;  Binckner, 
Friedhof  um  Krida)ios^  p.  76-79. 

^  Kaibel.  Epiçjr.  ex  lapid.  coll..  it.').  cité  pai-  L.  Malten.  Arcli.  Jahrh.. 
XXIX,   1914.  p.  213.  n.  3. 

^  Sur  un  sarcophage  d'Athènes  représentant  les  travaux  ilHèraclès 
(C.  Robei-t,  Ant.  Sark.  Bel..  III.  1,  n°  99),  Cerbère  a  une  tète  de  lion 
entre  deux  têtes  de  chien. 

*  Xonnns,  Dionys.,  XIV.  I(i2. 

^  Lion  sans  doute  funéraire  d'Ancône:  Noi.  d.  Scavi.  1902.  p.  44ti  sqq. 
—  Cl'r.  ib..  p.  478  sq. 

^  Peut  être  conçu  comme  apparente  à  l'Hydre  de  Lerne  encore  dans 
Nonnos,  Dionys.,  VIII,  240:  X^a/TsêoTM  -asà  Xi^-ir,. 

'  0.  Seitfert.  Die  l^otensclilanye  auf  lakonischcn  lieliefs:  —  Archir. 
f.  Kclig.  Wi$.s.,  XX,  p.  146.  —  Pour  la  fréquence  de  l'alternance,  cfr. 
L.  Malten,  Arch.  Jahrb..  XXIX.  1914,  p.  235  sqq. 

"  Voir  par  ex.  F.  Weege.  Eti:  Mal,  p.  30  et  39:  fig.  22  (Tomba 
deirOrco,  Corneto)  et  49  (Vase  Faina,  Orvieto). 

■'  C.  SittI,  Annali  deirinst,  LVII,  188.Ô,  p.  135. 


ÔH  HEHCIXE    FINÈHAIKE 

Nous  ne  prétendons  pas  en  faire  des  élèves  d"!Iésiode  ;  mais 
nous  sommes  en  droit  de  dire  que  les  conceptions  populaires  que 
nous  trouvons  systématisées  dans  la  Théogonie,  plus  ou  moins  mê- 
lées, plus  ou  moins  contaminées  (surtout  par  les  idées  orphiques  et 
dionysiaques  en  Italie  vivaient  eiifoi'e  en  Ktrurie  entre  le  IV  et 
le  IV  siècle,  avant  di-  irparaitre  presiiue  sans  aucun  «■liangement 
<lans  Virgile. 

3.   Hercule  contre  les  races  infernales  : 
rlérelop pements  de  la  conception . 

Les  preuves  de  la  \italité  de  cette  conception  ne  manquent  pas. 
C'est  ainsi  que,  d"une  part,  au  H'  siècle  av.int  notre  ère,  l'aigle 
qui  dévorait  l'rométliée  et  que  l'ancienne  tradition  '  faisait  périr  de 
la  main  d'Héraclès,  se  trouve  introduite  dans  la  généalogie  infer- 
nale d'Hésiode,  comme  tille  de  Typhon  et  d'Echidua  °  :  —  que,  d'autre 
part,  les  Harpyes,  très  anciens  démons  de  la  mort  ',  dans  les  Théo- 
gonies dites  d'Acusilaos,  Phérécydes,  Epiménides,  deviennent  les  sen- 
tinelles du  Tartare  et  les  gardiennes  de  l'arbre  des  Hespérides,  c'est 
à-dire  figurent  à  la  fois  parmi  les  adversaires  d'Héraclès  et  :\  côté  des 
races  infernales  d'Hésiode  :  peut-être  même  y  entrèrent-elles  par  con- 
fusion avec  les  Gorgones  *  :  et  de  même  la  Spli3'nx,  au  lieu  d'Œdipe, 
trouva  sans  doute,  selon  certaines  légendes,  un  adversaire  en  Héraclès^. 

'  Hésiode.   Tliéoij.,  52'>  s(|q. 

-  Apollod.,  BiliL,  II,  V,  11.  —  Nous  rappelons  que  l'aigle  ligure, 
comme  la  Goigone,  le  sphinx  et  le  griffon,  sur  les  monuments  funéraires 
Uoinaiiis  (Cfr.  E.  Calien,  Daremherg-Sagh'o,  s.  v.  Sepulcndii.  p.   123.5. 

'  Hom.,  0(1,  a,  211  sq.:  ;,  371;  j,  61  65;  79  sqq.  Cfr.  Rolide,  Psyché, 
p.  65  sq.  et  69,  n.  2. 

■•  Vase  ctnif:fp(e  à  tig.  n.  (Berlin,  2157):  cfr.  A.  Furtwiingler,  lioscherx 
Lex.^  s.  V.  Gorgonen,  1708.  —  Les  Harpyes  considérées  connue  des  cavales  : 
voir  L.  Malten,  Arch.  Jiihrb.,  XXIX,  1914,  p.  199.  Cfr.  t^iipra,  p.  33,  le 
rapprochement  entre  les  (lorgones  et  les  Centaures. 

5  Bull.  d.  Iiist.,  1S50.  p.  33.  Cfr.  Gerhard,  Aitserles.  Vaseiibihi.  128, 
p.  152-154. 


HEUCLLK    ITNKRAIRE  Ôt) 

Selon  le  même  esprit,  Héraclès  prend  position  plus  nettement 
<|ue  du  temps  d'Hésiode  contre  l;i  première  race  infernale,  contre  les 
entants  de  la  Nuit.  H  est  inutile  d'insister  sur  Texpéditioii  vers  les 
Hespérides,  ses  anciennes  ennemies  (et  parfois,  par  contre,  ses  bien- 
faitrices). Mais  les  hymnes  orphiques  appellent  le  héros  K-/;pa;^.'jvT7;:, 
celui  qui  chasse  Kêr  ou  les  Kères  '.  Et,  de  même,  Héraclès  est  re- 
])résenté  sur  des  vases  trouvés  en  Italie  comme  accablant  la  Vieil- 
lesse, Géras,  fils  de  la  Nuit  ".  Quant  à  sa  lutte  contre  Thanatos, 
tous  les  lecteurs  d'Euripide  la  connaissent. 

Comme  si  les  raythographes  postérieurs  tenaient  à  accentuer 
les  deux  caractères  essentiels  de  ces  généalogies  d'Hésiode  :  leur 
effort  de  groupement  de  tous  les  monstres  infernaux  et  lenr  insis- 
tance :Y  leur  opposer  le  héros  Héraclès. 

Même  extension,  plus  large  encore,  dans  le  monde  grec  occi- 
dental. Triton,  le  dieu  marin,  que  l'art  du  VIIT  siècle  mettait  déjà 
aux  prises  avec  Héraclès  ',  est  localisé  par  les  colons  grecs  aux 
environs  de  Curaes,  où  il  prend  nn  (•.uactère  chtlionien  et  infernal, 
et  où  ("peut  être  dès  le  VT  sièclej  il  <Milève  Misène,  comme  le  fe- 
rait Charon   ou   tout   auti'c  démon   de  THadès  ■"  :  voilà   donc  encoi'e 

'  Hymnea  Ori^h.^  X[[,  IH.  C'est  ce  ([ue.  au  lémoignage  de  Théognis 
(3:  xaità:  o'à-i  zrpa;  âXa)./.:),  fait  aussi  Aitéiiiis,  la  déesse  que  l'on  re- 
présente généralement  comme  nue  tueuse  d'hommes  et  de  fauves  (comme 
Héraclès  lui-même):  car  les  deux  fonctions  sont  connexes.  Cfr.  supra  les 
Centaures  et  les  Satyres;  infra  Ecliidna,  lîadés.  tantôt  meurtriers  tantôt 
bienfaisants. 

■  Surtout  le  vase  nolan  trouvé  à  Capoue  {Scavi,  1877,  p.  16  sq.). 
Peut-être  aussi  l'œnochoé  à  fig.  n.  de  Vulci  (Berlin,  1927).  Cfr.  C.  Smith, 
Journal  of  hellenic  studies.  IV,  1883,  p.  104  sqq. 

'  Coupe  de  Praisos.  Cfr.  Anmial  Brit.  School  Athena,  X,  pi.  III. 

■■  E.  Norden,  Verg.  Aen.,  VI',  p.  179-180.  —  Remarquer  que  pour 
Hésiode  déjà  il  est  un  5=wi;  Bio;  {Thértf/..  933i.  —  Lucaiu  (P/iore.,  IX, 
348  sqq.)  suit  la  tradition  italique,  fortement  enracinée  dans  les  imagi- 
nations par  les  urnes  funéraires  étrusques,  lorsqu'il  jilace  ce  dieu  au 
lac  Triton  en  Afrique,  près  du  Léthé  et  du  Dragon  des  Hespérides:  en 
im  mot  aux  portes  des  Enfeis.  Mais  des  influences  sémitiques  sont  en 
outre  fort  possibles. 


60  HERCULE   FL'NÉRAIKE 

un  exploit  d'Héraclès  précise  dans  le  sens  de  la  pensée  liésiodique. 

—  L;i  source  utilisée  par  Lycopliron  ',  selon  laquelle  Héraclès  fut 
englouti  par  le  monstre  marin  auquel  était  exposée  Hésione,  et 
sortit  cliaiive  de  cette  aventure,  est-elle  aussi  d'origine  occidentale 
et  peut-elle  s'interpréter  de  la  même  façon  ?  Ce  n'est  pas  certain  '. 

—  Mais  voici  (|iii  se  rattache  sans  ambiguïté  à  cette  conception:  c'est 
la  légende  rapportée  par  Lycophron  encore  ',  et  qui  veut  que  Scylla, 
ayant  volé  les  bœufs  d'Héraclès,  ait  été  tuée  par  le  héros,  mais 
ressuscitée  ]>ar  son  père  Pliorkus.  11  n'est  rien  de  plus  uet  que 
cette  anecdote:  Scylla,  parente  des  Harpyes  et  cliienne  de  l'Ha- 
dès  ',  a  été  rattadiée,  par  Pliorkus,  à  la  race  infernale  constituée 
dans  la  Tiiéogonie  :  et  opposée  à  Héraclès,  comme  ses  frères  et  ses 
neveux;  seulement,  comme  elle  était  immortelle,  la  cohérence  de 
la  légende  s'en  est  ressentie.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  retrouvera 
Scylla  et  sur  les  urnes  étrusques  et  dans  les  textes  latins  où  il 
est  question  des  Enfers,  multipliée  pour  les  besoins  de  la  c:iuse, 
de  façon  k  faire  pendant  aux  Furies,  Centaures,  etc '. 

Les  Etrusques,  que  nous  venons  de  voir  directement  influencés 
en  ce  sens  par  les  (!rees  occidentaux,  allèrent-  plus  loin,  par  leui's 
propres  forces,  semlile-t-il,  et  avec  ce  génie  de  généralisation  qui 
se  manifestait  déjà  à  propos  des  Centaures.  Le  Griffon,  sans  doute, 
uni  aux  Ariniaspes  dans  le  pays  des  Cimmériens,  avait  déjà  chez 
les  Grecs  un  car:ictère  infernal  :  les  Etrusciues  l'accentuèrent,  peut- 
être   relativement    t.ird.   comiiie   le  pense  Conestabile '',  en  tout  cas 


'  Lycophi-.,  Ak.i:,  ,32-37  et  .S'e7io/.  nd  34  et  37. 

-  D'origine  sud-asiatique  selon  L.  Frobenius,  lias  Zeitallcr  des  Soii- 
nfnyottes. 

'  Lycophr.,  Alex.,  44-49  et  Schol.  ad  46. 

*  Homère,  Od.,  y.,  100. 

'  E.  Norden,  op.  cit.,  p.  215,  ne  trouve  de  Scyllae.  au  i>luriel,  qu'avec 
Lucrèce,  de  naf.  rer.,  IV,  732  et  V,  893. 

"  A  propos  d'une  urne  funéiaire  de  Pérouse  {Peiuyin.  V,  XXI'"-,  '2. 
—  Cfi-,  pi.  LV,  LXXXI.  4). 


HERCULE    FUNERAIRE  Dl 

de  la  façon  la  plus  nette  '.  Or  des  monuments  étrusques  représen- 
tent d'une  part  Hercule  combattant  un  Griffon  -,  de  l'autre  un  héros 
quelconque  tirant  le  monstre  d'une  caverne  ^  comme  Hercule  tire 
Cerbère  des  Enfers  *.  Le  rapprochement  de  ces  deux  figurations 
rend  caduque  riijpothèse  singulière  de  Conestabile,  qu'il  s'agit 
dans  le  dernier  cas  d'une  déformation  des  jeux  du  Cirque,  le  griffon 
ayant  été  substitué  à  un  lion  ;  non  :  le  griffon,  être  infernal  comme 
les  Centaures,  trouve  chez  les  hommes  des  adversaii-es  héroïques, 
dont  Hercule  est  l'un.  Peut-être  la  lutte  d'Hercule  contre  des  mons- 
tres anguipèdes  ^  a-t-elle  le  même  sens,  si  on  la  rapproche  des 
figurations  de  ces  monstres  dans  la  Tomba  del  Tifone  à  Corneto, 
et  sur  certaines  urnes  funéraires  étrusques:  une  certitude    est    ici 


'  Démons  à  type  de  giiffon  dans  la  Tomba  deU'Orco  à  Corneto.  Voir 
F.  Wee^e,  i?/r.  3Ialerei,  p.  50  sq.  et  fig  25  et  53.  —  Char  de  Pioser- 
pine  tiré  par  des  griffons  sur  deux  vases  de  la  collection  Faina  (id.,  ih., 
p.  5;-i  sq.  et  fig.  49).  —  De  là,  la  fréquence  des  griffons  dévorant  des  ani- 
maux ou  devant  la  torche  funéraire,  svir  les  sarcophages  Romains  (voir 
par  ex.  C.  Robert,  Ant.  Sari.  Bel,  II,  140;  III,  1,  24^  et  SI"-'':  111,2, 

166»-'';  etc ).  Pour  le  symbolisme  de  la  première  représentation,  voir 

infra.  C'est  plus  tarJ  seulement,  nous  semble-t-il,  que  le  griffon  devient, 
comme  l'aigle,  un  symbole  de  l'Apothéose  (voir  F.  Cumont,  Heviie  Hi.'^i. 
des  Bel,  LXIV,  1911,  p.  154). 

2  De  Witte,  Bull.  d.  Inst,  1867,  p.  131:  «  Vaso  di  rozzo  stile  etrusco 
in  possesso  dell'Instituto  ».  Cfr.  J.  Roulez,  Annali  d.  Inst.,  1871,  p.  150  sq. 
—  Le  thème  n'est  pas  abandonné  par  les  Romains  :  Hercule  figure  entre 
deux  griffons  qu'il  semble  vouloir  étrangler  sur  la  cuirasse  d'une  statue 
impériale  (Zoega,  Bassiril.,  II,  pi.  109,  p.  274).  —  La  liaison  était  peut- 
être  déjà  établie  entre  le  moni^tre  et  le  héros  par  des  Grecs  occidentaux: 
sur  des  monnaies  d'Ambracie,  on  voit  à  l'avers  la  tête  d'Héraclès,  au 
revers  les  Griffons. 

^  Déjà  sur  une  intaille  mycénienne:  Fnrtwangler,  Ant.  Gemmen, 
III,  pi.  VI,  18  (=  Penot- Chipiez,  Hist.  de  l'Art  Ant.,  pi.  XVL  16,  et 
fig.  374}.  —  Pour  les  monuments  étrusques,  voir  Milani,  Stiidi  e  Mate- 
riali,   II,  p.  7  s(|(|. 

■■  Cfr.  P.  Ducati,  Boidic.  d.  Lincei.,  série  V,  t.  19,  p.  179,  n.  3. 

^  Vase  de  Munich  (Jahn,  337);  —  Bronzes  Etrusques  (Conestabile, 
J'erugia,  pi.  LXXVI  et  LXXXV).  Cfr.  A.  Reinach.  Les  têtes  coripées 
d'Alise  et  Hercule  à  Alesia  {iiihl.  Pro  Alesia,  fasc.  3),  p.  10  n.  3. 


02  iiKm;i:i.n  ku.skuaikk 

ilifticile  à  obtenir.  Mais  an  rm'-mc  urrlre  de  pensées  apparCu-tiiieiit 
sans  auciiii  (loiitf,  d'une  |)art  cette  tasse  conservée  û  Copenliague 
représentant  llérailé-;  en  tiain  d'extraire'  d'une  caverne  nu  monstre 
à  tête  énfirnie  et  (|ui  tire  la  langiu-  '.  de  l'autre  les  fameuses  urnes 
étrusques  m'i  l'un  vnit  un  iiéros,  ))eut-ètre  Ulysse,  l'épée  ou  la  pa- 
tére  à  la  main,  recevant  un  monstre  denii-liumain  fattaclié  lui  aussi 
par  un  licol)  Iiors  d'un  jmtcal:  rejjrésentation  certainement  infer- 
nale ■  ;  évocation  de  morts  ou  de  démons  contre  lesquels  on  a  pi-is 
des  précautions  comme  envers  des  êtres  hostiles. 

Le  mouvement  d'imaf;ination  que  révèlent  ces  monuments  est 
fout  à  fait  seml)Ialdo  à  lelui  que  tr.iliit  In  Théogonie  d'Hésiode; 
mais  avec  des  miidificatiiins  qui  iirou\cMt  (pie  les  Etrusques  ne  se 
contentaient  \n\!i  de  répéter  une  lei-on  liicii  apprise,  mais  avaient 
fait  entivr  cette  conce])tion  lielléui(|ue  dans  leurs  croyances  propres 
relatives  aux  enfers. 

4.    Coiiiliision. 

Dune.  Iiirsi|ue  Virgile  reproduit  pres(|ue  dans  1rs  inrMnes  ter 
mes,  nous  l'avons  vu,  li's  ;;énéal()gies  d'Hésiode,  mais  eu  en  sjié- 
cifiaiit  le  earactèi'e   infernal,   il   riq)résente.  selon   son    hahitude,   la 

'  Ihdktl.  Xiip<ililm\6,  Xiiwa  Série,  V.  1 1  =  Hosclier,  I.e.r.A.  oooi 
=  S.  Keinach  JiVi).   V.  PehiU,  I,  p.  490. 

-  Yoh:  Amhmi,  De'moiwlogie  KtiHi<ijue{Mèla>i<ie'i  de  l'Kcole  ih  ]liiiiii: 
XXX,  1910,  p.  257)  et  P.  Oucati,  J'Jse(jesi  di  dhiine  urne  etriisclic  [Jien- 
die.  Acecid.  d.  Lincei,  ser.  V.  t.  19,  1910)  p.  161-180,  et  surtout  p.  ltj«. 
—  On  lemaiipiera  (pi'en  Italie  l'iysse  se  substitue  volontiers  à  Hercule 
dans  le  rôle  infernal  que  nous  étudions:  les  épisodes  des  .Sirènes,  du  Cy- 
clope,  de  Circé,  se  trouvent  sur  des  urnes  étrusciues  (Ducati,  loc.  cit., 
p.  1(58);  Polyplième  figure,  peut-être  comme  démon  antliropophaf;e.  dans 
la  Timha  dcïï'Orco  (F.  Weege,  Etr.  Malerei,  p.  28)  ;  et  Ulysse  infernal 
aussi  sur  les  peintures  de  l'Esquilin,  du  V'  siècle  a.  C.  (id.,  »/<..  p.  'M). 
Les  philosophes  (pii  unissent  Hercule  et  Ulysse  comme  iicros  symholi- 
i|ues  de  même  signifii-ation  (Sénèque,  De  Coiist.  Snjj.,  2,  par  ex.)  ne  font 
i|ue  suivre  le  mouvement  des  croyances  populaires. 


HERCULE    FUXBUAIRE  b^ 

plus  aurienne  pensée  grecque,  enrichie  et  modifiée  par  le  travail 
séculaire  des  peuples  italiques,  en  particulier  des  Etrusques,  et  en- 
nnldic  par  sa  philosophie  personnelle:  mais  la  part  des  traditions 
est  incomparablement  plus  grande  que  celle  de  l'imagination  poé- 
ti(iue.  Et,  s'il  en  est  ainsi,  on  con(;oit  rimportance  de  ce  rôle  d'Her- 
cule ennemi  des  monstres  infernaux  :  rôle  déjà  précis  au  temps 
d'Hésiode,  élargi  de  siècle  en  siècle,  et  surtout  dans  le  monde  grec 
occidental  :  mais  généralisé  par  les  Etrusques  de  fayon  à  symbo- 
liser, aux  dépens  même  de  la  personnalité  d'Hercule,  la  lutte  des 
héros  contre  la  puissance  d'Hadès.  Peut-être  faut-il  ajouter  que  la 
popularité  croissante  d'Hercule  à  Rome,  surtout  à  partir  du  IP  siècle 
(t.  ('..  a  préparé  la  réaction  des  marbriers  de  l'Empire  contre  le 
syuihiilisnip  trop  vague  et  trop  général  des  Etrusques,  en  faveur 
ùu  dieu   de   VAiri  Ma.rima. 


VI.  —  Relations  coxtkadictoikes  d'Hercule 
AVEC  i,Ks  Dieux  de  la  Mort. 

Ce  i)arti-pris  d'opposer  Hercule  aux  puissances  infernales  prend 
une  forme  plus  franche,  lorsque  récits  mythiques  et  monuments 
figurés  le  mettent  aux  prises  avec  les  dieux  même  de  la  mort. 
Mais  comme  ces  documents  sont  rares  et  dispersés,  il  importait 
de  montrer  d'aljord  (jue  nous  nons  trouvons  avec  eux  en  face 
des  déljris  d'une  forte  et  durable  conception,  non  de  fantaisies 
mythographiques.  La  preuve  est  faite  que  le  héros  était  systé- 
mati((Uemcnt  opposé  aux  familles  infernales.  Nous  aurons  désor- 
mais mnins  de  surprise  à  le  voir  eugagé  dans  des  rapports  va- 
rialiles  et  même  contradictoires  avec  Hadès,  on  autres  divinités 
apparentées. 


M  IlEKCn.E    FI  NKi<AII{E 


1.  Héraclès  ru   lutte  contre  tes   Dirinites  de  la   Mort: 
Iladès,   liera.   Poséidon. 

Le  témoignage  le  plus  ancien,  et  l'nn  des  phn  expressifs,  est 
celni  de  l'Iliade  ',  qu'il  faut  eonsidérer  dans  son  enseinlile.  malgré 
son  apparence  déeouaue. 

'{"l.f,    "^''llp/,,   OTî   v.'.v  /.sîTTîio;   -zî;   'Ay.O'.TyJi-jvo; 
oî^iTspov   y.y.-r   y.y^ov   oïttw   zz'.'^'\o)y'.-ii 

'^ï^AVÎ/.ît    •  TÔTî    /.ai    'J.IV    ZVV^iCî'TT'jV    '/.Off'-jVI    à"Avo:. 

T)v^   (i"A'.'V/;;  àv  roîcjt  —sî.wito;  (oy.'jv   o'wrov, 

£ÙT£   ;a'.v   wJTO;   ivy.p,   'jîo;   A'.o;   aÏYiO/ot'j, 

Èv  -'!(/(.)  £v  vî/.jci7'7t  SaAÎvWv,  'jh'j'/riC'.'i    ihi-tv.z'i . . . 

Héraclès  Idesse  Héra  et  Iladés.  Ou  ne  nous  dit  pas  si  c'est  le  même 
jour,  en  la  même  occasion.  Mais  c'est  fort  possilile,  comme  nous 
allons  le  voir. 

Lorsque  la  légende  se  fut  ;i  la  fois  jjrécisée  topograpliiiiuement 
et  altérée  mytliologiquement,  Héraclès  trouva  devant  lui  comme 
adversaires,  à  P/ilos.  Poséidon,  Phoibos,  et  Hadès  •  :  il  y  a,  dans 
la  coalition  de  ces  trois  dieux,  une  sorte  d'absurdité,  on,  jiou)'  miens 
dire,  prééminence  de  leur  caractère  anthropomorpliique  sur  leur 
nature  originelle.  Aujourd'hui,  on  a  tendance  à  expliquer  «  iv  — 'j).(.) 
£v  ^z/.'jz'yy'.  »  par  «  au  seuil  du  royaume  des  morts  »  :  la  légende 
c'est  ensuite  développée,  dit-on,  par  jeu  de  mots  sur  -'Aoz  '.  L'es- 
sentiel de  cette  explication  nous  semble  irréfutable  :  il  s'agit  ici 
d'un   combat   cmiti'e   la    puissance   infernale  '.    Dans    ces    conditions. 


'    lloni..    llimi:    E..  .Wâ   sqq. 

2  Pindare,  01.,  L\,  43  sqq. 

3  Ettig,  Achenniticd,  p.  392-394. 

'  Aussi  bien  Pylos  de  Messénie  est-il    une  des   portes   des    Knter?. 
Cfr.  Holule,  Ffiiehe,  p.  53,  n.  1. 


HEKCTLE    FINÈRAIUK  65 

il  n'y  a  aucune  difficulté,  mais  plutôt  vraisemblance  à  penser  qu'Héi'a 
était  groupée  avec  Hadès  contre  Héraclès,  de  même  qu'au  témoi- 
gnage d'Hésiode  elle  suscitait  contre  le  liéms  des  monstres  de  race 
infernale,  l'Hydre,  le  Lion  '  :  sa  nature  originelle  clitliouienne  a  été 
démontrée  ".  N'accepterait  on  pas  riiypothèse,  il  resterait  qn'Héra, 
divinité  souterraine  comme  Hadès,  et  qui  prend  ciiez  lui  des  com- 
plices, a  trouvé  eu  Héraclès  un  adversaire  audacieux  et  heureux. 
Mais  nous  avons  peut-être  des  raisons  d'affirmer  l'alliance,  à  un 
moment  précis,  d'Héra  et  Hadès. 

H  suffit  de  se  rendre  compte  de  l'étroite  parenté  entre  Hadès 
et  Poséidon,  dont  il  sul)siste  encore  des  traces  dans  le  texte  de  Pin- 
darc  que  nous  citions  tout  à  l'heure  '.  Or  une  amphore  à  figures 
noires  de  Vulci,  peut-être  grecque,  mais  alors  très  influencée  par 
des  conceptions  et  représentations  italiques  (nous  la  croyons  plutôt 
pour  notre  part  italique),  représente  Hercule,  suivi  d'une  femme, 
8'avan(;ant  dans  une  attitude  menaçante  contre  Junon  Caprotiue  ac- 
compagnée de  Neptune  \  C'est  une  scène  bien  singulière.  Directe- 
ment, Hercule  n'a  eorabattu  qu'une  fois.  ;\  notre  connaissance,  contre 
Neptune:  et  c'est  à  Pylos.  comme  le  dit  Pindare  :  et.  d'autre  part, 
la  blessure  qu'il  infligea  à  .lunon  est  unique,  elle  aussi.  En  bonne 
logique,  il  en  résulterait  que  le  vase  représente  la  bataille  de 
Pylos:  îv  -'j),w  îv  vî/.'jîTT',.  Mais  la  logique  seule  en  pareil  cas 
est  bien  dangereuse,  Jious  dira-t-on.   Comment   se  fait-il    alors   que 

'  Voir  supra. 

'  Voir  en  particulier  Sam  Wide,  Chthonische  utid  liimmhache  Gôtter 
{Archiv.  f.  Helùj.   M'iss.,  X.  1907),  p.  2."-> 7-268. 

'  Sur  cette  parenté,  voir  L.  Malten,  Areh.  Jahrb.,  XXIX.  1914. 
p.  179-181.  Mais,  trop  cantonné  dans  des  questions  d'onomastii|ue  et 
détymologie,  ce  savant  n'a  pas  pensé  à  utiliser  le  monument,  bien  connu 
cependant,  sur  lequel  nous  tondons  notre  discussion. 

*  British  Muséum,  Cnf..  II,  B.  57  (ex-427).  Voir  Rom.  Mitilml..  1887, 
p.  174.  —  Figures  dans:  Gerhard,  Auserles.  Vasenh.,  pi.  127;  et  S.  Rei- 
nach,  lîépert.  vases  peints,  II,  p.  67,  (9,  10  et  11).  —  Etudié  par  Miss 
E.  M.  Douglas,  Journal  of  Roniati  Sfudies,  III,  1913,  p.  61  73. 

.Vi-latigei>  d'Areh.  ft  dHht.  19-2B.  5 


66  IIBRCUI.K    rCXKHAlKK 

Sénèqur,  décrivîiiit  cette  l):it:iille,  arme  l'iiiton  «riin  trident,  roiiime 
s'il  était  Neptune  '  ?  Pour  un  imitateur  aussi  raffiné  des  Grers.  un 
vulj^aire  contre-sens  est  incroyable,  une  cnnfusion  de  réminiscences  ' 
reste  possible,  mais  n'explique  pas  tout,  surtout  dans  un  passage 
choral,  c'est-à-dire  particulièrement  soigné;  il  faut  admettre  que  la 
confusion  plastique  entre  Pluton  et  Neptune  était  courante  dans 
cette  aventure  de  Pylos.  Et  peut  être,  dans  ces  conditions,  le 
«  Poseldôu  S)  du  vase  de  V'ulci  n'est-il  pas  Poséidon,  mais  Hadès? 
Mieux  vaut  dire  qu'ils  ne  se  distinguent  pas  nettement. 

Simple  eouclusion  :  à  Pylos,  Héraclès  a  livré  une  grande  bataille 
contre  les  divinités  infernales,  et  il  en  est  sorti  vainqueur:  lui  mortel 
contre  trois  immortels!  '. 

La  lutte  contre  Cerbère  ^déjù  dans  iiomère)  est-elle  une  atté- 
nuation de  cette  lutte  directe  contre  Hadès?  Aucune  donnée  chro- 
nologique ne  nous  permet  de  l'affirmer.  Mais  il  est  certain  que  les 
deux  légendes  avaient  le  même  .sens.  Et  sans  doute  ce  sens  restait-il 
très  limpide  en  Italie,  et  surtout  en  Etrurie,  où  le  loup  (ou  le  chien  ) 
est  la  forme  courante  du  démon  évoqué  des  Enfers  ^  et  du  dieu  même 
des  morts  qui  se  coiffe  de  sa  dépouille  '  :  encon-  au  XIV''"''  siècle,  nti- 

'  Sen..  Hftc.  fur.,  564  sqq.:  «  Ilic,  qui  rex  populis  phiribus  iinpe- 
rat,  I  bello  cura  peteres  Nestoreara  Pylon,  |  tecum  eonseruit  pestiferas 
raanus,  ]  ielum  iergcmina  cuspide  praeferens  ».  —  Le  choeur  s'adresse  à 
Hercule. 

*  Pour  fixer  les  idées,  le  Tfi-jXû/.-.vt  sVstw  d'Homère,  par  exemple. 

^  Que  ce  soit  confusion,  ou  variante  de  cette  légende,  une  tradition 
conseivée  par  Panyasis  (frg.  7  et  20.  Cité  par  Weicker,  P«H7y-ll'/>soirfl. 
s.  v.  Geiyon,  1287)  rapportait  qu'Héra  avait  été  blessée  par  Héraclès 
dans  son  combat  contre  Géryoïi  h  lljXw  y.[i.ifiivi-:.  Mais  (îéryon.  être 
infernal  (inf'ra,  p.  4()).  n'est  ici,  connue  la  notation  du  lieu  l'indique, 
qu'un  substitut  d'IIadès:  ce  qui  confirme  singulièrcuient  notre  inter|iré- 
tation  du  texte  d'Homère  et  du  vase  itali(|ue. 

^  Cfr.  Deux  des  urnes  citées  supra. 

"  Toniha  Golini  d'Orvieto  (.Martha,  Art  Etrusque,  tig.  2ti6.  279.  292): 
Tomba  delF  Orco  à  Corneto  (vers  le  milieu  du  IV'-'  s.  a.  C).  Voir  F.  Weege. 
Ktr.  Malerei,  p.  27,  tig.  22  et  68.  Cfr.  Hadès  de  la  Tomha  Campiuinri 
à  Vulci  (Dennis,  Ciliés  and  Cemeteries . . . ^  I,  p.  465). 


HBRCl'LE    iTN'ÉRAlRE  67 

lisant  la  croyance  populaire  qui  fait  du  loup  le  symbole  de  l'avarice, 
Dante  jette  k  «  Pluto  »,  sons-ordre  de  Satan,  l'injure  de  «  male- 
detto  lupo  »  '. 

Cette  inimitié  se  saisira  d'autre  part,  d'une  façon  plus  large, 
mais  aussi  plus  confuse,  dans  les  rapports  mytliologiques  d'Héraclès 
avec  l:t  famille  de  Poséidon. 

M.  Malten  a  mis  en  valeur  à  bon  droit  la  ressemblance  entre 
Poséidon  et  Hadès  -.  En  dehors  des  arguments  qu'il  apporte,  il  suf- 
firait sans  doute  de  remarquer  d'uue  part  la  double  origine  ma- 
rine (Phorkus  et  Ivétô)  de  la  grande  race  infernale  d'Hésiode  ^  ; 
de  l'autre,  la  double  activité  des  Telcliines,  démons  marins,  qui 
ont  forgé  le  trident  de  Poséidon  ■",  et  stérilisé  l'Ile  de  Rhodes,  d'où 
ils  avaient  été  chassés  par  les  fils  du  Soleil,  en  y  répandant  les 
eaux  du  Styx  et  du  Tartare  ',  pour  être  très  persuadé  qu'il  y  a 
relation  ou  même  confusion  entre  les  êtres  marins  et  les  êtres  in- 
fernaux ^.  Dans  ces  conditions,  et  après  ce  qui  précède,  on  sera 
moins  étonné  de  voir  dans  la  légende  grecque  Héraclès  accabler 
non  seulement  Nélée,  fils  de  Poséidon,  et  Periklymenos,  son  fils 
ou   petit-fils,  dont  les  noms  sont  d'ailleurs    expressifs  ',  mais   aussi 

'  Dante,  Iiiferuo  VII,  8.  Les  autres  réféiences  d'Ettig,  Acheruniiea, 
p.  49,  ne  sont  pas  du  tout  probantes. 

-  L.  Malten,  loc.  cit.  (;fr.  B.  Sclnveitzer,  Herakles,  p,  90. 

■^  Remarque  faite  pour  la  seule  Gorgone  par  A.  Furtwiingler,  Roricher. 
s.  V.,  Ifi95. 

*  Callimatiue,  Hymn.  IV  i»  Del.,  .'31.  Comme  forgerons,  apparentés 
aux  Cyclopes,  (|ui  n'ont  qu'un  n'il  commi'  plusieurs  autres  rtres  in- 
fernaux. 

^  Nounos,  Dioiii/s.,  XIV',  ;i(:)-48:  comme  ailleurs  les  Erynies  (id.,  */(., 
XLIV,  258-263). 

'^  Cfr.  lott'rande  de  poissons  aux  UKuts  dans  l'Italie  du  sud  {Xoi.  </. 
Scavi.  1908,  p.  7).  M.  B.  Schweitzer  {Hentldes,  p.  190  sq.)  a  réuni  des 
exemples  qui  prouvent  les  rapports  établis  entre  les  poissons  et  l'âme 
des  morts  dans  une  grande  partie  du  monde. 

"  Le  «  Sans-pitié  >  et  !"«  Illustre  au  loin»  (Cfr.  Sén.,  loc.  c//.,p.  40, 
n.  1).  Voir  L.  Malten,  loc.  cit.,  p.  179  et  188,  p.  180  et  n.  1  :  il  cite  la 
glose  expressive  d'Hésychius:  ll:jn>'.XiJy.svo;  •  6  IIXîOtwi. 


68  HERCILE    KINÈKAIRE 

Ktéatos ',  Aiiti'-c '.  Husiris ',  Eurypyle  ■*,  Sarpédon '^,  Alébion  et 
Derkynos  en  Ligurie  ",  Kryx  en  Sicile  '  :  tous  fils  de  Poséidon  :  — 
Polyj?onos  et  Télégonos  *,  ses  petits-fils  :  —  Angeas  et  les  Molio- 
nides,  que  Ton  appelle  fils  de  Poséidon,  en  Klide  ".  Un  pareil  mas- 
sacre de  la  descendance  de  Poséidon  par  un  seul  héros  ne  peut 
être  que  voulu  :  et  il  n'est  comparable  comme  ampleur  et  signifi- 
cation qu'il  celui  des  enfants  d'Ecliidna  par  le  même  Héraclès. 

Le  sens  infernal  non  douteux  de  certains  de  ces  noms  '"  :  le  fait 
que  plusieurs  de  ces  adversaires  provoquent  directement  le  héros  "  : 
le  détail  d'après  lequel  Eryx  a  été  vaincu  f7-ois  fois  rie  suite  à  la 
lutte  ''  :  le  caractère  sanguinaire  de  Busiris  qui  immole  tons  les 
étrangers  qui  touchent  à  son  royaume,  pour  olitenii-  la  pluie  '':  au- 
tant d'indices  qui   confirment  cette   interprétation. 

Il  e><t  dmii'  linrs  de  doute  qu'lléraelès  n'a  pas  seulement  conihattu 
les  monstres  liorrihles  des  Enfers,  mais  qu'il  est  entré  en  lutte  directe 
contre  les  divinités  de  la  mort:  Héra,  Hadès.  Poséidon  et  sa  race  '''. 

'   Pindare.  <)}.,  XI,  33. 

'^  ApoUod..  Bibl,  II,  V,  11.  Antée  est  fils  de  la  Terre.  Hécate,  la 
déesse  infernale  triple,  est  surnommée  'Aiti-ï  (Hésychins,  s.  v.).  Cfr.  E. 
Norden,   Verg.  Aen..  VI',  p.  203. 

3  Apollod.,  Bibl.  II,  V,  11. 

*  Id.,  /'-..  Il,  VII.  1. 

■'  M.,  'V,..  II.  \-.  ;i. 

«  Id..  /',.,   II.  V,  10. 
'   Id.,  /'-. 

»  Id.,  ih.,  II,  V,  'X 
3  Id.,  ib.,  TI,  VII,  2. 

'"  Nélée,  Péiiklyniénos,  Eiirypyle.  Ktéatos  'cfr.  -j.ojtwi). 
"  Antée,  Eryx. 

'■  La  '  triplicité  infernale  •  est  bien  connue.  Voir  iiifrn.  p.  73. 
'•'  Rapprocher  la  eoiitnme  assez  fréquente  chez  les  demi-civilisés 
d'établir  un  rapport  entre  les  morts  et  la  pluie:  ainsi  chez  les  Zufii 
en  Amérique  (Loisy,  Le  sacrifice^  p.  38H  st[.  et  481  sq.),  chez  les  Dinka 
d'.\fri<jne  (id..  ib.,  p.  481)  ;  et  de  même  chez  les  Romains,  d'après  ce  que 
nous  savons  du  rite  du  Mnnalis  lapis. 

*  .\  ces  divinités  de  la  mort,  peut-être  faut-il  ioindre  Tyidiée.  en- 
nemi d'Hercule  selon  Virgile  {Aen.,  VIII.  298). 


HERCULE   FL'.N'ÉRAIRE  69 

2.  Héraclès'  allié  aux  divinités  infernales. 

En  face  de  ces  documents  directs  et  de  sens  certain,  des  in- 
dications dispersées  de  sens  contraire  peuvent  être  réunies.  On  n'in- 
voquera pas  contre  elles  leur  apparence  sporadique  :  car,  quelles 
que  soient  la  richesse  et  la  confusion  des  légendes  gréco- italiques, 
il  est  fatal  qu'une  conception  maitresse  aussi  forte  et  aussi  ancienne 
que  la  précédente  ait  amené  la  ruine  de  la  conception  opposée,  en 
n'en  laissant  subsister  que  de  vagues  débris.  Xi  la  contradiction 
qu'elles  semblent  présenter:  car  nous  avons  étudié  une  contradic- 
tion du  même  genre  lorsqu'il  s'agissait  des  Centaures  et  de  leurs 
rapports  avec  Héraclès.  La  question  de  date,  seule,  se  pose  et  reste 
primordiale,  mais  ne  prendra  toute  sa  valeur  que  lorsque  nous 
serons  en  état  de  faire  une  synthèse  définitive. 

Il  y  a  d'abord  quelques  indices  obliques  de  date  récente  (sous 
la  forme  où  ils  nous  sont  parvenus),  mais  expressifs  par  cela  même. 
Si,  en  effet,  «  Apollodore  »  (IV  siècle  a.  C.)  nous  parle  dans  sa 
«  Bibliothèque  »  de  Minos  et  de  Rhadamante,  nous  sommes  à  peu 
près  sûrs  qu'il  ne  remonte  pas  à  la  signification  historique  ni  à  l'acti- 
vité réelle  de  ces  deux  personnages,  mais  qu'il  les  connaît  comme 
juges  des  Enfers,  dans  leur  rôle  mythologiqiie.  Il  est  normal,  dans 
ces  conditions,  qu'Héraclès  mène  la  guerre  contre  les  fils  de  Minos, 
comme  il  le  fait  contre  ceux  de  Poséidon:  il  l'est  moins  qu'il  donne 
ensuite  l'ile  de  Thasos  aux  petits-fils  de  ce  même  Minos  '.  Admet- 
tons cependant  ici  la  survivance  incohérente  de  deux  traditions 
historico-mythologiques  contraires.  Comment  se  fait-il  alors  qu'après 
la  mort  d'Amphitryon  Alcmène,  mère  d'Héraclès  (et  qu'on  retrouve 
snr  des  monuments  de  l'âge  classique,  surtout  en  Etrurie,  dans 
l'Olympe  avec   son  fils),  épouse    Rliadamante,  héros   des  Enfers  et 

'  Apollod..  B,I>1..  II.  V.  !i. 


70  mOItCll.K    f'IXKRAlHE 

siégeant  li\-bas  à  rôté  de  Miiios  '  !  Et  pren (Irons  nous  avec  sim- 
plicité comme;  un  conti;  de  nonrrico  l'îinecdotp  que  nous  a  trans- 
mise le  même  texte,  à  pni])ii>i  (rKrraflès  lui-même  ?  Quand  il  partit, 
nous  raconte-t-on.  pour  comliattre  le  lion  de  Némée,  il  conseilla  à 
son  hôte  M(dorclios  de  remettre  ie  sacrifice  qu'il  préparait  :  «  Si  je 
reviens,  lui  dit-il,  vous  sacrifierez  à  Zeus  Sauveur:  sinon  à  Hn-acUs 
lirros  il/'s  Enfers»  '.  (h\  i)eiit  prétendre,  il  est  vrai,  qu'à  la  date  où 
écrit  «  Apollodore  »  la  iintiiMi  iriirnusatinn  est  si  répandue  que  n'im- 
porte quel  mort  peut  être  qualifié  de  héros  (=:  (7/  mnties,  sans  plus): 
cependant  la  substitution  d'Héraclès  a  Zeus  comme  bénéficiaire  du  sa- 
crifice semble  exclure  l'idée  d'une  simple  nffrande  fiiiiér.iire  ;  ensuite, 
on  n'oubliera  pas  que,  pour  l'auteur  de  la  Xekyia  Odysséenne,  Héraclès 
errait  éternellement  aux  Enfers,  ce  qui  provoqua  plus  tard  la  glose 
maladroite  et  scandalisée  de  la  vulgate  ':  et  n'y  avait-il  pas  une  sur- 
vivance de  ])areilles  conceptions  à  Colone,  ville  de  cultes  chtho- 
niens,  di'i  un  autel  <VHéraclès  se  trouvait  près  de  la  ])iirte  d'Hadès  ■*  ? 
Nous  ne  cherchons  pas  à  dissimuler  la  fragilité  de  tels  indices. 
Le  moins  cependant  (|u"on  en  puisse  dire,  c'est  qu'il  nous  donnent 
rinijjression  d'un  groupement  d'Héraclès  avec  Hadès  et  les  demi- 
dieux  des  Enfers.  Miuos  et  Khadamante.  Cette  union  est  réalisée  par 
la  spéculation  postérieure.  Stobée.  pour  expliquer  que.  dans  le  texte 
homérique  de  la  Nekyia.  Héraclès  soit  en-derh  du  Heuve  des  morts, 
en  fait  un  gardien  du  Seuil,  une  sorte  d'éjiouvantail  pour  les  criminels, 
un  iiiinisti-e  des  hautes-œuvres  de  Pltiton.  comme  pouvaient  l'être  Cer- 

'  ApoUod..  Tiihl..  II,  IV,  11.  —  .Selon  le  poète  épique  Asios,  Alcmène 
e.-Jt,  avec  Kuiydiké  et  Démôiiassa  (de  nom  et  peut  être  de  rôle  infernal i,  fille 
d'Eiiphylé  et  d'Auiphiar.aos  (l'ausan..  V.  17.  7  sq.)  Or  Auiphiaraof,  comme 
Troplionios,  a  été  englouti  vivant  dans  les  Enfers  et  y  vit  éternellement 
(Kohde.  Psyché,  p.  106  s(|q.):  en  cela  plus  caractérisé  comme  '  démon  »  du 
monde  souterrain  que  Tirésias.  un  autre  devin,  lui  aussi  au-dessus  de  la  foule 
des  morts,  mais  qui  aux  Enfers  n'a  plus  de  corps    Hohde.  Psijche,  p.  110  . 

2  Apollod.,  BihJ..  II,  V.  1. 

^  Hom.,  0(7.,  ).,  602  sqq. 

*  Archir  f.  ReUg.    Wixseiisrlmft.   14.  (U'ii;.   p.  .'i90. 


HERCCI.E    FIXEIÎAIRB  il 

bère,  ou  Géryon  cliez  les  Etrusques  '.  Et  une  inscription  latine  groupe 
sans  amphibologie  possible  Hercule  et  Dis  Pater  dans  la  même  invo- 
cation '.  Documents  liien  tardifs,  dira-t-on.  Soit;  bien  que  nul  n'ignore 
le  sacrifice  institué  par  Héraclès  prés  de  Syracuse  à  la  source  C\"anée, 
noire  entrée  des  Enfers  P""i'  Perse plioue.  déesse  infernale.  l\  est 
vrai   que  si  Ton  s'arrêtait  à  tous  les  sacrifices  faits  par  le  héros . . . 

De  fait,  voici  le  témoignage  essentiel  de  cette  alliance  d'Hé- 
raclès avec  les  divinités  de  la  mort,  le  texte  qui  donne  leur  sens 
;'i  ces  indications  dispersées  et  sujettes  à  discussion. 

Aux  VP-V  siècles  a.  C,  les  Grecs  du  Pont  étaient  en  posses- 
sion d'une  légende  singulière,  qui  nous  a  été  conservée  par  Héro- 
dote '.  Revenant  d'Erythie  après  avoir  vaincu  Géryon,  Héraclès  ar- 
riva, disait-on,  dans  le  pays  désert  qui  devait  plus  tard  s  'appeler 
la  Scytliie;  pendant  son  sommeil,  ses  chevaux  disparurent;  il  ne  les 
recouvra  qu'après  s'être  uni  daus  V'Vlxir,  yvi  («  la  Terre  boisée  ») 
au  monstre  Ecliidna,  qui  eut  de  lui  trois  fils,  dont  Scythes.  En  dehors 
de  sa  conclusion  éponymique,  ce  récit  a  une  extrême  valeur  grâce 
aux  autres  traditions  de  même  source  qui  l'accompagnent  et  qui 
prouvent  que  la  Scythie  autrefois  passait  justement  chez  les  Grecs 
piiur  la  Terre  des  morts,  quelque  chose  de  mixte  entre  le  Paradis 
et  ri'ufer  \   11  n'y  a  donc  aucun  doute:   cette  légende  tenait  à  unir 

'  Stobée,  Ecl,\,  423  W.:  .  T!y.Mj  =  tTai  i/.Ti;  à.  --yj-.  iôi/.ou;  œavTMia; 
'»oêîpà;  iy.:r2iuv  toù  €â>.X5VTs;  /.ai  ti^£U5vt5;  ., .  Où  -^àp  or.  /.ai  cuts;  twv  xs- 
).a^oy.î'v(i>/  HOTiv,  û;  'ApiaTap^w  SîzsT,  àXXj.  -io-i  /.îXa^ovTMv.  —  Cité  par  Ettig, 
Acheruniica,  p.  274:  n.  1. 

-  C.  I.  L..  VI,  139:  Diti  patii  |  et  Ilerculi. 

3  Hérodote,  IV,  8-10. 

*  Et  plus  proche  de  l'Enfer  que  du  Paradis.  —  C'était  autrefois  le 
pays  des  Cimraériens  (Hérod.,  IV,  II},  habité  par  les  Arimaspes  (qui  n'ont 
qu'un  œil  comme  les  Grées)  et  des  '-i-'ôpioi-j-si  (Hérod.,  IV,  18).  Même  cette 
'  VXair.  -j^iô,  OÙ  habite  Ecbidna  dans  sa  caverne,  «  seul  endroit  boisé  de  toute 
la  région  »  (Hérod.,  IV,  19)  n'est  pas  sans  rappeler  les  îles  des  Bienheureux, 
ou,  mieux,  le  pays  des  Hyperboréens,  oii,  «  aux  sources  ombreuses  de 
ristros  »  Héraclès  «admira  les  arbres»,  et  d'où  il  rapporta  l'olivier  à 
Olympie  (Pindare,  01,  lll,  20  et  57.  Cfr.  Pausianas,  V.  7,  89). 


(Si  lIERCrLE   FL'XKKAIRK 

dans  un  monde  d'outre-tomlie  Héraclès  et  Kchidna,  déesse  Infernale 
et  mère  de  toute;  une  race  infernale  '  exterminée,  peu  s'en  faut, 
par  Héraclès  lui-même.  Contradiction  évidente.  Bien  entendu.  Mais 
n'en  avons  nous  pas  trouvé  une  du  même  ^enre  lorsiju'il  s'agi.ssait 
des  rapports  d'Hercule  avec  les  Satyres  et  les  Centaures,  êtres 
:'i   moitié   lia(lii(|nes,  à  moitié   infernaux  '  ? 

:i.  1  ni  midi'  et  alJ  innée  d'Hercule  avec  Géryon. 

Géryon  fournit  un  antre  rxiMni)lc,  plus  ciim[)lexc,  mais  intéres- 
sant,  «lu   même    |iliéiioinéne. 

Il  seniUle  étalili  anjord'luii  qu'il  était  orifjituiiri'mciit  un  être 
infernal  .  pent-etre  .iiiparenté  à  l'osoidim,  dieu  des  aliimes,  qui 
ébranle  la  terre  *  :  connu  en  tout  cas  des  Etrusques  ''  comme  un  as- 
sistant majestueux  au  trône  d'IIadès''.  .\utour  de  lui,  dans  la  lé- 
g'ende  lielléni(|Ue.  hou  cliien  Ortlims,  frère  de  Cerlière.  comme  lui 
déchire  les  criminels  aux  Enfers  '  ;  son  bouvier  Eui'ytion,  que  tue 
Héraclès,  porte  le  même  nom  que  le  Centaure  qui.  avant  Nessos, 
essaya  d'enlever  Déj.mire  au  héros:  Menoitès  enfin,  qui  annonce  à 
Géryon  la   niorfde  son  chien  et  de  son  pâtre,  est  forinellement  spé- 


'  Voir  supra,   p.  71. 

'  Voir  supra,  IV. 

'  V.  Wilamowitz-Mcellendorfï,  Héraclès,  I',  p.  45  et  6.5.  —  Weickcr. 
Paiily-Wissoii-a,  \'Ii,  1289.  —  B.  Scllweitzer,  Herakles,  p.  87. 
■     *  0.  Gruppe,  Griech.  Mythol.,  p.  459,  n.  1. 

'  A.  Reinach,  Les  têtes  coupées  d'A lise,  p.  3,  ii.  3.  —  V.  Weejçe.  Etr.  3{al., 
p.  28.  Peut-être  représenté  comme  un  personnage  à  trois  têtes  de  taureau 
(De  Witte,  Xourelles  Amiales,  1838,  p.  214;  Revue  Arch.,  1875,  II,  p.  381 1. 

^  Corneto,  Ti»)il)a  (lell'Oreo. 

'  Silius  Ital.,  Punie,  XIII,  844  sqq.;  Cfr.  Ettig.  Avheruniica,  p.  381 
et  n.  7.  —  Géryon  lui-même  devient  dans  l'imagination  populaire  un 
doublet  de  Cerbère,  aussi  à  craindre  que  lui;  voir  Lucien,  FugiVi'it',  31  : 
il  s'agit  d'une  femme  soi  disant  couverte  par  trois  chiens:  ■  Ki'pëfjjîv 
Tc/o,  dit  un  des  interlocuteurs,  xili-ai  021  r,  l'r.zji-.r.i,  ù;  r/_:i  i  lifaxXf; 
CÎTS;  aJîi;  i7ii-5<  ..   Cfr.  id.,  rt.,  32. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  73 

oifié  coiTime  bouvier  d'Hadès,  et,  selon  une  autre  légende,  fut  ren- 
contré et  vaincu  par  Héraclès  dans  les  Enfers  mêmes  '.  On  est  allé 
jusqu'à  dire  (non  sans  fondement)  que  la  lutte  Héraclès-Cerbère  n'était 
qu'un  doublet  relativement  récent  de  la  lutte  Héraclès-Géryon  *. 
Aussi  bien,  même  si  sa  )iature  ne  l'avait  poiut  comporté,  la 
forme  même  de  Géryon  le  vouait  à  ce  rôle  infernal.  Stésichore  se 
le  représentait  ailé  comme  tant  d'autres  monstres  de  l'Hadès  ^.  Et 
sa  triple  fête  (ou  son  triple  corps)  le  condamnait  à  être  parent  des 
Trinités  féminines  de  la  fécondité  ^  d'Hécate  et  de  Cerbère  ''.  en  un 
mot  des  êtres  infernaux.  Et  cela  aussi  bien  dans  le  monde  italique, 
même  en  deliors  des  influence  grecques  '',  ou  dans  les  pays  celtiques  '  ? 

'  .\pollod.,  Bihl,  II,  V.  12. 

'  B.  .Schweitzer,  Heraldes,  p.  102. 

3  Stcsich..  fr.  14  (Siiclifort)  r=  Schol.  ad  Hesiod.  Theoy.,  287.  De  même 
dans  certains  monuments  figurés:  ainsi  l'amphore  à  fig.  n.  de  Vulci,  de 
la  collection  de  Luyries  (Cabinet  des  Médailles,  de  Ridder,  202). 

*  Horai,  .Moirai,  Cliarites.  Cfr.  lier.  Hist.  d.  Bel,  fi9  (1914;,  p.  355. 

^  Appelé  par  Euripide  tantôt  -fi-A^xii,-  {Herc.  fui:,  (jll,  1277.  —  Cfr. 
(îéryon  rpizàpr-is;),  tantôt  TpiaMu.ar;;  (ib.,  24).  —  .Sur  la  tricéplialie  en 
Grèce,  cfr.  Ad.  Reinacli,  Féfichfs  Etoliens  {Rev.  d' Kthnographie  et  de  So- 
ciologie, 1912).  —  .Sur  la  multiplication  des  organes  cliez  les  êtres  infer- 
nau.x,  voir  supra,  n.  4  et  infrn,  n.  6  et  7.  —  Cfr.  le  piêcisv  yp'joîir,^  tpi-étviXsj 
prêté  à  Hermès,  dieu  psychopompe,  par  VHi/mne  homêr.,  III,  530. 

"■  Buste  à  trois  tètes  opposées  trouvé  dans  une  tombe  de  Terni  {Xot. 
d.  Scari,  191(i,  p.  197  et  fig.  5).  —  Soi-disant  Géryon  à  Padoue  (Suét., 
Tib.,  14)  et  Agyrion  (Diod.  .Sic,  IV,  24,  3).  —  Peut-être  des  divinités 
secondaires  apparentées  aux  orages  (Cfr.  en  Grèce  les  Harpyes  inferna- 
lesi:  .Martian.  Capella,  II,  164:  «  inteniperiae  et  alii  triptes*  (  tricipites?  — 
Grotins:  thripes)  diuorum  ».  —  Le  souterrain  Cacus  à  Rome  ^Properce,  V, 
9,  10).  —  Herilus,  tils  de  linfernale  Feronia  (Virg.,  .-IfK.,  VIII,  .5(51; 
Servius,  ad  toc.  ;  Lydus,  de  Mens,  I,  8).  =  L'influence  grecque  est  plus 
sensible  dans  Varron  (Sat.  TpisôiTT.;  TjtTrjXis;  et  -spi  l^a-ju-^r;.  Cfr.  Ettig, 

Aeheruntiea,  p.  347  et  n.  1),  Stace  {Théb.,  IV,  455  sqq.),  etc =  Mais 

les  croyances  populaires  semblent  reparaître  avec  Dante,  qui  représente 
Lucifer  comme  un  géant  ailé,  à  triple  face,  sortant  à  mi-corps  de  la  glace 
(Inf.,  XXXIV,  38  sq(i.\ 

'  Dieu  :'i  trois  têtes  ou  à  trois  faces,  à  cornes  de  taureau  (S.  Rei- 
nach,  Cultes,  Mythesct  lieliyions,  III,  p.  I(i6  et  1691.  Assimilé  à  Orcus  (A.  Rei- 
nach,  Les  têtes  coupées  d'Alise,  p.  3  et  15)  ou  à  Dispater  (^B.  Schweitzer. 


74  IIERCCLE    KINÉRAIKE 

Seuli;meiit,  selon  la  remarqui'  profonde  de  Miss  ,1.  K.  Harrison  ', 
les  héros  de  l'Ancien  temps  sont  démons  ponr  le  nouveau  ;  et,  même 
devenus  démons,  conservent  parfois  en  certains  lieux  des  adorateurs. 
C'est  ainsi  ])ar  exemple  (jne  Tityos,  torturé  par  les  Olympiens  aux 
Enfers  ',  en  Eubée  est  honoré  comme  un  héros  '.  Sans  doute  vaut-il 
mieux  dire  i|uç  riinaginatioii  aMtii|iic  m-  distiii;j^ue  pas  très  nette- 
ment le  liéros  du  démon:  carie  «Mort  Local»  aie  plus  souvent 
en  Grèce  tout  à  l:i  fois  le  rôle  liicnfais.int  du  guérisseur  et  celui, 
moins  aimable,  du  sorcier  qui  envoie  les  intempéries  et  ruine  les 
récoltes.  Quoi  d'étonnant,  dans  ces  conditions,  à  vo\v  les  habitants 
de  (iadés  l'aire  des  lihatinns  de  sanjr  sur  l.i  tnmbe  de  Géryoïi  ',  et 
les  Thébains  conserver  ses  os  comme  des  reliques'?  Mais  il  est 
plus  singulier  à  coup  sûr  d'apprendre  ([u'iléraclés,  qui  avait  tué 
déryon  en  l'rythie,  l'honora  comme  un  héros  à  Agyrion  en  Sicile, 
en  même  t(;Mi|)s  ([u'Iolaos  lui  môme,  son  compagnon  dans  cette  expé- 
dition  vers  l'extrême  Occident  ". 

On  peut  dire,  il  est  vrai,  qu'Agyrion  est  une  ville  sikèle  dont 
l'hellénisme  est  tout  de  surface,  que  le  culte  d'Héraclès  s'est  su- 
perjwsé  à  celui  d'une  divinité  triple  locale,  et  que  la  tradition  de 
Diodore  représente  l'ett'ort  de  conciliation  entre  le  culte  grec  des 
Léontins  et  le  cnlte  indigène  des  Agyriens.  Il  y  aurait  fort  à  dire 
sur  cette  conceptiini  :   le  très  beau   monnayage    d'.\gyrion    présente 

Herakles,  p.  39),  ce  qui  le  rapproche  de  Géryon  infernal,  dont  il  prit  même 
le  nom  [k.  lleinach,  l.  c);  identifié  d'autre  part  à  Mars  (Ttei:  Et.  Ane, 
X,  1908,  p.  17,3),  Silvain  (B.  Schweitzer,  1.  c.\  .Mercure  gardien  des  routes 
et  des  marchés  (B.  Schweitzer,  op.  cit.,  p.  67  sq.),  ce  qui  le  rapproche  de 
l'Hercule  italique.  Il  ré.alisc  donc  en  terre  barbare  l'union  Hercule-Géryon 
dont  nous  allons  nous  occuper.     - 

'  J.  E.  Harrison,  Prolegomi'na  to  the  .•itiid;/  uf  yrech  lieligio»',  1908, 
p.  194  et  .•i37. 

-  Homère,  Orf.,  >.,  ô76. 

3  .Strabon,  IX,  3,  423. 

*  Philostrate.   Vit.  ApoUon.,  V,   5. 

^  Lucien,  Adu.  indoctum,  14. 

«  Diod.  .Sic,  IV,  24. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  75 

un  Héraclès  juvénile  de  pure  race  grecque,  qui  ne  donne  aucune- 
ment l'impression  de  la  barbarie.  Mais,  au  reste,  la  fusion  ou  con- 
fusion des  cultes  est-elle  chose  si  rare  en  Grèce  et  en  Italie  qu'il 
faille  la  suspecter  lorsqu'on  la  rencontre  sur  son  chemin  ?  Nous 
nous  occupons  ici  d'Hercule  funéraire  en  Italie  ;  et  nous  trouvons  des 
exemples,  dans  ce  même  domaine,  d'une  conception  doul)le  et  con- 
tradictoire des  rapports  entre  Hercule  et  Géryon.  Il  suffirait  de  le 
constater.  Mais  le  fait  en  question  est-il  si  isolé  dans  ce  pays,  et 
par  suite  si  inexplicable  qu'on  veut  bien  le  dire  ?  Héraclès  d'Agyrion 
honore  l'infernal  Géryon  tout  comme  Héraclès  de  Syracuse  établit 
le  culte  de  l'infernale  Perséplione  à  la  Cvanée.  Ce  que  l'on  peut 
en  inférer,  c'est  qu'en  Sicile,  soit  à  la  suite  d'interprétations  cosmi- 
ques des  colons  grecs  eux-mêmes,  soit  par  pénétration  des  croyances 
locales,  les  relations  amicales  d'Héraclès  avec  les  divinités  infer- 
nales ont  été  plus  précises,  peut-être,  qu'elles  ne  le  furent  en  Grèce 
jiropre. 

H  y  avait  entre  Héraclès  et  Géryon  des  liens,  et  une  sorte  de 
prédisposition  à  s'allier  et  à  se  confondre.  Tous  les  deux  pasteurs 
guerriers  d'immenses  troupeaux  de  breufs  ',  peut-être  l'un  et  l'autre 
héros  prophylactiques  '",  leur  culte  semble  en  bien  des  endi'oits  lié 
au  jaillissement  des  sources  chaudes  '  :   trois  caractères  qui  convien- 


'  Géryon  taureau  lui-même  :  Cfr.  son  étymologie  {'[xaùn-i  =  mugir). 
Géryon  est  appelé  aussi  Tauriseos,  surtout  en  Gaule  (Animien  Marcel., 
XV,  9).  Voir  A.  Keinach,  Les  fêtes  coupées  d'Alise,  p.  3. 

'  Héraclès  àAt;!xa/.3ç:  rôle  développé  chez  les  peuples  italiciues.  — 
Le  taureau  est  propliylactique  (comme  le  lion  cliez  les  Hindous,  les  Hit- 
tites...) chez  les  Grecs.  EtiHS(iues  et  Romains:  cfr.  les  cornes,  les  faces 
d'Achelôos  comme  emblèmes  protecteurs  des  monuments  funéraires  (Voir 
Archiv  f.  Relig.  Wiss.,  15,  1912,  p.  475  sq.).  —  Il  n'y  a  d'ailleurs  pas  op. 
position,  tant  s'en  faut,  entre  le  rôle  prophylactique  et  le  rôle  infernal 
d'un  héros:  voir  supra  p.  47  et  infra. 

^  La  chose  est  bien  connue  pour  Hercule.  —  M.  0.  Gruppe  {Pauly- 
Wissoirri,  suppl.  111,  s.  v.  Heraldes,  1064,  12)  a  réuni  les  documents  qui 
prouvent  le  fait  pour    Géryon  :  il  y  a  certitude    ou  forte    probabilité    à 


76  HEROl'LE    FU.NKUAIRE 

lient  fort  bien  à  des  liéros  infernuiix  '.  II  n'est  donc  pas  éton- 
nant que,  eonfonnénient  ;ï  leur  nature  et  non  à  leur  histoire,  ils 
aient  eoni'lii  alliance  à  Ajjyrion  ;  ni  que  peut-être  Géryon  se  soit 
substitué  à  Hercule  dans  une  variante  de  la  légende  Romaine  de 
Cacus  '■'. 


Snitta  en  Lydie  {loc.  cit..  972,  67),  Ségeste-Eiyx  en  Sicile  {loc.  «'«.,991, 
52),  Bauli  et  Padoue  en  Italie  {loc.  cit.,  995,  44;  996,  64);  mais  ce  sont 
coujectuies  gratuites  quand  ce  savant  veut  lier  un  culte  de  Uéryon  aux 
sources  des  Tlieinioijyles  {loc.  cit.,  941,  38),  d'Akélè  en  Lydie  {loc.  cit., 
972,  42)  d'iliméra  en  Sicile  [loc.  cit.,  991,  64):  où  le  culte  d'Héraclès 
n'entraîne  pas  forcément  celui  de  Gérj"on.  —  On  ajoutera  qu'Eurj-iion, 
bouvier  de  Géryon,  a  un  nom  de  source;  comme  d'ailleurs  le  Centaure  Eu- 
rytion  et  le  Molionide  Eurytos  (B.  Schweitzcr,  HeraMes,  p.  154),  tués  eux 
aussi  par  Héraclès. 

'  Pour  la  valeur  funéraire  du  Taureau  et  de  la  magie  propliylac- 
ti(jue,  voir  supra.  —  Pour  le  sens  funéraire  attaché  aux  sources  chau- 
des et  à  l'eau  en  général,  in  fia  p.  81  sqq.  Plusieurs  sarcophages  Romains 
présentent  sous  le  médaillon  du  défunt  des  fleuves  couchés;  un  autre, 
bien  plus  expressif,  dont  le  couvercle  figure  le  couple  couché,  a  donné 
à  riiouiine  la  forme  d'un  fleuve  :  il  est  nu,  accoudé  sur  un  masque  qui 
verse  de  l'eau,  ou  boit  un  oiseau  {Antiali  d.  I»st..  VII.  1835.  p.  3  et 
tav.  d'ufjy.  A.  4.  Au  Louvre). 

'  Selon  Veiriiis  Flaccus  (Orig.  Geiit.  Jîom.,  6  et  8),  dont  le  nom 
même  est  >ine  recommandation,  le  vainqueur  de  Cacus  fut  non  pas  Her- 
cule, mais  «  un  p;"itre  très  fort  »  nommé  Garanus  ou  Becaranus.  Les  ef- 
forts pour  ramener  le  nom  de  Garanus  à  A'erifs  (Criti(|ue  dans:  Winter, 
Tlie  myth  of  Hercules  al  Rome,  University  of  Micliigan  Studies,  Iluma- 
nist.  séries,  vol.  IV,  1910,  p.  255-257)  ou  à  Kanitws  (Jordan,  Hermès, 
III,  lvS69,  p.  409.  Combattu  par  Peter,  Eoschers  Lex.,  I,  2274.  et  Wis- 
sowa,  Paît/y- n'!'s,w«'fl,  III,  1168)  sont  restés  vains.  On  tend  atijourd'hui 
(Hôfer,  Ro.-ichers  Le.v.,  s.  v.  Becaranus,  72)  :\  rapprocher  hi  nom  de  la 
forme  Garyoncus  (Tctpj  I'ovï;;^  Geryoneus)  qu'on  lit  sur  \in  vase  chalcidien 
(Bibl.  Nationale, de  Ridder,  202.  Kretschmer.  Griech.  ^'aseni)lsehrif^.,  47).  La 
(jualiti':  de  pâtre,  l'indication  d'une  très  grande  force,  sont  communes  a 
Hercule  et  à  Géryon  (Géryon  dit  le  plus  fort  de  tous  les  mortels  déjà 
dans  Hésiode,  Tlieog.,  981);  le  nom  donné  par  Verrius  Flaccus  se  rap- 
proche singulièrement  de  celui  de  Géryon  tandis  que  ses  actes  sont  ceux 
que  la  vulgate  attribue  ;i  Hercule:  s'il  ne  s'agissait  que  de  logique,  la 
conclusion  ne  serait  pas  douteuse.  Mais  d'aillenis  tous  les  faits  précé- 
dents semblent  concorder  avec  la  logique. 


HERCULE   FUNERAIRE  11 

i.   Confusion  iVI[t'r<i(}t'  nier  des  dieux  ou  héros   infernaux. 

Cette  confusion  entre  Herenle  et  Géryon  est  probable,  non  cer- 
taine: son  ifTentification  avec  le  dien  celtique  à  triple  tête  est  pos- 
sible, non  prouvée.  Pour  aller  plus  loin,  il  nous  faut  prendre  d'au- 
tres guides.  Ce  seront,  si  l'on  veut,  les  Géants,  vêtus  de  peaux  de 
fauves  comme  Hercule  '.  parfois  pasteurs  de  boeufs  comme  Géryon  "'  : 
souterrains  au  surplus,  soit  de  leur  nature  propre  comme  fils  de  la 
Terre,  soit  (dit  la  légende  tardive)  pai-ce  qu'ils  ont  été  rélégués 
aux  Enfers  à  la  suite  de  leur  révolte  contre  Zeus.  Lucien,  décri- 
vant l'Héraclès  Ogmios  des  Gaulois  ^,  le  déclare  «  plus  semblable 
à  Charon  ou  Japet  ou  à  l'un  des  ÛT:orasTzocoi  qu'au  dieu  grec  », 
bien  qu'il  en  porte  les  attributs:  arc,  massue  et  peau  de  lion.  A 
défaut  d'autre  intérêt,  cette  indication  nous  autorise  à  faire  ce  que 
faisaient  les  Grecs,  c'est  à-dire  à  ne  pas  refuser  la  comparaison 
entre  Héraclès  et  les  Géants  infernaux. 

Briarée  est,  pour  Hésiode,  un  dieu  gardien  de  l'Hadès  *  :  pour 
Callimaqne.  un  monstre  foudroyé,  enseveli  sons  l'Etna  à  la  place 
de  Typhœus  '  ;  l'Iliade  enfin  ''  lui  donne  aussi  le  nom  d'Aegaeôn 
qu'il  partage  avec  Poséidon  :  autant  de  preuves  de  sa  nature  in- 
fernale. Mais,  d'autre  part,  les  colonnes  d'Hercule  s'appelaient  au- 
trefois  B;'.7;£(o  cTf'/.x'.  ■  :  et  on  trouve  mentionné  en    toutes  lettres 


'  Cfr.  S.  Reinach.  Bépert.  de  vases  peints,  I.  p.  245;  II,  p.  41,  5-6. 

'  Le  géant  Polybôtès  est  étymologiquement  le  «  riche  en  bœufs  » 
{Scliol.  ad  Theocrit..  X,  15t  ;  ou,  si  l'on  préfère,  avec  Wilamowitz,  le 
<■  X^elbruUer  »  (voir  E.  Xorden,  Verg.  Aen.  VI-,  p.  2.59):  les  deux  inter- 
prétations sont  voisines  des  deux  sens  étymologiques  de  «  Gérvon  ». 

'  Lucien,  Héraclès.  1. 

*  Hésiode,  The'og.,  617  s(i(|.  Voir  suprn^  V.  2°. 

^  Callimaque.  Hymn.  IV,  iti  Del..  143. 

«   Homère,  II,  A,  404. 

'  Aristt.  EL,  F.  H.,  5,  3  (Didot  fr.  296  b.);  cfr.  Cliarax  Pergamen., 
Fr.  hist.  gr.  (Millier),  III.  p.  640,  16. 


78  HKKCI'I.K    FINKRAIUK 

iréraclès  l$sizpî(.j;  '  :  c'est-à-iliic  un  II/t.k-Ii's  ciiiifiiiulii  avec  Rriarée- 
Aegaeôn. 

Morrheus,  l'eiincnii  acliani<'-  de  Dionysos,  non  seulement  e>t  sem- 
lilaWe  aux  Oéants,  nous  dit  Nonnos  ',  mais  il  est  fils  de  Tj-phon  ' 
et  comme  tel  appartient  à  une  race  infernale.  Or  on  l'appelle 
ly.^>h,;    niyyù.ic,',  \ 

Faunus,  fils  de  Neptune  et  de  Circé  ^,  a  de  t|ui  tenir:  et  il 
n'est  pas  besoin  de  la  niaise  explication  de  Servins"  pour  recon- 
naître en  lui  un  dieu  infernal.  Hercule,  selon  une  légende  qui  nous 
a  été  conservée  par  Derkylos  ",  tua  Faunus.  Mais  d'autre  part, 
chacun  eonnait  l'union  cultuelle  d'Hercule  et  Faunus,  représenté  par 
Silvain,  sou  dérivé  ancien  et  son  substitut  i)resque  constant  à  l'âge 
classique'';  on  est  allé  jusqu'à  dire,  sans  preuves  suffisantes,  que 
Silène-Silvain,  démon  des  eaux  bienfaisant  et  sage,  n'est  pas  dif- 
férent d'Hercule  dieu  des  sources''.  En  tout  cas,  sous  l'Kmpire  Ho- 
niaiii,  certaines  n^ivres  d'art  représentent  de  façon  indiscutable  Her- 
cule dans  l'attitude  de  Silvain-Faunus,  tenant  des  fruits  dans  un 
pli  de  la  léonté  '"  :  et,  dans  un  texte  bizarre.  Hercule  apotro)iaiqne 
est  dit   petif-tils  (le   Silvain  ". 

Bien  entendu,  ces  identifications  assez  tardives  re'po.sent,  pour 
une  part,  sur  la  banale  conception  de  la  «  force  d'Hercule  ».  Orecs 

'  Cléaniue.  ap.  Zenol)..  V.  48   ;/■>. /i/s(.  gr..   II,  [).  :i20,  56). 

~  Xonnos,  Dioiiys..  XXXIV,  isi. 

3  Id.,  ib.,  183. 

*  Id.,  (6.,  192. 

5  Id.,  ih.,  XIII,  330. 

^  Ad  ^'erg.  Aeii.^  VII.  91:  «  Faunus  infernus  dicitiir  ileiis:  et  con- 
jrrue:  nam  nihil  est  tena  inferius  in  qua  tiabitat  >. 

*  Derkylos.  Jtal.,  III  =  F.  H.  G.,  Miiller,  p.  387,  H. 

*  ^■oir  surtout  R.  Peter,  lioschers  Lcr.,  I,  29.i0-29.",9  et  29«3-29t;i^. 
t'fr.  Boeinn,  Pmihj-Wissoa-a,  VIII,  590-593. 

^  Furtwiingler,  Antik.  Gemme»,  III,  p.  196-199. 

'"  C.  I.  L..  VI,  274.  —  Clarac,  Musée  de  Sciilpt..  n.  990  (t.  V.  pi.  796 1. 
"  C.  I.  L.,  VI,  .30738:  «  Hercules  Inuicte  Sancte  Sihiani  iiepos,  Imc 
aduenisti,  ne  quid  hic  fiât  inali  •. 


HERCULE    FINÉRAIRE  79 

et  Romains,  avec  leur  belle  manie  de  eliereluT  à  tout  dieu  étran- 
ger un  équivalent  Romain  ou  Grec,  utilisaient  Hercule  comme  subs- 
titut de  tout  être  divin  remarquable  par  sa  force  physique.  Mais 
cela  n'explique  pas,  ou  fort  incomplètement,  sou  identification  avec 
Hriarée,  Grec,  et  Silvain,  Romain.  Et  il  reste  que  le  troisième  dieu 
auquel  il  se  sul)8titue,  Morrlieus-Sandès,  a,  comme  les  deux  autres, 
un  caractère   infernal  .'iccentué. 

5.   CoRclusioH.  ' 

Il  faut  convenir,  après  ces  recherches  un  peu  divergentes  d'ori- 
gine, mais  de  résultats  concordants,  qu'Héraclès  avait  été  assidû- 
ment mêlé  par  les  Grecs  aux  dieux  de  la  Mort,  soit  pour  les  com- 
battre, .soit  pour  se  joindre  à  eux,  soit  même  pour  se  confondre 
avec  eux.  H  ue  s'agit  pas  ici  d'un  symbolisme  philosophique,  ni 
de  conceptions  sur  la  vie  d'outre-tombe,  mais  de  la  légende  elle- 
même,  et  telle,  et  si  singulière,  qu'il  faut  se  demander  si  la  nature 
même  d'Héraclès  ne  le  prédisposait  pas  à  ce  rôle.  Pour  que  cette 
recherche  soit  valable,  il  convient  d'en  exclure  autant  que  possible 
les  éléments  proprement  héroïques,  les  qualité  qu'Héraclès  partage 
avec  les  autres  demi-dieux  ou  héros  locaux.  Réduits  à  des  indices 
moins  nomlireux,  nous  n'eu  serons  que  plus  fort  dans  nos  conclusions. 

VII.  —  Les  prédispositions  infernales  d'Héraclès 

1.   IjCs  jijdntes  lirrnc} rennes. 

S'il  est  vrai  que  l'arbre  ou  la  plante  qui  se  trouvent  attachés 
à  une  personne  divine  nous  aident  à  concevoir  sa  nature  originelle, 
le  doute  ne  sera  pas  possible  concernant  Héraclès.  Saus  même  faire 
état  de  la  légende  cependant  assez  ancienne,  mais  locale,  qui  faisait 
naître    l'aconit    de    la    bave    de    Cerbère    tiré    des    Enfers    p;ir    le 


W  IIKKII  I.K    FI  NKKAlliE 

liéros  ',  Iph  deux  arbres  qui  lui  sont  consacrés,  l'ulivicr  et  le  peu- 
l>licr,   ont   un   CMractcre   infernal   tr^s  net. 

l.'iiljvier  avait  été  apporté  à  Olympie  par  Héraclès  °.  fin  dit 
qu'il  n'y  fut  donné  en  ])rix  qu'à  jjurtir  de  la  septième  Olympiade, 
en  remplacement  de  la  pomme  '  :  ce  qui  fournirait  un  terminus 
post  quem  puiir  la  légende  reçue  dans  le  monde  grec  au  début 
du  V  siècle,  selon  laquelle  Héraclès  avait  été  le  cliercher  au  pays 
des  Hyperlwréens  pour  en  ombrager  l'Altis  *.  Mais  sans  doute  l'union 
d'Héraclès  avec  rolivier  est  elle  plus  ancienne,  peut-être  même  pri- 
mitive ■'.  Ce  i|ui  cil  tout  cas  n'est  pas  douteux,  c'est  la  provenance 
infernale  de  cet  arbre,  liien  établie  an  \'  siècle'':  et  son  rôle  fu- 
néraire,  encore  exploité  par  Calliniaque  '. 

Même  légende  pour  le  i)euplier  blanc,  urhos  /icmiled  *  :  Héraclès 
l'a  apporté  à  Olynipie  des  bords  de  l'Acliérou.  «  Heuve  de  Tliesprotic  », 
ajoute  le  prudent  et  rationaliste  Fausianas  ":  autant  dire  des  Enfers  '". 
Car,  dans  la  Nekyia  homérique,  le  bois  sacré  de  Perséplione  est  composé 
de  peupliers  coupés  de  prairies  ",  et,  aux  temps  classiques,  le  culte 
mystérieux  de  Sabazios  Dionysos,  dieu  clitlionieu,  se  célébrait  la  tète 
couronnée  de  fenouil  et  de  peuplier,  symboles géuésiques  et  infernaux'-. 

Les   témoignages  sur  ce  point  sont  donc  clairs  et   concoi'dauts. 

'  Hérodoros  d'Héraclée,  fr.  25  (K.  H.  G.  Mliller,  II,  p.  :55».  —  Xéno- 
plion,  Anab.,  VI,  2,  ."i.  —  Cfr.  Ettig,  Acheritntica,  p.  ;il5  S(|. 

-  l'ausan.,  V,  7.  8. 

3  Cfr.  Bev.  Hist.   /.V/ilg/oHs,  69,  (19U).  p.  .î-lli. 

<  Pindare,  01,  III,  24  sqq. 

^  La  massue,  arme  personnelle  et  caractéristique  d'Héraclès,  est  de- 
venue un  olivier  à  'Prézène  (Cfr.  A.  Keinacli,  Jier.  JfiM.  lieligions.  Ii9, 
'1914),  p.  353  et  n.  2). 

"  Kscliyle,  Clmeph.,  ;57:!. 

"  Calliniaque,  ïambes,  II,  23  sqq.  (éd.  Budé,  p.  169). 

"  Virgile,  Aeji.,  VIII,  276:  216  :  «  llercnlea  bicolor...  popnlu.s  uuibra  •. 

'  Pausan.,  V,  U,  2. 

'"  Serv.,  ad  Vrni.  Aeii..  V.  i;!4:  VIII.  27l3.  Cfr.  YAtig..  Acheiiditica. 
p.  316,  n.  4. 

"  Homère,  Od.,  /..  510.  Cfr.  Rolule,  Psiiflie.  p.  49. 

'•  Déuiosthène,  Coron..  313. 


IIEIÎCILE    FI  NÉKAIUE  81 

2.    Bc'iarli's  dieu   des  eaii.r:  l'euu   infernale. 

L'importance  d'Héiarlèti  comme  dieu  des  eaux  a  été  mainte 
fois  mise  en   valeur:   nous  ne  rappellerons  ici  que  quelques  détails. 

Créateur  de  lacs,  à  Léontinoi  en  Sicile  ',  en  Etrurie  aussi,  dans 
la  forêt  Ciminienne  °,  Héraclès  se  trouve,  par  rapport  aux  fleuves, 
dans  une  situation  double  analogue  à  celle  que  nous  avons  remar- 
quée dans  ses  relations  avec  les  Centaures  et  les  dieux  de  la  mort  : 
ayant  la  haute  main  sur  leur  sources  ^,  il  est  l'ennemi  du  fleuve 
Aclieloos  ^,  détourne  l'Alpliée  et  le  Péuée  dans  les  écuries  d'Augias  °; 
mais,  selon  une  autre  légende  assez  ancienne,  il  reçoit  l'aide  du 
fleuve  Duras  ".  Nous  avons  d'autre  part  dit  déjà  quelques  mots  de 
son  rôle  marin  ',  de  ses  traversées  océaniques  très  comparables  :\ 
son  trajet  marin  vers  l'Hadès  *,  rappelées  fréquemment  encore  dans 
Sénèque  ''.  Mais  c'est  comme  dieu  des  sources,  et  de  préférence  des 
sources  cliatidos  qu'Héraclès  est  surtout  caractérisé  '".  Et  c'est  ainsi 

'  Diod.  Sic,  IV.  -24. 

-  Virg.,  AeiK.  Vil.  fit»?  :  Serv.,  ad  loc;  Stiabon,  V,  22(î;  Liv.,  XXII, 
1  ;  etc. . . . 

'  Aelius  Aristid.,  V,  35:  « /.wpi;  6i  irr.fai  itczati.iia-i  ûêdTuv  £™vuu.5t 
K»t  aÙTai  To3  OîsO  ('Hpa/,>.:Ou;)  ■  TSootÙTr.-i  ivapà  rat;  Nù;J.tpat;  zïf.nX'  '^'i"'  ^osi- 
ôpia-j  ». 

*  Apollod.,  Bihl..  II,  VII,  .j. 

^  kl.,  il)..  Il,  V,  5. 

<5  Hérodote,   VI,   IHS. 

"  Suprit,  p.  52. 

'  Euripide,  Herc.  fur.,  400,  851.  Cfr.  Id.,  *..  427:   -  iir/.su^'  i-  "Aioav  ». 

^  St'iièqne,  Herc.  Oet..  49  sqq.;  Herc.  fur.,  275,  327  sqq.,  539  sqq., 
554  sq(i. 

'"  Cfr.  Gei-lianl,  Auserhi-  Vaseiib..  II,  p.  162  et  n.  8-15;  —  Jahn, 
.irch.  Beitriige,  pi.  4:  —  Hartwig,  Herakles  mit  dem  Fullhorn,  15;  — 
Pieller,  Griech.  Mijth.,  IV.  274:  —  Id.,  Riim.  Myth.,  IP,  p.  144-297;  - 
Peter,  lioschent  Le.r.,  I,  2964;  —  0.  Gruppe,  Griech.  Myth..  454.  —  Les 
textes  généraux  les  phis  expressifs  sont  ceux  d'Athénée  (512  F)  et  de  Plu- 
tarqiie  {Moral..  776  D:  Héraclès  découvreur  de  sources).  C(V.  Id.  Moral. 
307  C. 

Mi'lmujes  iVArrli.  W  allixi.  I<i28.  6 


82  lIEUliLE    ir.NÉUAlKli 

quV'ii  (irèfe  ',  en  Sicile  ",  en  Cainpanie  '  et  en  Etniric  ',  de  l:i  dans 
tout  l'Empire  Humain,  Hercule  règne  sur  les  sources  et  les  thermes  '■'. 
ly;i  croyance  à  la  provenance  ehtlionienne  des  eaux  chaudes,  in- 
fernale des  eaux  sulfureuses,  est  hien  connue,  et  pour  ainsi  dire 
Monnaie.  11  est  d'un  intérêt  beaucoup  plus  puissant  ici  de  montrer 
avec  (|iiclle  persistance  et  quelle  universalité  l'eau  sous  toutes  ses 
formes  a  été  mise  en  l'apports  avec  l'Empire  des  morts. 

Il  existe,  pour  rantiquité  g-recque,  un  texte  d'une  force  d'expres- 
sion rcmarqualile,  deux  vers  d'Empédocle  '',  dont  Diojrèiie  Laërce 
nous  donne  la  clef: 

.N-^TT',:  0'   r.    Sz/.;j'j'.;  i-i7:'./.zo~.   oi/.as:   Ïîotscuv 

«  Zeus  éclatant  avec  Hérè  nourricière,  dit  le  philosophe:  et  Aido- 
nens  avec  Nèstis,  qui  emplit  de  l'amertume  des  larmes  les  j'eus 
des  mortels...».  Et  Dioj;cne  ajoute:  «  Par  Zeus  il  entend  le  feu; 
par  Hérè  la  terre  ;  par  Ai'dôneus  l'air;  par  Nèstis  l'eau  »  '.  Le  grou- 
pement de  ces  quatre  noms,  les  épithèfes,  les  gloses,  l'étj'mologie 
même  *,  concordent   de  la   fa(;on  la  plus  absolue  :  au  couple  céleste 

'  Surtout  les  sources  ehaïuies  de  l'Œta:  Hérodote.  VIT.  ITfi:  Sophocle, 
Tvachhi.,  6o4  :  etc. . . . 

-'  Par  ex.  :i  Himéra:  Diod.  Sic,  IV,  2;3,  1. 

^  A  Bauli. 

^  Par  ex.  à  Vetulonia  (Mcmorie  deU'Inst.,  I,  1832,  p.  109);  ii  Caeré 
(I.iv..  XXII,  1.  10). 

■'■  Un  exemple  très  net  à  Lauibèse  :  voir  .1.  Bayet,  Les  statues  d'Hercule 
dans  les  grands  thermes  de  Lamhèse,  Société  arch.  Coiistantine,  48  (1914». 

^  Fr.  57  (Karst).  —  Te.xte  un  peu  différent,  de  même  sens:  Fr.  Phil. 

Omec,    Mullach  (161):    «  IVt'ît:;  S'.t-    ôaxpisi;  tî'-v-jî!  /.jïs'j-iwaa    ^fîT-'.iv  ». 

"  Diog.  Laert.,  VIII,  76:  «  it»  y-i-,  zi  rùp  ki-ju-i  •  'Hfr.i  ii  -rr.i  fî-i- 
Aïôwvîa  ôi  Tà<  i-'soc  yf.iTii  ii  -i  jSwj  ».  —  Glose  comparable  dans  Stobée 
(«7.  I.  10,  11  b.  Waelisni.):   «-.NrfJT!;-  ts  or:p;j.a  c.ai  -i  God?  ». 

'*  Zeus:  cfr.  dies:  le  jour,  la  foudre,  le  feu.  —  Héra:  étymologie  con- 
testée (peut-être  le  ciel?).  —  .Wdôneus  :  l'invisible:  cfr.  VUrz  homérique 
cpii  cache  les  divinités  et  la  /.jih.  dHadès  qui  rend  Bellérophon  invi- 
^iilplc.  —  Nèstis:  de  n.-'-it.)  =  à  Jeun.  On  se  rappellera  le  jeûne  de  Coré 


IIEKCULE    FUNÉKAIRE  83 

Zeus-IIéra  fait  pendant  le  couple  souterrain  Aulôneus-Nêstis  '  ou 
Hadès-Perséphonè.  Et  cette  déesse  des  Knfers,  qu'on  lui  donne  l'em- 
pire des  mers  et  des  poissons  ',  ou  qu'on  la  rapproche  de  Coré,  engloutie 
dans  la  source  Cyané  avec  Hadès  ravisseur,  est  de  toute  certitude 
une  déesse  des  eanx  et  celle  qui,  pour  la  philosophie  d'Empédocle, 
représente  cet  élément  à  l'exclusion  des  autres  divinités.  Autour  de 
ce  texte  précieux  pourraient  se  grouper  de  nombreuses  indications 
mythologiques  qui,  à  sa  lumière,  prennent  toute  leur  valeur  ^.  Mais 
les  autres  confirmations  ne  manquent  pas. 

On  a  remarqué  que  «  l'association  des  morts  à  la  production 
de  la  pluie  est  assez  commune  et  significative  »  ■*  chez  les  demi-civi- 
lisés de  la  Nouvelle-Calédonie  '^  et  de  l'Australie  '^,  d'Afrique  ',  d'Amé- 
rique '  ;  mais  aussi  bien  d'ailleurs  dans  les  civilisations  antiques, 
■  peut-être  chez  les  Israélites  ',  à  coup  sûr  dans  la  religion  avestique, 


rompu  par  des  grains  de  grenade;  et  le  jeûne  prolongé  de  sa  mère  allant 
à  sa  recherche.  Eriskigal,  déesse  babylonienne  des  Enfers  (A.  Jeremias, 
Roseliers  Le.r..  s.  v.  Nenjal,  \i.  259-260),  déesse  de  l'obscurité  (cfr.  Evinys 
rsîîœorTi;)  comme  Hadès,  <•  mange  de  la  terre  au  lieu  de  pain,  boit  des 
lannes  au  lieu  de  vin  >  ;  et  les  morts  babyloniens  ne  mangent  pus. 

'  En  particulier  en  Sicile,  sembie-til:  Photius,  Le.r.,.-  .N^utt,;  •  lu.z\i./.r, 
6ïi;  ■  -.^Xiti;.  Cfr.  Eustatiie,  II.,  1180,  14. 

^  Hippolyte,  Jief'ttt.  omn.  haeres.,  7,  384.  y-r.GT:-  est  le  nom  d'un 
poisson.  Cfr.  Wagner-Drexler.  Roachers  Lex.,  s.  v.,  III,  287-289. 

■*  Ainsi:  l'influence  liumide  de  Diana-Luna  (Macrobe,  .?««.,  VII,  16): 
01-  la  lune  est,  selon  une  ancienne  tradition,  le  séjour  des  morts  (Plut., 
Moral.,  942  D-F).  —  Hécate,  souvent  confondue  avec  la  lune,  est  dite 
parfois  -raups/.ipais;,  et  mugit  (Roscher,  Selenc,  n.  84;  13.):  et  p.  177): 
or  le  taureau,  pour  les  Grecs  et  les  Romains  à  leur  suite,  est  la  forme 
animale  constante  des  fleuves  et  des  torrents. 

■*  Loisy,  7>e  sacrifice,   p.  211. 

^  Id.,  iv*.,  p.  212. 

'''  Pour  certaines  peuplades  australiennes,  des  animaux  aquatiques, 
comme  les  requins,  les  crocodiles,  les  serpents,  passent  pour  servir  d'habi- 
tacle aux  défunts  (Loisy,  Le  sacrifice,  p.  470). 

■  Chez  les  Dinka  {ib.,  p.  481)  et  les  Bambara  («6.,  p.  167). 

^  Chez  les  Zurii  (ib.,  p.  144,  169,  388  8(|(i.,  4SI  s.). 

"  l.K)isy,  Le  sacrifice,  p.  158. 


84  HBKCILE    KfNKRAlKK 

aux  Anthestéries  d'Athènes,  à  Romr-  avec-  le  rite  singulier  du  lapis  ma- 
italis  '.  Il  se  peut,  d'autre  part,  qu'Hercule  se  soit  trouvé  mêlé  à 
de  pareilles  pratiques.  Ku  ctfet,  parmi  les  proeédés  magiques  em- 
ployés par  les  primitifs  pour  pmduin'  la  pluie,  il  en  est  un  qui 
eunsiste  à  uriuer,  parfois  à  paraître  uriner  du  sang  ',  et  il  existe 
des  indices  d'un  tel  rite  dans  l'antiquité  préhelléniqiie  '.  Or,  si  l'on 
adopte  la  méthode  proposée  par  M.  Deonua  pour  expliquer  par  la 
religion  l'origine  des  types  ])lastiques  de  l'antiquité  classique,  ne 
serat  nn  pas  conduit  non  seulement  à  considérer  la  représentation 
d"«  Hercule  la  main  sur  la  hanche  »  comme  un  dérivé  ])lus  décent 
de  r<<  Hercule  la  main  au  ]>hallus  »,  geste  de  la  génération ',  mais 
encore  à  rappeler  les  figurines  (V HeiritJes  mitigens,  multipliées  sous 
l'Empire  Romain  avec  le  sens  grossier  des  suites  de  l'ivresse,  et 
;\  mettre  ce  tv'iie  en  rapport  avec  la  nature  du  dieu  des  sources 
et  de   l'eau  "'  !  Simple  hyj)othèse,  d'ailleurs  iiivéritialdc. 

Les  auteurs  latins  du  premier  siècle  de  noti-e  ère  ne  manquaient 
pas  ''  de  se  représenter  les  ahords  des  Enfers  comme  une  forêt 
d'arbres  funèbres,  ifs,  yeuses,  cyprès,  sapins,  où  volent  les  mânes, 
et  dans  les  prufondeurs  de  laquelle  (■(•nie  une  source  '.  l'eut-être 
suivaient-ils,  consciemment  ou  non,  les  croyances  des  mystiques 
grecs  de  Pltalic  méridionale,  qui  conduisaient  l'âme  vei-s  le  lieu 
désiré  où  la  source  infernale  s'épanchait  au  pied  du  «  cyprès  blanc  »  '. 
Mais  ces  mysti(iues  utilisaient  eux  mêmes  d'antiques  croyances  dont 
nous  trouvons  des  traces  précises  dans  les  légendes  classiques;  car 

'   hl,  il>..  p.  181  sq.:  183:  214. 

2  Ul.,  th.,  p.  «2  et  n.  3:  p.  211  et  n.  -_'.  (fr.  Usener,  Archir.  f.  JieL 
Wiss.,  1904,  p.  28.^. 

'  Cfr.  JfcîM/e  Hist.  lieliy..  .Mai-Juin  ini4,  p.  .'iSci. 

'  Cfr.  lieiiie  nist.  Keliji..  1919  (t.  80),  p.  77  sqq. 

•''  Le  même  geste  se  retrouve  dans  des  figures  de  Silène,  dieu  aqna- 
tii|ue  lui  aussi. 

''  X'oir  Ettig,  Aeheruntica.  p.  367  sq.  et  368,  u.  1. 

"  Sénèque,  Oed.,  545;  —  T/ii/.,  665;  —  Lucain,  Plitirs.,  IIL  411. 

«  l.  G„  Si,,  641.  Cfr.  E.  Norden,  Verg.  Aeii.,  VP,  p.  167,  n.  1. 


HERCULE    FfNÈKAIRE  85 

h  l'arbre  des  Hespérides  coulait  aussi  une  source,  source  merveil- 
leuse d'ambroisie,  nous  dit  le  poète',  c'est-à-dire  d'immortalité; 
sans  doute  Héraclès  n'allait-il  pas  chercher  dans  l'ile  lointaine  les 
seuls  fruits  que  lui  demandait  Eurj'sthée;  il  allait  vers  le  paradis 
terrestre  goûter  l'eau  magique  qui  lui  assurerait  le  bonheur  éternel, 
comme  aux  initiés  de  Graude-Grèce.  N'y  avait-il  pas  nue  variante  de 
cette  légende,  qui  lui  faisait  rencontrer  aux  Enfers  mêmes  la  source 
gardée  par  le  serpent^  ?  En  tout  cas,  la  confusion  paraît  encore  sensible 
dans  Callimaque,  d'après  lequel  Dénièter  cherchant  Coré  alla  Jusqu'au 
jardin  des  Hespérides  ''.  A  cette  source  infernale  comme  à  la  Cyanée, 
nous  retrouvons  groupés  Héraclès  et  Perséphone.  Et  ce  rôle  infernal 
de  la  source  n'est  point  particulier  aux  croyances  helléniques:  que 
l'on  se  rappelle  les  fontaines  de  Judée,  d'où  sortent  les  âmes  ■*. 

Les  Heuves  des  Enfers  sont  célèbres;  et  non  seulement  le  Co- 
cyte  ou  l'Achérou  ,  mais  un  fleuve  géographiquement  bien  observé, 
l'Eridan.  pour  Virgile  encore,  parcourt  les  Champs-Elysées  ".  La  lé- 
gende vulgarisée  à  son  sujet  ne  savait  plus  bien  distinguer,  sem- 
ble-t-il,  s'il   fallait  le  considérer  comme  fleuve  infernal  à  l'égal  de 


'  Euripide.  Hippol.,  74-1  sq.  Cfr.  H.  Heydemann,  Bull.  d.  Inst.,  1871, 
p.  223.  —  Elle  est  repiésentée  sur  un  vase  de  Ruvo  {Bull.  d.  Tnst.^  1836, 
p.  119). 

-  Dans  Soplioele,  'Hpa-i/.?,;  =-;  Tgc'<a;'.),  où  il  était  question  de  la 
descente  du  héros  aux  Enfers  (fr.  216  Dindorft'):  «  Tpî'tpojui  xpr-jr.;  tpùXaxa 
xupiir.v  ô((i[i  ..  Mais  l'interprétation  locale  est  douteuse. 

^  Callimaque,  Hymn.  VI,  in  Cerei:,  11. 

*  Dieterich,  Mutter  Erde-,  p.  18  sqq.  Cfr.  Archiv.  f.  Rel.  TT^'is.ç.,  17 
(1914),  p.  352.  —  On  trouverait,  pensons-nous,  des  croyances  analogues 
dans  l'antiquité  romaine.  Mais  la  discussion  des  documents  nous  condui- 
rait trop  loin  :  nous  la  remettons  à  une  autre  étude. 

^  La  légende  de  sa  traversée  par  les  morts  (substituée  à  celle  de 
l'Océan)  se  répand  chez  les  peuples  italiques  dès  le  IV*^  siècle  avant  no- 
tre ère  (Cfr.  Uamurrini,  Anncili  d.  I)ist.,  1872,  p.  288). 

6  Virg.,  Aen.,  VI,  6n9.  -  Voir  Th.  Bergk,  Kl.  Schriften,  II,  718  ; 
Dieterich,  Nehyia.  27;  E.  Norden,  Venj.  Aen.,  VI',  p.  29ô  sq.  —  C'est 
grâce  aux  Nymphes  de  l'Eridan  qu'Héraclès  peut  apprendre  le  chemin 
qui  mène  au  Jardin  des  Hespérides  (Apollod.,  Bibl.,  II,  V,   11). 


8(>  IIBKCILE    FINÉRAIUE 

l'ArlKM'nii,  lin  j/aradisifiqur  comme  la  source  des  Hespérides;  c'est 
dans  SCS  flots,  en  effet,  que  Pliaéton  avait  été  enseveli  au  milieu 
de  ses  sipuin  ti'ansformécs  en  prupjiers  '  avant  d'être  ramené  au 
ciel  parmi  les  astres  '  :  mais,  d'autre  part,  A'irgile  en  réserve  la 
Jouissance  aux  morts  liieniicurcnx  et  Lucien  '  fait  voler  sur  se» 
bords  «  les  iiomiiics  liienliciircux  com])af;nons  d'Apollon  *>  transfor- 
més eu  cygnes.  Nous  rencontrons  toujours  devant  nous  cette  même 
incertitude:  f.iut-il  voir  dans  Irs  Knfcrs  une  odieuse  demeure  sou- 
terraine ou  les  douces  prairies  dans  lesquelles  s'exerce  la  libre  ac- 
tivité des  héros?  Et  de  même  l'Ister.  dans  la  région  voisine  de 
ses  sources,  est.  nous  l'avons  vu.  pour  l'indai'c,  un  fleuve  des  Hy- 
perlioréens  aux  rives  duquel  pousse  l'olivier,  arbre  infernal  comme 
les  peupliers  qui  l)ordcnt  l'Eridan  *.  De  même  encore  Aclielôos, 
dont  le  uias(]iic  cornu  ajjparait  si  souvent  avec  un  caractère  apn- 
tropaïque  sur  les  temples  des  Etrusques  et  sur  leurs  monuments 
funéraires.  Il  était  ciiez  les  Grecs  souvent  considéré  comme  le  dieu 
suprême  des  eaux'';  mais  ses  filles,  les  Sirènes,  sont  du  cortège 
infernal  de  Perséplione '^.  et  habitent  un  marais  près  de  Catane  en  Si- 
cile ".  comme  Per.séi)iione  possède  une  source  pi'ès  de  .Syracuse.  Aussi 
bien  le  taureau,  forme  que  prenait  habituellement  Aclielôos,  avait-il  à 
la  fois  un  sens  aquatique  **  et  funéraire  ''.  Et  c'est  peut-être  en  tant 
que  dieu   infernal   (lu'.Vrlii'lôos  entre  en   lutte   avec   Héraclès. 

'  Ovide.  Métam..  II.  ;-524  sqq.:  —  Sénèqiie.  f/err.  Oit.  IST  S(|(i.:  — 
Lucien.  De  eleciro  sett  cycnin,  4. 

-  Xonnos,  Diorn/s..  XyXVIII.  424. 

'  Lucien,  loc.  rit. 

*  Pindare,  01..  111,24  sqq.  Voir  supra  p.  80. 

»  Cfr.  Furtwiuiglei-,  Collection  Saboiii-nff.  I,  pi.  XXVII    et  XXVIII. 

"  Knripide.-Hc/.,  175  si].  —  Apollon.  Rhod.,  ^r/;o». ,  8i)4-S<lfi.  -  Cn. 
Ch.  Michel,   Daremlierg-Safilin.,  s.  v.,  1.353  sqq. 

■  Nonnos,  Dioiiys.,  XIII.  .312-31.3. 

'  Ovide,  FasI.,  VI,  197  sq.:  Nonnos,  l)ioiii/s..  L  4^2. 

5  Gardner,  Sculptnred   tomhs  of  Hellti.t,  IS94,    p.  130  sq.:   M.  Colli- 

gnon,  Statues  funéraires p.  234  sq.  —  Les  bœufs    de    Oéryon:  voir 

supra,  p.  75.  Ceux  d'Hadès:  dans  les  KpaîTâT».X;i,  comédie  de  Phérécrate: 


HBRCL'LE    FINÉRAIRE  87 

Nous  avons  incliqué  plus  haut  la  uatnre  foncièrement  infer- 
nale de  plusieurs  ilivinités  marines  '  et  n'y  reviendrons  pas.  sinon 
pour  achever  de  coustater  que  l'eau,  sous  toutes  ses  formes,  a  été 
considérée  par  l'Antiquité  comme  une  production  ehthonienne  et 
infernale,  non  comme  une  émanation  céleste.  Elle  a  ce  double  ca- 
ractère, que  nous  retrouvons  si  souvent  dans  ce  domaine,  d'être 
bienfaisante  comme  ag-ent  purificateur  '",  et  d'être  maudite  comme 
cliâtiment  éternel  des  grands  coupables  '.  Et,  d'autre  part.  Hercule, 
dieu  des  sources,  se  trouve  miitliologiquemeiit  avec  les  divinités  des 
eaux  en  rapports  tantôt  d'amitié  tantôt  d'inimitié,  comme  il  l'est 
avec  les  Satj'res,   les  Centaures,   et  les  divinités  de   la   mort. 

3.  La  Tîlchessr  et  ta  Fr'condité  d'origine  irifertinle. 

Il  est  un  fait  reconnu,  complexe  seulement  du  point  de  vue 
de  la  chronologie,  c'est  que  le  dieu  de  la  richesse  est  en  union 
étroite  avec  le  dieu  de  la  mort,  quand  il  ne  se  confond  pas  avec 
lui.  Il  apparaît  assez  vraisemblable  (jucn  Grèce  cette  identification 
de  Ploutos  ou  Ploutôu  avec  Hadès  ne  fut  absolue  d'abord  qu'à 
Eleusis  *  :  ce  qui  obligerait  à  eu  concevoir  l'extension  comme  assez 
tardive.  S'il  est  vrai    cependant    que  cette    conception    repose    sur 

Apollod.,  Bihl..  H,  V.  12;  cfr.  Ettig,  Acheruntica.  p.  2^8  et  n.  5.  —  Voir 
aussi  Callimaque,  Epigr.  XIII,  5-6;  lamb.,  I,  2  (cd.  Budé). 

'  ^^oir  siqjra,  p.  67  sqq. 

-  I.  Scheftelowitz,  iJw'  Smidentilgung  diirch  Wasser  {Arcliii^  f.  Belig. 
Tl'îss..  17,  1914,  p.  35.^  sqq.). 

^  Platon,  Besp.,  II,  363  C.  —  Châtiment  transféré  aux  Danaïdes  pour 
l.\  première-  fois  dans  VAxioclius  :  cfr.  Ettig,  Aclieruntica,  p.  314.  —  C'est 
une  conception  originaiiement  ifaliote,  semble-t-il  :  voir  Platon,  Gonjias, 
493  A-B.  Il  est  intéressant  de  rapprocher  de  ce  texte  expressif  deux  mo- 
numents funéraires,  rungrecapulien(^'l)-c/i.  Anzeig.,  XXIX,  1914,  p.  453  sq., 
fig,  p.  45.5),  l'autre  romain  (C.  Robert,  Ant.  Saric.  Hel.,  III,  1,  n.  140, 
pi.  LU  et  p.  152  8(1.),  où  les  Danaïdes,  à  elles  seules,  sj-mbolisent  les  peines 
de  l'Enfer. 

■*  E.  Xorden,   Verg.  Aen..  XI",  p.  39. 


88  HBRCL'I.K    KfNI-;i{AlKB 

riili'p  ti't's  priiiiitivi'  (In  iioinlire  incalculalile  des  morts  et  sur  celle 
lie  l'orif^iiie  souterraine  des  rielies  moissons  ',  si  d'autre  part  elle 
est  liée  à  rima;i;iiiation  po])iilaii-e  du  festin  des  Bienheureux  '.  il 
n'est  pas  indispensable  de  rattacher  au  développement  et  à  lu 
faveur  des  cultes  éleusiniens  les  croyances  analofriies  des  peiipli-s 
italiques  sur  le  «Trésor  d'Orcus  »  '  et  sur  la  iluulilc  natiiic  du 
Saturne  Romain,  dieu  agricole  d'une  part,  de  l'autre  gardien  du 
Trésor  puhlic  et  de  la  bonne  foi  commerciale  *,  d'ailleurs  divinité 
infernale^.  Aussi  bien  la  distinctinn  entre  les  esprits  des  morts  et 
les  esprits  d(^  la  nature  est-elle  eu  général    peu   nette  *. 

Or,  selon  une  tradition  grecque,  Héraclès  et  Cronos  ('.Saturne) 
régnaient  ensemble  sur  l'ile  fabuleuse  d'Ogygie  à  l'Occident,  c'est- 
à-dire  sur  le  l'aradis  des  Bienheureux  '.  Selon  une  tradition  gréro- 
latine,  c'était  Hercule  qui  a\;Mt  dressé  le  |inmier  autel  romain  à 
Saturne";  et  Ton  pimv.iit  rapprocher  les  cultes  romains  des  deux 
divinités",  l't  une  inscription  purement  italique,  dont  nous  avons 
déj;\  parlé,  unit  lli'rcnle  et  Dis  l'atei'.  dieu  à  la  t'ois  des  morts 
et  des  richesses  '".  C'est  (lu'IIereule  en  Italie  avait  en  garde  les 
trésors  aussi   bien   (|m";'i   Rome    Saturne";   mieux,   il   en   faisait  dè- 

'  C'est  ainsi  (jue  déjà  pour  Hésiode  {Theofi..  420)  Hécate  donne  aux 
lioninies  qui  la  ])iient  la  richesse  (i>.Si;)  dont  elle  dispose.  Et  de  même 
les  hommes  de  la  race  d'or,  devenus  3ai;;.i-i£:  après  leur  mort,  sont  ap- 
pelés par  lui  -XouTooorai  (Hés.,  Ojj.,  126) 

''  Ettig,  Acheruiitka,  p.  296  sq.  et  297,  n.    1. 

''  Moriis  thesauri :  Orcinus  tliesaunts.  Cfr.  l'iellcr.  Rom.  Miitli.-'.  Il, 
p.  63. 

*  Plutarqiie.  Ti.  Gracchiis,  10:  MniiiL.  27.5  A-B:  —  Appieri.  /;.  c,  I,  .'il. 
5  Osov   ûrrouSaîo-i    /.ai    /_9i-!;-.    (Plntar(|Me.   M'iriiL,   266  E). 

^  TyOisy,  Le  Sacrifice,  p.  131. 

'  Plutarque,  .Iforo/..  941  et   11. 'il. 

*  Dionys.,  Hal.,   VI.  I,  4. 

"  Plutan|ue,  3/(«v('.,  266  E:  ;'i  lleriiile  aiis>i  un  sacrifie  tête  découverte, 
et  il  est  dieu  de  la  vérité. 

I"  C.  I.  L..  VI,  139. 

"  Zvetaieft",  Si/lh.iif  J)>sri:  O.sranim.  187S,  n.  56.  p.  .'Uî  oK;  —  C.  I.  J... 
X.  7197. 


HERCULE    Fl'NÉRAIRE  89 

couvrir,  en  Grèce  sans  doute,  mais  surtout  dans  le  monde  italique  ', 
comme  par  exemple,  parmi  les  demi-civilisés  les  Haida  croient  que 
les  morts  envoient  des  richesses  ;\  leurs  parents  pauvres  restés  sur 
terre":  sur  ce  point  la  différence  entre  le  dieu  des  richesses  et  le 
simple  mort-héros  bienfaisant  n'est  pas  très  nette. 

Mais  le  plus  curieux,  c'est  de  voir  peu  à  peu  cette  qualité  de 
dieu  de  l'abondance  se  limiter  à  une  représentation  particulière 
d'Hei-cule,  et  justement  à  la  plus  expressive  en  matière  funéraire, 
celle  de  l'Hercule  couché.  C'était  une  imagination  de  pure  saveur 
italique  ^  de  représenter  l'avare  «  couché  »,  nous  dirions  accroupi 
sur  ses  trésors  *.  La  statue  d'Enules  Olitmrius,  qui  se  trouvait  au 
forum  Bonrium,  au  centre  du  marché  campagnard  de  Rome,  et  qui, 
d'après  les  dernières  découvertes  archéologiques,  représentait  le  dieu 
couché,  put  donner  matière  à  des  applications  précises  du  proverbe,  et 
même  à  des  légendes  populaires.  De  fait,  un  itinéraire  du  liant  Moj'en- 
âge  ""  mentionne  dans  la  Begio  TrunsUhiriiKt  un  <,<  Ifciciilcs  suit  terni 
riiediiis  rubans,  snh  qno  j/luriuiitiii  uiiruni  jiositum  est  »  :  résidu  singu- 
lier, mais  sans  ambiguïté,  du  travail  séculaire  de  l'antiquité  païenne. 

Nous  passons  sans  difficulté  de  la  notion  de  richesse  à  celle  de 
fécondité.  Héraclès  avait  sur  l'Œta  «  un  Jardin  luxuriant  que  tous 
pouvaient  cueillir  »  "  :  et  il  est  possible  que  ce  soient  des  colons  lo- 
criens,  venus  de  la  même  région,  qui  aient  transporté  la  légende 
d'Héraclès  en  Grande-Grèce  au  cap  Lacinien  '.  Plastiqueraent,  cette 
conception  s'exprime  par  la  figure  d'Hercule  tenant  la  corne  d'abon- 

'  Diod.  Sic.  IV,  21;  Dionys..  H.il..  I.  40:  Horace,  Sat.,  II.  VI.  10-13: 
Perse,  II,   10. 

-  Van   Gennep,  Les  Rites  de  pcissuf/e,  p.  223.  Vf.  suprii,  p.  88.  n.   1. 

^  Cfr.  E.  Norden,    Veig.  Aen..  VI-,  p.  288  sq. 

*  Pétrone.  .S'a?.,  38  (Inciibus):  Horace,  Sat..  I,  1,  70  sq.;  Liv.,  VI,  1.5.  ô 
(incubantes  jiublicis  thesmiris];  Quintilien,  X,  1.  2.  —  Cfr.  A.  Otto,  Spricli- 
wôrler  (1890),  p.   173  sq. 

^  Glose  du  Curiositm.  Rey.  XIV.  Cfr.  .lonlan,   Tnp.,  II,  p.  13. 

«  Eusèbe,  Pr.  ev.,  V.  21,  4  et  22,  1. 

"  0.  Grappe,  Griech.  Mythol.,  p.  372,  n.  10  et  4.57,  n.  4, 


f>0  lIKItL'ILK    Kl  XKRAIKK 

(lance  '  ;  figure  multipliée  tle  façon  singulière  par  les  Grées  italiotes 
sous  toutes  les  formes,  iutailles,  l>n)ii/.es,  mais  surtout  terres- 
cuites  ",  ee  (|ui  proiivi'  sa  i)iipiilarité:  aimée  des  Romains,  ijui  la 
peignent,   la  seiili)tent  et   la  gravent  '. 

Les  différentes  légendes  gree(|ues  sur  la  corne  d'aluinrlanee,  qu'elle 
ait  été  prise  :iu  dieu  des  eaux  Aclieloos  ',  ou  remplie  de  fruits  par 
les  Xymphes-llespérides,  ou  donnée  à  Héraclès  par  Plonton-liadès  '' 
et  présentée  par  le  héros  à  Zens  et  Héra,  unissent  toutes  au  sym- 
Itolisme  de  fécondité  les  souvenirs  des  expéditions  d'Héraclès  vers 
les  Enfers  ou  les  îles  des  Bienheureux.  On  peut  penser,  il  est  vrai, 
que  ces  histoires  n'eurent  pas  gi'ande  pu'dicité,  ou  du  moins  grande 
influence,  dans  les  milieux  popula'res  italiques:  l'idée  d'almndanee 
primait  très  certainement  le  sens  funéi'aire  de  ces  représentations, 
au  moins  à  l.i  tin  de  la  liépuhlique  et  sons  l'Empire  romain.  Mais 
il  senilile  n'en  avoir  pas  été  de  même  au  temps  où  les  cités  grecques. 
étrus((ues  et  latines  étaient  encore  assez  vivantes  pour  agir  les  unes 
sur  les  autres.  Monuments  et  textes  prouvent  qu'au  déhut  de  notre 
ère  encore  Hei-cnle  prenait  assez  volontiers  la  forme  ou  le  symbole 
d'un  (lien  ])liali(iphorr.  i|ui  le  rattaciient  aux  très  anciennes  reli- 
gions  naturistes   de    la    ijéninsnlc    itali(|n('  ''.    Or   les    représentations 

'  En  (irècc  proiji-r.  sur  luie  nioniiaic  d  .Vtliènes  (voir  fî^.  linschen) 
Lex.,  I,  2157). 

-  Monnaies  d'HéiacKe  de  l,ncanie:  onyx  à  Pétrograd.  —  Bronze  du 
IV  siècle  à  Berlin.  —  Terres  cuites  de  Tarentc,  Fasano,  Ignazia.  Pae- 

stum,  etc —  Voir  RoDchers  Lea:,  loc.  cit..  2159  et  2176  :  Bull.  â.  Inst.. 

1S84,  p.  236;  etc.... 

'  Par  ex,  Annali  d.  Inst..  187i),  pi.  .M  ;  —  Ib.,  1S78,  p.  210  sq.  et  il/o- 
numenti,  X,  pi.  LVl,  1;   —  Cohen,  Médailles  itiip.,  Antonin,  383, 

*  V.  Wilamowitz-.Moellendortf,  Heraldes,  p.  291. 

^  Gerhard,  Gesamin.  Akad.  AhhniidL.  ]).  46.  n.  :!1  et  32:  Fnrtwiingler, 
KoKchers  Lex.,  I,  21S7  sq. 

*  Colson,  Hercule  Phallophore  {An)iiile.<  du  Mii^ee  Guimct,  t.  IV t.  — 
Voir  en  particulier  un  bronze  de  l'Italie  Mcriilionale,  où  de  la  corne  d'abon- 
dance tenue  par  Hercule  sortent  des  phallus  [Gaiette  archéol.,  1877,  pi.  26)  : 
cfr.  l'anecdote  sur  Commode  (Ael.  Lamprid.,  10.  9),  (|ui  fait  d'un  fiivori 
>  pêne  prominente  ultro  modum  animaliuui  •  un  prêtre  A'Hercules  Rtistictis. 


HERCULE    ITNEUAinE  HI 

des  parties  naturelles  avaient  à  coup  sûr  un  emploi  et  une  valenr 
funéi-aircs,  non  pas  uniquement  apotroitaïques,  mais  qui  semblent  se 
rattacher  i)lutôt  au  culte  de  Démcter  et  de  Ploutos-Hadès  dans  les 
cités  grecques  de  Sicile  et  d'Italie  ',  et  aussi  bien  en  Etrurie,  à 
Arezzo,  à  Castiglione  délia  Pescaia".  Et  la  philosophie  tardive  n'avait 
pas  oublié  cet  antique  symbolisme,  puisque  Porphyre  dit  encore  ' 
que  Perséphone  veille   «  snr  tout  ce  qui  nait  d'une  semence  »  '. 

4.   ('onchisio)i. 

Ainsi,  certains  des  caractères  essentiels  de  rHéraclès  Grec,  dé- 
veloppés encore  dans  le  monde  italique,  rapprochaient  le  héros 
des  divinités  infernales.  Cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  ait  été  con- 
fondu avec  elles,  mais  cela  explique  qu'il  ait  Joué  un  rôle  parmi 
elles.  Et  ce  rôle,  presque  toutes  les  fois  que  nous  avons  voulu  le 
j)réciser,  est  apparu  double    et    contradictoire  :    amitié  et  inimitié. 


VIII.    —    CoORtiIXATION    DES    KÉSrU'ATS. 

Nous  avons  sans  doute  maintenant  le  droit  de  tenter  une  syr.- 
thèse  qui  rende  compte  de  cette  contradiction.  Et  d'aliord,  résu- 
mons la  suite  chronologique  de  nos  certitudes. 

'  A  Syracuse:  Not.  d.  Smri,  1897,  p.  485  avec  fîg.  :  cfr.  Kekule, 
Terracotten  ans  Sicilien,  pi.  51.  —  A  Locres  Epizéphyrienne  :  Not.  </.  Scari, 
1917,  p.  105  et  fig.  8  ;  p.  153,  et  fig.  58. 

2  Not.  d.  Scavi,  1878,  p.  335;  1882,  p.  258. 

■'  Porphyre,  Antre  des  Ni/mphes,   14. 

<  L'idée  est  très  ancienne.  Déjà  Hésiode  {Théog.,  450  sqq.)  se  repré- 
sentait Hécate  comme  une  déesse  nourricière  «  conrotrophe  ^,  et  en  même 
temps  dispensatrice  de  la  richesse  (voir  siq^ra,  p.  88).  D'autre  part,  Dé- 
nièter,  déesse  de  la  terre  féconde,  est  considérée  souvent  comme  une  déesse 
des  morts  {Myt».  Maynum,  p.  218.  49  et  281,  9.  —  Cfr.  Saglio-Pottier. 
s.  V.  Ceres,  p.  1025). 


92  HERCULE    FUNÉRAIRE 

1°  La  plus  ancienne  synthèse  mythologique  à  nous  connue, 
celle  d'Hésiode,  met  aux  prises  systématiquement  Héraclès  avec  les 
familles  infernales;  et  cette  conception,  loin  de  s'atténuer,  se  précise 
au  cours  des  siècles. 

2°  P^ntre  le  VI'  et  le  V  siècle,  on  se  renil  compte,  d'après  les 
textes,  mais  surtout  avec  l'aide  des  vases  de  fabrique  attique,  de 
l'union  étroite  Héraclès-Dionysos.  Le  thème  général  est  celui  du 
repos  héroïque  dans  un  paradis  bachique.  Mais  parmi  les  servants 
de  Dionysos,  les  Satyres  tendent  de  plus  en  plus  :i  être  les  ami» 
d'Héraclès,  les  Centaures  deviennent  presque  toujours  ses  ennemis. 

3"  Le  flottement  entre  les  deux  conceptions  des  êtres  infernaux, 
redoutables  ou  bienfaisants,  est  dès  lors  constant,  surtout,  semble-t-il, 
eu  Italie,  où  les  théories  orphico-pythagoricieiines  insistaient  avec 
prédilection  sur  les  peines  des  Enfers,  tandis  que  par  contre  les 
caractères  chthonions  d'Hercule  prenaient  un  développement  parti- 
culier. 

4°  Aussi,  à  partir  du  III"  siècle  (ou  de  la  fin  du  IV'),  Hercule 
n'apparait-il  plus  que  par  exception  sur  les  monuments  funéraires, 
en  Etrurie  par  exemple,  bien  que  les  idées  des  Etrusques  sur  les 
Enfers  concordent  très  strictement  avec  les  conceptions  grecques  in- 
diquées plus  haut,  avec  tendance  progressive  à  s'assombrir  et  à  in- 
spirer la  terreur   plutôt  que  l'espérance. 

5°  La  fin  de  la  République  romaine  et  le  premier  siècle  de 
l'Empire  marquent  une  reprise  intelligente  à  la  fois  des  représen- 
tations étrusques  et  des  idées  hésiodiques,  plus  ou  moins  obnubi- 
lées, mais  toujours  subsistantes.  La  philosophie  les  étaie  d'un  sym- 
bolisme  précis  en   accord  avec  les  idées  populaires  sur  Hercule. 

t)°  Les  ir  et  II r  siècles  de  notre  ère  nous  révèlent  par  les 
nombreux  sarcophages  héraeléens  qui  nous  sont  parvenus  (et  en  par- 
ticulier celui  du  palais  Farnèse)  que  ce  travail  n'a  pas  été  vain. 
Mais  si  toutes  les  conceptions  antiques  s'y  retrouvent,  la  pensée 
moderne  n'a  pas   réalisé  davantage  l'unité  que  ne  le  faisaient  les 


HERCri.E    FUNERAIRE  9iJ 

Grecs  du  V"  siècle:  Enfer  ou  Paradis?  Hercule  symbole  de  la  lutte 
ou  du  repos  éternel  ?  elle  ne  choisit  pas.  Les  images  d'Hercule  ont 
un  vague  sens  funéraire,  mais  ne  témoignent  pas  d'une  conception 
cscliatologique  précise. 

1.  Lit  diffindtr  essenfieUfi. 

Nous  avons  montré  en  passant  comliien  les  thèmes  iconogra- 
phiques avaient  été  persistants,  et  avec  quelle  délicatesse  et  quelles 
nuances  ils  avaient  évolué  de  Grèce  en  Etrurie  et  d'Etrurie  à  Rome. 
Ce  n'est  donc  ni  dans  la  suite,  parfaitement  établie,  des  jalons 
chronologiques,  ni  dans  les  variantes  des  monuments  figurés  que 
réside  la  difficulté  de  cette  synthèse.  Le  doute  subsiste  sur  deux 
points  :  d'abord,  comment  se  fait-il  qne  la  notion  d'Hercule  funé- 
raire ait  survécu  entre  le  IV*  et  le  \"  siècles  avant  notre  ère,  mal- 
gré la  contradictiou  des  idées  courantes  sur  les  rapports  avec  les 
dieux  ou  démons  de  l'au-delà  î'  —  ensuite,  sous  quelle  forme  doit-on 
se  représenter  ce  sens  fune'raire  indéterminé'  attaché  à  la  figure 
d'Hercule  encore  au  111°  siècle  de  notre  ère  ?  Mais,  en  fait,  ces 
deux  questions  se  ramènent  à  une  seule  :  quelle  est  la  croyance 
fondamentale  qui,  parmi  tous  ses  avatars  et  ses  contradictions,  a 
permis  à  l'Hercule  funéraire  de  sulisister  pendant  neuf  cents  ou 
mille  ans? 

Le  problème  nous  semlile  pduvoir  être  résolu  avec  une  suf- 
fisante approximation  :  la  certitude,  espérons-le,  sera  acquise  par  la 
poursuite  des  fouilles  et  par  les  nouvelles  découvertes. 

2.  La  leçon   des  fouilles  de  &rande-&rèce. 

Celles  de  Locres  Epizéphyrienne  et  de  Rosarno-Medma,  à  elles 
seules,  sont  fort  instructives.  On  a  trouvé  dans  les  sépultures  de 
Locres  un  nombre    considérable  de    plaques   en    terre    cuite,    frag- 


M  iifsnci'i.K  rr.Nioit.MKK 

ineiitées,  ayant  appartenu  à  de  petits  autels  d'usage  funéraire  '  :  ce 
sont,  pour  la  pln))art.  des  répliques  d"un  sujet  bien  connu  de  l'an- 
cien art  ionien,  Fattaiiue  d'un  animal  faillie,  en  général  un  cervidé, 
l)ar  un  ou  deux   fauves  ".  Font  exception  les  sujets  suivants: 

u)  Un  hippogriffe  fou  griffon)  saisissant  un  chevreuil  par  der- 
rière ■''  : 

h)  Un  sphinx   assis  '  ; 

n)  La  lutte  d'Héraclès  contre   Adielôos  '  ; 

(I)  Un  taui-eau  "  : 

e)  Un  quadrige  en  course". 

Les  deux  dernières  de  ces  reiirésentations  ont  un  sens  indé- 
terminé :  le  taureau  peut  être  prophylactique  ou  figurer  l'animal 
du  sacrifice;  —  le  quadrige  peut  être  agonistique  ou  faire  allusion 
à  l'enlèvement  du  mort  par  Iladès.  Dans  le  doute,  force  nous  est 
de  ne  rien  conclure. 

Mais  les  trois  autres  sont  plus  i)réciscs.  La  présence  du  sphinx, 
monstre  k  coup  sûr  funéraire,  sur  l'un  de  ces  autels  nous  aide 
à  concevoir  le  sens  qui  s'attachait  à  la  lutte  du  gritTun.  autre 
monstre  infernal,  contre  le  chevreuil.  Sans  doute  une  telle  scène 
est-elle  assez  commune  avec  une  valeur  purement  ornementale,  par 
exemple  sur  les  objets  ciselés  trouvés  dans  les  tombes  de  la  Russie 
Méridionale:   mais  elle   se   rap|)riiclic  aussi   de  toutes  les   représen- 


'  Voir  les  raisons  de  M.  P.  Orsi  {yot.  d.  Scan,  1917,  p.  149).  —  Ils 
formaient  parfois  deux  des  parois  de  la  fosse  (par  ex.  dans  les  sépul- 
tures n.  1-224  et  1.-M7). 

-  P.  Orsi,  loc.  cit.,  p.   II."),  120,  1-19.  etc.... 

^  Loc.  cit.,  fig.  .")5. 

■•  Loc.  cit.,  fig.  hi. 

^  Loc.  cit..  fig.  24  (.sépulture  n.  ia47  .  M.  Orsi  remarque:  «  È  la  ii;im:i 
volta  elle  una  di  codeste  arulette  esee  dal  carapo  ovvio  e  generico  délie 
lotte  animal),  per  otïrirci  un  soggetto  mitologico  •. 

'•  Xol.  d.  Scam,  1913,  Supplem..  p.  33  {.Sép.  n.  ^00). 

•  Xot.  d.  Scavi,  1917,  Hg.  17  (Sep.  n.  1224). 


HEKCULE    FI'NÉRAIIÎE  95 

tatious  011  légendes  d'honinies  victimes  des  monstres  de  l'Enfer  ', 
et  fignre  à  ce  titre  plus  tard  sui-  les  sarcophages  romains;  et  si 
un  synil)olisme  de  cette  nature  n'est  pas  certain  pour  tous  les  au- 
tels où  figurent  des  luttes  entre  animaux,  il  n'est  pourtant  pas  impos- 
sible u-ijriori.  Dans  ces  conditions,  il  n'y  aurait  point  difficulté  k 
voir  dans  la  lutte  d'Héraclès  contre  Achelôos  une  scène  de  sens 
funéraiie.  et  le  premier  eu  date  des  monuments  héracléens  d'une 
telle  signification. 

La  question  est  un  peu  compliquée  du  fait  qu'à  Caulonia  des 
autels  du  même  genre  ont  été  trouvés  non  pas  dans  des  tombes,  mais 
dans  des  habitations,  que  par  suite  leur  usage  était  domestique, 
non  funéraire  comme  à  Loeres  -  ;  et  qu'à  Medma,  colonie  de  Locres, 
les  sujets  des  autels  funéraires  sont  tirés  de  la  tragédie  et  de  la 
mythologie  \  comme  la  plupart  de  ceux  des  urnes  étrusques  et  des 
sarcophages  romains.  De  sorte  que  nous  sommes  conduits  à  recher- 
cher pour  ces  représentations,  en  particulier  celle  de  la  lutte  d'Hé- 
raclès contre  Achelôos,  ou  celle  de  sa  lutte  contre  le  lion  sur  une 
urne  de  Gr.agnano  \  un  sens  assez  général  pour  convenir  aussi  bien 
à  un  autel  domestique  qu'à  un  autel  funéraire,  et  à  telle  scène 
mythologique  de  supplication  nu  de  purilicatiou.  qui  figure  sur  l'autel 
de  Medma  %  tout  en  étant  susceptil)le  d'un  développement  plus 
exclusivement  funéraire,  le  cas  échéant. 

n  n'y  a  qu'une  conception,  nous  semble-t-il.  (jui  réponde  à  ces 
diverses  conditions:  celle  de  la  valeur  apotropaïque  ou,  si  l'on  pré- 
fère,  prophylactique   de  telle  figure  ou  de  telle   divinité. 


'  \ou  siqjtd.   V.  2. 

^  P.  Orsi,  Kot.  d.  Scaii,  1913,  Snpplem.,  p.  3:!,  n.  1. 

"  Id.,  !b.,  p.  59  sqq.;  —  Not.  d.  Scat%  1917,  p.  SB  sq.,  45,  53. 

*  Près  de  Naples:  Not.  d.  Scavi,  1888,  p.  tiô. 

=  Les  interpiétations  diffèrent  :  les  uns  y  voyant  les  vieiges  lociien- 
nes  suppliantes  à  l'autel  d'Atlièna  d'Ilion:  les  autres  le  niytlie  des 
Prœtides. 


96  HEIKII.E    FI  NKKAIUK 


'■j.    1,11   ntKfiip  iijioln/jjai'jiie. 

La  fonction  apotropaïqne  s"oj)ère  soit  p;ir  la  répnlsion  (  pliallu». 
parties  natnrelles  en  général,  peut-être  les  fornes),  soit  par  le  mi- 
rat''tisnip  (par  ex.  li-  dessin  île  IVeil  ])Oiir  combattre  le  mauvais  n-il, 
l'enfouissement  de  la  pierre  de  foudre  ou  de  la  hache  pour  pro- 
téger la  maison  de  la  foudre  ').  Le  funeste  Gorgonéion  devient 
ainsi,  l'f  pour  les  deux  raisons,  la  figure  apotrnpauiue  type  chez 
les  Grecs  (  lioucliers.  temples,  etc...... 

Lorsque  rimagin.ititin  appuie  sur  les  dangers  de  l'antre  monde 
et  s'etfraie  des  monstres  qu'elle  a  créés,  il  est  naturel,  dans  ces 
conditions,  qu'elle  utilise  les  figures  de  ces  monstres  pour  en  re- 
pousser l'attaqur.  On  a  conclu  nu  peu  vite,  et  sans  lieaucoup  pré- 
ciser ce  que  l'on   voulait   dire,  que  les  Centaures,  Scylla,  Hriarée, 

Hydre,  Chimère,    etc placés  aux    portes    des  Enfei-s    par    les 

poètes,  avaient  un  nile  apotropaique  '"  :  ce  qui  n'a  ])as  grand  sens 
en  pareil  lieu.  Mais  sur  hs  tombes,  c'est  tout  autre  chose;  l'image 
fioirraire  de  la  (iorgone  éloiguera  la  Gorgone  /'/(/V'rnrtZe  elle-même 
des  sépultures  grecques  ou  étrusques  ',  de  même  que  le  taureau 
prophylactique  chez  les  Indiens  .sera  une  garantie  contre  le  dieu 
de  la  mort,  Yania  .lux  cornes  de  taureau  '.  Ht.  d'une  façon  plus 
expressive  encore  et  plus  directe,  nous  l'avons  vu,  le  masque  de 
Satyre  ou  de  Charon,  déposé  par  certains  Sardes  ou  Etrusques  sur 
la  face  du  mort  ou  auprès  de  lui.  le  met  à  l'abri  des  entreprises 
brutales  des  démous  infernaux  ". 

'  Cfr.   B.  Scliweitzev,  Heml.h.t,  p.  30. 

'  Hoscliers  Ia'x..  s.  v.  Keniaiiren,   10ô4-105ti. 

'  Govgoneia  apotropaïcpies  des  tombes  du  V^' s.  à  Kcitscli  :  .\.  Fuit- 
wiingler.  lioschem  Lcx..  s.  v.  Gorgo,  1715.  —  Gorgone  tenant  des  lions 
sur  les  monuments  étrusques:  id.,  (6.,  1707. 

*  Archiv  f.  Kehg.    ]Vifssenschnft.   \h  (1912:,  V-  -t7.'>  sq.  et  4.'i7. 

^  Voir  mnra  III.  3. 


MKlK'll.E    KINÈRAIIÎK  97 

Une  dt'rnii'Te  surtc  {l'apotropaisme  consiste  ;'i  se  mettre  sous  la 
protection  fii/itrr'f  d'un  dieu  puissant.  Car  pour  tous  les  esprits 
primitifs  l'image  équivaut  à  la  réalité:  c'est  même  une  conception, 
magique  sans  doute  elle  aussi,  mais  beaucoup  moins  irrationnelle 
que  les  deux  précédentes:  nous  admettons  encore  sans  ditliculté 
qu'une  tombe  soit  sous  la  sauvegarde  de  la  croix.  Mais,  dans  l'An- 
tiquité, les  vieilles  idées  mimétiques  demeurent  inséparables  de  cette 
crojance.  Le  mort  fi.:;uré  sous  les  traits  d'Héraclès  ou  Dionysos 
revêt  le  personnage  fort  et  heureux  qu'ont  été  l'un  et  l'autre  de 
ces  dieux,  et  s'impuse  pnur  ainsi  dire,  par  confusion,  à  la  bien- 
veillance des  êtres  infernaux.  C'est  ce  que  prouvent  les  textes  des 
comiques:  l'idée  d'Aristophane  de  costumer  Dionysos  en  Héraclès 
pour  lui  pi'rmettre  d'accéder  à  l'Hadès  atteint,  il  est  vrai,  k  la 
boufî'onnerie,  en  ce  que  Dionysos  était  par  lui-même  assez  préservé 
contre  les  embûches  du  voj'age  ;  mais  lorsqu'un  mage,  préparant 
Méuippe  :'i  descendre  .imx  Enfers,  lui  donne  la  léonté,  le  «  pileus  » 
et  la  lyre  ',  il  ne  tait  qui'  lui  donner  V<q)pnrence  des  liéros  qni 
ont  su  braver  l'KntVr,  Hérailés,  Ulysse,  Orpiiée '.  Hercule  était 
tout  désigné  pour  ce  dernier  emploi  prophylactique,  étant  le  gar- 
dien du  seuil  en  Grèce  et  en  Italie,  le  protecteur  des  routes,  mais 
aussi   le   <<  chasseur  de   Kères  »   et  l'ennemi  de  la   Mort  ^. 

Ce  double  rôle  de  protecteur  domestique  et  infernal  (que  nous 
avons  indiqué  :i  propo-i  des  autels  des  cités  grecques  du  Bruttinm) 
lui  était  un  avantage  considérable.  «  Ange  gardien  »  en  toutes  les 
circonstances  de  la  vie  et  de  la  mort,  il  ne  risquait  pas  de  perdre  ce 
caractère  par  désuétude,  an  cas  on  les  idées  sur  les  périls  de  Tâme 
en  voyage  vers  l'Hadès  se  seraient  atténuées  jusqu'à  disparaître  ;  il 
l'exerçait  seulement  avec  plus  de  force  lorsque,   périodiquement,  les 


'  Lucien.  Mrnippe,  8. 

-  L'intention  comiiiue  est  dans  racciimulation  d'attributs  inconciliables, 
s  'Hpi-./.Ç-:  n-.j.>/y,-.-r.;:  Lvcopliron,  AL,  663  et  Scliol.  ;  —  Etymol.  Maqn., 
>11,  27;  Enstathc.  (kl.  XIV.  529,  p.  1771,  45. 


JMaiH/ei'  (l'Arcli.  et  tVllM.  lii-23. 


98  IIRItcri.K    l'I.NKHAlUK 

crises  (!<•  teneurs  infcnialfs  rcBuaisisBaient  \e  monde;  et  comme  il 
y  (Hait   toiijoiMN  pivt.   (III  s'explique  sa   pfipnlarité  en    ce    domaine. 

Il  avait  iraillrins  une  antre  force,  et  une  garantie  de  dnrée, 
dans  son  alliance  avec  Bacclins-Dionysos.  Car,  si  les  Grecs  limi- 
taient l'action  de  Dionysos  à  la  pn'îsidence  d'une  sorte  de  |)aradis 
liiciilicnriiix.  irs  l'",triisi|ii('s  scnilileiit  avoir  adiiiis  (iirilai1('>s  liii-ni(!me 
ponvait  |)rcndre  un  caract(''i'e  dionysiaque  sans  que  pour  cela  fût 
adoucie  la  férocité  des  démons,  ses  serviteurs  '.  Et,  selon  les  pré- 
férences particulières,  ou  celles  du  téni))s,  Hercule  i>ouvait  ou  don- 
ner r(!spéranec  du  paradis  dionysiaque,  ou  se  faire  invoquer  de 
coni|)af;ni('  avec  U-.  dieu  des  Enfers,  Dispater-Dionysos,  ou  offrir 
une  garantie  individuelle  contre  les  démons  infernaux,  même  lia- 
cliiques,  comme  les  Centaures.  C'était,  en  fait  de  croyances  d'outre- 
tciinlie.    un   (lieu   à   toutes   lins,   et    toujuurs   lion   à    invoipier. 

A  ce  point  même,  on  a  tort  sans  doute  de  se  limiter  à  une 
certjiine  sorte  d'apotropaïsme.  .Aussi  bien  les  distinctions  que  nous 
avons  établies  plus  haut  pour  la  couniiiidité  de  l'exposition  n'ont- 
elles  auciine  portée  dans  la  iiratique  de  ces  procédés.  Tel  geste, 
telle  ligure  a,  pour  celui  ([ui  l'enipldie.  une  imimrtauce  délinie. 
mais  irraisonnée.  C'est  proprement  un  urte  mat/iqui',  qui  échappe 
à  la  discussion  et  développe  ses  conséquences  en  deiiors  des  lois 
de  la  nature,  lleccule  apotro]iai(|ue  n'est  pas  essentiellement  dif- 
férent  de   la   (iorgone   apotmiiaique   nu   des  cornes  i)ropliylacti(iues. 

4.   Lu   )iiii<i/i'  il'niiiiioifiil/fe. 

|)ans  quelle  mesure  cette  croyance»,  cette  confiance  eu  la  force 
niagi(iue  d'Hercule  s'est-elle  perpétuée  à  travers  les  derniers  siècles 
de  l'Antiquité,  c'est  ce  qu'il  est  difficile  de  déterminer.  Ce  dieu  était 

'  Fres(|ne  de  Coineto.  'l'intiliri  del  Tifone.  Cf.  supra.  W.  h.  auh  fine. 
—  Vase  Faina,  oi'i  Hadès,  tenant  le  rtynse,  préside  aux  supplices  des 
morts:  cfr.  F.  Weege,  JCtrii.ik.  Mahrei,  p.  5.-5  sq.  et  tig.  49. 


HERCULE    ITNÉRAIRE  99 

tellement  caractérisé  par  ses  attributs  et  son  histoire  qu'il  échap- 
pait en  partie  au  puissant  syncrétisme  religieux  qui  domina  le  monde 
Romain.   D'ailleurs,  à  côté  de  cet  effort  rationnel   et  quasi-scienti- 
fique vers  l'unité  divine,  l'antique    magie  subsistait:   elle  précisait 
seulement  son   but.  semble-til.  et  se  donnait  pour  objet  l'acquisition 
de  l'immortalité.  Martianus  Capella  a  réuni  sept  moyens  de  l'obtenir: 
1"  Boire  au  «poculum  iramortalitatis  »  et  se  couronner  d'iîi'Ctoo/  ': 
2"  «  Voir  Védius  et  son  épouse,  selon  le  précepte  des  Etrusques  »  ": 
?>"  Evoquer  les   Euménides  effray.mtes.   par  les  merveilleux  pro- 
cédés des  mages  .  de  Chaldée  '  ; 
■i"  «  Se  consumer  par  le  feu  »  : 
5°  «  Se  laver  :i  la  source  »  : 

fi"  «  Battre  une  image  de  l'àrae,  selon  l'enseignement  d'un  certain 
Syrien  »  *  : 

'  Martianus  Capella,  II,  141. 

•  Id.,  II,  142:  <  Tune  Philologia  ex  aioin:ite  praeparato  aceiraque  pio- 
pria  Athanasiae  primitus  supplicauit.  iinUriqiie  eius  (/.  e.  Apotlieosi)  gra.- 
tiammultaiitationepersoluit.  i|iiod  nec  Uediuracum  uxore  couspexcrit  sicut 
suadebat  Etrurla,  use  Eumenida.<  et  Chaldaea  miracula  formidarit,  nec  igné 
usseiit  (/.  c.  Apotheosis)  eaui,  nec  lymplia  subhieiit,  née  animae  simulacrum 
Syri  cuiusdam  dogmate  uerberarit,  née  Piiasi  senis  litu  Chaiontis  manibns 
inuolutani  immovtalitatem  moi-tis  auspicio  oonsecrarit  ».  —  On  comparera 
Virgile  {Aen.,  VI,  740  sqq.)  qui  décrit  la  purification  des  âmes,  aux  En- 
fers, par  lair,  l'eau  et  le  feu  :  .  Aliae  panduntur  inanes  |  suspensae  ad  uen- 
tos:  aliis  sub  gurgite  nasto  |  infeetuui  eluitur  scelus,  aut  exuritur  igni». 

'  Le  texte  dit:  «Trembler  devant  les  Euménides  et  les  merveilles 
des  Chaldéens  •.  Il  est  si  vague  i|u'il  faut  l'interpréter. 

*  Il  est  impossible  ici  de  prendre  shniilacnim  dans  le  sens  indiqué 
parServius  fad  Veivi.  Aen.,  IV,  654).  d"  <  apparence  corporelle  des  hommes 
devenus  dieux  par  r.A.pothéose  ».  Il  y  aurait  aussi  des  difficultés  :i  accepter 
le  sens  de  Lucrèce  ;l,  120-123;,  qui  suit  Ennins  et  sans  doute  une  doc- 
trine pythagoricienne  (Gianola,  La  fortuna  di  Pitagora,  p.  26),  et  selon 
lequel  les  simiilcw ra  sont,  ax.r  h'nfers.  des  formes  intermédiaires  entre 
les  :\nies  et  les  corps.  Faut-il  traduire  par  .  l'apparence  corporelle  (jui 
enferme  l'âme  .,  c'est-à-dire  le  corps  du  patient?  on  par  «  une  figure 
représentant  l'âme.?  —  Dans  l'un  on  l'autre  cas,  il  sagit  dune  fusti- 
gation rituelle  d'initiation:  on  comparera  la  curieuse  fresque  delà  villa 
Item  .à  Pompei  où  se  voit  une  femme  fouettée  par  un  génie  ailr. 


100  IIERCII.E    Kt:NÉRAIRE 

7"  «  Suivre  le  rite  du  \  iiill.irii  Pliasus,  griire  :iii(|ucl  l'iinmipr- 
talité  cachée  dans  les  maiiii^  de  ('liaron  est  appelée  eliez  les  dieux 
au  innmeiit  même  de  la  mort  s>  '  : 

Aniolio  incntiDiinc  en  outre  des  sacrifices  auxquels  les  Etrusques 
attriliii.iifiit  le  putivoir  de  procurer  l'immortalité':  mais  le  texte 
est  trop  |)i'u  préeis  |)iiiir  être  utilisable  de  façon  directe.  Tenons- 
nous  en  donc  aux   procédés  indiqués  par  Martianus  Oa))ella. 

Trois  d'entre  eux  (les  troisième,  sixième  et  sc])tième)  se  rat- 
tachent aux  superstitions  orientales  et  sont  <rorig:ine  relativement 
récente  dans  le  monde  Romain.  Mais  les  quatre  autres  remontent 
à  des  croyances  grecques  qui  s'étaient  implantées  sans  difficulté  dans 
le  domaine  italifiue.  Nous  avons  déjà  parlé  du  «  poculum  immor- 
talitatis  >>  ',  qui,  sans  entrer  dans  tous  les  raffinements  de  Martianus 
Oapell.i,  était  représenté  soit  ]);u'  la  conjjc  d'ambroisie  '.  soit  par 
l'allaitement  divin  ''.  Le  feu,  outre  sa  puissance  purificatrice,  pro- 
duit l'immortalité  et  dans  l'ancienne  légende  et  dans  les  croyances 
des  temps  historiques'^.  I^es  sources  sont,  avec  la  mer,  les  plus  vi- 
goureux agents  de  lustration.  Et  même  la  vertu  libératrice  de  la  vue 
des  dieux,  n'était  pas  un  dogme  purement  étrusque,  quoi  qu'en  dise 
le  grammairien  :  les  mystes  d'Eleusis,  eux  aussi,  voyaient  les  dieux, 
et  en  concevaient  des  espérances  précises  d'immortalité  bienheureuse  ". 

'  Mot-àinot:  «au  début  de  la  mort». 

-  Arnobe,  II,  p.  8(>:  «  .\tqiie  Ktruria  libris  in  Acheronticis  pollicetur, 
certoriim  aninialinm  sanguine  nuniiuibus  certis  dato,  diuinas  animas  fïeri 
et  ab  legibus  mortalitatis  eduei  ». 

'  Supra.  III,  2. 

*  Voir  par  ex.  Apulée,  3Ietam..  VI,  2'A:  «  Jupiter,  porrecto  anibrosiae 
poeulo.  «  Sume,  inquit,  Psyelie,  et  iinmortalis  esto».  —  Cfr.  Ovide. 
Metam.,  XIV,  606-607. 

^  Supra,  loc.  cit. 

"  Cfr.  la  légende  de  Déiuétcr  et  Dênioplion  {H;inni.  Tlom..  IV.  :2o7  sqq.): 
celle  de  la  fille  de  l'horkus  ressuscitée  par  le  feu  (Lyoopliron,  .^1/.,  48).  — 
Aux  temps  historiiiues:  l'Indien  Calanus  ;Cicéron,  J)e  Diiiin..  1,23);  Papo- 
théose  impériale,  etc —  Voir  supra,  II,  5. 

■  .Vpulée.  3Wr(»i.,XÎ.  23.  Voir  Arehiv.f.Relig.  Wiss..  14  0911).  P- ô69. 


HERCULE    FUNÉRAIRE  101 

Or  ces  quatre  procédés  magiques  d'acquérir  l'immortalité  avaient 
en  Hercule  pour  ainsi  dire  leur  prototype:  Hercule  couché  tenant 
la  coupe  (ou  allaité  par  Junon  '),  Hercule  debout  en  présence  du 
couple  infernal,  Hercule  montant  au  ciel  au-dessus  du  bûcher  de 
rtEta,  Hercule  se  baignant  à.  la  source  vive  ',  c'étaient  des  thèmes 
courants  déjà  entre  le  VP  et  le  IV'  siècle  avant  notre  ère.  Et  il 
se  trouvait  que  le  même  héros  qui  avait  multiplié  sans  utilité  ses 
voyages  vers  rau-delà  ^,  et  qui  avait  presque  monopolisé  les  luttes 
contre  les  monstres  infernaux  ^,  avait  aussi  épi'ouvé  sur  lui  tous  les 
moyens  d'acquérir  l'immortalité.  Hlogisme  frappant  dans  un  cas 
comme  dans  l'autre. 

5.   Conclusion. 

Mais  la  distinction  de  ces  trois  thèmes  est  elle-même  une  illu- 
sion. Ce  sont  trois  images  d'une  seule  réalité.  Héraclès,  et  après 
lui  Hercule,  fut  toujours  le  protecteur  des  hommes  obsédés  par  les 
espérances  et  les  terreurs  de  l'au-delà:  il  extermina  d'abord  les 
monstres  de  cauchemar  dévorateurs  des  morts  ;  il  fraya  plus  tard 
les  routes  qui  menaient  aux  paradis  terrestres  :  il  donna  enfin  à  la 
croyance  en  l'immortalité  de  l'âme  plusieurs  formes  sensibles,  aussi 
réelles  que  des   certitudes. 

A  l'origine,  qu'en  était-il?  Héraclès  avait-il  ce  rôle  funéraire 
au  moment  où  il  naquit  comme  dieu?  H  est  impossible  de  le  savoir, 
et  la  question  même  n'a  en  soi  aucun  sens.  La  certitude  commence 
pour  nous  avec  le  texte  d'Hésiode  et  les  poteries  du  VF  siècle. 
C'est   un  travail   roulu  qui  a  mêlé   Hercule  à  toutes   les  représen- 

'  Par  ex.  sur  des  miroirs  étrusi(ue8  :  Gerhard,  Etrusk.  Spiegel,  II, 
pi.  126. 

-  Cette  dernière  représentation  surtout  en  Etrurie. 
■''  Supra,  V,  1. 
*   Supra,  V,  -2,  .3. 


102  IIKK(;ll.K    FI  XÉltAIKK 

tiitioiin  lie  la  vio  iiifi'i-iiali'.  (,' a  t;ti';  la  voloiitt-  des  Oi-i'c»,  des  Ktrus- 
ques  et  de»  Koiiiaiiis,  que  ses  ((ualités  dp  divinité  forte,  bienfaisante 
et  protectrice  fussent  des  garanties  ma;^iques  pour  la  vie  future. 
Le  sarcophage  du  l'alais  Farnèse  réalise  par  son  type,  sinon 
par  l'intention  de  Fartisaii  qui  le  sculpta,  la  synthèse  d'une  foule 
d'idées  qui  vont  plonger  Jusque  dans  la  magie  primitive  et  qui,  en- 
richic-i  de  siècle  en  siècle,  aboutissent  à  faire  d'Hercule  le  double 
d'un  mort  anonyme,  son  puissant  protecteur  d'outre-torabe,  son  garant 
d'une  immortalité  bienheureuse. 

Jeax  Bayet. 


quelqup:s  italiens  d'avkinon 

AU  XIV'^  SIÈCLE 


1. 
Les  archives  de  Datini  à  Prato. 

Francesco  di  Marco  Datini,  dont  le  nom  est  resté  populaire  à 
l'rato,  sa  ville  natale,  est  peu  connu  en  Italie  '  et  totalement  ignoré 
en  France  ;  cependant  le  personnage  est  curieux  et  nous  lui  de- 
vons l'existence  d'archives  de  première  importance. 

Francesco  est  né  ;V  Prato  vers  1330  '".  Son  père  était  un  mo- 
deste marchand  et  c'est  chez  lui  qu'il  acquit  cette  science  de  la 
comptabilité  qu'il  devait  pousser  à  un  degré  de  perfection  inconnu 
de  ses  contemporains.  II  fut  de  bunne  heure  livré  à  lui-même:  en 
1348  Marco  di  Datino  succomba  à  la  peste  qui  sévissait  en  Tos- 
cane; Francesco  avait  18  ans.  Pendant  quelques  temps  il  vécut 
avec  sa  mère  et  trois  frères  plus  jeunes  sous  la  direction  d'un  tu- 
teur dont  il  semble  ne  pas  avoir  eu  trop  ;\  se  louer  ^.  Les  diffi- 
cultés qu'il  trouvait  dans  sa  famille  le  poussèrent  à  tenter  fortune 

'  C.  Guasti,  dans  l'iiitioduction  de  son  Ser  Lapn  Mazzei,  lettere  di 
un  notuio  a  un  mercante  (M  secolo  XIV,  Florence,  Le  Monnier,  1880,  a 
donné  une  bonne  notice  biographique  à  laquelle  tous  ceux  qui  ont  parlé 
de  Francesco  Datini  ont  emprunté  largement,  tels  I.  Del  Lungo,  Fran- 
cesco di  Marco  Datini  mercante  e  benefattore,  Prato,  1897,  réinqiriiné  dans 
les  Conférence  Florentine,  Milan,  1901  ;  t'arradori,  F.  di  M.  Datini  mer- 
cante pratese  del  sec.  XIV,  Prato;  0.  Daini,  Notizie  storiche  mita  Pin 
Casa  dei  Ceppi  e  su  F.  di  M.  Datini  da  Prato,   Prato,  1910. 

•  Voy.  dans  C.  Gruasti,  op.  cit.,  les  lettres  12,  1 18,  234. 

'  C.  Gnasti,  op.  cit.,  II,  p.  349. 


104  (K'EI.IJUES    ITALIENS    Ii'A VKiXIlN    AT    XIV*:  .SIÈCLE 

ailleurs;   à    peine   Mvitit  il    .itteiiit  sa   innjorité   (|ii'il    deiiiaiula  et  ob- 
tint le  partage  dii   patrinioiiu*   paternel  et  se  rendit  à  Pise  '. 

CiMiihien  denienrat-il  ilans  ee  grand  port  de  commerce,  nous 
ne  savons:  alla  t-il  sï-falilir  ailleurs,  c'est  probable,  et  Guasti  le 
propose  ',  sans  en  avancer  d'ailleurs  aucune  preuve,  mais  les  ar- 
cliives  sont  muettes  il  cet  égard.  Une  chose  certaine  c'est  que  nous 
le  voyons  fixé  à  Avignon  en  1358  ^.  Le  choix  était  heureux.  Dé- 
liais (|Me  la  résidence  des  papes  faisait  de  cette  ville  la  capitale  du 
inonde  clirétieii.  ratiliicm  e  des  pèlerins,  le  luxe  des  eardinaiix,  le  pas- 
sage continuel  df^  ambassades,  le  séjour  des  princes  à  la  cour  pon- 
tificale, tout  ce  mouvement  d'hommes  et  d^irgcnt  favorisait  le  com- 
merce d'une  f.-ieoM  |iarticnliéi-e.  D'Italie,  de  France  surtout,  les  mar- 
chands, les  liaiiquiers,  les  changeurs  accouraient  *  :  il  n'y  avait  pas 
de  grosse  maison  qui  n'eût  des  représentants  dans  la  ville   papale  '. 

'  V.  Guasti,  ijp.  lit..  1,  |],  xviii, 

^  «  Diconolma  non  ne  lio  docmnento)  che.  lasciato  iu  l'isa  il  tratiieo 
in  luano  a  un  coinpagno,  passasse  a  Genooa;  e  quivi  pure  fatta  com- 
pagnia,  se  n'and.asse  a  Valema  e  a  Barcellona  « .  —  Ces  villes  sont  pré- 
ciseiuent  celles  où  il  eut  plus  tard  des  comptoirs  et  des  associes,  mais 
rien  ne  prouve  ((u'il  les  ait  habitées. 

■'  Acte  de  i)rocni:Uion  du  21  février  1358  reproduit  par  C.  Ouasti. 
op.  cit..,  p.  xvui  (Florence,  Arch.  dijjlo-m.  provenant  des  Ceppi  de  Prato'. 

*  Voy.  C.  Piton,  Les  Lombards  en  France  et  à  Paris,  Paris,  1892; 
La  Sorsa,  L'organizzazionc  dei  camhiatori  fioreitiini  nel  medio  evo,  Ceri- 
gnola,  1904.  Consultez  aussi  Yver,  Le  commerce  et  les  tnurchaiits  dans 
l'Italie  méridionale  au  XIll'  et  au  XIV'  siècles,  Paris,  190:!,  et  Peruzzi 
Storia  dcl  cnmmercio  e  dei  bancUieri  di  FIrtiise,   Florence,   1868. 

=  Peut-être  que  l'appât  du  gain  n'était  pas  le  seul  mobile  de  Fran 
cesco  qni  pensait  rencontrer  de  nombreux  compatriotes  sur  les  bords  du 
Kliôiie.  I,c  cardinal  de  Prato,  Nicolas  Albertini,  ipii  avait  tant  fait  pour 
fixer  dans  le  Cointat  Clément  V,  avait  certainement  attiré  autour  de  lui 
des  gens  de  la  ville  natale,  et  depuis  sa  mort,  survenue  en  1321,  les 
relations  n'avaient  pas  cessé  cntie  Prato  et  Avignon.  Nous  relevons  par 
exemple  dans  Schafer,  Die  Auagahen  dcr  apostoliachen  Kammer...  Pader- 
born,  1914  {Vatikanische  Quellen...  ron  der  Gorresfie.'selhchaftjt.  IU)  quel- 
ques individus  originaires  de  Prato,  parmi  lescpiels  Pantins,  cainérier  du 
pape  en  1335  (p.  23\  Bernard,  sergent  d'armes  du  roi  d'Aragon  en  1353 
(p.  523}. 


Qt'BLljrBS    ITALIENS    d'aVIGNON    AU    XIV^  SIÈCLE  105 

A  côté  d'antiques  et  de  riches  maisons  eoniine  celle  des  lîardi, 
des  Peruzzi,  des  Alberti,  celle  de  Francesco  était  bien  modeste. 
En  1367  encore',  ce  n'était  qii'nne  boutique  de  peu  d'importance, 
mais  il 'y  dépensait  une  activité  inlassable  et  ses  affaires  ne  ces- 
saient de  s'étendre.  Sa  spécialité  était  la  vente  des  armes,  les  temps 
étaient  favorables  à  ce  genre  de  commerce  '  ;  mais  en  même  temps 
par  le  procédé  si  souple  de  la  société  en  commandite  ^,  il  avait 
des  intérêts  dans  de  multiples  affaires  *.  De  Florence,  il  faisait 
venir  des  tableaux  à  sujets  religieux,  des  émaux,  des  ornements 
sacerdotaux,  de  beaux  coffres  peints,  de  Crémone  des  draps  fins,  de 
Gènes  des  voiles  do  coton,  de  Venise  des  soieries,  d'Espagne  des 
épices,  de  Bourgogne  des  toiles,  de  Paris  des  chaperons  de  couleur; 
sa  fortune  croissait  de  Jour  en  jour.  Un  événement  qui  aurait  pu 
la  compromettre  vint  au  contraire  lui  donner  un  essor  inattendu. 
La  mésintelligence  qui  depuis  deux  années  s'accusait  entre  Flo 
rence  et  le  Saint-Siège  '',  éclata  au  consistoire  du  ^!l  mars  1376, 
lorsque  Grégoire  XI  lança  l'interdit  sur  la  ville  rebelle,  révoqua 
tous  ses  privilèges  et  confisqua  tous  ses  biens  ".  Un  des  premiers 
effets  de  l'exconimunicatiiin  fut  l'expulsion  des  marchands  Horen- 
tins  d".\vignon  ".   Francesco  Datiiii    échappa   à   cette    mesure,    sans 


'  A  cette  date  commence  la  s:nie  inimciroiiipiie  des  registres  du  fo»- 
daco  d'Avignon. 

-  C'est  le  moment  où  les  grandes  compagnies  et  tous  les  pillards 
ciu'ellcs  traînaient  à  leur  suite  ravageaient  le  Comtat. 

'  E.  Bensa,  I)i  alcune  importanti  notizie  attinenti  alla  sfon'a  del  dt- 
riito  commerciale  che  emergono  dai  dociimenti  delV Archivio  Datiiii  {Atti  del 
Ctnigreaxn  internagioniile  di  scienze  storiche,  Rome,  1901.  vol.  IX,  p.  lO.ôl. 

*  En  particulier  le  commerce  du  sel;  voy.  dans  les  registres  d'.\vi- 
gnon  le  Memoriule  -IS  (1368-1370),  p.  186  et  suiv. 

^  A.  Gherardi,  La  guerra  dei  Fiorentini  con  papa  Gregorio  XI  detta 
la  gnerra  degli  oito  Santi...   Florence,  1868. 

"*  F.  I,  Perrens,  Histoire  de  Florence,  t.  V,  p.  121  et  suiv. 

"  Ils  auraient  été  au  nombre  de  600:  voy.  Croît,  pis.,  R.  I.  S.,  t.  XV, 
col.  1070.  —  Selon  Poggio  Bracciolini.  R.  I.  .S.,  t.  XX,  col.  233,  plus 
de  500. 


106  wUELQrtS    ITAI.IKN.S    d'aVIIINON"    AT    XIV'-  SIÉCI.K 

(liie  MOUS  safliioiis  cxaftiMiieiit  pDiirquoi.  A  vrai  dire  il  était  de 
Prato  et  non  de  Floiviioe.  cette  raison  pouvait  à  la  ri;^iieiir  suf- 
fire '.  Xoiis  eroyoïis  ])liitôt  (lu'il  avait  su  déjà  s'assurer  de  puis- 
santes amitiés,  à  la  four  imntitieaie  -  et  que  ses  coffres  s'étaient 
généreusement  ouverts  aux  tVé(iU{iits  emprunt-^  di'  la  f^'liaiii^re  apos- 
tolique. 

Franeeseo  restant  à  jieu  près  seul  sur  le  mai-clié  d'Avi-^non  ^, 
ses  aff.iires  prirent  une  extension  eousidéralile.  Il  était  rielie,  il 
venait  de  faire  eoiistruire  une  lielle  maison',  il  avait  4ii  ans:  ses 
amis  l'engageaient  vivement  à  se  marier,  jugeant  (|ue  la  vie  qu'il 
menait  Jusqu'alors  était  peu   digne   de  son   rang  ''. 

Notre  mai'cliand  s'aperçut  al<irs  qu'une  de  ses  voisines,  veuve 
d'un  certain  Domenico  Bandini,  exécuté  à  Florenee  lors  de  la  ré- 
\idution  des  Ciompi,  avait  deux  filles.  11  demanda  l'une,  Marglie- 
rita.  en  mariage:  elle  ne  lui  apportait  rien''  mais  elle  a\ait  vingt 
ans.   Les   noces   se   firent   ;in    carnaval    de    l'aiiuée    l;l7l>  '. 

«  lo  credo  clie  Dio  ordiim  ([uando  na(|ni  ch'io  dovese  avère  mogle 
elle  fose   lîoi-entina,  clie   tanto   io  credo  averlla   tolta    una    fanciilla 


'  C'est  celle  qu'indique  Bonin.segna  di  Matteo,  son  associé  d'Avignon, 
dans  une  lettre  qu'il  lui  adresse  en  1384  en  faisant  allusion  à  ces  évé- 
nements. 

-  Nous  avons  relevé  dans  les  registres  d'Avignou  des  traces  de  ses 
étroits  rapports  d'amitié  avec  le  maréchal  du  pape  Aymar  d'Aigrefenille, 
et  surtout  avec  le  fils  de  ce  dernier,  Jean  d'Aigrefenille.  seigneur  de 
firaniat.  (Lot,  arrond.'  de  Gourdon). 

^  Notons  cependant  qu'un  bon  nombre  de  tlorentins  étaient  demeu- 
rés dans  la  ville.  Voyez  à  cet  égard  un  document  curieux  déjà  signalé 
par  de  Loye  dans  l^s  archire.t  de  la  Chambre  Apostolique  au  XIV'  s. 
{liihl.  (les  &.  franc.  d'Athènex  et  de  Bonie.,  fasc.  80t  la  liste  de  la  popu 
lation  d'Avignon  en  1378  [Jiey.  Aven.  Greg.  XI,  32,  f.  428-507). 

*  -  0  trope  chose  ne!  chapo  e  tutti  volta  foe  murare  e  bastire  una 
bella  cliasa  e  botegha...»  Lettre  du  2S  mars  1374  a  Moima  Piera  di 
Pratese  {Cartegyi  prirati  dirersi.  cartella  E  . 

^  C.  Guasti.  op.  cit..  p.   xxxin. 

"^  Id.,   I.  28.  74. 

"  Voy.  le  document  publié  par  <).  Dami,  op.  cit.,  p.  30. 


QUELQUES    ITALIENS    d'aVIGNOX    AU    XIV-  SIECLE  107 

cli'a  nome  Marglici-it:i,  hiqiiale  fue  fig'luola  (li  Doraenicho  Baiidini 
iilqiiale  fue  taglata  la  ttsta  a  Firenze,  gia  fa  piu  tempo,  clie  fue 
aiHiolpato  (lare  Fireuze  a  miinsingiiore  '.  La  madré  di  (luesta  faeulla  a 
nome  Mona  Ivanora,  seroclia  del  Pilice  Gherardini  %•  rimase  di  questo 
Domenielio  III  fanculle  e  III  figluoli:  e  la  donna  giovnne  di  venti 
anui,  liiiona  donna  cliome  fnse  mai  inPirenze  etenutauna  altra  nionna 
Diana;  Tuua  serodia  e  maritata  a  Firen/.e  a  uno  cifa  nome  Nieeliolo 
del  Amanato.  (•on])angiio  di  me^er  Pazino,  l'altre  due  sono  qua  mie 
vieine  cliola  madré  e  elio  fratelli.  lo  elionoscho  loro  ed  eglino  eho- 
nosclieno  me,  e  grande   tenpo  cli'ahiamo  anta  amista  inscrae...  »  ^. 

Franceseo  vécut  eneon-  quelques,  années  à  Avignnn,  mais  il 
n'avait  jamais  perdu  l'espoir  de  retourner  dans  sa  patrie  et  les  amis 
qu'il  avait  trouvés  eu  Provence  ne  pouvaient  lui  faire  oublier  ceux  de 
Toscane  '.  Vax  1382,  après  avoir  laissé  sa  maison  entre  les  mains  d'as- 
sociés très  surs  ',  il  quitta  Aviguim  où  il  avait  vécu  plus  de  oO  ans. 

Francescii  était  sans  doute  heureux  de  uioutrer  à  ses  compa- 
triotes sa  jeune  femme  et  de  j'ouir  de  la  considération  que  lui  valait 

'  Baitolonieo  des  Medici  que  le  parti  de  lopposition  avait  mis  à  sa 
tète  en  septembre  1360.  Fossati,  Il  tiimulto  dei  Ciompi  con  l'aiuto  di 
n'wvi  docitmeiiti,  p.  91,  dans  les  Ptihblicazioni  del  R.  Istituto  di  studi  su- 
periori  in  Fireme.  sesioïie  fiJosofia  e  filoJopia,  vol.  I,  lô  juin  1873.  Dans 
la  liste  des  conjurés  condamnés  par  contumace:  T)ominicnm  Donati Ban- 
dini,  populi  Saneti  Tridiaui, ...  condeunati  nella  testa  e  confiscazione  dei 
béni...  (p.  20.5).  Il  ne  fut  exécuté  que  lors  du  soulèvement  de  1364. 

■  Costoro  furono  quegli  che  voUeno  guastare  lo  stato  di  Firenze... 
J)oinenico  di  Donato  Bandiiii,  del  Fondaccio,  fugli  mozzo  il  capo...  Pel- 
licia  Gherardini  della  casa  de"  Oherardiui . . .  Tutti  costoro  volievano  so- 
vertire  il  popolo  di  Firenze.  [Diario  d'anouivio  fiorentino,  dans  les  Doev- 
menti  di  sioria  itnliaiin^  T.  VI,  p.  298). 

.    '  Lettre  du  28  août   1376  à  Monna  Fiera  {Ccirley.  prir.   diversi,    car- 
teUa   E). 

*  Jusque  Ifi  la  guerre  de  Florence  avec  le  pape  ne  l'engageait  guère 
à  rentrer,  mais  le  parlement  de  1382  remettant  un  peu  d'ordre  dans  la  Ré- 
publique, le  moment  lui  sembla  favorable.  (C.  Guasti,  op.  cit.,  p.  xxxvii). 

'  Boninsegna  di  Matteo  e  Tieri  di  Benci.  Voy.  l'excellente  intro- 
duction dont  le  prof.  S.  Xicastro  a  fait  précéder  l'inventaire  des  archives 
de  Datini.  {Gli  archiri  della  Storia  d'Italia,  série  II,  vol.  IV). 


10>S  tJl'EI.QlES    ITAI.IKNS    Ij'aVICNON    AC    XIV>   SIKUI.K 

une  lortunc  (li;j:i  légeiulaire  ;  dès  son  nîtoiir  :'i  Prato,  il  s'occupa  de 
construire  un  palais  et  de  le  faire  décorer  par  des  artistes  choisis 
avec  soin  ',  mais  sou  activité  était  trop  grande  pour  qu'il  al>an- 
donnât  déjà  les  affaires.  Cette  année  même  il  fonde  une  couipa^jnie 
A.  Prato  ■',  puis  Tannée  suivante,  en  1383,  une  compagnie  à  Pise  '. 
A  ce  moment  il  s'établit  industriel;  Varie  délia  htna  tlorissait  à 
Prato  depuis  de  lonj^nies  années,  Francesco  décide  d'avoir  une  fa- 
brique M  son  prdjire  cumpte  '.  En  1383  enfin,  il  est  «  tavoliere  » 
c'est  à  dire  lianquier,  au  marché  neuf  de  la  Porta  Rossa,  à  Flo- 
rence ''.  Toutes  ces  sociétés  g-ardaieut  avec  Avignon  et  les  grandes 
villes  commerçantes  du  bassin  méditerranéen  les  relations  les  plus 
étroites. 

Pour  achever  cette  rapide  énumération,  signalons  les  derniers 
<(  fondar/ii  »  créés  par  Datini,  celui  de  Gènes  en  1392,  celui  de 
\'alence  en  Espagne  en  1393  :  la  même  année  celui  de  Barcelone 
qui  lui  survécut  et  dura  jusqu'en  1-tll;  enfin,  le  dernier  en  date, 
celui   de  Majorque  qui   s'ouvre  en    1395. 

Cependant  au  milieu  de  tant  d'entreprises  qui  réussissaient 
toujours  à  souhait,  Francesco  n'était  pas  heureux;  il  se  désolait 
de   n'avoir   pas  d'héritier  ''   et   pour   fléchir      la   nature  il  s'adressait 

'  C.  (xuasti,  02>.  cit.,  p.  xlii  et  suiv.  Cet  auteur  a"  publié  le  plus 
grand  nombre  des  lettres  d'artistes  adressées  à  Datini.  Ce  palais  existe 
encore,  c'est  aujourd'hui  la  Pia  casa  dei  Ceppi   i|iii  abrite   les   archives 

'  S.  Nicastro,  op.  cit.,  p.  xv. 

*  7fî.,  p.  xvii. 

■•  /(/.,  p.   xvr 

^  Id.,  p.  xvii.  Sur  l'rato,  voy.  la  BihlioijralUi  pralcsc,  Prato,  184-1. 
IjBs  histoires  de  Prato  sout  demeurées  manuscrites,  voy.  S.  Nicastro, 
op.  cit.,  p.  II  en  note. 

"  C.  (jtuasti,  op.  cit.,  p.  xi.v  et  suiv.  parle  assez  mystérieusement 
d'une  tille  naturelle  de  Francesco,  Ginevra.  Elle  fut  mariée  en  1407  à  Léo 
nardo  di  Ser  Tomaso.  {Cait.  fam.  e  priv.,  cartella  X). 

'  En  1395  encore  son  ami,  maître  Naddino,  médecin  du  pape  Be- 
noît XIII,  envoie  à  sa  femme  certaine  ordonnance  dont  il  avait  éprouvé 
l'efficacité  sur  une  de  ses  clientes  d'.Vvignon.  {Cart.  fam.  e  priv.,  car- 
tella VI,. 


QUELQUES    ITALIENS   d'aVIGNOX    AU    XIV:  SIÈCLE  109 

aux  raérleehis  les  plus  réputés.  Cette  situation  le  rendit  plus  apte 
à  écouter  les  pieuses  exhortations  d'un  de  ses  amis,  le  notaire  ser  LapjM) 
Mazzei  ',  et  pour  obéir  à  ses  conseils,  il  décida  de  léguer  sa  for- 
tune à  une  œuvre  charitable  établie  à  Prato  depuis  longtemps  déjà, 
les   Cepjii  dei  poveri  '-. 

Ce  qui  intéresse  plus  directement  l'historien  que  cet  acte  de 
philanthropie,  c'est  la  disposition  particulière  du  testateur'  qui  voulut 
qu'après  sa  mort  toutes  les  archives  des  différents  comptoirs  fondés 
par  lui,  des  compagnies  de  commerce  dont  il  avait  fait  partie, 
toutes  les  lettres  même  échangées  entre  lui  et  ses  multiples  cor- 
respondants fussent  réunies  et  conservées  dans  sa  ville  natale.  Cette 
heureuse  disposition  fut  rigoureusement  exécutée,  et  en  dépit  des 
pertes  et  des  accidents  survenus,  elle  explique  la  présence  à  Prato 
d'archives  peut-être  uniques  au  monde. 

Nous  n'entreprendrons  pas  la  description  de  ce  fonds  que  Livi 
a  classé  avec  soin  '  et  dont  le  professeur  8.  Nicastro  a  publié  un 
inventaire  excellent  ^  rendant  faciles  les  recherches  ''.  Pour  donner 
une  idée  de  son  importance,  nous  dirons  seulement  qu'il  renferme 
plus  de   700   registres  uu  caliiers  et  environ  420  liasses  contenant 

'  Ses  relations  avec  Datini  remontent  à  1390:  C.  Guasti.  op.  cit., 
p.  Lxvi  et  suiv. 

'  Sur  le  sens  de  ce  mot  et  l'oiisine  de  l'iastitiition.  voy.  0.  Danii, 
op.  cit.,  p.  13  et  suiv. 

'  Testament  du  31  juillet  1410,  publié  par  C.  Guasti,  o^j.  cit.,  t.  II, 
p.  273  et  suiv.  Datini  mourut  le  16  août  1410  et  fut  enterré  dans  l'église 
San  Franeesco  de  Piato. 

*  G.  Livi,  L'arehirio  ai  un  mercante  toscano  del  sec.  XIV,  dans  l'Ar- 
chivio  storieo  italiano,  sér.  V,  tome  XXXI,  p.  425;  brève  connnunication 
signalant  leur  intérêt.  L'auteur  a  donné  un  meilleur  aperçu  de  son  tra- 
vail, ainsi  qu'un  inventaire  paitiel  et  des  extraits  de  documents  dans 
une  brochure  intitulée:  DfiU'nrdiiiio  rli  F.  Datini  menante  pratese,  Fi- 
renze,  Lumachi,  1910. 

^  Voy.  plus  haut  p.  107,  note  5. 

^  Nous  tenons  à  remercier  M.  Franchi,  prorreditore  de  la  Fia  casa 
dei  Ceppi  de  Prato  de  la  bienveillance  avec  laquelle  il  a  favorisé  nos 
recherches  dans  le  riche  dépôt  confié  à  sa  garde. 


110  l^L'EUilj'ES    ITAI.IKNS    UAVKJXON'    Af    MV»:  SIÈCLE 

lilus  (le  100.000  Icttri's  ',  sjiiis  fMtiii))t<'r  le-i  iiièces  détachées  ile  pr.i- 
venaiice  diverse. 

Cette  masse  iniposanti-  de  dueumeiits  est  répartie  eu  autant  de 
séries  (iiiil  y  a  eu  de  «  mgioni  »  c"est  à  dire  de  maisons  fondées, 
plus  deux  séries  comprenant  les  «  es/rane/  s>  et  les  «  /Ihe  e  f'rnm- 
menfi  ».  Chaque  série  se  subdivise  eu  deux  sections:  dans  la  pre- 
mière, les  «  lihri  *,  les  livres  de  comptal)ilité,  rangés  par  catégories 
{Cumpioni.  Mi'moriali,  lîicorfJanzr.  atc.)  et  jiar  ordre  chronulogique, 
dont  hi  iiuménitation  est  continue:  dans  l.i  seconde,  li'  «  rartfififfio  » 
comprenant  lii  e()rrespondance  commerciale,  les  lettres  étant  classées 
dans  l'ordre  alphabétique  des  villes  dont  elles  proviennent.  Il  convient 
de  faire  dans  la  série  de  Prato  une  place  spéciale  à  deux  groupes  de 
lettres  précieuses,  le  <,<  cartcyyiu  /'(tiniliare  e  privato  »  contenant  la 
correspondance  échangée  entre  Franeesco  et  ses  parents  et  amis,  et 
les  «  cartcggi  priruti  âhersi  »  formés  de  lettres  de  caractère  privé. 

Il  nous  reste  maintenant  à  chercher  ce  qu'on  peut  tirer  de  cette 
source  si  importante  de  documents.  Leur  nature  môme  a  invité  les 
érudits  à  les  utiliser  pour  l'histoire  du  conimeroe  ".  A  cet  point  de 
vue  ce  n'est  |).is  leur  ancienneté  (pli  les  rend  particulièrement  pré- 
cieux ■''  mais  plutôt  leur  richesse,  leur  ét:it  de  conservation  et  leur 


'  S.  Nicastio,  op.  lit.,  p.  II,  reproduisant  une  noie  de  Livi,  (-value 
ce  nombre  à  140.000.  Les  liasses  (pie  nous  avons  d(''pouillçes  rent'evnianr 
en  moyenne  de  230  à  250  lettres,  le  cliift're  que  nous  donnons  ne  nous 
paraît  i):>s  exagéré. 

-  E.  Bensa,  Di  alcime  importnnti  notizic  nitinetiii  alla  aioria  del  di- 
ritto  commerciale  clie  emeryono  dai  documenti  dell'archivio  Datini  {Alti 
del  Coiiriresso  inteni.  di  scienze  storiche,  Roma,  1003).  L'auteui- a  indi(iu('- 
combien  cette  étude  pouvait  éclairer  les  origines  du  droit  connnen-ial 
moderne.  —  G.  Arias,  Le  societîi  di  commercio  medierali  in  rapporto  con 
la  Chiesa  (Arch.  di  Storia  patria,  vol.  XXIX,  p.  351).  —  Signalons  enfin 
un  récent  ouvrage  du  prof.  Corsani,  non  encore  paru  en  librairie,  snr  la 
comptaliilit('  employée  par  Datini  et  ses  agents  et  en  particulier  sur  la 
(piestion  de  la  tenue  des  livres  en  jiartie  doidile. 

'  On  conserve  en  Italie  des  archives  coniniereiales  beancoiqj  plus 
anciennes  (voy.  Yver  et  l'enizzi,  op.  cit.,).  Poui'  la    France,    voy.  Blan- 


QUELQUES    ITALIENS    D'aVIGNOX    AT    XIVE  SIÈCLE  111 

composition.  Pour  chaque  «  ragione  »  une  série  presqu'intégrale  de 
livres  de  compte,  la  eoiieordaiice  des  divers  registres,  grand  livre, 
entrées  et  sorties,  livrc>  de  caisse,  etc.,  nous  permet  de  suivre  de 
près  les  différents  opérations  commerciales,  de  faire  des  recherches 
rainutieu.ses  et  d'obtenir  des  résultats  précis. 

Signalons  en  passant  '  les  indications  multiples  qu"on  peut  eu 
tirer  sur  la  vie  économique  au  moyen-âge,  les  grandes  routes  com- 
merciales, les  moyens  et  les  frais  de  transport  par  terre  et  par  mer  ', 
le  trafic  de  Fargent.  les  relations  de  l'Italie  et  de  la  France  mé- 
ridionale avec  rOrieut  '\  autant  de  questions  qui  mériteraient  une 
étude  approfondie. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que  ces  archives  d'une 
maison  de  commerce  du  XIV'  s.  n'intéressent  que .  les  économistes, 
Farchéologue  pourra  les  consulter  avec  fruit  pour  l'histoire  de  l'ar- 
mement et  du  costume  en  général  ^  ;  l'historien  d'art  relèvei-a  des 
notes  aliondantes  sur  le  commerce  des  tableaux  et  des  objets  d'art 
à  lette  époque,  utiles  pour  expliquer  la  diUusion  et  l'influence  de 
l'art  florentin. 

Ce  qui  fait,  à  nos  yeux,  la  valeur  exceptionnelle  de  ces  archi- 
ves, c'est  la  masse   vraiment  funsidérable  des    lettres  qu'elles  con- 

card,  Documents  inédits  sur  le  commerce  de  JlarseiUe  au  37.  aye  (XIII"  s.), 
Marseille,  1884-5,  2  vol.  —  Voy.  également  divers  articles  de  Forestié 
relatifs  aux  livies  de  compte  des  frères  Bonis  raarclumds  à  Montauban 
an  XIV*"  s.  {Arch.  hist.  de  (htscogne,  n"'  20.  2.3,  26). 

'  Xous  avons  l'intention  de  consacrer  un  pioehaiii  article  à  une  des 
plus  anciennes  compagnies  dont  ces  archives  aient  gardé  la  trace,  celle 
conclue,  en  ]3(i7,  à  Avignon  entre  Francesco  di  Marco  et  Toio  di  Alberto 
de  Florence. 

'  Voy.  E.  Bensa,  Il  contralto  d'assicurazione  nel  Medio  Kto,  Gênes. 
1884.  Les  éléments  de  ce  travail  sont  tirés  des  archives  de  Prato. 

^  Sans  intérêt  est  déjà  signalé  par  G.  Livi,  DalVarchivio . . . 

'  Signalons  comme  exemple  dans  le  carteggio  de  Barcelone  (lettres 
d'Avignon,  année  1393)  une  lettre  contenant  des  dessins  de  tissus,  en 
l'espèce  des  velours  à  deux  tons.  On  conserve  même  à  Prato,  une  lettre 
datée  de  1405  à  laquelle  sont  encore  attachés  des  échantillons  de  drap. 


1  !2  y(Kl,(ilK.S    ITAI.IKNS    DAVIONON    AT    XIV'-  SIKtLK 

tieiinfiit  '.  Fi-.iiirescip  avait  des  agents  vt  des  cniTespoiidants  répan- 
dus dans  tonte  l'Kurope  méridionalo,  et  c'étaient  des  gens  de  toutes 
conditions,  des  niarrliands  pour  la  plnpart,  mais  aussi  de  grands 
seigneurs,  des  princes  de  l'Kglise  ",  des  littérateurs,  des  ai-tistes  ^, 
des  médecins  ■•.  Les  lettres  (jui,  par  leur  valeur  littéraire,  ou  parce 
qu'elles  étaient  signées  de  noms  connus,  ont  attiré  l'attention  des 
érudits  italiens,  sont  maintenant  publiées  en  grande  partie,  mais 
les  autres  ne  sont  pas  à  dédaigner  *,  elles  nous  donnent  sur  la  vie 
privée  du  temps  des  renseignements  vivants:  ce  sont  des  documents 
humains  de  premier  ordre  pour  une  époque  qu'il  iic  tant  ])as  seu- 
lement étudier  à  l'aide  de  sources  diplomatiques. 

Il  n'est  pas  jusqu'aux  lettres  de  nature  commerciale  qui  n'aient 
leur  utilité  pour  l'Iiistoi-ien.  On  l'a  déjà  dit  ".  et  à  juste  raison, 
les  marchands  du  moyen  âge  peuvent  être  considérés  comme  les 
premiers  journalistes.  Les  événements  politiques,  en  ce  temi)s  là. 
comme  aujourd'hui,  avaient  une  répercussion  .sur  les  changes  et  sur 
les  prix,  les  mouvements  de  troupes  faisaient  la  vente  ou  la  nié 
vente,  les  guerres  on  les  désordres  entravaient  ou  arrêtaient  les 
moyens  de  transport,  autant  de  motifs  pour  se  tenir,  aussi  exacte- 
ment que  possible,  au  courant  des  événements.  Voilà  pourquoi  il 
ne  faut  pas  craindre  de  i)arcourir  cette  volumineuse  correspondance, 
au   milieu  de  l'énuniér.ition  fastidieuse  des  marchandises  reçues  et 

'  Voy.  p.  110,  note  1. 

-  S.  Nicastro,  op.  rit.,  p.  111  et  suiv.  Il  cite  liiiiaUlo  degli  Alhi/.zi. 
Niccolô  da  Uzano,  Guido  dcl  Palagio.  les  Strozzi.  les  Bardi.  les  Corsini. 
les  Fiescobaldi.  les  Pugliesi;  les  cardinaux  Ammanati,  d'Ailly  et  ("ossa. 

3  Voy.  p.  108,  note  L 

*  L'intérêt  de  leurs  lettres  est  indiqué  par  G.  Livi  {.lich.  stor.  itiil.. 
sér.  V,  t.  XXXI,  p.  4-25). 

^  Signalons  également  l'intérêt  philolojrique  de  textes  aussi  anciens 
CM  langue  vulgaire.  Quoi(pie  la  grande  majorité  des  correspondants  soient 
italiens,  ou  trouve  des  lettres  en  provençal,  provenant  de  Marseille.  d'Arles 
et  des  Martigues  (B.  du  Rli.),  d'autres  en  catalan.  Il  existe  même  des 
pièces  en  arabe  et  en  liébreu. 

i»  G.  Livi,  oj).  cit. 


yUELQLES    ITALIENS   d'aVIGNO.V    Al'    XU'K  SIÈCLE  113 

expédiées,  on  trouvera  de  place  en  place  la  mention  d'un  fait  con- 
temporain, daté  avec  précision,  souvent  transcrit  par  un  témoin 
oculaire,  et  qui  nous  offre  parfois  le  moyen  de  savoir  ce  que  les  chro- 
niqueurs ne  nous  disent  pas  '. 

Tels  sont,  rapidement  éuumerés,  les  renseignements  qu'on  peut 
demander  aux  archives  de  Datini,  elles  sont  assez  riches  pour  y 
répondre.  On  jugera  sans  doute  qu'elles  méritent  d'occuper  une 
place  de  premier  ordre  au  milieu  des  archives  commerciales  trop 
souvent  considérées  comme  négligeables.  Peut-être  même,  qu'à  un 
point  de  vue  plus  général,  elles  pourront  figurer  en  bon  rang  parmi 
les  sources  de  l'histoire  des  paj's  méditerranéens. 

Robert  Brun. 


'  En  particulier  les  lettres  de  Cirioni  sur   le  siège  de   Pise  (1405-6) 
et  celles  de  Piero  di  Benintendi  sur  la  domination  française  à  Gênes. 


Mélanges  d'Arch.  et  <lllist.  ly-i3. 


ELPENOR    A    ANTIUM? 


Dans  son  Histoire  des  Antiquitr's  Romaines,  I,  72,  Deuys  d'Ha- 
licarnasse  cite  Aristote  comme  ayant  raconté  que  des  guerriers  Acliéens 
après  la  guerre  de  Troie  étaient  venus  sur  les  côtes  de  la  mer 
Tyrrliénienne  :  «ApiCTOTÉ^ïi;  Se  ô  cpiXodoço; 'A/xioiv  tivz;  ['Ttcoeî... 
tëT^E'jtwvtx:  slQsïv  sî;    tÔv    tottov    tî);    O"!/.'?;;    o:    •axIz'.zx'.  Aa- 

Dans  son  bel  ouvrage  sur  Virgile  et  les  oritjines  d'(>stie,  p.  201, 
.1.  Carc.opino,  citant  ce  texte  à  son  tour,  après  avoir  dit  qu'il  re- 
produit la  leçon  de  tous  les  manuscrits  de  Denys,  fait  justement 
remarquer,  quïl  ne  comporte  que  deux  interprétations:  «Ou  bien 
l'on  donne  à  rô-o;  le  sens  de  contrée,  et  par  Aartviov,  c'est  le 
Latium  qu'il  faut  entendre,  mais  alors  il  convient  de  corriger  Aa- 
Tiv'.ov  en  Aarivr..  Ou  bien  plutôt  l'on  prend  to-o;  dans  l'accep- 
tion restreinte  d'une  localité  précise:  mais  alors  comme  ou  ne  Don- 
nait aucune  ville  de  ce  nom  en  Italie  sur  la  mer  Tyrrhéuieune, 
il  faut  corriger,  comme  l'a  fait  l'éditeur  Kiessling,  Arriviov  en 
Aaouîvtov  ». 

.le  crois  aussi  qu'il  faut  plutôt  prendre  t6— o;  dans  l'acception 
d'une  localité  précise,  mais  j'hésiterais  à  changer  Aa-tv.ov  en  Az- 
'ji'.-i'.'yi,  avec  Kiessling:  je  le  cliangerais  plutôt  en  ''Avti&v.  En 
d'autres  termes,  la  localité  visée  par  ce  texte  est  pour  moi  la  vieille 
ville  latine  d'Antium,  située  sur  la   mer  Tyrrliénienne. 

Paléographiquement,  on  a  pu,  si  je  ne  me  trompe,  pa.sser  aussi 
facilement  de  "Avtiov  que  de,  Aa&'jiviov  à  Aariviov,  surtout  dans 
l'écriture    capitale    (ANTION):  et    géograpliiqueraeiit.   Antium    me 


116  EI.Pfc.NOU  A    anthmV 

scnibli'   n'-])oM(ln'   .iiissi    l)i(ii   mu   luoiii»   (jik'  L.iviniuni  aux   cxi^rcnfcs 

(lu   texte. 

M:iis  il  va,  à  mm  sens,  uik^  nii'illciirc  raison  de  pivIVTi;!' Au- 
tium.  C'est  qu'Homère  nie  semble  s'être  fait,  bien  avant  Aristote, 
réolio  (le  la  même  tradition,  et  avoir  visé  le  site.  d'Antium,  dans 
le   r(''cit   de   raventiirc   d'F.I])énor. 

Celle-ci  est  racont(ie  dans  l'Odyssi-e,  aux  chants  X,  552-560  ; 
XI,  51-78;  et  XII,  1-15.  Rappelons-la  brièvement:  «Il  y  avait, 
dit  le  iioèto,  un  tout  jeune  lioinmc  qui  n"ét;iit  p;ts  très  brave  k 
la  j;ii('ire,  ni  d'esprit  liicu  (■quilibré.  Sur  le  toit  de  Cireè.  où  il 
('■tait  venu  ciierclii  r  le  trais,  il  s'était  couehé,  ai)j)es;uiti  )iar  le  vin. 
Et  il  dormait  à  l'écart  de  ses  compagnons,  lorsque,  réveillé  en 
sursaut  par  le  brouhalia  du  départ,  il  se  leva  soudainement,  et 
oMbli:iMt  i|iril  devait  revenir  en  .ai'rière  (z'!/Oiiov)  pour  descendre  par 
le  grand  escalier,  il  alla  du  côté  opposé,  en  face  ly.y.-:yM~iy.:.{j), 
et  tomba  du  toit.  Il  se  rompit  le  cou  et  son  âme  descendit  chez 
lladès  ». 

Des  enfers,  Elpéiior  renionte  vers  la  lumière  iorscprUlysse  vient 
à  l'entrée,  et  après  lui  avoir  rac<intè  sa  fin  ni.ilbeurense,  il  le  sup- 
plie de  veiller,  lors(iu'il  sera  retourné  à  l'ile  d'Eaea.  chez  Circé,  h 
brûler  son  corps,  et  ii  lui  élever  au  bord  de  la  mer  un  tumulus 
(cYi'j.y.),  «  monument,  dit-il.  d'un  malheureux,  qui  piquera  la  cu- 
riosité des  hommes  il  venir  ». 

Ulysse  revenu  chez  Circé  fait  ce  qui  lui  a  été  demandé.  On 
l)riile  le  cor|)s  au  bord  de  la  mer,  à  l'extrémité  de  la  lanç/ue  de 
terre  (jiii  s'tirarice  dans  lis  flots  (6f)'  «xpoTaTr,  Tz^ôz/'  y.'A.Tr,)  ;  on 
élève   \\n   nTt'j.y  et  on  place  dessus  une  sfèle  et   une    rame. 

\'oil;'i    l'épisode   d'Elpéilor. 

Les  philologues  les  moins  portés  aux  interprétations  géographi- 
(jues  du  texte  homérique  reconnaissent  que  le  poète  a  une  pensée 
de  derrière   la  tête.  Ils  soupçonnent,  dans  son  insistance  ;V  préciser 


ELPÉNOR   À    ANTIUM?  117 

le  lieu  et  les  circonstances  de  la  séi)ulture,  une  intention  qui  est 
à  dégager. 

Cette  intention,  il  ne  semble  pas  malaisé  de  la  découvrir  quand 
on  prend  garde  au  dessein  qu'ont  manifestement  poursuivi  d'au- 
tres poètes  eu  racontant  des  aventm-es  semblables.  L'un  de  ceux-ci 
est  l'auteur  de  l'Enéide.  Son  intention  est  claire  quand  il  invente 
les  aventures  de  Misène  et  de  Palinure,  et  l'apparition  de  Thybris 
à  Enée  '.  Il  connaît  sur  la  côte  italienne  deux  caps,  l'un  appelé 
Palinure,  l'autre  Misène  :  près  de  l'emboueliure  du  Tibre  un  vieux 
temple  a  existé,  centre  d'une  fédération  religieuse.  Il  veut  expli- 
quer les  noms  des  caps,  et  l'origine  du  sanctuaire.  Il  invente  les 
épisodes  de  Palinure  et  de  Misène  et  l'apparition  du  vieux  Dieu 
local,  à  Enée,  à  qui  il  annonce  la  future  construction  d'un  temple  en 
cet  endroit  ".  On  est  donc  fondé  à  croire  qu'usant  d'un  même  pro- 
cédé le  poète  Odysséen  a  voulu  expliquer  l'origine  du  nom  de 
quelque  promontoire  peut-être  surmonté  d'un  tertre  tunuilaire  avec 
stèle,  ou  lui-même  en  forme  de  tumulus. 

Dans  l'Iliade,  comme  dans  l'Enéide,  il  est  question,  en  divers 
endroits,  de  tel  ou  tel  (7"Ôu.«  ou  ;j.v?;y,a  consacré  à  un  personnage 
plus  ou  moins  célèbre  (de  Sarpédon,  en  Lycie,  IL.  XVI,  45.5  sq.; 
de  Miryna.  en  Troade,  77.,  II,  813,  814).  Achille,  après  la  mort 
de  Patrocle,  demande  qu'on  lui  élève  un  haut  tumulus  au  bord  de 
rUellespont,  {II.,  23,  248),  et  qu'après  sa  mort  à  lui  on  en  élève 
un  autre  plus  grand  à  côté  de  celui  de  Patrocle.  Et  aujourd'hui 
encore,  dans  la  plaine  de  Troie,  auprès  du  cap  Sigée,  ou  montre 
deux  tumulus  situés  à  côté  l'un  de  l'autre,  et  présentant  la  dif- 
férence de  proportions  qu"indi(|ue  le    poète.   Il  les    avait    donc    en 

'  V.  .En.,  V,  835;  VI,  327  sq.;  VIII.  fô. 

'  Au  lieu  de  exit.,  dans  le  vers:  «  Hic  milii  magna  domus  celsi  caput 
urbibus  exit  »,  je  propose  extet,  qui  vaut  mieux  pour  le  sens  et  liont  la  con- 
fusion avec  exit  était  très  facile  dans  l'écriture  capitale.  EXTET  ressemble 
à  EXIT  dont  on  fit  exit  pour  le  vers.  En  sens  contraire,  L.  Havet  et  Car- 
copino,  op.  cit.,  p.  55.3,  n.  5. 


118  EI-PfeNOU  À  antil'mV 

vue  (vniimc  des  ri;;ilitr-s  existantes,   lorsqu'il    iinai^iiuiit    les    reconi- 

iiKUiil.'itiims  (rAcliillc. 

Il  est  donc  à  sui)])oser,  que  romme  raiitirui-  d»-  THnéide,  et  ce- 
lui (le  l'Iliade,  quel  qu'il  soit,  le  poète  Odysséen  a  visé  quelqut? 
ré.-ilité  fréographiqup,  et  comme  il  place  chez  Circé  et  aux  environs 
l'aventure  d'Elpénor,  il  est  vraisemblalile  que  ri/.:oTXTr,  T/.-rr , 
dont  il  parle,  doit  être  cherchée  dans  les  environs  de  Monte  Circeo 
où  la  tradition  j)lace  le  séjour  de  la   magicienne. 

Avons-nous  le  moyen  d'appuyer  cette  hypothèse  ?  La  question 
relevant  de  la  géographie,  c'est  à  la  géographie  d'aliord  qu'il  con- 
vient de  donner  la   parole. 

Un  document  du  plus  haut  intérêt  est  le  périple  de  la  Médi- 
terranée attribué  à  Seylax  de  Carianda.  Il  a  été  retouché,  croit-on 
au  IV"  s.  avant  notre  ère.  Mais  les  renseignements  qu'il  renferme 
sont  dignes  de  foi  et  remontent  souvent,  comme  ceux  des  péri- 
l)les,  à  \ine  haute  anti(iiiité.  Si  nous  ouvrons  ce  périple,  et  que 
nous  y  suivions  la  description  des  côtes  de  la  Méditerranée  dans  la 
région  qui  nous  occupe,  nous  lisons  ceci . . . 

<;<  T).  Tyrrhéniens.  A  partir  d'Antihes  est  la  nation  des  Tyrrhé 
niens   jusqu'à  la   ville  de  lîonie. 

li.  7.   Les   iles  de   Corse   et   de   Sardaigne... 

8.  Les  Latins.  A  la  Tyrrhéuie  confine  le  pays  des  Latins,  jus- 
qu'à Circei.  Le  monument  d'Elpénor  ito  I''.a-/;vo;o;  ii.'ir.ij.y.)  t'ait 
]>artie  du  ))ays  latin.  La  navigation  le  long  des  côtes  latines  est 
d'un  jour  et   d'une   nuit. 

9.  Les   Volsqnes  .  .  . 

10.  Les  Campaniens.  .\ux  Volsques  confinent  les  Campaniens. 
Les  villes  grecques  en  Campanie  sont  :  Cumes,  Naples.  La  naviga- 
tion  le   long  de   l;i   Camji.inie   est   d'un  jour  ». 

On  remarquera  la  brièveté  de  ces  indications,  et  que  si  elles 
nous  renseignent  sur  la  durée  des  circumnavigations,  elles  ne  nous 


ELPEKOR    A    AXTIUM  .-'  lll» 

font  pas  connaitre  la  distance  d'une  ville  à  Tautre  sur  la  cote,  ou 
même  d'un  point  à  un  autre,  en  dehors  des  terminus.  On  ne  nous 
dit  rien,  par  exemple,  de  la  distance  de  Ciimes  à  Naples,  ni  de 
celle  du  tumulus  d'Elpénor  à  la  Tyrrhénie  ou  au  Circeo.  Un  poète 
qui  utiliserait  de  tels  documents  serait  exposé  à  altérer  les  rap- 
ports de  distance. 

Le  renseignement  important,  ici.  c'est  l'existence  sur  la  cote 
du  Latium,  entre  Circei  et  Rome,  d'un  tumulus  d'Elpénor,  et  cela 
à  une  époque  très  ancienne,  car  vraisemblablement  ce  o.v^y.z  est  anté- 
rieur à  rOdyssée,  comme  les  tumulus  qui  portent  les  noms  d'Achille 
et  de  Patrocle  le  sont  à  l'Iliade,  comme  les  caps  Palinure  et  Mi- 
sène  le  sont  à   l'Enéide. 

Peut-on  eu  déterminer  l'emplacement  d'une  façon  un  peu  pré- 
cise? Je  le  crois.  Le  fait  que,  le  poète  place  l'aventure  d'Elpénor 
chez  Circé  invite,  nou*  l'avons  dit,  à  chercher  son  tumulus  de  ce 
Coté,  mais  d'a|)rès  le  péri|ile,  il  ne  faut  pas  le  chercher  à  Circei 
même.  Si  en  effet  il  avait  voulu  le  mettre  là,  le  géographe  aurait 
parlé  autrement.  Car  quand  il  écrit  que  le  pays  des  Latins  s'étend 
jusqu'à  Circei,  c'est  jusqu'à  Circei  exclusivement,  tout  comme  plus 
haut  quand  il  dit  que  la  Tyrrhénie  s'étend  jusqu'à  la  ville  de 
Rome,  il  met  Rome  hors  de  la  Tyrrhénie.  Donc  pour  lui  le  avry.z 
fait  partie  du  pays  latiu;  il  le  dit  expressément,  mais  pas  Circei. 
Ils  ne  sont  donc  pas  à  la  même  place.  Il  faut  donc  le  chercher  au 
pays  latin,  et,  d'après  le  poème,  sur  une  langue  de  terre  qui  s'a- 
vance dans  la  mer. 

Or,  entre  Circei  et  les  Bouches  du  Tibre,  il  n'y  a  guère  que 
deux  promontoires  de  ce  genre  :  la  pointe  d'Astura  et  celle  d'An- 
tium.  La  première  ne  semble  pas  avoir  présenté  d'intérêt  pour  la 
géographie  ancienne.  Du  moins  Strabon,  entre  Rome  et  Circei,  ne 
mentionne  cju'Antium.  C'est  donc  plutôt,  semble-t-il,  au  promontoire 
où  s'éleva  le  très  ancien  établissement  latin  de  ce  nom,  qu'il  faut 
rattacher  le   'J.^ir.ij.x   d'Elpénor. 


120  ELPÉNOR    À    ANTIIM? 

A  cette  suggestion  de  lu  géographie  l'ononuistiquc  donne,  je 
crois,  une  confirmation  intéressante. 

Pour  des  Sémites  (Carthaginois,  IMiénicicns  i)iirs  ou  plus  uu 
moins  hellénisés  comme  les  Chalcidiens  qui  fondèrent  Cumes  au 
XI''  s.  avant  notre  ère)  ces  expressions,  deiant,  en  face,  ont  un  sens 
particulier.  \  e:in^e  de  leur  manière  de  s'orienter,  en  se  tnurnant 
non  pas,  comme  nous,  vers  le  nord,  mais  vers  l'est,  ce  qui  est  </'•■ 
rant  pour  eux  est  au  lerant,  l'i  l'orient.  Il  en  est  de  même,  na- 
turellement, de  ce  qui  est  vers  la  lumière,  face  h  la  lumière.  Or 
cela  se  dit  justement  el-peneij-or.  Elpénor  est  donc,  pour  des  Sémi- 
tes, ou  des  Grecs  connaissant  une  langue  sémitique,  le  doublet  sé- 
mantique, l'équivalent  au  point  de  vue  du  sens,  à  la  fois  du  grec 
àvTiov,   3:vT!/.p'!i,  et  du  latin  Antium. 

Mais  ici  une  objection  est  h  écarter.  Klpénor,  à  moins  de  raison 
contraire,  doit  être  interprété  d'après  le  grec.  C'est  vrai.  Le  mal- 
heur est  que  l'explication  grecque  de  ce  nom  «  l'homme  de  resjié- 
rance  »  va  contre  le  récit  de  sa  malheureuse  aventure,  et  tout  particu- 
lièrement contre  l'épithète  de  malheureux.  «''"/)g  6tJ'7vr,vo:,  que  lui 
donne  le  poète.  Même  en  admettant  une  explication  grecque  du  ntun 
d'Elpénor,  il  resterait  que  le  poète  a  établi  sa  l)roderie  poétique 
sur  un  [Aviiaa   historique,  situé  sur  la  côte  du   Latium. 

Mais  une  interprétation  sémitique  e«t  d'autant  plus  légitime, 
qu'outre  qu'elle  explique  certains  détails  de  l.-i  mort  accidentelle 
du  personnage,  le  passage  abonde  en  façons  de  jiarler  <iMifi(rmes  à 
celles  des  peuples  sémitiques.  Ainsi  la  plupart  des  commentateurs 
de  l'Odyssée  sont  d'accord  pour  admettre  que  le  nom  de  Cimmé- 
riens,  dont  il  est  question  en  cet  endroit  (11,  14,  sq.)  et  que  le  poète 
fait  vivre  dans  une  nuit  funèbre,  se  rattache  au  sémitique  Ivimmer, 
lequel  signifie  obscurité,  ténèbres.  Il  faut  bien  reconnaître  aus*i 
qu'en  parlant,  à  propos  du  pays  de  Circé  (XII,  3,  -1)  de  «  la  maison 
de  l'aurore  »  le  poète  emploie  une  expression  semblable  à  celle 
dont  use  l'auteur  du  livre  de  .)ob,  lorsqu'il  parle  (XXXIII,  19-20) 


ELPÉNOR   À    ANTIUM  ?  121 

de  «  la  maison  de  la  lumière,  et  de  celle  des  ténèbres  ».  Enfin 
rauteur  de  l'Odyssée  connaît  la  façon  de  s'orienter  en  se  tournant 
vers  Test,  et  cluv.  lui  aussi,  ou  Ta  fait  remarquer,  «  derrière  »  si- 
gnifie quelquefois  «  à  Votiest  >>,  et  <.<  vers  la  lumière  »  «  à  l'est  ».  Ho- 
mère dit  d'Ulj'sse,  par  exemple,  que  beaucoup  d'iiomuies  en  ont 
entendu  parler,  soit  de  ceux  qui  habitent  vers  l'aurore  et  le  soleil, 
soit  de  ceux  qui  haliitent  derrière,  vers  le  (^ôcpo;  ténébreux  '  (Od., 
XIII,  240-241).  Donc,  une  interprétation  sémitique  du  nom  d"El- 
pénor  semble  indiquée  en  cet  endroit,  comme  s'accordaut  bien  avec 
la  façon  de  parler  que  le  poète  emprunte  à  des  sources  plus  ou 
moins  directement  sémitiques. 

De  plus,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  eu  admettant  cette 
interprétation,  on  trouve  an  récit  poétique,  d'un  naturel  si  parfait, 
un  charme  de  plus,  et  on  en  comprend  mieux  le  caractère.  Par  un 
périple  ou  autrement,  le  poète  connaît,  à  quelque  distance  vers  le 
nord  de  monte  Cirreo,  sur  une  langue  de  terre  s'avauçant  dans  la 
mer,  un  [xvyjy.z  d'Elpénor.  Il  sait  de  plus  le  rapport  de  sens  qu'il 
y  a  entre  'ElTtTÎvwp  et  ivTÎov,  àvri/.p'j  ou  /.ZTzvTcx-pû.  Il  établit 
sur  ces  données  le  jeu  de  sa  fiction,  et  tonte  sa  broderie  ])oétique. 
l'entre  les  diverses  manières  possibles  de  faire  périr  son  héros,  il 
choisit  celle  qui  le  désoriente,  pour  ainsi  parler,  et  le  fait  tomber 
du  toit  de  Circé,  en  allant  non  pas  en  arrière,  vers  l'ouest  où  était 
le  grand  escalier,  comme  dans  les  palais  Mycéniens  ou  Achéeus, 
mais  en  face.  y.aTavrix.o'j,  et  vers  la  lumière,  à  l'est,  el-penej'-or. 
,\iusi  le  nom  d'Elpénor  explique  certaines  circonstances  du  récit 
Odysséen. 

Explique-t-il  aussi,  comme  un  original  les  mots  qui  le  traduisent, 
les  noms  grec  d'zvrtov,  et  latin  d'Autium,  cela  est  possible,  et 
l'on  a  des  cas  analogues,  mais  nullement  nécessaires  à  notre  thèse. 

'  Cité  par  Béraid,  les  Pliéiiieiens  et  l'Odyssée,  II,  p.  319.  ,Ie  suis  d'au- 
tant plus  heureux  d'invoquer  ici  le  savant  ouvrage  de  M.  V.  Bérard  que 
j'y  ai  pris  la  première  idée  de  ce  travail. 


122  KI.I'IONOK    A    ANTMM? 

Il  >!'  pimrraif  tvf's  Ijicii  en  l'flVt  (lu'iiii  ('■(.iMissoment  ;rreo  situé  en 
face  du  Ktpy.aîov  en  ;iit  pris  le;  nom  d'  Avtiov,  comme  la  ville  si- 
tuée en  face  de  N-.-dzïa  (Xice)  sur  la  cote  de  Provence  a  pris  le 
mm  d'AvTÎTCoX'.;  fAutibesj  et  est  appelée  quelquefoi8  '  Avtiov  par 
des  géographes  fommc  Srylax.  Même  sans  cette  équivalence  éty- 
mologique, les  arguments  précédeminciit  invoqués  rendent  vi-aisem- 
blablc  la  venue  an  ])ri>ini)ntnii('  d'Antium,  d'Acliéeiis  retour  de 
Troie. 

Il  faut  ajouter  que  d'anciennes  tradititms  appuient  cette  vraiscni- 
Mancc.  Sans  jjarlcr  dn  témoignage  d'Aristote,  rappelé  au  début  de 
ce  travail,  et  qui  pourrait  viser  aussi  l>ien  notre  promontoire  que 
n'importe  quelle  autre  partie  de  la  côte  latine,  même  si  l'on  n'ad- 
met \nm  que  Azrtv'.ov  vienne  d''A/Ttov,  il  y  en  a  une  autre  qui  at- 
tribue la  fondation  d'Antiura  à  un  fils  (V Ulysse  et  de  Cirre'\et 
une  autre  encore,  à  moins  (|ue  ce  ne  soit  la  même,  rappelée  h  la 
fin  de  la  T/ii'ogonie  (1011),  et  d'après  laquelle  «  nés  d'Dlysse  et  de 
Circé,  dans  les  retraites  des  îles  sacrc'es  (les  caps  sont  .souvent  ap- 
pelés îles  par  les  poètes  de  ce  temps)  Lalinos,  Telegonos,  et  Agrios 
régnèrent  sur  les  illustres  Tyrrliéniens  ». 

Il  est  donc  vraisemblable  que  ce  n'est  pas  seulement  le  so\i- 
venir  de  IWiiollon  du  lielvédère  et  des  Rostres  trouvés  à  .\ntiuni, 
mais  que  c'est  encore  un  des  épisodes  les  plus  célèbres  de  l'Odys- 
sée, qu'il  faut  rattacher  au  nom  ou  du  moins  au  site  de  l'antique 
cité  latine. 

L.  Bavard. 

'  Cfr.  Dciiys.  op.  rtt.,  I.  72,  5. 


LETTRES 
ÉMANANT  DE  LA  COUR  PONTIFICALE 

À  L'ÉPOQUE  BU  CONCLAVE  DE  VITERBE 

(1-270- 1272  : 


Le  Manuscrit  505  (ancien  1>.  8.  9)  de  la  Biblioteca  Angelica, 
à  Rome,  est  un  recueil  de  formulaires  du  XIIP  s.,  d'origines  di- 
verses, suivi  du  dialogue  De  ira  de  Sénèque.  La  notice  que  lui  a  con- 
sacrée Narducci  '  aurait  grand  besoin  d'être  complétée  ;  mais  ce  tra- 
vail dépasserait  les  limites  de  cet  article  '.  Du  feuillet  14  au  feuillet  21 
s'étend  une  collection  de  39  lettres  de  la  deusième  moitié  du  XlIP  s., 
la  plupart  adressées  à  des  Français.  Ce  n'est  là  qu'un  mauvais  brouil- 
lon, plein  d'incorrections,  où  règne  le  plus  grand  désordre.  Peut-être 
l'auteur  avait-il  l'intention  d'en  composer  un  ars  dictaminls,  comme 
il  était  de  mode  alors.  De  lui-même  nous  ne  savons  que  fort  peu 
de  choses:  on  lit  dans  le  n"  6  de  la  série,  anonyme,  qui  sans  doute 
devait  servir  d'introduction  à  l'ouvrage  :  «  Ecce  quasdam  epistolarum 
fiirmulas,  quas  olim  ad  desideria  plurimorum  dictavi,  collectas  in 
uuum  tibi  transmitto  ».  Si.  comme  il  est  probable,  ces  mots  s'ap- 
pliquent  à    l'auteur   de    la    collection,    les    lettres    ont    été    toutes 

'  Catalogns  codicum  maïuiscriptuniiii ...  in  Bihliotheca  AnyeUca.  I, 
p.  223. 

-  Le  u"  4  de  Narducci  («  Epistolae  aiuatoriae  »)  n'est  autre  que  la 
Rota  Veneris  du  célèbre  et  fécond  dictator  Boncompagno  da  Sigua.  On 
a  de  ce  petit  formulaire  à  l'usage  des  amoureu.ic  d'autres  manuscrits. 
Cfr.  C.  Sutter,  Ans  Leben  u.  Sehriften  des  M.  Boncomxmgno,  p.  81,  et 
Gaudenzi,  dans  BuU.  Istit.  storico  iial..  .\1V,  p.  88  ss.  Des  extraits  ont 
.été  publiés  par  Sutter,  et  par  Monaci,  Rendiconti  Ace.  dei  Lincei,  ser.  W, 
vol.  ô  (1889),  p.  68. 


124  LETTKK.S    ÉMANANT    DE    LA   COUR    PONTIFICALE 

composées  par  lui  :  de  plus  il  est  certain  ijuil  trnait  de  près  à  la 
cour  pontificale  :  y  était-il  nhbmiator,  comme  son  contemporain  Ri- 
chard de  l'ofi  ?  '  Rien  n'est  moins  invraisemblaltle  :  son  recueil  en 
ettet  ne  contient  guère  que  des  pièces  écrites  pour  des  personnages 
do  la  curie. 

Beaucoup  d'entre  elles  sont  dépourvues  d'adresse  sans  qu'il  soit 
possible  de  compléter  cette  lacune  par  les  indications  du  texte;  quel- 
ques-unes sont  représentées  seulement  jiar  de  courts  fragments:  les 
unes  et  les  autres  ne  sont  plus  que  des  dél)ris  inutilisables.  Le  reste 
se  date  facilement  des  années  1270-1272:  on  trouvera  ici,  intégra-- 
lement  ou  en  partie,  celles  qui  ont  paru  mériter    d'être    connues. 

Jkax   Pohchkr. 


(fol.  14).  P.  Uberti,  notaire  apostolique,  avise  les  frères  mi- 
neurs de  Nîmes  qu'une  somme  de  40  livres  tournois  leur  a  c'té 
attribuée  sur  la  succession  du  cardinal  Henri  de'  Bartholomeis, 
e'vêque  d'Ostie  (entre  le  25  oct.   1271   et  le  24  juill.   1272). 

Religiosis  et  vencrandis  viris  suis  aniicis  in  Oliristo  carissiniis 
guardiano  et  fratrilius  Nemausensilius  ordinis  fratruni  Minorum  • 
P.  Uberti,  apostolice  sedis  notarius,  salutem  in  eo  qui  est  omnium 
vera    sains.   Sancte    conversationis   et    vite   studio,  prout    novimus, 


1  Les  termes  qu'emploie  celui-ci  dans  l'introduction  de  son  formulaire 
sont  très-voisins  de  ceux  qui  viennent  d'être  cites:  «  quasdani  litteras  di- 
versaruni  forniarura  secundum  Romane  curie  stilum  ex  niandato  superioris 
et  ingenii  uiei  parvitate  confectas  >.  (H.  Bresslau,  Handb.  d.  Urkunden- 
lehre,  II-,  I,  266  n.). 

-  Cfr.  le  Provinciale  ordinis  frutnim  Minorum  tetHStissiinuiit,  XV,  I, 
dans  Sbaralea,  Bidlariwn,  V,  588. 


A    l'époque   du   conclave   de    VITEKBB  125 

diligentor  insistifis.  et  animarum  prooiirande  saluti  sollicite  desii- 
datis.  Ilujusmodi  siquitlem  vestra  sanctissitna  mérita  propensius  at- 
teiidentes.  mine  cum  facilitas  se  obtiilit  sollicitam  adhibinins  operam 
et  sollicitudinem  operosam,  ut  vobis  gravatis  paupertatis  oneribus 
super  qua  vester  ordo  saliibriter  est  fiindatus  aliquid  proveiiiret  oon- 
solationis  subsidiuiii,  saltini  sumptiiose  vestre  fabriee  oportunum.  Hinc 
est  quod  cum  pie  raemorie  doniinus  H[eiiricus]  Ostiensis  et  Vêle 
trensis  episcopus  '  in  egritiidine  de  qua  obiit  constitutus  de  bonis 
suis  testamentum  condiderit,  ae  venerabiles  dominum  S[imonem]  ' 
tituli  Sancte  Cecilie  presbjternm,  dominum  (([ttobonum]  ''  Sancti 
Adriani  diaconum  cardinales,  necnon  virura  houorabilem  magistrum 
P[etruni]  de  Montebruno  ^  camerarium  apostolice  sedis  et  nos  ipsos 
cum  i]isius  testament!  executores  constituens  nonnulla  bona  ad  se 
expectantia  per  nianus  illorum  et  nostras  in  usus  pios  indistincte 
reliquerit  erogiuida,  nos  ad  premissa  vestra  mérita  pie  mentis  oculos 
cnnvertentes  cum  executoribus  ipsis  procuravimus  qnod  de  hnjusmodi 
lionis  indistincte  relictis  vobis  .xl.  lil)re  turrouenses  dari  debeant  in 
opus  vestre  fabriee  integraliter  comorande,  predictam  autem  pecu- 
niam  de  manibus  mercatorum  Senensium  qui  in  Montepessulano  mo- 
rantes  super  hoc  spéciales  litteras  recipinnt  ab  eorum  sociis  qui 
noscuiitiir  in  Roraana  curia  residere  faciatis  recipi,  predicte  fabriee 
usibus  deputandam,  ac  supradicti  episc.opi  animam  liabeatis  in  ve- 
stris  orationibus  commendatam,  niissarum  solleniis  quot  et  qualiter 
vobis  visum   fnerit  pro  remissione  peccatnrnm  illius  devotissirae  ce- 


'  Henri  de"  Bartliolomeis,  le  célèbre  juriste,  connu  au  Moyen  Age 
sous  le  nom  d'Hostiensis,  nioi-t  le  25  oet.  1271.  C'est  lui  qui,  malade,  fut 
autorisé  le  8  Juin  1270  à  sortir  du  «  palais  découvert  »  de  Viterbe  oi'i  se 
tenait  le  conclave.  Les  cardinaux  .Simon  et  Ottoboni.  dont  il  est  question 
plus  bas,  l'avaient  quitté  pour  la  même  raison  deux  jours  auparavant. 
Cfr.  G.  Signorelli,   Vitevho  nelhi  !<torin  délia  Chiem.  p.  261. 

-  Simon  de  Brion,  le  futur  Martin  IV. 

'  Ottoboni  Fiesclii,  plus  tard  Adrien  V. 

'  Pierre  de  Montlniin  devint  archevêque  cle  Xarlionne  le  24  juill.1272. 


\-2(<  l.KITKKS    KMA.NANT    l)K    LA    COCK    l'UNTlFlCALK 

leliratis  mib  illiua  optentu  fiducie,  qiiotl  si  possibilitas  atllierit  (sii) 
Iiujusmodi  elotriDsine  do  nostris  vol  de  bonis  aliis  allquid  adici  no- 
stra  diligeiitia   i)nifurabit. 

II. 

(fol.  14'').  Lettre  d' encuurayement  à  V Eglise  de  Paris  ((in  de 
Tannée  1271  '). 

Sorit's  iiinlestiarum  que  comiiiiiiii  iiiatri  Parisiensi  ecclesie  infc- 
nintiir  vestras  milii  suniiii.itini  tacta  jifr  littoras  nt  per  discretum 
viiMiin  iii.i;;istriiiii  [  R.  |  vcsti'iiiii  miiifcium  scriatim  (^xposita  sic  au- 
dientis  lurbavit  audituni,  quod  et  ad  occureiidum  illis  in  ipso  eoriini 
iiiitio  P(i  amplius  audientis  ;ininiuni  exritavit,  quo  majore  inculeau- 
doi'iini  siiiiiliuiii  iirotciidit  iiidiciu,  iiimm  potins  détériora  verisinii- 
liter  comniinatur.  Licet  auteni  status  curie  adhibendis  eirca  talia 
remediis  propter  defectnni  capitis  luicusque  prorsus  ineptus  et  sol- 
licite inst.uitie  memorati  niayistri  et  devotorum  ipsi  ecclesie  votis 
abstiterit,  ut  uec  collegii  revereudoriini  p.itrum  dominonim  cardina- 
liuiu  littcrc  iilitincri  potucrint  wc  ali.i  sii>sidia  que  negocii  exigebat 
qualitas  procurari,  qui,\  tanien  virtus  Altissimi  doninm  David  sua 
pietate  respiciens  in  ea  ccirnu  .salutis  erexit,  in  universali  ecclesia 
prr  ipsiiis  miserioordiani  dosidpr.ito  quaniqiiam  ]iost  diutine  vaca- 
tionis  incomoda  creato  ])astore,  spes  non  indigne  succrescit  (|Hod 
post  ipsins  pastoris  ad  partes  istas  adventum,  quem  audivistis,  nt 
credo,  jipud  .Vrcdii  clertiimis  sut-  t<  inpore  constitutura  *,  in  hiis  et  aliis 
relevatinuis  débite  proniptitudn  non  deerit.  sed  autore  Domino  adc- 
runt   .-inxilia   ijnitectionis  .•iceonindi'   in  tempère  nportnu" .. .   F,t  c(in- 


'  .^ur  b'S  (léuiêlés  oiitrc  l'évéïiiie  de  Paris  rt  l'adiiiinistralion  loyab', 
Cfr.  Jordan,  lier/.  Clément  IV,  n'»  835,  18(î2.  l!tl-2.  1913:  (Juiiand.  «f/;. 
Grég.  X,  n"«  528,  987,  101«,  106H,  1076,  etc. 

'  Grégoire  X.  élu  le  l""'  sejjt.  1271  alors  ciu'il  était  en  Terre  Sainte, 
n'arriva  en  Italie  qu'en  janvier  1272. 


À    LÉPtXJUE    DU   CONCLAVE   DE    VITERBE  127 

sidérantes  qiieso,  si  placet,  quod  si  veuerauda  l'arisiensis  '  ecclesia, 
quain  Virgo  virgiimm.  que  in  ea  sui  noininis  vineulo  insiguita  sibi 
spéciale  tripudiiim  sue  laudis  elegit,  personaruni  insignium  et  fa- 
cultatum  liabuudautia  iusignivit,  primis  succumbat  iusultibus,  facile 
minores  ecclesie  inremediabiliter  sequentibus  opprimentur.  vobis  et 
aliis  providere  in   soliditate  vestre  constantie   studeatis... 


III. 


(fol.  15''j.  Michel  de  Toulouse^,  vice-cltancelier  de  V Eglise  Ro- 
maine, exprime  au  roi  de  France  Phili^jpe  III  ses  condoléances 
pour  la  mort  de  Saint  Louis  et  lui  recommande  les  inte'réts  de 
la   Chrétienté')  entre  le  9  mars  et  le  21   août   1271'. 

Streuuissimi.p  prinoipi  domino  Pii[ilippuJ  Dei  gratia  victorioso  et 
illustri  régi  Fraucorum  . .  etc.  louge  vite  spaciura,  prosperitatis  ple- 
nitudinem  et  honoris  aucmentum.  Ab  eo  tempore  quo  discretionis 
annos  attigi  et  cepi  quanturalibet  de  rébus  ingruentibus  ae  de  con- 
ditionibus  domoruin  illustrium  nieditari,  occurrit  mee  considerationis 
obtutibus  regalis  aula  Fraucie,  preiens  '  edibus  seculariura  princi- 
pum,  sublimis  fama,  potentia  et  virtute,  in  quibns  bec  aula  pre- 
fulgida  et  a  largitore  bonorum  omnium  benedicta  non  solum  habuit 
oonsistentie  coutiuuitate  preconium,  set  divina  sibi  assistente  cle- 
mentia  suscepit   usque  in  fines  orbis  terre  predicabile  increnientum, 


'  JIs.   Ve)>erandi  pr. 

-  Le  nom  de  l'expéditenr  de  la  lettre  a  disparu  de  l'adresse,  mais 
comme  il  se  dit  originaire  des  terres  d'Alfonse  de  Poitiers,  il  est  fort 
probable  que  c'est  Michel  de  Toulouse.  Il  est  souvent  question  de  lui 
dans  la  correspondance  d'Alfonse  de  Poitiers,  auprès  duquel  il  semble 
avoir  été  persona  yrata  (Molinier,  Corr.  atJmitiistr.  d'A.  de  P.,  n°s  1381i 
1.S82,  1618.  2043).  Le  comte  de  Toulouse,  encore  vivant  à  l'époque  de  la 
lettre,  est  mort  à  Savone  le  21  aoiit   1271. 

'  Ms.  :  precniitis. 


128  I.KTTKKS    ÉMANANT    l»K    I,A    (;i)ru    l'ONTlKICALK 

jinmt  cvidriitia  fiicti  decl:init,  ox  eo  qiiod  reges  illiii»  incliti  non 
solum  a  mari  iisiiiic  ad  mare  suos  geiierosos  propagaverunt  '  pal- 
mites,  sed  (-tiam  ultra  ceperunt  ■  victoriosis  aiispiciis  ramos  exteii- 
<lere  ac  barltaras  sibi  subicere  nationes.  Processit  ergo  iiimiriim  de 
considcratione  liiijusmodi  quod  me  predicte  aille  clarissime  piiro 
corde,  siiiccn»  aiiimo  rt  lidc  imn  lii-ta  iiidissoliiliilitcr  me  devdvi, 
ut  ex  tune  l'ecolende  memorie  domino  L|  iidovicoj  régi  Francoriim 
piissimo  patri  vcstro  suiscjne  germanis  natisque  snblimibtis,  preser- 
tiiii  riim  dr  terra  inagnilii'i  |)riiici]iis  dnmiiii  A[lf(insi|  Pictavensis 
et  Tiniltisf  cDiiiitis  vestri  patrui  virtimsi  urrigincm  traxerim,  .sic 
dcviitiiiii  et  olisequiosuni  me  reddenni.  (|niid  si  ci  vel  nomeu  suiim 
invocaiitibus  placere  possem  aliquando  me  inter  feliees  felicissimuni 
rcputarem.  Quare  de  ipsius  genitoris  vestri  precelsi  obitu  dolore 
inexplicaliili  didui  ',  et  lacrimas  cupiosas  ett'udi,  (piod  vobis  latins 
aperuissem  jiresentibus  \  nisi  pepercisseni  occnpationibus  vestris 
onini  cumpassione  dignissimis  vel  timuissem  sopiti  materiani  siisci- 
tare  doloris;  ])re8ertim  cum  Imnerosa  vestrarum  sollicitndinum  mul- 
titude nnnc  ad  alia  n<iii  debeat  pertralii,  nisi  ad  illa  que  lionorem 
Dei  concineiit  et  salutem  cummissi  vobis  exercitus  eliristiaiii.  Agite 
igitur  ooustanter,  magnifiée  princeps,  lesn  Cbristi  ncgocium  quod 
idem  pater  veater  assumpsit  salnbriter  proscquendum,  ut  sicut  ipse 
in  regno  sulis  rcliquit  lieredcni  iuclitum.  sic  in  virtntum  exereitio 
successorem  liabeat  geuerosum.  V'erum  cum  ego  illam  circa  perso- 
nam  vestram  clarissimam  l'egali  preminentia  decoratam  devotionis 
gerara  et  fidei  plcuitndiuem  que  adjectionem  non  recipiat,  sed  pla- 
cide promptitudincm  cxeciitionis  admictat,  vestrc  celsitudini  perso- 
nam  et  bona  totalitcr  ott'erens  et  ex])onens  intègre  vestris  et  ve- 
stroriirn   obsfi[uiis  ac  régie  jussioni   jirecise  siibmittens.  queso    snji- 

'   Ms.  :  propagant. 

'  Ms.  :  cepit. 

'  Ms.  :  dohri. 

*  Philippe  m  ('tait  a: rivé  à  Vitcibe  le  ',»  mars  1271. 


À  i.'ki'oqub  du  conclave  de  viterbe  129 

pliciter  et  siippliro  reverenter  '  qiiatenus  me  vestrorum  aimiuiif- 
rautes  devotoruin  et  tidelium  numéro  (lij;iiemini  ad  statum  amumie- 
rationis  jiuiicimn  milii  qiiandoque  precipere,  ut  experiatur  serenitas 
regia  quod  ei  eupio  magis  obsequia  opère  quam  serraone. 

IV. 

ffol.  11).  MklieJ  de  Toulouse  déplore  la  maladie  d'Alfonse  de 
Poitiers  et  donne  des  iionrelles  du  conclave  {sifAut  le  21  août  1271). 

Nobili  et  egregio  viro  domino . .  spécial!  amico  M.  de . .  sa- 
lutis  plenitudiiiem  et  paratam  etc.  Quedam  vestre  littere  tristitiam 
coutiueiites  mihi  nuper  fueruiit  per  qiiemdam  ipsarum  Iiajulum  pre- 
sentate.  Tristitiam  siquidcm  super  eo  quod  principem  illum  raagui- 
ficum  dumiiiuin..  comitera  pati  deiiiital)ant  in  tibia.  Liravi  uiclii' 
lominus  debilitate  corporis  exinde  subsecuta  '.  Super  quo  amaris- 
simam  puuoturara  in  corde  sentio,  patienti  plene  compatior  et  cum 
languente  langueo.  et  ita  patior  cum  intirmo,  quod  carnis  et  san- 
guinis  libentis'îime  vellera  Jacturam  reraediabilem  perpeti,  cum  tali 
pacto  quod  idem  meus  dominus  deberet  cito  restitui  pristine  sani- 
tati.  Undf  jjrecor  ex  corde  divine  pietatis  cleraentiam  quod  ei 
salutem  conférât  integram  et  festinam ...  De  creatioue  vero  Ro- 
mani pontificis  et  c-ousolatione  vidue  nostre  raatris,  secundum  ea 
que  hiis  diebiis  accitata  suut  et  cotidie  aceitantur  non  minima  spes 
promittitur  quod  hiis  finis  in  proximo  apponetur.  Set  non  audeo 
scribere  superassertive  amicis  et  dominis.  cum  non  sit  determinata 
Veritas  de  futnris  . . . 


1   Ms.:  re. 

-  Il  s'agit  éviilenmieut  ici  d'Alfonse  de  Poitiers,  malade  depuis  son 
l't'toui'  (le  Tanis.  et  qui  devait  mourir  à  Savone  le  21  aoi"it   1271. 

HMunge»  ilArcli.  tt  tilihl.  lifiS.  9 


VM  LE'rrRKS    émanant    de    I.A    CoIR    I'OXTIFIUAI.E 

V. 

(fol.  17).  Mic/ie]  (Je  Toulouse  rcprorhr  ok  ilitnirelier  de  C/Kirlrs 
d'Anjou  Geojfroi  de  Beaumont,  enrichi  en  Afrique,  d'aroir  écrit 
des  plaisanteries  désobligeantes  à  son  égard,  se  plaint  de  son  ava- 
rice, et  lui  conseille,  dans  son  intérêt,  de  se  montrer  géuéren.r 
envers  lui  (entre  h'  T"'  nov.   1270  et  le   l"'  sept.    1271)'. 

Deaiirato  diuliim  nmic,  utiuam  sine  prejudicio  amicoriim,  tota- 
liter  aui-eo  domino  G.  de  Bellomonte  caneellario  regio  veneraiidn. 
811US  M.  de  Tliolosa  sanete  Romaue  ecclesie  vieeeanoellarius.  olini 
argenteus,  nunc  nec  etiam  argrentatris.  salutein  et  sie  prndeiiter  inil- 
larinos  congregare  ac  aureos,  ut  nhlivionj  niiiiic  non  conimittat  aniicus. 
Non  est  novum  neque  insolitum,  immo  comnne  fere  jani  nnniilius, 
qnod  de  jejuniis  libenter  disputât  venter  plenus.  Unde  si  l'oituna. 
(lue  eeca  non  indigne  deseriliitur.  vos  iiltr:i  s])em  et  meritiun  mm 
gustalibus  fulvidis  et  granis  aureis  ae  tarenis  replevit.  in  tantum, 
ut,  indueta  exinde  quadam  nausea  juxta  morem  pregnaiitium  que 
triticenm  panem  et  odorif'erum  viuum  fastidiiint  appetentes  interdnni 
lateres  et  aeetum,  pallor  argenteus  quem  diseolor  prndueebat  AtlVioa 
vobis  fieret  optativns,  ])rofe<'tn  sine  adinirationis  inonrsu  non  -ohini 
exenipla  yronica  set  ridieulosa  ])roverbia  erant  audaeter  adversus 
vestros  aniieos  et  dominos.  quiVius  eadem  fortuna  tergum  porrigit, 
indueenda.  sicut  in  (niibusdaiu  vestris  littcris  nujier  ex  en  i-ontr.-i 
me  insultare  eurastis,  qnod,  velnt  niediei  dolentes  pro.^perit.itcni 
aeris  pre  dolore  lucri  mm  babiti    eirca  dilectorura    memoriani    \i- 

'  Cette  curieuse  lottri'.  d'un  style  très  coniiiliciué  et  souvent  ol)scui-, 
fait  allusion  aux  richesses  accumulées  par  le  ministre  du  roi  de  Sicile 
à  la  suite  du  traité  de  Tunis  (ju'il  avait  hii-niême  négocie  (l""'  nov.  1270). 
jMichcl  de  Toulouse  ne  partage  pas  sur  les  opérations  financières  df 
Charles  d'Anjou  la  vertueuse  indignation  de  certains  de  ses  contemporains 
(cfr.  Guill.  de  Xangis.  Oexta  Phil.  III.  dans  ///«/.  dr  Fr..  XX,  47(î  K): 
mais  sa  lettre  la  justifie. 


À   l'époque   du   conclave  de  VITERBE  131 

dentur  raorbum  inourrisse,  ego  attenuatis  divitiis  et  earens  cum 
receptionibus  numorum  '  assuetis  vos  agentes  in  barbaricis  partibus 
non  visitavei'ani  nuncio  sive  scriptis.  Sane  hujusmodi  visitationis 
omissio  ex  dolore  tali  non  accidit,  sed  es  illa  sola  causa  processit, 
quod  dedignor  intra  illorura  esse  eollegiiim  de  quibiis  vos  estis  et 
vestri  similes  qui  verbalibus  cedulis  arairoruni  memoriam  comen- 
datis,  quam  ego  seraper  liabeo  in  meute  firinissiniam,  non  verborum 
volantium,  sed  liberalis  efficatie  productivam. 

Verum  diffiteri  nolo,  quia  forte  fonseientia  salva  non  posseni, 
quod  olim  Iialiito  pâtre  ae  domino  generoso  •,  sub  cujus  telioi  do- 
minio  ab  iuferioribus  venerabar,  visitabar  a  sociis,  et  a  superioribus 
amplexabar,  cujusque  secundis  temporibus  carebat  loeulus  ^  ruga 
meus,  copliiui  pecunias  vomebant  et  esquisita  joealia,  caméra  qiioque 
spleudebat  soericis  (sic)  rubrieata,  eram  longe  jocundior,  ut  *  qui 
sim  nunc  earens  tanti  patris  solatio,  dura  vix  a  paucis  verbali  sa- 
lutatioue  solliciter,  dum  etiam  crumena  prolixo  vacat  otio  si  in  eo 
fundo  jam,  proh  dolor!,  immédiate  perspecto.  Set  si,  ut  scripsistis 
et  credo,  farciti  de  olim  cesareo  et  nunc  regali  numismate  ac  ma- 
rabottinis  dupplicibus  et  albis  Affrice  millarinis  sic  extollimini,  quod 
vestris  amicis,  ne  dixerim  domiuis,  non  nisi  de  jocoso  dictamine 
serviatis,  affirmantes  expresse  supervaeuam  vestrarum  opuni  liabun- 
dantiam  non  esse  vacuitatum  loculorum  et  scrineorum  sitientium 
supplecturara,  vosque  per  cousequens  de  jactantia  in.solita  et  par 
citate  non  cognita  déférentes,  quis  vestri  tiuibriani  vestimenti  tan- 
gere  poterit  cum  taudem  Grecorum  yperpera  triumplialiter  lian 
rietis  ',  picturata   tolletis  tapetia,    et   paunos    sericos    co]ise(|uemini 

'  Ms.  :  luimenim. 

-  Le  pape. 

'  Ms.  :  foruhj. 

*   Ms.:  .'. 

^  Le  bruit  courait  que  Charles  d'Anjou  allait  taire  une  expédition 
contre  Michel  Paléologue.  Cfr.  la  lettre  de  P.  de  t^ondé  citée  par  Ch.-V. 
Langlois,  Règne  de  Phil.   III,  p.  .50. 


132  LETTRES   ÉMANANT    l>E    LA    «OrK    PONTIFICALE 

îuiro  tectos  ?  Certe,  iii»i  deiciatur'  ab  aliqiiibuR  (juod  pro  «e  loqiiitiir 
(Ti-atianiis,  consiiUfi  |tis  vobis  fnret  et  longe  iitiliiis,  qiiod,  juxta  pro- 
VRrl)iiiiii  ili'  i|iiii  ciiiisiliuin  suinitur  satis  saniim.  iit  advoeatus  seii 
inedieus  iiiterdum  sit  ])ro  fiitiiro  tempore  salutandu»,  ex  nuiie  me 
respieeretis  '"  realiter,  de  supeiHiia  saltem  de  qua  vos  jaetastis  di- 
vitiariiiu  afflucntia,  que  distribiite  eoiiereseuiit,  eonservate  putrescunt, 
seminate  terminant,  retente  diffamant,  quam  si  exjjeetaretis  erea- 
tionem  dante  Domino  proximam  Romani  pontiKcis,  quaiido  tliesanros 
volentimn  et  nolentium  nostre  vaeiialiit  exeellentia  majestatis.  Cete 
rnm  de  intimata  sainte  eatholieorum  prineipiim  vestra  qiioqne  ae  do- 
mini  l'I  rtrij  ^eniiani  vestri  frloriosi  eamerarii  eoniitis  nostri  domini 
specialis,  qiiem  affeetnose  saliitari  deposeo,  ac  de  insinnatis  nimoril)iis 
et  processu  exereitns  cliristiaiii  sinceritati  vestre  referens  ;,'ratiarnm 
multipliées  aetiones.  volo  seire  ae  tenere  vos  tirniiter  quod  me  sic  ple- 
iiarie  possidetis  eorde  et  animo  nt  deineeps  adjeotionom  nnllani  reei- 
piat  liujusmodi   plenitud<i. 

VI. 

rfol.  18''i.  ConsfiH  tnt.r  rnrdinnv.r  rr'miis  en  conclave  de  hâter 
l'élection  dit  pape.  Xotirelles  fin  dur  de  Bourgogne  et  de  son  fils 
Robert  (début   di-   l'année   1271?). 

Qnia  Roni.ine  matiis  ecelesie  aiino  fere  revoliito  seonudo  sponsi 
solatio  destitute  ueuoi-ium    videtnr  ad    preseiis  an    desidie    forpore 

'  Ms.  :  deiceiiir. 

-  Ms.  :  respiictis.  La  correction  respiceiTlis  (resptc'etis)  s'appuie  sur  un 
exeni])le  de  Ducanji^e,  t.  V.  p.  729,  col.  .S:  respirere  aliquem  mxinere.  Le 
sens  général  de  la  phrase  est  clair:  faisant  allusion  à  la  plaisanterie 
de  Ci.  de  Beauraont  qui  l'avait  comparé  à  un  médecin  rendu  malade  par 
la  santé  de  son  client,  M.  de  Toulouse  lui  conseille  d'ajcir  envers  lui 
coninie  envers  un  médecin  (ou  un  avocat),  dont  il  est  a\  antai^eux  de  se 
ménager  pour  plus  tard  les  bonnes  grâces:  de  lui  témoigner  son  respect 
par  quelque  générosité,  sans  attendre  la  création  du  pape,  (pii  ne  se  gê- 
nera pas  pour  vider  sa  bourse,  avec  ou  sans  son  autorisation.  —  Je  ne 
sais  :'i  ((uel  passage  de  (iratien   l'auteur  fait  allusion. 


À    l'époque    du    conclave    de   VITBRBE  133 

neglectum  seu  tedio  lassitatis  l^sic)  sopituni  aut  errore  ignorantie  post 
terga  projeetum  sive  labore  invidie  vel  raiioore  alterius  cujuscumque 
malitie  destitiitum  veluti  desperatum,  dignum  duxi  hoc  derelictum 
negocium  ia  mente  vestra  facere  redivivum,  si  forte  cogitatus  iii- 
cidat  vestre  cure  de  ipsius  relevatioue  fortune,  ad  quod  me  humaui- 
tatis  affectio  débita  movit,  caritatis  vestre  ratio  impulit,  et  reipu- 
hlice  amor  aecendit.  Humanitatis  enim  cultum  quem  debeo  vobis 
impendo  cum  in  adversis  spiritum  comijassionis  exliibeo.  Scio  quippe 
quod  sunt  nonnuUa  quibus  vexamini  gravia  et  periculosa  iucomoda 
sicut  quod  in  operibus  ejus  ad  quod  estis  specialiter  deputati  non 
prosperamiui,  set  casus  vos  excipiunt  luctuosi  tanto  per  discordiara 
nocui  quanto  essent  per  concordiam  profuturi  .  .  .  Egre  quidem  nun- 
ctio  luctuosisque  suspiriis  refero  quod  vestrum  coUegium  eo  de- 
solationi  est  proximum,  quo  in  se  ipso  divisum,  ejusque  populus  per- 
cusso  pastore  dispersus  est  lupis  crassantibus  dissipatus.  Vos  enim 
dilferendo  iiegoeium  quod  vestris  solis  incumbit  eervicibus  promoven- 
dnm  deflueudo  deticitis,  alios  vero  super  quos  etiam  geniens  contristor 
et  dolens  compatior  expectaudo  aftiigitis,  titubantes  sternitis,  vulne- 
ratos  etiam  jugulatis,  et  quamvis  ex  predictis  malis  sitis  interius 
angustiati  et  exterius  angustati,  exteriora  tamen  vestra  non  multum 
deploro  ineomoda,  quia  facile  reparabilia  sunt  temporalia  detri- 
menta,  et  plerumque  correptionis  sunt  causa,  intima  vero  mala  quibus 
animi  vestri  langueut  et  coiiscientie  sordent,  que  verè  vestrum  col- 
legium  constituant  miserum,  meum  reddunt  spiritum  geniebundum. 
Errorem  igitur  istum  dum  sic  est  recens  corrigite,  antequam  pre- 
valeat  scisma  extinguite,  ne  si  mora  convaleat  non  prius  vos  de- 
serat  (|uam  extinguat...  Presens  Robertus  domini  ducis  Burgundie 
vestri  et  ecclesie  Romane  devoti  residuorum  liberorum  primogenitus  ' 
reverentie  vestre    conjunctum  et  divisum  offert    illud    posse    modi- 


'    Les  autres  fils  du  duc  Hugues  IV  «'■taient  morts,  Eudes  en   1266, 
Jean  en   1267. 


134  LETTRES    ÉMANANT    l)B    LA    COL'U    l'ONTITICALE 

ciiiii  i|iio(]  lialict  exteriuM  et  ImiiaD)  vr)liiiitatcin  que  latet  interiiis, 
<l(ia  iii  liac  vila  nicliil  discretiiis  vel  majiis,  siip]»licans  obnixius  lit 
ipsuni  vcstra  lai-itas  statuât  inter  illos  quos  aniat.  Preterea  du- 
minus.,  diix  lîiirj;iiiidic  jiatcr  eju8  a  Neapuli  '  U!*que  Aretiuin, 
ubi  nie  iiivtiiit  casiialiti^r,  iiimtius,  sfrii)sit  mandatiim  ",  ut  eiini  in 
vestro  auditorio  dili^ontci-  et  solicm])iiitei'  reddcreni  exeu.satuni  super 
eo  quod  vobis  non  scripserat  transieus  per  Cornetum,  et  licet  pr<> 
vero  asserat  se  tune  ydoneum  non  babuisse  seriptorcni,  nicliilominns 
tanien  nniltuni  se  reddit  culpaliibnn.  l'nde  si  placet  eulpe  cognitio 
et  exce])tionis  ratio  re(bbuit  ipsnm  le^ittime  jienes  vestram  béni- 
volentiam  excusatum. 


'  De  nov.  1270  à  février  1271,  le  duc  de  Hourgof^iie  avait  exercé 
les  fonctions  de  vicaire  général  du  roi  de  Sicile  (Durrieu,  Reg.  Aiig.,  1, 139) 

-  Ms.  :  mandumus.  Le  mot  nnniius,  de  lecture  certaine,  est  peut-être 
une  faute. 


ATTIDEIA 


I. 

Sur  la  date  de  riutroductiou  officielle  à  Rome 
du  culte  d'Attis. 

Lorsqu'en  204  avaut  uotre  ère,  les  Romains  '  se  décidèrent  à 
introduire  dans  la  ville  le  culte  de  Cybèle,  ils  eurent  soin  d'en 
éliminer  les  éléments  orgiastiques  trop  manifestement  contraires  aux 
sereines  tendances  de  leur  religion  traditionnelle.  La  Grande  Mère 
des  Dieux  fut  installée  sur  le  Palatin,  mais  son  trouble  compagnon, 
le  liei  Attis  mutilé  dont  les  sectateurs  orientaux  imitaient  les  trans- 
ports et  portaient  la  blessure,  fut  relégué  à  la  porte  du  sanctuaire. 
Un  prêtre  et  une  prêtresse  empruntés  à  la  Phrygie  se  chargèrent 
d'accomplir  dans  l'ombre  les  rites  où  la  dignité  romaine  ne  se  sou- 
ciait point  de  descendre  ;  et  les  seules  fêtes  reconnues  par  l'Etat  et 
déploj'ées  par  ses  soins  se  célébraient  more  romcDw  et  graeco  ritu. 
sous  la  surveillance  du  Sénat  et  avec  le  concours  de  sodalités  aris- 
tocratiques en  dehors  desquelles  la  foule  impressionnable  des  petites 
gens  était  jalousement  maintenue.  De  fait,  ni  les  jeux  en  quoi  elles 
consistaient,  les  Mefirilensia,  qui  duraient  du  4  au  10  avril,  et 
auxquels  Térence  a  donné  la  plupart  de  ses  comédies,  ni  les  sa- 
crifices qui  en  ouvraient  et  fermaient  le  cycle  solennel  et  où  les 
officiants,  la  tête  ceinte  d'une  couronne  de  laurier,  offraient  une 
génisse  à  la  déesse,   tandis  qu'un    édile  curule  venait   déposer  sur 

'  Sur  ce  point,  voir  le  livre  très  complet  de  Graillot,  Le  culte  de  Cy- 
bèle Mère  des  Dieux  à  Rome  et  dans  l'Empire  romain,  Paris,  1912.  La 
page  <|ul  suit  résume  les  idées  développées  en  ses  deux  premiers  cha- 
pitres. 


l:i(i  ATTIDKIA 

ses  genoux  les  prémic's  de  l;i  innisscrii  pructiainc.  ni  mêiiic  la  ci'-- 
réinonie  de  la  lamtio,  qu'Ovide  fixe  au  4  avril,  et  au  cour.»  de  la- 
(liiclle  l'idole  et  son  attirail  étaient  plongés  dans  VAlwo,  à  peu  prés 
comme  Héi-a  Argienne  était  jnirifiéc  dans  la  source  Kanatlios  et 
Maia  dans  l'eau  de  la  mer  à  Ostie  ',  n'avaient  de  quoi  effaronclier 
la  piété  romaine  toujours  en  garde  eontre  les  effusions  qui  peuvent 
troubler  les  âmes  des  liomraes  ',  ou  même  dérouter  ses  habitudes. 
Il  semblait  qu'en  entrant  dans  le  l'autiiéon  de  la  Répulili(|Mi- 
ridéenne  se  fût  transformée  à  stni  exemple  et  qu'elle  eût  dépouillé 
les  caractères  essentiels  de  sa  religion  orientale.  Mais  ce  n"était 
qu'une  apparence,  ou  plutôt  "-e  ne  fut  ((u'une  étape  de  sa  carrière 
romaine.  La  suite  compromettante'  dont  elle  .avait  été  séparée  par 
l.i  iirudence  des  Pntres  devait  finir  par  la  rejoindre.  Sous  rp.ni- 
pire.  Atfi^  vint  partager  son  a]iotliéose  ollicicllc,  et  les  mythes  et 
les  rites  qui,  en  Asie  Mineure,  faisaient  coitége  ;\  leurs  divinités  as- 
sociées obtinrent  droit  de  cité  à  leur  tour  et  se  déroulèrent  pub!;- 
(luement  dans  la  suite  des  fêtes  du  mois  de  Mars,  à  travers  les 
lamentations  du  «jour  du  sang»  et  l'allégresse  des  H/lfiritt.  C'tM 
ici,  d'ailleurs,  ([ue  les  historiens  cessent  de  s'entendre:  et  la  date 
qu'ils  assignent  à  cette  extension  révolutionnaire  du  rnlte  de  la  Mé;i- 
des  Dieux  varie,  selon  leurs  ralculs.  de  la  première  moitié  du  I' 
siècle  ap.  .1.  C.  an  dernier  tiers  du  troisième.  D'après  M.  Cuniont  . 
suivi  par  M.  Graillot  ^  l'intronisation  d'Attis  dans  le  férial  romain 
fut  roMivre  de  Claude:  d'après  M.  Wissowa,  qui    a  connu  ces   eon- 


'  Cfr.  J.  Caivopino,  Virgile  et  les  origines  d'Ostie,  Paris,  lillit.  p.  14") 
et  I4G. 

'  Paul,  Sent.,  V,  21,  2:  Qui  novas  sectas  vel  ratiotie  incoyiiitas  riti- 
(jioiies  induciint,  ex  quibus  atiimi  hominum  îiioveantur,  honestiores  deportan- 
tur,  humiliores  capite  puniiintur. 

'  Franz  Cuiuont,  Les  religions  orientales  dans  le  l'aganisme  romain  -, 
Paris,  1909,  p.  83.  M.  Hepding.  Attis.  Gieszen,  1903.  i).  147.  avait  sou- 
tenu aussi  cette  opinion. 

■•  Graillot,  op.  cit..  p.  115. 


ATTIDEIA  137 

olusions  mais  ne  s'y  est  point  rallié  ',  il  est  impossible  qu'elle  ait 
précédé  le  milieu  du  II'  siècle;  enfin,  d'après  M.  von  Domaszewski, 
elle  serait  bien  plus  tardive  encore  et  ne  remonterait  pas  plus  haut 
que  le  principat  de  Claude  II  (268-270)  ^  Je  voudrais  apporter 
à  l'opinion  de  M.  Cumont  l'appui  de  documents  qui,  laissés  jus- 
qu'ici en  dehors  de  cette  question  chronologique,  paraîtront  peut- 
être  de  nature  à  la  trancher  définitivement. 


Un  texte  domine  le  débat  :  niallieureusement,  il  est  de  basse  épo- 
que, et  peu  explicite:  c'est  le  passage  du  De  Mensibus  du  byzan- 
tin Johannès  Laurentius  Lydus,  auquel  les  modernes,  quelles  que 
soient  l'importance  et  l'iiiterprétation  qu'ils  lui  donnent,  doivent  se 
référer  d'abord  : 

TY,  —z'j  t^z/.y.'J.'.y.-  Kr.Aïvàôiv  W-y'/ioi'i  (Jîvdpov  ttit'j;  -7.;i  tmv 
i^tvàsooôcwv  èûîiîTO  i-i  Tw  IIzaztko'  t"/;v  .le  éostÀv  IvÂaCà'.o;  o 
lia^ùîù;  x.5'.T£<;-/;'77.T0  (Lydus,  Z)eJie«s(6MS,  IV,  59,  p.  113  WuensehJ. 

11  n'est  pas  douteux  que  I'joût/,  visée  dans  ces  lignes  ne  coïn- 
cide avec  Varhor  Intriit  du  calendrier  de  Philocalus  ■*.  Même  date, 
le  11  des  kalendes  d'avril  ou  22  mars,  même  procession  du  pin 
sacré,  qu'escortent  les  dendrophores.  Il  n'est  pas  douteux,  non  plus, 
que,  pour  l'auteur,  cette  addition  au  calendrier  religieux  de  la  cité 
romaine  n'ait  exigé  l'intervention  du  Prince,  et  que  cette  initia- 
tive ait,  non  seulement  impliqué  la  reconnaissance  par  l'Etat  du  col- 
lège religieux  des  dendrophores,  mais  décidé  de  l'avènement  dans 
les  Fastes  de  la  Ville  de  tout  le  cycle  cnltiiel  que  la  République 
avait  ignoré  et  qui  gravita  désormais  autour  de  la   mort  et  de  la 

'  Wissowa,  Religion  ii.  Kultus  der  Jiomer  -.  Jliinich,  1912,  p.  321-322. 
'  Von  Domaszewski,  Mnyita  Mater  in  Roman  inscriptions,  dans  le 
Journut  of  roman  Studies,   1911.  p.  .06. 
'  C.  T.  L..  P,  p.  260. 


rùsurref.-tiou  il'Attis.  11  n'en  est  (|iic  plus  intéressant  <li-  savoir  à 
quel  empereur  —  K7.z'j5'.o;  o  ISaTÙî'j;  —  nous  devons  le  rapporter. 

Dans  son  article  du  Jounial  of  roman  Sliidies.  paru  en  ll'll, 
M.  Von  Domaszewski  a  soutenu  (|u'il  s'agissait  de  Claude  II,  et 
voici   brièvement  résumée  sa  spécieuse  argumentation. 

Il  est  raconté  dans  VHisfoire  Aiifiuste  que  la  nouvelle  de  l'é- 
lévation de  Claude  II  à  l'Kmpire  par  les  légions  assemblées  au 
siège  de  Milan  fut  annoncée  à  Rome,  dans  le  sanctuaire  palatin  de 
la  Magna  Mater,  le  jour  du  .sang,  le  24  mars:  imiti  rmii  »ii)i- 
tiatuin  esset  VIII  /.■al(eiirlas)  a2)ri}is  ijiso  in  sacrario  Matris,  san- 
ffuinis  die.  Chindiiim  imperutorem  fuclum  . ..  \  Or  un  papyrus  de 
Strasbourg  tixe  au  28  août  268  le  comuieneemeut  du  règne  de 
Claude  II  '.  Par  conséquent,  l'information  de  l' His/oirr  Antiiiste  qui 
l'avance  au  24  mars  de  la  même  année  est  destituée  de  fondement. 
Le  biographe  qui  savait  que  Claude  II  avait  accrédité  à  Rome  les 
fêtes  d'Attis  se  serait  amusé,  si  l'on  en  croit  M.  von  Domaszewski, 
à  associer  le  souvenir  de  sou  avènement  à  celui  de  leur  institution: 
et  si,  par  ce  détour,  la  véracité  de  ['Histoire  Auguste  est  entamée 
une  fois  de  plus,  du  moins  cette  fiction  supplémentaire  dont  on 
charge  la  mémoire  de  ses  auteurs  luius  pro<-ure-t-elle  l'avantage 
d'éclaircir  et  corroborer  l'assertion  de  Lydus.  Ce  n'est  plus  le  té- 
moignage unique  et  tardif  que  son  isolement  autant  que  son  éloi- 
gnemeut  frappaient  d'une  légitime  suspicion,  et  la  personnalité  de 
Claude  II  dont  a  parlé  Lydus  se  trouve  établie  par  la  légende  qui 
s'est  greffée  sur  l'un   de  ses  actes  authentiques  ". 

A  cette  ingénieu.se  mais  fragile  construction,  l'on  pourrait  com- 
mencer par  opposer,  soit  les  in.scriptions  qui  ont  servi  :'i  M.  Wissowa 
à   reporter  cent  ans  i)lus  tôt  l'introduction  à  Rome  du  culte  d'.\ttis  *, 

»   nta  Claiulii.  4,  2. 

2  Pap.  Str.,  I,  32. 

^  Cfr.  l'article  précité  de  JI.  vou  Douiaszewski,   p.  .jti. 

*  Wissowa,  oj).  cit..  p.  322. 


ATTIDEIA  139 

soit  les  textes  littéraires  qui  attribuent  aux  fêtes  d'Attis  une  ori- 
gine sensiblement  plus  haute,  notamment  celui  de  VHistoire  An- 
ilHstf  qui  nous  muntre  Alexandre  Sévère  eonseutant  à  corser  la  fru- 
galité habituelle  de  ses  menus  à  roccasiou  des  grandes  réjouissan- 
ces de  Tannée,  comme  le  Jour  des  Hilarin  ',  soit  celui  de  Tertul- 
lien  qui  raille  rarcliigalle  ruinai ii  d'avoir  versé  sou  sang  pour  le 
salut  de  Marc-Auréle,  à  la  date  rituelle  du  dix  des  kaleudes  d'avril, 
exactement  six  jours  après  la  mort  de  cet  empereur,  survenue  le 
17  mars  aux  frontières,  mais  connue  à  Rome  seulement  après  le  2i  '. 

Mais  point  n'est  besoin  de  sortir  des  textes  visés  par  M.  von  Do- 
maszewski  pour  écarter  les  conclusions  qu'il  en  a  sollicitées  :  celui 
de  l'Histoire  Auguste  ne  recèle  point  la  contradiction  qu'il  lui  prête; 
([Uant  à  celui  de  Johannès  Laurentius  Lj'dus,  il  exclut  formellement 
l'interprétation   qu'il  en  donne. 

Assurément,  le  papyrus  de  Strasbourg  auquel  M.  von  Doniaszewski 
s'est  référé  compte  la  première  année  du  i)rincipat  de  Claude,  en 
268,  non  du  dies  satKjuinis,  le  24  mars,  mais  du  22  août,  cinq 
mois  plus  tard.  Toutefois,  il  résulte  d'une  étude  approfondie  des  jm- 
Pliri  que  la  chronologie  impériale  était  essentiellement  variable  en 
Egypte  et  qu'elle  y  donne  lieu  k  des  difficultés  peu  communes  :  tout 
récemment,  M.  Arthur  Stein,  dans  V ArcJiiv  fi'ir  PapyrusforscJinnfi, 
y  a  dénombré  plusieurs  systèmes  concurrents,  celui  d'Alexandrie, 
dont  les  monnaies  nous  fournissent  les  éléments,  et  ceux  de  la  /(op^z, 
que  les  papijri  permettent  de  reconstituer,  et  qui,  en  constant  re- 
tai-d   sur  le  précédent,  ne  s'accordent  pas  toujours  entre  eux.  C'est 


'  Vitu  Severi  Alexnndri,  37,  H:  Adliibebalur  anser  diehus  festis  J;alen- 
dis  autein  ianuariis  et  hilctriis... 

-  Tertullien,  Ajj.,  25:  Itaque  maiestatis  suae  in  Urbem  conlaiae  grande 
documentmn  nostrae  etiam  aetati  proposait,  eum  Marco  Aurelio  apud  Sir- 
niium  reipublicae  exempta,  die  decimo  sexto  halendarum  aprilium,  archi- 
gallus  ille  sanctissivius  die  nono  kalend.  earuindem,  quo  saiiguinem  . . .  U- 
hahat,  pro  sainte  imperaloris  Marci  iam  intercepti,  solita  aeque  imperia 
mandant. 


ainsi,  par  exemple,  que  nonilire  de  papipi  placent  Tavénenient  de 
Claude  II  au  cours  de  la  seizième  année  du  principal  de  Gallien, 
tandis  que  les  monnaies  alexandrines  l'assignent  à  la  quinzième,  et 
qu'un  papyrus  de  TeMynis,  renchérissant  encore  sur  les  préten- 
dues précisions  du  papyrus  de  Strasbourg,  prolonge  le  principat  de 
Gallien  jusqu'au  28  octobre  268  '.  Qu'est  ce  à  dire,  sinon  que  le 
point  de  départ  des  années  régnahs,  loin  d'être  fixe  en  Egypte,  s'y 
déplaçait  suivant  la  i)lus  ou  moins  grande  rapidité  avec  laquelle  la 
nouvelle  des  changements  politiques  survenus  en  cette  période  con- 
vulsive  se  propageait  de  Rome  jusqu'aux  extrêmes  confins  de  la 
•/WG5!  ?  Les  divergences  qui  sulisistent  entre  le  comput  alexandrin 
et  celui  de  nos  sources  littéraires,  puis  entre  le  comput  des  papi/ri 
et  le  comput  alexandrin,  expriment  tour  à  tour  la  durée  qui  s'écoula 
entre  Tavénement  théori(ine  de  Claude  II  à  Home  et  s;i  reconnais- 
sance ultérieure  à  Alexandrie,  puis  dans  les  divers  nomes  égyptiens. 
Ainsi  l'anecdote  de  V Histoire  Aur/uste,  touchant  les  circonstances  de 
la  proclamation  de  Claude  II  à  Itome.  qui  cadre,  d'ailleurs,  avec 
les  indications  d'Eusèbe  ",  se  concilie  parfaitement  avec  les  données 
papyrologiques  qu'on  a  tort  de  lui  objecter.  Les  chronologies  aux- 
quelles se  réfèrent  respectivement  ces  données  et  l'anecdote  ne  se 
déroulent  point  sur  le  même  plan,  et  il  n'y  a  rien  à  tirer  d'une  con- 
tradiction qui,  au  vrai,  ne  saurait  exister  entre  elles '.  Au  surplus, 
il  est  impossible  de  fortifier  par  quelque  raisonnement  que  ce  soit 
une  identification  qui  n'est  point  dans  Lydus.  Car  le  contexte  de  cet 
auteur,  et  c'est  de  quoi  l'on  ne  s'est  pas  encore  avisé,  exclut  for- 
mellement celle  que  M.  von  Domaszewski  lui  a  prêtée.  Le  seul  Claude 
qu'ait  connu  Lydus,  le  seul,  en  tout  cas,  dont  il  ait  parlé  dans  le  De 
Mensibus,  c'est  le  troisième  successeur  d'Auguste,  Ti.  Claudius  Nero. 

'  Pap.   Tebt.,  II,  581.  Cfr.  Arthur  Stcin,  Archii-  fur  Pttpyni/sforschumi, 
VII.  1923,  p.  30  et  suiv. 

^  Eusèbe,  ap.  Hieron.,  p.  182  Sch. 
'  Stein,  op.  cit.,  loc.  cit.,  p.  45. 


ATTIDKIA  141 

Eli  (l(>li(irs  (lu  pass.i^ic  qui  nous  arrête,  L^vdus  a,  en  effet,  cité 
une  antre  fois  Claude  en  des  termes  qui  méritent  de  retenir  notre 
attention.  Lydus  vient  de  nous  entretenir  des  crises  d'épilepsie  dont 
Jules  César  avait  souffert,  et,  avec  une  crédulité  qui  nous  fait  sou- 
rire, il  s'enquiert  des  remèdes  propres  à  ■i^uérir  cette  terrible  ma- 
ladie.  Il   raconte: 

'AsETT^;  os  0  -(~yi  i;y.r,vi,T(ôv  'A;â?(ov  o'j).ai/o:  lv7,«'j5io)  Ky.lrsy.z'. 
Ypxçwv  £7rt<7To).r,v  -ept  -%■,  O'.'  opvsojv  Oîpot-îia;  or.'riv,  vi-ap  Y'-'~'j; 
T'jv  TÔ)  y.(ij.'y.-7'.  0— Tov  ij.z-y.  ij.i\<-rj;  f^w6|^.îvov  é-i  é^ooazoa;  rpsT: 
5:~r A^vâTTîiv  £T'."/.v;'i^iz;,  oaoùo;  oi  v.y.i  t/,v  y.y.zh'.y.^  -vj  Y'-'~''j;,  otî 
^TioavO"/;,  év  'jf)»—',  d'.ooy.£v/iv  tw  "«o  too— w  in/'iv.v  (Lydus,  De 
Mensihus,   IV.   KU,   p.   l-t-S   Wuenscli). 

Bien  entendu,  nous  laissons  ;'i  Lydus  l'étrange  pharmacopée  à 
base  de  foie  de  vautour  rôti  au  miel  et  de  cœur  de  vautour  pul- 
vérisé dont  il  nous  garantit  Tefficace.  Mais  quand  il  se  \ante  de 
l'emprunter  à  une  lettre  adressée  à  KàzO'^io;  Kaïczp  par  Arétas, 
phylarque  des  Arabes,  nous  sommes  obligés  de  confesser  la  vraisem- 
blance et  la  sfireté  de  ses  informations.  Nous  connaissons  plusieurs 
«  Caïds  »  arabes  du  nom  d'Arétas:  r'ApÉr-/;  o  rwv  Api^cov  Tjpy.wo; 
dont  il  est  question  au  livre  II  des  Maecabées  et  auprès  duquel, 
en  169  av.  .1.  C,  le  grand  prêtre  de  .lérusalem,  .Fason,  avait  espéré 
trouver  un  refuge  qui  lui  manqua';  l'Arétas  o  '  ApzSojv  '^jyjù.v'j-. 
que  Josèphe  nous  montre  écliouaut.  en  96  av.  ,T.  C,  dans  son  projet 
de  délivrer  Gaza  alors  assiégée  par  Alexandre  Jaunée  '  ;  l'Arétas 
dont  les  monnaies  répètent  ce  titre  de  \\y.n<.\v'j-,  et  qui  a  guerroyé 
contre  Pompée  et  ses  lieutenants  en  62  av.  .1.  C.  '.  Mais  sous  l'Em- 
pire, il  n'y  en  a  qu'un  dont  le  souvenir  soit  venu  jusqu'à  nous: 
Arétas  JV,  qui  gouverna  les  Nabatéen  à  partir  de  9  av.  J.  C.  et 
dont  les  monnaies  s'arrêtent   jusqu'ici  à  la  quarante-huitième  année 

'  Macf..  II,  5,  8.  Cfr.  P.-TP.,  II,  c.  673. 

2  Josèphe,  Ani..  XIII,  360  et  suiv.  Cfr.  P.- 11'.,  ihid. 

'  Josèphe.  BeU.  hid.,  I,  8,  1.  Cfr.  7^.-11'..   II,  c.  674. 


142  ATTIUKIA 

(le  son  règne,  «nit  en  3!»  ap.  J.  C.  '.  C'est  de  lui  que  dépendait 
namns,  quand  Saint  Paul  dut  s'enfuir  de  cette  ville  ",  sans  doute 
;'i  l:i  fin  dr  ■!'.•.  Il  est  ])(issilde  (|U<,'  son  gouvernement  se  soit  ])ro- 
loiigé  quelque  temps  encore,  au  delà  du  iTi  janvier  41,  tlies  im- 
perii  de  Claude;  possible  que  celui-ii  n'ait  |ias  attendu  d'être  em- 
pereur pour  améliorer  une  santé  qui  fut  |)répaire  surtout  pendant 
sa  jeunesse:  per  omne  fere  pueritiue  atque  adulescnfine  teni//)is 
rariis  et  tenucibns  morliis  lonflictatus  est  \  Si  Suétone  ni  Hiou 
Cassius  ne  font  de  Claude  un  épileptique.  ils  traoeiit  de  lui  un  por- 
trait où  il  n'en  vaut  guère  mieux.  Il  était  agité  d'un  perpétuel  trem- 
Idenieiit  de  la  tc-te  et  des  mains:  -',  àï  hr.  nGi'j.v.  -/o-roiii/,;  cottî 
y.y.\  -r,  y.soaAv;  y.y.i  -y.'.-,  /i^nvi  ut.'^j'zzz'j.zvi  *  :  H.  dans  l'empereur 
qu'il  était  devenu,  la  honehe  baveuse,  les  narines  humides,  le  bal- 
butiement et  une  agitation  ineoereible  ne  cessaient  point  de  dé- 
noncer la  lameutalile  faiblesse  nerveuse  d'un  anormal:  risus  inde- 
cens.  ira  fni-pior,  spiinutnte  r/ctit.  umeiitilms-  nnriliiis.  praeterea 
l/)igufie  titithfuitia.  rapittqtie  mm  semper  tinti  in  ijimntiilociimiiue 
actn  rel  mn.rime  trenmlntu  '.  Il  est  tout  à  fait  vraisembable  que 
Claude,  avec  cette  curiosité  érudite  qui  est  un  des  traits  syni))a 
thiques  de  sa  nature,  ait  cherché  un  soulagement  à  ses  maux  Jiis(|ue 
chez  les  Arabes.  Il  est  sûr,  en  tout  cas,  qu'entre  Arétas  et  lui  les 
intermédiaires  ne  manquaient  pas,  puisqu'Arétas  était  le  propre 
beau-père  du  tétrar(|ne  Antipas"  et  que  personne  n'ignore  les  rap 
ports  dintimité  eonliautc  (|ui  unirent  ('lande,  avant  et  ai)rès  son 
élévation  au  tnine.  aux  princes  de  la  dynastie  Juive  d'IIérode  ". 
Les   Coïncidences   nous    interdisent   de    rejeter,    comme    apocryphe, 

'  Cfi-.   Wilckcn.  s.  v.  Aretas,   7'.- M'..   W.  r.  i;H. 

-  II  Cor..  II,  :i-2. 

'  Suét..  Cldwl.  2. 

«  Cass.  Dio,  L.\,  2.  2. 

"'  Suét.,  Claiid.,  m. 

''  Clerraont-Oanneau,  Ker.  Arrli.  m:,  II.  p.  37<S. 

■  Groag,  s.  v.  Clavdim,  P.- II"..  111.  c  2783. 


ATTinEIA  143 

riii>;iifnifi;inte  iiotioe  de  Lydus.  Ccliii-r'i  nous  a  transmis  la  mémoire 
d'un  petit  fait  que  tais^-nt  les  sourees  à  nous  eonservées.  mais  qu'il 
n'a  pas  inventé;  et  le  KXaôXio;  KyJ.fyxp  aucjuel  il  le  rai)porte  est. 
à   fiiup  sûr,   Ti.  Claudius  Nero. 

Si.  maintenant,  l'on  relit  les  quelques  lignes  de  Lydus  sur  l'éopTvî 
du  -2  mars,  on  s'aperçoit  que  le  lO.a'jèto:  o  Wrijù-Vj;  qu'elles  men- 
tionnent se  confond  de  même  avec  cet  empereur.  Lydus  l'y  désigne 
clairement  par  les  mots  qui  accompaniient,  comme  une  fiche  signa- 
létique.   l'auteur  de  la  réforme   cultuelle  qu'il  vient   d'enregistrer: 

T/v  fSî  èopTr.v  lO.îi'jfî'.o:  6  IW.'T'.AîÙ;  x.ztîctv^tzto,  zv/;p  o'jtco 
Sîxzio:  T.z'J.  Tz;  y.-J.'JS.'.'.,  co;  aYi-spz  tov  éx'jtv;;  tvzîoz  às-/o'jL».îv7|7 
/.î^.î'jTa'.  ù'jy.vzi  z,biT,^i  vza7i9"/;vat  zÙTw,  rrv  àà  z— s'.— O'j'iav  /.itvzt 
'j:r-izy.  i  Lyilus.    7)r  ^[rmihus.   IV,   .^9,   p.  113    Wuensch'. 

Le  trait  est  frappant  et  sans  réplitjue.  Si,  en  effet,  Claude  n'a 
pas  été  l'homme  Juste  que  vante  ici  Lydus,  il  a  été,  si  l'on  peut 
dire,  le  juge  fait  homme,  chez  (jui  la  passion  du  tribunal  tour- 
nait à  la  manie.  Suétone,  qui  insiste  sur  ce  côté  de  son  caractère, 
a  remarqué  avec  complaisance  la  légèreté  et  la  solidité  alternées 
de  sa  jurisprudence.  Or  quel  exemple,  entre  autres,  l'historien  des 
Douze  Césars  nous  donne-t-il  de  son  à-propos  ?  Précisément  ie  même 
qu'a  iiai'ré  Lydus  et  qui,  nous  dépeignant  Claude  comme  une  sorte 
de  Salomon  joyenx,  le  met  aux  prises  avec  une  difficulté  d'attri- 
bution d'enfant  plus  on  nmins  analogue  à  celle  que  la  Bible  pose 
au  roi  de  .Térnsalem,  et  la  lui  fait  résoudre  par  une  supercherie  de 
comédie,  en  contraignant  une  mère  à  reconnaître  le  fils  qu'elle  se 
refuse  h  éjjonser:  fcmhiam  non  iifii/osrrnfem  filiiim  siiiim.  dithia 
utrhnqiie  arffn mentonnti  fine,  ad  ronfessionem  compiilit  indicfn  ma- 
trimonio  inrenis  '.  Du  rapprochement  des  deux  textes  jaillit,  réha- 
bilitée, la  science  de  Lydus.  Ce  compilateur  était  un  pauvre  esprit, 
chimérique  et  borné,   envahi    de  préjugés    ineptes  et   de  curiosités 

'  Suét..  Chiud..  15. 


144  ATTIDf;IA 

dérisoires  ;  mais  il  posst'-dait  une  excellente  liil)liotli('(|Ue  que  nous 
avons  |)erdue  :  et  n'eussions  nons  ]r.)s  d'antres  témoignages  qui  nous 
pcrinJHScnt  de  ra|))>i>rti'r  ;'i  Ti.  Plandins  Xero  l'insci-tion  des  fêtes 
d'Attia  dans  le  ealendrier  romain,  que  nous  n'aurions  pas  plus  le 
droit  de  révoquer  en  doute  l'assertion  de  Lydus  sur  ce  point  ([ue 
nous  ne  sommes  autorisés  A  écarter  les  anecdotes  qu'il  nous  conte  eu 
passant  sur  la  lettre  d'Arétas  à  Claude,  ou  sur  l'ingénieuse  manière 
dont  Claude  s'y  prit,  un  jour,  pour  confondre  une  mar/itn-.  A  plus 
forte  raison,  sommes  nous  tenus  de  croire  Lydus,  quand  de  nom- 
breuses attestations  du  culte  romain  d'Attis  se  sont  produites  à  des 
époiincs,  non  seulement  antérieures  aux  régnes  d'Antonin  et  de 
Marc-Aurèle,  auxquels  M.  Wissowa  assigne  le  début  à  Rome  des 
fêtes  métroaques  du  mois  de  mars,  mais  encore  si  voisines  du  prin- 
cijjat  de  Claude  que  l'indication  du  Dr  Mensibtig.  irrécu.sable  n 
priori,   va   se   trouver,   en   quelque   sorte,   vérifiée   p.ir    l'expérience. 


Certes  —  et  M.  Wissowa,  fidèle  interprète  d'un  matériel  épi- 
graphique  qu'il  possède  et  manie  en  maître,  ne  s'y  est  pas  trompé  — 
les  inscriptions  métroaques,  à  elles  seules,  ne  sauraient  nous  con- 
duire aussi  haut. 

Elles  se  réiiartissent  essentiellemenl  en  deux  groupes:  les  ins- 
criptions relatives  :\  des  dendrophores,  dont  les  collèges  religieux 
furent  nécessairement  contemporains  du  culte  i)our  lequel  ils  ont 
été  organisés;  les  inscriptions  qui  comniéiuorent  le  taurobole,  ce  sa- 
crifice dont  l'offrande  solennelle  au  Caiaiinm.  placée  par  le  calen- 
drier de  Philocalus  le  28  mars,  au  lendemain  de  la  clôture  du 
cycle  férié  d'.Vttis  '.   in   présuppose  l'institution. 

Or.  il  f.iut  r.ivouer.  ni  les  unes  ni  les  autres  n'apparaissent 
avant  le   i)rini'ipat   d'.Xntonin  le  l'ienx. 

'   l'iiilocalus.  ap.  C  I.  /...  I*,  p.  2tiO:    I'  A»/,  (ipr.^  iuitium   Vaiaiti. 


ATTIDEIA  14f> 

M.  Grailldt,  il  est  vrai,  croit  discerner  le  souvenir  (riiii  tau- 
robole  dans  une  dédicace  d'Osilippo  (Lisbonne),  datée  du  consulat 
de  M.  Atilius  et  Annius  (iallus,  en  108  ap.  J.  C.  '.  Mais,  outre 
qu'elle  vient  d'une  province  éloignée  de  l'Empire,  ce  qui  en  af- 
faiblit d'autant  la  portée,  elle  est,  à  mon  avis,  bien  loin  d'auto- 
riser une  pareille  interprétation.  Le  texte  porte:  Mntri  De  |  um 
M(Kj(niie)  Ide  \  ae  Phrtjiyiac)  Flfuria)  Tjirhe  cerna  \  phur(a)  per 
M(arcHiii)  IitUiinni  Cnss(ium)  et  Cass(ium)  Ser(ermn)  ".  Du  fait 
qu'il  émane  d'une  ceruophore,  et  que  le  kernos.  >.<  plateau  circulaire 
qui  supporte  une  série  de  petits  récipients  »  ^  a  été  utilisé  dans  les 
tauroboles,  M.draillot  en  tire  l'indice  que  la  dédicace  commémore  un 
taurobole.  De  ce  que  Flavia  Tyclié  n'a  point  consacré  elle-même 
son  offrande,  et  de  ce  que,  souvent,  les  tauroboles  s'accomplissaient 
par  procuration,  M.  Graillot  tire  une  présomption  plus  forte  en- 
core. Mais  l'indice  est  faible,  et  la  présoinjjtion  se  l'etouriie  contre 
la  thèse.  D'aliord,  le  l;enios  n'a  rien  de  spécitiquement  taurobolique. 
Accessoire  banal  de  tous  les  cultes,  nous  le  retrouvons  dans  les  mys- 
tères d'Lleusis,  dans  les  rites  égyptiens,  dans  la  religion  punique  *. 
Dans  le  culte  métro.ique,  il  remplissait  des  fonctions  trop  nombreu- 
ses et  diverses  pour  que  nous  ayons  le  droit  de  conelure  de  son 
emploi  à  la  réalité  d'un  taurobole.  Il  jouait  un  rôle  dans  toutes 
les  processions,  dans  toutes  les  danses  sacrées  où  des  jeunes  filles 
le  tenaient  dans  la  main  ou  le  portaient  sur  la  tète.  Suivant  la 
définition  du  sdioliaste,  la  ceruophore  est  la  prêtresse  chargée  du 
vase  sur  lequel  on  place  d'habitude,  non  les  vires  du  taureau  égorgé, 
mais  les  lami)es  où  l)rille  la  flamme  mystique  ".  Quant  aux  inter- 
médiaires à  qui   Flavia  Tyché  s'en   est    remise,   il  serait  contraire 

'  Graillât,  op.  cit.,     p.  I."i9. 

^  C.  1.  i.,  II,  17;i. 

■'  Graillot,  up.  cit..  \\.  ITs. 

*  Ibid.,  p.  178-179. 

'"  Ihid.,  p.  25.'!,  n.  .'<. 

M<'l(iiHi''s  ifArrh.  ,1  tlllM.   1<«1  10 


146  ATTIIIKIA 

:i  tous  les  exemplfs  qu'ils  lui  ensiseiit  prêté  leurs  liou8  offices  pour 
un  tanrobole  :  cette  forme  de  sacrifice  ne  requiert,  à  l'ordinaire, 
qu"uu  officiant:  ou  le  niyste  lui-même,  ou  le  prêtre  à  qui  le  mystc 
s'est  adressé  et  qui  a  qualité  pour  communiquer  aux  simples  lidéles 
les  vertus  inliérentcs  à  ce  répu;,'nant  lpa|)téme:  mais,  dans  la  fossi; 
où  se  répand  à  Hots  le  sang  du  taureau,  nous  ne  voyons  jamais 
descendre  qu'un  tauroliolié  à  la  fois  '.  Flavia  Tycliè  n'a  point  né- 
cessairement subi  le  tanrobole  parce  qu'elle  était  cernopliore  ;  et  si 
jamais  elle  s'y  est  exposée,  ce  ne  fut  sûrement  pas  par  l'entremise  des 
deux  personnages  que  nomme  sou  inscription  et  à  qui,  selon  toute 
probabilité,  elle  avait  simplement  confié  le  soin  d'ériger  le  petit  monu- 
ment qui  nous  a  conservé  son  nom.  Kn  quelque  sens  qu'on  la  retourne, 
il   n'y  a   rien  à  faire,  en  vérité,  de  la  dédicace  de   Lisbonne. 

M.  Cumont  qui,  à  juste  titre,  dédaigne  d'y  recourir,  a  allégué, 
pour  son  compte,  une  inscription  de  Pouzzoles,  de  13-t  ap.  J.  C, 
qui  rappelle  le  second  taurobole  dont  a  bénéficié,  cette  année-là, 
une  certaine  Herennia  Fortunata  ".  Mais  ce  n'est  point  Attis  ni  la 
(îrande  Mère  à  qui  ce  sacrifice  fut  offert;  c'est  Vénus  Caelestis; 
je  ne  pense  pas  qu'on  puisse  faire  état,  pour  résoudre  le  problème 
((ui  nous  occupe,  d'un  texte  qui  ne  l'intéresse  pas  directement  :  et, 
passé  104,  nous  retombons,  avec  les  dédicaces  tuuroboliques,  sur 
les  mêmes  exemples  dont  M.  Wissowa  s'est  prévalu  et  qui,  pro- 
venant de  Lyon  et  de  Leetoure,  datent  l'un  de  160  et  les  autres 
de  quelques  années  plus  tard  ^. 

C'est  à  peine  si  nous  serons  plus  heureux  avec  les  dendropho- 
rcs,  qui  ne  commencent  à  poindre  à  l'horizon  épigraphique  qu'avec 
des   inscriptions  d'Ostie,   sous  Antimin   le   Pieux  \ 

'  (fr.  les  inscriptions  n'unies  par  (îraillot.  op.  rit.,  p.  I5;i  et  ItiO  et 
la   description,  si  précise,  de  Prudence.  reii.-<teph.,  X,  1016-1020. 

-  '\  /.  L.,  X,  1096:  efr.  Cumont.  s.  v.  Crioholium.  dans  7'.- H'..  IV. 
c.  17i;i. 

»  CI.  L..  Xlll.  520  et  1751. 

4   C.  1.  L.,  XIV.  97,  (17,  3.$  et  280. 


ATTIDEIA  147 

Aujuiravant,  M.  Graillot  a  invoqué  une  iiisci-ijitioii  de  Rome 
puMiée  dans  le  recueil  irCh-elli  et  ITenzen  et  reproduite  dans  le 
beau  livre  de  M.  Waltziii^  sur  Lrs  lor^xiralions  iirufe.ssiontieUi's  île 
VEmpire  romain  : 

Dis  manibus.\  Entijcheti  Caes(aris)  n(ostri)  \  liberfo,  qui  reli- 
qiiH  I  colhffio  sno  den<lvoph(orum)  \  (sesiertium  mille)  n(ummum) 
ut  ex  reditu  |  omnibus  annis  ei  parentent  \  ciim  rep(iihlica)  col- 
1e(i(ii)  dendropli(orum)  \  aère  collato  bene  |  merenti  \  Suret  et  Se- 
iiet'(io)te)  co(n)s(n}ibus)  (Orelli,   4412;   Waltzing,   1377). 

Le  consulat  de  L.  Liiinius  Sura  et  Q.  Sosius  Senecio  se  place 
en  107;  et  ce  texte  serait  concluant,  s'il  était  autlieutique.  Mal- 
heureusement, nous  ne  le  connaissons  que  par  une  copie  de  C4ori  ', 
et  aussi  bieii  les  singularités  de  sa  rédaction  que  l'étrangeté  de 
ses  sigles  ■  et  le  chiffre  ridicule  de  sa  donation  justifient  les  édi- 
teurs du  Corpus  de  ne  l'y  avoir  pas  accueilli  et  M.  Dessau  de  l'avoir 
formellement  accusé  de  faux  ^. 

M.  Cumont,  qui  a  eu  soin  de  s'en  passer  dans  son  remarquable 
article  sur  les  Deiidropl/ori.  dans  la  Bealet/ci/clopaedie  de  Panly- 
Wissowa,  a  cru  néanmoins  pouvoir  refouler  sur  le  1"  siècle,  d'abord 
en  79,  puis  en  97,  les  mentions  qui  concernent  l'activité  de  cette 
corporation   raétroaque. 

Le  fait  est  qu'une  •  inscription  de  Reggio  Cahibria,  datée  du 
5  des  ides  d'avril  du  9'  consulat  de  Vespasien  et  du  8''  de  Titus, 
a  été  gravée  «  ob  muiii/icentinm  earum  \  quue  dendroplioros  |  ho- 
nororerutit  »  ■*,  et  il  en  résulte  que  Rhegium,  dès  79  ap.  J.  C, 
possédait  un  collège  de  dendrophores;  mais,  bien  que  je  partage 
l'opinion  de  M.  Cumont,  ((u'il   doit    s'agir  là  des    dendrophores  de 


'  Avec  cette  indication:  Koniae  iii  vinea  lohannis  Bancheiii;  cfr. Oori, 
Symholae  litterariae,  Deeas  RoiiHoia.  IX.  p.  232  (Rome,   17n4(. 
-  Rep.  =  republica. 
^  Ap.  AVissowa,  op.  cit.,  p.  322,  n.  3. 
^  C.  I.  L.,  X,  7. 


148  ATTIDEIA 

f'vbMe  et  d'Attis.  et  que  leur  reconiiuissancc  officielle  a  l'extrémité 
niéridioiiaie  de  ritalii'  implique  leur  i-eeonnaissaiire  à  Rome,  je  ne 
puis  l'avaufcr  (|Ui'  cuninii'  uni'  doul)lc  l]y|)otliése.  De  même,  l'autre 
texte,  cité  par  M.  Cumoiit.  qui,  datant  de  97  et  découvert  dans  la 
banlieue  de  Rome  «  in  vinea  Honelli  »,  prés  de  la  porta  Portesi', 
consiste  en  une  dédicace  il  Silvaniis  ])....  par  les  iultores  SH- 
ravi  D....',  irintéressc  les  dendrophores  (|uc  si,  par  comparaison 
avec  les  dédicaces,  cci-taiuenient  postérieures'  et  exluimées  de  la 
Basilira  JlHariiiiiii  sur  le  Caelius,  on  admet  par  avance  (|uc  le 
nom  du  Silvauus  auciucl  il  est  consacré  doit  se  restituer  lu  Sil- 
rninis  Dendnijilntriis.  et,  en  outre,  que  les  riilfurn;  qui  l'ont  ré- 
digé, ou  bien  sont  des  dendrophores,  ce  (jui,  je  le  crains,  n'est  ni 
démontré  ni  démontrable,  ou,  du  moins,  soutiennent  avec  les  den- 
drophores des  ra|)ports  éti-oits.  ((u'il  est  léfritime  de  eonjecfui'er. 
mais  (|Mi  n'ac(iMirrcnt  de  consist.ince  (pie  d.ans  l;i  mesure  où  la 
constitution  M  l'icinic.  et  antérieurement  ;'i  i'T,  d'un  collège  métroaque 
des  dendrophores,  a  été  démontrée  par  ailleurs. 

A  plus  forte  raison,  des  l'éserves  ideuti(|ues  doivent-illes  être 
formulées  à  l'égard  de  la  subtile  et  forte  ilémonstratinu  par  laquelle 
M.  (Jraillot  s'est  etl'orcé  d'extraire  d'une  inscriiJfion  de  lîonie  datée 
de  206  la  preuve  indirecte  que  c'est  sous  Claude,  et  vraisembla- 
bleiiiriit  par  son  intervention,  que  le  collège  des  dendro])hores  avait 
été  i-econnu  par  le  Sénat  comme  association  légalement  autori.séc. 
Kn  cette  année  2(Mi.  le  collège  des  dendrophores  de  Rome,  i/iiihiis 
ex  s.  c.  coire  Jicet,  reçut  d'un  certain  Ti.  Claudius  Chresimus,  «  oli 
Jionforew)  qiiint/iietimiJ/fri/is  »,  une  somme  de  10.000  sesterces  dont 
le  revenu  serait  ]iartagc  chaque  année  entre  ses  membres,  an  jour 
anniversaire   de   si    t'ondation,   le  1'"^  août  ^.  Or  c'est  pn-ciM'inent  un 

'   C.  T.  L.,  VI,  (;4-2. 

■  Cfr.  C.  I.  L..  VI,  ti41  et  30973.  M.  Graillot  date  la  Insilica  Hihi- 
riiuKi  du  régne  d'Hadrien  {i>2).  cit.,  p.  149);  cfr.  Huelsen,  Jioin.  Mitt..  VI. 
is;n,  p.  110. 

'  C.  I.  /..,  VI,  2ii(;!ii. 


ATTIDEIA  149 

l"  août  —  le  l"'  août  10  av.  J.  C.  —  que  Claude  naquit  à  Lyon  '. 
Ce  n'est  sans  doute  pas  le  hasard  qui  a  fait  coïncider  ainsi  les 
deux  natalUia.  celui  du  collège  et  celui  de  TEmpereur,  mais  bien 
plutôt  uue  harmonie  préétablie  par  la  bienveillance  de  Claude  en- 
vers ces  dendrophores  auxquels  il  a  conféré  l'existence  corporative, 
et  la  gratitude  du  collège  que  Claude  a  fondé  ".  Mais  cette  déduction, 
à  laquelle  j'adhère  sans  réticence,  n'est  solide  que  si  déjà  Ton  est 
convaiucu  de  rorganisation  claudienne  du  collège  des  dendrophores. 
Ainsi  donc,  si  nous  n'avions  pas  accepté  au  préalable  l'histo- 
rieité  du  texte  de  Lydus,  toutes  ces  remarques,  quelle  qu'en  soit 
la  finesse,  tous  ces  rapprochements,  quelque  pénétration  qu'où  leur 
accorde,  perdraient  toute  valeur  probante  contre  les  statistiques 
èpigraphiques  de  M.  Wissowa.  Assurément,  celles-ci  ne  sauraient 
lui  être  objectées,  car  il  y  a  une  erreur  commune,  mais  certaine, 
à  conclure  des  premiers  exemples  que  nous  possédions  du  fonction- 
nement d'une  institution  à  la  date  de  cette  institution  même  ;  et, 
à  tout  prendre,  il  n'est  pas  plus  extraordinaire  d'ouvrir  entre  la 
création  des  dendrophores,  que  Lydus  attribue  k  Claude,  et  les 
premiers  souvenirs  que  les  dendrophores  nous  aient  laissés  sous 
Antonin  le  Pieux,  un  intervalle  d'un  siècle,  qu'il  ne  l'est  de  cons- 
tater près  d'un  siècle  et  demi  de  distance  entre  l'ultime  mention 
que  l'épigraphie  nous  ait  encore  fournie  de  leur  activité,  en  288 
ap.  J.  C.  ^,  et  la  constitution  impériale  qui  les  a  définitivement 
supprimés  en  415  \   Mais,  d'antre  part,  ce    serait  se    bercer    d'il- 

'   C.  I.  i.,  I-,  p.  240  et  248  :  Suét..  Claiid..  2,  10  etc. 

*  Graillot,  op.  cit.,  p.  143.  Après  bien  des  recherches,  je  n'ai  trouvé, 
quant  à  moi,  qu'une  inscription  qui,  à  la  rigueur,  pourrait  attester  la 
célébration  du  culte  d'Attis  à  Rome,  dès  lépoque  flavienne,  c'est  l'épi- 
taphe  métrique  C.  I.  L.,  VI,  10098  (Bnecheler,  1110),  qui  commence  par 
le  vers  Qui  colitis  Cyhelea  et  qui  Phryija  plangitis  Attia  et  se  termine 
par  un  appel  à  Domitille.  Mais  encore  faudrait-il  être  sûr  de  la  person- 
nalité de  cette  dernière  et  du  sens  même  de  la  poésie. 

3  VI.  L.,  VIll,  8457. 

•"  Cod.  Tlieod..  XVI.  10,  20.  2. 


lusicms  que  de  solliciter  des  inscriptions  .intérieures  aux  statistiques  de 
M.  Wissowa  un  témoign.-ige  en  faveur  de  Lydus,  et  comme  la  preuve 
d'une  véracité  ((ue  présupposent  les  interprétations  par  lesquelles 
on  se  H;ittr  de  la  démontrer.  Hn  résumé,  l'épigrapliie,  livrée  à  elle 
niùmi',  ristc  miitrc  au  déliât,  et  c'est  aux  sources  littéraii'cs  qu'il 
nous    appartiriit   ilr    iiiiiscj-   les    i-(inli]'niatiiins    (|ni    nous    manquent. 


On  lit  dans  les  Tiihtihi  d'Arrien,  au  chapitre  ^>''>  un  éloge  mé- 
rité de  la  faculté  d'adaptation  des  Romains  ([ui  n'ont  ixiint  hésité  à 
emprunter  aux  Barbares,  soit  les  armes,  soit  les  méthodes  de  combat 
dont  ils  appréciaient  l'utilité.  Au  risque  de  passer  poui'  les  triljii- 
taires  des  peniiles  ((u'ils  avaient  soumis,  lliércs  on  (  iaiihiis,  ils  s'as 
similaient  à  leur  école  de  nouveaux  moyens  de  \;iiniic.  Tel  était, 
ajoute  Arrien,  leur  amour  passionné  de  la  patiic  ([uils  prenaient 
son  liicn  ])artout  où  ils  le  croyaient  découvrir  et  (|u"ils  attiraient 
sur  la  Ville  la  piofectinn  des  divinités  étrangères.  Entn;  autres 
rites,  ils  ont  accompli  ceux  de  la  religion  phrygienne  —  àpÎTZ'. 
hi  îi-'.-'i  y.  /.'A  <I>;'j-''.a.  Dans  Rome,  non  seulement  est  adorée  la 
dée8.se  de  Pessinonte,  mais  la  passion  d'Attis  est  pleurée  à  la  mode 
d'Asie:  x.z;  yzp  r,  'Vix  yJ)-:v.;  r,  it>^r-'.7.  tvj.xzx'.  i/.  Wz'^cvi'ÀJZ'j; 
éXOoOffx  y.xï  To  7:£vOo;  to  xysi  tw  '  .\ttyi  «l'pvyiov  sv  'l^ioar,  —z-i- 
OîTtzi  (Arrien,  Tnltikn,  38,  4).  .\rrien  a  donc  connu  la  célébration 
puldique,  à  Rome,  du  Siiiiiinis,  le  2-1  mars.  Il  en  parle  an  pré- 
sent, entre  une  allusion  .-nix  cultes  grecs  et  une  autre  à  la  législa- 
tion des  XII  tables,  comme  d'un  usage  li;iliitiiel  et  dés  longtemps 
passé  dans  les  moeurs  '.   Or  Arrien   ;i   composé  son    traité    dans  l.i 


'  (tV.  Graillot,  "p.  cit..  ji.  137:  «En  liîT,  année  qui  précéda  la  mort 
du  piince,  le  deuil  autour  d'Attis  et  le  bain  de  Cybéle  sont  déjà  consi- 
dérés connue  de  grandes  fêtes  romaines  •.  En  réalité,  le  texte  d'.-Vrrien  in 
dique  moins  rinqwrtance  que  l'ancienneté  du  culte  d'Attis. 


ATTIDEIA  151 

vingtième  année  du  règne  d'Hadrien  '.  Kn  136-137,  par  conséqnent, 
les  fêtes  du  mois  de  mars  étaient  une  coutume  déj:\  vieille;  et  l'in- 
troduction ofticii-lle  du  culte  d'Attis  à  Rome  est  par  là  reportée  à 
plusieurs  généi-ations  en  arriére. 

Le  récit  par  Suétone  de  la  précipitation  avec  laquelle,  en  mars  69, 
Otlion  brusqua  son  départ  de  Rome  pour  cette  campagne  de  Bé- 
driac  contre  les  Vitelliens  qui  devait  lui  être  fatale,  nous  contraint, 
en  effet,  de  remonter  jusqu";\  la  dynastie  .liilio  Claudienne.  En  voici 
la  phrase  principale  : 

Erpeditinxpni  attfem  impigre  atqiie  etiam  praepiropere  inrhoarit 
{OfJio),  iniUa  nr  reJifjioniim  cura,  si'd  et  mofls  necdnm  conditis 
(nirihbits  (quod  utiti'piHiis  infaustmn  habetur)  et  die  qno  cultores 
deum  Matris  lamentnri    et  plangere    inciphint    (Suét.,   Otho.   8)  '. 

Dan.s  l'esprit  de  ses  c.outemporains,  Othon  s'est  exposé  :\  la  colère 
divine  par  ses  négligences  sacrilèges:  nuUa  ne  retigionum  cura. 
Le  pluriel  icli(iioiuim.  dont  s'est  servi  Suétone,  est  significatif.  De 
fait,  Othon  a  manqué  à  deux  religions  ensemble:  il  a  failli  à  la 
religion  de  Mars,  lors(|ue  l'empereur  ne  s'est  point  donné  la  peine 
d'accomplir  jus(in';iu  bout  le  rite,  obligatoire  en  toute  saisun  pour 
le  général  qui  se  rend  ans  armées,  imposé  chaque  année,  en  dehors 
de  toute  expédition  militaire,  par  le  retour,  entre  les  Equirria 
du  27  février  et  du  14  mars,  du  Çtiinquatnis  du  19  mars  et  du 
Tubilustr'nim  du  23  mars,  des  grandes  fêtes  dédiées  au  dieu  de 
la  guerre,  et  qui  consiste  non  seulement  à  promener  solennelle- 
ment les  boucliers  sacrés  de  reposoir  en  reposoir  —  anciUa  mo- 
rere  —  mais  à  les  rapporter  avec  dévotion  en  leur  temple  de  la 
regia  — -  nncilia  condere  ^.   Et,  de  même,  Othon  a  failli  à  la  religion 

'  Arrien,  Taktika.  ch.  44  :  et,  sur  ce  passage,  et  la  composition  de 
ce  traité  en  général,  cfr.  Wilhelm  Christ,  Geschichte  der  Gr.  Litemittr^, 
p.  672. 

^  Texte  cité  mais  non  utilisé  en  ce  sens,  par  Hepdiug.  o}».  cit.,  p.  1.51. 

'  Cfr.  Wissowa,  oji.  cit.,  p.  141  et  Habel,  s.  y.  nneilia,  dans  P.-W.. 
I.  c.  2113. 


ATTIDEIA 


(le  la  rirande  Mi'tc,  (|iiaiiil.  ])as>;aiit  outre  au  cai'actère  néfaîtte  du 
Sdtujnis.  il  a  clioisi  le  "2  1  iiiar-i,  le  jour  lugulire  de  la  mort  d'Attis, 
pour  sortir  de  la  villr  '.  Il  est  évident  qu'aux  yeux  des  sujets 
d"()tlion.  coinnip  à  ropiiiiiMi  de  Suétoue,  les  deux  rites  étaient  éga- 
IrmiMit  prescrits  par  la  rcHj^ioii  de  l'Ktat.  OAw'x  qui  eoncerue  \c< 
liiiiicliers  de  Mars  eu  faisait  pai'tie  depuis  une  liante  antiquité  —  qwnl 
anfiqiiifus  infhi(shim  huhctiir.  Celui  que  commandait  dès  lors  le 
eulte  métroaque  ne  pouvait  reveudi(iuer  une  aussi  haute  tradition: 
rapproché  de  la  réllcxion  précédciiti-.  le  silence  que  Suétone  ohserve 
i\  cet  égard  prend  tonte  sa  valeur.  Mais  il  est  clair  (|u'cn  tili  la 
religion  d'Attis  avait  eu  le  temps,  déjA,  de  s'imposer  à  une  iqiiriioii 
pMhli(|ue  qui  s'impressionne  et  tremhlc  de  la  voir  transgresser. 
Nous  n'avons  plus  qu'à  chercher  depuis  (|Mandi' 
Deux  indications  précieuses  et  concordantes  nous  sont  fournies 
par  Denys  d'IIalicarnasse  et  par  Ovide.  Dans  ses  Anflquitp's  romaims 
])uldiées  en  7  av.  J.  C.  '"',  Denys  manifeste  son  admiration  pour  la 
piété  calme  et  grave  du  |icnple  rmnain.  cajjalile  de  vouer  à  la 
Grande  Mère  des  Dieux  un  culte  d'où  sdnt  exclues  les  pi-atiqucs 
orgiastiques  des  Phrygiens  '.  D'antre  part,  dans  ses  Fastes  parus  au 
lendemain  de  la  mort  du  poèt<'.  m  1  s  .ip.  .1.  ('.  \  ()\ide,  qui  décrit, 
au  livre  IV',  les  fêtes  de  Cyl)clc  du  mois  d'avril,  est  muet,  au 
livre    111,   sur   les  fêtes   d'.\ttis   du    mois   de   mars.    Il   est   donc   eer- 


'  Sur  la  foi  d'un  passage  de  Tacite,  Ilist..  I.  00.  on  lixe  quelipic 
fois  au  14  mars  le  départ  d'Otlion  pour  raiinée.  Mais  le  témoignage  de 
Suétone  est  formel  et  précis,  confirmé  par  le  rapproclicinent,  sur  le  ca- 
lendrier, du  tubiluslrium  et  du  sanguis  —  parfaitement  conciliable  avec  le 
renseignement  de  Tacite  qu'on  lui  oppose  et  qui  regarde,  non  la  sortie 
effective  dOthon,  mais  l'annonce  i|u'il  en  fit  —  priait  idus  mardua  — 
aii  Sénat  et  an  peuple.  Cfr.  d'ailleurs,  le  témoignage  concordant  fourni 
d'autre  part.  Hist..  I,  89:  fuere  qui  Othoiii  iiwynx  reli/jionenKiiie  iioiiiliim 
coiidifonim  riiicilium  adferri'nt. 

'  CtV.  Radermacher.  s.  v.  IHouijsios,  dans  l'.M'..  V,  c.  234. 

^  Den.  Hal.,  Ant.  rom.,  II,  19:  cfr.  Graillnt,  op.  cit.,   p.   li:i. 

*  Cfr.  Schanz,  Gesch.  tkr  rôm.  Lit.^,  H,  1,  p.  213. 


ATTIDEIA  158 

tiiiii,  comme  tout  le  monde  en  convient  aujourd'hui,  que  la  réforme 
religieuse  qui  eut  pour  l)ut  d'introduire  offleiellement  le  cycle  d'Attis 
au  calendrier  romain,  postérieure  de  toute  façon  au  prinoipat  d'Au- 
guste, n'était  sans  doute  pas  encore  réalisée  au  début  du  règne  de 
Tibère:  et  le  prol)lème  chronologique  que  nous  nous  proposons  d'élu- 
cider tient  tout  entier  entre  ces  deux  termes  :  un  terminus  a  quo 
déterminé  par  le  silence  des  Fastes,  en  18  ap.  J.  C.  ;  et  le  ter- 
minus ad  qiieiii  que  nous  avons  extrait  du  passage  précité  de  Sué- 
tone,  en   tî9   ap.  J.  C. 

Or,  un  examen  pins  attentif  des  vers  d'Ovide  va  nous  permettre 
de  resserrer  encore  cette  fourchette  chronologique.  Pour  Ovide,  en 
effet,  la  Jaratiu  de  la  Mnçina  Mater  inaugure  les  Meycûensia.  et 
il  y  est  procédé  au  jour  anniversaire  de  son  transfert  d'Ostie  à 
Rome  en  204,  et  de  sa  première  baignade  sacrée  dans  les  eaux  de 
l'Almo,  le  4  avril'.  Pour  Arrieu,  au  contraire,  et  justement  dans 
le  chapitre  que  nous  avons  précédemment  utilisé,  le  rite  de  la  Ja- 
rutio  termine  le  cycle  des  fêtes  d'Attis:  to  'XoOTpov  r,  Péa  à.o'ou 
ToD  •;:îvOo'j;  'Xv^ys'- 'l*p'J"j'wv  voLiw  Xo'jTai  '  ;  soit,  d'après  les  infor- 
mations que  nous  devons  k  d'autres  auteurs,  le  six  des  kalendes 
d'avril  —  diem  se.rtiim  Kalendas  apriles^  —  le  27  mars,  par 
conséquent.  Mais  il  y  a  mieux  que  le  témoignage  d'Arrien,  contem- 
porain de  l'empereur  Hadrien:  le  calendrier  rustique  que  l'on  ap- 
pelle le  JMenoJoyium  CoJotianum  *  et  qui  a  été  gravé  vers  le  milieu 
du  l"  siècle  ap.  .T.  C.  '',  fixe  déjà  la  Inratio  au  27  mars  ''.  Comme  il 
n'y  a  pas  de  doute  que  le  changement  de  date  de  la  lacatio  n'ait 
procédé  de  la  réforme  du  culte  phrygien,  et  n'ait  accompagné  l'insti- 

'  Ov.,  Fust.,   IV,  .'J37  et  suiv. 
'  Anien,   TaMiIca,  33,  4. 

^  Cfr.  Aium.  Marc,  XXIII,  3,  7;  Vibius  Sequester,  De  Fliim.,  Geogr. 
Lut.  min.,  éd.  Kiese,  p.  146. 

*  C.  I.  L.,  VI,  -2305  (aujourd'hui  au  Musée  de  Naples). 

'■  Hnebner,  Exempta,  p.  342,  n°  979:  saeculi  primi  eiiciter  medii. 

•■  Cfr.  le  Menologitun  Wdlense,  aujourd'hui  disparu,  C.  I.  i.,  VI,  230ti. 


tution  du  cycle  fh-\r  cii  l'hoiiiK-ur  d'Attis.  nous  n'.ivoiiK  |)liis  le 
clioix,  pour  en  désigner  l'auteur,  de  18  à  50  ap.  .1.  C,  iju'entre 
Tibère,  rU-37),  Caligiila  (37-41)  et  Claude  (41-54).  Tibère  est  hors 
de  cause  :  il  ne  s'est  occupé  des  religions  étrangères  que  pour  les 
persécuter  '.  L'intervention  de  Caligula  est  également  invraisem- 
blable :  en  son  court  règne,  il  ne  s'est  intéressé  qu'à  Isis  et  aux 
rites  Egyptiens-.  Reste  Claude,  auquel  un  dernier  texte  va  nous 
ramener  nécessairement. 

C'est  un  modeste  panigraplie  de  la  conipilatioii  Juridique  dé- 
couverte en  1821  par  le  cardinal  Angelo  Mai  dans  un  manuscrit 
palimpseste  de  la  Vaticane  •',  et  connue  des  juristes  sous  le  nom  de 
Frafiments  du  Vatican.  Nous  en  ignorons,  et  le  titre  ancien,  et 
l'auteur.  Mais  comme  la  plus  récente  des  constitutions  auxquelles 
elle  se  réfère  est  de  372.  elle  a  dû  ctrc  composée  dans  le  dernier 
quart  du  IVf-me  siècle.  Sous  la  rubrique  De  e.nusnfione,  elle  groupe 
tous  les  cas  d'exemptions  de  tutelle  qu'elle  a  colligés  dans  les  lois, 
resci-its  et  traités  antérieurs.  Un  grand  nombre  de  ces  précédents 
sont  attribués  par  elle  à  Hadrien  \  quelques  autres  à  Auguste  '^. 
Au  J^  148,  elle  énonce,  sans  le  dater,  un  cas  d'exemption  singulier 
qui  a  trait  à  l'exercice  du  culte  métroaque  :  de  même,  dit-elle,  est 
dispensé  de  la  tutelle  celui  qui.  dans  le  Port,  et  par  Tordre  ])roplié- 
tique  de  l'archigalle,  aura  sacrifié  pour  le  salut  de  l'empereur:  ffiw 
is  qui  in  l'orhi  pro  sainte  imjieratoris  surnim  farit  e.r  intiri- 
natione  archigaUi  e.rcusalur. 

.\vec  sa  perspicacité  coutumière,  M.  Cumont  a  tout  de  suite  dis- 
cerné l'importance  et  le  sens  de  cette  disposition  ".  Le  sarnim  ([u'elle 

'  Cfr.  Bouché-Leclei-cq,  L'intolérance  religieiife  et  ta  potitiijite,  l'aiis. 

1911,  p.  77. 

2  Cfr.  ibid.,  p.  88. 

'  Sous  une  copie  des  Collatioitex  Ae<jypti  aiiachoretarum  de  Cassien. 

*  Cfr.  §  141  et  passim. 
^  Cfr.  S  158  et  passim. 

*  Cumont,  s.  v.  Dendrophori,  dans  P.- M'.,  V.  c.  219. 


ATTIDEIA 


cite  consiste  dans  le  sacrifice  taurobolique.  'Ucxcusdtio  dont  Iiéné- 
ficie  qui  l'a  offert  confère  évidemment  au  taurobole  nn  caractère 
officiel;  mais  ce  privilège  n'est  acquis  qu'à  une  double  condition: 
il  faut  que  le  taurobole  ait  été  consommé  pro  shIk/c  iwperatoris: 
il  faut  qu'il  ait  été  prescrit  par  l'archigalle  ;  et  ces  deux  réserves 
suffisent  à  mettre  en  lumière  l'admirable  prudence  des  empereurs  : 
ils  consentent  ;\  introniser  le  rite  de  la  religion  d'Attis  le  plus  con- 
traire à  la  sévère  décence  du  mos  maionim  :  dans  le  même  temps, 
ils  s'efforcent  d'eu  prévenir  l'abus  et  d'en  lier  l'accomplissement  à 
la  dévotion  qu'exige  leur  propre  divinité.  Mais,  à  mon  avis,  le 
texte  suggère  nue  troisième  restriction  dont  bi  portée  est  peut-être 
l)lns  grande  encore:  le  sr/er«)»  dont  dérive  rr;y«««//o  ne  peut  éti'e 
offert  n'importe  où  :  la  célébration  en  est  rivée  h  un  territoire 
strictement  défini  ;  elle   n'est  valable  que  i»   Poiiii. 

La  vitalité  de  la  religion  de  Cybèle  et  d'Attis,  à  Ostie  et  au 
Fort,  nous  est  attestée  pnr  de  trop  nombreux  monuments  '  ])onr 
((u'une  pareille  localisation  du  taurobole  puisse  nous  surprendre. 
.Atais  elle  ne  saurait,  à  elle  seule,  rendre  compte  du  monopole  de 
lait  i(ni  sul)sist:iit  encore  à  la  période  tardive  où  s'élabora  la  coni- 
l)ilatioii  juridique  qui  nous  en  ;i  gardé  la  trace.  Il  est,  Je  crois,  im- 
possible de  ne  p;is  distinguer  là,  et  en  nu  siècle  où  le  taurobole 
était  couramment  pratiqué  à  Rome  même,  dans  le  sanctuaire  ap- 
proprié du  Cninnum,  la  survivance  d'un  état  de  choses  antérieur  et 
différent.  De  même  que  Rome  avait  commencé  par  nationaliser 
i'Idéeune  sans  comprendre  Attis  dans  ses  lettres  de  naturalisation, 
de  même  elle  a  dû  commencer  par  accueillir  Attis  dans  ses  murs 
sans  les  ouvrir  aux  rites  d'.\ttis  qui  lui  inspiraient  le  plus  de  ré- 
pugnance. Et  dans  le  moment  où  elle  a  rendu  publiques  les  fêtes 
du  dieu  et  arrêté  le  cérémonial  de  leur  déploiement  i)ulilic,  elle 
eu  a  peut-être  exclu  provisoirement  le  taurobole  ;  elle   ne  l'aurait 

'  Cfr.  r.  1.  L.,  XIV,  35,  a7,  38,  324  etc. 


A'mUEIA 


reconnu  que  là  où  elle  la  encouragé,  dans  sa  banlieue,  au  Portus. 
Cette  conclusion  s'ébauche  déjà  dans  l'étude  d'un  calendrier  où 
l'initmm  Caiuni,  le  28  mars,  se  juxtapose  et  se  surajoute  au  pro- 
gramme cyclique  des  fêtes  du  mois  de  mars,  au  lieu  de  s'y  incor- 
porer '.  Maintenant,  elle  se  précise  grâce  à  la  prescription  que  ren- 
t'eniieiit  lus  Fraipncntu  du  Vdlii'un.  L'empereur  ipii  a  iiitriiduit  le 
culte  d'Attis  dans  la  ville  est  le  même  qui  a  retenu  le  taurohole 
aux  portes  de  la  cité:  In  Portu.  Et  cet  empereur,  nous  Talions 
voir,  ne  peut  être  (|iic  Ti.  (ylaudius  Nero. 

Personne  aujourd'hui  ne  songe  à  contester  à  Claude  sa  sollici- 
tude pour  rMiindiie  du  peuple  romain  "'.  l'intérêt  qu'il  a  porté  au 
développement  d'Ostie  ^,  l'honneur,  enfin,  d'avoir  réalisé,  au  Nord 
du  Til)re,  la  grandiose  création  d'un  port,  dont  les  difficultés,  pas- 
sées en  proverbe  ',  avaient  rebuté  les  plus  illustres  de  ses  prédé- 
cesseurs '".  Et  de  cette  activité  résulte  déjà  la  présomption  que  les 
privilèges  attachés  au  sol  ostien  furent  une  concession  de  Claude  ; 
mais  les  termes  mêmes  (|ue  muis  lisons  ilaiis  les  l'nu/meiils  du  Va 
iicun  y   sulistituent   une    pi-euve   décisi\c. 

En  etfet,  la  locution  in  Por/ii  (|u'ils  (•nii)biient  garde  remi)reinte 
de  ce  règne,  et  de  sou  temps  —  à  l'exclusion  des  autres.  Au  IV'"'" 
siècle,  qui  est  celui  où  ils  s'élaborèrent,  le  Port  a  rompu  les  liens 
qui  depuis  sa  fondation,  avaient  uni  ses  destinées  à  celles  de  la 
colonie  d'Ostie;  devenu  autonome,  il  s'intitule  orgueilleusement  le 
Port  de  Rome:   Portus  Romanus'^.  Auparavant,  le  Port,  de  par  la 


'  Cfr.  supra,  p.  144. 

2  Ofr.  Suét.,  Claud.,  18,  19:  Tac,  Ann.,  XII,  4;î. 

■'  Cfr.  .1.  Caicopino,  y^es  inacriptions  giimnliennesi.  dans  les  MéUin<ies 
d'archéologie  et  d'histoire^  1911,  p.  209. 

<  Quintilien,  Inst.  or.,  III,  8,  16. 

^  César,  peut-être  ?  (Cfr.  Plut.,  Caes.,  58 1;  Auguste,  sûrement:  cfr.  en 
dernier  lieu,  J.  Carcopino,    Virgile  et  les  origines  d'Ostie.  p.  738  et  suiv. 

"  Clironogr.  ann.  354,  p.  646  Mounnseii  :  Hieron.  J£p.,  LXVI,  11; 
LXXVII,  etc.  Cfr.  Dessau,  C.  I.  Z,.,  XIV,  p.  7,  r..  1  et  2. 


volonté  de  Néron,  désircnx  de  frustrer  lu  mémoire  de  son  père  adoptit" 
du  juste  hommage  qui  Ini  revenait,  avait  reçu  et  continué  de  por- 
ter '  le  nom  de  Poiiiis  Atcf/usti,  en  souvenir  des  projets  qu'Auguste 
avait  mis  en  œuvre  et  que  Claude  eut  le  mérite  de  reprendre  et  de 
conduire  à  terme  ■.  Mais,  sous  le  règne  de  Claude,  un  mot  suffisait 
pour  désigner  l'ouvrage  auquel  le  Prince  avait  voué  ses  ressources 
et  son  labeur:  c'était  le  Port  par  excellence,  le  Port  /.xt'  èço/jîv: 
Portus.  C'est  le  Port,  sans  plus,  qu'au  témoignage  de  Suétone, 
Claude  a  construit  à  Ostie:  Porfnm  Ostiae  e.rtru.rif^.  C'est  au  Port, 
sans  plus,  qu'empruntèrent  leurs  raisons  sociales  toutes  les  corpo- 
rations instituées  à  ses  débuts,  pour  son  service,  les  fabri  navales 
Poft{uenses)  *,  les  jiell zones  Portfueiises)  ',  les  pisfores  Port(nenses)  ^. 
Enfin,  c'est  le  Port,  sans  plus,  qui  figure  sur  la  magnifique  ins- 
cription, magnifique  par  la  beauté  de  sa  gravure  et  la  souveraine 
plénitude  de  sa  rédaction  impériale,  que  les  visiteurs  du  Lat)o 
Traiano  admirent  aujourd'hui  en  passant  sur  la  lia  Portuense : 
Tifheriust  Claiid/iis.  Diusi  f'fiUus)  Caesar  \  . ..  fossis  ductis  a  Ti- 
heri  02>ens  Por/(/[*-]  |  caussii  emissis'iue  in  mare  Urheni  \  iminda- 
lionis  jjericiilo  Jiberavit  ' .  En  écrivant,  à  son  tour,  le  Port,  sans 
plus,  le  rédacteur  des  Fragments  du  Vatican  a  parlé  le  langage 
qui  fut  officiel  sous  Claude  et  tomba  en  désuétude  aussitôt  après 
la  mort  de  Claude,  et  Veicusatio  juridique  qu'il  nous  a  transmise 
plus  de  trois  cents  ans  plus  tard  jaillit,  textuellement,  du  droit  édicté 
par   Claude. 


'   Au  II'  siècle,  on  trouve  l'addition  et  Traiani  (C.  I.  L.,  XIV.  408). 
■  Cfr.  sur  cette  dénomination,  et  son  histoire,  J.  Caicopino,  Virgile 
et  les  origines  d' Ostie.  p.  742- 74y. 
3  Suét.,   Cland.,  20. 
*  C.  I.  L,  XIV,  169. 
5  Ibid.,  277. 
■i  Ibid.,  374. 
'  Ibid.,  85.  L'inscription  est  datée  de  46. 


Nous  revenons  ainsi  à  notre  point  (le  départ,  par  un  détour 
qui  n'est  jjas  sans  profit.  Car  non  seulement  l'affirmation  de  Lydiis 
sdit  \  ictnrifiisi'  lie  toutes  les  objections,  mais  les  textes  convergents 
f^roiipés  autoiii-  d"i'llo  permettent  d'apprécier  à  sa  Juste  mesiir"'  la 
réforme  religieuse  ()uen  tonte  vérité  elle  atti-iliiie  à  Ti.  CLiiidiiH 
Nero. 

Pour  la  pniiiiéi'e  fois,  Claude  a  admis  au  calendrier  de  la  re- 
ligion romaine  les  fêtes  d'Attis.  Mais,  ce  faisant,  il  .-i  pi-is  soin  d'en 
atténuer  le  caractère,  et,  si  Ton  peut  ainsi  parler,  d'en  ronianiser 
l'esprit:  d'abord,  en  dépl.ir.int.  pour  formir  le  cycle  nouveau,  une 
eérémonir  -i  hu(iiclle  le  piii|ilc  romnin  étail  depuis  longtemps  ac- 
coutumé, celle  de  la  hini/io  i|u'il  avance  du  4  avril  au  27  mars  '; 
puis  en  préposant  à  cette  célébration  une  corjjoration  profession- 
nelle convertie  tout  exprès  en  une  corporation  religieuse,  U-  collège 
des  dendrophores  "  qui  dut,  de  ce  chef,  adopter  Attis  pour  patron, 
mais  que  la  foi  en  Attis  n'avait  i)as  réuni,  qu'elle  n'enipèclia  point 
de  dater  sou  propre  natalicium.  non  du  ritm-l  dmit  il  était  chargé, 
mais  du  mttujiciuiii  de  son  impérial  fondateur,  et  où  les  tiédes  et 
les  indittérents  pouvaient  coudoyer  les  enthousiastes,  neutraliser  au- 
tant que  subir  la  contagion  de  leur  ardeur:  enfin,  et  surtout,  en 
refoulant  hors  du  cyele  férié  et  jusqu'au  l'artus  ce  sacrifice  du 
taurob(de  qui  n'attirer.i  de  t'aviurs  à  ses  officiants  que  s'ils  l'ofl'i'cnt 
en  territoire  ostien,  sur  l'ordre  de  l'andiigalle  et  i)Our  le  salut  de 
César  ''. 

Ces  précautions,  que  la  forée  des  (dioses  et  le  mouvement  des 
âmes   rendront    Idcntot   su])irHues.  doniu'Ut   :i  i)enser  que  Claude  n'a 

'  Cfr.  supra,   p.   L'iÛ-l'îli. 

-  Cfr.  Lydus.  Inc.  cit.,  et  siiprit.  p.   187. 

'  Cfr.  .^xpra,  p.  15.^. 


ATTIDEIA  159 

point  borné  là  son  action,  et  que,  peut-être,  elle  s'est  étendue  à 
la  rt-t'onte  du  sacerdoce  inétroaque.  Mais  c'est  une  autre  question, 
et  elle  requiert,  par  son  importance  comme  par  sa  difficulté,  uu 
examen  approfondi.  En  attendant  qu'elle  soit  abordée  à  son  tour, 
les  résultats  de  cette  première  enquête  suffisent  à  rendre  à  Claude 
l'initiative  que  lui  accordait  L\-dus  et  qui  révèle,  une  fois  de  plus, 
l'audacieuse  sagesse  et  la  largeur  calculée  de  sa  politique  d'assi- 
milation. 

Rome.   19  mai  1923. 


Jérôme  C.^rcopixo. 


\ 


NECROLOGIE 


Gaston    Etchegoyen 


Gaston  Etcliego.ven  est  mort  :ï  Madrid  le  16  décemlire  1922, 
à  l'âge  de  trente  deux  ans.  Je  ne  saurais  dire  avee  quelle  tristesse 
nous  avons  appris  cette  nouvelle  douloureuse. 

Né  à  Pont-Saint-Esprit  le  22  mai  1890,  Etchegoyen  était  resté 
dè.s  l'enfance  orphelin  de  son  père,  qui  mourut  en  1891.  C'est  au 
titre  de  fils  d'offteier  qu'il  entra  comme  boursier  au  collège  d'Uzès, 
qu'il  (|uitta  pour  le  l\cée  Lakanal.  Il  fit  sa  rhétorique  à  Henri  IV, 
avec  uu  maître  qui  l'airaa,  Georgin,  et  sa  philosophie  avec  Méli- 
nand.  11  sortit  du  lycée  Henri  IV  avec  le  prix  de  philosophie, 
et  une  bourse  de  vacances  pour  l'Espagne.  En  juin  1912,  il  pre- 
nait sa  licence  d'espagnol.  La  guerre  le  trouva  dans  l'Est;  mais 
après  deux  années  passées  aux  armées,  il  fut  réformé  pour  lésion 
de  la  vue.  Revenu  :\  Paris,  il  décida  de  préparer  son  diplôme 
d'études  supérieures  à  l'Ecole  des  Hautes  Etudes,  sous  la  direction 
de  deux  maîtres  excellents,  M.  François  Picavet,  aujourd'hui  dis- 
paru, et  M.  Morel-Fatio.  L'année  suivante,  en  1917,  il  demanda 
à  être  envoyé  comme  rédacteur  à  la  Résidence  Générale  du  Maroc, 
et  comme  contrôleur  à  Ber-Rechid.  Depuis  de  longues  années  déjA, 
il  se  passionnait  pour  l'étude  des  grands  mystiques  du  Moj'en  Age, 
et  surtout  jiour  la  liante  figure  de  sainte  Thérèse.  Sur  les  conseils 
des  maîtres  que  j'ai   nommés,  et  aussi   sur  ceux  de  JI.  Henri   De- 


1()2  CASTON    KTflIKCOYEN 

lacroix,  il  entreprit  un  travail  approfondi  sur  la  doctrine  de  la  sjiinte 
d'Avila  et  sur  ses  sources.  Deux  années  passées  à  l'Ecole  des 
Hautes  Etudes  Hispaniques  de  Madrid  sous  raffectuense  direction 
do  M.  Pierre  Paris,  une  année  passée  à  l' Picole  française  de  Rome 
lui  permirent  de  réunir  la  documentation  nécessaire  à  son  étude, 
et  de  l:i  rédiger.  En  oftol)re  1!)21,  il  venait  8"étal)lir  à  Madrid, 
où  il  était  nommé  professeur  de  lettres  et  pliiloso])iiic  au  Lycée 
Français.  C'est  lli  qu'il  a  été  enlevé  en  quelques  jours,  de»  suites 
d'une  opération  de  l'appendicite  Jugée  d'abord  grave,  et  qui  ce- 
pendant sembla  devoir  réussir.  Près  de  lui  était  sa  mère  qu'il  ado-, 
rait,  et  pour  l.-uiui'Ue  il  était  tout  au  monde.  Il  n'est  pas  de  mots 
qui   puissent  adoucir  une  semblable  douleur. 

Ce  long  travail  devait  former  sa  thèse  de  duetor.it.  Etcliegoyeu 
disparait  au  miiment  où  cette  thèse,  à  la(|nelle  l"imi)rim:itur  était 
donné,  allait  être  publiée.  Ses  maîtres,  ses  amis,  n'imt  jj.is  voulu 
que  son  oeuvre  disparût.  Cette  thèse  qui  n'aiir.i  pas.  Iiél.is  !  les 
honneurs  de  la  soutenance,  paraitni  ilaiis  la  Hil)liothèque  de  l'Ecole 
des  Hautes  Etudes  Hispaniques,  dont  elle  formera  le  quatrième 
fascicule.  Elle  a  pour  titre:  L'amour  dirhi.  essai  sur  les  sourees 
(le  sainte   T/ie'rèse. 

Etchegoyen,  d'une  :une  délieate  et  ii.issionnée,  ét.ait  particuliè- 
rement apte  à  comprendre  le  symbolisme  et  le  mysticisme.  Il  avait 
donné  ici  même,  l'année  dernière,  q»el(|Ues  Versets  choisis  du  Lirre 
de  l'Ami  et  de  l'Aime,  de  Raymond  EuUe  :  ces  courtes  pages  dé- 
notent le  sens  profond  (in'il  avait  des  mysti(|Ues.  et.  p.ir  l.i  tiiiesse 
de  sa  traduction,  de  rares  qualités  de  sensibilité.  Il  était  un  ca- 
marade charmant.  |dein  d'esprit,  de  gaité.  Nous  l'avons  trop  iien 
connu:  assez  toutefois  pour  avoir  appris  à  l'estimer  et  à  l'aimer. 
Injuste  et  détestable  mort,  qui  emporte  avec  elle  t.iiit  d'intelligence, 
d'espérances,  tant  de  nobles  qu.ilités  de  resi>rit  et  du  cœur  ! 

('iiaiu.es  Tkuu.\ssk. 


v^" 


BIBLIOTHEQUE  NUMISMATIQUE  A.  ENGEL 


L'Ecole  française  vient  de  recevoir   une    donation   magnifique. 

M.  Arthur  Engel,  ancien  membre  de  l'Ecole  (promotion  1878), 
dont  le  nom  (■tait  déjà  associé,  avec  une  respectueuse  gratitude, 
au  souvenir  de  ses  déliuts,  lui  a  offert  la  bibliothèque  qu'il  avait 
réunie  en  vue  de  ses  recherches  de  numismate  et  pour  la  prépa- 
ration de   travaux  numismatiques  universellement  estimés. 

Cette  bibliothèque  comprend  plus  de  2000  brochures  et  de 
1800  volumes  dont  plusieurs  constituent  de  véritables  raretés  de 
bibliophile.  Il  a  été  possible  de  réserver  aux  richesses  de  cette  col- 
lection spéciale  une  salle  séparée  où  elle  gardera  sa  physionomie 
propre  ;  et  l'Ecole  est  heureuse  de  pouvoir  attester  publiquement 
à  son  ancien  ses  sentiments  de  profonde  reconnaissance. 


J.   C. 


A 


FARNESIANA 


Le  cardinal  Al<;xainln'  H  Fanièse,  petit-fils  de  Paul  III,  ae- 
erut  réclat  dont  la  Sainte  Eglise  Romaine  illustrait  sa  maison  par 
son  rôle  non  moins  mémorable  de  protecteur  des  lettres  et  des  arts. 
Dans  cette  Italie  du  XVI*"  siècle  qui,  par  sa  diplomatie,  excellait 
:'i  évoluer  au  milieu  de  puissances  étrangères,  il  est  une  figure  de 
premier  plan.  Cardinal  ]  romu  par  son  grand-père  dès  l'âge  de  qua- 
torze ans,  en  1534,  puis  vice  chancelier  de  l'Eglise  et  doyen  du 
Sacré  Collège,  il  prit,  sous  le  pontificat  de  huit  papes,  une  part 
d'autant  plus  personnelle  à  la  politique  romaine  que  ses  attaches 
de  famille  avec  la  maison  ducale  de  Parme  et  ses  bénéfices  en 
France  le  plaçaient  au  centre  de  la  rivalité  entre  la  monarchie 
française  et  la  maison  d'.\utriche. 

Au  milieu  d'une  vie  si  remplie  il  s'était  ménagé  une  retraite 
studieuse.  Tandis  qu'au  piiino  nohile  du  Palais  Farnèse  se  dérou- 
lait le  faste  de  la  représentation,  au  second  étage  des  bibliophiles 
et  des  artistes  rassemblaient  les  manuscrits  précieux  de  la  litté- 
rature grecque  et  latine  et  constituaient  une  galerie  de  médailles, 
de  camées  et  de  peintures.  Archéologue  —  il  avait  été  à  l'école 
de  Paul  III  —  et  doué  d'un  goût  très  sûr  pour  les  arts,  il  est 
resté  célèbre  par  les  fouilles  du  Palatin  et  du  Forum  et  par  son 
mécénat  ami  des  constructions.  Il  attacha  son  nom  aux  églises  de 
San-Lorenzo-inDamaso  et  du  Gesù,  aux  palais  Farnèse  de  Rome, 
de  Caprarola  et  de  Gradoli,  et  mit  l'écu  fleurdelysé  sur  d'innom- 
brables monuments.  En  lui  revivait  l'esprit  de  l'humanisme  fécond 
qui  distingua  les  cardinaux   du  XV'   siècle. 

Mélanges  iVArch.  cl  iVHHI.   li+23.  '  11 


Iti6  KAIÎNESIANA 

Le  Pillais  l"arM('Mr  ilc  Itoiiii'  c'tait  ili'viMiii  un  viritalilc  iiiiisée. 
l>éjà,  sous  les  portiques  de  la  eour,  le  rumaiii  ou  rétraii^'ei-  épris 
d'art  voyaient  avec  étonueinent  se  drenser  les  plus  lieaux  marbres 
anti(jues  '  ;  les  deux  lIiTeulc,  la  statue  dit  Fluii'.  Ii-  i;r()U|)i'  du 
Taureau,  la  Vénus  Farm-sc  aeeonipagnaieut  le  visiteur  jusqu'aux 
escaliers  majestueux  ((ui  le  eonduisaient  aux  appartements  du  car- 
dinal et  à  la  Librairie.  Celle-ci  occupait  le  !,'rand  salon  de  faeade 
au  second  étage  et  ses  trois  fenêtres  ouvraient  sur  la  place  Far- 
nése  ".  L'on  se  plait  à  se  représenter  Alexandre  venant  y  oubliei' 
les  soins  de  la  politique  pour  la  société  d'une  docte  cour,  où  Fou 
distingue  Molza,  Mgr.  .love,  Pietro  Vettori,  et  Fulvio  Orsini.  Il 
avait  eu  i)our  uiaitre  l'iiumaniste  Romolo  Amaseo,  et  ses  .secrétaires 
lurent  des  lettrés,  tels  Mgr.  Giovanni  délia  Casa,  Fauteur  du  Ga- 
hiir'e  ou  Anuibal  Caro,  (|u'eli'ray,iit  un  peu  le  faste  de  sa  maison, 
mais  qui  fut  séduit  par  «  l'application  aux  études  que  montrait  le 
cardinal  »  \  Faut-il  rappeler  que  ce  fut  au  cours  d'une  de  ces 
réunions  d'Iiuniauistes  qu'Alexandre  Farnèse,  s'inspirant  des  Éloges 
de  Paul  Jove,  suggér.iit  à  Vasari  l'idée  d'écrire  ses  «  Vies  des  ar- 
tistes »  *  ? 


■  Voir  l'inventaire  des  antiques  du  palais  en  1568  publié  dans  les 
Docnmenti  inedili  per  xerrire  alla  storia  dei  musei  d'Italia.  t.  I  (1878), 
pji.  74-75.  Les  antiques  farnésiens  sont  aujourd'hui  au  Musée  de  Xaple?. 

'  La  disposition  de  la  l)ibliotlié(|ue  a  été  étudiée  dans  les  Mi'langex 
d'archéologie  et  d'histoire  par  1'.  Bourdon  et  U.  Laurent-Vibeit,  t.  XXIX 
(1909),  pp.  158.  UÎ3-164.  La  «grande  librairie  »  est  située  au  dessus  de  la 
salle  Salviati.  La  bibliotlio(|ue  occupait  en  outre  une  salle  contigiie  à  celle-ci 
sur  la  fa(;ade,  et  les  trois  ])ièces  voûtées  donnant  sur  la  cour:  cette  se- 
conde librairie  (la  piccola  libreria)  servait  surtout   de  dépôt   d'archives. 

'  Voir  la  curieuse  lettre  d'A.  Caro  à  Lodovico  Beccadello.  datée  de 
("ivita  nova,  14  oct.  1547,  par  laquelle  il  lui  fait  part  de  la  demande  du 
cardinal  qui  désire  le  prendre  pour  secrétaire,  dans  Lcltere  CXXVJI 
(Ifl  corn.  A.  Caro  raccoltc  da  G.  Bernardino  Toniitano,  Opîlergino  (Ve- 
iiezia,  1791),  p.  40. 

*  Vasari.  Le  rite  di' 2'ii<  eccelleiiti  jjittori,  satliori  ed  archiicttori  (Fi- 
rcnze,  188i;,  t.  VII,  pp.  681-2.  L'épisode  se  place  en  1546. 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GRECQUE    DU    ('Alll)INAL    FARNÉSE 


I. 

La  bibliothèque  grecque  du  cardinal  Farnèse 

SUIVIE  d'un  choix  de  Lettres 
d'Antoine  Eparque,  Mathieu  Devaris  et  Fulvio  Oesini. 

Nous  n'envisageons  ici  (lu'iiii  faible  côté  de  l'activité  littéraire 
d'Alexandre  Farnèse,  étudiant  en  lui  l'helléniste.  Dès  la  première 
moitié  du  siècle,  lorsque  Paul  III  l'eut  appelé  à  Rome  et  que  se 
dessina  pour  lui  une  carrière  l)rillante  dans  l'église,  le  cardinal 
s'était  consacré  à  l'étude  de  la  littérature  grecque  et  latine.  En 
1540  —  il  avait  alors  vingt  ans  —  Pierre  Bembo  s'adressait  à 
lui  pour  recommander  au  pape  Antoine  Eparque  «  cosi  dotto  nella 
sua  bella  lingua,  lui  disait-il,  corne  sapete  *  ',  sûr  que  son  origine 
corfiote  serait  le  meilleur  des  titres  pour  gagner  la  faveur  du  jeune 
humaniste.  11  resta  en  effet  en  rapports  avec  Eparque  lorsqu'il  s'éta- 
blit à  Venise,  et  nous  savons  par  ses  lettres  que  Paul  III  et  son 
petit-fils  lui  servaient  une  pension  de   160  écus  ". 

Le  faste  des  légations  dont  le  cardinal  fut  chargé  auprès  de 
l'empereur  ni  les  «  plaisirs  trompeurs  »  des  coui's  ne  changèrent 
ses  goûts.  Revenu  à  Rome  en  154-1:,  il  se  remit  à  faire  des  étu- 
des, à  l'âge  ou  tant  de  jeunes  gens,  écrit  gracieusement  Alexandre 
Manzoli,  <:<  gionti  a  quelle  due  strade  de  la  gioventude  »,  s'ache- 
minent vers  la  mauvaise   voie  :   car    la   jeunesse  est    une    sirène  '. 

'  Lettre  de  P.  Bembo  publiée  par  Emile  Legrand,  BihJiographit  hel- 
lénique, t.  II,  p.  364.  Cf.  la  lettre  grecque  d'Eparque  au  cardinal  pu- 
bliée ibid.,  p.  370. 

'  Voir  infra  Lettre  II:  cf.  les  lettres  publiées  par  L.  Dorez,  Antoine 
Eparqiie,  dans  les  Me'Ianges  d'archéologie  et  d'histoire,   t.  XIII  (1893). 

^  Lettre  d'Al.  Manzoli  au  cardinal,  datée  de  Padoue,  3  nov.  1544  : 
«  con  non  poca  satisfattione  mia  ho  iiiteso  il  bel  pensiero  che  vi  ha  ac- 
ceso  a  ritornar  ai  studii  de  le  boue  letere,  et  anchora  m'è  assai  piacciuto 
hi  elettione  fatta  di  M.  Roraolo...  So  che  V.  R.  S.  non  è  molto   tempo 


168  KAKNKWANA 

Il  iiiaii(l:i  tout  i-xpi'és  rie  l'.nlo^'iic  Hrimulo  Amasm  pniii-  lui  en- 
seigner les  belles-lettres,  et,  J)pu  après,  donna  mission  au  cardinal 
de  Santa-Croee  (Marcel  Cervinj  de  décider  Georges  Corinthios  à 
venir  à  Kimie  lui  d<inner  des  leçons  de  grec  '.  Alexandre  Man/.oli, 
tout  en  le  félicitant  de  la  voie  qu'il  clinisissait,  craignait  un  peu 
qu'une  telle  résolution  ne  résistât  pas  aux  entraînements  de  son  âge. 

L'étonnement  ne  fut  pas  moindre  chez  un  autre  familier  du 
cardinal,  bolonais  comme  Romolo  Auiaseo  ',  en  qui  un  esprit  ai- 
mant les  contrastes  se  iiWiirait  ;i  voir  le  maître  de  la  «  sinistra 
via»,  Marco-Tnllio  Garganello:  clerc  voluptueux  et  volontiers  phi- 
losophe, il  avait  connu  la  jeunesse  d'Alexandre  Farnèse.  Son  «  pa- 
tron >>  l'avait  dnté  d'une  petite  place  à  sa  légation  d'Avignon,  et 
))our  rien  .in  iimude  il  u'eût  échangé  la  vie  facile  et  douce  que 
l'on  y  menait  pour  le  sfiidio  du  jialais,  non  plus  que  pour  les 
pompes  romaines.  Son  badinage  charmait  le  cardinal:  cela  explique 
le  ton  parfois  léger  que  nous  trouvons  à  sa  i)lume:  «  lo  non  vo- 
rei,  lui  écrivait-il,  clie  la  studiasse  piu  tanto.  clflia  pur  troppo  bone 
lettere.  lo  non  so  s'Aristotele  e  Humer  furno  mai  tanti  valent!  ! 
La  pigli   esempio  da  me,  stia  aliegni  e  faci  l'araor,  e  se  costi  non 


che  in  varii  modi  lia  provato  gli  occulti  inganni  di  cosi  fatta  etade,  et 
se  ne  è  assai  ben  diffesa . . .  » .  Le  reste  de  la  lettre  contient  des  recom- 
mandations pour  l'éducation  de  son  fière,  Raniice  Farnèse.  —  Lettre  de 
R.  Amaseo,  de  Bologne,  10  nov.  ]ri4;5  etc.  (Archive  d'état  de  Parme, 
Epistolario  sceito,  Amaseo).  Cf.  l'article  de  Ronehini  dans  les  Atti  e  me- 
morie  délie  BR.  Depui.  di  sUiria  patria  per  le  prorincie  3Iodenesi  e  Par- 
mensi,  t.  VI  (1872),  in  4",  p.  275. 

'  Réponse  du  cardinal  de  Santa-Croce,  datée  de  Bologne,  24  février 
l!i48:  «M.  Annibal  Caro  mi  dice  in  nome  di  V.  S.  I.  che  in  la  pratica 
di  condurre  al  suc  servitio  M.  Giorgio  Coiinthio  ella  se  ne  rimette  in 
tntto  a  me...  Oltro  a  quello  che  pii'i  volte  ragionando  con  lui  ho  potnto 
conoscer  io  ho  anche  testimouio  conforme  da  tutti  cpiesti  literati  ch'egli  in- 
tende bene  la  lingua  greca  e  che  è  persona  ihi  bene  •  (Bibliotliéipie  Pa- 
latine de  Parme,  Carteggio  Farnesiano,  Ceniiii). 

*  Romolo  Amaseo  était  né  à  Udine,  mais  il  s'était  établi  de  bonne 
heure  à  Bologne. 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GRECQUE    DO    CARDINAL    FARNÈSE  169 

vi  sono  belle  dame,  V.  S.  III™''  mi  (lia  comissione  clie  ne  conduro 
una  troppa  tanto  bella  che  quei  filosofi,  e  greci,  e  latini  che  ha 
all'iiitornii  lassanino  i  studi  c  libri  ])cr  daiizar  ron  esse  e  far  l'a- 
mor  »  '. 

Francesoo-Maria  Molza  de  Modène,  humaniste  et  libertin,  s'il 
eût  encore  vécu,  se  fût  contenté  de  sourire  des  conseils  du  Gar- 
ganello.  Mais  une  telle  révolution  ne  vint  point  troubler  le  paisible 
studio  du  Palais  Farnèse  . . . 

Nombreux  étaient  les  lettrés  qui  le  fréquentaient:  on  trouvera 
le  nom  de  certains  d'entre  eux  dans  l'article  suivant  intitulé  «  La 
maison  du  cardinal  en  1554  ».  Parmi  les  érudits  et  les  hellénis- 
tes, il  en  était  un  qui  occupait  une  place  toute  particulière  dans 
la  vie  d'étude  du  cardinal,  son  bibliotiiécaire,  Fulvio  Orsini.  L'on 
connaît  peu  sa  jeunesse.  Il  fut  pour  aiusi  dire  nourri  à  l'ombre 
du  Palais  ;  sans  doute  quitta-t-il  de  bonne  heure  le  service  de  Gen- 
tile  Delfini,  chanoine  de  Saint-Jean  de  Latran,  qui  s'était  chargé 
de  son  éducation.  Le  1*^'  août  L554,  trois  ans  avant  que  le  Gar- 
ganello  nous  instruise  de  la  cour  savante  d'Alexandre  Faruése.  il 
est  porté  sur  les  rôles  de  sa  maison  ".  Peut-être  est-ce  en  cette 
même  année  que,  grâce  à  la  protection  de  ses  nouveaux  patrons,  le 
cardinal  de  Saint-Ange  et  son  frère  le  cardinal  Farnèse.  il  obtint 
un  canonicat  à  Saint-Jean  de  Latran,  dont  le  premier  était  archi- 
prêtre  ^  ?  Il  ne  quitta  plus  dès  lors  la  maison   Farnèse.  Il  devint 

'  Lettre  datée  d'Avignon,  22  février  1557.  Arcliive  d'état  de  Parme, 
Carteggio  Farnesiano,  Franeia,  10.  —  La  vie  du  cardinal,  relativement  à 
celle  de  l'époque,  fut  digne.  Il  convient  à  ce  sujet  de  rectifier  la  citation 
que  fait  M.  L.  Romier  d'une  lettre  assez  légère  du  Garganello,  datée  du 
9  nov.  1557,  et  qui  fut  adressée  non  au  cardinal  mais  à  son  secrétaire 
Francesco  Gherardini  (citée  dans  Les  origines  politiques  des  guerres  de 
religion.  I.  Henri  II  et  l'Italie,  p.   131,  note  1). 

'  Parmi  les   «  familiari  che  sono  in  viaggio  ».  Publié  iiifrn  ^  II. 

^  Sur  la  date  de  ce  canonicat,  voir  P.  de  Nolhac.  Ln  bibliothèque 
de  Fiilrio  Orsini.  p.  8,  note  1.  —  Il  ne  faut  point  confondre  notre  Fulvio 
avec  un  autre  Fulvio  Orsini  qui  accompagna  le  cardinal    en  1514  dans 


170  FARNKSIANA 

secrétaire  et  bibliotliécaire  de  Ranuce,  cardinal  de  Saiiit-Aii;;e  : 
pnis,  à  la  mort  de  celui-ci,  en  1565,  Alexandre  héritant  de  sa  bi- 
bliothèque, s'attacha  plus  étroitement  Fulvio  dont  il  fit  à  sf)n  tour 
son  bibliothécaire. 

Kt,  certes,  Fuh  i(i  no  ])iniv;iit  trouver  dans  un  mécène  de  col- 
laborateur plus  actif.  L'éruilitiiiu  et  l'archéologie  étaient  alors  tou- 
tes tournées  vers  l'antiquité  païenne  :  dans  les  œuvres  de  la  litté- 
rature ancienne  les  humanistes  faisaient  une  place  de  choix  à  la 
langue  grecque,  «  sans  laquelle  c'est  honte  que  une  personne  se  die 
S(;avant  »  '.  Alexandre  Farnèse  s'intéressait  personnellement  à  cette 
dernière.  Un  de  ses  protégés,  le  grec  Mathieu  Devaris,  ne  trouvait 
de  meilleure  façon  de  se  rappeler  à  sa  mémoire  (lUc  de  composer, 
à  l'occasion  de  la  mort  de  son  frère,  le  duc  Horace,  «nielques  vere 
grecs  qu'il  jiii;;nait  à  sa  lettre  de  condoléances". 

Le  cardinal  accrut  sans  cesse  sa  librairie  pas  l'achat  de  ma- 
nuscrits ou  la  cdiiic  (ju'il  en  faisait  faire:  c'était  un  juur  Antuiue 
Eparque  qui  lui  offrait  une  copie  des  Stronmtes  ^  ou  de  quelqu'un 
des  manuscrits  qui  composaient  sa  bibliothèque  ^  ;  une  autre  fois, 
Fulvio  lui  promettait  un  l'rorope  '',  ou  lui  soumettait  la  traduction 
grecque  du  Concile  de  Trente  de  Mathieu  Devaris  '■  à  la  fin  de 
laquelle  il  avait  garde  qu'on  n'oubliât  un  liommaj^e  au  cardinal. 
On   bien    il    lui    reccminiandait   Francesco    l'atrizi.   rhoninie   le   plus 

sa  légation  raiprés  de  Sa  Majesté  Catholique,  et  que  l'on  trouve  à  Bruxel- 
les, à  Cambrai,  etc.  (Archive  d'état  de  Naples.  Carte  farnesiane,  fascio 
415,  fasc.  2;  voir  documents  postérieurs,  Aicli.  d'état  de  Painie.  A'p!.<to- 
lario  scelto,  F.  Orsino). 

'  Eabelais,  Pantagruel.  Lettre  de  Gargantua  à  l'antafcincl,  cliap.  \'ni. 

'  Lettres  publiées  infra  III  et  V. 

3  Lettre  I. 

*  Lettre  d'Epanjuc,  L.  Dorez,  op.  cit.,  p.  300. 

°  Lettre  dOrsini  au  card.  Farnèse  à  Caprarola,  2s  juin  l.')74.  Biblio- 
thèque Palatine  de  Parme,  Carteggio  Farnesiano,  Or.shii. 

«  Lettre  d'Oisini  au  card.  Farnèse,  29  sept.  1583,  publiée  dans  Let- 
1ère  di  F.  Orsini  ai  Farnexi  par  A.  Konchini,  lettre  XVIII  (extrait  des 
Atti  e  memorie  délie  Dcputaz.  di  storia  patria  dell'  Emilia,  1879). 


LA   BIIiLIOTHÈQl'E   GRECQUE    UV   CARDINAL   FARNÉSE  171 

versé  du  monde  dans  la  connaissance  d'Aristote,  et  lui  proposait 
certaine  copie  de  manusprits  d'Angelo  Colocci  '.  En  bibliotliécaire 
averti  et  soucieux  de  la  gloire  de  son  «  patron  »,  il  veillait  à  ce 
qu'une  réédition  de  Pausanias,  faite  ;\  Francfort,  et  comportant  la 
traduction  de  Romolo  Amaseo,  contint  la  dédicace  au  cardinal  Far 
nèse  qu'y  avait  mise  ce  dernier  '".  Le  cardinal  lui-même  s'occu- 
pait volontiers  de  travanx  d'érudition  grecque  ;  il  ne  dédaignait 
pas,  en  visitant  ses  nombreux  bénéfices,  de  consacrer  quelques  heu- 
res à  ses  chères  études.  Ainsi  écrivait-il,  de  son  archevêché  de 
Monreale  en  Sicile,  au  cardinal  Sirleto,  qu'il  ferait  son  possible 
pour  s'occuper  des  livres  grecs  dont  il  lui  avait  donné  commission  \ 

En  1571,  il  envoya  Fulvio  Orsini  à  Grottaferrata  faire  l'in- 
ventaire des  manuscrits  grecs  de  l'abbaye  basilienne  de  Sainte- 
Marie,   dont   il   était  abbé  commendataire  \ 

Dans  son  amour  pour  la  langue  retrouvée,  le  cardinal  voulut 
qu'une  épigraphe  grecque  commémorât  sa  figure:  il  fit  graver  à  son 
effigie  une  médaille,  dont  le  revers  représentait  une  flèche  frappant 
au  centre  d'une  cible,  et  il  clioisit  cette  fière  devise,  empruntée  au 
YIW  chaut  de  l'Iliade  I5AA,V  On'(0S  '  —  image  symbolique  du 
snccès  qui  couronnait  ses  entreprises. 


'  Lettre  d'Oisini  au  eard.  Fainèse,  3  août  1577,  publiée  dans  li  ear- 
teggio  del  card.  A.  Farnese  par  M.  Ant.  Boselli,  lettre  4  (extrait  de  VAr- 
chivio  storico  pcr  le  prodncie  Panneiisi.   1921). 

2  Lettre  citée  p.  170,  note  6. 

■•'  «  lo  faro  la  diligentia  che  V.  S.  111.  mi  serive  per  conto  de'  libri 
greei»,  20  avril  1568:  Bibl.  du  Vatican,  Vat.  lat.  6189,  part.  3,  p.  622. 
Voir  la  lettre  du  card.  Sirleto,  3  avril  1568:  «  In  Sicilia  soleano  esser 
libri  greci  assai  et  boni,  prego  V.  S.  Ill'""  che  facci  eercare  in  quelli 
monasterii  et  se  facci  f;iie  prima  un'  inventario  di  quel  clii  se  trova,  et 
portilo  quando  con  la  gratia  di  X"  Sig"'  Dio  ritorn;ira  a  Roma  »  (Bi- 
bliothèque Palatine  de  Parme,  Carteggin  Farnesiano,  Sirh-to). 

^  Voir  la  lettre  III  publiée  par  Ronchini,  Lettere  di  T'iiln'o  Orfhii 
ai  Farnesi  {op.  cit.). 

=  Ir.  Atl'6,  La  Zecea  e  moneta  Parmigiaiia  (Parma,  1788t,  p.  172, 
note  105;  Litta,  Le  famiglie  celehri  italiane,  vol.  IH.  tav.  II,  n.  9.  L'avers 


172  FAHNKSIANA 

En  cette  ser-onde  moitié  du  nic-cle,  les  études  lielléiiistiqueA,  nmi 
moins  que  les  hellénistes,  avaient  besoin  d'un  pi-otecteur.  L'en- 
tliousiasine  de  la  lienaissaiii-e  pour  {'('•riKlitioii  profane  s'était  éteint. 
Cependant,  le  mouvement  d'études  gree([ues,  à  la  suite  de  la  réae- 
tion  à  la  crise  lutliérienuc  et  sous  l'impulsion  du  concile  de  Trente, 
s'orientait  vers  l'exégèse  biblique,  qui  redonna  (juelque  vie  à  l'hel- 
lénisme :  ce  fut  répoque  des  travaux  accomplis  par  les  cardinaux 
Sirleto  et  Carafa.  Fulvin  Orsini  lui-niémc  dut,  non  sans  (iucl(|ue 
regret,  abandonner  l'antiquité  profane,  pour  s'occuper  de  la  ré- 
vision de  la  Vulgate  ou  de  celle  du  texte  des  Psaumes;  il  colla- 
bora à  l'édition  de  la  liible  des  Septante  '.  MuIn  il  s'éi'lia|)))ait 
souvent  vers  ses  anciennes  amours.  A  ce  litre,  une  lettre  de  lui 
adressée  au  cardinal  Farnèse  mérite  d'être  publiée:  elle  est  datée 
de  1576  et  a  trait  au  Cirque  de  Kon;e  '.  licmplie  de  citations 
d'auteurs  grecs,  avec  lesquels  il  était  familier,  elle  montre  de  quelle 
commune  passion  le  vieil  iinmanisnic  ])ar('ii  animait  le  cardinal  et 
son  bibliothécaire:  «Aujourd'hui,  lui  dit-il,  vous  savez  qu':i  Home 
on  ne  trouve  plus  personne  avec  «jui  s'entretenir  de  ces  choses». 
Le  cardinal  n'était  certes  point.  (|noi(|u'  en  die  Fulvio,  le  seul 
protecteur  de  l'antiquité.  Mais  il  n'en  est  |)as  moins  vrai  qu'à 
cette  époque  certains  papes,  saint  l'ic  \"  notamment,  écartèrent  avec 
quelque  brutalité  les  hellénistes  qui  avaient  connu  un  dernier  pro- 
tecteur en  Pie  IV,  son  prédécesseur.  Les  Orecs,  réfugiés  à  Home 
sous  la  menace  turque,  furent  heureux  de  trouver  rhos|)italité  au- 
près du   petit-fils  de   Fan!    III.   dans    une    famille    qui    s'était    mon- 


porte  la  légende  alexan.  card.  far.  s.  r.  k.  caxcell.  —  Cf.  sur  l'inter- 
prétation, P.  Jove,  Dialoyu  delVimprese  militari  et  amorose  (Vinegia,  15.57). 
p.  73.  La  devise  illimk-,  VIII,  282)  aurait  été  suggérée  par  Molza. 

'  \'oir  P.  de  Xolhac,  op.  cit..,  p.  49;  Dejob,  De  riiifluence  du  concile 
de  Trente,  pp.  18-19;  cf.  Bibl.  du  Vatican,  lettres  de  V.  0.  :'i  Sirleto  et 
Carafa,  Regin.  lat.  2023,  fol.  385  et  3;>3. 

'  Lettre  publiée  infra  XIL  —  En  lô^^O,  Kulvio  enverra  au  cardi- 
nal une  intaille  représentant  le  Cirque  (Konchini,  op.  cit.,  lettre  XV). 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GRECQUE    DU    CARDINAL   FARNÈSB  ITif 

trée  si  libérale  aux  artistes  et  aux  savants.  Le  Palais  Fanièse 
abrita  plusieurs  d'entre  eux  ;  s'il  est  quelquefois  difficile  de  mettre 
un  nom  sous  l'épithète  de  «  greco  »  qui  revient  si  fréquemment 
dans  le  «  Rôle  de  la  maison  du  cardinal  »,  on  peut  cependant  iden- 
tifier certains  ^'■recs  sans  trop  d'incertitude.  Ainsi  y  rencontre-ton 
Alexandro,  que  l'on  appelait  communément  .  il-  G-rechetto,  et  qui 
n'est  autre  que  le  jrraveur  Alexandre  Cesati  '.  Xous  savons  que  le 
peintre  Theotocopuli  —  le  Grecco  —  se  rencontra  au  Palais  Far- 
nèse,  dont  il  fut  l'hôte,  avec  le  croate  Clovio  {M.  Giidio),  qui  de- 
vait se  rendre  célèbre  par  l'illustration  du  livre  de  prières  dit 
cardinal. 

Le  même  toit  abritait  les  copistes  grecs  attachés  à  la  cour  des 
Farnèse  :  les  deux  Devaris  et  un  certain  .lean,  peut  être  Jean  Ho- 
norius  d'Otrante  •,  tous  trois  portés  sur  le  «  rôle  de  la  maison  du 
cardinal  ».  Mathieu  Devaris  (M.  Mattheo  Grecu),  de  Corfou,  avait 
été  à  la  cour  de  Paul  III  en  1541  ;  il  entra  au  .service  de  son  petit- 
fils  en  1551,  et  raccompagna  dans  le  voyage  que  fit  Alexandre 
Farnèse  à  sa  légation  d'Avignon  à  la  fiu  de  cette  même  année.  Il 
y  demeura  avec  Pierre  Devaris,  son  neveu,  pendant  le  séjour  du 
cardinal  à  la  cour  du  roi  de  France  ^  :  il  semble  s'être  alors  oc- 
cupé, plutôt  que  d'érudition,  de  ses  propres  affaires,  peu  brillante» 
(il  était  accablé  de  dettes),  et  de  l'administration  de  la  légation. 
Il  reçut  divers  bénéfices  dans  le  comtat  Venaissin,  notamment  1^ 
vicariat  de  l'église  de  Malaucèue  et  un  office  de  chapelain   à  Val- 

'  Alexandio  était  chypriote  par  sa  mère;  il  regagna  Chj'pre  en  15tt4> 
Sur  lui  voir  l'étude  de  Ronchini  dans  les  Atti  e  memorie...  per  le  pro- 
vincie  Modenesi  e  Parmensi,  1864,  in-4'',  p.  251. 

■  Sur  ces  copistes  grecs  voir  Miintz,  La  bibliothèque  du  Vatican  atc 
Xrr  s.,  pp.  99-103;  p.  de  Nolhac,  op.  cit.,  pp.  30,  78,  158-165;  et  sur 
.M.  Devaris,  E.  Legrand,  Bibliographie  hellénique,  t.  I,  p.  cxcv. 

'  Voir  «  Rotulo  di  quelli  che  sono  venuti  aloggiare  al  palazzo  pic- 
colo  (d'Avignone|,  10  dec.  15.52:  Matia  Greco,  bocche  3  »,  Archive  d'état 
de  Parme,  Rama,  busta  1.5.  Cf.  lettre  du  Garganello  du  -21  sept.  1.553, 
ibid.,  Fraiiciu,  busta  8;  et  lettres  publiées  i)i/'jit  III  à  X. 


174  KAliNESIANA 

rcaR  '.  Rentré  k  Rome,  peu  apn'-s  le  cardinal,  vers  le  mois  de 
septembre  de  r.innôp  ir>ri4.  il  fit  dès  lors  partie  de  la  maison  de 
.son  «  patron  ».  Il  olitiiit.  par  sa  faveur,  la  charge  de  rorrectcur 
à  la  Librairie  du  Vatican.  (|U('  lui  donna  l'ie  IV,  en  1.562,  mais 
ne  tarda  pas.  sous  Pie  V.  à  ressentir  les  effets  de  la  défaveur  dans 
l.i(|uelk'  ce  pape  tenait  les  iiellénistes  ;  il  fut  privé  de  sa  prn- 
vision,  à  l'époque  où  Antoine  Kparque  ",  lui  aussi,  se  voyait  sup- 
primer sa  pension.  11  s'adressa  de  nouveau  à  .son  protecteur  habi- 
tuel, le  suppliant,  par  um-  lettre  pleine  d'amertume,  qu'on  lui 
conservât  au  moins  les  faveurs  péniblement  acquisses  :  «  Non  miiior. 
'ist  virtus  ijuam  quaererc  pardi  tneri  »  ^.  Durant  vinj^t-liuit  années, 
il  ne  quitta  point  le  service  du  cardinal,  et  ce  fut  au  Palais  qu'il 
écrivit  ses  ouvrages  dont  le  plus  célèbre  est  une  traduction  grecque 
des  décrets  du  loucile  ilc  Trente,  iiarue,  deux  ans  après  sa  mort 
en  1583.  Les  lettres  qu'on  a  de  lui,  adressées  au  cardinal,  sont 
peu  explicites  snr  ses  travaux,  sinon  sur  sa  santé  et  le  misérable  lo- 
jrement  qu'il  ■"•cupait  au  Palais.  Mais  scm  neveu.  Pierre  Devaris, 
a  eu  soin,  d.ms  la  ])réface  d'un  ouvrage  posthume  de  son  oncle, 
<iu'il  dédia,  en  1.588.  à  Alexandre  Farncse  \  de  nous  retracer  avec 
piété  la  vie  de  Messer  Mattlieo.  Il  publia  à  la  suite  de  sa  préface 
des  épigrammes  grecques  <|ue  celui-ci  avait  adressées  à  Alexan- 
dre, à  Ranucc  i.u  A   Horace   Farnèse. 

On  trouvera  eu  appendice  à  cet  article  quelques  unes  de  ses 
lettres  au  cardinal   Farnèse. 

'  Lettre  de  Vacca.  recteui-  (l\i  comtat  au  cardinal.  -JO  mai  15.">4  (.\r- 
cliive  d'état  de  Panne,  Frmicia.d):  le  tout  lui  rapportait  une  trentaine 
(l'écus  l'an;  plus  tard  il  recrut  un  cinonicat  à  l'isie  (lôôS).  Cf.  Lettre  pu- 
l)liée  infra  X. 

'■'  Eparque  avait  été  \myr  de  sa  pension  en  l.')(i7  (L.  Dore/.,  op.  cit., 
p.  :290). 

'  Lettre  IX. 

'  Cette  préface  est  en  tête  de  l'ouvrage  iiititub'"  Mntth.  Devarii  hber 
de  graecae  linywie  particiilix:  elle  est  reproduite  par  K.  Legrand.  Bihlin- 
f/raphie  hellénique,  pp.  52-()0. 


I.A    BIBLIOTHÈQUE    GRECQUE    DU   CARDINAL    FARNÈSE  175 


Le  cardinal  Farnèse  avait  hérité  de  la  bibliothèque  déjà  célè- 
bre formée  par  Paul  III.  Accrue  par  son  frère  Ranuce,  cardinal 
de  Saint-Ange,  et  grossie  de  plusieurs  legs,  parmi  lesquels  les  ma- 
nuscrits de  révèque  de  Viterbe  étaient  l'un  des  plus  importants, 
elle  comptait  parmi  les  grandes  bibliothèques  de  Rome.  Angelo 
Roccha  '  et  Frédéric  Schott  '"  la  citent  avec  éloge.  Libéralement 
ouverte  aux  érudits.  elle  fut  utilisée  par  les  hellénistes  du  XVF  siècle 
qui  consultèrent  les  exemplaires  rares  de  quelques-uns  de  ses  ma- 
nuscrits pour  l'amélioration  d'éditions  grecques.  Nous  ne  nous  oc- 
cupons point  ici  des  lettres  latines,  qui  lui  durent  également  beau- 
coup, tel  le  Feshts  que  donna  Fulvio  d'après  le  manuscrit  Far- 
nésien  ^.  Parmi  les  œuvres  grecques,  citons  TAgamemnon  d'Eschyle 
]niblié  par  Pietro  Vettori  \  le  fragment  du  XV  livre  d'Athénée  ' 
ou  les  Eglogues  physiques  de  Stobée  "  qu'édita  Ganter  l'un  en  1.564 
les  autres  en  1575.  Ganter  avait  eu  connaissance  du  manuscrit  far- 
nésien  d'Athénée  par  la  communication  que  lui  en  avait  faite  Mu- 
ret ;  aussi  ce  dernier  eut-il  soin  de  rectifier  de  sa  main,  dans  l'exem- 
plaire des  «  Norarum  'iectionum  lihri  ijuatiior  »  que  lui  donna 
Ganter,  la  source  à  laquelle  était  prise   la   leeon  d'Athénée,    l'im- 

'  BIbliotheca  AiMstolica  Vaticana.  Rome,  1591,  p.  898.  Voir  le  pas- 
sage cité  par  P.  de  Nolhac,  op.  cit..  p.  445,  note  2. 

^  Itinerarinm  nobiliorum  Italiae  regionum  auctonbits  Fr.  Schotto  e 
F.  Hieronymo  . . .  Pars  secunda.  Vincentiae,  1600,  p.  147. 

■'  P.  de  Nolhac,  op.  cit..  p.  44.  Cf  lettre  de  Fulvio  au  cardinal  (158.3) 
publiée  dans  les  Lettere  di  F.  Orsini  ai  Farnesi,  par  Roneliini,  lettre  XVIII 
(rxtrait  des  Atti  e  memorie  délie  l)ep.  di  storia  patrin  delVEmilia,  1B79). 

■*  De  Navenne,  Rome,  le  Palais  Farnèse  et  les  Farnèse,  p.  676. 

^  P.  de  Nolhac,  La  bibliothèque  d'un  humaniste  du  XVP  siècle.  Ca- 
talogue des  livres  annotés  par  Muret,  p.  33. 

"5  De  Navenne,  op.  cit.,  p.  677.  —  Ce  ms.  du  XIV«  s.  (Bibl.  de  Xa- 
ples,  III.  D.  15)  donne  le  meilleur  texte  de  Stobée  que  nous  ayons.  Hee- 
ren  dans  sa  notice  sur  les  niss.  de  cet  écrivain  le  prend  comme  Codex 
A  (Cf.  Cyrillus,  Cndices  graeci  mss.  Regiae  bibliothecae  Borbonicae,  t.  II, 
p.  388). 


176  KAKN'EKIANA 

pression  portant  par  crrenr  <(  c\  Vatioana  liildiotlieca  »  '.  Ce  fut 
la  collation  faite  par  Henri  Estienne,  lors  d'un  séjour  à  Rome.  (|ui 
servit  également  à  réditimi  d'Atliénéc  que  donna  cinquante  ans  plus 
tard  à  Lyon   Isaac  Casaubon  (l<i21)'. 

Ainsi  la  bil)liotiièqn('  Farnésienne  était  devenue  un  lieu  d'étude 
pour  les  hunianistos  des  deux  cotés  des  Alpes.  Isaac  ('asauhon  pou 
vait  écrire  dans  la  préface  de  l'ouvraf^e  que  nous  venons  de  citer  : 
«  Farnesianas  illas  notas  passim  reperias  in  eruditorum  biljliothe- 
cis  non   soluni    Italorum   sed  et  Cisal|)innrum  ». 

A  la  mort  dWlexandre,  en  1589,  la  bil>liothéque  Farnésienne, 
par  son  testament,  fut  léguée  à  .son  neveu  Odoard,  avec  défense 
expresse  d"eii  faire  sortir  un  seul  ouvrage  '.  Fulvio  Orsini  continua 
d'en  être  le  bibliothécaire.  Elle  resta  dans  la  famille  des  ducs  de 
Parme  jusqu'à  la  succession  bourbonienne.  En  1784,  le  roi  Oharles 
de  Naples,  infant  d'Espagne,  fils  aîné  de  Philippe  V  et  d'Elisabetli 
Farnèse,  ayant  reçu  de  l'empereur  le  duché  de  Parme  et  di-  Plaisance, 
transporta  sa  capitale  à  Naples  et  y  installa  la  bibliothé(|ue  Far- 
nésienne, qui  devint  en  ISlt!  la  liihliotfcd  Borhunicn.  Agrandie 
de  différents  fonds  monastiques  ou  privés,  elle  forme  aujourd'hui 
la  Bibliothèque  Nationale  de  Naples. 

On  ne  connaissait  point  de  plus  ancien  inventaire  de  la  biblio- 
thèque Farnésienne  ([Ue  celui  qui  fut  dressé  le  1"  avril  1653,  par 

'  Galiehni  Vanteri  l'ItraiectiHi  Xoraium  lectioiiiim  libri  i/imtuor.  Ba- 
sileae  per  (mot  iiam)  pt  remiilacé  varY'Doctissimo  viro  Marco  Antonio  Mit- 
reto  Ghil.  Canterus  d.  d.,  de  la  main  de  Canter  (Exemplaire  de  la  Bibl. 
Victor-Emmanuel,  Rome,  coté  71.  2.  B.  10).  —  Voir  la  rectification  p.  1-27. 
Le  fragment  d'Athénée  occupe  les  pages  128-173). 

'  Ixnaci  Cnsnuhoin  AHimadrersioniim  in  Athen.  dipnosophintas  libri 
XV'.  Lugduni,  apiid  viduam  Ant.  de  Harsy  et  Petrum  Ravaud,  lt;21. 
\'oir  la  préface  Ad  lectorem. 

'  Testament  du  l.S  mai  1.580,  Archive  d'état  de  Xaples,  fascio  400, 
fasc  8.  La  bibliothèque  était  encore  au  palais  Farnèse  de  Rome  en  1653; 
elle  fut  transportée  à  Parme  avant  1T27  (P.  Bourdon  et  R.  Laureut-Vi 
bert,  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire,  t.  XXIX  (i;t09),  p.  153). 


LA    BIBLIDTHÉIJUE   GRECQl'E    DU    CARDINAL    FARNÉSE  177 

oi-dre  du  duc  de  Parme,  et  qui  se  ti'ouve  actuellement  à  l'Archive 
d'Etat  de  Parme  (Palais  de  la  Pilotta),  sous  ce  titre  :  «  Inventario 
délie  librarie  elie  ha  in  Roma  *nel  Palazzo  detto  di  Faruese  il 
Ser""  Sig.  Duca  di  Parraa  »  '.  Nous  publions  un  inventaire  anté- 
rieur des  manuscrits  grecs,  conservé  à  l'Archive  d'état  de  Naples. 
Il  pemiet,  malgré  sa  composition  succincte,  de  préciser  la  liste  des 
auteurs  grecs  que  possédait  le  cardinal  Farnèse.  Fragment  d'un 
catalogue  de  la  bibliothèque,  il  fut  sans  doute  fait  en  1584,  peu 
de  temps  avant  la  mort  du  cardinal,  par  les  soins  du  majordome 
du  Palais,  le  cavalier  abbé  Tiburce  Buree  '",  qui  dressa  à  cette 
date  un  inventaire  général  du  Palais  Farnèse  ^.  Cette  note  aura 
donc  l'avantage  de  mettre  en  lumière  la  part  qui  revient  à  Paul  III 
et  aux  cardinaux  Ranuce  et  Alexandre  dans  la  composition  du  fonds 
farnésien  de  la  bibliothèque  de  Naples  \  La  plupart  îles  manus- 
crits qu'elle  signale  s'y  trouvent  encore  ;  leur  bon  état  de  conser- 
vation et  rhomogénéité  du  fonds  ne  peuvent  que  faire  regretter 
les  quelques  lacunes  que  Ion  y  trouve.  11  suffit  de  signaler  la  perte 
des  œuvres  de  Denis  l'Aréopagite  et  d'André,  archevêque  de  Césarée, 


'   La  liste  des  inss.  grecs  occupe  les  folios  4  à   13. 

-  Tiburce  Burce  paraît  avec  ce  titre  dans  un  rôle  de  la  maison  du  car- 
dinal, datant  de  la  fin  de  sa  vie  (Archive  d'état  de  Naples.  fascio  4(X)).  11 
avait  auparavant  été  chargé  de  mission  par  le  cardinal  à  la  coin-  de  P'ranee. 

■  L'inventaire  des  niss.  grecs  n'est  pas  daté.  Il  appartient  à  un  cahier 
dans  la  numérotation  duquel  il  porte  les  numéros  de  folio  99  et  100.  Il 
existe  dans  la  même  liasse  (fasc.  VI  un  autre  fragment  de  cet  inven- 
taire généra],  portant  les  n<"  de  folio  1.  14  et  15  (Inventario  universale 
délia  guarda  robba:  objets  d'art  et  parements).  Ce  dernier  fragment  est 
daté  de  15S4;  son  format  et  son  écriture  permettent  d'attribuer  l'inven- 
taire des  mss.  grecs  au  même  cahier.  La  garde-robe  se  trouvait  au  se- 
cond étage,  dans  les  salles  voisines  de  la  bibliothèque. 

■*  Il  existe  denx  catalogues  imprimés  des  manuscrits  grecs  de  la  bibl. 
de  Naples;  l'un  de  Pascal  Batti,  Catalogus  mss.  graecorum  Bibl.  liegiae 
Neapolitunae  (\191)  publié  dans  la  Bihliotheca  graeca  de  Fabricius  (3'^  éd., 
Hamburgi,  1796),  t.  V,  pp.  774-793;  l'autre  de  Salvator  Cyrillus,  Codices 
graeci  mss.  Regiae  Bihliotliecae  Borhonicae  (΀.sc)7p<!  iNeapoli,  1826-1832), 
2  vol.  in-4",  qui  sert  de  catalogue  actuel. 


178  FAllNKSIANA 

inaiiilHcrit  mentionné  à  la  tin  du  XVIII'  siècle  par  Pascal  Halii. 
qui  le  datait  du  XI 1^  siècle  ',  ou  celle  de  ÏAmatoria  de  Partlieiiios 
et  des  épitres  de  Manuel  Chrysoloras,  dont  il  ne  reste  qu'un  fra;;- 
mcnt  de  trois  lettres  publiées  par  Salvatore  Cirillo  dans  son  ca- 
talogue de  la  Bibliothèque  Bourboniqne  '.  Notre  inventaire,  par 
contre,  ne  signale  ni  le  manuscrit  des  Stromates  qui  fut  envoyé 
par  Antoine  Eparque  au  cardinal  Farnèse,  ni  celui  de  Saint-Jean 
Damascène  que  Fulvio  Orsini  prêta,  avec  tant  de  recommandations, 
au  cardinal  de  Santa  Scverina  \  et  qui  se  trouvent  tous  deux  à  la 
Bibliothèque  de   Naples. 


CATALOGUK  DES  MANUSCRITS  GRECS 


Copia    delli    1/hri    die  sono    nrl    Palazzo    Farnese. 
Gkeci  manuscripti. 

1.  Thucydidcs. 

2.  Plato  de  republica. 

3.  Demosthenis  orationes  Oliuthiacae. 

4.  Aristotelis  physica. 

5.  Damascius  philosoplius  de   primis  principiis. 

6.  Homeri   Ilias. 

7-8.     Aphtonius.  Hermogenes. 
9-10.    Nemesius  de  natura  hominis.  Procli   liber... 

11.  Aristotelis  organura  cum   scholiis  Ammouii  et  Philoponi. 

12.  Herodotus. 

IH.       Aristotelis  iiietaphysica  cum   scholiis  incerti   authoris. 
li-lT).    Paraphrasio  inuouiinati   authoris    in   Etbica   Aristotelis.   In- 
dex  in   Athcncum. 

'  Baffi,  n.  «.'). 

î  Cyrillus,  111.  A.  16  (t.  H,  pp.  213-300). 

'  Voir  infra  les  Lettres  I  et  XI. 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GREOQUE    DU    CARDINAL    FARNÈSE  17!» 

16.  Liber  de  inetris  incerti   Maximi  '. 

17.  Aphtoiiius. 

18.  Troilas  sopliista  in  Hermogenem. 

19.  Phoebiimonis  sophiste  liber  de   Hguris  rhetoricis. 

20.  flermogeues  cum  seholiis. 

21.  Theophrasti   characteres. 

22.  Incerti   de  tigiiris  orationis. 

23.  Adamautii   sophiste  pliisiouomia. 

24.  Fragmenta  quedam   Isaae  Argyri. 

25.  Joannis   Diacoui  aenigmata. 

26.  Theodori   Prodromi   earmina. 

27.  Sophoclis  Ajax  et  Antigona. 

28.  Moscliopuli  grammatica. 

29.  Lycocliroii    cum  sciioliis  '". 

30-32.    Aeschylus.    Hesiodiis.   Honieri   Batracliomyomachia. 

33.      Grammaticus  sine  nomine. 
34-36.    Hesiodi . . .    zOoxi    (sic).    Moschopulosinea.    Piudarus    cum 
seholiis. 
37.       Aristoteles  de  Anima. 
38-39.    Moschopulus.   Fabulose  liistorie    iiiiarum    Gregorius   Nazan 
zenus  meminit   in  epitapiiio  Basilii. 
40.       Constantin!   Manasse  historia  versibus  politicis    seripta    ab 
Adam  ad  Nicephorum. 
41-42.    Protomate    Astrologiea  quedam   confusa  sine  nomine.  Theo- 
logica  item  sine  nomine. 

43.  Grammaticus  ineertus. 

44.  Sophoclis  tragédie  très. 

45-47.    Aristoteles  .  Theodori    Prodromi    in    II   libro    posteriorum  . 
Alexander  Aphrodisei   in  elenchos. 
48.       Diûdori  Siculi  libri  quinque  priores. 

'  Maxiuius  Planudes. 
^  I.ycophron. 


180  FARNESIANA 

41t.  Op])iaiii    tV;i;;iii('iil:i   de   pisoibiis  ciiin    sclmliis. 

•"i'>.  Dcniostlienis  oratio  de  Cdrona. 

•'il.  Kiiripidis  tragédie  qiiinque. 

.5253.  Aristopliaiii!*  comédie  très.  Metapliisiee   voiiiniimim  priiieipi.i 
l'iatiiiiius. 

54.  De  eoiiH'ili.-u'iiin   ditiereiitiis. 

55.  Lexicon  };reco-latiiuiin. 

56.  Joseplii   aiiti(iiiitatiiiii   libri   alicinut. 

57.  Euripidis  tra^redie  très. 

58.  Niconiaeiii   iiitrciduetin   Aritmetires. 

59.  Euripidis  tragédie  très. 

tiO-til.    Graiiiniaticiis  incertus.  Voces  attice  ex  imaginibns. 
•  12.       Pliilitstrati   et   ))(ietarum    libris    coUeetae    a    Moschopulo   et 

Tliccl.nl,,. 
<)3-ti5.    Magistro    (wn    (ieorgius    Cherobosciis  de    figuris    poetiei?. 

Isaae  monaolius  de  metris    poetieis:  et  alia   Polibii 

historianiiii    e])itome. 
*îfi-ti7.    Juliaiii   syiiipiisiiiiii.  dirinthu-s  de  dialectis. 

tiS.       Canoiie.s  apostolunim  ciim  expositione  Zonare  et  Balsamonis. 
iiV*-70.    Gregoriiis  Nazaii/.eni  Christiis  patiens.   Nireplioriis   Xantlm 

pidus  de  temporibus. 

71.  Sanetnrniii   Hasilii   et  Gregorii  epistide. 

72.  Joaiinis  Stobaci    l'iiisiea. 
7:'..       Simplieiiis   in    i".|)ictetiim. 

74.  Lueiaiius  cuni   scludiis  inipert'eetus, 

75.  Hesiodiis. 

7i).       Pindari   Olyiiiiiira. 
77.       Teoeritus  eiim   scliuliis. 
7S-7!'.    Dionisius    Areopagita    ciini    selu)liis.    .\iidreas    areliiepiseo- 
pus  Caesaricusis  in  .Uiannis  ai)oealypsim. 

80.  Paiilns  Aegineta. 

81.  Aristotelis  Moralium. 


LA    BIBLIOTHÈQUE   ORECQUE   DU    CARDINAL    FARNÈSE  181 

82.  ApoUonii   Argonautiea. 

83.  Theodoretus  in  ps.ilmiiK. 

84.  Honieri   Ilias. 

85.  Theofllatiis  '   et  alii   in   ppistolas  Fauli. 

86.  [Epigrammata]  greca  in-f"  cnni  scoliis. 

87.  Lesieou  greco-latinum  in-f°. 

88.  .Iulius  Pollnx  '"    in-4". 

89-91.  Juliiis  PoUux.   Steplianus  ^  et  Pliilostratus  iuf°. 

92-93.  Variiius  ^   in-f  '  (2  exemplaires). 

94.  Cornucopia   Varini   in-f'. 

95.  Urbanus  ^   in  4". 

!it>.  Uenarciius  (?j  ''  in-S". 

!i7-98.  Clirysoloras  et  Varinus  in-4". 

99.  Homeri   Ilias   in-8". 

100.  Homeri   Odyssea  in-8". 

101.  Homerus  cuni   scholiis  inf". 

102.  Aristopiianes  eiim   comento  in-4°. 

103.  Aristoplianes  in-4'. 

104.  Theoeritus  cum  scholiis  in-8°. 

105.  Aesehylus  in  4"  cum  scholiis. 
lOii.  Aesehylus  in  8°. 

107.  Aescliylus  cum  scholiis  iii-8°. 

108.  Sopliocles  cum  scholiis  in-4°. 
109.110.  Sopliocles  in-8°  idenx  exemplaires). 

111.  Calliraaens  in-4". 

112.  Dionisius  de  sitn  orbis  in-4". 

113.  Sibillana  carniina  in-4". 

'  Theophylactus. 

^  Steplianus  Byzantimis  de  L'rbibus. 
^  Varinus  Phavorinus  Camers  (f  1537). 
^  Urbanus  de  Belhino.  Le  nis.  manque. 
''  Deinarcliûs  ('.').  Le  nis.  manque. 

,l/--7<i»f/<-N  d'Arch.  et  d'I/isl.  UiiU.  12 


182  KAHNKSIANA 

114.  (  •p|)i;uiiis  (If   piscilins  in-8". 

11").  Aiiucn'on   iii-«". 

lit;.  Q.  Cahilier  '    in  8". 

117.  ilcniilotu.s  iu-f". 

1 18.  'riiiicyilidps  in-f°. 

11  It.  Tliucydidcs   cum    ciinieiito   ili-f'. 

120.  XciKiplioii   iii-f". 

121-123.  Xenopliontis  omissa.   l'ictlinn.   lIciiKliaiiiis  in-t". 

124.  XeniipliDii   tribus  tiioiiiis   iii-H". 

125.  l'olil)ius  grece  et  lutine  in-t"". 
12(>.  l'olibii  Astiamet  in-8°. 

127-128.  Diogenes  Ijai-rtius.  Aristoplianns  iii-4°. 

129.  Euspbii  liistoria  ecclesiastica  iii-f  . 

180.  Kuscbius  dp  prpparatione  evaiijipjip.i   in-f". 

131.  Plutai-plii   vite  iiif . 

132.  Aeliainis  de  varia   liistoria  in-4 '. 

133.  Arriaiuis  iii-8°. 

134.  l'artlicni   aiiiaforia   in-8". 

135.  AppuUodorus  in-8". 

136.  .losppii    in  f°. 

137.  Dion.  in-f". 

138.  Dioni.sius   llalicariiassns  in  t"'. 

139.  Diodorns  in-4". 

140.  Keliodoriis  in-4". 

141142.  Aplitimiiis  et   llermogenes   in-8°. 

143-144.  Uionisius.   Longinus  in-4". 

145.  Lil)anius  iu  4°. 

14f).  Deinostcnes  ciim   coninientci  in-f'. 

147.  Diiniisii  Clirisostonu   orationes   in-S°. 

'    .'^an8  doute   le  lUS.  du  XV^'s.  :   «Tà'Ov.rfw  :Tafa>.iir5u.ivi  ..   portîMit 

le  n.  242  dans  le  catalogue  de  Baffi.  Il  n'est  plus  mentionné  par  le  ca- 
talogue de  S.  Cirillo. 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GRECQUE    DU    CARDINAL    KARNÈSB  183 

148-149.  Deraosthenis  et  Aeschinis  oratioiies  in  4°. 

150-151.  Epistole  grâce  et  Chrisostomi  serniones  iii-4". 

152.  Athenens  iii-f". 

153.  Pausaniiis   in-f°. 

154.  Strabo  iii-f". 

155.  Lucianus  duobus  tomis  in-8. 

156-157.   Plutarchi  opuscula  in-f*  (deux  exemplaires). 
158.       Scriptores  gnomici  in-8°. 

(Archive  d'état  do  Naples,  Carte  Farnesiaiie,    Parma  et   Roma 
fascio  400,  fasc.  8). 


APPENDICE 

Lettres  d'Antoine  Epar(^ue,  Mathieu  Devakis  et  Fultio  Orsini 


Tableau  indiquant  la  provenance  des  lettres. 

I,  II  :  Archive  d'état  de  Parme,  Epistolario  scelto,  busta  E. 

III,  IV:  Archive  d'état  de  Parme,  Carteggio  Farnesiano,  Francia, 

busta  8. 
VI,  VII:  ibidem,  busta  9. 

V,  VIII,  IX  :  Archive  d'état  de  Parme,  Epistolario  scelto,  busta  M. 

X  :  Bibliothè(iue  du  Vatican,  Vat.  M.  6792,  fol.  48. 

XI:  Arcliive  d'état  de  Parme,  Epistolario  scelto,  busta  0. 
XII  :  Archive  d'état  de  Naples,  Carte  Farnesiane.  Borna,  fascio 
737,  fasc.  0. 

I. 

Antoine  Eparque  au  cardinal  Farnèse,  à  Borne. 

Illustrissimo  mio  patrone.  Li  giorni  passât!  feci  scriver  quelli 
fragmenti  over  eccertpti  di  Stromati  ',  quali  si    ha  potuto    trovar 

'  Il  s'agit  des  Stromatu  de  Clément  d'Alexandrie.  Dans  une  lettre 
à  Cervini  du  18  janvier  1543.,  Eparque  signale  ce  ras.  parmi  ceux  qu'il 
a  chez  lui  (L.  Dorez,  Antoine  Eparque,  op.  cit.,  p.  300;  cf.  p.  298).  — 
Ce  ms.,  dont  on  ne  trouve  pas  mention  dans  notre  inventaire,  doit  être 
le  II.  A.  14  de  la  Bibliothèque  de  Naples  (n.  165  de  l'Indice  de  BaiH). 


184  FAItNBSIA.SA 

de  (|ui,  !•  (li  |>(ii  scritti  riiicontrai  foii  l'auttontico,  et  volendo  olie 
vegnisse  il  ditto  lilim  secur  di  non  eB><er  l)afcnato  o  ver  auche  snia- 
rito,  et  con  sparagno  de  la  spesa  dil  corriero,  dimandai  a  oui  gli 
piaceva  che  lo  consignasse,  et,  tardando  la  rispoHta,  mi  parRe  di 
eonsignarlo  al  R'""  legato  de  qui  per  mandarlo  seguro.  Lo  haria 
fatto  ligar,  ma  prv  inetcrlo  V.  S.  K'""  inscma  con  quelo  clic  man- 
dai per  mail  del  S"'  l'icro  Strozzi  '  non  l'iio  ligato.  Et  si  ditto 
libro  non  satisfa  al  dcsidoi-io  di  quella,  accctti  il  bon  voler  del 
suo  perpetno  servitoi-c.  OHercndo  me,  l'Iic  havciido  V.  S.  H"'"  !i- 
centia,  corne  gia  lio  scritto,  dal  duea  di  Fiorenza  ',  de  andar  et 
recopiarlo  ogni  volta  chc  saro  avisato.  Et  a  quella  di  continue  mi 
raccomando  da  servitore  et  basio  gli  la  niano.  —  AUi  23  di  set- 
tembre   1542,   in   Venetia.  —  Il  servitor  di  quella  —  Ant°  Eparcho. 


Antoine   Kpitr'/ur  an  cnrd/iml  Furnèse,  à   Ilow  '. 

111'""  et  R"'"  Mons'"  patrone  et  benefattore  colendissimo. 
L'eceeaiva  benignita  di  V.  111"'-''  et  R"^"  S.  da  eccesiva  baldanza 
alli  suoi  devotissimi  servidori  nelli  loro  gran  bisogni,  come  lia  fatto 
liora  a  me,  il  qualc,  non  obstante  che  sappia  quanto  (luella  sia 
occupatissima  et  in  cose  di  tanto  peso,  non  di  meno  m'assicuro 
d'interpellarla    et   d'implorare    il  suo  et    patrocinio  et   soccorso  in 


'  Pierre  Strozzi.  fils  de  Filippo  Strozzi  de  Florence,  capitaine  pro- 
tégé par  t'atlieriiie  de  Médicis  et  passé  an  service  de  la  France.  Il  est 
célèbre  par  la  défense  de  Sienne  et  la  prise  de  Calais;  il  fut  créé  maré- 
chal de  France. 

'  Cosrae  I  de  Médicis.  duc  de  Florence,  qui  acheta  nce  partie  des 
manuscrits  d'Eparque  (cf.  L.  Dorez,  op.  cit.,  p.  291). 

■'  Sur  l'adresse:  «AU'...  car»!  Farnese  patrone  et  benefattore  colen- 
ilissimo  >. 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GRECQUE    DU    CARDINAL    FARNÈSE  185 

qiiesto  elle  qiiell;i  si  degnera  inteiuler  qui  sotto  '.  Perché  io  rai 
trovo  quindiei  boeclie,  f'ra  otto  figlioli  et  altri,  et  trovo  mi  fuor  di 
casa  mia  et  seiiza  altro  soccorso,  cLe  quelle  che  la  clementia  di 
S.  Beatitudine  et  di  V.  Ill'»"  et  R'"»  S.  dall'una,  et  da  l'altra  la  mia 
industria  mi  ha  procacciata  et  procaccia,  resguardando  al  fine  et 
cogiioseendo  che  mancando  io,  o  vero  non  potendo  me  essercitare, 
per  vecchiezza  ù  malattia,  alla  detta  mia  famiglia  mancaria  il  vi- 
vere,  ho  pensato  di  ricorrere  alli  piedi  di  S.  Beati""  et  di  V.  111™" 
et  R™''  S.  che  si  voglino  dignare  di  provedere  a  questo  pericolo 
et  bisogno  mio  in  questo  facil  modo,  che  S.  Beati"*'  et  V.  111™"  S. 
si  degnino  metter  fino  a  ducati  duceuto  d'oro  di  pensione  in  peraoua  di 
Giorgio  mio  figliolo",  l'i  sopra  qualche  benefitio  consistoriale,  ô  dove 
a  quelle  placera,  et  lassarano  di  pagarmi  piu  per  Tavenire  S.  Beati"" 
li  cento  scudi,  che  la  mi  fa  dare  ogni  anno,  et  le  sessanta  che 
mi  fa  dare  V.  111'""  et  R™"  S.,  il  che  sara  grandissima  quietatione 
del  animo  mio,  et  sara  cosa  degnissima  de  la  grandezza  deU'animo 
di  S.  Beati""  et  di  V.  111™*  et  R™"  S.,  et  in  oltre  a  me  partorirano 
otio  da  poter  spendere  tutte  le  forze  di  quel  poco  ingegno,  che  Dio 
m'ha  dato,  in  essaltatione  et  gloria  délia  111™"  casa  Farnese,  et 
singularraeute  di  V.  111™"  et  R™"  S.,  la  quale  è  vivissimo  e 
splendentissirao  raggio  del  altro  primo  et  raaggior  sole.  La  sup- 
plica  in  questa  materia  è  drezzata  a  Sua  Beati"",  ma  la  speranza 
mia  è  siugularmente  fondata  anche  in  V.  111™"  et  R™"  S.,  alla 
quale  humilraente  basciando  la  mano  preghero  Dio  per  la  sua  es- 
saltatione et  perpétua  félicita.  —  Alli  20  di  novembre  1544,  in 
Venetia.  —  Di  V.  Ill™''  et  R™*  S.  —  devotissimo  servidore  —  An- 
tonio  Eparcho. 


'  Cf.  lettre  du  24  octobre  à  Cervini  (L.  Dorez,  o/;.  cit.,  p.  307).  Epar- 
que  avait  déjà  écrit  sur  le  même  sujet  au  cardinal  pour  lequel  il  avait 
composé  une  épigramme  grecque.  —  Voir  ses  plaintes  nombreuses  à  Cer- 
vini et  à  Favnése  {ihid.,  pp.  299,  301). 

*  Voir  la  lettre  à  Ceivini  du  7  février  1543,  L.  Dorez,  op.  cit.,  p.  301. 


186  FARNEKIANA 

III. 

Mathieu   Devaris  an  ciinliiial  Furnhf,  lérjat  d^ Avignon. 

Ill"""  et  R'""  S'  mio  Fatrone  osa"'". 
Alli  giorni  passati  scrÎBSi  à  V.  S.  111"'"  et  li"""  iiuanto  mi  ditto 
el  dolor  délia  trista  iKiva  del  S'  Duca  ilcu-atio  ',  la  (jual  ci  lia 
oltra  modo  addolorati,  iiou  solameiite  per  la  perdita  del  ditto  S''  , 
ma  ancliora  pensando  al  dolor  clie  tal  perdita  doverà  haver  recato 
alla  S.  V.  111'"",  uoii  dimeiio  sperando  noi  plie  quella  liabbia  :\  com- 
portar  questo  tal  dolor,  ancor  che  gravissimo,  cou  quel  animo  clie 
(■lia  lia  gia  coniixirtate  le  altre  sue  adversità,  temperiarao  el  di- 
spiacer'  grande  che  qiiestn  caso  ci  apporta.  Sopra  di  clie  essendo 
io  entrato  in  fantasia  di  dirne  qualclie  cosa,  et  liavendo  conside- 
rato  elle  delli  t'atti  j;raudi,  cou  gran  difticultà  se  ne  puo  dir  cosa 
elle  se  accosti  alla  graiide/.za  loro,  pertanto  io.  per  non  durar, 
corne  si  dice,  fattica  per  iinpoverire,  mi  sono  contentato  metter  in 
dui  versi  '  un  mio  piccolo  concetto,  li  quali  mando  à  V.  S.  Ill"'-' 
per  non  restar'  di  far  ((uel  poco  eh'  io  posso  eon  scusa  di  non 
poter  far  Tassai,  che  si  conviene.  Noi  per  gratia  de  Dio  stanio 
bene,  et  di  continuo  pregiamo  per  la  felice  vita  di  V.  S.  Ill"""  et 
R'"",  alla  quai  basando  le  mani  liumilmeute  ci  raccomandiarao.  — 
D'Avignone,  alli  XXV  d'Agosto  1553.  —  Di  Vostra  111'""  et  R"'" 
Sig'iii  —  devotissimo  servitore  —   Mattlieo  Greeo. 


'  Horace,  duc  ilo  Castro,  ficrc  du  cardinal,  qui  avait  rjKiusc  Diane 
(le  France,  tille  de  Henri  11,  mourut  la  même  ann(>e,  le  19  juillet  1553, 
d'une  blessure  re(;ue  au  service  de  la  France,  à  la  défense  d'Hesdin. 

^  Ce  distique  est  perdu.  Il  né  se  trouve  pas  dans  les  ver.<  grecs  im- 
primés par  Pierre  Devaris  en  tête  de  l'ouvrage  de  Mathieu  Devaris 
(Liber  de  graecae  Hnguae  particulis). 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GRECQUE    DU    CARDINAL    FARNÈSE  187 

IV. 

Mnthien  Devaris  l'i   Finncesco  Gherardini,  secrétairo  du  cardinal . 

S"''  Glierardino  mio  osa""". 
Rengratio  V.  S.  con  tutto  el  core  chc  in  taiiti  travagli  tenga 
memoria  ili  me.  Prego  V.  S.  qiianto  al  negotio  délia  naturalità 
attenda  nou  tanto  al  presto  qiuinto  al  bene,  cioè,  si  possibile  est, 
alla  pooa  spesa,  per  clie  Dio  sa  cbe  io  aneora  non  possores  pi- 
rare  per  li  molti  debiti  neli  quali  souo  riniastD,  ne  spero  poter 
mai  respirare  se  non  mi  vien  qualclie  aiuto  extraordinario.  Per 
soccorso  à  questi  giorni  el  Capponi  di  Lione  ha  mandato  el  niio 
tbrziere,  che  era  stato  lassato  in  Fiorenz;a,  in  niano  al  fattore 
de  Guadagni  ',  qui,  in  Avignone,  con  ordine  cbe  non  me  lo  dia, 
se  io  non  gli  paglio  nove  scudi  et  mezzo  d'oro.  Il  che,  se  altro 
aiuto  non  mi  viene.  non  potro  altramente  riscotere.  Prego  V.  S. 
ne  parli  con  el  S'"  M.  Haceio  '  e  con  el  S*"'  Cavalliere  Ugolini,  alii 
quali  prego  V.  S.  rai  raccomandi  strettissimamente.  Io  bo  scritto 
gia  due  volte  al  111'""  S'"'  nostro  patrone  doppo  lo  morte  del  S"'' 
Duca  Horatio,  non  so  se  le  ditte  mie  lettere  sieno  pervenute  in  man 
di  Sua  S"''  lU""",  prego  V.  S.  me  ne  dia  aviso.  Et  con  ogni  bona 
occasione  mi  tenga  sempre  raccomandato  à  Sua  S'''*  111""%  et  mi 
tenga  nella  sua  bona  gratia.  Se  M.  Douato  Giannotti  si  trova  dove 
siate  voi,  di  gratia.  S"'  mio,  raccomandatemeli  strettissimamente. 
Pietro  mio  nipote  attende  à  studiar'  et  basa  le  raani  di  V.  S.,  con 
raccommandarse  alla  sua  bona  gratia.  Le  cose  di  qua  fluctuano; 
Dio  faci  che  si  aceommodino  con  la  veniita   del    111°*°  patrone  et 


'  Les  Gadagne  avaient  une  maison  de  banque  à  Lyon;  ils  étaient 
avec  les  Capponi  les  agents  financiers  du  cardinal  et  s'occupaient  de 
ses  rapports  avec  la  France. 

^  Baccio  Nasi,  banquier  représentant  la  maison  Gadagne,  et  chargé 
des  atïaires  du  cardinal  en  France. 


1«8  PAKNKNIANA 

de   voi  altri   tutti.   Noi   sti.imo  tutti   benf.   Pcr  j^ratia   di    Dio  il  si- 
raile  desidcranid  sia  di  voi.  —  D'Avif^iionc  alii  4  di  Bctteinbre  1.').'>.3. 

—  Servitoi-f  di   V"  S'''"   Mattlico  Greco. 

V. 

Mdtliieii    Ik'varis  au   rurilinal  Fainèsc,  Injat  iV Avignon. 

111'""  et  R"^"  S°'' Patrone  osa"'"'. 
Li  sonetti  che  à  questi  di  si  sono  visti  qui,  sopra  la  morte 
del  sig™  duca  Horatio,  mi  lianiio  excitato  a  fare  qiiesti  versi  greci  ' 
sopra  la  medesima  materia,  oltra  il  disticho  clfio  feci  in  quel  prin- 
l'ipio  del  caso.  Li  quali  mei  versi  mando  à  V.  S.  Ill">"  et  R""*,  pi- 
Sliando  questa  occa.sioiie,  poi  clie  non  lu'i  altra.  di  farle  riven-nza, 
per  non  le  uacire  di  memoria,  et  ancbe  per  suppliearla  le  piacoia 
inanzi  il  suo  ritorno  impetrare  da  la  Maestà  del  Re  la  gratia  de 
la  mia  naturalità,  corne  il  Gheraidino  le  riccordarà  à  tempo  et 
loeo  debito.  Prego  el  S"'"  ]")io  prunperi  tutti  li  t'atti  di  V.  S.  111'"" 
et  R"^'^  et  ce  la  restituisea  (|ui  ((uanto  più  presto,  con  sua  bunna 
contentezza  et  sattisfatione.  —  D'Aviguone,  alli  VI  d'Ottobre  1">.53. 

—  D.   V.  S.    111'""  et  R"""^  devottissimo  servo  —  Matthio    Gi-eco. 

VI. 

Mat/lien  Deraris  an   itiidinal  F<iinf'S'\  Ir'tiai  d'Avignon. 

111'""  et  R'""  .Sig"''  mio  et   patroue  oss"^". 
La  sorte  mia  lia  voluto,  che  nel  comiiiciamento  de  la   mia  ser- 
vitu  con  V.  S.  111""'  io  liabbia  havuto  tante  ditlicult;'i,  che  anchora 
non  ne  potendo  uscire,   anzi   per  la  débilita  ricadendoci  spcsso,  sia 

'  Une  lettre  du  uu'iuc  à  Kiauccseo  Glicianlini,  datée  du  même  joui 
accompagne  ce  billet  au  caidinal. 

^  Ce  .sont  ces  vers  ipii  sont  iuiprimés  dans  l'ouvrage  cité  de  .Mathieu 
Devaris,  ;i  la  suite  de  la  iiréface  (épitapliu  d'Horace  Farnèse). 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GRECQUE    DU    CARDINAL    FARNÈSE  189 

tbrzato  fare  aile  volte  sapere  a  V.  S.  111'""  la  sconsolatione,  nella 
quale  mi  trovo  per  esser  immerso  iielli  di'biti,  clie  dal  partir  mio 
du  Ronia  incominciai  a  fare  nierce  di  casa  Colonna,  clie  mi  ritenne 
indebitamente  seiidi  cento  et  quiudici  ;  essendo  poi  giunto  in  questa 
terra,  sfornito  di  tutte  le  cose  necessarie,  et  seiiza  un  quattrino, 
mi  convenue  fare  di  molti  altri  debiti,  ii  qnali  mi  stanno  ancliora 
adosso,  non  havendo  mai  potuto  pagarli,  per  l'absentia  di  V.  S.  111™" 
per  la  quale  sono  adietro  di  scudi  sessantanove;  trcntacinque  sono, 
elle  io  ho  !?pesi  uel  viaggio  da  Roma  fin  qui,  dieci  per  la  vettura  del 
forziere  de  miei  libri  et  arnesi,  et  vintiqnattro  sono  per  resto  délia 
mia  provisione  corsa  perfin'alla  partita  di  V.  8.  III'"'*  d'Avignone, 
doppo  la  quale  è  ben  vero,  ch'io  ho  sempre  liavuto  li  quindici 
scudi,  che  V.  S.  111'"-''  mi  ha  assegnati  ogni  mesi,  ma  di  quelli  non 
ne  ho  potuto  mai  avanzar  niente  per  pagar  debiti,  corne  V.  S.  111"^'^ 
sarà  ragguagliatii  dal  S'"'  Kaglione,  il  quale  ha  provato  quanto 
Costa  il  vivere  in  questa  terra.  Per  taiito  supplico  V.  S.  111"'"  non 
mi  lassi  sommergere  uelli  debiti,  ma  si  degni  soccorrermi  di  qualche 
parte  delli  sessantanove  scudi,  che  rcsto  liavere  da  V.  S.  111"'",  la 
quale  prego  Uio  viva  longamente  felice.  —  D'Avignone,  alli  XIII 
di  Geunaro  1554.  —  Di  V.  S.  111'""  et  R""^  —  devotissimo  ser- 
vitore   Mattheo   (ireoo. 

VI. 

Mat/iii'K    Dvnuis  à  Fnnwesco   Glii/rardini,  secrc'tairc  du   cardinal 
à  la  cour  du  Hoi   'J'rt's-Ç/nrfieti. 

Molto  Magnifico  et  Reverendo  Sig""'  mio  oss"^°. 
La  speranza  che  continuamente  habbiamo  havuto  del  vostro  ri- 
torno,  ha  fatto  che  da  certo  tempo  in  qua,  io  non  habbia  scritto 
à  V.  S.,  corne  dovevo,  non  solamente  per  oftitio,  ma  anche  per  bi- 
sogno,  per  contodi  Pietro,  mio  nepote,  el  quai  io  ho  menato  d'Italia 
con  grande  mio   incommodo  et  spesa  per  metterlo  in  qualche  modo 


190  KARNESIANA 

ncl  servitio  del  111'""  nostm  patrono.  Hora  s'el  ritorno  di  Sua  Si- 
giioria  in  Avignone  si  proloiigasse,  perche  io  son  risoluto,  à  questa 
primavera,  dar  rocapito  al  ditto  min  nepote,  pregc»  la  S.  V.  faci 
opéra,  insieme  foii  el  S'"'  Kaglioiie ',  di  far  accettare  diito  niio 
iiepote  per  servir  iiella  seeretaria  o  nella  caméra  per  aiutante,  o 
per  el  servitio  de  la  tavola,  et  per  dir  meglio  in  tutti  li  ditti  ser- 
vitii,  per  <he  egli  e  da  hasto  e  da  sella.  Ne  faci  diffifulta  il  (■oii- 
dnrlo,  per  clie  io  ve  lo  maiiden'i  à  mie  sj)esp,  il  olic  iiaverei  fatto 
al  partir  vostm  de  qui,  se  io  havesai  sapnto  ch'el  ritoriio  si  fusse 
prolongato  tanto.  Et  quaiido  V.  S.  non  ci  vedesse  verso  di  farlo 
accettare  in  modo  elie  egli  lialiliia  victiim  et  vestitum,  la  prego 
me  Io  fafi  saper  liberamente  per  ihe  io  lu  inviarô  in  Italia  o  in 
(lualclie  ultra  parte,  che  si  guadagni  el  pane,  et  faci  servitu  con 
qualclie  patrone,  che  li  possa  dar  da  vivere,  perche  da  me  ha  im- 
jiarato  f^ia  assai,  et  altro  non  ne  ])no  sperarc,  stando  io  alla  merce 
d'aitri.  l''t  io  cdiiimiiiciai  servir  el  cardinal  lîidulti  ",  con  nianeo 
lettere  che  Pietro  non  ha  al  présente,  si  che  vo^lio  che  anche  lui 
comminci  k  tentar  la  sua  fortuna  et  mi  si  levi  dale  spalle,  per  che 
troppo  ho  che  fare  per  me,  come  sa  el  S""'  Raglione  et  lui  refe- 
rira  à  V.  S.  ogni  cosa,  et  per  qnesto  io  non  saro  piu  longo,  rac- 
eommandandomi  sempre  alla  bona  gratia  di  V.  S.,  la  quai  prego  Dio 
conservi  felice.  —  U'Avignone,  alli  1-'!  di  genaro  1554.  — •  .\1 
servitio  de  V.  S.  Matthio  Greco. 

Placera  à  V.  S.  sollicitare   à  tempi  e    lochi   la  niia    lettera  di 
naturalita. 


'  Familier  de  la  maison  du  cardinal. 

-  Devaris  avait  élé  bibliotiiéoairc  de  ce  cardinal:  on  a  de  lui 
un  inventaire  do  la  bibliotlièqiie  <le  Fîidolfi  (cf.  P.  de  Nolhac,  r»/*.  cit.. 
p.  12->). 


LA    BlBLIOTHKtiUE   GRECQUE    Dl'    CARDINAL    FARNÈSE  191 

VIII. 

Mat/i/rii   Devuris  au   mrdinal   Farn'ese  '. 

Ill'""  et  R'"°  Sig'"'  patrone  colendisaimo 
lo  credo  non  esser  mai  stato  tropo  molesto  a  V.  S.  Ill'"''  in  chie- 
derli  cos'alcuna  fiior  di  quanto  Te  piacciuto  apprezzarla  mia  ser- 
vitii,  anzi  mi  son  sempre  lodato  del  biion  trattamento  che  ho  da 
lei  per  tutto,  dove  iio  pensato  poter  acerescere  il  suo  buon  nome. 
Ma  in  una  sola  cosa  la  mi  perdouera,  se  per  il  passato  son  stato 
et  per  l'avenir  saro  sforzato  a  esserli  molesto,  dico  in  suppliearla 
à  riraediar  alla  angustia  délia  liabitatione  che  ho  in  casa  sua.  Percio 
che  tal  angustia  mi  preme  et  affligge  in  modo  clie  contamina  ogni 
liona  sattisfattion  che  io  habbia,  et  principalmente  li  studii,  a  tal 
che  mi  rende  amara  tutta  la  vita.  Et  s'io  dicessi  clie  questo  pre- 
Judica  qualche  cosa  al  buon  nome  e  fama,  che  V.  S.  111'"*  ha  in 
questa  corte,  di  favorir  et  accarezzar  i  letterati,  so  che  direi  il 
vero.  Percioclie  de  quelli  che  mi  cognoseeno,  alcuni  di  qualche  im- 
portanza,  in  questa  corte,  che  mi  stimano  forse  piu  di  quanto  io 
voglio,  vedendo  et  sapendo  con  quanto  mio  scomraodo  et  indignita 
di  V.  S.  111°'-"  io  liabiti  in  casa  sua,  dove  alcuni  altri  giudicati  di 
manco  stima  sono  moito  meglio  accomodati,  parlo  di  stantia,  che 
non  son  io,  il  quale  se  non  per  altro  alraeno  per  la  età  et  per  li 
studii  ne  ho  maggior  bisogno,  restano  molto  meravigliati  che  V.  S.  Ill'"* 
lo  comporti  et  non  vi  remedii  sapendolo.  Del  quai  giuditio  di  tal 
persone  quanto  eonto  ella  ne  lialtbia  a  fare  et  ne  sia  per  fare, 
lassero  il  pensiero  a  lei.  A  me  basta  haverneia  avertito.  non  come 
interressato  in  questo  caso,  ma  per  far  ofRtio  di  buon  servitor. 
Tornandola  a  supplicar  che  se  pur  ella  giudicasse,    che  in   undice 

'  Cette  lettre,  qui  ne  porte  pas  de  date,  doit  être  datée  de  novem- 
bre 1562,  selon  la  mention  qu'elle  porte  au  dos,  écrite  de  la  inain  du 
secrétaire  du  cardinal. 


192  FAKNESIANA 

aiiiii  di  servilii  '  io  non  raeriti  di  liaver  qualche  aiigumento,  mu  clie 
com])ensn;in(lo  un  bon  con  l'altro,  clie  lio  da  V.  S.  Ill'"",  io  mi 
dcldiia  contontare  et  portai-  in  ])ati('ntia  l'inconimodo  délia  stantia, 
al  niciHi  fila  iiii  facci  sentir  incoininodd  l'f  danno  in  (iiialelie  altro 
licne  d('  (|iianti  si  dc;;na  di  t'arnii,  et  in  scanibiu  mi  acf'resca  il 
commodo  délia  stantia,  et  cosi  verra  a  servar  la  medesma  quan- 
tita  de  béni,  se  non  in  nnmero,  almeno  in  pondère,  il  quai  re- 
medio,  se  mi  rinscissi'  bene  eon  pit;liar  stantia  à  pijri'mc-  t'uor  di  casa 
di  V.S.  Ill'"",  non  harei  indugiato  taiito  a  t'arlo.  Ma  perche  Tliabitar 
i'uor  di  casa,  f>  in  tutto  o  in  parte,  e  di  molto  maggior  iucommodo, 
resta,  poi  clie  altrameute  non  posso  rimediar  a  questo  mio  bisogno, 
supplicar  V.  S.  Ill""*  a  rimediarce  lei,  il  clie  ella  potra  far  facil- 
raente,  quando  vorra  mostrarsi  patrone  in  casa  sua,  et  far  veder 
a  ogniuno  che  le  stantiae  di  essa  non  son  de  clii  prima  le  occupa, 
ma  de  chi  V.  S.  Ill'"''  per  sua  electione  et  non  per  favor  de  altri 
vorra  che  elle  sieiio.  Prego  Dio  conservit  et  prosperi  V.  S.  111'"-'. 
—   Dévot"'"  et   affettionat"'"  Servo  di  V.  S.  111"^»  —  Matthio  Greco. 

IX. 

Mathif'it    Deraiis  nu,  rardinaJ   Fnrnhe  à  Caprarola, 

111""'  et  R™"  Sig"'  patrone  Col"'". 
Da  certi  giorni  in  qua,  essendomi  io  un  poco  riiiavntn  del  mal 
del  fianco  et  vertigine  che  per  tutto  il  niese  passato  mi  havevano 
molestato,  presi  animo  et  mi  ero  gia  inesso  in  assetto  per  venir- 
mene  k  goder'  la  presentia  di  V.  S.  111""'.  et  le  delitie  et  freschi 
di  Caprarola,  se  ben  ancora  io  non  havessi,   come  anche    non  ho. 


'  Matliieii  serait  donc  entré  au  service  du  cardinal  en  1551  :  cette 
date  concorde  ^  un  an  près  avec  celle  que  donne  P.  Devaris  dans  la 
préface  de  l'ouvrage  de  son  oncle  paru  en  158H,  où  il  parle  des  vingt- 
huit  ans  de  service  de  M.  Devaris. 


LA    BIBLIOTHÈQUE   GRECQUE   DU    CARDINAL  FARNÉSE  193 

fatto  progresse  alcnno  nel  fatto  délia  mia  provisione  délia  libi-aria  ', 
ne  qnanto  al  possesso  et  eonfinnatione  di  essa,  ne  manco  quanto 
al  ritrame  frutto  alouno.  Ma  essendo  poi  arrivato  il  S"""  Tovani ', 
rt  dicendo  che  costi  si  comincia  gia  à  far  apparechio  per  ricever 
il  Papa,  di  qiiesto  altru  niese,  alla  fine  del  quale  la  S.  V.  111""» 
sarà  di  ritorno,  lio  g-iudicato  che  venendo  io  costi,  non  farei  altro 
se  non  occupar'  un  allog^amento  senza  far  servitio  alcuno  à 
V.  S.  111"'",  et  qui  non  haverei  clii  procurasse  il  negotio  di  detta 
mia  provisione,  per  il  qnal  eonto  tengo,  che  s'io  fussi  costi,  che  la 
S.  V.  111™*  mi  concederia  ch'io  me  ne  ritomasse  qui,  et  pertanto 
snpplico  sia  contenta  ch'io  resti  qui,  senza  dar  le  spesa  alcuna.  et 
mi  faci  gratia  commander"  a  M.  Aseanio  Celso  che  adoperi  il  nome 
et  favor  di  V.  S.  111"'-'  appresso  Mons.  del  (TÎglio.  tliesaurier".  et 
appresso  il  Card.  Sirleto,  Iiibliotbecario,  et  altri  con  chi  liisognasse 
per  remettermi  nel  possesso  et  usufrutto  di  detta  provisione,  la 
<iuale  Y.  S.  Ill™-'  mi  ha  da  principio  fatto  haver',  et  sempre  per 
il  passato  rai  vi  ha  mantenuto.  reccordandosi  di  quel  ditto:  Non 
minor  es  virtus  qnam  quaerere  parta  tneri.  Cosi  Dio,  nostro  Sig''*' 
mautenghi  et  conservi  la  S.  V.  111™".  —  Di  Roma,  alli  17  di  hi- 
glio  1572.  —  Di  Vostra  Sig""  111™»  et  R™''  devot™°  et  obligat™'- 
.servo  Matthio  Greco. 

X. 

Supplique  de  Pierre  iJeruris  nu   Pape  [14  juin   1581]. 

S™"  et  Beat™"  Padre 
Pietro  de  Vari,  nepote  de  messer  Mattheo  (ireco,  familiare  pou- 
tificio  et  correttore  délia  libraria  Vaticana,   mancato  hieri  '    dalla 

'  Devaiis  avait  obtenu  de  Pie  IV  en  1562  la  charge  de  correcteur  à  la 
Librairie  du  Vatican  (P.  de  Xolhac,  La  bihh'othèque  de  Ftilvio  Orsini,  p.  30). 

2  II  s""  Thoarre,  familier  du  cardinal:  Rôle  de  la  maison  du  cardi- 
nal, §  III. 

^  Mathieu  Devaris  mourut  le  13  Juin  1581  (P.  de  Xolhac,  La  hi- 
hlioihèqtie  de  Fiilvio  Orsitii.  p.  IfiO.  note  4). 


194  KAKXBSIANA 

))reseiite  vit.i  ion  ((iiattordeci  luo^lii  di  Monti,  otto  délia  Recupe- 
ratione  et  sei  ilcl  seconde  d'Avi^Mione,  che  liavea  nella  sua  persona. 
liavendoiic  prima  che  moresse  rcnuiitiato  li  sei  d'Avigiione  a  esso 
l'ietro  suo  nepote,  et  da  hii  venduti  per  sostentare  esgo  meHser  Mat- 
tlieo  SUD  zio,  con  la  segurtà  délia  sopraviventia  di  quaranta  giorni, 
delli  (juali  ii'è  vissiito  tredeei,  supplica  la  S'"  V.  per  li  nieriti  di 
esso  inesser  Mattlieo,  iiivecchiato  et  morto  al  servitio  délia  Sede 
Apostolica,  et  per  le  fatiche  eli'lia  fatto  et  fa  di  eontinno  esso 
Pietro  per  essa  libraria,  nel  scriver  greeo,  senza  alcuna  piovisione, 
et  sopratutto  per  esser  rimasto  esso  Pietro  povero  con  il  carico  di 
doi  sorelle  et  doi  nepoti,  vedove  poverissime,  che  se  degni  per  gratia 
ad  esso  Pietro  olie  delli  sudetti  14  luoglii  almeno  li  sei  del  se- 
eoudo  d'Avignone,  reniintiati  et  venduti.  corne  è  detto,  restino  ad 
esso  Pietro,  overo  si  degni  la  S.  V.  confirmare  a  esso  Pietro  la 
provisione  camerale  cli'liavca  il  sudetto  messer  Mattlieo,  suo  zio, 
corne  correttore  délia  liliraria  Vaticana,  secondo  elie  V.  R'"'  ha  già 
concpsso  in  voce,  per  parola  deirill""'  signor  Cardiuale  Sirleti,  a 
favore  di  esso  Pietro,  per  la  reniuneratione  délie  sudette  fatiche 
che  esso  Pietro  ha  fatto  et  fa  di  foiitimm  nel  scriver  ureco  per 
essa  libraria,  eome  è  detto,  senza  alcuna  provisione,  et  anco  per 
la  dedicatione  che  esso  Pietro  fa  hora  alla  S.  V.  del  Catachismo 
greeo  et  del  Concilio  Tridentino  tradotti  in  greeo  dal  detto  messer 
Mattheo,  et  di  moltr  altre  sue  opère  greche  degne  d'esser  reposte 
nella  libraria  \"aticana,  per  poter  sostentar  se,  et  le  sudette  sue 
poverissime  parenti.  Che  oltra  che  la  S'"  V.  farà  opéra  conforme 
aU'infinita  pietà  et  liberalità  sua,  esso  oratore  con  tutti  li  suoi 
pregaranno  l'Oniiipoteute  Iddio  per  la  conservatione  et  prospérité  di 
V.  B"''.   Alla  (juale   baeiano  humilissimamente   li   S""   Piedi. 

Au  dos  ;  S.  D.  N. 

Ser  Pietro  de  Vari  Greeo,  nepote 
del  q.  M.  Mattlieo  Greeo 


LA    BIBLIOTllÈCnE    GRECQUE    Dl"    CARDINAL   FARNÉSE  195 

XI. 

Fulrio   Orsiiii  au  cardiiutl  Fdrnrse^  <'i   t'nprarola. 

111™"  et  R»""  S"-  raio  Col'"» 
Diedi  il  S.  Datuasceno  '  al  cardinale  di  Santa  Severina  '  con 
quelli  avvertimenti  clie  V.  S.  111"^"  mi  diede.  Mi  dispiacque  bene 
fhe  "1  libro  fosse  sciolto  et  corroso  nelle  estremità,  essendo  di  piu 
di  700  o  almeno  6  00  d'antiehità.  in  carta  pergameno  di  204  carte, 
libro  venerando  et  pretioso,  si  corne  Tistesso  Car'''  eonobbe  et  heb- 
belo  carissimo.  Ma  non  è  questo  solo  che  hà  bisogrno  del  servitio, 
perche  ne  sono  nella  libraria  di  V.  S.  lll™"  piu  di  cinquanta  pezzi 
de  libri  délia  inedesima  i[ualita,  che  e  una  compassione  a  vederli, 
et  in  specie  quelle  epistole  di  S.  Hieronimo  scritte  in  letere  tna- 
iuscole,  che  vale  ducento  pezzi  d"oro  per  la  sua  bonta,  stà  sciolto 
senza  coverta,  dove  meritaria  con  li  altri  esser  ligato  in  cipresso 
et  coverto  et  risarcito.  Del  che  havend'io  avvertito  V.  S.  111™''  piu 
volte,  ho  voluto  recordarglelo  ancora  in  questa  occasione.  Il  sud- 
detto  S""  Cardinale  fece  vedere  l'indice  de  libri,  quale  io  [Ao]  sot- 
toscritto.  da  Hieronimo  Mercuriale  '  et  fra  Onofrio  ^,  che  me  con- 
segnorno  li  libri  di  V.  S.  111™'',  per  sno  ordine,  pezzo  per  pezzo  et 
in  questa  materia  non  s'ê  trovato  altro.  Ho  coniprate  le  medaglie 
che   V.  S.   III"'''   commanda   per    che   il    mandato    sarria    andato  in 

'  Ce  ms.  n'est  pas  porté  dans  notre  inventaire,  qui  l'ut  fait  peu  après, 
en  1584.  Il  s'agit  du  ms.  de  la  Bibl.  de  Xaples,  II.  B.  16.  de  20.5  folios, 
datant  du  XIIP  siècle,  et  dont  la  reliure  est  semblable  à  celle  des  au- 
tres mss.  du  cardinal,  bien  que  ne  portant  pas  son  écu. 

-  Giulio  Santorio. 

'  Jérôme  Mercuriale,  célèbre  médecin  du  XVI'^  s.,  qui  soigna  le  car- 
dinal à  la  tin  de  sa  vie. 

*  Onofrio  Panvinio.  Voir  sur  lui  l'étude  de  Bonchini  dans  les  Atti 
e  memorie  délie  RR.  DepuUiz.  di  storia  putria  per  le  provincie  Modenesi 
e  Parmensi,  t.  VI  (1872),  p.  207. 


196  FAKNK8IANA 

liin;^!)  pcr  riiidispositioiip  dcl  S''  Ascaiiio  Celso.  Il  vescovo  délia 
Ri|);i,  vicario  di  S.  Oiovaiiiii,  in'liîi  dato  il  nome  d'mi  medico  clie 
(lice  liavei'  pioposto  a  V.  S.  111'"",  clie  si  cliiariia  Da;^anello  Da- 
};'aii{'lli  dala  Maiidola  iicUa  Marca,  etie  liof;fgi  di  legge  in  Marerata, 
condotto  da  (|uclla  coniinunità,  et  \«  prupone  corne  liuonio  di  bontà 
et  fede,  riincttcTidosi  circil  vahu'c  ali'iiifiu'ni.itioiie  clie  V.  S.  111"" 
ne  pigliaià.  Alla  (|nale  io  liiimiliss'"  liacio  le  niani.  —  Da  Roma, 
à  XXX  di  lii;;lio  ir)80.  —  Di  V.  8.  111'""  et  K'""  (.blif,'ati8simo 
servitore   Fiilvio  Oi-Rino. 

Xll. 

yiilr/ij    Orsiiii   II  II    rinrliiial    Fiiriiî'sr. 

U\'""  et  R"'"  S'" 
Con  (|nesta  sera  nn  disegno  '  clie  io  ho  fatto  faie  dell'Iliiipo- 
<iroiTio,  il  quale  tniovo  clie  appresso  Greci  era  ([uello  istesso  elle 
appresso  Romani  il  circo,  donde  Phitarclic  iiilli  Prohlemi  eliiama 
il  circo  Flaminio,  i-7:o'^;oao;  <l>).vi[j.ivio: '"  :  et  il  circo  Coiistantino- 
politano,  quale  lia  la  forma  iatessa  del  circo  Max",  et  ''■  quasi  in- 
tègre, dalli  scrittori  «'•  cliiamato  Hipi>odronio.  Si  clie  ((iiesto  si  puo 
teiiere   per  t'ernio   clie    llipiiodromo   sià   il    nicdcsimo    ciie  Circo.   et 

'  Il  serait  intéressant  de  connaître  le  dessin  de  Fnlvio  Orsini.  Le 
cardinal  avait  fait  graver  une  trentaine  d'années  auparavant  par  Jean 
lieniaidi  de  Oastel  Bolognese  plusieurs  médaillons  de  cristal  pour  la  cas- 
sette qui  est  aujourd'liui  au  musée  de  Naples  (n°  71ô).  Les  dessins  en 
avaient  été  faits  par  Michel  Ange  et  Perino  del  Vaga  ^■a8ari,  éd.  Fi- 
renze,  1880,  t.  V,  p.  373;  cf.  également  lettre  dWiinibal  Caro,  4  fév. 
1540,  dans  Lettcre  del  coin.  A.  Caro  raccoUe  du  H.  liernurdinn  Tomitano 
Opitergino  (1701),  p.  13).  Une  de  ces  intailles  représente  précisément  une 
course  de  chars,  et  porte  cette  devise:  CIRCUS  XOSTEH  ECt'K  ADEST 
POPULI  yoUJPTAS.  Une  autre,  qui  témoigne  de  la  même  recherche 
ai-chéologiciue,  nne  Nanmachie  figui-ant  la  bataille  de  Salamine,  avec  cette 
inscription  grecque:  ZI-l'ZoV  NaVMAXIA  Mi:i  AAH   Mil  a. 

-  Aetia  Romaini. 


LA    BIBLlOTHÉylE   OKECQUE    DU    CARDINAL    FARXÉSE  197 

raolti  de  latini   hanim  iisiirpato  questa  voce  per  Tistosso  cireo,  corne 
Martiale  : 

PulvereiinMiuc   fu;j:;ix    Hippodromon    uiifrula    puisât  '. 

Homero  è  il  primo  scrittore,  appresso  di  clii  sia  noniinato  THip- 
podromo,  del  quale  fà  mentione  nel  XXIII  dell"/.  '",  nelli  gioehi 
ciie   descrive  per  Tesequie  di   Hettore  : 

AÏS    Sî    TOO    ÉxâTïpQîV    Ép-/;pÉ?)5!T7.'.    ^'JO    Aî'jy.w 

Èv   ^'jvo/viT'.v    ô^o'j,  Xc'o;  o'îrrr:oS:o|j.o;   x[j.z,iz. 

N'hanuo  poi  fatta  mentione  li  altri  scrittori.  di  maiio  iu  mano, 
come  Liiciano  nel  Nli/rino  :  y.y.':  -i  Oéarpa,  /.ai  tov  Ir.T.ohooij.'j-i, 
y.v.'.  zi^   T(ôv  r,vio/(>jv   tiy.'j-/v.i. 

E  detto  Hippodronio.  z-o  tz;  i— -oripoy.iz:.  cioé  à  cursu  equo- 
rum,  la  quale  ir.Tzoh ^o'j.iv.  e  detta  da'  Latiui  Liidi  curriles,  cir- 
censes,  cerfameii  eqiiestir....  eguiria,  et  in  altri  raodi,  che  tutti 
corrispondiiuii  alla  i--0'\:oaiz.  délia  quale  tVi  mentione  Tluicydide 
nel  terzo  :  oi  AO/.vvTo;  totî  tov  y.-^'ôy/y.  j— oir.Tav  /.y.'.  ("T&èp&j/.ia;, 
et  Xenophonte  :  rro/'jv  oivo-/  tt'.o'vte;  î—'aijTO'.;,  /.y.':  ir-or^poj/izv 
"oir, 'jzvTô;  ^,   et  Aristophane:   ;7:T:ç.ooo|Ai5:v  ilî-î'. 

Ma  appresso  li  Atlieuiesi  non  solo  il  luogo  dove  si  facevauo  li 
giochi  era  detto  i~—6hiO'j.r>;,  ma  la  festa  ancora  istessa  et  '.t:-o- 
^pôaio;  u.riv,  il  mese  nel  quale  li  giochi  se  celebravano. 

Che  la  forma  del  Hippodromo  fosse  la  istessa  che  quella  del 
Cireo  si  cava  da  raolti  luochi  et  specialmente  da  quelle  che  scrive 
Pietro  Gillio  "  deirHippodromo  o  vero  cireo  de  Constantinopoli.  Credo 
bene  che  appresso  de  Greci  l'Hippodromo  non  servisse  à  tanti  giochi 
a  quali   il  cireo,  et  specialmento   il  Maximo   in  Roma,   dove  si  fa- 

'  Livre  XII,  épigr.  L. 
'  Iliade,  XXIII.  329-330. 
^  Helléniques,  III.  2,  5. 
^  Eirene,  vere  899. 

■''  P.  Gyllii,  De  toporjrafia  Constantinopoleos  et  de  illius  atitiqintati- 
bus  libri  quattwr  (Lyon,  1561). 

itélange»  d'Arch.  et  d'Ilist.  !(«).  13 


198  FARNBSIANA 

ccv;iiio  cinque  gioclii,  ma  serviva  solo  per  il  corso  de  cavalli.  et 
per  le  friostre,  et  per  la  eseieitationc  aiicora  de  ;;iovini.  délia  ((uaie 
|)are   clie   fafcia   iiieiitioiie    \'ir^,'ili(i   nel    \'I1    ihW. Iriifidt' : 
Alite  urbein   pneri  et  primoevo  rtore  iuveutns 
Exci'ceiitur  eqlli^<,  doinitantque  in   pulvere  curriis. 

Kt  er.i  ciiTiinulato  (|iicst(i  llippodromo  iiora  de  niiiri  et  iiora 
de  biissi,  platani  et  eypressi,  nella  forma  clie  lio  detto   del   eiren. 

Che  è  quanto  li<'>  potuto  oavare  dalli  serittori  antichi  iii  (|uest;! 
materia,  non  liavendone  seritto  li  moderni,  et  in  Ronia  non  essendoi 
hoggidi,  rome  V.  .S.  lilnstrissinia  sa,  eon  clii  eonferire  queste  cose. 
Se  non  san'i  quello  fhe  V.  S.  IIl"""  desidera,  la  supplico  ordinarmi 
de  novo  quello  elie  liavrù  da  eereare.  (^on  clie  hiimilissimamente 
le  bacio  le  mani.  —  Ha  Homa.  à  VIII  d'au'ostn  l'iT'!.  —  Ohli- 
gatissimo    servitore  Fui.  Or"". 


II. 

La  iiiaisoii  du  i-artliiiiil   Farnèse  ou  1554. 

Le  <■<  rôle  »  de  la  maison  d'Alexandre  F.irnèse  que  nous  pu 
blions  ci-dessous  se  trouve  à  l'Arcliive  d'état  de  Naples,  dans  la 
section  si  riche  des  Carte  Farnesianr  (fascio  400)  '.  La  date  en 
est  intéressante.  Depuis  l")r>2,  le  cardinal,  après  (pielques  dé- 
mêlés avec  Jules  III  au  sujet  du  duché  de  l'arme  et  un  assez 
long  exil,  était  bien  en  cour.  La  guerre  de  Parme  s'était  terminée 
par  la  victoire  du  roi  de  France,  au  grand  profit  de  la  famille 
Farnèse  remise  en  possession  du  duché  ".  Alexandre,  rentré  en  triom- 

'  Ce  fascio  contient  également  un  rôle  datant  de  la  tin  de  la  vie  du 
cardinal. 

'  Cf.  L.  Roniicr,  I.ea  premiers  reprcseniciiii.<  de  hi  Frauce  au  palais 
J-'arnése  (IbbS),  dans  les  ^féla>l{|es  d'arclu'ologie  et  d'histoire,  t.  XX.XI 
(1!)11),  p.  11. 


LA    MAISON    DU    CARDINAL    FARNK.SE  199 

pliateur  à  Rome,  avait  vu  tout  le  peuple,  abaudoiiuaut  ses  tra- 
vaux, se  porter  an  devant  du  cortège  qui  raccompagnait  au  palais 
<lu  Souverain  Pontife.  A  la  fin  de  cette  même  année,  il  accomplis- 
sait le  voyage  de  France  :  durant  le  long  séjour  qu'il  y  fit,  par 
sou  hal)ileté  comme  par  les  séductions  de  sa  nature,  il  conquérait 
les  ministres  et  les  dames  de  la  cour,  tandis  que  son  frère,  Horace, 
duc  de  Castro,  épousait  Diane  de  France,  la  fille  du  roi.  Il  était 
;Y  l'époque  la  plus  brillante  de  sa  vie  ;  jeune  et  magnifique,  il  voyait 
l'argent  couler  à  Hots  de  ses  nombreux  bénéfices  de  France  et 
d'Italie. 

Cette  liste  de  sa  «  famille  »  donne  l'état  de  sa  maison  à  son 
retour  de  France  '.  Elle  dut  subir  alors  une  réorganisation  dont 
le  rôle,  daté  du  P''  août  1554,  est  en  quelque  sorte  le  compte- 
rendu.  Au  palais  Farnèse,  le  cardinal  Alexandre  était  le  chef  de 
famille,  son  frère  Ranuce,  cardinal  de  Saint-Ange,  n'ayant  alors 
que  vingt-quatre  ans.  Mais  si  certains  personnages,  comme  Fulvio 
Orsini,  comptent  déjà  à  l'effectif  de  sa  maison,  il  semble  qu'ils 
fussent  néanmoins  attachés  plus  spécialement  à  la  personne  de  son 
frère.  On  sait  en  effet  qu'à  cette  date  Fulvio  était  bibliothécaire 
de  Rauuce  '". 

La  «  famille  »  du  cardinal,  sans  compter  vingt  et  une  person- 
nes mortes  après  le  pontificat  de  Paul  III  (1550J,  ne  comprend 
pas  moins  de  188  personnages,  outre  les  serviteurs  qui  leur  sont 
attachés,  ou,   pour  employer  les  termes  du  rôle,  314  bouches^. 

'  Le  caidinal  avait  séjourné  en  Fiance  et  en  Avignon  de  la  fin  de 
l'année  1.552  au  milieu  de  1554;  il  était  rentré  à  Rome  dans  les  premiers 
jours  de  juillet  1554. 

'*•'  P.  (le  Nolhac,  La  bibliothèque  de  F.  Orsini,  p.  9.  Fulvio  ne  devint 
bibliothécaire  d'Alexandre  qu'en  1565,  à  la  mort  de  Ranuce. 

'  Le  total  donné  par  le  rôle  est  quelque  peu  différent.  L'auteur  du 
rôle  a  en  effet  fait  un  décompte,  (jui  nous  semble  fantaisiste,  par  lequel 
il  arrive  au  chiffre  de  305  bouches  (If'*-  liste  184;  2"  liste  50;  3'^  liste  60; 
Titio   3  =  ce  qui  ferait  en  réalité  297). 


200  KARNÏWIANA 

Ce  n'est  point  le  lieu  de  faire  une  étu'le  détaillée  de  chtican 
de  ceux-ei.  On  a  vu  ei-desxiis,  à  propos  de  la  liililiotlièqiie  ^reeque 
du  cardinal,  de  quel  cercli;  iriiumaniBteM  il  était  cntonié  :  «-"est  évidem- 
ment la  partie  la  plus  intéi'esaante  de  sa  eour.  Xkus  ne  pouvons 
mieux  faire,  pour  illustrer  ectte  nomenclature,  que  de  renvoyer  à 
rintéreasante  préface,  dont  Pierre  Devaria  fit  précéder  l'ouvrage  pos- 
thume de  son  oncle,  le  <■;  T,ihn'  de  ffraecae  linipine  finit irnlh  »  '. 
Pierre  Dcvai'is  avait  cmnju  la  cour  du  cardinal  au  tcniips  de  sa 
splend(;ur.  Mais  son  épiti'c  dédicatoire,  évoquant  le  souvenir  de 
celui  qu'il  glorifie,  résonne  pour  nous  comme  un  éloge  funéltre.  tant. 
sa  date  est  rajjprocliée  de  celle  de  sa  mort!  Moins  d'un  an  après, 
en  effet,  le  2  mars  1589,  disparaissait  Alexandre  Farnése.  ce  car- 
dinal qui  avait  eu  la  passion  de  construire  et  qui  voulut  être  en.sc- 
veli  au  Oesù,  qu'il  avait  fondée,  sous  une  simple  dalle  de  porphyre  , . . 
Pierre  Hevaris  ne  peut  s'empêcher,  dans  son  enthousiasme,  d'aj)- 
])eler   le   Palais    un    Parnasse    ou   un   Pinde.   On   y   rencontrait    une 

'  L'oiiviagc  j)anit  à  Home  en  lôSH.  —  On  trouvera  cette  préface 
dans  Legrand,  Tiihiiogiaphii-  lii-Ui''i>i<jiie,  t.  II,  pp.  52-60.  En  voici  un  ex- 
trait: "  Ulii  enini  iiisi  donii  tuae,  Pater  aniplissime  (ut  a  Poetica  inci- 
piam  facultate),  vehit  in  Piiido  aliquo  monte  vol  Parnasso,  Franciscus 
Maria  .Mol'/.a.  Lanicntius  (ianiharus,  Bernardus  ('a)iiiellns.  aliic|.  iieiniulti 
poetac  nostia  aetate  praestantissimi  tloruerunt  ?  Ul)i  iiniqiiani  pluies,  quam 
donii  tnae  aut  eloquentiae  laude,  aut  variarum,  pulcherriuiarnuKi.  renim 
cognitione  praestantes?  Ex  ([uilius  si  Romuluni  Auiasaeuui,  Annilialeni 
('arum,  Carohun  (iualteruceiuui,  Pulvium  Ursinum  (cuius  uientio  nobis 
erit  alias  infra  non  sine  laude  ipsi  débita  facienda^  Guidnni  Lolgium, 
Antonium  Acliuni  Episcopum,  deinde  Polenseui,  alteruni  item  Antoniuni 
Aeliuni  Miiandulanum.  ciui  Cassertae  item  est  postea  praefectus  Episcopus, 
loanncni  Haptistaui  Possevinnui,  Mieronynium  Mercurialeni  nostra  aetate 
niedicuni  celeUeiiiinum:  si  vol  hos,  inquain,  (ut  caetoros  (|uauipluriinos 
taceani),  i)rof'orre  vclim,  nonio,  ut  opinor.  erit,  oii  fuerit  lioruni  eruditio, 
vel  coiisnetudine  fainiliari  nos  possit  vel  teineiitatis  accusare...  ».  Il  cite 
ensuite  Bernardin  Mart'ei  et  Aidinghelli,  Marcel  Cervin  et  Facchinetti 
«  qui  cuni  primuni  Romani  venit  in  fuorum  numéro  doniesticorum  cuni 
siimnia  laude  versatus  est  •  (Matthaeii  Devarii  liber  de  graecne  lingune 
particulis.  Ad  Ale.randnim  P'arnesiuw  Cardinaleiii  S.  Ji.  E.  Vice  caiicel- 
Inrium.  Rouiae,  ap.  Fr.  Zannettum,  1588). 


LA    MAISON   DU   CARDINAL   KARNKSE  201 

])léiade  de  pni-tes,  Benibo,  délia  Casa,  Benedetto  Varclii,  Loreuzi) 
Gunibura,  Giovanni  Francesco  Leone,  Mol/a,  Bernardo  Capello... 
ritis  loin,  il  compare  la  demeure  du  cardinal  à  un  cheval  de  Troie, 
ilos  entrailles  duquel  sortirent  tant  d'évèques  ou  de  cardinaux,  lu- 
mières de  la  République  chrétienne,  et  deux  pontifes,  Marcel  Cer- 
vin  et  Antoine  Facchinetti,  Marcel   II  et  Innocent  IX. 

A  côté  de  lettrés,  la  cour  du  cardinal  Farnése  comptait  tous 
ceux  dont  les  exigences  princières  cherchaient  la  société,  des  ban- 
((uiers,  les  frères  Nasi,  Israélites  florentins  attachés  à  la  banque 
Gadagne  ',  et  chargés  des  affaires  financières  du  cardinal  en  France; 
des  compositeurs  de  musique,  parmi  lesquels  il  est  intéressant  de 
noter  la  présence  d'un  élève  du  maître  flamand  Willaert,  le  limou- 
sin Léonard  Barré  (M.  Leonarclo)  ',  qui  avait  été  chanteur  à  la  cha- 
pelle pontificale  de  1537  A,  1552  et  qui  semble  à  cette  date  avoir 
quitté  le  service  du  pape;  enfin  des  artistes,  tels  le  miniaturiste  Clovio 
(.1/.  Ginlio  miniufore),  Alexandre  Cesati  (Alexandro  greco)^,  et  peut- 
être  le  Primatice  (Il  Boloyna)  \  que  l'on  ne  s'étonnerait  point  d'y 
voir,  lui  qui  a  si  justement  été  défini  «  le  peintre  des  humanistes  »  '". 

Les  fonctions  plus  humbles  de  la  maison  et  de  la  table  sont 
largement  représentées  par  les  siopatori^  scalci  et  sottoscalci,  hotti- 
glieri.  cuoci.  le  trinr/ante  et  le  eredenziero  etc.,  qui  voisinent 
avec  les  officiers  employés  à  la  cour  de  France  et  h  la  légation 
d'Avignon.  Parmi  ceux-ci  notons  le  capitaine  Ugolin  et  le  capitaine 
de  Mornas,  dont  on  retrouve  souvent  le  nom  dans  la  correspondance 
jiolitique  du  cardinal,  M.  de  la  Barthelasse  et  Antoine  de  Gouges 

'  Voir  sur  eux  L.  Romier,  Les  nriijine^  politiiiuefi  des  guerres  de  re- 
ligion. I.  Henri  II  et  l'Italie,  p.  144. 

^  J.  Combarieu,  Histoire  de  la  iiiii,siijiit\  t.  I,  p.  51;?. 

^  Sur  Clovio  et  Cesati  voir  supra  T.  La  hibt.  grecqtie  du  cardinal. 

*  Plusieurs  personnages  fuient  désignés  sou.s  ce  nom,  par  exemple, 
un  charpentier,  (îirolamo  en  1545  (Rodocanachi,  Le  château  Saint-  Ange, 
p.  147);  il  senilde  ipi'il  faille  voir  ici  le  Primatice,  (|u'on  appelait  commu- 
nément ainsi. 

^  L.  Dimier,  Le  Primatice,  p.   106. 


202 


FARNESIANA 


(M.  di  Gufiia),  et  ses  lieutenants  dans  le  conitat  Venaissin,  Jacques- 
Marie  Sala,  représentant  du  léf;at  en  Avignon,  puis  vice-léf^at,  An- 
tonio JaeoiMcllii,  (iio.  Franccsro  Leone,  et  le  bolonais  Gio.  Ant. 
Faochinetti,  li-  l'iitur  Innocent  IX,  ((ue  la  conBance  du  cardinal 
avait  investi  i)ar  deux  fuis  du  vicariat  général  de  son  arclievêehé 
d'Aviirnon  '. 


RÔLE    DE    LA    MAISON    DU    CARDINAL    EN    1554. 


I.   lîotolo  (W  familial  i   presenti    dell'Ill" 
vese.  fatto  qiiesto  di  primo  d'agosfo  1554. 


et  II'""  Car''    Far- 


Mens,  di   Pola 

Mons.  del  Giglio  H.  ;i 

M.  Curtio,  luaggiiirdomii  B.  4 

S.'  abbate  Bufalino  B.  :î 

S.''  (ierinanioo  B.  3 

S.'  Sforza  délia   Torre  H.  4 

Secretaria 

M.  Giuliano  Ardinglielli  B.  :î 

Mons.''  le  Recevidor  B.  ?> 

Mous.''  di   Gugia  B.  J 

M.  Mario  Leone  B.  1 


(  M.  Francesco  Gerardini")  •  (B.  3) 
Camerieri 


Boeche  1  M.  Tlidinaso  Tlioinasi 

B.  4  M.  Pietro  Filippo 

M.  Francesco  Calvi 
Rodnmonte 

M.  Battista  Arrivaben 
M.  Postliumo 
(M.Silvio  Lolli)- 

Anditori 

M.    (iio.    Antonio    Facch 

iietto 
M.  Melrliior  de  Valerii 

Medici 
M.  Gio.  Vincentio 


M.  Ascanio  Celso 

S.''  Fabio  Orsino 

M.  Lorenzo  Amadeis 


B.  S 
B.  2 
B.  2 


CapeUatii 

M.  Bellisario  Maris 
M.  Antoniii  .I;ironit'lli 


B.  2 
B.  2 
B.  2 
B.  2 
P..  2 
B.  2 
(B.  2) 


B.  0 
B.  2 


B.  3 


B.  2 
B.  2 


'  En  15;5r)-t),  et  en  ]548-],ô50.  Il  lut  ilaiit-  la  suite  ('vétiue  de  Boio 
sue,  avant  d'être  éhi  pape  en  1591.  Voii  i-iii-  lui  la  préface  de  P.  De- 
varis,  citée  snprti. 

°  Il  est  i)Oité  aa^^  la  liste  II. 


I.A    MAISON"    DU    CARDINAL    l'ARNÉSE 


203 


M.  Micliele  d:i  Como 
M.  Antonio  Cerrnto 

Portieri 


GenfiUiuoni/»i 

Il  S.  Rodrigo  Raglion 
Mous/  délia  Bertolaccia 
Mons.''  Prevosto  di  San  Pol 
M.  Giulio  délia  Croce 
M.  Faiidosio  Malnipote 
M.  Vincentio  Marcone 
M.  Ginlio  Speranzini 
M.  Giuliano  Celio 
M.  Antico 
M.  Pietro    Pauolo    da   Pi- 

perno 
M.  Pauolo   Lilio 
Cap."  Bartlioloineo 
M.  Benigno  Cacciati 
M.  Alfonso  Alveres  Portu- 

ghese 
M.  Giacovo,    gia     creden- 

ziei'o  B.  2 

La   Valle,   torriero  B.  2 

Virtnos/ 
M.  (;io.  Battista  Siciliano  '  B.  2 

l'fflriali 

M.  Agolaiite.   scalco  B.  3 

Cap."  di  Mornàs  B.  3 

M.  Vincentio,   trinciante  B.  2 

M.  Hieroninio,  eonipotista  B.  3 


B.  2 
B.  2 
B.  2 
B.  2 
B.  2 
B.  1 
B.  1 
I!.  1 
B.  1 

B.  1 
B.  l 
B.  4 
B.  2 

B.  1 


barbieri    B.  2 


M.  Aurelio,    guardarohba    B.  2 
M.    Scipione     Bassanello, 

sottoscalco  B.  2 

M.  Pietro,  spenditoie  B.  2 

M.  Giovanni  Scliertinio,.so- 

prastante  B.  2 

M.  Marcantonio,  armaruoIoB.  ] 
M.  Galeazzo  et 
M.  Bernaz-dino 
M.  Berardino   da    Canine, 

portinaro  B.  1 

Il  Venetiano,  scopator  se- 

fi'eto  B.  1 

Matteo,    scopator    comune 

ajutante  B.  2 

M.  Vittoria  B.  1 

Lavandara  coraune  B.  1 

Gio.  Canathieri  B.  1 

(M.  Marcello  Impo)-        (B.  2) 
(Olivero  Brachieri)^         (B.  l) 

Stalla 

Il  s."'   Pro'^pero,    ca  valle - 

rizzo 
Gian,  baccalaro 
Gian  de  Lilla 
Girardo  famigli 

Marino  di 

Provenzale  stalla 

Gian  Gianni 


B.  3 
B.  1 


B.  fi 


Giardinieri 


Bertino 
Don  Guido 


ïiardinieri     B.  2 


'  A  U  suite  M.  Leonardo  imisico  harré  (il  est  porté  au  §  II). 
-  Il  est  porté  dans  la  liste  II  (Marcello  Impie?). 
^  Même  observation  que  ci  dessus. 


204  KAKNESIANA 

(iiaeoiniiiii   dalle   SpalliiTt- 


«1   prête 


H.  1 


lîarlKiii   (lella  cucina  I!.  1 

M.  l'rolilio,  cuocx)  comiiin'  H.  - 


liolo^'iui   et 
.lecco 


«■edentii-ri    B.  2 


(iiiattari  di  cacina 
Pasticrieri 

Failli 


B.  4 
B.  1 


Ajjiutanti   di   crcden/a 

B. 

■2 

(i\o.  Battista  Piacentino      B. 

1 

I)es}ieiisii 

Marco  Parinigiano 
Francesco  Reale  Spoleti 

B. 

ino  B. 

1 
1 

Claudio,  despensiero 

B. 

1 

Carlo 

B. 

1 

Francesco,  afiiutaiitt'  di 

di- 

Baripiiciiio 

J{.  1 

- 

spensa 

15. 

1 

Lacc/iè 

Jiotliiilirria 

Turs 

B. 

1 

Gallina  et                )  botti- 

B. 

2 

Normando 

B. 

1 

Menico  da  Graduli  1  jil 

iori 

Gianni 

B. 

I 

Agiutante 

B. 

1 

Vasdii   tre 

B. 

•'• 

Canihiii 

l'drnfrenieri 

Valentino  f'anavuo 

B. 

1 

Beriiardo 

B. 

Falzina 

B. 

1 

Alessandro 

B. 

Agiutante 

B. 

1 

Nicco 

B. 

Tiii/'Uo 

Gian  da  Nivella 
Baldassaro 

B. 
B. 

Don  Claudio,  scaico 

B. 

1 

Pauolo,  coceliiero 

B. 

Vincentio,  trineiante 

B. 

1 

Pitigian 

B. 

Fantasia                 a^'iu 

B. 

2 

(Carlino) 

(B.  1)^ 

Pietro  Stagnieri     tauti 

Antonio   Franzesi 

B. 

1 

(Savoia)' 

Mrdattieri 

('iiiitiii 
yi:  Francesco,    cuoco 

se- 

Stetano  |        ... 
,    mulattieri 
.Matteo   1 

B. 

- 

creto 

B. 

1 

L'acquaruolo 

B. 

1 

Pottaggieri 

B. 

•) 

Gianni,   carrattiero 

1!. 

1 

'  Même  observation  c|uc  ci-dessus. 
^  A  la  suite  Vitale  Caniori  B.  1  barré. 
3  Portr-  dans  le  S  II. 


LA    MAISON    DU    CAKOINAI.    l'AUNÈSB 


•2or> 


II.   Jîotolo    de'  fnmiUnri   deiriU.'""  H    li.'""  Jùirnpsp    che    sono 
ridiigio. 


Mous,  tli   Caserta 

S.  Fulvio  Oi'sino 

Conte  Pauolo  Vogadro 

S.  Eucherio 

M.  Aniiibal  Caro 

M.  Francesco  Girardini 

-M.  Fabio  Beninbene 

M.  Estor  Paliotti 

M.  Marcello  Impio 

M.  Marcello  Gargano 

M.  Silvio  LoUi 

M.  Giacomo  da  Perugia 

M.  Gio.  Maria  da  Milauo 


B. 

4 

M.  Augelo   Perozzi 

B. 

•l 

B. 

4 

M.  Gio.  Greco,  serittore 

B. 

•> 

B. 

3 

M.  Leonardo,   miisico 

B. 

2 

B. 

4 

M.  Alessandro  Greco 

B. 

2 

B. 

2 

M.  Giiilio,  miniatore 

B. 

o 

B. 

2 

M.  Ettore,  organista 

B. 

1 

B. 

2 

M.  Angelo  Voglia 

B. 

a 

B. 

2 

Oiiviero  Bracchiero 

B. 

1 

B. 

2 

M.  Guglielmo,  maestro  di 

B. 

2 

stalla 

B. 

•> 

B. 

o 

Giovanni  da  Savoia 

P.. 

1 

B. 

2 

Cari  i  no 

B. 

1 

B. 

1 

M.  Fabricio,  dentici 

P.. 

2 

III.  BoioJo  de'  famiUari  ubsenti  che  possono  re>iir'   rolendo. 


Mous.  Tliolomei 

Mous,  di   Bitonto 

Mons.  di  Sala 

M.  Bernardo  Cappello 

M.  Gio.  Fraucesco  Leoni 

M.  Alessandro  Guaruelli 

M.  Marcello  Alfauo 

M.  Scipione  Bozzuto 

Conte  Oiiviero 

M.  Baccio  Nasi 

M.  Fi'ancesco  Nasi 

M.  Gio.    Battista     Rotolo, 

capellano 
M.  Pietro  Cania 
M.  Francesco  Davila 
M.  Nicole  Seghizza 
M.  Lorenso  Bologna 


B. 

4 

M.  Antonio  Amidano 

B. 

2 

B. 

4 

M.  Andréa  Portughese 

B. 

1 

B. 

4 

M.  Gio.  Andréa  da  Sutri 

B. 

o 

B. 

3 

'W..  Oratio  Baglione 

B. 

1 

B. 

2 

M.  Antonio  Piaden 

B. 

1 

B. 

1 

J[.  Kemigio,  niedico 

B. 

3 

B. 

2 

M.  Gio.  Battista   Vitale 

B. 

2 

B. 

2 

M.  Cesare  Villano 

B. 

2 

B. 

2 

M.  Francesco  Frabaccio 

B. 

2 

B. 

2 

M.  Pasquino,  gnardarobba  B. 

1 

B. 

2 

M.  Hieronimo,  despensiero  B. 

1 

M.  Giannes,  bottigliero 

B. 

1 

B. 

2 

Il  cavalier  Gambaro 

B. 

o 

B. 

2 

Il  S.'   Thoarre 

B. 

•) 

B. 

2 

Agostino 

B. 

1 

B. 

2 

II  Bologna 

B. 

1 

B. 

2 

Nicolo,  scopator  secreto 

B. 

1 

20fi 


FAnSESIANA 


Modraiio  1!.  1 

•Corsetto  li.  1 

M.  Matteo  Greco  15.  2 

}i\.   Pietro  Greco,  suo   iii- 

pote  r>.  1 


M.  Giiido  I.olli.  s(>;,'n'tario  li.  2 
M.  l'r.iiieesco  Cappello         V>.  1 


Molossi 
limrhi 


IV'.  Fumiliuri  (Ml'IU.'""  et  It.'""  Farnesi;  <iiii  morti  dop/io 
lu  mi/rtr  delhi  fflicf  iin'm.  di  Pauolo  PI'.  11/  '  siiio  a  questo  d'i 
primo  d'iiflos/o   M  1)1.1 1  [  I . 


Mons.  Jovio 

Romolo  Amaseo 

Conte  Campeggio 

Cavalier  Ugolino 

S.''  Gio.  Antonio  Carrafa 

Don  Camillo 

Il  provo.sto   Hoianlo 

11.  Ottavlano  Secolio 

M.  Gandolfo  (la  Modena 

M.  Perino,  sonatore 

M.  Gio.  Antonio  Pelliceia 


M.  Spadaccino 

Giannino  da  Castro 

Simon  CavadarOv 

M.°  Xegrino   et   | 

M.°  C'eechino       ) 

Gio.  >[aria 

liassano 

Moretto  Caniellai'o 

Ronii 

Lopes 


cuochi 


V.   M.  Titiii,  maestro  di   casa  Roeclie  3. 

(Archive  d'ét.Tt  de  N.TpIes.   l'arma  ri   It'im/i.  taseio  400). 

{A  suivre). 

Fernand  Benoit. 


'  Paul  111  mouint  le   10  novembre  1550. 


CORRECTION 
À  EPHEMERIS  EPIGRAPHfCA,  VIII,  n.  632 


Dans  le  Musée  Municipal  de  Terraeine  figure  une  dédicace  isiaque 
dont  la  lecture  peut  donner  lieu  à  quelques  restitutions.  Il  s'agit 
d'un  autel  en  marl)re  de  0"',S8  de  liauteur  et  de  0"',43  de  lar- 
geur. La  forme  en  est  très  banale:  le  cippe  proprement  dit  repose 
sur  une  base  moulurée  et  supporte  une  tablette  également  ornée 
de  moulures.  Sur  les  faces  latérales  sont  représentés  :  à  droite,  une 
/xitera,  à  gauche,  un  urreiis.  Sur  la  face  antérieure  figure  une 
inscription  qui  a  été  publiée  déjà  dans  VEjifiemeris  Epigraphim  ' 
sous  la  forme  suivante  : 

ISI    RESTIT,K. 
L  •  TERENTIVS 

STEPHANVS 

AVG    ARAS    ET 

5.       ORO     VM  •  PEG 

«lA-SVA-D-D-ET 

/'  /'  /  /  /  ■  '  E  X  •  P  • 
D 

Isi(di)  restitidri(ci)  |  L(Hcius)  Tercntius  \  Stephanus  ]  Aug(ustalis) 
aras  et  \  Oro\Jo<jtl^um  pec(tt)  |  (n)ia  sifa  dionum)  diedit)  et...  ] 
ex  p(?) ...  I  d. 

'  Eph.  Epiitr..  VIII,  p.  Iô6,  n.  632. 


208  CORRECTION 

La  lecture  orologium  k  la  cinqui('-Die  ligne  de  riiiscription  est 
une  restitution  de  MommBen.  De  prime  abord  elle  parait  difficile- 
ment acceptable,  sinon  pour  le  sens,  du  moin»  à  cause  de  l'impos- 
sibilitc  de  faire  tenir  les  deux  syllabe»  lotji  que  Mommsen  rétablit, 
dans  l'intervalle  laissé  en  blanc  par  les  éditeurs  de  VEjJinnetis 
Epigrupliica  entre   oro  et   nm. 

Un  examen  attentif  de  rinsiriiitiim,  cxaincii  fait  sut-  l'aiitcl 
lui-même  et,  à  cause  des  conditions  défectueuses  où  il  se  trouve 
])lacé,  poursuivi  sur  un  estempage,  permet  de  lire  à  la  ligne  .'>  :  DRO 
au  lieu  de  ORO  et  de  rétablir  un  M  dans  la  lacune,  vi-  qui  donne 
DROMVM. 

La  ligne  7  de  l'inscription  dans  {' Kplinneiis  ne  correspond  en 
aucune  façim  à  la  réalité.  Une  ligne  entière  a  été  supprimée  que 
nous  essaierons,  dans  la  mesure  où  le  texte  nous  le  permi-ttra,  de 
rétablir. 

Les  lignes  7  et  8  dans  VEphemeris  donnent  des  fragments  très 
incomplets  de  la  ligne  8  de  l'original  et  celui-ci  offre  en  outre  une 
ligne   9  qui  a  disparu  complètement  dans  l'édition. 

Les  quatre  premières  lignes  de  l'inscription,  très  nettement  conser- 
vées sur  l'autel  et  de  fort  bonne  gravure  d'ailleurs,  en  lettres  de 
44  mm.  de  haut,  ne  présentent  aucune  difficulté  et  il   faut  bien  lire  : 

Isi(di)  restitutri(ci)  \  L(ucius)  Terentius  \  ^tephaniis  \  AïKiotstaVisl 
(iras  et . . .  | 

La  cinquième  ligne  toute  mutilée  permet  de  lire  néanmoins  le 
mot:  dnininm.  Nous  reviendrons  tout  à  l'heure  sur  l'interprétation 
de  notre  texte.   Pour  le  moment,   il  nous  suffit  de  l'établir. 

La  cinquième  ligne  se  termine  par  :  pecu ...  et  il  n'est  pas  besoin 
comme  le  font  les  éditeurs  de  VEphemeris  de  rétablir  Vu,  qui  figure 
sur  l'inscription,  mais  de  dimension  réduite  et  à  l'intérieur  du  C. 

La  sixième  ligne  donne  la  fin  du  mot  précédent...  itin.  L'// 
])eut  se  lire   bien   que  fort  endommagé,  puis  «m   lit:  sua.  d.d.  et . . . 


A    EPHEMERIS   BPIGRAPHICA,    VIII.  N.  632  209 

La  septième  ligne  qui  disparait  dans  V Kphemeris  et  la  huitième 
mal  reproduite  sont  cependant  fort  suggestives.  Les  voici  telles 
qu'elles  peuvent  être  lues  sur  l'inscription  : 

AI  \0     1  I  S   ITAR. 
SER  EX  D  •  D  • 

Le  mauvais  état  de  la  pierre  qui  est  profondément  engravée 
ne  permet  pas  d'en  lire  davantage.  Une  restitution  n'est  possible 
que  par  une  interprétation  du  texte.  POSER  est  mis  évidemment 
pour  posueijnnti,  la  chute  de  Vx  voyelle  devant  une  autre  voyelle 
étant  un  phénomène  assez,  courant  pour  qu'il  n'y  ait  pas  lieu  de 
supposer  une  erreur  du  lapicide.  Ce  pluriel  {posuerunt)  nous  oblige 
à  chercher  dans  la  ligne  7  la  mention  d'un  sujet  autre  que  L.  Te- 
rentius  Stephanus  et  qui,  au  pluriel  lui-même,  ou  bien  se  joignant 
à  Terentius  puisse  justitier  le  pluriel  du  verbe.  Nous  avons  été 
conduits  ainsi  à  lire  sous  les  lettres  et  fragments  de  la  ligne  7  : 
Al  \G  1  1  S  le  mot  ANXOR.\TES  qui  nous  évoque  la  population 
d'Anxur  recevant  le  don  de  Terentius  et  en  prenant  possession  par 
un  acte  officiel,  car  la  ligne  8  se  termine  par  :  EX  •  D  •  D  ■  rx 
diecreto)  d(ecHrioHum). 

L'inscription  pourrait  s'arrêter  là  et  ce  fut  sans  doute  l'avis 
des  éditeurs  de  VEphemeiis  qui  ne  donnent  à  leur  huitième  ligne 
qu'un  D  emprunté  sans  aucun  doute  à  la  ligne  précédente.  En  réa- 
lité sur  l'autel  figure  une  neuvième  ligne,  très  mutilée,  de  gravure 
mauvaise  au  surplus,  et  dont  la  lecture  est  conjecturale.  La  voici 
telle  qu'elle  se  présente  à  l'examen  : 

ET   POS'^       VM 

POS  est  certain   par  une   lecture  directe.  L'espace  qui   suit  et  qui 
peut  renfermer  trois  lettres  est.  inallieuieusement,  très  abimé.  Après 


210  riiKUEC-noN 

1"8,  il  subsiste  une  liarrc  liorizoïitalo,  reste  d'un  T  (  ?).  VM  est  sur. 
Nous  pro|)osons  de  cuniijli'tcr  comme  ceci  le  mot  mutilé:  P08TICVM, 
et  rinscrlptioii   se   présenterait  ainsi  ; 

ISI      RESTITtk, 
L     TERENTIVS 

STEPHANVS 
AVG-ARASET 
DROMVM  PEG 
NIA  SVA  D  •  D  •  ET 
Al-lXOrcHES  ITAR, 
SER  EX  D  •  D  • 

ET    POSTicVM 

Isi((li)  Ilesfitntrifci}  L(iicins) Terentius \  Stephanus \  AiifK  iistnlii-/ 
aras  H  \  dromuni  pecu  j  nia  sua  d(onum)  d(edit)  et  |  Anrorutcs 
ita  po  I  s\u]er(t(nt)  r.r  d(ecreto)  d(ecw-ionum)  |  et  pos[tir\»)n. 

Le  sens  général  du  texte  est  riair:  il  s'agit  du  don  fait  à  Isis 
Hestitutrix  de  difTérents  objets  ou  éditices.  don  accomi)li  par  un 
particulier  et  dont  tonte  la  cité  doit  profiter.  Il  n'est  donc  pas  im- 
possible de  voir  là,  étant  donné  le  titre  d'Augustalis  que  porte  le 
d(mateur,  une  de  ces  générosités  auxquelles  étaieut  soumis  les  per- 
sonnages nommes  Augustalcs.  Kn  plus  de  la  somme  honoraire  fixée 
d'avance  et  que  payait  le  nouveau  membre  de  la  corporation,  il 
n'était  pas  rare,  que  par  une  générosité  spontanée,  ou,  au  besoin, 
provoquée  par  ses  concitoyens,  petente  populo  ',  il  ne  fit  construire 
des  édifices  d'utilité  publique  ou  d'agrément,  ou  bien  ne  fit  procéder 
à  des  distributions  de  vin,  de  gâteaux,  à  des  jeux.  Comme  la  plupart 
des   Augustales,   L.   Terentius  Steplianus  est   un   at^'ranclii   et   il  est 

'  C.  I.L..  Il,  2100. 


A    EPHEMERIS    EPIGRAPHICA,    VIII,  N.  t)32  -Jl  1 

possible  de  voir  en  lui  un  (le  ces  affranchis  grecs  qui,  sous  remiiire, 
s'étaient  enrichis  dans  le  commerce  ou  l'industrie.  Sous  la  forme 
latine  du  coynomen  Stephauus  se  dissimule  mal  un  nom  grec  et 
c'est,  sans  doute,  par  un  affranchissement  que  ce  Stephanos  est  entré 
dans  la  gens  Tercntia.  Le  fait  même  qu'il  est  Augustalis  est  une 
preuve  de  plus  de  sa  qualité  d'affranchi.  Ces  fonctions  n'étaient-clles 
pas  recherchées  surtout  par  cette  catégorie  de  gens  actifs,  entre- 
prenants, laborieux  qui,  écartés  des  honneurs  municipaux,  pouvaient 
grâce  à  elles,  eft'acer  dans  une  certaine  mesure  le  déshonneur  d'être 
sortir  des  rangs  des  esclaves?  L'accès  au  collège  des  Augnstales 
ne  représentait-il  pas,  selon  une  inscription  d'Espagne,  les  plus  hauts 
honneurs  auxquels  peut  atteindre  un  affranchi  .^  '  Et  il  n'est  pas 
sans  intérêt  de  remarquer  que  L.  Tereutius  est  sans  doute  un  grec 
d'origine,  car  dans  une  certaine  mesure,  cela  nous  éclaircira  sur 
la  nature  du  don  qu'il  a  fait  à  ses  concitoyens.  L.  Terentius,  est-il 
dit,  sur  l'inscription,  fait  don  à  Isis  d'autels  et  d'uu  droiinis.  Le 
mot  ne  se  rencontre  pas  en  latin  et  parait  bien  transcrit  directe- 
ment d;i  grec  opdao;.  Epigrapliiquement  on  rencontre  dromi,  mais 
dans  une  inscription  de  Tibur  que  Jlomrasen,  à  très  juste  titre 
semble-t-il,  range  parmi  ses  apocryphes.  Il  y  est  fait  mention  d'un 
priitHrator  dromi.  Mais  si  dromus  n'existe  pas,  Inqiudromus  se  trouve 
chez  Pline  -  et  chez  Sidoine  '  où  le  sens  n'est  pas  douteux  de  pro- 
menade couverte.  Le  sens  du  mot  grec  ^^<j[j.ot  peut  d'ailleurs  nous 
éclairer.  Etymologiquement  ripoy.o;  signifie  :  lieu  où  l'on  court,  et 
il  est  pris  fréquemment  dans  ce  sens  chez  les  poètes  \  C'est  la  piste 
où  s'élancent  les  chars,  où  s'entraînent  les  coureurs  et,  d'après 
Tite-Live  '.  il  y  avait  à  Sparte  un  diviiios  qui   était  une  sorte  de 

'   ('.  /.  L.,  II.  1944.   «  Omnibus   lionoiilius  i|iios    libertini   geieie  po- 
tuerunt  honoratus  ». 
^  Pline,  .0,  ep.  6. 
'  Sidoine,  2,  cp.  2. 

*  Homère,  Odyssée,  1\.  605.  —  Sopliocle,  Electre,  713. 

*  Tite  Live,  XXXIV,  27. 


•2\-2  COKKKtTION 

terrain  de  maïKPuvres.  Clic/,  lus  pi'o.sateurs,  et  en  partioiilier  che/. 
riatoii  ',  '^soy.o;  aif^nifie  sini])lement  lieu  de  promenade  et,  pour  dé- 
«ij^iicr  une  promenade  eouverte,  c'est-à-dire  un  /iii/jorlro)iii<s.  l'iaton 
emploie  l'expression  /.y.TZCTîyov  h^'jij.c-i  '.  Mais  il  y  a  mieux  :  dé- 
<-rivant  les  anciens  temples  de  TEf^j-pte,  Strabon  écrit  :  «  A  l'entrée 
<le  l'enceinte  sacrée  se  trouve  une  avenue  pavée  en  pierre,  large 
-d'un  plêtlire  environ  et  plutôt  moins  que  plus,  et  trois  ou  quatre 
t'ois  plus  lonfiue  et  même  quelipicfois  davantage.  On  appelle  cette 
.ivenup  le  «  dromos  ».  Comme  dit  Callimaque  :  «  C'est  le  dromim  sacré 
<rAnuliiK  ».  .\vec  des  dimensions  variables,  ce  dromos,  dit  encore 
•Strabon,  se  retrouve  dans  tons  les  temples  égyptiens  »  '.  t^n'y  a-t-il 
<lonc  de  surprenant  à  ce  (|u'Hn  édifice  consacré  à  Isis  conserve  le 
nom  .sous  lequel  il  était  connu  dans  le  pays  d'origine  de  la  divinité  ? 
Parlant  grec  en  latin  Steplianns  a  offert  à  la  divinité  égyptienne 
un  dronnis.  c'est-à-dire  une  avenue,  peut-être  pavée,  qui.  de  même 
i|ue  le  droniiis  d'Iliéro]i(dis  était  liordé  de  sphinx  ',  était  peut-être 
Iwrdée  d'autels  (aras  et  drmnum),  et  sur  laquelle  un  des  rites  prin- 
cipaux du  culte  isiaque,  les  processions.  i)ouvait  se  dérouler:  C'était 
le  •")  mars,  la  procession  du  luuighim  Isidis  dont  .Apulée  nous  donne 
une  si  jolie  description  il:ins  le  XI'  livre  des  Métamorphoses''  et  qui 
fêtait  solennellement  l'onvertiirc  de  la  mer.  C'étaient  aussi  du  1  "2 
.111    14   novembre  les  l'êtes  de  l;i  Passion  et  de  l'Invention   d'Osiris, 

'  Platon,   TheeMe,  p.  144.  G. 

'  Platon,  Kltthi/dcme,  27;i.  A.  «  Iv.usXeivT;;  Si  -iiar.oizii-r.-i  iv  7w  y.n-a- 
n-:i^(ù  ôpi;J.M,  /.ai   jj^id   tîÛtû)   Ô'J't,    tsïÎ;   ôp5[ji.s'j;   ■nifn'i.rX-Ai-ï   r.i-r.i  >. 

^  Strabon,  XVIII,  C.  î^Oii.  Les  diinensions  indiquées  ici  représentent 
:îO  mètres  de  largeur  environ  et  90  mètres  de  longueur.  «  KaTà  zrri  slopîXrv 
-:r,^  «t;  ri  Tc'u.sv5;  XiOÔTrpwTo'v  trj-zi'f  ;oaooç,  ~>.ctTs;  u.h  55Sv  r).£'iptaT6'<  r.  xat 
IXaTTS'',  y.rxî;  ôi  -/.ai  Tpî^rXâc.sv  xai  TSTpaitXoic.s'*,  éotw  5:rîu  xaî  y.:T!^5'i'  xaXstTai 
ii  Tsùro  Spo,v.5:,  /.»9i::  =  p   Ka>.f.i;AO-/_5;    ■îpr./.îi    «  ô  Spjiis;   ispi;  sÎts;  '.\-<îJëiSo;  ». 

Le  dromos  du  Sérapeion  de  Délos  a  été  décrit  par  Pierre  Roussel,  Lts 
t-ultes  cgypiiewt  à  D'-lns,  Nancy,  1916,  p.  51.  Cf.  les  mentions  du  dromos 
dans  l'épigrapliie  délienne.  ibid.,  p.  222. 

*  Strabon,  loc.  rit 

^  Apulée.  .Vflitm..  XI,  1-7  et   IS  .'iO. 


A    KI'HEMERl.S    EPIGRAPHICA,    VIII,  X.  6:^2  213 

OÙ,  (le  nouveau,  les  isiaques  se  livraieut  à  des  manifestations  d'abord 
funèlires,  puis  éclatantes  d'allégresse  '.  Quoi  qu'il  en  soit,  que  nous 
adoptions  le  sens  de  promenade  publique  ou  d'espace  en  quelque 
sorte  consacré,  entourant  des  autels  ou  bordé  par  eux,  il  nous  est 
bien  difficile,  par  la  simple  lecture  de  cette  inscription  de  nous 
faire  nue  idée  de  la  magnificence  du  don  fait  à  la  ville  de  Ter- 
racine  par  Terentius  Stephanus.  Ce  présent  devait  avoir  cependant 
une  certaine  importance  si,  du  moins,  nous  en  jugeons  par  les  mots 
qui  marquent  la  prise  de  possession  par  la  ville:  «  Les  Anxorates 
les  ont  établis  ainsi  (les  autels  et  le  dromusi  par  décret  des  dé- 
dirions ». 

Jlais  plus  encore  que  la  formule  qui,  somme  toute,  est  banale 
et  qui  n'a  d'autre  intérêt  que  de  nons  prouver  que  la  générosité 
du  donateur  s'adresse  à  l'ensemble  de  ses  concitoyens  et  que  Vordo 
decurionum  a  accepté  le  don  après  délibération,  ee  qui  est  digne 
de  remarque,  c'est  le  nom  sous  lequel  sont  désignés  les  habitants  : 
Anxorates,  les  liabitants  d'Anxur.  C'est  la  première  fois  que  se  ren- 
contre sur  un  document  épigraphique  ou  dans  un  texte  historique 
le  nom  d'Anxorates  pour  désigner  les  habitants  de  Terracine,  de 
l'antique  cité  des  Volsques,  Anxur,  de  la  Colonia  Anxurnas  de  la 
République  '.  Anxurnas,  chez  Tite-Live  ^,  Anxurus,  chez  Virgile  *, 
qui  est  l'épithète  de  Jupiter,  Axoranus  (Ti.  Claudius  Axoranus)  sur 
l'inscription  des  colons  de  Terracine  '',  telles  sont  les  formes  con- 
nues. L'ethnique  Anxoras  est  cependant  formé  très  régulièrement 
sur  Anxur,  ou  mieux  sur  "Ayçwp,  le  nom  grec  de  Terracine  ",  si 

'  Pour  tout  ce  qui  concerne  le  culte  d'Isis,  je  me  suis  inspiré  de 
l'ouvrage  de  M.  Lafaye  sur  le  Culte  des  divinités  Ale.randrines  hors  de 
VEfiypte  et  de  l'excellent  article  donné  par  le  même  auteur  dans  le 
TUctionnaire  des  Antiqtntés  de  Dareinherg  et  Saglio,  v.  Isis. 

-  La  Blanchère,   Terracine.  Essai  d'histoire  locale,  di.  IV,  p.  45. 

3  Tite-Live,'  XXVU,  38.  4. 

*  Virgile,  Enéide,  7,  799. 

5  C.  I.  L.,  X,  633L 

'  Diodore  de  Sicile.  14,  16,  5. 

Mélatigeg  d'Arch.  et  d'Hint.  19-23.  14 


211  CnUKECTlON 

])lu.s  simplement  encore  on   ne   veut  pa8  admettre  une  confusion  «i 
fréquente   en   épigrapiiie   entre  O  et  V^,  qui   de  Saturnina  fait  Sa- 
toi'iiina  et   Canoleins  de  Canuleius.  Et  Ii-k  deux   liypothèses  se   iiré 
si*ntent    ou    d'un    nom    formé  ;'i  la  grecque,  ce  qui   confirmerait  ce 
(|ue  iKHirt  disiiiMS  i)récédemnieiit  à   propos  de  dromus,  un   liien  d'uni' 
affectation  d'archaïsme  qui   redonnait  aux  Terraciniens  de  l'époque 
impériale  le  nom  de   leurs  ancêtres  Volsques.  (Quelle  que  soit  Thypo- 
tlièse  adojttée,  il  est  intéressant  de  rencontrer  l'existence  d'une  forme 
d'ethnique   en    us,   atis,  formée  directement  8ur  le  radical   Anxur, 
comme  Ardeas  était  formé  sur  Ardée,  Antias,  sur  Antium,  et  cela 
l)ourrait  eoutiroK  r  une  leiMui   de   Madwif;  dans  le  texte  de  Tite  Live 
où   il  est  questidu   du   iieuple  d'Anxur  '.  Les  éditions  de  Tite-Live 
donnent  jjour  la  piuiiart:  a  Via  die  ad  Senatum  hi  populi  vencrunt. 
Ostiensis,   Alsiensis,    Antias,    Anxurnas,  etc......    Madwig  adopte 

Anxuras  en  signalant  que  Anxurnas  est  la  le(;on  des  manuscrits  les 
plus  récents.  Notre  exemiile  épigraphi((ue  pourrait  lui  donner  raison. 
C'est  en  tout  cas,  la  première  inscription  de  l'époque  impériale  où 
figure  le  nom  d'Anxur,  qui  partout  ailleurs  a  disparu  remplacé  par 
Tarracina  ou  mieux  Tarricina  '. 

Notre  texte,  une  fois  rétabli,  n'offrait  pas  jus(iu"ici  de,  diflicultés 
insurmoutahles,  et  permettait  des  interprétations  somme  toute  peu 
aventureuses.  Nous  n'oserions  pas  en  dire  autant  de  la  fin  de  l'ins- 
cription et  c'est  .sous  toutes  réserves  que  nous  proposons  une  in- 
terprétation  du  mot  (|ue  nous  avons  cru   pouvoir  rétalilir. 

Nous  voulons  parler  de  la  neuvième  ligne  de  l'inscription  où 
nous  lisons:  ef  pos\tir\nM. 

Il  seiulde  tout  d'abord  que  cela  ait  été  ajouté  après  couj),  l.i 
fiumule  e.i  docreto  decurionym  terminant  très  normalement  la 
donation  et  l'installation  des  uras  et  du  dnimns.  Il  semble  (juc  la 
gr.ivure  soit   moins  bonne  i|ue   dans  le  reste  de  l'inseription  et  les 

'   Tite-l.ive,  loc.  cit. 
'   ],a  Blanchèic.  op.  ctl. 


À    EPHBMERIS   EPIGRAPHICA,   VIII,  S.  632  215 

lettres  en  tout  cas  sont  plus  petites.  Mais  eu  supposant  que  ce  soit 
uue  mention  ajoutée  après  coup,  de  quoi  peut-il  s'agir?  Postkum  ' 
signifie  :  ce  qui  est  en  retrait,  dans  la  partie  postérieure  d'un  édifice. 
De  là,  chez  Horace  "  le  sens  de  porte  de  derrière.  Par  extension, 
posticum  a  signifié  les  chambres  situées  en  retrait  dans  la  maison, 
à  l'écart,  et  enfin,  chez  Lucilius  ',  il  a  pris  le  sens  de  latrines, 
comme  nous  voyons  chez  Montaigne  *  le  mot  «  retrait  »  prendre  cette 
signification  et  en  italien  le  mot  «  cesse  ».  Pourrait-on  supposer 
alors  que  dans  le  voisinage  du  dromiis,  Terentius  a  fait  construire 
des  latrines  publiques? 

Si  étrange  que  cela  puisse  paraître  au  premier  abord  nous 
irions  même  jusqu'à  dire  que  dans  l'inscription  elle-même  se 
trouve  une  indication  en  faveur  de  cette  hypothèse.  Elle  nous  est 
fournie  par  la  divinité  à  qui  Terentius  fait  sa  dédicace:  Isis  Resti- 
tutrix. 

Isis  est  par  excellence  la  divinité  bienfaisante  qui  écarte  des 
liommes,  lorsqu'ils  mettent  en  elle  leur  confiance,  le  mal  physique 
et  le  mal  moral.  Pour  cette  raison  elle  est  la  Déesse  de  la  Sauté, 
et  reçoit  en  grec  les  épithètes  de  cùzti^x,  é— "^/.oo:,  en  latin  sospi 
fatriT.  reslitufri.r  salutis,  ou  comme  dans  l'inscription  qui  nous 
occupe  restitufiir  tout  court,  c'est-à-dire,  Isis  ([ui  redonne  la  santé, 
qui  rétablit  le  malade  '•'.  Or,  il  se  trouve  que  cette  épithète  de 
restitufrir  a  été  jointe  aussi  à  la  Fortune  ',  avec  qui  Isis,  surtout 
.sous  l'Empire,  a  été  très  souvent  identifiée,  lorsque  la  Fortune,  sou- 
veraine dispensatrice  des  biens  de  ce  monde  est  devenue  l'objet  d'un 
culte   universel.    L'identification   fut    si    étroite   qu'il    se    créa    une 

'  Vitruve,  3,  1. 

*  Horace,  Ep.  I,  5,  31.  Atria  servantem  postico  falle  clientem. 
'  Lucilius,  Satir.  reliquia,  éd.  Millier,  liv.  VIII,  frag.  IX. 

*  Montaigne,  Estais,  I,  249.  III,  289. 

^  Cf.  en  particulier  Eph.  ep.,  VII,  1194.  A  Ostie,  une  dédicace  à  Isis 
♦  reginae  restitutrici  salutis  meae  ». 

'^  Xothie  degli  Scavi,  1888,  p.  391.  J)eaf  Fortunae  restifufriei... 


216  CORRECTION 

aorte  de  divinité  mixte,  ayant  les  attributH  de  l'une  et  do  l'antre 
et  appelée   Isis-Tyche,  ou   mieux   Isi-Tj'che  '. 

La  Fortune,  comme  Isis,  a,  entre  autres  rôles,  eelui  de  rendre 
la  santé  ou  du  moins  de  veiller  au  bien-être  physique  de  ses  ado- 
rateurs. Aussi  bien  la  voyons-nous  parfois  honorée  sous  des  formes 
et  en  des  places  qui  ne  sont  pas  sans  nous  surprendre.  Nous  voulons 
faire  allusion  ici  à  la  dédicace  à  la  Fortune  qui  se  trouve  à  Ostie 
dans  le  . . .  posticum  de  la  caserne  des  Vij,'iles.  M.  J.  Carcopino,  dans 
un  article  du  Journal  des  Savants  (année  1911,  p.  45())  relatant 
la  découverte  de  cet  ex-voto  ;\  la  Fortune  8:iinte  a  montré  qne 
le  passage  de  Clément  d'Alexandrie  on  il  est  dit  (pie  «  les  Ro- 
mains placent  la  Fortune,  qu'il  considèrent  comme  une  déesse 
très  puissante,  dans  les  latrines,  qu'ils  consacrent  à  la  déesse  comme 
un  temple  digne  d'elle  »  ".  doit  être  interprété  de  la  façon  la  plus 
littérale.  Le  même  fait  semble  se  dissimuler  sous  la  ])hrase  de 
Pline  l'Ancien:  «  toto  (luijipe  niundn  et  omuilius  locis . . .  Fortuna 
invoeatur  »  ^.  Qu'y  a-t-il  donc  d'étrange  à  voir  placer  sous  l'invo- 
cation d'une  Isis  ayant  les  attributs,  les  épithètcs,  les  prérogatives  de 
la  Fortune  et  dans  le  voisinage  de  ses  autels,  un  édifice  lui  aussi 
consacré  à  cette  divinité   et   (|ui    ne    paraissait  pas  indigne  d'elle'/  * 

'  C.  I.  L.,  XIV,  2864.  liulktin  de  Correspondance  hellénique,  1882, 
p.  339,  n.  43. 

■  Clément  d'Alexandrie,  Proireptieun,  IV,  51,  1  :  Pw«.a;oi  Si  -à  «.•'■jtoTi 
z.aTspSwjiaTa  Tr  Tiiyri  àvaT'.ftï'vTe;  /.ai  -aùziti  lAîf  ioTr.v  ei9u.£vi>i  ôsiv,  cpî'poiTî;  si; 
TJN   -/.ovpùia  àiiiir,y.ai  aÙTri,  à^io'»  vsùv  tov  àasàfSta  vsiu.a'fTE;  ■zf,  6îw. 

■'  Pline,  H.  N.,  II,  22. 

*  La  place  du  mot  2'osiicutii  dans  riuscrii)tion,  où  il  fi-jure  comme 
ajouté  après  coup,  ainsi  ((uc  la  gravure  jjhis  mauvaise,  les  lettres  plus 
petites  et  irrègiilières  jioMrraient  faire  interpréter  posticuvi  comme  une 
inscription  injurieuse  gravée  par  un  contempteur  d'Isis.  Sorte  de  graffito 
écrit  dans  les  mêmes  sentiments  qui  inspiraient  Clément  d'Alexandrie.  Ce 
serait  alors  une  insulte  à  la  divinité  à  iiui  l'on  offrirait  à  coté  d'autels 
et  d'édifices  en  quelque  sorte  liturgiques,  un  autel  d'un  autre  genre,  mais 
([ui  répondait  :\  ses  prérogatives...  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  convienne 
(le  s'arrêter  à  cette  solution,  mais  encore  avons-nous  juge  nécessaire  de 
l'envisager. 


À    BPHBMBRIS   BPIGRAPHICA,    VIII,  N.  632  217 

«  A  Isis  qui  redonne  la  santé,  Lucius  Tereutius  Steplianus,  Au- 
gustalis,  a  fait  don,  à  ses  frais,  d'autels  et  d'un  dromus  et  les 
Anxorates  les  ont  ainsi  établis  par  un  décret  des  décurions  —  et 
aussi  des  latrines  ». 

Telle  est  la  traduction  que  nous  proposons  de  l'inscription  que 
nous  venons  d'étudier.  On  peut  la  dater  approximativement  de  la 
fin  du  P"^  siècle  ou  du  début  du  IV,  c'est-à-dire  d'une  époque  oîi. 
d'une  part,  le  culte  d'Isis  se  répand  dans  l'Empire  et  où  Isis  joue 
à  elle  seule  le  rôle  des  principales  déesses  du  paganisme,  où  d'autre 
part,  Terracine  est  dans  sa  plus  belle  période.  C'est  l'époque,  à 
Terracine,  des  grands  travaux,  des  embellissements  et  des  construc- 
tions utiles  :  à  côté  des  temples,  des  basiliques,  des  théâtres,  on 
construit  le  Port.  C'est,  sans  doute,  à  ce  moment  que  L.  Terentius 
offre  à  sa  ville  l'ensemble  d'édifices  dont  le  souvenir  épigrapLiquc 
.seul  nous  est  parvenu.  Peut-être  un  jour,  s'il  est  possible  de  re- 
pérer l'emplacement  où  a  été  trouvée  cette  dédicace,  des  archéo- 
logues exhumeront-ils  des  vestiges  du  dromos  d'Isis.  Qu'il  nous  suffise 
de  l'avoir  rétablie  dans  sa  forme  primitive  et  d'avoir  essayé  de 
montrer  l'intérêt  qu'elle  présente  et  qui,  par  les  particularités 
qu'elle  renferme,  m'a  paru  dépasser  celui  d'un  banal  ex-voto. 

Louis  Leschi. 


QUELQUES  ITALIENS  D'AVIGNON 
AU  XTV^^  SIÈCLE 


II. 
Naddino  de  Prato  médecin  de  la  cour  pontilicale. 

Maître  Naddino  di  Aldobrandino  Bovattieri  n'est  pas  tout  à  fait 
inconnu,  car  Marini,  dans  son  ouvrage  sur  les  médecins  de  la  cour 
pontificale,  le  cite  au  nombre  de  ceux  dont  s'entourait  Clément  VII  '. 
Les  archives  de  Datini  conservent  de  lui  une  quarantaine  de  lettres 
qui  permettent  d'esquisser  sa  biographie  ".  En  1385  il  exerçait 
déjà  la  médecine  à  Prato  ^;  il  était  marié  et  père  de  jeunes  en- 
fants. Sa  femme,  Donna  Antonia  tenait  une  boutique,  mais  nous 
ne  savons  ce  qu'elle  vendait  ;  en  tous  cas,  ce  devait  être  une  source 
de  revenus  précieuse  pour  le  ménage  dont  la  situation  ne  parait 
pas  avoir  été  florissante  ^  C'est  sans  doute  ce  qui  le  détermina  à 

'  «  Oltie  il  Tornamira,  ed  il  Pozoli  stipendio  Clémente  VII  altri  me- 
dici  cioe  Pietio  Folquete  negli  anni  1:^93,  e  Nandino,  o  Nadine  da  Prato 
(che  pin  sotte  sentirem  chiamarsi  Naidino  da  Firenze)  cui  alli  16  di 
agosto  di  quest'anno  fuiono  dati  100  fiorini,  ôO  agli  11  di  iiiarzo  1394  it> 
deductionem  300  flnrenor.  auri  pro  stipendio  annuo  pro  anno  presenti  i>i- 
cepto  die  prima  martit,  e  aldi  20  di  luglio,  altri  ^0»,  Marini,  Degli  archia- 
tri  pontificii^  Roma,  1784,  t.  I,  p.  103. 

'  Cnrtef/gio  familiare  e  privato  di  Fraiicesco  di  Marco  Datini,  car- 
tella  VI.  Déjà  signalées  par  G.  Livi,  DaU'archirio  di  F.  Datini...,  Flo- 
rence, 1910. 

'  Lettre  du  9  juin  1385  adressée  à  Datini  qui  lui  a  demande  son 
avis  sur  un  bain  qu'un  certain  messer  Piero  lui  a  conseillé. 

*  Naddino  était  d'une  famille  de  commerçants,  son  frère  Baldello 
était  marchand;  nous  le  voyons  passer  à  Avignon,  avec  ses  compagnons 


220  (JIJF,I,QrK.S    ITAI.IKSS    D'AVIONON    AU    XIV*-  SIÈCLE 

tenter  fortune  à  l'étniii^'er.  Avignon  était,  à  ce  moment,  iiu  centie 
d'attraction  très  imissant,  mais  coml)ien  surtout  pour  les  gens  de 
l'rato  qui  avaient  vu  leur  compatriote  Franccsco  Datini  y  acquérir 
si  rapidement  riciiesse  et  considération.  Une  occasion  se  présenta 
l)oiir  notre  médecin  de  faire  le  voyage  dans  d'excellentes  condi- 
tions. La  commune  de  Florence  avait  décidé  d'envoyer  en  France 
une  ambassade  pour  négocier  un  mariage  entre  la  fille  de  la  reine 
Marguerite,  veuve  de  Ciiarles  de  Duras,  et  le  Jeune  Louis  d'Anjou  '  ; 
Philippe  Corsini  ',  célèl)re  jurisconsulte,  ami  de  Francesco,  était 
au  nombre  des  amitassadeurs  ^,  c'est  vraisemblablement  lui  qui  pro- 
mit a  Naddino  une  recommandation  pour  son  frère,  le  cardinal  de 
Florence  ■*,  résidant  aloi-s  à  Avignon.  Il  partit  donc  laissant  à  Prato 
femme  et  enfants. 

L'ambassade  quitta  Florence  le  26  septembre:  le  .')  octobre  elle 
entrait  à  Pavie  : 

«  Venimoci  Venardi  sera  a  di  cin(iue  d'Otobre.  sani  e  salvi 
tutti,  lodato  Idio,  e  qui  stemo  tre  o  quatro  di;  non  .siamo  pas- 
sati  ne  passeremo  a  Melano  iupero  lae  v'e  un  poco  di  mortal- 
lita. ..  »  ■'. 

Le  voyage  se  faisait  dans  de  bonnes  conditions  : 

«  in  pero  faciamo  buona  vita  e  ordinata,  el  caminare  faciamo  ada- 
gio ». 

au  déliut  lie  l'année  1380  —  Son  beau  frère,  l'iero  del  maestro  Jacopo 
était  également  «  buon  lagioniere  e  buono  scriptore  »  ;  il  avait  fait  son 
apprentissage  chez  Piero  di  Filippo  à  Gênes,  puis,  dans  cette  même  ville, 
chez  Ginciozzo  de  Kicci.  Dans  une  lettre  du  15  mai  l."58t),  Xaddino  le 
recommande  à  Datini  qui  cherchait  un  employé. 

'  Voy.  Minerbetti,  dans  Tartini,  lier.  Ital.  Scripturcs,  t.  Il,  col.  11.!. 

»  Negri,  Scritt.  Fiorent.  (1722),  p.  171. 

'  Diario  d'anonimo  fiorentino,  dans  les  Documeiili  di  storia  italia)ui, 
vol.  VI,  p.  4(i6-7. 

*  Pierre  Corsini,  de  Florence,  évêque  de  Florence,  cardinal  du  titre 
de  Port«  et  S'^'  Kufinc  (Baluze,  Vit.  pap.  aven.,  t.  I,  col.  1040  1052). 

5  Lettre  du  8  oet.  Vim. 


QUELQUES    ITALIENS    u'AVlliSON    AU    XIV»-  SIÈCLE  â'21 

Notre  médecin   il  est  vnii  n'avait  ciiià  se  louer  de  sa  monture  : 

«  el  ronzino   insino  a  qui   m'a  fatto  buoii    servigio ...   in    tutta    la 
brigata  nonn'e  ronzino  clie  meglio  passeggi  cli'el  mio...»  '. 

Dans  cet  équipage,  Naddino  arriva  à  Avignon  le  mercredi 
24  octobre  1386.  Son  premier  soin  fut  d'aller  voir  le  cardinal  de 
Florence  qui   le  reçut  avec  bienveillance  : 

«  L'altra  di  vieitai  iiostro  singnore  raesser  lo  papa  e  videmi  molto 
volentieri,  e  cosi  messer  di  Cosenza  *  e  messer  di  Napoli  '  tuo; 
non  credo  aquesti  di  andare  a  Santo  Antonio  ^  perche  astetto  in 
prima  aconciare  certe  mie  cose  e  vestirmi  al  modo  e  all'usanza  di 
qua  ch'e  tucta  strana  dalla  nostra  '  », 

Naddino  n'était  pas  encore  installé  et  logeait  dans  la  boutique 
de  Jacopo  di  Nero.  L'exercice  de  son  art  le  conduisit  à  Sorgues 
où  se  trouvaient  les  ambassadeurs  florentins  : 

«  Qiiesta  mattina  di  Santa  Lucia  "  fanno  questi  ambascidori  da 
Firenze  um  bel  desiuare  al  capitano  e  al  castellano  di  qnesto  castello 
e  altri  assai,  e  io  sono  stato  qui  con  loro  per  certi  bisougni  duo  di . . . 
Iscritta   in  fretta  al  ponte  a  Sorga  "  la  matina  di  Santa   Lucia  ...  ». 

Naddino  faisait  de  rapides  progrès  dans  les  bonnes  grâces  de 
ses  bienfaiteurs  et  sa  clientèle  augmentait  de  jour  eu  jour: 

«  Sono  da  poi  ocorsi  casi  d'infermità  lequali  auti  aile  muni, 
lodato  ne  sia  sempre   Idio,  di   tutti   n'abbiamo  auti   honore  :  et  gio- 

'  Lettre  du  8  cet.  1386. 

^  Nicolas  Biancaccio,  archevêque  de  Coseuza,  caidinal  évêiiue  du 
titre  d'Albano  (Baluze,  t.  I,  col.  1256-60). 

^  Thomas  AinmaDati,  de  Pistoie,  archevêque  de  Naples,  cardinal  du 
titre  de  S"^  Praxède  (Baluze,  t.  I,  col.  1337-9)  —  C'était  un  ami  de  Da- 
tini  ainsi  ipie  son  frère  Boniface  dont  les  archives  de  Prato  conservent 
quelques  lettres  (Carteg.  fam.  e  prirato,  carteUa  V). 

*  Saint-Antoine,  commune  de  l'Isle-Sur-La-Sorgue  (Vaucluse). 

^  Lettre  du  26  oct,  1386. 

''  13  décembre. 

"  Sorgues,  Vaucluse,  arrond.'  d'Avignon. 


'2-ii  QUEUjiEs  iTAr.iBN.s  o'avionok  au  xiv-  siècle 

vi'di  mattina  manxiai  coii  cardiiialo  d'Amieiise  ',  coii  certi  altri  me- 
(lici,  e  fu  in  sua  pre.senza  certa  collatione  délia  quale  assai  piacqiii 
al  cardinale,  in  tanto  olie  mi  eliiamo  da  parte  anzi  io  partisai,  e 
lircgonimi  io  il  vicitasse  due  volte  la  septimana  e  fosse  suo  me- 
<lico;  egli  e  potente  e  saviu  c  ricclio  e  spero  dallui  avère  assai 
utile  e  honore  *  '". 

Tous  ces  succès  rencourageaii'ut  à  s'étalilir  à  Avignon,  aussi 
di's  le  (l(!'l)iit  de  l'année  \'-\X~  deniandct  il  (lu'ini  lui  envoie  diverses 
affaires  en  deux   paquets,  dans  l'un  on   mettra  certaines  étoffes: 

«  eioe  la  mia  cioppa  scarlatta  el  niio  mantello  mescolato,  cioe  ta- 
liario,  e  quelli  panni  lini  l'Autonia  vuole  mandare,  e  tovaglie  e 
tcnziiida   picliole,   come  ad   voi   pare  »  : 

<lans  l'autre,   tous  ses  livres: 

<<  e  fatti  dare  al  maestro  (iiovanni  di  Haiidiiccio  '  uiio  lihro  ebessi 
rhiama  il  viatico  e  le  chiose  di  Glierardo  cremonese  *  sopresso,  e 
certi  quaderni  di  libri  picholi  di  Galieno  ch'egli  a  di  raia  niano. 
Apresso  dilli  clic  faccia  reudere  iiiiclli  li1)ii  ch'io  prestai  a  maestro 
Matteo . . . 

Io  mandai  a  l'Antunia  por  Guido  i  bottuni  de  mei  panni  e  cosi 
nno  scanipoletto  '  di   panno   |)er  uno  capuccio ...  » ''. 

Mais  ce  ne  sont  pas  seulement  des  vêtements  et  des  livres  qu'il 
réclame,  ce  sont   aussi    des    nouvelles.  Tous  ceux   qui  l'entourent, 

'  Jean  de  la  Grange,  bénédictin,  évêque  d'Amiens,  cardinal  évêque 
(le  Fiascati  (Baluze.  t.  I,  col.  11,04-70  et  col.  14Ô8-60). 

'  Lettre  du  7  janvier  1387. 

^  Médecin  de  Pr.ato  ainsi  que  son  fils  Bandino  [Curt.  fam.  e  prir., 
cartella  VIII,  lettres  de   1390  à  1401). 

*  Gérard  de  Crémone,  né  prés  de  cette  ville  eu  1114,  traducteur  d'ou- 
\rage8  arabes.  Voy.  Bonconipagni,  Delhi  vita  e  délie  opère  di  Gherardo 
cremonese...  dans  Atti  nuovi  IJncei  (1850-1),  t.  IV. 

^  Diminutif  de  scampolo,  coupon. 

''  Un  peu  plus  tard  il  se  plaint  de  n'avoir  rien  rei;u  '  e  avendo  auti 
i  libri  are  fatto  alcuno  bell'atto  scicntitico  che  marcbbe  fatto  honore...  » 
(Lettre  du  30  mai  1387). 


QUELQUES    ITALIENS   d'aVIGNON    AU    XIV  SIÈCLE  223 

les  prélats,  les  seigneurs  de  la  cour  pontificale  sont  friands  de 
savoir  ce  qui  se  passe  à  Florence  et  il  recommande  à  ses  corres- 
pondants de  l'en   informer: 

«  E  perche  uso  assai  con  monsingnore  e  cou  altri  singnori  di 
t|ua  e  vegio  molto  si  dilictono  d'udire  novelle  di  costa,  arei  charo 
<luando  mi  scrivi  ne  scrivessi  alcuna  volta  délie  cose  che  ocorrono 
in  nostro  paese,  specialniente  a  Firenze,  come  di  tracte  di  priori, 
Il  eleccione  d'ambasciate,  o  di  quelli  cherici  da  Genova  o  da  Luca 
sieno,  0  gente  d'armi  vi  sia,  o  d'altra  novita  vi  fosse,  con  que 
inodi  honesti  che  saprai  ;  son  cose  non  costano  e  viensi  in  lor  ma- 
gior  gracia  per  lo   piacere  ne   prendono  »  '. 

D'ailleurs,  par  réciprocité,  notre  médecin  s'efforce  d'envoyer, 
lui  aussi,  les  nouvelles  du  jour  mais  par  un  souci  professionnel 
assez  compréhensible,  il  s'intéresse  surtout  à  l'état  sanitaire  de  la 
ville  et  aux  répercussions  possibles  sur  son  métier;  tels  sont  les 
détails  qu'il  donne  sur  l'épidémie  qui  sévit  :'i  Avignon  au  prin- 
temps de   1387  : 

«  Apresso  monsingnore  e  stato  infreddato  molto,  e  con  febre  con- 
tinua molti  di.,  XIIII.  d.  XV.,  ora  e  ben  guarito  e  cosi  chiaro  come 
fosse  mai  ;  in  somma  tutti  i  cardinal!  qui  infermarono,  e  per  la 
septimana  santa  il  papa  si  trovo  all'uficio  cou  pochi  acompagnato. 
In  nostra  casa  qua  tutti  sono  stati  bene,  excepto,  un  faneiullo  ch'a 
nome  Salimbeue ...  ». 

Les  bonnes  nouvelles  que  le  médecin  envoyait  à  ses  amis  don- 
nèrent envie  à  uu  de  .ses  confrères  de  venir  le  rejoindre.  Aussitôt 
Naddino  envoya  une  lettre  tout  à  fait  décourageante  ;  il  n'y  avait 
plus  d'emploi  disponible,  la  vie  était  hors  de  prix,  les  clients  exi- 
geaient des  chirurgiens  ou  pour  le  moins  des  docteurs  en  physique. 
Lui  même  se  tuait  de  travail  pour  pouvoir  lutter  honorablement 
avec  tous  les    savants  qui    l'entouraient.  Le  tableau    est   amusant, 

'  Lettre  du  21  janvier  1887  adressée  à  Monte  d'Andréa  à  Prato. 


224  QUBUiUES    ITALIENS    I/aVIONON    Ai:    XIV-  SIÈCLE 

cncorf  que  la  fraiiite  de  la  confiirreiice   ne    soit  pas    étrangère    à 
Sun   inspiration  : 

«  Al  maestro  Giovanni  '  dirai  per  mia  parte  clie  qui  ora  \»-r 
Tarte  sua  i  guadaiigni  son  piclioli,  el  più  del  arte  délia  cirugia 
si  fa  per  barbieri,  e  acci  alcuno  cerusico  ben  sufiiciente  in  srientia 
o  in  ])i'atica,  e  non  fanno  uientc  e  queironore  o  pagamento  si  fa 
allui  clie  a  uno  barbiere.  Apresso  le  spese  ora  ci  sono  cliarissime  ; 
o  peiisato  sopra  suoi  fatti,  e  non  so  vedere,  die  venguendo  a  sue 
spese,  e  stando  assu  spese,  eve  riesclia  essere  qua  aconcio  in  casa 
per  meno  di  fier.  ce.  solio  per  me  che  l'o  provato.  Con  questi  sin- 
gnori,  non  vegio  modo  aconciarlo  in  perô  che  que  che  sono  po- 
tenti  son  forniti  ;  e  apresso  vogliono  dottori  in  fisica  :  tutto  giorno 
prengono  questioni,  o  in  raedicina  o  in  filosofîa,  e  so  ben  com'el 
fatto  va,  che  io  ch'o  pur  vedute  délie  cose,  se  non  fosse  il  grande 
studio  chio  fo  di  di  e  di  notte,  non  mi  potre  scharmire  "  dalloro. 
Non  dimeno,  egli  e  savio,  e  da  me  ara  quelle  aiuto  che  dee  fare 
l'un   fratello  a  l'altro  ». 

Naddiiio  cepoiulant  songeait  à  revenir  faire  un  séjour  :'i  Prato  : 
il  avait  re(;u  la  nouvelle  de  la  mort  de  sa  mère  ■*  et  désirait  ré- 
gler une  succession  assez  embrouillée,  mais  ses  afTaires  prenaient 
à  Avignon  une  tournure  si  favorable  qu'il  craignait,  en  s'absentant, 
d'en  compromettre  les  résultats.  Un  à  un  les  cardinaux  influents 
le  prenaient  à  leur  service  avec  d'autres  médecins  du  pape  : 

«  Mon  singnor  d'Amiense  l'altro  giorno  mi  .mando  fior.  30.  Mes- 
ser  di  Raveuna  ^  ra"a  preso  per  8U0  medico  e  null'altro  vuole, 
corne  ch'ora  sia  ito  a  Pavia,  al  conte,  insieme  col  conte  di  Gi- 
nevra  :  uiesser  di  Cosenza,  ch'e  un  singnore  da  molto,  e  que  sti 
qui   m'a  preso  per  suo  medico   per  alchuno  caso  ch'adivenne  a  Baf- 

'  Giovanni  Banduceio,  de  Prato.  Voy.  p.  222,  note  3. 
'  Schermire,  tenue  d'eserime. 
'  Lettre  du  30  mai  1387. 

*  Pileo  de  Prata,  archevêque  de  Haveniie,  cardinal  piètre  de  Sainte 
Prisque  (Baluze,  t.  I,  col.  1359-63). 


IJIIELQITBS    ITALIENS    d'aVIGXON    AU    XIV  SIÈCLE  225 

filo  '  9110  fratello.  Il  cardinale  di  Pietramala  ■,  s'aspetta  aquesti  di, 
e  credo  governare  l'ostallo  suo,  corne  il  siio  camarlingo  m'a  detto 
per  sua  parte.  Credo  far  bene  a  tempo . . . 

«  0  grande  voglia  di  venire  di  costa  non  per  8tare,  ma  per 
vedere  i  parenti  e  gli  amici  e  ordinare  i  miei  fatti,  e  poi  menarne 
di  qua  l'Antonia  e  le  fanciuUe.  Or  del  venire  ora  sono  da  tucti 
amici  sconsiglato  per  lo  sviamento  '  de  Tarte  mia,  e  pella  spesa 
del  venire,  e  per  la  donna  clie  in  queato  tempo  non  guadagnerebbe 
niente,  ma  perderebbensi  due,  tre  o  quatro  mesi  più  utili  dellanno  ; 
et  per  tanto  se  per  te  costa  si  potesse  satisfare  aquello  e  di  bi- 
songno  ne  miei  facti,  non  passerei  a  costa  qnesto  anno. 

Come  tu  sai  i'  sono  stato  duo  verni  sanza  la  donna  e  la  fami- 
glia ...  in  pero  io  sto  maie  e  malcontento  sanza  lei,  e  ella  sanza 
me,   non  tanto  per  aver  figliiioli.  de  quali   o  pocha  voglia  »  ^ 

Pendant  ce  temps  sa  femme  était  dans  la  gène  la  plus  complète 
et  ne  songeait  qu'à  venir  le  rejoindre.  Peut-être  aussi  prêtait-elle 
l'oreille  aux  bruits  que  faisaient  courir  maître  Giovanni  Banduccio 
qui,  mécontent  du  peu  d'encouragement  reçu  de  sou  confrère  avi- 
gnonnais,  se  vengeait  eu  prêtant  au  mari  absent  une  conduite  moins 
que  rocommandable  : 

«  Da  poi  la  sera  di  Sabato  Santo  essendo  a  conlatione  cou  mon- 
singnore  ricevi  una  tua  lettera  e  un  altra  del  maestro  Giovanni  e 
fu  quella  del  maestro  Giovanni  tanto  disonesta,  e  turbomi  si  forte 
cli'io  credetti  la  mattina  délia  Pasclia  non  comunicarrai  come  aveva 
deliberato,  poi  pur  mi  vinsi  e  comunicami,  lodato  ne  sia  sempre 
Idiol...  Io  mi  meraviglio  clie  tu  monstri  dubitare  délia  favola 
cbetti  disse  il  maestro  Giovanni,  non  sia  vera,  che  tu  mi  scrivi, 
se  fosse  cosi  voi  fareste  inale.  Io  non  credo  che  fosse  mai  alcuno 

'  Il  fut  sous  Benoit  XIII  niarêolial  de  l'église  romaine.  Voy.  Baluze, 
t.  I,  col.  12fi0. 

'  Galeotto  Tarlati  de  Pietramala,  créé  cardinal  de  S'  Georges  in 
Velabro  par  Urbain  VI  en  l.i}78:  ayant  quitté  son  parti,  il  fut  nommé 
cardinal  du  même  titre  par  Clément  VII  en  1387  (Baluze,  t.  I,  col.  1363-4). 

'  Interruption,  dérangement. 

*  Lettre  du  21  mars  1388. 


226  QUEi.gi'ES  ITALIENS  i/avi(;non  au  xivk  siècle 

sanza  la  donna  sua,  clie  vivesse  più  honestamcnte  di  me  e  più 
casto,  cosi  porebbe  essere  ma  più  no;  non  feniina  teni  ne  tengo. 
ne  fo  cosa  d'avere  figlinoli  ne  el)l)i  mai  ne  aro  figliuoli  senon  délia 
mia  donna,  se  I)io  ci  dea  tanta  f^ratia  che  noi  possiamo  vivere 
insieme:  or  di  questo  non  euro  in  pero  cholla  hiiona  vita  fa  \ni- 
ffiardo  ehi   parla  maie  ». 

Ce  ((ui  diminuait  la  valeur  de  ces  protestations  indignées  c'est 
(|ue  dans  la  même  lettre,  le  mari  insistait  pour  démontrer  combien 
le  moment  était  mal  clioisi  pour  voyager  ;  sur  mer,  la  piraterie, 
l'insécurité  absolue  ',  sur  les  chemins  de  terre,  les  incursions  d'hom- 
mes d'armes,  la  guerre  encore  '.  Décidément  il  valait  mieux  at- 
tendre des  jours  plus  paisibles.  Ses  lettres  ne  nous  apportent  désor- 
mais que  des  protestations  du  désir  de  revoir  sa  patrie  et  sa  fa- 
mille, mais  de  plus  en  plus  ses  intérêts  le  retiennent  en  Provence. 
ses  protecteurs  lui  laissent  même  espérer  sa  prochaine  nomination 
comme  médecin  du   pape: 

«  Questi  di  e  venuto  il  cardinale  di  Valentia  ^,  il  quai'  e  gran 
signore  e  di  sangue  reale,  perè  che  l'avolo  fn  re  di  Raona  '  e  la 
madré  fu  serochia  del  re  Roberto  e  di  Santo  Lodovico  ^  ed  a  di 
rondita  più  di  quaranta  milia  fiorini,  ed  e  stato  e  anchora  e  questo 
di  in  casa  di  monsignore,  perch'anno  insieme  particulare  amicitia. 
e    non    li    e    anchora    assegnata    livrea.    Egli    m"a   preso    per   suo 


'  <  E  pare  ch'el  mare  da  qui  a  Pisa  sia  ora  mal  sicuro;  aquesti  di 
una  galca  da  Niza,  si  diee  di  Madama  .Margherita,  venue  insin  dentro  al 
Rodano...»   (Lettre  du  H  avril  1388). 

'  C'est  l'époque  du  passage  des  bandes  de  Bernard  de  la  Salle  en 
Toscane  (Minerbetti,  dans  7i.  I.  S.,  t.  II.  col.  158).  —  Naddino  lui-même 
signale  que  la  guerre  sévit  dans  le  Piémont  entre  .lean  Galéas  Visconti 
et  le  seigneur  de  Padoue. 

^  Jacques  d'Aragon,  évoque  de  Valence,  cardinal  du  titre  de  Saint 
Clément  (Voy.  Antonio,  Bibl.  Hisp.   Vet,  t.  II,  p.  177). 

*  Jacques  II  roi  d'Aragon. 

^  Il  y  a  ici  une  étrange  confusion,  c'est  la  femme  de  Jacques  II, 
Blanche,  qui  fut  sunir  de  Saint  Louis  évêque  de  Toulose  et  de  Robert, 
roi  de  Naples. 


IH'ELQUES    ITALIENS   D  AVIC.XON    Al'    XI V^  SIECLE  22 ( 

medico,  ed  o  iiiferrao  di  gotte.  ni'  "1  pusso  ccm  mio  honore  la- 
sciare,  potrebbomi  tare  assai  di  lieiif,  ikhi  in",!  anrliora  deputato 
salaro  ». 

«  Adpresso  il  cardinale  di  Spagna  aflue^^ti  di  m'a  assai  com- 
fortato  io  faccia  venire  la  donna,  e  sVlia  viene,  dicie  io  non  du- 
biti  délie  spese,  in  pero  che  vuole  fornirmi  in  casa  di  provisione 
di  pane  e  vino  e  leugna,  or  tueto  questo  cerclio  mectere  in  saldo 
e  prendere  lieenzia  dalloro  per  tre  inesi . . . 

Lodato  Idio  jo  mi  veggio  tncto  giorno  procedere  inanzi,  ed  e 
stata  fatta  al  papa  buona  relaeione  di  me  per  aqiiesti  signori  e  per 
altri  prelati  assai,  in  modo  cli'io  spero.  se  oliaso  interviene  alcuno, 
essere  chiamato  tra  suoi  medici  »  '. 

«...  leri  in  sulla  terza  mori  il  luion  singnore  del  cardinale 
d'Albano  ^,  il  quale  era  molto  anticlio,  fu  vicitato  da  me  e  due 
medici  del  papa.  Vise  iufernio  octo  di.  c  en  tanta  patiencia  e  di- 
vocione  mori,  cli'io  non  dnbito  cli'eire  santo  in  paradiso.  Tucto 
Vignone  gli  corre  a  casa  per  divotione  e  non  si  possono  guardare 
i  panni  che  ave  in  dosso  per  ch'ongni  persona  n'en  vuole  qualche 
poco  per  reliqua;  e  dicesi  ch'ier"  sera  inluraino  subito  uno  ch'era 
stato  X  anni  eiecho  ;  e  stamane  si  fa  la  sepultura  eun  tanta  devo- 
tione  del  populo  che  non  vedesti   mai   siniile  »  ^. 

!Notre  médecin  obtint  enfin  de  ses  protecteurs  l'autorisation  de 
s'absenter,  ce  fut  pour  accompagner  en  Italie  le  cardinal  de  Ra- 
venne  que  Clément  VIT  avait  nommé  légat  le  4  mai  1389  ■*.  Le 
17  juillet  il  arrivait  à  Prato  mais  il  n'y  fit  qu'un  séjour  de  quel- 
ques mois  et  ne  jugea  pas  utile,  cette  fuis  encore,  d'emmener  sa 
femme  ni  ses  enfants.  Fidèle  à  ses  habitudes  il  chercha  le  moyen 
de  ne  pas  faire  seul  le  chemin  du  retour.  Une  ligue  venait  pré- 
cisément d'être  conclue    à  Pise    entre    .lean    Galéas    et  un  certain 

'  Lettre  du  24  janvier  1389. 

^  Auglic  de  Grimoard,  né  à  Grizac  (Lozère)  en  1320,  frère  d'Ur- 
bain V,  cardinal  évêque  d'Albano  (Voy.  .\\ha.nbs.  Famille  de  Grimoard: 
et   Baluze,  t.  I,  col.  982  et  993-.Ô). 

3  Lettre  du  16  avril  1.389. 

*  Baluze,  t.  I,  col.  1363. 


•22S  (iUELg|-Kfl    ITAI.IKN.S    D'aVKJNON    AT    XIVe  SIÈCLE 

iiombi-e  de  villes  italicniirs  '  ;  le-*  Florentins,  ayant  appris  que  le 
comte  (le  Vertu  s'apprêtait  à  rompre  ses  engagements,  envoyè- 
rent au  rni  (11-  l-"iance,  ]pnur  lui  demander  du  secours,  une  ambas- 
sade dans  la(|uelle  liguraieiit  l'Iiilippe  Corsini  '  et  Matteo  di  Ja- 
copo  Arri^lii.  Une  partie  des  ambassadeurs  s'embarquèrent  à  Gê- 
nes, les  autres,  suivis  de  Naddino,  continuèrent  par  la  voie  de 
terre  '  :  ils  ne  tardèrent  pas  à  tomber  entre  les  mains  d'un  allié 
lie   .Ican   (ialéas,   le   iiiar(|iiis   I,az;ini   dr    Finale': 

«  Fratello  karissimo  ',  come  credo  abbi  sentito  délia  mia  presura 
a  Finale  "^  insieme  eliolli  ambaseiadori  nella  quale  fu  robato  di  ea- 
vali.  (ii-iiari  e  paiiiii,  taiitn  clic  i)oi-to  danno  di  piii  di  fier.  CGC.  or 
chôme  piaque  addio,  jier  lionta  di  Matteo  di  .lacopo  Arrigi,  col 
quale  solo  ero  rimaso  in  prigione.  ])er  inezo  d'uno  ambaseiadore 
dcl  conte,  il  qual'era  veniito  per  libcrare  lui,  fui  liberato  dalloro 
M  ili  X  di  questo,  sano  ma  jxivero  e  in  farsetto  '.  jier  singnlare 
jrratia  di  Dio;  dieo  cosi  perche  liberati  eli  altri,  solo  me.  erano 
diliberati  far  riraedire,  e  per  tanto  mi  partirono  dagli  altri  facien- 
domi  dire  cli'io  mi  poncsse  la  ta.;;lia.  c  mandarommi  di  sopra  a 
giiardare  in  iiiia  tone  ;  e  ])er  tanto.  vi  prego  ringratiate  Matteo 
|icr  mia   parte,   perche  dallui  congnosco  essere  liberato. 

Da  poi  fui  in  Genova  a  di  XI,  et  credendo  avère  grande  al- 
legrezza  per  la  mia  liberagione.  come  fui  ginnto  senti  la  nialadetta 
novella  délia  morte  del  mio  caro  fratello,  la  (juale  m'a  tanto  do- 
lore  dato  <Iie   niolto  m'cra  meglio  stare  ueU'aspra  prigione  in  ch'io 

'   Roncioiii.  Istorie  Pixiute.  dans  .1  n/i.  .</o)-.  ilal..  1.  (1.  ijart.  11.  p.  !l4ti. 

'  •  Dot  tore  di  lege».  Voy.  plus  li.iut,  p.  -220. 

'  Lettre  datée  de  IMse,  le  -20  décembre  1389. 

^  «  Et  duo  istoruui  oratoruui  fuerunt  capti  a  Marchione  Lazaro  aniico 
dicti  comitis  Virtutuni,  ipii  per  iter  terrenum  ibant  ex  Geniia...».  Spc- 
eimen  historiae  Smomeni  Pisiorie)if:iii  (Muratori.  t.  XVI.  col.  1141).  «  A  sua 
petizioue  prese  li  dctti  due  .ambaseiadori,  e  li  loro  eompagni,  e  rubogli. 
e  raisegli  in  pregion(\  e  (piivi  li  tiene  molli  mesi...  (Cliron.  de  Miner- 
betti,  dans  Tartini,  lier.  Jinl.  Script.,  t.  II,  col.  191). 

'  Lettre  adressée  à  Francesco    Datini,  de  Gcne.<.  le    13  avril    l.'iîtO. 

'•  Auiourd'lini  Finale  Tia  (Province  de  Gênes). 

^  Farsetto,  veste  courte. 


QUELQUES    ITALIENS    D  AVIGNON    AU    -MV^  SIÈCLE  22i> 

era  che  qnesto.  Et  sono  si  .■ulolorato  eheiranimo  non  mi  ci  sente  ne 
patiscie  di  scrivere  alla  Lorita  ne  a  siior  Lena  ',  ne  alla  raia  donna. 
Et  pero  non  posso  ricorrere  senon  ad  voi,  elie  stete  nostro  padre 
e  fratello,  e  pregovi  che  qneste  donne  vicitiate  per  mia  parte,  e 
dite  loro  quel  che  vi  pare,  e  nionstrate  questa  lectera,  in  pero  chel- 
l'Antonia  rai  scripxe  non  crederebbe  mai  jo  fossi  fuori  di  prigione 
se  non  vedisse  lectera  di  mia  manu.  Or  queste  donne  y\  racomaudo 
qiianto  posso  ». 

Naddino  ne  se  laissa  pas  abattre  par  tous  ces  malheurs,  le 
Itl  avril  il  s'embarquait  pour  Nice  ".  Pendant  deux  ans  nous  per- 
dons sa  trace:  nous  le  retrouvons  à  Avignon,  au  mois  de  mai  1392 
et  bien  décidé,  seniblet-il,  à  y  recevoir  sa  famille  ^.  malheureuse- 
ment les  événements  politiques  vinrent,  encore  une  fois,  entraver 
ses  bonnes  dispositions  : 

«  Da  poi  si  ruppe  nna  pace  s'era  fatta  tra  1"  papa  e  messer 
Ramondo  di  Torena  *  nipote  di  papa  Gregorio,  e  perche  esso  era 
ben  fornito  di  gente  d'arme  e  noi  ifforniti,  e  teneva  quasi  asse- 
diato  Vignone,  e  senon  fosse  il  Rodano,  sarerao  stati  molto  maie, 
e  certo  questi  signori  isbigotirono  perch'elli  aveva  qui  nel  Vinesi 
ben  mille  laucie  di  buona  gente  e  nessuno  usava  gia  tre  mesi  pas- 
sare  i  portali,  salvo  il  ponte,  ora  per  la  gratia  di  Dio  e  per  bonta 
del  duca  di  Beri,  la  pace  e  fatta,  il  quale  per  questo  estato  a  Vi- 
gnone la  gente  d'arme  comincia  a  sgomberare,  et  credo  ci  riposeremo 
bene,  e  per  questo  non  vi  risollicitava  délia  venuta  délia  donna, 
pero  che  se  guerra  fosse,  qui  si  farelibe  poco  e  pin  tosto  vorrei  la 
famiglia  di  costa  »  '. 


'  Parentes  de  Naddino  demeurant  à  Prato. 

'  «  Or  questo  di  cioe  a  di  XVI  mi  parto  da  Genova  insu  iino  lento 
che  mi  dee  porre  a  Xiza  »  (Lettre  du  16  avril  1390). 

3  «  Et  Dio  sa  si  o  grande  desiderio  d'avere  di  qua  la  mia  famifflia  » 
(Lettre  du  1   mai  1392). 

*  C'est  le  traité  conclu  le  5  mai  1392  à  .Saint-Eémy.  —  Sur  les  évé- 
nements auxquels  cette  lettre  t^iit  allusion,  consultez  Valois  (Noël),  La 
France  et  le  grand  schisme  d'occident,  t.  Il,  p.  347-50. 

=  Lettre  du  19  octobre  1392. 


}lélanrjff  d'Arch.  et  d'ilisl.  lS^2iS.  15 


2."30  (H'El.ljlEK    ITAl-lKNS    ll'AVKi.NO.N    AU    XIV»'-  SIÈCLE 

Lr  liiit  \iTs  lequel  tmidait  Naddiiio  depuis  son  arrivée  à  Avi- 
;,'iiipii  l'ut  riifiii  atteint:  an  délint  de  Tannée  13;t3,  et  prol)ablement 
le  1"^  mars,  Olénieiit  \'!I  li'  nnninia  an  nf)inlire  de  ses  médecins 
avec  un  traitement  annuel  de  oi'O  Horins  '.  Naddino  s'empressa 
d'annoncer  la  nouvelle  à  sa  famille  ',  et  peu  de  temps  après,  vers  la 
lin  de  mai,  sa  femme  protita  du  départ  d'amis  de  Prato  pour  s'eni- 
l)ar(|ner  à  l'ise  avec  ses  enfants,  un  tout  jeune  ^rareon  et  deux  filles 
de   7  à   S   ans  '\ 

Mais  le  sort  s'aeliarnait  sur  notre  homme,  et  comme  pour  don- 
ner raison  à  toutes  les  résistances  qu'il  avait  (qjposées  à  ce  voyage., 
le  Ijateau  abordait  aux  côtes  de  l'rovence,  lorqu'il  fut  assailli  i)ar 
des  corsaires  et  dépouillé  de  tout  ce  qu'il  contenait.  Les  pirates 
firent  aux  femmes  tous  les  honneurs  imaginables,  mais  leur  prirent 
argent,  bijoux  et  trousseau.  Les  pauvres  voyageure  arrivèrent  à  Arles 
à  pied,  misérables;  il  fallut  que  Matteo  Benini,  coiTespondant  de 
Oatini  dans  cette  ville  leur  prêtât  argent  et  ilievaux  pour  arriver 
à    Avignon  : 

«...Il  panfio  '  di  Steve  Micheli  e  la  destriera  di  Peretto  Mi- 
cheli  giunseno  a  salvamento  in  Bocholi  "  a  di  X\'I  di  questo,  e  a 
di  XVIII  vogliando  intrare  in  Rodaiio  al  grado  di  Pasciou  ''  fu- 
rono  asaliti  da  due  galee  e  I  brighantino  armate  di  Gienovesi  ', 
e  anogli  rubato  IIII  balle  di  panni  e  d'altra  merchatantia  asai  e 
levato  loro  tutto  l'arnese  e  fornimento  délie    fuste,  e  Steve  e  Pe- 

'  Voy.  p.  '21it,  note  1. 

^  «  Aquesti  di  il  papa  nostro  singnore  m'a  eletto  pcr  suo  medico,  e 
grandi  promesse  nii  fa  di  fanni  bene,  e  pin  volte  m'a  detto.  lo  raando 
piesto  per  la  niia  famigla.  Anchora  non  m'a  asingnata  alcuna  provisione 
couiel  fara  te  ii'avisero,  e  mandcro  per  la  niia  faniiglia...  >  (Lettre  du  IH 
mai  1393). 

'  Voy.  plus  loin,  p.  23L  note  4. 

^  A  rapprocher  de  panfano,  soi  te  <b'  navire  de  guene. 

5  Port  de  Bouc  (B.  du  Bhône,  arrond.  d'AixK 

"  Le  grau  de  Passon,  embouchure  du  Khône  au  nioyeii-àge  (voy.  Des- 
jardins, Aperçu  hislvriiiue  sur  les  embouchures  du   lîhône,   Paris,  l!S67). 

'  Partisans  du  pape  Boniface  IX. 


QUELQUES   ITALIENS    d'aVICiSOX    AU    XIV^-  SIÈCLE  231 

retto  Micheli  tlispogliati  e  hisciatogli  in  giuppone,  e  simile  anno 
levato  danari  e  altre  gioie  alla  mogliera  di  maestro  Naddino  e  alla 
mogliera  di  Tieri  ',  e  sta  notte  il  panfio  del  detto  Isteve  e  la  de- 
striera di  Peretto  son  giunti  presso  di  qui  a  II  leghe,  e  questo  di 
XVIIII  sono  venute  qui  per  terra  le  dette  donne  e  Tieri  e  tutta 
l'altra  lor  famigla  e  qui  rimarano  ista  notte  e  lo  mattino  se 
n'andrano  a  V'ingnone ...»  '". 

Naddino  s'occupa  aussitôt  d'installer  sa  famille,  c'est  à  cette 
occasion  que  son  ami  Bouinsegna  ^  chercha  une  jeune  esclave  pour 
tenir  sa  maison  ^. 

Peu  de  temps  après  Clément  VII  mourut  subitement,  mais  cette 
mort  ne  changea  en  rien  la  situation  du  médecin  ;  le  nouvel  élu. 
Pierre  de  Luna,  était  favorable  aux  italiens,  il  le  maintint  dans 
sa  charge  avec  le  même  traitement  : 

«  Come  ai'ete  saputo  qui  fu  eletto  in  papa,  di  concordia  di  tutti 
cardinali,  il  cardinale  ch'era  délia  luna  '.  il  qual'e  per  certo  un 
santo  huomo  e  di  grande  scienza  et  operatione,  ed  e  disposto  s 
procurare  l'unione  di  santa  chiesa  con  ongni  ragionevole  modo,  ed 

'  Tieri  di  Benei,  associé  de  Datini   dans  la   <  ragione  »  d'Avignon. 

-  Pise,  Carleggio.  cartella  1.  lettre  du  17  juin  1393  envoyée  par  Mattec 
Benini  d'Arles. 

^  Associé  de  Datini  à  Avignon. 

■•  Lettre  de  Boninsegna,  du  25  Janvier  1394,  adressée  à  Simone  d'An- 
dréa a  Barcelone  «  qui  e  il  maestro  Nadino  da  Prato  il  quall'ee  grande 
amicho  di  Franciescho  di  Marcho  ed  ee  grande  amico  nostro  cliello  re- 
putiamo  padre  e  fratello  ed  egli  e  qui  e  medicho  di  papa  e  da  suoi  car- 
dinalli,  e  perô  noi  lo  voremo  servire  chôme  facimo  Franciescho  di  Mar- 
elio  e  melglio  se  fare  si  potese.  Elgli  v'e  qui  e  la  dona  ed  ee  I  fa- 
ciullo  maschio  e  II  faciulle  femine  d'etta  VIII  in  VIIII  anni...  e  per- 
che ora  si  trova  malle  serviciali  vorebf"  per  la  donna  e  per  la  famiiglia 
una  ischiava  picoletta  d'etta  di  XII  in  XIIII  anni  che  fose  séria...  > 
(Barcelone,  carteggio.  cartella  2).  Les  archives  de  Datini  ont  fourni  de 
nombreux  renseignements  sur  le  commerce  des  esclaves  au  moyen-âge. 
(R.  Livi,  La  schiat-itù  médiévale  e  la  sua  influema  sut  caratteri  antro- 
pologici  degli  Italiani,  dans  Rivista  it.  di  Sociologia,  an.  XI,  p.  537). 

î*  Elu  le  28  septembre,  il  prit  le  nom  de  Benoît  XIII  voy.  Valois 
No51),  op.  cit.,  t.  III,  p.  15  et  suiv.) 


232  lilKI.QIKS    ITAI.IKNS    IJ 'AVIGNON    Al'    XIV»^  SIÈCLE 

iii  qupsto  metere  tntta  sua  solicitndine,  Idio  ci  dia  gratia  di  ve- 
derla  imita.  A  Fiorcntini  porta  fjrando  ainore  e  sono  qui  poi  che 
fu  papa  ben  veduti.  Et  nio  a  ordinato  suc  mediro  cou  quello  sa- 
lario  che  dava  l'altro. 

Qui  si  spera  avère  tosto  pace  con  messer  Ramoudo  di  Torena 
pero  ciiecci  sono  due  maliscalchi  di  Francia  a  tractarla  ed  e  ri- 
mesa  di  volonta  délie  parti  in  certi  cardinal!.  Idio  ci  concéda  questa 
pace  e  l'altra,  che  mestier  u'abiamo  *  '. 

Les  soucis  d'ailleurs  n'allaient  pas  manquer  de  fondre  sur  la 
famille  du  médecin.  C'est  d'abord  la  santé  de  son  fils  et  de  sa 
femme  qui  lui  donne  de  sérieuses  inquétudes  ".  En  Provence,  la 
guerre  contre  Raymond  de  Turenne  a  repris  avec  une  nouvelle 
violence,  le  schisme  se  prolonge  en  dépit  des  assurances  données 
par  le  nouveau  pape.  Avignon  se  vide  et  l'activité  du  commerce  ra- 
lentit. Ce  sont  des  plaintes  continuelles  sur  le  marasme  des  aflFaires; 
les  lettres  de  Xaddino  nous  en  apportent   un  éelio  : 

«  A  messer  Nicolo  di  messer  Lapo  da  Prato  •'.  fn  risposto  per 
Bonisegna  gia  piu  tempo  fa . . .  (lacune)  fui  con  qnesti  signori  et 
maximaraente  con  messer  Bonifacio  \  e  per  nuUa  il  consigliono 
che  del  présente  si  parla  per  venir  qua,  pen'i  che  qui  nulla  si  fa, 
ma  tutti  siamo  in  commotione,  che  come  avete  sentito,  a  Parigi 
sono  raunati  di  mandaniento  del  re  tucti  i  prelati  di  Francia  e  di 
sua  jurisditione  '',  apresao  vi  sono  ambasciadori  de  prencipi  délia 
Magna,  del  re  di  Spagna  e  del  re  d'Aragono,  e  dicesi  che  vi  s'a- 
spetano  quelli  d'Inghilterra,  et  tucto  e  per  unire  lo  scissma  di  santa 
chiesa,  che  Dio  il  permetta  ora  mai  per  sua  misericordia,  aecio 
che  nel  populo  cristiano  sia  niio  ovile  e  uuo  pastore  ;  e  per  certo 

'  Lettre  du  28  octobre  1394. 

*  Lettre  du  15  août  1395. 

'  Xiccolo  di  Ser  Lapo  Migliorati  {Cait.  fam,  e  prit:,  carfella  XII. 
lettres  de  loSO  à  1408). 

*  l'inhablenient  Boniface  Ammanati.  de  Pistoie.  nommé  en  1397  car- 
(liiKil  du  titre  de  S"  Adrien. 

^  Assemblée  du  clergé  de  France  convoquée  pour  le  2  février  \'a- 
lois,  op.  cil.,  t.  III,  p.  27). 


QUELQUES    ITALIENS   d'aVIGNON    AU    XIV^  SIECLE  233 

si  dicie,  e  vedesi  assai,  ch'el  re  di  Francia  vuole  mettere  tucta  sua 
possa  a  ranconciare  la  chiesa  santa.  Idio  gli  cousigli  di  quelle  sia 
bene  de  cristiani  »  '. 

«  A  Farigi  sono  ritornati  i  sijjuori  duchi  '  elie  venuo  qui.  Apresso 
v'e  con  loro  honorevole  ambasciata  del  re  d'Inghilterra,  per  pren- 
dere  moglie  per  lo  re  d'Inghilterra  ^,  chi  dicie  la  figliuola  del  re 
di  Francia  cb'e  di  VII  anni,  e  chi  dicie  délia  figliuola  del  conte 
di  Lanzone  ',  la  quale  si  dicie  essere  una  bella  creatura,  e  questo 
pui  si  credo.  Apresso  traetono  de  unione  délia  chiesa  insiemo 
chol  duca  di  Bavieri  e  con  ambasciadori  del  re  de  Romani  ',  che 
piu  di  fa  furono  a  Parigi.  Idio  dia  loro  gratia  di  mettere  il  raoudo 
in  pacie,  che  mestier  ciene.  Qua  si  fa  poco,  di  qualunche  arte,  le 
merchatantia,  e  tucto,  ci  paiono  morte''...». 

«  Credeti  chella  chiesa  di  Dio  venisse  a  unita  piu  tosto  nou 
viene.  Idio  lo  concéda  cliel  mondo  non  puo  stare  bene  sanza  quella. 
Qui  e  uno  grande  abate  con  XXV  cavalli,  ambasciadore  del  re 
d'Inghilterra  ',  per  procurare  questa  unione  ;  di  qua  si  fa  poco  cd 
ecci  mal  sicura  la  terra,  e  meno  il  mare.  I  vostri  di  qua  e  noi 
stiamo  tutti   bene  »  *. 

«  Au  moment  où  elles  devenaient  si  intéressantes  pour  l'histoire, 
les  lettres  de  Naddino  s'interrompent,  et  désormais,  pour  le  suivre, 
nous  n'avons  plus  que  les  brèves  nouvelles  des  associés  de  Datini. 


»  Lettre  du  11  février  1395. 

'  Les  ducs  de  Berry,  de  Bourgogne  et  d'Orléans  étaient  arrivés  à 
Avignon  le  22  mai  1395,  avec  les  délégués  de  l'université  de  Paris.  Ils 
repartirent  vers  le  10  juillet  sans  avoir  rien  obtenu  de  Benoît  XIII.  (Voy. 
Jarry,  La  tne  politiriue  de  Louis  de  France,  p.  133). 

^  Richard  II  qui  épousa,  l'année  suivante,  Isabelle,  fille  de  Charles  VI, 
âgée  de  8  ans. 

*  Pierre  II,  comte  d'Alenc^on;  voy.  le  P.  Anselme,  Hist.  geiiéal.  de 
la  Maison  de  France,  t.  I,  p.  271. 

^  L'archevêque  de  Magdebourg,  chancelier  de  Wenceslas,  roi  des 
Komains. 

"  Lettre  du  15  août  1395. 

"  Sans  doute  l'abbé  de  Westminster,  chargé  par  Richard  II  d'une 
ambassade  auprès  des  deux  papes. 

*  Lettre  du  31  septembre  1896. 


2:-J4  liUEI^QUES    ITAI.IB.N.S    d'aVIONON    AU    XIV»-  SIÈCLE 

D'ailleurs  les  tril)ulations  n'étaient  pas  terminées  ))our  notre  mé- 
decin; à  la  fin  (le  l'imnée  1307,  à  un  moment  on  la  peste  sévis- 
s:iit  dans  le  Cointut.  le  tléau  enii)i)rta  une  de  ses  filles.  Aussitôt  il 
alla  chwclier  à  Carpentras  un  air  plus  sain,  mais  ({uelques  jours 
après  sa  femme  surcomlia  à  la  eontagion  : 

«  Arête  sentito  cliomc  niori  uiia  di  ((iielle  faiicuUe  di  maestro 
Nadino  e  chôme  ella  tue  inorta,  subito  maestro  Nadino  se  n'andoe 
a  Carpretrasso  chon  tutta  la  famiglia  sua,  di  che,  quando  fne  istato 
XV  die,  Mena  Tonia  levene  malle  una  domenica  sera,  di  che  i  due 
di  mori  e  n'e  istato  uno  jrrande  danno,  Idio  le  perdoni  !  E  Dio 
sae  chôme  maestro  Nadino  e   riniaso   isehonsolato  1  »  '. 

Inconsolalile,  il  ne  faudrait  pas  prendre  ce  mot  à  la  lettre,  car 
une  petite  note  trouvée  dans  la  correspondance  de  Tieri  di  Benci 
nous  apprend  que  le  dimanche  30  octol)re  1401,  maître  Naddino 
se  remariait  avec  une  avij;nonnaise  de  :!0  ans,  une  veuve  célèbre 
])ar  sa  beauté,  (|u'on  ap])elait  «  la   bella  teliera  »  '■. 

Les  deux  dernières  lettres  que  nous  aj-ons  de  lui  sont  de  1407. 
Elles  nous  montrent  un  père  de  famille  soucieux  de  l'avenir  de 
son  fils.  Avignon  ne  lui  iiaraissant  pas  une  ville  pnqire  à  former 
d'honnêtes  jeunes  gens,  il  demande  à  son  ami  Cristofano  da  Bar- 
berino  ^,  établi  ;\  Barcelone,  de  prendre  le  jeune  Francesco  dans 
sa  maison  de  commerce.  Dès  le  mois  d'août,  c'était  une  chose  faite, 
et  le  père  se  félicitait  de  sa  décision  : 

«  Fratel  charissimo  per  Tommaso  '  ebbi  tua  lectera  laquai  viddi 
volentieri  molto,  e  non  dubito  puncto  che  per  bonta  da  te,  e  si 
per  la  memoria  di  (^aroceio,  che  fu  ad  te  e  ad  me  padre,  tu  ai 
fatto  e  fanii   di  Francosclid  mio  figlio  conic  di  ttio  nipote  e  figliuoln 

'  Florence,  airteiiçiia,  lettres  d'Avignon. 

"  U. 

^  Ciistofano  di  Bartolo  Caiocci  da  Barberino.  Voy.  lettres  de  lui  à 
Datini  dans  Carteg.  fam.  e  prir.,  carteUa  VII. 

*  Tommaso  di  .Scr  (iiovanni  da  \'ici'liio,  tMuployc  dans  la  «  ragione  • 
d'Avignon. 


yfËLQUËS   ITALIENS    DAVIGXOX    AT    XIV^  SIÈCLE  235 

e  cosi  ti  preglio.  Questa  villa  di  Vignone  e  niolto  disposta  maie 
a  far  buoiii  giovani  per  molti  casi  e  disposicioni  checci  ocorraiio 
in  fare  cadere  clii  non  e  ben  savio  in  vicii  e  niali  eostumi  :  et  per 
tanto.  diliberai  insieme  con  Toramaso  mandarlo  di  costa,  dove  si 
viva   pii'i  lionesto  che  qui  . . . 

Qui  sono  oggi  novelle  certe  corne  Domeuicha  passata  d'ora  in 
Marsilia,  il  papa  ando  a  sau  Francescho  '  cun  tucti  i  cardinali.  e 
uidi  la  messa  e  fuesi  un  sermone,  dove  fe  legiere  una  bolla,  la 
quale  a  fatta,  che  contiene  com'e  disposto  e  obligasi  a  unire  sancta 
chiesa  per  resignatione  e  cessione  del  papato  sanza  ninna  reserva- 
tione  '.  Questa  e  buona  novelia,  per  ella  si  spera  aremo  in  brève 
tempo  l'unione  di  Sancta  chiesa.  Idio  ti  guardi  sempre.  Sono  al 
tuo  piacere.  Scripta   in  Vignone  a  di   9  di  febraio. 

Per  lo  tuo  maestro  Xaddino,  medico,  da  Prato  '. 

«...  Ora  per  questa  jo  ti  ringratio,  pin  posso,  di  quanto  beue  a 
facto  effai  a  Francescho  mio  fîglio.  Egli  si  loda  di  te  piu  clie  di  padre. 
Va  io  era  ben  certo  che  faresti  cosi  per  la  memoria  deU'amista 
antica  col  tuo  buon  zio  Caraccio.  Tucta  volta  ti  prego  tu  lo  coregga 
e  reprehenda  in  tucte  quelle  cose  ch'e  mestieri,  e  nel  rispiarmare 
di  nuUa,  come  tuo. 

La  mortalita  e  qui  in  Vignone,  ben  che  pichola  in  risposta  di 
quel  ch'e  stato  del  mese  passato  . . .  Idio  la  faccia  cessare  per  la  sua 
misericordia.  De  fato  délia  chiesa  si  dice  moite  cose,  e  chi  dice 
che  quel  da  Roma  non  verra  a  tener  la  giornata  * .. .  non  so  che 
sara;  so  ben  eh'el  papa  nostro,  s'aparechia  a  tenerla,  e  a  mandati 
per  tucti   i  cardinali  che  son    qui  che  sub   pena  inobedientie,  essi 


'  Dans  l'église  des  Frères  Mineurs,  cette  cérémonie  eut  lieu  le  6  fé- 
vrier 1407. 

^  Ce  sont  le»  lettres  du  31  janvier  répondant  aux  propositions  de 
Grégoire  XII.  (Valois,  ojj.  cit..  t.  III,  p.  193). 

^  Lettre  du  9  février  1407.  [Carleggi  privati  diiersi.  cartella  A).  Frag- 
ment de  cachet  de  cire  rouge,  avec  impression  d'uns  ceau  rond  de  l.ô  mm. 
de  diamètre  environ,  portant  un  écu  et  en  exergue  une  légende  où  se 
lit  encore  Pr.\to. 

*  L"entrevue  de  Savone,  laborieusement  négociée  entre  Grégoire  XII 
et  Benoît  XIII. 


236  (jrELQl'ES    ITALIENS    d'aVIONON    AT    XIV>:  SIKCLE 

sieno  alliii   a   N'iza  a  XVI  di  di  septembre  ',  e  cosi  tueti  si   niettono 
in   puneto.. .  *  ». 

Telle  fut  l'existence  '  fertile  en  péripéties  de  eet  liiimMe  médecin 
de  Toscane,  qu'Avignon,  la  \ille  fastueuse  et  brillante  bien  que 
déjà  A  son  déclin,  avait  attiré  et  su  retenir.  Nombreux  furent  les 
Italiens  qui,  comme  lui,  vinrent  alors  s'établir  en  Provence,  et 
resserrer  les  liens  qui  tunt  naturellement  unissaient  les  deux  pays 
voisins.  Si  la  plupart  ont  disparu  sans  laisser  le  moindre  souve- 
nir, n'en  soyons  ([ue  ])lus  attentifs  à  faire  sortir  de  l'oubli  ceux 
qui  observèrent  avec  curiosité  les  événements  dont  ils  étaient  les 
témoins  et  qui  viennent,  de  si  loin,  nous  en  apporter  un  écho. 

Robert  Brix. 


'  Voy.  N'alois,  op.  cit.,  t.  111,  p.  r)4-4. 

'  Lettre  du  26  août  1407  miême  soti'.cc  que  la  préci'dente;. 

'  Nous  ne  connaissons  pas  la  date  de  la  iiioit  de  N'addino,  mais  elle 
est  certainement  postérieure  ;i  celle  de  Datini,  c'est  à  dire  à  1410,  sinon 
nous  en  aurions  trouvé  la  mention  dans  la  correspondance  de  la  «  ni- 
yione  >  d"Avignon. 


ATTIDEIA 


II. 
Galles  et  arcliisalles. 

On  ne  peut  étudier  Torganisation  romaine  du  culte  d'Attis  sans 
être  tout  de  suite  frappé  de  la  diflFérence  qui,  malgré  leur  ana- 
logie verbale,  sépare  galles  et  arcliigalles  '. 

Extérieurement,  d'abord,  et  quoi  qu'on  en  ait  dit  ',  ils  s'op- 
posent. Dans  nos  textes  ^,  les  galles  se  présentent  dans  un  accou- 

'  Graillot,  Le  culte  de  Cijhèle,  Mère  des  Dicnx  t'i  Rome  et  ddiis  l'em- 
pire romain,  Paris,  1912,  p.  230,  a  résumé,  sur  ce  point,  une  opinion  i(uasi 
universelle.  Je  ne  vois  guère  que  M.  Lafaj-e  qui  ait  émis  un  avis  ilitl'é- 
rent  et  fasse  de  l'archigalle  le  supérieur  des  galles  (s.  v.  Gallus,  dans  le 
Dictionnaire  des  Antiquités  Saglio  et  Potlier,  II,  p.  1458;  cf.  infra,  p.  2.ô7). 

2  On  mêle  d'ordinaire,  comme  si  leur  identité  était  établie,  les  textes 
et  les  monuments  qui  les  concernent  (cf.  Lafaye,  o^>.  c«(.,  ?oc.  crt.,  p.  1457  ) 
Cumont,  s.  v.  Gallon,  P.  W.,  VII,  c.  677  et  678):  et  bien  (pie  Madame 
Strong  ait  récemment  appuyé  de  son  autorité  l'identification  avec  des 
portraits  d'archigalles  de  deux  bas-reliefs  dont  l'un,  découvert  sans  sa 
tête  et  aujourd'hui  perdu,  a  été  publié  par  Montfaucon  (cf.  S.  Iteinacli, 
Statnaire,  II,  506,  6)  et  l'autre,  aujourd'hui  au  Musée  des  Conservateurs, 
par  Winckelmann  {Mon.,  1,  pi.  VIII;  cf.  S.  Reinach,  Bfliefs,  111,  207,  1), 
je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  lieu  de  la  maintenir.  Ni  sur  l'un  ni  sur  l'autre 
ne  se  lit  une  inscription  qui  la  justifie.  Celui  de  Montfaucon  n'est  peut- 
être  pas  authentique  (pour  l'authenticité  s'est  prononcé,  en  dernier  lieu, 
J.  Keil,  dans  les  Jahreshefte  des  osterr.  Institutes,  1915,  p.  75).  L'autre  ne 
cadre  nullement  avec  la  description  de  l'archigalle  que  nous  lisons  chez. 
Prudence  (voir  ci-après).  Son  aspect  co'incide  au  contraire,  avec  celle  (pie 
les  auteurs  nous  ont  laissée  des  galles  ;  et  il  convient  de  l'attribuer  à 
un  simple  relif/iosus  de  la  Grande  Mère  i)ar  comparaison  avec  le  cisti/er 
de  Bellone  (|u'il  a  été  réservé  à  Madame  .Strong  de  nous  fiiire  si  bien 
connaître  [Papers  of  the  British  Schoot  of  Rome,  IX,  1920,  p.  205-21:^ 
et  pi.  XXVI). 

^  Cf.  Graillot,  op.  cit.,  p.  298-300. 


2;-J8  ATTIUEIA 

trmiKMit  t'(niiv(ique  et  «-iard,  .-ivec  les  tresses  tireboucliounées  de  leur 
clieveliin:  retoinbaiit  sur  leurs  épaules ',  (les  boucles  aux  oreilles', 
(les  médaillons  et  des  colliers  sur  la  poitrine  ',  le  visage  glabre  et 
fardé  *,  le  corps  enveloppé  d'une  robe  de  couleur  rappelant,  par 
sa  forme,  la  stohi  d(>s  femmes  ".  Au  contraire,  cliez  rarcljigalle, 
môme  dé|)('int  i)ar  un  Chrétien  comme  Prudence,  subsiste  un  air  de 
majesté  :  c'est  un  iiomme  (jui  n"a  point  les  cheveux  plus  longs  que  les 
autres  hommes",  qui  porte  toute  sa  barbe  ',  se  coiffe  d'une  mitre  qu'en- 
tiiuiv  une  couroinie  dorée  ",  mais,  pour  le  surplus,  s'habille  comme 
les  uiagisti-ats  devant  l'autel  où  ils  officient,  d'une  toge  drapée  à  la' 
mode  gabienne  '.  A  l'aspect,  les  galles  restent  des  Phrygiens,  des 
barbares,  des  étrangers.  L'archigalle,  au  contraire,  s'est  civilisé. 
De  fait,  tandis  que  les  galles  semblent  se  recruter  dans  la 
foule  des  jiauvrcs  gens  et  des  esclaves,  l'areliigalle,  obligatoirement, 
irossède  la  cité  romaine  '".  Si  l'on  admet  que  les  galles  ont  toujours 
compté  parmi  eux  des  castrats  dont  la  mutilation,  proscrite  en 
principe  ",  comm  •  un  crime  capital,  dès  la  fin  du  T'  siècle  '■  dans 
toutes  les  classes  de  l'I^nipire,    a  i)u  continuer    d'être    partout  tn- 

'  C.  I.  L.,  VI,  22(52:  leiifjiosns  cipillatiis.  Cf.  Tuiuont.  s.  v.  (iallo.". 
P.   W.,  V,  c.  675. 

^  Cf.  Graillot,  op.  cit.,  p.  299. 

'^  Arnobc,  II.  41:  ut  innecterent  catenis  coUii.  Suidas,  s.  v.  irpiîrY.^icu. 

^  Aug.,  Cii\  T)ei,  VII,  26:  f'acie  dealbata. 

5  Cf.  les  textes  réunis  par  Graillot,  op.  cit.,  p.  298,  n.  3  et  5-6. 

^  Prud.,  Perist.,  1013:  festa  vittis  tempora;  ibkl.,  1044:  ostfndat  udiim 
rerticem. 

'  Ilnd.,   1044  :  harham   giaveni. 

*  Ibid.,  1014:  corona  ttim  respe.m.'!  aureu. 

'^  Ibid..  1015:  cinctu  Gabino  sericam  ftiltus  togam  (cf.  le  bas-relief 
précité  de  Montfaucon). 

"•  C'est  ce  qu'a  fortement  établi  ('nmont,  s.  v.  ArchiriaUii/!,  P.  II"., 
II.  c.  484. 

"  Sur  la  législation  antérieure  aux  Flaviens,  cf.  Monimsen,  Droit 
Pénal,  trad.  Dui|uesiie,  II.  p.  354  et  suiv.  Sur  la  législation  flavienne. 
cf.  Gsell,  E.isai  sur  la  vie  et  le  règne  de  Domitien,   Paris,    1894,  p.   84. 

"  Cf.  Dig.,  XLVIII,  8,  4,  2;  Cod.  Itist.,  XLII,  1  et  infra,  p.  24.5. 


lérée ',  il  est  certain  qne  l'arcliigalle  n'apparaît  jamais  comme  un 
semlrir^  et  qu'au  caMir  de  la  Pisidie  ',  comme  k  Tusculum  ^  il 
est  capable  de  vivre  dans  les  liens  du  mariage.  Enfin,  tandis  que 
les  galles,  bien  loin  de  se  grouper  en  une  coi'poration  légitime, 
comme  les  cannophores  ^,  ou  les  dendrophores  «  (j^iiiJuis  ex  senatus 
consulta  coire  licet  »  '',  ne  forment,  chez  les  auteurs  qui  nous  en 
parlent,  que  des  troupes  assemblées  par  hasard,  saus  cohésion  ni 
statut,  et  n'interviennent  au  drame  sacré  du  Sarxjuis  que  comme 
des  figurants  de  rencontre,  et  non  comme  ses  acteurs  obligés  ',  l'ar- 
chigalle  apparaît  comme  le  chef  authentique  de  la  religion  métroa- 
que  dans  chaome  des  églises  locales  auxquelles  elle  avait  donné 
naissance  *.  Il  y    est  préposé,   pour  sa  vie  entière",   par  la  double 

'  Je  résume  ici  l'opinion  cornante,  mais  je  ne  la  partage  pas, 
cf.  inf'ra,  p.  309  et  suiv. 

^  Sa  qualité  de  citoyen  romain  suffit  à  exclure  jusqu'à  la  possibilité 
d'une  castration  sur  laquelle  les  Chrétiens,  pour  les  besoins  de  leur  po- 
lémique, ont  trop  complaisamment  insisté.  Le  sximmus  saeerdos  de  Pru- 
dence, identique  au  maaitmis  Phry.v  saeerdos  de  C.  1.  L.,  VI,  508,  n'a 
rien  d'un  castrat  (cf.  supra,  p.  238,  n.  7). 

'  Cf.  l'inscription  de  Saghir,  en  Pisidie,  publiée  par  Sterret,  puis 
par  Rainsay,  Stiidies . ..  of  iJie  eastern  Provinces  of  the  Bonian  Empire. 
Aberdeen,  1906,  p.  3-13.  n.  22:  AO=r.?.:a  |  OÙ=-vj-t»  |  Zrjov.o;;  |  Ky,eu<;T..»/-,[ûJ  I 
àpy_i-(iXXi'j  ;  cf.  infra,  p.  256. 

■•  c.  I.  L.,  VI,  32466:  coniu(gi)  he\ne  mereiili]  |  cuiii  quo  ri[xit...] 
I  nrchigallo   Tusc\ulnno\  |  et  sibi  :  cf.  infra,  p.  253. 

^  Sur  ces  confréries  qne  l'épigraphie  nous  tait  connaître  à  Ostie 
(C.  I.  L.,  XIV,  34,  35.  36,  37,  40,  116,  117,  118,  119,284,  285)  à  Locri,  à 
Saepinura  et  à  Milan,  cf  Graillot,  op.  cit.,  p.  262-264. 

'  C.  I.  L.,  VI,  29691. 

^  Je  résume  ici  l'opinion  courante,  cf.  Graillot,  op.  cit.,  p.  127  et  304. 
Mais  je  ne  la  partage  même  point:  les  galles,  comme  tels,  n'apparaissent 
point  dans  les  inscriptions;  cf.  infra,  p.  257  et  suiv. 

<*  Cf.  Cumont,  s.  v.  Archigalhis,  P.  W..  II,  c.  484;  Graillot,  op.  cit., 
p.  234,  croit  que  plusieurs  églises  pouvaient  dépendre  du  même  archi- 
galle  ;  mais  n'est-ce  point  prendre  pour  une  conséquence  de  leur  orga- 
nisation un  silence  épigraphi(|ue  dû  au  hasard  de  nos  découvertes? 

'  Voir  l'archigalle  de  Lyon  qui  est  resté  en  fonctions  au  moins  de 
184  à  190  (G  I.  L.,  XII,  1782,  XIII,  1752);  et  celui  de  Salone  qui  mou- 
rut archigalle  après  dix-sept  ans  d'exercice  (C.  J.  i.,  III,  2920  a). 


240  ATriDElA 

îiutorité  du  sénat  de  la  citi''  dont  le  vote  l'avait  élu  et  des  quin- 
déceinvirs  qui  l'assistent  à  Rome  '  et  dont  il  tient,  partout,  son 
investiture  '.  Alors  que  les  ^x^'Hes  (nit  l'air  de  comparses  auxquels 
la  liturj;ie  métroaque  ne  laisse  aucun  rôle  défini  ^,  il  est  le  grand 
])rétre  de  Cybéle  et  d'Attis,  siimmus  sacerdos  *  :  et,  dans  la  pratique 
(le  leur  culte,  il  s'éf,'ale  à  la  dignité  d'un  véritable  pontife  ':  en  les 
priant,  en  leur  ortrant  le  sacrifice  prescrit  par  leurs  rites,  il  rem- 
plit une  fonction  que  TKtat  Juge  nécessaire  à  sa  propre  stubilité 
et  couvre  de  sa  protection.  L'archigalle  de  la  Ville,  dout  parle 
TertuUien,  appelle  solennellement  sur  Marc-Auréle  les  bénédictions 
des  divinités  phrygiennes  et  les  vreux  de  leurs  fidèles  épars  à  tra- 
vers le  monde  "  :  et  les  ordres  prophétiques  de  l'archigalle  d'Ostie, 
pareillement  émis  pour  le  salut  de  l'empereur,  sont  sanctionnés  par 
les  privilèges  que  la  loi  concède  à  qui  sut  convenablement  y  dé- 
férer '.  En  sorte  que  si  l'individualité  des  galles  se  perd  dans  l'ombre 
des  ruelles  où,  par  vague  tolérance  plus  ciue  par  droit  explicite, 
ils  circulent  en  mendiants,  l'archigalle  émerge  dans  l'éclat  des  cé- 
rémonies publiques  comme  l'un  des  soutiens  de  l'Empire.  En  vérité, 
la  différence  est  radicale  et  nous  n'avons  qu'à  rechercher  l'origine 
et  la  forme,  la  date  et  les  raisons  d'une  discrimination  qui  n'est 
pas  contesta  l)Ie. 


'  Les  i|uindéc.einviis  assistent  l'arcliinalle  de  Home,  non  seulement 
dans  les  processions  de  la  lamtio,  mais  dans  ta  célébration  des  tauro- 
boles  (C.  I.  L.,  VI,  508;   cf.  in  fia,  p.  252). 

'  Ce  qui  vaut  pour  les  simples  sacerdote.t  vaut  a  fortiori  pour  l'ar- 
chigalle :  cf.  la  fameuse  inscription  de  Cnmes  (C.  /./-.,  X,  36118I. 

■*  Cf.  infra,  les  listes  dressées,  p.  257. 

*  Prudence,  Perist.,  1011. 

^  Ibid.,  1043:  procedit  inde  pontifex. 

*  TertuUien,  Apol.^'ih:  archigallus  iUe  sanctissimus,  die...  quo  san- 
guinem  impurum  lacertos  qxwque  castrando  libahut,  pro  sainte  imperatoris 
Marci  iam  intercepti  solita  aeqiie  imperia  mandavit. 

'  Fragm.  Vatic,  148. 


ATTIDEIA  241 


I.    —    L'ARCHlfiALLAT,    INSTITUTION    DE    ClAUDE  ? 

Si,  comme  je  crois  ravoir  établi  ',  le  paragraplie  des  Fragments 
du  Vatican  qui  donne  force  de  loi  aux  oracles  de  l'archigalle  a 
été  emprunté  par  leur  compilateur  à  une  constitution  de  Claude, 
ou  k  un  sénatus-consulte  rendu  sous  le  règne  de  Claude,  il  n'y  a 
pas  de  doute  "'  que  cette  distinction  si  tranchée  ne  soit  l'anivre  de 
cet  empereur,  et  n'ait  accompagné  l'ensemble  des  dispositions  par 
lesquelles  il  a  réorganisé  la  religion  métroaque.  Mais  sur  ce  point 
particulier,  en  quoi  donc  a  consisté,  au  juste,  l'initiative  de  Claude? 

Les  plus  récents  historiens  du  culte  métroaque  s'entendent  pour 
la  définir  par  un  simple  emprunt.  Dans  l'organisation  phrygienne 
qu'il  s'agissait  de  transférer  sans  heurt  au  «peuple  romain,  Claude 
aurait  trouvé  un  arcliigalle  et  des  galles.  Sans  molester  les  galles  ni 
les  poursuivre,  il  aurait  renoncé  à  faire  appel  à  leur  concours  et 
adn\is,  en  revanche,  l'arcliigalle  au  sommet  de  sa  réforme.  Mais 
l'archigalle  aurait  toujours  gardé  la  marque  de  son  origine  étran- 
gère. Au  dire  de  il.  Cumont,  la  forme,  non  latine,  de  son  nom 
suffirait  à  la   prouver':   etM.Oraillot.de   rencliérir  encore  et  d'.nf- 

'  Voir  mon  article  précéilcnt  sur  hi  date  de  Viiiti-oilnctioii  officielle. 
à  Rome,  du  culte  d'Atti.<<.  dans  Metitiiyes  d' archéoloyie  et  d'iiistoire,  1923. 
p.  154  et  suiv. 

-  C'est  la  conviction  de  M.  Lafaye  lop.  cit.,  hc.  cit..  p.  1457 i,  et 
celle  de  M.  Cumont  (s.  v.  Gallos,  P.  H'.,  c.  676).  M.  Graillot  (op.  cit., 
p.  230-231)  ajourne  la  distinction  jiis(iii";i  l'époque  flavienne  où  furent 
aggravées  les  sanctions  contre  l'eunucliisme.  Mais  il  se  fonde  unique- 
ment sur  l'idée,  sûrement  erronée.  i|ue  Juvénal  aurait  encore  connu  un 
archigalle  de  IJome  au(|uel  le  satirique  accole  la  qualitication  ignomi- 
nieuse de  .lemivir.  D'abord,  en  aurait  tort  de  prendre  an  sérieux  toutes 
les  injures  de  Juvénal.  Ensuite  et  surtout,  on  chercherait  vainement 
dans  le  texte  invoqué  (Sat.,  VI,  511-521)  la  mention  d'un  archigalle. 
Quant  à  ra«<îVes  de  la  Sat..  II,  ll.'î,  il  ne  peut  être  un  archivai  le  (cf  Grail- 
lot, op.  cit.,  p.  236,  n.  1). 

^  Cumont,  s.  v.  ArchiyaUus,  P.  IC,  II,  c.  484:  beweist  schon  die 
Form  dièses  Namens  seinen  orientalischen  Ursprung. 


242  ATTIDKIA 

firmer:  «  rairliiffallc  est  un  |)iir  produit  de  l'Orient  »  '.  Je  rrois,  pour 
ma  part,  que  nos  textes,  au  lieu  de  justifier  ce  point  de  vue.  sug- 
gèrent une,  interprétation  toute  différente.  Par  leur  répartition  rliro- 
nolofji(liie,  ils  nous  apportent  l'attestation  réciproque  que  l'ICmpirc 
a  cherché  à  éliminer  les  galles  et  qu'en  revanche  l'arcliigallat  ne 
doit  à  rOrient  ((uc  son  nom  grec  et  qu'il  est  une  création  de 
Claude.  Avant  ce  iiriuce,  en  effet,  nous  rencontrons  souvent  des 
prêtres  de  Cybèle  et  d'Attis  qui  s'appellent  des  galles  :  mais  nous 
ne  connaissons  pas  d'archigalles  ;  après  Claude,  c'est  le  contrairf 
qui  nous  échoit  et  qui  est  la  vérité. 


Examinons  d'abord  les  documents  de  l'époque  impériale.  Ils 
révèlent  des  contradictions  qui  sont  autant  de  surprises.  D'abord, 
l'opposition  est  frappante  cnti'c  la  statistique  des  passages  emprun- 
tés aux  auteurs  et  celle  des  inscriptions.  Nous  avons,  sur  les  gal- 
les, une  multitude  de  mentions  littéraires  :  et  il  n'a  été,  jusqu'à 
présent,  découvert  qu'une  seule  inscription  où  ti^rure  un  galle,  dans 
des  conditions  d'ailleurs  suspectes  et  sur  les(iuelles  nous  aurons  à 
revenir.  Par  contre,  si  à  Rome  et  dans  la  campagne  romaine,  en 
Italie,  en  Dalmatie,  en  Espagne,  en  Afrique  et  en  Asie  ont  surgi 
des  épitaphes  ou  des  dédicaces  consacrées  à  des  archigalles  ou  par 
leurs  soins  ',  nous  sommes  forcés  d'avouer  qu'abstraction  faite  des 
passages  déjà  cités  ^  de  Prudence,  où  l'arcliigalle  est  désigné  sans 
être  nommé  *,  de  TertuUien  ^  et  des  Fiafimeufs  du  Vatican  "  qui 
se  réfèrent  expressément  à   sa  fonction  sacerdotale,  il   n'existe  nulle 

'  Graillot,  op.  cit.,  p.  230. 

'  Cf.  infra,  p.  252  et  suiv. 

^  Cf.  supra,  p.  238. 

*  Prudence,  Ferixieph.,  X.  10(J(i  et  suiv. 

^  TertuUien,  ApoL,  25. 

"  Fragments  du  Vatican,  §  148.  • 


ATTIDEIA  243 

part  chez  aucun  antre  écrivain  ancien,  une  allusion,  si  fugitive 
qu'elle  soit,  à  un  ardiigalle  authentique.  Les  seules  qui  aient  été 
relevées  '  sont  au  nombre  de  quatre,  toutes  postérieures  à  la  dif- 
fusion du  Christianisme,  et  visiblement  destinées  à  englober  les 
archigallcs  dans  la  réprobation  de  l'eunuchisme.  Or,  ce  reproche  ne 
saurait  leur  être  imputé  "'  :  il  s'applique,  en  réalité,  aux  simples 
galles  et  tend  évidemment,  pour  les  besoins  de  la  polémique,  ou 
sous  son  intluenee,  à  assimiler  purement  et  simplement  le  pontife 
par  excellence  du  culte  de  Cybèle  aux  misérables  dont  la  flé- 
trissure est  devenue  un  de  ses  lieux  communs  ^.  Ce  déséquilibre 
entre  l'épigraphie  et  la  tradition,  entre  l'épigraphie  qui  retient 
ce  que  la  tradition  néglige  et  la  tradition  qui  ne  perd  pas  une 
occasion  d'étaler  ce  que  l'épigraphie  nous  dérobe,  sutïirait.  par  lui 
même,  à  éveiller  nos  soupyons.  Si  galles  et  archigalles  avaient  été 
doués  également  d'une  existence  otRcielle,  il  n'y  aurait  aucune  raison 
pour  qu'il  se  fût   produit;  et  le  seul   fait  que  nous  le  constations 

'  Cf.   lliesannis  Lingnae  Latniae,  s.  v.  avchi(irilht)i.   II.  c.  461. 

^  Cf.  nupra,  p.  239. 

^  Les  textes  sont  les  suivants:  1"  Tert.,  De  resnrr.  carnis,  16:  A't 
lamen  caltcem  non  dico  renenarium,  in  queni  mors  aliqua  ruciarit,  sed 
frictricis  vel  archigaUi  vel  gladiatoris  aut  carnificis  npiritu  infectum.  quaero 
an  minys  damnes  (juam  oscilla  ipsoniiii.  En  pareille  compagnie,  Tarchi- 
galle  souillé  dont  parle  ici  Tertullien  est,  évidemment,  un  eunuque. 
2°  Schol.  ad  .îuv.,  II,  116:  archigaUi  cinaedi  ijKcm  maguhtm  conspurca- 
tinn  dicimiis,  qui  jniMica  imjnidiciliam  professus  est.  Le  texte  parle  de  soi. 
3"  Servins -,  ad  Aen..  IX,  115:  Mater  Magna  instituit  ut  quotannis  in 
sacris  suis  [Attis]  plangeretur  et  eff'ecit  nt  ciiJtores  sut  viriles  sihi  partes 
amputarent  qui  archigalli  appeUantur.  Il  n'y  a  aucun  doute  sur  l'équi- 
valence archigalli  =  galU.  4°  Firmicus  Maternas,  Adv.  Math.,  III.  ,ô,  24: 
archigaUos  facient  et  (qui)  lirilia  propriis  sibi  amputant  manibus:  ihid.. 
III,  6.  22:  faciat  (genifura)  eunuchos  aut  abscisos  archigaUos  aut  herma- 
pliroditos;  ibid.,  IV,  13.  5:  aut  stériles  aut  eunuchos  aut  archigaUos  aut 
hermapliroditos  facxet.  Clairs  en  eux  mêmes,  ces  passages  de  Firmicus 
Maternus  s'élucident  encore  mieux  par  comparaison;  cf.  ibid.^W.  30,  3: 
facient  stériles  effeminatos  et  abscisos  gallos  :  VI.  31,  f>:  publicos  cinaedos 
haec  genitura  aut  certe  abscisos  gallos  effieiet :  et  VII,  25,  4  et  VII,  25, 
10  et  13. 


iicius  indique  déjà  que  les  fçalles  restaient,  sans  aucun  doute,  en 
■deliors  d'une  lé;i:alité  qui   n'a  voulu  connaître  que  l'arcliigalle. 

Mais  il  y  a  ]dus  :  (juaiid  iimis  rejçardons  de  prés  les  textes  des 
•quatre  premiers  siècles  de  notre  ère  qui.  postérieurement  au  princi- 
pal de  Claude,  concernent  les  j^alles,  nous  ne  pouvons  pas  ne  ])as 
ê.ti'e  frapjiés  de  leur  aspect,  soit  archaïque  ou  local,  soit  irréel. 
Qu'on  en  parcoure  la  collection  si  complète  réunie  par  M.  (iraillot  '  : 
OH  l>icn  les  citations  alléguées  viennent  d'historiens  et  de  scholiastes 
qui  ont  la  prétention  de  nous  renseigner  sur  le  sacerdoce  des  gal- 
les, mais  alors  ils  reportent  au  passé  ou  continent,  comme  une  excep- 
tion. :'i  l'extrémité  des  provinces,  la  description  qu'ils  niuis  en  lais- 
sent; ou  liien  elles  sont  tirées,  soit  des  satiriques  païens,  comme 
Perse,  .luvénal  et  Martial,  soit  des  apologistes  chrétiens,  qui  se 
dressent  en  face  d'un  l'aganisme  moribond  comme  les  pins  mordants 
des  satii'iques;  et,  dans  les  deux  cas,  elles  valent  tout  juste  ce  que 
vaut   la   convention   d'un    invarialde   paniiililet. 

Dans  le  galle,  satiriques  et  Chrétiens  insultent  l'eunuiiue,  le  rir 
(ihsr/siis  livré,  par  sa  mutilation  volontaire,  aux  plus  dégoûtantes 
déliauches.  Tour  les  uns  comme  pour  les  autres,  le  (jiilliis  et  Vex- 
)niiJiiis.  Vciiiiin  /nis  et  le  riiuirdux  sont  synonymes  et  i)areillement 
voués  au  inépiis  que  méritent  une  vie  dégradée  et  des  nueurs  abo- 
minal)les.  Les  galles  se  châtrent  par  vice,  dit  Saint  Jérôme  :  \ibidiw 
truncittus  '.  Ce  sont  des  fous  et  des  invertis  —  Galli  al/srirlrreiitiir. 
jiiolli-s  ronserrarentur  ^  —  dont  Saint  Augustin  ne  sait  ce  qu'il  faut 
11'  plus  haïr,  leur  insanité  ou  leur  turpitude  :  insana  perstrepit  tiirpi- 
tii(h)  '.  Ils  n'ont  plus  rien  d'humain  —  ner  riros  se  lier  femiiias  fa- 
riuul  —  renchérit  Lactance  '  :  et  Minueius  Félix  d'ajouter  (|u'ils  insul- 


'  (ùaillot,  op.  cit.,  eh.  VllI,  ]..  287-;îl!>. 

■  S.  Jérôme,  In  Ifoxmm,  I.  4.  14. 

=1  S.  Aug.,  Civ.  Dei,  II.  7. 

^  Ibid.,  VII,  28. 

''  Lact.,  Dit:  Inst..  I,  21.  IC. 


ATTIDEIA  24Ô 

tent  h  la  providence  divine,  «  citm  si  eiiniichos  deus  vellet.  posset  ^yro- 
*'reare,  non  fncere  »  '.  Quant  :i  Saint  Justin,  il  ne  s'en  laisse  pas  non 
plus  accroire  et  note  d'infamie  leur  prétendue  piété  :  si;  /.tvzirJiav 
i-o/.ô-TfyVT^'.  '.  Or,  si  on  laisse  de  côté  l'argument  métaphysique 
Invoqué  contre  eux  par  Minucius  Félix,  on  s'aperçoit  que  l'impitoya- 
ble censure  des  Chrétiens  a  ramassé  les  traits  dont,  pour  s'amu- 
ser, la  satire  païenne  avait  déjà  criblé  les  galles.  Le  mot  de  Lac- 
tance  reproduit,  en  le  gér.éralisant,  le  motif  de  la  sentence  railleuse 
que  le  préteur  de  78  av.  notre  ère  avait  portée  contre  un  galle 
du  nom  de  Genueius,  exclu  des  libéralités  testamentaires  qu'il  pré- 
tendait recueillir  par  la  raison  que  «  Genucium  neque  lirorum  par- 
tihns  interponi  posse  neqiœ  midierum  »  '.  Saint  Augustin  reprend 
A  son  compte  les  expressions  même  de  Juvénal  : 

Hic  tinpis  Cl/Mes  ...  * 

La  sorte  de  Jiliido  frénétique  dont  Saint  Jérôme  les  inculpe  est  re- 
prochée par  Lucien  aux  eunuques  d'Atargatis  ",  et  elle  éclate  dans 
répigramme  où  Martial  raconte  l'irréparable  mésaventure  survenue 
à  Misitius  sur  la  route  de  Ravenne: 

Semiriro  Cyheles  l'iim  gref/e  jiinxif  iter  '. 

Cette  scabreuse  anecdote,  dont  les  lecteurs  des  Epigrnmmes  ne 
pouvaient  rire  que  parce  qu'ils  la  savaient  imaginaire  on  lointaine, 
relève  de  la  fantaisie:  à  une  époque  où  Domitien  venait  de  châtier 
la  castration    comme   un    crime  ",  elle    constitue    un    anachronisme 

'  Minucius  Félix,  Orfatius,  24.  4. 

-  Justin,  Apol,  I,  27.  p.  70  E  Otto. 

^  Val.  Max..  VII,  7,  6. 

<  Juvénal,  Sut.,  II,  111. 

=  Lucien,  De  Dea  Syria.  22:  -^g/ouït  fiXXn  ■"-ly.aivo'/Tai.  Cf.  Martial, 
VI,  2,  6:  Et  spado  moechus  erai. 

«  Martial,  III.  91,  2. 

'  Cf.  supra,  p.  2H8. 

MéUiiuf.^  li'An-h.  fl  <rilist.  1(>2>!.  16 


246  Ai-riDKiA 

('vidoiit  et  concertf'-;  elle  trahit  chez  rautenr  le  parti-pris  de  traiter 
;ï  sa  façon  un  tlième  déjà  fixé  et  populaire;  et  ses  variations  re- 
joignent celle»  des  apolo;,'istes.  Les  galles  qu'il  nous  présente  sont, 
par  définition,  des  cinaecii  ',  comme  chez  Saint  Justin:  et  ses  eu- 
nuques, en  général,  sont  esclaves  des  plus  basses  passions  : 

Af  priKS  o   mores  rf  sjuiflo  moi'clius  état  '. 

Aussi  bien  vnyons  nous  naître  cliez  lui  une  confusion,  qui, 
avec  le  temps,  va  s'épaissir  toujours  davantage,  entre  le  galle  con- 
sacré  à  Cybèle  et  Attis  et  le  castrat  dont  l'éviration  n'a  pas  la 
piété  pour  excuse.  Plusieurs  fois,  dans  son  œuvre,  le  mot  gallus 
est  en  quelque  sorte,  sécularisé,  employé  comme  un  synonyme,  adé- 
quat et  commode,  A'euniicJiiis  ou  de  spuâo  '.  Dans  la  deuxième 
moitié  du  second  siècle,  cette  évolution  verbale  sera  achevée.  Le 
terme  f/allus  dépouille  alors  toute  signification  nij'stique  ;  il  n'in- 
dique plus  que  la  tare  i)hysique  dont  les  galles  de  Cybèle  étaient 
autrefois  atHigés  ;  et.  par  exemple,  sous  Marc-Aurèle  \  au  plein  d'une 
])ériode  ù  laquelle  on  assigne  d'ordinaire  la  définitive  expansion 
dans  l'Empire,  des  cultes  inétroaques  ',  un  document  jiiridi(|ue  dont 
\r  modèle  a  été  élalioré  dans  les  bureaux  du  procureur  général  du 


'  Maitial,  Aj;.,  IX,  2,  1."!:  iiunc  et  miseros,  Cyliele,  praecide  cinaedos. 

•■!  Ibid.,  \l,  •->,  (î. 

^  Les  développements  littrraiies  n'oUservcnt  pas  la  différence  juri- 
di(|ne.  indiquée  phis  bas.  p.  247.  n.  2.  de  Veiiiinehiis  et  du  spudo.  Sur  cet 
emploi  du  mot  f/a//iw.  cf.  ihid.,  I,  36,  lô;  H,  4ô,  2;  XL  72,  2  et  74,  2, 
.M.  Oraillot,  obsédé  par  sa  recherche  des  galles  de  Cybèle,  en  a  reconnu 
un  dans  le  vers  II,  45,  2:  IJemens,  cum  ferro  quid  tihi?  Gallus  erat\  et 
s'est  étonné  de  voir  substituer  ici  le  fer  à  la  pierre  dans  le  rite  de  Tévi- 
ration  niétroaque  (Oraillot,  op.  cit..  p.  296,  n.  8).  Mais  Martial  n"a  commis 
aucun  solécisme  liturgique  pour  la  simple  raison  qu'en  composant  cette 
épigramme  il  ne  songeait  nullement  à  la  religion  de  la  Grande  Mère. 

*  Cf.  sur  cette  clironoloj;ie,  .J.  Carcopino,  Reiue  des  Etudes  Ancien- 
ws.  1922,  p.  219  et  suiv. 

^  Cf.  Oraillot,  o;».  cit..  cli.  V. 


ATTIDEIA  247 

fisc  en  Egypte,  le  «  gnomon  de  l'idiologue  »  use  du  mot  gallus 
pour  désigner,  en  dehors  de  toute  considération  religieuse,  tous  les 
rnstrati  —  quelle  qu'eu  soit  l'origine  —  rendus  inaptes  par  leur 
infirmité,  naturelle  ou  acquise,  à  disposer,  par  testament  de  plus 
du  tiers  de  leur  fortune:  «  Si  un  «  galle  »  ou  un  impuissant  meurt 
intestat,  sa  fortune  est  confisquée  ;  s'il  a  rédigé  un  testament,  ou  ne 
confisque  que  les  deux  tiers  et  le  restant  est  délivré  aux  personnes 
de  sa  catégorie  en  faveur  desquelles  il  a  testé  »  '.  —  «  yâDiOjv 
xat  caSstôv . . .  aîrà  tsasut/îv,  £5:[v  ioJtzQETOi  z— oOy.voJ'Jiv  tz 
pjTîâpyovTa  5:]va[>.3t]a?zv£T5'.i,  èzv  os  SiaQûvTat . . .  to  '^è  rptrov 
oi;  èiv  h'.y.Ty.'Si-i-y.',  oy.ooJXoo;  »  ".  Si,  entre  169  et  172,  date  vrai- 
semblable de  la  compilation  du  gnomon  ^,  le  mot  gallus  a  perdu  sa 
signification  première,  s'il  est  devenu  un  simple  nom  commun  \  in- 
difl'érent  a  toute  idée  religieuse,  applicable  à  tous  les  castrati  sans 
exception,  c'est  qu'il  avait,  depuis  longtemps  déjà,  cessé  de  dési- 
gner, dans  l'Empire,  les  tenants  d'une  fonction  cultuelle  déterminée. 
Si,  en  eft'et,  nous  relisons  maintenant  les  auteurs  qui,  posté- 
rieurement au  milieu  du  P''  siècle  ap.  J.  C,  et  sans  intention  po- 
lémique, nous  ont  voulu  renseigner  sur  les  galles  de  la  religion 
métroaque,  nous  verrons,  ou  bien  qu'ils  les  relèguent  aux  confins 
de  lointaines  provinces,  en  des  contrées  demeurées  étrangères  aux 

'  J'adopte,  à  un  ou  deux  mots  prés,  l'excellente  traduction  de  M.  Théo- 
dore Reinach. 

^  Art.  11-2  du  gnomon,  1.  244  et  suiv.  Pour  le  commentaire,  voir  la 
remarquable  édition  de  M.  Théodore  Reinach,  dans  la  Nouvelle  Revue 
historique  de  droit  français  et  étranger,  1920,  p.  49  et  suiv.  M.  Th.  Rei- 
nach a  démontré  que  cet  article  vise  à  la  fois  les  -yâxxoi,  c'est  à  dire  les 
castrati,  et  les  uaftpa;,  littéralement  les  pourris,  c'est  à  dire,  certainement, 
les  spadones,  ou  impuissants.  Juridiquement,  en  effet,  ces  deux  catégories 
d'anormaux,  que  les  littérateurs  confondent  habituellement,  étaient  dis- 
tinctes. 

'^  Cf.  J.  Carcopino,  loc.  cit.,  p.  228. 

*  Cf.Et.de  Byz.,  s.  V.  Vàlkou  %T.i,  \/.n-iTi  -jàp  toù;  TEy.vo'J-'vou;  ta  aî- 
Soîa -jiXXsu;  '.at.Lmi.  —  Hésychius,  8.  V.:  l'iXXo;  ô  «775x5115;  t.tsi  ô  sÛnoj/o;. 
—  Suidas,   8.  V.:   roiXXii,   oi   rm no-an. 


248  ATTIDEIA 

mœurs  de  l'Empire  qui,  pour  (les  raisons  de  défense,  le»  avait 
absorliéfs  sans  les  assimiler,  ou  bien  qu'ils  le»  considèrent  comme 
une  espèce  disparue. 

Non  seulement  les  lexicof^raphes  byzantins  '  dont  le  langage  ne- 
prouverait  pas  grand  chose,  mais  Servius,  au  IV'  siècle  ",  et  Lactan- 
tius  Placidus  ^,  au  VF,  décrivent  à  l'imparfait  ou  au  plus-que-parfait 
les  processions  des  galles  connue  leur  barbare  mutilation.  Lucien, 
parlant  soricuseniciit,  ne  nous  les  montre  organisés  qu'à  la  frnntièrt- 
de  rKu|>lirate,  dans  le  sanctuaire  (|iie  possédait  la  Déesse  sj'rienne  ' 
A  lliérniKjlis  Bambycè  '.  Hérodien  ne  s'intéresse  à  eux  qu'à  pro- 
])os  du  transport  de  la  pierre  noire  en  204  :iv.  .1.  ('.  et  les  rat- 
tache au  temple  de  l'essinonte  *'.  Quant  à  Pline  r.\ucien,  si,  consul- 
tant ses  fiches,  il  écrit  à  propos  d'eux  :  ver  non  aliijua  (jentium 
'/uoqne  in  hoc  discrimina  et  sacrorum  etiam.  citru  perniciem  a/nt- 
putaiiiihus  Matris  demn  f/allis  ',  on  aurait  tort  de  faire  fond  sur 
le  participe  présent  qu'il  emploie  ;  car.  d'une  part,  dans  un  autre 
l)assage  de  son  Histoire  Xaticrelle.  où  il  repi'end  les  termes  du 
précédent,  il  se  sert  aussi  du  présent,  mais  nomme  l'auteur  dont 
il  transcrit  les  observations  et  qui,  probablement  né  sous  le  consu- 
lat de  Marins  et  de  Carbon  ",  était  vieux  de  plus  d'un  siècle  :  M.  Cae- 
lius:  Samia  lesta  ^fafris  demn  sacerdotes,  qui  Galli  rocantur,  ri- 
riiitnlem  nmpiitare    ner    aliter    ritrn    perniciem,  M.   Caelio  creda- 

'  Voir  notamment,  Eti/mologiciim  magnum,  s.  v.  l'iXXî;,  p.  220  Gaisford: 

È^  =  Ts'u.N0VT3     -yàp    1£     TiXotJU.£N5t    T^    Ô£(0. 

^  Serv.,  ad  Aoi.,  X,  220:  Galli  futura  2>raenuntiahant. 

■'  Lact.  Plac,  ad    Theb.,   XII,  224:  Se  galli  ahscidere   consneverant. 

'  Je  ne  cherche  pas  à  éluder  ce  témoignage,  bien  qu'il  ne  concerne 
pas  le  culte  métroaque,  parce  (pi'on  pourrait  toujours  m'opposer  l'inti- 
mité des  rapports  (pii  semblent  avoir  uni  les  deux  religions,  phrj-gienne 
ot  syrienne. 

^  Luc,  De  Dca  Sijria.  2*5-27  et  .")0-ôl.  11  n'y  a  rien  à  tirer  de  Chro- 
nosolon,  12,  ni  de  Liicins,  35. 

"  Hérod.,  I,  IL  II  n'y  a  rien  à  tiicr  de  Plut..  Adr.  ("olot.,  33. 

"  Pline.  iV.  //.,  XI.  2t;L 

"  Cf.  Pline.  X  JL.  \"1I.  165. 


ATTIDEIA  249 

mus  '  ;  et  d'autre  part,  dans  sa  description  de  la  Phrygie,  il  note 
au  passé  le  souvenir  des  prêtres  de  Cybèle  et  le  nom  qu'ils  tirè- 
rent du  fleuve  Gallos  '. 

Les  coneordauees  de  ces  textes,  les  pénalités  portées  par  Do- 
mitien,  et  aggravées  par  ses  successeurs  du  11°  siècle,  contre  l'eu- 
nuchisme  '  laissent  si  peu  de  place  à  la  présence  des  galles  dans 
la  refonte  romaine  de  la  religion  de  Cybèle  et  d'Attis,  que  M.  Grail- 
lot  ne  parait  l'admettre  qu'à  la  fin  de  l'Empire,  dans  la  déca- 
dence de  la  législation,  lorsque  les  galles  se  mirent  à  «  envahir  les 
temples  »  *.  Mais  je  doute  que,  même  restreinte  de  la  sorte,  la  thèse 
qu'il  a  soutenue  puisse  être  acceptée.  Je  crois,  pour  ma  part,  que 
cette  invasion  apparente  de  l'eunuchisme  dans  les  cultes  métroaques 
procéda  uniquement  de  l'irruption  simultanée  de  la  polémique  chré- 
tienne dans  leur  histoire.  Que,  dans  l'effondrement  matériel  et  le 
désarroi  moral  du  IIP  siècle  ap.  J.  C,  l'Etat  n'ait  plus  détenu  ni 
la  force  ni  l'autorité  nécessaires  pour  proscrire  et  châtier  l'eunu- 
chisme, comme  auti-efois,  passe  encore  ;  mais  qu'il  l'ait  consacré 
publiquement,  en  conférant  aux  seniiriri  une  place  d'honneur  dans 
la  hiérarchie  de  l'une  de  ses  religions,  voilà  qui  heurte  la  vraisem- 
blance, et  est  contredit  par  nos  documents.  Par  exemple,  Lactance 
se  garde  bien  d'affirmer  que  la  Grande  Mère  en  est  venue  à  exi- 
ger réviration  de  ses  prêtres;  tout  au  contraire,  il  écrit  que  même 
de  son  temps,  de  son  temps  encore,  elle  ose  se  réjouir  de  leur 
mutilation:  ideo  efinm   huhc  gallis  saiertloiihus   gatidet^.   Il    n'at- 

'  Pline,  N.  H.,  XXXV,  16.^. 

'  Pline,  N.  H.,  V,  147.  Martianus  Capella,  VI,  687,  est  un  décalque 
de  Pline.  A  noter  aussi,  ([ue  dans  V Agamennon  de  Senèque,  les  secta- 
teurs de  Cybèle  et  d'Attis  sont  des  viri,  et  non  des  semiviri  i686). 

3  Cf.  big.,  XLVIII,  8,  6;  8,  4,  2:  8,  5. 

*  Graillot,  op.  cit.,  p.  289,  n.  1. 

^  Lact.,  Epit.,  8.  Cf.  Paulin  de  Noie,  XXXII,  88:  Nimc  quoque  se- 
miviri mysteria  turpia  plangunt.  Il  est  à  noter,  d'ailleurs,  que  les  invec- 
tives de  Saint  Augustin  sont  également  rétrospectives.  (Cf.  Cir.  Dei, 
VII,  26:  usqiie  in  hesttrnum  diem — ). 


250  ATTIDBIA 

teste  donc  pas  une  innovation  ou  une  reviviscence  :  il  témoignerait, 
nu  plus,  d'une  surviviiiice,  si  nous  n'avions  la  preuve  qu'aux  siè- 
cles antérieurs  les  pratiques  métroaques  étaient  tontes  différentes 
<le  celles  qu'il  imagine.  De  même,  il  n'y  a  rien  à  tirer  de  la  dé- 
dicace à  la  Grande  Mère,  découverte  à  Lectoure  et  datée  de  239, 
•où  il  est  rappelé  qu'au  jour  du  sang,  le  24  mars,  de  cette  année- 
là,  «  Valer/a  Gemma  rires  ercepit  EiUychetis  »  '.  M.  Graillot  se 
figure  qu'on  peut  y  discerner  le  souvenir  d'une  mutilation  sacer- 
dotale, celle  d'Kutychès  qui  venait  d'entrer  dans  l'ordre  ^  Cet  éta- 
lage sur  le  forum,  cette  vanterie  inscrite  sur  la  pierre  d'une  cou- 
tume réputée  criminelle  serait,  en  vérité,  une  énormité  juridicpie. 
Mais  il  est  possible  d'interpréter  tout  autrement  un  texte  qui  ne 
l'a  point  commise.  Les  rires,  dont  la  dédicace  gauloise  commémore 
la  transfusion  à  Valeria  (xemina  par  la  vertu  du  sacrifice  métroa- 
que  et  l'intermédiaire  de  l'officiant,  s'identifient  aux  forces  surna- 
turelles qui  sont  censées  s'échapper  à  flots  de  la  castration  suivie 
d'égorgement  des  victimes  obligées,  bélier  ou  taureau:  et  l'inscrip- 
tion de  Lectoure,  si  importante  pour  l'histoire  du  criobole  et  du 
taurobole,  n'a  rien  à  voir  avec  l'éviration  des  galles.  Knfin,  vers 
le  même  temps  où  Saint  Augustin  invectivait  contre  les  Païens: 
«  Votre  Grande  Mère  des  dieux  a  introduit  des  castrats  dans  les 
temples  romains  et  conservé  la  cruauté  de  leurs  rites  »  ^,  un  autre 
de  leurs  adversaires,  que  nous  désignons,  faute  de  mieux,  sous  le 
nom  de  l'Ambrosiaster  * ,  avouait,  malgré  qu'il  en  eût,  que  les  vo- 
cations à  l'eunudiisme    ne  se    déterminaient    qu'à  grand'  peine,  à 


^  C.  I.  i..,  XIII.  .510. 

2  Graillot.  op.  cit..  p.  317. 

^  Aug.,  Civ.  Dei,  \'II,  26:  At  vero  ista  Magna  âeorwii  Mater  etiam 
Bomanis  templis  ca.itraios  inhilH  adque  isiam  saeritiam  moremque  servavit. 
Sur  la  portée  rétrospective  du  passage,  cf.  ^upra,  p.  249,  n.  5. 

*  Sur  PAnibrosiaster,  dont  le  pamphlet  aurait  été  compose  entre  374 
et  382,  cf.  Cuinont,  dans  la  Hevite  d'Iiistuire  et  (h-  htlpi-nliirr  religieuses, 
VIII,  1904.  p.  417. 


ATTIDEIA  251 

force  (le  promesses  et  de  menaces  ',  et  dressait,  sans  y  penser, 
contre  leur  persistance  une  invincible  objection,  en  affirmant  le 
maintien  de  la  loi  en  vertu  de  laquelle  «  einiiirJws  i)i  recjtto  Romano 
fieri  non  1/cet  »  '.  Or,  à  prendre  à  la  lettre  les  accusations  des 
Chrétiens,  non  seulement,  au  IV'  siècle,  les  galles  seraient  deve- 
nus les  prêtres  de  Cybèle  et  d'Attis,  mais  ces  faux  dieux  du  Pan- 
théon romain  ne  conuaitraient  pas  d'autres  ministres:  sacra  \eorum] 
a  gallii-  sncerdofibiis  lelcbruntia-  '\  Dans  cette  phrase  de  Lactance, 
le  mot  gaU/  est  pris  dans  son  acception  usuelle.  Ce  n'est  pas  un 
titre,  c'est  une  épithète  de  nature.  Accolée  ;i  tous  les  servants  de 
la  religion  métroaque,  ce  nom  d'eunuque  révèle  l'idée  précon(;ue 
qui  anime  la  polémique  chrétienne,  et  qui  poussait  déjà,  contrai- 
rement à  toute  raison,  Tertullien,  Firmicus  Maternus  et  le  scho- 
liaste  de  Juvénal  à  châtrer  jusqu'aux  archigalles,  sans  exception  *. 
Dans  l'enthousiasme  de  la  foi  nouvelle,  le  Chrétien  prend  tous  les 
métroaques  pour  des  eunuques,  tous  les  prêtres  païens  pour  des 
monstres  contre  nature:  tantnm  castitatem  ersecranUir  \Pagani]nt 
etiam  cinaedis  delectentiiv,  magisterio  eorum  subiecti  ".  Mais  par 
son  outrance  même,  cette  conception  révèle  sa  fausseté  ;  et  le  scho- 
liaste  de  Lucien  est  le  premier  à  ramener  les  accusations  à  la 
mesure  d'une  plaisanterie  consacrée  par  l'usage  ".  Il  ne  faut  pas 
se  laisser  duper  par  les  artifices  d'une  rhétorique  stéréotypée.  Et  au 


'  Ambrosiaater,  ap.  Migne,  XXXV,  c.  2349  f:  abucisi  in  mulieres 
transformanUir,  quos  constat  minis  circiimpeniri  et  promissis  praemiis  ad 
hune  dolorem  et  dedeeus  eogi. 

«  Ibid.,  c.  2349  r.  Cf.  Amm.  Marc,  XVIII.  4,  5. 

3  Laet.,  Div.  Inst.,  I,  17,  7. 

*  C(.  les  textes  cités  supra,  p.  243,  n.  3. 

^  Ambrosiaster,  ap.  Migne,  XXXV,  c.  2342  c. 

^  Scho).  Luc,  ad  Siip2i.  trag.,  8,  IV,  p.  173  Jacobitz,  cité  par  Hep- 
ding,  Attis,  seine  Mythen  u.  sein  KuU,  Glessen,  1903,  p.  28:  i:à  raÙTa  /.ai 
v3-(  Trai^sTai  toùts  xirà  Tzii-ut-i  tùv  ïOisO/wv  li;  tw  'Attiôi  ÈTriTinSîiw*  àva^-ToBit. 
'Ap;jtoôtci)Têpot  Si,   V.   /.tva'.ôs'jsi'^ro,   •/.•x'iiz'.  y.'xi   a'jtô;  "A-rt;   tscsOts;   £-'à;A'53Tî'o6) 


lifu  (ic  ciiiifiiiiiln-  une  j)révciiti')ii  uvim-  l;i  vérité,  et  ili-  traiisfiinner 
lin  poiicif  littéraire  en  institution  d'état,  il  convient,  sur  le  caractère 
exeeiitioiincl  et  extralégal  des  galles,  sur  le  véritalile  sens  de  la 
réforme  Claudienne  qui  les  a  exclus  de  l'organisation  raétroaque. 
de  s'en  fier  au  témoignage  écrasant  île  répigrapiiic. 


Celle-ci,  à  l'époque  impériale,  nous  permet  de  enmpter  un  nomlire 
relativement  élevé  d'archigalles. 

En  voici  la  liste,  dont  les  éléments  ont  été  gr(nipés  d'abord 
par  Goehler  ',   puis   par  M.  Graillot  '. 

1.  —  Rome.   C.   I.  L.,  VI,   218:5: 

C(aiu8)  Camerius  |  Crescens,  |  archigallus  Matris  |  Deum  Magnae 
Ideae  et  |  Attis  populi  Romani,  |  vivus  sibi  fecit  et  |  Camerio  Eu- 
cratiano  lil)(erto)  |  suo  ceteris  autem  libertis  utri  usqne  sesus  loca 
singula  ]  sepulturae  causa.  H(oc)  ml'onumentum)  h(eredemj  e(xterum) 
n(on)  s(equetur). 

Non  datée;  UV  siècle? 

2.  —   Rome.   C.  I.  L.,   VI,   508  : 

Potentissf  imisj  diis  [M(agnae)  D(eornm)  M(atri  et  At]  ti  Menoty- 
ranno,  ]  Serapias  Ii(onesta)  f(emina),  sacfejrfdos)  [deum]  |  Matris  et 
Proserpinae,  |  taurolp(diuni  criobol(ium)  cerno  |  perceptum  per  Fl(a- 
viumj  Antoni|um  Eustocliium,  sac(erdotem;  Phryg(a)  |  maxfimumj, 
praesentib(us)  et  tradentib(us)  |  cflarissimis)  v(iris)  ex  ampliss(imo) 
et  sauctiss(irao)  \  eoll(egio)  XV  vir(orum)  s(acrisj  ffaciundis),  die- 
XIII  Kalfendas)  |  Maias,  Cerealibus,  d(ominis)  n(ostris)  Conatantinoj 
Maximo  Augiusto)  (quintum)  et  |  Licinio  luu(iore)  Caes(are)  cofn)8(u- 
libus). 

'  Goehler,  De  Mdtris  Magnae  apuâ  liomanos  cidtu,  Meis/.eu,  18i%,  p.  40. 

*  Graillot,  op.  cit.,  p.  2:(4,  n.  2.  11  convient  d'enlever  de  la  liste  dressée 
par  Graillot  l'arcliigallc  de  Lanuvium  dont  l'existence  est  liée  à  l'interpré- 
tation certainement  erronée  dn  bas-relief  capitolin  (cf  sujira,  p.  2.'i7.  n.  2). 


ATTIDEIA  253 

Datée  de  319  ap.  .1.  C.  Eiistocliius  est  désigné  par  le  titre,  pro- 
bablement réservé  alors  à  l'archigiille  de  Rome,  de  Sacerdos  Phryx 
maximiis, 

3.  —  Tusculiim.   r.  I.  L.,  VI,   32466  : 

...  couiiifgi)  be[nenierenti]  |  eiim  qiio  vi[xit  annis...]  |  arehi- 
gallo  Tuac[ulano]  |  et  sibi. 

Non  datée:   iriir  siècles? 

4.  —  Ostie.   C.  I  /..,  XIV,  34  : 

P[ro  salute  imp(eratoris) ...  |  ...  FJelicis  Q(uintus)  Caeeilius  | 
Fuscus  archigal  lus  eoloniae  08ten|sis  imaginem  \  Matris  Deum 
ar|genteani  p(ondo)  I  cum  |  signo  Neraesem  |  kannophoris  |  Ostien- 
sibus  d(onura'i  d(edit). 

Sous  Marc-Aurèle  seul  empereur  (169-176). 

5.  —  Ostie.   C.  I.  L..  XIV,  35  : 

Q(uintu8)  Caeeilius  |  Fuscus  archigallus  c(oliiniae)  Oi stiensis)  | 
imaginem  At  tis  argent[e]am  |  pondoi  I  cum  sigillo  |  Frugem  aereo- 
ca]nnophoris  Ostien  sibus  donum  dédit. 

Même  date. 

6.  _  Ostie.   C.  I.  L..  XIV,   385  : 

M(arcus)    Modius  |  Maxximus   isic)  |  archigallus  |  eoloniae  |  0- 

stiens(is_). 

Pas  de  date  :  fin  du  IT   siècle  ? 

7.   —   Capoue.   C.  I.  L.,  X,   3810: 
Virianus  Anipliatus  archigallus  M(atris)  D(eorum). 

D"après  le  nom,  sans  prénom,  l'inscription  serait  du  IV"  siècle. 
Voir,  toutefois,  nos  numéros   1 1   et   12. 


204  ATTIDEIA 

8.  —  Tergeste  (Triestej  ?  C  I.  />.,   V,  488  : 

Lfucius)  Publicius  |  Syntropus  ]  urchigallus  |  v(ivusj  ffecit;  silti 
•et  I  [suis].  Iliofij  inroimiiiciitiiiii)  liCeredem)  n(oni  «(equetur). 

Pas  de   .l;iU-.    III'    sii-cle  ;' 

!t.   —   Mei-ita  (Lùridii).   C  I.  /,.,  II,   5260: 

M(!itri)  d(eorura)  s(acriim)  |  Val(eriii3)  Avita  |  aram  tauriboli 
siii    natalici  red|diti   d(edit)    dfcdicavit),    8acerdo|te    Doeyrico    Va- 
ie|riano,  arc[li]igaIlo  Piiblicio  Mystico. 

Pas  de  date;  voir  supra,   ii.  *!. 

10.  —   Milev  (Mila).   C.  I.L..   VIII.   lUltM: 

Mfagnae)  D(eorum)  M(atri)  |  Sanctae  |  sacrinn  l'artum  |  pro 
sainte  |  [i]nip(cratoris)  Caes(ari9j  M(arci)  Aureli(i)  Sej[veri  Ale- 
xandri]  Pii  Fel(  icis)  Aug(iisti). . .  |  Qu[inti]  Claudii  Basilicus  i  nap  (?) 
et  Miu'tiiis  criolio[li]|iim  fecerunt  et  ipsi  sii8c[e]  perunt  per  C.  Aemi- 
lium  Satur|niiium  sacerdotem  ex  va|ticinationo  arcliifralli. 

Datée:  222-2.35. 

11.  —   Lugdunum  (Lyon).   <'.  T.  L.,  XII,   1782: 

...  ex  vaticlnatione  Pusniii  Iuliani  arfiii  fralli,  iiichoatnin 
XII  kal(enda9)  Mai(as),  consurajmatnm  VIII  kal{endas)  Mai(a.s) 
L(ueio}  Eggio  MaruIIo  |  Cn(aeoj  Papirio  Aeliano  co('n)s(«libus),  prae- 
«uate  Aelio  |  C[astren].s(  i]  saeerdote,  tibicitie  AlUio  Verino. 

Datée:   184  ap.  J.  C. 

12.  —   Lugdunum  (Lyon).   C.  I.  L.,  XIII,   1751: 

. . .  Tauriboliuni  fecejrnnt  dendrophori  |  Lugduui  consistantes,  | 
XV  kal(enda9)  Iulias,  |  Inip(eratore)  [CaesfareJ  M(areo)  Anrel(io) 
fîommodo  Aug(usto)]  |  Marco  Sura  Septimiano)  co(n)s(ulibus)  er. 
vaticinatione  |  Pusoni   Iuliani  arclii  galli .. . 

Daté:    190   ap.  .).  C. 


ATTIDEIA  255 

13.  —  Salonae  (Salone).  Inscription  trouvée  à  lader  (Zara). 
C.  I.  i.,  m,   12920  u: 

D(is)  Mfanibus).  |  L(ucio)  Barbunteio  [  Demetrio  archig(allo)  | 
Salonitano,  qui  |  annis  XVII  usq(ue)  ad  annios)  |  LXXV  integr(e)  | 
sacra  confecit,  |  BarUuntcia  Thallu|sa  Clistera  patrono  |  pientis- 
s(imo)  posuit. 

Pas  de  date,   probablement  fin  W  siècle. 

14.  —  Savatra  de  Lj'caonie  (aujourd'hui,  Ak-Oren).  Anderson, 
Jourmd  <jf  HeUenic  Sfiidies.  XIX,  p.  280,  n.  163. 

AzXz  Attz/.&'j  y.y/'.'^y.'k\\^t.']'yj  ^zz~-r,  iM/iTic  0î(7jv  |  '/.'X,vj.\j.r,-ir, 
î'j/ vîv. 

Pas  de  date.  Les  noms  pourraient  aussi  bien  remonter  à  la  pé- 
riode hellénistique  qu'à  la  période  romaine.  Mais  la  paléographie 
de  l'inscription  oii  les  6  et  tO  lunaires  voisinent  avec  les  formes 
carrées  de  ces  lettres  nous  contraint  à  descendre  Jusqu'à  l'Empire 
plus  probablement  à  l'époque  des  Antonins  au  plus  tôt  '.  Cf.  d'ail- 
leurs les  Aurelii  de  Savatra,  mentionnés  aux  numéros  suivants  de 
l'article  d'Anderson. 

15.  —  Hiérapolis  de  Phrygie.  Cf.  ludeich.  Die  Alterthiimer 
von  Hiérapolis  (Inschriften),  Supplementband  au  Jahrhuch  des  Jcais. 
âeufschen  arc/i.  Institiifs,  IV,   1898,  p.  83,  n.  33  : 

'H  fiJo-jAr,  y.y.[}]  0  S[yiju.]'j;  £TÎar,<7av  |  [!Mz(p-AOvi]  A'jo(r,'Xiov) 
KÛT'j/irvbv,  I  ip/iyaV/.ov  |  àvSpïiàvT&;  àv3c  [TJTâTîi  ~î'[p]î-| 
[!5?>ôovT[a]  >'.0'7i[;j.t](o;  /.ai  0-r,pî![To]a[v]Ta   toî;   9j![oî:    i;]i07:[pj- 

Est  placée,  par  le  prénom  et  le  gentilice  de  cet  archigalle.  vers 
le  dernier  tiers    du   second    siècle   ou  la   première  moitié  du  IIP. 

'  Cf.  Le  Bas-Waddington.  commentaire  au  n.  1034. 


256  ATTIDEIA 

IG.  —  Kiitiii  nous  ajouterons  à  cette  liste  un  arcliigalle  qui, 
BiuiH  ajjpartenir  i)eut-être  au  culte  métroaque  de  stricte  obédience, 
intéresse  néanmoins  son  histoire,  à  une  époque  où  les  différences 
qui  avaient  séjjaré  les  diverses  religions  orientales  tendent  à  se 
tondre  :iii   ereuset   du  syncrétisme. 

A  Sagliir,  en  i'isidie.  Cf.  Ramsay, après Sterret,  dans  le»Studies. .. 
d/'  t/ie  fdstern  l'rarinces  of  the  Uuman  Empire,  Aberdeen,  190f!, 
p.  34:i,   n.  22. 

Aùp-/i>.iy.  I  Oikvo'jSTa  |  Zvjn^i^rj-,  |  K/S'JTT'.avoL'j]  |  y.^/y^iXKvi 
I  TTj';  6s]â;  'A[5r£]aif5o];  rbv  iviîs'.âvTs:  ï[;f.  \  rôiv]  iStojv  ,| 
v.'iyJAiyj.y.-\o>'i   j:'/c'7T'/;|'7£v   'ApTé|y.'.o'.    1y.~:'-.\_yt\(^r,'rr,   vj/rri. 

Remonte  à  la  même  époque  ((lie  la  ])réoédente,  et  pour  les 
mêmes  raisons  (cf.  Aurélia  Vennsta  à  la  1.  1  ). 

Au  total,  seize  inscriptions  nous  font  connaître  quatorze  archi- 
galles  parmi  lesquels  douze  sont  appelés  i)ar  leurs  noms. 

Ce  premier  résultat  n'est  pas  négligeable. 

D'abord,  cette  statistique  épuise  la  totalité  de  nos  doeuments 
épigrapliiqnes  ;  et  comme  aucun  des  exemples  sur  lesquels  elle  porte 
n'est  probablement  plus  ancien  que  la  seconde  moitié  du  11"  siècle 
ap.  ,1.  C,  comme  tous,  à  coup  sûr,  appartiennent  à  l'époque  impé- 
riale, elle  présume  déjà,  dans  rarcliigallat,  une  institution  de  l'Km- 
pire.  Ensuite,  elle  se  répartit  entre  douze  textes  rédigés  en  latin  et 
découverts  dans  les  parties  occidentales  de  l'Empire,  et  deux  textes, 
.seulement,  rédigés  en  grec  et  exhumés  de  cet  Orient  d'ofi  Ton  fait  or- 
dinairement venir  les  archigalles  :  et  par  là  elle  dément  la  eonviction 
commune,  et  nous  invite  à  chercher  en  Occident,  et  plus  précisément 
en  Italie,  d'où  proviennent  huit  de  nos  exemples,  l'origine  d'un  sacer- 
doce dont  les  traces  en  Asie  sont  clairsemées  et  insignifiantes.  Enfin, 
elle  oppose  sa  richesse  à  l'indigence  de  l'épigraphie  relative  aux 
simples  galles  en  un  si  violent  contraste  que  nous  allons  être  tenus 
de  les  bannir  d'une  terminologie  (jue    l'archigalie  a  seul   envahie. 


ATTIDEIA  257 

Ce  n'est  point,  je  le  sais,  l'opinion  courante;  mais  celle-ci  ne 
subsiste  que  par  une  secrète  inconséquence.  «  Si  l'archigalle  est 
bien  un  grand  prêtre,  écrit  M.  Lafaj'e.  il  est  naturel  de  penser  que 
les  prêtres  placés  sous  ses  ordres  doivent  porter  le  nom  de  galles, 
qu'ils  soient  ou  non  Phrygiens  et  eunuques.  Cependant  il  est  pro- 
bable que  dans  le  nombreux  pei-sonnel  catalogué  . . . ,  il  faut  refuser 
ce  titre  aux  assistants  de  tout  genre:  chantres,  musiciens,  appari- 
teurs et  aux  membres  des  confréries,  tels  que  les  dendrophores  et 
les  cannophores.  Il  reste  encore  dans  la  liste  une  quarantaine  de 
prêtres  proprement  dits  qui  peuvent  être  qualifiés  de  galles»  '.  En- 
core qu'il  y  eût  quelque  étrangeté  à  grouper  sous  un  titre  iden- 
tique des  personnes  aussi  dissemblables  que  des  Phrygiens  et  des 
cires  romani,  des  hommes  et  des  semiriri.  le  raisonnement  serait 
plausible,  si  réellement  les  inventaires  dressés  par  Goehler.  puis 
par  M.  Graillot,  contenaient  la  quarantaine  d'exemples  qu'il  nous 
annonce  comme  sa  propre  vérification.  Mais,  en  fait,  ces  individus 
«  qui  peuvent  être  qualifiés  de  galles  »  ont  omis  d'user  de  la  lati- 
tude qu'on  leur  îtccorde.  En  dehors  des  dendrophores  et  des  can- 
nophores dont  les  corporations  sont,  par  nature,  étrangères  aux  dif- 
férents degrés  de  la  prêtrise,  Tépigraphie  de  l'époque  impériale  nous 
déroule  une  infinité  de  grades  et  de  fonctions  dans  le  culte  métroaque  : 
2  cernophores  ',  2  hymnologues  ^,  3  tibicines  \  2  ci/wbalistriae  ', 
2  t!/mj}anistriae  ^',  o  apparatores  ',  2  neditui  *,  au  moins  7  religiosi'^, 
et,  pour  finir,  non  pas  une  quarantaine  de  prêtres,  mais  bel  et  bien 

'  Lafaye.  s.  v.  Galhm.  dans  le  Dictionnaire  des  Antiquités  Sagho  et 
Bottier,  II.  p.  1458. 

-  Graillot.  op.  cit.,  p.  253.  n.  ô. 
^  nid.,  p.  2.55.  n.  2  et  3. 

*  Ihid..  p.  257.  n.  3. 

*  Ihid..  p.  258.  n.  5. 

^  Ibid.,  p.  259,  n.  4  et  5. 

"  Ibid.,  p.  260.  n.  3. 

*  Ibid.,  p.  261.  n.  2  et  3. 
»  Ibid.,  p.  283,  n.  7. 


258  ATriDKIA 

108  sarfirdotrs  '.  M.  Lafaye  n'a  entciiilu  .se  prévaloir  que  de  cetti- 
dernière  catégorie.  Mais  ne  lui  éeliappe-t-ellc  pas,  comme  les  autres  .' 
Les  sacerdotes  qui  la  composent  ne  s'appellent  pas  plus  galles  sur 
les  inscriptions  qui  nous  ont  transmis  leur  souvenir,  que  les  aeditui, 
que  les  tihicines,  ou  même  que  les  hyranologues,  ces  chantres  des  cha- 
pelles métriiaques,  que  M.  Graillot,  entraîné  sans  doute  par  la  sé- 
duction d'un  rapprochement  qu'il  suggère  sans  l'énoncer,  mais  que 
le  silence  des  documents  anciens  n'autorise  même  pas  à  amorcer, 
voudrait  ciianger  en  castrats  '.  Ira-t-on  prétendre  que  ces  sacerdotrs 
sont  des  galles  lionteux  !  Des  galles  qui  cachent  leur  condition  et 
rougissent  de  leur  vrai  nom  ?  Il  faudrait  déjà  retenir  de  cette  expli- 
cation que  l'Empire  a  di.scrédité  le  nom  de  galles,  l'a  rendu  ina- 
vouable. Mais  cette  explication  même  ne  vaut  rien  ;  car,  sur  108  sa- 
cerdotes, on  compte  75  prêtres  auxquels  elle  pourrait  à  la  rigueur 
s'appliquer,  mais  aussi  33  prêtresses  ^  qui  auraient  dû,  en  ce  cas. 
revendiquer  le  nom  de  çiallae,  absent  de  la  tradition  littéraire  *,  et 
qu'il  y  aurait,  au  .surplus,  criante  absurdité  à  métamorpiio.ser,  pour  les 
besoins  de  la  cause,  en  autant  de  se.miriri  de  fait  ou  d'intention.  Alors, 
une  seule  constatation  s'impose;  c'est  que,  contre  14  arehigalles  e^ 
141  desservants  de  tout  ordre  du  culte  métroaque,  l'épigraphie  ne 
nous  a  encore  révélé  que  deux  galles  dont  l'un  est  un  galle  authen- 
tique, mais  vécut  bien  avant  l'Empire,  et  dont  l'autre  est  un  Romain 
du  IIP  siècle  mais  n'a  rien  de  ce  qui  caractérise  le  galle  métroaque. 
Le  premier  nous  est  présenté  par  une  inscription  de  Cyzique. 
exactement  datée  de  l'année  4i>  avant  notre  ère,  c'est  à  dire  an- 
térieure de  quatre-vingts  ans  à  la  réforme  Claudienne  ^.  Nous  an- 

'   Giaillot.  op.  rit.,  p.  23ft.  n.  3  (70)  et  26.s.  n.   1  (33). 

2  Ihid.,  p.  255. 

'  Cf.  la  liste  dressée  par  Graillot,  op.  cif.,  p.  248.  n.  1. 

*  Forcellini,  s.  v.  Gulhi.  III,  p.  1S2,  ne  l'indique  que  comme  s'ap- 
pliquant  par  dérision  à  des  galli  (Catull.,  (i3,  12  et  34i 

^  Cf.  <'.  I.  G..  36t!S:  et  Ditteuberger,  Si/lloge^  763.  C'est  la  seule 
inscription  (|u"ait  encoio  connue  M.  Lafaye,  loc.  cil.,  p.  145S.  n.  8. 


ATTIDEIA  25i> 

rons  à  faire  état  de  ce  cas  particulier  lorsque  nous  nous  effurce- 
rons  tout  k  l'heure  de  ressaisir,  en  ses  traits  les  plus  généraux, 
l.i  situation  que  cette  réforme  a  eu  jxiur  liut  de  modifier;  mais  il 
est  clair  qu'on  n'en  saurait  rien  conclure  pour  la  définir  elle  même. 
Le  second  est  mort  ;\  Rome,  où  fut  trouvée  son  épitaplie  en  1880  ', 
à  la  tin  du  II'  siècle  ou  plus  probablement  dans  le  courant  dn 
III"';  mais  il  suflira  de  citer  en  entier  l'inscription  où  il  est  men- 
tionné, et  de  tenir  soigneusement  compte  des  particularités  de  gra- 
vure que  les  éditeurs  successifs  ont  :i  l'envi  enregistrées  pour  écarter, 
à  son  tour,  ce  témoignage  inconsistant. 

('.  1.  i.,  VI,  32462  : 

D{i8)  M(anibus).  |  Terentia  Matrou(a)  |  C^aio)  Iulio  Abdederae 
(sic)  I  fecit  fratri  pientissi  mo  beuemerti  (sic)  (îallo  |  Diasueiaes  |  ab 
Isis  et  Serapis. 

Inde  a  V.  5  verba  Gallo . . .  alia  manu  perscripta  sunt:  v.  (î, 
litterae  inclinatae  in  litura  repositae. 

Ce  texte  fut-il  assuré,  qu'il  serait  tout  de  même  inopérant 
puisque  le  seul  galle  que  connaisse  Tépigrapliie  de  l'époque  impé- 
riale n'a  pas  appartenu  au  culte  phrygien  de  Cybèle  et  d'Attis, 
mais  relève  de  la  religion  sémitique  de  la  Bea  Syria.  Mais  il  est  loin 
de  nous  oflFrir  toutes  garanties  de  correction.  Le  mot  gallo  et  tous  ceux 
qui  le  suivent  ont  été  tracés  après  coup,  et  les  premières  lettres  dn 
mot  Diasuriaes  furent  inscrites  en  surcharge,  à  la  place  d'autres  ca- 
ractères préalablement  martelés.  Or,  si  la  main  du  lapicide  a  tremblé, 
la  langue  dut  lui  fourcher  également  '.  Gallo  pourrait  bien  résulter 
d'une  de  ses  méprises:  et  son   galle   ressemble   à   un   archigalle  '. 

'  Aujourd'hui  au  Musée  des  Conservateurs.  Sur  cette  inscription 
cf.  Lanciani,  Bull.  Coin.,  1880.  p.  10:  Fph.  h'p.,  IV,  873;  Dessau,  lii- 
scriptioncs  selectae,  4280. 

-  A  la  ligne  3,  Abdederae  est  peut-êtie  pour  Abderae;  à  la  1.  5  lie- 
nemerti  (le  groupe  ne  a  été  suscrit)  est  sûrement  pour  benemerenti. 

^  Archi  aurait-il  sauté  par  haplographie  au  contact  du  groupe  final 
du  mot  précédent  erti'! 


2t;0  ATTIDEIA 

Au  lieu  d'être  embrigadé  dans  l'une  de  ces  Ijandes  vagabonde» 
dont  les  auteurs  anciens,  de  Juvénal  '  à  Saint  Augustin',  promè- 
nent le  tint.iinarre  ;'i  travers  les  rues  et  les  earrefDUrs,  il  est  at- 
taché à  un  sanctuaire  déterminé,  et  dessert  le  teni))le  que  la  Dm 
St/ria  possédait  dans  la  troisième  région  dite  Isis  et  Seruph. 
Ensuite  et  surtout,  ce  prétendu  galle  n'est  pas  un  eunuque  ;  et  la 
cité  romaine  dont  il  est  investi,  et  que  proclament  ses  tria  nmnina. 
nous  interdit  absolument  de  supposer  qu'il  ait  subi  l'éviration  ri- 
luelle.  S"obstinera-t-on,  néanmoins,  :\  alléguer  un  exemple  aussi  dou- 
teux ?  Comme  il  ne  nous  fournit  toujours  qu'l  galle  contre  14  ar- 
chigalles  et  141  prêtres  ou  acolytes,  il  n'aboutit  qu'à  contredire 
la  tradition  littéraire  qu'on  chercherait  à  en  étayer:  et,  quoi  qu'on 
fasse,  ou  se  heurtera  aux  deux  cornes  du  dilemme  :  ou  admettre 
que  dans  le  clergé  métroaque,  comme  dans  certaine  armée  noire  de 
comique  réputation,  il  y  avait  quatorze  généraux  pour  un  simple 
soldat,  ce  qu'est  déraisonnable  et  démenti  par  les  auteurs  anciens, 
ou  renoncer  à  faire  de  l'archigalle  le  chef  de  galles  organisés  sous 
son  autorité,  ce  qui  revient  à  le  rejeter  hors  de  la  hiérarchie  qu"il 
domine.  Préfère-t-on,  au  contraire,  ainsi  que  le  suggère  le  simple 
bon  sens,  abandonner  h  son  sort  cet  z-x;  épigraphique.  nous  n'avons 
plus  nn  seul  galle  à  opposer  ;i  la  masse  des  cuUores  de  tout  genre 
((ue  les  inscriptions  des  temps  impériaux  répartissent  dans  les  cadres 
du  culte  public  de  Cybèle  et  d'Attis.  Autant  alors  convenir,  comme  je 
r.-ifUrraais  en  commençant,  que,  sous  Tl'uipire  au  moins,  ils  en  furent 
délibérément  exclus. 


Avant  l'Empire,  en  ettet,  il  en  allait  de  tout  autre  manière; 
et  Ton  peut  soutenir,  sans  chance  d'erreur,  que  les  rôles,  alors, 
étaient  renversés. 


'  Juvénal,  Sat.,  VI,  511  et  suiv. 
*  Aug.,  Civ.  Dei,  \U,  26. 


ATTIDEIA  261 

Malgré  sa  pauvreté  à  l'époque  républicaine,  l'épigraphie  nous 
a  conservé  la  mention  d'un  galle  tout  pareil  à  ceux  dont  nous  en- 
tretiennent les  atitmirs  tle  cette  période.  Il  s'agit  du  Sotéridès  qui  a 
payé  les  frais  de  Ver-roto  de  Cyzique,  auquel  J'ai  déjà  fait  allusion, 
et  qui  est  consacré  à  la  Mv-rr.p  locale,  dite  Kotiané.  Un  de  ses 
amis,  M(areus)  Stl.iccius,  fils  de  Marcus,  avait  été  compris  dans  le 
détachement  que  la  cité  libre  de  Cyzique  recruta,  en  46  av.  ,1.  C, 
pour  secourir  Cé.sar  engagé  dans  sa  lutte  contre  les  Pompéiens 
d'Afrique,  et  il  s'était  embarqué  sur  la  galère  Soteira  avec  ce  ren- 
fort. Sotéridès  fut  averti  par  la  Déesse  au  service  de  qui  il  s'était 
consacré,  et  du  malheur  (|ui  serait  survenu  à  Stlaccius  tombé  caj)tif 
aux  mains  de  Tennemi,  et  de  la  délivrance  du  prisonnier;  il  remercia 
alors  Cybèle  par  la  longue  dédicace  qui  est  aujourd'hui  exposée  au 
Musée  du  Louvre  '.  Il  est  certain  que  Sotéridès  n'était  pas  le  premier 
venu,  puisqu'il  fut  capable  de  couvrir  la  dépense  de  ce  monument, 
et  qu'il  s'était  lié  à  Cyzique  avec  un  homme  dont  les  nomina  et 
la  filiation  font  un  citoyen  romain.  Or,  ce  Sotéridès  est  un  galle; 
il  ue  dissimule  nullement  sa  condition,  et  affiche  les  révélations 
que  son  état  plus  encore  que  sou  zèle  lui  attirent  de  la  divinité. 
Il  qualifie  exactement  M.  Stlaccius  de  compagnon  —  'j-h  -vj 
iàivj  ij'jy.^jio'j  —  expression  dont  il  n'y  a  pas  lieu  d'inférer  que 
M.  Stlaccius  était  un  galle  lui  aussi,  puisque  l'inscription  ne  lui 
confère  pas  ce  titre,  mais  qui  prouve,  à  mon  avis,  que  ce  Romain 
s'était  affilié  à  la  secte  de  Sotéridès,  en  partageait  les  pratiques  et 
les  espérances.  Si  bien  que  cette  dédicace  nous  apprend  du  même  coup, 
et  la  place  que  le  culte  de  la  Mère  des  Dieux  occupait  à  Cyzique  ", 

■  C.  1.  G.,  3668.  Cf.  Dittenberger,  Sylloge';  348  (=  Stjlhye'^,  763). 
1. -2:  liJtr.î'.oT,;  -j-iXXî;  ='j;i;j..'is?  ^Vr'fi  Ko[Tia-if,] . . .  le  surnom  n'est  pas  sûr. 
La  lecture,  à  la  1.  5,  li  ni  -tz^rf-i  SuT[:ipa,  est  de  M.  Wilhehii,  ^1  rch.-Epigr. 
MUtheilungen  mis  Oesterreich,  XX,  1897,  p.  74.  Cf.  sur  la  même  inscr., 
VVilhelm,  Gotl.  gel  Ameig.,   1903,  p.  797. 

^  Vraisemblablement,  le  navire  qui  portait  Stlaccius  était  lui-même 
consacré  à  la  Grande  Mère  et  s'appelait  Soteira  (ou  Sotèria)  comme  cehii 
qui  amena  à  Ostie  la  pierre  noire  de  Pessinonte  (cf.  Graillot,  op.  cit.,  p.67)- 

Mélatiijes  d'Arcti.  et  ifllist.  1923.  17 


et  le  r;iii;r  (jn'iiii  ;;.illi-  cuiiime  Sott-l'idés  y  foiiait  à  son  tour:  d.ins 
Cyzique  où  n'-^nait  la  i>aiii('.  les  galles,  commi'  lui,  eiu'on;  en  4<; 
av.  J.  C,  faisaient  fij^ure  de  personnages. 

Or  une  impression  semblable  se  dégage  des  textes  liistoi'i(|iies  on 
intcr\  icMiient  des  galles  avant  le  |iriiii'iput  de  Claude.  l'.iontons. 
pal'  exemple,  ce  (pie  nous  ronte  Strabun  des  galles  de  Hiérapolis 
de  Plirygie.  Il  soiipi-uime  IiIhh  les  subterfuges  auxquels  ils  recou- 
rent pour  renforeer  leur  prestige  ;  mais  il  le  constate  et  n'ose  pas 
encore  les  dénoneei-  formellement.  Ces  galles  possédaient  le  pouvoir 
l)rodigii'Ux  de  pénétrer  ini]iunément  dans  l'antre  méphitique  qu'on 
montrait  aux  .-ilwrds  de  leur  ville,  et  que,  comme  s'il  ouvrait  sur 
les  profondeurs  infernales,  on  dénommait  le  Plutoniu;n,  et  d'en 
ressortir  sans  avoir  ressenti  l'Mspliyxie  dont  bêtes  et  gens  tombaient 
lUMlinaii'eiiient  victimes.  Il  se  demande  d'oi'i  leur  vient  cette  éton- 
n;nite  iiiniuuiité  ;  si  elle  leur  est  commune  avec  tous  les  eunuques, 
ou  si  les  eunuques  voués  à  la  Mère  sont  seuls  à  la  mériter:  s'ils 
ont  absorbé  à  l'avance  quelque  .-intidote,  ou  si  vraiment  ils  sont  cou- 
verts par  la  providence  divine  '.  C'est  cette  explication  que  les  in- 
téressés se  complaisaient  à  fournir,  et  le  fait  que  Strabon  l'ait  ré- 
pétée, sans  rire  ni  s'indigner,  prouve  ([u'elle  équivalait  sur  place 
à  une  vérité  de  foi.  Aux  yeux  de  leurs  compatriotes,  les  galles  de 
Hiérapolis,  aux  ])remiers  temps  de  n(>tre  ère,  étaient  envidoppés  do 
la  présence  des  dieux  '. 

Ailleurs,  et  au|)ara\  .nit.  nous  les  voyons  conduire  les  atfaires 
des  hommes. 

Lors  de  la  cam|p:ij;ne  de  Cu.  Manlius  \'uls(i  en  Galatie,  en  185» 
av.  J.  C.  se  place    un    épisode   où    les   récits   concordants   de    Po 

1   Strabon,  XIII,  4,  14,  p.  630  C:  ihi  :Ta/Tu.-  [tw-.]   sjt.o  tvî^ttpwuivw. 

TSÙ75,   e{T£     y.o'vS'*    TW'*     rsp;    T5     iêfS'',    >''Œt    S[T;    ô;ta    TTpOvsia...,     êÎT;    àvTcSjTJi;    TlOt 

O'j'/aasaî   Ti'jTO'j  O'jy.€atv0'<Tî;. 

*  Sur  l'impossibité  d'avancer  plus  tôt  que  18  ap.  .1.  C.  rédition  dé- 
finitive de  la  géograpliie  de  Strabon,  cf.  Ettore  Pais,  lialia  antica,  Bo- 
logne.  11)2.S.  I.  ]).  294-2!».'>. 


ATTIDEIA  263 

lybe  '  et  de  Tite-Lire  '  nous  montrent  en  belle  posture  les  galles  de 
Pessinonte.  Le  consul  venait  d'arriver  au  fleuve  Sangarios  ;  il  était 
en  train  d'y  construire  un  pont,  quand  on  lui  annonça  leur  visite.  Ils 
se  présentèrent  à  lui,  en  grande  pompe,  revêtus  de  tous  leurs  in- 
signes, et  lui  annoncèrent  solennellement  que  leur  Déesse  lui  pro- 
mettait victoire  et  conquête.  Tite-Live  enregistre  leur  prophétie 
sans  commentaire,  mais  Poh'be  ajoute  que  Cn.  Manlius  Vulso,  ap- 
paremment ravi  du  présage,  réserva  aux  ambassadeurs  de  Cybèle 
le  plus  bienveillant  accueil  '.  On  objectera  peut-être  à  cette  nar- 
ration qu'à  Pessinonte,  où  devait  subsister  jusque  sous  Julien  l'A- 
postat la  métropole  de  la  religion  métroaque,  les  galles  constituè- 
rent jusqu'en  25  av.  J.  C.  un  gouvernement  théocratique,  d'abord 
indépendant,  puis  vassal  de  Pergame  ^  et  que  cet  exemple  manque 
de  portée  générale.  Mais  l'année  qui  précéda  l'expédition  de  Cn.  Man- 
lius chez  les  Galates,  Polybe '^  et  Tite-Live".  toujours  d'accord, 
nous  font  assister  à  une  scène  qui  n'eut  point  la  Phrygie  pour 
théâtre,  et  où,  néanmoins,  les  galles  de  la  Mère  des  Dieux  jouent 
un  rôle  identique.  Quand,  en  190  av.  J.  C.  les  Romains  entrepri- 
rent de  porter  en  Asie  la  guerre  contre  Antiochus,  C.  Livius  Sa- 
linator  projeta  de  s'emparer  de  Sestos,  pour,  de  là,  franchir  le 
détroit  des  Dardanelles.  Aussitôt  les  galles  de  se  présenter  aux 
portes  de  leur  cité,  et  de  demander  aux  Romains,  au  nom  de  C}'- 


'   Polybe,   XXI.  37,   4-7:   ^aia-j-iviiTat  -yi),).»!    s/.    IIïiJCi'.vsOiTs; . . .   lx'^f!i% 

'  Liv.,  XXXVIII,  18,  9:  ...  GalU  Matris  Magnae  a  Pessinunte  oceur- 
rcre  cum  insignibns  suis,  vaticinantes  fanatico  carminé  deam  Romanis  i^iam 
helli  et  rictoriam  dare  imperiuimpie  eiiis  regionis. 

3  Po].,ibid.:   «û;    [FiXXsu;]    6   T'-aTo;    ïi>.avesw-w;   ù-tiila-o. 

*  Sur  le  séjour  —  j'allais  écrire  le  jn-lerinage  —  de  Julien  à  Pessinonte, 
cf.  Graillot,  op.  cit.,  p.  354.  Sur  l'histoire  des  rapports  de  Pessinonte  et 
de  Pergame,  cf.  Cardinali,  Regno  di  Pergamo,  1906.  p.  106:  et  Stiihelin. 
Gesch.  der  llei)ias.  Galater  ',  p.  39,  n.  1. 

s  Polybe,  XXI,  6,  7. 

s  Liv.,  XXXVII,  9,  9-10. 


2t;4  ATni>EIA 

lièle  dont  ils  sont  les  Herviteiir»  et  «e  prétendent  les  inspirés, 
d'épargner  leurs  murs  et  leur  ville.  Livius  les  écouta  jusqu'au  bout 
et  respecta  leur  inviolabilité  :  yiemo  eorum  riolaius  est  '.  Leur  succès 
enhardit  les  magistrats  de  Sestos  et  les  négociations  eoramencérent  '. 

Que,  maintenant,  l'on  rapproche  ces  divers  récits  entre  eux  et 
avec  l'inscription  de  Oyzique;  il  est  impossible  qu'on  n'eu  retire 
point  une  idée  favorable  à  la  situation  dont  bénéficiaient  alors  les 
galles.  Sur  les  côtes  grecques,  comme  au  cœur  des  montagnes 
phrygiennes,  en  46  av.  J.  C.  comme  au  début  du  IV  siècle  avant 
notre  ère,  là  où  se  dresse  un  sanctuaire  de  la  Mère  et  d'Attis,  le 
service  en  est  assuré  par  des  galles,  et  ceux-ci,  dans  la  Cité,  Jouis- 
sent du  prestige  et  de  l'influence  qui  n'appartiennent  qu'aux  re- 
présentants les  plus  hautement  qualifiés  des  sacerdoces  publics. 

Or,  du  milieu  de  ces  galles,  aucun  arcliigalle  ne  se  détache 
encore.  En  vain  cherclierait-on  le  nom  de  ri:y iyKA^.o;  dans  un 
dictionnaire  grec.  Il  ne  figure  ni  au  TZ/rsinmix.  ni  dans  les  lexiques 
de  Soplioklès  et  de  Van  Herwerden,  composés  avant  la  récente 
])ublication  des  trois  inscriptions  de  l'époque  impériale,  que  nous 
avons  citées  i)lus  liant  '  et  qui  le  renferment.  On  le  trouvera  bien 
dans  le  livre  de  Weise  sur  les  mots  passés  du  grec  en  latin  *, 
mais  comme  sous  entendu  et  non  attesté  sous  la  forme  grecque  que 
l'auteur  dérive,  par  voie  d'hypothèse,  de  quelques-uns  des  exemples 
que  nous  avons  déjà  relevés  ^.  En  sorte  que  ce  terme  auquel  on 
:ittril)ue  une  origine  orientale  parce  qu'il  revêt  une  forme  grecque, 
ne  se  rencontre  pas  en  Orient  aux  temps  hellénistiques,  et  n'y  ap- 
paraît en  grec  qu'au  cours  d'une  période  où  il  avait  déjà  été  la- 
tinisé.  L\ir/iKm/')ifinti   ex  silenfio  fiit-il    ianiais  plus  éloquent? 


'   Liv.,  XXXVII,  !t,  9-10. 

2  Ibid. 

^  Cf.  siipra,  p.  252  et  suiv. 

*  Weise,  Die  griechische   Wôiier  im  Lntehi.  Leipzig,  18.S2.  p.  .US. 

'  Cf.  supra,  p.  240  et  252  et  sui\-. 


ATTIDEIA  265 

On  arguera  peut-être  contre  lui  de  l'état  de  notre  documenta- 
tion par  trop  ruineuse  et  fragmentaire,  et  il  est  possible  qu'en 
raison  de  ces  lacunes,  on  le  juge  plus  spécieux  que  convaincant. 
Ce  qui,  à  mon  avis  le  rend  absolument  décisif,  c'est  que  les  textes 
peu  nombreux,  il  est  vrai,  mais  explicites,  dont  nous  disposons  avant 
1" l'empire,  ne  se  bornent  point  à  observer  le  silence  sur  l'arcbigalle, 
ce  qui,  après  tout,  nous  laisserait  la  faculté  d'eu  appeler,  sur  son 
compte,  aux  découvertes  à  venir.  Ils  sont,  en  outre,  rédigés  de 
telle  sorte  que  la  place  que  nous  pourrions,  le  cas  échéant,  réserver 
à  cette  intervention  problématique  d'un  iy/i'^y.l'ko;  est  déjà  prise. 
Ils  donnent  des  chefs  aux  galles  qu'ils  promènent  en  corps  et  nous 
montrent  en  action  ;  et  ces  chefs  ne  sont  pas  des  arcliigalles. 

A  la  tète  des  galles  que  nous  avons  vus  saluer  Cn.  Manlius  ve- 
naient un  Attis  et  un  Battakès  :  -apayivrjvTsc.  vi/.'Xot  -ap' "A-iTif^o; 
y.y.ï  KaTTZ/.O'j  '.  L' Attis  présidait  la  prêtrise  de  Pessinonte,  et  le 
Battakès  —  si  toutefois  il  s'en  distinguait  '  - —  lui  servait  de  second. 
C'est  à  l'Attis,  comme  à  un  autre  souverain,  que  les  dynastes  de 
Pergame,  à  partir  de  163  av.  J.  C,  adressèrent  les  lettres  proto- 
colaires inscrites  sur  les  trois  tables  de  marbre  que  Mordtmann 
découvrit  en  1859  dans  le  cimitière  arménien  de  Sivri-Hissar,  sur 
l'emplacement  de  Tancienne  Pessinonte:  "Atts-.A'j;  "AttiXi  îîpîî 
yxi^z:-/  '.  Et  c'est  le  Battakès  qui,  en  103  av.  ,1.  C,  parut  sur  le 
Forum  aux  heures  critiques  de  l'invasion  cimbrique  et  promit  aux 
Romains,  anxieux  de  l'avenir,  l'infaillilile  protection  de  ses  dieux  : 


'  Polybe,  XXI,  37.  4. 

^  Il  paraît  s'en  distinguer  dans  le  p.assage  précité  de  Polybe.  Mais 
il  n'est  question  que  de  V Attis  dans  les  lettres  des  Attalides,  et  que  du 
Battakès  chez  Diodore  et  Plutarque  (voir  ci-après),  comme  si  les  deux 
noms  eussent  pu  alternativement  servir  pour  ne  désigner  qu'une  seule  et 
même  fonction.  Jusqu'à  l'an  dernier,  les  titres  de  Sultan  et  de  Calife  tra- 
duisaient, dans  un  seul  homme,  les  deux  aspects  du  pouvoir  du  comman- 
deur des  croyants. 

'  Dittenberger,  O.  G.  I.  5.,  315. 


266  attidp:ia 

— îst  To^iTOv  Xî  -/Vi^rfi  à-pizeTo  y.vX  \W-7./.r,-,  '.  Ci'  galle,  dont 
l'aspect  scandalisa  les  vieux  romains  et  lui  attira  quelques  injures', 
IMiitarqiK;  rMiiiicllc  o  -'7,;  asyâ/r,;  y./|Tp&;  iîpî'j;,  comme  s'il  était 
le  grand  prêtre  de  Pessinonte  '.  Diodore  le  représente  drapé  dans 
une  robe  à  ramages  qui  indique  sa  dignité  ro_vale  ^  et  ceint  de 
cette  énormi'  ciiuromic  d'or  ^  (|ue  Prudence,  cinq  siècles  plus  tard, 
verra  luire  encore  au  front  de  l'arcliigalle  '.  Mais  si  celui-ci  a  lié- 
rite  ses  emblèmes  et  le  remi)lai;a,  il  lui  a  succédé  sous  un  nom 
qu'antérieurement  à  la  réforme  romaine  aucun  des  chefs  de  la  re- 
ligion métroaquc  n'a  jamais  porté. 

Ainsi,  en  quelque  direction  que  s'orientent  nos  reclierelies,  elles 
aboutissent  toujours  au  même  résultat.  Avant  que  les  Romains  n'eus- 
sent adopté  Attis,  la  prêtrise  métroaque  était  peuplée  de  galles  qui. 
sans  disparaître  après,  ont  néanmoins  cessé  à  ce  nionuMit  d'en  faire 
partie.  Et,  inversement,  l'arcliigalle,  qu'ell(>  ignoiait  avant  l'Em- 
pire, apparaît  ])our  la  première  fois  dans  le  texte  des  Vrarimoits 
du  Vatican  qui  remonte  au  principat  de  Claude,  et  semble  contem- 
l)orain  de  la  réforme  métroaciue  opérée  par  cet  empereur.  Tout  se 
passe,  en  dernière  analyse,  comme  si  cette  réforme  avait  consisté, 
en  un  double  travail  d'épuration  et  de  concentration  :  épuration, 
en  ce  qui  concerne  les  galles,  qu'elle  raye  des  cadres  de  la  re- 
ligion officielle;  concentration  en  ce  qui  concerne  l'archigalle.  qui, 
sans  être  un  castrat  comme  les  galles,  al)sorl)e  leurs  pouvoirs  et 
les  dépasse:  unique  dépositaire  de  l'esprit  de  Cybèle  et  d'Attis  qui 
planait  jadis  au  dessus  d'eux,  il  devient  en  chaque  église  métroaque 
le  chef  qui,  per.sonnellement   inspiré  des  dieux  —   e.r  vaUcinatione 


'  Plut.,  Mai:,  17. 
2  Ibid. 

»  Diod.,   XXXVI,    l.S,  1:   GTiXr--   à.Oivr.i    ôiiy.sjoo'.,    fiio./i/.rv    àïta-v    l'r: 

*  Ibid.:  x.JJSiO''.. . -[à?   oTfs>»<5v  t\/vi  'J-îp;j.£-ji')Y. . 

^  Prud.,  Peristeph.,  1014:  ...  corona  tum  repe.mx  niirea. 


ATTIDEIA  267 

archigaUi  '   — ,  eominande  au  reste  du  sacerdoce  et  à  l'entière  com- 
munauté des  fidèles  '". 

Et  sans  doute  cette  conclusion,  d'où  vont  découler  de  grandes 
conséquences,  et  qui  résulte,  avec  une  force  en  quelque  sorte  néces- 
saire du  simple  Jeu  de  nos  textes,  aurait  été  formulée  depuis  long- 
temps, si  un  témoignage,  un  seul  ^,  ne  paraissait  faire  obstacle  à 
leur  enseignement  et  en  bouleverser  l'ordonnance  chronologique. 
Nous  ne  pourrons  la  développer  et  recueillir  toutes  les  le(;ons  qu'elle 
comporte  qu'après  l'avoir  définitivement  écarté  de  notre  route. 

II.  —  L'arcuigalle  de  Parrhasios. 

Il  s'agit  du  passage  de  l'Histoire  Xntitrellf  où  Pline,  énumé- 
rant  les  principales  anivres  du  peintre  Parrliasios,  lui  attribue  un 
«  archigalle  »  entré  plus  tard  dans  la  collection  de  l'empereur 
Tibère.  Le  voici,  tel  qu'il  figure  dans  l'édition  Maylioff  et  que  l'a 
rendu  fidèlement  la  traduction  d'Adolphe  Reinach  : 

<i  [Parrhasiiis]  pinrit  et  A>r/iiifaUi<m  :  qnam  pirturam  amarit 
»  Tiberiiis  princeps  ntque  ut  uuctor  est  Deculo,  HS  \LX\  aesft- 
*  matam  cubiculo  siio  inchisit  »  (Pline,  A^.  H.,  XXXV,   70). 

«  Parrhasius  peignit  aussi  uu  archigalle,  peinture  qu'aima  l'em- 
»  pereur  Tibère  et  que,  selon  le  témoignage  de  Deculo,  estimée 
»  qu'elle  était  à  six  millions  de  sesterces,  il  plaça  dans  sa  chambra 
»  :\  coucher  »  (.\d.  Reinach.  Recueil  JliUiet,  I,  Paris,  1921,  p.  233). 


'  Cf  les  inscriptions  n.  10,  11,  et  12  et  le  texte  des  Fragments  dn 
Vatican. 

2  Cf.  le  texte  de  Tertullien  cité  plus  haut,  p.  240.  n.  6. 

'  Je  ne  vois  pas  où  M.  Graillot  aurait  trouvé  dans  Varron  une  al- 
lusion à  un  archigalle  (Graillot,  op.  cit.,  p.  104).  Les  lignes  de  Varron 
qu'il  a  citées  à  ce  propos  {ibid.,  n.  6)  ne  nomment  point  l'arehigalie  ;  et 
dans  les  fragments  des  Euménides  n'interviennent  que  les  gaUi  et  les 
gallantes  (cf  Hepding,  op.  cit.,  p.  12). 


26H  A'niiiEiA 

Sous  ceUe  forme,  la  jilirase  de  Pline  ne  prête  a  aucune,  ainl)i- 
giiité.  Parmi  les  niivres  de  Parrhasios,  les  anciens  comptaient  un 
portrait,  plus  ou  moins  libre,  d'archigalle  :  et  comme  le  floiuif  de 
ce  peintre  se  place  entre  la  fin  de  la  guerre  du  Péloiwnnèse  '  et 
les  environs  de  l'année  :{70  av.  .1.  C.  \  il  résulte  de  cette  iden- 
tification du  tableau  du  maître  que  l'institution  des  archigalles  de- 
vrait remonter  à  la  seconde  moitié  du  V  siècle  avant  notre  ère, 
au  plus  tard  ;  et  il  senilileiMit,  en  conséquence,  que  les  historiens 
qui  tiennent  i)Our  rorij;inft  orientale  et  reculée  de  Tarcliigallat 
dussent   s'en   prévalnji-  viotorieu.sement. 


Or,  c'est  à  peine  s'ils  osent  en  tirer  parti.  Goellier  ])asse  la 
phrase  sous  silence^.  M.  Lafaye  écrit  à  l'iraproviste  :  «Pline  l'An- 
eien  est  le  premier  (|iii  |).irle  d'un  arcliigalle  :  il  est  probable  que 
ce  titre  s'introduisit  soim  Claude  »  '  et  invo((ue  brusquement  au  se- 
cours de  la  vérité  le  seul  texte  qui  la  démente  expressément,  comme 
si,  en  son  for  intérieur,  il  frappait  l'information  de  Pline  d'anachro 
nisme  rédhibitoirc.  M.  Ilepding,  qui  la  transcrit,  se  borne  :\  nous 
renvoyer  à  un  commentaire  de  Zoëga  qui  en  conteste  le  fondement  '. 
Non  seulement,  M.  Graillot  n'en  fait  point  état,  mais  il  exprime  l'avis 
que  le  nom  de  galle,  dont  dérive  celui  d'arcliigalle,  n'entre  en  usage, 
dans  la  langue  grec(|ue,  ([u'à  «  l'époque  macédonienne  »  ",  .soit  un 
demi-siècle  environ  aju-ès  la  mort  de  Parrhasios.  Enfin  M.  Cumont, 
si   favorable  qu'elle  soit  à  sa  thèse,  renonce  à  l'exjjloiter.  11  la  cite 

'  Cf.  Paul    Girard,  7,«  Peinture  untique,  l'aiis,  s.  d..  j).  210. 
'  Cf.  Ad.  Keinaeli,   op.  rit.,  p.  -m.  n.  261   et  p.  226.  n.  1. 
'  Goelher,  op.  cit.,  p.  40. 
*  Lafaye,  op.  cit.,  loc  cit.,  p.  14r)7. 

^  Hepding,  op.  nt..  p.  22.  Siii-  le  raisonnement  de  Zoi'ga.  ef.  in/ru. 
]..  270. 

«  Graillot.  np,  cit..  p.  2!t2. 


ATTIDEIA  2Gi* 

dans  sou  article  Air/iifidUus,  mais  en  remartjuaut  que  les  auteurs 
grecs  ne  fournissent  point  d'autre  exemple  du  mot  zp/iyaAAo;  '. 
Dans  son  article  guUos,  il  la  mentionne  ;\  nouveau,  mais  c'est  pour 
l'écarter:  à  l'entendre  cette  fois,  la  notice  de  Pline  repose  sur 
quelque  quiproquo;  et  la  peinture  que  possédait  Tibère  peut  bien 
avoir  été  un  faux  ".  Ainsi  le  texte  de  V Histoire  XafureUe  embarrasse 
ceux  mêmes  aux  mains  desquels  il  met  la  seule  arme  capable  de 
défendre  leur  théorie.  Pourquoi  celui  qui  ne  partage  point  leur 
opinion  a'iuclinerait-il  devant  l'autorité  qu'explicitement  ou  non  ils 
rejettent  à  l'envi  ? 

L'hypothèse  du  «s  faux  Parrhasios  »  serait,  en  vérité,  aussi  com- 
mode que  spirituelle.  Mais,  difHcileraent  compatible  avec  l'éducation 
et  le  sens  artistiques  dont  Tibère  semble  avoir  été  doté  ^,  elle  dé- 
place les  données  du  problème,  sans  le  résoudre  ni  les  changer. 
Car  un  faussaire  doit  commencer  par  mettre  les  vraisemblances 
de  son  côté:  et  pour  attribuer  un  arcliigalle  à  Parrhasios  avec 
quelques  chances  de  succès  et  faire  recevoir  le  tableau  comme  tel 
au  temps  de  Tibère,  il  fallait  que  tout  le  monde  fût  alors  persuadé 
que  les  archigalles  existaient  déjà,  lorsque  peignait  Parrhasios,  ce 
qui  ne  nous  oblige  pas  strictement  à  en  reporter  l'origine  jusqu'au 
Y'  siècle  av.  J.  C,  mais  nous  contraint  tout  de  même  à  la  recher- 
cher, non  seulement  plus  liant  que  le  principal  de  Claude,  mais 
au  delà  de  la  conquête  romaine,  en  pleine  période  hellénistique. 
Reste  la  confusion  dont  M.  Cumont  a  aussi  parlé  :  mais  nous 
ne  sommes  en  droit  de  la  supposer  qu'à  la  condition  d'en  rendre 
compte. 

C'est  bien  à  quoi  se  sont  attachés  les  modernes  qui,  indifférents 
à  l'histoire  de  la  religion  métroaque  mais  passionnés  pour  celle  de 
l'art  antique,   cherchèrent    à    reconstituer   les   «  sujets  »    d'un    de* 

1  Cumont,  P.  W..  II,  c.  484. 
'  Ibid.,  VII,  c.  676. 
3  Cf.  infra,  p.  282,  2f^3. 


270  ATTIDEIA 

plus  grands  peintres  de  l'IIellénisme.  Toutefois  la  diversité  de  leurs 
tentatives  est  signe  qu'elles  n'ont  point  pleinement  réussi  :  et,  de  fait, 
elles  se  réfugient  en  des  à-peu-près  dont  une  criti(|ue  tant  soit  peu 
exigente  ne  saurait  se  contenter. 

Adolphe  Keinacli  a  d'abord  songé  à  identifier  l'areliigalle  de 
Parrhasios  avec  le  taldeau  du  mégabyze  que  Ttetzès  attribue  à  cet 
artiste  '.  Les  mégaljyses  ont  posé  d'autres  fois,  et  devant  les  plus 
grands,  Zeuxis  '  et  Apelle  '  ;  et  ils  avaient  fini  par  atteindre,  du 
t'ait  de  leur  physionomie  spéciale  et  de  leur  costume  extraordinaire, 
;'t  la  généralité  d'un  type  pictural  *.  Il  ne  .serait  donc  pas  impos- 
sible «  priori  qu'une  érudition  superficielle  eût  brouillé  les  hiérar- 
ciiies,  et  pris  pour  un  grand  eunuque  du  culte  métroaque  le  grand 
prêtre  eunuque  de  la  Diane  d'Kphése  '.  Mais  à  relire  Ttetzès,  on 
se  convainc  qu'exécuté  à  Kphèse  «  le  mégabysc  »  de  Parrhasios 
n'avait  pas  quitté  cette  ville.  Ce  n'est  donc  pas  lui  qui  vint  échouer 
dans  le  «  cubiruhan  »  impérial,  et,  avec  une  clairvoyante  loyauté, 
.\dolphe  Reinach  a  tout  de  suite  abandonné  son  explication. 

.\utrefois,  Zoega  avait  émis  l'idée  que  «  l'archigalle  »  de  Par- 
rliasios  représentait,  en  leur  mollesse  équivoque,  les  formes  nues 
de  rarchigalle  idéal,  du  servant  divin  de  Cybéle  que  fut  le  bel 
.\ttis  ''.  Kt  Adolphe  Keiiiach  qui,  finalement,  s'est  rallié  à  une  opi- 
nion voisine,  conclut,  de  son  côté,  que  l'archigalle  de  Parrhasios 
était  «  un  jeune  prêtre  de  Cybèle  que  la  perte  de  la  virilité  a 
eflféminé  »  '.  Mais  on  se  demande  alors  pourquoi  ni  Pline  ni  l'auteur 

'  Ttetzès,  Chil.  VIII,  398-404:  cf.  A.  Keinach.  oi>.  cit.,  n.  281,  p.  2.34, 
et  p.  233,  n.  3.  Cf.  Pfulil,  Malerri  itml  /.eichnxtng  (1er  Griechen,  Munich, 
1023,  II,  p.  693. 

-  Elien,  Hi^t.  Vni:.  11.  -2:  cf.  A.  Keinach.  op.  cit.,  n.  210,  p.  192-193. 

3  Pline,  X.  H..  XXXV,  93.  Cf.  A.  Reinach,  op.  cit.,  n.  4ti9,  p.  352. 

*  Cf.  Quintilien,  Inst.  Or.,  V.  12.  21,  cité  par  A.  Reinach,  op.  cit.. 
p.  234,  n.  1. 

■''  Cf  Ch.  Picaril.   Kphèse  et  Claros.  Paris,  1922,  p.  163  et  guir. 

*  Zoëga,  Bassirilieri  antichi,  Rome,  1808.  p.  98,  n.  85. 
'  Ad.  Reinach,  op.  cit.,  p.  233,  n.  3. 


ATTIDEIA  271 

de  Pline  n'ont  désigm''  le  modèle  par  son  nom,  pourquoi,  l'un  après 
l'autre,  ils  auraient  recouru  à  une  dénomination,  dans  les  deux  cas, 
aussi  gravement  inexacte.  Si  Parrhasios  avait  jeté  son  dévolu  sur 
un  galle  adolescent,  pourquoi  la  voix  publique  aurait-elle  promu 
ce  modèle,  en  dépit  de  sa  jeunesse,  au  rang  suprême  et  tardif  de 
la  hiérarchie  métroaque  ?  Et  si  c'est  Attis  même  que  Parrhasios 
avait  représenté,  Attis  dans  l'éclat  de  sa  nudité,  pourquoi  lui  im- 
posa-telle  le  nom  d'un  de  ces  prêtres  du  Dieu,  que  l'on  ne  conçoit 
et  qui  ne  figurent  ailleurs  qu'empêtrés  eu  de  longues  robes  de  fem- 
mes et  surchargés  de  colliers,  de  bracelets  et  d'innombrables  pende- 
■  loques! 

Au  fond,  tout  le  monde  voit  la  difficulté  qu'eût  éprouvée  Par- 
rhasios à  aller  peindre  à  Pessinonte  un  galle  authentique  '  et  le 
peu  d'intérêt  qu'il  y  aurait  pris.  Tout  le  monde  sent  l'absurdité 
<iui  consiste  à  accepter,  sur  la  foi  des  copistes  de  Pline,  que  Tibère, 
l'ennemi  des  superstitions  étrangèi'es,  le  persécuteur  des  cultes  égy- 
ptiens et  sémitiques,  le  prince  qui,  sans  pitié,  chassa  de  la  Ville 
les  mages  et  les  astrologues  -  ait  poussé  l'inconséquence  jusqu'à 
s'éprendre  d'un  vieux  castrat  d'archigalle,  et  la  dépravation  jusqu'à 
en  accrocher  l'image  dans  sa  cliambre  à  coucher  ^.  Alors  on 
garde  la  phrase  de  Pline,  puis  on  s'empresse  de  la  tourner,  pour 
éviter  le  ridicule  d'une  interprétation  insoutenable.  Mais  ce  n'est 
pas  respecter  les  textes  que  de  modifier  aussitôt  et  sans  droit  la 
signification  consacrée  des  mots  qu'ils  renferment;  et,  plutôt  que 
de  conserver  la  leçon  arrhiiinUum,  que  les  manuscrits  nous  trans- 
mettent,  mais  qui,   correctement  comprise,   nous  mène  droit  à  une 

'  Cf.  A.  Reinach,  uij.  cit.,  p.  233,  n.  3  : . . .  c'est  à  Eplièse  que  Panhasios 
a  pu  avoir  des  galles  pour  modèles. 

'  Sur  l'attitude  de  Tibère  à  l'égard  des  religions  orientales,  cf.  Suêt., 
Tib.,  36;  Tac,  Ann.,   II,  32  et  85. 

^  Cf.  Zoëga,  oy.  cit.,  loc.  cit.  :  Non  so  immagiuarmi  corne  un  vecchio 
eunuco,  quali  essere  doveano  i  bommi  sacerdoti  di  Cibele,  per  Tarte  un 
grato  oggetto  essere  poteva. 


272  ATTIDKIA 

impasse,  il  est  pri-fi'Table  d'en  proposer  une  correction  qui  resti- 
tuera sa  vraie  forme  à  la  phrase  de  Pline,  et  du  même  coup,  lui 
rendra   le  sens  cummuii. 


Rarement,  il  tant  l'avouer,  le  besoin  de  V^mi-ndatio  ciitica  se 
fit  aussi  cruellement  sentir  qu'en  ces  quelques  li^rnes  dont  les  données 
accessoires,  plus  ou  moins  défigurées  ])ar  la  tradition  manuscrite, 
ont  depuis  longtemps  exigé,  pour  devenir  intelligibles,  l'intervention 
des  éditeurs;  et  nous  n'hésiterons  plus  à  retoucher  le  sujet  de  la 
peinture  de  Parrhasios  quand  nous  aurons  dû,  au  préalable,  rétablir 
le  prix  auquel  elle  était  estimée  '. 

Tous  les  manuscrits,  à  l'exception  du  plus  ancien,  portent: 
]IS  LX  uestiiiiatHiii.  Seul,  le  liandieniensis  (X*"  sièclej  donne  HS 
LX  aestimuUtm.  Il  est,  incontestablement,  meilleur.  Une  estimation 
à  60  sesterces,  soit  :\  15  deniers  qui  feraient  environ  16  francs-or, 
d'une  onivre  de  Parrhasios,  implique  une  telle  sottise  qu'il  n'y  a 
pas  lieu  de  s'y  arrêter:  le  chiffre  du  Bamherqensis  constitue  un 
iiiinimiiiii  au  dessous  duquel  le  bon  sens  nous  interdit  de  descendre. 
Mais  ce  minimum  est-il  le  chiffre  exact?  Jahn,  le  premier,  ne  l'a 
pas  pensé.  Il  a  jugé  à  bon  droit  que  soixante  mille  sesterces 
(=  15000  deniers  =  16100  francs-or)  représentaient  une  somme 
notoirement  inférieure  à  celle  que  devait  valoir,  au  temps  de  Tibère, 
un  original  grec  du  1'"''  tiers  du  IV  siècle  av.  J.  C.  Aussi  bien, 
puisque  Pline  s'est  obligé  à  inscrire  en  face  de  la  iieinture  de 
Parrhasios  l'évaluation  k  laquelle  elle  avait  été  taxée,  c'est  que  la 
valeur  en  était  considérable  et  appelait,  par  son  énormité,  une  mention 
particulière.  Jalin  :\.  donc  eori'igé  LX  en  ILX    et  sa  correction  est 


'  Je  crois  qu'il  faut  retoiiclier  aussi  le  nom  de  Vanrtor  \\u\  a  renseigné 
Pline  et  revenir  ;'i  la  lecture  des  anciens  éditeurs:  T).  Kpulo.  Je  me  propose 
de  revenir  l)ientôt  :ullcMr8  sur  ev  point. 


ATTIDEIA  273 

généralement  admise  aujourd'hui.  Majiioff  l'a  insérée  dans  son  texte; 
et  Adolplie  Reinaeh  n"a  pas  manqué  de  la  prendre  pour  base  de 
la  traduction  que  nous  avons  reproduite.  Ainsi  A'emendatio  en  emen- 
datio,  l'archigalle  de  Parrhasios  a  passé  de  soixante  mille  sesterces 
(=  16100  francs  on  à  soixante  fois  cent  raille  sesterce8(=  1.610.000 
francs-or).  Mais  j'ai  la  conviction  que  les  éditeurs  sont  tombés 
d'une  exagération  dans  l'excès  contraire,  et  que  si  les  manuscrits 
ont  déprécié  Tceuvre  du  peintre  d'Ephèse,  la  leçon  —  6  millions 
de  sesterces  —  qu'ils  y  rétablissent  maintenant  la  surestime  avec 
autant  d'invraisemblance. 

Les  prix  d'oeuvres  d'art  célèbres  abondent  au  livre  de  Pline  ; 
et  d'autres  auteurs  anciens  nous  ont  i)rocuré  des  indications  de 
même  ordre.  Si  l'on  fait  alistraction  de  celles  qui  concernent  les 
«  colosses  »,  aucune  ne  s'élève  à  la  hauteur  vertigineuse  où  cul- 
mine ce  tableau  de  chevalet.  Pour  seulement  en  approcher,  il  faut 
s'évader  de  l'époque  sur  laquelle  Pline  est  le  mieux  informé,  remonter 
jusqu'aux  temps  légendaires  du  roi  Candaule  qui  paj'ait  les  ouvrages 
des  peintres  au  poids  de  l'or:  «  repensam  auro  » '.  Les  Attalides, 
malgré  leur  opulence,  n'ont  payé  le  Dionysos  d'Aristide  que  600.000 
deniers,  soit  2.400.000  sesterces  ■  ;  et  ils  n'offrirent  de  la  Nekyo- 
raanteia  de  l'Athénien  Nicias  que  60  talents,  soit  1.4-iO.OOO  ses- 
terces^. Alexandre  lui  même,  dans  l'ivresse  de  son  triomphe,  n"a 
versé  à  Apelle,  son  peintre-lauréat,  pour  le  grand  Zeus  fulminant 
qu'il  destina  au  temple  d'Ephèse  que  vingt  talents,  soit  480.000  se- 
sterces, s'il  s'agit  de  talents  d'argent,  et,  au  plus,  4.880.000  sesterces, 
s'il  s'agit,  ainsi  que  Pline  le  prétend,  de  talents  d'or  '.  Quant  aux 
Romains,  ils  se  montrèrent,  dans  leurs  achats,  beaucoup  moins  pro- 

'  Pline,  X  H..  XXXV,  5.5. 

-  Ihid.,  24. 

'  Ibid..  132.  Pline  à  pris  soin,  d'après  VarroQ,  d'établir  pour  nous  le 
rapport  du  denier,  et  partant  du  sesterce,  qui  est  un  quart  de  denier, 
au  talent  attique:  Tukntnm  Atticum  >j<;  VI  taxât  M.  Varro  (Ihid..  loti). 

<  Ibid.,  92. 


(ligues  que  les  rois  lielh'iiisticiues.  Muiiiniius  Jugeait  plus  expéditiC 
(le  confisquer  que  il"aequ(';rir  (les  peintures  dont  les  prétentions  <h- 
leurs  initciirs  lui  l'ai^Hicnt  soup(;onner  le  pouvoir  magique  '.  Plutôt 
((ue  de  faire  les  Irais  de  l'original,  Lueullus  aeheta  2  talents,  c'est 
à  dire  moins  de  ôO.OOO  sesterces,  une  copie  de  la  Stépbanopolis 
de  Pampliile  '.  Hortensius  obtint  ponr  144.000  sesterces  les  Argo- 
nautes de  Cydias,  dont  la  eél(';brité  durait  encore  au  IV'  siècle  de 
notre  ère,  quand  les  i;('gionnaire8  d(''signaient  jiar  leur  nfini  le  por- 
tique oi'i  cette  peinture  fut  exposée  '.  Agripi)a  négocia,  avec  les 
magistrats  de  Oyzique,  l'acquisition  de  deux  œuvres  de  maîtres,  un 
Ajax  et  une  Aphrodite.  |)our  1.200.000  sesterces  les  deux  ^  :  et 
Jules  César  décida  'riinoniaclios  de  Byzance  à  lui  céder  un  Ajax  et 
une  Médée  pour  l.i  soninie  globale  de  î^it  talents,  ce  qui  ne  fait 
point  tout  k  fait  1  million  de  sesterces  par  ouvrage  '  ;  enfin  Strabon 
nous  a  gardé  le  souvenir  de  la  libéralité  dont  Auguste  fit  preuve 
à  l'égard  des  gens  de  Cos  à  i|ui  il  venait  d'enlever  l'Aiiadyomène 
d'Apelle:  100  talents,  soit,  au  total  2.400.000  sesterces".  Si  de 
la  peinture  nous  passons  à  la  sculpture,  le  soi-disant  archigalle  de 
l'arrliasios,  évalué  selon  les  calculs  de  Jahn  et  de  Maylioff,  conti- 
nuerait à  battre  tous  les  records.  Le  Diaduméne  de  Polyclète,  liien 
que  ce  cliifi're  fit  ])artie  de  sa  gloire,  ne  valait  que  100  talents. 
2.400.000  sesterces:  Polyditus  Sicyonius  Diadumeiium  fecit  moUiter 
iiirenem  centum  falfntis  nohilitatum  '.  Les  ouvrages  des  ciseleurs 
d'or  les  plus  i-ecliercliés  coûtaient  un  demi-million  de  sesterces  au 
maximum  *.  Arcésilaos,  dont  les  statues  faisaient  prime  sur  le  marché 


1  Pline,  N.  H..  XXXV.  24. 

«  IbJil,  125. 

3  Ibid.,  130. 

*  Ibid.,  26. 

^  Ibid.,  13R. 

5  Strabon,  XIV,  2.   i;t,  p.  (i57  C. 

■  Pline,  N.  H.,  XXXIV,  55. 

«  Ibid.,  XXXIII.  186. 


de  la  sculpture,  avait  promis  de  livrer  à  son  ami  Lucullus,  pi.ur 
un  million  de  sesterces,  une  Félicitas  qui  aurait  fait  pendant  à  la 
Venus  Genitrir  érigée,  plus  tard,  sur  le  Forum  de  César:  mais 
la  mort  survint  avant  qu'il  ne  l'eût  exécutée,  et  la  grosse  somme 
convenue  ne  fut  jamais  payée'.  Seuls  les  divers  «colosses»,  dont 
Pline  a  établi  le  prix  de  revient  avec  la  même  minutie  qu'il  en 
a  mesuré  les  dimensions  gigantesques,  atteignent  on  dépassent  les 
proportions  pécuniaires  de  la  petite  peinture  de  Parrhasios  qui  te- 
nait, avec  bien  d'autres  meuliles,  dans  la  chambre  à  coucher  de 
Tibère:  le  Mercure  du  Puy  de  Dôme  qui  exigea  dix  ans  d'eft'orts 
et  une  dépense  de  4  millions  de  sesterces  \  le  Colosse  de  Rhodes 
que  Charès  de  Lindos  avait  dressé  à  70  coudées  de  hauteur  pour 
800  talents  ou  7.200.000  sesterces  '.  La  correction  de  Jahn  reste 
écrasée  sous  le  poids  de  telles  comparaisons,  et  nous  devons  de- 
mander à  un  examen  plus  attentif  des  manuscrits  d'en  dégager  le 
texte  qu'elle  compromet. 

Elle  part,  en  effet,  d'une  observation  juste  mais  incomplète. 
Elle  s'appuie  sur  la  simplification  fautive,  par  les  copistes,  des 
indications  numérales,  mais  elle  n'en  a  pas  suttisamment  pénétré  le 
mécanisme. 

Les  Romains  ne  disposaient  pas.  eu  général,  de  signes  spéciaux 
pour  les  chiffres.  Ils  devaient  jusqu':i  mille,  emploj^er  des  lettres 
de  leur  alphabet,  et,  pour  les  milliers,  ces  mêmes  lettre  surmontées 
d'un  trait.  Mais  ces  procédés  rudimentaires  étaient  gros  de  méprises. 
En  effet,  les  copistes  avaient  pris  l'habitude,  lorsque  des  lettres 
affectées  d'une  signification  numérique  intervenaient  au  milieu  des 
autres,  de  les  en  distinguer,  non  seulement  en  les  Hanquant  de  points 
séparatifs,  mais  eu  leur  superposant  une  barre  horizontale.  Si  bien 
que  dans  tout   manuscrit   littéraire,   soigneusement   calligraphié,  le 

'  Pline.  X  H..  XXXV,  1.Ô6. 
*  Ihid.,  XXXIV.  40. 
=  Ihid.,  41. 


groupe  LX  du  Bnmberfieiisis  peut  îiuksî  bien  «'interpréter  60  que 
60000  et  (|ue  s;i  vérituhle  valeur  est  ù  déduire  du  eontexte.  Cette 
iii(létfniiin;itiiiii  intrinsèque  rendait  superflues,  dans  la  plupart  de- 
eafl,  les  prérautimis  des  eupistes:  et  ils  ont  dil,  de  très  bonne  heure, 
s'en  dispenser.  Dans  la  majorité  des  nianuserits  de  Pline,  elles  n'ont 
été  prises  (|ue  par  exeeptinn  :  et  (|uand  elles  y  figurent,  elles  sont 
capables,  conmie  pimr  le  Iliniilirriii-iiais.  d'en  aeei'oitre  l'autorité: 
mais  elles  ne  nous  ])ernietteiit  pas  ]iiiiir  -^i  peu  d"o])ter  entre  les 
milliers  ou  les  simples  unités  :  et  elles  ne  nous  intei'diseut  pas  non  plus, 
si  le  eontexte  nous  y  eufçaj^e,  de  monter  ju.squ'aux  centaines  de  mille. 

Pour  dénombrer  les  centaines  de  mille,  les  Romains  avaient  bien 
adopté  un  signe  plus  développé,  un  cadre  entourant  les  lettres  qui 
les  comptaient  d'une  barre  horizontale  au  dessus  d'elles,  et  de  deux 
hastes  à  droite  et  à  gauelie,  et  formant  comme  un  trapèze  sous 
lequel  elles  s'alignaient.  En  théirrie.  rien  n'était  plus  caractéristique 
que  ce  rectangle  incomplet:  |  |  et  qui  dut  plus  t'acileni<-nt  éviter 
les  erreurs.  Mais,  en  pratique,  cette  distinction  supplémentaire  ne 
servait  pas  à  grand  chose,  sinon  peut-être  à  faire  jaillir  de  nou- 
velles sources  de  confusion.  Nous  savons,  en  ett'et.  par  les  inscriptions. 
qu'au  second  siècle  de  notre  ère  les  gra\eurs  y  recouraient  pour 
signifier  les  mille  ',  coucurremeut  avec  l'autre  procédé  :  et  il  est 
prol)able  que  les  copistes,  dès  le  même  temps,  partagèrent  ces  er- 
rements: dans  le  vain  es])oir  d'écarter  un  malentendu,  ils  en  créaient 
un  autre,  et  précipitèrent,  sans  aucnii  doute,  un  discrédit  iiui  n'avait 
pas  attendu,   pour  se  manifester,  leur  initiative  malheureuse. 

Dès  le  premier  siècle,  il  était  devenu  très  ditticile  de  distinguer 
entre  les  milliers  et  les  centaines  de  mille.  Suétone  nous  conte  une 
anecdote  qui  en  dit  long  à  cet  égard.  Livie  avait  laissé  :i  celui 
qui  devait  être  l'empereur  Galba  un  legs  particulier  de  50  millions 
de   sesterces:   IIS  |('CC('('|.    Mais   l'avarice   de  son  fils  veillait  :  sous 

'  Cf.  Cagnat.  Cniirt!  d'i'piymphie  ^  \\.  .">-2. 


ATTIDEIA  277 

le  prétexte  que  le  legs  avait  été  attribué  en  chiffres  et  non  en 
lettres,  il  ramena  la  lil)éralité  de  sa  mère  à  500.000  sesterces; 
HS  CCCCC.  et  eut  la  satisfaction  de  voir  Gallja  la  décliner '.  Sous 
Tibère,  par  conséquent,  ou  déjà  l'habitude  était  contractée  d'encadrer 
les  milliers  des  barres  réservées,  en  principe,  aux  centaines  de  mille, 
ou  les  barres  étaient  souvent  si  faiblement  marquées  que  la  valeur 
des  chiffres  qu'elles  encadraient  continuait  de  flotter,  incertaine, 
enti-e  les  mille  et  les  centaines  de  mille. 

L'épigraphie  nous  permet,  en  effet,  de  suivre  toute  la  série 
de  dégradations  par  laquelle  les  deux  notations  finissaient  par  se 
rejoindre.  Les  inscriptions  nous  fournissent  assurément  nombre 
d'exemplaires  du  type  défini   plus  haut  : 

|XV*,   à   Rome  i  f '.  /.  L..   VI,   10050). 


IXVlllI,  à   Milan   (C.  /.  L.,  V,   5262). 

|T|.   à  Veleia  iC.  I.  L.,  XI,   1147,  xiii  et  xvii). 

|XI1I|,  à  Sieca  >€.  I.  /,.,  VIII,   1641). 

Mais  elles  en  contiennent,  aussi,  des  variantes  de  plus  en  plus 
fantaisistes  et  négligées  : 

1.  )XX(.  à  Ostie  (C.  I.  Z.,  XIV,   98). 

2.  yx(.  à  Capoue  (C.  I.  L.,  X,  3851   et  3852). 

3.  I  XX  j,  à  Nimes  (C.  I.  Z.,  XII,  3313). 

4.  10"'.  :V  Bénévent  [C.  I.  /..,  IX,   6072). 

5.  iTT,  il  Bénévent  (C.  T.  L..  IX,  6075). 

6.  I  XV ',   près  Bénévent  (Notizie  degVt  Scavi,   1897,  p.  160). 

Or  ces  différents  dispositifs  sont  loin  d'avoir  la  netteté  du  modèle. 
La  figure  4  conduit   tnut  droit  à   la  suppression  pure  et  simple  des 


'  Suétone,  Galha,  5:  Sestertium  namque  quingenties  ciim  praecipuum 
inter  hgatarios  habuisset,  quia  notata  non  perscripta  erat  summa,  herede 
Tiherio  legatum  ad  qiiingenta  revocanie,  ne  haee  qiiidem  accepit. 


iUtnnges  dArch.  H  iFUixI.   KtîA. 


278  ATTIDKIA 

tiaiTPs  vf'rtioales  et  à  la  réduction  fonséquente  des  Cfiilniiii's  de 
iiiillf  aux  milliei-s.  La  figure  3  y  mène  indiroctement  en  multipliant 
les  posHJljilités  d'une  des  fonfnsions  les  plus  habituelles  aux  copistes: 
celle  du  point  séparatif  et  de  la  liaste  droite  '.  Les  figures  6  et  7 
sont  égalcuu-iit  pi  rilleiiscs,  par  l'inégalité  éventuelle  de  leurs  branches 
verticales  et  par  la  présence  irrégulière  des  points  séparatifs  qui 
les  encadrent  °.  La  haste  plus  courte,  ou  la  haste  que  n'accoste 
aucune  piniçtuation  doit  être  vue  fatalement  par  un  leil  distrait 
coninie  un  point  séparatif:  l'autre  haste,  isolée  par  cette  première 
niélecture,  tend  alors  à  se  fondre  en  celles  des  lettres  qui,  tout  eu 
se  rapprochant  d'olleniènie  par  leur  forme,  comportent  une  signi- 
fication numérique  compatible  avec  le  contexte,  soit  l'unité  exprimée 
par  une  ligne  verticale  que  rien  ne  distingue  d'une  liaste  d'enca- 
drement, soit  le  chiffre  50.  rendu  par  un  L  dont  la  confusion  avec 
l'I  est  perpétuelle  dans  les  manuscrits  •.  Toutes  ces  causes  d'erreur 
ont  joué  tour  :'i  tour  dans  le  texte  de  l'Iine  pour  le  fausser;  cf. 
])our  peu  que  nous  nous  arrêtions  aux  données  de  centaines  de 
mille  qu'il  comporte,  nous  constaterons  ([u'elles  ont  indifféremment 
snlii   CCS  diverses  déformations. 

Al.   Oinissi'/ii. 

1.   l'iiue.   JI.  X..   XXXIII.   l:i7  : 

Xt'ifis  copiiis  hoc  est  |r//|    LXXXVI 1 1  Imminum. 

La  présence  initiale  de  l'encadrement  n'est  pas  douteuse,  puisque, 
])récédant  l'indication  des  simples  milliers,  le  chiffre  VII  ne  peut 
désigner  que  les  centaines  de  mille.  Or,  sauf  le  Bambergetisis,  tons 
les  manuscrits  ont  omis  l'encadrement. 


'   L.  Ilavet,  op.  cit.,  Jj  ISn. 

'  lliid.,  ^  607,  637,  etc.  Il  est  à  noter.  i)ar  cxomplo.  ipie  sur  rinscription 
<lcs  Xotizie.  le  point  séparatif,  gravé  à  gauche,  fait  défaut  à  droite. 


ATTIDEIA  279 

2.  Pline,  H.  N.,  XXXIII,   156  : 

Zopijrus  qui  Areopagitas  et  iudiciiim  Orestis  in  duolms  sii/j/iiii 
JfS  I  XII  I  aestimatis  fecit. 

Les  centaines  de  raille,  postulées  par  le  sens  sont  correcteinent 
exprimées  par  le  Bambergensis  JXII  |;  mais  les  trois  barres  entre 
lesquelles  il  les  a  inscrites  manquent  à  tous  les  autres  manuscrits. 

B).   Transformations. 

1.  Transformation   de  la  haste  de  droite  en   l'unité'. 

Pline  raconte  qu'en  S  av.  J.  C,  sous  le  consulat  de  C.  Asinius 
Gallus  et  de  C.  Marcius  Censorinus,  C.  Caecilius  Isidorus,  dont  le 
patrimoine  avait  pourtant  gravement  souffert  des  guerres  civiles, 
publia  un  testament  qui  dénombrait  ses  jmmenses  richesses  et  dis- 
posait qu'une  somme  de  1  million  de  sesterces  en  serait  distraite 
pour  couvrir,   le  moment  venu,  les  frais  de  ses  funérailles  : 

H.  X.,  XXXIII,    135:   funerari  se  iussit  HS  [x~\. 

Le  texte  n'est  pas  douteux  ;  et  s'il  a  négligé  la  barre  hori- 
zontale supérieure,  le  Bamhergensis  n'a  en  garde  d'oublier  les  hastes 
latérales:  |X|.  Or  les  autres  manuscrits  ont  transformé  cette  in- 
dication de  10  centaines  de  mille  en  11  mille:  XL  Visiblement, 
comme  ils  avaient  commencé,  soit  par  omettre  la  barre  de  gauche 
trop  brièvement  indiquée  sur  leur  modèle,  soit  par  l'assimiler  à  un 
point  de  séparation,  ils  ont,  par  une  conséquence  toute  naturelle, 
convertira  barre  de  droite  en  la  lettre  I  qui  signifie  l'unité. 

2.  Transformation   de  la   haste  de  yatohe  en   L. 

Le  passage  de  Y  Histoire  Naturelle,  cité  plus  haut,  où  Pline 
nous  met  au  courant  du  marché  intervenu  entre  Lucullus  et  Ar- 
césilaos  se  termine  par  la  phrase  suivante  (XXXV,  156):  eidem 
a  Lucullo  HS  \x\  signant  Feliritatis  loratum  cui  mors  utriusque 
inviderit. 


•iHO  ATTIDEIA 

Le  chiffre  des  oentaiiics  lie  mille  est  attestf'-  dans  le  liamhei- 
<je>isis  par  un  dessin  identi(|ue  au  précédent:  |  X  |;  mais  les  autres 
manuserits  donnent  LX.  Leur  faute  est  inverse  de  la  précédente, 
et  procède  des  mêmes  raisons,  retournées. 

De  ces  deux  transformations,  quelle  était  la  plus  fréquente. 
A  priori,  il  semble  que  l'insertion  erronée  du  chiffre  L  doive  avoir 
été  plus  répandue  que  l'autre  '  :  mais  pour  le  problème  qui  se  pose 
à  nous,  cet  élément  ne  présente  pas  d'intérêt,  puisque  le  passage 
en  discussion  ne  comporte  pas  une  indication  de  l'unité.  Si  donc 
il  est  vrai,  comme  tout  le  monde  en  tombe  aujourd'hui  d'accord, 
que  nous  ne  puissions  faire  autrement  que  de  restituer  des  centaines 
de  mille  sous  la  leçon  HS  LX  du  Bambergensis,  nous  n'avons  que  deux 
moyens  à  notre  disposition  :  la  corriger  en  6  millions  de  sesterces,  en 
supposant  avec  .lahn,  Mayoff  et  Adolphe  Heinacli.  qu'elle  a  laissé 
tomber  les  barres  verticales  qui  marquaient  primitivement  la  somme  : 
|l.X  (,  on  la  rétablir  en  l  iiiillinn  de  sesterces:  1 X 1.  en  sup- 
posant qu'elle  n'a  laissé  tomber  que  la  seconde  et  converti  la  pre- 
mière en  L,  par  la  méprise  qui  a  aveuglé  tous  les  copistes  moins 
un  sur  les  conditions  réelles  du  contrat  passé  entre  Lucullus  et  le 
sculpteur  Arcésilaos.  De  ces  deux  termes,  le  premier  est  exclu  en 
fait  par  l'échelle  des  prix  ([ue  nous  avons  dressée  tout  à  l'heure. 
C'est  donc  le  second  que  nous  sommes  forcés  d'adopter.  Et  le  membre 
de  phrase  où  Pline  évalue  la  peinture  de  Parrhasios,  que  Tibère 
;ivait  placée  dans  sa  chambre  à  couclier,  doit  être  lu,  sans  aucun 
doute  : 

IIS  |X|  uestimatam  cuhicnlo  mio  i/ir1nslt  \^Tiberins]. 


'  Voici  une  contre-épreuve  empruntée  à  Suétone,  Caes.,  42:  «  l't 
exhmcstne  quoqne  urbis  f'reiiuentia  suppeieret,  saiixit,  ne  quis  civis  maior 
annis  nginti  minorre  decevi  qui  sacramenio  non  teneretur,  plus  triennio 
continno  Italia  abcsnet  •.  Decem  est  impossible.  Le  sens  re(iuiert  LX  qu'a 
en  effet  restitué  Casaubon.  Le  chiffre  L  a  été  confondu  avec  un  point 
séparatif  et  LX  est  devenu  \. 


ATTIDEIA  281 


Mais  il  y  a  une  catégorie  de  signes  qui  donne  lieu,  dans  les  ma- 
nuscrits latins,  à.  plus  de  fautes  encore  que  les  chiffres  romains,  ce 
sont  les  mots  tirés  du  grec  et,  comme  tels,  estropiés  deux  fois  pour 
une  '.  L'accusatif  arcfiigalhim,  dans  le  passage  controversé,  est  cer- 
tainement l'un  d'entre  eux.  Comme  tous  les  vocables  à  forme  grecque 
ou  dérivée  du  grec  dont  Pline  affuble  les  peintures  et  les  statues 
des  artistes  grecs,  il  procède  du  titre  que  la  critique  d'art  et  l'opinion 
liellénistiques  attribuèrent  avant  lui  à  l'reuvre  de  Parrliasios.  Ses 
manuscrits  nous  l'ont  transmis  sous  une  forme  entièrement  latine, 
mais  elle  ne  doit  pas  nous  faire  illusion.  Ils  contiennent  encore  trop 
de  mots  écrits  en  caractères  grecs,  et  les  fautes  dont  leurs  transcrip- 
tions de  mots  grecs  en  caractères  latins  sont  émaillées  sont  trop 
nombreuses^,  pour  que  nous  ne  soyons  pas  invités  à  admettre  que 
l'archigalle  de  Parrhasios  figurait  en  grec  dans  l'archétype.  Anhi- 
gallum  est  la  transposition  obligée  i^ircJùgullon  ',  et  archignUon 
la  transposition  normale  d' APXIPAAAON  *.  Neuf  siècles  se  sont 
écoulés  entre  la  leçon  primitive  et  celle  du  plus  ancien  de  nos  ma- 
nuscrits. Il  n'est  point  surprenant  que  l'étude  des  faits  nous  ait 
déjà  contraints  à  supposer  une  méprise  sous  le  texte  que  ces  ma 
nuscrits  nous  ont  transmis  ;  et  il  était,  en  quelque  sorte,  fatal  que, 
dans  un  intervalle  aussi  long,  et  au  cours  des  transformations  mul- 
tiples subies  par  le  texte  original  pour  passer  d'une  forme  grecque 
écrite  eu  caractères  grecs  à  une  forme  grecque  écrite  en  caractères 
latins  et  de  là  h.  une  forme  pliée  aux  lois  de  la  déclinaison  latine, 
des  fautes  vinssent  s'y  glisser:   nous  en  ressaisirons  la  genèse,  pour 

'  L.  Havet,  op.  cit.,  S  873-875. 

'  Cf.  Pline,  N.  H.,  praef.,  24,  25,  33,  et  VII,  210. 

^  Cf.  Pline,  X.  H.,  XXXIV,  59:  Pythagoras...  ApoUinem  fecit  qui 
DicaeuK  appellatus  est  (Dicaeus  —  S:/.o.<.;;). 

*  L.  Havet,  op.  cit.,  S  788:  Un  éditeur  est  fondé  à  admettre  les  ca- 
ractères grecs  quand  il  y  en  aura  des  traces  directes  dans  les  mss. 


282  ATTIDKIA 

Itcu  qu'à  l'aide  des  observations  de  Imn  sens  que  le  contexte  et  la 
situation  nous  imposent  nous  essayons  de  remonter,  de  proche  en 
proche,  jusqu'à  la  fjrapliic  ;,'rocque  que  nos  manuscrits  ont  finale- 
ment défij^urép. 

Ija  pciiitiirc  de  l'arrliasios  que  désigne  le  terme  à  rétablir  |)lai- 
sait  infiniment  à  l'empereur  Tibère:  il  l'aimait  — aniavil  — ;  et 
séduit  par  elle,  il  l'avait  renfermée,  comme  un  précieux  trésor,  en 
sa  chambre  à  coucher:  ruhirulo  siio  incluait.  Ne  saurions-nous  déjà 
être  guidés  par  sa  prédilection  et  la  vogue  de  son  temps  ?  par  les 
goûts  de  sa  caste  et  ses  idées  personnelles  en  art  ? 

Comme  les  princes  de  sa  maison,  comme  les  grands  seigneurs 
de  vieille  roche  parmi  lesquels  il  était  fier  de  compter  ',  il  se  flattait 
d'être  un  connaisseur,  et  il  ne  l'était  pas  autrement  que  les  autres. 
Après  lui.  Néron  s'éprendra  de  l'Amazone  de  Strongylinn,  celle  que 
la  beauté  de  ses  cuisses  avait  fait  surnommer  l'Eucnèmos,  au  point 
(le  ne  jamais  s'en  séparer,  de  l'emmener  en  ses  voyages  et  de  la 
loger  avec  lui  sous  sa  tente  "  ;  et  Caligula  s'entlaniniera  pour  l'Hé- 
lène et  l'Atalante  de  Lanuvium  d'une  si  grande  passion  qu'il  les 
eût  emportées  dans  son  jjalais  s'il  avait  pu  les  détacher  du  mur 
où  elles  étaient  peintes  à  la  fresque  ^.  Avant  lui,  Auguste  avait  subi 
le  charme  du  grand  peintre  de  femmes  qu'avait  été  Nicias,  et  il 
s'était  empressé  d'enlever  aux  Alexandrins  son  Hyacinthe  *,  bril- 
lant portrait  d'un  bel  adolescent  «  aux  jambes  bien  droites,  aux 
bras  <léjà  vigoureux,  aux  rondeurs  charnues  »  ^.  Til)ère,  comme  Au- 
gnste,  Caligula  et  Néron,  est  friand  des  jolies  études  de  nu.  N'est- 
ce-pas  Pline  qui  nous  raconte,  en  un  autre  passage  de  l'Histoire 
KittnrrUc.   ((iTil  s'était   follement  engoué  de  l'Apoxyomenos  de  Ly- 

'  Sur  ce  caractère  de  Tibère,  cf.  Gelzer,  s.  v..  /'.  11'..  X.  p.  520 
et  suiv. 

■■'  Pline,  N.  H.,  .KXXIV,  82. 

'  Ihid.,  XXXV,  17. 

*  Ihid.,  XXXV,  121. 

■^  l'hilostr.  l'Ane,  XXXIll.  trad.   Bougot.  p.  3i;t-320, 


ATTIDEIA  283 

sippe  et  qu'il  avait  remplacé  l'original  par  une  copie  à  l'entrée  des 
Thermes  où  Agrippa  l'avait  ti,\é,  et  emporté,  comme  un  voleur,  dans 
sa  chamlire  à  coudier  ',  cette  vivante  représentation  d'un  éplièbe 
svelte  et  robuste  qui  sort  du  bain  après  la  palestre  '  ?  Avec  son 
temps,  Tibère  aimait  la  force,  mais  en  sa  fleur,  et  le  charme  fé- 
minin, même  en  des  figures  viriles.  Son  goût,  comme  celui  de  l'é- 
poque, recherchait  les  formes  caressantes  et  s'imprégnait  de  sen- 
sualité. Une  secrète  affinité  le  rapprochait,  en  dépit  des  siècles 
révolus,  de  Parrliasios,  l'artiste  ami  du  luxe  et  du  plaisir,  qui  se 
vêtait  de  pourpre  et  se  chaussait  de  sandales  nouées  de  courroies 
d'or  ',  le  peintre  des  délicatesses  charnelles,  qui,  disaient  ses  ad- 
versaires, nourrissait  ses  créations,  non  de  viande,  mais  de  roses  \ 
et  qui  se  délassait  de  ses  grandes  compositions  par  de  petits  sujets 
libertins  '.  Ces  préférences  sont  si  marquées  que,  pour  y  adapter 
la  leçon  des  mss.  de  Pline,  les  modernes,  de  Zoëga  à  Ad.  Reinach, 
n'ont  pas  hésité  à  l)ousculer  le  sens  usuel  des  mots  latins  et  à 
affirmer  que  le  Parrhasios  qui  voisina  avec  l'Apoxyomenos  dans  le 
cuhieulum  impérial  consistait  en  un  Attis  ou  en  un  jeune  prêtre 
nu  ;  forcé  de  renoncer  à  cet  expédient  par  la  signification  de  l'ac- 
cusatif anhigaUum,  je  ne  puis  lui  substituer  qu'un  vocable  qui  les 
respecte,  un  titre  qui  convienne  à  ce  tableau  de  boudoir,  à  cette 
peinture  d'alcove,  quelque  chose  comme  ce  «  Couché  de  la  mariée  » 
que  la  gravure  de  Moreau  le  Jeune,  au  XVIIP  siècle  français,  a 
popularisée. 

Considérons  un  instant,  le  problème  comme  résolu:  et  puisqu'aussi 
bien  la  «  nouvelle  mariée  »  se  dit,  en  grec,  àpTiyy.y.o;,  supposons 
que  c'est  ce  nom  grec,  à  l'accusatif,  que  Pline  avait  copié  sur  ses 

'  Pline,  N.  H.,  XX. XI Y,  62. 
-  M.  CoUignon,  Lysippe,  p.  35. 
'  Athénée,  XII,  p.  543  C. 
■*  Plut.,  De  gloria  Athen.,  2. 

•'•  Pline,  N.  H.,  XXXV,  72:  Pinxit  et  minoribiis  iabellis  lihidines,  eo 
génère  petiihtntis  ioci  se  reficiens. 


284  ATniiKiA 

auteurs.  La  ti'ansitiou  sera  aussi  ai^^ée,  nous  Talions  voir,  d'AI'rirX- 
IMON  ù   AP\li"\AA()\  que  celle  (rrs/iYzV/.ov   à   archiiiaUum. 

Il  iiVfit  pas  (le  méprise  plus  hanale  que  celle  de  deux  A  pour 
un  M,  et  r('ci]iro(|ucnipnt.  Le  mot  TAMOC  et  If  mot  l'AAAOC, 
bien  que  de  sens  irréi-onriliables,  étaient  laits  pnur  se  confondre  à 
chaque  instant:  le  style  du  copiste,  anienc  :i  les  tracer  madiinalc- 
ment,  allait  plus  vite  que  sa  réflexion,  et,  par  exemple,  le  fonc- 
tionnaire subalterne  du  service  de  Tldiolo^'ue,  arrivant  à  la  régie 
par  laquelle  ce  haut  fonctionnaire  prescrivait  à  tous  ses  subordon- 
nés de  confisquer  une  part  des  hérédités  testamentaires  laissées  par 
des  castrats  ou  des  impuissants  n"a  ])as  iiian(|né  de  l)rouiller  les 
lettres,  et,  là  où  le  sens  requiert  «les  eunuquis  ».  TAAAii.N,  de 
copier  tranquillement  «les  mariages»,  TAMiiN'.  Invei-sement,  si 
le  texte  de  Pline  portait  AI'  l'irAMON,  un  copiste  étourdi  a  pn 
lire  et  transcrire   AP  Tir  AAAO.N. 

M;iis  cette  premièi'c  mélecture  dni(  en  déclenrhor  aussitôt  une 
autre,  corrélative,  simultanée.  AI'TIPAAAO.N  ne  donnant  aucun 
sens,  il  était  inévitable  que  le  T  qui  s'écrit  1  dans  les  papyri 
en  curiale  du  I""'  et  du  IT  siècles  se  transformât  en  un  \.  (|iii,  dans 
les  papiiri  de  la  même  époque,  s'écrit  par  deux  barres  s'intcrceptaut 
plus  i)rès  de  leur  sommet  que  de  leur  base  ".  IjCs  deux  lettres 
étaient  paléographi(|uemeut  interchangeables  ',  et  le  passage  d"  APTI- 
TAAAON  à  APXITAAAON  s'effectue  par  un  processus  qu'on  peut 
qualifier  d'automati(iue. 

Du  point  de  vue  de  la  psychologie,  la  faute  n'est  ni  moins  lo- 
gique ni  moins  compréhensible,  et  procède  de  ce  principe  de  bana- 
lité croissante    si    bien   mis  en    relief  par  M.   L.   Havot  V    Le  mot 

'  Gnomon  de  Idiohijiu\  1.  244.  Cf.  l'apparat  ciiticpie  de  M.  Th.  lîei- 
nach,  et,  supra,  p.  247. 

-  Gardthausen,  Grierh.  Palaeoijraphze,  Leipzig,  19l;î.  pi.   1. 

'  Voir  les  trois  premières  colonnes  du  tableau  dressé  par  Thouipson. 
Introduction  to  greeh...  l'alaeoiiraplii/,  Oxford,  1912,  p.  192. 

*  L.  Havet,  op.  cit..  S  8.^1 . 


ATTIDEIA  285 

xori'^'y.ij.oz  était  le  mot  juste,  mais  c'était  un  mot  relativement  rare, 
sans  analogie  avec  le  latin,  et  où  les  copistes  ignorants  étaient 
condamnés  à  trélniclier.  Les  Grecs  de  Tépoque  classique  avaient  un 
terme  quasi  technique  pour  désigner  la  nouvelle  mariée  :  -/ûapr,  ' 
qui  se  trouve  déjà  dans  Homère  avec  cette  acception  et  dont  les 
Romains  ont  tiré  mjmplm  '.  Mais  il  comportait,  dans  les  deux  lan- 
gues, d'autres  significations,  et  entre  autres,  celle  de  nymphe,  di- 
vinité des  eaux.  A  défaut  de  contexte,  on  ne  pouvait  choisir  entre 
elles,  et  cette  incertitude  le  rendait  impropre  à  servir  isolément 
de  titre  aux  œuvres  des  artistes.  Pour  parer  à  toute  ambiguïté, 
ceux-ci  devaient  recourir  à  des  noms  composés  sur  la  valeur  des- 
quels ne  subsistait  aucune  indécision  :  Eschyle,  Euripide,  Hérodote, 
Xénophon  emploient  vj&vaat,:  ;  à  l'époque  hellénistique,  prévaut  la 
forme  àpTiyzao;,  ^,  commune  aux  tardives  Dionysiaques  de  Nonnos  ■*, 
aux  Halieutiques  d'Oppien  ^,  aux  poètes  de  l'Anthologie  "  et  aux  épi- 
taphes  de  Rome';  c'est  ce  vocable  plutôt  que  le  précédent,  que 
Pline  a  traduit  quand,  délaissant  à  son  tour  le  terme  amphibologique 
de  m/mpha,  il  a  cité,  dans  ses  énumérations  d'œuvres  d'art,  d'autres 
nouvelles  mariées:  nora  nupta  ^  ;  et  à  tout  prendre  il  était  au  moins 
aussi  répandu  et  régulier  que  la  plupart  des  titres  que  les  historiens 
romains  avaient  reçus  des  Grecs,  et  que  nous  reconnaissons,  tant  bien 
que  mal,  sous  le  travestissement  latin  dont  ils  les  avaient  revêtus.  Les 
noms  de  rîvV.vv;  u.ç,:  de  Strongylion  ■',  de  la  Treorvô- ao/.o;  de  Pausias  '"^ 


'  Cf.   Theaaurus  grec,  s.  v. 
2  Foreellini-De  Vit,  s.  v. 
^   Tliesaurus  grec,  s.  v. 

*  Xonnos,  IHonys.,  VIII,  190. 
^  Oppien,  HaL,  IV,  178. 

«  Anih.  Pal.  XIV.  125,  4. 

•  I.  G.,  XIV,  1835. 

«  Pline,  Xi/.,  XXXV,  78;  cf.  Plaute,  Cos.,  1,  30;  Varron,  ap.  Non. 
II,  340:  Juvénal,  Sut.  II.  117. 
s  Pline,  N.  H.,  XXXIV.    S2. 
'"  Ibid.,  XXXV,  123. 


28()  AITIDKIA 

de  la  'jiEAio'j.aiv/,  de  Praxitèle',  du  r.zy.'j\'}h\j.vi>j%  d'Antignotos  ' 
et  de  Daippos  ^  ne  sont  attestés,  comme  lui,  que  postérieure- 
ment à  l'époque  elassiqiic;  et,  moins  iieureux  f|iif  lui,  les  noms  du 
-p'.Xvi'Tco;  de  Canaeiios  *,  du  tzjso/.tovo;  de  l'raxitéle  '',  du  «îtao;-,'- 
yvo7:r/);  de  Styppax  '  ne  sont  attestés  nulle  part  en  dehors  des 
citations  latines  qui  nous  les  ont  transrais".  Bien  enti'iidii.  i'app:!- 
rat  critique  de  Pline  est  liouri-é  de  toutes  les  fautes  qui  les  ont 
écorchés;  et  les  bévues  dont  ils  furent  victimes  remontent  souvent, 
au  delà  du  moyen  âge,  à  rinintelligence  des  premiers  copistes.  Le 
mot  àpTi'yajj.o;  a  partajçé  leur  sort.  Si  approprié  qu'il  fût  à  son 
objet,  il  exi;,^eait,  ])(iiir  être  apprécié,  la  connaissance  du  ^\w.  et 
ne  disait  plus  rien  à  qui  ignorait  la  langue  ou  la  savait  fort  mal, 
et  en  était  réduit  à  chercher  —  ou  à  trouver  d'instinct  — ,  à  ce 
vocable  irréductible  à  l'analyse,  un  substitut  moins  insolite  et  inac- 
•cessible.  Une  des  défaites  où  se  réfugiait  le  plus  volontiers  en  ])a- 
reil  cas  la  demi-science  des  copistes  «rOccidcnt  consistait  dan«  le 
remplacement  du  nom  commun  qui  les  embarrassait  dans  le  nom 
propre  ou  le  pseudo  nom  propre  qui,  par  le  son,  s'en  rapprochait 
•davantage.  Ainsi  dans  un  manuscrit  de  Phèdre,  t&O'j';  a  été,  tout 
naturellement,  transformé  en  Aesopus  "  ;  et,  si  l'ingénieuse  conjec- 
ture de  M.  Six  est  fondée,  l'iîiyo'jy.Év/;  —  la  Douloureuse  —  que 
Pline  attribue  à  Calamis  et  dont  la  Pénélope  du  Vatican  nous  of- 
frirait la  réplique,  s'est  pareillement  métamorphosée  en  Alcmène  '. 

'  Pline,  2Vr.  7f.,  XXXIV,  70. 

«  Ihià.,  XXXVI,  Hfi. 

'  Ihid.,  XXXIV.  ST. 

*  Ibid.,  75. 

s  Ibid.,  70. 

«  Ibid.,  81. 

'  Par  Pline  luiniênie,  ou,  pour  sàroiî,-.  par  .Macrolie  (Sut..  I.  17.  4!M. 
Pour  les  exemples,  voir  le  TJiesaicrits  grec. 

'  L.  Havet,  op.  cit.,  S  ^74,  a  allégué  cet  exemple  d'après  Phèdre. 
III,  14,   12. 

■'  Cf.  C.  li.  Ac.  /««•)■.,  1914.  p.  217    et  Pline,  X.   H..  XXXIV.    71. 


ATTIDEIA  287 

Peut-être  même  des  raisons  pins  intimes,  jaillies  de  la  cons- 
cience du  copiste,  ont  elle  conduit  sa  main  sans  même  qu'il  s'en 
doutât  ?  Un  des  chapitres  les  plus  suggestifs  du  manuel  de  M.  L.Havet 
dénombre  les  fautes  introduites  dans  les  mss.  par  la  religion  :  «  les 
auteurs  classiques  sont  païens:  or  leurs  copistes  à  l'époque  byzan- 
tine sont,  en  général,  des  Chrétiens;  et,  à  l'époque  Caroline,  ce  sont 
des  moines.  De  là,  un  désaccord  entre  les  préoccupations  des  au- 
teurs et  celles  des  copistes:  par  suite,  des  fautes  qui  christianisent,  soit 
les  idées  mêmes  du  texte,  soit  l'apparence  du  texte,  soit  l'appa- 
rence individuelle  des  mots  »  '.  Ici  le  pluriel  (/('/,  entaché  de  po- 
lythéisme, est  recouvert  par  le  singulier  deus;  là,  amen,  qui  ne 
fournit  aucun  sens  en  ces  divers  passages,  vient  évincer  tamen, 
agmen,  ou  amnem  ^.  comme  l'idée  de  sainteté  change  XaiitJmm  en 
sancihum^,  ou  la  peur  de  l'enfer  chasse /«/)r)/(os  devant  /nfernos\ 
Mais  pourquoi  réserver  au  Cliristianisme  ce  privilège  d'erreurs? 
Dès  la  fin  du  I"  siècle,  en  tout  cas,  dans  le  courant  du  H",  il  devait 
exister  à  Rome  des  dévots  de  Cybèle,  obsédés  de  ses  mystères  et 
révérents  de  ses  prêtres  au  point  de  les  rencontrer  un  peu  partout. 
En  sorte  que  préparée  par  les  similitudes  de  la  paléographie,  dé- 
terminée par  les  difficultés  du  grec,  la  conversion  d'AP  riTAMON 
en  .\PVirA.\A()N  aurait  été,  en  outre,  facilitée  par  la  popularité 
du  culte  d'Attis  et  la  ferveur  de  ses  fidèles.  Si  cette  dernière  con- 
jectui-e  est  plausible,  non  seulement  elle  confirme  la  théorie  de 
M.  L.  Havet  par  un  exemple  emprunté  pour  la  première  fois  au 
Paganisme,  mais  elle  resserre  l'enehaïuement  des  causes  qui  ont 
entraîné  le  copiste  de  la  le(;ou  de  l'archétype  à  celle  des  mss.  : 
et  leur  logicjup  est  un  indice  de  plus  de  la  justesse  de  notre  cor- 
rection. 

1  L.  Havet,  op.  cit..  S  1093. 

2  Ibid.,  §  1094. 
'  Ibid.,  .§  1095. 
*  Ibid. 


288  ATIIliKIA 

Mais  de  ce  que  notre  emrutlafio  est  conséquente,  il  suit  seulement 
qu'elle  est  poasilile  et   probable.  Voici  qui  la  certifie. 

Dans  sa  Vir  de  Tibère,  Suétone  a  copieusement  décrit  les  dé- 
bauches séuiles  auxquelles  l'empereur  se  serait  livré  dans  sa  soli- 
tude de  Caprée'.  Non  content  de  violenter  les  femmes  et  de  souil- 
ler do  Jeunes  garçons,  le  Prince  se  serait  entouré  de  livres  porno 
grapliiques  et  d'iinaf^es  obscènes".  Parmi  celles-ci  figurait  une  (cuvre 
de  Parrliasio>(  (|u'il  avait  ae(|uise  eu  vertu  d'un  siii^'ulier  testa- 
ment. Le  défunt  lui  avait  donné  à  choisir  entre  cette  peinture  et 
un  million  de  sesterces:  comme  le  tableau  représentait  Atalante 
s'attardant  complaisamment  aux  baisers  de  Méléagre,  Tibère,  bien 
loin  de  s'en  offenser,  ne  put  résister  à  la  tentation  de  le  posséder, 
le  préféra  au  million  et  le  mit  dans  sa  chambre  ''.  Confrontons 
avec  cette  page  de  Suétone  le  texte  de  Pline  en  discussion.  Si  nous 
le  lisons  tel  qu'il  est  édité,  il  faut  admettre  que  Tibère  possédait 
deux  tableaux  de  Parrhasios  dans  son  cuhiritJum,  celui  dont  Pline 
nous  a  parlé,  celui  que  Suétone  rappelle  comme  un  opprobre.  Le 
Parrhasios  de  Pline  aurait  représenté  un  archigalle  et  valu  six 
millions  de  sesterces.  Le  Parrhasios  de  Suétone  aurait  figuré  les 
amours  d'Atalante  et  ne  se  fût  évalué  qu'à  un  million.  Nonobstant 
ces  différences,  la  vérité  est  si  forte  que  les  modernes  ont  rapproché 
autant  qu'elles  le  leur  permettaient  les  taltleaux  qu'elles  séparent  ; 
et  Ad.  Reinach  '  et  Klein  ''  ont  supposé  que,  sorties  du  même  atelier, 
celui  de  Parrhasios,  les  deux  peintures  avaient  par  surcroît  été 
dévolues  à  Tibère  en  vertu  du  même  testament  et  selon  deux  clauses 


'  Suét.,  Tih.,  43. 

ï  Ibid.,  44. 

^  Ibid.:  voir  ci-après  p.  289. 

*  Ad.  Reinacii,  Hevue  de  Philologie.  1914,  p.  248. 

^  Klein,  Gesch.  der  griecli.  Kuenstler,  Leipzig.  1905,  p.  178  et  181. 
Kn  cette  deniière  page,  Klein  fait  même  allusion  à  la  possibilité  d'iden- 
tifier le  Méléagre  et  l'arcliigalie.  Mais  comment,  si  l'on  n'adopte  pas  la 
correction  ici  proposée? 


ATTIDEIA  289 

de  rédaction  analogue.  Kn  réalité,  il  n'y  a  pas  lieu  de  les  comparer 
par  ce  qu'elles  se  confondent  ;  et  il  suffira  de  mettre  en  regard  du 
texte  de  Suétone  qui  concerne  l'une,  le  texte  de  Pline,  qui  semble 
concerner  l'autre,  tel  que  Je  propose  de  le  rétablir,  pour  se  con- 
vaincre de  leur  identité. 

Pline,  X.  H..  XXXV,   70:  Suétone,   Tiber.,   44: 

[Purrhasiiis]  piiirit  el  Ar-  0'«'"<'   P"i-i(tsi  qiœqiie  ta- 

tigamon,  qtuim  picturam  mua-  hulam    in    qna  Meleacjro  Ata- 

rit  Tiherins  prinreps  atque,  ut  '««'«  ore  morigeratiir,  leiiaiam 

auctor    est    Beculo.    HS    !~|  «''^'    cnndiiione    %d,    si    argu- 

aestimatam     cuhintlo    stw    in-  »'««'o   offenderetur.  decies  pro 

ch(sil.  ^"    sestertium    acciperet.    non 

modo  praetiilil,  sed  in  cubiculo 

•  dedii'urit. 

Même  auteur:  Parrliasios  :  même  emplacement:  le  ctibicidum 
de  Tibère;  même  estimation:  dix  fois  cent  mille  sesterces;  même 
sujet:  celui  et  celle  que  Suétone  appelle  Méléagre  et  Atalante  unis- 
sent longuement  letirs  lèvres,  comme  de  jeunes  époux  ;  et  l'Artigamos 
dont  parle  Pline  s'avérait  sans  doute  nouvelle  mariée  par  la  pré- 
sence et  l'attitude  de  son  mari.  Evidemment,  les  deux  tableaux  n'en 
font  qu'un  et  les  titres  différents  qu'il  porte  chez  Pline  et  chez 
Suétone  proviennent  des  appellations  concurrentes  que  la  critique 
d'art  des  anciens  a  souvent  appliquées  à  une  seule  et  unique  réalité. 


Il  y  aurait,  en  effet,  tout  nu  chapitre  à  composer  sur  les  noms 
de  tableaux  et  de  statues  que  Pline  nous  a  transmis;  et  nous  nous 
tromperions  en  enfermant  les  oMivres  de  l'art  antique,  :'i  partir  du 
jour  de  leur  apparition,  en  un  état-civil  rigide  et  désormais  im 
muable.  Tout  au  contraire,    les    créations    des   maîtres,    reflétaient 


2flO  AITIDKIA 

<lans  leuTH  iléiinmiiiatioiiH  simiiltaïu'-es  ou  successives,  soit  les  péri- 
péties (le  leur  histoire,  soit  la  faveur  cliaii^cante  du  public.  Une 
Atlièna  de  Phidias  parut  si  belle  aux  générations  qui  l'ont  suivi 
qu'elles  l'appelèrent  la  Beauté:  Miitervatn  tam  eximiae  puJchritudi- 
iiis  ut  Fnrmae  nomen  acceperit  '.  Alcamène,  originaire  de  l'Attique 
et  Agoracrite,  né  dans  l'île  de  Paros,  avaient  concouru  devant  le 
I>hnos,  pour  une  statue  d'Aphrodite.  Les  Athéniens  favorisèrent 
leur  compatriote  ;  et  Agoracrite,  liattu  d  iiiécontent.  ne  consentit  à 
vendre  son  œuvre  qu'à  la  condition  ((u'elle  ne  resterait  pas  à 
Athènes  et  qu'on  la  nommât  Némésis  '"'.  Pythagoras  de  Rhegiuni 
avait  sculpté  un  Apollon  citharède  qu'Alexandre  annexa  au  butin 
(|u"il  avait  récolté  dans  Thébes  vaincue;  comme  à  l'intérieur  du 
bronze  on  retrouva  l'or  que  les  Thébains  fugitifs  y  avaient  déposé, 
cet  Apollon  fut  désormais  désigné  par  l'epithète  du  Juste:  fpii  iJi- 
raeus  appcllatits  fst  '.  De  même  la  majesté  que  respirait  le  Périclès 
de  Crésilas  lui  valut  rappellation  d'Olympien  '.  Plus  tard,  les  Ro- 
mains, sur  ce  chapitre,  imitèrent  les  Grecs.  Parce  qu'il  avait  ap- 
partenu à  Brutus,  l'enfant  de  Strongylion  devint  le  Philippicn  '  : 
et  lorsque  les  couleurs  de  la  fameuse  Anadyomène,  d'Apelle,  eurent 
pâli,  et  qu'au  temps  de  Néron,  toute  une  partie  du  bas  de  la  pein- 
ture se  filt  effacée,  elle  changea  d'étiquette  et  fut  couramment  la 
Mfjvùx.vr,a'3;,   l'unijanitiiste  °. 


'  Pline,  N.  H.,  XXXIV,  54:  Minerram  t<im  f.rîmiae  putchritiulini.'' 
lit  Format  nomen  acceperit. 

-  Ihid..  XXXV'I,  17:  Çiuim  Agoracritus  ea  lege  signum  siinm  reixli- 
disse  traditur  ne  Atheni<  esset  et  appellasse  Nemesin. 

'  Ibid.,  XXXIV,  59. 

*  Ibid.,  74. 

'■>  Ibid.,  82:  Idem  Strongylion  fecit  puernm,  i/tiem  amando  Brutus  Plii- 
tippiensis  cognomine  sua  inhistravit. 

'  Cf.  Pétrone,  Sat..  8;î.  Le  texte  porte  monocremon.  La  correction 
est  de  Studniczka.  Ad.  Reinacli,  op.  cit.,  p.  333,  préfère  restituer  mono- 
chromon  ;  mais  ce  dernier  terme  qui  convient  à  une  technique  en  général 
a  difficilement  désigné  un  tableau  en  particulier. 


ATTIIIEIA  291 

Mais  il  y  a  plus.  Au  sortir  (le  l'atelier,  les  fviivres  d'art  n'étaient 
j)as  toujours  identifiées.  La  maîtresse  de  Pausias,  dont  ce  peintre 
avait  voulu  immortaliser  les  traits,  s'appela  indifféremment  la  Gly- 
cère,  du  nom  qu'elle  portait  à  la  ville  —  ou  la  tresseuse  de  cou- 
ronnes —  Steplianoplokos  — ,  ou  la  marchande  de  couronnes  —  8te- 
phanopolis  '  —  ;  et  eu  dépit  de  leur  ingéniosité,  les  critiques  d'art 
n'étaient  point  parvenus  à  s'entendre  sur  la  personnalité  de  l'homme 
que  Céphisodote  avait  .sculpté  la  main  levée,  en  train  de  haran- 
guer un  invisible  auditoire: /"(«r//  fi  rontionantem  manti  eJatu  :  per- 
sona  in   iurerfo  est  *. 

Enfin  nous  avons  la  preuve,  décisive  pour  résoudre  l'apparente 
contradiction  où  Pline  et  Suétone  ont  l'air  d'être  tombés  à  propos 
du  Parrhasios  cher  à  Tibère,  que,  d'une  génération  à  l'autre,  les 
points  de  vue  et  les  conceptions  esthétiques  changeaient  notable- 
ment, et  que  cette  mobilité  de  l'opinion  entraîna  avec  elle  les 
titres  des  chefs  d'œuvre  que  les  hommes  ne  cessaient  d'aimer,  tout 
en  renouvelant  sans  cesse   les  raisons  de  leur  dileetion. 


De  ces  curieuses  modifications,  je  me  limiterai  à  citer  deux 
exemples. 

Une  fresque  célèbre  de  Protogéne  de  Caunos,  étendue  aux  mu- 
railles des  Propylées,  glorifiait  les  galères  de  l'Etat  athénien,  la 
Paralienne  et  l'Hammonias.  Quelle  que  soit  la  manière  dont  le  pein 
tre  ait  traité  son  sujet,  qu'il  ait  symbolisé  l'Hammonias  par  une 
femme  dressée  sur  le  rivage,  ou  qu'il  l'ait  représentée  réellement 
sur  rade,  en  vue  d'une  côte  peuplée  de  figurantes,  c'est  un  fait 
que,  par  la  suite,  on    l'interpréta    comme  un    épisode    des  poèmes 


'  Pline,  X.  H.,  XXXV,  125:  cf.  ihùl,  XXT.  4. 
»  Ibid..  XXXIV.  87. 


292  ATIIDEIA 

lioniéri(|ues  et  que  l'IlammoiiiaB  est  devenue,  «laii»  riinaf^iiiatioii  de 
aes  admirateurs,   une  Nansicaa  '. 

Le  second  exemple  est  jibis  frappant  encoi'c  et  nous  ramène  au 
centre  de  notre  discuH.sion,  puiscju'il  va  démontrer  qu'une  «  Nou- 
velle mariée  »,  celle  d'Aétion  a  subi,  sons  TinHuence  de  semblables 
variations  psychologiques,  une  métamor])lioso  anabrgue  à  celle  qui, 
dans  l'esprit  des  Romains,  a  transformé  la  peinture  de  Par- 
rhaaios. 

Le  tableau  le  plus  célèbre  d'Aétion  représentait  une  scène  de 
noces  que  Lucien  nous  a  décrites  comme  étant  celles  d'Alexandre 
et  de  Roxaiie  '.  Or  l'iinc,  (|\ii  a  dressé  la  liste  des  (euvres  de  ec 
peintre,  ne  fait  aucune  allusion  à  ce  mariage  et  se  liorne  à  com- 
prendre dans  son  énumération  «  une  nouvelle  mariée  remarqualile 
par  sa  pudeur  »  —  «  et  nova  nupta  verecundki  Hotabilis  *  ^ .  Le  si- 
lence de  Pline  sur  les  noces  d'Alexandre  et  de  Roxane  est  d'au- 
tant jdus  surprenant  (|Ue  cette  iieinturc  d'Aétion,  non  seulement 
avait  fait  en  (Irèce  la  réputation  du  peintre  qui,  étant  venu  le 
montrer  k  Olympie,  y  avait  remporté  un  tel  succès  qu'un  des 
Hellanodices,  Proxénidas,  lui  avait  fait  épouser  sa  fille  incontinent  \ 
mais  l'avait  consacrée  en  Italie  où  le  tableau  avait  été  ti-ansporté 
et  011  Lucien  le  dépeint  encore.  Aussi,  ]>lutôt  que  de  prêter  à  l'iine 
un  incroyable  oubli,  Adolphe  Reinacli  a-t-il  déjà  proposé,  avec  une 
clairvoyante  pénétration,  d'identilicr  le  chef  d'ieuvre  d'Aétion,  selon 
Lucien,  avec   la  niini   impta  mentionnée  dans  Vnisloiic  Xat  k  relie  '  : 

'  Pline,  X.  ]/..  \XXy,  lOÏ:  Quidam  et  nm-es  l)inxisse  Jisque  ad  guiii- 
iliiaiietisimnm  (untidii  :  argumenlum  esse,  qtiod  ctim  Athenis  celeherrimo 
loco  Minervae  deluhri  propylon  pingeret,  ubi  fecit  nnhiJem  ParaJum  et 
Hammoniada,  quam  tiitidam  Nausicaan  vacant . . . 

'  Lucien,  Ilerod.,  4-6.  L'orthographe  Aétion,  plus  fiéquenmient  .it- 
testée,  est  la  meilleure.  On  tiouve  aussi  la  forme  Eétion. 

3  Pline,  iY.  H.,  XXXV,  78. 

*  Cf.  Lucien,  Hrrod.,  4. 

■'  Ad.  Reinach,  p.  37",  n.  4:  Ce  tableau  (n.  506)  est  sans  doute  iden- 
ti<|iie  au  suivant  \n.  .')07). 


et  cette  interprétation  est  d'autant  plus  jilansilile  que  certaines 
phrases  de  Lucien  sur  Roxane  «  vierge  d'une  beauté  accomplie  »  qui 
«  baisse  les  yeux  »,  toute  confuse,  devant  Alexandre  debout  à  ses 
cotés  viennent  à  point  nommé  confirmer,  en  le  motivant,  le  juge- 
ment de  Pline  sur  cette  peinture  «  rerccuinUa   iio/dhilis  ». 

Seulement  Adolphe  Reinach  s'est  arrêté  trop  tôt  sur  la  voie  qu'il 
gardera  le  mérite  de  nous  avoir  enseignée.  A  tort,  il  est  resté  per- 
suadé de  l'historicité  du  tableau  où  il  se  figure  qu'Aétion  avait 
inscrit  la  date  de  sa  victoire  olynipi(|ue  et  les  noms  de  ses  per- 
sonnages '  :  et  il  a  implicitement  reproché  à  Pline  d'avoir  frustré 
cette  (vnvre  fameuse  de  ses  caractères  propres,  pour  la  signaler 
d'un  mot  lianal.  et  en  perdre  le  sujet  dans  la  foule  des  noces 
anonymes.  Or,  s'il  est  un  résultat  auquel  nous  conduit  l'examen 
attentif  de  toutes  les  données    du   problème,  c'est  bien  le  contraire. 

Relisons  le  chapitre  de  Lucien.  Sur  le  tableau  d'Aétion,  Lu- 
cien a  reconnu,  non  seulement  Roxane  et  Alexandre,  mais  Héphaes- 
tion  qui  les  assiste  en  qualité  de  i)aranyniplie.  Un  admirable  ado- 
lescent, sur  lequel  Héphaestion  s'appuie,  lui  a  paru  une  person- 
nification de  l'Hyménée  :  mais  il  n'ose  affirmer:  oô  via  ÉTrîyi- 
vp7-T0  TO'jvo;Aa  '-.  Ad.  Reinach  a  déduit  de  cette  négation  que  le 
nom,  seul,  de  ce  personnage  avait  été  omis.  Mais  elle  peut  aussi 
bien  s'appliquer  à  tous  les  acteurs  de  la  scène.  L'inscription  de 
noms  au  dessus  ou  à  côté  des  personnages  n'est  pas  une  garantie, 
car  elle  n'est  peut  être  intervenue  qu'après  coup,  non  seulement 
après  la  mort  du  peintre,  mais  entre  la  composition  de  rHistoirr 
KatnreUe  et  celle  du  traité  de  Lucien,  alors  que  s'était  depuis 
longtemps  évaporé  le  souvenir  des  intentions  de  l'artiste.  Selon 
l'interprétation  d'Ad.  Reinach,  la  nomenclature  d'Aétion  aurait 
été  incomplète,  indice  qu'elle  n'était  pas  authentique.  Et  suivant 
l'interprétation  que  je  préfère,  elle  aurait  été  absente  du   tout  au 

'  Ad.  Keinacli.  p.  377,  n.  5. 
-  Lucien,  Herod.,  5. 

îMiiuneis  d'Areh.  et  tllliit.  lW-23.  19 


294  ATTIDEIA 

tout.  Dans  les  deux  "'as,  le  rliamp  s'ouvre  largement  aux  fantai- 
sies des  exégèses  ultérieures.  Nous  n'avons  pas  à  prendre  parti 
l)our  Lucien  contre  l'iiue.  l'Iinc  a  pi-osaïquemeut  défini  le  sujet 
qu'il  renonçait  à  individualiser.  Pour  embellir  son  exposé,  I>ucien. 
au  contraire,  a  mis  un  nom  sur  chacun  des  acteurs  de  la  .scène 
(|u"i!    ,1   ■<!    lirill;uiiiiient   illustrée. 

Au  surplus,  eu  poursuivant  jusqu'à  la  dernière  ligne  la  lecture 
de  ce  morceau  de  bravoure,  on  ne  peut  se  défendre  de  l'impres- 
sion que  l'auteur  n'était  point  dupe  de  son  assurance.  Après  non» 
avoir  montré,  à  chacune  des  extrémités  du  taldeau,  des  amours  qui 
s'ébattent  parmi  des  armes,  motif  (|ui  rejiarait  dans  un  grand  nom- 
bre de  fresques  pompéiennes,  dont  les  unes  représentent  Mars  et 
Vénus,  d'autres  Ariane  et  Dionysos,  d'autres  enfin  l'amant  et  l'a- 
mante, mais  aucune  Alexandre  et  Roxane  ',  Lucien  dégage,  en  ter- 
mes curieusement  amliigus,  le  .^ymliole  de  ces  détails.  Ils  signifient 
la  passion  d'Alexandre  pour  Roxane,  unie  à  la  passion  de  la  guerre, 
que  son  amour  n'a  pas  eu  le  pouvoir  d'abolir  dans  le  cwur  du 
roi  '.  Et  d'uu  autre  point  de  vue,  ajoute  Lucien,  ce  tableau  était 
réellement  nuptial  puisque  Aétion  lui  a  dû  son  pro])re  mariage  avec 
la  fille  de  l'Hellanodice  Proxénidas:  ->./;•/  oCt.V  r,  y»  ti/.wv  r-^-r. 
■/.■/.'.  y.'tj.of.  •■T<i:rj.:''j-i  -:  ï~'.  ~r,-.  r).'/;Oîi*;  o'.soâv7i  ïjO'iny.  — loy.vY;- 
n7.'j.i'rrt  -C-t  "AîTiojv.  -r-i  t'-O  II;(j;îv;^'jj  O'jyzTÉpa  '.  Sous  ce  rap- 
prochement final,  perce  une  explication,  toute  différente  de  celle 
qu'à  préférée  Lucien,  et  destinée  à  faire  choir  le  tableau  des 
hautes  cimes  de  l'histoire  héroïque  dans  la  calme  vallée  de  l'exis- 
tence journalière.  Ces  dernières  lignes  s'accordent  étrangement  à  la 
définition  de  Pline  —  Koni  iiiipta  —  ;  et  que  l'auteur  de  VHis- 
tuire  Naturelle  ait  justement  saisi  le  vrai  caractère  de  cette  simple 
peinture  de  genre,  c'est  ce  que  Lucien   nous  suggère  lui  même  — 

'  Cf.  Reinach,  op.  rit.,  p.  ."i7S,  n.  4. 
♦  Lucien,  Herod.,  5. 
3  Ibid..  6. 


ATTIDBIA  295 

Y«(y.7)Aiciv  ri  z~ï  Tv;;  «Xr.Qeia;  — ,  et  ce  qui  l'essortira  avec  cer- 
titude des  limites  chronologiques  où  nous  sommes  tenus  d'enfermer 
l'activité  d'Aétion. 

Réfléchissons  un  instant  sur  les  dates.  Alexandre  a  épousé  Roxane 
en  327  av.  J.  C,  s'est  remarié  en  324,  et  Héphaestiou  est  mort 
en  323  '.  Si  Lucien  avait  dit  vrai,  nous  serions  obligés  de  placer 
la  composition  des  Noces  de  Roxane  et  d'Alexandre  où  figurait  Hé- 
phaestiou entre  327  et  324,  soit,  au  plus  tôt  dans  la  2'  année  de 
la  113'  olympiade,  et,  au  plus  tard,  dans  la  1"  année  de  la  114'^ 
olympiade.  Or  Pline  place  dans  la  107'"  olympiade,  par  conséquent 
eutre  352  et  349  av.  J.  C,  le  flontit  d'Aétion  '  et  partant  la 
production  de  sou  chef  d'œuvre  à  Olyrapie  ^.  D'où  cette  alternative  : 
ou  Pline  s'est  trompé  de  six  ou  sept  olympiades  daus  sa  chronologie, 
ou  l'attribution  de  Lucien  est  fausse. 

Convaincu  de  la  véracité  de  Lucien,  Adolplie  Reinach  a  été 
naturellement  amené  à  modifier  les  chiffres  de  Pliue  et  à  convertir 
CVII  en  CXIII  ou  OXIIII.  Cari  Robert  et  Rossbach  les  ont  cor- 
rigés de  leur  côté  ;  mais  l'opération  qu'ils  osèrent  y  pratiquer  est 
beaucoup  plus  radicale  \  Comme  Adolphe  Reinach,  ils  prennent 
comme  point  de  départ  de  la  carrière  d'Aétion  sa  composition  des 
noces  d'Alexandre  et  de  Roxane;  puis,  constatant  qu'un  autre  Aétion, 
qu'ils  lui  assimilent,  figure  au  nombre  des  amis  de  Théoerite  "  et, 
sans  doute  aussi  de  Callimaque,  puisqu'une  épigramme  du  poète 
alexandrin  semble  lui  rapporter  une  statuette  du  Héros  thrace  qu'on 


'  Ad.  Reinach,  op.  cit.,  p.  377,  n.  5. 

2  Pline,  A'^. -ff.,  XXXV,  78:  Clariet  CVII  Olympiade  exstitere  Aetion 
ac  Tlierimachits. 

'  Cf.  Ad.  Reinach,  op.  cit.,  p.  377,  d.  5:  «Si  le /lo)'(«*  d'Aétion  était 
rattaché  à  une  Olympiade  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  ce  fut  celle  où 
il  fit  admirer  son  chef  d'ouvré  à  Olympie  ». 

*  C.  Robert  et  Rossbach,  s.  v.  Aetion,  P.  W.,  I,  c.  700;  suivis  par 
Pfuhl,  op.  cit.,  p.  II,  771. 

s  Anth.  Pal,  VI,  337. 


296  ATTI1>EIA 

\oyiut  (lanH  une  maison  d'Anipliipolin  ',  ils  reculent  jusi)u'à  la  CXXX' 
olympiade,  aux  approriies  du  milieu  du  HT'  niécle  avant  notre  ère 
la  période  de  son   plein  éiiaiiDiiisBement. 

A  vrai  dire,  on  est  un  peu  embarrassé  pour  opposer  une  ar- 
f^umentation  eu  forme  à  la  niarclie  imprévue  de  raisonnements  auK»i 
arbitraires.  L'ami  di-  Tliéooriti'  n'est  pas  un  peintre,  mais  un  sculp- 
teur; et,  si  Aétion  a  cultivé  la  statuaire  comme  la  peinture  ",  l'ho- 
raonymie  avec  lui  de  l'ami  de  Tliéocrite  ne  prouve  rien  en  faveur  de 
leur  identité  :  Aétion  ou  Eétiim  était  un  ovoas:  fort  répandu  au  IV" 
siècle  ^,  et  l'Aétion  cité  par  Callimaque  n'a  rien  à  voir  avec  le  ou  les. 
artistes  de  ce  nom,  puisqu'il  n'est  ])as  l'auteur  de  la  statuette  à 
laquelle  l'épi^ramme  est  consacrée,  mais  bien,  ainsi  que  Pierre  Rous- 
sel l'a  lumineusement  établi,  le  projjriétaire  de  la  maison  où  le 
Héros  tlirace.  tri  tiii  ^-ai'nisaire  en  liilb-t  de  lotrement  —  i-'.'jry.h- 
[i.'j;  — ,  avait  reçu  l'iiospitalité  '.  Hulin.  la  correction  au  ])rix  de 
laquelle  ou  se  tiatte  de  maintenir  uni  ce  vi;ioureux  faisceau  de 
faibles  présomptions,  paléo^rai)liiquement  indéfendable,  est,  en  outre, 
condamnée  sans  appel,  par  la  répétition,  en  un  autre  passage  de 
VHistoire  Naf)(vcUi\  du  même  chiffre  des  olympiades  pour  le  /hjriiit 
d'Aétion  —  oh/vipiade  CVII  ou  ohimpiade  centeshna  sepiima  — 
et  l'exactitude  nous  en  est,  cette  fois,  garantie,  mieux  encore  que 
par  l'unanimité  des  manuscrits,  par  la  place  intermédiaire  qu'il 
occupe  après  l'olympiade  CIIII,  assignée  k  Praxitèle  et  Euphranor 
et  avant  l'olympiade  CXIII,  réservée  en  tonte  vérité  à  Lysippe,  le 
sculpteur  favori   d'Alexandre  le  Grand  ^.  De  ce  chapitre  de  Pline, 


'   Callim.,   Kp.,  24. 

«  Cf.  hifru,  p.  2M7. 

'  Cf.  Kirchner,  Pios.  Atticu,  I,  p.  ;556. 

*  Pierre  Roussel,  Keviie  des  Etiides  Grecques.  19-21.  p.  2titi  et  sniv.  : 
cf.  L.  Havet,  Revue  de  Philologie,  1922,  p.  154. 

5  Pline,  N.  H.,  XXXIV,  50-51:  LXXXXV  Ohnupimle  floruere  Nau- 
cydes...  Patroclu.i . . . ,  CIWÏ  Pra.riteles,  Kuphranor;  CVII  Aétion,  Tlieri- 
machus  ;  CXIII   J,2/f>i})pns  fuit. 


ATTIDEIA  297 

il  est  permis  tVinférer  qu'Aétion  fut  sculpteur  et  peintre  à  la  fois, 
comme  tant  d'autres  artistes  grecs  dont  la  richesse  de  dons  et  d'ajv 
titudes  annonçait  les  génies  universels  de  la  Renaissance.  Mais  il 
en  ressort  aussi  que,  peintre  et  sculptem-,  Aétion  connut  la  gloire 
vingt-cinq  ans  avant  la  conquête  macédonienne  et  ne  saurait  l'avoir 
acquise  par  un  tableau  des  noces  d'Alexandre  le  Grand  avec  la  Prin- 
cesse sogdienne.  La  vérité  du  chiffre  de  Pline  implique  celle  de 
son  attribution  ;  et  Lucien  n'a  changé  ce  titre  de  la  «  nouvelle 
mariée  »  que  Pline  donne  à  la  peinture  d'Aétiou  que  par  un  ana- 
chronisme, moins  fort,  évidemment,  que  celui  que  commettaient  cer- 
tains historiens  de  l'art  rapportant  à  Polj'clète  une  statue  d'Hé- 
phaestion  ',  mais  inspiré  des  mêmes  raisons  esthétiques  pour  lesquel- 
les, un  peu  plus  tôt,  au  temps  de  Suétone,  le  titre  de  Méléagre  et 
d'Atalante  avait  été  imposé  à  l'Artigamos  de  Parrhasios. 

Toujours,  semble-t-il,  les  peintres  se  sont  moins  souciés  de 
nommer  les  formes  auxquelles  ils  insuftiaient  la  vie  que  de  les 
jeter,  harmonieuses  et  pareilles  à  leur  vision  ou  à  leur  rêve,  sur 
le  l)ois  ou  la  toile  ou  le  mur  qu'ils  décoraient  à  la  fresque.  Au 
temps  de  la  jeunesse  du  Titien,  le  Concert  champêtre  ne  se  distin- 
guait pas  de  .ses  autres  Nude,  et  dans  les  admirables  figures  où 
la  po-<térité  a  cherché  tour  à  tour  Vénus,  Médée,  une  allégorie  de 
1  amour  profane  et  de  l'amour  sacré,  le  grand  Vénitien  a  voulu 
exprimer  la  beauté  de  la  fille  de  Palma,  et  la  force  de  sa  ten- 
dresse pour  elle  '".  Même  quand  il  emprunte  son  sujet  à  la  vie,  et 
s'efforce  de  traduire  la  réalité,  l'artiste  l'interprète  au  travers  de 
lui-même,  l'accorde  au  rythme  de  ses  aspirations  profondes,  l'éclairé 
des  reflets  de  son  âme.  Ce   que    M.   H;>uzey  a    dit  des    plus    déli- 


'  Pline.  N.  H.,  XXXIV,  6-i:  Jdeiii  (Lysippusi  fecit  HepJutestionem, 
Ale.randri  iimicum,  ipiei»  quidam  Polyclito  ad^cribtint,  cum  is  centum 
prope  annis  ante  fuerit. 

'  Voir  le  beau  livre  de  Louis  HourticM|,  La  Jeunesse  du  Titien,  Pa- 
ris, 1919. 


298  ATTIDKIA 

cieuses  parmi  les  terres  cuites  grecques,  qu'  «  elles  sont  suspendues 
entre  le  monde  réel  et  le  monde  idéal...,  dans  une  indécision  qui 
fait  une  partie  de  leur  grâce»  ',  pourrait  bien  être  la  formule  dé- 
finitive de  la  plupart  des  créations  de  l'art  grec,  et  s'applique  sans 
effort  à  ces  peintures  du  IV''  siècle  que  les  coroplastes  de  Myrina 
ont  imitées'.  Dans  son  adniir.iflDii  pour  ces  radieuses  images  qui 
planent  au  dessus  d'elle,  eutre  ciel  et  terre,  la  postérité  ne  se  rési- 
gne point  au  charme  de  leur  Hottement,  et  les  rattache,  tantôt  à 
la  patrie  des  hommes,  tantôt  à  celle  des  héros  et  des  dieux.  Parmi 
les  scènes  nuptiales  qui  égayaient  de  leurs  riantes  couleurs  les  maisons 
de  Pompéi  et  de  Rome,  la  plupart,  encore  aujourd'hui,  sont  suscep- 
tibles de  deux  explications,  l'une  réaliste  et  l'autre  mythologique  •'. 
Dans  l'antiquité,  les  critiques  ont  alternativement  passé  de  l'une 
à  l'autre,  selon  icius  tempèranient>i  ])^rsl)Il^el^',  nii  rnii-iix  suivant 
la  tendance  dominante  de  leur  époque.  A  i)artir  d'Hadrien,  le  monde 
romain  assiste  comme  à  une  renaissance  de  l'idéalisme  iiellénique  *  : 
il  s'ingénie  à  le  retrouver  dans  le  chefs  d'nenvre  consacrés  ;  la  lé- 
gende ou  l'histoire  quasi  fabuleuse  lui  paraissent  seules  dignes  de 
les  avoir  inspirés.  Sous  les  Flaviens,  au  contraire,  la  mode  était 
au  réalisme  ''  :  les  vieux  maîtres  passèrent  alors  pour  avoir  uni- 
([uement  fixé,  en  traits  immortels,  la  vie  de  tous  les  Jours.  Les 
tableaux  ((u'il   avaient  cou(;us    pour    se    satisfaire    eux  mêmes    du- 


'  Cité  par  E.  Pottier  et  Salonion  Kcinach,  La  nécropole  de  Myrina, 
p.  447. 

-  Ihid.,  p.  448. 

'  Que  de  points  d'interrogation  anx  identifications  signalées  par 
.S.  Keinacli  dans  son  Répertoire  des  peintnres  grecques  et  romaines,  Paris. 
V>2'1:  p.  55,  4  (Pompéi):  Artémis  et  llippolyte?;  —  p.  M,  6  (Pouipci): 
Aphrodite  et  Adonis?;  —  p.  (i(i,  7  (Pompéi):  Mars  et  Vénus  ou  scène 
intime  entre  mortels V;  —  p.  114,  7  (Pompéi):  intimité  de  Dionysos  et 
d'Ariane?  —  p.  3.'!0,  1  (lîome):  scène  intime?  Dionysos  et  Ariane?  — 
p.  402,  5  (Esqnilin)  :  Dionysos  4't  Ariane?;  etc. 

*  Cf.  Mrs.  Strong,  Komtiii  sculpture,  T.ondres,  U>07,  p.  362. 

■■>  IJi'rf.,  p.  254. 


ATTIDEIA  299 

rent  répondre  aux  vœux  secrets  et  divers  des  générations  qui  les 
suivirent.  Les  engouements  se  succédèrent,  mais  sans  se  ressembler  ; 
et  c'est  seulement  à  la  réflexion  que  se  révèle,  sous  les  admira- 
tions contradictoires,  l'identité  incontestable  de  leur  objet.  Ainsi  Lu- 
cien et  Pline  ont  vanté  le  même  tableau  d'Aétion  ;  mais  Pline  n'avait 
vu  qu'une  nova  luiptn  là  où  Lncien  songera  à  Roxane  ;  de  même 
Pline  et  Suétone  nous  ont  parlé  du  même  tableau  nuptial  de  Par- 
rhasios:  mais  Suétone  a  voulu  qu'Atalante  y  donnât  à  Méléagre 
le  long  baiser  '  qu'aux  yeux  de  Pline  le  jeune  mari  venait  y  re- 
cevoir de  la  nouvelle  mariée:  Phixif  \^Pnnhasii)s'\  et  Artiçinmnn  ... 

III.  —  Les  conséquences  d'une  coekection. 

A  peine  rétalili  dans  sa  véritable  teneur,  le  texte  de  Pline  nous 
ouvie  en  tous  sens  de  nouveaux  horizons.  Il  aide  les  archéologues 
dans  leur  poursuite  des  originaux  grecs  à  travers  les  libres  copies 
du  monde  hellénistique  et  du  monde  romain.  Il  éclaire  d'un  jour 
favorable  la  figure  de  Tibère  à  Caprée.  Il  concourt  à  mettre  en 
pleine  lumière  lu  réforme,  par  Claude,  de  la  religion  métroaque. 
Et  cliacun  de  ces  conséquences  vaut  la  peine  d'être  suivie  par  nu 
examen  particulier. 


Depuis  Winckelmaun.  on  a  souvent  rattaché  à  l'influence  du 
tableau  d'Aétion  l'adniiral)le  fresque  du  siècle  d'Auguste  connue 
.sous  le  nom   des  Xoces  Alduhrnndines  :  et  ce  n'est  qu'en   ces  der- 

'  Suétone,  Tih..  44:  Meleagro  Aialnnta  ore  inon'geraiiir  {Snv  le  sens, 
cf.  infra,  p.  301,  n.  2).  La  scène  se  comprendrait  mieux,  d'ailleurs,  si  au 
lieu  de  Méléaj^re,  Suétone  avait  désigné  Mélanion  ou  Hippoménès  (cf.  Xû. 
Reinaeh.  op.  cit.,  p.  236,  n.  1).  Sur  les  fres(iues  de  Pompéi,  comme  sur 
les  peintures  de  vases,  où  Méléagre  et  Atalante  sont  en  tête  :i  tète,  ils 
observent  une  attitude  des  plus  réservées  (Helbig,  Wandgemàlde  Cam- 
paniens,  n.  1165:  S.  Reinaeh,  Répertoire  des  T'oses,  251). 


300  A'ITIDKIA 

nii-res  années  qu'uiic  réiiPtion  s'est  produite  contre  la  lé^^itiinité  du 
rappmeliement.  Forster,  fl'abord,  qui  le  premier  soumit  les  Xores 
Aldohranrlines  à  mut  étude  miiiutieuse  et  approfondie:  Cari  lin- 
hert,  qui  y  a  décelé  la  inaniére  de  Polygnnfe  par  l'art  avec  le- 
quel cette  composition  sait,  saii><  rompre  son  unité,  répartir  les 
personnages  qui  la  reni])lissent  sur  deux  tliéàtres  à  la  fois,  au  de- 
hors et  dans  la  maison;  enfin  M.  Nogara,  ((ui  a  édité  de  cette  leuvre 
une  pulilicatiou  digne  d'elle  ',  ont  soutenu  qu'elle  dérivait  d'un  ori- 
ginal préliellénistique.  antérieur  :\  Apelle  et  au  milieu  du  IV*  siècle. 
Mais  leur  chronologie  ne  prouve  plus  rien  contre  Action,  du  mo- 
ment (|ue  le  témoignage  de  Pline  nous  a  ])ermi8  d'écarter  l'identi- 
fieation  faite  par  Lucien  du  chef  d'ceuvre  d'Aétion  avec  le  mariage 
d'Alexandre  et  de  Koxane,  et  que-  Ion  conserve  pour  Vaicmè  de  cet 
artiste  la  107'  olympiade  indiquée  par  Pline,  soit  la  période  com- 
prise entre  852  et  849,  vingt  ans  avant  Va/.mè  d'Apelle  (332  329)  '. 
(.Uiant  à  rantagoiiisnic  qu'on  a  cru  a|)erccvoir  entie  la  niaguiti(|U(' 
sérénité  des  Nocs  Ahlohiandities  et  le  mouvement  qui  ressort  de 
la  description  de  T^ucien,  ce  n'est  sans  doute  qu'une  illusion,  si  le 
tableau  d'Aétion  était  surtout  remarquable,  comme  l'écrit  Pline, 
par  sa  dignité  et  sa  pudeur:  ft  nova  iitipUi  leremndia  im/dhilis. 
Du  reste,  M.  Nogara  lui-même,  lorsqu'il  cherche  ;'i  résumer  eu  une 
brève  formule  le  caractère  des  Noces  AMohrandhies,  les  considère 
comme  «  la  représentation  d'un  mariage  humain  idéalisé  par  l'art  »  ''. 
Il  se  sert  à  peu  près  textuellement  des  termes  où  MM.  S.  Keinach 
et  E.  Pottier  ap])récient    les  gracieuses   figurines  de  terre  cuite  où 


'  Cf  Nogara,  Antichi  iiffrcschi  del  Vaticano  e  del  Laterano.  Rome, 
1907.  p.  ■24-2.").  On  trouvera  là  les  références  et  les  analyses  des  travaux 
antérieurs.  Il  n'y  a  que  quelques  années  d'intervalle  entre  Polygnote  mort 
peu  avant  430  et  Parrliasios  dont  la  production  a  commencé  aussitôt 
après.  (Sur  Polygnote,  voir  Fornari,  Axisonia^  1919,  p.  722). 

-  Cf.  Pline,  JN'.  H..  XXXV.  79:  Apelles  Cous  olympiade  ceiitr.tinia 
duodecimd, 

'  Nogara.  op.  cit..  p.  1!';  uiatiimonio  iiuiano  arlisticauiente  idealizzato. 


ATTIDKIA  301 

ils  out  cru  saisir  roinnir  un  rctlet  ilii  flief  ird'uvrc  d'Aûtioii  '  :  et 
l'on  persistera,  sans  doute,  ;ï  penser  avec  eux  que  ce  tableau  cé- 
lèbre, non  seulement  était  présent  à  l'esprit  des  coroplastes  de  My- 
rina,  mais  qu'il  a  plus  ou  moins  librement  influencé  ces  Noces  Ah 
(lobraudiiies  qui  nous  en  ont  transmis,  à  défaut  du  détail,  l'inspi- 
ration maîtresse  et  la  tonalité  générale  d'iiarmoniense  décence  et 
de  grave  tendresse. 

Même  si  la  teclinique  en  était  semblable,  la  note  dominante  du 
tableau  où  Parriiasios  a  traité  le  sujet  devait  rendre  un  son  très  dif- 
férent. L'appréciation  de  Pline  sur  celui  d'Aétion  ne  se  comprend 
bien  que  si,  jadis,  on  le  comparait  déjà  à  une  autre  peinture  du 
même  genre  mais  d'un  tout  autre  esprit.  Or,  dans  le  temps,  la  nom 
impta  d'Aétion  a  suivi  immédiatement  VArtitjumos  de  Parriiasios; 
et  c'est  entre  elles,  sans  doute,  que  le  parallèle  s'était  institué.  Aussi 
bien,  la  description  ([ue,  sous  le  nom  d'Atalante,  Suétone  a  esquissé 
de  cette  dernière  —  [tnarito  nota  nu^Hd]  ore  morigeratur  —  nous 
montre  que  la  «  nouvelle  mariée  »  de  Parriiasios  se  distinguait  plus 
par  son  ardente    p;ission    que  par    une  chaste  réserve  ". 

Des  scènes  aussi  animées  sont  fréquemment  reproduites  dans 
les  fresques  de  l'époque  romaine.  Mais  elles  ne  mettent  ordinaire 
nient  en  présence  que  l'amant  et  l'amante  ;  et  V Aiiigamos  ne  pou- 

'  E.  Pottier  et  S.  Keinach,  op.  cit.,  p.  446  et  suiv. 

*  Cf.  Suétone,  J'ih..  44.  Je  ne  comprends  pas  qu'A.  Reinacli  ait  pu 
traduire  qu'«  [Atalante]  rendait  à  |Méléagre|  un  service  qui  n'est  pas  fort 
honnête  »  (op.  cit.,  p.  237 1  et  commenter  ensuite:  «La  nature  exacte 
du  sujet  figuré  par  Parrhasios  est  difficile  à  déterminer»  (ihid.).  11  a  été 
mieux  inspiré  quand  il  a  écrit  (Rev.  de  Phil.,  1914,  p.  248,  n.  1):  «  On 
a  souvent  cité  le  texte  en  latin  avec  l'air  de  s'en  eftaroucher  >,  mais  «  pris  en 
lui  même,  [il]  pourrait  s'entendre  sans  grivoiserie  ».  Comme  le  prouve  le 
texte  correspondant  de  Pline,  cette  interprétation  est  la  seule  acceptable; 
et  à  moins  de  taxer  d'obscénité  le  baiser  d'une  femme  à  son  mari,  rien- 
dans  le  passage  incriminé,  n'autorise  à  y  voir  les  obscénités  graveleuses 
que  le  contexte  y  fait  sous-entendie.  Dans  le  sens  contraire  (cf.  encore 
Pfuhl,  02).  cit.,  p.  G90),  le  nom  A'Art/yamos  eût  été  attribué  au  tableau  par 
dérision,  hypothèse  que  paraissent  exclure  le  sérieux  et  la  brièveté  de  Pline. 


;î02  ATIIDKIA 

vait  répondre  osteiisiMempnt  à  son  titre  que  si  elle  était  accom- 
l»iignée  (les  i)aranymplies  et  de  la  suite  oblif^ée  des  noces,  qui  lui 
t'ont  également  cortège,  et  dans  les  Noces  Al(l'/hniiiili)i>'s.  et  dans 
Il  description  (|ue  I>ucien  nous  a  laissée  de  la  mira  nupta  d'Aé- 
tiiin.  D'autre  part,  les  peintures  nuptiale»  recueillies  dans  les  fouil- 
les de  Ponipri  nu  sur  les  murs  des  anciennes  maisons  de  Rome  sont 
séparées  par  plusieurs  siècles  du  flornit  de  Parrhasios:  et  plutôt 
que  de  descendre  jusqu'à  (•Iles,  une  encpiëte  liiétiiodiquc  poursuivie 
sur  les  traces  de  son  iiiHuence  devra  s'arrêter  de  préférence  aux 
scènes  dévelojjpées  sur  les  vases  apulieus,  dont  la  fabrication,  s'é- 
ilii'ldiiiKUit  ciitrt^  y')0  et  250  av.  ,1.  C,  a  commencé  au  lendemain 
de  la  mort  de  cet  artiste  '.  Précisément  i)armi  les  vases  dont  la 
provenance  semble  la  mieux  établie,  et  dont  l'apparition  remonte 
M  la  deuxième  moitié  du  IV'  siècle  av.  ,1.  C  M.  Bendinelli  en  a 
récemment  cumpté  18,  aujourd'hui  disséminés  parmi  les  divers 
musées  d'Eur.ipe.  d  mt  les  tlaucs  sont  ornés  de  «  peintuies  nuptiales  » 
unissant,  en  une  combinaison  originale,  l'idéalisation  héroïque  ou 
divine  à  un  réalisme  voluptueux  '.  Sur  six  d'entre  eus,  une  pr- 
likr  de  Tareiite.  un  stammis  de  Ivuvo,  une  jx'lilcè  de  Rari,  un  slii- 
liliiis  de  Xaples,  un  cratère  de  la  l{ibliothè(|ue  Nationale,  et  un  lé- 
cythe  de  Munich,  le  couple  s'étreint  avec  amour.  Sur  le  stnmnos 
de  Ruvo,  au  dessous  de  l'Kros  (|ui  la  couronne  de  myrte  et  d'une 
femme  qui  lui  jette  une  ceinture,  au  milieu  d'un  vol  de  colombes, 
entre  le  par:inymphe  (|ui  la  regai'de  de  loin  et  des  servantes  qui 
accourent,  l'épouse  que  l'époux  tient  sur  ses  genoux  est  suspendue 
à   ses  lèvres  '.  La  peinture  de  ce  vase  proeèdetelle  de  VArtkianws 

'  Cf  l'article  de  Ch.  Picai.l,  liaU.  Cor,:  Iloll..  l:»ll.  p.  •JÛû.  Sur 
les  peintures  romaines  cf.  surtout  Monumenii.  XII.  pi.  \\\\:  et  Mau. 
Ammli  deUInut.,  1884,  p.  322  et  suiv. 

'  Bendinelli,  Ansonia,  1919,  p.  205  et  suiv. 

^  C'est  le  n.  5  du  catalogue  de  Bendinelli.  Il  avait  été  public,  avec 
une  bonne  reproduction,  par  .lalta.  Aimiili  (leU'Insfitiilo.  1870.  pi.  S  et 
p.  325. 


ATTIDEIA  303 

de  Parrhasios  ?  Les  thèmes  sur  lesquels  les  autres  vases  apuliens 
«  :i  représentations  nuptiales  »  déroulent  leurs  variations  se  ratta- 
chent-ils à  son  Ecole,  à  l'art  léger  et  voluptueux  qu'il  mit  à  la 
mode,  si  tant  est  qu'il  ne  l'ait  pas  inventé  '  ?  Je  laisse  aux  archéo- 
logues le  soin  d'en  décider,  et  j'ai  hâte  d'arriver  aux  conséquences  his- 
toriques qu'entraine  en  sa  résurrection  le  véritable  texte  de  Pline 
sur  la  «  nouvelle  mariée  »   de  Parrhasios. 


Pour  Tacite,  pour  Suétoue.  Tibère  vieillissant  tombe  dans  les 
pires  aberrations  de  sensualité,  et  il  ne  s'est  retiré  dans  l'Ile  de 
Caprée  que  pour  s'y  livrer,  sans  gêne  ni  témoins,  à  ses  vices  abo- 
minables. 

Tacite  l'affirme  brièvement  à  trois  reprises.  Au  début  du  Livre  I 
des  Annales,  il  nous  montre  le  futur  empereur  dans  son  exil  volon- 
taire à  Rhodes,  méditant  de  secrètes  débauches:  et  sécrétas  libt- 
dines  meditatum  *,  sans  qu'on  puisse  discerner  s'il  s'y  abandonnait 
déjà  ou  si  sa  nature  liypocrite  et  perverse  se  contentait  d'en  caresser 
l'idée  pour  le  jour  où  un  pouvoir  sans  frein  lui  permettrait  de 
tout  oser  ^.  De  toute  façon,  c'est,  rétrospectivement,  l'ombre  de  Caprée 
qui  s'allonge  sur  le  séjour  de  Rhodes.  A  la  fin  du  livre  VI,  Tacite 
raconte  que  Tibère,  déjà  malade  et  ne  tenant  plus  à  la  vie  que 
par  un  fil,  consumait  ses  dernières  forces  dans  l'assouvissemeut  de 
ses  viles  passions:  ni/iil  a  litiidinihus  omittebat  '.  Enfin  et  surtout, 
au  début  de  ce  même    livre  des   Annales,  Tacite    exprime    l'avis 

•  Ad.  Reinach,  oj).  cit.,  p.  236,  n.  1,  note  que  la  première  mention 
de  tableaux  licencieux  se  trouve  dans  V Hippolyte  d'Euripide  (V.  1005) 
joué  en  428.  c'est  à  dire  bien  près  de  la  date  à  laquelle  on  fait  com- 
mencer la  production  de  Parrhasios. 

=  Tac,  Ami.,  I,  4. 

'  Voir  sur  le  sens  douteux  du  p.assage,  la  note  de  Jacob,  dans  son 
édition  des  Annales,  I.  p.  14.  n.  1. 

*  Tac,  Ann.,  IV,  46. 


;i04  ATTIDBIA 

(|iie,  dans  le  clioix  qu'il  avait  fait  de  Caprée  pour  demeure,  l'em- 
pereur avait  été  {juidé  par  sou  intention  de  cacher,  dans  la  soli- 
tude des  roclicrs  et  de  la  mer,  des  crimes  et  des  dissolutions  dont 
il  était  honteux.  Alors  furent  inventés  les  noms,  auparavant  inconnus, 
de  sellarit  et  de  spintriae,  qui  rappelaient  les  raffinements  et  les  lieux 
de  sa  lubricité  :  l'tni'/nr  jnimum  iijnotn  nutr  lordlnihi  yfjierla  sini/ 
sellarlorniH  li  s/)i>//riiiniiii  ex  fuedUat.e  lori  <ic  iiinltijiUci  patientia  '. 

Ces  deux  iinnis  infâmes"  ne  se  retrouvent,  et  l'un  à  côté  de  l'autre, 
que  dans  les  deux  ciiaiiitres  tristement  célèbres  de  Suétone,  où  le  bio- 
graphe, friand  de  scandaleux  commérages,  s'est  étendu,  avec  une. 
lamentable  complaisance,  sur  les  débordements  de  Tibère  ;\  Caprée  ". 
Il  suffît  de  placer  en  i-egard  des  allusions  de  Tacite  les  dévelop- 
pements de  Suétone  pour  acquérir  la  conviction  que  les  unes  comme 
les  autres  dérivent  d'une  même  source,  que  Suétone  n'a  pas  plus 
citée  que  Tacite,  mais  qui  leur  est  commune,  et  dont  la  restitution 
de   Pline,   XXXV,   70,   va  nous  déceler  les  mensonges. 

Car  ou  Pline  n"a  pas  connu  leur  auteur,  ou,  s'il  Fa  connu,  il 
l'a  traité,  comme  s'il  ne  le  connaissait  pas,  par  le  mépris,  et  a  jugé 
inconsistante  une  tradition  qne  tous  les  détails  de  Suétone  ne  par- 
viennent pas  à  étayer. 

Quelles  preuves,  en  effet,  Suétone  et  l'auteur  de  Suétone  ap- 
portent-t-ils  de  leurs  allégations  ?  D'abord,  un  calembour,  que  répétait 
la  voix  publique,  sur  cette  villa  de  Caprée  transformée  h  peu  de 
frais  en   Ciiprineni».   la   villa  du  bouc  ^.  Ensuite  et  surtout,  la  dé- 

'  Tac,  Ami..  VI.  1. 

*  L'étymologie  de  xpintriaa  {apintiias,  seul,  se  retrouve  chez  Suét., 
Cal.  16,  et  VU.,  3  en  rapiioit  exprinié  ou  tacite  avec  Tibère},  n'est  pa* 
établie,  écrit  Jacob,  I,  p.  371,  n.  11.  11  me  semble  ([u'elle  peut  être  déduite 
du  grec  a-:iir,f-  cf.   Forcellini,  V,  598. 

'  Suét.,  Tî'ft.,  43:  et  ritlgo,  nomine  iwtulae  ahutentex,  Cuprinenm  dicii- 
tahant.  Je  me  demande,  d'ailleurs,  si  la  facilité  du  jeu  de  mots  auquel 
prêtaient  les  tria  nomina  de  Tibère  n'a  pas  plus  fait  pour  sa  réputation 
d'ivrognerie  que  celle-ci,  pour  la  popularité  du  jeu  de  mots  icf.  Suét., 
ibid.,  42  :  Jiiberius  Caldiu.'i  Mero). 


coratioli  qui  en  déshonurait  les  murs  et  les  jardins,  statues  libidi- 
neuses, tableaux  obscènes,  images  pornographiques  ;  et  Suétone,  se 
décidant  à  préciser  ses  accusations,  nomme,  entre  autres,  les  illu- 
strations des  livres  attribués  à  Elephantis  et  le  tableau  de  Parrhasios. 
En  ce  qui  concerne  les  premiers,  produit  peu  recommandable  de 
la  corruption  alexandrine,  Pline,  qui  les  cite  ',  ne  dit  rien  de  la 
curiosité  que  Tibère  aurait  eue  pour  eux,  et  qu'il  eût  partagée 
avec  nombre  de  ses  contemporains,  car,  d'Ovide  à  Martial,  la  poésie 
légère  du  Haut-Empire  parait  leur  avoir  fait  plus  d'un  scabreux  em- 
prunt ■.  Quant  à  la  peinture  de  Parrhasios,  Pline  nous  apprend 
bien,  comme  Suétone,  qu'elle  valait  un  million  de  sesterces  et  que 
Tibère  l'avait  enfermée  dans  sa  chambre  k  coucher,  mais  il  en 
écarte,  non  seulement  par  son  silence,  mais  par  le  titre  qu'il  lui 
donne,  VArtigamos,  le  reproche  d'épouvantable  lubricité  dont  la 
chargent  les  insinuations  de  Suétone  '.  Par  conséquent,  ou  les  ra- 
contars recueillis  par  Tacite  et  Suétone  n'ont  pris  corps  qu'après 
la  publication  de  VHixfoire  Xdtiiri'lh-  et  seraient  d'apparition  trop 
tardive  pour  mériter  créance,  ou  bien  ils  circulaient  déjà  dans  les 
pamphlets  contemporains  de  Tibère,  que  Tacite  a  dû  consulter  \  et 
dont  Suétone,  à  son  tour,  alimenta  sa  chronique  scandaleuse  %  mais 
Pline,  meilleur  juge  des  faits  qui  s'étaient  passés  de  son  vivant, 
n'a  pas  daigné  ajouter  foi   à  leurs  grossières  calomnies. 

Si,  outre  Rhin,  la  version  répugnante  que  Tacite  et  Suétone 
s'efforcèrent  d'accréditer  sur  le  honteux  séjour  de  Tibère  à  Caprée, 
parait  aujourd'hui  abandonnée  '' :  si,  en  France,  de  Voltaire  à  Victor 

'  Pline,  N.  H.,  XXVIII.  81. 

^  Cf.  Cnisius,  s.  v.  Klephaiitis.  P.  W..  V.  c.  -232."). 

^  Je  laisse  de  côté  l'imputation  d'adnltère  formnlée  par  Dion  Cassins. 
LVIII,  22,  1  et  démentie  par  Tacite,  Ann..  VI.  19. 

*  Plus,  sans  doute,  ijne  ne  le  croit  l'h.  Fabia,  Les  sources  de  Tacite, 
Paris,  1893,  p.  341. 

^  Source  évidente,  encore  (jne  Macé,  £»■<«;  sur  Sue'tone,  Paris,  1900, 
p.  357  et  suiv.,  n"y  fasse  pas  allusion. 

«  Cf.  Gelzer,  s.  v.  Iulius  tTibenus,,  P.  W.,  X,  c.  517. 


.■i06  ATIIDKIA 

Diiniy  ',  l'Ile  a  suscité  de  vives  contradictions,  le  virus  n'en  est 
pas  eiicorr  ('■liiiiim'-  définitivement';  et  il  ne  sera  pas  snperHu  de 
montrer  par  (imls  artifices  elle  s'est  élaborée. 

Il  est  avéré  que  Pline  n'en  a  pas  su  ou  n'ea  a  pas  cru  le 
premier  mot.  Pour  lui,  la  célébrité  de  Caprée  tient  à  la  résidence 
de  Tibère:  mais  l"eiii|iercur  lui  parait,  non  pas  s'être  réfu^'ié  là 
comme  en  un  mauvais  lieu,  mais  s'y  être  retranché  comme  dans  une 
citadelle,  et  l'île,  désormais  fameuse,  est  grandie,  non  souillée,  par 
ce  souvenir  :  mor  u  Surrcnto  VTII  distantes,  Tiberi  principis  arve 
nobiles  Capreuf  '.  Ces  quelques  lignes  détruisent  l'odieu.se  légende  :■ 
et  celles  où  Pline,  sans  commentaire,  mentionne  VArtigamos  de 
Parrliasios,  chère  à  Tibère,  recèlent  peut-être  les  seuls  éléments 
de  réalité  qu'elle  implique  et  autour  desquels  elle  se  cristallisa. 
Ce  tableau  avait  toute  une  liistoire.  On  l'estimait  un  niiilinn  de 
sesterces  \  et  c'est  exactement  cette  somme  que  Til)ère  eût  touchée 
en  récompense,  s'il  avait  renoncé  à  la  revendiquer  dans  la  succes- 
sion qui  lui  était  échue  ''.  Or  ce  tableau  représentait  une  nouvelle 
mariée  dans  une  abandon  plus  libre  qu'à  l'ordinaire  en  ces  pein- 
tures de  genre.  11  n'en  fallait  pas  plus  pour  le  suspecter  d'oliscénité 
et  conclure  de  Foption  de  Tibère  que  le  vieil  empereur  était  en 
proie  aux  plus  basses  concupiscences  et  hanté  d'inavouables  désirs. 
De  tout  temps,  la  médisance  contre  les  puissants  de  ce  monde  s'est 
contentée  d'apparences  grossies  et  défigurées,  et  elle  s'est  toujours 
répandue  d'autant  plus  largement  que  l'opinion  du  vulgaire  envisage 
avant   tout   les   jouissances  matérielles  du  i)i)Uvoir  et  la  satisfaction 


'  Duruy.  Histoire  des   Jiomains,  édition  illustrée,  IV,  p.  356,  n.  1. 

^  Voir,  par  exemple,  Gaston  Boissier,  L'opposition  sous  les  Césars. 
Paris,  1875,  p.  182  :  •  Sa  raison  resta  ferme  au  milieu  des  plus  gramls 
excès»;  —  Fabia,  op.  cit.,  p.  342:  «le  roc  mystérieux  et  terrible  où  le 
tyran  se  souilla  de  tant  d'infamies». 

3  Pline,  .Y.  H.,  III.  82. 

*  Ibid.,  XXXV,  70. 

5  Suétone,  TU).,  44. 


ATTIDEIA  307 

illimitée  qu'il  est  censé  procurer  à  tous  les  appétits  et  -i  tous  les  ca- 
prices. Tibère  n"a  pas  échappé  à  cette  misère  des  grands;  et  c'est  ainsi 
que  par  un  défi  à  la  vraiseml.lance,  par  la  férocité  exaspérée  de  ses 
adversaires  et  par  le  soupçon  envieux  de  la  foule,  le  moins  enjoué  d.s 
empereurs  —  Tiherius  Caesar  minime  romis  imperafor  '  —,  l'homme 
dont  Tacite  a  convenu,  en  un  moment  de  sincérité,  qu'il  paraissait 
insensible    an    plaisir    —    tndiis    rohiptatihus   arocatns  '   —,   que 
Pline  appelle,  au  vu  et  au  su  de  tous  ceux  qui  l'approchèrent,  le 
pins  triste  des  mortels  —   irisfissimxs,  ut  constat,  homimnn  ''  — 
et  chez  qui  la  sombre   sévérité    du   caractère    n'avait    fait    que  se 
roidir  avec  l'âge   —   i„  senecta  iam  serero*  —,  s'est  transformé, 
dans  l'éloignement  de  Caprée  et  sur  la  vague  rumeur  de  ses  goûts 
artistiques,  en  une  sorte  de  monstre  lubrique  dont  les  hideuses  tur- 
pitudes confondent   l'imagination.  Mais  l'hi-stoire  ne  doit   pas  êtr.^ 
dupe;  et,  pas  plus  qu'on  ne  saur.-iit  accuser  d'incondnite  un  amateur 
de  Fragonard,  ou  de  mauvaises  m.Turs  les  fermiers  généraux  qui 
ont  donné  leur  nom  à  l'édition   des  Contes  de  La  Fontaine,  nous 
ne  devons  prêter  l'oreille  aux  pamphlétaires  dont  Tacite  s'est  fait 
l'écho,  et  auxquels  Suétone  accorda   la   publicité  quasi  officielle  de 
ses  biographies,  pour  la    seule  raison    que    Tibère,  collectionneur. 
eut  la  faiblesse  d'aimer  des  statues  ou  des  peintures  plus  ou  moins 
dévêtues,  et  qu'il  a  mis  chez  lui.  à  la  place  d'honneur,  dût  cette 
fantaisie  lui  coûter  un  million  de  sesterces,   la   «  nouvelle  mariée  » 
du  galant  Parrhasios. 


Mais  la  vraie  leçon  de  Pline  ne  contribue  pas  seulement  à  laver 

la  mémoire  de  Tibère  de  ses  pires  souillures:  en  débarrassant  notre 

tradition  du  seul  exemple  d'archigalle  qu'on  ait    jamais  rencontré 

'  Pline.  .V.  H.,  XXXV,  28. 
2  Tac,  Ânn.,  III,  37. 
'  Pline.  X.  H.,  XXXVIII,  23. 
*  Ibid.,  XIV,  144. 


;508  ATTIDEIA 

dans  les  textes,  antéricureinciit  an  règne  de  Claude,  elle  afTcrmit, 
en  le8  eoiiiplétant,  les  résultats  auxquels  nous  étions  déjà  arrivés 
<lans  nos  reclierclie»  sur  la  réforme  religieuse  à  laquelle  le  neveu 
(le  Til)ére  mérite  d'attacher  son  nom. 

Celle-ci  revêt  un  double  aspect,  selon  qu'on  considère  l'orga- 
nisation  du  culte  métroaque  en  son  pays  d'origine  ou  qu'on  envisage 
son  extension  aux  autres  parties  de  l'Empire,  provinces,  Italie,  Rome. 
Car  la  politique  de  Claude  a  été  systématique,  et  en  même  temps 
qu'il  introduisait  Attis  dans  le  Panthéon  de  l'Empire,  en  créant 
le  sacerdoce  approprié  au  nouveau  dieu  romain,  il  a  réorganisé  le 
sacerdoce  qui,  depuis  des  siècles,  en  la  métropole  pessinontéeiine. 
en  personnifiait,  tout  en  la  servant,  l'antique  et  omnipotente  di 
vinité. 

.\vaut  Clauili'.  le  culte  était  exercé  :\  l'essinontc  par  les  galles, 
appelés  aussi  hakèles  Mes  eunu([ues  de  la  Grande  Mère,  .sous  rautoritô 
de  l'Attis  et  du  Rattakès,  ou  mieux  de  l'Attis-Battakès,  s'il  convient 
de  réunir  sur  la  même  dignité  ces  deux  titres  "  qu'aurait  portés,  sui- 
vant les  circonstances,  leur  chef  suprême,  grand  prêtre  de  leur  reli- 
gion. Certes  Claude  ne  s'est  i)oint  senti  capable  de  snppi-iinci-  l'ennu- 
chisme  local:  pendant  toute  la  durée  de  l'Empire,  nous  continuerons 
:\  nous  heurter,  dans  les  sanctuaires  de  Plirygie.  à  la  troupe  des  cas- 
trats de  Cybèle  et  d'Attis.  comme  au  teni]is  lointain  où  ils  ve- 
naient saluer  processionnelleuient  les  généraux  de  la  République 
victorieuse  ',  et  coninic  dans  In  période  plus  rapprocliée,  où  Strabon 
s'enquérait  des  causes  de  l'incroyable  immunité  dont  il  semblaient 
jouir  au  milieu  des  mortelles  exhalaisons  du  Phifoinum  d'Hiéra- 
polis  ^    Pline   enregistre   le   miracle  dans   son    llisfoin'    Xa/urelle  ' : 

'  Cf.  (iiaillot,  op.  cit.,  p.  292. 

■  Connue   précisément   les    galles   et    les   bakèles  ((Iiaillot.    op.  ci!., 
p.  292,  n.  7).  Cf.  supra,  p.  2fi;5. 
^   Cf.  supra,  p.  2(;.'i. 
*  Cf.  supra,  p.  262. 
5  Pline,  K.  //.,  II,  208. 


ATTIDEIA  309 

et,  deux  siècles  après  le  règne  de  Claude,  Dion  Cassius  s'en  émer- 
veillait encore  '.  l^a  règle  par  laquelle  l'éviration  était  impitoya- 
blement i)rosrrito  du  territoire  de  l'Empire  souffrait  donc  une  excep- 
tion ;  mais  si  nous  ne  trouvons  plus  de  galles  attachés  à  des  sanctuai- 
res métroaques  qu'en  Phrygie,  force  uous  est  de  conclure  que 
l'exception  valait  pour  la  Phrygie  et  ne  valait  que  pour  elle.  F'.t, 
d'ailleurs,  la  législation  impériale  a  été  combinée  de  telle  sorte  qu'il 
devint  impossible  à  l'eunucliisme  de  s'étendre  à  d'autres  territoires 
et  qu'en  Phrygie  même  il  n'occupe  plus  qu'une  position  subordouute. 

Sans  doute,  il  ferait  illégitime  de  récuser  le  témoignage  indi- 
rect des  lieux  communs  que  nous  avons  relevés  à  l'encontre  des 
castrats  de  Cybèle  et  d'Attis  chez  les  satyriques  païens,  comme 
dans  les  apologies  chrétiennes,  et  de  nier  que  des  castrats  ambu- 
lants ont  parcouru  les  provinces,  les  municipes  italiens  et  jusque 
les  rues  de  Rome,  en  faisant  sonner  bien  haut  les  noms  des  divi- 
nités dont  ils  se  prétendaient  possédés  et  en  provoquant,  selon  les 
circonstances  et  les  lieux,  les  sympathies  et  les  aumônes  ou  le  mé- 
pris et  les  huées  -. 

Mais,  d'abord,  il  semlile  que  leurs  exhibitions  n'aient  pas  été 
libres  de  se  produire  en  tout  temps.  La  triste  bande,  dont  Apulée, 
en  des  passages  sur  lesquels  on  revient  toujours  pour  en  affirmer  la 
fréquence,  nous  a  narré  tous  les  tours  aux  livres  VIII  et  IX  de  ses 
Métamorphoses,  se  cachait  des  autorités,  et,  copieusement  rossée 
par  les  cavaliers  lancés  à  ses  trousses,  s'en  va  finir,  menottes  aux 
mains,  au  «  violon  »  municipal  :  eos  retrorsum  abducunt  pagani 
statimque  vinctos  in  TuUianitm  compingitnt  '  ;  et,  à  prendre  k  la  lettre 
les  vitupérations  d'Arnobe  et  de  .Saint  Augustin,  les  galles  n'auraient 

'  Cass.  Dio,  LXVIII,  27,  4,  p.  266  Boissevain.  Le  Pluiotiium  et  sans 
doute  aussi  les  galles  avaient  dispaiu  au  temps  de  Julien  (cf.  Amui. 
Marc,  XXIII,  6,  18),  indice,  entre  plusieurs,  de  la  régression  de  l'eunu- 
chisme  au  IV^«  siècle. 

-  Cf.  siqjra,  p.  239. 

'  Ap.,  Met.,  IX,  10. 

Méliiniies  d'Arch.  el  (flIM.  lf^2a.  20 


310  ATTIDKIA 

affronti''  le  jri-aiiil  Jniii-  uni-  ilaiis  la  (■(•Ic'liratinn  pi'Tiodiquo  des  niys 
téreH  in(''troa(|iieM  '.  ICnsiiiti'  et  siiitnut.  ils  n'ont  pu  so  rcf-nitt  r  (in'cii 
Plirygie.  Aucun  texte  ne  nous  l'affirme  (•xpresséincnt  ;  H  néannioin» 
le  fait  pai-ait  ronstant,  non  jias  tout  à  eause  du  nombre  des  exem 
pies  où  r('tliiii(|M('  riirvx  intervient  eniTiine  mm  simple  synonyme  île 
t/allus  '  qu'en  raison  des  dispositions  spéciales  sous  le  coup  des- 
quelles les  galles  avaient  été  placés.  Hépliaestion  d'Alexandrie, 
dont  la  pnidnetion  littéraire  date  du  second  siècle  de  notre  ère. 
nous  apprend,  en  elVet,  que  les  Romains  frappaient  les  galles,  cou- 
pables Si  leurs  yeux  d  aMiir  contracté  une  infirmité  avilissante,  d'une 
taxe  personnelle:  oi  yâA/.o'.  fiiz'ià/.AOvTXi  cb;  hy,').z:yi  voiov  ïy',-i- 
tô;  Sto  /.y.:  <7WJ.7-y.  oopov  jt£>.o-jv  'Pcoy.ziO'.:  îi;  to^to  ^.  Il  ne 
saurait  être  questiim  de  soumettre  à  cet  impôt  d'autres  fçalles  que 
les  Phrygiens,  car,  en  général,  la  castration  était  châtiée  d'une 
sanction  bien  autrement  terrible  qu'une  amende,  puisqu'elle  vouait 
ses  victinuis  à  la  ])eine  capitale  *.  Mais  on  aper(;oit  tout  de  suite 
l'intérêt  (|ue  poursuivait  le  législateur  cti  y  assujettissant  les  galles 
phrygiens,  lui  Plirygie  môme,  il  entravait  la  |)ropagande  de  l'eu- 
nuchisme  jiar  l'astreinte  de  ces  taxes  punitives;  hors  de  Phrygi". 
il  acquérait.  i)ar  le  contrôle  fiscal  '",  le  moyen  de  repérer  à  tout 
moment  et  en  tout  lieu  les  Phrygiens  en  déplacement,  et  de  limi- 
ter aux  individus  de  leur  race,  surtout  quand  ils  s'expatriaient,  une 
pratique  dont  leur  religion  atténuait,  sans  l'effacer,  la  tare  cri- 
minelle. Ainsi  il  réduisait  sur  place  les  foj'ers  de  l'infection,  ei 
l'enipèchait  de  devenir  contagieuse  au   dehoi's. 

'  Arnobe,  V,  17:  rriraii  quoa  hdnrsse  robiaciim  in  ;.<i(ih.<  tiiiiiiiiiis 
rklemus  sacris.  Cf.  Aug.,  Civ.  l)ei.  \'I,  7. 

«  Cf.  Georges,  Lat.   Wfirteihiidi,  H,  p.  liiOil. 

2  Heph.  Al.,  p.  ti8  Gaisford.  p.  I!>4  Westplial.  cité  iiar  Giaillot.  ap.  ri'.. 
p.  288. 

*  Cf.  supra,  p.  2;i8  et  245.  Au  Bas-Knipire,  l'importation  d'eunHi|ues 
des  terres  barbares  dans  Vorhis  Poinaunf  est  restée  permise  {Cod.  lusl.. 
I\',  32,  2,  1). 

^   La  taxe  inipliciiie  un  rôle  et  des  iei;u8  périodique.". 


En  soi,  ce  texte  si  précieux  d'Héphai-stion  ne  décide  point  de 
la  période  où  fut  prise  une  aussi  haliile  mesure.  Mais  ce  ne  sera 
point  s'aventurer  trop  loiu  dans  la  voie  de  l'hypothèse  que  de  la 
rapporter  au  gouvernemeut  de  l'empereur  Claude.  Elle  ne  se  coor- 
donne avec  tant  de  précision  aux  autres  parties  de  sa  réforme  que 
parce  qu'elle  eu  fit  primitivement  partie  '  :  et,  eu  tout  cas,  la  portée 
n'en  est  pas  contestable.  Par  la  restriction  des  jours  où  l'activité 
des  galles  pouvaient  impunément  se  déployer,  le  Prince  ne  faisait  que 
rendre  vigueur  à  la  prescription  énoncée  par  Cicéron  dans  le  De 
legibus:  praeter  Ideae  Mutris  famulos,  eosque  iustis  diebus,  ne  quis 
stipem  cogito' ...  stipem  sustulimus  nisi  eaiii  quam  /id  paucos  dieg 
propriam  Ideae  Matris  e.rcepimus  :  hnplet  enini  superstitione  animas 
et  exhaurit  domos  ^.  En  restreignant  à  un  peuple  la  tolérance  de 
l'éviration  sacerdotale,  il  s'inspirait  peut-être  de  l'exemple  qu'avaient 
donné  en  102  av.  J,  C.  les  magistrats  de  la  République,  lorsqu'un 
esclave  de  Servilius  Caepio  s'étant  châtré  eu  l'honneur  de  Cybèle, 
ils  le  déportèrent  outre  mer,  avec  défense  de  rentrer  jamais  dans 
la  Ville,  et  laissèrent  entendre  qu'une  telle  mutilation  ne  pouvait 
se  perpétrer  qu'hors  de  la  présence  du  peuple  romain  *.  Mais  si,  par 
là,  l'empereur  revenait  à  la  sévérité  des  vieilles  mœurs,  et  ressus- 
citait les  rigueurs  du  passé,  il  posait  pom-  la  première  fois  ce  prin- 
cipe cuius  regio  eius  religio.  auquel  une  si  grande  fortune  était 
promise,  et  ouvrait  les  voies  à  l'avenir  immédiat,  en  fournissant 
aux  Flaviens  le  modèle  qu'ils  n'auront  qu'à  suivre,  pour  essayer, 
par  l'imposition  du    didrachme  aux  circoncis  ^  de   contenir,  sinon 

'  On  ne  peut  choisir,  d'ailleurs,  entre  les  Princes  antérieurs  à  ^'es- 
pasien  (voir  ci-après)  qu'entre  Auguste  sous  qui  la  Galatie  fut  érigée 
en  province,  et  Claude. 

5  Cic,  De  Leg.,  Il,  9.  22. 

'  Ihid.,  16,  40. 

*  Obsequens,  104:  serfus  Servilii  Caepionis  Matri  Ideae  se  praeci- 
dit  et  trans  mare  exportatus  ne  unqtiam  Romae  reverteretur. 

^  Sur  l'institution  du  didrachme  par  Vespasien,  cf.  Cass.  Dio,  LXVI,  6, 
et  Gsell,  Essai  sur  la  vie  et  le  règne  de  Domitien^  p.  289-290. 


H12  ArriDEiA 

dans  les  limites  territiiriales  de  la  Judée,  du  moins  dan»  lex  fron- 
tières ethniques  du  peuple  juif,  la  diffusion  de  sa  religion  na- 
tionale. 

Mais  en  même  temps  qu'elle  s'effnrrait  de  tarir  les  sources  du 
reenitement  des  galles,  la  législation  T'Iaudienne  abaissait  leur  con- 
dition, et  jusqu'en  Phrygie,  les  rejetait  en  marge  de  la  liiérarchic 
régulière  dont  les  chefs  n'étaient  pas,  ne  pouvaient  pas  être  eu- 
nuques. Xous  sommes  renseignés  de  première  main  sur  l'organisa- 
tion impériale  du  saeerdoce  pessinontéen  par  deux  inscriptions  de 
Sivri-IIissar,  publiées  par  A.  Koerte  ',  et  attribuées  par  lui  à  l'épo- 
que des  Flaviens,  d'abord  à  cause  de  leur  paléographie,  ensuite  en 
raison  des  étapes  de  la  carrière  militaire  de  l'un  des  deux  person- 
nages auxquels  elles  sont  respectivement  consacrées,  le  plus  ancien 
des  deux,  qui  semble  avoir  pris  part  à  la  guerre  de  .Judée  en  70  ". 
Ces  dédicaces  honorent,  l'une,  l'Attis  lîèras  et  l'autre,  l'Attis  Dèio- 
taros;  elles  émanent  toutes  les  deux  de  la  collectivité  des  mystes 
des  mystères  de  Cybèle  :  oi  twv  tvj;  8îoj  ;j.'j'7-r-/;oi(ov  tj.dnl-'xi^  — 
'A...  G'jvij/ja-zy.:  \  Si  vraiment  aux  galles  de  cette  époque  s'ap- 
])liquait  la  déHnition  de  M.  Graillot  —  les  galles  sont  les  mystes 
qu'ont  reçu  l'initiation  majeure,  les  mystes  qu'ont  atteint  le  plus 
haut  degré  de  l'échelle  mystique  °  — ,  il  n'y  a  aucun  doute  que 
leur  nom  n'eût  figuré  en  toutes  lettres  dans  ces  inscriptions.  Or  il 
en  est  absent,  et  ils  se  parent  d'un  titre  rituel  dont  il  n'existe 
pas  d'autre  attestation  et  qui  l'élimine.  Ces  u/jg-x:  ou  cjva'jffTat 
s'appellent  'A  'A-rry^ox-roî  ".  Ainsi,  :Y  la  fin   du  T'' siècle  de  notre 


'  A.  Koerte,  dans  les  AU.  MUtéhmge>i,  XXII.  1897,  p.  .37  et  suiv., 
et  XXV',  1900,  p.  437  et  suiv.  On  les  trouvera  dan.s  Ditteiiberger  O.  G. 
I.  S.,  n.  540  et  541,  et  c'est  d'après  ce  recueil  que  je  les  cite. 

«  A.  Koerte,  Att.  Mitteilungeti,  1897,  p.  40. 

3  0.  G.  I.  S.,  540,  21. 

'   Ihid.,  541,  9. 

^  Graillot,  op.  cit.^  p.  293. 

«  O.  G.  I.  S.,  540,  20  et  541,  6. 


ère,  il  n'y  :ivait  plus  à  Pessinonte,  dans  les  cadres  du  sacerdoce, 
que  des  galles  inavoués,  si  même  il  y  avait  encore  place,  dans  la  prê- 
trise officielle,  pour  des  galles  authentiques,  ayant  obtenu,  par  leur 
mutilation  sexuelle,  cette  consécration  suprême  dont  M.  Graillot 
n"hésite  point  à  faire  «  le  véritable  sacrement  de  Tordre  »  ^  J'en 
doute  tout  à  fait,  pour  ma  part,  quand  celui  d'entre  eux  que  les 
mystes  de  Pessinonte  ont  chargé  d'élever  le  monument  dont  leur 
assemblée  avait  décrété  l'érection  à  l'Attis  Dèiotaros,  M(arcu8j  Ma- 
gius  Nicephorus,  porte  les  tria  nomina  qui  impliquent  sa  qualité 
de  citoyen  romain  et  excluent,  par  là  même,  la  réalité  de  son  évi- 
ration  ". 

Tous  ces  mystes,  qu'ils  eussent  ou  non  compris  des  eunuques 
dans  leurs  rangs,  obéissaient  au  collège  sacerdotal  suprême  dont 
leurs  dédicaces  dessinent  les  grandes  lignes  constitutionnelles.  Hèras 
y  est  dit  le  dixième  prêtre  Attis  après  l'archiprètre  et  le  cinquième 
des  Galates  —  ôi/.ZTOv  <j.z-k  tJov  v.z/'.zzzx,  ~i'j.-z-vi  Si  Vy-'hy-d'i  '; 
et  Dèiotaros  le  neuvième  prêtre  Attis  après  l'ai-chiprêtre  et  le  qua- 
trième des  Galates  —  v/xto-i  'i.t-y.  tov  xy/'.tziy.,  tîtzstov  âj  Pa- 
'/.xzôyj  '.  Le  libellé  concernant  Hèras,  beaucoup  plus  long,  ajoute 
que  la  dignité  dont  il  était  revêtu  lui  avait  été  conférée  à  vie  — 
à:7.  ^iiO'j  it^ix  ';  —  et  nous  serions  d'autant  moins  fondés  à  in- 
férer de  la  rédaction  plus  brève  concernant  Dèiotaros,  que  les  fonc- 
tions de  ce  dernier,  lesquelles,  préséances  à  part,  sont  identiques 
aux  précédentes,  n'avaient  pas  eu  la  même  durée,  que,  pour  lui, 
comme  pour  Hèras,  comme,  k  Rome,  pour  Vimperatof,  l'énoncé  de 
son  titre  s'incorpore  à  son  état-civil  :  "Atti;  Izzt'ji  Ar,  loTxpo;  °.  Evi- 
demment, le  gouvernement  de  l'église  métroaque  de  Pessinonte  re- 

'  Graillot,  op.  cit..  p.  293. 

'  Cf  0.  G.  I.  S.,  541,  12  et  18. 

^  Ibid.,  540,  1-2. 

*  Ibid.,  541,  2-4. 
'  Ibid.,  540.  5. 

•  Ibid..  541.   1-2. 


1)080  sur  un  conseil  des  Onze  que  préside  Vv.y/'.ziZj^  et  dont  les 
dix  membres,  se  répartissant,  par  moitié,  entre  les  deux  rares  qui 
coexistaient  dans  la  cité,  la  phrygienne  et  la  galate,  ne  se  distin- 
guaient plus,  à  l'intérieur  de  la  catégorie  ethnique  où  leur  nais- 
.sance  les  avait  prédestinés  ((uc  par  l'ancienneté  de  leur  accession 
au  sacerdoce.  Comment  y  étaient-ils  parvenus?  M.  Graillot  ne  se 
prononce  pas  nettement  à  cet  égard  '  ;  mais  je  crois  que  les  ins- 
cription^<  pai-lent  assez  clair.  DMotaro.s  est  le  fils  de  lieras:  la  prê- 
trise est  devenue  liéréditaire  dans  les  grandes  familles  du  terroir:  si 
Dèiotaros  n'occupe  ])as,  dans  la  section  à  laquelle  il  est  inscrit,  le  même 
rang  que  son  père,  cela  tient  sans  doute,  simplement,  au  fait  que 
la  dédicace  du  second  a  suivi  à  plus  long  intervalle  son  entrée 
dans  le  collège;  et  le  roulement  fiiniiliul  au(|nel  li'  conseil  des  Attis 
doit  son  renouvellement  perpétuel  suffirait  à  en  écarter  brutale- 
ment les  galles  eunuques,  si  nous  n'étions  pas  assurés,  d'autre  part, 
de  leur  incapacité  à  y  jamais  pénétrer,  par  léminente  condition 
de  ceux  que  nous  y  voyons  siéger.  Hèras  et  Dèiotaros  sont  des 
citoyens  romains.  Ils  appartiennent  à  l'ordre  équestre.  Tous  deux 
ont  exercé  le  flaminat  provincial  de  la  religion  des  Augustes,  Dèio- 
taros deux  fois',  lieras,  six  fois';  et  celui-ci,  avant  de  rentrer 
dans  sa  patrie,  avait  nlitenu  aux  armées  les  commandements  les  pins 
importants,  dans  la  cohorte  des  Ituréens  dont  il  fut  jiréfet,  dans 
les  légions  XTI  Fulminata  et  III  Cyrenaica  où  il  avait  été  tri- 
bun *.  On  n'imagine  pas  cet  ancien  officier  des  armées  victorieuses 
de  Vespasien  et  de  Titus  se  résignant  au  contact  des  castrats  d'At- 
tis  eu  ce  collège  où  il  n'est  assis  qu'à  la  dernière  place;  et  son 
r;iug  dans  la  hiérarcliie  sacerdotale  nous  garantit  que  le  conseil 
tout  entier,  de  Vv.z/'.i^t'j:;  au  dixième  des  iîiôî;,  se  composait  né- 

'  Graillot,  op.  cit.,  p.  'àv>'2. 

2  Cf.  0.  G.  I.  S..  541,  4. 

3  Ibid.,  540,  H. 

*  Ibid.,  540,  14-17. 


ATTIDEIA  315 

fessairemeiit  de  prêtres  romanisés,  en  dehors  de  toute  participation 
éventuelle,  possible,  des  ^'<il'es  orientaux.  Cette  organisation  de  la 
ville  sacrée  de  Pessinonte,  <,<  antique  et  sainte  entre  toutes  »  ',  «  séjour 
et  domicile  de  la  Mère  des  Dieux  s>  ',  est  certainement  l'œuvre  de 
l'Empire.  Entre  elle  et  celle  que  nous  devinons  au  travers  des 
récits  des  époques  antérieures,  s'étend  un  fossé  trop  large  pour 
n'avoir  pas  été  creusé  volontairement.  M.  Graillot  opine  que  cette 
transformation  jirofonde  fut  opérée  par  Auguste,  mais  il  ne  motive 
son  avis  que  par  la  rédaction,  en  25  av.  J.  C,  de  la  Galatie  en 
province  romaine  ^.  Les  inscriptions  précitées  me  semblent,  au  con- 
traire, démontrer  que  ce  bouleversement  concerté  d'une  théocratie 
plusieurs  fois  séculaire  se  rattache  à  la  l'éfoime  Claudieune.  Les 
deux  Attis  père  et  fils,  dont  les  inscriptions  de  Sivri-Hissar  nous 
ont  révélé  l'existence  à  l'époque  des  Flaviens  s'appellent  Ti.  Claudius, 
comme  l'empereur,  et  sont  inscrits  à  sa  tribu,  la  Qnirina  *.  Leur 
état-civil  est  celui  du  Prince  qui  fit  citoyen  romain  le  premier 
membre  de  leur  famille;  et  l'institution  d'un  sacerdoce  transmis- 
sible  aux  membres  de  la  nouvelle  gens,  n'ayant  pu  la  précéder, 
en  a  forcément  suivi  ou  plutôt  accompagné  la  naturalisation.  A  Pes- 
.sinonte,  comme  ailleurs,  la  refonte  organique  du  culte  métroaque 
porte,  eu  quehiiie  sorte,  la  signature  de  Claude;  et  pour  mesurer 
l'importance  des  résultats  qu'il  y  a  obtenus,  il  sutfira  de  comparer 
la  situation  qu'il  y  avait  trouvée  à  celle  qu'il  y  laissa. 

Au  dernier  siècle  de  la  République,  le  sacerdoce  pessinontéen 
détient  un  pouvoir  temporel  et  se  concentre  aux  mains  d'un  grand 
prêtre;  et  celui  ci,   qu'il  s'agisse  du  Battakès  venu  à  Rome  en  103, 

'  Cic,  Pro  Sestio,  2(i:  fanum  sancfissimanim  atquc  antiijuissimarum 
religionum. 

•  (Jic,  X>e  har.  resp..  XIII,  28:  Pessimmtem —  sedem  dnmiciliumque 
Matris  Deoruin. 

'  Cf.  Graillot,  op.  cit.,  p.  353. 

*  Cf.  Kubitscliek,  De  mmanaritni  trihuum  origine  ac  propagatione 
Vienne,  1882,  p.  200. 


31H  ATTIIJKIA 

OU  (lu  triste  sire  —  scélérat  et  imiiur  —  iiuquel,  quaruiite  cinq 
ans  plu»  tard,  Clodius,  trilmii  de  la  plélie,  a  vendu  la  prêtrise  aux  en- 
chère» ',  est  un  castrat  '.  Après  Claude,  comiMc  dans  nos  inscriptions 
Flaviennes,  la  prêtrise  est  dissociée  du  gouverncincnt  :  et  ses  titulaires 
n'interviennent  dans  la  conduite  des  affaires  de  la  (Jalatic  que  pour 
autant  qu'ils  ont  été  délégués  par  les  suffrages  de  leur  cité  au 
xoivôv  de  la  province.  Kn  outre,  elle  est  divisée  entre  onze  tïpîî; 
et  le  président  de  leur  c<nispil,  Vi^y.zzv'j;  n'est  qu'un  primus  inier 
parcs:  il  porte  le  nom  du  dieu,  comme  autrefois:  c'est  un  "Atti; 
comme  ceux  de  ses  prédécesseurs  auxquels  écrivaient  les  Attales  ''  ; 
mais  c'est  un  "Arr'.:  îîoî'j;  et  ce  titre  qu'il  partage  avec  ses  dix 
collègues  s'humanise  encore  davantage  en  s'ajoutant  à  son  nom  de 
famille  au  lieu  d'en  tenir  lieu.  Enfin,  non  seulement  le  sacerdoce 
est  inaccessible  aux  castrats  de  la  Grande  Mère,  mais  tout  retour 
offensif  de  reunucliisnie  au  sommet  de  sa  hiérarchie  est  désormais 
prévenu  par  la  loi  iiéréditaire  de  sa  transmission  parmi  les  familles 
de  l'essinonte  les  plus  illustres  et  les  plus  jirofondéraent  loyalistes 
et  romanisées.  Même  au  ctrur  de  la  Phrygie,  là  où  l'on  doit  ad- 
mettre, à  cause  du  régime  d'exception  qui  lui  est  concédé,  qu'elle 
s'incorpore  toujours  k  une  église  nationale,  la  religion  de  Cybèle 
et  d'Attis  s'est,  au  fond,  sécularisée. 

A   plus  forte  raison,   l'est  elle  dans  le  l'este  de  l'Kmpire. 


'  Sur  cet  incident,  cf.  Graillot,  ap.  ril..  p.  Ïi3.  Le  tribiinat  de  Clo- 
dius  se  place  en  58  av.  ,1.  C.  Cf.  P.   11'.,  IV,  p.  84. 

'  Pour  l'Attis  du  temps  de  Clodiiis,  le  fait  ressort  des  tenues  mêmes 
lie  la  diatribe  de  Cicéron,  De  har.  resp.,  XIII,  28:  liragituro  gallograeco 
iMPiîRO  HOMiNi...  Pour  le  Battakcs  de  103  av.  J.  C,  il  résulte  des  atta: 
(pies  et  injures  dont  l'immunité  diplomatique  n'arriva  point  à  le  cou- 
vrir (cf.  Graillot,  op.  cit.,  p.  97).  Je  ne  sais  pourquoi  .M.  Graillot  l'a  con- 
testé, sous  le  prétexte  que  le  nom  d'eunuque  ne  figure  pas  expressément 
parmi  les  grossièretés  cipiivalentes  {pii  furent  prodiguées  à  cet  ambas- 
sadeur déconcertant  {ibid.,  p.  231).  pui.sipie  ailleurs  M.  Graillot  semble 
.Tvoir  rattaché  à  cette  ambassade  les  cas  déviration  qui  se  produisirent 
à  Rome  l'année  d'après  (ibid..  p.  98). 


ATTIDEIA  317 

En  Plirygie,  les  efforts  assiniilateurs  du  Prince  se  heurtaient 
aux  organisations  préexistantes.  Dans  les  autres  provinces  et  en 
Italie  où  la  divinité  d'Attis  venait,  pour  la  première  fois,  de  se 
faire  reconuaitre  par  l'Etat,  ils  étaient  plus  nécessaires  encore  et 
purent  se  déployer  en  toute  liberté.  En  Plirygie,  le  recrutement  de.s 
galles  était  contrarié,  non  prohibé,  et  si  leur  rôle  était  passé  à 
l'arrière  plan  des  temples  qu'ils  avaient  autrefois  peuplés  et  régis, 
ils  continuaient  d'y  être  admis.  Ailleurs,  leur  prosélytisme  est  in- 
terdit, et  parmi  tous  les  sanctuaires  métroaques  que  les  découvertes 
modernes  ont  remis  au  jour  en  deliors  de  la  Phrygie,  il  n'y  en 
a  pas  un  qui  ait  fait  ouvertement  appel  à  leur  méprisable  con- 
cours. A  la  condition  qu'ils  se  montrent  capables  d'établir  à  toute 
réquisition  de  l'autorité  leur  origine  plirj'gienue,  ils  peuvent  béné- 
ficier d'une  tolérance  individuelle  ;  mais  leurs  rites,  qui  se  survi- 
vent en  Phrygie,  sont  proscrits  ailleurs  du  culte  que  l'Empereur 
entend  propager  k  sa  façon.  Dans  chaque  cité  où  il  l'installe,  le 
sacerdoce  métroaque  est  confié,  non  à  une  sorte  de  conseil,  comme 
à  Pessinonte,  mais  à  un  prêtre  unique,  dont  le  titre  rappelle,  en 
le  dominant,  le  souvenir  des  galles,  et  qui,  sans  avoir  le  droit  de 
leur  ressembler,  devient  cependant,  eu  nom,  le  galle  suprême,  le 
galle  par  excellence  :  urchiqallus.  Au  premier  abord  on  est  tenté  de 
dénoncer  une  contradiction  entre  les  tendances  de  la  réforme  Clau- 
dienne  à  Pessinonte,  où  la  prêtrise  est  démembrée,  et  dans  la  Ville, 
les  colonies  et  les  niunicipes  de  l'Empire  où  son  unité  se  recons- 
titue aux  mains  d'un  seul  sous  le  vocable  oriental  qui  a  disparu 
du  langage  employé  par  les  inscriptions  de  Sivri-Issar.  Mais  le  désac- 
cord n'est  qu'apparent,  et  souligne,  eu  fin  de  compte,  l'ingéniosité 
dont  le  gouvernement  de  Claude  a  fait  preuve  pour  varier  les 
moyens  d'une   immuable  politique. 

En  Phrj'gie  où  l'empereur  avait  pu  laisser  subsister  des  galles, 
avec  l'évidente  intention  d'en  provoquer  à  la  longue  l'amoindris- 
sement,  il  eût  été   inopportun  et  contraire   au   but  vi.se  d'accorder 


au  l'résident  du  collège  sacerdotal  un  titre  qui  les  eût  rapproclirs 
de  lui  et  relevés  aux  yeux  du  vulgaire.  Le  premier  des  Attis,  au 
lieu  de  s'intituler  ■>;:/;•,■>:),/,'>;,  assume  le  titre  d'àsyiïpî'j;,  qui  Thel- 
lénise  et  élargit  encore  la  distance  qui  sépare  sa  haute  personnalité 
de  la  foule  de»  galles,  simples  mystes  indignes  de  la  prêtrise  pro- 
prement dite.  Au  contraire,  dans  tous  les  pays  où  les  galles  ne 
])ouvaient  entrer  dans  les  cadres  du  culte  officiel,  il  n'y  avait  point 
d'inconvénient  i'i  inipiiscr  à  son  clict'  un  nom  qui  n'intégrait  le  leur, 
en  le  majorant,  que  rapporté  à  ses  lointaines  origines  phrygiennes. 
Kn  entrant  sous  une  forme  latine  dans  le  nom  composé  de  Vanlii- 
finUiis.  le  vieux  mut  pessinontéen  dépouillait  la  honte  de  sa  signi- 
fication initi.-ile,  et,  elle  était  si  bien  oubliée  dés  le  second  siècle, 
(|ue  l'arcliigalle  d'Ostie,  M.  Jlodius  Maximus,  ayant  à  faire  choix 
d'armes  parlantes,  a  dressé  un  coq  ((lallns)  sur  sa  ciste  votive  '. 
Pour  des  orientaux,  l'arcliigalle  dispensait  de  recourir  aux  galles, 
et,  par  la  force,  toujours  victorieuse  sur  l'esprit  ])o]iulaire.  des  ana- 
logies verbales,  pouvait,  tout  en  répudiant  leurs  pratiques  abomi- 
nables,  communiquer  sans  intermédiaire  avec  leurs  dieux. 

Kt  |iar  là  s'affirme  la  grande  préoccupation  de  Claude  qui  s'ef- 
for(,'a,  en  même  temps  qu'il  étendait  k  l'Kmpiie  entier  la  religion 
de  Cybèle  et  d'Attis,  d'en  rénover  l'âme  et,  si  l'on  peut  dire,  d'en 
déplacer  l'axe  spirituel  des  rives  du  Saugarios  à  celles  du  Tibre. 
Farce  qu'il  redoutait  l'indépendance  et  l'hégémonie  éventuelle  du 
sacerdoce  niétroaquc,  il  l'avait,  à  Pessinonte,  brisé,  monnayé  en 
onze  prêtres-Attis  égaux  en  pouvoir  sinon  en  dignité  ;  et,  pour  la 
même  raison,  il  le  centralisa  dans  chaque  cité  où  la  religion  mé- 
troaque,  fut  i)ubliquoment  pratiquée,  aux  mains  d'un  prêtre  supé- 
rieur que  son  titre  iVaiT/iigaUns  soustrayait  par  avance  à  toute 
tentative  de  subordination  et  d'embrigadement.  Dépendant,  à  l'ex- 

'  Cf  l'excelb'Ute  pliotograpliie  Je  cette  ciste,  aujoui'd'luii  au  Musée 
du  Lafrari  (cf  C.  1.  1...  \\\ ,  Ss.'i),  publiée  par  Vaglieri,  (htin.  Home, 
mu,  p.  111,  tig.  18. 


ATTIDETA  319 

cliision  de  toute  autre  autorité,  du  séuat  local  et  du  collège  romain 
des  quindécemvirs  qui  l'avaient  élu  et  investi,  chacun  de  ces  archi- 
galli  était  souverain  en  son  domaine  municipal,  ce  qui  consacrait  son 
autorité  sur  tous  les  autres  prêtres  ou  desservants  de  son  sanctuaire, 
et  assurait  son  autonomie  il  l'égard  des  autres  archigalles  et  de  la 
métropole  phrygienne  ;  et  ce  n'est  qu':'i  Rome,  en  la  personne  de 
César,  le  pontife.r  nia.tinms,  grand  maître  du  collège  quindécemviral, 
auquel  toutes  étaient  soumises,  que  venaient  se  rejoindre  les  églises 
raétroaques  disséminées  à  la  surface  de  l'Empire,  divisées  par  leur  éga- 
lité théorique,  unies  par  leur  obédience  et  leur  fidélité  à  l'empei'eur. 
Claude,  en  effet,  a  su  lier  plus  ou  moins  étroitement  le  culte 
de  la  Grande  Mère,  réorganisé  par  ses  soins,  au  culte  impérial.  Ce 
n'est  point  l'eft'et  du  hasard  si  les  deux  Attis  prêtres  que  nous 
connaissons  à  Pessinonte,  vers  la  fin  du  I"''  siècle  ap.  J.  C,  ont 
été,  l'un  après  l'autre,  et  plusieurs  fois  chacun,  flamines  provin- 
ciaux des  Augustes;  et  c'est  une  conséquence  directe  des  mesures 
édictées  par  Claude  que  l'habitude,  bientôt  contractée  par  les  ar- 
chigalles, de  prescrire  l'accomplissement  des  rites  les  plus  carac- 
téristiques de  leur  religion  <,<  pour  le  s;ilut  de  Tempereur  ».  Les 
privilèges  dévolus  par  Claude  aux  taurolioliés  du  Fort  dont  le  sa- 
crifice avait  été  offert  dans  cette  intention,  sur  l'ordre  prophéti- 
que de  l'arcliigalle  d'Ostie,  ont  accru  l'importance  de  ce  dernier; 
et,  parce  que,  nulle  part  plus  (ju'à  Rome,  où  ils  étaient  encouragés 
par  sa  présence  et  l'appareil  de  sa  souveraineté,  les  sacrifices  mé- 
troaques  consacrés  à  l'empereur,  n'acquéraient  efficace  et  solennité, 
l'archigalle  de  Rome  —  archiflnllus  popiûi  romani  —  finit  par  obte- 
nir une  primauté  sur  les  autres,  et  s'arroger  l'honneur,  dont  Tertul- 
lien  se  gausse,  d'expédier  par  diplômes  cachetés  et  courriers  exprès 
des  mandements  à  tous  ses  corréligionnaires  du  monde  :  solita  aeque 
iniperia  manduvH ...  o  nnnfios  fardas,  o  somniculosa  diplomata  !  ^. 

*  Tortnllien,  Apoh,  25. 


320  ATTIIiKIA 

AiiiHi  (le  toutes  celles  qui  <mt  acconipagiié  la  réforme  de  Clamle, 
l'institutioii  de  rarelii^çaile  ent  s;iiis  doute  la  plus  orifjinale  et  la  plus 
féconde.  Par  elle,  le  l'rinee.  a  opéré  une  révolution  conservatripe. 
Il  a  sauvt'ffai'dé  les  furmeK,  mais  cliauf^é  le  fond  de  la  religion 
inétro.-u|Mi-  qu'il  iiitriiiiisait  (ii'-linilivcmi'nt  dans  ri^iiijiii'c.  Il  en  con- 
servait les  noms,  j)onr  se  déli.irrasser  plus  sûrement  de  ses  réalités 
inassimilaldçs;  il  voulut  fortifier  la  cohésion  de  l'Ktat  par  les  nou- 
veautés qu'on  aurait  jugées  les  ])lus  propres  à  léliranler.  et  il 
se  servit,  pour  diffuser  le  nouvel  idéal  romain,  de  l'adaptation  du 
vieux  culte  barbare   d'Asie-Mineuro. 


Si,  en  ett'et,  on  rap])rocli('  ces  conclusions  des  résultats  obtenus 
dans  l'étude  précédente  ',  on  ne  peut  pas  ne  pas  être  frappé  de 
la  logi([ue  volontaire  de  sa  réforme.  Elle  n'a  pas  été  l'épisode 
anecdotique  qu'on  pourrait  croire  en  relisant  la  brève  incidente  de 
Lydus,  qui  est  seule,  aujourd'hui,  A,  l'attester  positivement.  La  va- 
riété, la  souplesse  des  multiples  combinaisons  qu'elle  implique,  et 
dont  l'étude  de  ses  témoignages  indirects  nous  a  révélé  le  jeu  et 
l'agencement,  prouvent  l'importance  qu'y  attachait  le  Prince,  et 
traduisent  en  divers  modes  l'unité  profonde  du  plan  qu'il  avait 
conçu  et  dont  les  fins  lui  parurent  sans  doute  essentielles  au  main 
tien   et  à  la  grandeur  de  l'Etat. 

Claude  est  parvenu  au  pouvoir  suprême  en  un  moment  criti- 
que de  la  vie  morale  de  l'Empire,  dans  le  désarroi  des  conscien- 
ces et  le  choc  des  croyances  qui  de  toutes  parts  venaient  s'en  dis- 
puter la  ])ossession.  Si  la  dévotion  h  Kome  et  à  Auguste  s'inspi- 
rait d'un  sentiment  vivace  de  foi  patriotique,  le  stérile  formalisme 
auquel  était  réduite  la  vieille  religion  des  ancêtres  ne  suffisait  plus 
k  remplir  le  vide  des   intelligences  et  des  cœ.urs.    lOu   vain,   Tibère. 

'  Cf.   Mélangef:.    i;>2.'!,  |i.   L'iô-lôf). 


ATTIDEIA  321 

avait-il  pourcliassé  les  novateurs,  exilé  les  astrologues,  proscrit  les 
isiaques,  déportt'  en  niasse  quatre  mille  Juifs  ou  judaïsants  '.  Les 
liommes  (-ontinuaient  k  deuiander  ;i  la  reli.i,'-ion  autre  chose  et  plus 
que  des  recettes  verbales  et  des  habitudes,  et  il  apparaissait  déjà 
que  le  mouvement  qui  les  entraînait  vers  ces  divinités  étrangères, 
dont  les  nitminu  gouvernaient  l'univers,  et  les  mystères  procuraient 
à  la  fois  nne  explication  du  monde,  des  règles  pour  la  conduite 
de  l'existence  et  un  espoir  d'immortalité,  n'était  plus  de  ceux  qui 
s'arrêtent  à  coups  d'édits  et  par  des  opérations  de  police.  La  sa- 
gesse consistait  à  y  céder  dans  toute  la  mesure  compatible  avec 
l'intérêt  fondamental  de  l'Etat,  à  le  diriger  s'il  était  possible,  et, 
comme  on  dit  vulgairement,  à  faire  la  part  du  feu.  Caligula  avait 
rouvert  la  Cité  aux  cultes  égyptiens  dont  il  était  l'adepte  ^.  Claude 
inaugura  son  règne  par  une  proclamation  de  tolérance  '  ;  et  ce  n'est 
qu'en  49,  selon  Paul  Orose  *,  qu'il  se  décida  à  sévir  contre  les  Juifs 
et  les  Chrétiens,  dont  les  dissensions,  nous  rapporte  Suétone,  exci- 
taient des  troubles  continuels  ".   Mais  en  même   temps  qu'il  renon- 


'  Suétoue,  l'ib..  36:  Ji.iieinas  caerhitoiiias,  Aegyptos,  ludaicosque 
compesciiii . . .  E.rpulif  et  matlieDiaticoa :  Tac. ,Anii.,  II,  s5  (en  19  ap.  J.  C): 
Actum  et  de  sarn'!<  Aigi/pti/^  hidaicisque  peUendix,  factumque  patruni  con- 
sultiim  ut  quattuor  niiliu  libertini  generis.  eu  superstitione  infecta...  in 
insulam  Sardiniam  veherentur. 

«  Suét.,  Cal,  57. 

•■'  Josèphe,  Ant.,  XIX,  5,  S.  De  la  tolérance  de  Claude  à  l'égard  des 
Isiaques  nous  possédons  une  preuve,  entre  autres,  dans  la  dédicace  de 
Velletri  à  Isis  et  Sérapis,  datée  de  51  et  publiée  par  0.  Jlaruccbi,  Atti 
delV Accademia  pontificia,  1921,  p.  279.  C'est,  je  crois,  au  début  du  règne 
<le  Claude  que  fut  construite  la  basilique  orpliico-pytliagoricienne  de  la 
Porta  3Iaggiore. 

*  Orose,  VII,  6,  l.'i.  Le  procès  de  magie  intenté  par  Claude  à  T.  Sta- 
tilius  Taurus  ne  date  que  de  52  ap.  J.  C.  (Tac,  Ann..  XII,  59). 

'  Suét.,  Claud..  25:  ludaeos  impuhore  Chresto  assidue  tumultuantes 
Roma  e.rptûit. Cf.  Acta  Aj).,  XVIII,  2:  &•.«  -i  ôiaTîrsjri'vai  K'i.o.ùi:yi  /upi^sodu 
-i-mti  T5'j;  'li'jôniî'j;  à-i  tt;  'Pw;j.t;.  Cass.  Dio,  LX,  6,  atténue  encore  la 
rigueur  (|u'aurait  déployée  le  gouvernement  de  Claude  en  affirmant  qu'il  se 
borna  à  interdire  aux  Juifs  turbulents  le  droit  de  réunion  (■«  (;uvï6:s;!;£a(iai). 


322  ATIIUEIA 

çait  à  la  pei-m'-fiition,  il  f>ntre])rit  d'abBorber  dans  la  religion  de 
l'Etat,  en  conformité  avec  elle,  et  en  soutien  de  la  piété  envers 
rKnipirc,  des  tciidunces  qu'il  se  sentait  impuissant  à  maîtriser;  et, 
si   Ton   peut   ainsi   jiarler.   il   monta  la   concurrence. 

Son  iiitriitioii  priniièii',  nnus  apprend  Suétone,  avait  été  d'uni- 
versaliser cette  religion  d'Eleusis  dont  l'élévation  doctrinale  devait 
arrêtei'  Néron  sur  le  seuil  de  son  «  telestèrion  »  '.  Mais  Démèter  et 
lakklios  ne  se  laissèrent  pas  déraciner;  et  Claude  dut  se  rabattre 
sur  la  Grande  Mère  et  Attis,  dont  le  culte,  eu  Attique,  s'était 
purifié  h  leur  contact  ".  La  ressemblance  des  deux  Déesses-Mères 
fut   une   raison  proliable  ''   de   son   cboix   définitif  '.    L'ancienneté   et 

'  Suét,  Nero,  M. 

'  Sur  les  rapports  tiès  lointains  de  rorpliisuic  et  de  la  religion  pliry- 
gienne,  cf.  Giaillot,  op.  cit.,  p.  21.  L'Eumolpide  Timotliée,  à  la  fm  du  IIl" 
siècle  avant  notre  ère.  s'était  dédié  à  l'étude  des  mythes  métroaiiues  (cf.  Ar- 
nobe,  y,  b).  Sur  la  pénétration  progressive  de  la  religion  inétroaipie  par 
la  religion  éleusinienne,  cf.  Graillot,  op.  cit.  p.  504-505.  Au  \'^  siècle, 
Euripide  les  confond  {Hélène,  1301-1307);  le  Mètrôon  d'Athènes  servait  pri- 
mitivement au  culte  de  Démèter  ;  c'est  au  Mètrôon  d'Agrai  que  se  célé- 
braient les  petits  mystères  d'Eleusis;  sur  les  monuments  éphébiques  du 
II«  et  du  1"'  siècles  av.  .1.  ('..  Démèter,  Korè  et  Mèter  Théon  forment 
une  triade  sacrée,  etc. 

'  Sur  les  mobiles  auxquels  Claude  aurait  obéi,  cf.  Graillot,  op.  cit., 
p.  116.  Claude  avait  trouvé  associés,  dans  la  tradition  de  sa  famille,  la 
véniration  des  mystères  d'Eleusis,  que  ses  ancêtres,  avaient  protégés 
{('.  I.  L.,  III,  547),  et  le  respect  de  cette  religion  métroaque,  au  Dieu  de 
qui  les  Appii  Clatidii,  descendants  d'Attus  (=  Attis)  Clausus  pouvaient 
se  rattacher,  et  la  Déesse,  l'an  204  av.  ,J.  C,  avait  été  accueillie  en  terre 
latine  par  Claudia  Quinta.  Sur  son  inclination  personnelle  au  syncrétisme 
orphi(|ue,  cf  les  ingénieuses  remarques  suggérées  à  M.  Leopold  par  la 
succession  des  dédicaces  à  Démèter  dans  le  sanctuaire  de  Pergamc  {Mé- 
Janges,  1922,  p.  192). 

*  Sur  les  attitudes,  pareillement  expectantes  des  Romains  et  des  Athé- 
niens à  l'égard  de  la  religion  métroaque,  cf.  P.  Foucart,  Les  associa- 
tions religieuses  chez  les  grecs,  Paris,  1873,  p.  90.  L'analogie  peut  être 
poussée  loin  dans  le  détail,  s'il  est  vrai  que  Claude  ait  pensé  d'abord 
restreindre  an  Port  l'usage  du  taurobole,  comme  les  rites  d'Attis  n'a- 
vaient été  admis  par  les  Athéniens  (|ue  dans  le  Mètrôon  du  Pirée  (Fou- 
cart, op.  cit.,  p.  97). 


ATTIDEIA  323 

la  forme  de  radojition  de  Cybèle  l'ont  sûrement  déterminé.  Kn 
développant  et  protégeant  le  culte  de  la  Magna  Mut/r.  Claude 
garantissait  ses  innovations  par  l'autorité  des  ancêtres  qui  l'avaient 
introduite  dans  la  Ville  ;  en  remaniant  les  rites  d'Attis  qu'il  y 
introduisait  à  son  tour,  il  ne  faisait  que  renouer  la  tradition  des 
aïeux,  achever,  en  l'amplifiant,  leur  œuvre  d'accommodation,  et  il 
se  flattait  de  l'espoir  de  refouler  l'invasion  des  superstitions  étran- 
gères par  celle  des  religions  orientales  qu'il  lui  était  le  plus  facile 
de  décanter,  d'assagir  et  de  romaniser. 

En  cela,  il  devait  échouer,  puisque  le  Christianisme  détruira  cette 
religion  là  comme  les  autres.  Mais  si  elle  a  tenu  si  longtemps,  c'est 
grâce  à  Claude,  à  l'esprit  qu'il  lui  a  communiqué,  à  la  solidité  de 
l'organisation  rationnelle  dont  il  la  dota.  Certains  auteurs,  scandalisés 
des  ressemblances  que  les  historiens  ont  cru  découvrir  entre  le  culte 
métroaque  et  le  culte  chrétien,  les  ont  niées  en  bloc,  se  refusant 
à  admettre  le  moindre  point  de  contact  entre  eux,  et  ils  n'ont  vu 
dans  la  religion  de  Cybèle  et  d'Attis  qu'un  cloaque  d'impudicités 
et  d'erreurs  où  montent  seulement  «  des  relents  d'abattoir  et  de 
mauvais  lieu  »  '.  Sur  les  pages  des  apologistes,  ne  passent,  en  effet, 
que  ces  effluves  empoisonnés:  mais  entre  leurs  descriptions  des  rites 
obscènes  ou  sauvages  qu'ils  abominent  il  juste  titre,  et  la  réalité 
des  temps  impériaux,  s'interpose  la  réforme  de  Claude,  par  qui 
les  vieux  mystères,  redressés  et  rajeunis,  s'imprégnèrent  de  la  spi- 
ritualité qui  affleure  dans  nombre  d'inscriptions  païennes  du  IV  et 
du   IV'  siècles",  et  concourent,  par  les  vaticinations  des  archigalles. 


'  R.  P.  Lagrange.  lievue  Biblique,  1919,  p.  480.  Les  analogies,  par 
contre,  ont  été  marquées  avec  force  par  Ch.  Guigneheit,  Eertie  Histo- 
rique, 1915.  2  (CXIX),  p.  163. 

'  Pour  le  II'  siècle,  voir  à  Arles  le  saicopliage  et  l'inscription  fu- 
néraire de  Iulia  Tyranna  (Espérandieu,  I,  p.  146,  n.  181);  pour  le  IV'  siècle, 
cf.  l'inscription  du  Vatican  publiée  par  0.  Marucchi  iAiti  deW Accademia 
Pontificia,  1921,  p.  272-273  et  Notizie,  1912,  p.  81-87),  et  si  élégamment 
élucidée  par  Pierre  Fabre  i Mélanges,  1923,  p.  1-18). 


;i  maintenir  l'unité  de  l'Empire.  Plutôt  donc  que  de  masquer  ou 
rrcuser  des  uiialoj^ies  incontentables.  il  convient  de  le»  rapporter  à 
la  source  commune  où  puisèrent  le  sacerdoce  réformé  des  dieux 
Phrygiens  et  celui  du  Christianisme  vainqueur,  et  de  remonter 
ju8qu':'i  la  discipline  souveraine  dont  Rome  les  a  pareillement 
marqués,  de  sdii   i)li   inerta(;al)le. 

Rome.   10  juillet  192:!. 

Jkkômk  C-^rcopino. 


NECROLOGIE 


Georges    Digard 


Georges  Digard  naiiuit  à  Versailles  le  1''' juillet  1856.  Il  était 
le  fils  d'un  homme  très-cultivé,  qui  s'intéressait  vivement  aux  choses 
italiennes,  et  qui  fut  le  traducteur  de  VHistoire  tiniterseUe  de 
César  Cantù.  Docteur  en  droit  et  archiviste  paléograplie.  il  avait 
été  nommé  membre  de  l'Ecole  de  Rome  :ï  la  fin  de  l'année  1882; 
il  y  passa  deux  années  sous  la  direction  de  M.  Le  Blant.  C'est 
là  qu'il  apprit  à  connaître  et  à  apprécier  le  très-regretté  Paul 
Fabre,  avec  lequel    il   se   lia  d'une  étroite  et  inaltérable  amitié'. 

Digard  fut  nu  professeur  de  l'enseignement  supérieur;  pendant 
plus  de  trente  cinq  ans,  il  enseigna,  à  divers  titres,  l'histoire  du 
moyen-âge  aux  étudiants  de  l'Institut  Catholique  de  Paris.  Il  y  a 
laissé  le  souvenir  d'un  niaitre  adrairalileuieiit  informé,  très  conscien- 
cieux, très-dévoué  ;  à  la  logique  et  la  rigueur  d'un  plan  étroitement 
observé,  il  préférait  la  liberté  de  l'exposition,  qui  lui  permettait, 
à  la  vérité  au  prix  de  digressions,  d'ouvrir  à  ses  auditeurs  de 
larges  percées  à  droite  et  à  gauche  de  la  route  qu'ils  étaient  ap- 
pelés à  suivre.  C'est  une  méthode  éminemment  suggestive,  encore 
qu'elle  ne  puisse  être  recommandée  à  tous. 

Grâce  à  ses  études  juridiques,  qui  s'alliaient  fort  bien  avec  son 
goût  pour  l'histoire,   Digard  eût  pu  cultiver  avec  succès  le  champ 

'  Il  a  laissé  un  témoignage  de  cette  amitié  dans  la  belle  et  savante 
notice  qui  forme  la  préface  des  Melaïujes  Paul  Fabre  (1902). 

Mélanges  d'Arch.  et  d'Hist.  192a.  •  21 


.'iSB  (IKOKIIKS    DKIAKI) 

fécond  dp  Tliistoiro  du  droit.  11  en  donna  la  preuve  en  puMiant, 
sous  ce  titre  :  Im  l'apanle  et  V étude  du  droit  romain  au  XIII'  sièclf, 
iiii  iii('nioire  qui  est  demeuré  un  excellent  chapitre  d'histoire  juridi- 
(|ue.  Mais  son  séjour  à  l'Ecole  de  Rome  devait  le  conduire  à  d'autres 
travaux.  Il  fut  un  vrai  Romain  ;  tout  en  gardant  à  la  terre  natale 
un  indéfectible  amour,  il  vit  en  Rome  la  comniuiiis  patria  ;  c'était 
une  grande  joie  pour  lui  que  d'y  retourner  souvent  et  d'en  faire 
goûter  i)ar  ceux  qu'il  aini.iit  le  cliannc  ])énétrai)t.  .\ussi  c'est 
avec  allégresse  qu'il  se  voua  à  iliistoire  de  la  Rome  pontificale. 
Chargé  par  M.  Le  Blant  de  continuer  la  publication  des  registres  de 
llouifacr  VKI  fonimiiicéc  par  MM.  Maui'ice  Faucon  et  ,\ntoine  Tlio- 
nias,  il  ne  crut  point  que  sa  tâche  consistât  uniquement  à  publier 
in  extenso  ou  à  résumer  des  textes,  encore  que  mieux  que  personne  il 
fut  à  même  d'en  comprendre  le  très-grand  intérêt.  Non  content  de 
donner  au  public  la  portion  de  beaucoup  la  plus  considérable  du  Re- 
gistre (il  reste  bien  peu  ile  chose  à  t'aire  pour  (jue  la  puldication  soit 
achevée),  il  avait  de  bonne  heure  formé  le  projet  d'écrire,  en  manière 
d'introduction,  un  ouvrage  qui  devait  être  une  large  et  grande  histoire 
(lu  ijoiitificat  du  pape  Caetani  '.  Il  ne  se  borna  pas  â  caresser  ce 
projet  comme  un  lieau  rêve,  il  y  travailla  pendant  près  de  qua- 
rante années,  et  l>ieu  sait  quelle  somme  de  lalieur  il  y  a  dépensée. 
Cependant  il  est  mort  sans  avoir  mené  â  bien  sa  rude  tâche.  Cela 
tient  à  la  fois  à  la  nature  du  sujet  et  à  certains  traits  fort  hono- 
rables du  caractère  de  l'autcnr. 

Le  sujet  était  extrêmement  étendu.  Il  ne  s'agissait  de  rien 
moins  ([ue  d'écrire  l'histoire  de  la  Papauté  pendant  une  période 
critique.  Il  fallait  dépeindre  .son  action  législative  et  administrative 
sur  la  vie   intérieure   de  l'Eglise,  menacée  par  l'hérésie,  siuguUè- 

'  Cet  ouvrage  devait,  d'après  la  première  pensée  de  l'aiiteur,  être 
une  thèse  de  doctoiat  è.s  lettres.  Il  comptait  consacrer  la  seconde  thèse  à 
,Iean  de  Procida.  L'étude  de  la  transformation  politique  ni.in|uée  par  les 
Vêpres  .Siciliennes  semblait  à  Digard  le  prologue  naturel  d'une  histoire 
de  Boniface  VIII. 


(iEOKciEs  nir.AUO  "iST 

rement  alourdie  dans  snn  (viivre  spirituelle  i)ar  l'exagération  de  ses 
richesses  temporelles,  enfin  déchirée  par  les  rivalités  de  l'ancien 
elerfçé  et  des  ordres  nouveaux,  espoir  de  l'avenir,  (|ui  attii'aient  à 
eux  les  hommes  les  plus  fervents  et  les  plus  éclairés.  Il  fallait  en 
outre  raconter  l'histoire  des  rapports  de  la  Papauté  avec  les  puis- 
sances séculières,  ce  qui  ne  se  pouvait  faire  sans  une  connaissance 
exacte  de  l'ensemble  de  la  politique  européenne;  il  incombait  à 
l'auteur  de  démêler  l'écheveau  très  cimipliqiié  des  fils  qui  s'entre- 
croisaient de  toutes  parts,  si  bien  que  le  moindre  incident  qui  ve- 
nait à  se  produire  où  que  ce  fut.  en  Sicile  ou  en  Aragon,  en  Ar- 
ménie ou  en  f^cosse,  ne  manquait  point  de  réagir  sur  les  relations 
du  Saint-Siège  avec  les  divers  souverains.  De  ces  difficultés  Digard 
se  rendait  fort  bien  compte:  cependant,  tant  le  sujet  le  captivait, 
il  passa  outre  et  se  mit  résolument  à  l'ouvrage. 

Surtout  l'évolution  de  la  politique  des  Etats  européens  le  pas- 
sionnait. Il  avait  fait  comme  son  domaine  propre  de  l'époque  de 
Philippe-le-Hardi  et  de  Philippe-leBel  ;  tous  les  personnages,  même 
secondaires,  lui  étaient  familiers;  il  savait  leurs  tendances,  leurs 
ambitions,  leurs  intrigues;  mais  il  n'était  pas  de  ceux  que  la  vue 
des  arbres  empêche  d'apercevoir  la  forêt.  Que  de  fois,  au  cours  des 
conversations  auxquelles  il  se  livrait  volontiers,  ses  amis  ont  trouvé 
]il-iisir  et  profit  à  le  voir,  fouetté  par  les  interrogations  ou  les 
objections,  s'élever  au-dessus  des  faits  particuliers  pour  dégager, 
avec  une  puissante  originalité,  les  grandes  lignes  et  les  figures  maî- 
tresses de  l'histoire  politique  telles  qu'elles  lui  apparaissaient  ! 
Nous  retrouvions  dans  ses  appréciations  l'indépendance  du  juge- 
ment et  la  haute  conscience  qui  le  caractérisaient  en  toutes  choses  ; 
nous  sentions  d'ailleurs  que  sa  préparation  était  complète,  et  ceux 
qui  le  connaissaient  moins  bien  s'imaginaient  qu'ils  n'auraient  pas 
à  attendre  longtemps  l'ouvrage  annoncé. 

Malheureusement  Digard,  en  érudition,  était  un  scrupuleux. 
Assez  perspicace  pour  apercevoir  toutes  les  difficultés  du  sujet,    il 


:!2.'-  ciKOWlES    KIliAItll 

ne  sf  s('iit:iit  j;ini;iiH  assuré  de  les  avoir  surmontées.  Avait-il  coin 
|)ORé  un  cliaiiitre,  il  croyait  en  voir  les  défauts  et  le  Jetait  au  pa- 
nier. |Miiir  11'  ri'rciiimii'nccr  l't  le  recommencer  encore;  pendant  ce 
temps,  la  liililioj;raphie  s'enrichissait  d'ouvrages  nouveaux,  puldiés 
en  France  ou  ;i  rétran;,'er,  et  la  tâche  se  compliquait.  11  imprima 
plusieurs  centaines  de  pages  et  les  fit  mettre  au  pilon.  L'ouvrage, 
(pril  remettait  sans  cesse  sur  le  métier,  (init  par  y  rester;  c'est 
.liiisi  (|\ie  MOUS  n'avons  |)as  riiistoire  de  Honiface  VIll  iittendue 
ilopuis  si  longtemps.  Tant  il  est  vrai  (|ue,  dans  le  domaine  des  tra- 
vaux de  l'esprit  c(»mme  ailleurs,  la  recherche  du  mieux  est  .souvent 
reiineniie   du   l)ien  '. 

Qucli|ues  rares  fragments  nous  restent,  qui  nous  font  regretter 
ce  que  l'auteur  ne  nous  a  pas  donné.  Dès  l'Ecole  de  Rome,  Di- 
gard  avait  entrepris,  aux  Archives  du  Vatican,  des  études  diplo- 
matiques qui,  adressées  en  manuscrit  j"!  la  commission  des  Ecoles 
d'Atiiènes  et  de  Rome,  avaient  été  .jugées  très-favnral)lement  ;  elles 
fournirent  un  mémoire  mWtuU'.  Xourdles  ohsen  niions  sur  la  diplomu- 
tique  pontificale,  auquel  se  rattachent  deux  articles  publiés  en  1886 
et  en  1887  dans  la  Bibliothèque  de  VEmlc  des  Chartes:  l'un  sur 
la  série  de  registres  pontificaux  du  XIIT'  siècle,  où,  contre  un  érudit 
allemand,  l'.-niteui'  défend,  avec  Inpinion  commune,  le  caractère 
officiel  et  original  des  registres,  et  l'autre  où  il  fait  connaître  Un 
(troupe  de  «  Litière  notute  »  du  temps  de  Boniface  VIII.  Enfin  il 
n'est  (|ue  Juste  de  lappeler  le  mémoire  publié  en  cette  Revue 
en  1.S83,  sous  ce  titre:  Boniface  VIII  et  les  recteurs  de  Bretagne  '. 

Si,  ])ar  la  faute  d'une  conscience  trop  délicate,  Uigard  n'a  point 
permis  :iux  historiens  de  bénéficier  de  ses  recherches  et  d'apprécier, 
eomnu'  il  eût  convenu,  ses  hautes  qualités  intellectuelles,  il  a  laissé 
à  ceux  ([ui  l'ont  connu  l'exemple  d'une  très-belle  vie  morale.  Chef 
de  famille,  propriétaire  foncier,  mêlé  aux  affaires  de  sa  commune 

'  Kn  1885,  Digard  donnait  encore  à  nos  Mélanges  Doit  documents 
sur  l'riilise  de  S'  Maximin  en  Frorence.. 


OEORGES   DIlîARn  329 

artésienne,  associé  à  une  foule  d'œuvres  charitables  pour  lesquelles 
il  payait  o:énéreuseraent  de  sa  personne  et  de  sa  liourse,  il  fut 
avant  tout  un  Immme  de  bien  :  ceux  qui  l'ont  connu  intimement 
seront  unanimes  k  ajouter  qu'il  fut  un  ami  parfait.  Il  trouva  dans 
la  fermeté  de  sa  foi  chrétienne  la  force  de  supporter  le  deuil  cruel 
qui  l'atteignit  en  septembre  191-t,  lorsqu'en  Champagne  son  tils 
fut  frappé  à  mort  par  une  balle  allemande.  Malgré  sa  douleur  il 
se  remit  au  travail  et  par  son  exemple  rendit  le  courage  à  tous 
les  siens.  Lui-même  travailla  jusqu'à  sou  dernier  jour:  c'est  au 
moment  où  il  quittait  sa  villa  de  Versailles  pour  aller  faire  son 
cours  à  l'Institut  Catholique  qu'une  maladie  insidieuse  et  impla- 
cable le  foudroya. 

Paul  Fourxier. 


."b 


3-^ 


TABLES  DES  MATIERES 


Un  autel  du  culte  pluygien  au  Jluséc  du  Latiaii,  par  P.  Fabre   .         3 

Hercule  funéraire  [suite  et  fin),  par  J.  Bayet 19 

Quelques   italiens   d'Avignon   au  XIV  siècle,  par  K.  Brun: 

I.  Les  archives  de  Datini  à  Prato 103 

II.  Naddino  de  Prato,  médecin  de  la  cour  pontificale     .     .     -219 

Elpénor  à  AntiumV  par  L.  Bavard 115 

Lettres  émanant  de  la  Cour  Pontificale  à  répoi)ue  du   Conclave  de 

Viterbe    1270-1272  ,  par  J.  Porcher 123 

Attideia,  par  J.  Carcopino: 

I.  Sur  la  date  de  Tintroduction  otticielli'  à  Home  du  culte 
d'Attis 135 

II.  Galles  et  arcliigalles 237 

Farnesiana,  par  F.  Benoit; 

I.  La  bibliothèque  grecciue  du  cardinal  Farnèse,  suivie 
d'un  choix  de  Lettres  d'Antoine  Eparque,  Mathieu  Devaris  et 
F'ulvio  Orsini 167 

II.  La  maison  du  cardinal  Farnèse  en  1554 19S 

Correction  à  Ephemeria  Epùjraphica,  VIII,  u.  632,  par   L.  Lesuhi     207 

Gaston  Etchegoyen.  Nécrologie,  par  C.  Terrasse 161 

Georges  Digard.  Nécrologie,  par  P.  Fournier 325 


ÉCOLE    FRANÇAISE    DE    ROME  \ 


MÉLANGES 


D'ARCHEOLOGIE  ET  D'HISTOIRE 


XLI*  année  (1924)  -  Fasc.  1-V 


PARIS 

Ancienne  Libraikie   FONTEMOING    &.    G" 

E.    DE    BOCCARD,   Successeur 

1,  rue  de  Médicis 

ROME 
SPITHÔVER,  Place  d'Eapagne. 


Tip.  Cug 


■^ 


L'ALPHABET  DE  MARSILIANA 

ET 

LES  ORIGINES  DE  L'ÉCRITURE  À  ROME 


Dans  le  beau  livre  consacré  aux  fuuilles  du  Prince  Tonimaso 
Corsini  à  Marsiliana  d'Albegna,  M.  Antonio  Minto,  du  Musée  de 
Florence,  a  publié  un  nouvel  alphabet  étrusque,  qui  vient  s'ajouter 
à  une  série  déjà  nombreuse  de  documents  du  même  genre  '.  Cet 
alphabet  de  Marsiliana  présente  le  très  vif  intérêt  d'être  non  seu- 
lement le  plus  parfait,  mais  aussi,  de  beaucoup  le  plus  ancien  de 
tous  cens  que  Ton  connaît.  Il  est  destiné  à  devenir  le  type  de  l'al- 
phabet étrusque  archaïque.  Nous  reprenons,  en  l'étudiant  ici,  une 
vieille  tradition  des  Mélaiiyes  et  de  l'Ecole  Française  de  Rome.  Que 
l'on  se  reporte,  en  effet,  au  volume  de  1882;  on  y  trouvera  sous 
des  signatures  illustres,  trois  articles  consacrés  à  un  autre  alphabet 
du  même  genre,  celui  du  vase  de  Formello  près  de  Veies,  qui  venait 
d'être  découvert  ".  Nous  aurons  également  à  renvoyer  fréquemment 
à  un  autre  article  de  Bréal,  dans  les  Mémoires  de  Société  de  Lin- 
fiuisfique  de  Paris.  Sur  les  rajtports  de  Vulphahet  étrusque  avec 
Valp/mhet  lutin  ^.  Enfin,  plus  récemment,  notre  regretté  camarade 
Anziani  a  repris,  dans  les  Mélanges  Gagnât.,  l'étude  de  l'alphabet 

'  Antonio  Minto.  Marxiliana  d'Albegnn,  Le  scoperie  archcologiche  de! 
Principe  Bon  Tommaso  Corsini.,  Firenze,  Alinari,  1921,  in-4°,  312  pages, 
LUI  planches. 

-  Michel  Bréal,  Inscriptions  du  vase  Chigi.,  p,  203,  206.  —  François  Le- 
normant,  L.'Alpjliahet  grec  du  vase  Chigi,  p.  302-308,  —  (4.  F.  Gainunini, 
Les  inscriptions  éirusqites  du  vn,^e  Chigi.  —  Cf.  T,  Moinmsen,  ^l?/"a6«(()  (/ceco- 
italico  primitivo  del  vaso  Chigi,  dans  Jiallettino  delV Instituto,  1.S82,  p.  91  96. 

3  M.  S.  L.,  VII,  1892,  p.  129-13i. 


4  L  AM'IIAIIET    DE    MAKSILIANA 

et  du  syllabaire  du  vase  Galassi  trouvé  autrefois  à  Cervetri  et  édité 
par  Lepsius  '.  Je  voudrais  essayer  ici  de  préciser  le»  indicatious 
nouvelles  qui  se  dégagent  de  l'alplialiet  de  Marsiliaiia  et  surtout 
mettre  en  lumière  la  confirmation  qu'il  apporte  ;i  certaines  idées, 
depuis  longtemps  proposées,  mais  non  encore  universellement  admises, 
touchant  l'origine  de  l'écriture  on   Etrurie  et  à   Korae. 

I. 
La  tonibc  aux  ivoires  de  Marsiliaiia. 

Je  n'ai,  sur  ce  chapitre,  qu'à  suivre,  en  le  résumant,  l'excel- 
lent exposé  de  M.  Minto.  Sur  un  petit  poggio  dominant  la  vallée 
de  l'Albegna,  le  château  de  Marsiliana  occupe  l'emplacement  de 
quelque  ancienne  bourgade  étrusque.  L'Albegna  aboutit  à  la  mer 
à  cinq  ou  six  kilomètres  de  là,  un  peu  au  sud  du  Monte  Argentario. 
Non  loin  de  son  embouchure  se  trouvait  le  port  de  Telamon.  A 
quelque  distance  au  nord  du  fleuve,  vers  l'intérieur  des  terres,  se  ren- 
contre Vetulonia.  Au  sud,  les  cités  les  plus  proches  étaient  Cosa 
puis  Vulci.  Nous  nous  trouvons  donc  à  Marsiliana,  au  sud  de  l'ile 
d'Elbe,  au  centre  même  de  l'Etrurie  maritime. 

Autour  de  l'oppidum,  une  centaine  de  sépultures  ont  été  mises 
à  jour,  tantôt  disséminées  dans  la  campagne,  tantôt  groupées  en 
petits  cimetières.  Elles  s'espacent,  dans  le  temps,  sur  environ  deux 
siècles  et  demie,  depuis  la  fin  de  la  période  villanovienne  où  les 
inhumations  commencent  à  se  mêler  aux  incinérations,  jusqu'à  l'é- 
pbque  des  premières  toml)es  à  ciiambre,  de  la  fin  du  IX''  siècle  en- 
viron, jusque  vers  le  milieu  du  VI'  siècle.  Les  plus  nombreuses,  et 
de  beaucoup  les  plus  riches,  sont  les  tombes  à  fosse  sous  tumulus 
entourées  d'un  cercle  de  pierre  comme  les  circoJi  de  Vetulonia.  Elles 

'  D.  Anziani,  Le  l'u-ie  Galassi,  dans  Mel.  Cagmit,  1912,  p.  17-30.  — 
Cf.  R.  Lepsius,  Annali  deU'Istituto,  1836,  p.   186-203. 


ET   LES  ORIGINES   DE   L'ÉCRITURE   À    ROME  5 

datent  de  la  seconde  moitié  du  VIII"  siècles  et  du  début  du  VIP. 
C'est  d'une  tombe  de  ce  geui-e  que  provient  la  tablette  à  écrire  en 
ivoire  sur  l'un  des  bords  de  laquelle  est  gravé  l'alphabet. 

Le  cercle  fiu.r  ivoires  de  Marsiliana  '  contenait  trois  squelettes 
inhumés  sans  aucun  doute  en  moine  teni])».  Vers  l'un  des  angles  de 
la  tombe,  un  bloc  de  tuf  rectangulaire  avait  été  creusé  pour  re- 
cevoir un  grand  bassin  de  bronze  laminé  qui  contenait  de  nombreux 
objets  d'or,  d'argent  et  particulièrement  d'ivoire.  Contentons  nous 
de  signaler  quelques  uns  des  plus  caractéristiques:  deux  fibules  d'or, 
l'une  à  sanguisuga  et  à  ressort,  de  petites  dimensions,  ornée  de 
zig-zags  et  de  méandres  en  granulé,  l'autre,  plus  grande,  :\  arc 
serpentant  ;  toutes  deux  à  très  long  étrier  ".  La  grande  fibule  à  arc 
serpentant  est  du  même  type  que  la  fibule  célèbre  de  Préneste  por- 
tant la  signature  :  3Ia))ios  med  vlierhaked  Numasioi  '.  De  même 
taille  et  de  même  type  sont  deux  fibules  en  argent  *.  D'une  tombe 
voisine  ^  provient  une  magnifique  fibule  d'or  dont  l'arc  et  l'étrier 
portent  un  défilé  de  petits  canards  ".  Cette  ornementation  rappelle 
l'exemplaire  fameux  du  British  Muséum  provenant,  semble-t-il,  de 
Cervetri,  et  sur  lequel  se  détache  pareillement  une  suite  de  lions 
et  de  sphinx  '. 

Cette  orfèvrerie  décorée  k  la  fois  de  motifs  géométriques  et  de 
figures  stylisées  d'animaux  réels  ou  fantastiques  mais  appartenant 
tous  au  monde  oriental  fait  partie  intégrante  du  mobilier  des  tombes 
à  cercle  de  Vetulonia  et  des  grandes  fosses  de  Vulci    et   de  Pré- 

'  Tombe  LXVII  —  Minto,  p.  119  sqq. 

»  Minto,  pi.  XII,  fig.  4,  7. 

'■'  Mm.  Mifteil.,  II,  1887,  p.  37-39. 

<  Minto,  pi.  XII,  fig.  11. 

■^  Tombe  XLI.  circolo  délia  Filmla. 

«  Minto,  pi.  XI,  fig.  1. 

'  Minto.  p.  197  et  note  1.  t'f.  .Marshall,  Catalogue  of  JeweUery,  n°  1376; 
.Milani,  Bendiconti  Lincei.  XXI,  \%V2,  p.  317,  fig.  1;  Pinza.  EUiologia  an- 
tica  toscano-laziale,  p.  376  sqq.;  pi.  16,  y.  —  Pouf  la  fibule  de  la  tombe 
Regolinl-Galassi,  cf.  Pinza,  Bom.  Miiteil,  XXII,  1907,  p.  58,  59  et  note  1. 


(l  I.  AM'IIAMET    I>K   MAKSII.IANA 

iicstp  '.  Il  s'en  ('Ht  retrouvé  plusieurs  exemplaires  dans  la  dianilMc 
iiiférieiirc  du  tiiirnilus  Regoliiii-fialassi  à  Cervetri  "'.  l'AU-  apparaît  lar- 
gement répandue  dans  Dtalie  centrale  depuis  la  lin  du  VIIl'  siéelc 
jus(|u';ï  la  (in  du  VITsièele;  elle  y  suscita  de  momlireuses  imi- 
tations en  liron/e.  M.  K.iro  (|ni  l'a  étudiée  spécialement  à  Vetulonia 
la  émit  de  fabrication  locale  '.  On  ne  saurait  méconnaître  cepen- 
dant (|ue  les  modèles,  au  moins,  de  ces  bijoux  et  surtout,  de  leur 
décoration  géométrique  et  figurée,  ne  iirovieunent  de  l'Orient  pro- 
tolielléui(|ue.  C'est  de  là  que,  dans  le  courant  du  VHP  siècle,  ils 
furent  introduits  en  Htrurie  pour  être  ensuite  rei)roduits  dans  phi- 
sieurs  des  grands  centres    de    la    première    civilisation   italienne  *. 

La  tombe  aux  ivoires  de  Marsiliana  fournit  d'ailleurs,  sur  le 
bord  d'une  roupe  d'aigent,  un  exemple  de  cette  décoration  figurée 
de  type  oriental  :  une  suite  de  deux  félins  en  arrêt  derrière  deux 
oies  nageant.  Un(ï  telle  composition  rappelle  nettement  l'Egypte  '■". 

La  série  la  plus  caractéristique,  comme  l'indique  le  nom  donné 
à  la  tombe  qui  nous  occupe,  est  celle  des  ivoires.  Laissant  de  côté 
les  menus  objets  et  fragments  peu  reconnaissables.  pour  lesquels 
nous  nous  contentons  de  renvoyer  à  la  publication  de  M.  Minto  ", 
nous  mentionnerons  seulement  ceux  dont  la  décoration  figurée  donne 
pour  ainsi  dire  la  note  de  la  civilisation  au  milieu  de  laquelle 
apparaît   l'alphabet.   Ce   sont  : 

—  une  petite  tète  humaine,  d'environ  deux  eeutinu''tres,  aux 
arcades  sourcilières  proéminentes  et  fortement  arquées,  aux  larges 


'  Montcliiis,  Jm  cirilisaiion  primUive  en  Jinlie,  11,  Italie  centrale, 
pi.  191, 1,  pi.  193  (Vetulonia)  ~  pi.  261,  pi.  2(;2,  1,  2,  :i  ,Vulci)  — pi.  869,  5: 
bronze  et  ivoire  ;  pi.  370  (Palestrina  i  —  pi.  378  (provenance  indéterminée). 

'  Pinza,  Rom.  J\[itteiî.,XXU,  1907, p.  57  sqq.  Montelius,  ihid..  pi.  340,  5. 
Autre  exemplaire  de  Cervetri.  Montelius,  iliid..  pi.  332,   10. 

'  Z«  orificerie  ili  Vetulonia,  dans  Milani,  fltiuli  e  MateridU,  I. p.  249, 2.50 . 

*  Cf.  A.  Grenier,  Bologne  riUanoviemie  et  étrusque,  <  1912î,  p.  299,  300. 

5  Minto,  fig.  12.  p.  213:  cf.  p.  121. 

^  P.  122-127. 


l;r    l,KS   UKKil.N'K.S   DE   L  ECRITURE   A    ROME  ( 

oreilles  et   portant    une    petite    barbe   en    pointe  (Minto,    pi.   XXI. 
fig.    13)'. 

—  deux  liras  liiimaiiis  fonstitués  dune  série  de  (lis<iiics  d'ivoire 
montés  sur  un  lil  de  bronze  ;  les  mains  sont  soigneusement  scul- 
ptées ;  ees  liras  semblent  avoir  ajipartenu  à  quelque  poupée  (Minto, 
(ig.  16,  p.  253  et  pi.  XIX,   1  r/,   1  h). 

—  deux  exemplaires,  dont  l'un  seulement  est  complet,  d'un 
disque  d"ivoire  percé  d'un  trou  central  :  sur  l'niu'  des  faces  sont 
sculptés  en  fort  relief  deux  cliiens  couchés  en  rond,  museau  contre 
museau  (Minto,  pi.  XIX,  5). 

—  deux  manches  d'ivoire,  longs  de  0,14,  dont  l'extrémité  forme 
disque.  Comme  les  deux  chiens  sur  les  exemplaires  précédents,  deux 
iigures  humaines  recoquillées  épousent  la  courbure  du  disque  ;  entre 
elles  est  (iguré  un  lion  marchant  dans  les  flancs  duquel  chacun  df^sdeux 
personnages  couchés  semble  plonger  un  poignard  (Minto,  pi.  XIX,  2). 

—  deux  poignées  représentant  uii  lion  accroupi.  De  la  gueule 
largement  ouverte  sortent  les  jambes  et  le  ventre  d'un  homme  (Minto, 
pi.  XIX,  6,  7).  C'est  :\  notre  connaissance  la  première  représentation 
plastique  du  motif  bien  connu  du  fauve  androphage  ". 

—  une  pyxide  à  peu  près  cylindrique,  haute  de  0,28  et  de  0,10 
de  diamètre  (Minto,  pi.  XVIII,  fîg.  14,  p.  223).  Le  corps  en  est  orné 
de  deux  zones  de  reliefs  superposés  :  en  haut,  deux  bouquetins  lut- 
tent à  coups  de  cornes  ;  un  lion  s'apprête  à  dévorer  un  homme 
terrassé  qui  brandit  encore  son  poignard  ;  au  dessus  des  deux  scènes 
volent  des  oiseaux  de  proie.  Sur  la  zone  inférieure,  de  part  et  d'autre 
d'un  sphinx  et  d'un  bélier,  on  distingue  deux  fois  un  fauve  prêt 
à  dévorer  un  homme.  Le  couvercle  de  la  pyxide   a  pour    poignée 

'  Signalons,  pour  uiéuioirc,  des  fragments  d'une  lamelle  d'argent  ayant 
appartenu,  soit  à  un  masque  funéraire,  soit  plutôt  comme  le  donne  à 
penser  la  présence  de  deux  petits  clous  d'argent,  au  revêtement  d'une 
âme  de  bois  formant  l'armature  d'un  buste.  On  y  reconnaît  les  deux 
oreilles,  des  parties  de  la  chevelure  et  quelques  autres  détails  du  vi- 
sage. (Minto,  p.  121  et  211 1.  La  tombe  à  la  fibule  (tombe  XLI)  contenait 
un  buste  en  tôle  de  bronze  dont  la  tête  fait  malheureusement  défaut 
(Minto,  pi.  XLIII,  p.  211  et  277)  et  qui  rappelle  le  buste  en  bronze  la- 
miné de  la  tombe  d'Isis  à  Vulci.  (Cf.  Martha,  AH  Etrusque,  p.  498,  tig. 32.Ô  ; 
Montelius,  La  civilis.  prim..,  II,  pi.  266,  8). 

'  Cf.  A.  Grenier,  Bologne,  p.  385,  386,  notes  2  et  3. 


I,  ALPHAHBT    I)K    MAKSILIANA 

une  Heiir  de  lotus  autour  de  laquelle  sont  encore  dessinées  au  trait 
de»  scènes  de  lutte  entre  hommes  et  animaux:  un  personnage  cul- 
buté se  défend  avec  une  hache  sans  manche  contre  une  sorte  de 
liouquetin;  derrière  l'homme  apparaît  un  sphinx,  puis  une  série 
d'animaux  plus  ou  moins  reconuaissables  :  bélier,  poisson,  serpent, 
bouquetin.  Une  fleur  de  lotus  stylisée  semble  marquer,  derrière  le 
Iinu(niefin  qui   assaille  l'homme,  le  commencement  de  la  scène. 


Fis.  1- 


La  tablette  à  écrire  de  Marsiliana. 


—  un  magnifique  peigne  orné  de  figures  en  ronde  bosse  et  en 
relief  (Minto.  pi.  XVII  et  fig.  13,  p.  228,  229 1.  Sur  le  haut  de  cette 
pièce  d'apparat  se  détache  une  fleur,  au  pistil  de  laquelle  était 
fixée  une  clochette  d'argent  ;  de  part  et  d'autre,  deux  félins,  éga- 
lement en  ronde  bosse  marchent  en  sens  opposé  l'un  de  l'autre. 
Sur  le  corps  du  peigne,  au  dessus  des  dents,  se  voient,  d'un  côté 
deux  sphinx  affrontés  et,  de  l'antre,  deux  fauves  ailés  dont  l'un 
semble  en  train  d'avaler  un  serpent.  De  chaque  côté,  les  bords  du 
peigne  se  relèvent  en  un  long  col  terminé  par  une  tête  de  griffon  ; 
au  dessus  d'elles,  deux  protomes  semblables  étaient  reliées  par  des 
chainettes  d'argent  aux  félins  et  à  la  clochette  de  la  fleur  du  haut 
du  peigne. 


ET    I.BS   ORIGINES   DE    L  ECRITURE    A    ROME  9 

—  enfin  la  tablette  à  écrire  (Miiito,  pi.  XX,  voir  notre  fig.  1)  '. 
C'est  une  planchette  d'ivoire  quadrangulaire  d'environ  9'"^  sur  5. 
Une  bordure  large  d'un  demi  centimètre  entoure  la  partie  centrale 
creusée  pour  recevoir  la  couche  de  cire  sur  laquelle  on  écrivait. 
C'est  sur  un  des  longs  côtés  de  ce  cadre  qu'a  été  incisé,  à  l'aide 
d'une  pointe  métallique,  d'un  trait  fin  et  sûr,  l'alphabet.  La  tranche 
de  la  tablette  est  ornée,  de  trois  côtés,  d'une  tresse  en  relief;  sur 
le  quatrième  côté,  deux  têtes  de  lion  servent  de  poignée.  Cette  dé- 
coration est  de  même  style  que  celle  des  autres  ivoires.  Sur  le  fond 
de  la  tablette  s'aperçoivent  des  traces  produites  par  la  pointe  du 
style  parfois  trop  lourdement  appuyée.  Il  s'ensuit  que  la  tablette 
a  servi.  L'aphabet  gravé  sur  l'un  de  ses  bords  était  un  modèle 
destiné  A  guider  les  exercices  d'écriture  de  son  possesseur. 

Nous  n'avons  pas  à  instituer  ici  l'étude  de  ce  groupe  d'ivoires 
ni  l'analyse  de  leur  décoration.  On  trouvera  sur  l'un  et  l'autre  point 
toutes  les  indications  essentielles  dans  la  publication  de  M.  Minto  "'. 
Il  nous  importe  seulement  de  préciser  l'origine  de  ce  mobilier  dont 
fait  partie  la  tablette  à  écrire  et  sa  date. 

Les  motifs  figurés  sur  les  ivoires  de  Marsiliana  accusent  net- 
tement leur  origine  orientale.  Ces  objets  proviennent,  reconnaît 
M.  Minto,  de  quelque  colonie  ou  centre  insulaire  de  la  Grèce  Asia- 
tique ^.  Parmi  les  ivoires  trouvés  en  Etrurie,  il  convient  en  effet 
de  distinguer  deux  catégories.  Les  uns,  garnitures  de  meubles,  cof- 
frets, pyxides  ou  boites  de  miroirs  appartiennent  A,  l'art  ionien. 
Ils  datent  surtout  du  VI'  ou  du  V  siècle.  La  plupart  peuvent  avoir 


1  D'après  une  photographie  aimablement  oommuniquée  par  M.  Minto 
que  je  tiens  à  remercier  ici  de  sa  courtoisie.  On  remarquera  que  la  pi.  XX 
du  volume  de  M.  Minto  présente  les  caractères  de  gauche  à  droite,  tandis 
que  notre  figure  les  donne  de  droite  à  gauche.  C'est  notre  figure  qui 
est  juste;  le  renversement  de  l'image  sur  la  planche  de  M.  Minto  pro- 
vient d'une  inadvertance  du  photograveur  qui  a  employé  son  cliché  à 
l'envers. 

'  Minto,  p.  214  scjq. 

5  Minto,  p.  247. 


III  I,  ALPHABET    l>K    MAHSILIANA 

été.  sculptés  (MI  Ktriirii!  '.  I/antre  j^roupe  est  plus  .-incien.  Il  est 
earaetérisé  par  le  type  tout  (U-iental  des  figures  qui  le  décorent  et 
semlile  étranger  à  l'Ktriirie.  f^es  olijets  qui  le  composent  durent 
y  être  importés.  C'est  il  cr  gi-oui)e  qu'appartiennent  les  ivoires  de 
la   tiiMilic  de  Marsiliana. 

i'ar  les  figures  (jui  les  décorent,  ils  viennnent  se  ranger  à  coté 
de  ceux  de  la  tomlie  Barlierini  de  l'réneste  ",  et  de  la  toinlie  Re- 
golini-Galassi  de  Çervetri  ^.  Mais  par  leui-  style  ils  p.:iraissent  plus 
anciens  que  les  ivoires  de  Fréneste.  Excei)tioii  faite  du  groupe  en 
ronde  bosse  d'un  lion  portant  sur  son  dos  le  cadavre  d'un  lioninic, 
les  exemplaires  de  la  tombe  Harberini  sont  d'une  factun^  plus  cor- 
recte mais  plus  sèche  et  d'un  relief  plus  plat.  On  y  sent  déjà  la 
précision  du  style  ionien.  Les  ivoires  de  Marsiliana  se  ia|)i)rocl)e- 
raient  davantage  du  fragment  di'  i)yxide  provenant  de  la  tombe 
Kegolini-(!alassi  de  Caeré,  si  l'uu  en  peut  juger  par  les  médiocres 
reproductions  que  nous  possédons  de  cet  objet  '.  Ce  fragment  )iorte- 
rait  des  caractères  chypriotes  ".  Il  est  possible  qu'il  ait  été  fabriqué 
à  f'iiypre.  D'autre  ])art  les  nomlireux  ivoires  trouvés  à  l'Artemision 
d'Ephèse  paraissent  provenir  de  Rhodes  •"'.  Ces  deux  îles  qui,  du- 
rant les  premiers  siècles  du  dernier  millénaire  avant  notre  ère, 
ont  été  ;'i  la  fois  i>iiéniciennes  et  grecques  senil)lent  avoir  été  comme 
les   lieux   de   rendez-vous  où    la    (Iréce    posl-mycénieniie   s'est    fami- 

■  A.  (irenier,  Jiohiijne,  p.  361.  l'oUack,  ll^im.  Mitteil.,  ISUU,  p.  311  s(|(|. 

^  A.  Délia  Seta,  La  GoUezione  Burherini  di  AnticltHà  l'renestiue, 
dans  Biillet.  d'Aiic,  1909,  n"»  5,  6,  Mai,  Juin. 

■'  Ihid.,  Kg.  Il,  a,  h.  Cf.  Poiilsen,  Der  Orient  u.  die.  fiiihgriech.  Kunst, 
p.  58,  tig.  58. 

*  Pinza,  Rom.  MHteiL,  1907,  p.  123-125.  Muxeo  etrmco  Greyoriano^ 
I,  pi.  VIII.  Montelius,  II,  pi.  337,  12,  14.  Cf.  Poulsen,  lier  Orient..., 
fig.  143,  144,  p.  180. 

'"  Poulsen,  ibid..,  p.  129.  ,\I.  Albi/.zati  renianiue  ijue  ces  caractères 
prétendus  chypriotes  sont  cxtrèmenient  douteux  et  paraissent  se  réduire 
à  d(^  simples  traits  juxtaposés  an  liasaid,  Dissert.  Accad.  Pontif.,  1920, 
p.  13,  n.  1. 

"^  Poulsen,  ibid.,  \).  100  sqq. 


ET    LES   ORIGINES   DE    L  Et'KlTI'KE   A    ROME  II 

liarisée  avec  rabondant  répertoire  figuré  tle  l'Orient.  C'est  de  cette 
imagerie  orientale,  ou  syroliétéenne,  comme  dit  M.  Minto,  que  re- 
lève la  décoration  des  ivoires  de  Marsiliana.  On  n'y  distinuue  encore 
aucun  caractère  hellénique.  Est-ce  T'Iiyprc,  est-ce  Rhodes  ou  bien 
quchiuc  autre  centre  encore  iiulétcrmiiié  qui  a  produit  ces  n-u- 
vres  ?  Nous  ne  saurions  le  préciser.  Mais  on  ne  saurait  hésiter  à 
y  reconnaître  un  art  tout  pénétré  des  influences  de  l'Asie  antérieure. 
Une  figurine  d'ivoire  issue  d'une  autre  tombe  a  rirrolo  de  Mar- 
siliana '  apporte  au  sujet  de  l'origine  de  tout  ce  groupe  d'objets 
une  indication  décisive.  C'est  une  déesse  nue,  une  Fécoudité,  te- 
nant d'une  main  un  vase  qui  semble  recueillir  le  lait  qui  s'écoule 
de  la  mamelle  droite  et,  de  l'autre  main,  pressant  son  sein  gauche  '". 
Quelques  fragments  d'une  mince  lamelle  d'or  conservent  la  trace 
du  manteau  qui  devait  envelopper  la  déesse  eu  laissant  :\  nu  le 
devant  du  corps  et,  en  particulier,  la  poitrine.  «  C'est  Chypre,  dit 
»  M.  Minto,  qui  a  fourni  la  série  la  plus  riche  d'ex-voto  de  ce 
»  genre ...  La  statuette  de  Marsiliana  se  trouve  bien  loin  par  sa 
»  technique  et  son  style  de  la  perfection  des  figurines  d'Ephèse  qui 
»  relèvent  déjà  de  l'art  grec  »  ^.  Elle  nous  transporte  en  plein 
Orient. 

Nous  croyons  donc  pouvoir  réunir  en  un  seul  groupe,  à  Marsi- 
liana, les  ivoires  et  les  huit  scarabées  d'émail  qui  paraissent,  non 
des  imitations,  mais  bien  des  exemplaires  autlientiquenient  égyj)- 
tiens  ■".  Nous  en  attribuerons  l'importation  en  Etrurie  au  grand 
courant  de  commerce  préhellénique  qui  a  répandu  jusqu'en  Espague 
des  ivoires  non  sans  analogie  avec  ceux  de  Marsiliana  ^  et  qui  a 
multiplié,    eu    Italie,    les    scarabées,  les   coupes   d'argent    ciselé   et 

'  Circolo  deîla  Fibiila,  tombe  XLI,  Minto,  p.  SI. 
'  Minto,  pi.  XVI.  p.  si;  et  ■21fi-218. 
3  Ibkl. 

*  Ihid.,  p.  247,  24.S. 

*  Poulsen,  Der  Orient  u.  die  fmhgriech.  Kiinst,  p.  51  sqq. 


12  I.AI.I'IIAHIOT    I)K    MAKSILIANA 

lepoiisé  et  divers  autres  iihjets  de  caractère  nettement  oriental. 
Ce  commerce,  a-t-on  '  remarqué,  décline  puis  ceBse  à  peu  près  com- 
plètement an  cours  du  VIT  siècle,  tandis  que  s'aflirme  sur  les 
côtes  italieuiies  la  prépondérance  des  Grecs  '.  t^u'il  soit  purement 
pliéiiicieii  ou  que  les  Etrusques  eux  mêmes  y  aient  participé  en 
allant,  dès  ce  moment,  chercher  dans  les  ports  étrangers  les  objets 
que  nous  trouvons  dans  leurs  tombes,  il  i)arait  incontestalde  que 
rOrient  a  précédé  l'hellénisme  sur  les  rives  tyrrhéniennes.  C'est 
à   ce  Hot  oricTital  qu'il   faut  attribuer  les  ivoires  de   Marsiliana. 

Le  caractère  particulièrement  oriental  de  ces  ivoires  les  ran{?e 
parmi  les  ])lu8  aTiciens  de  ceux  qui  ont  été  trouvés  en  Italie.  Leur 
style,  remarque  M.  Minfo,  est  pins  archaïque  que  celui  des  objets 
similaires  provenant  de  Caeré  et  de  Préneste  •'.  La  tonilie  Rcgolini- 
(ialassi,  en  effet,  était  une  tombe  à  chambre  primitive  sous  tumulus. 
Les  tombes  lîernardini  et  Harberini  de  Préneste  étaient  des  fosses 
entourées  d'une  construction  eu  pierres.  L'un  vt  i';iutre  type  d'ar- 
chitecture fiiiiéruire  se  classent  jiprès  les  tnmiili  à  rircolo  tels  que 
la  tonilie  aux  ivoires  de  Marsiliana.  Les  sépultures  de  Caeré  et  de 
Préneste  étaient  abondamment  fournies  de  vaisselle  italo  f,'éométrique, 
qui  apparaît  bien  à  Marsiliana  dans  les  premières  tombes  à  chambre 
mais  fait  :\  peu  jirès  complètement  défaut  dans  les  circoli.  Si  l'on 
accepte  comme  date  des  premières  le  milieu  du  Vil"  siècle,  il  nous 
faut  donc  remonter  ])our  les  circoli,  k  la  fin  du  VIIP  et  au  début 
du  Vir  siècle.  Les  scarabées  de  Marsiliana  fournissent  précisément 
les  dates  approximatives  de  750  à  650.  M.  Minto  adopte,  pour  le 
Cercle  aux  ivoires  le  terme  fin  du  VIIT  ou  début  du  VIF  siècle. 
IVaccord  avec  lui,  nous  pouvons,  sans  grande  erreur,  fixer  aux  en- 
virons de  l'an  700  la  sépulture  qui  nous  fournit  la  tablette  à  écrire 
et  son  alphabet. 

'  V.   Knlirstedt.    Phiinikischer   llatuM   an    der   italischeii     M'estkiiste, 
dans  Klio,  XII,   VJV2.  p.  4til  47:!. 
'  Minto,  p.  246. 


ET    LES   ORIGINES   DE    L  ECRITURE    A    ROME  là 

II. 

La  tattlette  à  écrire  et  Talplialtet  »le  3Iarsiliaiia. 

La  tablette  à  écrire  fait  partie  intéjcrante  du  groupe  d'ivoires 
décrit  ci-dessus.  Elle  apparaît  donc  comme  de  fabrication  orientale. 
L'usage  d'écritoires  de  ce  genre  se  trouve  en  effet  confirmé,  pour  les 
régions  que  baigne  la  Méditerranée  orientale,  dès  une  époque  très 
ancienne  '.  L'alphabet  au  contraire  est  purement  grec.  C'est  l'alphabet 
complet  de  26  lettres.  Il  conserve,  comme  nous  le  verrons  plus  loin, 
plusieurs  caractères  d'origine  phénicienne  que  l'usage  hellénique, 
tel  qu'il  nous  est  connu  par  les  inscriptions,  n'a  pas  tardé  à  éli- 
miner. Mais  il  est  complètement  formé  ;  il  présente  même  déjà  les 
trois  caractères  supplémentaires  inventés  ou  du  moins  adoptés  par 
les  Grecs.  Il  ne  comporte  donc  aucune  relation  particulière  avec 
les  moyens  d'écriture  primitivement  en  usage  à  l'est  de  la  Médi- 
terranée, et  dont  certain,  comme  celui  de  Chypre,  fut  conservé  Jusqu'à 
une  époque  assez  basse.  Il  ne  nous  apprend  rien  sur  l'origine  et 
la  formation  des  signes  graphiques  adoptés  par  le  monde  hellénique. 
C'est   un  ali)liabet  grec  parfait  qu'il   nous  faut  prendre  comme  tel. 

Comment,  se  demandera-ton  tout  d'abord,  en  est-il  venu  à  se 
trouver  incisé  sur  une  tablette  de  provenance  orientale  ?  Il  est  fort 
peu  vraisemblable  qu'il  ait  été  gravé  au  lieu  même  ofi  fut  fabriqué 
la  tablette:  un  ciseleur  sur  ivoire  n'est  pas,  en  même  temps,  maître 
d'écriture.  Comment  d'ailleurs  aurait-il  connu  avec  la  précision  que 

'  Cf.  Dareraberg.  Saglio,  Pottier,  Diction,  des  Antiquités,  s.  v,  Tii- 
hella.  M.  Minto  croit  trouver  des  tablettes  à  écrire  dès  les  plus  anciennes 
dynasties  égyptiennes.  Il  renvoie  à  Flinders  Pétrie,  The  Tioijal  Tomba  of 
the  cnrliest  Dynasties,  II,  pi.  35,  fig.  4;  pi.  38,  tig.  50  et  51.  Il  s'agit, 
comme  Flinders  Pétrie  l'indique  avec  toute  apparence  de  raison,  soit  d'un 
fragment  d'une  boite  d'ivoire,  soit  de  petites  palettes  à  fard.  Les  exem- 
plaires <le  la  pi.  3S  80ut  lieaucoup  trop  petits  (5  à  ti  cin.iiiour  avoir  servi 
d'écritoires. 


14  I.AI.I'llAliKT    I>K    MARSILIANA 

nous  constaterons  plus  loin,  les  particularités  alplialictiqufs  do- 
minant dans  la  région  étrusque  à  laquelle  devait  al»outir  la  tal)lette? 
Celle-ci  dut  certainement  être  livrée  vierge.  L'alphabet  y  fut  gravé 
après  coup. 

Je  me  trouve,  Jusqu'ici,  en  parfait  accord  avec  M.  Minto.  Mais 
Je  ne  crois  pas  pouvoir  le  suivre  plus  loin.  Partant  de  l'idée  que 
l'alpliabet  est  clialcidien,  il  y  reconnaît,  sur  la  tablette,  comme 
une  mar(nic  d'importation  '.  Les  Cbalcidiens  auraient  donc  servi 
d'intermédiaires  entre  les  ateliers  orientaux  où  furent  faliriqués  les 
ivoires  et  l'Etrurie.  Cette  hypothèse,  si  elle  se  vérifiait,  aurait  le  . 
vif  intérêt  de  résoudre  en  faveur  de  l'un  des  peuples  grecs  le  plus 
précocement  industrieux  et  actif  sur  mer,  le  problème  si  discuté 
de  la  diffusion  en  Occident  de  la  civilisation  non  seulement  iouienue 
et  protoliellénique  mais  même  orientale.  Mais  si  l'alphabet  de  Mar- 
siliana  présente  avec  celui  qui  fut  en  usage  à  Chalcis  et  à  Cumes 
une  certaine  ressemblance,  il  apparaît  surtout  identique  aux  autres 
alphabets  connus  en  Ktrurie.  Il  est  étrusque  en  même  temps  que 
grec.  Quelle  raison  auraient  eu  les  marins  ou  le  négociant  qui  trans- 
porta la  tablette  ù  écrire  du  lieu  d'origine  à  Marsiliana  d'y  ins- 
crire un  alphabet?  N'estil  pas  plus  simple  et  plus  conforme  à  la 
vraisemblance  d'admettre  que  l'alphabet  fut  gravé  dans  le  pays  même 
oi'i  la  tablette  fut  en  usage,  c'est-à-dire  en  Etrurie?  Si  l'on  veut 
tout  expliquer,  on  imaginera,  puisqu'il  côté  de  la  tablette  nous  trou- 
vons les  restes  d'une  poupée,  que  l'un  des  trois  corps  inhumés  dans 
la  tombe  aux  ivoires,  pouvait  être  celui  de  quelque  enfant  apprenant 
à  écrire  et  pour  lequel  son  maître  aurait  pris  soin  d'inciser  un 
beau  modèle  sur  le   bord  de  la  tablette  servant  à  ses  exercices. 

Que  l'on  n'aille  pas  d'ailleurs  attril)uer  à  ce  jeu  d'imagination 
plus  d'importance  qu'il  n'en  a  dans  notre  esprit.  Le  véritable  pro- 
blème est  de  déterminer  si   l'alpliabet  de  Marsiliana  est  véritable- 

'  Minto,  p.  247. 


ET   LES   ORIOINES   DE    l'É('R1TIRE   À    ROME  15 

ment  fh.ilciilieii.   I/hypotlièse  tlo  JI.  Minto  le  suppose  résolu.  Je  ne 
partage  pas  sa   foi. 

Le  dogme  de  rorigine  chaleidienne  de  l'écriture  étrusque  a  eu, 
en  effet,  et  conserve  encore  ses  hérétiques.  Eu  1882,  à  propos  de 
l'alphabet  du  vase  Cliigi  de  Formello  près  de  Veies,  Fr.  Lenormant 
s'élevait  vivement  contre  l'attriljution  à  Clialcis  de  cet  alphabet  et 
de  l'alphabet  analogue  du  vase  Galassi  de  Caeré  '.  11  en  cherchait 
le  modèle  à  Tarente.  D'antre  part,  Milani  objectait  que  la  connais- 
sance de  l'écriture  était  beaucoup  plus  ancienne  en  Etrurie  que  la 
fondation  de  Cumcs  qui,  suivant  la  doctrine  courante,  aurait  sei'vi 
d'intermédiaire  entre  Chalcis  et  les  Etrusques  '-.  Plus  récemment. 
Anziani,  reprenant  l'idée  de  Lepsius,  croyait  pouvoir  reconnaître 
sur  le  vase  Galassi  un  alphabet  pelasgiqne  ^.  Laissant  de  coté  le 
nom  mythique  des  Pelasges,  M.  Hammarstriim  ccmclut  une  étude  ex- 
trêmement sérieuse  de  l'alphabet  étrusque  et  latin  en  rapprochant 
l'écriture  étrusque  de  celle  des  inscriptions  de  Béotie  et  en  sug- 
gérant qu'elle  aurait  été  introduite  eu  Italie  par  les  Tyrrhènes 
chassés  de  Béotie  et  d'Attique  et  finalement  établis  ;V  Lemnos  *. 
Sans  doute  l'alphabet  tarentin  de  Leuormant  n'estil  qu'un  docu- 
ment de  basse  époque  et  fort  incertain;  sans  doute  la  chronologie 
de  Milani  exagère-t-elle  l'antiquité  des  premières  incriptions  étrus- 
ques et  les  conclusions  d' Anziani  dépassent-elles  de  lieaucoup  le 
document  étudié;  sans  doute  encore,  toutes  les  raisons  de  M.  Ham- 
niarstriim  n'emportent  elles  pas  la  conviction  et  l'intervention  sup- 
posée des  Tyrrhènes  de  Lemnos  est-elle  sujette  à  de  fortes  objec- 
tions. Il  u'en  résulte  pas  moins  de  toutes  ces  oppositions,  émanant 
de  savants  fort  au  courant  des   choses  étrusques,  que    la   doctrine 

'  Malnnges  d'Arch.  et  d'Hist.,   II,  1882,  p.  302-308. 

^  Mascn  topografico  dell'Etruria,  1898,  p.  33,  36. 

3  Mélaniies  Caijnat  (i;)I2),  p.  28,  29. 

*  Bdtriiijc  ztir  Geschichte  des  etniskisclwii,  liitcinisclu')!  niid  firicchi- 
sclicii  Alphabet!!,  dans  Acta  Societatis  Scicntiaruin  Fennic(u\  t.  XI.IX.  n.  :?, 
Helsingfors,  1920,  in  4",  58  p. 


16  L'aI.I'IIAHKT   dk   maksiliana 

courante  est  loin  d'être  aBsurée  par  des  raisons  décisives.  Laissant 
de  côté  tonte  l'exégèse  ancienne,  essayons,  à  l'aide  du  document 
nouveau  que  constitue  l'alphabet  de  Marsiliana  de  voir  comment 
se   présentent  les  faits. 

La  tache  serait  facile  si  nous  disposions  pour  Chalcis  ou  pour 
Cumes  d'un  alijljalict  comparable  à  celui  que  Marsiliana  nous  fournit 
pour  l'Etrurie.  11  n'en  est  rien.  Nous  présenterons  donc  ici  comme 
type  de  l'écriture  chalcidienne  l'alphabet  qui  résulte  des  plus  an- 
ciennes inscriptions  de  Cumes  telles  qu'elles  viennent  d'être  pu- 
bliées à  nouveau  par  M.  Gabriel  dans  l'important  travail  consacré 
aux  anti(|uité8  de  la  grande  colonie  de  T'halcis  '. 

Ce  sont  : 

N"  1.  Les  commencements  de  deux  alphabets,  jusqu'à  la  lettre  h 
incluse,  superposés  comme  s'il  s'agissait  d'établir  une  concordance 
entre  eux.  Le  premier,  en  raison  de  la  forme  caractéristiqne  du  h 
semble  corinthien.  Nous  le  laisserons  de  côté;  et  n'utiliserons  que 
le  second  qui  parait  bieu  chalcidien.  Ces  alphabets  sont  incisés  sur 
un  petit  lécythe  italo-géométrique  d'un  type  courant  à  Cumes  et, 
fort  probablement,  de  fabrication  locale.  Ce  vase  se  place  au  plus 
tard  dans  le  dernier  quart  du  VIII'  siècle,  dit  M.  Gabriel  '.  L'al- 
phabet est  donc  à  peu  de  choses  près  contemporain  de  celui  de 
Marsiliana.  (Gabriel,  col.  230). 

N°  2.  Inscription:  hisamenetinnuna  incisée  sur  la  base  d'un 
lécythe  du  même  genre  que  le  précédent,  provenant  de  la  tombe 
n°  17.  (Gabriel,  col.   231.  Cf.  Not.  Scavi,   1908,  p.  113  sqq.). 

N°  3.  Inscription:  TaTatY);  ti^A  XyioûOo;"  d;  rt'xv  us  7.\^<szi 
h'jdil'ji  serai  gravée  sur  un  lécythe  de  type  protocorinthien  pro- 
venant des  fouilles  de  Lord  Vernon  à  Cumes  en  1845.  Le  vase  se 
trouve  au  Musée  Britannique  (Gabriel,  col.  307,  pi.  LI,  fig.  1. 
Cf.   Roelil,   Iiisciijitiimes  gr.   antiquissimae,  n°   -524). 

I  B.  Gahrici,  Ciiiiia,  Mon.  Lincei,  XXII,  191.3. 

^  L'ensemble  do  la  chronologie  do  M.  Gabriel  nie  seniblr  un  pou 
exagoroc  dans  le  .sous  do  lantiiiiiito:  jo  dirais  plutôt  ici;  preuiiôre  moitié 
du  ¥11*=  siècle. 


ET    LES    ORIGINES    DE    L'ÉCKITURE   A    ROME  17 

X"'  4  et  5.  Deux  inscriptions  lapidaires  provenant  de  tombes 
à  chambre  archaïques.  Sriij.oyoc^ihot  azw.'.-o  (Gabrici,  col.  ")72, 
fig.  212;  cf.  Roehl,  n»  528)  et  ù-'j  rz:  /.li-n:  zvjzz:  Asvo;  bT.'j . 
(Gabrici,  fig.  213,  col.  573).  Ces  inscriptions  peuvent  encore  dater 
du  VU*  siècle. 

Les  deux  alphabets  n^'  1  sont  gravés  de  gauche  à  droite  ;  les 
n°^  2  et  3  de  droite  à  gauche  ;  l'inscription  de  Democharis  est 
boustrophédon  ;  la  dernière  va  de  gauche  à  droite.  Nous  nous  en 
tenons  à  la  forme  générale  des  lettres  en  négligeant  les  particu- 
larités du  tracé  qui  nous  semblent  d'importance  tout  à  fait  se- 
condaire. 

De  ces  diverses  inscriptions  cnmanes  approximativement  con- 
temporaines résulte  le  tableau  que  l'on  trouvera  p.  18. 

Les  l'essemblances  sont  incontestablement  nombreuses  entre  l'al- 
phabet de  Marsiliana  et  la  plus  ancienne  paléographie  de  Cumes. 
Mais  elles  sont  peu  caractéristiques.  Que  l'on  consulte  en  effet  les 
tableaux  de  Kirchhoff  '  ou  de  Larfeld  ",  on  s'apercevra  que  la  plu- 
part des  caractères  identiques  à  Marsiliana  et  ;\  Cumes  sont  com- 
muns à  la  majorité  des  alphabets  grecs,  en  particulier  à  tous  ceux 
du  groupe  occidental.  C'est  ainsi  que  M.  Haramarstrom  peut  aisé- 
ment rapprocher  l'alphabet  étrusque  de  l'alphabet  béotien  '. 

Les  remarques  que  l'on  peut  faire  indiquent  tout  d'abord  une 
cei'taine  indépendance  de  l'alphabet  étrusque  par  rapport  à  celui 
de  Cumes. 

La  troisième  lettre.  F  est  identique  à  Cumes  et  à  Marsiliana. 
Mais  dans  tous  les  autres  alphabets  d'Etrurie  apparaît  la  forme  C 
dont  l'emploi  est  appelé  à  se  généraliser  en  Etnirie  et  à  Rome. 
Cette  forme  domine  également   sur  les  amphores  ehalcidiennes  du 

'  Studien  iur  Gexchichte  (?es  ijrirch.  Alphiihrts*  (18><7).  Siii-  l'aljjhabet 
chaleidicn  et  ses  dérivés,  p.   117  si|(|. 

-  Griechische  Epigraphik^  (1914)  dans  hvan  v.  Millier,  Maiidbiich,  I,  5. 

'  Beitràge  z.  Gesch.  des  Klrusk.  Lat.  u.  Griech.  Alpltahets,  dans  Acta 
Soc.  Scient.  Feniiicac,  (Hclsinj-fors,   1920],  p.  47  sqq. 

Mélanges  dArch.  rt  dllist.  l!tk!i.  2 


18 


I,  AI.PIlAHirr    IlK    MAKSIMANA 


MARSILIANA 

en  M  ES 

1 

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3 

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f 

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A 

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5 

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T 

T 

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V 

V 

V 

y 

4> 

i> 

t 

4- 

Alpliabcts  :ircli,aïi|iics  de  ('unies. 


VT'  ai(''{li^  tniiivri's  en   Ktnirie.  Le  passago  de  riiii  à   l'autic   ty]ii' 
.s'('xpli(|iii'  aisrmiiit  :  il  s'est  opéré  sporadiiiiiemciit  et  spontanément, 


ET    LES    ORIGINES    DE    L'ÉCRITURE    À    ROME  10 

semble-t-il,  dans  plusieurs  alphabets  du  Péloponnèse  et  de  la  Grèce 
occidentale.  Nous  apercevons  la  transformation  de  ce  caractère  en 
Etrurie,  entre  l'alpliabet  de  Marsiliana  et  ceux  de  Vêles  et  de 
Caeré,  c'est-à  dire  durant  la  première  moitié  du  VU'  siècle.  Il  n'est 
pas  certain  que  l'évolution  en  ait  été  aussi  précoce  à  Chalcis  et 
à  Cumes  '.  Ce  caractère,  se  serait  donc  modifié  en  Etrurie,  indé- 
pendamment de  l'écriture  chalcidienne. 

La  forme  du  delta  confirme  cette  impression.  Il  tend  à  Mar- 
siliana vers  la  forme  circulaire  ;  il  est  plutôt  triangulaire  à  Cumes 
Ici  encore,  la  forme  qui  fut  adoptée  par  les  écritures  italiennes 
paraît  plus  ancienne  en  Etrurie  que  dans  la  paléographie  de  Chalcis. 
De  même  le  II  apparaît  dans  l'une  des  inscriptions  les  moins  an- 
ciennes de  Curaes  sous  les  deux  formes  nettement  angulaires  II 
et  I'.  La  première  est  sans  exemple  en  Etrurie.  La  seconde,  qui 
se  voit  déjà  abâtardie  à  Marsiliana,  est  remplacée,  dès  les  alpha- 
bets de  Veies  et  de  Caeré  par  uu  P  qui  ne  diffère  du  p  qu'en  ce 
que  la  bouche  n'est  pas  entièrement  fermée.  Cette  forme  qui  ne  se 
rencontre  pas  à  Cumes  n'est  cependant  pas  inconnue  à  Chalcis  mais 
elle  est  aussi  fréquente  en  Béotie.  Ici  encore,  on  ne  saurait  affirmer 
l'influence  de  la  paléographie  de  Cumes  sur  l'écriture  étrusque. 

Le  digamma  présente  nettement  sur  le  fragment  d'alphabet  de 
Cumes  la  même  forme  F  qu'à  Marsiliana.  Mais  à  Chalcis  il  a 
constamment  la  forme  M.  Les  deux  types  coexistent  en  Béotie.  La 
plupart  des  alphabets  occidentaux  ont  F.  Chalcis  semble  donc  avoir 
abandonné  la  forme   pi'imitive  qu'a  consi'rvée  l'Rtrurie. 

La  lettre  H  présente  à  Marsiliana  la  particularité  de  deux 
traits  intérieurs,  tandis  que  sur  le  fragment  d'alphabet  de  Cumes 
elle    en    est  complètement  dépourvue.   Ce  ne    sont    là,  de    part    et 

'  En  Eubce  la  foriiic  I  lestc  iloiiiinantr:  voir  U's  iiisfi'i]ilioiis  !<m' 
lamelles  de  plomb:  lîoi'lil,  Iiiscr.  (jr.  aiiliti..  p.  .S9,  ii"  liO-lil.  A  Chalcis 
même  nous  trouvons  la  forme  C:  IJoehl,  n"  .ÎTI,  ligne  (5.  Mais  le  n"  375 
présente  r.  Cf.  Kiichhoft"^,  p.  Ils,  ligne  1. 


20  1,'ALl'IIAHFrr    IlK    MARSILIANA 

d'autre,  (|uc  île  moniies  anomalies.  La  forme  courante  à  un  trait 
est  commune  aux  alphabets  étrusques  de  Voies  et  de  C'aeré  et  à 
deux  autres  inscriptions  de  Cumes.  L'inscription  n"  5  de  Cumes 
présente  la  forme  H  qui  prédomine,  aux  VI'  et  V'  siècles,  dans 
la  plupart  des  alphabets  occidentaux,  et  se  généralise  aussi,  vers 
la  même  époque,  en  Etnirie.  Nous  avons  là  Texemple  d'une  évo- 
lution parallèle  en  pays  grec  et  étrusque. 

Nous  trouvons  à  Marsiliana  le  sigma  à  trois  traits  des  alpha- 
bets de  Cumes  et  de  Chalcis,  remplacé  à  Veies  et  à  Caeré  par  le 
sigma  à  quatre  traits.  Sur  ce  point,  l'alphabet  étrusque  le  plus 
ancien  présente  avec  celui  de  Cumes  une  concordance  (|ui  ne  se 
remarque  plus  entre  les  alphabets  moins  anciens. 

Dans  les  plus  anciennes  inscriptions  de  Cumes,  que  nous  avons 
prises  en  considération,  la  lettre  /  fait  défaut.  C'est  là  un  simple 
hasard.  L'écriture  chalcidicnne  présente  de  façon  constante  le  -t- 
avec  la  même  valeur  ;  qu'en  Etrurie  '.  La  forme  de  la  lettre,  à 
Marsiliana  est  \  plutôt  que  + .  Mais  sur  les  autres  alphabets 
étrusques  elle  est  +  plutôt  que  X.  Ces  incertitudes  daus  le  tracé 
paraissent  dépourvues  de  signification. 

Quelle  conclusion  tirer  de  ces  menues  particularités?  Au  mi- 
lieu d"un  ensemble  de  signes  alphabétiques  communs  à  tout  le  groupe 
occidental,  les  lettres  gamma,  digamma,  pi  et  sigma  pi'ésentent,  au 
cours  du  Vir  siècle,  une  évolution  différente  à  Cumes  et  en  Etrurie. 
La  lettre  11  montre  une  simplification  identique  dans  les  deux  ré- 
gions, mais    cela   seulement   au  VI'  siècle.  Cette    indépendance   de 


'  La  plupart  des  exemples  proviennent  des  amphores  dites  chalci- 
dienncs  du  VI'  siècle  dont  Torigine  est  d'ailleurs  discutée.  (Dngas,  art. 
Va.s-rt,  p.  6.'Î7  dans  Dkt.  des  Aiitiii.:  Ducati,  Sforia  délia  C'enim.  grera, 
p.  I!t7).  —  Cf.  Kietsclimer,  Griech.  Viise)ii)ischnfte)),  p.  6;f-65:  KirchhoflF*. 
p.  121  sqq.  —  On  trouve  la  même  forme  sur  un  casque  de  bronze  prove- 
nant de  Locres,  ou  peut-être  de  l'aestum,  Roehl,  n"  iJ38.  —  Sur  une  inscrip- 
•  tion  de  Regium,  n°5:^2.  —  En  Eubée,  sur  les  lamelles  de  plomb  de  Styra, 
ibid.,  p.  89,  n"67;  p.  91,  n"  115,  p.  95  n°  289  sqq. 


ET   LES    ORIGINES    DE   I/ÉCUITIRE    À    ROME  21 

l'Etrurie  à  l'égard  de  dîmes  est  surprenante,  s'il  est  vrai  qu'au 
début  du  Vir  siècle  ou  à  la  fin  du  siècle  précédent,  l'Etrurie  ait 
emprunté  à  Cumes  son  écriture.  L'alphabet  étrusque  de  Marsiliana 
parait  plus  archaïque  que  les  plus  anciens  de  ceux  que  nous  ren 
controns  à  Cumes.  De  tels  indices  ne  sauraient  cependant  suffire  à 
infirmer  la  doctrine  courante  toucliant  l'origine  cumane  de  l'alphaliet 
étrusque. 

Le  fait  significatif,  nous  seml)le-t  il,  se  trouve  ailleurs.  La  dif- 
férence capitale  entre  l'alphabet  étrusque  et  celui  de  Chalcis-Curaes 
consiste  dans  le  nombre  des  sifflantes.  Les  Etrusques  ont  conservé 
les  trois  caractères  dont  l'alphabet  phénicien  fournissait  le  modèle: 
samedi  ffl,  sadé  M  et  sein  devenu  sigma  ii.  Chalcis  et  (Junies  au 
contraire,  n'ont  jamais  connu  que  le  sigma. 

Cette  divergence  constituait  l'argument  principal  de  Lenormant 
contre  l'origine  chalcidienne  de  l'alphaljet  étrusque.  C'est  parce 
qu'il  croyait  retrouver  un  samedi  sur  un  alphabet  provenant  de 
Vaste  en  terre  d'Otrante  qu'il  préconisait  l'origine  tarentine  de  l'écri- 
ture étrusque  '.  On  ne  peut  songer  à  maintenir  toute  son  argumen- 
tation. L'alphabet  de  Vaste,  gravé  sur  une  lame  de  bronze  qui  a 
disparu,  très  mal  copié  en  1805,  puisqu'il  fut  présenté  comme  une 
inscription  ayant  un  sens,  lui  prête  une  base  trop  chancelante.  Cet 
alphabet  présentait,  entre  le  p  et  le  c^,  un  caractère  | — |  que  Lenor- 
mant corrige  eu  1-|-|,  mais  dont  Roehl  se  demande  s'il  ne  représente 
pas  simplement,  après  p  simple,  un  p  suivi  de  Ji  et  dans  lequel 
d'autres  croient  reconnaître  un  sigma  à  trois  branches  disposé  ho- 
rizontalement '.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  place  occupée  par  ce  signe 
dans  l'alphabet  interdit  d'y  voir  un  samedi  ;  cette  lettre,  en  efî'et, 
se  rencontre  invariablement  entre  iN  et  O.  L'alphabet  de  Vaste  est 
un  alphabet  messapien  d'assez  basse  époque  sans  relation  particu- 
lière avec  l'alphabet  étrusque. 

'  .Wlaniies,  11  (1882),  p.  302-308. 

'  Larfeld,  Grieeh.  Epigraphik^  (1914).  p.  218. 


22  I.Al.l'IlAliKT    l)K    MAU.SIf.IANA 

Loiiormaiit  n'en  avait  pas  moins  raison  (Vinsisler  sur  la  gravité 
il(,'  la  lacune  que  constitue  raliscncc  d\i  samedi  dans  l'écriture  elialci- 
ilienne.  Sans  doute,  dira-t  on,  si  nous  n'avions  en  Ktrurie,  comme 
à  (Munies,  que  des  inscriptions,  n'y  trouverions-nous  pas  le  snmec/i. 
La  lettre  ne  (i;,'iii-c  en  effet  que  dans  les  alpliahets;  elle  n'a  pas 
trouvé  son  emploi  dans  l'écriture  étrusque.  N'avons-nous  pas  ainsi, 
dans  nos  alphabets,  des  lettres  qui  ne  sont  d'aucun  usaf^e  :  k  en 
français,  //  en  allemand  !  La  présence  du  smncih  dans  les  alplia- 
liets  étrusques,  eonelut  Kirehhof,  prouve  sini))lenient  qu'il  existait 
dans  les  alplial)ets  de  Onmes  '. 

Nous  ne  le  croyons  pas.  T^a  lettre  pl]éni<'ieune  ^  mmerh  existe 
en  effet  dans  de  nombreuses  écritures  greciiues,  où  elle  a  la  va- 
leur xi.  ('e  sont  toutes  les  écritures  où  le  caractère  supplémentaire  \ 
a  la  valeur  <lii.  Klle  a  disparu  au  contraire,  d'une  façon  générale, 
de  tous  les  alphabets  grecs  où  le  /  a  la  valeur  ri  ■.  Il  y  a  dolic  eu 
choix.  Ln  ])rét.int  .ni  /  la  valeui'  ;/,  les  Ohaleidiens  ont  du  éliminer  la 
lettre  qui  pour  les  Grecs  avait  déjà  ce  son  ;  ou  plutôt,  ils  n'ont 
prêté  au  signe  complémentaire  y^  le  son  ri  que  parce  qu'ils  n'avaient 
l)lus  le  caractère  exprimant  ce  sou.  La  disparition  du  samech  est 
doue,  chez  eux,  ou  contemporaine,  ou  même  antérieure  à  l'intro- 
duction d.nis  r.ilpliabet  grec  des  signes  complémentaires  /  o  'i, 
c'est-à-dire  fort  ancienne  '. 


'  Stiulien  zur  (iencltichic  des  yriech.  Alplutliets*,  j).  I:i7. 

-  Voir  le  tableau  de  Larfeld.   Griech.  Kpiyvaphil;. 

^  On  rencontre  cependant  dans  certains  des  alphabets  occident.inx, 
où  /.  :=  .r(,  quchiues  exemples  de  ï.  .Mais  ils  sont  ou  tardifs  on  fort  in- 
certains. En  Arcadie,  Roehl,  /.  G.  A.,  n"*  105,  106,  107.  I.ittem  Z,dit  Roehl 
à  propos  du  n.  10'),  et  son  observation  vaut  pour  les  snivants,  ixdicium 
est  scriptiu-ae  ionicae  sensim  se  inferentis.  En  Béotie,  l'inscription  Roehl 
n.  128  est  des  plus  incertaines:  on  trouve  l'un  à  côté  de  l'autre,  dans 
un  texte  inintelligible,  les  caractères  /,  et  ;.  II  s'agit  probablement  du 
groupe  x"  qui  "'est  pas  sans  exemple  en  Béotie.  Pour  la  Thessalie,  je 
n'ai  pas  trouvé  dans  Uoelil  l'exemple  auquel  fait  allusion  le  tableau  de 
Larfeld. 


KT   LES  OUKilKES  DE  L'ÉCRITURE   À    UO.ME  23 

11  convient  en  outre  de  noter  la  forme  tonte  partienlière  dn 
samech  étrnsqne,  nne  croix  inscrite  dans  un  rectangle.  Klle  dérive 
sans  doute  de  celle  du  sumi-ch  phénicien  mais  s'en  écarte  beaucoup 
plus  que  le  E  ionien.  On  ne  saurait  cependant  attribuer  aux  Etrus- 
ques cette  transformation  du  caractère  original  puisque  le  samedi 
est  chez  eux  une  lettre  morte  qui  figure  dans  les  alphabets  mais 
non  dans  l'écriture.  D'où  leur  vient-elle  î'  Rien  ne  l'indiq.ne.  Ils 
l'ont  reçue  eu  tout  cas,  d'un  passé  assez  lointain  pour  n'avoir  laissé 
aucune  trace  dans  toute  la   paléographie  grecque. 

L'absence  du  zddr  M,  non  seulement  à  Cumes,  mais  dans  toute 
l'écriture  chalcidieuue  conduit  aux  mômes  conclusions  que  celle  du 
samer//.  Kn  Etrurie  cette  lettre  figure  non  seulement  dans  les  al- 
phabets mais  aussi  dans  les  inscriptions.  Elle  devait  y  correspondre 
à  nne  articulation  particulière  de  la  sifflante.  Dans  l'ensemble  de  la 
Grèce,  au  contraire,  l'écriture  s'est  généralement  contentée  d'un  ca- 
ractère unique.  Les  différents  alphabets  ont  adopté,  les  uns  le 
zadé  M,  les  autres  le  sigma  1,.  Ce  sont  bien  là,  en  effet,  deux  let- 
tres différentes  et  non  pas  le  même  caractère  placé  soit  horizonta- 
lement, soit  verticalement  '.  On  remarque  que  dans  les  régions  où 
le  zarle  a  prévalu,  le  s'ninia  ne  parait  pas  et  vice-versa.  Ces  deux 
lettres  s'excluent  l'une  l'autre  ;  le  tableau  de  Larfekl  l'indique  net- 
tement. 

Il  y  a  cependant  des  exceptions.  Dans  l'inscription  d'Aliou-Simbel 
et  dans  celle  de  Lygdarais  à  llalicarnasse  (453)  %  zadd  apparaît 
à  côté  de  —  sous  la  forme  T.  En  Arcadie,  dans  une  inscription 
de  Mantinée,  on  le  rencontre  sons  la  forme  N  ',  la  même  que 
présente,  en  Etrurie,  l'alphabet  de  Caeré.  Dans  ces  différents  cas, 
e    sadé  a  une   valeur  propre,   différente   de    celle   du    sigma.  Cer- 

'  Bvéal,  Mélanges,  II  (1882),  p.  204. 

2  Roehl,  I.  G.  A.,  .ÔOO. 

3  B.  C.  //.,  XVI  (1892),  p.  569  sqq..  pi.  XIX.  Il  ne  s'agit  cpu-  de  la 
deuxième  inscription.  Cf.  HomoUe,  ihid.,  p.  593. 


:i4  I.  AI.I-IIAIIKT    IHC    MARSILIANA 

t.-iiiifts  rcritiircs  ;^recqii(!s  mit  dimc  possc-dé  un  double  sit,'iic  pour  la 
sillluiitc  '. 

l'.irnii  les  exempl<'S  que  nous  possédons,  il  faut  distinguer  feux 
d"Asie  Mineure  et  eelui  d'Areadie.  Kn  Asie  Mineure,  les  faits  pa- 
raissent aneieiis.  La  foriiir  particulière  du  -iidr'  T  semide  dériver 
direetement  de  celle  de  la  lettre  phénicienne.  11  peut  donc  8':i;^ir 
de  la  conservation  d'un  caractèi-e  traditionnel.  Cependant,  dans  l'al- 
phabet numéral  de  Milet  ce  même  zade  apparaît  ajouté,  hors  de 
sa  place  normale,  tout  à  la  fin,  après  les  signes  complémentaires. 
Sans  avoir  jamais  complètement  disparu,  il  devait  tomber  en  désué- 
tude. Artificiellement  rétabli  hors  de  sa  place  normale,  il  ne  s'est 
trouvé  ensuite  qu'irréf^ulièrcment  en  usage.  L'emploi  qui  en  est  fait 
dans  l'inscription  de  Lygdamis  à  llalicarnasse  témoigne  suffisamment 
de  cette  irrégularité  ".  Les  alphaliets  d'Asie  Mineure  n'ont  donc 
obéi  que  partiellement  à  la  règle  grecque  imposant  le  choix  entre 
les  deux  caractères.  La  forme  T  du  zade\  qu'ils  ont  sporadique- 
ment conservé  ou  restitué,  leur  est  particulière  et  n'a  rien  de 
commun  avec  la  lettre  telle  qu'elle  apparaît  dans  les  autres  al- 
phabets grecs.  Les  écritures  de  cette  région  se  distinguent  d'ail- 
leurs nettement  de  celles  de  tout  le  groupe  occidental.  Leur  exemple 
ne  saurait  rien  prouver  en  ce  qui  concerne  l'aliihaliet  de  Chalcis- 
Curaes. 

L'Arcadie  au  contraire  usait  de  l'alphaliet  occidental  et  le  groupe, 
dans  son  ensemble,  n'a  jamais  connu  que  le  sigma.  Le  sadé  n'y  ap- 
paraît, remplaçant  le  sigmii,  qu'à  Céphallonie  et  h  Ithaque,  où  sa 
présence  s'explique  aisément  par  l'influence  de  Corinthe.  L'inscrip- 
tion d'Areadie  où  cette  lettre  se  rencontre  à  côté  du  sigma  ne 
date  que  du  IV''  siècle.  La  séparation  entre  les  cités  grecques  n'a- 

'  Voir  pour  le  détail  des  faits  Laifeld,  Griech.  Epigraphilc.  p.  358; 
2"  éd.,  1914,  p.  225. 

*  Ligne  2:  'AV.i/.«s-«T[iMl/.li!ino8  40  et  41:'  A>.iz->,:<ia75\  'A>,./.a:7a-;'>!o>v. 
Cf.  Laifeld,  ihid.,  p.  225. 


ET   LES    ORIGINES    DE    l'ÉCRITURE    A    UdME  25 

vait  jamais  été  telle  que  le  voisinage  ou  toute  autre  circonstance 
ne  pût  établir  de  contamination  entre  les  écritures.  Ne  voyons-nous 
pas  Corintlie  elle-ménif,  après  avoir  usé  du  .:fi(lf'  durant  tout  le 
VP  siècle,  le  remplacer  au  V°  par  le  sii/mn.  Autour  de  TArcadie 
la  moitié  environ  des  cités  du  Péloponnèse  employaient  le  -nclr. 
Il  parait  vraisemblable  que  FArcadie  emprunta  à  quelqu'une  d'entre 
elles  ce  caractère  étranger  à  son  écriture  pour  le  spécialiser  dans 
un  emploi  particulier.  Sa  présence,  à  coté  de  sigma,  dans  un  al- 
phabet du  groupe  occidental  n'est  qu'un  jeu  ortliographique.  L'ac- 
cord de  tout  le  groupe  prouve  l'abandon  du  zade  en  faveur  du 
sigma  dès  une  époque  très  ancienne,  antérieure  en  tous  cas  à  tout 
document  écrit.  Chalcis  qui  a  donné  le  ton  au  groupe  ne  pouvait 
faire  exception  à  la  règle. 

On  ne  saurait  donc  attribuer  au  hasard  l'absence  des  deux  sif- 
flantes siimerh  et  zadr  dans  l'écriture  chalcidienne.  Sans  doute  ne 
possédons-nous  pas  d'alphabet  complet  de  cette  origine  ;i  mettre  en 
regard  de  celui  de  Marsiliana.  Mais  si  nous  possédions  un  tel  al- 
phabet rétonnant  serait  d'y  trouver  ces  deux  caractères  exclus  très 
anciennement  de  façon  constante  et  de  propos  délibéré  de  tous  les 
alphabets  de  la  Grèce  occidentale.  L'écriture  chalcidienne  qui  a 
prêté  à  /  la  valeur  .ri.  et  .1  toujours  employé  sigma  ne  saurait 
posséder  samedi  et  zadr.  L'alphaliet  étrusque  qui  les  possède  n'est 
donc  pas  clialcidien. 

Est-il  béotien,  comme  pense  M.  Hammarstnim  t  L'ensemble  des 
caractères  béotiens,  qui  ne  se  distinguent  guère  des  chalcidiens,  pré- 
sente, avec  l'écriture  étrusque,  des  ressemblances  ni  plus  ni  moins 
marquées.  Les  particularités  de  tracé  sur  lesquelles  insiste  le  savant 
finlandais  paraissent  fort  peu  probantes.  Le  fait  important  serait, 
à  notre  avis,  l'apparition  d'un  samedi  k  la  fin  d'un  alphabet  béo- 
tien '.  ilais  s'agit-il  l)ien  d'un  Samedi  ?  Sur   un  vase    sont    gravés 

'  Kalinka,  Athen.  MitUil.,  XVII.  189-2,  p.  101-124,  pi.  G.  Cf.  Hammai- 
stiôm,  p.  44,  4.5. 


26  I,'AM'IIAIii;T    l)K    MAKSII-IANA 

ili'iix  ;il|)li;il)(tts,  l'un  d(!  2;î  lettres,  l'îiiitre  corn])iirtaiit  en  pins,  après 
les  (■:ir;icti''r(;s  complémentaires,  deux  sif^nes  assez  jieu  distincts.  Le 
second  est  lin  cercle  entouré  de  six  rayons  divcrfji-nts  ;  le  jircniier 
rcsseiiililc  à  une  croix  gammée  très  mal  dessinée,  |)liis  qn';'!  toute 
aiiti-e  cliose.  On  croit  rcconnaitre  dans  l'un  un  12  et  dans  l'autre 
lin  KiiiiK'cli  du  ty])e  étrusque.  La  lettn^  aurait  re(;u  cette  place  à 
la  (in  de  r.ilpli.-ilict,  sup])ose  M.  Ilammarstroni,  de  même  que  dans 
l'alpli.ilict  iiiiinéral  de  .Milct  le  rrtrfc  s'est  trouvé  ronvrivé  à  la  suite 
des  autres  caractères.  L'incertitude  du  dessin  s'ex|)liquerait  par 
l'embarras  du  peintre  à  re])roduire  un  sij^ne  disparu  depuis  long- 
temps de   l'usage. 

Le  vase  ne  date,  en  et^'et,  que  de  la  seconde  moitié  du  V'' 
ou  mémr  (ic  l.i  iircniiérc  moitié  du  IV''  siècle,  ("omnicnt  le  souvenir 
du  snmech  disi)aru  de  ru.sage  se  serait-il  conservé  Jusqu'à  une  époque 
aussi  liasse  l  S'il  fallait  voir  une  lettre  dans  ce  signe,  nous  iiréfé- 
rerions  y  rcconnaitre  quelque  dét'orniation  du  /  ou  pcut-éti-c  du  y. 
Le  prétendu  oj  est  lui-même  fort  douteux.  N'avons-nous  pas  là  sim- 
plement deux  signes  quelconques,  deux  fausses  lettres,  destinées  à 
compléter  la  seconde  ligne  de  l'.ilplialiet  .^  Le  snwcdi  de  cet  alphabet 
de  Béotie  nous  ii.'irait  en  tout  cas  aussi  sujet  à  c.-intion  (|ne  celui 
t\r  i'.il|ilialict  di'  \'.istf  qui  induisit  autrefois  Lenonii.int  en  crreiii-. 
11  nous  parait  bien  avi^ntureux  d'asseoir  la  nioindi-e  conclusion  sur 
un    p.ircil  griliouillage. 

Si  M.  llammarsti-oni  tient  à  multiplier  les  points  de  contact 
entre  l'alphabet  béotien  et  l'alphabet  étrusque,  c'est  (|ue  rali)habet 
béotien  lui  parait  l'origine  de  celui  de  Lemnos  lequel,  à  son  tour, 
serait  proche  parent  de  celui  de  Phrygie.  «  .le  ne  jmis  me  soustraire 
à  l'impression,  disait  autrefois  Pauli,  que  l'alphaliet  étrus(|ue  et 
l'alphaljet  phrygien  dérivent  de  la  même  origine  '  ».  Mais  Kiirte, 
après  Kretsclimer,  montre   bien  qu'il   n'existe  .'Uicuu   rapport  parti- 

'  l'aiili,  Altilali^chr  Forschitiiyeii,  II-,  2  (189-4I. 


ET    LES   ORIGINES    DE    L  ECRITI'RE    A    ROME  2l 

ciilier  entre  les  écritures  étrusque  et  plirygieniie  '.  Elles  semblent 
appartenir  à  deux  groupes  différents.  Aussi  M.  Hanimarstmni  re- 
cule-t  il  dans  un  passé  très  lointain  les  prétendus  rap])orts  qu"il 
pense  apercevoir  entre  la  liéotie,  Leninos  et  la  Phrygie.  Il  en  vient 
\  heurter  ainsi  contre  de  nouvelles  difficultés.  Les  inscriptions  béo- 
tiennes que  nous  connaissons  et  celles  de  la  stèle  de  Lemiios  ne 
sont  guère  antérieures  au  Yl"  siècle  '.  C'est  vers  la  fin  du  deuxième 
ou  le  début  du  premier  millénaire  avant  notre  ère  que  M.  Ham- 
marstnim  date  la  colonisation,  non  hellénique,  mais  venue  cependant 
de  Grèce,  qui  aurait  introduit  en  Italie  une  écriture  d'origine  béo- 
tienne. Mais  existait-il  dès  ce  moment  une  écriture  béotienne?  Kn 
tout  cas  l'intervalle  entre  cette  première  colonisation  de  l'Italie  et 
les  premiers  documents  épigraphiques  est  l)eaucoup  trop  considé- 
rable pour  que  le  tracé  et  même  la  forme  du  caractère  permette 
la  moindre  conclusion. 

D'ailleurs,  tout  en  admettant,  mais  pour  de  tout  autres  raisons 
que  des  raisons  de  paléographie,  la  parenté  des  Tyrrhènes  de 
l'âge  classique  avec  ceux  d'Etrurie  \  il  nous  semble  qu'il  vaut 
mieux  ne  pas  compliquer  d'hypothèses  de  ce  genre  le  problème, 
déjà  difficile  par  lui-même,  de  l'origine  de  l'écriture  étrusque. 
Y  faire  intervenir  les  Pelasges  comme  Anziani  ou  les  Tyrrhènes 
de  Lemnos,  comme  M.  flammarstriira,  c'est  expliquer  l'oljscur  par  le 
plus  obscur. 

Pour  nous  en  tenir  aux  faits,  constatons  que  les  documents  épi- 
graphiques  grecs  nous  font  connaître  avec  assez  de  précision  les 
particularités  de  l'écriture  hellénique  depuis  le  début  du  VIP  siècle 
environ.  Vers  cette  même  date,  la  talilette  de  Marsiliaiia.  d'accord 


'  Art.  Etriisker  dans  Paiily-Wissowa.  Tt.  i-,'.,  col.  733-4:  forme  diffé- 
rente du  .'.;  i=psi  et  non  chi.  Kretschmer.  Einleitwig.  p.  240  et  Ath. 
Mitteil,  XXI  (1896),  p.  428. 

^  En  dernier  lieu,  Xachmaiison  et  Karo,  Atheit.  Miti.,  l'J08.  p.  47-74. 

^  A.  Grenier,  Bologne,  p.  460  sqq. 


dn  I,  AI.l'IlAIiKT    I>K    MAKSILIANA 

avec  les  iiiKcriptiims  et  le»  alu'ci'daireK  de  l'Ktrurie  archaïque,  nons 
présente  un  alpliatjct  distinct  par  de»  particularités  liicn  caractéris- 
tiques de  ronscmlili-  ûcy*  alphabets  grecs  contemporains.  Rien  n'au- 
torise il  mettre  l'iiii  quelconque  de  ces  alphabets  grecs,  chalcidien, 
béotien  nu  aiitrt;,  à  part  de  cet  cnseml)le  grec,  pour  le  rapprocher 
du  type  étrusque.  Comment,  eu  cfTet,  l'un  d'eux,  seul  entre  tous, 
aurait-il  conservé  ces  caractères  superflus  qui  ne  se  rencontrent, 
tous  à  la  fois,  (iti'en  Ktrniiey  Tel  ([n'il  se  |)résente,  Talplialiet  étrus- 
que ne  se  rattache  donc  à  aucun  des  alphal)ets  enimus  dans  la 
Grèce  archaïque. 

Il  est  grec  cependant.  On  ne  saurait  le  contester.  L'cnsemhle 
de  ses  caractères  et  surtout  l'ordre  et  la  valeur  des  signes  com- 
plémentaires le  rattachent  au  groupe  occidental.  Cependant  il  pos- 
sède, à  la  fois  le  sif/ma  des  alpliabets  occidentaux  et  le  ^ade  des 
aiiihabcts  orientaux.  Il  a  adopté  les  signes  com])léinentaires  des 
al]ilial)ets  occidentaux,  mais  sans  opérer  les  suppressions  qui  cor- 
respondaient logiquement  à  l'introduction  de  ces  signes;  il  ))ossède 
y  =  ,r/  et  le  samedi.  Au  moment  où  ces  innovations  s'introduisent 
dans  les  écritures  grecques  il  a  donc  son  autonomie;  il  prend  et 
il  garde,  il  imite,  mais  incomplètement  et  avec  indépendance.  Il 
ajiparait  déjà   eontaniiné  de  barbarisme. 

L'origine  grcciiue  de  l'écriture  étrusque  remonte  par  conséquent 
à  une  période  voisine  de  celle  qui  vit  la  séparation  des  grands 
groupes  occidentaux  et  orientaux  et  riiitroiltiction  des  signes  com- 
plémentaires. Elle  est  beaucoup  plus  ancienne,  en  tout  cas,  que 
l'état  de  dispersion  dont  témoignent  les  premiers  documents  épi- 
graphiques.  Tandis  que  le  particularisme  créait  en  Grèce  presque 
autant  d'alphabets  que  de  cités,  l'alphabet  étrusque  s'était,  depuis 
longtemps,  écarté  du  foyer  commun.  Pour  le  cluilcidien,  comme 
pour  le  béotien,  il  n'est  qu'un  parent  lointain...  un  cousin  d'Etrurie. 

L'hypothèse  ((ui  attriliue  à  Cumes  l'introduction  de  l'écriture 
en   Etrurie,  se  trouve  donc  réduite  au  seul  appui  des  circonstances 


ET    LES   ORIGINES    PB   l'ÉCRITIRE    À    ROME  29 

de  voisinage  entre  la  colonie  greoqne  et  la  côte  tyrrhénienne.  Mais 
la  chronologie  vient  ruiner  cet  apjmi.  L'iiellénisrae  de  l'alphabet 
étrusque  parait  remonter  à  une  époque  antérieure  à  celle  de  la 
colonisation  grecque  en  Italie.  Et,  d'autre  part,  le  milieu  archéo- 
logique dans  lequel  s'est  trouvée  la  tablette  de  Marsiliana  semble 
indiquer  que  les  Etrusques  savaient  écrire  avant  que  Cumes  n"e- 
Xistàt  ou  du  moins   n'exerçât  son  influence  sur  l'Etrurie. 

Je  n'ai  pas  à  m'engager  ici  dans  les  discussions  que  soulève 
encore  la  date  de  la  fondation  de  Curaes.  Des  raisons  de  vraisem- 
blance, plutôt  que  des  preuves  certaines  inclinent  la  plupart  des 
savants  à  admettre,  pour  cette  fondation  le  milieu  du  \' HP  siècle  '. 
M.  Gabriel  la  place  au  IX'  siècle.  Mais  il  reconnaît,  dans  la  dif- 
fusion de  la  poterie  italo-géoniétrique  en  Etrurie,  le  premier  indice 
de  l'espansion  des  influences  cumanes  '.  Nous  pouvons  donc  laisser 
de  côté  les  dates  positives  et  nous  en  tenir  A  une  chronologie  re- 
lative. 

Or  on  ne  peut  manquer  d'être  frappé  de  l'absence,  ou  du 
moins  de  l'estréme  rareté,  en  Etrurie,  jusqu'à  la  période  des  tom- 
bes à  chambre,  de  la  poterie  italo-géométrique.  Cette  céramique 
fait  ;\  peu  près  complètement  défaut  dans  les  sépultures  ;'i  circolo 
du  type  de  celle  qui  a  livré,  à  Marsiliana,  la  tablette  à  alphabet. 
Ces  tombes  étrustiues  à  circolo  ne  présentent,  d'une  façon  générale, 
aucun  point  de  contact  avec  les  plus  anciennes  tombes  grecques 
de    Cumes.  Leur    mobilier    se    rapproche    plutôt,  au    contraire,  du 


'  Cf.  L.  Pareti,  Studi  Siciliani  e  italioti,  Firenze  (1914),  p.  310-330 
Gardthauseii,  Dax  Alter  Italischer  Srhrift  und  die  Griindung  von  Ctima 
dans  Neue  Jahrbilcher  f.  Klass.  Atterth.,  37  (1916),  p.  369-378.  Schweitzer, 
Geometrische  Stile  in  Griechenland,  dans  Athen.  Mitteil.,  1918,  (tout  le 
fascicule)  partie,  p.  31,  41,  42.  Après  de  longues  discussions,  qui  me  pa- 
raissent loin  iléclaircir  le  problème,  la  conclusion  du  M.  Schweitzer  i>':\.\t- 
puie  surtout  sur  l'autorité  de   Gardtlianseu. 

2  E.  Uabiici,  Cuma.  Mon.  Liucei.  XXII,  1913.  col.  372  si|i|.,  purtic. 
402-414. 


30  I.AI.I'IIAIIKT    niO    MAUSIIJANA 

contenu  des  sépnltiin^s  indiKi'-iicH  prélielléniques,  si  soifjneusemeiit 
piil)li('T8  par  M.  (ialn-ici.  liU  point  de  départ  de  toute  notre  étude 
iia-il  pas  été,  d'ailli'urs.  le  contraste  fiappant  entre  le  caractère 
spécifiquement  i]rlléni()ue  de  l'alphabet  do  Marsiliaua  et  l'aspect 
tout  orientai  ilii  iiii>liilicr  doiit  faisait  partie  la  tablette  à  écrire? 
(^Mclic,  (pic  soit  l.i  date  (il-  la  fondation  de  Cumes,  l'écriture  est 
donc  antérieure  en  l'^trurie  aux  premières  influences  proprement 
helléniques  et  spécialement  cumanes. 

S'il  parait  aussi  peu  vraiseml)lal)le  d'attribuer  aux  Chalcidiens 
rimportation  en  Italie  de  la  pacotille  orientale  qu'aux  l'Iièniciens 
lintroductiiin  ili'  Ircriture  grecque  en  Italie,  on  peut  penser  à 
l'activité  propre  des  Ktrnsqucs,  marins  eux-mêmes  et  tout  pénétrés 
d'influences  à  la  fois  orientales  et  hellénir|ucs.  Mais  qu'on  m'excnse, 
dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  de  me  gai-der  de  la  ten- 
tation de  sulistitu(U'  (ju('l((n"autre  hypotlièse,  insuftisamnient  fondée, 
à  celle  que  je  eoinliats.  De  lionnes  raisons  de  nier  ne  comportent 
pas  toujours  les  éléments  d'une  solution  positive.  Qu'il  me  suffise 
d'avoir  défaire,  de  l'heureuse  trouvaille  de  M.  Minto  à  Marsiliaua, 
le  eai'aetère  p.irticnliei'  de  l'alphabet  étrusque  en  face  des  antres 
alphabets  grecs  et  de  conclure  simplement  que  cet  alphabet  n'est 
pas  chalcidien. 


III. 


L'iil|tIialM't  «le   >Iarsilianii,  les  iilplialxts  t'tnis«|iies 
et  les  dehiits  tie  récriture  à  Home. 

Si  l'alphabet  de  Marsiliana  est  le  plus  ancien  des  alphabets 
étrusques,  il  n'est  pas  le  seul.  Aucun  peuple  n'a  montré  autant 
de  constance  que  les  l'',ti'us(iues  ou  leurs  clients  d'Italie  à  inscrire 
des  alphabets  ou  d<>s  ])arties  d'alphabet  sur  des  vases  faisant  partie 
d\i   mobilier  fnnér.iii'c,   parfois  même  sur    les  parois  des   chambres 


ET    I.ES    ORKJIXES    DE    l/ÉCRITURE    À    KOME  31 

sépulcrales  '  ou  les  cippes  qui  les  surmontaient  '.  Cliacun  de  ces 
documents  a  fait  l'objet,  lors  cle  sa  découverte,  d'une  étude  dé- 
taillée. M.  E.  Lattes  en  a  donné  récemment  une  utile  récapitula 
tion  '.  En  publiant  l'alphabet  de  Marsiliana.  M.  Minto  n'a  pas 
manqué  de  le  comparer  aux  plus  importants  des  alphabets  étrus- 
ques dont  il  présente  le  talileau  \  Xous  n'avons  (jne  jieu  de  choses 
;\  ajouter  à  ses  observations  dont  nous  voudrions  seubnient  essayer 
de  tirer  la  conclusion. 

Le  tableau  de  la  page  32  reproduit  en  partie  celui  que  donne 
M.  Minto.  Ou  y  trouvera,  dans  la  première  colonne  l'alphabet  de 
Marsiliana  (Mars.).  Vient  ensuite  l'alphabet  incisé  à  la  pointe  sur 
le  vase  Chigi  trouvé  à  Forniello  près  de  Veies  (Veies),  reproduit 
Melam/es,  II  (1882),  pi.  VI  et  Bull.  Inst.,  1882,  planche  jointe  à 
la  page  91  :  puis  celui  du  vase  Galassi  provenant  de  Caeré  [Caeir\ 
reproduit  AnnaJi  Inst..  1836,  pi.  B  et  par  Anziani.  Blelaru/es  Ga- 
gnât, p.   lit;  enfin  celui  de  Colle  prés  de  Sienue. 

Les  circonstances  de  la  trouvaille  du  vase  Chigi  de  Veies  sont 
incertaines;  il  s'agit  d'un  vase  de  céramique  indigène  ibuccJiero 
ital'uo)  dont  il  est  difficile  de  préciser  la  date.  La  forme  des  let- 
tres semble  ancienne.  Sont-elles  du  VU"  ou  du  XV  siècle,  nous  ne 
saurions  l'indiquer.  Il  parait  cependant  au  moins  aussi  ancien  que 
celui  du  vase  Galassi  de  Caeré  dont  la  date  n'est  pas  uon  plus 
évidente.  Nous  sommes  mal  renseignés  sur  les  fouilles  dont  il  pro- 
vient. Anziani  le  dit  trouvé  dans  l'une  des  tombes  supérieures  du 

'  A  Colle,  près  de  ."tienne,  alpliabet  peint  sur  Va  paroi  d'une  tombe 
à  chambre;  la  partie  inférieure  à  partir  de  la  lettre  0  a  disiiaru.  C.  I.  E. 
n°  1761"  .  Roehl,  In.icrip.  gr.  Antiq.,  n°  535. 

-'  Deux  cippes  de  Chiusi  portant  trois  alphabets,  tianinrrini.  Anuali. 
1871,  p.  156  sqq.,  C.  I.  E.,  n"'  1372,  1373. 

Il  est  possible  que  les  signes  de  l'alphabet  aient  possédé  une  valeur 
mystique:  cf.  Dieterieh,  ,4  B  C  Denkmàler.  dans  Shein.  Mus.,  56  (1901  ;, 
1).  7710.').  L'alphabet  de  Marsiliana  en  ce  cas  se  distinguerait  par  son 
caractère  esscntiellenu'nt  pratique,  ipioiqu'il  provienne  aussi  d'une  tombe. 

^  E.  Lattes,  Vi/endt'  finriirlie  d'^H'alfiihcUi  etnt.ico.  dan:-  .^felll.  ilel 
rinst.   Lomhardo,   21  (190K),  p.  303  siiq. 

*  Marsiliana,  p.  239  sqq. 


32 


I,  AI.PIIAIIEI     IIK    MAKSIMANA 


tiimnlua  Rej,'olini-f!;ilassi   (p.  27J.  Mîiis  je    n'en    trouve  pas  trace 
dans  rctiKk   de   l'iiiza   {R<mi.  lili/lril,  XXII,   l!t07.  p.  14'.»  sqq.j. 


Mkks. 

VCItS. 

CAfRf. 

SifSNf. 

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t 

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Fig.  3.  —  Alphabets  étrusques  et  latins. 

Comme   il  a  été   publié  par  I.epsius  dès  Avril  183(i   et'qiie  les  denx 
premières  tombes  supérieures  du  tumulus  n'ont  été  découvertes  que 


KT   LES   ORIfilNES   DE    l/ÉCRlTtJRE   À    ROME  33 

du  23  Mars  au  13  Avril  1836,  je  suppose  que  le  vase  doit  pro- 
venir des  fouilles  de  rannée  précédente.  Nous  adopterons  pomme 
date  approximative  de  ces  deux  alphabets,  les  environs  de  l'an  600. 
Celui  de  Sienne  est  plus  récent  et  ne  peut  guère  remonter  plus  haut 
que  Tan  500. 

De  tous  ces  alphabets  étrusques,  le  plus  ancien  de  beaucoup 
est  celui  de  Marsiliana.  Seul,  il  se  trouve  inscrit  de  droite  à  gauche  ; 
les  autres  vont  uniformément  de  gauche  à  droite.  On  notera  cepen- 
dant, sur  l'alphabet  de  Caeré,  que  le  B  fait  exception  à  la  règle 
et  conserve  ses  boucles  à  gauche.  Une  autre  preuve  d'ancienneté 
est  fournie  par  la  forme  V  de  la  troisième  lettre.  Cependant,  si 
l'alphabet  de  Caeré  donne  nettement  la  forme  C,  le  syllabaire  qui 
s'y  trouve  joint  montre,  comme  un  exemple  démonstratif,  le  pas- 
sage de  l'une  à  l'autre  forme  '. 

Dans  ce  syllabaire,  le  digamma  s'écrit  F  et  non  F  comme  dans 
l'alphabet.  C'est  par  cette  forme  de  la  cursive,  plutôt  que  par 
l'influence  du  1!  clialcidien,  que  nous  expliquerons  la  forme  C  du 
digamma  dans  l'alphabet  de  Sienne. 

Les  autres  particularités  paraissent  peu  significatives.  Un  coup 
d'oeil  sur  notre  tableau  permettra  au  lecteur  de  les  relever.  L'absence 
du   O  à.  Caeré  semble  due  :\  la  négligence. 

On  remarquera,  jusque  sur  l'alphabet  de  Sienne,  la  présence 
du  j+l  sameeh,  et  dans  les  deux  autres,  celle  du  M  zadé^  altéré 
à  Caeré  pour  le  distinguer  du  N  à  quatre  branches. 

Malgré  la  différence  de  date  considérable  —  au  moins  deux 
siècles  —  qui  sépare  l'alphabet  de  Marsiliana  de  celui  de  Sienne 
et  malgré  la  distance  dans  l'espace,  c'est  essentiellement  le  même 
alphabet  que  nous  présentent  ces  divers  documents.  Tel  fut,  peut-on 
affirmer,  le  type  originel  de  l'alphabet  étrusque.  Il  représente  bien 


'  Voir  la  planche  de  Lepsius  ou  d'Anziani;  il  faut  lire,  comme  An- 
ziani:  cj,  ca,  eu...  et  non,  comme  Lepsius,  &z,  ba,  bu... 


Mélanges  d'Arch.  et  d'Hist.  192i. 


.M  LALI'IIAllKT    1)K    MAH.SILIANA 

la  norme  (h;  récrituri',  (ixéi-  tiès  le  début  de  la  civilisation  étrusque 
en  Italie  et  n'ayant  subi  que  de  minimes  atteintes  jus(iu"à  l'époque 
(•lassi((U(MleH  toinlies  à  ehaiiiljrc  l'uurnies  de  vases  attiques,  c'est-à-dire 
Jus(jue   vers  le   V  siècle. 

('e  n'est  pas  là  cependant  l'alpiialpet  que  l'un  inialifii'  ;j;éné- 
raleinent  d'étrusque.  An/.iani,  après  Lepsius,  recourt,  pour  le  dé- 
nommer, au  terme  mythique  de  ]i('las(iiqiie.  Se  rangeant  à  la  tra- 
dition 'le  Kirchhot',  de  Roehl,  de  Kretsclimer.  M.  Minto  l'appelle 
c/i(ih-i(lle>i.  Pour  la  plupart  des  spécialistes,  l'alphabet  proprement 
étrusque  parait  earaetéi'isé  par  l'altsence  de  certaines  lettres  :  du  6 
et  du  '/  ainsi  que  de  la  voyelle  o  et  par  la  présence  d'un  nouveau 
signe  coinplénientaire  8  =^  /'.  Kn  eti'et,  c'est  un  alphabet  ainsi  réduit 
d'une  part  et  atigraenté  de  l'autre  i\w  pi'ésentent  les  documents 
postérieurs.  Citons,  entre  autres,  les  deux  cippes  de  Chiusi  ',  qui 
débutent  par  a.  e,  /■,  z . .. ,  la  tasse  de  bucchero  de  Koselle.  au  Musée 
de  Grosseto,  qui  senilde  provenir  é.ualcnient  de  Chiusi  ''.  les  deux 
tasses  de  Nola  et  la  soucoupe  de  Boniarzo  ■•  où  Hréal  reconnaît 
le  type  parfait  de  l'alpliabet  étrusque  \  Tous  ces  alphabets  com- 
mencent par  a,  c,  e,  v,  ~  . . .  Us  ont  supprimé  le  mnirrli  mais  conservé 
le  zadé ;  ils  n'ont  plus  la  voyelle  o  ;  ils  se  terminent  par  le  signe  8. 
Les  cippes  de  Chiusi  datent  du  V  siècle,  la  tasse  de  Roselle  et 
celles  de  Nola,  peut-être  du  IV;  la  soucoupe  de  Bomarzo,  la  plus 
récente  de  toutes,  du  IH".  Nous  avons  donc  là  l'alphabet  étrusque 
classique   s'oi)posant   à   celui   de   la    période   archaïque. 


'  l'u  seul  des  trois  alphabets  est  complet  et  encore  la  fin  en  rst-clle 
confuse.  Garaurrini  croit  y  reconnaître  le  caractère  S  (Annali.,  1H71, 
p.  158  sqq.  et  la  planche)  que  ne  donne  pas  le  fac-similé  du  Corpus  C.  I.  E., 
n.  1373. 

2  Lattes,    Vicetide  futielkhe.  dans  Mrm.  Jiixt.  l.omh.,  -il  (l'.IO.s),  p.  803. 

'  Weeiçe,  }'asci(lonim  ramp/ai.  hixrrijit.  itiih.  p.  .'!,  n.  1.  CI'.  I,:ittes, 
ilM.,  p.  304. 

*  Barnabei,  Not.  Scavi,  1,S!)7.  p.  :')09. 

■■  Mcm.  Soc.  Liwj.,  VII,  1892,  p.  128-l;i4. 


ET    LES   ORIOINBS    1>B    l'ÉCRITI'RE    À    ROME  35 

On  s'explique  parfaitement  les  modifïeations  subies  durant  cette 
période  par  l'alpliabot  étrusque.  Elles  ont  eu  pour  objet  de  mettre 
récriture  en  liarmonie  avec  la  plionétique  et  témoignent  d'un  ef- 
fort raisonné,  d'une  véritable  réforme  de  rortiiojrraphe,  dirait-on, 
si  l'on  se  trouvait  en  Grèce.  On  sait,  en  effet,  que  la  langue  étrusque 
ne  parvenait  pas  à  distinguer  les  articulations  h^  [i^  d  de  ^),  k,  t. 
Comme  les  sons  de  sa  labiale  et  de  sa  dentale  devaient  être  plus 
proches  de  la  sourde  que  de  la  sonore,  qu'elle  prononçait  plutôt  p 
et  i  que  h  et  rZ,  l'écriture  abandonna  ces  deux  lettres.  Pour  la 
gutturale,  tantôt,  elle  conserva  la  troisième  lettre  de  l'alphabet  en 
lui  attribuant  une  valeur  voisine  de  k  et,  tantôt  même,  elle  la  sup- 
prima. Elle  laisse  tomber  de  même  le  mmech  dont  elle  n'avait 
pas  l'emploi  et  la  voyelle  o  qui  se  confondait  avec  u.  Quant  à 
la  nouvelle  lettre  8  ^  /',  différente  de  o  =  ph^  l'origine  en  est 
obscure.  Elle  apparaît  dans  les  inscriptions  étrusques  dès  les  tombes 
à  chambre  du  début  du  V  siècle,  peut-être  même  de  la  tin  du 
VI°  siècle.  Elle  y  remplace  le  groupe  primitif  F  H  =  /''.  L'alphabet 
de  Marsiliaua  confirme  seulement  l'indication  fournie  par  ceux  de 
Veies  et  de  Cacré,  à  savoir  que  le  signe  8  ^=  f  était  étranger  k 
l'alphabet  archaïque  et  représente  une  adjonction  postérieure. 

Si  l'on  ne  tient  compte  que  de  l'alphabet  étrusque  récent,  abrégé 
de  plusieurs  lettres  et  augmenté  de  8  =  /",  il  est  clair  que  l'alphabet 
latin  qui  ne  connaît  pas  le  signe  8  et  qui  possède  au  contraire  les 
lettres  supprimées  par  l'étrusque,  n'en  procède  pas.  Si  l'on  s'obstine 
à  classer  parmi  les  alpliabets  rhalcidiens  les  alphabets  archaïques 
trouvés  en   Etrurie,  on   aboutira  à  la  doctrine  cnurantc,  telle  qu'elle 

'  Hamraaistiôni,  Beitnigc  z.  Gestk ,  p.  2-7.  Voir  en  dernier  lion 

B.  Nogara,  Dissert.  Poiitif.  Accad.,  2^  série.  M,  1920,  p.  300-301.  FH  =  /' 
ne  se  rencontrciait  ipie  dans  l'Etrmie  niéridiunale.  Le  signe  8  apiiaraî- 
trait  dans  tout  le  territoire  étrusque  de  l'Italie  centrale  dés  le  \'Il''  et 
le  VI'=  siècle.  Je  ne  connais  pas  ces  exemples  du  VU''  .siècle,  l^e  signe 
fait  défaut  en  tout  cas  dans  tous  nos  alphabets  arehaïcine.f.  I,;\  fibule  de 
Prèneste,  au  VII''  siècle,  écrit  rhevhaked. 


36  l.'Al.l'llAliET    DE    MAIWIMANA 

s'exprime  dans  la  plupart  des  manuel»  claHsiques:  «L'alphabet 
latin  vient  directement  et  »ans  l'intermédiaire  des  EtruwjueK,  de« 
alphabets  grecs  de  l'Italie  méridionale,  plus  i)rccisément,  il  a  été 
omprunté  aux  Chalcidiens  »  '.  Momnisen  lui-même,  cependant,  avait 
formellement  renoncé  à  cette  théorie  préconisée  autrefois  dans  ses 
Unteritalischfi  Dialekte  (1850).  «  L'alphabet  étrusque  »,  disait-il  en 
publiant  l'alphabet  du  vase  Chigi  de  Formello,  près  de  Veies,  «  n'était 
»  pas  originairement  incomplet  ;  c'était  bien  l'alphabet  grec  de  26  let- 
»  très.  Nous  devons  admettre  désormais  que  le  même  alphabet  peut 
»  avoir  servi  de  modèle  aux  Latins  et  aux  Ktrusques,  chacun  de 
»  ces  deux  peuples  l'ayant  par  la  suite  modifié  suivant  le  génie 
»  propre  de  sa  langue  ».  Hréal  poussait  plus  loin  sa  conclusion  et 
excluait  décideinnient  l'hypothèse  d'un  emprunt  parallèle  des  La- 
tins et  des  Ktrus(iues  à  l'écriture  grecque.  C'est  bien  des  Ktrusques 
(jue  les  Romains  auraient  appris  l'écriture.  «  L'alphabet  étrusque 
»  a  régné  pendant  un  temps  sur  toute  la  péninsule.  Si  nous  avions 
»  des  inscriptions  latines  des  premiers  siècles  de  Rome,  nous  ver- 
»  rions  que  ce  ne  sont  pas  les  Grecs  mais  leurs  voisins  de  Clusium 
»  et  de  Vulci  qui  leur  ont  enseigné  à  écrire . . .  Selon  la  tradition 
»  antique,  Démarate  le  Corinthien  apporta  les  lettres  grecques  aux 
»  Etrusques.  Or,  Démarate  était  donné  forame  le  père  de  Tarquin 
»  l'Ancien  avec  qui  la  civilisation  tyrrhénieniie  fait  son  entrée  à 
»  Rome.  Entre  lllellène  qui  donne  et  le  Latin  qui  reçoit,  la  légende 
»  place  l'émigré  de  Tarquiuies,  l'industrieux  époux  de  Tanaquil  »  '. 
Les  développements  qui  précèdent  montrent  assez  que  nous  nous 
rangeons  entièrement  à  l'avis  de  Bréal.  Comme  nous  possédons  au- 
jourd'hui, au  moins  une  inscription  des  premiers  siècles  de  Rome 
([u'on  ne  fonnaissait  pas  en   LS92,  celle  du  Forum,  ni>iis  voudrions 

'  Sommer,  Ilandhiicli  <lrr  Int.  ImuI.  h.  T'nnnenhhre  0902),  p.  '2h. 
Cf.  Conway,  The  Italie  Diulects,  Part.  Il;  Biu-k,  Ginmmar  of  Oscan  and 
Umbrian  (1904),  p.  25,  etc. 

i  Mem.  Soc.  Ling.,  VII  (1892),  p.  133,  134. 


KT    LES   ORIOINES    IlE   1,  ECRITIRE    A    ROME  ai 

essayer  île  prouver  la  rigoureuse  exactitude  du  fait  qu'il  deviuait. 
L'ali)lial)et  latin  dérive  directement  de  Talpliabet  étrusque,  mais 
de  l'alphabet  étrusque  archaïque,  tel  que  nous  le  font  connaître  les 
exemplaires  de  Marsiliana,  de  Veies,  de  Caeré  et  de  Sienne. 

Notre  figure  '^  présente,  en  regard  de  ces  vieux  alphabets  étrus- 
ques, ceux  qui  se  trouvent  mis  en  œuvre  dans  les  trois  inscriptions 
latines  qui  nous  semblent  les  plus  anciennes:  l'inscription  du  cippe 
trouvé  sous  le  lapis  niger  du  Forum  ',  celle  qui  se  lit  sur  le  vase 
provenant  des  pentes  du  Quirinal,  connu  sous  le  nom  de  vase  de 
Duenos  •  et  enfin  la  plus  ancienne  de  toutes  semble-t-il,  celle  de 
la  fibule  de  Préneste  '  qui  paraît  dater  de  la  seconde  moitié  du 
VIP  siècle.  L'inscription  du  Forum  remonte  au  plus  haut  ;'i  la  fin  du 
Vl"  siècle,  peut-être  même  seulemeut  il  la  première  partie  du  V  siècle  ; 
celle  de  Duenos,  très  postérieure,  ne  date  que  du  IV  siècle.  L'écriture 
n'en  a  pas  moins  conservé  un  caractère  archaïque  très  marqué. 

La  forme  générale  des  lettres  est  foncièrement  identi(iue  à  celle 
des  anciens  alphabets  étrusques.  La  différence  consiste  daus  l'absence, 
à  Rome  de  certaines  lettres. 

Les  unes  font  défaut,  sans  aucun  doute,  par  accident.  Nous 
avons  affaire  en  effet  k  des  inscriptions  ou  très  mutilées  comme 
celle  du  Forum,  ou  très  courtes,  comme  celle  de  la  fibule  :  celle 
de  Duenos  compte  une  centaine  de  lettres  mais  cepeiidaut  pouvait 
ne  pas  employer  tous  les  caractères  de  l'alphabet.  Nous  attribuons 
donc  au  hasard  l'absence  de  B  et  de  Z.  Le  B  en  effet  semlile  avoir 
toujours  fait  partie  de  l'alphabet  latin,  mais  il  devait  être  moins  em- 
ployé à  l'époque  archaïque  qu'il  ne  le  fut  plus  tard  :  certains  groupes 

1  (tamurrinî,  Pdleoymfia  ilrl  Monumi-nto,  dans  Notizie  âegli  Scam, 
1899,  p.  159-169.  Cf.  D.  C'ompaietti,  Isi:rizio)ie  arcaica  del  Foro  romano, 
Firenze,  1900. 

'  Dressel,  Aimali  Inst.,  1880,  p.  158-19.^,  tav.  d'agg.  L.  —  Bréal, 
Mélanges.  Il  (1882),  p.  147-167.  pi.  III.  —  P.  Giuseppe  Bonavenia,  Dis/iert 
PonUf.  Accad.,  12,  1915,  p.  127-144. 

'  Bôm.  Mitteil,  II  (1887),  p.  37-39. 


'M  1,'aij'iiabet  de  marsiliana 

iiu1o-ciin)|)(''cii«  qui  devinrent  h  demeuraient  eiifore  ù  Tt'-tat  f/?/:le 
nom  niénic  de  l>iicn<is  =  hrinis  nu  bonus  nous  en  l'nurnit  un  cxcniplc. 
Si  l'on  récuse  le  hasard,  U-  défaut  momentané  de  B  s'expliquera 
l)ur  rinilucnee  de  l'alplialiet  étrusque  récent  ((ui  avait  en  effet  re- 
noncé ;'i  eette  lettre,  (^uant  ;'i  Z  nnus  savons  qu'il  a  siilisisté  dans 
le  vieil  aljjhaliet  latin  Jusqu'à  l'année  312  où  le  censeur  Appius 
Claudius  Caccus  le  sujiprima  comme  inutile  pour  introduire  à  sa 
])lace  dans  l'alphabet  la  lettre  Ci. 

Nous  ciinsidéreroiis  au  eonti'aire  connue  eoj-respondant  à  une 
lacune  de  l'alpiiabet  l'absence  des  autres  lettres.  Ces  lettres  sont 
les  trois  aspirées:  0,  •p  et  '^  =  chi  ;  elles  ne  figurent  jias  dans 
récriture  parce  qu'elles  faisaient  défaut  dans  la  phonétique  latine. 
Il  en  est  de  même   ixinr  le  samcrli  et  le  zndé. 

L'alphabet  latin,  en  somme  a  subi,  en  partant  de  l'alphabet 
étrusque  archaïque,  une  réduction  motivée  par  les  mêmes  principes 
qui  ont  dirigé  lu  forme  orthographique  étrusque.  La  langue  étant 
autre,  les  résultats  ont  été  différents.  Les  premières  inscriptions  de 
Rome  montrent  clairement,  nous  semble-til,  l'écriture  étrusque  ada- 
ptée à  l'expression  du  latin.  Les  données  de  la  paléographie  concor- 
dent a\  ec  les  indications  de  l'histoire  :  une  jjériode  étrusque  à  la- 
queUe   sMceède   un   développenieni    romain   autonome. 

Nous  avons  scrupule  à  insister  sur  l'origine  étrusque  de  l'écri- 
ture latine  ;  cependant  quelques  pi'euves  accessoires  pourront  épargner 
aux  partisans  des  anciennes  théories  d'aller  chercher  à  Cumes  ou 
chez  les  (!recs  de  l'Italie  méridionale,  des  maîtres  d'écriture  pour 
les  Romains  qui,  à  Oaeré,  à  Veies,  à  Narcé,  avaient  rKtriis()ue  à 
leurs  portes  et  qui,  ;'i  Rome  inèine,  l'eurent  durant  deux  siècles 
dans  leurs  murs. 

Hréal  a  montré  spirituellement  que  si  nous  avons  maintenant 
un  C  à  la  place  du  ■,'>  •'  1=*  troisième  place  de  l'alphabet,  la  faute 
en  est  aux  Etrusques  et  non  pas  aux  Latins  comme  le  supposait 
Corssen.  Ce  sont  les   l'.trusques  qui   confondaient   r  et  ;/  et  non  les 


ET    LES   ORIGINES   DE    L'ÉCRITURE   À    ROME  39 

Romains,  puis(|ue  les  Romains  rétabliront  pins  tard  le  G  à  la  place 
de  Z,  sans  auriin  doute  parée  qirils  en  avaient  besoin.  S  ils  avaient 
oublié  ce  sou,  ils  ne  l'auraient  pas  inventé  à  nouveau.  «  Lorsque  de 
»  tels  vices  existent  dans  la  prononciation,  ils  sont  inguérissables  », 
remarque  très  justement  Bréal  '. 

Nos  inscriptions  romaines  trahissent  Tintluence  étrusque.  Les 
Latins  distinguaient  bien  la  sonore  g  et  la  sourde  c,  mais  comme 
ils  avaient  appris  l'alphabet  des  Etrusques,  ils  ne  connaissaient  qu'un 
seul  signe  C,  pour  rendre  l'une  et  l'antre.  Dans  l'inscription  du 
Forum,  rerei  représente  régi:  dans  celle  de  Puenos, /"eret?  =  fecit  : 
dans  cette  inscription  on  trouve  l'un  h  côté  de  l'autre  cosmis  =  cornes 
ou  eomis  et  rirco  =  virgo,  à  moins  qu'il  ne  faille  lire  avec  Bréal 
cosmisu  i.rco  =  commissus  crgo.  De  toute  façon,  les  sons  g  et  r 
s'expriment  par  la  même  lettre,  la  lettre  étrusque  ". 

L'alphabet  latin  a,  comme  l'étrusque,  une  surabondance  de  si- 
gnes pour  noter  la  gutturale  sourde  :  c,  /.-,  q.  On  connaît  la  règle 
du  latin  archaïque  spécialisant  ''  devant  e  ou  /,  h  devant  a  ou  nue 
consonne,  q  devant  o  ou  n.  L'inscription  du  Forum  orthographie 
Kalnforem,  snh-ros,  quoi.  De  cet  usage,  que  rien  ne  justifie  en  latin, 
M.  Haramarstnim  trouve  l'origine  dans  l'Etrurie  méridionale.  Les 
Romains  auraient  donc  emprunté  à  leurs  voisins  non  seulement 
les  caractères  de  l'alphabet  mais  les  règles  d'emploi. 

Ils  leur  auraient  emprunté,  montre  M.  Hammarstriim  jusqu'aux 
noms  des  lettres,  si  diiTérents  des  noms  grecs  et  qu'ils  nous  ont 
transmis.  Si  nous  épelons  aujourd'hui  he'.  ce',  de'  et  non  héfa,  delta, 
gamma,  c'est  parce  que  les  Etrusques   l'ont  appris    aux    Romains. 

Nous  savons  par  les  grammairiens  anciens  que  les  Latins  dé- 
nommaient ainsi    leurs  lettres  ^.   Mais  comment  remonter  à    la  uo- 


I  Mem.  .5oc.  Ling.,  VII  (1892),  p.  131. 
°  Hammarstrdin,  Beitratje  s.  Geschichte. . . ,  p.  28-30. 
■'  W.  Sclnilze,    Die    lat.    Buchstabennamen,   dans   Sitzungshev.    I!it1. 
Akad.,  1904,  p.  7G0  siiq. 


•lu  I,  Al.PIIAIlKT    IIE    SIAKSIMANA 

meiiclutiiic  iilplialjétique  ôtriisqui- ?  M.  II:tiTini:iHtr<ini  la  di-diiit  d'une 
série  d'observations  intéressantes  '.  On  sait  qm:  Tancii-nne  éiiigra- 
pliie  latine  supprime  parfois  la  voyelle  entre  deux  consonnes;  il 
faut  alors,  pour  lire  le  mot,  prononcer  non  pas  le  son,  mais  le 
n(ini  de  la  pi'cmière  consonne  :  /;«'■  par  exemple,  se  lira  hene,  dci- 
mus,  (Inimns  :  knis,  /i-anis  '.  On  aperçoit  ainsi  que  le  nom  des 
gutturales  doit  être  l'origine  de  la  spécialisation  de  leur  emploi  : 
r  s'appelait  ce  et  s'employait  devant  e  :  k-  =  ka,  devant  a  :  q  =  qu  de- 
vant n  ou  o.  Or  ce  système  d'abréviations  est  d'origine  étrusque. 
M.  Hammastriim  en  trouve  dans  l'épigraphic  et  spécialement  dans 
les  noms  j)ropres  de  très  nombreux  exemples  :  Ptroni  =  Petronius  '. 
Le  précieux  recueil  de  Scliulze  \  sans  même  recourir  au  Corpus 
étrusque,  met  le  fait  bien  en  évidence.  Des  analyses  de  M.  Ilam- 
niarstriim  il  ressoi-t  clairement  que  r,  p,  t,  f,  s'appelaient  en 
étrusque  ce,  pe,  te,  re. 

Il  en  était  de  même  pour  l,  >«,  «,  r.  Des  mots  tels  que  akl/is  = 
akl{e)-/is,  arcmsnei  =  arrm(e)snei,  prestAe  =  presmefie,  prpns^= 
pr{e)pis,  indiquent  qu'elles  devaient  s'épeler  le  ou  el,  me  ou  em,  ne  ou 
en,  re  ou  er.  M.  Hamniarstrom  admet  une  vocalisation  primitive  le, 
me  etc.,  transformée  plus  tard  en  el,  em.  Peu  importe  d'ailleurs. 
Le  seul  ciiangement  qui  nous  paraisse  ici  significatif.  c"est  celui 
de  lambda,  mu,  nu,  riio  en  le,  me,  ne,  re. 

L'origine  de  notre  nomenclature  alphabétique  est  donc  étrusque. 
Les  noms  des  lettres  eux-mêmes  coutirment  bien  la  séparation  que 
nous  nous  sommes  efforcés  de  marquer  entre  l'alphabet  grec  d'une 
part  et  l'alphabet  étrusco-latin   d'autre   part. 


'  Beitràge  s.  Gesch p.  1.5  sqq. 

'  Sur  ce  fait,  cf.  A.  Ernout,  3Iem.  Soc.  Ling.:  XllI,  p.  307  sqq. 
3  C.  I.  E.,  34.53;  C,  I.  L.,  XIV,  3210. 

*  W.  Schulze,  Ziir   Geschichte  dfrlat.  Eigennamen,   dans   Ahhandh, 
der  Gesellschaft  d.   Wissen.ich.  z.  Gotiingen,  X.  F.,  v.  2,  1904. 


ET    LES   OKICIINES   DE    l'ÈCRITUUB    À    ROME  41 

Nous  croyons  donc  pouvoir,  en  guise  de  conclusion,  résumer 
comme  suit  les  faits  sur  lesquels  le  précieux  document  pui)lié  par 
M.  Minto  contribue  à  une  lumière  nouvelle  : 

Ij  L'usure  de  l'écriture  était  courant  en  Ktrurie  dés  le  VIIT 
siècle.  Il  parait  antérieur  aux  premières  influences  grecques  sur 
l'industrie,  l'art  et  l'ensemble  de  la  civilisation  qui,  à  ce  moment, 
est  plutôt  orientale  que  teintée  d'hellénisme. 

2)  L'alplialiet  étrusque  est  grec,  mais  la  présence  de  caractères 
dès  longtemps  abandonnés  par  tous  les  alphabets  grecs  connus  in- 
terdit de  le  confondre  avec  l'alplialtet  particulier  d'un  peuple  grec 
quelconque.  Il  représente  un  alphabet  distinct  de  tous  les  autres 
et  qui  doit  s'être  séparé  du  tronc  commun  vers  le  moment  de  la 
première  division  entre  alphabets  orientaux  et  occidentaux. 

3)  L'alphabet  étrusque  archaïque  subsista  sans  modification  ap- 
préciable jusque  vers  le  (ff'but  du  V*^  siècle.  C'est  au  cours  de  cette 
période  ancienne  qu'il  fut  adopté  par  les  Latins. 

4)  Vers  le  début  du  V'"  siècle  intervint  en  Etrurie  une  réforme 
orthographique  dont  l'effet  fut  de  resserrer  le  rapport  de  l'écriture 
avec  la  phonétique  étrusque.  Les  Latins,  de  leur  côté,  accomplirent 
une  réforme  parallèle  mais  indépendante,  abandonnant  les  lettres 
étrusques  qui  ne  leur  servaient  pas,  mais  sans  remédier  entièrement 
aux  confusions  introduites  par  l'influence  étrusque  et  eu  conservant 
des  traces  nombreuses  et  diverses  des  habitudes  anciennes. 

5)  La  différence  entre  l'alphabet  latin  et  celui  des  Osques  et 
des  Ombriens  ne  tient  pas  à  une  diversité  d'origine;  les  uns  et  les 
antres  sont  étrusques.  Mais,  à  la  base  de  l'écriture  latine  se  trouve 
l'alphabet  étrusque  archaïque.  Les  Osques  et  les  Ombriens  au  con- 
traire ont  adopté  l'alphabet  étrusque  réformé,  soit  qu'ils  aient  appris 
à  écrire  plus  tard  que  les  Latins,  soit  qu'ils  se  soient  soustraits 
moins  tôt  à  l'influence  étrusque. 

A.  Grenier. 


LA  CAPTIVITE  ET  LA  MORT 
DE  JEANNE  I''"  DE  NAPLES 


La  question  de  savoir  où,  quand  et  comment  mourut  la  reine 
Jeanne  1''"'  de  Naples  a  longtemps  passé  pour  presque  insoluble. 
«  L'historien,  écrivait  Noël  Valois  en  LS96,  ne  peut  guère  se  pro- 
noncer ni  sur  la  date  exacte  ni  sur  le  caractère  de  cette  fin  tra- 
gique »  '.  Mais  ce  serait  à  désespérer  de  l'érudition  si  de  temps  en 
temps  quelqu'un  de  ces  problèmes  ne  cédait  aux  efforts  des  cher- 
cheurs. Tour  à  tour  Erler  '  et  de  Blasiis  '  par  le  rapprochement 
des  données  des  différentes  chroniques,  Jarry  ^  et  Tropea  '"  par  la 
publication  de  lettres  jusqu'alors  inconnues  ont  rendu  celui-ci  moins 
ardu.  Le  temps  nous  parait  venu  de  lui  consacrer  une  étude  d'en- 
semble "  où  nous  joindrons  aux  renseignements  déjà  acquis  la  con- 

'  La  France  et  le  yrand  Schisme  d'Occident,  t.  II,  p.  .''il. 

'  Dans  son  édition  du  De  Scismate  de  Tliieny  de  Nyem  (Leipzig, 
1890)  p.  48,  notes  2  et  3  de  la  p.  48. 

■''  Voir,  dans  l'édition  du  C'hronieon  Siculum  publiée  par  cet  érudit 
{Monumenti  siorici  de  la  Società  napoletana  di  Storia  patria.  1.  Cionaclie, 
Naples,  1887)  les  notes  1,  2  et  4  de  la  p.  45. 

*  La  mort  de  Jeanne  J/(sie),  reine  de  Jérusalem  et  de  Sicile,  en  13S2, 
in  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  chartes,  t.  LV  (1894),  p.  239. 

^  I)>i€  lettere  inédite  intnrno  alla  morte  délia  regina  Gioranna  T'  di 
Napoli,  in  Niioi^o  Archirio  Veneto,  1909,  ]).  475.  On  trouvera  dans  cet 
article  un  historique  du  problème. 

^  Madame  Margarcte  Rothbarth  a  consacré  :\  cette  question,  sous  le 
titre  «  Todesart  und  Todesd.atuui  .lohannas»,  un  court  appendice  de  son 
■  UrbanVI und  JV('n^je?(Ab]iaudlungen  zur  Mittleren  und  Neuerengeschichte 
herausgegeben  von  (leorg  V.  Below,  Heiurich  Finke,  Friedrich  Meineeke . 
Heft  49.  Berlin  und  Leipzig,  1913.  Pp.  93-97).  Nous  discuterons  la  thèse 
qui  y  est  contenue,  ni.ais  tout  le  travail  souiïre  d'avoir  été  t'ait  d'après 
les  seuls  documents  publiés  et  sans  aucune  recherche  dans  les  archives. 


•Il  I.A    OAITlVITfc    ET    LA    MORT 

tiiliiitiiiii   lie  ilMiiiiMi'iits  iiK'dits  qui'  nous  avons  eu  l:i  lionne  fortune 
ilr    Iroiivei-  <iii    plutôt    ilr   l'ctrouver. 


Les  sources  narratives  ont  été  jusqu'à  la  publiciition  de  Jarry 
les  seules  où  l'on  i)ût  puiser  pour  l'histoire  de  la  mort  de  la  reine 
.lc;uinf.  Il  est  vr;ii  qu'elles  étaient  nomlireuses,  car,  l'événement 
ay.int  à  la  fois  ému  les  imaginations  et  excité  les  curiosités,  il  est 
peu  de  clironiqiies  ilc  (jnelque  étendue  de  la  lin  du  XIV"  siècle 
et  du  XV^'"'"  siècle  qui  ne  lui  consacrent  une  mention.  On  trou- 
vera dans  Erler  une  énnmération  des  principales  d"entre  elles;  nous 
n'en  citerons  ici  que  quatre  dont  nous  ferons  pins  spécialement  état 
comme  contemporaines  des  faits  que  nous  étudions:  le  Chronicon 
sividum,  les  Giornali  napoletani  ciel  dttcn  di  Monteleone ',\e  De 
Scismate  de  Thierry  de  Nyem  et  la  Vita  prima  démentis  Y II'  '. 
A  l'avantage  que  nous  venons  de  signaler  elle  joignent  le  mérite 
d'avoir  été  composées  les  deux  premières  dans  le  Royaume  et  sans 
doute  à  Naples  même,  les  dernières  dans  l'entourage  des  papes  ri- 
vaux Urbain  VI  et  Clément  VII.  C'est  donc  l'écho  de  trois  milieux 
ti'ès  différents  et  bien   informés  qu'elles  nous    apportent. 

.Si  intéressantes  que  soient  ces  clironiques,  elles  ne  sont  plus  ap- 
pelées à  jouer,  comme  on  le  verra,  qu'un  rôle  de  contrôle  et  de 
complément  dans  la  documentation  de  notre  sujet  depuis  que  l'on 
a  sur  la  (in  de  .Icanue  T'''"  les  versions  officielles  que  les  deux 
prétendants  au  trône  de  Naples,  Charles  de  Duras  et  Louis  d".\njou, 
ont  jugé  bon  de  publier.  La  version  de  Charles  de  Duras  nous  est 
connue  par  la  circulaire  qu'il  fit  tenir,  peu  de  temps  après  la  mort 
de  la  reine,  à  un  certain  nombre  de  communautés  et  de  seigneuries 

'  Ed.  de  N.  F.  Favaglia,  dans  la  mrnu^  collection  i|ih'  le  Chronicon 
Sicuhim  (Naples,  1895). 

2   Vitae  2}apiir)im  Are>iio)iensinm,  rd.  .Mollat,  t.  I  (Paris,  191t)). 


I)K   JEANNE    l*'"-'    DE    NAPLBS  45 

italiennes,  peut-être  à  toutes.  Une  seule  expédition  de  cette  cir- 
culaire nous  est  parvenue  sous  sa  forme  orig-inale  :  c'est  celle  qui 
fut  envoyée  à  Fruucesco  da  Carrara,  seigneur  de  Padoue  '  :  mais 
les  termes  s'en  retrouvent  textuellement  dans  la  lettre  que  les  Flo- 
rentins, au  reçu  de  la  nouvelle  ',  écrivirent  à  Pietro  Gambacorti, 
capitaine  général  de  Pise,  pour  la  lui  transmettre':  enfin  le  con- 
tenu, sinon  les  mots  eux  mêmes,  s'en  reconnaît  dans  la  réponse 
que  les  anciens  de  Lucques  firent,  le  17  août,  au  faire  part  de 
Charles  de  Duras,  daté  du  l'"''  de  ce  mois  ^.  Cette  réponse  a  échappé 
à  nos  prédécesseurs,  bien  qu'elle  eût  été  analysée  dans  l'inventaire 
de  M.   Fumi  *  :   mms  la  donnons  en  appendice  '. 

Les  lettres  publiées  par  Jarry  et  par  Tropea  étaient  assez  pré- 
cieuses pour  que  le  dernier  de  ces  éditeurs  et  M.™"  Rotliliartii  pen- 
chassent à  en  adopter  les  affirmations.  Elles  ne  contenaient  pour- 
tant qu'une  thèse.  Nous  avons  retrouvé  l'expression  officielle  de  la 
thèse  contraire,  c'est  à-dire  la  version  présentée  par  Louis  d'.\njou 
de  la  mort  de  sa  mère  adoptive,  en  deux  documents  qui  se  com- 
plètent parfaitement.  Le  premier  est  une  lettre,  datée  du  18  sep- 
tembre 1383,  adressée  par  Louis  :\  quelqu'un  de  ses  fidèles  '^  pour 
lui  notifier  son  avènement  au  trône  de  Naples.  Conservée  dans  les 
archives  de  Lucques  ',  elle  a  été  signalée  dans  l'inventaire  de 
M.   Fumi  *"  mais  n"a  Jamais  été   ni  éditée  ni  même  utilisée  ;    aussi 

'  Tiopea,  loc.  cit..  jip.  479-4S0. 

'  Jarry,  loc.  cit. 

'  R.  Archivio  di  Stato  in  Lucca,  An^iani  al  tempo  délia  libertà,  n.  530. 
c.  177  V. 

*  Begesti.  II.  Caifeggio  degli  Anziiuii  (Lucca.  1!)03.  in  4"),  n.  9(îO. 

^  Appendice  n°  I. 

'  «La  lettera,  dit  M.  Fumi,  présenta  lutta  la  forma  di  iina  circolare 
destinata  aile  dignità  del  legno.  Questo  esemplare  certamente  é  ipiello 
capitato  in  mani  degli  auibasciatori  di  Lucca  che  si  trovavano  in  ]*e- 
rugia  nclla  meta  ili  novenibri'  13.s:'.,  i-oiiie  dalla  loio  lettera  ilrl  11  ili  (|iiel 
mese  ». 

'   Amaini  <il  leiiiiio  drltn   Jibcrti'i,  n.  439. 

«  N.  1102. 


4()  LA    CAFTIVITÉ    ET    I.A    MORT 

la  (lonnoiiH  nous  en  ai)i)eiidire  '.  I>e  second  de  ces  document»,  qne 
nous  publions  paieillcmeut  ',  est  la  lettre  par  laquelle  la  reine 
Marie,  veuve  dr  Louis  d'Anjou,  annonçant  aux  Marseillais,  le  20 
août  l:i85,  le  décès  de  son  mari,  retrace  tonte  Thistoire  de  l'expé- 
ilitiou  (le  celui-ci  en  Italie.  L'original  en  fut  vu  aux  archives  de 
Marseille,  au  XVI 1'"'"  siècle,  par  l'iiistorien  de  cette  ville,  Ruffi. 
qui  l'aiialj'sa  d'une  façon  suffisamment  exacte  '.  Depuis,  il  disparut 
des  cartons  et  ccliappa  ainsi  aux  recherclies  de  Noël  Valois  :  celui- 
ci  se  borna  à  mciitioniur  le  récit  de  Uuffi  d'une  note  assez  rapide 
pour  (|u'aucun  des  érudits  postérieurs  ne  songeât  à  consulter  V Mis.- 
toire  de  Marseille.  La  pièce  n'était  d'ailleurs  qu'égarée  et  l'actuel 
archiviste  municipal,  M.  Isnard,  eut  tôt  fait  de  la  retrouver;  nous 
devons  à  sa  grande  obligeance  d'en  avoir  eu  connaissance  et  le 
prions  ici  k  nouveau  d'agréer  nos  remerciements. 

Deux  autres  récits  de  la  mort  de  la  reine  Jeanne  ])rovenaut 
l'un  de  Clément  VII.  l'autre  d'un  partisan  de  Louis  d'Anjou  nous 
étaient  signalés  i)ar  l'inventaire  de  la  série  AA  des  archives  mar- 
seillaises de  M.  Mabilly  et  par  une  note  de  Noël  Valois.  Malheu- 
reusement la  bulle  de  Clément  VII  (Marseille  AA.  6.5)  par  laquelle 
ce  pape  demande  aux  Marseillais  de  reconnaître  le  jeune  Louis  III 
ne  contient  à  propos  de  la  fin  de  Jeanne  que  des  exclamations, 
des  dithyrambes,  et  aucun  renseignement.  Quant  au  manuscrit  des 
archives  de  la  Haute-Garonne  que  cite  Noël  Valois,  d'après  une  com- 
munication, il  ne  fournit  absolument  aucun  détail  sur  les  événements 
dont  nous  nous  occupons  ;  ce  qu'en  dit  le  savant  auteur  *  est  erroné, 
ainsi  qu'a  bien  voulu  nous  l'apprendre  l'archiviste  de  ce  département. 

'  Appendice  ii"  II. 

'  Appendice  n"  III. 

'  Histoire  de  la  ville  de  Marseille,  2>'  éd.,  t.  I  (Maiscille,  Kifttî),  p. -217. 

*  Op.  cit..  p.  51.  «Un  de  ses  partisans,  qui  adressa  vers  la  mônir 
époque  un  long  uiéinoire  au  pape  d'Avignon,  affirme  que  la  reine  .leannc 
fut  étouffée  après  avoir  subi  bi  torture  par  la  distorsion  des  membres 
(Arcli.  de  la  Ilaute-tTaronnc.  V.  1,  fol.  iW)  ■. 


DE   JEANNE    I':'"-'    DK    NAI'LES  47 


On  sait  fomment  s'ouvrit  la  traj^édie  (iiii  (levait  coûter  la  liherté, 
puis  la  vie  à  Jeanne  l''"*".  Déjà  en  l>ntte  à  riiostilité  d'Urbain  VI 
par  suite  de  la  faveur  qu'elle  avait  montrée  à  Clémeut  VU  dès 
les  débuts  du  Grand  Schisme,  cette  reine  s'attira,  par  l'adoption 
du  duc  d'Anjou  Louis  pour  iiéritier,  l'inimitié  mortelle  de  son  neveu 
Charles  de  Duras  à  qui  elle  avait  paru  jusque  là  réserver  la  cou- 
ronne. Cliarles  prit  fait  et  cause  pour  Urbain  VI,  descendit  de 
Hongrie,  où  il  se  trouvait  alors,  en  Italie  avec  des  troupes  aguerries, 
alla  recevoir  à  Rome,  le  1''  Juin  1381,  l'investiture  des  royaumes 
de  Jérusalem  et  de  Sicile,  repoussa,  le  24  de  ce  mois,  l'assaut  que 
lui  livra  à  Anagni  le  mari  de  la  reine,  Othou  de  Brunswick,  passa 
la  frontière  et,  le  16  Juillet,  entra  dans  Naples  dont  les  haliitants, 
urbanistes  déclarés,  lui  facilitèrent  l'accès  '.  La  souveraine,  entourée, 
dit-on,  de  cinq  cents  partisans,  parmi  lesquels  deux  cardinaux,  les 
grands  oflficiers  de  la  cour  et  les  deux  belles  sœurs  de  Charles  de 
Duras,  Jeanne  et  Agnès,  s'était  enfermée  dans  le  Château  Neuf, 
qui  était  à  la  fois  son  palais  et  la  |)lus  puissante  de  ses  forte- 
resses. i)our  y  attendre  le  secours  qu'elle  demanda  en  tonte  hâte 
à   son  mari   et    à    ses    sujets  de  Provence  ".   Cliarles   de   Duras,  de 

'  La  marche  de  Charles  de  Duras  est  excellemment  résumée  par  JI'i"" An- 
gola Valente  dans  son  ouvr.ige  consacré  à  la  femme  de  ce  prince  (il/nr- 
gherita  di  Burazzo.  Naples,  1909.  P.  12,  note  1).  Il  faut  seulement  com- 
pléter le  récit  qu'elle  en  fait,  et  par  exemple  en  ce  (|ui  concerne  la  liataille 
d'Anagni,  par  les  précieux  renseignements  contenus  dans  les  lettres  de 
Cristoforo  da  Piacenza,  représentant  de  Mantouc  auprès  d'Urbain  W. 
(Arturo  Segrè,  /  dis2)acci  di  C.  da  P.,  1.S78-18.S3,  in  Archirio  Ston'co  lia- 
liano,  h"  série,  t.  XLIV,  1909).  Notons  aussi  que  le  Jottnial  de  ,Iean  le 
Fèvre,  chancelier  de  Louis  d'Anjou,  est  d'accord  avec  les  auteurs  italiens 
pour  fixer  la  date  de  l'entrée  de  Charles  à  Naples  au  Ki  jiiillc-t  (éd.  Mo 
ranvillé.  p.  s). 

-  In  rapport  de  Nicola  Ficsco  au  comte  de  Savoie  {Arch.  stur.  ilal., 
IiTP  série,  t.  XIII,  p.   112  et   Caméra,  Elucidn-azioni  storico-diploinatiche 


•IH  LA    CAITIVITI';    KT    I.A    MUIIT 

son  coti';,  cciminein;!i  imiiié(li:it<Mnciit  '.  sur  tt'iTC  et  sur  mer,  le  siège  <lii 
cliâtcau,  qui  fut  tout  de  suite  poussé  très  activement  tant  il  avait 
liesoiii  (rcinporter  la  place  avant  (lue  les  troupes  d'Otlion,  occupées 
à  rava^'cr  les  environs  de  la  capitale,  n'eussent  tenté  quelque  effort 
suprême,  avant  surtout  que  les  forces  provençales  ne  fussent  venues 
les  grossir.  Trois  balistes  bombardèrent  le  château  de  ((uartiers 
de  roclie  et  y  jetèrent  des  immondices  et  des  cadavres  en  putré- 
faction.   l)('s  travailleurs  sapèrent  les  fundations  des  tours.   Hicntnt 

intonio  al  reijno  <li  (iiovanna  I".  Salerne,  1SS9,  j».  29.1)  parle  d'une  lettre 
que  la  reine  assicgc-e  aurait  écrite  à  son  mari  pour  l'appeler  à  l'aide. 
—  Le  18  juillet,  l'un  des  assièges,  le  comte  cliauibrier  Giacomo  Arcnccia 
da  Capvi  dépèdia,  par  l'intermédiaire  du  patron  d'une  galère  catalane, 
une  demande  de  secours  aux  Marseillais.  On  trouvera  cette  lettre  dans 
N.  Valois,  021.  cit.,  t.  Il,  p.  10;  mais  l'intérêt  vraiment  émouvant  de  ce  do- 
cument nous  pousse  à  le  publier  à  nouveau,  d'après  l'original  (Ardi.  de 
Marseille  BB  2S.  fol.  55  v"):  «  Nobilibus  et  prudentibus  viris  Communi- 
tatis  civitatis  Massilie  honorabilibus  amicis  suis  magnus  camerarius  regni 
Sicilie.  Nobiles  et  prudentes  viri  et  honorabilcs  aniici,  brevitate  teniporis 
non  possumus  lacius  vobis  seribere  ipiia  Perrus  Catanii,  patronus,  lator 
presencium,  vos  apercius  informabit  quia  domina  regina,  comuuuiis  do- 
mina, est  acriter  obsessa  in  Castro  Novo  N'capolis  per  Caroluni  de  Du- 
racio,  dato  sibi  aditu  et  introitu  Neapolis  per  Neapolitanos.  licet  cloniinns 
Otto,  vir  domine,  sit  in  campis  cnm  octigentis  {sic}  lanceis.  Itaqne  si  vos  . 
succurretis  sibi  cnm  galeis,  domina  poterit  recuperare  Neapolim.  Propterea 
rogamns  vos  multuni  quod,  pro  lidelitate  vestra,  succurratis  sibi  in  isto 
articulo  necessitatis  tanquam  domine  naturali.  Scriptum  festinanter  in 
Castro  Novo  civitatis  Neapolis,  die  XVI 11"  julii,  IIIF  indictionis.  Post 
scriptum:  domina  babet  castra  et  fortillicia  civitatis  Neapolis.  Scriptum  ut 
supra».  Cette  lettre  fut  communiquée  le  1'^^'' août  an  Conseil  de  Marseille 
qui  nomma  une  commission  pour  pourvoir  à  toutes  les  mesures  utiles  et 
tit  iirévenir  le  sénéchal  de  Provence.  —  Par  contre  la  lettre  de  Jeanne 
à  Rinaldo  Orsini  (jui  fait  l'objet  de  l'article  de  M.  Egidi  sur  la  ScrUtwn 
segrctn  di  Giovanna  I"  di  Napoli  {Arch.  ator.  prov.  NapoMane,  t.  XXXI. 
190ti,  p.  360)  est  du  7  aoiit  1380  et  ne  se  rapporte  pas  au  siège  du  Châ- 
teau Neuf  comme  le  dit  M.  A.  Segrè,  op.  cit.,  p.  305,  note  1. 

'  Dès  le  18  juillet,  (riacomo  da  Capri  écrivait:  <<  domina  regina  est 
acriter  obsessa  in  Castro  Novo  Neapolis  »  et,  le  lendemain,  Charles  de 
Duras  dans  une  lettre  aux  habitants  de  Chieti:  «  Civitatem  tenemus  po- 
tenter,  Castrum  novuni  in  niaxima  obsidionc  tenentes  ubi  deget  .lohanna 
(Caméra,  op.  cit.,  p.  294). 


DE   JEANNE    l'-""-    DE    NAPLES  li' 

la  famine  s'ajouta  aux  dangers  du  siège  '.  Des  pourparlers  eu- 
rent lieu  à  l'hôpital  royal  de  l'Incoronata,  le  20  août,  entre 
Charles  de  Duras  et  un  parlementaire  du  Château  Neuf,  Ugo  di 
Sanseverino.  Soit  que  la  reine  eflt  refusé  de  se  rendre,  ainsi  que 
l'assure  Coluccio  Salutati,  soit  que  ces  entretiens  eussent  eu  comme 
résultat,  selon  la  version  des  Giornali  Napoletani,  la  promesse  faite 
par  Jeanne  qu'elle  se  rendrait  le  25  si  aucun  événement  ne  se 
produisait  d'ici  là,  la  forteresse  tenait  encore  lorsque,  le  24,  Othon 
de  Brunswick,  parti  de  Capoue,  s'introduisit  dans  le  Cliâteau  Saint 
Elme,  qui  dominait  Xaples  et  que  les  partisans  de  la  reine  avaient 
conservé.  Le  lendemain  "  il  en  descendit  pour  livrer  bataille,  fut 
mis  en  déroute  et  fait  prisonnier.  Bien  que  le  Château  Saint  Elme 
et  le  Château  Capouan  fussent  encore  au  pouvoir  des  siens,  Jeanne, 
désespérant  des  secours  de  Provence,  ne  crut  plus  pouvoir  résister 
dans  le  Château  Neuf  qui,  d'ailleurs,  était  miné.  Elle  envoya  donc 
à  nouveau  Ugo  di  Sanseverino  auprès  de  Charles  de  Duras,  puis 
eut  elle  même  avec  celui-ci,  le  26  août,  dans  les  jardins  du  Château, 
un  entretien  ([ui  dura  jnsi[u';i  la  nuit.  Charles  savait  être  séducteur: 
il  usa  de  son  charme,  prodigua   à   la  souveraine  protestations  de  res- 


'  On  trouvera  un  récit  très  vivant  de  ce  siège  dans  l'ouvrage  de  G.  de 
Blasiis  iiitituK-  Le  Case  dei  Priiicipi  Angioiiii  (in  Racconti  di  storia  na- 
poletanri.  Naples,  1908.  PP.  291-293).  Aux  chroniques  utilisées  par  cet  au- 
teur il  faut  ajouter  les  renseignements  donnés  par  la  bulle  d'excommu- 
nication de  Charles  de  Duras  par  Clément  VII  (A.Valcute,  o^.  «7.,  p.  171) 
et  par  la  lettre  que  Coluccio  Salutati  envoya  à  Charles  pour  le  féliciter 
de  ses  succès  {Epistolario  di  G.  S.,  public  par  Novati,  t.  II,  Rome,  1893, 
pp.  17-18).  La  bulle  de  Clément  VII  parle  du  bombardement  du  château 
avec  des  immondices  et  des  restes  humains;  le  Cosmodromium  de  (}(j\w- 
linus  Persona  donne  les  mêmes  renseignements,  en  li's  délayant.  <'f.  aussi 
les  Diarii  Neapolitani  ciijusdam  fragmenta  pulili(''s  dans  ÏArch.  stor.  pruv. 
Nap.,  t.  VI,  p.  335. 

'  Ces  dates  des  24-25  août  pour  l'arrivée  d'Othon  et  la  bataille  sont 
données  par  les  Giornali  del  duct,  di  Monkleonc.  ("oluccio  Salutati  et  les 
Diarii  Neapolitani  citjiisdam  fratjincnia.  Cristoforo  lia  Piaeenza  indiiiue 
les  25-26  août. 


Mélanges  d'Arck.  et  d'Hist.  1924. 


50  LA    CAITIVITK    ET   LA    M<IKT 

pict  et  promesses  '.  Due  convention  écrite  fut  établie  ',  parait-il, 
à  la  suite  de  laquelle  Jeanne,  rentrant  dans  sou  château,  y  arbora, 
en  signe  de  capitulation,  la  bannière  de  «on  vainqueur,  tandis  que 
celui-ci  retournait  an  palais  du  ^rand  sénéeiial  où  il  avait  établi 
ses  quartiers  ^. 


"  Voir  dans  Vllistoria  Aqinla>ia(SS.  RU.  Ital.  t.  XVI,  col.  h:^ô-.s36) 
le  discours  qu'Antonio  di  Buccio  prête  à  la  reine. 

'  Cf.  la  lettre  de  la  reine  Marie:  «...  ipsam  (re^inam)  blandis  et 
subdolis  verbis,  inultis  faclis  proniissionibus,  eciain  in  scriptis  redactis 
et  firinatis,  ad  se  reddendum  induxit  ' . 

3  Aux  clironiques  dont  s'est  servi  De  Blasiis  pour  le  récit  de  ces  évé- 
nements on  peut  ajouter  les  informations  d'origine  -îénoise  qui  furent  trans- 
mises au  Conseil  de  Marseille,  dans  sa  séance  du  It!  septembre  1.H81,  de 
la  part  du  Sénéchal  de  Provence.  Noël  Valois  y  fait  une  courte  allusion 
(t.  II,  p.  11);  voici  en  son  entier  le  passage  du  Registre  des  délibérations 
qui  s'y  rapporte  (Arch.de  Marseille.  BB  "28.  fol.  til):  «  Dictus  dominus 
Honoratus  [de  Berra,  magister  rationalis],  in  dicto  consilio  e.\  parte  dicti 
domini  senescalli  e.\posuit  referendo  qnod  dictus  dominus  senescallus, 
dum  esset  in  Xicia,  die  doniinica  proxinio  preterita,  et  se  disponeret  ad 
recessum  apud  Neapoliui  cuni  omnibus  galeis  armatis  pro  domine  nostre 
regine  presidio  et  succursu  liabuit  quatuor  aut  quinque  litteras  de  civi- 
tate  Janue  et  aliunde  sibi  et  cortis  reginalibus  tidelibus  specialiter  desti- 
natas  continentes  quod  dominus  dnx  Brusnsiensis,  domine  regine  maritus 
inelitus,  ad  tractatuni  nephariuui,  prevaricatum  et  faisuui  civium  Neapo- 
litanornm,  legiualiuui  rebelliuui.  die  XXIIII  augusti  cum  sua  génie  ar- 
migera  intravit  civitatem  Neapolis.  In  cujus  ingressu  captus  de  persona 
proditionaliter  extitit  et  demnm  in  diversis  sue  persone  partibus  vulne- 
ratus  ad  morteui  et  ibi  devictus  absolute  cura  suis,  ubi  muiti  gladio  pe- 
rierunt.  Deinde  dicta  nostra  rcgina  post  dictum  conHictum  modo  preraisso 
habitum  utpote  territa  et  afflicta  nimio  pre  dolore.  apertis  portis  Castri 
Novi  de  Xeapoli  ubi  tune  residebat  cum  suis  tidelibus  se  reddidit  in  po- 
testate  domini  Karoli  de  Duracio,  sui  rebellis,  absque  alia  rcsistencia 
aliiiuali  ».  Il  y  a  une  légère  discordance,  pour  les  dates,  entre  ce  texte 
et  les  chroniques  dont  nous  avons  suivi  la  chronologie.  Encore  pourrait 
on  la  faire  disparaître  en  interprétant  les  mots  «  intravit  civitatem  Xea- 
polis  ■>  comme  désignant  l'entrée  d't.)thon  dans  le  Château  !>aint  Elme  et 
en  remarquant  que  rien,  dans  ce  document  ne  s'oppose  à  la  division,  faite 
par  des  récits  plus  explicites,  de  l'opération  en  deux  Journées. 


DE   JKANNK    V"^'    PE    NAPLBS 


Sans  doute  Cliarles  de  Duras  avait  il  juré  de  traiter  Jeanne 
en  souveraine,  peut-être  même  de  lui  laisser  faire  demeure  au 
Château  Neuf.  Une  semaine  ne  s'était  cependant  pas  écoulée  de- 
puis le  2(>  août  ((Ue,  le  J  septemi)re,  il  la  tit  conduire  prison- 
nière au  Cliâteau  de  l'CEuf  et  s'installa  h  sa  place  dans  le  palais  '. 
A  en  croire  les  Ghinuili  <Ip1  Ihnu  di  Monteleow;  il  aurait  eu  de 
fortes  raisons  d'ai^ir  ainsi,  cai'  la  veille  même  de  ce  transfert,  le 
1"  septenilirc.  dix  galères  jjrovengales,  portant  entre  autres  sei- 
gneurs le  comte  de  Caserte,  auraient  apparu  en  vue  de  Xaples  -. 
Il  est  naturel  que,  séduits  par  ce  qu'il  y  avait  de  tragique  dans 
cette  arrivée  des  secours  ([uelques  jours  à  peine  aj^'ès  la  reddi- 
tion, la  plupart  des  auteurs  aient  accepté  cette  date  ■'.  Elle  est 
mallieureiiscmcnt  inexacte.  En  effet,  le  12  septembre,  le  comte  de 
Caserte  était  encore  en  Provence  ^  ;  et  quant  à  la  flotte,  le  sénédial 
de  Provence  prenait  ses  dispositions  pour  la  faire  partir  lorsqu'il 
apprit  h  Nice,  le  S  septemlire,  la  catastrophe  de  Naples  '".  Il  nous 
faut  donc  acc(q)ter  de   pi'éférence  pour  la   date  de  la  première  ap- 


'  Chionicoii  Siciiluiii,  p.  :!!•:  .  Anno  Domini  M.CCC.LXXXI.  die  II 
septembris,  V.  ind.,  domina  rciiina  Johanna  exivit  de  Castro  Novo  et  por- 
tat;i  fuit  captiva  sub  bona  custodia  ad  Castinm  0\i  et  idem  veio  rex 
Caiolns  intravit  ad  rtormiendnni  in  Castro  Novo  ». 

'  P.  20:  «  Lo  primo  de  setterabre  de  la  5»  ind.  in  Napole  vcnncro 
dece  salée  île  l'rovenzani  in  soccorso  délia  regina  et  allliora  la  trovaro 
in  presone,  et  |)er  questo  non  fo  niente  iloro  venuta,  e  sopra  qneste  ga- 
lee  venea  lo  conte  de  Caserta  et  Angeliizzo  de  Sarno  •. 

^  Déjà  an  XV"""'  siècle,  Buonincontro  écrivait  dans  ses  Annales: 
«  (bornes  Casertae.  qui  reginae  partinm  erat.  kalendis  septendiris  ex 
Provincia  cum  deeeiu  trirpniil)us  venit,  reginae  subventnrus,  ipiarto 
post  die  (|uo  .Ioliann;i  sese  Carolo  dedcrat  ».  (SS.  RM.  lUil.,  XVI, 
col.  42). 

*"   Arcli.  Vaticancs,  IntmUus  et  Exitits,  vol.  .■i;)4,  fol.   120. 

^  Voir  supra,  p.  50,  note  3. 


52  LA    CAITIVITfc    ET    LA    MflItT 

paritioii  des  galères  i)roveni;ales  sur  la  côte  napolitaine  celle  du 
22  septemldv  que  donne  le  Chronicon  Siciihnn  '  et  le  tninsfert 
lie  la  reine  au  Ciiàteaii  «le  l'Œuf  cesse  d'être  en  corrélation  avec 
cet    événement. 

Charles  de  Duras  avait  pris  la  précaution  de  séparer  .Ir-anne 
d'Otlion  de  Hrunswick,  (jui  fut  emprisonné  an  Ciiateau  Neuf  ainsi 
que  le  grand  chancelier  Nicolas  Spinelli  da  Giovinazzo.  Au  château 
de  l'Œuf,  où  se  trouvait  également  détenu  le  comte  chamhrier  Gia- 
como  da  Capri  ',  la  souveraine  n'aurait  en,  à  en  croire  la  lettre  de 
la  reine  Marie,  que  la  compagnie  et  les  lions  offices  de  quelques  sui- 
vantes et  de  quelques  serviteurs;  dès  ce  moment  elle  aurait  été 
durement  traitée  '.  Peut-être  y  eut-il  à  son  égard  une  recrudescence 
de  sévérité  après  le  parlement  qui  se  tint  A  Napics  au  déhut  de 

'  P.  40:  «  Eodem  anno  et  eoileui  mcnse.  die  XXH  ejusdem,  V  galei' 
Provincialiuiii  et  una  Catalanonini  ciim  imiitis  nohilibus  baronitiiis  Pro- 
vincialibus  intraverunt  poitu  (sic)  Neapolis  et  cuiii  fucrunt  in  Castro 
Novo  (siC'  ubi  erat  captiva  domina  regina  Johanna  eievavenint  lausum 
sub  nomine  dicte  regine  et  illo  die  cepenint  ^olectam  Castrimaris  ..  Après 
avoir  dévasté  les  côtes  napolitaines,  ces  galères  en  vinrent  à  un  accord 
avec  le  nouveau  roi.  Antonio  di  Biiccio,  Hist.  Aiptil.,  col.  843;  «El  lè 
Carlo  poco  se  ne  illo  curone  |  elie  avea  presa  oune  signoria  I  E  colli  pa- 
tron! délie  galee  favellone  ».  Cet  accord  eut  lieu  sans  doute  vers  le  milieu 
du  mois  d'octobio  car  la  lettre  de  Cristoforo  da  Piacenza  du  24  de  ce  mois, 
envoyée  de  Roiiic.  en  parle  comme  en  train  d'être  conrlii.  Aucun  document 
contemporain  ne  dit  que  les  patrons  de  ces  galères  aient  vu  la  leine  captive 
ni  qu'ils  aient  été  exhortés  par  elle  à  la  venger,  ainsi  que  le  raconte 
Tristano  Caracciolo  (Vita  Joannae  /'"'). 

•  Cristoforo  da  Piacenza  écrit,  le  8  décembre:  «  In  factis  autem  do- 
mine illius  scélérate  undieris  antique  sic  loquor  quod  est  in  Castro  Ovi 
una  cum  Jacobo  de  Capua...  Dominus  Octo,  dux  Brondvicensis,  est  in 
Castro  Xovo.  ubi  rex  residet  ad  presens,  et  dominus  Xieolaus  «U-  Xua- 
poli  •.  Cf.  aussi  les  Diarii  nenpolitani  fragmenta^  p.  :Viô:  •  Et  sic  dicta 
domina  rostituit  castruni  et  <lata  carceri  in  Castro  Ovi  cum  domino  .lacobo 
de  Capus  (.s/e),  comité  de  .-^spercli  et  certis  aliis  •  et  le  CltioiiUon  Si- 
cidiiiii,  p.  40:  «  Eodem  die  VIII  septerabris  ejusdem  ind.- dominus  Otto 
de  Derroia  {sic)  portatus  fuit  captivas  in  Castro  Novo  >. 

■*  «  Ipsam  in  Castro  suo  Ovi  duris  et  inbnmauis  carocribus  cum  mo- 
dica  familia  miserabiliier  tenait  carceratara  ». 


DE   JKANNE    I' '='     DK    NAPI.BS  53 

novembre  et  où  l'on  s'occupa  de  son  sort  '.  En  tout  cas  au  moins 
dès  la  fin  de  novembre  "'lie  était  fort  étroitement  surveillée  et  per- 
sonne ne  ponv.iit  lui  parler  sans  autorisation  ".  Une  phrase  de  Cri- 
stoforo  da  l'iaeenza  qui  fait  allusion  à  de  prétendus  aveux  ■'  per- 
mettrait même  de  supposer  qu'on  ne  laissait  pas  la  malheureuse  en 
repos  et  qu'on  essayait  de  lui  extorquer  des  déclarations  compromet- 
tantes ;  mais  peut-être  n'y  a  t-il  là  que  fantaisies  d'un  esprit  sans 
grande  élévation  intellectuelle  *   ni  morale. 

Si  bien  gardée  qu'elle  fût  au  Château  de  l'Œuf,  Jeanne  ne 
l'était,  parait-il,  pas  encore  assez.  On  découvrit  au  mois  de  décem- 
bre un  complot  tramé  par  un  de  ses  partisans,  le  propre  lieau- 
frère  de  Cliarles  de  Duras,  Charles  d'Artois.  Celui-ci,  fait  pri- 
sonnier avec  Othon  de  Brunswick,  avait  prêté  hommage  à  son 
vainqueur  et  avait  été  mis  en  liberté.  Une  fois  maître  de  ses 
mouvements,  il  forma  le  plan  de  faire  assassiner  Charles'  de  Duras 


'  Cristoforo  da  Piacenza,  annonc;ant.  le  24  octobre,  le  prochain  par- 
lement, écrivait:  «  Ibi  tratabitur  inter  alia,  uti  potui  sentiie,  de  quiète 
patrie  et  quid  debebit  esse  de  fatis  dictormu  domini  Octonis  et  Johanne  ». 
Sur  ce  parlement  voir  le  Chronico»  Siculum,  pp.  41-42. 

*  Cristoforo  da  Piacenza,  lettre  du  8  décembre  :  «...  et  ibi  eustodiuntnr 
(regina  et  Jacobus  de  Capro)  tamqiiam  oculi  pupilla  ad  instanciam  régis 
et  nullus  cum  eis  loqui  audet,  nisi  de  licentia  ». 

'  •  Nam,  si  vellem  scribeie  oninia  que  spoute  confessa  fuit  tam  de 
interfectione  virorum  suorum  {sic)  quaiu  de  aliis  criminibus  occnltis  et 
de  scismate  pcv  ipsam  posito  in  ecelesia  Dei,  imiis  quaternus  papiri  non 
suficeret  ». 

■•  On  verra  dans  la  même  lettre  comment  l'informateur  mantonan 
accueillait  sans  sourciller  les  racontars  d'après  lesquelles  la  défaite  d'(  Hlion 
de  Brunswick  aurait  été  due  à  un  prodige.  Les  soldats  du  mari  de  la 
reine  avaient  été  empêchés  par  une  force  surnaturelle  de  monter  à  che- 
val, de  tirer  leur  épée,  etc.  Ce  récit  avait  été  fait  à  Cristoforo  par  l'un 
des  soldats  d'Otbon.  Il  est  vrai  que  ces  rêveries,  dont  on  trouve  un 
écho  dans  les  chroniques  de  Thierry  de  Nieni  et  de  Froissart,  semblent 
avoir  eu  quelque  crédit  jusque  chez  Lo\iis  d'Anjou.  Celui-ci  fit  mettre 
à  mort,  à  la  fin  de  l'année  1382,  un  héraut  de  Charles  de  Duras,  Garillo 
Caracciolo,  aux  sorcelleries  du(piel  on  attribuait  la  défaite  d'Othon  de 
Brunswick  (cf.  N.  Valois,  t.  II,  p.  .ô(i). 


LA    CAITIVITK    ICT    LA    MOUT 


aux  liîiins  de  l'oiizzoles  l't  écrivit  au  duc  d"Anji)U  de  liàtcr  woii 
arrivée.  Sa  lettre  fut  interceptée;  il  fut  arrêté  et  rejeté  en  prison'. 
La  reine  avait-elle  eu  (luelque  part  dans  cette  conspiratinn  !  Kllc 
fut  traitée  comme  s'il  en  était  ainsi.  Dans  les  derniers  jours  de 
décemlire  elle  fut  tirée  du  Cliàteau  de  l'Œuf  et  amenée,  par  le 
temps  le  plus  ri^çoureux,  avec  les  quelques  personnes  qui  lui  ser- 
vaient de  suite,  dans  la  forteresse  de  Xocera  ''.  Dès  ce  moment  son 
sort  devient  pour  in>us  très  obscur;  il  ne  l'était  pas  moins  pour 
les  contemp<iraius.  Si  Cristoforo  da  Piacen/.a  était  exactement  au  fait 
de  la  sifcnilication  de  ce  transfert  il  n'en  était  pas  ainsi  d'autres 
inforniatenrs  ordinairement  fort  liien  renseignés.  Une  lettre  de 
i'iorcncc.  ilatéi'  du  'i  avril  et  qui  fut  communiquée  aux  Marseillais 
par  le  iluc  d'.Vnjou,  laisse  entendre  que  .Jeanne,  conduite  à  Noccra 
et  placée  .sous  bonne  garde,  avait  cependant  trouvé  moyeu,  grâce 
au  comte  de  Sauseveriuo,  d'échapper  à  son  ennemi,  soit  qu'elle 
eût  réduit  le  cliàteau  de  Noeera  en  sa  ilomination  soit  qu'elle  eût 
pu   se    réfugier  en    lieu   sûr   ^.    Il   n'en   était    malheureusement    p;is 


'  Nous  tiioiis  tous  ces  renseignements  d'une  lettre  de  Cristoforo  da 
l'iaccnza,  datée  du  i  janvier  1382. 

-'  Ce  transfert  nous  est  connu  par  la  lettre  de  la  reine  Marie  celle 
de  Cristoforo  da  l'iacenza,  du  4  janvier  1;JS2,  et  le  Chroiiieo»  Siciihim  : 
1°  «  Deinde  cnm  magno  inteinperic  temporis  ad  casfnini  Xucerie  captivam 
duci  fecit  invitani.  manibus  injectis  in  eam  pcr  alitpins  ex  proditoribn.s 
suis;  »  2"  «  Post  (|ue  omuia  idem  rex  prefatus  dorainam  .lohannam  reuioveri 
fecit  de  Castro  Ovi  ubi  erat  et  duci  ad  «pieuidam  locuni  nui  notatur  Xueera 
Sarracenorura  ibi(|ue  incarcerata  est:  •  3"  «  Anno  Domini  MCCCLXXXIII 
(sic)  die  XXVI II  mensis  januarii  dominam  reginaui  fecit  rcx  portari 
captivam  in  castro  Xucerie  cum  magna  gente  arniigera,  et  Jacobus  de 
Capro  cum  nxore  et  liliis  portati  fuerunt  captivi  in  dicto  castro  cnui  ea>. 
La  date  donnée  par  le  Chronicon  Sieiihim  est  fausse,  réviMiemcnt  .ayant 
eu  lieu  avant  le  4  janvier  1.382. 

3  Arch.  de  Marseille,  BB  2S>,  fol.  13;>  verso  et  X.  Valois,  op.  cit.,  t.  II, 
p.  .00,  note  2.  «  Novcritis  quod,  prout  alias  scripsi  vobis,  domina  fuit  uiissa 
per  dominum  K.  de  Castro  Ovi  ad  Castrnm  Xucberii,  quod  dictus  dominus 
Rarolus  dederat  domino  Joannoto,  et  ibi  ipsaui  fecit  poni  in  bona  custodia 
et,  secundud)  quoJ  inichi  s.-iibitur  per  auiicum  meuui,  licct  non  bene  certi- 


DE   JEANNE    l'^'"'    DE    NAPLES  nf) 

ainsi  et,  au  moment  où  cette  lettre  quittait  Florence,  l'infortunée 
souveraine  avait  été  extraite  (lu  château  de  Nocera  et  enfermée 
dans  une  des  forteresses  que  les  Duras  possédaient  dans  la  Basilicate. 
le  château  de  Muro.  Le  Chro»iron  fiicnlmu  fixe  ce  nouveau  transfert 
au  28  mars  1382  ',  date  qui  convient  assez  à  ce  que  dit  la  lettre 
de  la  reine  Marie  du  temps  liivernal  et  des  grandes  pluies  par 
lesquels  la  prisonnière  dut  voyager  '. 

Sis  en  plein  cœur  des  Apennins  napolitains,  Miiro  «  s'étage  en 
amphithéâtre  de  In  base  à  la  cime  d'une  montagne  assez  élevée  qui 
s'adosse  au  massif  couvert  de  forêts  et  de  pâturages  que  cou- 
ronnent les  cimes  du  Pisterola  et  du  l'aratello  garnies  de  neige 
jus(|u'à  l'entrée  de  l'été.  Tout  en  haut  de  la  ville  les  ruines 
d'un  château  du  AIoycn-Age  dominent  un  profond  ]iréci]ii{'e  sur 
lequel  est  Jeté  un  |)ont  du  XIL  siècle  qui  a  résisté  aux  divers 
cataclysmes  »  ^. 


(icct  an  domina,  ciini  Dei  ailjntorio.  est  extra  castnim  et  in  loco  sccuro  aut 
liabet  castrum  Nucherie  in  potcstate  sua,  qnod,  ut  retïert  dictas  meus 
aniiciis,  ipsa  fecit  cum  auxilio  comitis  Sancti  Severini  ».  Il  y  a  peut-être 
quelque  chose  de  vrai  dans  cette  fausse  nouvelle;  il  est  possible  par 
exemple  qu'un  complot  ait  été  formé  par  Ugo  di  Sanseverino  pour  libérer 
la  reine  et  que  ce  projet,  découvert,  ait  été  la  cause  du  transfert  de 
Jeanne  de  Nocera  à  ,\[uro.  Il  faut  d'autre  part  rapprocher  de  cette  lettre 
du  6  avril  la  mention  suivante  consignée  à  la  date  du  !=■■  avril  dans  le 
Jmirnal  de  Jean  le  Fèvre  (p.  28):  «  Ce  jour  vint  Tarcevesque  de  Bene- 
vent  et  11  aultres  qui  venoient  de  Fondes  et  disoient  nouvelles  de  la 
Hoynne,  desquelles  monseigneur  le  duc  faisoit  grant  feste,  ce  me  samble 
a  petite  cause  ». 

1  P.  45:  «  Anno  Domini  MCCCLXXXII,  die  sabbati  XXVIII  m;ircii, 
V  ind.,  doniinus  rex  Karolns  misit  captivaui  dominani  reginaui  Johannaui 
et  douiinnm  Ottoneni  de  Brosoic  (sic)  virum  suiiin,  dorainara  reginaui  ad 
castrum  Mûri  et  dominum  Odoncm  ad  castrura  Sancti  Felis  de  provincia' 
Basilicate,  et  associavit  eos  dominus  Karolus  de  Montealto,  regni  nia- 
gister  justiciarius,  cura  magna  gente  armigera  •. 

'  «  Dcmum  cuui  multis  pluviis  et  ineptitudine  temporis,  tempore  liie- 
mali,  .ad  castrum  Miiri  crudelius  dnei  fecit  >. 

^  \'ivien  de  Saint  Martin,  Xoureau  Dictionnaire  de  ge'oyraphie  uni- 
verselle. 


r)6  i,A  (;ai'tivitk  kt  la  mokt 

C'est  dans  ce  cliAtcaii  que  fut  fiiferméfi  la  rcino.  OliarleH  de  Duras 
y  envoya,  jioHtéricurcmeut  à  l'arrivée  de  relle-ei,  semlde-t-ii,  le 
f^cûlicr  qui   devait   la   ;,'ardcr  '. 

Le  nom  inrnir  d(^  riinniinc  elioisi  par  f'Iiai-lcs  rend  suspecte  la 
Miinsion  dmit  il  a\ait  été  chargé.  Palamcdc  iîiizziitii  "'  aijpartenait  à 
une  des  grandes  familles  napolitaines  qui  avaient  pris  le  plus  violem- 
ment parti  contre  Jeanne.  Le  personnage  le  plus  marquant  de  cette 
maison  ^,  Luilovico,  était  dans  les  ordres.  Dès  les  premiers  moments 
du  (Irand  Schisme  il  s(^  décliaina  contre  Clément  VIL  Lorsque  ce 
pontife  vint  à  Naples,  Ludovico  Hnzzuto  souleva  le  peuple  contre 
lui  et  mena  le  sac  d<'  l'Iiotcl  di'  l'archevêque  Clémentin  Bertrand 
de  Rodez  ■*.  Nommé  à  la  |>lacc  de  celiiici  par  Urbain  VI,  il  fut 
à  son  tour  ini|iiiété  par  la  reine  Jeanne  (|ui  lit  jeter  lias  les  im- 
meubles qu'il  possédait  tant  à  Casasana  qu'à  Naples  et  l'incarcéra  '. 
La  victoire  de  Charles  de  Duras  le  vengea;  ce  fut  lui  qui  parla  au 
nom  du  clergé  dans  le  parlement  réuni  à  Naples  le  •'>  novembre  1381 
pour  y  régler  les  questions  pendantes,  en  particulier  le  sort  de  la 
reine  ".  On  imagine  quelles  durent  être  ses  suggestions  ;\  l'égard 
de  la  princesse  seliisraatique  qui  l'avait  persécuté.  Plusieurs  autres 
membres  de  la  famille  Buzzuto  '  se  trouvent  parmi  les  partisans  de 
Charles  de  Dur.is  mais  Palamede  avait  un  titre  tout  ])articulier  k 
la   reconnaissance  et  à  la  conliance  du   minvean   roi  :  c'est  lui    (|ui, 


'  Cf.  la  lettre  de  la  reine  iMaric  :  «  Et  iidstiiiodnni,  I':ilaiiiude>io  Kii- 
zuto  niinistro  neciiiieie  illuc  destinato...  ». 

-  Nous  ne  connaissons  le  nom  du  geôlier  de  Jeanne  «lue  p.ar  la  lettre 
de  la  reine  Marie,  mais  il  n'y  a  aucune  raison  de  mettre  en  doute  ce 
renseignement. 

■'  L'une  des  femmes  de  cette  maison,  Cecca  Buzziita,  aurait  une  place 
à  côté  de  la  reine  Jeanne  et.  sous  un  nom  mythologique  dans  la  Teseide 
de  Boccace.  Cf  Caméra,  Klucubrazioni,  p.  301,  note  3. 

*  Chronicon  Siculum,  p.  36. 

5  16.,  p.  37. 

8  Ib..  pp.  42-4;i. 

"  GianncUo,  .Marino,  l'ietro,  Triglione.  Cf.  Gioniali.  pp.  26-27. 


nE   JEANNE    I^'"'    DE    NAPLES  ;l  ( 

le  16  juillet  1:581,  ayant  pimétré  le  premier  dans  Naples,  avait  ilé- 
terminé  le  soulèvement  des  Napolitains  et  ouvert  h  son  maître  la 
porte  du  Marché  par  où  celui-ci  était  entré  '. 

Muro  fut  la  Conciergerie  de  la  reine  .leanne  comme  Nocera  avait 
été  sa  Tiiur  du  Temple.  Elle  avait  encore  autour  d'elle  des  sui- 
vantes et  des  serviteurs.  Son  geôlier  les  renvoya  captifs  à  Naples  ", 
lui  laissant  comme  toute  compagnie  une  de  ses  dames  provençales 
et  trois  esclaves  tartares.  un  homme  et  deux  femmes.  De  ses  Ktats, 
de  ses  trésors,  il  restait  encore  à  Jeanne  quelques  hagues:  un  Jour 
Palamede  les  lui  arracha  des  doigts.  Et  la  reine  de  Sicile  manqua 
parfois  de  la  nourriture  grossière  qu'on  lui  accordait  '. 

Puis  vint  la  fin.  Ici  il  faut  nous  arrêter  pour  traiter  les  deux 
problèmes  qui  se  posent  an  sujet  de  la  date  ex;icte  et  de  la  na- 
ture de  cette  mort  \ 


'  ll>.,  p.  18. 

2  Peut-être  est-ce  par  eux  (|u"iin  informateur  du  duc  d' Anjou,  qui 
n'avait  quitté  le  Koyaume  que  le  23  mai,  avait  eu  de  la  captive  les 
quelques  nouvelles  auxquelles  fait  allusion  une  lettre  de  Louis  aux  Mar- 
seillais, du  8  juin  1382:  «  nobis  retulit...  quod  domina  regina,  mater 
nostra  reverenda,  nostruiu  senciens  adveatiim  et  succursum,  adeo  quod 
credi  non  posset  existit  consolata  ».  (^rc/f.  de  Maneille.  N.  Valois,  t.  II, 
p.  50). 

'■'  Voir  la  lettre  de  la  reine  Marie. 

^  Le  lieu  où  mourut  la  reine  n'est  pas  douteux.  Les  indications 
données  à  ce  sujet  par  la  lettre  de  la  reine  Marie  sont  confirmées  jjar 
les  chroniques  {Clirunicon  Sicidnm.  Cronica  tU  XapoU  di  Notargiacouio, 
Vita  Johannae  /"■'  et  Genealogia  Caroli  I'  de  Tristano  Caracciolo^  et  par 
une  bulle,  rapportée  dans  Ugiielli,  Itah'a  .tacra,  t.  VI,  col.  1037,  aux 
termes  de  laquelle  Clément  VII  transfère  à  l'olsino  le  siège  épiscopal  de 
Muro,  cette  dernière  ville  lui  ayant  toujours  été  hostile  et  ayant  été 
le  théâtre  de  l'assassinat  de  Jeanne.  Il  n'y  a  pas  à  tenir  compte  des 
indications  discordantes  des  Giornali  del  Duca  di  MonteUnne,  suivis 
par  Nicola  di  Borbona,  selon  lesquels  la  reine  serait  morte  à  Xaples, 
ni  des  textes  postérieurs  (.\nnales  de  Buonincontro  et  de  Ludovico 
di  Kaimo)  ipii  la  font  mourir  «in  arce  S.  Felieis  (ou  S.  Fi-lisi  agri 
Consani  ». 


5H  LA    CAI'IIVITK    KT    LA    >II)UT 


Ia-s  (loiiticcs  lies  rliii>iiit|Ucs  sont,  en  ce  (|lii  (•(iiiccriic  la  date  <]ii 
(li'cèrt  (Ir  la  n-iiic  .Icaiiiif.  coiitratlictoires :  les  fiiornnli  fiel  iJuai  di 
Motiteleone,  par  (•xemi)le,  placent  cet  événement  au  12  mai  '  et  le 
C/troniron  Siculum  au  12  Juillet".  Il  n'y  a  rien  à  prendre  à  <e 
propos  dans  les  lettres  de  la  reine  Marie  et  de  Louis  d'Anjou: 
eclui-ci  se  contente  de  dire  que  sa  mère  adoptive  était  morte  avant 
qu'il  n'arrivât  dans  le  royaume.  La  version  de  Charles  de  Duras 
contient  par  contre  à  ce  sujet  des  précisions  qu'il  faut  certainement 
accepter.  Les  deux  expressions  les  plus  complètes  que  nous  en  ayons, 
la  circulaire  adi-essée  à  Franccsco  da  Carrara  et  la  lettre  des  Flo- 
rentins à  l'ietro  (Janibacorti  fixent  le  décès  de  .leanue  au  27  Juillet. 
On  comprend  mal  le  motif  qui  aurait  poussé  Charles  de  Duras  à 
répandre  sur  ce  point  une  indication  t'aussc.  D'autre  part  cette  date 
concorde  à  la  lois  .ivec  la  mention  rapportée  par  le  Clnoninm  Si- 
r.uhim  au  :'>!  juillet  des  ol)sè(|ues  de  la  souveraine  et  avec  le  fait 
que  c'est  dans  la  première  quinzaine  d'août  que  la  triste  nouvelle  fut 
connue  en  Italie  '.  Nous  ])eusous  donc  avec  Tropea  et  M""  Kothbartli 


'  P.  23:  «  Anno  Douiini  13S-2.  12  niaii,  '>■•  indiltione  venue  nioita  la 
rej^ina  Gioanna  in  Napole  ». 

''  P.  45:  «  (iue  domina  rcj^ina  asseiitur  fuisse  mortua  in  carecre  dicti 
castii  Mûri  Xll  Julii  ejiisdeni  anni,  ejusdcm  ind.  ». 

■'  La  mort  de  la  souveraine  n'était  ])«»  encore  connue  à  Milan  le 
4  août  au  moment  où  Barnabo  Visconti  écrivait  :i  Louis  de  («onzasue  (pic 
le  seul  but  de  ;^ucrre  de  Louis  d'Anjou  était  l:i  délivrance  de  Jeanne 
(Osio,  Doctimenti  (liplomatici  tratti  âagli  Archivî  milnvesi.  T.  I,  Milan. 
IHM,  p.  228).  C'est  entre  le  6  et  le  8  août  que  les  anib:issadeurs  de  Pise 
rencontrant  le  duc  d'Anjou  à  Bologne,  lui  présentèrent  leurs  condoléances 
pour  la  mort  de  sa  mère  adoptive,  «  si  dolseno  al  duclia  del  danno  di 
uiadà  la  reiua  (iiovanna  ■>  (Kuini.  R.  Archivio  di  Lucca,  Ji'iiexli,  parte  II. 
n.  lOliO).  Le  H  ;ioût  le  sénat  de  \'enise  charge  son  ambassadeur  auprès  de 
Louis  d'Anjou  de  lui  exprinior  la  ])rofonde  douleur  causée  ;'i  la  Seigneurie 
par  la  mort  inoi)in  '■(•  de  l:\  rein<'  .leanne  (Perret,  Histoire  des  relations  de 


DE   JEANNE    P'"''    DK    NATLES  .l'.l 

que  Jeanne  de  Xaples  mourut  le  27  juillet  1-582.  Mais  nous  nous 
séparons  complètement  d'eux  en  ce  qui  concerne  les  circonstances  de 
cette  mort. 

«Jeanne,  disent  les  lettres  provenant  directement  on  iiidirccte- 
n)cnt  de  Cliarles  de  l)Mras,  est  morte  de  nialadie  après  avoir  alijni'é 
le  scliisme  et  avoir  reyu  les  derniers  sacrements  »'.  Un  j, 'm  éliloni 
l)ar  ce  que  cette  version  avait  d'imjirévii,  M.  Tropea  affirme  qu'il 
n'a  aucune  raison  de  ne  pas  l"acce|iter.  Mais  les  documents  nou- 
veaux ((ue  nous  apportons  au  début  font  entendre  une  déclaration 
aussi  catégorique  et  diamétralement  opposée:  Jeanne  a  été  assas- 
sinée sur  l'ordre  du  duc  de  Duras,  et  dans  telles  circonstances  jn-é- 
cises.  Disons  tout  net  que  latlirmation  de  Charles  de  Duras,  à  elle 
seule,  ne  prouve  rien  car,  auteur  de  la  mort  de  sa  tante,  il  n'al- 
lait pas  s'en  accuser,  et  que  celle  de  Louis  d'Anjou  n'est,  par  elle 
même,   pas   plus  décisive  :    la   reine   prisonnière   fût  elle   morte   de 


la  France  avec  Venise  du  XIII''  s.  à  l'avènement  de  Charles  VIII.  ïoiiie  I, 
lS9t),  p.  44).  Enfin  le  Dinrio  d' Anonimo  florentino  (Dociimenti  di  stnria 
italiana.  Florence,  1876.  I*.  444)  fixe  au  1.")  août  la  date  à  laquelle  se  ré- 
pandit dans  la  ville  la  nouvelle  annoncée  par  Charles  de  Duras:  »  Oniji, 
a  di  XV  d'agosto  lo8'2  vennono  in  Firenze  novclle  da  Napoli,  conie  la 
reina  Giovanna  era  passatadi  questa  vita,  con  buon  conosciniento,  e  coiue 
il  re  Carlo  gli  ave^\a  fatto  içrande  onore  al  suo  eorpo  >.  La  lettre  très 
intéressante  en  ce  qui  concerne  la  rivalité  de  Charles  de  Duras  et  de 
Louis  d'Anjou  qu'Henri  Verwer  et  Thierry  Fabor  d'Ehenheini  écrivirent 
de  Kome  aux  autorités  de  Strasbourg,  le  11  ociohvc  Vi'!^'2  (Urlinidcnhiirh 
fier  Stadt  Strasshnrg.  T.  Vl,  18!)9.  P.  6;i)  ne  contient  pas  de  précisions 
utiles  an  sujet  de  la  date  de  la  mort  de  Jeanne  :  «  llertzog  Otte  von  Biims- 
wich  ist  tôt  nnd  seyt  inen  nut  ob  er  rehtcs  oder  niueiites  Iodes  sii;e, 
uiid  die  Kunigin  ist  lange  tôt  ». 

'  •>  Quodau)  gravi  morbo  depressa,  intinnit;itis  suo  lectuiu  plurilius 
dielius  incolnit  ac,  ex  divine  inspiratione  gracie,  nientalibns  oculis  ad 
liiceni  veritatis  appertis  ad  cor  snnm  reversa  cognoscensipie  se  talsis  sci- 
sniaticoriim  snggestionibns  fuisse  delusaui,  assunq)sit  penitudiiiis  spiritum 
verunique  pastoreni  ccclesie  doniiniim  nostniui  Urbanuiu  papaui  VI"' oie 
et  corde  in  confessione  et  contrictione  professa  extitit.  Et,  receptis  per 
eam  sacrosanctis  sacramentis  ecclesiasticis,  die  XXVII  julii  nnper  elapsi, 
sicut  Domino  placnit,  ab  h;ic  vita  decessit  ». 


00  1,A    CAITIVITK    ET    I-A    Mf>nT 

maladie  qu'il  aurait  eu  iiitrn-t  à  n-ndro  son  adversaire  ros]ionsalde 
<le  eette  fin  et  à   accréditer  le   liniit  d'nn  meurtre. 

(le  n'est  pas  cependant  qu'il  faille  rejeter  définitivement  l'nne 
et  l'autre  version  :  l'une  d'elles  est  vraie  mais  cliacunc  d'elles 
est  incapal)le  à  étaMir  (|n"elle  est  la  vraie,  l-^t  c'est  ici  (|Up  lions 
soniinçs  oldifîés  de  revenir  aux  chroniques.  Pour  dép.-irtajçer  les 
tiiéses  conti'aires  de  jjarties  intéressées,  il  nous  faut  d'abord 
nous  enquérir  de  ce  que  les  cont^-mporains  ont  su  ou  cru  de  l'évé- 
nement. 

Or  c'est  un  f.iit  depuis  longtemps  reconnu  que  presque  tons 
les  documents  narratifs  atfriliiicnt  à  la  violence  la  nioi't  de  la  reine 
et  cela  quelque  soit  le  parti  dont  ils  sont  l'expression.  Ne  voit-on 
pas  par  exemple  s'accorder  en  cela  le  De  Scismate  '  de  l'Urbaniste 
Tliierrj'  de  Xyem  et  l'Avi-^nonnaise  Vifa  prima  démentis  septimi  '  ? 
L'effet  de  cette  quasi- unanimité  n'est  guère  atténué  par  les  quelques 
exceptions  que  l'on  peut  signaler.  On  tire  argument  de  ce  que  les 
Giornali  del  Diica  di  Monleleone  et  le  Chronicon  Sinilum  ne  par- 
lent pas  de  meurtre  '.  Mais  n'est-il  pas  beaucoup  plus  étonnant 
que  ces  chroniques,  rédigées  par  des  contemporains,  sans  doute  k 
Naples,  c'est  à  dire  dans  un  milieu  favorable  :\  Charles  de  Duras 
et  dans  le  lieu  même  on,  sous  la  pression  de  l'autorité,  la  version 
de  la  mort  naturelle  devait  être  la  plus  répandue,  n'est-il  pas  éton- 
nant, disons-nous,  que  ces  chroniques,  ne  fassent  aucune  allusion 
à  cette   version  et  se  bornent  à   constater  le  fait  dans  des   termes 

'  r.  4S:  «  Quani  captivain  et  diligenter  custoditam  ad  ipiûddam  ra- 
slium  in  Aprucio  destinavit  (Karolus),  in  cnjns  quideni  castii  capclla,  cniu 
qnadani  die  oraret,  nt  fertur,  sedens  aute  altare  genuflexa,  de  niandato 
ipsius  Karoli  per  quatuor  satellites  Ungaros  fnerat  strangulata  ». 

*  P.  487:  «  Dicto  ctiam  dmante  tempore,  piefata  Joliana  regina  im- 
nianiter  fertnr  intercnipta  fuisse  per  miiiistros  dicti  Karoli,  eo  sic  fieri 
ordinante.  Modus  aiiteni  inteiemptionis  sue  varie  cxtitit  et  est  narratu». 
Xam  aliqui  dixeiunt  ipsani  strangnlatani.  aliqui  sub  una  culcitra  snjjpo- 
sitani  ligatauKpie  manibns  et  pedibus  suffocatani  extitisse-'. 

'  Voir  p.  58,  notes  1  et  2. 


DE   JKANNE    l"-:'":    DE    XAl'LES  t)I 

dont  la  brièveté  peut  donner  à  penser?  Et  voici  le  seul  conteniponiin 
qui  prenne  la  défense  de  Charles  de  Duras  contre  l'accnsation  d'as- 
sassinat :  Donatii  dcgli  AUiinzani,  l'ami  de  Colucciii  Sahitati  et, 
comme  lui,  l'un  de  ces  humanistes  admirateurs  du  lettré  et  bien 
disant  Charles  de  la  Paix.  11  commence  par  attirmer  '  que  la  version 
de  la  mort  naturelle  est  la  plus  vraisemblable  et  la  plus  répandue; 
pourtant  certains  ont  parlé  de  suicide  et  d'autres  d'un  meurtre  exé- 
cuté jV  l'iusu  de  Duras.  Il  ne  s'inscrit  véritablement  en  faux  que 
contre  les  accusations  dont  celui  ci  était  l'objet  et  cela  avec  une 
violence  qui  rend  son  témoigna,o;e  suspect  et  à  l'aide  d'un  argu- 
ment dont  l'efficacité  est  plus  que  iloiiteuse.  «  D'autres,  dit-il,  pour- 
suivant le  roi  lui-même  de  leurs  aboiements,  comme  c'est  l'habitude 
des  méchants,  ont  osé  dire  que  la  reine  avait  été  empoisonnée  :  cela 
paraîtra  une  absurdité  pure  si  l'on  pense  au  caractère  du  roi  et 
à  la  mansuétude  dont  il  fit  preuve  envers  tous  ses  ennemis  vain- 
cus ».  Belle  mansuétude  en  effet,  qui  détermina  Cliarles  à  faire 
crever  les  yeux  à  Halthasar  de  Brunswick,  pour  s'être  évadé,  à  jeter 
en  prison,  sans  jamais  plus  les  rendre  à  la  liberté,  la  femme  et 
les  enfants  du  comte  chanifirier  de  .leanne,  (iiacouio  da  Capri,  à  in- 
carcérer sa  propre  l)elle  sreur,  Jeanne  de  Duras,  qui  mourut  captive! 
Loin  de  contredire  le  témoignage  des  sources  narratives,  ce  que  nous 
savons  du  caractén^  de  ("liarics  de  Duras  ne  peut  que  le  contirnier. 

'  Dans  son  adaptation  du  De  Clari.t  iniilii'rihu.f  de  Boceace.  Voici 
le  passage,  tel  que  le  lappoite  l'édition  G.  Manzoni  (Bologne,  1881)  aux 
pages  394-395:  «  Alcuni  dicono  (e  questa  è  più  l'amosa  opinionc,  ed  è 
tenuta  veia)  che  ella  mori  naturalmentc  corne  la  niaggioi-  parte  degli  no- 
mini,  essendo  costietta  da  inferniità.  o  foise  peieliè  l'indegna  e  non  nie- 
ritata  sua  infelice  sorte  la  menasse  al  fine  ipiasi  conic  sdegnosa  di  vivere. 
Altri,  sparlando  (le  texte  latin  dit:  ol)latr:int('s)  coniro  il  re,  coine  é  iisanza 
de'  rei.  hanno  ardito  dire  che  fii  avvelenata,  la  (piale  opinionc  (levé  i)a- 
rere  vana  e  talsa,  s'io  guardo  alla  mansiietiidine  c  alla  beiiigiiilà  di  cjucl 
re  contro  tntti  i  vinti  da  lui.  .Mcuni  ail  ri.  tr:itti  ibil  ililetto  ili  tari'  il 
pcx'cato  più  aspro,  non  h:iiino  tcmiilo  iiioninM.iie  che  K'i  lu  .-.Iraiigolata 
con  un  laccio,  benchô  forse  seiiza  eoscienza  del  rc,  e,  al  po^tiitto,  non 
sapendone  egli  alcuna  cosa  > . 


(ii  LA    UAITIVITK    KT    LA    MORT 

Un  liomrae  qui  «■oiiiiîiisaait  le  iKiiivcaii  roi  et  (|iii  était  de  son  parti 
jusqu'il  accaWler  d'outraj^es  .Jeanne  vaincue,  Crietoforo  ila  Piacenza, 
écrivait  de  Home,  le  4  janvier,  après  la  découverte  du  complot  de 
lidlurt  il'Artois  et  le  transfert  de  la  reine  i  Nocera:  «  A  ce  qu'on 
(lit.  elle  ne  vivra  ])as  lon^temiis.  Ut  fertur,  mndiei  erunt  dies  sui  '  ». 
L;i    pni]iliétie   ne    tai'da    |)as  à    se   réaliser. 

L;t  ciiunaissancr  dos  conjonctures  au  milieu  ilcs(|iiciles  mourut 
.leaniir  de  \:iplcs  doit  ciiliii  nous  pousser  dans  je  même  sens  que 
celle  des  téuioi.i^nages  <le  Topiniou  publi(|ue  contemporaine  et  du 
caractère  de  Charles  de  Duras.  Oelui-ci  avait  besoin  que  l.i  vieille, 
reine  fût  morte  lors(|ue  son  rival  Louis  d'Anjou  ]iénétrerait  dans 
le  royaume  et  Louis  ne  s'y  est  pas  trompé  :  «  Il  la  fit  assassiner, 
dit  il  dans  sa  lettre,  loi'squ'il  eût  appi'is  notre  arrivée,  croyant  que 
cette  mort  inclinerait  les  sujets  du  royaume  et  de  l;i  Provence  à 
lui  obéir  ».  Le  syuelironisme  est  exact  car  .Jeanne  mourut  .lu  moment 
où  son  fils  adoptif,  quittant  les  états  du  Comte  Vert  m'i  il  .iv.iit  lon- 
guement séjourné,  entrait  en  Lombardie  et  d'autre  part  le  raisonne 
ment  prêté  à  Charles  de  Duras  est  pai'faitoment  justifié.  Tant  que  la 
vieille  reine  vivait.  Cli.-irles  n'était  qu'un  rebtdle  et  un  usurpateur, 
et  Louis  le  défenseur  de  la  souveraine.  Une  fois  .Jeanne  morte,  Charles 
redevenait  le  plus  proche  parent  de  la  défunte,  son  héritier  naturel, 
celui  qu'elle  av;iit  il'aliord  désijçné  ]iour  le  troue:  et  Louis  n'était 
plus  (junn  étr.iuncr  coureur  de  testaments,  choisi  dans  un  moment 
d'égarement  et  sous  l.i  pressiou  de  l'antipape.  Charles  gagnait  autant 
.'i  1.1  mort  de  la  reine  qiM'  Louis  y  perdait.  De  là  l'empressement  du 
|>i'eniier  à  comniuni(|ner  xrhi  et  orbi  le  décès  de  sa  tante  :  de  là  la 
signifii-ative  |)réc.iution  (|u'il  prend  d'exi>oser.  ]dnsieHrs  jours  du- 
r.iiil,  le  corps  de  la  défunte  afin  qu'il  n'y  eût  pas  de  doute,  que 
tous  les  intéressés,  c'est  à  dire  tous  les  Napolitains  et  par  eux  tous 


'   D'après  M.'"'  lîotliliarfh  ces  mois  pourr.iient  signifier  ipie  la  reine 
■■t;iit   in:ilade  à  mourir! 


DE   .lEANXB    1'  "K    I)K    NAl'LES  63 

les  sujets  du  royaume,  fussent  au  courant  de  la  situation  nou- 
velle. De  là  au  contraire,  de  la  part  de  Louis  d'Anjou,  de  ses 
partisans,  du  pape  d'Avi.niioii,  la  siufi'ulJère  ulistiuation  (ju'ils  met- 
tent à  prétendre  Jeanne  vivante,  longtemps  après  que  toute  l'Italie 
eût  connu  sa  fin:  Louis  ne  se  fit  couronner  que  le  80  août  1388 
et  les  Provençaux  n'admirent  la  réalité  qu'un  ou  deux  ans  plus 
tard  '. 

Tout  nous  incline  donc  à  penser  que  la  reine  Jeanne  l'ut  as- 
sassinée; il  nous  reste  à  dire  ce  que  fut  ce  crime.  D'accord  sur 
le  fait  du  meurtre,  les  dircmiciiu's  ne  le  sont  plus  sur  ses  moda- 
lités. Tons  les  supplices  ont  été  mis  un  avant:  stranj;nlatiiin,  étouf- 
fement,  empoisonnement,  et  le  fer,  et  la  faim.  Nous  nous  en  tien- 
drons aux  données  officielles,  c'est  à  dire  aux  renseignements  fournis 
par  les  lettres  de  la  reine  Marie  et  de  Louis  d  Anjou  et  pro- 
venant de  l'enquête  que  ce  prince  conduisit  lui  même  aux  envi- 
rcins  (If  Muro  pour  connaître  la  vérité  sur  la  mort  de  sa  mère 
ado))tive.   Ces    deux    lettres    réunies    nous    donnent    tous    les    dét.-iils 


'  En  janvier  138-3  le  Conseil  de  Marseille  croyait  encore  la  souve- 
raine vivante:  on  lit  en  effet  dans  sa  déliliéiation  du  27  janvier:  «  Scri- 
li:itm-  immibus  nnivcl■sitatillu^  Provincie  et  notifficentur  bona  nov;i  (pie 
haljemus  de  vita  domine  nostre  regine  et  alils  relatis  per  dominuni 
Rod|erieum?]  militeni,  patronnra  galee  de  Valencia,  et  quod  persévèrent 
constante!-  in  fidelitale  >  (Areii.  de  .Marseille,  BB  39,  fol.  245).  Quand  la 
cite  d'Arles  fit  célébrer  un  service  pour  la  défunte,  le  9  décembre  1384, 
«  y  ac  pron  et  asas  de  debatz,  cai-  los  nus  volien  que  Rom  mantegncs 
que  madama  era  viva  et  d'autres  non»  (Journal  de  Bertnind  Boyssct). 
C'est  seulement  le  (î  juillet  1385  que  l'évêqne  de  Vintimille  notifia  ;in 
Conseil  de  Marseille,  ;ui  nom  du  pape,  la  mort  de  la  reine  Je:inne  (.Vreli. 
de  Marseille,  BB  .30,  fol.  5  v"),  «  de  qna  pref';itns  dominns  noster,  facta 
prins  et  recepta  per  suani  s;inctitateni  in(|uisitione  diligenti  tant  a  co- 
niitibns,  baronibus  et  nobilibns  dicti  regni  (piani  eciam  per  illos  qui  de 
morte  ipsins  fuernnt  plenissinie  inforniati  a  longe  tempore  citra  ejus 
sanctitas  habuit  verani  ijiforniacionem  ».  Notons  en  passant  qu'il  y  eut 
donc  :in  moins  deux  empiètes  sur  la  mort  de  Jeanne  I'^"'^  l'une  faite  à 
la  fin  de  1382  ou  en  1383  dans  les  environs  de  Muro  par  l.onis  d'Aiijon. 
l'autre  postérieure,  conduite  à  .Avignon  par  Clément  VII. 


64  LA    OAI-rlVITfc    KT    l.A    MORT 

fiouliaital)les  et  |)i'urtaiil  peu  de  mots  sufliKent  \  retracer  l'atroce 
scèiii;  (lu  27  juilli't  I:i82.  Quatre  bourreaux  m;  Ji^tèreut  sur  la 
reine,  lui  lièrent  les  mains  et  les  pieds  et  rétoufrèrent  entre  deux 
matelas  '. 


Morte  assassinée,  il  est  liicii  pr(ilial)le  (|ue  .leaniic  est  morte,  au 
regard  des  fidèles  du  pape  de  Rome,  scliismatique.  (Je  que  raconte 
Charles  de  Duras  de  sou  abjuration  survivrait  difficilement  à  la  falde 
de  la  mort  naturelle,  dont  c'était  le  ciim])lément  normal.  On  |)ourrait 
évidemment  imaginer  que  la  reine  aurait  abjuré,  sincèrement  ou 
non,  à  un  moment  où  sa  vie  n'était  pas  encore  en  danger.  Mais, 
aux  termes  mêmes  des  lettres  qui  .mnoncent  cette  rétractation  il 
semble  bien  que  celle-ci  ait  en  lieu  an  cours  même  de  la  maladie 
fatale.  D'ailleurs,  eu  dcliors  de  ces  letti'es,  aucun  document  ne  men- 
tionne ce  revireraeut  que  les  Urbanistes  (la  remarque  est  de  M.  Jarry  ) 
n'auraient  certes  pas  maTiqué  de  publier,  s'il  avait  eu  lieu.  Aux 
cantiques  par  lesquels  Louis  d'Anjou  et  Clément  VH  exaltaient  dans 


'  Lettre  de  l^ouis:  «...  eoniiii  malreui  et  iiatunileui  doniiiiaui  non 
tamqiiain  leginam  sed  velut  sarraccnani  in  eaiceril)us  raaceratam  per 
quatuor  furciferos,  ligatis  sibi  prias  nianibiis  et  ))e(Hhiis,  fecerunt  imma- 
niter  suttocari  ».  Lettre  de  Marie  de  Bretagne:  ...  ipsani  dominam  re- 
ginam  piissimaui  matrein  suaui  inter  duo  niatracia  .  .  .  surt'ocare  fecit». 
Même  note  dans  le  codicille  de  Louis,  en  date  du  20  septembre  1384 
(Arcli.  Nat.,  P  13;U'',  cote  454^):  «  Sufïocationis  exitio  crudelius  est  per- 
euipta  1.  Nous  avons  retrouvé  une  expression  otficieuse  de  la  tradition 
de  l'étouft'enient  dans  une  des  mentions  accoiiq)agnant  un  arbre  généa- 
logique destiné  à  prouver  les  droits  de  Louis  .\II  à  la  couronne  de  Xa- 
ples  (Bibl.  Nat.,  Dossiers  bleus,  vol.  n.  480,  pièce  29).  Charles  de  Du/.as. 
y  est  il  dit,  après  (pi'il  eust  prinse  prisonnière  ladite  Jchannc  et  ipiil 
cntcndist  (pi'elle  avoit  fait  son  héritier  Loys,  duc  d'Anjou,  il  la  feist 
morir  entre  deux  coites  de  lit  ».  Par  contre  Léonard  Baronnat,  auteur  d'un 
traité  des  droits  de  Cliarles  Vlll  à  la  couronne  de  Xaples,  parle  de  stran- 
gulation. 


DE   JEANNE    I  '■"•■    DE    NAPLBS  *i5 

la  soaveraine  défunte  le  martyr  et  le  confesseur  de  la  foi  '  ne  ré- 
pondit jamais,  de  la  part  de  la  cour  de  Rome  aucuue  revendica- 
tion de  l'excommuniée. 

Une  dernière  assurance  peut  être  enfin  demandée  sur  ce  point 
à  ce  que  nous  savons  du  sort  des  restes  de  l'infortunée.  Amené  à 
Naples,  le  corps  de  la  reine  fut  porté  à  Santa  Cliiara  •.  De  la  sa- 
cristie où  il  avait  été  déposé,  des  grands  seigneurs  et  des  ambas- 
sadeurs étrangers,  parmi  lesquels  les  comtes  de  Nola,  de  Mileto  et 
de  Montalto  le  portèi'ent  sur  une  civière  placée  dans  le  chaiur^.Y  eut- 
il  quelque  cérémonie  religieuse  ?  Aucune  clirouique  ne  le  dit  expli- 
citement et  le  texte  du  Chronieon  Sk'uhini  <,<  rex  Karolus  fecit  tieri 
essequias  domine  regine  Johanne  in  ecclesia  Sancte  Clare  cum  multis 
luminariis,  sine  clericis  et  religiosis  »  a  poussé  M.  de  Blasiis  à  le 
nier  et  à  parler  d'obsèques  civiles.  Il  semble  bien  en  eft'et  que  le 
transport  du  corps  à  Santa  Chiara  ait  eu  beaucoup  moins  pour  but 
de  lui  assurer  des  prières  que  de  permettre  à  tous  les  Napolitains 
de  constater  ce  dont  il  fallait  qu'ils  fussent  persuadés:  la  mort 
de  leur  souveraine  *.  Les  Annales  ForoUiienses  ne  se  trompent  que 

'  Voir  par  exemple  la  bulle  du  Itj  Juin  1385  par  laquelle  Clément  VII 
demande  aux  Marseillais  de  reconnaître  Louis  III:  «  Inter  omnes  seculi 
mulieres  illustres  seu  rosa  in  spinis  emicans  et  fiagrans  tam  nos  et  ro- 
manara  eeelesiam  quani  vos  et  omnes  alios  subditos  suos  suavitatis  odore 
mirabili  (Johanna)  respergebat. . .  De  miseria  hujus  mundi  traiisiit  ad  bea- 
titudinem  regni  Dei  ubi  modo  letatur  et  régnât,  ubi  spernens  euiulos  et 
derridens,  ablata  sibi  sceptra  récupérât  et  in  cetu  sanctoium  uiartiruin 
coronatur  ».  (Arcli.  de  Marseille,  AA.  65). 

'  Les  Giornali  Napoletani  concordent  sur  ce  point  avec  le  Chro- 
nieon Siculum.  Buonincontro,  Ludovico  di  Ralmo,  Tristano  Caracciolo, 
après  eux,  parlent  également  de  Sainte  Claire. 

•*  Chronieon  Siculam.  p. -lli:  »  Et  corpus  ejus  detulerunt  a  sacristia 
usque  ad  locum  ubi  erat  letteria  et  redusserunt  a  letteria  uscpie  ad  sa- 
crestiara  comités  et  l)arones  et  ainbassiatorcs,  videlicet  cornes  Noie,  cornes 
Mileti,  cornes  Montisalti  ». 

*  C'est  ce  que  dit  sans  ambages  un  partisan  de  Charles,  Donato  de^li 
Albinzani  (loe.  cit.):  «  l'oi  ch'ela  fu  uiorta  fu  portata  in  luogo  pubblico 
dovc  ella  stette  alla  vednta  d'ogiii  uomo.  accioehé  niuuo  duliita:'SO  ilapoi 
ch'ela  fosse  viva  » . 

SIélaiigeji  d'Arih.  et  d'Hist.  19-24.  5 


66  LA    CAITIVITI'':    ET    I,A    MOKT 

de  quelques  détails  lorsqu'elles  disent  qu'  «  on  laissa  pendant  trois 
jours  le  corps  de  la  reine  sans  sépulture  sur  une  place  de  la  ville  »  ; 
car  le  récit  des  Giornali  ciel  iHiea  di  Monteleone  concorde  avec 
elles  sur  le  principal  :  «  le  cadavre  de  la  reine,  rapportc-t-il,  fut 
placé  au  milieu  du  cliœur  de  Santa  Cliiara  à  l'altandon  pour  que 
chacun  pût  le  voir  ;  il  y  resta  sept  jours  entiers  '  ».  Les  historiens 
et  les  poètes  se  sont  souvent  arrêtés  k  ce  spectacle  bien  émouvant 
en  effet:  une  civière  au  pied  du  mausolée  que  Jeanne  avait  fait 
élever  k  son  grand  père  et  prédécesseur  le  roi  Robert  ;  des  cierges 
nombreux,  peut-être  pour  permettre  de  mieux  retrouver  les  traits 
royaux  sur  le  visage  livide;  point  de  prêtres;  mais,  tout  autour 
du  corps,  une  foule  avide  et  épouvantée;  et  la  mort  avait  déjà  fait 
à  ce  point  son  œuvre  que  tous  ne  reconnaissaient  pas  la  souveraine 
qu'ils  avaient  vue  pendant  quarante  ans. 

Puis  le  corps  fut  reporté  à  la  sacristie.  Nous  ignorons  où  il 
fut  enseveli.  Des  traditions  locales  prétendent  placer  la  sépulture 
de  la  reine  Jeanne  les  unes  sur  le  Mont  Gargan  ',  les  autres  à  Sul- 
mone  ^.  Mais,  en  l'état  actuel  de  la  question,  elles  ne  s'ajjpuient  que 
sur  quehiues  inscriptions  récentes.  Ou  comprend  d'ailleurs  mal  pour- 
quoi le  corps  de  l'infortunée  princesse  aurait  été  transporté  en  ces 
lieux.  Il  serait  plus  logique,  nous  semble-t-il,  de  chercher  cette  sé- 
pulture à  l'endroit  même  du  drame,  à  Muro,  si  nous  u'étions  obligés 
de  croire  au  transport  du  corps  à  Naples  et  par  ce  que  les  chro- 
niques l'attestent,  et  pour  les  raisons  politiques  qui  le  commandaient. 
.\mené  à  Naples,  le  corps  a  dfi  y  être  enterré.  Il  semlile  qu'il   n'ait 


'  P.  22:  «...  c  fo  po.sta  (la  ii'gina  (iiovannai  in  nie/.zo  lo  clioro  (h' 
la  (^cclosia  de  .Santa  Cliiara  in  abandono  cli'ogni  uno  la  vedcsssc  cl  stot- 
tonce  tutti  sette  gioini,  et  chi  credea  cli'eia  morta,  e  chi  no  ». 

•  Cette  tradition  mentionnée  par  d'Engenio,  Celano  et  Sismondi,  est 
encore  très  vivante:  un  érudit  napolitain,  M.  l'abbé  Quitadamo,  en  fait 
l'objet  de  recherches  dont  nous  attendons  les  résultats  avec  le  iilus  vif 
intérêt. 

■'  Voir  .Viitinori,   Mon.  stoi:  di'ijH  Aliriai,   III,   87. 


DE   JEANNT:    l*"-    DE   NAPLRS  67 

jamais  eu  les  honneurs  d'un  monument  '.  î^t  la  tradition  relatée  par 
les  auteurs  du  XV'™*"  siècle  d'après  laquelle  Jeanne  aurait  été  ense- 
velie aux  alentours  de  Sainte  Claire  reste  à  nos  yeux  la  plus  pro- 
bable. 

Emile  Gr.  Léonard. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


1382,  17  août.   —   Lucques. 

Lettre  des  Anciens  de  Lucques  à   Charles  de  Duras. 
^Archives  de  L\ici|ues.  Amiani  al  tempo  delta  libertà,  n"  530,  c.  177  v"). 

D.  Régi  Carolo. 

Serenissime  prineeps  et  domine  lionorande.  Reoepimus  vestre 
maiestatis  litteras  datas  Xeapoli  die  primo  in«tantis  mensis  obituni 
serenissime  domine  Domine  lolianne  dudum  regine  etc.  continentes, 
pi"o  quibus  beniguitati  régie  quas  possumus  gratiarum  rependimus 
actiones.  Cogimur  quidem,  sieut  vestra  serenitas  scribit,  antiquo  devo- 
tionis  zelo  quo  singiilariter  ad  inclitam  regiam  domum  vestram  super 

'  On  ne  lui  en  connaissait  pas  au  XV''m>-  siècle.  Cf.  Biionincontro, 
col.  42 :  «  Sepulta  est  in  aede  divae  Clarae  absque  alio  funeie  et  monu- 
mento  marmoreo  praeter  mornm  consuetudineni  >  et  Tristano  Caracciolo, 
Vita  Joannae  L"-:  «  Ossa  Neapolini  leportata,  nullo  exequiaitim  neque 
sepulcri  honore  in  aede  divae  Clarae  et  ignoto  loco  sita  sunt  ».  On  a 
parfois  prétendu  reconnaître  son  tombeau  dans  un  monuiuenî  voisin  de 
celui  du  roi  Robert,  mais  M.  Volpicella  a  démontré  qu'il  s'agissait  de  cebii 
de  Marie  de  Valois.  On  trouvera  les  renseignements  les  plus  précis  sur 
cette  question  dans  cette  étude  de  S.  Volpicella,  D'uji  sepolcro  angioino 
in  Santa  Chiara. 


68  LA    CAITIVITK    KT    I.A    MORT 

"liitii  tante  doniiiip  tina  cum  vestra  maicstate  regia  quantum  nogtra 
comproliondit  liuinanitas  condolere.  Sed,  Deo  favente,  eo  minus  dolore 
(•()mi)ellimMr,  sicut  ceteris  Christicolis  presertim  ventre  domus  inelitc 
devotis  oonti^isse  credimua,  quod  ipsa  iam  prenominata  serenissima 
domina  ad  lucem  veritati><  reducta  se  suumque  reco;^noscens  auturem 
atquo  creatorem  bone  poiiitiidinis  s|)iritiiiii  pn/assumpsit,  se  dévote 
subiciens  ecelesiasticis  saeramentis.  Nos  enim  casui  pio  eompatientes 
affectu  semper  nos  offerimus  ad  qiielibet  celsitndiiii  vestre  j^rata. 
Datiiin  I.Mcc  die  XVIJ"  Aii-usti  MCCCLXXXIJ". 


1383,  18  septembre.   —   Tiirenln. 

Lettre  de  Louis  II  d'Anjou. 
(Archives  de  Luc(iues,  Anziani  al  tempo  délia  lihertà,  n"  439). 

Magnifiée  vir  et  fidelis  dilecte.  Traxit  nos  maternalis  afFectio  et 
filiale  debitum  incitavit  nt  de  remotis  partibus  pro  liberatione  sere- 
nissime  prineipisse  domine  lohanne,  dei  gratia  Ferusalem  et  Sieilie 
regine,  matris  et  domine  nostre  reverendissime,  veuientes  dirigeremns 
in  regnuni  felieia  castra  nostra,  sperantes  executioni  realiter  tradere 
quod  menti  videliatnus  rationabiiiter  inlierere.  Sed  cessît  desiderium 
nostrum  frustra.  Nara  infesta  et  abominabilis  mors  illius  toti  mundo 
notoria  ipsani  nobis  ante  nostrum  adventum  surripuit,  quam  Deus, 
sicut  pie  credendum  est,  in  beatorum  catalogo  misericorditer  coUo- 
cavit.  Et  licet  nobis  hueusque  verteretur  in  dubium,  an  ipsa  domina 
Regina  mater  et  domina  nostra  viveret,  an  mortis  glutinio  subia- 
eeret,  quia  taraeu  prope  infelicem  civitatem  Mûri  in  qua  ipsa  do- 
mina mater  nostra  tenebatur  captiva  per  octo  miliaria  venientes, 
ut  iiiiva  de  ipsa  exquisitius  sentiremus,  fiiimus  per  nonnullos  ma 
gnates  aliasque  tidedignas  personas  veridice  informati  quod  ijisa 
domina  Regina,  diutini  squalore  carceris  inibi   macerata,  non  natu- 


DE    JEANNE    I'«K    DE    NAPLES  (i9 

ralitcr  obiit,  sed  quass:it:i  iniuste  et  nepharie  cniciata  extitit  per 
nefandissinios  matricidas  Karulum  et  Margaritam  de  Durazio,  iniqui- 
tatis  et  impietatis  filios  ac  totius  perfidie  et  malignitatis  alumiios, 
qui  coUatorum  eis  benefitiorura  et  vite  ipsi  Karolo  per  totum  im- 
meraores,  et  ad  prestita  per  eos  liomagia  et  fidelitatis  saeramenta 
millatenus  adverteiites,  ipsam  dominaiii  reginam  eoruin  matrem  et 
iiatiiralem  domiuain,  non  tamquani  reginam  sed  velnt  saracenara 
in  carcerilius  maeeratam,  per  ((iiatiinr  fnroiferos,  ligatis  >(i1ii  prius 
manibus  et  pedibus,  fecerunt  iininaiiiter  suffocari.  0  neplias  borri- 
dtim  !  0  execrabile  faciniis!  o  piacularr  Hagitinm  !  Benefactricem  be- 
nefitiati,  matrem  filii  et  subditi  dominam  occideruut,  fel  pro  nielle, 
pro  curialitate  incuriani  et  doluni  pro  pietate  reddentes!  De  cuius 
criideli  nece  nedum  iioljis  et  cliristianis  singulis,  sed  saracenis  et 
barbaris  dolendum  restât  visceraliter  et  lugendnm.Nos  vero,  tamqnam 
eiiis  filius  adoptivus  ac  fiiturus  hères  et  universalis  suecessor  qui 
rationabiliter  locum  matris  ingredimiir,  intendentes  de  règne  isto 
aliisque  terris  et  loeis,  tune  suis  et  luinc  nostris,  velut  de  spécial! 
nostro  pomerio,  radicitus  extirpare  tribnlos,  et  illudat  fs/c  ?)  in  illa 
pacis  ameuitate  reponere,  ut  quod  diu  niultis  noscitur  conquassatum 
angustiis,  ventilatum  tur1)inibus  et  guerrarum  fremitibus  lacessitum, 
ulteriores  crueiatus  nnn  ingéniât,  sed  tranquiUitatis  et  paris  pulcri- 
tudinem,  favente  uobis  divina  gratia,  ubique  cognoscat,  nec  minus 
de  tam  crudeli  nece,  que  mentes  audientium  sauciat,  vindictani 
sumere  ad  posteros  exemplariter  tiausituram,  ne  tantum  abomina- 
bile  scelus  impunitum  transeat,  sed  eulpabilis  quilibet  meritam 
penam  luat,  licet  sperenius  quod  ipse  Deus  nltionum  Dominus  abo- 
rainatUB  in  celis  suum  de  superis  vibrabit  gladium,  et  tanti  patra- 
tores  sceleris  adducet  confusibiliter  in  profuudum,  disposuimus  solium 
régale  conscendere  et  quod  filiale  debitum  exigit,  tara  firca  repa- 
rationem  residue  partis  regni,  quam  circa  incumbentia  nobis  alla 
forti  manu  extentoque  brachio  executioni  débite  studiosis  operibus 
deuiandaro,   licet  ab   ijjsa  domina   regina   assumeudi  titnlum  digni- 


70  I.A    CAlTlVITli    KT    I.A    MORT 

tatis  iTgic  aiiitiii-itaterii  lialiuisseimis  ]ilenari:ini  illaiiiquc  (listiilc- 
rimiis  matcriio  lioiiuri   siio  filialiter  déférentes. 

l'it  ecce  die  dominica  '  im|)er  lapBi  mensis  augiisti,  in  maiori 
Triearirensi  eeelesia,  adstantilius  iKinnulIifi  repli  ma^natiiiUH,  comi- 
tiliiis,  l>:iriinilillH  et  nnbililiiis  aliis  in  nniltitiiiliiic  ('i>|iiiisa  lii>nia;;iiini 
iigiiiiii  t'acieiitibus  et  tidclitatis  del)it(;  .sacranieiiluin  prestaiitilins, 
et  aliquibus  ex  eis  honores  et  titnios  et  militari;  cintçiiluni  recipien- 
tilm-»,  videlicet  spectabilibus  Liidovico  nostro  primogenito  titulum 
dueatus  Calabrie,  Henrico  de  Britaiiia  milite  cognato  nostro  titulum 
dispotatus  Romanic,  Fulcoue  de  Saitu  senescallo  Provineie,  ao  viris 
magnifiais  comité  Tricariclii  titulum  ducatus  Venusi  et  titulum  mar- 
ehionatus  Corpliiensis,  Ugone  de  Saneto  Severino  titulum  eomitafns 
Potentie  et  cingnium  niilitare,  Tlmmassio  de  Saucto  Severino  titulum 
("Dmitatus  Montis  Caveosi,  Sti^pliano  de  Saucto  Severino  titulum  eomi- 
tatus  Matliere  etNicolao  deAlamauia  milite  titulum  comitatus  IJultini, 
uec  non  prefato  Ugone  et  laenlid  eius  tilici,  ae  filio  Comitis  Tricarici, 
Dyegho  de  la  Rattlia,  lacobo  do  Petrafixa,  Antlionio  de  (!rap])inci, 
Nicolao  Measanello,  loliannutio  de  Petrafixa  et  plurilms  aliis  einguluni 
militare,  nos,  invocato  prius  Cliristi  nomine.  régie  dignitatis  titulum 
assumsisse,  premissis  ut  expeditsoleninitatibus  debitis,  tibi  ad  gaiulium 
presentibus  intiiiiaiiius.  ut  t'eliciiini  iiiistnirnui  successuum  reddaris 
particeps,  qui  lal)orum  nobiscum  presiMitlaliter  non  es  expers,  certa 
tenens  fiducia  quod  ex  nunc  in  autea  quantum  regalis  dextera  nostra 
valeat  singuli  rebelles  penaliter  aentient,  et  quantum  contra  eos  ani- 
mosius  et  ferventius  procedere  habuerimus  confusibiliter  recognoseent. 

Post  hee  ut  de  felicibus  nostris  snccessibus  nova  sentias  certiora, 
ecce  tibi   preseutibus  intimamus  (luatenus  pridie  ad  terrani  ^Mnntelle 

'  30  août.  Cf.  N.  Valois,  o}].  cit.,  t.  II,  p.  62  et  H3,  note  1.  Nous  n'in- 
sisterons pas,  pour  le  moment,  sur  la  fin  de  cette  lettre  étrangère  au 
sujet  qui  nous  occupe.  Notons  seulement  qu'elle  eomplète  les  documents 
utilises  par  Noël  Valois  (//).,  p.  .02,  72)  tant  au  sujet  du  couronnement  de 
Louis  d'Anjou  (dont  elle  précise  la  date,  le  lieu  et  les  circonstances)  qu'à 
celui  des  progrès  de  ce  prince  autour  de  Tareute. 


DE   JEANNE    IKIK    DE   NAPLES  (1 

eum  iiostni  cxcnitii  persoimliter  .•locerlentes,  terram  ipsani,  projjter 
iiotoria  liomiiiiim  illins  fariiiora  et  démérita,  destriii  et  combiiri 
feeimus  et  Uoiia  illonini  ad  saccomanduni  poiii.  Deiiide  per  partes 
Principatus  rastra  (?)  Terre  Ooiitiirsii,  Serrariim  et  Piscilioai  ac  ha- 
nmia  F'as.uiPllc  eum  plurilius  alijs  locis  se  nobis  liberaliter  red- 
diderunt,  que  sub  iiostra  fidelitate  tenentur.  Postuiodiim  vero  ad 
hanc  civitatem  Tarent!  pervenimua,  ubi  fuimus  ciini  multa  ylaritate 
reeepti,  et  oastnim  civitatis  ipsius  fossatis  et  gentibiis  facimus  teneri 
restrictum,   ita  qund   évadera  non  poterit  manns  nostras. 

Civitas  etiam  ciim  rastro  Gallipolis  post  nostrnm  adventum  est 
similiter  ad  obedientiam  nostram  reducta.  Et  speramus  quod  in  brevi 
tota  ista  provincia  ad  nostre  niaiestatis  tidelitatem  debitam  rever- 
tetur.  Et  ut  titulum  et  intitulatioiiem  nostram  scias,  ecce  tibi  mit- 
tinins  infrascriptam,  mandantes  tibi,  ut  per  oranes  terras  provincie, 
tue  jurisdictioni  subiecte,  tara  tenorera  prescriptarum  nostrarnm 
litterarum.  quani  etiam  intitulationem  nostram  faeias  per  tuas  litteras 
cuni  tenore  presentium  divulgari,  ac  niandare  quod  in  instruraentis 
appouatur  nostra  iiititulatio  in  bel?  verba  videlicet:  Régnante  sere- 
nissimo  domino  nostro  Ludovico  Dei  gratia  illustri  Jérusalem  etSicilie 
rege,  ducatus  Apulie,  principatus  Capue,  Andegavie  et  Turonie  duce, 
comitatunm  Provincie,  Forcalquerij,  Ceuomanie  et  Pediniontis  l'omite, 
regnorum  vero  eius  anno  primo.  Datnm  Tarenti  die  XVII.I"  mensis 
Septembris,  VU  Indict. 

III. 

1385,  20  août.  —  MurseiUe. 

Ijettre  de  la  reine  Marie  de  Bretagne  aux  Marseillais. 
(Archives  de  Marseille,  AA.  supplément). 

Maria,  Dei  gracia  regina  Jherusalem  et  Sicilie,  ducissaAndegavie, 
Provincie  et  Forcalquerii,  Cenoniaiiie,  Pedimontis  ac  Rouciaei  corai- 
tissa,   bajnla.  tntrix   et  .idministratrix  illustris  nati  nostri  Ludovici, 


72  I.A    CAI'TFVITK    KT    LA    MORT 

.llicriiH:il('ni  et  Sicilic  ref^iH  ct.ite  ininoris,  reK"'"'»"")"*'  "''  ''niiiiiim 
.iliornm  tiri'.iniiii  «•justlem,  egregiis,  iiobiliWus  et  priulditilnis  viris 
siiidicis,  generali  coiisilio  ac  iiniversitati  liomimim  fidelissimc  civi- 
tiitis  regin  M.-issilipiisis.  regiis  devotis  et  fidclilnis  iiostris  dilectis, 
salntom  et  roljure  attiii;;!  tidei,  deviitionis  et  vei-itatis.  l'iliali  pietate 
urgcinur,  necessitiidiiie  Haiiguinis  stimulaniiir,  fraterna  ])iiiigimiir 
oaritate  mensque  nostra  ardeiieiiis  provocatur  iit  sanetiim,  iiiiiin  ae 
jiistiini  ])ro]i(isitiiin  clare  memorie  sereiiissimi  consortis  iiostri,  eiii 
Meus  parrat.  ardnrc  fîdei  et  earitatis  z.elo  virilins  proseqnamiir.  Ad 
(lUiid  cor  iKistniiu  in  diviiia  |)(isitiini  potestatc  ipsiiis  cleineneia  iiicli- 
navit,  in  qiia  sola  onnieni  reposuimus  aneorani  spei  iiostre,  que 
sperantes  in  se  niinquam  deseruit,  quin  pia  proposita  adjuvet,  eqna 
corroljoi-et,  saneta  eontirnict  et  Jnsta  desideria  ini))leat  i)ietiite  sii- 
perna.  Aniarissime  enim  nostra  visccra  coninioventnr  non  soliim  diebiis 
et  horis  singulis  sed  momentis,  cum  tani  ablioniinabile  scehis,  tam 
exeeraliile  faciniis,  tani  Ingendum  ac  ninetis  evi  temporibus  deplo- 
randum  piaonliini  pir  inlididcni,  inipium.  fidefragiim,  jtroditorein 
ingratissinunii.  fidolitatis  et  tidei  violatoreni  noturiuni  Cai-olum  de 
Diiracio  eontra  clare  memorie  serenissimam  dominam  Joliannam, 
Jlierusalem  et  Sicilie  reginam,  reverendissimam  dominam  et  matrem 
nostram,  iiaturalem  et  ligiam  dominam  Caroli  supradicti  et,  ut  dul- 
ciori  pro  voeabiilo  iiuncupemus,  elenicntissimnm  et  piissimani  matrem 
suani  iniideliter,  impie,  ingratissime  et  iin(|ne  |).itratnm.  paiinis 
indnta  lugiibribus,  perctiaso  pectore,  sparsis  erinibns,  lacerato  vultu, 
lugentibus  oeiilis,  cnm  clamore  orriliili  et  ineffabili  nlulatu  eondignam 
exposcens  vindictam,  nostre  eelsitudinis  oculis  .histieia  représentât. 
Nam  per  univers!  orbis  circulum  ac  mundi  tocins  climata  veridica 
fama  perduxit,  et  vos  satis  novistis  quod  nusquam  mater  erga  pro- 
l)riiim    tiliuni    diilfiorem    pietatem   exerçait':    nam    ipsum   Carolum, 

'  L'ingratitude  de  Charles  de  Duras  envers  celle  qui  avait  protégé 
son  enfance  est  un  des  tliénies  favoris  de  ses  adversaires;  on  le  retrouve 
par  exemple,  couiiue  \v  lappeHo  M."^'  Valentc  {op.  cit.,  p.  4.  note  1)  dans 


DE   JEANNE    n"*:    DE    NAPLES  73 

ntroque  parente  orbutiini,  omni  auxilin  et  eniisilin  destitiitiim.  inter 
sua  ubera  in  ulnis  propriis  nutrivit',  de  ipso  aiixiaiii  et  teiierem 
cnram  gerens  sicut  ipsum  ex  proprio  eorpore  gennisset;  et,  contra 
voluntatem  elare  meniorie  régis  Lndoviei  et  fratrum  suorum  il- 
liistrium  •,  vitam  sibi  ae  virilitateni  preservavit  et  visnni  et  i])siini 
Carohini  cnm  nmltis  laerimis,  diversis  modis,  viis  variis  exquisitis  iit 
phirimum,  intVa  sua  liraehia  retinendo,  mater  ipsa  piissinia  servavit 
illesiim  et  ipsum  ])ateniis  maeulis  heresis  et  lèse  majestatis'  neplian- 
dis  criminilius  deniijratuni  dignitatibus,  honoribus,  statu,  fama  ae 
bonis  oniiiiiiiis  omni  jnris  disposieione  privatum  et  etfeetum  inlia- 
bilem  ad  predieta  in  integruni  restituit  et  dignitatem,  famam,  liono- 
rem  et  statum  eidem  reservavit  et  bona,  ac  processus  ab  utroque 
rite  et  recte  factos  fecit  t(dli  de  medio  ut  ex  ipsis  beresis  et  lèse 
majestatis   paternis  criminibus  contra   iji.sum  Carolum  denigi-ata  mê- 


la lettre  de  la  reine  Jeanne  au  dnc  de  Bavière  (Romano,  X/ccnh)  Spi- 
nelli  (la  Giniinaszo,  Naples,  1902,  p.  593)  et  dans  la  bnlle  d'excommu- 
nication fulminée  contre  Charles  par  Clêmint  VII  ;VaIente,  op.  cit., 
p.  170). 

'  Noms  n'avons  pas  retrouvé  la  date  à  laquelle  mourut  la  mère  de 
Charles,  .Margherita  Sanseverino;  pour  ce  qui  est  du  père  de  Charles, 
Louis  de  Duras,  il  serait  mort  le  22  juillet  1362,  c'est  à  dire  deux  mois 
après  son  cousin  et  ennemi  le  roi  Louis  de  Tarente,  second  mari  de  la 
reine  Jeanne  (f  26  mai  1362'.  Charles,  né  en  1354,  avait  alors  de  sept 
à  huit  ans.  Mais  peu  après  sa  nais.sance,  son  père,  s'étant  révolté,  avait 
été  contraint  de  le  remettre  en  otage  aux  souverains  et  la  reine  .leanne 
l'avait  fait  élever.  Cf.  Caméra,  op.  cit.,  p.  244. 

'  Robert  et  Philippe  de  Tarente. 

^  Louis  de  Duras,  jaloux  de  l'accession  de  Louis  de  Tarente  au 
trône  et  mécontent  de  sa  situation  personnelle,  s'était  révolté  peu  après 
le  couronnement  de  son  rival.  Dès  lors  et  jusqu'au  moment  où,  en  l.'}60, 
il  fut  emprisonné  au  Château  de  l'Œuf  entre  les  murs  duipiel  il  mourut, 
il  ne  cessa  de  susciter  les  plus  graves  embarras  au  roi  de  Sicile,  s'al- 
liant  contre  lui  aux  grandes  compagnies  et  essayant  de  provoquer  une 
nouvelle  invasion  du  roi  de  Hongrie.  Il  avait  de  plus  pris  le  parti  d'un 
hérésiarque,  l'évéque  d'Acpiino  ipii  s'était  réfugié  sur  le  Mont  Gargan  où 
les  Duras  seuil)leiit  avoir  favorisé  des  doctrines  an.alogues  à  celles  des 
fraticelles. 


(I  LA    CAl'TIVITK    KT    I.A    MORT 

nidi'i.-!  iinii  patorct  '  et,  liciiclifiii  lieneficiis  potidie  ciiiiiiiImiiiIci,  ncptciii 
pnipriani  ''  ex  sorore  »ilii  utrimf|ue  coiijnncta,  qiiam  miiltiim  ililigi'bat, 
ilispi'iisacidiic  a  scde  apostolica  cuin  maximis  stmliis  et  laboribus  i)ro- 
dinita,  ciiiii  s<-cini(li(  ex  patenia  liiica  et  (piarto  nx  materna  coiisaii- 
glliiiitatis  gradihii^  jiin;;cliaiitur,  in  niatiiiiinniinii  cnpiilavit  et  i-ivi- 
tat(!s,  terras,  casti'a,  pi'ovisiones  amplissiinas  coiifessit  cidctn.  Lefçantiir 
oi-onicft  aç  pnidentinm  veti-rnin  scripta  rimentiir,  structeiitur  aiitiqiia 
tenipoi'a  et  prnspif iiiitur  iiHMlcriia,  iimi  rcpcriciitiir  tain  fnidflis  im- 
pictas,  tam  iiifrratitiido  Ikii  ribilis  et  tain  alilimniiiaiida  prudelitas 
cumulate  in  uniiin.  Nam  i])sc  homo  ncquani  pm  t.intis  beneficiis 
silii  sic  pie,  sic  dementer  impensis  rcddens  j)ro  nielle  venenum, 
pro  i)ietate  doliim,  aoeenstis  ineftVenata  liliidine  doiniiiandi,  filial!  pie- 
tate  rejecta,  caritatc  fratcriii  saiinuiiiis  violata.  (idc  lai-crata.  tide- 
litate  t'iigata,  ^ratitudine  maciilata,  juramcntis  relii^ionis  caleatis  et 
oiniii  liuinaiiitate  peiiitus  proeul  puisa,  saliitis  proprie  immemor,  jiira- 
inciitiinini   iKiinau'ii  ligii  et  fidelitatis   notiirius  vidlator,   eum   sue   iie- 

i|iiici niidii-iliiis.  f|iios  iiijïratitudo,  pnidieio  et  imjjietas  silii  foiitrre 

j;avit  in  niniui,  rrunnin  invasit,  ipsain  in  Castro  Novo,  ubi  taiita  ab 
ipsa  licnclieia  receperat,  tennit  ciini  taiita  inhumanitate  obsessam, 
qiind  piidet  direre  et  refTcrrr.  et.  ut  tantam  |)ietatem  brevi  com- 
in'ciicndaniiis  cioqnio,  oninein  noccndi  nindiim  queni  ipse  et  sue  nero- 
iiiee.  l'rudelitatis  eompliees  impio  ingenio  exeogitare  seiverunt  contra 
ipsain  suam  doininam  naturaleni  et  raatrem  piissimam  non  est  veritus 
exereere  ipsain(|ue  l)landis  et  subdolis  verbis,  multis  factis  promissio- 
niliiis  eciam  in  scriptis  redaetis  et  firniatis,  ad  se  reddendum  induxit. 
(Uii  ncc  verlnini  unifiiin  cibscrvavit  sed,  riipto  fédère,  promissionibus 
viiilatis,  ipsani  in  cistro  suo  Ovi   duris  et   inliunianis  earceril)us  euni 


'  l/('dit  par  lequel  Jeanne  n'habilite  la  mémoire  de  Louis  de  Ta- 
rente  et  restitue  les  liiens  du  défrnt  an  Jeune  Charles  est  du  20  mai  l'îii.'!. 
Cf.  Caméra,  op.  cil.,  p.  249. 

-  Marguerite,  tille  de  Charles  de  Duras  (t  134H)  vl  de  .Marie,  scinir 
de  la  reine  (t   136(>\ 


DE    JEANNIO    I'  '";    DE    NAI'LE.S  75 

mo.lica  lamilia  miscrabiliter  tcuuit   carccratam.  Deinde  oum   inaguo 
intempérie  temporis  ad  castnim  Nucerie  eaptivam  diiei  fecit  iiivitam, 
manibus  iiijectis  in  eani  per  aliquos  ex  proditorilnis  suis,  ubi  adluic 
fuit  inhumanius  et  vilius  pertraetata.  Demum  cum  multis  pluviis  et 
ineptitudine   temporis,   tempure  liiimali,  ad  castrum  Miiri   crudeliiis 
duci  fecit,  ubi  ultra  solitum  fuit  inhumanius  pertraetata.  Et  que  ab 
infautili   etate   in  regalibus  sedibus  in  magnis  fnerat  nutrita  deliciis 
ibi   cibis  quandoque,  proli   dol.,r,  ut  audivimus,  eguit  rusticanis.  Et 
postmodum,  Palamudesio  {air.  liuzuto  ministro  nequicie  illuc  deatinato, 
de  illis  p.iueis  mulieribus  quas  in  sua  miserabili  societate  dimiserat  ac 
servitoribus  aliquibu.s  qui  sibi  lacriraabiliter  serviebant  majorem  par- 
lera duci   fecit  Xeapolini  captivos,   uua  sola   nobili   Provinciali   ma- 
trona  cum  duabus  tartaris  et  uno  tartaru  relictis  ibidem,  et  aliquos 
anulos  quos  teuebat  in  digitis,  qui  de  omnibus  reguis  et  dominiis  suis 
ac  amplissimis  facultatibus  sibi   remanseraut,  ab  ejus  manibus  ipse 
impius  Palamidesius  cum   violencia  extirpavit.  Postquam  autem  Ca- 
rolus    ipse    felicem  elare  memorie  dicti   domini   cousortis  nostri  ad 
veguum  sensit  adventum,  ipsam  dominam  reginam  piissimam  matrem 
suam   iuter  duo  matracia,  quod  amarissime  refferimus,  crudeliter  et 
inhumaniter    suffocare    fecit,    credens    quod    iiropter  mortem   ipsius 
regni  ac  Provincie  fidèles  ad  ipsius  obedien.'iam  facilius  indinarent, 
qnod,   si  recte  sapuisset,  debuisset  pocius  oppositum  cogitasse,  sicut 
rei  exitus  et  experiencia  rerura,  omuium  magistra,  deraonstrat.  Nam 
veri  fidèles  et  devoti,  tam  regnicole  quam  Provinciales  non  ad  ol)e- 
dienciam,    ut    infidelis    sibi    ipse  meutitur,  sed  ad  viudictam  tanti 
facinoris  virilius  et  ardencius  animantur.  Quantas  autem  crudelitates 
et  iucredibiles  inhumanitates  idem  Carolus  exerçait  contra  illustres 
deffunctum  dominum  Robertum  de  Artesio,  dncem  Duracii,  et  domi- 
nam Johaiinara  de  Dnraeio,  ejus  coujugem,  tam  silji  proxima  consan- 
guinitate  conjnuctos,  credimus,  audivistis.  Exurgat  igitur  cum  severe 
vindicte  gladio  divina  potencia  oraniumque  in  orbis  circulo  régal ia 
sceptra    tenencium,   insurgant    omuia   elementa  et  omnium  regnico- 


W  I,A    (JAl'IlVIirc    KT    I,A    MOKT 

lanim  ;ic  fidfîliiim  Proviiifialiiim  et  precipue  virorum  MaHsilieiisiiim 
caritate  et  ardciiti  tiilclitatis  zclo  corda  inflamnift  ut  iiol)i8ciini,  pudi 
itii'tValiili  spc  (liviiii  anxilii.  viriliter  arma  sumatis  et  i)ri)  tani  lior- 
rciidi  et  al)l](iiiiiiiandi  facinoris  exeini)lari  siinieiida  vindirta  maiiiis 
siiiiit'tis  ,m1  prcliiiin  et  digitos  more  solito  striiiKatis  ad  l)clhim. 
Speramiis  eiiim  iiidiiliie  quod  Altitonans  de  astris  ad  tam  f'acinoro- 
siim  et  exeeraliile  viiidicandiim  sceltis  maiium  einittet  Jlldiciiim  (sicj, 
justaiii  seiiteiiciain  t'iiliiiiiiabit  |icr  i|iiaiii  frimiiiis  ci-ndHlissinii  patra- 
tores  jjene  iiove  et  C(mdigni^^sime  tauto  seeleri  teriat  gravitate.  Nos 
enim  ad  %'estri  supplicacionem  super  lioc  nostre  majesiitati  fideliter 
et  deviite  iii  aiiditorin  iiostru  factani  in  et  sulj  verlm  regali  et  fide 
nostris  lianim  série  pro  noUis  et  rege,  nato  iiostro,  promittimus  et 
ita  iiiiiiiilms  rcgiiicolis  et  Provincialibiis  tidelihiis  regiis  et  nostris 
volumus  esse  iiotum  qiiod,  nobis  vita  (sic)  comité  pietate  divina,  uiia 
voliisciim  et  aliis  fidelibus  regiis  et  nostris  piuni  premissuni  pro- 
positiini  dicti  serenisainii  doniini  r-onsdrtis  nostri.  qui,  quod  duleuter 
refl'iu-inius,  pretate  domine  regine  ac  regni  reeuperacioneni  oiim  tantis 
laborilius  et  miseriis  prosequendo,  ut  nostis,  Altissimo  reddidit  spiri- 
tuin,  lu'osequenuir  ((Uousque  finem  eonsequamur  o])tatuiii.  l'-t  insuper 
ad  ali(|uani  eoncordiara,  uuionem,  pacem  seu  aniicitiam  cuni  dicto 
Cai'iilii  (le  IMiiMcio  et  Margareta,  ejus  uxore,  eorumque  liberis,  fau- 
etoribus  et  conseils  ac  aliis  qui  manus  sacrilegas  in  dictam  dominam 
.lohuiinara  reginam.  revendissiniani  matrem  nostram,  oui  Deus  parcat, 
injcçenint  ncc  ciiin  aniliaxiatoribus  l'rovincie  qui  tune  ad  iiresen- 
ciam  dicti  ('aroii  accesscrunt  '   et   [conscii  ?J  mortis  ipsius  extiteruiit 

'  Lille  dcli'gation  de  ijrovençaux  appaitenaut  au  parti  de  1'  «  Union  » 
favoialile  à  Cliaries  iiartit  poui-  Naples  peu  après  le  11  juin  1382,  date 
à  la(piellc  les  Draguignonuais  avaient  nommé  leur  représentant.  Cf.  Mi- 
reiir,  in  Revue  dus  Sociétés  Savantes,  1876,  p.  457.  Ce  sont  sans  doute  ces 
ambassadeurs  qui  rapportèrent  en  Provence,  dès  la  fin  de  l'année  1382 
ou  le  <iébut  de  l'année  suivante,  la  nouvelle  de  la  mort  de  la  reine:  «  Cuu; 
domina  nostra  domina  .lohanna,  olim  regina.  sit  mortu.a,  ut  asscrtuni  fuit 
Aquis  et  cum  juranieiito  in  consilio  Unionis  per  duos  ambaxiatorcs  »  (dé- 
libér.ition  de  la  communauté  de  Draguignan  du  17  février  1383.  Archives 


DE   JEANNE    1*"^    pj;    XAPLES  77 

minime  veniemus  seu  descendomus.  Quinynio  in  personis  ipsoriini 
sine  aliqua  remissione  quantum  poterimus  tam  crudele  et  neplian- 
dum  pai'icidium,  divina  noliis  dextera  suffragante,  fiini  iiisius  domine 
sanguis  innoxins,  vocem  emittens,  higubrem  vindictam  exposcens,  ad 
supeniam  majestatem  clamavit  de  terra,  ita  exeniplariter  vindiec- 
mus,  qiiud  nullani,  mundi  durante  machina,  obliviem  habebitur.  In 
cujus  rei  testiumnium  bas  iiostras  patentes  litteras  fieri  nostrliine 
sigilli  munimine  jussimus  niborari.  Datura  in  dieta  civitate  Massilic 
per  uobilem  et  egregium  virum  Raymundum  Beruardum  Faram(?', 
militera,  legum  doctorera,  magne  régie  curie  raagistrnm  racionaleni, 
maiorem  et  secundarium  appellacionum  Provincie  judicem,  locunte- 
nentem  prothonotarii  regni  Sicilie,  coUateralem,  cousiliarium  nostrum 
et  regium  et  fidelem  dilectum,  anno  Domini  millesimo  trecentesimo 
octuagesimo  quinto,  die  vicesima  menais  augusti,  octave  indictionis, 
regnorum  vero  dicti  régis  nati   nostri  anno  primo. 


de  Draguignan  BB  4,  fol.  260).  Mais  cette  nouvelle  ne  semblait  pas  sûre 
aux  propres  paitisans  de  Cliailes  et  les  Draguiguanoais  ne  le  reconnu- 
rent comme  leur  seigneur  (|ue  •>  duuimodo  ipsa  domina  nostra  rogina,  ut 
praetangitur,  sit  mortua». 


FARNESIANA 


III. 
Mademoiselle  du  Gaiiguier,  dame  rt'lioinieur  de  la  Reine. 

Lorsque  le  cardinal  Alexandre  Farnèse  vint  à  la  courde  France, 
pendant  l'hiver  de  1552,  il  re(;ut  de  tous  le  meilleur  accueil  du 
monde.  Des  raisons  politiques  s'y  prêtaient.  Les  princes  de  Parme, 
iiabiles  à  tirer  profit  du  Roi  comme  de  l'Empereur,  avaient  réussi 
à  engajçer  la  France  dans  une  nouvelle  expédition  d'Italie,  qui 
devait  rendre  à  leur  famille  le  duché  de  Parme  ;  cette  alliance 
avait  été  scellée  par  le  mariage  de  la  fille  de  Henri  II,  Diane  de 
France,  avec  le  duc  Octave,  frère  du  cardinal.  D'autre  part,  Ale- 
xandre Farnèse  était  naturellement  séduisant;  il  mettait  au  plus 
haut  prix  le  talent  de  plaire  et  savait  montrer  partout  «  un  vi- 
sage aimable  et  souriant  »  '.  Jeune  et  dansant  à  ravir  ',  il  était  dé- 
signé parmi  les  successeurs  éventuels  de  .Tules  III  et  possédait  ces 
qualités  de  raffinement  que  recherciiait  l'entourage  de  Catherine  de 
Médieis:  c'en  était  assez  pour  qu'il  fût  à  la  mode. 

La  Cour  était  en  effet  ouverte  :'i  l'influence  italienne.  Ou  se 
piquait  d'y  parler  le  toscan  le  plu^  pur  et  les  demoiselles  de  la 
Reine  se  montraii-nf,  nous  dit   un  contemporain  ',  «  délia  liiigua  fns- 

'  •  Hilari  et  seieno  vnltu,  ut  suns  mos  est  >,  rapporte  l'auteur  du 
Diaire  de  la  Cour  Pontificale  à  iiiopos  de  la  réception  faite  à  Caprarola 
par  Farnèse  au  cardinal  Bnrromée,  le  2  septembre  l.^^)n:  Bibl.  du  Vatican. 
MiscelL,  Arm.  XII,  vol.  29,  fol.  375. 

-  Une  «  gaillarde  >  dansée  devant  la  Reine  le  rendit  célèbre:  Di-  Xa- 
venne.  Home,  le  pa'ais  Farnèse  et  les  Farnèse,  p.  519. 

^  Epitre  de  Jean-Baptiste  du  Four  à  la  fin  du  Dccamc'ron  de  Boccaco 
(Lyon,  G.  Roville,  15.55),  publiée  p.ir  K.  Picot,  Les  Français  italianisants 
an  XF7«  siècle,  t.  II,  p.  10. 


80  KAltNESIANA 

l'aiiîi  tiiiito  studiosi;  et  dolte  che  bene  et  ornutaraciitc  la  purlaiiii 
et  IcggiadraiiK'iitc  la  scrivaiKi  ».  Alexandre  Fanièsc  eut  t"t  l'ait  de 
dixtiiifçuer  l'une  d'entre  elles  dont  il  se  lit  le  serviteur:  <<  l)ien  heu- 
reux estoit-il  (lui  piMivoit  estre  touché  de  l'amour  de  telles  dame» 
et  bien  heureux  aussi  qui  en  pouvoit  escapar!  »  '.  Durant  son  séjour 
à  la  Cour  il  rtuliciehait  volontiers  la  eonversation  des  t'eraraes  et 
.sembla  abandonner  (|uel(iue  peu  une  conduite  austère  qui  allait  faire 
de  lui.  à  Konii',  le  protecteur  de  Tordre  des  Jésuites.  On  lui  prêta 
inénie,  à  la  mort  de  son  frère,  le  duc  Horace,  «  l'idée  plaisante  de 
prendre  femme  »   pour  s'assurer  des  biens  temporel.')  de  sa  maison  ". 

Ainsi,  trente  ans  après  ce  voyage,  la  Reine  pourra-t-elle  évo- 
quer avec  regret,  eu  pensant  à  lui,  «  ce  jjratieux  siècle  »  et  les 
«  Dames  de  ce  temps-là,  belles  et  de  bonnes  maisons,  et  que  vous 
aimie/,,   lui   écrit   un   eonlident,  et  qui   vous  aimoient  »  '. 

Il  avait  pris  congé  de  la  Cour  le  24  juin  1.554  avec  la  promesse 
(l'un  prompt  retour;  son  départ  fut  déploré.  Il  laissait  en  France, 
eoinme  dans  s.i  lé;;;ition  d'Avignon  \  mainte  dame  impatiente  de  son 
alisenee.  Mais  les  anné(!s  passèrent  et  avei-  elles  évolua  la  politique 
des  Karnèse  qui  se  rapprochaient  de  l'Empire,  non  moins  que  l'esprit 
du  cardinal  ([ui   oublia  l'épicurisrae  de  .sa  jeunesse. 

Les  dames  de  la  Reine  en  furent  particulièrement  dé.sappointées  : 
«  Madamoyselle  de  Pierre,  lui  écrivait  Lavigne,  abbé  de  llautviller. 


'  Brantôme,  Oeuvres  complètes,  éd.  L.alaniie.  t.  VII.  Discours  II  «  Sur 
la  Reync,  mère  de  nos  roys  derniers  »,  p  332. 

2  Lettere  inédite  di  A.  Caro,  éd.  Mazzucclielli  (1.S29).  t.  II,  p.  14.'î. 
Horace  qui  avait  épousé  Diane  de  France  le  14  t'évriiT  l.'i.")3  mourut  le 
irt  juillet  de  la  niêine  année. 

'  Lettre  de  l'abbé  de  Plainpied  au  cardinal,  1  octobre  1581:  L.  Ro- 
uiicr,  Les  premiers  rejjresentanis  de  la  France  nii  jmhtis  Farnèse,  dans  les 
«  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire»,  t.  XXXI  (101 D,  p.  .30. 

■•  Une  lettre  caractéristique  de  Marguerite  de  Lévis  (M""*  de  Lers, 
femme  (r.-Vutoine  d'Arpajon)  au  cardinal,  datée  d'Avignon,  1°'' juillet  1558, 
est  pnl)Iiée  par  L.  Ronder  dans  T^s  origines  politiques  des  (jiierres  de  reli- 
ijioH,  t.  I.,  p.  123,  note  3. 


M.VDKMOI.SELLE    DU    GAUCiUIIOR  SI 

est  fort  msirrye  que  vous  n'estes  ïi  Bloys  ceste  hiver  pour  daucer 
;\  ses  nopces.  8i  vous  estes  pape,  elle  vous  fera  parriu  de  son  pre- 
mier fils  qu'elle  aura  afiin  que  iuy  donnies  congé  de  manger  la 
cliair  »  '.  Espérant  reparaître  quelque  Jour  à  la  Cour,  il  n'avait 
garde  d'ailleurs  de  rompre  avee  elle  ;  et  la  Reine,  en  politique  avisée 
(|ui  ne  dédaignait  aucun  moyen  de  renseignement,  se  servait  vcdim 
tiers  de  la  séduction  féminine  pour  le  service  de  l'Etat.  Aussi  les 
lettres  du  cardinal  étaient-elles  attendues  avec  impatience:  «  Votre 
letre,  lui  écrit  le  même  abbé,  me  fust  arrachée  des  mains  par  nos 
damoj'selles,  les  quelles  liront  eltes-mesmes  les  recomandacions  que 
vous  me  comandiez  que  Je  leur  tisse  ». 

Ces  lettres  du  cardinal  sont  malheureusement  perdues,  mais  non 
point  quelques  billets  qui  lui  furent  adressés.  Elles  devaient  au 
reste  être  pleines  de  froideur  et  fort  méfiantes,  si  l'on  en  croit  le 
désespoir  de  celle  qui   fait  l'objet  de  cet  article. 

Elle  signait  d'un  A  et  d'un  C  entrelacés  de  courtes  missives 
écrites  en  français,  qu'elle  lui  faisait  parvenir,  pliées  eu  quatre, 
dans  les  rapports  de  ses  agents  à  la  Cour.  Elles  sont  restées 
telles  quelles  dans  les  lettres  où  elles  étaient  incluses.  C'est  sans 
doute  la  même  mystérieuse  correspondante  qui,  six  mois  après  le 
départ  du  cardinal,  lui  mandait  «  en  ung  estuy  certain  portraict  »  ', 
quelque  crayon,  qu'il   sc^'ait  curieux  de  retrouver. 

L'énigme  de  son  nom  n'eût  point  été  facile  à  déchiffrer  si  la 
main  indiscrète  d'un  secrétaire  d'Alexandre  Farnèse  n'eût  inscrit 
au  dos  de  l'un  de  ces  billets,  à  côté  de  la  date,  «(ioghier»  '.  Un 
non  moins  indiscret  prélat,  plus  homme  de  Cour  que  d'Eglise,  nous 
eût  du  reste  mis  sur  la  voie.  Jacques  du  Brouillât,  archevêque  d'Arles 

'  Lettre  de  Lavigne,  <  abbé  d'AnivilIiers  •  (il  s'agit  de  Jean  de  Ca- 
lavac,  abbé  de  llautvillei',  au  diocèse  de  Reims),  du  4  décembre  i555, 
datée  d'Anet:  éd.  par  de  Navenne,  oi).  cit..  p.  525. 

-  Lettre  de  Gui  Dalmatio  au  cardinal,  Paris,  26  févriei- 1555  (n.  st.)  : 
Arch.  d"Etat  de  Xaples,  Carte  Farnesiane,  739  D. 

^  Lettre  citée  infra  p.  92,  note  l. 


82  FARNESIANA 

par  la  faveur  de  la  Reine  ',  voulut  bien  se  charger,  lors  d'un  voyage 
à  Fontainciileau,  de  rappeler  au  cardinal  le  souvenir  trop  oublié  de 
cette  dame  de  la  Cour.  On  peut  seulement  regretter  que  le  séjour 
qu'il  y  fit  coïncidât  avec  l'une  des  grandes  fêtes  de  l'Eglise  et  qu'il 
se  découvrit  à  cette  date  une  certaine  pudeur  à  lui  «  mander  riens 
des  dames  pour  estre  trop  près  de  Pasques  ».  Néanmoins  l'assn- 
rait-il,  avec  une  pointe  de  reproche  pour  n'en  pas  profiter,  que 
«  la  plus  part  on  grant  envie  de  vous  voii-  »  et  qu'il  l'avait  rap- 
pelé «  à  Mademoiselle  du  Goguicr  qui  vous  rend,  lui  disait-il,  ses 
recommandations  ainsy  de  pareille  affection  et  dict  que,  si  aves  grant- 
regret  de  ne  l'avoir  creu,  (que)  vous  i  poves  remédier  aiséement  et 
que  le  tabouret  d'auprès  du  lict  de  la  Reine  ne  vous  faudra  jamais»^. 

Celle  qui  signait  de  deux  initiales  les  billets  au  cardinal  n'est 
autre  en  effet  que  Mademoiselle  du  Gauguier. 

Elle  devait  être  fort  belle  ;  jamais  aucune  femme  ne  fut  autant 
portraiturée  '.  Plusieurs  crayons  d'elle,  datant  précisément  de  cette 
époque,  nous  ont  été  conservés.  Le  visage   plein  et  d'un   agréable 

'  Il  avait  re(;u  l'archevêché  d'Arles  en  1550,  alors  qu'il  n'était  pas 
encore  entré  dans  les  ordres.  Ses  lettres  sont  conservées  aux  Archives  d'Etat 
(le  l'arme,  Carteg.  Farnes.,  Francia  9  (24  février  au  24  mars  1.Ô55.  n.  st.). 

'  Lettre  du  (î  mars  1555.  datée  de  Fontainebleau,  Ibid. 

■'  ,Te  remercie  mon  ami  Jean  Porcher  qui  a  bien  voulu  me  transmettre 
de  nombreux  renseignements  sur  l'iconographie  de  cette  personne.  Voici 
la  liste  de  ses  portraits:  An  Musée  Condc,  à  Cha.ntillv  (voir  E.  de  .Mo- 
reau-Nélaton,  Chantilly.  Cmi/oiitt  français  (ht  XVI'  niècle,  liUO)  sont  con- 
servés les  crayons  de  la  Coll.  de  Castle-Howard  ivoir  le  catalogue  de 
cette  coll.  publié  par  L.  Ronald  Gower,  TJiree  Huiidred  french portraits... 
Londres,  1875,  t.  1;  on  trouvera  un  index  des  portraits  dans  Bouchot, 
Les  portraits  oju;  rrayons  des  X.VI''  et  XVII''  siècles  conserves  à  la 
Bibl.  Nat.,  1884,  p.  365):  «  M«  la  Gran,  de  Beaune  »,  fait  malgré  son 
titre  avant  son  second  mariage,  peut-être  du  vivant  de  son  premier  mari, 
mort  en  1556  (Gower  n.  1 19;  Morean-Nélaton  pi.  CLVIll):  «  M'  la  Grand  >, 
d'attribution  douteuse  ((lower  n.  56;  Morean-Nélaton  pi.  CLIX);  «  M"'"^ 
(lu  (ioguier»,  fait  avant  15.56  i Gower  n.  115;  .More.au-Nclaton  pi.  CLX); 
«  M'"''  de  Ch;'iteaubrun  »,  fait  i)lus  tard,  après  la  mort  de  son  premier 
ui.ari  (Gower  n.  46;  Moreaii  Nélatou  pi.  CLXI):  elle  porte  le  titre  d'un 
fief  maternel  et  est  représentée  en  costume  de  veuve;  il  date  peut-être 


MADEMOISELLE   DU  GAITOHIER  t<3 

« 

ovale,  le  nez  d'un  pur  profil,  une  bouche  petite  et  bien  dessinée, 
enfin  un  air  intelligent  et  quelque  peu  ii-onique  sont  dans  l'un  de 
ces  portraits  fort  bien  mis  en  valeur  par  une  fraise  de  dentelles 
et  un  chaperon  qui  dégage  un  front  élevé,  encadré  par  deux  touffes 
de  cheveux. 

Mademoiselle  du  Gauguier,  Claude  de  Beaune,  était  la  fille  de 
Guillaume  de  Beaune.  seigneur  de  Semblançay  et  de  la  Carte,  vi- 
comte de  Tours  et  de  Bonne  Cottereau,  dame  de  Châteaubnin  '. 
Elle  avait  épousé  très  jeune,  en  1538  si  l'on  en  croit  un  spirituel 
quatrain  de  Marot,  un  liomme  fort  vieil,  —  il  était  né  vers  1482,  — 
Louis  de  Bourges,  dit  Bvrgensis,  premier  médecin  du  roi  '.  Mé- 
decin de  François  I",  puis  de  Henri  II,  ce  personnage  était  seigneur 
de  Montgauguier,  petite  ville  située  entre  Blois  et  Poitiers,  dans 
la  paroisse  de  Saint-Lubin-en-Vergonnais  ^  :  sa  femme  fit  de  ce  fief 
un  de  ses  titres. 

Louis  Burgensis  résidait,  par  sa  charge,  à  la  Cour;  Claude  de 
Beaune  dut  tout  naturellement  y  occuper  un  emploi.  Les  écrivains 
du  temps  nous  disent  en  effet  qu'elle  était  l'une  des  demoiselles 
de  la  chambre  de  la  Reine.  L'un  d'eux,  Jean-Baptiste  du  Four, 
dans  son  Epitre  en  italien  imprimée  en   1.555  à  la  suite  de  l'édi- 

de  1563  et  a  servi  de  modèle  à  la  peintuie  du  MrsÉE  or  Loitre  (n.  102(î), 
provenant  de  la  Coll.  Gaignières.  Elle  n'était  pas  encore  à  cette  époque 
duchesse  de  Roannais.  Le  Musée  de  Chantilly  possède  une  réplique  de 
ce  crayon  (lloreau-Xélaton  pi.  CLXII),  provenant  du  duc  d'Auiuale.  • — A 
la  BiBL.  DE.S  Arts-et-Métiei{.s.  «  -M.  la  Grand  ■,  vol.  de  la  Série  -M  c  3, 
t.  I,  n.  24  (^Bouchot.  Les  portraits  aii.r  crayons...,  p.  310  et  312).  —  A  la 
BiBL.  Nat.,  «Madame  du  Goguier>,  crayon  fait  vers  1555,  dans  le  Re- 
cueil Lécurieux,  fol.  52,  n.  8  (Bouchot,  o}}-  cit.,  p.  39  et  168).  —  11  en 
existait  enfin  un  autre  dans  le  Cabinet  Fontctte,  sous  le  n.  46,  aujourd'hui 
perdu  (Bouchot,  op.  cit.,  p.  324). 

'  P.  Anselme,  Histoire  généalogique,  t.  VIII.  p.  2S6.  Elle  était  la  sa>ur 
de  Renaut  de  Beaune,  grand  aumônier  de  France,  archevêque  de  Bourges, 
puis  de  Sens,  et  la  petite  tille  de  JaiMiues  de  Beaune  qui  fut  exécuté  à 
Semblançay  pour  malversations  tinauciéies.  Elle  naquit  peu  avant  1524. 

*  P.  Anselme,  t.  II,  p.  .381.  —  Voir  les  vers  de  Marot  cités  infra  p.  85. 

'  Arr.'  de  Poitiers,  cant.  de  Mirebeau  (Vienne). 


84  KARNESIANA 

tioii  du  Dr'aniirro»  (le  noccuoc,  la  citi",  aux  (•oti'S  de  Mesdcmoi- 
selles  de  Piennes  et  d'AvauKour,  parmi  les  dame»  de  la  Reine 
qui  excellaient  dans  la  laiifcue  toscane  '.  Un  autre,  l''rani;oia  de 
liillou,  la  drclarc  dans  Le  Fort  inexpvgnahJe  de  Vhonneur  du  sere 
/'l'miiiiii  -  pulilii-  la  même  année,  «  sage  et  très  (idelle  servante  de  la 
fjrant  royne  ».  Son  nom  parait  fort  souvent  dans  les  lettres  de  Cathe- 
rine de  Médieis:  elle  était  en  correspondance  politique  avec  les  grand» 
personn:iges  du  royaume  et  tenait  la  reine  au  courant  d'une  quan- 
tité d'aftaires^.  Nous  savims  ([u'eii  l")(i4  elle  était  trésorier;;  <le  la 
reine  :  elle  figure  eu  cette  qualité,  sous  le  nom  de  «  Madame  Claude 
de  Beaune,  dame  du  Gauguier  et  de  Cliasteaubrun  »  parmi  les  «  Of- 
iicirrs  domestiques  de  la  maison  de  la  reyne  ».  Elle  cessa  d'exercer 
Sou  (liiice  en  1.5(58  ■*.  Elle  s'était  eu  effet  remariée  l'année  précé- 
dente avec  Claude  GoutHer,  duc  di'  Roannais,  Grand  écuyer  de  la 
Couronne^:  elle  porta  dès  lors  le  titre  de  «  Madame  la  Grand  »". 
Xul  doute  que  ce  ne  soit  la  même  dont  parlera  Brantôme  dans  son 

'  Epitie  do  Du  Four,  citée  par  E.  Vient,  Les  Fntnrais  italianisants, 
t.  II,  p.  10. 

'  Edité  ;\  l'aris  par  Jean  d'Allier  on  lô.nfi,  fol.  73'  à  74.  Fr.  do  Billon, 
(pli  avait  été  secrctairo  d'Octave  Farnose,  frère  du  Cardinal,  était  mieux 
que  personne  placé  pour  la  connaître:  11  nous  donne  son  nom  patrony- 
mique, Claude  de  Beaune.  Néanmoins  E.  Picot  voit  dans  M*""  du  Gau- 
guier la  fille  du  médecin  dn  roi:  voir  sur  ce  point  î'H/ra  p.  85,  note  3. 

'  Lettre  de  la  reine  à  M.  de  Soul)ise.  2  septembre  1562:  Lettres  de 
Catherine  de  Medicis  (Documents  inédits i,  t.  1,  p.  390.  —  Lettre  de  la 
même  au  cardinal  Farnose,  fin  août  1554:  ibid.,  p.  94.  d'après  les  Arch. 
d'Etat  de  Mantouo.  Cette  lettre  eutiôrement  autographe  existe  également 
aux  Arch.  d'Etat  de  Parme,  Carteg.  Farnes.,  Francia  5.  —  Lettre  d'An- 
toine de  Gouges  au  c:irdinal,  18  mai  1558:  voir  infra,  p.  93,  note  1.  — 
Cf  une  autre  lettre  à  la  Bibl.  Nat,  fran<;.  20451,  fol.  233. 

'  Jjcttres  de  Catherine  de  Médieis,  t.  X,  p.  507.  Ce  fut  pent-ôtre  l'an- 
née do  sa  mort.  Elle  est  également  citée  en  1558,  en  couqjagnie  de  Ma- 
dame d'Avaugour,  dans  une  <  notice  sur  un  compte  de  l'écurie  do  la  Reine  •: 
Ibid.,  p.  22,  note  1. 

•'■'  En  15G7  selon  le  P.  Anselme,  op.  cit.,  t.  V,  p.  (UO. 

^  C'est  le  titre  que  lui  donnent  divers  portraits  de  Chantilly  ou  do 
la  Bibl.  des  Arts-et-Métiers. 


MADEMOISELLE    DU    GArGt'IER  .SÔ 

Discours  sur  la  Beijne  mère  de  nos  roi/s  derniers  '  :  «  Madame  de 
Rouanays,  de  la  maison  de  Sainct-Blausay,  dicte  avant  Madame  de 
Chasteanbriant  ",  fort  favorite  de  la  reyne,  sa  maistresse  ». 

Il  n"y  a  donc  pas  lieu  de  croire,  à  la  suite  d'Emile  Picot,  que 
deux  personnes  parurent  en  même  temps  à  la  Cour,  Claude  de 
Beaune,  femme  de  Louis  de  Bourges,  et  une  fille  qu'avait  eue  ce- 
lui-ci d'un  premier  mariage,  sous  le  nom  distinct  de  Jladame  et 
Mademoiselle  du  Gauguier  '. 

J^es  circonstances  du  mariage  de  Claude  de  Beaune  ne  laissent 
point  que  d'expliquer  au  contraire  d'une  façon  fort  curieuse  cer- 
taines poésies  contemporaines  :  il  parait  que  la  jeune  mariée  ne 
trouva  point,  de  la  part  de  son  mari,  les  étrennes  généreuses  que 
lui  avaient  offertes,  par  ironie.  Clément  Marot  ■*,  sans  doute  à  l'oc- 
casion même  du  mariage  : 

Pour  vostre  estrene  qui  vaille 

Je  vous  baille 
Tant  d'esbats  et  passetemps 
Que  de  celluy  que  j'entens 

Ne  vous  cbaille. 

'  Brantôme,  Œuvres  coiiqjUtef:.  (kl.  Lalaniie,  t.  VII,  p.  387. 

*  Lire  «  Madame  de  CliaBteaubnm  •. 

3  E.  Picot,  op.  cit.,  t.  II,  p.  10,  note  2.  Une  belle-fille  de  Claude  de 
Beaune  épousa  en  effet  André  de  H.iciiueville,  conseiller  au  Parlement 
de  Paris:  elle  serait  morte  avant  1559  (P.  Anselme,  t.  II,  p.  381;  cf.  le 
Paulraier,  Ambroisc  Parc,  p.  37,  note  5).  Jlais  les  différents  noms  aux 
portr.aits  de  Claude  énumércs  pins  haut  et  le  témoignage  de  Fr.  do  Billou 
sont  fort  explicites  (voir  sur  ce  dernier  p.  84,  note  2).  Le  texte  sur  lequel 
s'appuie  Picot,  d'après  une  brève  indication  donnée  par  le  marquis  de 
Laborde  (Comptes  des  bâtiments  du  roi,  t.  II,  p.  321),  a  été  mal  inter|)rêté. 
Le  voici:  «Item,  à  la  chambre,  garderobbe  et  cabinetz  de  Monsr,  et  de 
Madamoyselle  du  Gouguier  »  (Comptes  de  Saint-Gerraaia-en-Laye,  1548- 
1550,  Bibl.  Nat„  franc.  4480,  fol,  127).  Il  n'y  est  nullement  dit  ([ue  .  M>"' 
du  Gauguier  avait  sa  chambre  :i  côté  de  son  père  ». 

*  Etrennes  dédiées  à  «  .Madame  de  Gauguier  > ,  datées  de  l.ô3îS  :  éd. 
P.  .leannet,  t.  II,  p,  210,  n"  LU, 


86  l'AKNKSlANA 

Bien  au  contraire  Claude  dut-elle  méditer  un  autre  de  ses  qua- 
trains qu'il  lui  adressa  pour  Texliorter  à  porter  le  faix 

D'une  vertu  qui  se  nomme 
Patience  '. 

Au  reste  VAlmanach  à  Madame  du  Gorif/uier  r|iic  lui  dédia 
Mellin  de  Saint-Gelais  pour  la  renseigner,  disait-il,  sur  les  oijseu- 
rités  du  Calendrier  mmain,  par  ses  équivoques  grivoises  ne  laisse 
aucun  doute  à  cet  égard  ".  Mais  d'autres  vers  du  même  poète  per- 
mettent de  penser  que  celle  qui  dans  le  Calendrier  avait  élu  pour 
fête  «  la  Fasque  et  fcste  du  passage  »,  symljole  de  son  «  creur  pas- 
sager »  ^,  eut  ses  raisons  de  ne  point  connaître  l'impatience.  KUe 
était  au  demeurant  fort  honnête  et  au  courant  des  règles  galantes 
de  l'amour  courtois.  Ainsi  le  pense  François  de  Billon,  secrétaire 
d'Octave  Farnèse.  dans  Le  Fort  ine.rpuynable  de  V/wnneiir  du 
sexe  féminin,  qui  place  dans  le  «  bastion  de  la  chasteté  et  hon- 
nesteté  des  femmes  »,  telle  une  nouvelle  sainte  Barbe,  celle  qu'il 
admire  «  pour  ses  diverses  et  lionnestes  qualitez,  de  longue  beauté 
environnées  »   et   «  qui  sans    se  lasser    sçait  si    longuement   manier 

•  Ibidem,  n"  LI. 

-  Œuvres  poétiques,  Lyon,  l.'iTl,  p.  69  et  70.  Madame  du  Gau});uier 
avait  ilemaudé  au  poète  qui  se  picpiait  d'être  astronome,  de  lui  expliquer 
clairement  le  Calendrier  romain.  Celui-ci  trouva  une  amusante  fai;on  de 
s'en  tirer,  notamment  dans  le  quatrain  du  Quaresme  : 

Au  Quaresme  il  ne  peut  faillir, 
Car  onc  vous  n'en  peustes  sortir 
Depuis  qu'on  vous  fit  approcher 
D'un  qui  point  iic  touche  à  la  chair. 

Ce  calendrier,  postérieur  aux  poésies  de  .Marot,  dut  être  composé, 
peu  de  temps  avant  la  mort  du  vieu.\  médecin,  de  104^  à  1554. 

'  La  Pasque  et  foste  du  passage 

Se  doit  bien  mettre  à  vostre  usage 
Pour  la  prison  du  Dieu  léger 
Où  fut  vostre  cœur  passager. 


MADEMOISELLE   DU    fiAI'GlTIER  87 

Testandart  de  tous  le  plus  pénible»  ',  l'étendard  symbolique  sans 
doute  de  la  vertu  de  patience ...  Sa  «  longue  beauté  »  fut  en  effet 
l'une  de  ses  meilleures  armes  :  après  avoir  été  mise  au  rang  des 
«  péchés  oubliez  »  par  Alexandre  Farnèse  ^,  au  souvenir  duquel 
elle  se  rappellera  en  vain  de  longues  années,  cette  femme  aux 
multiples  noms  vit  mourir  son  mari  octogénaire  en  1556  et  at- 
tendit la  quarantaine  pour  convoler  en  secondes  noces,  en  1567, 
avec  le  duc  de  Roannais,  qui  pour  la  quatrième  fois  prenait  femme. 
Le  «  dieu  léger  »  que  Mellin  de  Saint  Gelais  emprisonna  dans  son 
cœur  fut  seul  coupable  d'une  aussi  longue  incertitude.  Mais  peut- 
être  le  fut-il  aussi  d'une  certaine  tendresse  que  nous  révèlent  ses 
lettres  h.  Alexandre  Farnèse  :  Mademoiselle  du  Gauguier  était  elle 
parmi  tant  de  «  dames  belles  et  de  bonnes  maisons  »,  l'une  de 
celles  «  que  vous  aimiez  et  qui  vous  aimoient  »  ?  Les  deux  lettres 
entrelacées  A  et  C  au  bas  des  billets  de  Claude  de  Beaune  à  Ale- 
xandre Farnèse  le  laissent  supposer:  l'une  étant  l'initiale  de  Claude 
l'autre  ne  saurait  l'être  que  du  nom  d'Alexandre. 

Fehnand  Bknoit. 


'■  Fr.  (le  Billon,  op.  cit.,  M.  T6'-  et  74. 
-  Lettre  publiée  infVa,  ii"  II. 


88  FAKNIOSIANA 


Lettres  de  Mademoiselle  dl'  Gauguier 

AU    CARDINAL    FaRNÈSE  '. 


Monseigneur 

Puisque  le  moyen  do  vous  rsci'ipre  me  Heni  osté  parrequc  le 
Roy  s'en  va  liors  d'icy  pour  trois  sepmaiiies,  je  ne  ditl'ércray  plus 
à  me  ramentevoir  en  vostre  bonne  grâce  et  vous  supplier  très  hum- 
blement, par  la  première  dépeselie  que  ferez  par  de(;a,  me  mander 
quant  vous  y  panses  estre  ;  car  j'ay  entendu  du  ciievalier  Tiburtio  • 
que  ce  ne  seroit  qu'à  la  fin  d'avril  ou  au  coniniancomeut  de  may. 
Le  désir  que  j'ay  du  contraire  m'einpesclie  de  le  croire  jusques  ii 
ce  que  j'aye  de  voz  nouvelles.  Je  m'assure  que  vous  estes  adverty 
de  celles  qui  ce  peuvent  mander  de  ceste  compagnie,  qui  me  gardera 
voua  ennuyer  de  reditte.  Les  autres  je  remettray  à  les  vous  conter 
et  prieray  Dieu  vous  donner.  Monseigneur,  tout  l'heur  et  contante  - 
ment  que  vous  désires. 

A  Fontainebleau,  ce  22  de  mars  [1555] '. 


'  Provenance  des  lettres:  1.  Arch.  d'Etat  de  Napics.  Carte  Fariio- 
siane,  739  B.  —  II.  Ibid.,  74'2  B.  —  III.  Ibùl,  692  G.  —  IV.  Ibid.,  709. 
—  V.  Arch.  d'Etat  de  Parme,  Carteggio  Farnesiano,  Roma  22. 

^  Tiburce  Buicc,  chargé  des  affaires  du  cardinal  on  Franco.  Il  sera 
plus  tard  majordome  du  Palais  Farnèse. 

'  Cette  lettre  est  contenue  dans  une  missive  adressée  au  cardinal  par 
Tiburce  Burce.  A  cette  époque  le  cardinal  avait  déjà  quitté  Fltolio  et 
était  en  Avignon,  d'où  il  repartit  précipitamment  à  la  (in  du  mois,  rappelé 
à  Kome  par  la  mort  de  Jules  III  (L.  llomier,  op.  cit.,  t.  II,  p.  76). 


MADEMOISELLE    DU    GAIGIIIER  89 


Monseigneur 

Je  ne  scay  plus  que  dire  ny  penser,  sinon  que  je  suis  du  tout 
aux  péchés  oubliez.  Mais  Je  ne  laiseré  pourtant  de  désirer  tousjours 
vous  faire  très  luunlile  service,  jusques  h  ce  que  Je  congiioisse  en- 
cores  davantage  que  ceste  vouluuté  vous  est  dé8agréal)le.  Si  ma  puis- 
sance luy  estoit  esgalle,  j'aurois  eest  heur  de  vous  voir  ou  savoir 
bientost  aussi  content  que  liomme  du  monde  et  que  vostre  mérite 
le  mérite.  Or,  il  uie  fault  prandre  patience  attendant  ce  que  la  for- 
tune envoyra,  qui  sera  peult  estre  myeux  que  Je  n'espère.  Je  ne 
vous  puis  escripre  pour  ceste  heure  beaucoup  de  novelles  que  Je 
scay:  celles  qui  touchent  vostre  service,  j'en  ai  adverty  cenlx  qui 
les  vous  feront  entendre  et  qui  )'  pourvoyront  ;  les  autres,  si  quelque 
jour  J'ay  ce  bien  de  les  vous  pouvoir  conter,  se  sera  tout  au  long 
et  lors  Je  suis  seure  ([ue  vous  ni'advoueres  que  J'ay  mérité  estre 
mise  (ainsi  que  je  souhaittei  au  rancq  de  voz  très  humbles  et  plus 
affectionnées  servantes. 

De  Bloys,  ce  27''  de  décembre  [1555]. 

Je  vous  ay  escript  par  M'  le  maresçlial  Strozi  ',  qui  m'a  liien 
promis  me  mander  de  voz  nouvelles;  à  la  vérité  jayc  envye  et 
peur  de  les  savoir. 


Pierre  Stiozzi,  maiéclial  de  France,  mort  en  juin  1558. 


90  FARN'KSIANA 

III. 

Monseigneur 

.l'ay  reeeu  par  ce  ^l'iitillinmiiu'  la  letie  qu'il  vous  a  pieu  m'escri- 
pri',  (ii'i  j"ay  taict  tout  ce  qui  m'a  esté  possiljle  de  satisfaire,  tant 
a  publier  vostre  affectionnée  voulunté  au  service  du  Koy  et  de  la 
Royne  ',  comme  à  la  sollicitacion  de  l'att'aire  qui  a  conduit  ce  por- 
teur par  deçà.  Mais  à  tous  ces  deux  jioints,  je  me  suis  trouvée,  :\ 
mon  jjrand  regret,  trop  innutile,  car  pour  le  premier  l'on  croit  si 
liicu  de  vous  et  ce  qu'avez  dernièrement  faict  a  esté  receu  de  telle 
façon  qu'il  en  rend  plus  certain  tesmoignage  que  je  ne  puis  faire. 
Quant  à  l'autre,  il  n'a  pas  tenu  que  la  Uoyne  n'eust  bonne  en- 
vye  de  faire  plaisir  à  ce  dit  porteur  et  que  Madame  -  ne  l'en  ayt 
assez  suppliée,  qu'il  ne  s'en  retourne  content  comme  je  croy  qu'il 
vous  fera  entendre  et  tous  les  erapeschemens  qu'il  y  a  trouvez. 
,Ie  m'en  remettre  sur  luy  pour  ne  vous  ennuyer  de  i-editte  et 
vous  diray,  Monseigneur,  que  quant  j'eusse  sceu  que  les  nou- 
velles de  ceste  compagnie  vous  eussent  esté  agréables,  je  n'eusse 
failly  vous  en  faire  part,  comme  je  feray  aussi  quant  il  vous 
l)l:iir.i  le  nie  commander  et  non  autrement,  craiguant  de  mespren- 
dre,  car  le  monde  est  plain  de  plusieurs  mutacions.  Vous  avez  en- 
tendu le  mariage  de  Madame  vostre  seur  '  et  ce  qui  estoit  advenu 

'  A  cette  date,  les  Farnèse  étaient  brouillés  avec  Henri  II  qu'ils 
avaient  lâcliement  (initié  après  en  avoir  reçu  des  bienfaits;  les  béné- 
fices du  cardinal  en  France  avaient  été  séquestrés  et  distribués  au  car- 
dinal de  Ferrare. 

-  Diane  de  Poitiers? 

^  Diane  de  France,  veuve  d'Horace  Farnèse,  mort  le  19  juillet  15.53 , 
avait  épousé,  par  contrat  signé  le  3  mai  1557,  François  de  Montmorency, 
fils  du  connétable.  François  de  Montmorency  avait  à  cette  occasion  rompu 
les  fiançailles  qui  l'unissaient  depuis  1.553  avec  M»"»'  de  Fiennes,  Jeanne 
de  llallnin,  fille  d'Antoine  de  Halluin,  demoiselle  d'iionncur  de  la  Reine 
les  fiançailles  furent  déclarées  clandestines  et  nulles. 


MADEMOISELLE    DV   GAl'Gl'IER  91 

à  Piennes  '  qui  est  :'i  ceste  lienre  cliez  sou  frère.  De  l'infortniie  de 
Madame  de  Rohan  ',  puisque  la  scaves,  je  ne  vous  en  diray  plus 
rien,  craignant  renouvelliT  voz  douUeurs.  Il  n'y  a  rien  eu  ny  en 
l'endroit  de  Maricourt  uy  autres,  depuis  qu'estes  party,  qui  mérite 
vous  estre  mandé  et  est,  ce  me  semble,  ceste  court  au  mesrae  estât 
que  la  laisastes.  A  ceste  occasion  je  ne  vous  feray,  Monseigneur, 
plus  long  discours  et  après  m'estre  très  humblement  recommandée 
à  vostre  lionne  grâce,  je  prieray  Dieu  vous  donner  très  longue  et 
très  heureuse  vie. 

De  Compiègne,  ce  8'  de  juillet  [1557]  ^ 

Vostre  très  humble  servante  —  Di-  GnmiiEiî. 


IV. 

Qui  eust  jamais  peu  croire  veu  tant  d'asseurances  que  vous 
m'aves  donnée  de  vostre  amitié  que  vous  eussiez  demeuré  si  lo- 
gueraent  sans  m'escripre  ?  Certainement  ce  ne  seroit  pas  moy  si  je 
ne  l'avais  veu;  et,  le  voyant,  je  vous  considère,  qui  pour  raille 
et  mille  fois  que  .j'ay  eu  crainte  que  feussiez  en  lieu  dangereux 
ou  mal  à  vostre  aysc  n'avez  seuUement  une  fois  eu  souvenance  de 
m'en  faire  entendre  i)ar  uiig  mot  de  lettre  la  vérité.  Or,  je  ne 
sçay  à  quoy  m'en  prandre,  si  ce  n'est  à  ma  Fortune  qui  ne  me 
veult  permettre  nul  réconfort  entre  tous  les  ennuytz  que  m'a  ap- 

'  iMp"''  de  Piennes  la  plus  jeune  des  enfants  dAntoine  de  Halhiin: 
voii-  la  note  précédente. 

-  Madame  de  Roiian  fut  comme  M?""  de  Piennes  rhéiuïne  d'un  scan- 
dale: elle  avait  été  rendue  mère  par  le  duc  de  Nemoui-s,  puis  abandonnée 
par  lui  en  1557. 

^  Cette  lettre  porte  au  dos,  de  la  main  du  secrétaire  du  cardinal: 
ôr,portata  da  M.  Pompeo  Gotfifredi.  -  On  sait  d'autre  part  (pie  la  reine 
était  à  Compiègne  ce  .jour-là  :  Lettres  de  Catherine  de  Médias  (Documents 
inédits),  t.  I,  p.  107. 


92  TAUNESIANA 

portés  vostre  absanre,  laquelle  je  n'ay  bien  aentue  ("encore»  que  je 
l'eusse  préveue)  cc])enilant  que  je  vous  ay  peu  voir,  tant  mes 
yeulx  avoyeiit  déceu  mon  entendement  ;  mais  depuis  ilz  en  ont  bien 
receu  (et  avee  rayson  )  leur  part  de  la  peyne.  Je  ne  dits  pas  cecy 
pour  vous  requérir  de  me  mander  souvent  de  voz  nouvelles,  si  ce 
vous  est  peyne,  car  je  ne  veulx  de  vous  sinon  ce  qui  vous  est 
agréalile,  et  scay  avec  quelle  incommodité  vous  povez  escripre  de 
vostre  main  entre  tant  et  si  différentes  occupations  que  vous  avez. 
Mais  je  ne  puis  dire  aussi  que  vos  lettres  ne  m'apportent  le  plus 
forant  plaisir  que  je  saurois  recevoir  et  qu'elles  ne  me  soient  sur 
toutes  choses  chères  pour  le  continuel  désir  que  j'ay  de  savoir  si 
vous  estes  contant  et  quelles  sont  voz  pensées  et  en  quel  degré  je 
suis  de  vostre  bonne  grâce,  que  j'estimeray  et  garderay  tant  qu'il 
vous  plaira  m'en  faire  part,  comme  ma  vie.  Si  n'estoit  que  le  che- 
valier Tiburce  m'a  dit  qu'il  vous  mande  toutes  les  bonnes  nou- 
velles, je  me  mettrois  eu  devoir  de  vous  en  faire  part  et  me  ser- 
virois  du  chiffre  qu'il  m'a  baillé,  .l'attandré  ce  qu'il  vous  plaira 
m'en  mander  et  feray  fin  à  ceste  lettre,  non  à  me  recommander 
très  huii\l)l(Mnent  à    vostre  bonne    grâce.   De  Reins,  ce   13'   juillet. 


Monseigneur 

Il  y  a  si  lonjitemps  que  vous  nous  menasses  de  venir  que  je 
ne  say  plus  qu'on   croire?  et  crains  fencores  que  le  Roi  eseripve  pour 

'  Cette  lettre  doit  être  datée,  semble-t-il,  ilu  mois  d'octobre  1558:  il 
y  est  fait  allusion  à  la  ti'êve  de  Cercamp  qui  précéda  le  traité  du  Câ- 
teauCambrésis  sigué  l'année  suivante.  En  effet  la  liasse  d'où  est  tirée 
cette  lettre  renferme,  entre  antres  documents  de  1558,  un  billet  de  M''"'  du 
Gaugiiier,  par  lequel  elle  supplie  le  cardinal  de  lui  répondre  au  sujet  de 
l'abbaye  de  Grandselve,  et  qui  porte  au  dos:  .58,  Goghier.  Ce  billet  est 
également  signé  des  deux  initiales  A  C.  —  A  cette  date  .M»""''  du  Gau- 
guier  était  veuve. 


MADEMOISEM-F.    DU    GArcilIKU  93 

Vôtre  cnii;;t''  du  Papppj,  f|uaiit  sorcs  ]in'st  m  |i;irtir,  il  siirvicmic 
quchiuu  nmivdlo  oocnsimi  (|ui  vous  arrcstc  par  dchi.  S'il  est  ainsi. 
je  ne  scaurois  faire  autre  elrnse  que  de  m'euiiuyer  et  vous  sup- 
plier très  humblement  erapesclier  la  fortune  de  m'estre  contraire 
en  tout;  et  si  elle  a  puissance  de  mVslongner  de  vostre  présence, 
que  je  ne  la  sois  poinct  de  vostre  bonne  gi'ace,  laquelle  je  mettray 
peyne  de  consrrver  et  vous  faire  tousjonrs  très  linmble  service,  à 
quoy  j'aray  plus  grant  plaisir  que  je  n'ay  eu  jusques  à  ceste  heure 
pour  la  tresve.  Je  ne  say  d'icy  en  avant  quelle  joye  elle  m'appor- 
tera :  si  c'est  qu'elle  liaste  vostre  retour,  je  ne  désire  rien  de  myeulx. 
Il  ne  saui'oit  estre  si  tost  que  vous  n'ayes  encores,  entre  cy  et  la, 
moyen  de  me  mander  de  voz  nouvelles,  lequel,  s'il  vous  plaist,  ne 
laiserez  passer  sans  m'en  départir.  De  ma  part,  je  feray  le  sam- 
blable  à  toutes  les  occasions  et  le  chevalier  '  m'a  promis  me  faire 
parler  à  celuy  qu'avez  envoyé  icy,  que  je  n'ay  encores  veu,  avant 
qu'il  aille  k  son  abaye,  afïin  que,  luy  absent,  si  le  dernier  venu 
a  ;\  faire  de  chose  qui  soit  en  ma  puissance,  j'aye  ce  bien  de  m'y 
employer  et  n'estre  poinct  inutille,  où  je  vouldrois  tant  vouluntiers 
faire  service.  Le  chevalier  m'a  dit  que  le  Roy  et  tout  le  monde 
se  rcsjouyst  de  vostre  retour;  je  vous  laisse  penser  ce  que  je  puis 
faire.  Mais  je  prie  Dieu  que  ce  soit  autant  à  mon  contantement 
qu'il  me  sarable  estre  raisonnable,  et  que  ceulx  que  trouvères  sans 
empeschemens  ne  m'en   puissent  donner. 


'  Le  chevalier  Tiliurce  Buice,  agent  du  canlinal  à  la  Cour.  Il  avait 
fort  affaire  k  cette  date,  les  bénéfices  du  cardinal  en  France  ayant  été 
mis  sous  séquestre  par  ordre  de  Henri  II.  Ils  lui  furent  bientcit  restitués 
d'ailleurs.  Cf.,  au  sujet  de  l'abbaye  de  Grandselve,  la  lettre  citée  à  la 
note  précédente  et  une  lettre  d'Antoine  de  Gouges  disant  au  cardinal 
que  «  M»ll'du  Goughier  »  lui  écrit  relativement  à  cette  affaire  et  cpr  «  elle 
trouve  excellente  l'opinion  qu  il  en  a  >  :  Arch.  d'Etat  de  Parme,  Frauda  11 
il'aris.  IS  mai   l.'i.^S). 


UNE  MOSAÏQUE  DE  ÏEBESSA 


(PI.  I) 


Dans  le  Musée  de  Téhessa,  à  l'intérieur  de  la  cella  du  Temple 
dit  de  Minerve,  parmi  les  monuments  antiques  que  M.  Gsell  a  dé- 
crits dans  son  Cataloj^e  figure  une  mosaïque  dont  la  découverte 
est  récente  et  qui,  pour  ce  motif,  n'a  pas  été  étudiée  encore  et 
ne  se  trouve  pas  au  Catalogue.  Nous  devons  à  l'amabilité  de  M.  Rey- 
gasse,  administrateur  de  la  Commune  Mixte  de  Tébessa  et  Con- 
servateur du  Musée,  d'avoir  pu  l'étudier  à  loisir  et  de  la  publier 
aujourd'hui.  La  mosaïque  fut  découverte  en  Janvier  1922  au  cours 
des  travaux  d'établissement  d'une  route  qui,  par  la  porte  de  Solo- 
mon  relie  la  ville  européenne  de  Tébessa  à  la  ville  indigène  située 
au  S.  W.  et  à  environ  500  mètres  de  la  première.  Elle  a  été  vue 
d'abord  par  M.  Fargues,  maire  de  Tébessa,  puis  sur  les  indications 
de  M.  Gsell  relevée  avec  beaucoup  de  soin  et  placée  au  Musée,  où 
elle  figure  très  honorablement  auprès  des  deux  pavements  en  mo- 
saïque qui  y  out  été  déjà  recueillis  '.  Malheureusement,  elle  n'a 
pu  être  retrouvée  entière,  des  travaux  antérieurs  en  ayant  irrémé 
diablement  détruit  une  partie.  Elle  devait  mesurer  dans  son  inté- 
grité, 5'", 80  de  longueur  sur  4", 40  de  largeur.  Si  la  longueur  est 
intacte,  il  ne  subsiste  par  contre  que  2"',.")5  de  la  largeur  et  ainsi 
un  peu  moins  de  la  moitié  en  a  été  perdu.  En  outre,  dans  la  partie 
que  nous  po.ssédons  il  existe  deux  lacunes  assez  étendues  et  fort 
regrettables  en  ce  qu'elles  détruisent  trois  médaillons  sur  les  huit 
qui   subsistent  des  douze  que  comportait  l'ensemble. 

'  Cf.  Gsell,  Cutaluyue  du  Musée  de  Tébessa,  pag.  64-70. 


%  i:nk  Mo.SAKjri':  iik  tériîssa 

C'est  une  ni(isai((iie  à  foiul  lil.iiic  sur  lequel  ressurtent  des  teintes 
plus  roncces  où  dominent  le  rouge  et  le  jaune.  Un  cadi'e  im|Mirtant 
la  lioidc,  |)liis  large  sur  un  des  petits  côtés  du  rectangle  {U"',70j 
que  sur  les  grands  côtés  (0"',60).  Ce  cadre  est  foi'mé,  du  deliors 
au  dedans,  par:  une  bordure;  noire,  large  de  O^.O?,  une  tresse  rouge 
et  ocre  de  0"',2",  "ne  bonlure  ronge  de  0"',03,  une  série  de  volutes 
noires  en  forme  de  Ilots  ijrcrs  ou  de  postes,  de  0"',10  de  large, 
une  nouvelle  bordure  rouge  sur  laquelle  se  fixent  des  deutieules 
Jaunes.  Chaeun  de  ces  motifs  est  séparé  de  ses  voisins  et  mis  en 
relief,  à  la   fois,   par  une  bordure  l)lanclie. 

A  l'intérieur  de  ce  cadre  la  mosaïque  représente  une  série  de  l'in 
ceanx  de  feuillage  enserrant  des  médaillons,  et,  encastré  vers  le  centre 
de  cette  décoiatioii,  se  trouve  un  tableau,  lui-même  dans  un   cadre. 

Les  rinceaux  sont  représentés  s'élevant  du  sol,  comme  j;iillis- 
sant  de  quatre  pieds  d'acanthe  et  gagnent  ce  qui  est  actuellement 
le  liaut  de  la  mosaïque,  l'ii  raison  de  sa  position  verticale  contre 
une  paroi  de  muraille.  L'ensemlile  de  l.i  mosaïque,  rinceaux,  mé- 
daillons, cadi'e  central,  est  orienté  du  même  côté.  Les  médaillons 
h  personnages  de  0"',40  de  diamètre  étaient  an  nomlire  de  douze. 
(Jinq  seulement  sont  intacts  et  permettent  une  interprétation.  Sept 
ont  donc  disparu  complètement  ou  en  partie.  Uu  certain  nombre 
d'autres  médaillons  sur  lesquels  le  cadre  extérieur  ou  le  tableau 
central  empiètent  sont  remplis  par  des  ornements  eu  forme  de  jidtes 
ou  lioucîiers  d'amnzune  alternativement  blancs  et  noirs. 

D'autres  pelte.s  remplissent  les  intervalles  entre  les  rinceaux  et 
les  médaillons.  Une  demi-rosace  enfin,  renferme  des  motifs  décoratifs 
en  forme  de  fer  de  lance,  dans  lesquels  il  est  possible  de  recon- 
naître des  feuilles  cordiformes  de  lierre  dont  l'usage  en  Afrique 
est  fréquent  dans  un  sens  prophylactique  '  et  (|ui  sont  destinées 
à  préserver  du   mauvais  icil. 

1  Gagnât  et  Cliapot,  II,  p.  200. 


l'NE    MOSAÏQUE   DE   TÉBESSA  97 

L'étude  des  médaillons  :V  figures  se  présente  dès  l'abord  comme 
suggestive  :  chacun  de  ces  médaillons  est  un  petit  tableau,  cliaquc 
petit  tableau,  sauf  un,  est  un  petit  drame  ou  au  moins  une  action 
animée.  Pour  la  clarté  de  l'exposition  nous  donnerons  à  chacun 
des  eiuq  médaillons  intacts,  à  partir  de  celui  qui  figure  en  haut 
à  gauche  de  la  mosaïque  une  lettre:  A,  B,  C,  D,  E. 

Les  médaillons  A  et  B  pourraient  représenter  respectivement 
la  chasse  et  la  pèche.  Le  médaillon  A  nous  montre,  eu  effet,  un 
félin  que  sa  petite  taille  et  la  couleur  de  son  pelage  jaune  tacheté 
de  noir  nous  font  facilement  reconnaître  pour  un  guépard  '.  Il  est 
représenté,  bondissant  sur  la  croupe  d'une  gazelle  qui  s'enfuit.  Celle- 
ci,  nettement  reconnaissable  à  son  poil  beige,  à  la  forme  de  ses 
cornes,  rectilignes  et  inclinées  en  arrière  est  de  la  variété  «  Anti- 
lope oryx  »  '.  Il  en  existe  une  autre  représentation  à  Tébessa  même 
sur  une  mosaïque  du  Musée  '. 

On  pourrait  admettre  que  le  guépard  ne  saisit  pas  la  gazelle 
pour  son  propre  compte,  mais  qu'il  est  un  de  ces  pardi  apprivoisés 
dont  il  est  question  chez  un  poète  vandale  d'Afrique,  que  l'on 
dressait  à  chasser  avec  les  chiens  *  et  qui,  de  nos  jours  encore, 
servent  aux  arabes  à  forcer  la  gazelle  ^.  Sous  le  ventre  de  la  gazelle 
est  représenté  un  arbuste  ou  un  arbre.  Si  l'on  tient  k  l'interpré- 
tation symbolique,  le  médaillon  B  représenterait  la  pèche.  Un  per- 
sonnage nu,  un  enfant,  semble-t-il,  debout  h  l'arrière  d'une  embar- 
cation, pêche  à  la  ligne.  Un  poisson,  à  l'extrémité  de  la  ligue,  a 
déjà  saisi  l'appât.  Deux  autres  poissons  de  taille  plus  grande,  sont 
représentés  au  dessous  de  la  barque,  au  milieu  de  petits  traits 
ondulés  qui   servent  en  général  aux  mosaïstes  k  représenter  les  flots. 

1  Gsell,  Hisi.  une.  de  l'Afrique  du  Nord,  I,  p.  11'2  si|. 
-  Gsell,  op.  cit.^  p.  l'20. 

^  Gsell,  Catalogue  du,  Musée  de  Tébessa,  pi.  IX. 

*  Anthulogia  latina,  éd.  Riese,  p.  237.  Cf.  Keller,  Thiere  des  classi- 
sehen  AJtertlmms,  p.  154. 

5  Gsell,  Ilist.  anc.  de  V Afrique  du  Nord,  I,  p.  113. 

Mélanges  d'Arcfi.  et  âHisl.  IMl.  7 


98  UNE    MOSAÏyi'E    DE   TÈBESSA 

Deux  avirous  sont  fixés  an  flanc  de  l'emlparcation,  tous  les  deux 
du  même  côté.  A  l'avant,  on  distingue  une  perche  et  un  cordage, 
perche  d'accostage,  sans  doute,  et  câble  pour  amarrer  le  petit  navire. 
Si  l'on  rapproche  le  navire  figuré  sur  ce  médaillon  des  bateaux 
représentés  sur  la  mosaïque  d'Althiburus,  dont  on  a  pu  dire  que 
c'était  un  «  Catalogue  figuré  de  la  batellerie  gréco-romaine  '  »,  on 
peut  le  ranger  dans  la  catégorie  des  petits  bateaux  de  pêche  et  de 
plaisance,  cydaniin,  —  dans  lequel  sont  figurés  deux  pêcheur»  re- 
tirant un  filet  —  ou  plucida,  ou  regeiia,  tous  navires  à  proue  et 
à  poupe  relevées,  surtout  la  proue  et  dont,  en  outre,  la  coque  à 
l'arrière  s'allonge  en  uue  saillie  que  l'on  pourrait  prendre  pour  un 
éperon.  En  outre  le  bordage  à  l'arrière  est  surmonté  d'une  tête 
d'animal  et  rappelle  le  navire  appelé  Musculus  sur  la  mosaïque 
d'Althiburus,  dont  la  poupe  est  ornée  d'une  tête  de  souris  et  qui 
se  manœuvre  à  la  rame.  Mais,  en  réalité,  ces  petits  détails  qui  (mt 
leur  importaure  pour  distinguer  et  classer  des  navires  qui  offrent, 
d'autre  part,  bien  des  points  de  ressemblance,  ont  pu  être  mé- 
langés ici,  et  qu'il  nous  suffise  de  reconnaître,  exactement  repro- 
duite, une  embarcation  légère  de  pèche  ou  de  plaisance,  mais 
faite  plutôt  pour  la  mer  ealme  et  les  cours  d'eau  que  pour  les 
flots  agités. 

Le  manque  de  proportions  entre  le  personnage  et  son  embar- 
cation est  manifeste,  mais  cependant  l'attitude  du  pêcheur  est 
i)ieu  rendue,  le  bras  gauche,  écarté,  fait  contrepoids  au  corps 
penché  en  avant  dans  une  attitude  d'attention  et  les  jambes,  écar- 
tées aussi,  assurent  la  stabilité  du  persounage  dans  sa  légère  em- 
barcation. 

L'étude  du  médaillon  C  va  uous  permettre  de  poser  un  petit 
problème.  C'est  une  scène  :\  trois  personnages,  trois  animaux.  A 
gaucii(>,   un   coq,   très  reconnaissable  à  sa  crête  rouge,  au   panache 

'  Gaueklcr,  Mon.  et  Mem.  Viot,  t.  Xll,  p.   114. 


INE    MOSAÏQUE    DE   TÉBESSA  09 

de  plumes  de  sa  queue,  est  perché  sur  une  sorte  de  colonne  qui 
repose  sur  une  base.  Il  se  dresse  dans  une  attitude  orgueilleuse. 
Vers  lui,  s'élance  ;i  tire  d'ailes  un  oiseau  de  grande  taille  qui,  par 
la  forme  du  bec,  des  ailes,  par  sa  couleur  noire  est  reconnu  faci- 
lement pour  un  oiseau  de  proie.  Sur  le  sol,  un  troisième  volatile, 
un  autre  coq,  semble  se  blottir  et  s'aplatir  contre  le  sol.  Au  fond 
de  la  scène  :V  droite,  on  voit  une  maison  à  un  étage,  couverte 
d'une  terrasse  et  dont  la  façade  est  percée  d'une  porte  et  de  trois 
fenêtres.  Cette  scène  dont  des  animaux  sont  les  acteurs  est  la  tra- 
duction en  image  d'une  fable  grecque  qui  se  trouve  dans  Babrios  ' 
et  dont  voici  le  texte  : 

«  Deux  coqs  de  Tanagra  qui  ont,  dit-on,  du  courage  comme  des 
hommes,  se  battaient.  Le  vaincu,  tout  couvert  de  blessures,  alla 
cacher  sa  honte  dans  un  coin  de  l'iialtitation.  L'autre,  aussitôt, 
perché  sur  la  maison,  battait  des  ailes,  en  poussant  de  grands  cris. 
Un  aigle,  alors,  l'enleva  de  son  toit.  Quant  au  premier,  il  devint, 
tout  à  son  aise,  le  maître  des  poules  et  il  obtint  ainsi  une  plus 
belle  récompense  que  le  vainqueur.  Homme,  toi  non  plus,  ne  sois 
jamais  vantard,  si  la  fortune  t'a  élevé  au-dessus  d'un  autre.  Beaucoup 
n'ont  dû  leur  salut  qu'à  leur  infortune  ». 

Il  n'est  pas  douteux  que  le  mosaïste  n'ait  voulu  illustrer  ici 
cette  fable.  Tout  s'y  retrouve,  personnages  et  cadre,  jusqu'à  la 
maison  dont  un  angle  sert  d'abri  au  vaincu  humilié.  C'est,  à  notre 
connaissance,  un  des  premiers  exemples  de  fable  représentée  par 
l'image.  A  Herculanum  ',  une  peinture  nous  montre  un  àne  qui  se 
précipite  entre  les  mâchoires  d'un  crocodile,  cependant  que  le  maître 


'  Babrii  f'abulae  Aesopeae,  cd.  Crusius.  Muî'.oty.oii,  p.  1.3.  ô.  Parmi  les 
fables  en  prose  attribuées  à  Esope,  le  récit  ci-dessus  se  trouve  trois  t'ois 
avec  de  légères  variantes  et  plus  ou  moins  de  détails. 

La  Fontaine,  enfin,  a  êerit  sur  le  même  sujet  la  fable  des  Deux  Coqs, 
1.  VII,  fah.  XI  n. 

^  Champtleury,  Hist.  de  lu  caricature  antique,  p.  103. 


100  UNE    MOSAÏlil  E    UE   TÉBESSA 

lie  l'âne  setnl)li',  par  (lerri<'ie,  renoncer  à  le   retenir,  et   c'est  une 
fable   connue  d'Horace  ((ui   écrit  : 

«...   ut  ille, 
»  qui   maie  parentem   in   rupis  protusit  asellum 
»  iratus.  .  .  '  ». 

Phèdre  nous  dit  aussi  qu'il  a  vu,  peint  dans  des  cabarets,  le 
combat  des  rats  et  des  belettes  ".  Mais  du  premier  exemple  nous 
avons  l'image  sans  avoir  le  texte  du  récit  auquel  Horace  fait  seu- 
lement allusion  —  et  du  second,  nous  avons  le  récit  sans  en  pos- 
séder l'image.  Pour  la  première  fois,  nous  possédons  ici  une  illus- 
tration qui,  d'après  l'étude  des  détails,  répond  presque  minutieusement 
:\  la  fable  dont  Babrios  nous  donne  le  texte.  Un  détail  particulier 
cependant  est  à  noter  et  qui  est  curieux  par  lui-même.  C'est  que 
le  texte  de  Babrios  dit  que  le  Coq  pour  claironner  sa  victoire  s'est 
perché  sur  la  maison  (s-i  to  '^wy.r)  et  que  l'oiseau  de  pmie  l'emporte 
du  toit  iky.  ■ttévo'j;).  Or,  nous  avons  dit  que  le  Coq  est  représenté 
perché  sur  une  sorte  de  colonne.  Nulle  part  dans  le  texte  de  Ba- 
brios, ni  dans  les  versions  ésopiques  en  prose,  il  n'est  question  de 
colonne  ^.  H  est  d'autant  plus  remarquable  de  noter  ce  détail  in- 
troduit par  le  mosaïste  dans  le  médaillon,  que  nous  devons  retrouver 
le  même  détail  d'un  coq  sur  une  colonne  dans  les  représentations 
chrétiennes  du  Reniement  de  S"  Pierre.  Une  fresque  du  Cimetière 
de  Cyriaque  dans  les  Catacombes  représente  le  coq  perclié  sur  une 
aorte  de  piédestal  entre  le  Christ  et  S'  Pierre  *,  mais  c'est  surtout 
sur  des  sarcopli.tges  que  le  détail  de  la  colonne  apparaît  '.  En  outre, 
et  c'est  sans  doute  l'origine   des    représentations   des    sarcophages. 

'  Horace,  Ep.   I,  20,  15. 

2  Piièdre,  IV,  ti:  «  Historia  quorum  et  in  tabernis  pingitur  >. 
'  Fabiilae  AesoiJicac  colhctnc,  éd.  Hafm,  p.  10.  21,  21'>,  '2K. 
*  Wilpert,  Le  pitUtre  (kUc  Catacombe^  pi.  242,  n.  1. 
^  Maruochi.  /  mi»)umf>iti  de!  3Iusco  eristiaiio  lMtertt)ie>isi\  pi.  XXIX. 
u.  2  b. 


UNE    MOSAÏin'B    DE   TÈIiESKA  101 

«  à  Jérusalem,  il  existait  une  colonne  avec  un  coq  de  l)ronz('  au 
sommet  en  souvenir  du  reniement,  et  Prudence  nous  apprend  qu'il 
y  avait  en  avant  de  la  Basilique  de  Saint  Jean  de  Latraii  un  autre 
coq  de  bronze  sur  une  colonne  de  porphyre  '  ».  Il  n'y  a  rien  de 
chrétien,  certainement,  dans  la  mosaïque  de  Tébessa,  mais  n'est-il 
pas  curieux  de  voir  dans  des  scènes  si  différentes  pour  le  fond 
comme  pour  la  forme  se  retrouver  un  détail  rendu  de  façon  identique. 

Ij'ideiitilication  du  médaillon  C  n'a-t-elle  pas  son  importance 
pour  l'étude  des  médaillons  A  et  B,  tel  est  le  petit  problème  que 
nous  nons  sommes  posé.  Les  lacunes  de  la  mosaïque,  malheureuse 
ment,  ne  permettent  pas  de  donner  une  réponse  catégorique  à  l.i 
question  qui  se  pose  de  savoir  si  les  médaillons  A  et  B  décrits  plus 
haut  ne  pourraient  pas  aussi  représenter  des  fables.  Peut-être  dans 
le  médaillon  A,  serait-il  licite  de  voir  le  dénouement  de  la  fable  du 
«  Cerf  se  voyant  dans  l'eau  »  ".  Il  est  vrai  que  dans  Babrios  le  cerf 
est  poursuivi  par  des  chasseurs,  mais  chez  les  imitateurs  de  Babrios ■' 
le  cerf  est  remplacé  par  une  gazelle  ("(Vjp/.â;)  et  les  chasseurs  par 
un  fauve  (>.éuv).  Donc  voilà  de  nouveau  une  source  littéraire. 

Un  détail  que  nous  avons  signalé  plus  haut  a  son  importance. 
L'arbuste  ou  l'arbre  figuré  sur  le  médaillon  ne  serait-il  pas  mis  là 
pour  représenter  la  forêt,  où  le  cerf  (ou  iiien  la  gazelle)  fut  empêché 
de  s'enfuir  par  ses  cornes  encombrantes  ?  C'est  un  procédé  fréquent 
chez  les  mosaïstes  que  de  symboliser  une  forêt  par  un  seul  arbre. 

Quant  au  détail  du  guépard  remplaçant  le  lion,  il  peut  pro- 
venir du  fait  que  nous  sommes  en  Afrique  et  que  le  mosaïste  s'est 
inspiré  de  scènes  plus  proches  de  lui,  ou  bien  encore  qu'il  a  voulu 
faire  entrer  dans  son  petit  taljleau  un  détail  qui  était  fréquent  en 
ornementation:  le  fauve  poursuivant  une  proie,  de  même  qu'il  a 
juché  son  coq   sur   une  colonne,  modifiant  légèrement  les   données 

'  Cf.  Dom  Cabrol,  Dictionnaire  d'archéologie  chrétienne,  art.  Coi). 
2  Babrios,  Mj9ia,agji,  43.  —  La  Fontaine,  VI,  9. 
^  Babrios,  éd.  Crusius,  p.  269,  14  et  p.  289. 


102  INE    MOSAÏ<irH    DE   TÈBESSA 

de  ses  sources  litténiires  ilans  le  sena  de  certaines  représeiitationg 
ti-aditioiiiielles.  Le  médaillon  B,  lui  aussi,  pourrait  entrer  dans  notre 
fabliei',  et  comme  le  précédent,  il  présente  quelques  détails  modifié». 
Il  y  a  en  effet  chez  Balirios,  la  fable  du  «  Pêcheur  et  du  petit 
poisson  »  '.  Mais  si  «  la  ligne  de  roseau  et  le  fil  en  crin  de  clieval  » 
de  la  fable  de  IBabrios  sont  indiqués,  du  moins  dans  le  texte  lit- 
téraire le  pêclieur  est-il  sur  le  rivage.  Le  petit  poisson  a  déjà  saisi 
riiamc(;on,  et  imiir  Justifier  le  raisonnement  (lu'il  tiendra  tout  à 
riieurc,  d'autres  poissons  plus  gros  que  lui  sont  figurés  sous  la 
barque.  Sans  doute  ce  motif  du  pêcheur  il  la  ligne  est  fréquent 
dans  les  mosaïques,  et  en  particulier  iii  Afrique ',  bien  que,  d'or- 
dinaii'c  le  pêcheur  tenant  une  lij,'ne  soit  riiprésenfé  stir  le  rivage 
et  que  l'on  réserve  la  l>ar(|Ue  poui'  l;i  péelic  an  iilct  on  au  liarjion  '. 
mais  sans  qu'il  y  ait  rien  d'absolu  en  cela.  Le  détail  de  la  barque 
ne  serait-il  pas  une  modification  du  sujet  dans  le  sens  de  repré- 
sentations trailitioniR'lles  comme  nous  l'avims  vn  pour  les  inédailions 
A  et  C,  et  le  mosaïste  n'a-t-il  pas  introduit  dans  la  scène  la  re- 
présentation d'un  bateau  de  plaisance,  parce  qu'il  avait  parmi  ses 
modèles  une  scène  de  pêche  qui,  sous  des  formes  assez  variées,  est, 
nous  l'avons  dit,  fréquente  dans  les  mosaïques  africaines.  Kn  somme, 
il  n'est  pas  possible  de  donner  une  réponse  catégorique  au  petit  pro- 
blème que  nous  posions  tout-à-l'lieure,  mais  l'interprétation  certaine 
du  médaillon  C  nous  parait  être  un  argument  assez  fort  en  faveur 
de  l'interprétation  dans  le  sens  des  fables,  des  médaillons  A  et  H. 
Nous  ne  pouvons  pas,  malheureusement,  en  dire  autant  pour  les 
médaillons  D  et  E.  Le  premier  de  ceux-ci  est  d'interprétation  dif- 
ficile. Le  second  s'interprète  bien  mais  ne  semble  pas  pouvoir  se 
rattaclier  aux  fables.  Nous  laissons  de  coté  les  médaillons  qui  figu- 


1  Babrios,  MjOiay.e5i,  (î.  —  La  Fontaine,  V,  3. 
'  Cf.  en  particulier,  Catal.  musée  de  Sfax,  i)p.  :i-4,  pi.  1  et  IV. 
'  Mosaïques  de  Sousse.  Inventaire  des  mosaïiiiies  de  l'Afriiine.  n"  l.'i!*. 
Rev.  aich.,  1897,  II,  p.  12. 


UNE   MOSAÏQUE   DE  TÉBBSSA  10:$ 

roiit  (Mitre  I)  et  E.  Ils  sont  trop  abîmés  pour  permettre  uue  étude  —  et 
tiiut  ;ui  jilus  sur  l'un  peut-on  distinguer  la  tète  d'un  dauphin... 
et  sur  l'autre  la  moitié  d'une  colombe  (?) ...  Le  médaillon  D  repré- 
sente un  personnage  barbu  —  vêtu  d'une  peau  de  bête  autour  des 
hanches.  Il  est  couché,  mais  se  soulève  sur  le  bras  gauche  et  re- 
garde de  coté  avec  une  expression  de  colère  ou  de  terreur.  Il  est 
placé  entre  deux  arbres  comme  si  le  mosaïste  avait  voulu  le  re- 
présenter dans  une  forêt.  S'agit  il  d'un  Pan?  Il  semble  que  sa  main 
droite  étreigne  un  objet  qui  ressemble  k  une  syrinx.  Est-ce  une  person- 
nification de  fleuve?  Les  détails  du  morceau  se  fondent  dans  la  teinte 
brune  que  l'artiste  lui  a  donnée  et  son  identification  est  bien  difficile. 

Le  médaillon  E,  par  contre,  repi-ésente  une  scène  très  animée 
et  facilement  reconnaissable  :  Un  petit  Eros  s'est  dissimulé  jusqu'à 
mi-corps  dans  un  masque  de  théâtre,  un  masque  de  vieillard  à 
barbe  et  à  cheveux  blancs.  Il  passe  sa  main  par  la  bouche  ouverte 
du  masque  et  l'agite  pour  figurer  une  langue  tirée. 

Il  eflFraie  ainsi  un  deuxième  petit  Eros  qui  s'enfuit  en  battant 
des  ailes  et  en  étendant  les  bras  vers  le  premier  en  signe  de  pro- 
fonde frayeur.  Cette  scène,  la  plus  joliment  reproduite  de  celles 
que  nous  avons  décrites  jusqu'ici  n'est  pas  uue  nouveauté  et  l'espiè- 
glerie de  l'Eros  qui  se  dissimule  dans  un  masque  tragique  pour 
eff'rayer  ses  compagnons  a  inspiré  à  plusieurs  reprises  les  artistes. 
En  sculpture  la  scène  figure  surtout  sur  des  sarcophages  représen- 
tant des  amours  qui  jouent  au  milieu  d'attributs  dionysiaques.  Sur 
un  sarcophage  du  cimetière  chrétien  de  Mcidfa  à  Carthage  ',  sur 
deux  autres  sarcophages,  l'un  de  la  collection  Mattei,  l'autre  de 
la  villa  Albani  ',  la  même  scène  est  reproduite,  avec  quelques  petites 
variantes:  la  main  de  l'enfant  agite  un  petit  serpent.  Une  statue 
actuellement  au  musée  du  Capitole  représente  un  enfant   ((ui  joue 

'  Reinaeh,  Bepert.  des  reliefs  grecs  et  romains,  II,  p.  3,  3.  —  C.  R. 
Académie,  1906,  p.  424. 

«  Reinaeh,  op.  cit.,  III,  p.   295,  3.  Mon.  .Mattliei.  III,  pi.  XLVII. 


104  UNK   MOSAÏQUE   VB  TÉBE8SA 

HVL'f  lin  m:iH(|iiR  it  qui  va  le  poser  sur  son  visa^fc  '.  Parmi  le»  peiii- 
Imvs,  la  pliiH  ooniiiie  est  une  peinture  (rilerculanum  '  qui  repro- 
iliiit  Mil  Hujet  de  ce  genre.  Une  mosaïque  de  Sfax,  enfin  très  délé- 
iioré(;  iiiallieiireusement,  reproduit  la  même  se^nc,  parmi  les  jeux 
(le  plll^<ieurs  Amours  '.  11  s'afjit  donc  d"iiM  nintif  assez  ré|)aiidii. 
motif  K'"icieux  et  amusant  à  la  fois  —  et  il  n'y  a  pas  lieu  ici  de 
cherclier  une  inter])rétatioii  symliolique  :  le  mosaïste  a  exécute  un 
petit  tableau  (|ui  devait  être  parmi  les  modèles  courants  des  ate- 
liers, et  dont  l'inspiration  vient  sans  doute  des  peintures  alexaii- 
drines.  Aussi  bien  est-ce  parmi  les  médaillons  que  nous  avons 
examinés,  le  plus  artistement  dessiné,  le  plus  fin,  par  les  détails 
comme  par  te  coloris,  par  l'exactitude  des  proportions,  comme  par 
la  vie  des  personnages. 

La  même  minutie  dans  le  détail  se  retrouve  dans  le  sujet  central. 

Le  tableau  placé  au  centre  de  la  mosaïque  mesure  actuellement 
r",10  X  l",!').  Sa  loiigiK'iU'  primitive  devait  être  de  1",40  en- 
viron. Il  est  encadré  d'une  torsade  rouge  et  de  deux  larges  filets 
blancs.  Quoique  fort  endommagé  puisque  près  de  la  moitié  a  dis- 
paru,  il  représente  Uapliné  poursuivie  par  Apollon. 

A  gauche,  Daphné  dans  l'attitude  d'une  fugitive  tombée  sur  un 
genou,  se  transforme  en  laurier. 

Le  mosaïste  l'a  représentée  au   moment  où.  d'après   Ovide  : 

torpor  gravis  occupât  artus, 

Mollia  cingnutur  tenui  praecordia  libro, 
In  frondem  crines,  in  raraos  bracchia  crescunt  : 
Pes  modo  tam  velox  pigris  radicibus  liaeret, 
Ora  cacumcn  obit...^ 

'  Catalog  of  thc  Mnseo  ('(qiitolim  l'Bntish  Scliool  at  Roui),  p.  317, 
n°  8,  pi.  79. 

-  Pitturc  d'ErcoIano,  I,  p.  181.  pi.  XXXIV.  Ilelbig,  Wandgein.  Cainii.. 
n"  754.  Cf.  Darcmberg  et  Saglio,  art.  l.udi,  p.  1359,  fig.  4639. 

^  Musée  de  Sfax.  ji.  7  et  [il.  VI i.  Gaiiekler,  Invent,  des  mosaïques,  n.  29. 

■•  Ovide,  Metam.,  1.  I,  v.  r)4H-r)r)2. 


UNE   MOSAÏQUE  DE  TÉBESSA  105 

De  l;i  tôte,  pu  effot,  des  épaules,  des  CDndes,  des  mains,  des  liaii- 
ilies  et  (les  genoux  Jaillissent  des  tiges  eouvertes  de  feuilles  d'un 
vert  pâle.  Les  pieds  n'apparaissent  pas:  ils  sont  déjà  enfoncés 
dans  le  sol  et  du  sol  s'élèvent  aussi  deux  pousses  vertes.  Le  (•ori)s 
de  la  Jeune  tille  est  nu  Jusqu'aux  lianclies  ;  dans  sa  course,  dit  le 
poète  : 

«...   nudabant  eorpora  venti ...  ». 

Les  Jambes  sont  drapées  dans  un  vêtement  gris.  Le  visage,  tourné 
vers  la  droite,  est  peu  expressif.  La  jeune  fille  regarde  fixement 
le  dieu  qui  la  poursuit.  Apollon  a  disparu  i)res((ue  complètement. 
Un  ne  voit  jilus  de  lui  qu'un  br.is,  une  jambe  et  un  fragment  de 
chevelure  ou  de  couronne.  Autant  qu'on  peut  en  juger  par  ee  qui 
subsiste  de  la  mosaïque  ;i  droite,  la  tète  du  dieu  est  entourée  d'un 
nimbe  vert  pâle,  sorte  de  rayonnement  que  les  peintres  et  les  mo- 
saïstes ont  fréquemment  représenté  autour  de  la  tête  des  divinités 
et  en  particulier  des  divinités  sidérales  '. 

Le  dieu  tout  en  courant  se  baisse  pour  saisir  le  bras  de  Dapliné 
mais  sa  main  n'étreint  qu'une  branche  de  laurier.  Le  paysage  dans 
lequel  se  déroule  la  scène  est  formé  par  deux  masses  d'un  brnn 
rougeâtre  qui  semblent  constituer  les  bords  escarpés  d'une  vallée 
étroite  entre  lesquels  le  ciel  se  voit  dans  le  lointain.  La  métamor- 
phose de  Daphné,  en  etfet,  toujours  d'après  Ovide,  a  lieu  dans  la 
vallée  du  Tempe.  Devant  la  jambe  droite  de  Daphné  une  tache 
claire  représente  le  cours  du  fleuve  Penée,  père  de  la  Nymphe, 
qui  est  un  des  acteurs  du  drame.  C'est  vers  lui  que  Daphné  a 
précipité  sa  course  pour  échapper  ;\  la  poursuite  amoureuse  du  dieu  : 

«...  Spectans  Peueidas  undas», 

'  Cf.  à  Tiragad.  Mosaïque  de  Diane  siuprise  par  Acteon.  Ballu  et 
Gagnât,  Musée,  de  Timgad,  p.  37,  pi.  XIV.  —  Stephani,  Nimbus  uvd  Strah- 
lenkran,-,  Mêm.  de  l'Académie  de  S'  Pétersbourg,  VI''  si-rie.  Se.  polit., 
t.  IX. 


106  UNE   MOSAÏQIIK    I>E  TÉHESSA 

elle  adreRHe  à  son  pi'-ro  la  prirre  qui  Hcra  exaiifée  et  la  inétaimir- 
phose  se  produit. 

C'était  lin  sujet  assez  fréfiuemment  reproduit  par  la  peinture 
ou  sur  les  inosaùiues  ([ue  les  Amours  d'Apollon  et  de  I)ai)liné, 
mais  sauf  |)eut-étre  sur  la  inosai(|ue  de  Lillelioiine  '  et  sur  une 
p(^intun'  de  Staliics  '',  nulle  ]>art  la  scène  n'avait  été  représentée 
aussi  mouvementée,  et  nulle  part,  surtout,  la  transformation  en 
laurier  n'avait  été  indiquée  avec  ce  réalisme.  A  Lillebonne  et  à 
Staliies  la  position  de  Dapliné  est  à  ])eu  près  la  même  qu'à  Té- 
Ijessa.  La  Nymphe  en  courant  est  tonil)ée  sur  les  genoux  et  elle  se 
retourne  vers  le  dieu  qui  la  poursuit.  Mais  dans  ces  deux  œuvres 
la  métamorphose  u'est  pas  même  commencée.  A  Stables,  l'idée  en 
est  évoquée  par  un  bosquet  de  lauriers  vers  lequel  la  jeune  fille 
se  penche  comme  pour  s'y  réfu;;ier.  Sur  une  peinture  de  l'onipei, 
remar((ual>le  par  l'immobilité  et  pour  mieux  dire  par  la  froideur 
et  l'indifférence  des  personnages,  deux  petits  rameaux  sur  les  épaules 
et  un  autri'  sur  la  tète  de  la  Jeune  fille  permettent  de  recnnnaitre 
qu'il  s'agit  bien  de  Dapliné,  mais  ce  sont  plutôt  des  ornements  i|ui 
ne  modifient  en  rien  la  ligure  de  la  Nymphe.  Nulle  part,  donc,  nous 
ne  rencontrons  ce  réalisme,  cette  précision  dans  le  détail,  dans  la 
représentation  des  branches  qui  jaillissent  en  touffes  de  la  tète,  «  ora 
cacumen  obit  »,  des  hanches,  nulle  i)art,  ce  geste  si  expressif  du 
dieu  qui  voulant  saisir  une  main,  ii'ètreint  qu'un  rameau  feuillu  '. 

Il  semblerait  par  les  œuvres  d'art  que  nous  avons  conservées 
([ue  les  artistes  aient  hésité  à  al)ordcr  ces  sujets  de  métamorpluises. 


'  Mosaïque  de  Lillebonne.  (îaz.  aicliéol.,  1.S85,  pi.  V.\.  14.  Inventaire 
des  ra()saï(|ues  de  la  Gaule,  fasc.  II,  1051. 

-  Ilelbig,  WandgemàUe  Cnmpanien.%  207,  208,  211,  212,  213.  Sta- 
bles, 206. 

^  Pour  tout  ce  qui  concerne  les  leuvres  d'art  inspirées  par  les  amours 
il'Apollon  et  de  Dapliné,  et  en  particulier  par  la  uiétamorpliose,  voir  Over- 
l)cck,  Oriechisehe  Kunntmythologie,  III,  p.  497  sq. 


UNE   MOSAÏQUE    DE   TÈBESSA  lOT 

mis  îi  la  mode  par  la  littérature  alesandrine,  avec  les  poèmes  île 
Nicandrc  et  de  Farthénos,  et  que  l'œuvre  d'Ovide  avait  répandus 
et  fait  goûter  à  Rome.  Les  exemples  en  sont  peu  nombreux,  et 
dans  la  sculpture  en  particulier  on  ne  pourrait  guère  citer  que  le 
marbre  de  Florence  '  ou  la  métamorphose  de  Dapliné  est  repré- 
sentée avec  le  réalisme  que  la  statue  du  Bernin,  à  la  Villa  Bor- 
ghèse  atteindra  seule.  Et  cependant,  la  peinture  avait  eu  plus 
d'audace  et  un  passage  de  Lucien  est  très  intéressant  à  cet  égard. 

Dans  àAr.Or;  irj-ooix  I,  8,  il  écrit  que  les  voj'ageurs  dont  il 
raconte  les  aventures  aperçurent  entre  autres  merveilles  «  celle  de 
plants  de  vigne  dont  la  tige,  drue  et  élancée  jaillissait  du  sol,  et 
qui  par  le  haut  étaient  des  femmes,  parfaites  au-dessus  des  hanches, 
comme  les  peintres  clicz  nous  représentent  Dapliné  se  changeant 
eu  arbre  lorsqu'ApoUon  va  pour  la  saisir.  Des  rameaux  jaillis- 
saient des  extrémités  de  leurs  doigts...  et  leurs  tètes  étaient  coif- 
fées des  vrilles,  des  feuilles  et  des  grappes  de  la  vigne ...»  '. 
Voilà  donc  une  preuve  qu'il  existait  une  façon  de  représenter  la 
métamorphose  de  Dapliné,  qui  dift'ère  notablement  des  représenta- 
tions rencontrées  jusqu'ici  à  Pompei,  à  Stables,  à  Lilleboune,  et  qui 
se  rapproche  tout-à-fait,  au  contraire,  de  notre  mosaïque. 

Aussi  n'est-il  pas  interdit  de  voir  eu  elle  une  imitation  et  peut- 
être  la  reproduction  exacte  de  quelque  peinture  célèbre  de  l'Ecole 
Alexandrine  —  et,  en  ett'et,  la  façon  dont  le  tableau  est  inséré  dans 
la  mosaïque,  le  cadre  qui  l'entoure,  jusqu'à  ses  dimensions,  tout  cela 
fait  pen.ser  à  un  tableau  de  chevalet  —  du  moins  à  une  œuvre  pa- 
rallèle et  qui  nous  donne  une  idée  —   hélas,  incomplète  —  de  ce 

'  ("f  CoUignon,  Hist.  de  la  Sculpture  grecque,  II,  p.  589. 

^  Lucien.  'kXrMii  îiTspia.  I.  8...  sipsy.;/  àu.ir=Xwi  ■/.fîy-a  7cpa<jTii;'i  •  -.h 
■J.VI  -jàp  à— i  -r.i  -fî;,  ô  i-iXv/jii  aàri;  îùsovij;  xai  ~ï"/.'J;,  ~i  o;  iiw  -j'j/aT/.î;  flootn, 
io'yt  IV.  -îa-i  'K%^^i'f^-i  àï7a-/Ta  I)^3'j5at  -iXiiOL,  Tsta'JTïi'*  ïTas'ry-T*  t:^"*  Aà'jvT.v 
■jpias'jtjn  ipTi  Tsù  'A~5X>.'j)V5;  /.aTaXa;Aêâv3vT5î  à~3Ô£vôp5'j7.{vT,'^  'Att;  0=  tw-i 
ôot/.TÛXwv  i/.5w*  2H=cûÛ5'*73  ayraT;  5:  /.Xâosî ...  /-a:  'j,rr>  /.ai  Ta;  /.-'ja/.à;  :/.iv.a>v 
=).i;i   Te  /.ai   oiiXXst;   /.aie   fiSTpuot. 


108  UNE    MOSAÏIJIK    I»K   TKKRSSA 

que  pouvaient  être  les  a-uvres  dont  nous  parle  Lucien.  Peut-être 
Ovide  luiniême  a-t-il  puisé  son  inspiration  dans  quelque  peinture 
Alexandrine  ',  et  a-t-il  reproduit  dans  ses  vers  quelque  tableau  qiu- 
Lucien  connaissait.  Il  est  bien  diflicile,  jiour  ne  pas  dire  impos- 
sililc,  d'étalilir  la  liiiation  de  ces  œuvres.  C^u'il  nous  snfiise  de  re- 
connaître dans  cette  mcsaïque  une  représentation  imagée  du  récit 
d'Ovide,  et  d'adjoindre  cette  mosaïque  à  toutes  celles  qui,  si  noni- 
l)reuses,  ont  traité  des  sujets  (|ni  fig'iircnt  dans  les  récits  du  poète  ■'. 
.\utant  qu'il  est  possil)lc  de  préciser  une  date  en  ces  matières 
la  mosaïque  doit  dater  du  début  du  III"  siècle  de  notre  ère.  On 
peut  l'inférer  par  le  choix  du  sujet  du  tableau  central  —  les  mo- 
saïques des  époques  antérieures  reproduisant  des  sujets  du  cycle 
troyen,  et  d'inspiration  homérique  de  préférence  à  des  sujets  traités 
par  Virgile  et  Ovide  —  on  peut  aussi  le  déduire  du  médaillon  des 
«  Deux  coqs  et  de  l'épervier  ».  Si,  comme  il  semble  certain,  la  fable 
de  B.ibrius  est  la  source  dont  le  mosaïste  s'est  inspiré,  et  nous  avons 
vu  avec  quelle  exactitude,  il  n'est  pas  possible  de  faire  remonter  la 
date  de  son  œuvre  plus  haut  car  la  science  moderne  place  Babrios 
à  la  tin  du  second  et  au  début  du  III'"  siècle  ^.  C'est  à  cette  époque, 
en  outre,  que  les  mosaïstes  se  plaisent  à  des  représentations  ;\  ten- 
dances didactiques,  et  donnent  sur  leurs  œuvres  de  véritables  ca- 
talogues de  fruits,  d'animaux  ou,  comme  nous  l'avons  vu  plus  haut, 
de  navires,  dessinés  dans  leurs  moindres  détails  et  présentés  par 
leur  nom  inscrit  à  côté  d'eux  sur  l'œuvre  d'art.  Cependant,  si  la 
mos;ii(|ue  de  Tébcssa  nous  donne  un  f.iblicr  illustré  —  et  nialhcu- 


'  Cf.  Ad.  Reinach,  Textes  grecs  et  lnti)is  relatifs  à  Vliistoire  de  la  pein- 
ture ancienne,  p.  4-19. 

'  La  série  des  mosaïques  inspirées  par  Ovide  est  très  iraportiinte,  en 
particulier  en  Afrique.  Cf.  ftauckler.  Dahreuiberg  et  Saglio,  Musivum 
opus.  p.  2118,  n.  7.  —  Gsell,  Mon.  de  l'Algérie,  II,  p.  100  sq. 

^  Th.  Keinach,  Sur  l'époque  de  nahrius,  Rev.  des  Et.  gr.,  1893,  p,  39.5. 
—  Beltrami,  De  Bahrii  aetate.  Bologna,  1906.  —  Crusius,  art.  liabrios 
dans  VEncyclopadie  de  Pauly-Wissowa. 


UNE    MOSAÏQIE    DE   TICHK.S.SA  109 

reusement  nuitilô  —  il  y  a  autre  chose  en  elle,  et  l'artiste  qui  l'a 
composée  a  fait  prouve  à  la  fois  d'habileté  et  (le  fantaisie,  d'exac- 
titude et  d'une  certaine  originalité.  Telle  ((u'elle  s'offre  à  nous, 
malg-ré  les  dégradations  qu'elle  a  subies,  les  lacunes  trop  grandes 
qu'elle  présente,  cette  mosaïque  nous  a  paru  mériter  que  l'on  s'attarde 
un  peu  à  la  considérer.  Fables,  sujets  de  genre,  scène  mythologique 
chacune  de  ses  parties  nous  a  semblé  apporter  quelque  contri- 
bution, si  modeste  soit-elle,  à  l'étude  des  procédés  d'art  et  des 
sujets  traités  par  les  artistes  de  la  fin  dn  IP  et  du  début  du  III" 
siècle.  Nous  avons  cru  retrouver  dans  le  tableau  placé  au  centre 
la  mise  en  image  d'un  épisode  conté  par  Ovide,  épisode  qui,  nous 
le  savons  par  Lucien,  avait  inspiré  d'autres  tableaux  dont  celui-ci 
reste  le  seul  exemple.  Ces  tableaux  sont  des  œuvres  grecques  ou 
alexandrines  —  le  texte  de  Lucien  l'indique  '.  11  n'est  donc  pas  in- 
terdit de  mettre  au  nombre  des  sources  d'Ovide  à  côté  des  poèmes 
alexandrins  de  Théodore,  de  Didymarchos,  d'Antigone,  de  Nicandre, 
de  Boeo,  des  œuvres  de  peintres  de  la  même  école,  car  plus  hardie 
que  la  sculpture,  la  peinture  a  pu  chercher  sou  inspiration  dans 
les  sujets  de  Métamorphoses. 

Les  sujets  de  genre  qui,  avec  les  fables,  entourent  le  tableau, 
comme  une  série  de  médaillons  entourent  sur  une  muraille  l'œuvre 
principale,  n'apportent  rien  de  nouveau  à  l'étude  de  la  décoration 
romaine.  Nous  les  avons  retrouvés  ailleurs,  en  sculpture  et  en  pein- 
ture. Il  n'en  est  pas  de  même  pour  les  fables.  Ce  n'est  pas  la  première 
fois  que  les  artistes  ont  représenté  des  scènes  dont  les  animaux 
sont  les  acteurs,  mais  il  nous  a  semblé  que  c'était  la  première  fois 
((ue  sous  le  drame  représenté  on  pouvait  mettre  un  texte,  dont 
la  scène  est  une  illustration.  Illustration,  où  cependant  le  souci  de 
la  décoration,  de  l'effet  artistique  reste  assez  grand  pour  que  la 
vraisemlilanfe  soit  conservée,   ce  qui   a   pour  contre-partie  de    per- 

'  Cf.  plus  liaut  la  eit:ition  dr  Lucien:  -xs'/y.N,  éerit-il,  chez  nous, 
dans  le  monde  grec. 


110  UNE   MO.SAÏQt'E   DK  TËBESSA 

mettre  rpielciues  doutes  pour  l'interprétation  rigoureuse  des  deux 
première  scènes.  Nous  croyons,  cependant,  que  les  rapprochements 
faits  au  cours  de  cet  article  sans  emporter  la  conviction,  ne  ren- 
contrent aucune  objection  insurmontable.  Nous  savons  par  l'iiue 
que  les  ouvrages  des  anciens  étaient  souvent  illustrés,  par  un  ]mo- 
cédé  dont  l'invention  est  attribuée  par  lui  à  Varron  '.  De  même 
les  Alexandrins  avaient  sans  doute  emprunté  à  l'Kffypte  l'îirt  de 
tracer  des  dessins  et  des  figures  coloriées  sur  les  manuscrits.  M  ne 
nous  déplait  pas  de  penser  à  l'existence  d'un  recueil  illustré  des 
failles  de  Balirios,  i|iii  aurait  été  un  ouvrage  d'éducation  à  la  fois 
et  une  u'uvre  d'art. 

Quelle  que  soit  la  solution  adoptée,  cette  œuvre  pour  être  moins 
artistique,  peut  être,  que  d'autres  ensembles  trouvés  en  Afrique 
et  dont  les  musées  de  là-lias  otï'rent  de  très  lieaux  exemplaires, 
est  très  intéressante  par  sa  composition,  sa  variété  dans  l'inspira- 
tion, son  originalité  dans  l'expression. 

Elle  prouve  l'existence,  attestée  d'ailleurs  par  d'autres  œuvres, 
dont  certaines  récemment  découvertes  et  encore  inédites,  d'un  centre 
d'art  important  dans  ranti(iue  Théveste  et  qui  n'a  peut-être  pas 
encore  livré  tous  ses  secrets. 

L.  Leschi. 
'  Pline,  Hist    imt..  XXX\'.  p.  11. 


LE  MONUMENT  DE  SKJ'TIME  «EVERE 
AU  FORUM  BOMtlUM 


Le  jjL'tit  monument  que  l:i  corporation  dos  banquiers  et  celle 
des  marchands  de  bœufs  élevèrent,  en  204,  à  Sei)tinie-Sévère  et  à 
la  famille  impériale,  sur  le  Forum  hoariitm  ',  n'a  pas  été,  jusqu'ici, 
l'objet  d'une  étude  d'ensemble;  les  vieux  illustrateurs  d'antiquités 
romaines,' Guattani  *,  Desgodetz  ',  Rubeis'',  Rossini  ",  Canina '^,  lui 
ont  consacré  quelques  pages  et  qnebines  phuicbcs,  où  l'on  relève  sou- 
vent des  inexactitudes  pleines  de  fantaisie;  les  topographes,  Platner  ', 
Becker  *,  Jordan  °,  Nibby  '",  Huelsen  ",  Lanciani  "^,  en  font  brève 
mention  dans  leurs  livres  ou  leurs  articles;  les  épigraphistes,  Bor- 
mann  ",  Dessau  '^  se  sont  occupés  de  l'inscription  qui  remplit  l'en- 
tablement et  lui  ont  fait  place   dans  leurs  recueils;  les  historiens 

'  On  a  longtemps  admis  que  le  niotiuiiient  de  .Septime-Sévère  se  trou- 
vait, non  pas  sur  le  Forum  boarium,  mais  aux  envii-ons  immédiats  de 
cette  place.  Nous  verrons  plus  loin  (pp.  121  si|.)  ce  qu'il  en  faut  penser. 

-  Guattani,  Mon.  Ant.  Ined.,  pp.  94  sq. 

^  Desgodetz,  Les  édifices  antiques  de  Home,  pp.  96  sq. 

*  Rubeis,   Veteres  arcus  Augustorum,  pi.  20  sq. 
^  Rossini,  Gli  archi  trionfali,  pi.  60  et  61. 

^  Canina,  Edifizi  di  Borna  antica,  pi.  253,  254  et  255. 

'  Platner,  dans  la  Beschreibung  der  Stadt  Bom,  IIP,  pp.  337-339. 

*  Becker,  Haiidhuch  der  rôinischen  Aîterthumer,  I,  pp.  473-474. 
^  Jordan,    Topographie,  I-,  p.  470. 

'"  Nibby,  Borna  nelVanno  1838,  pars  I  antica,  Tp^.  487-489. 

"  Huelsen,  Il  foro  hoario  e  le  sue  adiaceme  nelV antichità  (I)iss.  Ace- 
Pont.,  s.  II,  t.  VI,  a.  1896). 

'■•'  Lanciani,  Becenti  scavi  di  Borna  e  contorni,  XXXI  (Bull.  Inr^t.,  1871. 
pp.  247-249).  —  The  ruins  and  excavations  of  ancient  Bom,  pp.  521  522.  — 
Storia  degli  scavi  di  Borna,  t.  III,  p.  42. 

'3  Bormann,  .SWrarco  del  Foro  boario  {Bull.  Insf.,  1867,  pp.  217-210). 

'*  Dessau,  Inscriptiones  selectae,  n°  426. 


112  LK    MO.M'MKNT   DE   .SKITIMK   SfcVl'ntK 

des  institutions,  comme  Walt/.inj?  '  l'ont  commentée  avec  énidition; 
les  :irchéolof!:iies  •,  enfin,  ont  étudié  la  riche  décoration  du  monu- 
ment pour  y  cliei-clier  une  manifestation  des  tendances  artistiques 
de  l'époque  sévérieune. 

Mais  personne  —  à  notre  connaissance  —  n'a  étudie  jiour  lui- 
même  ce  curieux  petit  édilice.  Nous  avons  cru  qu'il  serait  intéres- 
sant de  se  livrer  à  ce  travail  et  de  tenter  une  coordination  de  tous 
les  résultats  atteints  dans  des  travaux  partiels.  Nous  arriverons  peut- 
(■tre,  en  rapprochant  les  unes  des  autres  les  conclusions  des  érudits 
cités  plus  haut  et  en  y  ajoutant,  lorsqu'il  paraîtra  nécessaire,  nos 
hypothèses  personnelles,  h  dissiper  quelques-unes  des  oljscurités  du 
sujet. 


I. 


C'est  à  rinscription  qui  le  couronne  ^  qu'il  faut  demander  les 
premiers  et  les  plus  précis  renseignements  sur  rorij;ine,  la  nature 
et  la  destination  de  l'édifice.   Elle  est  ainsi  conçue: 

Imp.  Caes.  L.  Septimio  Severo  Pio  Pertinaci  Aug.  Araliic.  Adia- 
henic.  Parthic.  niax.  fortissimo  felicissimo  j  Pont.  Max.  Trih.  potest.  XII 
Imp.  XI  Cos.  III  Patri  patriae  et  |  Imp.  Caes.  M.  Aurelio  Antonino 
Pio  Felici  Aug.  Trib.  potest.  VII  Cos.  ///  P.P.  Procos.  fortissimo 
felicissimoque  principi  et  \  Iuliae  Aug.  matri  Aug.  n.  et  castrorum 
et  scnatus  et  patriae  et  Imp.  Caes.  M.  Aureli  Antonini  Pii  Fclicis 
Aug.  I  Parthici  muximi  Britannici  maximi  \  argentari  et  negotiantes 
lioari   liuiiis  lovi  qui  inve/ient  (sic)  devoti  numini  eorum  '. 

'  Waltzing.  Etude  historique  sur  les  corporations  professionnelles  chez 
les  Bomuins,  t.  IV,  p.  8. 

'  Strong,  Boman  Sculpture,  pp.  300-301.  Cf.  aussi  F.  Reber,  Die  Ruinen 
Homs,  pp.  345-347. 

'  C.  I.  i,.,  VI,  1035.  Dcssau.  loc.  cit. 

*  Tous  les  mots  qui  ne  font  pas  partit'  île  la  ivilaction  piiniitivo  sont 
en  italique. 


AT    FOKUM    BOAKUM  IK! 

Cette  inseription  porte  la  trace  de  nombreuses-  retouclies  et  pré- 
sente, en  outre,  quelques  p.irticularités  remarquables: 

A  la  date  de  riuscription  —  204,  d'après  le  chiffre  des  puis- 
sances tribunitienues  de  Sévère  et  de  Caraealla  '  —  ce  dernier  n'avait 
été  consul  qu'une  fois,  en  202.  Il  revêtit  son  deuxième  consulat  en  205 
Le  troisième  est  de  211.  Le  quartième  de  213.  C'est  donc  entre  ces 
deux  dernières  dates  qu'il  convient  de  placer  la  nouvelle  rédaction. 
Les  mots  qui  suivent  le  chiffre  des  consulats  :  P.F.  Proras.  fortis- 
simo felicissimoque  princ'tpi  remplacent  le  nom  et  les  titres  de 
Géta,  qui  devaient  être  ainsi  conçus:  Et  P.  Septimio  Getae  nobi- 
îissimo   Caesari. 

Bormann  °  fut  le  premier  à  noter  les  modifications  subies  par 
la  ligne  4:  Jiilia  Domna  ne  peut  pas  avoir  été  ([ualifiée,  en  204, 
Sévère  et  son  fils  aine  régnant,  de  mater  Au<j{usti)  n{ostri).  Ici 
encore,  le  souvenir  de  Géta  était  rappelé  par  la  formule:  mater 
Auy<i{t(storum  duornm).  Il  peut  sembler  étrange  que  Géta,  qui  était 
alors  César,  soit  traité  d'Auguste  dans  cette  partie  de  l'inscription.  En 
fait,  la  chose  était  eouraute  et  Ton  connaît  des  inscriptions  d'Afrique  où 
elle  ne  fait  aucun  doute  ^. 

Mais  Caraealla  n'a  pas  seulement  supprimé,  sur  l'inscription  de 
notre  monument,  tout  ce  qui  pouvait  rappeler  le  souvenir  de  son 
fj'ère.  Il  a  voulu  aussi  effacer  la  mémoire  de  l'épouse  abhorrée  que 
lui  avaient  imposée  Sévère  et  Plautien.  Bormann  a  remarqué  le  pre- 
mier que  les  mots  fit  senatus  et  patriae  fit  étaient  gravés  in  litiira. 
Nous  ne  reprendrons  pas  son  argumentation,  à  laquelle  il  suffit  de 
se  reporter.  Sa  conclusion,  qui  nous  parait  indiscutable,  est  que  la 
rédaction   primitive   portait:    et    Fxhiae   Plaiitillde  Aug.  C'est,  du 


'  La  douzième  puissance  tribunitieniie  de  Sévère  va  du  lOdèccnibre  203 
au  !•  décembre  304,  comme  la  septième  de  Caraealla. 

-  Les  renvois  à  Bormann,  dans  tout  le  cours  de  ce  paiaKiai)iie,  se 
réfèrent  à  la  note  parue  dans  le  Bull.  Inst.,  18ti7.  pp.  217-219. 

■'  C.   /.  L.  VIII,  2551,  4322,  4323,  906. 

Mélniiyea  (VAi-ch.  cl  dllist.  1924.  8 


111  l,K    MONl'NENT    \>K    .SKITIMK   SÈVfcKK 

reste,  la  seule  irtanièi-e  (l'cx|)li(HKT  la  répétition  au  génitif  du  nom 
et  des  titres  de  Caracalla. 

Les  mots  Partkiei  nmximi  Brilannici  maximi,  (jui  f<)rm(.'iit,  à 
eux  seuls,  la  cinquième  ligne,  sont  aussi  in  Utura.  Borniann  pro- 
pose d'y  substituer  le  nom  et  les  titres  de  Plautien,  dont  la  chute 
date  des  premiers  jours  de  205  '.  C'est  la  seule  I13  potlièse  admissible, 
encore  qu'on  ne  puisse  préciser,  comme  le  fait  Dessau  '',  les  titres 
portés  ici   par  le   l'réfet  du  Prétoire. 

La  sixième  ligne  de  l'inscription  a  été,  elle  aussi,  remaniée  et 
très  visiblement.  Mais  il  ne  s'agit  plus,  ici,  d'une  correction  im- 
posée par  le  gouvernement.  T'e  sont  les  dédicants  eux-mêmes  qui 
ont  jugé  utile  de  modifier  leur  rédaction  primitive.  Aussi,  convient  il 
de  laisser,  pour  le  moment,  de  côté,  cette  dernière  ligne,  dont  l'im- 
portance est  d'un  autre  ordre.  Mais  à  propos  des  corrections  |)réeé- 
dentes,  un  problème  se  pose,  (|ue  les  éditeurs  du  C.  1.  L.^oiit  iudi(iué 
sans  le  résoudre:  à  quelle  épo(iiie  l'iuseription  de  notre  monument 
a-t-elle  été  modifiée  ? 

En  ce  qui  concerne  la  mention  de  (!éta.  la  chose  ne  t'ait  aucun 
doute:  c'est  certainement  entre  le  meurtre  de  (îéta  et  le  quatrième 
consulat  de  Caracalla,  c'est  ;V  dire  entre  la  fin  février  212  *  et  le 
1"'  janvier  213.  Mais  la  diflîculté  augmente  avec  les  mots  rempla(;ant 
les  noms  et  les  titres  de   l'iautilla  et  de   Plautien. 


'  Voir,  à  ce  sujet,  l'excellente  discu.ssion  de  Bormann,  loc  cit. 

'  Dessau,  lue.  cil.,  renvoie  le  lecteur,  ])(uir  le  titre  de  Plautien.  à  l'ins- 
cription n"  456  de  son  recueil,  où  le  Préfet  du  Prétoire  est  traité  de 
e.  i\  pontificis  nobilissimi  pr.  pr.  vccexsarii  Axtgg.  et  comitis  per  oinnc.'t 
expcditiones  enrum,  titres  manifestement  trop  longs  pour  l'espace  à  couvrir 
dans  notre  inscription. 

^  Ils  s'e.vpriment  ainsi:  <■  l'iautillae  et  l'iautiani  nomina  utruui  erasa 
sint  Plantiano  occiso,  an  (pio  tenipore  Gelae  qumiue  nouien  erasuui  est. 
non  sum  disputatnrus  ».  C.  /.  !..  VI,  1035. 

*  Dion  Cassius,  LXXVII,  '2-:i.  TTi^t.  .t,«/.  Vit.  SV--.,  21.  il-7;  25.  7: 
Vit.  Corac,  2,  4.  Hérodien,  IV,  3-4. 


AT    FORl'M    BOARirM  115 

Au  moment  de  la  clmte  de  ce  dernier,  en  205.  Phiiitilla  avait 
été  exilée  avec  son  frère  dans  l'île  de  Lipara  '.  Mais  Caraoalla  attendit 
la  disparition  de  Sévère  pour  ordonner  le  meurtre  de  Plautilla  '.  Ceci 
fait  supposer  que  le  nom  de  Plautilla  fut  martelé  en  211  seulement. 
Sévère  n";ivait  pas  de  raisons  d'en  vouloir  ;\  sa  belle-fille  et  la  preuve 
en  est  que  Caracalla  n'acheva  de  satisfaire  sa  haine  que  lorsqu'il 
fut  vraiment  le  maître  de   l'Empire  '. 

Quant  au  nom  de  Plautien,  il  fut  certainement  martelé  aussitôt  après 
la  chute  du  Préfet  du  Prétoire,  c'est  à  dire  au  cours  de  l'année  305. 
On  ne  saurait  admettre  qu'il  en  soit  allé  autrement  sur  un  édifice 
situé  au  cipur  de  Rome,  à  l'un  des  endroits  les  plus  fréquentés  de 
la  cité.  Mais,  ici,  une  difficulté  se  présente:  le  titre  de  BritannicKS 
maximus  n'a  été  porté  par  Caracalla  qu'en  210  *.  Quanta  celui  de 
Parthicus  imixiiniis,  il  est  très  rare  sur  les  inscriptions  antérieures 
à  la  mort  de  Sévère  ".  Ainsi,  la  cinquième  ligne  de  l'inscription 
n'a  pas  pu  être  "gravée  avant  210,  c'est-à-dire  cinq  ans  après  la 
chute  de  Plautien. 

La  couclusioii  à  laquelle  on  aboutit  est  donc  que  notre  inscription 
a  été  l'objet  de  trois  martelages  successifs:  le  premier,  en  205,  après 
la  chute  de  Plautien,  a  porté  sur  la  cinquième  ligne;  le  deuxième, 
en  211,  après  la  mort  de  Sévère,  sur  les  mots  et  Fulriae  Pluu- 
tïllae  At<g.,k  la  quatrième  ligne  :  le  troisième,  enfin,  en  212,  après 
la  mort  de  Géta,  supprima  les  mots  et  P.  Septimio  Getae  nobilissimo 
Caesari,  à  la  ligne  3  et  la  lettre  ;i  à  la  ligne  4.  Quant  aux  mots 
de  remplacement,  ils  ont  été  gravés  en  deux  fois:  en  211,  les  mots 
Parthici  marhn't  Britannici  maximi  ont  été  substitués  à  la  mention 
de  Pl:iutien  et  les  mots  et  senatus  et  patriae  et  au  nom  de  Plautilla: 

'  Dion  Cassius,  LXXVI,  R,  3.  Héiodien,  III,  13,  3  et  IV,  6,3. 
2  Dion  Cassius,  LXXVII,  1.  2.  Héiodien.  IV,  6,  .3. 
^  Voir,  surtout,  Hérodien,  III,  13,  3. 

*  C.  I.  X.,  IX,  6010.  —  Eckhel.  VII,  l^S,  210.  —  Colien,  Cnmmlht,  185. 
^  Voir,  à  ce  sujet,  les  Indices:  du  C.  1.  L.  Le  tîtie  de  Parthicus  mn/rimus 
se  rencontre,  en  revanche,  assez  fréciucmment,  sur  les  monnaies. 


116  I.K    MONl'MKNT    llK    SKITIMK   SflVfellB 

en  212,  pour  remplacer  le  nom  ilc  Géta,  Caracivlla  n'est  paré  des 
titre»  de  Cos  III  p.  p.  proios.  fortissimo  felicissimoque  priticipi  et 
a   substitué  à  la   formule  luatri  Aiif/g..,  celie-ei  :  iiutlri  Aug.  n. 

11  n'est  pas  inutile  de  l'cjjlaeer  dans  rinKcription  les  mots  mar- 
telés, pour  se  faire  une  idée  i)!us  nette  de  son  texte  primitif.  Telle 
était  donc,  en  204,  l'inscription  de  notre  monument: 

«  Imp.  Caes.  L.  Septimio  Severo  l'io  Pertinaci  Aug.  Araltic.  Adia- 
benic.  Parth.  max.  fortissimo  felicissimo  [  Pont.  Max.  Trib.  poteat.  XII 
Imp.  XI  Cos.  III  patri  patriae  et  |  Imp.  Caes.  M.  Aurelio  Antonino 
Pio  Felici  Aur-.  Trib.  potest.  VU  Cos.  et  P.  Septimio  Getue  nobilis- 
simo  Caesuri  cl  \  Iuliae  Aug.  matri  Aug.  et  castroruin  et  Fulriae 
rimttiUae  Aîkj.  Imp.  Caes.   M.  Aureli  Antonini    Pii   Felicis  Aug.  I 

uxori  tiUae  P.  Fidrii  PJautiani  e.  r |  argentari  et  negotiantes 

Imari   liuius  loci  dcvoti   iiumini   cnrum  ». 

On  remarquera  qu'à  la  dernière  ligne,  le  mot  hjci  avait,  seul, 
été  gravé,  à  l'origine.  Ce  n'est  que  plus  tard,  à  une  époque  évidem- 
ment impossible  il  préciser,  que  les  dédicants  lui  ont  substitué  les 
mots  loci  qui  iiireJien/.  Nous  cherclierous  tout  à  l'Iieure  les  raisons 
de  ce  cbangement.  Il  eonvient,  tout  d'abord,  d'examiner  avec  soin 
cette  dernière  ligne,  où  les  dédicants  se  font  connaître  ;\  nous. 

Ce  sont  les  argentari  et  negotiantes  hoari  qui  ont  consacré  à 
Septime-Sévère  et  à  sa  famille  la  i)orte  triomphale  du  Forum  Boa- 
rium.  11  s'agit  ici,  sans  aucun  doute,  de  deux  corporations  distinctes 
qui  se  sont  réunies  pour  supporter,  en  commun,  la  dépense.  Le  terme 
d'argentari  est  assez  vague  et  peut  se  traduire  de  deux  manières: 
ces  argentiers  sont,  ou  bien  des  orfèvres  —  et  dans  ce  cas,  ils  s'ap- 
pellent plus  correctement  f'ahri  argentarii  —  ou  des  lianqniers  chan- 
geurs de  monnaie.  Il  est,  quelquefois,  assez,  difficile  de  décider  entre 
les  deux  '.  Ici,  en  revanche,  l'hésitation  n'est  pas  possible.  Seuls 
des  baïKiuiers  peuvent  s'être  associés  ;\  des  marchands  de  Itn-ufs  pour 

'  Voir,  à  ce  sujet.  W.iltziriL'.  '>/).  cil.,  t.  IV.  p.  S  ol  les  références 
citées. 


AIT    fORt'M   BOAJÎIUM  117 

élever,  à  iViiis  eoiiimuns,  un  momiment  honorifique.  Cette  :i8soci:i- 
tion  f;iit  supposer,  liu  reste,  des  relations  d'affaires  qui  jettent  un 
jour  curieux  sur  la  manière  dont  de  grands  syndicats  de  commerçants 
pourvoj-aient.eu  margi'  de  l'Annone  ',  à  rapprovisionnement  de  Rome. 
Le  fait  que  les  niarcliands  de  bœufs  dont  il  est  question  ici  sont  en 
relations  suivies  avec  des  Ijauquiers,  prouve,  en  effet,  qu'il  ne  s'agit 
pas,  en  l'espèce,  de  petits  boutiquiers,  mais  bien  plutôt  de  capita- 
listes traitant  les  affaires  eu  gros. 

Mais  poursuivons:  les  banquiers  et  les  négociants  qui  ont  élevé 
la  porte  d'honneur  ont  tenu  à  nous  faire  savoir  que  le  centre  de  leurs . 
affaires  était  le  Forum  hoarium,  puisqu'ils  ajoutent  hums  loci.  Fuut-il 
admettre  que  plusieurs  associations,  opérant  dans  divers  endroits  de 
la  cité,  se  livraient  au  même  négoce?  C'est  peu  probable.  Depuis 
l'époque  républicaine,  le  Fonim  hoarinm  servait  de  marché  aux  boeufs 
et  notre  inscription  prouve  seulement  qu'il  l'était  resté,  sous  l'Em- 
pire, au  moins  jusqu'au  début  du  IIP  siècle  '.  Seulement,  le  primitif 
marché  aux  bceufs  s'est  transformé.  Tandis  qu'à  l'origine  on  y  ame- 
nait le  bétail,  comme  sur  nos  champs  de  foire  rui'aux,  la  place,  ornée 
de  temples  superbes,  toute  proche  du  gigantesque  Circus  ma.rimiis, 
entourée  de  portiques  de  marbre,  ne  pouvait  plus,  sous  l'Empire, 
servir  ;'i  un  pareil  usage  ''.  L'ancien  marché  aux  bestiaux  dût  se 
transformer  alors  en   une  bourse  de  la  viande  où  riches  négociants 


'  Nous  ne  disons  pas:  en  dehors  de  l'Annone.  Cette  administration, 
en  effet,  s'occupait  de  tout  ce  qui  concernait  l'approvisionneiuent  de  Rome, 
mais  plus  spécialement  des  denrées  qui  faisaient  l'objet  de  distributions 
gratuites  ou  à  prix  réduit. 

-  Huelsen,  art.  Boarium  Forum,  dans  la  lîeakncyllopàdie  de  Pauly- 
Wissowa  considère,  à  juste  titre,  l'inscription  de  notre  monument  comme 
une  preuve  que  le  commerce  des  bœufs  se  faisait  encore  au  Forum  Boa- 
riuin,  à  l'époque  impériale. 

'  On  ne  voit  pas  comment  des  troupeaux  de  bœufs  auraient  traversé 
le  centre  de  la  cité  pour  arriver  au  Forum  Boarium.  On  peut,  il  i-st  vrai, 
supposer  que  les  bestiaux  étaient  amenés  par  bateaux  et  débarqués  sur 
les  quais  du  Tibre,  mais  la  chose  est  bien  peu  probable. 


Ils  LU    MO.N'II.MK.NT    DK   SEITIMH   .sfcVKRK 

l't  l).iiii|iiicrs  se  i-t'iinissuiciit,  ))e»t-<;trc  <]:iiis  une  liasili(|iii-,  puiir  lixcr 
les  ciiuis.  Iji  iii;in|ii:iiit  ((lie  le  centre  de  leurs  opératinnH  se  trouve 
au  Forum  hoaritim,  les  iléilicauts  ont  donc  voulu  se  distinguer  à  la 
fois  des  maquignons,  qui  n'y  avaient  point  accès  et  des  liouciiers 
détaillants,  qui  se  rencontraient  dans  tous  les  quartiei-s  de  la  ville. 
Ce  désir  apparaît  avec  plus  d'évidence  encore  dans  la  modifi- 
cation qu'ils  ont  fait  subir  au  texte  ])riniitif,  sulistituant  à  lori  les 
mots  lui'i  qui  invehent.  Cette  rédaction  est  étrange  à  i)ius  d'un  titre. 
Va  d'aliui'd,  la  forme  inrehent  est  un  futur  qui  ne;  se  justifie  guère, 
(iu.iltaiij  ',  après  Nardini,  a  tenté  de  l'expliquer  de  la  manière  sui- 
vante :  au  moment  du  règlement  des  comptes,  certains  des  associés 
auraient  refusé  de  contriliuer  au  payement  des  frais  de  la  construction. 
Alors,  la  corporation  aurait  déridé,  (|uc  ceux-là  seuls  pouriaient  im- 
porter, désormais,  qui  auraient  payé  leur  (|Uotc-])art.  L'emploi  du  futur 
se  trouverait  ainsi  (>xpliqué.  Néanmoins,  l'hypothèse  n'est  guère  sa- 
tisfaisante. On  ne  voit  pas  comment  une  cor])oration  aurait  pu  inter- 
dire le  commei'ce  :i  quelques-uns  de  ses  membres.  Les  collèges  pro- 
fessionnels n'avaient  pas,  ;ï  Rome,  surtout  au  déliut  du  111"  siècle, 
le  pouvoir  absolu  sur  leurs  membres  qu'ils  devaient  acquérir  plus 
tard,  au  Bas  Kmpire  et  au  Moyen  Age  ■.  C'étaient  plutôt  des  sociétés 
de  secours  mutuels,  autorisées  et  contrôlées  par  les  pouvoirs  publics. 
Nous  pensons  qu'il  faut  tenir  inrehent  \w\\v  une  erreur  du  lapicide. 
La  bonne  rédaction  devait  être  inrehunt.  L'intention  des  dédicants 
n'en  apparaît  pas  moins  fort  claire.  La  mention  du  lieu  ne  sulMsant 
pas  à  les  distinguer  des  bouchers,  les  négociants  du  Forum  hoarium 
ont  voulu  marquer,  sans  aucun  douti'  possible,  que  le  commerce 
auquel  ils  se  livrent  n'est  pas  un  commerce  de  détail,  mais  uu  com- 
merce de  gros.  Ce  sout  des  «  importateurs  »,  c:ir  le  verbe  inrehere 
ne  saurait  siguitier  ici  autre  chose  qu'importer  ^.  VA   il   n'y  a  rien 

'  Guattani,  o^j.  cit.,  pp.  30-3'2. 

2  Waltzing,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  181-195. 

3  Cf.  l'Iiuc,  Histoire  Naturelle,  XVIII,  17,  45;  33,  33.  X.KI.K.  1,  S. 


Al'    FOmiM   BOARIUM  110 

(l"(''tonii.int  ;'i  ce  (|IK'  Ips  fcmmisiseiirs  fie  vi;in(lc  de  l;i  <irM)i(lc  ville 
et  les  liMiiqiiicrs  (|iii  scuit  liiiis  liaillciirs  de  fonds  fassent  leurs  af- 
faires au  Forum  hodritiw.  C'est  la  région  où  se  eoncentrent  les 
principaux  services  d'approvisionnement  de  la  capitale  '. 

La  sMio  nnnonae  se  trouvait,  en  effet,  aux  temps  réinildicains, 
sur  la  place  actuelle  délia  Bocca  délia  Verità.  Sous  Claude,  elle  fut 
transférée  au  porticus  Minncia,  sur  le  Forum  Jiolitorium,  voisin  du 
Forum  hoarium.  Le  Bas-Empire  devait  la  ramener  à  son  empla- 
cement primitif  et  il  se  peut  que  certains  bureaux  de  TAnnone  y 
soient  toujours  restés  '.  Sans  doute,  il  n'a  jamais  été  fait  à  Rome 
de  distributions  gratuites  ou  A  prix  réduit  de  viande  de  brenf.  Il  est 
pourtant  difficile  d'admettre  que  l'administration  de  l'Annone  ait 
pu  négliger  complètement  le  eorameree  de  la  viande.  Kn  fait,  un  texte 
juridique  va  nous  prouver  la  sollicitude  du  gouvernement,  à  l'époque 
de  Sévère,  pour  tout  ce  qui  touchait  à  l'approvisionnement  de  la  capi- 
tale. Du  même  coup,  il  nous  permettra  de  soupçonner  quelques-unes 
des  raisons  pour  lesquelles  les  banquiers  et  les  importateurs  de  bœufs 
du  Forum  hoarium  ont  cru  devoir  honorer  la  famille  impériale  d'une 
façon  si  particulière. 

Nous  lisons,  aux  Fraf/menfd  Vaticana.  236,  ceci: 
«  Ulpiauus.  Sed  et  qui  in  furo  suario  negotiantur.  si  duabus 
bonorum  annonam  juvent,  habcnt  excusationom  litteris  allatis 
[a  praefecto]  urbis  testimonialibus  negotiatoris  ;  ut  imperator  noster 
(Caracalln)  et  divus  Severus  Man[ilio]  Cereali  rescripserunt  ;  quo 
rescrîpto  declaratur,  ante  eos  non  habuisse  immunitatem.  sed  nune 
eis  dari  eam,  ([iiae  data  est  his,  qui  annonam  populi  Romani  ju- 
vant  ». 


'  On  ignore  l'emplacement  du  Forum  Siiarium.  Le  Forum  lioUtorium 
confinait  au  Forum  Boarium. 

^  ^'oil^  sur  tout  ceci,  Piganiol,  I^es  origines  du  Forum  boarium,  dans 
les  Mélanges  de  V Ecole  fhinçaise  de  linmr,  t.  XXIX.  1909,  pp.  10:î-144, 
et  particulièrement  pp.  121-122. 


120  LK    MONII.MUNT    DK    SKI'TIMK   SKVKItp; 

Sans  (loiit(!,  il  n'est  pas  question,  ici,  des  importatenrs  de  Im-nfi' 
et  nous  sommes  oMi^'és  de  raisonner  par  analogie.  Il  est,  ponrtant, 
liien  peu  ])i-(il).ililc.  i|iie  la  sollicitude  du  fçouvernement  se  soit  limitée 
aux  négociants  liii  niarelié  aux  cochons.  Mais  le  principal  intérêt 
de  ce  fragment  n'est  pas  là.  Ce  qu'il  nous  prouve,  c'est  que  les 
commerçants  en  denrées  alimentaires,  et  particulièrement  ceux  qui 
importaient,  étaient  considérés  comme  liés  au  service  de  l'Annone, 
niême  lorsque  les  matières  dont  ils  faisaient  commerce  ne  figuraient 
l)as  dans  les  distriliutions  gratuites.  On  sait,  en  effet,  (ju'il  y  eut 
seulement  à  partir  du  règne  d'Aurélien  des  distributions  régulières 
de  viande  de  jiorc  '.11  n'est  donc  pas  téméraire  de  penser  que  nos 
marchands  de  lueufs  sont  compris  parmi  ceux  qui  annonam  pojmli 
Itomani  jurunl.  Leur  présence  an  Fonnii  hunrium  ne  fait  que  con- 
firmer cette  liypothèse.  Et  c'est  peut-être  pour  reconnaître  une  fa- 
veur semblable  à  celle  que  le  reserit  accorde  aux  marcliands  de 
cochons  que  fut  élevé  notre  moniuiicnt. 

Ceci  n'est,  du  reste,  qu'une  hypothèse  et  il  faut  bien  avouer 
que  nous  ignorons  les  motifs  précis  de  la  reconnaissance  témoignée 
à  la  famille  impériale,  d'une  façon  si  éclatante,  par  les  banquiers 
et  les  marchands  de  bceufs  du  Forum  hotiriiim.  Mais  il  nous  est 
liien  permis  de  voir  dans  ce  monument  une  iireuve,  et  de  la  bonne 
administration  de  Sévère,  et  du  loyalisme  dynastique  dont  firent 
preuve,  au  cours  de  son  règne,  les  classes  moyennes  de  la  société 
romaine  ^.   Il    témoigne   de   la    prospérité   renaissante    de    l'Hnipire 

'  Homo,  Essai  sur  la  vie  et  le  rèyne  de  T Empereur  Aurélicn.  p.  17!i. 

'  En  province,  suitont  en  Afri(|ue  et  en  Orient,  de  tels  témoignages 
sont  innoiubraliles.  [1  n'était  pourtant  pas  inutile,  selon  nous,  de  mettre 
en  relief  un  témoignage  provenant  de  la  capitale,  où  la  popularité  de 
Sévère,  en  raison  de  ses  origines  seiui-barbares,  aurait  pu  être  moins  grande. 
Les  textes  qui  nous  racontent  l'entrée  de  Sévère  à  Rome,  en  l!>;}(7/i»7.  Aiig. 
Vit.  Sev.,  7,2-5;  Dion  Cassiiis,  LXXIV,  2,  2-3;  Mérodien,  II,  14,  3),  prouvent 
qu'en  fait,  au  début  du  règne,  il  y  eut  une  espèce  de  méfiance  entre  l'eni- 
perenr  africain  et  la  population  de  Rome.  Notre  monument  prouve  (pie  la 
situation  avait  coniplèteiueut  changé,  dix  ans  plus  tard. 


AT    FORll.M    noAUIIM  IL'l 

uprès  la  i)ûriode  de  mollesse  et  d'incertitudes  que  fut  le  Principat 
de  Commode  et  les  douloureuses  années  de  guerre  civile  qui  assu- 
rèrent le  pouvoir  à  Sévère.  Il  prouve  que  l'Empereur  africain,  s'il 
n'iiésita  pas  ;'i  violer  maintes  traditions  respectables,  s'attirant  ainsi 
la  haine  de  l'aristocratie  sénatoriale,  eut  à  creur  de  restaurer,  non 
seulement  la  beauté,  mais  aussi  la  pi-ospérité  de  la  capitale.  A  ce 
titre,  notre  inscription  a  sa  place  à  côté  des  monnaies  si  nombreuses, 
dont  les  légendes  ennsi)ireut  à  nous  montrer,  dans  le  règne  de  Sé- 
vère, une  continuation  ou  plutôt  une  résurrection  du  siècle  |iacifiqne 
et  prospère  des  Anton  ins  '. 


II. 


P.  ftraef  '"  a  cherché  de  rai.sons  plus  précises  à  la  reconnais- 
sance des  commerçants  envers  Sévère  et  la  famille  impériale:  ils 
auraient  voulu  remercier  l'empereur  d'avoir  embelli  leur  Forum, 
en  élevant  à  l'entrée  l'arc  voisin,  le  Janus  Quiulrifrons.  Celui-ci 
est,  en  réalité,  de  liien  plus  basse  époque  '.  Mais,  puisqu'il  est  gé- 
néralement admis  que  le  Janus  formait  l'entrée  du  Forum,  une 
question  se  pose:  Quelle  était  donc  la  position  de  notre  porte  d'hon- 
neur,  p.ir  rapport  à   la  grande  place? 

Les  problèmes  de  topographie  que  soulève  le  Forum  hoarium 
ont  donnée  lieu  à  une  littérature  assez  abondante  \  Mais  les  érudits 

'  Voir  là-dessus  Cohen,  Description  hir^ioriqne  des  moniuiies  frappées 
sous  l'Empire  romain,  t.  IV. 

-  P.  Graef,  dans  les  Denkmaler  der  klassischen  Altertums,  de  Bau- 
meister,  t.  IIl,  art.   Triumph-  und  Ehrenhogen.  p.  1880,  S  20  et  21. 

^  Nous  n'avons  pas  TiGtention  d'aborder  ici  le  probb''iiic  obsciif  de 
la  date  du  Janus.  Mais  les  fragments  d'éditices  antéiieius  (|iie  l'on  a  re- 
trouvés dans  ses  piliers  massifs  suffisent  à  démontrer  (pi'il  est  bien  pos- 
tériem-  à  l'époque  de  Sévère. 

*  Voir,  surtout,  la  dissertation  d'Huelsen  et  l'article  de  Piganiol,  déjà 
cités.  En  outre,  tous  les  topographes  se  sont  pbis  ou  moins  occupés  de  la 
question,  et  en  particulier  .lordan,  op.  cit.,  I,  2,  pp.  474-487  ;  Lanciani,  Buins 
and  Exenixitions,  pp.  51b  sq.  ;  Jordan-Huelsen,  Topographie.  I,  3,  p.  143. 


122  I,K    MONUMENT    1)K   SKITIME   SÉVÈKE 

qui  s'en  sont  ofciipcR  n'ont  pa»  sonj^é,  aiit:int  que  nous  wicliioiiH,  à 
se  servir  de   notre  mununient  eomme  d'un   point    de    repère,   pour 

lixer  rcxtciisiciii   ilc   Vtirni   dn    Fiiniiii.    I/iiiscrijition  que    nous  ve- 


L:i  partie  li;icliiin'e  rc|]irsêiitr  le»  luodilicatiiins  sid)ies  ]);ir  Varea  du 
Farum  Imurium  entre  le  début  du   111*^  siècle  et  le  délml   du   IV''. 


liiiiis  d'étudier  est,  imuft.int,  liieii  eiaire:  la  ])iii-te  d'iioiiiieiir  s'éle- 
vail  à  l'entrée  du  Forum.  (>n  ne  saurait  explii|tier  autrement  les 
mots  liiiiiis  lori.  Mais  alors,  eomment  le  Jnrms  aurait-il  pu  se  trouver, 
lui  aussi,  en  burdiiic  de  la  place  t  Les  deux  monuments  ne  sont  \r.\» 
tout  à  fait  orientes  d(^  la  même  i'aeon  et  si  le  Fontin  hutiri/ini  eoni- 
menee  au  Juiius,  la  porte  d'honneur  des  haïuiiiiers  et  des  marcliaiids 
de  lioMifs  n'est  pas  sur  le  Forum,  luais  le  long  d'une  rue  avoisinante 
(voir  le  ])lan  ci  dessus).  II  n'y  a  qu'une  manière,  à  notre  avis,  de 
sortir  de  ditlieulté:  sup])oser  que  Vnrm  n'a  pas  toujours  eu  la  même 
superlieie  et  que  ses  contours  ont  varié,  notamment,  entre  le  dél)ut 
du  Iir'  siècle,  époque  de  notre  monument  et  le  IV'  où  fut  construit 
le  Janus. 


AT    KORtIM    BOARIIM  12:5 

11  r.nit  {r.ilmnl  se  rappeler  les  grandes  lignes  de  la  topogi'a- 
liliie  aiiti(|ne  dans  la  région  située  entre  le  Forum  boarittm,  d'une 
part  et  le  Forum  Romain  et  le  Palatin,  d'autre  part.  Le  Virus 
Tuscns  déboueliait  du  Forum  Romain  entre  la  basilique  .Iulia  et 
le  Temple  de  Castor,  pour  aboutir  à  l'angle  Nord-Onest  du  Cirrus 
nuuimus,  après  avoir  longé  le  tianc  Ouest  du  Palatin  '.  A  l'angle 
des  rues  actuelles  de  San  Teodoro  et  du  Vélabre.  le  Cîirus  Vic- 
toriae  rejoignait  le  Virus  Ttisrtis.  De  l;'i  se  détachait  une  voie  qui, 
à  travers  le  Vélabre,  suivant  la  direction  de  l'actuelle  rue  du  Vé- 
labre, aboutissait  au  Forum  hottrium.  C'est  elle  qui  traversait  le 
Janus,  de  la  face  Est  à  la  face  Ouest.  Du  Forum  romain  au  Fo- 
rum holilorium.  sur  le  flanc  sud  du  Capitole,  s'étendait  le  Virus 
Jwjarius.  Ue  là  se  détadiait,  sans  doute,  vers  le  Forum  bourinm, 
une  rue  qui  passait  sous  les  arcades  Nord  et  Suil  du  Janus  '. 
Notre  monument  devait  s'élever  à  l'entrée  d'une  rue  sensiblement 
parallèle  '. 

'  Tontes  les  indications  topographiques  contenues  dans  le  paragrajjhe 
ont  été  empruntées  à  la  Forma  urhis  Homae  de  M.  Lanciani. 

-  Dans  toute  cette  description,  nous  paraissons  nous  écarter  assez 
sensiblement  île  l'opinion  de  Sarti  {Note  nstiyraticlie.  dans  YArchivio  di 
Stona  patria.  t.  IX,  pp.  495-496),  suivant  lequel  seule  la  face  Ouest 
du  .AajiK.s  aurait  été  en  bordure  du  Forum  boarium.  Notre  hypothèse, 
semble  impliquer,  en  effet,  (pie  la  face  méridional^  du  Janus  donnait,  elle 
aussi,  sur  la  place.  Comment  expli(|iiei-,  dés  lors,  pouniuoi  cette  face  est 
moins  ornée  (pie  celles  qui  regardent  l'Est  et  l'Ouest  V  Pour  sortir  de  la 
ditficultê,  il  siirtit  d'admettre  qu'à  lépoiiue  où  l'on  construisit  le  Janus 
la  liinite  orientale  de  la  place  passait  par  la  face  Ouest  du  monument. 
Les  trois  autres  côtés  étaient  entourés  par  le  flot  des  maisons.  Ainsi,  la 
remarque  de  Sarti  sur  l'inégale  ornementation  des  faces  du  Janus  vien- 
drait confirmer  l'Iiypothèse  que  nous  exposons  plus  bas:  «  E  poichè  nieno 
ornate  furono  le  due  faccie  di  mezzodi  e  tiamontana,  pnô  ragionevol- 
uiente  dedursene  che  gnardassero  sopra  due  vie,  le  quali,  passando  qnivi 
lungo  i  lati  méridionale  e  boréale  dcH'arco,  venissero  a  fiir  capo  nel  foro 
boario  » . 

^  Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances  en  matière  de  topogra- 
phie romaine,  il  n'est  pas  possible  d'identifier  la  rue.  certainement  très 
étroite,  qui  débouchait   sur  le  Forum  hourium  par  notre  porte  d'honneur. 


l?l  I,K    M0N'IMP;NT    I)K   SKITIMK   SfcVKKK 

Des  expliciitioiiR  que  nous  venons  de  donner,  il  reHsort,  en  tout 
fiiis,  qu'au  IV"  siècle,  la  porte  d'honneur  était  située,  non  |)a8 
sur  le  Forum  liouriitm,  mais  sur  une  rue  Joij^iant  le  Vicus  Tu- 
sriis  au  Janus.  Pour  justifier  les  ternies  de  l'inseription,  il  faut 
dune  sii|)|K)ser  iiirciitre  le  déliut  du  III''  siècle  et  le  déliut  du 
IV',  Vnrea  du  Forum  a  été  légèrement  réduite  du  côté  du  Vé- 
lalire.  A  l'époque  où  l'on  construisit  notre  édifice,  les  limites  de- 
la  place  étaient,  sans  doute,  les  suivantes:  1  "  une  li;rne  joignant 
l'angle  Nord-Ouest  du  Circus  marimus  au  carrefour  du  Virus  Tu- 
scHS  et  du  Clirus  Victoriae  formait  le  côté  occidental  du  Forum; 
2"  Au  nord,  la  limite,  dirigée  de  l'Est  à  l'Ouest,  gagnait  directe- 
ment le  Tjliri'.  à  partir  du  même  carrefour.  C'est  sur  cette  ligne 
qu'au  déljouclié  d'uni'  ruelle  venant  du  Virus  Jufiarius,  se  dres- 
sait la  porte  d'honneur. 

liCs  ihoses  avaient,  sans  doute,  complètement  changé  au  IV' 
siècle.  Tout  le  tei'rain  compris  entre  les  pentes  du  r.ilatin  et  le 
Jonits  avait  été  envahi  par  des  constructions  nouvelles.  De  jirime 
.ihord,  il  semide  malaisé  de  justifier  pareille  hypothèse.  On  sait, 
en  effet,  que  le  III"  siècle  fut  une  époque  de  troubles  graves, 
peu  favorable  au  développement  urbain.  Mais  les  gouvernements 
faillies  de  cette  jiériode  durent  laisser  toinlier  en  désuétude  les  rè- 
gles d'édilité  ([ui  fixaient  rextension  des  places  iinl)li(|nes '.  l",t  puis. 

On  pourrait  songer  an  Viciits  Ciiniirius,  cité  à  plusieurs  reiirises  dans  les 
Actci  Scuictomm  ((!  août,  p.  141;  10  août,  p.  .")18;  25  août,  p.  115).  Mais 
les  indications  sont  trop  vagues  pour  nous  permettre  iiième  un  essai  d'iden- 
tification. Tout  ce  ([ue  nous  savons,  c'est  (|ue  le  Vicus  Candiiiai  passait 
près  de  Saint-Georges-au-Vélabie:  Vicus:  Canariius  ad  S.  (ieorgium.  Sur 
tout  ceci,  cf.  Dnchesne,  I.ihcr  jiontificaUs,  t.  II,  p.  41,  note  (il. 

'  On  a  précisément  découvert,  en  171H,  à  200  m.  au  Sud-Kst  clc 
Sainte-Marie-in-Cosmedin,  un  cippe  qui  nianpie,  vers  le  Sud.  la  limite 
du  Forum  hoarium  (('.  1.  L.,  VI,  919).  Un  cippe  semblable  fut  mis  au 
jour  entre  l'église  de  .'^ainte-Marie-in-Cosmedin  et  la  maison  des  Sanirs 
de  Saint-Viiicent-de-Paul  (C.  7.  i.,  VI,  31.=i74)  en  1886.  L'inscription  est 
ainsi  con(;ue:  L.  Asprentis,  M.  Caeciliua  Coniutus.  L.  Vohisetius  Catulus. 
P.  T.iriiiitis  Stolo,  C.  Pontius  Paeligntm  curatores  locorum  ptiblicorum  iu- 


AV    FORUM    BOARllM  125 

dans  la  seconde  moitié  du  siècle,  un  fait  nouveau  s'est  produit:  la 
construction  de  la  muraille  d'Aurélien.  Sans  doute,  pour  limiter  la 
dépense,  Aurélien  s'est  il  attaché  à  utiliser  autant  que  possilde  les 
terrains  du  domaine  pul)lic.  Mais  il  n"a  pas  pu  le  faire  toujours  : 
de  noraljreuses  maisons  de  rapport,  dans  les  quartiers  populeux, 
comme  celui  du  Traustévère,  tout  proche  du  Forum  hoarium,  fu- 
rent, sans  doute,  rendues  inhabitables  '.  Les  locataires  qui  les  oc- 
cupaient auront  cherché  ailleurs  des  espaces  libres.  Enfin,  la  cons- 
truction de  la  muraille,  en  rejetant  hors  du  périmètre  urbain  les 
quartiers  excentriques,  entraina  prol>ablement  un  afflux  de  la  po- 
pulation à  l'intérieur  de  l'enceinte  fortifiée.  En  fait,  dans  tout  l'Em- 
pire, la  construction  des  enceintes  défensives  aboutit  à  un  resserre- 
ment des  populations  urbaines,  de  sorte  que  leur  densité  put  aug- 
menter, tandis  que  l'Empire,  au  total,  se  dépeuplait  '.  Tout  ceci, 
à  coup  sûr,  est  loin  de  présenter  une  certitude  absolue,  mais  nous 
avons  cru  qu'il  n'était  pas  inutile  de  formuler  une  hypothèse  nou- 
velle sur  les  limites  orientales  de  ce  Forum  boarium,  dont  l'im- 
portance fut  si  grande  dans  la  vie  de  la  cité  impériale. 


dicamlorum  ex  s{enatus)  c[onsnlto)  e.r  privato  in  puhlicw»  redigerunt.  Nous 
voyons  là  quel  souci  eurent  les  empereurs  des  premiers  siècles  d'empê- 
cher les  occupations  injustes  de  sol  public  par  des  particuliers.  Cf.  Hnel- 
sen,  art.  cit.,  pp.  272-27.3.  Que  de  telles  règles  d'édilité  n'aient  pu  être 
appliquées  dans  le  dernier  ipiart  du  III''  siècle,  il  n'est  pas  pos.sihle  de 
le  prouver,  lu.iis  la  faiblesse  des  gouvernements  de  cette  époque  rend  la 
chose  tout  à  fait  vraisemblable. 

'  Sur  la  muraille  d'Aurélien,  cf.  Homo,  op.  cit..  pp.  210-.30ti. 

'  Tous  les  textes  sont  d'accord  sur  les  deux  phénomènes:  le  dépeu- 
plement général  de  l'Empii-e  et  l'espace  de  plus  en  plus  étroit  occupé  par 
les  villes  resserrées  entre  leurs  nouvelles  murailles.  Elles  prennent,  dès 
lors,  presque  partout,  la  physionomie  ([u'elles  conserveront  pendant  le 
moyen-âge. 


126  l,B    MO.M'MKN'I'    llK    SEITIMK   .SKVfcRK 


III. 


On  a  roufume  df  désigner  sous  le  nom  iVArr  dis  Orfèvres  le 
iiionumciit  de  Si-ptime-Sév^re  au  Forum  honrimii.  Le  terme  d'or- 
ferres  constitue  iiii  l'iiux-seiis.  nous  ruvoiis  vu.  Celui  iVurr  ne  con- 
vient pas  davanta^'e:  il  ne  s'agit  pas  d'un  arc,  mais  d'une  })or/e 
d'honneur.  Et  M.  Ourtis  ',  h  juste  titre,  ne  fait  pas  figurer  notre 
monument  dans  son  catalogue  des  arcs  romains.  De  fait,  aucun  de 
ses  éléments  architecturaux  n'est  en  plein  cintre;  par  \k.  il  se  dis- 
tingue de  tous  les  édifices  de  même  nature  ". 

La  porte  d'honneur  de  Septime-Sévère  comporte  deux  piliers 
massifs  rectangulaires,  que  surplomble  un  entalileraent  horizontal. 
Les  dimensions  de  l'ensemble  sont  assez  réduites:  l'ouvc^rture  entre 
les  i)iliers  est  de  :J  m.  12:  la  largeur  totale  du  monument  était 
de  ti  m.  l'y  ;  la  largeur  actuelle,  i\  partir  du  mur  de  Saint-Georges- 
au-Vélabre,  est  de  5  m.  05  euviron  :  l'édifice  a  4  m.  78  de  hau- 
teur sous  l'entablement  :  5  m.  95   de  hauteur  totale  '. 

Notre  monument  est  construit  en  marbre  blanc  ;  seules,  les  ba 
ses  des  piliers  sont  eu  travertin.  La  plus  grande  partie  du  pilier 
Est  est  engagée  dans  le  campanile  de  Saint-Gcorges-au-Vélabre.  En 
février  1871,  le  mur  de  Saint-Georges  fut  en  partie  démoli;  on 
espérait  découvrir  ainsi  quelques-uns  des  reliefs  disparus.  En  réa- 
lité,  seul  le  jiliis  petit  et   le  moins  intéressant  de   ces  reliefs  sub- 


'  Ciirtis,  liiimnn  monumental  arches,  dans  les  Supplementanj  pa/jeers 
of  the  American  School  of  Classical  Studies  in  Kom,  vol.  2,  190.S,  p.  70, 
note  4. 

'  Les  arcs  à  une  seule  ouverture  sont  innombrables.  Ils  appartien- 
nent à  toutes  les  époipies  do  l'Empire  et  sont  ré])andus  dans  toutes  les 
parties  de  l'ancien  monde  romain.  Tous  sont  en  plein  cintre. 

^  Les  mesures  que  nous  doiiiious  ici  sont  tirées  de  l'ouvrage  de  Des- 
godetz,  loc.  cit.,  aussi  exact,  à  ce  point  de  vue.  ipi'i!  l'est  peu  dans  ses 
reproductions  de  bas-reliefs. 


Ali    KORl'M    ROARUTM  127 

aistait  encore.  M.  Lanciani  :i  niodiité  coninifiit  les  autres  seulptures 
avaient  été  détrnites  '. 

L'état  (le  conservation  de  la  porte  d'honneur  est  fort  impar- 
fait. Les  bas-reliefs  de  la  face  Nord  ont  presque  entièrement  dis- 
paru. Ceux  de  la  face  Sud  sont  fort  endommagés  et  il  n'est  pas 
de  partie  du  monument  qui  n'ait  subi,  peu  ou  beaucoup,  les  injures 
du  temps  et  des  hommes.  Malgré  ces  déf^radations,  l'édifice  n'a  rien 
perdu  de  son  caractère  de   richesse  un   peu   prétentieuse. 

Et,  de  fait,  si,  en  traduisant  argenfarii  par  orfèvres,  les  ar- 
chéologues qui  ont  baptisé  notre  monument  n'avaient  eu  d'autre  in- 
tention que  de  manifester  l'impression  qu'il  produit  ;\  première 
vue,  ils  n'auraient  pu  être  mieux  inspirés.  U" Arc  des  Orfèvres  est 
une  œuvre  d'orfèvrerie,  où  le  sculpteur  n'a  rien  négligé  de  ce  que 
son  ciseau  pouvait  embellir.  L'architecture  du  monument  est,  d'ail 
leurs,  fort  simple,  dans  ses  lignes  générales:  les  piliers  sont  ornés, 
sur  chacune  de  leurs  quatre  faces,  par  deux  pilastres  surmontés  de 
chapiteaux  composites.  Au  dessus,  l'entablement  est  constitué  par 
une  architrave  et  une  frise  assez  simples,  que  domine  une  corniche 

'  Lanciani.  Becenti  scari  di  Roma  e  contorni,  XXXI,  dans  le  Bull. 
Inst.,  1871,  pp.  248-249.  Voici  le  récit  des  événements,  d'après  les  mé- 
moires de  Flaniinio  Vacca,  103,  reproduits  par  Lanciani,  loc.  cit.  :  «  Al 
tempo  di  Pio  IV  capitô  in  Roma  un  Goto  con  un  libre  anticliissiuio,  nel 
quale  si  trattava  d'un  tesoro,  con  il  segno  «l'un  serpe,  ed  una  figuretta 
di  bassorilievo  che  da  un  lato  teneva  una  cornucopia,  e  dallaltro  ac- 
cennava  col  dito  verso  terra.  Tanto  cerco  il  diligente  Goto,  che  trovô  li 
suddetti  segni  in  un  fiaiico  di  un  arco;  c  andato  dal  Papa,  gli  domando 
licenza  di  cavarc  il  tesoro,  il  (piale  disse  vhc  a|)partcneva  ai  lîomani: 
ed  esso  andato  dal  popolo,  ottenne  giazia  di  cavarlo,  e  couiinciato  nol 
detto  fianco  dell'arco,  a  forza  di  scarpello  entré  deiitro  e  fece  corne  una 
porta,  e  quanrto  si  trovava  a  niezzo  del  fianco  voleva  poi  calarsi  gii'i  a 
piombo...  Ma  il  popolo  Roniano  dubitando  non  ruinasse  l'aico.  i-  inso 
spettiti  délia  malvagifà  del  Goto...  si  sollevarono  contro  di  lui,  il  (piale 
ebbe  grazia  di  andarscne  via:  e  fu  tralasciata  l'opéra.  Ancora  vi  sta  la 
bucca  che  vi  fece  il  scarpellino.  lo  non  vi  vedo  altro  rilievo  fuori  di 
quello  accennato;  e  non  v'è  diibliio  cht'  (piflli  segni  furono  fatti  c  scol- 
piti  da  chi  fece  l'arec  > . 


128  LE    MONI'.MKNT    l>K   SKITI.MK   SfcVÉKK 

rifliemeiit  oriK'iufiitée.  Riitir  les  pilastres  et  Ich  chapiteaux,  dans 
la  liaiiteur  de  l'entalileiiient,  s'inscrivent  de  nomlireux  lias-relief». 
LVnscmlile  ne  niannnc  pan  d'iiTic  certaine  élégance  et  l'impreRsiun 
est  rendue  plus  forte  eiicorc  par  le  voisinage  du  Jatnis.  aux  formes 
lourdes  et  massives. 

Une  description  détaillé  des  reliefs  peut  sembler  inutile.  Ton»,  en 
effet,  sont  bien  connus  et  catalogués  dans  le  répertoire  deS.  Rei- 
iiaeli  '.  tiiielques-uns,  pourtant,  sont  restés  mystérieux  et  nous  es- 
sayerons, en  les  étudiant  avec  ([uelques  détails,  d'en  préciser  la 
signification.  Les  autres  ne  doivent  pas,  non  plus,  être  laissés  de 
coté,  soit  qu'ils  nous  offrent  des  représentations  précieuses  d'objets 
cultuels,  de  scènes  religieuses,  d'enseignes  militaires,  d'armes  bar- 
bares, soit  qu'ils  nous  montrent  des  soldats  romains  conduisant  des 
prisonniers  Partlies.  L'ornementation,  enfin,  mérite  d'être  étudiée 
pour  ce  qu'elle  nous  permet  d'ajiprendre  sur  les  tendances  artisti- 
ques au   dèlnit   du   IIP    .siècle. 

La  décoration  des  diverses  faces  du  monument  semble  avoir 
présenté  une  certaine  unité.  Aussi  convient  il  d'étudier  ensemble, 
dans  un  premier  groupe,  les  sujets  des  faces  intérieures,  qui  sont 
essentiellement  religieux  ;  à  ce  groupe,  nous  joindrons  les  bas-re- 
liefs inférieurs,  qui  semblent  former  une  suite  et  se  rattachent  net- 
tement aux   scènes  religieuses.  Les  sujets    de    la    face  Ouest,  sou- 

'  S.  Keinach,  Ttépeiinire  de  bas-reliefs  grecs  et  romains.  I,  pp.  271-272. 
Pour  suivie  les  descriptions  (jue  nous  allons  faire,  le  lecteur  vomira  liien 
se  reporter  à  ce  recueil.  Il  tant  noter,  toutefois,  que  .M.  .'>.  Keinacli  n'a 
pas  dressé  les  dessins  de  son  répertoire  d'après  l'original,  mais  li'après 
les  planelies  de  lîubeis,  op.  cil.  Aussi  son  ouvrage  contient-il  un  certain 
nombre  deneurs  de  détail  que  nous  relèverons  au  fur  et  à  mesure  dans 
des  notes.  Enfin,  il  y  a  quelques  omissions^:  1"  Le  bas  relief  représentant 
une  scène  de  sacrifice  au-dessous  du  panneau  de  Caracalla;  2°  Le  Bac- 
chiis,  à  droite  de  l'inscription,  est  simplement  restitué  —  à  l'époque  de 
Rubeis,  il  était  engagé  dans  le  mur  de  Saint-Georges-au-Vélabre.  —  On 
trouve  encore  de  boimes  reproductions  de  la  face  Sud  et  du  panneau 
représentant  Sévère,  et  Jiilia  Domna  dans  le  recueil  de  l'.  (iusuian.  L'art 
décoratif  de  Borne,  t.  IH,  pi.  1.59  et  160. 


AU    FORUM    HoARIUM  129 

veuirs  des  triomphes  militaires,  forment  un  deuxième  groupe.  Enfin, 
nous  mettrons  à  part  le  grand  bus-relief  de  la  face  Nord,  le  plus 
énigmatique  de  tous. 

Le  grand  bas-relief  que  l'on  aperçoit  à  l'intérieur  de  la  porte, 
à  droite,  représente  Septime-Sévère  et  Julia  Domna  sacrifiant.  Une 
observation  s'impose,  à  première  vue  :  le  groupe  formé  par  l'em- 
pereur et  l'impératrice  ue  i-emplit  pas  tout  le  champ  libre.  M.  S.  Rei- 
nach  '  suppose  qu'à  gauche  de.Iulia  Domna  se  trouvait  un  troisième 
personnage,  dont  l'effigie  a  été  martelée.  L'examen  du  monument 
nous  a  conduit  à  une  conclusion  analogue.  Quel  pouvait  donc  être 
le  personnage  ainsi  effacé?  Remarquons  d'abord  qu'il  y  a,  relative- 
ment, très  peu  d'espace  libre  entre  Julia  Domna  et  la  liordure  de 
rais  de  C(eur  qui  entoure  le  bas-relief.  Uu  examen  ])lus  attentif 
montre,  pourtant,  que  la  robe  de  l'impératrice  a  été  fort  élargie 
dans  le  bas,  du  côté  de  l'effigie  martelée.  11  semble  qu'on  ait  voulu 
dissimuler,  autant  que  possible,  le  vide  ainsi  créé.  Enfin,  au-dessus 
de  l'épaule  gauche  de  Julia,  on  aper(;oit  un  caducée  fort  bien  con- 
servé, qui  semble  appartenir  ;'i  un  personnage  aujourd'hui  invisible, 
dont  le  bras  droit,  possédant  l'attriliut,  aurait  été  dissimulé  der- 
rière le  dos  de  l'impératrice. 

Il  faut  donc  penser,  pour  compléter  notre  groupe,  à  une  di- 
vinité caractérisée  par  le  caducée.  L'hypothèse  de  Mercure,  la  plus 
naturelle,  au  premier  abord,  ne  saurait  être  retenue.  On  ne  s'expli- 
querait pas  les  raisons  pour  lesquelles  l'crtigie  du  Mercure  aurait  été 
martelée.  Parmi  les  abstractions  personnifiées,  si  fréquentes  dans  la 
mythologie  romaine,  Par,  Victoria^  et  Felic/tas  portent  quelquefois  un 
caducée.  Il  est  fort  peu  probable  que  la  l'aix  ait  eu  sa  place  sur  un 
monument  où  sont  glorifiés,  par  ailleurs,  des  triomphes  militaires  ■. 
On  aurait,  en  revanche,  de  bonnes  raisons  de  reconnaître,  auprès 
de  Julia   Domna,  une   Victoire,  si   le  caducée  n'était  un  attribut  timt 

'  S.  Reinacli,  op.  cit.,  p.  272. 

-  Telle  est, pourtant,  rbvpotliesc  de  Kubcis,  lue. cit.,  ii\.  21,  commentaire. 

Métnmieii  iVAixh.  ut  d'Hist.  19-2-1.  9 


130  LK   MONt'MKNT    UK   SEITIMK   SKVKKK 

î\  fait  exceptionnel  de  cette  dée!*se.  Reste  la  Félicité:  sa  place  est 
toute  indiquée  sur  un  édifice  consacré  au  bonheur  de  la  famille 
impériale  et  qui  témoi^'ne,  tout  entier,  de  la  prospérité  dont  jouis- 
sait Rome  sous  le  règne  de  Sévère.  Enfin,  les  représentations  de 
la  Félicité  au  caducée  sont  innombrables  sur  les  monnaies  impé- 
riales et  notamment  sur  celles  de  Septime  Sévère  et  de  sa  famille  '. 
On  peut  donc  admettre  que  le  groupe  de  Sévèi-e  et  de  Julia  Uomaa 
était  complété  par  une  Félicité  au  caducée. 

Mais  pourquoi  donc  cette  Félicité  a-t-elle  été,  par  la  .suite,  en- 
tièrement effacée,  au  point  qu'il  ne  reste  plus  d'elle  que  son  ca- 
ducée! L'inscription  du  monument,  qui  porte,  elle  aussi,  nous  l'avons 
vu,  la  trace  de  nombreuses  ratures,  va  peut  être  nous  fournir  l'expli- 
catiuu  de  cette  étrangeté.  Observons  d'abord  que,  des  cinq  person- 
nages auxquels  le  monument  fut  dédié",  trois  seulement  ont  subsisté 
sur  les  bas-reliefs:  Septime-Sévère,  Caracalla  et  Julia  Domna.  Le 
quatrième,  Géta,  figurait,  comme  on  le  verra  bientôt,  sur  le  pan- 
neau qui  fait  face  à  celui  que  nous  étudions.  Seule  Plautilla  n'au- 
rait doue  pas  eu  sa  place  sur  les  tableaux  de  l'intérieur  du  mo- 
nument, où  les  dédicants  paraissent  avoir  voulu  représenter  toute 
la  famille  impériale.  L'oubli  serait  étrange  et  il  apparaît  que  l'ef- 
figie de  Plautilla,  si  elle  a  jamais  figuré  sur  nos  bas-reliefs,  en  a 
été  effacée,  à  l'époque  même  où  l'on  martela  son  nom  sur  l'inscri- 
ption. C'est  donc  bien  elle  qui  se  trouverait  à  la  gauche  de  Julia 
Domna.  Et  le  caducée,  seul  vestige  que  la  haine  de  son  mari  ait 
laissé  .subsiter  d'elle,  fait  supposer  que  la  jeune  femme  fut  représentée 
sous  les  attributs  de  la  Félicité.  De  fait,  en  204,  son  mariage  remon- 
tait à  deux  aus  ;\   peine  '.   Des  sujets    soumis   devaient  considérer 


'  Los  monnaies  de  ce  type  sont  troj)  iioinbieuses  pour  qu'il  soit  pos- 
sible de  les  énuraérer.  Voir  Cohen,  oi).  cit.,  t.  IV. 

'  Septirae-Sévère,  Caracalla,  Géta,  Julia  Domna  et  Plautilla. 

■•  C'est  en  202,  en  effet,  que  Caracalla  avait  éponsc  Plautilla  (Dion. 
LXXVl.  1,  2). 


AU    FORIM    BOARItlM  131 

la  fille  de  Plantien  comme  l'espoir  et  le  bonheur  de  la  dynastie. 
Us  devaient  ignorer  les  dissentiments  par  lesquels  le  jeune  mé- 
nage était  déjà  troublé.  Cette  représentation  de  Plautilla  en  Féli- 
cité méritait  d'être  signalée.  Elle  doit  être  rapprochée  des  effigies 
monétaires  de  la  jeune  impératrice  '. 

Les  portraits  de  Sévère  et  de  Julia  Domna,  bien  qu'ils  n'of- 
frent aucune  difficulté  d'interprétation,  sont  tout  de  même  intéres- 
sants au  point  de  vue  iconograpliiciue.  L'empereur  est  représenté 
la  tète  couverte  d'un  pau  de  sa  toge,  à  la  manière  des  prêtres  ro- 
mains sacrifiant.  On  ne  le  reconnaît  qu'aux  trois  boucles  de  che- 
veux qui  tombent  sur  son  front.  On  retrouve  ces  boucles  sur  tous 
les  portraits  de  Sévère,  à  l'avers  des  médailles,  comme  sur  les  bustes 
et  les  bas-reliefs  '.  En  dehors  de  cela,  l'attitude  fatiguée,  voire  un 
peu  affaissée  de  l'Empereur,  caractérise  seule  notre  portrait.  Le 
sculpteur  a  dû  faire  un  effort  de  réalisme,  mais  sa  main  a  trahi 
ses  intentions.  Il  n'a  pas  réussi  à  faire  une  figure  vraiment  vivante, 
vigoureusement  individualisée.  En  somme,  sans  les  boucles  de  che- 
veux caractéristiques  et  si  le  monument  n'était  pas  daté,  on  songerait 
plutôt,  devant  ce  bas  relief,  à  l'un  des  derniers  Antonins  qu'à  Septime- 
Sévère. 

Julia  Domna  "",  placée  an  centre  de  la  composition,  est  repré- 
sentée de  face.  Elle  parait  plus  grande  que  son  mari.  Sa  tête  est 
ornée  d'un  diadème  recouvert  d'un  voile  qui  descend  régulièrement 
sur  les  deux  épaules.  Sa  chevelure  ondulée,  séparée  en  deux  niasses 
par  une  raie  qui  part  du  milieu  du  front,  entoure  la  figure  d'une 
auréole  très  régulière  :  on  retrouve  cette  coiffure  sur  les  monnaies 
et  dans  les  bustes  *.  Sa  main  droite,    levée,    semble    répandre    des 

'  On  en  trouve  un  relevé  fort  complet  dans  l'article  de  Stein  (Pauly- 
Wissowa's  Realencyklojjddie,  t.  VII',  col.  •28Ô-2S1. 

^  Bernouilli,  Uomische  Ikonogrnphit,   IP,  p.  22. 

'  Dans  Reinach,  loc.  cit.,  Julia  est  représentée  la  uiaiii  droite  ouverte 
et  levée. 

*  Voir,  notamment,  le  buste  de  Gnbii,  au  Louvre. 


l')2  LE    .Mf)Ni:MENT    I)K   SKITIME    SKVfiRE 

grains  d'encens.  On  apen.-oit  un  morceau  du  Itras  droit  brisé  au 
dessous  du  coude.  L'autre  main,  inerte,  pend  gauchement  sur  la 
lianriic.  On  a  l'impression  qu'elle  a  été  ajoutée  après  coup,  sans 
aiu'un  souci  des  proportions,  pour  masquer  le  vide  créé  i)ar  la  dis- 
parition (le  l'efligie  de  Plaiitilla.  On  sent,  d'ailleurs,  le  même  souci 
de  réalisme  que  nous  signalions  tout  à  l'iieure,  à  ])ropos  du  |)or- 
trait  de  Sévère:  Jiilia  Domna  n'est  pas  Hattée.  On  dirait  une  femme 
déjà  âgée,  dont  les  traits  s'empâtent  '.  La  figure  est  sans  expres- 
sion et  le  sculpteur  n'a  réussi  qu'à  lui  donner  une  dignité  assez 
vulgaire.  Le  seul  trait  vraiment  significatif  est  la  coujje  sémitique  de 
la  physionomie,  qui  rappelle  étrangement  celle  de  la  déesse  syrienne. 

L'ensemble  de  la  composition  est  é(|Mililiré  de  la  manière  sui- 
vante: au  centre,  en  relief  peu  accusé,  .lulia  Domna,  de  face,  do- 
minant plus  ou  moins  les  deux  auti'es  personnages:  à  droite  et  à 
gauche,  Sévère  et  Plautilla,  vus  de  trois  quarts  et  en  relief  beau 
coup  plus  accusé.  Les  parties  les  jilus  saillantes  sont,  en  général, 
mutilées. 

Le  tableau  de  gauche  représente  une  auti-e  scène  de  sacrifice, 
offert,  celui-ci,  par  Caracalla  et  Géta.  L'efiigie  de  ce  dernier  a  été 
martelée,  mais  la  place  qu'il  occupait  est  parfaitement  visible.  Ca- 
racalla est  debout,  auprès  d'nn  trépied  sur  la  tablette  duquel  se 
trouvent  un  certain  nombre  de  fruits,  parmi  lesquels  on  distingue 
une  pomme  de  pin.  A  l'époque  où  notre  bas-relief  le  représente, 
Caracalla,  né  en  188  ',  a  seize  ans.  Il  serait  cuiieux  de  pouvoir 
connaître  autrement  que  par  des  effigies  monétaires  trop  souvent 
idéalisées  ou  grossières,  les  traits  du  jeune  prince   en    204.  Seize 

'  .lulia  Domna,  née  h  Knièse  à  une  éiiocpie  impossililo  à  préciser, 
était  certainement  beaucoup  plus  jeune  (pie  son  mari,  et  n'avait  guère 
plus  de  trente-cinq  ans,  en  204,  puisque  son  mariage  date  de  187. 

^  La  date  de  la  naissance  de  Caracalla  (186  ou  188)  est  extrcnie- 
nient  controversée.  Sans  entrer,  pour  le  moment,  dans  la  discussion,  nous 
admettons  celle  de  188,  et  celle  de  )87  pour  le  mariage  entre  Sévère  et 
.Julia  Domna. 


Af    FIIRfM    BOARHÎM  133 

ans,  c'est  làge  où  l'iiorame  l'affirme,  déjà,  sous  radolescent.  Kt  de 
fait,  le  caractère  et  les  passions  de  Caracalla  ont.  en  204,  la  même 
violence  qu'ils  conserveront  jusqu'à  la  tin.  11  y  a  deux  ans  que 
son  père  a  cru  devoir  le  marier.  M.iis  ce  uiariiige  politique,  qui 
aurait  pu  avoir  de  lions  résultats,  si  Caracalla  eut  été  assez  sonmis 
pour  .s'y  résigner,  ne  produira,  après  trois  ans  de  déchirements  fé- 
roces, que  le  meurtre  tragique  de  Plautien  et  Texil  de  Plautilla '. 
Kt  bientôt  l'Empereur  va  .se  voir  contraint,  par  l'indi-^cipline  de 
ses  fils,  à  chercher  loin  de  Rome,  dans  les  landes  de  Bretagne,  un 
glorienx  emploi  à  leure  passions  sans  frein  '.  Tout  cela,  on  aimerait 
à  le  deviner  sur  notre  bas-relief.  On  aimerait  à  rapprocher  cette 
effigie  du  buste  admirable  de  Berlin,  que  semble  habiter  l'âme  sau- 
vage et  vigoureuse  de  Caracalla  '.  Mais  les  mutilations  du  relief 
et  aussi  la  médiocrité  du  sculpteur  ne  nous  laissent  rien  voir  de 
tel.  Le  seul  trait  individuel  est  l'épaisseur  caractéristique  du  cou. 
L'ensemble  se  signale  par  les  mêmes  gaucheries  d'attitudes,  les 
mêmes  faiblesses  de  dessin,  que  nous  avons  déjà  notées  dans  le 
bas-relief  précédent. 

Au-dessous  des  deux  grands  sujets  que  nous  venons  d'étudier, 
régnent  des  bandes  ornementales  qui,  toutes  deux,  représentent  une 
série  d'instruments  de  sacrifice  \  Ces  lias  reliefs  sont  assez  bien  con- 
servés et  on  reconnaît  facilement  les  objets.  Ce  sont:  un  lHuus  au- 
gurai, un  praefericulum  ;  une  patère  ornée  de  feuilles  d'acanthe  : 
un  bonnet  de  flamine,  richement  brodé  et  surmonté  de  Vape.r:  nu 
asperyiUum  ou  aspersoir:  un  slmpuliim  ou  simpuvium,  sorte  de 
vase  à  manche,  destiné  à  puiser  dans  les  récipients  d'eau  lustrale; 

'  Ce  n'est  point  ici  le  lieu  de  raconter  cette  tragédie  de  palais,  mais 
il  est  certain  que  le  mariage  de  Caracalla  avec  Plautilla  fut  une  des 
causes  principales  de  la  chute  du  Préfet  du  Prétoire. 

-  Hérodien,  III,  14,  2:  Dion  Cassius.  LX.WI,  11,  1. 

'  Bernouilli.  op.  cit.,  IT',  planche  20. 

*  Nous  les  décrirons  de  gauche  à  droite,  eu  couimein;;iiu  \yA\  celle 
qui  se  trouve  au-dessous  du  panneau  de  gauche  (Sévère  et  Julia  Domna). 


1.14  I,K    Mo.MMKNT    l»K   SKITIMK    SKVKKE 

une  gaine,  ornée  d'une  cliim^'re  et  contenant  trois  couteaux  de  hh- 
crifice;  une  acerrn,  ou  coffret  :"i  encens;  une  mrena,  ou  liadie 
de  sacrifice;  une  patère,  moins  ornementée  que  la  précédente,  «eu- 
leniciit  décorée  de  palmettes  ;  un  l)ucràne  avec  des  bandelettes  ;  de 
iKuneau  un  praefericulum ;  un  maliens,  maillet  pour  assommer  les 
IjfBufs;  enfin,  un  lahruni  destiné  à  contenir  l'eau  lustrale.  On  con- 
naît un  certain  nombre  de  frises  du  même  f,'enre  :  sur  le  temple 
de  Vespasien,  à  Rome;  sur  des  lias-relicfs  du  Musée  du  Oapitole 
et  du  Musée  du  Louvre  '  et  ailleurs.  De  nombreuses  monnaies 
portent  aussi,  à  leur  revers,  des  représentations  d'objets  cultuels  ". 
Sur  chaque  bande,  les  objets  sont  disposés  symétriquement  par  r.ip- 
port  à  un  centre,  constitué,  sur  le  panneau  de  droite,  par  le  bon- 
net de  llamine  et  sur  le  panneau  de  gauclic  par  le  Imcràne. 

Les  bas-reliefs  de  proportions  réduites,  qui  garnissent  les  piliers 
du  monument,  entre  les  bases  des  pilastres,  sont  conservés,  en  tout 
ou  en  partie,  au  nombre  de  cinq.  Ils  se  rattachent,  ))ar  leurs  sujets 
aux  représentations  de  sacrifices  (juc  nous  offrent  les  ;,'randH  pan- 
neaux déjà  étudiés. 

Le  petit  bas  relief  de  la  face  Ouest  est  aux  trois  quarts  effacé 
et  assez  énigmatique.  On  y  voit  un  paysan  fun  bouvier)  pousser 
devant  lui  trois  animaux.  8i  l'on  en  juge  par  l'importance  de  la 
partie  disparue,  ce  paysan  devait  conduire  bien  plus  que  trois  ani- 
maux, tout  un  troupeau.  L'hypothèse  de  Guattani  ^,  suivant  lequel 
notre  bas-relief  représenterait  un  laboureur  qui  trace  son  sillon 
(allusion  à  la  fondation  de  Rome)  est,  dès  tors,  inadmissible.  Pour 
la  même  raison  et  aussi  parce  que  les  trois  animaux  semblent  de 
même  espèce,  on   ne  peut  supposer  qu'il  s'agisse   d'un    Ijii'uf,  d'un 


'  Cf.  Clarac,  Musée  de  Sculpture,  (.  II,  n"  307,  pi,  •222  et  Catalogue 
o/'  ihe  Museo  Capitohno  (7?c(//s/i  School  at  Rom),  planche  61. 

'  Voir  notamment  la  monnaie  n°  582,  de  Caracalla  (Cohen,  op.  cit., 
t.  IV,  p.  204). 

^  Guattani,  op.  cit..  pp.  30-32. 


AU    KOIUIM   BOARllrM  135 

moiituii  l't  (l'un  iiorc.  Le  luis-relief  est,  (ra])rès  nous  susceptible  de 
deux  interprétations  qui  ne  s'excluent  pas  alisolunient  l'une  l'autre: 
d'une  part,  il  contient  une  allusion  fort  claire  k  l'une  des  corporations 
qui  construisirent  le  monument,  celle  des  marchands  de  bœufs; 
d'autre  part,  il  l'eprésentc  le  commencement  d'une  action  qui  se 
poursuit  sur  le  bas-relief  des  autres  faces:  avant  d'éti-e  conduit  au 
sacritïce,  le  taureau  a  fait  partie  d'un  troupeau  et  c'est  ce  que  le 
sculpteur  a  voulu  nous  montrer  ici. 

Nibby  '  a  supposé  que,  sur  la  face  Est  de  l'are  (celle  qui  est 
aujourd'hui  cachée  dans  Saint  (iorges-au-Vélabre)  une  mensa  ar- 
gentaria  faisait  pendant  k  notre  bas-relief.  De  la  sorte,  les  deux 
corporations  dédieantes  auraient  été  évoquées,  l'une  par  un  trou- 
peau de  banifs,  l'autre  par  une  table  de  changeurs.  ,Tnsqu':'i  quel 
point  cette  hypothèse  séduisante  est-elle  fondée  ?  C'est  le  secret  de 
Saint  George  au- Vélabre.   En  tout  cas,  elle  est  vraisemblable. 

Les  bas-reliefs  des  faces  Sud  et  Nord  ^  sont  les  mêmes  :  ils  re- 
présentent tous  deux  l'animal  au  moment  où  on  le  conduit  au  sacri- 
fice ;  ceint  du  dorsuale,  le  taureau  porte  sur  la  tète  nue  plaque 
de  forme  triangulaire  {frontale)  '.  Autour  de  lui,  deux  victimaires, 
nus  jusqu'i'i  la  ceinture  et  revêtus  d'une  sorte  de  tablier  serré  à 
la  taille  et  descendant  assez  bas,  presque  jusqu'à  la  cheville.  L'un 
d'eux  porte  sur  l'épaule  la  sacena,  qui  va  servir  à  tuer  la  victime. 

Les  petits  bas-reliefs  de  l'intérieur  nous  montrent  la  scène  du 
sacrifice,  an  moment  de  la  mise  à  mort.  Un  seul  est  complet  :  celui 
qui  se  trouve  du  côté  droit;  mais  l'autre  était  identique,  A  quel- 
ques détails  près.  Le  tableau  comporte  six  personnages  :  deux  Ca- 
milles,  nu   tibiceii    et    trois  victimaires.   La    scène  est    orientée  de 

'  Nibby,  op.  cit.,  pars  II  nntica,  p.  488. 

•  Celui  de  la  face  Nord  est  aujourd'hui  caché  deirière  la  ijuéiite  du 
gardien. 

'  On  voit  un  taureau  revêtu  d'un  ornement  semblable  s>ir  l'ini  des 
bas-reliefs  de  la  Villa  Médicis,  que  l'on  a  lon{;temps  attiibiié  à  \'Ara 
Faeis. 


KiO  I,K    MONUMENT    VK   SKPTIMK   SÉVÈRE 

gauclie  à  droite.  f)n  voit  d'aliorfl  un  Camille,  vêtu  (rniic  tunique 
assez  courte,  serrée  ;'i  la  iciiitiire  et  portant  de  la  main  ^^anelie 
la  Ki''"P  !i  couteaux,  de  la  droite  un  praefericulum  \  devant  lui, 
un  autre  Camille,  vêtu  de  la  même  façon,  a  dans  le«  bras  une 
aceira  qu'il  tient  entr'ouvei'te  ;  puis,  e'est  un  victimaire,  la  liache 
levée  pour  frapper.  Le  taureau  est  maintenu  par  un  troisième  victi- 
maire, accroupi  :  il  semlile  ployer  les  pattes  de  devant  de  l'animal, 
])onr  l'obliger  à  tendre  le  ('(m,  tandis  (|u'un  de  ses  collègues,  dont 
on  n'aperçoit  que  le  buste,  retient,  sans  doute,  les  pattes  de  der- 
rière ;  cependant,  un  liliireii  joue  de  la  (Ifite.  Le  taureau  est  fort 
exactement  rendu  et  l'attitude  de  la  bête,  à  moitié  terrassée,  mais 
que  l'on  sent  résister  encore  de  tous  ses  muscles  anx  efforts  des 
victimaires,  est  pleine  de  force  et  de  naturel.  C'est  à  couj)  sur  l'un 
des  morceaux  les  moins  médiocres  de  notre  monument.  L'artiste  a 
pu,  du  reste,  copier  de  bons  modèles,  car  de  telles  représentations 
ne  sont  pas  rares  à  l'époque  impériale. 

Même  scène,  avec  quelques  variantes,  sur  le  bas-relief  de  gaudie: 
le  premier  Camille  porte  de  longs  cheveux  et  par  dessus  sa  tunique  à 
mauclies  on  aperçoit  une  sorte  d'étole.  Il  tient  dans  .ses  bras  une 
acerra  entr'ouverte.  Le  deuxième  personnage  a  la  tête  voilée  comme 
un  prêtre  et  porte,  d'une  main  un  piaefericuliim  et  de  l'autre  une 
patère.  Nous  apercevons  euHn  le  victimaire,  prêt  à  frapper.  Le 
reste  du  bas-relief  est  détruit.  Il  semble,  tout  d'abord,  que  l'ordre 
dans  lequel  les  objets  cultuels  sont  placés  entre  les  mains  des  per- 
sonnages soit  h  peu  près  celui  où  nous  le  voycms  sur  la  frise  qui 
court  au  dessus  du  l>as-relief,  mais  cette  observation  n'est  plus  juste 
pour  le  tableau  d'en  face.  Il  ne  faut  donc  pas  chercher  le  commentaire 
littéral  de  la  frise  à  objets  cultuels  dans  les  bas-reliefs  que  nous 
venons  d'étudier. 

On  doit  noter  seulement,  entre  les  divers  tableaux  qui  déco- 
rent les  parois  intérieures  de  la  porte  d'honneur,  une  sorte  d'har- 
monie ilensemble:  l'esprit  du  spectateur  est,   par    tous,   ramené  à 


AU   FORUM    BOARIUM  137 

Tidi'ip  de  sacrifices,  sanglants  ou  de  libations,  en  tous  cas,  de  cé- 
riinionie  religieuse.  Et  le  caractère  de  ces  sacrifices  n'est  pas  douteux  : 
ce  sont  des  actions  de  grâces  pour  toutes  les  prospérit(''s  dont  les 
Dieux   comblent  la   famille   impériale  et  l'Empire  tout  entier. 

Mais  il  y  a  mieux  :  aux  mois  de  mai  et  juin  204,  ont  été  cé- 
lébrés à  Rome  les  jeux  séculaires.  Il  est  probable  que  le  monu- 
ment du  Fornm  hourium  a  été  élevé  sous  l'impression  profonde 
de  cette  solennité.  Serait-il  téméraire  de  chercber  dans  nos  bas-re- 
liefs une  allusion  précise  aux  sacra  saecularia,  de  voir,  dans  l'évé- 
nement, une  explication,  au  moins  partielle,  de  l'édifice  et  dans 
rédifice  luimèrae  un  commentaire  de  l'événement'?  En  d'autres 
termes,  les  jeux  séculaires  de  204  ont  ils  comporté  quelques-unes 
des  cérémonies  que  nous  venons  de  voir  représentées? 

Noua  n'avons  que  bien  peu  de  renseignements  sur  les  jeux  sé- 
culaires de  204  et  nous  sommes  obligés  de  les  supposer  à  peu  près 
analogues  à  ceux  d'Auguste  eu  l'an  17  '.  La  plupart  des  sacrifices 
que  comportaient  les  sacra  saecularia  se  faisaient  more  acJiiro. 
c'est-à-dire  que  le  prêtre  avait  la  tête  découverte.  Or,  nos  bas-re- 
liefs représentent  Sévère  voilé  de  la  toge.  Il  n'y  a,  d'autre  part, 
rien  de  particulier  aux  jeux  .séculaires  dans  le  sacrifice  du  taureau. 
Il  faut  donc  bien  reconnaître  (jue  si  nos  bas-reliefs  contiennent  des 
allusions  au  grand  événement  religieux  de  l'an  204,  ou  bien  elles 
sont  matériellement  inexactes,  ou  bien,  dans  l'état  actuel  de  nos 
connaissances,  nous  ne  sommes  pas  en  mesure  de  les  interpréter. 
Un  seul  fait  subsiste  :  ce  n'est  pas  en  vain  que  les  banquiers  et 
les  marchands  de  bœufs  ont  donné,  sur  leur  monument,  une  telle 
ampleur  à  la  représentation  de  scènes  religieuses;  le  souvenir  des 

'  Voir,  sur  les  jeux  séculaires  en  général,  et  sur  ceux  de  17  et  de  204, 
en  particulier,  la  giande  étude  que  Moiuuisen  a  consacrée,  dans  VEphe- 
meris  epiijruphica,  t.  VIII,  pp.  225-309,  sous  le  titre  de  Comiiientaria 
htdornm  siiecularium  cpùntorum  et  septimorum,  aux  fragments  d'inscrip- 
tion (jui  nous  sont  parvenus  sur  ces  solennités  et  se  trouvrnt  au  Musée 
des  Tlifiiuts    C.  I.  L.  VI,  32326-32336). 


138  LB    MO.NUMKNT    HK   SKI'TIME   SKVÉRE 

surr»  saecularia,  liieii  qu'il  ne  suffise  pas  à  doiiiier  aux  lias-reliefs 
(le  l'édifice  une  valeur  dofumentaire,  a  pourtant  très  hien  pu  con- 
férer aux  scènes  des  i)arois  intérieures  cette  gravité  religieuse  dont 
elles  sont  empreintes.  Devant  cette  traduction  artistique  des  inten- 
tions de  Sévère,  resUMor  orhis,  on  songe  involontairement,  si  l'on 
oublie  la  différence  des  temps  et  des  hommes,  au  Carmen  siifirulnre 
d'Horace  et  à  VAra  paris  qui,  eux  aussi,  traduisirent  jiar  la  splen- 
deur <lii  inarlire  et  l'iiarnionie  du  poème,  une  grande  pensée  poli- 
tique. Mais  il  ne  faut  pas  s'attarder  trop  à  ces  prestigieux  souve- 
nirs, si  l'on  veut  apprécier,  comme  elle  le  mérite,  une  o'uvre  du 
Iir  siècle. . . 

Le  bas-relief  qui  remplit  le  panneau  central  de  la  face  Ouest 
diffère  complètement,  par  son  sujet,  de  ceux  (|Ue  mous  venons  d'e- 
xaminer. L:\,  nous  avions  des  scènes  paisibles  de  sacrifices  et  tout 
conspirait  à  nous  rappeler  le  bonheur  de  la  famille  impériale  et 
la  prospérité  de  l'Hiiipire.  Ici,  ce  sont  des  allnsidus  aux  victoires 
remportées  par  Sévère  sur  les  Parthes  ;  c'est  le  souvenir  des  triom- 
phes guerriers,  après  celui  des  travaux  de  la  paix.  Par  cette  dis- 
piisition,  notre  monument  rappelle  l'arc  de  Bénévent.  où  les  bas- 
reliefs  tournés  vers  la  campagne,  semblent  se  rapporter  à  la  poli- 
tique extérieure  de  Trajau,  ceux  qui  sont  tournés  vers  Rome,  à  sa 
politique  intérieure. 

Le  tableau  de  la  face  Ouest  représente  quati'c  personnages,  deux 
soldats  romains  et  deux  )ii-is(iniiiers  li.'irliai-es,  dont  l'un  au  second 
plan.  Les  soldats  romains  sont  simplement  vêtus  d'une  tunique  et 
d'un  sat/iim  aux  bords  dentelés.  Ils  ont  la  tête  nue  et  sont  chaussés 
de  cdicei.  Rien  de  particulièrement  militaire  dans  ce  costume.  On 
reconnaît  surtout  leur  qualité  au  fait  qu'ils  portent  le  glaive  et 
emmènent  deux  barbares  prisonniers.  Le  premier  soldat  a  l'épaule 
gauche  cachée  derrière  celle  de  sou  compagnon  et  parait  conduire 
le  prisonnier  dont  on  n"aper(;oit  que  les  pieds.  A  l'arrière-plan.  Dans 
1,1   main    droite,   le  deuxième    soldat  tient    les  chaines  qui   lient   le 


AU    KOUUM     liOARlt'SI  V]9 

prisonnier  qui-  l'on  découvre  tout  entier.  Les  tètes  des  soldats  ro- 
mains sont  complètement  eftacées  '. 

Les  prisonniers  sont  certainement  des  Partlies.  Par  là,  notre 
bas-relief  rejoint  ceux  de  l'are  du  Forum.  Comme  eux,  il  commé- 
more les  victoires  partliiques.  N'étaient  les  certitudes  historiques 
que  nous  possédons  par  ailleurs,  rien  ne  nous  induirait  à  voir,  dans 
nos  prisonniers,  des  Parthes.  Celui  qu'on  aperçoit  tout  entier  est 
coitTé  d'un  pileus  et  vêtu  de  pantalons  étroits,  tumbaut  Jusqu'à  la 
cheville,  d'une  tunique  serrée  à  la  taille  et  d'un  manteau  agrafé 
sur  l'épaule.  Ses  bras  sont  liés  derrière  le  dos.  Aucun  caractère 
ethnique  sur  cette  figure  barbue.  On  n'y  voit  que  la  tristesse  et  le 
découragement  de  la  défaite,  assez  bien  rendus,  d'ailleurs.  En  somme, 
quand  on  compare  les  Parthes  de  notre  monument  avec  ceux  de 
l'arc  du  Forum,  avec  les  Barbares  de  la  colonne  Antonine  et  les 
Daces  de  la  colonne  Trajane,  on  a  l'impression  qu'il  s'était  créé, 
à  Rome,  un  type  conventionnel  de  Barbare,  que  l'on  retrouve  à 
peu  près  le  même  sur  tous  les  bas-reliefs  où  l'artiste  a  eu  l'oc- 
casion de  symboliser  des  victoires  par  un  cortège  de  vaincus.  Ce 
bas-relief  est,  du  reste,  aussi  médiocre  que  les  autres.  Le  sculp- 
teur n'a  pas  su,  si  même  il  y  a  songé,  nous  donner,  avec  peu  de 
personnages,  grâce  à  l'utilisation  des  arrière-plans,  l'impression  d'une 
foule  vivante  et  animée.  Nous  sommes  bien  loin  de  ce  mouvement 
intense  qui  anime  les  tableaux  de  l'arc  du  Forum  :  les  banquiers 
et  les  marchands  de  bœufs,  pour  réduire  les  frais  se  sont  adressés 
à  des  artistes  de  moindre  renom. 

Au-dessons  du  bas-relief  que  nous  venons  d'étudier,  court  une 
l)ande  ornementée  "  de  mêmes  dimensions  que  celles  qui  régnent  au- 

'  Dans  Rubeis,  loc.  cit.,  et  dans  Reinach  qui  le  reproduit,  on  voit 
encore  la  figure  des  deux  soldats  romains  et  du  prisonnier  Barbare  de 
l'anière  plan.  Nous  n'avons  pas  cru  devoir  faire  état,  dans  notre  étude, 
de  ces  gravures  de  Rubeis,  qui  reproduisent  peut-être  la  réalité  de  son 
époque,  mais  dont  il  est  impossible,  aujourd'hui,  de  contrôlei-  l'exactitude. 

*  Le  dessin  de  Reinach  est,  ici,  très  insuffisant. 


MO  1,1.;    MoXr.MKNT    KK   SKITIME   SÉVKKK 

dessous  (les  grands  motifs  des  faces  intérieures.  Mai»  ici,  ce  sont, 
j)èle-inêle,  des  armes  Itarbares,  et  non  plus  des  oljjcts  de  sacrifices, 
fini  udiis  voyons  représentées.  Près  de  la  moitié  du  lias  relief  a  dis- 
paru. Ce  (|ui  en  reste  i)ourrait  néanmoins  nous  donner  une  idée  de 
la  faiMiii  de  comliattre  des  Partlies  si  l'artiste  avait  eu  souci  de 
l'exactitude.  Des  représentations  analogues  ne  sont  pas  rares  dans 
l'art  romain.  Pour  n'en  citer  ([u'un  exemple,  je  i'a])pellerai  qu'ici 
même  on  étudiait  récemment  les  Trophées  Farnése,  on  ligui-ent  (i(M 
armes  germaines  et  daces  '.  C'est  que  tout  trophée,  tout  témoignage 
de  victoire  s'accomp.'ignait  de  monceaux  d'armes  barbares.  Mais  l'é 
tnde  minutieuse  des  armes  représentées  sur  notre  frise,  étude  qui, 
seule,  permettrait  d'identifier  les  objets,  est  rendue  très  difficile  par 
l'état  de  dégradation  du  monument.  Nous  apercevons  d'almrd  '^  un 
bouclier  rond,  dont  la  forme  n'a  rien  de  caractéristique.  Dans  ce 
bouclier  s'inscrivent  diverses  armes  ou  objets  militaires:  et  d'a- 
l)ord,  une  inha.  dont  on  reconnaît  nettement  rcMilionclinrc  :  une 
dulahra   et  peut-être  un  gladius. 

Un  antre  groupe  est  constitué  par  des  objets  d'haliillement,  (jui 
ne  sont  pas  particuliers  aux  Partlies:  une  tunique;  un  pileus;  enfin 
un  olijet  assez  difficile  à  identifier,  qui  pourrait  être  une  pcltn.  ou 
l)ien  nn  manqua  dont  on  apercevrait  surtout  les  garde-joues  ''.  Va\ 
poursuivant  vers  la  gauche,  on  aperi;oit  une  pointe  de  lance,  une 
trompette  recourbée,  un  carquois,  un  bouclier,  et  enfin,  au  point 
on   le   relief  va  disiiaraitre,  un  cas([ne,   peu  distinct,   du   reste. 

'Pont  ceci,  on  le  voit,  est  assez  lianal.  La  tuiii()Ue  ;ip]i;ir;ut 
snr  (le  n(nnlirenx  trophées  et  partout  avec  une  forme  ideiiti(|ne.  Le 
pilf/is  était  une  coilfure  asiatique:  mais  il  est  attribué  p.irfois,  sur 

'  .Marcel  Duri y.  Les  trophées  Farnése,  dans  les  Mélanges  de  l'Ecole 
française  de  Rome,  t.  XXXIX,  1921-1922,  pp.  303-318. 

'  Nous  décrirons  les  objets  en  all.int  de  droite  à  gauciie.  des  par- 
tics  les  mieux  conseivées  aux  plus  dégradées. 

'■'  Comparer  le  c:is(iue  que  l'on  aperçoit  sur  un  bas-reliefs  du  lîritisli 
Muséum,  (Heinacli,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  497). 


AU    FORIM    BdAUIUM  141 

les  moiHimeuts,  à  d'autres  qu'à  des  gens  d'Asie  '.  La  doJahra  n'est 
pas  rare  dans  les  mains  des  Barbares  et  elle  se  distingue  assez 
nettement  de  la  securis  des  Romains  '.  Le  seul  olijet  vraiment  ea- 
raetéristique  de  notre  bas-relief  serait,  peut-être,  celui  dans  lequel 
nous  avons  reconnu  une  jifUn  ou  un  cas(|ue  à  ijarde  joues.  Il  est 
malheureusement  imjiossible  de  se  pronimcei'  dans  l'état  aotuel  de 
dégradation  du  bas-relief. 

Du  reste,  tous  ces  trophées  et  aecnnuilatious  d'armes  se  ressem- 
blent étrangement.  Si  l'on  ne  vent  pas  admettre  qu'il  s'est  formé 
un  type  traditionnel:  si  l'on  tient  ;"i  ce  que  les  sculpteurs  aient 
travaillé  d'après  nature,  on  est  bien  forcé  de  reconnaître  qu'ils  ont 
copié  n'importe  quelles  armes,  parmi  celles,  innombrables  et  diverses, 
que  les  empereurs  envoyaient  dans  la  viUe  après  chaque  campagne. 
Souvent  même,  on  trouve  des  armes  romaines  mêlées  aux  armes 
barbares  et  notre  bas  relief,  s'il  était  mieux  conservé,  nous  en  offri 
rait   peut-être   un   nouvel  exemple. 

Nous  venons  de  voir  représentés,  à  l'intérieur  de  l'édifice,  tous 
les  membres  de  la  famille  impériale  auxquels  il  fut  dédié;  sur 
la  face  Ouest,  des  soldats  romains  et  des  prisonniers  Partlies  évo- 
quaient les  triomphes  guerriers.  Quel  pouvait  donc  être  le  person- 
nage ',  aujourd'hui  méconnaissable,  qui  formait,  à  lui  seul,  le  sujet 
du  grand  bas  relief  de  la  face  Sud?  11  ne  semble  pas,  à  première 
vue,  ((ue  nous  ayons  affaire,  ici,  à  un  membre  de  la  famille  im- 
périale. On  ne  comprendrait  pas  que  l'on  eut  représenté  deux  fois, 
sur  un  même  monument,  les  mêmes  personnages.  Un  certain  nombre 
d'hypothèses  sont  possibles:  aucune  n'est  certaine.  Les  banquiers 
et  les  marchands  de  bœufs  auront  peut-être  voulu  représenter  sur 
la  face  Sud  du   monument  les  divinités  tutélaires  de  leurs  collèges. 


'   Les  Daces  de  hi  colonne  Tr.ajane  le  portent  (pielquefoi^. 
-'  La  dolahrn  est  assez  proche  parente  de  la  bipenne  pivliistoiii|nc. 
^  Reinacli,  loc.  cit.,  le  représente  inexactement:   dans    la    rralilé.  le 
bras  droit  est  levé. 


HS  l.K    MIlNIMICNT    l»K    MKITIMK    .SKVfcltK 

Mais  il  serait  ctr;iiij,'e  (|ii'cll(!S  oiisHciit  opciipé  une  iiluce  plus  ;,'ran(le 
et  plus  en  vue  que  les  dieux  protecteurs  de  la  l'amillc  impériale. 
On  peut  encore  supjjoser  —  et  rencatlrement  d'enseipies  préto 
riennes  donnerait  quelque  consistance  à  cette  hypothèse  —  (jue  la 
l'ace  Sud  de  l'édifice  piéseutait  l'effig-ie  de  soldats  prétoriens  pa- 
raissant, là,  monter  la  garde.  IjC  fait  n'est  pas  sans  exemple  :  on 
voit  ainsi  des  stddats  comme  en  sentinelle  sur  reiitaldement  de  l'arc 
de  Constantin.  Mal^né  tout,  la  présence  de  ces  soldats  ne  s'explique- 
rait f,''i"''re  sur  un  monument  dédié  par  des  particuliers.  Reste  Plau- 
tien,  dont  le  nom  et  les  titres  remplissaient  toute  la  cinquième  li^ne 
de  l'inscription.  Mais  plusieurs  difficultés  se  présentent;  d'abord, 
bien  qu'aujourd'hui  très  mutilée,  la  figure  ne  parait  pas  avoir  été 
martelée,  comme  celle  de  Ciéta,  dont  il  ne  reste  plus  aucune  trace  ; 
en  second  lieu,  puisqu'il  faut  supposer  que,  sur  l'autre  pilier  (celui 
qui  est  engagé  dans  le  mur  de  Saint-Oeorges-au-Vélabre),  était 
représentée  une  tij;iire  semblaltle,  il  ne  semble  pas  facile  de  trouver 
un  personnage,  dans  l'Empire,  qui  ait  pu  être  honoré,  en  204,  au 
même  titre  que  Plautien  '.  Mais  il  est  possible  de  tourner  eu  même 
temps  les  deux  difficultés:  pourquoi  ce  personnage  n'aurait  il  pas 
été  P.  Septimius  Géta,  le  frère  de  Septime  Sévère,  qui  fut  consul 
en  203,  précisément  avec  Plautien,  mourut  sans  doute  dans  les  der- 
niers jours  de  204  et  auquel  Sévère  fit  élever  alors  une  statue  sur 
le  Forum?'  Dans  cette  hypothèse,  l'effigie  de  Plautien  se  serait 
trouvée  sur  le  ])ilier  engagé  dans  Saint-Georges,  ui'i  rien  n'a  sulisisté 
et  le  bas  relief  méconnaissable  que  nous  cherchons  à  identifier  aurait 
représenté  P.  Septimius  Géta.  Telle  nous  parait  être  la  supposition 
la  plus  vraisemblable,  encore  qu'elle  laisse  subsister  bien  des  doutes. 
En  tout  cas,  si  Plautien  fut  représenté  sur  la  face  Sud,  il  avait 
un  cadre  digne  de  lui  :  les  pilastres  de   cette   face   sont,   en   effet, 

'  A  partir  de  l'an  200.  en  effet,  et  jusqu'à  sa  chute,  en  205,   Plau- 
tien fut  seul  Préfet  du  Prétoire.  Cf  Borghosi,  Œiivrcx.  t.  X.  pji.  80-H5. 
2  Dion  Cassius,  LXXVI,  2. 


Ar    FORUM    noARH'M  ll.'î 

orués  d'enseignes  prétorienues  lUnit  trois  sont  ronservi'es  ;  l'une  d'elles 
parfaitement  bien.  Ces  enseignes  sont  iiarnii  les  plus  caractéristiques 
et  les  pins  complètes  que  l'on  possède.  M.  Domaszewski  en  a  donné 
une  description  à  laquelle  il  nous  suffira  de  renvoyer  le  lecteur  '. 
Ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  pour  nous,  ce  sont  les  pdrtraits 
d'empereurs  dont  elles  sont  ornées.  On  y  reconnaît,  dans  des  mé- 
daillons, SeptimeSévère  et  Caraealla,  dont  les  effigies  ressemblent 
fort  à  celles  des  revers  monétaires.  L'empereur  était  entouré  de 
ses  deux  fils,  mais  le  portrait  de  Géta  fut  martelé,  là  comme  ail- 
leurs. La  présence  des  enseignes  prétoriennes  sur  notre  monument 
a  la  portée  d'un  symbole:  la  monarchie  militaire,  dont  la  princi- 
pale force  résidait  dans  le  glaive  des  soldats,  a  mis  là  son  em- 
preinte. Et  le  fait  est  d'autant  plus  rcni.irtiiialilc  (pic  rien  ne  r;ip 
pelle,  sur  ces  multiples  bas-reliefs,  le  |ioiivoir  civil,  toujours  représenté, 
en   théorie,  par  le  Sénat. 

Et  pourtant,  rien  n'y  fut  omis  de  ce  (|ui  pouvait  flatter  l'or- 
gueil de  Sévère:  la  grande  inscription  de  l'entablement  est  encadrée 
par  les  dieux  de  Leptis  Magna  ',  devenus  les  divinités  tutèlaires 
de  la  famille  impériale  et,  par  elle,  de  l'Empire  :  Hercule  et  liacchus. 

La  figure  d'Hercule,  à  gauche  de  l'inscription,  n'a  rien  de  par- 
ticulier: le  dieu  est  debout,  dans  le  nii  liéroique,  appuyant  sa  main 
droite  sur  la  massue  et  portant  sur  sou  liras  gauche  replié  une 
dépouille  de  lion. 

Depuis  longtemps  on  admettait  que  la  divinité  qui.  de  l'autre 
côté  de  rinscri()tion,  faisait  pendant  à  Hercule,  était  Bai'chus.  Et 
de  fait,  ils  sont  souvent  représentés  ensemble,  tant  sur  les  mon- 
naies de  Leptis  qise  sur  celles  de  Sévère.  Les  fouilles  de  février 
1871   dans  le  pilier  de  Sainte-Georges-au-Vélabre  ont  confirmé  cette 


'  Domaszewski,  Die  Fuhnen,  p.  64,fig.80.Voir  aussi  Gagnât  et  Cliaiiof. 
Manuel  d' archéologie  romaine,  t.  II,  p.  34H,  ti^;.  .'i49'. 

-  Cf.  les  monnaies  de  Leptis  à  l'eftigic  dllerenle  et  Bacclius.  dans 
L.  Millier,  Xniiiismatique  de  l'ancienne  Afrique,  t.  H,  pp.  3-14. 


114  I,E    MONIMKNT    DE   HKITIME   SÉVÈRE 

opinion.  Muis  Hiicchu»  n'est  pas  figuré  tel  que  nous  le  voyons  sur 
le  dessin  de  l{ul)cis,  qui  est  une  re-titution  '.  «  Sur  notre  :ire, 
Hacclins  est  représenté  avec  une  sini])!»-  chlaniyde  jetée  sur  les 
épaules,  des  chaussures  très  hautes  et  ornementées,  la  eorne  d'aljon- 
dance  dans  la  main  ;;auche  et  la  droite  tournée  vers  la  terre»'. 
M.  Laiiiiani  (ibserve  avec  raison  qu'il  régne  dans  toute  l'attitude 
«  un  Je  lie  sais  quoi  de  féminin  »,  mais  il  se  refuse  à  croire  que 
l'intention  du  sculpteur  ait  été  de  représenter  un  Hacchus  féminin, 
tel  que  celui  qui  était  honoré  ;'i  Emése  au  début  du  IV'"  siècle  *. 
11  observe  qu'il  n'y  a,  somme  toute,  de  féminin,  dans  notre  bas-relief, 
que  la  çlicvclure  longue  et  bouclée  dn  dieu.  M;iis  rien  n'exclut 
pourtant  l'Iiypothèse  que  nous  ayons  aft'aire  ici  à  un  Hacelius  fé- 
minin, ('ertains.  traits  la  confirment  même:  la  poitrine  fortement 
accusée,  la  largeur  des  hanches  et  l'attitude  d'une  gracilité  toute 
féminine,  voilà  des  arguments  assez  faibles,  il  faut  en  convenir. 
Mais  le  culte,  à  Emèse,  d'un  Hacelius  féniiiiiii  les  renforce  singu- 
iéremcnt.  C'est  que,  eu  effet,  si  Sévère  était  de  Leptis,  Julia  Domna 
était  d'Emèse.  Quoi  d'étonnant  à  ce  que  les  banquiers  et  les  mar- 
chands de  bœufs  aient  voulu  honorer  du  même  couj)  un  dieu  de 
Leptis  et  un  dieu  d'Emèse?  La  chose  restera,  néanmoins,  dou- 
teuse, tant  (|ue  l'iconographie  de  Bacchus  ne  sera  pas  mieux  établie. 
Iai  décoration  du  monument  *.  Nous  ne  donnerions  pas  une 
idée  complète  de  notre  porte  d'honneur  si  après,  voir  étudié  les 
bas-reliefs  à  personnages  ou  ceux  dont  l'intérêt  i)rincipal  réside  dans 

'  Cf.  Reinach,  loc.  cit.,  p.  271. 

^  Lanciani,  Rcccnti  scavi  di  Komit  c  anilonii.  X.XXI.  dans  le  lUttl. 
Inst,  1871,  p.  248. 

'  Théodovet.  Histoire  ecclésiasti(jrU(;  III,  7. 

*  Nous  étudions  sous  ce  tître  les  rinceaux  de  feuillage  qui  ornent 
les  pilastres  de  la  face  Ouest  et  des  parois  intérieures;  les  petites  scènes 
purement  décoratives  que  l'on  voit  au  dessus  des  grands  sujets  de  chaque 
face;  enfin,  l'ensemble  de  la  décoration  (chapiteaux,  caissons,  architrave, 
frise,  corniche)  qui  n'a  rien  d'original  et  otïrc  seiileiiient  un  exemple  de 
style  composite  romain  au  début  du  III"  siècle. 


AU   FORUM  BOARU'M  14Ô 

les  sujets  qu'ils  traitent,  nous  ne  consacrions  quelques  pages  à 
rornementation  pure,  si  variée  et  si  abondamment  répandue.  Tou- 
tefois, cette  abondance  même  nous  fait  un  devoir  de  nous  limiter. 
Aussi  allons-nous  insister  surtout  sur  les  rinceaux  des  pilastres, 
qui  nous  semblent  représentatifs  de  certaines  tendances  d'art  et 
de  certaines  techniques,  et  passer  plus  vite  sur  le  reste. 

Les  pilastres  de  la  face  Ouest  et  ceux  des  parois  intérieures 
du  monument  sons  ornés  de  rinceaux  de  feuillage  dont  la  foi'me 
générale  rappelle  les  motifs  analogues  que  l'on  voit  sur  quantité 
de  monuments  romains  depuis  le  siècle  d'Auguste  et  dont  il  faut 
chercher  l'origine  dans  l'art  hellénistique  :  d'une  touffe  d'acanthe 
surgit  un  enroulement  régulier  de  feuillages  et  de  fleurs  qui  porte, 
au  sommet,  un  aigle  luttant  contre  un  reptile.  La  première  im- 
pression qui  s'en  dégage  est  toute  de  lourdeur  et  de  monotonie. 
Dès  l'abord,  on  note  une  singulière  absence  d'espaces  vides;  un 
relief  trop  accusé  qui,  loin  de  mettre  en  valeur  l'élégance  des 
formes  par  de  délicates  dégradations  d'ombre  et  de  lumières,  semble 
demander  tous  ses  effets  à  des  oppositions  brutales  d'éclairage; 
enfin,  une  apparente  identité  de  motifs,  qui  donne  une  piètre  idée 
de  la  fantaisie  de  l'artiste.  Un  examen  plus  attentif  démontre  que 
la  dernière  au  moins  de  ces  observations  n'est  pas  tout  à  fait 
exacte;  mais,  en  revanche,  il  nous  explique  d'où  provient  notre 
impression  première  d'une  œuvre  lourde  et   sans  nuances. 

Et  d'abord,  nous  constatons  que  le  sculpteur  a  fait  tout  ce 
qu'il  a  pu  pour  éviter  la  monotonie.  Il  suffit  de  comparer  atten- 
tivement deux  rinceaux  orientés  dans  le  même  sens,  pour  s'en  con- 
vaincre. Les  difi'érences  sont  légères,  mais  elles  n'en  attestent  pas 
moins  le  scrupule  de  l'artiste  :  ici,  c'est  un  petit  rameau,  terminé 
par  un  épi,  qui  entoure,  d'un  dessin  capricieux,  la  tige  principale  ; 
nous  le  retrouvons  ailleurs,  mais  le  mouvement  n'est  pas  le  même, 
plus  simple,  plus  hardi.  Les  fleurs  aussi  diffèrent:  celles-ci  sont 
plus  grosses,  plus  épanouies,  celles-là  plus  tendres,  encore  en  bouton. 

Mèlanijtis  d'Arcli.  et  d'Hht.  iy-24.  10 


14(5  LK    MONUMENT    I>K   SEITIME   SÉVÈRE 

On  n'f'ii  finirait  pas  s'il  fallait  éniimérer  toutes  les  nuances  de  dé- 
tail  ([W  le  fàcliPiix  (■Uit  de  conservation  du  monument  laisse  en- 
CDi'c  aiiparaitre.  U'oi'i  venait  donc  l'impression  de  monotonie  que 
nous  ressentions  tout  à  l'heure  ?  Surtout,  je  crois,  de  l'absence 
d'êtres  animés  sur  ces  végétaux  stylisés.  Au  siècle  d'Aufjuste,  bous 
les  Flaviens,  sous  les  Antonins  encore,  les  artistes  parsemaient  de 
petits  animaux,  d'êtres  humains,  parfois  demi-divins,  leurs  rin- 
ceaux de  feuillage  '.  Ici,  rien  de  tel  :  le  décor  végétal  doit  se  suffire  à 
lui-même.  Il  aurait  pu,  du  moins,  gagner  en  élégance  et  en  légèreté 
ce  qu'il  perdait  de  richesse  et  d'amusante  variété.  Mais,  pour  y 
réussir,  l'artiste  était  insuffisant  et  manquait  de  moyens  techniques. 

L'examen  de  la  technique  montre,  en  effet,  que  le  sculpteur 
n'emploie  i)lus  guère,  pour  exécuter  ses  reliefs,  le  ciseau,  mais 
suitdiit  et  i)resque  exclusivement  la  mèche,  qui  lui  permet  de  creuser 
davaiiLi^e  le  mar'ire  et  de  donner  ainsi  tonte  leur  force  aux  op- 
positions d'omhro  et  de  lumière.  Mais,  si  le  travail  est  plus  rapide 
et  plus  facile,  il  est  aussi  plus  lâché,  plus  négligé.  Cette  espèce 
de  plan  supplémentaire,  obtenu  en  détachant  nettement  les  reliefs 
du  fond,  aurait  pu  être  utilisé  comme  il  le  fut  sur  un  fragment 
de  pilastre,  au  Musée  du  Latran  ',  où  la  verve  du  sculpteur  a  su 
nous  donner  l'imi)ression  même  de  la  vie,  dans  sa  grouillante  va- 
riété. Mais  déjà  nous  approchons  de  l'époque  où  dominera  complè- 
tement, dans  l'art  décoratif,  la  technique  du  blanc  sur  noir.  Le 
bas-relief,  dès  lors,  est  complètcmint  détaché  de  la  sculpture  :  le 
dessin  seul  importe,  et  non  plus  le  relief. 

Et  c'est  précisément,  ici,  le  dessin  qui  est  faible  et  mal  or- 
donné. Les  spiraic^s  des  rinceaux  sont   beaucoup  trop  lourdes  pour 


'  On  pourrait  citer  d'innombrables  exemples  dont  réniimération  nous 
semble  inutile.  Il  suflira  de  feuiHeter  le  recueil  de  Gusman,  oj).  cit.,  les 
catalogues  de  Musées,  l'ouvrage  d'Altman,  G-ralmltâre,  etc. 

-  Cf.  une  reproduction  de  ce  b.as-relief  dans  Cagnat  et  Cliapot. 
op.  cit.,  t.  I,  p.  554,  fig.  303. 


AU    FORUM   BOAKIl'M  14 1 

l'étroit  espace  qu'elles  doivent  couvrir:  de  là  cette  impression 
d'accablement,  dont  nous  parlions  tout  à  l'iieure.  D'énormes  Heurs 
occupent  presque  entièrement  l'intérieur  de  chaque  volute  ;  les  tiges, 
presque  partout  recouvertes  de  feuilles,  sont  trop  grosses  et,  par 
suite,  leur  mouvement  manque  d'ampleur.  Ce  serait  faire  tort  à  nos 
pilastres  que  de  les  comparer  à  d'autres  monuments  décoratifs 
d'époque  antérieure.  Tout  3"  sent  la  médiocrité:  technique  peu  sûre, 
dessin  trop  lourd  et  enfin  défaut  d'imagination  qui  n'a  pas  permis 
:'i  l'artiste  de  renouveler  des  motifs  trop  connus.  L'emploi  des  aigles 
comme  couronnement  des  pilastres  en  constitue  peut-être  la  seule 
originalité.  Il  sont,  du  reste,  de  bien  meilleure  facture  que  ceux 
qui  soutiennent  des  guirlandes  au-dessous  du  Bacchus  '.  Mais  la  re- 
présentation des  aigles  est  si  peu  nouvelle  dans  l'art  romain  ! 

Les  sujets  ornementaux  qui  surmontent  les  grandes  scènes  de 
l'intérieur  et  le  bas-relief  de  la  face  Ouest  ne  présentent  aucun 
intérêt:  ici,  ce  sont  deux  victoires  soutenant  avec  gaucherie  une 
lourde  guirlande  et  qui  semblent  écrasées  sous  le  poids  de  leur 
fardeau  :  là,  quatre  Camilles  autour  d'un  turibulum  ".  Les  fouilles 
de  février  1871  ont  rais  au  jour  un  des  bas-reliefs  qui  ornaient 
la  face  Sud  du  monument.  Ce  ne  sont  plus,  ici,  des  Victoires,  mais 
des  aigles  dont  les  serres  se  crispent  sur  le  foudre,  qui  soutien- 
nent une  guirlande  dans  leurs  becs.  On  remarque  un  motif  sembla- 
Iile  sur  un  bas-relief  du  tombeau  des  Haterii,  datant  du  I"'' siècle  ?  ^. 
Le  sujet  qui  f;usait  pendant,  sur  l'autre  pilier,  a  été  détruit:  mais 
on  a  toutes  raisons  de  croire  qu'il  était  identique. 

Les  chapiteaux,  les  caissons,  l'architrave,  la  frise  et  la  corniche 
n'ont  riin  d'original.  Leur  ornementation  est  à  peu  près  la  même 
que  celle  de  l'arc  du  Forum.  Les  rinceaux  qui  décorent  la  frise 
doivent  être  rapprochés  de  ceux  des  pilastres.  Sur   la  frise,  l'exé- 

'  Voir  plus  bas. 

'  On  remarque  des  décors  analogues  sur  l'arc  de  Bénévent. 

'  Cf.  Gusman,  op.  cit.,  I,  planche  27. 


140  LE    MONIMKNT    DK    SKITl.ME    SKVERE 

cutiuii  est  plii8  liii'î,'*',  If  relief  moins  accusé,  la  valeur  artistique 
liien  supérieure:  d'une  touflc  d'acanthe,  aux  angles  du  monument, 
jaillissent  des  volutes  d'iiu  dessin  ferme  et  hardi.  On  ne  souffre  pas, 
ici,  de  cette  absence  d'espaces  libres  que  nous  relevions,  tout  à 
l'heure,  sur  les  pilastres.  C'est  toujours  au  seul  décor  véj^étal  que 
le  sculpteur  a  emprunté  ses  motifs,  mais  la  lonj^iieui'  de  la  surface 
à  couvrir  n'était  pas  assez  grande  pour  qu'il  riscjuàt  de  tomber 
dans  la  monotonie. 

C'est  peut-être  dans  l'ornementation  de  la  corniche  qu'apparaît 
avec  le  plus  de  netteté  la  prodigalité  de  décor?  qui,  nous  l'avons 
vu,  caractérise  le  monument  tout  entier.  (3eci,  du  reste,  n'a  rien  de 
surprenant  :  l'ordre  compo.-ite  est,  de  tous  les  ordres  romains,  celui 
qui  compoi'te  rornemeutatiou  la  plus  abondante.  Les  éléments  de 
cette  décoration,  que  l'on  retrouve  sur  ((Uantité  d'édilices  du  même 
style,  ne  méritent  pas  une  description  détaillée.  La  plupart  d'entre 
eux  n'ont  ici  rien  d'original  :  on  y  retrouve  les  olives,  les  perles 
et  les  piécettes  qui,  déjà,  encadrent  l'inscription  et  courent  autour 
de  l'architrave;  des  rangées  de  feuilles  de  chêne,  d'oves,  de  rais 
de  cauir  et  d'étroites  guirlandes  comportant  des  fleurs  et  des  têtes 
humaines  stylisées  complètent  le  matériel  décoratif  de  notre  cor- 
niche. 

On  voit,  en  somme,  qu'il  n'y  a  guère  de  particulier  dans  cette 
ornementation  que  rabondance  avec  laquelle  elle  est  répandue  sur 
toutes  les  parties  du  monument.  Le  goilt  du  siècle  s'y  est  partout 
manifesté  ;  ou  s'éloigne  de  plus  en  plus  de  la  simplicité  élégante 
et  raffinée  qui  caractérisait  l'art  augustéen.  Ou  n'est  plus  capable 
d'exprimer,  ni,  peut-être,  de  liien  comprendre  les  délicates  nuances 
où  s'étaient  complus  les  artistes  de  l'époque  flavienne.  L'influence 
de  l'école  d'Aphrodisias,  qui  avait  exprimé  un  moment  le  cosmo- 
f^  politisme    raliiné    du   règne  d'Hadrien,  s'est    éteinte.  Sous  Septime 

Sévère,  l'art  conserve  bien  les  tendances  cosmopolites  qu'il  avait 
eues  au  milieu  du  II"  siècle,  mais  c'est  d'un  autre  cosmopolitisme 


AU    FORIM    BOAUllJM  149 

qu'il  s'agit,  plus  large,  certes,  mais  aussi  plus  grossiei-.  Les  élé- 
ments étrangers  au  vieux  moude  gréco-romain  tendent,  de  plus  en 
plus,  à  y  prédominer.  L'empereur  est  un  Africain  marié  avec  une 
Syrienne.  L'un  et  l'autre  aiment  à  s'entourer  de  gens  de  leurs  pays. 
Un  goût  nouveau  se  forme  qui,  s'il  accepte  encore  les  règles  exté- 
rieures des  disciplines  classiques,  les  applique  dans  un  espi-it  dif- 
férent. Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'examiner  ce  que  cette  transforma- 
tion de  la  société  romaine  aurait  pu  donner  d'énergies  nouvelles  à 
l'art  épuisé  de  l'antiquité,  si  tout  n'avait  été  brusquement  inter- 
rompu par  les  misères  du  HT  siècle.  Un  monument,  étudié  à  part, 
ne  constitue  guère  qu'un  symptôme.  L'examen  du  détail  semble 
prouver,  nous  l'avons  vu,  que  la  transformation  du  goût  s'accom- 
pagnait fâcheusement  d'une  décadence  de  la  tehuique.  Or,  c'est 
ici  sui'tout  qu'il  ne  faudrait  pas  tirer  de  notre  cas  particulier  des 
conclusions  générales:  on  a  supposé  que  les  mêmes  artistes  qui 
avaient  tr.ivaillé  au  grand  arc  du  Forum  exécutèrent,  l'année  sui- 
vante, le  monument  du  Forum  boarium  '.  Mais  il  suffit  de  comparer 
des  détails  presque  identiques  pour  se  convaincre  que  les  banquiers 
et  les  marchands  de  Ijœufs  ont  eu  recours  ;\  d'autres  artistes,  de 
moindre  valeur.  Et  l'on  a,  parfois,  l'impression  que  plusieurs  sculp- 
teurs ont  travaillé  à  notre  monument,  dont  toutes  les  parties  ne 
semblent   pas  d'une  égale  facture. 

Nous  sortirions  de  notre  sujet  en  nous  livrant  ici  :Y  une  com- 
paraison minutieuse  entre  le  monument  qui  nous  occupe  et  les  édi- 
fices construits  à  la  même  époque,  à  Rome  ou  ailleurs.  11  est  éga- 
lement impossible  d'étudier  les  imitations  qu'il  peut  avoir  suscitées 
au  XV  et  au  XV^P  siècles.  Il  n'est  pourtant  pas  douteux  que  le 
monument  auquel  Clierubino  Alberti  donna  le  nom  de  ïarco  di  la 
vacha  el  toro  et  Giuliano  da  Sangallo  celui,  bien  plus  étrange 
d'acco  didecio  ^,  un  édifice  toujours  resté  visible  au  pied  du  cam- 

'  Desgodetz,  o^j.  cit.,  p.  96. 

*  Cf.  Lanciaui,  The  ruins  and  excavations  of  uncient  Rom,  pp.  521-522. 


150  Lp;   MON'tTMKNT    UK   SKITI.MK    MÉVÈIMC 

paiiili-  «Ir  S;ii)it  Georf<cs  aii-Vclaljre,  a  trouvé  des  imitateurs  en  un 
temps  oi'i  partout  on  croyait  défouvrir  Tantiquité  et  où  l'on  se 
Hattait  de  la  ressusciter  '.  Et  le  peuple  romain,  qui  professait,  pour 
les  Mioiiuments  de  son  ancieiiin'  histoire,  un  respect  qui  ne  réussit 
pas  toujours  aussi  liicii  à  les  sauver  de  la  dcstruition,  faillit,  imus 
l'avons  vu,  faire  un  mau\ais  parti,  sous  l'ic  IV.  à  ce  ;rotli  dont  la 
main  sacrilège  risquait  ilc  ruiner  l'édifice,  dans  U:  vain  espoir  d'y 
découvrir  un  trésor. 

C'est  ainsi  que  la  porte  d'iionncur  du  Forum  buarinm  a  pu  tra- 
verser les  siècles  et  que,  malgré  les  atteintes  du  temps  et  des  hommes, 
elle  évoque  encore  aujourd'hui  pour  nous  cet  automne  de  l'Empire, 
où  !(■  monde,  sons  le  n'onvernement  ferme  de  SeptimeSévère,  goûta 
une  dernière  fois  la  paix  et  la  prospérité  dont  il  avait  joui  au 
siècle  d"or  des  Aiitonins.  Et  pour  peu  qu'on  interprète  notre  monu- 
ment toute  l'époque  s'y  retrouve,  avec  cette  activité  matérielle,  ces 
tragédies  de  palais,  ce  goût  un  peu  barbare  des  architectures  lourdes 
et  somptueuses  qui,  diversement,  la  caractérisent.  Ceci  nous  excu- 
sera, sans  doute,  d'avoir  consaci-é  tant  de  pages  à  un  monument 
de  si   petite  gloire  ''. 

Jac^iks  Madavle. 


'  Il  est,  lont  de  niênic,  ieuiai(|uable,  que  notre  uionunii-nt  n'ait  été 
reproduit  dans  aucun  ouviage  imprimé  avant  le  XVII''  siècle,  ('f.  Lan- 
ciani,  Storia  deijli  scavi  di  Roma,  t.  III,  p.  42. 

'  .le  remplis  ici  un  agréable  devoir  en  exprimant  à  M.  le  iirofessenr 
Laiiciaiii  toute  ma  gratitude  pour  les  suggestions  fécondes  qu'il  m'a  four- 
nies et  dont  j'ai  fait,  au  coins  de  ce  travail,  le  phis  large  usage. 


Fxole  française  de  Rome,  Mélanges  \92A 


PI.  I 


mosaïque  de  DAPHNE  (musép  de  tebfssa) 


TABLES  DES  MATIERES 


L'aljjlialift  de  iM:usiliana  et  les  origines  de  récritme  à  Rome,  par 

A.  Gkknier 3 

La  captivité  et  la  mort  de  Jeanne  1' ■■»  de  Xaples,  jiar  E.-  G.  Léonard      43 

Farnusiana,  par  F.  Benoit: 

IIL  Mademoiselle  du  Gauguier,  dame  d'honneur  de  la  Reine       79 

Une  mosaïque  de  Tébessa,  par  L.  Leschi  (pi.  I) 95 

Le  monument  de  Septime  Sévère  au  Furum  Bourium.  par  J.  Ma- 

UAULE 111 

Plaiiclie  )ioi's  texte:  Mnsaïciue  de  Dapliné  (Musée  de  Tébessa). 


eipeDiNO  Lier  FEB  1 


107g 


D  École  fztmçalse  de  Rome 
m  Mélanges  d'archéologie 

E4  et  d'histoire 
t.39- 

a 


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