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PASSAGE DES PANORAMAS, 5 5
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SARI SALTia ET LE NOM DE LA VILLE
DE BABADAGHI
Sari Saltiq ' est le nom du personnage mystérieux qui con-
duisit, au XIII'-' siècle, une migration de Turcs Seldjouqs
d'Anatolie en Dobroudja.
Von Hammer a vu dans Sari Saltiq ou Saltiq Baba, sinon
le fondateur, du moins l'éponyme de Babadaghi (^ « mon-
tagne du Baba »). Baba signifie « père » et s'emploie comme
titre honorifique attribué aux derviches, plus particulièrement
à ceux de l'ordre des behtachis.
Il existe en Turquie plusieurs localités du nom de Baba-
daghi ^, à cause, probablement, de la prédilection des anacho-
rètes pour le séjour des montagnes.
Il s'agit donc de savoir si le « Baba » de Babadaghi en
Dobroudja est bien Sari Saltiq 5,
Résumons d'abord les quelques renseignements, — bien
succincts — fournis sur ce dernier par l'histoire.
Voici les faits '^ :
Auxiii^ siècle de notre ère, le sultan Seldjouqided'Iconium,
Izz-ed-din Keïkavous, dépouillé de ses Etats par son frère,
Rokn-ed-din, se réfugia avec quelques fidèles auprès de l'em-
pereur de Constantinople. Les services que les nouveaux venus
1. Prononcez Sarî Saltiq, c'est-à-dire avec Vi vélaire, presque identique
au yeri russe.
2. Voir Degrand, Souvenirs de la Haule- Albanie, p. 241, note. — Voir le
Dictionnaire géographique d'Ali Djcvàd (en turc).
3. Saltiq Baba ou Baba Saltiq est désigné aussi dans Evliya Tchelebi,
sous le nom de Saltiq Dèdè (autre titre honorifique attribué aux derviches).
4. Voir Lagus, Seid Locmaiii et libro Turcico qui Og^hu:(name inscribitur
excerpta. Helsingforsiae, 1854 (texte et traduction latine). — Cf. Smirnov.
Lekhanat de Crimée (en russe). Saint-Pétersbourg, 1887, p. 14 et suiv. —
Hammer, Histoire de VEmpire Ottoman, I, 164 et 165 (trad. fr.).
Mélanges. II. i
2 J. DENY
surent rendre à Michel Paléologue le disposèrent si heureuse-
ment en leur faveur qu'il accorda à ses hôtes des terres dans
la Dobroudja et leur permit d'y faire venir une colonie de
compatriotes. Mettant à profit cette autorisation, une nom-
breuse horde de Turcs Seldjouqs se dirigea sur Nicée, Nico-
médie et, traversant le Bosphore à Scutari, gagna la Dobroudja.
A sa tète se trouvait un saint personnage ' du nom de Sari
Saltiq.
L'événement eut lieu en 662 de l'hégire (= du 4 nov. 1263
au 24 oct. 1264). Quelque temps après, Izz-ed-din Keïkavous
s'étant brouillé avec le « fasilevs » de Constantinople.
Bèrèkè-khan, souverain mongol du Decht-i-Qiptchaq (plaines
au nord de la mer Noire et de la Caspienne), transportait dans
ses États Sari Saltiq et « les Turcs de la Dobroudja - ».
Voilà tout ce que l'histoire nous apprend sur ce personnage
qui devient d'autant plus énigmatique que la légende se l'est
approprié pour en faire le héros d'aventures bizarre? et incohé-
rentes.
On trouvera plus loin le résumé de ces récits merveilleux.
Nous rechercherons en attendant, — avant de quitter le terrain
historique, — si Sari Saltiq peut être considéré comme le
patron de Babadaghi.
Un voyageur ottoman du milieu du xvii^ siècle, Evliya
Tchèlèbi, place le tombeau de Sari Saltiq, miraculeusement
multiple, dans sept endroits différents. Si l'on fait abstraction
de quatre attributions purement fantaisistes ', il reste trois
localités possibles : Babadaghi, le cap Tcheligra (ou de Saint-
Nicolas) et Baba-Eski. Ces localités sont en Turquie d'Europe,
elles possèdent toutes les trois un « tèkyè », ou couvent, de
derviches bektachis, pourvu chacun d'un tombeau de Sari
Saltiq.
1. Le texte porte : « evliya-dan » = un « veli », un saint.
2. Les enimena-t-il tous? En laissa-t-il une partie en Dobroudja ? Sari Sal-
tiq avait-il trouvé en venant en Dobroudja d'autres tribus turques déjà instal-
lées? Autant de points obscurs à éclaircir.
3. Il s'agit de la Russie, de la Pologne, etc. Il en sera parlé plus loin.
SARI SALTia 3
Evliya Tchelebi a fait ses dévotions successivement auprès
des trois turbés. L'habitude orientale de « n'y pas regarder de
trop près )^ suffirait déjà par elle-même à expliquer ce curieux
phénomène de persévérance, mais on verra que la crédulité
de notre touriste s'étayait sur la légende même de Sari-Saltiq.
Celle-ci prévoit, en eftet, une distribution miraculeuse de son
corps en plusieurs répliques.
Von Hammer qui avait à opter entre ces identifications
s'est rallié — après avoir montré quelque hésitation en faveur
de Baba-Eski — à la solution de Babadaghi. D'après lui, c'est
la même ville que celle qu'Ibn Batouta désigne sous le nom
de Baba Saltouq (forme ancienne du nom de Saltiq).
Voici la traduction d'un passage du livre du fameux voya-
geur arabe ' (Ibn Batouta venant de Crimée se dirige par
voie de terre à Constantinople) : « Nous arrivâmes à la ville
nommée Bâbâ Salthôuk [^^^^la-lw LLi], Bâbâ a chez les Turcs,
la même signification que chez les Berbers (c'est-à-dire celle de
père) ; seulement ils font sentir plus fortement le bâ (b). On
dit que ce Salthoûk était un contemplatif ou un devin, mais
on rapporte de lui des choses que réprouve la loi religieuse. La ville
de Bâbâ Salthoûk est la dernière appartenant aux Turcs ; entre
celle-ci 'et le commencement de l'empire des Grecs, il y a
i8 jours de marche dans un désert, entièrement dépourvu
d'habitants. Sur ces 1 8 jours on en passe 8 sans trouver d'eau... »
Si séduisant que paraisse ce rapprochement entre Babadaghi
et Baba Saltouq il n'a point été admis par tout le monde.
Brun ^, notamment, objectait que les i8 jours de distance
reportent la ville de Baba-Saltouq sensiblement plus au nord,
« non loin de Soudaq ».
C'est là une conclusion un peu hâtive. Il est dangereux de
tabler sur les indications de distance fournies par Ibn Batouta :
1. D'après Defréiiiery et Sanguinetti, t. II, p. 416.
2. Brun, Tchernoinoryè. Odessa, 1880 (en russe). Recueil d'articles con-
cernant l'histoire géographique des bords de la Mer Noire et, entre autres,
de la Dobroudja.
4 J. DENY
il s'y est glissé des erreurs. Voilà, en effet, comment s'effec-
tue le voyage de celui-ci. Il accompagne la khatoun Beïaloun
« fille de l'empereur de Constantinople », à laquelle « son
époux » Mohammed Uzbek-Khan, souverain du Qiptchaq a
permis d'aller voir son père. Les voyageurs quittent Astra-
khan le 10 chevval (page 412), prennent,, on ne sait trop
pourquoi, la direction du nord, vont ainsi jusqu'à Oukek,
mettent dix jours pour aller d'Oukek à Soudaq (ce qui les fait
descendre jusqu'au sud de la Crimée) et gagnent ensuite
Baba-Saltouq. « Nous avions marché, dit Ibn Batouta,
19 jours depuis celui où nous avions quitté le sultan (à Astra-
khan), jusqu'à l'entrée du désert (à Baba-Saltouq) » (p. 417).
Or, si l'on considère qu'Ibn Batouta lui-même place Oukek
à 10 jours de Seraï et que Serai est à mi-chemin entre Astra-
khan et Oukek, on obtient 20 jours pour la distance (du sud
au nord) entre ces deux villes. Ajoutons-y les 10 jours d'Oukek
à Soudaq et nous constaterons que la marge des 19 jours
indiquée par le voyageur aura été largement dépassée, dès
Soudaq. Ces inexactitudes, la bizarrerie de l'itinéraire et l'allure
générale du récit commandent la prudence '.
Tel était l'état de la question jusqu'à ces dernières années.
Entre temps, les voyages d'Evliya Tchelebi dont on ne connais-
sait que les deux premiers volumes en traduction anglaise ^,
furent publiés ^ dans le texte jusqu'au sixième volume inclus
(sur les dix existants). Le tome III contient une description
détaillée de Bahadaghi, qu'Evliya Tchelebi a traversé à plusieurs
reprises (sur la route de Crimée, comme Ibn Batoutah, ou
d'Akerman), et dont il fut qâdi.
Il nous "raconte, à propos de la fondation de cette ville, que
1. Sur les difficultés auxquelles donne lieu la date même du voyagea
Constantinople (vers le mois d'août 1334), voir la préface du tome II,
page XI.
2. Par von Hammer, Narrative oftravels in Europe, Asia, and Africa . . .
Londres, 1846-1850.
3. Par Ahmed Djevdet. Constantinople, 13 14-13 18.
SARI SALTIQ 5
le sultan Bayezid II se rendant à la conquête de Kilia et Aker-
man, parvint à Babadaghi, Là, des gens dignes de foi (souleha-
i-ummet) vinrent lui apprendre qu'anciennement on voyait à
cet endroit un turbé dit de Sari Saltiq, mais que les mécréants
(munkirin) l'avaient ruiné et recouvert de terre et d'ordures.
Aussitôt le sultan se rend en compagnie de Qara Chems-ed-
din auprès de l'endroit désigné, y fait sa prière et s'abandonne
au sommeil pour recevoir un rêve divinatoire.
Sari Saltiq ne manque pas de lui apparaître, blond (Sari
signifie jaune et blond), coiffé d'un turban vert et lui faisant
cette prédiction : « Bayezid, sois le bienvenu ! tu conquerras
sans peine sur les infidèles de Bogdan (Moldavie) le fort
d'Aq-kerman (auj. Akerman) qui est la capitale de Salsal ' et
celui de Kilia, ainsi que le pays de Q-m-ral-q-m ^ à la date
« fatahnâ 5 «.Tes descendants posséderont la Mecque etMédine.
Délivre- moi de la poussière de l'opprobre. »
Au réveil, le sultan et Qara Chems-ed-din consignent par
écrit, chacun de son côté, leurs songes. Les deux billets dûment
scellés sont envoyés chez leCheikh-ul-Tslam. Celui-ci constate
l'identité du texte et rend un fetva prescrivant de déblayer
l'endroit indiqué. On y trouve, en effet, un cercueil de
marbre avec cette inscription « en caractères tatars » : « Ceci
est le tombeau de Saltiq Bay Seyyid Mohammed Ghazi. ^ »
1 . Géant dont parle Eviiya Tchelebi en plusieurs endroits de son ouvrage
et qu'il considère comme le fondateur d'Akerman et d'Ismaïl (t. I, 658);
II, 386; V, 106, 108, III et 113).
2. J'ignore la lecture de ce mot. Peut-être qoumral-qoum (en deux mots)
= « le sable roux »? C'est un désert de sables mouvants qu'Evliya Tchelebi
place « à l'est d'Akerman, du côté de la mer » (V, 108, iio et 113).
3. Le chronogramme « f-t-hna » (qui signifie en arabe : nous avons
conquis) donne la date 539, soit les années 1144-1145 de notre ère. Or,
Bayezid a conquis Akerman en 1484.
4. Nous ne pouvons malheureusement ajouter une grande importance à
l'inscription « en caractères tatars ». Le rapprochement avec un autre pas-
sage (tome I, p. 512) où une autre inscription du même genre est décou-
verte en Crimée paraît indiquer qu'il y avait là un expédient dont notre
voyageur se servait pour rendre plus vraisemblable ses affirmations, souvent
très hasardeuses.
6 J. DEXY
Bayezid ordonne aussitôt de construire un mausolée et une
mosquée, après quoi il part pour Akerman et Kilia. Ayant
conquis ces deux villes, ainsi qu'il était prévu dans la prophé-
tie, il revient à Babadaghi pour y séjourner un an; il restaure
cette ville et l'enrichit de fondations pieuses qu'il attribue
comme bénéfices (vaqout) au turbé de Saltiq Baba, ou comme
rappelle, plus révérencieusement, notre auteur, de Baba Sultan.
« Encore aujourd'hui la ville de Babadaghi est le fief (khâss)
de Baba Sultan » (page 367).
A la différence des récits d'allure purement légendaire,
auxquels donnent lieu les autres tombeaux de Sari Saltiq, ce
passage, tout embarrassé qu'il soit de détails surnaturels, se
rattache à des faits historiques connus, tels que l'expédition de
Bayezid II à Akerman. Hammer s'en serait sans doute servi
pour appuyer sa thèse. Ce texte permet, en tous cas, de con-
clure que si l'on s'est trompé sur l'identité de Sari Saltiq, l'er-
reur a été commise en 1484, c'est-à-dire deux siècles environ
avant l'époque où écrivait Evliya Tchelebi.
Ayant ainsi passé en revue les quelques données histo-
riques qu'on peut recueillir sur Sari-Saltiq, demandons à la
légende des indications qui auront au moins l'avantage de
parler à l'imagination et permettront de donner un semblant
de consistance à ce personnage que l'histoire semble avoir
presque entièrement oublié.
Voici ce récit tel que nous le trouvons dans Evliya Tche-
lebi (II, 133-139)-
Hadji Mehemet Bektach ' après avoir reçu à Yesu ^ des mains
de Khodja Ahmed Yesevi ' l'investiture de « prieur » de der-
1. Fondateur de l'ordre des Bektach is dont l'histoire a été intimement
liée à celle des Janissaires. — Voir ce qu'Evliya Tchelebi dit de Hadji Bei<tacli
(III, 13 et V, 54)-
2. L'ancien nom de la ville de Tiirkestan.
3. L'auteur de Hikem, ouvrage très connu en Asie Centrale. Voir sur ce
personnage Vambéry, Cagaiaische Spracbstudieii, p. 56; Jacob (Georg),
Bdtràge..., p. 86 note; Hartmann (Martin), Chinesisch-Turkestan. Evliya
Tchelebi (III, 1 3 ; V, 5 5 et 293) le considère comme le « patron des Turcs » ,
SARI SALTIQ. 7
viches (Sâhib-seddjadè) en pays de Roum, c'est-à-dire en
Asie-Mineure, était venu rejoindre le sultan Orkhan avec 370
derviches dont le principal était Kèligra Sultan '. Après la
conquête de Brousse, Hadji Bektach nomma à son tour vicaire
Keligra Sultan auquel il donna un sabre de bois, un étendard,
un tapis de prière, un tambour et un fifre et qu'il envoya en
Europe avec 70 derviches pour s'y adonner à de pieux tra-
vaux.
Keligra Sultan arriva à l'endroit qui « a porté depuis son
nom », traversa la mer sur son tapis et, débarqué, en un jour,
en Crimée, se rendit auprès des Hechdeks ^ de Russie, de là
chez les Lipqas ' de Pologne. Il pénètre à la faveur d'un dégui-
sement à Dansqa (Dantzig), gagne la confiance d'un moine
chrétien nommé Sari Saltiq, ou Saint-Nicolas, le tue, cache son
cadavre, se fait passer pour lui et opère ainsi un grand nombre
de conversions à l'Islam.
Il se rend ensuite à Pravadi (Provadia) où il se rencontre
avec le roi de la Dobroudja, dont les deux filles devaient être
dévorées le lendemain par un monstre qui désolait la rive
de la Mer Noire. On avait déjà, dans l'attente du dragon.
et prétend être de sa descendance. Il ne faisait qu'imiter d'autres personnes ,
à cet égard. Ci. Journal Asiatique, oct. 1826, p. 208; Smirnov, op. cit.,
p. 173. — Hammer transcrit : Yassùi.
1. Kaliakra ou Kalliakra ou Tcheligra qui n'est autre chose que le cap
Saint- Nicolas des Bulgares. Les textes turcs donnent K-l-gra, que Hammer
lit Kilgra. Les cartes du xviiie siècle portent Kelogra-Bouroun, ce qui avec
avec la forme Tcheligra, nous porte à préférer la leçon Keligra.
2. H-s-d-k ; est employé par Evl. Tchelebi pour désigner les Musulmans
(les Tatars) de Russie. Dans un passage (I, 75) le mot est même étendu
aux musulmans de la Perse, de Balkh, Boukhara, Khorasan et Moscovie.
Le contexte permet de discerner qu'il s'agit de gens de la race turque. Le
même nom figure, sous la forme As-t-k, dans une lettre d'un khan de Cri-
mée, dans le recueil de Véliaminof-Jernof (page 750), avec l'acception de
Musulmans de Russie.
3. Nom des musulmans de Pologne. Muchlinski leur a consacré deux
études en russe (Saint-Pétersbourg, 1857) et en polonais. Le même nom
s'appliquait aux Tatars du nord de la Moldavie (v. Bûsching, édit. fr. III,
518 ; V Allas de Potogne, de Rizzi Zannoni de 1772, feuille XXIII).
O y. DENY
attaché les deux victimes à un poteau au milieu de la plaine
delà Dobroudja. Le roi jure de devenir musulman si Sari Saltiq
délivre ses filles. Le derviche accompagné de ses 70 compagnons,
se rend à l'endroit désigné. Au plus fort de la chaleur apparaît le
monstre. Lutte mouvementée dont les traces subsistent encore
dans le roc, sous la forme d'empreintes de mains et de pieds.
Le sabre de bois finit par abattre les sept têtes du monstre.
Pendant que Sari Saltiq ramène les deux princesses à leur
père, le papas (prêtre chrétien) qui lui avait servi de guide, coupe
sournoisement les oreilles et la langue du dragon et, prenant les
devants, vient réclamer au roi le prix de la victoire. Pour tran-
cher le différend, on s'en remet, sur la demande de Sari Saltiq,
à une sorte de jugement de Dieu en jetant les deux compéti-
teurs dans un chaudron d'eau bouillante à l'endroit dit Qazan
balqani (le Balkan, c'est-cà-dire la montagne du chaudron).
A ce moment critique Hadji Bektach Veli qui se trouvait
àQir Chehir, en Anatolie, invoque Dieu en faveur de « Saltiq
Mehemet », tout en passant son essuie-main (destmal) sur un
rocher. Aussitôt une eau salée de jaillir, et c'est là l'origine de
la source saline dite de Hadji Bektach (Hadji Bektach Touzou)',
On ouvre les chaudrons. Sari Saltiq en est quitte pour une
forte sudation, tandis qu'il ne reste que des os du papas
imposteur.
Là-dessus, le roi de la Dobroudja se convertit à l'Lslam avec
ses sujets. Il se soumet au sultan Orkhan dont il reçoit le
nom d'Ali Moukhtar avec l'investiture (étendard et queue de
cheval). Un qadi lui est envoyé.
Cette même année. Sari Saltiq prédit que sept rois vien-
draient se disputer à main armée son cadavre, et recommande
pour éviter la discorde, de préparer sept cercueils. Ainsi fut
fait. Apres sa mort, le corps de Sari Saltiq fut placé dans l'un
d'eux. Les princes ne tardèrent pas à venir. Chacun ouvrit
un cercueil et y trouva les restes de Sari Saltiq et chacun se
I. Voir V. Ciiinct. La Turquie cFAsit', I, 342.
SARI SALTIQ 9
crut en possession des reliques authentiques. Ce fut d'abord
le roi de Mosqof (Russie); puis ceux de Leh (Pologne), de
Tcheh (Bohême) et d'Ichfet (Suède) qui enterrèrent chacun
son Sari-Saltiq, respectivement dans les villes de Dansqa
(Dantzig), de Pronitchè ' et de Bivantcha.
En pays ottoman trois autres princes en firent autant : le
roi d'Édirnè (Andrinople) inhuma un cercueil à Batouria,
aujourd'hui Baba Eski; Yervan, roi de Bogdan (Moldavie)
déposa le sien dans un ancien couvent, près du fort de
Bogova% « aujourd'hui Babadaghi », et ce tombeau fut plus tard
restauré par Bayezid IL C'est celui dont nous avons déjà parlé.
Le septième et dernier exemplaire du cadavre fut enterré
par Ali Moukhtar, le prince de la Dobroudja qui avait envoyé
Sari Saltiq combattre le dragon. Ce tombeau est au cap
Keligra'.
Sari Saltiq, ajoute Evliya Tchelebi, durant 21 ans, déguisé
en moine chrétien, a prêché la foi musulmane. « Il s'appelait
Baba Sultan, Sari Saltiq Sultan, Keligra Sultan. Les chrétiens qui
l'honorent beaucoup... l'appellent Svet-Nikola(saintNicolas).
A un autre endroit de son voyage (I, 659), il affirme
l'identité de Sari Saltiq avec Mehemet Boukhari 4, l'un des
saints les plus vénérés de l'Anatolie. L'assurance de notre
auteur ne se trouve en rien diminuée du fait qu'il avait
visité aux environs de Brousse, le véritable tombeau de Mehe-
met Boukhari (II, 47).
On trouve d'autre part, dans le livre de feu M. A. Degrand,
Souvenirs de la Haute-Albanie >, une autre version, quelque
peu différente de la même légende, brièvement résumée d'après
un Vilayetnamè « ouvrage sur parchemin d'un auteur inconnu,
1. Hammer lit Pezzunijah et Brun y voit le nom de Pilsen (?)
2. Chez Hammer : Bozak (Travels... I, partie II, p. 72).
3. « Ce qui signifie en latin, le dragon à sept têtes », dit Evliya Tchelebi.
4. Chez Hammer : Boukhara. Il est plus connu sous le nom d'Emir-
Sultan. Voir à son sujet Evl. Tchel., II, 48.
5. Paris, Welter, 1901. — Voir les pp. 228 à 248 de ce livre intéressant.
lO J. DEKY
très ancien et rare : Kaza ' kitab vilayet name [-i-] shérift
Hunkiar Hadji Begtasch veli kades Sirréhoulaziz, livre qui se
trouve à Tirana et contient la vie et les miracles de Hadji
Begtasch ». « Sari Saldiq » y figure comme berger de Bektach.
Cette version a également pour centre Keligra ^
Enfin, Degrand nous donne, (p. 236-240) avec plus de
développement l'épisode du dragon tel qu'il l'a recueilli à Croïa,
où l'on montre également un tombeau de Sari Saltiq, ainsi
que les traces palpables de la lutte avec le monstre. Cette ver-
sion est plus complète que celle d'Evliya Tchelebi dont l'affa-
bulation est assez confuse. Quant aux divergences qu'on y
constate, elles semblent pouvoir s'expliquer par le désir
d'adapter aux particularités locales de Croïa l'histoire de Sari
Saltiq.
Analysons rapidement les traits les plus saillants de cette
légende.
Notons de suite que le thème de la lutte victorieuse contre
le danger est loin d'être spécial à l'histoire de Sari Saltiq. Les
moines bektachis en s'appropriant ce personnage lui ont attri-
bué un exploit familier à leurs légendes. D'autres derviches
héroïques ont abattu les sept têtes avec leur sabre de bois et ont
reproduit le miracle de la source.
Il existe, d'autre part, une fable d'origine populaire dans
laquelle un certain Atoglou ou Atolou ' (le fils du cheval)
sauve une princesse en tuant un dragon à sept têtes ; la source
1 . Lire Haza. — La Bibliothèque Nationale possède également un « Vilâyet-
namè-i-Hadji Bektach Veli » ms. Ancien fonds turc 156, mais il ne contient
rien au sujet de Sari Saltiq. — D'après M. Jacob, Beiirâge. . ., p. i note,
l'ouvrage signalé par M. Degrand serait le même que celui que possède, en
manuscrit également, M. Brown (d. Joiinuil of the Royal Asiatk Society,
1907, p. 561).
2. M. Degrand lit Kelfra. La confusion entre f<^\.g est due à la similitude
des caractères arabes figurant ces deux sons.
3. Ce conte a été traduit par M. Ignaz Kùuos. Der PfenJesohn. Elu ti'ir-
kischcs Volksmàrchen. Deux articles dans la Uiigarische Revue de Budapest,
1888 et 1889. — Un autre article du même auteur « Eine tùrkische Sicgfried-
sage » ihid., 1887) rapproche (( Atoglu » de « Ferdinand der Schmied ».
SARI SALTIQ II
y figure. Enfin, le saint Georges de l'Orient, Khizir, a été
légué également aux Turcs par la légende arabe '.
L'épisode du dragon n'off"re donc point d'intérêt pour
nous.
Notre légende contient, par contre, d'autres éléments plus
caractéristiques. Ce sont notamment les voyages de Sari Saltiq
et sa prédication.
Nous le voyons arriver du Turkestan et prendre part, sous
la forme de Mehemet Boukhari, à la prise de Brousse par
les Ottomans, après quoi il passe en Europe (en Dobroudja)
et gagne la Crimée pour, de là, aller prêcher en Russie et en
Pologne.
Notons que la première partie de ce voyage (parcours asia-
tique) se confond avec la marche des Ottomans sur Brousse
et ne pourrait, par conséquent, prendre date qu'à l'année 1326
de notre ère, tandis que la seconde partie (parcours européen),
se confondant avec la migration des Seldjouqs en Dobroudja
(en 1263), se trouve être de beaucoup antérieure.
Sans se soucier de la chronologie, on a voulu mettre au
compte de Sari Saltiq les actes de Mehemet Boukhari avec
lequel on l'a confondu, intentionnellement, afin de faire de leurs
épopées réunies comme la figuration d'une seule chose : la
marche triomphale de l'Islam turc, une sorte de « Gesta Dei
per Turcas ». C'est pour cela que l'itinéraire de Sari-Saltiq
s'étend et s'allonge par les deux bouts. D'une part, on le rat-
tache par delà Mehemet Boukhari, au cheikh du Turkestan, à
Khodja Ahmed Yesevi, « le patron des Turcs ». On remonte
ainsi au berceau de la race. D'autre part, on lui fait dépasser
la Dobroudja et il porte la parole islamique et turque dans
tous les endroits de l'Europe où il y a des Turco-Tatars ou,
comme dit la légende, des « musulmans ». Sari-Saltiq, pré-
senté ainsi, personnifie l'expansion de son peuple.
I. Voir sur l'extension de ce mythe les articles de M. Clermont-Gan-
neau : Horus et saint George. Acad. des Inscript, et Belles-lettres. Comptes
rendus des séances de l'année 1880.
12 J. DENY
Il existait, d'ailleurs, une survivance curieuse du souvenir
laissé par lui, à ce titre : Evliya Tchelebi, dont le dire se
trouve, sur ce point, contrôlé par d'autres textes ', nous
apprend que ce héros national était le patron de la corpora-
tion des bozadjis de Constantinople, pour la plupart des
Tatars. Comme l'indique leur nom, ces gens vendaient la
boza ^, leur boisson nationale, une boisson fermentée faite
avec du millet.
Disons enfin quelques mots des autres particularités de la
légende de Sari Saltiq, particularités qui, relevant du domaine
du merveilleux, ne paraissent pas, de prime abord, se ratta-
cher à une réalité historique.
C'est d'abord le fait que Sari Saltiq se substitue à un
moine chrétien.
Ce détail de la légende ne doit pas être étranger aux assez
nombreuses identifications de Sari Saltiq avec des saints
chrétiens, notamment avec saint Nicolas ', avec saint Naoum
(enterré près du lac d'Okhrida) et avec saint Spiridion, dont
les reliques jouissent d'une si grande vénération à Corfou ^.
En énumérant les tombeaux de Sari Saltiq, Evliya Tchelebi
les place, d'ailleurs, dans d'anciens couvents chrétiens K
Un autre trait, également bizarre, de notre légende, la
1. Voir le « Futuvvet-nâmè », ms. de la Bibliothèque Nationale. Supplé-
ment turc 9, fol. 137. Sari Saltiq y est désigné comme : « bozadjilar piri ».
Evliya Tchelebi proteste contre une insinuation aussi irrévérencieuse et
préfère confier ce rôle à Salsal.
2. Voir ce que dit de la « boza » ou « houza » Ibn Batouta II, 567.
5. Saint Nicolas, alias Keligra, alias Sari Saltiq. Cette identification pour-
rait être due simplement à ce fait que le cap Keligra s'appelle en Bulgarie
cap de Saint-Nicolas. Il y avait un tèkyè de bel<tachis où séjourna Evliya
Tchelebi. Ce sont peut-être ces derviches qui lui ont fait adopter cette
identification.
4. Dictionnaire de noms propres de Sâmi-Bey (en turc), au mot de Sari-
Saltiq.
5. S'il fallait prendre ce détail au pied de le lettre, il constituerait une
grave objection contre l'identification de Sari Saltiq avec le personnage dont
le tombeau aurait été restauré à Babadaghi par Bayezid II. Il ne s'agirait
que d'une nouvelle adoption par l'Islam d'un saint chrétien.
SARI SALTIQ I3
quasi-ubiquité de Sari-Saltiq se présente, semble-t-il, comme
un simple corollaire des identifications multiples dont il
vient d'être parlé. Acceptant de confiance les difî'érents tom-
beaux, au nombre de sept et même de quarante, de Sari Saltiq,
la légende a fini par en donner une explication anticipée :
Sari Saltiq prend lui-même les devants en se commandant
un grand nombre de cercueils.
Notons aussi qu'aucun de ces derniers ne figure en Asie. Ils
sont tous en Europe.
Une tendance nouvelle se laisse ainsi discerner à travers
les bizarreries de l'affabulation, celle d'attacher Sari Saltiq au
sol de l'Europe. D'où une sorte de dédoublement : à côté du
personnage que nous avons vu plus haut, — et qui semble
prendre dans la légende une si vaste part à la représentation de
l'Islam turc, — se dessine un Sari Saltiq à compétence terri-
toriale plus étroite, si l'on peut dire. Installé en Europe, il
devient plus qu'à moitié chrétien, comme la terre qui Ta
adopté. Le voilà bien loin de son rôle premier de prédicateur
musulman. Il appartient simultanément aux deux panthéons,
celui des saints musulmans, et celui des saints chrétiens,
comme nous l'indique, entre autres, un passage d'Evliya
Tchelebi (V, i88) qui prête ces lamentations à des chrétiens en
détresse : « Jésus, Marie, saint Nicolas, Sari Saltiq, Auguste... »
Ailleurs,, notre voyageur, qui a lui-même raconté que Sari
Saltiq était un moine chrétien, soit scrupule, soit oubli, pro-
teste contre une semblable insinuation à cause du discrédit
qu'elle peut jeter sur le vénérable saint (III, 366).
Cette christianisation de notre personnage est-elle due aux
Bektachis ? N'oublions pas, en eft'et, que ceux-ci le considèrent
comme l'un des leurs, que presque tous ses tombeaux sont
dans un « tèkyè » de leur ordre, et qu'il n'y aurait là qu'une
manifestation nouvelle des tendances qu'ils ont toujours
marquées pour le « krypto-christianisme islamique », comme
dit M. Georg Jacob '.
I. Dans sou étude : « Die Bektaschijjc in ihrem Vcrhaltniszu verwandten
Erscheiuungen » Abb. der ... bay. ak. der IViss., t. XXIV. Munich 1909.
14 J. DEXY
Ce nouvel et dernier avatar de Sari Saltiq sort-il de l'officine
des Bektachis, alambiqué par quelque derviche cauteleux ou
superstitieux, ou bien a-t-il été forgé de toutes pièces au foyer
de la légende populaire, au feu où vient s'alimenter une ima-
gination naïve, avec ce besoin incurable de merveilleux et
de paganisme, qui est commun aux âmes chrétiennes et
musulmanes ? Il ne serait peut-être point facile de répondre à
cette question.
Il faudrait avoir plus de données sur la vie de Sari Saltiq.
Malheureusement les ouvrages auxquels renvoie, pour plus
de détails, Evliya Tchelebi ont dû se perdre.
Notre voyageur (III, 366) cite un petit écrit auquel il
semble donner le titre de « Menâqib », ou « actions remar-
quables », dû à la plume de Mehemet Yazidji-Oghlou de Gal-
lipoli, l'auteur bien connu de la « Mohammediyè » mort en
854 (1449-1450).
Il affirme également avoir lu un ouvrage dit « Saltiq-namè »
qui serait une compilation faite par Ken'an Pacha ' du temps
où il avait été vali de Silistrie et d'Ozou (= Otchakov) ^,
compilation d'après l'ouvrage précédent et d'autres écrits tels
que « Futouhat-i-Tokhtamich » (?)
Ajoutons qu'on aura sans doute plus de détails sur Sari
Saltiq le jour où aura paru l'Oghouznamé retrouvé dans les
archives du Sérail ' et dont le texte, publié par Lagus, ne doit
être qu'un extrait résumé.
L'étude que nous venons de faire est forcément sommaire
et incomplète. Elle se proposait d'ailleurs uniquement de réu-
nir le peu de renseignements qu'on a sur Sari Saltik "^ et
1. Autrement dit Qpdja Ken'an Pacha marié à 'Atikè Sultane, fille
d'Ahmed Ie''(voir Mehemet Sùreyya. Sidjill-i-Osmani, p. 85). Il ne faut pas
le confondre avec un autre Ken'an Pacha, marié à 'Atikè Sultane, fille
d'Ibrahim l" (ihid.).
2. En 1046 (= 1635-1656). Cf. Evl. Tch. V, 106.
3. Voir Martin Hartmann. Unpolitische brieje ans dcr Tiirkei, p. 37.
4. Citons aussi une prière bizarre où Evliya Tchelebi invoque Sari Saltiq,
prière qu'il prétend avoir faite en présence du sultan Mourad IV et pour
SARI SALTIQ. I5
d'attirer lattention du lecteur sur ce personnage, d'apparence
falote, mais qui a dû jouer un rôle important à son heure.
J. Deny.
favoriser ses exploits, pendant que cet athlète amateur luttait à bras-le-corps
avec des personnages de sa suite (I, 254).
UNE LETTRE D'ANTOINE ARLIER
A LOUIS GRILLE
Cette lettre, écrite par Arlier au moment du passage du roi
en Provence en 1537, est adressée à un personnage qui,
malgré le fait que son nom soit tombé dans l'oubli, jouait un
rôle assez important dans son pays au xvi'^ siècle. Ainsi qu'on
le voit par les renseignements qui suivent, sa famille était
une des plus puissantes de la ville d'Arles.
Louis Grille était petit-fils de Jacques Grille qui vint de
Gênes s'établir à Arles vers le milieu du xv^ siècle. Jacques
testa d'abord en 1453, encore en 1460, et enfin en 1464
(^Cabinet de d'Ho:{ier, 174, Bihl. nat.). Dans un document du
13 mai 1454, il y a mention de Jacques Grille, damoiseau
d'Arles (GarJ, arch. civ., série E 358). Sa femme, Catherine
Bouic, qu'il avait épousée le 27 novembre 1449, testa en 1453,
1455, 1459 et enfin en 1469, la date sans doute de sa mort
((2ah. de d'Ho^., 174). Le fils de Jacques, Simon Grille, fut syn-
dic de la ville d'Arles en 1475, 1481 et 1501, Il épousa
Jeanne Vento ou de Vente le 29 décembre 1472 (Nobiliaire
delà Ville d'Arles, par Laurent Bonnemant, 1775. Ms. de la
Bibl. d'Arles). Ce contrat de mariage sous seing privé fut
rédigé en forme publique, le 17 août 1479, par Guillaume
Raymundi, notaire royal d'Arles. D'après ce contrat, Jeanne
était fille nohili viri PercevaUi Venio qiwndam mercatoris ciiiitatis
Massiliae et de noble Milbefa, veuve de Perceval, lors de la
rédaction de cet acte en présence de plusieurs citoyens de la
ville d'Aix (ibid.). Simon assista au contrat de mariage de
Marie, sa sœur, à Arles, le 2 avril 1472, et lui constitua en
dot 1675 florins. Il fut également présent à celui d'Orientine,
Mélanges. II. 2
l8 JOHN GERIG
son autre sœur, le même jour ÇChérin, 199, Bibl. nat.'). Il fut
un des consuls nobles de la ville d'Arles pour l'année 1475
{Registre Creator, Arch. de l'Hôtel de Fille d'Arles). Il fut encore
consul en 1489 et en 1501. {Annales de la Ville d'Arles, par
L. Bonnemant, Bibl. d'Arles). Il mourut au mois de mai 15 10,
sans avoir fait de testament {Chérin 199). Le 9 avril 15 13, sa
veuve, Jeanne de Vente, donna tous ses biens à son fils aîné
Pierre {Cab. de d'Ho:^., 174). Dans une transaction passée par
la veuve de Simon, tant en son nom qu'en celui de Louis et
Vincent Grille, ses enfants, avec Pierre, son autre fils, le 18
septembre 15 17, il est dit que Simon laissa de son mariage
avec Janotte six enfants relictis et superstitibus sibi Petro, Domino
Lîidovico jiirium doctore, Johanne-Bapisttâ canonico Arelatensi,
Stephano vionacho Montisniajoris, Barnabâ canonico Nemausensi,
Vincentio et Magdalenâ, moniali monasterii Sancti Cesarii {Nobi-
liaire d'Arles, I, f° 4 ; Chérin, 199). Dans le préambule de
cette transaction il est dit que Pierre, après la mort de son
père, a pris l'administration de ses biens et les a gérés à sa
volonté jusqu'cà ce jour ; qu'à cette occasion il s'était élevé un
différend entre les enfants puînés et Pierre, ceux-là prétendant
qu'il restait leur débiteur pour une grande somme d'argent.
Par cette transaction la veuve de Simon, comme donataire
des biens de Jean-Baptiste, Barnabe et Madeleine, et les deux
autres enfants majeurs, Louis et Vincent, convinrent avec
Pierre qu'il aurait encore durant cinq ans l'administration des
biens de Théritage sans les diviser, à condition de payer toutes
les dettes et pensions de la succession. Pierre s'engagea aussi à
nourrir et à entretenir sa mère avec une servante {ibid.). Trois
mois plus tard, le 22 décembre 15 17, 7îobilis Janota Vento, Vin-
cent et Louis Grille se portèrent garants de la dot constituée
par noble Paul Grille, de Gènes, à Orientine sa fille {ibid.).
Enfin le i" janvier 15 18, Pierre, Louis et Vincent Grille par-
tagèrent les biens de leur père avec leur mère Jeanne de Vente,
qui mourut le 7 octobre 1540 (//^/V/.).
Quant à Pierre, fils aîné de Simon, nous trouvons d'abord
LETTRE D ANTOINE ARLIER A LOUIS GRILLE T9
que le 7 septembre 15 11 il fit donner par son frère Barnabe,
au chapitre de Saint-Augustin, une chape, une tasse d'argent et
dix florins, parce qu'on venait de donner l'habit de cet ordre
à son frère (Menard, Hist. de Nîtnes, 1874, t. V, p. 77). L'an-
née suivante, le 25 avril, Pierre est élu capitaine d'Arles {An-
nales de la ville d'Arles, loc. cit.) Parmi les autres charges qu'il
occupa se trouvent celles d'estimateur de la ville en 1522, de
consul en 153 1, et de capitaine de la Tour en 1535 (Cab.
de d'Ho^., 174). Le 8 avril 15 13, Pierre Grille épousa Petrani
de Cavallione, fille de feu Gilles de Cavallione, habitant d'Arles
(Chérin 199). D'après les registres du notaire Camaret, le
5 septembre 1531, noble Pierre de Grille « recognoist maison
à la paroisse Ste Anne, rue de la Calade, servant aux béné-
ficiatures de St Jehan » ÇCab. de d'Ho:^., 174). Le 20
décembre 1535, lui et les consuls de la ville se consultent au
sujet de la nouvelle charge de lieutenant de Sénéchal à laquelle
Antoine ArlierdeNîmesvenait d'être nommé {Annales de laville
d'Arles, loc. cit.). Dans les preuves testimoniales d'Honoré de
Grille pour l'ordre de Malte en 1540, on fait mention de noble
Pierre de Grille son père (Chérin, 199). Il y a une quittance faite
par lui le 3 novembre 1547 {ihid.). Puis le 30 août 1554, Guil-
lemette de Rispe, abbesse de Saint-Sauveur, fait une quittance
de 300 livres, valant 500 florins petits, à noble Pierre, écuyer,
comme tuteur des hoirs de noble Louis de Cavaillon, repré-
senté par Barnabe Grilhe, chanoine de la cathédrale de Nîmes,
recteur de l'église Saint-Etienne du Chemin {Archives départ,
du Gard, série E 737). Pierre de Grille fit son testament au
monastère de Saint-Césaire, dans la chambre de l'abbesse, le
II août 1558. Dans son testament, il fait un legs à son fils
Valentin et nomme Gabriel et Nicolas légataires universels
{ibid.). Sa veuve fit son testament à Tarascon le 14 octobre
1559. L'année suivante, le 30 septembre, elle fit un codicille
où elle substitua Nicolas à Valentin comme héritier universel,
et à celui-ci Anne et Marguerite, ses filles {Cah. de d'Ho:^.).
Enfin feu noble Pierre de Grille et sa femme Pierre de Cava-
20 . JOHN GERIG
Ihon sont rappelés dans une sentence rendue le 13 février
1572 en faveur de Valentin leur ûhÇibid.y Par les documents
que nous avons cités, on trouve que Pierre de Grille eut huit
enfants : Valentin_, son fils aîné, Gabriel et Nicolas, conseiller
à la Cour des Aides de Montpellier, mentionnés dans le docu-
ment du II août '15 58; Honoré, mentionné dans les preuves
testimoniales de 1540; Anne, femme de Jean Motel ; Jeanne,
religieuse de Saint-Césaire ; Madeleine et enfin Marguerite,
femme de Nicolas Romyeu, receveur pour le roi au ressort
d'Arles. Dans un document du 25 mars 1549, Nicolas Grille,
docteur en droit, fils de Pierre, est appelé juge ordinaire de
Saint-Gilles (^/t/j/z^. du Gard, E 923). Il fut pourvu de l'office
de conseiller du ,roi et général en la Cour des Aides de
Montpellier le 19 février 1566, en remplacement de son oncle
Louis (^Carrés de d'Ho^. t. 3 î^; Pièces originales 1409, Bibl. nat.')
Le 13 août 1574, Nicolas épousa en secondes noces Phélize de
Quiqueran d'Arles, fille de feu noble Ardoin de Quiqueran,
seigneur de Ventabreu, et de Jeanne Deiguières, fille du notaire
Jean Deiguières (^Carrés ded'Ho^., loc.cit.).
Il avait déjà épousé en premières noces Christofle de Bour-
din, dont il eut un fils Antoine de Grille, qui fut à son tour
conseillera la Cour des Aides. Le 23 janvier 1593, Antoine
épousa Isabeau de Bourcier de Pontault, seigneuresse de
Barre, Cabanes et autres lieux. La mère d'Izabeau était Cathe-
rine de Sarras, fille de Jacques de Sarras, dont nous aurons à
parler ailleurs (ibid.)\
Quant à Louis de Grille, second fils de Simon, auquel
Arlier a adressé sa lettre, ce fut le membre le plus illustre de
cette famille importante. Il était déjà en 15 13 docteur en droit
et jouissait de la charge d'assesseur de la ville d'Arles élu le
8 avril (^Annales de la ville d'Arles, loc. cit.y Plus tard il était
reconnu comme un des conseillers les plus savants de la Cour
des Aides de Montpellier. On l'estimait surtout à Arles, on ne
I. Pour Valentin Grille, (ils aîné de Pierre, voir plus loin.
LETTRE D ANTOINE ARLIER A LOUIS GRILLE 21
s'étonne donc pas de trouver dans les actes consulaires du
!"■ janvier 15 14 que « le présent conseilh ha ordonné que nul
n'aye office, qui ne soit conseilhier de l'année et aye demouré
ung an revoUu conseilhier, excepté à l'office de Monsieur
l'Assesseur Grille » (ibid.). D'après les registres du notaire
Pierre Barberi de la même année (le 4 avril), Johamieta Vento
dût... Petro Grille, filio suo, ut matrimonio possit secollocare, ter-
tiam partem bonorum quorum, ciim pacto quod si decedat sine libe-
ris, donatio deveniat ad Ludovicum et Vincenthim, duosfilios suos
(Nobiliaire de la ville d'Arles, loc. cit.). Le 13 janvier 15 15,
selon les registres du même notaire Johannis de Camareto,
nobilis et potens vir Phil. Ayniiui, capitaneus castri et portaliti Tha-
rasconis constitiiit sunin procnratorem nohilem Lud. Grilhe, sororiiim
suum (ibid.). On trouve dans les registres du même notaire de
cette année-là (le 21 avril) que nobilis Lud. Grille, jiiriiim doc-
tor, désemparât Ambrosio Grille, habitatori Montismajoris, omnia
bona que dictus suus patruus ipsi Lud. dederat donatione intervivos
(ibid.). Le 7 janvier 15 16, Jeanne de Vente et Louys Grille,
au nom de Pierre et Vincent Grille, dant terram in piano Burgi
nobili Christoph. Boche pro dote Orientine Grille ejusuxorisQbid.).
Les registres du notaire Pierre Bruni, du 26 mai 15 17, con-
tiennent la mention que Jeanne de Vente, « donataire des
biens de feu noble Jean-Baptiste Grille (mort le 10 mai 15 14),
en son vivant chanoine de l'église d'Arles, d'Estienne Grille,
religieux de Montmajour, de Barnabe Grille, chanoine de
Nîmes, et de Magdelaine Grille, religieuse à Saint-Césaire,
ses enfants, se souvenant qu'elle a fait donation du tiers de
ses biens à noble Pierre Grille, son fils, par acte du 29 avril
15 13, en donne par semblable donation un autre tiers à Lou^^s
Grille, docteur endroit, son très cher fils » (ibid.). Le 18 sep-
tembre 15 17, il y avait une transaction entre Jeanne, Louis
et Vincent, d'une part, et Pierre, de l'autre Qbid. ; cf. Simon
Grille). L'année suivante (15 18), Louis fut nommé conseiller
et général en la Cour des Aides de Montpellier (Aigrefeuille,
Hisl. de Montpellier, 1879, II, pp. 409-10; ms. du sieur de
22 JOHN GERIG
Rignac). Les registres du notaire Jean Daugières de cette
année nous font savoir qu'au i" janvier les biens de Simon
Grille furent partagés entre Pierre, Louis et Vincent, ses fils,
et qu'ils avaient une sœur Margarite qui mourut le 2 sep-
tembre 1506 {Nobiliaire de la ville d'Arles, loc. cit.^. Par ce
partage, Louis eut totum afarede Caparron, un jardin situé dans
la ville d'Arles, etc. (Chérin, 199). Louis Grille est un des
juges du procès entre Raulin Séguier et Guillaume Boyssonis,
le 23 janvier 1521 {Arch. de la Cour des Aides, 15 17-1523; cf.
Notes sur Raulin Séguier etc., par J. Gerig, Les A finales du
Midi, XXI, 1909). Son nom paraît encore parmi les juges de
Gourdes Aides, le 2 août 1527 (Arch. de la Cour des Aides^.
Dans un curieux document rédigé le 24 septembre 1528 «en
la cité de Rodez et maison, sive hostellarie vulgairement appe-
lée, où pend par anseigne Vale, et à la chambre dit le soleil »,
on trouve les faits suivants : « C'est la fourme de procéder et
table sur le faict de la ville, ressarche et reveue generalle,
estimation et avaluation de tous et chascuns les biens immeubles
et meubles, lucratifs, bestail et aultres subjectz à contribuer
aux tailhes et deniers royaulx de la conté de Rodez, quatre
chastellanies et leurs ressortz, faicte, arrestée et accourdée par
nous, Loys Grille, général et conseiller du Roy nostre sire en
sa court des généraulx de la justice des aides séant à Mont-
pellier » (^Arch. départ., Gard, E 767). Les registres du notaire
Jehan Daugières (f° 99) contiennent une mention d'une tran-
saction qui eut lieu le 16 septembre 1530 entre noble Loys
Grille, général des Aides, etc., et noble Vincent Grille d'Arles
(jCab. de d'Ho^., 174). Dans un arrêt de la Cour des Aides,
prononcé le 16 octobre 1531, entre « les sindicz, manans et
habitans du lieu de Sainct-Felix au diocèse de Lodeue sup-
plians et demandans d'une part, et les sindicz, manans et
habitans du lieu de Jonquieres aud. diocèse suppliez et défen-
deurs d'autres », on trouve que l'arrêt fut d'abord prononcé
le 29 août et que le procès d'exécution de cet arrêt fut foit par
« maistre Loys Grille, conseiller du roy et général en lad.
LETTRE D ANTOINE ARLIER A LOUIS GRILLE 23
court, commissaire sur ce depputé » ÇArch. de la Gourdes
Aides). Da.ns l'assiette tenue le 4 décembre 1 5 3 3 à Pont-Saint-
Esprit par Jehan de Montcalm, seigneur de Saint-Véran, et
Louis Grille, général de la justice des Aides, il fut procédé à la
répartition de 18.612 livres 6 sous 11 deniers, montant de la
quote-part de l'aide et de l'octroi, et de 2.937 livres 8 sous
pour les frais de ladite assiette ÇArch. civ., Gard, C 624, Paris,
1865). Le 5 septembre 1541, la Cour des Aides fait un arrêt
sur le rapport de Louis Grille ÇArcb. de la Goitr des Aides).
Ensuite, le 9 septembre 1548, dans la maison de Gabriel de
Laye, abbé de Valsainte, à Nîmes, et pardevant Louis Grille,
substitut de général au gouvernement de Languedoc, Jehan
Bertrand, fermier du grenier à sel de Nîmes, nomme Martin
Guiraud, chirurgien, garde du sel au port de Saint-Gilles {Arch.
civ., Gard, E 858, Notariat de Saint-Gilles), Nous avons la
quittance suivante signée de la main de Louis Grille et datée
du 4 juillet 1552 : « Je, Loys Grilhe, conseiller du Roy nre.
Sire et général en sa Court des Généraulx sur le faict des Aydes
à Montpellier, confesse avoir eu et receu comptant de
Me. Estienne du Moys, receueur des amendes et exploicts de
lad. Court et paieur des gaiges des officiers d'icelle, la somme
de soixante deux liures dix sols tourn., et ce pour le second
quartier de mes gaiges d'auril, may, juing derniers. De
laquelle somme de Ixii 1. x s. ts. en ay quicte et quicte led. du
Moys, receueur, et de tous autres. Tesmoing mon seing
manuel y mys le quatriezme jour de juillet, mil cinq cens
cinquante vng. L. Grilhe ÇPièces Originales 1409, Bibl. nat.).
Le 20 juin 1552, Nicolas Grille, « docteur en droicts et con-
seiller général en la Cour des Aides », procureur de Louis,
son oncle, se substitue un autre procureur (Nobiliaire de la ville
d'Arles, loc.cit.). Louis Grille mourut avant le 19 février 1567,
car son neveu Nicolas était pourvu de sa charge de conseiller
à la Cour des Aydes à cette date (Garrés de d'Ho^., 3 14) '.
I. Dans l'étude généalogique sur la famille de Grille, qui se trouve
dans la Noblesse de Provence, par Artefeuil, 1776, I, p. 524, Louis Grille
24 JOHN GERIG
Jean-Baptiste Grille, chanoine d'Arles, frère de Louis, est
nommé d'abord dans la transaction du i8 septembre 15 17.
Ensuite il s'engage dans un procès par-devant la Cour des
Aydes, le 4 mars 1527, contre Guiraud Guyraud, « collecteur
des tailles et deniers royaux » (Arch.de la Cour des Aides). Le
26 mai 1528, il avait les charges de chanoine de Nîmes et
prieur de Bellegarde (Arch. civ., Gard, E711). En 1539 il est
archidiaconus major Nemausensis (Menard, Hist. de Nîmes, IV,
p. 153), et le 16 août 1540, il est chanoine de Nîmes et archi-
diacre de Marguerittes (ihid., p. 175 et p. 165 ; p. 171, le 17
novembre 1540). Le 27 mars 1546 il achète une terre à Mar-
guerittes (Gard, E 766). Enfin, le 3 février 1548, il y a men-
tion d'un lods fait par Jean Grille, premier archidiacre, appelé
de Marguerittes et chanoine de la cathédrale de Nîmes, au
marchand Jacques Cussinel (Gard, E 732).
Estienne, frère aussi de Louis, était moine de Saint-Pierre
de Montmajour (Montismajoris') le iSseptembre 1 5 17, et sacris-
tain de ce couvent le i" janvier 15 18 (Chérin, 199)'.
Quant à Barnabe Grille, fils de Simon et frère de Louis, la
première mention que nous ayons de lui est à l'occasion de
son entrée chez les Augustins dans l'église de Nîmes, le 7 sep-
tembre 1511 (Menard, Hist. de Nîmes, V, p. 77). Ensuite, il
est mentionné plusieurs fois dans des documents de 1539-
1540 (Menard, Ibid. ,IY, p. 153, p. 163; le lé août 1540,
p. 175; le 18 novembre 1540, p. 171). Le 19 août 1540 eut
lieu la procuration de Barnabe, « chanoine de la cathédrale,
n'est pas mentionné. On se demande si Grillio, le personnage auquel Jean
de Boyssonné (Toulouse, ms. 834) et Jean de Pins (Nîmes, ms. 212-17 fF.
166 vo) adressent des lettres, n'est pas Louis Grille.
I. Son neveu, qui avait le même nom, était chanoine de la cathédrale de
Nîmes le 23 janvier 1582 (Arch. civ., Gard, E723), et comme syndic du
chapitre plus tard, il passa deux arrentements en 1596 — l'un le 11 mai
d'une maison sise dans la rue des Cardinaux, à Nîmes, et l'autre le 9 juin
d'une maison sise à La Rouvière (Ibid. E 561). Il avait aussi la charge
de recteur de Saint-Étienne du Chemin en avril 1595 (Ihid., E788). II est
mentionné pour la dernière fois le 24 mai 1597 (Ibid. E629).
LETTRE D ANTOINE ARLIER A LOUIS GRILLE 25
prieur claustrier, recteur de la Chapelle du St-Sépulchre de
ladite église » (Gard, E716). Le 16 novembre 1543, il y a
une reconnaissance féodale pour Barnabe, recteur de l'église de
Sainte-Eugénie (Gard, E 729). Il y a ensuite deux procurations
par lui, la première le 2 décembre 1540, et la seconde à
Jacques Jaubert, prêtre, le 15 janvier 1544 (Gard, E716 et
E 729). Dans une reconnaissance féodale pour lui, le 9 février
1547, il est intitulé chanoine et recteur de Saint-Etienne du
Chemin (Jbid., E 731). Enfin, il est nommé à l'office de tré-
sorier de la cathédrale de Nîmes en 1568 (Arch. ecclés., Gard,
G 889).
Vincent, le dernier des frères de Louis, eut par le partage
du I" janvier 15 18 une grange située dans Arles. Il épousa le
27juini53i noble Sibile de Bastoni (CaZ'. ^^ (i'iifo:^., 174). Par
le testament de noble Pierre de Bastoni fait à Arles le 30
décembre 1535, on apprend que son neveu Vincent Grille est
son légataire universel (Ibid.). Cristol de Grille, fils de Vin-
cent, épousa le 18 janvier 1564, à Arles, Anne de Meiran, fille
de noble Barthélemi de Meiran etde Madelènede Saint-Martin-
de-Champtercier, sa femme. Le notaire qui reçut ce contrat
fut Jean de Nicolay, docteur en droit, assesseur d'Arles, un
des amis d'Arlier, dont nous aurons à parler ailleurs (Jbid.^.
Cristol eut un fils Valentin, qui fut baptisé le 21 décembre
1567 et qui se maria le 14 octobre 1592 {Carrés d'Ho^.).
Feu Vincent est rappelé dans un échange du 20 août 1568
(Chérin, 199).
Parmi les autres membres de cette famille, Valentin de
Grille, seigneur d'Estoublon et de Roubiac, fils aîné de Pierre,
est digne de mention. D'abord, il est consul d'Arles en 1546
etviguier de la ville à partir de cette date jusqu'en léoi. Il fit
son testament en 1603. Le 7 juillet 1563 il épousa en premières
noces Madeleine de la Tour, fille de Pierre de la Tour (Nouveau
d'Ho:;^., 165); et en secondes noces, Catherine Rousse, veuve
de Barthélemi Meyran, le 17 décembre 1 581, en même temps
que son fils Jacques épousait Pierre de Meyran, fille de Bar-
thélemi et de Catherine (Cah. de d'Ho~. 174; Nouveau d'Ho^.
26 JOHN GERIG
165). Avant son premier mariage, Valentin était prieur de
Saint-Etienne de Corconne. Le 3 septembre 1550, il passa un
arrentement de son prieuré moyennant 190 livres de rente
(Gard, E 860). Le 21 décembre 1567, il est parrain du fils de
Cristol de Grille (^Carrés de d'Ho:{., 314). Il fut encore consul
d'Arles en 1576 (^Annales de la Ville d'Arles, loc. cit.^. Il est
mentionné encore en 1597 (Vaucluse, Arch. civ., B 917).
Anto. Arlerius Ludo. Grilho jurecons. S.' A die qua ad
fratriam * scripsi, febris diris cruciatibus pressus, spiritum
miserrime duxi, maximo perterritus pavore, ne membris sic
affectis, remoratus, magnum Francias Curionem ' adiré non
possem. At paulo nunc sedato dolore, constitui (et si non
plane restitutus viribus) me heroem ^ aditurum^ secumque in
Provinciam profecturum. Ubi, et apud quem, si opéra et stu-
dio nostris egeas, te hisce plane fructurum spera. Intérim, si
me amas, fac quaeso, ut quorsum commune negotium dedu-
xeris accipiam. Vale. Ex urbe Nemauso ad IIII Decemb,
John Gerig,
Columbia University
New York.
1. Antonii ArleriiNemausensisEpistolae aBartlolomaeoBlea Amanuensi,
e Chartis Neglectis Selectae, M. D. XXXIX. Bibl. Méjanes, Aix-en-Pro-
vence, ras. 761, lettre XLV. Pour Arlier, voir Picot, Rabelais à l'entrevue
d'Aigues-Mortes, Revue des Etudes rabelaisiennes, lll, 1905, pp. 5 3 3-3 38; Gerig,
Notes sur Raulin Sèguier, humaniste narbonnais du XV I^ siècle, et sur Antoine
Arlier de Nîmes, Les Annales du Midi, XXI, 1909, pp. 485-495.
2 . C'est la femme de Gabriel de Lave, beau-frère d'Arlier.
3 . Le maréchal de Montmorency, grand-maître de France. L'année sui-
vante, 1538, François le»" récompensa tous les services de Montmorency par
la dignité de Connétable de France. Gaillard, flist. de François I^'^, 1819,
m, p. 56.
4. C'est François I^^"". La trêve entre les Impériaux et les Français
devait durer trois mois. EUe se fît le 27 novembre 1537 à Carmagnol, où
était le roi, et à Ast, où était le marquis du Guast. Gaillard, op. cit., p. 48.
François 1er se trouva encore à Lyon le 6 décembre. Passant par Cavaillon
le 13 décembre et Avignon le lendemain, il arriva à Arles avant le 16
décembre. De là, il partit pour Montpellier où il fit son séjour du 21
décembre 15 37 jusqu'au 17 janvier 1538. Catalogue des Actes de François /",
III, 1889, pp. 417-454, nos. 9438-9600, etc.
LA CHRONOLOGIE
DES « PASTOURELLES » DE FROISSART
Les œuvres poétiques de Froissart, qui furent sans doute
moins goûtées que ses Chroniques, ne sont conservées que
dans deux manuscrits, les n°^ 830 et 831 du fonds français de
la Bibliothèque Nationale, à Paris, Nous les désignerons par A
et B. Le premier est daté de 1393 ; l'autre fut achevé, d'a-
près une notice manuscrite, « l'an de grasce 1394, le 12^ jour
de may ». Quoique plus récent, B ne dérive certainement
pas de A ; des différences dans le contenu et dans la succes-
sion des pièces en sont une preuve manifeste. D'un autre côté,
des erreurs et des lacunes communes nous obligent à admettre
pour les deux copies une même source d'où elles sont issues
plus ou moins directement. Dans ce cas, les lacunes assez con-
sidérables de B ' pourraient au moins en partie s'expliquer,
comme c'était déjà l'opinion d'Aug. Scheler, par une omis-
sion voulue dont les raisons, il est vrai, nous échappent. Les
lacunes bien moins importantes de A ~ sont ou fortuites ou,
peut-être, étaient-ce des pièces qui furent écrites, quand A
était déjà achevé '. Donc, quand on voit les différents poèmes
dans les deux manuscrits se succéder à peu près dans le
même ordre, on ne peut pas encore tirer de là la conclusion
que cette coïncidence soit l'effet d'un plan prémédité et bien
arrêté d'avance. Mais on arrivera peut-être par d'autres voies
à un résultat précis.
1. Six pastourelles et quatre dits manquent dans B (soit 2710 vers).
2. Manquent dans^-i : une pastourelle, deux ballades et quatre rondeaux
(soit 160 vers).
3. C'est sans doute le cas au moins pour les rondeaux : les quatre
pièces uniques de B sont les dernières du recueil des RondeUs amoureus.
28 E. HOEPFFNER
Dans la bonne édition des poésies de Froissait que nous
devons au zèle infatigable d'Auguste Scheler ', l'ordre des mss.
a été interverti. L'éditeur n'attachait pas d'importance à la suc-
cession des pièces qui lui « paraît être indépendante de la date
de la composition » ^. Et cependant quand il veut prouver que
la Plaidoirie de la Rose et de la Violette doit être l'ouvrage le
plus récent de Froissart, il s'appuie sur le fait que dans les
deux recueils ce poème occupe la dernière place. Il semble
donc attribuer, se contredisant soi-même, une certaine valeur
chronologique à la succession des différents poèmes dans nos
mss.
L'ordre des pièces dans A est le suivant : d'abord neuf
grands poèmes (dits), à savoir
1 . Le Paradys d'Amour
2. Le Temple d'Onnour
3 . La Loenge dou joli Mois de May (
4. Li Orloge amoureus
5 . La Fleur de la Margherite
6 . Le Dit dou bleu Chevalier
7 . Le Débat dou Cheval et dou
Lévrier ( — n° X)
8 . Le Trettié de l'Espinette amou-
reuse (
9 . La Prison amoureuse (
Ensuite, classées par genres, les poésies lyriques :
10. Lays amoureus (
1 1 . Pastourelles (
12. Chansons roiaus amoureuses (
1 3 . Ballades amoureuses (
14. Virelais amoureus (
1 5 . Rondelés amoureus (
Enfin encore trois dits :
16. Le joli Buisson de Jonece ( — n° VI)
1. Œuvres de Froissait, Poésies, p. p. A. Scheler, 3 vol., 1870-72.
2. L. c, I, p. XII.
(éd
Schelei
',n^
I)
(
—
n°
VII)
(
—
n"
VIII)
(
—
n"
II)
(
—
n°
IX)
(
—
n°
V)
n°
III)
n°
IV)
ques :
n°
XIII)
n°
XIV)
n°
XV)
n°
XVI)
n°
XVII)
n°
XVIII)
PASTOURELLES DE FROISSA RT 2^
17. Le Dit dou Florin (éd. Scheler, n° XI)
18. Plaidoirie de la Rose et de la
Violette ( — n° XII)
Dans B on trouve quelques changements peu importants :
les pièces 8 et 9 ont été interverties ; les poésies lyriques sont
séparées ; les Lays et les Pastourelles succèdent immédiate-
ment au n° 5 ; les Chansons roiaus sont placées entre 9 et 8, et
les Ballades, Virelais et Rondelés suivent le n° 8. De plus, les
pièces 4, 6, 7 et 17 y sont omises.
On reconnaît sans peine qu'en première ligne le groupe-
ment des œuvres de Froissart a été déterminé par la forme
qui, on le sait, devient l'élément le plus important dans la
production poétique du xiv^ et du xv* siècle. Les « dits »,
poèmes plus étendus et de composition plus libre, écrits — à
deux exceptions près — en couplets de deux vers octosylla-
biques, sont dans A, plus nettement encore que dans B, sépa-
rés des poésies lyriques, et celles-ci sont encore réunies
par genres, c'est-à-dire d'après leur forme. Mais ce principe
fondamental ' ne reparaît plus dans l'intérieur des différents
groupes ; les pièces dont ceux-ci se composent s'y succèdent,
en apparence, sans aucun ordre. On n'y trouve non plus au-
cun des autres principes de classification possibles et employés
ailleurs : ni l'ordre alphabétique (comme chez Jehan de Les-
curel), ni une distribution d'après « la matière », comme elle est
tentée, assez maladroitement d'ailleurs, dans le manuscrit unique
des Œuvres d'Eustache Deschamps. Il ne reste donc comme
dernière possibilité que la succession chronologique, si ce n'est
pas simplement le hasard qui a présidé à ces groupements.
Il va de soi que les poésies amoureuses, par leur nature
même, ne donnent aucune indication sur la date de leur
composition, c'est-à-dire que la grande majorité des poésies
lyriques ne nous sera d'aucun secours et peut tranquillement
être écartée. Seul, le groupe des pastourelles fait exception.
I. On le retrouve par ex. dans les manuscrits de Machaut et de Des-
champs.
30 E. HOEPFFNER
A l'époque de Froissart, ce genre, jadis si brillamment et
si richement représenté dans la poésie française, est sur son
déclin et près de sa fin '. Dans la forme, il a subi la loi géné-
rale qui régit l'évolution de la poésie lyrique aux xiv^ et
xv^ siècles : une réglementation sévère, succédant à la liberté
des temps précédents. Le nombre des strophes est désormais
fixé à cinq. Le refrain, facultatif autrefois, est obligatoire à
présent; réduit à un ou deux vers, il se répète régulièrement
à la fin de chaque strophe. Un envoi au « Prince»- termine
chacun des poèmes, comme dans le Chant ro3Ml. L'agence-
ment des vers, si libre à l'époque antérieure, est maintenant
indéfiniment le même, celui de la ballade et de la chanson
royale. L'ancienne variété de rythmes, plus riche dans la pas-
tourelle que partout ailleurs, fait place à une uniformité com-
plète, l'octosyllabe restant le seul vers usité et admis '. Cette
forme, si strictement réglée et que nous ne rencontrons pas
avant Froissart, n'est peut-être pas l'œuvre de notre poète
lui-même. Je suppose qu'elle a été créée et fixée dans les so-
ciétés poétiques des grandes villes du Nord, les « puys »,
dont l'influence sur l'évolution de la poésie française mériterait
d'être étudiée de près +. Nous savons par Baudet Herenc que
ce genre était cultivé dans ces « puys » ; les pastourelles, d'a-
près lui, « se font à Béthune en Artoys ^ », et l'exemple qu'il
en donne offre exactement la même forme que celles de
1. Les traités poétiques du xv^ siècle ne la mentionnent même plus
après le Doctrinal de la seconde rhétorique de Baudet Herenc (de 1432), qui
en a encore entendu lors de son séjour en Picardie au « puy » de Béthune
(Langlois, Recueil d'arts de seconde rhétorique, p. 177-178).
2. Trois fois, Princes est remplacé par Belles (6, 8, 14).
3 . D'après l'auteur anonyme des Régules de la seconde Rhétorique (§ 4), les
vers dans la pastourelle « ne sont que de 8 silabes ou masculin et de 9 ou
féminin » (Langlois, loc. cit., p. 21).
4. On peut rattacher cette transformation des genres lyriques au nom de
Guillaume de Machaut, comme le veut par ex. M. Pillet (Sludien ^ur Pas-
tourelle, Beitr. ^ur roman, u. ettgl. Philologie, 1902, p. 121), mais ce n'est
pas ce poète qui les a créés ; il n'a écrit lui-même aucune pastourelle.
5. Langlois, loc, cit., p. 177.
PASTOURELLES DE TROISSART 3I
Froissart. D'un autre côté, notre poète, dont les chansons
royales étaient couronnées à Valenciennes, à Abbeville, à
Lille, à Tournai, ne dédaignait pas de prendre part aux
concours poétiques des « puys » de son pays ; il devait, par
conséquent, connaître, pour s'y soumettre, la réglementation
poétique qui y était en vigueur.
C'est plutôt dans le contenu des pastourelles de Froissart
qu'on retrouve encore quelques traces de l'ancienne pastou-
relle française. Leur caractère est narratif et dramatique, et
non lyrique ; le poète lui-même se met en scène ; la forme est
dialoguée, et dans l'introduction elles donnent encore presque
sans exception la vague indication de temps, Vautrier ou
Vautre jour, formule d'introduction sacramentelle du genre, et
l'indication plus précise du lieu de l'action, le cadre de la scène
champêtre. Ce que M. Jeanroy dit des pastourelles plus
anciennes ' est encore vrai de celles de Froissart : « C'est
toujours à la campagne que l'action se déroule : c'est une loi
du genre ; les portraits et les scènes rustiques y abondent. » Il
est vrai que la donnée la plus répandue aux xii^et xiii^ siècles,
l'aventure amoureuse personnelle du poète avec quelque jeune
et jolie pastoure au coin du bois, le type « classique » du
genre, ne paraît pas une seule fois dans les poésies de Frois-
sart . Il n'a conservé de l'époque antérieure, en le développant
encore, que le genre « objectif y), c'est-à-dire la « description
de milieu », la pastourelle qui présente des tableaux de la vie
champêtre : jeux et danses rustiques, aventures sentimentales
de bergers, querelles et rivalités villageoises. Cette forme par-
ticulière de la pastourelle est sans doute née dans la région
picarde et artésienne et elle ne paraît avoir été cultivée que
là * . Froissart continue donc tout simplement une tradition
1 . Origines de la poésie lyrique en France, 2^ éd. , p. 18.
2. Jeanroy, loc. cit., p. 44; Pillet, loc. cit., p. 120. Les poètes du
xiiie siècle qui cultivent ce genre, Guillaume le Vinier, Guilebert de Ber-
neville, JeanErart, sont tous picards ou artésiens (voy. Bartsch, Romano^en
und Pastourelle n, III, nos 15, 16, 21, 22, 24, 27, 30).
32 E. HOEPFFNER
plus ancienne qui lui a peut-être également été transmise par
les puys ' . Nous retrouvons chez lui toutes les données de
ses prédécesseurs : la description de divertissements cham-
pêtres (Past. V, VII, voy. G. le Vinier III, 30, J. Erart III,
21-22, Anonymes II, 30, 41, 58,77, dans le recueil de Bartsch),
la distribution d'un prix de beauté (X, XX, voy. G. de Berne-
ville in, 27), les plaintes ou les querelles de bergers et de ber-
gères (IV, XIX, voy. J. Erart III, 16, 24). Ici comme là, le
rôle du poète est tout effacé ; c'est en simple spectateur ou
auditeur qu'il assiste aux scènes rustiques, les reproduisant
sans s'y mêler. L'élément principal de l'ancienne pastourelle,
l'amour, est relégué au second plan ; le plus souvent il ne pa-
raît même plus.
Mais bien plus nombreuses sont les pastourelles d'un tout
autre genre, tout nouveau celui-ci et inconnu avant Froissart.
Le cadre en est le même : la scène se joue toujours à la cam-
pagne, et les interlocuteurs appartiennent encore au monde
des bergers et des paysans. Ce qui est neuf, c'est le sujet de
leurs entretiens; car le caractère commun de toutes ces pièces
est de traiter des sujets très précis, qui n'ont au fond pas de
relations directes avec la vie de la campagne, et qui préoccu-
paient certainement bien plus notre poète que les villageois
qu'il met en scène : ceux-ci ne sont là que pour exprimer
naïvement et avec une pointe de comique voulu les sentiments
du poète lui-même. Ce sont, pour la plupart, des pièces de
circonstance, composées à l'occasion de quelque fait histo-
rique ou d'un événement personnel dans la vie de l'auteur, et
renfermant le plus souvent un hommage à quelque patron ou
bienfaiteur du poète. Admettons encore que des bergers s'en-
tretiennent sur les vertus de saint Jean-Baptiste, comme dans
la pastourelle XVIII, où toutefois le renvoi aux coutumes de
l'Orient trahit suffisamment le caractère d'historien de l'au-
teur, — peut-être est-ce même son propre patron que célèbre
I. En tout cas, la pastourelle du puy de Béthune, conservée par Bau-
det Hereuc, appartient en elfet à ce genre « objectif «.
PASTOURELLES DE FROISSART 33
Jean Froissart ; — qu'ils chantent les louanges de la mar-
guerite dans la past. XVII, où les données mythologiques
dans la bouche des bergers font un effet assez surprenant et
nous rappellent que dans son Dittié de la Flourde laMargheritc
le poète a traité le même sujet ; ou qu'ils s'amusent à décrire
une nouvelle forme de houppelande (past, I). Mais le récit
de la conquête de la Toison d'or par Jason (past. XVI),
qu'a-t-il de commun avec les mœurs villageoises et les senti-
ments des bergers ? Ici, l'élément champêtre est purement
factice et rien ne le justifie plus. Ce procédé qui fait servir la
donnée fondamentale de la pastourelle, son caractère naïf et
champêtre, à des sujets qui n'ont en somme plus aucun rapport
avec le cadre dans lequel ils sont traités, genre encore plus
faux et plus factice que la pastourelle primitive, constitue la
nouveauté de la pastourelle de Froissart, nouveauté dont
la valeur est pour le moins discutable '.
Les plus intéressantes parmi ces pièces sont celles qui
traitent d'événements contemporains : les pastourelles « histo-
riques ». Parmi les anciennes pastourelles, il y en avait bien
déjà l'une ou l'autre qui contenait quelque allusion à un fait
historique contemporain (voy. II, 21, III, 40 dans le recueil
de Bartsch) ; mais la pastourelle historique de Froissart en dif-
fère en ceci que ce qui n'était qu'allusion passagère est devenu
ici le sujet même de la pièce. Il est assez tentant d'admettre
que ce nouveau genre soit l'œuvre de Froissart lui-même.
Avant lui, on ne le trouve pas dans la poésie française; les
« puys », autant que nous pouvons en juger, ne le con-
naissent pas, et il ne reparaît plus, à notre connaissance, que
sous la plume d'Eustache Deschamps, qui pourrait bien l'avoir
emprunté à Froissart. Il ne serait pas étonnant que la pas-
I . Les pastourelles de Deschamps du même genre (Œuvres, t. II, nos 356,
337> 339) 344, 359) où sont vraiment exprimés les sentiments des classes
inférieures, nous montrent pourtant quels heureux effets on pouvait tirer de
cette modification du genre.
Mélanges. U. î
34 E. HOEPFFNER
tourelle historique fût la création du grand historien du
xiY" siècle.
Ces pastourelles historiques sont au nombre de sept. A part
leur intérêt littéraire sur lequel nous ne pouvons nous arrê-
ter ici, elles ont encore cet avantage de faire connaître assez
exactement la date de leur composition. Il faut bien admettre
a priori que ces pièces ne peuvent être écrites que sous l'im-
pression immédiate de l'événement qui en fait l'objet et
qu'elles le suivent de très près. Autrement elles n'auraient
plus de raison d'être. Cette hypothèse est confirmée par les
faits suivants : dans la 2^ pastourelle, Froissart célèbre le re-
tour en Angleterre du roi de France, Jean le Bon. Ce retour
eut lieu dans les premiers jours de l'année 1364. Trois mois
plus tard (le 8 avril), le roi était mort. Admettra-t-on que
Froissart ait écrit son poème après cet événement ? Néces-
sairement, la pièce a dû être composée avant cette date, sans
doute au moment même où la cour d'Angleterre, où se trou-
vait alors notre poète, se préparait à recevoir solennellement
son hôte royal.
La 12'' pastourelle permet de serrer les dates d'un peu plus
près encore. Le poète y glorifie le passage de la Lys, effectué
par l'armée française le 20 nov. 1382, ce qui lui fait espérer la
victoire de Charles VI '. En effet, le 27 nov., les Flamands
subirent la défaite sanglante de Roosebeke. Si Froissart avait
déjà connu cette grande victoire des armes françaises, n'au-
rait-il pas plutôt pris celle-ci comme sujet de son poème que
le succès, important, mais bien moins brillant, du passage de
la rivière? Ou au moins n'aurait-il pas annoncé, après l'évé-
emnent accompli, avec plus de précision et plus de détails
qu'il ne le fait, cette défaite qu'il ne prévoyait sans doute pas
aussi complète ? Ceci nous autorise donc à placer la composi-
tion de cette pièce entre le 20 et le 27 nov. 1382, immédiate-
ment à la suite de l'événement même qui y est célébré^ et nous
I. Je tienc Flamens pour desconfis (y. 7s).
PASTOURELLES DE FROISSART 3'5
pouvons en effet prendre au pied de la lettre le mot du poète :
J'entenc que hier de la journée
Passèrent de nos gens foison,
Car la rivière est conquestée (v. 66-68) .
La pastourelle daterait donc exactement du 21 novembre.
Enfin il est clair aussi que les n°'' XIII et XIV, composés
pour des mariages princiers, n'ont pu être écrits qu'au moment
même de ces cérémonies, ou même un peu avant, puisque
les poèmes étaient certainement destinés à être offerts soit aux
mariés, soit à leurs parents, à l'occasion même du mariage.
Nous pouvons donc établir, comme principe général, que la
date des pastourelles historiques coïncide à peu près avec les
événements qui y sont traités.
Les pièces qu'on peut ainsi dater sont les suivantes :
N° IL Le retour de Jean le Bon en Angleterre, dans les
premiers jours de 1364.
N° III. La pastourelle s'occupe d'une nouvelle monnaie
frappée en France après l'avènement de Charles V, les « flo-
rins )) ou « royaux ci la chaise » (voy. la description dans la
str. 5). L'ordonnance qui les mit en cours date du 27 juillet
1364'. Même sans admettre avec Kervyn de Lettenhove ^
que, d'après les vers 38 ss. ', la pièce ait été écrite quinze
jours après cette date, il est certain qu'elle a été composée
peu après la première apparition de cette monnaie (^On a, ens
es liens des Frans, Fait forgier florins tous nouviaus, 7-8).
N° VI. Retour de Wenceslas, duc de Brabant et de Luxem-
bourg, fait prisonnier à Bastweiler (22 ou 23 août 1371) et
relâché dans les derniers jours de juillet 1372. C'est à ce mo-
ment que Froissart a dû écrire cette poésie de bienvenue.
1. Ordonnances, IV, p. 468, 488.
2. Œuvres de Froissart. Chroniques, Introduction, 1% p. 122-125.
3 . Or pert bien que tu es chetis,
Quant tu asjaptus de quin\ainne
Demorè dedens ce pays.
Et se ne cognois, ce ni est vis,
Uordenance qui est plaisans.
36 E. HOEPFFNER
N° XII. Passage de la Lys. La pièce date peut-être du
21 nov. 1382 (voy. ci-dessus).
N° XIII. Mariage de Louis de Chatillon avec Marie de
Berry, à Bourges, en août 1386.
N° XIV. Mariage de Jean, duc de Berry, avec Jeanne de
Boulogne, à Riom en Auvergne, le jour de la Pentecôte de
1389.
Dans ces deux cas, les pastourelles précèdent le jour du
mariage (les verbes y sont au futur !).
N° XV. Entrée solennelle d'Isabeau de Bavière à Paris, le
20 août 1389. Le poème paraît écrit un peu après l'événe-
ment.
Ce tableau nous fait voir que la succession de ces pastou-
relles historiques, comme elles se suivent dans les manu-
scrits, coïncide très exactement avec leur succession chronolo-
gique.
En outre, on peut encore dater avec quelque précision les
pièces VIII et IX. Elles se rapportent toutes deux au voyage
de Froissart en Béarn, auprès du comte Gaston de Poix, vers
la fin de l'année 1388. Les détails que donne le poète s'ac-
cordent parfaitement avec ceux du Dit don Florin et des Chro-
niques. Le premier de nos deux poèmes est écrit avant l'arrivée
(voy. l'Envoi), l'autre sans doute pendant son séjour àOrthez
qui dura environ trois mois, jusqu'au printemps de l'année
1389. Mais cette fois-ci, l'ordre chronologique n'est plus ob-
servé, car les deux pastourelles devraient occuper la place
entre les n°= XIII et XIV. Faut-il admettre que ce soit là un
changement dans l'ordre primitif des pastourelles ? Ceci ne
serait pas l'effet du hasard, car d'un côté, les deux pièces dé-
placées, reliées entre elles par leur sujet (hommage à Gaston
de Foix) et rapprochées par la date de leur composition,
forment évidemment un ensemble indissoluble ; or cet état de
choses a été maintenu ; d'autre part, en enlevant de leur place
normale ces deux pastourelles, l'auteur ou le copiste réunis-
sait les n°^ XIII et XIV, qui sont également étroitement appa-
PASTOURELLES DE FROISSA RT 37
rentes l'un à l'autre par l'identité du sujet (mariages princiers).
C'est peut-être même là le motif de ce déplacement. Quant à
la raison pourquoi nos pièces occupent leur place actuelle,
elle nous échappe. Faut-il la chercher dans la disposition ma-
térielle du manuscrit primitif d'où dérivent A et B }
Ce sont là toutes les pastourelles dont nous pouvons fixer la
date d'origine. Kervyn de Lettenhove ' croyait encore pou-
voir assigner à la première pastourelle la date du mois d'août
1364, lors d'un voyage qui mena Froissart hors de France à
Valenciennes. Mais rien dans le poème ne justifie cette suppo-
sition qu'A. Scheler n'a d'ailleurs pas acceptée. — Dans la
past. XI on trouve une idée que Froissart a sans doute
empruntée au Dit de la Fontaine amoureuse de Guillaume de
Machaut (la fontaine dont l'eau fait s'entr'aimer ceux qui en
boivent). Ce poème de Machaut fut écrit entre 1360 et 1364.
La pastourelle de Froissart est donc plus récente, mais il est
impossible d'en fixer exactement la date.
A côté des dates, il y a encore l'étude des lieux qui peut
donner quelques résultats. La plupart des pastourelles de Frois-
sart ont été très exactement localisées par l'auteur; presque
toujours il indique dans les premiers vers des localités réelles
auprès desquelles se serait passée la scène champêtre. Le choix
de ces endroits paraît fait d'après un double principe : en par-
tie ce choix lui est dicté par le sujet de la pièce ; le poète nomme
des locahtés voisines du théâtre même du fait historique traité
dans le poème. Ainsi la pastourelle sur le retour du roi Jean à
Londres est placée « entre Eltem et Wesmoustier ». Or, c'est
à Eltham que le roi d'Angleterre attendit son illustre prison-
nier. Celle sur le passage de la Lys joue « entre Lille et le
Warneston », donc tout près de Commines où s'effectua le
passage de l'armée française, etc. Il en est ainsi pour toutes les
pastourelles historiques. L'autre principe que Froissart semble
avoir suivi est celui de choisir des localités situées aux envi-
I. Loc. cit., p. 125-126.
38 E. HOEPFFNER
rons de sa propre résidence qu'il occupait au moment où il
composait son poème. Dans deux cas au moins on peut distin-
guer des groupements de pastourelles qui paraissent établis
d'après ce principe : les deux pièces en l'honneur de Gaston de
Foix sont placées dans le Midi de la France, l'une « entre Luniel
et Montpellier » (n° VIII), l'autre « entre Pau et Ortais »
(n° IX), et nous savons par ailleurs que Froissart passa en effet
cette fois-là par Montpellier et qu'il séjourna avec le comte de
Foix à Orthez. Un second groupe est formé par les pastourelles
IV- VII : les localités qui y sont mentionnées, La Louvière et
Préau (IV), Bonne Espérance (V), Binche et Haine ' (VI),
Rœulx et La Louvière (VII) appartiennent non seulement
toutes au Hainaut, mais sont encore toutes proches l'une de
l'autre, séparées entre elles par quelques lieues à peine ; et
surtout elles sont toutes groupées autour de Lestinnes, la rési-
dence de Froissart durant plusieurs années. Ce groupement
n'est certainement pas dû au hasard ; il s'explique aisément
quand on admet que toutes ces pièces qui se succèdent dans
les mss., se succédèrent aussi dans la réalité, qu'elles datent
donc à peu près de la même époque et furent écrites pendant
le séjour de Froissart dans cette partie du Hainaut. On a vu
que l'une de ces pièces, le n° VI, fut composée en 1372 (voy
plus haut). Or, Froissart est précisément signalé comme curé de
Lestinnes dans une pièce du 19 sept. 1373. La légère différence
de date ne saurait avoir de grande importance puisque nous
ignorons la date exacte de son entrée en service. Celle-ci
pourrait, d'après notre pastourelle même, déjà avoir eu lieu en
1372 ; ou au moins peut-on admettre, avec Kervyn de Letten-
hove -, que c'est à ce moment que Froissart vint habiter cette
partie du Hainaut. La date de la pastourelle VI confirme, par
conséquent, notre hypothèse que ces quatre pièces datent
toutes du séjour de Froissart dans la contrée de Lestinnes.
1. Cette leçon du ms. B me paraît préférable à la leçon Braine du ms. A.
2. Loc. cit., p. 238. A. Scheler déclare accepter volontiers cette induc-
tion (loc. cit., p.
PASTOURELLES DE FROISSART 39
En examinant sous ce point de vue les pastourelles de notre
auteur, on obtient les résultats suivants :
I. « Entre Aubrecicourt et Mauni », près de Valenciennes,
la patrie de Froissart. La pièce pourrait avoir été écrite encore
avant que le poète n'ait entrepris son vagabondage à travers
le monde.
IL Ecrite en Angleterre (voy. plus haut), où séjournait Frois-
sarten 1364.
IIL Sur le chemin de Paris à Melun. Un document du
29 août 1364, signalé par Kervyn de Lettenhove \ nous fait
connaître un voyage de Froissart à Paris à cette date, dont il
ne dit rien dans ses chroniques.
IV- VIL Les pastourelles du Hainaut.
VIII-IX. Les pastourelles du voyage en Béarn.
X. La pièce n'est que vaguement localisée (« En un pré
gracieus et gent Près d'un bois entre deus rivières »). Les
noms de localités qui y figurent comme désignation des diffé-
rents personnages (et qui ne paraissent tous qu'à la rime !)
n'ont, comme nous le verrons encore, aucune valeur pour la
localisation de la pièce.
XL La scène est placée « entre Lagni sus Marne et Meaus » ;
la pastourelle aurait donc été écrite lors d'un voyage en France
entre 1372 et 1382. Ici aussi, les noms des bergers et des ber-
gères sont en partie formés du prénom et du lieu d'origine.
Or, ces localités, qui figurent de nouveau toutes à la rime
(Saint- Venant, l'Aunoit, le Busquois^, etc.), appartiennent aux
provinces du Nord, à la patrie de Froissart. Cette contradic-
tion s'explique, je crois, facilement de la manière suivante :
Pour former le nom de ses personnages, Froissart emploie les
noms de villages de son pays qu'il connaît évidemment mieux
que ceux de l'Isle-de-France et qui ont en même temps l'avan-
tage de lui offrir des rimes commodes. Il ne se soucie guère
de la contradiction entre ces noms et l'endroit où il place la
I. Loc. cit., p. 125, note 4.
40 E. HOEPFFKER
scène champêtre. Quand les noms de localités ne servent qu'à
désigner des personnages, ils sont sans valeur pour la loca-
lisation de la pièce.
XII. « Entre Lille et le Warneston ». Voy. plus haut. Nous
ignorons malheureusement si Froissart prit lui-même part à
la campagne de Flandre.
Xni. « Assés près de Roumorantin », entre Blois et
Bourges. C'est dans cette dernière ville que se rendit Frois-
sart en 1382 pour assister au mariage de Louis de Chatil-
lon.
XIV. « Assés près dou castiel dou Dable Liquels est au
conte Daufin », donc dans le Dauphiné ou se trouvait le
poète en 1389 à l'occasion du mariage du duc de Berry.
XV. « Assés près dou Bourch la Roïne » (Bourg-la-Reine),
près de Paris, où l'auteur venait d'assister à l'entrée triom-
phale d'Isabeau de Bavière.
XVI-XIX ne contiennent pas d'indication précise du lieu
où se déroule l'action de ces pièces.
XX. « En une prée verdoiant Par dessus Oize la rivière. »
Aucune localisation précise. Les noms de lieu dont sont dési-
gnés plusieurs personnages sont de nouveau employés sans
aucun souci de leur situation géographique (Soissons, Saint-
Omer, Saint- Venant, Braibant, etc.) et ne servent qu'à la
rime (voy. ce qui est dit sous le n° XI).
Dans tous les cas où l'on peut exactement localiser les pas-
tourelles de Froissart, on constate que les localités, nommées
successivement dans les différentes pièces, se suivent exacte-
ment dans le même ordre dans lequel elles ont dû se succé-
der dans les pérégrinations de leur auteur. La seule exception
est de nouveau faite par les pièces VIII et IX qui, aussi sous
ce rapport, ne se trouvent pas là où nous les attendons. Pour
le reste, la succession des différentes pièces dans nos mss. coïn-
cide complètement avec l'ordre chronologique des déplace-
ments de Froissart. Le résultat obtenu par l'étude des dates
se trouve donc non seulement confirmé par l'examen des
PASTOURELLES DE FROISSA RT 4I
lieux, mais même complété, car, dans quelques cas, la locali-
sation d'une pastourelle non historique nous permet de l'at-
tribuer au moins approximativement à une certaine époque
de la vie de l'auteur. Nous pouvons par conséquent établir
comme règle générale que, dans le groupe des pastourelles,
les différents poèmes se suivent dans l'ordre chronologique.
Cette règle, comme toute règle, ne va pas sans exceptions :
soit par hasard, soit pour des raisons qui nous échappent,
l'ordre primitif a pu subir ici ou là une modification. La
règle générale ne nous dispensera donc pas de rechercher
dans chaque cas particulier encore d'autres moyens de con-
trôle.
Le résultat ainsi obtenu ne peut que gagner en solidité,
quand on constate que les « dits » de Froissart se succèdent
également d'après le même principe chronologique. Nous ne
pouvons entrer ici en détail dans l'examen de ce fait. Il suffira
de rendre attentif au trait suivant : Dans Le joli buisson de
Jonece, Froissart énumère quelques-uns de ses poèmes anté-
rieurs :
Voirs est qu'un livret fis jadis
Qu'on dist L Avioiiroiis Paradys,
Et aussi celi de LOrloge,
Ou grant part de l'art d'amours loge;
Après, L'Espinette Amoureuse
Qui n'est pas a l'oïr ireuse ;
Et puis V Amoureuse Prison
Qu'en pluisours places bien prise on (vv. 443-450).
11 ressort clairement des termes mêmes employés par le
poète (après et puis) qu'il entend énumérer les pièces dans
l'ordre dans lequel elles furent écrites. Mais c'est précisément
aussi dans l'ordre indiqué ici qu'elles se succèdent dans les mss.
(n°^ I, 4, 8, 9) •, de même que nous les y voyons aussi toutes
les quatre précéder le Buisson de Jonece (n°i6), qui est évidem-
ment plus récent qu'elles. Ce trait seul suffira pour nous per-
I. Dans 5, 8 et 9 ont été intervertis sans raison apparente.
42 E. HOEPFFNER
mettre d'admettre d'ores et déjà qu'ici aussi c'est d'après le
principe chronologique que — sauf exception — les dits de
Froissart sont classés.
On peut tirer de ce résultat des conclusions assez impor-
tantes que nous ne pouvons que brièvement indiquer ici :
1° Il permet de fixer, sinon avec une certitude absolue, du
moins avec de fortes probabilités et avec plus ou moins de pré-
cision la date de la composition des poèmes de Froissart, quand,
faute d'allusions historiques ou autres, elle n'avait pu être
déterminée jusqu'ici.
2° On obtiendra ainsi, directement ou indirectement, des
aperçus nouveaux sur les œuvres, et des renseignements in-
connus sur la vie du poète qu'on ne connaît encore que si
imparfaitement.
3° On dispose d'une base assez sûre pour étudier dans la
succession chronologique des poèmes de Froissart le déve-
loppement de son génie poétique.
4° Dans les rapports des poésies de Froissart avec les
contemporains, on dispose, d'un côté du moins, de données
assez précises qui permettront peut-être d'établir avec plus
d'exactitude que jusqu'ici la part d'originalité qui revient à
chacun d'eux et de trancher des questions de priorité encore
pendantes '.
5° Enfin, il sera permis d'étendre ce même principe de
classement des œuvres d'un poète du xiv* siècle à d'autres
auteurs contemporains (G. de Machaut p. ex.), non moins
soucieux de leur gloire que Froissart et non moins préoccu-
pés de leurs productions littéraires, à la condition toutefois
que l'examen des dates, tant qu'elles se laissent fixer, vienne
confirmer l'exactitude de ce principe.
E. HoEPFFNER.
I. Il faudrait par ex. reprendre la question des relations de Froissart et de
Chaucer.
IL GRAN CREDO DI VENEZIA
PARODIA RELIGIOSA DEL SEC. XVI.
Air illustre uomo cui è dedicato questo volume io non
offro un dono, ma faccio soltanto una restituzione. Devo alla
sua dottrina la conoscenza di questa poesia e alla sua inesauri-
bile gentilezza la copia che di propria mano ne trasse dall'
esemplare forse unico che la conserva.
Nel 1509, ossia al tempo délia gran guerra di Cambray, la
poesia satirica non era ai Francesi un' arma nuova per combat-
tere i loronemici d'Italia : se n'erano giovati già al tempo délia
calata di Carlo VIII e poco appresso, nell' apriledel 1507, allorché
Luigi XII aveva punito i Liguri ribelli, domando colV armi Genova
superba. Jean d'Auton, storico cesareo, al seguito del re nella spe-
dizione d'Italia, interruppe il racconto dell' impresa per fram-
mettervi Un petit Traicté sur l'exil de Gennes, faict par ballades,
baillé lors au Roy, che è propriamente un lamento di Genova,
la quale si lagna di non avère ricevuto soccorsi da Roma, che
s'era accontentata di consolarla, dalla Germania, che non aveva
potuto muoversi, perché sempre a cortodi danari, e daVenezia
sempre fedele al più forte '. Nella stessa occasione un altro
poeta di corte, la quale fu naturalmente la grande officina délie
satire contro l'Italia, Andréa de La Vigne, segretario délia
regina, compose un Paternostre des Genevois adressant leur
complaincte a Dieu in forma di ballata, cui segue un Atollite
portas et qui est iste rex glorie, en ballades fais sur la prinseetcon-
queste de Gennes, avec certains rondeaulx, ove aile invettive con-
I. Histoire de Loiiys XII dès Van ifoôjusques en Y an ifoS, Paris, 161 5,
pp. 318-530. Vi è pure un' edizione parigina del 1835.
44 A. MEDIN
tro ai Genovesi, « Gens obstinez, téméraires, haultains », si
alternano i vanti di Luigi XII, dichiarato Dominiis fortis et
potens, Dominus potens in prelio : C'est le seigneur de tous seigneurs
certains '. Due anni appresso, allorquando Luigi XII, nell' atto
che si rafFermava fedele alleato dei Veneziani, ordiva a Cam-
bray quella lega congiurata ad annientare la potenza délia
Serenissima, si ridestô spontaneo nei poeti francesi il ricordo,
nonsolo délie non lontane vicende di Genova, ma anche dei
versi scritti per la sua caduta. Pierre Gringore nell' Entreprise
de Venise ammoni i Veneziani di temere la potenza e il valore
di Luigi XII :
Prenez exemple à vos circunvoisins
Les Genevoys; ne faites plus des fins ^.
E parimenti un chierico di Chalon accumunô la sorte délie
due Repubbliche italiane, délia già caduta e di quella che
pareva imminente a precipitare, foggiando l'otto Aprile (giorno
di Pasqua) dei 1509, ossia nove giorni innanzi che l'araldo
francese présentasse ai Signori veneziani la sfida in nome di
Luigi XII, un suo lamento satirico di Venezia suUa parodia
dei Credo, a quel modo che il de La Vigne per la caduta di
Genova aveva parodiato il Pater noster. E il riscontro non è
casuale o arbitrario, ma viene espressamente dichiarato dal
l'anonimo versificatore di Chalon nella prefazione délia sua bal-
lata. La quale à divisa in due parti : nella prima parla la città;
nella seconda, assai più brève, la Signoria di Venezia.
L'esemplare che conserva questo curioso documento poe-
tico, non ricordato, prima che dal Picot, in alcun repertorio
bibliografico, si trova nella biblioteca Rothschild, e venne accu-
ratamente descitto nel primo volume dei Catalogo di quella
bellissima libreria K È di quattro carte, senza alcuna indica-
1. Furono pubblicate con la Loiietige des roys de France (Paris, Eustache
de Brie, 1508). Cf. E. Picot, Catalogue des livres conip. la hihl. de. feu
M. le baron], de Rothschild, T. I. (Paris, 1884), p. 352.
2. Œuvres complètes (Paris, 1858), vol. I, p. 152.
5. Op. cit., p. 348»^ segg.
IL GRAN CREDO DI VENEZIA 45
zione tipogafica, con tre silografie nel frontispizio, di cui le-
due prime formano una chiesa gotica (forse, nell' intenzione
del disegnatore, la Basilica de S. Marco) e la terza rappresenta
un cavalière francese arniato di spada e picca. Al tergo dell'ul-
tima carta si leggono gli otto versetd di chiusa e si vedono
due piccole silografie, le quali vorrebbero raffigurare l'autore,
che indossa una lunga veste talare, e il re Luigi XII con lo
scettro e la mano délia Giustizia.
Dopo la pubblicazione del primo volume del Catalogo
surricordato, di questo Credo fu fatto cenno solo due volte ;
entrambi da me : la prima, nel saggio di bibliografia délie
opère poetiche latine, italiane e francesi sulla guerra di Cam-
bray, premesso alla ristampa délia Lamentation de Venise ' ; la
seconda, nella bibliografia accodata al mio volume: La storia
délia Repiibblica di Vene:{ia nella poesia ^. E poichè questo testo
a nessuno, ch'io sappia, è noto, non riuscirà inutile e sgradita
la présente edizione; la quale, come dissi in principio, gli
studiosi, più che a me, devono allô stesso prof. Picot.
A. Medin.
1 . Archivio Veneto, t. XXXVIII, P. I (Venezia, i
2. Milano, 1904, p. 510.
LE GRANT CREDO DE VENISE
L'Acteur
Pensif et plains de fantasies, ennuyés de long séjour et repoux,
las ! fatigué de riens faire fors songer, forger et édifier par imagina-
tion nouveaux chasteaux en Espagne, le cueur chargé de menues
pensées, après la souvenance d'ung nouveau Pater et Ave Maria
depuis peu de temps en ça faitz et composés ' a la confusion des
Genevoys et a la gloire du trescrestien roy, par manière de récréa-
tion, advisé me suis de composer et escripre ung nouveau grant
Credo pour la seigneurie de Venise, après la composition duquel
je, compositeur indigne, ay prins l'audace et vouloir a vous, reve-
rand père en Dieu, monseigneur de Chalon ^, mon treschier et >
honnoré sire et maistre, le présenter, ce que de tresbon cueur et
humblement je fays, prianta la vostre dignité, noblesse et seignou-
rie le recevoir a grey, suppliant la ruralité et peu sçavance de vostre
petit et obeyssant subject.
Vous avez veu la Palernostre
Des Genevoys, deux ans y a ;
Si avez vous au plaisir vostre
Des dames VAve Maria,
Ce jour qu'on chante alleluya 5
En nostre meresaincte église
Verres le Credo de Venise.
Venise, las, larmoyant de ses yeux.
Dit le Credo qui s'ensuit, se m'ist Dieux.
1. La stampa: composées.
2. Jehan de Poupet de La Chaux, vcscovo di Chalon (1503-1531).
3. trescherehonnore .
V. I la stampa : pâte noster. — 8 las manca ma scnza di esso il verso
non avrebbe che 9 sillabe. — ces. — 9 ce mistdieiix.
IL GRAN CREDO DI VENEZIA 47
1 Credo que l'année est venue lo
Qu'il me conviendra prandrc maistre ;
Sans seigneur me suis maintenue,
Trespuissamment entretenue
Depuis le temps que suis en estre.
J'en ay prins a destre, a senestre, 15
Ay mis tuum avec meum,
Croyant sus bon gaige in Deum.
2 Patrem omnipotentem Françoys
Est maintenant, bien le puis dire;
Germains, Espagnolx et Anglois 20
Se sont unis a ceste foys
Pour me courir sus et occire.
Ne sçay de quel part me retire,
Plus n'attens secours de nully:
Le veult creatorem celi 25
3 Et terre. Il fault que ainsi soit
Pour les grans maulx que j'ay commis.
Nul en amour ne me ressoyt ;
Fortune par trop me dessoyt,
Puis que au besoing pers mes amys, 30
Suis pressée de mes ennemys :
Me mettront hors de ma maison.
Tout va au roy et in Jesuni
4 Christum filium . Mes mefîais
En sont cause, je le confesse : 35
J'ay mains de mes voisins deffais ;
Seulle en deusse porter les fais :
Je dis, ainsi vray que la messe.
Le povre peuple qu'on oppresse
En souffrira avec mecuni, 40
Qui s'en plaint. Ejus luiicum
5 Dominum nostrum vient sur moy
Acompaigney de ses souldars :
Sera cy deans le moys de may.
De quoy je suis en grant esmoy, 45
21 CCS t. — 10 besoing s. — 43, 46 ces.
48 A. MEDIN
Crains par trop ses lances et dars :
Il a tant de piques tant d'arcs,
D'hommes d'armes et gros vallets ;
C'est pourmoy qui conceptus est.
é De Sphiiu sauclo ï\is\.Î2\c\.t 50
L'aliance des nobles roys;
Pour ce que je me suis fourfaicte,
Désolée seray et deffaicte;
Sus moy viengnent en grans desroys —
Les miens en seront mors — tous roys, 5 5
Par l'ung de grâce illuminé
Nains ex Maria virgine.
7 Passus siih Pouiio Pilato
Celuy par qui je suis pugny ;
Je suis au dangier d'AUetho ; 60
Au péril de son fils diledo
En l'infernalle compagnie;
Par trop souvent me suis honnye.
Sans craindre le Dieu de lassus
Qui pour nous fust crucifixiis. 65
8 Morhius et sepultus mon non
Est a jamais, je le voys bien.
Sy seur touttes j'avoys renon,
Plus je n'aray de pouoir, non ;
De moy tantost ne seray rien. 70
De l'aultruy j'ay plus que du mien,
Dont mon bruyt, comme chascun dit.
Du plus hault en bas descendit.
9 Ad injerna soyent mes ducas.
Puis qu'il ne me peuvent bien taire. 75
Je suis tant advertie du cas,
Que bien vouldroye passer ce pas,
Estre quicte de tel affayre.
Chascun pence a moy defïayre ;
Mon mal auroit cothidie ; 80
Ne vivray tejiia die.
10 Resiirrexil a mortuis
Le tort que j'ay de mes voysins.
IL GRAN CREDO DI VENEZIA 49
Par mes péchez, dire je puis
Que bien près de ma fin je suis 85
Se secours n'ay des Sarrasins.
Ceulx que tenoycs pour mes cousins
M'ont maintenant tourné le dos ;
Mon bien ascendit ad celos.
11 Sedet ad dexteram le Sainct Père, 90
César Auguste d'aultre part :
Le Liz sus tous aultres prospère,
L'Espagnol en marchant espère
D'y voir courir le Leopart ;
Le Lyon aussi, tresexpert, 95
S'i griffera a mes pourpris
Par le vouloir Dei Patris.
C'est laSeignorie qui parle.
12 Omnipotèntis ils sont tous ;
Et si ont droit de leur partie,
A bon tiltre viengnent sur nous. 100
Avons mérité, oyés vous,
Que du lieu fassions départie.
Nostre finance soit partye !
Plus n'avons le vent Zephirus ;
En yrons inde venturus. 105
1 3 Judicare bien l'on nous peult
Que perdons honneur et chevance ;
De nous l'Italye trop se deult :
Chascun n'y fait pas ce qu'i veult.
Par le moyen de nostre offence, iio
De nostre parte et-meschance
S'esjouyront, nottez ces motz,
Bien tost vivos et mortuos.
Le grant Credo dessus escript
Fust fait passant melancolye ; 115
Qui vouldra faire le petit.
Mais qui l'escripre d'apetit,
85/emanca. — 88 tourner. — 92 aultre. — loi mérites. — 108 « deult. —
m. Si dovrebbe leggere : De nostre parle (cioè perte') et maie chance.
Mélanges. II. 4.
50
A. MEDIN
Ne s'en pourra trouver que lye.
Le facteur n'est pas d'Ytalye,
A Chalon fait sa demourance : 120
Qui veult sçavoir qu'il est, qu'il pence.
CALVINIANA
I
Les Cauvin de Paris.
En août 1523, Jean Calvin, âgé de quatorze ans, fils de
Gérard Cauvin, fut envoyé à Paris pour y continuer ses
études. Une biographie du réformateur, que Papire Masson
rédigea en 1583 et que son frère, Jean-Baptiste Masson, mit
au jour' en 1620, contient (p. 6) le renseignement que
voici :
Hîec causa fuit cur pater eum quam doctissimum fieri cuperet,
mitteretque Lutetiam, et Ricardo fratri commendaret, in vico D.
Germani Altissiodorensis fabro ferrario, fratrique ejus Jacobo, qui
nunc, anno scilicet supra millesimum quingentesimo octuagesimo
tertio, eandem artem Parisiis prope sanctum Medericum; via Vul-
pis dicta, exercet, viris quidem honestissimis, a quibus hœc didi-
cimus, qui iiunquam sectam sequuti sunt... ; quin ab eodem Jacobo
narrante scivi nuUum jam neque Novioduni, neque in Belgica
secunda^sibi cognominem ac gentilem vivere?. Ipse vero a Calvini
naturali nomine numquam recessit.
Il y a dans ces lignes une erreur manifeste : Gérard Cauvin,
1. Vila loannis Calvini. Auctore Papirio Massone. Lutetiae, 1620, in-40
de 36 p. — Première édition, restée inconnue à presque tous les historiens.
A elle seule, son existence suffirait pour ruiner la tradition absurde qui
attribue à Jacques Gillot (Brunet, Manuel, t. III, col. 1522) la vie de Calvin
insérée dans les Elogia (1638, 1656) de Papire Masson. — Cf. É. Dou-
mergue, Jean Calvin, les hommes et les choses de son temps, t. I, 1899,
p. 527-529.
2. La Picardie.
3. Assertion inexacte. Voy. H. Bordier, article Calvin dans la 2^ édit. de
la France prolestante des frères Haag, t. III, col. 639.
52 THEOPHILE DUl-OUR
déjà greffier de la « Cour spirituelle de Noyon » en 148 1 ', né
par conséquent vers 145 0-1460, n'est pas le frère de Jacques
Cauvin, qui, en 1583, aurait eu plus de cent ans. Au lieu de
fratrique ejus, il faut Vire filioque ejus^, ainsi que je l'ai proposé
à M. Doumergue K
Cette correction ne fait pas disparaître toutes les obscurités
du texte. L'incise a quitus hœc didicimus ne doit pas être prise
à la lettre : comment Papire Masson aurait-il conversé en 1583
avec Richard Cauvin, sans doute mort depuis longtemps?
L'auteur ne parle plus loin que de Jacques {ab eodem Jacoho
narrante scivi... Ipse vero...). D'autre part, Gérard Cauvin n'a
pu « recommander » son fils à Jacques Cauvin : en supposant
que celui-ci vécût déjà en 1523, il était encore en bas âge.
Selon les biographes modernes, Calvin suivait les leçons du
collège de La Marche, puis celles du collège Montaigu, en qua-
lité de martinet, c'est-à-dire d'externe libre, et il logeait chez
son oncle, Richard Cauvin, près de Saint-Germain l'Auxerrois'^.
Rien n'établitce fait d'une façon positive, mais il offre quelque
vraisemblance.
Un écrivain très érudit, Albert Rilliet, de Genève, avait
entrepris un ouvrage qu'il voulait intituler : La jeunesse de Cal-
vin, ou le réformateur malgré lui, et qui n'a point paru. Il me
demanda en janvier 1870, — j'étais alors élève à l'École des
chartes, — si les dires de Papire Masson, relatifs à Richard et
à Jacques Cauvin, pourraient se vérifier par les anciens actes
1. Jacques Le Vasseur, Annales de l'Eglise catlièdrale de Noyon, 1633,
p. II 70.
2. De même, dans le récit des funérailles de Calvin (paire, aniicis, civi-
tate,funus prosequentc), on remplacera /^^/r^ pa.r fratre.
3. Op. cit., t. I, p. 6-7, n. 2.
4. « La chambre qu'on lui donna avait vue directement sur l'église. »
(Abel Lefranc, La jeunesse de Calvin, 1888, p. 59.) Bien que cette indication
soit très précise, elle ne repose cependant sur aucun témoignage. — F. Bru-
netièrc a placé en 153 1 (!) l'installation de Calvin « chez un de ses oncles,
Jacques ou Richard. » (Uœuvre littéraire de Calvin, dans la Revue des deux
mondes du 15 octobre 1900, p. 901.)
CALVINIANA 53
d'état civil de Saint-Germain l'Auxerrois et de Saint-Merry.
La collection considérable de ces registres, pour toutes les
paroisses de Paris^ déposée dans l'annexe de l'Hôtel de ville, y
fut brûlée l'année suivante. D'après les notes que j'ai conser-
vées, les baptêmes, à Saint-Germain l'Auxerrois, commen-
çaient en 1528, les mariages en 1541, les décès seulement en
i568 ; il y avait aussi des livres de la marguillerie, donnant
les enterrements depuis 1602, et deux volumes de testaments
du XVI'' siècle \ Avec une extrême complaisance, l'archiviste,
M. Saint-Joanny, parcourut page après page les registres de
cette paroisse, tâche ingrate et fort longue qui n'aboutit qu'à
un résultat négatif : de 1528 à 1590, M. Saint-Joanny ne ren-
contra aucune trace d'un Cauvin, ce qui démontrerait, — si
P. Masson a été bien informé, — que les enfants de Richard
Cauvin étaient nés avant que la famille vînt s'installer dans
le quartier.
Je m'étais chargé de Saint-Merry, dont les baptêmes débu-
taient en 1536, les mariages en 1557, les décès en 1630. Ici
les volumes étaient accompagnés de répertoires alphabétiques
facilitant beaucoup la besogne. Après avoir contrôlé les nom-
breux renvois énumérés sous les noms de Cauvin, Chauvin,
Chovin, Cavin, Cavain, Covin, etc., parfois mal lus et estro-
piés par l'auteur des tables, je mis la main sur les six actes
qui vont suivre. Ils attestent que Jacques Cauvin, maître
maréchal ^, habitait de 1572 à 1587 la paroisse de Saint-
Merry.
Du mardy xviije jour de mars 1572, à[i/« hlanc] heures du soir,
a esté baptisé une fille [sic].
Et nommé Jehan, filz [de] m^ Jacques Cauvin, m= mareschal, et
1 . Dans sa Notice historique sur les anciens registres de Vètat civil à Paris
(Société de l'histoire de France, Annuaire pour 184], p. 2CO-218), A. Tail-
landier n'a pas signalé la présence de ces testaments et des livres de la mar-
guillerie.
2. On avait toujours traduit, avec raison, par serrurier ou par forgeron
\Qfaher ferrarius de Papire Masson.
54 THEOPHILE DUFOUR
de Margueritte Caron, sa femme. Les parains, Jehan Cognet, m'^
mareschal, et Paris Caron, secrétaire. La mar[a]ine, Claude Le
Camus, fille de Jehan Le Camus, en son vivant marchant et bour-
geois de Paris.
{Baptêmes à Saijit-Merry, vol. V, ijyi-ij/S, impart., p. 21.)
Le Mardy xvij« dudit mois de may 1575 fut nay ung filz à dix
heures du matin et baptisé entre cinq et six de soir audit jour,
Et nomé Françoys, filz de Jacques Chauvin, m^ marichal, et de
Margueritte Le Caron, sa femme. Les parains, vénérable et discrète
persone m^ Françoys Le Camus, prebstre et prieur de Pont sur Seine,
et Jehan Barinet, marchant drappier '. La maraine, Marie Caron,
femme de hon. homme Regnault Lestellé, marchant drappier.
(Même volume, 2^ part., p. j^.)
Le dit jour [26 mai 1576] fut né ung filz à deux hoeuresdu matin
et baptisé à sept hoeures du soir^ après diner le dit jour.
Et nommé Pierre, filz de Jaquez Cauvin, maraischal, et de Mar-
gueritte Caron, safeme. Les pari[njs, Pierre Caron, m^ cordonnier
à Paris, et Estiene Dolé, maraichal. La maraine, Batharine le
Camus, fille de feu Jeham le Camus, en son vivant marchant à
Paris.
{Même volume, 2^ part., p. i2j.)
Et le dit jour [mercredi 23 octobre 1577] fut née une fille à
midi et baptisée à cinq heures du soyr,
Et nommée Marie, fille de m^ Jacques Cauvin, mestre marichal,
et de Marguerite Caron, sa femme ; et le parain, m« Anthoine
Denost, notaire ', et les marainnes, Marie Dorlient, femme de m^
Nicolas Bougoys 4, marchant drapié, et Marie le Caron, femme de
m^ René Letelé, marchant drapié.
{Même volume, 2^ part., p. 2ji.)
Le Lundy xxiiiij Janvier 1580 fut né ung filz à vij heures du
matin et baptisé à vj heures du soyr audit jour,
1. Le même, apparemment, que Jean Barinet, bourgeois de Paris, inhumé
à Saint-Merry (3 octobre 1583). Voy. H. Cocheris, additions à Lcbeuf,
t. II, p. 222.
2. Ce mot est barré.
3. Les minutes (i 569-1604) du notaire Antoine Desuotz ont été conser-
vées. Voy. A.-J.-A. Thomas, Notariats du dep. de ta Seine, ou tabtcaiix par
ordre chronotoc;ique indiquant les minutes appartenant à cJiaque étude, Paris,
(1862), in-fol.,p. 125.
4. Sic au registre, mais il convient peut-ôtrc de lire « Bou[r]g[e]oys. »
CALVINJANA J5
Et nommé Renés, filz de Jacques Covin, m^ marichal, et de
Marguerite Le Caron, sa femme ; et les parains, Renés Letelé,
marchant drappier, bou[rlgoyes de Paris, et Jehan Caron le jeune,
drappier, et la maraine, Fleurance Guère, femme [de] Thomas
Guinan, fourier du Roy.
(Volume VI, ijyc^-ijSj, /'= pari., p. ()y.)
Le mardy xxiiii'"^ dudit moys [mars 1587] fut baptizé ung filz à
six heures du soir, né de la nuit précèdent sur les dix heures,
Et nommé Jeham, filz de Jacques Cauvin, mareschal, et de Mar-
gueritte Caron, sa femme. Les parains, Jeham Caron, marchand
drappier, et Estienne Daulet, m^ mareschal, à Paris. La maraine,
Damoiselle Françoyse Chevallier, femme de Paris Caron, suivant la
chancellerye.
(Volume VII, i^Sj-ij^ô, i^ part., p. 14;.)
J'ai également relevé en 1870 le baptême d'un fils de Paris
Caron, dont le nom apparaît dans deux des actes ci-dessus,
et qui devait être un frère ou un proche parent de Marguerite
Cauvin :
28 septembre 1588. Naissance et baptême de « Nicolas, filz de
Noble homme Paris Carom \_un blanc] et de damoiselle Françoise
Chevalier, sa femme. Les pareins, Noble homme Nicolas Potier,
seigneur du Bla[n]mesnil, conseillier du Roy en son conseil d'estat
et présidant de sa cour de parlement de Paris, et Jeham Carom,
marchant drapier. La mareinne, damoiselle Charlote Baillet',
femme de Noble homme Louis Potier, conseillier du Roy et Segre-
taire en son conseil d'estat et de ses finances 2. »
(Même volume, i^ part., p. 260.)
Pour découvrir d'autres informations sur la famille Cauvin,
il faut attendre que l'on se décide enfin à réunir dans un
1. La particule de, avant Baillet, a été biffée.
2. Nicolas Potier, seigneur de Blanc-Mesnil, président à mortier au Par-
lement de Paris, et son frère, Louis Potier, seigneur de Gesvres, secrétaire
d'État en 1589, comte de Tresmes en 1608, avaient épousé deux sœurs,
Isabeau et Charlotte Baillet, filles de René Baillet, seigneur de Tresmes ,
président au Parlement de Paris. Leurs descendants directs portèrent les
titres de marquis de Novion, ducs de Tresmes ou ducs de Gesvres, marquis
d'Annebault, de Gandelu, etc. (Le P. Anselme, t. IV, p, 765-774.)
56 THÉOPHILE DUFOUR
dépôt public les anciennes minutes des notaires parisiens. Il
est difficile de saisir les motifs qui s'opposent à la réalisation
d'un vœu aussi légitime.
II
Les dates de qiialre lettres (z/^j-/) j^).
Jusqu'à l'arrivée de Calvin à Bâle, vers la fin de 1534, nous
ne possédons que douze missives de lui ' et trois de ses amis.
Elles sont importantes pour la connaissance, encore vague et
incertaine, de ses années d'études. En insérant ces quinze
pièces dans les tomes II (1868) et III (1870) de la Correspon-
dance des réformateurs, Herminjard les a soigneusement anno-
tées. A celles qui n'avaient point de date, il s'est efforcé d'en
attribuer une, et les éditeurs des Calvini Opéra (t. X, 2^ part.,
1872) ont adopté presque toutes ses conclusions.
Cinq ans après, Jules Doinel publiait ^ deux documents des
10 mai et 1 1 juin 1533, en tête desquels figure Calvin, et il y
j oignait, sur les camarades Orléanais de l'étudiant de Noyon,
plusieurs renseignements inédits. Au nombre de ces derniers,
on remarque l'analyse du contrat de mariage (25 mai 1533)'
de François Daniel, l'ami de Calvin. Mais, chose étrange, ni
Doinel '^ ni les auteurs venus après lui 5 ne se sont aperçus que
1. Outre la préface adressée à François de Connan (6 mars 15 51), dans
VAnlapologia de Nicolas Duchemin, et la dédicace à Claude de Hangest
(4 avril 1552) du commentaire sur le De Clevientia de Sénèque.
2. Jean Calvin à Orléans {Bulletin de la Société ile T histoire du protestan-
tisme français, t. XXVI, 1877, p. 174-185).
3. Ihid,, p. 184.
4. Ihid., p. 176.
5. Ed. Cunitz et Ed. Reuss, Calvini Ope ra, t. XXI, 1879, col. 190, 191 ;
— A. Pierson, Studien oi'er Johann es Kalvijn (iS2y-is^6), 1881, p. 66, 67,
71, n. 2; — P. Bianquis, Trois conversions, ou essai chronologique sur les
origines de la Réformât ion française, 1881, p. 34, 35, 37; — H. Bordier,
article cité, 1882, col. 515; — A. Lefranc, op. cit., p. 21, 22, 37, 38, 86-
89, 91, 96 ; article Calvin de la Grande Encyclopédie, t. VIII (1889), p. loi i,
ICI 2; Histoire du Collège de France, 1893, p. 133 ; — A.-J. Baumgartner,
Calvin hébraïsant et interprèle de l'Ancien Testament, 1889, p. 15 ; — Dalton,
Cdlvins Bekebnuig, dans les Dentsch-evangelische Bldtter, 1893, p. 540; —
CALVINIANA 57
la découverte de ce contrat modifie notablement la chrono-
logie calvinienne de 1531-1533-
La lettre, souvent citée, de Calvin à Daniel, écrite de Paris
le 27 juin (sans millésime) % où il raconte la visite qu'il a
faite dans un monastère à la sœur de son correspondant ^,
contient ce message: Saliita uxorem. Elle n'est donc pas de
153 1, comme Herminjard le croyait, mais de 1533. A la
A. Lang, Die Behehrung Johannes Calvms, 1897, p. 8, 21, 22 \ Johannes Cal-
vin, ein Lebenshild, 1909, p. 1 3 ; — É. Doumergue, op. cit., t. I, 1899, p. 196-
199, 201, 206-207, n. 3, 293-294, n. 2, 351, 352 ; — K. Mûller, Cal-
vins Behhrung, dans les Nachrichfen âer K. Geselhchaft âer Wissenschaften ~n
Gôttingen, 1905, p. 190, 191, 195, 199, 202, 203, n. 2 ; — H. Clouzot,
Les amitiés de Rabelais en Orléanais, dans la Rei'tie des études rabelaisiennes,
t. III, 1905, p. 171, 17s ; — A. Bossert, Calvin, 1906, p. 36, 37; — W.
Walker, /o/w Calvin, the organiser of reformed protestantism, 1906, p. 53-57,
65, 107; traduction française (intitulée /(?fl?i Calvin, Vhomme et Fœnvre) par
E. et N. Weiss, 1909, p. 61-65, 73, 115; — R. Busquet, Etude historique
sur le collège de Fortet {1^^4-1^64), dans les Mémoires de la Société de l'his-
toire de Paris, t. XXXIV, 1907, p. 29 ; — Johannes Calvins Lcbenswerlt in
scinen Briefen. Eine Auswahl von Briefen Calvins, in deutscher UebersetT^ung
von R. Schwari, 1909, t. I, p. xiii, 2-4; — E. Knodt, Johann Calvin, Mit-
teilungen ans seinem Leben uvd seiven Schriften, 1909, p. 10-14; —
W. Schlatter, Johannes Calvin, ein Bild seines Lebens, 1909, p. 17 ; — Fr.
Sieffert, Johann Calvins religiôse EntivicMung und sittliche Grundrichtung,
Festrede, 1909, p. 15 ; — J. Neuenhaus, Calvin als Humanist, dans les
Calvinstudien publ. par J. Bohatec, 1909, p. 10 ; — H. Strathmann, Die
Entstelting der Lehrc Calvins vcn der Busse, dans les menées Calvinsludiai,
p. 241, 242 ; — G.-A. Van der Brugghen, Calvijn, 1909, p. 13 ; — C.-H.
Irwin, John Calvin, the man and his work, 1909, p. 16 ; — P. Pruzsinszky,
Kdlvin Jdnos életraj:(, t. I, 1909, p. 44; — etc.
1. Herminjard, t. II, p. 346-348; — Calvini Opéra, t. X, 2^ part.,
col. 9-1 I.
2. J. Doinel a signalé en 1880 (Bulletins dé la Société archéologique de
VOrlcanais, t. VII, p. 245) un acte notarié de février 1333, par lequel
Claudine Daniel, avant d'entrer en religion au couvent de La Saussaye, près
de Paris, abandonnait sa part dans l'héritage paternel à sa mère, Charlotte
Lhuillier. Ce document, qui nous fait connaître le prénom de la sœur de
François Daniel et la maison où Calvin se rendit le dimanche 22 juin, a
échappé aux récents biographes du réformateur. — La Saussaye était un
prieuré d'Augustines, dans la paroisse de Chevilly, non loin de Ville-
juif. Voy. Gallia christiana, t. VII, col. 635-640, et Lebeuf, édit. de 1883,
t. IV, p. 36-39. Cf. Hist. ecclès. des Eglises réformées, t. II, p. 194, 195.
58 THÉOPHILE DUFOUR
nouvelle date du 27 juin [1533], Calvin, après avoir assisté
au mariage de Daniel à Orléans, a quitté cette ville, où
il se trouvait encore le 11 juin. Arrivé à Paris le 16, il
s'occupe de chercher un logement ' ; il annonce son inten-
tion de suivre les leçons de grec du lecteur royal Pierre Danès %
et c'est l'hiver de 1533-1534 qu'il se propose de passer à
Paris, sans prévoir les événements qui l'en empêcheront.
Même constatation pour une lettre sans date à Daniel, mise
jusqu'ici'' au début de 1532. Comme Calvin y répète Saluta
nxoreni, c'est postérieurement au mois de mai 1533 qu'il prend
la plume. Les circonstances défavorables dont il se plaint {Sta-
tueram hoc tain alieno tempore nihil ad te scribere) ne sont pas
« la peste et la disette, qui ravageaient Paris » dans la seconde
moitié de 1 5 3 1 et qui avaient entraîné l'interruption de tous
les cours publics 4. Si la missive est de la fin de 1533, ainsi
1. Il se décida sans doute pour le collège de Fortet, puisque c'est là
qu'il demeurait en novembre 1533, selon le témoignage de Nicolas Colla-
don (Calvini Opéra, t. XXI, col. 56). On ne doit plus admettre qu'il y fût
déjà installé (Herminjard, t. III, p. 118, n.) en juillet 1531. — D'autre
part, aucun texte n'établit qu'en septembre 1533 Calvin ait logé (Lefranc,
p. 107) rue Saint-Martin, chez Etienne de la Forge.
2. Le 28 mai 1533, Pierre Siderander mande à Jacques Bedrot, professeur
à Strasbourg, que Danès n'a pas encore repris son enseignement, suspendu
pendant tout le carême, mais qu'il compte le recommencer dès qu'il aura
touché son traitement. (C. Schmidt, Gérard Roussel, 1845, p. 207.) — Dès
le 20 mai, on avait payé à Danès sa « pension » du i" novembre 15 31 au
31 octobre 1532, soit 420 livres (au lieu de 4 50); mais eu réalité, bien que
la pièce ne le dise pas, ce chiffre représente seulement 240 livres à-compte,
plus un arriéré de 180 livres. Pour les gages de l'année courante (i^r nov.
1532 — 31 oct. 1533), il y eutun long retard, causé par l'incurie habituelle
des trésoriers royaux ; le mandat de François !«'', délivré le 18 mai 1534,
renouvelé le 10 février 1535 ne fut soldé que le 14 mai 1555; la somme ver-
sée comprenait (enfin !) le reliquat de 210 livres dû sur l'exercice précédent.
(Cf. A. Lefranc, Hist. du Cotlcge de France, p. 394-400, nos VI, X, XII.)
En mai 1533, P. Danès vivait à la campagne, avec un évêque auquel il
servait de précepteur. En janvier 1 534, et peut-être déjà en décembre 1533, il
expliquait au collège de Cambrai un ouvrage d'Aristote ([Ind., p. 144-146,
404, 405), mais Calvin ne pouvait être alors l'un de ses auditeurs.
3. Herminjard, t. II, p. 393,394; — Opéra, col. 17,18.
4. Herminjard, t. II, p. 385, n. 7; — Opéra, col. 12, n. 3.
CALVIMANA 59
que je le présume ', Calvin fait allusion aux conséquences
du discours de Nicolas Cop (i" novembre 1533).
Enfin, lorsqu'un 27 décembre ^ François Daniel parle de son
beau-père {Ego vacationibus peregre ciim socero sum profechis), sa
lettre est de 1533, non de 1531, ce qui en augmente l'intérêt.
La mention de l'arrivée prochaine d'un évêque^ présentait une
difiiculté chronologique : comme le siège d'Orléans n'était pas
vacant en 1531, Herminjard, songeant au diocèse de Noyon,
avait supposé un voyage de son chef, Jean de Hangest, tandis
qu'en décembre 1533 Daniel a évidemment en vue Antoine
Sanguin 4, nommé évêque d'Orléans peu de temps aupara-
vant 5. En outre, Daniel, au retour d'une excursion à Paris, a
appris que Calvin habitait maintenant à Chaillot ^. Ainsi c'est
tout près de la grande ville que le jeune humaniste avait
1. Calvin se préparait à quitter Paris (dinii discessiwi iiieditor). Avant
d'avoir réalisé ce projet, il reçut la visite de Daniel, et celui-ci, revenu à
Orléans, lui écrivit le 27 décembre.
2. Herminjard, t. II, p. 383-385; — Opéra, col. 11, 12.
3. « Scis nos Episcopum nationis tiu-e habere, cujus adventum quotidie
expectamus. Vellem tuorum amicorum opéra te illi ita commeudatum esse,
ut Officialis dignitate aut aliqua te ornaret . »
4. Antoine Sanguin (1493- 15 59), qui devint cardinal en 1539, gi'^nd
aumônier de France en 1543, etc., était seigneur de Meudon et « natif de
Paris, » où il résidait sans doute en décembre 1535. C'est ce que Daniel
veut exprimer par tua; nationis, et il désire que l'entourage parisien de Cal-
vin lui fasse obtenir un poste qui le ramène à Orléans. — Une sœur
d'Antoine Sanguin ayant épousé Guillaume de Pisseleu, seigneur d'Heilly
et d'Oudeuil-le-Chastel, l'évêque était l'oncle de la duchesse d'Étampes, —
« par le moyen de laquelle il fut avancé aux plus éclatantes dignités de
l'Église » (Le P. Anselme, t. VIII, p. 263), — et de sa sœur, M^e de
Canny. A partir de 1 549, Calvin correspondit avec M^e de Canny, mais
rien ne prouve qu'il l'ait connue dès 1533, année où, selon M. Lefranc (La
jeunesse de Calvin, p. 36), qui n'indique pas sa source, elle passait déjà pour
« une protestante déclarée. »
5. En novembre 1533. (Journal d'un bourgeois de Paris, iSi)--iS]6,
publié par L. Lalanne, p. 435. — Gallia christiana, t. VIII, col. 1483.)
6. « Statim post reditum accepi. . .te Chalioteum esse. » — Ignorant le
nom latin (Caloilum) de la localité, Daniel a forgé une traduction sur la
forme française Chaliot (précédemment Chailloel, Challoel, Chailliau, Cha-
lyau, etc.)
60 THÉOPHILE DUFOUR
d'abord trouvé un refuge, pour se dérober aux poursuites
commencées contre lui, et il y jouissait de grands loisirs.
Les observations qui précèdent m'amènent à corriger aussi
la date adoptée pour une lettre' à Daniel % qu'Herminjard
place « vers mars 1534'. » Elle aurait été écrite par Calvin
durant son séjour chez Louis du Tillet, à Angoulême, et il
faudrait reconnaître cette ville dans l'indication finale Ex
AcropoU : le savant éditeur estime que l'hypothèse est « fort
probable. » Examinons-la.
Le philologue Pierre Daniel, fils de François, a transcrit
vers 1567 une partie des missives échangées entre Calvin et
ses amis d'Orléans ; les débris de leur correspondance ne nous
sont parvenus que grâce à ce travail et à la conservation de
deux autographes 4. Or, dans une lettre de Calvin à François
Daniel 5, très certainement envoyée de Paris, Pierre Daniel a
ajouté à la fin de sa copie les mots Ex AcropoU, en ayant soin
toutefois de noter en marge qu'ils n'existaient pas dans l'origi-
nal. Il semble, par conséquent, qu'aux yeux de Pierre Daniel
c'est la capitale qui est AcropoUs, et ce nom ne peut s'entendre
de deux cités différentes. Pour l'appliquer à Angoulême, bâtie
sur un plateau qui domine la Charente, Herminjard se sera
laissé guider par la signification de citadelle, et par le sou-
venir de l'Acropole d'Athènes. Mais àV.pcç, le plus élevé,
veut dire aussi, au figuré, éminent, illustre, en sorte qu'un
humaniste a pu désigner Paris par AcropoUs, de même que
Giovanni-Francesco Conti, dit Quintianus Stoa, avait intitulé
CkopoUs^ sa description de la même ville (15 14). Il y en
1. Herminjard, t. III, p. 156-158. — Opéra, col. 37, 58.
2. Et non à Duchemin, comme le dit M. Bossert (op. cil. , p. 59).
3. M. Lefranc (op. cit., p. 46) croit qu'elle est postérieure de plusieurs
mois. — Cf. Doumcrgue, t. I, p. 570, 426-427, n. 6.
4. Dont l'un, vu et coliationné par Herminjard (t. III, p. 106-111) à la
Bibl. de Berne, ms. 141, ep. 237, a disparu dans la suite (Opéra, col. 27).
5. Herminjard, t. II, p. 397, 398. — Opéra, col. 15, 16.
6. Sur ce poème, voy. une notice de M. Paul Lacombe dans le Bulletin
(h la Société de rhistoire de Paria, 1890, p. 114-117. Cf. ihid., 1894, p. 159.
CAUINIANA 6l
a précisément un exemple dans le Thésaurus epistoîicus calvi-
nianus : un correspondant du réformateur appelle, en 1553,
« senatores ôcv.porSkZM: » les conseillers au Parlement de
Paris ' .
Dans le corps de sa missive, Calvin vante la bonté de son
protecteur (patroni mei humanitas... tanta benignitas^, dont le
goût pour l'étude est un stimulant. Ces louanges, en particu-
culier l'expression de patronns, ne conviennent guère à Louis
du Tillet, qui avait à peu près le même âge ^ que son ami. Plus
loin Calvin rappelle ses loisirs (tanto in otio), exactement
comme Daniel l'avaitfait (tantum otium) le 27 décembre [1533].
A mon avis, nous avons là une réponse à cette dernière lettre,
et je pense qu'elle a été expédiée de Chaillot en janvier 1534.
La proximité de ce village, devenu en 1659 un faubourg de la
capitale, avant d'être absorbé par elle, autorise par exten-
sion l'emploi oUAcropolis ', et les termes d'exilium, secessus,
cadrent avec la situation de Calvin. Quant au mystérieux pro-
tecteur qui avait recueilli chez lui le fugitif, il demeure
inconnu.
III
Le prétendu emprisonnement de iSj4.
Parmi les extraits que le chanoine Sézille a tirés, entre 1760
et 1768, des registres capitulaires de Noyon, maintenant per-
dus, M. Lefranc a trouvé celui-ci :
1534, 26 mai. — Ms Jean Cauvin [suivent, dit en note M. Lefranc,
deux mots illisibles] est mis en prison à la porte Corbaut, pour
tumulte fait dans l'église la veille de la Sainte-Trinité, fol. 20 r°,
élargi le 3 juin, fol. 21 r", remis en prison le 5, fol. 22 r°.
1. Opéra, t. XX, coL 413.
2. Il était né vers 1508, selon Herminjard (t. V, p. 108, n. 11).
3. On remarquera également que Chaillot, « éloigné d'une petite lieue de
la Cité, » occupait « le haut du coteau, d'où l'on aperçoit Paris » (Lebeuf,
édit. citée, t. I, p. 408); sa position s'adaptait donc assez bien au sens
propre et usuel à'Acropolis.
62 THÉOPHILE DUFOUR
A la lecture de l'ouvrage de mon excellent confrère, ce texte
(p. 201) m'avait surpris^ soit parce que le « tumulte fait dans
Téglise » paraissait absolument contraire à ce que nous savons
du caractère de Calvin, soit parce que lui-même, s'adressant à
la reine de Navarre, remerciait Dieu de ne l'avoir « jamais
esprouvé par examen ne par prison \ » Une erreur s'était d'ail-
leurs glissée dans l'extrait de Sézille, car le dimanche de la
Trinité tombe, en 1534, au 31 mai.
Les affirmations de M. Lefranc (p. 45-48, 54, 181, 182)
étant très catégoriques, les biographes ont enregistré, d'après
lui, l'incarcération^ de 1534, « cette sorte de Wartbourg subie
par le réformateur français \ » Elle est entrée dans le domaine
des faits acquis +. M. Doumergue nous a donné (t. I, p. 25)
1. 28 avril 1545. opéra, t. XII, col. 68.
2. Due, selon M. Lang, à « une tentative grandiose et audacieuse pour
répandre la vérité. »
3. Lefranc, p. 47.
4. Voy. par exemple, — outre plusieurs comptes rendus de La jeunesse
de Calvin (H. D[raussin], L'Église libre, 1888, p. 222 ; — Cli. Dardier, Le
Protestant, 1888, p. 244 ; — N. Weiss, Bull, du protest, franc., 1888,
p. 493 ; — G. Mooodet Ch. Bémont, Revuehistorique,t.li\y>Nll\, p. 149;
— R. Jalliffier, Journal des Débats, 26 septembre 1888 ; — H. H[eyer], La
Seinaine religieuse de Genève, 1888, p. 248 ; — [Rod.] R[euss], Revue cri-
tique, 1889, II, p. 259, 260; etc.), — A. Lefranc, article cité, p. 1013 ; —
R. Stàhelin, article Calvin de la Realencyklopàdie fiir protest. Théologie und
Kirche, 3*6 Aufl., t. III, 1897, p. 658, 1. 18-20; — A. Lang, DieBekehrung,
p. 11-15 ; Johannes Calvin, p. 22 ; — É. Doumergue, t. I, p. 426-428, 441,
556; — Benrath, Calvin und das Genfer Reforinationswerk, dans le t. I
[1900-1901], p. 105, de : Der Proteslanlisnms am Ende des XIX. Jahr-
hunderls, hsgg. von G. Wcrckshagen ; — K. Mûller, mémoire cité, p. 218,
n. I ; — W. Walker, op. cit., p. 115 et suiv. ; trad. française, p. 125 et
suiv. ; — N. Weiss, dans le Bull, du protest, franc., 1909, p. 381 ; —
J. Pannier, Uenjance et la jeunesse de Jean Calvin, 1909, p. 51, 52 ; —
E. Knodt, op. cit., p. 19; — W. Schlatter, op. cit., p. 24; — Fr. Sieffert,
discours cité, p. 17 ; — K.-H.Cornill, Zu Johannes Caîvins Gedachlnis,Rede,
1909, p. 4 ; — W. Conrad, Johann Calvin, ein Lebensbild, 1909, p. 16;
Calvin, ein Volksabend, 1909, p. 1 1 ; — Th. Schneider, Calvin und wir,
1909, p. S ; — ^ A. Baur, Johann Calvin (Religionsgeschichtliche Volkshïtcher,
IV. Reihe, 9. Heft), 1909, p. 8 ; — G. Sodeur, Johann Calvin, 1909,
p. 9-10 ; — E. Korumann, Johannes Calvin, ein Lebens-und Charakterbild,
CALVINIANA 6$
une vue de la prison du chapitre à la rue Corbault, et M. Pan-
nier' nous apprend qu'aujourd'hui « pour les Noyonnais,
c'est la prison Calvin. » Si ce détail est exact, il montre une
fois de plus la rapidité avec laquelle les légendes se propagent
dans les milieux populaires, puisque celle-ci est née il y a
moins de vingt-cinq ans.
Un seul historien, M. Karl HoU, a eu des doutes : il exprime
le souhait que l'analyse de Sézille soit l'objet d'un nouvel
examen ^. C'est un soin que j'avais pris dès l'année 1900, mais
le résultat de ma recherche est encore inédit.
Vérification faite, le manuscrit 3 porte: « Un Jean Cauvin
dit Mudi est mis en prison... » La suite comme dans le livre
de M. Lefranc, avec les mêmes dates 4.
Ainsi le chanoine Sézille n'a pas écrit « M' Jean Cauvin »,
mais « Un Jean Cauvin », et ce vocable est déjà significatif.
Le surnom, dit Mudi, que le fils de Gérard n'a jamais reçu
ni porté, achève de démontrer que le prisonnier n'était pas
Calvin. On s'explique dès lors pourquoi Sézille s'est contenté
d'un bref sommaire, au lieu de copier ou de traduire intégra-
lement les trois passages originaux.
Au reste Le Vasseur ne s'y est pas trompé. Comme il rele-
vait, pour ses Annales (1633), toutes les mentions de Gérard,
Charles, Jean et Antoine Cauvin qu'il rencontrait dans les
archives du chapitre de Noyon, il se serait empressé de profi-
1909, p. 14; — G. Bayer, Johann Calvin, sein Lehen und Wîrken, [1909],
p. 25 ; — P. Wernle, Johannes Calvin (Monatshlàtter fur den evangelischen
Religionsunterricht, Juli 1909), p. 194; — G.-A. Van der Brugghen, op. cit.,
p. 10 ; — L. Penning, Het leven van Johannes Calvijn en ^ijn tijd, [1909],
p. 85 ; — G. -H. Irwin, op. cit., p. 20; — P. Pruzsinszky, op. cit., p. 80 ;
— F. Balogh, Kdlvin, a tôrte'nelenihen, 1909, p. 7.
1. Une visite à la ville natale de Calvin. Noyon. Paris, [1909], p. 10.
2. Johannes Calvin. Rede gehalien in der Aida der Universitât :{u Berlin.
Erweiterte und mit Anmerkungen versehene Ausgabe, 1909, p. 46.
3. Bibl. nationale, ms. fr. 12032, fol. 22 r».
4. Probablement interverties par une distraction de Sézille : le tumulte
serait alors du 26 mai, et l'arrestation du 50 mai.
64 THÉOPHILE DUFOUR
ter de l'occasion pour injurier derechef le clerc tonsuré qui
venait de résigner ses bénéfices. Or il s'abstient de noter
l'incident, et Desniay (1621) l'omet aussi. Tous deux ont
compris que l'arrestation de 1534 ne se rapportait pas à
Calvin.
On savait parDesmay ' et surtout par Le Vasseur (p. 1170-
1171) qu'en 1553 un « Jean Cauvin, Chappellain Vicaire de
la mesme Eglise de Noyon, non hérétique ^, » déjà puni « pour
son incontinence » et « sa vie libertine » le 23 décembre
1552 et le 2 janvier 1553, avait fini par être « privé de sa
Chappelle et du chœur, » après être demeuré « insensible à la
privation de ses gages. »
Mais ce n'est pas seulement en 1553 que les documents de
Noyon nous révèlent l'existence d'un homonyme de Jean
Calvin. Outre le fragment de mai-juin 1534 reproduit plus
haut, en voici encore un 5, antérieur de quatre ans :
1530, 20 juin. // y avait un Jean Cauvin, vicaire, à qui le Cha-
pitre fait donner 6 l[ivres] pour un procès au sujet de sa chapelle
qu'il défendoit. Fol. 4 v".
En publiant ces lignes, M. Lefranc (p. 199) a remplacé
« vicaire » par « chapelain » et retranché les quatre premiers
mots, tandis que le véritable texte prouve clairement que ce
Jean Cauvin n'était pas le futur réformateur 4. En effet Calvin
n'a jamais été vicaire et, en 1530, il ne possédait pas sa por-
tion de chapelle, puisqu'il l'eut du 29 5 mai 1521 au 30 avril
1. Cimber et Danjou, Archives curieuses de l'histoire de France, l'c série,
t. V, p. 390. — Voy. aussi Doumergue, t. I, p. 435.
2. Mort le 24 mai 1553, à Tracy-le-Val (Le Vasseur, p. 1182).
3. Ms. fr. 12032, fol. 21 v".
4. MM. A. Lang {Die Bekchrung, p. 8;Johdnnes Calvin, p. 13) et Dou-
mergue (t. I, p. 425, n. 3) admettem qu'il s'agit ici de Calvin. Observant
que celui-ci n'était pas chapelain en 1530, M. Karl Mùller (p. 221-222,
n. 4) conjecture que la décision du 20 juin se place dans une autre année.
5. Non le 19, comme riudiquciit MM. Lefranc (p. 10, 195), A. Lang,
Walker, etc.
CALVINIANA 6$
1529 et du 26 février 1532 'au 4 mai 1534. Le Jean Cauvin de
1530 est-il le même que ceux de 1534 et de 1553 ? Je l'ignore,
et la question n'importe guère. En revanche, il est tout à fait
certain que les deux passages de 1530 et de 1534 ne concernent
pas le théologien qui rédigera VInstitutlon de la religion
chrétienne.
Un troisième extrait de Sézille est encore à citer :
1533,23 aug. Un Jo. Cauvin paroît en chapitre, avec d'autres cha-
pelains, fol. 330 \°. On ordonne, ce même jour, des prières contre
la peste, qui faisoit ravage ^.
Après avoir réuni ces deux phrases en une seule, M. Lefranc
(p. 200) a de nouveau supprimé le mot Un. Sézille l'a cepen-
dant employé à dessein, soit qu'il estimât se trouver en présence
d'un autre que Calvin, soit qu'il ne voulût pas se prononcer
sur l'identité du personnage. Pour nous, comme pour lui, le
doute subsiste ici. Mais on devra désormais laisser de côté ce
texte, fréquemment invoqué ' dans les discussions relatives à la
1. Une transcription faite pour Dom Grenier (Coll. de Picardie, vol. 163,
fol. 196 vo ; Lefranc, p. 198) offre la date du 26 février 1550, qui corres-
pondrait au 26 février 1531 n. st. Mais il n'y a là qu'une faute du copiste,
et Le Vasseur donne (p. 11 59, 1161, en se trompant sur le jour de la
semaine, qui fut un lundi, non un mercredi) le 26 février 1531 (= 1532
n. st.), ce qui est confirmé par Sézille. — La date inexacte du 26 février
1530, comportant un écart de deux ans sur la date réelle, a passé dans le
récit de M. Lefranc (p. 12) et chez M. Lang (Die Behhrung, p. 7).
MM. K. Millier et Walker l'ont ramenée au nouveau style (15 31). M. Dou-
mergue imprime tantôt 26 février 1530 (p. 425, n. 3), tantôt 26 février
1531 (P- 39)-
2. Ms.fr. 12302, fol. 22 r°.
3. Lefranc, p. 21, n., 107, et article cité, p. 1012 ; — H. Lecoultre, La
conversion de Calvin, dans la Revue de théologie et de philosophie, 1890, p. 18,
ou dans les Mélanges de l'auteur, 1894, p. 149; — Dalton, article cité,
p. 545 ; — A. Lang, Die \Bekehrung, p. 9, 13, ^8;Johannes Calvin, p. 14;
— Doumergue, t. I, p. 304, 342, 352 ; — K. Mûller, p. 190, n. 10, 213,
214, 245 ; — W. Walker, p. 63, 66, 98; trad. franc., p. 70, 74, 105 ; —
P. Wernle, Noch einmal die Bckehnmg Calvins, dans la Zeitschrift fïir Kir-
chengeschichte, t. XXVII, 1906, p. 99 ; — J. Pannier, Lenfance et la jeunesse
Mélanges. II. c
66 THÉOPHILE DUFOUR
conversion de Calvin, car on ne saurait affirmer qu'il s'applique
à l'un plutôt qu'à l'autre des chapelains portant alors le nom
de Jean Cauvin.
Théophile Dufour.
Novembre 191 1.
de Jeati Calvin, 1909, p. 40; — E. Knodt, op. cit., p. 14, 15 ; — Fr. Sief-
fert, discours cité, p. 16; — K. -H. Cornill, discours cité, p. 3,4; — K. Holl
discours cité, p. 43; — H. Strathmann, mémoire cité, p. 242.
BIGORNE E CHICHEFACE
RICERCHE d'iCONOGRAFIA POPOLARE *
Fra le creazioni più orighiali e gustose clie siano uscite
mai dal cervello capriccioso de' vecchi giullari di Francia,
quella de' due fantastici mostri chiamati Chicheface e Bigorne,
mérita, a mio giudizio, un luogo segnalato, e giustifica piena-
mente la popolarità grande ed inalterata, di cui godette per
secoli non pochi tanto nel paese nativo quanto in parecchi
stranieri. Il concetto d'immaginare un animale corne Chiche-
face, dal corpo grottesco ed incartapecorito, dal muso allampa-
nato, più secco e magro délia lupa dantesca, condannato quale
è dair avverso destino a non nutrirsi che di mogli esemplari,
cibo rarissimo ; e quello di contrapporre a lui un altro be-
stione, Bigorne, tanto grasso, grosso e tondo quanto Chicheface
è smunto, scarno ed impresciuttito, per la ragione ch'esso si
pasce invece di mariti bonarî, mercanzia straordinariamente
abbondante, è certo arguto e felice ; e suona come lo scroscio
d'una schietta e giovanile risata in mezzo al borbottio fasti-
dioso ed ail' acre malignità délie pedantesche invettive che il
Medio Evo ha ripetuto con ipocondrica tenacia in disdoro del
I. Dô a questo studietto il sottotitolo présente per meglio prccisarne il
carattereela portata. Già fin dal 1901, difatti, Johannes Boite ha pubbli-
cato ntlVArcbiv fier das Stiuiium der neueren Sprachen u. Litteratiiren,
V. CVl, p. 1-18, una diligente dissertazione, in cui, cavando partito dal
rinvenimento di un foglio volante a stampa del sec. xvi fra i volumi délia
Vickiana di Zurigo, contenente la storia dei « zwei Wundcr thier », pas-
sava in rassegna tutti i testi fin allora noti intorno a Bigorne ed a Chi-
cheface. Il tema, che letterariamente poteva dirsi quasi esaurito, offre
invece ancora parecchia novità sotto il rispetto iconografico; ecco perché
io l'ho ripreso pur dopo l'accurato articolo deU'erudito tedesco.
68 FRANCESCO NOVATI
sesso femminino ed in denigrazione del matrimonio, cucinando
in tutte le salse il vetusto dettato : Foemina nulla bona... Ma
quando precisamente Chicheface e Bigorne abbiano fatto in
Francia la prima loro apparizione, e se siano balzate ad un punto
dalla calda fantasia d'un allegro giullare o abbiano tratti i
natali da diversi padri e siansi poi venute a ricongiungere
insieme per affinità di razza : son tutti quesiti ai quali sarebbe
difficile rispondere. Si è voluto per l'addietro da taluno desi-
gnare in certo bassorilievo, che esistette un tempo nella chiesa
di S. Marziale di Limoges, e che rappresentava un animale
mostruoso, detto dal popolo « la Chiche », la più antica raffi-
gurazione délia Chicheface ; e se n'è cavato argomento a con-
getturare che il mostro divoratore délie brave donne fosse
comparsoper primo, in età remota, ed innanzi che nel campo
délia poesia, avesse conseguita qualche popolarità nel dominio
dell'arte'. Ora a noi, come già ad Anatole de Montaiglon,
non parrebbe punto infondato l'avviso che la storiella di Chi-
cheface avesse in origine rinvenuto luogo fra quelle facezie che
gli scultori medievali amavano riprodurre sulle marmoree
pareti délie cattedrali ; ma, a dir vero, il poco che si sa del
bassorilievo limosino, non concède afFatto di riconoscere nell'
animale che v'era raffigurato (si vuole fosse una leonessa) la Chi-
cheface cara ai trovieri ^. Per ora quindi null'altro torna
lecito dire di quest' ultima, se non che essa fu ben conosciuta
in Francia già nel corso del secolo decimoquarto, se potè for-
nire materia ad una locuzione proverbiale che ebbe presto a
varcare le frontière ed a divenire anche altrove d'uso corrente.
1. V. L. C, Poésies morales, in Hisl. littèr. de la France, t. XXIII,
p. 246 sg.; A. DE Montaiglon, Recueil de Pocs. français, des XV^ et
XVh siècles, morales, facét., historiques, Paris, Jannet, mdccclv, t. II,
p. 198,11. 3.
2. Anche nel nome v' è una bella differenza; chè la Chiche non équivale
punto a Chiche face. Chiche ha qui il significato fondamentale di « piccolo »,
« arido », « secco », « sparuto » (cf. Kœrting, Latein.-ronian. JVôrterb.,
2ediz., n. 1369); qu'mdi chiche face, più che « vilaine mine », come Sf)iega
il Leclerc (Hist. cit., p. 247), valc « faccia secca » 0 quakosa di similc.
BIGORNE E CHICHEFACE 69
Goffredo Chaucer, difatti, quando chiude il racconto délie
straordinarie prove di pazienza, d'umiltà, di dolcezza, date da
Griselda, la marchesana di Saluzzo, rivolgendosi aile donne
del suc tempo, le scongiura a non imitarne mai la condotta.
«Non vogliate, o sagge, che l'umiltà vi chiuda mai la bocca;
« altrimenti finireste maie, nella gola di Chicheface » :
O noble wyves, fui of heigh prudence,
Lat noonhumility your tonges naille...
Lest Chichevache yow swelwe in hir entraille ! '
Ora di qui si desume in maniera indubitata che, ai giorni
del poeta, correva un testo francese, il quale narrava le avven-
ture del mostro misogino, ela sua vana ricerca d'un cibo tanto
eletto quanto raro. E probabilmente non andremo errati addi-
tando nel Dit de Chincheface , un poemetto di censessantotto
versi, che Achille Jubinal pubblicô già ne' suoi Mystères du
XV^ siècle % di su un ms. del secolo xiv, il fonte a cui l'au-
lore de' Canterbury Taies attinse e la cognizione délie inutili
ricerche di Chicheface e la pungente frecciata aile donne. Il
troviero anonimo, difatti, chiude il suo brève componimento,
rivolgendo loro la stessa ironica raccomandazione :
Por Dieu, dames, soiez garnies
De grans orguex et d'aaties ;
Se vo sire parole à vous,
Respondez li tout à rebours :
Se il veut pois, qu'il ait gruel ;
Gardez de rien qui li soit bel :
Ja nulle de vous ne li fâche :
De fain morra la Chinchefache 5.
1. The complète JVorh 0/ Geoffrey Chaucer , edit. from numer. mss. by the
Rev. WalterW. SVQàX,\o\.\Y, The Canterbury Taies, Oxford, mdcccxciv,
p. 425, TheClerkes Taie, v. 1183 sgg. Chaucer pare scrivesse Chiche vache,
in luogo di Chiche face; donde l'erronea opinione che il nome del mostro
fosse « vacca magra » : lean cmu (cf. op. cit., vol. V, p. 351 sg.).
2. Paris, 1837, V. I, p. 390 : cfr. Bolte, op. cit., p. lo-ii.
3. Op. cit., loc. cit. E cf. Hist. littcr. cit., Joe. cit.
70 FRANCESCO NOVATI
Ne l'oscuro autore del Dit ne il célèbre cantore délie virtù
di Griselda, narrando i lagrimevoli casi deU'affaiTiata Chiche-
face, fanno accenno veruno a Bigorne ; ma dal loro silenzio
sarebbe erroneo il dedurre che del fortunato divoratore de'
mariti bonaccioni, fosse ignoto ai loro tempi anche il nome '.
Ben al contrario ; un documento notevolissimo, posteriore di
pochi anni ai Canterbiiry Taies, ci permette invece di constatare
che la fama di Bigorne correva allora in largo ed in lungo, non
chèlaFrancia, l'Inghilterra. Aliudiamoal poemetto inglese, che
fu rivendicato a Don John L5'-dgate, nelle cui Opère minori
si trova inserito, il quale porta come titolo i due nomi accop-
piati : Chichevache and Bicorne ^.
Nel curioso componimento, ispirato forse al Lydgate, amico
e discepolo devoto del Chaucer, dall' allusione che questi aveva
introdotto alla bestia vaga di sgranocchiare donne compiute,
neir Envoy del « Racconto del chierico d'Oxford », noi rinve-
niamo ormai avvenuta l'unione non più frangibile di Bigorne e
di Chicheface : il primo, anzi, si dichiara legato ail' altra dai
« vincoli sacri e dai giuramenti del matrimonio ». E il libretto
(in cui chiunque sia un po' pratico délie abitudini del Lydgate,
non ricuserà di riconoscere un plagio da un testo francese) ci
offre già tutti gli elementi che .costituiranno anche in appresso
il piccolo dramma : vale a dire, accanto a Bigorne è posta in
scena la schiera de' mariti bonarî, che sconteranno sotto i
denti di lui la troppa condiscendenza dimostrata verso le
1. 5/Vo;-«é; è forse preso a prestito dal provenzale /^orwfl, lat. hicornis, a.
due corna. Cosi si chiamava e si chiama in Francia (ed anche in Italia) oggi
ancora una piccola incudine. Anticamente, perô, si dava siffatto nome
anche ad uua mazza di legno colla testa ferrata : cfr. Du Cange, s. v. bis-
coma. Il Godefroy poi, s. v., registra iigornier, che spiega : « qui entend
bigorne, c'est-à-dire l'argot » ; ma non reca insiemc nessun Uiogo di scrittore
antico (come non fanno ne il Littré ne il Darmesteter-Hatzfcld-Thomas
ne altri), che giustifichi l'equazione bigorne =: argot.
2. J. O. Halliwell, Mmor Poems of Dan John Lydgate, London, 1840
(Percy Society), p. 129; cfr. Morley, English Writers, VI, 107 ; e dello
stesso, Shorter English Poems, p. 55. Il de Montaiglox, op. cit., p. 192
sgg., ha riprodotto, traducendolo, tuttoil poemetto del Lygdate.
BIGORNE E CHICIIEFACE 7I
tiranniche meta; mentre vicino a Chicheface, anzi fra le
mascelle di lei, appare collocata l'uni ca donna, che, attraverso,
migliaia e migliaiad'anni, e dopo infinité, affannose peregrina-
zioni, l'afFamata bestia sia riuscita ad afferrare. E dal contraste
fra i lagni délia malnutrita Chicheface e le dichiarazioni di
egoistico giubilo del troppo pasciuto suo marito, scaturisce
schietta l'ironia ridanciona délia semplice farsa.
Perô il componimento del Lydgate présenta una particola-
rità molto curiosa, Ogni strofa di esso, quando entra in scena
un nuovo personaggio, è preceduta da una didascalia che
s'inizia con le parole : « Qui sarà ritratta da principio una
figura », ecc. Ora queste istruzioni a chi son desse indiriz-
zate ? «Credere — scriveva giàil DeMontaiglon — che siffatte
indicazioni : Ici sera poiirtrait (portrayed^, siano destinate sol-
tanto a designare le miniature da dipingere ne' mss., in cui
la poesia doveva venire trascritta, sarebbe puérile. D'altro
canto, non veggiamo qui nulla di drammatico, e la congettura
che un attore sciorinasse i versi, mostrando de' quadri, come
un ciarlatano sulla fiera, sembra inammissibile. Assai più pro-
babile stimerei dunque il pensiero che codeste strofe siano state
composte per trovare luogo come iscrizioni su cartelli o ban-
deruole per una tappezzeria ovvero una pittura murale ' ».
Il dotto francese ha senza dubbio colto nel seo:no. Eviden-
temente, fino dagli inizl del Quattrocento la storia di Bigorne
e di Chicheface dovette aver preso luogo fra que' terni bur-
leschi che si solevanodi preferenza riprodurre vuoi negli arazzi
vuoi negli affreschi destinati a decorare i palazzi signorili ed i
castelli baronali, cosî in Francia come in Fiandra ed in Inghil-
terra. Se non abbiamo testimonianze sicure che ci attestino
per Bigorne e Chicheface questo fatto, come le possediamo,
invece, già fino da tempo molto antico, per la « Fontana di Gio-
vinezza », il « Mercante svaligiato dallé scimmie », le « Dame
che vanno a saccheggiare », possiamo perô essere certi che su
I. Op. cit.. p. 196 sg.
72 FRANCESCO NOVATI
principio del sec. xvi le due bestie favolose fornivano spesso
motivi air estro de' pittori. Difatti, in una galleria coperta, che
cinge il cortile del castello di Villeneuve, posto nella vallata di
Lambron, alsud-ovest d'Issoire (Puy-de-Dôme), si vede ancora
una rappresentazione in grandezza naturale di Bigorne e di
Çhicheface, accompagnate dalle loro vittime, la quale è
illustrata dai rispettivi Dits, dipinti in caratteri gotici neri con
iniziali rosse. E le due bestiacce fiancheggiano il ritratto di
colui che fece ricostruire il castello ed eseguire le pitture che
lo decorano, vale a dire Rigault d'Aurelle, consigliere, ciam-
bellano e maggiordomo di Luigi XI, Carlo VIII, Luigi XII e
Francescol, che, nato nel 1445, morî il 15 settembre 1517 '.
Mentre il pennello d'artisti certo non volgari istoriava cosî
délie gesta di Bigorne e délia sua ischeletrita compagna lesun-
tuose dimore di nobili personaggi, il buhno di rozzi incisori
in legno s'affaticava a sua volta a riprodurle in grossolane raf-
figurazioni perla gioia délie moltitudini. Un rarissimo libretto,
stampato in caratteri gotici, sul principio del Cinquecento,
contenente Les dict:^ de Bigorne, la très grasse teste laquelle ne
mange seullement que les Hoynmes qui font entièrement le comman-
dement de leurs femmes, veniva nel 1840 riprodotta a facsimile
dal Crapelet per la nota Collezione del Silvestre ^ ; ed il poe-
metto in esso stampato, quindici anni più tardi, era poi di bel
nuovo pubblicato da Anatole de Montaiglon nella preziosis-
sima sua « Raccolta di poésie francesi dei sec. xv e xvi ». Illus-
trando da par suo la leggenda del mostro nemico de' mariti com-
piacenti, il de Montaiglon si domandava come mai, accanto
ad essa, non si rinvenisse quella di Çhicheface; e conchiu-
deva che, probabilmente, l'editore délia plaquette su Bigorne,
1. Queste pitture sono state segnalate ail' attenzione degli studiosi da
M. Georges de Soultrait, in un articolo comparse primamente nel Bullelin
d'antiqiiilés monumentales i\ï M. de Caumont, 1849, XV, p. 404 sgg. Larghi
estratti ne sono recati dal de Montaiglon, op. cit., p. 198 sgg.
2. Cotlection de poésies, romans, cJnvniques, publiée d'après d'anciens mss.,
etc., Paris, SiKestre, 1838-1858, 26 plaquettes in-i6. Bigorne qui mange tous
les Jiommes, etc. costituisce il no 9 délia collezione .
BIGORNE E CHICHEFACE 73
dovevaaverle dato ^ pour pendant » un' altra dedicata a Chi-
cheface, andata perduta '. Parole profetiche, perché nel 1870
un fortunato ricercatore di preziosità bibliografiche, il libraio
E. Tross^ scovava in Svizzera, insieme ad un seconde esem-
plare de' Z)//:( de Bigorne, anche una copia délia fin allora sco-
nosciuta stampa de' Dit:(^ de Chicheface. I due pregevolissimi
opuscoli, acquistati dal barone James de Rothschild, passarono
ad arricchirne la mirabile coUezione di libri rari ; e si rinven-
gono magistralmente descritti nel Catalogo, che délia Biblio-
teca Rothschildiana ha messo in luce il Bibliografo insigne, al
quale queste pagine sono dedicate corne tenue dimostrazione
d'ammirazione affettuosa e devota ^.
Il Picot, con quella competenza che tutti gli riconoscono, non
tardô ad avvedersi che i due libretti, cosi felicemente ricuperati,
dovevano essere usciti da una délie tante tipografie lionesi, le
quali fra gli ultimi del sec. xv e la fine del xvi furono atti-
vissime divulgatrici di produzioni popolari. Ed anzi, avvalen-
dosi di taluni dati storici offertigli da un' Epistre di Francesco
La Salla, aggiuntain fine dWi plaquette de' Dit^de Chicheface, potè
assegnare la comparsa de' due libretti al 1537 circa K Ma,
indubbiamente, i poemetti che racchiudono i vanti de' due
mostri antifemministi,oltrechè aLione'^,dovetterouscirechissà
quante volte mai alla luce in Parigi ed in altre città di Francia,
nel periodo indicato 1 Seguirli in queste oscure vicende, torna
a noi oggi, corne ben s'intende, impossibile. Tuttavia nel
corso di certe nostre indagini sull' iconografia popolare, ci è
avvenuto di mettere le mani sopra parecchi documenti i quali,
1. Op. cit., p, 191.
2. Catatogîie des Livres composant la Bilûiothcqne de feu M. le haron James
deRotlischild, Paris, D. Morgand, 1884, t. I, p. 337 sgg., n. 527, 528.
3. Op. cit., p. 340.
4. Qui pare che fossero ristampati anche dal noto incisore, Hbraio e stam-
patore, Leonardo Odet (i 578-1610), poichè fraie produzioni uscite dai suoi
torchi, è fatta menzione d'« une image sur Bigorne et Chicheface ». Cf.
E. VAN Heurck et G. J. Boekenoogen, Histoire de ritiiagerie popul.
flamande, Bruxelles, 1910, p. 59 3.
74 FRANCESCO NOVATI
riaccostati, potranno aiutarci a delineare almeno sommaria-
mente le trasformazioni e le rielaborazioni a cui la storia di
Bigorne e di Chichefaceè andata soggettacosî in Francia come
fuori di essa durante il secolo xvii ed il xviii.
Sul cadere del Cinquecento nella produzione popolarefran-
cese si verifica un mutamento di forme assai considerevole ;
accanto al libretto di poche carte, in piccolo formato, che con-
tiene la storia o la canzone, fregiata sul frontispizio d'una silo-
grafia molto alla buona, comincia ad aver luogo il placard, il
foglio volante, impresso da una parte sola, che, attese le mag-
giori sue dimensioni, puô essere stampato in caratteri più vi-
stosi, contenere un' illustrazione di proporzioni più grandi e
comprendere anche de' testi più lunghi. In questi placards
délia fine del sec. xvi e de' primi del xvii i tipografi pari-
gini ed i lionesi fanno, a volte, sfoggio d'un' eleganza e d'una
signorilità che riescono del tutto inattese in fatto di stampe
popolaresche ; talvolta la carta, grossa e sostenuta, è colorata
in rosa pallido o in giallo chiaro, ed i tipi impiegati sono
nuovi fiammanti; ornati d'iniziali, di testate, à'iciils-de-lampe;
il tutto di una correttezza singolare. Chi dia un' occhiata ai
preziosi volumi délia Collezione Hennin, conservata presso il
Cabinet des Estampes a Parigi, potrà facilraente sincerarsi
délia verità di queste nostre asserzioni \
Anche Bigorne e Chicheface hanno approfittato di codesta
impreveduta benignità de' tipografi francesi verso le vecchie
facezie, da cui traevano tanti profitti e che trattavano in géné-
rale cosî senza cerimonie. E la Collezione Hennin ci offre per
l'appunto i Dit^ dell' una e dell' altra, sotto codesta veste di
gala. Il foglio volante loro dedicato da Simone Graffard, uno
de' tipografi parigini, che, suiprimissimidelseiccnto, die' mano
alla stampa di cose popolari, è degno in tutto d'osserva-
I . Di questa cospicua collezione è a stampa, come si sa, l'Inventario , a
cura di Georges Duplessis, Parigi, 1876-1884, in cinque volumi.
BIGORNE E CIIICHEFACE 75
zione '. Ogni cosa v'è migliorata, cosî nel testo corne nella
illustrazione grafica che lo précède. Nelle plaquettes lionesi,
descritte dal Picot, ai Dit:( di Bigorne e di Chicheface sono
aggiunti (già si è detto) i ritratti d'entrambe ; e nel Catalogo
Rothschild essi sono ottimamente riprodotti a facsimile. Non
si puô a meno di ridere, guardando que' due sgorbi d'una bar-
barie merovingica... Bigorne vi è rappresentato corne un ani-
male tozzo e grasso, con una testa quasi umana ed orecchie di
rettile ; la schiena è ricoperta di larghe squame ossee, il ventre
deliziosamente quadrettato a losanghe con un puntino nel cen-
tro ; le zampe anteriori sono munite d'artigli e le posteriori
paiono quelle d'un palmipède. In bocca tiene un poveraccio
di marito, di cui non si vedono più che i piedi; daccanto,
inginocchiato, gli sta un altr' omiciattoloamanigiunte, pronto
al sagrifizio. Non meno amena è Chicheface, che pare una lupa
rabbiosa, con la coda di vacca, le mamme vizze e pendenti, le
zampe alternativamente terminant! in zoccoli di capra ed in
artigli di gallo : coi denti essastringe il fianco ad una donna che,
alzando le braccia, manda strilli da disperata. Nel placard di
Simone Graffard ai due vecchi ed isolati disegni vien sostituita
una composizione, disegnata ed incisa anch' essa alla buona,
ma con maggior senso d'arte rispetto aile proporzioni. La
scena rappresenta una canipagna boscosa ; sul dinanzi, asinis-
tra, sta ritto Bigorne, bestione obeso, che serba ancora in
parte il vecchio tipo délia stampa lionese, sebbene non abbia
più le zampe d'oca e non sia più quadrettato con tanta infan-
tile ingenuità. Esso inghiotte posatamente un buon marito, di
cui le gambe sole s'agitano convulsivamente fuôri délia sua
gola. A destra ècollocata Chicheface, magra da far paura, colla
I. Esso fa parte del tomo XIII, n. i, 200, e reca queste indicazioni
tipografiche : A Paris, cIk^ Simon Graffart, rue Montorgueil, à Vlviagc
Sainde- Agnès. Manca l'anno ; nella collezione Hennin è seguato il 1600,
ma, corne ben si capisce, questa è una data puramente approssimativa.
Ved. G. DuPLESSis, Inventaire de la Collect. d'Estampes relatives à VHist. de
France, léguée en t86] à ta Bihl. Nation, par M. Micl)el Hennin, Paris,
H. Menu, mdccclxxvi, t. I, p. 150.
76 FRANCESCO NOVATl
solita abbondanza di mammelle, ma senza le zampe di gallo :
essa tiene stretta fra le mandibole la sua preziosa preda che si
dibatte e grida. Di fianco a Bigorne è inginocchiato, in atto di
chiedergli aiuto, un altro marito, che la moglie infuriata inso-
lentisce e minaccia anche in quel supremo momento. Nello
sfondo si scorge poi un'altra coppia che s'abbaruffa. Nel cen-
tre un gruppo di mariti troppo buoni, e destinati quindi ad
ingrassare sempre più Bigorne^ assistono sgomenti alla fine
del loro disgraziato compagne. Più in là si vede ancora Chi-
cheface che ha ripresa la sua corsa interminabile attraverso
piani e monti, alla ricerca di quellaselvaggina che nonrinviene
mai.
Al dissotto délia silografia è poi disposto su quattro colonne
il testo de' Dit:^. Ed anche qui non siamo di fronte ai vecchi
componimenti : questi hanno evidentemente servito di fonda-
mento ail' opéra di un rifacitore che, senza ricopiarli alla
lettera, ne hacavato il meglio. La lettura dell' intero testo, che
diamo in Appendice (I), mostrerà, senza che aggiungiamo altre
parole, la verità del nostro asserto.
La stampa del Graffard, che abbiamo cosî descritta, o diret-
tamente o per via d'altre riproduzioni, che a noi sono rimaste
ignote, ha contribuito a fissare stabilmente il tipo iconografico
più diffuso délia leggenda di Bigorne e Chicheface '. Passata
in Olanda nel corso del seicento, essa capitô aile mani d'uno
de' più abiH e fini incisori che quel paese abbia vantato, Cornelis
de Visscher ^. Costui, incapricciatosi del soggetto, lo riprodusse
1. Il foglio volante tedesco « getruckt im Jar 1586 », ritrovato a
Zurigo, mentre, per quanto riguarda il testo, non fa che tradurre assai
fedelmente i poemetti francesi di Bigorne e Chicheface, quali leggonsi nelle
stampe parigine del 1557, reca de' protagonisti due ritratti incisi in legno,
che s'allontanano non poco dalla tradizione francesc (ne dà una médiocre
riproduzione il Bolte, op. cit., p. i). Lo stesso erudito aggiunge poi altri
interessanti ragguagli sulla fortuna dei due mostri in Germania e sopra
quella del Narrenfresscr, un loro concurrente, ma in sembianza umana,
non bestiale.
2. Sopra di lui, n. ad Haarlem nel 1629, m. ad Amsterdam nel 1658, è
a stampa una buona monografia del Wussin. Vcd. G. K. Naglek, Die
BIGORNE E CHICHEFACE 77
in una ragguardevole stampa in rame, di non grandi propor-
zioni, dove mantenne, si puô dire, quasi intatta l'economia délia
composizione primitiva, ma aggiungendo di suo molti minuti
particolari, e dando ai personaggi il carattere e le fogge délia
sua patria e délia sua età '. Lascena è dunque sempre un paesag-
gio, ma l'orizzonte è divenuto più largo, e sul cielo si profilano
le torri e le facciate d'una vecchia cattedrale, mentre fra i boschetti
fanno capolino fattorie e capanne. I due mostri, rimpulizziti e
resi più bonarî, stanno ancora sul primo piano del quadro :
l'uno a destra, l'altro a sinistra, con le loro vittime in gola; ma
i personaggi che li circondano, sono diventati più numerosi. Fra
Chicheface e Bigorne non più una sola coppia, ma due s'accapi-
gliano : Goeden Broeder, insultato da Duyvel, supplica Bigorne di
porre fine ai suoi tormenti ; e Signoir, che Maeij ha afterrato
per la chioma, chiedepietà poco lontano. Nello sfondo, oltre al
gruppo centrale de' mariti sbigottiti e piangenti, due altre coppie
si avvertono : a destra /at» Goetbloet, cadutoa terra^ geme sotto i
colpi che gli lascia andare sua moglie Nijdichyt, armata d'una
mazza, mentre Griei fugge spaventata ; a sinistra Neel con un
bastone, non meno poderoso, insegue Jasp, il marito, che
scappa a mani giunte. Schreininckel Aensicht ricompare in lonta-
nanza, sperando invano fra tante megere di scoprire una moglie
ammodo. Al dissotto dell' incisione una lunga leggenda ver-
sificata spiega il soggetto e dà conto dei numerosi personaggi
portati sulla scena ^.
Monogrammisten, fortgesetzt von A. Andersen u. C. Claus, Mùnchen-Leip-
zig, Hirth, 1881, v. V, p. 212.
1 . Un buon esemplare di quest' incisione si trova al Cabinet des Estampes
di Parigi, Tf, 2, p. 48. Il titolo délia stampa è : Bigorne u. Scherminhel . Il
nome dell' incisore si legge in basso : C. Fischer excudit.
2. Come i lettori avranno già avvertito, parecchi tra i nomi de' per-
sonaggi raffigurati nella stampa ed incisi accanto a loro, sono allegorici :
Goeden Broeder = Buon Compagno ; Duiivel = diavolo, donna cattiva ;
Engeltgen = Angelica ? ; Jan Goet lloet := Giovanni sangue dolce; Niidig-
ckeyt = Invidia, ecc. Vien fatto di pensare che la leggenda di Bigorne e
Chicheface fosse stata ridotta, come è avvenuto di tant' altre, nelle Flandre
ad una farsa da rappresentare sul teatro.
78 FRANCESCO NOVATI
L'incisione del Visscher, conformandosi ai gusti de' suoi
connazionali, ebbe certo ad incontrare molto favore. Ne questo
favore si limitô ail' Olanda. Sul finire del sec. xvii o meglio
sui primi del xviii, il rame originale essendo passato in
Germania, esso vi fu impiegato per ottenere una nuova tira-
tura; ma 1' editore tedesco, naturalmente, voile fare sparire
almeno in quella parte ch' era possibile, Timpronta dell' ori-
gine olandese : egli toise dunque via i titoli antichi e la vecchia
leggenda e sostitui in alto délia stampa due nuove intitola-
zioni latino-tedesche ; in basso, due abbastanza lunghi compo-
nimenti tedeschi, due prediche pronunziate rispettivamente
da Bigorne e da Chicheface ail' indirizzo délie mogli e dei
mariti '. La stampa cosi racconciata riprese quindi la sua
corsa ; ed il rame riaccomodato fini poi coll'essere portato in
Francia, dove entrô a far parte del fondo messo insieme dal
Richer, uno dei più attivi editori parigini di stampe popolari
del secolo decimottavo ^.
Questa, perô, non fu l'ultima trasformazione délia facezia.
Il de Montaiglon, chiudendo la bella nota, da lui dedicata
aile due bestie famose, assicurava che, quand' egli scriveva, « i
contadini del Nord comperavano ancoraper un soldo al pezzo,
due fogli colorati di Bigorne e Chicheface con relative leggende
in versi ' ». Noi abbiamo inutilmente esaminate a Bruxelles
1 . Un esemplare di questa rielaborazione esiste al Cabinet des Estampes
di Parigi, Tf, 4, p. 62, ed é quella di cui siamo lieti d'offrire qui una
buonissima riproduzione. I titoli incisi al di sopra dei due mostri sono i
seguenti : Hoc animal adeo macilentum est eo quod tantum bonus dévorât
faeminas : Dus Thier so niager an dem Leih Frist nicht dann nûr ein
frommes Weib (sulla Chicheface). Hoc animal perpinque (sic) est eo qiiod tan-
tum probos dévorât viros. Das Thier so hic vor Aiïgen ist Nichts dann die
frommer Miinner frist. (su Bigorne). In basso, preceduti da due rubriche
latine, i distici tedeschi che riferiamo ncU' App. II. Nel margine inferiore
di una mano del tempo si leggc questa nota : m cette Estampe a paru en Alle-
magne vers 1755 ». Naturalmente, i nomi dei singoli personaggi incisi in
olandese nell' interno dell' incislone non sonostati toccati.
2. Neir angolo superiore di destra la stampa nell' esemplare parigino ora
citato rcca lasigla liich. ; nell' inferiore a sinistra il numéro progressivo 28.
3. Op. cit., p. 203.
H'
u A.\:i'^AL vDFj? H.Ar-iLFvru.HE<TFOQj'ODT\\TrnBo\'v«.nri(P\Tr^."u\.\s Hoi v\in\i PFKn^rTT^'i-'.TTr:' ^^ ''âge: s.
CTItetJ ^^t^Ctb É<Ê>»T5.
-3>oS Aei-J&gi iJiûn tiiMp IPA)! fh
Un* pli œ Mien i'rtbiitxiJItbtn.,
fim- fliuf |irt|cnl«tj tjrwtimnrt.
y^im. rai\
's^jtl,'?l"Vc"v:îli.
TTrtncrrf rmnen.
BIGORNE E CHICHEFACE 79
come a Parigi parecchie collezioni di stampe popolari, date alla
luce nel secolo passato da varie stamperie délia Francia setten-
trionale, a Cambrai, a Lille, a Metz, ad Epinal, a Nancy,
per tacere di Chartres, di Troyes e di Parigi. Bigorne et Chiche-
face sono rimasti irreperibili.
E ritalia? Anch' essa, ad un dato momento, ha fatto cono-
scenza con uno almeno dei due animalacci tanto avversi al bel
sesso; vale a dire con Bigorne. L'autore di quella accademica
cicalata, che si intitola Lezione di maestro Nicodemo délia Pietra
al Migliaio sopra il Capitolo délia Salciccia del Lasca, impressa a
Firenze nel 1589, péri tipi di Domenico e Francesco Manzani,
e ristampata poi dagli stessi, nel 1606, sia desso o non sia il
Lasca medesimo ', fra molto baie e moite scipitaggini, reca
una pagina che non è senza qualche interesse per le nostre
indagini ^. Eccola :
« E stata usanza in Firenze sempre mai (egli scrive) uicino
al carnouale, farsi publicamente giuochi e feste ; e fra l'altre
andare in maschera in diuersi habiti, con uarie foggie e con
nuoue inuenzioni ; sicchè fra l'altre auuenne una uolta (molti
anni passati sono) che parecchi buon compagni per un Carnouale
ordinarono una Mascherata, e fecero uno animalaccio, a guisa
di quel Dragone, che l'anno per san Giovanni suol menar la
compagnia di san Giorgio a pricissione, ma maggiore assai, e
di maniera diuisato e colorito strauagantemente, non pareua
ne uccello ne pesce ne serpente ne altra fastidiosa fiera, percio-
chè il collo aueua di Cicogna, la bocca di Cigniale, la testa era
cornuta, ad uso di Toro, aueua l'alie di Pipistrello, la stiena
come il Coccodrillo, il corpo di Lupoceruieri, le cosce d'Orso,
la coda e la groppa di Lione, e i piedi d'Asino. Eraui un huomo
dentro che camminando adagio lo menaua a mostra per la
1. Ved. B. Gamba, Série âei Testi di lingita, 4 éd., Venezia, 1839,
n. 1475, p. 435. Il Melzi, Di:^ion. di opère anon. epseudon., t. II, p. 230 ; il
Brunet, Man. du lihr., to. III, c. 1043, riOQ fanno che ricopiare il Gamba.
2. Le:^ione, ecc, p. 49-50.
80 FRANCESCO XOVATI
Città, ed aueua congegniato un fil di spago in modo che tiran-
dolo colui, la bestiaccia apriva la bocca più larga assai d'un
forno, e dilungaua il collo ad uso di Giraffa, più di dodici
braccia in alto, di sorte che aggiugneua ad ogni finestra; talchè
le donne impaurite serrauono e si fuggiuano dai balconi,
aspettando che fusse passato. aueua una scritta al petto a let-
tere d'Appigionasi :
lO SON BiVRRO CHE MANGIO COLORO
CHE FANNO A MODO DELLE DONNE LORO '.
Biurro (donde il nome sia scaturito non saprei precisare) è
senza fallo un figliuolo délia vecchia Bigorne francese ; e se
poco gli rassomiglia nel fisico, giacchè que' bizzarri umori
fiorentini poseroogni industria a farne uno « strano uccello »,
in compenso al morale è tutto come il padre. Influssi orali,
soltanto, o letterari ed artistici insieme ? Sarebbe difficile dire ^,
Invece la cognizione délia leggenda nella forma tradizionale in
Francia, traspare in un secondo e curioso documente nostrano.
Voglio alludere ad una « Descrizione del Paese di Cuccagna »,
uscita alla luce suiprimi del secolo xvii daun'officinaromana;
probabile riproduzione d'una stampa più antica, come il titolo
induce a supporre K Orbene, nella carta di Scanza fatica, la
città idéale, detta anche « Cuccagna délie Donne », vicino alla
1. Già nella ristampa de' Diti de Bigorne, fatta dal Silvestre, era stato
segnalato questo luogo délia Leiione, suUa scorta de' Canti carnascialeschi,
Cosmopoli, 1750, p. 294, dove è stampata la « Canzone di Biurro »,
dovuta ail' accademica penna di Guglielmo detto il Giuggiola. E ved. anche
DeMontaiglon, op. cit., p. 203 ; Bolte, op. cit., p. 12.
2. Biurro era ancor vivo nelle memorie alla fine del sec. xvn. In uno
zibaldone genealogico di questo tempo, che si conserva nella Braidense di
Milano (AH. IX, i), a c. 2 A, è disegnato a penna un informe serpen-
taccio con testa umana, lunghe corna in capo. E sotto sta scritto :
lo son bruto {sic) e mangio colore
che fanno a modo délie moglie loro.
3. La vera descrittione del paese chiamato anlicamente Scait^a fatica et hora si
è nominato Clnjcdgna délie donne. La stampa è descritta e riprodotta nel mio
volume di prossiina pubblicazione, L Iconografia popolare italiana dal secolo
XV al XFiii, p. LU del Catalogo, n. 146.
BIGORNH E CHICHEFACE ôl
porta d'ingresso, sono collocati due arconi, che guardano verso
la campagna. E nell' interne di essi stanno accovacciate due be-
stiacce che con la gola spalancata minacciano i passant!. Al
disopra del primo arco un cartello reca la seguente iscrizione :
La Biligorgna che le mogli diuora
Che obedisce i mariti pur un' hora ;
ed al dissotto délia seconda porta è scritto quest' altro distico :
La Biligorgna che mangna quei mariti
Che di lor moglie contentan l'appetiti.
Stavolta Bigorne ne ha fatta una assai grossa ; oltre a man-
giarsi i mariti e le mogli troppo esemplari, s'è divorata an-
dirittura anche Chicheface, la sua compagna fedele !
Francesco Novati.
Mélanges. 11.
APPENDICE I,
Bigorne et Chicheface
{Paris, S. Gra^art, 1600
LA BIGORNE
Bigorne suis en Bigornois,
Qui ne mange figue ni nois,
Car ceux-là sont qui me nourissent,
Qui ne voudroient, quoiqu'il coustat
5 Que leurs femmes quittent Testât,
Tant à leurs femmes obeyssent,
Tenant le pot quant elles pissent;
Tels hommes me plaisent beaucoup :
Je les avalle tout d'un coup.
LE BONHOMME
10 Fier animal, sans nul soucy,
Sachez que je suis venu (i)cy,
Afin que sans miséricorde,
Pour me depestrer de ma femme,
Qui à haute voix me diffamme,
15 Votre vouloir au mien s'accorde;
Ce me sera paix et concorde,
Si vous m'avaliez promptement ;
Je n'auray plus tant de tourment.
LA BIGORNE
Attens un peu, beau Damoiseau,
20 Que i'aye avalle ce morceau.
Le quel est bon, je t'en asseure;
Et puis ton cas j'escouteray
Et si secours te donneray :
BIGORNE E CHICHEFACE 83
Puis que tu viens à la bonne heure.
25 Homme qui si tristement pleure
Comme tu fais, n'est pas joyeux :
Trop pleurer fait grand mal aux yeux.
LE BONHOMME
Je dois bien plaindre et lamenter,
Car je ne la puis contenter;
30 Et si au demeurant du monde
Je crois que pire n'y en a ;
Vilain par cy, vilain par là,
Me dit elle quand' elle gronde :
En coq d'Inde elle fait la ronde :
35 O quel pernicieux animal.
Qui jour et nuict me fait du mal !
LA BIGORNE
Vrayment ie voy bien à ta trongne
Que tu es un sot en personne.
Les femmes sont toutes langardes,
40 C'est ce qui fait souvent périr
Chicheface et de faim mourir.
Ces faulses pies babillardes
Elles sont cointeset bragardes;
Et le bon homme est leur valet,
45 Qui porte tout comme un mulet.
LE BONHOMME
Las ! oserois-je vous le dire
Car ceci est encore pire :
Je suis si pauvre et malautru
Qu'elle a iuré par sainct Martin,
50 Que devant demain au matin
Elle me mangera tout creu.
En son jardin ie ne suis creu :
J'aime bien mieux que me mangiez
Et que d'elle vous me vangiez.
84 FRANCESCO NOVATl
LA BIGORNE
55 Bon homme, tu me presse fort;
Ne sois point cause de ta mort,
De moy tu devrois avoir crainte
Et ne devrois venir icy
Pour t'exposer à ma mercy.
éo De te manger je suis contrainte.
Si ta femme en vient faire plainte,
Par après plus temps ne sera,
Car ton corps bien tost passera.
LA FEMME
Villain, tu ayme mieux encore
65 Donc que Bigorne te dévore.
Que d'estre sous la servitude
D'une telle Dame que moy ?
Bien, bien, qu'elle face de toy
Une fin malheureuse et rude ;
70 Car c'est une béatitude ;
Pour vous le dire en bon françois,
Qui a bon homme garder le dois.
CHICHE-FACE
L'on m'a nommée Chicheface
Aussi seiche qu'une carcasse ;
75 Par tout bonnes femmes ie cherche
Qui obeyssent promptement
De leurs marys au mandement.
Je suis plusgresle qu'une perche,
Car toute femme est si revesche
80 Que j'en reçois le plus d'injure,
Mourant faute de nourriture.
Car la femelle que ie tiens,
Helas, fait bien je m'en souviens !
Je la pris lorsque de grand rage,
85 II y a plus de deux cent ans,
Je chcrchois par villes et champs
Taschant de faire mon carnage.
Si ie l'avallc c'est outrage;
BIGORNE E CHICHEFACE 8)
L'on ne me voudra secourir;
90 Je crains par après de mourir.
Deux mil ans i'ay esté en voye
Sans pouvoir trouver quelque proye
Si non ce fut à la bonne heure
Qu'à bon droict et iuste raison,
95 Comme sortois de la maison
Je pris ceste-cy sans demeure.
Il faut maintenant qu'elle meure
Ainsi comme ie le prétend,
Car c'est le loyer qu'elle attend :
100 Si je demeure encore autant,
Mon ventre n'en sera content;
Mais quoy ? quelque douceur j'espère,
Que quelque femme obeyra
A son mary : cela sera
105 Pour moy quelque faveur prospère.
Car leur seroit grant vitupère
Et un acte trop inhumain
De me faire mourir de faim.
J'aurois d'une seule goulée
iio Desjà celle ci avallée,
Si i'avois espérance aucune,
Soit par les monts ou par les bois
Ou aux lieux où passer ie dois.
Encore d'en trouver quelqu'une.
115 Contre moy ont tant de rancune
Qu'elles ne veulent obeyr;
C'est pourquoy me faudra périr.
Bonnes femmes, par amitié
Veuillez avoir de moy pitié;
120 A vos maris obéissez.
Ne leur respondez nullement.
Afin que plus commodément
Désormais nourrir me puissiez;
Tant que ma panse remplissiez,
125 Qui pour vous tant de mal endure .
Femme est plus que la roche dure.
la][femme
Celle qu'elle ma\n'^e s'escrie :
86 FRANCESCO NOVATI
Ha ! beste, ie ne pensois mie
De mon mary aucunement,
1 30 Quand ainsi fus en desaroy
Emportée et prise de toy,
Obeyr au commandement :
J'en reçois un cruel tourment.
Rien ne me sert la repentance.
135 Femme doit user de science.
A Dieu vous dis, mes chères Dames,
Prenez mary sans aucun blasme
Gardez vous de la maie beste !
Femmes, ne vous corrigez pas ;
140 A crier prenez vos esbas
Et ayez touiours bonne teste.
Et si vostre mary tempeste,
Laissez le crier, ne vous chaille :
Femme qui craint ne vaut pas maille.
APPENDICE II.
Bicorne und Schreminkel.
Schreminkel.
Ononiain iinUihi iiivenio hmam foeminam, miramlum non est quod sim
iam macilenio corpore : qui en'un praiier bonam Uxorein nibil conie-
det, eu m famé perire oportet.
O ihr Weiber auf der Erden
Und wann ihr nicht wolt frdmmer werden,
So muss ich armes Thier verderben
Und in der Welt gar hùnger sterben.
Ihrseyd viel ârger dann der Teuffel,
Das erlahr mancher ohneZweifFel.
Mit zancken schreyen und auch reissen,
Mit tragen sçhlagen und auch beissen.
Mit schlieren fressen und auch naschen,
la was sie vor dem Mann erhaschen.
Das thtin sie ailes allein verzehren
Wer will mich armes Thier ernehr[e]n.
BIGORNE E CHICHEFACE 87
Dur, mager ist mein ganzer Leib,
Weil ich nichts friss dass ein fromms Weib ;
Und das miiss ich im Hûnger bûssen,
Endlich noch gantz verderben mùssen.
Dann ich lauff in der Welt herum,
Doch ich kein frommes Weib bekom ;
So will ich auch gantz yn vermessen
Anheben bôse Weiber fressen.
So darff ich nichtlang Hiinger leiden,
Will mich der Frommen gar vermeiden,
Und laûter bose Weiber schlucken
Und soit ich hait daran erststûcken.
Bigorne
Ouoniain uhique niagiiam hwenio honorum virorum copiant, quos ego
comedo, quid mirum, qiiod sim corpore obeso : mecum qui hoc iitetur
cibo, ille nunquam famé vexabitiir.
IhrMânner wolt ihr aufder Erden
Nicht eûren Weiber scherfFer werden ;
So mùss das dick und fête Thier
Bom fressen noch versticken schier ;
Drum hut euch doch seyd nicht so fromm
Das euch das Thier nicht ail bekom ;
Dann dises Thier voll buserTûcken
Die frommen Mànnerthut verschlucken.
So sie die Weiber lassen schlagen
Mitzancken greinen hefftig blagen,
Und ihn aussreissen Haar und Bart,
Wie jetzund ist der Weiber art.
Dann deren Weiber find man viel,
Dass der Mannthun muss wass sie will ;
Und soit es kosten Leib und Leben,
Wie dann du ail hie siehst darneben,
Das bose Weib auf diser Ban
Dem Thier thut schenken ihren Mann.
Welcher Mann hat ein bôses Weib,
Der wird gantz diirr an seinem Leib,
Und wird auch von dem Thier zernagen ;
So ist mein raht : ersoll sie schlagen.
Und mit ihr dûrch ail winckel rennen,
So kan er disem Thier enttrinnen.
LE POÈME CRETOIS
DE LA BELLE BERGÈRE
I
Parue pour la première fois à Venise, en 1627, la Belle ber-
gère a été souvent réimprimée dans cette ville, et c'est par elle
qu'Emile Legrand a inauguré sa Collection de monuments pour
servir à V étude de la langue néo-hellénique; il en a ainsi publié
chez nous trois éditions successives (1869, 1870 et 1900).
En voici l'analyse, telle que l'a donnée Legrand lui-même,
dans la préface de sa deuxième édition :
« Un jeune berger, gardant son troupeau de brebis dans
une verdoyante vallée, rencontre, sous l'ombrage des arbres
émaillés de fleurs, une blonde jeune fille, dont il devient
éperdument amoureux. Ils restent quelques jours ensemble ;
mais le père de la bergère, qui est allé à la carrière chercher
de quoi bâtir une étable, va bientôt revenir. Il faut se séparer.
Que de pleurs et que de baisers ! Les deux amants se jurent
un amour éternel et se donnent pour gage de leur foi des
bagues de jonc. Le jeune berger promet à sa bien-aimée de
revenir dans un mois la demander en mariage à son père. Il
part; mais, retenu dans la montagne par une cruelle maladie,
il ne revient qu'au bout de deux mois. L'âme en proie aux
plus sombres pressentiments, il dirige ses pas encore chance-
lants vers la grotte qui servait de demeure à sa fiancée; hélas !
la grotte est vide, solitaire, et semble pleurer l'absence de
celle qui est partie pour ne plus revenir. Sur une colline du
voisinage, le jeune berger aperçoit, vêtu de noir et assis sur
un roc, un vieillard à l'aspect désolé. Il Taborde, l'interroge, et
le vieillard lui répond : « Celle que tu cherches était ma
90 HUBERT PERNOT
fille ; la mort me l'a ravie, elle était la lumière de mes yeux
obscurcis, elle faisait la joie et la consolation de mes vieux
jours, mais la pensée qu'elle avait chaque soir l'a conduite au
tombeau. Elle m'a chargé de t'attendre ici. Il passera, m'a-
t-elle dit, un joli berger à la taille élancée, au teint bruni par
le soleil, aux yeux noirs, au gracieux sourire. Il s'informera
de celle qui est morte et à jamais perdue pour lui. Dis-lui
qu'elle est morte, mais qu'elle est morte en l'aimant, l'infor-
tunée. Qu'il la regrette et qu'il la pleure, car la cause de sa
mort, c'est qu'il avait laissé passer les jours sans revenir et
qu'il avait tout à coup abandonné la pauvre fille ; et pour cela
elle est morte de chagrin. Et ce jeune berger, ajoute le vieil-
lard, d'après la ressemblance, c'est toi ; je te plains, car je
croyais que vous seriez tous deux mes enfants et nous avions
parlé de mariage. » Le malheureux berger, le désespoir dans le
cœur, se fait conduire à la tombe de sa bien-aimée, et, là, il
fait vœu de pleurer le reste de sa vie celle qu'il a perdue pour
toujours. Il dit un éternel adieu à son troupeau, à sa flûte, à
sa musette, et se condamne à errer dans les bois avec un petit
mouton blanc qu'il avait reçu en cadeau de la jeune fille. »
On lit, à la fin du poème, les vers suivants (477-488) :
TéXoç --^^ Boo-y.îTTOjXar.
Kl (ôç èâsxà T£A£io)v' -q BoffXOTCOuXa,
'.(jTÔpu TaY), xaixtoij-aTâ ty;; cUXa'
7.1 âv EÛpSÔOUV âÀASÇ TTOAASÇ Ypa[J.!J.£V£C,
480 y.: ^S'jpYj TTao-a zlq tïwç sivai (TçaA[Ji,£V£?"
Môvov xwç ocbzTi £Îvat r^ xaXXiwTÉpa
«tu' 0(T£ç XI âv pp£Gouv rJ;v (rr,;j.£pov Yi[j,£pa'
£T(t' àxc \jÀ t'ov 'ATCOXopwvîr/jv
NixÔAaov Apu|j.y;-ivbv àirb ty;v Kpr^r^v,
485 Aiy.\z^([xivq [lï xov 7t£piafficv xôxcv
xat 'cuTCa)[;-£VYj elç BevetiSç tov totiCV,
otà xaa' iva xou ôéXei va [/.àOr]
vi ?'jY?î "? ^'pw-£ç xal ffapxbç Ta Tcaô*/;.
LE POEME CRETOIS DE LA BELLE BERGERE 9I
Fin de la Bergère. A cet endroit finit la Bergère, son histoire,
tous ses gestes, et s'il arrive qu'on en trouve beaucoup d'autres
écrites, que chacun sache qu'elles sont erronées. C'est celle-ci qui
est la meilleure de toutes celles qui se trouveront au jour d'aujour-
d'hui, ainsi par moi l'Apokoronite Nicolas Dr3miitinos de Crète
choisie à grand peine et imprimée au pays de Venise, pour qui-
conque veut apprendre à fuir les amours et passions de la chair.
Naturellement l'attention de Legrand s'est portée sur ce
passage. « Telle est, dit-il, dans sa charmante simplicité, cette
idylle champêtre dont, paraît-il, le fond n'a rien de fictif ni
d'imaginaire. Le poète a purement et simplement mis en
beaux vers un événement arrivé de son temps, événement
que tout le monde connaissait et qui avait inspiré d'autres
poèmes, qui ne nous ont pas été conservés. » Cette manière
de voir appelle, à notre avis, deux correctifs. Tout d'abord,
rien ne nous autorise à penser que l'événement rapporté, s'il
est réel, comme le dit Huet (Legrand, 3*^ édit., p. 8), soit
contemporain de Drymitinos. De plus, il ne nous semble pas
résulter du texte précédent que ce dernier soit l'auteur, au
sens où nous entendons aujourd'hui ce mot, du poème qui
nous est arrivé sous son nom. Il a choisi (oixkz'^'^Avq) parmi
différentes versions et non différents poèmes, qui existaient à
cette époque, et sa version imprimée est meilleure que celles
qu'on pourra trouver écrites à la main (Ypa;xiJ.£V£:;). Drymiti-
nos est à vrai dire le premier éditeur de la Belle bergère, dont
l'auteur reste inconnu. Le texte que nous possédons n'est pas
le texte original. Celui-ci a circulé en manuscrit, très proba-
blement aussi oralement, pendant un temps que nous ignorons,
et Drymitinos, vers 1627, s'est livré sur lui à un travail dont
nous ne pourrons apprécier la valeur que si jamais l'on
découvre une des versions contre lesquelles lui-même nous
met en garde. Voir, pour d'autres cas semblables, Politis,
AaoYpaçb, tome I, p. 37 et suiv.
92 HUBERT PERNOT
Le poème, tel qu'il se trouve dans l'édition de 1627, a des
qualités indéniables. Cependant il traîne en longueur vers la
fin et il est fort possible que ceci ne soit pas le fait de l'auteur,
mais de Drymitinos ou de quelqu'un de ses prédécesseurs.
Comme nous ne possédons ici aucun critérium objectif, nous
laisserons de côté les questions de ce genre, pour proposer seu-
lement quelques corrections de détail au texte adopté par
Legrand .
Les premières seront d'ordre rythmique. L'unité du mètre
employé dans l'édition princeps n'apparaît pas à première lec-
ture et ceci tient surtout à l'usage très irrégulier qui y est fait
de la synizèse. Un mot tel que y-X-oç est compté tantôt comme
disyllabique (v. 12), tantôt comme trisyllabique (v. 259); cià,
/.p'jov forment une syllabe aux vers 24, 202 et deux aux
vers 319, 194. Au vers 338, ç6àvo), Ocopo) -h cr^r^Xociz àpa-
•/viaj[j.£vo, il faut scander en unissant les deux derniers mots
par une triphtongue; y.xr,\j.vK: (v. 218), «/.oûsiv (v. 348),
xaÎY) (v, 461), çyapidTià (v. 85) forment diphtongue, mais non
pas •/.aYjrj.Évv) (v. 390), à-r)ocv:z-/.'. (v. 471), r.boix (v, 404) ; etc.,
etc.
Lorsqu'on tient compte de ces irrégularités, on s'aperçoit que
les vers du poème sont des hendécasyllabes, sans coupe défi-
nie, mais avec accent obligatoire sur l'avant-dernière et facul-
tatif sur les autres syllabes paires. Comme dans le vers poli-
tique, la première syllabe fait exception et peut être accentuée,
bien qu'impaire. La combinaison d'accents la plus fréquente
est celle-ci (v. 3) :
as cévTp'/;, aï A'.êicoia, aï 7:cTa|j.ia,
avec un triple accent, sur les seconde, sixième et dixième syl-
labes. Peuvent être considérées comme atones les formes 'éyjô
(v. 159, 171, 172), £7.£ (v. 149, 153), -zZyt (v. 372), -OTCV
(v.353)> -Oc^avsCv. 368),0£Aa)(v. 215, 434), 0£A£i (v. 203,384),
Xéyw (v. 221), £ÎvTa (v. 205), TOUTO (v. 255), à[j.£ (v. 181),
cr/wç (v. 291).
LE POEME CRETOIS DE LA BELLE BERGERE 93
Oq verra tout à l'heure qu'il n'est pas certain que Drymi-
tinos lui-même ait parfaitement saisi la structure des vers qu'il
publiait. Dans ces conditions, les éditeurs qui sont venus après
lui sont excusables d'avoir laissé subsister tout ou partie
des fautes que nous allons signaler, en prenant pour base la
troisième édition de Legrand.
V. I. EWk [xsvaA-^v l;opia, a' à'va Kx^fv.ioi. Lire 'S [j,£y^M''j
comparer v. 418 'ç Ti^ov, v. 446 '; Xi^aSu
V. 19. oixtI £pa)-£ç si/av y.oi.1 oo;îjY'*'^' L'accent de epwTS? se
trouve ainsi en troisième syllabe; on peut songer à oia-' sr/av
ïptù-tq xai [/.s oo^s.ùyx^.
V. 22. [JÀ ■Jïpoô'jij.ùv â'JîAwa'av aTap[xa-a touç. Lire à^Xwcav,
qui est en effet la leçon des éditions postérieures à 1627.
V. 25. K' e\ç TY)v xapoià [kou ri aaîx-a touç [ji.è awvst. Pour
que le vers fût juste il faudrait lire gxI—x disyllabique, ce qui
est une prononciation gênante et contradictoire avec uocï-i-zeù-
(Touv (v. 20) et ax-(i-~zq (v. 23). Nous corrigerions volontiers
en a' e\q tyjv xapoià [xou •/) aaîxxa awveu
V. ICI. AsY^iJ 'T)?' "ta Y^^"^-'-^ '^^'^ ^^ o[J^oppa p-axta. Vers
hypermètre; lire XeYto vr^q' xà y^"^^^^^ ^' wpaia aou ^Àziol^ cf.
plus loin, V. 268.
V. 140. xal oiâo) To a'jTY)vv)ç xal [ji.=va aùx-^wj. La finale du
vers précédent est sax-ruÀCot, la rime est donc défectueuse. Les
éditions suivantes ont corrigé en xal oî$(o -0 aj-:-/3VYj; xal [xsva
aj-ur,v/3 oîosf,, ce qui fait un vers de treize syllabes. Peut-être
pourrait-on lire oiow xo aÙTvjç y.al j^iva aùxr; tb oîosi.
V. 145. "EXa[ji.z£v ojpavoç xatTxp-/] y^IJi-^'o; est la leçon de
l'édition originale, il n'y a pas lieu d'ajouter ô devant ojpaviç,
pas plus qu'au vers 472 devant àexiç. L'absence de l'article
dans des cas semblables est due à un phénomène de contrac-
tion moderne (Pernot, Études de linguistique, I, p, 185); dis-
paru phonétiquement dans âs-6; pour 5 xz-bq, cet article est
ensuite supprimé devant voyelle et même devant consonne.
Il reste une apparente irrégularité d'accent (xà'-Tp-^), qu'il faut,
94 HUBERT PERNOT
croyons-nous, conserver, car elle se retrouve au vers 461 :
xat ôvTsv s -^'Xioc xxtîi izi-pzz '/.et'. çJAa; dans les deux cas cet
accent inattendu vient après une coupe, ce qui peut le justi-
fier, cf. aussi V. 371.
V. 199. y.at \}k (j'jvxcpva \).ï xpub -tzçîo v.%\ zivsi. Vers hyper-
mètre; lire, avec les éditions postérieures, v.al (j'jvy.îpva ou, ce
qui vaudrait mieux encore, t: auYy.spvS.
V. 208. wjàv s'iç -rb ay.oTici ts r.'jpoohi. Vers hypermètre,
qui devient juste en supprimant le second xb, comme il a été
fait dans les autres éditions.
V. 268. va l^pw -x-[-(ûj.y.x Al ojjicpfa xaXAr^. L'original porte
X'. o[j.3pça (j3i) 7.ihK-q. Lire xi wpa'.à aou xaXXr^, en comparant ce
qui a été dit plus haut, vers 10 1.
V. 324. x' -^XOa 7.7.1 Yiayupa si; tyjv oazo^-pozr, ij.ou. Les édi-
tions suivantes ont supprimé avec raison x' -^XOa.
V. 339. 'Eyp^xcuv àzb "b âa^o xr^;; va v.'K'xiyr,. Lire à-' to.
V. 379, T-Jjv •/^P^^'' "î^^"^ t3A^~f^ t7Tov£r,piv \j.o'j. L'acceut sur la
troisième syllabe fausse le vers, en outre le texte ainsi donné
n'a aucun sens. Quelques éditions ont remédié au plus grave
de ces défauts en imprimant s-r, yxpi^/. Lire t-^v wpa,
V. 383. r,xp!X^{^{B\'.x [x'à'3)Y)X£' 7:à a-x oatr-/;. Lire jx'às^xe.
V. 395. Ct!X'iv àXYiajji.6vY]a-é -r, -:y)v v.Tr,\j.irr,. Vers hypermètre.
Les éditions suivantes ont Ç'.;j.ib, on peut lire 'Çi\).ù àXY;(7ix6vr,7é
-Tf OU Çi[;,ibv XY3(7[j.ôv/;7i r/).
V. 459. TÔTeç èYw dTa (âouvx xal j-à op-/j. L'accent de j3oyvà
est métriquement faux. Lire oirq.
Des erreurs du genre de celles qui viennent d'être signalées
n'ont rien de surprenant pour qui sait ce qu'étaient les édi-
tions de Venise, même « corrigées avec le plus grand soin »,
suivant la formule consacrée.
On remarquera que le passage où Drymitinos parle de lui-
même et dont on ne saurait par conséquent lui dénier la
paternité, contient neuf vers faux sur 20 (478-495). La pro-
portion est ici beaucoup plus grande que dans le reste du
poème, et ceci contirme les doutes que nous avons émis sur
LE POEME CRETOIS DE LA BELLE BERGERE 9)
sa qualité d'auteur. On pourrait, il est vrai, en corriger aisé-
ment quelques-uns, mais d'autres résistent à toute tentative et
on a nettement l'impression que leurs défauts ne sont pas,
comme dans les cas précédents, le fliit des compositeurs de
Venise. Parmi ces vers, six ont été cités plus haut (479, 480,
482, 484, 485, 488). Les trois autres sont : xal TiXou; -95;
BoajcoTTOjXaç t-^ç xavjiJ.î'vr^ç (492), '0[xa)>; àsivovraç aj-i xi 7:apa-
[jMioi. (493, corrigé par Legrand en "0[j.w; âçCvovraç là zapa-
[AJ6ia) et E'tç -zobq '/lAiouç i^axôdiouç x' elxojTV] éjioijA-/] (495, OÙ
le même a écrit Utoùr... ^axodiouç).
Moins nombreuses sont les corrections de texte proprement
dites.
Au vers 27, vtxpov àirb tov â'5-/; Ifj'/jxo'xjav, les éditions ulté-
rieures ont avec raison ajouté [j.ï devant le verbe.
V. 83-84, /,' -J^y-ouvc xpar/jjXcVY] va Çto-q^r^acù , \ xaî tïwç va
^àXw va Tov àvaux-z^uw. Nous proposons xôzov au lieu de xal
V. 88. x' clç Ta BeXri[j.x-i co'j va xaTl-/-/;;. Le pronom [j.ï
convient mieux ici que va * [>.ï y.ctxéyziq.
V. 293-296. riù Y^'OY^?^ '^^''î Y"^ ''^ ^'^t'^Ti 'l'^pM I ■''••^'' 3 à'pMxaç
va '/au'^ ~b oo^apt, | r/)v vûxia âr/w^ â'ffxpa xal BpojouXa, | xapà
vàaf/îa-(.) TÉTsta (^oa-'/.o-oijXa. Lire •/.' r, vuxTa, au vers 295.
V. 343. -/.al ,3^.é7:£ -/.aTTsta 7:p6(2aTa •/.a'/j[;ivo;. Lire •/.' sjSXsxs.
Le vers 371, xt wpa vq ;j,ià [j.spà y.a', xWr, va TTuar;, est pour
nous incompréhensible. Les éditions suivantes ont mis œtyj
au lieu de zr„ sans éclaircir le sens.
V. 374. slvxa -o/.Xà ^xp'y. -à i'vstpâ Tr^ç. Lire elv-càv'.
V. 399. 01' aux' r,9ôXa Tra'.oî y-ou vi cà 7,y.[u<i. Lire But'.
V. 418. 'ç T07:ov ày.aOapb xai '/',ovtff;j.svo. Lire ày*''-^^^?^? ^^i
est la leçon des éditions suivantes.
96 HUBERT PERNOT
II
Nous connaissons trois versions populaires modernes de la
Belle bergère. La première a été publiée par Marinos P. Vrétos,
dans son 'EOv.xbv r,-^.ipcKb-(io^^ pour l'année 1868, p. 13-15, et
reproduite par Legrand à la fin de sa deuxième édition seule-
ment. Elle est donnée par Vrétos comme provenant de la mer
Egée, sans plus. C'est une version écourtée et même mutilée.
La seconde se trouve dans les Xiaxà àvaXsxTa de Constantin
Kanellakis, p. 1 13-128. Elle suit de très près le texte de cer-
taines éditions modernes, et je l'ai considérée comme une
simple copie légèrement modifiée, jusqu'au jour où l'éditeur
m'a affirmé qu'il l'avait recueillie à Nénita de la bouche d'une
VERSION DE s. GEORGES
Kàiw aà ^pùuT, y.cà gï TTstaiJ.via,
v/.eX [J.Ù Wu^ep-q, Tuavwpia xip"/],
dàv xaXï; xapoià y.i wpYxioç xà GwpY),
5 YÎêXsTïcV xaTuota zpôêaTa oixâ ty;;.
Sàv Tov YjAtov 'r,Xajj-'â£v -^ o;j.opçia Trjç,
f, fopeaà xou çipe -^Tav «j^pï),
x' Y]Xa[ji,x£ ffàv TOV oùpavbv [xè Taaxpif].
K' £y' wç ty;v I5w xb xarjî^ivo
10 xsfTO ax-J) 3pjaiv à7:£0a[j-[j.£vo.
nixv£i v£pxy.', àzk t-J] ppûu'/;,
aè ;x£va xbv xa-^ixévo va Tcà xo X'-'^Ti^
^£V£TCtaVV£t, ^£V£p(.')VV£l [XOU XO xàXl,
^(ù. và [xà auvE^ipv; àxb xy]v vxÇàXyj*
15 £y.£ïvo [XOU <pavt(TXY)y.£ xûç ^xaî Y'^'^pi^^^l-'' I-'-^^*
— iv £7uv£f£p£, xïjv £pwx'irja£*
« Akv £'x£tç [xavva, Sàv è'xet? ^^P"') ;
— Eî)ja x,ai [j.âvva, £Î)ja xat y.ypr),
\).aix' xoXXùç "/.aipbç ôxou x£Oava,
LE POEME CRETOIS DE LA BELLE BERGERE 97
vieille femme. La troisième est celle que nous allons repro-
duire. Elle m'a été dite en 19 lo, au village de Saint-Georges
(Chio), par une femme d'environ quarante-cinq ans, qui m'a
déclaré l'avoir apprise d'une vieille et pour qui elle ne se dis-
tinguait en rien des autres chansons anonymes connues dans
le village. Ces trois chansons remontent au texte de Drymi-
tinos, celle de Kanellakis presque immédiatement, par une
édition moderne, les deux autres d'une façon beaucoup plus
lointaine, avec plus d'intermédiaires. C'est Là précisément ce
qui fait leur intérêt. Nous envisagerons seulement ici la version
recueillie par nous, sans reprendre en détail celle de Vrétos,
qui d'ailleurs n'est pas de nature à modifier la portée de nos
observations.
ÉDITION DE 1627 '.
as SsvxpY), (7£ XiêâSia, aè iroTaj/ta, 3
ffè Spoaepà xal Tpuçspà XaYVcaâta. 4
navo)pia \\)yzpri, Tïavwpia "/.cipv;, 9
wjàv xaAY) xapSià xal wpaià axà Gwp-/], 10
■5 I^XsTCS xaTtoia TrpiSa-a âixà tjyj, II
x'sXafXTïs aàv ibv v^Xtov -q èi/opcpià tjy). 12
/, -^ çoptffià TCOu 9Ôp£'. i^TOV a<j-p-q 15
8 x' •i^Xay.TUc ffàv Tov O'jpavbv [j-à TajTp*/]. lé
[ X'. ô[j.TCpci; arJ) ^pù<7ri -î'^tw Xiywj^.svoç 29
( x' -r) xip-r] iôappsu xely-xi à7ro6a;ji,[xévo?' 30
Kal Tîatpvsi xpubv vepbv àxo x-J) 3p'J<^iQ 37
x' ep5(£Tac xpbç £[j,£va va Tzst xb "/ûay;' 38
Tb TupoatoTcôv [xou ^avappaivei TcaXtv, 41
OYià va ;j,£ o-uçÉpy; à-b xïjv ÇccAt^V 42
15 XôY^aC^vxaç ttcSç vavai y^'^'^P'^^v [aou. 40
16-17 'Pmxw xyjV àâsXçoù; £7£tç Y'O "'^'^P^j 177
'Eyw àoEAçoùç 0£v è'^o) ojoà [j.avva, 189
slvai xaipbç xoXùç ttou àxoôava* 190
I. Les nombres placés à la fin des vers renvoient à la 3e édition de
Legrand.
Mélanges. 11. 7
10
98 HUBERT PERNOT
20 ï'/b) -h c-Ti'/^z vo'.y.vy.ûpY;'
£'/(.) va yépo vspcvTzy.i
y.ac X£i-£'. àirè yjàç uto '/apaxt,
Tïà 7:£)v£xr,7y; 7:î'xpa va xdtij.-/; i^.avTpa,
xal (3ptax£iç [j.ova^âoa oXr// rJjv £6§o[j,3c$a. »
25 nXay.fôvvcu sic to c7:r,/aov àsvi'oia,
[j-à (Y)£Aota, [J.£ x^?^? "/•*' I-*'^ 7:ai)^viBta*
PpicrxouS ^Oi-^io, xjSyouv y.Aaoay.i,
y.a[/,v5u Y^iJpY'^^^^ tuit-^osioS ca^^xuAiSi,
y.'£pp£6wviaa":y]y.av xà ous tojv elç to opi[j.o.
30 nàv£ c-ib (77:r^Xto.
"Isia, ■TTi-rjOsta ':xytv ^xpijAvx.
y.cd xà TŒOjy.aAaxia -r^ç Tâ-/£v y,p£[Aaff;;.sva,
ŒTOj uy.ojTSAtou TÔv xo)/.ov £Î)(£v Xu)jvapi
x'r^TaiJ. [^.ù "/apà y.'ivav y.a[j.apt.
35 Ss [xlaY Y^*^^^ "-^ ff-YjAisu ît/s? çw-ià )J(i)(t;j.£V*^,
XI àç'rJjv */i[jL£pav zcuActzs rJ)v £'>/£5 ouXa[X[ji.£V*/;.
riiawsi Y^^'-^^-^ Y''^'^'^'^'' xpatTxxi xal XEpvS [;.£.
« 'Eyw, xipY], xpaji ckv ■::{vvto,
[j,ôvo vi [JLOu xa[;//;; ;j.ù-/ '/xp*^,
40 va TrafXEV Ta oub [xaÇi^l aib xAivap'.. »
"Qo'i£[j. '::oQ ttyjysv ô r^kioq 0 xxAtvapi.
£v £ar)X(oOT,xav à-KÏ ib [xa;tAXap'..
rsù- a' à^ivvw va rr^v è'yf;;,
xaî TSJTSv TGV [rr//a va [x ■XTzy.^niyf^ç,
45 vapTO) vajpco Ta vsjtijxx tJc '6[j.op^i jcj xaXÀYî. »
K' èOéX-r^aev -r) i).olpx tou TàvT^^âx'/j
xai X£<pT£i appa)(TTr(;xsvo œts xpîÇ6aTaxi,
xac [j,TCaivv£i 0 [^-"^vaç xal i^Yaiw' 5 o/.Xo;;
xat ûèv £[ji,';c6p£ to xopiJ.âxiv tou y'^: vàvcffavYj .
50 Stoùç X£VT£ [j.ï;"v£; x'.vw xaî xau),
xal -aipvM Tb ^£pYax'.;j, [xoj yix vàx-/.:'j;xza(.)"
aà xàOa totov ixàOivTsa xo[j.i;-àTt,
YÙ vàpTY) Tb xop[J-àx'.[j. [J-2U Y^^ vàv£ijâvv;.
llao) xal t^piuxw Tb (7--/)Xio pa7viaj;j.£'vs,
LE POÈME CRETOIS DE LA BELLE BERGERE 99
20 y.al •kOîov iytiq gto !77:r,Aaiov voiy.oy.tjpY;" 178
A^YSi H'=^'J* x'jp-r,v ey/o Yspov'àxi, 181
xai âT:b Ta àïq asitts-, (tto yapàxi, 182
va xo'lf; zixpa oyà va xiby] [/.avTpa, 183
Aîv IpysTat o)? r/)v aXX-/)v ê(3oo[xàSa, 185
25 ovT£ o"rb (J7:-(^Xaio (jtoa-a[J.£V atçvîoia 14?
{j.£ YSAcia, [ji xaps;, [xè xà TCaiyvcâta. 148
^piay.M t^aY'.à y.al y.ô^-o) eva y.Xaoay.i' 138
xdcvo) Yopvb TCi-r^osto oayTuAiot 139
7.7.1 olotù TO aÙTT^VY); xal [jiva aÙTr^v/;. 140
30 Mî xà Tca'-Yviota lTî-/;a{va[X£ rJj aipaxa' 14 1
"OiAopça y.at x'.5£;'.a 'aav (SaXi^iva* 169
r,(Tav£ xà xcvSkux v.pt[j.x'j[j.hx, 170
Sxou axoux£A'.ou xbv irâxo £ly£ Xuyvâpi, 153
•i^xov£ [ua yapà r.' iva :i^ajAàpi" 154
35 Sx-J] [j.',à t>-£pià xou (771-^Xiou sl/E x(i)at>.£VY3 149
(fwxià aTrb xr,v •/i[ji,£pa cpuXafjivYj' 150
^ Er/£ xai ^u3wxb y.paut oaiJ.axr. 197
( xai [X£ aJY^^P''? l^-^ ^?^^ ^'P^^ "^^^ "^^'^^^ ^99
Ma Xéyw t"1Ç' xupa, y.pa(Tl âàv -kIVco, 201
x' rfizXa va [^.ou £xav£ç xv; yàpv) 223
40 va Tc-^Y"^!^'^ Ï^PT*^? ^'Ç "^^ î^Xtvapi. 224
K'eIç oAiY'l^ ojpav ^X£7:oj;l£V xbv v^Xiov 229
y.ai ;à7cA(ùV£ xç à-/,xîv£(; xou (jxo arv^Aiov* 230
r£ià 7.al yapà ff' àsivo) va xV syfjÇ, 265
xat av i^-r)(7(0 [J-Éff' (Txb [J/r^va !pyo[xac TcaA'. 267
45 va 3pû xàYY-Xr^à xt oi^-opsa y.àAXv]. 268
[Ji.à G£X'/;i7£v r, [j-oïpa [xo'j xàC^-'/;, 3^7
"ETTEff' àppcoc:x*r)ijivo; <7xb xXtvapt, 3^9
\ 'E-ipajsv 6 \J.f,voiq xplv va OéuM, 313
^ l y.al Giaêr^ xai ô aXXoç va [xr^opiaco 3^4
va TCopTcaxTjad) y.m ffaXEUOoTjffw 3^5
( Ma yiaa ffxal ouo ixrjvs; £Yy.pr/.oû[xou 317
^O '
l [xà ■TcpoOuiJAà y.tvw Bià va T:ao), 3^9
51 y.paxwvxaç xb pa6oây.i vàxT-ouixTraw. 3^0
100 HUBERT PERNOT
55 l-*'^ r:rfKx, [j.k (Soupy.a âv£6ou5p«jJ.£vo.
açupivxÇw Tou, YuptvT^E', xal ôwpsf };.[X£ (toO y^psu)"
Y^i t"J;6 poffxoxouAXa àvepwTœ to.
« Eùtyjv ozsu ;j.ou Xsç, Tuaioipi, [/.ou,
60 r^xa ijTzKa.yyrf \>.o\) y.al 7:vo-q [j.su,
xat ^(Tèç ^xav -àvvià[j.£pâ --qz
xai xouVAaxta /.i/.aSous-av ^xà xpcjxÉ^aAAa xvjç.
Sxb 4''j)jc;xay_i(j;jiv xrjç r,A££v [j.cu*
« K'jp-/], YOVi£, va vx^^r^TYjç, àç£vxâxi,
65 îow •/.axo'.o? 33<î>^3? ôsi va TTEpaay;,
[j.aupi5£pbç cïvai y.i à5uvaffiap'/;ç,
vxra5(apoy.oupêoiJ.[xaxY3ç y.al vxÇocçuaiâpvîç.
— Nà [x;'jB£tyx£ç xb [xvY;y.a x^'ç xupa; (xou,
vaxa[xva xb ÔEpàxEic x^ç xaâpiS; \j.ou'
70 Aupa va [XYjv Trai^o) uXu, [^//joè xaYtaûÀi,
a£ X£pi6iXt va ixrjv £[jLxa) xXià, [/.vjSà ff£ XiêàSt,
c' «YxaOEpbv X2X0 va x'/jY^ctwo),
va Tupavv£»o[j.at, va (j'jpvw xôvo.
La comparaison du texte de S. Georges et de la version
complète dont il dérive appelle quelques observations géné-
rales.
Le fait que l'original était rimé nous place dans une situa-
tion particulière, favorable à la bonne conservation de ce der-
nier. Néanmoins la diseuse s'est peu souciée de la rime. Elle
l'a gardée là où elle l'avait présente à l'esprit ; souvent elle a
rimé par à peu près et souvent aussi elle n'a pas rimé du tout.
Pas plus que la rime, le rythme ne s'est imposé à elle. Si
elle a parfois conservé le mètre ancien, il lui est arrivé bien
plus fréquemment de le rompre, et de telle façon, qu'on ne
découvre dans ce nouveau texte aucune tendance rythmique.
Les termes dialectaux familiers à Drymitinos n'ont pas été
plus respectés. Il n'y a pas eu pour eux suppression voulue,
mais substitution inconsciente, et ce n'est pas sans peine qu'on
LE POÈME CRETOIS DE LA BELLE BERGÈRE ICI
54 <ï>Tavw, 6(opco 10 (jizTiKai.o àpa-/viaa;j.£vi, 337
55 \jA poupxa, |j.à x"/))^à va[j.oup5u)[j.svo" 338
S' b/oX) PouvûO xopçYj, œ' eva -/apay.i, 341
a^upiî^G) xai çwva^Q, ^^aipexû tov, 345
xat yià r};v (SoaxoTcouXa vaptoxco tov' 346
Al' aùrr^Wî -tuîu pcoxaç -^tov 1:1x101 [xoj, 353
60 Oappo; (J-ou Tou !pTa)5(0u xal aTCav-o^c/^ lJ,ou" 354
61 Tàvviaixspa tt^ç *^Tav ôdisç, ulÉ [J-cu' 38 1
63 Tr^v (opa -ou çetiûya, l[jiX"/)ai [J.ou, 382
K'jpY], Y^^"^? ^0! C'^i'^TlÇj àçsvxâxi, 409
65 £va; xaXbç [3caxbç GsXei xepausi, 384
MsXa^^pivôç, XiYvbç xal YsXaffiap'/jç, 385
vsoç 7,al [j.aupo[j,[;-axY3ç, oiw[j.aTàpï3ç' 386
va Tîa[j.£ UTO [j.v/][xs'jpt Trjç xupaç [j.su, 41 1
va xa[xw To xcvTÉvTO TY^ç xapBtaç |xou. 412
70 riavToûpa va [j/r]v irai^oj, oùoè çta|;,7rôXi, 445
'ç XiéàSt va [XY)v ixTro), oùc' elç xspiêôXi* 446
t Ai)(a)? Y^l^'^^^î ^si^^ouTOç va x-^aivfo 417
72 ) , , , , , o
( ç TÔxov axaOapb xa: ^iovi(7[Ji£vo* 410
Sià voiyb) xôvouç, xpiy.sç xal Xaxxapeç, 435
distinguerait l'origine Cretoise de cette version : seul le lexique
en a gardé quelques traces, tandis que la phonétique et la
morphologie sont nettement chiotes; la première permettrait
même de localiser immédiatement notre texte à S. Georges
ou aux environs.
Enfin, quelques formes ont été mal rendues, probablement
par simple erreur d'audition : v. 4, ojpY/.ib; (forme locale pour
(bptbç) G-y. fi(ôp-q au lieu de wp'.à G-y. ÙMp-q, v. 9, low au lieu de
sTca, V. 46, àvT^^r/.v; (forme locale pour àCax'o) au lieu de
Le poème primitif a été considérablement abrégé, puisque
notre version ne comporte que 73 vers, en regard des 498 de
l'original. On en a gardé l'essentiel, la partie dramatique,
mais on a notablement réduit le côté descriptif. Les additions
102 HUBERT PERNOT
sont insignifiantes, elles se ramènent en somme aux vers 52-
53 et 62. Ceci s'explique : le sujet est spécial, on ne pouvait
guère le confondre avec un autre, de plus son rythme particu-
lier faisait, lui aussi, obstacle aux intrusions. En revanche les
interversions sont assez importantes ; on les suivra aisément à
l'aide des chiffres mis plus haut comme renvois à l'édition de
Legrand.
Pour simples qu'elles soient, ces quelques remarques ne
paraîtront peut-être pas superflues, si l'on songe combien sont
peu nombreux, dans le domaine des chansons connues du
peuple, les cas où nous pouvons, comme ici, partir d'un arché-
type certain. Le cas courant est celui d'une chanson s'offrant
à nous uniquement dans ses variantes modernes.
Les progrès réalisés dans ces dernières années permettent
de croire que bientôt les néo-hellénistes chercheront à dégager
de ces variantes modernes les rédactions primitives, du moins
dans leurs lignes essentielles. Quelques essais ont été déjà
faits. Des chansons comme celle-ci semblent présenter quelque
intérêt, au point de vue de la méthode qu'on pourra légiti-
mement adopter dans les travaux de ce genre.
Hubert Pernot.
I SANTI DI MANERBI
PRINTED ON VELLUM
The productions of the earliest presses are not in gênerai
noted for their artistic qualities, but occasionally some printer
would issue one or more copies of an édition printed on
vellum instead of on the usual coarse paper. Thèse vellum
copies were doubtless intended for high personages, and it
was customary to hâve them adorned with the beautiful
miniatures commonly executed by the artists of the fïfteenth
century.
The standard scholarly guide to the books printed on vel-
lum is the well-known work of J. B. B. Van Praet entitled
Catalogue de Livres hiipriinés sur Vélin \ But in the nature of
the case this work cannot be wholly exhaustive, and it is the
purpose of the présent article to give some account of a
vellum copy from the incunabulum period which vv'as un-
known to Van Praet (although he cites a number of éditions
from the same press), and which seems to hâve escaped the
notice of Brunet and other later bibliographers.
While working in the Royal Library of Hanover in the
summer of 1902 the writer had the good fortune to corne
across a fine spécimen of an incunabulum printed on vellum
which had stamped on its cover the title I Santi di Manerbi.
This copy seems to hâve been mentioned in print only in a
small catalogue entitled XyJographische und Typographische
Incunabeln der Kôniglichen Oejjentlichen Bibliothek ^u Hannover ^,
1. A Paris : chez De Bure Frères, 1822-1828. 10 vols. 8vo.
2. Beschrieben von Eduard Bodemann, Kônigl. Rath und Secretair der
Kônigl. ôffentl. Bibliothek zu Hannover. Mit 41 Platten typographischer
Nachbildungen der Holzschnitte und Typenarten und 16 Platten mit den
Wasserzeichen des Papiers. Hannover : Hahn'sche Hof-Buch-Handlung,
Druck von J. C. Kônig d Ebhardt, 1866. Folio, vi and 130 pp.
104 G. C. KEIDEL
where there is given a brief bibliographical description citing
Panzer, Ebert and Bmnet.
Extant Copies.
As far as known the following copies of this édition are
extant :
1. Berlin, Kupferstichkabinet, no shelf-number (very im-
perfect) ;
2. Besançon, Bibliothèque Municipale ;
3. Bologna, Biblioteca Universitaria, Inc. 867;
4. Glasgow, Hunterian Muséum, Bx. 1.8;
5. Hannover, Kônigliche Bibliothek, Inc. 213 (on vellum) ;
6. Paris, Bibliothèque Mazarine ;
7. Paris, Bibliothèque Nationale (on vellum).
There are probably a number of other copies preserved
elsewhere, but at présent unknown to the bibliographers.
Edition.
Of the édition as a whole the following may be said.
The latest and best bibliographical description may be found
in Copinger's Supplément to Hain\ where the technical fea-
tures of the édition are carefuUy noted down, and the copies
in Glasgow, in the Mazarine Library at Paris, and in Besan-
çon are mentioned. The statement is likewise made : « F. 170,
241, 294, 322 not known. » Seven other éditions of the fif-
teenth century are also described by him.
Copies of the édition hère under considération hâve been
put down in various auction and bookseller's catalogues since
the close ot the eighteenth century, but the particulars may
be passed over hère in silence .
Of the contents of the literary work itself but little need
be said. It is an Italian translation of the well-known hagiol-
I. Part II. Vol. ii. London : Henry Sotheran and Co., 1902. See
pp. 219-220, Nos. 6496-6503, especially 6497.
I SANTI DI MANERBI PRIXTED ON VELLUM IO5
ogy of Jacobus de Voragine commonly called the Legenda
Anrea. Such knowledge as we hâve of the translater is
derived chiefly from the work itself, and will be cited later
on.
Hanover Copy.
The vellum copy in the Royal Library of Hanover was
carefully examined on Aiigust i8 and 19, 1902, when the
folio wing interesting détails vv'ere noted.
On the recto of the first preliminary leaf, and again on
f° 3 1 5 v° there is an oval red stamp whose legend is :
Bibliotheca | Regia | Hannoverana
The then Librarian, Eduard Bodemann, affirmed to the
author of the présent article on August 19, 1902, that he
could not tell when or how this volume came into the library,
but that the stamp and the binding might vv'ell go back to the
times of Leibniz himself.
Now Gottfried Wilhelm von Leibniz, the celebrated philos-
opher and eminent scholar, became the librarian of the
Duke of Brunswick in 1676, when he took up his résidence
permanent^ in Hanover, living on there until his death on
November 14, 17 16. It seems likely, therefore, that the vellum
copy hère described was bound and stamped for the Royal
Library of Hanover somewhere near the year 1700 A. D.
Some indication of its earlier history is, how^ever, given by
the numbering of the leaves. Originally there seems to hâve
been no attempt at foliation or other marking of the leaves,
but some early possessor (or librarian) has numbered the odd
pages in a rather modem hand, which is nevertheless prior
to the exécution of the présent binding. For many of the
Arabie numerals in ink, which are in the upper righthand
corners, hâve been either whoUy or partially trimmed oiî by
the binder's knife.
In this connection there may be mentioned a curions fea-
I06 G. C. KEIDEL
ture of the table of contents occurring before the body of the
text. In this références are given to the folio on which each
new life of a saint begins, and strangely enough thèse are
expressed by Roman numerals, while the leaves of the book
themselves bear no such numération. The reason for this
method of giving références is not apparent.
Material.
This huge folio volume is printed on vellum leaves measur-
ing at présent 38.5 cm. by 27 cm., and it forms a mass 6 cm.
thickwithout including the covers.
One of the most noticeable features about this handsome
book is the extent to which the vellum leaves hâve been
patched before printing. The unusual size of the leaves no
doubt made it rather difhcult to obtain skins of the proper
dimensions which had no blemishes. The patching begins on
the twenty-third folio, where an almost circular hole in the
lower margin measuring about two centimètres in diameter
has been carefully pieced out . As the volume progresses the
patches become more numerous, there being altogether thir-
ty-four patched leaves out of a total of three hundred and
nineteen. Most of the patches are in the margins, but in
two instances the text is printed upon them. In several cases
the skins were evidently too small, and consequently large
pièces had to be sewed on at the corners. The number of
patches on the same leaf varies from one to four, but in
only one instance is the patch roughly put on. There are
also a certain number of holes which hâve not been mended,
but thèse are chiefly ragged at the edges and are no doubt
due to the rough handling which the book received in later
times.
I SANTI DI MANERBI PRINTED ON VELLUM lOJ
Binciing.
The original Mcdiaeval binding has been removed, and in
place there has been substituted one in fuU brown leather
with elaborate gold tooling on the back and the prancing
horse of the Hanoverian royal family. On the cover there is
also stamped the title of the work as given at the head of this
article.
There are no fly-leaves at the beginning, but at the end
there is one vellum fly-leaf followed by a paper fly-leaf, which
latter is much crumpled and has a large pièce torn off at the
side. Now it inay be a question as to whether the paper fly-
leaf just referred to was inserted at the tinie when the pré-
sent binding was put on, or whether it is a relie of a former
binding. The fact that fos 314 and 315 (the last printed
leaves in the book, at least at présent) are both torn at the
top and a trifle crumpled at the bottom, while the succeed-
ing vellum fly-leaf has suffered similar damage, would lead
one to suppose that ail four of thèse leaves had been injured
at a time when a preceding binding was in a dilapidated con-
dition.
Furthermore on referring to Copinger's statement already
mentioned : « F, 170, 241, 294, 322 not known », it may be
surmised that as there are thî-ee preliminary leaves, plus
three hundred and fifteen printed leaves in the body of the
text, plus one blank leaf at the end (the vellum fly-leaf), in
this copy fos 170, 241 and 294 are missing, while the appa-
rent fly-leaf is in reality fo 322 considered above as ?iot
known .
The entire work seems to hâve been simultaneously set up
in type and printed in three parts later bound together. For
fo 77 vo, col . 2, is almost entirely blank without apparent
reason ; and fo 204 has extra spacing between the lines on
both recto and verso^ while the second column on the latter
has a large blank space at the bottom — ail this without
I08 G. C. KEIDEL
any reason for such an arrangement ot the text being évi-
dent. This fact of the simultaneous printing of several parts
(which was the common practice for bulky works at that
time) ' may in some way account for the three missing
leaves noted above, and which seem to be lacking in ail the
known copies.
Illumination.
Books printed on vellum in the fifteenth century lent
themselves to illumination with the same readiness as did
manuscripts written on the same material, which far sur-
passes both papyrus and paper for purposes of ornamenta-
tion.
On the second of the three preliminary leaves the text
begins with an ornamental initial shaded in ink in a style not
usually found in incunabula. But the chief adornment of the
book is found at the beginning of the body of the text, as
the whole recto of the first leaf is elaborately ornamented. The
entire margin is beautifully decorated in the same style as
the initial already referred to, but the artist has brightened
his work considerably by the addition of various colors. The
two columns of the text are separately marked off by a deep
blue border, as are also the edges of the entire page. This
latter border, however, has barely escaped the binder's knife,
but must originally hâve been surrounded by a gênerons
blank strip of the vellum. There is also an elaborate scheme
of floriation on this page. This contains six cherubs, as well
I. Cf. W. Kurrelmeyer, Die Erste Deutsche Bihei, Vol. 1(1904), pp. ix-
xi, especially thé foUowing passage :
« Die in betracht l^ommendcn nur teihveise bedrucl^ten blàtter dcuten
also darauf hin, dass mehrere setzcr ncbeneinander arbeiftten. Jeder setzer
fing natûrlich mit einem neuen blatte an. Der grosse des blattes wegen
(4 kol. zu je 61 zeilen) war also nicht zu erwarten, dass der ihm ziigewie-
sene abschnitt genau beim schluss eines blattes fertiggestellt werden wùrde.
Da aber mit dem folgenden abschnitt schon begonnen war, blieb das letzte
blatt des jeweiligen abschnittes teilweise leer. »
(Bibliothek des Litterarischcn Vereins in Stuttgart, CCXXXIV.)
I SANTl DI MANERBI PRINTED ON VHLLUM I09
as other figures, and is relieved by four small circular minia-
tures in colors. Three of thèse are below the text, while the
remaining one is on the right-hand margin. The miniature
below the division line of the columns of text contains a long
shield in white and red on a deep blue background, and this
heraldic device is no doubt that of the original owner who
had the illumination executed by especial order. The other
three small miniatures represent seashells containing jewels
set with precious stones of various colors but somewhat
conventionalized. The spaces between the columns and on
the left-hand margin are likewise fiUed with floriations. Most
conspicuous of ail, however, is a large miniatured P repre-
senting Christ walking down from a high hill surmounted
by houses. This beautifal initial occurs at the beginning of
the main body of the text and occupies a space équivalent to
ten Unes.
Arrangement.
The gênerai arrangement of the printed matter in the
volume calls for no spécial comment. The text is divided
into two columns, except in the case of the dedicatory letter
by the translator where long lines are employed. Besides this
letter the body of the text is preceded by the usual prologue
of the original author, and a table of contents. AU thèse
matters occupy three preliminary leaves, on which they are
arranged as follows : The recto of the fïrst leaf is bhtnk, its
verso contains the letter referred to ; the recto of the second
leaf contains the prologue, its verso the first portion of the
table of contents ; the recto and verso of the third leaf con-
tain the remainder ofthe table of contents.
The body of the text occupies three hundred and fourteen
leaves printed on both sides, and a portion of the recto of the
three hundred and fifteenth leaf. Near the middle of the lat-
ter and below both columns ofthe text isfound the colophon.
The verso of this leaf is entirely blank, as are both recto and
verso of the succeedino; and last vellum leaf.
IIO G. C. KEIDEL
The coloplîon reads as follows : A laude de Dio finifle le
legëde de tutti li fancti d le fancte | dalla romana fedia accep-
rati d honorati impreffe per mae | ftro Nicolo ienfon franzofe
régnante Sixto quarto ponti- | fice maximo : cl Pietro moze-
nigo inclyto duce di Venetia.
Dedicaiory Letter.
Probably the most interesting featureofthe whole volume
is the dedicatory letter, as in it alone do we obtain informa-
tion concerning the Italian translater and his relations with
the printer. It reads as follows :
Nicolao di Manerbi Veneto môacho del ordie Camaldulëfe.
A tutte le deuote d catholice chriftiâe | perfone : La gratia de
Dio fia con tutti uoi d la pace del fignor noftro meffere lefu
Chrifto.
LA fuma charita d bêiuolêtia cô laqle tutte le catholice
d deuote mte ho profeguito : fa che | giamai nô refti
dîagïarme d molto péfaf qllo diletti al defiderio uoftro:
d côducei" poffi al | piacere uoftro. Per modo che or legendo :
or fcriuendo : or priuata : or etiâ publicamente ] exhortâdo :
ognieta d ftudio mio cômoueffe. Intanto che nulla cofa tâto
faticofa fia d tâto diffici | le chio a la gratia uoftra con lieto
anio : d hilare uolto non nicîdi a executiôe : d qfto maxî-
ariite : côci ] ofia chio uedo moite fi religiofe côe etiâ laice
pfone cotâto 4)penfo anio di portarfe a la uirtu d a la preclara
lectionc de le facre littet- : che de loro glie da fpare bene : d
î tal modo glie da fpare che fono p | douer fupare lopiniôe di
curioli huomini dediti a le uane d ficte fabule : fe come fpiâo
frequêtemête ] fi darâo a lalectiôe de le optie d fâcte hiftorie.
Laquai cofa fa chio dediidi uerfo le charita uoftre fia | piu
ardête apreftarui fpirituale côfolatiôe : d chio abrazi li defide-
rii uoftri. Imaginante dûqj io qle ] preclaro dono preftare ui
pofli. Ecco che difponête la diuia prouidentia : e ftato pre-
pofto a efler tra- [ duto di lingua latina in lingua materna d
I SANTI DI MANERBI PRINTED ON VELLUM I I I
uulgare el uolume in fe continente le hiftorie cl légende | di
fancti : corne fono de li fancti apoftoli martyri confeffori
uirgene 6i:dequalûq3 ftato : de lequale la | facrofancta chiefia
catholica per tutto lanno fo memoria. Loquale certe carigo fi
corne graue d ini- | menfo molto uolentieri harebe ifchiuato:
faluo come di fopra ho dicto : el mio uerfo le charita uo- j
ftre fûmo amore : d lexhortatione â. preghieri de molti
amici : a quefto aftricto nô mi haueffero. Et | etiam fio non
haueffe ignorato in quefta tempeftade : di quanta utilita fara
al ornamento de la fa- | cra religione noftra : d ne futuri
feculi a gloria : d a uoi tutti auidi di intendere li gefti d
grandi facti | di fancti : di qto commodo d lande taie tradu-
tiôe di portarafe. Venuta e hormai leta mia igrauefcê | te
laquale in ueruno a Dio piu acepto otio : d a uoi piu utile fe
pofli exercitare ho imaginato : qto in | .taie preclara tradu-
tiôe.
Chiamato dûque a me il dilecto Hieronymo clariflimo
citadino firétio : nô | meno erudito de le facre littere : quâto
di uirtu adornato adcioche lui reuedeffe : d al arbitrio fuo em
I daffe quello ritrouarebe da effere correcto. Et î tal modo
homi affûpta quefta magna puïcia del tra | ducere : adcioche
habiate el uulgarizato libro : per lo qle poffati prendere el
côfolatorio fpirituale ali- | mêto : de le facre hiitorie : uilipê-
dàdo laltre uane bufiarde d lafciue fabule poetice d nô folamte
uoi I ma fi etiâ li pofteri noftri : d tutti li altri indiuerfe parte
de litalia fitibundi de le optïe fâcte hiftorie : | p uoi da qfto
uberrio fonte fatulare poflino la lorfede. Diche iuocato el diuïo
prefidio : cô ogni eu- | ra ftudio d uigilâtia : laquale gia p il
têpo paffato p diffecto di fcriptori o p meno fapef : î taie
facre | hiftorie aiûcte mutate : d nô al uero fétiiïito tradute.
habiâofe ftudiato de inftaurare. Si po che uer- | una minima
cofa del noftro aiuncto habiâo o fminuito : ma ogni fêtêtia d
hiftoria d dictiôe liata : | fi come meglio adaptauafeal fêtimto
fuo : expofto habiâo. Voi dûque deuotiffime d catholice pfo |
ne : lequale di d noctc a prendere fpirituale côfolatiôe : reuol-
112 G. C. KEIDEL
gete li molti uolumi di libri a côfeqre el | celefte â. imortale
prêio : cô hilare uolto d lieto anio afumete taie diuîa opéra :
abrazate effo uolûe : | d effo uoltate con la nocturna mâo d
riuolgete cô la diurna. Quefto certe e ilfalubre d côdito col |
fale el uerbo del (ignore : qui ce il uero ornato del dire : qui
glie la perfecta eloquëtia la folêne fede d | religione. Ouiui
glie la coftûata clarita. Quiui ue lordie d il facto modo del
benuiuere. Quiui final | mte ue la uera demoftrâte uia di
falire a la eterna patria. Quiui nô ue la puerfa amonitiôe del
frau- 1 dare d del calûniare : qui nô ue le fophiftice arte dar-
gumti : ma dimôftràdofi li ueri d philofophici | amaeftraihti
Da taie diuîo certe uolûe racoglierete li diuini d uberofi
fructi : p modo che fête p do | uere diportare d a la patria d a
li parenti maxio fplédore : d a li amici ornato : d uoi fête p
douer cô | feqre gloria d honore d celefti béni. Quefto etià
cô fcilêtio nô e da paffare : anci î qlûque luoco glie | da effere
predicato : come Nicolao lenfô ducête lorigie da la illuftre d
generofa Gallia : dapoi li in- | ftaurati quafi infiniti diuini d
preclari uolumi. liquali per lantiqta erêo ftati depditi d qfi
exticti : ] el diuïo del qle fafe mentiôe uolûe de le legéde di
fâcti uulgarizato : cô mirabile igegno d diuîa arte | ha ipreffo
d ftâpito : d quella cofa laqle p rarita era quafi ftata inco-
gnita : hora cô larte d induftria ] fua a tutti e mâifefta : p la
cui uirtu glie da efferli côtribuito el prêio cô ppetua lauda. La
gratia d pa- | ce del fignor noftro mefef lefu Chrifto fia cô
tutti uoi. In facto Mathia de muriâo a câto a lalma pa | tria
Veneta : fottol pôtifice maxio fixto quarto d Mafeo Girardo
deuotiffio patriarcha di Venetia | qnto Pietro Mozenigo iclyto
duce di Venetia a di prîo de luio mille quatrocêto feptanta-
cinque.
Translation.
In order to gain a clear notion of the gênerai character of
the translator's method there may be cited in parallel columns
I SANTI DI MANER I l'RIKTED ON VELLUM
113
the beginning ofthe Lifeof St. Alexis from a Latin édition of
1478, and from the Italian édition ofabout 1475, hère under
considération ' :
ru m. 7
ris primi
Original
ALexius fuit filins
I Euphemiani
viri nobihf- |
fimi romano-
in aula | imperato-
. Cui tria | milia
puerorum affiftebant. qui fo-
uis I aureis cingebantur. et
veftimentis fe = | ricis indue-
bantur. Erat autem prefe= |
ctus Euphemianus valde mife-
ricors. | et finguhs diebus in
domo fua très mê | fe paupe-
ribus, orphanis. viduisetpe =
I regrinis parabantur. quibus
ftrennue | feruiebat. et hora
nona ipfe cum viris | religio-
fis cibum in timoré domini
capiebat.
Johns Hopkins University.
Translation.
FV Alexio figliolo di Eu-
femiano nobilif ] fimo
huomo româo : & primo
nella cor | te del imperatore :
alla prefêtia delquale ftaua |
no tremilia ferui : liquali
ciucti erano di cintu | re do-
ro : & fi ueftiuano di uefti-
mente di fêta. | Era iui Eu-
femiano preclaro huomo &
molto I mifericordiofo : nella
cafa del quale ogni di fi |
preparaua tre menfe : alli
poueri : alli orfani : al ] le
uidue : & alli peregrini : alli-
quali egli ftrenu | ameute fer-
uiua : & circa Ihora di nona
piglia- I ua el cibo cou li huo-
mini religiofi nella parte | di
dentro délia cafa :
George G. Keidel.
I. The Latin text hère given was copied on Aug. 6, 1902, from Mainz,
Bibliothek des bischôflichen Priesterseminars, Inc. 104 : Jacobi Januensis
Opus Historié Lombardice sive Legenda Sanctorura, Nurimberga;, 1478,
fo 118 vo, col. 2. The Italian text occurs on fo 142 ro, col. 2.
Mélanges. II.
(c ROSAFLORIDA »
Fra i manoscritti spagnuoli di cui è ricco il Museo Britan-
nico, si trova, sotto la segnatura « Add. 10,431 », una rac-
colta di « Poesias varias », che appartenue nel secolo xviii
air appassionato raccoglitore e non oscuro erudito D. Grego-
rio Mayans y Siscar. Se ne possono avère ragguagli dal Cata-
logue ofthe Manuscripts in the Spanish Langtiage of the British
Muséum by Don Pascual de Gayangos, I, Londra, 1875,
p. 14-15. Il codice è cartaceo"; di 121 foglietti;e andrebbe
assegnato, stando al Gayangos, alla seconda meta del secolo
XV. Altri tituba tra la fine di quel secolo e il principio del
successive.
La raccolta ci présenta una série di ben quarantaquattro
rimatori, tutti, credo, spettanti al secolo quindicesimo. Il
decimo posto vi è occupato da Juan Rodriguez del Padrôn,
che coniincia a mostrarcisi a carte 30 r° e si ritrae alla carta
32""*, Délie poésie che dovrebbero esser sue, le più erano ignote '
al Paz y Melia, quando, nel 1886, per la « Sociedad de bibliô-
filos Espaiïoles », dette fuori a Madrid un volume intitolato
Ohras de Juan Rodrigue^^ de la Câmara (ô del Padrôn^, dove del
resto le composizioni poetiche sono in piccolo numéro. Il
manipolo londinese (di un semplice manipolo si tratta anche
11, corne già indica il poco spazio occupato) ha fornito la ma-
teria a una pubblicazione di Hugo A. Rennert, Liederdes Juan
Rodngui'idcl Padron, nel t. XVII (1893), P- 544")^, délia
Zeitschrift fiïr romaniscbe Philologie.
Di Juan Rodriguez ben più che le rime importano sicura-
mente le prose. Cosi dichiarô duc volte, a distanza di tempo.
1 1 6 PIO RAJNA
il rimpianto Menéndez y Pelayo, che dello scrittore galiziano ha
trattatoampiamente, colla solita dottrina e sagacia, prima nella
Antologia de Poetas liricos Castellanos, t. V, 1894, P- ccvii-ccxxxv,
e poi negli Origenes de laNovda, t. I, 1905, p. ccciv-cccxii '.
Il giudizio sarebbe stato modificato dalla pubblicazione del
Rennert, ignorata la prima volta, se il Menéndez y Pelayo non si
fosse sentito poco disposto ^ a riconoscere col Rennert, p. 557-
58, e più ancora col Baist, Spanische Litteratur, nel Grundriss
del Grôber, II, 11, 433, come appartenenti in proprio a Juan
Rodriguez tre composizioni eterogenee — « romances » — ,
che nel codice londinese vanno frammiste colla roba corti-
giana.
Uno dei tre era già stato pubblicato dal Delius fin da
quando il codice era di récente acquisto, nel volume XIII del-
YArchiv del Herrig. Ma ne di questo, che è una versione pecu-
liare del Conde Arnaldos ^, ne délia variante qui offertaci dél-
ia Infantina'^, io ho ad occuparmi ora di proposito 5. Voglio
bensi fermar Tattenzione sulla Rosajîorida, anch' essa dataci in
forma distinta da quella in cui l'accolsero fino dalla meta del
secolo XVI le note collezioni a cui attingono i moderni ^. Ri-
produco dal Rennert, p. 546-47 ', il testo di Londra ; e gli
1 . AntoL, p. ccxxv, « Restan de Juan Rodn'guez del Padrôn très libros
en prosa mucho mâs interesantes que sus versos » ; Orig., p. cccv, « Su
prosa vale mâs que sus versos ».
2. Origenes, p. cccv. V. anche Tratado de los roviances viejos, in Antol.
de poet. lir., t. XII, 1906, p. 282.
3. DuRAN, Romancero gênerai, n. 2^6; Wolf e Hofmann, Pr/wai'^ra _)»
jlor de Romances, n. 153.
4. DuRAN, n. 284 e 285 ; Primavèra, n. 154 e 154 fl.
5 . Me ne occupo bensi in uno scritto intitolato Osservaiioni e diihhi con-
cernenti la storia dellc romande spagnuole, da cui queste pagine sono rampol-
late, e che figurerebbc qui in loro vece, se l'essermi cresciuto troppo fra
le mani non mi avesse costretto a dargli altra destinazione.
6. DuRAN, n. 584; Primavèra, n. 179.
7. Solo aggiungo alcuni accenti, modifico l'interpunzioue, talora l'ag-
gruppamcnto, e do rilicvo coll'iniziale maiuscola ai versetti dispari, ossia al
principio di ogni periodo ritmico. Le correzioni sicure accolgo tacitamente.
ROSAFLORIDA
ÎI7
metto accanto, corne si fa da lui, la lezionc del Çancionero
de Romances, indispensable alla discussione che terra dietro.
I . Alla en aquella ribera
que se llama de Ungria,
AIH estaba un castillo
que se llamaba Chapiua.
5 . Dentro estaba una donzella
que se llama Rosaflorida.
Siete condes la demandan,
très reyes de Lunbardi'a ;
Todos los a desdenado,
10. tanta es la su loçania.
Enamorôse de Montesinos
de oydas, que no de vista.
Y faz a la média noche
vozes da Rrosaflorida.
15, Oydolo abie Blandinos,
el su ayo que ténia .
Levantârase corriendo
de la cama do dormia.
l Que abedes vos, laRrosa ?
20. i Que abedes, Rrosaflorida,
Que en las vozes que dades
parecés loca sandi'a ?
Ay fablô la donzella,
bien oyrés lo que diria :
25. Ay bienvengas tu, Blandinos,
bien sea la tu venida.
Llébesme aquesta carta ;
de sangre la tengo escrita.
Llébesmela â Montesinos,
30. â las tierras do bivia,
Que me viniese â vere
para la Pascua Florida.
Por dineros no lo dexe ;
yo pagaré la venida.
3 5 . Vestiré sus escuderos
de un escarlata fina ;
Vestyré los sus rrapazes
de una seda broslida.
Si mas quiere Montesinos,
40. vo mucho mas le daria.
En Castilla esta un castillo,
que se llama Rocafrida ;
Al castillo llaman Roca,
y â la fonte llaman Frida.
El pié ténia de oro,
y almenas de plata fina ;
Entre almena y almena
esta una piedra zafira ;
Tanto relumbra de noche
como el sol â mediodia.
Dentro estaba una doncella
que llaman Rosaflorida.
Siete condes la demandan,
très duques de Lombardia ;
A todos les desdeiiaba,
tanta es su lozam'a.
Enamorôse de Montesinos
de oidas, que no de vista.
Una noche estando asi,
gritos da Rosaflorida.
Oyérala un camarero
que en su câmara dormia.
l Que esaquesto, mi seiïora?
l que es esto, Rosaflorida ?
G tenedes mal de amores,
ô estais loca sandia.
— Ni yo tengo mal de amores,
ni estoy loca sandia ;
Mas llevâsesme estas cartas
d Francia la bien guarnida ;
Diéseslas â Montesinos,
la cosa que yo mas queria.
Dile que me venga â ver
para la Pascua Florida.
Darle he yo este mi cuerpo,
el mas lindo que hay en Castilla,
Si no es él de mi hermana,
que de fuego sea ardida.
Y si de mi mas quisiere,
yo mucho mas le daria.
Il8 PIO RAJ\A
Dall'é yo trynta castillos, Darle he siete castillos,
todos rriberas de Ungrîa. los mejores que hay en Castilla.
Si mas quiere Montesinos,
yo mucho mas le daria.
45 . Dall'é yo cien marcos d'oro,
otros tantos « de plata fina.
Si mas quiere Montesinos
yo mucho mas le daria.
Dair é yo este mi cuerpo
50. siete anos d la su gisa,
Que sy dél no se pagare,
que tome su mejorîa.
Di Rosaflorida non parlano altri « romances » ; ma Mon-
tesinos^ universalmente noto per l'episodio délia « cueva »
nel Don Chisciotte (P'^ seconda, cap. xxii e xxiii), ci viene
innanzi, quale protagonista o deuteragonista, in varii ^. Deu-
teragonista egli è in quelli a cui si riferisce e di uno dei quali
cita versi il Cervantes : protagonista vi è il cugino Duran-
darte, cosi chiamato curiosamente dal nome délia spada
d'Orlando ' . Ne guardando ad essi, o ai due che ci rappre-
sentano una sfida e un sanguinoso duello fra lui ed Oliviero
per ragione di una donzella, Aliarda '^, e nemmeno guardando
a quello che si conchiude colle nozze sue colla saracina Guio-
mar, fattasi cristiana ^, alcuno potrebbe indovinare ciô che
vide per il primo Gaston Paris ^, che sotto le vesti dello spa-
gnuolo Montesinos noi abbiamo il francese Aiol. La cosa re-
1. « /. otro ta! ? », demanda il Rennert. Più semplicemente,direi, « otro
tan ».
2. V. per la série in génère, MiLÂ Y Fontanals, De la poesia heroico-
popiilar castellana, p. 346-51; Menéndez y Pelayo, Antol. de poet. lir.,
XII, 411-25; FoERSTER, Aiol et Mirahel und Elic de Saint Gille,He.\\-
bronn, 1876-82, p. xx-xxii ; Normand e R.\ynaud, Aiol, Parigi, 1877
(nella coUezione délia Soc. des atic. textes fr.), p. Ij-lix.
3. Duran, n. 385-93, e il satirico n. 436, « Durandarte, buen amigo »,
dal quale si puô sospettare che venisse al Cervantes qualche spinta, consi-
derata la probabilità che in causa sua Durandarte sia detto riguardo a
Montesinos 0 da lui medesimo « su grande amigo », « mi amigo ». Pii-
viav., n. 180-82.
4. Duran, n. 370 ; Primav., n. 177 e 177 a.
5. Primav ., n. 178.
6. Histoire poétique de Cbarkmagne, p. 212-13.
ROSAFLORIDA II9
sulta bensî in modo indubitabile da due « romances » fon-
damental! ', di cui il primo conta, con tono di pretta narra-
zione -, i casi paterni e la nascita di Montesinos, e il seconde
la venuta sua alla corte e la vendetta che egli prende del tra-
ditore Tomillas '.
Benaltro carattere ha la « Rosaflorida )^ cosî concisa, ra-
pida, piuttosto lirica che narrativa 4. Accadrà perfino di
dubitare che Montesinos-Aiol stia qui a rappresentare un valo-
roso qualunque délia corte di Carlo Magno, e seoccorre, non
1. DuRAN, n. 382-83 ; Primav., n. 175-76.
2. Si arriva al segno di darci, senza che nella moltiplicità delle fila se
n'abbia la giustificazione (cfr. Le fotiti delV Orlando Furioso, 2aed., p. 143),
formule come questa, rispondentialle abitudini dei narratori ingenui : « No
prosigo mas del rey, sino que lo dejo estar ; Tornemos d don Grimaltos...»;
« Dejemos lo de la corte, y al conde quiero tornar». Eil racconto ci è pre-
sentato come un « exemplum », ed ha un cominciamento affatto insolito
per un « romance », che a questo carattere aggiunge ancora rilievo :
« Muchas veces oî decir v â los antiguos contar, Que ninguno por riqueza
no se debe de ensalzar, Ni por pobreza que tenga se debe menospreciar.
Miren bien, tomando ejemplo » {al. « Mirad bien, tomad ejemplo ») « do
buenos suelen mirar, Como el conde » ecc.
3. Di questa composizione il Cancionero de romances, ossia la più primi-
tiva tra le raccolte di romanze apparse in antico (F. Wolf, Studien \ur
Geschichle der Spanischen und Portugiesischen NationalUteratur, Berlino,
1859, p. 514 sgg., e hitroduzione alla P?-imavei-a,p. lxix sgg. nella ver-
sione spagnuola, dentro al t. VIII délia Antol. de poet. lir. cast.), non dà
che una prima parte ; e la dà in forma che non combacia bene col « ro-
mance » anteriore. In esso, quando Montesinos è stato partorito, il padre
Grimaltos prende in braccio la puerpera e lui, e con questo carico arriva ad
un romito, che battezza poi il neonato, iniponendogli il nome che le cir-
costanze délia nascita suggeriscono a Grimaltos ; nelF altro il padre narra
al figliuolo come la madré, pertoritolo, dicesse al marito di prendere il
bambino e di portarlo a battezzare, facendolo chiamar « Montesinos » ; e
conforme al detto è dasupporre che sia seguita l'azione. — Il dissenso spa-
risce nella lezione data dalla Siîva de varias romances nell' edizione barcel-
lonese del 1582 (vedasi nella Primavera, in nota), che ci offre un testo
completo, preso verosimilmente da un « pliego suelto ».
4. Il Menéndez y Pelayo, Antologia, XII, 411, la dice « lindisima joya
de nuestra poesia popular, cuyo asunto es, en el fondo, el mismo que el
de la linda Melisefidra; perotratado con mâs delicadeza, en forma casi lirica
y envuelto en la misma atmôsfera fantâstica, que se respira cou deleite en los
vagos y misteriosos romances sueltos de Fontefrida y Rosa Fresca ».
120 PIO RAJNA
di quella soltanto. Che mutamento s'avrebbe mai se al posto
s uo si mettessero Rinaldo S Oliviero, che già abbiam visto
suo rivale negli amori di Aliarda, « Gaiferos » ^, ed anche
La ncilotto oppure Tristano ' ? E movendo dall' analogia che
il Menéndez y Pelayo rileva col « romance » délia linda Me-
lisenda o Melisendra ">, che, accesa di passione per il « conde
Ayruelo», balza nottetempo dal letto, esce dal palazzo, uccide
un « alguacil » del padre che la vuol fermare, e, aperte per
arte d'incanto le porte délia dimora di Ayruelo, arriva a lui e
gli si abbandona 5, movendo, dico, di qui, vien fatto di rani-
me ntare che si chiama « Melisenda » la moglie appunto di
Gaiferos in una romanza divulgatissima ^, e che questo nome
riceve il suggello dell' autenticità dalla sua rispondenza con
quello francese di « Belissant », portato de una lussuriosa
figliuola di Carlo Magno in un episodio dell' Amis et Amiles,
in cui Corrado Hoffmann, approvato poi da tutti, vide l'ori-
gine délia romanza iberica ^ .
Ma ci son fatti i quali conducono a ritenere che Montesi-
nos non sia qui punto un semplice intruso. Già Wendelin
Foerster, proemiando ail' Aiol ^, avvertî sagacemente che il
nome « Rosaflorida » richiama il « Bellarosa » dell' Aioljo
italiano in ottava rima : uno sgraziato e tardo prodotto délia
nostra letteratura cavalleresca, del quale ci sono note per
1. MilA, p. 354-55 ; Menéndez y Pel., Antol., XII, 427-37.
2. MiLÂ, p. 344-46; Menéndez y Pel., Antol., XII, 378-87.
3. MiLÂ, p. 382-85 ; Menéndez y Pel., Antol., XII, 469-76.
4. Nel passo riferito in nota testé. E si veda ciô che di questo « romance »
è stato da lui detto prima, p. 388-91. Il Milâ ne discorre a p. 359.
5. DuRAN, n. 522 ; Primat/., n. 198.
6. Menéndez y Pel., p. 385-86. Vive tuttora anche fra gli ebrei spa-
gnuoli del Levante ; e la sua popolarità si estende al Portogallo e alla
Catalogua.
7. Amis et Amiles et Jourdain de Blaires, Erlangen, 1852. Nella 2» edi-
zione, posteriore di trent' anni, che mi trovo sotto gli occhi, p. v-vi (in nota).
8. A p. XXI. Si veda qui dietro l'indicazione bibliografica, p. 118, n. 2.
ROSAFLORIDA 121
esemplan pervenutici tre edizioni degli anni 15 16-19 S ^ che
résulta essere stato stampato perlomeno fino del 1503 ^.
Bellarosa non è già nel poema nostro un personaggio episo-
dico. Ci si mostra al canto quinto, e non sparisce che alla fine
del dodicesimo ed ultimo, occupando un posto ed esercitando
funzioni, che ne fanno un appropriato riscontro per la
« Rosaflorida » spagnuola \ Figliuola dell' Argalia od Arga-
liffo, signore di Baldrach, bella quanto si puô essere, un buf-
fone ne porta la fama a Parigi, destando in Aiolfo una passione
irrefi'enabile. Egli vuol andare ad acquistarla. Non lo sgomenta
il sapere che per ottenerla dovrcà combattere
Prima con mille, puo' con dua mille,
po' con trea milia gente armate tutti ;
indi, successivamente, con quattro cani, dueleoni, un drago.
Parte dunque col buffone, e dopo varie avventure arriva a
Baldrach, dove gli si présenta lo spettacolo di dieci impic-
cati, suoi predecessori nella disperata intrapresa. Viene in
1. Si veda la Bihlîografia Melziana. lo studiai e sunteggiai questo Aiolfo,
od « Aîolpho », più di quarant' anni fa alla Marciana, sopra un esemplare
deir edizione milanese del 15 18, appartenuto ad Apostolo Zeno. Il Foer-
ster e gli editori francesi competitori suoi ebbero invece davanti l'edizione
del 15 19. V. FoERSTER, p. X ; Normand e Ravnaud, p. xlvij.
2. Un' edizione veneziana recante quella data è registrata da Marin
Sanudo in un elenco di ben trenta poemi e poemetti italiani, quasi tutti
cavallereschi, contenuto nel Codice Marciano 369 délia Cl. IX. Ital., c. 225-
232. Di ciascun poema, oltre al luogo, stampatore ed anno, si dà la prima
stanza. Una notizia del notevole documento, grazie al quale veniamo a
conoscere non poche edizioni ignote ai bibliografi moderni, pubblicô il
Crescini, sotto il titolo, alquanto discutibile, « Marin Sanudo precursore del
Melzi », prima nel Gioniale storico délia Letterahira italiana, V, 181-85, e
"çox nt\ M oXmwQ Per gli stiidi roman::^i, Padova, 1892, p. 155-61. I libri
forse appartenevano al Sanudo stesso ; forse piuttosto stavano nella biblio-
teca del cognato suo Giovanni Malipiero. V. Bertoni, « Le manuscrit
provençal D et son histoire », Annales du Midi, XIX(i907), p. 242.
3. Dell' andamento générale di tutta l'azione possono informare gli
« argomenti » dei canti, che sono riprodotti tanto dagli editori francesi
deir Aiol, p. xlvij-1, quanto dal tedesco, p. xi-xiii. Quest' ultimo aggiunge
qualche particolare a p. xviii.
122 PIO RAJNA
cospetto deir Argalia, manifesta il proposito, e non nasconde
la condizione sua di cristiano. Bellarosa, che subito s'è in-
namorata di lui per ciô che gliene ha detto una cameriera, lo
va a vedere, s'infîainma ancor più,lo arma lei stessa, e gli dà un
cristallo, che basterà mostrare al drago per farlo cader morte.
Aiolfo esce vincitore da tutte le prove, e costringe colla forza
l'Argalia, répugnante, a consentire aile pattuite nozze. Avanti
che si celebrino Bellarosa vorrebbe gustarne il dolce ; ma
Aiolfo dichiara che ella deve prima esser cristiana. La
fanciulla lo informa di insidie che hanno a temere dal padre;
e per suo consiglio si prépara una fuga. Il giorno appresso si
celebrano le nozze ; e nella notre successiva gli sposi scap-
pano in barca, mentre l'Argalia è assopito per virtù di un
beveraggio somministratogli dalla figHa. Approdano a un'i-
soletta ; ed ivi Aiolfo, dopo aver mangiato, si lascia vin-
cere dal desiderio che prima aveva tormentato Bellarosa,
generando in lei due gemelli, ai quali, in castigo dell' aver
cosî violato la legge cristiana, non si aggiungeranno altri figU;
ne a ciô si limitera punto il castigo. Ucciso un terribile ser-
pente, ucciso il suocero che con un numeroso stuolo lo ha rag-
giunto, fugati gl' inseguitori, Aiolfo arriva colla moglie ad un
romitaggio ; e lî avviene il battesimo. Passati poi in Ponente,
i due corrono gravissimo pericolo, per motivo délia passione
destata in un ospite dalla bellezza délia donna. Ma i coniugi
sono separati. Aiolfo è tenuto in prigione ; Bellarosa si sgrava
e coi due neonati è chiusa in una cassa bucata, che è immersa
in un hume, ma che per miracolo divino non si riempie
d'acqua ed è spinta verso Venezia, dove approda presso il
monastero di S. Zaccaria. Le monache la vedono, l'aprono, vi
trovano portentosamente addormentati madré e figliuoli, li
accolgono, danno battesimo ai bimbi, che sono chiamati
Sadoro e Mirabello, ed ospitano lungamente tutti e tre, senza
venir mai a sapere chi realmente siano. Frattanto Aiolfo è
stato tratto di prigione dal re Luigi suo zio ; ed andandosene
poi sconsolato per il mondo, capita anch' egli a Venezia, e,
ROSAFLORIDA I23
sotto finto nome, va quai capitano a liberar Candia da un
saracino, che se n'erà impadronito e l'aveva resa ribelle, e
sconfigge poi anche le genti venute alla riscossa. Una burrasca
lo sbalestra a Napoli, città saracina essa stessa, e per tal
modo gli procaccia altre avventure. Ritorna poi a Venezia,
non più incognito; e la nuova délia sua presenza essendoi
giunta a S. Zaccaria, Bellarosa manda a lui i figliuoli, che
sono frattanto cresciuti, ed ha quindi la gioia di riunirsi col
marito festante. Più tardi Aiolfo, con un esercito del quale
fanno parte i due giovani, viene in soccorso dei Veneziani per
un'altra guerra di Candia, nuovamente ribelle, a cui tien die-
tro una impresa di Costantinopoli, che procaccia ad uno de
figli la figliuola dell' imperatore quai moglie, e la corona impé-
riale, che gli è imposta in Roma. E da Costantinopoli, dov'è
con lui la madré Bellarosa, accade che questi venga poi, tras-
portato da demonii, sui quali ha potere, a salvare Parigi da un
gravissimo pericolo. L'ultimo canto narra di un' andata di
Aiolfo al Santo Sepolcro, e del veleno che nel ritorno gli è
propinato a S. Giovanni d' Acri da un maganzese. Il figlio,
colle sue arti, riesce ad averloseco morente a Costantinopoli;
ed ivi, per il dolore di lui, spira arcor prima di lui Bella-
rosa.
Che la somiglianza fra i nomi « Bellarosa » e « Rosaflo-
rida « provenga da un'intima connessione in cambio di essere
effetto di uno mero incontro fortuito, parrà probabilmente
cosa troppo dubbia, perché fosse qui da fermarsi a dar conto
particolareggiato di un poema da strapazzo, sia pure non
accessibile ai più. Ma si badi. Una « chanson de geste » che ha
coir Aiol rapporti strettissimi, mi fornisce in funzioni ana-
loghe un terzo nome singolarmente adatto a fare ufficio di
mediatore fra gli altri due, sicchè ne résulta un ravvicina-
mento impensato. L'omonimia e la tendenza a narrare dei padri
allorchè i figliuoli erano famosi, condussero a convertire in
storia giovanile del padre di Aiol un Elle de Saint Gilles, o
124 PIO RAJNA
semplicemente Elie, che in origine gli era afFatto estraneo '.
Ivi il protagonista, trovandosi, corne Aiol, in terra saracina,
vi suscita l'amore di « Rosamonde », figliuola del re Macabre,
che per lui si fa cristiana, e che dovrebbe secondo tutte le nor-
me délia logica de' romanzi diventare sua moglie, se il biso-
gno di metter d'accordo VElie coll' Aiol non avesse costretto
chi rimaneggiô il poema a sostituire allô scioglimento natu-
rale una conclusione artifiziosa. Ora si consideri il nome
« Rosamonda ». O non è forse espressione esatta, ma più
chiara e appropriata, di ciô che a un orecchio latino esso pareva
dire, rosa monda (del significato primitive germanico nessuno
aveva sentore) % il « Bellarosa » datoci dal testo italiano in ot-
tava rima ? E alla sua volta il « Rosaflorida » spagnuolo ri-
specchia in altra maniera « Rosamonde», con sostituzione di
epiteto, ma serbando ai componenti l'ordine in cui si presen-
tavano. Sicchè io sono indotto a pensare, essere esistita una
redazione in cui la dama e futura sposa di Aiol si chiamasse
« Rosamonde ». Immaginare che il « Rosamonde » dell' Elie
esercitasse indipendentemente un' azione sull' onomastica
délia progenie spagnuola e délia progenie italiana dell' Aiol,
sarebbe cosa affatto aliéna dalla verosimiglianza, tanto più che
VElie ebbe scarsa divulgazione K
Un nome ha prodotto un lungo discorso. Per ciô che concerne
l'azione adombrata nella romanza spagnuola posso sbrigarmi
in brève. Rispetto ad essa un riscontro ben migliore di quello
fornito dal poema in ottave (anche qui sono stato prece-
duto dal Foerster, p. xxi e xviii) è offerto dal testo italiano
in prosa di Andréa da Barberino + e da esso soltanto. La
1. VElie de Saint Gille, oltre che dal Foerster nel volume varie volte
citato, è stato pubblicato separatamente dal Ravnaud nel 1879 per la. Société
des anciens textes français. Nel giudizlo sulla condizione primitiva del poema
concordano gli editori : Raynaud, p. xix-xx ; Foerstkr, p. xliv-xlv.
2. Si puô vedere Fôrsthmann, Altdeutsches namenhich, t. I, 2=» éd., Bonn,
19CX), col. 1282.
3. V. Foerster, p. xliii-xliv, Raynaud, p. xxiii-xxiv.
4. Storia di Ajolfo del Barhicone ecc, Bologna, 1863-64; due volumi
curati, in servigio délia Conimissione per i Testi di Lingua, da Leone
Del Prête.
ROSAFLORIDA 125
Leonida che in questa redazione risponde alla Bellarosa di
quelloiii ottava rima, alla Mirabel délia « chanson de geste »,
innamoratasi di Aiolfo « de oydas, que no de vista »
(posso valermi délie parole stesse del « romance »), per il
gran bene che aveva sentito dire di lui dal gigante Torna-
buc, ritornato di Francia (cap. xxx), chiama a se un suo
nano di nome Farlet, e, non altrimenti da ciô che fa Rosa-
florida coll' aio Blandinos, gli affida una lettera da portare a
colui che ella ama, perché abbia da venirsene a lei (cap.
XXXI ; e V. poi anche xxxiii). Fra il « romance » e la nostra
prosa ci sono anche convenienze di parole ' ; ma non sono
esse che contano ^.
Ha cosi messo salde radici ha persuasione che la Rosa-
florida sia proprio un fiore sbocciato suU' albero dell' Aiol. E
una radice s'aggiunge per fatto dell' analoga Melisenda. Il
nome « Ayruelo » che ivi è dato al « conde » di cui la fan-
ciuUa si è accesa non mi par proprio essere altra cosa che
un adattamento di » Aiol » aile convenienze castigliane.
Ma anche un altro elemento ci porta alla medesima fonte.
Mentre Melisenda, « hija del eniperante », figliuola del-
l'imperatore, non diversamente dalla Belissant dell' Amis et
Amiles da cui proviene invece il nome suo, ha nella stessa resi-
denza paterna, appunto come Belissant (nel « romance »
1. V. 25, « bien vengas tu, Blandinos » : I, 58, « Ben vegna il mio
Farlet. » — V. 27-31, « Llébesme aquesta carta â Montesinos...
Que me viniese â vere » : p. 59, « da sua parte gli portasse una lettera...
promettendogli moite ricchezze s'egli facesse tanto, che '1 Valletto la
venisse a vedere. »
2. Piuttosto rileverô che tanto Rosaflorida, quanto Lionida non si limi-
tano a toccar la corda del sentimento. Rosaflorida prende sopra di se le
spese del lungo viaggio, promette di vestire di ricclii abiti scudieri e val
letti, off"re, per tacere di trenta castelli, cento marchi d'oro e cento
d'argento (v. 34-46); Lionida, certo più delicatamente, manda « uno
anello, nel quale era una ricca pietra di gran valuta » (p. 59). — Noterô
altresi che la prima dichiara di aver scritto la lettera col (proprio)
sangue (v. 28) ; e la seconda dice che, mentre scriveva, dovette moite
volte rasciugarsi le lagrime per non bagnare il « brieve ».
I2é PIO RAJNA
non ci moviamo dalla città, nella « chanson » non usciamo
nemmeno dal palazzo) l'oggetto de' suoi ardori, ecco che
venuta ad Aymelo, gli dice, « yo soy una morica venida de
allende el mar ». Glielo dica pur anche scherzosamente, lo
scherzo dove avère un' origine, che ora intendiam bene,
Sicchè la Melisenda ci apparisce contaminazione di due terni
affini : di uno principale, emanato dall' Amis et Amiles, e di
uno secondario, che mette capo ail' Aiol, e che in forma
autonoma ci è rappresentato dalla Rosaflorida, la quale ottiene
di qui una riprova del suo esser realmente ciô che vuol
essere. Cosi stando le cose si capisce anche bene che tra i
due « romances » s'abbiano o si determinino comunanze di
parole e di versi ', siano poi da porre comunque si voglia le
partite del dare e dell' avère. E altresî si capisce che in una
versione si sia potuta chiamare « Melisendra » la Guiomar,
che otterrà per marito Montesinos ^.
Qui le spiegazioni riescono ovvie e persuasive. Ma corne
spiegheremo i rapporti délia Rosaflorida cogli Aiolfi italiani ?
Sarà da premettere che essi sono suscettibili di una sem-
plificazione ; ed oso anzi dire che una semplificazione viene
ad imporsi. Al posto délia prosa di Andréa da Barberino e del
poema in ottava rima, da assegnarsi rispettivamente con
verosimiglianza al principio e alla fine del secolo xv ^, vorrà
1. Melis. : « i Que es aquesto, Melisenda ? i Esto que podia estar ?
i O vos teneis mal de amores, 6 os quereis loca tornar ! — Que no tengo
mal de amores, ni tengo porquien penar ». — Rosaflor. di Londra : « i Que
abedes vos, la Rrosa ? i Que abedes Rrosaflorida, Que en las vozes que
dades parecés loca sandia ? » Rosaflor. del Cancion. de Rom. : « ^ Que es
aquesto, mi seiîora ? ^ Que es esto, Rosaflorida ? O tenedes mal de
amores, ô estais loca sandia. — Ni yo tengo mal de amores ny estoy loca
sandi'a ».
2. Menénd. y Pel., AntoL, XII, 418-9, in nota.
3. Andréa da Barberino era nato nel 1370 o giù di li (V. la « Prefa-
zione » del Vandelli al testo dei Reali di Francia, Pte J», Bologna, 1892,
p. cvi, in nota), e V Aiolfo non pare da considerare come una delle prime
sue opère. Quanto al poema, giudico dall' insieme ; ma ad una determi-
nazione positiva potranno forse condurre le ribellioni candiotte. Di un
curioso rapporto col Morgaiilc ho bisogno di potcr discorrcrc con agio ; c
ROSAFLORIDA 127
essere sostituito, per cio che riguarda il problema attuale, un
uiiico testo, nel quale la principessa saracina destinata a diven-
tar moglie di Aiolfo agisse corne agisce nella redazione pro-
saica e si chiamasse con un nome atto a darci ragione da una
parte di « Bellarosa », dall' altra di « Rosaflorida », e preci-
samente, corne è venuto ad apparire assai probabile, « Rosa-
monde », « Rosamonda » . La sostituzione riceve lume ed
appoggio dai résultat! a cui un confronte diligente fra le due
versioni italiane ha condotto il Foerster. Mentre gli editori
francesi dell' Aiol, guardando le cose alquanto superficial-
mente, avevano visto nel poema null' altro « qu'une imita-
tion lointaine de la version en prose d'Andréa » (p. xlvij),
il loro competitore tedesco appurô esserci nel poema, nono-
stante il suo grande allontanamento dalla tradizione, un certo
numéro di tratti, maggiori e minori, che trovano rispon-
denza nelF Aiol francese e non l'hanno nella prosa nostra, o
che ve la trovano migliore che in questa (p. xix). In pari
tempo erano altresî venute a manifestarglisi convenienze spe-
ciali fra le due redazioni italiane ; sicchè la conclusione
doveva essere, e fu, che esse mettessero capo a un comune
ascendente, distinto dalla « chanson de geste » pervenuta a
noi ; ascendente che il Foerster considéra come già propiio
deir Italia. Ad essa potè appartenere, e nondimeno essere
pur sempre francese di linguaggio. Chi ignora oggidî quanto
intensamente nellenostre regioni settentrionali (a Venezia, o
Il presso, dovett' esser composto il poema in ottava rima) si
sia narrato in francese fino al declinare del secolo xiv ' ?
perd rinunzio a trattarne in questo luogo. Notera bensi non essere da
fare assegnamento sopra un' ultima ottava dalla quale il poema appari-
rebbe composto proprio per esser stampato, da taie che doveva pubblicar
poco dopo il Carlo Martello. « Carlo martello si domanda questo || con i
fatti d'ugo fia stampito presto », dicono i versi finali. Qjuesta ottava puô
troppo bene venire da un editore, anzichè dall' autore. Cfr. la Bihïiografia
melziana, p. 19 e 295 nell' edizione origiuaria del 1838 (i versi, a p. 293),
p. 6 e 114 nell rimaneggiamento del Tosi.
I . L'informazione più ricca per questo soggctto si trovcrà in uno scritto
128 PIO RAJNA
A un testo francese in prosa, non conservato o non cono-
ciuto, pensa corne a fonte diretta di Andréa da Barberino,
assegnandolo a quel secolo, la coppia Normand-Raynaud ' ; e
un argomento spéciale che se n'adduce ci tocca troppo da
vicino per non essere qui riferito. Una traccia dell' originale
che Andréa aveva davanti è scorta là dove alla principessa che
Aiolfo ha condotto di Spagna, si dà in Parigi il battesimo :
« ... E quando furono per battezzarla, non sappiendo corne le
porre nome, el re Aluigi misse el capo dentro e videla ignuda.
E la reina la ricoperse, e disse : O santa corona, vaglia
cortesia. E-1 re si volse, e tre volte disse : Par nostre Dame,
par nostre Dame, par nostre Dame de Paris, je non vi oncques
mais plus mirable dame^. E per questa parola le fu poste
nome Mirahildam. E cosî si mutô el nome di Lionida in Mira-
bildam ; benchè molti la chiamano Mirabella ; ma guastano
el nome. » ' La traccia tuttavià pottrebb' esser fallace. Non è
punto da escludere che Andréa da Barberino, avvezzo aile
letture in lingua d'oïl, abbia immaginato lui la curiosa sce-
netta, inspirata ad intenti etimologici, che a lui ben con-
vengono''. Certo poi essa pare inventata piuttosto di qua
di Paul Meyer, u De l'expansion de la langue française en Italie pendant
le moyen âge », pubblicato negli Atti del Congresso Internaiionale di
Science storichc tenuto a Roma nell' aprile del 1903, Vol. IV, p. 61-104.
Quanto alla durata del fenonieno, si confronti colla p. 93 di questo
scritto una mia nota a p. 1 5 délia 2» edizione délie Fonti delV Orlando
Furioso, Firenze, 1900, e ciô che mi è accaduto di mettere in chiaro riguar-
do al tempo in cui fu composto V Attila di Nicolo da Càsola, Romania,
XXXVII, 96-102.
1. Introd., p. XLV.
2. L'editore Del Prête, I, 327 (n. 74), dice di aver cercato alla meglio
di correggere queste parole, date spropositatamente nei codici. Non mi
do qui la briga di ricorrere ad essi, per meglio assodare la lezione.
5. Fine del cap. lxxi;I, 139-40.
4. Riportero ciô che mi trovo aver scritto a proposito de' suoi Reaîi di
Francia nellc Ricerclje destinate a servira d'introduzione al testo, Bologna,
1872 (p. 302) : « Più volte l'autore si studia d'interpretare i nomi e di
mostrarne l'origine. Riccieri a suo dire era prima chiamato Ricciardo ;
Riccieri fu dctto 'perché venue poi tutto ricciuto' (I, 19). Maganza, l'epo-
ROSAFLORIDA I29
che di là délie Alpi, poichè spiega meglio il nome Mirabel,
Mirabella, a chi diceva mirabil, mirabel, e cogli accenti poteva
fare a fidanza, che a chi profFeriva mirabh. Bensi essa mostra
nota ad Andréa la denominazione originaria délia donna,
la quale d'altronde si riflette anche nel nome Mirabello,
imposto ' ad uno dei figliuoli ; e gli potè esser nota tanto
dalla redazione che è da ritenere essere stata comune capo-
stipite alla prosa nostra ed al poema in ottave, quanto dalla
« chanson de geste » o da che altro so io ; dacchè l'inda-
gine dimostra che il romanziere toscano fu industrioso rac-
coglitore e ingegnoso compilatore di versioni diverse di una
medesima storia ^. Dira qualche cosa in favore délia prima
ipotesi l'osservazione che la conoscenza del nome Mirabel,
Mirabella, renderebbe ancor più piana la metamorfosi da
■ me supposta di Rosamonde in Bellarosa. Qualche cosa, non
molto ; poichè, con Mirabella davanti, Rosamonda avrebbe
dovuto diventare piuttosto Rosabella. E si consideri che
anche dopo il preteso mutamento di nome Andréa seguita a
chiamare imperturbatamente Leoiiida la donna ' ; il che
prova che si tratta di un elemento per lui atîatto accessorio
e deve rendere noi molto proclivi a vederci un' intrusione.
Ma da tutte queste dubbiezze speciali sgorga una conclusione
générale e di lungaportata : la conoscenza nostra délie vicende
nima délia perfida gesta, fu cosi denoniinata dalla madré 'per lo regno che
avea cambiato, che vieae a dire, 'io ô maie changié' (I, 22). Fioravante
significa ' questo fior vada inanzi ' (II, i). »
1. L'imposizione scgue nel c. clxxiii : t. I, p. 285.
2. Si osservi alla p. 217 délie citate Ricerche lo schéma col quale diedi
forma grafica a ciô che, rispetto al 1. IV dei Reali, ossia al Biiovo, era venuto
resultandomi dallo studio particolareggiato antécédente. Preziose diluci-
dazioni ebbe poi ad aggiungere il frammento riccardiano di un' altra
redazione toscana in prosa, a me allora ignota. V. Zeit.J'àr roman. Pbilol.,
XII, 493, 500-502.
3 . Una volta (non oso dire che sia l'unica) la cosa gli torna a mente e
gli desta come un po' di scrupolo ; ma nuU' altro ne esce se non un « Non
si potrebbe dire el pianto che facea Lionida, per altro nome chiamata Mi-
rabildam » (cap. cii ; I, 195).
Mélanges. II. o
130 PIO RAJNA
dell' Aiol è peggio che imperfetta ; e ben più numerosi dei
testi che possediamo sono da ritenere i perdu ti. Ciô è da aver
ben présente ritornando alla Rosaflorida.
Dato che autore fosse realmente Juan Rodriguez, saremmo
tratti a riflettere che questi (mi affido al Menéndez y Pelayo,
Antologîa, V, ccxiii, e ne uso le parole) « viajô mucho
por Italia, en companîa de su senor » : D. Juan de Cer-
vantes, un prelato che rappresentô una parte notevole nella
politica * e che ben dovette vivere a lungo nella curia ponti-
ficia e perô fra noi, se fu creato cardinale fino dal 1426,
quattro anni avanti di essere titolare délia prima tra le sedi
vescovili ed arcivescovili spagnuole a cui lo troviamo succes-
sivamente preposto ^, taluna délie quali forse non lo vide nep-
pure. Ma non si pensi di aver qui, viceversa, un buon argo-
mento per l'assegnazione del « romance » al rimatore-novel-
liere. Il vagabondaggio perpetuo dei cantastorie e conta-
storie, l'ufizio che essi adempivano di scemare ai signori la
noia dei lunghi viaggi, l'énorme richiamo di pellegrini
che esercitavano Roma da una parte, Compostella dall'altra',
ben poterono trasportar nella Spagna un Aiol rifoggiato qui
da noi, specialmente se francese di linguaggio ; ne d'altronde
è detto che il nome e l'episodio da cui sono rannodati la
Rosaflorida e gli Aiolji italiani non siano preesistiti in qualche
1 . V., a buon conto, Ciacconio. Viiae et res gestae Ponlificiim Rovmnonini
et S. R.E. Cardinal ium, t. II, col.86o-6i ; von Hefele, Cojicil!eiii:^escJnd'te,
VII, 774. Negli atti divulgati del Concilio diBasilea il nome del Cervantes —
« Johannis tituli sancti Pétri ad vincula presbyteri cardiualis » — mi appare
la prima volta il 6 settembre 1432, Labbé, Sacrosancta Concilia, ediz.
Coleti, t. XVII, col. 255. Era già in quel primo anno con lui Juan Ro-
driguez, che a Basilea fu certamcnte, conservandone triste ricordo ?
2. Dal Gams, Seiies Episcoporum Ecclesiae Catholicae, Ratisbona, 1873,
ricavo che esse furono Tuy (1430), Avila (1438), Segovia (1442), Siviglia
(1449). È da escludere Burgos. Quale arcivescovo di Siviglia il Cervantes
mori nel 1453 ; ^ '^ Siviglia ebbe sopoltura.
3. A questi pellegrinaggi domandai la spicgazionc di un rapporte
italo-spagnuolo relative alla Icggcnda di Roncisvalle, che ci si mostra
nientemeno che nel 1131. V. Archivio storico italiano, série 4^, t. XIX
(1887), p. 51-52.
ROSAPLORIDA I3I
redazione spettante propriamente alla Francia. Certo poi la
presenza di una redazione siffatta nella penisola iberica è, più
che domandata, richiesta da ciô che è accaduto di osservare
rispetto alla Melisenda.
Con tutto ciô, se dei tre '< romances » che nel codice di
Londra stanno colle poésie di Juan Rodrîguez uno dovesse pro-
prio appartenergli, questo, secondo me, avrebbe ad essere la
Rosaflorida. Rispetto agli altri l'ufficio suo non puô essere-
andato al di là del raccogliere e mettere in iscritto. Cosi
vogliono gli sgorbi che le lezioni londinesi, guardate in se
stesse e raffrontate con quelle che abbiamo da altre fonti, ven-
gono a manifestarci.
Ma più genuina délia londinese non è da reputare analoga-
mente anche la Rosaflorida del Cancionero de Romances ? Ad
affermarlo parrebbe d'esser subito condotti dal paragone dei
due cominciamenti. Il nostro pone la scena nella remota
Ungheria e in un enimmatico castello che chiama « Cha-
piua » vale a dire « Chapiva «, o forse piuttosto « Chapina ».
L'altro la mette nella Castiglia stessa e profterisce dei nomi
familiari agli orecchi spagnuoli in connessione col nostro
soggetto o almeno colla sua materia, « Rocafrida », « Fon-
tefrida ». Vero che dei due castelli di « Rocafrida », che, in
condizione di ruderi, si additavano al tempo di Filippo II ',
l'uno, dove proprio la gente di allora faceva risiedere la
« Rosaflorida » délia romanza ^ e venire a vivere e morire,
attratto da lei, Montesinos, era nella Mancha, in prossimità
1. Menéndez y Pelayo, Antoh, XII, 411-14. I dati souo forniti da
« Relaciones » ufficiali di quel tempo, che cominciarono ad esser messe a
profîtto dal Pellicer nelle note al Don Chisciotte. Del Pellicer, di cui il
Menéndez y Pelayo si vale, ho davanti anche il testo, nell' edizione di otto
volumi in 16°, Madrid, 1798-99, t. VI, p. 317-22.
2. Di questa gli abitanti de' luoghi (credo bene essi stessi c non l'estcn-
sore délie loro risposte) citavano un doppio ottonario che non è nella
lezione del Cancionero de Romances, e che andrebbe qui inscrite tra il
secondo cd il terzo :
Por agua tiene la entrada y por aguala salida.
132 PIO RAJNA
délia <' Cueva » di cm tanto c'intrattiene il Cervantes ' ; e
l'altro, che al ciclo epico carolingio si trova rannodato da una
preghiera che la vigilia dell' Ascensione si recitava ogiii an no
dopo la messa « por el rey Pepino » in un antico prossimo
romitaggio al quale s'andava processionalmente, sorgeva
presso Zorita de los Canes nella provincia di Guadalajara.
Ma di qui resultan pur sempre dati per la popolarità, e con-
seguentemente presunzioni per l'antichità délia lezione del
Cancionero de Romances. Tuttavia questo stesso motivo ci
rende mal concepibile la sostituzione délia londinese, che
invece si capisce benissimo corne potesse essere scacciata. E
sa di originario il nome « Blandinos », suggerito forse dalla
« Brangain », « Brangien » — « Brandina » talora in testi
italiani — fida ancella d'Isotta, per l'aio di « Rosaflorida »,
che rimane anonimo nella versione del Cancionero. Nella quale
il basamento d'oro délie muraglie, i mûri d'argento, gli
zaffiri e il conseguente splendore notturno, che danno al
castello un carattere fantastico, possono molto bene essere
stati trasportati d'altronde. Per le gemme e la luce ciô è
anzi da affermare risolutamente ^. E contro ciô a me stesso
1. In me il sentir Don Chisciotte manifestare un gran desiderio di
entrarci per « ver d ojosvistas, si eran verdaderas las maravillas que de
ella se dezian por todos aquellos contornos » (P'e 2», c. xxii), e il modo
stesso come, sotto forma di parodia, si svolge poi l'episodio, determinano
la convinzione che se ne contasse ben altro che quanto è noto a noi :
taie da far dire al Pellicer (éd. cit., p. 327), « Las marabillas, que de la
Cueva de Montesinos se decian por todos aquellos contornos, no eran â
la verdad tantas, como pondéra Cervantes, afectando seguir la voz del
pueblo ». Credo cioè che se ne dovessero narrare cose analoghe a quelle
che si raccontavano délia grotta nostra délia Sibilla di Norcia e del germa-
nico Monte di Venere, e che a Montesinos si fossero attribuite avventure
da farlo apparirc uno stretto consanguineo del Tannhàuscr e di Guerino il
Meschino.
2. Il Menéndez y Pelayo, p. 411, rilcva corne i versi « Entre almena y
almena esta una piedra zafira ; Tanto relumbra de noche como el sol â
mediodia », trovino riscontro nel « Romance de Rovalias el pagano »,
DuRAN, n. 2. Primai', n. 126 : « Encima en cl chapitel estaba un rubî
prociado : Tanto relumbra de noche como el sol en dia claro. » Ora qui si
ROSAFLORIDA I33
era accaduto di pensare dapprima, direi cavata d'altronde
anche la menzione d'uha sorella, dalla quale Rosaflorida si
riconosce superata o uguagliata in bellezza :
Darle he yo este mi cuerpo el mas lindo que hay en Castilla,
Si no es él de mihermana, que de fuego sea ardida.
Una menzione siffatta ne hariscontro od appiglio^ che io sappia,
dentro alla stirpe degli Aiol \ ne convieneal soggetto conside-
rato in se medesimo.
parla di un padiglione ; e il tratto è un luogo comune délie descrizioni
appunto di padiglioni, cosi copiose nella letteratura cavalleresca délia Fran-
cia e deir Italia. Valgano le indicazioni fornite nelle Foiiti delV Orlando
Furioso, 2^ éd., p. 378-80. Alla maniera medesima, per esemplificare, il
padiglione d'Alessandro del Romans d'AUxandre, éd. Michelant, p. 53, ha
in funzione di pomo (d'una délie aste chelo reggono) « un carboucle qui
luist par nuit oscure » ; e del padiglione di Luciana dice il Pulci, Mor-
gante, XIV, 86, « I carbonchi e le gemme, ch' egli avia, Facean d'oscura
notté parer giorno ». E citerô anche, di su la stampa del Vandelli (V.
Fonti, p. 379, n. 10), questo passo che occorre sulla fine del polimorfo
Padiglione di Carlo Magiio : « Di mezza notte vi parea di giorno. El fusto
suo era d'ambra e di corallo » — verso alterato — « E'I piedistallo è d'oro
e di cristallo. » Qui, corne si vede, ha rispondenza in condizioui diverse
anche « El pié ténia de oro ».
I. Riscontro od appiglio avrebbe invece in quella dei Floovent, dove due
fanciuUe, Maugalie e Florete nella « chanson de geste », Drugiolina o
Drusolina e Galerana nelle redazioni italiane, innamorano eutrambe perdu-
tamente dello straniero protagouista. Fra le due non è parentela nella
« chanson » ; ma nelle versioni nostre sone cugine germane, figliuole di
fratelli ; e nel Lihro délie storie di Fioravante, cap. xxxiii (Ricerche intorno
ai Reali di Francia ecc, p. 391) puô accadere che l'una rivolga la parola
all'altra chiamandola « Sirocchia mia ». La rivalità produce nella
« chanson » due scène da segnalare. Nella prima Florete, non riuscita a
farsi baciare da Floovant e ben comprendendo esserne causa Maugalie,
rende omaggio alla sua bellezza — « Bien la devez amer, car elle ai le
cors gent » éd. Michelant-Guessard, p. 17, v. 516 (cfr. p. 67, v. 2198-
99) — , ma le dà accusa d'esser leggiera, provocando il giovane a dirle, —
V. 521 — « Moult la aez, pucele ». Nell' altra — p. 20-21, v. 640-671 —
le due fanciuUe « Formant se contralient a deçai et délai ; Jai venisent
ansanble », cioè aile mani, « quan l'on les desservrai ». L'esito nondimeno
è lieto ; poichè, se Maugalie ottiene per marito Floovant, Florete
finisce per contentarsi di sposarne il prode scudiero e compagne Richier
— p. 67-70, v. 2184-2272 — e se ne trova bene. — Invece nelle ver-
134 PIO RAJKA
E come non vedo ragioni che obblighino a togliere a Juan
Rodriguez la Rosaflorida, talunane vedo che aggiunge unpoco
di conforto ail' attribuzione del codice di Londra. Fra i tre
« romances » esso è il primo ; e se non è preceduto da un affer-
mativo « Romance suyo », a quel modo che in capo ad altre
composizionisi legge « Motesuyo », « Cancionsuya », a Can-
cion suyo »_, « Otras suyas », si distingue pur sempre in qualche
misura dai due confratelli col non portar nulla là dove essi hanno
ungenerico » « Rromance », « Romance ». E imitazione délia
poesia del popolo piuttosto che poesia di popolo la Rosa-
florida mi par essere anche per la natura dei rapporti che la
legano alla stirpe dell' Aiol. Cosi ben si capirebbe che fosse
opéra di un rimatore che El conde Arnalâos e La infanlina
attesterebbero aver prestato orecchio con simpatia ai canti
che tra il popolo erano divulgati, alla maniera come lo diede,
prendendone lo stampo e lo spunto a composizioni spicca-
tamente proprie, un contemporaneo di Juan Rodriguez, il
Carvajal '. Ma tutto questo non basta davvero perché io mi
permetta un' asserzione ; sicchè mi trovo ridotto a sperar
luce da una più larga e profonda esplorazione del materiale
manoscritto. Saprà dirci nulla il Foulché-Delbosc, postosi
alla bella impresa di raccogliere e pubblicare riunito, sia pure
con « carâcter esencialmente provisional », sotto il titolo di
Cancionero Castellano del siglo XV, « todo el caudal poético »
di questo tempo, e che, quai tomo 19 délia Niieva Biblio-
teca de. Antores Espaholes, ha cominciato dal darci (Madrid,
19 12) il cominciamento dell' opéra ? — Si vedrà ^ suo
tempo.
Pio Rajna.
sioni italiane la catastrofe è tragica. Avendo Fioravantc, prigioniero e
dato in custodia aile due fanciulle e da loro invitato a scegliere, dichiarato
di risolversi per Drugiolina o Drusolina, Galerana si ritrae nella sua caméra,
e strette le pugna, cade morta a terra (Fioravante, cap. xxxiii, p. 392 ;
Reali, 1. II, cap. xv).
I. Dei due « Romances )> del Carvajal discorro nello scritto indicato
nella n. 5 délia p. 116.
L^ ANNEI SENECAE
OPERA, ET AD DlCENDI FACVLTATEM, ET AD
bcncuiucndûutiliiïima.pcr des. erasmvw rote r o d.cx
ficJeuctmimcodicû,tum cxprobatisautoribus^poflremofigaci non
tjunquâ diuinationclîc cmcndata, ut mcrito prioré a:ditionê.ipfo ab/
fcmcperadlâ,nolit habcri pro fua.Confer Si, ita rem habere côperies.
Adicdta funteiufdem fcholia nonnalla.
L0n JYi^^^
^^ttc'ynûrt^ {^- ^"^^"^
i;
BASILE AB IN OFPICINA FROBENIANA.
AN NO Mt D. XXIX*
hit fTlnetum (^*f- tA ^.^^ ^ y' ' f - .
^ y»vkk7 Az» 0
<lc.Hu/arc^ ^^ ' Slfasryti.o^ p^^, ^^^^ ^^^j'^ /^/ ^ ^
r
Page 155.
r
/3^
NOTE SUR UN LIVRE PORTANT UN
HOMMAGE D'ÉRASME
La bibliothèque de la ville de Salins du Jura, possède un
exemplaire de l'édition des œuvres de Senèque le philosophe,
donnée par Erasme en 1529, et dont le titre est reproduit ci-
contre enfacsimile.
C'est un petit in-fol. deSffnc, 690pp., 9 ffnc, avec signa-
tures a^ a-z'', A-Z^ Aa-Ii^ KK^, K-/.-", L1+, Mm*^, Nn^ Au fnc.
9^ final, se trouve ce colophon : Basileae ex officina fro-
BENiANA II per Hieronymum \ Frobenium & loannem Herva-
gium. Il Mense Martio. Anno M. D. XXIX. jj Sur le verso, la
marque de Froben, la même que celle du titre.
L'exemplaire qui est à Salins est couvert d'une reliure du
xvi^ siècle, en peau de truie gaufrée et c'est semble-t-il la
reliure primitive. Des deux fermoirs, un seul subsiste et le
dos a été refait au xvii^ siècle, en veau, sans doute par les
soins des capucins de Salins à qui il a appartenu, comme en
témoigne ces mots Ad Usiim fratriun Capucinoriun Conven-
tus Salinensis, qui se lisent sur le titre.
Ce qui rend à la fois intéressant et précieux ce volume,
c'est l'hommage suivant qu'il porte : Hamii Caininge pbrysio
ainico Des. Erasnms Rot. dono dédit. iS2p. ^ Id. jan.
Deux notes de mains plus récentes, écrites un peu au-des-
sous, à droite et à gauche, montrent qu'à une époque déjà loin
de nous, on faisait grand cas de ce Sénèque : La première dit :
Hic maniim Des. Erasmi scrihentis deosculare. L'autre note
ajoute : AdnerteJjoc digniiin peculiari consideraone [pour conside-
ratiojie] et un astérisque renvoie à la dédicace.
Sous les lignes tracées par Érasme se voit un nom : P Mo-
reau, à qui, au xvi*-' siècle, le livre a appartenu.
13e M.-LOUTS POLAIN
Aucun doute ne peut s'élever sur l'authenticité de l'auto-
graphe d'Erasme et nous ne nous attarderons pas là-dessus.
Nous voulons seulement identifier le personnage à qui le
célèbre humaniste a donné ce volume et, s'il est possible,
expliquer la suite de la destinée de celui-ci.
Haijo Caminga ou plutôt van Cammingha fut lié avec la
plupart des érudits de son temps et il entretenait avec eux les
plus cordiaux rapports. Sa biographie complète est encore à
écrire et malheureusement ce que nous en savons se réduit à
peu de chose. C'est dans les très rares lettres de lui que nous
possédons et dans celles de quelques-uns de ses correspon-
dants que nous avons trouvé les éléments de l'esquisse
suivante.
Il appartenait à une ancienne famille noble de la Frise,
dont plusieurs membres ont laissé des traces dans l'histoire.
Son père, Pieter van Cammingha, seigneur d'Ameland, joua
un rôle important dans la sédition de Leeuwarden en 1487.
Il laissa trois fils : Sicco, Wytso (celui-ci lui succéda comme
seigneur d'Ameland) et Haijo qui nous occupe.
Ce dernier naquit au début du xvi^ siècle, peut-être en 1503,
et c'est à Leeuwarden qu'il reçut sa première instruction sous
la direction d'Antoine de Cologne. Parmi ses condisciples
d'alors il convient de citer Viglius van Aytta de Zuichem qui,
par la suite, lui demeura très attaché.
Haijo Cammingha montra de bonne heure, paraît-il, un
goût très vif pour l'étude et, comme beaucoup de ses com-
patriotes, il fréquenta pour se perfectionner les écoles et les
universités des Pays-Bas, de l'Allemagne, de l'Italie et de la
France. Sa vie est errante de môme que celle de tant d'hu-
manistes de ce temps, et il n'est pas aisé d'en suivre exacte-
ment les étapes.
Le I" mai 1528, après un long voyage en Allemagne, il
arrive à Dôle, dont l'Université alors florissante attirait beau-
NOTE SUR UN HOMMAGE D ERASME I37
coup de Belges. Il y retrouve Viglius Zuichem comme nous
l'apprend une lettre de celui-ci '. Nous ignorons la durée du
séjour de Cammingha à Dôle, mais nous pensons qu'il se
prolongea jusqu'à la fin de janvier 1529. Ce serait en cette
ville qu'il reçut la lettre d'Erasme, du 12 novembre I528^
En février 1529 Cammingha a rejoint Erasme à Bâle ' et il
vécut avec lui jusqu'à la fin de 1530, tant à Bâle qu'à Fri-
bourg ^. Il voyagea alors en Italie, et retourna en passant par
Louvain, dans son pays natal où il se trouve au début de
1532 5. Il semble avoir fait alors en Frise un assez long séjour.
En 1533, le 2 septembre, il écrit de Leeuwarden à Érasme dont
la prochaine venue en Brabant lui était annoncée, et il prie
son ancien maître et ami de venir chez lui, mettant à sa dis-
position sa maison et ses jardins^.
Nous pensons que c'est encore à Leeuwardçn qu'il reçut les
deux lettres que Vighus lui écrivit de Spire, le 8 septembre
1535 et le 15 juillet 1536. Dans cette dernière, Viglius l'en-
gageait fort à se marier, mais Cammingha ne se laissa pas con-
vaincre, et toute sa vie demeura célibataire 7.
En 15 41 il est de nouveau en voyage. Une lettre qu'il
écrit à Ausone Hoxvier établit sa présence à Louvain vers la
1. A son beau-père Bernard Bucho, datée de Dôle, 1528, 9 mai (dans
Analecta beîgica de Hoynck van Papendrecht, II, i, pp. 4-6).
2. Datée de Bâle (dans Opéra, éd'ii. Le Clerc, t. III : epistolae, col. 1128-
II 30).
3. Lettre d'Erasme à Haijo Hermannus, Bâle, 1529, 25 février (Epist.
III, II 59) et lettre de Viglius à Érasme, Dôle 1529, 23 m^irs (Analecta beî-
gica, II, I, 9-10).
4. Lettre d'Erasme à Gérard ab Herema, Fribourg 1530, 31 janvier
(Epist. III, II 28-1 150).
5. Lettre d'Hector Hoxvier à Érasme, Franeker, 1532, 16 mars (Fôrste-
mann et Gûnther. Briefe an Dcsiderins Erasnnis dans le 27e Beiheft :^. Cen-
tralbl.f. Bihliotheksiuesen, Leipzig 1904, pp. 200-203).
6. Lettre de Haijo Cammingha à Erasme, Leeuwarden 1533, 2 sept.
(Fôrstemann et Gûnther, pp. 228-229).
7. Ces lettres se trouvent à la Bibliothèque royale de Bruxelles, Manus-
crits II, 1040, ff. 1293-130^ et 6920, pp. 116-117 (lettre du 8 sept. 1535)
etibitl., II, [040, ft. i55'>b (lettre du 15 juillet 1536).
138 M. -LOUIS POLAIN
fin de mai'. Tl se rend ensuite en France, à Bourges et à
Orléans^, et ne reprit le chemin de la Frise qu'en 1542.
Pour cette année nous possédons deux lettres que lui adressa
son vieil ami Viglius.
Celui-ci avait perdu sa mère, Ida van Heringa, et Haijo lui
avait écrit dans cette circonstance si triste, une lettre dont la
cordialité avait fort touché Viglius qui lui en exprima sa
vive gratitude le 25 février \ La seconde lettre de Viglius,
datée de Bruxelles 1542, 13 août, nous apprend que Cam-
mingha revenant en Frise, se trouvait alors à Cambrai 4. Le
18 octobre 1544 il est à Lomme, auprès d'Utrecht, l'hôte d'un
personnage dont il ne dit pas le nom K
Après cette date, nous ne savons rien de précis sur son exis-
tence. Son frère Wytso, mort sans fils le 10 octobre 1552, lui
avait par testament du 25 octobre 1541 ^, laissé la seigneurie
d'Ameland, mais il n'en jouit pas longtemps.
Le 19 décembre 1556 il tombait, le crâne fracassé par un
noble frison, Feije Houwerda, devant le Weeshuis à Leeu-
warden.
Les causes de cette mort tragique sont inconnues et les
1. Datée : Pridie Pentecostis (dans Epistolariwi ah illustrihus et claris
viris scriptaruin ceitturiae très quas passiin ex aiitographis collegit et edidit
Simon Ahhcs Gahhema . Groningue, 1666, in-12. Pp. 537-540).
2. Lettre de Viglius à Haijo Cammingha, Ingolstadt 1541, 28 juillet (mss.
II, 1040^ de la bibl. royale de Bruxelles, 199 et 199*)-
3. Dans Gabbema, pp. 552-554, et ms. de Bruxelles, II, 1040-, f. 11.
4. Mss. de Bruxelles, II, 1040% pp. 44 et 45.
5. Lettre de Haijo Cammingha à Hector Hoxvier (dans Gabbema, pp.
S40-543)-
6. Houwinck (Jan), De staatkuiulige en Rechlsgeschiedenis van Ameland tôt
de\e eeuiu . . . Leiden, Ijdo, 1899, in-S», p. 172. Te Water Qona Willem),
Historié van het verbond en de smeekschriften dcr ncderlandscbe edelen, ter ver-
krijgingen van vrijbeid in den Godsdienst en Burgerstadt in dejaaren i^Sj-isôj.
Middelburg, Gillisscn, 1776-1796, in-8", 4 vol., II, 314-317 et note 2.
Eekhoff (W.-J.), Geschiedkundige Beschriijving van Lecmvarden , de hofstad
van Friesîand. Leeuwarden, Eekhof, 1846, in-80, 2 vol. II, pp. 388 et
389. Van der Aa, Biographisch Woordenhoeck der Nedcrianden. .. Harlem,
van Brederode [1858], in-S", III, p. 45.
NOTE SUR UN HOMMAGE D ERASME I39
recherches faites dans le rôle et les arrêts criminels du conseil
de Frise pour les années 1556 à 1562 n'ont donné aucun
résultat '.
Haijo Cammingha fut inhumé dans l'île d'Ameland et la
pierre tombale familiale dresse encore aujourd'hui sa masse
imposante dans l'église de Ballum. On y lit ces mots con-
cernant notre personnage: a° 1556 den 19 decembris sterf
DEN EEDELEN EERENWHESTEN ENDE WELGEBOREN HEER, HEER
HAIJO VAN CAMMINGHA, HEER VAN AMELANDT ^.
Il serait intéressant de connaître comment ceSénèque donné
par Érasme à Haijo Cammingha, se trouve aujourd'hui à
SaHns. Nous avouons en être réduit aux conjectures. Il est
possible que le volume ait été apporté à Salins par Cammin-
gha lui-même. Il a pu recevoir le présent d'Erasme alors qu'il
se trouvait ci Dôle. D'autre part, nous savons que Viglius
Zuichem se rendit ci Salins en 1530 pour y visiter les sources
salines.
Il n'est pas impossible qu'avant de se rendre à Bâle auprès
d'Érasme, Cammingha ait également visité Salins, et par
inadvertance ou autrement, y ait laissé ce livre.
Quoi qu'il en soit, le volume en question devint plus tard
la propriété de ce P. Moreau dont nous avons relevé le nom
sur le titre. Mais qui était ce Moreau ?
C'est certainement le même homme à qui ont appartenu
deux incunables et un manuscrit conservés aujourd'hui à la
bibliothèque de Besançon K
Le premier de ces incunables est un exemplaire de l'édition
1. Communication de M. le D"" Berns, archiviste de la Frise.
2. Je dois le texte de cette épitaphe à M. le D"" J. Loosjes, pasteur men-
iionite à Hollum et Ballum. La pierre tombale des Cammingha a été repro-
duite en carte postale.
5. Castan, Cat. des incunables de la hihl. puhl. de Besançon. Besançon,
1893, in-80, no 43, pp. 28-29, et no 139, pp. 95-96. Cat. des viss., I,
p. 461, no 742.
140 M. -LOUIS POLAIN
de VAIexander Magmis de praeliis, s. 1, n. typ., 1490, in-4°.
(Hain 781. Pellechet, 448) ; il porte trois ex-libris : à la fin du
volume : Ce présent Hure appartient a L. Mareschal, d'une
écriture du xvi^ siècle ; sur le titre : Est Pétri Moreau et sur le
fnc. 2 r° : Collegii Dolani Soc. Jesii catalogo inscriptns IJ^S.
L'autre incunable est une édition de Nicolas de Ausnio, Sup-
plementnm stnnmae Pisanellae. Venise, Fr. Renner, 1483, in-
fol. Hain* 2165. Pellechet (1638). Il porte deux ex-libris : P.
Moreau et Ad vsumfr. Cap. Conuentus Salin (puis) Willafinen-
sis (xvw^ s.). Le ms. n° 742, Concilium Basileense, porte au
bas du f. 2 cet ex-libris Est Pétri Moreau, s. p. d. (sacrae
paginae doctoris). Ce ms. provient également des capucins
de Salins chez qui il fut trouvé à la Révolution et attribué aux
Archives du Jura, puis offert à l'évêque constitutionnel Moïse.
L'examen de l'écriture permet de dire que ces trois volumes,
de même que le Sénèque dont nous parlons, ont appartenu à
la même personne.
Il nous paraît possible de l'identifier avec un chanoine de
Saint-Jean-Baptiste de Salins qui, en 1582, obtint la permis-
sion d'ériger un couvent à Salins, comme le constate le
passage suivant du manuscrit 3 1 (fonds Dunaud) de la bibUo-
thèque de Besançon : Prieurés et maisons religieuses. Fnc. 232
his v° : Salins. Permission d^eriger un couvent audit Salins en
date du 2^ may. IJS2, )^ vol. des actes importans du Parle-
ment, fol. 86 v° et 2^ reg. fol. 26. pierre Moureau chan. de S. fean
baptiste de Salins obtint V agrément du card. de la baume archev.
de Besançon, celuy de f. de Vergy gouverneur ; délibération de la
ville, on alla a Lyon en IJS2. On obtint du R. P. férômc de
Milan, 2 religieux, on les logea d'abord a Vhérmilage de S. fean
le 2 août 1JS2. Ils y restèrent un an; transféré au lieu dit
S. Pierre le martyr, paroisse que l'on dit la r^ paroisse du pays.
Ce même Pierre Moreau, aidé d'un de ses collègues, le
chanoine Blondel, avait commencé en 1569 à organiser un
collège à Salins '.
I. Tripard (J.), Notices sur la ville et les communes du canton de Salins.
Paris, Dumoulin, 1881, pp. 217 et 219.
NOTE SUR UN HOMMAGE D ERASME I4I
C'est chez les capucins du faubourg Saint-Pierre que la
première bibliothèque publique de Salins fut établie par les
soins du mayeur François Merceret, en 1593. M. Coindre '
dit qu'elle s'accrut de divers apports, notamment des col-
lections des chanoines Moureau et Blondel. Il est vrai-
semblable que ce fut après la mort de Pierre Moreau, puisque,
nous l'avons vu, VAlexander Magnus appartint après lui aux
jésuites de Dôle et non aux capucins de Salins, et la mort de
Moreau eut lieu avant 1596. Cette bibliothèque des capucins,
objet des soins du magistrat, était devenue fort importante dans
la suite puisqu'un inventaire dressé en 1790 y constatait la
présence de 4150 volumes K Ces trésors furent dispersés par la
Révolution qui amena la ruine et la destruction du couvent.
Des bâtiments, rien ne subsiste aujourd'hui ; des archives, rien
ou presque rien ne paraît avoir été sauvé ^ ; de la bibliothèque
mise au pillage, il demeurait environ 3.000 volumes en
183 1 ; plusieurs furent transportés à Besançon, peut-être s'en
trouve-t-il encore dans d'autres collections de la Franche-
Comté; les plus beaux sont aujourd'hui dans la bibliothèque
de Salins, et parmi eux le moins précieux n'est pas celui
auquel nous avons consacré cette note.
M. -Louis POLAIN.
1. Co'mdre (Gaston), Le vieux Salins. Promenades et causeries . Besançon,
Jacquin, 1904, in-S", pp. 250-253. Voir aussi pp. ici, 251,252, 313,315.
2. Gauthier (Jules), Le couvent des cordeliers de Salins, son église et ses
monuments (Extrait du Bull . archéologique, 1896), in-80, pp. 1 et 2.
UN POEMA SU CARLO MAGNO DEDICATO
A ENRICO IV
Ottavio Pisani non è ignoto agli studiosi, perché fu in rela-
zione con G. B. Dclla Porta, colKeplero, col Galilei ; ma non
si puo dire noto, se nuUa si sa délie ragioni che dalla sua
Napoli lo trassero ad Anversa, e per le quali là si trovô in
grandi strettezze, e se neppure si sa quando nacque (verso il
1575) ne quando mori (dopo il 1638). Un po' più cognite
sono le sue opère scientifiche, VAstroîogia, Le Leggi, alcuni
esperimenti del canocchiale, e alcune carte cosmografiche; e
di lui si conosce questa curiosità, che egli fu il primo a intro-
durre nel Belgio l'uso italiano di portare agi' infermi il viatico
sotto un baldacchino o un ombrello, il che si ha dall' incisione
di un quadro del Rubens '.
Di un suo poema su Carlo Magno non trovo registrato, e
neppur là dove si doveva, che il titolo. E stimo non inop-
portuno farne qui un brève cenno. Eccone il frontespizio :
« OcTAvii Pisani | poema \ Pietatis Caroli \ Magni. \ Ad
Inuictissimum, et Augustissimum | Galliarum Regem Chris-
tianiss. | Henricum IIII. | Romae, [ Apud Gulielmum Fac-
ciottum. M DC III. I Superiorum permissu. » In 16°, di pp.
296 nuni., più 3 non num., nella iirma délie quali si leggono
le regolari approvazioni ecclesiastiche, del 27 gennaio 1603.
A p. 284 un epigramma^ in quattro distici, Magistri Caroli
I. Cf. A. Favaro, Amici e corrispoiidcnti di Galileo Galilei, II. Ottavio
Pisani; in Atti del R. Istiiiito Vetieto, tomo VII, série VII, 1895-1896, pp.
411 sgg. E cfr. G. Galilei, Le Opère, Firenze, 1890-1909, seguendo i
copiosi rimandi dell' Indice dei Nomi, e le notizie date quivi, XX, 509,
ueir Indice bioRrafico.
144 GUIDO MAZZONI
de Ligny Cameracensis, in Iode dell' opéra; e a pp. 285-295
« OcTAVii PiSANi, Coiiipciidiiini Poeticae inier loquiitorcs Fran-
ciscus Monterno et Pisanus » sul quale Compendio tomeremo
tra brève.
Chi conosce la storia del poema italiano dopo l'Ariosto e il
Tasso sa che Carlo Magno e la guerra da lui sostenuta in
favore del pontefice trovarono cantori, in Girolamo Gabrielli,
di cui Lo Stato délia Chiesa liberato uscî a Vicenza nel 1620,
in Onofrio D'Andréa, di cui LItalia Uberaia uscî a Napoli nel
1646, in Girolamo Garopoli, di cui // Carlo Magno usci a
Roma nel 1655, e in Sigisniondo Boldoni, di cui La cadiita de
Longohardi usci a Milano nel 1656, e in altri ancora, fino a
Pier Jacopo Martelli, che tentarono l'argomento o che piut-
tosto ne furon tentati '.
Il poema latino del Pisani ha strettissima affinità co' sud-
detti poemi italiani, ai quali précède di tempo. Ne' suoi ven-
tiquattro libri, in esametri, dériva anch' esso le invenzioni da
poemi cavallereschi, più o meno classicheggianti, e in ispecie
va mescendo insieme, con V Iliade e con V Enéide, YOrlando
furioso e la Gemsakmine liherata. Non mette davvero il conto di
darne un sunto particolareggiato. Basta accennare, in poche
parola, che Carlo Magno guerreggia contro i Goti, aiutato
dai paladini e da altri eroi de' romanzi (per esempio, da
Amadigi e da Ruggiero, con Oriana e Bradamante) : i suoi
sono conturbati da una Taide, che è una nuova Armida,
mandata dal mago Alete : e vi sono miracoli, tra i quali
quello d'un bosco incantato, in cui Rinaldo si ritrova dinanzi
agli stessi casi che aveva narrato il Tasso : e v'è uno scudocon
istoriate le gesta di Enrico IV : finchè Carlo non libéra Roma,
e fa grazia al debellato Desiderio.
Non v'ha figura, non episodio, che si distingua per luce di
poesia ; e il complesso ha più del repertorio di viete inven-
I. Cfr. A. Belloki, Gli l'pitrou! délia Gcnisalcmine liherata, Vadowa., 1893,
pp. 447 sgg.,e V Appendice bibliograficarelâûva.
UN POEMA SU CARLO MAGNO I45
zioniche di ben ordinato poema, tanto è incalzante il trapasso
da una cosa ail' altra, e fiacco, nelle sue formali reminiscenze
virgiliane e talvolta enniane, lo stile. V'ha solo di notevole
una certa vena di numeri e di parole ; sia pure vena non
sempre pura.
Quanto aile parole, dobbiamo a questo punto tornare a
quel compendio dell' arte poetica che indicammo sopra.
Quivi, infatti, il Pisani, interrogato sul suo proprio poema,
risponde cosî : « Ego fateor me multum licentiae sumpsisse,
sicuti ut exprimerem figuram ovi, dixi ovare, et ut magnum
clamorem ostenderem, voare dixi. » E sarebbe forse attraente
rintracciare tutto il libro da cui egli voile trarre il compendio,
e leggere le ragioni, quali a lui si presentavano, dell' arte sua.
Che fosse il Pisani un seguace del Tasso basta a dimos-
trarlo il poema ; ma, nel compendio, alla Gerusaîemme egli
rimanda apertamente, sebbene la Pietas Caroli gli apparisca
più veramente un poema epico ed eroico perché v'è assai più
del militaresco e v'è invece assai meno del romanzesco. Di
tanto un autore puô ingannarsi!
Resta che rileviamo ciô che a Enrico IV e a Maria de'
Medici si riferisce nel poema. Per prima cosa, le lodi nel
principio, dopo la protasi su Carlo :
Tu vero, sirailem quem extollunt gesta nepotem,
Et pietate virum proavita, et laude cluentem,
Seu gladio sternis, seu sceptro pectora mulces,
Induis alterne in galeam seu more coronam,
Quarte Henrice héros titulo, virtuteque prime,
Pone supercilium, nostrisque adiabere coeptis,
Da facilem cursum, rotisque assuesce vocari,
Vatum, namque novis coeuntnunc sydera formis,
Magnus ab integro, et stellarum nascitur ordo,
Alcidis laudes, victricis gesta Minervae
Inachidis mérita, atque horrentia gonisora'
I. Diamo i versi quali anche negli errori e nell' interpunzione si leg-
gono nella stampa. Qui è chiarala correzione Gorqoiiis.
Mélanges. II. 10
146 GUIDO MAZZONI
Jam linquunt gestare, omnis variatur imago,
Nam serpcns varijs, quels tergus inhorruit astris,
Exprimitur iam nuncfuror ingenti ore Draconis,
Quem tu sublimem atque potentem vulnere strasti,
Palladis et clypeus stellis queis fulgidus arsit,
Distincta scuto tua nunc constantia fulget,
Quae induit in lapides hostilia corda rebellum,
Jam leo regali cor sydere quove coruscat,
Cor praefert Henrice tuum pietate cluescens,
Non secus ac radijs, Delphin qua per te refulsit
Delphinus nunc ille tuus effingitur astris,
Laudibus hinc caelum distinctum pondère nutat
Ingeminans duplici libratas orbe choreas.
L'altro luogo è nel libro XXI, dove si narra corne Aglante
riesce a superare gli ostacoli miracolosi del bosco, e ucciso il
mago, riporta al campo uno scudo effigiato :
Henrici hic quarti laudes et coniugis ora,
Summam et Delphini surgentis spem exprimit aère,
Invictum Henricum centrum iaculantibus unum
Hue illuc fremere ardentem per bella per hostes,
Quem circum glomerati hostes hinc cominus, atque hinc
Perturbant, medio telisque frequentibus instant,
lUum autem valido sternentem verbcre turmas,
Sanguine purpurcum hostili, lugubre rubere,
luxta autem magno surgentia corpore monstra
Tartarea, in solum socijs assistere in armis,
Gorgoneis mulier fulget infecta venenis
Viperam inspirans animam pugnantibus illis,
Sufficit et vires, armât et tela veneno,
Interdum anguicomos iaculos intorquet in illum,
Extrema hic soror Enceladi, Coeique ferocis
Invigilans oculis fumantia tela coruscat,
Alcctosque facem minitanti verbere quaxat,
Saevit amor ferri, fervetque licentia belli
In tantum, circum portendunt omnia mortem,
Ille autem victor demittcns agmina morti
Imponit paci nomen, hostesque serenat,
Aequali belli et pietatis laude cluescens,
Et parcit subiectis, dcbellatque superbos,
UN POEMA SU CARLO MAGNO I47
Saeva sedet arma pius, ducitque triumphum
Non spolijs, non captivis, non mole superbum,
At pietate pium ingenti, qua is straverat hostes,
Post tergum vinctus furor, et fama, ardet in iras,
Alecto, victi et spolijs ducuntur opimis,
Expressa hinc pietas Capitoli nobile saxo
Excipit Henricum sublimem mole triumphi,
luxta autem eradiat Medices e sanguine creta
Virgo, super cuius solium distincta theatro
Astra benigna nitent, et mulcent acre coelum,
Exhilarantque himeneis, dites ipse leonis
Cordis coniungit taedali lumine amantes,
Borbonium et Medicem; fulget magnum instar in ore,
Coniugis ; heroum hinc sobolem molitur, et ingens
Borbonium decus, et presenti pignore firmat
Delphini nuper surgentis, qui ore coruscat
Spes cunctas, parvo et pertendit grandia vultu,
Talia per clypeum miranti, muneris author
Fatur sic Carolo (Henricum ducto indice monstrans)
Hune sibi portendi ingentem virtute nepotem,
Qui fraeno Francos, fama terras reget omnes,
Cordibus imperium, virtutem terminet astris,
Et caelum stellis, etterram heroibus aucturum.
Le nozze di Enrico IV con Maria de' Medici accaddero,
come ognun sa, nel 1600; la stampa del poema accadde,
corne abbiam visto, nel 1603. Abbiam quindi i termini ai
quali è ragionevole riferire la composizione ; sebbene potrebbe
darsi che il Pisani anche prima del 1600 avesse cominciato a
macchinare qualcosa suUa Pietas Caroli Magni.
Guido Mazzoni.
A PROPOS D'UN PASSAGE
D'ALFRED DE VIGNY
La mode est à la critique des sources de nos grands écri-
vains. Aucun temps, aucune école, aucun genre n'échappent à
des investigations, d'ailleurs inégalement heureuses. Mais
c'est la littérature de 1830 qui est surtout remuée en tous
sens. Abondante, complexe, mal connue en somme, produit
d''un cosmopolitisme que des travaux récents ont éclairé, elle
devait fournir aux chercheurs une ample matière. Pendant si
longtemps, on n'y avait puisé que des inspirations, des exal-
tations, des consolations parfois !
Quel changement s'est accompli ! Il ne se passe pas d'an-
née, on pourrait dire de mois, et peut-être de semaine, sans
qu'on signale une réminiscence, un empmnt, une trace d'imi-
tation plus ou moins directe chez l'un ou l'autre écrivain roman-
tique. Il n'y a pas que les plus féconds dont on tende h réduire
ainsi la part inventive dans des proportions inquiétantes; un
Vigny si sobre, si resserré, se trouve redevable, non seulement
à la Bible, à Milton et à Byron, mais aussi à Thomas Moore, à
André Chénier, à Delille, à Millevoye, à Chateaubriand, peut-
être à Joseph de Maistre; on ne sait où s'arrêtera l'ardeur de
ses critiques.
Parmi ces derniers, M. Pierre-Maurice Masson tient un
rang notable. Après un « Discours » consacré à l'auteur de
Cinq-Mars et couronné par l'Académie française, il a soumis
les poèmes de Vigny à une enquête, dont on ne peut que
louer l'étendue et la précision. C'est la lecture de cette enquête
qui m'a décidé à publier ces notes. Elles ne sont qu'un frag-
ment assez anodin d'un travail d'ensemble, inspiré par une
150 M. WILMOTTE
lecture attentive des petits poètes du xviii* siècle. J'aurais pu
joindre, à l'exemple unique sur lequel je m'appuie, d'autres
exemples que j'estime aussi démonstratifs. Mais il m'a paru
que M. Masson me fournissait une excellente occasion de faire
certaines constatations d'ordre général, quitte à demander
crédit pour en produire une justification moins sommaire.
Dois-je ajouter que, désireux de collaborer à ce recueil, j'arri-
vais tard et devais laisser la plus grande place à des études de
qualité et d'importance supérieures ?
M. Masson ' n'a pas eu de peine à découvrir un grand
nombre d'analogies formelles entre André Chénier et Alfred
de Vigny. Il en est d'assez précaires; admettons qu'elles aient
une valeur de confirmation, qu'elles corroborent la thèse d'une
parenté morale entre les deux poètes. Il en est d'autres, qui,
frappantes au premier regard, éveillent le doute à seconde
inspection. C'est parmi celles-là que j'ai fait mon choix, les
analogies vraiment directes et décisives n'ofi'rant aucune utilité
pour ma démonstration.
Donc, dans cette Dolorida dont le vernis espagnol est plutôt
léger (M. E. Dupuy l'avait déjà noté), M. Masson a cru
retrouver un souvenir direct d'André Chénier. Voici le pas-
sage essentiel; l'héroïne, à l'heure du sommeil,
. . . n'a plus que ce voile incertain,
Le premier que revêt le pudique matin
Et le dernier rempart que, dans sa nuit folâtre,
L'Amour ose enlever d'une main idolâtre.
Ses bras nus à sa tête offrent nn mol appui.
Mais ses yeux sont ouverts, et bien du temps a fui
Depuis que sur V émail, dans ses douze demeures,
Ils suivent ce compas qui tourne avec les heures.
J'ai souligné, après M. Masson, les membres de phrase qui
ont éclairé ses recherches. Tout le passage a, certes, l'accent
d'une poésie préromantique; déjà M. Dupuy en avait noté les
I. Revue d'Histoire littéraire de la France, 1909, p. i et sv. Les passages
discutés ici sont aux pages 21-22.
A PROPOS D UN PASSAGE D ALFRED DE VIGNY 151
« sentiments artificiels » et l' « expression relativement démo-
dée ». Encore fallait-il nous apporter des précisions. Un rap-
prochement qu'il avait fait avec les Regrets d'une Infidèle, de
Millevoye, n'avait, confessons-le, rien résolu. M. Masson est
venu à son tour, et il a signalé plusieurs passages de Chénier,
offrant d'incontestables ressemblances avec celui d'Alfred de
Vigny. Cet émail, désignant le cadran d'une horloge, c'est
Chénier qui l'a trouvé (comparez ïambes, IV, etc.); le mol
appui ne diffère guère du fnol oreiller d'une élégie célèbre ; et, à
défaut du voile incertain, nous avons une mention du tissu
— désignation pudique pour la chemise — qui « à l'amant
incertain » semble « un voile d'air » (trad. de V Art d'Aimer).
Répétons-le, l'imitation semble fîagrante. Et pourtant elle
m'est devenue suspecte. Elle me l'est parce que, familier avec
les élégiaques du xviii^ siècle, j'ai rencontré maintes fois, sous
leur plume, des tours analogues. Chez Bertin, par exemple,
apparaît « le voile incertain », d'une approximation moins
contestable que « l'amant incertain » de Chénier. C'est dans
la VHP pièce du livre I des Amours que je l'ai noté, et ce
n'est assurément pas la seule fois que l'expression a été
employée par l'un des poètes dont Chénier fit ses délices et
ses modèles. De même, le niol appui est un tour bien banal
et le rapprochement fait par M. Masson n'a rien de décisif.
L'émail, pour désigner une pendule, n'est pas plus caractéris-
tique que ['airain, et le vers de Vigny est un évident ressouve-
nir de Millevoye :
L'aiguille qui, du temps, dans ses doii^e demeures,
Ne marque plus les pas, ne fixe plus le cours,
Laisse en silence fuir les heures...
{La demeure abandonnée.)
Ne voyez pas là un désir d'infirmer les conclusions géné-
rales de M. Masson. Je m'y rallie au contraire. Mais qu'il me
soit permis, en m'appuyant sur ce modeste exemple (et je
pourrais en invoquer d'autres) de réclamer une étude plus
complète et plus précise de ce lyrisme, qui pendant les vingt
152 M. WILMOTTE
dernières années du xviii^ siècle et les premières du xix% servit
de transition nullement méprisable à celui du premier Lamar-
tine et du premier Vigny.
On a trop longtemps isolé André Chénier. On l'a isolé
pour le grandir. Il n'avait peut-être pas besoin de cela. En
tout cas, lui non plus ne possède pas à un haut degré cette
veine créatrice, que l'on ramène à des proportions moindres
chez ses illustres élèves de 1820 et des années suivantes. Tra-
ducteur, adaptateur, imitateur, voilà ce qu'il fut surtout, d'ad-
mirable façon il est vrai. Et aussi, il fut de son temps, un
voluptueux, qui ne dédaigna aucun des thèmes usés, aucun des
poncifs de style de ses contemporains. En relisant Parny,
Bertin et Ecouchard Lebrun, on découvre tout ce qu'il leur
doit. Il n'est guère plus varié qu'eux dans ses descriptions
amoureuses. Il use et abuse des mêmes procédés. Tantôt il
peint l'amant ivre de volupté, tantôt il nous le montre en
proie à la jalousie, trahi ou croyant l'être : ce sont les deux
états qu'il excelle à nous décrire; mais il se désintéresse des
autres, de cette gamme infinie du sentiment, où ses succes-
seurs (et déjà un Chênedollé, un Fontanes, un Millevoye)
trouveront une ample matière. Il ignore la vraie mélancolie;
il ne songe à promener sa rêverie, comme le fera délicieuse-
ment Léonard, dans aucun décor de nature; il n'est qu'épi-
curien .
Et si je reprends maintenant la comparaison tentée par
M. Masson, mais en m'eiforçant de l'étendre aux confrères de
Chénier, à ses maîtres aussi, il me semble qu'elle gagne en
intérêt. Cette femme jeune et belle, qui gagne sa couche,
n'est-ce pas un thème courant chez les élégiaques du
xviii^ siècle ? Qu'ils la travestissent en bergère, ou qu'ils lui
gardent ses allures élégantes et l'encadrent d'un luxe urbain,
il n'importe. Ce « lin flottant », cet « albâtre ardent et pur »,
ces lys et ces roses, mais nous les connaissons ! Ce sont eux
que vantent déjà Parny et Bertin'. Lebrun en fera un abus,
I. Vovcz notamment albalre employé pour désigner le sein dans Parny,
A PROPOS D UN PASSAGE D ALFRED DE VIGNY 153
qui nous choque et le condamne à l'oubli. Et pourtant c'est à
lui surtout que Chénier, qui l'avait lu ', est redevable de
quelques-uns des traits les plus caractéristiques de ses volup-
tueuses peintures.
Dans plusieurs de ses Élégies, Lebrun s'est complu à décrire
l'amie qui reçoit son rival. On dirait qu'il goûte un amer
plaisir à se représenter leurs jeux, à les montrer rendus plus
tendres et plus vifs par la trahison même (^Elégies, II, 2, 3, 5,
6, 8). Or, il n'est pas besoin d'un examen très attentif pour
retrouver chez lui quelques-uns des développements où s'est
complu Chénier (Él.^ XXXVII). C'est tout d'abord
ce lin flottant qui voile la fenêtre
et qui n'arrête pas la vue du jaloux.
Il deviendra chez Chénier le dernier vêtement de la belle,
qui n'arrête pas la fureur amoureuse du traître
Tout, jusqu'au îin flottant, sa défense dernière.
Mais la voilà qui se prépare à recevoir ce rival en redoublant
les soins de la coquetterie ; il entre, s'avance
jusqu'à ce lit fatal,
Où triompha l'amant dont tu souilles l'absence.
Et bientôt
A ses bras odieux entrelaçant ses bras^ :
elle s'abandonne à lui.
Tableaux, IV; Léda; Cabinet de toilette. La rime albâtre: théâtre (qui reparaît
chez Vigny, Dolorida) est chez Parny, Délire. Comparez encore Bertin,
Amours, III, 15 ; Colardeau, Epître d'Alcée ; Lebrun, Odes, IV, 20. Pour les
« lis » et les <f roses » il serait vain d'accumuler les exemples.
1. M. Potez (Uélégie en France, etc. p. 225) reconnaît « que Lebrun a
connu André Chénier et exercé sur lui une influence ». Ses élégies ne sont
pas toutes datées; mais « la plus ancienne remonte à 1753, la plus récente à
1783 » (ibid. 220), et s'il ne les publia point lui-même, il en « donnait de
temps en temps des lectures » (211).
2. Elle parlait ainsi; mais lui tendait les bras (: pas').
La rime bras : pas n'est pas rare chez Lebrun ; voyez Odes VI, 1 3 ; Élégies,
III, 5, etc. Ici je me fonde sur la 5^ él. du livre II.
154 ^- WILMOTTE
Dans une autre pièce de Chénier, les analogies se pressent,
plus nombreuses et plus directes :
Lit chéri tant de fois fatigué de nos jeux.
Ah ! le verre et le Ihi, délicate barrière
Laissent voir à nos yeux la tremblante lumière
Qui, jusqu'à l'aube, au teint moins que le sien vermeil,
Veille près de sa couche et garde son sommeil .
Oh ! si tu l'avais vue
Quand, fermant ses beaux yeux, mollement étendue...
{Élégies, XVII.)
Certes, Vigny aurait pu, dans Dolorida, se ressouvenir
aussi de ce passage. Mais rien ne prouve qu'il n'eût pas trouvé
ailleurs que chez Chénier, les images qui en font l'attrait
voluptueux. Car voici ce qu'avait écrit Lebrun :
La lumière veillait : elle offrait à ma vue
En dépit des rideaux importuns et jaloux
Ta vermeille beauté, mollement étendue
Sous un lin qui voilait les charmes les plus doux.
Je n'osais soulever Vimportune barrière.
(Élégies, IV, 4.)
L'imitation chez Chénier est flagrante, et si l'on peut varier
les conjectures sur la source où puisa Vigny, celle du poète à
qui il a plus d'une obligation n'est douteuse, je crois, pour
personne. Mais ce poète lui-même a trouvé dans Parny et
Bertin des modèles trop certains. Je me réserve de le démon-
trer une autre fois, content d'avoir indiqué une voie où il
reste à s'engager désormais, si l'on veut, par dessus Chénier,
Delille, Millevoye, etc., vouer aux petits poètes du xviii' siècle
une attention aussi justifiée, que celle dont bénéficient depuis
longtemps ses grands prosateurs.
M. WiLMOTTE.
LA COMPLAINTE DU PRISONNIER
D'AMOURS
Le Jardin de plaisance renferme, à la suite du Débat des
deux fortunés d'Alain Chartier, un petit poème intitulé La
Complainte du prisonnier d'Amours jaicte au Jardin de plai-
sance ' .
Ce poème semble avoir eu quelque succès. Il a été publié
à part, à Lyon probablement, vers 1540. Le seul exemplaire
connu de cette édition lyonnaise, après avoir été conservé
successivement dans les bibliothèques Heber, Nodier, Yeme-
niz et Ambr. Firmin-Didot, se trouve aujourd'hui dans la
bibliothèque de feu M. le baron James de Rothschild. Dans
le tome IV — qui vient de paraître — du précieux catalogue
de cette bibliothèque, on peut voir une reproduction du titre
de la Complainte du prisonnier d'Amours et de deux figures
sur bois, l'une représentant le prisonnier, l'autre une dame^
Il n'est peut-être pas sans intérêt de remarquer que le bois du
prisonnier d'amour figurait déjà dans le volume du Passe-
temps et du Songe du Triste, imprimé à Lyon, par Antoine
Blanchard, vers 1532 ',
On ne trouve aucun renseignement littéraire sur la Com-
plainte du prisonnier d'Amours ni dans les catalogues des riches
bibliothèques d'amateurs mentionnées ci-dessus, ni dans les
notices consacrées au Jardin de plaisance, ni ailleurs. Seul,
le rédacteur du Catalogue de la bibliothèque Ambr. Firmin-
Didot a jugé ce petit poème « réellement remarquable '^ ».
1. Edit. Antoine Vérard, fol. clxi ; édit. Martin Boullon, fol. cix.
2. T. IV, p. 569.
3. Voir le Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. le baron
James de Rothschild. Paris, 191 2, t. IV, p. 572.
4. Catalogue de 1878, p. 97, no 218.
J')6 ARTHUR PIAGET
La complainte qui a été recueillie dans le Jardin de plai-
sance est mieux, en effet, qu'une banale élucubration amou-
reuse, comme il y en a tant au xv' siècle. Elle est composée,
non pas de strophes liées entre elles par la forme et par le
sens, mais d'une série de quatorze rondeaux indépendants les
uns des autres :
I. Près de ma dame et loing de mon vouloir,
Plain de désir et crainte tout ensemble...
Rondel de dix vers, qu'on retrouve dans les manuscrits de
la Bibl.de Grenoble, n° 874, fol. 58 v°, de la Bibl. de Cler-
mont-Ferrand, n° 249, fol. 18', de la Bibl. de Vienne en
Autriche, n° 2619, loi. 77 v°. Il figurait dans le manuscrit
perdu du cardinal de Rohan, fol. 72 v°^.
IL Comme(nt) osera la bouche dire
Ce que le cueur pas penser n'ose?. . .
Rondel de dix vers, intitulé Rondin dans le manuscrit de
Grenoble, n° 874, fol. 61. Les deux premiers vers seulement
ont été copiés dans le manuscrit de Vienne, n° 2619, au bas
du fol. 77 v° (les feuillets 78 et 79 sont blancs).
III. Au povre prisonnier, ma dame,
Donnez l'aumosne de liesse. . .
Rondel de dix vers : Grenoble, n° 874, fol. 61 ; Lyon,
n° 1235 (anc. 1107). Il a été publié, d'après ce dernier ma-
nuscrit, par M. Clédat dans Lyon-Revue, recueil littéraire, histo-
rique et archéologique, Lyon, 1886, p. 313.
IV. Ou mon désir m'assouvira.
Ou ma tristesse m'occira . . .
1. Voir Bulletin de la Société îles Anciens textes, 1889, p. 107.
2. Voir Romania, t. XXI, p. 428, t. XXVII, p. 62, note i. Dans la
notice sur le Jardin de plaisance que je prépare pour la Société des anciens
textes, je publierai intégralement la description de ce manuscrit, telle qu'on
la trouve à la suite de l'exemplaire du Jardin de plaisance de la Bibl. Nat.
Rés. Yc 169.
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LA COMPLAINTE DU PRISONNIER D AMOURS I57
Rondeau de treize vers : Grenoble, n° 874, fol. 61 v° ;
Clermont-Ferrand, n° 249, fol. 18.
V. Tr(a)istre plaisir et amoureuse joye,
Aspre doulceur, desconfort envieux . . .
Chanson de dix vers ; le cinquième vers manque dans le
Jardin de plaisance : Grenoble, n° 874, fol. 59; Brit. Mus.
Roy. 20. G. VIII, fol. 165 ; Bibl. nat. fr. 9346, fol. 74 v°
avec musique : publiée d'après ce manuscrit par A. Gasté,
Chansons normandes, p. 108 '; L3'on, n° 1235 : publiée d'après
ce manuscrit dzns Lyon-Revue, 1886, p. 320.
Cette chanson a une histoire. Elle servit de consolation et
d'inspiration à un brave homme dans une circonstance tra-
gique. Jean Régnier, bailli d'Auxerre, échanson et conseiller
du duc de Bourgogne, surpris en ambassade par la garnison
française de Beauvais, était prisonnier, fers aux pieds, dans la
tour de Beauvisage. Il avait finalement obtenu que sa femme,
Ysabeau Chrétien, dont le corps était « tant précieux », et
son fils, viendraient à Beauvais se constituer otages, tandis
qu'il s'occuperait à réunir une rançon de trois mille écus.
C'était en mai 1433. Ysabeau, « la bonne, doulce^ simple et
coye », avait pris sa place. Jean Régnier, après quatorze mois
de prison, cheminait dans la campagne. Il raconte lui-
même que, malgré son angoisse, son cœur « se print a
resjouyr ». La joie d'être libre, l'espérance d'être de nouveau
en « la grâce dame Fortune », firent monter à ses lèvres
une chanson, bien appropriée à son état d'âme :
Triste plaisir et douloureuse joye,
Aspre doulceur, reconfort ennuyeux,
Ris en plourant, souvenir oublieux,
M'accompaignent combien que seul je soye . . .
Le bailli d'Auxerre spécifie bien que cette chanson n'est pas
de lui, mais d'Alain Chartier :
I. M. Gasté déclare « ne rien comprendre à cette chanson ». Le texte du
« nis. de Bayeux » est en efiet très incorrect.
158 ARTHUR PIAGET
A chanter, dît-il, tantost me pris
Une chanson que ne feis oncques.
Mais pourquoy la chantay je doncques ?
Pour ce que au cueur me tenoit
Et a mon propos revenoit.
Maistre Alain, duquel Dieu ait l'ame.
Lequel cy gist soubz une lame,
Si la fit, comme l'ay ouy dire.
Jean Régnier copia textuellement dans son poème la chan-
son d'Alain Chartier. Puis il composa sur le même thème, en
y entremêlant des allusions à ses malheurs personnels, une
chanson en balade layée. Il dit lui-même qu'il fit œuvre de
charpentier et de maçon qui avec « de vieil mesrien » bâ-
tissent une maison neuve :
Triste plaisir et douloureuse joye,
Aspre doul[c]eur, reconfort ennuyeux,
Triste plaisir et douloureuse joye
Sont avec moy en allant par la voye.
Et si semble que je soye joyeux.
Ce fait Fortune qui ainsi me desvoye.
Car nuyt et jour trop fort si me guerroyé.
Mais j'ay espoir au puissant roy des cieulx,
Quant luy plaira, qu'il me soit gracieux.
Si ce n'estoit cet espoir je mourroye,
Povre, pensif et melencolieux.
Sans avoir bien, mais a tousjours avroye
Aspre doul[c]eur, reconfort ennuyeux.
La chanson d'Alain Chartier a dix vers ; celle de Jean
Régnier a cinq strophes de treize vers chacune'.
VI. Mort sur le[s] pied[z], faignant d'avoir plaisir,
[Et] estrainé de doloreuse estraine. . .
Rondel de dix vers : Grenoble, n° 874, fol. 59; manuscrit
du cardinal de Rohan, fol. 65; Lyon, n° 1235. Pubhé
d'après ce dernier manuscrit dans Lyon-Revue, 1886, p. 318.
1. Edit. Lacroix, p. 144-147.
LA COMPLAINTE DU PRISONNIER D AMOURS I 5 9
Ce rondel figure dans les Rondeaux en nombre troys cens cin-
quante (Bibl. nat. Inv. Rés. Ye 1401, fol. xxiiij v°), et dans
La Chasse et le départ d'Amours (Bibl. nat. Inv. Rés. Ye 300).
VII. Riche d'espoir et povre d'autre bien,
Comblé de dueil et vuide de liesse. . .
Ces dix vers sont intitulés Rondelet dans le manuscrit de
Grenoble, n° 874, fol. 59 v°, et Chançonete dans le manuscrit
de Lyon, n° 1235. Ils figuraient dans le manuscrit du
cardinal de Rohan, fol. 81 v°. Ils ont été publiés par
M. Clédat, Lyon-Revue, i88é, p. 312.
VIII. Je n'ay pouoir de vivre en joye,
Et si ne puis mourir de dueil. . .
Rondeau de dix vers : Grenoble, n° 874, foh 62 ; Brit.
Mus. Roy. 20. C. VIII, fol. 165; Bibl. nat. fr. 1719, fol. 93
v°; intitulé Rondlnet dans le manuscrit de Lyon, n° 1235.
Publié ôi2ins Lyon-Revue, 1886, p. 317.
IX. Helas ! ma courtoise ennemye
Et mon gracieux adversaire. . ,
Rondel de dix vers : Grenoble, n° 874, fol. 62 ; attribué à
Alain Chartier par le manuscrit d'Aix, n° 168. Publié par
Ph[ilippe] de Ch[ennevièresJ dans Rondeaux et ballades inédits
d'Alain Chartier, d'après un manuscrit delà Bibliothèque Méjanes,
à Aix. Caen, 1846.
X. Je vis le temps que je souloye
Vivre en espoir d'estre joyeux. . .
Rondel de dix vers : intitulé Chançonnette dans Grenoble,
n° 874, fol. 62; Aix, n° 168. Publié d'après ce dernier
manuscrit dans Rondeaux et ballades inédits d'Alain Chartier.
Caen, 1846.
XI. Dehors ! dehors ! Il vous fault deslogier,
Désir sans joye et pensée d'amours. . .
l60 ARTHUR PIAGET
Rondel de dix vers : Grenoble, n° 874, fol. 60 ; ms. du
cardinal de Rohan, fol. 80 v°; Lyon, n° 1235. Publié dans
Lyon- Revue, 1886, p. 315.
XII. Ainsi que bon vous semblera
Et que vostre plaisir sera. . .
Rondeau de treize vers : Grenoble, n° 874; fol. 64; Lyon,
n° 1235. Publié da.ns Lyon-Revue, 1886, p. 313.
XIII. Quant ung jour suis sans que je voye
Ung seul plaisir que mes yeulx ont . . .
Dix vers intitulés Rondelet dans le manuscrit de Grenoble,
n°874, fol. 64 v°.
XIV. Au feu, au feu, qui trestout mou cueur ard
Par ung brandon tiré d'ung doulx regard. . .
Rondeau de treize vers, intitulé Chançon nouvele dans le
manuscrit de Grenoble, n° 874, fol. 60 v° ; ms. du cardinal
de Rohan, fol. 82 ; Bibl. nat. fr. 9346, fol. 5 1 v° avec musique :
texte incomplet publié par A. Gasté, Chansons normandes,
p. 78.
J'ai réuni depuis longtemps quelques notes sur les ballades
et rondeaux d'Alain Chartier, que je ne puis publier ici,
parce que cela m'éloignerait trop de la Complainte du povre
prisonnier d'Amours jaicte au Jardin de plaisance, et que cela
prendrait d'ailleurs trop de place. Je me borne à dire ceci : Les
quatorze rondeaux énumérés ci-dessus sont tous d'Alain Char-
tier. On a vu que la chanson V^ lui était attribuée par Jean
Régnier, de même que les rondels IX et X par le manuscrit
de la Bibliothèque Méjanes. Le manuscrit de Grenoble, dans
lequel on retrouve les quatorze rondeaux de la complainte,
est une excellente copie des œuvres poétiques d'Alain Char-
tier. Il semble bien également que les ballades et chansons
du manuscrit de Lyon doivent être attribuées à l'auteur de la
Belle dame sans Merci.
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LA COMPLAINTE DU PRLSONNIER d'aMOURS i6i
La Complainte du prisonnier d'Amours est donc formée
artificiellement de quatorze rondeaux. Ce genre de composi-
tion était à la mode à la fin du xv= siècle. On peut en rappro-
cher, par exemple, la « Balade fliicte de plusieurs chansons »,
qu'on trouve dans le Jardin de plaisance, édition de Vérard,
fol. Ixij. Les trente -deux vers de cette soi-disant ballade sont
les premiers vers de chansons connues '. Toutes les strophes
du Dyalogue du gendarme et de l'amoureux de Molinet ^ com-
mencent par le premier vers d'une chanson. Les strophes de
l'Oraison à la Vierge Marie du même rimeur commencent
aussi et finissent « par chansons ^ »,
C'est le premier vers du rondel III : « Au povre prison-
nier... » qui a suggéré le titre de la Complainte. Le compila-
teur du Jardin de plaisance a-t-il choisi lui-même, pour en
former un petit poème, quatorze rondeaux d'Alain Chartier ?
Ou bien a-t-il rencontré cette complainte déjà fabriquée par
quelque rimailleur à court d'inspiration, qui avait trouvé fort
commode de se parer des plumes du paon ? Il est probable
que la seconde alternative est la vraie. Les vers d'Alain Char-
tier ont été mis au pillage à la fin du xV et au commence-
ment du xvi^ siècle. On pourrait en citer de nombreux
exemples.
On vient de voir que le rondel III commence par ces mots :
« Au povre prisonnier... » Or, d'après le manuscrit de
Londres, Add. 21.247, ^^^ '^rois mots seraient la devise amou-
reuse d'Alain Chartier. Ce joli petit manuscrit renferme une
copie du Livre des Quatre Dames, faite pour un membre de la
famille Montmorency-Laval '^. Il est orné de cinq miniatures,
1. Dans ses Chansons du XV^ siècle, -ç- 71, G. Paris a publié ces quatre
strophes d'après le ms. de la Bibl. nat. fr. 12744, mais il lui a échappé que
cette pièce, qui n'a nullement le caractère populaire, était un simple ouvrage
de marqueterie.
2. Édit. de 1531, fol. 4 v°.
3. Èdit. de 1531, fol. 95 vo.
4. Voir fol. I les armes de cette famille, d'or à la croix de gueules,
chargée de cinq coquilles d'argent et cantonnée de seize alérions d'azur. Ce
Mélanges. IL 11
l62 ARTHUR PIAGET
dont deux surtout sont intéressantes. L'une^ au début du
poème, fol. i, représente le poète sortant dans la campagne,
« un doulx matin ». On y voit des tours, des châteaux, des
bosquets, un « ruisselet », un berger et une « pastoure » qui
s'entrebaisent, un troupeau de « brebiettes », quatre dames,
dont l'une montre en marchant son « beau blanc petit pié
nu ». Le poète semble sortir d'une tour, sur laquelle on
remarque, au-dessus de la porte, une petite fenêtre grillée,
avec l'inscription : Au povre prisonnier. Un personnage à che-
val, dans lequel le miniaturiste a voulu sans doute représenter
le poète, porte sur la manche droite la même grille avec la
même inscription ' .
Au fol. ()^ du même manuscrit, une miniature nous montre
le poète, un genou en terre, faisant hommage à sa dame du
livre qu'il vient de composer. Sur la manche gauche d'Alain
Chartier, on retrouve la même petite grille et la devise : Au
povre prisonnier .
Cette devise amoureuse convenait assez bien au poète du
Livre des quatre dames. N'y déclare-t-il pas qu'il aime sans
espoir une belle dame, et qu'il ne cessera « d'estre en ses las »
jusqu'à la mort ?
Arthur Piaget.
volume est à ajouter aux manuscrits des Laval énumérés par L. Delislc,
Cabinet des manuscrits, t. II, p. 375-377.
I. Malheureusement peu visible dans la reproduction.
LES aUINZE LOIS
DE LA
BIBLIOTHÈaUE DES VARGAS MACCIUCCA
Les quelques renseignements que nous possédons sur le
duc Thomas Vargas Macciucca (1680- 1740) et sur son fils, le
chevalier François (1699-1785), marquis de Vatolla, nous
nclinent à penser que ces deux personnages furent de bien
aimables humanistes. Mais telle est leur destinée qu'il est
souvent arrivé que l'on ait confondu, avec la meilleure foi
du monde, le père et le fils, et que l'on ait attribué au cheva-
lier la rédaction des quinze fameuses lois dont on est redevable
au duc. Ce n'est pas qu'on jugeât le duc incapable d'en
être l'auteur, mais la renommée a déjà tellement souri au
chevalier que maintes personnes auraient été charmées d" aug-
menter encore ses titres à la postérité. La confusion est d'au-
tant plus aisée que l'un et l'autre signèrent les mêmes lois,
comme si elles eussent été l'œuvre aussi bien de l'un que
de l'autre. Quoi qu'il en soit, les noms de ces deux gentils-
hommes méritent de ne point se perdre dans l'oubli. Les
quelques commentaires que nous joindrons au texte de ces
quinze lois dont nous donnons ici une leçon originale (selon
Thomas) serviront à la juste gloire du duc comme du cheva-
lier, encore qu'il nous arrivera de nous occuper davantage de
l'un que de l'autre.
Les livres provenant de l'une ou de l'autre bibliothèque
sont peu fréquents. Nous avons découvert récemment à Flo-
rence un exemplaire ayant appartenu au duc Thomas Vargas
Macciucca : une Imitation, in-folio de 1640, sortant des
164 ALFRED PÉREIRE
presses royales du Louvre. Au même moment, paraissait dans
la Revista délie Biblioteche ' une Notice (que la Bibliofilia ^ eut
raison de reproduire) annonçant qu'un ami du Directeur de
cette Revue venait de découvrir, lui aussi, un Testamentum Noviim
annoté par Erasme, et ayant fait partie de la bibliothèque du
chevalier François. On ne sait guère comment était composée
la bibliothèque du duc, mais l'histoire veut bien nous révéler
que la bibUothèque du Chevalier s'enorgueillissait d'exem-
plaires précieux sur l'histoire des Pères, comprenait une col-
lection rare des classiques grecs et latins^ beaucoup d'ouvrages
de jurisprudence et un fonds important sur l'histoire de Naples.
Chacun des deux Macciucca possédait un ex-libris différent
alors que les lois étaient semblables.
L'ex-libris ' du duc représente un trophée de drapeaux au
centre duquel on lit, dans un cartouche surmonté d'un heaume,
la devise parlante des Vargas. La légende rapporte qu'un
ancêtre des Vargas, ayant brisé sa lance dans une bataille
contre les Maures, se défendit avec une telle bravoure que le
général Alvarez de Castro, qui dirigeait le combat, encourageait
le valeureux guerrier en s'écriant : « Asi Vargas Macciucca »
(Ainsi Vargas broie) et les descendants ajoutèrent toujours ce
surnom à leur nom. Le cri de guerre devint un nom. On lit
ensuite autour de l'ovale d'azur de l'étiquette légèrement ver-
dâtre, les noms suivants : ex bibliotheca illris ducis thomae
VARGAS MACCIUCCA.
Quant à l'ex-libris du chevalier François, il est bien dans la
tradition du xviii^ siècle. C'est une étiquette carrée représentant
deux Chinois assis sur une estrade comportant trois marches
et supportant une croix de Malte, au centre de laquelle on
peut lire le monogramme du chevalier, qui porte la couronne
1. Geniiaio-Fehhraîo, 1912, p. 34.
2. Aprlle, 1912, p. 55-36.
3. Barterelli (A.) et Prior (D.-H.). Gli ex-libris italiani. Milano,
Hœpli, 1902, cf. pp. 390 et 399, et Gelli (Jacopo), 3.^00 Ex-libris italiani.
Milano, Hœpli, 1908, pp. 272 et 404.
BIBLIOTHÈQ.UE DES VARGAS MACCIUCCA 1^5
ducale. Sur le contrefort de la première marche, on lit en une
petite italique cursive : Cavalier Francesco Vargas Maccinccà.
Sur le plat de la garde en papier à ramages du volume que
nous possédons, s'étale la grande étiquette où sont imprimées
en petit romain et en italique, les Quinze Lois. Ce règlement
a été imprimé en divers formats comprenant 23, 26, 27 ou
28 lignes. Notre étiquette mesure 22 cm. 9 sur lé cm. 2. La
marge du haut mesure 2 cm. 5, celle du bas 8 cm. 5, celle de
droite 3 cm. 4, celle de gauche 2 cm. 85. Notre texte com-
prend 26 lignes, dont les cinq premières en italiques et les
vingt-et-une dernières en petit romain. Les lignes ne sont point
toutes d'égales dimensions ; c'est ainsi que la première mesure
10 cm. 4, les trois suivantes 9 cm. 9, la septième 7 cm. 8 et
toutes les dernières 10 cm. 4. Il est à remarquer que le pre-
mier mot Leges, au lieu d'être en retrait, avance vers la gauche
de telle sorte que le premier « a » d'accepta (seconde ligne)
se trouve sous le « g » de Leges.
Voici d'ailleurs le texte de ces quinze lois :
[i] Leges, Volumina ex Bibliotheca nostra commodato \\
[2] accepta, lectiiris. Sccundum auspicia lata Lictor \\ [3]
Lege agito in Legirnpionem. Mas vel Fcemina \\ [4] fiias
bac tibi lege, Codicis istiiis nsiiin, non \\ [5] interdicimus.
[6] L HUnc ne Mancipium ducito. Liber est : ne |1 [7]
igitur notis compugito. IL Ne cœsim |1 [8] punctimve
ferito : hostis non est. III. Lineolis || [9] intus, forisve,
quaqueversum, ducendis abstineto. || [10] IV. Folium
ne subigito, ne complicato, neve in || [i i] rugas cogito.
V. Ad oram conscribillare caveto. || [12] Wl. Atramen-
tum ultra primum exesto : mori ma- 1| [13] vult quam
fœdari. VIL Purœ tantum papyri Phi- 1| [14] luram
interserito. VIII. Alteri clanculum palamvc H [15] ne
commodato. IX. Murem, tineam, blattam, || [lé] mus-
cam, furunculum absterreto. X. Ab aqua, || [17] oleo,
l66 ALFRED PÉREIRE
igné, situ, illuvie arceto. XI. Eodem uti- |1 [i8] tor,
non abutitor. XTI. Légère et quaevis excer- || [19] père,
fas esto. XIII. Perlectum, apud te peren- 1| [20] nare
ne sineto. XIV. Sartum tectumq-prout toi- 1| [21] lis
reddito. XV. Qui faxis, vel ignotus Amico- || [22] rum
albo adscribitor: qui secus, vel notus era- 1| [23] detor.
Has sibi, bas alliis praescribit leges in re || [24] sua,
Ordinis Hyerosolimitani Eques Dux Thomas |1 [25]
Vargas Macciucca. Quoi placeas annue, quoi mi- 1|
[26] nus, quid tibi nostra tactio est? Facesse.
En voici la traduction, aussi exacte que nous l'avons pu
faire, en conservant volontairement certaines tournures
archaïques :
« Lois, à l'usage de ceux qui liront des livres reçus à titre de prêt
de notre bibliothèque .
Selon les auspices pris, Licteur, au nom de la Loi, poursuis le
violateur de la Loi. Que tu sois homme ou femme, voici quelle sera
ta loi, mais je ne t'interdis point l'usage de ce livre.
I. Tu ne le considéreras pas comme un bien aliénable.
C'est un livre; ne le marque point d'une note, marque de
l'esclavage.
IL Tu ne le frapperas ni d'estoc, ni de taille : ce n'est pas
un ennemi.
III. Tu n'y traceras pas de petits traits, ni au dedans ni au
dehors, ni d'aucun côté.
IV. Tu ne maltraiteras aucun feuillet, tu ne le plisseras pas,
tu ne le corneras pas.
V. Tu ne maculeras pas les marges.
VI. Avant tout, pas de taches d'encre : plutôt la mort
qu'une souillure.
VIL Tu interfolieras le Livre de feuillets blancs.
VIII. Tu ne le prêteras pas à un tiers, ni en cachette, ni
ouvertement.
BIBLIOTHÈQ.UE DES VARGAS MACCIUCCA léy
IX. Tu le tiendras à l'écart des rats, des vers, des mites ou
mouches et des petits larrons.
X. Tu repousseras très loin l'eau, l'huile, le feu, la moisis-
sure et les choses salissantes.
XL Uses-en sans en abuser,
XII. Tu pourras y glaner et y faire des emprunts à ta
guise.
XIII. Après l'avoir lu, tu ne te permettras pas de le garder
éternellement chez toi.
XIV. Tu le rendras en bon état et couvert comme tu
l'emportes.
XV. Quiconque agira ainsi, fût-il même un inconnu, sera
inscrit au tableau des amis, quiconque ne le fera pas, même
connu de moi, en sera rayé.
Telles sont les lois qu'à lui-même et aux autres a prescrit sur
son bien le duc Thomas Vargas Macciucca, Chevalier de
l'ordre de Jérusalem. Si cela t'agrée, approuve, sinon, à quoi
bon toucher ce livre. Va-t-en. »
Le duc Thomas Vargas Macciucca ne manquera pas d'être
hautement apprécié par les lettrés comme par les biblio-
philes pour la délicatesse avec laquelle il sut exprimer en
termes tantôt graves, tantôt frivoles, des vérités essentielles.
Ces quinze commandements sont, à n'en point douter, imités
de l'antique et calqués sur les fragments qui nous sont restés
de la loi des Douze Tables. Mais, en dépit de leur feinte gra-
vité, on éprouve en lisant ces lois, embaumées d'archaïsme,
je ne sais quelle joie secrète pour leur charme malicieux.
Voulût-on être sérieux, que l'on est forcé de sourire, tant le
badinage est évident, tant la copie sent l'épigramme et la
satire. Comme en un déguisement, la formule peut à peine
donner le change et modifier le visage souriant de l'aristo-
' crate du xvii* siècle qui se dérobe sous la tunique d'un
Appius Claudius. Loin donc ces formules sanguinaires de la
l68 ALFRED PÉREIRE
loi du talion, loin ces ordres tyranniqucs que Cicéron cepen-
dant considérait comme « un sommaire de philosophie pra-
tique ». Ce n'est plus cette terrible maxime : « Oui memhruvi
rnpsit ni cum co pascit, talio esio. » Mais, au contraire, usant
aussi de l'impératif en « to », ce conseil aimable : « Légère et
qnxvis excerpere, fas esto. » Et, poussant le désir d'archaïsme
jusqu'à buriner un commandement d'une concision sybilline,
rappelant cette formule à deux termes, si harmonieusement
balancée : « Incantessit, pellexerit », nous avons : « Eodeiu utitor,
non abntitor. »
Parfois aussi le duc Vargas se plaît à faire de l'esprit et à
jouer sur les mots, comme dans les commandements premier
et onzième, l'un avec « liber », l'autre avec « légère ». Mais
le plus souvent, ces lois sont d'un ami qui traite ses livres
comme des hôtes avec lesquels il importe de nourrir d'exquises
relations. Et il insiste : « Hostis non est ». Et de faire mille
recommandations, d'éloigner les petits larrons et de tenir les
feuillets h. l'abri des huiles et des choses salissantes. Car les
pages sont comme des hermines : plutôt la mort qu'une
souillure. Sous cette forme gracieuse, les recommandations
ne sauraient froisser. Et même à relire ces lois de près, en
tâchant de pénétrer le sens qu'a voulu y mettre le duc Thomas,
on se trouve en présence d'un bel aristocrate qui philosophe
avec finesse. Il ne faut point le celer, le fait de légiférer, ne
fût-ce que pour soi-même, est la marque d'un bel esprit,
épris de mesure et d'ordonnance. Vauvenargues ne disait-il
point que la beauté de l'ordre est plus aimable que toutes les
beautés sensibles? Altruisme bien compris, santé morale aussi
bien que physique, habitudes d'ordre et de propreté, façons
civiles et révérentes, philosophie aimable : on trouve tout cela
dans les lois du duc Thomas Vargas Macciucca.
Son fils, le cavalier François, marquis de Vatolla, pouvait
donc trouver dans l'héritage de son père maintes raisons de
tirer vanité de ces quinze lois dont il se plut aussi à orner la
garde de ses livres. Il remplaça toutefois le nom de feu le duc
BIBLIOTHÈaUE DES VARGAS MACCIUCCA 169
son père par le sien. A défaut d'être connu comme légis-
lateur, il sera considéré comme le gardien zélé des lois pater-
nelles.
Est-ce à ces commandements indulgents qu'il doit la faveur
dont il fut entouré ? Nous l'ignorons. Nous ne lui faisons pas
l'injure de le penser, car si on en croit les historiens, il fut
prisé et recherché par les esprits les plus distingués de son
époque. Ses amis sont à sa mesure : mieux, il est à leur hau-
teur. Et l'on serait tenté d'étudier la vie de ses illustres amis,
pour rechercher en eux le reflet des traits qui nous manquent
pour pousser plus avant le portrait du marquis de Vatolla.
Voici cependant quelques anecdotes. On rapporte qu'il se
lia d'amitié avec les deux papes Benoît XIII et Benoît XIV.
Ces deux pontifes, sans avoir atteint la gloire des Jules II ni
des Léon X, font figure dans l'histoire générale des papes
comme des modèles de bienfaisance et de charité. La chro-
nique nous fournit sur eux des traits qui nous les peignent.
Benoît XIV disait de son prédécesseur : « Nous aimons avec
respect ce pontife qui fit reculer son carrosse pour n'avoir point
de disputes avec un charretier. » Ce Benoît XIV, au demeu-
rant, prisait davantage que son prédécesseur dont il louait l'ex-
trême mansuétude, les choses d'art et les vieux parchemins.
On doit en effet à Prosper Lambertini (car tel est son nom)
des mesures temporelles aussi vénérables que ses spirituelles.
Il passe pour avoir encouragé les Académies romaines et avoir
augmenté de précieux manuscrits la librairie du Vatican.
En de telles compagnies, le cavalier Francesco Vargas
Macciucca ne laisse pas que de se plaire. Il aimait les érudits,
les artistes, les antiquaires en toutes matières. On comprend
l'amitié qu'il prodigua au jurisconsulte hellénisant Jean Lami
qui méritait aussi des Belles-Lettres et des Beaux-Arts. Et si
Lami disait du cavalier Vargas qu'il était un « vir insignis, ad
miraculum usque eruditus » nous pouvons faire créance à l'un
sur l'autre.
Un autre de ses fiuniliers, le marquis Tannucci, ne s'expri-
lyO ALFRED PEREIRE
mait pas autrement en surnommant Vargas : « bibliotheca
ambulante ». Mais l'opinion de Galanti est peut-être plus
séduisante encore. Galanti, qui nous est connu par ses éloges
de Voltaire et de d'Alembert, disait du Mécène bibliophile
qu'il était un « magazzino di dottrina ». Opinion flatteuse s'il
en fût et vraie jusqu'à la précision.
Depuis l'enfance, le chevalier Vargas montrait de séduisantes
qualités. Né dans les Abruzzes, dans le petit village de Teramo,
il fit ses études à Naples, dans le collège des nobles que diri-
geaient les Jésuites. Il vint bientôt à Rome où il montra
bientôt d'étonnantes dispositions pour le dessin et la sculp-
ture. Il fit en tout preuve d'une telle maîtrise qu'il méritait
l'opinion de Galanti. On lui doit à la fois une traduction du
Système intellectuel de la Nature de Cudworth, et un Traité
de Contrepoint. Il fut poète, jurisconsulte, physicien, précur-
seur de l'aérostation. Minervi raconte qu'un jour, quelqu'un
lui lisant un article sur l'invention des Montgolfières, il indiqua
dans sa bibliothèque un livre paru à Brescia, en 1670, où l'on
décrivait un navire volant. Il mourut à Naples, où il passa la
plus grande partie de sa vie, le 17 juillet 1785.
Prodigieux esprit que le sien. Il mérite aussi bien que son
père le duc, que son nom voltige sur les lèvres des hommes et
que sa mémoire soit vénérée par les bibliophiles et par les let-
trés. Les deux visages affrontés du duc et du chevalier Vargas
Macciucca émergeraient avec quelque élégance du plat de la
médaille qu'il conviendrait de leur consacrer comme les auteurs
et les gardiens de ces quinze curieuses lois transcrites par
nous, en lesquelles demeure un délicat parfum d'humanisme
que n'eussent dédaigné ni Pétrarque, ni Montaigne.
Alfred Pekeire.
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■ît*,*». —,,'..
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SCIPION SARDINI ET SA FAMILLE
Parmi les banquiers italiens de haut rang qui ont vécu à
Paris au temps où la famille des Médicis y régnait toute-
puissante, on cite volontiers Scipion Sardini, dont une voie de
la capitale rappelle le nom. Dans cette rue du quartier Saint-
Marcel (rue Scipion), une vieille demeure se distingue encore
partiellement par une décoration originale et unique qui date
de l'époque de sa construction, c'est-à-dire du règne de
Henri III ; on la connaît communément sous le nom d'hôtel
Scipion, aujourd'hui occupé par la Boulangerie centrale des
hôpitaux après avoir été un hôpital ', et elle passe pour avoir
servi de logis, peut-être de maison de campagne, au richissime
banquier. Anatole de Montaiglon a signalé aux curieux l'inté-
rêt des médaillons sculptés avec goût de cette façade inté-
rieure ^ ; puis, le premier, M. Emile Picot a tenté de réunir '
toutes les mentions qu'il a pu recueillir, son érudition aidant,
sur le personnage étranger dont la faveur fut considérable à
la cour de France pendant plus d'un quart de siècle •^.
1. Un document relatif à l'élargissement de la ruelle qui allait en 1781
de la barrière Saint-Victor à la « maison de Scipion » se trouve dans
Brièle, Collection de documents pour servir à V histoire des hôpitaux de Paris,
11(1873), p. 115-
2. Bulletin de la Société impériale des Antiquaires de France, 1857, pp. 99-
loi ; — cet article a été développé ensuite par son auteur dans Les Beaux-
Arts, revue nouvelle, I (1860), pp. 161-166 et 197-202.
3. Les Italiens en France au XV I^ siècle, i^e série (Bordeaux, Feret et fils,
1902; extr. du Bulletin italien de 1901-1902), pp. 134-137.
4. Peut-être le père de Scipion était-il ce Louis Sardini qui lit, avant
1567, par testament, donation de 1371 livres à l'Hôtel-Dieu de Paris (Briéle,
op. cit., III, p. 329). — Sur Davino Sardini, dont nous ignorons l'exact lien
de parenté avec Scipion, voir Registres du Bureau de la Ville de Paris, VI,
p. 474, et VII, p. 153 ; et Archives nationales, P 2318, p. 237.
172 HENRI STEIN
Grâce à ces précieuses recherches, nous savons que Scipion
Sardini fut l'âme damnée de Catherine de Médicis, qui eut
sans cesse besoin de ses services et lui fit obtenir une foule de
privilèges et de concessions ; nous le suivons à partir de
1548, où on le trouve établi à Lyon ', jusqu'en 1589; nous
le voyons prêter au roi, au clergé, aux princes du sang ^, des
sommes considérables à des intérêts fort élevés, négocier des
emprunts et même faire imprimer de son autorité privée un
édit qui augmentait les impôts ; nous lisons les satires et les
épigrammes volontiers distribuées ou affichées contre lui et
ses semblables dans les rues et les carrefours, mais qui
n'étaient point faites pour l'émouvoir 5.
1. Il était lucquois, comme les Cenami, les Spifame, les Balbani, les
Zamet, et autres qui vinrent s'établir à Lyon ou à Paris .
2. Cf. Archives nationales, E ii^, fo 54, P 2321, p. 597-611, P 2330,
p. 729, et KK 116, fo5 840 et S47 vo (remboursements à lui faits, pendant
la seule année 1585, d'une somme de 80196 écus 58 sous, et d'une autre
somme de 4833 écus 20 sous, intérêts compris, sur les fonds de la trésore-
rie royale); — Bibliothèque nationale, nouv. acquisit. françaises, n°6830
(contrat de 1588 avec le clergé pour recouvrement d'une somme de 5000C0
écus accordés au roi par ledit clergé) ; — ■ Brièle, Collection de âociivients pour
servir à l'histoire des hôpitaux de Paris, IV (1887), p. 197; — Registres du
Bureau de la ville de Paris, IX, p. 587 ; — Procès-verbaux des Assemblées du
Clergé, I, pp. 591-595.
3. Voici un sonnet qu'on peut ajouter à ces pièces satiriques (ms. fr.
22563, fol. 162 vo) :
L'Espaigne a triomphé à l'encombre des Gotz
Qui la tenoient soubz eulx d'une brave arrogance.
Et vous Parisiens soubz un muet silence
Tresfins avez deceu les plus grands huguenotz.
Puisque vous retenez ces inventeurs d'imposts
Poltrons italiens le malheur de la France
Pour immortalizer vostre grande vaillance
Que ne les grillez vous de gros boys et fagotz.
Les faicts que leurs ayeux aprirent a Sodome
Et qu'au sceu de chacun exercent dedans Rome
Vous debvroicnt inciter a œuvre si sacré.
Sus donc la commencez dessus ce grand Camille,
Sus Sardin le songeart, bref sus tous à la file
Le plus petit l'rancois vous en saura bon gré.
SCIPION SARDINI ET SA FAMILLE I73
Cet homme, parvenu à rassembler une grosse tortune,
jouissait d'une influence qui lui permettait d'agir à sa guise
et de dominer les cris de la foule. Comme avec les puissants
financiers de toutes les époques, le gouvernement devait
compter avec lui. On peut ainsi se faire une idée au moins
vague de sa situation morale ; mais ne serait-il pas possible de
chercher à le mieux connaître encore ? Quand mourut-il ?
Quelle postérité laissa-t-il ? Et que devinrent après lui les pro-
priétés qu'il avait acquises, les trésors qu'il avait accumulés ?
Ces questions n'ont jamais été posées, ou, si elles ont pu
l'être, elles n'ont pas trouvé de solutions. Comment le mys-
tère s'est-il donc fait si grand, jusqu'à ce jour, sur la person-
nalité et l'entourage de Scipion Sardini ?
Quelques documents notariés, conservés aux Archives
nationales, vont nous permettre de soulever un coin du voile.
Sans être aussi précis et aussi détaillés que nous l'aurions
souhaité, puisque l'on n'y trouvera pas le moindre renseigne-
ment sur l'état de la fortune du fameux banquier, puisque
l'on n'y découvrira rien qui en facilite l'évaluation, du moins
pourront-ils servir de point de départ pour des recherches
nouvelles à qui voudra les entreprendre.
Seigneur de Chaumont-sur-Loire \ de cette magnifique
demeure féodale qui avait antérieurement appartenu aux
comtes de Blois, à Diane de Poitiers et à Catherine de Médi-
cis elle-même, Scipion Sardini paraît avoir possédé des biens
en Brie, puisque l'une de ses filles décédée a été provisoire-
ment inhumée en l'égUse de Roissy -; il acquiert en 1605 les
droits du duc de Bouillon sur le domaine de Beaufort ^ ; sa
1. Voir Alex. Dupré, Le château et les seigneurs de Chaiiniont-sur-Loire
(Blois, 1855, i""8 de 58 p.). Le château fut possédé de 1600 à 1668 par les
Sardini, Scipion l'ayant obtenu par retrait lignager du chef de sa femme,
cousine de la précédente propriétaire, Charlotte de La Marck ; ensuite les
Roffignac le conservèrent jusqu'en 1699.
2. C°n de Tournan (Seine-et-Marne) ; Roissy est peu éloigné de Fer-
rières et d'Armainvilliers.
3. Archives nationales, £9», fo239.
174 HENRI STEIN
femme Isabeau de la Tour % appartenant à la grande famille des
La Tour d'Auvergne ^, est qualifiée parfois vicomtesse de
Buzancy, et transmettra cette seigneurie ardennaise, voisine
de Sedan, à l'un de ses fils; enfin Scipion avait eu des pro-
priétés à Lyon, à Blois, ailleurs encore, sans oublier les
domaines patrimoniaux de Lucques qu'il avait pieusement
conservés et peut-être accrus.
Lorsqu'il rédige son testament, le 27 juillet 1596, Scipion
Sardini n'est plus jeune, mais il est encore sain de corps et
d'esprit, et ce n'est pas une vaine formule, puisqu'il ne mourra
que longtemps après. Il habite à Paris rue Hautefeuille ',
paroisse Saint-Séverin ; et n'est-il pas surprenant d'apprendre
qu'il ne demeure pas dans l'hôtel qu'il a fait construire au
faubourg Saint-Marcel ? L'a-t-il déjà aliéné ? Ne l'aurai t-il fait
construire que comme habitation de campagne ? Cette dernière
hypothèse paraît plus vraisemblable. A cette même date, il'a
bien marié déjà deux filles : l'une, Madeleine, est veuve
de Jacques de Roffignac, sieur de Marzac ^ ; l'autre, Isabelle, a
1. On l'appelle plutôt Isabelle de Limeuil, et on sait qu'elle avait été
avant son mariage la maîtresse d'un Condé. En vérité les Limeuil et les La
Tour ne sont qu'une seule et même famille, ou tout au moins une branche
de la famille des La Tour d'Auvergne ; on trouve François de La Tour sei-
gneur de Limeuil au début du xvi^ siècle (Archives nationales, R* 46) et vers
1530 fut plaidé un procès entre plusieurs frères au sujet de la donation de la
terre de Limeuil à Gilles de La Tour (Idem, R^ 48) ; le titre de seigneur de
Limeuil fut porté entre autres par Gilles de La Tour, quitesta en i$66(Idem^
R^ 29, et par son fils Galiot de La Tour, qui testa à son tour en i588(Wcw,
R^ 49) : Isabelle, fille de Gilles, est mentionnée dans le testament de 1566.
Elle fut célèbre par sa beauté. On a deux portraits d'elle, l'un au musée du
Louvre (Reiset, Catalogue des dessins, n" 1360), l'autre, que nous croyons un
peu plus ancien, dans le volume 1206 de la collection Clairambault, f" 16
(Bibhothèque nationale).
2. Sur le scandale que causa sa grossesse en 1564, voir Brantôme (éd.
Lalanne), IX, p. 87, et X, p. 511.
3. Aucune mention de lui n'est faite par E. Baillière dans sa monogra-
phie de La me Hautefeuille, qu'a publiée le Bulletin de la Société du VI^ arron-
dissement de Paris.
4. La généalogie des Roffignac, seigneurs de Marzac, se trouve dans le
Nobiliaire du Limousin de l'abbé Nadaud. — On a un portrait d'elle au
SCIPION SARDINI ET SA FAMILLE I75
épousé un compatriote et un voisin des bords de la Loire,
F. Salviati, sieur de Talcy ^ Mais il a en outre deux fils,
plus jeunes sans doute, auxquels il a donné les prénoms
d'Alexandre et de Paul, et qui lui survivront. Nos documents
signalent l'existence d'un sien frère, décédé en 1596, mais dont
les fils Jean-Baptiste et Bernard Sardini ne sont pas oubliés
par leur oncle lorsque celui-ci prend soin de dicter ses der-
nières volontés : sans doute ces neveux ont-ils d'ailleurs con-
tinué de résider en Italie, car c'est à eux que sont réservés les
immeubles de Lucques. La famille se complète par un cousin
du même nom patron3^mique, Marc-Antoine Sardini ^, et par
un autre neveu nommé Orazio Nieri. Ce dernier est en toute
certitude un immigré à Paris : à sa qualité de neveu, il joint
celle de commis du banquier Scipion ', et comme tel se trouve
exposé à des poursuites dans lesquelles est impliqué son
patron 4.
Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, qui portait le no 264 au
catalogue de l'Exposition des Portraits de 1907.
1. Qie de Cour-Cheverny (Loir-et-Cher). — Sur les Salviati, consulter
le travail ci-dessus mentionné de M. Emile Picot, pp. 86-87 ; — ^- d'Aubigné,
Histoire universelle, édon A. de Ruble, VI, pp. 285 et 317 ; — A. Storelli,
Notice historique et chronologique sur les châteaux de Blaisois ; le château de
Talcy (Paris, 1884, in-4); — P. Dufay, Autour de Cassandre : les Salviati
(Paris, 1909, in-8, extr. du t. X des Annales Fléchoises"). C'est en effet à
cette famille qu'appartenait la Cassandre de Ronsard, comme l'a démontré
M. Henri Longnon (Revue des Questions historiques, janvier 1902, et Pierre
de Ronsard, essai de biogi-aphie (Pans, 1912, iu-i6), pp. 320-358).
2. Mentionné maintes fois comme fondé de pouvoirs de Scipion, et dés
1574 (Registres du Bureau de la ville de Paris, VII, p. 153). Cf. Archives
nationales, P 2330, p. 809; et N. Valois, Inventaire des arrêts du Conseil
d'Etat, passim.
3. m'était en 1595 et encore en 1606.
4. Un document, cité seulement par M. Emile Picot, fournit quelques
détails sur cette affaire (Biblioth. nationale, coll. Dupuy, vol. 857, f" 180) :
« Arrêt du quartier d'octobre 1606 donné à mon rapport au Conseil privé
du roy. Entre m^ Nicollas Lescalopier, conseiller notaire et secrétaire du
roy, demandeur et requérant l'enthérinement d'une requeste par luy présen-
tée au roy le dernier mars 1606 à fin de reiglement de juges pour la con-
tention de jurisdiction d'entre la Court du Parlement de Paris, prévost
176 HENRI STEIN
Dans son testament, où Scipion Sardini prend ses disposi-
tions pour le partage de sa fortune, il demande à avoir sa
sépulture « en l'église des Augustins » ; il ne peut s'agir que
du couvent des Grands-Augustins, où aucun archéologue n'a
dudit lieu, et le Grand Conseil, d'une part, et Horace Niery, soy disant
commis du sieur Scipion Sardiny, deffendeur, d'autre ; Veu par le roy en
son Conseil ladite requeste, arrest dudit Conseil sur icelle du dernier mars
1606, exploict de signiffication d'icelluy audit de Niery au domicilie du dit
Sardiny, et assignation donnée à icelluy de Niery à six sepmaines, du 6 avril
audit an, lettres d'anticipation obtenues par ledit de Niery du le^ may audit
an, exploict de signiffication d'icelles audit sieur Lescalopier du 6 desdits
mois et an, procédures faictes par devant le prévost de Paris à la requeste
dudit Lescalopier allencontre de Allexandre Fanouche [Fanucci], couratier,
pour raison d'une saisye sur la somme des 6000 livres qu'il doibt par pro-
messe en blanc audit Fanouche, pour seureté des sommes de 6000 livres
d'une part et 7500 livres d'autre, qui luy sont deues par promesses signées
Grandeau et contresignées Baudouyn, qu'icelluy Fanouche luy auroit bail-
lées et que ledit Baudouyn prétend faulces, acte d'opposition formée à ladite
saisye et délivrance à ladite somme de 6187 livres par m^ Jehan Garnier et
Jacques Deschamps comme créanciers dudit Fanouche, du 21 juing 1605,
sentence dudit prévost deParis ou son lieutenant audit an, etc.
...Autre arrest du Grand Conseil du 17 mars [1606] donné par deffaut,
par lequel la cause d'entre ledit Lescalopier à ladite Court de Parlement
aux fins que lesdits Fanouche et Niery y feussent appelles, sur laquelle
auroit esté ordonné que la partie seroit appellée, du 30 mars audit an,
exploict de signiffication de ladite ordonnance auxdits Niery et Fanouche
desdits jour et an, autres listes dudit Sardiny des années 1595, 1597, 1598,
par lesquelles ledit de Niery seroit compris, lettres d'évocation audit Grand
Conseil des feuz rois Charles et Henry derniers décédés, de tous les pro-
cès et dififérendz que ledit Sardiny, sa femme, leurs faicteurs, serviteurs et
entremetteurs auroient des 21 aoust 1572 et 26 septembre 1576, certificat
dudit Sardiny comme ledit de Niery est son nepveu et employé en ses
affaires, du 26 juing 1606, appointement en droit pris entre les dites parties
du 8 juing audit an, et ouy le rapport du commissaire sur ce depputé, le
Roy en son Conseil, faisant droit sur ladite instance de rciglement de
juges, a renvoyé et renvoyé lesdites parties en la Chambre de l'édit du Par-
lement de Paris suivant ledit arrest du 18 septembre, à laquelle Sa Majesté,
en tant que besoin seroit, en a attribué toute court, jurisdiction et cognois-
sance, et icelle interdite à tous autres juges, despens réservez de ladite ins-
tance, etc. » — Au fo 62 v° du même registre, on trouve trace d'une affaire
à laquelle se trouve mêlé Jacques Ernault, autre commis du lucquois Sar-
dini ; cf. encore, pour un autre procès antérieur, un document des Archives
nationales, V^ i, no 22.
SCIPION SARDINI ET SA FAMILLE I77
songé à relever son épitaphe, depuis longtemps disparue. On
ne sera pas surpris du choix qu'il avait fait, si l'on veut bien
se souvenir qu'en l'église des Grands-Augustins ' furent inhu-
més un grand nombre de riches Italiens habitant Paris : il
suffira dénommer Am. Capponi, AlbizzoDel Bene, Leonardo
Canigiani, J.-B. de Gondi, Raniero Rinaldo, Agostino Ysbarre,
et quatre membres delà famille Spifame.
En août 1599, Scipion Sardini fait venir de nouveau son
notaire; il rédige un codicille qui confirme son testament en
réglant plus spécialement les détails de son exécution. Il le
rappelle encore moins d'un mois après : se défiant peut-être
de ses gendres, ou craignant de voir s'émietter sa fortune, il
déclare vouloir conserver entre les mains de ses fils la part de
l'héritage revenant à ses filles pendant un espace de quinze
ans à dater du jour de son décès. Il est à supposer que ce décès
survint peu de temps après. On ne pourra pas nier que le
banquier avait pris toutes les précautions nécessaires pour voir
exécuter sa volonté.
Dix ans plus tard, Isabeau de La Tour mourut à son tour,
très peu de temps après avoir rédigé un testament le 24 mars
1609. Le 29 mai suivant, les deux fils Alexandre et Paul -
déclarent se contenter des dispositions prises par la défunte
en leur faveur et renoncer au surplus des biens qu'elle possé-
dait; ils habitaient conjointement avec leur mère un hôtel sis
en la rue Sainte-Croix delaBretonnerie. Ils demeurent encore
ensemble le 16 avril léio, mais rue de Braque, lorsqu'ils
signent une nouvelle pièce notariée par laquelle ils se font
donation mutuelle et irrévocable de tous leurs biens meubles
et immeubles : touchante union de deux frères alors insépa-
rables, qui pouvaient avoir alors trente-cinq ans, mais dont
1. Voir Raunié, Epitaphier du Vieux-Paris, I (1890), pp. 151-229.
2. Scipion Sardini paraît avoir eu de grosses difficultés avec le gouverne-
ment de la Ligue ; une saisie de ses meubles eut lieu en 1590 (Registres du
Bureau de la ville de Paris, IX (1902), p. 578 et 588) ; ses fils, sans doute
retenus comme otages, réussirent à s'échapper, et l'affaire se termina par
des poursuites dont nous ignorons la solution (Idem, X, p. 260 et 271).
Mélanges. H. 12
lyS HENRI STEIN
la destinée ne nous est pas connue. Dans ce dernier acte,
Alexandre Sardini, l'aîné, porte à son tour le titre de seigneur
de Chaumont-sur-Loire ; il est également vicomte de Buzancy
et c'est lui qu'on trouve parfois cité avec le titre de vicomte
de Sardini '.
Telles sont les indications que peuvent fournir les docu-
ments nouveaux dont le texte suit.
Les traits du financier Scipion nous ont été conservés par un
dessin, probablement de la main de Benjamin Foulon, qui
appartient aux collections du Musée de l'Ermitage, à Saint-
Pétersbourg, et que l'on trouvera reproduit ici pour la pre-
mière fois.
Henri Stein,
I . Archives nationales, E 24b, 1° 203 (arrêt du Conseil du 26 novembre
1609).
DOCUMENTS
I
Testament et codicilles de Scipion Sardini.
A tous ceuzqui ces présentes lettres verront, Jacques d'Aumont,
chevallier, conseiller du roi et gentilhomme ordinaire de sa
Chambre, et garde de la prévosté de Paris, salut. Savoir faisons que
par devant Léonor de Saint Leu et Nicolas Le Camus, notaires du
ro}' en son Chastelet de Paris, soubzsignez, fut présent en sa per-
sonne noble homme Scipion Sardiny, gentilhomme lucquois,
demeurant à Paris, rue de Haultefeille, paroisse Saint Séverin,
lequel estant en pleine santé et disposition de sa personne, admo-
nesté par les saintes Lettres de la briefveté et incertitude de nostre
vye, par son aage et indisposition du temps, comme Dieu le peust
révocquer à soy d'heure à autre, désirant disposer de ce qu'il a
pieu [à la] divine Majesté luy bailler, après l'avoir très humble-
ment suplyé luy voulloir faire la grâce par la mort et passion de
nostre Seigneur Jésus Christ son filz, et par bonté et miséricorde
luy voulloir donner part entre ses bienheureux, a fait et ordonné
son testament et disposition de dernière volonté ainsy qu'il s'ens-
suit :
Premièrement il prie dame Isabel de la Tour, sa femme et
espouze, et aussy leurs enfans et exécuteurs du présent testament,
voulloir faire inhumer son corps en l'église des Augustins à Paris
sans aucune cérémonye avecq les cendres de feue Margueritte, sa
fille, de présentz en dépostz en l'église de Roissy en Brie ;
Item il veult et ordonne que sur les plus clairs de ses biens il
soit baillé et délivré à ladite dame son espouze tout ce qui luy
appartient et appartiendra par le moien de ses conventions matri-
monialles, prye et commande à tous ses enfants de l'honnorer, ser-
vir et révérer selon que Dieu leur commande, et ledit sieur testa-
teur comme leur père, et mesmes de l'assister de leurs moiens sy
elle en a besoing, et ne luy donner aucune occasion de mesconten-
tement ;
Item il veult et entend que, sy au jour de son decedz il demeure
l80 HENRI STEIN
debbiteur et reddevable envers quelques personnes que ce soient,
que du plus clair de ses biens ilz soient entièrement paiez avant
que ses héritiers puissent de rien disposer, et mesmes que sur
toutes choses ses serviteurs et servantes soient paiez de ce qu'il
leur sera ou pourra estre deub de reste de leurs gaiges, et qu'en
oultre ilz soient récompensez selon leurs mérites, de quoy il charge
les consciences de ses dits enfans et héritiers ;
Item ledit sieur testateur veult et ordonne que, estant toutes les
debtes paiées, mesmes les conventions de ladite son espouze satis-
faittes, toutes et chacunes les rentes, arréraiges et toutes les autres
debtes à luy deues tant par le roy, Messieurs du Clergé, héritiers
du feu sieur de Richelieu, que aultres, ensemble les proffictz
d'iceulx qui en sont et seront deubz lors de son decedz, avec tous
les meubles, soient unis en ung bloc général duquel seront vingt
partz et lotz contenant chacun d'iceulx à proportion toutes lesdites
rentes, arréraiges, debtes, proffictz et meubles, et que desdites vingt
partz il en soit baillé et délivré lors à Alexandre Sardiny, son filz
aisné, les unze parts et portions pour tous ses droicts oultre et par-
dessus ce qu'il se trouvera qu'il aura receu et despencé ; item les
sept partz et demye à Paul Sardiny son second filz ; et quand au
surplus desdits lotz et partz qui sont un lot et demy, il veult et
ordonne en estre baillé à damoiselles Magdeleine et Ysabel Sar-
diny, ses filles, à présent femmes de deftunt Jacques de Roffignac,
sieur de Marzac et du Plessis, et de Forest Salviati, sieur de Talcy,
la moictié dudict lot et demy, oultre et par dessus ce qu'elles et
leurs ditz mariz ont eu et receu lors de leurs mariages et en faveur
d'iceulx que depuis, à la charge qu'elles se contenteront, sans que
leurs dits maris ny elles puissent plus rien demander ny prétendre
en la succession du dit sieur leur père ; et quand au reste que de
l'autre moictyé dudit lot et demy, icelluy sieur testateur le donne
et laisse, assçavoir ung tiers à noble Marc Anthoyne Sardiny, son
cousin, ung autre tiers à noble Horatio Nyery, son nepveu, et
l'autre tiers à Jean Baptiste et Bernardin Sardiny ses nepveuz, à
chascun par moytié ; et oultre il donne et laisse à ses dits deulx
nepveux Baptiste et Bernardin Sardiny aussy par moytié tous et cha-
cuns les héritaiges et biens immeubles que ledit sieur testateur a à
luy appartenant en la ville et territoire de Lucques et es environs,
tant de son propre par les successions de ses feuz père, mère, et
frère, que de son acquest et conquest sans aucune exception, et
sans que ses dits enfans et héritiers leur en puissent rien deman-
der ne prétendre, et si au jour du décedz dudit sieur testateur les-
SCIPION SARDINI ET SA PAMILLE lîSI
dictes debtes, arréraiges et proffictz n'avoient este emploiez en
héritaiges et fondz de terres, il veult et ordonne qu'à mesure qu'ilz
seront receuz et touchez, employ en soit faict pour ses dictz filz et
filles, chacun à son égard, le plus tost commodément que faire le
pourront, à la charge expresse que sy sondict filsaisné decedde sans
enfans nez en loyal mariage, lesdicts biens retourneront et appar-
tiendrontà son dict fils puisné, et aussy sy ledictpuisné prédecedde
sondict aisné sans enfans, lesdicts biens retourneront à sondict
aisné et à sesdicts enfans, ainsy de l'un à l'autre et leurs dicta
enfans successifvement et deflaillant ladite ligne masculine, il veult
et ordonne que le tout retourne à ses dictes deux filles et à leurs
enfans malles, et s'il n'y a malles, aux femmelles également, en
portant avec leurs conjoins celluy de la maison du dit sieur testa-
teur.
Et pour exécuter et entièrement accomplir sondit présent testa-
ment de poinct en poinct selon sa forme et teneur, le dit sieur tes-
tateur nomme eteslit ladite dame son espouze, ledit Alexandre son
filz esné, et lesdits sieurs Marcq Anthoine Sardiny et Horatio Niery,
ausquelz et à deux d'entre eulx en l'absence des aultres, avecq l'in-
tervention de ladite dame son espouze, icelluy sieur testateur a
donné et donne plein pouvoir et puissance d'icellui sondit présent
testament exécuter et accomplir, et à ceste fin il se desmect et des-
saisit en leurs mains de tous ses biens, voullant qu'ilz en soient
saisiz et vestus jusques à la concurence d'icelle exécution testamen-
taire, en révocquant par luy tous autres testamens et codicilles
précédans, sy aucuns y a et s'en trouve, ensembles toutes donna-
tions qu'il a faicte à ses dits enfans pour cause de mort ou autre-
ment, parce qu'il veult et entend cestuy seul son dict testament
avoir lieu et sortir effect selon sa forme et teneur, soubzmettant
l'audition et examen de compte d'icelluy à la jurisdiction et con-
traincte de ladicte prévosté de Paris et à toutes autres quelconques.
En tesnioing de ce, nous, à la rellation des dicts notaires, avons
fait mettre le scel de ladite prévosté de Paris à ces dites présentes,
lesquelles ont esté faictes, passées, dittes et nommées par ledit sieur
testateur en l'hostel desdictz notaires soubsignez, avant midy, l'an
mil cinq cens quatre vingtz seize, le samedy vingt septiesme jour
de juillet. Et a ledit sieur Sardiny signé la minute de sondit présent
testament avecq lesdits notaires soubzsignez, lesquelz luy ont levé
et relevé, suivant l'ordonnance, et est demeurée par devers ledit
Le Camus, l'un des notaires. Signé : de Saint Leu et Le Camus; et,
plus bas, est escript ce qui s'ensuict :
l82 HENRI STEIN
Et le mardy vingt troisiesme jour d'aoust l'an mil cinq cens
quatre vingtz dix neuf, avant midy, est comparu en l'hostel des-
dicts notaires soubsignez ledit sieur Sardiny, lequel estant aussy
en bonne santé et dispos de sa personne, a par forme de codicille
voullu et ordonné que sy au jour de son decedz sesdits deux filz
dénommez en sondit testament estoient aagez chacun de vingt cinq
ans, l'un d'iceulx ou les deux ensemble soient exécuteurs avecq les
trois autres personnes y dénommez de sondit testament et disposi-
tion de dernière volonté, ausquelz et à ses dits enfants il donne
pouvoir del'acomplir et exécuter, ores que les autres n'y consen-
tissent, sans l'intervention desdits deux filz ou de l'un d'eulx, sinon
il n'entend ne veult qu'il puisse estre rien résolu ne délibéré pen-
dant l'année de ladite exécution, laquelle estant passée et expirée,
chacun desdits héritiers pourra lors disposer à sa volonté de ce qui
leur appartiendra par sondit testament, lequel au surplus il veult
et entend avoir lieu, et à ceste fin le ratiffie, confirme et approuve
après l'avoir veu et receu et entendu. Ce fut faict, dicté et nommé
par ledîct sieur testateur les an et jour derniers dictz, et a aussy
ledit sieur Sardiny signé la minutte escripte au pied de celle de
son dict testament, ensemble les dictz notaires. Signé : de Saint-
Leu et Le Camus. Et plus bas est escript ce qui ensuict :
Et le tiers jour de septembre ensuivant, est derechef comparu en
l'hostel desdicts notaires, avant midy, ledit sieur Scipion Sardiny
dessus nommé, lequel estant en bonne santé et disposition, a
derechef ratiffie et approuvé son dict testament et codicille, et par
forme de second codicille ou autrement il a voullu et veult que ce
qui appartiendra par sondit testament à ses dites deux filles
demeure après son trespas es mains de ses filz, lesquelz l'assemble-
ront et garderont à leurs dictes soeurs pour les en survenir en leurs
urgentes nécessitez, sans que leurs mariz en puissent aucunement
disposer, soit en principal, fruictz ou proffictz en quelque manière
que ce soit ; desquelz fruictz et proffictz sesdites filles jouiront et
s'en accommoderont durant le temps et espace de quinze ans à
mesure et ainsy que bon leur semblera, et d'eulx passez elles pour-
ront aussy jouir et disposer tant du principal que desdictz fruictz.
Ce fut faict, dicté et nommé par ledict sieur testateur, et à luy leu
et receu suivant l'ordonnance les an et jour derniers dictz; et a
ledit sieur Sardiny aussy signé ladicte minutte escripte au bas du
codicille susdit. Signé : de Saint-Leu et Le Camus, et plus bas a
été mise l'insinuation (le vendredy 3^ jour de juin iéo8).
(Archives nationales, Y 147, f' 182.)
SCIPION SARDINI ET SA FAMILLE 183
II
Arrangement conclu entre les deux dis de Scîpîon Sardini
à la mite de la mort dé leur mère, sumvit les dispositions
testamentaires de celle-ci.
Aujourd'huysont comparus par devant les notaires du Roy nostre
Sire en son Chastelet de Paris soubzsignez messire Alexandre de
Sardini, escuier, viconte de Buzancy, et Paul de Sardini, aussy
escuier, sieur de Jouy, demeurante en ceste ville de Paris, rue
Saincte Croix de la Bretonnerye, parroisse Saint Paul, enfans de
deffunctz noble sieur Scipion Sardini, vivant seigneur de Chaul-
mont sur Loire, et haulte et puissante dame Ysabeau de la Tour,
dame et vicomtesse de Buzancy, leurs père et mère, donnataires par
bénéfice d'inventaire de ladite deft'uncte dame Ysabeau de la Tour
leur mère, par son testament passé par devant de Monhenault et
Le Voyer, l'un des notaires soubzignez, le vingt quatriesme jour du
moys de mars dernier passé ', desquelles dispositions et donnations
ilz se contentent, ilz ont renoncé et renoncent par ces présentes au
surplus des biens de ladicte deffuncte leur mère, par protestation
où ils seroient évincez desdites donnations et dispositions de eulx
dire et porter héritiers de laditte deffuncte leur mère par bénéfice
d'inventaire ou autrement, comme ilz verront estre à faire par rai-
son et pour icelle déclaration faire en justice, soit audit Chastelet,
Court de Parlement, Requestes du Palais et partout ailleurs où il
appartiendra, icelle faire enregistrer au Chastelet et insinuer,
mesmes la faire signiffier à leurs sœurs et beau frères, ad ce qu'ils
n'en prétendent cause d'ignorance, lesdits sieurs de Sardini ont
faict et institué leur procureur audit Chastelet de Paris M« Ysaacq
Fremin, procureur audit Chastelet, auquel ilz ont donné pouvoir
de ce faire et tout ce que au cas sur ce requis et nécessaire, dont et
de ce que iceulx sieurs de Sardin}' ont requis acte ausdicts notaires
qui leur ont octroyé la présente pour leur servir et valloir en temps
et lieu ce que de raison. Ce fut faict, requis et octroyé en l'hostel
desdits Sardini l'an mil six cens neuf, le vingt neufviesme jour de
may ; et ont lesdicts sieurs Sardini signé la minutte du présent acte
qui est demeuré chez ledit Le Voyer, l'un des notaires soubzsignez.
(Archives nationales, Y 148, f° 282 v°.)
I. Son testament, rédigé en son hôtel de la rue Sainte-Croix de la Bre-
tonnerie, est transcrit au feuillet précédent du même registre.
184 HEMRI STEIN
III
Donaiion entre vifs signée par les deux fils de Scipion Sardini.
Par devant Charles Richer et Hilaire Lybault, nottaires et garde-
nottes du roy nostre Sire en son Chastelet de Paris soubzsignez,
furent présens en leurs personnes messire Alexandre de Sardini,
chevallier, viconte de Buzancy, seigneur de Chaulmont sur Loire,
gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy, et messire Paul de
Sardini, seigneur de Jouy, aussy gentilhomme ordinaire de la
Chambre du Roy, demeurans à Paris rue de Bracque, parroisse
Saint Nicolas des Champs, lesquelz, pour tesmoignaige de leur
singulière affection et amityé qu'ilz ont l'un envers l'autre et bons
offices qu'ilz ont receuz l'un de l'autre, et qu'ils espèrent conti-
nuer à l'advenir, ilz ont volontairement et sans aucune force ne
contrainte, ains de leur propre mouvement et d'ung mutuel con-
sentement, donné et donnent par donnation entre vifz irrévocable
et mutuelle au survivant d'eulx deulx l'un à l'autre, acceptant réci-
proquement tous et chacuns leurs biens meubles et immeubles
propres, acquestz, droictz, noms, raisons et actions qu'ilz ont de
présent et auront lors de leur décedz, en cas que le premier decedde
sans enfans, en quelques lieux et endroictz que lesdits biens se
trouverront et soient scituez et assis, et à quelque pris et valleur
qu'ilz se puissent et pourront monter, disans aucune chose en
excepter ne réserver, pour jouir par le survivant des biens donnez,
ses hoirs et ayant causes, et disposer d'iceulx comme bon luy sem-
blera, et à luy appartenans, desquelz ils se sont dessaisiz et deves-
tuz dès maintenant par ces présentes au proffict l'un de l'autre et
du survivant d'eulx deux, et en ont saisy et saisissent l'un l'autre,
et ledict survivant se constituant précaires possesseurs l'un au prof-
fict de l'autre, consentant et accordant que des biens présentement
donnez soit prise possession et saisine au proffict dudit survivant
des biens de celuy d'eulx deulx qui premier deceddera sans enfans,
et se sont réservez et réservent respectivement l'usufruict des choses
données et pouvoir de disposer entre vifz, par testament ou autre-
ment, au proffict de qui bon leur semblera, jusques à la somme
de dix huict mil livres, laquelle demeurera au survivant en cas que
le prédéceddé n'ayt disposé d'icelle ou de partie ; promettant res-
pectivement entretenir la présente donnation sans y contrevenir, et
à la garantie et entretenement d'icelle ont obleigé et obleigent tous
et chacuns les dits biens présens et advenir, et pour consentir
ladite prinse de possession, saisine et dessaisine, insinuer ladite
SCIPION SARDINI ET SA FAMILLE 185
donnation par tout où il appartiendra et besoing sera suivant l'or-
donnance, et faire tous actes requis et nécessaires pour la validité
de la dite présente donnation, ont Icsdits sieurs Alexandre et Paul
Sardini faict et constitué leur procureur spécial et irrévocable le
porteur des présentes, auquel ilz donnent pouvoir de ce faire ; pro-
mettans, obligeans chacun en droit soy, renonceans, etc. Faict et
passé double pour lesdits sieurs de Sardini, en l'hostel des dits
sieurs de Sardini devant déclairé, l'an mil six cens dix, le ven-
dredy après midy seiziesme jour d'april ; et ont lesdits sieurs Sar-
dini signé en la minutte de ces présentes avecq lesdits notaires
gardenottes soubsignez, suivant l'ordonnance, qui est demeurée en
la possession dudit Libault, l'un d'iceulx notaires. Signé : Richer
et Libault.
(Archives nationales, Y 149, f° 349 v".)
NOTES SUR UN RECUEIL
FORMÉ PAR PHILIBERT DE PINGON
Nous avons eu l'occasion d'examiner un recueil de pièces
formé entre les années 1540 et 1542 par le géographe et his-
torien de la Savoie Philibert de Pingon % comprenant les
opuscules suivants :
G. BUD^I VIRI CLARISS,. \\ VITA || PER LUDOVICUM REGIUM, |[ AD
GULIELMUM POIETUM MAGNUM j] FRANCLE CA.NCELLARIUM |( .Pûri-
siis ; Il apud loannem Roigiiy, via ad D. lacohnm, || siib Basilico
& quatuor Elementis.\\ 1540. || cum privilegio. in-4° de 50 p. —
DOCTORUM HOMiNUM [j epigraiiimata in laudeni || Bndœi p. 49-79
— a HORATiiFLACCi DEJIArte Poctica liber, || ad Pisones. || Pari-
siis, Il Apud loanncm TiJetanwn, ex || adverso collegii Remensis. \\
1540. in-4° de 19 p. — pomponii mel^ de |[situ orbis libri III.
summa fide & diligentia recogniti jj cum Indice copiosissimo. ||
Parisiis, || Apud loannem Lodoicuui Tiletanum, ex \\ adverso col-
legii Re)iiensis 1541. 9 ff. non chiffrés pour l'Index et 71 p. —
MAR. TUL. ciCERONis PA-||radoxa, ad M Brutum cum adnotatio-
nibus Barth. Latomi. Parisiis apud Fran. Gryphiuni, M. D. XLI.
(1541), 10 p. et v°. — ORATio LATO-||mi, XXV. die octobris
in auditorio dicta. Pfl!r/.f//V^T/)//(/ Fran. Gryphiuni, M. D, XLI.
(1541), 8 ft. non chiff.
Philibert de Pingon était né à Chambéry, le 18 janvier
1525. Conseiller d'État du duc Charles Emmanuel, il fut
chargé officiellement d'éclaircir les origines de la maison de
I. La preuve matérielle se rencontre dans les nombreuses signatures,
monogrammes, dessins des armes etc. Les dates extrêmes nous sont four-
nies de la main même de Pingon (1540-1541).
l88 EDOUARD CHAMPION
Savoie : de là ses ouvrages de généalogie et d'histoire locale,
VAugusta Taurinorum (Turin i^jy) et VInclytorum Sabaiidix
Saxoniœqiie principiim arhor gentilitia (Turin 1581)'. Notre
recueil est donc de la jeunesse de Pingon, alors étudiant à
Paris. Il est couvert de notes, d'une belle écriture huma-
niste : certaines ont paru avoir suffisamment d'intérêt pour
être signalées ici.
La vie de Budé par Louis le Roy de Coutances^ est un
témoignage d'une importance considérable : à notre connais-
sance, jusqu'au beau livre de M. Louis DdàvuQlle (^Etudes sur
V Humanisme français. Guillaume Budé, les origines, les débuts,
les idées maîtresses, 1907), elle a été plus souvent traduite que
citée. On l'a représentée parfois comme une oraison funèbre,
un morceau d'éloquence qui fit à son auteur une réputation
bruyante de latiniste : on oublie trop facilement que c'est
le seul document un peu étendu, qui nous fournisse autant
de détails intimes, de traits particuliers et charmants sur la
vie privée du grand érudit, que Le Roy nous présente comme
un ascète fiévreux, un martyr deTérudition '.
I. Nous avons encore de cet auteur un curieux recueil de poésies latines
mystiques sur le célèbre linceul du Christ : Philiberti || Pixgonii || Sa-
BAUDi II Cusiacen. Baronis. Sindon. || Evange || -lica. Accessertint hyvini ali-
quot, Il insignis huila \\pofittficia. elegans epist. Franc. Adorni || les. de pere-
grinalione II memorabili. Aiigusta Taurinoniiii apiicl hceredes Nicolai Bevi-
laqiia 1581. cum privilcgio decenanli in-4 (fig.).
2. Sur ce personnage voir: Un humaniste du XVI^sicdc Loys le Roy(Liido-
vicus Regius) de Coutanus par A. Henry Becker, Paris, 1896, in-8.
3. Cf. par exemple le témoignage d'un voisin de Budé, conseiller au
Parlement : « Biidxiis e reglone xdium mearum (ait) plus deceni annis jam
hàbilavit : tamen quoad possum tolius ejus spalii memoriain recordari, hune nun-
quamvidi, nediehus quidem feslis in liinine domus (ut assolet) ociantem, tmn-
quam Ijoris ponieridianis circulantem, aut prxlereuntes circunspicientem , nullum
denique tempus vacuum laboris sihi dantem aniniadverti, aut unaui dieculam
remittentem relaxandi animi causa... » Vita, p. 15. Les jours de fête il
n'abandonnait pas ses travaux : « Non alex, non pilx (quemadmodum magna
pars hominuni) sed recolendis suis studiis vnperticbatur . » Vita, p. 16. « Nup-
tiarum etiam die, qui est Ixtitix & hilaritati dicatus, mitiimuni très tioras
studuisse commémorant. » Vita, p. 16. — La vie de Du Cangc nous fournit
un trait tout semblable.
NOTES SUR UN RECUEIL 189
Cest en raison du caractère de ces témoignages de la Vita
que notre exemplaire reçut l'addition du trait suivant que le
jeune étudiant nous a pieusement conservé : le maître avait
coutume de puiser fréquemment l'eau du puits de son petit
jardin et cet honnête exercice lui ouvrait l'appétit :
Hoc a domino Cœnoiiiaiio aiidivi : Solehat Biidciis olii fugicndi
gralia aqiiam putei in hortido jrequentius haurire alque hoc Jabore
honesto apetitum sibi parabat '.
A la suite de la Vita Biidœi, Louis Le Roy nous a conservé
sous le titre de Doctorum viroriiui cpigrammaia un choix de
pièces^ parmi les innombrables poésies françaises, latines,
grecques, pompeux morceaux de genre qui célébraient la
gloire de celui qui voulut être porté de nuit, très humble-
ment, de la rue Sainte-Avoye à Saint-Nicolas, « sans semonce, à
une torche ou deux seulement ». Si ces pièces ne sont pas
exemptes de banalité et rappellent souvent des lectures trop
fraîches, elles témoignent de la piété, de la passion même,
que le vieux maître sut inspirer. Nous transcrirons parmi les
pièces manuscrites copiées par le jeune écolier les suivantes
épitaphes :
Epitaphion.
Annosam terris pepulit qui munere noctem
Palladio moriens hac requiescit hurao.
G. Budxi Epitaphion.
Phœbeos hic solus equos qui flectere dignus,
Emicuit duplici lucifer igné polo,
Et Latium et Graios amplexus, luce corusca 3,
Tersa dédit genti verba legenda suae :
1 . Cette anecdote, transcrite sur le titre des Doctorum vironim epigram-
mata, Philibert de Pingon la tenait probablement de Richard du Mans,
nommé dans le Catalogue des livres publié dans la présente notice.
2. Lectori. Innumerabilia Epigrammata in laudem Biidxi post ejus ohitum
scripta sunt qux annectere ontnia non fuit consiliiim. Ex tanta turha selecta
qiixdam ad ejus vitam attexuimus, ut uno in consp^ctu viderentur. Tu fruere
tector, & Biidtei manihus beneprecare. Vale. (E° du titre des Doctorum Viro-
rum Epigrammata).
5. Ms. Cor usai t.
190 EDOUARD CHAMPION
Nunc procul a cœtu Musarum numine divum
Distractus, jacet hoc mollitcr in tumulo.
In Imwrandissimi & dé liîeris hene meriti GuiUierrui Budaei ohitum
elegia.
Heu, heu, quam céleri labuntur tempora passu,
Q.uam levis in stabiU Qis. : instabiH) volvitur orbe rota!
Quid, deus indomitos animo mihi subdidit ignés
Pulsavitque meas sors inimica fores !
O crudele nephas nostri decus abstuht asvi
Accelerans rapido mors inopina gradu.
Ecce dies venit nigro signanda lapilo.
Quam sunt fatah stagmina ' fracta manu,
lam jani larga meos humectent flumina vuhus,
lam fluat in lachrimas Pegasis unda meas.
Ecce chori Aonidum lugent, passimque vagantur,
Crinibus albenteis, dillacerantque gênas.
En sua ferali mutant serta cupresso,
Cypris & in madidam lumina vertit humum.
Purpureos lucubri 2 habitus Tritonia veste
Mutavit, nostri signa doloris habens.
Vix Phoebus radiis lustrât solaribus orbem,
Nec movet aurabe« 3 fila canora lyras.
En, positis erat + Mavors inglorius armis,
Serus &: obmissa lege vagatur Amor;
Interpres divum necnon moderator Olimpi,
Et luno assiduis fletibus ora rigant.
Sed tamen est nostro medicina petenda dolori :
Corpus abest, verum fama superstes erit.
Vivet honor, Budœe, tui, dum sydera cœlum
Pascet & auratas dum vehet Eurus 5 aquas.
Astra prius freto ^ labentur in cethera cœlo
Quam tua lœtheisfacta notentur aquis.
Siste pedem, lector, noli vexare : quiescit
Cui rhedum 7, adsuperos mens pia fecit iter.
1 . Pour Oua. . .slaiiiina.
2. Pour liiguhri.
3. Sans doute pour aiiralx.
4. Sans doute pour errât.
5. Sans doute Evrus pour Hebrus.
6. Peut-être faut-il lire fracto.
7. Erreur de copie pour r(/?)cdî»H.
NOTES SUR UN RECUEIL I9I
In Eundem Epitaphum.
Hic situs eloquii parens utriusque Minerva) est
Budceus, jacet hic conditus hoc tumulo :
Non obiit tandiu sed enim victurus in a^vuni,
Sequanadum istius urbis ad ora riget.
Mens pia Budivi superorum scandit in astra :
Corporis at terras vile reUquit onus.
Gallica terra tenet Musarum semper alumnum
Budasum e medio ' quem impia Parca ferit.
Vos igitur, quos Musa fovet charitesque sorores,
BudcBum hue hichrimis excipitote tenus.
Sur les marges de l'Art poétique d'Horace, de Pomponius
Mêla, desParadoxa ad Brutiiiii, Philibert de Pingon a recueilli les
explications minutieuses d'Adrien Turnèbe ^ et dessiné plu-
sieurs cartes où s'essaye le talent du futur géographe.
A la suite de Pomponius Mêla restaient quelques feuillets
blancs : le jeune Savoyard n'a pas manqué de les utiliser. Il a
dressé un catalogue intéressant de sa petite bibliothèque d'é-
tudiant. Ce sont des livres de scolastique, avec des notes
prises à la Sorbonne, des livres de théologie avec les commen-
taires des écoles franciscaines et dominicaines, certains
ouvrages grecs, et quelques chroniques locales :
In moralihus. Aristotelis Ethica, Politica, Œconomica vitulo nigro
tecta. Aristotelis ethica grece. In Phisicis. Introductio in Phisicam.
Aristotelis Phisica, Methaphisica. //; Medicis. Alexandri Aphrodisiei
Problemata medica men[bra]neo cortice compacta, parva forma,
grece et latine. ///. Mathematicis. Arithmetica speculativa Boetii.
Gemme Phrisii 3. Arithmetica. Sphera de sacro Busto 4, ejusdem
Computus ecclesiasticus.
1. Ms. vicdo.
2. Si nous nous reportons aux œuvres de Turnèbe : Viri clariss. Adriani
Turmhii... opéra (Argentorati, 16 10) nous trouvons, t. I, p. 5^6-541, le
commentaire d'Horace sous une forme assez différente et beaucoup moins
abondante ; t. II, p. 171 on rencontre des Paradoxa un simple commentaire
en grec; le commentaire de Pomponius Mêla manque.
3. Gemma Frisius (Renierus). Arithmeticx practicx methodtis facilis.
Anvers, 1540, in-40, réimprimé très souvent au xvie siècle et notamment
à Lyon, chez J. de Tournes, 1556.
4. Sacro Busco ou Busto (Joh. Halifax). De spbcra iniiiidi. [Ferrare], 1472,
in -40,
192 EDOUARD CHAMPION
Procli sp[h]era grece et latine. Justini liber admonitoriusgentium
grece & latine. Oratio ad pastores. Parasnesis ad pœnitentiam. De
origine Cartusianorum carmen. Vita Gervasii et Prothasii carminé '.
Vita divi Nicolai. Isocratis Nicocles. Luciani laus Musc^ ; ejus-
dem Somnium sive gallus ; ejusdem Caucasus grece; ejusdem de
non facile credendis [ajdulationibus latine. Dialogus de piscibus.
Literarum italicaruni ratio : omnia simul tegmine rubeo connexa.
In sacris Literis. Novum testamentum versione Erasmi, parva
forma, corio vitulino rubeo eoque deaurato compactum. Procli
sp[h]era. Genesis cum illius interpretatione quam in scolis sorbo
nicis excepimus divi Thoniie Aqui. De potentiis anime christiani-
hominis institutum (sic). Sententie aliquot selectiores, membrana.
Magister sententiarum vitulo rubro deaurato. Cbristiani aliquot
poetîe. Methodus confessionis. Divi Aureliani Augustini de cura
pro mortuis gerenda que sequitur. Epistola; aliquot Basilii. Pet.
Rosseti Christus. Liber papiraceus in quo continetur explicatio
primi capitis evangelii Johannis, tum epistolœ ad Romanos, ad
Galatas, ad Ephesios, ad Hebreos & alia quœdam que tum Domini-
canorum tum Franciscanorum scolis excepimus, rubro tegmine
compactus. Item, alius paulo majuscula forma, rubro tegmine, in
quo interpretatio Epistol^e ad Philippenses, Colossienses, Thessa-
lonicenses etc. continetur, quam in Franciscanorum scolis doctore
Richardo Cœnomano, excepimus. Item, alius membrana nigra, in
quo varias conciones continentur quas, ut fieri potuit, excepimus .
Eusebius de Preparatione evangelica. Theophilactus in Evangelia.
Theophilactus in epistolas Pauli et in prophetas, minori forma,
vitulo nigro. Magni Anastasii opusculum in psalmos.
U Oratio Latoini, qui termine notre recueil, n'est pas sans
intérêt. Latomus, ou plus exactement Barthélémy Masson %
né à Arlon en 1485, après avoir mené une vie nomade, tantôt
à Cologne, à Trêves, 3. Louvain, fut nommé professeur de latin
au Collège de France en 1534 '.Il devait y rester jusqu'en 1545
1. Le martyre des saints Gervais et Protais est célèbre dans toute la
région Milanaise et la Savoie.
2. Cf. Abel Lefranc. Histoire du Collège de France depuis ses origines Jus-
qu'à la fin du premier empire. Pâus, 1893, in-8, p. 183-184. Voir également
sur ce personnage le Mémoire historique et littéraire sur le Collège des Trois
Langues à rUniversité de Louvain^^r Félix Nève. Bruxelles, 1856, in-4.
3. Cette date est donnée par M. Abel Lefranc. Voici ce que nous dit
Masson en 1539 : » oblata est tamen aliquando Jacultas, postquain octo jam
NOTES SUR UN RECUEIL I93
OÙ Pierre Galland ' lui succéda. En 1539 François l" l'avait
envoyé en Italie. A son retour il prononça, le 25 octobre 1 540,
la leçon d'ouverture que nous nous proposons d'analyser ^.
VOratio Latomi est à la fois un rapport fidèle de ce voyage ;
un tableau, par un curieux et un érudit, des villes les plus cé-
lèbres de l'Italie, de leurs Universités, de renseignement quiy
était donné; un portrait exact des professeurs les plus célèbres.
Par analogie VOralio peut nous faire comprendre les relations,
l'existence de François Rabelais, qui se trouvait alors en Pié-
mont 5.
A Milan, Masson fut frappé de la grandeur de la ville : à
Padoue, il vante l'érudition d'Alexander Socinus et de Lazare
Bonamici. Venise lui parut Athènes renaissante : il célèbre à
la fois son luxe et sa force. A Ferrare, où il fut reçu par Renée de
France, le professeur rend un touchant témoignage à sa douceur
et à sa générosité. Dans la studieuse Bologne Masson passa
l'hiver: il dit l'activité de l'antique université de droit et de
médecine. Le printemps le trouva à Florence où il sut goûter
tout le charme des collines et des villas. Mais c'est à Rome
qu'une grande stupeur devait le saisir. Il demeure angoissé
devant l'absolue tristesse de ses grandes ruines où la philoso-
phie et l'évangile lui montraient la brièveté des entreprises
humaines. Masson entre ensuite dans un curieux exposé des
mœurs des Allemands et des Italiens. Sa conclusion est toute
annos in hoc Gymnasio [le Collège de France] pubîice privatiiiique stiùendia
fecissein». Oratio, aij ro.
1. Pierre Gallaud l'avait déjà suppléé pendant son voyage en Italie.
Oratio, aij.
2. Nous ne l'avons pas sous sa forme primitive ainsi que nous l'apprend
la note suivante :
Typographies lectori. Impressa est hxc oratio non ut habeatur in hibiiothecis,
sed ut legant ii qui voîunt, quique eain flagitarunt ab authore dictain in audi~
torio. Quod si cui displicet hoc genus orationumedi, ne emat : inihi liberum sit
vel lucrari operam in hoc quoque génère, vel una cum officina chartam perdere.
Vole. (Ro du titre de VOratio.)
3. Cf. Heulard. Rabelais, ses voyages en Italie, son exil à Mel~. Paris, 1891,
in-4.
Mélanges. II. 13
194 EDOUARD CHAMPION
pratique : il exhorte les étudiants à cultiver les Lettres, qui
mènent aux plus hautes fonctions, et termine son discours par
un éloge délicat de François I"qui a permis un tel état de chose :
il célèbre Guillaume Budé, le promoteur et l'initiateur de cette
renaissance des Lettres, qu'il convient de perpétuellement
honorer.
Mieux que cette analyse, quelques extraits de YOratio mon-
treront toute l'importance de ce petit document :
Superatis Alpibus priinuiii in Tanrinos, deinde Mediolanum
veni : quœ urbes magna & copiosa in agro fertilissimo siia est.
Arcem habet inexpugnabileui, illam quant sœpe memorari aiidistis,
qux opposita est urbi in planicie, ad Lxvam, nhi hinc accesseris,
modico intervallo, agroqiie onuii circum niidato ne quid fallere
possit. Hanc qui tenet, urbe potitur capite ditionis opulentissimœ,
de qua tôt annis inter maximos exercitus nostros dimicatuni est.
Pctivi hinc Venetias, quo in itinere post Brixiain, Veronam, Vin-
cent iani, Pataviuni vidi nobilem illam atqiie veiustam urbeni, in
eu jus Gymnasio Alexander Socimis est jnrisperitus celebris, &
La^arus Bonamicus humanarum literarum professer : quem, cum
salutasseni, cumque una esscnius apud amicum quendam, eruditionem
ejus qua ante mihi notus erat, ex niulto et vario sernione libenter
recognovi. Venetixomnium mihi quas vidi pulcherrimx videntur,
cum xdificiorum elegantia, tuni cœli serenitale. Urbs magna &
opuknta, porrecta in longum, & quod mirum est, in ipsis aquis
Adriatici maris fiindata. Nihil œque admiratus sum, quant
primas condi tores ausos fuisse urbem fluctibus contmittere : sed
coégit nécessitas infesta a barbaris Italia, et paulalint inceptum
opus in tantani magnittidinem excrevit. Templa, fora, basilicœ
magnifiée ornatœ, cunt aes, marntor, manus artificum, visantur
etiatn in privatis xdificiis. Forte aderant legati a Cœsare & rege
nostro, qui ma^no cunt apparatu communem legationem obibant. In
horum comitatu cum essem, vidi armaria piiblica refertissima
ontni armorum génère, sive terra sive mari pugnanduni sit. Ele-
gantia certabat cum varietate : ut non arma te, sed thesauruiit
NOTES SUR UN RECUEIL 195
pulchcrriinuiii spcctare piitares. lam navale hiiius civilatis {Arse-
nale vacant) qiiani egregia & quam digna spectalu tes est, officma
omnium quas exlare piiio, & niaxima & otnni navali apparaiu
longe instructissima. Oppidi magnitudinem obtinet, si ta in parte
urbis, murisque cincta, ut ipsà per se, si qua vis ingruat, teneriac
defcndi possit . Quatuor milia operarum alit quotidie : quorum alii
naves œdificant varii usus ac magnitudinis, alii vêla, anchoras,
bombardas, cœteraque armamenta expediunt. Puto similes quondam
in re navali fuisse Athenas . . . Docet in hac urbe juventutem
Baptista Egnatius, jaiii senex, sed doctus et sanctus vir, cujus
eruditione & eloquentia conjiincta cum sunima hilaritate in docendo
valde dclectatus suin. Relictis Venctiis Ferrariam, atque inde
Bononiam perrexi, ut in Bononiensi Gymnasio hyemarem. Ferraria
munitissima est inter urbes totius Italiœ, & Gallico nomini pera-
mica. Ibi Renata est jœmina nobilissima, orta exregio Francorum
sanguine, ac duci Ferrarix in matriiiionio conjuncta : qnx millier
decns ac spécimen matronalis sexus, in maxima famé Italiœ aluit
cives suos: nec quenquam egere passa est, nisi qui curam ejus dili-
gentissimam fcfelUsset. Ea cum intelligeret me in regio stipendia
esse, invitavitper dactas viras, domesticossuos, aique etiani disceden-
tem hospitali munere prasecuta est. Gymnasium in hac urbe ornai
Cœlius Calcagninus, vir doctus, & philasaphix literis clarus, quem
dacentem audivi, cum locum Ciceronis de animorum immartalitate
in prima Tusculana explicaret. Bononia amplior est, & celcbritale
Gymnasii illustrior, cui neque scholasticorum frequentia, neque
nobilitas professarum deest. Itaque hic hybernavi. Professorem habet
in jure civili doctissimnm clarissimumque hominem, Andream
Alciatum, quem magna cum dignitate & eloquentia dacentem audivi
quotidie. Audivi & Curtimn mcdicum insignem, & Romulum
Ammusœum bonarum lit er arum professorem, cum libros Ciceronis
de Oratore interprelaretur . Doctus hic vir, & in congressu perhnnia-
nus est : sed puri & casti sernwnis prœter cxteras, ut parem ejus
curam & in scribendo &in loquendo agnoscas. Multos transeo dactas
& excellentes homines... Exacta hyeme Florentiam, atque inde
paucis diebus Romam profcctus siim. Florentiam amœnitate agri
196 EDOUARD CHAMPION
merito pulcherrimam dici puto. Eam Arnus mterluit, collibus
undique assiirgentibus, média valle in planiciem deducta. Crehra
circum prxdia, eaque cultissima usque in summos colles, quantum
in omnem partent ah urbe prospici potest. Arx œdificatur ad
dextram, qiia hinc acceditur, opiis ampium atque munitum, quod
jam bona parte perfectum tenetur Hispànorum prxsidio, ad coercen-
dam urbem, cuius potentia paulo ante vicinis infesta erat. Venio
nunc Romain, cujus gratia imprimis hœc peregrinaiio mihi suscepta
fuit. NamSenain prœtereo, qiix et si Gymnasiiim babet, tanien nihil
est in ea prxter templum unum, & veterum sedificiorum altitudinem
visendum. Ad Romœ conspectum primum obstupui, volvens animo
quanta fuisset quondam illa inclyta impcrii orbis terrarum sedes,
quam dispar prœsens fortuna. Urbs ingenti ambitn septem amplec-
titur colles, declivis in planiciem qua ad nos spectat. Montes a lœva
procul ex Apennini jugis, dextra Janiculus cum Vaticano, magna
parte uterque mœnibus inclusus. Parte ima allabitur Tyberis,
angusto sed prœalto alveo, descendens ex montibus per patentent
regionem : obliquus qua primum accedit, inde flectens sensim inter-
luit infima urbis, qux inter Aventinum montem & Janiculum sunt,
donec egressus longo tandem intervallo in mare, quod inferum
vocafit, cvolvitur. Veterem urbem vocant qux tota in ruinis est,
cujus aniplitudo septem fere collibus universis continetur : novam,
quse vergit ad Tyberim, nunc crebra œdificiis, ac sola pêne Roma,
cumrarior quondam, & in camposfere divisa fuerit . Operse pretium
est videre ingentes ruinas, publicorum privatorumque operum, ex
quibus solis patet quanta Roma fuerit. Templa, porticus, theatra,
fora, arcus, aquœductus, alla rescissa pendent ab ruptis molibus :
alla collapsa montes œquasse diceres : aliorum vestigia nusquam
nisi in fundamentis apparent. JSIihil integrum est ex tanta magni-
tudine, nihil forma sua prœdituin, sed obruta vastaque omnia, cre-
vitque solum ruinis, in quo jacet quxcunque Roma quondam appel-
latafuit. Miseram conditionem rerum mortalium, in quibus nihil
perpetuum esse tant illustria exempla docent. Fateor auditores, ex
hoc spectaculo me magnum fructum cepisse peregrinationis meae...
Vidi jacentem atque oppressant clade sua urbem illam, qux quon-
NOTES SUR UN RECUEIL I97
dam vidrix & domina rerum humanarum sola pêne casus hiima-
nos contemnere potnit. Ouid nos? etc.
Nous avons plaisir à transcrire ce vieux discours latin puis-
qu'il nous parle de l'Italie et de l'humanisme, deux sujets que
nous devons surtout à M. Emile Picot de mieux connaître.
Edouard Champion.
MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE »
DE LAMARTINE
ESQUISSES ET VARIANTES
M. le comte de Montherot conserve au château de Saint-
Point, parmi beaucoup de papiers et de lettres qui pro-
viennent de Lamartine, un manuscrit de la Mort de Socraie
(34 pages de papier assez épais de grand format, 35 X 22 cm.
environ).
On sait que les carnets de la Bibliothèque Nationale ne
nous ont rendu que quelques ébauches des 36 premiers vers
de ce poème*. D'où l'intérêt du manuscrit de Saint-Point.
Il contient une mise au net dont je préciserai tout à l'heure
le caractère, et diverses ébauches, plans et notes pour le même
poème.
Le texte est complet sauf en un point : les vers 621-644
manquent; ils ont été ajoutés ultérieurement, mais une note
marginale indique le développement à faire.
Le texte est en général identique à celui qu'on lit aujour-
d'hui, et qu'on peut appeler la Vulgate de Lamartine, celui
de l'édition Hachette in-i6. Cependant l'édition princeps %
d'accord avec le manuscrit, nous donne quelques variantes ; et
sur un plus grand nombre de leçons, le manuscrit diffère à
la fois de l'édition princeps et de la Vulgate.
Dans bien des endroits, ce n'est qu'après avoir essayé une
ou plusieurs expressions et les avoir raturées 'que Lamartine
a trouvé l'expression qui est passée dans l'édition princeps.
Il est probable que Lamartine s'est mis à recopier son
1. No 3,f. 57-39.
2. Paris, Ladvocat, 1823, in-8.
200 GUSTAVE LANSON
poème avant de l'avoir achevé : c'est l'impression qui ressort
de l'examen du manuscrit.
La première page contient le titre : la Mort de Socrate, et
toute sorte d'additions de nombres de 3, 4 et 5 chiffres.
Lamartine dresse son bilan, d'où il résulte que « le 27 fé-
vrier » (1823, je suppose)^ il a touché 51.000 fr. et dépensé
15.000 fr. : d'où un reste de 36.000 fr.
Les pages 3-15 contiennent les vers 1-5 12 du poème. Les
premières pages ne présentent pas beaucoup de ratures : à
partir de la page 10 et du vers 300, le travail devient plus
difficile. Les carnets devaient dès lors présenter des ébauches
insuffisamment avancées.
Peut-être même n'y avait-il qu'une centaine de vers qui
fussent bien établis quand Lamartine a constitué le cahier
de gros papier où il a mis son titre et commencé d'écrire;
car les pages 28-29 offrent des études pour les vers 97-116 :
la forme du passage n'était donc pas arrêtée, et Lamartine
devait refaire, et non simplement recopier.
De place en place, des notes marginales attirent notre
attention : la première (en face des vers 178-180) est bien
une note, une réflexion du poète sur sa propre idée. Mais les
cinq autres (cf. vers 229, 271, 330, 404, 472) sont des
espèces de sommaires qui indiquent le développement à faire,
et le mouvement. On ne peut faire là-dessus, semble-t-il, que
deux hypothèses.
Ou bien le poète, interrompant sa composition pour une
raison quelconque — si vous voulez, pour aller dîner ou se
promener — amorce le travail de la séance prochaine par
quelques notes, pour assurer la continuité de l'œuvre.
Ou bien il amorce les développements à faire dont il éta-
blira les ébauches sur quelque carnet, et qu'il mettra ensuite
en place.
Dans les deux cas, il faut que la préparation de l'ouvrage
ne soit pas très poussée.
Les pages 25-27 fournissent les vers 511-652, et les pages
LE MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE » 201
19-23, les vers 654-838. L'esquisse du premier morceau
semble avoir été assez avancée avant la mise au net;
quant au dernier morceau, dont la rédaction est indiquée
comme une reprise, il n'a pas subi dans cette reprise de
grands remaniements, mais il s'est enrichi des vers 810-838,
qui sont une addition faite à la copie déjà terminée.
A la page 30, la dernière qui porte de l'écriture, Lamar-
tine avait écrit, sans doute dès le début de son travail, une
sorte de table analytique de son poème (à partir du vers 97),
c'était peut-être de la partie qui était demeurée informe dans
ses carnets.
5« couplet — Les amis s'assoient autour de Socrate dans des atti-
tudes
et regardent sa figure qui rayonne &c
ils contemplent les traits où la sagesse &c
comme on regarde le soleil couchant
ou un ami qui va partir
ou les dernières lueurs d'un flambeau &c
6e coup. — Socrate commence à parler — Du bonheur de
mourir !
7e — de même
8« — de même
9^ — de même
10^ — Cebès fait son objection
ii« — Socrate passe la main dans les cheveux de Phédon
SlC, son silence
I2« — il répond
13^ — -il raconte le ciel
14e — idem
15e — idem
i6e — le soleil se couche
17e — on apporte le poison
i8e — il recommence à parler
19e — il parle
20* — il parle
2i« — il se couche et le froid gagne ses jambes
22^ — il fait un soupir et rend grâce aux dieux
23e — description
—fin
202 GUSTAVE LANSON
Le compte des couplets ne correspond pas à l'état définitif:
le 5^ de cette table est aujourd'hui le 7^; le 11^ est aujour-
d'hui le i6% etc.
Un autre canevas se trouve à la page 24; il se rapporte
aux vers 330-808 : rien n'y vise l'épisode de Psyché, qui,
sans doute, n'était pas encore prévu par le poète. Le voici ' :
(Note)
Milieu fin
et déjà le soleil &c
les dieux, le Paradis — l'homme purifié^ remonté — sens & corps
perfectionnés, multipliés, &c
la nuit tombe, on allume les torches dans des trépieds d'airain !
l'esclave apporte la coupe, description — Socrate boit
il se couche & parle encore du paradis pendant 20 vers — puis
le froid gagne, il délire
n^ strophe Pleurez, cyprès d'Academus !
2 Fuyez, vaines clartés de la sagesse antique, livrez la
place à la vérité, fuyez, dieux mortels & infâmes, &c —
(addition : heureux ceux)
3 Mais qui estois tu donc, mon génie? Approche que je
te voye (mot barré : dieux [?])
es-tu Mercure ou l'amour ou Bacchus ? Approche. Non !
Dieux, que vois-je? le verbe incréé!
4 heureux ceux qui naîtront sur les bords de la mer — !
ils verront la première aurore de la Vérité qui éclai-
rera le monde
5 Mais déjà je la vois moi-môme &c Trinité !! Verbe,
Esprit, Puissance &&c
il parloit, nous n'entendions plus
Enfin il meurt &c description
qu'on sacrifie
Je suis guéri ! de quoi ? dit Cebès — de la vie !
puis un léger soupir de ses lèvres coula !
(il y a, là oii fai laissé un blanc, deux ou trois mots
qarrès illisibles; le dernier est le mot long.)
I. Je mets la ponctuation indispensable, et je rectifie les fautes d'ortho-
graphe. Dans les variantes, je respecte celles de ces fautes où l'on peut voir
une hésitation, un tâtonnement de l'invention. Je conserve les caractères
généraux de l'orthographe du temps.
LE MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE » 20 3
Lamartine, toujours préoccupé du nombre des vers à four-
nir pour composer un poème de juste étendue, a compté ceux
de la Mort de Socrate en marge du manuscrit. Mais son
compte est très inexact. Il marque, par exemple, du nombre
300 le vers 304, et du nombre 326 le vers 344. Mais ici sou-
dain la numérotation change, et le vers 354 au lieu d'être
coté 336, est coté 650, et ainsi de suite jusqu'à la fin de la
page 15 : le nombre 800 est en face des vers 505-506. Cela se
rapportait-il à quelque projet d'agrandissement du poème ? En
revanche, le vers 804, à la fin, est coté 600.
Voici maintenant la collection des variantes. Je crois devoir
joindre à celles du manuscrit de Saint-Point, les ébauches
du carnet n° 3 : on aura ainsi sous les yeux tout ce qui peut
actuellement nous apparaître du travail de Lamartine pour cet
ouvrage.
Je marque des lettres B. N. les leçons prises pour les vers
1-36 dans le carnet n° 3 de la Bibliothèque Nationale, et des
lettres S. P. les leçons du manuscrit de Saint-Point pour le
même passage. Aucune indication n'accompagne plus les
leçons du manuscrit de Saint-Point, à partir du vers 37.
Les passages en italiques sont les leçons raturées ou biffées
par le poète. Beaucoup de passages raturés du manuscrit de
Saint-Point sont totalement ou partiellement illisibles.
J'indique l'accord du manuscrit et de l'édition princeps
contre la Vulgate de l'édition Hachette in- 16 par la mention :
Ms. et éd. pr. '.
V. I . B. N. et S. P. au sommet
V. 3. B. N. frappoit d'un reflet d'or
V. 4. B. N. ^ travers les barreaux
Comme un furtif adieu
V. 5. B. N. poupe sacrée
V. 7. B. N. le {corrigé eti) ce
V. 8. B. N. A Socrate Aux condamnés marquait
I. La transcription des variantes a été faite par M. J. Madeleine : j'ai
collationné sa copie et l'édition princeps sur le manuscrit.
204 GUSTAVE LANSON
V. lo. B. N. leur patrie la patrie.
S. P. leur patrie l'Ionie
V. II. B. N. {esquisse incomplète) :
De peur que tes rayons
Ne fusse(nt) profanés par
V. 12. B. N. (^rédaction complète). S. P. Dans le sang des humains
V. 14. B. N. regrettât à la fois
B. N. et S. P. ne regrettât deux fois
V. 15 . B. N. (vers incomplet) l'homme en quittant des bords chers
à ses yeux
S. P. exilé des bords chers à ses yeux
V. lé. B. N. ^» part avant que Vomhre l'aurore.
V. 17-20 B. N. (i) Quelques amis en deuil épars sous le portique
Attendaient le réveil du fils de Sophonisque
Et sa femme tenant son fils sur ses genoux
Ses tendres mains jouaient avec les verroux
de ses cris gémissements
(2) Quelques amis en deuil groupes sous le portique
Attendoieni le réveil du fils de Sophonisque
Et sa femme tenant son fils sur ses genoux
son fils dont les
(")) Et sa femme tenant son fils sur ses genoux
Tendre enfant dont la main joue avec les verroux
Tendre enfant dont la
(4) Quelques amis en deuil errant sous le portique
Attendaient le réveil du fils de Sophonisque
Et sa femme tenant son fils sur ses genoux
(5) (rédaction définitive sauf): \Qxs 17, Sophonisque;
vers 19, tenant
V. 17. S. P. Sophonisque
V. 21. S. P. Accusant par ses cris les
B. N. et S. P. insensibles (changé par une sur-
charge en) : inflexibles
V. 22. B. N. et S. P. portes insensibles
V. 23. B. N. (après une z""^ rédaction biffée) : La foule cependant
V. 25 . B. N. Quel crime avait commis
Puis reprenant
V. 2é. B. N. et S. P. Et sous les longs
V. 27. B. N. ces bruits légers (et un mot illisible au lieu
de) : recueillait
V. 28. B. N. et des dieux
LE MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE » 205
V. 29. s. p. Culte (est en surcharge sur) rite (?)
V. 30. B. N. Et de ce Dieu sans (autel) nom, inconnu dans la Grèce
S. P. inconnu
V. 30. (Après le vers )o, Lainarline écrit et hijfe les vers }i-}2, quHl
fait suivre d'une indication de mouvement):
Et c'étoit
mourais pour la justice et pour la vérité
V. 33. B. N. La céleste justice. S. P. La divine
V. 34. B. N. La terre alloit offrir. S. P. au ciel offroit
V. 35-36. (Après le vers ^4, le poète s'acharne sur les vers jj-j6 qui
ne viennent pas.)
(i) Et cétoit
mourais pour la justice et pour la vérité
(2) Et c'étoit
Qui pour la vérité ce soir alloit mourir.
(3) Socrate ! et c'était toi qui dans
Mourais pour la justice et pour la vérité !
S. P. (Dans une leçon barrée je ne distingue que ces mots) :
Hélas ! c'était Socrate. martyr
Qui pour la vérité allait mourir.
V. 37 les lourds battants roulèrent
V. 38 ses amis (biffé : les disciples entrèrent)
V. 50 (barré : serre point sa voile, déjà en surcharge sur une autre
leçon).
V. 57 prête à quitter
V. 60 Voit percer
V. éi Et dans la sainte extase où son regard se noie
V. 62 il (en surcharge sur : elle) exhale
puis
V. 64 je vais chanter (le vers 6} a été ajouté entre
les lignes pour remplacer un vers barré illisible après 64.)
V. 70 Leur pleurs en ces moments
V. 72 dans ce monde
de ma fin j' pas à
V. 80 Depuis que mon destin m'approche du /r^pas
V. 81 m'enseigne, me console,
V. 82 Je reconnois plutôt Vaccent de sa parole
V. 83 Colique l'homme par Tfl^e affranchi de ses sens (m surcharge
sur une v^ leçon où la fin du premier hémistiche restait en
blanc).
V. 86 sa céleste harmonie !
206 GUSTAVE LANSON
V. 87 son sort qui va finir,
V. 89 Distingue mieux la voix
V. 90 la nuit, voguant sur l'onde,
V. 94 Toujours de ses accents (j""^ leçon barrée où je nai déchiffré
que les deux rimes :
. . . .âme .... m'enflamme.)
V. 95 (ri^s leçon barrée) : sa voix mystérieuse est plus jorte (J) aujour-
d'hui.
V. 96 ce n'est pas moi
V . 97- 116. (Les pages 28-2^ du manuscrit contiennent diverses esquisses
des vers ^'j-116').
Assis autour du lit
Socrate
{Toute la suite est bij^ée d'un trait transversal) .
(a) Le front calme et serein, l'œil rayonnant d'es-
[poir,
Socrate aux bords du lit à ses amis fit signe de
[s'asseoir
et lui-même sur le bord de sa couche
(b) Le front calme et serein, l'œil rayonnant d'es-
[poir,
Socrate à ses amis fit signe de s'asseoir.
A ce signe muet (deux mots barrés illisibles)
[soudain obèiren-
Et près des bords du lit à ses pies en silence ils
s'assirent
Cebès entre les s
L'un tenoit son manteaux abaissé sur ses yeux !
L autre d'un front (en blanc) pour accuser les
[dieux
Celui Cebès (en blanc) baissoit un front
[mélancolique
Et Symias riant d'un rire sardonique
(c) Le front calme et serein, l'œil rayonnant d'es-
[poir
Socrate'^à ses amis fit signe de s'asseoir !
A ce signe muet les saiyes obéirent.
Et près des bords du lit en silence s'assirent !
Symmias abaissoit son manteau sur ses yeux !
Criton d'un/ro/// œil /'/î/^/crmg interrogeoit les
[dieux
LE MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE » 207
Xantippe hélas penchoil un front mélancolique
Cebès baissoit à terre
sous
Et Symmias riait d'un rire sardonique
Ou entendit ati loin sous
Sembloit de son maître enviant l'heureux sort
rire de la fortune {en surcharge sur quelques
[mots illisibles)
et défier la mort !
Et le dos appuyé sur la porte de Bronze,
les doigts entrelacés, le serviteur des onze
(deux mots effacés)
et
que lui sert la vertu ?
Regardait sans comprendre, et
malgré (?) lui combattu
Murmuroit en son cœur : que lui sert sa vertu?
Mais Phèdon le jeune Phédon
Et cependant Phèdon
Mais Phédon qui plenroit l'ami plus que le sage
Sous ses cheveux épars voilant son beau visage,
Plus près du lit funèbre aux pieds du maître
[assis
Sur ses genoux (01 blanc) se penchoit comme
[un fils
Levoit ses yeux voilés sur
Et soulevant {quelques mots illisibles) l'ami qu'il
[adore
Rougissoit de pleurer et repleuroit encore !
pensif
V. 102 Criton d'un œ'û plus ferme interrogeoit les dieux,
V. 103 Cebès baissoit à terre
de son grand maître du philosophe
V. 105 Sembloit en sage antique, enviant l'heureux sort,
Se moquer des humains,
V. 106 Rire de la fortune, et défier la mort ;
V. 107 sur les portes
Sous cheveux épars voilant
V. 112 Sur ses genoux chéris penchoit son beau visage
V. 114 Sur ses genoux tremblants se penchoit
V. 115 {Deux mots barrés au début du vers)
osoit er
V. 118 Wavoit point altéra
208 GUSTAVE LANSON
loin nous
V. 119 Son regard élevé (au de) ' dans de lui sembloit lire
Sa bouche où rayonnait reposoit son
V. 120 Ses lèvres où planait le gracieux sourire,
V. 123 Ses cheveux argentés du souffle de l'automne
Dessinoient sur sa tête rare pâle
V. 124 Jetaient sur son front chauve une blanche couronne
V. 125 Et d'un souffle de l'air
V. 126 ses reflets
r étoit
V, 127 ou toute ame est tracée
V. 130 La lampe dans la nuit
V. 132 De reflets lumineux
V. 133 Comme un ami des yeux suit son ami qui part
solennel ant
V. 134 Ses amis sur ce front attacho/t';//
V. 139 Comme la vague
du ciel sur eux
V. 141 Enfin sur ses enfants
V. 142 Et lui comme autrefois Çen surcharge sur des mots barrés).
V. 146 Va monter vers les dieux
V. 148 Trouver la vérité, l'aimer et la connoitre ?
une
V. 151 Pourquoi dans cette mort qu'on appelle la vie
V. 155 C'est le prix des combats, l'immortelle couronne
V. 15e Qu'aux bornes de la vie un saint juge nous donne !
Que la vertu mérite et que le ciel {correction remplaçant un
mot illisible) lui donne
Je pouvois de la vie arrachant {en surcharge sur) : disputant
quelque reste
je pouvais
V. 159 Peut être j'aurais pu, par un retour funeste
V. léi M'en préservent les dieux de prolonger mes jours !
V. 164 les parfums
couvrei, couvrei de fleurs les murs de laprison
V. 165 Suspendez une offrande aux murs de la prison
V. i6é Et le front couronné d'olive et de citron (vers barré et réta-
bli, en substituant les mots: de rose, à la leçon : d'olive)
V. 167 que la foule
V. 168 Jonchant de pâles fleurs
'un à la tombe
V, 173 Du vil poids de ses sens
1. Je complète par conjecture la leçon première : au dedans de lui.
LE MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE » 209
V. 178 (En face de ce vers, une note biffée) : 1 . (Note) C'est un enfan-
tement, c'est peut-être une volupté. (Les rimes arrêté,
vérité paraissent avoir été ajoutées après coup).
V. 180 Voit du jour éternel briller déjà l'aurore,
V. 181 (Vers barré commençant ainsi) : De ce jour sans mélange. . .
V. 182 révolte au sein des dieux,
V. 184 De l'essence immortelle
(qui l'ennyvre)
V. 186 Mais Et
V. 188 Pour le corps
V. 189 N'est-ce point par le mal
V. 191 La vertu du combat, le plaisir de la peine !
V. 195 Est notre
sa
V. 197 sur leur lèvre. (Tout le vers, sauf le dernier mot, remplace
une leçon barrée illisible.)
qui vis encor
V. 199 Pour moi, je Vavouerai, je ne sais
V. 200 (Leçon barrée, et remplacée par) : au fond de ce mystère
la sévère
V. 201 Véternellc bonté
un plaisir des
V. 204 L'amour cache souvent le bonheur sous les larmes !
(Lamartine avait d'abord placé ici la fin du couplet. Il a
ajouté ensuite les vers 20 j- 206).
V. 209 Le doux son de la flûte au théorbe mêlé
V. 210 du narcisse exhalé
V. 219 Mais il ne suffit pas de mourir
V. 220 II faut que de nos corps
Soumettre
V, 221 Combattre nos penchants, les vaincre avec effort!
comme
V. 222 Que notre vie enfin soit une longue mort
V. 223 Mérite en combattant le prix de la victoire !
V. 224 La terre est en un mot l'autel
V. 226 son ce son
au dieu pur l'aussi pur
V. 228 De sa mort même à Dieu l'auguste sacrifice !
V. 230 /rjoindre (en face du vers 22^, Lamartine a jeté à la marge
quelques mots de sommaire : « Celui qui etc. Mais l'âme
non dépouillée (?) ».
aimé
V. 237 Souffert pour la justice et pourlA vérité
Mhl.AN'GIlS. II. 14
2IO GUSTAVE LANSON
du Ciel
V. 238 Et des enfants des dieux conquis
V. 241-242 Et comme lo livrée à de honteux transports
Prostitué cette âme aux vils baisers du corps !
V. 245 qu'eux même ont resserrés
Leurs mânes imparfaits
V, 246 Ces morts semi vivants
V. 249 ces tissus flétrissants
V. 2)2 La ramènent sans fin à ces lieux qu'elle abhorre
Et comme nu air épais qui ne peut s'exhaler
y. 2)3 Et comme l'air pesant qui dort sur les marais
y. 253 Leur poids au sein des dieux l'empêche de voler !
V. 256 poussent des cris
V. 2)8 traînant les vils lambeaux
V. 263 Imitent pour tromper le réveil
V. 264 Font courir sur les flots
V. 265 assiègent
V. 266 jettent
V. 270 {Lamartine a jeté à la marge ce sommaire) : « Q.uand leflam-
b(eau) est consum(é), où est la lumière ? — Quand la lyre
est brisée, où est le son ? — si l'âme est l'harmonie des
sens, que devient l'harmonie quand les sens sont brisés? —
Réponse — L'âme n'est pas la lumière lueur et pas le son (?)
de Cebès — Elle est l'œil qui la voit et l'oreille qui entend
le son.
d'offenser
V. 272 d'outrager
semblable à l'amour
V. 273 Cette divinité qui dans notre chemin
Un bandeau sur les yeux nous conduit par la main !
V. 274 Nous conduit en aveugle au céleste séjour!
Hélas ! et que voilà
V. 276 Et que nous recevons
consumé
V. 283 sala épuisé
V. 288 L'accord harmonieux (/« vers 28^-288 sont répétés une seconde
fois sur le manuscrit, et conformes cette fois au texte
imprimé.)
V. 289 Quand le temps ou les pleurs en ont usé la voix
nerfs brisés
V. 291 Et que les vains débris
V. 293 Réponds! qu'est devenu l'harmonieux accord ?
\\ 295 sondant ce grand mystère
LE MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE » 211
V. 298 ils répétaient
V. 302 De l'autre il découvroit le beau front de Phcdon
V. 503 Et sur son col d'ivoire
V. 304 Caressoit mollement
V. 308 Ou rouloit dans ses doigts leurs tresses vagabondes
V. 310 aux doux jeux d'un festin.
{Les vers ^oj-^io ont donné beaucoup de peine au poète. Huit
vers sont barrés et illisibles; en marge avec une accolade
devant les cinq derniers qui représentent sans doute déjà une
seconde version., la note : à changer, qui a été biffée ensuite.
Dans le texte définitif écrit en marge, avant la variante indi-
quée pour le vers ^08, il y a une rédaction barrée qui est
illisible.')
Non, non,
V. 311 Amis, l'âme n'est pas
V. 314 Naître, briller, baisser
hors de soi
V. 515 Et qui sent à la fin
V. 316 ce \e flambeau de sa vie
V. 314 {Première leçon barrée) : Comme l'œil qui... dans l'obscu-
rité.
V. 323 L'esprit silencieux
y. 324 établit l'harmonie,
qui des sons discords
V. 325 El forme avec les sons
dit-il, grâce aux cieux
V. 329 Es tu content, Cebès ? — Oui, j'en rends grâce aux dieux
Mon âme après sa mort t'entendra dans les cieux (Lecture
douteuse)
V. 330 Mais parle nous des dieux !
V. 331 Mais El. . . . {Ici en sommaire marginal): Note. Description
de la coupe. Psyché ou l'âme — il boit, puis il reprend.
— Dialogue entre Socrate et ses amis en mourant :
Socrate, que sens-tu ? etc .
V. 333 serabloit {mot illisible), faisant à (jnot illisible) un noble
adieu .
V. 336 L'ombre couvroit déjà les flancs noirs de l'Hymète
\'. 337 Delos nageoit au loin dans une vapeur d'or !
V. 358 Le pêcheur fatigué
V. 342 sur les soufles des airs
venoient se mêler
V. 343 Et se mêloient, hélas,
212 GUSTAVE LANSON
se fond dans les
V. 344 Comme un rayon du jour qui se mêle aux ténèbres.
V. 345 (En marge les deux vers) :
La vérité n'est pas sur la terre où nous sommes ;
Ce n'est pas l'aliment, c'est un appas des hommes,
le vase
V. 346 dans cette urne d'airain
urne
V. 348 dans Yonde qui murmure
V. 350 ... dans sa main
en
V. 352 //fit ruisseler l'onde
V. 359 Ni de Vénus sourtout
V. 362 Qui nous donne les jours ou qui lance l'éclair !
Non!
êtres
V. 365 Ce nombre Tous ces dieux dieux
V. 367-368 (a) A ce titre divin mon esprit les adore
Comme on voit le soleil sous une pâle aurore
Comme un soleil caché sous une pâle aurore
Du vrai jour qui doit naître ils sont la pâle aurore
(b) A ce titre divin ma raison les adore
Comme avant le soleil nous saluons V aurore.
semés le vaste
^- 373 Qui 'Igs êtres ^nww dans V énorme univers
V. 374 Sépare & réunit tous les ordres divers !
se meut
V. 376 Dans tout ce qui s'agite
V. 381 sous un ciel pur
flottant
V, 382 Est un esprit nageant
V. 383 d'où jaillit
V. 384 qui voile... voilé par la
V. 386 (Deux premières leçons barrées et illisibles pour le premier
hémistiche).
V. 391 Dont la nécessité démontre l'existence,
V. 392 Et que voit seulement l'œil de l'intelligence !
V. 394-596 (^Lamartine a jeté en haut de la page 12, avant la leçon
définitive du vers j6y, Vesquisse des vers 394-^96^ précédée
de l'indication : Note. Il a repris sans variante les vers 394
et 396, et remplacé par le vers 395 l'ébauche que voici) :
Du poids de son son être nous accable
c'
V. 396 Son premier attribut est
LE MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE » 21 3
V. 399 Tout ce que nous voyons mortels est sa puissance !
V. 400 Tout ce que nous pensons est encor son essence !
Force, Amour,
V. 401 Justice vérité ! pur auteur de tout bien
V. 403 (Sommaire marginal) : Mais le mal ? Je ne le comprends pas.
— Ou il n'existe pas ou il vient de nous. Peut-être sommes
nous déchus. — Le jugement, le paradis. Corps glorifiés ;
le ciel. Nourriture de ces corps par des actions et des
pensées divines. Fin. — On allume les trépieds; l'esclave
entre. Fin.
V. 403 sur ce monde
V. 408 Ait attiré jadis de loin
V. 410 Jit (la première leçon du premier hémistiche est barrée et illi-
sible).
Les enchaîne un moment
V. 411 Ou les ait enchaînés d'un amour adultère
V. 416 Sur ces vils éléments
Dit Cebès, — à ton œil donc
V. 420 A toute heure, A tout être (?) est il donc accessible ?
V. 421 Non, dit-il pas encore. . . — et pour le découvrir
être pur,
vivre, amis,
V. 422 Que faut-il dit Cebès? — être pur, et mourir !
V. 423 Par delà nos soleils, au dessus de la sphère
Ou Saturne roulant sur son char solitaire
Borne les deux connus et se cache à nos yeux
Dans l'espace infini s'étendent d'autres deux
Du dieu qui les forma premier dernier ouvrage
V. 433 et ces riants berceaux
vie
V. 440 Ou la paix et l'amour sont l'air qu'on y respire !
(Lamartine avait placé d'abord ici la fin du couplet, puis il a
ajouté les vers 441-444).
V. 444 Oui des corps immortels que l'âme glorifie (mot biffé et
rétabli).
ces
V. 445 Pour former le tissu de ses purs vêtements
V. 446 L'âme cueille en tous lieux la fleur des éléments !
blanche
V. 448 Les rayons transparents de la douce lumière
V. 454 sous un ciel pur
V. 45e Et les vagues lueurs des tremblantes étoiles
V. 458 Ornent son diadème
214 GUSTAVE LANSON
joue avec
V. 464 Et leur donne les corps, la matière et la vie !
V. 466 Elle parfume aime à parfumer
V. 467 D'un rayon de l'Iris les revêt, les colore
V. 468 Et du nord au midi
errante
V, 469 Comme une abeille d'or
V. 470 Adorer et baiser
V. 472 {En marge celte note biffée) : redescendant à ce qu'elle a aimé,
elle le poursuit et le lâche pour le poursuivre encore.
V. 474 Cherchant les grands esprits
V. 477 suit les profonds détours
V. 479 (^Au haut de la page, en marge, ces deux mots de sommaire
« la vertu », ensuite biffés).
V. 480 point sa noble nourriture
V. 482 par les vents dérobé
la libation
V. 483 Ni l'odeur de Vencens
V. 484 de pensée /
V. 484 (La phrase s'arrêtait d'abord sur le mot pensée. Et une autre
phrase commençait par deux mots barrés qui sont illisibles.)
V. 48) d'actes, de sentiments
grâce à
V. 487 Et de ces fruits divins
nourrit (après une première leçon illisible)
V. 488 Elle entretient, accroît, renouvelle sa vie
V. 494 Multiplié cent fois
V. 495 la flamme (et en surcharge la leçon définitive): l'éphémère
V. 500 D'un éternel baiser s'embrassent
V. 501 Et peuplant de l'esprit, les vastes régions
V. 502 Prolongent dans les cieux
saints transports, chaste flamme
V. 503 O célestes amours ! voluptés créatrices
V. 504 Ineffable union, immortelles délices,
y. 505 Où l'éternel désir de l'immense beauté (En trouvant la
leçon définitive du vers joj, Lamartine a oublié de changer
de en et).
V. 506 Puise un attrait nouveau dans chaque volupté ! (A la suite de
ce vers, un vers barré illisible).
V. 507 un cri retentit
V. 508 se tait, se penche, écoute,
élevons les
V. 509 nous tournâmes nos yeux
LE MANUSCRIT DE « LA MORT DE SOCRATE » 21 5
V. 5 1 1-5 1 2. (Les vers J11-J12 étaient déjà dans leur texte définitif au
bas de la page ij du nis., terminant le couplet).
V. 512 Lui tendit le poison
V. 514 Et comme un vin sacré la tenant
V. 516 Avant de la vuider achevoit
V. 517 de la coupe au long bord
fondu un soufle de flamme
Y. 519 L'artiste avoit ^mt'^' sous son ciseau Targile
emblème
V. 520 triste image de l'âme
V. 522 Un papillon immense
Plongeant avide
V. 523 Sembloit baigner sa trompe en ces ondes mortelles
V. 526 Quittoit
V. 532 Comme un désir sacré
soufles
V. 53e aux doux baisers d'uole
V. 539 de sa divine haleine
V. 540 Et jaloux, à l'amour la livrer avec peine !
V. 541 sur les roses couché
V. 542 l'amoureuse Psyché
V. 544 mais n'osoit les lui rendre !
V. 546 avant le jour.
du voile nocturne
V. 548 Et de ses vêtements
V. 549 La lampe
risquant contre
V. 550 Fsyché perdoit V amour, hélas /)oz/r un regard!
jettoit un cri
V. 553 et son trouble soudain
Et l'on voyoit pencher
V. 554 Faisoit trembler sur lui
V. 555 Mais de l'huile enflammée une goutte brûlante
V. 55e par hasard de la lampe tremblante
V. 557 sur le sein nud de l'époux endormi
tour à tour
V. 559 Contemploit sa Psyché
désirs
V. 561 Terrible châtiment des r^orflrrfi indiscrets
plus
V. 564 Pleuroit son jeune époux et non pas . ...
V. 566 Pardonnoit à l'amour
V. 567 Par son céleste amant
2l6 GUSTAVE LANSON
ant
V. 568 havoit
s'avançoit
V. 569 Et marchant
Et Ton voyoit Vénus sourire à
V. 570 Vctms d'un œil jaloux contemploit sa beauté !
que par la mort
V. 571 Ainsi j)flr /a wr/z^ l'âme divinisée
Meurt et semblable règne
V. 572 Revient, égale aux dieux régner dans l'élysée !
Et
V. 579 Puis de sa bouche
11 le but à longs traits
V. 580 Le vida lentement
d'or
V. 582 Qui dans sa coupe encor verse un reste du vin (la i^^ édi-
tion comme le ms. donne : du),
dernier jus
V. 583 le doux nectar qu'il goûte
la
V. 584 elle boit
V. 585 mollement étendu
V. 594 les victimes
V. 599 à ce festin suprême
V. 604 N'importe. . . . jetter ma cendre?
V. 609 Ce corps, vil composé
V. 6 10 que la vague des mers ?
V. 611 Que la feuille
V. éi2 Qu'un argile pétri sous une forme humaine? (Ms. et éd
pr.).
V. 614 , dans les chemins, foulé? (Éd. pr.)
dans vos chemins
plus noble
V. éi6 Un débris plus réel de ce qui fut Socrate
(E«. face des vers 6i6-6iy, à la marge, Lamartine écrit cette
note : Les enfants de Myrto, indication du développement :
à faire pour compléter cette rédaction du manuscrit où
manquent les vers 621-644).
V. 645 II dit et recevant ses enfants
V. 646 Trop jeunes pour pleurer ce sublime trépas
V. 648 briller sous
V. 649 les présentant aux dieux
les quittant
V. 651 Que pourrai je en mourant craindre pour leur eniancc ?
LE MANUSCRIT DE « LA MOlfT DE SOCRATE » 21']
V. 652 Je les lègue, ô dieux saints ! à votre Providence ?
(Le ms. donne ici cette note') : Passer à la page précédente
pour trouver la suite.
V. 653 {En tête de la page) : Reprise du dernier morceau.
V. 654 Enchainoit dans son sein le cours du sang glacé
V. 6éi sous ses doigts
palpiter son cœur saint vague
V. 666 La fait palpiter d'un doux étonnement,
V. 671 (Première leçon : un mot illisible à la place de rayonnant)
de
V. 672 Brilloit comme une aurore au sommet du didyme !
V. 674 en croyant voir un dieu
V. 677 Tel qu'un homme enivré
oti errant
V. 679 Comme Orphée i'^rtre dans les royaumes sombres
V. 680 (A ce vers le manuscrit marque la fin d'un couplet.)
V. 682 me le
V. 687 Voilà Cebès, Platon,
V. 690 Pleurer sur son (?) cercueil aux passants dérobé
V, 691 Et penchés wri
V. 692 Que ma voix de si loin se fasse encore entendre ?
V. 694 Quand penchés vers mon lit vous respiriez ma voix
V. 697 Vous qui cherchez en vain
Une première rédaction de ce vers a été barrée et est illisible,
sauf le premier mot : venez, et le dernier : trépas.
V. 698 Retournez vous ! voyez !
ce deuil
V. 699 Pourquoi ces pleurs
V. 701 Lève au ciel tes beaux yeux
(Une première rédaction, après le mot lève est illisible.)
V. 702 Myrto, Cebès, Platon
& auguste
V. 719 votre céleste foule
V. 723 quelle sainte harmonie.
V. 727 comme un ami fidèle
l'heureux
V. 731 Tiens tu la lyre d'or Pou le saint caducée ?
V. 732 qu'une sainte pensée? (Ms et éd. pr.)
V. 735 Laisse moi contempler
V. 736 Cet ami qui m'aimoit
V- 737-338 Première rédaction barrée et illisible. — 2" rédaction :
en entrant au séjour... (un ou deux mots illisibles)
2l8 GUSTAVE LANSON
V. 739 Lève ce voile d'or
Reçois ! o Prodige !
V. 740 Approche !,.. Mais que vois-je ?
V. 758 L'univers égaré
V. 760 Quoi ? J'avois deviné
profonde
V. 761 céleste trinité
V. 765 Les (jin mot illisible), les saisons, les formes, les cou-
leurs
V. 764 Tout nous
V. 765 Mais tes voiles
Y. 766 nous ne comprenions plus!
déjà
parfois
V. 769 sur ses lèvres entrouverte paraissait s'arrêter
toucher
V. 771 Comme près de sabhattre
V. 773 il sembloit i'endormir
par
V. 779 dans des ombres funèbres ?
V, 780 Non je vois un jour doux
V. 781 N'entends-tu pas rouler les flots du Phlegeton ?
V. 782 J'entends les chants du ciel où se mêle mon nom.
nuit son
V. 784 Quand laissant à la terre une enveloppe aride
V. 785 Aux rayons de l'aurore à peine (^remplaçant une première
les
leçon barrée et illisible') ouvrant 5es yeux
la roule
V. 78e Le soufle du matin Venlève dans les cieux.
V. 787 Ne regrettes tu rien en fermant tes paupières ?
V. 788 Comment regretter l'ombre au sein de la lumière ?
V. 787 Ne nous trompois tu point ?
V. 789 Et pourquoi de ton sein tarde-t-elle à sortir ?
la nef
V. 790 Elle attend comme au un souffle pour partir.
V. 791 D'où viendra-t-il ? — Des dieux
laissez l'âme en paix
V. 792 Non, ne lui parlei plus !
V. 795 hélas par intervalle
V. 779 Ainsi dans un beau soir de l'ardente saison
V. 801 il sembla
V. 804 . . . : De quoi ? dit Phédon
y. 806 que le vol des abeilles d'Hvbla
LE MANUSCRIT DE <* LA MORT DE SOCRATE » 219
V. 807 El nous comme (?) (un mot illisible) d'un céleste dyctamc.
(^Après le vers 808, Lamartiiie ajoutait d'abord ces deux
vers) :
debout,
Et sans pleurs ses amis au retour du soleil
Sembloient comme autrefois attendre son réveil.
(Le poème devait se terminer ainsi. La suite est dans le manu-
scrit u)!c addition qui a rempli, après coup, le bas de la page.)
V. 809 Comme un Ivs sur les eaux que le zéphir incline
penchoit
V. 810 Sa tête mollement tomboit
ce
V. 817 Son sourire surpris dans son dernier essor
W 818 Sur ses traits embellis semblait errer encor
vie
V. 819 . . . .mort a perdu tout empire (Ms. et Ed. pr.).
V. 822 sembloit montrer le ciel
V. 826 Vint dorer ses traits morts
V. 827 de son long deuil suivie <
V. 830 le corps d'Endymion
V. 831 Ou que du haut des cieux
V. 835 Comme un cygne planant sur l'onde transparante
aile
V. 856 Aime à voir dans les flots briller son ombre errante !
V. 837 On n'entendit de nous
V. 838 Si c'étoit là mourir.
Amis, si c'est
(En marge, cette dernière rédaction) :
C'est ainsi qu'il mourut. Oui si c'est là mourir ?
(Et au-dessous, le mot) : fin
Sans vouloir en exagérer l'importance, je crois que les
tâtonnements et les premières rédactions du manuscrit de
Saint-Point apportent une petite contribution à l'étude psycho-
logique et littéraire de l'invention poétique de Lamartine. On
le voit, comme dans les brouillons étudiés par MM. Jean des
Cognets et Pierre-Maurice Masson, chercher l'expression qui
le satisfasse ; arrêté parfois par l'embarras de remplir exacte-
ment le moule de l'alexandrin, il recommence, et recom-
220 GUSTAVE LANSON
mence jusqu'à ce qu'il ait franchi l'obstacle. On le voit même
souvent hésiter, chercher, retoucher le détail, un mot, une
épithète. Dans ce travail, l'intelligence, la réflexion, la cri-
tique ont leur part : mais il est curieux d'y voir clairement
combien Lamartine a conscience de la nature de la faculté
créatrice et de ses conditions d'exercice. Sa méthode consiste à
se servir du jugement pour bien voir où il en est, où est la
difficulté, et, cela fait, à se remettre le plus possible dans les
conditions de l'activité spontanée, à laisser agir les réflexes,
l'instinct, l'intuition, le « génie », quitte à en condamner
encore une fois les résultats, et à recommencer une fois de
plus,
Gustave Lakson.
^
UN PERSONNAGE DE CHANSON DE GESTE
NON IDENTIFIÉ JUSQU'ICI
On sait combien d'efforts ingénieux les érudits ont dépensés
pour identifier les héros de nos romans de chevalerie à des
personnages historiques de l'époque carolingienne. Ils ont
tellement moissonné ce champ que nous n'y avons plus rien
trouvé à glaner, nous qui avons pourtant consacré plusieurs
années à l'étude de ces romans ; et si nous avons rejeté comme
chimériques maintes des identifications proposées avant nous,
nous n'avons pas su en découvrir de nouvelles. En voici une
pourtant, qui a échappé à nos devanciers. Le héros de roman
de qui nous croyons avoir retrouvé le prototype n'est, hélas !
ni le ducNayme de Bavière, ni Vivien, ni Olivier, ni Aymeri :
c'est un personnage de bien moindre envergure. Par com-
pensation, son prototype historique fut l'un des hommes les
plus marquants de l'entourage de Charlemagne, et plus
illustre en son vivant que Guillaume lui-même, voire que
Roland.
Il s'agit d'un personnage ài'Anseïs de Cartage, chanson de
geste de la fin du xii'' siècle. Dans ce roman, Charlemagne,
ayant conquis l'Espagne, en a remis la garde à l'un de ses
barons, Anseïs, et rentre en France. Mais, comme Anseïs est
très jeune et très imprudent, Charlemagne a pris la précau-
tion de le mettre sous la tutelle d'un sage conseiller, d'un
autre Turpin (car, selon les données du roman, Turpin est
déjà mort). Le Mentor d'Anseïs est donc, comme Turpin, un
222 JOSEPH BEDIER
« rice clerc letré ' », « de grant sience- », très « cortois ' »,
et, qui, lui aussi, se plaît mieux en la compagnie des cheva-
liers qu'en celle des gens d'église '^. Bref, il serait de tous
points semblable à Turpin, n'était une certaine peur natu-
relle des coups :
Prestres estoit, u'ot cure de meslee 5.
Or le poète l'appelle, au vers 8471,
Danz Englebeis, ki fu de Saint Richier ;
au vers 3062,
Danz Englebers, ki de Saint Richier fu ;
et, au vers 6893, Englebert, ayant à baptiser un Sarrasin de
marque, lui choisit le nom de son propre patron, Richier.
Il est évident que ce n'est pas un personnage de fantaisie :
« Dant Englebert de Saint Richier » ne saurait être autre
qu'Angilbert, abbé de Saint-Riquier, né vers 740, mort en
814^. Et nous avions bien droit de dire qu'il fut en son
temps plus illustre que Roland lui-même, lui, l'un des amis
les plus intimes de Charlemagne, lui, le diplomate que Char-
lemagne chargea de plusieurs missions auprès du pape,
l'homme d'État qui fut le ministre en Italie du jeune roi
Pépin, le bon poète que ses émules de l'Académie du palais
avaient surnommé Homère, que Charlemagne lui-même, en
l'une de ses lettres, appelle (( Homeriane puer? », et qui sut
1. Anseïs de Cartagc, édition J. Alton, Tùbingen (BibJiothek des Jiie-
rarischen Vereiiis in Stuttgart), 1892, v. 153, 9182, etc.
2. Ihid., V. 1227.
5. V. 784.
4. V. 8867-89.
5. V. 8574. Comparez les vers 8669 et suiv., 8687 et suiv., 87i7etsuiv.,
8797 et suiv.
6. Voyez la notice biographique que lui a consacrée Dumnilcr, au tome I
des Poetae latini aevi carolini.
7. On trouvera cette lettre dans les Monumenla Germaniae historica,
Epistolae carolini aevi, t. II, p. 135: « Vade cum prosperitate, proficiens in
veritatc, reversurus in gaudio, Homeriane puer. »
ENGLEBERl DE SAINT RICHIER 22 3
chanter en vers élégants la fille de Charlemagne, la belle
Berthe:
Virginis egregiae Bertac nunc dicite laudes,
Piérides, mecum, placeant cui carmina nostra'...
Il eut deux fils de Berthe, et Charlemagne lui donna à régir la
riche abbaye de Saint-Riquier. Il fut un très bon abbé, mais
qui garda le costume laïque et ses habitudes de vie mondaine
au point d'inquiéter Alcuin par son goût des spectacles, des
« histriones » et de leurs « diabolica fiiimenta ^ ».
Voilà donc une identification toute neuve, et, croyons-
nous, incontestable. Interprétons-la selon la méthode con-
sacrée et comme officielle, selon la méthode familière aux
partisans de la théorie des origines anciennes des chansons
de geste. Nous ne serons pas en peine de trouver entre
l'histoire et la légende d'Angilbert des concordances frap-
pantes, et nous en induirons, s'il nous plaît ainsi, qu'An-
gilbert dut être célébré de son vivant même en des chants
lyrico-épiques ou en des poèmes épiques. Par exemple, en un
certain passage du roman d'Anseis, Englebert déplore que les
ménestrels ne soient plus guère admis dans les cours des
princes (v. 8886) :
Nus menestreus, tant sace bien parler,
Puet mais a painesen haute cort entrer.
Or, nous savons par des textes historiques que Charle-
magne prit des mesures contre les « histriones » et qu'An-
gilbert s'en affligea ' : nous induirons de cette concordance,
1. Poetae latini aevi carolini , t. I, p. 360.
2. Voyez les lettres d'Alcuin, citées par Dûmmler, /. laud.
5. Voyez la lettre 116 d'Alcuin, citée par Du nimler, /. laud.: « Vereorne
Homerus irascatur contra cartaai prohibentem spectacula et diabolica
figmcnta. »
224 JOSEPH 15EDIER
s'il nous plaît ainsi, qu'il a dû exister au temps de Charle-
magne des « cantilènes » en l'honneur d'Angilbert, défen-
seur des poètes d'alors. — Dans le roman, Charlemagne
confie à son favori Englebert le jeune roi d'Espagne Anseïs :
de même, dans l'histoire, Charlemagne confie à son favori
Angilbert le jeune roi d'Italie Pépin : nous induirons de
cette concordance, s'il nous plaît ainsi, que cette scène du
roman doit être un renouvellement d'une épopée du temps
de Charlemagne : si Anseïs a remplacé Pépin, quoi d'éton-
nant ? C'est un « transfert épique » ; et si l'Espagne a rem-
placé l'Italie, quoi d'étonnant ? C'est « l'altération fatale de
l'histoire par la légende ». S'il nous plaît de supposer l'exis-
tence de tels poèmeij sur Angilbert, comme il plaît à tant de
critiques de supposer l'existence d'antiques poèmes sur Roland,
ou sur Ogier, ou sur Guillaume, nous ne ferons que rentrer
dans l'orthodoxie et que recourir avec autant de vraisemblance
qu'eux aux procédés qui sont les leurs.
Mais nous ne recourrons pas à leurs procédés. Pour expli-
quer que des poètes du xii* siècle aient introduit dans leurs
romans Ogier, Roland ou Angilbert, il n'est pas nécessaire
qu'ils aient exploité des poèmes du viii^. L'auteur d' Anseïs,
appelant son personnage Englebert de Saint-Richier, nous a
par là même indiqué d'où lui venait son savoir historique :
c'était de l'illustre abbaye de Saint-Riquier, l'ancienne Centule,
au diocèse d'Amiens. Nous montrerons ailleurs que les chan-
teurs de geste du xi^ et du xii'= siècle ont bien connu et fré-
quenté cette abbaye et que la légende de Gormond et Isem-
bard, notamment, s'est formée là. Or, au xii" siècle comme
aujourd'hui, quiconque entrait dans l'église de Saint-Riquier,
comme il y trouvait Gormond et Isembard, y trouvait Charle-
ENGLEBERT DE SAINT RICHIER 225
magne et Angilbert '. Au xii'^ siècle, la tombe d'Angilbert se
voyait à l'entrée du chœur : l'emplacement en était marqué
par les mots rex. lex. lvx. pax., restes de cette ancienne
inscription :
Rex, requiem Aagilberto da, Pater atque pius Rex.
Lex leguni, vitam aeternam illi da, quia tu Lex.
Lux, lucem semper concède illi, bona quia es Lux,
Pax, pacem illi perpetuam doua, es quoniam Pax =.
Angilbert avait composé, pour divers édifices par lui cons-
truits, des inscriptions où il avait pris soin d'introduire son
nom 5, et telle ou telle de ces inscriptions devait subsister
encore au temps des chansons de geste, celle-ci, par exemple,
qu'il avait fait graver sur une dalle de marbre magnifique,
devant l'autel de saint Riquier :
Hoc pavimentum humilis abbas componere feci
Angilbertus ego, ductus amore Dei,
Ut mihi post obitum sanctam donare quietem
Dignetur Christus, vita salusque mea ■♦.
De plus, la reconnaissance des moines entretenait au
XII' siècle la mémoire de saint Angilbert. Il leur avait donné
des reliques, des évangéliaires, deux cents manuscrits ; il était
vénéré par eux comme leur second fondateur. Il faisait pour
eux des miracles insignes >. Tout visiteur de l'abbaye entendait
parler de ces miracles. Si donc il est devenu le Turpin de la
1. Aujourd'hui le chef de saint Angilbert est placé dans un reliquaire de
verre sur le maître-autel, où il fait pendant au chef de saint Riquier.
2. Voyez la Vita S. Angilberti auctore Hariuljo (fin du xi^^ siècle), dans la
Chronique de Saint-Riquier, édition F. Lot, p. 78.
5. Voyez les Poclae latini aevi carolint,t.l, p. Î65-6.
4. Chronique de Saint-Riquier, éd. Lot, p. 55 : « Videtur usquehodiein
pavimento chori tara pulchra et tam distincta marmoris operatio, ut qui-
cumque illud inspicit, incomparabile opus asseveret. Sane coram altari
sancti Richarii fecit pingere in ipso pavimento quosdam versiculos, quo s
nos hic quoque necessario mittere curamus : Hoc pavimentum, etc. »
5. Anscher en a raconté un grand nombre (cf. F. Lot, ouvr. cité,
p. lui).
Mélanges. II. ij
22é JOSEPH BÉDIER
chanson à'Anseïs, c'est simplement, croyons-nous, parce que
l'auteur de ce roman, ou quelqu'un de ses confrères, avait
visité son abbaye.
Les deux biographes de saint Angilbert, Hariulf et Anscher,
rapportent de lui cette légende. Chàrlemagne l'avait nommé
gouverneur d'une partie de la France maritime, en un temps
où nul lien ne l'attachait encore au monastère de Saint-Riquier.
Or, les Normands ayant envahi les vallées de la Somme et de
la Seine, Chàrlemagne lui confia une forte armée. Avant de
combattre, il vint s'agenouiller au tombeau de saint Riquier,
le suppliant avec des larmes de défendre sa terre. A peine
avait-il regagné son camp, une tempête merveilleuse éclata.
Des voix surnaturelles retentissent dans les airs ; les éclairs, la
grêle chassent les Normands jusqu'à leurs vaisseaux. Ils s'en-
fuient, décimés : « ainsi le Christ, à la requête de son ancien
chevalier, saint Riquier, porta secours à son futur chevalier,
Angilbert; par reconnaissance, Angilbert quitta le siècle et entra
à l'abbaye ' . » Nous surprenons ici la légende carolingienne
sous sa forme rudimentaire, et c'est, si l'on peut dire, une
chanson de geste restée à l'état de chrysalide. Que l'on enri-
chisse cette histoire, selon les formules connues, de quelques
épisodes belliqueux et romanesques : comme on a un Moniage
Guillaume, on aura un Moniage Englehert. Les vies de saints,
les chroniques d'abbayes nous offrent ainsi de nombreuses
légendes auxquelles il n'a manqué, pour se transformer en
chansons de geste, qu'un peu de chance. Mais les jongleurs
qui fréquentaient les foires de Saint-Riquier pouvaient négli-
ger Angilbert : ils avaient un autre héros à chanter, Isembard
le renégat.
Joseph BÉDIER.
I. Cf., sur les fabrications d" Anscher, Lot, ouvr. cité, p. li et suiv.
LA DIATRIBE DE JEAN D'ANNEUX
Le théologien Jean d'Anneux, qui vivait dans la première
moitié du xiv^ siècle, est un auteur presque totalement
inconnu. Ses ouvrages n'ont jamais été imprimés; ils
paraissent d'ailleurs avoir été peu nombreux et les manu-
scrits en sont rarçs. C'est à peine si, en passant. Du Cange '
et Fabricius ^ le mentionnent d'après Sanderus. Ce dernier
est lui-même extrêmement bref. Dans son inventaire des
manuscrits de la bibliothèque des chanoines réguliers de
Saint- Martin de Louvain, il se contente de noter : Joannis
de Annosis sermones ^ .
Casimir Oudin a poussé un peu plus loin les recherches.
Il signale deux traités qui doivent être attribués à notre théo-
logien : c'est d'abord un De ohedicntia exhibenda pastoribiis a
Jùicis, puis un Tractàtiis contra Fratrcs dirigé contre les régu-
liers qui se mêlent d'administrer les sacrements. Après avoir
décrit sommairement les deux œuvres qu'il restitue à leur
auteur, Casimir Oudin constate, avec une certaine satisfoction,
que personne avant lui, si ce n'est Du Cange et Sanderus,
n'avait parlé de Jean d'Anneux '^.
1. « Joanaes de Annosis. Vide Sander. part. 2, p. 218 ». Glossarium ad
scriptores mediae et infimae latinitatis, édit. de 1681, t. I, p. 118 (Index seu
iioiiieiiclalor scriptorum mediae et infimae latinitatis).
2. « Joannis de Annosis sermones mss. memorat Sanderus ». Bihl. lat.
ined. et infini, latinitatis, t. IV (1754), p. 513.
3 . Index codicuni mss. adhuc existentium in hibliotheca canonicornm regula-
liiim S. Augustini in Valle S. Martini Lovanii, dans Bibl. helgica manus-
cripta, pars 2» (1643), P- 218.
4. « Joannes de Annosis, doctor theologus parisiensis, et magistri Joan-
« nis de Poliaco socius, scripsit anno 1327 Tractatuui de ohedientia e.xhi-
« benda pastoribtis a laicis, queni ms. asservat bibliotlieca CollegiiCholetani
228 HKNRY MARTIN
Pendant longtemps on ne connut de cet écrivain que les
trois ouvrages qui viennent d'être indiqués; mais, en 1886,
je pus augmenter d'une unité son bagage littéraire. A cette
époque^ en effet, je donnai une notice un peu détaillée d'un
opuscule du même auteur, adressé, en guise de lettre, à
Guillaume, comte de Hainaut, sous le titre de Tractatus de
rcgimine principum\ Quelques années plus tard, M. Tabbé
P. Féret consacrait un court article à Jean d'Anneux et ne
manquait pas à'y réserver une place au nouvel ouvrage que
j'avais signalé^.
Ce traité du Gouvernement des princes mérite peut-être mieux
qu'une sèche mention : non pas que la lecture en soit
attrayante en toutes ses parties, mais il est écrit d'une plume
parfois assez alerte, et, malgré son titre latin, il est tout
entier en français. L'ouvrage est encore remarquable par l'ex-
traordinaire liberté avec laquelle l'auteur parle au comte de
Hainaut.
C'est dans le manuscrit n° 2059 de la Bibliothèque de l'Ar-
senal que se trouve le traité dont il s'agit ; il y occupe les
feuillets 211 à 223 v° et porte pour titre :
« parisiensis, Cod. 2, ubi inscribitur : Tractatus de ohedientia exhibendà pas-
« toribus a laicts, compilatus anno Domini M. CCC. XXVII. a inagistro
« Joanne de Ainwsis, doctore theologo régente et consocio Joannis de Poliaco.
« Incipit : Ohedite praeposUis vestris et suhjacete cis, ipsienim vigilant rationem
« redditnri pro animahits veslris. Ista verha scripla sunt in Epistola ad
« Hehraeos, cap. i^, ubi praecipiliir subditi ad praelatiim obedientia, etc. —
« Idem anno 1328, Avenione constitutus, cotnposuit tractatum inscriptum
« Tractatus magistri Johannis de Annosis contra Fratres, compilatus Avenione
« 1^28, y septembris, qui extat ms. in bibliotheca Bodlejana, codice 1969,
« in mss. codicibus Thomae Bodleji litera B 2, codice 4, iium. 16. Agit
« hoc in libro contra regulares et sacramentis administrandis sese immis-
« centes. Ego nuUum vidi qui de hoc scriptore loqueretur, nisi Carolum
« Dufrenium du Cange in Indice aiUhonim quem praemisit suo Glossario
« mediae et infunae latinitaiis, columna 118, ubi citât Antonium Sanderum
« in Bibliotheca manuscriptorum belgicoruni, parte 2, p. 218.»
(Casimir Oudin, Conitncnlarins de scriploribits Ecclesiae anliquis, III (1722),
802.)
1. Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de V Arsenal, t. II (1886),
p. 592.
2. La FacuUc de théologie de Paris, t. III (1896), p. 231-252.
LA DIATRIHK DE JEAN D ANNEUX 229
Incipit quidam troctatiis de regimine principiim, qneni conipiJà-
vit magister Johannes de Annosis, docior sacre théologie, ctiratns
Sancti Amandi in Fabula, missus pro epistola domino comiti
Hanonie GuiUermo, bone meniorie, quorum animabus omnipotens
Deus parcat.
A la fin (fol. 223 v°) se lit la souscription latine suivante
en vers léonins, qui, sous une forme assez ambiguë, nous
donnent : d'abord le nom de l'auteur, puis le nom et le
surnom du scribe, et enfin la date de la copie.
In multis annis hic vivat fama Johannis.
Nec valeat mergi cuidoaas, aime Georgi,
Nobile cognomen, vel Thudiniuni sibi nomen ;
Et careat pena per quem sit scripta camena.
In celi cena post mortem pascat amena,
Est ubi solamen eternum. Fine sit. Amen.
L, C ter, I, D bis, hanc factam nempe videbis.
Par le premier vers nous voyons, ce que nous savions déjà,
que l'auteur se nommait Jean. Les noms du copiste nous
sont donnés par le deuxième et le troisième vers. Quant
au septième vers, les indications qu'il nous fournit doivent
être lues ainsi : D bis = DD ; — C ter = CGC ; —
L; — I; soit : DDCCCLI, c'est-à-dire 13 51. C'est bien là, en
effet, la date de la transcription du traité de Jean d'Anneux.
D'ailleurs, plusieurs autres pièces du manuscrit, qui n'en
contient pas moins de quatorze, sontégalement datés de 1351,
et l'une d'elles nous apprend que le volume fut écrit à Valen-
ciennes.
Tout aussi bien que la souscription, le titre contient
quelques indications utiles. Il nous livre le nom complet de
l'auteur : « Maître Jean d'Anneux », et nous dévoile ses
qualités : « docteur en théologie, curé de Saint-Amand-en-
Pevèle ». Par le titre nous savons encore que la lettre est
adressée à un comte de Hainaut, nommé Guillaume, qui
n'était plus vivant au moment où fut copié le manuscrit,
comme le prouve la formule « bone memorie » accolée à
230 HENRY MARTIN
son nom. Mais le scribe ne nous laisse pas ignorer non plus
qu'à la date de 135 1 Jean d'Anneux était mort également,
puisqu'après avoir mentionné l'auteur et le destinataire de
la lettre, il ajoute : « Quorum animabus omnipotens Deus
parcat. »
Ce ne sont pas là sans doute des renseignements d'une
grande précision. On aurait tort néanmoins de les négliger en
un sujet aussi obscur: car ce que l'on sait de Jean d'Anneux se
réduit à fort peu de chose. A vrai dire, le rôle qu'il a joué n'eut
pas assez d'éclat pour que personne ait jamais songé à écrire
sa biographie. Je n'essaierai pas non plus de la dresser ici,
remettant même à plus tard l'analyse des manuscrits qui con-
tiennent ses divers traités. Mon dessein ne va seulement qu'à
donner quelques notes très brèves permettant de fixer à peu
près l'époque à laquelle cet auteur a écrit et d'apprécier celui
de ses ouvrages qui me paraît offrir un certain intérêt.
Jean d'Anneux prenait vraisemblablement son nom de la
petite ville d'Anneux, dans le département du Nord, arron-
dissement de Cambrai, canton de Marcoing. En 1326, nous
le trouvons curé de Saint- Amand-en-Pevèle, ou Saint-Amand-
les-Eaux, alors diocèse de Tournai, faisant aujourd'hui partie
de l'arrondissement de Valenciennes. Bien que pourvu d'une
charge ecclésiastique qui l'obligeait à la résidence, il se rendit
à Avignon cette même année 1326 et y demeura depuis le
14 avril jusqu'au mois de novembre. Le jour même de la
Toussaint, i" novembre, il obtenait du pape Jean XXII
l'autorisation de percevoir les fruits, rentes et revenus de sa
cure de Saint-Amand, non seulement pour le temps qu'il en
avait été absent, mais encore pour une période de trois années
qu'il se proposait de passer à Paris comme lecteur en théolo-
gie'. Il est certain toutefois qu'il ne résida pas trois ans
I. « Dilecto filio magistro Johanni de Anneus, rectori parrochialisecclesie
« Sancti Amandi in Pabula Tornacensis dioccsis, sacre théologie doctori,
« salutem. Litterarum scientia... Tuis itaque supplicationibus inclinati ut
« a tcmpore que in Romana curia te asseris resedisse, videlicet a xv kaJ.
LA DIATRIBE DE JEAN D ANNEUX 23I
entiers dans cette dernière ville, puisqu'au mois de septembre
1328 nous constatons de nouveau sa présence à Avignon, où
il achève le traité Contra Fralres '. C'est sans doute vers la fin
de l'année 1328 qu'il retourna à Saint-Amand, le délai de
l'autorisation de non-résidence octroyée par le pape étant
expiré.
Telles sont les indications, bien sommaires à coup sûr,
qu'il m'a été possible de recueillir sur l'auteur de la lettre au
comte de Hainaut. La date de sa naissance, ainsi que celle de
sa mort, me sont inconnues. Tout ce qu'on peut affirmer,
c'est qu'il n'était plus vivant en 135 1. Le titre du manuscrit
de l'Arsenal ne laisse, semble-t-il, aucun doute à cet égard.
Quant au copiste, Georges de Thun, il serait difficile de
dire avec certitude quelle est la ville qui lui a donné son
nom : car on compte au moins trois localités portant ce nom
de Thun dans le département du Nord -. Cependant, si l'on
considère que le volume a été écrit à Valenciennes, que
d'autre part le traité de Jean d'Anneux, qui résidait à Saint-
Amand, a dû être transcrit peu de temps après sa mort, il
paraîtra assez vraisemblable que le scribe tirait son nom du
village de Thun, situé dans le canton de Saint-Amand. C'est
là, du reste, une question tout à fiiit secondaire.
« Maii proximo preteritis usque ad festum Omnium Sanctorum immédiate
0. sequens, et usque ad triennium post Parisius sacram theologiam legendo
« fructus, redditus et proventus parrochialis ecclesie Sancti Amandi in
« Pabula Tornacensis diocesis, cujus rector existis, libère percipere valeas,
« et ad residendum intérim in eadem minime tenearis... auctoritate tibi
« presentiumindulgemus... Nulli ergo, etc., nostre concessionis infringere,
« etc. Dat. Avinione kal. Novembris, anno undecimo.
« Reg. Vat. Comm. Johannis XXII, an. 11, p. i,ep. 144, fol. 6"]^. »
(H. Denifle et E. Châtelain, CJiartiilariuvi Universitatis Parisiensis,
t. II (1891), p. 294).
1. « Tractatus magistri Johannis de Anuosis contra Fratres compilatus
Avenione 1328, 7 septembris. »
2. 1° Thun, canton (rive gauche) de Saint-Amand ; 2° Thun-l'Évêque ;
30 Thun-Saint-Martin : ces deux derniers font partie du canton est de
Cambrai.
232 HENRY MARTIN
Il serait plus intéressant de savoir exactement quel est le
comte de Hainaut à qui Jean d'Anneux crut devoir adresser
sa diatribe. Le titre du traité nous apprend qu'il se nommait
Guillaume ; mais au temps de notre auteur trois comtes de
ce nom gouvernèrent le Hainaut.
Il en est un qu'on doit tout d'abord écarter : c'est Guil-
laume III, dit l'Insensé. Le copiste indique clairement, nous
l'avons vu, que le destinataire était mort en 13 51. Or, Guil-
laume III, dépossédé de ses États en 1357 pour cause de folie
dûment constatée, ne mourut qu'en 1389.
L'âpreté des critiques, d'autre part, ne permet guère de
croire qu'elles s'adressaient à Guillaume l", mort le 7 juin
1337. Ce prince, dans l'histoire, a été surnommé le Bon.
Certes, la raison serait insuffisante pour affirmer qu'il ne com-
mit aucun des excès que stigmatise notre théologien ; mais,
s'il se montra souvent impitoyable dans ses guerres contre les
Flamands, on ne voit pas qu'il ait pressuré exceptionnelle-
ment ses sujets du Hainaut, ni « adamagié les abbeys » de
cette province, dont le sort intéresse avant tout Jean d'An-
neux.
Quant à Guillaume II, fils et successeur de Guillaume le
Bon, il paraît n'avoir rien négligé pour justifier les dures
leçons que lui donne le curé de Saint-Amand. Porté au pou-
voir à la mort de son père, il périt en 1343 dans une bataille
contre les Frisons. Durant les six années qu'il gouverna la
Hollande et le Hainaut, Guillaume II se montra toujours vio-
lent, irascible et vindicatif, ne respectant souvent pas plus les
personnes que les biens des étrangers et de ses propres sujets.
Froissart, qui, originaire du Hainaut, avait des raisons de n'en
point médire, Froissart lui-même ne peut se défendre de cons-
tater qu'il était « moult entreprendans et hardis chevaliers
durement ' ». Il est, en outre, resté d'indéniables traces des
rapports fâcheux qu'il entretenait avec les lombards et les
I. Chroniques de }. Froissart, édit. Simcon Lucc, t. III (1872), p. 106.
LA DIATRIBE DE JEAN D ANNEUX 233
usuriers, ainsi que de ses disputes intéressées avec lesévêques,
notamment celui de Cambrai, et autres gens d'église ' . Mais
c'est au Hainaut qu'il fit sentir surtout le poids de sa colère, et
aucune ville peut-être n'eut tant à souffrirque Saint-Amand,
siège paroissial de Jean d'Anneux. Froissart nous a laissé un
récit assez détaillé du désastre que cette ville eut à subir en
1340 ^. S'étant rendu maître de la place presque sans coup
férir, le comte Guillaume détruisit en partie l'abbaye, mal-
traita la ville, rançonna et massacra les habitants. C'est là sans
doute dans toute l'histoire de Saint-Amand l'événement le plus
considérable. Jean d'Anneux toutefois n y fait aucune allusion :
d'où il est permis de conclure que l'événement ne s'était pas
encore produit quand la lettre fut écrite.
Pour ces diverses raisons on peut logiquement admettre,
d'abord que le traité De regimine principum a bien été adressé
à Guillaume II, et en second lieu qu'il a dû être composé
entre 1337, époque de l'avènement de ce prince, et 1340,
date du sac de Saint-Amand.
En lisant l'opuscule de Jean d'Anneux on est frappé de la
liberté de langage dont il use envers un seigneur aussi puis-
sant que le comte de Hainaut, dont il était le sujet et dont le
caractère violent nous est connu. Si c'était là le texte d'un
sermon prononcé même en face d'un prince, la virulence des
paroles ne serait pas pour nous étonner, les prédicateurs ayant
toujours eu leurs coudées franches aussi bien pendant le
moyen âge qu'aux époques plus modernes. Mais il s'agit ici
d'objurgations privées, d'une lettre de remontrances person-
nelles et faites sans ménagement. A ne considérer que les pre-
mières lignes du traité, on pourrait croire, à vrai dire, que
l'auteur s'est placé à un point de vue très général. C'est à tous
les conducteurs d'hommes qu'il semble s'adresser : « A tous
1. Voir : Cartuîaire des comtes de Hainaut, de V avènement de Guillaume II
d la mort de Jacqueline de Bavière, publié par Léopold Devillers, t. 1er
(Bruxelles, 1881, in-40), passim.
2. Chroniques de J. Froissart, édit. Siméon Luce, t. II (1870), p. 65-69.
234 HENRY MARTIN
prinches poissans en tierre, Jehansd'Anneus, entre les mestres
de divinté li menres, désire vo salut ou chiel et sagement vo
peule gouvrener en tierre, ensi que li rois Salemons pour lui
le pria, et Dieus boinnement li ottria \ » Cette sorte de dédi-
cace n'est qu'une fiction destinée peut-être à amortir le pre-
mier choc; mais, sans souci des périphrases, c'est clairement
et pour ainsi dire à découvert qu'en terminant notre théolo-
gien porte les coups à son redoutable adversaire.
« Chier singneur, écrit-il à la fin de son traité -, or vien-ge
« à vous espesciaument, car vous vos destruissiéschiertainne-
« ment s'il est ensi c'on dist.
« Car on dist : — Quant vous avés oy vos boins conseilleurs,
« vous les laissiés et créés les deceveurs.
« Item, on dist que vous fourmenés vos sougis : si que il
« vuident vos pays.
« Item, on dist que pour argent soustenés les useriers, les
« lombars ' et les juis. Et ensi estes à yauls tenus et liiés.
« Item, on dist que vous donnés auctorité de maletotes
« maisement tolir. Et ensi vous et elles lestes tenus dou rendre
« et de restaulir.
« Item, on dist que vous adamagiés les abbcys trop sou-
« vent en mariages, em prières que on n'ose refuser, et em
(( pluiseurs manières autrement : si qu'il ne puéent leur
« églises amender qui boin besoing en auroient, ne rechevoir
« tant de personnes qu'il soloient, ne donner as povres ensi
« qu'il deveroient. »
1. Ms. Ars. 2059, fol- 211-
2. Fol. 223 v°.
3. Les lombards auxquels fait allusion Jean d'Anneux étaient les quatre
frères : Bernard Royer, Baudrekin Royer, Pierre Rojer et Raphaël Royer;
ils habitaient Ath. C'est, semble-t-il, avant son avènement que Guil-
laume II s'était engagé vis-à-vis d'eux. Dès le commencement du mois
d'août 1337 — son père était mort au mois de juin ■ — il négocie avec eux
et prend des décisions en leur faveur. Carlnhiiie des comtes de Hainaut,
de l'avènement de Guillaume II à la mort de Jacqueline de Bavière, publié par
Léopold Dcvillers, t. W (Bruxelles, 1881, in-40), p. 4-6.
LA DIATRIBE DE JEAN D ANNEUX 235
Si c'est seulement à la fin de sa lettre que Jean d'Anneux,
oubliant toute prudence, ose braver aussi directement le
prince coupable, il ne cesse point, dans le cours du traité, de
lui lancer les plus sévères avertissements, sur le sens desquels
le comte Guillaume ne pouvait se méprendre. Quand il parle
des princes qui ruinent les abbayes, au lieu d'en fonder de
nouvelles, l'allusion est trop claire pour n'avoir pas été com-
prise. S'il met en parallèle avec les seigneurs de son temps
Charlemagne et le roi Dagobert, les anciens comtes de Hai-
naut et de Flandres, la comparaison n'est point en faveur des
princes ses contemporains. Or, quel est, parmi ces derniers,
celui qu'il connaît bien sinon le maître de la province dans
laquelle il vit ? C'est bien à Guillaume de Hainaut, le doute
n'est guère permis, que s'adressent les reproches suivants :
« Li prinche cha en arrière, dit Jean d'Anneux ', soloient
« fonder églises, abbeyes, hospitaus et maladries, si que li rois
« David fonda xliii priestres pour faire le siervice de Dieu;
« li rois Salemons, le temple de Jherusalem pour Dieu sier-
« vir ; li empereres Constantin, les églises de Romme ; li
« rois de Franche Karlemainne, Dangobier et li autre fon-
ce dèrent Saint-Denis, Saint-Amand, Saint- Vaast et pluiseurs
« autres en leur vies; li conte de Haynnau, pluiseurs en
« Haynnau ; li contes de Flandres, pluiseurs en Flandres ; et
« ensi des autres.
« Mes maintenant est au contraire : car il les desfont et
« amenuisent et destruisent ; car il prendent, tollent et
« lièvent tant par iaus, par leur gens, par force, par priières
« armées, par dissimes, par subjections, par empruntemens
« et autres cuvriemens que on ne leur ose refuser; si que il
« ne puéent recevoir tant de piersonnes qu'il soloient. Et
« ensi par iaus est li siervices amenuisiés, ne ne poéent au-
« mousnes donner tant qu'il soloient. Et ensi ont les povres
« entrelaissiés.
I. Ms. Ars. 2059, fol. 219.
236 HENRY MARTIN
« On se poet esmierveillier que tel prinche pensent; com-
« ment il osent vivre, ne comment il osent morrir. »
Si la véhémence de l'adresse à Guillaume de Hainaut
témoigne chez l'auteur d'une réelle indépendance de carac-
tère, l'énergie de l'expression me semble aussi par endroits
t rès remarquable. N'est-elle pas vraiment saisissante la conclu-
sion du passage que je viens de citer? Après avoir fait le
procès des chefs d'Etat contemporains qui foulent aux pieds
toutes les lois divines et naturelles : « On peut se demander,
s'écrie Jean d'Anneux, ce que de tels princes pensent! On
s'étonne comment ils osent vivre et comment ils osent mou-
rir ! » Peut-être n'eût-il pas été facile d'exprimer avec plus de
force la réprobation qu'inspire au curé de Saint-Amand le
mauvais gouvernement de son « chier singneur ».
• Il ne faudrait pas croire, sans doute, que tout le traité soit
écrit de ce style : s'il en était ainsi, l'auteur mériterait d'être
plus connu. Celui-ci, en beaucoup d'endroits, se contente de
paraphraser, sans grande originalité, tel ou tel passage des
livres saints. Mais souvent aussi, lorsqu'il exprime des idées
qui lui sont propres, le discours offre une incontestable éner-
gie. Quels mo3^ens, selon lui, quels procédés sommaires em-
ploient les princes pour extorquer l'argent des religieux et du
peuple ? Ce sont les dîmes, les emprunts qu'on n'ose refuser;
ce sont aussi, ajoute- t-il, les « prières armées ». Je ne saurais
dire si ces « prières armées » sont une trouvaille de Jean
d'Anneux; mais le terme, en tout cas, est singulièrement
expressif.
Peut-être estimera-t-on, après avoir lu ces notes succinctes
sur un écrivain jusqu'ici presque entièrement ignoré, qu'il
serait digne de se voir réserver, certes je ne dis pas une place
d'honneur, mais une toute petite place dans l'histoire litté-
raire de la France au xiv^ siècle. Si j'avais à plaider sa cause,
je revendiquerais pour lui, à défaut d'autres titres, le mérite
d'avoir, l'un des premiers, rédigé en français, non sans verve,
l'historiette du Renard confesseur, dont notre La Fontaine a
tiré l'admirable fable des Animaux malades de la peste.
LA DIATRIBE DE JEAN D ANNEUX 237
Les origines de cet apologue sont fort obscures. Dans son
édition des Œuvres dej. de La Fontaine {Les Grands Ecrivains
de la France), M. Henri Régnier a réuni tous les documents
relatifs à la question '. Au dire de l'éditeur, c'est en Alle-
magne, au xiii" siècle, qu'aurait été « pour la première fois
écrite la tradition qui a inspiré à La Fontaine un de ses
chefs-d'œuvre, son chef-d'œuvre, disent Chamfort et Saint-
Marc Girardin » . La plus ancienne rédaction de cette fable
qu'on ait citée jusqu'à présent est celle de Hugo de Trim-
berg. L'auteur, maître d'école à Nuremberg, composa, de 1280
à 1300, un recueil de vers allemands, der Renner, « le Cou-
reur », dans lequel figure la Confession, « die Beichte »,
imprimée pour la première fois par Grimm en 1833 dans son
Reinhart Fuchs "■. M. Régnier, toutefois, paraît accorder la
priorité au Fœnitmtionarius hipi, vulpis et asini, qui ne nous
est connu que par l'édition qu'en a donnée Flacius lUyricus
dans son ouvrage : Doctonim piorumqne virorum varia poemata
de corrupto Ecchsiac statu "> (Bâle, 1557, in-8°). Mais Matthias
Vlacich ne dit nulle part que la pièce ait été composée au
xiii^ siècle; il a soin, au contraire, de transcrire l'explicit tel
qu'il l'a lu dans le manuscrit : « Explicit pœnitentiarius lupi,
vulpis et asini, completus anno Domini 1343 ^. » Si l'on ne
possède pas d'autres renseignements, rien ne permet de dater
du xiii^ siècle la poésie dont il s'agit; il faudrait même admettre
qu'elle a été écrite seulement vers le milieu du xiv^ siècle,
c'est-à-dire à peu près à la même époque que la rédaction
française de Jean d'Anneux. Ce dernier, d'ailleurs, différent en
cela de l'anonyme cité par Flacius Illyricus, n'a pas conté l'his-
toire dans le but de composer un morceau littéraire. S'il rap-
porte la légende du Renard confesseur, c'est pour mettre en
défiance le comte de Hainaut et lui montrer qu'il se glisse
1 . Tome II (1882), p. 88-94 et p. 484-495.
2. Pages 392-396.
3. Pages 199-214.
4. Page 214.
238 HENRY MARTIN
auprès des princes non seulement des donneurs de conseils
pernicieux, mais même de mauvais prêtres toujours disposés
à excuser et à absoudre les actions les plus condamnables
quand ils espèrent tirer honneur et profit de leur criminelle
condescendance. Le récit, comme on va le voir, ne manque
ni d'entrain, ni de malice ' .
« Item encore, écrit Jean d'Anneux, se doivent aviser no
« prinche qu'il sont aucun confiesseur qui voellent iestre
« confiesseur des riques et n'ont cure des povres : pour çou
« qu'il en ont bouche à court, les dons et les honneurs qu'il
« n'aroient nient autrement.
« Ensi c'on conte de Renart qui vaut iestre confiessères
« pour avoir riquèces et honneurs et devient moinnes ; et les
« autres biestes, pour chou qu'il quidoient iestre saint,
« vinrent à lui cà confiesse.
« Et vint premiers li Lyons et se confiessa de çou qu'il par
« sa force et par sa segnourie avoit moût tolut as autres
« biestes. Et li Regnars s'apensa qu'il poroit partir au gaaing
« si l'asoloit ; et l'escusa par douces parolles et dist : —
« « Sire, vous iestes rois des autres biestes, se poés faire par
« vo signourie moult de choses que li autre ne puéent ne
« doivent mie faire. Et pour çou je vous assauc : dittes vo
« patrenostre. »
« Or vint li Leus à confiesse et dist qu'il avoit estranlé
« moult des brebis, plus qu'il n'en peuist mengier. Et
« Regnars s'avisa que là poroit-il avoir aucunne gratuité ; et
« en flatant l'escusa et dist : — « Sire Leus, vous l'avés de
« nature. On ne le vous poet mie boinnementoster. Je vous
« asauc : dittes vo patrenostre . »
« Apriès vint li Asnes à confiesse et dist : — « Je porte
« les sas au moulin et n'ai à mengier que. j. pau de
« fain. Et par faminne je pris avant-ier. j. pau d'avainne no
« voisin et le mangai. » — Et Regnars s'apensa : — « Chius-
I. Ms. Ars. 2059, ^^^- --' vû-222.
LA DIATRIBE DE JEAN d'aNNEUX 239
« chi ne me poroit emplir ma pance. Je ne voel nient porter
« les sas au moulin. » — Et dist à l'Asne : — « Va-t'ent :
« tu ies lerres. Je ne te rassorrai point. »
« Ensi déçoivent li faus confiesseur nos princhcs, les pois-
« sans et les rikes; et pour avoir bouche à court taisent '
« vérité. »
Il serait, à coup sûr, téméraire d'attribuer à tel ou tel écri-
vain l'honneur d'avoir imaginé ce conte moral, où les puis-
sants sont absous et l'humble, l'inoffensif, impitoyablement
châtié. C'est là sans doute un lieu commun aussi vieux que
les sociétés humaines. En France même, Jean d'Anneux n'est
pas le premier qui l'ait noté. Avant lui, l'auteur du livre
appelé Ci nous dit ou Composition de la Sainte Ecriture avait
mentionné la condamnation de l'âne par le hon pour avoir
mangé quelques brins de persil. Paulin Paris, qui en 1841
donnait le texte de cet apologue d'après un manuscrit ayant
appartenu à Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, exprimait
le regret que les commentateurs de La Fontaine n'eussent pas
encore utilisé le Ci nous dit -. Dans le volume même où est
transcrite la diatribe de Jean d'Anneux, on trouve une copie
de cette singulière compilation, qui, comme le manuscrit
étudié par Paulin Paris, renferme, mais sous une forme plus
abrégée, la fable du hon pardonnant à tous les animaux, sauf
à l'âne. La moralité, d'ailleurs, n'est pas identique dans les
deux transcriptions. Voici cette fable d'après le manuscrit de
l'Arsenal :
« Chi devise de Dan noble h Lion qui reprenoit les bestes qui
« vivaient de proie '.
« Dan nobles li Lyons, li rois des biestes, reprenoit les
« biestes qui vivoient de proie de leur defautes. Et se n'en y
« ot nulles pugnies, mais que li povres Anes qui avoit mengié
« une plante de pietrecil.
1. Ms. iaisant.
2. Les manuscrits français de la Bibliothèque du roi, t. IV, p. 85.
3. Ms. Ars. 2059, fo'- 28 vo.
240 HENRY MARTIN'
« Les grans larronz sont auchunne fois espargniés de leur
« mefFait ; et les povres cheitis si sont pugnis empresent pour
« ce que il n'ont que il puissent donner. »
Il ne me semble pas douteux que cet apologue doive se
rencontrer beaucoup plus anciennement encore; mais je n'ai
pas connaissance jusqu'à présent qu'un autre auteur français
ait, antérieurement à Jean d'Anneux, traité le sujet en lui
donnant cette forme vive de dialogue pittoresque, réaliste et
plaisant : « Je vous absous : dites vos patenôtres. »
Henry Martin.
ORIGINES ET CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE
LA SIGNORIA
La Signoria, tyrannie, est la forme caractéristique de
l'état italien, tel que l'a réalisé l'époque de la Renaissance,
entre le premier tiers du xiv^ siècle, moment où disparaît l'au-
torité impériale et pontificale en Italie, et le milieu du xvi^
siècle, où Charles-Quint restaure l'empire. Epoque riche en
contrastes et en anachronismes, semée de ruines et de germes,
de traditions qui s'effondrent et de paradoxes qui prospèrent,
de mille ambitions qui s'attirent, s'entredétruisent et s'amal-
gament dans un incessant conflit. Époque d'autant moins
aisée à définir que ce n'est pas un seul siècle, ni une seule
histoire, mais plusieurs, qui se déroulent synchroniquement
en Italie, car le quattrocento de Florence n'est pas celui de
Venise, ni celui de Mantoue ne se peut confondre avec celui
de Milan ou de Naples. Dans chaque centre la Renaissance
garde une physionomie distincte, éclôt à une heure différente
et représente un degré de culture particulier: tels contem-
porains semblent séparés par un intervalle de plusieurs géné-
rations, tant ils sont disparates, et il est presque choquant de
rencontrer Savonarole, ce fanatique odieux, au chevet de mort
de Messer Lorenzo, ce représentant magnifique de l'esprit nou-
veau. Et parfois même l'âme des individus semble multiple,
tant elle subit de contacts et d'influences contradictoires, tant
il est malaisé d'en saisir l'unité : tel ce Gilles de Viterbe à
la fois scolastique et hébraïsant, helléniste et astrologue, et
célébrant en Christophe Colomb un Chrislns rcdivivus. Ainsi
tout ici est divers, fuyant et muable, et cette mêlée d'idées
en puissance et de volontés en conflit est précisément la Kenais-
MÉLANGliS. II. l6
242 L.-G. PELISSIER
sance. Quoi de surprenant, dès lors, que la Signoria, expres-
sion politique de ce temps, ait, elle aussi, revêtu bien des
aspects différents en apparence ? On peut cependant essayer
de les ramener à deux tA'pes généraux.
I. La lyranuieahéritéde la commuiu. La commune italienne,
qui est le grand fait politique et social du Diiooilo et du
Tnrento, a eu un grand rôle historique : elle s'est dégagée de
l'empereur, et. à un degré moindre, du pape. Elle a été le
premier novau d"une unité publique vraiment nationale ; elle
a créé le citoyen, l'esprit civique, conquis l'égalité du travail,
l'impôt sur le revenu, inauguré une âme collective et frater-
nelle, quoique sanguinaire. Florence en est le type le plus
accompli, Florence qui
Fiorenza] dentro dalla cerchia antica
Si stava in pace sobriae pudica. Pur., XV, 92.
et dont les chroniqueurs, comme Giovanni Villani, ontopposé
la probité austère aux mœurs plus somptueuses de l'âge sui-
vant; Florence qui, en 1289, délivra le pa3'san de toute ser-
vitude temporaire ou à vie, « parce que la liberté est un droit
imprescriptible » ; qui, en 1293. promulgue ses Ordinamenti
di giustizia et exclut les nobles des fonctions publiques, comme
Venise devait plus tard en exclure le clergé et qui, en 1298,
se disait « très grande, parce qu'elle était composée de l'àme
des citoyens, unis ensemble en un seul vouloir ». Cette vie
municipale, que le Cacciaguida du poète regrettait presque
dans les délices du paradis, songeant
A cosi riposato, a cosi bello
Viver di cittadini, a cosi fida
Cittadinanza
ne dura guère pourtant, ni à Florence, ni ailleurs. — La com-
mune ne reste pas une unité organique : elle devient un con-
glomérat de corporations et de métiers, de clientèles et de par-
tis, où l'égoïsme de la caste triomphe souvent du bien pubHc.
Les classes supérieures en arrivent à s'éliminer presque automa-
ORIGINES ET CARACTERES GENERAUX DE LA SIGNORIA 2^3
tiquement, et exclues du pouvoir, parfois de la cité, en devien-
nent les ennemies. A la noblesse féodale succède une aristo-
cratie d'argent et aux dépens du peuple civique s'agglomère
une nouvelle plèbe. La commune, qui a accueilli des habitants
nombreux, ne les a point assimilés ; les ruraux, délivrés du
servage, n'arrivent point à la vie civile. Dans chaque commune
se constitue une masse sociale, dépendante, étrangère, inerte :
Florence, sur loo.ooo habitants, n'a que 3000 citoyens. La com-
mune est à la merci du moindre coup demain. — La commune
s'isole : l'esprit municipal, germe de sa grandeur, le devient
de sa décadence. Il limite son amour de la patrie à l'enceinte
de son rempart et ne cherche sa prospérité qu'à l'ombre de son
campanile. Séparatistes ou plutôt individualistes, les communes
lombardes n'ont su faire qu'une fois la Ligue lombarde ; leurs
discordes et leurs révolutions intérieures n'intéressent qu'elles
seules. — La commune perd son idéal civique. Formée pour
l'indépendance, née de la lutte, elle se corrompt après
l'indépendance conquise et la liberté assurée. L'art militaire
décrié est abandonné à des professionnels mercenaires et
subalternes. La guerre devient une industrie dont la bour-
geoisie se désintéresse . Le commerce règne : c'est pour leurs
intérêts mercantiles que les communes ont des débats : révo-
lutions, guerres, alliances, sont l'œuvre, en Italie comme en
Flandre, de marchands citoyens pour qui se confondent la
Bourse et la patrie: les longs duels de Florence avec Sienne et
avec Pise s'expliquent surtout par des causes économiques.
Sienne fermant à Florence la route de Rome, Pise celle de la
la mer. De même pour les rivalités de Gènes et de Pise de
Venise et de Gènes. On lutte pour acquérir, on lutte pour
répartir le bien acquis, et les divisions internes des communes
sont causées par des intérêts économiques. L'argent tend à
devenir la seule mesure de la politique. Danscette ploutocratie
en puissance apparaît le maître futur : marchand, banquier,
drapier, armateur, qui remplit l'Italie et le monde de son
industrie, de ses comptoirs, qui va commercer en Champagne,
244 ^•■^- P^LISSIER
en Flandre, en Angleterre, parfois jusqu'à Samarcande, jus-
qu'à Pékin, qui revient après une longue absence, fondateur
de comptoirs lointains, chargé de richesses fabuleuses, l'esprit
élargi par la pratique des mœurs étrangères, et qui rapporte
dans la cité natale, austère et médiocre, l'habitude de l'auto-
rité, des habitudes corruptrices, des désirs sans frein, et le
moyen de les satisfaire. Ainsi naîtra le tyran. Dans cette
commune isolée qu'encercle un mur jaloux, marchande aveu-
glée par le désir du gain, oublieuse des vertus ancestrales, où
la bourgeoisie dirigeante est submergée par une démocratie qui
ne la subit qu'en la détestant, si l'un de ces riches, descendant
d'une famille ancienne ou nouveau venu, bourgeois mécon-
tent ou métèque ambitieux, se plaît aux affaires publiques,
il devient vite l'âme d'un parti; son ambition est soutenue,
avant d'être formulée, par une faction très nombreuse, par la
foule toujours nombreuse des opposants, par la masse des
non-citoyens, heureux d'avance et résignés à la servitude, si
elle atteint avec eux leurs maîtres d'hier. Ou bien quelque
condottiere, rompu aux turpitudes et aux aventures, seul armé
parmi ce peuple de marchands qui lui ont aveuglément remis
le soin de leur indépendance ou de leur ambition, rêvera de
confisquer à son profit ce pouvoir qu'il protège. Mais, soldat ou
citoyen, dans la commune qui s'émietteen partis, — les corpo-
rations changées en factions rivales, le conseil de ville déchiré
par les passions ou déserté par les rancunes, les ennemis du
dehors parfois menaçants — , est-ce son ambition personnelle
qu'il sert, ou si c'est le bien de sa patrie, sa liberté, qu'il
défend ? Il semble qu'il n'ait qu'à vouloir, cet individu ambi-
tieux, plus vigoureux, plus hardi, plus politique que la com-
mune; il veut en effet, et un matin d'émeute ou de scrutin, le
voici capitaine du peuple, gonfalonier, podestat, defensor
libertatis, — tyran.
IL La tyrannie a hérité du vicariat. Tandis que l'Italie
communale se transforme ainsi, ce qu'elle avait laissé subsis-
ter chez elle et à côté d'elle de l'autorité impériale et ponti-
ORIGINES ET CARACTERES GENERAUX DE LA SIGNORIA 245
ficale n'évolue pas moins. L'Italie des empereurs et des papes
s'est éparpillée en mille centres autonomes. Déjà Frédéric II
avait dû substituer à ses vicaires temporaires, souvent étran--
gers, qui représentaient l'empereur dans tout le royaume,
des vicaires permanents, italiens, locaux ; après la mort
d'Henri VII ils se multiplièrent prodigieusement ; comme le
morcellement du pouvoir politique impérial en avait rendu
l'exercice impossible cà un seul vicaire général, l'affaiblissement
de ce pouvoir rendit impossible la désignation par l'empe-
reur de vicaires de son choix. L'éloignement du pouvoir pon-
tifical, l'anarchie des états de l'Eglise, produisirent le même
phénomène quant aux vicaires pontificaux. Alors on vit appa-
raître dans les derniers fiefs de l'empire et du Saint-Siège, des
tyranneaux locaux, fils de vieilles familles, condottieri habiles,
qui semblèrent supprimer complètement tout Hen avec le
Saint-Siège ou l'Empire. Le désir de ces anciens pouvoirs de con-
server au moins une apparence de domination, la nécessité des
pouvoirs nouveaux de se donner une apparence de légalité,
se rencontrèrent dans uneingénieusecombinaison. Les usurpa-
teurs acceptèrent le vicariat, qui devint un compromis entre
leur prépotence, et l'impuissance du pape et de l'empereui,
une emphythéose à terme ou perpétuelle, dont le bénéficiaire
est, à l'origine, tenu à l'accomplissement de certaines obliga-
tions féodales, prestation d'un serment de fidélité, service
militaire, tribut. Mais tandis que les empereurs, rêvant encore
d'une puissance qui ne devait plus renaître, tentent de trans-
former lessignori en simples vicaires en les détachant du peuple,
l'esprit démocratique pénètre dans le vicariato, le modifie,
en fait une charge civique, et tend à rendre le tyran de plus
en plus indépendant de l'empire. D'ailleurs le tyran oppose à
ces tendances adverses une parfaite indifférence, un esprit pni-
tique dénué de scrupules. Uniquement soucieux de consolider
son pouvoir, il en demande la confirmation aussi bien au pape
qu'à l'empereur et ne se soucie guère que le pape accorde le
vicariat pour des terres impériales et réciproquement. Guichar-
24e L.-G. PÉLISSIER
din l'a dit: « Accadde talvoltache secondo la varietà délie cose
i vicari di Romagna e di altre terre ecclesiastiche, allontana-
tisi apertamente dal nome délia chiesa, riconoscevano in feudo
quelle città dall'Imperator, corne qualche volta riconoscevano
in feudo dei Pontifici quegli che occupavano in Lombardia a
Milano, Mantova, ece. » C'est ainsi que le vicariat sanctionne
le fait accompli, légitime tous ces petits seigneurs que la force
des factions a créés ou qu'elle soutient. Qiiand Passerino
Bonacolsi est fait vicaire de Mantoue par Henri VII, sa maison
y dominait depuis un demi-siècle ; en 1328 Ludovico Gon-
zaga tue Passerino et son fils Franceschino, usurpe leur prin-
cipat sur le vœu du conseil général, et, Tannée suivante, le
diplôme de vicaire que lui vend Louis de Bavière efface toute
trace d'illégitimité. En 13 11, quand les frères Alboino et Cane
délia Scala obtiennent l'investiture impériale pour la cité de
Vérone, leur famille possédait la ville depuis 43 ans, Martin
l'ayant acquise en 1268 ; quand Matteo Visconti obtient le titre
de vicaire d'Adolphe de Nassau en 1294, son oncle Ottone et
lui-même dominaient à Milan depuis près de vingt ans. On sait
quel était, au milieu du xiv^ siècle, le morcellement des Roma-
gnes pontificales. Quelques princes y feignaient de temps à autre
des actes d'une soumission incertaine, dérisoire, inacceptable.
Il fallut le haut esprit et la dure main d'Albornoz pour les
déposséder, soumettre leurs villes ou réduire à des traités
ceux qu'il ne put réussir à éliminer, les Este, les Alidosi, les
Malatesta, les Da Polenta et autres. En somme ce fut la vio-
lence des signori et le désir de sauver quelques lambeaux de
souveraineté qui réduisirent les papes, et encore plus les empe-
reurs, à accorder ces diplômes de vicariats. Est-ce à dire que
ces concessions aient été sans valeur, et, comme le prétend
Burckardt, que malgré elles le fondement delà Signoria reste
illégitime, que le peuple se soucie peu du parchemin acheté
en pays étranger ou à l'étranger qui passe ? Peut-être y a-t-il
là quelque exagération. Il ne faut pas prêter à toute la popula-
tion italienne les idées de la démocratie suelfe de Florence.
ORIGINES ET CARACTERES GENERAUX DE LA SIGNORIA 247
Au xiii% au xiv= siècle la puissance impériale, ruinée en fait,
subsistait encore comme un prestige et un souvenir, l'Italie
acceptait cette suprématie, la ligue lombarde avait lutté pour
l'autonomie, non pour l'indépendance, et Constance Barbe-
rousse ne lui avait accordé que l'autonomie. L'empereur res-
tait théoriquement la source unique et éternelle de tout droit
et de toute juridiction. Dans la croyance populaire, le gouver-
nement de la république était passé successivement des comtes
auxévêques, aux communes aristocratiques, puis démocratiques,
mais toujours par délégation ou concession impériale, et la
ville qui vit son chef décoré du titre de vicario le tint pour
légitime représentant des Césars. _ D'ailleurs si ce titre de
vicaire n'avait été qu'un objet de moquerie ou de dérision,
on ne voit pas pourquoi les signori l'auraient tant ambitionné.
On pourrait à certains égards appliquer au vicariat ce que
dit Fazio degli Uberti.
Di questo grazioso e dolcepome
Sorsero piante per lequali ancora
Di qua l'Aquila vive in pregio e in nome
(Dittaniondo, II, 30)
et le peuple raconta que l'empereur Henri VII avait légué la
puissance impériale à Cangrande « Costituens vicarium, fide-
lem commissarium Canem de Verona. »
III. Ainsi, tantôt héritant son pouvoir de l'empereur ou
du pape, tantôt le tirant d'une révolution communale, appa-
raît le tyran : dans la commune, il masque son pouvoir per-
sonnel d'un nom constitutionnel; dans le vicariat, il lui donne
un autre caractère, moins auguste, plus fécond en pouvoir et
en indépendance. Sous le nom de Capitaine du peuple ou de
Signor, il s'efforce de représenter la libre bourgeoisie munici-
pale, l'élément social qui, au congrès de Venise, avait revendi-
qué le droit d'entrer dans la vie publique, de prendre place
à côté des hiérarchies féodale et ecclésiastique, Bartole lui-
même admet que la cité a autant d'autorité sur son territoire
248 L.-G. PÉLISSIER
que l'empereur en a dans l'empire : les chefs des cités, réunis-
sant en leurs mains tous les pouvoirs publics, devaient résu-
mer et personnifier l'importance politique des communes.
Les empereurs s'en avisèrent et s'ingénièrent à transformer
en autorité impériale cette nouve.le et puissante autorité
civique. Tentative infructeuse.
En somme, même dans son origine démocratique, le pou-
voir des tyrans eut une légitimité, et, pour reprendre le mot
de Romagnosi, une légitimité de bonne foi et de libre con-
trat. Légitimité grossière, primitive, imposée par l'astuce et
la force, mais la meilleure en somme que pût produire la
société italienne de ce temps, hors de laquelle, sans laquelle
il n'y avait qu'anarchie.
C'est ainsi que le trecento voit se fonder et s'affermir vingt
signorie, nées de fiefs usurpés, communes confisquées, conso-
lidées par un travestissement en vicariats. Florence, la commune
par excellence, connaît les Médicis, Milan les Visconti ; Pérouse
a Baglione et Pesaro Sforza : il y a à Mantoue les Gonzague,
à Bologne les Bentivoglio, à Ferrare les Este, à Urbin les Monte-
feltre. Là-même où elle ne peut s'implanter, son esprit essaye
de pénétrer : à Venise, où sans succès Baiamonte Tiepolo
essaye une révolution analogue; à Gênes, où, faute d'un indi-
gène, on l'offre à un prince étranger; à Rome même, où il
semble que le Saint-Siège se réduise à une seigneurie locale.
Le tyran, le fondateur d'une signoria, ne ressemble ni au
seigneur féodal, ni au souverain italien du siècle suivant. — Il est
seul. Le plus souvent il n'est le « fils de personne » ; derrière lui,
point d'aïeux, point de tradition historique ou familiale, point de
« morts qui parlent », qui conseillent et qui entravent. Matteo
Visconti sort de la bourgeoisie milanaise, les premiers Médicis
son marchands, Attendolo Sforza vient de boucherie, d'autres
sont des soldats de fortune ; combien sont des bâtards ? c Ce
n'est pas la naissance qui fait le roi, c'est l'élévation d'esprit, la
culture », disait Pie II, quelque peu parvenu lui-même. Son
pouvoir est né de la force : usurpation, coup d'état, conquête.
ORIGINES ET CARACTERES GENERAUX DE LA SIGNORIA 249
« Tutti li stati,(Jit Guichardin,chi ben considéra la loro origine,
sono violenti. Ne ve potesta che sia legittima, neanche quella
del' imperatore ». Aussinese maintient-il que parlaforce, obligé
de conquérir chaque jour sa signoria : d'où une lutte inces-
sante, une tension perpétuelle de ses facultés qui, presque tou-
jours, l'emporte en pleine vigueur. Bernardino da Siena le
montre, non sans éloquence, en proie à la peur: « S'il mange,
il a peur du poison et se fait faire la creden^ia. Il ne se fie à
créature au monde ; s'il se lève ou se couche, s'il s'apprête à
monter h cheval, s'il attache ses éperons, toujours la cre-
denzia. » Contre lui la conspiration classique, le complot imité
de l'antiquité semble le remède spécifique : à quoi bon citer
des exemples aussi nombreux que célèbres, dont celui d'Olgiati
et Lampugnano est le plus pur de style et le plus noble d'ins-
piration ? Cette hypertension de la volonté détermine chez le
tyran un besoin irrésistible de sensations violentes, un excès
maladif de passions; férocité, haine, amour, volupté, sadisme
sont hyperestésiés chez lui . On accuse Galeazzo Maria Sforza
d'avoir empoisonné sa mère, enterré vivantes ses victimes,
d'exposer in postribolo les femmes qu'il a séduites. Un jour
il surprend un paysan qui lui a braconné un lièvre, il l'oblige
à manger le lièvre cru avec le poil et la peau, et le paysan
en meurt. Everso d'Anguillara déchaîne dans les castelli
romani le meurtre, l'inceste, le viol et le sacrilège. Et je ne
puis ici que renvoyer au portrait que Pie II a tracé de Sigis-
mondo Malatesta, pillard et sacrilège, ennemi des prêtres, bâtis-
seur de temples païens, assassin de ses femmes, « libidinis ita
impatiens, » continue le pontife dans son beau latin d'huma-
niste, « ut filiabus ac generi vim intulerit... virgines sacras
incestaverit, et — comble d'horreur sans doute à ses yeux — ,
judeas violaverit ». Ce ne sont pas des fous ni des criminels-
nés. Le tyran joint à ce déchaînement d'animalité des goûts
d'artiste et de philosophe. Ce Malatesta est orateur et histo-
rien, d'une rare aptitude d'assimilation. Le sauvage qui déchi-
rait de morsures le bras d'une princesse allemande, consacre
250 L.-G. PELISSIER
des vers aux charmes du printemps et trousse des rondeaux
pour les jeunes filles. Il tait sculpter en marbre une tête de
mort pour avoir sans cesse devant les yeux la pensée de la
mort et du salut. Presque tous se sauvent par un goût sincère
de la culture littéraire et artistique, sont humanistes et raf-
finés. Presque tous se créent des existences somptueuses dans
des cadres magnifiques : un Gonzague se vanta d'avoir dépensé
200.000 ducats pour ses plaisirs; les plus petites cours, Mantoue,
Urbin, étalent un luxe effréné. Les plus obtus en matière
d'art se plaisent encore à la beauté des armes, des meutes, des
chevaux. Ludovic le More fait ciseler des cuirasses en Alle-
magne, emprunte ses musiciens à François de Gonzague. La
plupart sont grands bâtisseurs et, pour détendre leurs nerfs,
se donnent des maisonschampêtres aux noms significatifs, Schi-
fanoia, Quisisana. — Le tyran est magnanime; il met sa vanité
à donner et à savoir donner; l'un ôte ses bagues pour se
laver les mains, les distribue à ses familiers et les oublie volon-
tairement à leurs doigts; tel autre, dégénéré mystique et
tiqueur, est aussi un séducteur qui subjugue par sa politesse
exquise tous ceux qui l'approchent. Les plus extrêmes sont
encore préoccupés d'être virtuosi, de composer leur vie comme
une œuvre d'art. Pourquoi, d'ailleurs, crime et vertu, vice et
philosophie, art et sadisme eussent-ils été incompatibles ? Le
tyran est le produit et la figure d'une période de pleine anar-
chie intellectuelle. Fils d'une époque dégagée de tout scrupule
moral et religieux, qui trouve dans la culture individuelle
d'un moi intensif, dans la soumission à l'instinct naturel, sa
suprême philosophie, il trouve légitime de vivre pleinement
sa vie. Conforme d'ailleurs en cela au génie même de la
Renaissance.
Ainsi seul par ses origines, par l'usage égoïste de son pou-
voir, superposé à son état, isolé dans son palais, presque
étranger aux préoccupations matérielles et aux soucis écono-
miques de son peuple, le tyran ne s'attache guère, en matière
politique, qu'aux moyens de conserver son pouvoir : la guerre
et la diplomatie.
ORIGINES F.T CARACTERES GENERAUX DE LA SIGNORIA 25 1
La guerre est un état presque normal pour les Italiens du
Trecento et du Quattrocento, mais bien différent de ce qu'elle a
été à l'époque communale. Des campagnes comme celle de
Montaperti sont devenues impossibles au xiV-" siècle : la
guerre n'est plus un acte politique vital de la commune, c'est
souvent une fantaisie de prince ; la guerre de nécessité est rem-
placée par ce que Louis XIV appellera la guerre de magnificence
et, comme Louis XIV, le tyran voit dans le droit de guerre un
privilège et une marque de son pouvoir. Il dépend de lui seul
de donner à ses peuples le bienfait de la paix : « Ite et bono
animo estote, disait Sigismond iMalatesta à ses sujets, nun-
quam me vivo pacem habebitis. » Et les chevauchées de ces
rudes meneurs d'hommes ébranlèrent pendant deux siècles
toutes les routes d'Italie. Œuvre personnelle au prince, le prince
la fait par ses moyens propres, différence essentielle avec les
campagnes communales. Ici, plus de milices bourgeoises, des
condotte mercenaires, aventuriers d'Angleterre et de Gas-
cogne, de Picardie et de Suisse, Grisons et Dalmates, appelés
pour renforcer les troupes urbaines, et qui les supplantent ;
aventuriers toujours à vendre, dont Alberico de Barbiano
compose sa compagnie de Saint Georges, les encadrant d'élé-
ments italiens. De son école sortent les grands chefs militaires
du temps: Biancardo, Dal Verme, Cane, Broglia, Braccio da
Montone, les uns devenus tyrans, d'autres loués au service des
tyrans et des répubhques. Aucun esprit patriotique chez les
hommes, chefs ou soldats ; aucun sentiment de clocher ; le
métier de la guerre est sa fin en soi, le contrat avec le prince
la seule règle. La bassesse de leur origine, leur anonymat,
la rudesse de leur milieu, dont le biographe d'Attendolo donne
un si vigoureuxtableau,garantissent leur détachement de qui
n'est pas leur maître. De là vient le caractère atroce que prend
la guerre : nul amour du pays, nul ménagement pour l'ad-
versaire, nulle crainte de représailles ; tragédiens de passage,
que leur importe le public ? Mais leurs poignards ne sont pas
de théâtre : on sait les férocités d'Attendolo, de Braccio da
252 L.-G. PELISSIER
Montone pour les habitants ; Cornazzano a dépeint avant Cal-
lot la misère des soldats. De là, aussi, la courtoisie chevale-
resque qu'ils affichent et pratiquent entre eux : simple dépla-
cement d'égards diplomatiques, leurs bandes étaient leurs
patries et leurs capitaux. Le prince ne veut point qu'elles se
détériorent ; le métier militaire devient une industrie, une
science. On limite le théâtre de la guerre, on restreint l'enjeu;
on donne à la prise de tel château, Cascine, Montepulciano,
une valeur symbolique. Les condottieri adversaires se consi-
dèrent comme des collègues momentanément séparés, sou-
vent comme des amis. Il s'agit non plus d'écraser l'ennemi,
mais de le lasser, de l'épuiser, la condotta n'est qu'une pièce
sur l'échiquier où le prince fait manœuvrer aussi ses fous ou
ses diplomates. La guerre devient un jeu minuscule autour
des citadelles; tandis que l'esprit militaire achève de s'y avilir,
les lois de la tactique sont découvertes. C'est quand elle n'a
plus de soldats que l'Italie trouve ses meilleurs généraux. —
Enfin, par un juste retour, la guerre, moyen d'action ou plai-
sir du tyran, crée elle aussi le tyran, à moins qu'elle ne fasse
supprimer le candidat trop ambitieux à la tyrannie.
La guerre n'est qu'un moyen accessoire de gouvernement. Le
procédé essentiel, c'est la diplomatie. Elle appartient en propre
et plus directement encore au prince. Diplomatie petite par
son théâtre, par son objet, analogue à ce qu'est devenue la
guerre. Aucun principe d'intérêt général, aucune notion d'une
unité italienne, une incapacité parfaite à combiner une idée
générale. Chaque seigneur raisonne et combine pour soi des
accroissements de domaine particulier, des avantages person-
nels ou familiaux: leur seule idée commune est le souci du
maintien de l'équilibre. Les papes eux-mêmes sont atteints par
cet esprit, se restreignent au souci de leur territoire, de leur
ambition népotique. Florence ne dépasse plus les collines de
Toscane et ces monts détestés « per cui Pisan'veder Lucia non
ponnor. » Seule Venise, sauvée de la Signoria, conservera le goût
et le sens de la grande politique; mais c'est sur mer, contre les
ORIGINES ET CARACTERES GENl-RAUX DE LA SIGNORIA 25 3
Turcs qu'elle poursuivra, languissante et superbe, le rêve orien-
tal qu'elle n'a pas achevé. Le champ de la diplomatie est donc
limité et en même temps fragmenté, multiplié, compliqué.
Les intérêts plus restreints sont plus âpres, leurs négociations
plus minutieuses. Mais, si l'on suppose l'importance de ces qnes-
tioni, quelle ingéniosité, quelle souplesse, quel sens précis des
événements et des hommes, quelle vision sagace de Tunivers
politique et social, quelle somme d'intelligence, de savoir et
d'énergie dépensée dans chaque négociation. Ce n'est pas à
l'ampleur des affaires qu'il faut mesurer la valeur de ceux qui
les traitent. Jamais l'esprit humain n'a été fouillé, compris
avec plus de clairvoyance, avec une logique plus implacable.
Le prince, le tyran, est le premier de ses diplomates encore
plus que le premier de ses condottieri. Dénué de préjugés, il ne
croit qu'cà lui-même, à son observation des choses, à ce livre de
la discrétion dont parle Guichardin. Le mécanisme des faits a
remplacé le règne des idées. Du terrain mouvant qu'est deve-
nue l'Italie, du spectacle toujours renouvelé qu'offre son cadre
politique, où nulle institution ne demeure, où nul royaume
ne dure, ou ligues et contreligues se nouent et se dénouent
sans raison apparente, le prince tire cette leçon, que cela seul
compte, être intelligent, fort et ppportun dans le monde
devenu un théâtre d'intérêts et de passions humaines. Ainsi,
comme la guerre, la diplomatie devient une science person-
nelle et une science expérimentale.
Cette science, le tyran la possède, il la pratique en artiste
Vespasiano di Bisticci dit que Comte de Medicis « era discreto
in ogni cosa e conosceva gU uomini a guardarsi in viso ». Fil.
Visconti savait sonder les cœurs les plus fermés et forçait les
gens « ad bollum evomere »• Le prince, reste pour sa part, impé-
nétrable, « remarquable ouvrier, comme le dira Pie II de
Malatesta, de simulation et de dissimulation ». Le prince doit
être informé ; il entretient partout des agents, parfois plusieurs
dans la même cour, qui se complètent, se suppléent et s'es-
pionnent : il se renseigne sur la politique, les affaires de femille.
2)^ L.-G. PÉLISSIER
les intrigues, les intérêts dynastiques des autres princes. Les
agents suivent le prince à la guerre comme au Conseil, assistent
àses audiences diplomatiques, le voientà table, à sa toilette, au
lit, surveillent le lit du moribond et la chambre de l'accouchée.
Et le prince ainsi informé sait jour par jour d'où le vent se lève
et où il devra s'orienter, toujours disposé à se tourner, selon
la variation du vent et de la chance, comme la statue de la
Fortune sur le globe doré de la Sainte. Ainsi la signoria déve-
loppe, si elle ne la crée pas, la conscience politique indivi-
duelle, par elle la politique, et, à la fin de cette période, le livre
de Machiavel sera, non une théorie préconçue de gouverne-
ment, mais le résultat de son analyse perspicace et aiguë.
Ainsi la virtù, la guerre, la diplomatie, tels sont les arts
de governo qui établissent la signoria du tyran. Ce n'est plus
l'état féodal, pas encore l'état moderne. Si le vicariat lui a
fourni un berceau, elle s'en est vite libérée ; elle ne présuppose
aucun droite elle est son droit à elle-même, le tyran règne
sur une cité asservie, non plus constitutionnelle. 11 réussit à
faire admettre par l'opinion, par les humanistes, que le peuple
est politiquement incapable. Le florentin Palmieri, oublieux
du bon sonneur de cloches Antonio Pucci « chi soleva consigliare
ilcomune percierte cose », oublieux du cardeur de laine Michèle
di Lando, l'illettré qui gouverna trois ans Florence, Palmieri
écrit que c'est une sottise qu'un cordonnier conseille comment
il faut faire les lois, et Guichardin dira: « chi disse un popolo
disse veramente un pazzo, perche c un mostro pieno di con-
fusion! et di errori ! « Ainsi le prince absorbe toute vie publique,
toute conscience nationale. Le peuple n'est plus rien que la col-
lection des sujets du prince, maltraitée souvent, parfois oppri-
mée, toujours avilie.
Le nouveau tyran, maître du pouvoir à titre civique, ponti-
fical ou impérial ou à tous ces titres, ce qui est le plus fré-
quent, maître de son état par la virtù, la guerre et la diplo-
matie, s'efforce de le conserver, de le transmettre, de fonder
l'hérédité. Cette évolution se réalisa malaisément. A la fin du
ORIGINES ET CARACTÈRES GENERAUX DE LA SIGNORIA 255
XIV* siècle on trouve des familles de princes, assurées contre
l'inconstance populaire, contre les dédains des empereurs et
des papes, contre les prétentions de leurs rivaux et les ambi-
tions de leurs propres membres, s'étantcréé un droit à la sei-
gneurie, transmissible dans leur sein avec un ordre de succession
bien défini. Cette évolution fut aidée plutôt que combattue
par le peuple. Si le seigneur régnant le contentait, son intérêt
n'était pas de changer. La tyrannie était-elle trop lourde^ il en
craignait une nouvelle, qui ne paraissait moins scélérate que
parce qu'elle était moins éprouvée. Le mot de Matteo Visconti
à Torriani est le plus spirituel jugement de ce temps: « Quand
les Visconti comptent-ils rentrer à Milan ? — Quand les crimes
desTorriani auront dépassé les leurs », et l'événement lui donna
raison. A l'origine, l'élection des seigneurs et des capitaines
parle peuple entraînait rarement le droit de succession dans la
famille : plusieurs exemples montrent des villes (Parme, Comac-
chio) revenant à de plus anciennes maisons seigneuriales. Mais
elle est le plus souvent faite à vie, et si elle est « à temps »,
l'élu, par le moyen de confirmations faciles à obtenir, rend sa
charge durable. Aucun exemple d'élection à temps à Fer-
rare ou à Vérone; nombreux cas d'élection perpétuelle à Milan,
à Padoue. L'élu, à temps ou à vie, essayait naturellement
d'assurer le pouvoir à ses héritiers en les associant à son gou-
vernement, et il serait impossible d'énumérer tous les arti-
fices employés par le tyran pour éviter que le pouvoir sortit
de sa famille et pour obtenir du peuple la reconnaissance des
héritiers déjà désignés. Un procédé assez fréquent était la dissi-
mulation de la mort du prince : on cacha celle de Matteo Vis-
conti pendant quatorze jours. Puis le peuple proclama lui-même
la seigneurie héréditaire, par exemple à Padoue, à Mantoue ;
ailleurs ce fut le tyran qui l'institua, supprimant audacieuse-
ment les derniers restes des libertés publiques. Galèas Visconti
réclama de Milan un serment de fidélité comme étant son vrai
souverain, indépendant à la fois de la République et de l'Em-
pire, il l'obtint, et à sa mort il ne fut pas question de conférer
2)6 L.-G. PtLISSIER
au nouveau tyran aucune autorité, mais de lui prêter serment.
Ainsi disparut le vote populaire, réduit d'une élection véri-
table à une acclamatim purement formelle, qui servit parfois
à légitimer des usurpations, et finalement à un pur et simple
serment de fidélité. L'hérédité de la signoria se trouva ainsi
assurée à l'égard du peuple par le droit de la force ; à l'égard
des empereurs et des papes, elle le fut par le pouvoir de l'ar-
gent.
Les suzerains faisaient un commerce lucratif d'investi-
tures, concédées pour de courtes durées et payées cher ; ce
ne fut qu'après l'affermissement des si'f^norie que les suzerains
se résignèrent à donner des investitures perpétuelles et hérédi-
taires, mais toujours à prix d'argent. Restait à définir l'héré-
dité, le droit de la branche ainée, et de la représentation de la
branche aînée; son établissement se heurta longtemps à deux
obstacles, le caractère de bien patrimonial que prit le princi-
pat, et l'ambition déréglée de parents éloignés. Ajoutez l'usage
du partage territorial ou de la c(r,ouveraincté. il ne pouvait
guère en être autrement dans un temps où les règles du droit
privé et de la morale avaient perdu leur force. L'ordre de pri-
mogéniturc et la continuité d'une même branche ne s'établissent
qu'à grand' peine, combattus par les partages patrimoniaux,
les revendications des cadets, les conspirations et violences de
tout genre. Une des complicaticms de ce temps est le rôle des
parents illégitimes et des bâtards, que l'époque, loin qu'elle en
ait lu;nte, comble d'honneurs et souvent préfère aux légitimes.
Ainsi, .sous le manteau de l'hérédité, les droits du sang res-
tèrent mal définis, et ledroit de succession incertain et ondoyant,
souvent en conflit ouvert avec les exigences de l'unité de l'état.
Souvent l'unité de l'état i)ri'.ée ne put se reconstituer que
par la violence sanglante et sans scrupules. liiiliii dans les der-
nières années du xiv'= siècle, les empereurs et les jjapes, obli-
gés de reconnaître décidément un principat héréditaire,
et ccjmprenant que leur intérêt était de diminuer les raisons
d'anarchie, intrfjduisireiil dans leurs dijjK'jiiie', un (jrdre de
OSUGDCES ET C- - GEVTR-»UT TE lA fTGVOTTA î^''
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258 L.-G. PÉLISSIER
sécurité. On voit, sous Laurent le Magnifique, Florence
travailler, en paix et en joie, produire des chefs-d'œuvre et
s'enrichir, imposer ses volontés et ses caprices, et, dit l'inscrip-
tion gravée à Santa Maria Novella dans le chœur, sous les
fresques de Ghirlandajo, «pulcherrima civitas, opibus, victoriis,
artibus ^dificiisque nobilis, copia, salubritate, pace perfrueba-
tur ». La Romagnc, conquise par les Borgiapar la fraude, l'assas-
sinat, l'incendie et la perfidie, est gouvernée avec sagesse, dans
un esprit d'union et d'apaisement. Le Valentinois y protègeles
pauvres, y fait régner la justice, massacre de sa main un de ses
fiivoris, Ramiro di Orco, comme magistrat prévaricateur. Milan
prospère sous les Sforza, et le conquérant français n'aura qu'à
débaptiser leurs institutions qu'il respectera. A Mantoue, à
Ferrare, à Urbin, la tyrannie apporte la prospérité, la richesse,
la paix et les arts. La signoria enfin, étant établie, au moins
autant que pouvait l'assurer la volonté du tyran, garantit la
stabilité de l'Italie. Pendant tout ce siècle, morcelée et tra-
vaillée par les conspirations et les guerres, son aspect poli-
tique ne s'est pas essentiellement modifié : les influences se
balancent, les états se tiennent en respect, un équilibre poli-
tique, dont je n'ai pas aujourd'hui à définir les caractères, se
crée et persiste. Aussi Machiavel, au cardinal d'Amboise lui
disant que les Italiens n'entendaient rien à la guerre, pouvait
répondre à bon droit, qu'en comparaison d'eux, les Français
non s'intendevano dello stato. C'est la tyrannie, la signoria, qui
a achevé l'éducation politique de l'Italie et des Italiens C'est
elle qui, en assurant à la péninsule le minimum de révolutions
et le maximum de paix publique dont elle était capable,
a fourni à l'Humanisme et à la Renaissance artistique un ter-
rain solide et fertile.
Mais la tyrannie ne s'est fondée que dans l'anarchie et sur
des ruines : ruines de l'esprit public, de la conscience civique,
des constitutions locales, anarchie intellectuelle et morale du
Trecento finissant. Avec elle, si l'esprit s'affine, le caractère
s'émousse ; le courage est remplacé par l'adresse du bravo, et
ORIGINES ET CARACTERES GÉNÉRAUX DE LA SIGNORIA 2)9
dans l'épée rouillée du grand-père Cellini, Benvenuto ne saura
plus aiguiser qu'une dague. Une seule chose reste incomparable^
Tintelligence politique et l'habileté personnelle, la floraison
du génie individuel: pendant un siècle, l'individualisme fait
vivre laSignoria et la Renaissance. Mais, dès la fin du xv=
siècle, l'Italie fait l'expérience douloureuse que l'intelligence
personnelle et l'habileté poUtique ne suffisent point contre
le nombre et la brutalité des barbares. De cette rencontre avec
ces ennemis moins civilisés, contre qui ses armes élégantes
sont impuissantes, la tyrannie ne pourra sortir au xvi^ siècle
que profondément transformée. L'Italie en restera plus asservie
et moins italienne, et la Renaissance, mère de la signoria
que la signoria ne pourra plus protéger, la Renaissance
mutilée finira quand les tyrans seront redevenus les vassaux
de Charles-Quint et les serviteurs zélés du Concile de
Trente.
L.-G. PÉLISSIER.
LE « ZIBALDONE » DE BACCIO TINGHI
Il arrive souvent qu'un mauvais sort pèse sur un auteur ou
sur un ouvrage parti de sa plume. Mais que la maie chance
s'exerce à la fois sur l'écrivain et sur l'œuvre, la chose est
heureusement assez rare. C'est cependant ce qui s'est produit
dans le cas singulier que nous allons brièvement étudier.
I
Le manuscrit n° 998 du fonds italien de la Bibliothèque
nationale s'ouvre par ce titre familier, et même quelque peu
grossier : « Zibaldone di conti et di cose scritte alla carlona,
ma vere bene, per esserci dentro scritte tutte le mie coglio-
nerie, et pressochè io non dissi ancora le cacherie. » L'aveu
contenu dans ces quelques lignes est — hâtons-nous de le
dire — plutôt une preuve de la modestie que de l'effronte-
rie de l'auteur. Sans doute, en ces « mémoires » rapidement
écrits, celui-ci n'a point, de ci de là, épargné les expressions
ni même les réflexions osées ; mais, d'une manière générale,
on peut dire que, s'il a parfois dépassé les bornes de la
décence, les circonstances mêmes qu'il a traversées lui pro-
curent une sorte d'excuse. Dès qu'on a lu son « improvisa-
tion », on se sent plein d'indulgence pour un homme d'af-
faires, sérieux et pressé, qui voit tous ses efforts paralysés par
de médiocres intrigues de cour. La verve littéraire qui lui était
naturelle s'est surexcitée dans un milieu si peu propice à la
prompte expédition des contrats commerciaux. Ceci soit dit
pour expliquer la verdeur insolite d'une pareille entrée en
matière.
2^2 LÉON DOREZ
Le D' Antonio Marsand, dans son Catalogue de 1835, a
inauguré en ces termes les malheurs de l'auteur et ceux du
« Zibaldone »: « 8132. — 175. Notizie e Memorie diverse,
scritteda Giovanni Battista Giraldi. — Cartaceo, in-4°, carat-
teri corsivi, autografo, secoloxvi°, di buona conservazione ' ».
Selon lui, c'est là un manuscrit très précieux, tout entier de
la main du célèbre G. B. Giraldi et entièrement inédit, de
contenu très mêlé, il est vrai, « un verissimo :^ibaldone, — ma
scrilto dal Giraldi ». Ce serait un voyage fait par le célèbre
professeur à travers la France, en 1563, en compagnie de
Guido Cavalcanti ^ Et Marsand conclut avec enthousiasme :
« Non saprei dire a bastanza con quanto piacere io abbia letto
pressochè tutto questo codice benchè di oltre a seicento pagine.
Desidero que qualche mio concittadino voglia farne un dono
alla nostrâ letteratura chiedendone copia, e mettendone in luce
le cose più importanti o riguardo alla storià, o aile scienze, o
alla letteratura medesima, che vi si contengono 'k »
Il eût mieux valu que Marsand conservât son sang-froid et
lût tranquillement les pages amusantes sur lesquelles il n'a
jeté — en dépit de ses effusions — qu'une assez distraite
« occhiata ». Le Zibaldone n'est pas si décousu qu'il veut bien
le dire ; il ne contient pas la description d'« un viaggio ch'ei
[Giraldi] fece l'anno 1563 per la Francia avendo per compagno
Guido Cavalcanti », et, chose plus grave encore peut-être, en
dépit de l'emphatique affirmation : via scriilo dal Giraldi, il n'a
aucunement pour père l'auteur des Hecatonwiiti .
1. A ce signalement, d'ailleurs exact, ajoutons que le volume mesure
210 X 14s mm., compte 259 feuillets et est revêtu d'une reliure en plein
maroquin rouge aux armes et au chiffre de Louis XV.
2. Un Cavalcanti est nommé à différentes reprises dans le Zibaldone;
mais la fatalité veut qu'il soit prénommé Stratta, et non point Guido, comme
l'a rêvé l'honnête Marsand (cf. par exemple fol. 10 a). Un Gîiido Caval-
canti apparaît cependant, une seule fois, dans le récit (fol. 12 a).
3. I manoscritti italiani délia Regia Biblioteca Parigina descritti ed illiis-
trati dal Dottore Antonio Marsand (Parigi, Dalla Stamperia Reale autorizza-
tane dal Re, mdcccxxxv, in-4), pp. 188-189.
LE « ZIBALDONE » DE BACCIO TlNGHl 263
En 1886, Giuseppe Mazzatinti reprenait en mains le manu-
scrit, s'apercevait de la légèreté avec laquelle Marsand
l'avait attribué à Giraldi, et rédigeait la courte notice sui-
vante : « 998 (8132; sec. XVI ; Mazarino). « Zibaldone di
conti et di cose scritte alla carlona »; memorie di viaggi,
minute di lettere, ecc. del Rustichi '. » A son tour, Mazzatini
n'avait pas su distinguer le véritable caractère de l'ouvrage, et
tout en enlevant la paternité à Giraldi, il la donnait à un
vague personnage, qui n'y est pour rien.
Il était cependant bien facile de découvrir l'auteur du Zibal-
done. Celui-ci parle souvent de son frère, qui est établi à Lyon,
par exemple au fol. 15 v°, sous la date du 22 février 1564 :
Andai detto di 22 a masser Antonio Farina, et fecimi pagare
V<i' 20 d'oro d'Italia d'ordine di messer Cesare suo fratello, de'
quali ne debbo far creditore mio fratello, et detti danari gli pagai
subito a messer Agostino Mestiati a buon conto de' panni per ves-
tirmi levati da lui.
Pour trouver le nom de ce frère, il suffit de se reporter aux
comptes de voyage, très précis,, qui figurent aux feuillets 1-12
verso et 41-43 ^, et où nous lisons la mention suivante (fol.
42O:
Addi 22 di febbraio 1563.
Messer Filippo Tinghi mio fratello dee havere v^' 20 d'oro
d'Italia havuti da messer Antonio Farina d'ordine di messer Cesare
suo fratello di Lione et per lui da detto mio fratello...
L'auteur du manuscrit est donc Bartolommeo ou Baccio
Tinghi, frère du libraire Filippo Tinghi, établi à Lyon, où il
avait été amené fort jeune par son cousin Jacopo Giunta K Si
1. Giuseppe Mazzatinti, Invcntario dei manoscritti italiani deîle bihlio-
teche di Francia. Vol. I (Roma, 1886, in-8), p. 175. Le nis. vient bien du
cardinal Mazarin ; cf. le Catalogue de la Bibliothèque du Roi par Nicolas
Clément, dans Omont, Anciens inventaires et catalogues de la Bibliothèque
nationale, t. IV (Paris, 191 1, in-8), p. 72.
2. Nous comptons publier prochainement ces comptes, très intéressants
par leur extrême précision.
3. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, 6^ série (1904), p. 224 et suiv., et
264 LÉON DOREZ
l'on en pouvait douter encore, on n'aurait qu'à ouvrir le
volume aux feuillets 54 et suivants, où l'on « découvrira « sans
peine, en même temps que la source de l'erreur de Marsand,
le nom du « mystérieux » écrivain, dans les quatre lettres de
recommandation à lui remises par Giovanni Battista Giraldi.
Voici la fin d'une lettre de Giraldi au comte Francesco de
Camerano :
...Baccius Tinghius, civis Florentinus, vir plane probus et ad
magna negotia maxime idoneus, amplissimum Principem nostrum
de re (ut ipse ait) non parvi negotii alloqui cupit. Is hac in re ope
tua uti optât, quod se, te duce, Principi magis futurum putet.
Eum tibi vehementer commendo, pergratumque mihi erit com-
mendationem apud te magnum pondus habuisse cognoscet (sic).
Vale, et ut amplissimis Principibus nostris manum exosculeris
meque illis plurimum commandes te etiam atque etiam rogo. XII
kal. Martii 1564. Ex Monte regali '.
Et voici le commencement d'une autre lettre à Girolamo
Délia Rovere, évêque de Toulon, qui était alors sur le point
d'être nommé archevêque de Turin (12 mai) :
Cynthius Jo. Baptista Giraldus R.mo Hyeronimo (.wV) Ruverio
Tol[on]ensi episcopo S. P. D.
Cum hinc Baccius Tinghius, civis Florentinus et maçrnorum
negotiorum homo, Taurinum discedat, volui ut tibi meo nomine
manum exosculetur. Quod ego multo libentius facerem, si mihi
istuc per adversam valetudinem nunc proficisci liceret. At podagrœ,
ne dicam artritidos dolores, qui me diu vexant, votum meum impe-
diunt, quominus te adeam, et coram quantum te colam ac vénérer,
verbis declarem et re ostendam... Vale. XII calendas Martii
M.D.LXIIII. Ex Monte regali ^.
Et enfin — pour achever une démonstration qui devient
surabondante — Baccio Tinghi a inséré, entre les feuillets
surtout p. 437-447. — Au fol. 52, Baccio parle de « Giovanni Bocier [Bou-
cher ?] nostro vicino in Rua Merciera [la rue Mercière, la rue des libraires,
à Lyon] ».
1. Fol. 65-65 verso.
2. Fol. 53 verso-54.
LE « ZIBALDONE » DE BACCIO TINGIII 265
236 et 237 de son ZibaJdone, un passeport à lui délivré par le
gouverneur de Lyon, René de Birague :
Gardes des chaynes, laissez passer Baçio [irahord Bacco] Tind
(sic), fleurentin, avec un sien compaignon, et leurs baigaige et
bardes, lesquelz s'en vont à Valence. Pour ce ne leur donnez aucun
empeschement, pourveu qu'ilz ne portent chose prohibée par l'or-
donnance.
Fait à Lyon le xxi« jour d'aoust 1564 {sic).
Renato da Birago '.
Que le manuscrit italien 998 de la Bibliothèque nationale
soit l'œuvre de Baccio Tinghi, c'est donc maintenant un fait
certain. Mais nous n'en avons pas fini avec les aventures litté-
raires et bibliographiques de Baccio. Marsand et Mazzatinti lui
avaient enlevé son Zibaldone pour le donner l'un à Giraldi et
l'autre à un certain Rustichi -. Et voici que, par un autre
malentendu, dans un des meilleurs ouvrages qui existent sur
l'histoire de l'imprimerie et de la librairie françaises, la per-
sonnalité du jeune Tinghi se trouve dédoublée. Son livre avait
deux auteurs, deux pères aussi hasardeux l'un que l'autre,
— et lui-même se trouve avoir, sinon deux âmes et deux
corps, du moins deux a biographies ». Le Président Baudrier,
en effet, trompé sans doute par la double forme, française et
florentine, du prénom de Barthélémy, a consacré à notre
pauvre héros deux notices. L'un raconte la vie de « Tinghi,
Baccio... 1561 — 1572 ou 1573... ■ », et l'autre celle de « Tin-
ghi, Barthélémy... 1560-1569... » 4. Et le consciencieux histo-
rien s'attache à les distinguer de son mieux et à distribuer
entre eux, avec une difficile justice, les actes où ils sont
mentionnés... Il serait mal gracieux d'insister sur un de ces
1. Fol. 236 hn. Original.
2. Giovanni Battista Rustichi, un autre Florentin établi en France,
voyage en eflfet avec Baccio Tinghi jusqu'à Momigliano le 16 février 1565
[1564] (fol. I b), et il est nommé à plusieurs reprises dans le Zibaldone
(fol. 2 a, 2 b, 14, 16 verso, etc.). Il s'en allait en Italie.
3. Bibliographie lyonnaise, 6^ série, p. 435-436.
4. //;/,/., p. 4)6-437-
266 LÉOK DOREZ
accidents qui nous menacent tous, à chaque pas, dans nos
minutieuses recherches.
II
Après avoir rendu à Baccio Tinghi son œuvre et son unité,
nous aurions voulu, par une fidèle analyse et de copieux
extraits, donner une idée de son élucubration à laquelle ne
font défaut ni le mérite Httéraire ni l'intérêt historique. Mais
l'espace nous manque pour entrer ici dans un tel détail. Nous
nous contenterons de dire qu'avec un entrain soutenu et par-
fois même fatigant, il nous raconte, sous une forme humo-
ristique, avec des alternatives de gaieté et de fureur, son
voyage de Lyon à Turin et ses négociations avec la cour de
Savoie, du 13 février 1564, date de son départ de Lyon, jus-
qu'au II juin suivant, où il s'arrête brusquement \ L'affaire
qui le mettait aux prises avec les lenteurs interminables et les
incessantes cupidités des corps administratifs du duc Emma-
nuel-Philibert ^ était d'une certaine importance. Il était, en
cette occasion, le délégué de son riche compatriote Luigi Cap-
poni, alors chef de la maison lyonnaise de ce nom, qui vou-
lait soumettre au duc une « invention » nouvelle relative à la
fabrication du sel et traiter avec lui pour la fourniture exclu-
sive de cette indispensable denrée dans toute l'étendue de ses
États : Piémont, Savoie et Nice. Négociation difficile, tant à
cause de son objet même que des déplacements du duc, de la
mauvaise volonté et des convoitises de ses conseillers, mais
que l'ingéniosité et la ténacité de Baccio Tinghi paraissent
avoir réussi à conclure heureusement.
1. Les comptes s'arrêtent au 30 mai 1564 (fol. 43 /').
2. Il écrit, le 19 mai 1564 (fol. 183) : « Questo andar d'hoggi in
domani mi fà corne dire allungare il collo di tal sorte clie quando tornerô a
Lione, dubito di non parère una cigogna. Horsù, io mi vo' dar pacie,
dapoi chè non son solo a questo giuoco, perché ho pur ancor io con le mie
miserie da ricrearmi co' tribolati, perché in questa Corte per ogn'uno est
fletus et stridor dentitwi . Parmi pure, la Dio gratia, esscr al fine de' miei
affanni. »
LE « ZIBALDONR » DE BACCIO TINGHI 267
Rien n'est plus amusant que les incidents que, parfois avec
désespoir, mais presque toujours avec une intarissable malice,
Tinghi confie à son cher Zibaldone penàznt les loisirs qui lui
sont faits par les contretemps et les atermoiements. Seul à seul
avec son manuscrit dans sa chambre de l'« albergo di San Gior-
gio » ' , il trace les peintures les plus satiriques des grands per-
sonnages en face desquels le met sa mission. Sauf le duc
Emmanuel-Philibert, la duchesse Marguerite de Valois, et
quelques personnages, comme l'évêque Girolamo Délia
Rovere, qu'il a gagnés à sa cause, il n'épargne personne. Mais,
entre tous « questi satrapi » et « questi giganti », c'est au
grand-chancelier, Thomas Langusco, comte de Stroppiana,
qu'il réserve ses traits les plus acérés : « Questo conte stor-
piato, — quello storpiato diabolico del gran cancillieri » !
« Questo conte hacosiviso d'un trafurello quanto huomo che
io habbi visto, perché è piccino di persona, un viso rincagnato
nero, certi occhi vitiati ; mai o poco ti guarda in viso, et
finalmente l'ho io per un pezzo di cattivo huomo ^. » D'ail-
leurs, M. de Montfort, président de la Chambre des Comptes,
et Giovanni Matteo Cocconatto, président du Conseil d'État
(arpia .'), n'y perdent rien. Les épithètes toscanes les plus
piquantes, les proverbes du cru, les réminiscences littéraires,
tout ce que le vocabulaire national peut fournir de vivacités
à un Florentin spirituel et mécontent, s'abattent comme grêle
sur les épaules de ces « Raminagrobis » qui auraient été bien
surpris de tout ce qu'écrivait d'eux, après leurs entrevues, ce
« courtaud de boutique » . Seules, les femmes — ou plutôt le
sexe féminin — sont aussi mal traitées par Baccio, qui se sent
quelquefois attiré vers elles, mais qui en a toujours une
peur effroyable.
1. L'un des plus anciens hôtels et l'un des plus renommes de Turin. Cf.
Gaudenzio Claretta, Degîi alberghi antichi di Torino e délie impressioiii
avutene da viaggiatori illustri, éd. accresciuta (Pinerolo, 1891, in-8), p. 14.
2. Fol. 33 verso.
208 LÉON DOREZ
III
Je ne puis m'attarder davantage à une analyse qui m'en-
traînerait beaucoup trop loin. Je préfère insister ici sur l'édu-
cation littéraire de notre auteur, telle qu'elle nous est révé-
lée par le Zibaldone, et sur les passages de son œuvre où il
mentionne ses confrères en librairie. Cette petite étude ajou-
tera peut-être quelque chose à ce que nous savons déjà du
monde des livres au xvi^ siècle, et elle sera particulièrement
bien placée dans un recueil publié en l'honneur d'un de nos
plus éminents bibliographes.
Pour estimer à leur juste valeur les renseignements qui vont
suivre, il est bon de se rappeler que Baccio Tinghi n'occupa
jamais dans sa profession qu'une situation plutôt secondaire.
« Facteur » de son frère Filippo, courtier des Capponi à l'oc-
casion, jamais il ne dirigea en maître une grande maison.
Son exemple peut donc, dans une certaine mesure, nous révé-
ler la psychologie de ces modestes collaborateurs qui aidèrent à
fonder la réputation et la richesse des grands ateliers et des
grandes « boutiques » de librairie au xvi^ siècle.
A ce que nous avons dit de ses dispositions satiriques, on
pouvait déjà soupçonner qu'il lisait les sceptiques « roman-
ciers » et les poètes comiques de son pays natal. Tout
d'abord, il connaissait fort bien Boccace; le 14 avril 1564,
après maintes courses inutiles, il écrit : « Dopo desinare,
pur al solito [andai] a casa Montfort, et in questo di feci la
peregrinatione di fra Cipolla '. » Francesco Berni lui est éga-
I. Fol. 71. — Voy. Decamerone, giorn. VI, nov. x ; cf. Manni, Istoria
ciel Decamerone di Giovanni Boccacio (Firenzc, 1742, in-4), p. 453 et suiv.
— Je n'ai fait aucune recherche au sujet d'un autre conte toscan rappelé
par Baccio Tinghi, sous la date du 20 avril, pendant une longue attente
chez l'évêque de Toulon, Girolamo Délia Rovere (fol. 88) : « Et postomi
a pivuolo in una caméra, aspettai tre hore che lui uscissi dello studio dove
era con certi frati, che per avventura disputavano se suor Criofè havessi
scorticato una anguillaper niangiarsene un rocchio senza che suor Grima
badessa sene accorgessi. ». — A propos de G. Délia Rovere, il dit (fol. 98)
qu'il entra dans son « studio abbondantissinio di libri ».
LE « ZIBALDONE » DE BACCIO TINGHI 269
lement familier; le 1 6 avril, il cite les cinq premiers vers du
Capitolo deir Orinale :
Chi non ha molto ben dcl naturale
Et un gran pezzo di conoscimento
Non puo saper che cosa é orinale
Ne quante cose vi si faccin dentro '.
Il termine l'une de ses plus violentes sorties contre le beau
sexe par trois otiave qu'il cite évidemment de mémoire :
Vedi Hanibal ch'in tutte l'altre imprese
Non sol mostrossi intrepido et invitto,
Ma aperse l'Alpi altère ove contcse
Con la Naturaet fegli alto despitto.
Una femmina poi in Puglia il prese
E'I fe' di vincitor prigione et vitto,
Et si puo dir che fussi Capua allui
Quel che fu Canne agli adversarii sui.
Vedi Sanson robusto che gli Hebrei
Non pur difende dall'hostil procella,
Ma un grosso stuol d'armati Filistei
Rompe col fulminar d'una mascella.
Poi vedi corne i tradimenti rei
D'una vil' et sfacciata femminella
Menan un' huom si glorioso et forte
Prigion et cieco a volontaria morte.
Ve' come il senso a quello ch' in due parti
Diviso ha il mondo Cleopatra invola,
Com' el terzo de' suoi lascia tra parti
Ucciso mentre a rivederla vola.
Obblia se stesso, l'aima patria et Parti
Ch' imparo già di Cesare alla squola.
Ond' al fin vinto in sen d'una bagascia
L'honor, la vita e'I grand' imperio lascia -.
1. Fol. i8i. — Éd. d'Amsterdam, 1770, in-8, p. 57.
2. Fol. 165-166 verso : « Oh ! in su questo proposito, mcsser Luigi mio
caro, vi voglio racconiare una bellastanza tra di moite che io so che dicono
mal délie donne, tra le quali è questa, perché si vede la razza che le sono et
quello che cagionono di maie a chi si avviluppa con loro, perché in vero (che)
270 LÉON DOREZ
Au beau milieu d'un article de compte, une scène de
taverne lui rappelle un passage de l'Arioste :
Addi detto [13 di febbraio 1564] arrivai a Borgo [Bourg] et mi
fermai aU'hosteria, taverna o biscazza che sia, d'Antonio le Bas-
tard, dove arrivato su trovai una ciurma chi a tavela chi gi[o]-
cava et chi cantava et chi bestemmiava, tantochè mi ricordai di
quelle gente d'Alcina '.
D'ailleurs, comme on devait s'y attendre de la part d'un
bon Florentin, il sait son Dante par cœur... Dans une de ses
plus longues lamentations philosophiques au sujet du péril
féminin, il s'écrie :
Tu l'ai carpate che elle facessin mai cosa che bene stessi, perché
la botte non puô dare se non del vin che l'ha, perché se tu vuoi
bere di lor bevanda, quanti pericoli, quanti affanni, quanti tor-
menti et quante tribolationi ti vengono a ritrovare ! O, qui comin-
ciono i dolori ! Hinc iU[a]e lacrimac. Et se ti abbatti a voler entrare
et penetrare i segreti délia natura col tuo cervello, puoi sicura-
mente dire :
Lasciate ogni speranza, voi ch'entrate,
et aggiugnervi quegli altri :
Per me si va nella Città dolente,
Per me si va nell' eterno dolore,
Per me si va tra la perduta gente.
Considéra hora, Baccio mio, di che sorte vino tengono queste
pessime nelle lor botte *.
Mais il y a mieux encore. Tout cela n'est que littérature
« vulgaire », et Baccio Tinghi connaît ses classiques. A un
certain moment, il revient en arrière pour raconter avec com-
plaisance comment il a cité Virgile (ou le pseudo-Virgile),
è un esemplo bcllissimo et chiaro. Hor uditc, vi prcgo : Vcdi Hannibal... »
— J'ai vainement recherché ces trois stances dans VOrlando fnrioso de
l'Arioste et dans VOrlando innaniorato de Boiardo « rifatto dal Berui », où
je croyais les trouver. Le temps m'a manqué pour en poursuivre et peut-
être en assurer l'identification. Elles doivent provenir d'un poème très lu
au xvic siècle.
1. Fol. 42 h.
2. Fol. 120 verso.
LE « ZIBALDONE » DE BACCIO TINGHI 27 1
fort à propos, devant le nouvel archevêque de Turin, Giro-
lamo Délia Rovere :
Quando io raccoiitai el convito et le nozze dell' arcivcscovado
di Monsigiior di Tolone, mi dimenticai di dire corne io non mi
potetti tenere di non dire una bella sentenza, anzi certi versi di Ver-
gilio che egli fece a Cesare che haveva ordinato certi spettacoli da
celebrarsiun tal giorno. Venne il tempo, et lanotte innanzi piovve
tutta la notte, dalla quai piova si dubitô da molti che detti spetta-
coli non si finissero et non si celebrassero. La mattina, vegnente il
giorno, appari un bcUissimo tempo. II medesimo fu de Tolone.
Onde in ultimo de' loro ragionamenti si venne a dire come tutta
la notte era piovuto et che di poi havevono si bel giorno per la
festa di Monsignore. AU' hora io, voltomi quivi a un gentil'huomo,
dissi : « Questa è maggior gloria di Monsignore » ; il quale sen-
tendomi, perché dissi forte, si voltô inverso di me quasimente
dicendo : « Et perché ? » AU' hora io gli spiccai questi versi di
Vergilio che dicono :
Nocte pluit tota, redeunt spectacula mane.
Divisum imperium cum Jove Cœsarhabet.
Monsignor con grata ciera guardatomi, come colui che era alle-
gro di quella sua gloria, mostro di haverlo caro. In questo ogn'uno
si levô da tavola '.
Et non content de citer Virgile % il tient à se montrer
« utriusque litteraturae peritus » en mettant en avant quelque
1. Fol. 132 verso. — Déjà, au feuillet 87, en voyant Stroppiana dans sa
gloire toute fraîche de grand-chancelier, il s'écrie : « Quando io veddi
questo miracolo dinatura,
Obstiipiii steterunlqiie come et vox faucibus besit.
« Pure non mi potei tenere che non dicessi da me medesimo : Makdictns
qui venit in noinine Ainbitionis, dapoi chè dal grado che egli ha ricevuto,
gli pare essere coa quelle scettro rex regum et doniinus dominantium, et
se egli valessi o si potessi dire et svaporare i suoi capricci, harei comin-
ciato a gridare a testa all'appressarsi et all'entrare che fecie in chiesa : Attei-
nte portas, principes veslras.... et introihit Rex glorix... »
2. Du reste, il avait pris uue devise latine (fol. 146 verso) : «Mené tornai
a casa, et cominciatomi a venir un poco di sonuo, mi gittai cosi un poco
sul letto cl dormi un pochetto ; et svegliato che io fui, mi ricordai del
motto che è alla mia impresa, che dice : Ex asperitate siiavitas. »
Dans le court intervalle de temps qui s'est écoulé entre la rédaction de
la préscute notice et la correction des épreuves, j'ai pu recueillir à Londres
272 LÉON DOREZ
théorie d'Aristote ; il va même jusqu'à discuter telles doctrines
d'Anaxagore et de Démocrite '.
Cette large instruction, acquise à l'Université de Pise,
explique les relations qu'au grand profit de sa mission Tinghi
entretient avec les professeurs de l'Université de Mondovî fon-
dée quelques années auparavant, par acte du 8 décembre
1560^. On l'a vu plus haut en excellents termes avec Giraldi,
qui d'ailleurs pouvait lui être directement utile, puisqu'avant
de se consacrer tout entier aux belles-lettres, il avait exercé la
l'intéressante lettre suivante, adressée par Baccio Tinghi au prince des phi-
lologues toscans du xvie siècle, Piero Vettori : « Molto magnifico et mio
honorando. Non ho mai scritto a V. S. da poi chè mi parti di cotesti paesi
per non mi esser occorso. Et perché pure havevo qualche servitù et amici-
tia con lei per le moite cortesie usatemi, che mi ha dalo ardire di richie-
derja di un servitio, et questo è che noi siamo insieme col Grifo per stam-
pare le opère di Cicérone in piccola forma, et di già sono stampate l'Ora-
tioniet l'Epistole; et hora vorremo stampare la fisolofia, sopra la quale se
havessi qualche correttione, ci faria gran piacere a mandarmele, acciochè
nulla mancassi, dico quanto alla diligenza et dalla parte nostra ; et noi et il
Bruto, che le correggie, giene resteremo molto obbligati. Et volendole man-
dare, V. S. le potrà dare a Jacopo Giunti, che le mandera fidatamente. Che
Dio la salvi et guardi. Di Lione, addi 7 di Luglio 1567. Di V. S. servitore
Baccio Tinghi. — Al Molto magnifico messer Piero Vettori suoosser.mo.
In Firenze. » Musée Britannique, Add. Ms. 10273, fol. 341, autogr. —
Cette lettre est intéressante à divers points de vue. Elle trancherait, s'il en
était besoin, dans le sens de l'affirmative, la question de l'autographic du
ms. de Paris. Elle montre Baccio en relations avec un des plus grands
savants florentins du temps et explique le rôle littéraire qu'il jouait dans la
maison de son frère. Elle nous apprend enfin que Giovanni Michèle Bruto
exerçait le métier de correcteur chez les Tinghi, les Giunta et les Gryphes,
et fait comprendre que Baccio soit le dédicataire de deux intéressantes
lettres latines de Bruto mises, la première, à la fin des Historix Florentinx
libriocto de cet auteur (reproduite dans la belle édition de Venise, 1764, in-4,
p. 423-426, et datée de Lyon, i^r août 1562), la seconde, en tête des édi-
tions des Lettres de Cicéron publiées à Lyon, chez Antoine Gryphe, en
1567 et 1571, in-i6 (Baudrier, ouvr. cité, 8e série, p. 551 et 358). —
Je rappellerai ici que Baccio Tinglii mourut intestat et célibataire avant
le 4 juin 1573 {ibid., 6e série, p. 447), exactement le 12 mars, à Florence.
1. Fol. 215. — Dans une autre occasion, il se plaît à entendre discuter
les causes de la grandeur de César et de la puissance de Venise, sur laquelle
il raisonne longuement (fol. 125 verso et suiv.).
2. Vâllauri, Sloria délie Università degïi siudi del Piemonte (Torino,
1846, in-8) , t. I, p.151.
LE « ZIBALDONE » DE BACCIO TINGHI 2J$
médecine à Ferrare '. Il fait très bien sa cour au gouverneur de
Mondovi, Carlo di Lucerna, celui-là même qui s'était distin-
gué, peu de temps avant, dans la défense de Cuneo assiégée
par le maréchal deBrissac, et qui, depuis le mois d'avril 1561,
faisait partie, avec le comte de Stroppiana, du Conseil des
réformateurs de l'éphémère Université ^. Deux autres profes-
seurs encore sont l'objet de ses attentions : Giovanni Argen-
terio, docteur en médecine de l'Université de Turin, l'un des
maîtres les plus nomades du xvi^ siècle ', et Domenico Bucci,
également docteur en médecine, dont le fils Agostino fut l'ami
du Tasse '^. Mais celui auquel il se confie avec le plus de con-
stance et d'élan, c'est son compatriote Francesco Dell'Ottonaio,
le célèbre mathématicien qui avait occupé avec éclat, quelque
dix ans auparavant, la chaire illustrée plus tard par Galilée 5,
et qui était le fils du poète et héraut florentine
D'ailleurs, tout en préparant avec eux le succès de l'aflaire
du sel, Tinghi n'oubhait pas sa profession de libraire. On en
jugera par les extraits suivants du Zihaldone.
Addi 23 detto [marzo 1364] parlai [a Mondovi] con messer
Giambatista Giraldi, el quale mi pregô che io gli facessi stamparc
i suoi Discorsi sopra le poésie et roinanii stampato {sic) altra volta
in 4° dal Giolito nel 1554, et dettemi lettera di favore per intro-
durmial Duca, a questi {sic), al vescovo di Tolone, a messer Gio-
vanni Gattini, maestro di casa dimonsignor conte di CoUegno, al
conte di Stroppiana, gran cancellieri di S. A., al conte di Colc-
gno, al conte di Camerano, col raccomandarmi et favorirmi 7.
1. Giraldi avait été appelé à Mondovi, par lettres du 13 novembre 1562,
comme lecteur ordinaire d'humanités (Vallauri, ouvr. cité, t. I, p. 187 et
suiv.).
2. Fol. 23 verso, 245. — Cf. Vallauri, ouvr. cité, t. I, p. 181 et 182.
3. Fol. 17 verso, 23 verso, 24 verso, etc. Ibid., t. I, p. 1 58-161.
4. Fol. 194, 228 vo, etc. — Cf. Vallauri, ouvr. cité, t. I, p. 172-174 ;
t. II, p. 63-64.
5. Fabroni, Histor ia Academiae Pisaiiae (Pis'is, 1791, in-4), t. II, p. 386,
470, etc.; — Vallauri, ouv. cité, t. I, p. 192.
6. Fol. 17 verso, 23 verso, 59, 68,68 verso, 191, etc. — Parmi les autres
personnages dont il recherche l'appui, il faut citer aussi le médecin du duc,
Marcantonio Capra (fol. 72, 100, 106).
7. Fol. 24-24 verso.
Mélanges. II. i8
274 LÉON DOREZ
Le 19 mai 1564, il s'en va à l'hôtel de la Licorne afin de
voir s'il trouvera quelqu'un sur le point de partir pour Mon-
dovi et de le charger d'un livre qu'il veut envoyer à Francesco
DeirOttonaio :
Et avviatici là trovamo messer Giorgio Castrucci ' et mes-
ser Domenico Buci che appunto erono a tavola, et cou un
« Buona sera et pro facci a V. Signorie » mi voltai a mes-
ser Giorgio che è reformator deilo Studio et gli dissi : « La
Signoria V. dira che io sia un fastidioso et forse mi terra poco
discreto a non gli dar mai altro che briga, ma per gli amici bisogna
afiaticare et se et altri. Pero mi harà per scusato se la preghero
che mi mandi al Mondevi questo libro a messer Francesco Dell'
Ottonaio. — « Corne! diss'egli, non solo questo, ma altro faremo
per conto vostro et suo, perche è persona da fargli ogni piacere.
Pregovene adunque, perché gli sarà grato. Domattina si partira un
amico nostro, et gliel dareno che ne fareno tenere buona sera.
Voleté voi bere ?» — « Signor, no. » — « Baciovi le mascelle, ma
tenetele ferme, senza masticare ^. »
Le vendredi 2 juin 1564, après avoir écrit à Francesco Dell'
Ottonaio ' :
Parlai a messer Domenico Bucio, el quale voleva far stampare
un trattatello di medicina che vuole che si aggiunga a un'altro che
ha stampato in- 16 l'Honorati, intitolato : Ouatuor qxiesiia niediciiialia
Dominici Bucii +, et quello che vuole aggiugnervi questi di sotto
che saranno altrettanto, o poco vi sarà di differenza, cioè : Ouestio
desanguînis missioiie in pueris et Traclaius de sanguinis missione in uni-
versum. Et di questi dice che ne vuole un cento per lui 5.
Mais, par-dessus tout, Tinghi semble noter attentivement
1. C'était un docteur en droit. Cf. Vallauri, ouvr. et vol. cité, p. 181.
2. Fol. 184 verso.
3. Au moment où Stratta Cuvalcanti veut continuer son voyage, « gli
feci comperare certi libri, cioè Erasto, Achille Tatio et gli Amori d'Isme-
nio, per passarsi el tempo per barca. » (Fol. 206.)
4. Une édition, postérieure à celle d'Onorati, parut à Lyon « apud
A. Marsilium», 1577, ■i''"^- Cf. Catalogue général de la Bibliothèque natio-
nale, t. XX, col. 1020, Td34 18(1).
S- Fol. 228 verso.
LE « ZIBAI.DONH » DE BACCIO TINGHI 275
ses rencontres et ses conversations avec les libraires ses con-
frères. Non seulement il indique toutes les lettres qu'il écrit à
son frère Filippo, à ses cousins Jacopo et Filippo Giunta ', à
Bartolommeo Alessandrini -, à Symphorien Béraud >, mais il
n'oublie jamais de coucher par écrit ses visites chez le libraire
turinois Antonio Farina, dont la boutique est pour lui, parmi
ses ennuis et ses loisirs forcés, un refuge fiivori. Le 5 mai
1564 :
hitesa questa risolutione, non sapendo che altro farmi, mené
andai in bottega di Antonio Farina, libraro, dove stetti un pezzo
aleggere,etvenutomi aiinoia, mené andai alquanto tristeggioni per
Turino et fuor dclla porta insino aile mulina 4,..
Et le 20 ou 21 avril précédent, après une visite chez une
mauvaise débitrice de Luigi Capponi (Madama d'Armignac) :
Et andatomene a bottega di masser Antonio Farina libraro, stessi
a leocrere l'Ovidio deU'Anouillara tanto che vennono l'hore dedi-
cate a quel sacchetto che ne mantiene in vita con l'armonia délie
scodelle î...
Un philologue connu, Arnoldus Arlenius, le « bras droit »
de l'imprimeur flamand Lorenzo Torrentino qui en 1562 avait
quitté Florence pour Mondovi ^, apparaît ensuite dans le
ZibaIdorie,\Q 12 avril 1364: '
Andai a casa il Présidente [Montfort] et dimanda[i]gli se egli
haveva fatto nulla ; nii disse di no per causa di questa entrata [del
Duca di Sessa]. Torna[i]vi dopo desinare, et mi disse che gliera
dietro, tuttavia quanto poteva. Et pure all'ordinario uscendo di
casa, lo seguitai fino alla Corte, dove stato un pezzo per aspettarlo,
et eccotelo fuora senza haver parlato al Duca. Accompagna[i]lo
1. Par exemple fol. 154 verso.
2. Cf. fol. 143 et 182.
3. Le 25 avril 1564, (fol. 113), il écrit : « Mi ero scordato dire corne
scrissi uaa lettera a Siniforiano Bcraud nostro di casa... »
4. Fol. 140.
5. Fol. 91.
6. Domenico MoRENi, ^»«rt// (7^//rt tipografia fiorentina di Lorenzo Tor-
rentino..., ediz. seconda... (Firenzc, 1819, in-8), p. LXii etsuiv.
27e LÉON DOREZ
insino a casa lo Storpiato, et di quivi mené tornai a casa a far
governare il mio cavallo ; et detti la lettera a messer Arnoldo Arle-
nio che havevo scritto à messer Francesco dell' Ottonaio, et cosi è
passato questo giorno, et piaccia a Dio chc non passi domani senza
far nulla ' !
Puis, le 28 mai 1564, c'est l'envoyé d'un fondeur de carac-
tères de l'imprimerie de Torrentino :
Scrissi di poi una lettera a mio fratello, et intanto ne venne
l'hora délia cena, et per essersi quietato un poco il tempo, messer
Stratta et io cène andamo a spasso mez' hora per Turino et giu-
gnemo a casa Scaramuccia, maestro délie Poste, dove stemo a
cicalar un pezzo, et essendo già sera ci ritiramo a casa et ogn'uno
sene andô alla sua caméra. In questo io mi sento chiamare :
« Che cosa é? » — « E uno che sene vuol andar al Mondevi ;
perô se tu hai scritto, manda la lettera. » — « Non già io, ma se
lui vuol aspettare, la scrivero hor hora. » Questo che venne era un
mandato di un gittatore che sta al Mondevi (che sta) colTorentino.
Et cosi io all'hora scrissi a messer Francesco dell' Ottonaio quanto
havevo fiitto insino a quivi et quando io pensavo di partirmi ^ . . .
Et voici, pour continuer la série, un autre nom célèbre,
celui de Bernardo Torresani, le parent des Aides et leur con-
current à Paris :
Partitonii da Ici [Madonna Pocofila], me ne andai a casa ne
troppo stetti che io mi senti chiamare dal scrvitore ; fommi al
verone et io veggo Bernardo Torresan di Parigi, la venuta del quale
mi fu gratissima. Cenamo insieme et ragionamo di moite cose, et
portommi 2 lettere, una di mio fratello et l'altra di Filippo Giunti
mio cugino. Mio fratello mi scriveva d'un negotio con Giulian
Griti ; Filippo Giunti, che harebbe havuto caro di ritrovarmi et
di parlarmi. Scrissi a detto Giuliano, et la mattina che fumo
Alli 28 d'Aprile, Bernardo, non pensando d'csser a tempo di
andarsene di buon'hora, sene viene allamia caméra di già stivalato,
et non eran ancora ancor 6 hore. « Odi qua, diss'io, voi l'havete
1. Fol. 68 verso; cf. fol. 39. Sur Arlenio, voy. Morexi, ouvr. cite,
p. XLvni et suiv.
2. Fol. 210.
LE « ZIBALDONE » DE BACCIO TINGHI 277
invitata giovane ; non vi diss'io hierscra che voi dormissi con gli
occhi miei ? » « Egli è vero, diss'egli, ma quando io ho una fanta-
sia in testa, non posso dormire. » Et cosi stato un pochetto et li
accesi el lume, egli sene andô alla stalla intorno al suo cavallo, et
io mi levai et scrissi sopra li capitoli che la mattina dovcvo dare
allô Stroppiano questo poco di memoriale '...
La mattina di buon'hora [28 d'Aprile 1564], havendo messo il
mio pacchetto [per i Capponi] a ordine, presi licenza dal Torresano
et mené andai a casa Io Stroppiana ^.
...Et, questo fatto, mené andai un poco tristeggion per Turino et,
appressandosi l'hora di cena, inverso casa, et di poi a riposarmi,
perché ne havevo bisogno, perché la notte dinanzi non havevo dor-
mito, bontà del Torresano '.
Guillaume Roville ou Rouville ou Rouille ou Rouillé, le
grand libraire lyonnais, n'était pas, comme on le pense bien,
pour être absent du Zibaldone de Tinghi :
Addi 26 d'Aprile [1564] mi levai aile 6 hore et scrissi una Jet-
tera al Rouillio di certi miei aftari et stetti a scrivere fino aile 1 5
hore, et dubitando di non esser a tempo a dar le lettere al segreta-
rio che la sera dinanzi disse che voleva partire et andar dietro a
Monfor suo padrone, usci[i] fuora senza che havessi tempo di
poter scrivere a' Capponi, m.a sarà col primo comodo, et cosi a
mio fratello ; et andato là, Io trovai che acconciava la sua valigia.
Datogli questa per il Rouiglio et raccomandatogliela, mené tornai
a casa 4. . .
Et enfin la liste se clôt sur le nom d'André Wechel, le fils
de Chrestien, sous la date du 28 mai 1564 :
Venuto il doppo desinare, mené andai a casa Io Stroppiana per
farmi vedere et ricordargli la lettera. Et favellato che io hebbi,
mené andai a casa il Présidente Monfort et gli dissi di questa
lettera. Egli mi domandô délie scritture perché l'harebbe volute
1. Fol. 121-121 verso.
2. Fol. 122.
3. Fol. 123. — Sur Bernardo Torresani, fils de Francesco d'Asola, voy.
Domenico Bernoni, Dei Torresani, Blado e Raganotii. . . (Milano, 1890,
petit in-4), p. 128 et suiv., et p. 322 et suiv.
4. Fol. 113.
278 LÉON DOREZ
vedere. AU' hora io gli dissi che l'haveva il Segretario délia Caméra
[dei Conti] et egli all'hora voltosegli disse : « Fa, ch'io le voglio
vedere ancora stasera », et salito su in caméra, io mené andai a
casa a trovare messer Stratta [Cavalcanti] che attendeva a leggere,
et cosi cominciamo a ragionare. Et stato cosi un pezzetto, mené
andai giù et veddi Andréa Vesel, al quale feci motto dimandando-
gli donde veniva : « Da Roma », mi rispose egli, « et vo a Lione. »
Ma perche egli pioveva bene, non si sapeva risolvere se si doveva
partire, ma haveva voglia di andarsene a cena in Avigliana. All'hora
parecchi che erano quivi Io consigliorono che dovessi restare per
la sera, sendo massime cosi cattivo tempo. Io pensando che cosi
dovessi fare, mené andai in caméra messer Stratta et gli dissi come
costui se ne andava a Lione, perô se voleva scrivere, che poteva :
« ma meglio sarà che io vi tolga la briga ; io scriverô a messer
Luigi [Capponi] et voi tornandovi bene potrete aggiugnervi quattro
versi. » Et cosi me ne andai alla mia caméra et scrissi et portai
la lettera abbasso, et dimandando di Veselle, si era partito. « A
buon viaggio », diss'io, et tornandomene su in caméra mia a rag-
guagliare Io scartafaccio, et havendo presa la mattina una nota da
messer Stratta su una cartuccia : « Meglio è, diss"io, che la si ponga
su questo Zibaldone '. »
Sans attribuera tous ces détails plus d'importance qu'ils n'en
ont réellement, on conviendra qu'il valait la peine de feuil-
leter attentivement le singulier mémorial de Baccio Tinghi -.
Léon Dorez.
1. Fol. 208-208 verso. — Sur André Wechel, voy. Ph. Renouard,
Imprimeurs parisiens, libraires... (Paris, 1898, in-12), p. 373-374.
2. Je me promets de revenir, dans une prochaine publication, sur ce
curieux manuscrit.
L'(( HÉLÈNE » DE LECONTE DE LISLE
Elle garde, dans les Poèmes antiques, le charme, le mystère,
l'humanité profonde dont l'a douée son premier poète '. On ne
pense pas, tout d'abord, à l'atmosphère spéciale, au décor
nouveau que lui crée l'évocateur par ses propres visions et ses
propres rêves, par son adoration et son interprétation de l'an-
tique. On dirait qu'il a cherché uniquement l'artistique jouis-
sance de rivaliser avec Homère, en accentuant, en dégageant
ce que renfermait de touchant, de féminin, d'humain,
l'héroïne dolente de VIliade, la reine majestueuse de YOdyssée.
On sait que souvent l'œuvre lislienne ne trahit chez l'artiste
que cette seule ambition : d'égaler, de dépasser même la
beauté des anciens. C'est dans ce seul but, par exemple, qu'il
a raconté, après mille autres, l'aventure de Zeus et d'Européia,
sujet ardu, tentant par ses difficultés mêmes, où il fallait
qu'un taureau, métamorphose de Zeus, eût une majesté et
une splendeur olympiennes et qu'une beauté éclatante au point
d'amener le roi des dieux à se prosterner devant elle, s'alliât
à l'ingénuité la plus enfantine ^ C'est aussi, surtout, pour
1. Voir pour le mythe d'Hélène chez les anciens, W. H. Roscher, Lex.
der Griech. tiiid rom. Mythol. ad vocem Helena.
2. ]ose'ph.Wl^.^iiEY, Les sources de Leconte de Lisle (Tï,xvà\xy^ et mémoires de
Montpellier, Série littéraire, I), Montpellier, 1907, page 341, indique dans
Europe un symbole historique : « Dans cette jeune fille qui porte le nom
de notre continent et que le ravisseur arrache à l'Asie, sa patrie, pour l'em-
mener en Crète, où elle deviendra mère d'enfants héroïques, est-ce que le
poète n'a pas symbolisé la civilisation transportée par les dieux d'Asie en
Europe, c'est-à-dire en Grèce, comme dans un milieu plus favorable à son
épanouissement ? » On ne peut pas accepter cette conjecture, étant évident
que Leconte de Lisle a parfaitement oublié qu'Europeïa était une vierge
tyrienne. Il en fait une grecque et c'est dans la Grèce qu'il place l'action :
28o L. F, BENEDETTO
complaire à ses curiosités d'artiste, pour se mesurer avec
Eschyle, qu'il refit, plus passionnelle et plus sombre, la tragé-
die des Atrides.
Il est aisé pourtant de s'apercevoir, pour peu qu'on s'arrête
sur quelque détail de la pièce, qu'il ne s'agit pas uniquement
d'une étude d'art. Hélène est évidemment un symbole. Tous
les commentateurs, tous les lecteurs peut-être, ont senti que
le poème avait un sens caché et la critique est déjà en pos-
session de quelques interprétations ingénieuses. Nous allons
les discuter en détail. Mais comme comprendre Hélène, c'est
comprendre ce qu'elle suppose et ce qu'elle résume du monde
idéal que portait en lui le poète, il nous faut d'abord retracer,
en raccourci, le fond splendide sur lequel sa figure se détache.
*
Hélène est une habitante de la patrie fantastique où le poète
a vécu les instants les plus beaux de sa vie. Je ne parle pas,
évidemment, de sa petite patrie, de l'île Bourbon, où ont
rayonné son enfance et sa première jeunesse, et qui, toujours
plus belle dans le double éloignement du temps et de l'espace,
ne cessa jamais d'obséder son souvenir. Il eut une patrie beau-
coup plus vaste, pays aux contours moins précis, que n'étrei-
gnait pas de tous côtés l'océan et qu'enveloppait une vapeur
mystérieuse : l'Orient. Tout en n'ayant plus pour lui la même
indétermination que pour les premiers romantiques, l'Orient
de Leconte de Lisle ne souffre pas encore d'être identifié avec
précision dans l'espace ou dans le temps. On peut dire en
général, qu'Orient signifie pour lui tout pays de soleil, tout
pays où la nature, belle et robuste, déploie avec majesté ou
avec grâce, ses jeunes énergies, que ce soit aux pieds du Piton
des Neiges ou aux pieds de l'Himalaya, dans les vallons d'Hel-
Cellc-ci voyant fuir le doux sol d'Hellcnie.
Voir aussi l'invocation de Zeus :
O fleur d'Hcllas que j'aime.
l'« HÉLÈNE » DE LECOKTE DE LISLE 2l8l
las OU dans les champs italiques, dans les forêts de l'Amérique
ou dans les solitudes polynésiennes. C'est plus spécialement,
l'île natale, immensément agrandie par l'imagination, augmen-
tée de toute l'Inde et de toute la Grèce, et se confondant avec
elles.
Dans le prologue de son premier recueil, le Cœur et l'Ame,
projet de jeunesse qui ne trouva point d'éditeur ', Leconte de
Lisle s'annonçait comme un messager de l'Orient venant dire
au pâle Occident les clartés de l'aurore. Ces pièces juvéniles,
inspirées presque toutes de la patrie tant aimée, il faut les ran-
ger, mentalement, parmi les Poèmes antiques, si l'on désire
pénétrer l'âme secrète, saisir la vibration personnelle de son
œuvre indo-grecque. L'auteur des Poèmes antiques considère
désormais l'aveu public des angoisses du cœur comme une
vanité et une profanation -. Il veut paraître désormais un pur
historien, travaillant à la reconstitution de la vie ancienne,
collaborant à la tâche du siècle qui est « de retrouver et de
réunir les titres de famille de l'intelligence humaine ^ ». Le
public devra donc ignorer que son Inde et sa Grèce ne sont,
au fond, que le prolongement idéal de sa patrie insulindienne.
La Fontaine aux lianes, une des plus touchantes évocations du
pays natal, comprise d'abord parmi les Poèmes antiques dans
la première édition, sera exclue des éditions successives. Dans
la première édition, le poète a présenté un peu pêle-mêle les
poèmes de sujet indien et ceux de sujet grec : cette apparence
de désordre qui témoignait, elle aussi, de l'unité de son Orient,
disparaîtra des autres éditions.
Je ne nie pas qu'il ait été, à un certain moment, du moins
d'intention, un véritable historien, lorsqu'il tâcha de saisir, à
l'aide d'une érudition consciencieuse, et d'exprimer par son
art concis et lumineux, le caractère spécial des peuples et des
1. Du moins, du vivant du poète : Leconte de Lisle, Premières poésies
et lettres intimes, Préface par B. Guinaudeau, Paris, 1902, p. 116.
2. Derniers poèmes, p. 213-214.
5. Ibiâ., p. 217.
282 L. F. BENEDETTO
âges OÙ son imagination l'emportait. Mais l'historien chez lui
n'exclut jamais le rêveur, et ce n'est pas sans cause que son
imagination l'emportait vers l'Inde et vers la Grèce, plutôt
que vers d'autres pays.
On s'explique aisément qu'il ait aimé l'Inde. Il se croyait
hindou. Tel le croyaient ses amis parisiens. Bourbon, où il
est né, quoiqu'elle soit plus proche de l'Afrique que de l'Asie,
était pour lui une terre indienne. Conjecture légitime, d'ail-
leurs, la mer qui sépare Madagascar des péninsules de l'Asie,
n'ayant peut-être pas, d'après certains géologues, existé de
tout temps '.
On s'explique plus facilement encore son amour pour la
Grèce. Attaché à l'Inde par sa naissance, il Tétait à la Grèce
par ses origines artistiques. C'est elle qui lui avait donné, ou,
tout au moins, révélé, le goût de la beauté plastique, de la
construction ordonnée et rigoureuse, de la forme précise, par-
faite, unique.
Les raisons n'étaient pas moins profondes qui devaient pro-
duire l'intime association de ces deux pays dans l'imagination
du poète et leur fusion avec sa terre natale.
On connaît son ardente adoration pour le paradis de sa jeu-
nesse, et la nostalgie qu'il en garda toujours. Il lui arriva de
constater que sa propre tragédie était la grande tragédie de l'his-
toire. Voyez VlJîusion suprême et le Dies irae. Dans celle-là le
regret de l'individu, revoyant pour la dernière fois, dans l'ima-
gination, avant de mourir, les jours heureux de sa jeunesse, le
doux pays natal, loin duquel, nouvel Adam chassé d'Éden, il a
vécu misérable. Dans Dies irae, la plainte de l'humanité désor-
mais vieille, se retournant vers sa jeunesse lointaine, revoyant
les premiers jours du monde et Eden perdu pour toujours.
Homme, et homme portant en lui l'âme de l'humanité. Leçon te
I. Voir par ex. W. Stow, On the probable Existence of an ancient Southern
Continent, dans le Qiiarterly Journal of Geological Society, XXVII, 187 1,
p. 546-548, et H. F. Blanford, On ihe Age and Corrélations of the Planl-
bearing Séries oj India and the former Existence of an Indo-Océanic Continent,
ihid., XXXI, 1875, p, 519.
l'« HÉLÈNE » DE LECONTE DE LISLE îS^
de Lisle sentit le poids de cette double douleur. Il confondit
l'amertume de son exil avec la conscience douloureuse de l'uni-
verselle déchéance. Aux heures d'accablement, lorsque, déses-
pérant de retrouver Éden, d'arrêter dans leur fuite les fluides
apparences, son âme n'avait plus d'autre refuge que le passé
irrévocable, ce n'était pas seulement l'île lointaine que ses yeux
contemplaient, aussi complète et aussi nette que la patrie
réelle^ mais aussi le berceau primitif des races, l'Inde et la
Grèce, les premiers théâtres de la civilisation humaine.
Ajoutez tout ce qu'avaient de commun à ses yeux, comme
nature et comme vie, les trois parties de son Orient fantastique.
Rien de l'Orient brumeux et impénétrable qu'entrevoyait
Hugo dans ses cauchemars \ Un rêve grandiose de lumière,
de beauté, d'harmonie. La terre, aussi jeune et aussi fraîche
qu'aux premiers jours de la création ou qu'à la cessation du
déluge, semble comme saturée et enivrée de sève. Partout,
dans les forêts sans bornes, aux fleurs splendides, aux fauves
étranges, aux effluves enivrantes, sur les fleuves sacrés qui
roulent éternellement, au milieu d'une végétation luxuriante,
leurs eaux couvertes de nymphéas et de lotus, sur la mer
divine que le soleil dore, sur les monts sublimes, partout
quelque chose de surhumain et d'immense. L'édition défini-
tive des Poèmes antiques s'ouvre par un hymne à Surya, le
Soleil. Il se peut que ce poème n'ait été, tout d'abord, qu'une
tentative savante de condenser en quelques vers l'essence
même du Rig-Véda, les dieux védiques n'ayant dû être à l'ori-
gine que des noms ou des aspects différents du même dieu
solaire^. Mais je crois que le poète, en le plaçant tout au seuil
des Poèmes antiques, a voulu élargir la signification de son
hymne, en faire la synthèse de tout son Orient gréco-indien.
Surya est la source même d'où jaillit, sous ses mille formes
éclatantes, la vie orientale. L'hymne à Surya serait d'abord
1. Je fais allusion à la XlIIe poésie des Rayons et les Ombres. Voir aussi
Pierre Martino, L Orient dans la littérature française, Paris, 1906, p. 1-2.
2. C'est là une interprétation de M. Vianey, ouvr. cit., p. 29.
284 L. F. BENEDETTO
une magnifique introduction aux poèmes de sujet indien,
poèmes qui, dans l'ordre actuel, ne constituent pas, croyons-
nous, des études historiques détachées, mais une vision
ordonnée et graduée de toute l'Inde. Ce serait, en général, la
gloire de la vie célébrée dans un cœur pacifique.
Après l'activité confiante de la jeunesse et de la première
virilité, après les efforts pour réaliser dans l'art et dans la vie,
l'âme encore pleine du souffle vivifiant de l'île divine, ses
visions de force et de sérénité primitives, survient pour le
poète l'âge du désenchantement et du doute. Mais sa vision
orientale ne se ternit ni ne s'efface ; elle passe au dernier
plan du tableau et brille dans le lointain. Au premier plan
l'Occident barbare. Auparavant les poèmes de la beauté, de la
joie, de la force, de la liberté, de l'espérance, c'est-à-dire les
Poèmes antiques; maintenant les poèmes de la laideur, de la tris-
tesse, de la corruption, de la tyrannie, du désespoir, c'est-à-
dire les Poèmes barbares et les Poèmes tragiques qui ne sont, au
fond, que de nouveaux poèmes barbares \ Il ne s'agit pas
d'une sorte de trilogie. Ceux qui ont cru trouver un sens
spécial aux trois titres des recueils, n'ont pas compris entiè-
rement la vie intérieure du poète. Celle-ci est dominée et
puissamment unifiée par une pensée unique : celle que nous
indiquions tout à l'heure, et que le poète a si bien condensée
dans un beau vers qui pourrait servir d'épigraphe à ses oeuvres :
Je revois les soleils des paradis perdus.
La domination de cette seule pensée ne se révèle pas seule-
ment lorsqu'il prodigue la lumière dans ses peintures d'Orient ;
elle se manifeste aussi lorsqu'il assombrit tout ce qui n'est pas
oriental. Rappelez-vous les plus beaux de ses poèmes non
antiques. Ce sont des histoires lugubres se déroulant dans les
I. C'est Kaïn, placé au seuil des Poèmes barbares, qui représente le poète
dans sa nouvelle attitude :
Que l'angoisse du monde emplisse mes oreilles
Et hurle dans mon cœur comme un torrent sans fin.
l'« HÉLÈNE » DE LECONTE DE LISLE 285
ténèbres. La grande héroïne de ces drames est la nuit. Des
ombres, çà et là, qu'éclaire la lune froide. Voici Hervor la fille
des héros, qui court, ses cheveux noirs au vent, brandissant
une épée, venger son père Angantyr. Plus loin, le chevalier
qui n'a pas voulu danser sur les mousses fleuries de la forêt
et que la reine des Elfes a touché au cœur de son doigt blanc,
tombe mort en rencontrant le spectre de sa douce fiancée. Dans
la même nuit bleue argentée par la lune, un autre fiancé passe,
à minuit, enveloppé dans un étroit suaire, pour aller frapper
à la porte de Christine qui veille en pensant à lui, et nous les
voyons, avant la fin de la nuit, repasser tous deux lentement,
sur les mousses humides, dans la direction du vieux cimetière,
où elle aussi dormira, blanche, à ses côtés, sous la lune pâle.
Qui ne se souvient de Hialmar, se dressant sombre et majes-
tueux, les deux mains sur le tronçon de son épée, parmi les
mille morts étendus sur la neige, dans la clarté lunaire ? C'est
par une nuit affreuse que la dépouille livide de Tiphaine tombe
du haut de la tour dans les flots hurlants de la mer. Ce sont
les terreurs d'une nuit d'orage qui accompagnent les dernières
réflexions de Magnus. Est-il nécessaire de multiplier les
exemples ? Qu'on remarque aussi que ce n'était pas pour
reproduire exactement ses modèles que Leconte de Lisle
insistait sur le côté lugubre de ses histoires. M. Vianey, en
comparant les poèmes de Leconte de Lisle à leurs sources, a pu
souvent remarquer qu'elles prenaient dans l'imagination du
poète une saveur plus barbare. Hialmar meurt moins triste-
ment dans la cantilène islandaise; la mort de Sigurd est racon-
tée dans l'Edda avec des détails moins dramatiques.
Esprit unitaire et simpliste, voyant Thistoire de l'humanité
à travers ses souvenirs de jeunesse, Leconte de Lisle a donc
fortement opposé à un Orient splendide un Occident ténébreux.
Il n'a pas opposé d'une manière moins tranchée les habitants
de ces deux mondes. On retrouve aisément dans ce qu'il a
rappelé de sa vie bourbonienne, dans ses tableaux de vie
indienne ou hellénique, la persistance d'une même abstrac-
tion : l'homme oriental.
286 L. F. BENEDETTO
*
* *
Il l'a conçu, le plus souvent, cet enfant d'un milieu privi-
légié, comme un contemplateur extatique, goûtant le plus
grand des bonheurs, celui d'être tout absorbé par la beauté des
choses, de vivre non sa vie individuelle, mais la vie immense
de la nature.
Le poète se rappelle, dans ses jours de tristesse, qu'il a été,
lui, cet heureux. Et il décrit le prodige. Ce n'est pas de la
rêverie, ni de la langueur, mais une ivresse, un vertige qui
augmentent démesurément l'être individuel et lui révèlent
l'unité profonde du Tout et la grande âme cosmique. Que de
fois il a connu cette jouissance ! C'est tantôt dans la nuit
silencieuse, quand on entend la mer chanter au loin sur le
sable et mêler son chant au gémissement des forêts ; c'est tan-
tôt loin des hommes dans un creux de montagne, où l'on
peut écouter la musique subtile que font les mille bruits flot-
tant dans l'air sans jamais en troubler le repos :
. . . .L'âme s'en pénètre ; elle se plonge, entière,
Dans l'heureuse beauté de ce monde charmant ;
Elle se sent oiseau, fleur, eau vive et lumière;
Elle revêt ta robe, ô pureté première.
Et se repose en Dieu silencieusement.
Car, pour Leconte de Lisle, c'est dans les douces ivresses de
ce poétique panthéisme que consista le bonheur édénique.
L'homme ayant brisé, en perdant Eden, la continuité de cette
fusion harmonieuse, la nature orientale peut seule, par ses
splendeurs paradisiaques, rétablir l'ancienne harmonie. On
peut oublier dans ses bras les tristesses de la nouvelle exis-
tence.
Et l'âme qui contemple et soi-même s'oublie
Dans la splendidc paix du silence divin,
Sans regrets, sans désirs, sachant que tout est vain,
En un rêve éternel s'abîme ensevelie.
l'« HÉLÈNE » DE LECONTE DE LISLE 287
Ces heures extasiées, dont il se'souvient avec tant d'émo-
tion, cadeaux spontanés de la terre heureuse, où il avait vécu
en premier homme, le poète a souvent cherché à les évoquer
aussi comme un baiser maternel sur ses souffrances. Il en a
fait dans la Fontaine aux lianes l'aveu tragique. Il a demandé
aux bois natals, un jour de sa jeunesse, de le réconcilier avec
la vie. Ce fut probablement pendant son dernier séjour à
Bourbon, à l'époque de sa vie qu'on a si bien appelée du
recueillement, époque de solitude, de méditation* intense et
farouche, de défiance et de désespoir. La splendeur édénique
de la vie immense et paisible que réveillent dans les forêts
tropicales les premiers rayons du soleil, avait suffi pour l'ar-
racher à sa sombre inquiétude.
O fraîcheur des forêts, sérénité première,
O vents qui caressiez les feuillages chanteurs,
Fontaine aux flots heureux, où jouait la lumière,
Eden épanoui sur les vertes hauteurs !
Salut ! ô douce paix, et vous pures haleines,
Et vous qui descendiez du ciel et des rameaux
Repos du cœur, oubli de la joie et des peines.
Salut ! ô sanctuaire interdit à nos maux !
Il n'est donc pas nécessaire, pour trouver le repos, de se
réfugier dans la mort. Ceux-là seuls sont à excuser, qu'op-
prime un ciel mélancolique et que n'a jamais bercés le
charme d'un pays oriental '.
Leconte de Lisle cherchera toute sa vie sa plus complète
félicité dans la contemplation extatique de l'île natale, même
quand celle-ci se sera depuis longtemps perdue dans le loin-
tain. Il remplacera l'extase de la contemplation directe par
l'extase du souvenir. Car le paysage, devant lequel ses yeux
se sont ouverts, a gardé, en se changeant en paysage intérieur,
la splendeur de ses couleurs, la douceur de ses parfums, la
I. Le poète sera tenté de nouveau, plus tard, par l'idée du suicide. Voir
a Mort, d'un lion.
288 L. F. BENEDETTO
netteté de ses rumeurs et de ses lignes. Le souvenir du temps
heureux n'est jamais pour lui un moyen de se ménager de
vagues et délicieux frissonnements ni de changer en mélanco-
lie sa tristesse ; il ne lui apporte jamais, comme à la Francesca
de Dante, une augmentation de souffrance. C'est toujours
une douce chose, car c'est une véritable résurrection du passé.
Le poète n'a qu'à contempler. Son âme vibre, devant le rêve,
des mêmes vibrations que devant le réel. Il voit et il voit
tout.
Rien du passé perdu qui soudain ne renaisse.
Le tableau tant aimé réapparaît, paré de clartés aurorales.
Toujours, à quelques détails près, le même dessin minutieux
et précis. Les abeilles bruissent toujours près de leurs ruches
naturelles, parmi les tamarins et les manguiers aux fruits ver-
meils. On voit toujours les bambous, grêles et géants, les
cannes et le maïs en fleur onduler lentement ; on entend l'eau
vive filtrer sous les mousses profondes et tinter dans les bas-
sins bleus, et la mer saluer d'un murmure amoureux le soleil.
Tout en n'oubliant pas les autres oiseaux de son île — le car-
dinal à la plume écarlate, le colibri, le martin au bec jaune, la
verte perruche — , son imagination lui rappelle de préférence
l'oiseau bleu de la vierge, les ramiers chanteurs, les blondes
tourterelles ployant leurs beaux cols sur l'eau bleue des fon-
taines. Les bœufs de Tamatava et les roses sauterelles
manquent rarement au tableau. A l'horizon le profil dentelé
des montagnes.
Il ne jouit pas que par la vue. Les anciens sons aussi
arrivent, inaltérés, à son oreille; il s'enivre aussi de l'arôme
des bois, de l'odeur des sucreries, des effluves s'exhalant du
sol comme d'un encensoir.
Et tandis que le passé revit, tout le présent disparait. Qui
pourrait deviner que V Illusion suprême, évocation lumineuse, a
été écrite sous l'étreinte d'une pauvreté désolante, au fond
d'une cour sombre, dans un bouge misérable ?
L « HÉLÈNE » DE LECONTE DE LISLE 289
Après ce que nous venons de noter il est facile de prévoir
quelle conception il a dû se faire de l'Inde. Son Inde sera sur-
tout brahmanique. Il n'a pas soupçonné combien de vie pro-
fondément humaine ou noblement héroïque se cachait sous la
sombre couleur brahmanique dont est revêtue la majeure par-
tie de la littérature sanscrite : il ne s'est pas douté de l'œuvre
habile des brahmanes s'emparant des héroïques traditions de
la race pour y accentuer, au détriment de la fierté et de la joie
antiques, la tristesse et la sévérité sacerdotales, changeant en
pénitent du Ramayana le guerrier du Rig-Véda. Il s'arrêta,
frappé de respect, devant les contemplateurs pieux qu'on ren-
contre si souvent dans les anciens livres de l'Inde, figures
immondes et épiquement niaises dont il confondit l'immobi-
lité séculaire avec son ravissement enthousiaste.
Il pressent mal l'essentielle réalité de cette vie de pénitence
et de prière. Incidemment, il peint un Richi en méditation, à
l'ombre d'un figuier, immobile et muet, sa blanche mousse-
line nouée autour des reins, l'œil clos, les deux pieds croisés
sous sa cuisse, tandis q:ie
Sa temme à pas légers, vient poser sur sa natte
Le riz, le lait caillé, la banane et la datte.
Son attention est toute aux vrais ascètes, à ceux qui ne se
soucient guère de dattes ni de bananes et qui restent mille et
mille ans immobiles, s'élevant de plus en plus en valeur et en
gloire, jusqu'à dépasser la puissance même des dieux. Mais il
oubhe complètement leur principal caractère : la pénitence.
On connaît un épisode curieux du Maha-Bharata, celui du
pénitent Tchyavana qui devint, au bout de longues années
d'immobilité, une vivante fourmilière. « Le sage ainsi caché
était de tous les côtés semblable à une boule de terre, et,
enterré dans cette fourmilière, il souffrait une épouvantable
pénitence. » Ainsi dit le vieux poète, et l'on voit que pour
lui cette étonnante aventure est surtout une belle preuve de
constance héroïque. L'ascète qui s'est proposé de rester immo-
Mélanges. II. 19
290 L. F. BENEDETTO
bile comme un pieu pendant quelques centaines d'années, les
yeux sur le même point de l'horizon, n'a pas le droit de
bouger pour chasser les insectes.
Leconte de Lisle qui s'est inspiré de cet épisode dans sa
figuration de Viçvamitra et de Valmiki, s'est servi de la
même situation comme d'un signe éclatant de la concentration
la plus complète. Plus de constance et d'héroïsme, plus
d'épouvantable pénitence, mais cessation complète de toute
sensibiUté, oubli total du monde et de la vie.
Certes Valmiki, sage anachorète lui aussi d'après le Riunayana
même, fait songer à son confrère Tchj'avana, lorsque, debout
sur l'Himavat, tout plongé dans la profondeur de son rêve,
il laisse les fourmis ailées s'amasser sur lui comme une écume
marine, entrer dans sa chair, dans ses yeux, sous son crâne
et faire de son corps un squelette. Mais pourquoi le poète
indien, ce vieillard de cent ans, est-il monté jusqu'au faîte
de l'Himavat ? Pour contempler encore une fois avant de mou-
rir
Les fleuves, les cités et les lacs et les bois.
Les monts, piliers du ciel et l'océan sonore,
pour communier encore, dans une vision extasiée, avec l'âme
glorieuse de sa terre.
Relisez Bhagavat. C'est la forme indienne et épique de la
Fontaine aux lianes. Tout nous rappelle le jeune homme errant,
le cœur plein d'hymnes, par un matin superbe sous les larges
ramures des bois natals, ressaisi soudain par ses souvenirs et
versant ses plaintes au sein de la nature consolatrice. Une
vie plus auguste palpite dans la forêt agrandie; le Gange
majestueux a remplacé la source solitaire ; mais le drame est
le même : Maitreya, Narada, Angira, les trois sages assis dans
les roseaux du fleuve, ne sont tous ensemble, que le mort
mystérieux à qui le poète demandait :
Pourquoi jusqu'au touibeau cette tristesse amère ?
Ce cœur s'est-il brisé pour avoir trop aimé ?
La blanche illusion, l'espérance éphémère.
En s'envolant au ciel, l'ont-clles vu fermé ?
L« HELENE » DE LECONTE DE LISLE 29 1
C'est en effet la vision ineffaçable de l'Apsara rapide, le
regret des plus chères affections que la mort a brisées, l'an-
goisse de ne pouvoir éclairer la nuit humaine et embrasser
l'infini, c'est, en somme, la douleur de l'homme, qui trouble
le repos des trois brahmanes et qui leur fait implorer, dans la
nuit merveilleuse, l'oubli absolu, la triple libération du désir,
du souvenir et du doute, l'ensevelissement dans Bhagavat,
l'âme universelle. Leur cri désespéré ne reste pas. ici non
plus, sans réponse. Ganga, la belle déesse, la rivière sainte,
réussit à les fixer de nouveau dans l'extase en leur indiquant
le chemin de Kailaça, le mont sacré où ils contempleront
Bhagavat.
Si nous passons des bords du Gange aux vallons de la Grèce,
la nature, aussi belle, y a des amants aussi passionnés. Il suffi-
rait de noter que c'est par Khirôn le centaure que le poète a
symbolisé l'âme hellène. Khirôn évoque, il est vrai, comme
un lointain souvenir de sa jeune saison, les ivresses qu'il a
goûtées lorsqu'il vivait sur le sein de Kibèle et étreignait entre
ses bras l'univers. Mais l'irrésistible séduction de la terre n'a
pas cessé avec la jeunesse du centaure. Voyez le berger Kly-
tios qui vit aux pieds de l'Etna, en face de la mer silencieuse.
Il ne veut d'autre maîtresse que Kibèle. En vain Glaucé, déesse
marine, tâche de le fléchir par ses aveux ardents. La seule
volupté qu'il cherche c'est, oubliant et la mort et la vie, de se
sentir enveloppé, pénétré par les doux chants et le calme pur
de ses bois mystérieux :
[QuaudJ la terre s'éveille et rit et que les flots
Prolongent dans les bois d'harmonieux sanglots,
O nymphe de la mer, déesse au sein d'albâtre,
Des pleurs voilent mes yeux et je sens mon cœur battre
Et des vents inconnus viennent me caresser
Et je voudrais saisir le monde et l'embrasser.
Dans la calme immobilité du midi, le ravissement du pas-
teur sicilien devient l'inertie délicieuse que goûtent les brah-
manes:
292 L. F. BENEbETTd
De la rumeur humaine et du monde oublieux,
Il regarde la mer, les bois et les collines,
Laissant couler sa vie et les heures divines,
Ht savourant en paix la lumière des cieux.
C'étaient donc, tout à la fois, des souvenirs de ses « belles
années » et des visions de l'Inde et de la Grèce antiques, que
Leconte de Lisle évoquait, en évoquant cet Orient imaginaire
de l'extase.
Altéré d'oubli, désireux d'échapper au mal de vivre_, il finit
par regretter surtout, dans cette communion antique avec la
nature, l'heureuse inconscience. Les douces illusions s'éva-
nouissant toutes après les amèrês expériences^ son esprit se
remplissant de plus en plus de la doctrine indienne du néant,
le jour vint où il ne crut plus la nature compatissante, où il
ne l'entendit plus lui parler dans ses joies ou ses tristesses. En
racontant sa tragédie juvénile de la Fontaine aux lianes il laisse
tomber un sourire triste sur sa crédulité d'autrefois. Mais
qu'importait cela ? La nature se riait-elle de ses souffrances,
était-elle vide et insensible, elle pouvait toujours le plonger
dans le néant divin.
Il était donc naturel que sa conception finît par trouver
dans l'ascète indien et, en général, dans l'Inde, telle qu'il la
concevait, sa formule la plus expressive, et que le vrai bonheur,
ce qu'il appelait /^ bonheur impassible, finît par s'identifier pour
lui avec l'absorption ascétique. Il s'écriait dans la Ravine de
Saint-Gilles :
Heureux qui porte en soi, d'indifterence empli,
Un impassible cœur, sourd aux rumeurs humaines,
Un gouffre inviolé de silence et d'oubli!
La vie a beau frémir autour de ce cœur morne
Muet comme un ascète absorbé par son dieu ;
Tout roule sans écho dans son ombre sans borne.
Et dans Ultra caelos, lui le poète à qui on a reproché d'avoir
L « HELENE » DE LECONTE DE LISLE 293
immolé en lui l'émotion personnelle, vaincu la passion,
anéanti la sensation, étouffé le sentiment ', il laissait s'échap-
per l'invocation fameuse, si vibrante de lyrisme :
O nuits du ciel natal, parfums des vertes cimes,
Noirs feuillages emplis d'un vague et long soupir,
Et vous, mondes brûlant dans vos steppes sublimes,
Et vous, flots qui chantiez, près de vous assoupir !
Ravissement des sens, vertiges magnétiques
Où l'on roule sans peur, sans pensée et sans voix !
Inertes voluptés des ascètes antiques
Assis les yeux ouverts, cent ans, au fond des bois !
Nature ! Immensité si tranquille et si belle,
Majestueux abîme où dort l'oubli sacré
Que ne me piongeais-tu dans ta paix immortelle ?
Quand je n'avais encore ni souffert ni pleuré ?
Nous n'en sommes plus à découvrir que l'auteur des vers,
que nous venons de citer, a aimé la vie, d'un amour ardent,
exalté. Portant en lui le souvenir ineffaçable d'une humanité
jeune et belle, il a aimé la vie tant qu'il a cru que cette huma-
nité renaîtrait, et il n'a désiré la mort que lorsqu'il s'est
aperçu qu'elle avait disparu pour toujours. Son Orient chimé-
rique est, pour le regard qui l'embrasse tout entier, un spec-
tacle glorieux d'immensité et d'énergie. Non seulement des
ascètes inertes, mais une foule d'êtres beaux, jeunes et vail-
lants. Songez au déroulement splendide de l'histoire grecque.
La forêt aux sentiers fleuris, à la voûte immobile, où rêvent
I. On l'appelle aussi d'habitude le poète dts Montreurs. On a, à notre
sens, un peu faussé la signification de cette pièce. Ce sonnet, que l'auteur a
placé au milieu de ses poèmes les plus personnels, n'est pas un manifeste
de l'impersonnalité dans l'art tel qu'on le conçoit généralement. C'est, au
fond, une reprise de la Source. Ce n'est pas que le poète ne veuille pas cher-
cher dans l'art le confident de ses souffrances intimes. Il ne veut pas prendre
pour confident le public. Isolé de la foule, il demandera à l'art seul de ber-
cer et d'apaiser sa douleur. Les larmes de Tours nous montrent aussi sa foi
en la vertu consolatrice de l'art : le roi des Runes, le Skalde immortel réus-
sit par sa harpe sonore à charmer et à faire pleurer l'ours triste et sinistre.
294 L. V. BENEDETTO
éternellement les ascètes, ne couvre pas non plus tout le beau
soi de l'Inde. Valmiki, du sommet de l'Himavat, embrasse de
son regard un spectacle plus étendu et plus varié. Il voit jail-
lir du sol de la patrie et s'élancer vers le ciel une troupe
radieuse : tous ceux qu'il a chantés dans son Ramayana ; avec
le peuple pâle des anachorètes, les guerriers, les vierges, les
dieux. La vision s'élargit aussi, si vous traversez, avec le poète^
sur le char de guerre de Laksmana, les cités, les vallons, les
montagnes et les plaines de l'Inde primitive. Outre les ascètes
qui rêvent, les 3'eux fermés, vous rencontrez des laboureurs
courbés sur leur sillon, des jeunes filles nageant dans l'eau
des fleuves, des chasseurs poursuivant leur proie : il vous est
donné d'admirer, dans une pose achilléenne, le grand Daça-
rathide terrassant un Raxsas, et d'entendre, dans la ville de
Mytila aux cent pagodes crénelées, les clameurs du peuple
saluant le retour du guerrier tueur de démons. Dans les bois
sacrés même, autour des solitaires immobiles, vous pouvez
écouter le tourbillonnement et l'enivrement de la jeunesse et
de l'amour.
Partout, dans la vie des hommes, le même éclat de forces
généreuses et fécondes, le même bouillonnement de sève que
dans la nature.
Le poète s'est même plu à marquer poétiquement le con-
traste entre l'anéantissement ascétique et l'essor franc et
magnifique de la vie. Il a montré, par un beau symbole, qu'il
ne sert à rien d'être convaincu du néant, que la longue expia-
tion est inutile : sur le seuil même de l'au-delà on n'échappe
pas encore au charme de la Maya, on sent encore la beauté
de ce monde illusoire. L'histoire de Çanta et de Çunacepa
n'est plus, dans les Poèmes antiques, ce qu'elle est dans le
Ramayana : une glorification de l'ascétisme. En effet, dans le
Ramayana, en racontant l'histoire singulière de Çunacepa, que
son père a vendu à un roi pour être sacrifié et .jue réussit à
sauver un vieux pénitent, l'auteur n'a eu d'autre but que de
faire admirer la toute-puissance du saint vieillard, de montrer
I. « IIlil.HNE » DK LF.CONTE DE LISLK 295
que lui seul savait les prières capables d'arracher la victime au
couteau du sacrifice et de rompre ses chaînes à l'instant même
de la mort. L'épisode du Rauiayana est devenu un hymne à
l'amour. Habitué aux généralisations et aux symboles, Leconte
de Lisle a dégagé du récit la donnée la plus générale — un
ascète décrépit s'attendriss.int sur un jeune homme qui ne veut
pas mourir — et, aya:it fait de celui-ci un amoureux, il a pu
opposer à Viçvamitra, le plus pétrifié des ascètes, Çanta et
Çunacepa, le couple le plus ravissant de fraîcheur originale.
Devant l'ascète qui peut les sauver, Çanta et Çunacepa n'ont
qu'une arme pour combattre ses raisons, qu'un charme pour
attendrir son cœur : leur amour. lia beau dire :
Va ! le monde est un songe et l'homme n'a qu'un jour,
Et le néant divin ne connaît pas l'amour !
en écoutant la voix, les sanglots de Çanta, il sent, peu à peu,
sa rigueur fléchir ; l'épaisseur des forêts murmure comme aux
jours de sa jeunesse, son sang brûle, son corps frémit. Viçva-
mitra sauvant Çunacepa c'est la sagesse brahmanique qui se
renie et reconnaît la légitimité des passions juvéniles.
Gardons-notis de donner à cette opposition une portée plus
considérable qu'elle n'a eue dans la pensée de l'auteur. Si nous
ne considérons dans l'ascète que l'aspect qui a excité le pre-
mier son intérêt et sa sympathie, c'est-à-dire la fiiculté de saisir
cà travers les apparences l'âme intime des choses, le prétendu
contraste entre le bonheur iiiipàssiblc et celui que donne la vie
éclatante et multiple, devient tout à fait illusoire. C'est juste-
ment cette antique faculté, maintenant perdue pour les masses,
qui explique le vrai caractère et la vraie grandeur de cette
vie.
Qu'était-ce, en efiet, que cette àme cosmique qui se révé-
lait au contemplateur dans le ravissement mystique dont nous
avons parlé jusqu'ici ?
C'était la Beauté.
La Beauté est l'être principe même ; elle est la forme harmo-
nieuse qui gouverne les mondes.
2^6 L. F. BENEDETTO
Elle seule survit, immuable, éternelle,
La mort peut disperser les univers tremblants,
Mais la beauté flamboie et tout renaît en elle
Et les mondes encor roulent sous ses pieds blancs.
Le contemplateur était l'inspiré. Il percevait l'Idéal, Il voyait
Viçnou siéger sur le lotus d'azur '. Il pouvait, en sculptant
Vénus, faire passer dans le marbre la pureté harmonieuse, la
sérénité inaltérable, la force irrésistible de la grande mère, la
Nature, et créer, au lieu d'une Vénus quelconque, la Beauté
même. Toute forme d'activité, rêve, désir, pensée, art et
action, était chez lui une réfraction de la lumière divine dont
la nature l'inondait.
Tout à la fin des Poèmes antiques, rongé de regret pour la
route infructueuse qu'a parcourue l'humanité loin d'Éden, le
poète s'écrie :
Oui, le mal éternel est dans sa plénitude,
L'air du siècle est mauvais aux esprits ulcérés.
Salut, oubli du monde et delà multitude !
Reprends-nous, ô Nature, entre tes bras sacrés !
Ce n'est pas là l'expression d'un désenchantement sans
remède. C'est le souhait que l'homme renoue encore, à l'aide
de la nature, ses traditions idéales, qu'il retrouve le chemin de
Paros, et fasse revivre encore l'âge glorieux où l'on entrait
dans l'action baigné de lumière et plein d'infini et la vie était
toute une éclosion de beauté.
I. Leconte de Lisle reconnaît à Viçnou les mêmes qualités qu'à la Beauté
pure :
Oh ! qu'il était aimable à voir l'Etre parfait,
Le Dieu jeune, embelli d'inexprimables charmes !
Comme deux océans, troubles pour les profanes,
Mais, pour les cœurs pieux, miroirs de pureté,
Abîmes de repos et de sérénité.
Que ses yeux étaient doux, qu'ils étaient diaphanes!
L « HELENE » DR I.ECONTE DE LISLE l^J
*
* *
Le poète a dit lui-même l'impatience fiévreuse de l'âme se
sentant riche et belle, tendant à révéler ses forces et à réaliser
ses jeunes rêves. « La contemplation constante de la beauté
visible et invisible dans la nature — cette seconde ouïe de
l'âme qui prête des chants mélodieux ou sublimes aux
diverses formes organiques, cette étincelle qui vivifie le bois
et l'argile — développe dans l'âme d'immenses désirs irréali-
sables, des aspirations généreuses, mais vaines, vers un but à
peine entrevu, un vague besoin d'irrésistible tendresse... »
L'amour unifie le premier les élans confus. Le but flottant
se précise. Tandis qu'il repose, songeur, sous les grands pins
de l'Ida, Paris voit se composer devant lui, dans la vapeur
douce du matin, la Forme divine qui accomplira ses vœux.
Le berger de l'Hybla reconnaît dans la Sicilienne au doux rire,
aux longs yeux, qui s'en vient par les blés dans le rose brouil-
lard, l'incarnation de ses désirs. La femme est le premier
idéal.
Première manifestation d'un sentiment inné de la nature,
première expansion d'une vitalité somptueuse, l'amour orien-
tal éclôt spontanément, joyeusement, sous le baiser du soleil :
qui sait, ô lumière, ô beauté,
Si vous ne tombez pas du même astre enchanté
Par qui tout s'aime et s'illumine ?
Il est à la fois débordant et chaste. Chaste, parce que
spontanément éclos, parce que libre, impétueux : une force
naturelle. Il a la beauté vierge du milieu où il fleurit. Ne
confondons pas sa chasteté avec l'accord réfléchi de l'instinct
individuel et de la civilisation ambiante. C'est la naïveté
des premiers hommes avant la faute.
Telle avait été l'amour chez l'homme primitif:
298 L. F. BENEDETTO
L'éclair qui fait aimer et qui nous illumine
Le brûlait sans faiblir un siècle comme un jour ;
Et la foi confiante et la candeur divine
Veillaient au sanctuaire où ravonnait l'amour.
Telle avait été aussi la première passion du poète. Rien
d'aussi doux et d'aussi frais que la jeune beauté qu'il avait
vue, un jour de sa jeunesse, descendre, dans son beau
manchy, de la colline natale, vision éphémère de jeunesse
et de grâce, dans la gloire d'un matin tropical. La grâce riante
dont le Léopardi français a entouré l'Eve antique est sans
doute aussi un souvenir de sa Nérina à lui: de celle qui
n'avait parfumé qu'un jour l'ombre calme de ses bois et qui
dormait là-bas, dans le sable des grèves, sous les chiendents,
au bruit des flots.
L'ardeur la plus passionnée dans l'âme la plus pure, voilà
l'amour dont il a illuminé son Orient.
Cette conception n'avait rien de paradoxal à ses yeux. Ado-
lescent, quand le premier rêve faisait vibrer son cœur et son
âme vierge, il avait connu, avec les désirs vagues et les timi-
dités délicieuses, les transports les plus brûlants. Il a dit dans
une confidence précieuse: « La solitude d'une jeunesse privée
de sympathies intellectuelles, l'immensité et la plainte inces-
sante de la mer, le calme splendide de mes nuits, les rêves
d'un cœur gonflé de tendresses, forcément silencieuses, ont
fiiit croire longtemps que j'étais indiff"érent, même aux émo-
tions que tous ont plus ou moins ressenties, quand, au con-
traire, j'étouffais du besoin de me répandre en larmes passion-
nées. »
Il a épanché dans ses figures orientales sa sensibilité débor-
dante. Çanta et Çunacepa, couple ardent et pur, se dressant
dans un décor enchanté, qui rappelle à tout instant l'île du
poète, ne résument pas seulement l'Inde amoureuse. Vous
pouvez retrouver, chez beaucoup de ses pasteurs grecs, le même
éclat doux et viril de la passion que chez Çunacepa; ses
vierges helléniques ont la tendresse voluptueuse de Çanta.
L « HKLHNI- » DE I.HC.OXTH DH I.ISLK 299
Il faut voir dans Hylas le regret de l'ancien amour dévo-
rant et indomptable, strophe du chant immense de la nature.
Hylas n'a pas plus tôt vu Monis et Nichéa, dont les douces
voix l'ont attiré au fond de la fontaine, qu'il a oublié toute
chose :
Adieu le toit natal et la verte prairie,
Où, paissant les grands bœufs, jeune et déjà pasteur,
Pieux, il suspendait la couronne fleurie
A l'autel des dieux protecteurs !
Adieu la mère en pleurs dont l'œil le suit sur l'onde,
Et de qui le Destin à son sort est lié,
Et le grand Héraklès et Kolchos et le monde !
Il aime et tout est oublié '.
L'amant de Klytie n'est pas moins puissamment dominé
par la passion qui le conduit au tombeau :
J'oublie eu la voyant la Patrie et les Dieux !
Faut-il rappeler Glaucé lascive et provoquante et l'exquise
Thestylis dont la pudeur farouche se détend et s'efface à la
tombée de la nuit, lorsque, tout étant calme autour d'elle,
assise sur le bord de la fontaine, sur la pente du mont, l'im-
mense horizon devant les yeux, elle laisse échapper la plainte
harmonieuse de son cœur blessé et appelle le jeune immortel,
l'amant inconnu ? Faut-il rappeler la franche sensualité des
adorateurs de Thioné et de Péristéris ?
Je n'ai jamais bien compris le jugement qu'on a porté géné-
ralement sur l'Hellas de Leconte de Lisle. D'après M, Ricard,
Leconte de Lisle, « barbare ébloui, chaste et chagrin », « âme
orgueilleuse et triste », n'a pas compris cette joyeuse antiquité,
« à travers laquelle il se promenait un peu comme un visi-
I. Je ne crois pas qu'on puisse adhérer à la conjecture de M. Vianey
ouvr. cit., p. 328 : « A travers cette histoire on en peut lire, si l'on veut,
une autre : celle de l'attrait irrésistible des eaux et des bois, celle de
l'homme s'absorbant, s'ensevelissant dans la nature, jusqu'à oublier tout le
reste. «
300 L. r, BENEDETTO
teur dans un musée « ; il aurait connu la Grèce « en puri-
tain ' ». On lit dans le remarquable ouvrage de M. Leblond :
« La vertu essentielle de l'Hellas que créa Leconte de Lisle,
c'est la chasteté^. » Suivant Jean Dornis, Leconte de Lisle,
« qui sentait les beautés, les profusions, les troubles de la
nature tropicale comme un prolongement de sa sensibilité
personnelle, aima et honora surtout dans la Grèce, la divinité
supérieure qui l'arrachait aux songes du Nirvana, à ce qui ris-
quait de demeurer pure volupté dans sa compréhension de la
création » ; il aurait aimé l'Lide par un élan de passion ins-
tinctive et irréfléchie, tandis que son culte de la Grèce aurait
été plutôt chez lui un acte de qualité intellectuelle K
L'hellénisme de Leconte de Lisle est, à notre sens, un phé-
nomène plus complexe, où il faut distinguer plusieurs phases.
Nous allons bientôt voir qu'en possession d'une culture assez
étendue et comme guidé par les qualités de sa propre nature
et par les événements de sa vie, notre poète n'en est pas
demeuré au paganisme superficiel dont s'accommodent volon-
tiers, dans leur vision de la Grèce, tant d'esprits frivoles et
ignorants; qu'il n'a pas fait païen synonyme d'épicurien, ni
beauté synonyme de volupté. Commençons, maintenant, par
reconnaître qu'il n'a pas méconnu, dans sa conception de
l'âme grecque, l'ardeur, la volupté, la passion ; qu'il a cons-
taté chez les jeunes enfants de son Hellas, sous un ciel aussi
étincelant, sur une terre aussi chaude et enivrante, la même
force et la même joie de vivre que dans le cœur de Çanta et
de Çunacepa aux bords du Gange.
Il y a plus. 11 ne s'est pas contenté d'embrasser la Grèce
dans une vision générale d'Orient erotique. Il a fait sienne
aussi l'idée courante de joyeuse antiquité qu'a vulgarisée le
1. Cité par Jean Dornis, Essai sur Leconte de Lisle. Paris, 1909, p. 97-
98.
2. Marius-Ary Leblond, Leconte de Lisle d'après des documents nouveanxi
Paris, 1906, p. 288.
3. Jean Dornis, ouvr. cit., p. 97.
l'« HÉLÈNE » DE LHCONTE DE LISLE 301
bon Horace. Compare/ ses Eludes lalincs qui sont presque
toutes des traductions de poèmes horatiens, à leurs sources.
Vous constaterez facilement un procédé curieux, une sorte
de féminisation. Tous les titres masculins disparaissent et
le traducteur remplace les Quinctius Hirpinus et les Tele-
phus par des Lydie et des Glycère. Chaque poème se réduit à
un portrait de femme et à l'éternelle leçon d'Horace que
Saturne emporte nos jours et qu'il faut jouir et boire quand il
en est encore temps. Allusions politiques, détails curieux ins-
pirés du milieu romain, tout est supprimé. En lisant Lycimnie
on ne se doute plus guère qu'il ne s'agit pas d'une maîtresse
du poète, mais de la maîtresse de son protecteur. On recon-
naît, par contre, aux changements qu'il apporte, que le poète
s'arrête avec plaisir devant les tableaux d'amour :
Les entretiens sont doux sous le portique ami.
Dans les bois où Phoebé glisse ses lueurs pures,
Il est doux d'effleurer les flottantes ceintures
Et de baiser des mains rebelles à demi.
Le final fameux de l'ode à Taliarque est ici paraphrasé, non
traduit. Portique, bois, lune, robes flottantes (la robe d'une
vierge antique, si elle en a une, doit être naturellement tou-
jours flottante), tout cela est sorti de l'imagination du traduc-
teur. Or il est important de constater qu'il y a des Etudes
latines à côté des Odes anacréoiitiques, des Médailles antiques et
des imitations de Théocrite, qu'un auteur latin a été enclavé
dans un monde tout à fait hellénique. Leconte de Lisle a, évi-
demment, relevé ce qui, à son sens, était hellénique dans les
poèmes d'Horace. Et à travers sa manière le gréciser on
aperçoit son idée de la Grèce : riante, jeune, enjouée, spiri-
tuelle, désireuse de vivre et de jouir \
1. E. Stemplinger. Die « Eludes latines » von Lccontc de Liste, dans le
P lu loîog us, LXXI, 1912, pp. 500-306 prête, peut-être, à notre poète trop de
savantes intentions: « Leconte's Versuch das Rômische aus den Oden auszu-
scheiden und das spezifisch Griechische hervorzuheben, ist immerhin
eine intéressante Kunstùbune. Aber mit dcni blossen Gcfùhle mit dem der
302 I.. F. BENEDETTO
11 est d'ailleurs tel de ses Poèmes antiques qui ne devrait plus
laisser subsister aucun doute. Je fais allusion à son Chant
alterné, développement précieux d'un motif qui fut familier
pendant quelque temps à son imagination. Le poète a eu soin,
en opposant l'une à l'autre l'âme païenne et l'âme chrétienne,
d'}' synthétiser lui-même, vigoureusement, sa conception de
l'antiquité. Or, que Eiit-il dire à la créature divine qui symbo-
lise le monde antique ?
Sur mou front plein d'ivresse éclate uu divin rire. .
Un trouble rayonnant s'épanche de mes yeux.
Ton miel, ô volupté, sur mes lèvres respire,
Et ta flamme a doré mon corps harmonieux.
Son sein jaillit libre et blanc hors de la tunique ; son cœur
palpite de désirs amoureux ; elle danse, les pieds nus, sur les
monts Phrygiens, en chantant Evohé; partout où elle passe,
la beauté, fleur féconde, s'épanouit sous ses pieds.
C'est encore la Volupté qu'elle invoque dans son dernier
chant :
O coupe aux flots de miel où s'abreuvait la Terre,
Volupté ! Monde heureux plein de chants immortels !
Ta fille bien-aimée, errante et solitaire
Voit l'herbe de l'oubli croître sur tes autels.
On voit que, tout en sentant plus profondément et plus
complètement le charme des amours nobles et harmonieux où
la force s'allie à la chasteté, Leconte de Lisle est séduit, en
général, par tous spectacles d'énergie et d'enthousiasme. C'est
la sève inépuisable de la nature primitive qu'il aime contem-
pler dans son activité prodigieuse. L'amour en est la première
manifestation et la plus insigne, mais il n'en est pas la seule.
Une fouled'autres rêves, grâce à elle, se définissent et se concré-
Dichter die Entscheidung trifft, wird nicht viel crreicht. Aber vielleicht
konnte der Lecontesche Versuch zu einer zusammentassenden Untersuchung
reizen, wie Horaz die Grieclien nachgeahnit bat. »
L « HELENE » DE LECONTE DE LISLE
)":>
tii>ent. Le poète s'arrête ébloui devant les mille figures idéales
qui écloscnt, floraison merveilleuse, dans le monde primitif.
Il vénère dans l'honmie antique le créateur des dieux. On
sait quel culte fidèle et enthousiaste il voua aux divinités des
anciens. Nous le voyons souvent concentrer sur elles toute son
adoration du passé et résumer l'antiquité tout entière par les
figures de son Olympe. En fait, l'antiquité mourut avec ses
dieux. L'homme, quand ils eurent disparu, ne sentit plus battre
dans son cœur le cœur du monde et perdit le secret des formes
parfaites et des symboles impérissables. Le poète se reporte par
l'imagination au moment où les dieux d'Hellas, trappes et
maudits par le « vil Galiléen » s'endormaient dans leur tombe
et une pitié profonde l'envahit pour les vaincus, pour les
morts, pour les temples abandonnés tombant en ruine. Il a
placé au seuil de ses Poèmes grecs et, dans la première édition,
au seuil de tous ses Poèmes antiques, la figure d'Hypatie, la
vierge héroïque qui défendit contre les destructeurs les dieux
foudroyés. Le poète ne l'a pas mise à cette place pour faire une
déclaration de principes et symboliser en elle l'alliance
de la religion et de la science — ainsi que Brunetière l'a
interprétée — mais parce qu'il allait évoquer lui aussi, prêtre
harmonieux, au milieu des blanches ruines, les divinités d'au-
trefois. C'est en ce sens que, sculptant la noble figure d'Hypa-
tie, il sculptait sa propre figure.
Il vénère dans l'homme antique le créateur des héros, des
types moraux les plus partaits et les plus vivants. N'oublions
pas que son Orient primitif est épique et que c'est sous cet
aspect qu'il hanta le plus puissamment son imagination et qu'il
contribua le plus à lui rendre le présent insupportable. On
devine facilement ce que c'est pour Leconte de Lisle qu'un âge
épique. C'est un âge où tout le peuple est poète. Certes, il
admire Valmiki, le poète immortel
Dont l'âme harmonieuse emplit l'onibic où nous sommes
Et ne tarira plus sur la lèvre des hommes.
Certes, il admire Homère et ses deux grands continuateurs
304 L. V. BENÈt>ETTO
Eschyle et Sophocle, qui « représentent la Poésie dans sa vita-
lité, dans sa plénitude et dans son unité harmonique » ; mais
les grands poètes ne font que recueillir ce que le peuple a pro-
duit, et la foule, en les écoutant évoquer les héroïques souve-
nirs et raconter les grandes visions, écoute toujours parler son
cœur et sa conscience. De là la fusion, la correspondance
intime, l'intelligence réciproque du poète proprement dit et de
la foule, cest-à-dire l'existence d'une poésie vraiment natio-
nale ; delà aussi la généralité puissante et l'intarissable vitalité
de ses figures. Dans son amour pour la poésie épique, Leconte
de Lisle n'a pas mis moins d'outrance que dans ses autres
amours. La décadence de l'épopée signifie pour lui la déca-
dence générale de la poésie. Il croira avoir prouvé que les
modernes sont inférieurs aux anciens, au point de vue litté-
raire, lorsqu'il aura dit, ô ingénuité épique ! que la Divine
comédie, le Paradis perdu et le Faust ne sont point des épo-
pées ' .
Nous venons donc de voir ce que l'Hellas de Leconte de
Lisle avait en commun avec le reste de son Orient : la proxi-
mité de la nature, l'adoration de la beauté humaine, la florai-
son des visions idéales. Mais tandis que l'Inde devenait de
plus en plus pour lui la terre de la contemplation et du rêve,
la Grèce brillait de plus en plus, dans son imagination, de joie,
de lumière, de vie.
Ni sanglants autels, ni rites barbares,
Des hvmnes jovcux, des rires, des fleurs !
Ni foudre ni vent dont l'àme s'effraie.
Dans le bleu du ciel volent les chansons.
La joie libre, éclatante, partout, sur la terre, dans les
cieux :
I. Derniers poèmes, pp. 226-227. Leconte de Lisle ne connaissait que très
superficiellement la Divine comédie, qu'il a imitée, d'une manière assez
banale, dans sa Vision de Snorr.
l'« HÉLÈNE » bÈ LECONTË DE LISLE 3Ô5
Où sont les bienheureux, Princes de l'Harmonie,
Chers à la sainte Hellas, toujours riants et beaux,
Dont les yeux nous versaient la lumière bénie
Qui semble errer encor sur leurs sacrés tombeaux ?
*
* *
Il est un petit poème de Leconte de Lisle, paru, en 1845,
dans le recueil phalanstérien la Phalange \ qu'il n'a pas cru
digne de figurer dans l'édition officielle de ses œuvres et dont
on n'a reproduit jusqu'ici que de courts fragments - : je veux
parler de sa première Hélène. C'est un témoignage précieux
des idées du poète sur la Grèce non seulement pour les don-
nées directes qu'il nous fournit, mais aussi, et surtout, pour
ce que nous laisse deviner l'oubli auquel il fut condamné. Il
est utile de l'avoir sous les yeux tout entier K
Hélène.
O vous qui saisissez la vivante harmonie
De la forme parfaite alliée au génie,
Apôtre épris d'amour pour l'antique beauté,
Venez 1 — Allons revoir l'archipel enchanté.
Le paradis païen, la contrée immortelle
Oîi rayonne Aphrodite au cœur de Praxitèle ;
Où les dieux helléniens, Paros immaculé
De qui le sol attique a seul été foulé,
Jaillissent, lumineux, sous la main qui les crée
Dans leur nudité chaste et leur pose sacrée.
Venez ! — Soit que pour eux nous quittions le séjour
Où nos yeux tout d'abord se sont ouverts au jour : —
1. La Phalange, Reznte Je la Science sociale, XI V"^ année, F^ série, t. II,
deuxième semestre, juillet 1845.
2. Voir M.-A. Leblond, ouvr.cit., pp. 172-173 et J. Dornis, ouvr. cit.,
pp. 83-84.
3. D'autant que la Phalange n'est pas partout facile à trouver. M. Léon
Dorez a bien voulu me procurer une copie du poème en question d'après
l'exemplaire de la Phalange possédé par la Bibliothèque Nationale.
Mélanges. II. 20
306 L. p. BENEDETDO
L'île aux blondes moissons qui, de Cérès aimée,
Enclôt l'Etna fumant dans sa plaine embaumée ;
Soit la chaude Lybie, ou Crète aux cent cités,
La riante Ausonie, habile aux voluptés,
Où Ton voit Parthénope, ardente et faible reine
Sommeiller demi-nue aux^bras de la syreine !
Soit que notre trirème, au cours aventureux,
Ait quitté de Milet les rivages heureux ; —
Q.u'Eole soit propice au doux pèlerinage !
Que Thétys aux yeux bleus, nous guidant à la nage,
Avec ses bras d'albâtre, entr'ouvre dans les flots
Un chemin de cristal d'Ionie à Délos ;
Puis, de l'île divine aux bords sacrés d'Athènes ;
Et là, d'un bras pieux abaissons les antennes.
Comme deux étrangers, d'humbles aïeux issus,
Ami, baignons nos pieds aux eaux de l'Ilyssus,
Par un soir qui permette à l'oreille flattée
D'ouïr chanter l'abeille aux ruches d'Aristée,
Et le troupeau, docile à la voix des bouviers,
Revenir à pas lents parles bois d'oliviers.
Ecoutez, écoutez ! — la vague du Pirée
Murmure doucement une plainte inspirée.
Qui roule dans nos cœurs, profond, mélodieux,
Le poème éternel des héros et des dieux ! —
Voyez ! — comme des plis d'une royale robe,
L'ombre, tombant des cieux, à demi nous dérobe
Les blocs marmoréens sous qui dort abrité
L'Olympe descendu du ciel inhabité ;
Et la ville si belle et le saint promontoire
Où Platon a dressé son sublime oratoire!
O fille de Minerve, assise aux îlots chanteurs,
Qu'il est doux de rêver à tes pieds enchanteurs !
Qu'il est doux, contemplant ta merveilleuse enceinte
De s'abreuver longtemps d'une volupté sainte;
Tandis qu'un fier rayon qu'Hélios a dardé
De l'horizon lointain par sa flamme inondé.
Du temple impérissable où le regard s'attache.
Couronne avec respect la majesté sans tache.
Inaltérable azur, ô terre ! ù doux berceau
Dont Saturne jamais n'eff"acera le sceau !
Radieux firmament dont la subtile haleine
Sculpte en contours divins les beaux membres d'Hélène!
Où Faust, eu vieillissant, par l'amour altéré,
L « HELENE » DE LECONTE DE LISLE 307
Vers l'idéal qui sauve ardemment attiré,
Sentira quelque jour la blanche Tyndaride
Mettre un souffle céleste en sa poitrine aride,
Puis comme un cher fantôme exhalé du tombeau,
Ne laisser en ses mains qu'un fragile flambeau !
Terre et cieux! c'est à vous que la fille du Cygne
De sa race divine a révélé le signe :
Victorieuse et nue en sa vivace ardeur
Vous avez la beauté que revêt la pudeur!
De votre sein fécond Hélène révélée
Pour un aveugle monde enfin s'est envolée
Et ce monde la voit et ne la connaît pas.
Dans l'inflexible cercle où cheminent ses pas
Il gémit sous le poids de son ombre première,
Ne sachant point qu'Hélène est la toute lumière.
Ah ! brisons ce vain rêve où notre cœur blessé
D'un regret inutile, ami, s'est trop bercé.
Nous n'avons point aux flots que l'aviron argenté
Poussé notre vaisseau des sables d'Agrigente ;
Nous n'avons point quitté le golfe de cristal
Où Parthénope rit de son gardien fatal,
Ni le bord lybien, ni la molle lonie.
Nous ne sommes point nés à l'époque finie
Où la mère des dieux, l'ardente antiquité
Voulut vivre et mourir de sa propre beauté !
Non, non! — sur la limite où notre âge chancelle
Oh! cherchons en avant l'Hélène universelle!
Non le marbre vivant, mais l'astre au feu si beau
Qui reluit dans nos cœurs comme un sacré flambeau
La multiple beauté, dont l'attraction lie
D'un lien d'amour le ciel à la terre embellie.
Et qui fera tout homme, au moment de l'adieu,
Plus digne de ce monde et plus digne de Dieu !
Et disons : — forme, idée ! ô beauté, sois bénie !
Subhme identité d'où jaillit l'harmonie,
Sois bénie à jamais, sainte langue des cieux.
Toujours inépuisable en flots mélodieux!
Où l'astre inaperçu, l'oiseau dans la ramure
Confondent leurs concerts — où l'infini murmure !
Sois bénie à jamais, sur terre comme au ciel,
Toi par qui l'amphion du culte essentiel
Bâtira de ses chants la Thèbes éternelle ;
Toi qui faisant vibrer ta corde maternelle.
Toujours une et multiple, et sept fois palpitant.
^OS L. V. BENHDETTO
Pleine d'accords divins, verseras en cluiutant,
Comme en deux cœurs touchés par ta voix inspirée
Entre l'iiomme et la terre une amitié sacrée !
Peut-être n'est-il pas tout à fait exact de dire que Lecomte
de Lisle a sacrifié ce poème. S'il a sacrifié le brouillon, la
rêverie confuse, il a publié dans les Poèmes antiques l'œuvre
d'art, claire et organique, qui s'en était dégagée : Venus de
Milo '. On saisit aisément le rapport des deux poèmes.
Quoique le poète, le souvenir de l'Hélène de Goethe s'ajou-
tant à l'imprécision du symbole, ait vite dépassé son premier
but, Hélène était sans doute dans son intention ce que sera la
Vénus de Milo : un symbole de la beauté que les Grecs ont
réalisée dans le marbre. On voit que le poème a été fait pour
opposer à l'Hélène antique, idéal splendide, mais borné, ne
dépassant pas les confins de l'art, simple « marbre vivant »,
l'Hélène moderne, idéal complet embrassant toutes les formes
du Beau. L' « apôtre épris d'amour pour l'antique beauté »,
que le poète invite à s'embarquer avec lui pour le saint Archi-
pel, était à coup sûr un sculpteur. C'est la terre des dieux mar-
moréens qui les convie. C'est une statue aux contours divins,
c'est déjà une Vénus de Milo, que l'Hélène que sculpte à leurs
yeux l'air radieux de la Grèce.
Terre et Cieux! c'est à vous que la fille du Cvgne
De sa race divine a révélé le signe :
Victorieuse et nue en sa vivace ardeur,
Vous avez la beauté que revêt la pudeur!
C'est pour la même raison que le poète va proclamer la
divinité de l'immortelle Vénus, de la déesse irrésistible, au
port victorieux, qui marche fière et nue et fait palpiter l'uni-
vers, et qui n'est pas Aphrodite, ni Kythérèe, ni la Muse, ni
Astarté, mais la Beauté pure.
Pour fitire à'Hclciie le poème plus ordonné et plus compact
qu'est Vénus de Milo, le poète a élagué tout ce qui n'était pas
I . Venus de Milo est de 1846.
L « HELENE » DE LECONTE DE I.ISLE 309
évocation ou regret de l'art ancien. La strophe célèbre, à
laquelle on serait tenté de donner une signification si vaste :
Iles, séjour des Dieux ! Hellas, mère sacrée !
Oh ! que ne suis-Je né dans le saint Archipel,
Aux siècles glorieux où la Terre inspirée
Voyait le ciel descendre à son premier appel !
n'est pas une variation du beau thème qu'on rencontre si
souvent dans son œuvre, dans Nox, par exemple :
Montez, saintes rumeurs, paroles surhumaines,
Entretien lent et doux de !a terre et du ciel !
OU dans le Dies ivne :
L'esprit ne descend plus sur la race clioisie
OU dans la fin même de cette "prernibre. Hélène; il s'agit tou-
jours de l'art, du grand art grec, créateur de tous les dieux
dont le sol d'Hellas est jonché.
Cette unité faisait défaut dans Hélène. L'artiste v était
doublé d'un sociologue. Il voulait par son Hélène encourager
les efforts vers l'idéal nouveau. Il ne fallait pas trop se bercer
dans le vain regret de la beauté ancienne. Elle n'avait été, en
définitive, qu'une partie de la beauté, la beauté artistique et
la Grèce, dont la mission dans le monde avait été de la révéler,
avait fini pour toujours sa carrière, une fois sa tâche accom-
plie. Une tâche plus glorieuse restait aux modernes : de révé-
ler la beauté entière, celle qui est l'universelle harmonie.
Il ftut ajouter ceci à ce que nous avons dit tout à l'heure
sur sa vision d'une Grèce riante et joyeuse. Remarquons qu'il
y eut un moment où le poète a vu un contraste entre cette
Grèce et sa conception personnelle, noble et sérieuse, de la
vie. Le reproche qu'il lui fait d'avoir voulu vivre et mourir de
sa propre beauté laisse percer tant soit peu le mépris.
Mais déjà une conception bien diverse se formait dans son
esprit et inspire même déjà quelques-uns des plus beaux vers
310 L. F. BENEDETTO
d'Hélène. En efFet, est-ce qu'il n'élargissait pas et n'ennoblissait
pas l'idéal grec, lorsqu'il ajoutait, après avoir déploré que l'Hé-
lène révélée par la Grèce se fût envolée pour un monde
aveugle qui la voit sans la connaître :
Il gémit sous le poids de son ombre première
Ne sachant point qu'Hélène est la toute-lumière}
De même qu'il avait projeté dans son Orient imaginaire tous
les autres aspects regrettés de sa jeunesse, il va y projeter aussi
les nobles préoccupations et les rêves héroïques de ses années
de lutte.
*
* *
Tout le monde sait de quels espoirs incroyables, de quel
optimisme prodigieusement enfantin s'enivrèrent, vers la moi-
tié du siècle dernier tous les esprits, même les plus clairvoyants.
Ce fut une contagion, une véritable folie. On cro3^ait la régé-
nération de l'humanité un fait non seulement indubitable, mais
imminent. L'idéaliste ardent que fut toujours Leconte de
Lisle ne pouvait pas ne pas partager le fanatisme des temps .
D'autant qu'il s'y ajoutait l'impétuosité combative d'une jeu-
nesse mâle et vertueuse. C'était l'époque où il écrivait : « Que
faire? Que devenir? Où est la nuée lumineuse? Il faut mar-
cher au bonheur... par le libre essor des passions virtuelles.
Il faut oublier les cultes menteurs et l'aveuglement fanatique
et tout le filtras mystique des soi-disant révélations particu-
lières! que les démons catholiques aillent grincer des dents où
bon leur semblera, tandis que les génies heureux de l'Eden
berceront entre leurs bras l'humanité outragée depuis long-
temps, mais qui renaîtra jeune et belle au soleil de l'amour et
de la liberté '. » Il avait rêvé tout le temps de la félicité infi-
nie qu'aura l'homme un jour. Gagné par la ferveur révolu-
I. Voir M. -A. Lkblond, oiivr. cit., p. 170.
L« HELENE » DE LECONTE DE LISLE 3 II
tionnaire, aux approches de 1848, il crut que la réalisation de
son rêve serait le prix certain de l'action :
Cesse ta morne plainte et songe, Humanité,
Que les temps sont prochains où de l'iniquité,
Dans ton cœur douloureux et dans l'univers sombre,
Les rayons du bonheur s'en vont dissoudre l'ombre
O roi prédestiné d'un monde harmonieux,
Marche ! les yeux tendus vers le but radieux !
Marche à travers la nuit et la rude tempête,
Et le soleil demain luira sur ta conquête '.
De quel enthousiasme confiant ne salue-t-il pas la nouvelle
aurore qu'il lui semble déjà voir poindre h l'horizon!
Des siècles de l'erreur déjà la nuit s'achève,
Aux clartés du matin le ciel sourit encore,
Et les premiers rayons de l'aube qui se lève
Eclairent devant nous un nouvel âge d'or -.
Le futur auteur de Ka'ni reconnaît déjà que la création est
mauvaise et que seuls les lâches peuvent se résigner au mal
sous le prétexte qu'un dieu en est l'auteur. Un dieu qui crée
le mal est méchant. Il faut corriger son œuvre, enrayer son
activité pernicieuse. Pour qu'une aurore de paix rayonne un
jour sur le monde, il faut que l'homme règne, lui seul possé-
dant le fondement de la grandeur divine : la justice.
Dans Kaïn il chantera Hénokia
Hénokia ! cité monstrueuse des mâles,
Antre des violents, citadelle des forts,
et il rassemblera, par l'imagination, dans la ville mythique de
l'angoisse, qu'a bâtie le premier révolté et où il dort, non
vaincu, la face vers le ciel, toutes les âmes généreuses que
l'iniquité divine révolte !
1. Ibid., p. 160.
2. Ihiâ., p. 186.
312 L. F. BENEDETTO
Maintenant c'est dans Prométhée qu'il voit son ancêtre
idéal. Il reprend, avec une émotion sincère, ce magnifique
lieu commun de toute littérature philanthropique et le grand
insurgé réapparaît dans son poème Niobé, tel que Shelley l'a
conçu, comme le dieu futur de l'humanité délivrée :
L'illustre Prométhée aux yeux perçants, celui
Pour qui seul entre tous l'avenir avait lui,
Le Ravisseur du feu cher aux mortels sublimes,
Qui, longtemps enchaîné sur de sauvages cimes,
Bâtissait un grand rêve aux serres de vautour :
Sur qui, durant la nuit, pleuraient pleines d'amour,
Les filles d'Océan aux invisibles ailes;
Qui sera délivré par des mains immortelles,
Et qui fera jaillir de son sein indompté
Le jour de la justice et de la liberté.
Tous les autres Titans aussi — c'est-à-dire tous les héros,
tous les penseurs courageux — régneront avec lui
... les dieux humains, apaisant nos sanglots,
Réuniront la terre à l'antique Ouranos.
Car ils ont déjà régné, ces fils de la terre et du ciel; ils sont
les génies de VÉdeu dont le poète parle ailleurs et les mortels
ont vécu, guidés par eux, dans la paix, le bonheur, la sagesse.
Dépossédés par Zeus, ils ne se sont pas effacés de l'histoire
hellène; ils sont devenus comme les génies tutélaires de la
race :
Leur culte au fond des cœurs survit au cours des âges.
Les esprits sublimes capables d'interroger le passé ont conti-
nué de voir briller, au centre de leur conscience, Tidéal
qu'avaient révélé les Titans et d'en tirer une haute leçon de
bonté et d'énergie.
Leconte de Lisle s'est plu dans Khirôn à nous présenter la
vie grecque sous cet aspect titanique.
Khirôn, symbole de la conscience grecque, est l'éducateur
des héros :
. . .Durant le cours des âges j'ai nourri
L« HELENE » DE LECONTE DR LISLE ^1^
De sagesse et d'amour tout un peuple cliéri,
Peuple d'adolescents sacrés, race immortelle.
Il est l'inspirateur des poètes : c'est après l'avoir entendu
qu'Orphée, semblable à un Dieu, le front serein tourné vers
l'Olympe, passe au milieu des beaux pasteurs et des vierges au
doux rire et laisse tomber dans leur âme la parole inoubliable
de la vertu '.
D'un côté donc l'Hellas pastorale, coulant des jours paisibles
et vertueux, réalisant l'utopie vaporeuse que le jeune poète
socialiste caresse de sa foi la plus sûre '; d'un autre côté l'Hel-
las héroïque continuant la guerre des Titans contre un Olympe
immoral et ridicule.
En effet, qu'est-ce que leur dit Khirôn, que voient-ils en
tournant leur regard vers le passé? Ce sont les images des
dieux tour à tour adorés qui jalonnent le chemin parcouru.
L'histoire se présente à leurs yeux comme une émancipation
graduelle de la raison, ayant pour terme la compréhension du
Beau divin dans sa pureté absolue; comme une élévation et
une explication continues de la personne humaine vers le type
humain complet.
Les héros aussi, tout en ayant senti directement le fort ensei-
gnement de l'histoire, aiment la présence du poète, qui, par
son évocation et son interprétation puissante du passé, les aide
de plus en plus à prendre conscience de leur destin et à persé-
vérer dans la lutte. Les chefs myniens qui vont conquérir la
1. Le barde de Temrhah est décrit de même :
Les hommes et les bœufs entourent à la lois
Le chariot roulant dans sa lenteur égale,
Et les mugissements se taisent et les voix
Et tous s'en vont, les yeux dardés par intervalle,
Ayant cru voir flotter comme un ravonnement
Autour de l'Etranger mystérieux et pale.
2. Je ne sais pas pourquoi M. -A. Leblond, ouvr. cit., p. 187, méconnaît
la valeur sociale de Khirôn.
314 L. F- BENEDETTO
Toison d'or entourent le noble Orphée et le prient d'aller
chercher pour eux leur vieux maître, le sage Centaure :
Va donc, clier compagnon, harmonieux Orphée
Va, qu'il cède à nos vœux et qu'il règne sur nous !
Ses disciples anciens embrassent ses genoux :
Aux luttes des héros il forma leur jeunesse,
Et leur âge viril implore sa sagesse.
Il est naturel que, au moment d'entreprendre leur expédi-
tion audacieuse, ils se souviennent de Khirôn, le sage que les
dieux olympiens ont privé de l'immortalité parce qu'il leur a
préféré les dieux inconnus. N'oublions pas que les héros
myniens
Las d'un lâche repos et d'une obscure vie.
Vont chercher la Toison qu'un Dieu {leur'] a ravie,
Niohé, Kljîrôu, une foule d'allusions dispersées çà et là dans
son œuvre, nous font voir assez clairement quelle a été, pour
notre poète, à un certain moment de sa vie, la vertu essen-
tielle de la Grèce, celle qui la sépare des autres terres orientales
et l'élève au-dessus d'elles. C'est précisément celle que ne lui
reconnaissait pas le poème paru dans la Phalange : le culte de
l'Hélène complète.
Douée d'une pensée subtile et profonde que n'étouffe pas le
débordement libre et sauvage des forces primitives ni n'éblouit
la splendeur d'un anthropomorphisme riant, la Grèce seule
sut atteindre, à travers la sensation inconsciente et l'intuition
purement poétique, à la conscience pleine et précise de ce
qu'elle était et de ce qu'elle pourrait devenir, et par là à la plus
magnifique des visions : celle d'une vie se déployant libre et
fiera vers un but lummeux. Ayant reconnu que les Forces de
l'univers et les Vertus intérieures, que les dieux, en somme,
dont on sentait immédiatement la beauté et la puissance,
étaient souvent des ennemis du bonheur et de la justice et ne
pouvaient être, par conséquent les vrais dieux, elle conçut, au-
l'« HÉLÈNE » DR LECONTE DE LISLE 315
dessus d'eux, le dieu ou les dieux inconnus, source d'une féli-
cité et d'une harmonie plus complètes; elle fit ses dieux des
valeurs morales les plus hautes, la paix, la bonté, l'amour, la
vertu; elle devint la terre des Titans.
VHélène des Poèmes antiques a pour sujet un épisode, le
plus fameux, de l'héroïque conflit. Les dépositaires de la
flamme sacrée, les successeurs des Titans, ont ici contre eux
un puissant adversaire : Aphrodite. Artisans d'une civilisation
plus parfaite, fondée sur l'amour du Beau moral et sur l'idée
du devoir, ils se heurtent au penchant le plus fort de la race,
celui qui se satisfait par la beauté extérieure et qui conduit au
plaisir. Comment s'était-il fait que la Grèce, ce pays ardent et
voluptueux que le poète avait pu croire un instant révélateur
de la seule beauté qui se perçoit par les sens, fût aussi la terre
des législateurs, des penseurs et des poètes, la terre de Promé-
thée et de Khirôn ? La splendide civilisation péricléenne ne
s'était certes pas accomplie sans contraste. La Grèce ne s'était
pas sans peine arrachée à l'empire de ses premiers dieux pour
embrasser la religion de sagesse et d'amour prêchée par les
Titans. Une lutte s'était engagée, sans doute, entre les deux
tendances que nous avons tâché de bien définir dans les pages
qui précèdent.
Le poème à' Hélène est le récit symbolique de cette lutte.
D'une part Hélène et Paris, l'Hellas jeune et splendide, à
qui l'idéal nouveau a déjà été révélé mais sur qui pèse encore
la fatalité des passions primitives. D'autre part Démodoce
l'aède et les guerriers qui combattront sous les murs d'Ilios,
c'est-à-dire l'Hellas mâle et vaillante, à qui sera l'avenir.
Hélène aux pieds d'argent, au corps sans égal, Hélène qu'Eros
consume de sa flamme implacable, c'est bien l'Hellas volup-
tueuse que la nature entière convie irrésistiblement aux ivresses
du plaisir. Ce n'est pas sans raison que Démodoce, en en célé-
brant la naissance, mêle à son chant le beau refrain :
3 I 6 L. F. BENEDETTO
Terre au sein verdoj-ant, mère antique des choses,
Toi qu'embrasse Océan de ses flots amoureux,
Agite sur ton front tes épis et tes roses !
O fils d'Hvperion, éclaire un jour heureux !
Elle est, dès sa naissance, la victime d'Aphrodite. Lorsqu'elle
apparaît la première fois devant nous, Paris n'est pas encore
arrivé, elle est au milieu de ses compagnes joyeuses et entend
couler des hymnes flatteurs de la bouche de l'aède. Et pour-
tant elle est triste. Elle sent déjà dans ses veines le feu dévo-
rant et pâlir devant sa raison, qu'envahit le délire, les choses
les plus sacrées, la famille, la patrie, la vertu. Elle parle du
mari absent, des adieux dont son âme est encore pleine, de
son regret de l'avoir laissé partir seul; mais on voit dans l'ar-
deur même avec laquelle elle s'attache à ses vertueux souvenirs
quelque chose de désespéré et on s'aperçoit qu'elle commence
à craindre la possibilité d'une trahison. Elle dit aux femmes
qui l'entourent :
Filles de Sparte et vous, compagnes de mes jours.
De vos bras caressants entourez-moi toujours,
et l'on voit que l'idée de les quitter a déjà traversé son esprit.
La colère des dieux éclate. Paris arrive. Hélène lutte de
toutes ses forces pour échapper à son charme fatal et ne pas
renier ses devoirs, mais le destin s'accomplit malgré elle. Sa
parole et son geste gardent pendant quelque temps leur majesté
auguste et calme ; son cœur trouve d'abord des élans de révolte
et de menace; mais bientôt on le voit fléchir sous reff"ort,
mêler aux pleurs des supplications désespérées et de brûlantes
invectives :
O Zeus, ô mou époux, ô ma fille, 6 vertu.
Sans relâche parlez à mon cœur abattu :
Calmez ce teu secret qui sans cesse m'irrite!
Je hais ce Phr3'gien, ce prêtre d'Aphrodite,
Cet hôte au cœur perfide, aux discours odieux. . .
Je le hais ! mais qu'il parte, et pour jamais. . . Grands Dieux !
Je l'aime ! C'est en vain que ma bouche le nie !
Je l'aime et me complais dans mon ignominie !
L*« HÉLÈNE » DlL LËCONTE DE LISLE 3I7
Les compagnes de l'aède contemplent avec pitié et avec ter-
reur ce spectacle tragique. Ils savent qu'Hélène n'est pas cou-
pable, que des dieux plus forts s'acharnent sur elle. Ils par-
tagent, respectueusement, ses douleurs et ses plaintes.
Paris n'est qu'un double, le double indispensable d'Hélène.
Aphrodite lui est apparue aux cimes de l'Ida, dans l'air éblouis-
sant et embaumé du matin ; c'est-à-dire la beauté superbe de la
nature, la vie tumultueuse qui frémit et bondit dans l'univers
ont allumé aussi dans son cœur la flamme qui fait tout oublier,
qui fiiit abandonner les parents, la patrie, et fouler aux pieds
les plus saintes vertus. Il est lui aussi une victime d'Aphro-
dite. C'est elle qui tourne vers Sparte la proue de sa trirème.
C'est elle qu'il accuse lorsque touché du désespoir d'Hélène il
lui promet de partir :
Noble Hélène, reviens à la vie ! et plains-moi.
J'ai causé ta colère et ton cruel effroi,
Et, troublant de ces lieux la paix chaste et sereine.
Offensé ton cœur fier et mérité ta haine.
Mais la seule Aphrodite a dirigé mes pas;
Plains-moi, fille de Zeus, et ne me punis pas.
Rebelle aux Immortels, je pars et t'obéis.
Le couple fatal de Leconte de Lisle exprime une seule idée :
la Grèce jeune. Belle, adorant la beauté et foncièrement géné-
reuse, elle est en même temps soumise à la violence irraison-
née des instincts.
N'ajoutons pas une importance spéciale au fait que Paris est
un Phrygien. L'enlèvement d'Hélène et la guerre qui s'ensui-
vit, ne symbolisent point, à notre avis, dans le poème lislien,
« la lutte de deux civilisations qui se sont disputé l'âme du
monde », la lutte de l'Asie et de la Grèce. Ilios représente ce
que la Grèce eût été si le courant hédoniste eût remporté la
victoire. A part le résultat divers, ce qui se passe sous les rem-
parts de Troie s'est d'abord passé dans le cœur d'Hélène. Le
3l8 L. F. BENEDETTO
destin sous lequel celle-ci se débat, ne peut pas être ramené,
ainsi qu'on a tâché de le faire, à l'influence du climat asia-
tique s'exerçant indirectement par les idées et les croyances
qu'il a suscitées. « Sur le sol amollissant de l'Asie, écrit
M. Vianey, avaient foisonné les fables voluptueuses qui divi-
nisaient la passion et autorisaient l'adultère par l'exemple des
immortels. Ces fables, les Hellènes les avaient apportées
d'Asie avec eux en venant coloniser la Grèce. La femme de
Ménélas a été élevée dans ces fables; on lui en nourrit encore
l'esprit : ainsi, au moment même où son poète et ses com-
pagnes essaient, pour la retenir dans le devoir, de calmer ses
nerfs par la musique, ils n'ont à lui chanter que des fables de
ce genre ; comment résisterait-elle à tous ces conseils de volupté?
Mais déjà sur le sol plus froid de l'Hellas des légendes nou-
velles ont été conçues, un nouvel idéal s'est formé, et l'enlè-
vement d'Hélène a beau marquer pour un instant le triomphe
des idées asiatiques, ce sont les idées grecques qui définitive-
ment triompheront et illumineront le monde \ » Cette inter-
prétation ne nous semble pas correspondre à la vraie pensée du
poète. Les fables voluptueuses, auxquelles fait allusion le cri-
tique, sont indubitablement et uniquement dans le poème qui
nous occupe, des fables grecques. La première, qui a pour but
de célébrer l'origine divine d'Hélène, raconte les amours de
Léda et du Cygne et le tableau qu'elle présente à notre ima-
gination, a, au milieu, l'Eurotas, baisant de ses eaux frémis-
santes les corps nus des vierges Spartiates et, au fond, les monts
d'Hellas. La seconde raconte l'aventure tragique d'Aristée et
son vrai but est uniquement de faire voir la cruauté des dieux.
Ils sont tous deux indéniablement sensuels, ces deux chants
avec lesquels Démodoce et le chœur des femmes tâchent
d'apaiser Hélène tourmentée par l'amour; mais ce n'est pas
l'Asie qui prolonge par ce moyen son action énervante; c'est
I. Vianey, oî^tv. c//., p. 375.
L« HELENE » DE LECONTE DE LISLE 3I9
l'âme erotique de la Grèce, ù nous désormais bien connue, qui
le manifeste '.
Le sage Démodoce qui reconnaît la toute-puissance uni-
verselle d'Eros et qui exhorte les compagnes d'Hélène à respec-
ter la tristesse d'un cœur on les Dieux ont passé, n'est pas sim-
plement, comme on l'a cru % le prêcheur austère de la chas-
teté. La divinité qui symbolise le mieux sa conception est Pal-
las. C'est Pallas qu'Hélène invoque dès le commencement de
la pièce et qu'invoquent pour elle ses compagnes :
Aphrodite et Pallas, ô combat abhorré,
Se disputent Hélène et son cœur déchiré.
Or Pallas est bien, il est vrai, la déesse sévère qui dédaigne
Eros et qui punit le parjure ; mais elle est aussi la guerrière au
casque étincelant; elle est surtout la déesse d'Athènes, le sym-
bole de l'idéal athénien : épanouissement harmonieux de toutes
les plus nobles énergies dans l'homme et dans la société.
Abandonnées par leur reine, les femmes de Sparte ne voient
pas seulement dans sa fuite une action impudique.
Gloire, vertu, patrie, Hélène a tout quitté.
Ces trois mots résument la morale dont Démodoce est le
porte-voix et qu'Hélène a violée.
Ayant pour but suprême, comme nous avons dit plus haut,
la paix et l'harmonie, cette morale est fondée avant tout sur
les vertus familiales et sociales qui sont à la fois les plus
humbles et les plus sublimes : la chasteté, le respect des vieil-
lards, l'amour du prochain.
1. Il est d'ailleurs une preuve irréfragable que le monde hellénique de
Leconte de Lisle comprenait aussi la Phrygie. Dans le Chant alterné, c'est la
même personne qui dit :
Ton peuple, ô blanche Hellas, me créa de ses mains
et
Sur les monts florissants de la sainte Phr^'gie
J'ai bu les vins sacrés en chantant Evohé .
2. Voir M. -A. Leblond, ouvr. cit., p. 292 et suiv. ; etj. Dornis, oî<T/r.
cit., p. 157.
320 L. f. BENEDETTO
Qu'a-t-il dit aux pasteurs et aux vierges, le premier poète,
Orphée ? Qu'était-ce que la « Sublime voix » dont le souvenir
ineffaçable suffira pour faire descendre la paix dans leur cœur ?
Enfants, soyez heureux !
Pasteurs adolescents, vierges chastes et belles.
Salut! Puissent vos cœurs être forts et fidèles!
Bienheureux vos parents ! Honneur de leurs vieux jours,
Entourez-les, enfants, de pieuses amours !
Cette vision calme et chaste de la famille réapparaît dans
Hélène. On y oppose aux transports passagers des plaisirs, que
suit l'amertume, le bonheur durable de l'homme paisible et
fort, de l'épouse riante et pudique. C'est le chœur des femmes
surtout qui chante cette forme rudimentaire de sagesse.
Mais Démodoce oppose à ceux qui font de la joie le seul
but de la vie et qui voudraient chanter à Aphrodite un hymne
sans fin, un programme plus noble et plus vaste. La chasteté
n'y est qu'un moyen de sérénité et d'énergie : le but c'est la
lutte âpre et utile, c'est la gloire que donne au lutteur la vie
fièrement et sagement employée, c'est surtout — et il était
juste qu'on le remarquât de la Grèce — la dignité et la gran-
deur de la patrie.
Il faut bien relever cette pensée constante et émue de la
patrie chez tous les personnages de la pièce que n'aveugle pas
complètement Aphrodite.
Hélène que la passion va emporter loin de Sparte, s'étonne
que Paris ait pu quitter les lieux où il naquit et où ses pères
sont morts. C'est elle qui s'écrie :
et ailleurs
Heureuse qui peut vivre et peut mourir aux lieux
Où l'aurore première a réjoui ses yeux !
Heureux qui sans remords et d'une âme attendrie
Revoit les cieux connus et la douce patrie !
Lorsque les forces l'abandonnent et qu'elle se voit obligée
L« HÉLÈNE » DE LECOi^TE DE LISLE 32 1
de renoncer à la lutte, son regret le plus cuisant est pour la
ville natale, pour son fleuve, pour la chère contrée où elle a
vu la lumière . Elle n'ignore pas que le déshonneur de sa faute
va rejaillir sur toute l'Hellas. Elle dit en effet cà Paris pour le
décider de s'éloigner :
Déjà sur l'onde Aigée
Au mâle appel d'Hellas et d'Hélène outragée
Le courageux Atride excite ses rameurs.
Le chœur de ses compagnes ne parle pas moins tendrement
de son « ciel si doux ». Il chante aussi :
Heureux le sage assis sous le toit de ses pères,
et, lorsque la noble douleur d'Hélène dicte enfin au faible
Paris un mouvement de bonté et qu'il paraît prêt à partir, le
chœur se réjouit pour la Grèce entière de la courte victoire :
O charme du vaste Univers,
O Terre de Pallas, l'invincible déesse,
Exhale un hymne d'allégresse,
Emeus l'Olympe au bruit de tes sacrés concerts !
Hellas ! ô belle Hellas, terre auguste et chérie,
Mes yeux ont vu pâlir ta gloire, ô ma patrie!
Mais Zeus a dissipé l'ombre vaine d'un jour
Et de Pallas les mains paisibles
Brisent les traits d'Eros, si longtemps invincibles :
La sagesse a vaincu l'amour !
Démodoce s'exprime parfois comme elle :
Jeune homme, ils sont aimés des justes Immortels
Ceux qui vivent en paix sur les bords paternels.
Mais son patriotisme atteint à une expression héroïque dans
son mâle appel aux enfants d'Hellas, appel où il faut voir, à
notre avis, le vrai dénouement de la pièce :
O fiers enfants d'Hellas, ô races courageuses.
Emplissez et troublez de clameurs belliqueuses
Mélanges. II. 21
322 L. F. BENEDETTO
La hauteur de l'Olympe et l'écho spacieux
Des plaines et des monts où dorment vos aïeux,
De l'Épire sauvage aux flots profpnds d'Aigée,
Levez-vous pour venger la patrie outragée !
Saisissez, ô guerriers, d'une robuste main,
Et le glaive homicide et la pique d'airain !
Pousse des cris, puissante Argos ! Divine Athènes,
Couvre la vaste mer d'innombrables antennes...
Il tst une scène importante d' Hélène qu'il faut rapprocher de
ce que nous venons de constater, si l'on ne veut pas se
méprendre sur sa valeur symbolique. M. Vianey y voit une
preuve de ce qu'il avance sur le sens général du poème, c'est-
à-dire qu Hélène serait d'abord un poème historique symboli-
sant la lutte entre la Grèce et l'Asie. « Ce sens éclate — ajoute-
t-il — avec une clarté parfaite dans la scène lyrique où les
compagnons de Paris ayant reproché à la Grèce la froideur de
son ciel, l'aède reproche à l'Asie son génie infertile. » Il flui-
drait plutôt dire la scène où les compagnons de Paris tâchent
en vain d'étouffer l'amour du pays natal dans le cœur des
Lacédémoniennes et de les décider à suivre Hélène. Ils épuisent
naturellement tous leurs moyens de séduction :
Le souffle de Borée a refroidi vos cieux.
Oh! combien notre Troie est plus brillante aux yeux!
Vierges! suivez Hélène aux rives de Phrygie,
Où le jeune Iakkhos mène la sainte Orgie,
Où la grande Kibèle au front majestueux
Sur le dos de lions, fauves tueurs de boeufs,
Du Pactole aux flots d'or vénérable habitante,
Couvre plaines et monts de sa robe éclatante !
La riposte des femmes suffirait à elle seule pour nous faire
saibir la vraie portée de ces vers. C'est une douce évocation du
beau paysage laconien. C'est l'expression d'un attachement
ingénu, spontané, invincible.
Le même sentiment se révèle chez Démodoce, mais élargi,
renforcé, dirigé par la raison. Il ne se propose pas de parer
l'accusation de froideur — il ne voit dans ce reproche qu'un
artifice oratoire — mais d'opposer encore une fois aux prin-
L « HELENE » DE LECONTE DE LISLE 323
cipes débilitants des voluptueux la morale magnifique des
sages.
Etrangers, c'est en vain qu'en mots harmonieux
Vous caressez l'oreille et l'esprit curieux.
C'est assez. Grâce aux Dieux qui font la destinée
Au sol de notre Hellas notre âme est enchaînée,
Et la terre immortelle où dorment nos aïeux
Est trop douce à nos cœurs et trop belle à nos yeux.
Les vents emporteront ta poussière inféconde
Ilios! Mais Hellas illumine le monde.
L'amour du sol natal est pour Démodoce un des facteurs
essentiels de la vraie civilisation. Il n'y a donc rien d'étonnant
à ce qu'il magnifie, après avoir déclaré l'amour des Hellènes
pour leur patrie, l'effet qui en découle naturellement : leur
grandeur immortelle.
L'origine première et le but fondamental de la pièce paraissent
bien avoir été ceux que nous indiquons puisqu'il suffit d'ad-
mettre notre interprétation générale pour trouver immédiate-
ment les sources qui ont inspiré au poète son symbole.
M. Vianey, dont les études sur les sources des poèmes lis-
liens sont en général si heureuses et si pénétrantes, s'est ici,
nous semble-t-il, fourvoyé. Il est d'avis que le drame de
Leconte de Lisle n'a pas eu d'autre source principale que
VEnUvcDient d^HéJcuc de Kolouthos '. Or, les deux poèmes
ont entre eux une seule ressemblance : ils nous font assister,
l'un et l'autre, à l'enlèvement et nous introduisent dans le
palais des Atrides à l'arrivée de Paris. Mais il n'était pas diffi-
cile d'imaginer, sans une source spéciale, la première ren-
contre de Paris et d'Hélène. Sans nier absolument que
I. Vianey, oiiv. cit., pp. 368-372. Il faut lirel"Ap::ay7] xf;<; 'EÀî'vtj; dans
l'édition critique de G. Weikberger, Tryphioâcri et CoUuihi caniihia, Lip-
siae, 1896 ; mais on peut aussi consulter avec profit, pour une oiientation
générale, l'édition d'Eug. Abel, CoUulhi LycopoUtani catmen deraptii Helenae,
Berlin, 1880. S'il a lu le poème de Koluthos, Leconte de Liflel'a lu, vrai-
semblablement, dans le texte de Lehrs, Paris, Didot, 1840. Le succès de
ce petit poème n'a pas été en France moins étonnant qu'ailleurs : voir, au
nom ÇoLUTHUS, La France lit là-aire de Quérard.
324 L. F. BENEDETTO
Leconte de Lisle ait connu Kolouthos, on peut affirmer avec
certitude qu'il ne lui a rien emprunté.
Ce n'est pas le poème on ne peut plus mesquin et ridicule
du v^ siècle qui a excité ou guidé sa création. L'idée de sym-
boliser dans Hélène l'opposition des deux Grèces, la volup-
tueuse et la prométhéenne, lui est venue directement des deux
poèmes homériques.
L'Hélène de VOdyssée est le développement logique et néces-
saire de celle de l'Iliade : tout œil un peu pénétrant saisit sans
peine l'identité de leurs traits essentiels. Et pourtant, lors-
qu'on a devant soi la noble hôtesse de Télémaque, si royale-
ment sereine, si tendrement maternelle, on ne peut s'empê-
cher de se demander si c'est bien là encore la pleureuse de
Vlliade succombant sous un destin inexorable. Il n'est pas de
lecteur, je crois, qui n'ait noté ce contraste. Leconte de Lisle
était, pour les raisons qu'on connaît, exceptionnellement pré-
paré à en sentir toute la force. C'est de cette impression de
contraste qu'ont produite sur lui les deux figures et de la cons-
cience de leur réelle identité, que son poème est sorti.
Le sujet d'Hélène est tout entier dans Vlliade. Quoiqu'il se
déroule dans Ilios et à l'époque de la guerre, le drame qu'on
lit dans Homère est exactement le même qui a eu pour théâtre
le palais de Sparte, à l'époque de l'enlèvement. L'état d'iîme de
l'héroïne est le même. Son cœur est de nouveau plein d'amour
pour son mari et pour sa terre natale. La situation est telle-
ment identique que, lorsque la déesse implacable réapparaît
devant elle pour l'entraîner de nouveau dans les bras de
l'amant, elle lui demande, dans sa plainte indignée, si on l'a
destinée à quelque autre Paris. Leconte de Lisle n'eut rien à
changer au tableau exquis d'Homère, lorsqu'il fit d'Hélène
une figure douloureuse, entourée de pitié et de sympathie,
arrachée à ses devoirs par une fatalité impitoyable.
II s'arrêta à rêver sur ce que la plus belle des femmes dit en
pleurant au vieux roi : que mieux eût valu mourir de la mort
la plus cruelle que de quitter son mari, ses frères, sa chère
L« HELENE » DE LECONTE DE LISLE 325
enfant, ses douces compagnes. Il tâcha de préciser la vision
que suggèrent ces regrets et d'imaginer le milieu tranquille où
s'écoula sa vie chaste.
VOdyssà pouvait seule l'y aider, le tableau de ce qu'Hélène
fut, une fois rentrée dans la maison de Ménélas et restituée à
ses premiers devoirs, laissant deviner ce qu'elle avait été avant
que l'orage de la passion éclatât.
Leconte de Lisle utilisa VOdyssée, largement. Il y trouvait un
tableau complet de la civiHsation vertueuse et calme qu'il per-
sonnifia en Démodoce, qui, du reste, est un personnage de
VOdyssée. Il trouvait un des reflets les plus brillants de cette
civilisation dans la belle scène, qu'il a si magistralement adap-
tée à sa nouvelle conception : la cour de Sparte, où trône,
bonne et hospitalière, la reine divine.
La différence générale, si facile à saisir, qui fait de VOdyssée
la contrepartie, bien plus que la continuation de VIliade,
s'ajoutait à l'opposition spéciale des deux Hélène pour l'enga-
ger à voir dans son sujet le symbole d'un progrès décisif
accompli par le peuple grec.
On a remarqué que, par moments, il semble que le poème
de Leconte de Lisle prenne plus de généralité et que l'héroïne
représente, non plus l'âme du monde à un moment de l'his-
toire de la civilisation, mais l'âme humaine de tous les temps.
« Par moments, dit M. Vianey, Leconte de Lisle semble nous
donner dans son personnage le portrait de l'humanité entière,
et nous la représenter comme assujettie au plus intolérable des
supplices : celui de se sentir en proie à des passions irrésistibles
dont elle n'est point responsable et d'entendre en même temps
une voix non moins impérieuse qui les condamne. Par
moments, Leconte de Lisle semble déclarer que la vie est mau-
vaise et qu'elle nous oblige à faire ce que nous désapprouvons,
notre raison nous prescrivant, sous peine d'une honte irré-
médiable, d'accomplir le devoir, et nos passions nous con-
traignant à le violer. Telle est du moins la force des invectives
d'Hélène qu'on se demande si dans le sort de son héroïne le
326 L. F. BENEDETTO
poète n'a pas voulu nous faire reconnaître toute destinée
humaine '. »
Ce que nous avons dit jusqu'ici résout le problème.
Certes, l'idée des destinées planant, implacables, sur les
efforts des mortels, l'idée de la souffrance humaine, est impli-
cite dans l'histoire que le poète nous raconte, le progrès qu'ac-
complissent les Hellènes étant présenté par lui comme une vic-
toire remportée sur des dieux puissants et cruels. Mais le poète
ne s'est pas proposé de représenter, en général, l'éternel con-
flit de l'homme et du destin. Il y a plusieurs fatalités, ou, tout
au moins, plusieurs incarnations différentes de la Moire invin-
cible. Leconte de Lisle a représenté dans Niobé et dans Kaïtiy
l'Ananké jalouse qui pèse sur l'humanité tout entière et qui
l'empêche, après l'avoir privée d'Eden, de reconquérir la liberté
et le bonheur primitifs. Il a montré dans les Erynnies le des-
tin qui poursuit toute une famille et ailleurs celui qui écrase
l'individu. Dans Hélèjie il a représenté le destin qui domine la
vie et entrave l'évolution glorieuse d'un peuple.
Il est vrai qu'Hélène se joint facilement, dans l'imagination
du lecteur, à tous les autres types, dans lesquels le poète a per-
sonnifié la conscience du mal et de l'irresponsabilité humaine.
On pense à Niobé et à Kaïn lorsqu'elle gémit dans l'abatte-
ment :
Ne cesserez-vous point, Destins inexorables
D'incliner vers le mal les mortels misérables?
et surtout lorsqu'elle hurle dans la fureur :
. . . toi, fille de Zeus, ô gardienne infidèle
Pallas, qui m'as trahie ; et vous, funestes Dieux
Qui me livrez en proie à mon sort odieux
Qui me poussez aux bras de l'impur adultère...
Par le fleuve livide et l'Hadés solitaire,
Par Niobé, Tantale, Atrée et le Festin
Sanglant! par Perséphone et par le noir Destin,
I. ViANEY, oui: cit., p. 375.
l'« HÉLÈNE » DE LECONTE DE LISLE 327
Par les fouets acharnés de la pâle Erynnie,
O Dieux cruels, Dieux sourds! ô Dieux, je vous renie !
On se souvient de Kaïn reprochant à Jahveh le meurtre
d'Abel, et de Magnus rejetant sur Dieu la faute de son impiété
irréductible, lorsqu'elle répond fièrement à ses compagnes :
Ah ! sans doute il est lourd le poids que mon cœur porte !
Ils sont amers les pleurs qui tombent de mes yeux!
Mais les Dieux l'ont voulu, je m'en remets aux Dieux !
Ils ont troublé ma vie... Eh bien! quoiqu'il m'en coûte
J'irai jusques au bout de ma funeste route;
Gloire, honneur et vertu, je foulerai du pié
Ce que l'homme et le ciel révèrent, sans pitié.
Sans honte ! et quand viendra le terme de mon âge,
Voilà, dirai-je aux Dieux, votre exécrable ouvrage !
Parfois sa plainte retentit comme un fragment d'Orcslie :
ô douleur ! ô race fatidique
D'Atrée ! ô noir Destin et déplorable jour !
Mais ces rapprochements sont inévitables, les aspects divers
du mal humain ne pouvant pas se séparer trop rigoureusement
l'un de l'autre et Hélène ne cessant pas d'être un individu
déterminé malgré sa signification symbolique. La vraie fata-
lité qu'on voit agir dans Hélène n'en est pas moins, à notre
avis, la fatalité ethnique, celle que font à un peuple ses plus
puissants instincts.
Il faut d'ailleurs se souvenir que ce n'est pas dans la peinture
d'une vie malheureuse et flttale que gît l'intérêt principal de
la pièce. Hélène n'est point du tout un poème pessimiste. La
conscience du mal n'y exclut pas l'optimisme vigoureux de
Niobé et de Kaïn, la foi à un meilleur avenir, le courage de
tout entreprendre pour en hâter l'avènement. Les vrais héros
du poème ce sont les forts enfants d'Hellas que Démodoce
appelle aux armes. Il y a parmi eux un Achille et nous savons
ce que c'est que d'être élevé par Khirôn ' .
I. J. Lemaitre, Les contemporains, deuxième série, Paris, 1889, p. 30, a
écrit : « Il nous montre, en deux drames dont la forme imite d'assez près
328 L. F. BENEDETTO
*
* *
L'idéal pour lequel ils combattent n'est pas une chimère
insaisissable ; c'est, pour Leconte de Lisle, une splendide réalité
de l'histoire. Le dernier tableau de VApollonide fait voir quel
était, suivant le poète, le prodige éclatant auquel aboutiraient
les efforts : l'Athènes de Périklès.
Dans l'aurore et l'azur
Emplissant l'horizon de sa splendeur soudaine
Monte aux cicux élargis la Cité surhumaine,
Et la grande Pallas, le front ceint d'un éclair
Dresse sa lance d'or sur les monts et la mer!
Athènes, c'est l'harmonie parfaite de toutes les vertus de la
race, sous les auspices de Pallas, déesse de la pensée et de l'ac-
tion. Le changement de la passion aveugle en amour chaste —
qui fait le sujet principal d'Hélène — est le premier pas néces-
saire vers cette fusion féconde. Un progrès plus considérable
sera accomph, lorsque Pallas s'adjoindra, en le disciphnant,
Ion, l'Apollondide. Celui-ci n'est pas, comme on le répète
communément, le génie grec ' ; il en est la vertu principale,
l'instinct de la multiple beauté. Ion à Pytho, dans la demeure
de l'oracle, adorant son père Apollon, causant avec les oréades
sous les feuillages des forêts, c'est la poésie au berceau, hymne
intérieur à l'âme poétique du monde, bien plus que réalisation
concrète en formes artistiques. Ion passant du rocher pythique
à Athènes, le poète d'Apollon devenant prince athénien, c'est
les tragédies d'Eschyle, l'aventure fatale d'Hélène, amante de Paris, et
d'Oreste vengeur de son père et meurtrier de sa mère. Mais aussitôt sur-
gissent les rebelles, chers au poète de Kaïn; c'est Khirôn puni pour avoir
rêvé des dieux meilleurs que ceux de l'Olympe; c'est Niobé fidèle aux titans
vaincus. » Cette opposition, à notre avis, n'a pas le droit d'exister. Les
rebelles surgissent déjà dans Hélène.
I. ViANEY, oiivr. cit., p. 298 et suiv.
L« HELENE » DE LECONTE DE LISLE 329
la poésie pénétrant, transformant, sublimant toute la vie; c'est
la naissance de la vraie civilisation athénienne, où toute espèce
d'activité s'enveloppe de beauté et où tout se reflète dans l'art,
miroir éternel. C'est alors que Ion a la pleine révélation des
Muses
A travers la nue infinie
Et la fuite sans fui du temps
Le chœur des astres éclatants
Se soumet à notre harmonie.
Tout n'est qu'un écho de nos voix :
L'oiseau qui chante dans les bois,
La mer qui gémit et qui gronde,
Le long murmure des vivants,
Et la foudre immense et les vents,
Car nous sommes l'âme du monde '.
C'est alors que la grande Athènes devient possible. Une des
Muses la lui montre au loin telle qu'elle sera dans l'avenir :
Enfant ! tu vois la fleur magnifique des âges
Qui s'épanouira sur le monde enchanté,
La ville des héros, des chanteurs et des sages,
Le temple éblouissant de la sainte Beauté.
Tu donneras ton nom à ces races nouvelles ;
Et dans un chant divin qui ne doit plus finir,
Apollonide Ion ! nos lèvres immortelles
Diront ta jeune gloire aux siècles à venir!
I. On comprend mal, sans notre interprétation, une contradiction assez
visible entre la fin du drame et les premières scènes. A la fin du drame, Ion
ne connaît pas les Muses . Il leur demande lorsqu'elles se présentent à ses
yeux :
Qu'êtes-vous, ô formes sublimes.
Spectres ou déesses, parlez !
Montez- vous des sombres abîmes ?
Venez-vous des cieux étoiles ?
Or, il a déjà dit, tout au commencement de la pièce, son invocation au
laurier sacré, invocation qui renferme toute une poétique.
O Laurier qui verdis dans les Jardins célestes.
Que l'Aube ambroisienne arrose de ses pleurs !
Laurier, désir illustre, oubli des jours funestes.
Qui d'un songe immortel sait charmer nos douleurs !
Permets que, par mes mains pieuses, ô bel Arbre,
Ton feuillage mistique effleure le parvis.
330 L. F. BENEDETTO
Je ne sais si l'on a remarqué combien souvent Leconte de
Lisle a sculpté ses héros dans la même attitude : tous absorbés
par la dernière évocation du passé. Que de fois ce mot Salut!
cri à la fois de ravissement et d'angoisse qu'arrache au mou-
rant la dernière vision des jours heureux! Adam meurt, les
souvenirs d'Eden dans les yeux. Debout sur son lit granitique,
les bras croisés sur son sein, dans la nuit, Kaïn évoque l'âge
du bonheur à l'instant même où les cataractes du ciel vont
s'ouvrir pour noyer toute sa race. Si Khirôn le Centaure rap-
pelle sa vie avec tant d'émotion, c'est parce qu'il sait que la
mort est proche. Nous avons déjà vu'Valmiki revivant, avant
de mourir, tout son poème. Sous un ciel noir, à la lueur
sinistre des torches, le barde de Mona chante la première his-
toire de sa race et son chnnt n'est pas plutôt fini que Mur-
doch le destructeur apparaît. Un autre barde, le barde de Tem-
rhah nous apparaît, lui aussi, dans la nuit morne, les bras croi-
sés, les yeux caves et grands ouverts, évoquant la gloire des
anciens Finns, les combats, les vertus, les fêtes de la sainte
Erinn, et enfonçant ensuite l'épée dans son cœur. Le dernier
des Maourys, dernier survivant d'une race de cannibales que
les blancs ont détruite, redit toute l'histoire tragique de son
peuple, et, son récit achevé, disparaît dans les ténèbres. Chez
Mouça-Al-Kébyr le souvenir devient hallucination : l'heure de
l'outrage et de la mort se transforme pour le guerrier en une
heure lumineuse de triomphe. La résurrection des ans écoulés,
des aventures d'autrefois, est pour Magnus aussi l'agonie de
l'âme à l'approche de la mort : une fois que toute sa vie s'est
étalée, vision claire et puissante, à ses yeux, le vieillard dispa-
raît dans les flammes infernales et le donjon s'écroule. Dans
les quelques instants que Komor lui accorde pour conjurer le
Sauveur avant de mourir, Tiphaine s'oublie dans un beau rêve
Afin que la blaacheur vénérable du marbre
Eblouisse les yeux ravis
C'est Leconte de Lisle, bien plus que Ion qui exprime ses idées dans ces
vers.
l'« HÉLÈNE » DE LECONTE DE LISLE 33I
et c'est sa jeunesse fraîche et joyeuse, c'est l'aurore divine de
son premier amour, c'est l'enivrement de la faute après l'union
funeste, c'est tout le passé inoubliable qui lui revient en
mémoire.
V Apollon i de :i été le rêve enchanté où le poète s'oublia à son
couchant.
Li nuit l'enveloppait. Son regard ne discernait plus dans le
passé, autrefois si splendide, qu'un cortège lugubre de morts,
de même que la nature ne lui laissait plus percevoir que ses
aspects les plus sinistres. Il sentait un lourd destin peser sur
les hommes, sur les animaux, sur les plantes, et entraîner tout
ce monde triste au néant. Et lui, l'ancien Kaïnite, le chan-
teur d'Enokia, n'avait plus qu'une crainte désormais : que la
mort ne fût pas complète, que la paix ne fût pas irrévocable.
Il disait de mille manières son désir du silence, de l'oubli éter-
nels.
La patrie idéale reparut devant lui. Jamais sa vision n'avait
été si lumineuse, si pure, si entière. C'étaient, dans une syn-
thèse magnifique, tous ses souvenirs, tous ses rêves. C'était
l'épanouissement complet et radieux de la beauté : l'apothéose
d'Hélène'.
Luii^i Foscolo Benedetto.
I. J. Lemaitre, Iiiipn'ssioits de théâtre, neuvième série, Paris, 1896, p. i,
parle de V Apollonide comme d'une simple adaptation de VIon d'Euripide et
montre par là qu'il n'a rien compris à ce poème admirable. Voir plutôt les
belles pages qu'a consacrées à V Apollonide Jean Psichari, Autour de la
Grèce, Paris, 1897, p. 161-171 .
LA BIBLIOTHÈQUE
DE
CLAUDE BELLIÈVRE
(1530)
Claude Bellièvre a pu être considéré à juste titre comme un
précurseur de nos modernes archéologues et épigraphistes.
C'est à lui que la ville de Lyon dut l'acquisition des fameuses
Tables de Claude; ses jardins du quartier du Gourguillon, à
Lyon, où il avait rassemblé quantité d'inscriptions et de
monuments antiques, sont demeurés longtemps célèbres, et
son Liigdumun priscimi aurait suffi à sauver son nom de l'oubli.
Mais ce que ne disent pas les auteurs qui se sont occupés de
lui, c'est que cet amateur passionné des vieilles choses avait
formé une collection de livres vraiment importante pour
l'époque. Seul, à ma connaissance, Léopold Niepce ' parle de
sa « librairie » ; encore, bien qu'il souligne le mot, est-ce
tout à fait en passant ; et s'il la qualifie de « belle », il semble
bien que ce soit de confiance. Cependant, le catalogue de la
bibliothèque de Bellièvre existe, écrit de sa main ; il occupe
dix à onze pages de l'un de ces gros recueils où l'érudit
lyonnais se plaisait à accumuler les notes sur les sujets les
plus variés-.
1. Léopold Niepce, Archéologie lyoïiintise ; les chambres de iiierveilles et
cabinets d'antiquités de Lyon depuis la Renaissance jusqu'en i/Sç, p. 57. —
Je ne trouve aucune mention de la bibliothèque de Claude Bellièvre dans
l'ouvrage du même auteur, Les Bibliothèques anciennes et modernes de Lyon
(Lyon, 1876).
2. Bibl. Nat., ms. fr. 17526, fol. 82-87 ^^^ ''^ P^^^^ récente numérotation.
334 LUCIEN AUVRAY
Ce catalogue comprend i68 articles. Trois parties, au point
de vue de la rédaction, sont à distinguer. Une première par-
tie, qui couvre les feuillets 82 à 85 du manuscrit, paraît s'ar-
rêter h notre numéro 136. Elle a été écrite, à une date indé-
terminée ', toute d'une teneur et d'une même encre assez
noire, d'une main d'abord assez posée, puis, dès la seconde
page, très rapide. Après quoi, la diversité des encres et des
plumes indique clairement que Bellièvre a eu, à plusieurs
reprises, la préoccupation de tenir à jour ce premier inventaire.
Ces additions successives vont du numéro 137 au numéro 165
du catalogue. Elles ne doivent pas dépasser, comme date,
l'année 1530. En effet, la date 1530, qui se lit en tête du
catalogue, est une addition postérieure à la rédaction de la
première partie, et doit s'appliquer à la totalité de ce cata-
logue, jusqu'au numéro 165 inclus-.
Enfin, un dernier et court supplément (fol. 86 v°-87 r°)
date de 1555; on y trouvera mentionnés uniquement des
recueils de la main de Bellièvre lui-même (n. 166 à 168).
Un certain ordre a présidé au classement de cette biblio-
thèque, qui, formée à l'usage d'un magistrat \ est, pour une
Bellièvre avait intitulé ce recueil Varia parinnu, par opposition à un autre,
dénommé Varia vtaginnii, qui semble perdu.
1. Mais cette date ne saurait être antérieure à 1524; c'est en cette année,
en effet, que parut la première édition des Mémoires de Philippe de Com-
mines (cf. no 71 du catalogue).
2. Les mots : « j'avoys en l'an 1550 » sont, en effet, d'une encre beau-
coup plus pâle que les mots : « Primo, in Jure canonico », qui précédent
immédiatement. Il est à noter que cette même date « 1530 » résulte d'une
correction; Bellièvre avait d'abord écrit « 1523 », mais par pure inadver-
tance , semble-t-il, et aucune partie du catalogue ne remonte à cette date.
Outre que ces deux dates sont, dans le texte, exactement de la même encre,
on a vu, dans la note précédente, que la partie la plus ancienne du catalogue
ne peut être antérieure à 1524.
3. Ou, plus exactement, d'un futur magistrat. De 1522 à 1528, Bel-
lièvre fut échevin de Lyon. C'est en 1552 qu'il fut pourvu de l'office d'avo-
cat du roi en la sénéchaussée de Lyon et bailliage de Mâcon. Cf. Catalogue
des actes de François /er, t. II, n" 4380. — Pour le curriciduin vilae de
Claude Bellièvre, on pourra consulter Fleury Vindry, Les Parktnenlaires
français au XVI^siîcle, t. I, p. 69 (Parlement de Grenoble). Cf. Inventaire
LA BIBLIOTHEQUE DE CLAUDE BELLIEVKE 335
bonne partie, mais non certes exclusivement, une biblio-
thèque juridique'. — En tête figurent, avec un sous-titre
spécial, les livres de droit canon, au nombre de 10; vient
ensuite, avec un autre sous-titre, une plus longue et plus
importante série d'ouvrages sur le droit civil, textes et com-
mentaires (n. II à 63). Puis, après une ligne en blanc, indi-
quant le commencement d'une nouvelle section, sont mention-
nés, un peu pêle-mêle, les ouvrages qui, sauf quelques
exceptions (le n° 107 en est une), ne rentrent dans aucune
des deux catégories précédentes (n. 64 à 136). Cette dernière
division n'est pas celle qui présente à nos 3'eux le moins
d'intérêt ; c'est elle qui constitue la portion non profession-
nelle de la bibliothèque de Bellièvre, et peut le mieux nous
renseigner sur ses goûts d'humaniste. — Parmi les additions
postérieures à la première rédaction, nous retrouvons, mêlés
à des ouvrages de toute nature, une assez forte proportion de
livres de droit.
On raconte que Barthélémy I Bellièvre, grand-père de
Claude, qui, sans doute avant de devenir intendant de la mai-
son du cardinal de Bourbon, archevêque de Lyon, avait été
notaire, occupait un clerc de son étude uniquement « à copier
les bons auteurs latins et les anciennes chroniques de notre
histoire^ ». On ne s'étonnera pas de rencontrer, dans la
ioiiniuiirc des Ai cbivcs dcpartemeii Iules aiiU'rieures à i'j(^o..., Isài',l. 11(1884),
pp. II et 59.
1 . Parmi les nombreuses bibliothèques privées de la première moitié du
XYi»: siècle, dont le catalogue a été publié, je me bornerai à citer, comme
se rapprochant plus particulièiement, par leur ccmpositicn, de la biblio-
thèque de Claude Bellièvre, celle de Gilles Perrin, officiai de l'archidiacre
de Josas (1528 ; 189 articles, divisés en deux séries; catalogue publié par
M. Ernest Coyecque, dans le BuUeiin hisloriqtie et philologique du Comité
des Travaux historiques et scientifiques, année 1896 [1897], pp. 777-785 ;
tirage à part de 10 pages), et celle de Georgius Sabinus.gendrede Mélanch-
thon (1533; 8) articles; bibliothèque exclusivement juridique; catalogue
publié par M. Fritz Schillmann, dans le Zeiiiralblali Ji'ir Bibliothehîvesev,
t. XXVIII, novembre 191 1, pp. 487-495). Notamment, les n. 12, 30, 39,
45, 138 du catalogue de Bellièvre se retrouvent dans celui de Sabinus.
2. Pernetti, Recherches pour servir à llnstoire de Lyon, les Lyoniiois dignes
de mémoire, t. I (1757), p. 306, reproduit à peu près textuellement par
336 LUCIEN AUVRAY
bibliothèque de son petit-fils, héritier de ses goûts et peut-
être aussi d'une partie de ses livres, un certain nombre d'au-
teurs classiques '; et parmi ceux des volumes de sa collection,
auxquels Claude Bellièvre semble avoir attaché le plus de
prix, figuraient des exemplaires manuscrits, sur parchemin et
«fort beaux », de Térence (n. ii6) et de Quinte Curce
(n. 115) ; l'un de ses six volumes de Cicéron était une « rhé-
torique... à la meyn, fort belle » (n. 117); et des Commen-
taires de César, il possédait, outre un exemplaire « en lettre
coursive », sans doute sur papier (n. 153), une copie « à la
meyn », sur parchemin (n. 14e)-.
Les ouvrages des contemporains, ou d'auteurs peu anté-
rieurs à sa génération, trouvaient également place sur les
rayons de son cabinet ; les Mémoires de Philippe de Com-
mines, par exemple, alors dans toute leur nouveauté (n. 71),
ou encore la Farce de Maistre Pathelin (n. 162) ; 1' « Histoire
de la défaite des Luthériens en Lorraine » (n. 142) représen-
tait dans sa collection l'événement d'actualité.
Les auteurs italiens, et cette constatation ne saurait sur-
prendre, sont en assez forte proportion dans la bibliothèque de
Claude Bellièvre 5; on sait les longs séjourgde l'antiquaire lyon-
nais à Rome, à Florence et dans l'Italie du Nord ; toutefois, s'il
est vraisemblable qu'il les ait rapportés d'au-delà des monts,
il a pu se procurer tout aussi bien chez les grands imprimeurs-
libraires de sa ville natale ses exemplaires de Pétrarque (n. 69
et 156), de Politien (n. 72), de Sannazar (n, 100), d'Anto-
nio Fregoso (Conten'^ione di Plttto ed Iro, n. 96), de Laurent
Valla (n. 68 et 98), comme aussi les « Regole grammaticali
l'auteur anonyme des Essais sur la ville de Lyon, dans Archives historiques et
slatistiques du département du Rhône, t. VIII (1828), pp. 82-83.
1. Cf. les numéros 64, 66, 67, 70, 81, 105, 109, m à 117, 137, 138,
146, 153.
2. Je signalerai encore, parmi les manuscrits appartenant à Bellièvre, le
n. 73.
3. Il en était de même dans la bibliothèque de Gilles Perrin, dont il a
été fait mention plus haut, et certainement dans beaucoup d'autres.
LA BIBLIOTHEaUE DE CLAUDE BELLIHVRE 337
de la volgar lingua », de Giovanni FrancescoFortunio(n. 80),
la plus ancienne grammaire italienne qui ait été imprimée.
Non moins remarquable, et non moins significative peut-
être, que l'absence à peu près complète, dans la bibliothèque
de notre érudit, de tout ouvrage de théologie catholique (je
ne trouve à citer qu'un exemplaire des Epîtres de saint
Jérôme, un peu perdu au milieu de traités de droit civil,
n. 33), est la présence de quelques œuvres de deux des plus
grands réformateurs de son temps ; en effet, Luther est repré-
senté ici par son de Votis moiiasticis (n. 103), et Mélanchthon
par ses Loci communes reriim théologien mm (n. 78), et par son
Oratio in fmiere Frederici, Saxonie ducis (n. 160). Quant à
Érasme, dont il eût été plutôt étonnant de ne pas rencontrer
ici au moins une fois le nom, Bellièvre possédait de lui son
de Libéra arbitrio, joint à son Caton (n. 70), et deux exem-
plaires de ses Colloquia (n. 151 et 159), dont l'un lui avait
été offert en cadeau par son compatriote Claude Rousselet.
Enfin, il est toute une série d'articles de ce catalogue qui
mérite tout particulièrement de ne pas passer inaperçue ; je
veux parler des nombreux recueils et répertoires écrits de sa
main, que Bellièvre a relevés dans son inventaire, et dont
plusieurs sont parvenus jusqu'à nous ' ; il y faut joindre la
mention de deux livres annotés par lui (n. 124 et 126), et
surtout celle d'un précieux recueil de pièces formé, ou tout
au moins copié, par son père Barthélémy (n. 158), et dont la
paternité a été faussement attribuée, par tous les auteurs qui
en ont parlé, à Claude lui-même.
Le catalogue publié plus loin n'est pas sans intérêt pour la
biographie même de son auteur. Bellièvre nous y apprend
qu'en 1555, il avait 67 ans. C'est là une donnée qui vient
s'ajouter à celles, trop rares, que nous possédions déjà par
ailleurs. En 1557, un monument lui fut érigé par les soins de
I. Numéros 53 à 56, 37 (?), 119, 121 à 123, 125, 127, 130 à 134, 144
(en partie), 147 et 166 à 168.
Mélanges. IL 22
338 LUCIEN AUVRAY
ses fils Jean et Pompone. D'après l'épitaphe gravée sur ce
monument, épitaphe bien des fois imprimée et réimprimée,
Claude Bellièvre a vécu 70 ans, 7 mois et 7 jours. Deux au
moins de ses biographes fixent la date de sa mort au
2 octobre de cette même année 1557 '; ce qui, d'après le
compte des années, mois et jours fourni par l'épitaphe, repor-
terait la date de la naissance de Claude Bellièvre non au mois
de mars, comme on Ta souvent répété, mais au 25 février
1487. Cette dernière date est acceptable, mais à la condition
que la note de 1555 ne soit pas postérieure au 25 mars de
cette année ; passé cette date, il faudrait admettre que Bel-
lièvre se serait trompé, en se disant âgé de 67 ans, au lieu
de 68, qu'il aurait eus.
S'il paraît avéré que Bellièvre a étudié le droit à l'Univer-
sité de Toulouse -, on ignorait qu'il eût poursuivi ses études,
comme tant d'autres jeunes Français de son temps, en Italie;
il y eut deux maîtres réputés, qui tous deux ont enseigné à
Pavie, leur pays natal, Francesco ou Franceschino Corti le
Jeune ' et Paolo Pico-^. C'est ce qui ressort clairement des
1. Breghot du Lut et Péricaud aîné, Biographie lyonnaise, Catalogue des
Lyonnais dignes de mémoire (1839), P- 3*^' ^^ Léopold Niepce, Les Biblio-
thèques anciennes et modernes de Lyon, p. 52 et p. 608.
2. Germain de La Faille, Annales de la ville de Toulouse, 2^ partie (Tou-
louse, 1701), p. 130, et Pernetti, Recherches pour servira Vhistoire de Lyon,
les Lyonnais dignes de mémoire, t. I, p. 508.
3. Mort en 1533. Voir sur lui G. Panziroli, De clarislegum inlerprelibus,
(Leipzig, 1 721), p. 264, et Marco Mantova, Epitonie virornm ilîustriitm qui vel
scripserunt vel jurisprudentiam docuerunt in scholis, imprimé à la suite du De
Claris legum interpretibus, de Panziroli (édition précitée), p. 458, notice 77.
Mantova, ou Marco Mantuano, de son vrai nom Benavidio, avait person-
nellement bien connu Franceschino Corti. Voir encore Savigny, Geschichle
des rômischen Redits im Mittelalter, 2^ édit., t. VI (1850), p. 486, et trad.
Charles Guenoux, t. IV (1839), p. 272.
4. Sur Paolo Pico, élève du célèbre Jason Maino, voir Marco Mantova,
Opus cit., p. 485, notice 201. On sait peu de chose de lui, et je ne vois pas
que Panziroli le mentionne. Mantova dit de lui : « floruit anno 1493 » ; il
faut supposer que son enseignement dura bien au delà de cette date; autre-
ment Bellièvre, né, comme on l'a vu, en 1487, n'aurait pu être son auditeur.
Lipenius, Bibliotheca realis juridîca (Leipzig, 1736), cite plusieurs ouvrages
LA BIBLIOTHEaUE DE CLAUDE BELLIEVRE 339
articles 53 à 56 de notre catalogue : Rccollccle vice... sub
domino Francisco Ciirtio, Rccollccle mec. .. siib domino Paiilo Pico.
Notre jeune Lyonnais n'aurait-il pas également suivi, non
plus à Pavie, mais à Turin, les leçons d'un professeur qui eut
aussi une certaine célébrité, Tommaso Parpaglia ' ? L'ar-
ticle 57 de l'inventaire, ainsi libellé : Recollecfe sub domino
Thoma Parpallia super secunda Codicis, cum nonnullis aliis,
pourrait nous porter à le croire. Il importe toutefois de
remarquer que, tandis que dans les quatre articles précédents,
Bellièvre emploie constamment l'expression Rccollccle mec, il
écrit ici seulement Recollecte, sans l'adjectif possessif ///ff. Il est
donc vraisemblable qu'il faut voir dans cet article 57, plutôt
que de notes prises par Bellièvre en personne, un cours qu'il
aurait eu l'occasion de se procurer, ainsi que plusieurs autres,
— « cum nonnullis aliis », dit-il. — Il n'est, d'ailleurs, pas
douteux que Bellièvre connut Turin -, sans qu'on puisse
affirmer qu'il y ait fait un séjour prolongé.
Les 168 numéros du catalogue imprimé ci-après ne nous
donnent certainement qu'une idée assez imparfaite de l'en-
semble de la bibliothèque de Claude Bellièvre, telle qu'elle
devait être lors de sa mort, en 1557. Nous savons par lui-
même que, de 1530, date de notre catalogue, à 1555, sa col-
lection s'était accrue d'une quantité considérable de livres et
d'opuscules (« infiniti libri et libelli »), que malheureusement
il n'a pas pris la peine d'énumérer et encore moins de dé-
crire.
Les nombreuses références bibliographiques, malheureuse-
ment bien vagues pour la plupart, de son Lugdununi priscum,
de Piiolo Pico. Voir encore Savigny, Ibid., p. 492, et trad. Charles Gue-
noux, IMcL, p. 278.
1. Sur Parpaglia, de Turin, voir Marco Mantova, Opus cit., p. 492,
notice 226. « Floruit anno 15 10, dit cet auteur, et docuit in patria tan-
tum. » Lipenius, Opus cit., mentionne également plusieurs ouvrages de
Parpaglia.
2. Lugdiinuin priscinii (Lyon, 1S46), p. 121.
340 LUCIEN aùvraV
ouvrage auquel Bellièvre travaillait encore en 1356 ', c'est-à-
dire peu de mois avant sa mort, pourraient-elles du moins
suppléer à son silence sur les acquisitions faites par
lui pendant les 25 dernières années de son existence ?
Dans une très faible mesure, assurément, bien que ces réfé-
rences témoignent d'une assez ample information, puisée
vraisemblablement, pour la plus grande partie, dans la biblio-
thèque même de l'érudit collectionneur \ Parmi les auteurs
qui figurent dans le catalogue de 1530, il en est bien peu que
nous retrouvions dans les notes du Lugdiitiiim prisciivi 5 . Par
contre, bon nombre d'autres sont cités, dans cette curieuse
compilation, dont on chercherait vainement la mention dans
le catalogue, ou qui n'y sont pas représentés par les mêmes
ouvrages. En voici quelques-uns, — abstraction faite des clas-
siques latins et grecs, qui formeraient à eux seuls une assez
longue liste^ — dont il m'a paru intéressant de relever ici les
noms : Alciat (divers traités), Alessandro Alessandri, Pyrrhus
d'Angleberme, Nicolas Bertrand ou Bertrandi (De gestis Tho-
losanonnn), Flavio Biondo, Budé (traités non mentionnés
dans le catalogue), Fabio Calvo, François de Connan, Pietro
Riccio Crinito, Guillaume Du Breuil ÇSfyle du Parlement, édité
par Charles Dumoulin), Charles Dumoulin (^Coi)imentarii in
Coiisiietudiuein Parisiensevi), Giovanni Battista Egnazio, Erasme
(Proœiniiim ad diviiui AiiibrosiiiDi), Robert Gaguin, Pompo-
1. Liigdiiniiiii priscKiii, p. 119.
2. C'est seulement dans quelques cas, tout à fait exceptionnels, que l'on
peut conclure, de sa manière de citer, que Bellièvre se sert d'exemplaires
lui appartenant personnellement. Voici les citations de ce genre que j'ai
notées : « Gaguinus, fol. mihi vi » (p. 72) ; « Livius, f° mihi lu »
(p. 82, note); « Paulus .Emilius, fol. 151, mihi 38 » (p. 140) ; « Paul.
iEmil., 1. VI, fol. mihi 174 » (p. 141).
3. Voici les seuls noms, en dehors des classiques latins et grecs, que je
rencontre à la fois dans le catalogue et dans le Liigdunum priscum : Annius
(^Antiquitatiim variarum vohun'uui), Budé (ih Asse), Aymar Du Rivail,
saint Jérôme (Lt'«r«), Gui Pape, Ange Politien et Marc' Antonio Sabcllico
(Exeinpîa). Il convient d'y joindre le propre recueil de Bellièvre intitulé
Varia paivum et le Tractatus de hellis de son père Barthélémy.
LA BIBLIOTHEQUE DE CLAUDE BELLIEVRE 34I
nius LiTstus {De Romanorum via^istratihiis), Christophe MiUeu
ou Myla:us Helveticus {De priuiordiis clarissimx nrbis Lug-
dnni commenlarins), Sébastien Munster (traduction française
de VOrganiun Uranicum?), Paradin {De antiqm statu Bnr-
giindiœ), Paul Emile, Niccolô Perotti, Pétrarque {Lettres) ',
Raphaël de Volterre, Beatus Bild, dit Beatus Rhenanus, Lo-
dovico Riccieri, dit Celio Rodigino, Claude de Seyssel {de Val-
densibns) -.
Enfin, je rappelerai que notre antiquaire ne faisait aucune-
ment fi des poètes français de son temps, — de ceux du moins
que Lyon avait vu naître, ou qui avaient des attaches lyon-
naises, — et qu'il a reproduit, dans son Litgduniini priscmu,
pour cette unique raison, il est vrai, qu'ils étaient à la gloire
de sa ville natale, ii vers de Marot ' et 37 vers de la Délie
de son compatriote Maurice Scève'*.
La bibhothèque de Claude Bellièvre a dû être dispersée de
bonne heure^ longtemps avant ses collections d'antiquités,
dont des débris importants ont subsisté à Lyon pendant plus
de deux siècles 'k Bien rares, aujourd'hui, en sont les épaves;
1. Dans le catalogue, il n'est fait mention que de ses poésies (n. 69 et
156).
2. Ce serait une entreprise assez vaine, et dans la plupart des cas
impossible, que de rechercher de quelles éditions s'est servi Bellièvre. Je
noterai seulement que toutes ses citations du De antiqno statu Biirgtindiae, de
Paradin, se rapportent à l'édition de Lvon, 1542, sauf une (Ltigdtiuuiii pris-
ciim, p. 158), qui vise peut-être un manuscrit. Bellièvre paraît n'avoir fait
aucun usage de l'édition de Bâle. — Une ou deux fois seulement, dans
tout son livre, il indique la date des éditions dont il se sert.
3. Lugdununi priscum, p. 65. — Ce sont les vers 53 à 63 de VEpître an
cardinal de Totirnon ; édition Pierre Jannet, t. I, p. 236; édition Georges
Guiffrey, t. III, p. 549-550.
4. Ibid., p. 63-64. — Ces vers sont empruntés aux dizains 26 (4 vers),
208 (4 vers), 385 (2 vers), 395 (entier), 396 (4 vers), 412 (entier) et 417
(3 vers).
5. Au témoignage du P. de Colonia, on voyait encore, en 1738,
22 inscriptions dans les anciens jardins de Bellièvre, qui appartenaient
alors aux Trinitaires. Mais il n'en restait plus trace au temps de Millin. Cf.
L. Niepce, Arcliéotogie lyonnaise ; les chambres de nierveiUes, etc., p. 64.
342 LUCIEN AUVRAY
et je ne pourrais signaler, en dehors de ses propres recueils,
que trois manuscrits portant son ex-lihris ; ce sont les manus-
crits suivants de la Bibliothèque nationale :
Latin 5187. — Registre original du secrétariat de l'arche-
vêque de Lyon Charles d'Alençon, entièrement de la main
de Barthélémy II Bellièvre, père de Claude.
Latin 14195. — Recueil de pièces, manuscrites et imprimées,
parmi lesquelles de précieux incunables.
Français 19087. — Corgolo de Corne, etc. (avec des notes
de Claude Bellièvre au commencement et à la fin du
volume) '.
En revanche, une notable partie des papiers de Bellièvre %
recueils plus ou moins volumineux, ou notes éparses, est par-
venue jusqu'à nous. Je ne crois pas inutile de donner ici la
liste de ceux dont j'ai connaissance K
Montpellier, Bibliothèque de la faculté de Médecine, ms.
257. — Lugdunum priscuin (= Catalogue, n° 167).
Paris, Bibliothèque nationale :
Latin 10033. — Recueil intitulé i^^^/j (= Catalogue, n°i68).
Latin 13 122. — Répertoire, en partie alphabétique, principa-
lement sur des matières de droit, commencé en 1534.
Latin 13 123. — Recueil intitulé Noctes Romanae (= Cata-
logue, n° 119).
1. Il y aurait lieu d'ajouter à ces trois manuscrits, quelques pièces insé-
rées dans divers recueils ; viennent ainsi de Bellièvre les feuillets 199-221 du
ms. français 16626 (sont de sa main partie du feuillet 201 ro, tout le feuil-
let 201 vo et les premières lignes du feuillet 215 r»), les feuillets 471 à 525
du ms. français 16661 (son ex lihris se lit au feuillet 511 ro), peut-être les
feuillets 532 a 547 du même volume, et sans doute aussi les feuillets 422
à 435 du ms. français 16871 (je crois reconnaître sa main dans la note
du feuillet 435 vo).
2. Je me propose de revenir plus en détail sur les papiers laissés par
Cl. Bellièvre.
5. L'existence de deux autres grands recueils, qui paraissent aujourd'hui
perdus, nous est révélée par Bellièvre lui-même ; ce sont ses Varia ma-
gnum et le registre qu'il désigne ainsi : « liber cui pro titulo est signum >^ »
(ms. français 17526, fol. 581 ro et 382 vo).
LA BIBLIOTHEQUE DE CLAUDE BELLIEVRE 343
Latin 13 124. — Recueil intitulé Noctes Florentinae (= Cata-
logue, n° 130).
Latin 13 125. — Manuscrit intitule L/7v////j /// inateria laiide-
niioruui (en partie seulement de la main de Bellièvre).
Latin 13 126. — Répertoire de droit et d'institutions.
Latin 13 127. — Mélanges; recueil d'inscriptions, etc.;
manuscrit de format agenda (= Catalogue, n" 125).
Latin 13 128. — Recueil de matières canoniques (cf. Cata-
logue, n° 131).
Français 155 14, fol. 372 à 410. — Taxaehciicficioritiii coiisislo-
rialium Franciae. (= Catalogue, n° 121).
Français 17526. — Recueil intitulé Varia parviim Q= Cata-
logue, n° 166).
Français 18414. — Recueil concernant le Parlement de Gre-
noble.
Baluze 135, fol. 215 à 219. — NoiinnJla de pal n'a Delphinatiis.
Lucien Auvray.
344 LUCIEN AUVRAY
S'ensuyt l'inventayre des livres de moy Claude Bellièvre*.
Primo in Jure canonico j'avoys en l'an 1530.
1 . Le Corps du droict canon, en grand volume.
2 . Les Lectures de Panorme, cum Judiciario ordinc seu practica,
allegationibus et glosis super CIe[mentinis] ejusdem ; item
et cum répertorie Cors[eti].
3 . Lectura domini Innoc[entii] super Decretalibus.
4. Sextus et Clémentine, en petit volume.
5 . Gemynianus super Sexto.
6. Petrus de Anchar[ano] super Sexto.
7. Summa Hostiensis.
8. Jo[hannes]de Ymol[a] super Clementinis.
9-10. Repertorium Nicolai de Milis, scriptum manu, en grand
volume, et ung autre, imprimé, en petit volume.
* Bellièvre avait d'abord écrit : « S'ensuyt l'inventayre de mes livres. »
— En outre, sans doute à l'époque où il a révisé son catalogue, il a écrit,
d'une encre plus pâle, son nom, « Cl. Bellièvre », en haut et à gauche de
la page.
2. Sur les Lecture de Niccolô Tedeschi, archevêque de Palerme (Panor-
mitanus), voir Schulte, Die Geschichte der OneUen nnâ Literattir des Caiio-
nischen Rechts, t. 11(1877), p. 313. — Pour les éditions de son Jtidiciariiis
ordo seu practica, cf. Hain, Repertorium bihliogriipbicuvi, n. 12360 et suiv.
— Pour les Alleerationes et les Glosae super Clementinis, voir Schulte, Ihid.
— Sur le Repertorium d'Antonio Corsetti in opéra Nicolai Pauormitaui, voir
Schulte, Ihid., p. 349; pour les éditions, cf. Hain, 5771 et 5772.
3. Il s'agit sans doute des Commentaires d'Innocent IV sur les Décré-
tales; cf. Schulte, Ihid., p. 92-93.
5. Domenico da San Gimignano ; cf. Schulte, Ihid., p. 295, n^ 2;
Hain, 7528 et suiv.
6. Pietro da Ancarano ; cf. Schulte, Ihid., p. 281, n" 2.
7. Enrico de' Bartolomei, Henri de Suse, évéque d'Ostie ; Summa
super titulis Décrétai ium ; cf. Schulte, Ihid., p. 125, n" 2. — Cl. Bellièvre
a inséré une note sur lui dans ses Noctes Romanac (ms. lat. 13 123,
fol. 214 r°).
8. Giovanni da Imola; cf. Schulte, Ihid., p. 298, n" 3.
9-10. Sans doute le « Nicolaus Milius, auditor rotae », mentionné,
d'après Diplovatazio, par Schulte, t. II, p. 299, note *, et qui ne fait peut-
être qu'un même personnage avec le canoniste Giovanni Milis, de Vérone,
dont le Repertorium huis est bien connu ; cf. Schulte, Ihid., p. 299-300.
LA RIBLlOTHEdUE DE CLAUDE BELLIEVRE 345
In Jure civili.
11. Le Corps du droict civil.
12. Lecture Bartholi, cum consiliis, tractatibus, question ibus et
répertorie.
1 3 . Spéculum, en troys volumes.
14. Bal[dus] super toto Codice.
15. Salic[etus] super toto C[odice].
16. Septem libri Consiliorum Alix[andri], en troys volumes.
17. Consilia Baldi.
18. Consilia Pauli de Castro.
19. Consilia Ludovici Romani.
20. Repertorium Bertachini.
21. Ung livre couvert de peaul tanée, intitulé : Disputationes
diversorum.
22. Ung livre couvert de rosin, ubi est Repctitio rub[rice] et
c[apituli] Per vestras, De dona[tionibus] inter virum et
ux[orem], per Palacios Ruyvos ; item Commentum super
15. Sans doute le Spéculum jadiciaU de Guillaume Durand. L'édition de
Rome, 1474, est précisément en trois volumes in-folio. Cf. Brunet, Manuel
du libraire, t. II, col. 906.
16. Les Consilia d'AIessandro Tartagni, d'Imola ; cf. Haiu, 15255 et
suiv.
17. Consiliorum partes V ; cf. Hain, 2528 et suiv.
18. Cf. Hain, 465961 suiv., 614644.
19. Lodovico Pontano, jurisconsulte à Rome (Romanus); Consilia et
allegationes ; cf. Hain, 15274 et suiv.
20. Giovanni Bertachini ; cf. Schulte, t. II, p. 549.
21. Je ne trouve pas, dans les bibliographies que j'ai consultées, men-
tion d'un recueil correspondant à ce titre. — Sur \qs Disputationes, vov.
Savigny, Geschichte dcsrômischen Rechts ivi Mittelalter, 2^ édit. , t. III, p. 570
et t. VI, p. 18.
22. A. Repetitio rubricae et capiluli Per vestras. De donationilms inter
virum et uxorem, ouvrage, sans doute fort peu commun, de Juan Lopcz de
Palacios Rubios, dont le titre est donné par Nicolas Antonio, Bibliotheca
hispanica nova, t. I (1785), p. 720 ; cf. encore Schulte, t. II, p. 5 58. ^ Le
chapitre Per vestras {litteras'] est le 7e du titre xx (De donationibus inter virum
et uxorem) du livre IV des Décrétales de Grégoire IX. — B. Giovanni
Antonio da Sangiorgo ; cf. Hain, 7590 et suiv. — C. So^^y, corrigé en
5ocj. Mariano Soccini, ou Socin, Tractatus de tnstantia ; cf. Hain, 14855
et 14856. — D. Martino Garrati, de Lodi (Martinus de Caraziis, ou Car-
ractus, ou Caretus) ; il s'agit vraisemblablement ici de sa Disputai io in
materia legitimationum; cf. Schulte, t. II, p. 396. — E. Stefano Costa,
Tractatus de ludo ; cf. Schulte, Ibid., p. 405, no i.
34^ LUCIEN AUVRAY
usibus teudorum, per d[ominum] Anto[nium] de Sancto
Georgio ; item Tract[atus] instantiarum, per d[ominum]
Marianum Socy ; item Tract[atus] de legitimatione, per
d[ominum] Mart[inum] Caretum Laudensem ; de Ludo, per
Step[hanum] Costam.
25 . Ung livre in quo sunt Consilia Fede[rici] de Senis, et Barba-
[tia], de prestan[tia] card[inalium].
24. Angélus super Institutionibus, couvert de peaul noyre.
25-26. Jo[hannes] Fabri super Institutionibus, et Jas[on] super
ti[tul]o De actio[iubus], dupliquez, l'un en cartons, l'autre
en aiz.
27. Hyppolitus de Marsiliis, de questionibus.
28. Angélus, de maleficiis.
29 . Summa Azonis .
30. Ung volume couvert de cartons, in quo continetur : Ph[ilip--
23. Federico Petrucci, de Sienne ; cf. Schulte, IbU., p. 238. — Andréa
Barbazza, de Messine ; cf. Schulte, Ibid., p. 310.
24. Angélus de Gambilionibus, Angelo Gambilione ou Gambilioni,
d'Arezzo; Leciiira super Institutlonuw lihn's quatuor; cf. Hain, 1597 et
suiv.
25. Jean Faure, deRoussines (Runcinus) ; Opus super Institutionibus ; cf.
Hain, 6840 et suiv. — Cf. le catalogue de Gilles Perrin, publié par M. E.
Coyecque, n» 55.
26. Jasone ou Jason Maino, de Pesaro ; Lectura super tituJo Institutio-
num « De actionibus » ; cf. Hain, 10965 et suiv. — Le titulus De actionibits
est le vie du livre IV des Institutes.
27. Hippolytus Marsilius, Ippolito Marsigli ; cf. Panzer, Annales typo-
graphie!, t. VII, p. 335, no 487.
28. Angélus de Gambilionibus (cf. supra, n° 24) ; Tractatus in practica
maleficioruin ; cf. Schulte, t. II, p. 365.
29. Cf. Hain, 2231 et suiv., etc.
30. A. Filippo Decio ; Super ti. « De constitu. » D. Philippi Decii com-
mentaria amplissima, Pavie, 1506; cf. Catalos^ue général des livres imprimés
delà Bibliothèque nationale, t. XXXVI, col. 787. — B. La loi Ut vim se
trouve dès le début du Digeste (Livre I, tit. i, 1. 3) ; l'ouvrage ou opuscule
de Claude de Seyssel mentionné parBellièvre est inconnu de Ch. Dufa3'ard,
De Claudii Seissellii vita et operibus, Paris, 1892 (index bibliographicus,
pp. vii-viii). — C. Autre ouvrage ou opuscule de Claude de Seyssel?
La loi Si pascenda se trouve dans le Digeste, liv. I, tit. i, 1. 9. Dans l'introu-
vable recueil intitulé Variarum repetitionum s. comment, juris civil is VIII
volumina (Lyon, 1553, in-folio), auraient été insérées Aliquot repetitionesde
Claude de Seyssel ; cf. Lipcn'ius, Bibliotheca realis furidica,p. 5 14, col. i. —
D. Rocco Corti, de Pavie ; cf.. Catalogue général des livres imprimés de la
Biblioth. nationale, t. XXXII, col. 819-820, et Hain, 5870. — E. Lan-
LA BIBLlOTIIliaUE Dl- CLAUDK BELLIEVRE 347
pus] Dec[iusj, de constitutio[nibus] ; Cl[audius] de Seys-
s[el], super L[ege] Ut vim ; Repetitio L[egis] Si pascenda,
cfapituli] Depacl[is]; Tract[atus] de jure pa[tronatus], per
Roch[um] Curt[ium] ; Tract[atus] de arbitris, per La[n]-
fr[ancuni] de Oriano ; Decem et septem tract[atus] Mar-
t[ini] Laud[ensis].
31. Ung autre volume de traictiers, commensant : Tractatus de
arbitris d[omini] La[n]fr[anci] de Oriano.
32. Ung autre volume de traictiers, commensant : Tractatus de
jure pa[tronatus].
33. Epistole Hieronimi, en grand volume.
34. Jac[obus] de Sancto Georgio super feudis.
35. Singularia Romani, Francisci de Cre[ma], Mathes[i]ll[ani],
Corset[i] et de Petra Sancta, en ung volume.
36. Consilia 01dr[adi], en moyen volume, couvert de parche-
myn.
37. Ung petit volume : Lecture Lanc[elotti] Decii super p[rima]
C[odicis].
franco da Oriano ; cf. Hain, 9888 et suiv., et Schulte, t. II, p. 392, n" 251,
§2. — F. Peut-être le Tractatus de principibus, consiliariis, légat is, etc.,
de Martino Garrati, de Lodi ; Hain, 4500, et Schulte, Ihid., p. 396; et.
supra, n° 22, D.
31, Cf. supra, n° 30, E.
34. Jacopo ou Jacopino da Sangiorgo ; Hain, 7581, cite une édition de
Bologne, 1499.
55. A. Singularia in causis criminalilms, de Lodovico Pontano(Romanus ;
cf. supra, no 19); cf. Hain, 15262 et suiv. — B. Singularia et solemnia
dicta, de Francesco da Crema;cf. Hain, 5818 et suiv. — C Singularia dicta
et etiam notabilia, de Matteo Mattesillani ; cf. Hain, 10897 et suiv. — D.
Singularia et notahilia, d'Antonio Corsetti; cf. Schulte, t. II, p. 348,
cap. 152, § II, I. — E. Dans la liste des Singularia juris qu'il a dressée
dans le premier volume de sa Bibliotheca realis jtiridica (Leipzig, 1736),
Lipenius mentionne, p. 552 : Petr. Gerh. de Petra Sancta singularia juris.
Par. 1^12. Cf. Ibid., Supplementum (1743), p. 377, col. i. Des Singula-
ria seu notabilia ingeniosa ex ut roque jure collecta, de ce Petrus Gerardus ou
Petrus de Gerardis de Petra Sancta, occupent les feuillets 236 vo à 270 v°
des Singulares tractatus clarissimorum doctorum, recueil imprimé à Paris, en
15 16, par Jacques Pouchin (in-40), et dont la Bibliothèque nationale
possède un exemplaire (Rés. E. 2371). — Dans ses Noctes Ronianae(B. N.,
nis. lat. 15 123), Bellièvre reproduit (fol. 209) des inscriptions conservées
« in domo auditoris de Petrasancta ».
36. Oldrado da Ponte, de Lodi ; cf. Schulte, t. II, p. 223, § 2.
37. Lancelotto Decio ; cf. Hain, 6055.
34^ LUCIEN AUVRAY
38. Practica Pétri de Ferra[riis], en petit volume.
39. Practica Pétri Jac[obi], en moyen volume.
40. Exceptiones Uberti de Bonacurso.
41. Institutiones, in parvo volumine.
42. Pragmatica sanctio.
43 . Dynus, de reg[ulis] ju[ris], in parvo volumine.
44. Stilus Parlamenti et requestarum.
45. Tractatus Bartholomei Cepol[lc], en movcn volume, couvert
de rosin.
46. Directorium juris Johannis Berberii, en petit volume.
47. Allegationes Lapi, en petit volume.
58. Giovanni Pietro Ferrari, Practica nova judiciaïis, ou Practica aiirea ;
cf. Schulte, t. II, p. 294, art. 113, § 11.
39. Pierre Jacobi, d'Aurillac, Aurea practica lihellorum; cf. Hain, 2128,
et M. A. von Bethmann-Hollweg, Der gerviauisch-rovmnische Civilproiess,
t. VI (1874), pp. 227 et suiv.
40. Uberto Buonaccorsi ou di Buonaccorso, Tractatus de exceptionihus .
Cet ouvrage est sans doute celui que Savigny, Geschichte des rômischeti,
Rechts..., 2eédit., t. V (1850), p. 150, mentionne sous le titre : « Aureum
et solenne opus quod praeludia et exceptiones appellavit », Lyon, 1522,
in-40. 'Panzer, Atiimles typographici, t. VII, p. 358, n" 707, et t. X, p. 182,
indique une édition de ces mêmes Praeludia et exceptiones, Lyon, 1553,
in-40. Cf. Mazzuchelli, Gli scrittori d'ItaJta, II, iv, 2300.
42. Sur les éditions de la Pragmatica sanctio Caroli Vif, voir Brunet,
Manuel du libraire, t. IV, col. 855-856.
43. Dino de' Rossoni da Mugcllo ; cf. Hain, 6171 et suiv.
44. Le Stylus curiae Parlamenti Franciae, de Guillaume Du Breuil, sans
doute l'édition de Descousu, Paris et Lvon, 1526 (cf. Calai, général des
livres imprimés de la Bibliothcque nationale, t. XLII, col. 907), et non une
des éditions parues antérieurement à Lyon (cf. l'édition de M. Félix
Aubert, 1909, introduction, pp. lvi et suivantes). L'édition de 1526 est la
seule dont le titre : « Stillus superincliti Parlamenti ac requestarum » cor-
responde avec celui que Bellièvre donne en abrégé. Plus tard, dans son
Lugdmium priscian, Bellièvre citera (pp. 34-35) le Stilus Parlamenti Pari-
siensis d'après une édition de Dumoulin, sans doute d'après la première.
45. Bartolomeo Cepolla, de Vérone; il ne semble pas possible de pré-
ciser le ou les Tractatus dont il est question ici ; cf. Hain, 4855 et suiv., et
Caial. gcnér. des livres imprimés de la Bihlioth. nationale, t. XXV, col. 701-
704.
46. Jean Barbier, d'Yssingeaux, Viatorium seu directorium juris ; la
Bibliothèque nationale possède une édition de Lyon, 15 16, in-80 (Calai,
général des livres imprimés de la Bihlioth. nationale, t. VII, col. 433).
47. Jacopo Lapo da Castiglionchio; cf. Hain, 4578 ; on le trouve appelé
aussi « Johannes Lapus » et non « Jacobus » (cf. Schulte, t. II, p. 270).
La BIBLlOTHEaUE DE CLAUDE BELLIEVRE 349
48. Parvus liber divcrsorum tractatuum, quorum primus est
Comprchensorium feudalc d[oniini] Jo[hannis] Reynaudi.
49. Liber feudorum, en petit volume, en parchemyn.
50. Institutioncs, en moyen volume, la couverte ouvrée.
51-52. Les Ordonnances royaulx, en moyen et en petit volume.
53. Recollecte mee super p[rim]a C[odicis], sub d[omino] Fr[an-
cisco] Curt[io].
54. Recollecte mee super secunda C[odicis], sub d[oaiino] Paulo
Pico.
55. Recollecte mee super p[rim]a Digest[i] vet[eris], sub
d[omino] Fr[ancisco] Curt[io].
56. Recollecte mee super secunda Digest[i] vet[eris], sub d[o-
mino] Fr[ancisco] Curt[io].
57. Recollecte sub domino Thoma Parpallia, super secunda
C[odicis], cum nonnuUis aliis.
58. Casus arbitrarii, couverts de rouge, cum tractatu regularum
domini Dominici de Sancto Germano.
59. Casus arbitrarii, couvertz de parchemyn.
60. Decisiones Guillelmi Horborchi, collecte ex decisionibus
dominorum de rota.
61 . Ung livre à la meyn, en moyen volume, in quo contineLnltur
tractatus super act[io]ne L[egis] ALq[iiiriiiir ?] et collecte
super p[rim]a Infort[iati].
48. Jean Raynaud, jurisconsulte à Avignon ; Brunet, t. IV, col. 1127,
cite une édition de Lyon, 1516, in-40.
49. Il est douteux qu'il faille voir sous ce titre un e.xcmplaire des Coii-
snetndines (puLibri) Feudorum d'Oberto dair Orio.
51-52. Sur les éditions, cf. Brunet, t. IV, coL 212-213.
53, 55 ei 56. Étant donné l'âge de Claude Bellicvre, qui, d'après son
propre témoignage, avait 67 ans en 1555, il s'agit ici non de Francesco
Corti, qui enseigna à Pavie, et mourut en 1495, mais de son neveu,
Francesco, dit Franceschino Corti, le Jeune, mort eu 1533. Sur ce dernier,
voir ci-dessus.
54. Sur Paolo Pico, voir ci-dessus.
57. Sur Tommaso Parpalia ou Parpaglia, qui professa à Turin, voir ci-
dessus.
58. Dominici Je Saiicto Germano est sans doute ici pour Dominici de
Sancto Geminiano (cL supra, n° 5); toutefois, je ne rencontre, sous ce
nom, ni d'ouvrage intitulé Casus arbitrarii, ni d'ouvrage intitulé Tractatus
regularum, dans les bibliographies que j'ai consultées.
60. Guillaume Horborch, chanoine de Magdebourg; cf. Hain, 6042 et
suiv.
61. La loi Acquiritur est la dixième du titre i du livre XLI du Digeste.
3 50 LUCIEN AUVRAY
62. Practica Pétri Jacobi, à la meyn.
63 . La Somme rural, en françoys.
64. Cato, Varr[o] et Columella, de re rustica.
65. Grecorum sapientium dicta.
66. Gellius.
67. Epistole TuUii familiarcs,
68. Valla.
69. Petrarcha vulgaris.
70. Libri rhetoricorum Ciceronis.
71. Histoyre d'Argenton.
72. Politiani miscellanee vetj^eres].
73 . Liber manu scriptus, in cujus principio est Garini Veronen-
sis pro ill[ustri] marchione Leonello oratio funebris, cum
pluribus aliis nota dignis.
74. Johannes Pomeranus in librum Psalmorum.
75. Marius Grapaldus, de partibus edium.
76. Libellus in epistolas Pauli.
62. Cf. supra, no 39.
63. La Somme rurale de Jean Boutillier.
64. Cf. Brunet, t. V, col. 245-246 : Rei rusticae scriptores.
65. Peut-être \qs Septein sapientium... dicta, consilia et praecepta ; toute-
fois, Brunet, t. V, col. 298, ne cite pas d'édition antérieure à 1 551-1553.
Cf. encore Panzer, t. IX, p. 334, no 1083b.
69. Petrarcha, Le cose volgari ; cf. Brunet, t. IV, col. 543-544.
71. Il s'agit ici, non pas d'une problématique histoire de la ville d'Ar-
genton, dans le Berry, à laquelle Bellièvre n'avait aucune raison de s'inté-
resser, mais bien d'une édition de la Chronique et hystoire de Philippe de
Commines, sieur d'Argenton ; la plus ancienne est de 1524.
73. Leonello d'Esté, seigneur de Ferrare, mort en 1450. Je ne trouve
aucune mention d'édition de l'opuscule manuscrit de Guarino de Vérone
indiqué ici.
74. Peut-être s'agit-il de ce Jean de Poméranic, que Du Boulay, Historia
Universitutis Purisiensis, t. IV, p. 968, mentionne comme ayant été élu
procureur de la nation anglaise en 1356 (cf. encore Denifle et Châtelain,
Chartularium Universitutis Parisiensis, t. II, p. 665, col. a, et p. 671, où
figure un Johannes de Pruscia, qui est peut-être le même personnage) ;
aucun auteur de ce nom n'est indiqué dans le Nomenclator literarius, recen-
tioris theologicae catholicae theoJogos exhihens, du Père H. Hurter.
75. Francesco Mario Grapaldi, de Parme; cf. Brunet, t. II, col. 1710,
etc.
76. Peut-être la Parapbrasis in duas epistolas Pauli ad Coriiitbios,
(ÏÈrasmQ (ci. Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque natio-
LA BIBLIOTHÈCIUE DE CLAUDE BELLIEVRE 3)1
77. De libero arbitrio libcllus per Erasmum, cum Caione per
cundem Erasmum auctorem .
78. Loci communes rerum theologicarum, per Ph[ilippum]
Melancto[nem] .
79. Epistole Diogenis, Bruti, Hypocratis et Democriti.
80. Regole grammatical! de la volgar lingua.
81 . Libri novem rhetoricorum Cice[ronis], en petit volume.
82. Petrus Martir, de nuper repertis insulis.
83 . Liber rubeo coopertus, et inscriptus : Diversa.
84. Le roy Modus, de la chasse.
85 . Les menuz propouz, en petit volume, couvert de rousin.
86. Correctioncs lxx injure civili.
87. Liber inscriptus : Refugium advocatorum.
88. La nef des dames vertueuses, par Simphorien Champier.
89. Francisci Scauri de Jacobo Trivultio.
90. Innoc[entius] Calvinus, de eucrasiconservanda.
91. Sabellici exemplorum libri .
nale, t. XLVII, col. 834, n. 705 tt 706). Quant aux Paraphrases in omues
cpistoldsPauîi, elles formaient un bien gros volume pourêtre appelées libeUiis.
77. Ces deux ouvrages sont représentés dans le Catalogue général des
livres imprimés de la Bibliothèque nationale, t. XLVII, le premier par deux
éditions, le second par un bien plus grand nombre (n. 518-519 et 852 et
suiv. de l'article Erasme).
78. Cf. Panzer, Annales typographici, t. X, p. 509-510.
79. Cf. Brunet, t. II, col. 718 : Diogenis, Bruti, Yppocratis medici epi-
stole, Florence, 1487; il est à noter que Démocrite ne figure pas dans le
titre du recueil cité par Brunet.
80. Ouvrage de Giovanni Francesco Fortunio, dont la première édition
parut à Ancône, en 15 16 ; cf. Brunet, t. II, col. 1352.
81. Ms. : noni. — Peut-être faut-il lire novi ; il s'agirait alors de la
Rhelorica nova, c'est-à-dire de la Rhetorica ad Herenniuni.
82. Petrus Martyr Anglerius, Pietro Martire d'Anghiera, d'Arona, De
nuper sub D. Carolo repertis insulis; Brunet, t. I, col. 294, cite une édition
de Bàle, 1521; opuscule joint, dans une édition de 1532, au De insulis
nuper invcntis, de Fernand Cortès ; cf. Catal. génér. des livres imprimes de
la Biblioth. nationale, t. III, col. 305, et t. XXXII, col. 791.
84. Cf. Brunet, t. III, col. 1785-1786.
85. Cf. Brunet, t. III, col. 1638-1639.
88. Ct. Brunet, t. I, col, 1 770-1 771.
90. La Bibliothèque nationale possède une édition de Pavie, 15 14, in-
40; cf. Catal. génér. des livres imprimés de la Bddioth. nationale, t. XXII,
col. 897.
91. Marc' Antonio Sabellico, Exemplorum libri X; cl. Panzer, t. XI,
3)2 LUCIEN AUVRAY
92. \'ocabularium gallicuni, latinum et theutonicuii) .
93. Orpheus Quintiani.
94. Phalaridis epistole.
95. De formandislitteris majusculis, per Fr. Torniellum,
96. Pluto et Irus Antonii Fregosi.
97. Blason d'armes, non relié.
98. Valla, de donatione Constantini.
99. Cornazanus, de interprctatione certorum proverbiorum.
1 00 . Archadia de Jacobo Sanazaro liber pastoralis .
101 . Tibaldeo, in parvo volumine.
102 . Horos Appollo, de lilteris egiptiacis .
103. Martinus Lutherus, de votis monasticis.
104. Summa (?) Andrée Guarne.
105 . Polidorus, de proverbiis, cuni Cornelio Nepote, de viris
illustribus.
p. 97. — Cet ouvrage a été utilisé par Bellièvre daus son Lugdunum pris-
cu»i.
92. Cf. Brunet, t. V, col. 1341, n" 10883 (Lyon, 1514).
93. Quiatianus Stoa, Giovanni Francesco Conti, dit Quinziano Stoa,
Orpheos libri ires; cf. Panzer, t. XI, p. 74.
94. Cf. Brunet, t. IV, col. 591 et suiv.
95. Cet ouvrage, peut-être manuscrit, n'est cité ni par D. E. Baring,
dans sa Clavis diplomatica, ni par P. Namur, dans sa Bibliographie palèogra-
phico-diphmatico-biUîologique.
96. Conteniione di Pîuto ed Iro, poème moral en 41 octaves. Il en a paru
une édition à Milan, en 1507.
97. Cf. Brunet, t. I, col. 966 et suiv.
98. De Dotiatione Constantini imperatoris. Brunet, t. V, col. 1057,
no 22977, cite une édition de 1520, in-40.
99. On ne trouve pas cet ouvrage, au moins sous ce titre, à l'article Cor-
nazzano (Antonio) du Catalogne général des livres itnpriniés de la Biblio-
thèque nationale.
100. Ms. : Archadio. — La forme latine donnée au titre par Bellièvre ne
doit pas nous étonner. Ne cite-t-il pas, dans son Lugduiiutn priscuvi, la
Délia, non la Délie, de Maurice Scève ?
loi. Antonio Tibaldeo, de Ferrare ; cf. Brunet, t. V, col. 775-776.
102. Ce sont les Hieroglyphica d'Horapollon ; sur les éditions, dans les-
quelles ce petit traité porte divers titres, cf. Brunet, t. III, col. 345-544.
103. De Votis monasticis judicium; cf. Panzer, t. X, p. 480.
104. Ms. : Guarna. — Andréa Guarna, de Salerne. Les bibliographies
consultées ne citent d'Andréa Guarna que son Gramtnatices opus, seu gram-
maticale belliini nominis et verbi, dont les éditions sont nombreuses.
105. Polydore Vergile, Proverbiorum libellus; cf. Brunet, t. V, col. 11 36.
LA BlBLlOTHEaUE DE CLAUDE BELLIEVRE 353
loé. ApiciusCelius, de re coquinaria.
107. Aymarus Rivallius, de historia Juris civilis.
108. Ung livre de phisionomye, non relie.
109. Saluste, en volgar italien .
iio. Dialogus Julii secundi et beati Pétri.
111. Ausonius, non relié.
112. Juvénal, de la plus petite impression.
113. Officia Ciceronis, ejusdem impress[ionisJ .
114. Alia Officia Cice[ronis], ejusdem impressionis.
115. Quintus Curt[ius], de gestis Alexandri, en parchcmyn et à la
meyn, fort beau,
né. Terentius, en parchemyn et à la meyn, fort beau.
117. La rhétorique de Cicero, à la meyn, fort belle.
118. Meditationes, à la meyn, en parchemyn, fort belles.
119. Item, ung livre escript de ma meyn, couvert de peaul tan-
née, inscriptus : Noctes Romane mei Claudii Bell[evrii].
106. Ms. : Appius Celius. — Sur les éditions, cf. Hain, 1282 etsuiv., et
Brunet, t. I, p. 342-543.
107. Aymar Du Rival ou Du Rivail, Libii de historia juris civilis et poiili-
ficii\d. Brunet, t. IV, col. 1318,6! Fleury Vindry, Les Parlementaires
français au XVh siècle, t. I, p. 106 et suivantes. — Bellièvre était en
relations personnelles avec lui ; voy. Liigdumim priscuni , p. 22.
108. Peut-être le Liber cornpilationis phisiononiiae, de Pietro d'Abano,
publié àPadoue, en 1474, 50 feuilles in-40. Cf. Brunet, 1. 1, col. 6, et M. Pel-
lechet, Catal. général des incunables des bibliothèques de France, t. I (1897),
p. 4, no 13. — Mazzuchelli, Gli scriltori d'Ilalia, 1. 1, parte l, p. 9, cite une
édition de même date, portant un titre en français : La Ftsionomie du Con-
ciliator Pierre de Apono (8°).
109. Sans doute la traduction d'Agostino Ortica délia Porta, de Gênes;
cf. Fabricius, 5/Z;//o//;t'm latina, éd. Ernesti, t. I, p. 247, et Brunet, t. V,
col. 91.
II G. Sans doutt le Julius, dialogus viri aijuspiam eruditissimi..., quomodo
Julius LL, P. M., post mortem cœli fores pulsando, ab janitore illo D. Petro
intromitti nequiverit; cf. Brunet, t. III, col. 390, art. Ulricus ab Hutten.
119. Aujourd'hui B . N., ms. latin 13 123. — Au verso delà garde collée
sur la couverture, on lit, sur le coin supérieur de gauche : Noctes Ronianç
ynei Claudii Bellièvre Lugdunensis. — Au feuillet i ï°, se lit cet autre titre :
Collecta a me supra aitnuni ab hinc quadragesimuni, inter quç îevia tnulta, et a
me panitn apte notata, que colligebam et notabam tyro, laceraremque, nisi ali-
quid inesset, cujus lectio, si non proderit, non oberit tanien. — Idem dico de aliis
meis coUectis et fiotatis, ea mea adhuc riuU ejate. Bellièvre. — La partie la
plus importante et la plus connue du volume est la dernière, intitulée :
Secluuntur Urbis anticluitates Q.UASC0LLEG1 (fol. 185-254).
Mélanges. IL 23
354 LUCIEN AUVRAY
120. Item, ung autre livre escript à la meyn, couvert de peaul
blanche, inscriptus : Dominus Benedictus Adam, auditor
rote .
121. Alius liber manu mea, couvert de rousin, scriptus et in-
scriptus: Taxe beneficiorum consistorialium.
122. Alius libellus etiam mea manu scriptus, couvert de rouge,
cum inscriptione : Supplicationes notabiles in curia apo-
stolica.
123 . Alius libellus etiam mea manu scriptus, couvert de vert, cum
inscriptione : Taxe beneficiorum.
124. Régule cancellarie apostolice, couvertes de verd, cum multis
per me ibi notatis.
125. Ung autre livre long et estroict, couvert de rouge, in quo
continentur : Dictionarium juris, ex interpretationc juris-
consulti, menses, vetera epitaphia et alla multa.
126. Concordata, cum multis per me ibi notatis.
127. Ung autre livre, couvert de carton, escript de ma meyn,
inscriptus per me : Ro[ma??].
128. Ung vieulx formulayre de Rome, couvert de rouge, que me
donna le prothonotère Lorideau.
129. Ung autre formulayre de Rome, qu'estoit à Frouard.
120. Cf. B. N., ms. latin 13123, fol. 243 vu (les Nocks Romanae dont il
vient d'être question) : « Reperi in une libro D. Benedicti Adam, auditoris
palatii apostolici, Galli, ita sua manu scriptuni ... » Il s'agit d'une recette
contre les maux de dents.
121. Aujourd'hui B. N., ms. français 15514, fol. 372-^10, 38 feuillets
(plus exactement 39), cotés de la main de Claude Bcllièvrc. — Les mots
« couvert de rousin » sont ajoutes en interligne. '
122. Les mots v in curia apostolica » ont été ajoutés après coup.
124. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, t. IV(i899), pp. 23-25, décrit des
Régule cancellarie publiées, à Lyon, par Guillaume Boullé ; mais l'ouvrage
est de 1531 seulement. Peut-être s'agit-il ici des Rcgulae cancellariae de
Paul III (vers 1468), ou de celles de Sixte IV (1471); cf. Brunet, t. IV,
col. 450, et t. V, col. 404.
125. Aujourd'hui B. N., ms. latin 13127. Ce volume a conservé la belle
reliure que lui avait donnée Belliévre ; le Diclionariuni juris occupe les
feuillets 1 5 à 34, les Menses, les feuillets 49 à 60, et les Vetera epitaphia
(avec d'autres inscriptions), les feuillets 96 et suivants, jusqu'au feuillet
164.
126. Concordata intcr papam Leoiieni ilecinnnn et regeni Franciscuvi I. Sur
les éditions, cf. Brunet, t. II, col. 214.
LA BIBLIOTHEQ.UE DE CLAUDE BELLIEVRE 355
150. Ung autre livre de ma meyn, couvert de rouge, inscriptus :
Noctes Florentine mei Claudii Bell[evrii], cum nonnuUis
per me notatis, dum navigarem per Adriaticum mare.
131. Ung répertoyre de droyt escript de ma meyn, couvert de
peaul tannée, contenant comniuniter jVlatières ecclésias-
tiques et clericorum .
132. Ung autre répertoyre, court et groz, couvert de peaul tannée,
escript la moytié devant de ma meyn, contenant commu-
niter Matières civiles etprophanes.
135. Item, ung quinterne de ma meyn, inscriptus : Rationes.
154. Item^ung quinterne in quo redigo multa vetera que ex pâtre
audio, hic alligatus, hault de quatre ou cinq doys, de
papiers enfilés entre deux cartons, cum inscriptione :
Diversa aut varia, oi^i il y a plusieurs choses notables.
135. Tractatus de unio[ni]bus Pétri de Perusio, en petit volume,
couvert de peau tannée.
156. Unum volumen Decretorum, similiter couvert de tanné.
137. Epistole Plinii nepotis, en petit volume, couvertes de peaul
tannée .
138. Suetonius Tranquillus, de vita Cesarum, couvert de rouge.
139. Decisiones rote, impriméez, en moyen volume.
140. Decisiones capelle Tholosane et Guidonis Pape, en ung vo-
lume.
150. Aujourd'hui B. N., ms. latin 13124.
131. Peut-être B. N., ms. latin 15128, recueil de matières canoniques
relié en demi-parchemin; dans ce cas, le répertoire de Bellièvre aurait perdu
sa couverture de « peaul tannée ».
1 52. Un répertoire analogue, mais commencé seulement en 1 5 34, forme
le ms. latin 13 122 de la Bibliothèque nationale.
134. Les mots «< aut varia » ont été ajoutés par Belliévre, d'une autre
encre, en interligue. — Comparer les feuillets 89 à 105 et 1 35 à 141 du ms.
français 17526, bien que par les dimensions ils ne correspondent pas à
l'article 134 de notre catalogue.
135. Sans doute le CoiiipeiiJiiiiii anrc.um de unione heiieficioniiit, de Pierre de
Pérouse, dont Panzer, Annales typognxphici, t. VIII, p. 19, n" 756, cite une
édition de Paris, 1514, et dont la Bibliothèque nationale possède un exem-
plaire.
136. Les mots « couvert de tanné « ont été ajoutés, d'une autre encre,
par Bellièvre.
139. Cf. Brunet, t. III, col. ^"^4, Decisiones rotae ronianae (à l'article Hor-
borch).
140. A. Cf. Brunet, t. II, col. 556. — i). Cf. Brunet. t. II, col. 181 1 et
1812.
356 LUCIEN AUVKAY
141 . Compendium de asse, lingua vernacula, per Budcum, couvert
de tanné.
142. L'histoyre de la deffaicte des Luthériens en Lorreyne, cou-
verte de rouzin .
143. Le ProthocoUe de chancellerye, ensemble le guidon des
segretères et vestige des finances .
144. Ung livret couvert de tanné, où sont les Ordonnances
royaulx plus nécessaires, avec du papier en blanc pour y
rédiger choses notables, pour porter en ma manche et me
servir de mémoyre .
145 . Les Felinz complectz, avec leur table, en deulx gros volumes
couvertz de verd.
146. Les Commentayres de César, à la meyn, en parchemyn .
147. Ung livre longuet et estroit, escript de ma meyn, contenant
Répertoyre injure cujusdam Antonii.
148. Ung livre intitulé : le Grand Coustumier de France.
149. Le ProthocoUe des notères et segretères.
150. Masueri.
141 . C'est le Smiimaire on epitoiiieJii livre (h' Asse fait, par le conninuide-
iiienl du roy, par viaisire Guillaume Binle, dont la Bibliothèque nationale
possède plusieurs éditions ; cf. Catal. genér. des livres imprimés de la
Biblioth. nationale, t. XX, col. 1247- 1249. — Bellièvre l'a utilisé dans son
Lugduuum priscuvi.
142. Les mots « en Lorreyne » ont été ajoutés, en interligne, d'une autre
encre. — Malgré la différence des titres, il me paraît très vraisemblable qu'il
s'agit ici de V Histoire et Recueil de la... victoire obtenue contre les... Luthé-
riens... du pays Daulsays [c'est-à-dire, d'Alsace], [en 1525], par Anthoine...
duc de Lorraine (par ]>i\cole Vokyr ou Volcvre de Serouville), s. 1. n. d.
(Paris, 1526), in-folio, opuscule dont la Bibliothèque nationale possède deux
exemplaires.
145. Le Grand Stille et prothocoUe de la chancellerie de France. . ., avec le
guidon des secrétaires, vestiges et instruction des finances ; cf. Brunet, t. V,
col. 539.
145. Les Lecturacou Coii/nientaria,dc FelinoMaria Sandco ou Sandei, de
Felina ; sur les éditions, cf. Hain, t. IV, n. 14280 et suiv.; les « deux gros
volumes » de la bibliothèque de Bellièvre pourraient bien être ceux de
l'édition de Lyon, 1505 et 1506, indiqués par Panzer, t. VII, p. 282, n° 58,
et p. 285, no 76.
147. Bellièvre avait d'abord écrit : « à la meyn ».
148. De Jacques d'Ableiges. — Sur les plus anciennes éditions, cf. Bru-
net, t. II, col. 345-346.
150. La Practicaforensis, de Jean Masuer ou Masuyer, de Riom ; cf. Paul
Viollet, Précis de Vhistoire du droit français (1886), p. 165-166.
LA BIBLIOTHEaUE DE CLAUDE BELLIEVRE 357
151. Colloquia Erasmi .
152. Pauli Eginete precepta salubria, Guillelmo Copo interprète.
153 . Commentarii Ccsaris, en lettre coursive, reliez de tanné.
154. Guillelmi Benedicti super c[apitulo] Raynutins De testa[men-
tis].
155. Epistole Guillelmi Budei.
15e. Soneti et capitoli del Petrarcha, en petit volume.
157. Stile et manière de procéder et poursuyvre plusieurs ma-
tières en Parlement et aux requestes, couvert de verd .
158. Ung livre des dissensions et guerres entre le clergé de Lion
et [le] peuple, extraict d'un vieulx livre par mon père,
couvert de tanné doré.
151. Cf. Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque nationale,
t. XLVII, pp. 787 et suivantes.
152. Paul d'Égine, Praecepta salubria, Guillehno Copo, Basil iensi, inter-
prète ;BrunQt, t. I, col. 60, cite des éditions de 1510, 1512, 1527; la pre-
mière est à la Bibliothèque nationale ; cf. Catal. géncr. des livres imprimés
de la Biblioth. nationale, t. XXXI, col. 1047.
154. Guillaume Benoît, conseiller au Parlement de Toulouse, Solennisac
perutilis repetit io c. Raynutius, Extra, de testamcntis .. .; cf. Catal. gêner.
des livres imprimés delà Biblioth. nationale, t. X, col. j'^o-'j4i. Le chapitre
Raynutins est le i6e du titre xxvi (De testamentis et ultimis voluntatibus) du
livre m des Décrétales de Grégoire IX.
156. Bellièvre avait commencé par écrire : « P. » (Pétrarque), puis :
(' Les sonnetz et chapitres »; il s'est repris pour transcrire le titre italien.
157. Erunet, t. V, col. 538, n'indique pas de Styles portant un titre exac-
tement conforme à celui-ci .
158. C'est le recueil de pièces intitulé Tractatus de hellis et induciis que
fuerunt inter canonicos Sancti Johannis Lugduni et canonicos Sancti Justi, ex
una parte, et cives Lugdunenses, ex altéra, extrait par Barthélémy II Bel-
lièvre, père de Claude, d'un manuscrit de l'abbaye d'Ainay ; il a été publié
par le P. Cl. Fr. Menestrier, Histoire civile ou consulaire de la ville de Lyon,
Lyon, 1696, Preuves, pp. 1-53. J'ignore le sort du manuscrit original de
Barthélémy Bellièvre ; il en subsiste, à ma connaissance, deux copies ; l'une,
de la seconde moitié du w\<^ siècle, forme la première partie du XXI^ vo-
lume du Recueil de Guichenon, conservé à la bibliothèque de la Faculté
de médecine de Montpellier, sous le no 97 ; l'autre est le manuscrit des
Archives du Vatican Miscellanea, Arm. XV, t. 57 ; ce dernier exemplaire
est une copie calligraphique de la fin du xvi^ siècle ou du commencement
du xviie, comme j'ai pu m'en rendre compte, grâce à des photographies que
mon jeune confrère de l'École des chartes, M. Albert Guigue, a eu l'obli-
geance de me communiquer.
358 LUCIEN AUVRAY
159. Colloquia Erasmi, et en minime volume, que me donna
monseigneur de la Part-Dieu, monsieur Claude Rosselet.
160. Ung petit volume couvert de tanne ; le commancement est :
Oratio dicta in funere Frederici, Saxonie ducis, Phil[ippo]
MeI[anchthone] auct[ore].
161 . Ung moyen volume, couvert de tanné ; le commancement est :
Opéra jucundissima novamente retrovata, etc., cum variis
opusculis.
162. Ung autre petit livre, qui commance : Patelin, cum aliis
variis et jucundis.
163. Antiquitatum liber, a Jo[hanne] Annio, couvert de tanné.
164. Tractatus de peste, domini de Ripa.
165. Tractatus doctorum .
159. Cf. supra, 130 151. Les bonnes relations de Claude Bellièvre avec
Claude Rousselet sont attestées d'autre part. Dans les Epigiwiiinata de
Rousselet, se trouve une petite pièce de onze vers, adressée Claudio BelUeu-
rio, et dans laquelle on lit, entre autres :
« ...omnium unus
Omnem rem studio pari procuras.
Hic ubi in Rhodanum Sagona fertur.
Nam par nemo tibi, nec (ut loquamur
Multorum venia) secundus ulli es. »
Claudii Rosseletti... Epigrammala (Lyon, Séb. Gryphius, 1537), pp. 107-
108. Sur Claude Rousselet, voir C. Breghot du Lut, Nouveaux Mélanges bio-
graphiques et littéraires pour servir à Vhistoire de la ville de Lyon (Lyon, 1829-
183 1), pp. 349-563, et Baudrier, Bibliographie lyonnaise, 8e série (19 10),
pp. 102-103.
160. Panzer, t. VII, p. 94, n" 220, cite une édition de 1525, in-80. —
Le personnage dont il s'agit ici est Frédéric III, dit le Sage, mort le
5 mai 1525.
162. Sur les éditions de Maistre Pierre Pathelin, voy. Brunet, t. IV,
col. 431 et suivantes; plus particulièrement, sur les éditions de Pathelin
publiées depuis l'origine de l'imprimerie jusque vers 15 15, voy. Emile Picot,
Maistre Pierre Pathelin hystorié, reproduction en fac-similé de Védition impri-
mée vers isoo par Marion de Malannoy, veuve de Pierre Le Caron (Paris,
1904), pp. 3-1 1 (Société des Anciens Textes français).
163. Giovanni Nanni, de Viterbe. — Sur ses Antiquitatumvariarum vohi-
mina XVIl, cf. Brunet, t. I, col. 300, et Graesse, Trésor des livres rares,
1. 1, p. 137. — Bellièvre avait d'abord écrit : « Antiquitatum volumina
17. » Il cite au moins deux fois cet ouvrage dans son Lugdununi priscum.
164. Cf. Brunet, t. V, col. 119 : Do. Jo. Fraacisci de Sancto Nazario,
alias de Ripa. . ., De peste libri très (1522). — Entre les mots « de peste »
et « domini », les deux mots « de Sancto », biffés.
165. Entre les mots « Tractatus » et« doctorum », les mots «et repeti-
LA BIBLIOTHÈaUE DR CLAUDE BELLIEVRE 359
Etabhoc anno 1530, alii infiniti libri et libclli, usque ad
annum hune 1555, que je me suis retire pour me repouser,
quia sexaginta septem habeo annos.
ié6. Volo expresse addere que ce présent volume est ainsi inti-
tulé : VARL\.
167. Autre livre j'ay ainsi intitulé : Lugdunum, ubi de hujus
urbis antiquitate multa ; et multa etiam alia ibi sunt, que
sunt lectionis antique ; le toutescript de ma mayn .
168. Autre livre j'ay ainsi intitulé: Régis, ubi de compositioni-
bus multis inter arc[hiepisco]puni, capitulum et cives Lug-
duni super jurisdictione Lugd[unensi], et de arrestis con-
cernentibus materiam, et pluribus litteris super hoc domini
Philippi régis.
tiones », biffés. — Sans doute le recueil intitulé Tractattis plurivwrum doc-
torum, dont une édition de Lyon, 1519, in-folio, est citée par Savigny,
Geschichte des romischen Redits im Mittelalter, 2e édit., t. VII (185 1), p. 345,
et à l'article Dino, dans le Cntal. gêner . des livres iinprivics de la Bibliothèque
nationale, t. XL, col. 844.
167. Il s'agit évidemment ici du recueil do Claude Bellièvre, bien connu
sous le nom de Liigdunuvi priscuvi, et qui porte actuellement, dans la
bibliothèque de la Faculté de médecine de Montpellier, le numéro 257. Il
semble bien que ce soit là le recueil de matériaux sur l'histoire de Lyon,
qui, passé, après la mort de Bellièvre, entre les mains de son neveu Nico-
las de Langes, lieutenant-général en la sénéchaussée de Lyon, a été com-
muniqué par ce dernier à Guillaume Paradin, lequel l'aurait utilisé, sans
nommer l'auteur, dans ses Mémoires deVhistoirede Lyon, parus en i)73. Cf.
le P. Cl. Fr. Menestrier, Les divers caractères des ouvrages historiques .. .
(Lyon, 1694), pp. 175-177, et l'Épître dédicatoire aux échevins de Lyon,
imprimée par Paradin, en tête de ses Mémoires de Vhisloire de Lyon. — Le
Lugdunum priscum a été imprimé, en 1846, par J. B. M. (Monfalcon), dans
la Collection des Bibliophiles Lyonnais, d'après une copie de Breghot du Lut.
Sur le recueil de Bellièvre, voir notamment Otto Hirschfeld, dans le Cor-
pus inscriptionum latinaruni, t. XIII, i^e partie (1899), pp. 258-259.
168. B. N., ms. lat. 10053. Ou lirait plutôt Reges que Régis. — Voici ce
que dit Claude Bellièvre de ce recueil et du précédent, aux feuillets 584 vo-
385 ro de ses Varia parviim, manuscrit d'où est tiré le présent catalogue :
« Ultra predicta. . ., habes duos libros alios meos, quorum alteri pro titulo
est hoc nomen LVGDVNVM PRISCVM, alteri vero nomen hoc REGIS,
cum suis indicibus. Tu vide ibi, si voles, quia ubique de Lugduno multa. »
En tête de ce même manuscrit (fol. 11 ro), je relève la référence suivante
au second de ces registres : « Composition (5/c) inter dominum archiepisco-
pum et cives Lugdunenses, vide in libro meo cui pro titulo Régis, in fine. »
36q
LUCIEN AUVRAY
TABLE
Ableiges (Jacques d'), 148.
Adam (Benedictus), 120.
Alixander, Alessandro Tartagni, 16.
Ancarano (Pietro da), 6.
Angélus, Angelo Gambilione ou
Gambilioni, 24, 28.
Anghiera (Pietro Martire d'), Petrus
Martir, 82.
Annius (Johannes), Nanni (Gio-
vanni), 165.
Antonius quidam, 147.
Apicius Caelius, 106.
Aulu-Gelle, 66.
Ausone, m.
Aymar Du Rivail, 107.
Azon, Azzon, 29.
Balde, Baldo degli Uhaldi, 14, 17.
Barbazza (Andréa), 25.
Barbier (Jean), 46.
Bartole, Bartolo, 12.
Bartolomei (Enrico de'), ou Hos-
tiensis, 7.
Bellièvre (Barthélémy), 158.
Bellièvre (Claude), 53, 54, 55, 56,
57 (?), 119, 121, 122, 123, 125,
127, 130, 131, 132, 133, 134,
144 (en partie), 147, 166, 167,
168. — Livres annotés par lui
124, 126.
Benedicti (Guillelmus), 154.
Benedictus Adam, 120.
Benoît (Guillaume), 154.
Berberii (Johannes), Barbier (Jean),
46.
Bertachini (Giovanni), 20.
Blason d'armes, 97.
Boutillier (Jean), 63.
Brutus, 79.
Budé (Guillaume), 141, 155.
Buonaccorsi ou di Buonaccorso
(Uberto), 40.
Calvinus (Innocentius), 90.
Caretus (Martinus), Laudensis,
Garrati (Martino), 22; cf. 30.
Castiglionchio (Jacopo Lapo da),
47.
Castro (Paul de), 18.
Casiis arhitrarii, 58, 59.
Caton (Denys), 77 .
Caton (Marcus Porcins), 64.
Cepolla (Bartolomeo), 45.
César, 146, 153.
Champier (Symphorien), 88.
Cicéron, 67, 70, 81, 113,114,117.
Clémentines, 4.
Colhctae super prima Infortiati,6\.
Columelle, 64.
Commines (Philippe de), 71.
Concordata, 126.
Conti (Giov. Franc). — Voy. Stoa.
Comazzano (Antonio), 99.
Cornélius Nepos, 105.
Corps àii droit cation, 1.
Corps du droit civil, 1 1 .
Correctiones LXX in Jure civili, 86.
Corsetti (Antonio), 2, 35.
Corti (Francesco, dit Franceschino),
le Jeune, 53, 53, 56.
Corti (Rocco), 30.
Costa (Stefano), 22.
Coutumier (Le Grand) de France,
148.
LA BIBLIOTHHQUE DE CLAUDE BELLIEVRE
3éi
Crema (Francesco da), 35.
Decio (Filippo), 30.
Decio (Lancelotto), 37.
Decisioiies capellae Tholosanae, 140.
Decisiones rotae, 139,
Decrelormn vohinien, 136.
Démocritc, 79.
Dialogus Juin seciindi et heali Pétri,
IIO.
Dino de' Rossoni da Mugello, 43.
Diogène, 79.
Disputationes diversoruui, 21 .
Diversa, 83.
Domenico da San Gimignano, 5,
S8(?), S9(?)-
Dominicus de Sancto Germano, 58.
— Cf. Domenico da San Gimi-
gnano.
Durand (Guillaume), 1 3 .
Du Rivail (Aymar), 107.
Dynus, Dino de' Rossoni da Mu-
gello, 43.
Égine (Paul d'), 152.
Enrico de' Bartolomei, 7.
Érasme, 76 (?), 77, 151, 159.
Fabri (Johannes), Faure (Jean), 25.
Federico Petrucci, Federicus de
Senis, 23.
Felinz (Les), Felino Maria Sandeo
ou Sandei, 145 .
Ferrari (Giovanni Pietro), Ferrariis
(Petrus de), 38.
Feudorum (Liber), 49.
Formulaires de Rome, 128, 129.
Fortunio (Giovanni Francesco), 80,
Francesco da Crema, 55.
Fregoso (Antonio), 96.
Gambilione ou Gambilioni (Ange-
lo), 24, 28.
Garrati (Martino), 22 ; cf. 30.
Gemynianus, Domenico da San
Gimignano, s, 58(?), 59(?).
Giovanni da Imola, 8.
Graecorum sapientitim dicta, 65.
Grand (Le) Cotitutnier de France,
148.
Graml (Le) Style et protocole de la
chancellerie de France, 143.
Grapaldi (Francesco Mario), 75.
Guarino da Verona, 73.
Guarna (Andréa), 104,
Gui Pape, 140.
Guillaume Durand, 15.
Guillelmus Benedicti , Guillaume
Benoît, 154.
Henri de Suse, 7.
Hippocrate, 79.
Histoire (U) de la défaite des Luthé-
riens en Lorraine, 142.
Horapollon, Horos Appollo, 102.
Horborch (Guillaume), 60.
Hostiensis [Henri de Suse], 7.
Hyppolitus de Marsiliis, Ippolito
Marsigli, 27.
Imola (Giovanni da), 8.
Innocent IV, 3.
Institiites, 41, 50.
Jacobi (Petrus, Pierre), 39, 62.
Jacques d'Ableiges, 148.
Jason,Jasone Maino, 26.
Jérôme (saint), 33.
Johannes Berberii, Jean Barbier, 46.
Johannes Fabri, Jean Faure, 25.
Johannes Pomeranus, 74.
Johannes Revnaudi, Jean Raynaud,
48.
Juin secundi (Dialogus), iio.
Jure patronat us (Tractatus de), 32.
Juvénal, 112.
Lanfranco da Oriano, 30, 31.
Lapo da Castiglionchio (Jacopo), .| 7
Libellus in epistolas Pauli, 76.
Liber feudorum, 49.
Lopez (Juan) de Palacios Rubios,
22.
Ludovicus Romanus, Lodovico
Pontano, 19, 35.
Luther, 105.
Maino (Jason, Jasone), 26.
Manuscrits, 9, 53 à 57, 61, 62, 73,
95(?), IIS, 116, 117, 118, 119,
120, 121, 122, 123, 125, 127, 130,
362
LUCIEN AUVRAY
131, 132 (en partie), 133, 134,
146, 147, 153, 158, 166, 167,
168.
Marsigli (Ippolito), Marsiliis (Hyp-
politus de), 27.
Martinus Laudensis [Martinus Ca-
retus ?], 30; cf. 22.
Martir, Martyr (Petrus), Martirc
(Pietro) d'Anghiera, 82.
Masuer ou Masuyer (Jean), 150.
Mathesillanus, Mattesillani (Mat-
teo), 35.
Meditaliones [intae Jcs. Chr. ?], 118.
Mélanchthon, 78, 160.
Menus pivpoiii {Les), 85.
Milis (Nicolaus de), 9, 10.
Modus {Le roi), 84.
Nanni (Giovanni), Annius (Jo-
liannes), 163.
Nicolaus de Milis, 9, 10.
Oldrado da Ponte, 36.
Opéra jucundissima novaniente retro-
vata, 161.
Ordo7inances royaux, 51, 52, 144.
Oriano (Lanfranco da), 30, 31.
Ortica délia Porta, 109.
Palacios Rubios (Juan Lopez de),
22.
Panorme, 2.
Pape (Gui), 140.
Parpaglia ou Parpalia (Tommaso),
57-
Pathelin (Maislre Pierre), 162.
Paul (saint), 76.
Paul de Castro, 18.
Paul d'Égine, 152.
Pérouse (Pierre de), 135.
Pétrarque, 69, 156.
Petra Sancta (Petrus Gerardus de),
35-
Petrucci (Federico), 25.
Petrus de Ferrariis, Giovanni Pietro
Ferrari, 38.
Petrus Jacobi, 39, 62.
Petrus Martir, 82.
Phalaris, 94.
Physionomie (Un livre de), 108.
Pico (Paolo), 54.
Pierre de Pérouse, 135.
Pietro da Ancarano, 6.
Pline le Jeune, 137.
Politien, 72.
Polydore Vergile, 105.
Pomeranus (Johannes), 74,
Pontano (Lodovico), 19, 35.
Ponte (Oldrado da), 36.
Pragmatique sanction, 42.
Protocole (Le) des notaires et secrétai-
res, 149. — Cf. Style.
Quinte-Curce, 115.
Quintianus, Quinziano Stoa, 93.
Raynaud, Reynaud (Jean), 48.
Recollectae, 53 à 57.
Refugium advocatorum, 87.
Regoïe grammaticali de lavolgar lin-
gua, 80. — Cf. Fortunio.
Regulae cancellariae aposiolicae, 124.
Ripa (Jo. Franciscus de Sancto Na-
zario, alias de), 164.
Roi Modus (Le), 84.
Romanus (Ludovicus), Lodovico
Pontano, 19, 35.
Sabellico (Marc' Antonio), 9 1 .
Saliceti (Bartolomeo), 1 5 .
Salluste, 109.
Sancto Germano (Dominicus de),
58. — Cf. San Gimignano (Dome-
nico da).
Sancto Nazario (Jo. Franciscus de),
alias de Ripa, 164.
Sandeo ou Sandei (Felino Maria),
145.
San Gimignano (Donienico da), 5,
58 (?), 59 (?)•
Sangiorgio (Giovanni Antonio da),
22.
Sangiorgio (Jacopo ou Jacopino da),
34-
Sannazar, 100.
Scaurus (Franciscus), 89.
Septem sapientium dicta, 6$ (?).
Sexte, 4.
LA BIBLIOTHEQUE DE CLAUDE BELLIEVRE
"'fi-'
Seyssel (Claude de), 30.
Socy (Marianus), Soccini (Mariano),
22.
Sûiiinie rurale, 63. — Cf. Boiitillicr.
Spéculum, 13.
Stilus Parhunenti et requeslaruiii, 44.
Stoa (Quintianus, Quinziano), 93.
Style et manière de procéder et pour-
suivre plusieurs matières en Parle-
ment, 157,
Style (Le Grand) et protocole de la
chancellerie de France, 143.
Suétone, 138.
Suppliques en cour de Rome, 122.
Tartagni (Alessandro), 16.
Tedeschi (Niccolô), ou Panormc, 2.
Térence, 1 16.
Tibaldeo (Antonio), ici.
Tornielli (Fr.), 95.
Tractatus de jure patronalus, 32.
Tractatus [pluriniorum] doctorum,
165.
Tractatus super act[ione^^ legis Acqui-
riinr, 61.
Ubaldi (Baldo degli), 14, 17.
Valla (Laurent), 68, 98.
Varron, 64.
Vergile (Polydore), 105.
Vocahularium gallicum, latiimm et
theutonicum, 92.
Vokyr ou Volcyre (Nicole), 142.
UNE LETTRE INÉDITE DE LOPE DE VEGA
Parmi les manuscrits précieux exposés dans la salle Ami
Lullin de la Bibliothèque publique et universitaire de Genève
figure depuis quelque temps une lettre autographe de Lope de
Vega, tirée de la belle collection de documents espagnols dont
la générosité de M. Edouard Favre a récemment enrichi ce
dépôt. Ces documents, acquis de l'hoirie d'un Genevois
longtemps établi en Espagne, proviennent des archives des
comtes d'Altamira, ducs de Sesa'. Les personnes familières
avec l'histoire de la littérature castillane savent que le sixième
duc de Sesa, protecteur et ami de Lope, se plaisait à recueiUir
ses manuscrits et que la plupart des lettres publiées du grand
dramaturge ont la môme origine que l'autographe conservé à
Genève. J'ai tout lieu de croire que cette lettre est encore iné-
dite et j'ai pensé qu'on la lirait avec plaisir dans ce volume
dédié à un maître qui s'est occupé avec prédilection de l'his-
toire du théâtre et qui est, par surcroît, docteur honoris causa
de l'Université de Genève.
Il paraît qu'on avait pressé Lope de Vega et d'autres beaux
esprits de s'essayer à composer des inscriptions funéraires à la
mémoire du roi Philippe IIL Tout en se déclarant inférieur à
la tâche, Lope envoie à son correspondant deux séries de huit
inscriptions latines, destinées à glorifier les vertus de ce
médiocre souverain que Guzman d'Alfarache, dans la conti-
nuation de Jean Marti, qualifie de« phénix unique du monde ».
Ces seize inscriptions, ainsi que la lettre qui les précède, sont
écrites ou transcrites au courant de la plume, sans aucune
I. Voyez, dans les tomes XI, XII, XIII et XIV du Bulletin Hispanique,
l'inventaire de la collection Edouard Favre, dressé par le regretté Léopold
Micheli.
366 ERNEST MURET
rature. Mais, à la quatrième page, au lieu de l'adresse indis-
pensable à une lettre missive, nous lisons le brouillon très
raturé d'une épitaphe de Philippe III. Le latin n'en est pas
très correct : l'Espagnol y montre le bout de l'oreille dans
les graphies especuliim et rexc (pour rege) '. La meilleure lati-
nité des seize inscriptions n'est guère déparée que par l'em-
ploi de fidis au lieu de fidelihiis; mais les yeux avertis
y découvriront le geai paré des plumes du paon. Dans
quelques-unes on reconnaît des fragments d'hexamètres, des
réminiscences d'auteurs romains, païens ou chrétiens, La
deuxième est empruntée à Ovide, la septième à Martial. Dans
la treizième et la quinzième mon savant collègue et ami,
M. Paul Oltramare, a retrouvé des vers de Claudien. Il a été
impossible d'identifier les autres, quoique j'aie recouru aux
lumières de plusieurs excellents latinistes. Les auteurs latins
modernes tenaient dans les lectures du dix-septième siècle
une plus grande place que dans les nôtres, et la mémoire de
Lope a pu lui fournir des traits dont les véritables inventeurs
nous demeurent ignorés.
A défaut de suscription, la signature de la lettre peut nous
guider dans la recherche du destinataire. La formule Capellan
de Vm. se retrouve au bas de deux autres lettres -, dont la
plus ancienne, datée de 1628 par une allusion à la sortie de
presse du premier recueil des Comédies d'Alarcon, était adres-
sée par Lope à son ami et compatriote de la Montagne, le
poète Antoine de Mendoza, chevalier de Calatrava et l'un des
secrétaires du roi Philippe IV. Le destinataire anonyme de la
plus récente, écrite à la nouvelle de la mort de Gustave-
Adolphe, en 1632, a été bien à tort identifié avec le duc de
Sesa et pourrait être également Mendoza. Une troisième
lettre % adressée au même et signée Su capellan, date de l'année
1. Ailleurs encore, dans les fautes vénielles inocentissima et Iranquiliias.
2. Publiées au tome I de l'édition académique des Obras de Lope de Vega,
pp. 652-654.
5. Publiée en juin 1899, dans la Revisla de archivas, bibliolecas y inuseo:
(terccra época, ano III, p. 365).
UNE LETTRE DE LOPE DE VEGA 367
durant laquelle Lope eut la dignité de chapelain principal de
la Congrégation des prêtres natifs de Madrid, qu'il avait obte-
nue le 4 juillet 1628 '. Si l'autographe de Genève est contem-
porain des trois autres, il s'ensuit que les inscriptions sollicitées
de Lope n'étaient pas destinées à rehausser l'éclat éphémère de
quelque cérémonie funèbre à la mémoire de Philippe III, mais
à être gravées sur le tombeau même de ce roi, dans le Pan-
théon de l'Escurial. Ce Panthéon n'a été achevé qu'en 1645;
mais, bien auparavant, Philippe II, Philippe III, Philippe IV
étaient préoccupés du projet d'élever des tombeaux à leurs pré-
décesseurs sur le trône d'Espagne. Fort bien en cour, Mendoza
peut, de sa propre initiative ou en qualité d'intermédiaire offi-
cieux, avoir engagé le plus célèbre poète du temps à exercer ses
talents présumés de latiniste à la louange du feu roi Philippe III.
La lettre que je publie ci-après est malheureusement endom-
magée par une déchirure qui a enlevé la plupart des fins de
lignes de la première page. J'ai reproduit aussi exactement
que possible la disposition du manuscrit et ses abréviations
et gardé la ponctuation suffisamment claire de l'auteur ^.
M. Delarue, conservateur des manuscrits de la Bibliothèque
de Genève, a bien voulu m'aider à déchiffrer quelques mots
d'une lecture difficile, et M. Morel-Fatio a eu la bonté de Hre
cet article en épreuves. Je remercie MM. Morel-Fatio, Oltra-
mare et Delarue de leur aimable collaboration '.
Ernest Muret.
1. Voyez Renncrt, Life of Lope de Vega, pp. 330 et 351 et l'art. Antonio
de Mendoza de l'Index. Il m'a été, malheureusement, impossible de consul-
ter les lettres publiées par D. Francisco Asenjo Barbieri, sous le pseudo-
nyme de José Ibero Ribas y Canfranc et le titre de Ultimes Atnorcs de Lope
de Vega Carpio (Madrid, 1876).
2. On remarquera, notamment dans le brouillon d'épitaphe, que Lope fait
usage de la virgule aussi bien comme signe d'abréviation que comme signe
de ponctuation. Dans l'inscription Al hoiior, ce signe représente peut-être à
la fois Vin de vulttim et le point qui manque dans ma transcription.
3. La part de collaboration de M. OItramare est marquée, dans les
notes, par les lettres P. O. entre crochets.
368 ERNEST MURET
Ya dixe a Vm, La dificultad de las [f° i, r°]
inçcripçiones .0. dedicaçiones a tumulos y
difuntos, y mas pa tan gran monarca,
y que no me atreuia entre taies ingénies,
5 : porqîfg no hallo cosa de mayor consider[a-]
çion en quantas se escriuen, y lie ten[ido]
opinion siempre (bien que ignorante) que [mien-] '
tras mas claras son mexores, pues de [las]
antiguas se conoze, de quien se toma mexor
10 exenplo. Los Padres de la compariia [, que]
en todo guardan el decoro y propiedad deui[dos,]
pusieron en el Tumulo de la senora Im-
peratriz este breue, claro, y susta[n-]
çial Elogio, o sea dedicaçion o inçcripçio[n]
15 funèbre,
Maria Augusta Maximiliani II Vxor,
Caroli V. filia, Rodolphi II mater Auggg.
Catholice fidei in Germania columen.
heri^jticorum terror, humanissima, Piissi[ma,]
20 inocentissima, humilitatis spéculum, p[au-]
perum mater, obiit Matriti. anno ié[o2,]
4 Kal. Mart.
A esta traza me holgara yo que [ ]
V con esta claridad, y no menos ^ [. • . hu-]
25 biera llebado a la compania, que [,como le]
digo, son açertadissimos e[n to]d[o. P' no de-]
xar (au[n]q;/t' con verguença y recato) de [f" i, v°J
obedezcr en algo, hize esos titulos
a las virtudes, por el mexor camino que
30 me pareçio, pues en razon de aplicar
a su Magestad sus exçelençias ya
esta dicho en hauerlas colocado en su
Tumulo. Vm las vea, que no van a ser
puestas, sino a rendir obediençia y
35 a que conozca \'m que le amo y desseo
seruir a quicn nro s'' g'^'^ muchos anos
Capellan de Vm.
Lope de Vega Carpio.
1. Au bord de la déchirure on lit encore une n ou les deux premiers jambages
d'une m.
2. Au bord de la déchirure on distingue encore, un peu au-dessous de la ligne,
ONE LETTRE DE LOPE DE VEGA 369
1 A la gloria [f° 2, r°]
Mortalis Aura nominis'.
2 A la fama
Nullis delebilis annis ^.
3 A la Fee
gloria Fidis finis.
4 A la Prudençia
Moderatrix 5 virtutum.
5 A la continençia
Angélus et pudicus fœlicitate differunt.
6 A la Manscdunbre
Modesti animi tranquilitas.
7 A la liberalidad
Ad premia velox +.
8 ■ A la Religion.
Erga deum pietas 5.
9 A la Benignidad
Lex démentie in lingua eius.
10 A la piedad
Verus dei cultus >.
11 A la Just[iciJ''
Vinculum Societatis humanae (>.
un trait en crochet, qui peut être une cédille on avoir appartenu à Vnnc des
lettres h, J, 1, q, {on v. Le (\ne abrégé a un tracé différent .
1. Cf. Sénèque, Epistolae Morales, 123, 16: « gloria vanum et volucre
quiddam est auraque mobilius » [P. O.].
2. Martial, Epigrammata, VII, 84, 7.
3. Ce mot se trouve à plusieurs reprises, dans des emplois semblables,
chez Cicéron. Vovez le Haudlexikon :{u Cicero de Merguct.
4. Ovide, Epistolae ex Ponto, I, 2, 121, en parlant de l'empereur Auguste.
5. « Des définitions plus ou moins semblables pullulent, « m'écrit
M. Oltramare, qui en cite les exemples suivants : « iustitia erga deos reli-
gio dicitur, erga parentes pietas » (Cicéron, Partitiones Oratoriac, § 78) ;
« rcligio veri cultus est ^) (Lactance, Divinae Institutiones, 4, 28, 11);
« iustitia est veri dei cultus « (Lactance, Epitome, 51, i). Le Vie livre des
Institutions de Lactance est intitulé De vero ciiltu.
6. Cf. Cicéron, De Repuhlica, I, 49 ; « cum lex sit civilis societatis
vinculum. » M. Oltramare attire mon attention sur le passage suivant du
Mélanges. II. 24
370
ERNEST MURET
12
A la Paz
ordinata Tranquilitas
13
Al honor
Mentiq//t' parem componere vultu///
14
A la verdad
Rara inter mortales veritas.
15
a la clementia
sola Deos ivquat clementia nobis-^.
i6
a la Victoria
Meritos ex orbe triumphos.
6
D O M [f° 2, vo|
Philip, III {Hispan, Rex CatJwlicus)^ Cognomcnto
bonus, philipi II filias Caroliq»f Roman, imp. Nepos
Augustus Maximus, Plus, hasreticorum terror vidue
( continentie especulum, Hdei prçsidium, Religionis
( [tidei pr. au-dessus des mots hijfés Fidei columen et defensor fidei]
5 columen, humanitatis et mansuetudinis exemplum,
{ fœliçisimas {fclicitery^
l post {lot hclla et)i victorias exercitis suisÇparias)^ parlas
\ et nouo [rature] nouas
i [rature] terrarum orbe (et indiarum') 3 inuentas, Mauror,
que a Roderico gothor, rexe in Hisp, (vuicus)^ relictorum (î;-
expulsor vnicus imperium dupliçis mundi philipo [nicus) >
lo [4] reliquit et ad premium tante virtutis euolauit matriti
Anno {dnï)^^ 1621 (P(?) >
Patriœ sua3 masrore [ratuve]:\icct.\: et lachriniis amoris et grati
animi monumentum.
même auteur (De Finibus, V, 65) : « quae animi affectio suum cuique tri-
buens atque hanc quam dico societatem coniunctionis humanae... tuens
iustitia dicitur, cui sunt adiunctae pietas, bonitas, llberalitas, benignitas... »
1. Claudien, Dt' coiinitiilii Slilictmiis, II, 36, dans la caractéristique de
la fides [P. O.J.
2. Claudicn, De IV. amsulalu Hoiiorii, 277[P. O.]:
Sis pius in primis : nam, quum vincamur in omni
Munere, sola deos aequat clementia nobis.
3. Biffé.
4. Lettre biffée.
Œl\RHS D1-: PJ.UTARQUE
Aux armes de Nicolas Moreau s'' d'Auteuil.
Collection de M. H. Yates Thompson.
UN BIBLIOPHILE DU XVIe SIÈCLE
NICOLAS MOREAU,
S-^ D'AUTEUIL ■
Nicolas Moreau, s' d'Auteuil, a inscrit son nom et sa
devise-anagramme : A r ami son cœur, sur quelques manuscrits,
incunables et livres imprimés au xvi*" siècle dispersés aujour-
d'hui dans diverses bibliothèques publiques et privées. Le
nombre des volumes portant cet ex-libris qui ont été décou-
verts jusqu'à ce jour est assez considérable pour qu'on en
dresse une liste et qu'on cherche à préciser un peu la person-
nalité de ce bibliophile.
Nicolas Moreau, fils de Raoul Moreau sieur de Grosbois,
trésorier de France, et de Jacqueline Fournier, naquit vers
1544. Son père, qui possédait de grands biens dans le comté
de Montfort-l'Amaury, acquit pour lui dans cette région la
seigneurie d'Auteuil ; dans la succession paternelle, qui s'ou-
vrit en 1583, Nicolas Moreau recueillit encore la terre de
Thoiry avec le château du Tronchet, aujourd'hui château de
Thoiry, et un hôtel à Paris, rue Michel-le-Comte ; de la suc-
cession d'un oncle maternel, il eut la terre de Marc, également
I. Les recherches que nous avons entreprises sur ce personnage, en vue
de nous associer à l'hommage qui est rendu à M. Emile Picot, ont donné
des résultats qui dépassaient nos prévisions. La place dont nous pouvons
disposer dans le présent volume étant limitée, nous devons nous borner à
une notice sommaire. Un mémoire plus étendu et contenant la justification
des renseignements donnés ici paraîtra dans les publications de la Société
de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France .
3^2 A. VIDIER
sise dans le canton actuel de Montfort-l'Amaury. Par sa femme
Marthe Potier, fille de Jacques Potier, conseiller au Parle-
ment, il devint encore seigneur de Courbevoie près Paris.
Nicolas Moreau débuta dans la vie publique par l'office de
trésorier du duc d'Anjou, le futur Henri III, qu'il accompa-
gna en Pologne pendant l'éphémère royauté de ce prince.
Ayant obtenu la survivance, Moreau occupa la charge de tré-
sorier de France, concurremment avec son père, depuis 1571 ;
il s'en démit en 1586. On le trouve dès lors pourvu de l'em-
ploi infiniment plus modeste de maître d'hôtel ordinaire du
roi, capitaine du château et bois de Boulogne et varenne du
Louvre.
Lorsqu'il mourut en 16 19, tous ses biens, ainsi que ceux de
sa femme, avaient été vendus successivement par autorité de
justice: Courbevoie, à un bourgeois de Rouen, Eustache
Le Bossu ; Auteuil, à François Briçonnet, maître des comptes ;
des fiefs dépendant d' Auteuil à Guillaume de Marescot, maître
des requêtes au Parlement. Ce dernier racheta la terre de Marc
en 1617, et, de 1629 à 1631, la part qui était revenue aux
enfants de Nicolas Moreau dans la succession paternelle, Thoiry,
dernier lambeau du vaste patrimoine constitué par Raoul
Moreau. Le château de Thoiry n'est, depuis, jamais sorti des
mains des descendants de M. de Marescot; des alliances l'ont
porté successivement dans les familles de Baussan, Machaut
d'Arnouville, de Vogué et de La Panouse.
Quelques pièces insérées dans les œuvres des principaux
poètes de la Pléiade : Ronsard, Dorât, Jean-Antoine de Baïf,
sont adressées soit à Raoul Moreau, soit à son fils Nicolas,
s' d'Auteuil. Elles attestent les relations d'amitié existant entre
ce dernier et le cénacle qui se réunissait chez Dorât, rue des
Fossés- Saint-Victor et formait ce qu'on a appelé l'Académie
des Valois.
Quelques C.V dotw inscrits sur les volumes de Nicolas Moreau
témoignent de l'empressement que mettaient ses parents et
ses amis à flatter son goût pour les livres : Baïf lui donna un
MOREAU, S'' d'aUTEUIL 373
Cicéron ; M"'^ Harlay de Sancy, sa sœur, un Roman de la
Rose ; Jean Nicot, une Chronique de Charles VII, par Gilles
le Bouvier; le président Nicolas Potier de Blancmesnil, son
beau-frère, une Légende dorée ; le trésorier de France Claude
de Troyes^ sieur de Boisregnault, une Consolation de Boèce.
Les volumes réunis par Moreau dans sa Bibliothèque, soit
pardons, soit par suite d'achats, sont remarquables, les manu-
scrits, par leur ancienneté et par l'illustration dont ils sont
ornés ; les imprimés, par leur antiquité aussi, et par l'abon-
dance des figures sur bois ou même des miniatures. La plupart
de ces volumes sont en outre reliés aux armes de leur pro-
priétaire : chevron à trois tètes de mores, armes qui, lorsqu'elles
sont peintes cà l'intérieur, sont d'or au chevron d'azur. La col-
lection de Moreau offrait, à considérer sa composition, une
assez grande variété : ouvrages de piété, de morale et de phi-
losophie, livres d'histoire, et surtout vieux romans français,
comme se plaisaient encore à en lire bien des gens du monde
au xvi^ siècle, en dépit des efforts des rhétoriqueurs pour tout
latiniser et italianiser.
Des dates inscrites sur les volumes par leur propriétaire, ou
des titres et qualités qu'il s'attribue dans son ex-libris, il
ressort que Moreau commença de collectionner en 1566 et
qu'il enrichit sa bibliothèque jusqu'en 1586, époque où com-
mença l'embarras de ses affaires. Un seul manuscrit paraît
avoir été acquis par lui après cette date.
Aucun indice ne nous est parvenu touchant l'époque ou
les circonstances dans lesquelles furent dispersés les volumes
dont on trouvera ci-dessous l'énumération ; M. Léopold
Delisle a fait observer que quelques livres ayant appartenu à
Nicolas Moreau, mais pas tous, ont passé par la biblio-
thèque de Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims.
374 A- VIDIER
LISTE DES LIVRES
AYANT APPARTENU A NiCOLAS MOREAU.
Manuscrits.
1 . Contes tirés de la vie des Pères. Chronologie des rois de France .
Conte du Manteau mal taillé. — xui^ siècle, parch. Bibl. nat.,
ms. fr. 2187.
2. Romans de Florimont, par Aimon de Varenne, et du Court
Mantel. — xiii« siècle, parch. Bibl. nat., ms. fr. 353.
3. Psautier et cantiques en français. — xiv<= siècle, parch. Notes de
famille sur un feuillet de garde. Coll. Strœhlin (vendue en
19 12). — Cf. H. Michelant, Sur un psautier français manuscrit
du XIV^ siècle, dans le Bibliographe musical, 1872, p. 5-11.
4. Légende dorée de Jacques de Voragine, traduite par Jean de
Vignay. — xiv^ siècle, parch. Bibl. nat,, ms. fr. 184,
5. Lancelot du Lac. — ■ xiv^ siècle, parch. Bibl. nat., ms. fr. 341 .
6. Consolation philosophique de Boèce, traduite par Jean de
Meung. Sept articles de foi de Jean de Meung. École de foi et
Trésor de Notre-Dame de Jean Brisebarre. Rendus de MoUien.
— Écrit en 1383, parch. Bibl. nat., ms. fr. 576,
7. Roman de la Rose. — xiv<= siècle, parch. Bibl. de Copenhague
n. f. roy. 63.
8. Psautier et cantiques en français. Vie de sainte Marguerite.
Prières, etc. — xiv^ siècle, parch. Bibl. nat. ms. fr. n. acq. 10044.
9. La Cité des dames de Christine de Pisan. — xv« siècle, parch.
Bibl. nat., ms. fr. 24293.
10. Livre de Sidrac. — xv= siècle, papier. Bibl. nat., ms. fr. 1156.
11. Le Château périlleux de frère Robert. — xv^ siècle, parch.
Bibl. nat. ms. fr. 1162.
12. Roman du Samt-Graal. — xv^ siècle, parch. Bibl. de Dijon
ms. 527.
13. Extraits du Livre de la Chasse de Gaston Phœbus. — xv^ siècle,
parch. Bibl. de l'Arsenal, ms. 3252.
14. Traité d'arithmétique de Jean Adam. — xv-' siècle, parch.
Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 3143. V. f. in-8°.
15. Histoire de Simon de Mont fort, par Pierre de Vaux-de-Cernay,
traduction française anonyme. — xv^ siècle, papier. Bibl. nat.,
ms. fr. 17810.
16. Chronique de Charles VII, par Gilles le Bouvier, dit Berry.
xv^ siècle, papier. Bibl. nat., ms. fr. 19562.
17. États généraux de Paris(i455) et deTours(i484). — xv siècle,
papier. Bibl. de Rouen, ms. 3196.
MOREAU, S'' D AUTEUIL 375
i8. Roman de Thésée de Cologne et de Gadifer. — xv«-xvi« siècle,
parch. Bibl. nat., ms. fr. 1473.
Imprimés.
19. Cicéron, De officiis, Paradoxa, Versus xii Sapientum. Horace,
Oda de brevitate humanae vitœ... — Mayence, Jean Fiist et Pierre
Schœffer, 1466, in-4°, Bibl. nat., Vélin, 1838.
20. Valére Maxime, Faits et paroles mémorables — {S. 1. n. d.
[avant 1477]), in-fol. Bibl. Sainte-Geneviève, Œ 454.
21. Les Quatre fils Aymon — (5". /. //. cl. [I^you, vers 1485]). In-
fol. Coll. Fairfax Murray.
22. La Mer des Histoires. — Paris, P. Le Roiioc, 1488, 2 vol.
in-fol. Coll. Pierpont Morgan.
23. Matheolus, Le livre contre le mariage. — (5. /. ;/. d. [^Lyou,
C. Dayiie], in-fol.) Bibl. Mazarine, incun. 673.
24. Valère Maxime, Faits et paroles mémorables. — Paris, A. Vè-
rard (s. d. [vers 1 500-1 503]), in-fol. Bibl. de Besançon, incun.
935-
25. Térence en français. — Paris, A. Verard (s. d.), in-tol. Bibl.
Sainte-Geneviève, Œ fol. 710 Rés.
26. Les Neuf Preux. — Paris, M. Le Noir, 1507, in-4". Musée
de la Ville de Paris (coll. Dutuit).
27. Chronique Martinienne. — Paris, A. Vérard, s. d. [1510?]).
2 vol. in-fol. Ce volume a fait partie de la collection de
M. H. Y. Thompson, mais ne s'y trouve plus.
28. Bernard de Parentis, Lilium missas. — Paris, Ph. Pigoiichet,
1510, in-8°. Bibl. Sainte-Geneviève, BB in-12. 385, Rés.
29. Corneille Agrippa, De incertitudine et vanitate scientiarum et
artium. — Autverpiae. J. Graphcus, 1530, in-4°. Bibl. de la
Sorbonne, Rés. 856.
30. Dante. — Veiielia, G. B. Marchio Sessa et fratelli, 1564, in-fol.
Bibl. de M. G, Hanotaux.
31. Plutarque, Œuvres morales, traduites par Jacques Amyot.
— Paris, M. Vascosan, 1572, 2 vol. in-fol. Rel. dorée et mosaï-
quée. Bibl. de M. H. Y. Thompson.
32. Jérôme le Jeune, Oraison funèbre du duc d'Anjou. — Paris,
Gilles de Saint-Gilles (s. d. [1584]), pet. in-8°. L'exemplaire de
Nicolas Moreau n'a pas été signalé, mais cette pièce lui est dédiée.
Un exemplaire est conservé à la Bibl. nat., Rés. Ye. 4307.
A. ViDIER.
JACQUES DE CAMPRONT
ET SON PSALTERIUM
Au maître que nous fêtons qui pourrait prétendre révéler
un auteur nouveau en ce xv!"" siècle où il a tant fréquenté ?
Jacques de Campront lui est bien connu sans doute, mais le
livre très rare qui nous a conservé ce nom pourrait bien n'être
point passé sous ses yeux. Voilà mon excuse.
Le drôle de bonhomme Jacobus de Cainp-rmt', presb. a brin -
censis, curé de Vergoncey, au pays avranchin, eut à soutenir
sans doute plus d'un procès, notamment un grave, très grave,
où il allait de son honneur, de sa Hberté, de sa vie. même,
1. Vergoncey, près Avranches. La famille de Campront ou Camprond
est bien connue en Avranchin ; Le Héricher, avec exagération, la dit illustre
(^Avranchin momimental, t. I, p. 392). On trouve des branches établies
notamment à Marcilly, Saint-Senier, Pontorson, La Godefroy, Gorges et
autres paroisses des arrondiss. d'Avranches et Coutances. Elle porte d'ar-
gent à la quintefeuille de gueules (Recherche de la noblesse de Guy Cliamillart,
Caen, Delesques, 1887, p. 56-59).
1611. Pierre de G., esc, s"" de la Transportière, par. de La Godefroy,
ler avocat du roi en la vicomte d'Avranches. — 161 1, 1615. Mathurin de
G., sr du Mes, par. de Marcilly. — 161 1. Jean de G., s^ du Bourg. —
161 3, 1649. Nicolas de G., chanoine. — 161 5. Juhen de G., esc, licencié
aux droits, avocat au bailliage et vicomte de Mortain. — 1627. Mathieu de
G., $>■ d'Auberoche, vicomte de Mortain, cède son office. — 1643. Elisa-
beth, fille de feu Isaac de G., esc, s"" de la Bretaiche, et de Susanne Tar-
dif. — 1647. Michel de G., esc, s^ de la Porte, marié à Scholastique La
Noë. — 1649. Nicolas de G., esc, s»" de la Porte. — 1659. François de G.,
esc, sf de His (?), fils d'Antoine et de Louise Arondcl. — 1669, 1671.
Pierre de G., esc, s^ de S» Loup, fils aîné de feu Jean de G., s>' du Bourg,
conseiller du roi aux juridictions d'Avranches. — 1669. Jean de G., s^ de
la Transportière, demeure à S' Senier. (Extrait des notes mss. recueillies au>
tabelUonage d'Avranches par Ch. de Baurepaire'). — 1653. François de G.
s^ et patron de Gorges, etc. (Bibl. Nat., 4° Fm. 5123.)
378 p. LE VERDIER
qu'il gagna avec le secours de Dieu autant qu'avec celui des
hommes, du moins le crut-il.
Pour éviter à ses pareils d'aussi cruelles infortunes, et, pour
les inviter à se ménager comme lui la protection céleste, il
composa et leur offrit le bizarre ouvrage :
Psalterivm |1 iustè Litigantium. 1] Quo ex libro |f Consola-
tio peti ab iis potest, quibus res [j est s^epe & pugna grauis
cum Aduersa -|| riis tum visibilibus, tum inuisibilibus, || in
hoc seculo. Il Ad || Amplissimos & Ornatissimos viros, in
supremo Normanias || Senatu, Rotomagi, considentes. || Pari-
siis, Il Apud lametium Mettayer. |1 Regias Majestatis Typogra-
phum. Il M. D. XCVII. Avec cette épigraphe : Aperiam in Psal-
TERiopropositionem meam. Psal. 48.
C'est en effet un psautier, mais un psautier bien artificiel,
dont les psaumes sont constitués de multiples versets emprun-
tés à David, glanés dans toute l'œuvre du Roi-prophète, et rap-
prochés pour en former un office approprié à la malheureuse
condition du plaideur.
Avant de passer au texte, il convient d'achever la bibliogra-
phie du volume. C'est un in-12, à signatures assez irrégu-
lières, de 7 feuillets non chiffrés et de GG feuillets paginés au
recto seulement. Au dos du titre se trouve V Approhatio des
docteurs, datée des ides de juin 1597, signée notamment de
Robert Liot, Thesaurariorum collegii Provisor et decarms, un
normand par conséquent, piiisque le collège des Trésoriers,
ou mieux du Trésorier, ne recevait guère que des Cauchois.
Après la dédicace aux conseillers du Parlement de Rouen et
l'avis Adlectorem, viennent quelques pièces liminaires: d'abord
un poema en cinq distiques donne tout le plan de l'ouvrage,
on pourrait dire la table ; j'y reviendrai. Suivent quelques
pièces adressées à l'auteur : la première, en vers peut-être
(je n'en sais rien !) est écrite en hébreu et signée Pet. Vignal '
1. Pierre Vignal, professeur royal en hébreu au Collège de France, et
doyen, 1 592-1640. (Cf. AbelLefranc, Hist. du Collège de France.')
JACaUES DE CAMI'ROXT ET SON' PSALTERIUM 379
Profess. Reg. ; la seconde, en distiques grecs, douze vers, est
signée N. ruXu)visu ' ; une autre, de même longueur, en vers
latins, est l'œuvre de Jean de Rouen % puis on trouve une
épigramme par Bertaut', un sonnet par Du Nesme, et un
quatrain par Robert Le Fèvre S'' de la Feverye-*. Enfin une
assez jolie figure, un cuivre, montre David à qui apparaît un
ange. Suit le psautier.
Le livre se termine enfin par un mémoire à pagination et
signatures distinctes (26 pages), excnsiim Littetiœ VI Mus
///rt/7 (1597), dans lequel l'auteur expose sa plainte aux magis-
trats et se confie à eux, après eux à Dieu :
Explicatiû litis enucleande oc âisccptauâe ah xquissiDiis
Magni ambiilaton'ique^ CoinUiiludicihiis, oric inter M. Jacobuni
I. Nicolas Goulu, professeur royal en grec, 1 568-1601. (Ibid., Biogr.
Didot.) Dorât lui adressa une de ses épigrammes, Ad D. Guloninm Qoannis
Aurati epigrammatum lihriiu, Parisiis, 1586, p. 19). Lui-même, helléniste
obligé, offrait volontiers ses hommages en vers grecs : Eî; 'Aop'.avôv
TûfvrjjBov, pièce liminaire signée N. FuXwvto;, dans Adriani Turnehi Adver-
san'orum (Paris., apud Martinum Juvenem, 1580); à Odet Turnèbe, dans
le Tumuîus dédié à celui-ci (Paris., Mamert Pâtisson, 1582); dans les
Hymnes ecclésiastiques, etc., de Guy Le Fèvre de la Boderie, dans les Larmes
et soiispirs sur Je trcspas très regretté de M. Antoine Fiancé, Bi:yOntin, par
Jean-Aimé de Chavigny (Paris, 1582).
2. Jean de Rouen, théologien et orateur, né à Rouen, fut aumônier du
Roi et proviseur du collège du Trésorier. Voy. des notes biographiques
par Charles de Beaurepaire (Rech.'rches sur V instruction publique dans le dio-
ccse de Rouen, t. I, p. 212), — le V«e d'Estaintot, dans son Introduction à
Tanniversaire de messire Adrian de Bréautê et Oratio Joannis Roënni (Rouen,
1882, Société des Bibliophiles Normands); — et le Manuel du Bibliographe
Xormand de E. Frère.
3. Jean Bertaut, l'abbé d'Aunay et le futur évêque de Séez. Né à Caen,
1552. Cette pièce n'a pas été recueillie par son dernier éditeur, M. Chenne-
xière (Les œuvres poétiques de M. Bertaut, évesque de Si-ei- Collection El/.é-
vir, 1891.) A plus forte raison ne se trouve-t-elle pas dans les éditions
anciennes.
4. Un seigneur de la Févrerie a composé un traité de l'origine de la poésie
et a écrit un éloge « assez bien tourné » de P. Corneille. Si ce n'est pas ce
Robert Le Fèvre, ce pourrait être un fils, héritier de son talent poétique.
(Goujet, III, p. 15 et XVIII, p. 158.)
Du Nesme m'échappe; je n'ai rien su trouver sur lui.
5 . II va longtemps que Louis XII avait h\\. succéder le Parlement per-
380 p. LE VERDIER
de Camp-ront, Presbyteru et Parochiiin Vergonceiiim, et Jnlianuiu
Rogerone, cognomine de Prateolis ; illuin sese defendentem contra
huius querelas, et agentem de restituenda sibi fama atque existi-
matione, aduersiis calumnias falsasque ohiectiones ipsius Rogeronis.
On trouve dans ce factum quelques renseignements biogra-
phiques sur l'auteur, et, comme je n'en connais guère, je m'y
arrête un instant.
Il y avait inimitié capitale entre les Campront et un certain
Julien Rogeron, S' de Préaux. Ravence ' de Campront, le père
de notre plaideur, avait eu avec ce Rogeron tant de procès, de
luttes, de batailles qu'une haine s'était élevée entre eux qui ne
pouvait finir nisi alter ab altero coucideret. Campront fut tué ;
on ne connut jamais bien ses assassins. Mais voilà qu'un jour
le château de Rogeron fut, pendant les troubles civils, pris
d'assaut et pillé, et Rogeron voulut que le coup ait été fait à
l'instigation du curé de Vergoncey. Il en donnait pour preuves
que celui-ci avait des opinions espagnoles^, qu'au temps de
la Ligue il avait émigré en Italie et en Espagne, qu'il avait
d'ailleurs résidé à Fougères lorsque cette ville était au pouvoir
des rebelles ; qu'un oncle de Campront, Boislabbé (Boeslabus),
et un frère bâtard de sa mère. Boutoir, (Butoërius), étaient
au courant des êtres du château.
Pauvres arguments, semble-t-il, mais nous sommes un peu
loin pour apprécier. Sur quoi Rogeron s'était pourvu au Par-
lement, réclamant une prise de corps. C'est contre ces accusa-
tions que Jacques de Campront avait dû se défendre; la Cour
l'avait laissé en liberté, et il achevait de se justifier, de récla-
mer vengeance du calomniateur. En même temps qu'il pré-
sentait aux Pères conscrits de Rouen un mémoire de défense,
appuyé de solides arguments, il leur offrit son Psalterium. On
pétuel à l'échiquier ambulant. Mais la Cour, fuyant Rouen pris par les
Ligueurs, s'était réfugiée à Caen en 1589 : est-ce pour cela que Campront
lui donne cette épithète ?
1 . Au texte Ravctii : Ravence ou Raveneau, Ravenet ?
2. Le duc de Guise avait fait alliance avec le roi d'Espagne.
JACaÛES DE CAMPRONT ET SON PSALTËRIUM 38 1
ne sait pas quel accueil fut fait au Psautier, mais à l'auteur les
juges conservèrent son honneur et sa bonne renommée en pro-
clamant son innocence.
Revenons au psautier. L'office composé par Jacques de
Campront est divisé en fériés suivant les sept jours de la
semaine.- Chacune comprend, à la façon du bréviaire, une in-
vocation, une hymne, une antienne, quatre psaumes, suivis
d'un cinquième, que l'auteur intitule Gratianim aclio, en
façon de remerciement au Seigneur, puis les versets et l'orai-
son.
Les quatre psaumes du premier jour ont pour thèmes la
prière, Oralio: Deus in nomine tiio salvimimefac..., cxandi oràtio-
nem meam ÇPs. 53). Auribus percipe orationemiueam...(Ps. 16),
etc. L'ennemi, Inhnicns: Eripenie dein'wiicîs meis... (Ps. 58).
Eripe me de manu iniiiiicoruiii... (Ps. 30), etc. La plainte de
l'opprimé, Clainor : Domine.., in die clamavi... (Ps. 87). Cla-
mavi ad te... (Ps. 142), etc. Le secours divin, Auxiliiiiii : Deus
in adjiitorimn meiim.... (Ps. 69), etc. Et de cette façon chaque
psaume est composé de nombreux versets, conformes à son
sujet, tirés du psautier tout entier, de manière à former des
collections de textes davidiques construites successivement sur
les quatre sujets du jour, Oratio, Inimiciis, Clainor, Aitxiliiiiii.
Quant au psaume qualifié Gratiarum actio, il est, lui aussi,
formé de versets qui rappellent les quatre mêmes inspirations.
Mais, devançant le temps, ils ne sont plus la prière d'un plai-
deur suppliant, mais celle d'un plaideur exaucé, comme si
celui-ci voulait s'accorder d'avance la joie du succès ou bien
témoigner à Dieu une reconnaissance anticipée du triomphe
espéré : Ououiain lu, Deus meus, exaudisti orationem... (Ps. 60),
etc. Exaltaho te, Domine, nec delectasti inimicos mcos super nu\..
(Ps. 29), etc., etc. C'est du reste, ce qu'annonce l'auteur dans
sa préface : Gratiarum ad Deuui actionem continet et preces exaii-
ditas ah eo quas juste litigans fundebat in singulis superioribus
psalmis. Même quadruple programme dans l'oraison finale.
Au second jour les thèmes des prétendus psaumes sont :
382 p. LE VKRDIER
Causa, Lcx, Testes, Dolns. Au troisième : Cahimnia, Veritas,
Testimonia, Justijîcatw. Au quatrième : Jnjiistus, Jiistiis, Injnsti-
tia, Jnstitia. Au cinquième: Timor, lunocentia, Tribulatio, Spcs.
Au sixième : Misericordia, Liberator, Jiidex, Jtidiciiim. Au sep-
tième : Sains, Benedictio, Laiis, Gloria et honor. L'auteur résume
tout ce défilé, dans la pièce liminaire déjà citée, en ces termes :
Ter dcnos quinos miro ordine dat tibi Psalmos
Hic liber, et Psalmo est cuique suustitulus :
Primo etenim, juste contendens incipit Orans.
Huic Initnicus adest. Clamor et Atixilhwi.
C«»5i7que. Lex. Testes. Dolns atque Calmiinia. Venini,
Teslificata nocent. Justifcata juvant.
Injustus. Jiisliis . Jiistiitn. Iiijnsiniiiqiie. Timorque.
InnocHuni Tribiilat. Spes. Miseicuisque: fovet.
Libérât hune Jitiiex. Sic Judiciumque Salîisque.
Et Benedictio. Lins. Gloria HonorquQ venit.
Admirable matière, vraiment, à mettre en vers latins.
Du reste, les thèmes sont inscrits en manchette et rappelés
partout où besoin est, ainsi que, et c'est plus utile, les réfé-
rences au psautier véritable.
On devine combien de versets peuvent être collectionnés,
en nombre presque infini, sur chacun de ces sujets; l'œuvre
pouvait s'allonger autant que le caprice ou la piété de l'auteur
l'eût décrété. Campront cependant s'est borné; l'amplitude des
pièces, des psaumes, si psaumes il y a, est très variable, depuis
quinze jusqu'à trente et quarante versets pour chacun ; l'of-
fice de chaque jour se limite à quinze ou dix-huit pages de ce
petit in- 12.
Tel est le véritable jeu de patience ou d'assemblage, le piiî^le,
que le bon prêtre avranchais a très sérieusement composé
comme un livre d'heures spécial et utile au plaideur, au plai-
deur juste et honnête, comme une œuvre pie et agréable à
Dieu, capable de le toucher et de l'induire à s'intéresser à sa
créature opprimée : qiio circa hiijus siiit friicltis Psalterii taies,
ut qiiisqiiis juste liligat eos H lis suœ ex i tus exspectet et tam optatos.
JACQUES DE CAMPRONT ET SON PSALTERIUM 383
quam qui singulari Dei iiiuin're ac bénéficia niihi perccpli siint vere
justeqiie litiganli '.
On était avisé en Normandie. Pays de procès, c'est entendu,
mais aussi pa3-s de patience et de prudence. Donc on savait
penser à tout. Se mettre bien avec le bon Dieu, lui offrir,
avant d'aller au Palais, des prières, j'allais dire des épices,
n'était pas la précaution inutile; du moins Jacques de Campront
en voulut mettre à la disposition du plaideur. Mais, tout de
même, singulier livre, naïve et singulière piété ! -
P. Le Verdier.
1. Ad leclorein, fin.
2. Je dois un remerciement particulier à MM. Paul Lacombe et René
Sturel qui ont bien voulu nie fournir d'utiles indications sur les amis de
Jacques de Campront, et à M. Charles de Beaurepaire qui m'a communiqué
avec un aimable empressement les notes de son véncré père.
PIERRE GRINGORE ET L'ENTRÉE DE
LA REINE ANNE EN 1504
(D'après un document inédit).
Si je regrette pour mon livre sur Pierre Gringorc ' de
n'avoir pas connu, au moment où je l'ai fait paraître après dix
années de recherches patientes, la mention dont je vais par-
ler, je suis heureux par contre d'offrir cette petite trouvaille à
celui qui est à coup sûr le plus à même de s'en réjouir et de
m'en savoir gré. M. Emile Picot connaît à merveille l'œuvre
de Gringore, et il a fait sur tel ou tel de ses poèmes d'inté-
ressantes découvertes ; je n'ai pas à parler ici de ce dont j'ai
longuement entretenu le lecteur dans un gros volume, mais
en vérité, il m'est loisible de reconnaître une fois de plus que
si l'on a trop souvent contesté, même depuis mon travail, la
valeur et l'intérêt des poésies de Gringore, M. Picot ne s'est
jamais lassé de se pencher avec une curieuse, une touchante
persévérance sur les productions de Mère Sotte : c'est qu'il en
devinait, à côté du fatras et du prosaïsme souvent verbeux, la
« substantifique moelle » et la très grande originalité, faite
de simpUcitè dans un temps où la complication était à la mode,
de précision alors que les poètes s'acharnaient à masquer leur
pensée et à la revêtir d'oripaux trop pompeux, de verve gau-
loise, par quoi l'œuvre de Gringore se rattache au moyen-âge
plus qu'au xvi'^ siècle précieux et renaissant.
Sauvai, et après lui tous ceux qui ont cité les principales
1 . La poésie morale, politique et dramatique à la veille de la Rotaissance.
Pierre Gringore, par Ch. Oulmont, docteur es lettres (Champion, 191 1).
2 vol. in-80. Bill, du XV^ siècle.
Mélanges. II. 25
386 CHARLES OULMONT
dates de la carrière dramatique de Pierre Gringore, note que
Mère Sotte participa comme fatiste à l'Entrée de la Reine
Anne de Bretagne à Paris en 1504; c'est la quatrième des
Entrées solennelles pour laquelle Gringore est mis à contribu-
tion depuis le 25 novembre 1501. Toujours il a pour associé
Jehan Marchand, le charpentier de la Grande Cognée, dans
ces organisations de mystères mimés, très différents des
mystères parlés.
Si le lecteur a quelque désir de savoir quel pouvait être le
« scénario » de l'un de ces mystères, série de tableaux vivants,
d'allégories par personnages, je le renvoie au n° XVIII démon
chapitre II : « Le coroneiiient . sacre et entrée de la Royue a Paris,
le 5? mai ijiy ». (d'après le ms. inédit de la bibl. de Nantes,
n° 1337, fr. 1176). Cette relation a d'autant plus d'impor-
tance qu'elle est une des très rares qui nous soient parve-
nues.
En vérité cela s'explique : de môme que dans le théâtre
joyeux des Sots il y avait à côté des soties littéraires, pleines
de psychologie, de satire sociale, politique ou mondaine, des
soties qui n'étaient à vrai dire que des jeux de clowns — sui-
vant le mot de M. Picot — et que l'on improvisait presque,
de même dans le théâtre sérieux, l'on ne se donnait pas tou-
jours la peine de conserver le livret de tel ou tel mystère
mimé. Une fois l'Entrée achevée, le mystère qui n'avait
eu qu'un attrait d'actualité n'était plus bon à rien, et le
manuscrit, s'il n'était pas déchiré, s'égarait, faute de soins.
Dans le compte relaté par Sauvai et les bibliographes
modernes, il est fait mention du payement des deux associés ;
c'est le compte de la prévôté de Paris. Dans le compte que
l'on va lire, Gringore est cité non plus avec Jehan Marchand,
mais avec d'autres fatistes qui collaborèrent aux diilérents
mystères représentés ce jour- là. Les noms de ces humbles
auteurs nous sont tout à fait inconnus, mais ils sont à joindre
désormais à ceux de Jehan de l'Espinc, d'André de la Vigne,
de Maistre Mitou, de Maistre Cruche et de leur illustre con-
PIERRE GRINGORE ET LA REINE ANNE DE BRETAGNE 387
irère Pierre Gringore : « a M. Régné de Collerie, Jehan Vesse-
ris, Claude Lebrest, Jehan le Secrétaire, Mère Sotte, et autres
tous facteurs et inventifs d'iceulx mistaires et esbatemens, la
somme de 2 livres 6 sols a eux payée et distribuée par le dit
présent receveur pour leurs peines et sallaires d'avoir vacqué
par plusieurs journées avant la dite entrée, de diriger les mis-
taires et mis en ryme les dictz que ont esté jouez es dits
lieux, en ce comprins 6 sols parisis pour despence de bouche
faicte par le dict procureur en communiquant avec eulx pour
ce. »
Cette mention se trouve au toi. 87 v" de la série KK 4 16, aux
Archives Nationales ; elle fait partie de copies de comptes faites
au xviii^ s. par les soins du procureur du Roi, Moriau
(Comptes des subsides accordées à la Ville de Paris par le Roi,
cf. Invent, somiii. des Archives, 1871, p. 283).
Et cette mention qui a déjà par soi-même de quoi satisfaire
les historiens des origines de notre théâtre si mal connues,
prend tout son relief quand on la replace dans ce qui la pré-
cède et la suit.
En effet, tandis que pour les mystères récités et joués, nous
possédons quelques relations qui nous permettent de savoir la
mise en train, la dépense et l'exécution de ces pièces, au con-
traire nous ignorions à peu près tout de ces mystères mimés
avant la publication que j'ai faite du ms. de Nantes, avant le
long compte que j'ai transcrit ci-dessous. Petit xlc Julleville
(dans ses volumes sur les Mystères, Paris, 1880, I, 196-200)
signale l'apparition des mystères mimés en 13 13, et reproduit
(II, i8i-2ié) les mentions de Sauvai; il indique pour des
mystères mimés à Béthune, assez tardivement (1549) les corps
de métiers qui y prirent part, et le nombre de personnages
utilisés. (Entrée à Jérusalem, par exemple, 16 personnes).
Le compte que le lecteur a ici sous les yeux est, toutes
proportions gardées, si l'on compare la longueur et la valeur
d'un mystère récité à celles d'un mystère mimé, aussi consi-
dérable que celui du mystère des 3 Doms. Nous sommes ren-
388 CHARLEé OULMONT
seignéssur le moindre accessoire, et tous les à-côtés de la fête
sont passés en revue.
[fol. 85 recto J.
Autre despense faite par ordonnance des Prévost des marchands et
eschevins de la ville de Paris tant a cause de la venue et nou-
velle entrée de la Royne notre souveraine dame faite en celle
dite ville en l'année de ce présent compte comme pour la trans-
lacion du corps de feu M. le duc d'Orléans, père du Roy notre
Sire du lieu de Bloys aux Celestins de cette ville faite au dit
temps comme aussi pour la messe solemnelle de la réduction
d'icelle ville de Paris ainsi qu'il s'ensuit.
[D'abord, ce sont les dépenses pour l'entrée de la Reine payées
par Jehan Hesselin, Receveur de la ville, 20 nov. 1504].
Et premièrement a cause des préparatifs et mistaires faits
pour le jour de lad. entrée.
A Jehan Perrin chevaucheur d'escurie du Roy lequel a apporté
lettres dudit $•■ touchant la venue, Entrée de lad. dame et du
recueil qu'il entendoit et vouloit luy estre fait de par la ville, a
esté donné par ordonnances et en présence desd. prevost des
marchands et eschevins [etc.]
A Loys Lesecq sergent de la ville, la somme de cent douze sols
parisis a luy ordonnée pour les peines et sallaires d'avoir ete de
l'ordonnance que dessus de cette ville a Melun, Fontainebleau et
ailleurs au dit quartier ou le dit s'' alloit et venoit pour s'enqué-
rir et scavoir au vray le jour que seroit la venue et entrée de la
d. dame en cette dite ville, a ce que on feust pourvu, au dit jour
a la recevoir, en quoy faisant ledit Lesecq a vacque l'espace de
huit jours entiers, pourcecy 112 s. p.
A Simon Agneiton marchand de merrien la somme de 18 1. 12 s.
8 d. paris, pour le bois de merrien par luy livré, tant à la porte
Saint-Denis, au Ponceau, à la Porte aux Paintres au bout du
pont, que au marché Fallu ont été faits et assis esd. portes les
eschaffaulx sur lesquels ont esté jouez plusieurs mistaires et esba-
temens, et les d. lieux du Ponceau, bout dudit pont et marché
Fallu plusieurs barrières pour obvier a la foulle du peuple le jour
de lad. entrée duquel merrien les parties s'ensuivent... [suit le
détail qui est pour nous sans intérêt].
A Mathurin Thevenart charpentier la sonuue de 17 1. 14 s. 8 d.
pour avoir par luy, ses gens, et allouez, fait ce qui s'ensuit, cest
assavoir lesd. eschaffaulx... et assis des barrières au bout de la
rue Guerain Boineau pour y tendre tapisserie a l'endroit des
PIERRE GRINGORE ET LA REINE ANNE DE BRETAGNE 389
immondices et aigoux {sic) qui y sont faits, aussi d'autres bar-
rières au bout de la rue Marché Fallu qui vient du Petit Pont a
Notre Dame au bout de la rue de la Juifrie et au bout du pont
près l'orlogc du palais pour clore les passaiges et obvier a la
foule du peuple le jour de lad. entrée. Item fait en l'hostel de la
ville 3 barrières a l'entour de la porte et fait une cloison a
esquierre et ung feste dessus en la cour dudit hostel pour la
couvrir de bannes et servir de cuisine le jour que la Royne y a
disné
A Gilles Morise serrurier, la somme de 42 s. 6 d. pour les parties et
ouvraigesde son mestier par lui faits pour lad. entrée, ainsi que
s'ensuit c'est assavoir a la Porte S. Denis 106 crampons servans
a tenir lesecussons aux armes du Roy et de la Roine au dessus
des eschaffaulx faits a la porte pour les mistaires [suit l'énuméra-
tion d'un certain nombre de serrures fournies].
A M. Jacques, procureur de lad. ville, lequel a eu charge desd.
prevost et eschevins d'ordonner et faire les frais des mistaires
qui ont esté faits et jouez a la porte Saint-Denis, fontaine
du Ponceau et porte aux Paintres, la somme de huit vingt-neuf
livres, 16 s, par...
Et premièrement
A. M. Règne de CoUerie, Jehan Versoris, Claude Lebrest, Jehan le
secrétaire. Mère Sote et autres tous facteurs et inventifs diceulx
mistaires et esbatemens la somme de 11 livres 5 sols a eulx
payée et distribuée par le dit présent receveur pour leurs peines
et sallaires d'avoir vacqué par plusieurs journées avant lad. entrée
de diviser les mistaires et mis en Ryme les dictz qui ont esté
jouez esd. lieux, en ce comprins 6 s. par jour despence de
bouche faicte par le dit procureur en communiquant avec eulx
pour ce.
A Pierre de la Croix, Pasquier, Vrille, Jehan Emery, Jehan Lingre
et Jehan Gallant paintres, pour eulx et leurs gens, tant pour
estoffes et paintreries comme or, azuré, argent, vermillion, fine
lacque, vernis, vert de gris, mauve, ocre, blanc d'Espagne, brun
d'Auxerre, vieils drappeaulx, grantpappier, colle, huille, coton,
painceaulx et autres choses de leur mestier qu'ils ont livrez et
employez a faire ce qui s'ensuit, c'est assavoir a estofîer cinq grans
Ecus aux hermes du roy et de la Royne avec les couronnes et
ordres du Roy pertinant ; item 28 autres petits escus auxsd. armes
environnées de rinceaux... item livré et paint un petit dieu, plus
paint de fin or 4 grans bastons qui ont servy a porter le ciel sur
390 CHARLES OULMONT
lad. dame le jour de sad. entrée; item livré les paintures qu'il a
convenu a paindre, un grant arbre ou perron qui a esté fiché et
assis en l'hostel de Nesle ouquel ont esté faites les lettres et joustes
pour y attacher les armes du Roy et de lad. dame... et plusieurs
autres menues choses de leur mestier, que pour leurs peines, par
le temps et espace de 4 vingt trois journées d'hommes au prix
de 6 s. p. par jour 60 1. 8 s.
A Bellanger Imbert tailleur d'ymaiges, pour les 5 couronnes des-
susd... plus fait un S^ Michel servant a l'un des cinq escus
116 s.
Item mis et frayé par led. procureur, en chandelle, charbon, bûches
et bourrées tant pour lesd. paintreset bimbellotiers durant qu'ils
ont faits les choses dessusd. de leur mestier, que pour chauffer
les joueurs desd. mistaires esd. portes, durant le jour d'icelle
entrée, la somme de 38 s. par.
Item en l'achapt de 4 poulies et 2 grans perches de bois en corde
qui ont servy a tendre les custodes sur les eschaffaulx devant les
mistaires, la somme de lé s. par.
Item en l'achapt de 3 peaulx de cuir vert, une aulne toille rouge,
deux colliers d'etain, 3 chesnes de cuivre en façon d'or, les papil-
lottes et petits mirouers pour equipper les personnages desd.
mistaires, en doux, deux feuilles de fer blanc et autres petites
drogues de mercerie, la somme de 37 s. p.
A Jehan Labbé menuisier, pour avoir fait et entaillé un grant cueur
et austres menues choses de son mestier 70 s. p.
A Jehan Mestier chasublier la somme de 26 1, 8 s. p. tant pour
louaige que pour le déchet de 43 aulnes de drap de dames de
plusieurs coulleurs dont ont esté faits 6 habits.
A DenisetteThunier la somme de 72 s. p, pour 12 aulnes de toille
dont ont esté faits 5 rochets pour 2 filles et 3 bergers.
A Pierre Rousselet cousturier la somme de 13 1. 6 s. p. pour la
façon d'avoir fait du damas dessusd. 6 robbes, 5 a usaige de
femme et une a usaige d'homme.
Item en l'achapt de 3 chappeaux defeustre 33 s. p., et six paires de
gans 8 s. p., en chappeaulx de fleurs 8 s. p.
A Nicolas Evrard frepier, pour le louaige de 3 cottes simples, deux
de damas et une d'escarlatte et une robbe d'esc.irhitte a usaige
d'homme, la somme de 44 s. p.
A la femme Jehan Plan atourneresse pour avoir livré 6 crespines et
habillé six filles desd. mistaires, la somme de 56 s. p.
PIERRE GRINGORE ET LA REINE ANNE DE BRETAGNE 391
Auxd. 6 filles et a ung homme qui a fait avec elles un personnage
pour leur sallaireet vacation la somme de 100 1. 12 s. p.
A 8 chantres qui estoient chanteurs ledit jour de l'entrée... et para-
vantle jour de lad. entrée en recordant leurs chansons la somme
de 68 s. p.
A M. Jehan Perrier lequel dit et exposa par plusieurs fois aux pas-
sans le mistere a la porte aux peintres, pour sa vacation, la somme
de 16 s. p,
Item en depence faite auxd. porte Saint-Denis et porte aux Paintres
pour les joueurs des mistaires led. jour d'entrée... la somme
de 43 s. p.
A Jacques de Lange frepier et Jehan Logre gueisnier maitres et
gouverneurs de la confrairie de la Passion et Ressurection fondée
en l'église de la Trinité a Paris, la somme de 10 1. p. a eulx
ordonnée pour subvenir aux frais du mistere de la Transfigura-
tion de la Passion Nostre S'' J. Chr. par eulx fait au devant de la
d. Eglise le jour de la d. entrée.
A Guillaume Langlois, Pierre Huet, Pierre Gauchier et Jacques
Drouet tous frepiers et jurez dud. mestier, la somme de 6 1. p. a
eulx ordonnée pour subvenir aux frais du jeu et mistaire qu'ils
ont fait aucoingde la fontaine Saint-Innocent de l'apparicion des
3 Roys le jour de lad. entrée.
A Jehan Maulevault demourant a Paris pour les parties d'un disner
par lui fait de l'ordre que dessus pour led. prevost et eschevins
et aucuns quarteniers et bourgeois assemble/; en l'hostel de lad.
ville le vendredy 8 nov. 1 504, lequel jour ils ont esté après le
diner au bois de Vincennes faire la reverance a la Royne qui y
estoit nouvellement arrivée la somme de 6 1. 16 s. 4 d.
[Suit le payement aux paveurs, aux balayeurs, à ceux qui sont
commis à la garde des quais, rivières, fossés, égouts, à ceux
qui fournirent les chandelles pour éclairer les rues sur le pas-
sage de la reine. Plus rien, ensuite, dans les comptes, ne con-
cerne le mystère] .
Je n'insisterai pas sur l'ensemble du compte ; mais il est
certaines rubriques curieuses dont je voudrais dire un mot et
je voudrais aussi rendre le lecteur attentif à la disproportion
des salaires, disproportion que Chevalier et Serrigny ont noté
déjà par ailleurs à propos des mystères récités. N'est-il pas
392 CHARLES OULMONT
intéressant de noter que l'on avait souci des peintres et des
bimbelotiers durant qu'ils travaillaient, des joueurs cependant
qu'ils étaient sur l'estrade, et qu'on dépensa une certaine
somme en bûches, en charbon pour les chauffer : c'était le
20 novembre, et ils eussent pu se refroidir. N'est-il pas inté-
ressant de même pour l'histoire du costume, comme ce qui pré-
cède pour l'histoire sociale, de savoir que la femme de notable
Jehan Plan, atourneresse — l'habilleuse — toucha 56 sols
parisis pour avoir livré 6 « crespines » (résilles) et habillé six
filles ; pour l'histoire du théâtre, voyez ces filles qui miment
le tableau vivant et touchent avec l'homme qui a fait avec elles
un personnage 100 livres, tandis que le pauvre récitant Jehan
Perrier qui expose plusieurs fois le mystère ne reçoit que
16 sols. Enfin rien n'est oublié, puisque les chanteurs — pour
être bien maîtres de leur chanson et ne pas détoner — ont dû
« recorder », répéter le 19 novembre leurs rôles.
En vérité, un compte comme celui-là ne nous rapproche-t-il
pas du passé de manière plus sûre, plus probante et aussi variée
que des anecdotes, des mémoires ou des récits toujours sujets
à caution ?
Charles Oulmont.
LE THÈME DE L'AVEUGLE ET DU
PARALYTIQUE
DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE
Nous avons tous appris par cœur, étant enfants, la Fable
de l'Aveugle et du Paralytique. Qu'elle fût de Florian ', peu nous
importait. Plusieurs d'entre nous la croyaient même de
La Fontaine :
Aidons-nous mutuellement
La charge des malheurs en sera plus légère ;
Le bien que l'on fait à son frère
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
Confucius l'a dit; suivons toussa doctrine:
Pour la persuader aux peuples de la Chine
Il leur contait le trait suivant.
On chercherait en vain, je crois, le trait en question dans
Confucius, mais celui-ci, à la fin du xviir siècle, était fort à
la mode^ et il n'est pas étonnant que Florian lui attribuât une
fable que le Folklore du Céleste Empire enregistre encore ' et
que Levesque, dans VHomnie moral +, avait citée comme chi-
noise. Pourtant ce n'est ni dans cet ouvrage ni dans le Jour-
nal Encyclopédique^ qui le reproduit, mais bien plutôt dans les
1. Fable XX du Livre I, p. 6i dans l'édition de Montaiglon. Paris, Rou-
quette, 1882.
2. Cf. La morale de Confucius, philosophe delà Chine. Amsterdam, chez
Pierre Savouret, 1688, et nombreuses éditions postérieures. Le Choit-
King, traduit par le P. Gaubil. Paris, Tilliard, 1770, in-40.
3. Dennys, The Folklore of China. London, 1876, in-80.
4 . Paris, Debure, 1 784 . On sait que les Fables de Florian n'ont paru pour
la première fois qu'en 1792.
5. 1784, t. VI, p. 381. Je dois cette référence ainsi que la connaissance
394 GUSTAVE COHEN
Apologues orientaux de S^wvïgny ' que Florian a dû cueillir son
sujet. Il y a ici une phrase de l'aveugle au sultan : « Vous
verrez pour moi ; je marcherai pour vous », qu'avec peu
d'effort le poète a muée en un alexandrin :
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi.
Ce n'est donc pas non plus dans Gellert% dans Desbillons'
ou dans d'Ardène '^, qui tous ont traité le même thème, que
notre Florian a puisé et ce n'est pas davantage, quoi qu'en
pense Fournier >, dans la curieuse lettre où Boursault ^ raconte
à l'évêque de Langres l'histoire du paralytique porté par
l'aveugle et fuyant avec lui, en cet équipage, la procession des
reliques de Saint-Martin. Leurs infirmités guéries, c'en serait
fini des aumônes, mais le miracle les atteint malgré leurs
dents.
Boursault termine en désignant son répondant : « L'homme
dont je parle à votre grandeur m'a engagé sa foy qu'il avoit
lu ce qu'il me dit dans une Légende de Saint-Martin que l'on
chantoit le jour de sa fête. »
Quelle peut être cette légende? Ne serait-ce pas un mystère
des articles de Basset, Lévi, Wiese et Liebrecht à la précieuse Bibliographie
des ouvrages arabes ou relatifs aux Arabes... de M. Chauvin. Liège, Vaillant-
Carmanne. On la consultera aux t. II, p. 221 ; III, p. 52-53 ; VI, p. 10.
Je n'ai pu lire qu'après l'achèvement de cet article : Gûuther, Die Ouclien
der Fabeln Florians. Programm des Kgl. Gymnasiums zu Plauën i. V.
Osten, 1900.11 ne nous apprend d'ailleurs rien sur notre thème.
1. Paris, Duchesne, 1764, in-12. L. II, Apol. XIV, p. 107. (Cf. Chauvin,
op. ci t.)
2. Traduit par [Boulenger de Rivery], Fables et Contes. Paris, 1754, in-i6,
p. 95. Référence due à M. Charlier.
3. Falmlae ieaopiae. Paris, 1778, in-12.
4. Recueil de fables nouvelles. Paris, 1747, fable 25. Ces deux ouvrages
sont cités par M. R. Basset: Le Mythe d'Orion et une fable de Florian. Revue
des Traditions Populaires, t. IV (1889), p. 616-621; t. V(i89o), p. 234-
235 et 558-559-
5. Le théâtre français avant la Renaissance. Paris, 2^ éd., s. d., p. 156.
6. Lettres nouvelles, 2* édition. Paris, Gosselin, 1700, in-12, t. II, p. 156-
159.
LE THÈME DE i/aVEUGLE ET DU PARALYTiaUE 395
dramatique ? Ni le mot ni la chose n'étaient bien connus au
xvii^ siècle. Je serais assez tenté de répondre affirmativement,
mais je ne dirais pas avec Fournier que c'est à la Moralité de
r Aveugle et du Boiteux d'Andrieu de la Vigne ', que l'érudit
dont parle Boursault faisait allusion.
Le thème qui nous intéresse a, en effet, été porté deux fois
à la scène au xv^ siècle et toujours en relation avec la vie du
fameux évêque de Tours, d'abord par l'auteur inconnu du
Mystère de Saint-Martin ^ conservé à la Bibliothèque de
Chartres et, postérieurement sans doute, par Andrieu de la
Vigne pour faire suite ci son Mystère de Saint-Martin, joué à
Seurre en 1496.
La Moralité de l'aveugle et du boiteux qui y est intimement
reliée a été composée pour un public bourguignon. L'aveugle
« enluminé » malgré lui, s'écrie :
Bourgoigne voy, France, Savoye
tandis qu'au contraire la farce de l'aveugle et du paralytique,
qui figure à la fin de l'autre de Mystère de Saint-Martin est
chargée d'une toponymie locale accessible aux seuls habitants
de Tours '. C'est donc à ce mystère et non à celui de de la
Vigne qu'il faut rapporter les mentions de représentations à
Tours en 1441 4, en 1503, en 1509 ^ et la comparaison de
Menot dans ses sermons ^.
Mais où ce mystère et Andrieu de la Vigne ont pu prendre
1. Publiée d'abord par Fr. Michel, puis par le bibliophile Jacob dans son
Recueil de farces (1859, in-i2)et enfin par Fournier, op. cit.
2. Réimprimé dans la Collection Silvestre, 1841. Cf. Petit de Julleville.
Les Mystères, t. II, p. S'iS ^^ suiv.
3. Voyez G. Cohen, Rabelais et la Légende de Saint-Martin (Rez'ue des
Etudes Rabelaisiennes, 1910) et une note qui paraîtra prochainement dans
la Romania.
4. H. Lambron de Lignim : Recherches sur l'origine du théâtre en Touraine.
Tours, 1848, in-80, p. 9.
5. Lecoy de la Marche, Saint Martin, 2^ édition. Tours, Marne, 1890,
in-4<>, p. 590.
6. Fournier, op. cit., p. 157.
396 GUSTAVE COHEN
ce thème de l'Aveugle et du Paralytique, c'est ce qu'il serai t
intéressant de rechercher maintenant.
En général, Andrieu de la Vigne a suivi fidèlement et pas à
pas Sulpice Sévère ', qu'au contraire l'anonyme tourangeau
n'a guère connu ; mais, pour sa Moralité, l'auteur du Vergier
d'honneur a pu s'émanciper un peu et semble avoir recouru à
d'autres sources auxquelles son prédécesseur aurait déjà puisé,
sans que toutefois les deux versions se ressemblent autrement
que par le fond.
La scène de l'aveugle et du paralytique ou du boiteux guéris
malgré eux, telle qu'elle nous apparaît au xv^ siècle chez ces
deux écrivains indépendants l'un de l'autre, résulte de la con-
tamination de deux éléments, l'un hagiographique, l'autre
folklorique.
L'élément hagiographique, nous le trouverons à la fin du
xi^ ou au commencement du xii^ siècle dans le De Reversioiie
heali Martini a Bnrgnndia Traclattis % où le pseudo-Odon
raconte la translation des cendres du saint en Bourgogne et
leur retour au siège épiscopal de Martin avec les innombrables
miracles qui jalonnèrent la route suivie par les reliques, sur-
tout à l'arrivée dans le diocèse de Tours. C'est là que se place
l'aventure des deux mendiants boiteux cherchant en vain à échap-
per à une guérison miraculeuse qui les privera de leurs profi-
tables infirmités :
Per Martinum vero etiam non petentibus, etiam non accurrcntibus et
quod majoris clemcntiae est, etiam nolentibus subvenicbat. Dum enim talia
tantaque virtutum insignia agerentur, quac etsi invideret occultare fama
non potuit,ea praecurrcnte, duo paralyt ici qui in villa cui nomen de Hcdera
[var. Edera] est, a practereuntibus eleemosynam petentes, victitabant
dixerunt alter adalterum : « Ecce frater, sub molli otio vivimus. Nemo nos
inquiétât, omnes misercntur, solus nobis labor est petere quod optamus ;
1 . David (Cari), Die Drei Mysterien des lo. Martin von Tours. Flir Ver-
liiillnis iind Il]re Quelle. Dissertation de Greifswald, 1899, in-S", p. 27. Cette
dissertation est muette sur le petit problème qui nous occupe.
2. Publié par André Salmon. Suppténieut aux Oironiques de Tourainc .
Tours, 1857, in-8o; v. p. 31-32. Cf. aussi BibliotJjeca hagiographia latina .
LE THEME DE L AVEUGLE ET DU PARALYTIQUE 39^
licct cum libuerit somiio indulgerc, quicti vero jugiter, et, ut brevitcrdicani,
ducinius in bonis dies nostros. Hoc autcm totum nobis vindicat infirmitas
haec qua jacemus ; quae si curata fuerit, quod absit, necessario nobis
incumbet labor manuuni insolitus, quippc jam mendicare inutile erit. Et
QCCQ audivimus de Martino isto in cujus dioecesi degimus,quod revertens ab
exsilio in toto suo episcopatu neminem decumbentem praeterit non sana-
tuni. Nunc ergo, frater, acquiesce consiliis meis, et dicto citius fugiamus
Martinum, ab ejus dioecesi exeuntes ne forte nos sanitatum ejus copia coni-
prendat. » Novum sane consilium, vota prorsus eatenus inaudita tanto
nolle carereincommodo, sesibireddieffugere ! «Qiiid moror ?» Placet utrique
consultum et aptatis baculis sub utraque ascella reptando potius quam gra-
diendo fugam arripiunt ; sed Martini pernix potentia prosequitur fugicntes,
conipreliendit refugas, compreliensos et inventes invitos réparât sanitati.
Quod illi in sese experientes, nec dissimulare poterant nec audebant silere ;
nimirum non nescii illum potentem perdere ingrates, qui et nolentibus
subvenisset, exclamant igitur praedicantes miraculum ; et homines loci
illius, quo id contigerat, ad laudem invitant Martini. Nec sibi integruni
fore arbitrati donec baculos, sui languoris indices, ad Martini matriceni
ecclesiam detulerunt, palam omnibus exponentes et suae perfîdiae fugam
et Martini etiam circa invitos clementiam. Porro incolae mansionis in qua
signum hoc sanitatis celebratum est in nomine signipotentis Martini eccle-
siam condidere, quas usque hodie Capella alba nominatur.
Le récit du pseudo-Odon ne manque pas de pittoresque. Il
est même dramatisé au point qu'on serait tenté de croire qu'il
est déjà emprunté à une farce ou à un dialogue préexistant.
Que le récit soit tourangeau, c'est ce que prouve le don des
béquilles à la collégiale de Tours et l'insistance du chroni-
queur au sujet de l'action des reliques dans le diocèse du saint.
Péan Gatineau, au xir' siècle, reprend en vers ce récit
sans y changer grand'chose : (v. 8101 à 8148) '.
A Derre ^ duicontret estoient
Qui la novele oïe avoieni
Que li saint chccun garrissoit
I . Dits aUfniiiiôsische Marlinslcbi'ii i/r,s- Fciiii Giiliiiidti aus 'l'ours, neue
nach der hds. revid. Ausgabevon Werner Sôderhielni. Helsingfors, Hagels-
tam, 1899, in-8".
2. Un document de 1040 donne la forme « Dedera », probablement con
tractée de « de hedera j). Hedera ayant donné « iei're » et plus tard, par agglu-
tination de l'article," lierre», il n'est pas étonnant que, par un procédé sem-
blable, « de hedera » ait donné « Dierre ». Des chartes de 123 1 et 1291
398 GUSTAVE COHEN
Nis en quelque leu que il soit
Mes qu'il le trovast en Toraigne.
Si distrent que en maie painne
Seraient si il garissoient,
Car chose fere ne savoient
Dom pëussent avoir gaaing,
Si venoit mielz avoir mehaing
Que il ainsi tuit garissunt .
Ce distrent entr'os, quar il sunt
Molt a aise, quar tuit lor donent
Tant du lor qu'assez en rebonent,
Si qu'il en ont puis prou viande.
Ne nesuns riens ne lor demande.
Et si dorment quant il se veolent,
Ne de nule riens ne se deolent.
Qu'assez ont viande et drapeaus
Et des bons vins en henapeaus,
Des meillors qu'il troissent a vendre.
N'a riens ne les convient entendre
Fors a déduire solement.
Si pristrent si lor parlement
Qu'ambedui tantost s'enfuireint
Ne que le saint pas n'atendreient ;
Lors s'en fuient, que plus n'atendent
Et au fôir d'air entendent ;
Soz lor braz potences avoient,
G quoi toz jorz se sostenoient,
Si corurent si com il porent,
Mes onc si tost fôir ne sorent
Que li sainz nés aconsëust :
Biau lor fust ou mau lor sëust
Si que maugré lor redrecerent
Le miracle taire n'osèrent ;
Dom lor pesot, s'il pcussunt
A la geut qu'ilec venu sunt,
A qui le miracle contèrent.
ont Derra, Dierra, Décria, qui expliquent les formes françaises que four-
nissent nos textes. (Cf. Carré de BusseroUe [J. de Chàteau-ChalonsJ,
Dictionnaire géographique... d'Indre-et-Loire. Tours, 1878, 7 vol. in-8".)
Quelques auteurs, à cause de la « Capella alba », bâtie selon le Pseudo-
Odon, en mémoire de ce fait, ont prétendu que le miracle s'était passé à la
Chapelle blanche (Cf. Carré de BusseroUe : canton de Ligueil, arr. de
Loches), où ily eut, en effet, au xn^ siècle, une «Ecclesia S. Martini de villa
quaedicitur capella».
LH THÈME DE L AVEUGLE ET DU PARALYTIQUE 399
Et les genz illequcs fondèrent
De saint Martin une chapele
Que l'an encores hui apele
Ce m'est vis, la chapele blanche.
Li dui a qui li saiuz la hanche
Ot malaigrélur redrecee
Ont vers Tors lor voie adrecee,
Ou al'iglise au saint portèrent
Lor bâtons, et tôt lor contèrent.
Par une filière à Laquelle les chansons de geste nous ont
habitués, ce récit se retrouve délayé en prose à la fin du xv=
siècle dans La Vie cl Miracles de Mgr Saint Martin '.
Nous donnerons ici un extrait de ce texte assez rare qui ser-
vira presque de traduction au fragment reproduit plus haut,
mais le récit est certainement moins dramatique et moins
pittoresque. Il manque, par exemple, le « reptando potius
quam gradendo», rampant plutôt que marchant, qui était fort
ingénieux. Il est à peu près sûr que l'auteur anonyme de la
vie n'a pas recouru à l'original latin et les expressions souli-
gnées par l'emploi de l'italique portent assez la trace de l'in-
fluence de Péan Gatineau :
Et aussi tost que le corps entra en Tourainne en son dyocese, les con-
traictz redressèrent, les avaugles enluminèrent, les muetz eurent parolles, les
sourtz ouvrent, les ladres et les meseaulx furent guariz, les dyables yssoient
hors des demoniacles. . . A Deree avoit deux contrefaictz qui ouyrent la
nouvelle que le beuoist saint guarissoit tous malades qui estoient en Tou-
raine, si dirent entr'eulx deux qu'ilz seroient en malle peine entrez, s'il les
guarissoit, car ilz ne sçavoient rien faire dont ilz peussent gaigner leur vie.
Si valloit mieulx a leur advis qu'ilz fussent tousjours contrefaictz, car on
leur donnoit assez pour leur vie et estoient biens aises et ne liiir dénia mloit
on riens et dorvioienl quant ili voidoient el avaient assez à boire et à menger.
Si prindrent leur parlement que entre eulx deux s'enfuyroient ne qu'ilz n'at-
tendroyent pas la venue du corps sainct. Si s'enfuyrent sans plus attendre
et de haste qu'ilz avoient portèrent sur leurs bras leurs potences a quoy ilz
s'apuyoient quant humblement requeroient l'aumosne. Mais oncques ne
sceurent si fort fuyr que le benoist corps ne fist sur eulx le miracle tout
entier.
I. J'ai consulté l'édition imprimée à Paris par Michel Lenoir en 1516.
Bibl. Nat. Ln=7 13600 (Réserve).
40U GUSTAVE COHEK
Car ilz redressèrent et furent sains de tous leurs membres. Le beau
miracle ne purent celer, si le comptèrent a tous ceulx qui encontrerent.
Et en celle place fondèrent depuys les bonnes gens du pays une chappelle
en l'honneur de monseigneur sainct Martin qui encores a ce jour est appel-
lee la chappelle blanche. Les deux povres contrefaictz qui estoient garys et
sains comme vous avez ouy tournèrent leur voye a Tours : et en l'église du
benoist corps sainct comptèrent la manière du miracle qui par le benoist
saint avoit esté fait. Et en remenbrance de ce laissèrent leurs potences et
basions.
Ces trois récits, pseudo-Odon (xii'' s.), Pean Gatineau (xiii^
siècle) « \'ie et Miracles » (xV^ siècle) n'en font qu'un à la
vérité ou plutôt ne forment qu'une même lignée que dis-
tinguent deux traits caractéristiques : le miracle forcé s'impose
à deux « conirets », à deux contrefaits, et il se passe à « de
Hedera », « Derré » ou «Derée». Pour nous, il ne fait aucun
doute que cette localité ne doive être identifiée avec Dierre,
canton de Blérè, arrondissement de Tours, qui est, en effet,
sur la route que dut parcourir le corps dans sa translation de
Auxerre à Tours ' .
Mais, dès le xiii'' siècle, le même récit de la guérison imposée
apparaît aussi enjolivé de l'élément d'ordre folklorique dont
nous avons parlé : L'un des deux miraculés malgré lui est
aveugle et, pour fuir plus vite, se fait guider par le paraly-
tique, qu'en revanche il portera sur son dos.
Telle est la forme qu'a prise la relation du Pseudo-Odon
dans les Sermons de Jacques de Vitry - (i i8i ?-i24o). Le pas-
sage n'est pas long; il est peut-être utile de le citer:
De ccco et eoutracio qui itiviti curati suiit . Exeiiiplutii.
Legimus quod quaudo corpus beati Martini processionaliter ferebatur,
sanabat omncs infîrmos qui occurrebant. Erant autem juxta ecclesiam duo
trutanni nK'[nJdicantes quorum unus erat cecus, alter contractus. Qui cepe-
runt loqui ad inviccm et dicere : « Eccc corpus sancti Martini. Jam defer(e)
1. Vide supra, p. 5, u. 2.
2. N'^ CXII de l'Edition Crâne. Londres, 1890, <So. Publications de la
Folklore Society, t. XXVL Voyez p. 52 et la note p. 182. M. Crâne
suit le Ms. Harl. 463, f. 9. Mon texte est pris sur le manuscrit latin 17509
(et non 17506 comme imprime Lecoy de la Marche) parce que le volume
de M. Cranc que possède la Bibliothèque Nationale était communiqué.
Le thème de l'aveugle et du paralytiq.ue 401
tur ad processioncm et si nos invcncrit statiiii sanabimuret ncmo de cetero
nobis elemosiaas dabit et oportebit nos propriis manibus operari et labo-
rare. » Cecusautem contracto : « Ascende super humeros meos quod fortis
sum et tu qui bene vides mihi praestabis duc(a)tum '. » Quo facto cum
fugere vellent, apprehendit eos processio et cum prae turba fugere non pos-
sent, sanati sunt contra voluutatem suam. Patet igitur quod multi mali pau-
peris sunt et multi in tribulationibus efficiuntur détériores...
Le récit de Jacques de Voragine dans la Légende dorée ^
(1298) est un peu moins intéressant et un peu moins drama-
tisé:
Refert Odo abbas Cluniacensis, quod tune omnes campanae in omni-
bus ecclesiis nullo tangente, pulsabantur... Fertur quoque, quod tune duo
socii erant quorum unus erat caecus et alter contractus. Ca^cus autem con-
tractum ferebat et contractus cxco viam demonstrabat sicque taliter mcndi-
cantes multam pecuniam acquirebant. Audientes vero, quod ad corpus
S' Martini multi sanabantur infirmi, cum in translatione ejus corpus circa
ecclesiam processionaliter duceretur, timere cœperunt, nepraedictum corpus
juxta domum, ubi manebat, duceretur et sic ipsi forsitan curarentur. Nole-
bant cnimsanitatem consequinedcperiret materia quaestus sui. Quapropter
de illa strata fugientes se ad aliam transferebant per quam corpus nequa-
quani duci putabant. Dum ergo fugerent corpori ejus de improviso protinus
obviaverunt et quia Deus multa praestat invitis, ambo contra eorum volun-
tatem continue sunt curati, licet de hoc plurimum tristarentur.
Il se peut que Jacques de Vitry et Jacques de Voragine aient
eu sous les yeux une version en prose ou en vers du Pseudo-
Odon comportant déjà cette transformation d'un des deux
« contrets » en aveugle, mais il est possible aussi que, moins
scrupuleux que Péan Gatineau, ils aient enjolivé leur modèle
à l'aide d'une fable très répandue et que des recueils ultérieurs
comme les Gesta Romanonnu ' (antérieur à 1342) et plus tard
1. 11 faut lire naturellement « ductum ». L'erreur du scribe, que par-
tage M. Crâne, est même assez plaisante.
2. Jacobi a Voragine Legenda aurea recensuit D^ Th. Graesse. Ed. ter-
tia. Vratislaviae, Kœbner, 1890, in-8. Cap. CLXVI (161). De 5° Martino
epo, p. 750.
3. Edition Oesterley, ch. LXXI, p. 385. Cf. R. Basset, article cite, Rev.
(les Trad. Pop., 1889, p. 620.
Mélanges. IL 26
402 GUSTAVE COHEN
sa version française. Le Violier des Histoires romaines ' , ont
enregistrée.
Il est indispensable de reproduire cette fable, au moins dans
la traduction très écourtée du Violier, pour faire sentir com-
bien son caractère est différent :
De la Reniuncration irètcnieUe vie
Il y avoit ung roy qui fist ung grant bancquet et convy. Il tist publier
et a son de trompe cryer que tous ceulx de son royaulme vinssent au disner
et feste destinée. Chascun y fut invité... Comme on cryoit la feste, deux
estoient en une cité qui convindrent ensemble de aller à icelle. L'ung
d'iceulx estoit aveugle, fort et puissant, et l'autre foible, mais bien voyoit;
le foible estoit boiteux, par quoy ne pouvoit trotter. L'aveugle le fist mon-
ter sur ses espaulles et le porta, tellement qu'ilz vindrent a la feste royalle où
entre les autres grandes richesses, ilz repeurent et beurent dedans comme
les autres en ensuvvant l'édict royal.
... Moralisai ion sus le propos
Ce ro\' est Jcsuchrist qui nous prépare le royaulme de paradis. L'aveugle
qui alla a la feste du roy est chascun riche de ce monde, qui point ne voit
les joyes de paradis pour les ténèbres des vanitez séculières, son salut ne
congnoist ; les choses temporelles et terriennes assez voyent comme les
lampes, mais es choses spirituelles sont obfusquees. Le boiteux est le bon
religieux qui est des deux pieds claudicant, c'est assavoir qu'il n'a chose qui
soit en commun ou en propre, toutteffois il voit es cieulx le convy et point
n'est aveugle. Si donc les riches aveuglez des biens de ce monde veulent
lassus monter a la feste céleste, nécessaire leur est avec les pauvres faire
convenance, c'est assavoir qu'il convient que les riches portent les povres
sur leurs espaulles par la donaison de leurs biens et subventions et lespovres
comme religieux et autres les conduvront, leur montrant par bonnes
exemples, prédications et rcmonstrances la voie des cieulx.
L'intention moralisatrice et symbolique est évidente et mal-
gré la prudence que nous impose désormais la vigoureuse cri-
tique de M. Bédier, il est impossible de ne pas reconnaître dans
ce symbolisme l'esprit des conteurs hébreux du Talmud ou des
conteurs arabes des Mille et une Nuits.
La fable grecque, qu'attestent de bonne heure une épi-
gramme descriptive de Platon le Jeune (iV siècle avant J.-C.)
et de Léonidas deTarente(iii*= siècle avant J.-C), imitées plus
I . Ed. G. Brunet. Paris, 1858, ch. LXIX, p. 175-7.
LE THEME DE L AVEUGLE ET DU PARALYTiaUE 4O3
tard par Ausone (iV siècle après J.-C.) ', n'était qu'une leçon
d'humanité ou plutôt de solidarité humaine. Que les docteurs
juifs l'aient empruntée aux Hellènes ou qu'ils l'aient trouvée
en Orient, ils n'en ont pas moins fait, obéissant à l'esprit de
leur race, un symbole de l'âme et du corps au Jugement Der-
nier.
Rabbi Juda, le Saint-Patriarche de Palestine (Talmud de
Babylone, m" siècle après J.-C.) enseigne en effet : Un roi
avait un beau verger. Il y place deux gardiens, l'un boiteux,
l'autre aveugle. Il s'aperçoit qu'on a volé ses fruits et, comme
les deux infirmes protestent de leur innocence et de l'impossi-
bilité où ils étaient de perpétrer ce méfait, le roi fait monter le
boiteux sur les épaules de l'aveugle, dévoile leur perfidie et
les juge de la sorte.
« Ainsi Dieu amènera l'âme, la jettera dans le corps, et les
jugera l'un et l'autre ainsi unis... ^ »
Le conteur arabe du cycle de Gal'ad et Chimas ne parle pas
autrement : « Le corps et l'âme sont associés dans les actes
comme dans les récompenses et les châtiments. Ils ressemblent
à l'aveugle et au cul-de-jatte qu'avait recueillis le propriétaire
d'un verger... ' »
Il appartenait aux frères prêcheurs du moyen âge de modi-
fier un peu la parabole et de montrer, sans doute pour s'atti-
rer des offrandes, dans l'aveugle le symbole du riche, à qui les
richesses mettent un bandeau sur les yeux, et dans le paraly-
tique le pauvre moine qui les guide vers le banquet de l'éter-
nel salut.
Le vieux thème, dont il est vain de vouloir chercher l'ori-
gine, a donc eu chez nous une fortune bien diverse :
1. R. Basset, loc. laud.
2. I. Lévi, L'Aveugle et le Cul-de-jatle. Revue des Etudes juives, 1891,
t. 23, p. 199-205.
3. Dans le récit de Kessaï, c'est Jésus enfant qui met le maître sur la
trace des deux voleurs. Cf. Félix Liebrecht dans Geimaiiia,i. XXV, 1880,
p. 298-299.
404 GUSTAVE COHElsI
Au xviii'^ siècle Florian l'emprunte à l'Orient. Il eût pu, en
touillant un peu, le trouver sur le sol natal car Andrieu de la
Vigne, de même que son prédécesseur tourangeau, avait mis
ce conte à la scène et le public du xv^ siècle s'éj ouïssait beau-
coup à voir les deux truands fuir le saint corps qui va les gué-
rir malgré eux ' : simple enrichissement d'une vieille légende
de saint Martin (récit du Pseudo-Odon) à l'aide d'une fable
bien connue.
Ils n'eurent même pas le mérite d'imaginer cet embellisse-
ment, puisque Jacques de Vitry et Jacques de Voragine au
moins, et d'autres sans doute, l'avaient fait avant eux, mais ils
surent éluder l'interprétation moralisatrice des Gesla, qui eût
nui à la gaîté de la farce et à la légèreté du dialogue.
J'ai un peu honte d'offrir à notre éminent jubilaire ces
quelques pages où j'ai tâché de retrouver les sources d'une
farce du xv siècle, car n'est-il pas dangereux d'essayer d'ap-
porter une découverte, si modeste soit-clle, à celui à qui rien
dans notre ancien théâtre n'est inconnu ?
Gustave Cohen.
I. C'est volontairement qu'ils vont à la guérison dans le Mystère de Saint
Guénolé, Acte II de la première journée. Revue Celtique, t. XV, 1894, p. 257-
271. Il se peut que ce mystère remonte au xvi^ siècle. Comme toujours,
l'original doit être cherché dans le théâtre français, mais le ton est bien bre-
ton. Cf. G. Cohen. La Renaissance du théâtre hreton. Mercure de France,
décembre 191 1.
POLYEUCTE ENTRE LES MAINS
DE VOLTAIRE, BARETTI ET PARADISI
En 1747 parut à Venise le premier volume de la traduction
complète en italien des tragédies de Corneille par G. Baretti.
Il contenait, entre autres, le PoUiitte (Polyeucte). En 1764,
année même où fut publié le Couuuenîairc de Voltaire, parut
à Liège la traduction italienne de Polyeucte par Ag. Para-
dis i.
La traduction de Baretti a été faite très à la hâte, nirrciili
calanio, puisque les quatre volumes furent prêts dans l'es-
pace de moins de deux ans. Celle de Paradisi fut beaucoup
plus méditée '. D'abord il ne s'agissait que d'une seule
pièce. Et puis le comte Paradisi, appartenant à ce groupe de
petits poètes du duché estense qui s'étaient proposé Horace
comme modèle de poésie lyrique, ne pouvait pas se soustraire
à une préoccupation toute spéciale du liiim lahor.
Mais pour ce qui est de Polyeucte, les deux traducteurs
s'accordent admirablement à y reconnaître ce je ne sais quoi
de trop familier et de trop bourgeois qui lui fut toujours
plus ou moins reproché aussi en France, du prince de Conti
à Voltaire.
« In alcuni luoghi di questa mia traduzione, écrit Baretti
dans sa première préface, io mi son presa la libertà di non mi
stare servilissimamente attaccato aile parole dell' autore
quando per una e quando per altra ragione, ed ho alterato
I. Cf. là-dessus G. Meregazzi, Le tragédie di Pierre Corneille, nelle
tradu^ioni e iinitaiioni italiane del secolo XV III, Bergamo, Fagnani, 1906,
pp. 72 svv.
406 CESARE DE LOLLIS
qualche po' poco alcun verso, corne sarebbe a dire nell' atto
primo, scena terza, del Poliutte, in quei versi di Paulina a
Stratonica :
Tu vois, ma Stratonice, en quel siècle nous sommes...
Questo luogo mi è parso troppo più comico che non con-
verrebbe alla maestà d'una tragedia, e d'una tragedia sacra ; e
perciôio ne ho bene conservato il senso quanto più ho potuto,
ma l'ho fraseggiato il più nobilmente che mi è stato pos-
sibile. »
Un peu plus loin, il ne manque pas de proclamer de la
façon la plus tranchante son effort pour éviter les gallicismes :
« ché ferro e piombo in mezzo all'oro, per mio giudizio, diven-
tano i vocaboli e le frasi dell' umile lingua francese in
mezzo ai vocaboli ed aile frasi délia nobile toscana. »
Et Paradisi, de son côté, dans la première de ses notes(« Osser-
vazioni », comme il dit) : « Se in questa tragedia si scorge-
ranno alcuni picciole variazioni, non se ne condanni il tra-
duttore. Egli ha dovuto servire al genio d'un secolo, che non
puô soffrir manière tenui e popolari. La Religione, quando
parla, non deve tener soltanto il piano e semplice linguaggio
che si converrebbe al catechismo ; ma fa bisogno che si levi a
stile en£itico, ed imiti, quanio puô, le gravi manière délia
profetica elocuzione. Gl' infimi personaggi debbono essere
anch' essi nobili nel favellare, giacché usano coi Grandi. II
Cornelio nella nascente eleganza francese molto potea fare,
ma non tutto. Noi nel meriggio dell eloquenza e lindura
toscana nulla possiamo omettere senza biasimo. »"
La religion qui ne doit pas parler le même langage que le
catéchisme, la « nascente eloquenza francese » de l'époque de
Corneille, en d'autres termes la naïveté cornélienne, tout
cela est du Voltaire pur ' ; et le comte Paradisi, qui fut en
I. A propos du vers // est toujours tout juste, etc. (I, i), Voltaire com-
mente : « Tous ces vers sont trop rampans, trop négligés, trop du style
familier des livres de dévotion... »
POLYEUCTE ENTRE LES MAINS DE VOLTAIRE 4O7
correspondance avec Voltaire ', connaissait déjà le fameux
commentaire du Patriarche de Ferney^. Même le « midi de
l'éloquence de la politesse toscane » nous ramène à l'esthé-
tique de Voltaire qui ne connaît en France que la politesse
racinienne purifiée à travers l'appauvrissement de la langue
du XVIII* siècle.
Mais il n'y a rien de plus intéressant que de comparer à
l'original français les deux traductions italiennes dans les
passages auxquels Voltaire reproche un défaut plus ou moins
sensible de noblesse.
I, I. Néarque dit :
Quoi ! vous vous arrêtez aux songes d'une femme ?
Voltaire note : « Il était aisé de commencer avec plus
d'exactitude et d'éloquence. »
Et Baretti, tout en traduisant presque littéralement, avait
cherché dans l'inversion un commencement d'ennoblisse-
ment :
Corne ? e tu credi d'una donna ai sogni ? '
Paradisi, avec un véritable alourdissement :
Duuque potranno d'una donna i sogni
Ingombrarti d'orror ? . . .
Néarque dit aussi :
Et ce cœur tant de fois dans la guerre éprouvé
S'alarme d'un péril qu'une femme a rêvé ?
Et Voltaire : « Le mot de rêver est devenu trop familier,
peut-être ne Tétait-il pas du tems de Corneille. »
1. Cf. Carducci dans sa Préface aux Poésie del conte Agostino Paradisi.
2. Voy. la note de Paradisi au commencement de la scène 2^2 de
l'acte IV : « Qui si sono fedelmente seguite le stanze dell' originale :
stanze (corne osserva il signor di Voltaire ne' commenti sul teatro di Pie-
tro Cornelio) che furono imitate da Rotrou nella sua tragedia cristiana,
intitolata S. Ginnesio. »
408 CES A RE DE LOLLIS
Baretti ne paraît pas avoir soupçonné cet excès de familia-
rité ; et, en abrégeant et en affaiblissant, puisqu'il omet d'in-
diquer qu'il s'agit d'un rêve fait par une femme, il tra-
duit :
Quel tuo cor gid si forte in tante guerre
Un sognato periglio oggi paventa ?
Mais Paradisi, se jetant dans les broussailles d'une péri-
phrase :
E un core usato ad aflfrontar le guerre
Teme un periglio immaginato e vano,
Che al femminil terrore ofTerse il sonno ?
Polyeucte :
Mais vous ne savez pas ce que c'est qu'une femme ;
Vous ignorez quels droits elle a sur toute l'âme,
Quand après un long tems qu'elle a su nous charmer,
Les flambeaux de l'hymen viennent de s'allumer.
Sauf le quatrième, ce sont là des vers d'une intimité déli-
cieuse, dont quelque chose surnage dans la traduction passa-
blement coulante de Baretti :
Ma tu non sai ancor quai sopra un core
Abbia potere una leggiadra donna
Gran tempo amàta, e finalmente sposa.
Mais pour le premier. Voltaire annote inexorablement :
« [il] est du style bourgeois de la comédie » ; dans le deuxième
il s'attache à critiquer ce « toute l'âme », qui est d'une
grande profondeur sentimentale et qui peut nous faire penser
au « totz lo cors mi dol » de Rudel. Et Paradisi est fier de
lui donner raison, en étouffant tout ce qu'il y a là de sincé-
rité de cœur dans un insupportable enchevêtrement de
phrases nobles :
Ma tu non sai quanto d'amabil donna
Vaglia il poter sull' alvia vinla e dotua,
Quando il tarda imcneo con sue catene
Fu meta al lungo sospirar...
POLYEUCTE ENTRE LES MAINS DE VOLTAIRE 409
Néarque :
Il est toujours tout juste et tout bon ; mais sa grâce
Ne descend pas toujours avec même efficace ;
Après certains momens que perdent nos longueurs
Elle quitte ces traits qui pénètrent les coeurs.
Voltaire : « Tous ces vers sont trop rampans, trop négligés,
trop du style familier des livres de dévotion », et quant à la
phrase : Après certains momens : « Cela sent plus le style
comique que le tragique. »
Baretti :
Quel Dio, che il cor, che la tua vita ha in pugno,
Giusto e buono egli è sempre, ma sua Grazia
Sempre cosî efficace a noi non scende,
E quando lento in darle entro il tuo core
Ricetto sei, ella ti lascia. . .
Et ce sont des vers assez fidèles à l'original, quoique plutôt
plats que du style familier. Mais voilà Paradisi qui, venant
après Voltaire, nous dédommage de cette platitude :
Iddio,
Nella cui mano i giorni tuoi si stanno,
Non men che l'aima, a te promette forse
L'assistenza superna al di venturo ?
Ei sempre è giusto, e sempre ugual si regge
Neir infinita sua bontà ; ma sempre
La grazia ch' è de! ciel libero dono
Col medesimo ardore in noi non piove.
Se del pigro voler la rea dimora
Non arresta per via l'util momento,
Illanguidisce quel superno acume,
Che gli adiii del cor pénétra e vince.
Et l'ensemble est ici tellement changé et, si l'on veut,
brouillé, que le traducteur éprouve le besoin d'ajouter cette
note-ci : « Nella traduzione i luoghi teologici sono, egli è
vero, espressi con nuovo giro di parole : ma nondimeno
rimangono nella sostanza gli stessi. »
410 CESARE DE LOLLIS
Néarque :
Ainsi du genre humain l'ennemi vous abuse.
Voltaire note : « Ce langage familier de la dévotion parut
d'abord extraordinaire. » Et déjà chez Baretti l'on a un com-
mencement d'ennoblissement, car « l'ennemi du genre
humain » avec ce qu'il y a de trop technique dans une telle
expression s'y change en « comun nimico » (Cosi il comun
nimico ne delude). Mais Paradisi va un peu plus loin en tra-
duisant :
Cosi l'inganna deir umane genti
llgran nimico...
Car le pluriel « umane genti » a déjà l'air bien plus fin
que le « genre humain » et l'épithète de « grand » qui
vient flanquer le nom du diable fait le reste.
Polyeucte :
Sur mes pareils, Néarque, un bel œil est bien fort.
Tel craint de le fâcher, qui ne craint pas la mort.
Une note de Voltaire dit : « On ne dirait plus ^aujourd'hui
sur mes pareils ni un bel œil. Ce terme de pareil, dont Rotrou
et Corneille se sont toujours servis, et que Racine n'em-
ploya jamais, semble caractériser une petite vanité bourgeoise.
Un bel œil est toujours ridicule, et beaucoup plus dans un
mari que dans un amant. »
Si la phrase incriminée se retrouve dans Baretti, elle y est
toutefois enveloppée dans une intrigue d'expressions nobles
(« possanza «, « avvi », « incontro a ») et de constructions
éloignées elles aussi du langage commun :
*&'
Nearco, due begli occhi
Troppa sopra i miei pari hanno possanza,
Ed avvi alcun che incontro a morte è ardito,
E teme quelli.
POLYEUCTE ENTRE LES MAINS DE VOLTAIRE 4II
Ce sera l'affaire de Paradisi de la supprimer tout à fait :
«
In cor gentil forte è d'amor l'impero
E più che morte assai temer si suole
Di duo begli occhi la minaccia e l'ira.
Le tour « assai temer si suole », substitué à la phrase « mes
pareils », ennoblit par la généralisation, qui est aussi de l'affai-
blissement, le tout.
I, 2. Polyeucte :
Ne craignez rien de mal pour une heure d'absence.
Et Voltaire : « Nd - mal est encore du style comique. » Il
l'est tellement que Baretti avait traduit :
Ah non temer se brève ora lontano
Da te ne vado...
et l'on a là un tour encore plus noble que celui de Para-
disi :
Brève è l'assenza.
Di che temer non hai soggetto
I, 3. Pauline :
Mais après l'hyménée ils [les hommes] sont rois à leur tour.
Note de Voltaire : « Ce vers a passé en proverbe. Il n'est
pas à la vérité de la haute tragédie, mais cette naïveté ne peut
déplaire. »
Baretti avait déjà traduit :
... Ma quando diventiam lor spose,
Misère noi 1 lor diventiamo schiave !
Paradisi traduira :
Appena
Di sacro nodo l'imeneo ne stringe
Spezzan con man superba il nostro giogo.
412 CESARE DE LOLLIS
Et je ne sais si la dureté inouïe de la construction em-
ployée par Baretti ne s'écarte pas du naturel plus encore que
la nomenclature gréco-latine employée par Paradisi.
Stratonice :
S'il part malgré vos pleurs, c'est un trait de prudence,
Sans vous en affliger, présumez avec moi
Qu'il est plus à propos qu'il vous cèle pourquoi.
Tout cela est, selon Voltaire, « de la haute comédie »,
« tout cela tient trop du bourgeois » ! Suivent les deux
vers :
Assurez-vous sur lui qu'il en a juste cause.
Il est bon qu'un mari nous cache quelque chose,
et Voltaire note à propos du dernier : « Ce vers est absolu-
ment comique et même burlesque. »
Or voilà la traduction de Baretti :
E se parte malgrado i pianti tuoi,
Prudentemente il fa : più non dolerti ;
E credi anzi, com'io, che la ragione
Del suo partir uopo è ch'e' te la celi
E che il dovere e' fa, se te l'asconde.
Non debbe a noi un saggio sposo tutti
I suoi peusieri aprir...
Tout cela, on ne sait pas bien comment, est plat sans être
familier, sansaspirer même à l'être.
Paradisi, de son côté, traduira :
Se malgrado i tuoi pianti a te s'invola,
Forse prudenza a cié lo move e guida.
Deh meco il credi ; pel tuo meglio ei cela
Di sua partenza la cagion, che giusta ^
E saggia fia...
Mais à cet endroit, où se trouve le vers // est bon etc.. que
Voltaire avait noté de burlesque, Paradisi se tire d'affaire
avec une note : « Aggiungeva l'originale : Il est bon — ses
POLYEUCTE ENTRE LES MAINS DE VOLiAIRE 41^
pas... io lîo traUisciato dcl tutto questo sentimento poco
dicevole alla gravita délia tragedia, e niente necessario al 1'
interesse délia macchina »! ! ! Pourvu, en somme, que l'on
ne donne pas dans le bourgeois !
Stratonice :
La digne occasion d'une rare constance !
Baretti traduit presque littéralement :
Oh belia occasion d'alta costanza
et il n'y a que la diérèse dans le mot « occasion » qui relève
un peu la dignité de l'expression. Mais Voltaire ayant remar-
qué que « ce vers est trop d'une soubrette », Paradisi ne
manque pas de dénicher un tour qui ne puisse en rien rap-
peler le ton de la soubrette :
O di nobil costanza illustre campo !
Pauline :
Hélas ! c'est de tout point ce qui me désespère.
« De tout point », voilà des termes qui doivent être bannis
du tragique, selon Voltaire. Et Paradisi est si résolument de son
opinion, que, pour les éviter, il supprime le vers tout entier.
Mais, ce qui est encore plus curieux, Baretti déjà avait fait
justice de ce malheureux vers en ne traduisant que « hélas »
(Oh Dio !). C'est que le vers tout entier de Corneille, dans
sa forme de parenthèse, avait en lui quelque chose de faible.
Les parenthèses peuvent convenir au style brisé de Calderon,
mais non pas au style, toujours si ferme, de Corneille.
Stratonice^ ayant entendu le récit du rêve de Pauline,
commence par s'écrier :
... Il est vrai qu'il est triste,
exclamation dont la naïveté a toujours fait rire le parterre,
selon le témoignage de Voltaire. Mais Voltaire lui-mêmt
414 CESARE DE LOLLIS
trouve que « ces expressions (c.-à-d. d'une confidente) ici ne
sont point comiques ».
Et Baretti qui, évidemment, était d'avance de l'opinion de
Voltaire, traduit tout simplement :
Certo e' fu tristo. . .
Paradisi, lui, partageait l'opinion du parterre, car il tâche
d'arrondir ce maigre hémistiche en un vers d'une sonorité
passablement héroïque :
Orribil sogno è questo, io uol contcndo.
I, 4. Félix veut déterminer sa fille à revoir Sévère, son
ancien soupirant : et Pauline répond par un vers d'une déli-
cate franchise féminine :
II est toujours aimable, et je suis toujours femme.
« Je suis toujours femme, est une expression bourgeoise »,
observe Voltaire à notre grande surprise. Et Baretti, en effet,
ne s'en était pas aperçu, car il avait traduit, en délayant,
d'un côté, et en mutilant, de l'autre, l'original :
Ma i' sonsempre donna, e debil sempre...
Tandis que le comte Paradisi trouve ici encore le moyen
de garder son allure aristocratique :
Amabil sempre e degno
Egli è dei miei sospiri, e fraie io sono !
« Fragile », dans sa valeur métaphorique, serait déjà bien
plus du goût classique que l'expression directe : « femme »_
Mais combien cet adjectif gagne encore en distinction, en
se présentant dans la forme retroussée : « fraie » !
*
* *
Je pourrais continuer jusqu'au bout de la tragédie
POLYEUCTE ENTRE LES MAINS DE VOLTAIRE 415
cette comparaison, mais les résultats seraient, toute pro-
portion gardée, les mêmes, et ne changeraient rien à la con-
clusion que nous en pouvons tirer.
L'un des deux traducteurs, Baretti, fut, au nom de l'actua-
lité et de la réalité, hostile et rebelle à toute friperie de la tra-
dition.
L'autre, Paradisi, par la complexité de son activité, est un
représentant considérable de l'esprit italien du xviir' siècle,
qui n'étant plus satisfait de la littérature purement formelle,
se tourne de tous les côtés à la recherche du nouveau et du
substantiel. Studieux de Dante, philosophe, économiste de
premier ordre, opiniâtre, mais intelligent adversaire des
théories de Rousseau, se mêlant même d'observations de
microscopie, et, en tant qu'homme de lettres, traducteur
d'auteurs grecs et latins, en même temps que d'écrivains
français et anglais ' ; en somme, le savant à part, quelque
chose comme l'abbé Delille, pour la littérature française.
Et pourtant ces deux esprits passablement modernes
éprouvèrent devant tout ce qu'il y a de simplement humain
dans Polyeiicte la même préoccupation, le même besoin de
l'ennoblissement.
Beaucoup moins noble, il est vrai, est la langue poétique
du traducteur Baretti ; mais pour la très simple raison que la
hâte avec laquelle il fit sa traduction ne lui permit pas de pour-
suivre de bien près son idéal d'une forme rigoureusement
classique. L'intransigeance d'un tel idéal paraît à l'évidence
dans ses Préfaces à la traduction des œuvres de Corneille -.
Là, il dit même en toute franchise qu'il aurait bien voulu
traduire ces tragédies en huitains, c'est-à-dire dans le mètre
extrêmement difficile d'Arioste et du Tasse, i,'il avait été à
même de le faire.
1. Cf. Concari, // Setlecento, pp. 331 svv., et Carducci, Poésie del coule
Agolino Paradisi.
2. Elles ont été tout récemment rééditées par L. PicciONi dans le volume
de la Collection des Scrittori d'Italia : G. Baretti, Prefaiioni e Pokviiche,
Bari, Laterza, 191 1, pp. 33 suiv.
41 6 Cesàre de lollïs
« Non sono stato da tanto » avoue-t-il avec sa franchise
habituelle. Et il aurait peut-être pu ajouter : « et si j'en avais
eu le temps et la patience ».
Ah oui ! Baretti et Paradisi savaient bien, et le premier des
deux le proclame d'une voix bien haute, que nous n'avions
ni un Corneille, ni un Molière, ni un Racine, Mais l'un et
l'autre étaient fiers de la vieille noblesse de la langue italienne.
La « linguanobile toscana », « l'eloquenza e lindura toscana »
étincelante dans la plénitude de son midi, étaient pour eux
quelque chose de tellement parfait que non seulement elles
ne pouvaient s'adapter à ce qu'il y a de gothique et de naïf
dans la langue poétique de Corneille, mais laissaient aussi
en arrière la perfection classique de Racine.
L'honneur de cette langue, pur comme la peau d'une her-
mine, était comme le seul refuge de ce qu'il pouvait y avoir
de nationalisme dans l'Italie de ce temps-là : et pour le sau-
vegarder on recourait à toutes les subtilités, on faisait tous les
efforts et tous les sacrifices dont sont capables les héros de
Calderon pour éviter même la tache d'un soupçon à leur hon-
neur castillan.
Subtilités, efforts, sacrifices qui n'excluaient pas, cela se com-
prend, le malentendu. Car c'en est bien un que d'endom-
mager dans son essence un chef-d'œuvre tel que le Polyencte
de Corneille.
Cesare de Lollïs.
Rome, lévrier 191 2.
NOTES SUR MAITRE
JACQUES MATHIEU LE BAZOCHIEN
Nous possédons fort peu de renseignements sur les auteurs
de farces et de moralités de la fin du xv^ et du début du
xvi^ siècles. S'ils eurent parfois de leur vivant assez d'in-
fluence, et si certains jouirent même de quelque réputation,
ils n'ont guère laissé après eux, à de rares exceptions près,
que le vague souvenir d'un nom souvent incertain. C'est ce
qui justifiera, j'espère, la publication de ces très modestes
notes relatives à l'un d'entre eux, dans un volume dédié au
maître éminent qui connaît mieux que personne l'histoire du
théâtre profane à cette époque, et auquel je dois d'ailleurs,
pour cet article même, de précieuses indications.
Maistre Jacques, barochien,
De bien composer n'en craint rien.
Ainsi s'exprime, vers 1533, Pierre Grognet dans une pièce
intitulée : De la louange et excellence des bons facteurs qui bien ont
composé e?î rime tant deçà que delà les mont^ '. Montaiglon, qui
a publié ces vers, propose de lire ba::ochicn au lieu de barochien,
et il ajoute : « Je ne sais quel est ce maître Jacques, sans
doute un composeur de farces ^. »
C'est évidemment le même personnage, acteur en même
temps que fatiste, qui est désigné sous le nom de Jacques h
Ba::^ocbi)i dans le passage suivant du Journal d'un bourgeois de
Paris 5 :
1. A la suite des Mofidoreidu (jrand et sage Cathou, 1533. — Il n'est pas
certain, d'ailleurs, que cette pièce de vers n'ait pas été publiée avant cette
date. (Cf. La Croix du Maine, du Verdier et Goujet.)
2. Recueil de poésies Jraiiçaises, t. VII, p. 16.
3. Ed. Bourrilly, pp. 39-40, cité par Petit de Julleville, Les Comédiens en
Mélanges. II. 27
41 8 RENÉ STUREL
« Audict an (151 6) en décembre furent menez prisonniers
devers le Ro}^, à Amboyse, troys prisonniers de Paris joueurs
de forces, c'est a sçavoyr Jacques le Bazochin, Jehan Seroc et
maistre Jehan de Pontalez, lesquelz estoient liez et enferrez
et furent ainsy menez a Amboyse. Et ce fut a cause qu'ils
avoient joué des farces à Paris, de seigneurs ; entre autres
choses, que mère Sotte gouvernoit en cour et qu'elle tailloit,
pilloit et desrobboit tout : dont le Roy et Madame la Régente
advertiz furent fort couroucez. Parquoy furent envoyez quérir
par douze archers du prevost de l'hostel du roy, enferrez et
liez et menez a Bloys prisonniers, où furent jusques a caresme
prenant ensuyvant et eschapperent de nuict, et sen allèrent
en franchise dedans l'église des Cordeliers de Bloys. Et envi-
ron un moys devant l'entrée de la Royne qui fut faicte a
Paris \ furent délivrez a pur et a plain. »
On a identifié avec assez de vraisemblance Jehan Seroc
avec le comédien Jehan Serre dont Marot a composé l'épi-
taphe ^. Quant à Jehan du Pontalez c'est un des noms, et
l'on pourrait dire un des types les plus populaires de cette
corporation de Bazochiens et d'Enfants sans Souci K
Au milieu de ces deux personnages, maître Jacques Baro-
chien ou Bazochin ferait une bien pâle figure, si un recueil
manuscrit de la Bibliothèque de Soissons ^ ne nous permettait
d'ajouter quelques détails à ces brèves mentions. Ce volume
contient des pièces en prose et en vers, qui datent du second
tiers du xvi^ siècle environ ; lui-même semble avoir été écrit
vers cette date. Au folio }6 on lit le quatrain suivant :
France au Moyen Age, p. 114; A. Fabre, Les Clercs de la Basoche, 2= éd.,
p. 146, et Montaiglon, op. cit., t. XI, p. 250.
1. Le 12 mai 1517.
2. Ed. Jannet, t. II, p. 215. Cf. Petit de JuUeville, op. cit., p. 181,
note I. Une erreur de lecture peut fort bien expliquer la leçon Seroc pour
Serre.
3. Cf. Petit de Jullevillc, op. cit., p. 179, note 3.
4. Ms. 189 B.
NOTES SUR MAITRE JACaUES MATHIEU 4I9
Jacques Mathieu dict le barochien
Abille fut a gente rethorique '
La terre fait le corps d'icelluy sien
Dieu mccte l'amc en sa gloire celique.
Ce quatrain est précédé (fol. 35) d'une complainte de 90 vers
sur la mort du même personnage. La littérature de cette époque
nous fournit un certain nombre de pièces de ce genre relatives
à des Bazochiens. Pour ne point parler des épitaphes, comme
celles de Jean Serre ou du comte de Salle, je rappellerai seule-
ment la Complainte de Dame Ba:(pche sur la mort de ce dernier,
qui fut publiée dans certaines éditions de Marot % mais que
celui-ci a désavouée ', et les Complaintes et Epitaphes du R^oy
de la Basoche dont l'auteur est André de la Vigne -*. Il n'est
pas impossible que le rimeur qui a composé en l'honneur de
Jacques Mathieu les vers qu'on va lire ait connu tout au moins
la dernière de ces pièces, mais les analogies qu'on peut rele-
ver sont trop vagues, et d'ailleurs trop naturelles, pour qu'il
soit permis de conclure aune imitation 5.
1. Rhétorique slgnïûe ici (cf. plus loin Complainte, v. 47-48) œuvre litté-
raire comme dans le fragment publié plus haut, par M. A. Thomas, t. I,
p. 485 (v. 44-45).
i> Or escoutés pourquoy j'ay ceste auctorité
Formée en rétorique dont li vers sont rimé »,
ou dans ce titre d'une pièce de vers que contient le ms. 919 de la Biblio-
thèque d'Amiens : « Rlietorique pour le feu de meschief advenu au clocher
de l'église N. D. d'Amyens et pour les guerres regnans en ce temps qui
estoit l'an 1527 et 28. »
2. P. ex. dans l'édition de Bonnemère, Paris, 1 5 56 qui la donne au milieu
de pièces « qui ne sont pas de la façon dudict Marot ». Bibl. Nat. Res. Ye
1 540 fol. cxx vo.
3. Cf. l'Épître-préface de Marot à Estienne Dolet en tête de la première
édition complète du poète (Lyon 1538). Ed. Jannet, t. IV, p. 195.
4. Dans celte pièce de plus de 600 vers assez inintelligibles la Bazoche
de Paris et les principales Bazoches de province viennent successivement
déplorer le trépas du roi de la Bazoche de Paris, Pierre de Bauge, mort en
1501. Cette oeuvre fut publiée à Paris, par Jehan Trepperel, s. d., in-4,
goth. Elle a été réimprimée par Montaiglon, op. cit., t. XIII, p. 385.
5. On peut ainsi rapprocher du début de notre Complainte les premiers
vers de ta Ba{oc}}e contre la mort (v. 49 de la pièce d'André de la Vigne) :
O Atropos pluthonique, scabreuse...
420 RENE STUREL
La Complaincte que faict la Baioche pour la mort de maistre
Jacques Mathieu alias Barochien, enferme de champ\s\c\ royal. "^
Je me complaincs toute triste et doulente
A toy Clotho cruelle et violante,
Car tu m(e) as mis en terrible[s] debatz ;
Querelle fais d'une voix véhémente
5 Vociférant comme folle et amante
En tant que voy toutes mes joies et - bas,
Seur Lacheusis qui m(e) hoste mes esbatz
Marrie suis, o atropos l(a) inicque,
Acerbe, faulse et plus que tirannique
10 Tu m(e) as touUu ma joye et ma plaisance :
Hastivement corps humain la mort picque,
Il est certain ; mais par dard ou par picque
La mort n'a pas dessus vertu puissance.
De même le (fan/ de la mort (v. i2 de notre complainte) est mentionné
par André de la Vigne :
Par ung seul coup d'un dart mortel... (v. 377)
ou
Par son faulx dart qui trop picque subtil... (v. 513).
Enfin le quatrain cité plus haut rappelle ces deux passages en l'honneur
de Pierre de Baugé.
Duquel le corps en ce lieu reçoit lame [= tombeau]
Je prie a Dieu qu'en vray repos soit l'âme (v. 505-506)
et
Esprit parfait, dont en terre tenu
Accreusement, pour entier retenu
Est, comme on voit essencieux,
Dieu doint que l'âme ait repos es saintz cieulx (v. 5 14-517)
mais, encore une fois, aucun de ces rapprochements ne prouve une imitation.
On retrouverait à peu près les mêmes analogies dans la complainte sur
le trépas du comte de Salle, par exemple :
O Sort inerte de lubrique repos
O fil coupé par la dire Atropos
Que LacJiesis encommencoit filler.
et plus loin :
Point ne falloit si soubdain affiler
Poiftcte a la mort pour chose si très tendre.
1. Nous reproduisons le texte du manuscrit en le corrigeant le moins
possible. Nous indiquons seulement par une parenthèse les élisions que la
versification réclame. Pour la ponctuation, qui n'existe pour ainsi dire pas
dans le manuscrit, nous avons cru préférable de la rétablir.
2. Il faut sans doute lire en ou a au lieu de et.
NOTES SUR MAITRE JACQUES MATHIEU 42 1
En ceste ville illustre et refulgente '
15 Vivions jadis par joye et belle et gente,
Tousjours prenant passe temps et soûlas,
Resjouyssant prince duc et régente ^
En tous plaisirs hastive et dilligente,
Souvent n'estions ne moy ne les myens las
20 Suyvans ce train ; mais maintenant helas
Autrement va nostre cas et praticque
J'avons 5 perdu une perle autenticque,
Grant clerc ayant de tout art abondance
Et de vertu bien garny sans replicque.
25 Raison veult dont que je dye et replicque :
La mort n'a pas dessus vertu puissance.
Helas mon cueur incessamment lamente,
Ennuict l'abat, grief tourment le tourmente,
Toutes les foys que je marche ung seul pas,
30 Or 4 que je sois james ne me contante
Remémorant que selon mon entente
Il composoit par raison et compas.
Crainte m(e) assault, douleur me laisse pas ;
Jacques Mathieu homme tant catholicque
35 En droyt chemin alloit non en oblicque,
Noble de cueur, humain en congnoissance;
Ergo je dois ta vertu magnificque
Tousjours priser, sachant que sans traficque
La mort n'a pas dessus vertu puissance.
40 Cent regretz ont en moy assis leur tante,
Horreur me point et desespoir me tante,
Oultraige est cause de ce terrible cas 5,
1. La « ville illustre et refulgente » où la Bazoche réjouissait « prince
duc et régente » doit être Paris, puisqu'aussi bien nous savons qu'en 15 16
Jacques Mathieu faisait partie de la Bazoche parisienne.
2. En novembre 1533 Louise de Savoie était morte depuis deux ans;
mais cela n'empêche pas le poète de rappeler que pendant presque toute
sa carrière Jacques Mathieu avait « réjoui » la régente. Et d'ailleurs cette
fin de vers « prince, duc et régente » ressemble fort à une suite de chevilles.
5. Forme fréquente à cette époque, même en poésie.
4. Or est probablement une erreur pour oii .
5. On sait que jusqu'à Marot il arrive souvent que la syllabe muette à
l'hémistiche ne compte pas. Cf. plus loin v. 48.
422 RENE STUREL
Rigueur de mort qui son heur[e] a latente
Veint naguieres sa fin faire patente
45 Sonnant la cloche : où sont ses advocatz
Ces conseilliers et cent mille ducatz
A rachepter l'honneur de rethoricque ?
N'est-il possible par quelque rethoricque
Trouver moyen d'en avoir recouvrance?
50 Bien tost yras en chacun lieu publicque
A tous noncer que pour toute duplicque
La mort n'a pas dessus vertu puissance.
Zèle d'honneur et grâce equivallente
Ont eu en luy demeure equipolente
55 Conju[n]ctement le tenant en leurs las.
Il besongnoit d'affection fervente
En reprenant la vie négligente
Notoirement régnant en tous estatz ;
Vérité feust en luy sans nulz restatz ;
60 James ne feist ung propos hereticque.
Vertu n'est pas sans vie probaticque,
Reste au surplus que rendre obéissance
A la raison qui vérité explicque :
Sur quoi je diz qu(e)a vérité j(e) applicque
65 La mort n'a pas dessus vertu puissance.
Au puissant Dieu requiers qu(e) en tous climatz
Nostre dueil soit complainct par grès ' amas,
Si que le nom soit tenu pour re(p)licque.
Finablement que, l'ame en lieu celicque,
70 II puisse avoir de gloire jouissance.
N'oblions dont ce mot evangelicque :
La mort n'a pas dessus vertu puissance.
Si vous qui estes clercs et maistres
Rassembles les premières lettres
75 Escriptes en ce champ royal,
Vous verrez en nombre total
I . Grî's est sans doute ici le pluriel de grief, quant à amats il doit signifier
afflictions (cf. ainater, amatir). On pourrait aussi peut-être prendre ai)ias
dans le sens défoules et donner à grès (griefs) le sens, assez hypothétique,
de tristes.
NOTES SUR MAITRE JACaUES MATHIEU 423
Ce qu'elles ■ veullent entendre et dire,
Si vous ne failles a bien lire.
Et si bien justement en nombre
80 Les lectres rouges portant nombre,
Congnoistre on pourra par effet
L'an que ce champ royal fut fait.
Oultre plus, si bien on deciffre
Les lettres cottées de ciffres
85 On aura le mois sans séjour ;
Et puis par les cinq v le jour
Que deceda maistre Mathieu :
Chacun veuille prier a Dieu
Que de sa gloire il soit asseur,
90 Et aussi (a) ^ Girard le Vasseur.
Ce dernier vers nous indique, sans doute, l'auteur de la Com-
plainte. Girard le Vasseur était, je crois, complètement inconnu
jusqu'ici, et je n'ai pu recueillir sur lui aucun renseignement '.
Peut-être un dépouillement attentif des pièces d'archives, ainsi
que des œuvres des rhétoriqueurs contemporains nous four-
nirait-il quelques indications sur lui, comme aussi bien sur
Jacques Mathieu. Faute d'avoir pu faire cette recherche, force
nous est de nous contenter pour ce dernier de ce que nous
apprend le texte même de notre complainte. Cette pièce,
comme on a vu, est composée d'un chant royal en vers de
dix syllabes, et d'une suite de dix-huit vers octosyllabiques,
destinée à nous livrer le secret des acrostiches que l'auteur
s'est plu à multiplier.
Des indications assez vagues que fournit le chant royal,
1. Pour rétablir le vers il faut lire eVvenlent ou supprimer le premier mot
du vers : Qu'elles veullent entendre et dire ; à moins que la deuxième syl-
labe de veuillent ne s'élide comme muette à l'hémistiche (cf. v. 42 et 48).
2. ^ est contraire au sens et à la prosodie.
3. Je mentionnerai seulement une pièce datée du 19 janvier 1466 qui
atteste que Girard Le Vasseur demeurant à Dompmart en Ponthieu a
remis une certaine quantité de sel au grenier à sel de Compiègne (Bibl.
Nat. Pièces orig. 2935. Série 65238, no 4). Peut-être ce personnage
était-il le grand-père de notre versificateur.
424 RENE STUREL
on ne saurait assurément tirer un portrait du personnage ;
je me contenterai de présenter quelques remarques à ce propos.
Lorsque l'on compare cette complainte à telle autre pièce
analogue, à l'épitaphe de Jean Serre, par exemple, on est
frappé du ton sérieux qui y règne d'un bout à l'autre. Sans
doute la Bazoche évoque (v. 15-20) le souvenir de la vie
joyeuse et pleine d'entrain qu'elle menait du temps où vivait
Maître Jacques ; mais lorsqu'elle parle de celui-ci, c'est toujours
d'une façon plus grave, que sa mort récente et le caractère
même de Girard le Vasseur ne suffiraient pas, je crois, à
expliquer, s'il se fût agi d'un simple amuseur. Certains vers,
en particulier, me paraissent assez significatifs à cet égard.
Il besongnoit d'affection fervente
En reprenant la vie négligente
Notoirement régnant en tous estatz.
(v. 56-58).
Ces expressions s'appliqueraient assez mal à un simple joueur
et composeur de farces, mais elles conviennent fort bien à un
auteur de sotties morales. On se rappelle pourtant que c'est
pour avoir joué des farces politiques que notre Bai^ochin avait
été emprisonné en 15 16. Mais il avait pu s'assagir depuis, et
regagner ainsi la faveur du roi et de la régente.
Il ne devait pas les effrayer non plus par des hardiesses de
doctrine, car, si l'on en croit la Bazoche, l'orthodoxie de ses
convictions religieuses ne le cédait en rien à la valeur morale
de son œuvre. Mais ici, il est vrai, le doute est permis.
Lorsque notre rimeur nous dit que
Jacques Mathieu homme tant catholicque
En droyt chemin alloit non en oblicque,
(v. 34-33)-
lorsqu'il déclare plus loin avec insistance (v. 60) que
NOTES SUR MAITRE JACQUES MATHIEU 425
James ne feist ung propos hereticquc,
je me demande s'il rapporte des éloges reconnus de tous, ou
si cette apologie ne nous cache pas au contraire quelque
accusation d'hérésie, à laquelle Jacques Mathieu, comme cer-
tains de ses confrères, aurait été en butte. On pourrait à ce
propos discuter encore sur l'orthodoxie de certaines expres-
sions dont se sert l'interprète de la Bazoche, telles que
Zèle d'honneur et grâce equivallente
Ont eu en luy demeure equipolente
(v. $3-54)
OU
Vertu n'est pas sans vie probaticque,
Reste au surplus que rendre obéissance
A la raison qui vérité explicque ' .
(v. 61-63).
Mais l'emploi de ces termes théologiques ou philosophiques
est moins, je crois, chez notre versificateur, un indice de ses
opinions religieuses qu'une preuve, entre beaucoup d'autres,
de son goût pour le style pompeux et ampoulé, et aussi du peu
de scrupule avec lequel il recourt sans cesse aux chevilles.
Les dix-huit vers qui font suite à ce chant royal nous four-
nissent heureusement des indications plus précises et d'une
interprétation plus sûre. Si, en efîet, nous négligeons le
refrain, nous trouvons comme acrostiche du chant royal :
Jacques Mathieu tressnige rheloricien el choruscant ha:^ocien vivra
sans fin. Cet acrostiche — notons-le en passant — s'ajoute aux
textes cités plus haut pour nous montrer que maître Jacques
est indistinctement surnommé BaT^ochien ou Barochien. Ce fait
st rattache au phénomène phonétique bien connu auquel
I. Si le terme de raison peut faire songer à la doctrine des novateurs, il
n'en est pas de même des vers précédents, car comme dit Jean Bouchet
(Epistres fmiiilières, éd. 1545, fol. lxxv yo) :
Les hereticz cuident que par seul croire
Sans bien ouvrer avoir divine gloire.
426 RENÉ STUREL
nous devons le mot clmise pour chaire, ou plutôt au phéno-
mène de réaction qui se manifesta au xvi^ siècle et qui abou-
tit à des formes telles que fraire (= fraise), courin (= cou-
sin) attestées par les contemporains '.
Pour l'année de la mort de maître Jacques ou de la compo-
sition de la complainte, — car il me semble, d'après le con-
texte, que la complainte fut composée l'année même de sa
mort — , il peut paraître, au premier abord, assez malaisé de la
déterminer, le manuscrit de Soissons ne portant aucune lettre
de couleur. Mais le rapprochement avec d'autres « rébus "
du même genre va nous permettre, je crois, de trouver sans
trop de peine ce millésime. Dans un manuscrit de la Biblio-
thèque nationale qui date du xvi^ siècle (Nouv. acq. fr. 477)
nous lisons au fol. loi.
« En ceste ligne suyvant prenez les lectres qui servent en nombre
de chiffre, et trouverez l'an de la journée de Montlehery,
A cheval a cheval geusdarmes a cheval.
Les lettres servant en nombre de chiffre sont dans cette
ligne I M ; 3 C ; 3 L ; 3 V ; car le D n'était guère usité, à cette
époque pour désigner 500. Le total nous donne donc bien
l'année de Montlhery 1465 \
Nous pouvons procéder d'une façon analogue avec notre
chant royal. L'auteur nous dit en effet :
1. Cf. G. Tory, Champfleury, fol. LV ; H. Estienne, Hypomneses, p. 67,
et VEpistre du biau fi de Pa^y. Cf. aussi Bourciez, Phouétiqxie française,
p. 189.
2. De même dans une édition de la Nancèide de Pierre de Blarru (Pétri
de Blarrorivo Parhisiani insigne Nanceidos opiis, 15 18, fol. 38 v", cf. Cat.
Rothschild, IV, p. 67) nous trouvons l'épitaphe suivante :
[Epitaphium] cujus prior versus, ab ipso Petro editus, natalem ejus
diem, mensem atque annum per numérales litteras insinuât, secundus ver-
sus, a Je. Basino diem, mensem atque annum obitus ejusdem Pétri per
numérales quoque litteras explicat :
NatVs In aprILI LVX tcrCIa CVM fVIt ILLI ;
CLeMentls festo hIC petre InCIpIs esse sepVLChro.
NOTES SUR MAITRE JACQUES MATHIEU 427
que si bien justement en nombre
Les lectres rouges portant nombre,
Congnoistre on pourra par effet
L'an que ce champ royal fut fait.
Les « lettres portant nombre » ne sont pas celles qui sont
accompagnées d'un chiffre, mais celles qui représentent un
nombre dans la numération romaine. Faisons abstraction,
comme pour le grand acrostiche, du refrain, qui commence
par une L, et nous trouverons au total :
I M; 5 C ; s V ; 8 I, autrement dit 1533.
Le mois au contraire, nous dit-on, est désigné par les
« lettres cottées de ciffres », que contient en effet le manus-
crit, à savoir :
1 en face de N (v. 36),
2 en face de O (v. 43),
3 en face de V (v. 44),
4 en face de N (v. 59),
5 ou un signe T, qui ressemble à un 5, en face de A
(v. 9),
6 en face de B (v. 50),
7 en face de R (v. 43),
8 en face de E (v. 37),
c'est-à-dire, sauf une erreur du copiste qui a interverti le
4 et le 5 , le mois de novanhre.
Enfin les 5 V que renferme l'acrostiche nous donnent le
quantième 25, et nous obtenons ainsi pour la mort de Jacques
Mathieu la date du 25 novembre 1533.
Comme il semble, d'après cette pièce, qu'il faisait encore
partie des clercs de la Bazoche, on en peut conclure qu'il
n'avait guère dépassé la quarantaine lorsque la mort « hasti-
vement le piqua ». D'autre part il ne devait pas être beau-
coup plus jeune, puisque en 15 16 il était déjà bazochien et
jouait des farces et sotties avecPontalais. Il est donc permis de
fixer très approximativement sa naissance vers 1490 ou 1495.
428 RENÉ STUREL
Ces dates s'accorderaient assez bien avec la mention d'un
écrivain du nom de Jacques, comme auteur d'une farce à
quatre personnages, dont la Bibliothèque nationale possède
quelques fragments en manuscrit '. Mais cette identification
reste très douteuse.
Plus douteux encore est le rapprochement de notre maître
Jacques avec un maître Jacquet écrivain dont un autre manu-
scrit nous a conservé l'épitaphe \ Voici, à titre de curiosité,
cette pièce, dont la valeur littéraire est, on le verra, plus que
médiocre :
Épitaphe de maistre Jacquet escripvain.
Soubz se tumbeau gist feu maistre Jacquet
Noble escripvain jadis et au cacquet
Trop plus expert qu'ung jeusne perroquet :
Trésor mundain n'estima ung nicquet ;
5 Craignant que l'or fust ung trop lourd pacquet
Jamais deulx jours n'en tint en son sacquet,
Car en tripotz si Thibault ou Marquet
Vouloit jouer, il vuidoit le bacquet ;
Tout y alloit et gipon et roccquet
10 Quand il perdoit : contre ung foible nacquet
Grand menasseur bruyant comme ung clicquet,
Mays hardy gars autant que feu Flocquet ;
Prompt a tous jeux feust au billebocquet ;
Pour gringotter ung harriboricquet 5
15 Sur cornemuse ou [sur^] fluste ung chicquet
Il n'en perdoit ; toujours dehait fricquet,
Sus le bonnet le petit afhcquet,
1. Nouv. acq. fr. 10667, fo^- 25 vo. M. A. Thomas a étudié ce manu-
scrit dans un article de la Roniania, 1909, p. 192.
2. Ms. fr. 20025, fol- 130 ^'°- ^^ recueil manuscrit paraît, pour le con-
tenu et pour la date de composition, assez analogue au manuscrit de Sois-
sons qui nous a fourni le texte de la Complainte.
5. Chanson très populaire au xv= siècle et au début du xvi^ siècle.
4. Cette addition est exigée par la versification .
NOTES SUR MAITRE JACQUES MATHIEU 429
Plaisanta tous fcust en festc ou bancquet.
Il est bien vray que plus fol que cocquet
20 On l'appella, mais c'est ung saubricquet ;
Plus vieil que saige il fust, si le hocquet
De mort ne l'eust surprist près se bocquet.
Vous qui voyez se petit noir parquet
Vous y debvez tous planter ung boucquet
25 Car oncq ne feust, je dis sequin sequet,
Qu'ung seul Phœnix et ung M^ Jacquet.
La nécessité de la rime a pu sans doute déterminer l'auteur
de cette pièce à remplacer le nom de Jacques par le diminu-
tif Jacquet, et par suite l'identification de cet « écrivain » ' avec
notre Jacques Mathieu n'est pas inadmissible. Mais elle est au
moins fort hypothétique, et il faut avouer que le portrait de
cet assidu des tripots ne concorde guère avec celui que nous
traçait tout à l'heure en teriTies si graves la Complainte de la
Basoche ^.
René Sturel.
1. Il me paraît évident, en effet, que écrivain signifie ici non pas
copiste, mais auteur.
2. Comme les pièces relatives à la Bazoche ne sont pas très communes,
j'ajouterai à ces quelques notes sur maistre Jacques une poésie que nous
donne le manuscrit de Soissons 189 C. (fol. 74 vo) sous ce titre : Diiain
adressant an Roy faict par la Basoche en l'an mil V^ quarente :
Seigneur illustre en vertu relluisant,
Voycy le temps qu'en monstre marcher fault ;
Mais ung des poinctz qui est le plus duysaut,
Ce qui nous meyne a ce coup nous deffault :
Ce n'est le cueur ne la main qui nous fault,
Car jour et nuict pour vous cela traveille.
Ung autre poinct plus nous blesse et traveille ;
Mais vous pouvez y estre secourant
Par ces escuz qui font rayge et merveille :
Voyla le poinct de notre restaurant.
DE L'ESPRIT SATIRIQUE
DANS UN RECUEIL DE « DICTS MORAUX » ACCOMPAGNÉS DE
DESSINS DU XVI^ SIÈCLE
On sait quelle place occupent au moyen âge dans les
sculptures grotesques de nos églises les sujets satiriques. Plu-
sieurs font allusion aux proverbes les plus populaires et
paraissent cacher un sens profond. Mais le clergé fit preuve
d'une grande tolérance envers des artistes, qui au lieu de scul-
pter des sujets religieux, préféraient choisir des scènes de la
vie de tous les jours ' où ils mettaient en posture ridicule
les prêtres, les femmes et les personnages idéalisés par la
chevalerie. Il s'accommodait de ces œuvres malicieuses
dépourvues d'intentions symboliques où éclataient seulement
la bonhomie et la gaîté, et les accueillait volontiers, se disant
qu'elles ne pouvaient diminuer la foi, mais renfermaient un
enseignement moral ^ • . ^
Cette tendance apparaît encore au xv^ siècle, non seulement
dans les figures de pierre des églises, mais dans les sujets amu-
sants qui décorent les vitraux et les tapisseries. Des artistes
au début du xvi*" siècle s'employèrent à dessiner des cartons
qui devaient servir de modèles aux artisans. On connaît
trois intéressants recueils de ce genre présentant des des-
sins identiques destinés sans doute à une manufacture de
tapisseries. Ils sont accompagnés de formules proverbiales des-
tinées à compléter l'instruction morale donnée par l'image.
1. Maeterlinck, Le genre satirique dans la peinture flamande et wallonne,
Paris, 1910. Cf. Enlart La satire des mœurs dans V iconographie du moyen âge.
Mercure de France, décembre 1909, et janvier 1910.
2. Mâle, Lart religieux de la fin du moyen âge, Paris, 1908. Witkowski,
Larl profane à V église (France), Paris, 1908.
432 ANDRÉ BLUM
L'un est à la Bibliothèque nationale ', un autre se trouve à
la bibliothèque de l'Arsenal ^, un troisième au musée Condé
à Chantilly 5, Ce qui paraît indiquer que ce sont des modèles
de tapisseries, c'est qu'au folio 137 du manuscrit de la Biblio-
thèque Nationale un ouvrier est représenté devant son cheva-
let de tapisserie. Ce dernier manuscrit très curieux, que
Leroux de Lincy a mentionné dans un appendice à un
inventaire des biens du château de Moulins ■^, aurait appar-
tenu au connétable de Bourbon. Au folio 141 du même
manuscrit, Charles de Bourbon est représenté tel qu'il était à
la bataille d'Agnadel. Leroux de Lincy, sans avoir trouvé ce
livre dans le catalogue de la bibliothèque du connétable, croit
qu'il en faisait partie. Au verso du folio 140 se trouvent les
armes de la maison de Bourbon, avec les devises que les
princes ont portées. Champfleury '>, qui le premier a reproduit
certaines planches de ce recueil, ayant appartenu, d'après son
opinion, à Catherine de Médicis, a été frappé du caractère
satirique des dessins et des vers qui les accompagnent. Il a
signalé leur portée politique, en remarquant qu'au lieu d'être
des œuvres de fantaisie, ces esquisses cherchaient à attaquer
le clergé, la noblesse, la justice, la faveur, l'autorité. « L'ar-
tiste dit-il, se préoccupe de questions sociales de son temps.
Catherine de Médicis (?) en feuilletant ce recueil, put s'aperce-
voir que le poète n'était pas respectueux des grands. On y trouve
de brèves affirmations qui sentent la révolte des esprits. »
En réaUté la plupart de ces sentences morales sont bien
connues. Beaucoup sont empruntées aux Proverbes communs ^,
1. Omont, Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale,
Paris, 1902, no 24.461, t. 2, p. 390.
2. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l'Arsenal. Paris,
1889, t. V, page 33, no 5066.
3. Catalogue des manuscrits du Musée Condc. Paris, 1900, t. II, p. 107.
4. Leroux de Lincy,Z,a bibliothèque des ducs de Bourbon, Paris, 1850, p. 88.
5. Champfleury, Un recueil de facéties ayant appartenu à Catherine de
Médicis. Galette des Beaux- Arts, 1872, t. II, p. 145. Cf. du même, Histoire
de la caricature au moyen âge. Paris, 1871.
6. Proverbes communs, édition Silvestre. Paris, 1839.
DE l'esprit satirique 433
d'autres au poète Baude ', protégé de François Robertet, le
secrétaire de la duchesse de Bourbon, dont les armes se
trouvent au folio 1 1 5 (d'azur à la bande d'or, chargé d'un
demi vol de sable, accompagné d'une étoile d'or en chef et
deux en pointe). Baudé a été tiré de l'oubli autrefois par
Quicherat qui a publié plusieurs de ses poésies. Leur tendance
satirique n'a pas attiré son attention. Il n'y a vu que des
devises pleines de sel gaulois analogues aux vers de Villon,
Sans s'attarder à parcourir entièrement les trois manuscrits
qui ont été signalés, il convient de se borner à étudier les 58
devises qu'ils renferment et qui servent à expliquer les dessins.
Est-ce un esprit satirique ou moralisateur qui préside à leur exé-
cution ? On peut se demander si le poète et l'artiste ont voulu
tourner en ridicule les classes puissantes de la société et les
institutions établies, ou, plus simplement, si les sujets du des-
sinateur représentant des scènes de deux à trois personnages
ou de deux à trois groupes, ne sont pas conçus de sorte que
l'on puisse faire comme a dit Quicherat % la moralité, à la
manière du chœur antique. Une description du manuscrit de la
Bibliothèque nationale permettra de répondre à cette question.
Les proverbes et les images se succèdent dans l'ordre suivant.
Fol. 37. Une allégorie de la jeunesse. Montée sur un che-
val appelé Voulente, une femme se jette sur un roc :
Sur ce cheval, qui Voulente se nomme.
Sans bride va jeunesse l'importune
Contre le roch périlleux de fortune
Où iadis c'est précipité maint homme.
•Fol. 38. Un personnage ayant les yeux bandés fend avec
une hache l'arbre sur lequel il repose :
Aveugle suis aiant les yeulx ouvers
D'ingratitude gisant dessus la branche
1. Quicherat. Baiide(Bih\. de l'École des Chartes, 2'™ série, t. V, année
1848-49, p. 95.
Vallet de Viriville, Nouvelles recherches sur Baude. Paris, 1855.
2. Quicherat, Les vers de niailre Henri Baude. Paris, 1856. (Note en tète
des 16 dits moraux pour mettre en tapisserie, p. 94.)
Mélanges. II. 28
434 ANDPÉ BLUM
Merveille n'est si ie tumbe à l'envers
Oiiand sans raison mon apuy coupe et tranche.
Fol. 39. Un moine dans une grotte attend la lin de l'orage :
En atendent mon mal enduré
Car qui bien n'atend bien peu dure
Qui dure vaint ainsi lentens
Fol. 40. Un cheval voulant sortir d'un parc où il est
enfermé, s'empale à un pieu. L'âne, hors du parc, qui ne
mange que des chardons dit :
J'ayme trop mieulx menger chardons
Qu'être lardé de tels lardons.
Fol. 41. Un homme monte l'escaUer d'une maison, le com-
pas à la main, un autre est tombé :
Le I" dit :
A y entrer ne fauldray pas
Car ie me règle de compas.
Le 2"'" dit :
Ce sont dangereux ésbas
De tomber de si hault en bas.
Fol. 42. Un cheval enfermé dans une cour de château rue
contre son ombre et se frappe contre un mur :
Et d'aventure ataint l'ung des murs de la rue
Ainsi est-il de cil qui la guerre commance
Quand batu il demeure et nul n'a desplaisance.
Fol. 43. Conversation d'un mondain et d'un religieux.
Le mondain dit :
Mais je maintiens sans pouvoir èstre repris
Qu'il n'est angoisse que celle de la court.
Le religieux répond
En tous terroers croissent poires d'angoisse
En cloître n'a rien que mérencolie
Mais qui du cuer avec Dieu se ralie
Prenant vertu pour sa guide et conduite
Cil vaint soy-mêmes délices met en fuite.
Quant de plaisirs mondains il se deslye.
DE L ESPRIT SATIRiaUE 435
Fol. 44. Repas frugal d'un berger avec sa bergère ;
J'ayme mieulx cstre franc berger
Véstu de toille et peu menger
Avec ma doulce amye hélaine
Que porter drap de fine laine
Et vivre en aultruy danger.
Fol. 45. Un âne à une fenêtre donne des ordres à des che-
vaux, à des brebis, à des bœufs, pendant qu'un renard s'em-
pare d'un oison.
Moralité :
Puisque âsnes sont gouverneurs
Et bêtes allèguent raison •
Regnard mengera maint oyson
Soubs ombre des dissimuUeurs.
Fol. 46. Une araignée a tendu sa toile. Les petites mouches
y restent fixées, les grosses mouches peuvent en sortir. Un
laboureur agenouillé regarde deux seigneurs.
Le laboureur pense :
Grosses mousclies en tous endrois
Passent. Les petites sont prises.
Ou encore :
Les petits sont subjects aux lois.
Et les grands en font à leur guise.
Fol. 47. Des papillons sont attirés par la lumière d'une
chandelle et s'y brûlent. Deux personnages, un seigneur et
un laboureur, à la fenêtre de la cour les regardent.
Le seigneur dit :
Maint homme monte sans éschelle
Jusques au feu pour ce qu'il luit.
Le laboureur :
On prant du riciic la querelle
On flate celuy qui a bruit ;
On fait ainsi que se conduit
Le papillon à la chandelle.
43 6 ANDRÉ BLUM
Fol. 48. Une toupie tourne. Dans le haut on aperçoit la
main qui l'a fait tourner.
Moralité :
Je qui tourne soubs autruy main
N'a seureté ne soir ne main.
Fol. 49. Les trois états viennent réclamer justice à cinq per-
sonnages dont le chapeau couvre les yeux jusqu'à les aveugler
et qui répondent :
Justice et rayson demandez
Mais ne point vous y atendez
Car nous sommes si fort bendéz
Par Dieu que nous ny voyons goûte.
Fol. 50 (recto). L'arbre de fortune. Un monstre y est atta-
ché. Deux couples s'approchent de l'arbre ; la main de l'acteur
écrit la moralité :
A fortune vous convient asservir
Qui n'entretient que bien peu ses amys.
(verso). Narcisse se mire dans une fontaine. Une femme
tenant une fleur le regarde :
Beaulté sans bonté, honneur sans valleur
Espoir sans exploit, cuider sans savoir.
Confort en souhait sont pareils abus
Comme en la fontaine trouva Narcisus
Fol. 51. Un berger porte des rats dans sa botte et voit dans
ce procédé le moyen de faire fortune :
Et si ne metz les seigneurs en souci
Pour ratz porter en court discrètement
Que m'en chault il puis que i'ay leur argent.
Fol. 52. Des navigateurs sont attirés par la voix des Sirènes
et leurs barques se brisent sur des rochers .
Par la traiance et doulx chant des seraines
Voit l'on souvent périr et entamer.
Fol. 53. Un homme saisit une anguille et cherche à la briser
sur son genou. Il veut suivant le proverbe :
Rompre l'anguille au genou (c'est-à-dire se risquer dans
une entreprise qui ne peut réussir) :
DE L ESPRIT SATIRIQUE 437
A rompre anguilles si prétens
Fol. 54. Un cheval et un bœuf vantent chacun leurs quali-
tés mais leurs discussions servent à indiquer qu'on ne connait
pas ses défauts :
De deux bêtes de diverse figure
Jugez qui a raison plus apparante.
Fol. 55. La Fortune les yeux bandés, vêtue d'un seul côté,
de l'autre nue, tient d'une main une couronne, de l'autre des
plumes. A ses pieds un coffret :
Fortune suis qui les choses humaines
Sans ordre nul comme aveuglée régente
Fol. 56. Un mâtin et un lévrier se vantent mal à propos.
Un chat les observe :
Chacun veut avoir l'avantaige
Mais loz n'aurez nul sans domaige
Car tous deux rongez à ung os.
Fol. 57. Un ours monté sur un arbre cueille des fruits pour
des jeunes oursons qui les ramassent et leur dit :
Malle fin fait qui autruy mal procure.
Fol. 58. Un cheval attaché à un arbre est étrillé par un
palefrenier :
Je suis Fauveau qui désire à tout heure
Estre éstrillé et devant et darrière.
Fol. 59. Un arbalétrier dans une charrette traînée par
deux bœufs tire sur un lièvre :
Tout homme et toute femme que ne ty vault fouyr
Devant la mort hélas, car tous nous faut mourir.
Fol. 60. Un laboureur est chassé par deux personnages, un
autre se tient hors d'une haie et écoute lever l'avoine :
Qu'on ne me boute comme Gaultier
Feignant que n'entens ne voys goûte
Et lavovne à lever écoute.
438 ANDRÉ BLUM
Fol. 61 . Un roi, la tête ornée d'un diadème, souffle dans une
trompe d'où sort un âne portant la mitre et la crosse d'un
évêque. Deux autres ânes s'envolent dont l'un est revêtu d'un
capuchon de moine et l'autre tient un chapelet. Le dessin est
accompagné de trois pièces de vers. Les plus curieux sont les
suivants :
Ailleurs
Je suis faveur qui au son de la trompe
Souffle et produitz des choses non pareilles.
Je suis ung âne que faveur fait voler
Comme voyez ainsi pesant et lourt.
Fol. 62. Des porcs regardent un panier plein de fleurs.
Belles raisons qui sont mal entendues
Ressemblent fleurs à pourceaux estendues.
Fol. 63. Un homme frappe avec un bâton un chien qui dort.
L'acteur chargé de faire connaître la moralité, dit qu'il a
tort de réveiller le chien qui dort :
Qiaand il dort, il ne peult mal faire,
Et quand il ne dort pas il mort.
Fol. 64. Un forgeron avec deux ouvriers, forge sur une
enclume. La devise est :
Je gaigneray si ie ne faulx
Plus qu'à faire droit forger faulx.
Fol. 65. Un meunier transporte des sacs sur une barque.
Dans le haut à droite, un âne chargé d'un sac se plaint d'être
maltraité et le regarde :
Follie est grant de corrompre nature
Quand pour bien faire tel loyer est rendu
Fol. dG. Deux hommes portent sur leurs épaules un person-
nage qui tient un faucon et une femme. Le proverbe dit :
Les ungs sont en hault élevés,
En grans dignitéz et esbatz.
Et les autres comme voyez
Sont dcfférrez et mis aux bas.
DE L ESPRIT SATIRiaUE 439
Fol. 67. La licorne enfonce sa corne dans une fontaine
dont elle purifie l'eau. Les bêtes boivent l'eau de la source :
En ce désert et mauvais territoire
Boire y pouvons plus sûrement quen loire.
Fol. 68. 1° Un pêcheur jette un filet dans l'eau.
Car il n'est péscher qu'en eau trouble
2° Un pêcheur saisit une anguille par l'extrémité et elle lui
glisse entre les mains.
Par trop sarrer on pert l'anguille.
Fol. 69. La fortune fait tourner une roue. Au-dessus est assis
un jeune homme. A terre est étendue une femme. Cette
image paraît être l'explication de l'ancien proverbe des Pro-
verbes communs : Fortune ne vient seule.
Fortune a tant torné sa roue
Qu'au dessus suis de poureté.
Au-dessous, le dessin représente un homme percé d'une
flèche, accompagné de deux hallebardiers.
Tant plus i'ay quis de biens avoir.
Au malheureux le vireton
Fol. 70. 1° Un danseur de corde. Allusion à un proverbe
bien connu comme :
Trop tendre fait briser ou fendre.
Trop tirer rompt la corde.
La légende est la suivante :
De tout feray ma soupe grâce
C'est ioue par dessus la corde.
2" Une femme près d'un puits retire un pot brisé. Un
homme la regarde :
Il n'est si fort fer qui se use
Tant va le pot à l'eau qu'il brise.
440 ANDRE BLUM
Fol. 71. 1° Un homme est dans un jardin entouré de
murailles :
A cuer vaillant rien impossible.
2° Des oiseaux se sont posés sur un arbre, tandis qu'un
homme est caché au dessous.
Nullv de ma pipée n'aproche
S'il n'est en amours bien apris.
Car les plus rouges y sont pris.
Fol. 72. 1° Un homme porte un paquet de bûches et en
fait tomber plusieurs.
Qui trop embrasse peu éstraint.
2° Un personnage agenouillé tient une anguille sur un
genou et dit en se tournant vers une autre anguille sur la rive :
Mais ie ne sceu onc en ma vie,
Rompre les anguilles au genou.
Fol. 73. 1° Un grand seigneur en haut d'un escalier dit :
Le bien après moy sans fin court
A souhait i'ay le vent à gré.
2° Une femme nourrit un petit enfant dans un berceau :
Espérance paist les petits
Fol. 74. 1° Un homme est debout sur deux ânes, voulant
dire qu'il est au-dessus de ses ennemis :
Je suis dessus mes asnes mys.
2° Un guerrier tombe du haut d'une tour.
Moralité :
Trop hault monter n'est pas grand sens.
Fol. 75. i°Un arquebusier tire une (lèche, voulant dire qu'il
risque tout d'un seul coup :
A tout perdre ung cop périlleux.
DE l'esprit satirique 44 1
2° Un berger joue de la cornemuse :
Tel refuse qui après muse.
Fol. 76. 1° Un chasseur vient de tuer un lièvre. Derrière
le buisson, un autre chasseur s'empare du lièvre qu'il a tiré.
J'ay chassé, les autres ont pris.
2° Un chasseur accompagné de son chien dit :
Il n'est chace que de vieil chien.
Fol. 77. 1° Un fou tenant une marotte, escorté d'autres
fous :
Tousiours au plus fol la massue,
2° Un plaideur est debout, devant un juge assis, vêtu d'un
costume de fou :
De fol iuge briefve sentance.
Fol. 78. 1° Un cavalier frappe d'un coup d'éperon son che-
val rétif pour le faire reculer :
Tousiours au rety l'esperon.
2° Un laboureur conduit deux bœufs avec un aiguillon :
Car c'est une bien dure chose
Reculler contre l'esguillon.
Fol. 79. 1° Un cavalier dit après être tombé entre deux selles :
Je suis, pour vouloir hault monter
Tombe le cul entre deux celles.
2° La scène représente une forêt avec un oiseau. Le pro-
verbe est :
Sans vouloir par trop entreprendre.
Il faut voiler bas pour les branches.
Fol. 80. 1° Un alchimiste se dit en frappant avec un mar-
teau un morceau de fer posé sur une pierre :
Je crois ou le sens me séduit
Finablement que argent fait tout
442 ANDRÉ BLUM
2° Un guerrier pense devant une haie :
Chacun n'a pas argent qui veult.
Fol. 8r. 1° Un liomme sur une montagne regarde la lune
comme s'il voulait
Prendre la lune avec les dentz.
2° Un ouvrier monte avec un treuil une pierre sur une
tour :
C'est assez une sotte entreprise,
A qui contre rayson se efforce
Car trop mieulx vault engin que force.
Fol. 82. 1° Un renard est endormi :
A regnard endormy
Ne chet rien en la bouche
2° Un barbier, portant un sac, rase un fou assis :
Car à barbe de fol
Aprent barbier à raire.
Fol. 83. 1° Un requin avale des poissons. Moralité :
Car les gros mengent les menus.
2° Deux chats mangent deux rats. Proverbe :
Il est dit : A mau chat mau rat.
Fol. 84. 1° Un homme est assis entouré de quatre person-
nages symbolisant les maux de l'humanité, la Mort, la Guerre,
la Pauvreté, la Discorde :
Poureté me va par tout quérre
Et mal sur mal n'est pas santé.
2° Le Christ se présente sous l'aspect d'un laboureur con-
duisant des bœufs :
Car eu peu deure, Dieu lahcure
DE L ESPRIT SATIRIQUE 443
Fol. 85. 1° Un corroyeur coupe des peaux :
Fais d'aultruy cuir large courroye.
2° Un vilain découpe un veau qu'il saisit par la queue :
Mais pour mettre l'ouvrage a point
Geste queue n'est pas de ce veau .
Fol. S6. 1° Un homme tombé dans une forêt, dit :
Autant vault cheoir que trébucher.
2° Un bûcheron frappe un arbre à coups de hache :
Au premier cop ne chet pas l'arbre.
Fol. 87. 1° Une femme armée d'un bâton saisit un homme
par les cheveux. Moralité :
Contre fortune nul ne peust.
2° Une femme file de la laine :
Commencement n'est pas fusée.
Fol. 88. 1° Deux orgueilleux montés sur un âne ne
peuvent s'y tenir :
Ung arrogant ne peult l'autre souffrir.
2° Un mercier debout tenant devant lui un panier suspendu
à son cou :
Car à petit mercier petit panier.
Fol. 89. 1° Un homme frappe un chien devant un lion :
Batre le chien devant le lion.
2° Un homme se cache la tête dans un buisson, mais laisse
voir son derrière et ses jambes :
Voire mais il y a dangier
D'avoir à faire à homme expert.
Mal ce musse a qui le cul pert
Fol. 90. 1° Une truie mange dans une auge entourée de
fleurs :
Car mieulx ayme truye bran que rose.
444 ANDRÉ BLUM
2° Un mâtin et un lévrier, avec cette légende :
On ne chasce plus l'argent
Oncques matin n'ayma lévrier.
Fol. 91. i°Deux forgerons battent le fer sur une enclume :
Car en forgent on devient feure.
2° Un ouvrier bat le fer, par allusion au proverbe :
Battre le fer, quant il est chault.
Fol. 92. 1° Un personnage caricatural vêtu d'une robe de
moine, à tête et queue de renard, joue au dévot. Il tient de la
main droite un chapelet, sous son bras gauche un livre.
La légende est :
Mais l'abit ne fait pas le moine.
2° Deux loups dévorent une brebis :
Deux loups mengent bien la brebis.
Fol. 93. 1° Un médecin donne une saignée à un person-
nage assis :
C'est scelon la bras la seignée.
2° Deux bœufs sont attelés à une charrette, la tête tournée
vers la charrette :
Quoiqu'il en peult advenir mectre
La charrette devant les bœufs.
Fol. 94. 1° Un fou parle à un philosophe :
Souvent ung fol consille bien ung sage.
2° Un chien se glisse sous le ventre d'un âne pour rentrer
au moulin.
Moralité :
Soubs ombre d'âsne entre chien au moulin.
Fol. 95. 1° Une chèvre gratte la terre avec sa patte ;
Tant gratc chicvrc que mau git.
DE l'esprit SATIRIdUE 44^
2° Un homme est couché, un ami assis le veille :
On ne peult personne blâmer
Quant lung amy pour l'autre veille ' ■
Fol. 96. 1° Un homme avec un pilon et un mortier :
Tousiours le mortier sent les aulx.
2° Un homme veut à la fois courir et sonner du cor :
On ne peult courir et corner.
Fol. 97. Trois fous sont assis à table, mangeant du pain :
Le pain aux folz est le premier mangé.
Ces dessins à la plume et à l'encre de Chine se trouvent
répétés complètement dans le manuscrit de la bibliothèque de
l'Arsenal et partiellement dans celui du musée Condé à Chan-
tilly, avec les mêmes poésies. Ces sentences morales ont dû
être très populaires et peuvent être rapprochées des vieux pro-
verbes français dont elles procèdent. Dans les ouvrages qui les
ont publiées ' figurent beaucoup de ces anciens dictons men-
tionnés par le livre de dessins de la Bibliothèque nationale.
Cette tradition du moyen âge qui n'a pas cessé au début de la
Renaissance, s'est maintenue jusqu'au xvii^ siècle. Quelques-
uns de ces dessins du xvi^ siècle ont été imités au xvii^ siècle
dans le fameux Recueil des plus illustres proverbes de Jacques
Lagniet, publié à Paris, de 1657 a 1663 et comprenant trois
livres, les Proverbes moraux, les Proverbes joyeux, la Fie des
gueux et des estampes relatives cà la Vie de Tiel Wlespiègle.
On ne peut voir dans les croquis du xvi^ siècle les mani-
festations d'un esprit d'opposition contre le clergé et la
noblesse, comme le pensait Champfleury. Certaines images
I. Duplessis, Bibliographie parêmiologique, Paris, 1847. — Leroux de
Lincy, Livre des proverbes français , Paris, 1842. — Méry, Histoire des pro-
verbes, Paris, 1828. — Crapelet, Remarques philologiques critiques et litté-
raires sur quelques proverbes, Paris, 183 1. — Qvi.hzrà, Etudes sur les pro-
verbes français, Paris, 1860. — Langlois, Anciens proverbes françois (fiihVio-
•thèque de l'École des Chartes, 1899).
44^ ANDRÉ BLUM
comme les Ungs, la toile d'araignée, les moines, les récrimi-
nations des trois états, la trompette de la faveur ont pu l'ame-
ner à cette intéressante hypothèse. Mais il semble que les
vilains ne sont pas épargnés. Ils sont représentés avec toutes
sortes de défauts, avares, égoïstes, ignorants. Ce n'est pas à
dire que les vilains soient plus maltraités que les seigneurs et
les prêtres. En réalité, la portée satirique de ces dessins se
limite à des manifestations d'une imagination fantaisiste. Quant
aux formules proverbiales qui forment les légendes, elles n'ont
pas le tour agressif des Adages d'Erasme dont une édition
venait d'être publiée à Paris en 1500. Il ne faudrait pas y
chercher un sens caché et il convient de se méfier des inter-
prétations d'une sorte de symbolisme révolutionnaire qui
chercherait dans ces images des caricatures contre la société.
La verve du dessinateur se joue en images railleuses mais elles
ne cherchent à attaquer ni les dogmes ni les institutions. On
peut comparer leur esprit à celui des soties ou ' des fabliaux,
dont M. Bédier disait- : « Le vrai, c'est qu'ils daubent indif-
féremment sur les uns et sur les autres, chevaliers, bourgeois
ou vilains, évêques ou modestes provoires. »
André Blum.
1 . Emile Picot. La sotie eu France, Paris, 1878, cl Recueil général de soties,
Paris, 1902,
2. Bédier, Les fabliaux, Paris, 1895, p. 326.
LES FEUILLETS PERDUS DU MANUSCRIT
DE LÉONARD DE VINCI SUR LE
VOL DES OISEAUX
A la suite de donations diverses, la Bibliothèque ambroi-
sienne de Milan était parvenue, au xv!!!*" siècle, à réunir
treize volumes de manuscrits de Léonard de Vinci. En 1797,
la France s'empara de ces trésors qui furent transportés à la
Bibliothèque nationale. En 181 5, quand il fallut rendre aux
alliés tous les objets précieux que l'on avait transférés à Paris,
on restitua bien aux Milanais le Codex Atlantkiis, demeuré
au dépôt de la rue Richelieu, mais on ne put retrouver les
douze autres volumes qui avaient été placés à la Bibliothèque
de l'Institut dont ils forment encore le plus bel ornement.
Malheureusement, vers 1840, deux de ces volumes, ceux
que l'on désigne sous le nom de manuscrits A et B, furent
l'objet de mutilations criminelles dont l'effet n'est pas encore
entièrement réparé.
L'auteur de VHistoîre des sciences viathêmatiques en Italie
(1835) "^ pouvait manquer de consulter d'aussi précieux
documents ; aussi les cite-t-il à plusieurs reprises. Mais Libri
apporta tant d'ardeur à l'étude de ces volumes que nous le
trouvons bientôt en possession de près de cent feuillets arra-
chés aux manuscrits A et B.
Il résulte en effet des minutieuses vérifications faites vers
1848 par Bordier, Lalanne et Bourquelot ' que le manuscrit
A avait perdu depuis peu le feuillet 54, les feuillets 65 à 114,
I. Diclioniiaire de pièces autographes volées..., pp. 264-266.
448 SEYMOUR DE RICCI
soit en tout 51 feuillets, et que le ms. B avait perdu les
feuillets 1-2, 84-87 et 91-100, plus 5 feuillets non paginés
après le folio 49, soit en tout 21 feuillets.
Les soixante-douze feuillets sont en grande partie rentrés
au bercail. Dès 1845, Libri eut l'impudence de faire figurer
dans une de ses ventes d'autographes un feuillet arraché au
manuscrit 5 '. Il fut adjugé 200 francs et acquis par le baron
de Trémont. Il reparut en 1852 à la vente de ce dernier
(n° 1441), mais il ne subit pas le feu des enchères : l'Institut,
averti par Lalanne et Bordier, revendiqua son bien .
En 1847, Libri vendit à Lord Ashburnham sa collection
d'environ deux mille manuscrits : il y plaça (n° 1875) deux
cahiers de feuillets léonardesques comprenant en tout cin-
quante feuillets. Ces deux cahiers, reconquis il y a vingt-cinq
ans, on sait à la suite de quels efforts et au prix de quel
sacrifice, par Léopold Delisle % furent remis en place, peu
après, par les soins du grand savant. Mais il manque tou-
jours vingt et un feuillets aux manuscrits A et 5 de l'Ins-
titut.
Là ne se bornèrent pas d'ailleurs les déprédations de Libri ;
une note rédigée entre 1834 et 1836 par Fallot, sous-biblio-
thécaire à l'Institut, nous apprend qu'il se trouvait, cà la fin du
manuscrit B, un petit cahier isolé de dix-huit feuillets for-
mant pour ainsi dire « un volume distinct ». C'est précisé-
ment sur ce cahier que Léonard avait consigné ses observa-
tions célèbres sur le vol des oiseaux. Pour le redoutable ban-
dit qu'était Libri une pareille proie était bien tentante ! Après
son passage en France, le précieux cahier avait disparu.
J'ignore pour quelle raison il ne fut point compris dans le lot
de manuscrits vendus à Lord Ashburnham. Peut-être Libri
voulut-il le conserver toute sa vie comme la perle de sa col-
lection. Il ne le fit figurer dans aucune des nombreuses
ventes qu'il organisa à Londres de 1859 à 1864 et c'est scu-
1. Vente du 8 décembre 1845,0" 295.
2. Bibliothèque nationale, mss. italiens 2037 et 2038.
LES FEUILLETS DU MANUSCRIT DE LEONARD DE VINCI 449
lement un an avant sa mort que, talonné par la misère, et
après une année de marchandages, il consentit enfin à le
vendre en 1868 à un bibliophile italien, le comte Giacomo
Manzoni. Il y a une vingtaine d'années, le cahier fut acquis
par un érudit russe, M. Théodore Sabachnikoffqui en publia
un merveilleux fac-similé et qui donna, vers 1895, le manu-
scrit lui-même au roi d'Italie.
Nous avons vu que vers 1835 le cahier comptait dix-huit
feuillets, sans parler de sa couverture originale en carton
jaunâtre. En 1868, quand Libri le vendit au comte Manzoni,
il ne renfermait plus que treize feuillets. Qu'étaient devenus,
dans l'intervalle, les cinq feuillets manquants ? Libri seul
aurait pu le dire et M. Sabachnikoff ne paraît pas avoir cher-
ché à le savoir. A la fin de son édition du Cahier sur le vol
des oiseaux, il se borne à dire qu'après l'impression de son
volume, on a réussi à retrouver en Angleterre dans des cir-
constances qu'il n'a pu connaître avec précision, un des feuil-
lets manquants. C'est l'histoire de ce feuillet et des quatre
autres qu'un heureux hasard m'a mis à même de reconstituer
en partie.
Dans plusieurs des ventes faites à Londres par Libri, figu-
rèrent des feuillets isolés de manuscrits de Léonard de Vinci.
La série la plus importante est celle de dix dessins qu'il fit
figurer dans un même lot, en 1862, dans la vente de la
Reserved portion de sa bibliothèque. A en croire le catalogue,
un de ces feuillets aurait été acquis dans une vente à Dublin
et les neuf autres, après avoir passé dans les collections de
Crozat et de Sir Thomas Laurence, auraient été achetés par
Libri en juin 1860 à la vente de Woodburn. Le lot, à la
vente Libri, fut payé no livres sterling par le marquis de
Breadalbane et passa ensuite, croyons-nous, dans la possession
de M. Baihe Hamilton, chez qui, vers 1880, Jean-Paul
Richter chercha vainement à le retrouver.
On pourrait croire, au premier abord, que ces feuillets
n'avaient rien à faire avec les manuscrits de l'Institut : Libri
Mélanges. II.
29
450 SEYMOUR DE RICCI
n'est-il pas, en effet, et contrairement à ses habitudes, fort
explicite sur leur provenance ? C'est pourtant dans ce lot que
se trouvait le feuillet additionnel acquis par M. Sabachnikoff
et dont il a été fait mention plus haut. Vers 1890, on vendit
à Londres les dessins anciens de la collection du marquis de
Breadalbane. J'ai vainement cherché à retrouver le catalogue
de cette vente ; mais j'ai pu savoir qu'on y trouvait décrit
un feuillet isolé du cahier sur le vol des oiseaux. Il fut adjugé
à un marchand anglais, M. Thibaudeau, qui le vendit à un
éminent amateur de Londres, M. Fairfax Murray. Ce der-
nier, connaissant tout l'intérêt que portait M. Sabachnikoff
au cahier en question, lui rétrocéda le feuillet et c'est ainsi
qu'aux treize feuillets du comte Manzoni, vint se joindre le
quatorzième.
Ce sont encore les catalogues des ventes Libri qui vont
nous renseigner sur le sort des feuillets manquants : dans
celui de sa dernière vente, qui eut lieu à Londres le i"^"" juin
1864, nous voyons en effet figurer sous les numéros 142 à
145 quatre séries de dessins originaux ; dans chacun apparaît
un feuillet léonardesque :
N° 142. — 4° : « A leaf with Designs and Writing (from
right to left) by Leonardo da Vinci, very rare. »
N° 143. • — 9° : « A Sketch by Leonardo da Vinci, with
writing in his autograph. »
N° 144. — 2° : « Sketches and handwriting of Leonardo
da Vinci. »
N° 145. — 6° : « A Leaf with Sketches by Leonardo da
Vinci. »
Je possède trois exemplaires du catalogue de cette vente,
mais aucun n'indique le prix de l'adjudication ni le nom de
l'acheteur. Du reste, ce détail est sans importance puisqu'il
paraît certain que ces quatre lots furent rachetés par Libri.
Après trente ans, nous les voyons en effet reparaître, le
7 février 1895 à Londres, chez Christie, dans une dernière
vente de Libri que je n'ai trouvée citée nulle part — Léopold
LES FEUILLETS DU MANUSCRIT DE LEONARD DE VINCI 45 I
Delisle lui-même ne paraît pas l'avoir connue — et dont je viens
de me procurer le curieux catalogue ; je l'ai acheté, avec plus
de deux mille catalogues anglais, à la vente après décès de
l'antiquaire Charles Wertheimer.
Dans ce catalogue, les quatre collections de dessins sont
portées sous les numéros 40 à 43 . Un de ces lots fut acquis
par M. Quaritch pour un client américain, les trois autres
furent adjugés à MM. P. et D. Colnaghi pour le compte de
ce même amateur anglais, M. Fairfax Murray, que nous avons
cité plus haut et qui eut la bonne fortune, peu après, de faire
revenir des États-Unis le feuillet de Léonard qu'il n'avait pu
acquérir à la vente.
M. Fairfax Murray m'a fait savoir que sur ces quatre feuillets,
il n'en possède plus aujourd'hui que trois : le quatrième fut
cédé par lui à M. Sabachnikoff qui, croyons-nous, put le
joindre à son tour au cahier du comte Manzoni auquel il ne
manquerait donc plus que trois feuillets. Ce quinzième feuil-
let du cahier en question n'a pas été publié et il serait bien
désirable qu'il le fût. Il ne resterait donc plus que trois feuil-
lets à retrouver.
N'est-il pas permis de supposer que ce sont précisément
ces trois feuillets que possède M. Fairfax Murray ?
Au cas où mon hypothèse ne se vérifierait pas, je puis
signaler en Angleterre un autre feuillet isolé des manuscrits
de Léonard : il appartient à Lady Morrison et fait partie de
l'incomparable collection d'autographes formée par Alfred
Morrison et qu'il a léguée à sa veuve. On en trouvera, au
catalogue Morrison, une excellente reproduction photogra-
phique.
Seymour DE Ricci .
NOTE SUR LES SENS DU MOT PICOT
Picot est un diminutif en -ot de pic < Pîcc- (cf. piquet,
picon, etc.). Le sens premier est « petit piquant », d'où avec
perte de la valeur diminutive : « piquant, pointe, épine,
aiguillon». On peut lire dans Godefroy à picot: «chandeliers
de laiton à grand picot » (ex. de 1383), « basions ferrés à pic-
quot » (Froissart). Picot veut dire « pointe qui reste sur le bois
après qu'on a arraché une branche » {Dict. de Trévoux, ij'ji),
« pointe d'un marteau de carrier » ou encore « pointe de
dentelle » (voir Littré à picot et noter l'angl. picot dans le New
Engl. Dict . avec divers exemples depuis 1882). Dans le sens
« piquant, pointe, etc. », picot est très répandu dans les dia-
lectes \
De « pointe d'un objet » on a passé à « objet en pointe,
objet pointu ». C'est ainsi que picot « marteau de carrier »
est très ancien, attesté apparemment depuis le xii^ siècle
d'après le premier exemple du mot cité par le Dict. Général.
Godefroy donne des exemples de 1370 et de 1381 de picot
« arme pointue » (un glaive appelé piquât). En français
moderne on appelle picot un coin de bois dur employé dans
le boisage des puits de mine. Pour les dialectes je citerai :
Suisse Romande, picot « grosse épingle » (Godefroy) et Flandre,
piquot « longue épingle de dentellière » d'après Vermesse
(cf. piquet « grosse épingle de dessinateur dans le Dict. de
Trévoux, éd. 1771) ; Brabant, picot « bâton ferré » (Godefroy),
et Berry, picot (ou picoii) « bois avec une pointe au bout pour
I . En Anjou piquot « saillie de la peau » (quand on la chair de poule),
dans Verrier et Onillon, Glossaire.
454 PA.UL BARBIER
piquer les ânes » (H. Lapaire, Le patois berrichon, 1903);
Côtes-du-Nord, picot « bec » (Godefroy); Bas-Maine, pikô
« instrument servant souvent à enlever les mauvaises herbes
une à une » (Dottin) '.
Ficot revient souvent dans la momenclature des plantes.
Dans le Dictionnaire Général de Raymond (1832) on lit pico
(f variété de l'oreille d'ours, plante à courtes étamines ». Le
Dict. de Trévoux dit que les « oreilles d'ours ont le picot quand
les étamines, étant courtes, ne remplissent pas la fleur et
qu'on voit un trou au milieu du disque ».
P/^o veut dire « épine, ortie, chardon, toute sorte de plante
piquante » à la Grand'Combe (Doubs) d'après Boillot. Picot,
à Lons-le-Saunier, est un nom du fruit de la bardane (Beau-
quier, Faune et Flore Pop. de la Fr. -Comté, ii. 134) ; à S*-Amour
picot-grand se dit d'un cépage à grosse grappe conique (pp. cit.
ii. 335). On appelle pico, aux environs de Rennes, Vulex eiiro-
paeus L ou genêt épineux (Rolland, Flore Pop. iv. 84) ; en
Anjou picotin indique l'arum vulgaire ou gouet (Verrier et
Onillon, Glossaire des Patois de V Anjou) peut-être à cause des
feuilles en forme de flèches de cette plante; à Guernesey/)/^o/
est le nom de l'agripaume cardiaque (Godefroy).
Enfin picot est un nom des renoncules. Jaubert le cite pour
le Centre (=^ « renoncule rampante »). Rolland (Flore Pop.,
ii, 42, 60) donne pico « bouton d'or » aux environs d'Amboise
et picot = ranuiiculus parviflorus L. en Anjou. Enfin Verrier et
Onillon, dans leur Gloss. des Pat. de l'Anjou, ont inséré picot
« renoncule, pied de coq ». Etant donné que la même plante
se dit piécot, piécoq (^=pied de coq), en Anjou on serait d'abord
tenté de voir dans picot une altération de piécot. Je ne crois
pas qu'il en soit ainsi ; d'abord on trouve en Anjou et en Poi-
tou piquerau et à l'île d'Elle (Vendée) piquwas = ranunculus
arvensis L. ; et ensuite, ces noms de renoncules et beaucoup
d'autres encore peuvent s'expliquer par les piquants des fruits
de ces plantes.
I. Pour ce dernier sens, cf. pica^a en Murcie.
NOTE SUR LES SENS DU MOT PICOT 455
Pour les animaux, il y a d'abord picot, nom en Normandie
du genre pholas L. (Travers, Moisy). Il faut entendre ici par
picot le marteau du carrier ; les mollusques du genre pholas L.
se creusent dans la vase, le bois ou même la pierre des trous
où ils restent confinés; cf. l'angl. peckstone ^= pholas dans
Kolhnd, Faune Pop., iii. 221, et noter l'ital. picca-pietre =
« tailleur de pierres » (Duez), le prov, pico-peiro de même
signification (Mistral), l'esp. picapedrero, etc.
Puis picot est un nom de deux poissons. Il indique, en
Maine-et-Loire et dans le Calvados, le pleuronecles flesus L. (cf.
pécô, même sens à l'île de Ré dans Rolland, Faune Pop., xj.
208), ce qui s'explique par le fliit que ce poisson porte touf
le long de sa dorsale et de son anale un petit bouton âpre sur
la base de chaque rayon et que sa ligne latérale a aussi des
écailles hérissées. C est \e pleuronectes flesus h. <:\\iev\se \e Dict.
de Trévoux (éd. 177 1) quand il explique picot par « espèce de
limande », indication qu'on retrouve dansLittré (1873). Enfin
Cuvier, Règne animal, ii (1829). 339 s'est servi de la graphie
picaud que depuis on retrouve par-ci par-là dans les diction-
naires.
C'est naturellement picot « piquant » qui explique picot,
nom des épinoches dans le Jura. D'après le glossaire de Labou-
rasse, piquant = genre gasterosiens L. dans la Meuse ; cf. dans
le Lauvâguais peis piquant d'après Rolland, Faune Pop., iii. 173.
Ce qui est intéressant, c'est de rapprocher picotin, sobriquet en
Anjou des cordonniers (Verrier et Onillon), de cordonmer,
savetier dont on se sert comme noms du genre gaslerosteus L.
Picot est encore un nom normand de dindon d'après Dumé-
ril, Moisy, etc. (cf. picot-dindon « imbécile, niais »). Il n'a
rien à voir avec l'angl. peàcock « paon ». Rolland ne le men-
tionne pas, mais il cite comme cri pour appeler les dindons
picot ! picot ! à Guernesey, 0 pico ! 0 pico ! ti ! ti ! ti ! et picouti !
piçouti ! piou ! piou ! dans le Bas-Quercy {Faune Pop., vi, 143)
ce qui fait croire que picot « dindon » pourrait exister ailleurs
qu'en Normandie. Picaud, dit Littré, est un nom, en Nor-
45 6 PAUL BARBIER
mandie des dindonneaux ; cette graphie est sans doute fau-
tive, puisque Moisy donne picotte « dinde ». Littré croit qu'on
a donné ce nom au dindon à cause qu'il pique du bec pour
prendre sa nourriture (cf. argot pique-en-terre « dindon » dans
Rolland, Faune Pop., vi, 140), ce qui ferait de picot « dindon »,
un déverbal de picoter. Je crois qu'il ne faut pas y voir autre
chose que picot, diminutif de pic « piquant », sans pouvoir
expliquer sûrement le changement de signification. Cepen-
dant, à titre d'hypothèse, si l'on songe que l'une des caracté-
ristiques les plus frappantes du dindon, ce sont les papilles
épaisses et rougeâtres autour de la tête et du cou, que le norm.
piotte « dinde » (Moisy qui le dit de formation onomato-
péique) doit être rapproché du prov. piot « dindon », pioto
« dinde » qui à leur tour ne se séparent pas du prov. piot
« rougeole », que picot veut dire dialectalement « tache, saillie
de la peau, etc. » (cf. picot « tache » au Poitou d'après Lalanne,
norm. piqueroUe, piquereulle « rougeole », pikrol « rougeole »,
dans le Bas-Maine d'après Dottin, picotte « vérole », etc.), on
pourrait peut-être avancer que ce sont les « picots » rouges
du dindon qui lui ont valu le nom de picot en Normandie '.
Reste à dire un mot de deux significations de picot. Je ne
m'explique pas, faute de renseignements suffisants, la genèse
de picot « filet » dont Littré donne un exemple d'août 1681.
C'est, d'après le Dict. de Trévoux (éd. 1771), «un filet des côtes
de Normandie, plus petit que la drège et qui sert à prendre les
poissons plats », Moisy, dans son Dict. du Pal. Nonn. (1887)
dit que c'est « une espèce de filet qu'on charge de plomb ou
de pierres pour prendre les poissons plats », Pourquoi picot}
Enfin il faudrait traiter le v. fr. picot « espèce de mesure ».
Mais, dans une courte note, cela nous mènerait trop loin.
I. Le catal. picot (à côté de pigot) ■== genre picus L. (oiseau) dérive de
Piccus (à côté du class. picus), qu'il faut postuler pour l'ital. picco (à côté
de /)iVo),sans doute le fr. pic (à côté du v, fr. pi), V^sp. pico (et pon.picanço)
et de nombreuses formes dialectales. — Four picot « dindon » on peutaussi
admettre que ce nom vient de la caroncule érectile, située à la base du bec
de l'oiseau .
NOTE SUR LES SE\S DU MOT PICOT 457
Suffit de dire que picot, en ce sens, n'est pas seulement le pri-
mitif du fr. mod. picotin (voir le Dict.génér. qui le croit d'ori-
gine inconnue) mais il dérive le pic (cf. « pic de f^irine »
dans Cotgrave) tout comme picot dans les sens divers que
nous venons de passer rapidement en revue.
UNIVERSITÉ DE LEEDS Paul BaRBIER, fils.
20 août 191 1.
CORRESPONDANCE INÉDITE ENTRE
DOM MABILLON ET DOM MONTFAUCON
(1699-1701)
Rien de plus intéressant et de plus « documentaire » que
cette correspondance des deux bénédictins de la Congrégation
de Saint-Maur dont nous préparons l'édition si désirée. Il est
touchant de voir cette intimité entre ces plus grands moines
du xvii^ siècle, j'allais dire des quatorze siècles que l'Ordre a
déjà vécu. Dix-sept lettres seulement ont échappé aux
flammes et aux voleurs . C'est bien peu pour cinquante ans
de vie commune, encore n'ont-elles trait qu'aux missions
scientifiques dont ils furent chargés. On sent plus dans ces
lettres que dans toutes les autres le côté intellectuel. C'est
non seulement le récit de leur « iter italicum » mais leur
préoccupation constante à défendre l'honneur de la congréga-
tion bénédictine, attaqué surtout par les Jésuites, qui fait le
fonds de ces lettres. Toutefois le voile monastique nous est
assez levé pour comprendre que ces religieux sont de cette race
de moines forte et nombreuse dont parle saint Benoît au cha-
pitre second de sa règle. Ces quelques lignes suffisent pour
présenter la correspondance presque toute inédite de ces deux
célèbres membres de l'Académie des inscriptions.
Nous avons réservé les notes pour notre édition, sans vou-
loir retarder davantage la transcription des lettres suivantes.
1699 23 juin.
1700 19 et 27 avril, 2 mai ; 8 et 22 juin, 7 et 20 juillet ;
10 (deux lettres), 17, 31 août; 14 septembre;
30 novembre; 28 décembre.
1701 4 et II janvier.
460 A. J. CORBIERRE
— I —
Fr. 17680, f. 271. D. Montfaucon à D. Mabillon.
P. C. + à Rome ce 23 juin 1699
Mon Révérend Père,
Il semble que notre départ de Rome n'ait été différé de
quelques jours que pour assister à la mort du R. P. D. Claude
Estrennot qui est allé à Dieu le 20 de ce mois à cinq heures après
midi; une attaque d'apoplexie l'a emporté en 34 heures, il tomba
d'abord en syncope et perdit la connaissance qui lui revint peu de
temps après, il la conserva depuis jusques à son dernier soupir.
Nous avons été extrêmement touchés de cette mort et la congré-
gation a fait une perte qu'elle aura bien de la peine à réparer, on
l'a fort regretté à Rome, son humeur bienfaisante, sa droiture, sa
capacité et son attache pour la religion luy avoient attiré l'amour
et l'estime de tout le monde. Il a paru fort résigné à la mort, sa
faiblesse extrême et le mal qu'il souffrait ne luy ont rien ôté de sa
tranquillité ordinaire. Il est certain que l'écrit de l'Abbé Allemand
a paru icy en latin, il n'en est venu qu'un exemplaire à Rome, qui
a été envoyé au Pape qui l'a donné à lire a son Eminence
Casanatta et à plusieurs autres Cardinaux. C'est par une grâce
particulière que le P. Maître du sacré Palais a examiné lui-même
la réponse latine et qu'il a donné permission de l'imprimer à Rome,
on n'en donne jamais icy pour ces sortes de livres. Les ont
été fort mortifiés de voir que sous les yeux du Pape et du Sacré
Collège, on imprime un ouvrage qui traite le jansénisme de phantome
et de chimère. Ils ont pris le party de dire que ce libelle ne vient
pas de leur corps et que si c'est quelqu'un des leurs qui l'a fait ils
le désavouent. Il est bon que vous sachiez que le P. du Bue Thé-
atin est un de ceux qui ont le plus déclamé contre notre Édition de
Saint- Augusiin, il étoit piqué contre le P. Estiennot parce quepren-
nant la liberté de venir manger souvent « a casa » sans être invité,
il luy avoit battu un peu froid, vous connoissez le caractère de ce
religieux, on le connoit aussi à Rome, tout ce qu'il a peu faire ne
nous a pas beaucoup nui ; on examine au Saint-Office la lettre de
l'Abbé Allemand. Le premier examinateur a qui on l'a donnée est
un homme fort intègre, amateur de la vérité et qui nous fera jus-
tice. Les autres feront de même, ils ne sont pas encore nommez
que je sache, on parle de deux qui sont fort gens de bien et enne-
mys des perturbateurs du repos public. Je ne doute pas que ce ne
MABILLON ET MONTFAUCON 461
soient ceux-là. Le P. Etiennot jugea à propos de faire imprimer
l'écrit latin, une réponse manuscrite auroit coûté quatre fois plus
si on en avoit fait copier beaucoup d'exemplaires. Les bons
copistes sont fort chers icy ; il y auroit encore eu danger qu'elle
n'eut été altérées par nos adversaires qui sont fort capables défaire
ces sortes de tours-là ; d'ailleurs l'approbation du Maître du Sacré
Palais est d'un grand poids. M. le Gard. Casanata a qui je parlay
mercredi passé de la thèse de Caen me dit qu'il seroit fort à
propos d'en faire venir des exemplaires à Rome pour les dénoncer
au Saint-Office, que cette multitude d'écrits imprimez et dénoncez
au Saint-Office feroient voir la grande envie que ces gens-là ont
de susciter de nouveaux troubles et de réveiller les anciennes
querelles. Si vous en pouvez trouver quelqu'une je vous prie de
nous l'envoyer pour la donner à cette Eminence, cela fera un
fort bon effet ; je vis il y a quelques jours le Gard. Goloredo qui me
chargea de vous saluer de sa part. Il ne parle plus en faveur de
nos éditions. Je le mis là-dessus tout exprez pour savoir ses senti-
mens, je n'en peu tirer une parole. Il me revient de bonne part
que c'est le plus zélé partisan des ... qui soient dans le sacré
Gollège. J'ai creu vous devoir écrire cecy afin que vous voyiés
quelles mesures il y a à garder avec luy. Nous nous portons assez
bien icy. D. Guillaume et D. Pau vous saluent très humble-
ment. Je suis avec respect.
Mon Révérend Père.
Votre très humble et très affectionné Confrère,
fr. Bernard de Montfaucon m. b.
Vous scavez sans doute que le problème contre M. l'Arch. de
Paris est aussi dénoncé au Saint-Office.
Fr. 17680, f. 272. D. Montfaucon à D. Mabillou.
P. G. -j- à Rome ce 19 avril 1700
Mon Révérend Père
Vous scavez sans doute que je suis retourné à Rome par ordre
du R'' Père Général. J'ay resté cinq semaines à Florence occupé
tous les jours à transcrire des manuscrits depuis treize heures du
matin jusques à 23 heures du soir. Je n'ay point manqué de faire
vos baisemains au grand prince qui m'a témoigné avoir une
estime singulière pour Votre Révérence, à M. Maghabecchi, à
462 A. J. CORBIERRE
M. Salvini et à tous les autres que V. R. marquait dans sa lettre.
Je n'ay veu M. le Baron de Ricasoli qu'un moment je luy rendis
la lettre de V. R. et celle de M. l'Abbé Renaudot, il est venu plu-
sieurs fois à l'Abbaye pour me voir et m'ofFrir son carrosse quand
j'en aurois besoin mais il ne me trouva jamais a case. M. Magha-
becchi m'a rendu tous les services possibles, je crois qu'à mon
départ vous m'avez fait la grâce de me donner une lettre pour luy
mais je ne l'ay jamais peu trouver. M. Salvini fort habile dans la
langue grecque ne m'a presque jamais quitté. Il restoit tous les
jours avec moy à la Bibliothèque ou l'on nous envoyait à manger
de l'Abbaye, nous nous dictions alternativement. On ne peut rien
ajouter à la bonté que le R'^ P. Abbé et nos confrères de l'Abbaye
ont eu pour moy. Les P. Camaldules nous firent un festin magni-
fique. M. Magliabecchi s'y trouva avec son équipage de philo-
sophe. On remarqua pourtant qu'il avait pris un collet blanc ce
jour là et des manchettes neuves au travers desquelles ! on voyait
son bras tout nud car il n'avait point de chemise. J'avais dessein
d'aller à Camaldoli et à Vallombreuse mais il a fait si grand froid
tout le tems que j'ay resté à Florence que les chemins étaient
impraticables. Retournant à Rome j'ay trouvé les eaux glacées à
Aquapendente comme en plein hy ver, ce qui est assez extraordinaire
en Italie hors de la montagne, où l'on ne voit guère de glace au mois
d'Avril. Le mauvais tems empescha encore que nous n'allassions
M. Maghabecchi et moi a Fiesole ou il voulait venir pour la seconde
fois. Tout cela est réservé pour le retour, si toutefois il m'est per-
mis de retourner en France. Il semble que la Providence m'ait
barré les chemins. J'avais pris en partant une lettre de recomman-
dation pour le Prieur de Lerins. C'était le Procureur général qui
écrivait ainsi je ne doutais point qu'ils ne me laissassent copier la
lettre que V. R. demandoit. M. de Lamoignon m'a chargé deux
fois de vous présenter ses respects. Je salue D. Thierry et suis
avec toute l'estime et la reconnaissance possible
Mon Révérend Père
Votre très humble et très obéissant serviteur
f. B. de Montfaucon, m. b.
M. Mignatteli chanoine de Sienne me chargea, lorsque je passaylà
de vous faire ses baisemains.
MABILLON ET MONTFAUCON 463
— 3 -
Fr. 17680, p. 273. D. Montfaucon à D. Mabillon.
P. C. -\- à Rome ce 27 avril 1700
Mon Révérend Père
Je vous donne avis qu'on imprime icy avec l'approbation du
Maître du Sacré Palais et de M. Pastrizzi une réponse à votre
lettre, de cultu Sandonim ignotoriim en ayant été informé de bonne
part i'allay avec D. Guillaume voir le Maître du Sacré Palais et ne
l'ayant point trouvé chez luy nous parlâmes à son compagnon et luy
dîmes de prier le P. Maître de notre part de surseoir l'impression
de ce livre jusques a ce qu'on luy eût parlé. De là nous allâmes
voir le P. Général de la Minerve et le P, massoulié qui a beaucoup
de pouvoir sur l'esprit du P. Maître du Sacré Palais. Le P.
Général nous dit qu'il croyoit que le Maître du Sacré Palais faisoit
fort mal de donner une telle permission, que pour luy il étoit entiè-
rement de votre opinion touchant le culte des Reliques et que tout
ce qu'on pourroit dire contre votre écrit ne serviroit que pour don-
ner prise aux hérétiques sur la cour de Rome et qu'il en parleroit
fortement au P. Maître du Sacré Palais. Le P. Massoulié me parut
un peu prévenu contre votre lettre. Il me dit qu'il n'étoit point du
tout de votre sentiment et qu'on pouvoit fort bien répondre à
votre lettre. Je le priay de me dire ce qu'il y avoit dans votre lettre
qui lui faisoit de la peine. Il me dit que vous rendiez incertaines
la plus part des reliques de Rome en disant que le pro christo qu'on
trouve en plusieurs tombeaux n'étoit pas une marque certaine de
martyre ; je lui répondis que le monogramme ^ ne vouloit pas
dire pro Cbrislo mais que c'étoit deux lettres grecques y et p
qu'on entrelaçoit ensemble pour signifier simplement y.p'tiTo; à la
manière des grecs, que ce monogramme se trouvoit en divers
endroits d'Italie sur des tombeaux dont l'inscription faisoit foy
que ceux qui étaient enterrez là n'étoient ny saints ny martirs, que
j'en avois veu de cette sorte. Il ne sceut que dire à cela et me
promit de parler au maître du Sacré Palais pour empêscher l'im-
pression du livre. Le Maître du Sacré Palais répondit au P. Général
et au P. Massoulié qui lui parlèrent le même jour qu'il y avoit
déjà quelque tems qu'on méditoit en cette cour de foire faire une
réponse à votre lettre qu'on en avoit chargé le chanoine Fabretti
lequel étant mort, un autreavoit pris sa place et qu'ainsi il ne pou-
voit empêscher l'impression de cet écrit, qu'il avoit ôté tous les
464 A. J. CORBIERRE
termes durs que l'autheur avoit mis et l'avoit obligé de parler avec
grande modération. M. Pastrizzi a donné à ce qu'on m'a dit une
approbation d'une page. Cette approbation ne donnera pas grand
crédit à l'ouvrage car il passe à Rome pour un homme qui scait
beaucoup à la vérité, mais qui a des idées fort confuses et très
mauvais goût. L'autheur de cette réponse est un certain M. Plu-
vier qui étant sorty de l'Oratoire cherche fortune. Comme on ne
le croit pas capable de cela, son estime qu'il aura prêté son nom
a quelque j ; en effet on le voit aller et venir chez eux et appa-
ramment il n'a consenti que Touvrage se fasse en son nom dans
l'espérance de trouver quelque établissement parleur moyen, car
il est à la rue. Dez que l'ouvrage paroitra nous vous l'enverrons
par la poste. Voilà ce que j'ay à vous mander pour le présent.
Je suis avec toute l'estime possible.
Mon Révérend Père,
Votre très humble et très affectionné confrère
fr. Bernard de Montfaucon, mb.
1700, 2 May.
D. Mabillon à Dom Montfiiucon,
D'après la lettre suivante du 22 juin 1700.
— 5 —
Fr. 17701, fol. 104. D Montfaucon à D. Mabillon.
-|- à Rome ce 8 juin 1700.
P. C.
Mon Révérend Père
Le décret contre l'abbé Allemand et les autres libelles vient
d'être publié, nous en envoyons des exemplaires par cet ordinaire. Je
ne scay si sur la lettre que j'écrivis il y a trois semmaines au très
Révérend Père General, où je lui apprenois que les libelles étoient
condamnez et le priois de faire changer la disposition de la dicte,
supposé qu'on m'eut nommé Procureur Général, il n'aura pas fait
élire un autre en ma place, cet employ dérangera beaucoup mes
études, on perd beaucoup de tems en visites, actives et pas-
sives.
M. Pluvier fait grand bruit avec son livre, il dit partout qu'il
est universellement estimé. Cependant il n'y a guères que luy qui
en parle en ces termes, il se peut pourtant faire qu'il trouve des
MABILLON ET MONTFAUCON 465
approbateurs. Je crois que vous y devez répondre en adoucissant
les choses autant qu'il se pourra sans changer de sentiment. Il y
a bien des gens dans cette cour à qui votre lettre a dépieu il est
difficile de les guérir de la prévention où ils sont touchant leurs
reliques ; je dis à ceux qui m'en parlent que la congrégation faisant
actuellement des recherches pour s'assurer des véritables reliques,
et n'en point donner de fausses, elle ne doit pas trouver mauvais
qu'une personne expérimentée en ces choses dise son sentiment
d'une manière aussi modeste que vous l'avez fait. Il y a bien des
Italiens que l'air de ce pays n'a pas gatéz, qui sont de votre sen-
timent ; j'ay creu vous devoir dire tout cecy afin que vous en fassiez
l'usage que vous jugerez à propos. La maladie du Cardinal de Noris
m'a empêsché de le voir pour scavoir certainement où s'est trouvé
l'inscription dans les catacombes qui commence par Dis manibus
tout au long.
J'auray soin d'acheter pour M. Bulteau tous les livres qu'il
demande pour M. le Marquis du Refuge. Ce sont des livres pour
la pluspart que l'on ne trouve plus que par rencontre, ainsi il faut
qu'il se donne un peu de patience, je crois que vous aurez receu
l'histoire de Padolirone, D. Guillaume l'a envoyée pendant mon
absence et le ballot est arrivé à Paris. Je suis avec respect
Mon Révérend Père,
Votre très humble et très affectionné confrère,
fr. Bernard de Montfaucon. m. b.
P. S. de D. Guillaume,
au R. P. Jean Mabillon à Saint-Germain des Prez à Paris,
(f Sigillum procuratoris cong. S. Mauri in curia romana » le
sceau représentes. Benoit : « S. Benedictus » est écrit devant lui.
— 6 —
Fr. 16680, fol. 174. D. Montfaucon à D. Mabillon.
-f- à Rome ce 22 juin 1700
Mon Révérend Père
J'ai receu votre lettre du 2 May avec une incluse pour le
P. Alexandre a Perugia que j'ai envoj'ée en droiture. Avant que
cette lettre cy n'arrive à Paris vous aurez appris que Mgr. l'Arche-
vêque de Paris fut hier nommé Cardinal avec l'évéque de Passau
pour l'Empire et Borgia pour l'Espagne. Nous en fîmes des réjouis-
sances, la nuit passée notre petite maison étoit pleine d'illumina-
Mélanges. II. 30
466 A. J. CORBIERRE
tions. Le Pape a pour ce prélat une estime singulière. Nous aurons
apparamment l'avantage de le voir ici l'automne prochain, bien des
gens le souhaitent fort. M. Pluvier qui a écrit contre votre lettre
de cullu sanciorum ignotorutn, dit qu'il veut faire une apologie du
bréviaire Romain et faire voir la vérité de l'histoire du batème de
Constantin, des vies de saint Eustache, de sainte Catherine d'Alexan-
drie &c. Il me semble qu'il est fort méprisé ici et n'étoit qu'il y
aura peut-être quelque chose à craindre du côté de l'Indice, je
serois d'avis que vous laissassiez tomber ce petit méchant livre
quoiqu'il y ait bien des gens en cette cour qui sont de même sen-
timent que vous touchant les reliques des catacombes ; ils im-
prouvent pourtant que vous les ayiez troublés dans la distribu-
tion de leurs reliques qui attirent tant de gens à Rome, je cherche
toujours les livres que M. Bulteau demande, il sera difficile de les
trouver. Je suis avec respect
Mon Révérend Père,
Votre très humble et très affectionné confrère
fr. Bernard de Montfaucon m. b.
P. S. de D. Guillaume,
au Révérend Père Jean Mabillon à Saint-Germain des Prez
à Paris (ntéme sceau).
Fr. 17701, f. 106. D. Montfaucon à D. Mabillon.
-f à Rome ce 7 juillet 1700
Mon Révérend Père
J'ai receu votre lettre écrite delà main de D. Thierry; j'y ay
appris avec bien du déplaisir que vous avez eu quelque accez de
fièvre, je souhaite que cela n'ait point de suite, votre lettre me donne
lieu de l'espérer. Nous aurons l'ordinaire prochain des nouvelles du
décret du Saint-Office contre les libelles de l'abbè Allemand et de
toute la suite. Je ne doute pas que Votre R'^'^ et tous les gens de
bien n'en ayent eu bien du plaisir. Les Pères disent que ces
libelles ne viennent pas de leur corps et qu'ils n'y ont aucune
part. On n'a point encore veu dans ce pnys-ci la lettre imprimée
des M'''^^ jes Missions étrangères touchant Tafiairc de la Chine, je
l'ai leue manuscrite, elle est très forte et parfaitement bien écrite,
j'ai encore leu en manuscritla lettre de M. Brisacier où il révoque
l'approbation donnée au livre du F. Tellier. Ce sont de terribles
MABILLON ET MONTFAUCON 467
coups pour les bons pures. Nous avons envoyé à Votre R^"" dans le
dernier ballot que le P. Doé a receu le livre d'Inscriptions de
M. Fabretti, il faut le luy demander, je luy mande de vous le
remettre ; nous avons aussi envoyé cy-devant pour Votre R'^'^ l'his-
toire de Padolirone, je ne scay dans quel ballot elle doit être
arrivée. Le P. Doé ou le P. Beaugendre vous en donneront des
nouvelles ; nous avons aussi envoyé deux autres exemplaires de la
même histoire, l'un pour M. Baluze, l'autre pour M. l'Abbé de
Longuerue, mais ceux-cy sont en blanc et celuy que nous avons
envoyé pour vous étoit relié.
J'eux avant-hier audiance d'une grosse heure du Cardinal
Ferrari, Il est très bien intentionné pour la Congrégation. Il attend
avec impatience le dernier volume de saint Augustin. M. Notre,
ambassadeur fit avant-hier au soir sa comparsa en termes de ce
pays cy, elle etoit des plus magnifiques qu'on ait jamais veu à
Rome.
Je salue très aftectueusement D. Thierry, et suis avec respect
Mon Révérend Père
Votre très humble et affectionné confrère
D. Bernard de Montfaucon.
Je ne scay rien de M. Pluvier, sinon que son livre est fort
méprisé des gens d'esprit, tout le monde dit ici qu"il ne faut
point répondre à son livre.
P. S. de D. Guillaume,
Au Réved. Père Jean Mabillon à Paris
(même cachet)
— 8 -
1700. 20 Juillet, Rome.
D. Montfaucon à D. Mabillon.
N'ayant pu retrouver cette lettre de la collection Laperlier vendue
le 16 mai 1908, je reproduis le catalogue : «Belle lettre où il le
dissuade de répondre aux histoires de M. Pluvier concernant le
baptême de Constantin, saint Eustache et sainte Catherine
d'Alexandrie. Il lui demande aussi de proposer un sujet destiné à
remplacer M. du Bois auprès du Cardinal d'Estrées. « Le poste qui
est de soy fort honorable est encore meilleur chez S. E. d'Estrées
qui est un seigneur fort généreux et bienfaisant. »
468 A. J. CORBIERRE
— 9 —
Fr. 17680, f. 275. — Fr. 19658, f. 243. D. Monfaucou à D. Mabillon.
P. C. + à Rome ce 10 août 1700
Mon Révérend Père
Je crois plus que jamais que V. R. ne doit point répondre au
livre de M. Pluvier. Il est si méprisé icy qu'il fait grand tort à son
auteur. Il n'y a pas jusqu'à M. Pluvier luy même qui ne témoigne
en être dégoûté. Il se plaint qu'il ne peut se rembourser des frais
qu'il a fait pour l'impression. Il eut dernièrement l'imprudence de
dire eu bonne compagnie qu'il étoit du même sentiment que vous
touchant les reliques des Catacombes, mais que certains intérêts
l'avoient porté à faire ce livre ; c'est un esprit inquiet qui cherche
fortune, ce ne sera pas son livre qui la lui fera trouver; je ne crois
point que la lettre de cultu sanctorum soit dénoncée ny qu'on
pense à la dénoncer ; depuis un certain temps on est plus circons-
pect ici et on ne met pas si facilement les livres à l'index.
Je présenteray mes respects aux Eminences que vous me mar-
quez la première fois que je les verray ; je n'ay jamais été voir le
Cardinal Phamphile.
Je n'ay aucun papier à M. de Cocherel. Il est vray qu'il me prêta
une fois la description d'un ancien tombeau trouvé auprès de son
pays que je lui rendis peu après, apparamment ce n'est pas cela
que l'on cherche. Le bon homme m'ècrivoit assez souvent et il
n'auroit pas manqué de me redemander son papier dont je n'avois
point à faire en ce pays cy.
Le Pape se porte mieux, il est arrivé deux courriers extraordi-
naires qui avaient été dépéchés pour l'afLiire du Card. de Bouillon
On ne scait pas ce qu'ils apportent, on soupçonne seulement que
ce n'est rien de bon pour cette Eminence.
On attend de jour en jour le P. le Comte, les Jésuites publient
qu'il a obtenu son congé du Roy et qu'il gardera toujours sa qua-
lité de confesseur de Madame la Duchesse de Bourgogne et sa pen-
sion ordinaire. Je suis avec toute l'estime possible
Mon Révérend père,
Votre très humble et très affectionné serviteur
fr. Bernard de Montfaucon. M. b.
D. Guillaume vous salue très humblement.
+ au Rév^' Père Jean Mabillon â Saint-Germain des Prez, à Paris.
Même cachet.
MABILLON ET MONTFAUCON 469
— 10 —
1700, 10 août.
D. Mabillon à D. Montfaucon.
D'après la lettre du 31 août 1700, f. 17701, p. 109.
— II —
Fr. 17701, f. 108. D. Monfaucon à D. Mabillon.
P. C. + à Rome ce 17 août 1700
Mon Révérend Père
D. Guillelmo Leslé vieux ecclésiastique Ecossais que V. R. a veu
à Rome et dont elle fait mention dans son Iter m'a prie de vous
remercier de sa part des amitiés que vous avez faites à un Ecossais
de ses amis, vous scaurez bien qui c'est. Je suis bien aise que vous
aye? enfin receu les livres, j'avois envoyé encore une histoire de
Padolirone pour M. Baluze, et une autre pour M. l'Abbé de Lon-
guerue qui ne se trouve point . 11 en sera peut être arrive comme
de vos livres. A cette heure même arrive fr. J. Moreau, il viendra
loger céans vendredy et nous le ferons partir le plutôt qu'il se
pourra. Ce bon religieux pèche plus par simplicité que par
malice. Le P. le Comte est arrivé ici. Les font courir le bruit
qu'il a eu peine d'en obtenir la permission du Roy et que S. M.
lui donne deux cents écus de pension.
Le Pape est mal, on ne croid pas qu'il en relève. Il y a lé jours
qu'il a la fièvre et ledevoyement, c'est merveille qu'un vieillard de
86 ans puisse résister à une si longue maladie. Q.uelqu'efFort
qu'on ait fait ici jusqu'à présent pour l'obliger à faire une promo-
tion on n'a jamais peu l'y résoudre. Il y en a qui croyent qu'il la
fera avant de mourir. Je ne manqueray pas de faire vos compli-
ments à ceux que vous marquez. Je suis avec respect
Mon Révérend Père
Votre très humble et très affectionné confrère
fr. Bernard de Montfaucon m. b.
Voilà une lettre que D. Guillaume Leslé envoyé à M. Adamson
Ecossais .
au R^ P. Jean Mabillon en l'abbaye de
Saint-Germain des Prez à Paris. Même sceau.
470 A. J. CORBIERRE
12
Fr. 17701, f. 109. D. Montfaucouà D. Mabillon.
P. C. + à Rome ce 31 août 1700
Mon Révérend Père
J'ay leu à M. le Gard. d'Estrées votre lettre du 10 d'Août il
vous est fort obligé des diligences que vous faites pour luy trou-
ver un théologien. Je luy representay les difficultés qu'il y a d'en
trouver qui soient propres pour luy et qui ne soient point placés.
Il médit que si on ne pouvoit point trouver un homme formé qui
eut tout l'acquit nécessaire, il se contenteroit d'un ecclésiastique
qui sceut déjà quelque chose qui eut bon sens et des dispositions
pour se rendre capable. Il vous prie de luy continuer vos soins
conjointement avec D. Claude Guenier. Il vint chez nous ven-
dredy passé et y resta une heure et demy, et le lendemain il y
passa toute la journée et nous traita à dîner avee le P. François
Latenay assistant des Garnies. Nous passâmes ensemble tout le
jour à examiner les statuts qu'il a dressez pour son abbaye de
Saint-Glaude. Le livre de M. Pluvier est tout à fait tombé icy,
on n'en parle plus et on n'y pense plus.
Je suis tâché que le P. Martianay s'attire tant d'ennemys et sur-
tout qu'il ait déclaré la guerre au P. Sequien qui est un des meil-
leurs et des plus honnêtes religieux de France, mais on connoit
le naturel de ce père, il ne faut pas espérer qu'il change.
Le Pape est tantôt mieux, tantôt plus mal, son flux de ventre
avoit cessé depuis mercredy passé, il l'a repris, dit-on, cette nuit,
ce sera merveille s'il en relève. Je fais mes complimens à
D. Thierry. Nous avons reçeu et distribué les livres de D. Edmond
Materne, de Rilihus Eccl. ; vous nous obligerez de nous envoyer
encore des exemplaires de ses anecdotes. Je suis avec respect
Mon Révérend Père
Votre très humble et très affectionné confrère
fr. Bernard de Montfaucon.
fr. Guillaume vous présente ses très humbles respects.
Au Révérend Père J. Mabillon à Saint-Germain des Prez.
(Même cachet.)
MABILLON ET MONTFAUCON 47 1
— 13 —
Fr. 19655, f. 222 bis. D. Montfaucon à D. J. Mabillon.
P. C. -)- à Rome ce 14 septembre 1700
Mon Révérend Père
J'ay recours à V. R'=« pour la prier instamment de faire copier
par quelqu'un de nos confrères qui le puisse bien faire la vie de
saint Cassien qui est dans nos manuscris, citée par Dom. Thierry
Ruynard dans son Saint-Grégoire de Tours, col. 95e. C'est M.
l'Assesseur du Saint-Office qui la demande même avec empresse-
ment. Ce Prélat qui est fort recommandable par sa dignité et par
son mérite et qui sera infailliblement Cardinal, nous a si bien servi
dans l'affaire de l'Abbé Allemand que nous sommes obligés de lui
donner cette satisfaction par un motif de reconnoissance. La
note de D. Thierry p. 95e, commence ainsi : Habemus in vetus-
tis mss. codd. vitamS. Cassiani soluta et stricta oratione descrip-
tarn &c. C'est cette vie que demande l'assesseur, tant celle en vers
que celle en prose. Il souhaite aussi qu'on lui envoyé la vie de
saint Cassien martyr différent de l'autre si elle se trouve dans nos
manuscrits. Il voudroit bien qu'on nous envoyât ces vies feuille à
feuille par les ordinaires, ce qui est fort facile et de peu de frais,
je supplie Votre R'^'-' de faire faire diligence pour donner à ce
prélat toute la satisfaction possible. Je suis avec respect
Votre très humble et très obéissant serviteur et confrère,
fr, Bernard de Montfaucon, mb.
Au R'^ Père Jean Mabillon à Paris. Même sceau.
— 14 —
Fr. 17701, f. 112. D. Montfaucon à D. Mabillon.
-\- à Rome ce 30 novembre 1700
Mon Révérend Père
M. l'assesseur a reçu à présenties deux vies de saint Cassien, en
vers et en prose ; il en a témoigné bien de la reconnaissance ; j'ac-
tends votre réponse touchant les autres mémoires que M. l'Asse-
seur demande, je cherche aussi de mon côté et j'ay écrit au R. P.
prieur d'Autun d'où saint Cassien a été êvêque pour luy demander
des notices. J'ai rendu vos lettres à M<=^^. les Abbés de Louvois et
Renaudot qui nous témoignent toujours de l'amitié à leur ordinaire.
j'ay aussi fait vos baisemains aux autres MM. les Abbés de votre
472 A. J. CORBIERRE
connaissance. Je crois que le R. P. Général vous priera de prendre
soin de l'impression du livre de saint Bernard deconsideiatione pour
notre S. Pèrele Pape et d'en faire l'épître dédicatoire a Sa Sainteté.
C'est un grand amy du Pape qui est aussi le mien qui nous donne
cet avis après avoir parlé à Sa S. Le plus grand mérite de l'ou-
vrage consistera dans la p'romtitude, on demande un caractère un
peu gros, le gros Romain suffira, de peur que si on le mettoit
d'un caractère plus haut, le volume ne fût moins portatif ; il faudra
le mettre en petit in-octave afin que Sa Sainteté le puisse porter
dans sa poche, et le donner à M. l'Arch de Rheims pour nous l'en-
voyer par la poste. On fit l'adoration du Pape mardy passé, on l'a
consacré aujourd'huy, on le couronnera à Saint-Jean de Latran
dimanche ou le jour de la conception.
Dom. Thierry trouvera icy mes baisemains, il me pardonnera
si je ne luy écris point, je le remercie de ses soins pour M. l'As-
sesseur. Il y a près de douze heures que j'écris avec peu d'inter-
ruption, et il me reste encore bien des lettres à faire. Je suis avec
respect
Mon Révérend Père
Votre très humble et très affectionné confrère
fr. Bernard, de Montfaucon, mb.
M. Neocomis m'aurait épargné plusieurs courses au Vatican, s'il
m'avait envoyé les endroits où les passages à conférer se trouvent,
cela étoit facile dans un lexicon ; j'ai plus de peine à trouver les
éditions que les manuscrits, il n'a fait autre que marquer les
pages d'une édition que je ne scay si je trouveray.
— 15 —
Fr. 17701, f. 113.
D. Montfaucon au Révérend Père D. J. Mabillon,
P. C. + à Rome ce 28 décembre 1700
Mon Révérend Père
On ne peut mieux s'y prendre que fait notre S. P. le Pape
Si la suite répond a ces beaux commencemens, ce sera un des
plus saints Papes que nous ayons eu depuis longtemps. Il ne fait
aucun bien à ses parenset ne veut pas qu'ils changent le moins du
monde de condition ; comme il a beaucoup d'esprit, je ne doute
pas qu'il ne se soutienne dans ses bons sentimens. Certaines gens
MABILLON ET MONTFAUCON 473
ont chanté le triomphe, publiant par tout qu'il étoit tout à eux et
qu'il feroit tout ce qu'ils voudroient, mais nous venons de voir
une preuve du contraire par la publication d'une feuille de l'In-
dex qui étoient arrêtée depuis long temps par leurs machines
souterraines à cause que la défense des nouveaux missionnaires du
P. leTellieret Daniel Papebrok se trouve parmy les livres défendus ;
on n'a jamais peu gagner sur le Pape défunt qu'elle fût mise au jour
et celui-cy la fait publier dés son avènement. Il en pourroit bien
arriver de même pour l'affaire de la Chine. J'ay entièrement gagné
M. le Cardinal de Noailles pour mon retour, je serais même parti
dans le cœur de l'hyver, si je n'avois craint pour mes manuscris,
une autre raison plus forte m'a fait encore différer mon départ
jusques au mois de mars, c'est que j'ay commencé quelque chose que
je ne puis finir qu'ici et il me faut encore deux mois pour l'ache-
ver. Bien des gens m'exhortent de rester à Rome, mais gens sans
authorité, M. l'Archer de Paris est convaincu qu'il faut que je
m'en aille. Nous attendons avec impatience l'édition in-8° des
livres de saint Bernard de coiisidemtio}ie ad Eiigcninm, j'espère que
vous nous l'envoirez, dès qu'il sera imprimé M. l'Arch. de Reims
le mettra volontiers dans le paquet qui viendra par la poste. Il
n'est pas nécessaire de le relier à Paris, nous avons icy un bon
relieur français, et les feuilles se reposeront par le chemin et ne
maculeront point quand on les battra. J'ai leu votre lettre sur
la S'^ Larme et l'insolente réponse de M. Thiers, on ne peut
rien voir de plus outré ny de plus injurieux. Bien que je croye
qu'on peut raisonnablement douter de la vérité de la S. Larme
de Vendôme, il me semble que M. Thiers a tort de prétendre
qu'elle n'est point venue de Grèce, mais je ne sçay si en prouvant
que les Grecs nous l'ont donné, nous levons toute sorte de doute.
J'ay fait une partie de vos baisemains, je feray le reste. Le courrier
est arrivé si tard que je n'ay peu tout faire et rendre vos lettres. Je
souhaite à V. R. une heureuse année, et à D. Thierry et
D. Eustache et suis avec respect
Mon Révérend Père
Votre très humble et très affectionné confrère
fr. Bernard de Montfaucon, m. b.
au Révérend Père Jean Mabillon, relig'' de Saint-Germain des
Prez à Paris.
474 A. J. CORBIERRE
— lé —
Fr. 17680, f. 277. D. Montfaucon il D. Mabillon.
-+ à Rome ce 4 janvier 1701
Mon Révérend Père
Les statuts de l'Abbaye de Saint-Claude sont finis et signez de
M. le Cardinal, on y a donné au Prieur toute l'autorité qu'il peut
souhaiter. Comme la vie des religieux de ce monastère telle qu'elle
est portée par les statuts mêmes est extrêmement large, il a mis sur
certains articles et en particulier sur la propriété qu'il ne les
approuvoit pas mais qu'il les toléroit seulement. On auroit sou-
haité d'y rétablir entièrement la discipline régulière, mais vous
savez mieux que moy la difficulté qu'il y a de réduire un nombre
de religieux de tout âge à un genre de vie tout à fait nouveau. Je
connais particulièrement M. d'Angeville, c'est un parfait honnête
homme, je le plains beaucoup quoique la vie qu'on établit dans
les statuts soit la plus mitigée qu'on voye dans l'église de Dieu, je
prévois que des Religieux aussi peu réglez que ceux de Saint-
Claude, auront bien de la peine à s'y soumettre.
M. Pouderouxabbé de Saint-Martin de Canigou veut aussi mettre
la réforme dans son monastère ; il m'écrivit il n'y a pas long-tems
pour cela et me disoit que chacun de ses religieux avoit sa ser-
vante, ce qui disoit-il est défendu par la règle de saint Benoit, je
ne crois pas que saint Benoît se soit jamais avisé de défendre à ses
religieux d'avoir des servantes. J'espère d'avoir l'honneur de vous
embrasser au printems, je partiray au commencement de mars pour
le plus tard, M. le Cardinal de Noailles est party ce matin, S. E.
d'Estrées partira après-demain pour aller négocier auprès des princes
d'Italie, il commencera par la République de Venise ; après qu'il
aura fait sa tournée, il reviendra à Rome où il restera un mois et
ensuite il s'en retournera à Paris. Le Cardinal de Coislin avec M .
Fromentin, son grand vicaire, partiront au mois prochain. L'abbé
Renaudot reste à Rome encore quelque tems. Le Pape luy a fait
beaucoup d'honnêtetés, il veut travailler, dit-il, sur les manuscrits ;
je doute qu'il puisse s'assujettir à un travail assidu tel qu'il le faut
pour les ouvrages qu'il médite, il s'est acquis beaucoup de répu-
tation en cette cour et M. Fromentin aussi. Je suis avec respect
^ Mon Révérend Père
Votre très humble et affectionné serviteur
fr. Bernard de Montfaucon, m. b.
MABILLON ET MONTFAUCON 475
Mes baisemains à D, Thierry et D. Eustache.
au R. P. Jean Mabillon à Sains-Germain des Prez.
(Même cachet)
— 17 —
Fol. 17701, f.114. D. Montfaucon à D. Mabillon.
P. C. + à Rome ce 11 janvier 1701
Mon Révérend Père
Nous attendons avec impatience la nouvelle édition des livres
di'CoHs'uîeralioiie ad Eugcinum. Nous la présenterons à sa Sainteté
nous luy présentâmes vendredi passé S' Athanase, on ne peut
être plus porté pour la congrégation qu'il nous témoigna l'être.
Il me dit plusieurs fois que je visse en quoy il pourroit la favoriser
et comme l'heure de dîner étoit passée et que le P. du Bue avec
un autre se trouvèrent presens, il me renvoya à une ou il veut me
parler des moyens de rétablir l'imprimerie et les belles lettres à
Rome. Il témoigne avoir cela fort à cœur, M. le Gard, de
Noailles partit d'icymardy passé. Il y a laissé l'Abbé Renandot qui
veut voir Rome à loisir, en compagnie de M. l'Abbé de Louvois,
je seray de la partie après quoy au premier beau tems, je me
mettray en chemin. M. le Gardinal d'Estrées partit vendredy passé
pour Venise où il va négocier et de là dans les autres cours des
Princes d'Italie. Je ne doute pas que Sa Sainteté ne reçoive les
livres de consideratione avec plaisir, il en fait sa lecture ordinaire.
Je crois que l'affaire de la Ghine va recommencer dans peu de
jours. Les Pères verront alors si le Pape est à leur mode. Ils en ont
déjà quelques preuves par la publication de la feuille de l'Indice.
Je suis avec respect
Mon Révérend Père
Votre très humble et très affectionné confrère,
fr. Bernard de Montfaucon mb.
au R. P. Jean Mabillon à Saint-Germain des Prez, à Paris.
(Même sceau.)
En réalité, il n'y a pas que la mention des lettres de Dom Mabil-
lon; nous finissons en espérant que cet article les fera découvrir
et imprimer ou au moins signaler. Nous n'admettrons jamais que
Dom de Montfaucon ne les ait pas gardées précieusement, vu
qu'il y a une numération qui le prouve dans les volumes conser-
vés à la Bibliothèque nationale de Paris.
A. J. GORBIERKE.
RABELAIS ET CORNELIUS AGRIPPA
Les commentateurs de Rabelais se sont accordés pour iden-
tifier le personnage appelé Her Trippa qui, au chapitre XXV
du Tiers Livre, nous est présenté comme prédisant toutes
choses futures « par art d'astrologie, geomantie, chiromantie,
metopomantie et aultres de pareille farine », avec Henri Cor-
nélius Agrippa de Nettesheim, médecin originaire de Cologne,
l'auteur bien connu du De incertitudine et vanitate Scientiariim
et Artiiun. Toutefois, on n'a peut-être pas essayé de justifier
par tous les arguments désirables cette identification piquante,
bien faite assurément pour exciter la curiosité des rabelaisants,
puisqu'elle met en cause, au cours d'un épisode célèbre du
Pantagruel, l'une des plus singulières figures de l'époque de
la Renaissance.
Pour quels motifs Rabelais a-t-il fait intervenir ainsi cet
étrange personnage dans l'enquête poursuivie par Panurge sur
les femmes et le mariage; existe-t-il entre le rôle joué par Her
Trippa dans le Tiers Livre et le caractère et les doctrines de
Corneille Agrippa une concordance manifeste ; enfin, est-il
possible de relever entre la vie de Rabelais et celle de l'écri-
vain allemand des points de contact, sinon certains, du moins
vraisemblables, et peut-on croire qu'ils se sont connus au
cours de leur existence quelque peu vagabonde? Voilà autant
de questions auxquelles il serait utile de répondre et dont la
solution, en justifiant et en expliquant l'évocation faite par
Rabelais de son énigmatique confrère allemand, conférerait à
celle-ci une signification toute nouvelle. Nous allons tenter,
par un exposé des fiiits aussi succinct que possible, d'éclaircir
ces divers problèmes.
478 ABEL LEFRANC
I
Si Rabelais a fliit intervenir Cornélius Agrippa dans la
longue et divertissante enquête qui remplit la plus grande
partie du Tiers Livre, c'est que, précisément, l'écrivain d'outre-
Rhin avait pris une part bruyante à la « querelle des femmes »
qui se déroula pendant la première moitié du xvi^ siècle et
dont nous avons raconté ailleurs l'histoire mouvementée '.
On sait que l'apparition du Tiers Livre lui-même se rattache à
cette mémorable controverse. Agrippa publia, en effet, en
1529, à Anvers, son traité De nohilitate et prœceUentia fœminei
sexus, composé dès 1509 à Dôle, et qui constitue le panégy-
rique le plus enthousiaste, et sans doute le moins nuancé, que
le xvi^ siècle ait vu paraître en faveur du sexe féminin. L'au-
teur prête à celui-ci toutes lès qualités et toutes les vertus.
Quelques intitulés de chapitres suffiront à donner une idée du
ton adopté par le champion des femmes dans son ouvrage :
« Qu'il y a des preuves certaines de l'excellence de la femme
au-dessus de l'homme. — Que le nom d'Eve prouve la supé-
riorité de la femme au-dessus de l'homme. — Que la femme
est le chef-d'œuvre des ouvrages de Dieu. — Que la femme
fait le bonheur de l'homme. — Que tout le mal vient des
hommes et le bien des femmes. — Que les mauvais maris
font seuls les mauvaises femmes. — Les femmes savent toutes
choses naturellement. — Les femmes sont capables de tout:
l'histoire en fait foi. — L'état où est la femme aujourd'hui
résulte d'une usurpation de ses droits. — La femme n'est
point faite pour obéir à l'homme. » Comme on le voit.
Agrippa ne se contente pas de soutenir la thèse de l'égalité
absolue des deux sexes; il prétend encore démontrer la supé-
riorité du sexe féminin sur l'autre. L'ouvrage trouva forcé-
ment, du côté des féministes, alors nombreux, une vogue
marquée ; il fut traduit de très bonne heure et, chose digne de
remarque, parut en français en 1537 à Lyon, chez François
1. Revue des Etudes rabelaisieiiues, 1904, p. i-io et 78-109.
RABELAIS ET CORNELIUS AGRIPPA 479
Juste, l'éditeur même de Rabelais. Celui-ci, on le devine, dut
lire avec une ironie peu bienveillante cette apologie outrée et
indiscrète, si éloignée de ses propres idées, et c'est avec une
satisfaction assez naturelle qu'il songea, au moment de la pré-
paration de son Tiers Livre, à mettre en scène le trop ardent
panégyriste, heureux sans doute de saisir une occasion favo-
rable de le rendre ridicule. Entre ces deux confrères, le pre-
mier d'un jugement si alerte et si juste, le second, — malgré
certaines conceptions intéressantes et parfois remarquables for-
mulées dans ses ouvrages, — d'un esprit si peu équilibré et,
semble-t-il, d'une sincérité sujette à caution, aucune sympa-
thie intellectuelle ne pouvait exister. Certes, Rabelais connais-
sait fort bien, comme médecin et comme habitant de Lyon, —
nous reviendrons plus bas sur ce point, — la psychologie du
personnage, ses œuvres principales, notamment le De vanitate
Scientiarum, ses doctrines quelque peu retentissantes dans le
domaine de l'astrologie, de la divinitation et des sciences
occultes, ses aventures singulières, son genre de vie et ses occu-
pations favorites. Il savait que la profession médicale, prati-
quée par Agrippa avec un sérieux fort discutable, ne cons-
tituait qu'un des aspects de son activité multiple. « Pour le
populaire, c'était une espèce de sorcier, (nous dit l'un de
ses meilleurs biographes '). Agrippa était en correspondance
avec des gens qui lui parlaient de chiromancie et d'astrologie.
Il faisait lui-même de l'alchimie ; il donnait des horoscopes. »
C'est exactement le genre de consultation que Panurge vient
demander à Her Trippa sur le conseil d'Epistémon.
Entre le rôle de Her Trippa, tel qu'il apparaît au
chapitre XXV du Tiers Livre, et celui des moyens d'existence
de Cornélius Agrippa qui avait dû retenir davantage la curio-
sité de ses contemporains, tout en représentant par ailleurs le
côté original de son labeur pseudo-scientifique, la concordance
était complète. Nombre de lecteurs du Pantagruel pouvaient
I. Les sciences et les arts occultes au XVI^ siècle. Corneille Agrippa, sa vie et
ses œuvres, par Aug. Prost. Paris, H. Cliampion, 1882. 2 vol. in-8, t. II,
p. 217.
480 ABEL LEFRANC
ainsi reconnaître sans peine notre personnage, d'autant mieux
que le Her de l'appellation forgée par Rabelais suffisait à dési-
gner un Allemand, pendant que le nom Trippa, probablement
choisi avec une intention satirique, évoquait par sa désinence
le nom même du prétendu philosophe. Que si maintenant,
nous ouvrons soit le traité De occulta pbilosophia^, soit le De
vanitate Scientiaruni d' Agrippa ^, nous y découvrons aisément
les genres de divination conjecturale ou magique (il y en a
trente-sept) proposés par Her Trippa, étudiés et décrits avec
tout le détail désirable. On sait en effet que la magie dont
Agrippa était un fervent adepte, et dont son De occulta philoso-
phia forme un véritable traité, comprenait, avec la sorcellerie et
les arts magiques proprement dits, la divination soit conjectu-
rale, procédant de l'observation des signes, soit plus spéciale-
ment magique, fondée sur des pratiques mystérieuses ^ . A la
divination magique se rapportaient l'astrologie, l'art de tirer
des probabilités de l'examen des corps, des aspects divers de la
figure de l'homme ou de ses membres, de l'explication des
songes, de l'étude des sorts (chiromancie, metoposcopie, alec-
tryomancie, onomancie, stoicheomancie, etc.). A la divina-
1 . Henrici Cornelii Agrippx ah Nettesheym a consiliis et archivis Indiciarii
sacrx Cesareœ Majestatis De occulta philosophia lihri très. Citm gratta et pri-
vilégia Cxsarex Majestatis ad triennium. — A la fin : Occultée philosophiîe
Henricii Cornelii Agrippa; finis. Anno MDXXXIII, mcnse Julio (s. 1. n. d.
chez Jean Soter, à Cologne). — Bibl. Nat. Z 1983 A. (Voy. Prost, II,
p. 531). Cet ouvrage, commencé dès 1 509 et complété à diverses reprises par
des additions, contient probablement les résultats des plus anciens travaux
d'Agrippa, c'est-à-dire de ceux qui remontaient au temps de sa jeunesse. Le
traité de l'incertitude et de la vanité des sciences appartient à son âge mûr.
L'ensemble des oeuvres d'Agrippa est dominé par ces deux ouvrages.
2. J'utilise l'édition publiée à Anvers sous ce titre : Splendidx nobilitatis
viri et armatx militix Eqintis aurati ac iitriiisque Juris Doctoris Sacrx Cxsa-
rex Majestatis a consiliis et archivis Jnditiarii Henrici Cornelii Agrippx ah
Nettesheym De Incertitudine et Vanitate Scientiaruni et Artium atque exccllen-
tia Verhi Dei Declaniatio. — Johannes Graphcus excudchat anno a Christo nato
M.D.XXX. Meuse septemb. Antverpix. Le dernier feuillet est occupé par la
très belle marque qui représente la Charité.
3. Cf. Prost, op. cit., t. I, p. XXXIX et suiv.
RABELAIS ET CORNELIUS AGRIPPA 48 1
tioii magique appartenaient les révélations obtenues du démon
par divers procédés (géomancie, aeromancie, pyromancie,
nécromancie, gastromancie, catoptromancie, axinomancie,
cephahtonomancie, etc.), et enfin les oracles (augures,
auspices, aruspices, etc.). Les consultations qu'offre le
personnage de Rabelais à ses visiteurs ont leur correspon-
dance et leur explication dans les publications d' Agrippa. Il
suffit de parcourir la table initiale qui donne les titres des cha-
pitres du de Vanitate pour y retrouver les appellations mêmes
des sciences qui sont spécialement professées par Her Trippa
et dont l'indication est présentée au début du chapitre XXV
du Tiers Livre : De astrologia, de geomantia, de metaposcopia ',
et ainsi de suite. Le parallélisme est donc complet ; il apparaît,
par ailleurs, comme si évident, qu'il n'est pas besoin d'y insis-
ter davantage^.
n
Maintenant que le rapport entre les deux personnages est
établi d'une manière sûre, il est à propos de répondre à l'autre
1 . « Icy, près l'Isle Bouchart, demeure Her Trippa, (dit Epistemon) ; vous
sçavez comment par art d'astrologie, geomantie, chiromantie, metopoman-
tie et aultres de pareille farine, il prîedict toutes choses futures ; conférons
de vostre affaire avecques luy ».
2. On lira peut-être avec intérêt cette appréciation de Prost (I, 86) sur la
partie du De Occulta philosophia dont nous parlons ici : « La description des'
pratiques mystérieuses à l'aide desquelles on obtient ces merveilleux résul-
tats et d'autres du même genre, n'est pas oubliée dans le traité d'Agrippa.
L'art des fascinations, celui des enchantements et des évocations et, avec
eux, les procédés de la divination, l'astrologie enfin y font l'objet d'exposi-
tions détaillées auxquelles l'auteur donne pour fondement les doctrines de
métaphysique et de physique dont nous venons de présenter la succincte
analyse. Cette portion de son oeuvre, conçue dans un esprit tout pratique,
en est de beaucoup la plus étendue et elle frappait plus que le reste proba-
blement les hommes de son temps. Il n'en serait pas de même pour ceux
d'aujourd'hui... » Remarquons qu'un quatrième livre fut ajouté de bonne
heure à l'ouvrage d'Agrippa, livre qui contient une énumération classique
des procédés de la magie qu'il est intéressant de rapprocher de celle du
Tiers Livre. On la trouvera, par ex. dans une éd. de l'ouvrage d'Agrippa
datée de 1565, Lyon. (Bibl. Mazarine, 28.458.)
Mélanges. II. ji
482 ABEL LEFRANC
question : Rabelais et Agrippa ont-ils été à même de se ren-
contrer ? Certes, l'auteur du De Fâtn/to/^ avait beaucoup séjourné
en France, à Paris, à Avignon, à Autun, à Chalon-sur-Saône,
à Metz, mais surtout à Lyon. Il arriva dans cette dernière ville
dans les premiers mois de l'année 1524 et y demeura quatre
années (probablement le plus long séjour qu'il ait fait dans une
ville). Il y devint conseiller et médecin du roi de France, et fut
attaché à la personne de la reine-mère Louise de Savoie. Dans
une lettre qui porte la date du 27 mai 1525, il se félicite de
cette fortune inespérée. Celle-ci, toutefois, ne dura pas long-
temps. Après le départ de sa royale maîtresse, il ne put obte-
nir le payement de ses gages et tomba dans une complète dis-
grâce en même temps que dans une situation très précaire.
Aigri, désenchanté, il écrivit le traité de « l'incertitude et de la
vanité des sciences », qui porte la trace continue de ses mélan-
coliques dispositions d'esprit, « satire emportée, a-t-on dit jus-
tement, des mœurs, des lois, des usages et du régime entier
de la société de son temps. » Il laissa donc à Lyon des souvenirs
nombreux et précis, à la suite de ce séjour qui marque l'une
des crises les plus graves de sa vie. Quand Rabelais y arriva
quelques années plus tard, en 1532, il n'eut pas de peine à les
recueillir. En 1535, du reste. Agrippa se rendit de nouveau
à Lyon, venant de Bonn. Nous sommes renseignés avec cer-
titude sur cette période finale de son existence par le plus
fidèle de ses disciples, Jean Wier. Ce changement ne lui fut
pas favorable. Revenu à Lyon, il se vit jeter en prison par
ordre du roi; cette incarcération fut motivée, croit-on, par la
hardiesse avec laquelle il aurait écrit antérieurement contre la
reine-mère. Ses amis intervinrent, et il fut relâché. Il se retira
alors à Grenoble, où il mourut peu de temps après au cours
de l'année 1535, âgé de 49 ans, sans qu'on puisse préciser le
mois de son décès. Sa fin arriva non pas à l'hôpital, dans la
maison de Saint-Antoine de la rue de la Perrière, comme on
l'a prétendu, mais, selon toute vraisemblance, au logis même
de François de Vachon, président au parlement du Dauphinc,
RABELAIS ET CORNELIUS AGRIPPA 483
qui l'avait recueilli chez lui, et par les soins de qui il fut inhumé
honorablement dans l'église des Frères Prêcheurs, suivant le
témoignage de l'érudit dauphinois Guy Allard. Un compa-
triote et contemporain de celui-ci, Chorier, confirme tous ces
renseignements mais place le trépas du savant allemand dans le
logis du conseiller au Parlement Ferrand, où était mort le
jurisconsulte Guy Pape vers le milieu du xv^ siècle ^ Le fait
de la mort d'Agrippa survenue en 1535, à Grenoble, est, en
tout cas, hors de doute.
Or, personne n'a jamais remarqué que, précisément au cours
de cette même année 1535, Rabelais avait effectué un voyage
semblable à celui qui marqua la fin de l'existence d'Agrippa.
Inquiet, se trouvant sous la menace de poursuites, il quitta
brusquement Lyon le samedi 13 février pour aller se réfugier à
Grenoble -, où il trouva un asile dans la maison du président
François de Vachon, le même chez lequel Guy Allard sup-
pose que s'éteignit Agrippa. En outre, Guy Allard remarque
à l'article Vachon de sa Bibliothèque de Daiiphiné (1680) que
ce personnage « président à mortier en ce Parlement soubs
Henri III, ne passoit point agréablement les heures de son loi-
sir s'il n'estudioit pas, et ses plus charmantes conversations
estoient avec les gens de lettres ; aussi recueillit-il Rabelais et
Agrippa dans sa maison ' ».
Il semble donc_, d'après ce texte, rédigé, il est vrai, au
XVII'' siècle, que Rabelais et Agrippa, qui tous deux séjour-
nèrent à Grenoble en 1535, aient pu se retrouver dans la
1. Chorier, La jurisprudence du célèbre conseiller et jurisconsulte Guy Pape,
etc., Lyon, 1692, dans la vie de Guy Pape qui figure en tête de cet
ouvrage (cité par Prost, II, p. 405).
2. Voy. V. de Valous, Rabelais à Lyon, Lyon, 188 1, p. 8 ; notre article de
la Revue des Etudes rabelaisiennes, 1908, p. 148 et suiv. ; et Le séjour de Rabe-
lais à Grenoble, par Albert Ravanat, Grenoble, 1891.
3. La Bihliotèque de Dauphiné, contenant les noms de ceux qui se sont dis-
tinguei par leur sçavoir dans cette province et le dénombrement de leurs ouvrages
depuis XII siècles. Dressée par M. Guy Allard. A Grenoble, chez Laurent
Gilibcrt, 1680. V>5 Rabelais, Agrippa et Vachon.
484 ABEL LEFRANC
demeure hospitalière du président de Vachon. Et même il ne
serait pas impossible qu'ils se fussent rencontrés déjà à Lyon,
si l'arrivée d'Agrippa dans cette ville avait été antérieure à la
mi-février. Quoi qu'il en soit, il est intéressant de constater
que les circonstances ont imposé à chacun d'eux, vers la même
époque, un déplacement et une retraite absolument sem-
blables, conseillés par la prudence. Une telle constatation nous
amène à nous demander s'il n'existerait point une relation
entre le départ de l'un et celui de l'autre, et si le même rapport
ne se manifesterait pas en ce qui touche le choix du lieu du
refuge. Quand Rabelais s'enfuit précipitamment de Lyon, c'est
que, nouvellement censuré par la Sorbonne \ il a lieu de
craindre pour sa sûreté, eu égard à la situation générale et aux
dispositions des pouvoirs locaux ; or, il me paraît vraisemblable
que si Agrippa fut incarcéré dans la même ville, cette mesure
dut être prise beaucoup plus en raison de ses idées réputées
téméraires et dangereuses qu'en punition d'un écrit plus ou
moins oublié, dirigé contre la reine-mère, morte depuis
quatre ans. A diverses reprises, son orthodoxie donna lieu à
de graves soupçons ^. Mais ce qui mérite de retenir davan-
tage notre attention, c'est cette circonstance que le De Vanitate
et son auteur furent condamnés par la Sorbonne le 2 mars
1. J'incline à croire que la censure portée contre le Gargantua fut pro-
noncée par la Faculté de théologie vers le mois de février 1555 et qu'elle
fut la cause déterminante du départ soudain de Rabelais.
2. Son biographe remarque (t. II, App. X, p. 463 et suiv.) « que les
tendances d'Agrippa pour la Réforme sont incontestables et permettent de
douter de la sincérité de ses paroles dans les témoignages qu'il donne par-
fois d'opinions qui seraient contraires aux novateurs. Les chroniques mes-
sines parlent du renom qu'il avait à Metz, en 1519, d'être à ce moment un
des adhérents notoires des doctrines religieuses nouvelles... Agrippa pro-
fessait une véritable admiration pour Luther, l'hérétique invaincu comme il
l'appelle ; et il avait adopté des opinions analogues aux siennes en bien des
points... La communauté d'idées entre Agrippa et les hérésiarques du
xvie siècle s'accuse dans maint passage de ses écrits, mais tout particulière-
ment dans son traité de l'incertitude et de la vanité des sciences. Tels sont
les passages qui concernent le célibat des prêtres, le culte des saints, le
purgatoire, etc. »
RABELAIS ET CORNELIUS AGRIPPA 485
1535. L'ouvrage, censuré comme entaché des doctrines luthé-
riennes (attaques contre le culte des images, des temples, des
fêtes et des cérémonies de l'Eglise ; blasphème contre les écri-
vains du saint canon), fut condamné à être brûlé publique-
ment'.Voilà, selon nous, la véritable cause de l'emprison-
nement de l'ardent sectateur des sciences magiques. Les mêmes
censures qui frappèrent Rabelais, aussi bien du côté catholique
que du côté protestant, l'atteignirent pareillement. Cela est si
vrai que Calvin, un peu plus tard, rapprocha le nom de Rabe-
lais de celui d' Agrippa, en les présentant l'un et l'autre comme
deux libres-penseurs « frappez d'un mesme aveuglement ^ ».
De toute manière, l'auteur du Pantagruel dut souvent entendre
parler d'Agrippa. S'il l'a connu personnellement, comme bien
des indices permettent de le croire, il n'a sans doute éprouvé,
malgré quelques idées communes et la similitude des dangers
courus vers le même temps, aucune sympathie pour son con-
frère; ce champion des sciences occultes ne pouvait séduire en
nulle manière son esprit si clair et tout épris des réalités.
Quelques mots, en terminant, sur l'allusion du début du
chapitre XXV du Tiers Livre relative aux infortunes conju-
gales de Her Trippa; il n'y a rien d'impossible à ce qu'elle
évoque un bruit plus ou moins fondé répandu par la malignité
publique. Her Trippa y apparaît comme fréquentant la cour
pendant son premier séjour à Lyon, détail qui est parfaitement
exact en ce qui touche Agrippa. On sait qu'il fut marié trois
fois. L'une des femmes qu'il épousa passait pour très belle.
Quant aux cadeaux faits à Her Trippa, en dehors des « cin-
quante beaux angelotz » qu'il reçoit, leur énumération ne pré-
sente rien que de vraisemblable. Les imprécations que Panurge
adresse à Her Trippa, en quittant sa « tanière » (fin du cha-
1. D'Argentré, Collectio judicionnn de novis erroribus, Paris, 1728, fo
t. II, p. 85. Le De occulta philosophia fut condamné également à Cologne,
en 1533.
2. Calvin, Traité des Scandales (1550), éd. de 1566, p. 1182, dans le
Recueil des Opuscules de Calvin donné à cette date, par Th. de Bézc.
486 AÉEL LEFRANC
pitre), ne sont pas non plus pour surprendre : « A trente diables
soit le coqu, cornu, marrane_, sorcier au diable, enchanteur de
l'Antichrist. Retournons vers nostre roy. Je suis asceuré que
de nous content ne sera, s'il entend une fo5''s que soyons icy
venuz en la tesniere de ce diable engiponné. Je me repens d'y
estre venu... Vray Dieu ! comment il m'a pertumé de fasche-
rie et diablerie, de charme et de sorcellerie ! Le diable le puisse
emporter ! » Ce sont là autant d'allusions qui s'expliquent
fort bien de la part d'un contempteur de la magie en général
et spécialement des théories d'Agrippa. L'allusion faite aux
sentiments du roi à l'égard de celui-ci concorde avec les péri-
péties de son premier séjour à Lyon, je veux dire avec sa dis-
grâce, autant qu'avec l'aventure fâcheuse du second séjour,
même si l'on admet que son incarcération put être en partie
causée par un pamphlet contre la mère du souverain. En
résumé, aucun trait de l'épisode du Pantagruel qui ne convienne
exactement à la personnalité d'Agrippa '. Il ya donc identité
entre le célèbre médecin et la figure introduite par Rabelais
dans son roman. Une fois encore, tous les traits de la satire
rabelaisienne s'expliquent et se justifient de la manière la plus
complète et, si j'ose dire, la plus naturelle. Après Hippotha-
dée (Lefèvre d'Etaples), Raminagrobis (Lemaire de Belges),
Trinquamelle (Tiraqueau), pour ne parler que du Tiers Livre,
Her Trippa nous apparaît, lui aussi, comme un personnage
emprunté à la réalité la plus concrète.
Abel Lefranc.
I. Le seul trait — avons-nous besoin de le dire? — qui ne conviennepas
à Agrippa, c'est celui de sa résidence à l'Ile-Bouchard. Comtne les faits du
Tiers Livre se déroulent en Touraine, cette supposition était nécessaire. Il
est possible d'ailleurs qu'une explication permette un jour de préciser la
raison du choix fait par Rabelais de cette localité de son pa3'S chinonais.
RECHERCHE SUR LES PLUS VIEUX LIVRES
DES CONDÉ
Quelle que soit la richesse du « Cabinet des livres » du
Musée Condé, à Chantilly, il est loin de posséder tous les
volumes amassés, depuis le xvi^ siècle jusqu'à la Révolution,
par le connétable Anne de Montmorency et les divers princes
de Condé. L'histoire des péripéties auxquelles a été exposée
cette remarquable collection a été esquissée, à grands traits, par
le duc d'Aumale lui-même ' et par Léopold Delisle ^
En publiant un document tiré des Archives des Dépôts
littéraires conservées à la Bibliothèque de l'Arsenal, je me pro-
pose de montrer l'abondance des incunables et des livres de la
première moitié du xvi^ siècle dont pouvait s'enorgueillir la
bibliothèque des Condé avant la Révolution.
On sait que les livres des Condé (tant ceux de Chantilly
que ceux de Paris) versés, comme toutes les collections des
émigrés, au Dépôt littéraire de la rue de Lille, furent attribués,
après les prélèvements opérés par Van Praet pour la Biblio-
thèque nationale, à divers établissements, tels que l'Institut,
l'Arsenal, la Mazarine et surtout l'Institut des boursiers du
Collège Égalité, autrement dit le Prytanée ou Collège Louis-
le-Grand '.
Le bibliothécaire de ce Collège, Antoine Sérieys, avait été
1. Chantilly, Le Cabinet des livres. Manuscrits. T. I (Paris, Pion, 1900).
Introd., p. i-xxiv.
2. Id. Impritnés antérieurs au milieu du XVI'^ siècle (Paris, Pion, 1905).
Introd., p. i-xxii.
3. Ihid., p. XVIII.
488 EMILE CHATELAIN
conservateur du dépôt en question ', il en connaissait les res-
sources et se fit autoriser à y puiser pour compenser les pertes
qu'avait subies lé Collège entre l'époque du versement et celle
de la reddition. Il en tira plus de 2.000 volumes, dont les titres,
très négligemment transcrits, occupent de nombreux feuillets
du manuscrit 6512 de l'Arsenal -. J"ai extrait de cette longue
énumération qui mériterait peut-être d'être publiée in-extenso
la liste des livres les plus anciens, en indiquant, quand c'était
possible, la cote qu'ils portent aujourd'hui à la Bibliothèque
de l'Université.
Sans doute, le Catalogue de nos Incunables et le Catalogue
des livres de 1 501-1540, publié récemment par M. Charles
Beaulieux, ont signalé déjà, avec la provenance Condé, un
bon nombre de livres précieux. Mais l'Université de Paris est
loin de posséder tout ce que Sérieys avait choisi, non pour
elle, mais pour son Collège dont les collections, après de
longues disputes, demeurèrent la propriété de l'Université.
Les ouvrages qui manquent sont passés, soit dans la biblio-
thèque du premier Consul, soit à l'Ecole de Saint-Cyr, soit à
l'École Normale supérieures
Quoi qu'il en soit, la Bibliothèque de l'Université de Paris
possède encore aujourd'hui plus de 500 volumes provenant
des Condé. Léopold Delisle a fait connaître quelques-uns des
plus intéressants 4 ; je regrette de ne pas lui avoir communi-
qué, entre autres, l'existence d'un précieux volume qui ne
porte pas les armes des Condé, il est vrai, mais qui provient de
celui qu'on regarde comme le fondateur de la collection Condé :
Alexandri Tralliani medici libri XII. Rhazne de pestilentia libel-
las ex Syrorum lingua in Graccam translatus. Jacobi Goupyli in
1. Em. Châtelain, Manuscrits de la Bibliothèque de TUniversitè tirés des
dépôts littéraires (Imprimé pour le mariage Paris-Talbot, 20 juillet 1885),
p. 13 sq.
2. Fol. 174-191.
3. A. Franklin, Anciennes bibliothèques de Paris, t. III, p. 311, d'après
des renseignements communiqués par Léon Renier.
4. Chanlllly, Le Cabinet des Livres, Imprimes, p. lxxix-lxxxi.
RECHERCHES SUR LES PLUS VIEUX LIVRES DES CONDÉ 489
eosdem castigationes. Lutetiae, Rob. Stephanus, 1548, in-fol.
(Relié en maroquin vert sur ais de bois, aux armes du connétable
de Montmorency, avec la devise APLANOS. Clous aux huit coins.)
R. r. 63 (4°
Dans la liste suivante, j'ai corrigé tacitement une foule
d'erreurs de l'employé du Dépôt chargé de la dresser. J'ai
essayé de reconnaître à la Sorbonne les livres conservés, mais
on comprendra que le résultat est souvent incertain. Outre
les fautes ordinaires des copistes, on voit le scribe confondre
l'année de la composition ou une note inscrite par un posses-
seur avec la date de la publication '.
Elat des livres choisis dans h dépôt littéraire de la nie de Lille,
pour la Bibliothèque de TInstilut des boursiers, en vertu de l'autori-
sation du ministre, en date du ip ventôse de l'an V.
CoNDÉ ÉMIGRÉ.
Commentaria Ciçsaris. Lugd., Huyon, 15 19, in-12. [R. xvi,
1032.]
Lingua per Des. Erasmum Rotterod. Lugd., Gryphius, 1538, in-8°.
[R. XVI, 1285.]
Helii Eobani Hessi Sylvarum libri. 1533 [1535] in-80, parch. [R.
XVI, II 57.]
Ausonius. Aldus, in-8°.
La Narquoise Justine. Paris, Sommaville, 1555 [leg. 1635], in-8''.
[LE. e. p. 2. G^, in-12.]
[Budé]. Livre de l'Institution du Prince. Paris, Foucher, 1547,
in-8°. [R. ra. 243, in-120.]
Plauti Comœdiœ. Giunte Florentinus, i5i9,in-8''. [R. xvi, 1017.J
De rébus gestis Ludovici II. Parisiis, Wechel, 1545, in-8°, parch.
[Hesiodi] Ascrcei opéra. Basileie, Oporinus, in-8°.
Cornazano, De re militari, in Venetia, 1515, in-8", parch. [R.
XVI, 1020.]
î. Par exemple pour Laurent Valla, de voluptate [R. xvi. 772], de l'an
15 19, mentionné comme publié en 1522, parce qu'on lit sur le titre la note
manuscrite du propriétaire « 1522. Papilio ». La rectification est possible
seulement quand le volume est conservé.
490 EMILE CHATELAIN
Discorsi diNicolo Machiavelli, etc., in Venegia, 1534. in-8°, parch.
[R. XVI, 1148.]
Aurelius Augurellus. Venetiis, Aldus, 1505, in-12.
Opère Toscane di Alamanni, etc. Firenze, 1552, in-8°.
Francisci Vergane, etc. Parisiis, Morelius, 1550, in-8". [R. ra.
59e, in-i2°.]
Histoire du Tems ou Relation du Royaume, etc., in-12, parch.
Filostrato Lemnio, etc. Fiorenza, Lorenzo, 1549, in-8°.
Sophoclis Tragœdia;, etc. Haganoe, Secerius, 1534, in-S",
M. F. Quintiliani Oratoris, etc. Lugd., 1531, in-8°.
Nie, Leonici Dialogi, etc. Lugd., Gryphius, 1532, in-8", parch.
[R. XVI, 1127.]
De recta latini grsecique, etc. Des. Erasmi, etc. 1538 [leg. 1528],
in-8°, parch. [R. xvi, 1079.]
Herodoti Halicarnassei, etc. Lugd., Gryphius, 1542, in-8°, parch.
[LG. h. I, in-i2°.J
Nicolai Leonici Thomi\;i, etc. [de varia historia] Lugd., Gryphius,
1532, in-8°, parch. [R. xvi, 11 22.]
La Zueca del Doni in Venezia, Marcolini, 1550, in-8". [R. ra. 184,
in-i2°.]
G. Plinii Secundi, etc. [de viris illustribus] Lutetiiv, Stephanus,
1544, in-80, parch. [LL. h. 151, in-i2°.]
Compendium Guaguini super Francorum gestis. 15 14, in-8°,
parch. [R. xvi, 745.]
Rime di Alessandro Lionardi. In Venetia, Griffius, 1547, in-8°,
parch. [R. ra. 148, in-120.]
Aristotelis, De arte dicendi. Parisiis, Vascosanus, 1549, in-S^.
Lexicon juridicum, hoc est... Coloni;\; Allobrogum, Steer, 15 15,
in-80.
Autores qui hoc etc. Sueton, etc. in-8°.
Gnrcas literaturaj dragmata Jo. [Oeco]lampadio, Lutetia:, 1522,
in-8°. [R. XVI, 104 T.]
Chronicon de regibus Francorum, etc. Parisiis, Vascosanus, 1548,
in-8°, parch. [R. ra. 634, in-120.]
Jac. Sadoleti épis. etc. Lugd., Gryphius, 1550, in-8", parch. [LL'.
pr. 81, in-12".]
Aeneas Sylvius [Piccolomini]. De Bohemorum origine. Salingiaci,
Soter, 1538, in-8°. [R. xvi, 1188.]
Trebellius PoUio et alii. Parisiis, Steph., 1544, in-80. [^ll, j-, igj^
in-12".]
Epitome thesauri lingua; sanctas autore Pagnino. Plantin, 1496
[159e. ?], in-8°.
RECHERCHES SUR LES PLUS VIEUX LIVRES DES CONDE 49 1
Theodori Gaziu Grammatica hebraïca. Parisiis, Wechelius, 1536,
in-8°. [R. XVI, 1167.]
Astutie militari di Frontino, in Venetia, Comin de Trino, 1541,
in-80. [R. ra. 68, in-12".]
Huberi Chronicorum libri très. Basileiv, Platterus 1 106 [i 506], in-8'^.
Marsilio Ficino, Sopra lo amore, overo convito di Platone. Firenze,
Neri Dortelata, 1544, in-8°.
Brucherius, In septem sapientum Grœciœ apophtegmata. Parisiis,
Colini\;us, 1534, in-8". [R. xvi, 1145.]
Gervasii Sepini Salmurei Erotopa;gnion lib. très ad Apollinem.
Parisiis, Wechelius, 1553, in-8°. [LL'. p. 187, in-i2°.]
Ragionamenti di M. Pietro Aretino. In-8°.
Ptolemiti inerrantiuni stellarum significationes. — Ibid. Ovidii
Fast. Aldus, in-8°.
Magdalena evangelica, auth. Pat. Philicino. Antverp, Stelsius,
1546, in-8°. [LL'. m. 25, in-120.]
P. Rosseti, poetie laureati, Paulus, sub prelo Ascensiano, 1527,
in-8°. fR. XVI, 1072.]
I cantici e ragionamenti del Britonio. Venegia, Constantini, 1550,
in-8°. [R, ra, 149, in-i2°.J
[Britonio] Gelosia del sole. Venetia, Sessa, 153 1, in-8°. [R. xvi,
1109.]
[Porcins] Pugna porcorum '. Wittembergi^?, 1525, in-8''. [R. xvi,
1054.]
De re vestiaria libellus ex Bayfio excerptus. Parisiis, Rob. Steph.,
1541, in-8°.
Paulus iEmilius, De rébus gestis Francorum. Parisiis, Aud. Parvus,
1548, in-80. [R. ra. 631, in-i20.]
Salmonii Macrini Hymnorum libri sex. Parisiis, Rob. Steph., 1537,
in-8°. [R. XVI, 1289.]
Epigrammata Grasca. Friburgi Brisgoia;, Gravius, 1541, in-8°.
Frossardi opus. Parisiis, Colinasus, 1537, in-8°. [R. xvi, 1184,]
Prose di Bembo. hi Venetia, 1540, in-S'^. [R. xvi, 1211.]
Imperatorum et Cassarum vita. Lugd., Arnoletus, 1550, in-80.
Aesopi vita et fabuKv. Lutetiit, Rob. Steph., 1545, in-8°. [LG. d. i,
in-i2°.]
[Varennius], Syntaxis grasca. Parisii>j, Wechelius, 1546, in-8^. [R.
ra. 595, in-i20.]
Grammatica hebr^ea. Parisiis, 1540, in-8°.
I. La plaquette est de 1530, mais elle est reliée avec une grammaire
hébraïque de 1525.
492 EMILE CHATELAIN
Cclii Sedulii opéra. Basilex-, 1341, in-8°. [LL. p. 443, iii-i2°.J
Aristophanis Comedi^e. Venetiis, Zanet. 1538, in-8°.
Décoration d'humaine nature, par Le Fournier, Paris, Longis
[Leber] 1503 (leg. 1530). [R. xvi, 1097.]
Biblisch Historien. Figùrlich. [Nuremberg]. 1533, in-8° [R. xvi,
1134.]
Galeatio Capella. De rébus nuper in Italia gestis, 1533, in-8°. [R.
XVI, II 17.]
I sonetti del Burchiello Fiorentino stampati di nuovo et ricorrecti,
15 14, in-8°.
latrionices medicamentorum simplicium liber secundus, in-8°. [R.
XVI, 1275.]
Hist. de Josephe en italien, Venise, Ravano, 1535, in-8°. [R. xvi,
iiéi.]
Bonadi Monodiœ. -Parisiis, Colinîeus, 1538, in-i2°. [R. xvi, 1194-]
Nimphce Fiesolanse di Boccacio. Firenze, Giuntus, 15 18, in-8°.
Arcadia da Sannazaro. Aldus, 1539, in-8°.
Victoris Massiliensis poemata. Lugd., Portunarius, 1536, in-8°.
D. Jasonis Pratensis Zyricei med. De cerebri morbis lib. Basileas,
Henr. Petrus, 1549, in-12, demi-rel. [S. M. m. 43, in-12.]
M. Gatenaria, De curis fegritudinum, Practica uberrima. Parisiis,
Guill. Richard, 1540, in-12, demi-rel. [R. xvi, 1216.]
Cl. Galeni, De curatione per sanguinis missionem libellus. Lugd.,
Frellonius, 1546, in-12, demi-rel. [SM. cp. 29, in-i2°.]
Cl. Galeni, Methodi medendilibri 14. Parisiis, Chevallonius, 1538,
in-12. [R. XVI, 1198.]
^gidii carmina de urinarum judiciis édita. Basileœ, Wolfius, 1529,
in-12, parch. [R. xvi, 1089.]
De Vasculis libellus. Sebast. Gryphius, 1539, in-12, parch. [R.
XVI, 1203.]
Carcel de Amor del complimiento de Nicolas Nunez, et fut
impresso in Envers, etc., in-ié.
latrion medicamentorum simplicium, etc., per Othonem Brunfel-
sium, in-8°, parch. [Strasbourg, 1533. R. xvi, 1274.]
D. Michaelis Ritii compendiosi, etc., de regibus christianis fere
[très] libelli, etc. Parisiis, 1507, in-8° [R. xvi, 1005.]
De l'administration du Saint-Bois, par Alfonse Ferrier, Poictiers,
1546, in- 16, parch.
Œuvres de Franc. Villon. Paris, Janot, sans datte, in- 16, parch.
J. A. Comenii Pansophiie dyatiposis ichnographica et orthogra-
phica delineatione. Amsterodami, Elzevirius 1545 [1645], in-12.
[SD. e. 1 16, in-i2°.]
RECHERCHES SUR LES PLUS VIEUX LIVRES DES CONDE 49^
D. Honorii Augustudunensis presbiteri lib, 7. Basileœ, 1544, in-8°.
[SP. g. I, in-i20.]
L'antichita di Roma, di Bartolomeo Marliano, in Roma, fig.
[Habert], Voyage de l'homme riche, etc. Troyes, Nicole, Paris,
1543, in-80. [R. ra. 238, in-i2°.]
II lettres d'un docteur de l'ord. Saint-Dominique, sur les cérémo-
nies de la Chine, du Père Dez, principal des Jésuites. Sans datte
et nom d'imprimeur, in- 12 br.
Alexandri Aphroditici problemata grœcé et lat. Parisiis, 1541,
in-80.
Aloisii Mundella^ Brixiensis med. epistolœ médicinales ex Brixia.
[Basileae], 1548, in-8°, parch. [SM. m. 117, in-12.]
De morbis mulierum curandis, auth. Rocheo. Parisiis, Janotius,
1542, in-12, parch. [R. ra. 679, in-12.]
Sidonii Apollinaris poema aureum, etc. 1498, in-8°, parch. [I,
115.]
Rhetorices elementa per Philip. Melanchtonem, Lugd., 1541,
in-12, [R. ra. 50, in-12.]
Ex scriptis Herodiani excerpta, etc. Basileae, Wechel, 1542, in-12.
Dictionarium hebraïcum a Sebastiano Munstero. Basileit-, Froben,
1535, in-8". [R. XVI, 1162.]
Arnoldi Ferroni, De rébus gestis Gallorum lib. 9. Parisiis, Vasco-
sanus, 1550, in-8° [R. ra. 633, in-12.]
Joannis Vultei Remensis epigrammata. Lugduni, Gryphius, 1536,
in-12. [R. XVI, 1269.]
Historia del duca di Floria, in Venegia al signo del pozzo, 1542,
in-12.
Apulei Madaurensis philosophi platonici Metamorphoseos. Parisiis,
Colina^i, 1536, in-12.
Œuvres de Ronsard. Paris, Buon, 1504 [1604], in-12. [R. ra. 287,
in-12.]
[Thomas Morus]. Description de l'île d'Eutopie, 1550, in-12. [R.
ra. 245, in-12.]
Commentaire de Marsille Ficin, sur le Banquet des Amours de
Platon, par Simon Silvius. Poitiers, 1546, in-12. [R. ra. 455,
in-12.]
Augustin! Niphi niedici lib. 3. Lugduni, Beringos, 1549, in-12.
[R. r. 31, in-12.]
Berosi sacerdotis Chaldaïci antiquitatum lib. quinque, Antverpias,
Stelsius, 1545, in-12. [LL. h. 261, in-12.]
Theophrastus, De historia et causis plantarum, Parisiis, 1529,
in-12. [R. XVI, 1084.]
494 EMILE CHATELAIN
Idem. De liistoria plantanmi, Lui;duni, Pagnnus, 1352, in-12.
\'ertu et propriété de la quintessance de toutes choses. Lyon,
Détournes, 1549, in-8°. [R. ra. 242, in-12.]
Hieronymi Cardani Mediolani med. opéra. Lugduni, Paganus,
1535 (?), in-80.
Paracelsi Chirurgia Minor, quam alias Bertlieoneam intitulavit.
Basileas, Pernam, in-8°. [S<1>. /. 9, in-12.]
TabelL-e de vita et morte, francicc et laiine. Paris, Hulpeau (?),
1524 (?), in-8°.
Polidori Vergilii Urbinatis. Dererum inventoribus lib. 8, Lugduni,
Gryphius, 1546, in-8°.
Henrici Cornelii Agrippiv lib., Parisiis, Wechel, 1531, in-12. [R.
XVI, 1 112.]
Almanach nova plurimis, etc. Venetiis, Liechtenstein, 1521, in-4".
[R. XVI, 811.]
Lucii AnuLvi Seneca^. De Morte, etc. In ;vdibus Ascensianis,
15 14, in-4°. [R. XVI, 153.]
Michaelis Ritii Neapolitani. De regibus l"rancorum. Mediolani,
1505, in-4^\ [R. XVI, 769 provient de Condé, mais c'est une éd.
de Bàle, 15 17.]
De magistratibus et republica \'enetorum, Parisiis, Vascosanus,
1543, in-4°.
De rébus Turcarum, ad Franciscum Gallorum rcgem. Parisiis,
Stephanus, 1540, in-4''.
Di Ovidii Metamorphosi, 1538, in-4".
Aristophanis facetissimi Comediit, grasce, 1545, in-4".
Passionarius Galeni, etc., in-4°, Lugd., 1526. [R. xvi. 836.]
Ant. Musa^ De herba vctonica Apula.n. BasilccU, 1537, in-4°. [R.
XVI, 944.]
Cornélius Nepos qui contra etc. Taurini, 1515, in-4°, parch. [R.
XVI, 747.]
Rudimenta grammatices Linacri. Parisiis, Stephanus, 1533, in-4°.
[R. XVI, 880.]
Métamorphose d'Ovide, fig. in-4°, oblong.
Antiquarum statuarum urbis Rom;v de Cavalleriis.
Pseaumes de David, en hébreu.
Livre de broderie, fleur de la science de portraiture, etc. Paris,
1530, in-40.
[Demetrii] Phaleraei graece, Maugius (?), 151.1, in-4°, parch.
Il Decameronedi Boccaccio, etc., in Venegia, Giolito, 1548, in-4°,
Jurisconsultorum vit:u, etc. Basile;e, 1537, in-4°. [R. xvi, 908. J
RECHERCHES SUR LES PLUS VIEUX LIVRES DES CONDE 495
Leoniceni. De serpentibus. Bononix-, Junior, 15 18, in-4''.
Constantin! Lascaris Institutiones, etc. 15 10, in-4''.
Mythologie, avecfig., in-4'', parch. verd. [I. 141.]
Sententiola poetarum vet. opéra. Graece, lat. in-4'', p.
Ovidii Metamorphoseos libri moralizati. Lugd., Huguetan, 15 10,
in-4'', parch.
Diodori Siculi Historiarum libri aliquot, Basilea.-, 1539, in-4''. [R-
XVI, 91e.]
La Mer des Chroniques, par Rob. Gaguin. Paris, 1525, in-fol.,
parch. [R. xvi, 642.]
[J, Lemaire de Belges]. Singularités de Troye, 1509, in-4'', P-
Orationes Beroaldi, in-4°. [R. xvi, 92e.]
Salmonii Macrini Odarum libri sex, Lugd., Gryphius, 1337,
in-4°, [R. XVI, 1x8 5.]
Libellus verè aureus seu Utopia Thoma Mori. Antverpiae, 151e,
in-4°. [R. XVI, 755.]
Les vingt-et-une epistres d'Ovide, translatées de latin en français,
par l'évéque d'Angoulême. Paris, Trepperet, 1525.
Guidonis Juvenalis Opéra. Parisiis, 1490, in-4°. [I. 188].
Theodori Gazse Grammatica. Parisiis, 1521, in-4°. [R. xvi, 809.]
Urbani Bellunensis Institutionum in linguam graecam grammatica-
rum libri 2 en i vol. in-4°, parch.
Jul. Caesaris Scaligeri. De causis lingua; latina lib. 13, Lugd.,
Gryphius, 1540, in-4°, parch. [R. xvi, 969.]
Délia istitutione di tutta la vita del huomo nato nobile e in citta
libéra del Alessander Piccolomini. Venise, Scot. 1542, in-4°,
demi-rel. [SG. e. i, in-4''.]
Hermolai Barbari Patritii Veneti in C. Plinii Xaturalis historiée
libros castigationes. Basileae, Valderus, 1334, in-4<', [R. xvi,
89e.]
Laurentii Valla;. De voluptate et vero bono lib. très, 1522 [1519],
in-4<'. [R. XVI, 772.]
C. SoUii Sidonii Apollinaris opéra cum commentariis j. Bapt. Pii.
Basileae, Petrus, 1342, 4°, parch,
L. Domitii Brusonii Contursini Lucani facetiarum exemplorumque
lib. 7. Basileas, Br}'lingerus, 4°.
Orlando Inamorato del signor Mateo Maria Boyardo. \'inegia,
Scotto, 1548, in-4''.
De magistratibus Atheniensium lib. auth. Guillelmo Postello Baren-
tono. Parisiis, Vascosan, 1541, in-4°.
Jacobi Silvii Ambiani in linguam Gallicam isagogx. Parisiis, Rob.
Stephan., 15 31, in-40. [R. xvi, 870.]
49^ EMILE CHATELAIN
Eusebii Chronicon. Parisiis. Henr. Stephanus, 13 12, in-12. [R.
XVI, 738.]
Pétri Corbelini Adagiales flosculi. Parisiis, Chevallon, 1520, 111-4°,
parch. [R. xvi, 802.]
Aristotelis Propositiones. Venetiis, Joannot, 1493, in-4°- [I- I93-]
Le iMaitre d'arme ou l'exercice de l'épée seule, par Liancourt, ûg.
Paris, in-4°.
Assemblée des trois états. Caratter. goth., 1483, in-4°.
Appiani Alexandrini. De civilibus Romanorum bellis historiarum
lib. 5. Parisiis, Vascosan, 1538, in-40, parch. [R. xvi, 41e.]
Réthorique tant prosaïque que rithmétique de Pierre Fabri. Rouen,
1521, Rayer, in-40. [R. xvi, 810.]
Gesta Alexandri Magni a D. Galthero versibus conscripta.
Goth. in-4°.
Theophilacti arch. Bulgarias institutio regia. Parisiis, in-40.
Tullius. De officiis, cum commentariis P. Marsi, in-4°. [I. 165.]
Mirabilia Romas Francisci Albertini, sans datte, ni nom d'impri-
meur, in-4°.
De accentibus et orthographia linguœ hebraica; J. Reuchlin.
Hagenoie, Badensis, 15 18, in-4°, parch. [R. xvi, 632.]
Epiphanii ep. Cypri. De prophetarum vita et interitu commenta-
rius griece et lat. Basileie, Cratander, 1529, in-4°. [R. xvi,
853.]
Pindari poetîe vetustissimi, etc. Basileas, Cratander, 1535, in-4°.
[R. XVI, 899.]
De la Rep. des Turcs, etc., par Postel, cosmopolite. Poitiers,
Demarnef, in-4°, sans datte. [1560. R. r. 6, in-80.]
Sigeberti Gemblacensis cenobitie Chronicon ab anno 331 ad 1113.
Henri Steph., in-4° [15 13]. [R. xvi, 744.]
Laurentii Valhe. De latin^e linguœ eloquentia, etc. Parisiis, Rob.
Steph., 1541, in-40. [LP. 1. 26, in-40.]
Manuelis Moschopuli. De ratione examinandie orationis liber grasce.
Lutetia;, Rob. Steph., in-4°, parch.
Trattato utilissimo circa lo regimento e conservatione delà sani-
tade, per Meser Volgo [Ugo Benzo], sans datte, in-40. cart. [1508.
R. xvi, 725.]
Veterinaria; médicinal lib. 2 a J. Ruellio, grrece. Basileie, Valde-
rus, in-40, parch. [1537]. [R. xvi, 906.]
Musaei antiquissimi poetie de Leandri, etc., grx'ce. Lutetia;, Gour-
montus, 1509, in-40.
Practica J. Serapionis, etc. 1525, in-40, parch. [R. xvi, 641.]
RECHERCHES SUR LES PLUS VIEUX LIVRES DES CONDE 497
Commento di Hicronymo [Benivieni] sopra a piu sue canzone
et sonetti dello aniore, etc. Firenze, Tubini, 1500, in-4°. [I.
". tél.]
Recueil d'histoire romaine, in-4°, sans datte ni lieu d'impr.
Policratici opéra, etc. Parisiis, Rembolt, 15 13, in-4°.
Philippi Galeni opusculum, in-4°.
Arbor ScientiiV Raymundi LuUi, 1515, in-40. [R. xvi, 752.]
Joannis Argentarii varia opéra. Florentiœ, Torrentinus, 1550,
in-40.
Opusculum de mirabilibus Romœ a Francisco Albertino. Lugduni,
1520, in-4''. [R. XVI, 800.]
P. Ovidii Nasonis opéra. 4 vol. in-4°.
Veterinarix^ niedicin;\i lib. 2. interprète Joh. Ruellio. Parisiis,
Colinieus, 1530, in-fol. [R. xvi, 28.]
Dion. Des faits et gestes des Romains. Paris, les Angeliers, 1542,
in-fol., parch.
Persius cum commentariis. Venetiis, de Tridino, 1499, in-fol.
parch. [I. 219.]
Ex recognitione Erasmi varii autores, Basil., Frobenius, 15 18,
in-fol. [R. XVI, 204.]
Eustathius in Homerum. RoniiV, Bladus, 1550, 2 vol. in-fol.
Le ricchezze délia lingua volgare di Francesco Alcuino. Vinegia,
Aldus, 1543, in-fol.
Joh. Bap. Egnatius in Dioscoridem. Romie [Venet.] 15 16, in-fol.
[R. XVI, 179.]
Julii Pollucis vocabularium. Florentiie, Junta, 1521, in-fol.
Domitii Calderini commentarii, 1475, in-fol., parch.
Methodus medendi certa, auth. Albucase. Basileie, Henr. Petrus,
1541, in-fol.
De omnibus agriculture partibus, etc. ; et à la suite : Liber Pétri
Crescentio de Bononia de agricultura, mss. sans date. — Basilea;,
Henric Petrus, 1548, in-fol., parch.
Chronologia ab initio mundi usque ad resurrectionem Christi, auth.
J. Funatio, Basle, 1545, in-fol.
Philocolo in lingua volgare... di J. Becontio [Boccacio] de Cer-
taldo. Venetia, 15 14, in-fol. [R. xvi, 157.]
Dictionarium Varini Phavorini Camertis ex auth. coUectum linguîc
gn^Cc^. Basileag, 1538, in-fol. [R. xvi, 361.]
M. Tullii Ciceronis epistol^e familiares, sans date, in-fol.
Valerii Maximi dictorum et factorum memorabilium, etc. Parisiis,
Parvus, 1535, in-fol. [R. xvi, 343.]
Mélanges. II. j2
498 EMILE CHATELAIN
Croniche di Messer Giovanni \'illani Fiorentino, etc. In Venetia,
Zanetti Casterza[gense], 1537, in-fol. [R. xvi, 374.]
7 livres des histoires de Diodore Sicilien, traduit du grec en franc.,
Paris, Vascosan, 1554, in-fol.
Compendium historial des polices des empires, etc. Paris, Dupré,
1528, in-fol.
Pomponii epistola, Crispi Salusti lib. de conjuratione, cum com-
mentariis, Laurentii Philelphi epistoUi^ lib. 16. Venetiis, de Pip-
cius, 1492, in-fol. [I. 79.]
J. Stobœisententite, Cyri Theod. dialogus de exilio amicitiae, griece
et lat., in-fol., sans date.
Lepistole vulgari di Nicolo Franco. Venetia, Gardano, 1539, in-
fol.
J. Fernelii Ambianatis Cosmotheoria. Parisiis, Colinivus, 1528,
in-fol. [R. XVI, 274.]
Xenophontis pphi opéra omnia grœce et latine. Basilece, Brylin-
gerus, 1545, in-fol.
Isocratis, Herodoti Halicaruassei lib. 9 in latinuni trad. Venetiis,
1494, in-fol. [I. 91.]
Templo militante, flos sanctorum y triumphos, etc., par Barth. Cay-
rasco. Lisboa, Crasboeeck, 15 15 [1615], in-fol. [R. ra. 147, in-4°.]
Chronicorum multiplicis historiit utriusque testamenti. Maffa^us.,
lib. 20. Antverpias, Crinitus, 1540, in-fol.
Auli Gellii Noctium Atticarum lib. 19, etc. Paris, Vascosan, 1536,
in-fol. [R. XVI, 341.]
G. Julii Hygini Augusti liberti fabularum lib.; ejusd. Poeticon
astronomicon, etc. Basileœ, Hervagius, 1549.
Alex. Tralliani med. et Rhazae De pestilentia lib. Jac. Goupyli
Castigationes. Lutetia;, Rob. Steph. 1548. [R. r. 63, 4°.]
Polybii Megapolitani Historiarum lib. Nie. Perotto interprète.
Basilese, Hervagius, 1549, in-fol.
Thucydides cum scoliis antiquis. Basilec'e, Hervagius, gra.'cè, 1540,
in-fol.
Historia de todas las guerras civiles que wo (sic) entre los Roma-
nos, etc., trad. de latin in lingua castellana, 1536, in-fol.
De l'Institution du Prince, par Guill. Budé, etc. Paris, 1547, in-fol.
[R. ra. 18, 4°.]
Gl. Glaudiani Proserpina; raptus, Silii Italici Vita, etc. Parisiis,
Regnault, 15 12, in-fol.
Terentii Gomedia^ 6. Parisiis, Hcnr. Steph., 1529, in-fol.
Justiniani Novella^ constitutiones. Parisiis, H. Steph., 1538, in-fol-
RECHERCHES SUR LES PLUS VIEUX LIVRES DES CONDE 499
Pauli iî!milii Veronensis. De rébus gestis Francorum lib. 10. Pari-
siis, Vascosan, 1550, in-fol.
Albert! Magtii Methaurorum lib. 4. Renalius de Novimagio, etc.
1498, in-fol. [I. 84.]
Planta vitis seu Thésaurus synonymicus hebraïco-chaldaïco, rabi-
nicus. Plantavitius ep. Lodovîe, Colomerius, 1544 [1644], in-fol,
[Rel. mar. r. aux armes de Plantevit. R. r. 17, fol.]
Inscriptiones antiquœ totius orbis Romani Grotii, Scaligeri et Vet-
teri card. fig. ex off. Comeliano, in-fol.
Ludovici Cœlii Rodigini lectionum antiquarum lib. 30. Basikct,
Frobenius, 1542, 2 vol. in-fol.
Lectiones Dni Al. Siculi archiep. Panormitani super 2 decretalium
lib. Basile^, 1481, in-fol. [I. 41.]
Miroir historial de France. Paris, Dupré, 15 16, in-fol.
Opéra omnia Divi Joannis Mesue. Venetiis, 1502, in-fol. [R. xvi
102.]
Francisci Patricii Senensis pontificis Cajetani, Enneas de Regno,
etc. Parisiis, Dupré, 1520, in-fol. [R. \vi, 213.]
Les dix premiers livres de l'Iliade d'Homère. Paris, Sertenas, 1545,
in-fol.
Infînita naturce sécréta quibuslibet hominibus contingentia, etc.,
per Bern. de Baraldis, 15 15, in-fol.
Julii Firmici Materni junioris Siculi ad Mavortium, etc. Basile^,
Hervagius, 1533, in-fol.
Omnia divini Platonis opéra. Basileac, Froben, 1546, in-fol.
Opéra Virgiliana cum decem commentis, etc. Lugduni, Crispinus,
1529, in-fol. [R. XVI, 277.]
Calendarium magnum Romanum, aut. StoefUero Alemano, 15 18,
in-fol. [R. XVI, 194.]
Joannis Fagaultii de chirurgiaj institutionibus lib. 5. Parisiis,
Wechel, 1548, in-fol.
Jani Damasceni decapolitani summ^e inter Arabes auctoritatis
medici, etc. Basileas, Petrus, 1543, in-fol.
Compendium sive Breviarium primi voluminis sive historiarum de
origine regum, etc. 151 5, in-fol.
Chronica de Joanne Maccalezo (?), in-fol.
Methodus sex librorum Galeni. Parisiis, Wechel, 1550, 2 vol.,
in-fol.
[Johannes de Sacrobosco]. Sphera mundi novi[ter] recognita. Vene-
tiis, 15 18, in-fol. [R. XVI, 200.]
Joannis Math^ei de Gradi[bus] opéra. Mediolani, Jacobus, etc. delà
Rippa, 1493, in-fol. [I, 75-]
500 EMILE CHATELAIN
Epigrammata antiquse RomEc. Mazoche, 1521, in-fol. [R. xvi,
3 34 '^]
Eusebii Pamphilii Evangelicse pr^eparationis lib. 15. Lutetiit, Ste-
phaiius, 1544, in-fol.
Opéra J. Franc. Pici. Mantua;, 150e, 2 vol. in-fol.
Ant. Musi^ Brasavoli medici commentaria. Basikit, Froben, 1541,
in-fol.
Commentarii linguce gr^c^e a G'"'^ Budito. Parisiis, Robert. Ste-
phanus, 1548, in-fol.
Généalogie Joannis Boccatii. Mediolani, 1505, in-fol.
Laurentii Vallœ opéra. Basilea^, H. Petrus, 1543, in-fol.
Auctores historiœ ecclesiasticœ. Basileas, Froben, 1523, in-fol. [R.
XVI, 238.]
Glarica musica. Basileœ, H. Petrus, 1547, in-fol.
Les illustrations de Gaule et singularité de Troye, par Jean Le
Maire de Belges. Lyon, Détournes, 1549, in-fol. [R. ra. 25, fol.]
JossE Saint-Laurent chez Condé émigré '.
Le bon mesnaiger, par Pierre des Crescens. Paris, Sertenas, 1540,
in-fol. [R. XVI, 658.]
I. Ce titre doit être probablement restitué : « Condé émigré, chez Josse
Saint-Laurent. » En 1790, le prince de Condé donna des ordres pour que
ses livres les plus précieux fussent mis à l'abri de la confiscation dont ils
étaient menacés. Le Musée Condé possède une liste sommaire de 141 articles,
publiée par Léopold Delisle (p. lxxiii sq.), des éditions princeps et autres
raretés que le prince voulait sauver. Or, en comparant cette liste avec les
livres mentionnés ici, ou constate que Sérieys y a pris 54 articles très impor-
tants. Van Praet avait sans doute enlevé les autres, surtout les vieilles
impressions de textes français. Voir les n°s 5, 7, 13, 22, 25, 26, 36, 41, 50,
53, 55, 56 de la liste des livres des Condé, conservés à la Bibliothèque
nationale (Ibid., p. lxxvi).
D'après un mémoire anonyme de 1850, publié parL. Delisle (/. c, p. xvi)
les livres et manuscrits des princes de Condé avaient été transportés par
leurs ordres, une partie chez un sieur Laurent, demeurant à Paris, rue
Saint-Pierre-Pont-aux-Choux, et l'autre partie à l'hôtel d'Aiguillon, rue de
Grenelle-Saint-Germain. La cachette de l'hôtel d'Aiguillon ne fut décou-
verte que plus tard, et, attribuée en bloc à la Bibliothèque nationale, elle fut
restituée en 181 5 aux représentants du prince; mais la première avait été
dispersée dès l'an V. Le sieur Laurent doit être le même que notre docu-
ment nomme Josse Saint-Laurent. — Il semble qu'il y ait eu encore une
autre cachette d'après les mentions mises en marge de certains volumes,
RECHERCHES SUR LES PLUS VIEUX LIVRES DES CONDE 5OI
Valerii Martialis opus. Venetiis, 1480, in-fol. '.
Juvenalis Aquinatis satirographi opus. Venetiis, de Lindon, 1539,
in-fol. ^
Juniani Maii Parthenopei liber de priscorum proprietatc verborum.
Venetiis, 1485, in-fol. [I. 60.] 3.
Reuchlin Phorcensis de verbo mirifico, 1494, in-fol. [I. 88.] 4.
Bartholomeus Brixiensis Concordia discordantium canonum,
in-fol. 5.
Testamentum novum gr^ecè et latine. In-fol. ^.
Biblia hebraïca. In-fol. [R. r. 40, fol,] 7.
Januensis Joannis ordinis Fratrum Pr^edicatorum sumnia quas
vocatur Catholicon. Lugduni, Zathani, 1494, in-fol.
Jacobi Januensis Legenda Aurea. Parisiis, Friburger, 1495 [:47)],
in-fol. [I. 28.] 8.
Abbatis Nicolai Siculi Super decretalium de vita clericorum, etc.
Basilese, de Amerbach, 1488, in-fol. [I. 63.] 9.
Galieni Turisani monaci Cartusiensis comnientum. Bononiœ, Ruge-
rius, 1489, in-fol. [I, 71.]'°.
Lucanus cum commento. Venetiis, de Portesio, 1492, in-fol.".
Statii commentarii. Venetiis, de Portesio, 1494, in-fol. '-.
Propertius, Tibullus, Catullus, cum commento. Venetiis, 1493,
in-fol. '5.
Petrarchîe opéra. Venetiis, 1503, in-fol. [R. xvi, 105.] h.
dans le même ms. de l'Arsenal, fol. 246 v» : Livres de che^ Conâé trouvés
chei Lafayctte et fol. 247 : Livres de divers particuliers rapportés de che:^ Coudé
che^ Lafavette.
1. Correspond au n" 154 de la liste publiée par Delisie, p. Lxxiii sq.
C'est l'édition de Calderinus.
2. Peut-être le no 93 de la même liste.
3. No 108 décrit ainsi : Priscus de verborum proprietate, 1485.
4. No 103.
5. No 91.
6. Peut-être n" 29.
7. Certainement n° 54 : Bible hébraïque d'Arias Montanus (1662).
8; No 34. La date est exacte dans la liste de Chantilly.
9. No 100. Probablement no 100 : [Panormitanus] de vita clericorum,
1498 (à tort).
10. No 106 : Microtechi Galieni commentum. 1489.
11. No 112. •
12. No 104.
15. Peut-être n" 1 10.
14. No 130.
502 EMILE CHATELAIN
Ordinis Minorum deRoberti Litio. Romœ, Arnoldus, 1472, in-fol.
Imola (Alexandri [Tartagni] de) doct. utriusque juris. Lecturœ de
jure civili. Venetiis, 1494, in-fol. [I. 18.] '.
Chronique de France. Paris, Regnault, in-fol. [R. xvi, 154 ] 2.
Pelagii Alvari. De planctu ecclesiae, 1535, in-fol. [R. xvi, 188.] 3.
Joannis Andréas Novella super primo libro decretalium. Venetiis,
Jean de Forlivio, 1439 [1489], in-fol. [I. 13.] 4.
Ferrarius. Commentaria. Pavi«, Aloizius Comensi, 1497, in-fol. 5,
Epistola; Marsilii Ficini, 1495, in-fol. ^.
Capell^ de mystica [nuptiis] etc. Vicentiîe, 1499, in-fol. 7.
Antiquitates judaïc^e a Josepho liist. In-fol. ^.
Titi Livii Décades. Romae, 1472, in-fol.
Chroniques de Martin. Paris, Verardi, 1454 (jic.^, in-fol. 9.
Stœftler. Calendarium Romanum magnum. Oppenheym, Kohel,
1518, in-fol. [R. XVI, 194.] '°.
De ordine Fratrum Minorum. Nuremberg, Koburger, 1492, in-fol.
De Voragine, Aurea Legenda sanctorum quae lombardica historia
nominatur. Lugd., Huyon, 15 17, in-4°. [R. xvi, 629.]".
Guido de Columnis, de Casu Troja^, 1480, in-4°. '2.
Catho moralizatus, alias Spéculum regiminis, quoad utriusque
hominis, etc. Lugd., De Vingle, 1497, in-4° [I. 153.]".
Chronique de Louis de Valois, depuis 1455 jusqu'en 1483, in-40. h.
Consilia medica Baverii. Bononiœ, Plato, 1489, in-4°. [I. 67.] '5.
Fasciculus temporum omnes antiquorum chronicas complectcns,
1481, in-4°. [L 147, s. d.] ^6.
1. Cf. no 25 : hiiola in rubricam. Deux vol. in-fol. 1494. Un seul vol.
est conservé.
2. Peut-être n" 37.
3. Peut-être no 10, quoique daté de 1517.
4. No 96 : Novella Andréas super Decretales. 1489.
5. Peut-être n" 52. Pratice Ferrarii. Deux vol. in-fol.
6. No 102.
7. No 77 : Capella de nuptis, 1499.
8. Peut-être no 46.
9. Cf. no n 5 : Chronique mariinienne, Verard.
10. Peut-être n" 92.
11. No 39.
12. No 81.
15. No 131.
14. No 109.
15. No III.
16. No 83.
RECHERCHES SUR LES PLUS VIEUX LIVRES DES CONDE 503
Nouveau Testament. Lyon, Ikiyer, in-4".
Marii Philelphi artium jurisque doctoris opéra, 1489. — Ibid.
Francisci Nigri epistoUe, etc. [I. 186.] '.
Ludolphi Cartusiensis Vita Jesu Christi. In-4°. ^.
Guilli Tardivi, Eloquenti:v compendium, 1490, in-4". [I. 187.] î.
Vita sancti Thonix martyris. Parisiis, Alamanus, 1495, in-4°. 4.
Flavii Josephi Judivi collectio. Jehan Petit, 1520, in-4". 5.
La Chirurgie de Salicet, dit de Piacentia. Lyon, Husz, 1492, in-4°.
[L 19].] 6.
Theologias veritatis compendium. In-4°. 7.
EusebiiEsurientishistoria ecclesiastica. Parisiis, Levet, 1495 [1497].
in-40. [L 152.] 8.
Jardin de pLaisance et fleurs de rhétorique, Paris, in-4°. 9.
Practica Bernardi de Gordonio dicta Lihum mcdicina?. Lugduni,
Lambilionis, 1491, in-4°. [L 138.]'°.
Variae oblectationis opuscula et tractatus, Hemmerlin, Basile^e,
1497, in-4°. [L 151-] "•
Gregorii Turonensis historia. J. Petit, 1522, in-4°. [R. xvi, 235. j'^.
Légende dorée. Paris, Aubri, 152e, in-4°. [R. xvi, 255.]'3.
Les Triomphes de Pétrarque. Paris, Petit, in-4°. [R. xvi, éoi.]'4.
Le Vergier d'honneur, par Saint-Gelais. Paris, Trepperel, in-4°. '5.
La Vie de saint François, par Simon Vostre. Paris, in-4°. [L
163.] '^
Liber creaturas. Sabunde Raym. Tholosce, 1436, in-4°. [I, 133, s.
d.]'7.
1. No 74.
2. Peut-être no 97.
3 . No 2 1 .
4. No 158.
5. Peut-être no 46.
6. No 5.
7. No 73.
8. No 18.
9. No 120 [de Fabri]. « en rimes françaises ».
10. No 22.
11. No 114, avec la date fausse de 1493.
12. No 135.
13. No 23,
14. No 119.
15. No 122.
16. No 2.
17. No 124. La date de 1436, qui est celle de la préface et non de l'im-
pression, est aussi donnée par la liste de Chantilly.
504 EMILE CHATELAIN
Jordani Nemorarii arithmetica, 1495, in-4°. [I. 149.] '.
Oldradi de Laude. Consilia, 148 1, in-40 [I. 127.] 2.
Illustrium virorum epistolae, 1499, in-4°.
Job. de Tornamira. Clarificatorium super nono Almansoris, etc.
Lugduni, Trechsel, 1490, in-4°. [I. 137.] 5.
De regimine ecclesias primitivje historia de Cassiodoro. Parisiis,
Regnault, in-80. [R. xvi, 1222.] 4.
[Dorlandus.] Viola aninic-e per modum dialogi inter Raimondum
Sebundium, etc. de natura hominis. Colonias, Q.uentell, 1501.
[R. XVI, 701.] 5.
Heures gothiques à l'usage de Bourges. Paris, in-S". ^ .
Beroaldi. De regimine corporis humani. Lugduni, 1504, in-8°. 7,
Reprobatio sententi^ Pilati, a Lodovico Montalto. Parisiis, 1493,
in-80. [I. 192.]».
L'aiguillon de l'amour divin de saint Bonaventure. Paris, Sergent,
1541, in-8° [R. r. 34, in-i2.]9.
Métamorphoses d'Ovide, trad. par l'Abbé Bunières 'o.
Décréta Basiliensia et Bituricensia. Guymier. Lugduni, 1488, in-8°.
[I-_i34.]"-_
Stultifera navis et narragonica profectio per Seb. Brant. Parisiis
Gaufer [Gaufridus de Marnef], 1498, in-8°. [L 211.] '2.
MaximiTyriiphilosophiPlatonici sermones. Parisiis, Henr. Steph.,
15 19, in-fol. [R. XVI, 211.]
Libri Epidemiarum Hippocratis. Parisiis, 1546, in-fol.
Etymologicum magnum graîce, in-fol. [1499 (?)].
Bernardini historia. Mediolani, Minutianus, 1503, in-fol.
De Roma triumphante lib. 10. Basileas, Froben, 1531, in-fol.
Flavii Josephi opéra grttce. Basilea;, 1544, in-fol.
Dictionarium trilingue Munstericongestum latine, graece, hebraïcc.
Basileae, Henr. Petrus, 1535, in-4°, parch. [R. xvi, iiéa.J
Emile Châtelain.
1. N° 139.
2. No 133, avec la date fausse 1480.
3. Peut-être no 123.
4. Peut-être no 43.
5. No 8.
6. N" 7.
7. No 12.
8. No 140.
9. N" 19: L'F.^uillon d'amour, par Gcrson, 1541.
10. Peui-ètre ii" 65.
11. N" II.
12. No 16.
SIGNATURES DE PRIMITIFS
LE BANQUIER ET SA FEMME
DE aUINTEN MATSYS
L'identification cfune œuvre d'art par un mandat de paye-
ment, est, quoiqu'on en dise, bien problématique.
Tous ceux qui connaissent l'organisation corporative du
moyen âge — et toutes les pages de cette époque que nous
appelons aujourd'hui œuvres d'art ne sont en réalité que des
travaux industriels — , n'ignorent pas qu'autour de chaque
maître, chef d'atelier, vivait tout un petit monde de compa-
gnons, de valets, d'apprentis, de fatnulae mêmes, qui pour
n'avoir jamais figuré dans un compte, n'en menèrent pas
moins à bien, souvent avec beaucoup de talent, les com-
mandes de la boutique. C'est ainsi qu'au début du xv^ siècle,
à un moment où il y avait dans l'Ile-de-France au plus
cent cinquante maîtres peintres, scribes et enlumineurs, Guil-
lebert de Metz qui était du métier, pouvait écrire que dans
Paris, il se trouvait soixante mille écrivains et miniaturistes.
On voit la difficulté.
Plus dangereuse encore est la critique purement sentimen-
tale, qui croit possible de trancher par une simple apprécia-
tion de facture, de couleur, les problèmes les plus délicats. On
a vu, en effet, les meilleurs confondre Botticelli et Jérôme
Bosch, se tromper sur le sexe des personnages qu'ils exami-
naient, décrire dans leur lyrisme littéraire d'admirables choses
qui n'existaient pas.
Alors comment décider ?
506 F. DE MÉLY
Quand on sait au contraire, par les ordonnances, par des
jugements, que loin de voir se dresser devant eux l'interdic-
tion de signer leurs œuvres, les artistes étaient obligés d'y
apposer leurs marques, que loin d'être des ignorants ou des
méprisés, certains parlaient six langues et recevaient des
princes les distinctions les pins flatteuses, qu'au moyen âge
enfin aucun détail ne doit être regardé comme indifférent, il
faut se demander si ce n'est pas dans ces hiéroglyphes qu'on
prétend simplement décoratifs, dans ces lettres majuscules
qu'on assure destinées uniquement à imiter l'antique, dans ces
inscriptions qu'on croit au premier abord indéchiffrables, qu'il
faut chercher les documents réellement indiscutables.
Mais de ce côté, les découvertes sont forcément très lentes,
beaucoup plus lentes qu'on ne pourrait le soupçonner. Les ins-
criptions sont souvent cryptographiques, parfois en langues
très diverses, tracées par des artistes fort ignorants des règles
de la paléographie, qu'on aurait ainsi grand tort d'invoquer
contre ces fantaisies invraisemblables.
Il y a là en effet des abréviations extraordinaires, des jeux
de mots fantastiques^ des rébus fort inconvenants, des gau-
loiseries très grasses, auxquelles les milieux sérieux de nos
jours et les mentalités savantes actuelles ne sont pas habitués;
ce sont plaisanteries d'ateliers. Si bien que la réunion d'inscrip-
tions à conserver, leur classement, leur déchiffrement, peuvent
demander bien des mois, des années mêmes : la solution,
quand on l'obtient, n'en est que la mieux venue. Aussi suis-je
très heureux d'apporter aujourd'hui en hommage à un des
maîtres les plus éminents de la science du moyen âge, une
modeste étude, le troisième chapitre d'un travail commencé
dans la Ga:{ette des Beaux- Arts en 1908, continué dans les
Moniunents Piot en 19 10, qui va peut-être trouver ainsi sa
conclusion en 19 13, après six ans de recherches par consé-
quent.
LE BANQUIER ET SA FEMME 507
L'un des tableaux primitifs les plus justement célèbres est
certainement le délicieux petit panneau du Musée du Louvre,
le Banquier et sa femme (fig. i), l'œuvre peut-être la plus
exquise de Quinten Matsys, Mais alors qu'on le croyait exé-
cuté en 15 19, deux lignes qu'on n'avait pas lues, inscrites au
dos d'un volume, placé sur une planchette du fond, nous
donnent au contraire : Quinten Matsys, ScJnldcrt 1)14 (fig. 2).
C'est par exemple la seule inscription de ce tableau qui a joui
pendant le xvi'' et le xvii^ siècles d'une telle vogue, que quan-
tité de reproductions s'en trouvent dans de nombreuses col-
lections d'Europe.
On doit rappeler ici celles que j'ai étudiées naguère à la
suite de la page du Louvre : les tableaux de la collection délia
F;:,ille (15 19), du Musée de S. A. R. le prince de Hohenzol-
lern, à Sigmaringen (1534), du Prado de Madrid, de Valen-
ciennes, de Munich, toutes trois datées de 1538, de Copen-
hague (1540), de Dresde (1545), de Florence, de Nantes,
d'Anvers, de King John's House (Farham, Dorset) : ces der-
nières sans dates, par exemple.
Les inscriptions, que j'ai pu photographier et lire, donnent
non seulement des dates qui s'échelonnent ainsi de 15 14 à
1545, mais les parchemins couverts de caractères, pendus
dans ces tableaux, les registres de comptes ouverts, nous font
connaître le nom des peintres qui les ont exécutés, Matsys,
Corneille de la Chapelle ou de Lyon, Marinus de Roymers-
wall et aussi les personnages qui y sont représentés, leurs
fonctions et leurs résidences. Le tableau du Prince de Hohen-
zoUern (fig, 3) nous fournit :
Rekenigbc van lan Ohrechts
Van ^iiti ha If iaer de
Anno vierendertich von d'
Cleene ontfanck.
508 F. DE MÉLY
Ce qui veut dire :
« Compte de Jean Obrecht de son semestre de l'an 1534,
de la petite recette. »
Puis :
Ende concliiderende mitsdien die :^ejfde lucester Cornelis van
der Capella aJshi hoven intdoen van desen gheconcludeert heeft
ghehadt onder huer... ijjj. C. Morsel sign.
Ce qui signifie.
« D'où il faut conclure, par conséquent, que le même maître
Corneille de la Chapelle, comme il [est dit] plus haut, en exé-
cutant ceci, avait pris en sous-location en 1533. C. Morsel
sign. »
Enfin, dans le registre ouvert sous la main de la femme
(fig-4):
Ander ontfanck van de Waternwe\ï\. In dem eersten van Michiel
de Wale achtervo]ge[nde] donde vord[rag] omme die maetit I.
C'est-à-dire :
« Autre recette de Watermael. D'abord de Michel de Wale,
suivant l'ancien contrat pour le mois de I. »
Ce tableau nous donne ainsi la date de 1534, les noms de
Jean Obrechts, de maître Corneille de la Chapelle, de Mor-
sel, de Michel de Wale, enfin un nom de pays : Watermael '.
Le tableau de Munich porte (fig. 6) :
Roymerswall, Marinus mefecit a° )8.
Puis une adresse sur une lettre :
Aeûd eersaTûê en zvise myïïe discrète Waut. Basselaer, tbollene
tôt Ts.. !.. meleun.
Ce qui signifie :
« A l'honorable et sage Monsieur discret Gaut[hicr] Basse-
laer, collecteur d'impôts à Ts..l.. meleun.
Quant au registre on lit :
I. Petite localité du Brabanl.
p. so8
1
• • ■ '■ -■
Fiu. I.
Hk. =.
LE BANQUIER et SA FEMME
Fig. I. — Par Quentin Matsys
(Musée du Louvre)
Fig. 2. — Signature de Matsys.
(Musée du Louvre)
Fig. 3. — Par Corneille de Lvon.
tCollection de S. A. R. Mgr. le Prince de HohcnzoUern)
(Muiée de Signiaringen)
Fig. 4.
Fig. 5.
5.^
Fig. 6.
LE BANQUIER et SA FEMME
Fig. 5. — Par Marinus.
(Musée de Madrid)
Fig. 4. — Registre du tableau
de Corneille de Lyon.
(Musée de Signiariiiireii)
Fig. 6. — Signature de Marinus de Roymerswall. 1538
Fig. 7.
Fi". 8.
LE BANQUIER et SA FEMME
Fig. 7. — • Copie du xvii° siècle.
(Musée d'Anvers)
Fig. 8. — Copie du xvii° siècle.
(Collection Mejer de Calmar),
•'.; 9-
LE BANQUIER et SA FEMME
Fig. 9. — Une des feuilles du registre du
tableau de la Collection xMeyerde Colmar,
signée Q_. M. avec la date de 15 14.
l'ig. 10. — Autre feuille du registre (
tableau de la Collection Mever.
Jmi de Driivc cid Jan Onde.
renlcn
.... Van der Vrye ad sy..
Somma same. . .
Ce qui veut dire :
« Jan de Druwe et Jan Onde xxx se
... renten xiiii tt
...Van de Vrye ' et son... c
somme totale c
•R ET SA
FEMME 509
XXX se.
Jan de Wrye ad sn resien
xiiij il
. . .sâmc
c
.c
ÎVilm Rail.... ix.
Jan de Wrye et son solde
. . .total
Wilhem Rail..., ix »
Le tableau de Madrid (fig. 5) porte dans le fond sur un
livre ouvert :
Roymersiuall Marinas me fecit a° ij)S
et le registre :
Reyken vam lyjf renten.
lan de Druve âd sn onde rester x
Adrix S files cofnt. taeclich
Lysbet vander Bire en hare rcsten
Clare en Kathrine va d Breecht.
S- LXXVll. III se. III gl.
Ce qui signifie :
« Compte des rentes viagères.
Jean de Druve sur son vieux solde x
Adrien Stiles quatre vingt
Elisabeth van der Bire et son solde
Claire et Catherine van der Breecht
Total Lxxv il. III se. III orl.
A m deMeyer, etc. x^y resta
xviij iid
....X ff
PVilm Pie ter s.
A de Meyer, etc. son
solde XVIII iid
....X ff.
Guillaume Pieters.
Nous sommes ainsi fixés : chaque réplique porte dans ses
inscriptions ses papiers d'identité. On ne peut plus dire que
I. D'après le baron Van Zuvlen, ce serait le « Franc de Bruges »,
ancienne fondation flamande.
5IO F. DE MELY
ce sont des hiéroglyphes inutiles et intraduisibles ; nous devons
compter avec eux et ne pas les regarder comme insignifiants.
Ne nous permettent-elles pas en effet d'attribuer, sans hési-
tation possible, le tableau du Louvre à Quinten Matsys en
15 14, celui de S. A. R. le Prince de Hohenzollern, à Cor-
neille de Lyon en 1534, les autres à Marinus de Roymerswall
qui les peignit de 1538 à 1545. Quant au tableau de King
John's House, qui est beaucoup plus tardif, il me semble voir
sur la photographie que je dois à l'amabilité de M. Salomon
Reinach quelques lignes tracées; malheureusement je ne puis
les déchiffrer sur l'épreuve.
Mais si on a jusqu'ici rattaché tous ces panneaux au tableau
du Louvre, aussitôt qu'on les rapproche, on s'aperçoit que s'ils
reproduisent bien le même thème, ils appartiennent cepen-
dant à quatre types très différents dans leurs détails extrême-
ment personnels.
Le Matsys du Louvre, le premier en date (15 14), est unique
dans son exécution ; celui de Corneille de L3^on, le premier
d'une série nouvelle qui suit (1534), est jusqu'ici seul, avec
celui d'Anvers, qui paraît être une copie du xvii* siècle (fig. 7).
C'est au sujet de ce dernier que l'érudit et aimable secrétaire
perpétuel de l'Académie royale d'archéologie de Belgique,
M. F. Donnet, qui malgré le plus sérieux des examens n'a rien
pu tirer des inscriptions, m'écrivait :
« On voit parfaitement que le peintre a copié soit des
papiers véritables, soit une œuvre dans laquelle l'écriture était
lisible; mais il s'est borné à reproduire des apparences maté-
rielles, sans se préoccuper en quoi que ce soit de l'exactitude.
De loin l'exécution est parfaitement simulée ; de près pas une
lettre n'est formée, ni un mot lisible. Avec beaucoup de peine
sur un coin, je crois déchiffrer : Van den Ferrien. »
Nous n'avons donc rien à demander à cette copie.
Nous venons de voir ce que les répliques de Marinus (fig. 5)
pouvaient nous donner. Leur différence avec l'œuvre de Cor-
neille de Lyon consiste surtout dans le costume des person-
LE BANQUIER ET SA FEMME 5 I I
nages et dans l'absence du petit personnage à droite qui
apporte une lettre derrière la femme (fig. 3).
Mais comme le tableau de Corneille de Lyon de 1534 est
de quatre années plus ancien que le premier connu de Marinus,
1538, que les costumes sont d'ailleurs beaucoup plus sobres,
beaucoup moins tourmentés, il semble que le tableau de Sig-
maringen est, quoique inspiré certainement de celui de Quin-
ten Matsys, en quelque sorte un original.
Cependant, après mon article de la Galette des Beaux-Arts
sur les Marinus de 1538 à 1545, M. Robert de la Sizeranne,
dont la critique est toujours si fine et si précise, ne pouvait
s'empêcher de m'écrire : « Quoique considérablement éclairci,
il plane encore sur le problème un troublant mystère. » Je
ne pouvais vraiment dire le contraire.
Mon étude des Monuments Piot serrait déjà de plus près la
question, puisqu'elle nous faisait connaître la page exécutée en
1534, par Corneille de Lyon; mais il demeurait encore une
lacune. Puisqu'on croyait fermement à un original de Quinten
Matsys, comment le tableau du Louvre de 15 14, avait-il pu
ainsi se transformer, pour devenir la formule nouvelle de Cor-
neille de Lyon, si rapprochée et cependant si différente ?
Un document que me signalait M. F. Donnet venait encore
augmenter les incertitudes. Car alors qu'on connaissait l'his-
toire du tableau du Louvre, vers 1630 à Anvers dans le Cabi-
net Stevens où il était si admiré que Fornenberg le signalait,
un procès-verbal de la Gilde de Saint-Luc d'Anvers, du
30 novembre 1681, nous révélait l'expertise d'un tableau pré-
senté aux doyens par un nommé Daniel Garreys comme une
œuvre de Quinten Massys (par deux w). Il représentait deux
personnages qui comptent de l'argent — t-we parsoonne die gelt
tellen — . Les doyens déclarent que ce n'est pas une œuvre
authentique, mais une copie d'après le maître, — // een copye
naer Quinten Matsys. Pour que Daniel Garreys ait cru pou-
voir présenter aux doyens de la Gilde d'Anvers un tableau du
Banquier et sa femme, comme un original de Matsys, dans la
512 F. DE MELY
ville même où se trouvait le célèbre tableau aujourd'hui au
Louvre, il faut vraiment admettre qu'il était quelque peu diffé-
rent de l'autre. Et lorsque les doyens déclarent que c'est une
copie d'après le maître, ils affirment ainsi qu'il existait un ori-
ginal de ce tableau par Quinten Massys. Quel était donc ce
tableau dont nous n'avons aucune trace ?
Cest bien là le troublant mystère.
*
* *
Telle était la situation, quand après avoir lu dans les
Monuments Piot mon étude sur le Banquier et sa femme de
Corneille de Lyon, M™^ Judith Gautier me lit examiner une
réplique de la même série, qu'une de ses amies. M""" Meyer
venait d'acquérir en Alsace (fig. 8).
Comme le tableau d'Anvers, c'est une copie du xvii^ siècle :
mais avec cette différence, qu'ici les registres portent non
point de la simili-écriture, mais des mentions, très difficiles à
déchiffrer il est vrai, qui malgré leurs incorrections, leurs
fautes d'orthographe, leurs lacunes, offrent, et je dirai même,
à cause de cela, un intérêt fort grand. Il est certain en effet que
si les inscriptions étaient très Usibles, très correctes, très pré-
cises, je les craindrais, dans une copie faite après un siècle,
semblables aux faux du secrétaire du comte de Béthune, qui au
xvii'^ siècle ne se faisait aucun scrupule d'orner des mentions
les plus royales, les manuscrits de son maître. Ici les difficul-
tés même de lecture prouvent que nous sommes en présence
de la copie d'un tableau, dans lequel, ainsi que le disait
M. F. Donnet « le peintre avait devant les yeux des papiers
véritables dont l'écriture était lisible ». Seulement l'artiste
semble avoir été peu familiarisé avec la langue dans laquelle
ils étaient écrits : du vieux flamand. Cependant certains mots
l'ont particulièrement frappé et il les a reproduits distincte-
ment.
Voici ces deux inscriptions avec leur déchiffrement, œuvre
LE BANQ.UIER ET SA FEMME 5 1 3
de collaboration avec le savant M. F. Donnet qui a bien
voulu m'aider à les traduire :
Sous la main de la femme (fig. 9) :
Anden ontfant van dcm siiiedst niafcy te Sanddina van dcr son
E. Judag VIII J don antfont darin nuw betref van ans hecr
XVCX.. de mas 4 f De somme van iiij onterf. . .
MVCXIIII (ù, ilt.
Ce qui veut dire :
« Autre recette du forgeron Mafry à Sanddam du fils de
E. Judag VIIII s, ensuite de ce qui regarde Mas... en l'an de
Notre-Seigneur XVCX... — de 4 f. la somme de iiij d'intérêt.
MVCXIIII €t ilt. »
La deuxième inscription donne (fig. 10) :
// . al af gereckent mit interest van inkompt de X tôt iiltimo
februarii yaar de onse heer. . . .XI . . .
Fan XVCIII tôt [aan einde van termin] (?).
Ce qui veut dire :
« Item. Entièrement réglé y compris les intérêts de x jus-
qu'à la fin de février de l'année de Notre-Seigneur. . . .XI. . .
De XVCIIII jusqu'à la fin du terme. »
La seconde inscription, assez effacée, ne nous donne en
réalité rien autre chose que quin:^e cent trois (xvciii) et
quinze cent quatre (xvciiii). La première au contraire qui res-
semble à celles qui nous ont permis d'identifier les tableaux
de Corneille de Lyon et de Marinus nous fournit d'abord
mil cinq cent quatorze (mvcxiiii) ; puis, c'est un reçu comme
celui du panneau HohenzoUern avec un nom, Mafc-y. Quand
nous savons que Matsys signait Massys, quand nous trouvons
là cette curieuse épithète, smedst (pour smeder), forgeron,
qui nous rappelle la légende du fabro-ferraio de Vasari, du
forgeron devenu peintre par amour, quand nous pouvons tra-
Mhlanghs. II. 5 5
514 F. DE MELY
duire Sanddma, par la Dune de Sable, quand nous avons un
payement au fils de E. Judag, quand enfin au bas nous lisons
15 14, suivi des deux initiales, <D, M, il nous faut repenser à
l'expertise des doyens de la Gilde de Saint-Luc d'Anvers, à
un original de Quinten Matsys, diff"érent du tableau du
Louvre. Et nous devons nous demander si cette copie du
xvii^ siècle, où se trouve avec le nom de Massys le forgeron,
la date de 15 14, n'aurait pas. été faite alors directement sur
cet original actuellement inconnu de Matsys, copié en 1534
par Corneille de Lyon, puis plus tard, avec quelques modi-
fications de costumes, nécessitées par la mode, par Marinus ?
L'inscription que nous fournit le tableau Meyer nous per-
met, je crois, de présenter cette hypothèse comme très vrai-
semblable.
F. DE MÉLY.
Mesnil-Germain (Calvados), le 15 janvier 1913.
L'ORIGINAL DE LA PALIA D'ORÀSTIE
Les Roumains n'ont possédé de Bible complète en leur
langue qu'en ié88 ÇBible de Bucarest), mais l'on avait com-
mencé bien avant cette date, peut-être dès la fin du xv* siècle,
à traduire en langue roumaine diverses parties des livres
saints, le Psautier, les Evangiles, les Actes des Apôtres. En 1581-
1582, s'imprime en Transylvanie, à Szâszvdros (en roumain,
Oràçtie), une traduction roumaine de la Genèse et de V Exode ;
c'est la Palia d'Orâçtie, œuvre à divers égards fort intéres-
sante, due au zèle d'un petit groupe de Roumains protestants
dirigés par l'évêque Michel Tordasi.
J'ai étudié ailleurs les circonstances historiques et les condi-
tions matérielles dans lesquelles fut faite cette publication. Je
voudrais indiquer ici les résultats essentiels de mes recherches
sur un point particulier, dont je n'ai pas besoin de souligner
l'importance pour l'histoire de la culture et de la langue rou-
maines : d'après quel original les traducteurs d'Oràstie ont-ils
composé leur version ?
Si nous en croyons la préface de la Palia, les traducteurs
se sont imposé la tâche difficile de faire une version roumaine
d'après l'hébreu, le grec et le slavon. Mais le titre du volume
est moins affirmatif : il présente le Pentateuque comme tra-
duit de l'hébreu en grec, du grec en slavon et en d'autres
langues, de là en roumain ; cette mention d'autres langues,
en même temps que le vague de l'indication relative à l'ori-
ginal particulier de la traduction roumaine, fait naître quelques
doutes sur la véracité de la préface. Ces doutes n'ont pas été
levés par les savants qui se sont occupés jusqu'ici de la Palia,
et la recherche de l'original reste à faire.
5l6 MARIO ROaUES
Cette recherche se fonderait naturellement sur une compa-
raison minutieuse de la Palia avec les divers modèles que les
traducteurs ont pu avoir sous les yeux. Mais il n'est pas sûr que
cette méthode dût amener à des résultats certains si, comme
il est vraisemblable, les traducteurs avaient eu plusieurs modèles
et les avaient contaminés ou corrigés l'un par l'autre.
Il est d'ailleurs fort difficile de déterminer, dans la masse des
versions bibliques et des remaniements ou des combinaisons
de versions du xvi'^ siècle, celles que pouvaient et celles que
ne devaient pas avoir des prêtres habitant dans un pays où
se mêlaient les peuples, les langues, les religions et même les
civilisations. J'ai donc renoncé à cette méthode d'investiga-
tion ; je n'ai fait venir qu'en seconde ligne les comparaisons
de textes et j'ai cherché un premier guide dans des détails maté-
riels relativement indépendants du sens. Je n'ai pas tardé à
constater que ni l'original hébreu, ni la version des Septante,
ni la version slavone, pris isolément ou tous trois ensemble,
ne suffisent à expliquer les particularités de la version rou-
maine.
Le vocabulaire biblique est assez complexe, assez différent du
vocabulaire commun, pour que des traducteurs des livres
saints résistent avec peine à la tentation défaire à leur original
des emprunts lexicaux assez nombreux. Les noms propres
bibliques sont assez difficiles pour que des traducteurs se
bornent à les transcrire très mécaniquement. Ces emprunts
lexicaux, ces transcriptions mécaniques, s'il s'en rencontre
dans la Palia, doivent nous indiquer suffisamment la forme,
la langue de l'original. En effet :
1° Un certain nombre de noms se présentent dans la Palia
avec une finale en -us y -us, -os, -os ; ce sont des noms de
peuples, Amorreoçilor (Goi. xv, i6), Horeosanilor (Gm.
xxxvi, 29), Heteu^ {Gen. xxiii, 10), Si rus (Gm. xxv, 20),
L ORIGINAL DE LA PALIA D ORASTIE 517
et surtout le mot siclus, sicluç, çicluç ou çucluç ÇGen.
XXIII, 15, 16; Ex. XXI, 32; XXX, 13, 23; XXXVIII, 24). Ce
procédé de transcription des noms bibliques ne peut avoir son
origine ni dans l'hébreu, ni dans le grec, ni dans le slavon,
mais il correspond exactement au mode de traitement des mots
latins en hongrois ', cf. hong. predikâcio, predikator,
status, templom, etc., où la flexion du nominatif latin est
devenue partie intégrante du mot, mais avec prononciation
hongroise des caractères latins, -us devenant en particulier -us.
Dès lors deux explications sont possibles pour les formes de
la Palia : ou bien elles proviennent d'un original hongrois qui
avait déjà altéré les mots latins ; ou bien elles proviennent d'un
original latin dont les formes ont été altérées par des traduc-
teurs habitués au système de transposition hongrois. Les deux
hypothèses ^ contredisent également les affirmations déjà sus-
pectes des auteurs de la Palia.
2° Il est naturel que dans un texte écrit en Transylvanie le
roumain soit plus qu'ailleurs pénétré de magyarismes ; mais il
s'en rencontre dans la Palia un nombre trop considérable
pour qu'on puisse ne voir là qu'une particularité dialectale ;
je ne donne ici de ces mots d'emprunt que quelques exemples
choisis parmi les plus intéressants :
al nie {Gen. m, i), « rusé », hg. àlnok,
bàrat ' (Gen. xxxviii, 12) ) • t , ,
, „ „ z'/- ,. [ « ami », hg, mrat,
barata§(Gm. xxvi, 26) ] ' o '
bâsàu {Gen. ix, 5), « inimitié », hg. bos:{û, « vengeance »,
berc ÇEx. xxxiv, 13), « bois sacré », hg. berek, « bosquet »,
beseadà (Gett. xi, i, 7, etc.), « paroles », hg. bes:(éd,
buduçlàu (Gen. iv, 12), « fugitif», hg. hujdosô,
1. Catechisvmhi calvinescH, éà. Baritiu, 121.
2. Je ne m'arrête pas à l'hypothèse d'une traduction faite sur des textes
en d'autres langues que le latin ou le hongrois, mais par des traducteurs
tellement imbus des habitudes hongroises qu'ils introduiraient dans leur
travail, en dépit de leur modèle, des formes latino-hongroises.
3. Je corrige ainsi l'absurde bar bat de la Palia.
5l8 MARIO ROQUES
curd3.(Gen. xxxi, 43), « troupeau », hg. csorda,
doicà (Gen. xxiv, 59), « nourrice », hg. àttiha,
golgiu (^Ex. XXVIII, 42), « toile de lin », hg. gyolc s,
hasna {Ex. xxiii, 10), « profit », hg. has;ï)n,
iliç {Ge7i. XIV, 11), « vivres », hg. élés,
maiâ(£'A-. xxv, 39, etc.), « quintal », hg. mà~sa,
ocà ÇGen. xxxviii, 7, etc.), « cause », hg. ok,
çinor {Ex. xxviii, 37), « cordon », hg. sinôr,
çpan {Ex. 1, II), « surveillant », hg. ispdn,
sucuit (Ê';c. xxxiii, 11), « habitude », hg. s^okm, « avoir
l'habitude »,
târcat(G<?«. xxxi, 10), « bigarré », hg. tarka,
târna^ {Ex. xxvii, 18), « parvis », hg. tornâci,
tàroasâ {Gen. m, 16), « enceinte (adj.) », hg. terhes.
Cette liste pourrait être infiniment augmentée, si l'on y
ajoutait les mots plus répandus tels que alean, bànui, batàr,
birui, fagâdui, fel,gîndi, hotar, hotnog, îngâdui,
lacui, mîntui, oraç, pilda, samà, çireag, talpà, uriaç,
etc. ; et les mots pour lesquels il est permis d'hésiter entre
l'origine slave et l'origine magyare.
Il est peu vraisemblable que tant de magyarismes se fussent
présentés sous la plume des traducteurs transylvains, s'ils
n'avaient utilisé que des textes hébreu, grec ou slavon. L'on
en peut dire autant de magyarismes syntactiques sur lesquels
nous aurons à revenir et qui ont imposé de plus en plus à
notre esprit l'hypothèse d'un original hongrois pour la Palia ;
un troisième ordre de faits rend cette hypothèse nécessaire.
3° Les noms propres bibliques se présentent dans la Palia
sous des formes assez diverses suivant les parties du texte où
ils se trouvent, suivant aussi la notoriété des personnages
qu'ils désignent : tels noms se rapprochent davantage de la
forme gréco-slavone traditionnelle, d'autres de la forme
hébraeo-luthérienne, d'autres encore de la forme latine. Mais
il en est quelques-uns qui s'écartent également de toute tra-
dition et qui supposent des erreurs de la part des traducteurs
l'original de la PALI a d'orâstie 519
roumains ; ce sont, comme on pouvait s'y attendre, des noms
d'importance secondaire dans l'histoire biblique, pour lesquels
les traducteurs devaient être obligés de suivre aveuglément
leur modèle.
Le chapitre x de la Genèse présente un assez grand nombre
de noms propres de villes et d'hommes qui, dans la Palia, se
rapprochent en général de la forme hébraïque plus que de toute
autre^ mais quelques-uns de ces noms ont une finale anor-
male en -t, ih ou -ot, ainsi : x, 11, Irth (Ir), Calahaot à
côté de Calah au v. 12 ; — 12, Rasant (Ressen) ; — 13,
Ludimot (Ludim), Anamimot (Anamini), Leabimot
(Leabim) ; — et autres formes analogues.
Cette finale, étrangement répétée dans ce passage, ne paraît
pouvoir s'expHquer que comme une flexion et, le roumain ne
connaissant rien de semblable, force est bien de l'attribuer au
texte qui a servi de modèle aux traducteurs ; si ce texte était
hongrois tout s'explique : -/ ou -ot est la finale de l'accusatif
(les noms en question sont en efi^et des régimes directs) qu'un
traducteur distrait ou troublé par ces noms inconnus n'aura
pas su distinguer du radical. Nous trouvons au chap. xxxvi
une difficulté semblable : le v. 5 nous présente la forme
Coraho, tandis que nous avons vu au v. 14 la forme normale
Corah; la seule difi"érence est que Coraho est un régime direct
et Corah un attribut, et cela n'explique rien en roumain, mais
résout la difficulté si nous avons afî"aire indirectement à un
texte hongrois: au nominatif Ko r ah correspondait un accu-
satif Koraho t que le traducteur, trouvant ce nom pour la pre-
mière fois, n'avait pas de raison pour décomposer en Corah +
ot plutôt qu'en Coraho + t. Je néglige quelques erreurs ana-
logues qui n'ajouteraient pas à la force probante de celles-ci.
Au chap. XIV, v. 14, nous lisons dans la Palia : « Si gràbi
dupa ei pânâ la Danic. » Il s'agit dans ce passage du nom de
lieu Dan, qui se retrouve dans toutes les versions sous cette
dernière forme ; si nous appliquons à la finale -ic le procédé
d'explication que nous avons employé pour -ol, nous n'aurons
520 MARIO ROCIUES
pas de peine à y reconnaître le suffixe hongrois -ig indiquant
le terme jusqu'auquel on arrive, ce qui s'accorde parfaitement
avec le sens de la phrase ; l'idée de terme étant déjà exprimée
par un adverbe que traduit pànâ, le traducteur, magyarisant
peut-être novice, n'a pas su discerner la valeur de -ig.
Nous sommes ainsi amenés à conclure que les auteurs de
la Palia ont eu, au moins partiellement, pour modèle un
texte hongrois, et nous pouvons constater que rien ne leur
était en effet plus facile.
L'histoire de la Bible hongroise commence au xv^ siècle
avec le mouvement hussite, mais ici encore il faut attendre la
Réforme pour trouver des traductions étendues de V Ancien
Testament. Un Saxon magyarisé, Gaspard Heltai', élève de
Mélanchthon (1543), pasteur àKolozsvdr depuis 1545, fonde,
en 1550, une imprimerie dans cette ville et, de 155 1 à 1565,
y imprime une traduction hongroise presque complète des
livres saints. Il débute, en 15 51, par un Pentateuque précédé
d'une longue préface où il nous apprend qu'il a fait sa traduc-
tion, avec trois collaborateurs, d'après la Bible hébraïque,
mais en a3'ant sous les yeux la Vulgate, d'autres Bibles latines
et des Bibles en d'autres langues (c'est-à-dire sans doute des
Bibles protestantes et la Bible allemande de Luther). Il devait
être facile ^ aux auteurs de la Palia de se procurer le Penta-
teuque de Heltai et la comparaison des deux textes s'impose ;
nous avons pu la faire, malgré la rareté de l'impression de
Heltai, grâce à la libéralité de l'Académie hongroise qui a mis
1 . Il signait aussi H e It h, cf. Szabô, Régi maa^yar Kônyvtdr, II, nos 50 et S i .
2. Il ne faut pas oublier cependant que, à cette époque et même un peu
plus tard, la Bible n'était pas un livre fort commun ; cf. ce qu'en dit Etienne
Fogarasi dans la préface du Catéchisme de 1 648 : « La Bible ne se trouve
pas dans tous les buissons et elle coûte cher, surtout dans notre pays »
(Bianu et Hodo§, Bihliogr. roin., 162).
l'original de la palia d'orastie
52T
à notre disposition son exemplaire de ce précieux volume ' .
Cette comparaison a pleinement confirmé nos hypothèses anté-
rieures .
1° La préface de la Talia présente un sommaire du Pcnta-
t Clique \ la préface de Heltai contient un sommaire très sem-
blable des livres de Y Ancien Testament, et en particulier du Pen-
tateiique, qui est visiblement inspiré de VExpositio de omnibus
sanctœ scriptnrx libris de Heinrich Bullinger, mais Heltai a fait
à son modèle des additions qui se retrouvent précisément
dans la Palia ; par contre tout ce qui est commun à la Palia
et à Bullinger se retrouve aussi chez Heltai, ce qui nous
amène à conclure que les auteurs de la Palia n'ont utilisé
VExpositio de Bulhnger que sous la forme que lui avait donnée
Heltai ; il est facile de s'en convaincre en examinant les trois
versions du sommaire de la Genèse réunies ci-dessous - :
Bullinger
Genesis. Primus li-
ber exponit originem et
caussas omnium rerum,
praesertim hominis or-
tum, qualis fuerit ab
initio, quomodo lapsus
et restitutus sit, quo-
modo ab uno nati sint
omnes, perque terras
sparsi, fiagitiis eiior-
mibus diluvium in se
ab irato deo deriva-
runt : rursus qui in
illo servati omnibus
regnis dederint princi-
Palia
Bitia : în care Bitie
§i carte dentàniu, scris
au sfdnt Moisi : înce pâ-
tura a toate fâpturilor :
mai vârtos iarâ omul,
întru ce açezâturâ l'au
rodit : aï l'au rodit în
curdtie, în màndrie ^i
sfàntie, dup'acea cum au
càzut, si apoï cumu se
au sporit oamenii delà
Adam ^t delà Eva : cumu
se au impartit în lume,
si cumu s'au adus pre
capete-s pentru pâcatele
Heltai
Genesis. Az elsô kô-
nybe meg irta à s^ent
Moses minden allatnac
kezdetit : fôkepen kedig
az emberèt : Minemû
allapadba terômtetet
volt : Mert artatlan-
sagha , bôlchesegbe es
s^entseghe. Touaba, mi-
kepen eset, es az essés-
bôl mikepen vètetet fel.
Mikepen szaporattanac
az emberec Adamlol es
Eiiatol : mikepen oszlot-
takel é fôlden : mikepen
1 . Cet exemplaire signalé par Szabô comme incomplet (Régi magyar
Kônyvtdr, I, no 25) a été complété de façon qu'il ne présente pas de lacune
importante pour la partie qui nous intéresse.
2. Je cite VExpositio de Bullinger d'après la Bible latine de Zurich,
Froschover, 1539. J'^i souligné les additions communes à Heltai et à la
Palia.
522
MARIO ROQUES
piiim, postremo Abra-
hami, Isaaci, lacobi
et losephi sanctorum
patriarcharum qui ante
legem tabularum vixe-
rint vitae describuu-
tur, mores, illustria
dicta et facta, religio,
et quomodo e terra
Chanaan descenderint
in jEgyplum.
sale PotopuI apeei. Si
cum se au izvodit
iarâs a doo lume. Scrie
se si acastadup'aceacum
au aies Domnezeu Avra-
am patriarhul den Hal-
dei ^i fu lui fjgâduità
blagoslovenie. Isac, la-
cov si depre losif eu
bun nàravul sâu : ^i la-
cov eu fecorii sài cum
fudus în Egipet.
hosztac feiehr az ô go-
nosz bûnekkel az ôzôn
vizet. Kik marattanac
meg az ôzôn vizbe :
azoktol mikepen szar-
mazot ismet à masodic
vilag. Ennec vtanna
vgyan azon kônybe
meg h'ta à szent Patriar-
kaknac, Abrahamnac,
Isaknac, es lacobnec,
azonkepen losephnec
erkôlcheket, ielles bes-
zedeket, chelekedete-
ket, Isteni tiszteleteket :
es lacohnac ai ô fiaiual
Egiptusba valo mene-
set, es elnyuguasat.
Pour les sommaires de Y Exode et du Lévitiquù le rapport des
trois versions reste le même ; pour les Nombres et le Deutéro-
noiiie la Palia s'écarte de Heltai, mais sans se rapprocher du
texte de Bullinger.
2° La Palia présente des additions marginales de trois
sortes : des sommaires placés en général en haut de la marge
extérieure, des indications de concordance, des gloses assez peu
nombreuses (environ 30 pour les deux livres). Nous trouvons
dans Heltai ces trois genres d'additions.
Les sommaires de Heltai, placés, eux aussi, au haut de la
marge extérieure, ne sont pas identiques à ceux de la Palia,
mais les ressemblances sont très grandes, surtout pour la
deuxième partie de V Exode ; pour les parties précédentes les
sommaires de Heltai sont très brefs (un simple nom en géné-
ral : Adam, Abra ham, laco b), la Palia détaille un peu plus.
Nous rapprochons ci-dessous à titre d'exemples quelques-uns
des sommaires de Heltai et de la Palia pour les chap. xxi-xl
de V Exode :
L ORIGINAL DE LA PALU D ORASTIE 523
Heltai PALIA
XXI Tôrvennyec. Legile.
XXII Kûlsô tôrvennyec. Legile de dé afara.
XXIV Egyhazi tôrvennyec. Legile beséreciei.
XXVIII Aaron papnac ôltezete. Veçmintele lu Aron pop.
XXXIII Moses beszel az Istennel. Moisi grâiaçte eu Domnul.
XXXVI A sator chinalasa. Facerea cortului.
L'identité continue de ces formules ne saurait s'expliquer
par desimpies coïncidences '.
Les indications de concordance sont un peu plus nom-
breuses dans le Pcntateuque de Heltai que dans la Palia : la
force des caractères employés pour celle-ci empêchait qu'on
pût toujours en réunir dans la marge autant que le fait quel-
quefois Heltai. Par contre, presque toutes les concordances de
la Palia se retrouvent identiques dans le Pentaieuque.
Les gloses marginales de la Palia sont de nature assez
diverse : les unes sont des explications de mots et doivent
appartenir en propre au traducteur roumain, par exemple, au
chap. XXXVII de VExode, le traducteur, ayant employé tantôt
le mot creanga, tantôt le mot stâlp, pour désigner le même
objet, croit bon d'en avertir le lecteur : « Stâlpurile colo sus
am scris créngure » ; d'autres sont destinées à faire connaître
ou à expliquer des mots hébreux, ainsi, Ex. xxviii : (( Hozi-
nul eu ait nume peptar », nous aurons à rechercher d'où
viennent ces mots ou leur traduction ; quelques-unes enfin
sont de véritables commentaires du texte, l'une de ces der-
nières pourrait faire croire à une origine orientale à cause de
la mention qu'elle fait de S. Jean Chrysostome sous son nom
slavon de Zlatoust : « Taore ïaste Sichem cela ce au rusenat
pre Dina, asa cetéste lo Zlatoust », Geu. xlix, 6.
Mais si nous nous reportons au Pcntateuque hongrois, nous
y retrouvons dix des gloses de la Palia, les plus développées,
I. Aucune des nombreuses Bibles du xvie siècle que j'ai examinées ne
présente des sommaires aussi voisins.
524 MARIO ROQUES
explications de mots hébreux ou commentaires du texte, sous
une forme identique ou très voisine, et en particulier la glose
à Gen. xlix, 6 : « (Bikat), az az, mint Chrisostomus magya-
razya, Sikhêet, ki Dinat meg szeplôsitette vala. » Les traduc-
teurs roumains se sont bornés à changer l'ordre des mots et à
donner au nom de S. Jean Chrysostome une forme plus
familière à leur public.
L'examen des gloses nous fournit encore un rapproche-
ment. Les gloses de Heltai ne sont pas toujours imprimées dans
la marge ; elles se trouvent fréquemment insérées dans le texte
dont elles se distinguent par un alinéa et par leur caractère :
elles sont composées en italique d'un corps inférieur au romain
du texte. Les gloses marginales de la Palia correspondent en
général aux gloses marginales de Heltai, cependant les gloses
aux versets 28 et 30 du chap. xxxii de la Genèse qui se
retrouvent dans la version roumaine et dans le Pentateuque
hongrois sont, dans ce dernier, insérées dans le texte. Mais
en deux passages de V Exode, xxii, 29, et xxiii, 16, le texte
même de la Pnlia présente des additions très semblables à
deux gloses également imprimées par Heltai au milieu de son
texte :
Ex. XXII, 29 : « Plinâciuné). amu den hrana. si poama ta,
sa dai pàrga den prima, lacrâmile. amu den vin si den uleïul
tau, si den tôt ce se scurâ ce-i al tau sa dai pàrga dentànïu. »
= «(Telyessegedet) az az, gabonadbol es gyûmôlchedbôl meg
ad az elsô sengét. (Kônyuezésedet) az az, borodbol, es olaiod-
bol, es minden elfolyo allatodbol adki az elsô sengét. »
XXIII, 16 : « Sfrsitul anului, amu în luna lu Septevie. Chémâ
derept'însâ sfrsitul anului. pentru ce atunce se sâvârsaste cres-
terïa poamelor si culesul lor. » = « (Végén) Az az, Szent
Mihal hauaban. Neuezi kedig esztendonec végénec, miert
hogy akor à gyùmôlchnec neuekedesse, es be gyûytesse elue-
gesztetic. »
Nous trouvons ici identité de sens, de forme et de disposi-
tion matérielle ; nous ne pouvons pas espérer de preuve plus
L ORIGINAL DE LA PALI A D ORASTIE 525
forte à l'appui de notre hypothèse. Mais, s'il est certain que
les auteurs de la Palia ont connu le Pentateiiqne de Heltai et
l'ont utilisé pour des additions au texte biblique, l'ont-ils pris
demême pour point de départ de leur traduction ?
Il suffit, pour s'en convaincre, de se rappeler les magya-
rismes et les fausses interprétations de suffixes hongrois que
nous avons signalés plus haut. La lecture d'un chapitre du
Pentateuque comparé à la Talia, et aux diverses versions qui
auraient pu servir de modèle à celle-ci entraîne la même con-
clusion. Mais nous trouverons des preuves plus certaines
encore dans des coïncidences matérielles qui ne sauraient être
fortuites.
1° Le texte roumain et celui de Heltai présentent des lacunes
identiques pour les passages suivants que nous donnons
d'après la Vulgate :
Gen. XX, 5 : et ipsa ait « Frater meus est ».
Gen. XXX, 33 : Respondebitque mihi cras justitia mea,
quando placiti tempus advenerit, coram te ;
Gen. xxxiv, 6-7 : Egresso autem Hemor pâtre Sichem ut
loqueretur ad Jacob ecce filii ejus veniebant de agro ;
Gen. XLii, 5 : Erat autem famés in terra Chanaan.
2° Le texte roumain présente des fautes qui correspondent à
des erreurs matérielles du Pentateuque hongrois ou à des tour-
nures équivoques :
Gen. X, 4 : Le nom biblique Dodanim devient dans la
Palia Dodavim ; Heltai imprime ici, avec une lettre retour-
née, Dodauim : le -//- a été lu normalement -v- entre deux
voyelles.
Gen. XVI, 7 : la source « quae est in via Sur « (même texte
dans toutes les versions) devient dans la Palia, « o fàntânâ
ce ïaste langâ Saru » ; on lit dans Heltai : « melly kutfô Sar
ut mellet vala », le mot Sar étant à la fin d'une ligne, ut au
commencement de l'autre : le traducteur roumain a conservé
la forme Sar au lieu de Sur, mais de plus il n'a pas su décom-
poser Sarut — qu'il a lu comme un seul mot coupé en deux
526 MARIO ROQ.UES
par le changement de ligne — en Sar ût (chemin de Sar) et il
y a vu un accusatif Sa ru- 1, dont il a retranché seulement ce
qu'il prenait pour un suffixe de flexion.
Gen. xxviii, 9 : le nom propre Mahalath (Vulg. : Mahe-
leth, Sept. : Maeleth) est, dans la Palia, Mahala; en effet
Heltai imprime Ma h al a t à l'accusatif à côté de hugat, de
hûg : le traducteur roumain devait être tenté de supprimer le
-t- final.
Gen. XXXVI : ce chapitre où les noms propres abondent
nous fournit plusieurs exemples d'erreurs de la Palia. Au v. 2
Sebeon le Hévéen devient Heveiuzivei,ce qui calque la forme
de Heltai, Hiueo Zibei. Au v. 41, les deux chefs Elah et
Pinon se fondent en un seul Elapinon qu'avait déjà créé
Heltai. Au v. 43 Iram devient Ira h, c'est que Heltai avait
imprimé Ira pour Ira, le traducteur a restitué à tort une finale
-ah dont il avait d'autres exemples dans le même chapitre.
Du v. 2 au v. 29 reparaît plusieurs fois, pour désigner d'ail-
leurs des personnages différents, le même nom Anah; la
Palia distingue ici deux noms, Anah et Anania (génitit
Ananiei); cette distinction n'a aucune raison d'être dans ce
passage, elle s'explique seulement par le fait que le traducteur
connaissait par d'autres passages de la Bible le nomd'Anania
ou Ananias ; mais nous comprenons ce qui a évoqué ce sou-
venir, lorsque nous voyons la forme Anah correspondre régu-
lièrement aux Anah (nominatif) de Heltai, et la forme
Ananiei aux Ananac (datif). Il ûiut expliquer de même
Iscana (Gen. xi, 29) pour Isca, l'erreur a été causée par la
flexion hongroise Iscanac.
L'Exode, à trois reprises, nous donne la généalogie de Besa-
leel, le constructeur du tabernacle, « Besaleel, fils de Uri,
fils de Hur », et le roumain dit en eft'et correctement : xxxi,
2, « Vesaleel, fiiul lu Uri, ficorului lu Hur », et xxxv, 30,
« Vezaliel, fiïul lu Uri, a lu Hur », mais au chap. xxxviii, v.
22, nous lisons « Vezaliel, fiïul ficorului lu Urihur », et
il n'y a à cette erreur d'autre explication que celle-ci : le
L ORIGINAL DE LA PALIA D ORASTIE 527
hongrois dit « Bezaleel, Vri Hur fianac fia » avec intercala-
tion du déterminatif, construction deux fois comprise, mais,
une troisième fois, cause d'erreur pour le traducteur moins
attentif ou peut-être pour un traducteur nouveau.
3° La Palia n'est pas exempte de contre-sens ; au chap. xv,
V. 9, de la Genèse, par exemple, sont indiquées les victimes
que doit sacrifier Abraham, ce sont : « une génisse de trois
ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, etc. » ; la
Palia en fait « trei giunci de càte u(n) an, si trei are^i de
cate u(n) an, si trei ;api de câte (un) an, s. a. » ; c'est qu'elle
calque exactement le texte de Heltai, « harom egy egy eszten-
dôs Vszôt, es harom egy egy esztendôs Bakot, es harom egy
egy esztendôs Kost ».
Une explication du même genre s'impose pour le passage
suivant :
Gen. XIV, 7 ; Heltai : Amorritakat, kic Hazezon Tamarba
laknac vala.
Palia : Amoriténicarii la Haseson, î[n] tabarà
làcuiïa.
Vulg. : (Amorrhaei) qui habitabant in Asa-
sonthamar.
La place du -ba locatif lié à Tamar a amené le traducteur à
écrire « carii Haseson în Tamar làcuiïa », et « în tabarà » est
sans doute une correction de l'imprimeur ou d'un réviseur
qui ne se reportait pas au texte original et qu'inquiétaient ces
deux noms juxtaposés.
Au chap. xviii, V. 19, de la Genèse un doublon de Heltai
entraine dans la Palia une double traduction de la même
phrase.
4° L'imitation servile du texte hongrois explique bien des
expressions étranges de la Palia ; en voici quelques exemples :
Gen. XXVI, 11 : eu moarté mor^iei va mûri = halalnac
halalaval hallyon. De même, Gen., xx, 7.
Gen. xxxviii, 15 : atare obraz care au gresit cale (Vulg. :
meretrix) =■ uta vétett szômely.
528 MARIO ROaUES
Gen. XLi, 34 : pnetori de cinste (Vulg. : praepositos) =
tisztartokatt.
Gcn. XLiii, 16 : portàtoriu de grijâ (Vulg. : dispensator) =
gondgyaviselô.
Ex. XXV, 10 et passim : de al treilea cot în lung (Vulg. :
duos et semis cubitos)= harmadfél séng ; si l'on ne veut pas,
pour ce détail, recourir à l'hypothèse d'un original allemand,
dont le « dritterhalb Ellen » expliquerait aussi le tour rou-
main.
Ex. XXXVIII, 26 : Sase sute de mii, trei mii, cinci sute =
hâtszdz ezer, harom ezer, ôtszâz ; même observation que pour
l'exemple précédent.
Le titre même de la Palia reproduit les expressions du titre
de Heltai :
Helt. : A Biblianac elsô resze, az az, Mosesnec ôtt kônyue :
mely magyar nyelwre fordittatot ....
Pal. : Acasta e parte Paliei de întài, amu cinci câr;i aie
lui Moisi prrocul : carele sàmtîntorse si scose...
Certaines des coïncidences que nous venons d'indiquer
peuvent être fortuites, mais il est impossible que toutes le
soient et nous devons en conclure que la Palia d'Orâstie
remonte, au moins pour la plus grande partie, au Pentatcuque
hongrois imprimé en 15 5 1 par Heltai. Nous comprenons ainsi
comment les auteurs roumains ont pu, sans croire qu'ils alté-
raient trop gravement la vérité, prétendre que leur traduction
se rattachait à l'original hébraïque : Heltai présentait en effet
son œuvre comme une traduction de l'hébreu, par suite la
Pdlia dérivait aussi de ce texte primitif; Michel Tordasi omet-
tait seulement de dire que la filiation n'était pas directe.
*
* *
Le Pentatcuque de Heltai ne suffit pas à expliquer la Palia
tout entière. Il y a entre les deux textes des différences dans
la division capitulaire, dans les indications de concordances.
L ORIGINAL DE LA PALIA D ORASTIE
529
dans la forme des noms propres, dans la rédaction ou le con-
tenu des gloses, dans le texte lui-même où certaines lacunes,
volontaires ou accidentelles, de Heltai sont comblées par la
Paîia, où certains passages sont interprétés tout différemment
par le traducteur hongrois et les traducteurs roumains. Voici
de ce dernier fait deux exemples qui ne peuvent être contestés
et qui appartiennent à des chapitres où l'influence de Heltai
se manifeste par ailleurs d'une façon évidente :
Geii. xxxviii, ^, Heltai: Vala kedig ô Chezibbe, mikor
eszt è fiât szùle.
Palia : ci statu dé naçterea cànd nâscu acel
fecor.
Vulgate : Quo nato parère ultra cessa vit.
Septante : "Au-/) îà -q h Xau,3i 'h'^iy-ct iTexsv
al)XOÛq.
Luther : Und er war zu Chesib, da sie
ihn gebar.
Hébr. : même leçon que Luther, Septante,
Heltai.
Gen. XLViii, 7. Helt. : mikor még Ephratahoz egy szan-
tofôld hoszszanyira volnec.
Pal. : §i era timp de primâvarâ : ci întraiû
în Efrata.
Vulg. : eratque vernum tempus : et ingre-
diebar Ephratham.
Sept. : sYYi'CovTOç [xoy "/.aTx xbv '.XTi:ô8poij,ov
-/ajâpaQà TYJç Y?;; rou èXOsfv 'EçoâOa.
Luth. : da noch ein Feld Weges war gen
Ephrath .
Hébr. : même leçon que Luther, Sep-
tante, Heltai.
J'ai joint ici aux leçons de Heltai et de la Palia celles des
versions qu'ont pu le plus fiicilement connaître les traducteurs
roumains (les Septante tiennent lieu de la forme slavone) ;
il résulte de ce rapprochement que, si le Pentateuqne de Heltai
Mélanges. II.
34
530 MARIO ROaUES
n'est pas le seul original de la Palia, les traits par lesquels
celle-ci se distingue du modèle hongrois ne proviennent ni de
l'hébreu, ni du grec, ni du slavon, ni de la version luthé-
rienne, mais de la Vulgate.
Il me serait facile, mais je crois inutile d'apporter ici
d'autres preuves de l'utilisation de la Vulgate par les traduc-
teurs d'Oràstie. J'indiquerai seulement qu'ils ont dû con-
naître la Vulgate dans une édition corrigée, complétée (en
marge ou dans le texte même), comme on en a imprimé plu-
sieurs au xvi^ siècle, dans une édition semblable à celles que,
depuis 1573, Lucas Osiander imprimait à Tubingue. Un
exemple suffira pour faire comprendre sur quoi je fonde cette
affirmation.
L'on rencontre à diverses reprises dans la PaJia, pour une
même phrase du texte hébraïque, deux traductions différentes
à la suite l'une de l'autre. Ainsi :
Ex. XXI, 3. Helt. : Ha feleségnékûl ment hozzad, felesé-
gnékûl menyenki.
Vulg. : Cum quali veste intraverit, cum tali
exeat.
Pal. : Cu ce veçmânt va întra la tine eu acela
iasâ. sa fàrâ muïare au mers la tine, fiïrâ
muïare sa mérgâ de la tine.
On peut expliquer ce passage et d'autres analogues par la
contamination de la Vulgate et de la version hongroise ici
nettement séparées par le sens, mais la juxtaposition pure et
simple des deux traductions dans la Palia est surprenante. S'il
y a eu contamination consciente, le traducteur roumain ne
devait-il pas l'indiquer plus clairement, p. ex., comme il le fait
ailleurs, en séparant par s au les deux traductions qu'il propo-
sait également ? Tout s'explique si nous consultons une Bible
telle que celle d'Osiander : les deux versions du membre de
phrase de V Exode, celle de la Vulgate et celle de la critique du
xvP siècley sont juxtaposées, comme dans la Pfilia ; mais elles
sont clairement distinguées par la mention Heb. devant la
L ORIGINAL DE LA PALIA D ORASTIE 53 I
seconde et par l'emploi pour celle-ci d'un caractère diffé-
rent :
Ex. XXI, 3 : Il cum quali veste intraverit is, cum tali exeat :
Heb. Si ciiiii corpore siio intraverit (^. . .cxlebs) , cum
cor pore s no exeat.
C'est une disposition analogue qu'ont dû avoir sous les
yeux les traducteurs roumains, ou au moins certains d'entre
eux chargés de la traduction de tels ou tels chapitres ou d'une
révision de l'ensemble. Je ne puis malheureusement pas indi-
quer précisément quelle édition ou quelles éditions de la Vul-
gate ils ont connues, mais, si l'on néglige cette question d'im-
portance médiocre, il reste que la Palia provient :
1° du Pentateuqiie hongrois de Heltai ;
2° subsidiairement, de la Vulgate, connue, au moins en
partie, d'après une édition corrigée. Ainsi s'explique, et se
légitime en quelque mesure l'indication de Michel Tordasi
sur les textes divers utilisés pour la rédaction de la Palia .
Mario RoauES.
QUELaUES-UNS DES LIVRES DE TRAVAIL
ANNOTÉS PAR BARTHÉLÉMY MERCIER
ABBÉ DE SAINT-LÉGER
Barthélémy Mercier, abbé de Saint-Léger de Soissons, a
été défini par l'un de ses contemporains (Ch. Antoine de La
Serna Santander) une « bibliothèque vivante » et la postérité
a ratifié ce jugement flatteur, bien qu'il ne soit en réalité jus-
tifié par la publication d'aucun de ces ouvrages auxquels les
chercheurs ont constamment recours; le savoir de Mercier
ne n'est condensé, en eff"et, que dans un très petit nombre de
publications personnelles destinées la plupart du temps, il est
vrai, à former des suppléments et des additions aux travaux
d'autrui ; mais ce savoir s'est épanché encore dans une corres-
pondance considérable, aujourd'hui malheureusement disper-
sée, et, de plus, dans des notes déposées sur les marges ou inter-
calées entre les feuillets des livres, presque toujours de con-
dition fort modeste, composant sa bibliothèque particulière.
D'autres notes se lisent encore sur un certain nombre de volumes
provenant de l'ancien fond de la bibliothèque de l'abbaye de
Sainte-Geneviève dont Mercier eut la garde de 1764 a 1771.
J'ai eu naguère, après bien d'autres, l'ambition de rendre
à Mercier le plus précieux hommage que puisse recevoir la
mémoire d'un érudit en reconstituant ce qui nous est parvenu
de ses écrits et de sa correspondance. Absorbé par d'autres
soins, j'ai perdu l'espoir d'accomplir cette tâche; je voudrais
tout au moins indiquer quelques-uns des livres enrichis par
Mercier de notes qui en doublent le prix et dont j'ai pu
retrouver la trace. Quelques-uns font heureusement partie
534 MAURICE TOURNEUX
intégrante de dépôts publics facilement accessibles ; d'autres,
plus nombreux, se sont depuis un siècle transmis de mains en
mains à des curieux véritablement dignes de ce nom et il n'est
pas impossible d'en suivre les migrations successives. C'est le
résultat de ces recherches que je présente aujourd'hui aux
lecteurs dont l'indulgence ne m'aura jamais été plus nécessaire.
J'ai cru devoir adopter, comme le plus pratique, l'ordre
alphabétique des noms d'auteurs en y joignant les références
nécessaires, soit qu'il s'agisse d'une simple mention emprun-
tée aux catalogues modernes, soit que l'ouvrage signalé appar-
tienne à une bibliothèque publique ou à un particulier actuel-
lement vivant. Le point de départ de ces recherches a été
presque toujours le catalogue de la vente posthume de Mercier
de Saint-Léger. Malheureusement l'expert, pour satisfaire
aux exigences d'une succession obérée, dut se contenter de
rédiger en hâte cette notice et renoncer à y joindre des notes
qui nous eussent été précieuses '. Selon l'usage du temps en
pareille occurrence, les « articles » furent groupés en « numéros »
comportant eux-mêmes de très nombreux volumes et il serait
téméraire d'affirmer que tous ceux de ces volumes que Mercier
avait apostilles de notes ou de corrections aient été signalés par
l'expert. On ne trouvera donc ici mentionnés que quelques-
uns des exemplaires sur lesquels De Bure avait appelé l'atten-
tion des acquéreurs. De plus, dans l'impossibilité matérielle
de remettre la main sur tous les témoignages subsistants de
l'activité intellectuelle du savant, et pressé à mon tour par le
temps et les circonstances, j'ai dû procéder à un choix qui s'est
porté de préférence sur les livres de travail. Il m'a donc fallu
écarter provisoirement de cette liste les opuscules de littéra-
ture ancienne et moderne sur lesquels leur possesseur avait
I. Notice des livres manuscrits et imprimés de feu le cit. Barth. Mer-
cier, ci-devant abbé de Saint-Léger et ancien bibliothécaire de Sainte-
Geneviève, dont la vente se fera le 24 frimaire an VIII [15 déc. 1799] et
j. s..., en sa maison, rue du faubourg Saint-Jacques, au-dessus de la rue
Saint-Dominique [aujourd'hui rue Rover-Collard], n°^ 132 et 374. Paris,
G. de Bure, l'aîné, an VIII, in-8, 68 p. (La dernière non chiffrée).
LIVRES ANNOTES PAR MERCIER DE SAINT-LEGER 535
inscrit quelques remarques ou particularités instructives. Telles
quelles, si insuffisantes, incomplètes et sommaires qu'elles se
présentent, ces indications ne seront peut-être pas jugées
indignes de prendre place dans un recueil destiné à honorer
l'éminent et bienveillant érudit dont il porte le nom.
Maurice Tourneux.
Baillet (Adrien). Jugements des savants sur les principaux
ouvrages des auteurs [nouv. édition revue et corrigée par
B. de la Monnoye]. Paris, Ch. MoeJte, 1722, 7 vol., in-4°.
Fragment du tome I'^'' (B. N., Rés. Q. 31e) de cette réédition
(pp. 345-404) comprenant les « Jugements » des principaux
imprimeurs, avec notes de La Monnoye et additions peu impor-
tantes de Mercier.
Barat (Nicolas), de Bourges. Nouvelle Bibliothèque choisie
où l'on fait connaître les bons livres en divers genres de
littérature... Amsterdam, Mortier, 17 14, 2 vol. in- 12.
Cat. Boulard, tome III, n° 5551. Le même ex. a passé en
octobre 1891 sur un catalogue à prix marqués de la librairie
Antonin Voisin (n" 2592), où il était coté 5 francs.
Carra (Jean-Louis). L'an 1787, précis de l'administration
de la Bibliothèque du Roi sous M. Lenoir. S. l. n. d., in-8°,
15 p. [B. N., Réserve. Q.. 756.]
Exemplaire auquel on a joint deux notes intéressantes de
Mercier : la première, en partie déchirée, a trait à la paternité
de cet opuscule satirique. « Libelle écrit, dit-on, sous la dictée
de l'abbé Desaulnays par un mauvais sujet nommé La Reynie,
surnommé au Palais-Royal Fabbé Lapin.. . » Danslaseconde note,
Mercier indique le nom du véritable auteur et rectifie, d'après un
témoin auriculaire, une anecdote malveillante pour Lenoir à qui
serait échappée une inadvertance, lors de la visite du prince et
de la princesse Ferdinand de Lorraine à la Bibliothèque du Roi.
Denis (Michel). Bibliotheca typographica Vindobonensis ab
anno 1482 ad annum 1560... Vindohonae, Wappler, 1742,
in -4°.
536 iMAURICE TOURNEUX
Cat. de la bibliothèque de feu Marie-Jacques De Bure (13 mars
1848 et j. s.), n° 38e.
Billet autographe de l'auteur et nombreuses notes de Mercier.
Freytag (F. -G.). Analecta litteraria de libris rarioribus.
Lipsiae, 1750, in-8°.
Ex. annoté par Mercier, signalé par A. Claudin sous le
n° 700 de la Bibliothèque du D"" Cazin vendue en 1885.
GoujET (l'abbé). Mémoires historiques et littéraires sur le
Collège royal de France. Paris, 1758, in-4°. [Biblioth. du
Collège de France.]
Cet ex, a eu des vicissitudes singulières : après avoir été offert
par le libraire Augustin-Martin Lottin à Jamet le jeune, le 27 oc-
tobre 1782, il fut déposé par Mercier au Collège de France le
9 avril 1786, mais il disparut pendant la Révolution, et Lalande,
par une note insérée dans le Magasin encyclopédique (1799, t- V,
pp. 229-240), réclamait cet exemplaire devenu « pour ainsi dire
un manuscrit » tant il était chargé de notes. Tombé plus tard
entre les mains du baron Joseph Vitta, de Lyon, il fut restitué au
Collège de France, le 14 avril 1888, ainsi que l'atteste une note
autographe signée d'Ernest Renan.
Hérissant (Louis-Théodore). — Observations historiques
sur la littérature allemande, par un François. Nouvelle [troi-
sième] édition, suivie de Remarques sur le théâtre espagnol,
par DE Cronegk, et de quelques Lettres sur Leibnitz et sur
Gessner. s. L. 1781 et Ralisbonne [Paris]. 1782, in-8 et in-12.
Le catalogue de la bibliothèque de J. Ch. Brunet (2^ partie,
n° 1037) enregistre un ex. des deux éditions réunies sous la
même reliure et renfermant quatre pages de notes mss. par Mer-
cier.
La Caille (Jean de). — Histoire de l'imprimerie et de la
librairie 011 l'on voit son origine et son progrès jusqu'en 1689.
Paris, 1689, in-4°, veau brun.
Exemplaire couvert d'additions et renfermant les feuillets
supplémentaires destinés à prendre place entre les pp. 2 et 3.
Cet exemplaire provenant de Renouard (n° 3309 de la vente de
LIVRES ANNOTÉS PAR MERCIER DE SAINT-LEGER 537
1854) a passé dans la vente posthume de Leroux de Lincy
(1870), sous le n° 1595.
La Croix du Maine et du Verdier. — La Bibliothèque
françoise de La Croix du Maine et de du Verdier, sieur de
Vauprivas; nouvelle édition ... corrigée et augmentée par
M. RiGOLEY de Juvigny, Conseiller honoraire au Parlement de
Metz. Paris, Saillant et Nyon, libraires; Michel Larnbert, impri-
meur, 1772- 1773, 6 vol. in-4° [B. N. Réserve Q. 205-210.].
Exemplaire dont chaque page, pour ainsi dire, présente au
recto et au verso des additions ou des corrections importantes,
sans parler d'innombrables bouts de papiers de tous formats
montés avec le plus grand soin à leurs places respectives. Ce tra-
vail minutieux a été accompli par un très habile ouvrier pen-
dant les loisirs forcés du premier siège de Paris (i 870-1 871), sous
la direction de feu M. Olgar Thierry-Poux, plus tard conserva-
teur du département des Imprimés.
Un second exemplaire de la Bibliothèque française, en grand
papier et relié en maroquin citron, est décrit par M, Emile Picot
sous le n° 2517 (tome II) du Catalogue des livres composant la
bibliothèque de feu M. le baron famés de Rothschild. Cet exem-
plaire provient de M. Durand de Lançon qui a transcrit sur les
marges une grande partie des notes de Mercier et y a joint
d'autres observations suggérées par ses propres recherches biblio-
graphiques.
[La Vallière (duc de).] — Bibliothèque du théâtre François
depuis son origine, contenant un extrait de tous les ouvrages
composés pour ce théâtre depuis les mystères jusqu'aux
pièces de P. Corneille et la liste chronologique de celles com-
posées depuis cette dernière époque jusqu'à présent. Dresde,
Michel Groell [Paris, f.-B. Cl. Bauche], 1768, 3 vol. in-8°.
Frontispices de Cochin, vignettes et culs-de-lampe, par Eisen,
Carpentier, de Seix et Martini, gravés par Massard, de Launay,
Fessard et Bosse.
Ex. couvert de notes marginales et intercalaires dans les
tomes I et II ; le tome III n'en renferme qu'un petit nombre
(vente J.-Ch. Brunet, 2^ partie, n" 1782). L'une de ces notes
inscrite au verso du feuillet de garde du tome h' atteste que
538 MAURICE TOURNEUX
Mercier a « travaillé beaucoup » à ce catalogue, ainsi que Cap-
peronnier, Marin et l'abbc Boudot.
Le Gallois. — Traité des plus belles bibliothèques de l'Eu-
rope. Paris, MichaJkt, 1680, in-12.
Cat. A. -A. Renouard (1854), n^ 3275. Nombreuses notes de
Mercier.
[Lelong (le P. Jacques).] — Bibliothèque historique de la
France... Nouvelle édition revue, corrigée et considérable-
ment augmentée par Fevret de Fontette [et autres]. Paris,
Hérissant, 1768- 1778, 5 vol. in-folio.
Cet exemplaire, acquis par Campion de Tersan à la vente pos-
thume de Mercier, était en 1820 chez Boulard. Il a passé
depuis dans la bibliothèque du séminaire de Saint-Sulpice où il
ne s'est pas retrouvé lors de l'application des lois récentes sur
la séparation de l'Église et de l'État. II avait été antérieurement
l'objet d'un travail intéressant de M. Antoine de Lantekay
[l'abbé Ant. -Louis Bertrand], paru dans la Revue catholique de Bor-
deaux et faisant partie (pp. 353-362) des Mélanges de biographie
cl d'histoire de l'auteur, tirés à 50 exemplaires et mis en vente à
la librairie Feret et fils (Bordeaux, 1885, in-8°).
Leprince (Nicolas-Thomas). — Essai historique sur la
Bibliothèque du Roi et sur chacun des dépôts qui la com-
posent... Paris, Bclin, 1782, in-i2[B.N., Réserve, p. Q.. 77.]
Exemplaire acquis à la vente posthume de M. Armand Durand,
ancien professeur de rhétorique aux lycées Louis-le-Grand et
Condorcet (15 février 1895 et j. s.), n° 1305. Il avait auparavant
appartenu à J.-Ch. Brunet et à Leroux de Lincy (vente pos-
thume, 1870, n° 1594).
Le Verrier de la Conterie. — L'École de la chasse aux
chiens courants, précédée d'une Bibliothèque historique et cri-
tique des théreuticographes, par Nicolas et Richard Lalle-
MAND. Rouen, Nicolas et Richard Lallemand, 1762, 2 parties
in-8.
« Ex. chargé de notes marginales et séparées »,dit P. Leblanc,
rédacteur du catalogue de la bibliothèque Huzard (tome il,
LIVRES ANNOTÉS PAR MERCIER DE SAINT-LEGER 539
n° 5073) qui signale, sous le n° 5074, un second exemplaire
abondamment annoté par Huzard lui-même.
LoTTiN (Auguste-Martin). Catalogue chronologique des
libraires et des libraires-imprimeurs de Paris depuis l'an 1470...
Paris, J.-R. LoUin de S. Germain, MDCC.LXXXIX (1789)-
Petit in-8.
Exemplaire renfermant un intéressant prospectus de la publi-
cation de Lottin ; Mercier de Saint-Léger y a jomt huit pages de
notes, consacrées à des livres datés, munis de privilèges et
publiés par des libraires ou des imprimeurs parisiens (xvi^ et
surtout xviie siècles). Cet exemplaire paraît avoir appartenu au
libraire Molini ; il a fait, plus tard, partie de la collection de Le
Roux de Lincy, dont il porte la signature, mais il ne figure pas
dans le catalogue de la vente de cet érudit. Il se trouve mainte-
nant dans la Bibliothèque de feu M. le baron James de Roths-
child.
Maichel (Daniel). — Introductio ad historiam litterariam
de praecipuis bibliothecis Parisiensibus. Caiitabrigiac, 1721,
in- 12.
Cat. M.-J. De Bure (1848), n" 496; cat. Le Roux de Lincy
(1870), n° 1589; cat. Hipp. Cocheris (1882, n° 1794); cat.
Armand Durand (1895), n° 13087; aujourd'hui chez M. Paul
Lacombe qui dans une communication faite à la Société de
l'histoire de Paris, le 11 juin 1912 (BnUetiii de la Société,
pp, 170-172), a cité quelques-unes des très nombreuses notes
relatives au Collège des Écossais déposées par Mercier sur cet
exemplaire. Ce même exemplaire est accompagné de la disserta-
tion de Wallin : Lutelia Pariùoruin enidifa, Norimbergiae, 1722,
in- 12, qui comporte également quelques notes, mais peu impor-
tantes.
Maittaire (Michel). — Annales typographici ab artis inven-
tae origine ad annum 1500. Londini, 1719-1741, 5 vol. in-4.
[B. N., Réserve. Q. 264-267.]
Ex. ne comportant que les tomes II et V, seulement, mais
remplis de notes de la main de Mercier, particulièrement dans
VIndex formant le tome V
540 MAURICE TOURNEUX
[Manuce (Paul).] — Pauli Manutii epistolarum libri XII,
ejusdem quae praefationes appellantur. Venetiis, apitd Aldtwi,
1580, in-8°.
« Ex. de l'abbé Saint-Léger (^sic) auquel le titre manque et qui
est taché, mais il y a annexé deux notes manuscrites », dit le
libraire Gaudefroy, dans le cat. Boulard, tome II, n" 4010.
Marchand (Prosper). Dictionnaire historique ou Mémoires
critiques et littéraires concernant la vie et les ouvrages des
personnes distinguées singulièrement dans la République des
lettres. A la Haye, che^ Pierre de Hondt, MDCCLIX 2 vol.
in-folio.
Un ex., renfermant de nombreuses notes de Mercier, a passé
sous le n° 165 d'une vente de livres et documents manuscrits
sur Paris, la Picardie et la Lorraine, faite le 22 mars 1886 par
M. Antonin Voisin.
Voyez ci-dessous Mercier.
Martène (D. Edmond) et Durand (D. Ursin). Voyage litté-
raire de deux religieux bénédictins de la congrégation de Saint-
Maur. A Paris, che^ Florentin Delaidne, Hilaire Foiicaidt,
Michel Clou^ier, Jean-Geojroy Nyon, Etienne Ganeau, Nicolas
Gosselin, MDCCXVII, deux parties, in-4°.
Un exemplaire, recueilli sur les quais par M. Camille Couderc
et obligeamment communiqué par lui, renferme d'assez nom-
breuses notes marginales de Mercier, la plupart sévères pour les
opinions et les allégations des rédacteurs de ce Voyage et presque
toutes, semble-t-il, contemporaines des dernières années de l'an-
notateur, car il est fréquemment question des déprédations com-
mises en 1793 ^^ ^^ P^^ pl^^ tard.
Mercier (abbé de Saint-Léger). Supplément à l'histoire de
l'origine des progrès de l'Imprimerie de Prosper Marchand ou
additions et corrections pour cet ouvrage. Paris Pb. D. Pierres
l'j'jT,, in-4°. — Supplément... Nouvelle édition revue et aug-
mentée, avec un mémoire sur l'époque certaine du commence-
ment de l'année durant le xvi^ siècle. Paris, Pb. D. Pierres,
l'jJS^ in-4°|B. N. Réserve. Q. 279J.
LIVRES ANNOTES PAR MERCIER DH SAINT-LEGER 54 1
Exemplaires surchargés de notes et d'additions, renfermés dans
une boîte de sapin formant reliure. La mise au net de ce travail,
destinée à l'impression qu'en projetait Anisson Duperron, lut
acquise par Van Hulthem et déposée plus tard à la Bibliothèque
Royale de Bruxelles, avec tous les autres ouvrages légués par ce
bibliophile au même établissement ; voir à ce propos le Manuel
du libraire de J.-Ch. Brunet(5^ édition, v" Marchand (Prosper).
Pernetti (l'abbé Jacques). Recherches pour servir à l'his-
toire de Lyon, ou les Lyonnais dignes de mémoire. Lyon, che^
les frères Duplain, 1757, 2 vol. petit in-8°.
Acquis en 1799 par l'abbé Campion de Tersan et à sa propre
vente posthume (1819) par le grand collectionneur lyonnais
J.-L.-A. Coste dont les richesses locales et spéciales, léguées à
la Bibliothèque municipale de Lyon, ont été inventoriées par Aimé
Vingtrinier dans un catalogue imprimé aux frais de la veuve du
donateur (1853, in-S", 840 p.).
Piles (Roger de). Cours de peinture par principes. Paris,
Etimne, 1708, in- 12.
Note autographe de Mercier sur l'auteur.
Catalogue raisonne d'une collection de livres, etc. relatifs aux arts,
réunis par M. Jules Goddé peintre, avec des notes du collecteur
(L. Potier et Defer, 1850, in-S^'), n" 291.
PiNGRÉ (le P. Max-Guy). La Cométographie ou Traité his-
torique et théorique des comètes. Paris, Imprimerie Royale,
1783, 1784, 2 vol. in-4°, 9 pi.
Ex. annoté sur les marges et sur des feuilles volantes. Cata-
logue des livres de la bibliothèque de J.-B. Hu^ard, rédigé par
P. Leblanc (1842), tome II, n° 5018.
Tassin (dom René-Prosper). Histoire littéraire de la con-
grégation de Saint-Maur, ordre de Saint-Benoît, où l'on trouve
la vie et les travaux des auteurs qu'elle a produits depuis son
origine en 1618 jusqu'à présent, avec les titres des livres qu'ils
ont publiés et la notice des ouvrages manuscrits composés par
des écrivains du même corps. Bruxelles et Paris, Humblot, 1770,
in-4°.
542 MAURICE TOURNEUX
Ex. renfermant les quatorze cartons dont le détail a été donné
par Gabriel Peignot {Répertoire bibliographique universel, p. 434)
et auquel sont ajoutés dix portraits de bénédictins célèbres.
L'exemplaire de Mercier a, depuis, appartenu à D. Poirier et à
l'abbé Campion deTersan. Il a figuré aussi sous n° 628 du troi-
sième Catalogue des euriosilés biblograpbiques recueillies par le biblio-
phile voyageur (P. Leblanc) et dispersées le i^'' mars 1839 et j. s.
Thémiseul de Saint-Hyacinthe (Hyacinthe Cordonnier,
dit). Dissertation critique et analytique sur les chronogrammes,
publiée en 1718. Nouvelle édition revue et corrigée par l'au-
teur. Bruxelles, che:{ la V"-'^ Foppens, 1741, in-8" [B. N. Inv. G.
II 604].
Pp. 10- II et 30-31, notes de Mercier intercalées entre les
feuillets de cet opuscule dont la paternité est attribuée sans preuve
à Thémiseul de Saint-Hyacinthe par Paul Lacroix (Bulletin
du Bibliophile, 1859, p. 771).
DEUX IMITATIONS DE LA RESSOURCE
DE LA CHRÉTIENTÉ
En 1494 André de la Vigne était le secrétaire d'Anne de
Bretagne'. Charles VIII se préparait alors à entrer en Italie et
à chercher au delà des Alpes le titre de libérateur de la chré-
tienté. « Bien des écrits, dont les auteurs se proposaient de
justifier l'entreprise de Charles VIII et de préparer les puis-
sances étrangères, surtout celles de l'Italie, à n'en prendre
aucun ombrage - », virent le jour à cette époque, et André
de la Vigne tint sa place dans ce concert ; il composa un ou-
vrage à la fois en prose et en vers qu'il intitula La Ressource
de la Chrétienté.
Dame Chrétienté, voyant le mépris où est tombé son culte,
vient chercher en France quelque remède à ses maux. Par-
venue dans un verger délicieux, elle est abordée par Dame
Noblesse, qui l'amène dans un « consistoire tendu de belles
fleurs de lys ». Là elle raconte ses malheurs à Majesté
Royalle, qu'elle supplie de lui porter secours. Bon Conseil
appuie la prière de Chrétienté auprès de Majesté Royalle,
tandis que Jenesçayqui fait ressortir le danger et l'inutilité
d'accéder à cette prière. Majesté Royalle décide d'accorder à
Dame Chrétienté sa protection, et lui promet de la rétablir
dans son royaume.
La Bibliothèque Nationale possède dans son fonds français
deux manuscrits de cet ouvrage, qui datent tous deux du
xv^ siècle : l'un porte le numéro 1699, l'autre, qui fut pré-
senté au Roi par l'auteur, porte le numéro 1687. A partir de
1496% La Ressource de la Chrétienté, dont on avait changé les
1. Picot (E.)> Ki-'cucil ocncral des Sotties, Paris, 1904, 2 vol. in-S",
vol. II, p. 8, II.
2. Foncemagne (F. de), Mémoires de VAûidniiie des Iiiscr. et Belles-Lettres,
vol. XVII, p. 583.
3. Picot (E.), Ouv. cit., p. 9.
544 E. R. WICKERSHEIMER
quatre derniers vers, fut imprimée en guise d'introduction au
journal de l'expédition d'Italie, rédigé par André de la Vigne
sous le titre de Vergier d'Hojineur.
La Ressource de la Chrétienté flattait les ambitions du jeune
Roi ; aussi André de la Vigne trouva-t-il des imitateurs parmi
les partisans de l'expédition. La Bibliothèque Nationale pos-
sède deux de ces imitations, toutes deux inédites : le manu-
scrit français 20055 ^^ ^^ manuscrit français 15215.
Le manuscrit français 20055 se divise en deux parties : la
première sur papier, écrite au xV siècle, comprend 52 feuil-
lets ; la seconde, sur vélin, est du xvi^ siècle et comprend
45 feuillets. La Ressource de la Moimrché chrestien?ie promise estre
faict par Majesté Royalle par le moyen de Noblesse et Bon Conseil,
en prose et en vers, remplit les 49 premiers feuillets; 2 feuil-
lets de rondeaux en l'honneur de Charles VIII et un feuillet
blanc terminent le manuscrit. Au feuillet 2 recto commence
l'introduction : La prénosticacion du Roy Charles Imycieme de ce
nom, compillée par l'une des Sybilles et conservée par le saint
homme. Cette prophétie, qui est en latin, annonce que
Charles VIII sera couronné dans sa 14^ année; dans sa
24^ année (1494) il assemblera une grande armée : il vaincra
le monde entier et sera appelé le Roi des chrétiens. Il
mourra à Jérusalem dans la 21^ année de son règne.
Le manuscrit français 20055 ^st à ma connaissance le seul
qui renferme le texte latin de la prophétie de la Sibylle. Cette
prophétie, que cite André de la Vigne ', était connue dès
1 494, car on en trouve à cette date une version française dans
La Prophécie du Roy Charles huifiesme de ce nom^, écrite par
maître Guilloche de Bordeaux, et
« Extraicte d'une autre copie
En latin, ^ »
Dans le manuscrit français 20055, 1^ prophétie est suivie de
1. Bibl.Nat. ms. fr. 1687, f. 22 recto.
2. Publ. par le marquis de La Grange, Paris, 1869, in-12; une grande
partie dans Cherrier (G. de), Histoire de Chartes VIII, 2 vol. in-S"; Paris,
1868, vol. I, pp. 487-490.
3. La Proptiécie du Roy Qnntes VIII, éd. La Grange, p. 9.
DEUX IMITATIONS 545
Strophes latines à l'éloge de Charles VIII. En bas du feuillet
3 verso^ on trouve la signature Ravigneau .
Le récita qui commence au feuillet 4 recto, Nagairei moy
estant en certaine spéculation, . . . suit pas à pas le récit d'André
de la Vigne. Seul le nom d'un des personnages est changé,
celui de Dame Chrétienté, qui devient Monarché Chrestienne.
Les parties en prose sont exprimées dans ce manuscrit avec
une simplicité et une clarté plus grandes que dans La Ressource
de la Chrétienté ; certains détails ont été ajoutés, telle la devise
de Majesté Royalle, « ung A et un C en convention »,
(f. 15 r°) initiales de Charles VIII et d'Anne de Bretagne.
Aux strophes de sa propre facture, dont plusieurs contiennent
des vers empruntés à La Ressource de la Chrétienté, l'auteur a
mêlé une grande partie des strophes d'André de la Vigne.
La Ressource de la Chrétienté, de même que La Ressource de la
Monarché Chrétienne, sont écrites toutes deux dans un style si
diffus, qu'il est impossible de trouver d'après la suite des
idées quelque indication permettant d'attribuer la priorité à
l'un ou à l'autre de ces écrits, et de dire lequel est imité de
l'autre.
La Ressource de la Chrétienté se termine par des strophes de
12 vers, dont les initiales expriment les vœux que forme l'au-
teur pour la prospérité du roi : Charles huitiesme et dernier de
ce nom, par la grâce de Dieu Roy de France, à qui Dieu doint
bonne vie et longue, et Paradis à la fin. Ces strophes sont repro-
duites dans La Ressource de la Monarché Chrétienne, à l'excep-
tion de la dernière, qui n'a que 5 vers ; l'acrostiche est ainsi
coupé court à Paradi.
Il est donc permis de croire que c'est l'auteur de La Res-
source de la Monarché Chrétienne qui a reproduit, ainsi abrégé,
l'acrostiche composé par André de la Vigne, et que l'ouvrage
signé Ravigneau n'est qu'une imitation de La Ressource de la
Chrétienté .
Le manuscrit de La Ressource de la Monarchie Chrétienne qui
porte le numéro 152 15 du fonds français est décrit ainsi
qu'il suit dans le catalogue de la Bibliothèque Nationale :
Mélanges. II. 35
546 E. R. WICKERSHEIMER
Début, f. I, « Nagaires moy estant en certaine spéculation... «
Miniatures aux fol, i et 9. xv= siècle. Parchemin, 23 ft.,
248 sur 175"™. Relié velours vert.
Par suite d'une erreur du relieur, le feuillet i doit être suivi
des feuillets 10-15, 8, 9, 2-7 et 16-23.
Le contenu du manuscrit français 15215 est le même que
celui des deux manuscrits précédents.
L'auteur a certainement eu en mains le manuscrit français
20055 ^^ La Ressource de la Chrétienté d'André de la Vigne.
Il a fait un amalgame des strophes du manuscrit 20055 écrites
par Ravigneau, et de celles de La Ressource de la Chrétienté
que Ravigneau n'a pas utilisées; enfin il y a ajouté quelques
strophes de sa façon. Son manuscrit date de l'époque des pré-
paratifs faits en vue de la guerre d'Italie, comme l'indique cet
explicit ' : Pryant le souverain redenipteur ladicte entreprise par-
faire et mettre à prouffit du Roy et de la chouse publique, exulta-
tion et glorieuse renommée de ladite Monarché Cristienne, pour
laquelle ce livre est fait et compillé. Lequel est intitulé : La Ressource
de la Monarché Chrestienm.
On ne sait de qui est le manuscrit français 15215. Ravi-
gneau, dont le nom figure sur le manuscrit français 20055,
est un personnage tout à fait inconnu. Pourtant il est pro-
bable que les auteurs des deux manuscrits ont vécu à la cour
de Charles VIII. L'œuvre d'André de la Vigne, composée au
moment des préparatifs de l'expédition d'Italie, ainsi que les
prophéties de la Sibylle, du médecin Jehan Michel, de maître
Guilloche de Bordeaux, et d'autres du même genre -, ne pa-
raît pas avoir été connue ailleurs qu'à la cour avant 1496,
date de sa publication. Les imitations, antérieures à cette
date, ont donc dû naître dans l'entourage immédiat de
Charles VIII. Le Dialogue entre la Chrétienté et un chevalier,
resté inédit, et dont la Bibliothèque Nationale possède un
manuscrit sous le numéro 148 de son fonds français, a sans
doute la même origine. E. R. Wickersheimer .
1. F. 23, 1. 20.
2. Ces prophéties étaient répandues tant en Italie qu'en France. Cf. M. de
Foncemagne, Mém. de l'Acad. des laser, et Belles-Lettres, t. XVII, p. 543 ss.
ANDREA MOSCHETTI
PER LA « CACCIA DI TEODERICO » SULLA FACCIATA
DEL S. ZENO DI VERONA.
Dei tanti, che si occuparono délie celebri sculture che ador-
nano i lati del portale di s. Zeno in Verona, e traesse di quella
Caccia di Teoderico che si trova nella zona inferiore del lato
destro, Francesco Novati dedicô a quest'ultima una particolare
e assai distesa trattazione, confermando in parte e in parte
mutando, con quella dottrina e con quella acutezza che son
tutte sue, i vecchi modi di interpretare e di illustrare la scul-
tura stessa e nuovi proponendone '. Non è certo intenzione
nostra di afTrontare qui e rinnovare tutta la complicata ques-
tione che a quel marmi si riferisce - ; bensi soltanto di discu-
tere e di confutare a nostra volta una di quelle proposizioni
del Novati, — piccola in apparenza, ma pur tuttavia taie che
su di essa egli fonda buona parte almeno del suo tentativo
« di ricercare se nel cimelio sanzeniano sotto il camufFamento
médiévale si discernano ancora le traccie dell'opera vetusta,
ond'è forse derivato ». Intendo dire del significato di quella
figura che, nella formella di destra, sta sulla porta di un edi-
ficio architettonico, tenendo in una mano qualche cosa che
viene da tutti interpretato come uno spiedo o una lancia, e
1 . Stilla leggenda cU re Teoderico in Verona, in Rendicoiiti del ;-o. Instiliito
îonihardo di Science e Lettere, s. II, vol. XXIV, 1901, pagg. 716 sgg.
2. Per la bibliografia dell' argomento rimando al lavoro stesso del
Novati c più particolarmente, come più degno di osservazione prima di
questo, allô scritto di C. Cipolla, Pei- la leggenda di re Teoderico, in Per la
storia d'Italia e deisnoi conquistatori nel Medioevo più antico ; Bologna, 1895.
548 ANDREA MOSCHETTI
coU'altra afferrando aile corna un cervo che galoppa alla sua
volta, — infelice figura tutta pesta e logora dalle sassate plu-
risecolari délia ragazzaglia sanzenate, cosi da riuscire veramente
indecifrabile a chi colle antiche opère d'arte non abbia consue-
tudine quasi quotidiana.
Ci sia lecito, prima, di ripetere brevemente quanto in propo-
sito dice il Novati. « E proprio vero, chiede egli, che quella
figura rappresenti il demonio, il quale, ritto sul limitare délia
sua triste dimora, tende l'orecchio allô scalpiccio del cavallo
corrente ? Il personaggio nulla présenta in se di diabolico, e in
cosi fatta sentenza potrebbe confermarci anche l'esame délia
riproduzione che l'abbate Venturi aggiungeva nel 1825 al
Compendio délia storia sacra e profana di Verona ' ; riproduzione
grossolanamente ingenua, se si vuole, ma pur sempre intéres-
sante per noi, giacchè ebbe a ricavarla dalla tavola marmorea,
quando era men guasta, // fii Gaetano Cristojoli, che aveva una
abilità somma per disegnare cou tutta precisione le cose di quel ro'^i
(sic) tempi^ le quali si incidono per lo più inesatte, perché troppo
àbhellite. La figura, di cui stiamo ragionando, non ha corna,
non ali, non coda, non viso mostruoso e contraffatto, non
corpo villoso e bizzarramente déforme, non piedi belluini o
muniti d'artigli. L'arma che stringe poi nellasinistra non è ne
una força, ne un tridente e neppur un raffioovveroun ronci-
glio ^ ; sibbene, secondochè ce ne fa certi l'incisione condotta
suUo schizzo del Cristofoli, un' asta sormontata da una punta
acuminata di lancia : uno spiedo da caccia insomma, un « vena-
bulo » per servira del termine del quale si valse a descriverla
rOrti Manara % che, ancor egli, potè ai giorni suoi discer-
nerne la forma assai meglio di quanto sia a noi concesso
oggidi. » Ma al tempo dello scultore Niccolô, ne egli nèaltri
1. Edizione seconda, Verona, 1825, vol. 1°, tav. XX.
2. Nota del Novati : « E nemmen un « bastone » conie scrivc il
Cipolla. »
3. Deir antica hasilica di s. Zcnoiie niaggiorc in Verona, ragionanienlo.
Verona, 1859, tav. IV b.
'f^j'^Mit'^,
'mt0
\^~
/ 1
^§?fi4^'^
PER LA « CACCIA DI TEODERICO » 549
avrebbe effigiato il demonio cosî spoglio di ogni infernale
attributo; corne nessuno avrebbe figurata la sua infernale
dimora in quel « palazzo merlato, nel cui mezzo aprivasi una
porta di buona architettura, un arco sorretto da colonne con
basi e capitelli ». Talcliè non sarebbe forse difficile inten-
dereche quella figura, anzichè il demonio^ fosse « Teoderico
stesso balzato fuori ignudo del bagno alla notizia che l'infer-
nale sovrano gli aveva trasmessi i doni bramati ; Teoderico
che, stringendo in pugno uno spiedo, s'affaccia aile porte délie
terme da lui stesso edificate, impaziente di salire in groppa
del fatale corsiero ». Il che sembrerebbe confermato, sempre
secondo il Novati, da queH7j///r délia inscrizione che si legge
sulla formella stessa :
Nisus equus cervus canis huic datur. Hos dat Avernus.
L'hnic si riferirebbe al secondo Teoderico, nudo ed a
piedi, non al primo, cioè a quello délia prima formella, che
cavalca colla clamide svolazzante e di cui dice l'altra incrizione
ivi scolpita :
O regem stultum ! Petit infernale tributum,
Moxque paratur equus, quem misit démon iniquus ;
Exit aquam nudus; petit infera non rediturus.
Due obiezioni pero il Novati non si dissimula: la prima che
la sommità dell' edificio, sulla soglia del quale appare il per-
sonaggio, non risulta già coronata da una série di merli,
secondochè lascerebbe credere l'incisione divulgata dal Ven-
turi, bensî da alquante punteverticali ed ondeggianti che sem-
brano piuttosto lingue di fuoco. « Se cosî fosse, soggiunge
(ma non dice che cosî sia veramente), l'edificio rappresente-
rebbe fuori di dubbio l'ingresso del Tartaro in una forma
molto vicina a quella sotto la quale, con esempio più unico
che raro nell'iconografia infernale dell' epoca, esso è raffigurato
in un' altr' opéra d'arte délia medesima basilica veronese : le
valve di bronzo, cioè, che ne decorano la porta regia. Equesta
5)0 ANDREA MOSCHETTI
constatazione, pur non obbligandoci irremissibilmente a rico-
noscere che colui, il quale si trattiene suU' ingresso délie dolenti
case, ne sia per l'appunto il signore e il padrone, danneggerebbe
perô gravemente, corne ognuno intende, la solidità délie nostre
congetture ». L'altra obiezione sarebbe che, mentre il cane e
il cervo cui allude l'inscrizione si trovano effigiati in quella for-
mella, e il cavallo si potrebbe forse, da un critico non troppo
sottile, ritenere quello délia formella di sinistra, manca
affatto il falcone^ il nisus, che dovrebbe essere mandate in
dono a quel personaggio délia porta, aWhuic délia inscrizione
stessa.
Délie quali obiezioni la prima, che a noi più intéressa, e
che è davvero importantissima, rimane per il Novati stesso
senza conferma ne diniego. La seconda invece cade di per se,
quando si veda che il falcone, invano cercato dal Novati,
esiste invece, ma a parte, in un riquadro délia pilastrina che
intercède fra le due formelle e che in questo caso funge non
da separazione ma da unione fra esse. Ivi l'uccello rapace è
calato dair alto, ad ali spiegate, sopra un coniglio, e lo stringe
fra gli artigli ghermito in sul dosso. Lo scultore, ben inten-
dendo che in una caccia al cervo il falcone non avrebbe avuto
che fare e sarebbe stato un fuor d'opéra, lo collocô qui a for-
mare quasi soggetto da se stesso, pur volgendolo nella stessa
direzione di tutto il resto délia caccia '.
Quanto poi al cavallo, anche a rischio di esser presi per
critici un po' grossi, a noi pare che Veqiiits délia inscrizione
nella seconda formella sia tutt'uno coU' eqmis nominato ed
effigiato sulla prima ; giacchè le due formelle insieme col fal-
cone délia pilastrina rappresentano un'unica scena in azione :
I. Si noti che tutta la rimanente decorazione délie pilastrelle non ha
scène figurale ma ornati. Sotto del riquadro, che racchiude il falcone e il
coniglio, è invece un secondo riquadro figurato, con una persona seduta che
suona l'arpa e che, volta verso Teoderico. sembra voglia attrarlo colla sedu-
zione del suono. In che legame questa figura si trovi colla leggenda teode-
riciana non sappiamo.
PER LA « CACCÎA DI TEODERICO » 55 T
il cervo précède di furia, i cani lo incalzano e lo addentano,
il falcone si précipita sul coniglio, cavallo e cavalière soprag-
giungono di galoppo al suono delcorno. E quel quarto verso
è stato messo nella seconda formella non perché ad essa,
come vorrebbe il Novati, particolarmente si riferisca, ma
semplicemente perché lo scultore non aveva lasciato spazio
sufficiente per tutti quattro i versi nella prima, come il terzo
(che, sia detto per incidenza, anche se si accettasse l'interpre-
tazione del Novati dovrebbe riferirsi a quanto é figurato non
nella prima ma nella formella seguente : exit aquam niidus) il
terzo, anch' esso, è costretto a spezzarsi e a costiparsi fram-
mentariamente in tre righe riempiendo tutti i vuoti attorno
aile figure. E anche nella seconda formella, quel povero quarto
verso vi sta tutto raggricciato e spezzettato, cosî che l'ultima
sillaba, per quanto ridotta paleograficamente ad una lettera
sola, viene a cacciarsi fra il muso del cervo e l'arco délia porta,
assai lontana dal principio délia stessa parola. Certo è dunque
che, se spazio avesse avuto, l'epigrafaio avrebbe inseriti tutti i
versi nella prima formella, o li avrebbe almeno divisi a due a
due fra la prima e la seconda, sicchè la divisione, come é, fu
puramente casuale e indipendente dalla sua volontà. Come
dunque la scena, cosi anche l'epigrafe è tutt'una.
Dove corre la caccia infernale ? Nemmeno questo ci par
dubbio: entro quell' edificio, oltre la soglia del quale il cervo
ha già le zampe anteriori e il quale sbarra ad esso prospettica-
mente la via. Giacchè maestro Niccolô era uomo che la pros-
pettiva, pur a modo suo, conosceva alquanto e praticava; e
sapeva distinguere bene le figure di frontc da quelle di tre
punti e di profilo ; e s'arrischiava, non del tutto erronea-
mente, negli scorci ; né avrebbe mai disegnato cervo e porta a
quel modo se veramente non avesse voluto fu'ci credere, come
air occhio apparisce, che il cervo stesse appunto per infilare la
porta.
Porta di che ? A spiegarcelo dovrebbe bastarçi l'iscrizione :
petit infera non rediturus, Credere che quell'uomo sull'uscio
552 ANDREA MOSCHETTI
sia Teoderico uscito dal bagno e già anelante alla caccia, vuol
dire, oltrecchè spezzare in due episodi staccati la scena, guas-
tare tutta la concezione délia scena stessa, poichè quel bravo
Nicolô in tal caso avrebbe almeno volto cane e cervo daU'altra
parte e non già mandato il cervo a rifugiarsi fra le braccia del
cacciatore. Se no, addio caccia egita ail' inferno ! Quell'uomo
dunque, già logicamente, non puô essere altri che il diavolo,
il quale accoglie col braccio alzato e arresta nella corsa il cervo
che, a lui rifugiandosi, gli conduce prigione Teoderico.
Ma nel fatto manca esso veramente di tutti o di alcuni
degli attribut! demoniaci ? In verità siamo costretti a riconos-
cere che, nel negargli quegli attributi, il Novati cadde in errore '
troppo fidandosi, più che dell'esame diretto del marmo, del
vecchio disegno del Venturi o del Cristofoli che dir si voglia.
Già quel disegno stesso avrebbe dovuto metterlo subito in
guardia. Per quanto i danni del tempo e le offese délia ragaz-
zaglia abbiano dovuto per dolorosa nécessita crescere col cres-
cere degli anni, ben perô si capisce che, dopo più di sette
secoli intieri di geli, di grandinate e di sassate, poco assai
doveva restare agli ultimi ottant'anni (quanto appunto il
tempo intercorso fra la stampa del Venturi e quella del
Novati) da rodere su quel marmi, collocati cosi bassi che son
quasi a portata non solo di sassi, ma di bastoni e di mani. Chi
invece guardi il disegno del Venturi stupisce che il rilievo
potesse ai tempi suoi essere ancora tanto incolume che il
demonio (ci sia lecito, fin d'ora, chiamarlo cosi) conservasse
la barba e i capelli, e la lancia conservasse la punta, e del torace
si contasser le costole. Ma poi, anche un semplice confronto
con una fotografia bastava a mostrare a che cosa si riduceva la
perizia e l'esattczza del Cristofoli tanto decantata dal Venturi.
La figura del demone campeggia libéra nel vano délia porta,
I. Adolfo Venturi (Storîa deïï'Arte ilaliana, vol. III. L'Arteromanica,
Milano, 1904, mostra dapprima (pag. 191) di intendere anch'egli la figura
per ua demone; ma più innanzi (pag. 194) ripete testualmente le parole
del Novati c sembra acconciarsi, senz'altro, alla sua interpretazione.
PER LA « CACCIA DI TEODERICO )) 553
mentre nel marmo tutta in altezza e in larghezza la occupa e
la chiude; ed ha la faccia di profilo, mentre nel marmo la pré-
senta poco men che di fronte. Che se queste inesattezze non
erano state rilevate dal Novati, altre perô anch'egli ne aveva
avvertite sufficienti ad indurlo a negare ogni Iode al Cristofoli
o almeno a credere che il disegno suo fosse stato guasio dall'
incisore Bisesti ; pur tuttavia esse non avevano scemata in lui,
ne si capisce perché, fede alla riproduzione.
Eppure quella merlatura a denti di sega, che sormonta l'edi-
ficio, troppo differiva in verità dalle flamme che si veggono
chiarissime nel marmo. Poichè, bisogna dirlo, il dubbio
espresso dal Novati sulla loro significazione non puô avère
assolutamente luogo. Si trattadi sette vere nitide fiammelle, che
salgono a spira colla punta aguzza lungo la corona dell' edificio
a dar segno del fuoco eterno, che arde entro quelle mura.
Ma vediamo finalmente la figura del personaggio che sta sull'
uscio. Il volto è pesto cosi che ormai non serba più traccia di
lineamenti; ma pur in tanta rovina non ci è negato indovi-
nare che esso doveva avère aspetto mostruoso. Un buco pro-
fonde eseguito col trapano sta ad indicare la bocca spalancata ;
attorno si spargono scomposti e arruffati i riccioli délie
chiome e délia gran barba ; a destra rimane, ancora quasi
intatto, un orecchio circolare di forma belluina ; a sinistra,
protetto dalla sporgenza dell' arco e quindi perfettamente con-
servato, ma non visibile da chi stia in basso, bensî percepi-
bile soltanto a chi saïga sur una scaletta a piuoli o lo cerchi
colle dita, spunta fra i capelli un piccolo corno ; l'altro cor-
netto, che per la disposizione del viso veniva a trovarsi più in
fuori e quindi più esposto, è tutto scrostato e scalcinato, ed
ha perduta in parte la forma primitiva, ma pur si conserva
anch' esso e tocca colla punta la linea dell' arco.
Che, se délie mani, profondamente guaste, una sola, quella
distesa suUe corna del cervo, sembra incertamente mostrare
gli unghioni, ben più chiari sono al basso gli attributi
demoniaci. Dei piedi infatti uno solo si vede, ma questo è
554
ANDREA MOSCHETTl
énorme e si présenta di profile. Benchè guasto nel mezzo per
un gran buco prodotto da una sassata che gli strappô almeno
due dita, esso conserva ancora altre due dita grandi, piegate
ad arco corne veri e proprii artigli di aquila e terminate da
unghioni acutissimi e terini. Lo stato di loro conservazione è
perfetto, e la forma loro cosî évidente che non pu6 sfuggire a
chi solo si soffermi a guardarle ' .
Or che cos'è quell'oggetto, in forma di bastone, che il
demonio tiene colla sinistra ? Non un bastone corne credette
il Cipolla, ma neanche una lancia o venalmh, corne disegnô il
Cristofoli e corne interpretarono l'Orti Manara e il Novati.
Délia punta in alto non solo non vi è traccia, ma non appare
nemmeno che mai vi sia stata ; all'estremità superiore quell'asta
si troncava sempre semplicemente corne ora. Strano è invece
che nessuno abbia posto mente o fatto parola dell'estremità
inferiore, dove quelFarnese, pesto anch' esso e rovinato, mos-
tra oggi un aspetto quasi di badile. Ma badile non era, bensi
un vero e proprio tridente. Le linee di contorno del dente
mediano e del dente di sinistra e quelle del tratto trasversale
che univa l'uno all'altro sono ancora incise evidentissima-
mentc nel marmo ; soltanto manca lo sporgere délie parti in
grossezza o rilievo, poichè le ingiurie del tempo e dei ragazzi
I. I piedi unghiuti furono recentementc avvcrtiti anche da LuiGi
SiMEONi nel suo lavoro La luuilica di s. Zeno di Veroiia, Verona, 1909, pag. 5 5 .
Di essi perô, corne di tutto ciô che è argomento di questo mio scritto, io
avevo già prima largamente parlato in una mia lezione all'Università di
Padova il giorno 4 febbraio 1908.
PER LA « CACCIA DI TEODERICO » 555
sbalzaron via ogni grossezza e spianarono la pietra ; mentre
una più grossa sassata staccô intiero il dente di destra insieme
col tratto trasverso e insieme collo stinco del demone a cui
s'appoggiava, e produsse al loi" posto un grosso buco.
Cosi il demone, cornuto ed unghiuto, si prescntava sulla
soglia coU'asta del tridente stretta nel pugno sinistro e le
punte volte verso terra e nascoste all'estremità loro dietro il
piede, mentre colla destra in atto regalmente autoritario fer-
mava la caccia ed acçoglieva l'ospite augusto. Degli attributi
dunque, di che l'aveva gratifîcato il Medioevo, nessuno gli
manca, tranne la coda che lo scultore, per forza, non poteva
farci vedere. Non gli manca nemmeno l'aspetto di gigante ',
un altro appunto dei suoi medievali attributi, poichè colla
grande massiccia persona egli riempie intiera, come dicemmo,
la porta dell'edificio. Il quale edificio infernale, non ha invero
forma di palazzo, ma si riduce tutto ad un liscio muro fiammeg-
giante e ad una porta romanica segnata fra due colonne e un
arco rotondo; forma certo non nuova ne strana a riprodurre
l'ingresso délia diabolica dimora, se, fino dai più remoti tempi,
in tutte le rappresentazioni innumerevoli délia Discesa ail'
inferno, le valve abbattute e le chiavi, i catenacci, i chiodi dis-
persi erano motivo obbligatorio ail' artista. Portae inferi era la
deslgnazione evangelica deir inferno, e nel nome di Babilo
nia, con cui esso veniva chiamato in contrapposizione alla
Gerusalemme céleste, era già incluso il concetto di città murata
e di porta. Onde potè Dante figurare più tardi nel modo a
tutti noto la città di Dite.
E poichè, ripetiamo, non è nostra intenzione addentrarci
qui nell'esame di tutta la ipotesi esposta e argutamente soste-
I. Sugli attributi demoniaci e specialmente su quelli mitologîci del tri-
dente plutoniano e del corpo gigantesco veggasi A. Graf, // diavolo
(Milano, 1890, pagg. 37 sgg.) ; lo stesso, Demonologia in Dante in Miti,
leggendee. siipersti:(ioni del Medioevo (Torino, 1893, pagg. 79 e segg.) ;
A. Maury, La Magie et F Astrologie dans l'antiquité et au moyen âge (Paris,
1860, pagg. 168 sgg.)
5 56 ANDREA MOSCHETTI
nuta dal Novati, facciamo punto. Certo non possiamo non
avvertire (corne già egli stesso, colle parole sopra citate, a
priori riconosçeva) che colla identificazione ormai innegabile
del demonio e dell'inferno in quel personaggio délia formella
di destra e in quell'edificio che lo ospita viene ad essa man-
care un assai forte, anzi il più forte, sostegno.
LE PREMIER TRAITÉ D'ORTHOGRAPHE
FRANÇAISE IMPRIMÉ
Le 28 avril 1529 sortait des presses le Champfleury de
Geofroy Tory.
Entre autres choses réclamées par l'auteur se trouvait un élo-
quent appel aux « deuotz Amateurs de bonnes lettres » qu'il
conviait à l'étude de notre langue française si négligée jus-
qu'alors : « ...donon nous tous courage les vngzaux aultres »,
s'écriait-il, « et nous esueillon a la purifier. . . Quant lung traic-
tera des Lettres, & laultre des Voca[b]les, vng Tiers viendra /
qui déclarera les Dictions. & puis encores vng aultre suruien-
dra qui ordonnera la belle Oraison. Par ainsi ontrouuera que
peu a peu on passera le chemin, si bien quon viendra aux
grans Champs Poétiques et Rhétoriques plains de belles
/ bonnes / et odoriferentes fleurs de parler et dire honneste-
ment et facillement tout ce quon vouldra. » (Préface, A 8, v°).
Ce fut un Abbevillois qui répondit le premier à l'appel de
Tory.
Le 22 septembre de la même année, il écrivait la préface de
son Tresutile & compendienlx traicte dorthographie gallicane.
Quoiqu'il ne souffle mot du Champfleury, il s'est inspiré visi-
blement de la préface de Tory. S'excusant de tenter un aussi
diflScile sujet, il ajoute «... non point que ie pense quil soit
souffisant de restaurer lorthographie en sa dignité pristine :
Mais affin que les amateurs de ladicte langue francoyse
prennent cueur chascun en son endroit : & sefForcent de la
redresser & restablir en son entière et absolute perfection. »
558 CHARLES BEAULIEUX
Et, à la fin de son opuscule : « Nous auons beningz lec-
teurs entame ceste matière non point que nous pensons auoir
satiffaitou pour satiffaire mais nostre intention est principalle-
ment de animer et aygrir les engins des gentilz facteurs în:
vrays zélateurs de nostre langue franchoise pour rencontrer
lung lautre au passetemps de doulce et amiable concertation
et que par telle collision ilz viennent esclarcir et nettoyer la
rouillure / les faultes / et obscurtez grandement noircies/ cor-
rompues et peruerties par les faulses escriptures / et aussi pour
la restituer en son honneur a la gloire et exaltation de tous
franchois. » Le style est aussi pompeux, et le ton aussi élevé
que celui du Champfleury. L'auteur toutefois était pourvu de
plus de bonne volonté que de talent.
Quel était donc cet auteur qui ne se nomme point ? C'était
un Picard, sans doute régent de quelque collège : à coup sûr
un érudit. Il se lance dans des discussions sur les lettres, sur
les diphthongues, qui trouveraient bien mieux place dans un
traité de grammaire, et à ce propos il se permet de reprendre
deux autorités en la matière, Despautère et Fabri. Il nous
donne quelques renseignements intéressants sur la façon dont
on prononçait le latin à son époque.
Il est curieux de poésie vulgaire. Il cultive les rhétoriqueurs.
Il cite Lemaire de Belges et Chastelain, écrivains de sa région,
comme des auteurs déjà classiques. Il s'étend sur la diérèse, la
synérèse, l'élision, tout comme s'il écrivait un traité de seconde
rhétorique. Mais quand il touche à l'orthographe, il est évi-
demment embarrassé. Là il n'avait plus Priscien, Despautère
et Fabri comme modèles. L'étude de l'orthographe française
n'avait encore été tentée par aucun théoricien. Aussi son
œuvre, visiblement improvisée, n'oftre-t-elle nullement un corps
de doctrine, mais seulement un certain nombre de remarques
isolées.
Il était du reste impossible de dégager des règles de la caco-
graphie qui régnait alors.
Par suite du dédain des lettrés pour la langue vulgaire,
LE PREMIER TRAITE D ORTHOGRAPHE FRANÇAISE 559
une orthographe empirique et routinière colorée d'une vague
teinte d'étymologisme s'était peu à peu étabhe.
Notre auteur, tout fiirci de latin, est naturellement étyino-
logiste.
« Il se lault donner de garde » d'employer les lettres c,
k et q les unes pour les autres. « Il est nécessite pour bonne
« orthographie de retourner au latin touchant les dictions ter-
« minées en ence ou ense car pour bien escripre prudence, clc-
« mence et semblables, nous retournons a pniciciilia, clemenlia
« ou t se mue en c. Item nous congnoissonsquil fault escripre
« offense, immense etc. par s, a cause quik descendent de
« offensa, [ini]Hiensus, semblablement response a cause de respon-
« sum : a lopposite annunce / denunce / renuncc a raison de
« annuncio, etc. Nouscongnoissonsaussy que debuons escripre
« par double ss passion, profession, possession, ^Avpassio, professio,
« etc. ; au contraire, perdition j inhibition / innention par /. Extrac-
« tion, dilection par et. Influxion, annexion, par .v. Et generalle-
« ment pour obseruer bonne escripture il conuient recourir au
« latin, si les dictions descendent directement dudict latin. »
Et son dernier conseil est pour nous rappeler que « nous
« debuons songneusement retourner au latin et regarder par-
ce faictement lorthographie latine pour nous reigler en nostre
« escripture franchoise. »
Il ne proteste contre les lettres superflues que quand elles
ne sont pas justifiées par la bonne orthographe latine. Aussi
blàme-t-il les mauvaises graphies danipne et escripre; il faut
écrire damne et condenine, et escrire car « scribere, scribebat na
point de p. »
Il cherche parfois à concilier l'usage avec son désir de suivre
le latin, ce qui lui fait établir une règle tout artificielle d'après
laquelle il ne faut pas écrire cq dans les adjectifs en ique, venant
du latin, « attendu que c est mue en (/, il sensuyt que c deuant
qu est superflu, pourquoy on escript mal magnifique, mistique
etc. par c. » De même les adjectifs en -if « descendantz du
latin » ... «reiectent/ au féminin comme appellatif, appellatiue;
560 CHARLES BEAULIEUX
mais quant il ne profluent point du latin, il reseruent / au
féminin comme hatif hatifue et semblables. »
Quand il n'a plus l'appui du latin, il s'en tient absolument
à l'usage. Cet usage avait créé des habitudes de plume plutôt
que des règles, en partie nécessitées par le besoin d'éviter les
équivoques que n'aurait causées que trop souvent l'illisible
écriture dont les Français usèrent jusqu'au xvii^ siècle.
« Nous escriuons » dit-il, les mots v en eux, eiilx, aux, oiilx,
« aiL\ et aulx, par x non point par ~. » « Nous escriuons cous-
ce tumierement jy ^/"(^^ en la fin de la diction comme roy / esnwy j
« fera y / amy / icy, etc. Et aussi », ajoute-t-il, « en la diction
« descendant du grec ayant y grec comme hypocrite... »
Il constate, pour le pluriel des substantifs, que les « vocables
« ayans b / c / d / f / l ett 3.u singulier ont / ;;/ après lesdictes
« consonantes au plurier. Les terminez eng j m/ n / p/ r ont
« au plurier s. On escript par coustume les participes et noms
« terminez en -ant ou -ent au plurier par s : muant t en s
« comme négligent / negligens. Jaymeroye mieulx adiouter s
« après /: et escripre négligent:^, vaillaut^ et ainsy des aultres. »
Les substantifs terminés par e féminin, au singulier, prennent
s au pluriel comme diuiHes, va il labiés, bourgeoises... tandis que
ceux qui ont e masculin, prennent au pluriel ^ comme deile:(,
irrite:^, précipite::^ etc . . .
Il ne manque pas d'appliquer un des principes orthogra-
phiques les moins contestés au xvi'' siècle, qui est l'habitude
de distinguer les homonymes par l'orthographe. C'est pour-
quoi notre auteur conseille d'ajouter au prétérit des verbes
dire et lire, dist, list une s « pour mettre différence a la tierce
personne du présent. » Il déclare en terminant son opuscule
qu'il pourrait «... icy assembler plusieurs dictions a lescrip-
ture desquelles on voit leur différence, comme dix de decem /
dis de dico / dict:( de dicta » et il est regrettable qu'il ne l'ait
pas fait.
Il donne la règle suivante qui est conforme à l'usage établi
au xvi^ siècle, pour savoir si tel ou tel mot doit se terminer
LE PREMIER TRAITÉ DORTHOGRAPIIE FRANÇAISE 561
psLrd OU par / : « Nous regarderons pour bien discerner de les-
cripture sil descend dudit vocable quelque denominatif lequel
brisera tout le différent; comme il fault escripre concord, nor-
mand j picard I verd et semblables par ^ ainsy que les denomi-
natifz concorde, Normandie / Picardie / verdure enseignent. Au
contraire \onnert\ fort, couiicrt, etc. par tz. raison de oiiiierttire /
forlitnde, coiiucrliirc. Si le vocable est verbe, nous passerons au
prétérit, comme inordoye, pendoyc, descendoient et semblables
demonstrent quil fault escripre mord, pend, descend etc. par
d. Sil est nom ou participe, au féminin, comme sourd, sourde,
truand, truande, superahundanl, superabundante. »
Voilà les principes orthographiques dont s'inspire l'auteur
de ce petit traite. Si sa graphie est, sur quelques points, moins
empirique que celle du vulgaire, elle n'en diffère guère dans
l'ensemble.
On chercherait en vain une innovation dans cet opuscule.
Il n'y est nulle part question des accents déjà réclamés par
Fabri et Geofroy Tory.
Ce Traité est cependant intéressant, parce qu'il nous montre
quelle était, à la fin du premier tiers du xvi*" siècle, l'ortho-
graphe d'un homme « de doctrine non prolétaire. » Il nous
permet de juger combien était nécessaire une réforme que plu-
sieurs, peu d'années après, tentèrent, sans pouvoir f^iire autre
chose que d'atténuer la routine de l'empirisme dont plusieurs
traits subsistent encore dans notre graphie.
L'ouvrage fut imprimé à Paris, et vendu par Jean Saint-
Denis, libraire. L'exécution typographique en est déplorable.
Les mots omis, les mots défigurés, la graphie qui donne à
chaque instant un démenti aux lois énoncées, nous montrent
clairement que l'auteur ne revit aucune épreuve et que l'im-
pression fut faite à la hâte et sans aucun soin.
Quelques années après parut une réédition. Nous relevons
en effet, dans le Catalogue de la vente Pichon, i'^ partie,
1897, p. 206, n"" 712, le titre suivant :
Tresutile & com \\ pendieulx Traictc de lart et science
Mélanges. II. 5^'
5 62 Charles beaùlieux
dorthogra || phie Gallicane / dedans lequel sont cowprinses |j
plusieurs choses nécessaires / curieuses/ nouuel || les et dignes
de scauoir / no« veues au paraua«t || ^ Auec vne petite
introduction pour cognoi H stre a lire le chiffre / & scauoir
gecter & compter se H Ion les sept espèces de tout nombre
entier. ||
A la fin : Imprime a Paris pour la veufue de feu Jehan Sainct
Denys demoura^t en la rue neufue nostre dame a le;/seigne
s. nicolas. s. d., très pet. 8° goth. 20 ffnch. (mar. r. tr.
dorée, court de marges, prov. de la vente Chartener.)
Jean Saint-Denis étant mort vers la fin de 1531, sa veuve
continua son commerce. Cette réédition est donc postérieure
â 153 1. Nous n'avons pu la rencontrer. L'exemplaire du baron
Pichon fut acquis par M.Jacques Rosenthal, libraire à Munich
qui l'a vendu depuis.
Nous connaissons deux exemplaires de la première édition :
celui de la Bibliothèque James de Rothschild décrit par
M. Emile Picot dans le tome IV du Catalogue de cette Biblio-
thèque, p. 45 (avec fac-similé du titre) et celui de la Biblio-
thèque nationale coté Réserve X 2826. La « petite introduc-
tion pour congnoistre a lire le chiffre » annoncée sur le titre
ne se trouve que dans l'exemplaire de Rothschild.
Charles Beaùlieux.
pcnÇiciifîP "^taictc te (att et (dma bozr^Oî
graphie Oafl'icanf/bcSane fcqucf font corn-
pzinfee pfufieure c^ofee ncceffakce/cwicufzs
nouueffc6/cf biqnte tt fcauowimt) Seuce au
paraiiant.fliiecSncpftirc tn(ro5uctior) pouc
congnoi/îrcalire fe chiffre.
ôfloufî 6oiffr ÎDa66cuiffc ^afiic et ^fperiee.
^mùkrj que pfufictire poctc* et o:(i
tcur6ftrtcoy6cuffcntt<i8i<? pdr fcur
tncffiffuc cfoqiiêcect aôûdante facn*
8c/tc0fcmêf cntifÇyfrt î>oufce fangne
gdflficnnc:^ (ug toute auf tte *?ctnûf «
fe eft rtuioutSpuy fa pf?^p<fe(i copieufe po* 6id
fecSuite toute c^ofe be qucf^ importâce Jiffe foit
fi cflfe qf5 ont fue feure efctiptutcc-: tât fofutce
() ftece fcf8 ttiefute rttwomeufe / ou ï)efdiffe/ott
c^fl{fe/ou enttemcffe rtufcune ttaict^ fefqucf^
ont ôedufoup conûpu fort^ograp^ie (t adôma
qz fc6 63*re0 pmnrtutee ^ cflofft-ô natuteffce.
(gt ce ne noua J)oi6t poit^t feufement bcfpfaite
aine cfmouuoir (t femon5:c pout fuy faite tz*
couutei:fe6p)tiiete6^*?me0 coufeuta repute5
"bzfiimz friuofepat fefucctoyfi î>e faSuffeti'nc
piifnftutc.)!Lar fif e^mnfî que tiyone'veu et;
ce tewipe^cuteuç toute© \de\\ae pf^efffrttciîr
^iVimme/tout rttt fforit ^'îenfr rt pfecttî/f^df
f un p:c8:e pfrtifit rt rcflfoufSzc (i augmétet ]ox)
inou^cte fane efpargnec peine ne fd6cut,^cf<i
ÎJoi6tcflteoff(jfio^fufftfante î>e flimufet ay^
grrr/et ouutit fea entenSemena î)ea ^cfateuta
Se frtStcte fâjjue pour ewtrepîcnSîCf ^ifitet fe«
cfctiptutca pctuertie* (t Ireprdueeaei^ eçJtt'rpat
toute6fau(te6(terreut6aff(t^de fea teuoquet
ûfeut première et anttnque tntegrite.jlîeant>
moinQ oi; a lufqa if y fait ôe ce nuffe ou petite te
putatiot?:ï)3t tcffee ï»tff te uftcaj (i oBfcurtcçont
puffufe/pout fe p:cfcnt if ncfî pae fegiet ne ay
fe De fee cetf fct et puremêt nettoyer ,^t zMtm
6u () fce ance/lrea fe fît îiepoztc? de cntatner ce
fie matière if fc6feroit ouftrecuSct (i tewieritc
ÏJc^oufoit irtue/ltguer pfuaau5t.^aiefutifiy
te qui tx} peuft iuinit î»oiet 'îaincte et ^onntt
^arSicffe l>e mettre fa ma\r}a(z fa6cut.:^u xz*
jfar8beq«oy(iau|]ripatfe6impio6c0eç>^oît<i^
tionebauftûaauecfcf^f^iay n5"^ufgaite fami .
fiarite fuie lUxaint î>eç>pojet ce petit txaictz:
n5 poîtqucie pcnfeqf foit foufftfant be rcfîau
rer fo^t^ograp^ieet; fa bignite pn^inz:^ai<it.
aff(t;^fc6 amateure befaSif te fanguefr3foy#
fep:ennct cueut cpafca zx) \ox) zn^toiti (t fcffor
cent be fa reSzcjJcr ^ rcflaWir zxj \ox) entière et
a6fofute pfcctiS.pourtttt trcf^3no:e feigSr f5#
me ie fuffc pfuaSc p iceuf^ mee amye q czfiz fe
f ture bSneroit pafjTetêpe:^ txovtwxoit fieu zn*
tte gct5 be ^odxinz n3 ^fefairc entre fefquef^
*?o9 teniez fc front b«uâf.2(irtfifou65 îomdiz
be *3off te pîotcf ti3 ma fcmCfe c ^ofe cSuenaDfc
et bccètc (i ay efle (Strainct be façet (i cSmuni
qucr feapîcmifeôîienofîrc petite tenntte ef^
perât ^ au moyc be^Soî'pourrJt tpctrcr faueuc
ctrccucifbcuantfeayeufjpbce dzniuoUo tet*
tcure. «["Bonne Xiabbt-ui^c (e.i^^xi.^e \zp*
fem6rc.â:)vf "'«a <^nt^ 'iin^ neuf.
Oiat^ograp^ic efl'îng terme greffait par
f5guc cfpacc be tcpe f5mui;it f3e pzopze a
nofîre fâgrte ftot pour fe pzefct if noua fuff tra
befabifftmtto ^zt^ograp^icboncqsefl ^ne
fffcfe (tîSuflricbe ffauoir6tccffrip:e. Jllo pott
q fefoit be 6icr) farSer ou patSze fa fcf trc m<ii<i
Ï)e«ot)f^âgcr/a8iouteroubiminuct 'inz Ut*
tfepourfrtutrcct;fotjcffripture.:©t;r3gnoiit
fuffifâmct fcû fectrcarcqfcaa 6ic cftripze pfa
tjc te fefqiïeG f3t ^zuifz^ tx) 'îorefïca aiziiioiuf
micf y gtcf:feG autres f5t X^\ttt& ^\onditzÇ' flo^
appcffSa ^ne fcftrc'îoieffe quâ8 be foymcfme
(ffc fournit pfcinc *ioif /LÇfonâte quâSbe fof
incfmc na point fa'voiç» maia fa mtriSic be fit
'éoicffe f 3r 6/be/e/f ar if cfl t'mpoffiôfe be ;pna^
czx 6 fâ^e/et ainfi be^ auftrea.îEoutCG fetf rca
aufr(înf5oi«< f5t be S)nz feuffe fyiïaee faqucffe
fpofc efï manifefîect; fa profatior) bcG iôoieffea
et qf foit airtfy "itz^ auftree nou& fe t ompzc^cn
ÇtonG fafiffcmct.^ar fa fetf te cfl "bUtZfoniof
i;âtc pufc ^(Tc f3nc aucf fa *?oicffe f oc b/autf c
et noç point aue c bcuj) ou pf uficuta.jg^ ^»e f ^
affirt lie aBoUv (a foffc'^fâfc ou pfue (ofl ta6u^
be nofive pUavSiz ctj faquefifc no' p:ofet$a cff«
faf^e/cnnue/ennc/ctrcejyc/iuî?.'5et5:e/pouccf
firtcm en et cç. (8é we fattaf Î>c6 parificne q
ï)icnt Boy/c^oy/boy j ce.<Bv pdfTât fcc aufttce
fu6b"tuift36 fcf^eG ne fctuct uet) a «ofttep:o/
po6 cat tcfîc feufefuffit û 6icr) futnit (i ôtffcc^
nct&c fcfftiptntegdtticanc. «t^Bc fcefcttte»
f tff urcce ou cfcmenf flitee ccfl a Ôire cffttptcs
ou p:of«ce6bcpcnS f cfffue nofltc fâgue fra^
rfioife eût ÔCG fettrcG/frt 0[£i6c:(i.ï>c6 (tBaôcs
c/î to 'tfocflfc coiflpofc.it^f cfl tequie dfû ftffti
6e "înc ou pfuficute confondtitca ducc ^nc feu
fç ^oteffe comôtct; que falote ffc(û raiforj de fd
pfctnc fonozite^fait ^ouuent î>e foymefmej^nc
fiÏÏa6e.c:^tfir(j8utcrtfeic9^ncfiffa0eï)euî?
^oicffee flucc fcur^ettu (i Ecur fo:ce¥ocûfe fcf
Btte^ î>eu» ^oicffce ninfy çonfucs (i fieeô font
tippcffeceôip^t^onguc.et fSefeuffemct qudfre
rtufnftrxîc/oe/au/cuiïucfeigrec wiate o?; n<r
point cn<oite atxefic ci) noftvc (angneU nonu
6:c ncdnf moine fcnfuyf cciïcequc auos aiM*
rcfTcpîcmietcmcnt. ^.^ « ^ , . .
^a ^ommc<ï(i«cbijTyffrt6ccfftipe
<ou/lamicre«iet par bouWciKi
en frt prcMucrc nowno6/îrtnt ïc
efcriproyccaffc»
3e ricîfcfc§fcpfctrcîJ(ïti5(efw<
30 /Lonftcïnionô eflione
€E/îo?c5quc f<Jcouflum«l»eegtoôpù<it85 pzo
fctcnf fouwenf <oou tf ûffiett feufifetnent 0 rO»
nic(mon))»tionofyBfa6c pour no«}/poutquoy f<
noueéoufionecfctipw fcf ot? f eut profatiori/
noue dutton<j( comme fco ffamcn^) ï>ou6fc it
'iiipt^ongut*
;©a /LommcfOrtc maie ce eft tare
;©c *Bu îatix)
;©i'9cfoy ;0oi« ôcfoing toy
;©u ;K outff court Éouta
Ajt'îcfuy i^mfc|uy
•©efpflutctebiÉ^uy tnÉcticctioi? cfîte Miono^
fyBfade ,t Bdiffe pour tcfmoîg fcretue ci^ quoy
fuy et foi; f efmoinçr cefî ti6ufc: eux or) ne ttcu^
«e poî'nt rtu fatii; uy î)ipt^5îf uc: patciffemct u
apzee ^ ne pet8 point ^cttu î)e cSfonanfe pat*
quoy tf efî ncceflrmrement Î>yfl"i(fa6en
C:^5mcnt%pet8 dufcuneffoyô ^er>
tu de *5oieffe j confonante.
I[j0xaffit; ({uty%i tujfcono tnat ï)ipt6o»S«c
pour noi?ï)ipt6ott{fae noue «ofctîe irpqucii
flp:cdg/iR/î/f/f«ywûnÉ quefque Goutte eçfa
2t< "Bu fdfit; comme pMefcrct.jc.
2ti "îït ùf pfijit/^ait/maie/fctay
2to 3toznet
2ta ^uc^auft^aufé
^a (Ba$'eaneantet/c^<]n9e<3.(i.c.
;C>i;<jiufque6icyefctipt ôatBare
met ie^â/fcqf et? \a ptntx^ ^ mt{»
mtmlitt} mefutent^mi^ c^ monoi^flaUi^t
fi eÇa fut î>ipt^9gue:c96ic qf foit teqa de tieno
intetpofer enfte deu^ ^oieScd appzengnent
doncqued fee tennin^ a efrtipze teuro nom^,
(3e ^sneemeMt de o:nate. ;Oi; ef/
cripuiboudfeeedeuâtmctquanS
oijfe^cteta crj pfcîe \onoiite ma
fcufitte if eft mafc ufii; par tout ou \t tefone ih*
me ex) ttinite facitite/facutte» 3îf efi fetninir)
quâS if d fe foi; ternie et doufç cZme frâce/do*
cttine/î»iuine.^yel)onfque0l>euant(mcOefl
feminii;ifcflfimpfc/f3me fetmement/ o:ne*
ment î>e otnatue.^if cfltttidfcufiT; if cfl douôfc
comme dffetmeement o:necment(î)e omdtf)
(i *^ou0 nayme? mieuf^p efctipze ornement pat
ne et ain\i hee auf ttee.
^i 'fcit/pateUconfeit
<3û îoeozge iugeon<i
<3« ;C5eut î)euç) coutdjfeuf^
«tefmc fyffa6c perS norti de'Soieffe ^ de c5fon5
te ^idcfpautcte fappeffe foze^iquiSe. £at if ne
fc piofcte point(ôit if)c3me ^oicPfe (t mfi poît
totafement fîtpp:ime aina efi pionutite c5me
crjfon (an^uiffant fnqffec^ofe nou6 coffnoif'
fonefigitammcnt npzcGff fuyuante/f i/c5mc
et; dtflmguct fâjfuû cat fi u.e/loitdu tout fup
p:iM;c 01? p:ofcrctoit diflinffcr/fâgit.iSt ainfi
petSte'îcttudcconfontînteejt ^ne fetttc ne
pouoit^uoir fonc:itcou pfeinc tcfonâce <jucc
(a "îoicffc de cfff mefme fi dcuât faSicte fcttte
nep:oce6cqucfquertuftrc confone qui foit ei;
îa mefme fyiïflôc/cat fy nouô reiectons g/de
di/tingueroiifangaic.iffetaimpoffiWcdcpzO
fetct feure dernières fiffa6e6.C[(St fi ^.efioit
confortante 01; profctetoit fag 'Çir difling "îet
oii g.nc tic8iott point de f<t dernière fiffaSc "5»
donqueenc/r poinetjce confonante attcdu ^t
ne f onfone point (i quif na point pfeitj fo autc
ta ^oieïï^; neantmoine ne pcrS polt nox) de (et
trc comme notto mon^rcronocy np:e6.
€Iâ>efor) ta pzaîatior) o6feruee de6';frd[nc5oi«
Ti.flp2C(j fcfSictee con\onante<i/iu^u(int aKSiol
^oic6feocTJfamcfmcfiffiî6ea fe foi; mozt cat
nouûpiofcroneaquadiflinguo comme fyoi^
efctipuoït ac\a di/linÊfo fane u'.neantmoina fe*
forj fit pioîatiox) itaUenne ou gcr manicquf 09
oit u.duoit f(J9 tic bouffe ef ^em6ta6(cmi( fuff
uât c/(i U^fpîtd teïïe fotce au (atir) aptee g/q/
gtf/fcHffemcCmûfeci; noflce fâgucûpzce tou^
feefîfonâteômoyrnnâtqcT? fa mcfmefyffd*»
6e fuyuc qucfq *5otc£fc c8»tic Buirc/ cut'tc/ c on^
8uit/fuir/î»iftinguer/iuiffctEuire/rtutfoT;/nm^
fant/puÏ6/queffe/6:utt/pourfutf/tru<iufj?^ua
roi?tfuqucf^:pzcwiicr g(1 tonfonattte cdeiftij
luitTet.itpe 5)/et î/'vo^ fe ttouucte^ er} anfcûs
nom6Î>ercgtonGCt tctmeefozattte,
a^Bt cotnôic^ que n ex) ce fem6fe ciuoi'tfom^
me fonortf cîw ^oicffc fy cff^f quit ne tcfone n5
pf(c0 apzto teiSkteo con^onantee que nptee f.
C-Oz pt"« qmf efl ainfi que rtpree per8 'îetftt
^ocafc (t î)efonfoiîc:if fcnfuyt ncfcflTatrcHient
(attcSu quif ne chance point ï)e fonorite mnc
tcticnt pjreiÏÏe rcfonancc iZme^uix fuir (t din^
fy bes ûuf ttc0)quc fa beDuons lugcr petS:c tcf
fe ^txtn ÎJcfjTouB^ fce tetfvee p:c8trtc8:maw <c
fuyeuypfuefongqutfneappaifieitM matiez
te ifdffojftque,
<tiDufitepfu0 "iS pctS duffunfffayetcffc'îery
tuûp:e6^:fomwiecrj ^uytiefme aufruncffoye
que n5 comme cri^uife faqucffee/l impofftéfc
be btffertict a fa pzofatioTj : 'îcu que fa lono.»
rite nei^ frange pointimaw île ce parfetonc cy
aptt6w
7B.Û
CBe {'xt o.confotKittf c«
C^fnefetoit point Befoîng he^cUpte eequt
fe^enfan«» netgtiozent cejl quci:et:u. fue tou^
tee 'ïoieGfeô faifan« feô pzemietcô fetttee be ta
fyffaôe font cortfonanf ce c5mc iufie a6mtcur
^ctttt/conuctfetitt)^^^ maifixe piettc ':f a6zy
ti:euue(u6'3cri(*3ufgarte)d<pt55gue ex) quof
it mft pae digne deflre vepiins»
CBe (inaetcfe-
CjlouG notctona tVy ûffjijbe ^ifcetnct fa bip
tÇonjucôe n^biptÇongueq^^e beuj) "îoieffea
natareBfemcrtt fepateee fc/ltainSent et loin/
jfnent ci; '^ne fyffaôe pat finaerefe ^eax) te
maiseex) fepytap^e Ô Ôtjyipat. i)ee5 cy fc tozp«
be fung î)c pfu6 gcntif^.
e.'Jiterx) te 6iex) nai^ant î»c fu6tife pocfie.
C3tcMi.iDouf3it6uinff€tpat atf De geotne^
ttie/ee/e9'?ec5oee«;poefie(igcometne ne f3t
point dipt^onguce aino font natutcffement
Ï>ytififfa6es t font tfinfi noeeeci; "vne paxta^
8icte figure ittuctee feuffemct pour »iettte:fi/
iwcrefe bon cque« auttxement appcffee (Epif^
gutffop^e cflquâS heuK "^oieffeenaturcffemêt
(epareeo fe ferrent ei; ^ne fyffaôf .
C["©cî>iactefc.
C. floua auoM'^V^eautUe figure dppoftte pat
faque(Fefabtpt^ongueefi iefnoee (t partie etji
beuç>fyffa6e6i9eozgec^a/leiïmi; axtf cpyta^
p^ee iè^ecto: iEae eflcljeutc ci; ferre (t poucri^i
tute.C 'Jiti te maire ei; 'ing ttaicte be cuptSo
et atropo0<p2Ît \a niepce ei; fee biaô "iic^ia fxci
8e(ter;pfufieur6auftte0fieu5): Car trente
font ei; ce trifyflfaôcauftremct fa mefurc nef^
toit point oôferuee. "Biaerefe efl \iiui\iot} bu^
nefyffaÔeeçbcujpaffe^ "îfiteefiirtt aufran^
coye que au tatix) ;C)uySe.jlîurtc quoq; te f<tf^
uo petfofiicnSa mif()i.C3Btc ^eiuexant fu^oa
eucfuiffe bice.c; ^tê et; fr^yfloite be faîct ^u(*
fta»;.piu8êter modetâe fottieiuiïuoexatn
<Gx)quoy iufïue efi trifyBfaee cdme pcrfofuen/
da (i euofuiffe be fiJnq.jjay icy parfc befSictee
figurée affii; que fee ignoiane fe boy6ucf gat
Ser be conocpner cequif nenfenSent pae (t tii^
teffee ot; ^oiét ^fer fo6îe»tict: car effee furent
pour necefTite be raefure inuéteee. pour coni
fuyuir noftre pzopoe encômence ex) nofÇre fan*
gueiSufgaire feô*5oic6fe6 fentteaymct teffee
met 9 troie nerfueee natuxeftement cnfem6fi
font feuBfctnct Î3ne fyffaBe faqueffe cÇofe n«fe
fatct point au tatix) comme.
Uou 2toi^ faouffec
^ay'Sefeail ^^angeaf iutteai
(Ban J^eaunouueavt
(go< 7B ourgeoiG fiegcote
■Jiei iDieittarS
3eu*5ef ^eWBiiiitieulitit
:i>ei iDoeitoeit
;©«» ^ocur foeur oeuirte
^ue Coucffe/miroucro comme cfctip«»
(^uent autcunô»
ou^^etoui ^u^l>eita/iouiSor)
{^TBioniiïox),
<r3« r)ié7)eudt natureffemct nerfacee a eau/
fe a par finaerefe troie^oicefee fe fettct en\^ne
fyefaôe qui be feut nature font ^eu^o fy!la6eô
-Jean fe mairc.^Bffe 'va'îcoir frt noWe germai
ne.<f3tcci; fepitap$ebe6itT»pat. par jfoytî
fu»5 fuy puie fcffcuoict au^ cicuf j> foient pfet.^
WC5 ia pieca ne teut oij-O^t mefî aSuiô fc J fl"|
eftoict ^{mpt^ ei; quoy ftoié 'ïoicttce fôtCnô
poît naturcefemct)mai6 par figure troyefyt^
fa6ec.€)i;'ïfc ferfi6fa6fenict icy be ^iaexeie e»;
bccopp«tfefÔ ttoiô*2oicffe«5ei;bcu5) fi cj)c qfct;
fauft "Yfer fo6:cmct.C["Bc4fcttre6et; partira
fier etpmicrcmct be c/f:/(t/qu. Cpour bcfccn
S:e au» fetttee pticuficrcmct no^ bc6u36cntc
8ze ^ fee gtec^ ont ^ne fettre hicte cappa pour
td^ffc no9au5a</f:/(iqu/fef^8fe6 f roie beuat af
ont Mitant au iatix} c3me ci? no^tc iôernacufç
ont ff »tt6f(i6ee fonon'f c car (at^ctinc/ cZment/
' <uticuç>/fç .pfcrct et tcfonct fSme fy arj c/mi"
puoit f:4t5'an«c/fi5«ict/f:u«:cu«p/ou quatÇtiïï
ne/qu5mct quuri'cujp ncSrmoino if fc faufî ô5
net ôe gar8c/î)efcrip:c iônc fctirc po* tauttc ïz
et qu.fuo c/ct V 0"* fcm6f<i6fc >fatiOT) et tefoi*
jiâce fût qfîion tcfonnc f5me fy or) crcctpuoit
f:c/ti5 f:y«'c c$e fy ot; cfctiuOii nuy:ù'. (i)at<îc
îieuât re|8Kfeôl>cuç "ïo^cffcG c^age ï)c fono;ii«
te fluff remet 'So' ne f touucric^ pott ï)e bifco:i
èe entre citer, jfluitet.cntïe ^rimomc ctcet^i«
ïnonie.f:/ne fe ofe f roauer au;? ftrtcoyo fmo^
cr) nom6 fo:amé et 6ar5are6.
CB?6 '^OfflÔfee tctmme3 eij ique»
C ji2ou6 noterono ûy que qu/Du fatit; fe <5uet
tu auffuncffoy^ei? f/cojnmebc quinq^ dnqf
aufcuneffop que f/e»; qu/commct î)e rortuo;»
rare conuoquer.bont r.ouo fuBfinuerottô que
Ceo nômô frt tine ci? icuetranfmue^ au fr^coyé
cr)iquc(i rSme ï>c artjfeftcue angetiquc^iç î)oy^
0uent cfaipîc (ans intctpofet.c.cntte»ùct.qi
car attcrtSu que c cfl mue CTjqu.
C3i fenfuyt que c ^^cuant qu e|l fu^jffu poùt
quoyor)Cfcript mat magnifique mi^iqHC.;tcL
))ec (•
C"Be encc/cnfe/tiot)/fioi?/cti!oii«
»ioiietfcm6fa6fe<9i.
i ^ " J5.«i;
8c wttwcrf «re.^i fc ^Qfa0fc cfl ^ctSno^ paf^
ferons au p:eterit cqmmz mottop pcSoye iScf
ccnSoiêt (t fc6fa6fee l>emon|lrent q*f fauft cf*
(tipzc moz5 pen8ï>efccn8.(ic.pî). ^itcft n5 ou
participe ou feminit) corne fourS fourSe (tuâS
tru58e/fupera6un6ât fupera6a85te.*©ef et g
C ^5me fcô auf ttce c^ione& tctient fa pec uftc^
te fonotite fiffnatnment ôeffue aoc<f, uKat f^
c ^ i rcfonc corne i c5fonâte.â>i ^d(que6nou«
intcrpofone e entre fefSicteç tr oi© iSoiffee t^â*
gc et mue fa fono:ite c5me gcozge tefonc auf^
f rement îj gozgea raifoi; be e tntetpofc. 2linfi
pfufieute n5 congnoiffant? ccfic immitatior)
ï)cfaiffenf e ouif aff icrf ex) efcripuat €^ansay/
0ourgeoyô in^eant et cetera.
Cl€>uftrccegî>cuâtnc5fonâte ex) ^nc mcf/
tne fyffa6e fait Beguer (t pfoier fa fanguc corn
me 6o:gnc Ôcfortgne/efpargnc et fcm6fa6fe«ï
mof^nndt q(i ne Ï»cfcc8ent pae î)u fatit; ayant
gnfequcfot; pzofere cÇmunement (ana pfoier
fa tangue (Zme maQnifiqm régnât î)igne.(ic.
€E"Be f • c::Ce6 'îocaôfee ter mine3 ex} iuc
befcen8ant3 î»u îatix) (Wex) quif^ ayent fe ma\
cufir) au franc 6oye ci? if:fy efl"e qf teiettit fau
fcmim'tj c5mc apeOfatif appfatiuc : mai& quât
it ne proffucnt point bu fattt? if referuertt fau
jfcminit? c3mc Çatif Çatif uc (t femÔfaWcô.
C.!Outttc ptmïinfs ( a ^(qm îtcPfigëce aace
t et l'if e/l neceffite pour 6onm oztJjograp^ic
be retourner aufatit; touchât feebictiSôtermi
nee6ex}çi%ceouenfc car pour ôiet^efcriprc ptu
Sencecfemence(ifem6fa6fe6 no^ tetournSdd
pzuSctiacfv'mêfiaoutfe mueetjc31îert) nouô
c3gnoiff36 qf fauft efcripre o^êfc immcfc.(ic*
par fa caufe (jf^befccSct î>e offcfa mcfuefcèfd
6femct refponfe a caufe î)e re|p5fti:a foppofite
flnniice/benilce/reniîcea raifj î)e axinûcio.^ic»
jîlou& (on^noifjoneau^f que î)e6uon6 cfcrip
re p î>ou6fe ff pa]Jid :pfefft6 poljclfioi? p palJTio
fife\fio.;ic.au coxittaite p8itioi;/in^ièitiot?/ in
uttiox} p t^(Blptta<tiox} î>ifectiot? p et. "jlnffu*
yiJanncjPTOTj p $>. <Bt generaffemct pour o6<»
feruer 6onne efcripture if conuict rjpcoutir au
(atix) ii fee dictions Ï)cfcen8ent birectement bw
Sictfatit? "Bebett.
CUttenSu auffy fibct t ex) (afix) ^u ^otaSU
ox\t queîque pzoc^aine refînance nou6 regar^
Serone pour 6ien bifcerner be fefc ripture fif bef
eenSduBif^ocake ^fque benominatif feqf 6z<
fera tout fe biffctct comme if fauft cfcripze c5
coz5 nozmanS/picarS/'îerS (t femBfabfee pat b
ainfy ^ fee heniominatify tdcotde nozmandie/
picat8ie/*5erSure exi^ei^nent au coxittaite fott ,
couuett.(tc.par t araiforjlbcouuerfurc/foztitu
CI? Ç* ô f <îf <itt f<if t*!? <îac rttt f .âcdys afpi're
^utcG ^oicOCee (t ^ne feutTc cSfonâte qui cfc c:
içat feo *?ocaOfe6 «et cnât3 p^/tij/et i^/ ne^otxt
point pute Catine.nc frâcoye maie tfe^tenoent
bu grec.(23ntrc fcf^ffee ^ ne afpire point feutre
wientp:maieiainfifuyfaicf c^angct amoîit/f-
muer (a pzopzc refomrncc auftremct if nyau,^
ioit poixxt be biff:rccc entre fa ;pfatiorj be p0a
îificr) et parifie!;."©aBantaigc en no/lre fan^
{^ue borne fticquef) retient ccfle me^me *vertu
ftit c et fait amofir (t aSoufccr fa raifonûce (a*
îjùeffe cijofe if ne fait point au tatixj c3mc be,»
tnonf{recf)arita6et cparite:cat comme nou^s
ifluono bit bcffusic beuîit a/o/e u fy piofete io*
me fi ox) efcripuoit qw au ftcu be c maie fy no^
içrfpif 5g c beuât fef6 troie "îoicffcG/ fafpiratiot;
(f^âgc et moCifie fa ;pfatior? corne cofcr efl pfue
fctir que c^ofcr.(3t ninfinoue congnoillonc a
^a p:ofattot?quan8oi? boi6t afpircr c oun5c5<«
me a pzoferrr cat^erme/ captm»te/ cSpaignot?
^facoi; gafcoi? curie wç> et fcm6f<i6fe6. on eon^
i$no\tque c ne fc afpirc point a foppofite if efî
iàfptfcei?c^anoynecf5artot; cÇofc c|)ar6onnict
ct.femBfaéfee pourquoyifc/lcui8ct que 01? cf^
f rtproif maîiane ^ frâc^oio/ fat{)Ox)i (ec^or}/e(
iêStaSdù car fane ^ oi? ,pfcrcroit f r3quoi6.(if .
lôoueeçccptcreîfee ^otaSteo bcfcenSanebu
^-"
jftc( tommt (ÇatSec/c^ananee r Çofcte ^cUCuet
^tauoit f feë depenSdne fy ot^ i5eu(t efcctpze ^
^u^uiv.^acouftumc trcfuftïee tieantmoind ie
flinic (ff é 6çfoîff fef S^zayc o:t^ogtdpÇtc bc in
tetpofete>cat noitô ef(r(pu9e<jupzefêt tufce^:
t(fcetfequcfe2»e6uon6 9<it8et^touCet; efcti>
uantnouefreauoneiSouefceaue? if fceauen^
pat feqncffcepfcarSîcfctipucnt if fceuent.
^n doSouf^e lionquee c beudnf fefSifctee trot^
^oieffeea o u et^ iterpofSt « (9e cea pout fequef
ot^efrtipt mafcd/c^cetceant cçcerceott.pfKfi
cutdfenforcct^uuer ^ ouott au (atii}^ettuhe
(Sfonâte mate toute feut btgfadkitif^ e^ foufle
;iuc et 6hfce pat fe Boucftcc ôe réfute. 3f efl
2)onque0 faufueé toutes feuté 6onne6 tatfone
au tatix) feufement a\pitatior) maMmoh tf a
au ftant^ofô ^ettw ftet onfonan(e/ef efl pute
(onfonnânte ^at e femifniT^ deuât ^ pute afpi
tatiox) eft f oufioute fytwEoep^e adiume (i nn^
gfouty et ce e(i mouffcomwiutj: mete fotte cxf
^e6 fantafiee.Tpytcmittcmct pfatftt de^f^ ^9^
meiouif ÏJeuantfee^eufç» fe fage ^3me fuuft
mettteet tfuffteeîftm'eee^empfee ^aiequdt
^v9^om tomme cr)^avdf'. ^af ^o6ir}i}.iem6(a^
6U6 nenSute iamaie que e feminix) fott <i6fu/
ittc 'Je^ax) fe m<Jite ei; fepiflteîïe (amant '^etS
Ztont fe ^duft (ueur 2>e 'i^^iy <imout put Jute.
£iuc Çdy foye (i que fcu/ïte ttie^oyc fot? maU
^teÇauft p:mceî)c portu^af t5t ce ^0'3it; «t<t^
f^euf euç ^ nirtufSit 31tc»D mete fotte ci; fee fa
tafiee^e crieôflufttuf faisant mainte ^aten*
^ue. <Br) ïtemonfttant Giae tuoit face ^arSi'c
er)quof^ap(einexe\onance cÉfonne auec (et
<èoieiieafantfoiteet'r)ettu^e(on{one et efi
^lafefonionante maiediup duftteeefl feufe
mentaipitat\or}(at^omme^otxi6(e Çcfae ne
tefoncrtt noi? pfue que fy Ç e(îoiÉ bcfa^lTc
•Betîcuûtitf»
3ï)emint (fina(vemp(oicau((uncmH (a pro
fattot; moicnnant que feSit i foif tifcoupfe pat
biptongue rtucc qucfîj fluftte iSoiefïe ou iJeuj»
cowimet«etrttffonfeif/feif faqucfTc cÇofe if ne
faict poît fcufcf frtortuftte iSoîcffc tomme fet
tW'it\(/'i\t\( iu6ti(.(^c.^}aiQ'i'^i^ant bûu6fe
ff foit feuf ou ioinct pat ôip^t^onaue faictÇavi
;pfctet)pfoiet.cf Oct^t (a iâgue (Oe tvaueinef
bataiHe/sifte/efitiiie moiennant ^ (a ^ktiox)
ne DefcenSe point î>u (atix) afant ï)ou6fc (iicat
foî6 ra p:ofatioi? efh tnoUte comme et} î)tfîifiFe
^iffeetfcm6faÔfc6.jîîou6 cfmpuone ôonc^a
fiffe pdt ôou6fcff rt crtufeque f<x piofatiot? frti^
6ecquet ta fanguc comôiet; qmf ôefcenSe ïe fi
fiafcqucftift'mpfef.
■j9e« i5ocrt0fea («tmine^ «^ effe ^ ef.îto^ TOfd
6fe6 he^cenS^t^ ^eê nome tetmme; ct^ rfu« ou
etie et bee *5ct0e6 ex) e(o ont fimpfe f comme ft
8efe/5efe/teuefe ^louônufÉtee ont ï>o»6fe ff c3
me fupctneffe fempitetncffe/natwteffe com6it
quirdefcendede notutâfte.
"Beetetmincîei;
afeoetaffïe.
tSou6^0M6fee proffudnt^ Ôitetfemcnf ÎJufa
tti; aiflnt a fus f/ont fimpte f romme icandale
i;egafe:impetiafe:6:uiafe toue nufttee ont Dou
6feff. "Beto.
'Jlamaie ox) rtcî>oi6t cfrttpzep enttc m (in po-
quof on efctipt mat Ôampne cat i( faute efctip
te}>amne ç onSemne pat e non pat a ian« p.
"©et
3i\ fimpfe foit au commicement au myfieu ou
ex} (a fiç a toufioutefoitc tcfonâcc fy cffe nejjt
point ent fofe entte ï)eu(^ ^oiffce entre fcfqucf^
fea a foç foiôfe et petit cime i)tff€tenteî)itimc.
■©ef.
CS fimpfe eiittedeuç Coiffée a fafonozi<>
te ^e j gouttant if fe fauft bonnet gatSe îicf<>
rtip:e fimpfe f pout ÔOHÔfe ^fct au cotittuitc:
iZme poijiop pout poifot; couflfii; pout coufîc^
retoutnât pout o6fctuct09nc o:t|)ograp^iea
to^fati$pfatiffeno'?ffnoifl$6faî)iffctccc c5
fi,.i\i.
me eoatîfcotfe feft rip( pat fimpfe f an jfotffe ç
î>ou6feetm'nff beeaufttce 3}afovt l>oncque<i
fontî>euçï»iction6:i5oite quanS it ne betiue
point ï)e Jafe^ ou Ja^et tetme nouueau,
€.3tett) f fefctipÉ ex) (a pzemiete (i fecunSe pet
fonneîJupzetetitpatfcjict î>e (indicatif cime
aimaimeo (jymafîeefcifmce feiftee et aîfy ï)eô
nufttee^ctôce. S>em6ffl6femct au^ bictiSe
te nomùte comme bcujJ^i^fme ttoi3iefme.(i.c.
cjjf fctoit auffi Box) ï>e fefctipze ex) (a tietce p
fone firtffufiete Hudict pzetetit pout metttedif
fetenteafrttictccpetfonneDu pzcfent comme
Wfi te î>içtt fifî Ôc fegtt (t fem6fa6fe6.
a TEi teuant ^ne 'îoicCfe tefone ci comme pet
Sitior; becfatatioij.fi pou 5) ne(i fue t c5e que/
^iox) cJmjPitioi; ou fe(ox) autcux) commifiiox):
ou fi tatictiox) ne pzoffue ïiu «tcc mat^iaa ma
t^ieu cat fozet a fd pzopzetefonance
"Be^.
a^ommunemêt fee '3oca6fe6 Î)et<u2t5 bitef*
tcment bu fatii;<jy<tnf fe:auff anchois f tetict
fot? fi6if comme cocfefle/ttifle tette/ïte mani^
JFe^e et cetet .excepte tempefîe beflttiite mon*
fitet auec peu bauftte que te paflTe.
<t/iote5bitectemertt cat fif^ tefcenBent inSi*
tectement f nefi point owye comme ex) mainte
ttoifitcapofhe $cfte cat or)^itoit ^iudement
maifite/ttaufttt/apoftote/defic iSùrj pouxxoit
ifcf Uitc que mma/lee et fcmBEaÔfce 'tiennent
btwctcmcnt bu ftftit; î>e amoflte 3îcï)w î^noi?
rac ncud ïïtfone xc^uXicxtmtnt amamfUe et
patfiQuxfama(ii6.
Uoutee aufttce bfcfionecfcn'ptce pdtjî e f be
uant e<T fe fotj moît j («me fiBif comme tcflc/
a8morte^cnquc(lc^afitf/6aflot7pfli/tcc/naû
fltc.(tf.<S5>«Ptcpo|lc6a/liffoj?cf tefîot; fcfot;
facouflumcîm ^outS^ufauec peu danftreo.
C/Lomairtj que £ttiU\Uax} ^ie o (t u c/ltc funçf
pour fauftre immue ff (\feque ie m^ lufquce
wf trouuc gtflmmetiei; îs^fc ctnant fa piofdtiS
Î)c6 55o(a6fe6 fatîe nyât? u:dufqucfîi t\) Sa mcf
wcfiffagc m ou tt fuyucf continueffcmcf (3«»
quoy noue ofonc-lieio^ta communt ptotati^')
u auoix (a fonotitc î)c o comme mun8u6/(ccu#
fo:u»t)/fcffat/'5ngo/cf fous duftree fy nox) (à*
cf tt6/puncÉu6bcfuncf U6 flmntmoine fce bic/
(iotte putc0 gaîïicance <it<int5 u ï)euâÉ h ou m
tefecuent cf profèrent unot; point o c5mc 6iû
^ctSuî? aufcuTj.fc. jfiafott bonquee que et; fud«
ri6un8ef(icun8e/fecun8e/mun8e/qucfcunque
pzofun5e (ici^femefdBfee betiuanf^u att fo^
noiiU U 0 ff fauft if cfctipjr pour o&fetuet 65
^.iii.
m o^tÇojftâpÇieu nonoi^ât quefconqne tou^
^ume> jDoue auon6 monfhe beuant que ^ efi
maintenant '^oieiïe/ maintenant confonante
et que aufcuneff oie pec8 non) be bouffe (ibe c5
fonante d quo^ (^a\(ur) fe confent/mme auf^
tune ^fent que fore pctS nd be fettre ;^z pour
&ier^ enten5:e et iugct bc ie(i dffdire noue pzd
Serons ceflc mettre gafficanc.jÊong'efcfoi; fot;
oîÇrefc ^uitiefme.tB»? faqucfife fi u ncfloit polt
fettre eneceffairement fe rtBfumeroit e\)tant
que^ eij)Çuitiefmee/lputc nfptratiot; comme
afpiCdttot? ne empefc^e point fa fynafep^e pat;
pfuefozteraiforj iiineftpoint fetttenc fempe
fr^era point. ;€)uftre fif e(loit 'S oicEfee femôfdi
6fement fe aBfumctmt.et fif eftoit con\onan*
te oj; pzofereroit ^uitiefme comme fi 01; cfcri*
uoit *?itiefme if ne per 8 point ^onquee non) be
fcttreret cjircomme if e^'î>it beffue)ftqui8e.
ibinou<kt>e\iton6fon^no\fite quand u apzee
jiperS nom bc confonâfe et bc ^oieHe/ou quâS
çVfc cfi^oteffenouenou0retirerone a ta tit^
}^me et} (a quefifc fi c feminii; fa6fume if c^'vo*»
^effcèinoi^if nefl^oieBfenepfoHdnte maie
\c pourrone nommer fiquiSc»
CBe.^.
j^oue efcriuone fa ftr) be tii(tion« et) cw^/cuf||)
oûçj/oufj)/iiuç> et aufç/par ç nox) point par .5,
fC"©^ f îfrec« C floue efctiuono cott^uhii^ii
remet vgrcc et; fa fit/ b« (a^ictio^ comme xof
«fmof/feraf/amf/icf .fc.igC aujfiet? fa l>icti
ot) \>e\ccndant l>u grec ayant y grec comme ^f
pocrite et; fa pzemiece fyOfa0c/aeyfme/6aayf^>
nc/tyrant be tjtannun et femBfafifee.
C©e.e,et.3. CiDocaÔfce ayane &/c/b/f/f/(t
t.air finguficr ont/5/<Jp«6 fef&ictee con^onan
teeaupfurier.iEeetcrmine^ ei?/g/m/n/p/r/3t
au pfurier e.;i!Doefcript par cou(iume feeçti<«
cipee et n$e ter mine? et; ant ou ent/ au pfur i »;
er par e.muant t et) e comme ncgfigcnf /negfi;
gctt6.3îay meroye mieufç» a8iouter e opzee t:(X
cfcripze ncgfigcntî ^aiftant^ <f- «infy bee auf^
tree.^uftte ce tout ^ocaBfe termine et; c fe^
minitj ayant fi6if retient efinafe cSebiutnee/
^aiffa6fce/0ourgeoifeo/bifco:8ee^mcffee/63
nee/buree et fc6fa6feG/au ptraire fe mafcufirt
a s/comme bcif evirritevpif«pite5.(tc. )^qu&
diionebecfaircbelfu6quâ8*vng terme efl ma
fcufii?oufcminii?.3!c pozroye icy a^em0fcr
pfufieure biftione a fefcripf ute befqneilce or)
iSoit feurbiffctêcc comme ^ij^ bebeceni/biebe
^ico/^ict^^e bicto/jEefquf ffeeie faiflTc auç» bif^
Kfcnt^fcctcurei
C.& poux fafii;nou6be6u36 ^ongneu^emil
retourner autatix) et regar8er parfaictemcnt
fozt^ograpÇie fatine pour noue reigfer et; no*
flre efcripturc franc^oifc noua^ommee fouuêt
adufe^par faufte be ce comme pat faufte ^e ti
ter au (atir) noue efcriu3e/cffripze/efcripuoit.
çtc.par p com6ic que (atir) fcriBere fcri0e6at na
point ife p,ain^i or) efi^eceuptl poux cau\e que
cfcript fequef '^ient be fcriptue fefcxit pat piet
ainfi bce auf tree fefJjf? ie pafje pour 0zief uete«
«tîtuj) fecteure.
CL jQoueauone Bening^ (ecteuta entame cefie
tnatiete nox) point que penfone auoir fatiffait
ou pour fatiffaite maie nofite intitior) efi ptU
cipaOfemêt be animer et aygrir fee en^ine bee
gctif5 facteure (t ^zaye ^efateure tte nofite ta
gue franc^oife pour rencontrer fdg fantre au
paflTctempebeboufceet amiadte concettatior)
e^quepar teffccoffifiot^if; 'viennent efctatcit
et nettoyer farouiffure/fee fauttee/et oôfcut*
te? gran8emct noixciee/coitompuee/et petxtet
tiee pat (ce fautfee efcripturce/et aujji pour (a
teftituet ex) forj ?)onnèut a ta çtoite et e-çaita*
tiox) be toue ftanc^oie» Cfinie •
Comprime a parie pour jfie^â faît ^enia
fi0zaire ïiemout<it a parie et; fa rue neufue
nofkxe bame d fenfeigne {ainct fiicotae.
5'^"^
NOTE SUR LE SOMMAIRE
DU DE CLEMENTIA
Sén. De CJem. III, i. Nunc in très partes omnem hanc
materiam dividam. Prima erit "j- mannmissionis ; secunda, quae
naturam clementiae habitumque demonstret... ; tertio loco
quaeremus, quomodo ad hanc virtutem perducatur animus,
quomodo confirmet eam et usu suam faciat.
Ainsi est distribuée dans ce sommaire un peu tardif (cap.
'III), la matière des trois livres du traité sur la Clémence. Au
premier, nous le savons par le contenu lui-même, l'auteur
s'étend sur la mansuétude en général, la beauté et la grandeur
de cette vertu, l'utilité qu'elle a pour le prince. Le deuxième,
nous le voyons par le fragment qui nous en reste et par le som-
maire, définissait la clémence et nous apprenait à la distinguer
de certains défauts qui lui peuvent ressembler, comme de plu-
sieurs vertus, séparées d'elle par des nuances (misericordia,
venia). La troisième partie nous découvrait les moyens d'acqué-
rir cette qualité, de la conserver et de la développer en nous.
Le titre de la première partie, « manumissionis », est une
énigme '.
I
Les corrections qui ont été proposées depuis la Renaissance,
sont toutes ingénieuses, mais probablement toutes à écarter.
Celle de Juste Lipse mamiductionis ^ ne soutient pas l'examen.
1. Cf. Schanz : Rom. IJlt. (Iwan MuUer), 11^ 1899, § 464 sqq , p. 306,
sqq. ; Prima erit manumissionis (leider noch uicht geheilt).
2. Mamiductionis olimvolui, quod esset /sipaYojyîa:, dijcL^oi^r];, praepara-
tionis et inductionis, sed nec omniuo placet . Prima sane pars est in com-
570 F. PRECHAC
Le mot signifie livre d'introduction, chapitres préparatoires : ce
titre convient évidemment au premier livre du de Clementia
mais n'offre, en somme, qu'un sens assez plat et inutile.
De plus il est emprunté au latin de Juste Lipse, qui ne se
recommande point par une grande pureté'! L'auteur finit
d'ailleurs par renoncer à sa conjecture^ et par admettre qu'il y
a ici une lacune.
Le texte de Gronov (cité par Fickert), mappa enùssionis
ou coniDiissiotiis, n'a qu'un intérêt paléographique.
L'hypothèse de Madvig (Mamis injcctionis), est, certes, fort
éloignée de la platitude : il veut dire que Sénèque, dans la
première partie, met la main sur Néron et tâche de le «tenir».
Cette expression métaphorique est empruntée à l'écrivain lui-
même (De const. sap., 5, 7). Malheureusement, elle est trop
recherchée, un peu maladroite ici, et elle n'a pas une grande
vraisemblance paléographique.
Mansmfactionis (Gertz) est joli : Sénèque se proposerait
d'apprivoiser Néron. Mais ce serait un sommaire un peu
trop malicieux peut-être ; et, de plus, nous sommes trop loin
des manuscrits.
J. MùUer a corrigé en monitionis : ce mot convient à l'idée
du livre I ; mais outre qu'il est vague et assez plat, il n'a point
une grande vraisemblance paléographique.
Très ingénieuse est l'hypothèse de M. Emile Thomas : /w
animi remissi bonis. La mansuétude, l'humanité sont rendues
quelquefois par l'expression remissio animi \ De plus, les
quatre mots proposés, moyennant omission mécanique (aniw/
<Cvemi^) et bévue in = m font un ensemble de lettres qui
mendanda clementia, necessitate et fructu ejus ostendendo : quod facit hoc
libro I. Itaque ego non corruptelam soliim, sed defectum arbitrer, nec una
voce totum hoc expressum.
1. Cf. dans les opéra de J. Lipse (Lyon, 161 3), t. I, p. 742 : trois livres
vmtmductionis ad stoicam Philosophiam.
2. M. Dorison la reprend.
3. Cf. Cic. ad fam. V, 2, 9: Cognosce nunc humanitatem meam, si
humanitasappellandast in acerbissima injuria remissio animi ac dissolutio.
LE SOMMAIRE DU DE CLEMENTIA ^JI
rend compte, dans une certaine mesure, du texte : manuHiis-
sîonis. Mais les dernières syllabes (/'onis) n'ont qu'une res-
semblance assc:(^ lointaine avec la leçon du manuscrit ; et la
tournure ///... bonis, un peu compliquée, ne convient pas
précisément à un sommaire. Enfin la finale onis fournit un
génitif qui est ici fort correct ' et qu'une méthode rigoureuse
doit peut-être essayer d'utiliser.
De l'examen de ces diverses tentatives nous pouvons dégager
la méthode h suivre : gardons, si nous le pouvons, le génitif :
si les noms communs ne fournissent décidément pas la solu-
tion, peut-être un nom propre la fournirait-il. Quelle que
soit la nature du mot, il devra résumer le premier livre. II se
peut d'ailleurs qu'il y ait. plus d'un mot, qu'on ait, par
exemple, un superlatif en issimi et un génitif de nom en onis.
II
De quoi est-il question dans ce livre ? Nous pouvons
le savoir, malgré les sinuosités de la pensée du philosophe,
et les digressions perpétuelles. Certes il est question de clé-
mence, de mansuétude, d'humanité.
C'est là, dit Sénèque, la vertu qui convient le mieux à
l'homme-, et surtout au prince ', elle le fait rayonner comme
un astre bienfaisant et pur ^. Le peuple, aimant le monarque,
aime sa propre conservation 5 ; il faut une tête à l'État ^ : la
1. Cf. Cic. de orat. 2, 7: ars est cariim rermii, quae sciuutur (cité par
Madwig : gr. lat., §283 n.). De fin. 1, 22, in altéra philosophiae parte quas est
qiiaerendi ac disserendi, cité par Riemann, Synt. lat. — De fin. V. 29 : sed
est forma ejus disciplinae (peripateticorum), sicut fere ceterarum triplex.
Una pars est nalurx, disserendi altéra, vivendi tertia. Dans ces trois
exemples le génitif accompagné de esse signifie à peu près : s'applique à.. .,a
pour objet, roule sur.
2. m, 2.
3. m, 5.
4. ni, 5.
s- IV, I.
6. IV, 3 (/î«).
572 F. PRECHAC
République est le corps de César; lorsqu'il épargne autrui,
dans sa clémence, c'est lui-même qu'il épargne'. Cette vertu
est d'autant plus glorieuse aux souverains qu'elle se déploie
sur plus de malheureux -, qu'elle est plus en vue >, et qu'elle
est plus rare en ce degré d'élévation ■♦. N'est-ce pas le propre
d'une grande âme de regarder de haut les injures et les
offenses 5 ? Seul le souverain peut vraiment donner la vie,
comme les dieux ''. Au reste il ne saurait y avoir, dans la
capitale du monde, beaucoup d'âmes innocentes et à l'abri des
châtiments" : les dieux supportent tous les hommes, et peut-
être le prince lui-même : qu'à l'égard des sujets le prince fasse
comme les dieux ^. Et l'éloge de la mansuétude se poursuit
par des considérations ingénieuses et des comparaisons gran-
dioses (avec les forces de la nature 9, avec la divinité '°), par
des exemples illustres pris dans la famille du prince ", par
l'exhortation à la prudence bien entendue '% par la promesse
de rimmortaîité ''.
Voilcà certes des leçons d'humanité à l'usage des rois ; et il
faudra que l'idée s'en retrouve dans le substitut de mamimïs-
sionis.
Mais on aurait tort de restreindre à ces préceptes le con-
tenu de ce premier livre, M. Waltz''* a récemment montré le
rapport enirele de Cle?)ientia et les mesures libérales, humaines
1. V, I.
2. V, 2.
5. V, 3 et fui.
4. V, 4.
5- V, 5.
6. V, 6 et 7.
7. VI.
8. VII, I et 2.
9. VII, 2 et 3.
10. VIII, 3.
11. IX, XI, XV.
12. VIII, 6; XXII, sqq.
13. XXI fin; XXVI.
14. P. 201 sq., La vie politique de Sènèqiie, Paris, thèse, 1909.
LE SOMMAIRE DU DE CLEMENTIA 573
du jeune empereur. Conseillé par Sénèque, il cherchait à se
faire aimer « par une perpétuelle ostentation de désintéresse-
ment et de générosité ' . . . Toutes les classes de la nation
bénéficiaient tour à tour de sa clémence. L'un, personnage
sénatorial, poursuivi sur la seule délation d'un esclave, était
mis hors de cause sans débats ; un autre, de rang équestre^
était dénoncé comme suspect d'attachement à Britannicus :
l'accusation n'était pas accueillie. Plautius Lateranus, exclu
naguère du Sénat pour ses relations avec Messaline, fut réhabi-
lité par Néron (yi///;/., XIII, lo, ii). »
Et Sénèque, en bon précepteur, faisait prononcer par son
élève des harangues fort vertueuses, par lesquelles le prince
devait se lier. « Nous trouvons sans doute un écho de
ces discours sensationnels dans cette phrase du de Ckmentia :
I, 1 1 : Hoc, quod magno aninio gloriatus es, niillani te toto orbe
stillam criioris huniani misisse, etc. et dans d'autres passages
analogues. » Rien de plus vraisemblable.
Il faut aller plus loin et dire que ces passages, si le traité
devenait le livre de chevet de Néron, allaient le « lier »
autant que ses discours. Il allait s'y reconnaître avec com-
plaisance : il les relirait souvent afin de s'imiter lui-même
dans sa conduite à venir. Sénèque, les multiplia habilement.
Son intention est visible dès les premières lignes : le Traité sur
la clémence est un « miroir », dit-il, où Néron n'a qu'à
se contempler : « scribere de clementia, Nero Caesar, institui,
ut quodam modo speculi vice fungerer et te tibi ostenderem...» ;
et l'introduction, le premier livre vont démontrer à Néron ^
tout simplement, que la mansuétude, la clémence, l'humanité,
ces vertus divines par excellence, se confondent avec Néron,
et qu'il n'a qu'à être toujours lui-même.
Voici les principaux passages ; ils sont nombreux :
I, I, 3. Il est doux de se dire (comme toi) : « ... au sein de
la toute-puissance, rien n'a pu m'arracher d'injustes condam-
I. Suet., Nir., 10.
574 f- PRECHAC
nations : ni la colère, ni la fougue de la jeunesse, ni cet esprit
de témérité et de révolte propre à la multitude, qui souvent
fait perdre patience aux âmes les plus calmes, ni l'ambition
cruelle, mais si commune aux maîtres du monde, de signa-
ler leur pouvoir par la terreur. J'ai enfermé, j'ai scellé mon
glaive, avare du sang même plus vil. . ., etc. »
I, 5 «... Oui César, vous avez aspiré aune gloire bien rare,
que jamais prince n'a encore obtenue, celle de n'avoir lésé per-
sonne... Jamais homme ne fut cher à un homme autant que
vous l'êtes au peuple romain, qui voit en vous ses délices pour
une longue suite de jours... 6. On ne vous cherche de modèle ci
imiter qu'en vous-même... 7. Il n'est plus à craindre que Néron
vienne à s'oublier tout à coup lui-même... 9. Ce qui, par-
dessus tout, frappe les grands comme les petits d'une égale
admiration, c'est votre clémence... Il ne convient pas toutefois
de pardonner au hasard... II, 2. Il est également cruel de pardon-
ner à tous et de ne faire grâce à personne. On doit tenir un
juste milieu : or, l'équilibre étant difficile, s'il faut que l'un des
deux côtés y gagne, que ce soit celui de rbuiiianité \.. III. Je
divise maintenant mon sujet en trois parties : Prima erit
manuiiiissionis, etc. »
III, 3. « Il n'est personne en qui la clémence soit plus belle
que dans un roi ou un chef d'empire... V, i... Oui, César,
puisque, comme je le prouve en ce moment, vous êtes l'âme
de la République, puisque celle-ci est votre corps, vous voyez,
je pense, combien la clémence est un besoin pour vous ; c'est
vous-même que vous épargnez quand vous semblez épargner
autrui... 7. Donner la vie, privilège de la souveraineté, laquelle
n'est jamais plus auguste que lorsqu'elle exerce ce bienheureux
pouvoir des dieux — à qui tous, bons et méchants, nous
devons la lumière ! Que le prince donc, s'associant à la pensée
divine, se complaise à voir ceux de ses sujets qui sont ver-
tueux et utiles, et laisse le reste dans la foule. »
1. Sed haec suo melius loco dicentur (Séiicquc vient d'anticiper sur la
première partie).
LE SOMMAIRE t)U Dh CLEMEKTIA 575
XI, I sq. «... Tel fut Auguste déjà vieux ou au déclin de
l'âge, après une jeunesse bouillante, irascible, signalée par tant
d'actes vers lequels il ne tournait qu'à regret les yeux. Nul
n'oserait mettre en parallèle votre douceur avec celle d'Auguste,
tout divin qu'on le nomme, opposât-on à vos jeunes années,
les années plus que mûres d'un vieillard. Il a été clément et
modéré, mais ce fut après Actium, etc. Pour moi, je n'ap-
pelle pas clémence la lassitude de la cruauté. La vraie cU-
mence, César, est celle dont vous faites preuve, qui n'est point
née d'une barbarie repentante, qui consiste à rester sans
tache, à n'avoir jamais versé le sang des citoyens. C'est, au
sein de la toute-puissance, véritablement régner sur soi-
même, c'est étendre son amour... à l'univers tout entier, que
de ne se laisser ni enflammer de passions coupables ou irré-
fléchies, ni corrompre aux exemples de ses prédécesseurs, que
de ne pas tenter jusqu'où va la rigueur de ses droits sur les
peuples, mais, au contraire, d'émousser le glaive du pou-
voir. »
« XI, 3. Grâce à vous. César ! Rome est pure de supplices ; et
votre belle âme a pu se glorifier de n'avoir pas versé dans le
monde entier une goutte de sang humain', chose d'autant
plus grande et admirable que jamais le glaive ne fut confié à
de plus jeunes mains 4. La clémence, revenons-y, ne donne
pas seulement de la gloire, elle est aussi une sauvegarde^
etc.. » A la faveur des éloges, la leçon va recommencer.
XIII, 4. — Le portrait du bon prince est évidemment le por-
trait de Néron : c'est lui qui, « porté par nature à la bonté, lors
même qu'il convient de sévir, laisse voir avec quelle répu-
gnance il prête son bras à la rigueur préservatrice des lois ;
qui n'a dans l'âme rien d'hostile, rien de farouche ; qui exerce
doucement une autorité salutaire, qui veut la faire aimer, trop
heureux si de sa prospérité tous ont leur part; qui est affable
dans ses discours et d'un abord facile... »; enfin « qui est chéri,
défendu, vénéré de tous ses sujets ». A Néron s'applique,
I. Texte cité par M. Waltz.
576 F. PRÉCHAC
puisque ceci n'est qu'un « miroir», la comparaison du prince
avec un bon père (XIV, i); oui à Néron, « père delà patrie »
(ibid, 2.) '. Et il devra aussi se reconnaître, sans doute, dans la
bonté généreuse, désintéressée qu'Auguste témoigne à Tarius,
le père malheureux d'un parricide. A lui sans doute s'adresse ce
bel éloge de la clémence (XIX, i): « Nul ne peut rien imaginer
de plus glorieux que la clémence pour l'homme placé à la tète
des autres^ de quelque manière et à quelque titre qu'il y soit
monté » ; et aussi cet autre {ibid. 7) : « Quoi de plus beau pour
le prince que de vivre entouré des vœux d'un peuple entier,
vœux qui ne s'énoncent pas sous l'œil des délateurs ; que de
voir le moindre ébranlement de sa santé exciter non l'espoir,
mais l'alarme de tous ; de savoir que ses sujets n'ont rien de
si précieux qu'ils ne soient prêts à sacrifier pour son salut?...
8. Il prouve par des actes d'une bonté journalière que la répu-
blique n'est pas à lui, mais bien lui à la république. Qui ose-
rait lui dresser quelque embûche? Qui ne souhaiterait, s'il
était possible, détourner même les coups du sort loin d'un
chef sous qui la justice, la paix, la pudeur, la sécurité, l'hon-
neur fleurissent respectés et qui maintient l'état enrichi,
dans l'abondance - de tous les biens. Il est contemplé comme le
serait la divinité, si elle daignait se rendre visible à nos adora-
tions et à notre culte. 9. Car enfin, n'est-ce pas approcher les
dieux que de se montrer, comme est leur nature, bienfaisant,
généreux, puissant pour le bonheur du monde » (suivent les
leçons XXI, XXII, XXIII, XXIV, XXV, XXVI). Or ces
règles ne sont que des applications particulières de la loi
sublime de clémence, représentée, incarnée par Néron lui-
même. Et de peur que les digressions de la fin (sur la cruauté
mauvaise conseillère) ne fassent perdre de vue au lecteur
l'objet spécial du premier livre, voici immédiatement après,
tout au début du second, le retour de cette idée : Néron très
1. Donc ce titre lui serait donné à la fin de 55 ou au début de 56
(Gagnât, Mati. iVEpigr. lai., p. 183).
2. Florent, ahunJanl sont à l'indicatif, non au subjonctif.
I
LE SOMMAIRE DU DE CLEMENTIA <yJ'J
clément, et très humain — par une allusion non déguisée à ce
mot célèbre du jeune empereur : « Je voudrais ne savoir pas
écrire ! » — et Sénèque nous rappelle l'intention qu'il avait en
commençant l'ouvrage : II, ii, 2 : bene factis dictisque tuis
quam familiarissimum esse te cupio. »
Donc il formule des préceptes généraux de clémence et
d'humanité à l'usage des princes : mais il laisse bien entendre,
dans tout le premier livre, que c'est Néron qui lui fournit le
modèle, l'image, l'idéal vivant de la clémence et de l'humanité.
D'ailleurs c'est la voix publique qui semble le lui désigner'.
Je pense qu'il faut voir dans la première partie du traité
et du sommaire non seulement un résumé des préceptes : clé-
mence, humanité ; mais une allusion directe à celui qui person-
nifie ces vertus. J'entendrais donc : « la première partie aura
pour sujet Néro7i plein de mansuétude ».
III
Lirons-nous : « prima pars erit kuinanlssinii Ncronis » ?
Les deux derniers mots comportent justement des abréviations
usuelles, qui les font ressembler au texte des manuscrits :
umanissimiiiois (cf. manumissionis).
Je note dans Hosius (de benef. et de ckni. Teubner, 1900,
p. VII.) que le Nazarianus omet souvent l'h, sans doute comme
son modèle ; que l'archétype de N et de R ^ transposait par-
fois arbitrairement les syllabes des mots, écrivant pour tem-
pestates (têpestates) : potestates. Je suppose qu'il était en minus-
cule, d'après certaines confusions de lettres auxquelles il semble
avoir donné lieu ^ ; dès lors les abréviations de er et de onis
sont admissibles.
1. Cf. I, 9 et XI, 3 (liv. I).
2. Regîneasis, 1529, (ix-xe siècle). Cf. Hosius, p. xvi, n. 2.
5. Cf. éd. Hosius, iu pour ni : par ex. : de Benef. VII, 14, 3 : tii usus :
NR wssus; G P n/re usus; c pour t et inversement : De Cl. I, xxvi, 4 :
exi/ia : aesicia NR; II, vi, 4 oscitationem : es/itationem NR. I. 26.
Mélanges. II.
37
578 F. PRÉCHAC
Le génitif hnvianissimi Neronis serait de même nature que
celui qu'on supposait à cet endroit lorsqu'on lisait un nom de
vertu ; de plus, il rappellerait le génitif de consécration ou de
dédicace, du style lapidaire '. Ainsi la formule ressemblerait aux
titres officiels que portèrent les grands hommes de la Répu-
blique : Metellus Plus, Piso Frugi, Laelius sapiens % et certains
empereurs, comme Trajanus Opiimus ' ; elle rappelle les
récompenses honorifiques que Sénèque à la fin du livre promet
au jeune empereur : corona civica — ob cives servatos-*; et
aussi l'épithète flatteuse qu'il fltudra bientôt joindre publique-
ment au nom d'Agrippine : opt'una mater. Sénèque connaissait
assez la famille, pour écrire dans un traité destiné au fils :
prima pars erit huiiianissimi Neronis.
Deux objections se présentent :
1° Les manuscrits principaux du de Cleiii., notamment le
Nazarianus, semblent être trop anciens pour qu'on puisse
admettre la substitution d'un signe àcr, ou l'abréviation de onis.
Il est vrai : </) que sur la date du Nazarianus les avis
diffèrent sensiblement : Si O. Rossbach (De Sen. phil. lihr.
rec. et emeud., Breslau, 1888, p. 13) et M. C. Gertz (cf.
Hosius, éd. Teubner de Cleni., praef., p. v) parlent du
VIII'' siècle, Baehrens (Jcnaer Hier. :{tg, 4, 1877, p. 62) se pro-
nonce pour le viii^-ix'^ siècle, M. Châtelain {Pal. des class. lat.)
place N au ix% et R. Kekulé (cf. Hos. lor. /.) au ix'^-x'-".
1. Cf. Riemann-Lejay. ^ 60, 2°, p. 121. Cf. Cagnat. Man. d'cpigr.
lat. p. 2265.
2. Cf. Plin., Ptui. LXXXVIII, 4, à propos du titre d'optiinus donne à
Trajan.
3. Cf. Cohen, II, p. 55 sqq. ; Cagnat, op. laiid., p. i<S8 : Pliu., op. laud., II,
6 sq ; 7 ; LXXXVIII, 4 ; LXXXIX, début. Ce titre d'opliinus résume ceux de
fortissimus, de pins, de manstietus (il, 6); de démens, d'Imiiianus (III, 4);
dejuslus, depatiens (LIX, 3). D'où le caractère un peu vague de ce super-
latif : mais n'oublions pas qu'il implique en lui-même le superlatif « huma-
nissimus » (LIX, 5), celui qui pourrait résumer dans le de Cl. la tiiansiieliido,
la clemenlia, la liberalitas de Néron à ses débuts.
4. La récompense oh cives servatos avait été déjà décernée à Auguste
(Cohen, I, p. 91), le modèle proposé à Néron.
LE SOMMAIRE DU DE CLEMEN7IA 579,
b) Que l'abréviation de er a l'air d'avoir été assez fréquente
dans l'archétype de N R. En effet, non seulement les copistes
des deux manuscrits semblent être habitués à la voir dans
leur modèle : de Ckin., I, 23, 2, ils lisent credere pour crede,
peut-être il est vrai sous l'influence de os tendere qui suit; I, 6,
3, d^relinquimus pour deliquimus; de Benef., VI, 42, i reci-
ptve (R), pour recipe ; — mais ils paraissent confondre dans
leur modèle le signe de ar avec celui de er, qui lui ressemble :
nous trouvons de Benef . III, 5, 2 (NR) : obpigneret pour obpi-
gner^ret, VI, 5, 4; sep^ratim (N) pour separatim ; de Cleni.,
1, 15,4: aparirentur (N), apparerentur (R) pour apmrentur,
I, 8, I appereant (N) pour app^reant. Ou bien ils semblent
lire le signe de cr à côté de sa vraie place, car ils l'écrivent à
côté dans la copie : ainsi de Ben. VI, 24, 2, seumtas devient
st'/'uitus; ou bien ils ajouteront au mot abrégé un com-
plément marginal ou interlinéaire (de Cl. I, 16, 3 recundia
re
NR parait venir du texte (wt'cundia) ; parfois en l'absence de
er ils interprètent le mot tronqué — de Cl. II, 2, 2, ils lisent pre
id (NR) pour prett'rid — ou même le transcrivent tel qu'ils le
voient, sans le compléter : de Cl. I, 26, i : excuerunt NR,
pour ex^rcuerunt ; II, i, i scribera pour scrib^rem; de Benef.
VI, 8, 3, peruenit, pour peruen^jrit; V, 17, i percurre N pour
percurr^re (en ce cas, il peut y avoir haplographie simple-
ment). Enfin ils abrègent eux-mêmes ^r dans les titres des deux
traités '.
c) L'abréviation ois serait moins nécessaire que l'autre : on
peut admettre lunanissiminonis pour expliquer l'arrangement
manumissionis . D'ailleurs les copistes de NR semblent accou-
tumés à la rencontrer : car ils la supposent de Cl. II, 6, 3,
lisant pannoîam (Panno/i/am) pour pannosam.
d^ Enfin le cognomen Nero devait s'abréger parfois dans les
manuscrits : c'est ce qui arrive dans Vell. Pat. II, 76 où Ti.
Ndronis est devenu par abréviation et confusion de lettres
I. Cf. Hosius, op. îauJ., pp. 216, 120, 52, 21 au mot liber lib). Ces
faits confirment la date assignée à N par M. Châtelain et par Kckulé.
580 F. PRÉCHAC
(Ti.notiis) Tironis dans les copies du xvi= siècle. Dans le
de BeneJ., Caesar devient ces (III, 27, i ; IV, 31,2 NR).
2° On objectera aussi que le sommaire « Humanissimi
Neronis » n'est pas conforme à l'étiquette impériale, puisque
l'empereur, n'étant pas encore divus, y porte non le titre de
Caesar ', mais son cognomen Nero. La règle invoquée n'est
pas absolue ^ Puis a) Sénèque ne s'adresse pas directement
à l'empereur, mais il parle de lui ; h) il le nomme peut-être à
la manière du peuple de Rome, de qui Néron était alors les
« délices » (cf. p. 6), et sans doute comme je prince vaniteux,
lorsqu'il songeait à sa popularité, aux épithètes décernées à
sa personne, au souvenir qu'il laisserait parmi les hommes,
à Nero Diuus enfin, se nommait lui-même 5.
Les deux objections précédentes n'en gardent pas moins
leur valeur. — 1° Comme le prince n'a peut-être pas encore
le culte de son cognomen, l'infraction à l'étiquette impériale
reste peu vraisemblable. 2° Même si N est du ix"" et non du
VIII' siècle, les abréviations supposées ne peuvent avoir été
assez fréquentes dans le modèle pour qu'on les admette toutes
deux au même endroit.
D'ailleurs nmanissimi est un peu loin de manumtssî. Enfin
l'accord de tous les mss. à cet endroit semble prouver que le
modèle X de NR... avait déjà manumissionis ; que l'altération
est par conséquent antérieure à X et qu'il en faut chercher
l'origine ailleurs que dans la minuscule.
IV
Comment était donc formulée l'allusion personnelle à la
clémence impériale ? Le mot « Nero », nous l'avons vu, est
1. Apostrophe à l'empereur vivant : ih Cl. [cap. I, i et 5 : Nero Caesar;
Caesar; II, i, i et II, i id. Cf. Plin., Pan., XIV au début, LUI, s; XLVI,
lo, LX, 6, etc. : Caesar; — à l'empereur mort : Plin., op. laud. LXXXIX
début : Dive Nerva.
2. Cf. Martial. Kpigr. IX, i, i ; 26, i ; VIII, 70, i, etc.
5. Cf. Suét., A^tf/-. 12, 25, 55; cf. Dittenberger, Sylloge, 376.
LE SOMMAIRE DU DE CLEMENTIA 581
sans doute à écarter. « Caesar » est impossible paléographi-
quement. Reste le pronom tu ou l'adjectif ttius.
Supposons dans X uianitmissionis. L'un des m peut prove-
nir soit de la lettre M soit d'un groupe IVI ou TVI... dans
l'archétype en capitales. Je lis donc : TVI ANIMJ <.REMI>
SSIONIS : « la mansuétude de votre âme ». Remissio animi
est synonyme d'hunmnitas (p. 2, n, 3) et s'oppose, comme
clemenlia, à severitas (Cic. De or., II, 72; Sén. Declem., I, i,
§ 4) '.La place de //// souligne l'hommage rendu au prince :
« aura pour sujet Votre clémence. »
F. Préchac.
I. Cf. le sens de reniissiis dans Cic. : CalîL, IV, § 12 ; ad. fam. XVI,
15, I ; Postred. adQuir. 23: in ulciscendo remissior; dans PI. J. Ep. 14,
5, etc.
AGGIUNTE MINIME ALLE NOTE SUI VIAGGI
E I VIAGGIATORI NELLA SPAGNA
E NEL PORTOGALLO
(dal secolo XV al XVIII) '
Dieci anni ormai passaronodacchè io stampai l'ultimo Sup-
plemento ad una Bibliografia dei Viaggi per la Spagna e il
Portogallo, e sempre era vivo in me il pensiero di raccogliere
in un denso volume quelle mie note scarne, scritte in casti-
gliano, dicompletarle qua e là, con nuove ricerche nelle biblio-
teche e negli archivi, di ordinarle con pieno rigore cronolo-
gico, indicando via via, sia pure di sfuggita, tutte le amba-
sciate e nunziature, mettendo in luce i brani più curiosi e
caratteristici délie relazioni manoscritte, e talora anche le
illustrazioni, le incisioni, i disegni tolti aile memorie e agli
appunti degli artisti migliori. Un indice copiosissimo avrebbe
dovuto chiudere l'opéra, che, a torto o a ragione, recherebbe
il sottotitolo : Fonli pcr la storia délia cuit lira nella péJiisola ibe-
rica,e che, malgrado le imperfezioni inevitabili, le lacune, le
inesattezze, non sarebbe stata superflua agli ispanistieagli ispa-
I . Con un sentimanto di vergogna ed una dolorosa stretta al cuore
raccolgo queste povere mie note, destinate a figurare in una miscellanea
in onore di un amico veneratissimo ; nulla di meglio posso offrira dal mio
ricovero alpestre ; ed a Torino, in un anno di triboli, mancavami la pace
per stendere un lavoro che non offendesse, per la sua pochezza e csiguità, la
dottrina professata dall' uomo illustre che or si festeggia e onora, e délia
cui squisita gentilezza e liberalità io ho menioria imperitura.
Bad Fusch, luglio del 191 2.
584 ARTURO FARINELLI
nologhi, ai quali s'offriva una bibliografia che ancor difetta aile
altre nazioni, ail' Italia, alla Francia, alla Germania, ail' Inghil-
terra .
Altre cure, aitri lavori assorbirono la poca attività di cui
dispongo; sopravvenne un mutamento di cattedra; dovettero
ianguire i miei studi ispanici ; e a stento mi ridussi a regi-
strare, nel modo più fugace, man mano che progredivo nelle
mie letture, i cenni a me ignoti ancora ad altre peregrinazioni :
date, titoli, spunti di epistole che dovevano aggiungersi aile
note già offerte e agli antichi frammenti. In fondo mi di-
straevo, eplacavo, colpensiero aiviaggialtrui, la nostalgia mia
propria, invincibile, aile terre di Spagna. ;Non immaginavo
un tempo di stendere, sorretto dall' amico Rafaël Altamira, un
Cicérone artistico per la Spagna e il Portogallo ?
Avverto qui infine che, non potendo sciogliere nessunodei
dubbi rimasti in me, nell'isolamento in cui mi trovo, di
fronte aile mie carte mute, lontano da ogni centro di studi e
da ogni biblioteca, dovrô far seguire, per nécessita, aile note
cosi monche e frammentarie che ora offro (limitate a quattro
secoli), altri appunti e indicazioni di altri viaggi compiuti, che
gioveranno a chi vorrà raccoglierle, disporle e ordinarle nell'
opéra complessiva, da me, e certo pur da altri, vagheggiata '.
I . Con l'indicazione B. s'intenda la Bibliographie des Voyages en Espagne
et en Portugal del Foulché-Delbosc.
Con l'indicazione Ap. i miei Apuntes sobre viajes y viajeros por Espaiia y
Portugal, nella Revista critica de hisloria y literatura espanolas, porttignesas è
hispano-americanas del 1898.
Con l'indicazione D. l'esiratto : Mas Apuntes y divagaciones sobre viajes
y viajeros por Espaiïa y Portugal (dalla Rn'ista de Archivos, Bibliotecas y
Miiseos), Madrid, 1903 .
Non dubito di trovar presto una mano pietosa rassegnata a stendere un
indice alfabetico générale dei nomi propri contenuti nelle mie varie diva-
gazioni e negli appunti. Per alcune ricerche storiche quest'indice, la cui
mancanza dovetti vivamente deplorare iostesso compilando queste minime
note, sarcbbe certo di qualche utilità. — Ad una Rivista di Spagna cederô
gli appunti sui viaggi nei primi secoli fino al 1400, e quelli, troppo copiosi
per essere qui considerati, sui viaggi nel 1800.
VIAGGl E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 585
XV SECOLO
Curiose notizie sul soggiorno in Ispagna, massime nella
Catalogna e nell' Aragona, dei mercanti fiorentini(fine del 1300
e principio del 1400) offrono gli estratti délie letiere pubbli-
cate da G. Livi, Dali' Archiviodi Francesco Datini viercantePra-
tese, Firenze, 19 10. Il Dati, Simone d'Andréa Bollandi, Lotto
degli Agli, Baldassarre e Benedetto degli Ubriachi, Michèle
Benini erano uomini di acuto ingegno e di grande cultura ;
leggevano nei fondaci loro il loro poeta divino, e iniziavano
nella terra di Spagna quel culto per Dante di cui è memoria
in alcune mie fugacissime note {Dante in Ispagna^. Parecchi
erano benvoluti dai principi. Scrive da Zaragoza, nel 1399,
Baldassarre degli Ubriachi : « mi sono molto dimesticato con
questo nobile signore Re, il quale m'a posto grande amore, e
a ogni mio piacere mi vo a stare con lui a solo a solo nel suo
studio, e volentieri m'ode e pratica e ragiona mecho, e per la
sua benignità gl'è piaciuto farmi di suo stallo e di suo consi-
glio ».
1403. — Offre il Boletin de la R. Academia de la Historia
(ottobre 1907, vol. LI, pp. 319) un frammento di una de-
scrizione del viaggio dalla Castiglia in Tartaria dell' ambascia-
tore Ruy Gonzalez de Clavijo (tolta dall' edizione di Madrid
1782) : Formentera é Ibixfi en 140). -
Citavo nelleZ). (p. 73) il saggio délia Michaëlis de Vascon-
cellossui viaggi dell' Infante Don Pedro. Si veda C. Fernàn-
dez Duro, Viajes del Infante D. Pedro de Portugal en el sigloXV,
con una indicaciôn de los de una religiosa espanola por las regiones
orientales mil anos antes, Madrid, 1 903 .
Chiariva e à'iscmeva Vltinerario del rey Alfonso I de Catahiha
II de Aragon, Joaq. Miret y Sans, nel Boletin delà R. Academia
de Buenas Letras de Barcelona, 1904, marzo. Si veda, nella
Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos, 1908, marzo-aprile,
Vltinerario de Alfonso V de Aragon en Espana (A. Jiménez
586 ARTURO FARINELLI
Soler, Itimrario del Rey Don Alonso de Aragon elque ganôNàpo-
les...) ;e le indicazioni di F. Carreras y Candi, Anfôs IF u Lo
Magnânim » y su millier y llocbtlnenl Maria de Castella à
Montserrat, nel saggio Visites de nostres Reys â Montserrat,
or raccolto nel bel volumetto, Narraciones Montserrati-
nas, Barcelona, 191 1, pp. 285 sgg. (dovrô ricordare
nelle note sui viaggi anteriori al 1400 questo saggio stampato
una prima volta nel Boletin de la R. Acadeinia de Bitenas Letras
de Barcelona, vol. II, pp. 339 sgg., riprodotto in seguito nella
Miscelànea histôrica catalana del Carreras — I, 251 sgg.). —
Non vidi un articolo anonimo Anadas de Reys à Montserrat in
La Veu de Montserrat del 25 aprile 1880.
Verso il 1442 il dottissimo Alonso de Cartagena sollecitava
Pier Candido Decembrio, perché realizzasse il desiderio
espresso di venire da lui in Ispagna : « ut ais, pietate favente
divina, tecum deportares et beati apostoli Jacobi limina visita-
turus omnes fere nostras peragrares provincias. Habes siqui-
dem civitatem nostram in via, apud quam, si mihi tune vita
cornes esset, non dicam honorem debitum... sed saltem ami-
cabile hospicium reperies ibique quamdiu velle reparans et a
labore vie aliquantulum recreatus factusque, ut ita dicam,
recencior et de nostris informatior rébus, regiam personam
et curiam nec non alias huius regionis provincias visitares. »
Brave e facile sarebbe il viaggio dalla Fiandra in Inghilterra e
di là alla Spagna. E il Decembrio scriveva da Milano il
30 aprile 1442 : « Suspiro autem iter illud iocundissimum,
si îd Deus annuat, sed nescio quo modo omnia prêter spem
eveniant; nam facta sperantibus plerumque adversa succe-
dunt, adversa timentibus nonnunquam prospéra eveniunt,
verum illa rariora. » Rimase l'umanista con la sua speranza, e
in terra di Spagna non mise mai piede (tutto ciô è bene e
luminosamente esposto dal Morel-Fatio, Les deux Oniews cas-
tillan';, ndhRoinania, XXV, 125). Fece poi il vescovo di Bur-
gos, sessantenne, il suo pellegrinaggio a Santiago e ne ritrasse
grande soUievo e conforto.
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGMA E NEL PORTOGALLO 587
Fu Gismondo Pandolfo Malatesta, signore di Rimini
(•j- 1468) in Ispagna? Le lettere degli umanisti del tempo,
anche quelle del Decembrio, ci lasciano in dubbio. Il Basini
neir Hesperidos (Opéra... Rimini, 1794, I, 151 sgg. : «Vcni-
mus a priscà magnae Carthaginis urbe... »), ove célébra le
guerre combattute dal Malatesta, nel 1448 enel i453,contro
Alfonso e Ferdinando d'Aragona, favoleggia, nel 7° libro, che
s'ispira ail' Odissea, di un viaggio del Malatesta in Catalogna,
ove, sul paese che sconfisse, vola altissima la sua fama. Lo
studio di F. Ferri, L'antore del Liber hottaeus, Rimini, 19 12,
non rileva il potere ùntastico del Basini. E al viaggio in
Ispagna non alludeva punto il Battaglini nel saggio premesso
alla Opère basiniane, Vella Vita e de' fatti di Sigismondo Pan-
dolfo Malatesta.
Nel Livre des faits de facqués de Lalaing, che Kervyn de Let-
tenhove stampa tra le opère di Georges Chastellain (Bruxelles,
1860, vol. VIII), si narrano le imprese cavalleresche e le giostre
aile corti di Navarra e Castiglia, d'Aragona e del Portogallo
(intornoal 1445), cap. xxih-xl.
E memoria di un peregrinaggio a Santiago in una délie
leggende sacre del Bokenam (Osbern Bokenams ' Legenden hrg.
V. G. Horstmann nell' Altenglische Bibliothek, I, Heilbronn,
1883, p. 129):
Magdalena !
tyl I acomplysyd
My pylgramage had, wych promysyd
I to seynt Jamys wyth hert entere
Had to performe pe same yere...
Rileva la passione per i viaggi nei principi estensi, i magni-
fici e sontuosi cortei che li seguivano a San Giacomo, a Geru-
salemme e altrove, G. Bertoni, La Biblioteca Estense e la col-
tiira ferrarese ai tempi del Diica Ercole I (^I4JI-IS0)), Torino,
1903, pp. 185 sg.
Sui viaggi del Rozmital {B. N. 1 1 ; Ap. p. 160) vedi Henry
588 ARTURO FARINELLI
Cust, Gentlemen Errant, heing the journeys and adventures of
four nohlemen in Europe during the ij^^ and 16^^ centuries, Lon-
don, 1908 (Qui pure è memoria dei viaggi in Ispagna dell'
elettore palatino Federico).
1465 sgg. — Ricorderô àltri pellegrinaggi reali dietro il
saggio già cit. di Fr. Carreras y Candi (Visites de nostres
Reys a Montserrat), pp. 295 sgg. foan lia Mont serrai (viaggi
del 1465 ? e del 1475), pp. 295 sgg. Père IF Conestahk de
Portugal Rey de Catalunya a Montserrat {1^6^ ?), pp. 296 sgg.
Ferran II « lo Catôlich », a Montserrat (1471, 1481, 1493).
1468. — In un manoscritto deir Archive Histôrico Nacio-
nal trovasi una Relacion que Francisco de Leôn, Conicndador de
hastimentos del campo de Montiel en la Ordcn de Santiago, hi~o al
Maestre Don Alonso de Cârdenas del esîado de los conventos, pue-
blosy encomiendas del Orden, segûn la visita que por mandado del
Maestre D. Juan Pacheco hi:(o el anode 146 S.
Al soggiorno in Ispagna, nel 1465, 'bb enel 1468, Robert
Gaguin {^Ap. p. léo; D. p. 8) allude pure nel suo Compen-
dium délia Vita di Carlo Magno(I, 188) : « Ego verum cum
Tolleti essem, ecc.jsi veda : Robert i Gaguini Epistole et Ora-
tiones, éd. L. Thuasne, Paris, 1904, II, 19 sgg.
1468-69. — Con Bernardo Bembo {D. 8) e Antonio Vin-
ciguerra fu pure in Ispagna Paolo Marsi, su cui vedi uno stu-
dio di A. Délia Torre, Paolo Marsi da Pescina. Contributo alla
storia delT Accadeniia Poniponiana, Rocca S. Casciano, 1903.
Qui si stampano, tolti ad un codice ferrarese, alcuni fram-
menti délie elegie curiosissime, Bembice, del ,poeta umanista,
che descrivonodi tappa in tappa (Cartagine, Gibilterra, Cadice,
Siviglia) il viaggio ispanico e i fortunali amori con la bella
andalusa Béatrice (pp. 143 sgg.). Il viaggio del Vinciguerra
è ricordato di sfuggita nel lavoro antécédente del Délia
Torre, Di Antonio Vinciguerra e délie sue satire, Rocca S. Ca-
sciano, 1902, pp. 32 sg.
Sul Ramusio {D., p. 8) vedi A. Del Piero, Délia vita e degli
studi di G. B. Ramusio, Venezia, 1902 (e vedi Rivista storica ita-
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 589
liana, vol. XX). Sul Marineo Siculo (D., p. 9) viene pubbli-
cando da alcuni anni in qua il prof. P. Verrua una série di
note che illustrano l'efficacia dell' insegnamento impartito in
Ispagna : Nel niondo umanistico spagnolo, Rovigo, 1 906 ; Cultori
délia poesia in Ispagna durante il regno dt Ferdinando il Cattolico,
Adria, 1^06 ; Precettori italiani in Ispagna durante il regno di
Ferdinando il Cattolico, Adria, 1907 ; Lncio Marineo Siculo e la
scien^a del linguaggio, Adria, 1 908 ; Una leiione epistolare di
latino a una don^ella spagnola nel 1^04, Bobbio, 1912. Si
aggiunga l'opusculo di G. Noto, Moti umanistici nella Spagna
al tempo del Marineo, Caltanisetta, 19 12.
Già in una mia divagazione linguistica sulla parola Marrano
(« Studi letterari e linguistici » dedicati a Pio RajnUy Firenze,
191 1, p. 524)accennavoadun viaggioche Pico délia Mirandola
minacciava di fare in Ispagna, e al terrore suscitato nei santi
uomini dell' Inquisizione che chiedevano ai re cattolici lo si
incarcérasse appena giunto sul suolo di Spagna, corne infetto
di giudaica perfidia. Si veda un art. del P. Fi ta, Pico de la
Mirândula y la Inqnisiciôn espanola. Brève inédito de Inocencio VIII,
nel Bolet lu de la R. Academla de la Historia (1890), XVI,
314 sgg : « Audivimus Joannem Picum de Mirândula ad
Régna Hispaniârum et ad loca Regni tui, in quibus studia lit-
terarum vigent, venisse ea de causa ut comités furoris etinsa-
niae socios possit invenire et fau[t]ores querere ad misterium
iniquitatis quod operatur... »
Di una missione diplomatica presso Ferdinando di Casti-
glia affidata al priore John Weston è memoria nel Dudgale,
Monasticos Anglic, VII, 799.
Sappianio da alcune lettere, ora édite, di Amerigo Vespucci
(ved. Rambàldi, Amerigo Fespucci, Firenze, 1898; Rivista délie
biblioteche e degli archivi, ottohre-d'icemhre 1902) in quali rap-
porti di intimità vivesse l'illustre esploratore cogli arhici ita-
liani stabiliti in Ispagna : i Del Nero a Vallàdolid, Bartolom-
meo Marchionni a Lisbona, Antonio del Giocondo, Clémente
Sernigi çcc.
590 ARTURO FARINELLI
Tra gli episodi fantastici intrecciati un po' goffaménte nel
Mambriano di Francesco Bello detto il Cieco da Ferrara (ultimo
decennio del 1400) compare pure l'avventuroso pellegrinag-
gio di Orlando a S. Jàcopo di Compostella.
Particolari su di un' ambasciatâ di alcuni Genovesi al re di
Castiglia e d'Aragona (1493) offre A. Ferretto, Noti:;je intornoa
tre anihascerie genavesi del secoloXV, nel Gioni. stor. eletter. d.
Ligu lia {1904), V, 262 sgg.
Un' altra ambasciatâ al re di Spagna (1498) ricordata nel
Diario del dalmata Luca de Renaldis, vescovo di Trieste, è
descritta noW Archeogr. Triestino, Série III, vol. I, pp. 46 sgg.
(E vedi per altre ambasciate, dal 1495 alchiudersi del secolo :
Francesco Capello, Giorgio Marni, Guido Antonio Rizim-
baldo, Giov. Battista de' Sfondradi, Giov. GirolamoVisconti,
Domenico Trevisan, ecc, un articolo di A. Schaube, Z//r
EnîiuickJnngsgeschichte der stàndigen Gesaudtschaften, nelle Mit-
theil. d. Instit. f. oesterr. Gescbicblsforsch.., X, 549 sgg.).
Ferdinand Wolf ricorda in un suo saggio, Studien..,, Ber-
lin, 1859, p. 227, una Beschreibung des Jest lichen Empf anges der
Z)' Margareta de Flandes bei deren Vermàhhing mit dem Prin^én
von Astiirieu D. Juan, Sevilla 1497, dovuta a Hernan Vazquez
de Tapia.
1497. — Si vedano alcuni brevi articoli délia Revista de Extre-
màdnra, del 1904 (novembre) : E. Escobar Prieto, Los Reyes
Catôlicos en Trujillo ; V. Paredes, lîinerarios cxtremeiios de los
Reyes Catôlicos ; A. Aznar, Valencia de Alcdntara por los Reyes
Catôlicos. Boda regia en 14PJ \
I. Do qui in nota alcuue 'poche notizie estratte dall' opuscolo di Pro-
spère Peragallo, Cenni Inlorno alla colonîa italtana in Porlogallo nel secoli
XIV, XV e XVI, Torino, 1904, che allinca in ordinc alfabetico gli italiani
che soggiornarono nel Portogallo : esploratori, commercianti, artisti, lette-
rati, ecc. (Per gli scopritori e viaggiatori nell' India e nell'Oriente si con-
sultera il lavoro di Amat di S. Filippo, piij volte citato nelle mie note) :
Erasi stabilita a Lisbona, già in fine del 14° secolo la famiglia Spinola,
con Baldassarrc, favorito del re Fernando.
A Lisbona cbbero fondaco e case di mercatura fiorentissime neeli-
VIAGGI E VIAGGIATORI NHLLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 59I
XV SECOLO
Solo délie raccolte dei viaggi e délie spedizioni d'oltremare
(Valentim Fernandez, Pietro Martire d'Angera, Aloise di Càda
Mosto... Feyerabend, tcc.) s'occupa la tesi de M. Bôhme,
ultimi decennidel 1400 : il fiorentino Gerolamo Sernigi (fu tra primi a dif-
fondere notizie délia i-» spedizione di Vasco de Gama ; prese parte a parec-
chie spedizioni ncU'India), il banchiere Bartolomeo Marchionni, assai ben
voluto da re Emanuele e pur attivo in più spedizioni in India.
Sulla fine del 1 5° secolo è attivo a Lisbona il conte Gian Francesco Affai-
tati, passato dalla mercatura alla costruzione di armature di navi per le spe-
dizioni in India. Verso il 1554 era chiamatoda Genovanel Portogallo Bru-
zio Damiani, perito uel dar caréna aile navi senza tirarleall' asciutto. Nella
2» décade del 500 arricchivasi a Madera nella coltivazionc délie cannamele il
fiorentino Simone Acciaiuoli.
Erano aLisbona, a principio del 1500 : Francesco Carducci (Carducho),
ricco negoziante di spezierie e di zucchero ; Francesco Corvinelli, commer-
ciante di droghe indiane e famoso navigatore; Luca Giraldi, ricordato
corne uomo d'affari intraprendentissimo nel 151 5 (Nel 1583 la sua vasta
teuuta « dos Theos » passava a Francesco Giraldi, noto capitalista e
ambasciatore (Su Pietro Strozzi che giungeva a Lisbona nel 1 509, fortunato
esplorarore délie Indie, si veda G. Uzielli, Piero di Andréa Stronividggia-
tore fiorentino nel secolo délie scoperte, in Memoried. Società geogr. iUil.,\\
iiosgg.).
Si ricorda il fiorentino Giuliano del Giocondo mandato da re Emanuele a
Siviglia per indurre Amerigo Vespucci a mettersi al servizio del Porto-
gallo.
— Nel 1501 stabilivasi aLisbona il cremonese Gian Pietro Buonomini
editore e tipografo; nel 1504 si associava a Valentim Fernandez.
Verso il 1488, o poco dopo, re Giovanni II chiamavâ a insegnare ail'
università di Coimbra Giovanni Cataldo Aquila.
Nel 1544 re Giovanni III incarica un suo agente di recrutare per
l'università coiinbrana professori valenti, assicurando buou trattamento per
un corso di 4 a 6 anni, prolungabile a piacere. E pare aderissero ail' invito :
ccrto Rissoro, di cui il monarca sollecitava la partenza verso il 1546 ; Asca-
nio Scotto, letterato e legista di Perugia ; un giovane ebreo convertito che
insegnava alla Sapienza di Roma .
Del latinista Maffei, che dal 1572 in poi risiedette nel Portogallo, è
memoria più innanzi nelle mie note.
Recasi a Lisbona nel 16° secolo il veueto Marco Antonio Priuli, con
lettera raccomandatizia del doge Pietro Landi al re Giovanni.
592 ARTURO FARINELLI
Die grossen Rdsesammhingen des i6 Jahrhunderts, Strassburg,
1904.
Nella 5. N 25 non si avverte che nel 1501 l'arciduca
Friedrich si mosse una prima volta per la Spagna, già allora
seguito dal suo annalista Hubertus Thomas. — E délie Epistole
deir umanista Nicolas Cleynaert era pure opportuno citare
l'ediz. di An versa, 1566, anteriore di 40 anni aquellaindicata :
Sui viaggi di Cleynaert vedi Ap., p. 168; aggiungi alcuni
particolari insignificanti nella Revue de la Renaissance, Genn.-
Febbr., 1905, pp. 22 sgg., Un voyage au Maroc au XV^ siècle
par Nicolas Clénart de Louvain.
E ora nota una disposizione di Louis II de la Trémoille
riguardo ad un pellegrinaggio a S. Giacomo di Galizia, del
29 febbraio 1504, indicata da L. de la Trémoille, Les La Tré-
moille pendant cinq siècles, ^znits, 1892, II, 55.
Un Reisepass nach Santiago de Conipostella, rilasciato nell'
Nel 1558 Antonio Cavalcanti, nobile fiorcntino, perseguitato da Cosimo
de Medici, trova rifugio nel Portogallo .
Con Antonio fiorentino, pittore di Giovanni I, Bencdetto da Ravenna,
mandate a fortifkare Ceuta, il Contucci (Sansovino), chiamato da Gio-
vanni II, si ricordano : i fratelli Antonio, Francesco e Pietro Tacca, pittori
in vetro, attivi verso la meta del I500(lavorarono allabasilica di Batalha) ;
Diego e Consalvo Torralva, architetti piemontesi (^lavorarono, nella i^metà
del 1500, alla basilica di Belem e alla cattedrale di Miranda) ; il bolognese
Filippo Terzi, pittore e architetto, segui D. Scbastiano nella campagna del
1570, fu fatto prigionero nel 157b, e, riscattato, moriva nel 1597; al
Terzi succedette il cremonese Leonardo Torriano ingegnere civile e militare
(un suo Parecer sobre la navegacion det rio Giiadalete aide Guadatqtiivir, colla
data del 1627, è alla Nazionaledi Madrid : due altre copie sono alla Nazio-
nale di Lisbona).
Per le vicende dei mercanti italiani nel Portogallo si dovrà ancor sempre
consultare lo studio di G. Canestrini, hilonio aile i-elaiioiii commerciali dei
Fiorentini coi Portoghesi avanti e dopo ta scoperta del Capo di Biiona Sperania,
neir Archivio storico ilaliano, tomo III (1846).
Un articolo di A. Ferretto, nel Giornale Ligiistico, anno XXII (1897)
fasc. I, Contributo aile relaiioni tra Genova e Lisbona, reca memoria di
alcuni cappuccini genovesi che si stabilirom nel Portogallo, nella seconda
mebà del' 600.
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E \EL PORTOGALLO 593
aprile del 1505, ù riprodotto nella Zcitsch. j. cl. Gesch.d. Oher-
rhems,XVl (1864) ■.
15 17. — Avevo scordato nei miei appunti alcune pagine
di Francesco Chieregati, Noti::^ie de lecose degnc da vcdersi et de
le délit ie nel regno di Granata che fn dei Re mori nella Spagna
(1517), riprodotte da A. Portioli, Quattro docuvieuti d'Inghil-
terra ed une di Spagna delV Archivio Gon^aga di Mantova,
Mantova, 1868, pp. 27-34.
1517. — Una redazione spagnuola (da aggiungersi alla B.
N. 17) : El via je que el empevador Carlos Ouinto ])i:^o à Castilla
aho de i^ij è indicaia nell' Inventario (N. 214) riprodotto da
R. Béer, Die Handschriftenschenhiug Philipp II an den Escorial
{Jahrb. d. kunsthist. Saimiil. d. allerh. Kaiserh., vol. ix).
15 17-1523. Fernan Colon (vedi D., p. 10) ; la Descripcion
itineraria de todas las ciudades y lugares que anduvo personalmente,
contenuta in un vol. esclusivamente dedicato alla Spagna, e
4 tomi di Variae eruditae aiiotatioiies del dotto e attivissimo
figlio di Colombo sono ricordati da A. Bldzquez, El Itinerario
de D. Fernando Colon y las relaciones topogràficas , nella Rev. de
Arch., Bibl. y Museos (febbr.-marzo 1904), VIII, 83 sgg.
Si aggiunga ai miei Ap. (p. 169), a proposito deiviaggi di
Carlo V, un articolo di certo J. C, Les anades del gran empe-
rador Caries V al Santuaride Montserrat, in La Veu de Montser-
rat (1884), VII, 304; il cap. Multiples visites de Caries I a
Montserrat, del saggio più volte citato di F. Carreras y Candi
(^Visites de nostres Reys d Montserrat), p. 305 sgg. (viaggi del
1520, 1533, 1535, 1536, 1538, 1542). E siricordino le pere-
grinazioni al célèbre santuario dei monarchi successivi : Les
visites de Felip I « lo Grandi ÇII en Casiella') a Montserrat (pp. 311
sgg.; 1548, 1565, 1585); Felip II (JII en Castella) a Montserrat
(pp. 331 sgg. ; 1599); Felip III CI F en Castella) a Montserrat
(pp. 336 sgg. ; 1626, 1632); Lo rey Felip IF de Borbôn {Fcn
I , Un curioso Spottlied di G. Wickram sui peregrinaggi dcvotl è a stampa
neirSo vol. délie opère compl. IVerkc, hrg. v. J. Boite (5/W. </. litcr. Verein,
vol. CCXLI), Stuttgart, Tùbingen, 1906.
MÙLANGI s. II. î8
594 ARTURO FARINELLl
Castclla) a Montserrai (pp. 339 sgg. ; 1702). E si vedano le
note su viaggi nel secolo xviii.
1)21. — Missiva di Chiaffredo Pasero al scgretario ducale
Giovanni Vulliet, da Lisbona, aprile, 1521 ; riguarda il
matrimonio tra il duca e Béatrice figlia del re di Portosiallo
(si veda A. Segre, Dociimenti di Storia sahauda^ Torino,
1903, p. 162, dal R. archivio di Stato di Torino).
1 523-1 524. — Data da questi anni una missione nel Por-
togallo affidata a D. Luis de Requesens y Zuiiiga ; parecchie
lettere scritte dal Portogallo le pubblicô D. Manuel Dan-
vila nel Mémorial histârico espanol, vol. XXXIX (1899). Si
veda A. Morel-Fatio, nel BnU. Hisp., VI, 196.
Alla missione in Ispagna del cardinale Salviati alludono
4 pag. di un Sumario de las facuJtades concedidas por el Sanctis-
simo seîtor 7iostro senor el papa Clémente septimo : al reuereudissimo
schor don Juan del iitulo de saut Cosme y saut Dauiian diacono
Cardenal de la sancta romana yglesia llamado de Saluiatis,
Toledo, en casa de Ramon de petras, 1525 (per questa e per
altre missive di nunzi in Ispagna sempre dovrô rimandare
air ottimo libro di R. de Hinojosa, Los despachos de la Di-
plomacia Pontificia, Madrid, 1896).
Cenni al viaggio e alla prigionia di Francesco 1° e ai vari
parlamenti avutisi dai suoi rappresentanti, specie da Jean de
Selve, nello studio di M. G. Clément-Simon, Uu cousciller
du roi François I : Jean de Selve, premier président du parle-
ment à Paris, négociateur du traité de Madrid, nella Revue des
Questions historiques, vol. LXXIII (1903), pp. 45-120.
Vedo ricordata nella i?a'//(? latine del 1906 (V, 625), in un
artic. di E. Maison, De Pavie à Madrid un manosc. di Siman-
cas {B. I, 2), certa Injormacion del uxer Fronces, que vino â visi-
tar el Dolfin y cl duque de Orliens por mandado de la régenta de
Francia.
Parecchie lettere ancora ignotc di Martino Centurione
ambasciatore alla corte di Spagna, scritte a Toledo, ritengo
verso il 1525, sono ail' Archivio di stato di Genova.
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 595
1525 . — NegViAp. (p. 167) e iielle D. (p. i3)ricordavo il
viaggio dell'Acursio. Si vedano ora alcune epistole concernenti
l'ambasciata a Carlo V, édite ed illustrate da G. Pansa, Otto
Icttcre inédite dcl célèbre nmanista Michelangelo Accursio, nel Bol-
lettino délia Société di Storiapatrianegli AbruT^T^i, XV, fasc. 4.
AU'epocastessadeir Accursio trovavasi in Ispagnarumanista
Benedetto Tagliacarne (Teocreno), precettore del delfino di
Francia. Non so s'egli abbia lasciato memorie di questo suo
soggiorno. — SuU'umanista Aretio, ricordato nelle D., p. 14, si
veda un ampio saggio di E. Pulejo, Un nmanista siciliano délia
prima meta del secohXVI, Claudio Mario Aretio, Acireale, 1903,
e la bibliografia degli scritti aggiuntavi. — Il viaggio in
Ispagna del Vettori è fugacemente ricordato nella monografia
di F. Niccolai, Pier Vettori, Firenze, 1912, p. 9.
Missiva del Sig' di Configue al duca di Savoia, da Vitoria,
16 aprile 1526, con informazioni sulla regina Eleonora e i figli
ostaggi di Re Francesco. — Altra missiva da Sevilla, 14 mag-
gio 1 5 26, ove accenna di presto sbrigare la missione nel Porto-
gallo (A. Segre, Documenti di Storia sabatida, Torino, 1903,
pp. 176 sgg.).
L'umanista spagnuolo Juan de Vergara ricorda le sue pere-
grinazioni in una epistola poetica pubblicata da A. Bonilla (t/«
manuscrito de la Biblioteca Nacional Matritense con versos de Juan
de Vergara, in Anales... Madrid, 1903... pp. 172 sgg.).
... Atque ego non paucas peragravi glorius vrbes,
hispanas gallasque simul flandrasque potentes,
germanasqueetiam. Quaruni ipse illustria gesta
perdidici. Vidi Burgos mercântibus vrbem
claram, et Valsolti confiniae pulclira coloni,
inclytaque intraui Toleti mœniasaepe.
Quae Tagus auriferas ainbit iaculatus arenas
Lisbonae et portus ; Meritaeque et mœnia priscae,
lata amplos quondani circuncingentia campos.
Secobiam atque Abulam, et te Salmantica docta
multoties adii, nec non et plurima nostrae
oppida quae taceo patriae
596 ARTURO FARINELLI
Erano troppo scarse e troppo vaghe le notizie suUe peregri-
nazioni ispaniche degli umanisti tedeschi che offrivo nelle D.
pp. 16 sg. — Neir Ars versificandi Conrad Celtis frustava già
la voga dei lontani viaggi (nella Gallia, in Ispagna, nella Pan-
nonia, ecc). — Pasquillus, eroe di un singolarissimo libello
PasquUhis Marraniis cxitl {sta.inpato a Wittenberg, nel 1520)
prétende di esser passato, con Carlo V, dalla Spagna in Ger-
mania, per fuggire la vita corrotta alla corte di Roma (vedi
lo studio Marrano, in Stiidi letter. e linguist. deJ. a Pio
Rajna, Firenze, 191 1, p. 542 ; W. Brecht, Die Verfasser der
Epistolae Obscuroriim Viroriim, Strassburg, 1904, p. 196). —
Era in Ispagna, intorno al 15 15, Wilibald Pirckheimer, e di là
facevasi venire uno dei nipoti che allora studiavano a Bolo-
gna. — Da Roma, verso il 1520, recavasiin Ispagna alla corte
di Carlo V, Georg Sauermann, autore di un' arringa in versi
assai letta ai suoi tempi, Hispaniae consolatio. — In Ispagna
similmente vagô alcun tempo, sempre con fissa la suaGerma-
nia, le sue selve, isuoi prati in cuore, Peter Lotichius. Si veda
una elegia sua (lib. II, 11), De peregrinatione in Hispaniam.
— Fra i compagni nel terzo viaggio in Ispagna (1526) dei prin-
cipe palatino Friedrich von Wittelsbach (B. N. 45) era pure
l'umanista Johann Lange di Lôwenberg (vedi Bauch, Beitràge
::iir Literaturgesch. d. schksisch. Hunianisiiius, nella Zeitschr. d.
Fereins f. d. Gesch. Schlesiens, XXXIX, 179 ; e vedi la nota
seguente sui ricordi dei Lange Ispagna). — Lessi poi il volume
dei Chytraeus, Hodeporicu, sive Itineraria, ecc. {Deliciae
Variorum Europae itinenuii). che ancora non conoscevo ail'
epoca délie D. (p. 17). Vi è accolta unepistola, Valentia
(p. 313), di G. C. Scaligero.
Un Hispanianun Elogium figura nel libro di J. Vaerthus,
Phonicis sive consecraliouis Augustae, Antverpiae, 1562, fol. 21-
26 (è registrato nell' Eiisayo dei Gallardo, IV, 849).
1526. — A. Hasenclever, Die tagebucharligen Anfxeichnun-
gen des pfàl:(ischen Hofar:^tes D. Johanncs Lange iiber seine Reise
nach Granada im Jahre 1J26, nell' Arçhiv f. Kulturgeschichlc,
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 597
vol. V(i907), pp. 385-439 (fu tra i Baschi, in Castiglia, a
Jaen, Tornô daGranada passando a Toledo e a Madrid) ; vedi
anche G. Lacombe, Les Basques en 1J26, nella ^evue de Lin-
guistique. . . del 1 9 1 2 .
Era nella Spagna e nel Portogallo, intorno al 1535, An-
dreno Boorde, autore di un primo Baedeker per l'Europa,
Itinerary of Europe (1542).
1535-1537. — Non dovevo scordare nelle D. la nunziatura
in Ispagna di Giovanni Guidiccioni e lelettere important! che
concernono questo viaggio (ediz. Minutoli, Firenze, Barbera,
1867). Il Guidiccioni andô in Ispagna il 24 gennaio del 1535,
e tornô in Italia il 28 agosto del 1537 (si veda sul Guidic-
cioni : M. A. Benincasa, Giovanni Guidiccioni scrittore e diplo-
matico italiano del secoJoXVI, del 1895 ; E. Chiorboli, Giovanni
Guidiccioni, nella Bihliot. letter. délia Rornagna, N. i, Jesi,
1907 ;e un saggio di R. Fornaciari, nel vol. Fra il niwi'o e
Vantico, Milano, 1909). •' \\
È manoscr. alla Hofbibliothek di Vienna (N. 6621-43) una
Instrutlione per il Nitntio di Portogallo Gerolamo Capo di Ferro,
ijfehbraio 1^)7.
1538 sgg. — Sui frequenti viaggi diplomatie! nella Spagna,
nel Portogallo e ail' estero di Luis Venegas de Figueroa vedi
il denso volume di A. Danvila y Burguero, Diploniâticos Espa-
holes. Don Cristovalde Moura primer Marqués de Castel Rodrigo,
Madrid, 1900 (cap. 11, vi, ecc). Qui pure copiose notizie sui
viaggi dei monarchi di Spagna (cap. xxvii, Viaje del monarca
castellano. Viaje de la corte d Valeiicid).
1541. — Si aggiunga alla 5., N. 27, una Relaciâ inedita de la
vinguda à Mallorca del Emperador Carlos V y de su expediciô ù
Alger, scritta da Gabriel Sampol nel 1541 (vedi Boletin de la
Sociedad aqueolôgica Luliana, 1904, marzo).
Nelh Revista Europea del 1879, A. Rodriguez Villa riferiva
sulla fuga a Toledo e il soggiorno nel Portogallo di Doiia
Maria Pacheco, sorelladi D. Diego de Mendoza. Délie Memo-
rie scritte da questa gentildonna sembra non esservi ormai
più traccia.
598 ARTURO FARINELLI
Repertorio de todos los caminos de Espana compuesto por Pero
Juan de Villuga, Médina del Campo, 1546 (ne diede una ri-
stampa récente Archer M. Huntington).
1547-1552, — Suir insegnamento e le tormentose vicissi-
tudini del célèbre George Buchanan nel Portogallo chiamatovi
corne illustrazione délia novellauniversità diCoimbra, vedi il
saggio di G. J. G. Henriques, Buchanan in Portugal del vol.
miscellaneo : George Buchanan : A mémorial . ijo6-i^o6. Con-
tributions by varions luriters, compiled and edited by D. A. Mil-
lar... St Andrews, 1907 (7° studio).
1548. — Particolari sul viaggio in Ispagna dell' imperatore
Massimiliano I (D. p. i5)troviin un' indagine di H. Krei-
ten, Der Briefivechsel Kaiser Maximilians I mit seiîier Tochter
Margareta, Wien, 1907. — Nell' Ensayo del Gallardo (IV,
1222) si registrano le Copias nuevamente hechas sobre el gran
recibimiento que se hi^o al Principe Maximiliano en esta villa de
Valladolid, 1548.
Ricorderô una ristampa del poema descrittivo délia Sigea
(D. 75) aggiunta al volumetto di P. AUut, Aloysia Sigéa et
Nicolas Chorier, Lyon, 1862 (a pp. 64 sgg. notizia sul sog-
giorno di Sigea nel Portogallo) ; un'altra curata da Fonseca e
Pinto col titolo A flor de marniore. . .
1548. — Un esiratto délia Rela:(ione (stesa dal dotto uma-
nista e musicista bergamasco Cerbonio Besozzi) del viaggio in
Ispagna, compiuto nel 1548, dal cardinale Cristoforo Madruzzo
si stampô in un opuscolo per 7io~~e Giuliano Del Rio, Trento,
1885. — Vedi ora nelle Fontes reruni Austriacarum, I p.,
Scriptores, 9° vol. : Die Cbronik des Cerbonio Beso:^:^. 1^48-6^
erlâutertu. herausg. v. W. Friedensburg, Wien, 1904.
Un' Islru^ioiw per V ambasceria affidala ad Annibale Merlani
pressa Filippo II re di Spagna nel IJS9 ^ riprodotta nella Riv.
stor. artist. e archeol. d. prov. di Alessandria, III (1901).
Un anno dopo era in Ispagna alla corte di re Filippo l'am-
basciatore lucchese Andréa De' Nobili. Al suo viaggio accènna
S. Bongi, neir opusculo, // Principe Don Carlo e la Regina Isa-
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 599
bella di Spagna seconda i documcnti di Lucca, Lucca, 1887,
p. 107. — Posteriori a quella data sono le relazioni date in
luce da A. Pellegrini, ReIa:(iom inédite di anibascialori lucchesi
alla Carte di Madrid nei sec. XVI-XFII, Lucca, 1903.
Dovevano ricordarsi per nécessita dietro l'Alberi le relazioni
di Spagna e del Portogallo (Soriano, Quirini, G. Soranzo,
P. Tiepolo, Antonio Tiepolo, Cavalli, Badoero, L. Donato,
Mocenigo, Contarini) accennate e discusse nel lavoro assai
pregevole di Willy Andréas, Die venetianiscben Relâtionen und
ihr Verhàliniss ■^nr Kultnr der Renaissance, Leipzig, 1908. Qui
si osserva che non tutti gli ambasciatori offrono descrizioni
dirette; parecchi desumono le notizie loro candidamente dai
precursori ; il Soranzo dipenderebbe del Tiepolo ; il Correr
dal Quirini ; tutti caratterizzano gli Spagnuoli assai sfavo-
revolmente. A pp. 119 sgg., è riassunta la bella caratte-
ristica deU'imperatore Carlo V fatta dal Mocenigo, « ein Mei-
sterstûck aller Menschendarstellungen ». — Oraè in luce un
volume curato da Arnaldo Segarizzi (Rela::joni degli ambascia-
tori veneti al Senato, Bari, 19 12. Scrittari d'Italia).
Fu in Ispagna nel 1562 il letterato bassanese G. Betussi, con
tutta probabilità mandatovi dal Vitelli, che fu pur lui in
seguito in Ispagna. Non conosco memorie di questi viaggi ; e
nemmenoa G. Zonta che del Betussi raccolse parecchie notizie
(Note Bctussiane, nel Giorn. star. d. letier. ital., LU, 350 sgg.)
sono note le lettere che il Betussi scrisse da Barcellona al Con-
tile (Lettere di Luca Cantile, Pavia, 1564, p. 4 18, losettembre
1562 : « So d'avervi scritto almeno trevolte daldi che ricevei
lalettera vostra data in Barcellona. » — E il 29 maggio 1563 :
« Niuna occasione mi poteva esser più grata che il vostro
ritorno e che vi siate conservato sano... in cosî lungo viaggio e
per terra e per mare »).
Torno a consigliare uno studio sui comici italiani in
Ispagna, che recheràcerto nuova luce alla storiadel teatro. Aile
peregrinazioni ispaniche del Ganassa accennavo negli Ap.,
p. 178, e nelleZ). p. 21. Prima certamentedel i574era in Ispa-
éoO ARTUBO FARINELLI
gna. Sul soggiorno a Madrid, a Sevilla ealtrove nella penisola,
neldecennio 1 574-1 584, vedi l'articolodel Cotarelo, nelh Rcv.
deArch.y Bibl. y Museos, 1908, XIX, 42 sgg. E bisognerà cor-
reggere la nota che al Ganassa dedica H. A. Rennert, nel
paziente e dotto libro, The Spanish Stage in the tinie of Lope de
Vega, New York, 1909, p. 479. Si vedano i Nuevos dates
acerca del histrionisiiw espanol en los siglos XVI y XVII, del
compianto C. Pérez Pastor, ndBulL hisp. del 191 1.
1 562-1 565-1566. — Su Jean Ebrard in Ispagnasi vedano le
lettere e i document! messi in luce da E. Cabié, Ambassade en
Espagne de Jean Ebrard seigneur de Saint-Snlpice, de IJ62 à ij6j,
et mission de ce diplomate dans le même pays en ij66, Albi, 1903.
Ritengo datino dal 1 567 alcune Epistolae di « Johannes Ton-
ner a Triebpach in Hispania », dirette all'arciduca Rodolfo
d'Austria, manoscr. alla HofbibJiothek di Vienna (N. 9103).
Dai manoscritti délia medesima biblioteca(N. 9371) rilevo :
Johannes Michaël Thonet, Relatio Germaniae ad qnendam
imperatorem de Statu Belgii regii etjoederati nec nonregni Hispa-
niarum.
Altro manoscr. délia « Hofbiblioth. » (N. loioo, 17) :
Dialogus ger manie us Henrici II régis Galliae et Ludovicii XIII
de itinere in Hispaniam nuptiarum gratia suscipiendo.
Ricorda i peregrinaggia Santiago délie confraternité svizzere
E. A. Stùckelberg, in un articolo délie BasJer Nachricbten,
1903, pp. 190-196 che ancor non lessi, e in una nota di
aggiunta : Schivei:;erische Santiagopilger, dello Schwei:(eriscljes
Archivji'ir Volkskunde, vol. VIII, pp. 61 sgg. (qui si riproduce
il documento délia fondazione délia confraternita di Sachseln) '.
Sul pittore e poeta Caxesi in Ispagna (verso il 1567 ? —
vedi D. p. 76), una lettera di Léo Rouanet, (spcntosi pur
lui ormai !) nella Rev. de Arch., Bibl. y Museos, gennaio
del 1904.
Di due viaggi in Ispagna compiuti tra il 1569 e il 1572, dà
I. Sul IFainJcrlicd filr Raisende Lent del Fischart, si veda A. Hauffen,
Fiscbart-Siudien, nell' Eupliorion, XI, 56 sgg.
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO éoi
notiziaCh. Mirschauer, nella i?(T/<^ du Nord, agoslo 191 1 : Le
voyage en Espagne de Nicolas de Leucaigne et de Philippe Prévost.
Nessuna menioria di Spagna trovo nelle Lettere di Giuliano
Goselini (Venetia, 1592 ; sul suo viaggio ved, Ap., p. 308).
Solo visiaccenna con insistenza ail' ambasciata in Ispagna del
Torre, posteriore al viaggio del Goselini di più di un decen-
nio.
Spiacemi non conoscere ancora un libro di Gilbert James
Coleridge e Marion Coleridge ; Jan Van Elselo : Account of his
adventures during the reign of His Most Catholic Majesty Pln-
lipp II, kiiig of Spain, London, 1902.
Délia relazione di Gaspar Aguilar, hiestas nupciales que la
ciudad de Valencia hiio al casaniiento de Felipe II, v'è una nuova
ristampa (non vénale) curata da Francisco Carreres Vallo,
preceduta da uno studio biografico e bibliografico di Francisco
Marti Grajales, Valencia, 19 10.
1571. — Giovasi délia relazione inedita del viaggio del car-
dinale Alessandrmo (Giov. Battista Venturino da Fabiano,
ved. Ap., p. 174, 308), A. Pellizzari, nel saggio, Feste, Gioie e
Veste nu:;ialidel Cinquecento,m Rivista d'Italia, settembre 191 1.
Del latinista bergamasco Gian Pietro Maffei (chiamato a Li-
sbona nel 1572 percompilare la storia portoghese ^dell' infante
D. Enrico fino a re Sebastiano, e restatovi per circa un decen-
nio), è memoria nel saggio cit. di P. Peragallo, Cenni intorno
alla colonia italiana in Portogallo... Torino, 1904.
Sul Granvella in Ispagna {Ap., p. 309) avrei dovuto ricor-
dare il volume di M. Philippson, Fin Ministeriuni unter Phi-
lipp IL Cardinal Granvella am spanischen Hofe, IS76-S6,
Berlin, 1895 (pp. 67 sgg. viaggio del Granvella in Ispagna).
1577. — Una Descriiione del Portogallo, ignoro di quale
autore, è tra i manoscr. délia « Hofbibliothek » di Vienna
(N. 6752, 2). — Similmente a Vienna è pur manoscr. un
Itinerario overo descrittione di Portogallo et Historia di quel Regno,
1577. —N. 6977, 3.
1575. — Una relazione, ritengo ancora m3.noscTina, Las vis-
602 ARTURO FARINELLI
tas del Rey de Castilla y Portugal en Guadalupe, aiio 1575, è
ricordata nell' Ensayo del Gallardo (IV, 15 14).
A Celio Magno, che fu in Ispagna con l'ambasciatore Badoero
(^Ap., p. 177) dedica parecchistudi A.Pilot : FilippoII di Spa-
gna in iina can^one inedita di Celio Magno, nella Nnova Rasse-
gna, Firenze, 1905. — Del protestantesimo a Vene:(ia e délie poé-
sie religiose di Celio Magno, nell' Ateneo Veneto, vol. XXXII»
fasc. 1-2.
Sul Sassetti (5., N. 38 ; Ap., p. 175 ; D. 20) vedi Zaccaria,
Contributo allô studio degliiberis)ni in Italia, Torino, 1905. —
Su Antonio Veneziano (^Ap., p. 176), L. Natoli, Prosae pro-
satori siciliani del secolo XVI, Milano, Palermo, 1904, e una
memoria (a me ancora sconosciuta) di F. Biondolillo, Un
ignoto manoscritto di Antonio Veneziano, dall' Archivio storico
siciliano, N. S. anno XXXVII, Palermo, '1912.
Sul Peregrino curioso del Villalba vedi una brève notizia nell'
introduzione del Serrano y Sanz al vol. Autohiografias y Memo-
rias, Madrid, 1905, p. lxxxvi sg. Non sarà possibile rintrac-
ciarne la continuazione ? Sono sfuggite al Serrano le memorie
di Juan de Vargas, che narrano gli infiniti vagabondaggi in
Ispagna e un po' per tutti i regni. Si stamparono, tradotte
non so in quai modo, da G. Navarin, Les Aventures de Don
Juan de Vargas, Fa.ns, 1853 (Bibl. Elzév.)
Dair Archivio di Stato Mediceo estrae notizie sul soggiorno
in Ispagna (a Madrid, a Barcellona, verso il 1579) di Luigi
Dovara (successo a Antonio Serguidi), G. Sommi Picenardi,
Luigi Dovara gentil iionio cremonese agente mediceo alla Cor te di
Filippo II, neir Arch. stor. ital., Ser. V, tomo XLVII (191 1)?
PP- 63 sgg.
Ricordavo nelle D. p. 75, il viaggio in Ispagna di Thomas
Wyatt. Un poeta ben maggiore, lo Spenser sembra sia pure
stato in Ispagna, verso il 1579, al seguito del duca de Leices-
ter. A me sfugge una sua epistola latina, in cui narra dove r
peregrinare nelle contrade più remote ; « per inhospita Gau-
casa longe Perque Pyrenaeos montes Babylonaque turpem »,
e nella Spagna, e a Roma, ecc.
VIAÛGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 603
1 583-1 586. — La biblioteca di Corte di Vienna conserva
manoscritto di Vincenzo Gradenigo (N. 6744) un Registro di
lettere di Spagna, clie comprende gli anni 1583-86.
1583-90. — Sul soggiorno del de Ségusson in Ispagna si
veda lo studio di A. Mousset, Un résident de France en Espagne
au temps de la Ligne (i j S j-ij^o), Pierre de Ségusson, Mamers,
1908.
Fu affidata a Pomponio Torelli, verso il 1584, una mis-
sione diplomatica in Ispagna per ottenere dal re la restituzione
del castello di Piacenza. Poco si sofferma su questo viaggio
(già ricordalo dall' Affô, Meniorie degli scrittori e letler. par-
rnigiani, vol. IV, p. 273), A Barilli, Nuova Biografia di Pom-
ponio Torelli e critica délia sua tragedia Vittoria, Parma, 1903,
pp. 12 sgg. A Barcellona il poeta délia Merope dev' essersi
trovato col Principe di Sulmone, col Barone Sfondrato, con
Bonifazio Vannozzi. — Il Vannozzi spagnolizza a piacere
nelle sue epistole, e ricorda il gran viaggio (^Delk Lettere
Miscellàme..., Venetia, 1606). Scrive ad un ignoto, I, 8 :
« Quello che mi paia délia Corte di Spagna... lo vedrà... e
l'intenderà nell' alligato toglio... Quivi si tratta di cose mas-
sime, di negotii sodi... lo non vorrei non esservi stato per
quanto m'è cara la vita... »,
1584. — L'amico D. Joaquim de Araujo m'indica un' epi-
stola sfuggitami nelle D. : Sul commercio dei prodotti délie Indie
Orientali. Lettera informativa di Luigi Verato da Lishon'a al Con-
sole délia Repuhhlica Vend a a Madrid, V maggio MDLXXXIV,
Venezia, Antonelli, 1873 (di 43 pp.). Verato era ancora a
Lisbona nell' anno successivo, 1585.
1585. — Aile mie note sul viaggio di Carlo Emanuele Fili-
berto (^/)., p. 30, 113; D., p. 20) s'aggiunga una notizia
di F. Carreras y Candi, Carlos Manuel de Saboya en el Carna-
val de Barcelona (ano de ij^'^j), nella Cultura Espahola del
1908, febbr., pp. 10 sgg.
Aile notizie sui viaggi e le csplorazioni di Francis Drake (5.,
45 ; D., p. 21) s'aggiungan le Noticias historiales de las con-
604 ARTURO FARINELLI
qiiistas de Tien a Firme di Fray Pedro Simon (1604), sulle
quali riferisce G. Jenner, A Spanish account of Drakes voyage,
nella EngJish HistoricaJ Rcview del 1901, pp. :\6-66. — E si
veda la tesi di John Arthur Ray, Drake dans la poésie espa-
gnole (^i^jo-ij^i), Chartres, 1906.
1587. — Vedo registrato dal Gayangos, Catalogue of the Mss.
in the Span. lang. in the Brit. Mus., IV, 85 una relazione :
Fr. Garcia de Loaysa à Maiheo Vasque^ sohre la visita de Ron-
cesvalles por los de la Camara y respnesla de Su Majestad, 2} Fe-
brero ijSy.
1587. — Pure al British Muséum (Egerton 311) conservasi
una relazione manosc. : Visits to shrines in Spain, Provence and
Italy in ij8/ by a proxy of Philipp IL
1588. — Manoscr. alla « Tournay Library » : Journey of
the Comte de Solre, Sieur de Molenbais, froui Solre, near Dinanl,
in Belgium, to the court of Philipp II of Spain i^SS: vîa Genava.
Sui viaggi di certo Fabrizio Ballerini che in in Ispagna verso
il 1588, vedi un opuscolo di P. Tommasini-Mattiucci, Un
viaggiatore perugino del secolo XVI, Perugia, 1906.
Ricordavo nelle D., p. 75 il viaggio in Ispagna del milanese
Pietro Monti, assai stimato e benvoluto da Leonardo da
Vinci. Un altro milanese, Giov. Ambrosio Mazzenta, scultore
di valore, felice possessore dei più preziosi manoscritti vin-
ciani recavasi un secolo dopo in Ispagna, nel 1589 (Alcune
Memorie de fatti da Leonardo da Vinci a Mi la no e de suoi lihri
del P. Don Giov. Ambrosio Ma~~enta milanese Chierico... ripr.,
nel Buonarroti, série II, vol. IX, pp. 168 sgg.).
Sembra sia pure st:Uo in Ispagna, verso la fine del 1500,
Scipione Mercurio, a cui il dottissimo Teza dcdicava una
memoria : Scipione Mercurio e gli Errori popolari d'ItaJia, in
Atti e Mem. d. R. Ace. d. scien~e, lettere e arti, Padova, 1902.
N. S., XVIII, 189-205.
1589. — Vedo erroneamente attribuita a Walter Raleigh
una variante del discorso registrato nella B. 46, stampato a
parte, già nel 1589 (prima che nella raccolta dell' Hakluyt) :
VIAGGl E VIAGGIATORl NELLA SPAGNA E NEL l'ORTOGALLO 605
A True Coppic of a Discourse ivritien by a Gentleman employée
in the late Voyage by Spaine and Portiîigak, sent to bis particular
friend, and by him pnbUshed, for the better satisfaction of ail sitch
a<; having been seduced by particular report bave entered into con-
ceipts tending to the discrédite of the enterprise and actors of the
same, London, 1589.
Il viaggio del Barbetta è ricordato nelle D., p. 21, con la
dataerronea del 1590 ; si corregga 1592, e si indichi più esai-
tamente il titolo : Itineris a Veneiiis in Hispaniani et iiide in
Americam et Africam suscepti descriptio ; la relazione, è stesa in
tedesco, ed è dedicata « praeposito Berchtegadensi » (cod.
8916 délia Palatina di Vienna).
Di un viaggio in Ispagna del poeta John Donne, compiuto
certamente nell' ultimo scorcio del 1500, prima che il Donne
fosse secretario di Lord EUesmer non trovo memoria nei due
vol. di E. Gosse, The life and letters of fohn Donne (Dean of
St. Paul), London, 1899; ^'^ l^i riprodotta una lettera del
Donne diretta al Buckingham quand' era in Ispagna col prin-
cipe de Wales (1623), vol. II, p. 176 : « I can thus far make
myself believe that I am where your Lordship is, in Spain,
that, in my poor library, where indeed I am, I can turn
mine eye towards... In any profession from the mistress ofmy
youth, Poetry... Their authors in Divinity, though they do
not show us the best way to heaven, yet they think they do
(non ho tra mani l'ediz récente : The Poems of fohn Donne,
ed. by H. J. C. Grierson, Oxford, 1912, 2 vol.).
Credo si debba far risalire ail' ultimo decennio del 1500 il
Romance del viaje. . . à Sevilla del Gôngora, che io ricordai nelle
D., pp. 26 sg. Si aggiungano altri Romances che celebrano
altre peregrinazioni del poeta : quello a Granada p. es. (del
1598 ?) : « Ilustre ciudad famosa », tcc. che figura nel Roman-
cero gênerai, del 1600 (9^ parte, pp. 515-516); quello poste-
riore di alcuni anni (1609) a « Galicia » : « Oh montanas de
Galicia », ecc.
Vedo ricordato nella memoria del Bonilla, La vida del
6o6 ARTURO PARINHLLI
P icaro (^Revue hisp., IX, 34), certo satirico Itinerario escrito de
Burgos à Cn'stôbaî Pere^ tninistril de Segovia del dottor Juan
de Salinas.
1599- — Dovevo avvertire negli Ap.^ p. 183, che la Rela-
cion del viaggio a Valencia di Filippo III (1599) è opéra di
Luis Velez de Guevara. Si vcda A. Paz y Melia, Nuevos datos
para la vida de Luis Vele:{ de Guevara, nella Rev. de Arch.,
Bibl. y Museos, del 1902, p. 129 ; e le Notas di F, Pérez y
Gonzalez ail' ediz. del Diahlo cojuelo, Madrid, 1903 (qui appare
col titolo Las hodas de los Catôlicos Reyes de Espana Don
Felipe m y Doha Margarita de Ausiria). — Si aggiunga la
relazione poetica di Lope de Vega, El viaj'e y fiestas que se
hicieron à Felipe III en Dénia, Valencia, 1599.
1599. — Sul viaggio dell' arciduca Alberto {B. 50) si veda
l'opuscolo di Arnaud d'Agnel, La venue à Marseille en ij^^ de
la reine d'Espagne Marguerite et de Varchiduc Albert, Paris,
1907. — E aggiungasi alla B. (50), agli Ap. (pp. 183) e aile D.
(p. 24) una Brève narra tione di quanto passa appo la persona
deir m. et ecc. Signor Contestabile di Castis;lia dal giorno che
parti, fino a che ritornô a Milano con la Seren. et potent. Regina
Margarita, Milano, 1599.
Era manoscritta alla Nazionale di Madrid, alcuni anni or
sono, e destinata alla pubblicazione, unacuriosa autobiografia,
ch'io ancora non lessi : Vida y Memorias del licenciado Grego-
rio de Tovar {iS4j-i6^6). — Accennavo fugacemente negli
Ap. (pp. 184 sgg.) e nelle D. (pp. 21 sgg.) aile peregrina-
zioni per le terre di Spagna e fuori di esse di alcuni avventu-
rieri, soldati, comici, che scrissero più o meno fantasticamente
le memorie loro. Di Alonso Contreras occorreva pure ram-
mentare un suo Derrotero del Mcditcrraneo, frutto délie espe-
rienze avute nei lunghi viaggi, e in cui gran parte è fatta alla
Spagna. Pur non dovevo tacere i Comentarios deldesenganado...
di D. Diego Duque de Estrada {Mémorial historico espanol,
vol . XII), il Cavallero venturoso di Juan de Valladares de Val-
delomar (dato in luce dal Bonilla e dal Serrano), e parecchie
VIAGGI E VIAGGIATORI MELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO éoy
altre narrazioni autobiografîche registratc e studiate da
M. Serrano y Sanz nel vol. Aulohiografias y Mcmorias cokccio-
nadas é iliistradas (N liera BihJ. de Aiif. Esp.), Madrid, 1905,
pp. xciv sgg.
Ricordo qui, congiunte, le relazioni lucchesi che si esteii-
dono dal 1592 al 1674, e pubblicate da A. Pellegrini, Rela-
~/o«/ inédite di ambasciatori lucchesi alla corie di Madrid (sec
xvi-xvii), Lucca, 1903 :
1=" relazione di Compagno Compagni che rimase quattro
anni a Madrid (1592), pp. 11 sgg.
2* — di Lorenzo Bonvisi e Alessandro Gabrielli
(1599), PP- 15 sgg.
3* — molto ampia di Damiano Bernardini rimasto
dieci anni alla corte (1602), pp. 18 sgg.
4" — di Alessandro Lamberti (1605), pp. 24 sgg.
5" — di Sebastiano Gigli (1610), pp. 30 sgg.
6* — di Bernardo Minutoli (161 5), pp. 39 sgg.
7^" — molto estesa e importante di Attilio Arnolfini
che fu tre anni alla corie (iéi8), pp. 43 sgg.
8* — di Cesare Burlamacchi (1622), pp. 57 sgg.
9^ — di Lorenzo Cenami, che fu tre anni a Madrid
( 1622, giunse alla corte nel 1 6 1 9), pp. éo sgg.
10* — di Jacopo Arnolfini (1644), PP- ^^ sgg.
n' — di Alessandro Massei, ambasciatore résidente
per tre anni (1646), pp. 72 sgg.
12^ — di Giovanni Guinigi, ambasciatore, pur rimasto
tre anni (1649), pp. 80 gg.
13* — di Pietro Guinigi e Claudio Bonvisi (1666),
PP- 84 gg-
14* — di Lorenzo Cenami, che passô altri nove anni
circa alla corte (1674), pp. 87-96.
Chiama l'Arnolfini (relaz. 7*, pp. 51) la cacciata dei Mori
compiuta da Filippo III, « la più pia e la più eroica attione
che quai si voglia romano imperatore, e cristianissimo re,
potesse mai fare ; generosa, poichè per quella non solo
6o8 ARTURO FARINELLI
corse S. M. gran pericolo che queirinnumerabil quantità di
ferocissime bestie li facesse immortal guerra..., ma ancora per-
ché non bastô per tenerlo indietro il grand'interesse di stato
che dovesse la Spagna et i suoi stati niancar di tanta brava
gente da Guerra... E dove poichè vi puoneva la sua potente
mano poteva far morir tal diabolica gente, perché non li
facesse mai più guerra, non pati il suo hunianissimo quore che
si spargesse tanto sangue humano ». — Dice di re Carlo II il
Cenami (rel. 14^', p. 94) : « Non sarà ornato di scienza, di
lingue, né di cognitioni politiche, per che non l'hanno mai
potuto soggetare allô studio che Tabborrisce più délia morte
e l'attrista a segno di farle danno alla sainte ; fugge il maestro, et
un giorno, trovandomi con la Marchesa Aya in uscita, mi
sentii afferrare da una parte ; voltandomi viddi essere la M. S.
che lo fuggiva, né sono certo che siano ancora arrivati alla
félicita che sappia scrivere il suo real nome. »
XVII SECOLO
Sul Cortese, che purviaggiô in Ispagna (D., p. 24), si veda
A. Ferolla, Ginlio Cesare Cortese, pocta napoleiano del secolo XV II,
Napoli, 1908.
Seguono da più anni le discussioni suUe Filippiche (Ap.,
pp. 183 sg. ; D. p. 24), che nella Bibl. Univ. del Sonzogno
ancora si stampano corne opéra del Testi ; vedi : Rass. bibl. d.
Ictter. ital., XI, 231 ; A. Belloni, Le Filippiche e la « Pietra del
Paragone », per nozze Pellegrini-Bu:^;}, Verona, 1903 ; G. Rossi,
Saggio di tina bibliografia ragionata délie opère di Aiess. Tassoni,
Bologna, 1908; G. Rua, Tassoniana, Nuovi documenii per la
storia délie Filippiche, nel Giorn. star. d. letter. ifal.,L, 369 sgg.
Dimenticavo io pure negli /]//). la traduzionc castigUana di una
Filippica, indicata nel Catal. del Gayangos, I, 856 (opusc. di
10 pp.).
1603. — Una brève parte è pur fatta alla Spagna nelle
Reldciones de Don Juan de Persia... divididas en très libros, donde
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 609
se tratan las cosas notables de Persia, la genealogia de sus Reyes,
guerras de Persianos, Turcos y Tartaros, y las que vido en el viaje
que Uzp à Espaha ; y su conversion y la de otros dos Cavalleros
persianos, V^WzàoXxà, 1604 (vedi fol. 161 sgg.) •
1603-1604. — La relazione del viaggio in Ispagna di Bar-
thélémy Joli {B., N. 56) è ora a stampa nel XX vol. (1909),
délia Revue hispanique (cita Lope « poète fort estimé », il
Botero, l'autore del Giiimân de Alfarache, Huarte, Juan de
Mal Lara, Mariana, i Valdés, ecc).
Al Cervantes attribuivasi erroneamente una Rclacion de las
fiestas de Valladolid, scritta da Antonio de Herrera, corne
dimostra C. Pérez Pastor, Documentos Cervantinos, II, 411-
418. — Si aggiunga agli Ap.,p. 184, perle peregrinazioni
del Cervantes, lo studio di Martinez Ruiz (Azorin), Rnta de
Don Ouijote, Madrid, 1905 (r' edizion), e Madrid, 19 12,
(2^ ediz.). Non conosco che dal titolo una Relatione di qnanto
è successo nella città di Vagliadolid dopo il felicissimo nascimento
del Principe di Spagna D. Filipo D. V., Milano, 1608 (com-
prende 116 pp. di una Miscellanca Milancse^.
1605. — La embajada de Lord Noltingham à Espana en 160; ,
fa parte del vol. di Ramirez de Villa-Urrutia, Ocios diplomàti-
cos, Madrid, 1907 (qui pure vi figura: La jornada del Con-
destablc de Castilla à Inglaterra para las paces de 1604).
1 605-1 606. — Un manoscritto délia Bodleiana (D. 1286)
che contiene la relazione del viaggio di un anonimo, Italy and
Spain, 160^-06, è registrato nell'ottimo volume diE. S. Bâtes,
Toiiring in 1600. A Study in the Development of Travel as a
Means of Education, London, 1912, p. 393 (si veda particolar-
mente la 3^ parte : The misunderstood West, del cap. Christian
Europe, pp. 162 sgg.)
Polevo io pure ricordare che nel 1607 si stampô a Anversa
la descrizione del Nunez : Ludovicus Nonnius, Hispania sive
de oppidis , fluminibusque veteris Hispaniae (ne\h Hisp. illustr.
dello Schott, IV, 431 sgg.). SuUa descrizione ancora inedita di
Pedro Teixeira, compilata intorno al 1630, vedi l'articolo di
Mélanges. II. 39
élO ARTURO FARÎNELLÎ
A. Blâzquez, La âcscripciôn de las Costas de Espaha por Pedro
Teixeira Albernas, nella Rev. de Arch., Bibl. y Muscos, del
1908, pp. 364 sgg., che offre stampati i primi due capitoli.
1608 sssT. — Suir ambasciata del conte Orso d'Elci a
Madrid, che favoriva il duplice matrimonio fra le case di Spa-
gna e di Francia, vedi l'indicazione del carteggio col gran-
duca Ferdinando I, di altre lettere a cardinali, ecc. ; e varie
minute scritte dall' ambasciatore toscano a Madrid negli anni
iéo8-iéi8, nella Revista del le Bibliotecbe, gmgno-lu^lio, 1904
(Carte del Conte Orso D' Elci-Pannocchiescbi acqnistate dal R. Ar-
chivio di siato di Firen:^è).
Peregrinô pure in Ispagna, nel seconde decennio del '600,
Peter Mundy, le cui memorie di viaggio or si stampano dalla
Hakluyt Society, Séries II, vol. 17.
Le peregrinazioni in Ispagna di César Oudin si ricordano
negli Ap., p. 184. Dalla ristampa délia Galatea del Cervantes
(161 1) risulta che l'Oudin fu pure nel Portogâllo : « passando
a Portugal, y llegando a una ciudad fuera de camino llamada
Evora, ecc. »
Nel Càtal. del Gayangos, I, 355, è registrata una brève Rela-
cion de Espaha, manoscr. del i6io(« a niiscellaneous collec-
tion of tracts, compiled from varions authors, and intended
for a description of Spain : Costuinbres de Espana difereiites de
[las de] otras naciones^.
Per la relazione, incompleta, di un viaggio d'anonimo com-
piuto nel 16 12, indicata nella B. 58, vedi E. Guillon, Deux
voyages en Espagne au XVII^ siècle, nella Revue hispan., del
1902, IX, 511 sgg.
Avevo spedito a D. Pedro Roca, a Madrid, già nel 1902, un
ampio estratto délia relazione latina manoscritta Peregrinus,
sive Peregrinalor terrestris et coeleslis del medico di Kônigsberg
Caspar Stein {D. p. 27), ma, non so come avvenne, la copia
mia si smarri, e alla morte del Roca non s'è più trovata tra le
carte lasciate dall' estinto. Sarà bene tornare a chiedere il
manoscritto dello Stcin alla biblioteca dell' Università di
Kônigsberg.
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 6l I
Di alcune memorie del « maestre de campo » Alvaro de
Paz Villalobos : Servicios... à los Reyes Felipe II y III, en Ita-
lia, Flandes, Portugal y las Indias, Madrid^, 1602, non ho che
una notizia vaghissima.
161 5. — Una brevissima relazione di Fr. Luys Soleto con-
cerne più ritalia che la Spagna : Relacion verdadera del recibi-
viiento que Papa Paulo V y los cardenalei hi:^ieron en Rovia al
cinbaxador de los Japones, que des la Citidad de Seuil la partie cl
a ùo passado, Sev'ûla, 1616.
Non avrei dovuto dimcnticare negli Ap., e nelle D. le
Rcla:^ioni snlla Nnn::jatiira in Ispag)ia del Cardinale Bentivoglio
(vedi l'edizione di Colonia, 1632). La Palatina di Vienna con-
serva manoscritte (N. 6739, 24) Treinta y cinco Cartas del
Cardenal BenliboUo tradiicidas de Italiano en Castellano escritàs
al Duque de Monteleon à Bruselas y à Madrid, 1618-1620. —
E vedi del cardinale Bentivoglio le Memorie, Milano, Daelli
1864.
Si aggiunga aile notizie sui viaggi dell' Hovvell {B. N. 69)
la curiosa allegoria Howelliana Dodona's Grove, or the Vocall
Forest (1640), di cui conosco una traduzione francese : La
Deudrologue ou la Forêt de Dodone, coin posée de plusieurs arbres
mystérieux sous l'ondnx desquels il est discouru critiquement des
plus mémorables occurrences amenées en France, en Angleterre, en
Italie, en Espagne... depuis Van 1600 jusqu'à présent par
J. Hoiuell, gentilhoninie breton-anglais, Paris, Courbé, 1641 (v'è
anche una versione latina del 1641). — E vedi G. Jùrgens,
Die Epistolae Ho. Elianae. Ein Beitrag :{iir englischen Lilteratur-
geschichte '(in Marburger Studien :iur englischen Philologie) y
Marburg, 1901.
Alla 5. N. 65 e aile D., p. 28 s'aggiunga una nuova e scru-
pulosa edizione del viaggio del Lithgow, The totall Discourse
of the Rare Adventures and Painefull Pérégrinations of long Nine-
teen Yeares Travayles from Scotland to the most fanions King-
domes in Europe, Asia and Affrica, Glasgow, 1907.
1620 sgg. — Registriamo y vari viaggi in Ispagna (1620;
6l2 ARTURO FARINELLI
1639 ; 1643) dell'agente diplomatico modenese Ippolito
Camillo Guidi, di cui stampa ora il iMorel-Fatio, nel Bull, ital.,
del 1913, l'interessantissima Cadiiia del Conte d'Olivares,
scritta a Madrid nel gennaio del 1643.
Pare si recasse in Ispagna verso il 1623, col vescovo di
Bertinoro, nionsig. Massimi Nicolô Strozzi, e vi abbia cono-
sciuto personalmente Lope de Vega. Stampa un sonetto di
Lope allô Strozzi, L. Fasse, in Scriiti vari di erudi^. e di critica
in onore di R. Renier, Torino, 19 12, p. 405.
Ne la B. N. 70, ne le mie aggiunte {Ap., pp. 186 ; 311 ;
D., pp. 28 sg. ; p. 77) ricordavano una stampa barcellonese di
una relazione del viaggio del principe Charles Stuart, ripro-
dotta in facsim. da Archer M. Huntington (1902) : Relacion de
la salida que hi:(0 desta villa de Madrid el Serenissitno Principe de
Gales, à mieve de Setiembre deste ano de 162), Barcelona, 1623.
Si veda anche una notizia nel Boletin de la Sociedad Castel-
lana de Exciirsiones, luglio, 1 908 : El Principe de Gales en Val-
ladolid en 162^.
Era pure del seguito del principe, Sir Richard Wynn che
scrissele sue memorie di viaggio, stampateda Thomas Hearne
in appendice alla Historiac Vitae... Ricardi //(1729), e ripro-
dotte, nel 1845, da Halliwell-Phillipps nell'edizione dell'auto-
biografia di Simonds d'Ewes (1602-16 50).
1 624. — E manoscritta alla Nazionale di Madrid (N. 6043) ;
vedi Rev. deArch., Bibl. y Miiseos, vol. VIII, 1904, p. 95, una
Nolicia de algunos lugares de Andalucîa, de relaciones de Gabriel
del Santans que con comisiôn de su Mages tad por el aho pasado de
1624 anduvo por algunàs partes de Espaûa, recogiendo y obser-
vando lo niâs notable de algunos pneblos para la descripciôn gênerai
de Espaûa que se habia encargado à Juan Bautista Labana (vedi
D., p. 77).
1624. — E nota un' cpistola del Quevedo : Carta al mar-
qués de Velada y de San Roman, dandole cuenta delviaje de Anda-
lucia con el rey Don Felipe IF, che puô leggersi nella Bibl. de
Aut.Esp., XL VIII, 521, ed è ricordata dal Rodriguez Marin,
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 6l ^
Pedro Espinosa, Madrid, 1907, p. 260 (si aggiunga alla B., 71).
Délia nobile Anna Douglas, confessa di Morton, che viaggiô
e soggiornô in Ispagna nei primi decenni del 1600, è memoria
neir opéra del Serrano y Sanz, Escritoras espaholas, Madrid,
1903, I, 346 : « Un distinguido bibliofilo nos dijo que D* Ana
habia estado en Espaiia y publicado la relaciôn de su viaje,
de cuya obra ténia él un ejemplar. » Ma forse la notizia è erro-
nea. Délia Douglas non è a stampa che un libro di preghiere,
edito più volte sin verso il i6éé.
Ricordi di un milite portoghese Miguel Leitào de Andrade
che partecipô aile campagne del re D. Sebastiano, in un biz-
zarro volume, Miscellanea, Lisboa, 1629.
Fr. Luis dos Anjos è autore di un Jardim de Portugal, Coim-
bra, 1626.
1626. — Non so se sia già a stampa la Relaciôn del viaje y
enirada en Madrid del Cardinale Barberino, che vidi mano-
scritta alla Nazionale di Madrid (ind. ant. H. 10). Si aggiunga
aile notizie délia B. N. 74 ; Ap., p. 187 ; D., pp. 30, 78, una
Relaciôn de la partida que 1)1:^0 el Conde de Ohate para la raya de
Aragon, movendo ail' incontro del Cardinal Barberino,
Madrid (vedi Gallardo, Ensayo, I, 390).
Sul conte Giambattista Ronchi résidente estense a Madrid
(1630-163 3) ha promesso da parecchi anni un lavoro Paolo
Negri.
Il Caîal. del Gayangos, IV, 157, registra tra le descrizioni
dei viaggi in Ispagna : Risbie's Journey froni Briisscls to England
(nel 3° decennio del 1600). Da Bruxelles il viaggiatore pas-
sava nella Spagna e nel Portogallo, e risaliva per la Francia.
Ai viaggi in Ispagna del Voiture edel Saint-Amant acennavo
nelle D-, pp. 32 sg. (vedi ora E. Magne, Voiture et les origines
de l'hôtel de Rambouillet..., Paris, 19 13). Occorreva pure indi-
care il viaggio e il lungo soggiornô fatto alla corte di Madrid
da Antoine de Metel sieur d'Ouville, di cui è memoria nei
Contes aux heures perdues, Paris, 165 1, vol. I, p. 477 : « Ne
vous estonnez point si vous voyez en ce présent volume
6 14 ARTURO FARINELLI
plusieurs contes des Espagnes. L'Autheur qui a fait ce recueil
y ayant demeuré sept ans dans la Court, et la langue espa-
gnole luy estant fort familière n'a pas voulu oublier ceux
qu'il a remarquez dans ce pays... « Analoga affermazione nel
vol. III dei Contes, p. 406 : « ...pour avoir demeuré sept ans
entiers à Madrid et prenant plus de plaisir à la lecture espa-
gnole qu'à la française... (e vedi Tallemant des Réaux, Histo-
riettes, III, p. 167; A. L. Stiefel, nella Zeitschr. f. fran^.
Sprache n. Liter., XXVII, 192).
Negli^/j., p- 311 ricordavo i viaggi in Ispagna del Brignole
Sale e di Paolo Riccio. Avrei forse dovuto aggiungere un
altro secentista genovese Tommaso Oderico, autore délie
Muse CastigUane (R. Soprani, Scrittori délia Liguria, Genova,
1667, p. 271), e il genovese Tommasi Sibori che scrisse e
rimo in castigliano parecchio (un vol. suo manoscr. è regi-
strato neir Ensayo del Gallardo, IV).
Dovevo similmente indicare altre ambasciate in Ispagna
ordinate dagli estensi, oltre quella del Testi (^Ap., pp. 188 sgg.)
e ricordare le missioni anteriori del conte Ercole Rondinelli,
del Cardinale Alessandro d'Esté (16 14), ecc. Per il Testi si
veda una memoria di V. Santi, // processo e la condanna di
Fulvio Testi nel 7617, nel Giorn. stor. d. letter. ital.,LlY, i sgg.
1634. — La Nazionale di Madrid (Mss. P. V. Fol. 8,
N. 64), conserva il manoscr. autografo di una Rclacion de un
viaje que hi^o desde Madrid à Palermo, D. Gaspar de Salcedo '
(Palermo, 2 febbr. 1634).
Sugli Itinerari allestiti da Martin Zeiller di Ulm (B. N. 63)
vedi una fugace notizia nella Beilage der Allgemeinen Zcitnng,
del 1904, N. 245 : Ein Baedeker vor 2)0 Jahren.
Su Godofredo Riques, agente délia Danimarca in Ispagna,
verso il 1638, ved. E. Gigas, nella Revue hispanique, XXIII
(1910), pp. 575 sgg.
1640-1644. — Sarebbe ormai tempo che si raccogliessero e
si stampassero, ordinate e illustrate, le relazioni sugli amba-
sciatori estensi alla corte di Madrid, non meno importanti cer-
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 6l $
tamente délie relazionilucchesi. Dell' ambasciata del P""' Ippo-
lito Camillo Guidi inviato alla corte di Spagna dal duca Fran-
cesco 1° d'Esté (vedi l'articolo cit. del Morel-Fatio in una nota
précédente) sappiamo ancora ben poco. Tutto il carteggio,
che lo Justi cita nel suo Vela^qiie'^, riposa negli archivi di
Modena. E non offre più di un aridissimo elenco G. Ogni-
bene nel suo libro Le relayioui délia casa d'Esté coW estera,
Modena, 1903. Ora il Sig'' U. Dallari gentilmente mi comu-
nica trovarsi nell' archivio di Stato di Modena che dirige
tredici minute délie istruzioni avute dal Guidi per la sua
missione, e quattro intere buste del voluminoso carteggio
guidiano con notizie interessantissime intorno alla corte spa-
gnola nel 1643 e la disgrazia del Conte Duca. II 1° ottobre
del 1640 il Guidi ebbe udienza a Madrid dal Conte Duca;
rimase alla corte sin verso la fine del 1644. Gli successe, in
qualità di agente estense, il nipote capitano Pietro Giovanni
Guidi.
Assicura in certe sue rime il Busenello : « E perché havea
superà el francese j Andai subito in Spagna vittorioso... » ma
forse è immaginario questosuoviaggio, e appaiono calcati sui
soliti modelli due suoi sonetti su Madrid ed una sua Descri-
tione di Madrid. Si vedano / sonetti niorali ed amorosi di Gian
Francesco Busenello (i 598-1659). Testo critico per cura di
A. Livingston, Venezia, 1911, p. 112. E, del medesimo
Livingston, La Vita vene^iana nelle opère di Gian Francesco
Busenello, Venezia, 191 3, p. 80.
Spiacemi non avère che una vaghissima notizia délia
missione diplomatica in Ispagna del toscano Monsignor
Lorenzo Corsi, avvenuta, se non erro, intorno al 1640.
1640 sgg. — Rimembra le missioni in Ispagna di H. Han-
nibal Sehest, di H. W. Rosevinge, il dotto E. Gigas nella sua
intéressante pubblicazione : Notes du Voyage en Espagne {1640-
41) du Médecin Otto Sperling, nella Revue hispanique, XXIII,
5 34 sgg. (Su altri ambasciatori di Danimarca in Ispagna [il
Lerchefu in Ispagna dal 1650 al 53 e dal 1658 al 62], vedi
6l6 ARTURO FARINELLI
E. Gigas, Lettres inédites de quelques savants espagnols au
XFI^ siècle, nella ^^z;. hisp., XX, 424).
1640. — F. Rodriguez Marin nel suo bel volume su Pedro
de Espinosû..., Madrid, 1907, p. 308 dà notizia del Panegyrico
nupcial : Fiagedel ExccJcntissiino Seiior Don Gaspar Alouso Pere::^
de Gu:(nian, Duque de Médina Sidonia... en las hodas cou la
Excelentisima Senora Doha Jnana Fernande^ en Cordoha...,
Cadiz, 1640, che io ricordai nelle D., pp. 36 sg.
Neir Inventario délia collezione Edouard Favre (Bnlle-
letin hispanique, XIV, 93) trovo indicato una Relation du
voyage fait en Andalousie par D. Luis [Mende^] [de Haro [Soto-
mayor y Gu:;inan\ Comte-duc d'Olivares (tra il 1645 e il
1649).
1649. — Si ricordi a proposito del viaggio di Maria Anna
d'Austria (B., 81) l'entusiastica descrizione e l'inno sciolto da
D. Juan de Mendoza nella « comedia » del Calderôn, Guar-
date del agua mansa (Jorn., I).
Pare varcasse la frontiera e giungesse in Catalogua il
poeta Jean-François Sarasin, benchè le ultime lettere sui suoi
peregrinaggi non datino che dalla Francia. Vedi il cap. Der
Feld:(ug in Catalonien und Sarasins Tod, dell' opéra prolissa
di M. Mennung, Jean-François Sarasin s Leben und Werke,
Halle a S., 1904, II, 425 sgg.
1655. — Sul viaggio del Brunel (5. N 83) vedi J. de
Armas, Antonio Brunel y su viaje d Espaha en 16; j, nel vol.
Ensayos de literatura inglesa y castellafia, Madrid, 1909 (e vedi
Espana futura, del 19 10, genn.-febbr.-marzo).
1657. — Un « romance » che fa parte di certo Poenm di
P. Pedro de Quiros, tattora manoscritto (a Sevilla?), è ricor-
dato neir Ensayo del Gallardo, IV, 18 : « Dale cuenta à
Ardenia del Viaje de Olivares. Lunes 4 de diciembre 1657 ».
Per le spedizioni aile frontière délia Spagna del conte di
Souvigny si vedano : Mémoires du comte de Soiivigny, lieutenant
général des armas du Roi, pidiliés d'après le manuscrit original
par le baron Ludovic de Contenson. Paris, 1906 (ora, se non
erro, è a stampa solo il 1° vol.).
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 617
Ricordo qui Vltinerario historial di Alonso de Andrade,
neir ediz. Madrid, 1647 (ve n'è una posteriore, Lisboa,
1687). E ancora : un' arida descrizione di A. Saur, Stàtte-
Buch oder ausfuhrliche Beschreibung der filrnehmsten Stàtle, Plàt^
imd Festimgen meistens in Europa, aiich in anderen Teilen der
gantien Welt. Fortgesetzt durch H. A. Authes (con moite in-
cisioni), Frankfurt a. M., 1658.
A complemento délia relazione di viaggio elencata nella
B. 90, s'aggiunga la Relaciôn de la Jornada que la Condessa
de Escalante [Dotia Maria de Guevara] hi:(o â Ja ciudad de Vito-
ria à bessar la mano â Su Magestad, ricordata dal Serrano y
Sanz, Escrîtoras Espaholas, I, 474 ; deve trovarsi ancora
manoscritta alla Nazionale di Madrid).
1662. — Èsepolto air Archivio di stato a Parma il car-
teggio di Giuliano Ardinghelli che recossi in Ispagnae nel Por-
togallo per i preparativi délie nozze di Alessandro Farnese
con Maria di Portogallo. Si veda J. de Araujo, 0 Conde de
Mansfelt eni Portugal, in Revista, Porto, 1903, fasc. III. —
Per altre notizie di stranieri, diplomatici ecc. alla corte di
Castiglia a quell' epoca si veda il 1° vol. dell' opéra di G.
Maura Gamazo, Carlus II y su corte, i vol. (1661-1669),
Madrid, 191 1.
1666. — Sul viaggio da Madrid a Rovereto dell' infanta
Margarita Maria, sposa ail' imperatore Leopoldo I d'Austria,
{Ap., p. 191), si veda una notizia nel Bolet in de la R. Acade-
mia de la Historia, 1903 maggio (vol. XLII, pp. 376 sgg.).
Per i viaggi del Fanshawe (Ap-, p. 190), ved. J. W.
Mackail, Sir Richard Fanshawe, in Transactions of the Royal
Society of Literatare, XXVIII (1908), fasc. 2. — Additavo le
Memoirs ofAnn lady Fanshaïue, nell' edizione del 1829 ; or
converrà ricordare quella curata daJohnLanc, London, 1907.
1666 sgg. — Dei vari viaggi in Ispagna di Domenico
Laffi (^/)., p. 191) (fu, come già si è avvertito, tre volte a
Santiago : una prima volta nel 1666, con D. Morando Conti,
Nicolo Mantuani, Francesco Magnaghi — una 2^ nel 1670,
él8 ARTURO FARINELLI
col pittore Domenico Codici — una 3^' nel 1673 con Fra
Giuseppe Lipparini ; si spinse allora sinoa Madrid) tocca fuga-
cemente G. Rossi, Roiicisvûlle uei ricordidi un pellegrino del 600,
nel FanfnUad. Djincnica, XXV (1903), pp. 9 sgg. (ora nel
vol, Varielà kttcraric, Bologna, 19 12, pp. 135 sgg.)
1667-68. — Nelle mie aggiunte era pure scordato il viag-
gio del Potemkin. Si veda : La Russie du XFII^ siècle dans ses
rapports avec V Europe centrale. Récit du voyage de Pierre Potem-
kin envoyé en andmssade par le tsar Alexis Mikhaïlovisch à Phi-
lippe IF d'Espagne, et à Louis XI F en 166S. Précédé d'un
aperçu... par le Prince Em. Galitzin. Paris, Baudry 1853
(quivi il Journal détaillé de Tamhassade... en Espagne, i66j,
166 S).
1669. — Estratti di un Itinerarium Hispanîcu(in') compilato
da Frate Simon Gansler « Guardiano Landishutano », nel 1669,
sono comunicati, con scarse note illustrative, da L. Pfandl,
nella Revue hispanique, XXIII, 411 sgg. {Ein Beitrag ^ur Reise-
literatur iiher Spanien ans einer Handschrift der Miinchener Hoj-
und Staatsbibliothek).
1669-70. — Di un manoscritto di memorie del conte
Ercole Zani (Bibl. univ. di'Bologna, col. n. 3830) : Fiaggi per
ritaJia, Francia, Spagna, Portogallo, Inghilterra, Alemagnay
Polonia, Moscovia, Sve^ia e Danimarca, dà succinta notizia L.
Frati, I viaggi del conte Ercole Zani, Bologna, 191 1 (estratto
dal VArchiginnasio, VI, 1-2). Lo Zani si recô nel 1669 nel
Portogallo, e passô nell' estate del 1670 a Madrid, dove ri-
mase 45 giorni; in seguito si recô a Zaragoza e a Barcelona
(notizia cortesemente comunicatami dal Frati).
1670. — Di una Relacion de un viaje hecho desde Madrid à
la ciiulad de Argel para rediniir cautivos, en el aîio iSyo, è data
notizia nel Bolelin de la R. Sociedad Geogrâfica, del 1907.
Dclla Jornada de Madrid, Madrid, 1672, di A. Ribeiro de
Barros non ho che una vaghissima notizia.
Al viaggio in Ispagna di J. Limberg von Roden (1673)
allude fugacemente E. Gigas, nella Revue hispanique, XXIII,
P- 575-
VIAGGI E VIAGGIATORI NELI.A SPAGNA E NEL PORTOGALLO 619
Col viaggio del de Senecé (D., p. 42) avrei pure dovuto
rammentare quello nel Portogallo del poeta Antoine de La
Fosse, sieur d'Aubigny. Or no so bene in quale anno l'ese-
guisse.
Dal Catal. del Gayangos (Colleclanea Historica, I, 300)
estraggo la notizia di un Itlnerario que lleva eJ Set""" Senor
Don Juan \de Austria ] desde esta cor te à la Coriiha (1675 ?),
manoscr. al British Muséum.
1677. — Il medesimo Catal. (I, 392) registra una relazione
abbreviata del viaggio che figura nella 5., 107 : Diario del
viage que el Rey nueslro Senor [Carlos II] hi~o al Reyno de
Aragon.
Di Pedro Cubero Sébastian (5. 108) si ricordi anche
l'edizione di Valencia, 1697, délia Descripciôn gênerai del
mundo y notables sucesos que han sucedido en él, con la harmonîa
de sus tiempos, ritos, cereinonias, costumbres y trajes...
1678 sgg. — Sui frati Francesco da Portomaurizio e Paolo
da Varazze, attivi nel Portogallo si veda un brève art. già
citato di A. Ferretto, Contributi aile relaxjmii tra Genova e
Lisbona, in Giorn. ligust., XXII, 12 sgg.
Qualche particolare aggiunto alla relazione del viaggio
pubblicata nel Bull. hisp. del 1902 (Z)., p. 79) puô vedersi
neU'articolo del compianto Rodrîguez Villa, Dos viajes regios,
nel Boletin de la R. Academia de la Historia, Madrid, 1903,
pp. 250 sgg.
Memorabilia Europae, oder Denckwiïrdige Sachen, Welche
Ein Reisender in den fiïrnebmsten Slàdten Europae heu tiges Tages
observiren und in Acht ^w nehnien bat. Nunniehr aher, ^^umfilnf-
ften mal, An vielen Orten vermehret und verbesserl, Ulm, 1686
(ne ignoro l'autore, e pur mi sfugge la data délia prima
stampa).
Considéra pure la Spagna, corne m'avvcrte l'amico R.
Béer una relazione satirica, ancor manoscritta alla Palatina
di Vienna (14117, 2), Nerone pellegrino per le principali reggie
d'Enropa.
620 ARTURO FARINELLI
Si noti una miscellanea di Pascual Ribeiro Coutinho,
Jornada de la Reyna de Portugal y fiestas que en el viaje se le
hicieron hasîa llegar â la cortc de Lisboa. — Entrada del Embaxa-
dor, Conde de Fillar-Mayor, Manuel Telle- de Silva, en la Cor te
de Heldemberg — Fiestas que se celebraron en Lisboa desde ii de
Agosto hasta 2j de Octubre, Madrid, 1687. E si veda Fr. da
Fonseca, Embayada do Conde de Villarviayor Fernando da Sylva
de Lisboa à Corte de Vienna e viagem da Rainha Senhora Maria
Anna de Austria de Vienna à Corte de Lisboa, Vienna, 1717.
Si aggiunga alla B. 115 e aile D. p. 44, un Relate del
viaje hecho por los quefueron â recibir D"" Mariana de Neoburgo,
manoscritto alla Nazionale di Madrid (T. 250).
Fra le descrizioni del Portogallo converrà pure registrare
quella del visconte Julio de Castilho, A Ribeira de Lisboa.
Nella Turbia Aganipe, miscell. poetica manoscr. di Vicente
Diaz de Montoya (Gallardo, Ensayo, II, 767) figura certa
« carta », satirica « à un amigo... describiendo un viaje de
Madrid â Canencia (1696).
Soggiornô a lungo in Ispagna e nel Portogallo, sulla fine
del 1600, il capit° John Stevens (morto nel 1726), ma non
so se nel British Muséum si conservino le memorie délie sue
peregrinazioni.
1698. — Per il viaggio di François de Tours, cappuccino
predicatore (5. 123), si veda ors. Deux voyages en Espagne...
cit. ndh Revue hispanique, IX (1902).
SulGemelli Careri (Ap., pp. 194 sg. ; D. p. 44) si veda
oltre il saggio del Magnaghi : F. A. Numari, Un viaggiatore
calabrese délia fine del secolo XVII, Messina, 1901.
XVIII SECOLO
Si aggiunga alla B., 120 : Voyages faits en divers temps
en Espagne, en Portugal, en Allemagne, en France et aille-urs par
Monsieur M*** (con 12 incis.) Amsterdam, 1700.
Non è ricordata nelle D. la descrizione : Spanien, des
Kônigreichs, Land-Staats- und Stàdt-Beschreibung, luorinnen von
desseuLager, Grànt^en, Fruchtbarhit , Inniuohnern, Regentenelc,
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 621
luie auch von denen da:(îi gehôrigen Kônigreichen und Provin:(en so
wol hin Europà, ah auch in Asia, Africa und America gehan-
delt wird (con 13 incis.), Leipzig, 1700.
Si aggiunga alla B., 125 C, un art. di M. Rosi, Un rice-
vimenfo regio al principio del settecento {Filippo V a Genova^
Firenze, Collini, 1906; S. M.U]ica, Los Viajesreaks deantatio...,
in Eiiskakrrianen-AIde., 191 1 marzo.
Al N. 132 déliai, s' aggiunga ora : Madame des Ursins
et la succession d'Espagne. Fragments de correspondance publiés
par M. le duc delà Tréinoille, l^lumes, 1903 (due vol.). E si
completi la mia nota sull' Alberoni {Ap., p. 196): E. Bour-
geois, La diplomatie secrète an XVIII'^ siècle. Vol. II, Le secret
de Farnèse. Philippe V et la politique d' Alberoni, Paris, 1909.
1700-1701. — La brève relazione del viaggio in Ispagna
di Louis François d'Harcourt si stampô da L. Barrau-Dihigo
nella Revue hispanique del 1908, pp. 248 sgg.
1706 sgg. — Da una relazione del viaggio in Catalogna
deir arciduca d'Austria, ormai irreperibile^ J. R. Carreras
y Bulbena toglieva le notizie per un suo articolo : Caries
d'Austria y Elisabeth de Brunsiuich Woljfenbiittel a Barce-
lona y Girona, Barcelona, 1902. Si veda anche il cap. Visites a
Montserrat de Caries, Arxiduch d'Austria, régnant a Catalunya
del libro cit. di F. Carreras y Candi (^Visites, ecc. pp. 343
sgg.). E si ricordi una descrizione in versi del Montserrat
del P. Eura, Descripciô de la montanya y santuari de Montser-
rat. Poesia catalana del siglo XVIII publicada enter amente con-
forme con el manoscrito original, por D. Florencio Janer, Madrid,
1859 ; e una collana di versi assai curiosa, La musa lalina en
Montserrat. Antologia de poetas latinos de los siglos XVI y XVII
que da à luT^ por ve^ primera con un estudio bibliogrâfico D.
Jaime Collell, canônigo de la catedral de Vich, Barcelona,
1893.
1711-13. — Un articoletto di G. Doublet, Un ambassadeur
ariégeois en Espagne à la fin du règne de Louis XIV (lyii-
171 ))i in Bulletin périodique delà Société Ariégeoise des Sciences,
622 ARTURO VARlNELLI
Lettres et Arts, vol. IX, Foix, 1904, descrive l'ambasciata
presso Filippo V di Jean-Louis d'Usson, marchese di Bonnac
(1672-1738).
17 18. — Un estratto delT autobiogralia di un commesso
viaggiatore di Strasburgo, J. E. Zetzner è ora a stampa
nella Pjviie d'Alsace, 1905-1907 : R. Reuss, Un voyage
iï affaires en Espagne en ///(^ (Anche a parte, Strasbourg, 1907).
E. R. Roth, MeniorahUia Eiirop., anserks. Denchuurâig-
keilen, luelche ein curieuser Reysender in Eiiropa ;(// observiren.,
Ulm, 1719 (debbono precedere a questa edizione parecchie
altre).
1727. — Duolmi di non aver ricordato negli Ap. e nelle
D. la Relaciôn del viajc del Marqués de !os Balhases desde Madrid
à Lisboa, comunicata da A. Rodriguez Villa nel suo saggio,
La Embajada extraordinaria del Marqués de los Balbascs d Por-
tugal en I72y, nella Revisla de Archivos, Bibliotecas y Museos
(antica série), II, 192 sgg.; 205 sgg. ; i 225 sgg.; 237 sgg., e
a parte, xMadrid, Rivadeneyra, 1875.
1728. — Sul viaggio del D'Arvillars alla corte di Madrid
si veda una brève memoria de A. Giarrusso, Istru^ioni al
Marchese d'ArviUars, niinislro pieniontese a ^Madrid nel 172S,
Catania.
1729. — Un fugace accenno al soggiorno in Ispagna di un
missionario gesuita destinato aile Filippine, in un brève arti-
colo di V. W. Eymer, Leben und Schicksaledes Missionàrs Lau-
rni~John S. J., in Deutsche Arbeit, del 1906, V, 373 sgg.
Ignoro l'autore di certa Description de la Fille de Lis-
bonne, où l'on traite de la Cour, de la Langue Portugaise et des
Mœurs des Habitans, stampata a Parigi, nel 1730.
Negli archivi di La Haya è sepolta ancora una parte
assai cospicua del carteggio dei vari ambasciatori d'Olanda in
Ispagna, nella prima meta del 1 700.
Negli Ap., p. 198, ricordavo la autobiografia curiosissima
di Diego de Torres Villarroel, che ora puô leggersi nitida-
mente stampata nella collez. Clàsicos caslellanos, vol. 7° : Vida,
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 623
ascmdencia, naciiiiiento, crian::a y aventuras del Doclor Don D.
de T. V... (Introduzione e note di F. de Onis), Madrid,
19 12. Vedi lo studio de A. Garda Boiza, Don Diego de
Torrcs Villarocl. . . , Salamanca, 1 9 1 1 .
Per alcune missioni in Ispagna verso la meta del 1700
vedi Andrés Jiménez Soler, CabaUeros espanoïes en Africa y
africanos en Espaha. Notizie \n Revue hispanique, del 1908; G,
Desdevises du Dezert, U)i consul général de France à Madrid
sous Ferdinand VI (i'/4S-ij)6) (trattasi délia gestione del
console M. Partyet e délie sue esperienze alla corte di Ca-
stiglia).
Ricordo qui una traduzione tedesca (di N. Carstens ?) di
certe memorie del danese Erich Pontoppidan, professore di
teologia a Kopenhagen {Meno:;;a, en asialisk prinds, 3 vol.
1742), sfuggitemi nelle D. : Meno~a, \ Fin j asiatischer Prinl'^
I ivelcher die IVelt iunherge~ogen, \ Christ en \ -// suchen | Beson-
ders in Indien, Hispanien, Italien, \ Frankreich, Engelland,
Holland, Teutschland, \ nnd Danemark, \ aber des Gesuchten
îuenig gefunden, Copenhagen, 1750.
Se non erro, pure alla Spagna si estendono le memorie
di un avventuriere fiammingo : Der reisender Avanturier. Oder
sehr incricwiirdiges Leben und Begebenheilen eines flanilàndischen
Ritters, Frankfurt a M., 1749.
Nel 1749 fu nel Portogallo e in Ispagna il célèbre pit-
tore Joshua Reynolds. A Menorca cade da cavallo e riporta
una ferita al labbro (si veda la monogratia di P. Ortlepp, Sir
Joshua Reynolds..., Strassburg, 1907).
1753 sgg. — Una dissertazione di B. Mildebrath, Die
deutschen « Avanturiers » des XVIII Jahrhunderts, Grafenhaini-
chen, 1907, ricorda, pp. 68 sgg., due peregrinaggi in Ispagna :
Der russische Avanturier- lyjj ; l'avventuriere, prigioniero
de' Turchi, è liberato da una nave da guerra spagnuola e con-
dotto a Barcellona. Qui si bisticcia con un prête ; passa aile
carceri dell' inquisizione ; ma gli amici vengono in soccorso e
gli agevolano la fuga a Marsiglia. — Der Leip:{igcr Avanturier-
624 ARTURO FARINELLI
77/^; da Parigi, dove trovasi con un portoghese, va a
Madrid, Toledo, Sevilla, Cadix, Lisboa. Di qui passa in
Inghilterra.
1754. — Si aggiungano al Journal del Fielding (JB., 149),
le lettere scritte durante il soggiorno nel Portogallo. Di due
bellissime epistole, dirette da Lisboa al fratello, dà notizia A.
Dobson, i\é\2i National Revieiu del 19 11, agosto.
Poco è noto délie peregrinazioni ispaniche di Henry
Lloyd, scrittore di cose militari, stimato assai dal Carlyle, inti-
missimo un tempo dei fratelli Verri. Dava di lui notizia Pie-
tro Verri in una lettera del 15 settembre 1759 {Lettere e scritti
inediti di Pietro e di Alessandro Verri, 7 éd., C. Casati, Milano,
1879, I, 49) : « ha vissuto molto in Italia e nella Spagna, e
ne conosce assai bene le lingue... Visse in Barcellona assai bene
col marchese (de las Minas) che non potendogli dare un
impiego se non nel militare, lo appoggiô a Madrid, al signor
Watt, secretario di gabinetto del re cattolico. Ivi lavorô...
ritornô a Barcellona, qcc ». Si veda anche L. Ferrari, Del
Caffè, periodico milanesc del secolo XVIII ^ Pisa, 1899, p. 16;
E. Masi, Gli avventurieri (nel vol. coll. La Vila italiana nel
Settecento, pp. 87 sgg.). Del Lloyd cercai invano le Memorie,
tradotte in parte in francese, Mémoires poliiiqiies et militaires...,
Paris, 191 1. — Or, dopo scritta questa nota, leggo il Car-
teggio di Pietro e di Alessandro Verri, a cura di F. Novati e E.
Greppi, Milano, 19 10, e vi trovo, nei 2 vol. pubblicati, fre-
quentissimi accenni al Lloyd e alla sua estrema volubilità.
In una nota fugace degli Ap. (p. 198) indicavo il nome
di alcuni italiani che soggiornarono nella penisola nella 2"
meta del 1700 (il Signorelli nella commedia Faustina ricorda
ancora Placido Bordoni, Giacinto Ceruti e il Conti). Or del
Signorelli saranno presto in luce altri ricordi di Spagna pro-
messi nel vol. di C. G. Menini, Pietro Napoli Signorelli. Vita,
opère, tempi, amici, con epistolario, documenti ed altri scritti ine-
diti..., Città di Castello, 191 3. — Si avvertano ancora gli
italiani chiamati da Padova ail' università di Lisbona, verso il
VIAGGl E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL POKTOGALLO 62)
1765 (Domenico Vandelli, G. Antonio délia Bella, Giulio
Mattiazzi), di cui ragionaP. Saccardo, Di Domenico Vandelli e
délia parte che ehbe lo sliidio padovano nella rifonna delV istni-
^ione siiperiore del Portogallo nel Seltecento, in Atti eMeinoried. R.
Acad. d. Scien:^e... di Padova, N. S., vol. XV (1899), pp. 71
sgg-
« Un idiota che ha pubblicato i suoi viaggi nella Spagna in
un volume^ dove l'unica cosa buona si è un disegno del Ci-
priani e del Bertolazzi », questo giudizio dava il Baretti, inuna
lettera sua, del viaggio del Twiss (Piozzi, Letters to and froin
the late Samuel Johnson, London, 1788, I, 215). — Poco soddi-
sfatto doveva pure essere il Baretti délia traduzione francese del
proprio Viaggio (B., 155 V. e Ap. p. 193) : « IFrancesi debbon
aver tradotto il mio viaggio di Spagna al modo che mi tradus-
sero un tempo il Ragguaglio d'Italia, onde questa è forse la ra-
gione che ti riesce insulso e noioso. lo non ho veduta quella
traduzione, anzi non sapevoche esistesse ». Cosi in una lettera
a Filippo Bareiti, Londra, 5 dicembre 1777, cit. da L. Pic-
cioni, Stndi ericerche intorno a Giuseppe Baretti, Livorno, 1899.
— Di un frammento di versione svedese (che neppur vedo
ricordato dal mio carissimo Piccioni), ho avuto tardi notizia :
Bref om Portugal af Joseph Baretti, of okànd hand, af Arthur
Wilhelm Costignan. Ofiuersàttning af Samuel Oedmann, Stock-
holm, 1796. — Qualche altro particolare sulla peregrinazione
barettiana in Ispagna offre U. Cosmo, G. Baretti e José Fran-
cisco de Isla, nel Giorn. stor. d. letter. ital., XLV, 280 sgg.
Ora, nella cit. miscellanea di scritti dedicata a R. Renier
(Torino, 1912, p. 365) il Piccioni pubblica una curiosa let-
tera del Baretti, ove è pur memoria délia Spagna che il
brioso scrittore avrebbe voluto rivedere : « L'aria di Spagna,
amico, m'ha fatto tanto bene... Per Dio che mi sono affatto
innamorato degli Spagnuoli, gente molto diversa da quelle
che infiniti birboni di viaggiatori ne hanno scritto. Se avessi
avuto venti anni di meno, non tornavo più indietro. Basta,
ci tornerô un' altra volta, se la Parca non mi fa'l giuoco
troppo tosto ».
Mélangks. II. 40
626 ARTURO FARlNELLl
1765. — Stampa la Lettre du comte G. Ph. Creul~ à Mar-
montel sur l'Espagne (1765), J. Vising, nella Revue hispa-
nique, vol. XXIII, ignorando serenamente che io l'avevo indi-
cata nelle D., p. 47 (la mancanza di un Indice è riuscita
fatale ai miei poveri appunti).
1767-68. — SuUa nunziatura in Ispagna di Monsignor
Lucini, del conte Ippolito Antonio Vincenti e di altri valen-
tuomini si vedrà il carteggio sepolto ancora ail' Archivio
Vaticano.
Nel 1767 G. G. Passeroni avrebbe dovuto essere com-
pagno al Lucini nella nunziatura di Madrid, ma, stretto da
altre cure, rinunciô al viaggio. Vedi V. A. AruUani, Ricerche
sulla cronologia de' viaggi di G. C. Passeroni, nel Bull. stor.
hibl. suhalp., XI (1906), pp. 239 sgg-
Citavo nelle D., pp. 49 sgg. le Meniorie del Gasanova, e
ricordavo gli articoli del D'Ancona, or riprodotti con moite
aggiunte nel vol. Viaggiaiori e Avventurieri, Firenze, 19 12, pp.
215 sgg. — Trovo, tradotto Da Wilhelm von Schûtz e
stampato nell' Urania. Taschenhiich auf das Jaljr 1S24, Leipzig,
1824, pp. 243 sgg., il Gciiiàlde ans Madrid nach Casanova. —
Nelle MenwriciyW, 387) il géniale avventuriere ricorda l'ar-
chitetto Sabatini che re Garlo III chiamava da Napoli a Madrid
per ripulire la capitale.
1767 sgg. — Brevi notizie sul doloroso soggiorno in
Ispagna di alcuni missionari tedeschi, tolti a forza dalle colonie
spagnuole dopo l'espulsione dell' ordine, nella Zeitschrij't fiir
hatholische Théologie, XXVI (1902), pp. 62 sgg. : J. B. Mund-
wiler S. }., Deutsche Jesniten in spanischcn Gefàngnissen im iS
Jahrhundert. Vi si ricorda, tra altri, con Joseph Goebel, che
risiedeva in Ispagna ancora nel 1778, Peter Weingarten (Ms.
délie sue memorie nell' ^/r/;/î/ Provinciae Gervianiae. S. J.)
scarcerato nel 1769; Josef Rapp (lettera che dcscriveil viaggio
in Ispagna nel medesimo Archiv), rilasciato nel 1769 ; Fran-
ciscus Nidutsch; BernhardMiddendorf (parte del manoscritto,
or perduto, délie sue memorie apparve nel Kathol. Magasin J.
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGKA E NEL PORTOGALLO 627
Wissenschaft u. Leben, nel 1845 : Ans don Tagehuch des iiiexi-
kanischen Missionarius G. B. M., 1 734-1776) ; Benno Ducrue
(una Relatio expulsionis... stampata da Cli. G. Murr, nel Jour-
nal :^. Kunst}^eschichte n. :;;. allgemeincn Litteratur, XII, 217-
267, Nûrnberg) ; Wolfang Bayer (mcmorie del suo viaggio
nel medesimo /oM/'mjf/, III, 113-326); Florian B. Baucke (su
di lui scrisse una memoria H. Kobler, Regensburg, 1870);
Michael Gerstner; Michael Meyer, tcc.
Accanto al Casanova avrei pur dovuto far posto nelle
aggiunte mie ail' avventuriere Gorani ches'aggirô buon tempo
nella Spagna e nel Portogallo, autore de' Mémoires secrets et
critiques des Cours, des Gouvernements et des mœurs des principaux
Etats d'Italie, Paris, 1793. Si veda su di lui il libro di Marc
Monnier, Un aventurier italien. Le Comte Joseph Gorani, Paris,
Levy, 1885 (Ricordo il Gorani negli Ap., p. 316, di sfuggita,
citando le Migalbas d'i Pinheiro Chagas).
Cita il Morel-Fatio, nel suo studio La Satire de Jovel-
lanos contre la mauvaise éducation de la noblesse (1899,
p. 18, n, 3 deir estr.), certe Cartas sobre las costumbres de la
Corte, stampate a Madrid, ma subito soppresse, e ormai irrepe-
ribili, di D. Cristôbal de Hoyo Solorzano, visconte di Buen
Paso, morto nel 1762 (noto col pseudonimo F. Gonzalez de
la Gonzalera), e rimanda ail' articolo su questo Casanova di
Spagna di José de Viera y Clavijo, Noticias de la historia
gênerai de las Islas Canarias, t. IV, Madrid, 1783, p. 555.
Nel catalogo dei manoscritti posseduti da Pascual de
Gayangos, ora acquistati dalla Nazionale di Madrid (17, 733),
trovo indicata la relazione di un viaggio fittizio di un barbiere:
Viaje de Roque Anton. Escrilo por un personage en el reinado de
Carlos III, en compania de los très herederos del lugar de Castro
Andrés : Saturnino, Firmin y Jorge (P parte^ ; cicaleggio sati-
rico sui costumi del tempo.
1780. — Richard Cumberland, autore ben noto dei 2 vol.
di Anecdotes oj Eminent Painters in Spain, prese parte coll'
abate Hussey, nel 1780, ad una missione sécréta in Ispagna e
62 8 ARTURO FARINELLI
nel Portogallo e narrô le sue esperienze nella penisola nei
2 vol. di Meinoirs of himself, London, 1807 (che io ancora
non vidi), e in un volume di scritti lasciati alla figlia, inedito
tuttora al British Muséum, Add. MS. 28851.
1782. — Di G. B. Casti ben conoscevasi la Rela^ione di un
viaggio a Costantinopoli, a tutti accessibile nella stampa di
Milano, 1822 (or lo ripubblicaF. Visconti, RoccaS. Casciano,
19 12), ma ignote ancora sono le sue memorie sul soggiorno
in Ispagna e nel Portogallo, a cui allude fugacemente Gemma
Sgrilli, Viaggi e viaggiatori nella seconda meta del settecento
{Miscellanca... in onore di G. Ma:^:^oni, II, 300). Fu il Casti in
Ispagna dal 1° aprile 1782 al i°ottobre di quell' anno, e scrisse
da Cadice, da Malaga, da Badajoz, da Lisbona lettere lunghis-
sime, le più dirette al Kaunitz (redatte in castigliano), ancor
sepolte nel carteggio del Casti alla Nazionale di Parigi (cod.
ital. 1629, pp. 34-134).
Deve aver pure peregrinato in Ispagna il fecondo ver-
seggiatore e avventuriere Giacomo Bosi (1739-1824) che,
senza quattrini, percorse l'Europa. Vedi su di lui le Noti'^ie
biografiche degli scrittori dello Stato Estense, Reggio, 1834, II,
432 (Le Lettere dei Viaggi di Andréa Benedetlo Giovanelli ^\ih\A.
dal principe A. Giovanelli, Venezia 1907, concernono i viaggi
compiuti verso la meta del 700 in gran parte dell' Europa, ma
la Spagna non vi è compresa).
Di passaggio sulla nave che da Londra salpava per Costanti-
nopoli il Biôrnstâhl, professore di filosofia ail' università di
Uppsala; vide Lisbona, Gibilterra ei monti di Granada; ricordi
fugaci nel VI vol., p. '6 dï Jacob Jonas Biôrnstàhls Briefe ans seinen
auslàndischen Reisen an den k. Bibliotekar C. C. Gionucll in
Stockholm. Aus dem Schwedischen ûbersetzt von Just Ernst
und Christian Heinrich Groskurd, Leipzig, Rostoch, 1783.
Passé pure per la Spagna il Padre Boetti, grande vaga-
bondo che scrisse le memorie délie sue peregrinazioni, trafu-
gategli poi, nel 1786, da un suo confidente. Una relazione
francese, desunta da quelle memorie tolta dall' archivio di
VIAGGI E VIAGGIATORI NRLLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 629
stato di Torino, ci è offerta da F. Picco, Un awenturieremon-
ferrino del secoh XVIII, Alessandria, 1901. E vedi un brève
cenno sul Boetti (ristampato dal Fanfulla d. Domenica, del
1881) nel vol. del D'Ancona, cit., Viaggiatori eawentuyieri,
pp. 436 sgg. (Deploro di non conoscere ancora un saggio
récente di F. Visconti, Letterati viaggiatori nel secolo XVIII,
Ariano, 1909, che, corne rilevo da una recensione, non tra-
scura le peregrinazioni in Ispagna.)
Nelle D. (p. 81) è un cenno brève aile niemorie del sog-
giorno in Ispagna di Paolo Greppi, console a Cadice, e prov-
vido di aiuti e di consiglio a molti italiani che a lui si
rivolgevano (si vedano le notizie sul Pananti). Usci nel 1902
(a Milano) il 2° vol. che annunciavo di G. Greppi, La rivoJn-
:(ione francese nel carteggio di un osservaîore italiano. Nel 1904
l'opéra si chiudeva col 4° vol. — Mi scordavo di avvertire che
del Greppi essiste manoscritta alla Palatina di Vienna (N.
6820) una Rela:^ione del. conunercio di Cadice, che data dal
1775-
Alla Palatina viennese è pure manoscr. (N. 15 188, 15)
un Rapport à M. le prince de Katmiti sur les progrès littéraires
d'Espagne di Francesca Giusti nata Manzoni, steso nel 1777.
Sono noti pochi brani del Viaggio di Cadice per Cartagena
del Marchese Azzo Giacinto Malaspina, esperto giurisconsulto
(nato nel 1746) e amico di Paolo Greppi, da uno studio di G.
Sforza, A^io Giacinto Malaspina. Un feudatario Giacobino, nel
Giorn. stor. e letter. d. Liguria (i^o}), IV, 8 sgg.
È tuttora sepolta al R. Archivio di stato a Firenze la
narrazione del viaggio in Ispagna (in Francia e altrove), nel
1785, stesa da Giovanni Battista Malaspina, di cui favella a
lungo il D'Ancona (senza perô considerare le memorie sulla
Spagna) nell' articolo Francia e Italia nel ijSô (nella relaxione
del viaggio di G. B. Malaspina), riprodotto dalla Nuava Anto-
logia (16 dicembre 1891) nel vol. cit., Viaggiatori e awentn-
rieri... pp. 453 sgg.
Ricordo, di sfuggita, nelle D., p. 81, la descrizione di
6}0 ARTURO FARINELLI
un viaggio di un tedesco alla Sierra Morena, del 1769. Nel
1788 comparve anonimo a Zurigo (ne era autore Giovanni
Pezzi), un libro, Faustin, oder das philosophische Jahrhiindert,
che descrive alquanto fantasticamente un viaggio da Genova
alla Sierra Morena in compagnia di alcuni emigranti.
1787. — Neir introduzione al suo volume Autobiografias y
Memorias coleccionadas é ilustradas {Mûdiià, 1905, p. lvii) il
Sig"" M. Serrano y Sanz registra un manoscritto, posseduto
dal Gayangos, ora alla Nazionale di Madrid : Diario de los
viajes hechos en Cataluna por D. Francisco de Zamora. Afio de
1787 (« D. Fr. de Zamora... aficionado a la Arqueologia
hizo varias excursiones por el Principado, y escribiô en este
libro sus observaciones, que no dejan de tener bastante origi-
nalidad »).
Ricorderô la monografia dedicata al colonizzatore tedesco
délia Sierra Morena, di J. Weiss, Die deutsche Kolonie
an der Sierra Morena und ihr Gritnder J. Kaspar v. ThitrriegeJ,
ein bayerischer Abenteuer des iS Jahrhunderts, Kôln, 1907
(Gôrresgesellschaft, i Vereinschr.). Il Thûrriegel giungeva a
Madrid nel 1766.
1789 sg. — Fu anche in Ispagna il conte d'Espinchal, di
cui si è recentemente pubblicato dai manoscritti originali il
Journal d'émigration, Paris, 191 2.
Non vennero in luce ancora i Diari dei viaggi del Jovella-
nos affidati per la stampa a quella fenice di critico e di eru-
dito ch'era il Menéndez y Pelayo, ora scomparso. Li ricor-
davo fugacemente negli Ap. (pp. 204; 213) e nelle D.
(p. 51). Ne dava una brève notizia il Serrano nel tomo cit.
Autobiografias y Memorias (pp. cxxix sgg.). Appena vi accenna
E. Gonzalez Blanco, nel saggio \Jovellanos, su vida y sus
obras, Madrid, 191 1. Or vedi le ultime fatiche del persévé-
rante Jovellanista Julio Somoza (che già aveva pubblicato
altri Diari : Camino del destierro. Fragmento de un diario en Pall-
demuia. Devuelta del destierro. Diario del via je de Càdi^ à
Mnros^ ; l'edizione del carteggio sobre la guerra de la Indepen-
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 631
dencia (2 vol., Madrid, 1911); e i 2 vol. Documentos para escri-
bir la biografia de Jovellanos, Madrid, 191 1.
Dalla Polonia passava in Ispagna, nel 1790, il polacco
T. Morski, autore, tra altro, délia Z,<'//r^ à Mr. Vabbède Pradt
ci-devant ambassadeur en Pologne, Paris, 18 1 5 .
Fu in Ispagna, ospite degli eremiti del Montserrat il ve-
scovo di Tarbes F. de Gain-Montaignac. Vedi la monografia
deir abate L. Dantin, François de Gain-Montaignac, evéque de
Tarbes (i'/S2-iSoi) et son diocèse pendant la Révolution, Paris,
1908.
Ricorderô una bufFa fantasia di Alexandro Mota, El triiwfo
de las castafinelas 0 mi viaje à crotalôpolis , Madrid, Gonzalez,
1792.
E memoria nelle mie D. del viaggio in Ispagna di alcuni
poeti inglesi . Anche il Wordsworth fu afflitto un tempo dalla
« Sehnsucht » per la Spagna, e nel 1792 sperava di riuscire
ad accompagnare un giovane Lord, in qualità di tutore, nei
viaggi al Mezzodi. Vide poi l'Italia, ma non la Spagna (Si
vedano le Letters of the Wordsworth Family, éd. W. Knight,
Boston, London, 1907).
Délie peregrinazioni (in Inghilterra, in Ispagna, ecc.) délia
marchesa di Lage s'aveva notizia dai Souvenirs d'émigration de
M"'= la Marquise de Lage de Volude, dame de S. A. S. Madame la
Princesse de Lamballe ij ^2-1^^4 (Lettres à Madame la Comtesse
de Montijo publiées par le baron de La Morinerie, Evreux, 1869).
Or si veda il vol. délia contessa H. de Reinacli-Foussemagne,
Une fidèle, La marquise de Lage de Volude (1764-1842^ d'après
des documents inédits, Paris, 1908.
1792-1802. Non so se sieno riuniti in un volume i nume-
rosi articoli di J. Contrasty : Le Clergé français réfugié en
Espagne, pubblicati nella Revue de Gascogne, dal 1908 al 1910,
notevole complemento ail' indagine di V. Pierre, Le clergé
français en Espagne..., Besançon, 1904 vedi nel Boletîn de là
Comisiân provinc. de Moniim. Instar, y artist. de Orense, 1904,
marzo-aprile, la Relaciôn de todos los eclesiâsticos franceses que
632 ARTURO FARINELLI
con motivo de la persecuciôn de la Iglesia y clero de Francia han
llegado à la cludad y obispado de Orense en los ahos de 77^2 à
1802. — E vedi, nel medesimo Boletin, maggio-giugno, 1908,
un resoconto, El clero francés en Galicia, 1^^2-1802).
1797. — Si vcdano le lettere scritte da Madrid di J. B. Le
Chevalier (gennaio-aprile, 1797), in appendice all'articolo di
C. Joret, Un helléniste voyageur normand, d'après sa correspon-
dance avec Bôttiger, in Mémoires de l'Académie Nat. des Sciences,
Aris et Belles-Lettres, Caen, 1903, pp. 37 sgg.
1798- 1800. — Sul soggiorno in Ispagna del diplomatico
H. Schubart, di cui esiste manoscritta alla Biblioteca reale di
Copenhagen (N. 1386'') una autobiografia amplissima, offre
preziose notizie E. Gigas, Lettres d'un diplomate danois en
Espagne (1798- 1800), nella Revue hispanique (1902), IX,
393 sgg. (Sul danese Yoldi, con cui si trovô lo Schubart, vedi
E. Gigas, Litteratur og Historié, II, Copenhague, 1899,
PP- I sgg.)
Neir opéra di R. Kôpke sul Tieck, I, 300 affermavasi riso-
lutamente di Wilhelm von Burgsdorff, vissuto in intimità col
Brinkmann, con W. von Humboldt ed i maggiori spiriti del suo
tempo : « Im Jahre 1799 ging er nach Spanien, im Spiitherbste
nach London. » Or questo viaggio è immaginario affatto, e il
v. Burgsdorff, che assai interessavasi allecose di Spagna, epro-
gettava una biografîa del Cervantes, e da W. v. Humboldt
avevasi nel 1800 a prestito tutta la biblioteca ispanica,
dovette calmare ben presto i suoi ardori. Ne mai potè metter
piede sut lidi délia Spagna. Vedi ora Wilhelm von Burgs-
dorff, Briefe an Brinkmann, Henriette v. Finckenstein, Wilh.
V. Humboldt, Rahel, Friedr. Tieck, Lud. Tieck ...hrg. v.,
A. F. Cohn, in Deutsche Leleraturdenhn. d. 18 und i^ Jahrh.
3 Folge, N. 19, Berlin, 1907 (a p. 181 si ricorda il maggiore
Peter V. Gualtieri, ambasciatore prussianoa Madrid); eEupho-
Won, XIV, 533 sgg.
Quanto al viaggio in Ispagna di Wilhelm von Humboldt,
da me descritto, ancora si aspetta la pubblicazione del Tage-
VIAGGI E VIAGGIATORI NELLA SPAGNA E NEL PORTOGALLO 63 3
buch famoso (nelle Gesammelte Schriften ?) annunziata dal
Leitzmann (D. p. 51). Per qualche altro particolare vedi
A. St^uffer, Karoliiiev. Hiiinboldt inihren Briefen an Alexander
von Rennenkampf, Berlin, 1904 ; gli ultimi 2 volumi del car-
teggio, Wilhehn und KaroUm von Humboldt m ihren Briefen y
hrg. V. A. V. Sydow (Berlin, 1907-19 10); Goethes Briefwech-
sel mit Wilhehn und Alexander v. Huniholdt, hrg. v. L. Geiger,
Berlin, 1909 (su Sagunto vedi l'introduz. ai frammenti del
viaggio in Ispagna). Vedi ancora una mia brève nota. Le
Tagehœh de G. de Hmnboldt , nella Rev. intern. de los Estudios
Vascos, VI, 558.
Sembra che parecchie lettere scritte da Filippo Pananti dalla
Spagna {Ap., p. 317) non sieno giunte mai a destinazione :
« Mi son convinto che si debbon esser perdute due lettere
che vi ho scritte da Bagneres e da Saragoza. Altri miei corri-
spondenti, a' quali scrissi nello stesso tempo, si lagnano del
mio silenzio. » {^Scritti minori, p. 296, lettera al fratello da
Sorèze, 1° febbraio 1802). Il viaggio in Ispagna era luego,
ben triste. Qualche brève osservazione suUe coste di Spagna
trovasi pure nella Rela^ione di un viaggio in Algeri, in
Opère, vol. III, Firenze, 1825.
Arturo Farinelli.
LA PREMIÈRE ÉDITION
DES ŒUVRES DE CLÉMENT MAROT
Dans l'épître préliminaire en date du 12 août 1532 placée
en tête de V Adolescence Cléinenliiie, édition publiée par Tierre
Roffet ', Clément Marot, s' adressant « a un grand nombre de
frères qu'il a, tous enfans d'Apollo », donne comme un des
motifs de la publication de « ces miennes petites jeunesses,
le déplaisir de ouyr crier et publier par les rues une grande
partie toute incorrecte, mal imprimée, et plus au proufict du
libraire qu'à l'honneur de l'autheur ».
Au f. 89 du même livre, Marot, revenant sur ce sujet, faisait
précéder un certain nombre de pièces d'un titre ainsi libellé :
Autres œuvres de Clément Marot, varlet de chambre du Roy.
Faictes depuis leage de son adolescence par cy devant incorrectement,
et maintenant correctement imprimées.
A quel volume Marot faisait-il allusion ? A ce moment le
poète s'était borné à faire imprimer quelques opuscules : Le
Temple de Cupido, YEpîIre de Maguelonne à son ami Pierre de
Provence, VEglogue sur le tresplis de Loyse de Savoye % mais
bien d'autres petites œuvres de lui circulaient dans des re-
1 . U Ai]olescence Clémentine, ant renient les Œuvres de Clément Miirot de Ca-
horscn Ouercy. Paris, P. Roffet, i2aoùt I532,in-8de4 ff.lim., ii5ff. chiffr.
et I f. d'errata. Brunet, Manuel du libraire, III, 1446 ; Catalogue de la biblio-
thèque James de Rothschild, rédigé par M. Emile Picot, no 596. Cette édition
est la plus ancienne citée avec date. LengletDufresnoydanssaC/)ro«o/i)i,''/V(/«5
Qùrvres de Clément Marot (Œuvres de Marot, La Ha\e, 173 1, VI, 285) cite
vaguement une édition de V Adolescence publiée en 1530, mais cette édition
n'a jamais été retrouvée et la date de 1532 de l'épître préliminaire infirme
l'assertion deDufresnoy. Voy. encore Cat. Rothschild, n" 596.
2. Brunet, Manuel, III, 1459.
636 EDOUARD RAHIR
cueils manuscrits ; il avait donc été facile à un éditeur peu
scrupuleux de réunir un certain nombre de ces poésies et de
les publier sans l'autorisation de l'auteur.
On ignorait le sort de livrets de ce genre, quand en 1884,
lors du pillage de l'antique Bibliothèque Cohmhine, formée dans
le premier quart du xvi^ siècle par Fernand Colomb, aujour-
d'hui propriété du Chapitre de Séville, on signala parmi les
manuscrits et livres volés un volume ayant pour titre : Opus-
cules de Clément Ma rot'.
L'attention des bibliophiles fut attirée sur ce volume de-
meuré jusque-là inconnu, mais le livre ayant été acquis par
M. Daguin, collectionneur aussi avisé que discret, il disparut
parmi les trésors de sa bibliothèque, sans qu'on ait pu en
prendre une description complète.
Cependant M. Harrisse, très renseigné sur la Bibliothèque
Colomhine et ses déprédations, obtenait par une voie indirecte
un assez grand nombre d'indications sur les livres volés,
même sur les Opuscules de Marot et enregistrait ses trouvailles
dans une brochure ayant pour titre : La Colomhine et Clément
Marot, deuxième édition revue, corrigée et considérablement
augmentée. Paris, 1886, in-8\
M. Harrisse n'était pas éloigné de penser que le volume
des Opuscules de Clément Marot, était un de ceux dont Marot
avait « le déplaisir de ouyr et crier par les rues », mais ayant
seulement une copie inexacte du titre et le relevé d'une men-
tion inscrite par Fernand Colomb au verso du dernier feuil-
let : Esto libro costo 8 dineros eu Mompeller a6 dejulio de ijjj.
y et ducado de oro vale J64 dineros, ce bibliographe, malgré ses
ingénieuses déductions, ne put que limiter la date de publi-
cation du recueil entre l'automne de 1530 et le printemps de
1535-
1. H. Harrisse, Gvaudeiir et décadence ile la Colomhine. Paris, 1885, in-8,
p. 19. Publié antérieurement dans la Revue critique, n" de mai 1885.
2. Une partie de ce travail avait été publié dans le Livre, r\° du 10 mars
1886.
LA PREMIÈRE ÉDITION DE MA ROT
637
En 1905, lors de la dispersion aux enchères de la biblio-
thèque de M. Daguin, le volume des Opuscules fut acquis par
un bibliophile américain M. Robert Hoe. La collection de
les 0pnfcnke et
iiteeùicaiee/amcfe ^Ipk \ic £npf5o/(Z
fa piaincf c bc ÎRo6crf et cnfcmBfc pfuf leurs
(îiirtrce cÇofce ior^eufce (i re créât i«f 6/rf 0î>
gtC6 e») înçç/(ï nùnudkmtnt 91mp2imees
a £))0^ par «SDtïwict 2(motiffet*
M. Hoe ayant été également vendue récemment, nous avons
réussi à faire revenir en France ce précieux ouvrage et par la
description qui suit, on verra que rien ne s'oppose à ce que
l'on voit en lui le premier essai des publications des œuvres
de Marot et le livret ayant décidé le poète à mettre au jour
son Adolescence Clémentine.
638 EDOUARD RAHlR
Le volume des Opuscules est un petit in-8 gothique de
40 feuillets non chiftVés à 27 lignes à la page pleine, signa-
tures A-D par 8. Le texte commence au verso du titre dont
nous donnons la reproduction à la page précédente.
Il se termine au verso du dernier feuillet par le mot Finis.
Au-dessous de ce mot était autrefois l'inscription de Fernand
Colomb citée plus haut, cette inscription a été soigneusement
grattée.
Le volume a été relié par Cu~in, pour M. Daguin, en maro-
quin brun Lavallière, avec ornements à froid et le titre de
l'ouvrage doré en lettres capitales autour des plats ' .
Olivier Arnoullet ayant exercé à Lyon de 15 14 à 1567
environ ^ l'année de l'impression ne peut guère être fixée
d'après ces dates éloignées.
Voici le détail des pièces contenues dans le recueil :
1° Chant royal de Marot :
Qui avme dieu son règne et son empire
Rien désirer ne doibt que son honneur...
Œuvre de jeunesse de Marot. Se trouve dans Y Adolescence
Clémentine, édition de août 1532, f. 105 r° ; dans l'édition défi-
nitive des Œuvres de Marot (dite du Rocher) ^uhWét par Cons-
tantin à Lyon en 1544, p. 260, et dans l'édition des Œuvres
complètes de Marot publiée par P . Jannet, tome II, p. 92.
Il y a quelques légères variantes entre le texte des Opus-
cules et celui des autres éditions.
2" Champ royal faict par Clément Marot. Sur le refrain
donne par le Roy sur Desbender lare ne guarist point la playe.
Prenant repos dessoubz ung verd laurier
Apres travail de noble poésie...
Adolescence, 1532, f. 106 r° ; Marot., I544> P- 262; Marot,
Jannet, II, 94.
1. H. Harrisse, Exarpia Cotouilnniana. Paris, 1887, n" 145 ; Calaloguc
de beaux livres ayant appartenu à M. Daguin, 3^ partie, 1905, n" 632.
2. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, X, pp. 28 et 41 .
LA PREMIÈRE ÉDITION DE MAROT 639
3° Epistre de Ma roi envoyée au Roy.
Roy des françois plain de toutes bontez
Quinze jours a ie les ay bien comptez...
Épître composée pendant la captivité de Marot en octobre
1527.
Adolescence, 1532, f. 110 v°; Marot, 1544, p. 169; Marot
Jannet, I, 190; Œuvres de Marot, édition G, Guiftrey, III,
80.
4° A Monsieur le Cardinal de Sens cha}icelier de France Clé-
ment Marot Donne très hnnihle saint.
Si officiers en lestât seuremeni
Sont tous couchez, fors le povrc Clemenl,..
Épître composée peu de temps après 1527, date à laquelle
le chancelier Du Prat fut nommé cardinal.
Adolescence, 1532, f. 109 r° ; Marot, 1544, p. 167; Marot,
Jannet, I, 188; Marot, Guiffrey, III, 93.
Cette épître comprend seulement 48 vers, alors que dans
les autres éditions elle en contient 62.
5° Dizain.
Puissant prélat ie me plains grandement '
Dung trésorier qui ne veult croire en cire. . .
Composé à la même époque que l'épître précédente pour
se plaindre du trésorier Preudhomme.
Adolescence, 1532, f. iior°; Marot, 1544, p. 159; Marot,
Jannet, \, 190; Marot, Guiffrey, \l\, 99.
6° Au conte destampes.
Conte prudent saige et rassis
Fortune que iay tant suyvie . . .
Epître en 20 vers suivie des mots : Finis coronat opus. Elle
est adressée cà Jean de La Barre, seigneur de Verets, premier
gentilhomme de la chambre du Roi, comte d'Étampes de
640 EDOUARD RAHIR
1526 à 1533. Marot réclame toujours son inscription sur le
registre des pensions royales.
Cette pièce n'est pas imprimée dans les diverses éditions
des Œuvres de Marot ; elle se retrouve, avec le nom du poète,
dans un Recueil de poésies du seizième siècle (principalement de
Clément Marot), composé à Ferrare vers 1535, recueil qui fait
partie de la bibliothèque James de Rothschild (Cat. Rothschild,
n° 2964).
7" Balade sur la venue des enfans de france.
Les ans dorez ont ia reprins leurs cours
Saturnus vient qui les chasse et ramaine. ..
Refrain :
Qui a pris fin à l'aide du grand maistre
Cette Ballade ne se retrouve pas dans les Œuvres de Marot,
et n'est probablement pas de lui. Elle se termine par la
devise : Après mort vie que nous n'avons pu identifier.
8° Balade a la louenge de ma dame Alienor Royne de France.
Or vient le temps de la ioyseuse (sic') année
Princesse ellustre, et de bonne heure née...
Cette pièce, n'est pas l'œuvre de Marot ; elle se retrouve
parmi diverses poésies imprimées à la suite d'une traduction
en vers français de la tragédie d'Hécube d'Euripide, publiée à
Paris en 1544 et en 1550.
Ces poésies, ainsi que la traduction d'Hécube, simplement
signées de la devise : Rerum vices, étaient généralement attri-
buées à Lazare de Baïf, mais M. René Sturel, de qui nous
tenons ce renseignement, dans un travail intitulé : A propos
d'un manuscrit du Musée Condé, publié dans les Mélanges
offerts à M. Emile Châtelain, a très vraisemblablement restitué
à Guillaume Bochetel, secrétaire du roi, et la traduction
d'Hécube et les poésies qui font suite, y compris la Ballade à
la louange de la reine Eléonore.
LA PREMIER!- ÉDITION DE MAROT 64!
Marot, à la suite de l'aiinoiice du mariage de François P""
avec la sœur de Charles-Quiut, et du retour en France des
fils du roi, s'était hâté de composer une Epilrc a la royiic
Elietior nouvel Iciiwiit arriver cfEspagne avec les deux enfants chi
Roy délivre^ des mains de r Empereur ; il présenta cette épître à
la nouvelle reine à Bordeaux, le 17 juillet 1530 {Marot, édi-
tion Guift'rey, III, p. 162); la pièce ne fut pas imprimée dans
l'Adolescence de 1532, mais seulement dans h Suite de l'Adoles-
cence dont la plus ancienne édition doit être de 1534 (^'^y-
Cat. Rothschild, n° 601).
L'éditeur des Opuscules n'ignorait pas le poème de Marot,
mais n'ayant pu s'en procurer le texte, il a comblé cette lacune
en imprimant dans son volume les deux Ballades mentionnées
sous les n°' 7 et 8.
9° A monsieur le cardinal de Lorraine.
Lhommc qui est en plusieurs sortes bas
Bas de stature, et de ioye etdesbas...
Epître composée par Clément Marot vers 1528 pour succé-
der à son père Jehan Marot, sur l'état des pensions du roi.
Adolescence, 1532, f. m v°; Marot, 1544, p. 171 ; Marot,
Jannet, I, 192; Marot, Guiffrey, III, loi.
Le texte de cette pièce dans les Opuscules renferme un cer-
tain nombre de variantes assez importantes donnant la pre-
mière leçon de l'épître.
Au 31'' vers au lieu de :
J'entend pourveu que monsieur le grand maistre. ..
allusion au duc de Montmorency pourvu de cette charge,
on lit :
J'entens pourveu que Destempes le comte
qui se rapporte à Jean de La Barre, comte d'Etampes, pre-
mier gentilhomme de la chambre du roi (voy. ci-dessus,
n° 6).
Mélanges. II. 41
642 EDOUARD RAHIR
A la fin du poème deux vers qui n'ont pas été reproduits
dans les éditions suivantes :
Plus nen disant de paour que eu cuydant plaire
Trop long escript ne cause le contraire.
10" Le temple de Ciipido. Faict et compose par maistre Clément
Marot. Facteur de la Royne de France.
Ce poème, une des premières œuvres de Marot, fut
imprimé séparément (vers 15 15, dit Lenglet Dufresnoy) et
forme un petit volume de 12 ff. (Brunet, Manuel, III, 1459).
L'édition gothique est précédée d'une épître en prose au
roi, qui n'a pas été reproduite dans les premières éditions
collectives de Marot et qui a été remplacée dans les éditions
postérieures à 1538, par une épître à Messire Neufville, che-
valier seigneur de Villeroy.
Adolescence, 1532, f. 5 r° ; Marot, 1544, p. 7; Mnrot, J an-
net, I, 5 ; Marot, Guifrey, II, 61.
Le volume des Opuscules contient le Temple de Cupido tel
qu'il est imprimé dans l'édition gothique, avec l'épître au
roi et les diverses transpositions de texte qui ont été corri-
gées dans les éditions suivantes.
11° Deploration sur le trespas de feu messire Florimond Rohertet
seigneur Dalluye. Jadis chevalier Çsic) Conseiller du Roy, trésorier
de France. Secrétaire des finances.
On vit iadis son vol ma plume estendrc
Au gré damours et dung bas stile et tendre. . .
A la fin la devise : Mord ny mord.
Florimond Robertet mourut le 29 novembre 1527; la
Deploration fut écrite peu de temps après.
Adolescence, 1532, f. 90 r° ; Marot, 1544, p. 442; Marot,
Jannet, II, 244.
12° Epistre du Coq a Lasne faicte par Clément Marot.
Je te donne ung grant million
De Salus mon amv Lyon. . .
La date de la composition de cette épître à Lyon Jamet,
LA PREMIÈRE ÉDITION DE MAROT 643
célèbre dans les œuvres du poète, n'est pas encore bien éta-
blie. Lenglet Dufresnoy, dans sa Chronologie des œuvres de
Marot, cite cette pièce à l'année 15^4, sans avoir remarqué
qu'elle figure déjà dans l'édition de 1532 de V Adoles-
cence; d'un autre côté M. Guiftrey (^Œuvres de Marot, III,
206-207) a retrouvé '^'•^^^^ ^^^ registres du Parlement, à la date
du 18 mars 1531 (1532 nouveau style), un document éta-
blissant qu'à cette époque Marot était de nouveau inquiété
pour avoir enfreint la loi de l'église, défendant de manger de
la chair en carême, et il suppose que Marot s'adressait de
nouveau à son ami Jamet en souvenir de l'assistance qu'il
lui avait donnée auparavant dans un cas semblable ?
La raison est un peu subtile, et nous croyons que la date
de cette épître peut être avancée, et l'allusion (vers 24 et sui-
vants) à un hiver très rigoureux s'applique parfaitement aux
grands froids d'avril 1530 que Sauvai signale dans son His-
toire des Antiquités de Paris (I, p. 350).
Adolescence, 1532, f. 107 r° ; Marot, 1544, p. 163; Marot ^
Jannet, I, 184; Marot, Gtiiffrey, III, 206.
Le texte des Opuscules, présente quelques variantes avec
celui des autres éditions.
Au 119^ vers au lieu de :
Saint Marceau pour faire pleuvoir
on lit :
De sainct Alivargo pour faire pleuvoir
L'épître se termine par 4 vers omis dans les autres édi-
tions :
Lettres courez, comme astarot,
A Lyon, loing de jamect,
De par le tien, Clément Marot
Que amours au loing des ja mect.
1 5" Chant Royal sur le grant décret
Que le pape ordonna pour l'homme
Contre pèche comme discret
644 EDOUARD RAHIR
Cest Marie en concept saiis soinnie
De vice que grâce consomme.
Cette pièce qui commence ainsi :
Le grant evesque en leglise Rommaine
Souverain prebstre et grant législateur...
n'est pas de Marot; M. Picot nous a signalé qu'elle se retrouve
sous le nom de Jacques Fillastre^ au feuillet 59 du recueil
des PaJinodi, Chants royanlx, Ballades, Rondeaux et Epi-
grammes, a r honneur de l'immaculée Conception de la toute belle
fnere de Dieu {Patronne des Normans) présente:^ au Puy a Rouen .
Paris, Fr. Regnault, s. d. (vers 1525), in-8 gothique'.
L'éditeur du volume des Opuscules en prenant le texte de
ce Chant royal dans le recueil des Palinodz^, a maladroite-
ment reproduit le poème de Fillastre à la place de celui de
Clément Marot commançant ainsi
Lorsque le Roy par hault désir et cure
Délibéra d'aller veoir ennemis. . . -
imprimé immédiatement avant, aux ff. 57 et 58 du même
volume, chant royal présenté par Clément Marot au concours
de l'année 1521 '.
14° Êpistre de Maguelonne a son amv Pierre de Provence elle
esta?it a Ihospital.
Cette épître, composée par Marot dans sa jeunesse (Lcnglet
Dufresnoy dit en 15 17), fut d'abord imprimée séparément et
Brunet {Manuel, III, 1459), en cite une édition gothique en
4 iF. in-4 publiée suivant lui vers 15 19.
Adolescence, 1532, f. 26 v° ; Marot, 1544, p. 108 ; Marot y
Jannet, I, iij; Marot, Guiffrcy, III, 3.
1. Brunet, Manuel, IV, 318; Collection DiUuit, Livres et Manuscrits,
no 292.
2. Marot, Edition Jannet, II, 80.
3. Vie de Clément Marot par G. Guiffrey (revue par M. Yves Plcssis),
Œuvres de Marot, édition GuitlVe}-, I, p. 66.
LA PREMIÈRE EDITION DE MAROT 645
Le texte de cette pièce, dans les Opuscules, se rapproche
avec quelques variantes de celui de l'édition gothique.
15° Rondeau duquel les lettres capital les portent le nom de Lac-
leur.
Comme Dido qui moult se courrouça
Lors Queneas seuUe la délaissa...
Se trouve déjà à la suite de VEpître de Magueloiine dans
l'édition gothique citée au n° 14. Ce Rondeau est signé de la
première devise de Marot : De bouche et cœur.
Adolescence, 1532, f. 30 r° ; Marol, 15^4, p. 285 ; Marot,
Jannet, II, 127; Marot, Gui ffrcy,\\\, 4.
Ainsi qu'on a pu le voir, toutes les pièces contenues dans
le volume des Opuscules ont été composées avant la fin de
l'année 1530; les variantes relevées dans plusieurs d'entre
elles, notamment dans VEpître au Cardinal de Lorraine (n° 9),
dans le Temple de Cupido(n° 10) et dans VEpître à Lyonjamct
(n° 12), montrent que l'éditeur a imprimé son livre avant la
publication de V Adolescence de 1532, ne pouvant ainsi profiter
des revisions et modifications apportées par Marot à ses
œuvres de jeunesse.
Huit pièces, celles citées sous les n°' i, 2, 3, 4, 5, 9, 11 et
12, sont contenues dans la partie à^s Autres œuvres à^V Adoles-
cence que l'auteur déclare avoir été par cy-devant incorrectement
imprimées.
Les plaintes formulées par Marot dans sa préface d'août
1532 semblent donc bien s'appliquer au volume des Opuscules
dans lequel nous devons voir une première réunion des œuvres
du poète, faite sans son aveu, et le déterminant à présenter ses
œuvres au public en un volume soigneusement revu et cor-
rigé.
Edouard Rahir.
TABLE DU TOME II
J. Deny. Sari Saltiq et le nom de la ville de Babadaghi l
John Gerig. Une lettre d'Antoine Arlier à Louis Grille 17
E. HoEPFFNER . La chronologie des Pastourelles de Froissart 26
De A. Medin. Il Gran Credo di Venezia 43
Th. DuFOUR. Calviniana 51
Fr. NovATi. Bigorne e Chicheface 67
H. Pernot. Le poème crétois de la Belle Bergère 89
G. G. Keidel. I Santi di Manerbi printed on vellum 103
Pio Rajna. Rosafiorida 1 1 î
M. L. PoLAiN. Note sur un hommage d'Érasme 135
Guido Mazzoni. Un poema su Carlo magno dedicato a Enrico IV. 143
M. WiLMOTTE. A propos d'un passage d'Alfred de Vigny 149
A . Piaget. La CoiiipJaiiile cJn prisonnier d\iinours 155
A. Pereire. Les quinze lois delà Bibliothèque des VargasMacciucca. 163
H. Stein. Scipiou Sardini et sa famille 171
Ed. Champion. Notes sur un recueil formé par Philibert de
Pingon 187
G. Lanson. Manuscrit de La mort de Socrale de Lamartine 199
J. BÉDIER. Un personnage de chanson de geste non identifié jus-
qu'ici 221
H . Martin . La diatribe de Jean d'Anneux 227
L. G. Pelissier. Origines et caractères généraux de la Signoria. . 241
L. Dorez. Le Zihaldone de Baccio Tinghi 261
L. F. Benedetto. U Hélène de Leconte de Lisle 279
L. Auvray. La bibliothèque de Claude Bellievre (1530) 353
E. Muret. Une lettre inédite de Lope de Vega 365
A. ViDiER. Un bibliophile du xvie siècle, Nicolas Moreau d'Au-
teuil 371
P. Le Verdier. Jacques de Campront et son Psalterium 377
Ch, Oulmont. Pierre Gringore et l'entrée de la reine Anne en
1 504 '. 585
G. Cohen. Le thème de l'aveugle et du paralytique dans la litté-
rature française 395
C. DE LoLLis. Po/yt'/^r/t,' entre les mains de Voltaire, Baretti et Para-
disi 405
R. Sturel. Notes sur Maître Jacques Mathieu le Bazochien ^17
A. Blum. De l'esprit satirique dans un recueil de Dicts nioreaiix du
xvie siècle 451
648 TABLE DU TOME II
Seymour de Ricci. Les feuillets perdus d'un manuscrit de Léonard
de Vinci 447
Paul Barbier, fils. Note sur les sens du mot picot 453
Abbé A. J. CoRBiERRE. Correspondance inédite entre Mabillon et
Montfaiicon 45^
A. Lefranc. Rabelais et Cornélius Agrippa 477
E. Châtelain. Recherches sur les plus vieux livres des Condé. . . 487
F. DE Mely. Le banquier et sa femme de Qiiinten Matsys 505
M. RoauES. L'original de la Palia d'Oràstie 515
M. TouRN'EUX. Livres annotés par Merci'er de Saint-Léger 535
M'oe E. WiCKERSHEiMER. Deux imitations de la Ressource tJe la
Chrétienté 543
A. MosCHETTl. Per la Cacria di Teodeiico sulla facciata del S. Zcno
di Verona 547
Ch. Beaulieux. Le premier traité d'orthographe française imprimé. 557
F. Préchac. Note sur le sommaire du De Cleiiuiitia 569
A. Farinelli. Viaggi e viaggiatori nella Spagna e nel Portogallo. 583
E. Rahir. La première édition des œuvres de Clément Marot. ... 635
ERRATUM
P. 71, dernière ligne, au lieu de sciccheggiare, lire vccellare.
.maçon, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
i
PC
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P5MMM5
1913
T. 2
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