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Full text of "Mélanges offerts à M. Émile Picot : membre de l'Institut"

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imUSB  LIST  AUG  i  5  1922 


MÉLANGES 


OFFERTS    A 


M.   EMILE  PICOT 

Membre  de  l'Institut. 


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MÉLANGES 

OFFERTS  A 


M.  EMILE  PICOT 


MEMBRE   DE    L  INSTITUT  ^^         '    '  /    ,/ 

■  I 

PAR  SES  AMIS  ET  SES  ÉLÈVES 


TOME    SECOND  ^:  , 


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95.  9.  Q  \  . 


PARIS 
LIBRAIllIH  DAMASCÈNK  MORGAND 

EDOUARD    RAHIR,    SUCCESSEUR 
LIBRAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ    DES    BIBLIOPHILES    FRANÇOIS 

PASSAGE   DES   PANORAMAS,    5  5 


I9I3 


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p5f  H  qs- 


SARI  SALTia  ET   LE   NOM   DE   LA  VILLE 
DE  BABADAGHI 


Sari  Saltiq  '  est  le  nom  du  personnage  mystérieux  qui  con- 
duisit, au  XIII'-'  siècle,  une  migration  de  Turcs  Seldjouqs 
d'Anatolie  en  Dobroudja. 

Von  Hammer  a  vu  dans  Sari  Saltiq  ou  Saltiq  Baba,  sinon 
le  fondateur,  du  moins  l'éponyme  de  Babadaghi  (^  «  mon- 
tagne du  Baba  »).  Baba  signifie  «  père  »  et  s'emploie  comme 
titre  honorifique  attribué  aux  derviches,  plus  particulièrement 
à  ceux  de  l'ordre  des  behtachis. 

Il  existe  en  Turquie  plusieurs  localités  du  nom  de  Baba- 
daghi ^,  à  cause,  probablement,  de  la  prédilection  des  anacho- 
rètes pour  le  séjour  des  montagnes. 

Il  s'agit  donc  de  savoir  si  le  «  Baba  »  de  Babadaghi  en 
Dobroudja  est  bien  Sari  Saltiq  5, 

Résumons  d'abord  les  quelques  renseignements,  —  bien 
succincts  —  fournis  sur  ce  dernier  par  l'histoire. 

Voici  les  faits  '^  : 

Auxiii^  siècle  de  notre  ère,  le  sultan  Seldjouqided'Iconium, 
Izz-ed-din  Keïkavous,  dépouillé  de  ses  Etats  par  son  frère, 
Rokn-ed-din,  se  réfugia  avec  quelques  fidèles  auprès  de  l'em- 
pereur de  Constantinople.  Les  services  que  les  nouveaux  venus 

1.  Prononcez  Sarî  Saltiq,  c'est-à-dire  avec  Vi  vélaire,  presque  identique 
au  yeri  russe. 

2.  Voir  Degrand,  Souvenirs  de  la  Haule- Albanie,  p.  241,  note.  —  Voir  le 
Dictionnaire  géographique  d'Ali  Djcvàd  (en  turc). 

3.  Saltiq  Baba  ou  Baba  Saltiq  est  désigné  aussi  dans  Evliya  Tchelebi, 
sous  le  nom  de  Saltiq  Dèdè  (autre  titre  honorifique  attribué  aux  derviches). 

4.  Voir  Lagus,  Seid  Locmaiii  et  libro  Turcico  qui  Og^hu:(name  inscribitur 
excerpta.  Helsingforsiae,  1854  (texte  et  traduction  latine).  —  Cf.  Smirnov. 
Lekhanat  de  Crimée  (en  russe).  Saint-Pétersbourg,  1887,  p.  14  et  suiv.  — 
Hammer,  Histoire  de  VEmpire  Ottoman,  I,  164  et  165  (trad.  fr.). 

Mélanges.    II.  i 


2  J.    DENY 

surent  rendre  à  Michel  Paléologue  le  disposèrent  si  heureuse- 
ment en  leur  faveur  qu'il  accorda  à  ses  hôtes  des  terres  dans 
la  Dobroudja  et  leur  permit  d'y  faire  venir  une  colonie  de 
compatriotes.  Mettant  à  profit  cette  autorisation,  une  nom- 
breuse horde  de  Turcs  Seldjouqs  se  dirigea  sur  Nicée,  Nico- 
médie  et,  traversant  le  Bosphore  à  Scutari,  gagna  la  Dobroudja. 
A  sa  tète  se  trouvait  un  saint  personnage  '  du  nom  de  Sari 
Saltiq. 

L'événement  eut  lieu  en  662  de  l'hégire  (=  du  4  nov.  1263 
au  24  oct.  1264).  Quelque  temps  après,  Izz-ed-din  Keïkavous 
s'étant  brouillé  avec  le  «  fasilevs  »  de  Constantinople. 
Bèrèkè-khan,  souverain  mongol  du  Decht-i-Qiptchaq  (plaines 
au  nord  de  la  mer  Noire  et  de  la  Caspienne),  transportait  dans 
ses  États  Sari  Saltiq  et  «  les  Turcs  de  la  Dobroudja  -  ». 

Voilà  tout  ce  que  l'histoire  nous  apprend  sur  ce  personnage 
qui  devient  d'autant  plus  énigmatique  que  la  légende  se  l'est 
approprié  pour  en  faire  le  héros  d'aventures  bizarre?  et  incohé- 
rentes. 

On  trouvera  plus  loin  le  résumé  de  ces  récits  merveilleux. 
Nous  rechercherons  en  attendant,  —  avant  de  quitter  le  terrain 
historique,  —  si  Sari  Saltiq  peut  être  considéré  comme  le 
patron  de  Babadaghi. 

Un  voyageur  ottoman  du  milieu  du  xvii^  siècle,  Evliya 
Tchèlèbi,  place  le  tombeau  de  Sari  Saltiq,  miraculeusement 
multiple,  dans  sept  endroits  différents.  Si  l'on  fait  abstraction 
de  quatre  attributions  purement  fantaisistes  ',  il  reste  trois 
localités  possibles  :  Babadaghi,  le  cap  Tcheligra  (ou  de  Saint- 
Nicolas)  et  Baba-Eski.  Ces  localités  sont  en  Turquie  d'Europe, 
elles  possèdent  toutes  les  trois  un  «  tèkyè  »,  ou  couvent,  de 
derviches  bektachis,  pourvu  chacun  d'un  tombeau  de  Sari 
Saltiq. 

1.  Le  texte  porte  :  «  evliya-dan  »  =  un  «  veli  »,  un  saint. 

2.  Les  enimena-t-il  tous?  En  laissa-t-il  une  partie  en  Dobroudja  ?  Sari  Sal- 
tiq avait-il  trouvé  en  venant  en  Dobroudja  d'autres  tribus  turques  déjà  instal- 
lées? Autant  de  points  obscurs  à  éclaircir. 

3.  Il  s'agit  de  la  Russie,  de  la  Pologne,  etc.  Il  en  sera  parlé  plus  loin. 


SARI    SALTia  3 

Evliya  Tchelebi  a  fait  ses  dévotions  successivement  auprès 
des  trois  turbés.  L'habitude  orientale  de  «  n'y  pas  regarder  de 
trop  près  )^  suffirait  déjà  par  elle-même  à  expliquer  ce  curieux 
phénomène  de  persévérance,  mais  on  verra  que  la  crédulité 
de  notre  touriste  s'étayait  sur  la  légende  même  de  Sari-Saltiq. 
Celle-ci  prévoit,  en  eftet,  une  distribution  miraculeuse  de  son 
corps  en  plusieurs  répliques. 

Von  Hammer  qui  avait  à  opter  entre  ces  identifications 
s'est  rallié  —  après  avoir  montré  quelque  hésitation  en  faveur 
de  Baba-Eski  —  à  la  solution  de  Babadaghi.  D'après  lui,  c'est 
la  même  ville  que  celle  qu'Ibn  Batouta  désigne  sous  le  nom 
de  Baba  Saltouq  (forme  ancienne  du  nom  de  Saltiq). 

Voici  la  traduction  d'un  passage  du  livre  du  fameux  voya- 
geur arabe  '  (Ibn  Batouta  venant  de  Crimée  se  dirige  par 
voie  de  terre  à  Constantinople)  :  «  Nous  arrivâmes  à  la  ville 
nommée  Bâbâ  Salthôuk  [^^^^la-lw  LLi],  Bâbâ  a  chez  les  Turcs, 
la  même  signification  que  chez  les  Berbers  (c'est-à-dire  celle  de 
père)  ;  seulement  ils  font  sentir  plus  fortement  le  bâ  (b).  On 
dit  que  ce  Salthoûk  était  un  contemplatif  ou  un  devin,  mais 
on  rapporte  de  lui  des  choses  que  réprouve  la  loi  religieuse.  La  ville 
de  Bâbâ  Salthoûk  est  la  dernière  appartenant  aux  Turcs  ;  entre 
celle-ci  'et  le  commencement  de  l'empire  des  Grecs,  il  y  a 
i8  jours  de  marche  dans  un  désert,  entièrement  dépourvu 
d'habitants.  Sur  ces  1 8  jours  on  en  passe  8  sans  trouver  d'eau...  » 

Si  séduisant  que  paraisse  ce  rapprochement  entre  Babadaghi 
et  Baba  Saltouq  il  n'a  point  été  admis  par  tout  le  monde. 
Brun  ^,  notamment,  objectait  que  les  i8  jours  de  distance 
reportent  la  ville  de  Baba-Saltouq  sensiblement  plus  au  nord, 
«  non  loin  de  Soudaq  ». 

C'est  là  une  conclusion  un  peu  hâtive.  Il  est  dangereux  de 
tabler  sur  les  indications  de  distance  fournies  par  Ibn  Batouta  : 

1.  D'après  Defréiiiery  et  Sanguinetti,  t.  II,  p.  416. 

2.  Brun,  Tchernoinoryè.  Odessa,  1880  (en  russe).  Recueil  d'articles  con- 
cernant l'histoire  géographique  des  bords  de  la  Mer  Noire  et,  entre  autres, 
de  la  Dobroudja. 


4  J.    DENY 

il  s'y  est  glissé  des  erreurs.  Voilà,  en  effet,  comment  s'effec- 
tue le  voyage  de  celui-ci.  Il  accompagne  la  khatoun  Beïaloun 
«  fille  de  l'empereur  de  Constantinople  »,  à  laquelle  «  son 
époux  »  Mohammed  Uzbek-Khan,  souverain  du  Qiptchaq  a 
permis  d'aller  voir  son  père.  Les  voyageurs  quittent  Astra- 
khan le  10  chevval  (page  412),  prennent,,  on  ne  sait  trop 
pourquoi,  la  direction  du  nord,  vont  ainsi  jusqu'à  Oukek, 
mettent  dix  jours  pour  aller  d'Oukek  à  Soudaq  (ce  qui  les  fait 
descendre  jusqu'au  sud  de  la  Crimée)  et  gagnent  ensuite 
Baba-Saltouq.  «  Nous  avions  marché,  dit  Ibn  Batouta, 
19  jours  depuis  celui  où  nous  avions  quitté  le  sultan  (à  Astra- 
khan), jusqu'à  l'entrée  du  désert  (à  Baba-Saltouq)  »  (p.  417). 

Or,  si  l'on  considère  qu'Ibn  Batouta  lui-même  place  Oukek 
à  10  jours  de  Seraï  et  que  Serai  est  à  mi-chemin  entre  Astra- 
khan et  Oukek,  on  obtient  20  jours  pour  la  distance  (du  sud 
au  nord)  entre  ces  deux  villes.  Ajoutons-y  les  10  jours  d'Oukek 
à  Soudaq  et  nous  constaterons  que  la  marge  des  19  jours 
indiquée  par  le  voyageur  aura  été  largement  dépassée,  dès 
Soudaq.  Ces  inexactitudes,  la  bizarrerie  de  l'itinéraire  et  l'allure 
générale  du  récit  commandent  la  prudence  '. 

Tel  était  l'état  de  la  question  jusqu'à  ces  dernières  années. 
Entre  temps,  les  voyages  d'Evliya  Tchelebi  dont  on  ne  connais- 
sait que  les  deux  premiers  volumes  en  traduction  anglaise  ^, 
furent  publiés  ^  dans  le  texte  jusqu'au  sixième  volume  inclus 
(sur  les  dix  existants).  Le  tome  III  contient  une  description 
détaillée  de  Bahadaghi,  qu'Evliya  Tchelebi  a  traversé  à  plusieurs 
reprises  (sur  la  route  de  Crimée,  comme  Ibn  Batoutah,  ou 
d'Akerman),  et  dont  il  fut  qâdi. 

Il  nous  "raconte,  à  propos  de  la  fondation  de  cette  ville,  que 


1.  Sur  les  difficultés  auxquelles  donne  lieu  la  date  même  du  voyagea 
Constantinople  (vers  le  mois  d'août  1334),  voir  la  préface  du  tome  II, 
page  XI. 

2.  Par  von  Hammer,  Narrative  oftravels  in  Europe,  Asia,  and  Africa  . .  . 
Londres,  1846-1850. 

3.  Par  Ahmed  Djevdet.  Constantinople,  13 14-13 18. 


SARI    SALTIQ  5 

le  sultan  Bayezid  II  se  rendant  à  la  conquête  de  Kilia  et  Aker- 
man,  parvint  à  Babadaghi,  Là,  des  gens  dignes  de  foi  (souleha- 
i-ummet)  vinrent  lui  apprendre  qu'anciennement  on  voyait  à 
cet  endroit  un  turbé  dit  de  Sari  Saltiq,  mais  que  les  mécréants 
(munkirin)  l'avaient  ruiné  et  recouvert  de  terre  et  d'ordures. 
Aussitôt  le  sultan  se  rend  en  compagnie  de  Qara  Chems-ed- 
din  auprès  de  l'endroit  désigné,  y  fait  sa  prière  et  s'abandonne 
au  sommeil  pour  recevoir  un  rêve  divinatoire. 

Sari  Saltiq  ne  manque  pas  de  lui  apparaître,  blond  (Sari 
signifie  jaune  et  blond),  coiffé  d'un  turban  vert  et  lui  faisant 
cette  prédiction  :  «  Bayezid,  sois  le  bienvenu  !  tu  conquerras 
sans  peine  sur  les  infidèles  de  Bogdan  (Moldavie)  le  fort 
d'Aq-kerman  (auj.  Akerman)  qui  est  la  capitale  de  Salsal  '  et 
celui  de  Kilia,  ainsi  que  le  pays  de  Q-m-ral-q-m  ^  à  la  date 
«  fatahnâ  5  «.Tes  descendants  posséderont  la  Mecque  etMédine. 
Délivre- moi  de  la  poussière  de  l'opprobre.  » 

Au  réveil,  le  sultan  et  Qara  Chems-ed-din  consignent  par 
écrit,  chacun  de  son  côté,  leurs  songes.  Les  deux  billets  dûment 
scellés  sont  envoyés  chez  leCheikh-ul-Tslam.  Celui-ci  constate 
l'identité  du  texte  et  rend  un  fetva  prescrivant  de  déblayer 
l'endroit  indiqué.  On  y  trouve,  en  effet,  un  cercueil  de 
marbre  avec  cette  inscription  «  en  caractères  tatars  »  :  «  Ceci 
est  le  tombeau  de  Saltiq  Bay  Seyyid  Mohammed  Ghazi.  ^  » 

1 .  Géant  dont  parle  Eviiya  Tchelebi  en  plusieurs  endroits  de  son  ouvrage 
et  qu'il  considère  comme  le  fondateur  d'Akerman  et  d'Ismaïl  (t.  I,  658); 
II,  386;  V,  106,  108,  III  et  113). 

2.  J'ignore  la  lecture  de  ce  mot.  Peut-être  qoumral-qoum  (en  deux  mots) 
=  «  le  sable  roux  »?  C'est  un  désert  de  sables  mouvants  qu'Evliya  Tchelebi 
place  «  à  l'est  d'Akerman,  du  côté  de  la  mer  »  (V,  108,  iio  et  113). 

3.  Le  chronogramme  «  f-t-hna  »  (qui  signifie  en  arabe  :  nous  avons 
conquis)  donne  la  date  539,  soit  les  années  1144-1145  de  notre  ère.  Or, 
Bayezid  a  conquis  Akerman  en  1484. 

4.  Nous  ne  pouvons  malheureusement  ajouter  une  grande  importance  à 
l'inscription  «  en  caractères  tatars  ».  Le  rapprochement  avec  un  autre  pas- 
sage (tome  I,  p.  512)  où  une  autre  inscription  du  même  genre  est  décou- 
verte en  Crimée  paraît  indiquer  qu'il  y  avait  là  un  expédient  dont  notre 
voyageur  se  servait  pour  rendre  plus  vraisemblable  ses  affirmations,  souvent 
très  hasardeuses. 


6  J.    DEXY 

Bayezid  ordonne  aussitôt  de  construire  un  mausolée  et  une 
mosquée,  après  quoi  il  part  pour  Akerman  et  Kilia.  Ayant 
conquis  ces  deux  villes,  ainsi  qu'il  était  prévu  dans  la  prophé- 
tie, il  revient  à  Babadaghi  pour  y  séjourner  un  an;  il  restaure 
cette  ville  et  l'enrichit  de  fondations  pieuses  qu'il  attribue 
comme  bénéfices  (vaqout)  au  turbé  de  Saltiq  Baba,  ou  comme 
rappelle,  plus  révérencieusement,  notre  auteur,  de  Baba  Sultan. 
«  Encore  aujourd'hui  la  ville  de  Babadaghi  est  le  fief  (khâss) 
de  Baba  Sultan  »  (page  367). 

A  la  différence  des  récits  d'allure  purement  légendaire, 
auxquels  donnent  lieu  les  autres  tombeaux  de  Sari  Saltiq,  ce 
passage,  tout  embarrassé  qu'il  soit  de  détails  surnaturels,  se 
rattache  à  des  faits  historiques  connus,  tels  que  l'expédition  de 
Bayezid  II  à  Akerman.  Hammer  s'en  serait  sans  doute  servi 
pour  appuyer  sa  thèse.  Ce  texte  permet,  en  tous  cas,  de  con- 
clure que  si  l'on  s'est  trompé  sur  l'identité  de  Sari  Saltiq,  l'er- 
reur a  été  commise  en  1484,  c'est-à-dire  deux  siècles  environ 
avant  l'époque  où  écrivait  Evliya  Tchelebi. 

Ayant  ainsi  passé  en  revue  les  quelques  données  histo- 
riques qu'on  peut  recueillir  sur  Sari-Saltiq,  demandons  à  la 
légende  des  indications  qui  auront  au  moins  l'avantage  de 
parler  à  l'imagination  et  permettront  de  donner  un  semblant 
de  consistance  à  ce  personnage  que  l'histoire  semble  avoir 
presque  entièrement  oublié. 

Voici  ce  récit  tel  que  nous  le  trouvons  dans  Evliya  Tche- 
lebi (II,  133-139)- 

Hadji  Mehemet  Bektach  '  après  avoir  reçu  à  Yesu  ^  des  mains 
de  Khodja  Ahmed  Yesevi  '  l'investiture  de  «  prieur  »  de  der- 

1.  Fondateur  de  l'ordre  des  Bektach  is  dont  l'histoire  a  été  intimement 
liée  à  celle  des  Janissaires.  —  Voir  ce  qu'Evliya  Tchelebi  dit  de  Hadji  Bei<tacli 
(III,  13  et  V,  54)- 

2.  L'ancien  nom  de  la  ville  de  Tiirkestan. 

3.  L'auteur  de  Hikem,  ouvrage  très  connu  en  Asie  Centrale.  Voir  sur  ce 
personnage  Vambéry,  Cagaiaische  Spracbstudieii,  p.  56;  Jacob  (Georg), 
Bdtràge...,  p.  86  note;  Hartmann  (Martin),  Chinesisch-Turkestan.  Evliya 
Tchelebi  (III,  1 3  ;  V,  5  5  et  293)  le  considère  comme  le  «  patron  des  Turcs  » , 


SARI    SALTIQ.  7 

viches  (Sâhib-seddjadè)  en  pays  de  Roum,  c'est-à-dire  en 
Asie-Mineure,  était  venu  rejoindre  le  sultan  Orkhan  avec  370 
derviches  dont  le  principal  était  Kèligra  Sultan  '.  Après  la 
conquête  de  Brousse,  Hadji  Bektach  nomma  à  son  tour  vicaire 
Keligra  Sultan  auquel  il  donna  un  sabre  de  bois,  un  étendard, 
un  tapis  de  prière,  un  tambour  et  un  fifre  et  qu'il  envoya  en 
Europe  avec  70  derviches  pour  s'y  adonner  à  de  pieux  tra- 
vaux. 

Keligra  Sultan  arriva  à  l'endroit  qui  «  a  porté  depuis  son 
nom  »,  traversa  la  mer  sur  son  tapis  et,  débarqué,  en  un  jour, 
en  Crimée,  se  rendit  auprès  des  Hechdeks  ^  de  Russie,  de  là 
chez  les  Lipqas  '  de  Pologne.  Il  pénètre  à  la  faveur  d'un  dégui- 
sement à  Dansqa  (Dantzig),  gagne  la  confiance  d'un  moine 
chrétien  nommé  Sari  Saltiq,  ou  Saint-Nicolas,  le  tue,  cache  son 
cadavre,  se  fait  passer  pour  lui  et  opère  ainsi  un  grand  nombre 
de  conversions  à  l'Islam. 

Il  se  rend  ensuite  à  Pravadi  (Provadia)  où  il  se  rencontre 
avec  le  roi  de  la  Dobroudja,  dont  les  deux  filles  devaient  être 
dévorées  le  lendemain  par  un  monstre  qui  désolait  la  rive 
de  la  Mer  Noire.  On  avait  déjà,  dans  l'attente  du  dragon. 


et  prétend  être  de  sa  descendance.  Il  ne  faisait  qu'imiter  d'autres  personnes , 
à  cet  égard.  Ci.  Journal  Asiatique,  oct.  1826,  p.  208;  Smirnov,  op.  cit., 
p.  173.  —  Hammer  transcrit  :  Yassùi. 

1.  Kaliakra  ou  Kalliakra  ou  Tcheligra  qui  n'est  autre  chose  que  le  cap 
Saint- Nicolas  des  Bulgares.  Les  textes  turcs  donnent  K-l-gra,  que  Hammer 
lit  Kilgra.  Les  cartes  du  xviiie  siècle  portent  Kelogra-Bouroun,  ce  qui  avec 
avec  la  forme  Tcheligra,  nous  porte  à  préférer  la  leçon  Keligra. 

2.  H-s-d-k  ;  est  employé  par  Evl.  Tchelebi  pour  désigner  les  Musulmans 
(les  Tatars)  de  Russie.  Dans  un  passage  (I,  75)  le  mot  est  même  étendu 
aux  musulmans  de  la  Perse,  de  Balkh,  Boukhara,  Khorasan  et  Moscovie. 
Le  contexte  permet  de  discerner  qu'il  s'agit  de  gens  de  la  race  turque.  Le 
même  nom  figure,  sous  la  forme  As-t-k,  dans  une  lettre  d'un  khan  de  Cri- 
mée, dans  le  recueil  de  Véliaminof-Jernof  (page  750),  avec  l'acception  de 
Musulmans  de  Russie. 

3.  Nom  des  musulmans  de  Pologne.  Muchlinski  leur  a  consacré  deux 
études  en  russe  (Saint-Pétersbourg,  1857)  et  en  polonais.  Le  même  nom 
s'appliquait  aux  Tatars  du  nord  de  la  Moldavie  (v.  Bûsching,  édit.  fr.  III, 
518  ;  V Allas  de  Potogne,  de  Rizzi  Zannoni  de  1772,  feuille  XXIII). 


O  y.    DENY 

attaché  les  deux  victimes  à  un  poteau  au  milieu  de  la  plaine 
delà  Dobroudja.  Le  roi  jure  de  devenir  musulman  si  Sari  Saltiq 
délivre  ses  filles.  Le  derviche  accompagné  de  ses  70  compagnons, 
se  rend  à  l'endroit  désigné.  Au  plus  fort  de  la  chaleur  apparaît  le 
monstre.  Lutte  mouvementée  dont  les  traces  subsistent  encore 
dans  le  roc,  sous  la  forme  d'empreintes  de  mains  et  de  pieds. 
Le  sabre  de  bois  finit  par  abattre  les  sept  têtes  du  monstre. 

Pendant  que  Sari  Saltiq  ramène  les  deux  princesses  à  leur 
père,  le  papas  (prêtre  chrétien)  qui  lui  avait  servi  de  guide,  coupe 
sournoisement  les  oreilles  et  la  langue  du  dragon  et,  prenant  les 
devants,  vient  réclamer  au  roi  le  prix  de  la  victoire.  Pour  tran- 
cher le  différend,  on  s'en  remet,  sur  la  demande  de  Sari  Saltiq, 
à  une  sorte  de  jugement  de  Dieu  en  jetant  les  deux  compéti- 
teurs dans  un  chaudron  d'eau  bouillante  à  l'endroit  dit  Qazan 
balqani  (le  Balkan,  c'est-cà-dire  la  montagne  du  chaudron). 

A  ce  moment  critique  Hadji  Bektach  Veli  qui  se  trouvait 
àQir  Chehir,  en  Anatolie,  invoque  Dieu  en  faveur  de  «  Saltiq 
Mehemet  »,  tout  en  passant  son  essuie-main  (destmal)  sur  un 
rocher.  Aussitôt  une  eau  salée  de  jaillir,  et  c'est  là  l'origine  de 
la  source  saline  dite  de  Hadji  Bektach  (Hadji  Bektach  Touzou)', 

On  ouvre  les  chaudrons.  Sari  Saltiq  en  est  quitte  pour  une 
forte  sudation,  tandis  qu'il  ne  reste  que  des  os  du  papas 
imposteur. 

Là-dessus,  le  roi  de  la  Dobroudja  se  convertit  à  l'Lslam  avec 
ses  sujets.  Il  se  soumet  au  sultan  Orkhan  dont  il  reçoit  le 
nom  d'Ali  Moukhtar  avec  l'investiture  (étendard  et  queue  de 
cheval).  Un  qadi  lui  est  envoyé. 

Cette  même  année.  Sari  Saltiq  prédit  que  sept  rois  vien- 
draient se  disputer  à  main  armée  son  cadavre,  et  recommande 
pour  éviter  la  discorde,  de  préparer  sept  cercueils.  Ainsi  fut 
fait.  Apres  sa  mort,  le  corps  de  Sari  Saltiq  fut  placé  dans  l'un 
d'eux.  Les  princes  ne  tardèrent  pas  à  venir.  Chacun  ouvrit 
un  cercueil  et  y  trouva  les  restes  de  Sari  Saltiq  et  chacun  se 

I.  Voir  V.  Ciiinct.  La  Turquie  cFAsit',  I,  342. 


SARI    SALTIQ  9 

crut  en  possession  des  reliques  authentiques.  Ce  fut  d'abord 
le  roi  de  Mosqof  (Russie);  puis  ceux  de  Leh  (Pologne),  de 
Tcheh  (Bohême)  et  d'Ichfet  (Suède)  qui  enterrèrent  chacun 
son  Sari-Saltiq,  respectivement  dans  les  villes  de  Dansqa 
(Dantzig),  de  Pronitchè  '  et  de  Bivantcha. 

En  pays  ottoman  trois  autres  princes  en  firent  autant  :  le 
roi  d'Édirnè  (Andrinople)  inhuma  un  cercueil  à  Batouria, 
aujourd'hui  Baba  Eski;  Yervan,  roi  de  Bogdan  (Moldavie) 
déposa  le  sien  dans  un  ancien  couvent,  près  du  fort  de 
Bogova%  «  aujourd'hui  Babadaghi  »,  et  ce  tombeau  fut  plus  tard 
restauré  par  Bayezid  IL  C'est  celui  dont  nous  avons  déjà  parlé. 
Le  septième  et  dernier  exemplaire  du  cadavre  fut  enterré 
par  Ali  Moukhtar,  le  prince  de  la  Dobroudja  qui  avait  envoyé 
Sari  Saltiq  combattre  le  dragon.  Ce  tombeau  est  au  cap 
Keligra'. 

Sari  Saltiq,  ajoute  Evliya  Tchelebi,  durant  21  ans,  déguisé 
en  moine  chrétien,  a  prêché  la  foi  musulmane.  «  Il  s'appelait 
Baba  Sultan,  Sari  Saltiq  Sultan,  Keligra  Sultan.  Les  chrétiens  qui 
l'honorent  beaucoup...  l'appellent  Svet-Nikola(saintNicolas). 

A  un  autre  endroit  de  son  voyage  (I,  659),  il  affirme 
l'identité  de  Sari  Saltiq  avec  Mehemet  Boukhari  4,  l'un  des 
saints  les  plus  vénérés  de  l'Anatolie.  L'assurance  de  notre 
auteur  ne  se  trouve  en  rien  diminuée  du  fait  qu'il  avait 
visité  aux  environs  de  Brousse,  le  véritable  tombeau  de  Mehe- 
met Boukhari  (II,  47). 

On  trouve  d'autre  part,  dans  le  livre  de  feu  M.  A.  Degrand, 
Souvenirs  de  la  Haute-Albanie  >,  une  autre  version,  quelque 
peu  différente  de  la  même  légende,  brièvement  résumée  d'après 
un  Vilayetnamè  «  ouvrage  sur  parchemin  d'un  auteur  inconnu, 


1.  Hammer  lit  Pezzunijah  et  Brun  y  voit  le  nom  de  Pilsen  (?) 

2.  Chez  Hammer  :  Bozak  (Travels...  I,  partie  II,  p.  72). 

3.  «  Ce  qui  signifie  en  latin,  le  dragon  à  sept  têtes  »,  dit  Evliya  Tchelebi. 

4.  Chez  Hammer  :  Boukhara.   Il  est  plus  connu  sous   le  nom  d'Emir- 
Sultan.  Voir  à  son  sujet  Evl.  Tchel.,  II,  48. 

5.  Paris,  Welter,  1901.  —  Voir  les  pp.  228  à  248  de  ce  livre  intéressant. 


lO  J.    DEKY 

très  ancien  et  rare  :  Kaza  '  kitab  vilayet  name  [-i-]  shérift 
Hunkiar  Hadji  Begtasch  veli  kades  Sirréhoulaziz,  livre  qui  se 
trouve  à  Tirana  et  contient  la  vie  et  les  miracles  de  Hadji 
Begtasch  ».  «  Sari  Saldiq  »  y  figure  comme  berger  de  Bektach. 
Cette  version  a  également  pour  centre  Keligra  ^ 

Enfin,  Degrand  nous  donne,  (p.  236-240)  avec  plus  de 
développement  l'épisode  du  dragon  tel  qu'il  l'a  recueilli  à  Croïa, 
où  l'on  montre  également  un  tombeau  de  Sari  Saltiq,  ainsi 
que  les  traces  palpables  de  la  lutte  avec  le  monstre.  Cette  ver- 
sion est  plus  complète  que  celle  d'Evliya  Tchelebi  dont  l'affa- 
bulation est  assez  confuse.  Quant  aux  divergences  qu'on  y 
constate,  elles  semblent  pouvoir  s'expliquer  par  le  désir 
d'adapter  aux  particularités  locales  de  Croïa  l'histoire  de  Sari 
Saltiq. 

Analysons  rapidement  les  traits  les  plus  saillants  de  cette 
légende. 

Notons  de  suite  que  le  thème  de  la  lutte  victorieuse  contre 
le  danger  est  loin  d'être  spécial  à  l'histoire  de  Sari  Saltiq.  Les 
moines  bektachis  en  s'appropriant  ce  personnage  lui  ont  attri- 
bué un  exploit  familier  à  leurs  légendes.  D'autres  derviches 
héroïques  ont  abattu  les  sept  têtes  avec  leur  sabre  de  bois  et  ont 
reproduit  le  miracle  de  la  source. 

Il  existe,  d'autre  part,  une  fable  d'origine  populaire  dans 
laquelle  un  certain  Atoglou  ou  Atolou  '  (le  fils  du  cheval) 
sauve  une  princesse  en  tuant  un  dragon  à  sept  têtes  ;  la  source 

1 .  Lire  Haza.  —  La  Bibliothèque  Nationale  possède  également  un  «  Vilâyet- 
namè-i-Hadji  Bektach  Veli  »  ms.  Ancien  fonds  turc  156,  mais  il  ne  contient 
rien  au  sujet  de  Sari  Saltiq.  —  D'après  M.  Jacob,  Beiirâge. . .,  p.  i  note, 
l'ouvrage  signalé  par  M.  Degrand  serait  le  même  que  celui  que  possède,  en 
manuscrit  également,  M.  Brown  (d.  Joiinuil  of  the  Royal  Asiatk  Society, 
1907,  p.   561). 

2.  M.  Degrand  lit  Kelfra.  La  confusion  entre  f<^\.g  est  due  à  la  similitude 
des  caractères  arabes  figurant  ces  deux  sons. 

3.  Ce  conte  a  été  traduit  par  M.  Ignaz  Kùuos.  Der  PfenJesohn.  Elu  ti'ir- 
kischcs  Volksmàrchen.  Deux  articles  dans  la  Uiigarische  Revue  de  Budapest, 
1888  et  1889.  —  Un  autre  article  du  même  auteur  «  Eine  tùrkische  Sicgfried- 
sage  »  ihid.,  1887)  rapproche  ((  Atoglu  »  de  «  Ferdinand  der  Schmied  ». 


SARI    SALTIQ  II 

y  figure.  Enfin,  le  saint  Georges  de  l'Orient,  Khizir,  a  été 
légué  également  aux  Turcs  par  la  légende  arabe  '. 

L'épisode  du  dragon  n'off"re  donc  point  d'intérêt  pour 
nous. 

Notre  légende  contient,  par  contre,  d'autres  éléments  plus 
caractéristiques.  Ce  sont  notamment  les  voyages  de  Sari  Saltiq 
et  sa  prédication. 

Nous  le  voyons  arriver  du  Turkestan  et  prendre  part,  sous 
la  forme  de  Mehemet  Boukhari,  à  la  prise  de  Brousse  par 
les  Ottomans,  après  quoi  il  passe  en  Europe  (en  Dobroudja) 
et  gagne  la  Crimée  pour,  de  là,  aller  prêcher  en  Russie  et  en 
Pologne. 

Notons  que  la  première  partie  de  ce  voyage  (parcours  asia- 
tique) se  confond  avec  la  marche  des  Ottomans  sur  Brousse 
et  ne  pourrait,  par  conséquent,  prendre  date  qu'à  l'année  1326 
de  notre  ère,  tandis  que  la  seconde  partie  (parcours  européen), 
se  confondant  avec  la  migration  des  Seldjouqs  en  Dobroudja 
(en  1263),  se  trouve  être  de  beaucoup  antérieure. 

Sans  se  soucier  de  la  chronologie,  on  a  voulu  mettre  au 
compte  de  Sari  Saltiq  les  actes  de  Mehemet  Boukhari  avec 
lequel  on  l'a  confondu,  intentionnellement,  afin  de  faire  de  leurs 
épopées  réunies  comme  la  figuration  d'une  seule  chose  :  la 
marche  triomphale  de  l'Islam  turc,  une  sorte  de  «  Gesta  Dei 
per  Turcas  ».  C'est  pour  cela  que  l'itinéraire  de  Sari-Saltiq 
s'étend  et  s'allonge  par  les  deux  bouts.  D'une  part,  on  le  rat- 
tache par  delà  Mehemet  Boukhari,  au  cheikh  du  Turkestan,  à 
Khodja  Ahmed  Yesevi,  «  le  patron  des  Turcs  ».  On  remonte 
ainsi  au  berceau  de  la  race.  D'autre  part,  on  lui  fait  dépasser 
la  Dobroudja  et  il  porte  la  parole  islamique  et  turque  dans 
tous  les  endroits  de  l'Europe  où  il  y  a  des  Turco-Tatars  ou, 
comme  dit  la  légende,  des  «  musulmans  ».  Sari-Saltiq,  pré- 
senté ainsi,  personnifie  l'expansion  de  son  peuple. 

I.  Voir  sur  l'extension  de  ce  mythe  les  articles  de  M.  Clermont-Gan- 
neau  :  Horus  et  saint  George.  Acad.  des  Inscript,  et  Belles-lettres.  Comptes 
rendus  des  séances  de  l'année  1880. 


12  J.    DENY 

Il  existait,  d'ailleurs,  une  survivance  curieuse  du  souvenir 
laissé  par  lui,  à  ce  titre  :  Evliya  Tchelebi,  dont  le  dire  se 
trouve,  sur  ce  point,  contrôlé  par  d'autres  textes  ',  nous 
apprend  que  ce  héros  national  était  le  patron  de  la  corpora- 
tion des  bozadjis  de  Constantinople,  pour  la  plupart  des 
Tatars.  Comme  l'indique  leur  nom,  ces  gens  vendaient  la 
boza  ^,  leur  boisson  nationale,  une  boisson  fermentée  faite 
avec  du  millet. 

Disons  enfin  quelques  mots  des  autres  particularités  de  la 
légende  de  Sari  Saltiq,  particularités  qui,  relevant  du  domaine 
du  merveilleux,  ne  paraissent  pas,  de  prime  abord,  se  ratta- 
cher à  une  réalité  historique. 

C'est  d'abord  le  fait  que  Sari  Saltiq  se  substitue  à  un 
moine  chrétien. 

Ce  détail  de  la  légende  ne  doit  pas  être  étranger  aux  assez 
nombreuses  identifications  de  Sari  Saltiq  avec  des  saints 
chrétiens,  notamment  avec  saint  Nicolas  ',  avec  saint  Naoum 
(enterré  près  du  lac  d'Okhrida)  et  avec  saint  Spiridion,  dont 
les  reliques  jouissent  d'une  si  grande  vénération  à  Corfou  ^. 

En  énumérant  les  tombeaux  de  Sari  Saltiq,  Evliya  Tchelebi 
les  place,  d'ailleurs,  dans  d'anciens  couvents  chrétiens  K 

Un  autre   trait,   également  bizarre,  de   notre  légende,    la 

1.  Voir  le  «  Futuvvet-nâmè  »,  ms.  de  la  Bibliothèque  Nationale.  Supplé- 
ment turc  9,  fol.  137.  Sari  Saltiq  y  est  désigné  comme  :  «  bozadjilar  piri  ». 
Evliya  Tchelebi  proteste  contre  une  insinuation  aussi  irrévérencieuse  et 
préfère  confier  ce  rôle  à  Salsal. 

2.  Voir  ce  que  dit  de  la  «  boza  »  ou  «  houza  »  Ibn  Batouta  II,  567. 

5.  Saint  Nicolas,  alias  Keligra,  alias  Sari  Saltiq.  Cette  identification  pour- 
rait être  due  simplement  à  ce  fait  que  le  cap  Keligra  s'appelle  en  Bulgarie 
cap  de  Saint-Nicolas.  Il  y  avait  un  tèkyè  de  bel<tachis  où  séjourna  Evliya 
Tchelebi.  Ce  sont  peut-être  ces  derviches  qui  lui  ont  fait  adopter  cette 
identification. 

4.  Dictionnaire  de  noms  propres  de  Sâmi-Bey  (en  turc),  au  mot  de  Sari- 
Saltiq. 

5.  S'il  fallait  prendre  ce  détail  au  pied  de  le  lettre,  il  constituerait  une 
grave  objection  contre  l'identification  de  Sari  Saltiq  avec  le  personnage  dont 
le  tombeau  aurait  été  restauré  à  Babadaghi  par  Bayezid  II.  Il  ne  s'agirait 
que  d'une  nouvelle  adoption  par  l'Islam  d'un  saint  chrétien. 


SARI    SALTIQ  I3 

quasi-ubiquité  de  Sari-Saltiq  se  présente,  semble-t-il,  comme 
un  simple  corollaire  des  identifications  multiples  dont  il 
vient  d'être  parlé.  Acceptant  de  confiance  les  difî'érents  tom- 
beaux, au  nombre  de  sept  et  même  de  quarante,  de  Sari  Saltiq, 
la  légende  a  fini  par  en  donner  une  explication  anticipée  : 
Sari  Saltiq  prend  lui-même  les  devants  en  se  commandant 
un  grand  nombre  de  cercueils. 

Notons  aussi  qu'aucun  de  ces  derniers  ne  figure  en  Asie.  Ils 
sont  tous  en  Europe. 

Une  tendance  nouvelle  se  laisse  ainsi  discerner  à  travers 
les  bizarreries  de  l'affabulation,  celle  d'attacher  Sari  Saltiq  au 
sol  de  l'Europe.  D'où  une  sorte  de  dédoublement  :  à  côté  du 
personnage  que  nous  avons  vu  plus  haut,  —  et  qui  semble 
prendre  dans  la  légende  une  si  vaste  part  à  la  représentation  de 
l'Islam  turc,  —  se  dessine  un  Sari  Saltiq  à  compétence  terri- 
toriale plus  étroite,  si  l'on  peut  dire.  Installé  en  Europe,  il 
devient  plus  qu'à  moitié  chrétien,  comme  la  terre  qui  Ta 
adopté.  Le  voilà  bien  loin  de  son  rôle  premier  de  prédicateur 
musulman.  Il  appartient  simultanément  aux  deux  panthéons, 
celui  des  saints  musulmans,  et  celui  des  saints  chrétiens, 
comme  nous  l'indique,  entre  autres,  un  passage  d'Evliya 
Tchelebi  (V,  i88)  qui  prête  ces  lamentations  à  des  chrétiens  en 
détresse  :  «  Jésus,  Marie,  saint  Nicolas,  Sari  Saltiq,  Auguste...  » 

Ailleurs,,  notre  voyageur,  qui  a  lui-même  raconté  que  Sari 
Saltiq  était  un  moine  chrétien,  soit  scrupule,  soit  oubli,  pro- 
teste contre  une  semblable  insinuation  à  cause  du  discrédit 
qu'elle  peut  jeter  sur  le  vénérable  saint  (III,  366). 

Cette  christianisation  de  notre  personnage  est-elle  due  aux 
Bektachis  ?  N'oublions  pas,  en  eft'et,  que  ceux-ci  le  considèrent 
comme  l'un  des  leurs,  que  presque  tous  ses  tombeaux  sont 
dans  un  «  tèkyè  »  de  leur  ordre,  et  qu'il  n'y  aurait  là  qu'une 
manifestation  nouvelle  des  tendances  qu'ils  ont  toujours 
marquées  pour  le  «  krypto-christianisme  islamique  »,  comme 
dit  M.  Georg  Jacob  '. 

I.  Dans  sou  étude  :  «  Die  Bektaschijjc  in  ihrem  Vcrhaltniszu  verwandten 
Erscheiuungen  »  Abb.  der  ...  bay.  ak.  der  IViss.,  t.  XXIV.  Munich  1909. 


14  J.    DEXY 

Ce  nouvel  et  dernier  avatar  de  Sari  Saltiq  sort-il  de  l'officine 
des  Bektachis,  alambiqué  par  quelque  derviche  cauteleux  ou 
superstitieux,  ou  bien  a-t-il  été  forgé  de  toutes  pièces  au  foyer 
de  la  légende  populaire,  au  feu  où  vient  s'alimenter  une  ima- 
gination naïve,  avec  ce  besoin  incurable  de  merveilleux  et 
de  paganisme,  qui  est  commun  aux  âmes  chrétiennes  et 
musulmanes  ?  Il  ne  serait  peut-être  point  facile  de  répondre  à 
cette  question. 

Il  faudrait  avoir  plus  de  données  sur  la  vie  de  Sari  Saltiq. 

Malheureusement  les  ouvrages  auxquels  renvoie,  pour  plus 
de  détails,  Evliya  Tchelebi  ont  dû  se  perdre. 

Notre  voyageur  (III,  366)  cite  un  petit  écrit  auquel  il 
semble  donner  le  titre  de  «  Menâqib  »,  ou  «  actions  remar- 
quables »,  dû  à  la  plume  de  Mehemet  Yazidji-Oghlou  de  Gal- 
lipoli,  l'auteur  bien  connu  de  la  «  Mohammediyè  »  mort  en 
854  (1449-1450). 

Il  affirme  également  avoir  lu  un  ouvrage  dit  «  Saltiq-namè  » 
qui  serait  une  compilation  faite  par  Ken'an  Pacha  '  du  temps 
où  il  avait  été  vali  de  Silistrie  et  d'Ozou  (=  Otchakov)  ^, 
compilation  d'après  l'ouvrage  précédent  et  d'autres  écrits  tels 
que  «  Futouhat-i-Tokhtamich  »  (?) 

Ajoutons  qu'on  aura  sans  doute  plus  de  détails  sur  Sari 
Saltiq  le  jour  où  aura  paru  l'Oghouznamé  retrouvé  dans  les 
archives  du  Sérail  '  et  dont  le  texte,  publié  par  Lagus,  ne  doit 
être  qu'un  extrait  résumé. 

L'étude  que  nous  venons  de  faire  est  forcément  sommaire 
et  incomplète.  Elle  se  proposait  d'ailleurs  uniquement  de  réu- 
nir le  peu    de  renseignements  qu'on  a  sur  Sari   Saltik  "^  et 

1.  Autrement  dit  Qpdja  Ken'an  Pacha  marié  à  'Atikè  Sultane,  fille 
d'Ahmed  Ie''(voir  Mehemet  Sùreyya.  Sidjill-i-Osmani,  p.  85).  Il  ne  faut  pas 
le  confondre  avec  un  autre  Ken'an  Pacha,  marié  à  'Atikè  Sultane,  fille 
d'Ibrahim  l"  (ihid.). 

2.  En  1046  (=  1635-1656).  Cf.  Evl.  Tch.  V,  106. 

3.  Voir  Martin  Hartmann.  Unpolitische  brieje  ans  dcr  Tiirkei,  p.  37. 

4.  Citons  aussi  une  prière  bizarre  où  Evliya  Tchelebi  invoque  Sari  Saltiq, 
prière  qu'il  prétend  avoir  faite  en  présence  du  sultan  Mourad  IV  et  pour 


SARI    SALTIQ.  I5 

d'attirer  lattention  du  lecteur  sur  ce  personnage,  d'apparence 
falote,  mais  qui  a  dû  jouer  un  rôle  important  à  son  heure. 

J.  Deny. 

favoriser  ses  exploits,  pendant  que  cet  athlète  amateur  luttait  à  bras-le-corps 
avec  des  personnages  de  sa  suite  (I,  254). 


UNE  LETTRE  D'ANTOINE  ARLIER 
A  LOUIS  GRILLE 


Cette  lettre,  écrite  par  Arlier  au  moment  du  passage  du  roi 
en  Provence  en  1537,  est  adressée  à  un  personnage  qui, 
malgré  le  fait  que  son  nom  soit  tombé  dans  l'oubli,  jouait  un 
rôle  assez  important  dans  son  pays  au  xvi'^  siècle.  Ainsi  qu'on 
le  voit  par  les  renseignements  qui  suivent,  sa  famille  était 
une  des  plus  puissantes  de  la  ville  d'Arles. 

Louis  Grille  était  petit-fils  de  Jacques  Grille  qui  vint  de 
Gênes  s'établir  à  Arles  vers  le  milieu  du  xv^  siècle.  Jacques 
testa  d'abord  en  1453,  encore  en  1460,  et  enfin  en  1464 
(^Cabinet  de  d'Ho:{ier,  174,  Bihl.  nat.).  Dans  un  document  du 
13  mai  1454,  il  y  a  mention  de  Jacques  Grille,  damoiseau 
d'Arles  (GarJ,  arch.  civ.,  série  E  358).  Sa  femme,  Catherine 
Bouic,  qu'il  avait  épousée  le  27  novembre  1449,  testa  en  1453, 
1455,  1459  et  enfin  en  1469,  la  date  sans  doute  de  sa  mort 
((2ah.  de  d'Ho^.,  174).  Le  fils  de  Jacques,  Simon  Grille,  fut  syn- 
dic de  la  ville  d'Arles  en  1475,  1481  et  1501,  Il  épousa 
Jeanne  Vento  ou  de  Vente  le  29  décembre  1472  (Nobiliaire 
delà  Ville  d'Arles,  par  Laurent  Bonnemant,  1775.  Ms.  de  la 
Bibl.  d'Arles).  Ce  contrat  de  mariage  sous  seing  privé  fut 
rédigé  en  forme  publique,  le  17  août  1479,  par  Guillaume 
Raymundi,  notaire  royal  d'Arles.  D'après  ce  contrat,  Jeanne 
était  fille  nohili  viri  PercevaUi  Venio  qiwndam  mercatoris  ciiiitatis 
Massiliae  et  de  noble  Milbefa,  veuve  de  Perceval,  lors  de  la 
rédaction  de  cet  acte  en  présence  de  plusieurs  citoyens  de  la 
ville  d'Aix  (ibid.).  Simon  assista  au  contrat  de  mariage  de 
Marie,  sa  sœur,  à  Arles,  le  2  avril  1472,  et  lui  constitua  en 
dot  1675  florins.  Il  fut  également  présent  à  celui  d'Orientine, 

Mélanges.  II.  2 


l8  JOHN   GERIG 

son  autre  sœur,  le  même  jour  ÇChérin,  199,  Bibl.  nat.').  Il  fut 
un  des  consuls  nobles  de  la  ville  d'Arles  pour  l'année  1475 
{Registre  Creator,  Arch.  de  l'Hôtel  de  Fille  d'Arles).  Il  fut  encore 
consul  en  1489  et  en  1501.  {Annales  de  la  Ville  d'Arles,  par 
L.  Bonnemant,  Bibl.  d'Arles).  Il  mourut  au  mois  de  mai  15 10, 
sans  avoir  fait  de  testament  {Chérin  199).  Le  9  avril  15 13,  sa 
veuve,  Jeanne  de  Vente,  donna  tous  ses  biens  à  son  fils  aîné 
Pierre  {Cab.  de  d'Ho:^.,  174).  Dans  une  transaction  passée  par 
la  veuve  de  Simon,  tant  en  son  nom  qu'en  celui  de  Louis  et 
Vincent  Grille,  ses  enfants,  avec  Pierre,  son  autre  fils,  le  18 
septembre  15 17,  il  est  dit  que  Simon  laissa  de  son  mariage 
avec  Janotte  six  enfants  relictis  et  superstitibus  sibi  Petro,  Domino 
Lîidovico  jiirium  doctore,  Johanne-Bapisttâ  canonico  Arelatensi, 
Stephano  vionacho  Montisniajoris,  Barnabâ  canonico  Nemausensi, 
Vincentio  et  Magdalenâ,  moniali  monasterii  Sancti  Cesarii  {Nobi- 
liaire d'Arles,  I,  f°  4  ;  Chérin,  199).  Dans  le  préambule  de 
cette  transaction  il  est  dit  que  Pierre,  après  la  mort  de  son 
père,  a  pris  l'administration  de  ses  biens  et  les  a  gérés  à  sa 
volonté  jusqu'cà  ce  jour  ;  qu'à  cette  occasion  il  s'était  élevé  un 
différend  entre  les  enfants  puînés  et  Pierre,  ceux-là  prétendant 
qu'il  restait  leur  débiteur  pour  une  grande  somme  d'argent. 
Par  cette  transaction  la  veuve  de  Simon,  comme  donataire 
des  biens  de  Jean-Baptiste,  Barnabe  et  Madeleine,  et  les  deux 
autres  enfants  majeurs,  Louis  et  Vincent,  convinrent  avec 
Pierre  qu'il  aurait  encore  durant  cinq  ans  l'administration  des 
biens  de  Théritage  sans  les  diviser,  à  condition  de  payer  toutes 
les  dettes  et  pensions  de  la  succession.  Pierre  s'engagea  aussi  à 
nourrir  et  à  entretenir  sa  mère  avec  une  servante  {ibid.).  Trois 
mois  plus  tard,  le  22  décembre  15 17, 7îobilis  Janota  Vento,  Vin- 
cent et  Louis  Grille  se  portèrent  garants  de  la  dot  constituée 
par  noble  Paul  Grille,  de  Gènes,  à  Orientine  sa  fille  {ibid.). 
Enfin  le  i"  janvier  15 18,  Pierre,  Louis  et  Vincent  Grille  par- 
tagèrent les  biens  de  leur  père  avec  leur  mère  Jeanne  de  Vente, 
qui  mourut  le  7  octobre  1540  (//^/V/.). 

Quant  à  Pierre,  fils  aîné  de  Simon,  nous  trouvons  d'abord 


LETTRE    D  ANTOINE    ARLIER    A    LOUIS    GRILLE  T9 

que  le  7  septembre  15 11  il  fit  donner  par  son  frère  Barnabe, 
au  chapitre  de  Saint-Augustin,  une  chape,  une  tasse  d'argent  et 
dix  florins,  parce  qu'on  venait  de  donner  l'habit  de  cet  ordre 
à  son  frère  (Menard,  Hist.  de  Nîtnes,  1874,  t.  V,  p.  77).  L'an- 
née suivante,  le  25  avril,  Pierre  est  élu  capitaine  d'Arles  {An- 
nales de  la  ville  d'Arles,  loc.  cit.)  Parmi  les  autres  charges  qu'il 
occupa  se  trouvent  celles  d'estimateur  de  la  ville  en  1522,  de 
consul  en  153 1,  et  de  capitaine  de  la  Tour  en  1535  (Cab. 
de  d'Ho^.,  174).  Le  8  avril  15 13,  Pierre  Grille  épousa  Petrani 
de  Cavallione,  fille  de  feu  Gilles  de  Cavallione,  habitant  d'Arles 
(Chérin  199).  D'après  les  registres  du  notaire  Camaret,  le 
5  septembre  1531,  noble  Pierre  de  Grille  «  recognoist  maison 
à  la  paroisse  Ste  Anne,  rue  de  la  Calade,  servant  aux  béné- 
ficiatures  de  St  Jehan  »  ÇCab.  de  d'Ho:^.,  174).  Le  20 
décembre  1535,  lui  et  les  consuls  de  la  ville  se  consultent  au 
sujet  de  la  nouvelle  charge  de  lieutenant  de  Sénéchal  à  laquelle 
Antoine  ArlierdeNîmesvenait  d'être  nommé  {Annales  de  laville 
d'Arles,  loc.  cit.).  Dans  les  preuves  testimoniales  d'Honoré  de 
Grille  pour  l'ordre  de  Malte  en  1540,  on  fait  mention  de  noble 
Pierre  de  Grille  son  père  (Chérin,  199).  Il  y  a  une  quittance  faite 
par  lui  le  3  novembre  1547  {ihid.).  Puis  le  30  août  1554,  Guil- 
lemette  de  Rispe,  abbesse  de  Saint-Sauveur,  fait  une  quittance 
de  300  livres,  valant  500  florins  petits,  à  noble  Pierre,  écuyer, 
comme  tuteur  des  hoirs  de  noble  Louis  de  Cavaillon,  repré- 
senté par  Barnabe  Grilhe,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Nîmes, 
recteur  de  l'église  Saint-Etienne  du  Chemin  {Archives  départ, 
du  Gard,  série  E  737).  Pierre  de  Grille  fit  son  testament  au 
monastère  de  Saint-Césaire,  dans  la  chambre  de  l'abbesse,  le 
II  août  1558.  Dans  son  testament,  il  fait  un  legs  à  son  fils 
Valentin  et  nomme  Gabriel  et  Nicolas  légataires  universels 
{ibid.).  Sa  veuve  fit  son  testament  à  Tarascon  le  14  octobre 
1559.  L'année  suivante,  le  30  septembre,  elle  fit  un  codicille 
où  elle  substitua  Nicolas  à  Valentin  comme  héritier  universel, 
et  à  celui-ci  Anne  et  Marguerite,  ses  filles  {Cah.  de  d'Ho:^.). 
Enfin  feu  noble  Pierre  de  Grille  et  sa  femme  Pierre  de  Cava- 


20  .  JOHN    GERIG 

Ihon  sont  rappelés  dans  une  sentence  rendue  le  13  février 
1572  en  faveur  de  Valentin  leur  ûhÇibid.y  Par  les  documents 
que  nous  avons  cités,  on  trouve  que  Pierre  de  Grille  eut  huit 
enfants  :  Valentin_,  son  fils  aîné,  Gabriel  et  Nicolas,  conseiller 
à  la  Cour  des  Aides  de  Montpellier,  mentionnés  dans  le  docu- 
ment du  II  août '15 58;  Honoré,  mentionné  dans  les  preuves 
testimoniales  de  1540;  Anne,  femme  de  Jean  Motel  ;  Jeanne, 
religieuse  de  Saint-Césaire  ;  Madeleine  et  enfin  Marguerite, 
femme  de  Nicolas  Romyeu,  receveur  pour  le  roi  au  ressort 
d'Arles.  Dans  un  document  du  25  mars  1549,  Nicolas  Grille, 
docteur  en  droit,  fils  de  Pierre,  est  appelé  juge  ordinaire  de 
Saint-Gilles  (^/t/j/z^.  du  Gard,  E  923).  Il  fut  pourvu  de  l'office 
de  conseiller  du  ,roi  et  général  en  la  Cour  des  Aides  de 
Montpellier  le  19  février  1566,  en  remplacement  de  son  oncle 
Louis  (^Carrés  de  d'Ho^.  t.  3  î^;  Pièces  originales  1409,  Bibl.  nat.') 
Le  13  août  1574,  Nicolas  épousa  en  secondes  noces  Phélize  de 
Quiqueran  d'Arles,  fille  de  feu  noble  Ardoin  de  Quiqueran, 
seigneur  de  Ventabreu,  et  de  Jeanne  Deiguières,  fille  du  notaire 
Jean  Deiguières  (^Carrés  ded'Ho^.,  loc.cit.). 

Il  avait  déjà  épousé  en  premières  noces  Christofle  de  Bour- 
din,  dont  il  eut  un  fils  Antoine  de  Grille,  qui  fut  à  son  tour 
conseillera  la  Cour  des  Aides.  Le  23  janvier  1593,  Antoine 
épousa  Isabeau  de  Bourcier  de  Pontault,  seigneuresse  de 
Barre,  Cabanes  et  autres  lieux.  La  mère  d'Izabeau  était  Cathe- 
rine de  Sarras,  fille  de  Jacques  de  Sarras,  dont  nous  aurons  à 
parler  ailleurs  (ibid.)\ 

Quant  à  Louis  de  Grille,  second  fils  de  Simon,  auquel 
Arlier  a  adressé  sa  lettre,  ce  fut  le  membre  le  plus  illustre  de 
cette  famille  importante.  Il  était  déjà  en  15 13  docteur  en  droit 
et  jouissait  de  la  charge  d'assesseur  de  la  ville  d'Arles  élu  le 
8  avril  (^Annales  de  la  ville  d'Arles,  loc.  cit.y  Plus  tard  il  était 
reconnu  comme  un  des  conseillers  les  plus  savants  de  la  Cour 
des  Aides  de  Montpellier.  On  l'estimait  surtout  à  Arles,  on  ne 

I.  Pour  Valentin  Grille,  (ils  aîné  de  Pierre,  voir  plus  loin. 


LETTRE    D  ANTOINE    ARLIER    A    LOUIS    GRILLE  21 

s'étonne  donc  pas  de  trouver  dans  les  actes  consulaires  du 
!"■  janvier  15 14  que  «  le  présent  conseilh  ha  ordonné  que  nul 
n'aye  office,  qui  ne  soit  conseilhier  de  l'année  et  aye  demouré 
ung  an  revoUu  conseilhier,   excepté  à    l'office  de  Monsieur 
l'Assesseur  Grille  »   (ibid.).  D'après  les   registres  du  notaire 
Pierre  Barberi  de  la  même  année  (le  4  avril),  Johamieta  Vento 
dût...  Petro  Grille,  filio  suo,  ut  matrimonio  possit  secollocare,  ter- 
tiam  partem  bonorum  quorum,  ciim  pacto  quod  si  decedat  sine  libe- 
ris,  donatio  deveniat  ad  Ludovicum  et  Vincenthim,  duosfilios  suos 
(Nobiliaire  de  la  ville  d'Arles,  loc.  cit.).   Le  13  janvier  15 15, 
selon  les  registres   du  même  notaire  Johannis  de  Camareto, 
nobilis et  potens  vir  Phil.  Ayniiui,  capitaneus  castri  et portaliti  Tha- 
rasconis  constitiiit  sunin  procnratorem  nohilem  Lud.  Grilhe,  sororiiim 
suum  (ibid.).  On  trouve  dans  les  registres  du  même  notaire  de 
cette  année-là  (le  21  avril)  que  nobilis  Lud.  Grille,  jiiriiim  doc- 
tor,  désemparât  Ambrosio  Grille,  habitatori  Montismajoris,  omnia 
bona  que  dictus  suus  patruus  ipsi  Lud.  dederat  donatione  intervivos 
(ibid.).  Le  7  janvier  15 16,  Jeanne  de  Vente  et  Louys  Grille, 
au  nom  de  Pierre  et  Vincent  Grille,  dant  terram  in  piano  Burgi 
nobili  Christoph.  Boche pro  dote  Orientine  Grille  ejusuxorisQbid.). 
Les  registres  du  notaire  Pierre  Bruni,  du  26  mai   15 17,  con- 
tiennent la  mention  que  Jeanne  de  Vente,  «  donataire  des 
biens  de  feu  noble  Jean-Baptiste  Grille  (mort  le  10  mai  15 14), 
en  son  vivant  chanoine  de  l'église  d'Arles,  d'Estienne  Grille, 
religieux   de  Montmajour,   de   Barnabe  Grille,   chanoine   de 
Nîmes,   et  de  Magdelaine  Grille,  religieuse  à  Saint-Césaire, 
ses  enfants,  se  souvenant  qu'elle  a  fait  donation  du  tiers  de 
ses  biens  à  noble  Pierre  Grille,  son  fils,  par  acte  du  29  avril 
15 13,  en  donne  par  semblable  donation  un  autre  tiers  à  Lou^^s 
Grille,  docteur  endroit,  son  très  cher  fils  »  (ibid.).  Le  18  sep- 
tembre 15 17,  il  y  avait  une  transaction  entre  Jeanne,  Louis 
et  Vincent,  d'une  part,  et  Pierre,  de  l'autre  Qbid.  ;  cf.  Simon 
Grille).  L'année  suivante  (15 18),  Louis  fut  nommé  conseiller 
et  général  en  la  Cour  des  Aides  de  Montpellier  (Aigrefeuille, 
Hisl.  de  Montpellier,    1879,  II,  pp.  409-10;  ms.  du  sieur  de 


22  JOHN    GERIG 

Rignac).  Les  registres  du  notaire  Jean  Daugières  de  cette 
année  nous  font  savoir  qu'au  i"  janvier  les  biens  de  Simon 
Grille  furent  partagés  entre  Pierre,  Louis  et  Vincent,  ses  fils, 
et  qu'ils  avaient  une  sœur  Margarite  qui  mourut  le  2  sep- 
tembre 1506  {Nobiliaire  de  la  ville  d'Arles,  loc.  cit.^.  Par  ce 
partage,  Louis  eut  totum  afarede  Caparron,  un  jardin  situé  dans 
la  ville  d'Arles,  etc.  (Chérin,  199).  Louis  Grille  est  un  des 
juges  du  procès  entre  Raulin  Séguier  et  Guillaume  Boyssonis, 
le  23  janvier  1521  {Arch.  de  la  Cour  des  Aides,  15 17-1523;  cf. 
Notes  sur  Raulin  Séguier  etc.,  par  J.  Gerig,  Les  A  finales  du 
Midi,  XXI,  1909).  Son  nom  paraît  encore  parmi  les  juges  de 
Gourdes  Aides,  le  2  août  1527  (Arch.  de  la  Cour  des  Aides^. 
Dans  un  curieux  document  rédigé  le  24  septembre  1528  «en 
la  cité  de  Rodez  et  maison,  sive  hostellarie  vulgairement  appe- 
lée, où  pend  par  anseigne  Vale,  et  à  la  chambre  dit  le  soleil  », 
on  trouve  les  faits  suivants  :  «  C'est  la  fourme  de  procéder  et 
table  sur  le  faict  de  la  ville,  ressarche  et  reveue  generalle, 
estimation  et  avaluation  de  tous  et  chascuns  les  biens  immeubles 
et  meubles,  lucratifs,  bestail  et  aultres  subjectz  à  contribuer 
aux  tailhes  et  deniers  royaulx  de  la  conté  de  Rodez,  quatre 
chastellanies  et  leurs  ressortz,  faicte,  arrestée  et  accourdée  par 
nous,  Loys  Grille,  général  et  conseiller  du  Roy  nostre  sire  en 
sa  court  des  généraulx  de  la  justice  des  aides  séant  à  Mont- 
pellier »  (^Arch.  départ.,  Gard,  E  767).  Les  registres  du  notaire 
Jehan  Daugières  (f°  99)  contiennent  une  mention  d'une  tran- 
saction qui  eut  lieu  le  16  septembre  1530  entre  noble  Loys 
Grille,  général  des  Aides,  etc.,  et  noble  Vincent  Grille  d'Arles 
(jCab.  de  d'Ho^.,  174).  Dans  un  arrêt  de  la  Cour  des  Aides, 
prononcé  le  16  octobre  1531,  entre  «  les  sindicz,  manans  et 
habitans  du  lieu  de  Sainct-Felix  au  diocèse  de  Lodeue  sup- 
plians  et  demandans  d'une  part,  et  les  sindicz,  manans  et 
habitans  du  lieu  de  Jonquieres  aud.  diocèse  suppliez  et  défen- 
deurs d'autres  »,  on  trouve  que  l'arrêt  fut  d'abord  prononcé 
le  29  août  et  que  le  procès  d'exécution  de  cet  arrêt  fut  foit  par 
«  maistre  Loys  Grille,   conseiller  du  roy  et  général  en  lad. 


LETTRE   D  ANTOINE    ARLIER    A    LOUIS    GRILLE  23 

court,  commissaire  sur  ce  depputé  »  ÇArch.  de  la  Gourdes 
Aides).  Da.ns  l'assiette  tenue  le  4  décembre  1 5  3  3  à  Pont-Saint- 
Esprit  par  Jehan  de  Montcalm,  seigneur  de  Saint-Véran,  et 
Louis  Grille,  général  de  la  justice  des  Aides,  il  fut  procédé  à  la 
répartition  de  18.612  livres  6  sous  11  deniers,  montant  de  la 
quote-part  de  l'aide  et  de  l'octroi,  et  de  2.937  livres  8  sous 
pour  les  frais  de  ladite  assiette  ÇArch.  civ.,  Gard,  C  624,  Paris, 
1865).  Le  5  septembre  1541,  la  Cour  des  Aides  fait  un  arrêt 
sur  le  rapport  de  Louis  Grille  ÇArcb.  de  la  Goitr  des  Aides). 
Ensuite,  le  9  septembre  1548,  dans  la  maison  de  Gabriel  de 
Laye,  abbé  de  Valsainte,  à  Nîmes,  et  pardevant  Louis  Grille, 
substitut  de  général  au  gouvernement  de  Languedoc,  Jehan 
Bertrand,  fermier  du  grenier  à  sel  de  Nîmes,  nomme  Martin 
Guiraud,  chirurgien,  garde  du  sel  au  port  de  Saint-Gilles  {Arch. 
civ.,  Gard,  E  858,  Notariat  de  Saint-Gilles),  Nous  avons  la 
quittance  suivante  signée  de  la  main  de  Louis  Grille  et  datée 
du  4  juillet  1552  :  «  Je,  Loys  Grilhe,  conseiller  du  Roy  nre. 
Sire  et  général  en  sa  Court  des  Généraulx  sur  le  faict  des  Aydes 
à  Montpellier,  confesse  avoir  eu  et  receu  comptant  de 
Me.  Estienne  du  Moys,  receueur  des  amendes  et  exploicts  de 
lad.  Court  et  paieur  des  gaiges  des  officiers  d'icelle,  la  somme 
de  soixante  deux  liures  dix  sols  tourn.,  et  ce  pour  le  second 
quartier  de  mes  gaiges  d'auril,  may,  juing  derniers.  De 
laquelle  somme  de  Ixii  1.  x  s.  ts.  en  ay  quicte  et  quicte  led.  du 
Moys,  receueur,  et  de  tous  autres.  Tesmoing  mon  seing 
manuel  y  mys  le  quatriezme  jour  de  juillet,  mil  cinq  cens 
cinquante  vng.  L.  Grilhe  ÇPièces  Originales  1409,  Bibl.  nat.). 
Le  20  juin  1552,  Nicolas  Grille,  «  docteur  en  droicts  et  con- 
seiller général  en  la  Cour  des  Aides  »,  procureur  de  Louis, 
son  oncle,  se  substitue  un  autre  procureur  (Nobiliaire  de  la  ville 
d'Arles,  loc.cit.).  Louis  Grille  mourut  avant  le  19  février  1567, 
car  son  neveu  Nicolas  était  pourvu  de  sa  charge  de  conseiller 
à  la  Cour  des  Aydes  à  cette  date  (Garrés  de  d'Ho^.,  3 14)  '. 

I.  Dans   l'étude  généalogique  sur  la  famille    de   Grille,    qui  se  trouve 
dans  la  Noblesse  de  Provence,  par  Artefeuil,   1776,  I,  p.  524,  Louis  Grille 


24  JOHN    GERIG 

Jean-Baptiste  Grille,  chanoine  d'Arles,  frère  de  Louis,  est 
nommé  d'abord  dans  la  transaction  du  i8  septembre  15 17. 
Ensuite  il  s'engage  dans  un  procès  par-devant  la  Cour  des 
Aydes,  le  4  mars  1527,  contre  Guiraud  Guyraud,  «  collecteur 
des  tailles  et  deniers  royaux  »  (Arch.de  la  Cour  des  Aides).  Le 
26  mai  1528,  il  avait  les  charges  de  chanoine  de  Nîmes  et 
prieur  de  Bellegarde  (Arch.  civ.,  Gard,  E711).  En  1539  il  est 
archidiaconus  major  Nemausensis  (Menard,  Hist.  de  Nîmes,  IV, 
p.  153),  et  le  16  août  1540,  il  est  chanoine  de  Nîmes  et  archi- 
diacre de  Marguerittes  (ihid.,  p.  175  et  p.  165  ;  p.  171,  le  17 
novembre  1540).  Le  27  mars  1546  il  achète  une  terre  à  Mar- 
guerittes (Gard,  E  766).  Enfin,  le  3  février  1548,  il  y  a  men- 
tion d'un  lods  fait  par  Jean  Grille,  premier  archidiacre,  appelé 
de  Marguerittes  et  chanoine  de  la  cathédrale  de  Nîmes,  au 
marchand  Jacques  Cussinel  (Gard,  E  732). 

Estienne,  frère  aussi  de  Louis,  était  moine  de  Saint-Pierre 
de  Montmajour  (Montismajoris')  le  iSseptembre  1 5 17,  et  sacris- 
tain de  ce  couvent  le  i"  janvier  15 18  (Chérin,  199)'. 

Quant  à  Barnabe  Grille,  fils  de  Simon  et  frère  de  Louis,  la 
première  mention  que  nous  ayons  de  lui  est  à  l'occasion  de 
son  entrée  chez  les  Augustins  dans  l'église  de  Nîmes,  le  7  sep- 
tembre 1511  (Menard,  Hist.  de  Nîmes,  V,  p.  77).  Ensuite,  il 
est  mentionné  plusieurs  fois  dans  des  documents  de  1539- 
1540  (Menard,  Ibid. ,IY,  p.  153,  p.  163;  le  lé  août  1540, 
p.  175;  le  18  novembre  1540,  p.  171).  Le  19  août  1540  eut 
lieu  la  procuration  de  Barnabe,  «  chanoine  de  la  cathédrale, 

n'est  pas  mentionné.  On  se  demande  si  Grillio,  le  personnage  auquel  Jean 
de  Boyssonné  (Toulouse,  ms.  834)  et  Jean  de  Pins  (Nîmes,  ms.  212-17  fF. 
166  vo)  adressent  des  lettres,  n'est  pas  Louis  Grille. 

I.  Son  neveu,  qui  avait  le  même  nom,  était  chanoine  de  la  cathédrale  de 
Nîmes  le  23  janvier  1582  (Arch.  civ.,  Gard,  E723),  et  comme  syndic  du 
chapitre  plus  tard,  il  passa  deux  arrentements  en  1596  —  l'un  le  11  mai 
d'une  maison  sise  dans  la  rue  des  Cardinaux,  à  Nîmes,  et  l'autre  le  9  juin 
d'une  maison  sise  à  La  Rouvière  (Ibid.  E  561).  Il  avait  aussi  la  charge 
de  recteur  de  Saint-Étienne  du  Chemin  en  avril  1595  (Ihid.,  E788).  II  est 
mentionné  pour  la  dernière  fois  le  24  mai  1597  (Ibid.  E629). 


LETTRE    D  ANTOINE    ARLIER    A    LOUIS    GRILLE  25 

prieur  claustrier,  recteur  de  la  Chapelle  du  St-Sépulchre  de 
ladite  église  »  (Gard,  E716).  Le  16  novembre  1543,  il  y  a 
une  reconnaissance  féodale  pour  Barnabe,  recteur  de  l'église  de 
Sainte-Eugénie  (Gard,  E  729).  Il  y  a  ensuite  deux  procurations 
par  lui,  la  première  le  2  décembre  1540,  et  la  seconde  à 
Jacques  Jaubert,  prêtre,  le  15  janvier  1544  (Gard,  E716  et 
E  729).  Dans  une  reconnaissance  féodale  pour  lui,  le  9  février 
1547,  il  est  intitulé  chanoine  et  recteur  de  Saint-Etienne  du 
Chemin  (Jbid.,  E  731).  Enfin,  il  est  nommé  à  l'office  de  tré- 
sorier de  la  cathédrale  de  Nîmes  en  1568  (Arch.  ecclés.,  Gard, 
G  889). 

Vincent,  le  dernier  des  frères  de  Louis,  eut  par  le  partage 
du  I"  janvier  15 18  une  grange  située  dans  Arles.  Il  épousa  le 
27juini53i  noble  Sibile  de  Bastoni  (CaZ'.  ^^  (i'iifo:^.,  174). Par 
le  testament  de  noble  Pierre  de  Bastoni  fait  à  Arles  le  30 
décembre  1535,  on  apprend  que  son  neveu  Vincent  Grille  est 
son  légataire  universel  (Ibid.).  Cristol  de  Grille,  fils  de  Vin- 
cent, épousa  le  18  janvier  1564,  à  Arles,  Anne  de  Meiran,  fille 
de  noble  Barthélemi de  Meiran etde  Madelènede  Saint-Martin- 
de-Champtercier,  sa  femme.  Le  notaire  qui  reçut  ce  contrat 
fut  Jean  de  Nicolay,  docteur  en  droit,  assesseur  d'Arles,  un 
des  amis  d'Arlier,  dont  nous  aurons  à  parler  ailleurs  (Jbid.^. 
Cristol  eut  un  fils  Valentin,  qui  fut  baptisé  le  21  décembre 
1567  et  qui  se  maria  le  14  octobre  1592  {Carrés  d'Ho^.). 
Feu  Vincent  est  rappelé  dans  un  échange  du  20  août  1568 
(Chérin,  199). 

Parmi  les  autres  membres  de  cette  famille,  Valentin  de 
Grille,  seigneur  d'Estoublon  et  de  Roubiac,  fils  aîné  de  Pierre, 
est  digne  de  mention.  D'abord,  il  est  consul  d'Arles  en  1546 
etviguier  de  la  ville  à  partir  de  cette  date  jusqu'en  léoi.  Il  fit 
son  testament  en  1603.  Le  7  juillet  1563  il  épousa  en  premières 
noces  Madeleine  de  la  Tour,  fille  de  Pierre  de  la  Tour  (Nouveau 
d'Ho:;^.,  165);  et  en  secondes  noces,  Catherine  Rousse,  veuve 
de  Barthélemi  Meyran,  le  17  décembre  1 581,  en  même  temps 
que  son  fils  Jacques  épousait  Pierre  de  Meyran,  fille  de  Bar- 
thélemi et  de  Catherine  (Cah.  de  d'Ho~.  174;  Nouveau  d'Ho^. 


26  JOHN   GERIG 

165).  Avant  son  premier  mariage,  Valentin  était  prieur  de 
Saint-Etienne  de  Corconne.  Le  3  septembre  1550,  il  passa  un 
arrentement  de  son  prieuré  moyennant  190  livres  de  rente 
(Gard,  E  860).  Le  21  décembre  1567,  il  est  parrain  du  fils  de 
Cristol  de  Grille  (^Carrés  de  d'Ho:{.,  314).  Il  fut  encore  consul 
d'Arles  en  1576  (^Annales  de  la  Ville  d'Arles,  loc.  cit.^.  Il  est 
mentionné  encore  en  1597  (Vaucluse,  Arch.  civ.,  B  917). 

Anto.  Arlerius  Ludo.  Grilho  jurecons.  S.'  A  die  qua  ad 
fratriam  *  scripsi,  febris  diris  cruciatibus  pressus,  spiritum 
miserrime  duxi,  maximo  perterritus  pavore,  ne  membris  sic 
affectis,  remoratus,  magnum  Francias  Curionem  '  adiré  non 
possem.  At  paulo  nunc  sedato  dolore,  constitui  (et  si  non 
plane  restitutus  viribus)  me  heroem  ^  aditurum^  secumque  in 
Provinciam  profecturum.  Ubi,  et  apud  quem,  si  opéra  et  stu- 
dio nostris  egeas,  te  hisce  plane  fructurum  spera.  Intérim,  si 
me  amas,  fac  quaeso,  ut  quorsum  commune  negotium  dedu- 
xeris  accipiam.  Vale.  Ex  urbe  Nemauso  ad  IIII  Decemb, 

John  Gerig, 
Columbia  University 
New  York. 

1.  Antonii  ArleriiNemausensisEpistolae  aBartlolomaeoBlea  Amanuensi, 
e  Chartis  Neglectis  Selectae,  M.  D.  XXXIX.  Bibl.  Méjanes,  Aix-en-Pro- 
vence,  ras.  761,  lettre  XLV.  Pour  Arlier,  voir  Picot,  Rabelais  à  l'entrevue 
d'Aigues-Mortes,  Revue  des  Etudes  rabelaisiennes, lll,  1905,  pp.  5  3  3-3  38;  Gerig, 
Notes  sur  Raulin  Sèguier,  humaniste  narbonnais  du  XV I^  siècle,  et  sur  Antoine 
Arlier  de  Nîmes,  Les  Annales  du  Midi,  XXI,  1909,  pp.  485-495. 

2 .  C'est  la  femme  de  Gabriel  de  Lave,  beau-frère  d'Arlier. 

3  .  Le  maréchal  de  Montmorency,  grand-maître  de  France.  L'année  sui- 
vante, 1538,  François  le»"  récompensa  tous  les  services  de  Montmorency  par 
la  dignité  de  Connétable  de  France.  Gaillard,  flist.  de  François  I^'^,    1819, 

m,  p.  56. 

4.  C'est  François  I^^"".  La  trêve  entre  les  Impériaux  et  les  Français 
devait  durer  trois  mois.  EUe  se  fît  le  27  novembre  1537  à  Carmagnol,  où 
était  le  roi,  et  à  Ast,  où  était  le  marquis  du  Guast.  Gaillard,  op.  cit.,  p.  48. 
François  1er  se  trouva  encore  à  Lyon  le  6  décembre.  Passant  par  Cavaillon 
le  13  décembre  et  Avignon  le  lendemain,  il  arriva  à  Arles  avant  le  16 
décembre.  De  là,  il  partit  pour  Montpellier  où  il  fit  son  séjour  du  21 
décembre  15  37  jusqu'au  17  janvier  1538.  Catalogue  des  Actes  de  François  /", 
III,  1889,  pp.  417-454,  nos.  9438-9600,  etc. 


LA    CHRONOLOGIE 
DES    «   PASTOURELLES   »    DE   FROISSART 


Les  œuvres  poétiques  de  Froissart,  qui  furent  sans  doute 
moins  goûtées  que  ses  Chroniques,  ne  sont  conservées  que 
dans  deux  manuscrits,  les  n°^  830  et  831  du  fonds  français  de 
la  Bibliothèque  Nationale,  à  Paris,  Nous  les  désignerons  par  A 
et  B.  Le  premier  est  daté  de  1393  ;  l'autre  fut  achevé,  d'a- 
près une  notice  manuscrite,  «  l'an  de  grasce  1394,  le  12^  jour 
de  may  ».  Quoique  plus  récent,  B  ne  dérive  certainement 
pas  de  A  ;  des  différences  dans  le  contenu  et  dans  la  succes- 
sion des  pièces  en  sont  une  preuve  manifeste.  D'un  autre  côté, 
des  erreurs  et  des  lacunes  communes  nous  obligent  à  admettre 
pour  les  deux  copies  une  même  source  d'où  elles  sont  issues 
plus  ou  moins  directement.  Dans  ce  cas,  les  lacunes  assez  con- 
sidérables de  B  '  pourraient  au  moins  en  partie  s'expliquer, 
comme  c'était  déjà  l'opinion  d'Aug.  Scheler,  par  une  omis- 
sion voulue  dont  les  raisons,  il  est  vrai,  nous  échappent.  Les 
lacunes  bien  moins  importantes  de  A  ~  sont  ou  fortuites  ou, 
peut-être,  étaient-ce  des  pièces  qui  furent  écrites,  quand  A 
était  déjà  achevé  '.  Donc,  quand  on  voit  les  différents  poèmes 
dans  les  deux  manuscrits  se  succéder  à  peu  près  dans  le 
même  ordre,  on  ne  peut  pas  encore  tirer  de  là  la  conclusion 
que  cette  coïncidence  soit  l'effet  d'un  plan  prémédité  et  bien 
arrêté  d'avance.  Mais  on  arrivera  peut-être  par  d'autres  voies 
à  un  résultat  précis. 

1.  Six  pastourelles  et  quatre  dits  manquent  dans  B  (soit  2710  vers). 

2.  Manquent  dans^-i  :  une  pastourelle,  deux  ballades  et  quatre  rondeaux 
(soit  160  vers). 

3.  C'est  sans  doute  le  cas  au  moins  pour  les  rondeaux  :  les  quatre 
pièces  uniques  de  B  sont  les  dernières  du  recueil  des  RondeUs  amoureus. 


28  E.    HOEPFFNER 

Dans  la  bonne  édition  des  poésies  de  Froissait  que  nous 
devons  au  zèle  infatigable  d'Auguste  Scheler  ',  l'ordre  des  mss. 
a  été  interverti.  L'éditeur  n'attachait  pas  d'importance  à  la  suc- 
cession des  pièces  qui  lui  «  paraît  être  indépendante  de  la  date 
de  la  composition  »  ^.  Et  cependant  quand  il  veut  prouver  que 
la  Plaidoirie  de  la  Rose  et  de  la  Violette  doit  être  l'ouvrage  le 
plus  récent  de  Froissart,  il  s'appuie  sur  le  fait  que  dans  les 
deux  recueils  ce  poème  occupe  la  dernière  place.  Il  semble 
donc  attribuer,  se  contredisant  soi-même,  une  certaine  valeur 
chronologique  à  la  succession  des  différents  poèmes  dans  nos 
mss. 

L'ordre  des  pièces   dans  A  est   le   suivant  :   d'abord  neuf 
grands  poèmes  (dits),  à  savoir 

1 .  Le  Paradys  d'Amour 

2.  Le  Temple  d'Onnour 
3  .   La  Loenge  dou  joli  Mois  de  May   ( 

4.  Li  Orloge  amoureus 

5 .  La  Fleur  de  la  Margherite 

6 .  Le  Dit  dou  bleu  Chevalier 

7 .  Le  Débat   dou  Cheval  et  dou 

Lévrier  (     —  n°  X) 

8 .  Le  Trettié  de  l'Espinette  amou- 

reuse ( 

9 .  La  Prison  amoureuse  ( 

Ensuite,  classées  par  genres,  les  poésies  lyriques  : 

10.  Lays  amoureus  ( 

1 1 .  Pastourelles  ( 

12.  Chansons  roiaus  amoureuses      ( 
1 3  .    Ballades  amoureuses  ( 

14.  Virelais  amoureus  ( 

1 5 .  Rondelés  amoureus  ( 
Enfin  encore  trois  dits  : 

16.  Le  joli  Buisson  de  Jonece  (     —  n°  VI) 

1.  Œuvres  de  Froissait,  Poésies,  p.  p.  A.  Scheler,  3  vol.,  1870-72. 

2.  L.  c,  I,  p.  XII. 


(éd 

Schelei 

',n^ 

I) 

( 

— 

n° 

VII) 

( 

— 

n" 

VIII) 

( 

— 

n" 

II) 

( 

— 

n° 

IX) 

( 

— 

n° 

V) 

n° 

III) 

n° 

IV) 

ques  : 

n° 

XIII) 

n° 

XIV) 

n° 

XV) 

n° 

XVI) 

n° 

XVII) 

n° 

XVIII) 

PASTOURELLES    DE    FROISSA  RT  2^ 

17.  Le  Dit  dou  Florin  (éd.  Scheler,  n°  XI) 

18.  Plaidoirie  de  la  Rose  et  de  la 

Violette  (       —         n°  XII) 

Dans  B  on  trouve  quelques  changements  peu  importants  : 
les  pièces  8  et  9  ont  été  interverties  ;  les  poésies  lyriques  sont 
séparées  ;  les  Lays  et  les  Pastourelles  succèdent  immédiate- 
ment au  n°  5  ;  les  Chansons  roiaus  sont  placées  entre  9  et  8,  et 
les  Ballades,  Virelais  et  Rondelés  suivent  le  n°  8.  De  plus,  les 
pièces  4,  6,  7  et  17  y  sont  omises. 

On  reconnaît  sans  peine  qu'en  première  ligne  le  groupe- 
ment des  œuvres  de  Froissart  a  été  déterminé  par  la  forme 
qui,  on  le  sait,  devient  l'élément  le  plus  important  dans  la 
production  poétique  du  xiv^  et  du  xv*  siècle.  Les  «  dits  », 
poèmes  plus  étendus  et  de  composition  plus  libre,  écrits  —  à 
deux  exceptions  près  —  en  couplets  de  deux  vers  octosylla- 
biques,  sont  dans  A,  plus  nettement  encore  que  dans  B,  sépa- 
rés des  poésies  lyriques,  et  celles-ci  sont  encore  réunies 
par  genres,  c'est-à-dire  d'après  leur  forme.  Mais  ce  principe 
fondamental  '  ne  reparaît  plus  dans  l'intérieur  des  différents 
groupes  ;  les  pièces  dont  ceux-ci  se  composent  s'y  succèdent, 
en  apparence,  sans  aucun  ordre.  On  n'y  trouve  non  plus  au- 
cun des  autres  principes  de  classification  possibles  et  employés 
ailleurs  :  ni  l'ordre  alphabétique  (comme  chez  Jehan  de  Les- 
curel),  ni  une  distribution  d'après  «  la  matière  »,  comme  elle  est 
tentée,  assez  maladroitement  d'ailleurs,  dans  le  manuscrit  unique 
des  Œuvres  d'Eustache  Deschamps.  Il  ne  reste  donc  comme 
dernière  possibilité  que  la  succession  chronologique,  si  ce  n'est 
pas  simplement  le  hasard  qui  a  présidé  à  ces  groupements. 

Il  va  de  soi  que  les  poésies  amoureuses,  par  leur  nature 
même,  ne  donnent  aucune  indication  sur  la  date  de  leur 
composition,  c'est-à-dire  que  la  grande  majorité  des  poésies 
lyriques  ne  nous  sera  d'aucun  secours  et  peut  tranquillement 
être  écartée.  Seul,  le  groupe  des  pastourelles  fait  exception. 

I.  On  le  retrouve  par  ex.  dans  les  manuscrits  de  Machaut  et  de  Des- 
champs. 


30  E.    HOEPFFNER 

A  l'époque  de  Froissart,  ce  genre,  jadis  si  brillamment  et 
si  richement  représenté  dans  la  poésie  française,  est  sur  son 
déclin  et  près  de  sa  fin  '.  Dans  la  forme,  il  a  subi  la  loi  géné- 
rale qui  régit  l'évolution  de  la  poésie  lyrique  aux  xiv^  et 
xv^  siècles  :  une  réglementation  sévère,  succédant  à  la  liberté 
des  temps  précédents.  Le  nombre  des  strophes  est  désormais 
fixé  à  cinq.  Le  refrain,  facultatif  autrefois,  est  obligatoire  à 
présent;  réduit  à  un  ou  deux  vers,  il  se  répète  régulièrement 
à  la  fin  de  chaque  strophe.  Un  envoi  au  «  Prince»-  termine 
chacun  des  poèmes,  comme  dans  le  Chant  ro3Ml.  L'agence- 
ment des  vers,  si  libre  à  l'époque  antérieure,  est  maintenant 
indéfiniment  le  même,  celui  de  la  ballade  et  de  la  chanson 
royale.  L'ancienne  variété  de  rythmes,  plus  riche  dans  la  pas- 
tourelle que  partout  ailleurs,  fait  place  à  une  uniformité  com- 
plète, l'octosyllabe  restant  le  seul  vers  usité  et  admis  '.  Cette 
forme,  si  strictement  réglée  et  que  nous  ne  rencontrons  pas 
avant  Froissart,  n'est  peut-être  pas  l'œuvre  de  notre  poète 
lui-même.  Je  suppose  qu'elle  a  été  créée  et  fixée  dans  les  so- 
ciétés poétiques  des  grandes  villes  du  Nord,  les  «  puys  », 
dont  l'influence  sur  l'évolution  de  la  poésie  française  mériterait 
d'être  étudiée  de  près  +.  Nous  savons  par  Baudet  Herenc  que 
ce  genre  était  cultivé  dans  ces  «  puys  »  ;  les  pastourelles,  d'a- 
près lui,  «  se  font  à  Béthune  en  Artoys  ^  »,  et  l'exemple  qu'il 
en  donne   offre  exactement   la  même    forme  que  celles    de 

1.  Les  traités  poétiques  du  xv^  siècle  ne  la  mentionnent  même  plus 
après  le  Doctrinal  de  la  seconde  rhétorique  de  Baudet  Herenc  (de  1432),  qui 
en  a  encore  entendu  lors  de  son  séjour  en  Picardie  au  «  puy  »  de  Béthune 
(Langlois,  Recueil  d'arts  de  seconde  rhétorique,  p.  177-178). 

2.  Trois  fois,  Princes  est  remplacé  par  Belles  (6,  8,   14). 

3 .  D'après  l'auteur  anonyme  des  Régules  de  la  seconde  Rhétorique  (§  4),  les 
vers  dans  la  pastourelle  «  ne  sont  que  de  8  silabes  ou  masculin  et  de  9  ou 
féminin  »  (Langlois,  loc.  cit.,  p.  21). 

4.  On  peut  rattacher  cette  transformation  des  genres  lyriques  au  nom  de 
Guillaume  de  Machaut,  comme  le  veut  par  ex.  M.  Pillet  (Sludien  ^ur  Pas- 
tourelle, Beitr.  ^ur  roman,  u.  ettgl.  Philologie,  1902,  p.  121),  mais  ce  n'est 
pas  ce  poète  qui  les  a  créés  ;  il  n'a  écrit  lui-même   aucune  pastourelle. 

5.  Langlois,  loc,  cit.,  p.  177. 


PASTOURELLES    DE    TROISSART  3I 

Froissart.  D'un  autre  côté,  notre  poète,  dont  les  chansons 
royales  étaient  couronnées  à  Valenciennes,  à  Abbeville,  à 
Lille,  à  Tournai,  ne  dédaignait  pas  de  prendre  part  aux 
concours  poétiques  des  «  puys  »  de  son  pays  ;  il  devait,  par 
conséquent,  connaître,  pour  s'y  soumettre,  la  réglementation 
poétique  qui  y  était  en  vigueur. 

C'est  plutôt  dans  le  contenu  des  pastourelles  de  Froissart 
qu'on  retrouve  encore  quelques  traces  de  l'ancienne  pastou- 
relle française.  Leur  caractère  est  narratif  et  dramatique,  et 
non  lyrique  ;  le  poète  lui-même  se  met  en  scène  ;  la  forme  est 
dialoguée,  et  dans  l'introduction  elles  donnent  encore  presque 
sans  exception  la  vague  indication  de  temps,  Vautrier  ou 
Vautre  jour,  formule  d'introduction  sacramentelle  du  genre,  et 
l'indication  plus  précise  du  lieu  de  l'action,  le  cadre  de  la  scène 
champêtre.  Ce  que  M.  Jeanroy  dit  des  pastourelles  plus 
anciennes  '  est  encore  vrai  de  celles  de  Froissart  :  «  C'est 
toujours  à  la  campagne  que  l'action  se  déroule  :  c'est  une  loi 
du  genre  ;  les  portraits  et  les  scènes  rustiques  y  abondent.  »  Il 
est  vrai  que  la  donnée  la  plus  répandue  aux  xii^et  xiii^  siècles, 
l'aventure  amoureuse  personnelle  du  poète  avec  quelque  jeune 
et  jolie  pastoure  au  coin  du  bois,  le  type  «  classique  »  du 
genre,  ne  paraît  pas  une  seule  fois  dans  les  poésies  de  Frois- 
sart .  Il  n'a  conservé  de  l'époque  antérieure,  en  le  développant 
encore,  que  le  genre  «  objectif  y),  c'est-à-dire  la  «  description 
de  milieu  »,  la  pastourelle  qui  présente  des  tableaux  de  la  vie 
champêtre  :  jeux  et  danses  rustiques,  aventures  sentimentales 
de  bergers,  querelles  et  rivalités  villageoises.  Cette  forme  par- 
ticulière de  la  pastourelle  est  sans  doute  née  dans  la  région 
picarde  et  artésienne  et  elle  ne  paraît  avoir  été  cultivée  que 
là  * .   Froissart  continue  donc  tout  simplement  une  tradition 

1 .  Origines  de  la  poésie  lyrique  en  France,  2^  éd. ,  p.    18. 

2.  Jeanroy,  loc.  cit.,  p.  44;  Pillet,  loc.  cit.,  p.  120.  Les  poètes  du 
xiiie  siècle  qui  cultivent  ce  genre,  Guillaume  le  Vinier,  Guilebert  de  Ber- 
neville,  JeanErart,  sont  tous  picards  ou  artésiens  (voy.  Bartsch,  Romano^en 
und  Pastourelle n,  III,  nos  15,  16,  21,  22,  24,  27,  30). 


32  E.    HOEPFFNER 

plus  ancienne  qui  lui  a  peut-être  également  été  transmise  par 
les  puys  ' .  Nous  retrouvons  chez  lui  toutes  les  données  de 
ses  prédécesseurs  :  la  description  de  divertissements  cham- 
pêtres (Past.  V,  VII,  voy.  G.  le  Vinier  III,  30,  J.  Erart  III, 
21-22,  Anonymes  II,  30,  41, 58,77,  dans  le  recueil  de  Bartsch), 
la  distribution  d'un  prix  de  beauté  (X,  XX,  voy.  G.  de  Berne- 
ville  in,  27),  les  plaintes  ou  les  querelles  de  bergers  et  de  ber- 
gères (IV,  XIX,  voy.  J.  Erart  III,  16,  24).  Ici  comme  là,  le 
rôle  du  poète  est  tout  effacé  ;  c'est  en  simple  spectateur  ou 
auditeur  qu'il  assiste  aux  scènes  rustiques,  les  reproduisant 
sans  s'y  mêler.  L'élément  principal  de  l'ancienne  pastourelle, 
l'amour,  est  relégué  au  second  plan  ;  le  plus  souvent  il  ne  pa- 
raît même  plus. 

Mais  bien  plus  nombreuses  sont  les  pastourelles  d'un  tout 
autre  genre,  tout  nouveau  celui-ci  et  inconnu  avant  Froissart. 
Le  cadre  en  est  le  même  :  la  scène  se  joue  toujours  à  la  cam- 
pagne, et  les  interlocuteurs  appartiennent  encore  au  monde 
des  bergers  et  des  paysans.  Ce  qui  est  neuf,  c'est  le  sujet  de 
leurs  entretiens;  car  le  caractère  commun  de  toutes  ces  pièces 
est  de  traiter  des  sujets  très  précis,  qui  n'ont  au  fond  pas  de 
relations  directes  avec  la  vie  de  la  campagne,  et  qui  préoccu- 
paient certainement  bien  plus  notre  poète  que  les  villageois 
qu'il  met  en  scène  :  ceux-ci  ne  sont  là  que  pour  exprimer 
naïvement  et  avec  une  pointe  de  comique  voulu  les  sentiments 
du  poète  lui-même.  Ce  sont,  pour  la  plupart,  des  pièces  de 
circonstance,  composées  à  l'occasion  de  quelque  fait  histo- 
rique ou  d'un  événement  personnel  dans  la  vie  de  l'auteur,  et 
renfermant  le  plus  souvent  un  hommage  à  quelque  patron  ou 
bienfaiteur  du  poète.  Admettons  encore  que  des  bergers  s'en- 
tretiennent sur  les  vertus  de  saint  Jean-Baptiste,  comme  dans 
la  pastourelle  XVIII,  où  toutefois  le  renvoi  aux  coutumes  de 
l'Orient  trahit  suffisamment  le  caractère  d'historien  de  l'au- 
teur, —  peut-être  est-ce  même  son  propre  patron  que  célèbre 

I.  En  tout  cas,  la  pastourelle  du  puy  de  Béthune,  conservée  par  Bau- 
det Hereuc,  appartient  en  elfet  à  ce  genre  «  objectif  «. 


PASTOURELLES    DE    FROISSART  33 

Jean  Froissart  ;  —  qu'ils  chantent  les  louanges  de  la  mar- 
guerite dans  la  past.  XVII,  où  les  données  mythologiques 
dans  la  bouche  des  bergers  font  un  effet  assez  surprenant  et 
nous  rappellent  que  dans  son  Dittié  de  la  Flourde  laMargheritc 
le  poète  a  traité  le  même  sujet  ;  ou  qu'ils  s'amusent  à  décrire 
une  nouvelle  forme  de  houppelande  (past,  I).  Mais  le  récit 
de  la  conquête  de  la  Toison  d'or  par  Jason  (past.  XVI), 
qu'a-t-il  de  commun  avec  les  mœurs  villageoises  et  les  senti- 
ments des  bergers  ?  Ici,  l'élément  champêtre  est  purement 
factice  et  rien  ne  le  justifie  plus.  Ce  procédé  qui  fait  servir  la 
donnée  fondamentale  de  la  pastourelle,  son  caractère  naïf  et 
champêtre,  à  des  sujets  qui  n'ont  en  somme  plus  aucun  rapport 
avec  le  cadre  dans  lequel  ils  sont  traités,  genre  encore  plus 
faux  et  plus  factice  que  la  pastourelle  primitive,  constitue  la 
nouveauté  de  la  pastourelle  de  Froissart,  nouveauté  dont 
la  valeur  est  pour  le  moins  discutable  '. 

Les  plus  intéressantes  parmi  ces  pièces  sont  celles  qui 
traitent  d'événements  contemporains  :  les  pastourelles  «  histo- 
riques ».  Parmi  les  anciennes  pastourelles,  il  y  en  avait  bien 
déjà  l'une  ou  l'autre  qui  contenait  quelque  allusion  à  un  fait 
historique  contemporain  (voy.  II,  21,  III,  40  dans  le  recueil 
de  Bartsch)  ;  mais  la  pastourelle  historique  de  Froissart  en  dif- 
fère en  ceci  que  ce  qui  n'était  qu'allusion  passagère  est  devenu 
ici  le  sujet  même  de  la  pièce.  Il  est  assez  tentant  d'admettre 
que  ce  nouveau  genre  soit  l'œuvre  de  Froissart  lui-même. 
Avant  lui,  on  ne  le  trouve  pas  dans  la  poésie  française;  les 
«  puys  »,  autant  que  nous  pouvons  en  juger,  ne  le  con- 
naissent pas,  et  il  ne  reparaît  plus,  à  notre  connaissance,  que 
sous  la  plume  d'Eustache  Deschamps,  qui  pourrait  bien  l'avoir 
emprunté  à  Froissart.    Il  ne  serait   pas  étonnant  que  la  pas- 


I .  Les  pastourelles  de  Deschamps  du  même  genre  (Œuvres,  t.  II,  nos  356, 
337>  339)  344,  359)  où  sont  vraiment  exprimés  les  sentiments  des  classes 
inférieures,  nous  montrent  pourtant  quels  heureux  effets  on  pouvait  tirer  de 
cette  modification   du  genre. 

Mélanges.    U.  î 


34  E.    HOEPFFNER 

tourelle  historique  fût  la  création  du  grand  historien  du 
xiY"  siècle. 

Ces  pastourelles  historiques  sont  au  nombre  de  sept.  A  part 
leur  intérêt  littéraire  sur  lequel  nous  ne  pouvons  nous  arrê- 
ter ici,  elles  ont  encore  cet  avantage  de  faire  connaître  assez 
exactement  la  date  de  leur  composition.  Il  faut  bien  admettre 
a  priori  que  ces  pièces  ne  peuvent  être  écrites  que  sous  l'im- 
pression immédiate  de  l'événement  qui  en  fait  l'objet  et 
qu'elles  le  suivent  de  très  près.  Autrement  elles  n'auraient 
plus  de  raison  d'être.  Cette  hypothèse  est  confirmée  par  les 
faits  suivants  :  dans  la  2^  pastourelle,  Froissart  célèbre  le  re- 
tour en  Angleterre  du  roi  de  France,  Jean  le  Bon.  Ce  retour 
eut  lieu  dans  les  premiers  jours  de  l'année  1364.  Trois  mois 
plus  tard  (le  8  avril),  le  roi  était  mort.  Admettra-t-on  que 
Froissart  ait  écrit  son  poème  après  cet  événement  ?  Néces- 
sairement, la  pièce  a  dû  être  composée  avant  cette  date,  sans 
doute  au  moment  même  où  la  cour  d'Angleterre,  où  se  trou- 
vait alors  notre  poète,  se  préparait  à  recevoir  solennellement 
son  hôte  royal. 

La  12''  pastourelle  permet  de  serrer  les  dates  d'un  peu  plus 
près  encore.  Le  poète  y  glorifie  le  passage  de  la  Lys,  effectué 
par  l'armée  française  le  20  nov.  1382,  ce  qui  lui  fait  espérer  la 
victoire  de  Charles  VI  '.  En  effet,  le  27  nov.,  les  Flamands 
subirent  la  défaite  sanglante  de  Roosebeke.  Si  Froissart  avait 
déjà  connu  cette  grande  victoire  des  armes  françaises,  n'au- 
rait-il pas  plutôt  pris  celle-ci  comme  sujet  de  son  poème  que 
le  succès,  important,  mais  bien  moins  brillant,  du  passage  de 
la  rivière?  Ou  au  moins  n'aurait-il  pas  annoncé,  après  l'évé- 
emnent  accompli,  avec  plus  de  précision  et  plus  de  détails 
qu'il  ne  le  fait,  cette  défaite  qu'il  ne  prévoyait  sans  doute  pas 
aussi  complète  ?  Ceci  nous  autorise  donc  à  placer  la  composi- 
tion de  cette  pièce  entre  le  20  et  le  27  nov.  1382,  immédiate- 
ment à  la  suite  de  l'événement  même  qui  y  est  célébré^  et  nous 

I.  Je  tienc  Flamens  pour  desconfis  (y.  7s). 


PASTOURELLES    DE    FROISSART  3'5 

pouvons  en  effet  prendre  au  pied  de  la  lettre  le  mot  du  poète  : 

J'entenc  que  hier  de  la  journée 
Passèrent  de  nos  gens  foison, 
Car  la  rivière  est  conquestée  (v.  66-68) . 

La  pastourelle  daterait  donc  exactement  du  21  novembre. 

Enfin  il  est  clair  aussi  que  les  n°''  XIII  et  XIV,  composés 
pour  des  mariages  princiers,  n'ont  pu  être  écrits  qu'au  moment 
même  de  ces  cérémonies,  ou  même  un  peu  avant,  puisque 
les  poèmes  étaient  certainement  destinés  à  être  offerts  soit  aux 
mariés,  soit  à  leurs  parents,  à  l'occasion  même  du  mariage. 
Nous  pouvons  donc  établir,  comme  principe  général,  que  la 
date  des  pastourelles  historiques  coïncide  à  peu  près  avec  les 
événements  qui  y  sont  traités. 

Les  pièces  qu'on  peut  ainsi  dater  sont  les  suivantes  : 

N°  IL  Le  retour  de  Jean  le  Bon  en  Angleterre,  dans  les 
premiers  jours  de  1364. 

N°  III.  La  pastourelle  s'occupe  d'une  nouvelle  monnaie 
frappée  en  France  après  l'avènement  de  Charles  V,  les  «  flo- 
rins ))  ou  «  royaux  ci  la  chaise  »  (voy.  la  description  dans  la 
str.  5).  L'ordonnance  qui  les  mit  en  cours  date  du  27  juillet 
1364'.  Même  sans  admettre  avec  Kervyn  de  Lettenhove  ^ 
que,  d'après  les  vers  38  ss.  ',  la  pièce  ait  été  écrite  quinze 
jours  après  cette  date,  il  est  certain  qu'elle  a  été  composée 
peu  après  la  première  apparition  de  cette  monnaie  (^On  a,  ens 
es  liens  des  Frans,  Fait  forgier  florins  tous  nouviaus,  7-8). 

N°  VI.  Retour  de  Wenceslas,  duc  de  Brabant  et  de  Luxem- 
bourg, fait  prisonnier  à  Bastweiler  (22  ou  23  août  1371)  et 
relâché  dans  les  derniers  jours  de  juillet  1372.  C'est  à  ce  mo- 
ment que  Froissart  a  dû  écrire  cette  poésie  de  bienvenue. 

1.  Ordonnances,  IV,  p.  468,  488. 

2.  Œuvres  de  Froissart.  Chroniques,  Introduction,  1%  p.  122-125. 

3 .  Or  pert  bien  que  tu  es  chetis, 
Quant  tu  asjaptus  de  quin\ainne 
Demorè  dedens  ce  pays. 

Et  se  ne  cognois,  ce  ni  est  vis, 
Uordenance  qui  est  plaisans. 


36  E.    HOEPFFNER 

N°  XII.  Passage  de  la  Lys.  La  pièce  date  peut-être  du 
21  nov.  1382  (voy.  ci-dessus). 

N°  XIII.  Mariage  de  Louis  de  Chatillon  avec  Marie  de 
Berry,  à  Bourges,  en  août  1386. 

N°  XIV.  Mariage  de  Jean,  duc  de  Berry,  avec  Jeanne  de 
Boulogne,  à  Riom  en  Auvergne,  le  jour  de  la  Pentecôte  de 
1389. 

Dans  ces  deux  cas,  les  pastourelles  précèdent  le  jour  du 
mariage  (les  verbes  y  sont  au  futur  !). 

N°  XV.  Entrée  solennelle  d'Isabeau  de  Bavière  à  Paris,  le 
20  août  1389.  Le  poème  paraît  écrit  un  peu  après  l'événe- 
ment. 

Ce  tableau  nous  fait  voir  que  la  succession  de  ces  pastou- 
relles historiques,  comme  elles  se  suivent  dans  les  manu- 
scrits, coïncide  très  exactement  avec  leur  succession  chronolo- 
gique. 

En  outre,  on  peut  encore  dater  avec  quelque  précision  les 
pièces  VIII  et  IX.  Elles  se  rapportent  toutes  deux  au  voyage 
de  Froissart  en  Béarn,  auprès  du  comte  Gaston  de  Poix,  vers 
la  fin  de  l'année  1388.  Les  détails  que  donne  le  poète  s'ac- 
cordent parfaitement  avec  ceux  du  Dit  don  Florin  et  des  Chro- 
niques. Le  premier  de  nos  deux  poèmes  est  écrit  avant  l'arrivée 
(voy.  l'Envoi),  l'autre  sans  doute  pendant  son  séjour  àOrthez 
qui  dura  environ  trois  mois,  jusqu'au  printemps  de  l'année 
1389.  Mais  cette  fois-ci,  l'ordre  chronologique  n'est  plus  ob- 
servé, car  les  deux  pastourelles  devraient  occuper  la  place 
entre  les  n°=  XIII  et  XIV.  Faut-il  admettre  que  ce  soit  là  un 
changement  dans  l'ordre  primitif  des  pastourelles  ?  Ceci  ne 
serait  pas  l'effet  du  hasard,  car  d'un  côté,  les  deux  pièces  dé- 
placées, reliées  entre  elles  par  leur  sujet  (hommage  à  Gaston 
de  Foix)  et  rapprochées  par  la  date  de  leur  composition, 
forment  évidemment  un  ensemble  indissoluble  ;  or  cet  état  de 
choses  a  été  maintenu  ;  d'autre  part,  en  enlevant  de  leur  place 
normale  ces  deux  pastourelles,  l'auteur  ou  le  copiste  réunis- 
sait les  n°^  XIII  et  XIV,  qui  sont  également  étroitement  appa- 


PASTOURELLES    DE    FROISSA RT  37 

rentes  l'un  à  l'autre  par  l'identité  du  sujet  (mariages  princiers). 
C'est  peut-être  même  là  le  motif  de  ce  déplacement.  Quant  à 
la  raison  pourquoi  nos  pièces  occupent  leur  place  actuelle, 
elle  nous  échappe.  Faut-il  la  chercher  dans  la  disposition  ma- 
térielle du  manuscrit  primitif  d'où  dérivent  A  et  B  } 

Ce  sont  là  toutes  les  pastourelles  dont  nous  pouvons  fixer  la 
date  d'origine.  Kervyn  de  Lettenhove  '  croyait  encore  pou- 
voir assigner  à  la  première  pastourelle  la  date  du  mois  d'août 
1364,  lors  d'un  voyage  qui  mena  Froissart  hors  de  France  à 
Valenciennes.  Mais  rien  dans  le  poème  ne  justifie  cette  suppo- 
sition qu'A.  Scheler  n'a  d'ailleurs  pas  acceptée.  —  Dans  la 
past.  XI  on  trouve  une  idée  que  Froissart  a  sans  doute 
empruntée  au  Dit  de  la  Fontaine  amoureuse  de  Guillaume  de 
Machaut  (la  fontaine  dont  l'eau  fait  s'entr'aimer  ceux  qui  en 
boivent).  Ce  poème  de  Machaut  fut  écrit  entre  1360  et  1364. 
La  pastourelle  de  Froissart  est  donc  plus  récente,  mais  il  est 
impossible  d'en  fixer  exactement  la  date. 

A  côté  des  dates,  il  y  a  encore  l'étude  des  lieux  qui  peut 
donner  quelques  résultats.  La  plupart  des  pastourelles  de  Frois- 
sart ont  été  très  exactement  localisées  par  l'auteur;  presque 
toujours  il  indique  dans  les  premiers  vers  des  localités  réelles 
auprès  desquelles  se  serait  passée  la  scène  champêtre.  Le  choix 
de  ces  endroits  paraît  fait  d'après  un  double  principe  :  en  par- 
tie ce  choix  lui  est  dicté  par  le  sujet  de  la  pièce  ;  le  poète  nomme 
des  locahtés  voisines  du  théâtre  même  du  fait  historique  traité 
dans  le  poème.  Ainsi  la  pastourelle  sur  le  retour  du  roi  Jean  à 
Londres  est  placée  «  entre  Eltem  et  Wesmoustier  ».  Or,  c'est 
à  Eltham  que  le  roi  d'Angleterre  attendit  son  illustre  prison- 
nier. Celle  sur  le  passage  de  la  Lys  joue  «  entre  Lille  et  le 
Warneston  »,  donc  tout  près  de  Commines  où  s'effectua  le 
passage  de  l'armée  française,  etc.  Il  en  est  ainsi  pour  toutes  les 
pastourelles  historiques.  L'autre  principe  que  Froissart  semble 
avoir  suivi  est  celui  de  choisir  des  localités  situées  aux  envi- 

I.  Loc.  cit.,  p.  125-126. 


38  E.    HOEPFFNER 

rons  de  sa  propre  résidence  qu'il  occupait  au  moment  où  il 
composait  son  poème.  Dans  deux  cas  au  moins  on  peut  distin- 
guer des  groupements  de  pastourelles  qui  paraissent  établis 
d'après  ce  principe  :  les  deux  pièces  en  l'honneur  de  Gaston  de 
Foix  sont  placées  dans  le  Midi  de  la  France,  l'une  «  entre  Luniel 
et  Montpellier  »  (n°  VIII),  l'autre  «  entre  Pau  et  Ortais  » 
(n°  IX),  et  nous  savons  par  ailleurs  que  Froissart  passa  en  effet 
cette  fois-là  par  Montpellier  et  qu'il  séjourna  avec  le  comte  de 
Foix  à  Orthez.  Un  second  groupe  est  formé  par  les  pastourelles 
IV- VII  :  les  localités  qui  y  sont  mentionnées,  La  Louvière  et 
Préau  (IV),  Bonne  Espérance  (V),  Binche  et  Haine  '  (VI), 
Rœulx  et  La  Louvière  (VII)  appartiennent  non  seulement 
toutes  au  Hainaut,  mais  sont  encore  toutes  proches  l'une  de 
l'autre,  séparées  entre  elles  par  quelques  lieues  à  peine  ;  et 
surtout  elles  sont  toutes  groupées  autour  de  Lestinnes,  la  rési- 
dence de  Froissart  durant  plusieurs  années.  Ce  groupement 
n'est  certainement  pas  dû  au  hasard  ;  il  s'explique  aisément 
quand  on  admet  que  toutes  ces  pièces  qui  se  succèdent  dans 
les  mss.,  se  succédèrent  aussi  dans  la  réalité,  qu'elles  datent 
donc  à  peu  près  de  la  même  époque  et  furent  écrites  pendant 
le  séjour  de  Froissart  dans  cette  partie  du  Hainaut.  On  a  vu 
que  l'une  de  ces  pièces,  le  n°  VI,  fut  composée  en  1372  (voy 
plus  haut).  Or,  Froissart  est  précisément  signalé  comme  curé  de 
Lestinnes  dans  une  pièce  du  19  sept.  1373.  La  légère  différence 
de  date  ne  saurait  avoir  de  grande  importance  puisque  nous 
ignorons  la  date  exacte  de  son  entrée  en  service.  Celle-ci 
pourrait,  d'après  notre  pastourelle  même,  déjà  avoir  eu  lieu  en 
1372  ;  ou  au  moins  peut-on  admettre,  avec  Kervyn  de  Letten- 
hove  -,  que  c'est  à  ce  moment  que  Froissart  vint  habiter  cette 
partie  du  Hainaut.  La  date  de  la  pastourelle  VI  confirme,  par 
conséquent,  notre  hypothèse  que  ces  quatre  pièces  datent 
toutes  du  séjour  de  Froissart  dans  la  contrée  de  Lestinnes. 

1.  Cette  leçon  du  ms.  B  me  paraît  préférable  à  la  leçon  Braine  du  ms.  A. 

2.  Loc.  cit.,  p.  238.  A.  Scheler  déclare  accepter  volontiers  cette  induc- 
tion (loc.  cit.,  p. 


PASTOURELLES    DE    FROISSART  39 

En  examinant  sous  ce  point  de  vue  les  pastourelles  de  notre 
auteur,  on  obtient  les  résultats  suivants  : 

I.  «  Entre  Aubrecicourt  et  Mauni  »,  près  de  Valenciennes, 
la  patrie  de  Froissart.  La  pièce  pourrait  avoir  été  écrite  encore 
avant  que  le  poète  n'ait  entrepris  son  vagabondage  à  travers 
le  monde. 

IL  Ecrite  en  Angleterre  (voy.  plus  haut),  où  séjournait  Frois- 
sarten  1364. 

IIL  Sur  le  chemin  de  Paris  à  Melun.  Un  document  du 
29  août  1364,  signalé  par  Kervyn  de  Lettenhove  \  nous  fait 
connaître  un  voyage  de  Froissart  à  Paris  à  cette  date,  dont  il 
ne  dit  rien  dans  ses  chroniques. 

IV- VIL  Les  pastourelles  du  Hainaut. 

VIII-IX.  Les  pastourelles  du  voyage  en  Béarn. 

X.  La  pièce  n'est  que  vaguement  localisée  («  En  un  pré 
gracieus  et  gent  Près  d'un  bois  entre  deus  rivières  »).  Les 
noms  de  localités  qui  y  figurent  comme  désignation  des  diffé- 
rents personnages  (et  qui  ne  paraissent  tous  qu'à  la  rime  !) 
n'ont,  comme  nous  le  verrons  encore,  aucune  valeur  pour  la 
localisation  de  la  pièce. 

XL  La  scène  est  placée  «  entre  Lagni  sus  Marne  et  Meaus  »  ; 
la  pastourelle  aurait  donc  été  écrite  lors  d'un  voyage  en  France 
entre  1372  et  1382.  Ici  aussi,  les  noms  des  bergers  et  des  ber- 
gères sont  en  partie  formés  du  prénom  et  du  lieu  d'origine. 
Or,  ces  localités,  qui  figurent  de  nouveau  toutes  à  la  rime 
(Saint- Venant,  l'Aunoit,  le  Busquois^,  etc.),  appartiennent  aux 
provinces  du  Nord,  à  la  patrie  de  Froissart.  Cette  contradic- 
tion s'explique,  je  crois,  facilement  de  la  manière  suivante  : 
Pour  former  le  nom  de  ses  personnages,  Froissart  emploie  les 
noms  de  villages  de  son  pays  qu'il  connaît  évidemment  mieux 
que  ceux  de  l'Isle-de-France  et  qui  ont  en  même  temps  l'avan- 
tage de  lui  offrir  des  rimes  commodes.  Il  ne  se  soucie  guère 
de  la  contradiction  entre  ces  noms  et  l'endroit  où  il  place  la 

I.  Loc.  cit.,  p.  125,  note  4. 


40  E.    HOEPFFKER 

scène  champêtre.  Quand  les  noms  de  localités  ne  servent  qu'à 
désigner  des  personnages,  ils  sont  sans  valeur  pour  la  loca- 
lisation de  la  pièce. 

XII.  «  Entre  Lille  et  le  Warneston  ».  Voy.  plus  haut.  Nous 
ignorons  malheureusement  si  Froissart  prit  lui-même  part  à 
la  campagne  de  Flandre. 

Xni.  «  Assés  près  de  Roumorantin  »,  entre  Blois  et 
Bourges.  C'est  dans  cette  dernière  ville  que  se  rendit  Frois- 
sart en  1382  pour  assister  au  mariage  de  Louis  de  Chatil- 
lon. 

XIV.  «  Assés  près  dou  castiel  dou  Dable  Liquels  est  au 
conte  Daufin  »,  donc  dans  le  Dauphiné  ou  se  trouvait  le 
poète  en  1389  à  l'occasion  du  mariage  du  duc  de  Berry. 

XV.  «  Assés  près  dou  Bourch  la  Roïne  »  (Bourg-la-Reine), 
près  de  Paris,  où  l'auteur  venait  d'assister  à  l'entrée  triom- 
phale d'Isabeau  de  Bavière. 

XVI-XIX  ne  contiennent  pas  d'indication  précise  du  lieu 
où  se  déroule  l'action  de  ces  pièces. 

XX.  «  En  une  prée  verdoiant  Par  dessus  Oize  la  rivière.  » 
Aucune  localisation  précise.  Les  noms  de  lieu  dont  sont  dési- 
gnés plusieurs  personnages  sont  de  nouveau  employés  sans 
aucun  souci  de  leur  situation  géographique  (Soissons,  Saint- 
Omer,  Saint- Venant,  Braibant,  etc.)  et  ne  servent  qu'à  la 
rime  (voy.  ce  qui  est  dit  sous  le  n°  XI). 

Dans  tous  les  cas  où  l'on  peut  exactement  localiser  les  pas- 
tourelles de  Froissart,  on  constate  que  les  localités,  nommées 
successivement  dans  les  différentes  pièces,  se  suivent  exacte- 
ment dans  le  même  ordre  dans  lequel  elles  ont  dû  se  succé- 
der dans  les  pérégrinations  de  leur  auteur.  La  seule  exception 
est  de  nouveau  faite  par  les  pièces  VIII  et  IX  qui,  aussi  sous 
ce  rapport,  ne  se  trouvent  pas  là  où  nous  les  attendons.  Pour 
le  reste,  la  succession  des  différentes  pièces  dans  nos  mss.  coïn- 
cide complètement  avec  l'ordre  chronologique  des  déplace- 
ments de  Froissart.  Le  résultat  obtenu  par  l'étude  des  dates 
se  trouve   donc  non  seulement  confirmé   par   l'examen   des 


PASTOURELLES    DE    FROISSA RT  4I 

lieux,  mais  même  complété,  car,  dans  quelques  cas,  la  locali- 
sation d'une  pastourelle  non  historique  nous  permet  de  l'at- 
tribuer au  moins  approximativement  à  une  certaine  époque 
de  la  vie  de  l'auteur.  Nous  pouvons  par  conséquent  établir 
comme  règle  générale  que,  dans  le  groupe  des  pastourelles, 
les  différents  poèmes  se  suivent  dans  l'ordre  chronologique. 
Cette  règle,  comme  toute  règle,  ne  va  pas  sans  exceptions  : 
soit  par  hasard,  soit  pour  des  raisons  qui  nous  échappent, 
l'ordre  primitif  a  pu  subir  ici  ou  là  une  modification.  La 
règle  générale  ne  nous  dispensera  donc  pas  de  rechercher 
dans  chaque  cas  particulier  encore  d'autres  moyens  de  con- 
trôle. 

Le  résultat  ainsi  obtenu  ne  peut  que  gagner  en  solidité, 
quand  on  constate  que  les  «  dits  »  de  Froissart  se  succèdent 
également  d'après  le  même  principe  chronologique.  Nous  ne 
pouvons  entrer  ici  en  détail  dans  l'examen  de  ce  fait.  Il  suffira 
de  rendre  attentif  au  trait  suivant  :  Dans  Le  joli  buisson  de 
Jonece,  Froissart  énumère  quelques-uns  de  ses  poèmes  anté- 
rieurs : 

Voirs  est  qu'un  livret  fis  jadis 

Qu'on  dist  L Avioiiroiis  Paradys, 

Et  aussi  celi  de  LOrloge, 

Ou  grant  part  de  l'art  d'amours  loge; 

Après,  L'Espinette Amoureuse 

Qui  n'est  pas  a  l'oïr  ireuse  ; 

Et  puis  V Amoureuse  Prison 

Qu'en  pluisours  places  bien  prise  on  (vv.  443-450). 

11  ressort  clairement  des  termes  mêmes  employés  par  le 
poète  (après  et  puis)  qu'il  entend  énumérer  les  pièces  dans 
l'ordre  dans  lequel  elles  furent  écrites.  Mais  c'est  précisément 
aussi  dans  l'ordre  indiqué  ici  qu'elles  se  succèdent  dans  les  mss. 
(n°^  I,  4,  8,  9)  •,  de  même  que  nous  les  y  voyons  aussi  toutes 
les  quatre  précéder  le  Buisson  de  Jonece  (n°i6),  qui  est  évidem- 
ment plus  récent  qu'elles.  Ce  trait  seul  suffira  pour  nous  per- 

I.  Dans  5,  8  et  9  ont  été  intervertis  sans  raison  apparente. 


42  E.    HOEPFFNER 

mettre  d'admettre  d'ores  et  déjà  qu'ici  aussi  c'est  d'après  le 
principe  chronologique  que  —  sauf  exception  —  les  dits  de 
Froissart  sont  classés. 

On  peut  tirer  de  ce  résultat  des  conclusions  assez  impor- 
tantes que  nous  ne  pouvons  que  brièvement  indiquer  ici  : 

1°  Il  permet  de  fixer,  sinon  avec  une  certitude  absolue,  du 
moins  avec  de  fortes  probabilités  et  avec  plus  ou  moins  de  pré- 
cision la  date  de  la  composition  des  poèmes  de  Froissart,  quand, 
faute  d'allusions  historiques  ou  autres,  elle  n'avait  pu  être 
déterminée  jusqu'ici. 

2°  On  obtiendra  ainsi,  directement  ou  indirectement,  des 
aperçus  nouveaux  sur  les  œuvres,  et  des  renseignements  in- 
connus sur  la  vie  du  poète  qu'on  ne  connaît  encore  que  si 
imparfaitement. 

3°  On  dispose  d'une  base  assez  sûre  pour  étudier  dans  la 
succession  chronologique  des  poèmes  de  Froissart  le  déve- 
loppement de  son  génie  poétique. 

4°  Dans  les  rapports  des  poésies  de  Froissart  avec  les 
contemporains,  on  dispose,  d'un  côté  du  moins,  de  données 
assez  précises  qui  permettront  peut-être  d'établir  avec  plus 
d'exactitude  que  jusqu'ici  la  part  d'originalité  qui  revient  à 
chacun  d'eux  et  de  trancher  des  questions  de  priorité  encore 
pendantes  '. 

5°  Enfin,  il  sera  permis  d'étendre  ce  même  principe  de 
classement  des  œuvres  d'un  poète  du  xiv*  siècle  à  d'autres 
auteurs  contemporains  (G.  de  Machaut  p.  ex.),  non  moins 
soucieux  de  leur  gloire  que  Froissart  et  non  moins  préoccu- 
pés de  leurs  productions  littéraires,  à  la  condition  toutefois 
que  l'examen  des  dates,  tant  qu'elles  se  laissent  fixer,  vienne 
confirmer  l'exactitude  de  ce  principe. 

E.  HoEPFFNER. 


I.  Il  faudrait  par  ex.  reprendre  la  question  des  relations  de  Froissart  et  de 
Chaucer. 


IL  GRAN  CREDO  DI  VENEZIA 

PARODIA  RELIGIOSA  DEL  SEC.  XVI. 


Air  illustre  uomo  cui  è  dedicato  questo  volume  io  non 
offro  un  dono,  ma  faccio  soltanto  una  restituzione.  Devo  alla 
sua  dottrina  la  conoscenza  di  questa  poesia  e  alla  sua  inesauri- 
bile  gentilezza  la  copia  che  di  propria  mano  ne  trasse  dall' 
esemplare  forse  unico  che  la  conserva. 

Nel  1509,  ossia  al  tempo  délia  gran  guerra  di  Cambray,  la 
poesia  satirica  non  era  ai  Francesi  un'  arma  nuova  per  combat- 
tere  i  loronemici  d'Italia  :  se  n'erano  giovati  già  al  tempo  délia 
calata  di  Carlo  VIII  e  poco  appresso,  nell'  apriledel  1507,  allorché 
Luigi  XII  aveva  punito  i  Liguri  ribelli,  domando  colV  armi  Genova 
superba.  Jean  d'Auton,  storico  cesareo,  al  seguito  del  re  nella  spe- 
dizione  d'Italia,  interruppe  il  racconto  dell'  impresa  per  fram- 
mettervi  Un  petit  Traicté  sur  l'exil  de  Gennes,  faict  par  ballades, 
baillé  lors  au  Roy,  che  è  propriamente  un  lamento  di  Genova, 
la  quale  si  lagna  di  non  avère  ricevuto  soccorsi  da  Roma,  che 
s'era  accontentata  di  consolarla,  dalla  Germania,  che  non  aveva 
potuto  muoversi,  perché  sempre  a  cortodi  danari,  e  daVenezia 
sempre  fedele  al  più  forte  '.  Nella  stessa  occasione  un  altro 
poeta  di  corte,  la  quale  fu  naturalmente  la  grande  officina  délie 
satire  contro  l'Italia,  Andréa  de  La  Vigne,  segretario  délia 
regina,  compose  un  Paternostre  des  Genevois  adressant  leur 
complaincte  a  Dieu  in  forma  di  ballata,  cui  segue  un  Atollite 
portas  et  qui  est  iste  rex  glorie,  en  ballades  fais  sur  la  prinseetcon- 
queste  de  Gennes,  avec  certains  rondeaulx,  ove  aile  invettive  con- 

I.  Histoire  de  Loiiys  XII  dès  Van  ifoôjusques  en  Y  an  ifoS,  Paris,  161 5, 
pp.  318-530.  Vi  è  pure  un'  edizione  parigina  del  1835. 


44  A.    MEDIN 

tro  ai  Genovesi,  «  Gens  obstinez,  téméraires,  haultains  »,  si 
alternano  i  vanti  di  Luigi  XII,  dichiarato  Dominiis  fortis  et 
potens,  Dominus  potens  in  prelio  :  C'est  le  seigneur  de  tous  seigneurs 
certains  '.  Due  anni  appresso,  allorquando  Luigi  XII,  nell'  atto 
che  si  rafFermava  fedele  alleato  dei  Veneziani,  ordiva  a  Cam- 
bray  quella  lega  congiurata  ad  annientare  la  potenza  délia 
Serenissima,  si  ridestô  spontaneo  nei  poeti  francesi  il  ricordo, 
nonsolo  délie  non  lontane  vicende  di  Genova,  ma  anche  dei 
versi  scritti  per  la  sua  caduta.  Pierre  Gringore  nell'  Entreprise 
de  Venise  ammoni  i  Veneziani  di  temere  la  potenza  e  il  valore 
di  Luigi  XII  : 

Prenez  exemple  à  vos  circunvoisins 
Les  Genevoys;  ne  faites  plus  des  fins  ^. 

E  parimenti  un  chierico  di  Chalon  accumunô  la  sorte  délie 
due  Repubbliche  italiane,  délia  già  caduta  e  di  quella  che 
pareva  imminente  a  precipitare,  foggiando  l'otto  Aprile  (giorno 
di  Pasqua)  dei  1509,  ossia  nove  giorni  innanzi  che  l'araldo 
francese  présentasse  ai  Signori  veneziani  la  sfida  in  nome  di 
Luigi  XII,  un  suo  lamento  satirico  di  Venezia  suUa  parodia 
dei  Credo,  a  quel  modo  che  il  de  La  Vigne  per  la  caduta  di 
Genova  aveva  parodiato  il  Pater  noster.  E  il  riscontro  non  è 
casuale  o  arbitrario,  ma  viene  espressamente  dichiarato  dal 
l'anonimo  versificatore  di  Chalon  nella  prefazione  délia  sua  bal- 
lata.  La  quale  à  divisa  in  due  parti  :  nella  prima  parla  la  città; 
nella  seconda,  assai  più  brève,  la  Signoria  di  Venezia. 

L'esemplare  che  conserva  questo  curioso  documento  poe- 
tico,  non  ricordato,  prima  che  dal  Picot,  in  alcun  repertorio 
bibliografico,  si  trova  nella  biblioteca  Rothschild,  e  venne  accu- 
ratamente  descitto  nel  primo  volume  dei  Catalogo  di  quella 
bellissima  libreria  K   È  di  quattro  carte,  senza  alcuna  indica- 

1.  Furono  pubblicate  con  la  Loiietige  des  roys  de  France  (Paris,  Eustache 
de  Brie,  1508).  Cf.  E.  Picot,  Catalogue  des  livres  conip.  la  hihl.  de.  feu 
M.  le  baron],  de  Rothschild,  T.  I.  (Paris,  1884),  p.  352. 

2.  Œuvres  complètes  (Paris,  1858),  vol.  I,  p.  152. 
5.   Op.  cit.,  p.  348»^  segg. 


IL    GRAN    CREDO    DI    VENEZIA  45 

zione  tipogafica,  con  tre  silografie  nel  frontispizio,  di  cui  le- 
due  prime  formano  una  chiesa  gotica  (forse,  nell'  intenzione 
del  disegnatore,  la  Basilica  de  S.  Marco)  e  la  terza  rappresenta 
un  cavalière  francese arniato  di  spada  e  picca.  Al  tergo  dell'ul- 
tima  carta  si  leggono  gli  otto  versetd  di  chiusa  e  si  vedono 
due  piccole  silografie,  le  quali  vorrebbero  raffigurare  l'autore, 
che  indossa  una  lunga  veste  talare,  e  il  re  Luigi  XII  con  lo 
scettro  e  la  mano  délia  Giustizia. 

Dopo  la  pubblicazione  del  primo  volume  del  Catalogo 
surricordato,  di  questo  Credo  fu  fatto  cenno  solo  due  volte  ; 
entrambi  da  me  :  la  prima,  nel  saggio  di  bibliografia  délie 
opère  poetiche  latine,  italiane  e  francesi  sulla  guerra  di  Cam- 
bray,  premesso  alla  ristampa  délia  Lamentation  de  Venise  '  ;  la 
seconda,  nella  bibliografia  accodata  al  mio  volume:  La  storia 
délia  Repiibblica  di  Vene:{ia  nella  poesia  ^.  E  poichè  questo  testo 
a  nessuno,  ch'io  sappia,  è  noto,  non  riuscirà  inutile  e  sgradita 
la  présente  edizione;  la  quale,  come  dissi  in  principio,  gli 
studiosi,  più  che  a  me,  devono  allô  stesso  prof.  Picot. 

A.  Medin. 


1 .  Archivio  Veneto,  t.  XXXVIII,  P.  I  (Venezia,  i 

2.  Milano,  1904,  p.  510. 


LE  GRANT  CREDO  DE  VENISE 

L'Acteur 


Pensif  et  plains  de  fantasies,  ennuyés  de  long  séjour  et  repoux, 
las  !  fatigué  de  riens  faire  fors  songer,  forger  et  édifier  par  imagina- 
tion nouveaux  chasteaux  en  Espagne,  le  cueur  chargé  de  menues 
pensées,  après  la  souvenance  d'ung  nouveau  Pater  et  Ave  Maria 
depuis  peu  de  temps  en  ça  faitz  et  composés  '  a  la  confusion  des 
Genevoys  et  a  la  gloire  du  trescrestien  roy,  par  manière  de  récréa- 
tion, advisé  me  suis  de  composer  et  escripre  ung  nouveau  grant 
Credo  pour  la  seigneurie  de  Venise,  après  la  composition  duquel 
je,  compositeur  indigne,  ay  prins  l'audace  et  vouloir  a  vous,  reve- 
rand  père  en  Dieu,  monseigneur  de  Chalon  ^,  mon  treschier  et  > 
honnoré  sire  et  maistre,  le  présenter,  ce  que  de  tresbon  cueur  et 
humblement  je  fays,  prianta  la  vostre  dignité,  noblesse  et  seignou- 
rie  le  recevoir  a  grey,  suppliant  la  ruralité  et  peu  sçavance  de  vostre 
petit  et  obeyssant  subject. 

Vous  avez  veu  la  Palernostre 

Des  Genevoys,  deux  ans  y  a  ; 

Si  avez  vous  au  plaisir  vostre 

Des  dames  VAve  Maria, 

Ce  jour  qu'on  chante  alleluya  5 

En  nostre  meresaincte  église 

Verres  le  Credo  de  Venise. 

Venise,  las,  larmoyant  de  ses  yeux. 
Dit  le  Credo  qui  s'ensuit,  se  m'ist  Dieux. 

1.  La  stampa:  composées. 

2.  Jehan  de  Poupet  de  La  Chaux,  vcscovo  di  Chalon  (1503-1531). 

3.  trescherehonnore . 

V.  I  la  stampa  :  pâte  noster.  —  8  las  manca    ma  scnza  di  esso  il  verso 

non  avrebbe  che  9  sillabe.  —  ces.  —  9  ce  mistdieiix. 


IL    GRAN    CREDO   DI    VENEZIA  47 

1  Credo  que  l'année  est  venue  lo 
Qu'il  me  conviendra  prandrc  maistre  ; 

Sans  seigneur  me  suis  maintenue, 

Trespuissamment  entretenue 

Depuis  le  temps  que  suis  en  estre. 

J'en  ay  prins  a  destre,  a  senestre,  15 

Ay  mis  tuum  avec  meum, 

Croyant  sus  bon  gaige  in  Deum. 

2  Patrem  omnipotentem  Françoys 
Est  maintenant,  bien  le  puis  dire; 

Germains,  Espagnolx  et  Anglois  20 

Se  sont  unis  a  ceste  foys 

Pour  me  courir  sus  et  occire. 

Ne  sçay  de  quel  part  me  retire, 

Plus  n'attens  secours  de  nully: 

Le  veult  creatorem  celi  25 

3  Et  terre.  Il  fault  que  ainsi  soit 

Pour  les  grans  maulx  que  j'ay  commis. 

Nul  en  amour  ne  me  ressoyt  ; 

Fortune  par  trop  me  dessoyt, 

Puis  que  au  besoing  pers  mes  amys,  30 

Suis  pressée  de  mes  ennemys  : 

Me  mettront  hors  de  ma  maison. 

Tout  va  au  roy  et  in  Jesuni 

4  Christum  filium .  Mes  mefîais 

En  sont  cause,  je  le  confesse  :  35 

J'ay  mains  de  mes  voisins  deffais  ; 

Seulle  en  deusse  porter  les  fais  : 

Je  dis,  ainsi  vray  que  la  messe. 

Le  povre  peuple  qu'on  oppresse 

En  souffrira  avec  mecuni,  40 

Qui  s'en  plaint.  Ejus  luiicum 

5  Dominum  nostrum  vient  sur  moy 
Acompaigney  de  ses  souldars  : 
Sera  cy  deans  le  moys  de  may. 

De  quoy  je  suis  en  grant  esmoy,  45 

21  CCS  t.  —  10  besoing  s.  —  43,  46  ces. 


48  A.    MEDIN 

Crains  par  trop  ses  lances  et  dars  : 
Il  a  tant  de  piques  tant  d'arcs, 
D'hommes  d'armes  et  gros  vallets  ; 
C'est  pourmoy  qui  conceptus  est. 

é     De  Sphiiu  sauclo  ï\is\.Î2\c\.t  50 

L'aliance  des  nobles  roys; 
Pour  ce  que  je  me  suis  fourfaicte, 
Désolée  seray  et  deffaicte; 
Sus  moy  viengnent  en  grans  desroys  — 
Les  miens  en  seront  mors  — tous  roys,  5  5 

Par  l'ung  de  grâce  illuminé 
Nains  ex  Maria  virgine. 

7  Passus  siih  Pouiio  Pilato 
Celuy  par  qui  je  suis  pugny  ; 

Je  suis  au  dangier  d'AUetho  ;  60 

Au  péril  de  son  fils  diledo 

En  l'infernalle  compagnie; 

Par  trop  souvent  me  suis  honnye. 

Sans  craindre  le  Dieu  de  lassus 

Qui  pour  nous  fust  crucifixiis.  65 

8  Morhius  et  sepultus  mon  non 
Est  a  jamais,  je  le  voys  bien. 
Sy  seur  touttes  j'avoys  renon, 
Plus  je  n'aray  de  pouoir,  non  ; 

De  moy  tantost  ne  seray  rien.  70 

De  l'aultruy  j'ay  plus  que  du  mien, 
Dont  mon  bruyt,  comme  chascun  dit. 
Du  plus  hault  en  bas  descendit. 

9  Ad  injerna  soyent  mes  ducas. 

Puis  qu'il  ne  me  peuvent  bien  taire.  75 

Je  suis  tant  advertie  du  cas, 

Que  bien  vouldroye  passer  ce  pas, 

Estre  quicte  de  tel  affayre. 

Chascun  pence  a  moy  defïayre  ; 

Mon  mal  auroit  cothidie  ;  80 

Ne  vivray  tejiia  die. 

10     Resiirrexil  a  mortuis 

Le  tort  que  j'ay  de  mes  voysins. 


IL    GRAN    CREDO    DI    VENEZIA  49 

Par  mes  péchez,  dire  je  puis 

Que  bien  près  de  ma  fin  je  suis  85 

Se  secours  n'ay  des  Sarrasins. 

Ceulx  que  tenoycs  pour  mes  cousins 

M'ont  maintenant  tourné  le  dos  ; 

Mon  bien  ascendit  ad  celos. 

11  Sedet  ad  dexteram  le  Sainct  Père,  90 
César  Auguste  d'aultre  part  : 

Le  Liz  sus  tous  aultres  prospère, 

L'Espagnol  en  marchant  espère 

D'y  voir  courir  le  Leopart  ; 

Le  Lyon  aussi,  tresexpert,  95 

S'i  griffera  a  mes  pourpris 

Par  le  vouloir  Dei  Patris. 

C'est  laSeignorie  qui  parle. 

12  Omnipotèntis  ils  sont  tous  ; 
Et  si  ont  droit  de  leur  partie, 

A  bon  tiltre  viengnent  sur  nous.  100 

Avons  mérité,  oyés  vous, 

Que  du  lieu  fassions  départie. 

Nostre  finance  soit  partye  ! 

Plus  n'avons  le  vent  Zephirus  ; 

En  yrons  inde  venturus.  105 

1 3  Judicare  bien  l'on  nous  peult 

Que  perdons  honneur  et  chevance  ; 

De  nous  l'Italye  trop  se  deult  : 

Chascun  n'y  fait  pas  ce  qu'i  veult. 

Par  le  moyen  de  nostre  offence,  iio 

De  nostre  parte  et-meschance 

S'esjouyront,  nottez  ces  motz, 

Bien  tost  vivos  et  mortuos. 

Le  grant  Credo  dessus  escript 

Fust  fait  passant  melancolye  ;  115 

Qui  vouldra  faire  le  petit. 
Mais  qui  l'escripre  d'apetit, 

85/emanca.  — 88  tourner.  —  92  aultre.  —  loi  mérites.  —  108  «  deult.  — 
m.  Si  dovrebbe  leggere  :  De  nostre  parle  (cioè  perte')  et  maie  chance. 
Mélanges.  II.  4. 


50 


A.    MEDIN 


Ne  s'en  pourra   trouver  que  lye. 

Le  facteur  n'est  pas  d'Ytalye, 

A  Chalon  fait  sa  demourance  :  120 

Qui  veult  sçavoir  qu'il  est,  qu'il  pence. 


CALVINIANA 


I 

Les  Cauvin  de  Paris. 

En  août  1523,  Jean  Calvin,  âgé  de  quatorze  ans,  fils  de 
Gérard  Cauvin,  fut  envoyé  à  Paris  pour  y  continuer  ses 
études.  Une  biographie  du  réformateur,  que  Papire  Masson 
rédigea  en  1583  et  que  son  frère,  Jean-Baptiste  Masson,  mit 
au  jour'  en  1620,  contient  (p.  6)  le  renseignement  que 
voici  : 

Hîec  causa  fuit  cur  pater  eum  quam  doctissimum  fieri  cuperet, 
mitteretque  Lutetiam,  et  Ricardo  fratri  commendaret,  in  vico  D. 
Germani  Altissiodorensis  fabro  ferrario,  fratrique  ejus  Jacobo,  qui 
nunc,  anno  scilicet  supra  millesimum  quingentesimo  octuagesimo 
tertio,  eandem  artem  Parisiis  prope  sanctum  Medericum;  via  Vul- 
pis  dicta,  exercet,  viris  quidem  honestissimis,  a  quibus  hœc  didi- 
cimus,  qui  iiunquam  sectam  sequuti  sunt...  ;  quin  ab  eodem  Jacobo 
narrante  scivi  nuUum  jam  neque  Novioduni,  neque  in  Belgica 
secunda^sibi  cognominem  ac  gentilem  vivere?.  Ipse  vero  a  Calvini 
naturali  nomine  numquam  recessit. 

Il  y  a  dans  ces  lignes  une  erreur  manifeste  :  Gérard  Cauvin, 


1.  Vila  loannis  Calvini.  Auctore  Papirio  Massone.  Lutetiae,  1620,  in-40 
de  36  p.  —  Première  édition,  restée  inconnue  à  presque  tous  les  historiens. 
A  elle  seule,  son  existence  suffirait  pour  ruiner  la  tradition  absurde  qui 
attribue  à  Jacques  Gillot  (Brunet,  Manuel,  t.  III,  col.  1522)  la  vie  de  Calvin 
insérée  dans  les  Elogia  (1638,  1656)  de  Papire  Masson.  —  Cf.  É.  Dou- 
mergue,  Jean  Calvin,  les  hommes  et  les  choses  de  son  temps,  t.  I,  1899, 
p.  527-529. 

2.  La  Picardie. 

3.  Assertion  inexacte.  Voy.  H.  Bordier,  article  Calvin  dans  la  2^  édit.  de 
la  France  prolestante  des  frères  Haag,  t.  III,  col.  639. 


52  THEOPHILE    DUl-OUR 

déjà  greffier  de  la  «  Cour  spirituelle  de  Noyon  »  en  148 1  ',  né 
par  conséquent  vers  145 0-1460,  n'est  pas  le  frère  de  Jacques 
Cauvin,  qui,  en  1583,  aurait  eu  plus  de  cent  ans.  Au  lieu  de 
fratrique  ejus,  il  faut  Vire filioque  ejus^,  ainsi  que  je  l'ai  proposé 
à  M.  Doumergue  K 

Cette  correction  ne  fait  pas  disparaître  toutes  les  obscurités 
du  texte.  L'incise  a  quitus  hœc  didicimus  ne  doit  pas  être  prise 
à  la  lettre  :  comment  Papire  Masson  aurait-il  conversé  en  1583 
avec  Richard  Cauvin,  sans  doute  mort  depuis  longtemps? 
L'auteur  ne  parle  plus  loin  que  de  Jacques  {ab  eodem  Jacoho 
narrante  scivi...  Ipse  vero...).  D'autre  part,  Gérard  Cauvin  n'a 
pu  «  recommander  »  son  fils  à  Jacques  Cauvin  :  en  supposant 
que  celui-ci  vécût  déjà  en  1523,  il  était  encore  en  bas  âge. 

Selon  les  biographes  modernes,  Calvin  suivait  les  leçons  du 
collège  de  La  Marche,  puis  celles  du  collège  Montaigu,  en  qua- 
lité de  martinet,  c'est-à-dire  d'externe  libre,  et  il  logeait  chez 
son  oncle,  Richard  Cauvin,  près  de  Saint-Germain  l'Auxerrois'^. 
Rien  n'établitce  fait  d'une  façon  positive,  mais  il  offre  quelque 
vraisemblance. 

Un  écrivain  très  érudit,  Albert  Rilliet,  de  Genève,  avait 
entrepris  un  ouvrage  qu'il  voulait  intituler  :  La  jeunesse  de  Cal- 
vin, ou  le  réformateur  malgré  lui,  et  qui  n'a  point  paru.  Il  me 
demanda  en  janvier  1870,  —  j'étais  alors  élève  à  l'École  des 
chartes,  —  si  les  dires  de  Papire  Masson,  relatifs  à  Richard  et 
à  Jacques  Cauvin,  pourraient  se  vérifier  par  les  anciens  actes 


1.  Jacques  Le  Vasseur,  Annales  de  l'Eglise  catlièdrale  de  Noyon,  1633, 
p.  II 70. 

2.  De  même,  dans  le  récit  des  funérailles  de  Calvin  (paire,  aniicis,  civi- 
tate,funus  prosequentc),  on  remplacera /^^/r^  pa.r  fratre. 

3.  Op.  cit.,  t.  I,  p.  6-7,  n.  2. 

4.  «  La  chambre  qu'on  lui  donna  avait  vue  directement  sur  l'église.  » 
(Abel  Lefranc,  La  jeunesse  de  Calvin,  1888,  p.  59.)  Bien  que  cette  indication 
soit  très  précise,  elle  ne  repose  cependant  sur  aucun  témoignage.  —  F.  Bru- 
netièrc  a  placé  en  153 1  (!)  l'installation  de  Calvin  «  chez  un  de  ses  oncles, 
Jacques  ou  Richard.  »  (Uœuvre  littéraire  de  Calvin,  dans  la  Revue  des  deux 
mondes  du  15  octobre  1900,  p.  901.) 


CALVINIANA  53 

d'état  civil   de  Saint-Germain  l'Auxerrois  et  de  Saint-Merry. 

La  collection  considérable  de  ces  registres,  pour  toutes  les 
paroisses  de  Paris^  déposée  dans  l'annexe  de  l'Hôtel  de  ville,  y 
fut  brûlée  l'année  suivante.  D'après  les  notes  que  j'ai  conser- 
vées, les  baptêmes,  à  Saint-Germain  l'Auxerrois,  commen- 
çaient en  1528,  les  mariages  en  1541,  les  décès  seulement  en 
i568  ;  il  y  avait  aussi  des  livres  de  la  marguillerie,  donnant 
les  enterrements  depuis  1602,  et  deux  volumes  de  testaments 
du  XVI''  siècle  \  Avec  une  extrême  complaisance,  l'archiviste, 
M.  Saint-Joanny,  parcourut  page  après  page  les  registres  de 
cette  paroisse,  tâche  ingrate  et  fort  longue  qui  n'aboutit  qu'à 
un  résultat  négatif  :  de  1528  à  1590,  M.  Saint-Joanny  ne  ren- 
contra aucune  trace  d'un  Cauvin,  ce  qui  démontrerait,  —  si 
P.  Masson  a  été  bien  informé,  —  que  les  enfants  de  Richard 
Cauvin  étaient  nés  avant  que  la  famille  vînt  s'installer  dans 
le  quartier. 

Je  m'étais  chargé  de  Saint-Merry,  dont  les  baptêmes  débu- 
taient en  1536,  les  mariages  en  1557,  les  décès  en  1630.  Ici 
les  volumes  étaient  accompagnés  de  répertoires  alphabétiques 
facilitant  beaucoup  la  besogne.  Après  avoir  contrôlé  les  nom- 
breux renvois  énumérés  sous  les  noms  de  Cauvin,  Chauvin, 
Chovin,  Cavin,  Cavain,  Covin,  etc.,  parfois  mal  lus  et  estro- 
piés par  l'auteur  des  tables,  je  mis  la  main  sur  les  six  actes 
qui  vont  suivre.  Ils  attestent  que  Jacques  Cauvin,  maître 
maréchal  ^,  habitait  de  1572  à  1587  la  paroisse  de  Saint- 
Merry. 

Du  mardy  xviije  jour  de  mars  1572,  à[i/«  hlanc]  heures  du  soir, 
a  esté  baptisé  une  fille  [sic]. 

Et  nommé  Jehan,  filz  [de]  m^  Jacques  Cauvin,  m=  mareschal,  et 

1 .  Dans  sa  Notice  historique  sur  les  anciens  registres  de  Vètat  civil  à  Paris 
(Société  de  l'histoire  de  France,  Annuaire  pour  184],  p.  2CO-218),  A.  Tail- 
landier n'a  pas  signalé  la  présence  de  ces  testaments  et  des  livres  de  la  mar- 
guillerie. 

2.  On  avait  toujours  traduit,  avec  raison,  par  serrurier  ou  par  forgeron 
\Qfaher  ferrarius  de  Papire  Masson. 


54  THEOPHILE   DUFOUR 

de  Margueritte  Caron,  sa  femme.  Les  parains,  Jehan  Cognet,  m'^ 
mareschal,  et  Paris  Caron,  secrétaire.  La  mar[a]ine,  Claude  Le 
Camus,  fille  de  Jehan  Le  Camus,  en  son  vivant  marchant  et  bour- 
geois de  Paris. 

{Baptêmes  à  Saijit-Merry,  vol.  V,  ijyi-ij/S,  impart.,  p.  21.) 

Le  Mardy  xvij«  dudit  mois  de  may  1575  fut  nay  ung  filz  à  dix 
heures  du  matin  et  baptisé  entre  cinq  et  six  de  soir  audit  jour, 

Et  nomé  Françoys,  filz  de  Jacques  Chauvin,  m^  marichal,  et  de 
Margueritte  Le  Caron,  sa  femme.  Les  parains,  vénérable  et  discrète 
persone  m^  Françoys  Le  Camus,  prebstre  et  prieur  de  Pont  sur  Seine, 
et  Jehan  Barinet,  marchant  drappier  '.  La  maraine,  Marie  Caron, 
femme  de  hon.  homme  Regnault  Lestellé,  marchant  drappier. 
(Même  volume,  2^ part.,  p.  j^.) 

Le  dit  jour  [26  mai  1576]  fut  né  ung  filz  à  deux  hoeuresdu  matin 
et  baptisé  à  sept  hoeures  du  soir^  après  diner  le  dit  jour. 

Et  nommé  Pierre,  filz  de  Jaquez  Cauvin,  maraischal,  et  de  Mar- 
gueritte Caron,  safeme.  Les  pari[njs,  Pierre  Caron,  m^  cordonnier 
à  Paris,  et  Estiene  Dolé,  maraichal.  La  maraine,  Batharine  le 
Camus,  fille  de  feu  Jeham  le  Camus,  en  son  vivant  marchant  à 
Paris. 

{Même  volume,  2^  part.,  p.  i2j.) 

Et  le  dit  jour  [mercredi  23  octobre  1577]  fut  née  une  fille  à 
midi  et  baptisée  à  cinq  heures  du  soyr, 

Et  nommée  Marie,  fille  de  m^  Jacques  Cauvin,  mestre  marichal, 
et  de  Marguerite  Caron,  sa  femme  ;  et  le  parain,  m«  Anthoine 
Denost,  notaire  ',  et  les  marainnes,  Marie  Dorlient,  femme  de  m^ 
Nicolas  Bougoys  4,  marchant  drapié,  et  Marie  le  Caron,  femme  de 
m^  René  Letelé,  marchant  drapié. 

{Même volume,  2^  part.,  p.  2ji.) 

Le  Lundy  xxiiiij  Janvier  1580  fut  né  ung  filz  à  vij  heures  du 
matin  et  baptisé  à  vj  heures  du  soyr  audit  jour, 

1.  Le  même,  apparemment,  que  Jean  Barinet,  bourgeois  de  Paris,  inhumé 
à  Saint-Merry  (3  octobre  1583).  Voy.  H.  Cocheris,  additions  à  Lcbeuf, 
t.  II,  p.  222. 

2.  Ce  mot  est  barré. 

3.  Les  minutes  (i 569-1604)  du  notaire  Antoine  Desuotz  ont  été  conser- 
vées. Voy.  A.-J.-A.  Thomas,  Notariats  du  dep.  de  ta  Seine,  ou  tabtcaiix  par 
ordre  chronotoc;ique  indiquant  les  minutes  appartenant  à  cJiaque  étude,  Paris, 
(1862),  in-fol.,p.  125. 

4.  Sic  au  registre,  mais  il  convient  peut-ôtrc  de  lire  «  Bou[r]g[e]oys.  » 


CALVINJANA  J5 

Et  nommé  Renés,  filz  de  Jacques  Covin,  m^  marichal,  et  de 
Marguerite  Le  Caron,  sa  femme  ;  et  les  parains,  Renés  Letelé, 
marchant  drappier,  bou[rlgoyes  de  Paris,  et  Jehan  Caron  le  jeune, 
drappier,  et  la  maraine,  Fleurance  Guère,  femme  [de]  Thomas 
Guinan,  fourier  du  Roy. 

(Volume  VI,  ijyc^-ijSj,  /'=  pari.,  p.  ()y.) 

Le  mardy  xxiiii'"^  dudit  moys  [mars  1587]  fut  baptizé  ung  filz  à 
six  heures  du  soir,  né  de  la  nuit  précèdent  sur  les  dix  heures, 

Et  nommé  Jeham,  filz  de  Jacques  Cauvin,  mareschal,  et  de  Mar- 
gueritte  Caron,  sa  femme.  Les  parains,  Jeham  Caron,  marchand 
drappier,  et  Estienne  Daulet,  m^  mareschal,  à  Paris.  La  maraine, 
Damoiselle  Françoyse  Chevallier,  femme  de  Paris  Caron,  suivant  la 
chancellerye. 

(Volume  VII,  i^Sj-ij^ô,  i^  part.,  p.  14;.) 

J'ai  également  relevé  en  1870  le  baptême  d'un  fils  de  Paris 
Caron,  dont  le  nom  apparaît  dans  deux  des  actes  ci-dessus, 
et  qui  devait  être  un  frère  ou  un  proche  parent  de  Marguerite 
Cauvin  : 

28  septembre  1588.  Naissance  et  baptême  de  «  Nicolas,  filz  de 
Noble  homme  Paris  Carom  \_un  blanc]  et  de  damoiselle  Françoise 
Chevalier,  sa  femme.  Les  pareins,  Noble  homme  Nicolas  Potier, 
seigneur  du  Bla[n]mesnil,  conseillier  du  Roy  en  son  conseil  d'estat 
et  présidant  de  sa  cour  de  parlement  de  Paris,  et  Jeham  Carom, 
marchant  drapier.  La  mareinne,  damoiselle  Charlote  Baillet', 
femme  de  Noble  homme  Louis  Potier,  conseillier  du  Roy  et  Segre- 
taire  en  son  conseil  d'estat  et  de  ses  finances 2.  » 

(Même  volume,  i^  part.,  p.  260.) 

Pour  découvrir  d'autres  informations  sur  la  famille  Cauvin, 
il  faut   attendre  que  l'on  se  décide  enfin  à  réunir  dans  un 

1.  La  particule  de,  avant  Baillet,  a  été  biffée. 

2.  Nicolas  Potier,  seigneur  de  Blanc-Mesnil,  président  à  mortier  au  Par- 
lement de  Paris,  et  son  frère,  Louis  Potier,  seigneur  de  Gesvres,  secrétaire 
d'État  en  1589,  comte  de  Tresmes  en  1608,  avaient  épousé  deux  sœurs, 
Isabeau  et  Charlotte  Baillet,  filles  de  René  Baillet,  seigneur  de  Tresmes , 
président  au  Parlement  de  Paris.  Leurs  descendants  directs  portèrent  les 
titres  de  marquis  de  Novion,  ducs  de  Tresmes  ou  ducs  de  Gesvres,  marquis 
d'Annebault,  de  Gandelu,  etc.  (Le  P.  Anselme,  t.  IV,  p,  765-774.) 


56  THÉOPHILE    DUFOUR 

dépôt  public  les  anciennes  minutes  des  notaires  parisiens.  Il 
est  difficile  de  saisir  les  motifs  qui  s'opposent  à  la  réalisation 
d'un  vœu  aussi  légitime. 

II 

Les  dates  de  qiialre  lettres  (z/^j-/)  j^). 

Jusqu'à  l'arrivée  de  Calvin  à  Bâle,  vers  la  fin  de  1534,  nous 
ne  possédons  que  douze  missives  de  lui  '  et  trois  de  ses  amis. 
Elles  sont  importantes  pour  la  connaissance,  encore  vague  et 
incertaine,  de  ses  années  d'études.  En  insérant  ces  quinze 
pièces  dans  les  tomes  II  (1868)  et  III  (1870)  de  la  Correspon- 
dance des  réformateurs,  Herminjard  les  a  soigneusement  anno- 
tées. A  celles  qui  n'avaient  point  de  date,  il  s'est  efforcé  d'en 
attribuer  une,  et  les  éditeurs  des  Calvini  Opéra  (t.  X,  2^  part., 
1872)  ont  adopté  presque  toutes  ses  conclusions. 

Cinq  ans  après,  Jules  Doinel  publiait  ^  deux  documents  des 
10  mai  et  1 1  juin  1533,  en  tête  desquels  figure  Calvin,  et  il  y 
j  oignait,  sur  les  camarades  Orléanais  de  l'étudiant  de  Noyon, 
plusieurs  renseignements  inédits.  Au  nombre  de  ces  derniers, 
on  remarque  l'analyse  du  contrat  de  mariage  (25  mai  1533)' 
de  François  Daniel,  l'ami  de  Calvin.  Mais,  chose  étrange,  ni 
Doinel  '^  ni  les  auteurs  venus  après  lui  5  ne  se  sont  aperçus  que 

1.  Outre  la  préface  adressée  à  François  de  Connan  (6  mars  15  51),  dans 
VAnlapologia  de  Nicolas  Duchemin,  et  la  dédicace  à  Claude  de  Hangest 
(4  avril  1552)  du  commentaire  sur  le  De  Clevientia  de  Sénèque. 

2.  Jean  Calvin  à  Orléans  {Bulletin  de  la  Société  ile  T histoire  du  protestan- 
tisme français,  t.  XXVI,  1877,  p.  174-185). 

3.  Ihid,,  p.  184. 

4.  Ihid.,  p.  176. 

5.  Ed.  Cunitz  et  Ed.  Reuss,  Calvini  Ope ra,  t.  XXI,  1879,  col.  190,  191  ; 
—  A.  Pierson,  Studien  oi'er  Johann  es  Kalvijn  (iS2y-is^6),  1881,  p.  66,  67, 
71,  n.  2;  —  P.  Bianquis,  Trois  conversions,  ou  essai  chronologique  sur  les 
origines  de  la  Réformât  ion  française,  1881,  p.  34,  35,  37;  —  H.  Bordier, 
article  cité,  1882,  col.  515;  —  A.  Lefranc,  op.  cit.,  p.  21,  22,  37,  38,  86- 
89,  91,  96  ;  article  Calvin  de  la  Grande  Encyclopédie,  t.  VIII  (1889),  p.  loi  i, 
ICI 2;  Histoire  du  Collège  de  France,  1893,  p.  133  ;  — A.-J.  Baumgartner, 
Calvin  hébraïsant  et  interprèle  de  l'Ancien  Testament,  1889,  p.  15  ;  —  Dalton, 
Cdlvins  Bekebnuig,  dans  les  Dentsch-evangelische  Bldtter,  1893,  p.  540;  — 


CALVINIANA  57 

la  découverte  de  ce  contrat  modifie  notablement  la  chrono- 
logie calvinienne  de  1531-1533- 

La  lettre,  souvent  citée,  de  Calvin  à  Daniel,  écrite  de  Paris 
le  27  juin  (sans  millésime)  %  où  il  raconte  la  visite  qu'il  a 
faite  dans  un  monastère  à  la  sœur  de  son  correspondant  ^, 
contient  ce  message:  Saliita  uxorem.  Elle  n'est  donc  pas  de 
153 1,    comme  Herminjard  le  croyait,  mais  de   1533.    A   la 

A.  Lang,  Die  Behehrung  Johannes  Calvms,  1897,  p.  8,  21,  22  \  Johannes  Cal- 
vin, ein  Lebenshild,  1909,  p.  1 3  ;  —  É.  Doumergue,  op.  cit.,  t.  I,  1899,  p.  196- 
199,    201,  206-207,  n.  3,   293-294,  n.  2,  351,   352  ;  —  K.  Mûller,  Cal- 
vins  Behhrung,  dans  les  Nachrichfen  âer  K.  Geselhchaft  âer  Wissenschaften  ~n 
Gôttingen,  1905,  p.   190,  191,   195,   199,  202,   203,  n.  2  ;  — H.  Clouzot, 
Les  amitiés  de  Rabelais  en  Orléanais,  dans  la  Rei'tie  des  études  rabelaisiennes, 
t.  III,  1905,  p.  171,  17s  ;  —  A.  Bossert,  Calvin,  1906,  p.  36,  37;  —  W. 
Walker, /o/w  Calvin,  the  organiser  of  reformed protestantism,  1906,  p.  53-57, 
65,  107;  traduction  française  (intitulée /(?fl?i  Calvin,  Vhomme  et  Fœnvre)  par 
E.  et  N.  Weiss,  1909,  p.  61-65,  73,  115;  —  R.  Busquet,  Etude  historique 
sur  le  collège  de  Fortet  {1^^4-1^64),  dans  les  Mémoires  de  la  Société  de  l'his- 
toire de  Paris,  t.  XXXIV,   1907,  p.  29  ;  — Johannes  Calvins  Lcbenswerlt  in 
scinen  Briefen.  Eine  Auswahl  von  Briefen  Calvins,  in  deutscher  UebersetT^ung 
von  R.  Schwari,  1909,  t.  I,  p.  xiii,  2-4;  —  E.  Knodt,  Johann  Calvin,  Mit- 
teilungen    ans   seinem   Leben    uvd    seiven   Schriften,    1909,   p.    10-14;    — 
W.  Schlatter,  Johannes  Calvin,  ein  Bild  seines  Lebens,  1909,  p.  17  ;  —  Fr. 
Sieffert,  Johann  Calvins  religiôse  EntivicMung  und  sittliche  Grundrichtung, 
Festrede,  1909,  p.  15  ;  —  J.  Neuenhaus,  Calvin  als  Humanist,  dans  les 
Calvinstudien  publ.  par  J.  Bohatec,  1909,  p.  10  ;  —  H.  Strathmann,  Die 
Entstelting  der  Lehrc  Calvins  vcn  der  Busse,  dans  les  menées  Calvinsludiai, 
p.  241,  242  ;  — G.-A.  Van  der  Brugghen,  Calvijn,  1909,  p.  13  ;  —  C.-H. 
Irwin,  John  Calvin,  the  man  and  his  work,   1909,  p.  16  ;  —  P.  Pruzsinszky, 
Kdlvin  Jdnos  életraj:(,  t.  I,  1909,  p.  44;  —  etc. 

1.  Herminjard,  t.  II,  p.  346-348;  — Calvini  Opéra,  t.  X,  2^  part., 
col.  9-1 I. 

2.  J.  Doinel  a  signalé  en  1880  (Bulletins  dé  la  Société  archéologique  de 
VOrlcanais,  t.  VII,  p.  245)  un  acte  notarié  de  février  1333,  par  lequel 
Claudine  Daniel,  avant  d'entrer  en  religion  au  couvent  de  La  Saussaye,  près 
de  Paris,  abandonnait  sa  part  dans  l'héritage  paternel  à  sa  mère,  Charlotte 
Lhuillier.  Ce  document,  qui  nous  fait  connaître  le  prénom  de  la  sœur  de 
François  Daniel  et  la  maison  où  Calvin  se  rendit  le  dimanche  22  juin,  a 
échappé  aux  récents  biographes  du  réformateur.  —  La  Saussaye  était  un 
prieuré  d'Augustines,  dans  la  paroisse  de  Chevilly,  non  loin  de  Ville- 
juif.  Voy.  Gallia  christiana,  t.  VII,  col.  635-640,  et  Lebeuf,  édit.  de  1883, 
t.  IV,  p.  36-39.  Cf.  Hist.  ecclès.  des  Eglises  réformées,  t.  II,  p.   194,  195. 


58  THÉOPHILE    DUFOUR 

nouvelle  date  du  27  juin  [1533],  Calvin,  après  avoir  assisté 
au  mariage  de  Daniel  à  Orléans,  a  quitté  cette  ville,  où 
il  se  trouvait  encore  le  11  juin.  Arrivé  à  Paris  le  16,  il 
s'occupe  de  chercher  un  logement  '  ;  il  annonce  son  inten- 
tion de  suivre  les  leçons  de  grec  du  lecteur  royal  Pierre  Danès  % 
et  c'est  l'hiver  de  1533-1534  qu'il  se  propose  de  passer  à 
Paris,  sans  prévoir  les  événements  qui  l'en  empêcheront. 

Même  constatation  pour  une  lettre  sans  date  à  Daniel,  mise 
jusqu'ici''  au  début  de  1532.  Comme  Calvin  y  répète  Saluta 
nxoreni,  c'est  postérieurement  au  mois  de  mai  1533  qu'il  prend 
la  plume.  Les  circonstances  défavorables  dont  il  se  plaint  {Sta- 
tueram  hoc  tain  alieno  tempore  nihil  ad  te  scribere)  ne  sont  pas 
«  la  peste  et  la  disette,  qui  ravageaient  Paris  »  dans  la  seconde 
moitié  de  1 5  3 1  et  qui  avaient  entraîné  l'interruption  de  tous 
les  cours  publics  4.  Si  la  missive  est  de  la  fin  de  1533,  ainsi 

1.  Il  se  décida  sans  doute  pour  le  collège  de  Fortet,  puisque  c'est  là 
qu'il  demeurait  en  novembre  1533,  selon  le  témoignage  de  Nicolas  Colla- 
don  (Calvini  Opéra,  t.  XXI,  col.  56).  On  ne  doit  plus  admettre  qu'il  y  fût 
déjà  installé  (Herminjard,  t.  III,  p.  118,  n.)  en  juillet  1531.  —  D'autre 
part,  aucun  texte  n'établit  qu'en  septembre  1533  Calvin  ait  logé  (Lefranc, 
p.  107)  rue  Saint-Martin,  chez  Etienne  de  la  Forge. 

2.  Le  28  mai  1533,  Pierre  Siderander  mande  à  Jacques  Bedrot,  professeur 
à  Strasbourg,  que  Danès  n'a  pas  encore  repris  son  enseignement,  suspendu 
pendant  tout  le  carême,  mais  qu'il  compte  le  recommencer  dès  qu'il  aura 
touché  son  traitement.  (C.  Schmidt,  Gérard  Roussel,  1845,  p.  207.)  —  Dès 
le  20  mai,  on  avait  payé  à  Danès  sa  «  pension  »  du  i"  novembre  15  31  au 
31  octobre  1532,  soit  420  livres  (au  lieu  de  4 50);  mais  eu  réalité,  bien  que 
la  pièce  ne  le  dise  pas,  ce  chiffre  représente  seulement  240  livres  à-compte, 
plus  un  arriéré  de  180  livres.  Pour  les  gages  de  l'année  courante  (i^r  nov. 
1532  —  31  oct.  1533),  il  y  eutun  long  retard,  causé  par  l'incurie  habituelle 
des  trésoriers  royaux  ;  le  mandat  de  François  !«'',  délivré  le  18  mai  1534, 
renouvelé  le  10  février  1535  ne  fut  soldé  que  le  14  mai  1555;  la  somme  ver- 
sée comprenait  (enfin  !)  le  reliquat  de  210  livres  dû  sur  l'exercice  précédent. 
(Cf.  A.  Lefranc,  Hist.  du  Cotlcge  de  France,  p.  394-400,  nos  VI,  X,  XII.) 

En  mai  1533,  P.  Danès  vivait  à  la  campagne,  avec  un  évêque  auquel  il 
servait  de  précepteur.  En  janvier  1 534,  et  peut-être  déjà  en  décembre  1533,  il 
expliquait  au  collège  de  Cambrai  un  ouvrage  d'Aristote  ([Ind.,  p.  144-146, 
404,  405),  mais  Calvin  ne   pouvait  être  alors  l'un  de  ses  auditeurs. 

3.  Herminjard,  t.  II,  p.  393,394;  —  Opéra,  col.  17,18. 

4.  Herminjard,  t.  II,  p.  385,  n.  7;  — Opéra,  col.  12,  n.  3. 


CALVIMANA  59 

que  je  le  présume  ',  Calvin    fait   allusion   aux  conséquences 
du  discours  de  Nicolas  Cop  (i"  novembre  1533). 

Enfin,  lorsqu'un  27  décembre  ^  François  Daniel  parle  de  son 
beau-père  {Ego  vacationibus  peregre  ciim  socero  sum  profechis),  sa 
lettre  est  de  1533,  non  de  1531,  ce  qui  en  augmente  l'intérêt. 
La  mention  de  l'arrivée  prochaine  d'un  évêque^  présentait  une 
difiiculté  chronologique  :  comme  le  siège  d'Orléans  n'était  pas 
vacant  en  1531,  Herminjard,  songeant  au  diocèse  de  Noyon, 
avait  supposé  un  voyage  de  son  chef,  Jean  de  Hangest,  tandis 
qu'en  décembre  1533  Daniel  a  évidemment  en  vue  Antoine 
Sanguin  4,  nommé  évêque  d'Orléans  peu  de  temps  aupara- 
vant 5.  En  outre,  Daniel,  au  retour  d'une  excursion  à  Paris,  a 
appris  que  Calvin  habitait  maintenant  à  Chaillot  ^.  Ainsi  c'est 
tout  près  de  la  grande  ville  que  le   jeune  humaniste  avait 

1.  Calvin  se  préparait  à  quitter  Paris  (dinii  discessiwi  iiieditor).  Avant 
d'avoir  réalisé  ce  projet,  il  reçut  la  visite  de  Daniel,  et  celui-ci,  revenu  à 
Orléans,  lui  écrivit  le  27  décembre. 

2.  Herminjard,  t.  II,  p.  383-385;  —  Opéra,  col.  11,  12. 

3.  «  Scis  nos  Episcopum  nationis  tiu-e  habere,  cujus  adventum  quotidie 
expectamus.  Vellem  tuorum  amicorum  opéra  te  illi  ita  commeudatum  esse, 
ut  Officialis  dignitate  aut  aliqua  te  ornaret .   » 

4.  Antoine  Sanguin  (1493- 15 59),  qui  devint  cardinal  en  1539,  gi'^nd 
aumônier  de  France  en  1543,  etc.,  était  seigneur  de  Meudon  et  «  natif  de 
Paris,  »  où  il  résidait  sans  doute  en  décembre  1535.  C'est  ce  que  Daniel 
veut  exprimer  par  tua;  nationis,  et  il  désire  que  l'entourage  parisien  de  Cal- 
vin lui  fasse  obtenir  un  poste  qui  le  ramène  à  Orléans.  —  Une  sœur 
d'Antoine  Sanguin  ayant  épousé  Guillaume  de  Pisseleu,  seigneur  d'Heilly 
et  d'Oudeuil-le-Chastel,  l'évêque  était  l'oncle  de  la  duchesse  d'Étampes,  — 
«  par  le  moyen  de  laquelle  il  fut  avancé  aux  plus  éclatantes  dignités  de 
l'Église  »  (Le  P.  Anselme,  t.  VIII,  p.  263),  —  et  de  sa  sœur,  M^e  de 
Canny.  A  partir  de  1 549,  Calvin  correspondit  avec  M^e  de  Canny,  mais 
rien  ne  prouve  qu'il  l'ait  connue  dès  1533,  année  où,  selon  M.  Lefranc  (La 
jeunesse  de  Calvin,  p.  36),  qui  n'indique  pas  sa  source,  elle  passait  déjà  pour 

«  une  protestante  déclarée.  » 

5.  En  novembre  1533.  (Journal  d'un  bourgeois  de  Paris,  iSi)--iS]6, 
publié  par  L.  Lalanne,  p.  435.  — Gallia  christiana,  t.  VIII,  col.  1483.) 

6.  «  Statim  post  reditum  accepi.  .  .te  Chalioteum  esse.  »  —  Ignorant  le 
nom  latin  (Caloilum)  de  la  localité,  Daniel  a  forgé  une  traduction  sur  la 
forme  française  Chaliot  (précédemment  Chailloel,  Challoel,  Chailliau,  Cha- 
lyau,  etc.) 


60  THÉOPHILE    DUFOUR 

d'abord  trouvé  un  refuge,  pour  se   dérober  aux   poursuites 
commencées  contre  lui,  et  il  y  jouissait  de  grands  loisirs. 

Les  observations  qui  précèdent  m'amènent  à  corriger  aussi 
la  date  adoptée  pour  une  lettre'  à  Daniel  %  qu'Herminjard 
place  «  vers  mars  1534'.  »  Elle  aurait  été  écrite  par  Calvin 
durant  son  séjour  chez  Louis  du  Tillet,  à  Angoulême,  et  il 
faudrait  reconnaître  cette  ville  dans  l'indication  finale  Ex 
AcropoU  :  le  savant  éditeur  estime  que  l'hypothèse  est  «  fort 
probable.  »  Examinons-la. 

Le  philologue  Pierre  Daniel,  fils  de  François,  a  transcrit 
vers  1567  une  partie  des  missives  échangées  entre  Calvin  et 
ses  amis  d'Orléans  ;  les  débris  de  leur  correspondance  ne  nous 
sont  parvenus  que  grâce  à  ce  travail  et  à  la  conservation  de 
deux  autographes  4.  Or,  dans  une  lettre  de  Calvin  à  François 
Daniel  5,  très  certainement  envoyée  de  Paris,  Pierre  Daniel  a 
ajouté  à  la  fin  de  sa  copie  les  mots  Ex  AcropoU,  en  ayant  soin 
toutefois  de  noter  en  marge  qu'ils  n'existaient  pas  dans  l'origi- 
nal. Il  semble,  par  conséquent,  qu'aux  yeux  de  Pierre  Daniel 
c'est  la  capitale  qui  est  AcropoUs,  et  ce  nom  ne  peut  s'entendre 
de  deux  cités  différentes.  Pour  l'appliquer  à  Angoulême,  bâtie 
sur  un  plateau  qui  domine  la  Charente,  Herminjard  se  sera 
laissé  guider  par  la  signification  de  citadelle,  et  par  le  sou- 
venir de  l'Acropole  d'Athènes.  Mais  àV.pcç,  le  plus  élevé, 
veut  dire  aussi,  au  figuré,  éminent,  illustre,  en  sorte  qu'un 
humaniste  a  pu  désigner  Paris  par  AcropoUs,  de  même  que 
Giovanni-Francesco  Conti,  dit  Quintianus  Stoa,  avait  intitulé 
CkopoUs^    sa  description  de  la  même  ville  (15 14).    Il  y   en 

1.  Herminjard,  t.  III,  p.  156-158.  — Opéra,  col.  37,  58. 

2.  Et  non  à  Duchemin,  comme  le  dit  M.  Bossert  (op.  cil. ,  p.  59). 

3.  M.  Lefranc  (op.  cit.,   p.  46)  croit  qu'elle  est  postérieure  de  plusieurs 
mois.  — Cf.  Doumcrgue,  t.  I,  p.  570,  426-427,  n.  6. 

4.  Dont  l'un,  vu  et  coliationné  par  Herminjard  (t.  III,  p.  106-111)  à  la 
Bibl.  de  Berne,  ms.   141,  ep.  237,  a  disparu  dans  la  suite  (Opéra,  col.  27). 

5.  Herminjard,  t.  II,  p.  397,  398.  —  Opéra,  col.  15,  16. 

6.  Sur  ce  poème,  voy.  une  notice  de  M.  Paul  Lacombe  dans  le  Bulletin 
(h  la  Société  de  rhistoire  de  Paria,  1890,  p.   114-117.  Cf.  ihid.,  1894,  p.  159. 


CAUINIANA  6l 

a  précisément  un  exemple  dans  le  Thésaurus  epistoîicus  calvi- 
nianus  :  un  correspondant  du  réformateur  appelle,  en  1553, 
«  senatores  ôcv.porSkZM:  »  les  conseillers  au  Parlement  de 
Paris  ' . 

Dans  le  corps  de  sa  missive,  Calvin  vante  la  bonté  de  son 
protecteur  (patroni  mei  humanitas...  tanta  benignitas^,  dont  le 
goût  pour  l'étude  est  un  stimulant.  Ces  louanges,  en  particu- 
culier  l'expression  de  patronns,  ne  conviennent  guère  à  Louis 
du  Tillet,  qui  avait  à  peu  près  le  même  âge  ^  que  son  ami.  Plus 
loin  Calvin  rappelle  ses  loisirs  (tanto  in  otio),  exactement 
comme  Daniel  l'avaitfait (tantum  otium)  le  27  décembre [1533]. 
A  mon  avis,  nous  avons  là  une  réponse  à  cette  dernière  lettre, 
et  je  pense  qu'elle  a  été  expédiée  de  Chaillot  en  janvier  1534. 
La  proximité  de  ce  village,  devenu  en  1659  un  faubourg  de  la 
capitale,  avant  d'être  absorbé  par  elle,  autorise  par  exten- 
sion l'emploi  oUAcropolis  ',  et  les  termes  d'exilium,  secessus, 
cadrent  avec  la  situation  de  Calvin.  Quant  au  mystérieux  pro- 
tecteur qui  avait  recueilli  chez  lui  le  fugitif,  il  demeure 
inconnu. 

III 

Le  prétendu  emprisonnement  de  iSj4. 

Parmi  les  extraits  que  le  chanoine  Sézille  a  tirés,  entre  1760 
et  1768,  des  registres  capitulaires  de  Noyon,  maintenant  per- 
dus, M.  Lefranc  a  trouvé  celui-ci  : 

1534,  26  mai.  —  Ms  Jean  Cauvin  [suivent,  dit  en  note  M.  Lefranc, 
deux  mots  illisibles]  est  mis  en  prison  à  la  porte  Corbaut,  pour 
tumulte  fait  dans  l'église  la  veille  de  la  Sainte-Trinité,  fol.  20  r°, 
élargi  le  3  juin,  fol.  21  r",  remis  en  prison  le  5,  fol.  22  r°. 

1.  Opéra,  t.  XX,  coL  413. 

2.  Il  était  né  vers  1508,  selon  Herminjard  (t.  V,  p.  108,  n.  11). 

3.  On  remarquera  également  que  Chaillot,  «  éloigné  d'une  petite  lieue  de 
la  Cité,  »  occupait  «  le  haut  du  coteau,  d'où  l'on  aperçoit  Paris  »  (Lebeuf, 
édit.  citée,  t.  I,  p.  408);  sa  position  s'adaptait  donc  assez  bien  au  sens 
propre  et  usuel  à'Acropolis. 


62  THÉOPHILE    DUFOUR 

A  la  lecture  de  l'ouvrage  de  mon  excellent  confrère,  ce  texte 
(p.  201)  m'avait  surpris^  soit  parce  que  le  «  tumulte  fait  dans 
Téglise  »  paraissait  absolument  contraire  à  ce  que  nous  savons 
du  caractère  de  Calvin,  soit  parce  que  lui-même,  s'adressant  à 
la  reine  de  Navarre,  remerciait  Dieu  de  ne  l'avoir  «  jamais 
esprouvé  par  examen  ne  par  prison  \  »  Une  erreur  s'était  d'ail- 
leurs glissée  dans  l'extrait  de  Sézille,  car  le  dimanche  de  la 
Trinité  tombe,  en  1534,  au  31  mai. 

Les  affirmations  de  M.  Lefranc  (p.  45-48,  54,  181,  182) 
étant  très  catégoriques,  les  biographes  ont  enregistré,  d'après 
lui,  l'incarcération^  de  1534,  «  cette  sorte  de  Wartbourg  subie 
par  le  réformateur  français  \  »  Elle  est  entrée  dans  le  domaine 
des  faits  acquis +.  M.  Doumergue  nous  a  donné  (t.  I,  p.  25) 

1.  28  avril  1545.  opéra,  t.  XII,  col.  68. 

2.  Due,  selon  M.  Lang,  à  «  une  tentative  grandiose  et  audacieuse  pour 
répandre  la  vérité.  » 

3.  Lefranc,  p.  47. 

4.  Voy.  par  exemple,  —  outre  plusieurs  comptes  rendus  de  La  jeunesse 
de  Calvin  (H.  D[raussin],  L'Église  libre,  1888,  p.  222  ;  —  Cli.  Dardier,  Le 
Protestant,  1888,  p.  244  ;  —  N.  Weiss,  Bull,  du  protest,  franc.,  1888, 
p.  493  ;  —  G.  Mooodet  Ch.  Bémont,  Revuehistorique,t.li\y>Nll\,  p.  149; 
—  R.  Jalliffier,  Journal  des  Débats,  26  septembre  1888  ;  —  H.  H[eyer],  La 
Seinaine  religieuse  de  Genève,  1888,  p.  248  ;  —  [Rod.]  R[euss],  Revue  cri- 
tique, 1889,  II,  p.  259,  260;  etc.),  — A.  Lefranc,  article  cité,  p.  1013  ;  — 
R.  Stàhelin,  article  Calvin  de  la  Realencyklopàdie  fiir  protest.  Théologie  und 
Kirche,  3*6  Aufl.,  t.  III,  1897,  p.  658,  1.  18-20;  —  A.  Lang,  DieBekehrung, 
p.  11-15  ;  Johannes  Calvin,  p.  22  ;  —  É.  Doumergue,  t.  I,  p.  426-428,  441, 
556;  —  Benrath,  Calvin  und  das  Genfer  Reforinationswerk,  dans  le  t.  I 
[1900-1901],  p.  105,  de  :  Der  Proteslanlisnms  am  Ende  des  XIX.  Jahr- 
hunderls,  hsgg.  von  G.  Wcrckshagen  ;  —  K.  Mûller,  mémoire  cité,  p.  218, 
n.  I  ;  —  W.  Walker,  op.  cit.,  p.  115  et  suiv.  ;  trad.  française,  p.  125  et 
suiv.  ;  —  N.  Weiss,  dans  le  Bull,  du  protest,  franc.,  1909,  p.  381  ;  — 
J.  Pannier,  Uenjance  et  la  jeunesse  de  Jean  Calvin,  1909,  p.  51,  52  ;  — 
E.  Knodt,  op.  cit.,  p.  19;  —  W.  Schlatter,  op.  cit.,  p.  24;  —  Fr.  Sieffert, 
discours  cité,  p.  17  ;  —  K.-H.Cornill,  Zu  Johannes  Caîvins  Gedachlnis,Rede, 
1909,  p.  4  ;  —  W.  Conrad,  Johann  Calvin,  ein  Lebensbild,  1909,  p.  16; 
Calvin,  ein  Volksabend,  1909,  p.  1 1  ; —  Th.  Schneider,  Calvin  und  wir, 
1909,  p.  S  ;  — ^  A.  Baur,  Johann  Calvin  (Religionsgeschichtliche  Volkshïtcher, 
IV.  Reihe,  9.  Heft),  1909,  p.  8  ;  —  G.  Sodeur,  Johann  Calvin,  1909, 
p.  9-10  ;  —   E.  Korumann,  Johannes  Calvin,  ein  Lebens-und  Charakterbild, 


CALVINIANA  6$ 

une  vue  de  la  prison  du  chapitre  à  la  rue  Corbault,  et  M.  Pan- 
nier'  nous  apprend  qu'aujourd'hui  «  pour  les  Noyonnais, 
c'est  la  prison  Calvin.  »  Si  ce  détail  est  exact,  il  montre  une 
fois  de  plus  la  rapidité  avec  laquelle  les  légendes  se  propagent 
dans  les  milieux  populaires,  puisque  celle-ci  est  née  il  y  a 
moins  de  vingt-cinq  ans. 

Un  seul  historien,  M.  Karl  HoU,  a  eu  des  doutes  :  il  exprime 
le  souhait  que  l'analyse  de  Sézille  soit  l'objet  d'un  nouvel 
examen  ^.  C'est  un  soin  que  j'avais  pris  dès  l'année  1900,  mais 
le  résultat  de  ma  recherche  est  encore  inédit. 

Vérification  faite,  le  manuscrit 3  porte:  «  Un  Jean  Cauvin 
dit  Mudi  est  mis  en  prison...  »  La  suite  comme  dans  le  livre 
de  M.  Lefranc,  avec  les  mêmes  dates  4. 

Ainsi  le  chanoine  Sézille  n'a  pas  écrit  «  M'  Jean  Cauvin  », 
mais  «  Un  Jean  Cauvin  »,  et  ce  vocable  est  déjà  significatif. 
Le  surnom,  dit  Mudi,  que  le  fils  de  Gérard  n'a  jamais  reçu 
ni  porté,  achève  de  démontrer  que  le  prisonnier  n'était  pas 
Calvin.  On  s'explique  dès  lors  pourquoi  Sézille  s'est  contenté 
d'un  bref  sommaire,  au  lieu  de  copier  ou  de  traduire  intégra- 
lement les  trois  passages  originaux. 

Au  reste  Le  Vasseur  ne  s'y  est  pas  trompé.  Comme  il  rele- 
vait, pour  ses  Annales  (1633),  toutes  les  mentions  de  Gérard, 
Charles,  Jean  et  Antoine  Cauvin  qu'il  rencontrait  dans  les 
archives  du  chapitre  de  Noyon,  il  se  serait  empressé  de  profi- 


1909,  p.  14;  —  G.  Bayer,  Johann  Calvin,  sein  Lehen  und  Wîrken,  [1909], 
p.  25  ;  —  P.  Wernle,  Johannes  Calvin  (Monatshlàtter  fur  den  evangelischen 
Religionsunterricht,  Juli  1909),  p.  194; —  G.-A.  Van  der  Brugghen,  op. cit., 
p.  10  ;  —  L.  Penning,  Het  leven  van  Johannes  Calvijn  en  ^ijn  tijd,  [1909], 
p.  85  ;  —  G. -H.  Irwin,  op.  cit.,  p.  20;  —  P.  Pruzsinszky,  op.  cit.,  p.  80  ; 
—  F.  Balogh,  Kdlvin,  a  tôrte'nelenihen,  1909,  p.  7. 

1.  Une  visite  à  la  ville  natale  de  Calvin.  Noyon.  Paris,  [1909],  p.  10. 

2.  Johannes  Calvin.  Rede  gehalien  in  der  Aida  der    Universitât  :{u  Berlin. 
Erweiterte  und  mit  Anmerkungen  versehene  Ausgabe,  1909,  p.  46. 

3.  Bibl. nationale,  ms.  fr.  12032,  fol.  22  r». 

4.  Probablement  interverties  par  une  distraction  de  Sézille  :  le  tumulte 
serait  alors  du  26  mai,  et  l'arrestation  du  50  mai. 


64  THÉOPHILE    DUFOUR 

ter  de  l'occasion  pour  injurier  derechef  le  clerc  tonsuré  qui 
venait  de  résigner  ses  bénéfices.  Or  il  s'abstient  de  noter 
l'incident,  et  Desniay  (1621)  l'omet  aussi.  Tous  deux  ont 
compris  que  l'arrestation  de  1534  ne  se  rapportait  pas  à 
Calvin. 

On  savait  parDesmay  '  et  surtout  par  Le  Vasseur  (p.  1170- 
1171)  qu'en  1553  un  «  Jean  Cauvin,  Chappellain  Vicaire  de 
la  mesme  Eglise  de  Noyon,  non  hérétique  ^,  »  déjà  puni  «  pour 
son  incontinence  »  et  «  sa  vie  libertine  »  le  23  décembre 
1552  et  le  2  janvier  1553,  avait  fini  par  être  «  privé  de  sa 
Chappelle  et  du  chœur,  »  après  être  demeuré  «  insensible  à  la 
privation  de  ses  gages.  » 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  en  1553  que  les  documents  de 
Noyon  nous  révèlent  l'existence  d'un  homonyme  de  Jean 
Calvin.  Outre  le  fragment  de  mai-juin  1534  reproduit  plus 
haut,  en  voici  encore  un  5,  antérieur  de  quatre  ans  : 

1530,  20  juin.  //  y  avait  un  Jean  Cauvin,  vicaire,  à  qui  le  Cha- 
pitre fait  donner  6  l[ivres]  pour  un  procès  au  sujet  de  sa  chapelle 
qu'il  défendoit.  Fol.  4  v". 

En  publiant  ces  lignes,  M.  Lefranc  (p.  199)  a  remplacé 
«  vicaire  »  par  «  chapelain  »  et  retranché  les  quatre  premiers 
mots,  tandis  que  le  véritable  texte  prouve  clairement  que  ce 
Jean  Cauvin  n'était  pas  le  futur  réformateur  4.  En  effet  Calvin 
n'a  jamais  été  vicaire  et,  en  1530,  il  ne  possédait  pas  sa  por- 
tion de  chapelle,  puisqu'il  l'eut  du  29  5  mai  1521  au  30  avril 

1.  Cimber  et  Danjou,  Archives  curieuses  de  l'histoire  de  France,  l'c  série, 
t.  V,  p.  390.  —  Voy.  aussi  Doumergue,  t.  I,  p.  435. 

2.  Mort  le  24  mai  1553,  à  Tracy-le-Val  (Le  Vasseur,  p.  1182). 

3.  Ms.  fr.  12032,  fol.  21  v". 

4.  MM.  A.  Lang  {Die  Bekchrung,  p.  8;Johdnnes  Calvin,  p.  13)  et  Dou- 
mergue (t.  I,  p.  425,  n.  3)  admettem  qu'il  s'agit  ici  de  Calvin.  Observant 
que  celui-ci  n'était  pas  chapelain  en  1530,  M.  Karl  Mùller  (p.  221-222, 
n.  4)  conjecture  que  la  décision  du  20  juin  se  place  dans  une  autre  année. 

5.  Non  le  19,  comme  riudiquciit  MM.  Lefranc  (p.  10,  195),  A.  Lang, 
Walker,  etc. 


CALVINIANA  6$ 

1529  et  du  26 février  1532 'au  4  mai  1534.  Le  Jean  Cauvin  de 

1530  est-il  le  même  que  ceux  de  1534  et  de  1553  ?  Je  l'ignore, 
et  la  question  n'importe  guère.  En  revanche,  il  est  tout  à  fait 
certain  que  les  deux  passages  de  1530  et  de  1534  ne  concernent 
pas  le  théologien  qui  rédigera  VInstitutlon  de  la  religion 
chrétienne. 

Un  troisième  extrait  de  Sézille  est  encore  à  citer  : 

1533,23  aug.  Un  Jo.  Cauvin  paroît  en  chapitre,  avec  d'autres  cha- 
pelains, fol.  330  \°.  On  ordonne,  ce  même  jour,  des  prières  contre 
la  peste,  qui  faisoit  ravage  ^. 

Après  avoir  réuni  ces  deux  phrases  en  une  seule,  M.  Lefranc 
(p.  200)  a  de  nouveau  supprimé  le  mot  Un.  Sézille  l'a  cepen- 
dant employé  à  dessein,  soit  qu'il  estimât  se  trouver  en  présence 
d'un  autre  que  Calvin,  soit  qu'il  ne  voulût  pas  se  prononcer 
sur  l'identité  du  personnage.  Pour  nous,  comme  pour  lui,  le 
doute  subsiste  ici.  Mais  on  devra  désormais  laisser  de  côté  ce 
texte,  fréquemment  invoqué  '  dans  les  discussions  relatives  à  la 


1.  Une  transcription  faite  pour  Dom  Grenier  (Coll.  de  Picardie,  vol.  163, 
fol.  196  vo  ;  Lefranc,  p.  198)  offre  la  date  du  26  février  1550,  qui  corres- 
pondrait au  26 février  1531  n.  st.  Mais  il  n'y  a  là  qu'une  faute  du  copiste, 
et  Le  Vasseur  donne  (p.  11 59,  1161,  en  se  trompant  sur  le  jour  de  la 
semaine,  qui  fut  un  lundi,  non  un  mercredi)  le  26  février  1531  (=  1532 
n.  st.),  ce  qui  est  confirmé  par  Sézille.  —  La  date  inexacte  du  26  février 
1530,  comportant  un  écart  de  deux  ans  sur  la  date  réelle,  a  passé  dans  le 
récit  de  M.  Lefranc  (p.  12)  et  chez  M.  Lang  (Die  Behhrung,  p.  7). 
MM.  K.  Millier  et  Walker  l'ont  ramenée  au  nouveau  style  (15  31).  M.  Dou- 
mergue  imprime  tantôt  26  février  1530  (p.  425,  n.   3),  tantôt  26  février 

1531  (P-  39)- 

2.  Ms.fr.  12302,  fol.  22  r°. 

3.  Lefranc,  p.  21,  n.,  107,  et  article  cité,  p.  1012  ;  —  H.  Lecoultre,  La 
conversion  de  Calvin,  dans  la  Revue  de  théologie  et  de  philosophie,  1890,  p.  18, 
ou  dans  les  Mélanges  de  l'auteur,  1894,  p.  149; —  Dalton,  article  cité, 
p.  545  ;  —  A.  Lang,  Die  \Bekehrung,  p.  9,  13,  ^8;Johannes  Calvin,  p.  14; 
—  Doumergue,  t.  I,  p.  304,  342,  352  ;  —  K.  Mûller,  p.  190,  n.  10,  213, 
214,  245  ;  —  W.  Walker,  p.  63,  66,  98;  trad.  franc.,  p.  70,  74,  105  ;  — 
P.  Wernle,  Noch  einmal  die  Bckehnmg  Calvins,  dans  la  Zeitschrift  fïir  Kir- 
chengeschichte,  t.  XXVII,  1906,  p.  99  ;  —  J.  Pannier,  Lenfance  et  la  jeunesse 

Mélanges.   II.  c 


66  THÉOPHILE    DUFOUR 

conversion  de  Calvin,  car  on  ne  saurait  affirmer  qu'il  s'applique 
à  l'un  plutôt  qu'à  l'autre  des  chapelains  portant  alors  le  nom 
de  Jean  Cauvin. 

Théophile  Dufour. 
Novembre  191 1. 

de  Jeati  Calvin,  1909,  p.  40;  — E.  Knodt,  op.  cit.,  p.  14,  15  ;  —  Fr.  Sief- 
fert,  discours  cité,  p.  16;  —  K. -H.  Cornill,  discours  cité,  p.  3,4;  —  K.  Holl 
discours  cité,  p.  43;  —  H.  Strathmann,  mémoire  cité,  p.  242. 


BIGORNE    E    CHICHEFACE 

RICERCHE   d'iCONOGRAFIA    POPOLARE  * 


Fra  le  creazioni  più  orighiali  e  gustose  clie  siano  uscite 
mai  dal  cervello  capriccioso  de'  vecchi  giullari  di  Francia, 
quella  de'  due  fantastici  mostri  chiamati  Chicheface  e  Bigorne, 
mérita,  a  mio  giudizio,  un  luogo  segnalato,  e  giustifica  piena- 
mente  la  popolarità  grande  ed  inalterata,  di  cui  godette  per 
secoli  non  pochi  tanto  nel  paese  nativo  quanto  in  parecchi 
stranieri.  Il  concetto  d'immaginare  un  animale  corne  Chiche- 
face, dal  corpo  grottesco  ed  incartapecorito,  dal  muso  allampa- 
nato,  più  secco  e  magro  délia  lupa  dantesca,  condannato  quale 
è  dair  avverso  destino  a  non  nutrirsi  che  di  mogli  esemplari, 
cibo  rarissimo  ;  e  quello  di  contrapporre  a  lui  un  altro  be- 
stione,  Bigorne,  tanto  grasso,  grosso  e  tondo  quanto  Chicheface 
è  smunto,  scarno  ed  impresciuttito,  per  la  ragione  ch'esso  si 
pasce  invece  di  mariti  bonarî,  mercanzia  straordinariamente 
abbondante,  è  certo  arguto  e  felice  ;  e  suona  come  lo  scroscio 
d'una  schietta  e  giovanile  risata  in  mezzo  al  borbottio  fasti- 
dioso  ed  ail'  acre  malignità  délie  pedantesche  invettive  che  il 
Medio  Evo  ha  ripetuto  con  ipocondrica  tenacia  in  disdoro  del 

I.  Dô  a  questo  studietto  il  sottotitolo  présente  per  meglio  prccisarne  il 
carattereela  portata.  Già  fin  dal  1901,  difatti,  Johannes  Boite  ha  pubbli- 
cato  ntlVArcbiv  fier  das  Stiuiium  der  neueren  Sprachen  u.  Litteratiiren, 
V.  CVl,  p.  1-18,  una  diligente  dissertazione,  in  cui,  cavando  partito  dal 
rinvenimento  di  un  foglio  volante  a  stampa  del  sec.  xvi  fra  i  volumi  délia 
Vickiana  di  Zurigo,  contenente  la  storia  dei  «  zwei  Wundcr  thier  »,  pas- 
sava  in  rassegna  tutti  i  testi  fin  allora  noti  intorno  a  Bigorne  ed  a  Chi- 
cheface. Il  tema,  che  letterariamente  poteva  dirsi  quasi  esaurito,  offre 
invece  ancora  parecchia  novità  sotto  il  rispetto  iconografico;  ecco  perché 
io  l'ho  ripreso  pur  dopo  l'accurato  articolo  deU'erudito  tedesco. 


68  FRANCESCO  NOVATI 

sesso  femminino  ed  in  denigrazione  del  matrimonio,  cucinando 
in  tutte  le  salse  il  vetusto  dettato  :  Foemina  nulla  bona...  Ma 
quando  precisamente  Chicheface  e  Bigorne  abbiano  fatto  in 
Francia  la  prima  loro  apparizione,  e  se  siano  balzate  ad  un  punto 
dalla  calda  fantasia  d'un  allegro  giullare  o  abbiano  tratti  i 
natali  da  diversi  padri  e  siansi  poi  venute  a  ricongiungere 
insieme  per  affinità  di  razza  :  son  tutti  quesiti  ai  quali  sarebbe 
difficile  rispondere.  Si  è  voluto  per  l'addietro  da  taluno  desi- 
gnare in  certo  bassorilievo,  che  esistette  un  tempo  nella  chiesa 
di  S.  Marziale  di  Limoges,  e  che  rappresentava  un  animale 
mostruoso,  detto  dal  popolo  «  la  Chiche  »,  la  più  antica  raffi- 
gurazione  délia  Chicheface  ;  e  se  n'è  cavato  argomento  a  con- 
getturare  che  il  mostro  divoratore  délie  brave  donne  fosse 
comparsoper  primo,  in  età  remota,  ed  innanzi  che  nel  campo 
délia  poesia,  avesse  conseguita  qualche  popolarità  nel  dominio 
dell'arte'.  Ora  a  noi,  come  già  ad  Anatole  de  Montaiglon, 
non  parrebbe  punto  infondato  l'avviso  che  la  storiella  di  Chi- 
cheface avesse  in  origine  rinvenuto  luogo  fra  quelle  facezie  che 
gli  scultori  medievali  amavano  riprodurre  sulle  marmoree 
pareti  délie  cattedrali  ;  ma,  a  dir  vero,  il  poco  che  si  sa  del 
bassorilievo  limosino,  non  concède  afFatto  di  riconoscere  nell' 
animale  che  v'era  raffigurato  (si  vuole  fosse  una  leonessa)  la  Chi- 
cheface cara  ai  trovieri  ^.  Per  ora  quindi  null'altro  torna 
lecito  dire  di  quest'  ultima,  se  non  che  essa  fu  ben  conosciuta 
in  Francia  già  nel  corso  del  secolo  decimoquarto,  se  potè  for- 
nire  materia  ad  una  locuzione  proverbiale  che  ebbe  presto  a 
varcare  le  frontière  ed  a  divenire  anche  altrove  d'uso  corrente. 

1.  V.  L.  C,  Poésies  morales,  in  Hisl.  littèr.  de  la  France,  t.  XXIII, 
p.  246  sg.;  A.  DE  Montaiglon,  Recueil  de  Pocs.  français,  des  XV^  et 
XVh  siècles,  morales,  facét.,  historiques,  Paris,  Jannet,  mdccclv,  t.  II, 
p.  198,11.  3. 

2.  Anche  nel  nome  v'  è  una  bella  differenza;  chè  la  Chiche  non  équivale 
punto  a  Chiche  face.  Chiche  ha  qui  il  significato  fondamentale  di  «  piccolo  », 
«  arido  »,  «  secco  »,  «  sparuto  »  (cf.  Kœrting,  Latein.-ronian.  JVôrterb., 
2ediz.,  n.  1369);  qu'mdi  chiche  face,  più  che  «  vilaine  mine  »,  come  Sf)iega 
il  Leclerc  (Hist.  cit.,  p.  247),  valc  «  faccia  secca  »  0  quakosa  di  similc. 


BIGORNE    E    CHICHEFACE  69 

Goffredo  Chaucer,  difatti,  quando  chiude  il  racconto  délie 
straordinarie  prove  di  pazienza,  d'umiltà,  di  dolcezza,  date  da 
Griselda,  la  marchesana  di  Saluzzo,  rivolgendosi  aile  donne 
del  suc  tempo,  le  scongiura  a  non  imitarne  mai  la  condotta. 
«Non  vogliate,  o  sagge,  che  l'umiltà  vi  chiuda  mai  la  bocca; 
«  altrimenti  finireste  maie,  nella  gola  di  Chicheface  »  : 

O  noble  wyves,  fui  of  heigh  prudence, 
Lat  noonhumility  your  tonges  naille... 
Lest  Chichevache  yow  swelwe  in  hir  entraille  !  ' 

Ora  di  qui  si  desume  in  maniera  indubitata  che,  ai  giorni 
del  poeta,  correva  un  testo  francese,  il  quale  narrava  le  avven- 
ture  del  mostro  misogino,  ela  sua  vana  ricerca  d'un  cibo  tanto 
eletto  quanto  raro.  E  probabilmente  non  andremo  errati  addi- 
tando  nel  Dit  de  Chincheface ,  un  poemetto  di  censessantotto 
versi,  che  Achille  Jubinal  pubblicô  già  ne'  suoi  Mystères  du 
XV^  siècle  %  di  su  un  ms.  del  secolo  xiv,  il  fonte  a  cui  l'au- 
lore  de'  Canterbury  Taies  attinse  e  la  cognizione  délie  inutili 
ricerche  di  Chicheface  e  la  pungente  frecciata  aile  donne.  Il 
troviero  anonimo,  difatti,  chiude  il  suo  brève  componimento, 
rivolgendo  loro  la  stessa  ironica  raccomandazione  : 

Por  Dieu,  dames,  soiez  garnies 
De  grans  orguex  et  d'aaties  ; 
Se  vo  sire  parole  à  vous, 
Respondez  li  tout  à  rebours  : 
Se  il  veut  pois,  qu'il  ait  gruel  ; 
Gardez  de  rien  qui  li  soit  bel  : 
Ja  nulle  de  vous  ne  li  fâche  : 
De  fain  morra  la  Chinchefache  5. 


1.  The  complète  JVorh  0/  Geoffrey  Chaucer ,  edit.  from  numer.  mss.  by  the 
Rev.  WalterW.  SVQàX,\o\.\Y,  The  Canterbury  Taies,  Oxford,  mdcccxciv, 
p.  425,  TheClerkes  Taie,  v.  1183  sgg.  Chaucer  pare  scrivesse  Chiche  vache, 
in  luogo  di  Chiche  face;  donde  l'erronea  opinione  che  il  nome  del  mostro 
fosse  «  vacca  magra  »  :  lean  cmu  (cf.  op.  cit.,  vol.  V,  p.  351  sg.). 

2.  Paris,  1837,  V.  I,  p.   390  :  cfr.  Bolte,  op.  cit.,  p.  lo-ii. 

3.  Op.  cit.,  loc.  cit.  E  cf.  Hist.  littcr.  cit.,  Joe.  cit. 


70  FRANCESCO   NOVATI 

Ne  l'oscuro  autore  del  Dit  ne  il  célèbre  cantore  délie  virtù 
di  Griselda,  narrando  i  lagrimevoli  casi  deU'affaiTiata  Chiche- 
face,  fanno  accenno  veruno  a  Bigorne  ;  ma  dal  loro  silenzio 
sarebbe  erroneo  il  dedurre  che  del  fortunato  divoratore  de' 
mariti  bonaccioni,  fosse  ignoto  ai  loro  tempi  anche  il  nome  '. 
Ben  al  contrario  ;  un  documento  notevolissimo,  posteriore  di 
pochi  anni  ai  Canterbiiry  Taies,  ci  permette  invece  di  constatare 
che  la  fama  di  Bigorne  correva  allora  in  largo  ed  in  lungo,  non 
chèlaFrancia,  l'Inghilterra.  Aliudiamoal  poemetto  inglese,  che 
fu  rivendicato  a  Don  John  L5'-dgate,  nelle  cui  Opère  minori 
si  trova  inserito,  il  quale  porta  come  titolo  i  due  nomi  accop- 
piati  :  Chichevache  and  Bicorne  ^. 

Nel  curioso  componimento,  ispirato  forse  al  Lydgate,  amico 
e  discepolo  devoto  del  Chaucer,  dall'  allusione  che  questi  aveva 
introdotto  alla  bestia  vaga  di  sgranocchiare  donne  compiute, 
neir  Envoy  del  «  Racconto  del  chierico  d'Oxford  »,  noi  rinve- 
niamo  ormai  avvenuta  l'unione  non  più  frangibile  di  Bigorne  e 
di  Chicheface  :  il  primo,  anzi,  si  dichiara  legato  ail'  altra  dai 
«  vincoli  sacri  e  dai  giuramenti  del  matrimonio  ».  E  il  libretto 
(in  cui  chiunque  sia  un  po'  pratico  délie  abitudini  del  Lydgate, 
non  ricuserà  di  riconoscere  un  plagio  da  un  testo  francese)  ci 
offre  già  tutti  gli  elementi  che  .costituiranno  anche  in  appresso 
il  piccolo  dramma  :  vale  a  dire,  accanto  a  Bigorne  è  posta  in 
scena  la  schiera  de'  mariti  bonarî,  che  sconteranno  sotto  i 
denti  di  lui  la   troppa  condiscendenza    dimostrata    verso   le 

1.  5/Vo;-«é;  è  forse  preso  a  prestito  dal  provenzale /^orwfl,  lat.  hicornis,  a. 
due  corna.  Cosi  si  chiamava  e  si  chiama  in  Francia  (ed  anche  in  Italia)  oggi 
ancora  una  piccola  incudine.  Anticamente,  perô,  si  dava  siffatto  nome 
anche  ad  uua  mazza  di  legno  colla  testa  ferrata  :  cfr.  Du  Cange,  s.  v.  bis- 
coma.  Il  Godefroy  poi,  s.  v.,  registra  iigornier,  che  spiega  :  «  qui  entend 
bigorne,  c'est-à-dire  l'argot  »  ;  ma  non  reca  insiemc  nessun  Uiogo  di  scrittore 
antico  (come  non  fanno  ne  il  Littré  ne  il  Darmesteter-Hatzfcld-Thomas 
ne  altri),  che  giustifichi  l'equazione  bigorne  =:  argot. 

2.  J.  O.  Halliwell,  Mmor  Poems  of  Dan  John  Lydgate,  London,  1840 
(Percy  Society),  p.  129;  cfr.  Morley,  English  Writers,  VI,  107  ;  e  dello 
stesso,  Shorter  English  Poems,  p.  55.  Il  de  Montaiglox,  op.  cit.,  p.  192 
sgg.,  ha  riprodotto,  traducendolo,  tuttoil  poemetto  del  Lygdate. 


BIGORNE    E    CHICIIEFACE  7I 

tiranniche  meta;  mentre  vicino  a  Chicheface,  anzi  fra  le 
mascelle  di  lei,  appare  collocata  l'uni ca  donna,  che,  attraverso, 
migliaia  e  migliaiad'anni,  e  dopo  infinité,  affannose  peregrina- 
zioni,  l'afFamata  bestia  sia  riuscita  ad  afferrare.  E  dal  contraste 
fra  i  lagni  délia  malnutrita  Chicheface  e  le  dichiarazioni  di 
egoistico  giubilo  del  troppo  pasciuto  suo  marito,  scaturisce 
schietta  l'ironia  ridanciona  délia  semplice  farsa. 

Perô  il  componimento  del  Lydgate  présenta  una  particola- 
rità  molto  curiosa,  Ogni  strofa  di  esso,  quando  entra  in  scena 
un  nuovo  personaggio,  è  preceduta  da  una  didascalia  che 
s'inizia  con  le  parole  :  «  Qui  sarà  ritratta  da  principio  una 
figura  »,  ecc.  Ora  queste  istruzioni  a  chi  son  desse  indiriz- 
zate  ?  «Credere  —  scriveva  giàil  DeMontaiglon  —  che  siffatte 
indicazioni  :  Ici  sera  poiirtrait  (portrayed^,  siano  destinate  sol- 
tanto  a  designare  le  miniature  da  dipingere  ne'  mss.,  in  cui 
la  poesia  doveva  venire  trascritta,  sarebbe  puérile.  D'altro 
canto,  non  veggiamo  qui  nulla  di  drammatico,  e  la  congettura 
che  un  attore  sciorinasse  i  versi,  mostrando  de'  quadri,  come 
un  ciarlatano  sulla  fiera,  sembra  inammissibile.  Assai  più  pro- 
babile  stimerei  dunque  il  pensiero  che  codeste  strofe  siano  state 
composte  per  trovare  luogo  come  iscrizioni  su  cartelli  o  ban- 
deruole  per  una  tappezzeria  ovvero  una  pittura  murale  '  ». 

Il  dotto  francese  ha  senza  dubbio  colto  nel  seo:no.  Eviden- 
temente,  fino  dagli  inizl  del  Quattrocento  la  storia  di  Bigorne 
e  di  Chicheface  dovette  aver  preso  luogo  fra  que'  terni  bur- 
leschi  che  si  solevanodi  preferenza  riprodurre  vuoi  negli  arazzi 
vuoi  negli  affreschi  destinati  a  decorare  i  palazzi  signorili  ed  i 
castelli  baronali,  cosî  in  Francia  come  in  Fiandra  ed  in  Inghil- 
terra.  Se  non  abbiamo  testimonianze  sicure  che  ci  attestino 
per  Bigorne  e  Chicheface  questo  fatto,  come  le  possediamo, 
invece,  già  fino  da  tempo  molto  antico,  per  la  «  Fontana  di  Gio- 
vinezza  »,  il  «  Mercante  svaligiato  dallé  scimmie  »,  le  «  Dame 
che  vanno  a  saccheggiare  »,  possiamo  perô  essere  certi  che  su 

I.  Op.  cit..  p.  196  sg. 


72  FRANCESCO   NOVATI 

principio  del  sec.  xvi  le  due  bestie  favolose  fornivano  spesso 
motivi  air  estro  de'  pittori.  Difatti,  in  una  galleria  coperta,  che 
cinge  il  cortile  del  castello  di  Villeneuve,  posto  nella  vallata  di 
Lambron,  alsud-ovest  d'Issoire  (Puy-de-Dôme),  si  vede  ancora 
una  rappresentazione  in  grandezza  naturale  di  Bigorne  e  di 
Çhicheface,  accompagnate  dalle  loro  vittime,  la  quale  è 
illustrata  dai  rispettivi  Dits,  dipinti  in  caratteri  gotici  neri  con 
iniziali  rosse.  E  le  due  bestiacce  fiancheggiano  il  ritratto  di 
colui  che  fece  ricostruire  il  castello  ed  eseguire  le  pitture  che 
lo  decorano,  vale  a  dire  Rigault  d'Aurelle,  consigliere,  ciam- 
bellano  e  maggiordomo  di  Luigi  XI,  Carlo  VIII,  Luigi  XII  e 
Francescol,  che,  nato  nel  1445,  morî  il  15  settembre  1517  '. 
Mentre  il  pennello  d'artisti  certo  non  volgari  istoriava  cosî 
délie  gesta  di  Bigorne  e  délia  sua  ischeletrita  compagna  lesun- 
tuose  dimore  di  nobili  personaggi,  il  buhno  di  rozzi  incisori 
in  legno  s'affaticava  a  sua  volta  a  riprodurle  in  grossolane  raf- 
figurazioni  perla  gioia  délie  moltitudini.  Un  rarissimo  libretto, 
stampato  in  caratteri  gotici,  sul  principio  del  Cinquecento, 
contenente  Les  dict:^  de  Bigorne,  la  très  grasse  teste  laquelle  ne 
mange  seullement  que  les  Hoynmes  qui  font  entièrement  le  comman- 
dement de  leurs  femmes,  veniva  nel  1840  riprodotta  a  facsimile 
dal  Crapelet  per  la  nota  Collezione  del  Silvestre  ^  ;  ed  il  poe- 
metto  in  esso  stampato,  quindici  anni  più  tardi,  era  poi  di  bel 
nuovo  pubblicato  da  Anatole  de  Montaiglon  nella  preziosis- 
sima  sua  «  Raccolta  di  poésie  francesi  dei  sec.  xv  e  xvi  ».  Illus- 
trando  da  par  suo  la  leggenda  del  mostro  nemico  de'  mariti  com- 
piacenti,  il  de  Montaiglon  si  domandava  come  mai,  accanto 
ad  essa,  non  si  rinvenisse  quella  di  Çhicheface;  e  conchiu- 
deva  che,  probabilmente,  l'editore  délia  plaquette  su  Bigorne, 

1.  Queste  pitture  sono  state  segnalate  ail'  attenzione  degli  studiosi  da 
M.  Georges  de  Soultrait,  in  un  articolo  comparse  primamente  nel  Bullelin 
d'antiqiiilés  monumentales  i\ï  M.  de  Caumont,  1849,  XV,  p.  404  sgg.  Larghi 
estratti  ne  sono  recati  dal  de  Montaiglon,  op.  cit.,  p.  198  sgg. 

2.  Cotlection  de  poésies,  romans,  cJnvniques,  publiée  d'après  d'anciens  mss., 
etc.,  Paris,  SiKestre,  1838-1858,  26  plaquettes  in-i6.  Bigorne  qui  mange  tous 
les  Jiommes,  etc.  costituisce  il  no  9  délia  collezione . 


BIGORNE   E   CHICHEFACE  73 

dovevaaverle  dato  ^  pour  pendant  »  un'  altra  dedicata  a  Chi- 
cheface,  andata  perduta  '.  Parole  profetiche,  perché  nel  1870 
un  fortunato  ricercatore  di  preziosità  bibliografiche,  il  libraio 
E.  Tross^  scovava  in  Svizzera,  insieme  ad  un  seconde  esem- 
plare  de'  Z)//:(  de  Bigorne,  anche  una  copia  délia  fin  allora  sco- 
nosciuta  stampa  de'  Dit:(^  de  Chicheface.  I  due  pregevolissimi 
opuscoli,  acquistati  dal  barone  James  de  Rothschild,  passarono 
ad  arricchirne  la  mirabile  coUezione  di  libri  rari  ;  e  si  rinven- 
gono  magistralmente  descritti  nel  Catalogo,  che  délia  Biblio- 
teca  Rothschildiana  ha  messo  in  luce  il  Bibliografo  insigne,  al 
quale  queste  pagine  sono  dedicate  corne  tenue  dimostrazione 
d'ammirazione  affettuosa  e  devota  ^. 

Il  Picot,  con  quella  competenza  che  tutti  gli  riconoscono,  non 
tardô  ad  avvedersi  che  i  due  libretti,  cosi  felicemente  ricuperati, 
dovevano  essere  usciti  da  una  délie  tante  tipografie  lionesi,  le 
quali  fra  gli  ultimi  del  sec.  xv  e  la  fine  del  xvi  furono  atti- 
vissime  divulgatrici  di  produzioni  popolari.  Ed  anzi,  avvalen- 
dosi  di  taluni  dati  storici  offertigli  da  un'  Epistre  di  Francesco 
La  Salla,  aggiuntain  fine  dWi  plaquette  de' Dit^de  Chicheface,  potè 
assegnare  la  comparsa  de'  due  libretti  al  1537  circa  K  Ma, 
indubbiamente,  i  poemetti  che  racchiudono  i  vanti  de'  due 
mostri  antifemministi,oltrechè  aLione'^,dovetterouscirechissà 
quante  volte  mai  alla  luce  in  Parigi  ed  in  altre  città  di  Francia, 
nel  periodo  indicato  1  Seguirli  in  queste  oscure  vicende,  torna 
a  noi  oggi,  corne  ben  s'intende,  impossibile.  Tuttavia  nel 
corso  di  certe  nostre  indagini  sull'  iconografia  popolare,  ci  è 
avvenuto  di  mettere  le  mani  sopra  parecchi  documenti  i  quali, 

1.  Op.  cit.,  p,  191. 

2.  Catatogîie  des  Livres  composant  la  Bilûiothcqne  de  feu  M.  le  haron  James 
deRotlischild,  Paris,  D.  Morgand,  1884,  t.  I,  p.  337  sgg.,  n.  527,  528. 

3.  Op.  cit.,  p.  340. 

4.  Qui  pare  che  fossero  ristampati  anche  dal  noto  incisore,  Hbraio  e  stam- 
patore,  Leonardo  Odet  (i  578-1610),  poichè  fraie  produzioni  uscite  dai  suoi 
torchi,  è  fatta  menzione  d'«  une  image  sur  Bigorne  et  Chicheface  ».  Cf. 
E.  VAN  Heurck  et  G.  J.  Boekenoogen,  Histoire  de  ritiiagerie  popul. 
flamande,  Bruxelles,  1910,  p.  59 3. 


74  FRANCESCO    NOVATI 

riaccostati,  potranno  aiutarci  a  delineare  almeno  sommaria- 
mente  le  trasformazioni  e  le  rielaborazioni  a  cui  la  storia  di 
Bigorne  e  di  Chichefaceè  andata  soggettacosî  in  Francia  come 
fuori  di  essa  durante  il  secolo  xvii  ed  il  xviii. 


Sul  cadere  del  Cinquecento  nella  produzione  popolarefran- 
cese  si  verifica  un  mutamento  di  forme  assai  considerevole  ; 
accanto  al  libretto  di  poche  carte,  in  piccolo  formato,  che  con- 
tiene  la  storia  o  la  canzone,  fregiata  sul  frontispizio  d'una  silo- 
grafia  molto  alla  buona,  comincia  ad  aver  luogo  il  placard,  il 
foglio  volante,  impresso  da  una  parte  sola,  che,  attese  le  mag- 
giori  sue  dimensioni,  puô  essere  stampato  in  caratteri  più  vi- 
stosi,  contenere  un'  illustrazione  di  proporzioni  più  grandi  e 
comprendere  anche  de'  testi  più  lunghi.  In  questi  placards 
délia  fine  del  sec.  xvi  e  de'  primi  del  xvii  i  tipografi  pari- 
gini  ed  i  lionesi  fanno,  a  volte,  sfoggio  d'un'  eleganza  e  d'una 
signorilità  che  riescono  del  tutto  inattese  in  fatto  di  stampe 
popolaresche  ;  talvolta  la  carta,  grossa  e  sostenuta,  è  colorata 
in  rosa  pallido  o  in  giallo  chiaro,  ed  i  tipi  impiegati  sono 
nuovi  fiammanti;  ornati  d'iniziali,  di  testate,  à'iciils-de-lampe; 
il  tutto  di  una  correttezza  singolare.  Chi  dia  un'  occhiata  ai 
preziosi  volumi  délia  Collezione  Hennin,  conservata  presso  il 
Cabinet  des  Estampes  a  Parigi,  potrà  facilraente  sincerarsi 
délia  verità  di  queste  nostre  asserzioni  \ 

Anche  Bigorne  e  Chicheface  hanno  approfittato  di  codesta 
impreveduta  benignità  de'  tipografi  francesi  verso  le  vecchie 
facezie,  da  cui  traevano  tanti  profitti  e  che  trattavano  in  géné- 
rale cosî  senza  cerimonie.  E  la  Collezione  Hennin  ci  offre  per 
l'appunto  i  Dit^  dell'  una  e  dell'  altra,  sotto  codesta  veste  di 
gala.  Il  foglio  volante  loro  dedicato  da  Simone  Graffard,  uno 
de'  tipografi  parigini,  che,  suiprimissimidelseiccnto,  die'  mano 
alla   stampa   di   cose  popolari,  è    degno  in  tutto  d'osserva- 


I .  Di  questa  cospicua  collezione  è  a  stampa,  come  si  sa,  l'Inventario ,  a 
cura  di  Georges  Duplessis,  Parigi,  1876-1884,  in  cinque  volumi. 


BIGORNE   E    CIIICHEFACE  75 

zione  '.  Ogni  cosa  v'è  migliorata,  cosî  nel  testo  corne  nella 
illustrazione  grafica  che  lo  précède.  Nelle  plaquettes  lionesi, 
descritte  dal  Picot,  ai  Dit:(  di  Bigorne  e  di  Chicheface  sono 
aggiunti  (già  si  è  detto)  i  ritratti  d'entrambe  ;  e  nel  Catalogo 
Rothschild  essi  sono  ottimamente  riprodotti  a  facsimile.  Non 
si  puô  a  meno  di  ridere,  guardando  que'  due  sgorbi  d'una  bar- 
barie merovingica...  Bigorne  vi  è  rappresentato  corne  un  ani- 
male tozzo  e  grasso,  con  una  testa  quasi  umana  ed  orecchie  di 
rettile  ;  la  schiena  è  ricoperta  di  larghe  squame  ossee,  il  ventre 
deliziosamente  quadrettato  a  losanghe  con  un  puntino  nel  cen- 
tro  ;  le  zampe  anteriori  sono  munite  d'artigli  e  le  posteriori 
paiono  quelle  d'un  palmipède.  In  bocca  tiene  un  poveraccio 
di  marito,  di  cui  non  si  vedono  più  che  i  piedi;  daccanto, 
inginocchiato,  gli  sta  un  altr'  omiciattoloamanigiunte,  pronto 
al  sagrifizio.  Non  meno  amena  è  Chicheface,  che  pare  una  lupa 
rabbiosa,  con  la  coda  di  vacca,  le  mamme  vizze  e  pendenti,  le 
zampe  alternativamente  terminant!  in  zoccoli  di  capra  ed  in 
artigli  di  gallo  :  coi  denti  essastringe  il  fianco  ad  una  donna  che, 
alzando  le  braccia,  manda  strilli  da  disperata.  Nel  placard  di 
Simone  Graffard  ai  due  vecchi  ed  isolati  disegni  vien  sostituita 
una  composizione,  disegnata  ed  incisa  anch'  essa  alla  buona, 
ma  con  maggior  senso  d'arte  rispetto  aile  proporzioni.  La 
scena  rappresenta  una  canipagna  boscosa  ;  sul  dinanzi,  asinis- 
tra,  sta  ritto  Bigorne,  bestione  obeso,  che  serba  ancora  in 
parte  il  vecchio  tipo  délia  stampa  lionese,  sebbene  non  abbia 
più  le  zampe  d'oca  e  non  sia  più  quadrettato  con  tanta  infan- 
tile ingenuità.  Esso  inghiotte  posatamente  un  buon  marito,  di 
cui  le  gambe  sole  s'agitano  convulsivamente  fuôri  délia  sua 
gola.  A  destra  ècollocata  Chicheface,  magra  da  far  paura,  colla 

I.  Esso  fa  parte  del  tomo  XIII,  n.  i,  200,  e  reca  queste  indicazioni 
tipografiche  :  A  Paris,  cIk^  Simon  Graffart,  rue  Montorgueil,  à  Vlviagc 
Sainde- Agnès.  Manca  l'anno  ;  nella  collezione  Hennin  è  seguato  il  1600, 
ma,  corne  ben  si  capisce,  questa  è  una  data  puramente  approssimativa. 
Ved.  G.  DuPLESSis,  Inventaire  de  la  Collect.  d'Estampes  relatives  à  VHist.  de 
France,  léguée  en  t86]  à  ta  Bihl.  Nation,  par  M.  Micl)el  Hennin,  Paris, 
H.  Menu,  mdccclxxvi,  t.  I,  p.   150. 


76  FRANCESCO   NOVATl 

solita  abbondanza  di  mammelle,  ma  senza  le  zampe  di  gallo  : 
essa  tiene  stretta  fra  le  mandibole  la  sua  preziosa  preda  che  si 
dibatte  e  grida.  Di  fianco  a  Bigorne  è  inginocchiato,  in  atto  di 
chiedergli  aiuto,  un  altro  marito,  che  la  moglie  infuriata  inso- 
lentisce  e  minaccia  anche  in  quel  supremo  momento.  Nello 
sfondo  si  scorge  poi  un'altra  coppia  che  s'abbaruffa.  Nel  cen- 
tre un  gruppo  di  mariti  troppo  buoni,  e  destinati  quindi  ad 
ingrassare  sempre  più  Bigorne^  assistono  sgomenti  alla  fine 
del  loro  disgraziato  compagne.  Più  in  là  si  vede  ancora  Chi- 
cheface  che  ha  ripresa  la  sua  corsa  interminabile  attraverso 
piani  e  monti,  alla  ricerca  di  quellaselvaggina  che  nonrinviene 
mai. 

Al  dissotto  délia  silografia  è  poi  disposto  su  quattro  colonne 
il  testo  de'  Dit:^.  Ed  anche  qui  non  siamo  di  fronte  ai  vecchi 
componimenti  :  questi  hanno  evidentemente  servito  di  fonda- 
mento  ail'  opéra  di  un  rifacitore  che,  senza  ricopiarli  alla 
lettera,  ne  hacavato  il  meglio.  La  lettura  dell'  intero  testo,  che 
diamo  in  Appendice  (I),  mostrerà,  senza  che  aggiungiamo  altre 
parole,  la  verità  del  nostro  asserto. 

La  stampa  del  Graffard,  che  abbiamo  cosî  descritta,  o  diret- 
tamente  o  per  via  d'altre  riproduzioni,  che  a  noi  sono  rimaste 
ignote,  ha  contribuito  a  fissare  stabilmente  il  tipo  iconografico 
più  diffuso  délia  leggenda  di  Bigorne  e  Chicheface  '.  Passata 
in  Olanda  nel  corso  del  seicento,  essa  capitô  aile  mani  d'uno 
de'  più  abiH  e  fini  incisori  che  quel  paese  abbia  vantato,  Cornelis 
de  Visscher  ^.  Costui,  incapricciatosi  del  soggetto,  lo  riprodusse 

1.  Il  foglio  volante  tedesco  «  getruckt  im  Jar  1586  »,  ritrovato  a 
Zurigo,  mentre,  per  quanto  riguarda  il  testo,  non  fa  che  tradurre  assai 
fedelmente  i  poemetti  francesi  di  Bigorne  e  Chicheface,  quali  leggonsi  nelle 
stampe  parigine  del  1557,  reca  de'  protagonisti  due  ritratti  incisi  in  legno, 
che  s'allontanano  non  poco  dalla  tradizione  francesc  (ne  dà  una  médiocre 
riproduzione  il  Bolte,  op.  cit.,  p.  i).  Lo  stesso  erudito  aggiunge  poi  altri 
interessanti  ragguagli  sulla  fortuna  dei  due  mostri  in  Germania  e  sopra 
quella  del  Narrenfresscr,  un  loro  concurrente,  ma  in  sembianza  umana, 
non  bestiale. 

2.  Sopra  di  lui,  n.  ad  Haarlem  nel  1629,  m.  ad  Amsterdam  nel  1658,  è 
a  stampa  una  buona   monografia  del   Wussin.  Vcd.  G.  K.  Naglek,  Die 


BIGORNE    E    CHICHEFACE  77 

in  una  ragguardevole  stampa  in  rame,  di  non  grandi  propor- 
zioni,  dove  mantenne,  si  puô  dire,  quasi  intatta  l'economia  délia 
composizione  primitiva,  ma  aggiungendo  di  suo  molti  minuti 
particolari,  e  dando  ai  personaggi  il  carattere  e  le  fogge  délia 
sua  patria  e  délia  sua  età  '.  Lascena  è  dunque  sempre  un  paesag- 
gio,  ma  l'orizzonte  è  divenuto  più  largo,  e  sul  cielo  si  profilano 
le  torri  e  le  facciate  d'una  vecchia  cattedrale,  mentre  fra  i  boschetti 
fanno  capolino  fattorie  e  capanne.  I  due  mostri,  rimpulizziti  e 
resi  più  bonarî,  stanno  ancora  sul  primo  piano  del  quadro  : 
l'uno  a  destra,  l'altro  a  sinistra,  con  le  loro  vittime  in  gola;  ma 
i  personaggi  che  li  circondano,  sono  diventati  più  numerosi.  Fra 
Chicheface  e  Bigorne  non  più  una  sola  coppia,  ma  due  s'accapi- 
gliano  :  Goeden  Broeder,  insultato  da  Duyvel,  supplica  Bigorne  di 
porre  fine  ai  suoi  tormenti  ;  e  Signoir,  che  Maeij  ha  afterrato 
per  la  chioma,  chiedepietà  poco  lontano.  Nello  sfondo,  oltre  al 
gruppo  centrale  de'  mariti  sbigottiti  e  piangenti,  due  altre  coppie 
si  avvertono  :  a  destra /at»  Goetbloet,  cadutoa  terra^  geme  sotto  i 
colpi  che  gli  lascia  andare  sua  moglie  Nijdichyt,  armata  d'una 
mazza,  mentre  Griei  fugge  spaventata  ;  a  sinistra  Neel  con  un 
bastone,  non  meno  poderoso,  insegue  Jasp,  il  marito,  che 
scappa  a  mani  giunte.  Schreininckel  Aensicht  ricompare  in  lonta- 
nanza,  sperando  invano  fra  tante  megere  di  scoprire  una  moglie 
ammodo.  Al  dissotto  dell'  incisione  una  lunga  leggenda  ver- 
sificata  spiega  il  soggetto  e  dà  conto  dei  numerosi  personaggi 
portati  sulla  scena  ^. 

Monogrammisten,  fortgesetzt  von  A.  Andersen  u.  C.  Claus,  Mùnchen-Leip- 
zig,  Hirth,  1881,  v.  V,  p.  212. 

1 .  Un  buon  esemplare  di  quest'  incisione  si  trova  al  Cabinet  des  Estampes 
di  Parigi,  Tf,  2,  p.  48.  Il  titolo  délia  stampa  è  :  Bigorne  u.  Scherminhel .  Il 
nome  dell'  incisore  si  legge  in  basso  :  C.  Fischer  excudit. 

2.  Come  i  lettori  avranno  già  avvertito,  parecchi  tra  i  nomi  de'  per- 
sonaggi raffigurati  nella  stampa  ed  incisi  accanto  a  loro,  sono  allegorici  : 
Goeden  Broeder  =  Buon  Compagno  ;  Duiivel  =  diavolo,  donna  cattiva  ; 
Engeltgen  =  Angelica  ?  ;  Jan  Goet  lloet  :=  Giovanni  sangue  dolce;  Niidig- 
ckeyt  =  Invidia,  ecc.  Vien  fatto  di  pensare  che  la  leggenda  di  Bigorne  e 
Chicheface  fosse  stata  ridotta,  come  è  avvenuto  di  tant'  altre,  nelle  Flandre 
ad  una  farsa  da  rappresentare  sul  teatro. 


78  FRANCESCO   NOVATI 

L'incisione  del  Visscher,  conformandosi  ai  gusti  de'  suoi 
connazionali,  ebbe  certo  ad  incontrare  molto  favore.  Ne  questo 
favore  si  limitô  ail'  Olanda.  Sul  finire  del  sec.  xvii  o  meglio 
sui  primi  del  xviii,  il  rame  originale  essendo  passato  in 
Germania,  esso  vi  fu  impiegato  per  ottenere  una  nuova  tira- 
tura;  ma  1'  editore  tedesco,  naturalmente,  voile  fare  sparire 
almeno  in  quella  parte  ch'  era  possibile,  Timpronta  dell'  ori- 
gine olandese  :  egli  toise  dunque  via  i  titoli  antichi  e  la  vecchia 
leggenda  e  sostitui  in  alto  délia  stampa  due  nuove  intitola- 
zioni  latino-tedesche  ;  in  basso,  due  abbastanza  lunghi  compo- 
nimenti  tedeschi,  due  prediche  pronunziate  rispettivamente 
da  Bigorne  e  da  Chicheface  ail'  indirizzo  délie  mogli  e  dei 
mariti  '.  La  stampa  cosi  racconciata  riprese  quindi  la  sua 
corsa  ;  ed  il  rame  riaccomodato  fini  poi  coll'essere  portato  in 
Francia,  dove  entrô  a  far  parte  del  fondo  messo  insieme  dal 
Richer,  uno  dei  più  attivi  editori  parigini  di  stampe  popolari 
del  secolo  decimottavo  ^. 

Questa,  perô,  non  fu  l'ultima  trasformazione  délia  facezia. 
Il  de  Montaiglon,  chiudendo  la  bella  nota,  da  lui  dedicata 
aile  due  bestie  famose,  assicurava  che,  quand'  egli  scriveva,  «  i 
contadini  del  Nord  comperavano  ancoraper  un  soldo  al  pezzo, 
due  fogli  colorati  di  Bigorne  e  Chicheface  con  relative  leggende 
in  versi  '  ».  Noi  abbiamo  inutilmente   esaminate  a  Bruxelles 

1 .  Un  esemplare  di  questa  rielaborazione  esiste  al  Cabinet  des  Estampes 
di  Parigi,  Tf,  4,  p.  62,  ed  é  quella  di  cui  siamo  lieti  d'offrire  qui  una 
buonissima  riproduzione.  I  titoli  incisi  al  di  sopra  dei  due  mostri  sono  i 
seguenti  :  Hoc  animal  adeo  macilentum  est  eo  quod  tantum  bonus  dévorât 
faeminas  :  Dus  Thier  so  niager  an  dem  Leih  Frist  nicht  dann  nûr  ein 
frommes  Weib  (sulla  Chicheface).  Hoc  animal  perpinque  (sic)  est  eo  qiiod  tan- 
tum probos  dévorât  viros.  Das  Thier  so  hic  vor  Aiïgen  ist  Nichts  dann  die 
frommer  Miinner  frist.  (su  Bigorne).  In  basso,  preceduti  da  due  rubriche 
latine,  i  distici  tedeschi  che  riferiamo  ncU'  App.  II.  Nel  margine  inferiore 
di  una  mano  del  tempo  si  leggc  questa  nota  :  m  cette  Estampe  a  paru  en  Alle- 
magne vers  1755  ».  Naturalmente,  i  nomi  dei  singoli  personaggi  incisi  in 
olandese  nell'  interno  dell'  incislone  non  sonostati  toccati. 

2.  Neir  angolo  superiore  di  destra  la  stampa  nell'  esemplare  parigino  ora 
citato  rcca  lasigla  liich.  ;  nell'  inferiore  a  sinistra  il  numéro  progressivo  28. 

3.  Op.  cit.,  p.  203. 


H' 


u  A.\:i'^AL  vDFj?  H.Ar-iLFvru.HE<TFOQj'ODT\\TrnBo\'v«.nri(P\Tr^."u\.\s  Hoi   v\in\i  PFKn^rTT^'i-'.TTr:' ^^ ''âge: s. 


CTItetJ     ^^t^Ctb    É<Ê>»T5. 


-3>oS  Aei-J&gi  iJiûn   tiiMp  IPA)!  fh 
Un*  pli  œ  Mien  i'rtbiitxiJItbtn., 

fim- fliuf  |irt|cnl«tj  tjrwtimnrt. 


y^im.  rai\ 


's^jtl,'?l"Vc"v:îli. 


TTrtncrrf  rmnen. 


BIGORNE  E    CHICHEFACE  79 

come  a  Parigi  parecchie  collezioni  di  stampe  popolari,  date  alla 
luce  nel  secolo  passato  da  varie  stamperie  délia  Francia  setten- 
trionale,  a  Cambrai,  a  Lille,  a  Metz,  ad  Epinal,  a  Nancy, 
per  tacere  di  Chartres,  di  Troyes  e  di  Parigi.  Bigorne  et  Chiche- 
face  sono  rimasti  irreperibili. 

E  ritalia?  Anch'  essa,  ad  un  dato  momento,  ha  fatto  cono- 
scenza  con  uno  almeno  dei  due  animalacci  tanto  avversi  al  bel 
sesso;  vale  a  dire  con  Bigorne.  L'autore  di  quella  accademica 
cicalata,  che  si  intitola  Lezione  di  maestro  Nicodemo  délia  Pietra 
al  Migliaio  sopra  il  Capitolo  délia  Salciccia  del  Lasca,  impressa  a 
Firenze  nel  1589,  péri  tipi  di  Domenico e Francesco  Manzani, 
e  ristampata  poi  dagli  stessi,  nel  1606,  sia  desso  o  non  sia  il 
Lasca  medesimo  ',  fra  molto  baie  e  moite  scipitaggini,  reca 
una  pagina  che  non  è  senza  qualche  interesse  per  le  nostre 
indagini  ^.  Eccola  : 

«  E  stata  usanza  in  Firenze  sempre  mai  (egli  scrive)  uicino 
al  carnouale,  farsi  publicamente  giuochi  e  feste  ;  e  fra  l'altre 
andare  in  maschera  in  diuersi  habiti,  con  uarie  foggie  e  con 
nuoue  inuenzioni  ;  sicchè  fra  l'altre  auuenne  una  uolta  (molti 
anni  passati  sono)  che  parecchi  buon  compagni  per  un  Carnouale 
ordinarono  una  Mascherata,  e  fecero  uno  animalaccio,  a  guisa 
di  quel  Dragone,  che  l'anno  per  san  Giovanni  suol  menar  la 
compagnia  di  san  Giorgio  a  pricissione,  ma  maggiore  assai,  e 
di  maniera  diuisato  e  colorito  strauagantemente,  non  pareua 
ne  uccello  ne  pesce  ne  serpente  ne  altra  fastidiosa  fiera,  percio- 
chè  il  collo  aueua  di  Cicogna,  la  bocca  di  Cigniale,  la  testa  era 
cornuta,  ad  uso  di  Toro,  aueua  l'alie  di  Pipistrello,  la  stiena 
come  il  Coccodrillo,  il  corpo  di  Lupoceruieri,  le  cosce  d'Orso, 
la  coda  e  la  groppa  di  Lione,  e  i  piedi  d'Asino.  Eraui  un  huomo 
dentro  che  camminando  adagio  lo  menaua  a  mostra  per  la 

1.  Ved.  B.  Gamba,  Série  âei  Testi  di  lingita,  4  éd.,  Venezia,  1839, 
n.  1475,  p.  435.  Il  Melzi,  Di:^ion.  di  opère  anon.  epseudon.,  t.  II,  p.  230  ;  il 
Brunet,  Man.  du  lihr.,  to.  III,  c.  1043,  riOQ  fanno  che  ricopiare  il  Gamba. 

2.  Le:^ione,  ecc,  p.  49-50. 


80  FRANCESCO   XOVATI 

Città,  ed  aueua  congegniato  un  fil  di  spago  in  modo  che  tiran- 
dolo  colui,  la  bestiaccia  apriva  la  bocca  più  larga  assai  d'un 
forno,  e  dilungaua  il  collo  ad  uso  di  Giraffa,  più  di  dodici 
braccia  in  alto,  di  sorte  che  aggiugneua  ad  ogni  finestra;  talchè 
le  donne  impaurite  serrauono  e  si  fuggiuano  dai  balconi, 
aspettando  che  fusse  passato.  aueua  una  scritta  al  petto  a  let- 
tere  d'Appigionasi  : 

lO  SON  BiVRRO  CHE  MANGIO  COLORO 

CHE  FANNO  A  MODO  DELLE  DONNE  LORO  '. 

Biurro  (donde  il  nome  sia  scaturito  non  saprei  precisare)  è 
senza  fallo  un  figliuolo  délia  vecchia  Bigorne  francese  ;  e  se 
poco  gli  rassomiglia  nel  fisico,  giacchè  que'  bizzarri  umori 
fiorentini  poseroogni  industria  a  farne  uno  «  strano  uccello  », 
in  compenso  al  morale  è  tutto  come  il  padre.  Influssi  orali, 
soltanto,  o  letterari  ed  artistici  insieme  ?  Sarebbe  difficile  dire  ^, 
Invece  la  cognizione  délia  leggenda  nella  forma  tradizionale  in 
Francia,  traspare  in  un  secondo  e  curioso  documente  nostrano. 
Voglio  alludere  ad  una  «  Descrizione  del  Paese  di  Cuccagna  », 
uscita  alla  luce  suiprimi  del  secolo  xvii  daun'officinaromana; 
probabile  riproduzione  d'una  stampa  più  antica,  come  il  titolo 
induce  a  supporre  K  Orbene,  nella  carta  di  Scanza  fatica,  la 
città  idéale,  detta  anche  «  Cuccagna  délie  Donne  »,  vicino  alla 

1.  Già  nella  ristampa  de'  Diti  de  Bigorne,  fatta  dal  Silvestre,  era  stato 
segnalato  questo  luogo  délia  Leiione,  suUa  scorta  de'  Canti  carnascialeschi, 
Cosmopoli,  1750,  p.  294,  dove  è  stampata  la  «  Canzone  di  Biurro  », 
dovuta  ail'  accademica  penna  di  Guglielmo  detto  il  Giuggiola.  E  ved.  anche 
DeMontaiglon,  op. cit.,  p.  203  ;  Bolte,  op.  cit.,  p.  12. 

2.  Biurro  era  ancor  vivo  nelle  memorie  alla  fine  del  sec.  xvn.  In  uno 
zibaldone  genealogico  di  questo  tempo,  che  si  conserva  nella  Braidense  di 
Milano  (AH.  IX,  i),  a  c.  2  A,  è  disegnato  a  penna  un  informe  serpen- 
taccio  con  testa  umana,  lunghe  corna  in  capo.  E  sotto  sta  scritto  : 

lo  son  bruto  {sic)  e  mangio  colore 
che  fanno  a  modo  délie  moglie  loro. 

3.  La  vera  descrittione  del  paese  chiamato  anlicamente  Scait^a  fatica  et  hora  si 
è  nominato  Clnjcdgna  délie  donne.  La  stampa  è  descritta  e  riprodotta  nel  mio 
volume  di  prossiina  pubblicazione,  L Iconografia  popolare  italiana  dal  secolo 
XV  al  XFiii,  p.  LU  del  Catalogo,  n.  146. 


BIGORNH    E    CHICHEFACE  ôl 

porta  d'ingresso,  sono  collocati  due  arconi,  che  guardano  verso 
la  campagna.  E  nell'  interne  di  essi  stanno  accovacciate  due  be- 
stiacce  che  con  la  gola  spalancata  minacciano  i  passant!.  Al 
disopra  del  primo  arco  un  cartello  reca  la  seguente  iscrizione  : 

La  Biligorgna  che  le  mogli  diuora 
Che  obedisce  i  mariti  pur  un'  hora  ; 

ed  al  dissotto  délia  seconda  porta  è  scritto  quest'  altro  distico  : 

La  Biligorgna  che  mangna  quei  mariti 
Che  di  lor  moglie  contentan  l'appetiti. 

Stavolta  Bigorne  ne  ha  fatta  una  assai  grossa  ;  oltre  a  man- 
giarsi  i  mariti  e  le  mogli  troppo  esemplari,  s'è  divorata  an- 
dirittura  anche  Chicheface,  la  sua  compagna  fedele  ! 

Francesco  Novati. 


Mélanges.  11. 


APPENDICE  I, 


Bigorne  et  Chicheface 
{Paris,  S.  Gra^art,  1600 

LA  BIGORNE 

Bigorne  suis  en  Bigornois, 
Qui  ne  mange  figue  ni  nois, 
Car  ceux-là  sont  qui  me  nourissent, 
Qui  ne  voudroient,  quoiqu'il  coustat 
5       Que  leurs  femmes  quittent  Testât, 
Tant  à  leurs  femmes  obeyssent, 
Tenant  le  pot  quant  elles  pissent; 
Tels  hommes  me  plaisent  beaucoup  : 
Je  les  avalle  tout  d'un  coup. 

LE  BONHOMME 

10     Fier  animal,  sans  nul  soucy, 
Sachez  que  je  suis  venu  (i)cy, 
Afin  que  sans  miséricorde, 
Pour  me  depestrer  de  ma  femme, 
Qui  à  haute  voix  me  diffamme, 

15     Votre  vouloir  au  mien  s'accorde; 
Ce  me  sera  paix  et  concorde, 
Si  vous  m'avaliez  promptement  ; 
Je  n'auray  plus  tant  de  tourment. 

LA  BIGORNE 

Attens  un  peu,  beau  Damoiseau, 
20     Que  i'aye  avalle  ce  morceau. 
Le  quel  est  bon,  je  t'en  asseure; 
Et  puis  ton  cas  j'escouteray 
Et  si  secours  te  donneray  : 


BIGORNE    E    CHICHEFACE  83 

Puis  que  tu  viens  à  la  bonne  heure. 
25     Homme  qui  si  tristement  pleure 
Comme  tu  fais,  n'est  pas  joyeux  : 
Trop  pleurer  fait  grand  mal  aux  yeux. 

LE  BONHOMME 

Je  dois  bien  plaindre  et  lamenter, 

Car  je  ne  la  puis  contenter; 
30     Et  si  au  demeurant  du  monde 

Je  crois  que  pire  n'y  en  a  ; 

Vilain  par  cy,  vilain  par  là, 

Me  dit  elle  quand'  elle  gronde  : 

En  coq  d'Inde  elle  fait  la  ronde  : 
35     O  quel  pernicieux  animal. 

Qui  jour  et  nuict  me  fait  du  mal  ! 

LA  BIGORNE 

Vrayment  ie  voy  bien  à  ta  trongne 

Que  tu  es  un  sot  en  personne. 

Les  femmes  sont  toutes  langardes, 
40     C'est  ce  qui  fait  souvent  périr 

Chicheface  et  de  faim  mourir. 

Ces  faulses  pies  babillardes 

Elles  sont  cointeset  bragardes; 

Et  le  bon  homme  est  leur  valet, 
45     Qui  porte  tout  comme  un  mulet. 

LE  BONHOMME 

Las  !  oserois-je  vous  le  dire 
Car  ceci  est  encore  pire  : 
Je  suis  si  pauvre  et  malautru 
Qu'elle  a  iuré  par  sainct  Martin, 
50     Que  devant  demain  au  matin 
Elle  me  mangera  tout  creu. 
En  son  jardin  ie  ne  suis  creu  : 
J'aime  bien  mieux  que  me  mangiez 
Et  que  d'elle  vous  me  vangiez. 


84  FRANCESCO    NOVATl 

LA  BIGORNE 

55     Bon  homme,  tu  me  presse  fort; 
Ne  sois  point  cause  de  ta  mort, 
De  moy  tu  devrois  avoir  crainte 
Et  ne  devrois  venir  icy 
Pour  t'exposer  à  ma  mercy. 

éo     De  te  manger  je  suis  contrainte. 
Si  ta  femme  en  vient  faire  plainte, 
Par  après  plus  temps  ne  sera, 
Car  ton  corps  bien  tost  passera. 

LA    FEMME 

Villain,  tu  ayme  mieux  encore 
65  Donc  que  Bigorne  te  dévore. 
Que  d'estre  sous  la  servitude 
D'une  telle  Dame  que  moy  ? 
Bien,  bien,  qu'elle  face  de  toy 
Une  fin  malheureuse  et  rude  ; 
70     Car  c'est  une  béatitude  ; 

Pour  vous  le  dire  en  bon  françois, 
Qui  a  bon  homme  garder  le  dois. 

CHICHE-FACE 

L'on  m'a  nommée  Chicheface 
Aussi  seiche  qu'une  carcasse  ; 

75     Par  tout  bonnes  femmes  ie  cherche 
Qui  obeyssent  promptement 
De  leurs  marys  au  mandement. 
Je  suis  plusgresle  qu'une  perche, 
Car  toute  femme  est  si  revesche 

80     Que  j'en  reçois  le  plus  d'injure, 
Mourant  faute  de  nourriture. 
Car  la  femelle  que  ie  tiens, 
Helas,  fait  bien  je  m'en  souviens  ! 
Je  la  pris  lorsque  de  grand  rage, 

85     II  y  a  plus  de  deux  cent  ans, 
Je  chcrchois  par  villes  et  champs 
Taschant  de  faire  mon  carnage. 
Si  ie  l'avallc  c'est  outrage; 


BIGORNE    E   CHICHEFACE  8) 

L'on  ne  me  voudra  secourir; 
90    Je  crains  par  après  de  mourir. 

Deux  mil  ans  i'ay  esté  en  voye 

Sans  pouvoir  trouver  quelque  proye 

Si  non  ce  fut  à  la  bonne  heure 

Qu'à  bon  droict  et  iuste  raison, 
95     Comme  sortois  de  la  maison 

Je  pris  ceste-cy  sans  demeure. 

Il  faut  maintenant  qu'elle  meure 

Ainsi  comme  ie  le  prétend, 

Car  c'est  le  loyer  qu'elle  attend  : 
100     Si  je  demeure  encore  autant, 

Mon  ventre  n'en  sera  content; 

Mais  quoy  ?  quelque  douceur  j'espère, 

Que  quelque  femme  obeyra 

A  son  mary  :  cela  sera 
105     Pour  moy  quelque  faveur  prospère. 

Car  leur  seroit  grant  vitupère 

Et  un  acte  trop  inhumain 

De  me  faire  mourir  de  faim. 

J'aurois  d'une  seule  goulée 
iio     Desjà  celle  ci  avallée, 

Si  i'avois  espérance  aucune, 

Soit  par  les  monts  ou  par  les  bois 

Ou  aux  lieux  où  passer  ie  dois. 

Encore  d'en  trouver  quelqu'une. 
115     Contre  moy  ont  tant  de  rancune 

Qu'elles  ne  veulent  obeyr; 

C'est  pourquoy  me  faudra  périr. 

Bonnes  femmes,  par  amitié 

Veuillez  avoir  de  moy  pitié; 
120      A  vos  maris  obéissez. 

Ne  leur  respondez  nullement. 

Afin  que  plus  commodément 

Désormais  nourrir  me  puissiez; 

Tant  que  ma  panse  remplissiez, 
125     Qui  pour  vous  tant  de  mal  endure  . 

Femme  est  plus  que  la  roche  dure. 

la][femme 

Celle  qu'elle  ma\n'^e  s'escrie  : 


86  FRANCESCO    NOVATI 

Ha  !  beste,  ie  ne  pensois  mie 
De  mon  mary  aucunement, 

1 30     Quand  ainsi  fus  en  desaroy 
Emportée  et  prise  de  toy, 
Obeyr  au  commandement  : 
J'en  reçois  un  cruel  tourment. 
Rien  ne  me  sert  la  repentance. 

135     Femme  doit  user  de  science. 

A  Dieu  vous  dis,  mes  chères  Dames, 
Prenez  mary  sans  aucun  blasme 
Gardez  vous  de  la  maie  beste  ! 
Femmes,  ne  vous  corrigez  pas  ; 

140     A  crier  prenez  vos  esbas 

Et  ayez  touiours  bonne  teste. 
Et  si  vostre  mary  tempeste, 
Laissez  le  crier,  ne  vous  chaille  : 
Femme  qui  craint  ne  vaut  pas  maille. 


APPENDICE  II. 

Bicorne  und  Schreminkel. 

Schreminkel. 

Ononiain  iinUihi  iiivenio  hmam  foeminam,  miramlum  non  est  quod  sim 
iam  macilenio  corpore  :  qui  en'un  praiier  bonam  Uxorein  nibil  conie- 
det,  eu  m  famé  perire  oportet. 

O  ihr  Weiber  auf  der  Erden 

Und  wann  ihr  nicht  wolt  frdmmer  werden, 
So  muss  ich  armes  Thier  verderben 

Und  in  der  Welt  gar  hùnger  sterben. 
Ihrseyd  viel  ârger  dann  der  Teuffel, 

Das  erlahr  mancher  ohneZweifFel. 
Mit  zancken  schreyen  und  auch  reissen, 

Mit  tragen  sçhlagen  und  auch  beissen. 
Mit  schlieren  fressen  und  auch  naschen, 

la  was  sie  vor  dem  Mann  erhaschen. 
Das  thtin  sie  ailes  allein  verzehren 

Wer  will  mich  armes  Thier  ernehr[e]n. 


BIGORNE    E    CHICHEFACE  87 

Dur,  mager  ist  mein  ganzer  Leib, 

Weil  ich  nichts  friss  dass  ein  fromms  Weib  ; 
Und  das  miiss  ich  im  Hûnger  bûssen, 

Endlich  noch  gantz  verderben  mùssen. 
Dann  ich  lauff  in  der  Welt  herum, 

Doch  ich  kein  frommes  Weib  bekom  ; 
So  will  ich  auch  gantz  yn  vermessen 

Anheben  bôse  Weiber  fressen. 
So  darff  ich  nichtlang  Hiinger  leiden, 

Will  mich  der  Frommen  gar  vermeiden, 
Und  laûter  bose  Weiber  schlucken 

Und  soit  ich  hait  daran  erststûcken. 

Bigorne 

Ouoniain  uhique  niagiiam  hwenio  honorum  virorum  copiant,  quos  ego 
comedo,  quid  mirum,  qiiod  sim  corpore  obeso  :  mecum  qui  hoc  iitetur 
cibo,  ille  nunquam  famé  vexabitiir. 

IhrMânner  wolt  ihr  aufder  Erden 

Nicht  eûren  Weiber  scherfFer  werden  ; 
So  mùss  das  dick  und  fête  Thier 

Bom  fressen  noch  versticken  schier  ; 
Drum  hut  euch  doch  seyd  nicht  so  fromm 

Das  euch  das  Thier  nicht  ail  bekom  ; 
Dann  dises  Thier  voll  buserTûcken 

Die  frommen  Mànnerthut  verschlucken. 
So  sie  die  Weiber  lassen  schlagen 

Mitzancken  greinen  hefftig  blagen, 
Und  ihn  aussreissen  Haar  und  Bart, 

Wie  jetzund   ist  der  Weiber  art. 
Dann  deren  Weiber  find  man  viel, 

Dass  der  Mannthun  muss  wass  sie  will  ; 
Und  soit  es  kosten  Leib  und  Leben, 

Wie  dann  du  ail  hie  siehst  darneben, 
Das  bose  Weib  auf  diser  Ban 

Dem  Thier  thut  schenken  ihren  Mann. 
Welcher  Mann  hat  ein  bôses  Weib, 

Der  wird  gantz  diirr  an  seinem  Leib, 
Und  wird  auch  von  dem  Thier  zernagen  ; 

So  ist  mein  raht  :  ersoll  sie  schlagen. 
Und  mit  ihr  dûrch  ail  winckel  rennen, 

So  kan  er  disem  Thier  enttrinnen. 


LE    POÈME    CRETOIS 

DE  LA  BELLE  BERGÈRE 


I 

Parue  pour  la  première  fois  à  Venise,  en  1627,  la  Belle  ber- 
gère a  été  souvent  réimprimée  dans  cette  ville,  et  c'est  par  elle 
qu'Emile  Legrand  a  inauguré  sa  Collection  de  monuments  pour 
servir  à  V étude  de  la  langue  néo-hellénique;  il  en  a  ainsi  publié 
chez  nous  trois  éditions  successives  (1869,  1870  et  1900). 
En  voici  l'analyse,  telle  que  l'a  donnée  Legrand  lui-même, 
dans  la  préface  de  sa  deuxième  édition  : 

«  Un  jeune  berger,  gardant  son  troupeau  de  brebis  dans 
une  verdoyante  vallée,  rencontre,  sous  l'ombrage  des  arbres 
émaillés  de  fleurs,  une  blonde  jeune  fille,  dont  il  devient 
éperdument  amoureux.  Ils  restent  quelques  jours  ensemble  ; 
mais  le  père  de  la  bergère,  qui  est  allé  à  la  carrière  chercher 
de  quoi  bâtir  une  étable,  va  bientôt  revenir.  Il  faut  se  séparer. 
Que  de  pleurs  et  que  de  baisers  !  Les  deux  amants  se  jurent 
un  amour  éternel  et  se  donnent  pour  gage  de  leur  foi  des 
bagues  de  jonc.  Le  jeune  berger  promet  à  sa  bien-aimée  de 
revenir  dans  un  mois  la  demander  en  mariage  à  son  père.  Il 
part;  mais,  retenu  dans  la  montagne  par  une  cruelle  maladie, 
il  ne  revient  qu'au  bout  de  deux  mois.  L'âme  en  proie  aux 
plus  sombres  pressentiments,  il  dirige  ses  pas  encore  chance- 
lants vers  la  grotte  qui  servait  de  demeure  à  sa  fiancée;  hélas  ! 
la  grotte  est  vide,  solitaire,  et  semble  pleurer  l'absence  de 
celle  qui  est  partie  pour  ne  plus  revenir.  Sur  une  colline  du 
voisinage,  le  jeune  berger  aperçoit,  vêtu  de  noir  et  assis  sur 
un  roc,  un  vieillard  à  l'aspect  désolé.  Il  Taborde,  l'interroge,  et 
le   vieillard  lui  répond  :    «  Celle  que  tu  cherches  était  ma 


90  HUBERT    PERNOT 

fille  ;  la  mort  me  l'a  ravie,  elle  était  la  lumière  de  mes  yeux 
obscurcis,  elle  faisait  la  joie  et  la  consolation  de  mes  vieux 
jours,  mais  la  pensée  qu'elle  avait  chaque  soir  l'a  conduite  au 
tombeau.  Elle  m'a  chargé  de  t'attendre  ici.  Il  passera,  m'a- 
t-elle  dit,  un  joli  berger  à  la  taille  élancée,  au  teint  bruni  par 
le  soleil,  aux  yeux  noirs,  au  gracieux  sourire.  Il  s'informera 
de  celle  qui  est  morte  et  à  jamais  perdue  pour  lui.  Dis-lui 
qu'elle  est  morte,  mais  qu'elle  est  morte  en  l'aimant,  l'infor- 
tunée. Qu'il  la  regrette  et  qu'il  la  pleure,  car  la  cause  de  sa 
mort,  c'est  qu'il  avait  laissé  passer  les  jours  sans  revenir  et 
qu'il  avait  tout  à  coup  abandonné  la  pauvre  fille  ;  et  pour  cela 
elle  est  morte  de  chagrin.  Et  ce  jeune  berger,  ajoute  le  vieil- 
lard, d'après  la  ressemblance,  c'est  toi  ;  je  te  plains,  car  je 
croyais  que  vous  seriez  tous  deux  mes  enfants  et  nous  avions 
parlé  de  mariage.  »  Le  malheureux  berger,  le  désespoir  dans  le 
cœur,  se  fait  conduire  à  la  tombe  de  sa  bien-aimée,  et,  là,  il 
fait  vœu  de  pleurer  le  reste  de  sa  vie  celle  qu'il  a  perdue  pour 
toujours.  Il  dit  un  éternel  adieu  à  son  troupeau,  à  sa  flûte,  à 
sa  musette,  et  se  condamne  à  errer  dans  les  bois  avec  un  petit 
mouton  blanc  qu'il  avait  reçu  en  cadeau  de  la  jeune  fille.  » 
On  lit,  à  la  fin  du  poème,  les  vers  suivants  (477-488)  : 

TéXoç  --^^  Boo-y.îTTOjXar. 

Kl  (ôç  èâsxà  T£A£io)v'  -q  BoffXOTCOuXa, 
'.(jTÔpu  TaY),  xaixtoij-aTâ  ty;;  cUXa' 

7.1  âv   EÛpSÔOUV  âÀASÇ   TTOAASÇ    Ypa[J.!J.£V£C, 

480  y.:  ^S'jpYj  TTao-a  zlq  tïwç  sivai  (TçaA[Ji,£V£?" 
Môvov  xwç  ocbzTi  £Îvat  r^  xaXXiwTÉpa 

«tu'  0(T£ç  XI  âv  pp£Gouv  rJ;v  (rr,;j.£pov  Yi[j,£pa' 

£T(t'  àxc  \jÀ  t'ov  'ATCOXopwvîr/jv 

NixÔAaov  Apu|j.y;-ivbv  àirb  ty;v  Kpr^r^v, 
485        Aiy.\z^([xivq  [lï  xov  7t£piafficv  xôxcv 

xat  'cuTCa)[;-£VYj  elç  BevetiSç  tov  totiCV, 

otà  xaa'  iva  xou  ôéXei  va  [/.àOr] 

vi  ?'jY?î  "?  ^'pw-£ç  xal  ffapxbç  Ta  Tcaô*/;. 


LE    POEME    CRETOIS    DE    LA    BELLE    BERGERE  9I 

Fin  de  la  Bergère.  A  cet  endroit  finit  la  Bergère,  son  histoire, 
tous  ses  gestes,  et  s'il  arrive  qu'on  en  trouve  beaucoup  d'autres 
écrites,  que  chacun  sache  qu'elles  sont  erronées.  C'est  celle-ci  qui 
est  la  meilleure  de  toutes  celles  qui  se  trouveront  au  jour  d'aujour- 
d'hui, ainsi  par  moi  l'Apokoronite  Nicolas  Dr3miitinos  de  Crète 
choisie  à  grand  peine  et  imprimée  au  pays  de  Venise,  pour  qui- 
conque veut  apprendre  à  fuir  les  amours  et  passions  de  la  chair. 

Naturellement  l'attention  de  Legrand  s'est  portée  sur  ce 
passage.  «  Telle  est,  dit-il,  dans  sa  charmante  simplicité,  cette 
idylle  champêtre  dont,  paraît-il,  le  fond  n'a  rien  de  fictif  ni 
d'imaginaire.  Le  poète  a  purement  et  simplement  mis  en 
beaux  vers  un  événement  arrivé  de  son  temps,  événement 
que  tout  le  monde  connaissait  et  qui  avait  inspiré  d'autres 
poèmes,  qui  ne  nous  ont  pas  été  conservés.  »  Cette  manière 
de  voir  appelle,  à  notre  avis,  deux  correctifs.  Tout  d'abord, 
rien  ne  nous  autorise  à  penser  que  l'événement  rapporté,  s'il 
est  réel,  comme  le  dit  Huet  (Legrand,  3*^  édit.,  p.  8),  soit 
contemporain  de  Drymitinos.  De  plus,  il  ne  nous  semble  pas 
résulter  du  texte  précédent  que  ce  dernier  soit  l'auteur,  au 
sens  où  nous  entendons  aujourd'hui  ce  mot,  du  poème  qui 
nous  est  arrivé  sous  son  nom.  Il  a  choisi  (oixkz'^'^Avq)  parmi 
différentes  versions  et  non  différents  poèmes,  qui  existaient  à 
cette  époque,  et  sa  version  imprimée  est  meilleure  que  celles 
qu'on  pourra  trouver  écrites  à  la  main  (Ypa;xiJ.£V£:;).  Drymiti- 
nos est  à  vrai  dire  le  premier  éditeur  de  la  Belle  bergère,  dont 
l'auteur  reste  inconnu.  Le  texte  que  nous  possédons  n'est  pas 
le  texte  original.  Celui-ci  a  circulé  en  manuscrit,  très  proba- 
blement aussi  oralement,  pendant  un  temps  que  nous  ignorons, 
et  Drymitinos,  vers  1627,  s'est  livré  sur  lui  à  un  travail  dont 
nous  ne  pourrons  apprécier  la  valeur  que  si  jamais  l'on 
découvre  une  des  versions  contre  lesquelles  lui-même  nous 
met  en  garde.  Voir,  pour  d'autres  cas  semblables,  Politis, 
AaoYpaçb,  tome  I,  p.  37  et  suiv. 


92  HUBERT    PERNOT 

Le  poème,  tel  qu'il  se  trouve  dans  l'édition  de  1627,  a  des 
qualités  indéniables.  Cependant  il  traîne  en  longueur  vers  la 
fin  et  il  est  fort  possible  que  ceci  ne  soit  pas  le  fait  de  l'auteur, 
mais  de  Drymitinos  ou  de  quelqu'un  de  ses  prédécesseurs. 
Comme  nous  ne  possédons  ici  aucun  critérium  objectif,  nous 
laisserons  de  côté  les  questions  de  ce  genre,  pour  proposer  seu- 
lement quelques  corrections  de  détail  au  texte  adopté  par 
Legrand . 

Les  premières  seront  d'ordre  rythmique.  L'unité  du  mètre 
employé  dans  l'édition  princeps  n'apparaît  pas  à  première  lec- 
ture et  ceci  tient  surtout  à  l'usage  très  irrégulier  qui  y  est  fait 
de  la  synizèse.  Un  mot  tel  que  y-X-oç  est  compté  tantôt  comme 
disyllabique  (v.  12),  tantôt  comme  trisyllabique  (v.  259);  cià, 
/.p'jov  forment  une  syllabe  aux  vers  24,  202  et  deux  aux 
vers  319,  194.  Au  vers  338,  ç6àvo),  Ocopo)  -h  cr^r^Xociz  àpa- 
•/viaj[j.£vo,  il  faut  scander  en  unissant  les  deux  derniers  mots 
par  une  triphtongue;  y.xr,\j.vK:  (v.  218),  «/.oûsiv  (v.  348), 
xaÎY)  (v,  461),  çyapidTià  (v.  85)  forment  diphtongue,  mais  non 
pas  •/.aYjrj.Évv)  (v.  390),  à-r)ocv:z-/.'.  (v.  471),  r.boix  (v,  404)  ;  etc., 
etc. 

Lorsqu'on  tient  compte  de  ces  irrégularités,  on  s'aperçoit  que 
les  vers  du  poème  sont  des  hendécasyllabes,  sans  coupe  défi- 
nie, mais  avec  accent  obligatoire  sur  l'avant-dernière  et  facul- 
tatif sur  les  autres  syllabes  paires.  Comme  dans  le  vers  poli- 
tique, la  première  syllabe  fait  exception  et  peut  être  accentuée, 
bien  qu'impaire.  La  combinaison  d'accents  la  plus  fréquente 
est  celle-ci  (v.  3)  : 

as  cévTp'/;,  aï  A'.êicoia,  aï  7:cTa|j.ia, 

avec  un  triple  accent,  sur  les  seconde,  sixième  et  dixième  syl- 
labes. Peuvent  être  considérées  comme  atones  les  formes  'éyjô 

(v.     159,     171,     172),    £7.£    (v.     149,    153),    -zZyt   (v.    372),   -OTCV 

(v.353)>  -Oc^avsCv.  368),0£Aa)(v.  215,  434),  0£A£i  (v.  203,384), 
Xéyw  (v.  221),  £ÎvTa  (v.  205),  TOUTO  (v.  255),  à[j.£  (v.  181), 
cr/wç  (v.  291). 


LE  POEME  CRETOIS  DE  LA  BELLE  BERGERE        93 

Oq  verra  tout  à  l'heure  qu'il  n'est  pas  certain  que  Drymi- 
tinos  lui-même  ait  parfaitement  saisi  la  structure  des  vers  qu'il 
publiait.  Dans  ces  conditions,  les  éditeurs  qui  sont  venus  après 
lui  sont  excusables  d'avoir  laissé  subsister  tout  ou  partie 
des  fautes  que  nous  allons  signaler,  en  prenant  pour  base  la 
troisième  édition  de  Legrand. 

V.  I.  EWk  [xsvaA-^v  l;opia,  a'  à'va  Kx^fv.ioi.  Lire  'S  [j,£y^M''j 
comparer  v.  418  'ç  Ti^ov,  v.  446  ';  Xi^aSu 

V.  19.  oixtI  £pa)-£ç  si/av  y.oi.1  oo;îjY'*'^'  L'accent  de  epwTS?  se 
trouve  ainsi  en  troisième  syllabe;  on  peut  songer  à  oia-'  sr/av 
ïptù-tq  xai  [/.s  oo^s.ùyx^. 

V.  22.  [JÀ  ■Jïpoô'jij.ùv  â'JîAwa'av  aTap[xa-a  touç.  Lire  à^Xwcav, 
qui  est  en  effet  la  leçon  des  éditions  postérieures  à  1627. 

V.  25.  K'  e\ç  TY)v  xapoià  [kou  ri  aaîx-a  touç  [ji.è  awvst.  Pour 
que  le  vers  fût  juste  il  faudrait  lire  gxI—x  disyllabique,  ce  qui 
est  une  prononciation  gênante  et  contradictoire  avec  uocï-i-zeù- 
(Touv  (v.  20)  et  ax-(i-~zq  (v.  23).  Nous  corrigerions  volontiers 
en  a'  e\q  tyjv  xapoià  [xou  •/)  aaîxxa  awveu 

V.  ICI.  AsY^iJ  'T)?'  "ta  Y^^"^-'-^  '^^'^  ^^  o[J^oppa  p-axta.  Vers 
hypermètre;  lire  XeYto  vr^q'  xà  y^"^^^^^  ^'  wpaia  aou  ^Àziol^  cf. 
plus  loin,  V.  268. 

V.  140.  xal  oiâo)  To  a'jTY)vv)ç  xal  [ji.=va  aùx-^wj.  La  finale  du 
vers  précédent  est  sax-ruÀCot,  la  rime  est  donc  défectueuse.  Les 
éditions  suivantes  ont  corrigé  en  xal  oî$(o  -0  aj-:-/3VYj;  xal  [xsva 
aj-ur,v/3  oîosf,,  ce  qui  fait  un  vers  de  treize  syllabes.  Peut-être 
pourrait-on  lire  oiow  xo  aÙTvjç  y.al  j^iva  aùxr;  tb  oîosi. 

V.  145.  "EXa[ji.z£v  ojpavoç  xatTxp-/]  y^IJi-^'o;  est  la  leçon  de 
l'édition  originale,  il  n'y  a  pas  lieu  d'ajouter  ô  devant  ojpaviç, 
pas  plus  qu'au  vers  472  devant  àexiç.  L'absence  de  l'article 
dans  des  cas  semblables  est  due  à  un  phénomène  de  contrac- 
tion moderne  (Pernot,  Études  de  linguistique,  I,  p,  185);  dis- 
paru phonétiquement  dans  âs-6;  pour  5  xz-bq,  cet  article  est 
ensuite  supprimé  devant  voyelle  et  même  devant  consonne. 
Il  reste  une  apparente  irrégularité  d'accent  (xà'-Tp-^),  qu'il  faut, 


94  HUBERT    PERNOT 

croyons-nous,  conserver,  car  elle  se  retrouve  au  vers  461  : 
xat  ôvTsv  s  -^'Xioc  xxtîi  izi-pzz  '/.et'.  çJAa;  dans  les  deux  cas  cet 
accent  inattendu  vient  après  une  coupe,  ce  qui  peut  le  justi- 
fier, cf.  aussi  V.  371. 

V.  199.  y.at  \}k  (j'jvxcpva  \).ï  xpub  -tzçîo  v.%\  zivsi.  Vers  hyper- 
mètre;  lire,  avec  les  éditions  postérieures,  v.al  (j'jvy.îpva  ou,  ce 
qui  vaudrait  mieux  encore,  t:  auYy.spvS. 

V.  208.  wjàv  s'iç  -rb  ay.oTici  ts  r.'jpoohi.  Vers  hypermètre, 
qui  devient  juste  en  supprimant  le  second  xb,  comme  il  a  été 
fait  dans  les  autres  éditions. 

V.  268.  va  l^pw  -x-[-(ûj.y.x  Al  ojjicpfa  xaXAr^.  L'original  porte 
X'.  o[j.3pça  (j3i)  7.ihK-q.  Lire  xi  wpa'.à  aou  xaXXr^,  en  comparant  ce 
qui  a  été  dit  plus  haut,  vers  10 1. 

V.  324.  x'  -^XOa  7.7.1  Yiayupa  si;  tyjv  oazo^-pozr,  ij.ou.  Les  édi- 
tions suivantes  ont  supprimé  avec  raison  x'  -^XOa. 

V.  339.  'Eyp^xcuv  àzb  "b  âa^o  xr^;;  va  v.'K'xiyr,.  Lire  à-'  to. 

V.  379,  T-Jjv  •/^P^^''  "î^^"^  t3A^~f^  t7Tov£r,piv  \j.o'j.  L'acceut  sur  la 
troisième  syllabe  fausse  le  vers,  en  outre  le  texte  ainsi  donné 
n'a  aucun  sens.  Quelques  éditions  ont  remédié  au  plus  grave 
de  ces  défauts  en  imprimant  s-r,  yxpi^/.  Lire  t-^v  wpa, 

V.  383.  r,xp!X^{^{B\'.x  [x'à'3)Y)X£'  7:à  a-x  oatr-/;.  Lire  jx'às^xe. 

V.  395.  Ct!X'iv  àXYiajji.6vY]a-é  -r,  -:y)v  v.Tr,\j.irr,.  Vers  hypermètre. 
Les  éditions  suivantes  ont  Ç'.;j.ib,  on  peut  lire  'Çi\).ù  àXY;(7ix6vr,7é 
-Tf  OU  Çi[;,ibv  XY3(7[j.ôv/;7i  r/). 

V.  459.  TÔTeç  èYw  dTa  (âouvx  xal  j-à  op-/j.  L'accent  de  j3oyvà 
est  métriquement  faux.  Lire  oirq. 

Des  erreurs  du  genre  de  celles  qui  viennent  d'être  signalées 
n'ont  rien  de  surprenant  pour  qui  sait  ce  qu'étaient  les  édi- 
tions de  Venise,  même  «  corrigées  avec  le  plus  grand  soin  », 
suivant  la  formule  consacrée. 

On  remarquera  que  le  passage  où  Drymitinos  parle  de  lui- 
même  et  dont  on  ne  saurait  par  conséquent  lui  dénier  la 
paternité,  contient  neuf  vers  faux  sur  20  (478-495).  La  pro- 
portion est  ici  beaucoup  plus  grande  que  dans  le  reste  du 
poème,  et  ceci  contirme  les  doutes  que  nous  avons  émis  sur 


LE    POEME    CRETOIS    DE    LA    BELLE    BERGERE  9) 

sa  qualité  d'auteur.  On  pourrait,  il  est  vrai,  en  corriger  aisé- 
ment quelques-uns,  mais  d'autres  résistent  à  toute  tentative  et 
on  a  nettement  l'impression  que  leurs  défauts  ne  sont  pas, 
comme  dans  les  cas  précédents,  le  fliit  des  compositeurs  de 
Venise.  Parmi  ces  vers,  six  ont  été  cités  plus  haut  (479,  480, 
482,  484,  485,  488).  Les  trois  autres  sont  :  xal  TiXou;  -95; 
BoajcoTTOjXaç  t-^ç  xavjiJ.î'vr^ç  (492),  '0[xa)>;  àsivovraç  aj-i  xi  7:apa- 
[jMioi.  (493,  corrigé  par  Legrand  en  "0[j.w;  âçCvovraç  là  zapa- 
[AJ6ia)  et  E'tç  -zobq  '/lAiouç  i^axôdiouç  x'  elxojTV]  éjioijA-/]  (495,  OÙ 
le  même  a  écrit  Utoùr...  ^axodiouç). 

Moins  nombreuses  sont  les  corrections  de  texte  proprement 
dites. 

Au  vers  27,  vtxpov  àirb  tov  â'5-/;  Ifj'/jxo'xjav,  les  éditions  ulté- 
rieures ont  avec  raison  ajouté  [j.ï  devant  le  verbe. 

V.  83-84,  /,'  -J^y-ouvc  xpar/jjXcVY]  va  Çto-q^r^acù ,  \  xaî  tïwç  va 
^àXw  va  Tov  àvaux-z^uw.  Nous  proposons  xôzov  au  lieu  de  xal 

V.  88.  x'  clç  Ta  BeXri[j.x-i  co'j  va  xaTl-/-/;;.  Le  pronom  [j.ï 
convient  mieux  ici  que  va  *  [>.ï  y.ctxéyziq. 

V.  293-296.  riù  Y^'OY^?^  '^^''î  Y"^  ''^  ^'^t'^Ti  'l'^pM  I  ■''••^''  3  à'pMxaç 
va  '/au'^  ~b  oo^apt,  |  r/)v  vûxia  âr/w^  â'ffxpa  xal  BpojouXa,  |  xapà 
vàaf/îa-(.)  TÉTsta  (^oa-'/.o-oijXa.  Lire  •/.'  r,  vuxTa,  au  vers  295. 

V.  343.  -/.al  ,3^.é7:£  -/.aTTsta  7:p6(2aTa  •/.a'/j[;ivo;.  Lire  •/.'  sjSXsxs. 

Le  vers  371,  xt  wpa  vq  ;j,ià  [j.spà  y.a',  xWr,  va  TTuar;,  est  pour 
nous  incompréhensible.  Les  éditions  suivantes  ont  mis  œtyj 
au  lieu  de  zr„  sans  éclaircir  le  sens. 

V.  374.  slvxa  -o/.Xà  ^xp'y.  -à  i'vstpâ  Tr^ç.  Lire  elv-càv'. 

V.  399.  01'  aux'  r,9ôXa  Tra'.oî  y-ou  vi  cà  7,y.[u<i.  Lire  But'. 

V.  418.  'ç  T07:ov  ày.aOapb  xai  '/',ovtff;j.svo.  Lire  ày*''-^^^?^?  ^^i 
est  la  leçon  des  éditions  suivantes. 


96  HUBERT    PERNOT 

II 

Nous  connaissons  trois  versions  populaires  modernes  de  la 
Belle  bergère.  La  première  a  été  publiée  par  Marinos  P.  Vrétos, 
dans  son  'EOv.xbv  r,-^.ipcKb-(io^^  pour  l'année  1868,  p.  13-15,  et 
reproduite  par  Legrand  à  la  fin  de  sa  deuxième  édition  seule- 
ment. Elle  est  donnée  par  Vrétos  comme  provenant  de  la  mer 
Egée,  sans  plus.  C'est  une  version  écourtée  et  même  mutilée. 
La  seconde  se  trouve  dans  les  Xiaxà  àvaXsxTa  de  Constantin 
Kanellakis,  p.  1 13-128.  Elle  suit  de  très  près  le  texte  de  cer- 
taines éditions  modernes,  et  je  l'ai  considérée  comme  une 
simple  copie  légèrement  modifiée,  jusqu'au  jour  où  l'éditeur 
m'a  affirmé  qu'il  l'avait  recueillie  à  Nénita  de  la  bouche  d'une 

VERSION  DE  s.   GEORGES 
Kàiw  aà  ^pùuT,  y.cà  gï  TTstaiJ.via, 

v/.eX  [J.Ù  Wu^ep-q,  Tuavwpia  xip"/], 
dàv  xaXï;  xapoià  y.i  wpYxioç  xà  GwpY), 
5   YÎêXsTïcV  xaTuota  zpôêaTa  oixâ  ty;;. 
Sàv  Tov  YjAtov  'r,Xajj-'â£v  -^  o;j.opçia  Trjç, 
f,  fopeaà  xou  çipe  -^Tav  «j^pï), 
x'  Y]Xa[ji,x£  ffàv  TOV  oùpavbv  [xè  Taaxpif]. 
K'  £y'  wç  ty;v  I5w  xb  xarjî^ivo 
10  xsfTO  ax-J)  3pjaiv  à7:£0a[j-[j.£vo. 
nixv£i  v£pxy.',  àzk  t-J]  ppûu'/;, 
aè  ;x£va  xbv  xa-^ixévo  va  Tcà  xo  X'-'^Ti^ 

^£V£TCtaVV£t,   ^£V£p(.')VV£l    [XOU  XO  xàXl, 

^(ù.  và  [xà  auvE^ipv;  àxb  xy]v  vxÇàXyj* 
15    £y.£ïvo  [XOU  <pavt(TXY)y.£  xûç  ^xaî  Y'^'^pi^^^l-''  I-'-^^* 
— iv  £7uv£f£p£,  xïjv  £pwx'irja£* 
«  Akv  £'x£tç  [xavva,  Sàv  è'xet?  ^^P"')  ; 
—  Eî)ja  x,ai  [j.âvva,  £Î)ja  xat  y.ypr), 
\).aix'  xoXXùç  "/.aipbç  ôxou  x£Oava, 


LE  POEME  CRETOIS  DE  LA  BELLE  BERGERE        97 

vieille  femme.  La  troisième  est  celle  que  nous  allons  repro- 
duire. Elle  m'a  été  dite  en  19  lo,  au  village  de  Saint-Georges 
(Chio),  par  une  femme  d'environ  quarante-cinq  ans,  qui  m'a 
déclaré  l'avoir  apprise  d'une  vieille  et  pour  qui  elle  ne  se  dis- 
tinguait en  rien  des  autres  chansons  anonymes  connues  dans 
le  village.  Ces  trois  chansons  remontent  au  texte  de  Drymi- 
tinos,  celle  de  Kanellakis  presque  immédiatement,  par  une 
édition  moderne,  les  deux  autres  d'une  façon  beaucoup  plus 
lointaine,  avec  plus  d'intermédiaires.  C'est  Là  précisément  ce 
qui  fait  leur  intérêt.  Nous  envisagerons  seulement  ici  la  version 
recueillie  par  nous,  sans  reprendre  en  détail  celle  de  Vrétos, 
qui  d'ailleurs  n'est  pas  de  nature  à  modifier  la  portée  de  nos 
observations. 

ÉDITION   DE   1627  '. 

as  SsvxpY),  (7£  XiêâSia,  aè  iroTaj/ta,  3 

ffè  Spoaepà  xal  Tpuçspà  XaYVcaâta.  4 

navo)pia  \\)yzpri,  Tïavwpia  "/.cipv;,  9 

wjàv  xaAY)  xapSià  xal  wpaià  axà  Gwp-/],  10 

■5   I^XsTCS  xaTtoia  TrpiSa-a  âixà  tjyj,  II 

x'sXafXTïs  aàv  ibv  v^Xtov  -q  èi/opcpià  tjy).  12 

/, -^  çoptffià  TCOu  9Ôp£'.  i^TOV  a<j-p-q  15 

8  x'  •i^Xay.TUc  ffàv  Tov  O'jpavbv  [j-à  TajTp*/].  lé 

[   X'.  ô[j.TCpci;  arJ)  ^pù<7ri  -î'^tw  Xiywj^.svoç  29 

(  x'  -r)  xip-r]  iôappsu  xely-xi  à7ro6a;ji,[xévo?'  30 

Kal  Tîatpvsi  xpubv  vepbv  àxo  x-J)  3p'J<^iQ  37 

x'  ep5(£Tac  xpbç  £[j,£va  va  Tzst  xb  "/ûay;'  38 

Tb  TupoatoTcôv  [xou  ^avappaivei  TcaXtv,  41 

OYià  va  ;j,£  o-uçÉpy;  à-b  xïjv  ÇccAt^V  42 

15   XôY^aC^vxaç  ttcSç  vavai  y^'^'^P'^^v  [aou.  40 

16-17    'Pmxw  xyjV  àâsXçoù;  £7£tç  Y'O  "'^'^P^j  177 

'Eyw  àoEAçoùç  0£v  è'^o)  ojoà  [j.avva,  189 

slvai  xaipbç  xoXùç  ttou  àxoôava*  190 

I.  Les   nombres  placés  à  la  fin  des  vers  renvoient   à  la  3e  édition  de 
Legrand. 

Mélanges.    11.  7 


10 


98  HUBERT    PERNOT 

20  ï'/b)  -h  c-Ti'/^z  vo'.y.vy.ûpY;' 

£'/(.)  va  yépo  vspcvTzy.i 

y.ac  X£i-£'.  àirè  yjàç  uto  '/apaxt, 

Tïà  7:£)v£xr,7y;  7:î'xpa  va  xdtij.-/;  i^.avTpa, 

xal  (3ptax£iç  [j.ova^âoa  oXr//  rJjv  £6§o[j,3c$a.  » 
25        nXay.fôvvcu  sic  to  c7:r,/aov  àsvi'oia, 

[j-à  (Y)£Aota,  [J.£  x^?^?  "/•*'  I-*'^  7:ai)^viBta* 

PpicrxouS  ^Oi-^io,  xjSyouv  y.Aaoay.i, 

y.a[/,v5u  Y^iJpY'^^^^  tuit-^osioS  ca^^xuAiSi, 

y.'£pp£6wviaa":y]y.av  xà  ous  tojv  elç  to  opi[j.o. 
30  nàv£  c-ib  (77:r^Xto. 

"Isia,  ■TTi-rjOsta  ':xytv  ^xpijAvx. 

y.cd  xà  TŒOjy.aAaxia  -r^ç  Tâ-/£v  y,p£[Aaff;;.sva, 

ŒTOj  uy.ojTSAtou  TÔv  xo)/.ov  £Î)(£v  Xu)jvapi 

x'r^TaiJ.  [^.ù  "/apà  y.'ivav  y.a[j.apt. 
35   Ss  [xlaY  Y^*^^^  "-^  ff-YjAisu  ît/s?  çw-ià  )J(i)(t;j.£V*^, 

XI  àç'rJjv  */i[jL£pav  zcuActzs  rJ)v  £'>/£5  ouXa[X[ji.£V*/;. 

riiawsi  Y^^'-^^-^  Y''^'^'^'^''  xpatTxxi  xal  XEpvS  [;.£. 

«  'Eyw,  xipY],  xpaji  ckv  ■::{vvto, 

[j,ôvo  vi  [JLOu  xa[;//;;  ;j.ù-/  '/xp*^, 
40  va  TrafXEV  Ta  oub  [xaÇi^l  aib  xAivap'..  » 

"Qo'i£[j.  '::oQ  ttyjysv  ô  r^kioq  0  xxAtvapi. 

£v  £ar)X(oOT,xav  à-KÏ  ib  [xa;tAXap'.. 

rsù-  a'  à^ivvw  va  rr^v  è'yf;;, 

xaî  TSJTSv  TGV  [rr//a  va  [x    ■XTzy.^niyf^ç, 
45   vapTO)  vajpco  Ta  vsjtijxx  tJc  '6[j.op^i  jcj  xaXÀYî.  » 
K'  èOéX-r^aev  -r)  i).olpx  tou  TàvT^^âx'/j 

xai  X£<pT£i  appa)(TTr(;xsvo  œts  xpîÇ6aTaxi, 

xac  [j,TCaivv£i  0  [^-"^vaç  xal  i^Yaiw'  5  o/.Xo;; 

xat  ûèv  £[ji,';c6p£  to  xopiJ.âxiv  tou  y'^:  vàvcffavYj . 
50       Stoùç  X£VT£  [j.ï;"v£;  x'.vw  xaî  xau), 

xal  -aipvM  Tb  ^£pYax'.;j,  [xoj  yix  vàx-/.:'j;xza(.)" 

aà  xàOa  totov  ixàOivTsa  xo[j.i;-àTt, 

YÙ  vàpTY)  Tb  xop[J-àx'.[j.  [J-2U  Y^^  vàv£ijâvv;. 

llao)  xal  t^piuxw  Tb  (7--/)Xio  pa7viaj;j.£'vs, 


LE  POÈME  CRETOIS  DE  LA  BELLE  BERGERE        99 

20  y.al  •kOîov  iytiq  gto  !77:r,Aaiov  voiy.oy.tjpY;"  178 

A^YSi  H'=^'J*  x'jp-r,v  ey/o  Yspov'àxi,  181 

xai  âT:b  Ta  àïq  asitts-,  (tto  yapàxi,  182 

va  xo'lf;  zixpa  oyà  va  xiby]  [/.avTpa,  183 

Aîv  IpysTat  o)?  r/)v  aXX-/)v  ê(3oo[xàSa,  185 

25   ovT£  o"rb  (J7:-(^Xaio  (jtoa-a[J.£V  atçvîoia  14? 

{j.£  YSAcia,  [ji  xaps;,  [xè  xà  TCaiyvcâta.  148 

^piay.M  t^aY'.à  y.al  y.ô^-o)  eva  y.Xaoay.i'  138 

xdcvo)  Yopvb  TCi-r^osto  oayTuAiot  139 

7.7.1  olotù  TO  aÙTT^VY);  xal  [jiva  aÙTr^v/;.  140 

30  Mî  xà  Tca'-Yviota  lTî-/;a{va[X£  rJj  aipaxa'  14 1 

"OiAopça  y.at  x'.5£;'.a  'aav  (SaXi^iva*  169 

r,(Tav£  xà  xcvSkux  v.pt[j.x'j[j.hx,  170 

Sxou  axoux£A'.ou  xbv  irâxo  £ly£  Xuyvâpi,  153 

•i^xov£  [ua  yapà  r.'  iva  :i^ajAàpi"  154 

35   Sx-J]  [j.',à  t>-£pià  xou  (771-^Xiou  sl/E  x(i)at>.£VY3  149 

(fwxià  aTrb  xr,v  •/i[ji,£pa  cpuXafjivYj'  150 

^  Er/£  xai  ^u3wxb  y.paut  oaiJ.axr.  197 

(  xai  [X£  aJY^^P''?  l^-^  ^?^^  ^'P^^  "^^^  "^^'^^^  ^99 

Ma  Xéyw  t"1Ç'  xupa,  y.pa(Tl  âàv  -kIVco,  201 

x'  rfizXa  va  [^.ou  £xav£ç  xv;  yàpv)  223 

40  va  Tc-^Y"^!^'^  Ï^PT*^?  ^'Ç  "^^  î^Xtvapi.  224 

K'eIç  oAiY'l^  ojpav  ^X£7:oj;l£V  xbv  v^Xiov  229 

y.ai  ;à7cA(ùV£  xç  à-/,xîv£(;  xou  (jxo  arv^Aiov*  230 

r£ià  7.al  yapà  ff'  àsivo)  va  xV  syfjÇ,  265 

xat  av  i^-r)(7(0  [J-Éff'  (Txb  [J/r^va  !pyo[xac  TcaA'.  267 

45   va  3pû  xàYY-Xr^à  xt  oi^-opsa  y.àAXv].  268 

[Ji.à  G£X'/;i7£v  r,  [j-oïpa  [xo'j  xàC^-'/;,  3^7 

"ETTEff'  àppcoc:x*r)ijivo;  <7xb  xXtvapt,  3^9 

\   'E-ipajsv  6  \J.f,voiq  xplv  va  OéuM,  313 

^      l   y.al  Giaêr^  xai  ô  aXXoç  va  [xr^opiaco  3^4 

va  TCopTcaxTjad)  y.m  ffaXEUOoTjffw  3^5 

(   Ma  yiaa  ffxal  ouo  ixrjvs;  £Yy.pr/.oû[xou  317 
^O    ' 

l   [xà  ■TcpoOuiJAà  y.tvw  Bià  va  T:ao),  3^9 

51    y.paxwvxaç  xb  pa6oây.i  vàxT-ouixTraw.  3^0 


100  HUBERT    PERNOT 

55    l-*'^  r:rfKx,  [j.k  (Soupy.a  âv£6ou5p«jJ.£vo. 

açupivxÇw  Tou,  YuptvT^E',  xal  ôwpsf  };.[X£  (toO  y^psu)" 

Y^i  t"J;6  poffxoxouAXa  àvepwTœ  to. 

«  Eùtyjv  ozsu  ;j.ou  Xsç,  Tuaioipi,  [/.ou, 
60  r^xa  ijTzKa.yyrf  \>.o\)  y.al  7:vo-q  [j.su, 

xat  ^(Tèç  ^xav  -àvvià[j.£pâ  --qz 

xai  xouVAaxta  /.i/.aSous-av  ^xà  xpcjxÉ^aAAa  xvjç. 

Sxb  4''j)jc;xay_i(j;jiv  xrjç  r,A££v  [j.cu* 

«  K'jp-/],  YOVi£,  va  vx^^r^TYjç,  àç£vxâxi, 
65   îow  •/.axo'.o?  33<î>^3?  ôsi  va  TTEpaay;, 

[j.aupi5£pbç  cïvai  y.i  à5uvaffiap'/;ç, 

vxra5(apoy.oupêoiJ.[xaxY3ç  y.al  vxÇocçuaiâpvîç. 

—  Nà  [x;'jB£tyx£ç  xb  [xvY;y.a  x^'ç  xupa;  (xou, 

vaxa[xva  xb  ÔEpàxEic  x^ç  xaâpiS;  \j.ou' 
70  Aupa  va  [XYjv  Trai^o)  uXu,  [^//joè  xaYtaûÀi, 

a£  X£pi6iXt  va  ixrjv  £[jLxa)  xXià,  [/.vjSà  ff£  XiêàSt, 

c'  «YxaOEpbv  X2X0  va  x'/jY^ctwo), 

va  Tupavv£»o[j.at,  va  (j'jpvw  xôvo. 

La  comparaison  du  texte  de  S.  Georges  et  de  la  version 
complète  dont  il  dérive  appelle  quelques  observations  géné- 
rales. 

Le  fait  que  l'original  était  rimé  nous  place  dans  une  situa- 
tion particulière,  favorable  à  la  bonne  conservation  de  ce  der- 
nier. Néanmoins  la  diseuse  s'est  peu  souciée  de  la  rime.  Elle 
l'a  gardée  là  où  elle  l'avait  présente  à  l'esprit  ;  souvent  elle  a 
rimé  par  à  peu  près  et  souvent  aussi  elle  n'a  pas  rimé  du  tout. 

Pas  plus  que  la  rime,  le  rythme  ne  s'est  imposé  à  elle.  Si 
elle  a  parfois  conservé  le  mètre  ancien,  il  lui  est  arrivé  bien 
plus  fréquemment  de  le  rompre,  et  de  telle  façon,  qu'on  ne 
découvre  dans  ce  nouveau  texte  aucune  tendance  rythmique. 

Les  termes  dialectaux  familiers  à  Drymitinos  n'ont  pas  été 
plus  respectés.  Il  n'y  a  pas  eu  pour  eux  suppression  voulue, 
mais  substitution  inconsciente,  et  ce  n'est  pas  sans  peine  qu'on 


LE  POÈME  CRETOIS  DE  LA  BELLE  BERGÈRE      ICI 

54  <ï>Tavw,  6(opco  10  (jizTiKai.o  àpa-/viaa;j.£vi,  337 

55  \jA  poupxa,  |j.à  x"/))^à  va[j.oup5u)[j.svo"  338 
S'  b/oX)  PouvûO  xopçYj,  œ'  eva  -/apay.i,  341 
a^upiî^G)  xai  çwva^Q,  ^^aipexû  tov,  345 
xat  yià  r};v  (SoaxoTcouXa  vaptoxco  tov'  346 
Al'  aùrr^Wî  -tuîu  pcoxaç  -^tov  1:1x101  [xoj,  353 

60  Oappo;  (J-ou  Tou  !pTa)5(0u  xal  aTCav-o^c/^  lJ,ou"  354 

61  Tàvviaixspa  tt^ç  *^Tav  ôdisç,  ulÉ  [J-cu'  38 1 
63    Tr^v  (opa  -ou  çetiûya,  l[jiX"/)ai  [J.ou,                        382 

K'jpY],  Y^^"^?  ^0!  C'^i'^TlÇj  àçsvxâxi,  409 

65   £va;  xaXbç  [3caxbç  GsXei  xepausi,  384 

MsXa^^pivôç,  XiYvbç  xal  YsXaffiap'/jç,  385 

vsoç  7,al  [j.aupo[j,[;-axY3ç,  oiw[j.aTàpï3ç'  386 

va  Tîa[j.£  UTO  [j.v/][xs'jpt  Trjç  xupaç  [j.su,  41 1 

va  xa[xw  To  xcvTÉvTO  TY^ç  xapBtaç  |xou.  412 

70   riavToûpa  va  [j/r]v  irai^oj,  oùoè  çta|;,7rôXi,  445 

'ç  XiéàSt  va  [XY)v  ixTro),  oùc'  elç  xspiêôXi*  446 

t   Ai)(a)?  Y^l^'^^^î  ^si^^ouTOç  va  x-^aivfo  417 

72     )      ,  ,  ,  ,  ,  o 

(     ç  TÔxov  axaOapb  xa:  ^iovi(7[Ji£vo*  410 

Sià  voiyb)  xôvouç,  xpiy.sç  xal  Xaxxapeç,  435 

distinguerait  l'origine  Cretoise  de  cette  version  :  seul  le  lexique 
en  a  gardé  quelques  traces,  tandis  que  la  phonétique  et  la 
morphologie  sont  nettement  chiotes;  la  première  permettrait 
même  de  localiser  immédiatement  notre  texte  à  S.  Georges 
ou  aux  environs. 

Enfin,  quelques  formes  ont  été  mal  rendues,  probablement 
par  simple  erreur  d'audition  :  v.  4,  ojpY/.ib;  (forme  locale  pour 
(bptbç)  G-y.  fi(ôp-q  au  lieu  de  wp'.à  G-y.  ÙMp-q,  v.  9,  low  au  lieu  de 
sTca,  V.   46,   àvT^^r/.v;  (forme  locale  pour  àCax'o)  au   lieu  de 

Le  poème  primitif  a  été  considérablement  abrégé,  puisque 
notre  version  ne  comporte  que  73  vers,  en  regard  des  498  de 
l'original.  On  en  a  gardé  l'essentiel,  la  partie  dramatique, 
mais  on  a  notablement  réduit  le  côté  descriptif.  Les  additions 


102  HUBERT   PERNOT 

sont  insignifiantes,  elles  se  ramènent  en  somme  aux  vers  52- 
53  et  62.  Ceci  s'explique  :  le  sujet  est  spécial,  on  ne  pouvait 
guère  le  confondre  avec  un  autre,  de  plus  son  rythme  particu- 
lier faisait,  lui  aussi,  obstacle  aux  intrusions.  En  revanche  les 
interversions  sont  assez  importantes  ;  on  les  suivra  aisément  à 
l'aide  des  chiffres  mis  plus  haut  comme  renvois  à  l'édition  de 
Legrand. 

Pour  simples  qu'elles  soient,  ces  quelques  remarques  ne 
paraîtront  peut-être  pas  superflues,  si  l'on  songe  combien  sont 
peu  nombreux,  dans  le  domaine  des  chansons  connues  du 
peuple,  les  cas  où  nous  pouvons,  comme  ici,  partir  d'un  arché- 
type certain.  Le  cas  courant  est  celui  d'une  chanson  s'offrant 
à  nous  uniquement  dans  ses  variantes  modernes. 

Les  progrès  réalisés  dans  ces  dernières  années  permettent 
de  croire  que  bientôt  les  néo-hellénistes  chercheront  à  dégager 
de  ces  variantes  modernes  les  rédactions  primitives,  du  moins 
dans  leurs  lignes  essentielles.  Quelques  essais  ont  été  déjà 
faits.  Des  chansons  comme  celle-ci  semblent  présenter  quelque 
intérêt,  au  point  de  vue  de  la  méthode  qu'on  pourra  légiti- 
mement adopter  dans  les  travaux  de  ce  genre. 

Hubert  Pernot. 


I  SANTI  DI  MANERBI 
PRINTED     ON    VELLUM 


The  productions  of  the  earliest  presses  are  not  in  gênerai 
noted  for  their  artistic  qualities,  but  occasionally  some  printer 
would  issue  one  or  more  copies  of  an  édition  printed  on 
vellum  instead  of  on  the  usual  coarse  paper.  Thèse  vellum 
copies  were  doubtless  intended  for  high  personages,  and  it 
was  customary  to  hâve  them  adorned  with  the  beautiful 
miniatures  commonly  executed  by  the  artists  of  the  fïfteenth 
century. 

The  standard  scholarly  guide  to  the  books  printed  on  vel- 
lum is  the  well-known  work  of  J.  B.  B.  Van  Praet  entitled 
Catalogue  de  Livres  hiipriinés  sur  Vélin  \  But  in  the  nature  of 
the  case  this  work  cannot  be  wholly  exhaustive,  and  it  is  the 
purpose  of  the  présent  article  to  give  some  account  of  a 
vellum  copy  from  the  incunabulum  period  which  vv'as  un- 
known  to  Van  Praet  (although  he  cites  a  number  of  éditions 
from  the  same  press),  and  which  seems  to  hâve  escaped  the 
notice  of  Brunet  and  other  later  bibliographers. 

While  working  in  the  Royal  Library  of  Hanover  in  the 
summer  of  1902  the  writer  had  the  good  fortune  to  corne 
across  a  fine  spécimen  of  an  incunabulum  printed  on  vellum 
which  had  stamped  on  its  cover  the  title  I  Santi  di  Manerbi. 
This  copy  seems  to  hâve  been  mentioned  in  print  only  in  a 
small  catalogue  entitled  XyJographische  und  Typographische 
Incunabeln  der  Kôniglichen  Oejjentlichen  Bibliothek  ^u  Hannover  ^, 

1.  A  Paris  :  chez  De  Bure  Frères,  1822-1828.  10  vols.  8vo. 

2.  Beschrieben  von  Eduard  Bodemann,  Kônigl.  Rath  und  Secretair  der 
Kônigl.  ôffentl.  Bibliothek  zu  Hannover.  Mit  41  Platten  typographischer 
Nachbildungen  der  Holzschnitte  und  Typenarten  und  16  Platten  mit  den 
Wasserzeichen  des  Papiers.  Hannover  :  Hahn'sche  Hof-Buch-Handlung, 
Druck  von  J.  C.  Kônig  d  Ebhardt,  1866.  Folio,  vi  and  130  pp. 


104  G.    C.    KEIDEL 

where  there  is  given  a  brief  bibliographical  description  citing 
Panzer,  Ebert  and  Bmnet. 

Extant  Copies. 

As  far  as  known  the  following  copies  of  this  édition  are 
extant  : 

1.  Berlin,  Kupferstichkabinet,  no  shelf-number  (very  im- 
perfect)  ; 

2.  Besançon,  Bibliothèque  Municipale  ; 

3.  Bologna,  Biblioteca  Universitaria,  Inc.  867; 

4.  Glasgow,  Hunterian  Muséum,  Bx.  1.8; 

5.  Hannover,  Kônigliche  Bibliothek,  Inc.  213  (on  vellum)  ; 

6.  Paris,  Bibliothèque  Mazarine  ; 

7.  Paris,  Bibliothèque  Nationale  (on  vellum). 

There  are  probably  a  number  of  other  copies  preserved 
elsewhere,  but  at  présent  unknown  to  the  bibliographers. 

Edition. 

Of  the  édition  as  a  whole  the  following  may  be  said. 

The  latest  and  best  bibliographical  description  may  be  found 
in  Copinger's  Supplément  to  Hain\  where  the  technical  fea- 
tures  of  the  édition  are  carefuUy  noted  down,  and  the  copies 
in  Glasgow,  in  the  Mazarine  Library  at  Paris,  and  in  Besan- 
çon are  mentioned.  The  statement  is  likewise  made  :  «  F.  170, 
241,  294,  322  not  known.  »  Seven  other  éditions  of  the  fif- 
teenth  century  are  also  described  by  him. 

Copies  of  the  édition  hère  under  considération  hâve  been 
put  down  in  various  auction  and  bookseller's  catalogues  since 
the  close  ot  the  eighteenth  century,  but  the  particulars  may 
be  passed  over  hère  in  silence . 

Of  the  contents  of  the  literary  work  itself  but  little  need 
be  said.  It  is  an  Italian  translation  of  the  well-known  hagiol- 

I.  Part  II.  Vol.  ii.  London  :  Henry  Sotheran  and  Co.,  1902.  See 
pp.  219-220,  Nos.  6496-6503,  especially  6497. 


I    SANTI    DI    MANERBI    PRIXTED    ON    VELLUM  IO5 

ogy  of  Jacobus  de  Voragine  commonly  called  the  Legenda 
Anrea.  Such  knowledge  as  we  hâve  of  the  translater  is 
derived  chiefly  from  the  work  itself,  and  will  be  cited  later 
on. 

Hanover  Copy. 

The  vellum  copy  in  the  Royal  Library  of  Hanover  was 
carefully  examined  on  Aiigust  i8  and  19,  1902,  when  the 
folio wing  interesting  détails  vv'ere  noted. 

On  the  recto  of  the  first  preliminary  leaf,  and  again  on 
f°  3 1 5  v°  there  is  an  oval  red  stamp  whose  legend  is  : 

Bibliotheca  |  Regia  |  Hannoverana 

The  then  Librarian,  Eduard  Bodemann,  affirmed  to  the 
author  of  the  présent  article  on  August  19,  1902,  that  he 
could  not  tell  when  or  how  this  volume  came  into  the  library, 
but  that  the  stamp  and  the  binding  might  vv'ell  go  back  to  the 
times  of  Leibniz  himself. 

Now  Gottfried  Wilhelm  von  Leibniz,  the  celebrated  philos- 
opher and  eminent  scholar,  became  the  librarian  of  the 
Duke  of  Brunswick  in  1676,  when  he  took  up  his  résidence 
permanent^  in  Hanover,  living  on  there  until  his  death  on 
November  14,  17 16.  It  seems  likely,  therefore,  that  the  vellum 
copy  hère  described  was  bound  and  stamped  for  the  Royal 
Library  of  Hanover  somewhere  near  the  year  1700  A.  D. 

Some  indication  of  its  earlier  history  is,  how^ever,  given  by 
the  numbering  of  the  leaves.  Originally  there  seems  to  hâve 
been  no  attempt  at  foliation  or  other  marking  of  the  leaves, 
but  some  early  possessor  (or  librarian)  has  numbered  the  odd 
pages  in  a  rather  modem  hand,  which  is  nevertheless  prior 
to  the  exécution  of  the  présent  binding.  For  many  of  the 
Arabie  numerals  in  ink,  which  are  in  the  upper  righthand 
corners,  hâve  been  either  whoUy  or  partially  trimmed  oiî  by 
the  binder's  knife. 

In  this  connection  there  may  be  mentioned  a  curions  fea- 


I06  G.   C.    KEIDEL 

ture  of  the  table  of  contents  occurring  before  the  body  of  the 
text.  In  this  références  are  given  to  the  folio  on  which  each 
new  life  of  a  saint  begins,  and  strangely  enough  thèse  are 
expressed  by  Roman  numerals,  while  the  leaves  of  the  book 
themselves  bear  no  such  numération.  The  reason  for  this 
method  of  giving  références  is  not  apparent. 

Material. 

This  huge  folio  volume  is  printed  on  vellum  leaves  measur- 
ing  at  présent  38.5  cm.  by  27  cm.,  and  it  forms  a  mass  6  cm. 
thickwithout  including  the  covers. 

One  of  the  most  noticeable  features  about  this  handsome 
book  is  the  extent  to  which  the  vellum  leaves  hâve  been 
patched  before  printing.  The  unusual  size  of  the  leaves  no 
doubt  made  it  rather  difhcult  to  obtain  skins  of  the  proper 
dimensions  which  had  no  blemishes.  The  patching  begins  on 
the  twenty-third  folio,  where  an  almost  circular  hole  in  the 
lower  margin  measuring  about  two  centimètres  in  diameter 
has  been  carefully  pieced  out .  As  the  volume  progresses  the 
patches  become  more  numerous,  there  being  altogether  thir- 
ty-four  patched  leaves  out  of  a  total  of  three  hundred  and 
nineteen.  Most  of  the  patches  are  in  the  margins,  but  in 
two  instances  the  text  is  printed  upon  them.  In  several  cases 
the  skins  were  evidently  too  small,  and  consequently  large 
pièces  had  to  be  sewed  on  at  the  corners.  The  number  of 
patches  on  the  same  leaf  varies  from  one  to  four,  but  in 
only  one  instance  is  the  patch  roughly  put  on.  There  are 
also  a  certain  number  of  holes  which  hâve  not  been  mended, 
but  thèse  are  chiefly  ragged  at  the  edges  and  are  no  doubt 
due  to  the  rough  handling  which  the  book  received  in  later 
times. 


I    SANTI    DI    MANERBI   PRINTED    ON    VELLUM  lOJ 

Binciing. 

The  original  Mcdiaeval  binding  has  been  removed,  and  in 
place  there  has  been  substituted  one  in  fuU  brown  leather 
with  elaborate  gold  tooling  on  the  back  and  the  prancing 
horse  of  the  Hanoverian  royal  family.  On  the  cover  there  is 
also  stamped  the  title  of  the  work  as  given  at  the  head  of  this 
article. 

There  are  no  fly-leaves  at  the  beginning,  but  at  the  end 
there  is  one  vellum  fly-leaf  followed  by  a  paper  fly-leaf,  which 
latter  is  much  crumpled  and  has  a  large  pièce  torn  off  at  the 
side.  Now  it  inay  be  a  question  as  to  whether  the  paper  fly- 
leaf  just  referred  to  was  inserted  at  the  tinie  when  the  pré- 
sent binding  was  put  on,  or  whether  it  is  a  relie  of  a  former 
binding.  The  fact  that  fos  314  and  315  (the  last  printed 
leaves  in  the  book,  at  least  at  présent)  are  both  torn  at  the 
top  and  a  trifle  crumpled  at  the  bottom,  while  the  succeed- 
ing  vellum  fly-leaf  has  suffered  similar  damage,  would  lead 
one  to  suppose  that  ail  four  of  thèse  leaves  had  been  injured 
at  a  time  when  a  preceding  binding  was  in  a  dilapidated  con- 
dition. 

Furthermore  on  referring  to  Copinger's  statement  already 
mentioned  :  «  F,  170,  241,  294,  322  not  known  »,  it  may  be 
surmised  that  as  there  are  thî-ee  preliminary  leaves,  plus 
three  hundred  and  fifteen  printed  leaves  in  the  body  of  the 
text,  plus  one  blank  leaf  at  the  end  (the  vellum  fly-leaf),  in 
this  copy  fos  170,  241  and  294  are  missing,  while  the  appa- 
rent fly-leaf  is  in  reality  fo  322  considered  above  as  ?iot 
known . 

The  entire  work  seems  to  hâve  been  simultaneously  set  up 
in  type  and  printed  in  three  parts  later  bound  together.  For 
fo  77  vo,  col .  2,  is  almost  entirely  blank  without  apparent 
reason  ;  and  fo  204  has  extra  spacing  between  the  lines  on 
both  recto  and  verso^  while  the  second  column  on  the  latter 
has  a  large  blank  space  at  the  bottom  —  ail   this  without 


I08  G.    C.    KEIDEL 

any  reason  for  such  an  arrangement  ot  the  text  being  évi- 
dent. This  fact  of  the  simultaneous  printing  of  several  parts 
(which  was  the  common  practice  for  bulky  works  at  that 
time)  '  may  in  some  way  account  for  the  three  missing 
leaves  noted  above,  and  which  seem  to  be  lacking  in  ail  the 
known  copies. 

Illumination. 

Books  printed  on  vellum  in  the  fifteenth  century  lent 
themselves  to  illumination  with  the  same  readiness  as  did 
manuscripts  written  on  the  same  material,  which  far  sur- 
passes both  papyrus  and  paper  for  purposes  of  ornamenta- 
tion. 

On  the  second  of  the  three  preliminary  leaves  the  text 
begins  with  an  ornamental  initial  shaded  in  ink  in  a  style  not 
usually  found  in  incunabula.  But  the  chief  adornment  of  the 
book  is  found  at  the  beginning  of  the  body  of  the  text,  as 
the  whole  recto  of  the  first  leaf  is  elaborately  ornamented.  The 
entire  margin  is  beautifully  decorated  in  the  same  style  as 
the  initial  already  referred  to,  but  the  artist  has  brightened 
his  work  considerably  by  the  addition  of  various  colors.  The 
two  columns  of  the  text  are  separately  marked  off  by  a  deep 
blue  border,  as  are  also  the  edges  of  the  entire  page.  This 
latter  border,  however,  has  barely  escaped  the  binder's  knife, 
but  must  originally  hâve  been  surrounded  by  a  gênerons 
blank  strip  of  the  vellum.  There  is  also  an  elaborate  scheme 
of  floriation  on  this  page.  This  contains  six  cherubs,  as  well 

I.  Cf.  W.  Kurrelmeyer,  Die  Erste  Deutsche  Bihei,  Vol.  1(1904),  pp.  ix- 
xi,  especially  thé  foUowing  passage  : 

«  Die  in  betracht  l^ommendcn  nur  teihveise  bedrucl^ten  blàtter  dcuten 
also  darauf  hin,  dass  mehrere  setzcr  ncbeneinander  arbeiftten.  Jeder  setzer 
fing  natûrlich  mit  einem  neuen  blatte  an.  Der  grosse  des  blattes  wegen 
(4  kol.  zu  je  61  zeilen)  war  also  nicht  zu  erwarten,  dass  der  ihm  ziigewie- 
sene  abschnitt  genau  beim  schluss  eines  blattes  fertiggestellt  werden  wùrde. 
Da  aber  mit  dem  folgenden  abschnitt  schon  begonnen  war,  blieb  das  letzte 
blatt  des  jeweiligen  abschnittes  teilweise  leer.  » 

(Bibliothek  des  Litterarischcn  Vereins  in  Stuttgart,  CCXXXIV.) 


I    SANTl    DI    MANERBI    PRINTED    ON    VHLLUM  I09 

as  other  figures,  and  is  relieved  by  four  small  circular  minia- 
tures in  colors.  Three  of  thèse  are  below  the  text,  while  the 
remaining  one  is  on  the  right-hand  margin.  The  miniature 
below  the  division  line  of  the  columns  of  text  contains  a  long 
shield  in  white  and  red  on  a  deep  blue  background,  and  this 
heraldic  device  is  no  doubt  that  of  the  original  owner  who 
had  the  illumination  executed  by  especial  order.  The  other 
three  small  miniatures  represent  seashells  containing  jewels 
set  with  precious  stones  of  various  colors  but  somewhat 
conventionalized.  The  spaces  between  the  columns  and  on 
the  left-hand  margin  are  likewise  fiUed  with  floriations.  Most 
conspicuous  of  ail,  however,  is  a  large  miniatured  P  repre- 
senting  Christ  walking  down  from  a  high  hill  surmounted 
by  houses.  This  beautifal  initial  occurs  at  the  beginning  of 
the  main  body  of  the  text  and  occupies  a  space  équivalent  to 
ten  Unes. 

Arrangement. 

The  gênerai  arrangement  of  the  printed  matter  in  the 
volume  calls  for  no  spécial  comment.  The  text  is  divided 
into  two  columns,  except  in  the  case  of  the  dedicatory  letter 
by  the  translator  where  long  lines  are  employed.  Besides  this 
letter  the  body  of  the  text  is  preceded  by  the  usual  prologue 
of  the  original  author,  and  a  table  of  contents.  AU  thèse 
matters  occupy  three  preliminary  leaves,  on  which  they  are 
arranged  as  follows  :  The  recto  of  the  fïrst  leaf  is  bhtnk,  its 
verso  contains  the  letter  referred  to  ;  the  recto  of  the  second 
leaf  contains  the  prologue,  its  verso  the  first  portion  of  the 
table  of  contents  ;  the  recto  and  verso  of  the  third  leaf  con- 
tain  the  remainder  ofthe  table  of  contents. 

The  body  of  the  text  occupies  three  hundred  and  fourteen 
leaves  printed  on  both  sides,  and  a  portion  of  the  recto  of  the 
three  hundred  and  fifteenth  leaf.  Near  the  middle  of  the  lat- 
ter  and  below  both  columns  ofthe  text  isfound  the  colophon. 
The  verso  of  this  leaf  is  entirely  blank,  as  are  both  recto  and 
verso  of  the  succeedino;  and  last  vellum  leaf. 


IIO  G.   C.    KEIDEL 

The  coloplîon  reads  as  follows  :  A  laude  de  Dio  finifle  le 
legëde  de  tutti  li  fancti  d  le  fancte  |  dalla  romana  fedia  accep- 
rati  d  honorati  impreffe  per  mae  |  ftro  Nicolo  ienfon  franzofe 
régnante  Sixto  quarto  ponti-  |  fice  maximo  :  cl  Pietro  moze- 
nigo  inclyto  duce  di  Venetia. 

Dedicaiory  Letter. 

Probably  the  most  interesting  featureofthe  whole  volume 
is  the  dedicatory  letter,  as  in  it  alone  do  we  obtain  informa- 
tion concerning  the  Italian  translater  and  his  relations  with 
the  printer.  It  reads  as  follows  : 

Nicolao  di  Manerbi  Veneto  môacho  del  ordie  Camaldulëfe. 
A  tutte  le  deuote  d  catholice  chriftiâe  |  perfone  :  La  gratia  de 
Dio  fia  con  tutti  uoi  d  la  pace  del  fignor  noftro  meffere  lefu 
Chrifto. 

LA  fuma  charita  d  bêiuolêtia  cô  laqle  tutte  le  catholice 
d  deuote  mte  ho  profeguito  :  fa  che  |  giamai  nô  refti 
dîagïarme  d  molto  péfaf  qllo  diletti  al  defiderio  uoftro: 
d  côducei"  poffi  al  |  piacere  uoftro.  Per  modo  che  or  legendo  : 
or  fcriuendo  :  or  priuata  :  or  etiâ  publicamente  ]  exhortâdo  : 
ognieta  d  ftudio  mio  cômoueffe.  Intanto  che  nulla  cofa  tâto 
faticofa  fia  d  tâto  diffici  |  le  chio  a  la  gratia  uoftra  con  lieto 
anio  :  d  hilare  uolto  non  nicîdi  a  executiôe  :  d  qfto  maxî- 
ariite  :  côci  ]  ofia  chio  uedo  moite  fi  religiofe  côe  etiâ  laice 
pfone  cotâto  4)penfo  anio  di  portarfe  a  la  uirtu  d  a  la  preclara 
lectionc  de  le  facre  littet-  :  che  de  loro  glie  da  fpare  bene  :  d 
î  tal  modo  glie  da  fpare  che  fono  p  |  douer  fupare  lopiniôe  di 
curioli  huomini  dediti  a  le  uane  d  ficte  fabule  :  fe  come  fpiâo 
frequêtemête  ]  fi  darâo  a  lalectiôe  de  le  optie  d  fâcte  hiftorie. 
Laquai  cofa  fa  chio  dediidi  uerfo  le  charita  uoftre  fia  |  piu 
ardête  apreftarui  fpirituale  côfolatiôe  :  d  chio  abrazi  li  defide- 
rii  uoftri.  Imaginante  dûqj  io  qle  ]  preclaro  dono  preftare  ui 
pofli.  Ecco  che  difponête  la  diuia  prouidentia  :  e  ftato  pre- 
pofto  a  efler  tra-  [  duto  di  lingua  latina  in  lingua  materna  d 


I    SANTI    DI    MANERBI    PRINTED    ON    VELLUM  I  I  I 

uulgare  el  uolume  in  fe  continente  le  hiftorie  cl  légende  |  di 
fancti  :  corne  fono  de  li  fancti  apoftoli  martyri  confeffori 
uirgene  6i:dequalûq3  ftato  :  de  lequale  la  |  facrofancta  chiefia 
catholica  per  tutto  lanno  fo  memoria.  Loquale  certe  carigo  fi 
corne  graue  d  ini-  |  menfo  molto  uolentieri  harebe  ifchiuato: 
faluo  come  di  fopra  ho  dicto  :  el  mio  uerfo  le  charita  uo-  j 
ftre  fûmo  amore  :  d  lexhortatione  â.  preghieri  de  molti 
amici  :  a  quefto  aftricto  nô  mi  haueffero.  Et  |  etiam  fio  non 
haueffe  ignorato  in  quefta  tempeftade  :  di  quanta  utilita  fara 
al  ornamento  de  la  fa-  |  cra  religione  noftra  :  d  ne  futuri 
feculi  a  gloria  :  d  a  uoi  tutti  auidi  di  intendere  li  gefti  d 
grandi  facti  |  di  fancti  :  di  qto  commodo  d  lande  taie  tradu- 
tiôe  di  portarafe.  Venuta  e  hormai  leta  mia  igrauefcê  |  te 
laquale  in  ueruno  a  Dio  piu  acepto  otio  :  d  a  uoi  piu  utile  fe 
pofli  exercitare  ho  imaginato  :  qto  in  |  .taie  preclara  tradu- 
tiôe. 

Chiamato  dûque  a  me  il  dilecto  Hieronymo  clariflimo 
citadino  firétio  :  nô  |  meno  erudito  de  le  facre  littere  :  quâto 
di  uirtu  adornato  adcioche  lui  reuedeffe  :  d  al  arbitrio  fuo  em 
I  daffe  quello  ritrouarebe  da  effere  correcto.  Et  î  tal  modo 
homi  affûpta  quefta  magna  puïcia  del  tra  |  ducere  :  adcioche 
habiate  el  uulgarizato  libro  :  per  lo  qle  poffati  prendere  el 
côfolatorio  fpirituale  ali-  |  mêto  :  de  le  facre  hiitorie  :  uilipê- 
dàdo  laltre  uane  bufiarde  d  lafciue  fabule  poetice  d  nô  folamte 
uoi  I  ma  fi  etiâ  li  pofteri  noftri  :  d  tutti  li  altri  indiuerfe  parte 
de  litalia  fitibundi  de  le  optïe  fâcte  hiftorie  :  |  p  uoi  da  qfto 
uberrio  fonte  fatulare  poflino  la  lorfede.  Diche  iuocato  el  diuïo 
prefidio  :  cô  ogni  eu-  |  ra  ftudio  d  uigilâtia  :  laquale  gia  p  il 
têpo  paffato  p  diffecto  di  fcriptori  o  p  meno  fapef  :  î  taie 
facre  |  hiftorie  aiûcte  mutate  :  d  nô  al  uero  fétiiïito  tradute. 
habiâofe  ftudiato  de  inftaurare.  Si  po  che  uer-  |  una  minima 
cofa  del  noftro  aiuncto  habiâo  o  fminuito  :  ma  ogni  fêtêtia  d 
hiftoria  d  dictiôe  liata  :  |  fi  come  meglio  adaptauafeal  fêtimto 
fuo  :  expofto  habiâo.  Voi  dûque  deuotiffime  d  catholice  pfo  | 
ne  :  lequale  di  d  noctc  a  prendere  fpirituale  côfolatiôe  :  reuol- 


112  G.    C.    KEIDEL 

gete  li  molti  uolumi  di  libri  a  côfeqre  el  |  celefte  â.  imortale 
prêio  :  cô  hilare  uolto  d  lieto  anio  afumete  taie  diuîa  opéra  : 
abrazate  effo  uolûe  :  |  d  effo  uoltate  con  la  nocturna  mâo  d 
riuolgete  cô  la  diurna.  Quefto  certe  e  ilfalubre  d  côdito  col  | 
fale  el  uerbo  del  (ignore  :  qui  ce  il  uero  ornato  del  dire  :  qui 
glie  la  perfecta  eloquëtia  la  folêne  fede  d  |  religione.  Ouiui 
glie  la  coftûata  clarita.  Quiui  ue  lordie  d  il  facto  modo  del 
benuiuere.  Quiui  final  |  mte  ue  la  uera  demoftrâte  uia  di 
falire  a  la  eterna  patria.  Quiui  nô  ue  la  puerfa  amonitiôe  del 
frau-  1  dare  d  del  calûniare  :  qui  nô  ue  le  fophiftice  arte  dar- 
gumti  :  ma  dimôftràdofi  li  ueri  d  philofophici  |  amaeftraihti 
Da  taie  diuîo  certe  uolûe  racoglierete  li  diuini  d  uberofi 
fructi  :  p  modo  che  fête  p  do  |  uere  diportare  d  a  la  patria  d  a 
li  parenti  maxio  fplédore  :  d  a  li  amici  ornato  :  d  uoi  fête  p 
douer  cô  |  feqre  gloria  d  honore  d  celefti  béni.  Quefto  etià 
cô  fcilêtio  nô  e  da  paffare  :  anci  î  qlûque  luoco  glie  |  da  effere 
predicato  :  come  Nicolao  lenfô  ducête  lorigie  da  la  illuftre  d 
generofa  Gallia  :  dapoi  li  in-  |  ftaurati  quafi  infiniti  diuini  d 
preclari  uolumi.  liquali  per  lantiqta  erêo  ftati  depditi  d  qfi 
exticti  :  ]  el  diuïo  del  qle  fafe  mentiôe  uolûe  de  le  legéde  di 
fâcti  uulgarizato  :  cô  mirabile  igegno  d  diuîa  arte  |  ha  ipreffo 
d  ftâpito  :  d  quella  cofa  laqle  p  rarita  era  quafi  ftata  inco- 
gnita  :  hora  cô  larte  d  induftria  ]  fua  a  tutti  e  mâifefta  :  p  la 
cui  uirtu  glie  da  efferli  côtribuito  el  prêio  cô  ppetua  lauda.  La 
gratia  d  pa-  |  ce  del  fignor  noftro  mefef  lefu  Chrifto  fia  cô 
tutti  uoi.  In  facto  Mathia  de  muriâo  a  câto  a  lalma  pa  |  tria 
Veneta  :  fottol  pôtifice  maxio  fixto  quarto  d  Mafeo  Girardo 
deuotiffio  patriarcha  di  Venetia  |  qnto  Pietro  Mozenigo  iclyto 
duce  di  Venetia  a  di  prîo  de  luio  mille  quatrocêto  feptanta- 
cinque. 

Translation. 

In  order  to  gain  a  clear  notion  of  the  gênerai  character  of 
the  translator's  method  there  may  be  cited  in  parallel  columns 


I    SANTI    DI    MANER   I    l'RIKTED    ON    VELLUM 


113 


the  beginning  ofthe  Lifeof  St.  Alexis  from  a  Latin  édition  of 
1478,  and  from  the  Italian  édition  ofabout  1475,  hère  under 
considération  '  : 


ru  m.    7 
ris    primi 


Original 

ALexius  fuit  filins 
I  Euphemiani 
viri  nobihf-  | 
fimi  romano- 
in  aula  |  imperato- 
.  Cui  tria  |  milia 
puerorum  affiftebant.  qui  fo- 
uis I  aureis  cingebantur.  et 
veftimentis  fe  =  |  ricis  indue- 
bantur.  Erat  autem  prefe=  | 
ctus  Euphemianus  valde  mife- 
ricors.  |  et  finguhs  diebus  in 
domo  fua  très  mê  |  fe  paupe- 
ribus,  orphanis.  viduisetpe  = 
I  regrinis  parabantur.  quibus 
ftrennue  |  feruiebat.  et  hora 
nona  ipfe  cum  viris  |  religio- 
fis  cibum  in  timoré  domini 
capiebat. 


Johns  Hopkins  University. 


Translation. 

FV  Alexio  figliolo  di  Eu- 
femiano  nobilif  ]  fimo 
huomo  româo  :  &  primo 
nella  cor  |  te  del  imperatore  : 
alla  prefêtia  delquale  ftaua  | 
no  tremilia  ferui  :  liquali 
ciucti  erano  di  cintu  |  re  do- 
ro  :  &  fi  ueftiuano  di  uefti- 
mente  di  fêta.  |  Era  iui  Eu- 
femiano  preclaro  huomo  & 
molto  I  mifericordiofo  :  nella 
cafa  del  quale  ogni  di  fi  | 
preparaua  tre  menfe  :  alli 
poueri  :  alli  orfani  :  al  ]  le 
uidue  :  &  alli  peregrini  :  alli- 
quali  egli  ftrenu  |  ameute  fer- 
uiua  :  &  circa  Ihora  di  nona 
piglia-  I  ua  el  cibo  cou  li  huo- 
mini  religiofi  nella  parte  |  di 
dentro  délia  cafa  : 

George  G.  Keidel. 


I.  The  Latin  text  hère  given  was  copied  on  Aug.  6,  1902,  from  Mainz, 
Bibliothek  des  bischôflichen  Priesterseminars,  Inc.  104  :  Jacobi  Januensis 
Opus  Historié  Lombardice  sive  Legenda  Sanctorura,  Nurimberga;,  1478, 
fo  118  vo,  col.  2.  The  Italian  text  occurs  on  fo  142  ro,  col.  2. 


Mélanges.  II. 


(c   ROSAFLORIDA   » 


Fra  i  manoscritti  spagnuoli  di  cui  è  ricco  il  Museo  Britan- 
nico,  si  trova,  sotto  la  segnatura  «  Add.  10,431  »,  una  rac- 
colta  di  «  Poesias  varias  »,  che  appartenue  nel  secolo  xviii 
air  appassionato  raccoglitore  e  non  oscuro  erudito  D.  Grego- 
rio  Mayans  y  Siscar.  Se  ne  possono  avère  ragguagli  dal  Cata- 
logue ofthe  Manuscripts  in  the  Spanish  Langtiage  of  the  British 
Muséum  by  Don  Pascual  de  Gayangos,  I,  Londra,  1875, 
p.  14-15.  Il  codice  è  cartaceo";  di  121  foglietti;e  andrebbe 
assegnato,  stando  al  Gayangos,  alla  seconda  meta  del  secolo 
XV.  Altri  tituba  tra  la  fine  di  quel  secolo  e  il  principio  del 
successive. 

La  raccolta  ci  présenta  una  série  di  ben  quarantaquattro 
rimatori,  tutti,  credo,  spettanti  al  secolo  quindicesimo.  Il 
decimo  posto  vi  è  occupato  da  Juan  Rodriguez  del  Padrôn, 
che  coniincia  a  mostrarcisi  a  carte  30  r°  e  si  ritrae  alla  carta 
32""*,  Délie  poésie  che  dovrebbero  esser  sue,  le  più  erano  ignote  ' 
al  Paz  y  Melia,  quando,  nel  1886,  per  la  «  Sociedad  de  bibliô- 
filos  Espaiïoles  »,  dette  fuori  a  Madrid  un  volume  intitolato 
Ohras  de  Juan  Rodrigue^^  de  la  Câmara  (ô  del  Padrôn^,  dove  del 
resto  le  composizioni  poetiche  sono  in  piccolo  numéro.  Il 
manipolo  londinese  (di  un  semplice  manipolo  si  tratta  anche 
11,  corne  già  indica  il  poco  spazio  occupato)  ha  fornito  la  ma- 
teria  a  una  pubblicazione  di  Hugo  A.  Rennert,  Liederdes  Juan 
Rodngui'idcl  Padron,  nel  t.  XVII  (1893),  P-  544")^,  délia 
Zeitschrift  fiïr  romaniscbe  Philologie. 

Di  Juan  Rodriguez  ben  più  che  le  rime  importano  sicura- 
mente  le  prose.  Cosi  dichiarô  duc  volte,  a  distanza  di  tempo. 


1 1  6  PIO    RAJNA 

il  rimpianto  Menéndez  y  Pelayo,  che  dello  scrittore  galiziano  ha 
trattatoampiamente,  colla  solita  dottrina e  sagacia,  prima  nella 
Antologia  de  Poetas  liricos  Castellanos,  t.  V,  1894,  P-  ccvii-ccxxxv, 
e  poi  negli  Origenes  de  laNovda,  t.  I,  1905,  p.  ccciv-cccxii  '. 
Il  giudizio  sarebbe  stato  modificato  dalla  pubblicazione  del 
Rennert,  ignorata  la  prima  volta,  se  il  Menéndez  y  Pelayo  non  si 
fosse  sentito  poco  disposto  ^  a  riconoscere  col  Rennert,  p.  557- 
58,  e  più  ancora  col  Baist,  Spanische  Litteratur,  nel  Grundriss 
del  Grôber,  II,  11,  433,  come  appartenenti  in  proprio  a  Juan 
Rodriguez  tre  composizioni  eterogenee  —  «  romances  »  — , 
che  nel  codice  londinese  vanno  frammiste  colla  roba  corti- 
giana. 

Uno  dei  tre  era  già  stato  pubblicato  dal  Delius  fin  da 
quando  il  codice  era  di  récente  acquisto,  nel  volume  XIII  del- 
YArchiv  del  Herrig.  Ma  ne  di  questo,  che  è  una  versione  pecu- 
liare  del  Conde  Arnaldos  ^,  ne  délia  variante  qui  offertaci  dél- 
ia Infantina'^,  io  ho  ad  occuparmi  ora  di  proposito  5.  Voglio 
bensi  fermar  Tattenzione  sulla  Rosajîorida,  anch'  essa  dataci  in 
forma  distinta  da  quella  in  cui  l'accolsero  fino  dalla  meta  del 
secolo  XVI  le  note  collezioni  a  cui  attingono  i  moderni  ^.  Ri- 
produco  dal  Rennert,  p.  546-47  ',  il  testo  di   Londra  ;  e  gli 


1 .  AntoL,  p.  ccxxv,  «  Restan  de  Juan  Rodn'guez  del  Padrôn  très  libros 
en  prosa  mucho  mâs  interesantes  que  sus  versos  »  ;  Orig.,  p.  cccv,  «  Su 
prosa  vale  mâs  que  sus  versos  ». 

2.  Origenes,  p.  cccv.  V.  anche  Tratado  de  los  roviances  viejos,  in  Antol. 
de  poet.  lir.,  t.  XII,  1906,  p.  282. 

3.  DuRAN,  Romancero  gênerai,  n.  2^6;  Wolf  e  Hofmann,  Pr/wai'^ra  _)» 
jlor  de  Romances,  n.  153. 

4.  DuRAN,  n.  284  e  285  ;  Primavèra,  n.  154  e  154  fl. 

5 .  Me  ne  occupo  bensi  in  uno  scritto  intitolato  Osservaiioni  e  diihhi  con- 
cernenti  la  storia  dellc  romande  spagnuole,  da  cui  queste  pagine  sono  rampol- 
late,  e  che  figurerebbc  qui  in  loro  vece,  se  l'essermi  cresciuto  troppo  fra 
le  mani  non  mi  avesse  costretto  a  dargli  altra  destinazione. 

6.  DuRAN,  n.  584;  Primavèra,  n.  179. 

7.  Solo  aggiungo  alcuni  accenti,  modifico  l'interpunzioue,  talora  l'ag- 
gruppamcnto,  e  do  rilicvo  coll'iniziale  maiuscola  ai  versetti  dispari,  ossia  al 
principio  di  ogni  periodo  ritmico.  Le  correzioni  sicure  accolgo  tacitamente. 


ROSAFLORIDA 


ÎI7 


metto  accanto,    corne  si  fa  da  lui,  la  lezionc  del  Çancionero 
de  Romances,  indispensable  alla  discussione  che  terra  dietro. 


I .   Alla  en  aquella  ribera 

que  se  llama  de  Ungria, 

AIH  estaba  un  castillo 

que  se  llamaba  Chapiua. 
5  .   Dentro  estaba  una  donzella 

que  se  llama  Rosaflorida. 

Siete  condes  la  demandan, 

très  reyes  de  Lunbardi'a  ; 

Todos  los  a  desdenado, 
10.   tanta  es  la  su  loçania. 

Enamorôse  de  Montesinos 

de  oydas,  que  no  de  vista. 

Y  faz  a  la  média  noche 

vozes  da  Rrosaflorida. 
15,   Oydolo  abie  Blandinos, 

el  su  ayo  que  ténia . 

Levantârase  corriendo 

de  la  cama  do  dormia. 

l  Que  abedes  vos,  laRrosa  ? 
20.  i  Que  abedes,  Rrosaflorida, 

Que  en  las  vozes  que  dades 

parecés  loca  sandi'a  ? 

Ay  fablô  la  donzella, 

bien  oyrés  lo  que  diria  : 
25.  Ay  bienvengas  tu,  Blandinos, 

bien  sea  la  tu  venida. 

Llébesme  aquesta  carta  ; 

de  sangre  la  tengo  escrita. 

Llébesmela  â  Montesinos, 
30.   â  las  tierras  do  bivia, 

Que  me  viniese  â  vere 

para  la  Pascua  Florida. 

Por  dineros  no  lo  dexe  ; 

yo  pagaré  la  venida. 
3  5 .   Vestiré  sus  escuderos 

de  un  escarlata  fina  ; 

Vestyré  los  sus  rrapazes 

de  una  seda  broslida. 

Si  mas  quiere  Montesinos, 
40.   vo  mucho  mas  le  daria. 


En  Castilla  esta  un  castillo, 

que  se  llama  Rocafrida  ; 

Al  castillo  llaman  Roca, 

y  â  la  fonte  llaman  Frida. 

El  pié  ténia  de  oro, 

y  almenas  de  plata  fina  ; 

Entre  almena  y  almena 

esta  una  piedra  zafira  ; 

Tanto  relumbra  de  noche 

como  el  sol  â  mediodia. 

Dentro  estaba  una  doncella 

que  llaman  Rosaflorida. 

Siete  condes  la  demandan, 

très  duques  de  Lombardia  ; 

A  todos  les  desdeiiaba, 

tanta  es  su  lozam'a. 

Enamorôse  de  Montesinos 

de  oidas,  que  no  de  vista. 

Una  noche  estando  asi, 

gritos  da  Rosaflorida. 

Oyérala  un  camarero 

que  en  su  câmara  dormia. 

l  Que  esaquesto,  mi  seiïora? 

l  que  es  esto,  Rosaflorida  ? 

G  tenedes  mal  de  amores, 

ô  estais  loca  sandia. 

—  Ni  yo  tengo  mal  de  amores, 

ni  estoy  loca  sandia  ; 

Mas  llevâsesme  estas  cartas 

d  Francia  la  bien  guarnida  ; 

Diéseslas  â  Montesinos, 

la  cosa  que  yo  mas  queria. 

Dile  que  me  venga  â  ver 

para  la  Pascua  Florida. 

Darle  he  yo  este  mi  cuerpo, 

el  mas  lindo  que  hay  en  Castilla, 

Si  no  es  él  de  mi  hermana, 

que  de  fuego  sea  ardida. 

Y  si  de  mi  mas  quisiere, 

yo  mucho  mas  le  daria. 


Il8  PIO    RAJ\A 

Dall'é  yo  trynta  castillos,  Darle  he  siete  castillos, 

todos  rriberas  de  Ungrîa.  los  mejores  que  hay  en  Castilla. 

Si  mas  quiere  Montesinos, 

yo  mucho  mas  le  daria. 
45 .   Dall'é  yo  cien  marcos  d'oro, 

otros  tantos  «  de  plata  fina. 

Si  mas  quiere  Montesinos 

yo  mucho  mas  le  daria. 

Dair  é  yo  este  mi  cuerpo 
50.   siete  anos  d  la  su  gisa, 

Que  sy  dél  no  se  pagare, 

que  tome  su  mejorîa. 

Di  Rosaflorida  non  parlano  altri  «  romances  »  ;  ma  Mon- 
tesinos^ universalmente  noto  per  l'episodio  délia  «  cueva  » 
nel  Don  Chisciotte  (P'^  seconda,  cap.  xxii  e  xxiii),  ci  viene 
innanzi,  quale  protagonista  o  deuteragonista,  in  varii  ^.  Deu- 
teragonista  egli  è  in  quelli  a  cui  si  riferisce  e  di  uno  dei  quali 
cita  versi  il  Cervantes  :  protagonista  vi  è  il  cugino  Duran- 
darte,  cosi  chiamato  curiosamente  dal  nome  délia  spada 
d'Orlando  ' .  Ne  guardando  ad  essi,  o  ai  due  che  ci  rappre- 
sentano  una  sfida  e  un  sanguinoso  duello  fra  lui  ed  Oliviero 
per  ragione  di  una  donzella,  Aliarda  '^,  e  nemmeno  guardando 
a  quello  che  si  conchiude  colle  nozze  sue  colla  saracina  Guio- 
mar,  fattasi  cristiana  ^,  alcuno  potrebbe  indovinare  ciô  che 
vide  per  il  primo  Gaston  Paris  ^,  che  sotto  le  vesti  dello  spa- 
gnuolo  Montesinos  noi  abbiamo  il  francese  Aiol.  La  cosa  re- 

1.  «  /.  otro  ta!  ?  »,  demanda  il  Rennert.  Più  semplicemente,direi,  «  otro 
tan  ». 

2.  V.  per  la  série  in  génère,  MiLÂ  Y  Fontanals,  De  la  poesia  heroico- 
popiilar  castellana,  p.  346-51;  Menéndez  y  Pelayo,  Antol.  de  poet.  lir., 
XII,  411-25;  FoERSTER,  Aiol  et  Mirahel  und  Elic  de  Saint  Gille,He.\\- 
bronn,  1876-82,  p.  xx-xxii  ;  Normand  e  R.\ynaud,  Aiol,  Parigi,  1877 
(nella  coUezione  délia  Soc.  des  atic.  textes  fr.),  p.  Ij-lix. 

3.  Duran,  n.  385-93,  e  il  satirico  n.  436,  «  Durandarte,  buen  amigo  », 
dal  quale  si  puô  sospettare  che  venisse  al  Cervantes  qualche  spinta,  consi- 
derata  la  probabilità  che  in  causa  sua  Durandarte  sia  detto  riguardo  a 
Montesinos  0  da  lui  medesimo  «  su  grande  amigo  »,  «  mi  amigo  ».  Pii- 
viav.,  n.  180-82. 

4.  Duran,  n.  370  ;  Primav.,  n.  177  e  177  a. 

5.  Primav .,  n.  178. 

6.  Histoire  poétique  de  Cbarkmagne,  p.  212-13. 


ROSAFLORIDA  II9 

sulta  bensî  in  modo  indubitabile  da  due  «  romances  »  fon- 
damental! ',  di  cui  il  primo  conta,  con  tono  di  pretta  narra- 
zione  -,  i  casi  paterni  e  la  nascita  di  Montesinos,  e  il  seconde 
la  venuta  sua  alla  corte  e  la  vendetta  che  egli  prende  del  tra- 
ditore  Tomillas  '. 

Benaltro  carattere  ha  la  «  Rosaflorida  )^  cosî  concisa,  ra- 
pida,  piuttosto  lirica  che  narrativa  4.  Accadrà  perfino  di 
dubitare  che  Montesinos-Aiol  stia  qui  a  rappresentare  un  valo- 
roso  qualunque  délia  corte  di  Carlo  Magno,  e  seoccorre,  non 

1.  DuRAN,  n.  382-83  ;  Primav.,  n.  175-76. 

2.  Si  arriva  al  segno  di  darci,  senza  che  nella  moltiplicità  delle  fila  se 
n'abbia  la  giustificazione  (cfr.  Le fotiti  delV  Orlando  Furioso,  2aed.,  p.  143), 
formule  come  questa,  rispondentialle  abitudini  dei  narratori  ingenui  :  «  No 
prosigo  mas  del  rey,  sino  que  lo  dejo  estar  ;  Tornemos  d  don  Grimaltos...»; 
«  Dejemos  lo  de  la  corte,  y  al  conde  quiero  tornar».  Eil  racconto  ci  è  pre- 
sentato  come  un  «  exemplum  »,  ed  ha  un  cominciamento  affatto  insolito 
per  un  «  romance  »,  che  a  questo  carattere  aggiunge  ancora  rilievo  : 
«  Muchas  veces  oî  decir  v  â  los  antiguos  contar,  Que  ninguno  por  riqueza 
no  se  debe  de  ensalzar,  Ni  por  pobreza  que  tenga  se  debe  menospreciar. 
Miren  bien,  tomando  ejemplo  »  {al.  «  Mirad  bien,  tomad  ejemplo  »)  «  do 
buenos  suelen  mirar,  Como  el  conde  »  ecc. 

3.  Di  questa  composizione  il  Cancionero  de  romances,  ossia  la  più  primi- 
tiva  tra  le  raccolte  di  romanze  apparse  in  antico  (F.  Wolf,  Studien  \ur 
Geschichle  der  Spanischen  und  Portugiesischen  NationalUteratur,  Berlino, 
1859,  p.  514  sgg.,  e  hitroduzione  alla  P?-imavei-a,p.  lxix  sgg.  nella  ver- 
sione  spagnuola,  dentro  al  t.  VIII  délia  Antol.  de  poet.  lir.  cast.),  non  dà 
che  una  prima  parte  ;  e  la  dà  in  forma  che  non  combacia  bene  col  «  ro- 
mance »  anteriore.  In  esso,  quando  Montesinos  è  stato  partorito,  il  padre 
Grimaltos  prende  in  braccio  la  puerpera  e  lui,  e  con  questo  carico  arriva  ad 
un  romito,  che  battezza  poi  il  neonato,  iniponendogli  il  nome  che  le  cir- 
costanze  délia  nascita  suggeriscono  a  Grimaltos  ;  nelF  altro  il  padre  narra 
al  figliuolo  come  la  madré,  pertoritolo,  dicesse  al  marito  di  prendere  il 
bambino  e  di  portarlo  a  battezzare,  facendolo  chiamar  «  Montesinos  »  ;  e 
conforme  al  detto  è  dasupporre  che  sia  seguita  l'azione.  —  Il  dissenso  spa- 
risce  nella  lezione  data  dalla  Siîva  de  varias  romances  nell'  edizione  barcel- 
lonese  del  1582  (vedasi  nella  Primavera,  in  nota),  che  ci  offre  un  testo 
completo,  preso  verosimilmente  da  un  «  pliego  suelto  ». 

4.  Il  Menéndez  y  Pelayo,  Antologia,  XII,  411,  la  dice  «  lindisima  joya 
de  nuestra  poesia  popular,  cuyo  asunto  es,  en  el  fondo,  el  mismo  que  el 
de  la  linda  Melisefidra;  perotratado  con  mâs  delicadeza,  en  forma  casi  lirica 
y  envuelto  en  la  misma  atmôsfera  fantâstica,  que  se  respira  cou  deleite  en  los 
vagos  y  misteriosos  romances  sueltos  de  Fontefrida  y  Rosa  Fresca  ». 


120  PIO    RAJNA 

di  quella  soltanto.  Che  mutamento  s'avrebbe  mai  se  al  posto 
s  uo  si  mettessero  Rinaldo  S  Oliviero,  che  già  abbiam  visto 
suo  rivale  negli  amori  di  Aliarda,  «  Gaiferos  »  ^,  ed  anche 
La  ncilotto  oppure  Tristano  '  ?  E  movendo  dall'  analogia  che 
il  Menéndez  y  Pelayo  rileva  col  «  romance  »  délia  linda  Me- 
lisenda  o  Melisendra  ">,  che,  accesa  di  passione  per  il  «  conde 
Ayruelo»,  balza  nottetempo  dal  letto,  esce  dal  palazzo,  uccide 
un  «  alguacil  »  del  padre  che  la  vuol  fermare,  e,  aperte  per 
arte  d'incanto  le  porte  délia  dimora  di  Ayruelo,  arriva  a  lui  e 
gli  si  abbandona  5,  movendo,  dico,  di  qui,  vien  fatto  di  rani- 
me ntare  che  si  chiama  «  Melisenda  »  la  moglie  appunto  di 
Gaiferos  in  una  romanza  divulgatissima  ^,  e  che  questo  nome 
riceve  il  suggello  dell'  autenticità  dalla  sua  rispondenza  con 
quello  francese  di  «  Belissant  »,  portato  de  una  lussuriosa 
figliuola  di  Carlo  Magno  in  un  episodio  dell'  Amis  et  Amiles, 
in  cui  Corrado  Hoffmann,  approvato  poi  da  tutti,  vide  l'ori- 
gine délia  romanza  iberica  ^ . 

Ma  ci  son  fatti  i  quali  conducono  a  ritenere  che  Montesi- 
nos  non  sia  qui  punto  un  semplice  intruso.  Già  Wendelin 
Foerster,  proemiando  ail'  Aiol  ^,  avvertî  sagacemente  che  il 
nome  «  Rosaflorida  »  richiama  il  «  Bellarosa  »  dell'  Aioljo 
italiano  in  ottava  rima  :  uno  sgraziato  e  tardo  prodotto  délia 
nostra     letteratura   cavalleresca,  del  quale  ci  sono   note  per 


1.  MilA,  p.  354-55  ;  Menéndez  y  Pel.,  Antol.,  XII,  427-37. 

2.  MiLÂ,  p.  344-46;  Menéndez  y  Pel.,  Antol.,  XII,  378-87. 

3.  MiLÂ,  p.  382-85  ;  Menéndez  y  Pel.,  Antol.,  XII,  469-76. 

4.  Nel  passo  riferito  in  nota  testé.  E  si  veda  ciô  che  di  questo  «  romance  » 
è  stato  da  lui  detto  prima,  p.  388-91.  Il  Milâ  ne  discorre  a  p.  359. 

5.  DuRAN,  n.  522  ;  Primat/.,  n.  198. 

6.  Menéndez  y  Pel.,  p.  385-86.  Vive  tuttora  anche  fra  gli  ebrei  spa- 
gnuoli  del  Levante  ;  e  la  sua  popolarità  si  estende  al  Portogallo  e  alla 
Catalogua. 

7.  Amis  et  Amiles  et  Jourdain  de  Blaires,  Erlangen,  1852.  Nella  2»  edi- 
zione,  posteriore  di  trent'  anni,  che  mi  trovo  sotto  gli  occhi,  p.  v-vi  (in  nota). 

8.  A  p.  XXI.  Si  veda  qui  dietro  l'indicazione  bibliografica,  p.  118,  n.  2. 


ROSAFLORIDA  121 

esemplan  pervenutici  tre  edizioni  degli  anni  15 16-19  S  ^  che 
résulta  essere  stato  stampato  perlomeno  fino  del  1503  ^. 

Bellarosa  non  è  già  nel  poema  nostro  un  personaggio  episo- 
dico.  Ci  si  mostra  al  canto  quinto,  e  non  sparisce  che  alla  fine 
del  dodicesimo  ed  ultimo,  occupando  un  posto  ed  esercitando 
funzioni,  che  ne  fanno  un  appropriato  riscontro  per  la 
«  Rosaflorida  »  spagnuola  \  Figliuola  dell'  Argalia  od  Arga- 
liffo,  signore  di  Baldrach,  bella  quanto  si  puô  essere,  un  buf- 
fone  ne  porta  la  fama  a  Parigi,  destando  in  Aiolfo  una  passione 
irrefi'enabile.  Egli  vuol  andare  ad  acquistarla.  Non  lo  sgomenta 
il  sapere  che  per  ottenerla  dovrcà  combattere 

Prima  con  mille,  puo'  con  dua  mille, 
po'  con  trea  milia  gente  armate  tutti  ; 

indi,  successivamente,  con  quattro  cani,  dueleoni,  un  drago. 
Parte  dunque  col  buffone,  e  dopo  varie  avventure  arriva  a 
Baldrach,  dove  gli  si  présenta  lo  spettacolo  di  dieci  impic- 
cati,  suoi  predecessori  nella  disperata  intrapresa.    Viene  in 

1.  Si  veda  la  Bihlîografia  Melziana.  lo  studiai  e  sunteggiai  questo  Aiolfo, 
od  «  Aîolpho  »,  più  di  quarant'  anni  fa  alla  Marciana,  sopra  un  esemplare 
deir  edizione  milanese  del  15 18,  appartenuto  ad  Apostolo  Zeno.  Il  Foer- 
ster  e  gli  editori  francesi  competitori  suoi  ebbero  invece  davanti  l'edizione 
del  15 19.  V.  FoERSTER,  p.  X  ;  Normand  e  Ravnaud,  p.  xlvij. 

2.  Un'  edizione  veneziana  recante  quella  data  è  registrata  da  Marin 
Sanudo  in  un  elenco  di  ben  trenta  poemi  e  poemetti  italiani,  quasi  tutti 
cavallereschi,  contenuto  nel  Codice  Marciano  369  délia  Cl.  IX.  Ital.,  c.  225- 
232.  Di  ciascun  poema,  oltre  al  luogo,  stampatore  ed  anno,  si  dà  la  prima 
stanza.  Una  notizia  del  notevole  documento,  grazie  al  quale  veniamo  a 
conoscere  non  poche  edizioni  ignote  ai  bibliografi  moderni,  pubblicô  il 
Crescini,  sotto  il  titolo,  alquanto  discutibile,  «  Marin  Sanudo  precursore  del 
Melzi  »,  prima  nel  Gioniale  storico  délia  Letterahira  italiana,  V,  181-85,  e 
"çox  nt\  M oXmwQ  Per  gli  stiidi  roman::^i,  Padova,  1892,  p.  155-61.  I  libri 
forse  appartenevano  al  Sanudo  stesso  ;  forse  piuttosto  stavano  nella  biblio- 
teca  del  cognato  suo  Giovanni  Malipiero.  V.  Bertoni,  «  Le  manuscrit 
provençal  D  et  son  histoire  »,  Annales  du  Midi,  XIX(i907),  p.  242. 

3.  Dell'  andamento  générale  di  tutta  l'azione  possono  informare  gli 
«  argomenti  »  dei  canti,  che  sono  riprodotti  tanto  dagli  editori  francesi 
deir  Aiol,  p.  xlvij-1,  quanto  dal  tedesco,  p.  xi-xiii.  Quest'  ultimo  aggiunge 
qualche  particolare  a  p.  xviii. 


122  PIO    RAJNA 

cospetto  deir  Argalia,  manifesta  il  proposito,  e  non  nasconde 
la  condizione  sua  di  cristiano.  Bellarosa,  che  subito  s'è  in- 
namorata  di  lui  per  ciô  che  gliene  ha  detto  una  cameriera,  lo 
va  a  vedere,  s'infîainma  ancor  più,lo  arma  lei  stessa,  e  gli  dà  un 
cristallo,  che  basterà  mostrare  al  drago  per  farlo  cader  morte. 
Aiolfo  esce  vincitore  da  tutte  le  prove,  e  costringe  colla  forza 
l'Argalia,  répugnante,  a  consentire  aile  pattuite  nozze.  Avanti 
che  si  celebrino  Bellarosa  vorrebbe  gustarne  il  dolce  ;  ma 
Aiolfo  dichiara  che  ella  deve  prima  esser  cristiana.  La 
fanciulla  lo  informa  di  insidie  che  hanno  a  temere  dal  padre; 
e  per  suo  consiglio  si  prépara  una  fuga.  Il  giorno  appresso  si 
celebrano  le  nozze  ;  e  nella  notre  successiva  gli  sposi  scap- 
pano  in  barca,  mentre  l'Argalia  è  assopito  per  virtù  di  un 
beveraggio  somministratogli  dalla  figHa.  Approdano  a  un'i- 
soletta  ;  ed  ivi  Aiolfo,  dopo  aver  mangiato,  si  lascia  vin- 
cere  dal  desiderio  che  prima  aveva  tormentato  Bellarosa, 
generando  in  lei  due  gemelli,  ai  quali,  in  castigo  dell'  aver 
cosî  violato  la  legge  cristiana,  non  si  aggiungeranno  altri  figU; 
ne  a  ciô  si  limitera  punto  il  castigo.  Ucciso  un  terribile  ser- 
pente, ucciso  il  suocero  che  con  un  numeroso  stuolo  lo  ha  rag- 
giunto,  fugati  gl'  inseguitori,  Aiolfo  arriva  colla  moglie  ad  un 
romitaggio  ;  e  lî  avviene  il  battesimo.  Passati  poi  in  Ponente, 
i  due  corrono  gravissimo  pericolo,  per  motivo  délia  passione 
destata  in  un  ospite  dalla  bellezza  délia  donna.  Ma  i  coniugi 
sono  separati.  Aiolfo  è  tenuto  in  prigione  ;  Bellarosa  si  sgrava 
e  coi  due  neonati  è  chiusa  in  una  cassa  bucata,  che  è  immersa 
in  un  hume,  ma  che  per  miracolo  divino  non  si  riempie 
d'acqua  ed  è  spinta  verso  Venezia,  dove  approda  presso  il 
monastero  di  S.  Zaccaria.  Le  monache  la  vedono,  l'aprono,  vi 
trovano  portentosamente  addormentati  madré  e  figliuoli,  li 
accolgono,  danno  battesimo  ai  bimbi,  che  sono  chiamati 
Sadoro  e  Mirabello,  ed  ospitano  lungamente  tutti  e  tre,  senza 
venir  mai  a  sapere  chi  realmente  siano.  Frattanto  Aiolfo  è 
stato  tratto  di  prigione  dal  re  Luigi  suo  zio  ;  ed  andandosene 
poi   sconsolato  per  il  mondo,  capita  anch'  egli  a  Venezia,  e, 


ROSAFLORIDA  I23 

sotto  finto  nome,  va  quai  capitano  a  liberar  Candia  da  un 
saracino,  che  se  n'erà  impadronito  e  l'aveva  resa  ribelle,  e 
sconfigge  poi  anche  le  genti  venute  alla  riscossa.  Una  burrasca 
lo  sbalestra  a  Napoli,  città  saracina  essa  stessa,  e  per  tal 
modo  gli  procaccia  altre  avventure.  Ritorna  poi  a  Venezia, 
non  più  incognito;  e  la  nuova  délia  sua  presenza  essendoi 
giunta  a  S.  Zaccaria,  Bellarosa  manda  a  lui  i  figliuoli,  che 
sono  frattanto  cresciuti,  ed  ha  quindi  la  gioia  di  riunirsi  col 
marito  festante.  Più  tardi  Aiolfo,  con  un  esercito  del  quale 
fanno  parte  i  due  giovani,  viene  in  soccorso  dei  Veneziani  per 
un'altra  guerra  di  Candia,  nuovamente  ribelle,  a  cui  tien  die- 
tro  una  impresa  di  Costantinopoli,  che  procaccia  ad  uno  de 
figli  la  figliuola  dell'  imperatore  quai  moglie,  e  la  corona  impé- 
riale, che  gli  è  imposta  in  Roma.  E  da  Costantinopoli,  dov'è 
con  lui  la  madré  Bellarosa,  accade  che  questi  venga  poi,  tras- 
portato  da  demonii,  sui  quali  ha  potere,  a  salvare  Parigi  da  un 
gravissimo  pericolo.  L'ultimo  canto  narra  di  un'  andata  di 
Aiolfo  al  Santo  Sepolcro,  e  del  veleno  che  nel  ritorno  gli  è 
propinato  a  S.  Giovanni  d'  Acri  da  un  maganzese.  Il  figlio, 
colle  sue  arti,  riesce  ad  averloseco  morente  a  Costantinopoli; 
ed  ivi,  per  il  dolore  di  lui,  spira  arcor  prima  di  lui  Bella- 
rosa. 

Che  la  somiglianza  fra  i  nomi  «  Bellarosa  »  e  «  Rosaflo- 
rida  «  provenga  da  un'intima  connessione  in  cambio  di  essere 
effetto  di  uno  mero  incontro  fortuito,  parrà  probabilmente 
cosa  troppo  dubbia,  perché  fosse  qui  da  fermarsi  a  dar  conto 
particolareggiato  di  un  poema  da  strapazzo,  sia  pure  non 
accessibile  ai  più.  Ma  si  badi.  Una  «  chanson  de  geste  »  che  ha 
coir  Aiol  rapporti  strettissimi,  mi  fornisce  in  funzioni  ana- 
loghe  un  terzo  nome  singolarmente  adatto  a  fare  ufficio  di 
mediatore  fra  gli  altri  due,  sicchè  ne  résulta  un  ravvicina- 
mento  impensato.  L'omonimia  e  la  tendenza  a  narrare  dei  padri 
allorchè  i  figliuoli  erano  famosi,  condussero  a  convertire  in 
storia  giovanile  del  padre  di  Aiol  un  Elle  de    Saint  Gilles,  o 


124  PIO    RAJNA 

semplicemente  Elie,  che  in  origine  gli  era  afFatto  estraneo  '. 
Ivi  il  protagonista,  trovandosi,  corne  Aiol,  in  terra  saracina, 
vi  suscita  l'amore  di  «  Rosamonde  »,  figliuola  del  re  Macabre, 
che  per  lui  si  fa  cristiana,  e  che  dovrebbe  secondo  tutte  le  nor- 
me délia  logica  de'  romanzi  diventare  sua  moglie,  se  il  biso- 
gno  di  metter  d'accordo  VElie  coll'  Aiol  non  avesse  costretto 
chi  rimaneggiô  il  poema  a  sostituire  allô  scioglimento  natu- 
rale  una  conclusione  artifiziosa.  Ora  si  consideri  il  nome 
«  Rosamonda  ».  O  non  è  forse  espressione  esatta,  ma  più 
chiara  e  appropriata,  di  ciô  che  a  un  orecchio  latino  esso  pareva 
dire,  rosa  monda  (del  significato  primitive  germanico  nessuno 
aveva  sentore)  %  il  «  Bellarosa  »  datoci  dal  testo  italiano  in  ot- 
tava  rima  ?  E  alla  sua  volta  il  «  Rosaflorida  »  spagnuolo  ri- 
specchia  in  altra  maniera  «  Rosamonde»,  con  sostituzione  di 
epiteto,  ma  serbando  ai  componenti  l'ordine  in  cui  si  presen- 
tavano.  Sicchè  io  sono  indotto  a  pensare,  essere  esistita  una 
redazione  in  cui  la  dama  e  futura  sposa  di  Aiol  si  chiamasse 
«  Rosamonde  ».  Immaginare  che  il  «  Rosamonde  »  dell'  Elie 
esercitasse  indipendentemente  un'  azione  sull'  onomastica 
délia  progenie  spagnuola  e  délia  progenie  italiana  dell'  Aiol, 
sarebbe  cosa  affatto  aliéna  dalla  verosimiglianza,  tanto  più  che 
VElie  ebbe  scarsa  divulgazione  K 

Un  nome  ha  prodotto  un  lungo  discorso.  Per  ciô  che  concerne 
l'azione  adombrata  nella  romanza  spagnuola  posso  sbrigarmi 
in  brève.  Rispetto  ad  essa  un  riscontro  ben  migliore  di  quello 
fornito  dal  poema  in  ottave  (anche  qui  sono  stato  prece- 
duto  dal  Foerster,  p.  xxi  e  xviii)  è  offerto  dal  testo  italiano 
in  prosa  di   Andréa  da  Barberino  +  e  da    esso    soltanto.    La 

1.  VElie  de  Saint  Gille,  oltre  che  dal  Foerster  nel  volume  varie  volte 
citato,  è  stato  pubblicato  separatamente  dal  Ravnaud  nel  1879  per  la.  Société 
des  anciens  textes  français.  Nel  giudizlo  sulla  condizione  primitiva  del  poema 
concordano  gli  editori  :  Raynaud,  p.  xix-xx  ;  Foerstkr,  p.  xliv-xlv. 

2.  Si  puô  vedere  Fôrsthmann,  Altdeutsches  namenhich,  t.  I,  2=»  éd.,  Bonn, 
19CX),  col.  1282. 

3.  V.  Foerster,  p.  xliii-xliv,  Raynaud,  p.  xxiii-xxiv. 

4.  Storia  di  Ajolfo  del  Barhicone  ecc,  Bologna,  1863-64;  due  volumi 
curati,  in  servigio  délia  Conimissione  per  i  Testi  di  Lingua,  da  Leone 
Del  Prête. 


ROSAFLORIDA  125 

Leonida  che  in  questa  redazione  risponde  alla  Bellarosa  di 
quelloiii  ottava  rima,  alla  Mirabel  délia  «  chanson  de  geste  », 
innamoratasi  di  Aiolfo  «  de  oydas,  que  no  de  vista  » 
(posso  valermi  délie  parole  stesse  del  «  romance  »),  per  il 
gran  bene  che  aveva  sentito  dire  di  lui  dal  gigante  Torna- 
buc,  ritornato  di  Francia  (cap.  xxx),  chiama  a  se  un  suo 
nano  di  nome  Farlet,  e,  non  altrimenti  da  ciô  che  fa  Rosa- 
florida  coll'  aio  Blandinos,  gli  affida  una  lettera  da  portare  a 
colui  che  ella  ama,  perché  abbia  da  venirsene  a  lei  (cap. 
XXXI  ;  e  V.  poi  anche  xxxiii).  Fra  il  «  romance  »  e  la  nostra 
prosa  ci  sono  anche  convenienze  di  parole  '  ;  ma  non  sono 
esse  che  contano  ^. 

Ha  cosi  messo  salde  radici  ha  persuasione  che  la  Rosa- 
florida  sia  proprio  un  fiore  sbocciato  suU'  albero  dell'  Aiol.  E 
una  radice  s'aggiunge  per  fatto  dell'  analoga  Melisenda.  Il 
nome  «  Ayruelo  »  che  ivi  è  dato  al  «  conde  »  di  cui  la  fan- 
ciuUa  si  è  accesa  non  mi  par  proprio  essere  altra  cosa  che 
un  adattamento  di  »  Aiol  »  aile  convenienze  castigliane. 
Ma  anche  un  altro  elemento  ci  porta  alla  medesima  fonte. 
Mentre  Melisenda,  «  hija  del  eniperante  »,  figliuola  del- 
l'imperatore,  non  diversamente  dalla  Belissant  dell'  Amis  et 
Amiles  da  cui  proviene  invece  il  nome  suo,  ha  nella  stessa  resi- 
denza  paterna,   appunto  come   Belissant  (nel    «  romance  » 


1.  V.   25,  «  bien  vengas  tu,  Blandinos  »  :  I,  58,  «   Ben  vegna  il   mio 

Farlet.    »  —  V.    27-31,  «    Llébesme    aquesta  carta â  Montesinos... 

Que  me  viniese  â  vere  »  :  p.  59,  «  da  sua  parte  gli  portasse  una  lettera... 
promettendogli  moite  ricchezze  s'egli  facesse  tanto,  che  '1  Valletto  la 
venisse  a  vedere.  » 

2.  Piuttosto  rileverô  che  tanto  Rosaflorida,  quanto  Lionida  non  si  limi- 
tano  a  toccar  la  corda  del  sentimento.  Rosaflorida  prende  sopra  di  se  le 
spese  del  lungo  viaggio,  promette  di  vestire  di  ricclii  abiti  scudieri  e  val 
letti,  off"re,  per  tacere  di  trenta  castelli,  cento  marchi  d'oro  e  cento 
d'argento  (v.  34-46);  Lionida,  certo  più  delicatamente,  manda  «  uno 
anello,  nel  quale  era  una  ricca  pietra  di  gran  valuta  »  (p.  59).  —  Noterô 
altresi  che  la  prima  dichiara  di  aver  scritto  la  lettera  col  (proprio) 
sangue  (v.  28)  ;  e  la  seconda  dice  che,  mentre  scriveva,  dovette  moite 
volte  rasciugarsi  le  lagrime  per  non  bagnare  il  «  brieve  ». 


I2é  PIO    RAJNA 

non  ci  moviamo  dalla  città,  nella  «  chanson  »  non  usciamo 
nemmeno  dal  palazzo)  l'oggetto  de'  suoi  ardori,  ecco  che 
venuta  ad  Aymelo,  gli  dice,  «  yo  soy  una  morica  venida  de 
allende  el  mar  ».  Glielo  dica  pur  anche  scherzosamente,  lo 
scherzo  dove  avère  un'  origine,  che  ora  intendiam  bene, 
Sicchè  la  Melisenda  ci  apparisce  contaminazione  di  due  terni 
affini  :  di  uno  principale,  emanato  dall'  Amis  et  Amiles,  e  di 
uno  secondario,  che  mette  capo  ail'  Aiol,  e  che  in  forma 
autonoma  ci  è  rappresentato  dalla  Rosaflorida,  la  quale  ottiene 
di  qui  una  riprova  del  suo  esser  realmente  ciô  che  vuol 
essere.  Cosi  stando  le  cose  si  capisce  anche  bene  che  tra  i 
due  «  romances  »  s'abbiano  o  si  determinino  comunanze  di 
parole  e  di  versi  ',  siano  poi  da  porre  comunque  si  voglia  le 
partite  del  dare  e  dell'  avère.  E  altresî  si  capisce  che  in  una 
versione  si  sia  potuta  chiamare  «  Melisendra  »  la  Guiomar, 
che  otterrà  per  marito  Montesinos  ^. 

Qui  le  spiegazioni  riescono  ovvie  e  persuasive.  Ma  corne 
spiegheremo  i  rapporti  délia  Rosaflorida  cogli  Aiolfi  italiani  ? 

Sarà  da  premettere  che  essi  sono  suscettibili  di  una  sem- 
plificazione  ;  ed  oso  anzi  dire  che  una  semplificazione  viene 
ad  imporsi.  Al  posto  délia  prosa  di  Andréa  da  Barberino  e  del 
poema  in  ottava  rima,  da  assegnarsi  rispettivamente  con 
verosimiglianza  al  principio  e  alla  fine  del  secolo  xv  ^,  vorrà 

1.  Melis.  :  «  i  Que  es  aquesto,  Melisenda  ?  i  Esto  que  podia  estar  ? 
i  O  vos  teneis  mal  de  amores,  6  os  quereis  loca  tornar  !  —  Que  no  tengo 
mal  de  amores,  ni  tengo  porquien  penar  ».  —  Rosaflor.  di  Londra  :  «  i  Que 
abedes  vos,  la  Rrosa  ?  i  Que  abedes  Rrosaflorida,  Que  en  las  vozes  que 
dades  parecés  loca  sandia  ?  »  Rosaflor.  del  Cancion.  de  Rom.  :  «  ^  Que  es 
aquesto,  mi  seiîora  ?  ^  Que  es  esto,  Rosaflorida  ?  O  tenedes  mal  de 
amores,  ô  estais  loca  sandia.  —  Ni  yo  tengo  mal  de  amores  ny  estoy  loca 
sandi'a  ». 

2.  Menénd.  y  Pel.,  AntoL,  XII,  418-9,  in  nota. 

3.  Andréa  da  Barberino  era  nato  nel  1370  o  giù  di  li  (V.  la  «  Prefa- 
zione  »  del  Vandelli  al  testo  dei  Reali  di  Francia,  Pte  J»,  Bologna,  1892, 
p.  cvi,  in  nota),  e  V Aiolfo  non  pare  da  considerare  come  una  delle  prime 
sue  opère.  Quanto  al  poema,  giudico  dall'  insieme  ;  ma  ad  una  determi- 
nazione  positiva  potranno  forse  condurre  le  ribellioni  candiotte.  Di  un 
curioso  rapporto  col  Morgaiilc  ho  bisogno  di  potcr  discorrcrc  con  agio  ;  c 


ROSAFLORIDA  127 

essere  sostituito,  per  cio  che  riguarda  il  problema  attuale,  un 
uiiico  testo,  nel  quale  la  principessa  saracina  destinata  a  diven- 
tar  moglie  di  Aiolfo  agisse  corne  agisce  nella  redazione  pro- 
saica  e  si  chiamasse  con  un  nome  atto  a  darci  ragione  da  una 
parte  di  «  Bellarosa  »,  dall'  altra  di  «  Rosaflorida  »,  e  preci- 
samente,  corne  è  venuto  ad  apparire  assai  probabile,  «  Rosa- 
monde  »,  «  Rosamonda  » .  La  sostituzione  riceve  lume  ed 
appoggio  dai  résultat!  a  cui  un  confronte  diligente  fra  le  due 
versioni  italiane  ha  condotto  il  Foerster.  Mentre  gli  editori 
francesi  dell'  Aiol,  guardando  le  cose  alquanto  superficial- 
mente,  avevano  visto  nel  poema  null'  altro  «  qu'une  imita- 
tion lointaine  de  la  version  en  prose  d'Andréa  »  (p.  xlvij), 
il  loro  competitore  tedesco  appurô  esserci  nel  poema,  nono- 
stante  il  suo  grande  allontanamento  dalla  tradizione,  un  certo 
numéro  di  tratti,  maggiori  e  minori,  che  trovano  rispon- 
denza  nelF  Aiol  francese  e  non  l'hanno  nella  prosa  nostra,  o 
che  ve  la  trovano  migliore  che  in  questa  (p.  xix).  In  pari 
tempo  erano  altresî  venute  a  manifestarglisi  convenienze  spe- 
ciali  fra  le  due  redazioni  italiane  ;  sicchè  la  conclusione 
doveva  essere,  e  fu,  che  esse  mettessero  capo  a  un  comune 
ascendente,  distinto  dalla  «  chanson  de  geste  »  pervenuta  a 
noi  ;  ascendente  che  il  Foerster  considéra  come  già  propiio 
deir  Italia.  Ad  essa  potè  appartenere,  e  nondimeno  essere 
pur  sempre  francese  di  linguaggio.  Chi  ignora  oggidî  quanto 
intensamente  nellenostre  regioni  settentrionali  (a  Venezia,  o 
Il  presso,  dovett'  esser  composto  il  poema  in  ottava  rima)  si 
sia  narrato  in  francese  fino  al  declinare  del  secolo  xiv  '  ? 

perd  rinunzio  a  trattarne  in  questo  luogo.  Notera  bensi  non  essere  da 
fare  assegnamento  sopra  un'  ultima  ottava  dalla  quale  il  poema  appari- 
rebbe  composto  proprio  per  esser  stampato,  da  taie  che  doveva  pubblicar 
poco  dopo  il  Carlo  Martello.  «  Carlo  martello  si  domanda  questo  ||  con  i 
fatti  d'ugo  fia  stampito  presto  »,  dicono  i  versi  finali.  Qjuesta  ottava  puô 
troppo  bene  venire  da  un  editore,  anzichè  dall'  autore.  Cfr.  la  Bihïiografia 
melziana,  p.  19  e  295  nell'  edizione  origiuaria  del  1838  (i  versi,  a  p.  293), 
p.  6  e  114  nell  rimaneggiamento  del  Tosi. 

I .  L'informazione  più  ricca  per  questo  soggctto  si  trovcrà  in  uno  scritto 


128  PIO    RAJNA 

A  un  testo  francese  in  prosa,  non  conservato  o  non  cono- 
ciuto,  pensa  corne  a  fonte  diretta  di  Andréa  da  Barberino, 
assegnandolo  a  quel  secolo,  la  coppia  Normand-Raynaud  '  ;  e 
un  argomento  spéciale  che  se  n'adduce  ci  tocca  troppo  da 
vicino  per  non  essere  qui  riferito.  Una  traccia  dell'  originale 
che  Andréa  aveva  davanti  è  scorta  là  dove  alla  principessa  che 
Aiolfo  ha  condotto  di  Spagna,  si  dà  in  Parigi  il  battesimo  : 
«  ...  E  quando  furono  per  battezzarla,  non  sappiendo  corne  le 
porre  nome,  el  re  Aluigi  misse  el  capo  dentro  e  videla  ignuda. 
E  la  reina  la  ricoperse,  e  disse  :  O  santa  corona,  vaglia 
cortesia.  E-1  re  si  volse,  e  tre  volte  disse  :  Par  nostre  Dame, 
par  nostre  Dame,  par  nostre  Dame  de  Paris,  je  non  vi  oncques 
mais  plus  mirable  dame^.  E  per  questa  parola  le  fu  poste 
nome  Mirahildam.  E  cosî  si  mutô  el  nome  di  Lionida  in  Mira- 
bildam  ;  benchè  molti  la  chiamano  Mirabella  ;  ma  guastano 
el  nome.  »  '  La  traccia  tuttavià  pottrebb'  esser  fallace.  Non  è 
punto  da  escludere  che  Andréa  da  Barberino,  avvezzo  aile 
letture  in  lingua  d'oïl,  abbia  immaginato  lui  la  curiosa  sce- 
netta,  inspirata  ad  intenti  etimologici,  che  a  lui  ben  con- 
vengono''.  Certo  poi   essa  pare  inventata   piuttosto  di  qua 

di  Paul  Meyer,  u  De  l'expansion  de  la  langue  française  en  Italie  pendant 
le  moyen  âge  »,  pubblicato  negli  Atti  del  Congresso  Internaiionale  di 
Science storichc  tenuto  a  Roma  nell'  aprile  del  1903,  Vol.  IV,  p.  61-104. 
Quanto  alla  durata  del  fenonieno,  si  confronti  colla  p.  93  di  questo 
scritto  una  mia  nota  a  p.  1 5  délia  2»  edizione  délie  Fonti  delV  Orlando 
Furioso,  Firenze,  1900,  e  ciô  che  mi  è  accaduto  di  mettere  in  chiaro  riguar- 
do  al  tempo  in  cui  fu  composto  V Attila  di  Nicolo  da  Càsola,  Romania, 
XXXVII,  96-102. 

1.  Introd.,  p.  XLV. 

2.  L'editore  Del  Prête,  I,  327  (n.  74),  dice  di  aver  cercato  alla  meglio 
di  correggere  queste  parole,  date  spropositatamente  nei  codici.  Non  mi 
do  qui  la  briga  di  ricorrere  ad  essi,  per  meglio  assodare  la  lezione. 

5.  Fine  del  cap.  lxxi;I,  139-40. 

4.  Riportero  ciô  che  mi  trovo  aver  scritto  a  proposito  de'  suoi  Reaîi  di 
Francia  nellc  Ricerclje  destinate  a  servira  d'introduzione  al  testo,  Bologna, 
1872  (p.  302)  :  «  Più  volte  l'autore  si  studia  d'interpretare  i  nomi  e  di 
mostrarne  l'origine.  Riccieri  a  suo  dire  era  prima  chiamato  Ricciardo  ; 
Riccieri  fu  dctto  'perché  venue  poi  tutto  ricciuto'  (I,  19).  Maganza,  l'epo- 


ROSAFLORIDA  I29 

che  di  là  délie  Alpi,  poichè  spiega  meglio  il  nome  Mirabel, 
Mirabella,  a  chi  diceva  mirabil,  mirabel,  e  cogli  accenti  poteva 
fare  a  fidanza,  che  a  chi  profFeriva  mirabh.  Bensi  essa  mostra 
nota  ad  Andréa  la  denominazione  originaria  délia  donna, 
la  quale  d'altronde  si  riflette  anche  nel  nome  Mirabello, 
imposto  '  ad  uno  dei  figliuoli  ;  e  gli  potè  esser  nota  tanto 
dalla  redazione  che  è  da  ritenere  essere  stata  comune  capo- 
stipite  alla  prosa  nostra  ed  al  poema  in  ottave,  quanto  dalla 
«  chanson  de  geste  »  o  da  che  altro  so  io  ;  dacchè  l'inda- 
gine  dimostra  che  il  romanziere  toscano  fu  industrioso  rac- 
coglitore  e  ingegnoso  compilatore  di  versioni  diverse  di  una 
medesima  storia  ^.  Dira  qualche  cosa  in  favore  délia  prima 
ipotesi  l'osservazione  che  la  conoscenza  del  nome  Mirabel, 
Mirabella,  renderebbe  ancor  più  piana  la  metamorfosi  da 
■  me  supposta  di  Rosamonde  in  Bellarosa.  Qualche  cosa,  non 
molto  ;  poichè,  con  Mirabella  davanti,  Rosamonda  avrebbe 
dovuto  diventare  piuttosto  Rosabella.  E  si  consideri  che 
anche  dopo  il  preteso  mutamento  di  nome  Andréa  seguita  a 
chiamare  imperturbatamente  Leoiiida  la  donna  '  ;  il  che 
prova  che  si  tratta  di  un  elemento  per  lui  atîatto  accessorio 
e  deve  rendere  noi  molto  proclivi  a  vederci  un'  intrusione. 
Ma  da  tutte  queste  dubbiezze  speciali  sgorga  una  conclusione 
générale  e  di  lungaportata  :  la  conoscenza  nostra  délie  vicende 

nima  délia  perfida  gesta,  fu  cosi  denoniinata  dalla  madré  'per  lo  regno  che 
avea  cambiato,  che  vieae  a  dire,  'io  ô  maie  changié'  (I,  22).  Fioravante 
significa  '  questo  fior  vada  inanzi  '  (II,  i).  » 

1.  L'imposizione  scgue  nel  c.  clxxiii  :  t.  I,  p.  285. 

2.  Si  osservi  alla  p.  217  délie  citate  Ricerche  lo  schéma  col  quale  diedi 
forma  grafica  a  ciô  che,  rispetto  al  1.  IV  dei  Reali,  ossia  al  Biiovo,  era  venuto 
resultandomi  dallo  studio  particolareggiato  antécédente.  Preziose  diluci- 
dazioni  ebbe  poi  ad  aggiungere  il  frammento  riccardiano  di  un'  altra 
redazione  toscana  in  prosa,  a  me  allora  ignota.  V.  Zeit.J'àr  roman.  Pbilol., 
XII,  493,  500-502. 

3 .  Una  volta  (non  oso  dire  che  sia  l'unica)  la  cosa  gli  torna  a  mente  e 
gli  desta  come  un  po'  di  scrupolo  ;  ma  nuU'  altro  ne  esce  se  non  un  «  Non 
si  potrebbe  dire  el  pianto  che  facea  Lionida,  per  altro  nome  chiamata  Mi- 
rabildam  »  (cap.  cii  ;  I,  195). 

Mélanges.  II.  o 


130  PIO    RAJNA 

dell'  Aiol  è  peggio  che  imperfetta  ;  e  ben  più  numerosi  dei 
testi  che  possediamo  sono  da  ritenere  i  perdu ti.  Ciô  è  da  aver 
ben  présente  ritornando  alla  Rosaflorida. 

Dato  che  autore  fosse  realmente  Juan  Rodriguez,  saremmo 
tratti  a  riflettere  che  questi  (mi  affido  al  Menéndez  y  Pelayo, 
Antologîa,  V,  ccxiii,  e  ne  uso  le  parole)  «  viajô  mucho 
por  Italia,  en  companîa  de  su  senor  »  :  D.  Juan  de  Cer- 
vantes, un  prelato  che  rappresentô  una  parte  notevole  nella 
politica  *  e  che  ben  dovette  vivere  a  lungo  nella  curia  ponti- 
ficia  e  perô  fra  noi,  se  fu  creato  cardinale  fino  dal  1426, 
quattro  anni  avanti  di  essere  titolare  délia  prima  tra  le  sedi 
vescovili  ed  arcivescovili  spagnuole  a  cui  lo  troviamo  succes- 
sivamente  preposto  ^,  taluna  délie  quali  forse  non  lo  vide  nep- 
pure.  Ma  non  si  pensi  di  aver  qui,  viceversa,  un  buon  argo- 
mento  per  l'assegnazione  del  «  romance  »  al  rimatore-novel- 
liere.  Il  vagabondaggio  perpetuo  dei  cantastorie  e  conta- 
storie,  l'ufizio  che  essi  adempivano  di  scemare  ai  signori  la 
noia  dei  lunghi  viaggi,  l'énorme  richiamo  di  pellegrini 
che  esercitavano  Roma  da  una  parte,  Compostella  dall'altra', 
ben  poterono  trasportar  nella  Spagna  un  Aiol  rifoggiato  qui 
da  noi,  specialmente  se  francese  di  linguaggio  ;  ne  d'altronde 
è  detto  che  il  nome  e  l'episodio  da  cui  sono  rannodati  la 
Rosaflorida  e  gli  Aiolji  italiani  non  siano  preesistiti  in  qualche 

1 .  V.,  a  buon  conto,  Ciacconio.  Viiae  et  res  gestae  Ponlificiim  Rovmnonini 
et  S.  R.E.  Cardinal ium,  t.  II,  col.86o-6i  ;  von  Hefele,  Cojicil!eiii:^escJnd'te, 
VII,  774.  Negli  atti  divulgati  del  Concilio  diBasilea  il  nome  del  Cervantes  — 
«  Johannis  tituli  sancti  Pétri  ad  vincula  presbyteri  cardiualis  »  —  mi  appare 
la  prima  volta  il  6  settembre  1432,  Labbé,  Sacrosancta  Concilia,  ediz. 
Coleti,  t.  XVII,  col.  255.  Era  già  in  quel  primo  anno  con  lui  Juan  Ro- 
driguez, che  a  Basilea  fu  certamcnte,  conservandone  triste  ricordo  ? 

2.  Dal  Gams,  Seiies  Episcoporum  Ecclesiae  Catholicae,  Ratisbona,  1873, 
ricavo  che  esse  furono  Tuy  (1430),  Avila  (1438),  Segovia  (1442),  Siviglia 
(1449).  È  da  escludere  Burgos.  Quale  arcivescovo  di  Siviglia  il  Cervantes 
mori  nel  1453  ;  ^  '^  Siviglia  ebbe  sopoltura. 

3.  A  questi  pellegrinaggi  domandai  la  spicgazionc  di  un  rapporte 
italo-spagnuolo  relative  alla  Icggcnda  di  Roncisvalle,  che  ci  si  mostra 
nientemeno  che  nel  1131.  V.  Archivio  storico  italiano,  série  4^,  t.  XIX 
(1887),  p.  51-52. 


ROSAPLORIDA  I3I 

redazione  spettante  propriamente  alla  Francia.  Certo  poi  la 
presenza  di  una  redazione  siffatta  nella  penisola  iberica  è,  più 
che  domandata,  richiesta  da  ciô  che  è  accaduto  di  osservare 
rispetto  alla  Melisenda. 

Con  tutto  ciô,  se  dei  tre  '<  romances  »  che  nel  codice  di 
Londra  stanno  colle  poésie  di  Juan  Rodrîguez  uno  dovesse  pro- 
prio  appartenergli,  questo,  secondo  me,  avrebbe  ad  essere  la 
Rosaflorida.  Rispetto  agli  altri  l'ufficio  suo  non  puô  essere- 
andato  al  di  là  del  raccogliere  e  mettere  in  iscritto.  Cosi 
vogliono  gli  sgorbi  che  le  lezioni  londinesi,  guardate  in  se 
stesse  e  raffrontate  con  quelle  che  abbiamo  da  altre  fonti,  ven- 
gono  a  manifestarci. 

Ma  più  genuina  délia  londinese  non  è  da  reputare  analoga- 
mente  anche  la  Rosaflorida  del  Cancionero  de  Romances  ?  Ad 
affermarlo  parrebbe  d'esser  subito  condotti  dal  paragone  dei 
due  cominciamenti.  Il  nostro  pone  la  scena  nella  remota 
Ungheria  e  in  un  enimmatico  castello  che  chiama  «  Cha- 
piua  »  vale  a  dire  «  Chapiva  «,  o  forse  piuttosto  «  Chapina  ». 
L'altro  la  mette  nella  Castiglia  stessa  e  profterisce  dei  nomi 
familiari  agli  orecchi  spagnuoli  in  connessione  col  nostro 
soggetto  o  almeno  colla  sua  materia,  «  Rocafrida  »,  «  Fon- 
tefrida  ».  Vero  che  dei  due  castelli  di  «  Rocafrida  »,  che,  in 
condizione  di  ruderi,  si  additavano  al  tempo  di  Filippo  II  ', 
l'uno,  dove  proprio  la  gente  di  allora  faceva  risiedere  la 
«  Rosaflorida  »  délia  romanza  ^  e  venire  a  vivere  e  morire, 
attratto  da  lei,  Montesinos,  era  nella  Mancha,  in  prossimità 

1.  Menéndez  y  Pelayo,  Antoh,  XII,  411-14.  I  dati  souo  forniti  da 
«  Relaciones  »  ufficiali  di  quel  tempo,  che  cominciarono  ad  esser  messe  a 
profîtto  dal  Pellicer  nelle  note  al  Don  Chisciotte.  Del  Pellicer,  di  cui  il 
Menéndez  y  Pelayo  si  vale,  ho  davanti  anche  il  testo,  nell'  edizione  di  otto 
volumi  in  16°,  Madrid,  1798-99,  t.  VI,  p.  317-22. 

2.  Di  questa  gli  abitanti  de'  luoghi  (credo  bene  essi  stessi  c  non  l'estcn- 
sore  délie  loro  risposte)  citavano  un  doppio  ottonario  che  non  è  nella 
lezione  del  Cancionero  de  Romances,  e  che  andrebbe  qui  inscrite  tra  il 
secondo  cd  il  terzo  : 

Por  agua  tiene  la  entrada  y  por  aguala  salida. 


132  PIO    RAJNA 

délia  <'  Cueva  »  di  cm  tanto  c'intrattiene  il  Cervantes  '  ;  e 
l'altro,  che  al  ciclo  epico  carolingio  si  trova  rannodato  da  una 
preghiera  che  la  vigilia  dell'  Ascensione  si  recitava  ogiii  an  no 
dopo  la  messa  «  por  el  rey  Pepino  »  in  un  antico  prossimo 
romitaggio  al  quale  s'andava  processionalmente,  sorgeva 
presso  Zorita  de  los  Canes  nella  provincia  di  Guadalajara. 
Ma  di  qui  resultan  pur  sempre  dati  per  la  popolarità,  e  con- 
seguentemente  presunzioni  per  l'antichità  délia  lezione  del 
Cancionero  de  Romances.  Tuttavia  questo  stesso  motivo  ci 
rende  mal  concepibile  la  sostituzione  délia  londinese,  che 
invece  si  capisce  benissimo  corne  potesse  essere  scacciata.  E 
sa  di  originario  il  nome  «  Blandinos  »,  suggerito  forse  dalla 
«  Brangain  »,  «  Brangien  »  —  «  Brandina  »  talora  in  testi 
italiani  —  fida  ancella  d'Isotta,  per  l'aio  di  «  Rosaflorida  », 
che  rimane  anonimo  nella  versione  del  Cancionero.  Nella  quale 
il  basamento  d'oro  délie  muraglie,  i  mûri  d'argento,  gli 
zaffiri  e  il  conseguente  splendore  notturno,  che  danno  al 
castello  un  carattere  fantastico,  possono  molto  bene  essere 
stati  trasportati  d'altronde.  Per  le  gemme  e  la  luce  ciô  è 
anzi   da  affermare  risolutamente  ^.  E  contro  ciô  a  me  stesso 


1.  In  me  il  sentir  Don  Chisciotte  manifestare  un  gran  desiderio  di 
entrarci  per  «  ver  d  ojosvistas,  si  eran  verdaderas  las  maravillas  que  de 
ella  se  dezian  por  todos  aquellos  contornos  »  (P'e  2»,  c.  xxii),  e  il  modo 
stesso  come,  sotto  forma  di  parodia,  si  svolge  poi  l'episodio,  determinano 
la  convinzione  che  se  ne  contasse  ben  altro  che  quanto  è  noto  a  noi  : 
taie  da  far  dire  al  Pellicer  (éd.  cit.,  p.  327),  «  Las  marabillas,  que  de  la 
Cueva  de  Montesinos  se  decian  por  todos  aquellos  contornos,  no  eran  â 
la  verdad  tantas,  como  pondéra  Cervantes,  afectando  seguir  la  voz  del 
pueblo  ».  Credo  cioè  che  se  ne  dovessero  narrare  cose  analoghe  a  quelle 
che  si  raccontavano  délia  grotta  nostra  délia  Sibilla  di  Norcia  e  del  germa- 
nico  Monte  di  Venere,  e  che  a  Montesinos  si  fossero  attribuite  avventure 
da  farlo  apparirc  uno  stretto  consanguineo  del  Tannhàuscr  e  di  Guerino  il 
Meschino. 

2.  Il  Menéndez  y  Pelayo,  p.  411,  rilcva  corne  i  versi  «  Entre  almena  y 
almena  esta  una  piedra  zafira  ;  Tanto  relumbra  de  noche  como  el  sol  â 
mediodia  »,  trovino  riscontro  nel  «  Romance  de  Rovalias  el  pagano  », 
DuRAN,  n.  2.  Primai',  n.  126  :  «  Encima  en  cl  chapitel  estaba  un  rubî 
prociado  :  Tanto  relumbra  de  noche  como  el  sol  en  dia  claro.  »  Ora  qui  si 


ROSAFLORIDA  I33 

era  accaduto  di  pensare  dapprima,  direi  cavata  d'altronde 
anche  la  menzione  d'uha  sorella,  dalla  quale  Rosaflorida  si 
riconosce  superata  o  uguagliata  in  bellezza  : 

Darle  he  yo    este  mi  cuerpo  el  mas  lindo  que  hay  en  Castilla, 
Si  no  es  él  de  mihermana,  que  de  fuego  sea  ardida. 

Una  menzione  siffatta  ne  hariscontro  od  appiglio^  che  io  sappia, 
dentro  alla  stirpe  degli  Aiol  \  ne  convieneal  soggetto  conside- 
rato  in  se  medesimo. 

parla  di  un  padiglione  ;  e  il  tratto  è  un  luogo  comune  délie  descrizioni 
appunto  di  padiglioni,  cosi  copiose  nella  letteratura  cavalleresca  délia  Fran- 
cia  e  deir  Italia.  Valgano  le  indicazioni  fornite  nelle  Foiiti  delV  Orlando 
Furioso,  2^  éd.,  p.  378-80.  Alla  maniera  medesima,  per  esemplificare,  il 
padiglione  d'Alessandro  del  Romans  d'AUxandre,  éd.  Michelant,  p.  53,  ha 
in  funzione  di  pomo  (d'una  délie  aste  chelo  reggono)  «  un  carboucle  qui 
luist  par  nuit  oscure  »  ;  e  del  padiglione  di  Luciana  dice  il  Pulci,  Mor- 
gante,  XIV,  86,  «  I  carbonchi  e  le  gemme,  ch'  egli  avia,  Facean  d'oscura 
notté  parer  giorno  ».  E  citerô  anche,  di  su  la  stampa  del  Vandelli  (V. 
Fonti,  p.  379,  n.  10),  questo  passo  che  occorre  sulla  fine  del  polimorfo 
Padiglione  di  Carlo  Magiio  :  «  Di  mezza  notte  vi  parea  di  giorno.  El  fusto 
suo  era  d'ambra  e  di  corallo  »  —  verso  alterato  —  «  E'I  piedistallo  è  d'oro 
e  di  cristallo.  »  Qui,  corne  si  vede,  ha  rispondenza  in  condizioui  diverse 
anche  «  El  pié  ténia  de  oro  ». 

I.  Riscontro  od  appiglio  avrebbe  invece  in  quella  dei  Floovent,  dove  due 
fanciuUe,  Maugalie  e  Florete  nella  «  chanson  de  geste  »,  Drugiolina  o 
Drusolina  e  Galerana  nelle  redazioni  italiane,  innamorano  eutrambe  perdu- 
tamente  dello  straniero  protagouista.  Fra  le  due  non  è  parentela  nella 
«  chanson  »  ;  ma  nelle  versioni  nostre  sone  cugine  germane,  figliuole  di 
fratelli  ;  e  nel  Lihro  délie  storie  di  Fioravante,  cap.  xxxiii  (Ricerche  intorno 
ai  Reali  di  Francia  ecc,  p.  391)  puô  accadere  che  l'una  rivolga  la  parola 
all'altra  chiamandola  «  Sirocchia  mia  ».  La  rivalità  produce  nella 
«  chanson  »  due  scène  da  segnalare.  Nella  prima  Florete,  non  riuscita  a 
farsi  baciare  da  Floovant  e  ben  comprendendo  esserne  causa  Maugalie, 
rende  omaggio  alla  sua  bellezza  —  «  Bien  la  devez  amer,  car  elle  ai  le 
cors  gent  »  éd.  Michelant-Guessard,  p.  17,  v.  516  (cfr.  p.  67,  v.  2198- 
99)  — ,  ma  le  dà  accusa  d'esser  leggiera,  provocando  il  giovane  a  dirle,  — 
V.  521  —  «  Moult  la  aez,  pucele  ».  Nell'  altra  —  p.  20-21,  v.  640-671  — 
le  due  fanciuUe  «  Formant  se  contralient  a  deçai  et  délai  ;  Jai  venisent 
ansanble  »,  cioè  aile  mani,  «  quan  l'on  les  desservrai  ».  L'esito  nondimeno 
è  lieto  ;  poichè,  se  Maugalie  ottiene  per  marito  Floovant,  Florete 
finisce  per  contentarsi  di  sposarne  il  prode  scudiero  e  compagne  Richier 
—  p.  67-70,  v.   2184-2272  —  e  se  ne  trova  bene.  —  Invece  nelle  ver- 


134  PIO    RAJKA 

E  come  non  vedo  ragioni  che  obblighino  a  togliere  a  Juan 
Rodriguez  la  Rosaflorida,  talunane  vedo  che  aggiunge  unpoco 
di  conforto  ail'  attribuzione  del  codice  di  Londra.  Fra  i  tre 
«  romances  »  esso  è  il  primo  ;  e  se  non  è  preceduto  da  un  affer- 
mativo  «  Romance  suyo  »,  a  quel  modo  che  in  capo  ad  altre 
composizionisi  legge  «  Motesuyo  »,  «  Cancionsuya  »,  a  Can- 
cion  suyo  »_,  «  Otras  suyas  »,  si  distingue  pur  sempre  in  qualche 
misura  dai  due  confratelli  col  non  portar  nulla  là  dove  essi  hanno 
ungenerico  »  «  Rromance  »,  «  Romance  ».  E  imitazione  délia 
poesia  del  popolo  piuttosto  che  poesia  di  popolo  la  Rosa- 
florida mi  par  essere  anche  per  la  natura  dei  rapporti  che  la 
legano  alla  stirpe  dell'  Aiol.  Cosi  ben  si  capirebbe  che  fosse 
opéra  di  un  rimatore  che  El  conde  Arnalâos  e  La  infanlina 
attesterebbero  aver  prestato  orecchio  con  simpatia  ai  canti 
che  tra  il  popolo  erano  divulgati,  alla  maniera  come  lo  diede, 
prendendone  lo  stampo  e  lo  spunto  a  composizioni  spicca- 
tamente  proprie,  un  contemporaneo  di  Juan  Rodriguez,  il 
Carvajal  '.  Ma  tutto  questo  non  basta  davvero  perché  io  mi 
permetta  un'  asserzione  ;  sicchè  mi  trovo  ridotto  a  sperar 
luce  da  una  più  larga  e  profonda  esplorazione  del  materiale 
manoscritto.  Saprà  dirci  nulla  il  Foulché-Delbosc,  postosi 
alla  bella  impresa  di  raccogliere  e  pubblicare  riunito,  sia  pure 
con  «  carâcter  esencialmente  provisional  »,  sotto  il  titolo  di 
Cancionero  Castellano  del  siglo  XV,  «  todo  el  caudal  poético  » 
di  questo  tempo,  e  che,  quai  tomo  19  délia  Niieva  Biblio- 
teca  de.  Antores  Espaholes,  ha  cominciato  dal  darci  (Madrid, 
19 12)   il  cominciamento  dell'   opéra  ?    —  Si   vedrà    ^  suo 

tempo. 

Pio  Rajna. 

sioni  italiane  la  catastrofe  è  tragica.  Avendo  Fioravantc,  prigioniero  e 
dato  in  custodia  aile  due  fanciulle  e  da  loro  invitato  a  scegliere,  dichiarato 
di  risolversi  per  Drugiolina  o  Drusolina,  Galerana  si  ritrae  nella  sua  caméra, 
e  strette  le  pugna,  cade  morta  a  terra  (Fioravante,  cap.  xxxiii,  p.  392  ; 
Reali,  1.  II,  cap.  xv). 

I.  Dei  due  «  Romances  )>  del  Carvajal  discorro  nello  scritto  indicato 
nella  n.  5  délia  p.  116. 


L^  ANNEI  SENECAE 

OPERA,     ET    AD    DlCENDI      FACVLTATEM,    ET      AD 

bcncuiucndûutiliiïima.pcr  des.  erasmvw  rote  r  o  d.cx 
ficJeuctmimcodicû,tum  cxprobatisautoribus^poflremofigaci  non 
tjunquâ  diuinationclîc  cmcndata,  ut  mcrito  prioré  a:ditionê.ipfo  ab/ 
fcmcperadlâ,nolit  habcri  pro  fua.Confer  Si,  ita  rem  habere  côperies. 

Adicdta  funteiufdem  fcholia  nonnalla. 


L0n     JYi^^^ 


^^ttc'ynûrt^    {^-  ^"^^"^ 


i; 


BASILE  AB    IN    OFPICINA    FROBENIANA. 
AN  NO         Mt     D.     XXIX* 


hit  fTlnetum   (^*f-    tA  ^.^^    ^      y'  '  f  -  . 


^    y»vkk7  Az»        0 


<lc.Hu/arc^     ^^  '  Slfasryti.o^  p^^,  ^^^^  ^^^j'^    /^/ ^  ^ 


r 


Page    155. 


r 

/3^ 


NOTE  SUR  UN  LIVRE  PORTANT  UN 
HOMMAGE  D'ÉRASME 


La  bibliothèque  de  la  ville  de  Salins  du  Jura,  possède  un 
exemplaire  de  l'édition  des  œuvres  de  Senèque  le  philosophe, 
donnée  par  Erasme  en  1529,  et  dont  le  titre  est  reproduit  ci- 
contre  enfacsimile. 

C'est  un  petit  in-fol.  deSffnc,  690pp.,  9  ffnc,  avec  signa- 
tures a^  a-z'',  A-Z^  Aa-Ii^  KK^,  K-/.-",  L1+,  Mm*^,  Nn^  Au  fnc. 
9^  final,  se  trouve  ce  colophon  :  Basileae  ex  officina  fro- 
BENiANA  II  per  Hieronymum  \  Frobenium  &  loannem  Herva- 
gium.  Il  Mense  Martio.  Anno  M. D. XXIX.  jj  Sur  le  verso,  la 
marque  de  Froben,  la  même  que  celle  du  titre. 

L'exemplaire  qui  est  à  Salins  est  couvert  d'une  reliure  du 
xvi^  siècle,  en  peau  de  truie  gaufrée  et  c'est  semble-t-il  la 
reliure  primitive.  Des  deux  fermoirs,  un  seul  subsiste  et  le 
dos  a  été  refait  au  xvii^  siècle,  en  veau,  sans  doute  par  les 
soins  des  capucins  de  Salins  à  qui  il  a  appartenu,  comme  en 
témoigne  ces  mots  Ad  Usiim  fratriun  Capucinoriun  Conven- 
tus  Salinensis,  qui  se  lisent  sur  le  titre. 

Ce  qui  rend  à  la  fois  intéressant  et  précieux  ce  volume, 
c'est  l'hommage  suivant  qu'il  porte  :  Hamii  Caininge  pbrysio 
ainico  Des.  Erasnms  Rot.  dono  dédit.  iS2p.  ^  Id.  jan. 

Deux  notes  de  mains  plus  récentes,  écrites  un  peu  au-des- 
sous, à  droite  et  à  gauche,  montrent  qu'à  une  époque  déjà  loin 
de  nous,  on  faisait  grand  cas  de  ce  Sénèque  :  La  première  dit  : 
Hic  maniim  Des.  Erasmi  scrihentis  deosculare.  L'autre  note 
ajoute  :  AdnerteJjoc  digniiin  peculiari  consideraone  [pour  conside- 
ratiojie]  et  un  astérisque  renvoie  à  la  dédicace. 

Sous  les  lignes  tracées  par  Érasme  se  voit  un  nom  :  P  Mo- 
reau,  à  qui,  au  xvi*-'  siècle,  le  livre  a  appartenu. 


13e  M.-LOUTS    POLAIN 

Aucun  doute  ne  peut  s'élever  sur  l'authenticité  de  l'auto- 
graphe d'Erasme  et  nous  ne  nous  attarderons  pas  là-dessus. 

Nous  voulons  seulement  identifier  le  personnage  à  qui  le 
célèbre  humaniste  a  donné  ce  volume  et,  s'il  est  possible, 
expliquer  la  suite  de  la  destinée  de  celui-ci. 


Haijo  Caminga  ou  plutôt  van  Cammingha  fut  lié  avec  la 
plupart  des  érudits  de  son  temps  et  il  entretenait  avec  eux  les 
plus  cordiaux  rapports.  Sa  biographie  complète  est  encore  à 
écrire  et  malheureusement  ce  que  nous  en  savons  se  réduit  à 
peu  de  chose.  C'est  dans  les  très  rares  lettres  de  lui  que  nous 
possédons  et  dans  celles  de  quelques-uns  de  ses  correspon- 
dants que  nous  avons  trouvé  les  éléments  de  l'esquisse 
suivante. 

Il  appartenait  à  une  ancienne  famille  noble  de  la  Frise, 
dont  plusieurs  membres  ont  laissé  des  traces  dans  l'histoire. 
Son  père,  Pieter  van  Cammingha,  seigneur  d'Ameland,  joua 
un  rôle  important  dans  la  sédition  de  Leeuwarden  en  1487. 
Il  laissa  trois  fils  :  Sicco,  Wytso  (celui-ci  lui  succéda  comme 
seigneur  d'Ameland)  et  Haijo  qui  nous  occupe. 

Ce  dernier  naquit  au  début  du  xvi^  siècle,  peut-être  en  1503, 
et  c'est  à  Leeuwarden  qu'il  reçut  sa  première  instruction  sous 
la  direction  d'Antoine  de  Cologne.  Parmi  ses  condisciples 
d'alors  il  convient  de  citer  Viglius  van  Aytta  de  Zuichem  qui, 
par  la  suite,  lui  demeura  très  attaché. 

Haijo  Cammingha  montra  de  bonne  heure,  paraît-il,  un 
goût  très  vif  pour  l'étude  et,  comme  beaucoup  de  ses  com- 
patriotes, il  fréquenta  pour  se  perfectionner  les  écoles  et  les 
universités  des  Pays-Bas,  de  l'Allemagne,  de  l'Italie  et  de  la 
France.  Sa  vie  est  errante  de  môme  que  celle  de  tant  d'hu- 
manistes de  ce  temps,  et  il  n'est  pas  aisé  d'en  suivre  exacte- 
ment les  étapes. 

Le  I"  mai  1528,  après  un  long  voyage  en  Allemagne,  il 
arrive  à  Dôle,  dont  l'Université  alors  florissante  attirait  beau- 


NOTE    SUR    UN    HOMMAGE    D  ERASME  I37 

coup  de  Belges.  Il  y  retrouve  Viglius  Zuichem  comme  nous 
l'apprend  une  lettre  de  celui-ci  '.  Nous  ignorons  la  durée  du 
séjour  de  Cammingha  à  Dôle,  mais  nous  pensons  qu'il  se 
prolongea  jusqu'à  la  fin  de  janvier  1529.  Ce  serait  en  cette 
ville  qu'il  reçut  la  lettre  d'Erasme,  du  12  novembre  I528^ 

En  février  1529  Cammingha  a  rejoint  Erasme  à  Bâle  '  et  il 
vécut  avec  lui  jusqu'à  la  fin  de  1530,  tant  à  Bâle  qu'à  Fri- 
bourg  ^.  Il  voyagea  alors  en  Italie,  et  retourna  en  passant  par 
Louvain,  dans  son  pays  natal  où  il  se  trouve  au  début  de 
1532  5.  Il  semble  avoir  fait  alors  en  Frise  un  assez  long  séjour. 
En  1533,  le  2  septembre,  il  écrit  de  Leeuwarden  à  Érasme  dont 
la  prochaine  venue  en  Brabant  lui  était  annoncée,  et  il  prie 
son  ancien  maître  et  ami  de  venir  chez  lui,  mettant  à  sa  dis- 
position sa  maison  et  ses  jardins^. 

Nous  pensons  que  c'est  encore  à  Leeuwardçn  qu'il  reçut  les 
deux  lettres  que  Vighus  lui  écrivit  de  Spire,  le  8  septembre 
1535  et  le  15  juillet  1536.  Dans  cette  dernière,  Viglius  l'en- 
gageait fort  à  se  marier,  mais  Cammingha  ne  se  laissa  pas  con- 
vaincre, et  toute  sa  vie  demeura  célibataire  7. 

En  15 41  il  est  de  nouveau  en  voyage.  Une  lettre  qu'il 
écrit  à  Ausone  Hoxvier  établit  sa   présence  à  Louvain  vers  la 

1.  A  son  beau-père  Bernard  Bucho,  datée  de  Dôle,  1528,  9  mai  (dans 
Analecta  beîgica  de  Hoynck  van  Papendrecht,  II,  i,  pp.  4-6). 

2.  Datée  de  Bâle  (dans  Opéra,  éd'ii. Le  Clerc,  t.  III  :  epistolae,  col.  1128- 
II 30). 

3.  Lettre  d'Erasme  à  Haijo  Hermannus,  Bâle,  1529,  25  février  (Epist. 
III,  II 59)  et  lettre  de  Viglius  à  Érasme,  Dôle  1529,  23  m^irs  (Analecta  beî- 
gica, II,  I,  9-10). 

4.  Lettre  d'Erasme  à  Gérard  ab  Herema,  Fribourg  1530,  31  janvier 
(Epist.  III,  II 28-1 150). 

5.  Lettre  d'Hector  Hoxvier  à  Érasme,  Franeker,  1532,  16  mars  (Fôrste- 
mann  et  Gûnther.  Briefe  an  Dcsiderins  Erasnnis  dans  le  27e  Beiheft  :^.  Cen- 
tralbl.f.  Bihliotheksiuesen,  Leipzig  1904,  pp.  200-203). 

6.  Lettre  de  Haijo  Cammingha  à  Erasme,  Leeuwarden  1533,  2  sept. 
(Fôrstemann et  Gûnther,  pp.  228-229). 

7.  Ces  lettres  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  Manus- 
crits II,  1040,  ff.  1293-130^  et  6920,  pp.  116-117  (lettre  du  8  sept.  1535) 
etibitl.,  II,  [040,  ft.  i55'>b  (lettre  du  15  juillet  1536). 


138  M. -LOUIS    POLAIN 

fin  de  mai'.  Tl  se  rend  ensuite  en  France,  à  Bourges  et  à 
Orléans^,  et  ne  reprit  le  chemin  de  la  Frise  qu'en  1542. 

Pour  cette  année  nous  possédons  deux  lettres  que  lui  adressa 
son  vieil  ami  Viglius. 

Celui-ci  avait  perdu  sa  mère,  Ida  van  Heringa,  et  Haijo  lui 
avait  écrit  dans  cette  circonstance  si  triste,  une  lettre  dont  la 
cordialité  avait  fort  touché  Viglius  qui  lui  en  exprima  sa 
vive  gratitude  le  25  février  \  La  seconde  lettre  de  Viglius, 
datée  de  Bruxelles  1542,  13  août,  nous  apprend  que  Cam- 
mingha  revenant  en  Frise,  se  trouvait  alors  à  Cambrai  4.  Le 
18  octobre  1544  il  est  à  Lomme,  auprès  d'Utrecht,  l'hôte  d'un 
personnage  dont  il  ne  dit  pas  le  nom  K 

Après  cette  date,  nous  ne  savons  rien  de  précis  sur  son  exis- 
tence. Son  frère  Wytso,  mort  sans  fils  le  10  octobre  1552,  lui 
avait  par  testament  du  25  octobre  1541  ^,  laissé  la  seigneurie 
d'Ameland,  mais  il  n'en  jouit  pas  longtemps. 

Le  19  décembre  1556  il  tombait,  le  crâne  fracassé  par  un 
noble  frison,  Feije  Houwerda,  devant  le  Weeshuis  à  Leeu- 
warden. 

Les  causes  de  cette   mort  tragique  sont  inconnues  et  les 

1.  Datée  :  Pridie  Pentecostis  (dans  Epistolariwi  ah  illustrihus  et  claris 
viris  scriptaruin  ceitturiae  très  quas  passiin  ex  aiitographis  collegit  et  edidit 
Simon  Ahhcs  Gahhema .  Groningue,  1666,  in-12.  Pp.  537-540). 

2.  Lettre  de  Viglius  à  Haijo  Cammingha,  Ingolstadt  1541,  28  juillet  (mss. 
II,  1040^  de  la  bibl.   royale  de  Bruxelles,  199  et  199*)- 

3.  Dans  Gabbema,  pp.  552-554,  et  ms.  de  Bruxelles,  II,   1040-,  f.  11. 

4.  Mss.  de  Bruxelles,  II,  1040%  pp.  44  et  45. 

5.  Lettre  de  Haijo  Cammingha  à  Hector  Hoxvier  (dans  Gabbema,  pp. 

S40-543)- 

6.  Houwinck  (Jan),  De  staatkuiulige  en  Rechlsgeschiedenis  van  Ameland  tôt 
de\e  eeuiu . . .  Leiden,  Ijdo,  1899,  in-S»,  p.  172.  Te  Water  Qona  Willem), 
Historié  van  het  verbond  en  de  smeekschriften  dcr  ncderlandscbe  edelen,  ter  ver- 
krijgingen  van  vrijbeid  in  den  Godsdienst  en  Burgerstadt  in  dejaaren  i^Sj-isôj. 
Middelburg,  Gillisscn,  1776-1796,  in-8",  4  vol.,  II,  314-317  et  note  2. 
Eekhoff  (W.-J.),  Geschiedkundige  Beschriijving  van  Lecmvarden ,  de  hofstad 
van  Friesîand.  Leeuwarden,  Eekhof,  1846,  in-80,  2  vol.  II,  pp.  388  et 
389.  Van  der  Aa,  Biographisch  Woordenhoeck  der  Nedcrianden. ..  Harlem, 
van  Brederode  [1858],  in-S",  III,  p.  45. 


NOTE    SUR    UN    HOMMAGE    D  ERASME  I39 

recherches  faites  dans  le  rôle  et  les  arrêts  criminels  du  conseil 
de  Frise  pour  les  années  1556  à  1562  n'ont  donné  aucun 
résultat  '. 

Haijo  Cammingha  fut  inhumé  dans  l'île  d'Ameland  et  la 
pierre  tombale  familiale  dresse  encore  aujourd'hui  sa  masse 
imposante  dans  l'église  de  Ballum.  On  y  lit  ces  mots  con- 
cernant notre  personnage:  a°  1556  den  19  decembris  sterf 

DEN  EEDELEN  EERENWHESTEN  ENDE  WELGEBOREN  HEER,  HEER 
HAIJO    VAN  CAMMINGHA,  HEER  VAN  AMELANDT  ^. 


Il  serait  intéressant  de  connaître  comment  ceSénèque  donné 
par  Érasme  à  Haijo  Cammingha,  se  trouve  aujourd'hui  à 
SaHns.  Nous  avouons  en  être  réduit  aux  conjectures.  Il  est 
possible  que  le  volume  ait  été  apporté  à  Salins  par  Cammin- 
gha lui-même.  Il  a  pu  recevoir  le  présent  d'Erasme  alors  qu'il 
se  trouvait  ci  Dôle.  D'autre  part,  nous  savons  que  Viglius 
Zuichem  se  rendit  ci  Salins  en  1530  pour  y  visiter  les  sources 
salines. 

Il  n'est  pas  impossible  qu'avant  de  se  rendre  à  Bâle  auprès 
d'Érasme,  Cammingha  ait  également  visité  Salins,  et  par 
inadvertance  ou  autrement,  y  ait  laissé  ce  livre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  volume  en  question  devint  plus  tard 
la  propriété  de  ce  P.  Moreau  dont  nous  avons  relevé  le  nom 
sur  le  titre.  Mais  qui  était  ce  Moreau  ? 

C'est  certainement  le  même  homme  à  qui  ont  appartenu 
deux  incunables  et  un  manuscrit  conservés  aujourd'hui  à  la 
bibliothèque  de  Besançon  K 

Le  premier  de  ces  incunables  est  un  exemplaire  de  l'édition 

1.  Communication  de  M.  le  D""  Berns,  archiviste  de  la  Frise. 

2.  Je  dois  le  texte  de  cette  épitaphe  à  M.  le  D""  J.  Loosjes,  pasteur  men- 
iionite  à  Hollum  et  Ballum.  La  pierre  tombale  des  Cammingha  a  été  repro- 
duite en  carte  postale. 

5.  Castan,  Cat.  des  incunables  de  la  hihl.  puhl.  de  Besançon.  Besançon, 
1893,  in-80,  no  43,  pp.  28-29,  et  no  139,  pp.  95-96.  Cat.  des  viss.,  I, 
p.  461,  no  742. 


140  M. -LOUIS    POLAIN 

de  VAIexander  Magmis  de  praeliis,  s.  1,  n.  typ.,  1490,  in-4°. 
(Hain  781.  Pellechet,  448)  ;  il  porte  trois  ex-libris  :  à  la  fin  du 
volume  :  Ce  présent  Hure  appartient  a  L.  Mareschal,  d'une 
écriture  du  xvi^  siècle  ;  sur  le  titre  :  Est  Pétri  Moreau  et  sur  le 
fnc.  2  r°  :  Collegii  Dolani  Soc.  Jesii  catalogo  inscriptns  IJ^S. 
L'autre  incunable  est  une  édition  de  Nicolas  de  Ausnio,  Sup- 
plementnm  stnnmae  Pisanellae.  Venise,  Fr.  Renner,  1483,  in- 
fol.  Hain*  2165.  Pellechet  (1638).  Il  porte  deux  ex-libris  :  P. 
Moreau  et  Ad  vsumfr.  Cap.  Conuentus  Salin  (puis)  Willafinen- 
sis  (xvw^  s.).  Le  ms.  n°  742,  Concilium  Basileense,  porte  au 
bas  du  f.  2  cet  ex-libris  Est  Pétri  Moreau,  s.  p.  d.  (sacrae 
paginae  doctoris).  Ce  ms.  provient  également  des  capucins 
de  Salins  chez  qui  il  fut  trouvé  à  la  Révolution  et  attribué  aux 
Archives  du  Jura,  puis  offert  à  l'évêque  constitutionnel  Moïse. 

L'examen  de  l'écriture  permet  de  dire  que  ces  trois  volumes, 
de  même  que  le  Sénèque  dont  nous  parlons,  ont  appartenu  à 
la  même  personne. 

Il  nous  paraît  possible  de  l'identifier  avec  un  chanoine  de 
Saint-Jean-Baptiste  de  Salins  qui,  en  1582,  obtint  la  permis- 
sion d'ériger  un  couvent  à  Salins,  comme  le  constate  le 
passage  suivant  du  manuscrit  3 1  (fonds  Dunaud)  de  la  bibUo- 
thèque  de  Besançon  :  Prieurés  et  maisons  religieuses.  Fnc.  232 
his  v°  :  Salins.  Permission  d^eriger  un  couvent  audit  Salins  en 
date  du  2^  may.  IJS2,  )^  vol.  des  actes  importans  du  Parle- 
ment, fol.  86  v°  et  2^  reg.  fol.  26.  pierre  Moureau  chan.  de  S.  fean 
baptiste  de  Salins  obtint  V agrément  du  card.  de  la  baume  archev. 
de  Besançon,  celuy  de  f.  de  Vergy  gouverneur  ;  délibération  de  la 
ville,  on  alla  a  Lyon  en  IJS2.  On  obtint  du  R.  P.  férômc  de 
Milan,  2  religieux,  on  les  logea  d'abord  a  Vhérmilage  de  S.  fean 
le  2  août  1JS2.  Ils  y  restèrent  un  an;  transféré  au  lieu  dit 
S.  Pierre  le  martyr,  paroisse  que  l'on  dit  la  r^  paroisse  du  pays. 

Ce  même  Pierre  Moreau,  aidé  d'un  de  ses  collègues,  le 

chanoine  Blondel,  avait  commencé  en  1569  à  organiser  un 

collège  à  Salins  '. 

I.  Tripard  (J.),  Notices  sur  la  ville  et  les  communes  du  canton  de  Salins. 
Paris,  Dumoulin,  1881,  pp.  217  et  219. 


NOTE    SUR    UN    HOMMAGE    D  ERASME  I4I 

C'est  chez  les  capucins  du  faubourg  Saint-Pierre  que  la 
première  bibliothèque  publique  de  Salins  fut  établie  par  les 
soins  du  mayeur  François  Merceret,  en  1593.  M.  Coindre  ' 
dit  qu'elle  s'accrut  de  divers  apports,  notamment  des  col- 
lections des  chanoines  Moureau  et  Blondel.  Il  est  vrai- 
semblable que  ce  fut  après  la  mort  de  Pierre  Moreau,  puisque, 
nous  l'avons  vu,  VAlexander  Magnus  appartint  après  lui  aux 
jésuites  de  Dôle  et  non  aux  capucins  de  Salins,  et  la  mort  de 
Moreau  eut  lieu  avant  1596.  Cette  bibliothèque  des  capucins, 
objet  des  soins  du  magistrat,  était  devenue  fort  importante  dans 
la  suite  puisqu'un  inventaire  dressé  en  1790  y  constatait  la 
présence  de  4150  volumes  K  Ces  trésors  furent  dispersés  par  la 
Révolution  qui  amena  la  ruine  et  la  destruction  du  couvent. 
Des  bâtiments,  rien  ne  subsiste  aujourd'hui  ;  des  archives,  rien 
ou  presque  rien  ne  paraît  avoir  été  sauvé  ^  ;  de  la  bibliothèque 
mise  au  pillage,  il  demeurait  environ  3.000  volumes  en 
183 1  ;  plusieurs  furent  transportés  à  Besançon,  peut-être  s'en 
trouve-t-il  encore  dans  d'autres  collections  de  la  Franche- 
Comté;  les  plus  beaux  sont  aujourd'hui  dans  la  bibliothèque 
de  Salins,  et  parmi  eux  le  moins  précieux  n'est  pas  celui 
auquel  nous  avons  consacré  cette  note. 

M. -Louis    POLAIN. 

1.  Co'mdre  (Gaston),  Le  vieux  Salins.  Promenades  et  causeries .  Besançon, 
Jacquin,  1904,  in-S",  pp.  250-253.  Voir  aussi  pp.  ici,  251,252,  313,315. 

2.  Gauthier  (Jules),  Le  couvent  des  cordeliers  de  Salins,  son  église  et  ses 
monuments  (Extrait  du  Bull .  archéologique,  1896),  in-80,  pp.  1  et  2. 


UN  POEMA  SU  CARLO  MAGNO  DEDICATO 
A  ENRICO  IV 


Ottavio  Pisani  non  è  ignoto  agli  studiosi,  perché  fu  in  rela- 
zione  con  G.  B.  Dclla  Porta,  colKeplero,  col  Galilei  ;  ma  non 
si  puo  dire  noto,  se  nuUa  si  sa  délie  ragioni  che  dalla  sua 
Napoli  lo  trassero  ad  Anversa,  e  per  le  quali  là  si  trovô  in 
grandi  strettezze,  e  se  neppure  si  sa  quando  nacque  (verso  il 
1575)  ne  quando  mori  (dopo  il  1638).  Un  po'  più  cognite 
sono  le  sue  opère  scientifiche,  VAstroîogia,  Le  Leggi,  alcuni 
esperimenti  del  canocchiale,  e  alcune  carte  cosmografiche;  e 
di  lui  si  conosce  questa  curiosità,  che  egli  fu  il  primo  a  intro- 
durre  nel  Belgio  l'uso  italiano  di  portare  agi'  infermi  il  viatico 
sotto  un  baldacchino  o  un  ombrello,  il  che  si  ha  dall'  incisione 
di  un  quadro  del  Rubens  '. 

Di  un  suo  poema  su  Carlo  Magno  non  trovo  registrato,  e 
neppur  là  dove  si  doveva,  che  il  titolo.  E  stimo  non  inop- 
portuno  farne  qui  un  brève  cenno.  Eccone  il  frontespizio  : 
«  OcTAvii  Pisani  |  poema  \  Pietatis  Caroli  \  Magni.  \  Ad 
Inuictissimum,  et  Augustissimum  |  Galliarum  Regem  Chris- 
tianiss.  |  Henricum  IIII.  |  Romae,  [  Apud  Gulielmum  Fac- 
ciottum.  M  DC  III.  I  Superiorum  permissu.  »  In  16°,  di  pp. 
296  nuni.,  più  3  non  num.,  nella  iirma  délie  quali  si  leggono 
le  regolari  approvazioni  ecclesiastiche,  del  27  gennaio  1603. 
A  p.  284  un  epigramma^  in  quattro  distici,   Magistri  Caroli 

I.  Cf.  A.  Favaro,  Amici  e  corrispoiidcnti  di  Galileo  Galilei,  II.  Ottavio 
Pisani;  in  Atti  del  R.  Istiiiito  Vetieto,  tomo  VII,  série  VII,  1895-1896,  pp. 
411  sgg.  E  cfr.  G.  Galilei,  Le  Opère,  Firenze,  1890-1909,  seguendo  i 
copiosi  rimandi  dell'  Indice  dei  Nomi,  e  le  notizie  date  quivi,  XX,  509, 
ueir  Indice  bioRrafico. 


144  GUIDO    MAZZONI 

de  Ligny  Cameracensis,  in  Iode  dell'  opéra;  e  a  pp.  285-295 
«  OcTAVii  PiSANi,  Coiiipciidiiini  Poeticae  inier  loquiitorcs  Fran- 
ciscus  Monterno  et  Pisanus  »  sul  quale  Compendio  tomeremo 
tra  brève. 

Chi  conosce  la  storia  del  poema  italiano  dopo  l'Ariosto  e  il 
Tasso  sa  che  Carlo  Magno  e  la  guerra  da  lui  sostenuta  in 
favore  del  pontefice  trovarono  cantori,  in  Girolamo  Gabrielli, 
di  cui  Lo  Stato  délia  Chiesa  liberato  uscî  a  Vicenza  nel  1620, 
in  Onofrio  D'Andréa,  di  cui  LItalia  Uberaia  uscî  a  Napoli  nel 
1646,  in  Girolamo  Garopoli,  di  cui  //  Carlo  Magno  usci  a 
Roma  nel  1655,  e  in  Sigisniondo  Boldoni,  di  cui  La  cadiita  de 
Longohardi  usci  a  Milano  nel  1656,  e  in  altri  ancora,  fino  a 
Pier  Jacopo  Martelli,  che  tentarono  l'argomento  o  che  piut- 
tosto  ne  furon  tentati  '. 

Il  poema  latino  del  Pisani  ha  strettissima  affinità  co'  sud- 
detti  poemi  italiani,  ai  quali  précède  di  tempo.  Ne'  suoi  ven- 
tiquattro  libri,  in  esametri,  dériva  anch'  esso  le  invenzioni  da 
poemi  cavallereschi,  più  o  meno  classicheggianti,  e  in  ispecie 
va  mescendo  insieme,  con  V Iliade  e  con  V Enéide,  YOrlando 
furioso  e  la  Gemsakmine  liherata.  Non  mette  davvero  il  conto  di 
darne  un  sunto  particolareggiato.  Basta  accennare,  in  poche 
parola,  che  Carlo  Magno  guerreggia  contro  i  Goti,  aiutato 
dai  paladini  e  da  altri  eroi  de'  romanzi  (per  esempio,  da 
Amadigi  e  da  Ruggiero,  con  Oriana  e  Bradamante)  :  i  suoi 
sono  conturbati  da  una  Taide,  che  è  una  nuova  Armida, 
mandata  dal  mago  Alete  :  e  vi  sono  miracoli,  tra  i  quali 
quello  d'un  bosco  incantato,  in  cui  Rinaldo  si  ritrova  dinanzi 
agli  stessi  casi  che  aveva  narrato  il  Tasso  :  e  v'è  uno  scudocon 
istoriate  le  gesta  di  Enrico  IV  :  finchè  Carlo  non  libéra  Roma, 
e  fa  grazia  al  debellato  Desiderio. 

Non  v'ha  figura,  non  episodio,  che  si  distingua  per  luce  di 
poesia  ;  e  il  complesso  ha  più  del  repertorio  di  viete  inven- 

I.  Cfr.  A.  Belloki,  Gli  l'pitrou!  délia  Gcnisalcmine  liherata,  Vadowa.,  1893, 
pp.  447  sgg.,e  V Appendice bibliograficarelâûva. 


UN    POEMA    SU    CARLO    MAGNO  I45 

zioniche  di  ben  ordinato  poema,  tanto  è  incalzante  il  trapasso 
da  una  cosa  ail'  altra,  e  fiacco,  nelle  sue  formali  reminiscenze 
virgiliane  e  talvolta  enniane,  lo  stile.  V'ha  solo  di  notevole 
una  certa  vena  di  numeri  e  di  parole  ;  sia  pure  vena  non 
sempre  pura. 

Quanto  aile  parole,  dobbiamo  a  questo  punto  tornare  a 
quel  compendio  dell'  arte  poetica  che  indicammo  sopra. 
Quivi,  infatti,  il  Pisani,  interrogato  sul  suo  proprio  poema, 
risponde  cosî  :  «  Ego  fateor  me  multum  licentiae  sumpsisse, 
sicuti  ut  exprimerem  figuram  ovi,  dixi  ovare,  et  ut  magnum 
clamorem  ostenderem,  voare  dixi.  »  E  sarebbe  forse  attraente 
rintracciare  tutto  il  libro  da  cui  egli  voile  trarre  il  compendio, 
e  leggere  le  ragioni,  quali  a  lui  si  presentavano,  dell'  arte  sua. 

Che  fosse  il  Pisani  un  seguace  del  Tasso  basta  a  dimos- 
trarlo  il  poema  ;  ma,  nel  compendio,  alla  Gerusaîemme  egli 
rimanda  apertamente,  sebbene  la  Pietas  Caroli  gli  apparisca 
più  veramente  un  poema  epico  ed  eroico  perché  v'è  assai  più 
del  militaresco  e  v'è  invece  assai  meno  del  romanzesco.  Di 
tanto  un  autore  puô  ingannarsi! 

Resta  che  rileviamo  ciô  che  a  Enrico  IV  e  a  Maria  de' 
Medici  si  riferisce  nel  poema.  Per  prima  cosa,  le  lodi  nel 
principio,  dopo  la  protasi  su  Carlo  : 

Tu  vero,  sirailem  quem  extollunt  gesta  nepotem, 
Et  pietate  virum  proavita,  et  laude  cluentem, 
Seu  gladio  sternis,  seu  sceptro  pectora  mulces, 
Induis  alterne  in  galeam  seu  more  coronam, 
Quarte  Henrice  héros  titulo,  virtuteque  prime, 
Pone  supercilium,  nostrisque  adiabere  coeptis, 
Da  facilem  cursum,  rotisque  assuesce  vocari, 
Vatum,  namque  novis  coeuntnunc  sydera  formis, 
Magnus  ab  integro,  et  stellarum  nascitur  ordo, 
Alcidis  laudes,  victricis  gesta  Minervae 
Inachidis  mérita,  atque  horrentia  gonisora' 

I.  Diamo  i  versi  quali  anche  negli  errori  e  nell'  interpunzione  si  leg- 
gono  nella  stampa.  Qui  è  chiarala  correzione  Gorqoiiis. 

Mélanges.   II.  10 


146  GUIDO   MAZZONI 

Jam  linquunt  gestare,  omnis  variatur  imago, 
Nam  serpcns  varijs,  quels  tergus  inhorruit  astris, 
Exprimitur  iam  nuncfuror  ingenti  ore  Draconis, 
Quem  tu  sublimem  atque  potentem  vulnere  strasti, 
Palladis  et  clypeus  stellis  queis  fulgidus  arsit, 
Distincta  scuto  tua  nunc  constantia  fulget, 
Quae  induit  in  lapides  hostilia  corda  rebellum, 
Jam  leo  regali  cor  sydere  quove  coruscat, 
Cor  praefert  Henrice  tuum  pietate  cluescens, 
Non  secus  ac  radijs,  Delphin  qua  per  te  refulsit 
Delphinus  nunc  ille  tuus  effingitur  astris, 
Laudibus  hinc  caelum  distinctum  pondère  nutat 
Ingeminans  duplici  libratas  orbe  choreas. 

L'altro  luogo  è  nel  libro  XXI,  dove  si  narra  corne  Aglante 
riesce  a  superare  gli  ostacoli  miracolosi  del  bosco,  e  ucciso  il 
mago,  riporta  al  campo  uno  scudo  effigiato  : 

Henrici  hic  quarti  laudes  et  coniugis  ora, 
Summam  et  Delphini  surgentis  spem  exprimit  aère, 
Invictum  Henricum  centrum  iaculantibus  unum 
Hue  illuc  fremere  ardentem  per  bella  per  hostes, 
Quem  circum  glomerati  hostes  hinc  cominus,  atque  hinc 
Perturbant,  medio  telisque  frequentibus  instant, 
lUum  autem  valido  sternentem  verbcre  turmas, 
Sanguine  purpurcum  hostili,  lugubre  rubere, 
luxta  autem  magno  surgentia  corpore  monstra 
Tartarea,  in  solum  socijs  assistere  in  armis, 
Gorgoneis  mulier  fulget  infecta  venenis 
Viperam  inspirans  animam  pugnantibus  illis, 
Sufficit  et  vires,  armât  et  tela  veneno, 
Interdum  anguicomos  iaculos  intorquet  in  illum, 
Extrema  hic  soror  Enceladi,  Coeique  ferocis 
Invigilans  oculis  fumantia  tela  coruscat, 
Alcctosque  facem  minitanti  verbere  quaxat, 
Saevit  amor  ferri,  fervetque  licentia  belli 
In  tantum,  circum  portendunt  omnia  mortem, 
Ille  autem  victor  demittcns  agmina  morti 
Imponit  paci  nomen,  hostesque  serenat, 
Aequali  belli  et  pietatis  laude  cluescens, 
Et  parcit  subiectis,  dcbellatque  superbos, 


UN  POEMA  SU  CARLO  MAGNO  I47 

Saeva  sedet  arma  pius,  ducitque  triumphum 
Non  spolijs,  non  captivis,  non  mole  superbum, 
At  pietate  pium  ingenti,  qua  is  straverat  hostes, 
Post  tergum  vinctus  furor,  et  fama,  ardet  in  iras, 
Alecto,  victi  et  spolijs  ducuntur  opimis, 
Expressa  hinc  pietas  Capitoli  nobile  saxo 
Excipit  Henricum  sublimem  mole  triumphi, 
luxta  autem  eradiat  Medices  e  sanguine  creta 
Virgo,  super  cuius  solium  distincta  theatro 
Astra  benigna  nitent,  et  mulcent  acre  coelum, 
Exhilarantque  himeneis,  dites  ipse  leonis 
Cordis  coniungit  taedali  lumine  amantes, 
Borbonium  et  Medicem;  fulget  magnum  instar  in  ore, 
Coniugis  ;  heroum  hinc  sobolem  molitur,  et  ingens 
Borbonium  decus,  et  presenti  pignore  firmat 
Delphini  nuper  surgentis,  qui  ore  coruscat 
Spes  cunctas,  parvo  et  pertendit  grandia  vultu, 
Talia  per  clypeum  miranti,  muneris  author 
Fatur  sic  Carolo  (Henricum  ducto  indice  monstrans) 
Hune  sibi  portendi  ingentem  virtute  nepotem, 
Qui  fraeno  Francos,  fama  terras  reget  omnes, 
Cordibus  imperium,  virtutem  terminet  astris, 
Et  caelum  stellis,  etterram  heroibus  aucturum. 

Le  nozze  di  Enrico  IV  con  Maria  de'  Medici  accaddero, 
come  ognun  sa,  nel  1600;  la  stampa  del  poema  accadde, 
corne  abbiam  visto,  nel  1603.  Abbiam  quindi  i  termini  ai 
quali  è  ragionevole  riferire  la  composizione  ;  sebbene  potrebbe 
darsi  che  il  Pisani  anche  prima  del  1600  avesse  cominciato  a 
macchinare  qualcosa  suUa  Pietas  Caroli  Magni. 

Guido  Mazzoni. 


A    PROPOS   D'UN  PASSAGE 
D'ALFRED   DE  VIGNY 


La  mode  est  à  la  critique  des  sources  de  nos  grands  écri- 
vains. Aucun  temps,  aucune  école,  aucun  genre  n'échappent  à 
des  investigations,  d'ailleurs  inégalement  heureuses.  Mais 
c'est  la  littérature  de  1830  qui  est  surtout  remuée  en  tous 
sens.  Abondante,  complexe,  mal  connue  en  somme,  produit 
d''un  cosmopolitisme  que  des  travaux  récents  ont  éclairé,  elle 
devait  fournir  aux  chercheurs  une  ample  matière.  Pendant  si 
longtemps,  on  n'y  avait  puisé  que  des  inspirations,  des  exal- 
tations, des  consolations  parfois  ! 

Quel  changement  s'est  accompli  !  Il  ne  se  passe  pas  d'an- 
née, on  pourrait  dire  de  mois,  et  peut-être  de  semaine,  sans 
qu'on  signale  une  réminiscence,  un  empmnt,  une  trace  d'imi- 
tation plus  ou  moins  directe  chez  l'un  ou  l'autre  écrivain  roman- 
tique. Il  n'y  a  pas  que  les  plus  féconds  dont  on  tende  h  réduire 
ainsi  la  part  inventive  dans  des  proportions  inquiétantes;  un 
Vigny  si  sobre,  si  resserré,  se  trouve  redevable,  non  seulement 
à  la  Bible,  à  Milton  et  à  Byron,  mais  aussi  à  Thomas  Moore,  à 
André  Chénier,  à  Delille,  à  Millevoye,  à  Chateaubriand,  peut- 
être  à  Joseph  de  Maistre;  on  ne  sait  où  s'arrêtera  l'ardeur  de 
ses  critiques. 

Parmi  ces  derniers,  M.  Pierre-Maurice  Masson  tient  un 
rang  notable.  Après  un  «  Discours  »  consacré  à  l'auteur  de 
Cinq-Mars  et  couronné  par  l'Académie  française,  il  a  soumis 
les  poèmes  de  Vigny  à  une  enquête,  dont  on  ne  peut  que 
louer  l'étendue  et  la  précision.  C'est  la  lecture  de  cette  enquête 
qui  m'a  décidé  à  publier  ces  notes.  Elles  ne  sont  qu'un  frag- 
ment assez  anodin  d'un  travail  d'ensemble,  inspiré  par  une 


150  M.    WILMOTTE 

lecture  attentive  des  petits  poètes  du  xviii*  siècle.  J'aurais  pu 
joindre,  à  l'exemple  unique  sur  lequel  je  m'appuie,  d'autres 
exemples  que  j'estime  aussi  démonstratifs.  Mais  il  m'a  paru 
que  M.  Masson  me  fournissait  une  excellente  occasion  de  faire 
certaines  constatations  d'ordre  général,  quitte  à  demander 
crédit  pour  en  produire  une  justification  moins  sommaire. 
Dois-je  ajouter  que,  désireux  de  collaborer  à  ce  recueil,  j'arri- 
vais tard  et  devais  laisser  la  plus  grande  place  à  des  études  de 
qualité  et  d'importance  supérieures  ? 

M.  Masson  '  n'a  pas  eu  de  peine  à  découvrir  un  grand 
nombre  d'analogies  formelles  entre  André  Chénier  et  Alfred 
de  Vigny.  Il  en  est  d'assez  précaires;  admettons  qu'elles  aient 
une  valeur  de  confirmation,  qu'elles  corroborent  la  thèse  d'une 
parenté  morale  entre  les  deux  poètes.  Il  en  est  d'autres,  qui, 
frappantes  au  premier  regard,  éveillent  le  doute  à  seconde 
inspection.  C'est  parmi  celles-là  que  j'ai  fait  mon  choix,  les 
analogies  vraiment  directes  et  décisives  n'ofi'rant  aucune  utilité 
pour  ma  démonstration. 

Donc,  dans  cette  Dolorida  dont  le  vernis  espagnol  est  plutôt 
léger  (M.  E.  Dupuy  l'avait  déjà  noté),  M.  Masson  a  cru 
retrouver  un  souvenir  direct  d'André  Chénier.  Voici  le  pas- 
sage essentiel;  l'héroïne,  à  l'heure  du  sommeil, 

. . .  n'a  plus  que  ce  voile  incertain, 

Le  premier  que  revêt  le  pudique  matin 

Et  le  dernier  rempart  que,  dans  sa  nuit  folâtre, 

L'Amour  ose  enlever  d'une  main  idolâtre. 

Ses  bras  nus  à  sa  tête  offrent  nn  mol  appui. 

Mais  ses  yeux  sont  ouverts,  et  bien  du  temps  a  fui 

Depuis  que  sur  V émail,  dans  ses  douze  demeures, 

Ils  suivent  ce  compas  qui  tourne  avec  les  heures. 

J'ai  souligné,  après  M.  Masson,  les  membres  de  phrase  qui 
ont  éclairé  ses  recherches.  Tout  le  passage  a,  certes,  l'accent 
d'une  poésie  préromantique;  déjà  M.  Dupuy  en  avait  noté  les 

I.  Revue  d'Histoire  littéraire  de  la  France,  1909,  p.  i  et  sv.  Les  passages 
discutés  ici  sont  aux  pages  21-22. 


A   PROPOS   D  UN    PASSAGE    D  ALFRED    DE   VIGNY  151 

«  sentiments  artificiels  »  et  l'  «  expression  relativement  démo- 
dée ».  Encore  fallait-il  nous  apporter  des  précisions.  Un  rap- 
prochement qu'il  avait  fait  avec  les  Regrets  d'une  Infidèle,  de 
Millevoye,  n'avait,  confessons-le,  rien  résolu.  M.  Masson  est 
venu  à  son  tour,  et  il  a  signalé  plusieurs  passages  de  Chénier, 
offrant  d'incontestables  ressemblances  avec  celui  d'Alfred  de 
Vigny.  Cet  émail,  désignant  le  cadran  d'une  horloge,  c'est 
Chénier  qui  l'a  trouvé  (comparez  ïambes,  IV,  etc.);  le  mol 
appui  ne  diffère  guère  du  fnol  oreiller  d'une  élégie  célèbre  ;  et,  à 
défaut  du  voile  incertain,  nous  avons  une  mention  du  tissu 
—  désignation  pudique  pour  la  chemise  —  qui  «  à  l'amant 
incertain  »  semble  «  un  voile  d'air  »  (trad.  de  V Art  d'Aimer). 
Répétons-le,  l'imitation  semble  fîagrante.  Et  pourtant  elle 
m'est  devenue  suspecte.  Elle  me  l'est  parce  que,  familier  avec 
les  élégiaques  du  xviii^  siècle,  j'ai  rencontré  maintes  fois,  sous 
leur  plume,  des  tours  analogues.  Chez  Bertin,  par  exemple, 
apparaît  «  le  voile  incertain  »,  d'une  approximation  moins 
contestable  que  «  l'amant  incertain  »  de  Chénier.  C'est  dans 
la  VHP  pièce  du  livre  I  des  Amours  que  je  l'ai  noté,  et  ce 
n'est  assurément  pas  la  seule  fois  que  l'expression  a  été 
employée  par  l'un  des  poètes  dont  Chénier  fit  ses  délices  et 
ses  modèles.  De  même,  le  niol  appui  est  un  tour  bien  banal 
et  le  rapprochement  fait  par  M.  Masson  n'a  rien  de  décisif. 
L'émail,  pour  désigner  une  pendule,  n'est  pas  plus  caractéris- 
tique que  ['airain,  et  le  vers  de  Vigny  est  un  évident  ressouve- 
nir de  Millevoye  : 

L'aiguille  qui,  du  temps,  dans  ses  doii^e  demeures, 
Ne  marque  plus  les  pas,  ne  fixe  plus  le  cours, 
Laisse  en  silence  fuir  les  heures... 

{La  demeure  abandonnée.) 

Ne  voyez  pas  là  un  désir  d'infirmer  les  conclusions  géné- 
rales de  M.  Masson.  Je  m'y  rallie  au  contraire.  Mais  qu'il  me 
soit  permis,  en  m'appuyant  sur  ce  modeste  exemple  (et  je 
pourrais  en  invoquer  d'autres)  de  réclamer  une  étude  plus 
complète  et  plus  précise  de  ce  lyrisme,  qui  pendant  les  vingt 


152  M.    WILMOTTE 

dernières  années  du  xviii^  siècle  et  les  premières  du  xix%  servit 
de  transition  nullement  méprisable  à  celui  du  premier  Lamar- 
tine et  du  premier  Vigny. 

On  a  trop  longtemps  isolé  André  Chénier.  On  l'a  isolé 
pour  le  grandir.  Il  n'avait  peut-être  pas  besoin  de  cela.  En 
tout  cas,  lui  non  plus  ne  possède  pas  à  un  haut  degré  cette 
veine  créatrice,  que  l'on  ramène  à  des  proportions  moindres 
chez  ses  illustres  élèves  de  1820  et  des  années  suivantes.  Tra- 
ducteur, adaptateur,  imitateur,  voilà  ce  qu'il  fut  surtout,  d'ad- 
mirable façon  il  est  vrai.  Et  aussi,  il  fut  de  son  temps,  un 
voluptueux,  qui  ne  dédaigna  aucun  des  thèmes  usés,  aucun  des 
poncifs  de  style  de  ses  contemporains.  En  relisant  Parny, 
Bertin  et  Ecouchard  Lebrun,  on  découvre  tout  ce  qu'il  leur 
doit.  Il  n'est  guère  plus  varié  qu'eux  dans  ses  descriptions 
amoureuses.  Il  use  et  abuse  des  mêmes  procédés.  Tantôt  il 
peint  l'amant  ivre  de  volupté,  tantôt  il  nous  le  montre  en 
proie  à  la  jalousie,  trahi  ou  croyant  l'être  :  ce  sont  les  deux 
états  qu'il  excelle  à  nous  décrire;  mais  il  se  désintéresse  des 
autres,  de  cette  gamme  infinie  du  sentiment,  où  ses  succes- 
seurs (et  déjà  un  Chênedollé,  un  Fontanes,  un  Millevoye) 
trouveront  une  ample  matière.  Il  ignore  la  vraie  mélancolie; 
il  ne  songe  à  promener  sa  rêverie,  comme  le  fera  délicieuse- 
ment Léonard,  dans  aucun  décor  de  nature;  il  n'est  qu'épi- 
curien . 

Et  si  je  reprends  maintenant  la  comparaison  tentée  par 
M.  Masson,  mais  en  m'eiforçant  de  l'étendre  aux  confrères  de 
Chénier,  à  ses  maîtres  aussi,  il  me  semble  qu'elle  gagne  en 
intérêt.  Cette  femme  jeune  et  belle,  qui  gagne  sa  couche, 
n'est-ce  pas  un  thème  courant  chez  les  élégiaques  du 
xviii^  siècle  ?  Qu'ils  la  travestissent  en  bergère,  ou  qu'ils  lui 
gardent  ses  allures  élégantes  et  l'encadrent  d'un  luxe  urbain, 
il  n'importe.  Ce  «  lin  flottant  »,  cet  «  albâtre  ardent  et  pur  », 
ces  lys  et  ces  roses,  mais  nous  les  connaissons  !  Ce  sont  eux 
que  vantent  déjà  Parny  et  Bertin'.  Lebrun  en  fera  un  abus, 

I.  Vovcz  notamment  albalre  employé  pour  désigner  le  sein  dans  Parny, 


A    PROPOS    D  UN    PASSAGE    D  ALFRED    DE    VIGNY  153 

qui  nous  choque  et  le  condamne  à  l'oubli.  Et  pourtant  c'est  à 
lui  surtout  que  Chénier,  qui  l'avait  lu  ',  est  redevable  de 
quelques-uns  des  traits  les  plus  caractéristiques  de  ses  volup- 
tueuses peintures. 

Dans  plusieurs  de  ses  Élégies,  Lebrun  s'est  complu  à  décrire 
l'amie  qui  reçoit  son  rival.  On  dirait  qu'il  goûte  un  amer 
plaisir  à  se  représenter  leurs  jeux,  à  les  montrer  rendus  plus 
tendres  et  plus  vifs  par  la  trahison  même  (^Elégies,  II,  2,  3,  5, 
6,  8).  Or,  il  n'est  pas  besoin  d'un  examen  très  attentif  pour 
retrouver  chez  lui  quelques-uns  des  développements  où  s'est 
complu  Chénier  (Él.^  XXXVII).  C'est  tout  d'abord 

ce  lin  flottant  qui  voile  la  fenêtre 

et  qui  n'arrête  pas  la  vue  du  jaloux. 

Il  deviendra  chez  Chénier  le  dernier  vêtement  de  la  belle, 
qui  n'arrête  pas  la  fureur  amoureuse  du  traître 

Tout,  jusqu'au  îin  flottant,  sa  défense  dernière. 

Mais  la  voilà  qui  se  prépare  à  recevoir  ce  rival  en  redoublant 
les  soins  de  la  coquetterie  ;  il  entre,  s'avance 

jusqu'à  ce  lit  fatal, 
Où  triompha  l'amant  dont  tu  souilles  l'absence. 

Et  bientôt 

A  ses  bras  odieux  entrelaçant  ses  bras^  : 

elle  s'abandonne  à  lui. 

Tableaux,  IV;  Léda;  Cabinet  de  toilette.  La  rime  albâtre:  théâtre  (qui  reparaît 
chez  Vigny,  Dolorida)  est  chez  Parny,  Délire.  Comparez  encore  Bertin, 
Amours,  III,  15  ;  Colardeau,  Epître  d'Alcée  ;  Lebrun,  Odes,  IV,  20.  Pour  les 
«  lis  »  et  les  <f  roses  »  il  serait  vain  d'accumuler  les  exemples. 

1.  M.  Potez  (Uélégie  en  France,  etc.  p.  225)  reconnaît  «  que  Lebrun  a 
connu  André  Chénier  et  exercé  sur  lui  une  influence  ».  Ses  élégies  ne  sont 
pas  toutes  datées;  mais  «  la  plus  ancienne  remonte  à  1753,  la  plus  récente  à 
1783  »  (ibid.  220),  et  s'il  ne  les  publia  point  lui-même,  il  en  «  donnait  de 
temps  en  temps  des  lectures  »  (211). 

2.  Elle  parlait  ainsi;  mais  lui  tendait  les  bras  (:  pas'). 

La  rime  bras  :  pas  n'est  pas  rare  chez  Lebrun  ;  voyez  Odes  VI,  1 3  ;  Élégies, 
III,  5,  etc.  Ici  je  me  fonde  sur  la  5^  él.  du  livre  II. 


154  ^-   WILMOTTE 

Dans  une  autre  pièce  de  Chénier,  les  analogies  se  pressent, 
plus  nombreuses  et  plus  directes  : 

Lit  chéri  tant  de  fois  fatigué  de  nos  jeux. 

Ah  !  le  verre  et  le  Ihi,  délicate  barrière 

Laissent  voir  à  nos  yeux  la  tremblante  lumière 

Qui,  jusqu'à  l'aube,  au  teint  moins  que  le  sien  vermeil, 

Veille  près  de  sa  couche  et  garde  son  sommeil . 

Oh  !  si  tu  l'avais  vue 

Quand,  fermant  ses  beaux  yeux,  mollement  étendue... 

{Élégies,  XVII.) 

Certes,  Vigny  aurait  pu,  dans  Dolorida,  se  ressouvenir 
aussi  de  ce  passage.  Mais  rien  ne  prouve  qu'il  n'eût  pas  trouvé 
ailleurs  que  chez  Chénier,  les  images  qui  en  font  l'attrait 
voluptueux.  Car  voici  ce  qu'avait  écrit  Lebrun  : 

La  lumière  veillait  :  elle  offrait  à  ma  vue 

En  dépit  des  rideaux  importuns  et  jaloux 

Ta  vermeille  beauté,  mollement  étendue 

Sous  un  lin  qui  voilait  les  charmes  les  plus  doux. 

Je  n'osais  soulever  Vimportune  barrière. 

(Élégies,  IV,  4.) 

L'imitation  chez  Chénier  est  flagrante,  et  si  l'on  peut  varier 
les  conjectures  sur  la  source  où  puisa  Vigny,  celle  du  poète  à 
qui  il  a  plus  d'une  obligation  n'est  douteuse,  je  crois,  pour 
personne.  Mais  ce  poète  lui-même  a  trouvé  dans  Parny  et 
Bertin  des  modèles  trop  certains.  Je  me  réserve  de  le  démon- 
trer une  autre  fois,  content  d'avoir  indiqué  une  voie  où  il 
reste  à  s'engager  désormais,  si  l'on  veut,  par  dessus  Chénier, 
Delille,  Millevoye,  etc.,  vouer  aux  petits  poètes  du  xviii'  siècle 
une  attention  aussi  justifiée,  que  celle  dont  bénéficient  depuis 
longtemps  ses  grands  prosateurs. 

M.    WiLMOTTE. 


LA  COMPLAINTE  DU  PRISONNIER 
D'AMOURS 


Le  Jardin  de  plaisance  renferme,  à  la  suite  du  Débat  des 
deux  fortunés  d'Alain  Chartier,  un  petit  poème  intitulé  La 
Complainte  du  prisonnier  d'Amours  jaicte  au  Jardin  de  plai- 
sance ' . 

Ce  poème  semble  avoir  eu  quelque  succès.  Il  a  été  publié 
à  part,  à  Lyon  probablement,  vers  1540.  Le  seul  exemplaire 
connu  de  cette  édition  lyonnaise,  après  avoir  été  conservé 
successivement  dans  les  bibliothèques  Heber,  Nodier,  Yeme- 
niz  et  Ambr.  Firmin-Didot,  se  trouve  aujourd'hui  dans  la 
bibliothèque  de  feu  M.  le  baron  James  de  Rothschild.  Dans 
le  tome  IV  —  qui  vient  de  paraître  —  du  précieux  catalogue 
de  cette  bibliothèque,  on  peut  voir  une  reproduction  du  titre 
de  la  Complainte  du  prisonnier  d'Amours  et  de  deux  figures 
sur  bois,  l'une  représentant  le  prisonnier,  l'autre  une  dame^ 
Il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  de  remarquer  que  le  bois  du 
prisonnier  d'amour  figurait  déjà  dans  le  volume  du  Passe- 
temps  et  du  Songe  du  Triste,  imprimé  à  Lyon,  par  Antoine 
Blanchard,  vers  1532  ', 

On  ne  trouve  aucun  renseignement  littéraire  sur  la  Com- 
plainte du  prisonnier  d'Amours  ni  dans  les  catalogues  des  riches 
bibliothèques  d'amateurs  mentionnées  ci-dessus,  ni  dans  les 
notices  consacrées  au  Jardin  de  plaisance,  ni  ailleurs.  Seul, 
le  rédacteur  du  Catalogue  de  la  bibliothèque  Ambr.  Firmin- 
Didot  a  jugé  ce  petit  poème  «  réellement  remarquable '^  ». 

1.  Edit.  Antoine  Vérard,  fol.  clxi  ;  édit.  Martin  Boullon,  fol.  cix. 

2.  T.  IV,  p.  569. 

3.  Voir  le  Catalogue  des  livres  composant  la  bibliothèque  de  feu  M.  le  baron 
James  de  Rothschild.  Paris,  191 2,  t.  IV,  p.  572. 

4.  Catalogue  de  1878,  p.  97,  no  218. 


J')6  ARTHUR    PIAGET 

La  complainte  qui  a  été  recueillie  dans  le  Jardin  de  plai- 
sance est  mieux,  en  effet,  qu'une  banale  élucubration  amou- 
reuse, comme  il  y  en  a  tant  au  xv'  siècle.  Elle  est  composée, 
non  pas  de  strophes  liées  entre  elles  par  la  forme  et  par  le 
sens,  mais  d'une  série  de  quatorze  rondeaux  indépendants  les 
uns  des  autres  : 

I.  Près  de  ma  dame  et  loing  de  mon  vouloir, 

Plain  de  désir  et  crainte  tout  ensemble... 

Rondel  de  dix  vers,  qu'on  retrouve  dans  les  manuscrits  de 
la  Bibl.de  Grenoble,  n°  874,  fol.  58  v°,  de  la  Bibl.  de  Cler- 
mont-Ferrand,  n°  249,  fol.  18',  de  la  Bibl.  de  Vienne  en 
Autriche,  n°  2619,  loi.  77  v°.  Il  figurait  dans  le  manuscrit 
perdu  du  cardinal  de  Rohan,  fol.  72  v°^. 

IL  Comme(nt)  osera  la  bouche  dire 

Ce  que  le  cueur  pas  penser  n'ose?. . . 

Rondel  de  dix  vers,  intitulé  Rondin  dans  le  manuscrit  de 
Grenoble,  n°  874,  fol.  61.  Les  deux  premiers  vers  seulement 
ont  été  copiés  dans  le  manuscrit  de  Vienne,  n°  2619,  au  bas 
du  fol.  77  v°  (les  feuillets  78  et  79  sont  blancs). 

III.  Au  povre  prisonnier,  ma  dame, 
Donnez  l'aumosne  de  liesse. . . 

Rondel  de  dix  vers  :  Grenoble,  n°  874,  fol.  61  ;  Lyon, 
n°  1235  (anc.  1107).  Il  a  été  publié,  d'après  ce  dernier  ma- 
nuscrit, par  M.  Clédat  dans  Lyon-Revue,  recueil  littéraire,  histo- 
rique et  archéologique,  Lyon,  1886,  p.  313. 

IV.  Ou  mon  désir  m'assouvira. 
Ou  ma  tristesse  m'occira . . . 

1.  Voir  Bulletin  de  la  Société  îles  Anciens  textes,  1889,  p.   107. 

2.  Voir  Romania,  t.  XXI,  p.  428,  t.  XXVII,  p.  62,  note  i.  Dans  la 
notice  sur  le  Jardin  de  plaisance  que  je  prépare  pour  la  Société  des  anciens 
textes,  je  publierai  intégralement  la  description  de  ce  manuscrit,  telle  qu'on 
la  trouve  à  la  suite  de  l'exemplaire  du  Jardin  de  plaisance  de  la  Bibl.  Nat. 
Rés.  Yc  169. 


p.  156 


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LA    COMPLAINTE    DU    PRISONNIER    D  AMOURS  I57 

Rondeau  de  treize  vers  :  Grenoble,  n°  874,  fol.  61  v°  ; 
Clermont-Ferrand,  n°  249,  fol.  18. 

V.  Tr(a)istre  plaisir  et  amoureuse  joye, 

Aspre  doulceur,  desconfort  envieux . . . 

Chanson  de  dix  vers  ;  le  cinquième  vers  manque  dans  le 
Jardin  de  plaisance  :  Grenoble,  n°  874,  fol.  59;  Brit.  Mus. 
Roy.  20.  G.  VIII,  fol.  165  ;  Bibl.  nat.  fr.  9346,  fol.  74  v° 
avec  musique  :  publiée  d'après  ce  manuscrit  par  A.  Gasté, 
Chansons  normandes,  p.  108  ';  L3'on,  n°  1235  :  publiée  d'après 
ce  manuscrit  dzns  Lyon-Revue,  1886,  p.  320. 

Cette  chanson  a  une  histoire.  Elle  servit  de  consolation  et 
d'inspiration  à  un  brave  homme  dans  une  circonstance  tra- 
gique. Jean  Régnier,  bailli  d'Auxerre,  échanson  et  conseiller 
du  duc  de  Bourgogne,  surpris  en  ambassade  par  la  garnison 
française  de  Beauvais,  était  prisonnier,  fers  aux  pieds,  dans  la 
tour  de  Beauvisage.  Il  avait  finalement  obtenu  que  sa  femme, 
Ysabeau  Chrétien,  dont  le  corps  était  «  tant  précieux  »,  et 
son  fils,  viendraient  à  Beauvais  se  constituer  otages,  tandis 
qu'il  s'occuperait  à  réunir  une  rançon  de  trois  mille  écus. 
C'était  en  mai  1433.  Ysabeau,  «  la  bonne,  doulce^  simple  et 
coye  »,  avait  pris  sa  place.  Jean  Régnier,  après  quatorze  mois 
de  prison,  cheminait  dans  la  campagne.  Il  raconte  lui- 
même  que,  malgré  son  angoisse,  son  cœur  «  se  print  a 
resjouyr  ».  La  joie  d'être  libre,  l'espérance  d'être  de  nouveau 
en  «  la  grâce  dame  Fortune  »,  firent  monter  à  ses  lèvres 
une  chanson,  bien  appropriée  à  son  état  d'âme  : 

Triste  plaisir  et  douloureuse  joye, 
Aspre  doulceur,  reconfort  ennuyeux, 
Ris  en  plourant,  souvenir  oublieux, 
M'accompaignent  combien  que  seul  je  soye . . . 

Le  bailli  d'Auxerre  spécifie  bien  que  cette  chanson  n'est  pas 
de  lui,  mais  d'Alain  Chartier  : 

I.  M.  Gasté  déclare  «  ne  rien  comprendre  à  cette  chanson  ».  Le  texte  du 
«  nis.  de  Bayeux  »  est  en  efiet  très  incorrect. 


158  ARTHUR    PIAGET 

A  chanter,  dît-il,  tantost  me  pris 
Une  chanson  que  ne  feis  oncques. 
Mais  pourquoy  la  chantay  je  doncques  ? 
Pour  ce  que  au  cueur  me  tenoit 
Et  a  mon  propos  revenoit. 
Maistre  Alain,  duquel  Dieu  ait  l'ame. 
Lequel  cy  gist  soubz  une  lame, 
Si  la  fit,  comme  l'ay  ouy  dire. 

Jean  Régnier  copia  textuellement  dans  son  poème  la  chan- 
son d'Alain  Chartier.  Puis  il  composa  sur  le  même  thème,  en 
y  entremêlant  des  allusions  à  ses  malheurs  personnels,  une 
chanson  en  balade  layée.  Il  dit  lui-même  qu'il  fit  œuvre  de 
charpentier  et  de  maçon  qui  avec  «  de  vieil  mesrien  »  bâ- 
tissent une  maison  neuve  : 

Triste  plaisir  et  douloureuse  joye, 
Aspre  doul[c]eur,  reconfort  ennuyeux, 
Triste  plaisir  et  douloureuse  joye 
Sont  avec  moy  en  allant  par  la  voye. 
Et  si  semble  que  je  soye  joyeux. 
Ce  fait  Fortune  qui  ainsi  me  desvoye. 
Car  nuyt  et  jour  trop  fort  si  me  guerroyé. 
Mais  j'ay  espoir  au  puissant  roy  des  cieulx, 
Quant  luy  plaira,  qu'il  me  soit  gracieux. 
Si  ce  n'estoit  cet  espoir  je  mourroye, 
Povre,  pensif  et  melencolieux. 
Sans  avoir  bien,  mais  a  tousjours  avroye 
Aspre  doul[c]eur,  reconfort  ennuyeux. 


La  chanson  d'Alain  Chartier  a  dix  vers  ;  celle  de  Jean 
Régnier  a  cinq  strophes  de  treize  vers  chacune'. 

VI.  Mort  sur  le[s]  pied[z],  faignant  d'avoir  plaisir, 

[Et]  estrainé  de  doloreuse  estraine. . . 

Rondel  de  dix  vers  :  Grenoble,  n°  874,  fol.  59;  manuscrit 
du  cardinal  de  Rohan,  fol.  65;  Lyon,  n°  1235.  Pubhé 
d'après  ce  dernier  manuscrit  dans  Lyon-Revue,  1886,  p.  318. 

1.  Edit.  Lacroix,  p.  144-147. 


LA   COMPLAINTE   DU    PRISONNIER   D  AMOURS  I  5  9 

Ce  rondel  figure  dans  les  Rondeaux  en  nombre  troys  cens  cin- 
quante (Bibl.  nat.  Inv.  Rés.  Ye  1401,  fol.  xxiiij  v°),  et  dans 
La  Chasse  et  le  départ  d'Amours  (Bibl.  nat.  Inv.  Rés.  Ye  300). 

VII.  Riche  d'espoir  et  povre  d'autre  bien, 
Comblé  de  dueil  et  vuide  de  liesse. . . 

Ces  dix  vers  sont  intitulés  Rondelet  dans  le  manuscrit  de 
Grenoble,  n°  874,  fol.  59  v°,  et  Chançonete  dans  le  manuscrit 
de  Lyon,  n°  1235.  Ils  figuraient  dans  le  manuscrit  du 
cardinal  de  Rohan,  fol.  81  v°.  Ils  ont  été  publiés  par 
M.  Clédat,  Lyon-Revue,  i88é,  p.  312. 

VIII.  Je  n'ay  pouoir  de  vivre  en  joye, 
Et  si  ne  puis  mourir  de  dueil. . . 

Rondeau  de  dix  vers  :  Grenoble,  n°  874,  foh  62  ;  Brit. 
Mus.  Roy.  20.  C.  VIII,  fol.  165;  Bibl.  nat.  fr.  1719,  fol.  93 
v°;  intitulé  Rondlnet  dans  le  manuscrit  de  Lyon,  n°  1235. 
Publié  ôi2ins  Lyon-Revue,  1886,  p.  317. 

IX.  Helas  !  ma  courtoise  ennemye 
Et  mon  gracieux  adversaire. . , 

Rondel  de  dix  vers  :  Grenoble,  n°  874,  fol.  62  ;  attribué  à 
Alain  Chartier  par  le  manuscrit  d'Aix,  n°  168.  Publié  par 
Ph[ilippe]  de  Ch[ennevièresJ  dans  Rondeaux  et  ballades  inédits 
d'Alain  Chartier,  d'après  un  manuscrit  delà  Bibliothèque  Méjanes, 
à  Aix.  Caen,  1846. 

X.  Je  vis  le  temps  que  je  souloye 
Vivre  en  espoir  d'estre  joyeux. . . 

Rondel  de  dix  vers  :  intitulé  Chançonnette  dans  Grenoble, 
n°  874,  fol.  62;  Aix,  n°  168.  Publié  d'après  ce  dernier 
manuscrit  dans  Rondeaux  et  ballades  inédits  d'Alain  Chartier. 
Caen,  1846. 

XI.  Dehors  !  dehors  !  Il  vous  fault  deslogier, 
Désir  sans  joye  et  pensée  d'amours. . . 


l60  ARTHUR    PIAGET 

Rondel  de  dix  vers  :  Grenoble,  n°  874,  fol.  60  ;  ms.  du 
cardinal  de  Rohan,  fol.  80  v°;  Lyon,  n°  1235.  Publié  dans 
Lyon- Revue,  1886,  p.  315. 

XII.  Ainsi  que  bon  vous  semblera 
Et  que  vostre  plaisir  sera. . . 

Rondeau  de  treize  vers  :  Grenoble,  n°  874;  fol.  64;  Lyon, 
n°  1235.  Publié  da.ns Lyon-Revue,  1886,  p.  313. 

XIII.  Quant  ung  jour  suis  sans  que  je  voye 
Ung  seul  plaisir  que  mes  yeulx  ont . . . 

Dix  vers  intitulés  Rondelet  dans  le  manuscrit  de  Grenoble, 
n°874,  fol.  64  v°. 

XIV.  Au  feu,  au  feu,  qui  trestout  mou  cueur  ard 
Par  ung  brandon  tiré  d'ung  doulx  regard. . . 

Rondeau  de  treize  vers,  intitulé  Chançon  nouvele  dans  le 
manuscrit  de  Grenoble,  n°  874,  fol.  60  v°  ;  ms.  du  cardinal 
de  Rohan,  fol.  82  ;  Bibl.  nat.  fr.  9346,  fol.  5 1  v°  avec  musique  : 
texte  incomplet  publié  par  A.  Gasté,  Chansons  normandes, 
p.  78. 

J'ai  réuni  depuis  longtemps  quelques  notes  sur  les  ballades 
et  rondeaux  d'Alain  Chartier,  que  je  ne  puis  publier  ici, 
parce  que  cela  m'éloignerait  trop  de  la  Complainte  du  povre 
prisonnier  d'Amours  jaicte  au  Jardin  de  plaisance,  et  que  cela 
prendrait  d'ailleurs  trop  de  place.  Je  me  borne  à  dire  ceci  :  Les 
quatorze  rondeaux  énumérés  ci-dessus  sont  tous  d'Alain  Char- 
tier. On  a  vu  que  la  chanson  V^  lui  était  attribuée  par  Jean 
Régnier,  de  même  que  les  rondels  IX  et  X  par  le  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  Méjanes.  Le  manuscrit  de  Grenoble,  dans 
lequel  on  retrouve  les  quatorze  rondeaux  de  la  complainte, 
est  une  excellente  copie  des  œuvres  poétiques  d'Alain  Char- 
tier. Il  semble  bien  également  que  les  ballades  et  chansons 
du  manuscrit  de  Lyon  doivent  être  attribuées  à  l'auteur  de  la 
Belle  dame  sans  Merci. 


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LA    COMPLAINTE    DU    PRLSONNIER    d'aMOURS  i6i 

La  Complainte  du  prisonnier  d'Amours  est  donc  formée 
artificiellement  de  quatorze  rondeaux.  Ce  genre  de  composi- 
tion était  à  la  mode  à  la  fin  du  xv=  siècle.  On  peut  en  rappro- 
cher, par  exemple,  la  «  Balade  fliicte  de  plusieurs  chansons  », 
qu'on  trouve  dans  le  Jardin  de  plaisance,  édition  de  Vérard, 
fol.  Ixij.  Les  trente -deux  vers  de  cette  soi-disant  ballade  sont 
les  premiers  vers  de  chansons  connues  '.  Toutes  les  strophes 
du  Dyalogue  du  gendarme  et  de  l'amoureux  de  Molinet  ^  com- 
mencent par  le  premier  vers  d'une  chanson.  Les  strophes  de 
l'Oraison  à  la  Vierge  Marie  du  même  rimeur  commencent 
aussi  et  finissent  «  par  chansons  ^  », 

C'est  le  premier  vers  du  rondel  III  :  «  Au  povre  prison- 
nier... »  qui  a  suggéré  le  titre  de  la  Complainte.  Le  compila- 
teur du  Jardin  de  plaisance  a-t-il  choisi  lui-même,  pour  en 
former  un  petit  poème,  quatorze  rondeaux  d'Alain  Chartier  ? 
Ou  bien  a-t-il  rencontré  cette  complainte  déjà  fabriquée  par 
quelque  rimailleur  à  court  d'inspiration,  qui  avait  trouvé  fort 
commode  de  se  parer  des  plumes  du  paon  ?  Il  est  probable 
que  la  seconde  alternative  est  la  vraie.  Les  vers  d'Alain  Char- 
tier ont  été  mis  au  pillage  à  la  fin  du  xV  et  au  commence- 
ment du  xvi^  siècle.  On  pourrait  en  citer  de  nombreux 
exemples. 

On  vient  de  voir  que  le  rondel  III  commence  par  ces  mots  : 
«  Au  povre  prisonnier...  »  Or,  d'après  le  manuscrit  de 
Londres,  Add.  21.247,  ^^^  '^rois  mots  seraient  la  devise  amou- 
reuse d'Alain  Chartier.  Ce  joli  petit  manuscrit  renferme  une 
copie  du  Livre  des  Quatre  Dames,  faite  pour  un  membre  de  la 
famille  Montmorency-Laval  '^.  Il  est  orné  de  cinq  miniatures, 

1.  Dans  ses  Chansons  du  XV^  siècle, -ç-  71,  G.  Paris  a  publié  ces  quatre 
strophes  d'après  le  ms.  de  la  Bibl.  nat.  fr.  12744,  mais  il  lui  a  échappé  que 
cette  pièce,  qui  n'a  nullement  le  caractère  populaire,  était  un  simple  ouvrage 
de  marqueterie. 

2.  Édit.  de  1531,  fol.  4  v°. 

3.  Èdit.  de  1531,  fol.  95  vo. 

4.  Voir  fol.  I  les  armes  de  cette  famille,  d'or  à  la  croix  de  gueules, 
chargée  de  cinq  coquilles  d'argent  et  cantonnée  de  seize  alérions  d'azur.  Ce 

Mélanges.  IL  11 


l62  ARTHUR    PIAGET 

dont  deux  surtout  sont  intéressantes.  L'une^  au  début  du 
poème,  fol.  i,  représente  le  poète  sortant  dans  la  campagne, 
«  un  doulx  matin  ».  On  y  voit  des  tours,  des  châteaux,  des 
bosquets,  un  «  ruisselet  »,  un  berger  et  une  «  pastoure  »  qui 
s'entrebaisent,  un  troupeau  de  «  brebiettes  »,  quatre  dames, 
dont  l'une  montre  en  marchant  son  «  beau  blanc  petit  pié 
nu  ».  Le  poète  semble  sortir  d'une  tour,  sur  laquelle  on 
remarque,  au-dessus  de  la  porte,  une  petite  fenêtre  grillée, 
avec  l'inscription  :  Au  povre  prisonnier.  Un  personnage  à  che- 
val, dans  lequel  le  miniaturiste  a  voulu  sans  doute  représenter 
le  poète,  porte  sur  la  manche  droite  la  même  grille  avec  la 
même  inscription  ' . 

Au  fol.  ()^  du  même  manuscrit,  une  miniature  nous  montre 
le  poète,  un  genou  en  terre,  faisant  hommage  à  sa  dame  du 
livre  qu'il  vient  de  composer.  Sur  la  manche  gauche  d'Alain 
Chartier,  on  retrouve  la  même  petite  grille  et  la  devise  :  Au 
povre  prisonnier . 

Cette  devise  amoureuse  convenait  assez  bien  au  poète  du 
Livre  des  quatre  dames.  N'y  déclare-t-il  pas  qu'il  aime  sans 
espoir  une  belle  dame,  et  qu'il  ne  cessera  «  d'estre  en  ses  las  » 
jusqu'à  la  mort  ? 

Arthur  Piaget. 


volume  est  à  ajouter  aux  manuscrits  des  Laval  énumérés  par  L.    Delislc, 
Cabinet  des  manuscrits,  t.  II,  p.  375-377. 

I.  Malheureusement  peu  visible  dans  la  reproduction. 


LES    aUINZE    LOIS 

DE   LA 

BIBLIOTHÈaUE  DES  VARGAS  MACCIUCCA 


Les  quelques  renseignements  que  nous  possédons  sur  le 
duc  Thomas  Vargas  Macciucca  (1680- 1740)  et  sur  son  fils,  le 
chevalier  François  (1699-1785),  marquis  de  Vatolla,  nous 
nclinent  à  penser  que  ces  deux  personnages  furent  de  bien 
aimables  humanistes.  Mais  telle  est  leur  destinée  qu'il  est 
souvent  arrivé  que  l'on  ait  confondu,  avec  la  meilleure  foi 
du  monde,  le  père  et  le  fils,  et  que  l'on  ait  attribué  au  cheva- 
lier la  rédaction  des  quinze  fameuses  lois  dont  on  est  redevable 
au  duc.  Ce  n'est  pas  qu'on  jugeât  le  duc  incapable  d'en 
être  l'auteur,  mais  la  renommée  a  déjà  tellement  souri  au 
chevalier  que  maintes  personnes  auraient  été  charmées  d" aug- 
menter encore  ses  titres  à  la  postérité.  La  confusion  est  d'au- 
tant plus  aisée  que  l'un  et  l'autre  signèrent  les  mêmes  lois, 
comme  si  elles  eussent  été  l'œuvre  aussi  bien  de  l'un  que 
de  l'autre.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  noms  de  ces  deux  gentils- 
hommes méritent  de  ne  point  se  perdre  dans  l'oubli.  Les 
quelques  commentaires  que  nous  joindrons  au  texte  de  ces 
quinze  lois  dont  nous  donnons  ici  une  leçon  originale  (selon 
Thomas)  serviront  à  la  juste  gloire  du  duc  comme  du  cheva- 
lier, encore  qu'il  nous  arrivera  de  nous  occuper  davantage  de 
l'un  que  de  l'autre. 

Les  livres  provenant  de  l'une  ou  de  l'autre  bibliothèque 
sont  peu  fréquents.  Nous  avons  découvert  récemment  à  Flo- 
rence un  exemplaire  ayant  appartenu  au  duc  Thomas  Vargas 
Macciucca   :  une  Imitation,    in-folio   de    1640,   sortant    des 


164  ALFRED    PÉREIRE 

presses  royales  du  Louvre.  Au  même  moment,  paraissait  dans 
la  Revista  délie  Biblioteche  '  une  Notice  (que  la  Bibliofilia  ^  eut 
raison  de  reproduire)  annonçant  qu'un  ami  du  Directeur  de 
cette  Revue  venait  de  découvrir,  lui  aussi,  un  Testamentum  Noviim 
annoté  par  Erasme,  et  ayant  fait  partie  de  la  bibliothèque  du 
chevalier  François.  On  ne  sait  guère  comment  était  composée 
la  bibliothèque  du  duc,  mais  l'histoire  veut  bien  nous  révéler 
que  la  bibUothèque  du  Chevalier  s'enorgueillissait  d'exem- 
plaires précieux  sur  l'histoire  des  Pères,  comprenait  une  col- 
lection rare  des  classiques  grecs  et  latins^  beaucoup  d'ouvrages 
de  jurisprudence  et  un  fonds  important  sur  l'histoire  de  Naples. 
Chacun  des  deux  Macciucca  possédait  un  ex-libris  différent 
alors  que  les  lois  étaient  semblables. 

L'ex-libris  '  du  duc  représente  un  trophée  de  drapeaux  au 
centre  duquel  on  lit,  dans  un  cartouche  surmonté  d'un  heaume, 
la  devise  parlante  des  Vargas.  La  légende  rapporte  qu'un 
ancêtre  des  Vargas,  ayant  brisé  sa  lance  dans  une  bataille 
contre  les  Maures,  se  défendit  avec  une  telle  bravoure  que  le 
général  Alvarez  de  Castro,  qui  dirigeait  le  combat,  encourageait 
le  valeureux  guerrier  en  s'écriant  :  «  Asi  Vargas  Macciucca  » 
(Ainsi  Vargas  broie)  et  les  descendants  ajoutèrent  toujours  ce 
surnom  à  leur  nom.  Le  cri  de  guerre  devint  un  nom.  On  lit 
ensuite  autour  de  l'ovale  d'azur  de  l'étiquette  légèrement  ver- 
dâtre,  les  noms  suivants  :  ex  bibliotheca  illris  ducis  thomae 

VARGAS  MACCIUCCA. 

Quant  à  l'ex-libris  du  chevalier  François,  il  est  bien  dans  la 
tradition  du  xviii^  siècle.  C'est  une  étiquette  carrée  représentant 
deux  Chinois  assis  sur  une  estrade  comportant  trois  marches 
et  supportant  une  croix  de  Malte,  au  centre  de  laquelle  on 
peut  lire  le  monogramme  du  chevalier,  qui  porte  la  couronne 

1.  Geniiaio-Fehhraîo,  1912,  p.  34. 

2.  Aprlle,  1912,  p.  55-36. 

3.  Barterelli  (A.)  et  Prior  (D.-H.).  Gli  ex-libris  italiani.  Milano, 
Hœpli,  1902,  cf.  pp.  390  et  399,  et  Gelli  (Jacopo),  3.^00  Ex-libris  italiani. 
Milano,  Hœpli,  1908,  pp.  272  et  404. 


BIBLIOTHÈQ.UE    DES    VARGAS    MACCIUCCA  1^5 

ducale.  Sur  le  contrefort  de  la  première  marche,  on  lit  en  une 
petite  italique  cursive  :  Cavalier  Francesco  Vargas  Maccinccà. 

Sur  le  plat  de  la  garde  en  papier  à  ramages  du  volume  que 
nous  possédons,  s'étale  la  grande  étiquette  où  sont  imprimées 
en  petit  romain  et  en  italique,  les  Quinze  Lois.  Ce  règlement 
a  été  imprimé  en  divers  formats  comprenant  23,  26,  27  ou 
28  lignes.  Notre  étiquette  mesure  22  cm.  9  sur  lé  cm.  2.  La 
marge  du  haut  mesure  2  cm.  5,  celle  du  bas  8  cm.  5,  celle  de 
droite  3  cm.  4,  celle  de  gauche  2  cm.  85.  Notre  texte  com- 
prend 26  lignes,  dont  les  cinq  premières  en  italiques  et  les 
vingt-et-une  dernières  en  petit  romain.  Les  lignes  ne  sont  point 
toutes  d'égales  dimensions  ;  c'est  ainsi  que  la  première  mesure 
10  cm.  4,  les  trois  suivantes  9  cm.  9,  la  septième  7  cm.  8  et 
toutes  les  dernières  10  cm.  4.  Il  est  à  remarquer  que  le  pre- 
mier mot  Leges,  au  lieu  d'être  en  retrait,  avance  vers  la  gauche 
de  telle  sorte  que  le  premier  «  a  »  d'accepta  (seconde  ligne) 
se  trouve  sous  le  «  g  »  de  Leges. 

Voici  d'ailleurs  le  texte  de  ces  quinze  lois  : 

[i]  Leges,  Volumina  ex  Bibliotheca  nostra  commodato  \\ 
[2]  accepta,  lectiiris.  Sccundum  auspicia  lata  Lictor  \\  [3] 
Lege  agito  in  Legirnpionem.  Mas  vel  Fcemina  \\  [4]  fiias 
bac  tibi  lege,  Codicis  istiiis  nsiiin,  non  \\  [5]  interdicimus. 
[6]  L  HUnc  ne  Mancipium  ducito.  Liber  est  :  ne  |1  [7] 
igitur  notis  compugito.  IL  Ne  cœsim  |1  [8]  punctimve 
ferito  :  hostis  non  est.  III.  Lineolis  ||  [9]  intus,  forisve, 
quaqueversum,  ducendis  abstineto.  ||  [10]  IV.  Folium 
ne  subigito,  ne  complicato,  neve  in  ||  [i  i]  rugas  cogito. 
V.  Ad  oram  conscribillare  caveto.  ||  [12]  Wl.  Atramen- 
tum  ultra  primum  exesto  :  mori  ma- 1|  [13]  vult  quam 
fœdari.  VIL  Purœ  tantum  papyri  Phi- 1|  [14]  luram 
interserito.  VIII.  Alteri  clanculum  palamvc  H  [15]  ne 
commodato.  IX.  Murem,  tineam,  blattam,  ||  [lé]  mus- 
cam,  furunculum  absterreto.   X.  Ab  aqua,  ||  [17]  oleo, 


l66  ALFRED    PÉREIRE 

igné,  situ,  illuvie  arceto.  XI.  Eodem  uti-  |1  [i8]  tor, 
non  abutitor.  XTI.  Légère  et  quaevis  excer-  ||  [19]  père, 
fas  esto.  XIII.  Perlectum,  apud  te  peren- 1|  [20]  nare 
ne  sineto.  XIV.  Sartum  tectumq-prout  toi- 1|  [21]  lis 
reddito.  XV.  Qui  faxis,  vel  ignotus  Amico-  ||  [22]  rum 
albo  adscribitor:  qui  secus,  vel  notus  era- 1|  [23]  detor. 
Has  sibi,  bas  alliis  praescribit  leges  in  re  ||  [24]  sua, 
Ordinis  Hyerosolimitani  Eques  Dux  Thomas  |1  [25] 
Vargas  Macciucca.  Quoi  placeas  annue,  quoi  mi- 1| 
[26]  nus,  quid  tibi  nostra  tactio  est?  Facesse. 

En  voici  la  traduction,  aussi  exacte  que  nous  l'avons  pu 
faire,  en  conservant  volontairement  certaines  tournures 
archaïques  : 

«  Lois,  à  l'usage  de  ceux  qui  liront  des  livres  reçus  à  titre  de  prêt 
de  notre  bibliothèque . 

Selon  les  auspices  pris,  Licteur,  au  nom  de  la  Loi,  poursuis  le 
violateur  de  la  Loi.  Que  tu  sois  homme  ou  femme,  voici  quelle  sera 
ta  loi,  mais  je  ne  t'interdis  point  l'usage  de  ce  livre. 

I.  Tu  ne  le  considéreras  pas  comme  un  bien  aliénable. 
C'est  un  livre;  ne  le  marque  point  d'une  note,  marque  de 
l'esclavage. 

IL  Tu  ne  le  frapperas  ni  d'estoc,  ni  de  taille  :  ce  n'est  pas 
un  ennemi. 

III.  Tu  n'y  traceras  pas  de  petits  traits,  ni  au  dedans  ni  au 
dehors,  ni  d'aucun  côté. 

IV.  Tu  ne  maltraiteras  aucun  feuillet,  tu  ne  le  plisseras  pas, 
tu  ne  le  corneras  pas. 

V.  Tu  ne  maculeras  pas  les  marges. 

VI.  Avant  tout,  pas  de  taches  d'encre  :  plutôt  la  mort 
qu'une  souillure. 

VIL  Tu  interfolieras  le  Livre  de  feuillets  blancs. 
VIII.  Tu  ne  le  prêteras  pas  à  un  tiers,  ni  en  cachette,  ni 
ouvertement. 


BIBLIOTHÈQ.UE   DES    VARGAS   MACCIUCCA  léy 

IX.  Tu  le  tiendras  à  l'écart  des  rats,  des  vers,  des  mites  ou 
mouches  et  des  petits  larrons. 

X.  Tu  repousseras  très  loin  l'eau,  l'huile,  le  feu,  la  moisis- 
sure et  les  choses  salissantes. 

XL   Uses-en  sans  en  abuser, 

XII.  Tu  pourras  y  glaner  et  y  faire  des  emprunts  à  ta 
guise. 

XIII.  Après  l'avoir  lu,  tu  ne  te  permettras  pas  de  le  garder 
éternellement  chez  toi. 

XIV.  Tu  le  rendras  en  bon  état  et  couvert  comme  tu 
l'emportes. 

XV.  Quiconque  agira  ainsi,  fût-il  même  un  inconnu,  sera 
inscrit  au  tableau  des  amis,  quiconque  ne  le  fera  pas,  même 
connu  de  moi,  en  sera  rayé. 

Telles  sont  les  lois  qu'à  lui-même  et  aux  autres  a  prescrit  sur 
son  bien  le  duc  Thomas  Vargas  Macciucca,  Chevalier  de 
l'ordre  de  Jérusalem.  Si  cela  t'agrée,  approuve,  sinon,  à  quoi 
bon  toucher  ce  livre.  Va-t-en.  » 

Le  duc  Thomas  Vargas  Macciucca  ne  manquera  pas  d'être 
hautement  apprécié  par  les  lettrés  comme  par  les  biblio- 
philes pour  la  délicatesse  avec  laquelle  il  sut  exprimer  en 
termes  tantôt  graves,  tantôt  frivoles,  des  vérités  essentielles. 
Ces  quinze  commandements  sont,  à  n'en  point  douter,  imités 
de  l'antique  et  calqués  sur  les  fragments  qui  nous  sont  restés 
de  la  loi  des  Douze  Tables.  Mais,  en  dépit  de  leur  feinte  gra- 
vité, on  éprouve  en  lisant  ces  lois,  embaumées  d'archaïsme, 
je  ne  sais  quelle  joie  secrète  pour  leur  charme  malicieux. 
Voulût-on  être  sérieux,  que  l'on  est  forcé  de  sourire,  tant  le 
badinage  est  évident,  tant  la  copie  sent  l'épigramme  et  la 
satire.  Comme  en  un  déguisement,  la  formule  peut  à  peine 
donner  le  change  et  modifier  le  visage  souriant  de  l'aristo- 
'  crate  du  xvii*  siècle  qui  se  dérobe  sous  la  tunique  d'un 
Appius  Claudius.  Loin  donc  ces  formules  sanguinaires  de  la 


l68  ALFRED    PÉREIRE 

loi  du  talion,  loin  ces  ordres  tyranniqucs  que  Cicéron  cepen- 
dant considérait  comme  «  un  sommaire  de  philosophie  pra- 
tique ».  Ce  n'est  plus  cette  terrible  maxime  :  «  Oui  memhruvi 
rnpsit  ni  cum  co  pascit,  talio  esio.  »  Mais,  au  contraire,  usant 
aussi  de  l'impératif  en  «  to  »,  ce  conseil  aimable  :  «  Légère  et 
qnxvis  excerpere,  fas  esto.  »  Et,  poussant  le  désir  d'archaïsme 
jusqu'à  buriner  un  commandement  d'une  concision  sybilline, 
rappelant  cette  formule  à  deux  termes,  si  harmonieusement 
balancée  :  «  Incantessit,  pellexerit  »,  nous  avons  :  «  Eodeiu  utitor, 
non  abntitor.  » 

Parfois  aussi  le  duc  Vargas  se  plaît  à  faire  de  l'esprit  et  à 
jouer  sur  les  mots,  comme  dans  les  commandements  premier 
et  onzième,  l'un  avec  «  liber  »,  l'autre  avec  «  légère  ».  Mais 
le  plus  souvent,  ces  lois  sont  d'un  ami  qui  traite  ses  livres 
comme  des  hôtes  avec  lesquels  il  importe  de  nourrir  d'exquises 
relations.  Et  il  insiste  :  «  Hostis  non  est  ».  Et  de  faire  mille 
recommandations,  d'éloigner  les  petits  larrons  et  de  tenir  les 
feuillets  h.  l'abri  des  huiles  et  des  choses  salissantes.  Car  les 
pages  sont  comme  des  hermines  :  plutôt  la  mort  qu'une 
souillure.  Sous  cette  forme  gracieuse,  les  recommandations 
ne  sauraient  froisser.  Et  même  à  relire  ces  lois  de  près,  en 
tâchant  de  pénétrer  le  sens  qu'a  voulu  y  mettre  le  duc  Thomas, 
on  se  trouve  en  présence  d'un  bel  aristocrate  qui  philosophe 
avec  finesse.  Il  ne  faut  point  le  celer,  le  fait  de  légiférer,  ne 
fût-ce  que  pour  soi-même,  est  la  marque  d'un  bel  esprit, 
épris  de  mesure  et  d'ordonnance.  Vauvenargues  ne  disait-il 
point  que  la  beauté  de  l'ordre  est  plus  aimable  que  toutes  les 
beautés  sensibles?  Altruisme  bien  compris,  santé  morale  aussi 
bien  que  physique,  habitudes  d'ordre  et  de  propreté,  façons 
civiles  et  révérentes,  philosophie  aimable  :  on  trouve  tout  cela 
dans  les  lois  du  duc  Thomas  Vargas  Macciucca. 

Son  fils,  le  cavalier  François,  marquis  de  Vatolla,  pouvait 
donc  trouver  dans  l'héritage  de  son  père  maintes  raisons  de 
tirer  vanité  de  ces  quinze  lois  dont  il  se  plut  aussi  à  orner  la 
garde  de  ses  livres.  Il  remplaça  toutefois  le  nom  de  feu  le  duc 


BIBLIOTHÈaUE    DES    VARGAS    MACCIUCCA  169 

son  père  par  le  sien.  A  défaut  d'être  connu  comme  légis- 
lateur, il  sera  considéré  comme  le  gardien  zélé  des  lois  pater- 
nelles. 

Est-ce  à  ces  commandements  indulgents  qu'il  doit  la  faveur 
dont  il  fut  entouré  ?  Nous  l'ignorons.  Nous  ne  lui  faisons  pas 
l'injure  de  le  penser,  car  si  on  en  croit  les  historiens,  il  fut 
prisé  et  recherché  par  les  esprits  les  plus  distingués  de  son 
époque.  Ses  amis  sont  à  sa  mesure  :  mieux,  il  est  à  leur  hau- 
teur. Et  l'on  serait  tenté  d'étudier  la  vie  de  ses  illustres  amis, 
pour  rechercher  en  eux  le  reflet  des  traits  qui  nous  manquent 
pour  pousser  plus  avant  le  portrait  du  marquis  de  Vatolla. 

Voici  cependant  quelques  anecdotes.  On  rapporte  qu'il  se 
lia  d'amitié  avec  les  deux  papes  Benoît  XIII  et  Benoît  XIV. 
Ces  deux  pontifes,  sans  avoir  atteint  la  gloire  des  Jules  II  ni 
des  Léon  X,  font  figure  dans  l'histoire  générale  des  papes 
comme  des  modèles  de  bienfaisance  et  de  charité.  La  chro- 
nique nous  fournit  sur  eux  des  traits  qui  nous  les  peignent. 
Benoît  XIV  disait  de  son  prédécesseur  :  «  Nous  aimons  avec 
respect  ce  pontife  qui  fit  reculer  son  carrosse  pour  n'avoir  point 
de  disputes  avec  un  charretier.  »  Ce  Benoît  XIV,  au  demeu- 
rant, prisait  davantage  que  son  prédécesseur  dont  il  louait  l'ex- 
trême mansuétude,  les  choses  d'art  et  les  vieux  parchemins. 
On  doit  en  effet  à  Prosper  Lambertini  (car  tel  est  son  nom) 
des  mesures  temporelles  aussi  vénérables  que  ses  spirituelles. 
Il  passe  pour  avoir  encouragé  les  Académies  romaines  et  avoir 
augmenté  de  précieux  manuscrits  la  librairie  du  Vatican. 

En  de  telles  compagnies,  le  cavalier  Francesco  Vargas 
Macciucca  ne  laisse  pas  que  de  se  plaire.  Il  aimait  les  érudits, 
les  artistes,  les  antiquaires  en  toutes  matières.  On  comprend 
l'amitié  qu'il  prodigua  au  jurisconsulte  hellénisant  Jean  Lami 
qui  méritait  aussi  des  Belles-Lettres  et  des  Beaux-Arts.  Et  si 
Lami  disait  du  cavalier  Vargas  qu'il  était  un  «  vir  insignis,  ad 
miraculum  usque  eruditus  »  nous  pouvons  faire  créance  à  l'un 
sur  l'autre. 

Un  autre  de  ses  fiuniliers,  le  marquis  Tannucci,  ne  s'expri- 


lyO  ALFRED    PEREIRE 

mait  pas  autrement  en  surnommant  Vargas  :  «  bibliotheca 
ambulante  ».  Mais  l'opinion  de  Galanti  est  peut-être  plus 
séduisante  encore.  Galanti,  qui  nous  est  connu  par  ses  éloges 
de  Voltaire  et  de  d'Alembert,  disait  du  Mécène  bibliophile 
qu'il  était  un  «  magazzino  di  dottrina  ».  Opinion  flatteuse  s'il 
en  fût  et  vraie  jusqu'à  la  précision. 

Depuis  l'enfance,  le  chevalier  Vargas  montrait  de  séduisantes 
qualités.  Né  dans  les  Abruzzes,  dans  le  petit  village  de  Teramo, 
il  fit  ses  études  à  Naples,  dans  le  collège  des  nobles  que  diri- 
geaient les  Jésuites.  Il  vint  bientôt  à  Rome  où  il  montra 
bientôt  d'étonnantes  dispositions  pour  le  dessin  et  la  sculp- 
ture. Il  fit  en  tout  preuve  d'une  telle  maîtrise  qu'il  méritait 
l'opinion  de  Galanti.  On  lui  doit  à  la  fois  une  traduction  du 
Système  intellectuel  de  la  Nature  de  Cudworth,  et  un  Traité 
de  Contrepoint.  Il  fut  poète,  jurisconsulte,  physicien,  précur- 
seur de  l'aérostation.  Minervi  raconte  qu'un  jour,  quelqu'un 
lui  lisant  un  article  sur  l'invention  des  Montgolfières,  il  indiqua 
dans  sa  bibliothèque  un  livre  paru  à  Brescia,  en  1670,  où  l'on 
décrivait  un  navire  volant.  Il  mourut  à  Naples,  où  il  passa  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie,  le  17  juillet  1785. 

Prodigieux  esprit  que  le  sien.  Il  mérite  aussi  bien  que  son 
père  le  duc,  que  son  nom  voltige  sur  les  lèvres  des  hommes  et 
que  sa  mémoire  soit  vénérée  par  les  bibliophiles  et  par  les  let- 
trés. Les  deux  visages  affrontés  du  duc  et  du  chevalier  Vargas 
Macciucca  émergeraient  avec  quelque  élégance  du  plat  de  la 
médaille  qu'il  conviendrait  de  leur  consacrer  comme  les  auteurs 
et  les  gardiens  de  ces  quinze  curieuses  lois  transcrites  par 
nous,  en  lesquelles  demeure  un  délicat  parfum  d'humanisme 
que  n'eussent  dédaigné  ni  Pétrarque,  ni  Montaigne. 

Alfred  Pekeire. 


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SCIPION    SARDINI    ET   SA    FAMILLE 


Parmi  les  banquiers  italiens  de  haut  rang  qui  ont  vécu  à 
Paris  au  temps  où  la  famille  des  Médicis  y  régnait  toute- 
puissante,  on  cite  volontiers  Scipion  Sardini,  dont  une  voie  de 
la  capitale  rappelle  le  nom.  Dans  cette  rue  du  quartier  Saint- 
Marcel  (rue  Scipion),  une  vieille  demeure  se  distingue  encore 
partiellement  par  une  décoration  originale  et  unique  qui  date 
de  l'époque  de  sa  construction,  c'est-à-dire  du  règne  de 
Henri  III  ;  on  la  connaît  communément  sous  le  nom  d'hôtel 
Scipion,  aujourd'hui  occupé  par  la  Boulangerie  centrale  des 
hôpitaux  après  avoir  été  un  hôpital  ',  et  elle  passe  pour  avoir 
servi  de  logis,  peut-être  de  maison  de  campagne,  au  richissime 
banquier.  Anatole  de  Montaiglon  a  signalé  aux  curieux  l'inté- 
rêt des  médaillons  sculptés  avec  goût  de  cette  façade  inté- 
rieure ^  ;  puis,  le  premier,  M.  Emile  Picot  a  tenté  de  réunir  ' 
toutes  les  mentions  qu'il  a  pu  recueillir,  son  érudition  aidant, 
sur  le  personnage  étranger  dont  la  faveur  fut  considérable  à 
la  cour  de  France  pendant  plus  d'un  quart  de  siècle  •^. 

1.  Un  document  relatif  à  l'élargissement  de  la  ruelle  qui  allait  en  1781 
de  la  barrière  Saint-Victor  à  la  «  maison  de  Scipion  »  se  trouve  dans 
Brièle,  Collection  de  documents  pour  servir  à  V histoire  des  hôpitaux  de  Paris, 
11(1873),  p.  115- 

2.  Bulletin  de  la  Société  impériale  des  Antiquaires  de  France,  1857,  pp.  99- 
loi  ;  —  cet  article  a  été  développé  ensuite  par  son  auteur  dans  Les  Beaux- 
Arts,  revue  nouvelle,  I  (1860),  pp.  161-166  et  197-202. 

3.  Les  Italiens  en  France  au  XV I^  siècle,  i^e  série  (Bordeaux,  Feret  et  fils, 
1902;  extr.  du  Bulletin  italien  de  1901-1902),  pp.  134-137. 

4.  Peut-être  le  père  de  Scipion  était-il  ce  Louis  Sardini  qui  lit,  avant 
1567,  par  testament,  donation  de  1371  livres  à  l'Hôtel-Dieu  de  Paris  (Briéle, 
op.  cit.,  III,  p.  329).  —  Sur  Davino  Sardini,  dont  nous  ignorons  l'exact  lien 
de  parenté  avec  Scipion,  voir  Registres  du  Bureau  de  la  Ville  de  Paris,  VI, 
p.  474,  et  VII,  p.  153  ;  et  Archives  nationales,  P  2318,  p.  237. 


172  HENRI    STEIN 

Grâce  à  ces  précieuses  recherches,  nous  savons  que  Scipion 
Sardini  fut  l'âme  damnée  de  Catherine  de  Médicis,  qui  eut 
sans  cesse  besoin  de  ses  services  et  lui  fit  obtenir  une  foule  de 
privilèges  et  de  concessions  ;  nous  le  suivons  à  partir  de 
1548,  où  on  le  trouve  établi  à  Lyon  ',  jusqu'en  1589;  nous 
le  voyons  prêter  au  roi,  au  clergé,  aux  princes  du  sang  ^,  des 
sommes  considérables  à  des  intérêts  fort  élevés,  négocier  des 
emprunts  et  même  faire  imprimer  de  son  autorité  privée  un 
édit  qui  augmentait  les  impôts  ;  nous  lisons  les  satires  et  les 
épigrammes  volontiers  distribuées  ou  affichées  contre  lui  et 
ses  semblables  dans  les  rues  et  les  carrefours,  mais  qui 
n'étaient  point  faites  pour  l'émouvoir  5. 

1.  Il  était  lucquois,  comme  les  Cenami,  les  Spifame,  les  Balbani,  les 
Zamet,  et  autres  qui  vinrent  s'établir  à  Lyon  ou  à  Paris . 

2.  Cf.  Archives  nationales,  E  ii^,  fo  54,  P  2321,  p.  597-611,  P  2330, 
p.  729,  et  KK  116,  fo5  840  et  S47  vo  (remboursements  à  lui  faits,  pendant 
la  seule  année  1585,  d'une  somme  de  80196  écus  58  sous,  et  d'une  autre 
somme  de  4833  écus  20  sous,  intérêts  compris,  sur  les  fonds  de  la  trésore- 
rie royale);  —  Bibliothèque  nationale,  nouv.  acquisit.  françaises,  n°6830 
(contrat  de  1588  avec  le  clergé  pour  recouvrement  d'une  somme  de  5000C0 
écus  accordés  au  roi  par  ledit  clergé)  ;  — ■  Brièle,  Collection  de  âociivients  pour 
servir  à  l'histoire  des  hôpitaux  de  Paris,  IV  (1887),  p.  197;  —  Registres  du 
Bureau  de  la  ville  de  Paris,  IX,  p.  587  ;  —  Procès-verbaux  des  Assemblées  du 
Clergé,  I,  pp.  591-595. 

3.  Voici  un  sonnet  qu'on  peut  ajouter  à  ces  pièces  satiriques  (ms.  fr. 
22563,  fol.  162  vo)  : 

L'Espaigne  a  triomphé  à  l'encombre  des  Gotz 
Qui  la  tenoient  soubz  eulx  d'une  brave  arrogance. 
Et  vous  Parisiens  soubz  un  muet  silence 
Tresfins  avez  deceu  les  plus  grands  huguenotz. 

Puisque  vous  retenez  ces  inventeurs  d'imposts 
Poltrons  italiens  le  malheur  de  la  France 
Pour  immortalizer  vostre  grande  vaillance 
Que  ne  les  grillez  vous  de  gros  boys  et  fagotz. 

Les  faicts  que  leurs  ayeux  aprirent  a  Sodome 
Et  qu'au  sceu  de  chacun  exercent  dedans  Rome 
Vous  debvroicnt  inciter  a  œuvre  si  sacré. 

Sus  donc  la  commencez  dessus  ce  grand  Camille, 
Sus  Sardin  le  songeart,  bref  sus  tous  à  la  file 
Le  plus  petit  l'rancois  vous  en  saura  bon  gré. 


SCIPION    SARDINI    ET    SA    FAMILLE  I73 

Cet  homme,  parvenu  à  rassembler  une  grosse  tortune, 
jouissait  d'une  influence  qui  lui  permettait  d'agir  à  sa  guise 
et  de  dominer  les  cris  de  la  foule.  Comme  avec  les  puissants 
financiers  de  toutes  les  époques,  le  gouvernement  devait 
compter  avec  lui.  On  peut  ainsi  se  faire  une  idée  au  moins 
vague  de  sa  situation  morale  ;  mais  ne  serait-il  pas  possible  de 
chercher  à  le  mieux  connaître  encore  ?  Quand  mourut-il  ? 
Quelle  postérité  laissa-t-il  ?  Et  que  devinrent  après  lui  les  pro- 
priétés qu'il  avait  acquises,  les  trésors  qu'il  avait  accumulés  ? 
Ces  questions  n'ont  jamais  été  posées,  ou,  si  elles  ont  pu 
l'être,  elles  n'ont  pas  trouvé  de  solutions.  Comment  le  mys- 
tère s'est-il  donc  fait  si  grand,  jusqu'à  ce  jour,  sur  la  person- 
nalité et  l'entourage  de  Scipion  Sardini  ? 

Quelques  documents  notariés,  conservés  aux  Archives 
nationales,  vont  nous  permettre  de  soulever  un  coin  du  voile. 
Sans  être  aussi  précis  et  aussi  détaillés  que  nous  l'aurions 
souhaité,  puisque  l'on  n'y  trouvera  pas  le  moindre  renseigne- 
ment sur  l'état  de  la  fortune  du  fameux  banquier,  puisque 
l'on  n'y  découvrira  rien  qui  en  facilite  l'évaluation,  du  moins 
pourront-ils  servir  de  point  de  départ  pour  des  recherches 
nouvelles  à  qui  voudra  les  entreprendre. 

Seigneur  de  Chaumont-sur-Loire  \  de  cette  magnifique 
demeure  féodale  qui  avait  antérieurement  appartenu  aux 
comtes  de  Blois,  à  Diane  de  Poitiers  et  à  Catherine  de  Médi- 
cis  elle-même,  Scipion  Sardini  paraît  avoir  possédé  des  biens 
en  Brie,  puisque  l'une  de  ses  filles  décédée  a  été  provisoire- 
ment inhumée  en  l'égUse  de  Roissy  -;  il  acquiert  en  1605  les 
droits  du  duc  de  Bouillon  sur  le  domaine  de  Beaufort  ^  ;  sa 

1.  Voir  Alex.  Dupré,  Le  château  et  les  seigneurs  de  Chaiiniont-sur-Loire 
(Blois,  1855,  i""8  de  58  p.).  Le  château  fut  possédé  de  1600  à  1668  par  les 
Sardini,  Scipion  l'ayant  obtenu  par  retrait  lignager  du  chef  de  sa  femme, 
cousine  de  la  précédente  propriétaire,  Charlotte  de  La  Marck  ;  ensuite  les 
Roffignac  le  conservèrent  jusqu'en  1699. 

2.  C°n  de  Tournan  (Seine-et-Marne)  ;  Roissy  est  peu  éloigné  de  Fer- 
rières  et  d'Armainvilliers. 

3.  Archives  nationales,  £9»,  fo239. 


174  HENRI    STEIN 

femme  Isabeau  de  la  Tour  %  appartenant  à  la  grande  famille  des 
La  Tour  d'Auvergne  ^,  est  qualifiée  parfois  vicomtesse  de 
Buzancy,  et  transmettra  cette  seigneurie  ardennaise,  voisine 
de  Sedan,  à  l'un  de  ses  fils;  enfin  Scipion  avait  eu  des  pro- 
priétés à  Lyon,  à  Blois,  ailleurs  encore,  sans  oublier  les 
domaines  patrimoniaux  de  Lucques  qu'il  avait  pieusement 
conservés  et  peut-être  accrus. 

Lorsqu'il  rédige  son  testament,  le  27  juillet  1596,  Scipion 
Sardini  n'est  plus  jeune,  mais  il  est  encore  sain  de  corps  et 
d'esprit,  et  ce  n'est  pas  une  vaine  formule,  puisqu'il  ne  mourra 
que  longtemps  après.  Il  habite  à  Paris  rue  Hautefeuille  ', 
paroisse  Saint-Séverin  ;  et  n'est-il  pas  surprenant  d'apprendre 
qu'il  ne  demeure  pas  dans  l'hôtel  qu'il  a  fait  construire  au 
faubourg  Saint-Marcel  ?  L'a-t-il  déjà  aliéné  ?  Ne  l'aurai t-il  fait 
construire  que  comme  habitation  de  campagne  ?  Cette  dernière 
hypothèse  paraît  plus  vraisemblable.  A  cette  même  date,  il'a 
bien  marié  déjà  deux  filles  :  l'une,  Madeleine,  est  veuve 
de  Jacques  de  Roffignac,  sieur  de  Marzac  ^  ;  l'autre,  Isabelle,  a 

1.  On  l'appelle  plutôt  Isabelle  de  Limeuil,  et  on  sait  qu'elle  avait  été 
avant  son  mariage  la  maîtresse  d'un  Condé.  En  vérité  les  Limeuil  et  les  La 
Tour  ne  sont  qu'une  seule  et  même  famille,  ou  tout  au  moins  une  branche 
de  la  famille  des  La  Tour  d'Auvergne  ;  on  trouve  François  de  La  Tour  sei- 
gneur de  Limeuil  au  début  du  xvi^  siècle  (Archives  nationales,  R*  46)  et  vers 
1530  fut  plaidé  un  procès  entre  plusieurs  frères  au  sujet  de  la  donation  de  la 
terre  de  Limeuil  à  Gilles  de  La  Tour  (Idem,  R^  48)  ;  le  titre  de  seigneur  de 
Limeuil  fut  porté  entre  autres  par  Gilles  de  La  Tour,  quitesta  en  i$66(Idem^ 
R^  29,  et  par  son  fils  Galiot  de  La  Tour,  qui  testa  à  son  tour  en  i588(Wcw, 
R^  49)  :  Isabelle,  fille  de  Gilles,  est  mentionnée  dans  le  testament  de  1566. 
Elle  fut  célèbre  par  sa  beauté.  On  a  deux  portraits  d'elle,  l'un  au  musée  du 
Louvre  (Reiset,  Catalogue  des  dessins,  n"  1360),  l'autre,  que  nous  croyons  un 
peu  plus  ancien,  dans  le  volume  1206  de  la  collection  Clairambault,  f"  16 
(Bibhothèque  nationale). 

2.  Sur  le  scandale  que  causa  sa  grossesse  en  1564,  voir  Brantôme  (éd. 
Lalanne),  IX,  p.  87,  et  X,  p.  511. 

3.  Aucune  mention  de  lui  n'est  faite  par  E.  Baillière  dans  sa  monogra- 
phie de  La  me  Hautefeuille,  qu'a  publiée  le  Bulletin  de  la  Société  du  VI^  arron- 
dissement de  Paris. 

4.  La  généalogie  des  Roffignac,  seigneurs  de  Marzac,  se  trouve  dans  le 
Nobiliaire  du  Limousin  de  l'abbé  Nadaud.  —  On  a  un  portrait  d'elle  au 


SCIPION    SARDINI    ET    SA    FAMILLE  I75 

épousé  un  compatriote  et  un  voisin  des  bords  de  la  Loire, 
F.  Salviati,  sieur  de  Talcy  ^  Mais  il  a  en  outre  deux  fils, 
plus  jeunes  sans  doute,  auxquels  il  a  donné  les  prénoms 
d'Alexandre  et  de  Paul,  et  qui  lui  survivront.  Nos  documents 
signalent  l'existence  d'un  sien  frère,  décédé  en  1596,  mais  dont 
les  fils  Jean-Baptiste  et  Bernard  Sardini  ne  sont  pas  oubliés 
par  leur  oncle  lorsque  celui-ci  prend  soin  de  dicter  ses  der- 
nières volontés  :  sans  doute  ces  neveux  ont-ils  d'ailleurs  con- 
tinué de  résider  en  Italie,  car  c'est  à  eux  que  sont  réservés  les 
immeubles  de  Lucques.  La  famille  se  complète  par  un  cousin 
du  même  nom  patron3^mique,  Marc-Antoine  Sardini  ^,  et  par 
un  autre  neveu  nommé  Orazio  Nieri.  Ce  dernier  est  en  toute 
certitude  un  immigré  à  Paris  :  à  sa  qualité  de  neveu,  il  joint 
celle  de  commis  du  banquier  Scipion  ',  et  comme  tel  se  trouve 
exposé  à  des  poursuites  dans  lesquelles  est  impliqué  son 
patron  4. 


Cabinet  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  nationale,  qui  portait  le  no  264  au 
catalogue  de  l'Exposition  des  Portraits  de  1907. 

1.  Qie  de  Cour-Cheverny  (Loir-et-Cher).  —  Sur  les  Salviati,  consulter 
le  travail  ci-dessus  mentionné  de  M.  Emile  Picot,  pp.  86-87  ;  —  ^-  d'Aubigné, 
Histoire  universelle,  édon  A.  de  Ruble,  VI,  pp.  285  et  317  ;  —  A.  Storelli, 
Notice  historique  et  chronologique  sur  les  châteaux  de  Blaisois  ;  le  château  de 
Talcy  (Paris,  1884,  in-4);  —  P.  Dufay,  Autour  de  Cassandre  :  les  Salviati 
(Paris,  1909,  in-8,  extr.  du  t.  X  des  Annales  Fléchoises").  C'est  en  effet  à 
cette  famille  qu'appartenait  la  Cassandre  de  Ronsard,  comme  l'a  démontré 
M.  Henri  Longnon  (Revue  des  Questions  historiques,  janvier  1902,  et  Pierre 
de  Ronsard,  essai  de  biogi-aphie  (Pans,  1912,  iu-i6),  pp.  320-358). 

2.  Mentionné  maintes  fois  comme  fondé  de  pouvoirs  de  Scipion,  et  dés 
1574  (Registres  du  Bureau  de  la  ville  de  Paris,  VII,  p.  153).  Cf.  Archives 
nationales,  P  2330,  p.  809;  et  N.  Valois,  Inventaire  des  arrêts  du  Conseil 
d'Etat,  passim. 

3.  m'était  en  1595  et  encore  en  1606. 

4.  Un  document,  cité  seulement  par  M.  Emile  Picot,  fournit  quelques 
détails  sur  cette  affaire  (Biblioth.  nationale,  coll.  Dupuy,  vol.  857,  f"  180)  : 
«  Arrêt  du  quartier  d'octobre  1606  donné  à  mon  rapport  au  Conseil  privé 
du  roy.  Entre  m^  Nicollas  Lescalopier,  conseiller  notaire  et  secrétaire  du 
roy,  demandeur  et  requérant  l'enthérinement  d'une  requeste  par  luy  présen- 
tée au  roy  le  dernier  mars  1606  à  fin  de  reiglement  de  juges  pour  la  con- 
tention de  jurisdiction  d'entre  la   Court  du  Parlement  de  Paris,  prévost 


176  HENRI   STEIN 

Dans  son  testament,  où  Scipion  Sardini  prend  ses  disposi- 
tions pour  le  partage  de  sa  fortune,  il  demande  à  avoir  sa 
sépulture  «  en  l'église  des  Augustins  »  ;  il  ne  peut  s'agir  que 
du  couvent  des  Grands-Augustins,  où  aucun  archéologue  n'a 

dudit  lieu,  et  le  Grand  Conseil,  d'une  part,  et  Horace  Niery,  soy  disant 
commis  du  sieur  Scipion  Sardiny,  deffendeur,  d'autre  ;  Veu  par  le  roy  en 
son  Conseil  ladite  requeste,  arrest  dudit  Conseil  sur  icelle  du  dernier  mars 
1606,  exploict  de  signiffication  d'icelluy  audit  de  Niery  au  domicilie  du  dit 
Sardiny,  et  assignation  donnée  à  icelluy  de  Niery  à  six  sepmaines,  du  6  avril 
audit  an,  lettres  d'anticipation  obtenues  par  ledit  de  Niery  du  le^  may  audit 
an,  exploict  de  signiffication  d'icelles  audit  sieur  Lescalopier  du  6  desdits 
mois  et  an,  procédures  faictes  par  devant  le  prévost  de  Paris  à  la  requeste 
dudit  Lescalopier  allencontre  de  Allexandre  Fanouche  [Fanucci],  couratier, 
pour  raison  d'une  saisye  sur  la  somme  des  6000  livres  qu'il  doibt  par  pro- 
messe en  blanc  audit  Fanouche,  pour  seureté  des  sommes  de  6000  livres 
d'une  part  et  7500  livres  d'autre,  qui  luy  sont  deues  par  promesses  signées 
Grandeau  et  contresignées  Baudouyn,  qu'icelluy  Fanouche  luy  auroit  bail- 
lées et  que  ledit  Baudouyn  prétend  faulces,  acte  d'opposition  formée  à  ladite 
saisye  et  délivrance  à  ladite  somme  de  6187  livres  par  m^  Jehan  Garnier  et 
Jacques  Deschamps  comme  créanciers  dudit  Fanouche,  du  21  juing  1605, 
sentence  dudit  prévost  deParis  ou  son  lieutenant  audit  an,  etc. 

...Autre  arrest  du  Grand  Conseil  du  17  mars  [1606]  donné  par  deffaut, 
par  lequel  la  cause  d'entre  ledit  Lescalopier  à  ladite  Court  de  Parlement 
aux  fins  que  lesdits  Fanouche  et  Niery  y  feussent  appelles,  sur  laquelle 
auroit  esté  ordonné  que  la  partie  seroit  appellée,  du  30  mars  audit  an, 
exploict  de  signiffication  de  ladite  ordonnance  auxdits  Niery  et  Fanouche 
desdits  jour  et  an,  autres  listes  dudit  Sardiny  des  années  1595,  1597,  1598, 
par  lesquelles  ledit  de  Niery  seroit  compris,  lettres  d'évocation  audit  Grand 
Conseil  des  feuz  rois  Charles  et  Henry  derniers  décédés,  de  tous  les  pro- 
cès et  dififérendz  que  ledit  Sardiny,  sa  femme,  leurs  faicteurs,  serviteurs  et 
entremetteurs  auroient  des  21  aoust  1572  et  26  septembre  1576,  certificat 
dudit  Sardiny  comme  ledit  de  Niery  est  son  nepveu  et  employé  en  ses 
affaires,  du  26  juing  1606,  appointement  en  droit  pris  entre  les  dites  parties 
du  8  juing  audit  an,  et  ouy  le  rapport  du  commissaire  sur  ce  depputé,  le 
Roy  en  son  Conseil,  faisant  droit  sur  ladite  instance  de  rciglement  de 
juges,  a  renvoyé  et  renvoyé  lesdites  parties  en  la  Chambre  de  l'édit  du  Par- 
lement de  Paris  suivant  ledit  arrest  du  18  septembre,  à  laquelle  Sa  Majesté, 
en  tant  que  besoin  seroit,  en  a  attribué  toute  court,  jurisdiction  et  cognois- 
sance,  et  icelle  interdite  à  tous  autres  juges,  despens  réservez  de  ladite  ins- 
tance, etc.  »  —  Au  fo  62  v°  du  même  registre,  on  trouve  trace  d'une  affaire 
à  laquelle  se  trouve  mêlé  Jacques  Ernault,  autre  commis  du  lucquois  Sar- 
dini ;  cf.  encore,  pour  un  autre  procès  antérieur,  un  document  des  Archives 
nationales,  V^  i,  no  22. 


SCIPION    SARDINI    ET    SA    FAMILLE  I77 

songé  à  relever  son  épitaphe,  depuis  longtemps  disparue.  On 
ne  sera  pas  surpris  du  choix  qu'il  avait  fait,  si  l'on  veut  bien 
se  souvenir  qu'en  l'église  des  Grands-Augustins  '  furent  inhu- 
més un  grand  nombre  de  riches  Italiens  habitant  Paris  :  il 
suffira  dénommer  Am.  Capponi,  AlbizzoDel  Bene,  Leonardo 
Canigiani,  J.-B.  de  Gondi,  Raniero  Rinaldo,  Agostino  Ysbarre, 
et  quatre  membres  delà  famille  Spifame. 

En  août  1599,  Scipion  Sardini  fait  venir  de  nouveau  son 
notaire;  il  rédige  un  codicille  qui  confirme  son  testament  en 
réglant  plus  spécialement  les  détails  de  son  exécution.  Il  le 
rappelle  encore  moins  d'un  mois  après  :  se  défiant  peut-être 
de  ses  gendres,  ou  craignant  de  voir  s'émietter  sa  fortune,  il 
déclare  vouloir  conserver  entre  les  mains  de  ses  fils  la  part  de 
l'héritage  revenant  à  ses  filles  pendant  un  espace  de  quinze 
ans  à  dater  du  jour  de  son  décès.  Il  est  à  supposer  que  ce  décès 
survint  peu  de  temps  après.  On  ne  pourra  pas  nier  que  le 
banquier  avait  pris  toutes  les  précautions  nécessaires  pour  voir 
exécuter  sa  volonté. 

Dix  ans  plus  tard,  Isabeau  de  La  Tour  mourut  à  son  tour, 
très  peu  de  temps  après  avoir  rédigé  un  testament  le  24  mars 
1609.  Le  29  mai  suivant,  les  deux  fils  Alexandre  et  Paul  - 
déclarent  se  contenter  des  dispositions  prises  par  la  défunte 
en  leur  faveur  et  renoncer  au  surplus  des  biens  qu'elle  possé- 
dait; ils  habitaient  conjointement  avec  leur  mère  un  hôtel  sis 
en  la  rue  Sainte-Croix  delaBretonnerie.  Ils  demeurent  encore 
ensemble  le  16  avril  léio,  mais  rue  de  Braque,  lorsqu'ils 
signent  une  nouvelle  pièce  notariée  par  laquelle  ils  se  font 
donation  mutuelle  et  irrévocable  de  tous  leurs  biens  meubles 
et  immeubles  :  touchante  union  de  deux  frères  alors  insépa- 
rables, qui  pouvaient  avoir  alors  trente-cinq  ans,  mais  dont 

1.  Voir  Raunié,  Epitaphier  du  Vieux-Paris,  I  (1890),  pp.  151-229. 

2.  Scipion  Sardini  paraît  avoir  eu  de  grosses  difficultés  avec  le  gouverne- 
ment de  la  Ligue  ;  une  saisie  de  ses  meubles  eut  lieu  en  1590  (Registres  du 
Bureau  de  la  ville  de  Paris,  IX  (1902),  p.  578  et  588)  ;  ses  fils,  sans  doute 
retenus  comme  otages,  réussirent  à  s'échapper,  et  l'affaire  se  termina  par 
des  poursuites  dont  nous  ignorons  la  solution  (Idem,  X,  p.  260  et  271). 

Mélanges.    H.  12 


lyS  HENRI   STEIN 

la  destinée  ne  nous  est  pas  connue.  Dans  ce  dernier  acte, 
Alexandre  Sardini,  l'aîné,  porte  à  son  tour  le  titre  de  seigneur 
de  Chaumont-sur-Loire  ;  il  est  également  vicomte  de  Buzancy 
et  c'est  lui  qu'on  trouve  parfois  cité  avec  le  titre  de  vicomte 
de  Sardini  '. 

Telles  sont  les  indications  que  peuvent  fournir  les  docu- 
ments nouveaux  dont  le  texte  suit. 

Les  traits  du  financier  Scipion  nous  ont  été  conservés  par  un 
dessin,  probablement  de  la  main  de  Benjamin  Foulon,  qui 
appartient  aux  collections  du  Musée  de  l'Ermitage,  à  Saint- 
Pétersbourg,  et  que  l'on  trouvera  reproduit  ici  pour  la  pre- 
mière fois. 

Henri  Stein, 

I .  Archives  nationales,  E  24b,  1°  203  (arrêt  du  Conseil  du  26  novembre 
1609). 


DOCUMENTS 


I 

Testament  et  codicilles  de  Scipion  Sardini. 

A  tous  ceuzqui  ces  présentes  lettres  verront,  Jacques  d'Aumont, 
chevallier,  conseiller  du  roi  et  gentilhomme  ordinaire  de  sa 
Chambre,  et  garde  de  la  prévosté  de  Paris,  salut.  Savoir  faisons  que 
par  devant  Léonor  de  Saint  Leu  et  Nicolas  Le  Camus,  notaires  du 
ro}'  en  son  Chastelet  de  Paris,  soubzsignez,  fut  présent  en  sa  per- 
sonne noble  homme  Scipion  Sardiny,  gentilhomme  lucquois, 
demeurant  à  Paris,  rue  de  Haultefeille,  paroisse  Saint  Séverin, 
lequel  estant  en  pleine  santé  et  disposition  de  sa  personne,  admo- 
nesté par  les  saintes  Lettres  de  la  briefveté  et  incertitude  de  nostre 
vye,  par  son  aage  et  indisposition  du  temps,  comme  Dieu  le  peust 
révocquer  à  soy  d'heure  à  autre,  désirant  disposer  de  ce  qu'il  a 
pieu  [à  la]  divine  Majesté  luy  bailler,  après  l'avoir  très  humble- 
ment suplyé  luy  voulloir  faire  la  grâce  par  la  mort  et  passion  de 
nostre  Seigneur  Jésus  Christ  son  filz,  et  par  bonté  et  miséricorde 
luy  voulloir  donner  part  entre  ses  bienheureux,  a  fait  et  ordonné 
son  testament  et  disposition  de  dernière  volonté  ainsy  qu'il  s'ens- 
suit  : 

Premièrement  il  prie  dame  Isabel  de  la  Tour,  sa  femme  et 
espouze,  et  aussy  leurs  enfans  et  exécuteurs  du  présent  testament, 
voulloir  faire  inhumer  son  corps  en  l'église  des  Augustins  à  Paris 
sans  aucune  cérémonye  avecq  les  cendres  de  feue  Margueritte,  sa 
fille,  de  présentz  en  dépostz  en  l'église  de  Roissy  en  Brie  ; 

Item  il  veult  et  ordonne  que  sur  les  plus  clairs  de  ses  biens  il 
soit  baillé  et  délivré  à  ladite  dame  son  espouze  tout  ce  qui  luy 
appartient  et  appartiendra  par  le  moien  de  ses  conventions  matri- 
monialles,  prye  et  commande  à  tous  ses  enfants  de  l'honnorer,  ser- 
vir et  révérer  selon  que  Dieu  leur  commande,  et  ledit  sieur  testa- 
teur comme  leur  père,  et  mesmes  de  l'assister  de  leurs  moiens  sy 
elle  en  a  besoing,  et  ne  luy  donner  aucune  occasion  de  mesconten- 
tement  ; 

Item  il  veult  et  entend  que,  sy  au  jour  de  son  decedz  il  demeure 


l80  HENRI    STEIN 

debbiteur  et  reddevable  envers  quelques  personnes  que  ce  soient, 
que  du  plus  clair  de  ses  biens  ilz  soient  entièrement  paiez  avant 
que  ses  héritiers  puissent  de  rien  disposer,  et  mesmes  que  sur 
toutes  choses  ses  serviteurs  et  servantes  soient  paiez  de  ce  qu'il 
leur  sera  ou  pourra  estre  deub  de  reste  de  leurs  gaiges,  et  qu'en 
oultre  ilz  soient  récompensez  selon  leurs  mérites,  de  quoy  il  charge 
les  consciences  de  ses  dits  enfans  et  héritiers  ; 

Item  ledit  sieur  testateur  veult  et  ordonne  que,  estant  toutes  les 
debtes  paiées,  mesmes  les  conventions  de  ladite  son  espouze  satis- 
faittes,  toutes  et  chacunes  les  rentes,  arréraiges  et  toutes  les  autres 
debtes  à  luy  deues  tant  par  le  roy,  Messieurs  du  Clergé,  héritiers 
du  feu  sieur  de  Richelieu,  que  aultres,  ensemble  les  proffictz 
d'iceulx  qui  en  sont  et  seront  deubz  lors  de  son  decedz,  avec  tous 
les  meubles,  soient  unis  en  ung  bloc  général  duquel  seront  vingt 
partz  et  lotz  contenant  chacun  d'iceulx  à  proportion  toutes  lesdites 
rentes,  arréraiges,  debtes,  proffictz  et  meubles,  et  que  desdites  vingt 
partz  il  en  soit  baillé  et  délivré  lors  à  Alexandre  Sardiny,  son  filz 
aisné,  les  unze  parts  et  portions  pour  tous  ses  droicts  oultre  et  par- 
dessus ce  qu'il  se  trouvera  qu'il  aura  receu  et  despencé  ;  item  les 
sept  partz  et  demye  à  Paul  Sardiny  son  second  filz  ;  et  quand  au 
surplus  desdits  lotz  et  partz  qui  sont  un  lot  et  demy,  il  veult  et 
ordonne  en  estre  baillé  à  damoiselles  Magdeleine  et  Ysabel  Sar- 
diny, ses  filles,  à  présent  femmes  de  deftunt  Jacques  de  Roffignac, 
sieur  de  Marzac  et  du  Plessis,  et  de  Forest  Salviati,  sieur  de  Talcy, 
la  moictié  dudict  lot  et  demy,  oultre  et  par  dessus  ce  qu'elles  et 
leurs  ditz  mariz  ont  eu  et  receu  lors  de  leurs  mariages  et  en  faveur 
d'iceulx  que  depuis,  à  la  charge  qu'elles  se  contenteront,  sans  que 
leurs  dits  maris  ny  elles  puissent  plus  rien  demander  ny  prétendre 
en  la  succession  du  dit  sieur  leur  père  ;  et  quand  au  reste  que  de 
l'autre  moictyé  dudit  lot  et  demy,  icelluy  sieur  testateur  le  donne 
et  laisse,  assçavoir  ung  tiers  à  noble  Marc  Anthoyne  Sardiny,  son 
cousin,  ung  autre  tiers  à  noble  Horatio  Nyery,  son  nepveu,  et 
l'autre  tiers  à  Jean  Baptiste  et  Bernardin  Sardiny  ses  nepveuz,  à 
chascun  par  moytié  ;  et  oultre  il  donne  et  laisse  à  ses  dits  deulx 
nepveux  Baptiste  et  Bernardin  Sardiny  aussy  par  moytié  tous  et  cha- 
cuns  les  héritaiges  et  biens  immeubles  que  ledit  sieur  testateur  a  à 
luy  appartenant  en  la  ville  et  territoire  de  Lucques  et  es  environs, 
tant  de  son  propre  par  les  successions  de  ses  feuz  père,  mère,  et 
frère,  que  de  son  acquest  et  conquest  sans  aucune  exception,  et 
sans  que  ses  dits  enfans  et  héritiers  leur  en  puissent  rien  deman- 
der ne  prétendre,  et  si  au  jour  du  décedz  dudit  sieur  testateur  les- 


SCIPION    SARDINI    ET    SA    PAMILLE  lîSI 

dictes  debtes,  arréraiges  et  proffictz  n'avoient  este  emploiez  en 
héritaiges  et  fondz  de  terres,  il  veult  et  ordonne  qu'à  mesure  qu'ilz 
seront  receuz  et  touchez,  employ  en  soit  faict  pour  ses  dictz  filz  et 
filles,  chacun  à  son  égard,  le  plus  tost  commodément  que  faire  le 
pourront,  à  la  charge  expresse  que  sy  sondict  filsaisné  decedde  sans 
enfans  nez  en  loyal  mariage,  lesdicts  biens  retourneront  et  appar- 
tiendrontà  son  dict  fils  puisné,  et  aussy  sy  ledictpuisné  prédecedde 
sondict  aisné  sans  enfans,  lesdicts  biens  retourneront  à  sondict 
aisné  et  à  sesdicts  enfans,  ainsy  de  l'un  à  l'autre  et  leurs  dicta 
enfans  successifvement  et  deflaillant  ladite  ligne  masculine,  il  veult 
et  ordonne  que  le  tout  retourne  à  ses  dictes  deux  filles  et  à  leurs 
enfans  malles,  et  s'il  n'y  a  malles,  aux  femmelles  également,  en 
portant  avec  leurs  conjoins  celluy  de  la  maison  du  dit  sieur  testa- 
teur. 

Et  pour  exécuter  et  entièrement  accomplir  sondit  présent  testa- 
ment de  poinct  en  poinct  selon  sa  forme  et  teneur,  le  dit  sieur  tes- 
tateur nomme  eteslit  ladite  dame  son  espouze,  ledit  Alexandre  son 
filz  esné,  et  lesdits  sieurs  Marcq  Anthoine  Sardiny  et  Horatio  Niery, 
ausquelz  et  à  deux  d'entre  eulx  en  l'absence  des  aultres,  avecq  l'in- 
tervention de  ladite  dame  son  espouze,  icelluy  sieur  testateur  a 
donné  et  donne  plein  pouvoir  et  puissance  d'icellui  sondit  présent 
testament  exécuter  et  accomplir,  et  à  ceste  fin  il  se  desmect  et  des- 
saisit en  leurs  mains  de  tous  ses  biens,  voullant  qu'ilz  en  soient 
saisiz  et  vestus  jusques  à  la  concurence  d'icelle  exécution  testamen- 
taire, en  révocquant  par  luy  tous  autres  testamens  et  codicilles 
précédans,  sy  aucuns  y  a  et  s'en  trouve,  ensembles  toutes  donna- 
tions  qu'il  a  faicte  à  ses  dits  enfans  pour  cause  de  mort  ou  autre- 
ment, parce  qu'il  veult  et  entend  cestuy  seul  son  dict  testament 
avoir  lieu  et  sortir  effect  selon  sa  forme  et  teneur,  soubzmettant 
l'audition  et  examen  de  compte  d'icelluy  à  la  jurisdiction  et  con- 
traincte  de  ladicte  prévosté  de  Paris  et  à  toutes  autres  quelconques. 
En  tesnioing  de  ce,  nous,  à  la  rellation  des  dicts  notaires,  avons 
fait  mettre  le  scel  de  ladite  prévosté  de  Paris  à  ces  dites  présentes, 
lesquelles  ont  esté  faictes,  passées,  dittes  et  nommées  par  ledit  sieur 
testateur  en  l'hostel  desdictz  notaires  soubsignez,  avant  midy,  l'an 
mil  cinq  cens  quatre  vingtz  seize,  le  samedy  vingt  septiesme  jour 
de  juillet.  Et  a  ledit  sieur  Sardiny  signé  la  minute  de  sondit  présent 
testament  avecq  lesdits  notaires  soubzsignez,  lesquelz  luy  ont  levé 
et  relevé,  suivant  l'ordonnance,  et  est  demeurée  par  devers  ledit 
Le  Camus,  l'un  des  notaires.  Signé  :  de  Saint  Leu  et  Le  Camus;  et, 
plus  bas,  est  escript  ce  qui  s'ensuict  : 


l82  HENRI    STEIN 

Et  le  mardy  vingt  troisiesme  jour  d'aoust  l'an  mil  cinq  cens 
quatre  vingtz  dix  neuf,  avant  midy,  est  comparu  en  l'hostel  des- 
dicts  notaires  soubsignez  ledit  sieur  Sardiny,  lequel  estant  aussy 
en  bonne  santé  et  dispos  de  sa  personne,  a  par  forme  de  codicille 
voullu  et  ordonné  que  sy  au  jour  de  son  decedz  sesdits  deux  filz 
dénommez  en  sondit  testament  estoient  aagez  chacun  de  vingt  cinq 
ans,  l'un  d'iceulx  ou  les  deux  ensemble  soient  exécuteurs  avecq  les 
trois  autres  personnes  y  dénommez  de  sondit  testament  et  disposi- 
tion de  dernière  volonté,  ausquelz  et  à  ses  dits  enfants  il  donne 
pouvoir  del'acomplir  et  exécuter,  ores  que  les  autres  n'y  consen- 
tissent, sans  l'intervention  desdits  deux  filz  ou  de  l'un  d'eulx,  sinon 
il  n'entend  ne  veult  qu'il  puisse  estre  rien  résolu  ne  délibéré  pen- 
dant l'année  de  ladite  exécution,  laquelle  estant  passée  et  expirée, 
chacun  desdits  héritiers  pourra  lors  disposer  à  sa  volonté  de  ce  qui 
leur  appartiendra  par  sondit  testament,  lequel  au  surplus  il  veult 
et  entend  avoir  lieu,  et  à  ceste  fin  le  ratiffie,  confirme  et  approuve 
après  l'avoir  veu  et  receu  et  entendu.  Ce  fut  faict,  dicté  et  nommé 
par  ledîct  sieur  testateur  les  an  et  jour  derniers  dictz,  et  a  aussy 
ledit  sieur  Sardiny  signé  la  minutte  escripte  au  pied  de  celle  de 
son  dict  testament,  ensemble  les  dictz  notaires.  Signé  :  de  Saint- 
Leu  et  Le  Camus.  Et  plus  bas  est  escript  ce  qui  ensuict  : 

Et  le  tiers  jour  de  septembre  ensuivant,  est  derechef  comparu  en 
l'hostel  desdicts  notaires,  avant  midy,  ledit  sieur  Scipion  Sardiny 
dessus  nommé,  lequel  estant  en  bonne  santé  et  disposition,  a 
derechef  ratiffie  et  approuvé  son  dict  testament  et  codicille,  et  par 
forme  de  second  codicille  ou  autrement  il  a  voullu  et  veult  que  ce 
qui  appartiendra  par  sondit  testament  à  ses  dites  deux  filles 
demeure  après  son  trespas  es  mains  de  ses  filz,  lesquelz  l'assemble- 
ront et  garderont  à  leurs  dictes  soeurs  pour  les  en  survenir  en  leurs 
urgentes  nécessitez,  sans  que  leurs  mariz  en  puissent  aucunement 
disposer,  soit  en  principal,  fruictz  ou  proffictz  en  quelque  manière 
que  ce  soit  ;  desquelz  fruictz  et  proffictz  sesdites  filles  jouiront  et 
s'en  accommoderont  durant  le  temps  et  espace  de  quinze  ans  à 
mesure  et  ainsy  que  bon  leur  semblera,  et  d'eulx  passez  elles  pour- 
ront aussy  jouir  et  disposer  tant  du  principal  que  desdictz  fruictz. 
Ce  fut  faict,  dicté  et  nommé  par  ledict  sieur  testateur,  et  à  luy  leu 
et  receu  suivant  l'ordonnance  les  an  et  jour  derniers  dictz;  et  a 
ledit  sieur  Sardiny  aussy  signé  ladicte  minutte  escripte  au  bas  du 
codicille  susdit.  Signé  :  de  Saint-Leu  et  Le  Camus,  et  plus  bas  a 
été  mise  l'insinuation  (le  vendredy  3^  jour  de  juin  iéo8). 
(Archives  nationales,  Y  147,  f'  182.) 


SCIPION    SARDINI    ET    SA    FAMILLE  183 

II 

Arrangement  conclu  entre  les  deux  dis  de  Scîpîon  Sardini 

à  la  mite  de  la  mort  dé  leur  mère,  sumvit  les  dispositions 

testamentaires  de  celle-ci. 

Aujourd'huysont  comparus  par  devant  les  notaires  du  Roy  nostre 
Sire  en  son  Chastelet  de  Paris  soubzsignez  messire  Alexandre  de 
Sardini,  escuier,  viconte  de  Buzancy,  et  Paul  de  Sardini,  aussy 
escuier,  sieur  de  Jouy,  demeurante  en  ceste  ville  de  Paris,  rue 
Saincte  Croix  de  la  Bretonnerye,  parroisse  Saint  Paul,  enfans  de 
deffunctz  noble  sieur  Scipion  Sardini,  vivant  seigneur  de  Chaul- 
mont  sur  Loire,  et  haulte  et  puissante  dame  Ysabeau  de  la  Tour, 
dame  et  vicomtesse  de  Buzancy,  leurs  père  et  mère,  donnataires  par 
bénéfice  d'inventaire  de  ladite  deft'uncte  dame  Ysabeau  de  la  Tour 
leur  mère,  par  son  testament  passé  par  devant  de  Monhenault  et 
Le  Voyer,  l'un  des  notaires  soubzignez,  le  vingt  quatriesme  jour  du 
moys  de  mars  dernier  passé  ',  desquelles  dispositions  et  donnations 
ilz  se  contentent,  ilz  ont  renoncé  et  renoncent  par  ces  présentes  au 
surplus  des  biens  de  ladicte  deffuncte  leur  mère,  par  protestation 
où  ils  seroient  évincez  desdites  donnations  et  dispositions  de  eulx 
dire  et  porter  héritiers  de  laditte  deffuncte  leur  mère  par  bénéfice 
d'inventaire  ou  autrement,  comme  ilz  verront  estre  à  faire  par  rai- 
son et  pour  icelle  déclaration  faire  en  justice,  soit  audit  Chastelet, 
Court  de  Parlement,  Requestes  du  Palais  et  partout  ailleurs  où  il 
appartiendra,  icelle  faire  enregistrer  au  Chastelet  et  insinuer, 
mesmes  la  faire  signiffier  à  leurs  sœurs  et  beau  frères,  ad  ce  qu'ils 
n'en  prétendent  cause  d'ignorance,  lesdits  sieurs  de  Sardini  ont 
faict  et  institué  leur  procureur  audit  Chastelet  de  Paris  M«  Ysaacq 
Fremin,  procureur  audit  Chastelet,  auquel  ilz  ont  donné  pouvoir 
de  ce  faire  et  tout  ce  que  au  cas  sur  ce  requis  et  nécessaire,  dont  et 
de  ce  que  iceulx  sieurs  de  Sardin}'  ont  requis  acte  ausdicts  notaires 
qui  leur  ont  octroyé  la  présente  pour  leur  servir  et  valloir  en  temps 
et  lieu  ce  que  de  raison.  Ce  fut  faict,  requis  et  octroyé  en  l'hostel 
desdits  Sardini  l'an  mil  six  cens  neuf,  le  vingt  neufviesme  jour  de 
may  ;  et  ont  lesdicts  sieurs  Sardini  signé  la  minutte  du  présent  acte 
qui  est  demeuré  chez  ledit  Le  Voyer,  l'un  des  notaires  soubzsignez. 

(Archives  nationales,  Y  148,  f°  282  v°.) 

I.  Son  testament,  rédigé  en  son  hôtel  de  la  rue  Sainte-Croix  de  la  Bre- 
tonnerie,  est  transcrit  au  feuillet  précédent  du  même  registre. 


184  HEMRI    STEIN 

III 
Donaiion  entre  vifs  signée  par  les  deux  fils  de  Scipion  Sardini. 

Par  devant  Charles  Richer  et  Hilaire  Lybault,  nottaires  et  garde- 
nottes  du  roy  nostre  Sire  en  son  Chastelet  de  Paris  soubzsignez, 
furent  présens  en  leurs  personnes  messire  Alexandre  de  Sardini, 
chevallier,  viconte  de  Buzancy,  seigneur  de  Chaulmont  sur  Loire, 
gentilhomme  ordinaire  de  la  Chambre  du  Roy,  et  messire  Paul  de 
Sardini,  seigneur  de  Jouy,  aussy  gentilhomme  ordinaire  de  la 
Chambre  du  Roy,  demeurans  à  Paris  rue  de  Bracque,  parroisse 
Saint  Nicolas  des  Champs,  lesquelz,  pour  tesmoignaige  de  leur 
singulière  affection  et  amityé  qu'ilz  ont  l'un  envers  l'autre  et  bons 
offices  qu'ilz  ont  receuz  l'un  de  l'autre,  et  qu'ils  espèrent  conti- 
nuer à  l'advenir,  ilz  ont  volontairement  et  sans  aucune  force  ne 
contrainte,  ains  de  leur  propre  mouvement  et  d'ung  mutuel  con- 
sentement, donné  et  donnent  par  donnation  entre  vifz  irrévocable 
et  mutuelle  au  survivant  d'eulx  deulx  l'un  à  l'autre,  acceptant  réci- 
proquement tous  et  chacuns  leurs  biens  meubles  et  immeubles 
propres,  acquestz,  droictz,  noms,  raisons  et  actions  qu'ilz  ont  de 
présent  et  auront  lors  de  leur  décedz,  en  cas  que  le  premier  decedde 
sans  enfans,  en  quelques  lieux  et  endroictz  que  lesdits  biens  se 
trouverront  et  soient  scituez  et  assis,  et  à  quelque  pris  et  valleur 
qu'ilz  se  puissent  et  pourront  monter,  disans  aucune  chose  en 
excepter  ne  réserver,  pour  jouir  par  le  survivant  des  biens  donnez, 
ses  hoirs  et  ayant  causes,  et  disposer  d'iceulx  comme  bon  luy  sem- 
blera, et  à  luy  appartenans,  desquelz  ils  se  sont  dessaisiz  et  deves- 
tuz  dès  maintenant  par  ces  présentes  au  proffict  l'un  de  l'autre  et 
du  survivant  d'eulx  deux,  et  en  ont  saisy  et  saisissent  l'un  l'autre, 
et  ledict  survivant  se  constituant  précaires  possesseurs  l'un  au  prof- 
fict de  l'autre,  consentant  et  accordant  que  des  biens  présentement 
donnez  soit  prise  possession  et  saisine  au  proffict  dudit  survivant 
des  biens  de  celuy  d'eulx  deulx  qui  premier  deceddera  sans  enfans, 
et  se  sont  réservez  et  réservent  respectivement  l'usufruict  des  choses 
données  et  pouvoir  de  disposer  entre  vifz,  par  testament  ou  autre- 
ment, au  proffict  de  qui  bon  leur  semblera,  jusques  à  la  somme 
de  dix  huict  mil  livres,  laquelle  demeurera  au  survivant  en  cas  que 
le  prédéceddé  n'ayt  disposé  d'icelle  ou  de  partie  ;  promettant  res- 
pectivement entretenir  la  présente  donnation  sans  y  contrevenir,  et 
à  la  garantie  et  entretenement  d'icelle  ont  obleigé  et  obleigent  tous 
et  chacuns  les  dits  biens  présens  et  advenir,  et  pour  consentir 
ladite  prinse  de   possession,   saisine  et  dessaisine,  insinuer  ladite 


SCIPION    SARDINI    ET    SA    FAMILLE  185 

donnation  par  tout  où  il  appartiendra  et  besoing  sera  suivant  l'or- 
donnance, et  faire  tous  actes  requis  et  nécessaires  pour  la  validité 
de  la  dite  présente  donnation,  ont  Icsdits  sieurs  Alexandre  et  Paul 
Sardini  faict  et  constitué  leur  procureur  spécial  et  irrévocable  le 
porteur  des  présentes,  auquel  ilz  donnent  pouvoir  de  ce  faire  ;  pro- 
mettans,  obligeans  chacun  en  droit  soy,  renonceans,  etc.  Faict  et 
passé  double  pour  lesdits  sieurs  de  Sardini,  en  l'hostel  des  dits 
sieurs  de  Sardini  devant  déclairé,  l'an  mil  six  cens  dix,  le  ven- 
dredy  après  midy  seiziesme  jour  d'april  ;  et  ont  lesdits  sieurs  Sar- 
dini signé  en  la  minutte  de  ces  présentes  avecq  lesdits  notaires 
gardenottes  soubsignez,  suivant  l'ordonnance,  qui  est  demeurée  en 
la  possession  dudit  Libault,  l'un  d'iceulx  notaires.  Signé  :  Richer 
et  Libault. 

(Archives  nationales,  Y  149,  f°  349  v".) 


NOTES  SUR  UN  RECUEIL 
FORMÉ  PAR  PHILIBERT  DE  PINGON 


Nous  avons  eu  l'occasion  d'examiner  un  recueil  de  pièces 
formé  entre  les  années  1540  et  1542  par  le  géographe  et  his- 
torien de  la  Savoie  Philibert  de  Pingon  %  comprenant  les 
opuscules  suivants  : 

G.  BUD^I  VIRI  CLARISS,.  \\  VITA  ||  PER  LUDOVICUM  REGIUM,  |[  AD 
GULIELMUM  POIETUM  MAGNUM  j]  FRANCLE  CA.NCELLARIUM  |(  .Pûri- 

siis  ;  Il  apud  loannem  Roigiiy,  via  ad  D.  lacohnm,  ||  siib  Basilico 
&  quatuor  Elementis.\\  1540.  ||  cum  privilegio.  in-4°  de  50  p.  — 
DOCTORUM  HOMiNUM  [j  epigraiiimata  in  laudeni  ||  Bndœi  p.  49-79 
—  a  HORATiiFLACCi  DEJIArte  Poctica  liber,  ||  ad  Pisones.  ||  Pari- 
siis,  Il  Apud  loanncm  TiJetanwn,  ex  ||  adverso  collegii  Remensis.  \\ 
1540.  in-4°  de  19  p.  —  pomponii  mel^  de  |[situ  orbis  libri  III. 

summa  fide  &  diligentia  recogniti  jj  cum  Indice  copiosissimo.  || 
Parisiis,  ||  Apud  loannem  Lodoicuui  Tiletanum,  ex  \\  adverso  col- 
legii Re)iiensis  1541.  9  ff.  non  chiffrés  pour  l'Index  et  71  p.  — 
MAR.  TUL.  ciCERONis  PA-||radoxa,  ad  M  Brutum  cum  adnotatio- 
nibus  Barth.  Latomi.  Parisiis  apud  Fran.  Gryphiuni,  M.  D.  XLI. 
(1541),  10  p.  et  v°.  — ORATio  LATO-||mi,  XXV.  die  octobris 
in  auditorio  dicta.  Pfl!r/.f//V^T/)//(/  Fran.  Gryphiuni,  M.  D,  XLI. 
(1541),  8  ft.  non  chiff. 

Philibert  de  Pingon  était  né  à  Chambéry,  le  18  janvier 
1525.  Conseiller  d'État  du  duc  Charles  Emmanuel,  il  fut 
chargé  officiellement  d'éclaircir  les  origines  de  la  maison  de 

I.  La  preuve  matérielle  se  rencontre  dans  les  nombreuses  signatures, 
monogrammes,  dessins  des  armes  etc.  Les  dates  extrêmes  nous  sont  four- 
nies de  la  main  même  de  Pingon  (1540-1541). 


l88  EDOUARD    CHAMPION 

Savoie  :  de  là  ses  ouvrages  de  généalogie  et  d'histoire  locale, 
VAugusta  Taurinorum  (Turin  i^jy)  et  VInclytorum  Sabaiidix 
Saxoniœqiie  principiim  arhor  gentilitia  (Turin  1581)'.  Notre 
recueil  est  donc  de  la  jeunesse  de  Pingon,  alors  étudiant  à 
Paris.  Il  est  couvert  de  notes,  d'une  belle  écriture  huma- 
niste :  certaines  ont  paru  avoir  suffisamment  d'intérêt  pour 
être  signalées  ici. 

La  vie  de  Budé  par  Louis  le  Roy  de  Coutances^  est  un 
témoignage  d'une  importance  considérable  :  à  notre  connais- 
sance, jusqu'au  beau  livre  de  M.  Louis  DdàvuQlle  (^Etudes  sur 
V Humanisme  français.  Guillaume  Budé,  les  origines,  les  débuts, 
les  idées  maîtresses,  1907),  elle  a  été  plus  souvent  traduite  que 
citée.  On  l'a  représentée  parfois  comme  une  oraison  funèbre, 
un  morceau  d'éloquence  qui  fit  à  son  auteur  une  réputation 
bruyante  de  latiniste  :  on  oublie  trop  facilement  que  c'est 
le  seul  document  un  peu  étendu,  qui  nous  fournisse  autant 
de  détails  intimes,  de  traits  particuliers  et  charmants  sur  la 
vie  privée  du  grand  érudit,  que  Le  Roy  nous  présente  comme 
un  ascète  fiévreux,  un  martyr  deTérudition  '. 

I.  Nous  avons  encore  de  cet  auteur  un  curieux  recueil  de  poésies  latines 
mystiques  sur  le  célèbre  linceul  du  Christ  :  Philiberti  ||  Pixgonii  ||  Sa- 
BAUDi  II  Cusiacen.  Baronis.  Sindon.  ||  Evange  ||  -lica.  Accessertint hyvini  ali- 
quot,  Il  insignis  huila  \\pofittficia.  elegans  epist.  Franc.  Adorni  ||  les.  de  pere- 
grinalione  II  memorabili.  Aiigusta  Taurinoniiii  apiicl  hceredes  Nicolai  Bevi- 
laqiia  1581.  cum  privilcgio  decenanli  in-4  (fig.). 

2.  Sur  ce  personnage  voir:  Un  humaniste  du  XVI^sicdc  Loys  le  Roy(Liido- 
vicus  Regius)  de  Coutanus  par  A.  Henry  Becker,  Paris,  1896,  in-8. 

3.  Cf.  par  exemple  le  témoignage  d'un  voisin  de  Budé,  conseiller  au 
Parlement  :  «  Biidxiis  e  reglone  xdium  mearum  (ait)  plus  deceni  annis  jam 
hàbilavit  :  tamen  quoad  possum  tolius  ejus  spalii  memoriain  recordari,  hune  nun- 
quamvidi,  nediehus  quidem  feslis  in  liinine  domus  (ut  assolet)  ociantem,  tmn- 
quam  Ijoris  ponieridianis  circulantem,  aut  prxlereuntes  circunspicientem ,  nullum 
denique  tempus  vacuum  laboris  sihi  dantem  aniniadverti,  aut  unaui  dieculam 
remittentem  relaxandi  animi  causa...  »  Vita,  p.  15.  Les  jours  de  fête  il 
n'abandonnait  pas  ses  travaux  :  «  Non  alex,  non  pilx  (quemadmodum  magna 
pars  hominuni)  sed  recolendis  suis  studiis  vnperticbatur .  »  Vita,  p.  16.  «  Nup- 
tiarum  etiam  die,  qui  est  Ixtitix  &  hilaritati  dicatus,  mitiimuni  très  tioras 
studuisse  commémorant.  »  Vita,  p.  16.  — La  vie  de  Du  Cangc  nous  fournit 
un  trait  tout  semblable. 


NOTES    SUR    UN    RECUEIL  189 

Cest  en  raison  du  caractère  de  ces  témoignages  de  la  Vita 
que  notre  exemplaire  reçut  l'addition  du  trait  suivant  que  le 
jeune  étudiant  nous  a  pieusement  conservé  :  le  maître  avait 
coutume  de  puiser  fréquemment  l'eau  du  puits  de  son  petit 
jardin  et  cet  honnête  exercice  lui  ouvrait  l'appétit  : 

Hoc  a  domino  Cœnoiiiaiio  aiidivi  :  Solehat  Biidciis  olii  fugicndi 
gralia  aqiiam  putei  in  hortido  jrequentius  haurire  alque  hoc  Jabore 
honesto  apetitum  sibi  parabat  '. 

A  la  suite  de  la  Vita  Biidœi,  Louis  Le  Roy  nous  a  conservé 
sous  le  titre  de  Doctorum  viroriiui  cpigrammaia  un  choix  de 
pièces^  parmi  les  innombrables  poésies  françaises,  latines, 
grecques,  pompeux  morceaux  de  genre  qui  célébraient  la 
gloire  de  celui  qui  voulut  être  porté  de  nuit,  très  humble- 
ment, de  la  rue  Sainte-Avoye  à  Saint-Nicolas,  «  sans  semonce,  à 
une  torche  ou  deux  seulement  ».  Si  ces  pièces  ne  sont  pas 
exemptes  de  banalité  et  rappellent  souvent  des  lectures  trop 
fraîches,  elles  témoignent  de  la  piété,  de  la  passion  même, 
que  le  vieux  maître  sut  inspirer.  Nous  transcrirons  parmi  les 
pièces  manuscrites  copiées  par  le  jeune  écolier  les  suivantes 
épitaphes  : 

Epitaphion. 

Annosam  terris  pepulit  qui  munere  noctem 
Palladio  moriens  hac  requiescit  hurao. 

G.  Budxi  Epitaphion. 

Phœbeos  hic  solus  equos  qui  flectere  dignus, 

Emicuit  duplici  lucifer  igné  polo, 
Et  Latium  et  Graios  amplexus,  luce  corusca  3, 

Tersa  dédit  genti  verba  legenda  suae  : 

1 .  Cette  anecdote,  transcrite  sur  le  titre  des  Doctorum  vironim  epigram- 
mata,  Philibert  de  Pingon  la  tenait  probablement  de  Richard  du  Mans, 
nommé  dans  le  Catalogue  des  livres  publié  dans  la  présente  notice. 

2.  Lectori.  Innumerabilia  Epigrammata  in  laudem  Biidxi  post  ejus  ohitum 
scripta  sunt  qux  annectere  ontnia  non  fuit  consiliiim.  Ex  tanta  turha  selecta 
qiixdam  ad  ejus  vitam  attexuimus,  ut  uno  in  consp^ctu  viderentur.  Tu  fruere 
tector,  &  Biidtei  manihus  beneprecare.  Vale.  (E°  du  titre  des  Doctorum  Viro- 
rum  Epigrammata). 

5.  Ms.  Cor  usai  t. 


190  EDOUARD    CHAMPION 

Nunc  procul  a  cœtu  Musarum  numine  divum 
Distractus,  jacet  hoc  mollitcr  in  tumulo. 

In  Imwrandissimi  &  dé  liîeris  hene  meriti  GuiUierrui  Budaei  ohitum 
elegia. 

Heu,  heu,  quam  céleri  labuntur  tempora  passu, 

Q.uam  levis  in  stabiU  Qis.  :   instabiH)  volvitur  orbe  rota! 
Quid,  deus  indomitos  animo  mihi  subdidit  ignés 

Pulsavitque  meas  sors  inimica  fores  ! 
O  crudele  nephas  nostri  decus  abstuht  asvi 

Accelerans  rapido  mors  inopina  gradu. 
Ecce  dies  venit  nigro  signanda  lapilo. 

Quam  sunt  fatah  stagmina  '  fracta  manu, 
lam  jani  larga  meos  humectent  flumina  vuhus, 

lam  fluat  in  lachrimas  Pegasis  unda  meas. 
Ecce  chori  Aonidum  lugent,  passimque  vagantur, 

Crinibus  albenteis,  dillacerantque  gênas. 
En  sua  ferali  mutant  serta  cupresso, 

Cypris  &  in  madidam  lumina  vertit  humum. 
Purpureos  lucubri  2  habitus  Tritonia  veste 

Mutavit,  nostri  signa  doloris  habens. 
Vix  Phoebus  radiis  lustrât  solaribus  orbem, 

Nec  movet  aurabe«  3  fila  canora  lyras. 
En,  positis  erat  +  Mavors  inglorius  armis, 

Serus  &:  obmissa  lege  vagatur  Amor; 
Interpres  divum  necnon  moderator  Olimpi, 

Et  luno  assiduis  fletibus  ora  rigant. 
Sed  tamen  est  nostro  medicina  petenda  dolori  : 

Corpus  abest,  verum  fama  superstes  erit. 
Vivet  honor,  Budœe,  tui,  dum  sydera  cœlum 

Pascet  &  auratas  dum  vehet  Eurus  5  aquas. 
Astra  prius  freto  ^  labentur  in  cethera  cœlo 

Quam  tua  lœtheisfacta  notentur  aquis. 
Siste  pedem,  lector,  noli  vexare  :  quiescit 

Cui  rhedum  7,  adsuperos  mens  pia  fecit  iter. 

1 .  Pour  Oua. .  .slaiiiina. 

2.  Pour  liiguhri. 

3.  Sans  doute  pour  aiiralx. 

4.  Sans  doute  pour  errât. 

5.  Sans  doute  Evrus  pour  Hebrus. 

6.  Peut-être  faut-il  lire  fracto. 

7.  Erreur  de  copie  pour  r(/?)cdî»H. 


NOTES    SUR   UN    RECUEIL  I9I 

In  Eundem  Epitaphum. 

Hic  situs  eloquii  parens  utriusque  Minerva)  est 

Budceus,  jacet  hic  conditus  hoc  tumulo  : 
Non  obiit  tandiu  sed  enim  victurus  in  a^vuni, 

Sequanadum  istius  urbis  ad  ora  riget. 
Mens  pia  Budivi  superorum  scandit  in  astra  : 

Corporis  at  terras  vile  reUquit  onus. 
Gallica  terra  tenet  Musarum  semper  alumnum 

Budasum  e  medio  '  quem  impia  Parca  ferit. 
Vos  igitur,  quos  Musa  fovet  charitesque  sorores, 

BudcBum  hue  hichrimis  excipitote  tenus. 

Sur  les  marges  de  l'Art  poétique  d'Horace,  de  Pomponius 
Mêla,  desParadoxa  ad  Brutiiiii,  Philibert  de  Pingon  a  recueilli  les 
explications  minutieuses  d'Adrien  Turnèbe  ^  et  dessiné  plu- 
sieurs cartes  où  s'essaye  le  talent  du  futur  géographe. 

A  la  suite  de  Pomponius  Mêla  restaient  quelques  feuillets 
blancs  :  le  jeune  Savoyard  n'a  pas  manqué  de  les  utiliser.  Il  a 
dressé  un  catalogue  intéressant  de  sa  petite  bibliothèque  d'é- 
tudiant. Ce  sont  des  livres  de  scolastique,  avec  des  notes 
prises  à  la  Sorbonne,  des  livres  de  théologie  avec  les  commen- 
taires des  écoles  franciscaines  et  dominicaines,  certains 
ouvrages  grecs,  et  quelques  chroniques  locales  : 

In  moralihus.  Aristotelis  Ethica,  Politica,  Œconomica  vitulo  nigro 
tecta.  Aristotelis  ethica  grece.  In  Phisicis.  Introductio  in  Phisicam. 
Aristotelis  Phisica,  Methaphisica.  //;  Medicis.  Alexandri  Aphrodisiei 
Problemata  medica  men[bra]neo  cortice  compacta,  parva  forma, 
grece  et  latine.  ///.  Mathematicis.  Arithmetica  speculativa  Boetii. 
Gemme  Phrisii  3.  Arithmetica.  Sphera  de  sacro  Busto  4,  ejusdem 
Computus  ecclesiasticus. 

1.  Ms.  vicdo. 

2.  Si  nous  nous  reportons  aux  œuvres  de  Turnèbe  :  Viri  clariss.  Adriani 
Turmhii...  opéra  (Argentorati,  16 10)  nous  trouvons,  t.  I,  p.  5^6-541,  le 
commentaire  d'Horace  sous  une  forme  assez  différente  et  beaucoup  moins 
abondante  ;  t.  II,  p.  171  on  rencontre  des  Paradoxa  un  simple  commentaire 
en  grec;  le  commentaire  de  Pomponius  Mêla  manque. 

3.  Gemma  Frisius  (Renierus).  Arithmeticx  practicx  methodtis  facilis. 
Anvers,  1540,  in-40,  réimprimé  très  souvent  au  xvie  siècle  et  notamment 
à  Lyon,  chez  J.  de  Tournes,  1556. 

4.  Sacro  Busco  ou  Busto  (Joh.  Halifax).  De  spbcra  iniiiidi.  [Ferrare],  1472, 
in -40, 


192  EDOUARD    CHAMPION 

Procli  sp[h]era  grece  et  latine.  Justini  liber  admonitoriusgentium 
grece  &  latine.  Oratio  ad  pastores.  Parasnesis  ad  pœnitentiam.  De 
origine  Cartusianorum  carmen.  Vita  Gervasii  et  Prothasii  carminé  '. 
Vita  divi  Nicolai.  Isocratis  Nicocles.  Luciani  laus  Musc^  ;  ejus- 
dem  Somnium  sive  gallus  ;  ejusdem  Caucasus  grece;  ejusdem  de 
non  facile  credendis  [ajdulationibus  latine.  Dialogus  de  piscibus. 
Literarum  italicaruni  ratio  :  omnia  simul  tegmine  rubeo  connexa. 
In  sacris  Literis.  Novum  testamentum  versione  Erasmi,  parva 
forma,  corio  vitulino  rubeo  eoque  deaurato  compactum.  Procli 
sp[h]era.  Genesis  cum  illius  interpretatione  quam  in  scolis  sorbo 
nicis  excepimus  divi  Thoniie  Aqui.  De  potentiis  anime  christiani- 
hominis  institutum  (sic).  Sententie  aliquot  selectiores,  membrana. 
Magister  sententiarum  vitulo  rubro  deaurato.  Cbristiani  aliquot 
poetîe.  Methodus  confessionis.  Divi  Aureliani  Augustini  de  cura 
pro  mortuis  gerenda  que  sequitur.  Epistola;  aliquot  Basilii.  Pet. 
Rosseti  Christus.  Liber  papiraceus  in  quo  continetur  explicatio 
primi  capitis  evangelii  Johannis,  tum  epistolœ  ad  Romanos,  ad 
Galatas,  ad  Ephesios,  ad  Hebreos  &  alia  quœdam  que  tum  Domini- 
canorum  tum  Franciscanorum  scolis  excepimus,  rubro  tegmine 
compactus.  Item,  alius  paulo  majuscula  forma,  rubro  tegmine,  in 
quo  interpretatio  Epistol^e  ad  Philippenses,  Colossienses,  Thessa- 
lonicenses  etc.  continetur,  quam  in  Franciscanorum  scolis  doctore 
Richardo  Cœnomano,  excepimus.  Item,  alius  membrana  nigra,  in 
quo  varias  conciones  continentur  quas,  ut  fieri  potuit,  excepimus . 
Eusebius  de  Preparatione  evangelica.  Theophilactus  in  Evangelia. 
Theophilactus  in  epistolas  Pauli  et  in  prophetas,  minori  forma, 
vitulo  nigro.  Magni  Anastasii  opusculum  in  psalmos. 

U Oratio  Latoini,  qui  termine  notre  recueil,  n'est  pas  sans 
intérêt.  Latomus,  ou  plus  exactement  Barthélémy  Masson  % 
né  à  Arlon  en  1485,  après  avoir  mené  une  vie  nomade,  tantôt 
à  Cologne,  à  Trêves,  3.  Louvain,  fut  nommé  professeur  de  latin 
au  Collège  de  France  en  1534  '.Il  devait  y  rester  jusqu'en  1545 

1.  Le  martyre  des  saints  Gervais  et  Protais  est  célèbre  dans  toute  la 
région  Milanaise  et  la  Savoie. 

2.  Cf.  Abel  Lefranc.  Histoire  du  Collège  de  France  depuis  ses  origines  Jus- 
qu'à la  fin  du  premier  empire.  Pâus,  1893,  in-8,  p.  183-184.  Voir  également 
sur  ce  personnage  le  Mémoire  historique  et  littéraire  sur  le  Collège  des  Trois 
Langues  à  rUniversité  de  Louvain^^r  Félix  Nève.  Bruxelles,  1856,  in-4. 

3.  Cette  date  est  donnée  par  M.  Abel  Lefranc.  Voici  ce  que  nous  dit 
Masson  en  1539  :  »  oblata  est  tamen  aliquando  Jacultas,  postquain  octo  jam 


NOTES   SUR   UN    RECUEIL  I93 

OÙ  Pierre  Galland  '  lui  succéda.  En  1539  François  l"  l'avait 
envoyé  en  Italie.  A  son  retour  il  prononça,  le  25  octobre  1 540, 
la  leçon  d'ouverture  que  nous  nous  proposons  d'analyser  ^. 

VOratio  Latomi  est  à  la  fois  un  rapport  fidèle  de  ce  voyage  ; 
un  tableau,  par  un  curieux  et  un  érudit,  des  villes  les  plus  cé- 
lèbres de  l'Italie,  de  leurs  Universités,  de  renseignement  quiy 
était  donné;  un  portrait  exact  des  professeurs  les  plus  célèbres. 
Par  analogie  VOralio  peut  nous  faire  comprendre  les  relations, 
l'existence  de  François  Rabelais,  qui  se  trouvait  alors  en  Pié- 
mont 5. 

A  Milan,  Masson  fut  frappé  de  la  grandeur  de  la  ville  :  à 
Padoue,  il  vante  l'érudition  d'Alexander  Socinus  et  de  Lazare 
Bonamici.  Venise  lui  parut  Athènes  renaissante  :  il  célèbre  à 
la  fois  son  luxe  et  sa  force.  A  Ferrare,  où  il  fut  reçu  par  Renée  de 
France,  le  professeur  rend  un  touchant  témoignage  à  sa  douceur 
et  à  sa  générosité.  Dans  la  studieuse  Bologne  Masson  passa 
l'hiver:  il  dit  l'activité  de  l'antique  université  de  droit  et  de 
médecine.  Le  printemps  le  trouva  à  Florence  où  il  sut  goûter 
tout  le  charme  des  collines  et  des  villas.  Mais  c'est  à  Rome 
qu'une  grande  stupeur  devait  le  saisir.  Il  demeure  angoissé 
devant  l'absolue  tristesse  de  ses  grandes  ruines  où  la  philoso- 
phie et  l'évangile  lui  montraient  la  brièveté  des  entreprises 
humaines.  Masson  entre  ensuite  dans  un  curieux  exposé  des 
mœurs  des  Allemands  et  des  Italiens.  Sa  conclusion  est  toute 

annos  in  hoc  Gymnasio  [le  Collège  de  France]  pubîice  privatiiiique  stiùendia 
fecissein».  Oratio,  aij  ro. 

1.  Pierre  Gallaud  l'avait  déjà  suppléé  pendant  son  voyage  en  Italie. 
Oratio,  aij. 

2.  Nous  ne  l'avons  pas  sous  sa  forme  primitive  ainsi  que  nous  l'apprend 
la  note  suivante  : 

Typographies  lectori.  Impressa  est  hxc  oratio  non  ut  habeatur  in  hibiiothecis, 
sed  ut  legant  ii  qui  voîunt,  quique  eain  flagitarunt  ab  authore  dictain  in  audi~ 
torio.  Quod  si  cui  displicet  hoc  genus  orationumedi,  ne  emat  :  inihi  liberum  sit 
vel  lucrari  operam  in  hoc  quoque  génère,  vel  una  cum  officina  chartam  perdere. 
Vole.  (Ro  du  titre  de  VOratio.) 

3.  Cf.  Heulard.  Rabelais,  ses  voyages  en  Italie,  son  exil  à  Mel~.  Paris,  1891, 
in-4. 

Mélanges.  II.  13 


194  EDOUARD   CHAMPION 

pratique  :  il  exhorte  les  étudiants  à  cultiver  les  Lettres,  qui 
mènent  aux  plus  hautes  fonctions,  et  termine  son  discours  par 
un  éloge  délicat  de  François  I"qui  a  permis  un  tel  état  de  chose  : 
il  célèbre  Guillaume  Budé,  le  promoteur  et  l'initiateur  de  cette 
renaissance  des  Lettres,  qu'il  convient  de  perpétuellement 
honorer. 

Mieux  que  cette  analyse,  quelques  extraits  de  YOratio  mon- 
treront toute  l'importance  de  ce  petit  document  : 

Superatis  Alpibus  priinuiii  in  Tanrinos,  deinde  Mediolanum 
veni  :  quœ  urbes  magna  &  copiosa  in  agro  fertilissimo  siia  est. 
Arcem  habet  inexpugnabileui,  illam  quant  sœpe  memorari  aiidistis, 
qux  opposita  est  urbi  in  planicie,  ad  Lxvam,  nhi  hinc  accesseris, 
modico  intervallo,  agroqiie  onuii  circum  niidato  ne  quid  fallere 
possit.  Hanc  qui  tenet,  urbe  potitur  capite  ditionis  opulentissimœ, 
de  qua  tôt  annis  inter  maximos  exercitus  nostros  dimicatuni  est. 
Pctivi  hinc  Venetias,  quo  in  itinere  post  Brixiain,  Veronam,  Vin- 
cent iani,  Pataviuni  vidi  nobilem  illam  atqiie  veiustam  urbeni,  in 
eu  jus  Gymnasio  Alexander  Socimis  est  jnrisperitus  celebris,  & 
La^arus  Bonamicus  humanarum  literarum  professer  :  quem,  cum 
salutasseni,  cumque  una  esscnius  apud  amicum  quendam,  eruditionem 
ejus  qua  ante  mihi  notus  erat,  ex  niulto  et  vario  sernione  libenter 
recognovi.  Venetixomnium  mihi  quas  vidi  pulcherrimx  videntur, 
cum  xdificiorum  elegantia,  tuni  cœli  serenitale.  Urbs  magna  & 
opuknta,  porrecta  in  longum,  &  quod  mirum  est,  in  ipsis  aquis 
Adriatici  maris  fiindata.  Nihil  œque  admiratus  sum,  quant 
primas  condi tores  ausos  fuisse  urbem  fluctibus  contmittere  :  sed 
coégit  nécessitas  infesta  a  barbaris  Italia,  et  paulalint  inceptum 
opus  in  tantani  magnittidinem  excrevit.  Templa,  fora,  basilicœ 
magnifiée  ornatœ,  cunt  aes,  marntor,  manus  artificum,  visantur 
etiatn  in  privatis  xdificiis.  Forte  aderant  legati  a  Cœsare  &  rege 
nostro,  qui  ma^no  cunt  apparatu  communem  legationem  obibant.  In 
horum  comitatu  cum  essem,  vidi  armaria  piiblica  refertissima 
ontni  armorum  génère,  sive  terra  sive  mari  pugnanduni  sit.  Ele- 
gantia certabat  cum  varietate  :  ut  non  arma  te,  sed  thesauruiit 


NOTES   SUR    UN    RECUEIL  195 

pulchcrriinuiii  spcctare  piitares.  lam  navale  hiiius  civilatis  {Arse- 
nale  vacant)  qiiani  egregia  &  quam  digna  spectalu  tes  est,  officma 
omnium  quas  exlare  piiio,  &  niaxima  &  otnni  navali  apparaiu 
longe  instructissima.  Oppidi  magnitudinem  obtinet,  si  ta  in  parte 
urbis,  murisque  cincta,  ut  ipsà  per  se,  si  qua  vis  ingruat,  teneriac 
defcndi  possit .  Quatuor  milia  operarum  alit  quotidie  :  quorum  alii 
naves  œdificant  varii  usus  ac  magnitudinis,  alii  vêla,  anchoras, 
bombardas,  cœteraque  armamenta  expediunt.  Puto  similes  quondam 
in  re  navali  fuisse  Athenas . .  .  Docet  in  hac  urbe  juventutem 
Baptista  Egnatius,  jaiii  senex,  sed  doctus  et  sanctus  vir,  cujus 
eruditione  &  eloquentia  conjiincta  cum  sunima  hilaritate  in  docendo 
valde  dclectatus  suin.  Relictis  Venctiis  Ferrariam,  atque  inde 
Bononiam  perrexi,  ut  in  Bononiensi  Gymnasio  hyemarem.  Ferraria 
munitissima  est  inter  urbes  totius  Italiœ,  &  Gallico  nomini  pera- 
mica.  Ibi  Renata  est  jœmina  nobilissima,  orta  exregio  Francorum 
sanguine,  ac  duci  Ferrarix  in  matriiiionio  conjuncta  :  qnx  millier 
decns  ac  spécimen  matronalis  sexus,  in  maxima  famé  Italiœ  aluit 
cives  suos:  nec  quenquam  egere passa  est,  nisi  qui  curam  ejus  dili- 
gentissimam  fcfelUsset.  Ea  cum  intelligeret  me  in  regio  stipendia 
esse,  invitavitper  dactas  viras,  domesticossuos,  aique  etiani  disceden- 
tem  hospitali  munere prasecuta  est.  Gymnasium  in  hac  urbe  ornai 
Cœlius  Calcagninus,  vir  doctus,  &  philasaphix  literis  clarus,  quem 
dacentem  audivi,  cum  locum  Ciceronis  de  animorum  immartalitate 
in  prima  Tusculana  explicaret.  Bononia  amplior  est,  &  celcbritale 
Gymnasii  illustrior,  cui  neque  scholasticorum  frequentia,  neque 
nobilitas professarum  deest.  Itaque  hic  hybernavi.  Professorem  habet 
in  jure  civili  doctissimnm  clarissimumque  hominem,  Andream 
Alciatum,  quem  magna  cum  dignitate  &  eloquentia  dacentem  audivi 
quotidie.  Audivi  &  Curtimn  mcdicum  insignem,  &  Romulum 
Ammusœum  bonarum  lit er arum  professorem,  cum  libros  Ciceronis 
de  Oratore  interprelaretur .  Doctus  hic  vir,  &  in  congressu  perhnnia- 
nus  est  :  sed  puri  &  casti  sernwnis  prœter  cxteras,  ut  parem  ejus 
curam  &  in  scribendo  &in  loquendo  agnoscas.  Multos  transeo  dactas 
&  excellentes  homines...  Exacta  hyeme  Florentiam,  atque  inde 
paucis  diebus  Romam  profcctus  siim.  Florentiam  amœnitate  agri 


196  EDOUARD   CHAMPION 

merito  pulcherrimam  dici  puto.   Eam  Arnus    mterluit,  collibus 
undique  assiirgentibus,  média  valle  in  planiciem  deducta.  Crehra 
circum  prxdia,  eaque  cultissima  usque  in  summos  colles,  quantum 
in  omnem  partent  ah   urbe  prospici  potest.    Arx    œdificatur  ad 
dextram,  qiia  hinc  acceditur,  opiis  ampium  atque  munitum,  quod 
jam  bona  parte  perfectum  tenetur  Hispànorum prxsidio,  ad  coercen- 
dam  urbem,  cuius  potentia  paulo  ante  vicinis  infesta  erat.  Venio 
nunc  Romain,  cujus  gratia  imprimis  hœc  peregrinaiio  mihi  suscepta 
fuit.  NamSenain  prœtereo,  qiix  et  si  Gymnasiiim  babet,  tanien  nihil 
est  in  ea  prxter  templum  unum,  &  veterum  sedificiorum  altitudinem 
visendum.  Ad  Romœ  conspectum  primum  obstupui,  volvens  animo 
quanta  fuisset  quondam  illa  inclyta  impcrii  orbis  terrarum  sedes, 
quam  dispar  prœsens  fortuna.  Urbs  ingenti  ambitn  septem  amplec- 
titur  colles,  declivis  in  planiciem  qua  ad  nos  spectat.  Montes  a  lœva 
procul  ex  Apennini  jugis,  dextra  Janiculus  cum  Vaticano,  magna 
parte  uterque  mœnibus  inclusus.    Parte  ima   allabitur    Tyberis, 
angusto  sed  prœalto  alveo,  descendens  ex  montibus  per  patentent 
regionem  :  obliquus  qua  primum  accedit,  inde  flectens  sensim  inter- 
luit infima  urbis,  qux  inter  Aventinum  montem  &  Janiculum  sunt, 
donec  egressus  longo  tandem  intervallo  in   mare,  quod  inferum 
vocafit,  cvolvitur.  Veterem  urbem  vocant  qux  tota  in  ruinis  est, 
cujus  aniplitudo  septem  fere  collibus  universis  continetur  :  novam, 
quse  vergit  ad  Tyberim,  nunc  crebra  œdificiis,  ac  sola  pêne  Roma, 
cumrarior  quondam,  &  in  camposfere  divisa  fuerit .  Operse pretium 
est  videre  ingentes  ruinas,  publicorum  privatorumque  operum,  ex 
quibus  solis  patet  quanta  Roma  fuerit.  Templa,  porticus,  theatra, 
fora,  arcus,  aquœductus,  alla  rescissa  pendent  ab  ruptis  molibus  : 
alla  collapsa  montes  œquasse  diceres  :  aliorum  vestigia  nusquam 
nisi  in  fundamentis  apparent.  JSIihil  integrum  est  ex  tanta  magni- 
tudine,  nihil  forma  sua  prœdituin,  sed  obruta  vastaque  omnia,  cre- 
vitque  solum  ruinis,  in  quo  jacet  quxcunque  Roma  quondam  appel- 
latafuit.  Miseram  conditionem  rerum  mortalium,  in  quibus  nihil 
perpetuum  esse  tant  illustria  exempla  docent.  Fateor  auditores,  ex 
hoc  spectaculo  me  magnum  fructum  cepisse  peregrinationis  meae... 
Vidi  jacentem  atque  oppressant  clade  sua  urbem  illam,  qux  quon- 


NOTES   SUR    UN    RECUEIL  I97 

dam  vidrix  &  domina  rerum  humanarum  sola  pêne  casus  hiima- 
nos  contemnere  potnit.  Ouid  nos?  etc. 

Nous  avons  plaisir  à  transcrire  ce  vieux  discours  latin  puis- 
qu'il nous  parle  de  l'Italie  et  de  l'humanisme,  deux  sujets  que 
nous  devons  surtout  à  M.  Emile  Picot  de  mieux  connaître. 

Edouard  Champion. 


MANUSCRIT  DE  «  LA  MORT  DE  SOCRATE  » 
DE  LAMARTINE 


ESQUISSES  ET  VARIANTES 

M.  le  comte  de  Montherot  conserve  au  château  de  Saint- 
Point,  parmi  beaucoup  de  papiers  et  de  lettres  qui  pro- 
viennent de  Lamartine,  un  manuscrit  de  la  Mort  de  Socraie 
(34  pages  de  papier  assez  épais  de  grand  format,  35  X  22  cm. 
environ). 

On  sait  que  les  carnets  de  la  Bibliothèque  Nationale  ne 
nous  ont  rendu  que  quelques  ébauches  des  36  premiers  vers 
de  ce  poème*.  D'où  l'intérêt  du  manuscrit  de  Saint-Point. 
Il  contient  une  mise  au  net  dont  je  préciserai  tout  à  l'heure 
le  caractère,  et  diverses  ébauches,  plans  et  notes  pour  le  même 
poème. 

Le  texte  est  complet  sauf  en  un  point  :  les  vers  621-644 
manquent;  ils  ont  été  ajoutés  ultérieurement,  mais  une  note 
marginale  indique  le  développement  à  faire. 

Le  texte  est  en  général  identique  à  celui  qu'on  lit  aujour- 
d'hui, et  qu'on  peut  appeler  la  Vulgate  de  Lamartine,  celui 
de  l'édition  Hachette  in-i6.  Cependant  l'édition  princeps  % 
d'accord  avec  le  manuscrit,  nous  donne  quelques  variantes  ;  et 
sur  un  plus  grand  nombre  de  leçons,  le  manuscrit  diffère  à 
la  fois  de  l'édition  princeps  et  de  la  Vulgate. 

Dans  bien  des  endroits,  ce  n'est  qu'après  avoir  essayé  une 
ou  plusieurs  expressions  et  les  avoir  raturées 'que  Lamartine 
a  trouvé  l'expression  qui  est  passée  dans  l'édition  princeps. 

Il  est  probable  que  Lamartine    s'est    mis  à  recopier    son 

1.  No  3,f.  57-39. 

2.  Paris,  Ladvocat,  1823,  in-8. 


200  GUSTAVE   LANSON 

poème  avant  de  l'avoir  achevé  :  c'est  l'impression  qui  ressort 
de  l'examen  du  manuscrit. 

La  première  page  contient  le  titre  :  la  Mort  de  Socrate,  et 
toute  sorte  d'additions  de  nombres  de  3,  4  et  5  chiffres. 
Lamartine  dresse  son  bilan,  d'où  il  résulte  que  «  le  27  fé- 
vrier »  (1823,  je  suppose)^  il  a  touché  51.000  fr.  et  dépensé 
15.000  fr.  :  d'où  un  reste  de  36.000  fr. 

Les  pages  3-15  contiennent  les  vers  1-5 12  du  poème.  Les 
premières  pages  ne  présentent  pas  beaucoup  de  ratures  :  à 
partir  de  la  page  10  et  du  vers  300,  le  travail  devient  plus 
difficile.  Les  carnets  devaient  dès  lors  présenter  des  ébauches 
insuffisamment  avancées. 

Peut-être  même  n'y  avait-il  qu'une  centaine  de  vers  qui 
fussent  bien  établis  quand  Lamartine  a  constitué  le  cahier 
de  gros  papier  où  il  a  mis  son  titre  et  commencé  d'écrire; 
car  les  pages  28-29  offrent  des  études  pour  les  vers  97-116  : 
la  forme  du  passage  n'était  donc  pas  arrêtée,  et  Lamartine 
devait  refaire,  et  non  simplement  recopier. 

De  place  en  place,  des  notes  marginales  attirent  notre 
attention  :  la  première  (en  face  des  vers  178-180)  est  bien 
une  note,  une  réflexion  du  poète  sur  sa  propre  idée.  Mais  les 
cinq  autres  (cf.  vers  229,  271,  330,  404,  472)  sont  des 
espèces  de  sommaires  qui  indiquent  le  développement  à  faire, 
et  le  mouvement.  On  ne  peut  faire  là-dessus,  semble-t-il,  que 
deux  hypothèses. 

Ou  bien  le  poète,  interrompant  sa  composition  pour  une 
raison  quelconque  —  si  vous  voulez,  pour  aller  dîner  ou  se 
promener  —  amorce  le  travail  de  la  séance  prochaine  par 
quelques  notes,  pour  assurer  la  continuité  de  l'œuvre. 

Ou  bien  il  amorce  les  développements  à  faire  dont  il  éta- 
blira les  ébauches  sur  quelque  carnet,  et  qu'il  mettra  ensuite 
en  place. 

Dans  les  deux  cas,  il  faut  que  la  préparation  de  l'ouvrage 
ne  soit  pas  très  poussée. 

Les  pages  25-27  fournissent  les  vers  511-652,  et  les  pages 


LE  MANUSCRIT  DE  «  LA  MORT  DE  SOCRATE  »     201 

19-23,  les  vers  654-838.  L'esquisse  du  premier  morceau 
semble  avoir  été  assez  avancée  avant  la  mise  au  net; 
quant  au  dernier  morceau,  dont  la  rédaction  est  indiquée 
comme  une  reprise,  il  n'a  pas  subi  dans  cette  reprise  de 
grands  remaniements,  mais  il  s'est  enrichi  des  vers  810-838, 
qui  sont  une  addition  faite  à  la  copie  déjà  terminée. 

A  la  page  30,  la  dernière  qui  porte  de  l'écriture,  Lamar- 
tine avait  écrit,  sans  doute  dès  le  début  de  son  travail,  une 
sorte  de  table  analytique  de  son  poème  (à  partir  du  vers  97), 
c'était  peut-être  de  la  partie  qui  était  demeurée  informe  dans 
ses  carnets. 

5«  couplet  —  Les  amis  s'assoient  autour  de  Socrate  dans  des  atti- 
tudes 
et  regardent  sa  figure  qui  rayonne  &c 
ils  contemplent  les  traits  où  la  sagesse  &c 
comme  on  regarde  le  soleil  couchant 
ou  un  ami  qui  va  partir 
ou  les  dernières  lueurs  d'un  flambeau  &c 
6e  coup.     —  Socrate  commence  à    parler  —   Du  bonheur   de 

mourir  ! 
7e  —  de  même 

8«  —  de  même 

9^  —  de  même 

10^  —  Cebès  fait  son  objection 

ii«  —  Socrate  passe  la  main  dans  les  cheveux  de  Phédon 

SlC,  son  silence 
I2«  —  il  répond 

13^  — -il  raconte  le  ciel 

14e  —  idem 

15e  —  idem 

i6e  —  le  soleil  se  couche 

17e  —  on  apporte  le  poison 

i8e  —  il  recommence  à  parler 

19e  —  il  parle 

20*  —  il  parle 

2i«  —  il  se  couche  et  le  froid  gagne  ses  jambes 

22^  —  il  fait  un  soupir  et  rend  grâce  aux  dieux 

23e  —  description 

—fin 


202  GUSTAVE   LANSON 

Le  compte  des  couplets  ne  correspond  pas  à  l'état  définitif: 
le  5^  de  cette  table  est  aujourd'hui  le  7^;  le  11^  est  aujour- 
d'hui le  i6%  etc. 

Un  autre  canevas  se  trouve  à  la  page  24;  il  se  rapporte 
aux  vers  330-808  :  rien  n'y  vise  l'épisode  de  Psyché,  qui, 
sans  doute,  n'était  pas  encore  prévu  par  le  poète.  Le  voici  '  : 

(Note) 
Milieu  fin 

et  déjà  le  soleil  &c 
les  dieux,  le  Paradis  — l'homme  purifié^  remonté  —  sens  &  corps 

perfectionnés,  multipliés,  &c 

la  nuit  tombe,  on  allume  les  torches  dans  des  trépieds  d'airain  ! 

l'esclave  apporte  la  coupe,  description  —  Socrate  boit 

il  se  couche  &  parle  encore  du  paradis  pendant  20  vers  —  puis 
le  froid  gagne,  il  délire 
n^  strophe       Pleurez,  cyprès  d'Academus  ! 

2  Fuyez,  vaines   clartés  de   la  sagesse  antique,  livrez    la 

place  à  la  vérité,  fuyez,  dieux  mortels  &  infâmes,  &c — 
(addition  :  heureux  ceux) 

3  Mais  qui  estois  tu  donc,  mon  génie?  Approche  que  je 

te  voye  (mot  barré  :  dieux  [?]) 
es-tu  Mercure  ou  l'amour  ou  Bacchus  ?  Approche.  Non  ! 
Dieux,  que  vois-je?  le  verbe  incréé! 

4  heureux  ceux  qui   naîtront  sur  les  bords  de  la  mer  —  ! 

ils  verront  la  première  aurore  de  la  Vérité  qui  éclai- 
rera le  monde 

5  Mais  déjà  je  la   vois  moi-môme  &c  Trinité  !!   Verbe, 

Esprit,  Puissance  &&c 

il  parloit,  nous  n'entendions  plus 
Enfin  il  meurt  &c       description 

qu'on  sacrifie 
Je  suis  guéri  !  de  quoi  ?  dit  Cebès  —  de  la  vie  ! 
puis  un  léger  soupir  de  ses  lèvres  coula  ! 

(il  y  a,  là  oii  fai  laissé  un  blanc,  deux  ou  trois  mots 
qarrès  illisibles;  le  dernier  est  le  mot  long.) 

I.  Je  mets  la  ponctuation  indispensable,  et  je  rectifie  les  fautes  d'ortho- 
graphe. Dans  les  variantes,  je  respecte  celles  de  ces  fautes  où  l'on  peut  voir 
une  hésitation,  un  tâtonnement  de  l'invention.  Je  conserve  les  caractères 
généraux  de  l'orthographe  du  temps. 


LE    MANUSCRIT   DE    «  LA    MORT    DE    SOCRATE  »  20 3 

Lamartine,  toujours  préoccupé  du  nombre  des  vers  à  four- 
nir pour  composer  un  poème  de  juste  étendue,  a  compté  ceux 
de  la  Mort  de  Socrate  en  marge  du  manuscrit.  Mais  son 
compte  est  très  inexact.  Il  marque,  par  exemple,  du  nombre 
300  le  vers  304,  et  du  nombre  326  le  vers  344.  Mais  ici  sou- 
dain la  numérotation  change,  et  le  vers  354  au  lieu  d'être 
coté  336,  est  coté  650,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  la  fin  de  la 
page  15  :  le  nombre  800  est  en  face  des  vers  505-506.  Cela  se 
rapportait-il  à  quelque  projet  d'agrandissement  du  poème  ?  En 
revanche,  le  vers  804,  à  la  fin,  est  coté  600. 

Voici  maintenant  la  collection  des  variantes.  Je  crois  devoir 
joindre  à  celles  du  manuscrit  de  Saint-Point,  les  ébauches 
du  carnet  n°  3  :  on  aura  ainsi  sous  les  yeux  tout  ce  qui  peut 
actuellement  nous  apparaître  du  travail  de  Lamartine  pour  cet 
ouvrage. 

Je  marque  des  lettres  B.  N.  les  leçons  prises  pour  les  vers 
1-36  dans  le  carnet  n°  3  de  la  Bibliothèque  Nationale,  et  des 
lettres  S.  P.  les  leçons  du  manuscrit  de  Saint-Point  pour  le 
même  passage.  Aucune  indication  n'accompagne  plus  les 
leçons  du  manuscrit  de  Saint-Point,  à  partir  du  vers  37. 

Les  passages  en  italiques  sont  les  leçons  raturées  ou  biffées 
par  le  poète.  Beaucoup  de  passages  raturés  du  manuscrit  de 
Saint-Point  sont  totalement  ou  partiellement  illisibles. 

J'indique  l'accord  du  manuscrit  et  de  l'édition  princeps 
contre  la  Vulgate  de  l'édition  Hachette  in- 16  par  la  mention  : 
Ms.  et  éd.  pr.  '. 

V.  I .  B.  N.  et  S.  P.  au  sommet 

V.  3.  B.  N.  frappoit  d'un  reflet  d'or 

V.  4.  B.  N.  ^  travers  les  barreaux 

Comme  un  furtif  adieu 

V.  5.  B.  N.  poupe  sacrée 

V.  7.  B.  N.  le  {corrigé eti)  ce 

V.  8.  B.  N.  A  Socrate  Aux  condamnés  marquait 

I.  La  transcription  des  variantes  a  été  faite  par  M.  J.  Madeleine  :  j'ai 
collationné  sa  copie  et  l'édition  princeps  sur  le  manuscrit. 


204  GUSTAVE   LANSON 

V.  lo.   B.  N.  leur  patrie  la  patrie. 

S.  P.  leur  patrie  l'Ionie 
V.  II.  B.  N.  {esquisse incomplète)  : 

De  peur  que  tes  rayons 
Ne  fusse(nt)         profanés  par 
V.  12.   B.  N.  (^rédaction  complète).  S.  P.  Dans  le  sang  des  humains 
V.  14.   B.  N.  regrettât  à  la  fois 

B.  N.  et  S.  P.  ne  regrettât  deux  fois 
V.  15 .    B.  N.  (vers  incomplet)  l'homme  en  quittant  des  bords  chers 
à  ses  yeux 

S.  P.  exilé  des  bords  chers  à  ses  yeux 
V.  lé.   B.  N.  ^»  part  avant  que  Vomhre  l'aurore. 
V.  17-20  B.  N.  (i)  Quelques  amis  en  deuil  épars  sous  le  portique 
Attendaient  le  réveil  du  fils  de  Sophonisque 
Et  sa  femme  tenant  son  fils  sur  ses  genoux 
Ses  tendres  mains  jouaient  avec  les  verroux 
de  ses  cris  gémissements 
(2)  Quelques  amis  en  deuil  groupes  sous  le  portique 
Attendoieni  le  réveil  du  fils  de  Sophonisque 
Et  sa  femme  tenant  son  fils  sur  ses  genoux 
son  fils  dont  les 
("))  Et  sa  femme  tenant  son  fils  sur  ses  genoux 

Tendre  enfant  dont  la  main  joue  avec  les  verroux 
Tendre  enfant  dont  la 

(4)  Quelques  amis  en  deuil  errant  sous  le  portique 
Attendaient  le  réveil  du  fils  de  Sophonisque 
Et  sa  femme  tenant  son  fils  sur  ses  genoux 

(5)  (rédaction  définitive  sauf):  \Qxs  17,  Sophonisque; 

vers  19,  tenant 
V.  17.  S.  P.  Sophonisque 
V.  21.  S.  P.  Accusant  par  ses  cris  les 

B.  N.  et  S.  P.  insensibles  (changé par  une  sur- 

charge en)  :  inflexibles 
V.  22.  B.  N.  et  S.  P.  portes  insensibles 

V.  23.  B.  N.  (après  une  z""^  rédaction  biffée)  :  La  foule  cependant 
V.  25 .  B.  N.  Quel  crime  avait  commis 

Puis  reprenant 
V.  2é.  B.  N.  et  S.  P.  Et  sous  les  longs 
V.  27.  B.  N.  ces  bruits  légers  (et  un  mot  illisible  au  lieu 

de)  :  recueillait 
V.  28.   B.  N.  et  des  dieux 


LE  MANUSCRIT  DE  «  LA  MORT  DE  SOCRATE  »     205 

V.  29.   s.  p.  Culte  (est  en  surcharge  sur)  rite  (?) 

V.  30.   B.  N.  Et  de  ce  Dieu  sans  (autel)  nom,  inconnu  dans  la  Grèce 

S.  P.  inconnu 
V.  30.  (Après  le  vers  )o,  Lainarline  écrit  et  hijfe  les  vers  }i-}2,  quHl 
fait  suivre  d'une  indication  de  mouvement): 
Et  c'étoit 

mourais  pour  la  justice  et  pour  la  vérité 
V.  33.  B.  N.  La  céleste  justice.  S.  P.  La  divine 
V.  34.   B.  N.  La  terre  alloit  offrir.  S.  P.  au  ciel  offroit 
V.  35-36.  (Après  le  vers  ^4,  le  poète  s'acharne  sur  les  vers  jj-j6  qui 
ne  viennent  pas.) 
(i)  Et  cétoit 

mourais  pour  la  justice  et  pour  la  vérité 

(2)  Et  c'étoit 

Qui  pour  la  vérité  ce  soir  alloit  mourir. 

(3)  Socrate  !  et  c'était  toi  qui  dans 
Mourais  pour  la  justice  et  pour  la  vérité  ! 

S.  P.  (Dans  une  leçon  barrée  je  ne  distingue  que  ces  mots)  : 

Hélas  !  c'était  Socrate.  martyr 

Qui  pour  la  vérité  allait  mourir. 

V.  37    les  lourds  battants  roulèrent 

V.   38   ses  amis  (biffé  :  les  disciples  entrèrent) 

V.  50  (barré  :  serre  point  sa  voile,  déjà  en  surcharge  sur  une  autre 
leçon). 

V.   57   prête  à  quitter 

V.  60  Voit  percer 

V.  éi  Et  dans  la  sainte  extase  où  son  regard  se  noie 

V.  62   il  (en  surcharge  sur  :  elle)  exhale 

puis 

V.  64   je  vais  chanter  (le  vers  6}  a  été  ajouté  entre 

les  lignes  pour  remplacer  un  vers  barré  illisible  après  64.) 

V.  70  Leur  pleurs  en  ces  moments 

V.  72   dans  ce  monde 

de  ma  fin  j'  pas  à 

V.  80  Depuis  que  mon  destin  m'approche  du  /r^pas 

V.  81    m'enseigne,  me  console, 

V.  82  Je  reconnois  plutôt  Vaccent  de  sa  parole 
V.  83  Colique  l'homme  par  Tfl^e  affranchi  de  ses  sens  (m  surcharge 
sur  une  v^  leçon  où  la  fin  du  premier  hémistiche   restait  en 
blanc). 
V.  86   sa  céleste  harmonie  ! 


206  GUSTAVE    LANSON 

V.  87   son  sort  qui  va  finir, 

V.  89  Distingue  mieux  la  voix 

V.  90   la  nuit,  voguant  sur  l'onde, 

V.  94  Toujours  de  ses  accents  (j""^  leçon  barrée  où  je  nai  déchiffré 
que  les  deux  rimes  : 
.  .  .  .âme  ....  m'enflamme.) 
V.  95  (ri^s  leçon  barrée)  :  sa  voix  mystérieuse  est  plus  jorte  (J)  aujour- 
d'hui. 

V.  96   ce  n'est  pas  moi 

V .  97- 116.  (Les  pages  28-2^  du  manuscrit  contiennent  diverses  esquisses 
des  vers  ^'j-116'). 
Assis  autour  du  lit 
Socrate 
{Toute  la  suite  est  bij^ée  d'un  trait  transversal) . 

(a)  Le  front  calme  et  serein,  l'œil  rayonnant  d'es- 

[poir, 
Socrate  aux  bords  du  lit  à  ses  amis  fit  signe  de 

[s'asseoir 
et  lui-même  sur  le  bord  de  sa  couche 

(b)  Le  front  calme  et  serein,  l'œil  rayonnant  d'es- 

[poir, 
Socrate  à  ses  amis  fit  signe  de  s'asseoir. 
A  ce  signe  muet  (deux  mots  barrés  illisibles) 

[soudain  obèiren- 
Et  près  des  bords  du  lit  à  ses  pies  en  silence   ils 

s'assirent 
Cebès  entre  les  s 

L'un  tenoit  son  manteaux  abaissé  sur  ses  yeux  ! 
L autre  d'un  front       (en  blanc)  pour  accuser  les 

[dieux 
Celui  Cebès  (en  blanc)  baissoit  un  front 

[mélancolique 
Et  Symias  riant  d'un  rire  sardonique 

(c)  Le  front  calme  et  serein,  l'œil  rayonnant  d'es- 

[poir 
Socrate'^à  ses  amis  fit  signe  de  s'asseoir  ! 
A  ce  signe  muet  les  saiyes  obéirent. 
Et  près  des  bords  du  lit  en  silence  s'assirent  ! 
Symmias  abaissoit  son  manteau  sur  ses  yeux  ! 
Criton  d'un/ro///  œil /'/î/^/crmg  interrogeoit  les 

[dieux 


LE   MANUSCRIT    DE    «  LA    MORT    DE   SOCRATE  »  207 

Xantippe  hélas  penchoil  un  front  mélancolique 
Cebès  baissoit  à  terre 

sous 
Et  Symmias  riait  d'un  rire  sardonique 
Ou  entendit  ati  loin  sous 

Sembloit  de  son  maître  enviant  l'heureux  sort 
rire  de  la   fortune  {en  surcharge  sur  quelques 

[mots  illisibles) 
et  défier  la  mort  ! 
Et  le  dos  appuyé  sur  la  porte  de  Bronze, 
les  doigts  entrelacés,  le  serviteur  des  onze 
(deux  mots  effacés) 

et 
que  lui  sert  la  vertu  ? 
Regardait  sans  comprendre,  et 

malgré  (?)  lui  combattu 
Murmuroit  en  son  cœur  :  que  lui  sert  sa  vertu? 

Mais  Phèdon  le  jeune  Phédon 
Et  cependant  Phèdon 

Mais  Phédon  qui  plenroit  l'ami  plus  que  le  sage 
Sous  ses  cheveux  épars  voilant  son  beau  visage, 
Plus  près  du  lit   funèbre  aux  pieds  du   maître 

[assis 
Sur  ses  genoux  (01  blanc)  se  penchoit  comme 

[un  fils 
Levoit  ses  yeux  voilés  sur 
Et  soulevant  {quelques  mots  illisibles)  l'ami  qu'il 

[adore 
Rougissoit  de  pleurer  et  repleuroit  encore  ! 
pensif 
V.   102  Criton  d'un  œ'û  plus  ferme  interrogeoit  les  dieux, 

V.  103  Cebès  baissoit  à  terre 

de  son  grand  maître  du  philosophe 
V.   105  Sembloit  en  sage  antique,  enviant  l'heureux  sort, 

Se  moquer  des  humains, 
V.   106  Rire  de  la  fortune,  et  défier  la  mort  ; 

V.   107   sur  les  portes 

Sous      cheveux  épars  voilant 
V.   112  Sur  ses  genoux  chéris  penchoit  son  beau  visage 

V.   114  Sur  ses  genoux  tremblants  se  penchoit 

V.   115  {Deux  mots  barrés  au  début  du  vers) 

osoit                     er 
V.   118  Wavoit  point  altéra 


208  GUSTAVE   LANSON 

loin         nous 
V.   119  Son  regard  élevé  (au  de)  '  dans  de  lui  sembloit  lire 

Sa  bouche  où  rayonnait  reposoit  son 
V.   120  Ses  lèvres  où  planait  le  gracieux  sourire, 
V.   123  Ses  cheveux  argentés  du  souffle  de  l'automne 

Dessinoient  sur  sa  tête  rare  pâle 

V.   124  Jetaient  sur  son  front  chauve  une  blanche  couronne 

V.   125  Et  d'un  souffle  de  l'air 

V.   126    ses  reflets 

r         étoit 

V,   127   ou  toute  ame  est  tracée 

V.   130  La  lampe  dans  la  nuit 

V.   132  De  reflets  lumineux 

V.   133  Comme  un  ami  des  yeux  suit  son  ami  qui  part 
solennel     ant 

V.   134  Ses  amis  sur  ce  front  attacho/t';// 

V.   139  Comme  la  vague 

du  ciel  sur  eux 

V.   141  Enfin  sur  ses  enfants 

V.   142  Et  lui  comme  autrefois  Çen  surcharge  sur  des  mots  barrés). 

V.   146  Va  monter  vers  les  dieux 

V.  148  Trouver  la  vérité,  l'aimer  et  la  connoitre  ? 

une 
V.   151  Pourquoi  dans  cette  mort  qu'on  appelle  la  vie 
V.  155  C'est  le  prix  des  combats,  l'immortelle  couronne 
V.  15e  Qu'aux  bornes  de  la  vie  un  saint  juge  nous  donne  ! 

Que  la  vertu  mérite  et  que  le  ciel  {correction  remplaçant  un 

mot  illisible)  lui  donne 
Je  pouvois  de  la  vie  arrachant  {en  surcharge  sur)  :  disputant 
quelque  reste 
je  pouvais 
V.   159  Peut  être  j'aurais  pu,  par  un  retour  funeste 
V.  léi  M'en  préservent  les  dieux  de  prolonger  mes  jours  ! 

V.   164   les  parfums 

couvrei,  couvrei  de  fleurs  les  murs  de  laprison 
V.   165   Suspendez  une  offrande  aux  murs  de  la  prison 
V.   i6é  Et  le  front  couronné  d'olive  et  de  citron  (vers  barré  et  réta- 
bli, en  substituant  les  mots:  de  rose,  à  la  leçon  :  d'olive) 

V.   167   que  la  foule 

V.   168  Jonchant  de  pâles  fleurs 

'un                à  la  tombe 
V,   173  Du  vil  poids  de  ses  sens 

1.  Je  complète  par  conjecture  la  leçon  première  :  au  dedans  de  lui. 


LE    MANUSCRIT    DE    «  LA    MORT    DE    SOCRATE  »  209 

V.  178  (En  face  de  ce  vers,  une  note  biffée)  :  1 .  (Note)  C'est  un  enfan- 
tement, c'est  peut-être  une  volupté.  (Les  rimes  arrêté, 
vérité  paraissent  avoir  été  ajoutées  après  coup). 

V.   180  Voit  du  jour  éternel  briller  déjà  l'aurore, 

V.   181  (Vers  barré  commençant  ainsi)  :  De  ce  jour  sans  mélange.  . . 

V.   182   révolte  au  sein  des  dieux, 

V.  184  De  l'essence  immortelle 

(qui  l'ennyvre) 

V.   186       Mais  Et 

V.   188  Pour  le  corps 

V.   189  N'est-ce  point  par  le  mal 

V.   191  La  vertu  du  combat,  le  plaisir  de  la  peine  ! 

V.   195  Est  notre 
sa 

V.   197  sur  leur  lèvre.  (Tout  le  vers,  sauf  le  dernier  mot,  remplace 
une  leçon  barrée  illisible.) 
qui  vis  encor 

V.   199  Pour  moi,  je  Vavouerai,  je  ne  sais 

V.  200  (Leçon  barrée,  et  remplacée  par)  :  au  fond  de  ce  mystère 

la  sévère 
V.  201    Véternellc  bonté 

un  plaisir         des 
V.  204  L'amour  cache  souvent  le  bonheur  sous  les  larmes  ! 

(Lamartine  avait  d'abord  placé  ici  la  fin  du   couplet.  Il  a 
ajouté  ensuite  les  vers  20 j- 206). 
V.  209  Le  doux  son  de  la  flûte  au  théorbe  mêlé 

V.  210   du  narcisse  exhalé 

V.  219  Mais  il  ne  suffit  pas  de  mourir 

V.  220  II  faut  que  de  nos  corps 

Soumettre 
V,  221  Combattre  nos  penchants,  les  vaincre  avec  effort! 

comme 
V.  222  Que  notre  vie  enfin  soit  une  longue  mort 
V.  223  Mérite  en  combattant  le  prix  de  la  victoire  ! 

V.  224  La  terre  est  en  un  mot  l'autel 

V.  226  son  ce  son 

au  dieu  pur  l'aussi  pur 
V.  228  De  sa  mort  même  à  Dieu  l'auguste  sacrifice  ! 
V.  230  /rjoindre  (en  face  du  vers  22^,  Lamartine  a  jeté  à  la  marge 
quelques  mots  de  sommaire  :  «  Celui  qui  etc.  Mais  l'âme 
non  dépouillée  (?)  ». 

aimé 
V.  237  Souffert  pour  la  justice  et  pourlA  vérité 

Mhl.AN'GIlS.     II.  14 


2IO  GUSTAVE   LANSON 

du  Ciel 

V.  238  Et  des  enfants  des  dieux  conquis 

V.  241-242  Et  comme  lo  livrée  à  de  honteux  transports 
Prostitué  cette  âme  aux  vils  baisers  du  corps  ! 

V.  245    qu'eux  même  ont  resserrés 

Leurs  mânes  imparfaits 

V,  246  Ces  morts  semi  vivants 

V.  249   ces  tissus  flétrissants 

V.  2)2  La  ramènent  sans  fin  à  ces  lieux  qu'elle  abhorre 

Et  comme  nu  air  épais  qui  ne  peut  s'exhaler 
y.   2)3   Et  comme  l'air  pesant  qui  dort  sur  les  marais 
y.  253  Leur  poids  au  sein  des  dieux  l'empêche  de  voler  ! 

V.  256   poussent  des  cris 

V.  2)8   traînant  les  vils  lambeaux 

V.  263  Imitent  pour  tromper  le  réveil 

V.  264  Font  courir  sur  les  flots 

V.  265    assiègent 

V.  266    jettent 

V.  270  {Lamartine  a  jeté  à  la  marge  ce  sommaire)  :  «  Q.uand  leflam- 
b(eau)  est  consum(é),  où  est  la  lumière  ?  —  Quand  la  lyre 
est  brisée,  où  est  le  son  ?  —  si  l'âme  est  l'harmonie  des 
sens,  que  devient  l'harmonie  quand  les  sens  sont  brisés?  — 
Réponse  —  L'âme  n'est  pas  la  lumière  lueur  et  pas  le  son  (?) 
de  Cebès  —  Elle  est  l'œil  qui  la  voit  et  l'oreille  qui  entend 
le  son. 

d'offenser 

V.  272   d'outrager 

semblable  à  l'amour 
V.  273  Cette  divinité  qui  dans  notre  chemin 

Un  bandeau  sur  les  yeux  nous  conduit  par  la  main  ! 
V.  274  Nous  conduit  en  aveugle  au  céleste  séjour! 

Hélas  !  et  que  voilà 

V.  276  Et  que  nous  recevons 

consumé 

V.  283    sala épuisé 

V.  288  L'accord  harmonieux  (/«  vers  28^-288  sont  répétés  une  seconde 
fois   sur   le    manuscrit,    et   conformes   cette  fois   au    texte 
imprimé.) 
V.  289  Quand  le  temps  ou  les  pleurs  en  ont  usé  la  voix 
nerfs  brisés 

V.  291  Et  que  les  vains  débris 

V.  293  Réponds!  qu'est  devenu  l'harmonieux  accord  ? 
\\  295    sondant  ce  grand  mystère 


LE    MANUSCRIT    DE    «   LA    MORT    DE    SOCRATE  »  211 

V.  298    ils  répétaient 

V.   302  De  l'autre  il  découvroit  le  beau  front  de  Phcdon 

V.  503  Et  sur  son  col  d'ivoire 

V.   304  Caressoit  mollement 

V.  308  Ou  rouloit  dans  ses  doigts  leurs  tresses  vagabondes 

V.   310   aux  doux  jeux  d'un  festin. 

{Les  vers  ^oj-^io  ont  donné  beaucoup  de  peine  au  poète.  Huit 
vers  sont  barrés  et  illisibles;  en  marge  avec  une  accolade 
devant  les  cinq  derniers  qui  représentent  sans  doute  déjà  une 
seconde  version.,  la  note  :  à  changer,  qui  a  été  biffée  ensuite. 
Dans  le  texte  définitif  écrit  en  marge,  avant  la  variante  indi- 
quée pour  le  vers  ^08,  il  y  a  une  rédaction  barrée  qui  est 
illisible.') 
Non,  non, 

V.   311  Amis,  l'âme  n'est  pas 

V.   314  Naître,  briller,  baisser 

hors  de  soi 

V.   515  Et  qui  sent  à  la  fin 

V.   316    ce  \e  flambeau  de  sa  vie 

V.  314  {Première  leçon  barrée)  :  Comme  l'œil  qui...  dans  l'obscu- 
rité. 

V.   323  L'esprit  silencieux 

y.  324   établit  l'harmonie, 

qui  des  sons  discords 

V.   325  El  forme  avec  les  sons 

dit-il,  grâce  aux  cieux 

V.   329  Es  tu  content,  Cebès  ?  —  Oui,  j'en  rends  grâce  aux  dieux 

Mon  âme  après  sa  mort  t'entendra  dans  les  cieux  (Lecture 
douteuse) 

V.   330   Mais  parle  nous  des  dieux  ! 

V.  331  Mais  El.  .  .  .  {Ici en  sommaire  marginal):  Note.  Description 
de  la  coupe.  Psyché  ou  l'âme  —  il  boit,  puis  il  reprend. 
—  Dialogue  entre  Socrate  et  ses  amis  en  mourant  : 
Socrate,  que  sens-tu  ?  etc . 

V.  333  serabloit  {mot  illisible),  faisant  à  (jnot  illisible)  un  noble 
adieu . 

V.   336  L'ombre  couvroit  déjà  les  flancs  noirs  de  l'Hymète 

\'.   337  Delos  nageoit  au  loin  dans  une  vapeur  d'or  ! 

V.  358  Le  pêcheur  fatigué 

V.  342    sur  les  soufles  des  airs 

venoient  se  mêler 
V.   343  Et  se  mêloient,  hélas, 


212  GUSTAVE    LANSON 

se  fond  dans  les 
V.  344  Comme  un  rayon  du  jour  qui  se  mêle  aux  ténèbres. 
V.  345  (En  marge  les  deux  vers)  : 

La  vérité  n'est  pas  sur  la  terre  où  nous  sommes  ; 
Ce  n'est  pas  l'aliment,  c'est  un  appas  des  hommes, 
le  vase 
V.  346   dans  cette  urne  d'airain 

urne 

V.   348   dans  Yonde  qui  murmure 

V.  350  ...  dans  sa  main 

en 

V.  352   //fit  ruisseler  l'onde 

V.   359  Ni  de  Vénus  sourtout 

V.   362  Qui  nous  donne  les  jours  ou  qui  lance  l'éclair  ! 
Non! 

êtres 

V.   365  Ce  nombre  Tous  ces  dieux dieux 

V.   367-368  (a)  A  ce  titre  divin  mon  esprit  les  adore 
Comme  on  voit  le  soleil  sous  une  pâle  aurore 
Comme  un  soleil  caché  sous  une  pâle  aurore 
Du  vrai  jour  qui  doit  naître  ils  sont  la  pâle  aurore 
(b)  A  ce  titre  divin  ma  raison  les  adore 
Comme  avant  le  soleil  nous  saluons  V aurore. 
semés        le  vaste 
^-  373  Qui  'Igs  êtres  ^nww  dans  V énorme  univers 
V.   374  Sépare  &  réunit  tous  les  ordres  divers  ! 
se  meut 

V.  376  Dans  tout  ce  qui  s'agite 

V.  381    sous  un  ciel  pur 

flottant 

V,  382  Est  un  esprit  nageant 

V.  383    d'où  jaillit 

V.  384  qui  voile...  voilé  par  la 

V.   386  (Deux  premières  leçons  barrées  et  illisibles  pour  le  premier 
hémistiche). 

V.   391   Dont  la  nécessité  démontre  l'existence, 

V.   392  Et  que  voit  seulement  l'œil  de  l'intelligence  ! 

V.   394-596  (^Lamartine  a  jeté  en  haut  de  la  page  12,  avant  la  leçon 
définitive  du  vers  j6y,  Vesquisse  des  vers  394-^96^  précédée 
de  l'indication  :  Note.  Il  a  repris  sans  variante  les  vers  394 
et  396,  et  remplacé  par  le  vers  395  l'ébauche  que  voici)  : 
Du  poids  de  son  son  être  nous  accable 

c' 

V.   396  Son  premier  attribut  est 


LE    MANUSCRIT    DE    «  LA   MORT    DE   SOCRATE  »  21 3 

V.   399  Tout  ce  que  nous  voyons  mortels  est  sa  puissance  ! 
V.  400  Tout  ce  que  nous  pensons  est  encor  son  essence  ! 

Force,  Amour, 
V.  401  Justice  vérité  !  pur  auteur  de  tout  bien 
V.  403  (Sommaire  marginal)  :  Mais  le  mal  ?  Je  ne  le  comprends  pas. 
—  Ou  il  n'existe  pas  ou  il  vient  de  nous.  Peut-être  sommes 
nous  déchus.  —  Le  jugement,  le  paradis.  Corps  glorifiés  ; 
le  ciel.  Nourriture  de  ces  corps  par  des  actions  et  des 
pensées  divines.  Fin.  —  On  allume  les  trépieds;  l'esclave 
entre.  Fin. 
V.  403  sur  ce  monde 
V.  408  Ait  attiré  jadis  de  loin 

V.  410  Jit  (la  première  leçon  du  premier  hémistiche  est  barrée  et  illi- 
sible). 
Les  enchaîne  un  moment 
V.  411  Ou  les  ait  enchaînés  d'un  amour  adultère 

V.  416  Sur  ces  vils  éléments 

Dit  Cebès,  —  à  ton  œil  donc 

V.  420  A  toute  heure,  A  tout  être  (?)  est  il  donc  accessible  ? 
V.  421  Non,  dit-il  pas  encore.  . .  —  et  pour  le  découvrir 

être  pur, 
vivre,  amis, 
V.   422  Que  faut-il  dit  Cebès?  —  être  pur,  et  mourir  ! 
V.   423  Par  delà  nos  soleils,  au  dessus  de  la  sphère 
Ou  Saturne  roulant  sur  son  char  solitaire 
Borne  les  deux  connus  et  se  cache  à  nos  yeux 
Dans  l'espace  infini  s'étendent  d'autres  deux 
Du  dieu  qui  les  forma  premier  dernier  ouvrage 

V.  433    et  ces  riants  berceaux 

vie 
V.  440  Ou  la  paix  et  l'amour  sont  l'air  qu'on  y  respire  ! 

(Lamartine  avait  placé  d'abord  ici  la  fin  du  couplet,  puis  il  a 
ajouté  les  vers  441-444). 
V.  444  Oui  des  corps  immortels  que  l'âme  glorifie  (mot  biffé  et 
rétabli). 

ces 
V.  445  Pour  former  le  tissu  de  ses  purs  vêtements 
V.  446  L'âme  cueille  en  tous  lieux  la  fleur  des  éléments  ! 

blanche 
V.  448  Les  rayons  transparents  de  la  douce  lumière 

V.  454   sous  un  ciel  pur 

V.  45e  Et  les  vagues  lueurs  des  tremblantes  étoiles 
V.  458  Ornent  son  diadème 


214  GUSTAVE    LANSON 

joue  avec 
V.  464  Et  leur  donne  les  corps,  la  matière  et  la  vie  ! 
V.  466  Elle  parfume  aime  à  parfumer 
V.  467  D'un  rayon  de  l'Iris  les  revêt,  les  colore 
V.  468  Et  du  nord  au  midi 

errante 

V,  469  Comme  une  abeille  d'or 

V.  470  Adorer  et  baiser 

V.  472  {En  marge  celte  note  biffée)  :  redescendant  à  ce  qu'elle  a  aimé, 

elle  le  poursuit  et  le  lâche  pour  le  poursuivre  encore. 

V.  474  Cherchant  les  grands  esprits 

V.  477   suit  les  profonds  détours 

V.  479  (^Au  haut  de  la  page,  en  marge,  ces  deux  mots  de  sommaire 

«  la  vertu  »,  ensuite  biffés). 

V.  480   point sa  noble  nourriture 

V.  482    par  les  vents  dérobé 

la  libation 

V.  483  Ni  l'odeur  de  Vencens 

V.  484  de  pensée  / 

V.  484  (La  phrase  s'arrêtait  d'abord  sur  le  mot  pensée.  Et  une  autre 

phrase  commençait  par  deux  mots  barrés  qui  sont  illisibles.) 
V.  48)    d'actes,  de  sentiments 

grâce  à 

V.  487  Et  de  ces  fruits  divins 

nourrit  (après  une  première  leçon  illisible) 
V.  488  Elle  entretient,  accroît,  renouvelle  sa  vie 

V.  494  Multiplié  cent  fois 

V.  495   la  flamme  (et en  surcharge  la  leçon  définitive):  l'éphémère 

V.   500  D'un  éternel  baiser  s'embrassent 

V.  501  Et  peuplant  de  l'esprit,  les  vastes  régions 

V.   502  Prolongent  dans  les  cieux 

saints  transports,  chaste  flamme 
V.   503  O  célestes  amours  !  voluptés  créatrices 
V.   504  Ineffable  union,  immortelles  délices, 
y.   505  Où  l'éternel  désir  de  l'immense   beauté  (En  trouvant  la 

leçon  définitive  du  vers  joj,  Lamartine  a  oublié  de  changer 

de  en  et). 
V.   506  Puise  un  attrait  nouveau  dans  chaque  volupté  !  (A  la  suite  de 

ce  vers,  un  vers  barré  illisible). 

V.   507   un  cri  retentit 

V.   508    se  tait,  se  penche,  écoute, 

élevons  les 
V.   509   nous  tournâmes  nos  yeux 


LE    MANUSCRIT    DE    «  LA    MORT    DE    SOCRATE  »  21 5 

V.   5 1 1-5 1 2.  (Les  vers  J11-J12  étaient  déjà  dans  leur  texte  définitif  au 
bas  de  la  page  ij  du  nis.,  terminant  le  couplet). 

V.   512  Lui  tendit  le  poison 

V.   514  Et  comme  un  vin  sacré  la  tenant 

V.   516  Avant  de  la  vuider  achevoit 

V.   517    de  la  coupe  au  long  bord 

fondu  un  soufle  de  flamme 

Y.   519  L'artiste  avoit  ^mt'^'  sous  son  ciseau  Targile 

emblème 

V.   520   triste  image  de  l'âme 

V.   522  Un  papillon  immense 

Plongeant  avide 

V.   523  Sembloit  baigner  sa  trompe  en  ces  ondes  mortelles 

V.   526  Quittoit 

V.   532  Comme  un  désir  sacré 

soufles 

V.   53e   aux  doux  baisers  d'uole 

V.   539    de  sa  divine  haleine 

V.   540  Et  jaloux,  à  l'amour  la  livrer  avec  peine  ! 

V.   541    sur  les  roses  couché 

V.   542   l'amoureuse  Psyché 

V.   544   mais  n'osoit  les  lui  rendre  ! 

V.   546    avant  le  jour. 

du  voile  nocturne 
V.   548  Et  de  ses  vêtements 

V.  549  La  lampe 

risquant  contre 

V.   550  Fsyché  perdoit  V  amour,  hélas /)oz/r  un  regard! 

jettoit  un  cri 

V.   553    et  son  trouble  soudain 

Et  l'on  voyoit  pencher 

V.   554  Faisoit  trembler  sur  lui 

V.   555  Mais  de  l'huile  enflammée  une  goutte  brûlante 

V.   55e   par  hasard  de  la  lampe  tremblante 

V.   557    sur  le  sein  nud  de  l'époux  endormi 

tour  à  tour 

V.   559  Contemploit  sa  Psyché 

désirs 
V.   561  Terrible  châtiment  des  r^orflrrfi  indiscrets 

plus 
V.   564  Pleuroit  son  jeune  époux  et  non  pas .  ... 

V.   566  Pardonnoit  à  l'amour 

V.  567  Par  son  céleste  amant 


2l6  GUSTAVE    LANSON 

ant 
V.  568   havoit 

s'avançoit 

V.   569  Et  marchant 

Et  Ton  voyoit  Vénus  sourire  à 
V.   570  Vctms  d'un  œil  jaloux  contemploit  sa  beauté  ! 

que  par  la  mort 
V.   571  Ainsi  j)flr /a  wr/z^  l'âme  divinisée 
Meurt  et  semblable  règne 

V.    572  Revient,  égale  aux  dieux  régner  dans  l'élysée  ! 

Et 

V.   579  Puis  de  sa  bouche 

11  le  but  à  longs  traits 

V.   580  Le  vida  lentement 

d'or 
V.   582  Qui  dans  sa  coupe  encor  verse  un  reste  du  vin  (la  i^^  édi- 
tion comme  le  ms.  donne  :  du), 
dernier  jus 

V.   583    le  doux  nectar  qu'il  goûte 

la 

V.   584   elle  boit 

V.   585    mollement  étendu 

V.  594   les  victimes 

V.   599   à  ce  festin  suprême 

V.  604  N'importe.  .  .  .   jetter  ma  cendre? 

V.  609  Ce  corps,  vil  composé 

V.  6 10   que  la  vague  des  mers  ? 

V.  611  Que  la  feuille 

V.  éi2  Qu'un  argile  pétri  sous  une  forme  humaine?  (Ms.  et  éd 
pr.). 

V.  614    ,  dans   les  chemins,    foulé?  (Éd.   pr.) 

dans  vos  chemins 
plus  noble 
V.  éi6  Un  débris  plus  réel  de  ce  qui  fut  Socrate 

(E«.  face  des  vers  6i6-6iy,  à  la  marge,  Lamartine  écrit  cette 
note  :  Les  enfants  de  Myrto,  indication  du  développement  : 
à  faire  pour  compléter  cette  rédaction  du  manuscrit  où 
manquent  les  vers  621-644). 

V.  645   II  dit  et  recevant  ses  enfants 

V.  646  Trop  jeunes  pour  pleurer  ce  sublime  trépas 

V.  648    briller  sous 

V.  649    les  présentant  aux  dieux 

les  quittant 

V.   651   Que  pourrai  je  en  mourant  craindre  pour  leur  eniancc  ? 


LE    MANUSCRIT    DE    «  LA    MOlfT    DE    SOCRATE  »  21'] 

V.  652  Je  les  lègue,  ô  dieux  saints  !  à  votre  Providence  ? 

(Le  ms.  donne  ici  cette  note')  :  Passer  à  la  page  précédente 
pour  trouver  la  suite. 
V.  653  {En  tête  de  la  page)  :  Reprise  du  dernier  morceau. 
V.  654  Enchainoit  dans  son  sein  le  cours  du  sang  glacé 

V.  6éi    sous  ses  doigts 

palpiter  son  cœur    saint  vague 
V.   666  La  fait  palpiter  d'un  doux  étonnement, 
V.   671  (Première  leçon  :  un  mot  illisible  à  la  place  de  rayonnant) 

de 
V.   672  Brilloit  comme  une  aurore  au  sommet  du  didyme  ! 

V.   674   en  croyant  voir  un  dieu 

V.  677  Tel  qu'un  homme  enivré 

oti  errant 

V.  679  Comme  Orphée  i'^rtre  dans  les  royaumes  sombres 
V.  680  (A  ce  vers  le  manuscrit  marque  la  fin  d'un  couplet.) 
V.  682  me  le 

V.  687  Voilà  Cebès,  Platon, 

V.  690  Pleurer  sur  son  (?)  cercueil  aux  passants  dérobé 
V,  691  Et  penchés  wri 

V.  692  Que  ma  voix  de  si  loin  se  fasse  encore  entendre  ? 
V.  694  Quand  penchés  vers  mon  lit  vous  respiriez  ma  voix 

V.  697  Vous  qui  cherchez  en  vain 

Une  première  rédaction  de  ce  vers  a  été  barrée  et  est  illisible, 
sauf  le  premier  mot  :  venez,  et  le  dernier  :  trépas. 

V.   698  Retournez  vous  !  voyez  ! 

ce  deuil 

V.  699  Pourquoi  ces  pleurs 

V.  701  Lève  au  ciel  tes  beaux  yeux 

(Une  première  rédaction,  après  le  mot  lève  est  illisible.) 

V.   702  Myrto,  Cebès,  Platon 

&  auguste 

V.  719    votre  céleste  foule 

V.  723    quelle  sainte  harmonie. 

V.  727   comme  un  ami  fidèle 

l'heureux 
V.  731  Tiens  tu  la  lyre  d'or  Pou  le  saint  caducée  ? 

V.  732    qu'une  sainte  pensée?  (Ms  et  éd.  pr.) 

V.  735   Laisse  moi  contempler 

V.  736  Cet  ami  qui  m'aimoit 

V-  737-338  Première  rédaction  barrée  et  illisible.  —  2"  rédaction  : 
en  entrant  au  séjour...  (un  ou  deux  mots  illisibles) 


2l8  GUSTAVE   LANSON 

V.  739  Lève  ce  voile  d'or 

Reçois  !  o  Prodige  ! 

V.  740  Approche  !,..  Mais  que  vois-je  ? 

V.  758  L'univers  égaré 

V.  760  Quoi  ?  J'avois  deviné 

profonde 

V.  761    céleste  trinité 

V.  765  Les    (jin    mot   illisible),  les  saisons,   les  formes,   les  cou- 
leurs  

V.  764  Tout  nous 

V.  765  Mais  tes  voiles 

Y.  766 nous  ne  comprenions  plus! 

déjà 
parfois 
V.  769  sur  ses  lèvres  entrouverte  paraissait  s'arrêter 
toucher 

V.  771  Comme  près  de  sabhattre 

V.  773    il  sembloit  i'endormir 

par 

V.  779   dans  des  ombres  funèbres  ? 

V,  780  Non  je  vois  un  jour  doux 

V.  781  N'entends-tu  pas  rouler  les  flots  du  Phlegeton  ? 
V.  782  J'entends  les  chants  du  ciel  où  se  mêle  mon  nom. 

nuit         son 
V.  784  Quand  laissant  à  la  terre  une  enveloppe  aride 
V.  785  Aux  rayons  de  l'aurore  à  peine  (^remplaçant  une  première 

les 
leçon  barrée  et  illisible')  ouvrant  5es  yeux 

la  roule 
V.  78e  Le  soufle  du  matin  Venlève  dans  les  cieux. 
V.  787  Ne  regrettes  tu  rien  en  fermant  tes  paupières  ? 
V.  788  Comment  regretter  l'ombre  au  sein  de  la  lumière  ? 

V.  787  Ne  nous  trompois  tu  point  ? 

V.  789  Et  pourquoi  de  ton  sein  tarde-t-elle  à  sortir  ? 

la  nef 
V.  790  Elle  attend  comme  au       un  souffle  pour  partir. 

V.  791   D'où  viendra-t-il  ?  —  Des  dieux 

laissez  l'âme  en  paix 

V.  792  Non,  ne  lui parlei  plus  ! 

V.  795    hélas  par  intervalle 

V.  779  Ainsi  dans  un  beau  soir  de  l'ardente  saison 

V.  801    il  sembla 

V.  804   .  .  .  : De  quoi  ?  dit  Phédon 

y.  806    que  le  vol  des  abeilles  d'Hvbla 


LE  MANUSCRIT  DE  <*  LA  MORT  DE  SOCRATE  »      219 

V.  807  El  nous  comme  (?)  (un  mot  illisible)  d'un  céleste  dyctamc. 
(^Après  le  vers  808,  Lamartiiie  ajoutait  d'abord  ces  deux 
vers)  : 

debout, 
Et  sans  pleurs  ses  amis  au  retour  du  soleil 
Sembloient  comme  autrefois  attendre  son  réveil. 
(Le  poème  devait  se  terminer  ainsi.  La  suite  est  dans  le  manu- 
scrit u)!c  addition  qui  a  rempli,  après  coup,  le  bas  de  la  page.) 
V.  809  Comme  un  Ivs  sur  les  eaux  que  le  zéphir  incline 

penchoit 

V.  810  Sa  tête  mollement  tomboit 

ce 
V.  817  Son  sourire  surpris  dans  son  dernier  essor 
W  818  Sur  ses  traits  embellis  semblait  errer  encor 
vie 

V.  819    .  .  .  .mort a  perdu  tout  empire  (Ms.  et  Ed.  pr.). 

V.  822    sembloit  montrer  le  ciel 

V.  826  Vint  dorer  ses  traits  morts 

V.  827   de  son  long  deuil  suivie  < 

V.  830   le  corps  d'Endymion 

V.  831  Ou  que  du  haut  des  cieux 

V.  835  Comme  un  cygne  planant  sur  l'onde  transparante 

aile 
V.  856  Aime  à  voir  dans  les  flots  briller  son  ombre  errante  ! 

V.  837  On  n'entendit  de  nous 

V.  838   Si  c'étoit  là  mourir. 

Amis,  si  c'est 
(En  marge,  cette  dernière  rédaction)  : 
C'est  ainsi  qu'il  mourut.  Oui  si  c'est  là  mourir  ? 
(Et  au-dessous,  le  mot)  :  fin 


Sans  vouloir  en  exagérer  l'importance,  je  crois  que  les 
tâtonnements  et  les  premières  rédactions  du  manuscrit  de 
Saint-Point  apportent  une  petite  contribution  à  l'étude  psycho- 
logique et  littéraire  de  l'invention  poétique  de  Lamartine.  On 
le  voit,  comme  dans  les  brouillons  étudiés  par  MM.  Jean  des 
Cognets  et  Pierre-Maurice  Masson,  chercher  l'expression  qui 
le  satisfasse  ;  arrêté  parfois  par  l'embarras  de  remplir  exacte- 
ment le  moule  de  l'alexandrin,  il  recommence,    et   recom- 


220  GUSTAVE    LANSON 

mence  jusqu'à  ce  qu'il  ait  franchi  l'obstacle.  On  le  voit  même 
souvent  hésiter,  chercher,  retoucher  le  détail,  un  mot,  une 
épithète.  Dans  ce  travail,  l'intelligence,  la  réflexion,  la  cri- 
tique ont  leur  part  :  mais  il  est  curieux  d'y  voir  clairement 
combien  Lamartine  a  conscience  de  la  nature  de  la  faculté 
créatrice  et  de  ses  conditions  d'exercice.  Sa  méthode  consiste  à 
se  servir  du  jugement  pour  bien  voir  où  il  en  est,  où  est  la 
difficulté,  et,  cela  fait,  à  se  remettre  le  plus  possible  dans  les 
conditions  de  l'activité  spontanée,  à  laisser  agir  les  réflexes, 
l'instinct,  l'intuition,  le  «  génie  »,  quitte  à  en  condamner 
encore  une  fois  les  résultats,  et  à  recommencer  une  fois  de 
plus, 

Gustave  Lakson. 


^ 

UN  PERSONNAGE  DE  CHANSON  DE  GESTE 
NON  IDENTIFIÉ  JUSQU'ICI 


On  sait  combien  d'efforts  ingénieux  les  érudits  ont  dépensés 
pour  identifier  les  héros  de  nos  romans  de  chevalerie  à  des 
personnages  historiques  de  l'époque  carolingienne.  Ils  ont 
tellement  moissonné  ce  champ  que  nous  n'y  avons  plus  rien 
trouvé  à  glaner,  nous  qui  avons  pourtant  consacré  plusieurs 
années  à  l'étude  de  ces  romans  ;  et  si  nous  avons  rejeté  comme 
chimériques  maintes  des  identifications  proposées  avant  nous, 
nous  n'avons  pas  su  en  découvrir  de  nouvelles.  En  voici  une 
pourtant,  qui  a  échappé  à  nos  devanciers.  Le  héros  de  roman 
de  qui  nous  croyons  avoir  retrouvé  le  prototype  n'est,  hélas  ! 
ni  le  ducNayme  de  Bavière,  ni  Vivien,  ni  Olivier,  ni  Aymeri  : 
c'est  un  personnage  de  bien  moindre  envergure.  Par  com- 
pensation, son  prototype  historique  fut  l'un  des  hommes  les 
plus  marquants  de  l'entourage  de  Charlemagne,  et  plus 
illustre  en  son  vivant  que  Guillaume  lui-même,  voire  que 
Roland. 

Il  s'agit  d'un  personnage  ài'Anseïs  de  Cartage,  chanson  de 
geste  de  la  fin  du  xii''  siècle.  Dans  ce  roman,  Charlemagne, 
ayant  conquis  l'Espagne,  en  a  remis  la  garde  à  l'un  de  ses 
barons,  Anseïs,  et  rentre  en  France.  Mais,  comme  Anseïs  est 
très  jeune  et  très  imprudent,  Charlemagne  a  pris  la  précau- 
tion de  le  mettre  sous  la  tutelle  d'un  sage  conseiller,  d'un 
autre  Turpin  (car,  selon  les  données  du  roman,  Turpin  est 
déjà  mort).  Le  Mentor  d'Anseïs  est  donc,  comme  Turpin,  un 


222  JOSEPH    BEDIER 

«  rice  clerc  letré  '  »,  «  de  grant  sience-  »,  très  «  cortois  '  », 
et,  qui,  lui  aussi,  se  plaît  mieux  en  la  compagnie  des  cheva- 
liers qu'en  celle  des  gens  d'église  '^.  Bref,  il  serait  de  tous 
points  semblable  à  Turpin,  n'était  une  certaine  peur  natu- 
relle des  coups  : 

Prestres  estoit,  u'ot  cure  de  meslee  5. 
Or  le  poète  l'appelle,  au  vers  8471, 

Danz  Englebeis,  ki  fu  de  Saint  Richier  ; 
au  vers  3062, 

Danz  Englebers,  ki  de  Saint  Richier  fu  ; 

et,  au  vers  6893,  Englebert,  ayant  à  baptiser  un  Sarrasin  de 
marque,  lui  choisit  le  nom  de  son  propre  patron,  Richier. 

Il  est  évident  que  ce  n'est  pas  un  personnage  de  fantaisie  : 
«  Dant  Englebert  de  Saint  Richier  »  ne  saurait  être  autre 
qu'Angilbert,  abbé  de  Saint-Riquier,  né  vers  740,  mort  en 
814^.  Et  nous  avions  bien  droit  de  dire  qu'il  fut  en  son 
temps  plus  illustre  que  Roland  lui-même,  lui,  l'un  des  amis 
les  plus  intimes  de  Charlemagne,  lui,  le  diplomate  que  Char- 
lemagne  chargea  de  plusieurs  missions  auprès  du  pape, 
l'homme  d'État  qui  fut  le  ministre  en  Italie  du  jeune  roi 
Pépin,  le  bon  poète  que  ses  émules  de  l'Académie  du  palais 
avaient  surnommé  Homère,  que  Charlemagne  lui-même,  en 
l'une  de  ses  lettres,  appelle  ((  Homeriane  puer?  »,  et  qui  sut 

1.  Anseïs  de  Cartagc,  édition  J.  Alton,  Tùbingen  (BibJiothek  des  Jiie- 
rarischen  Vereiiis  in  Stuttgart),   1892,  v.  153,  9182,  etc. 

2.  Ihid.,  V.  1227. 
5.  V.  784. 

4.  V.  8867-89. 

5.  V.  8574.  Comparez  les  vers  8669  et  suiv.,  8687  et  suiv.,  87i7etsuiv., 
8797  et  suiv. 

6.  Voyez  la  notice  biographique  que  lui  a  consacrée  Dumnilcr,  au  tome  I 
des  Poetae  latini  aevi  carolini. 

7.  On  trouvera  cette  lettre  dans  les  Monumenla  Germaniae  historica, 
Epistolae  carolini  aevi,  t.  II,  p.  135:  «  Vade  cum  prosperitate,  proficiens  in 
veritatc,  reversurus  in  gaudio,  Homeriane  puer.  » 


ENGLEBERl     DE    SAINT    RICHIER  22  3 

chanter  en   vers  élégants    la    fille    de   Charlemagne,   la  belle 
Berthe: 

Virginis  egregiae  Bertac  nunc  dicite  laudes, 
Piérides,  mecum,  placeant  cui  carmina  nostra'... 

Il  eut  deux  fils  de  Berthe,  et  Charlemagne  lui  donna  à  régir  la 
riche  abbaye  de  Saint-Riquier.  Il  fut  un  très  bon  abbé,  mais 
qui  garda  le  costume  laïque  et  ses  habitudes  de  vie  mondaine 
au  point  d'inquiéter  Alcuin  par  son  goût  des  spectacles,  des 
«  histriones  »  et  de  leurs  «  diabolica  fiiimenta  ^  ». 


Voilà  donc  une  identification  toute  neuve,  et,  croyons- 
nous,  incontestable.  Interprétons-la  selon  la  méthode  con- 
sacrée et  comme  officielle,  selon  la  méthode  familière  aux 
partisans  de  la  théorie  des  origines  anciennes  des  chansons 
de  geste.  Nous  ne  serons  pas  en  peine  de  trouver  entre 
l'histoire  et  la  légende  d'Angilbert  des  concordances  frap- 
pantes, et  nous  en  induirons,  s'il  nous  plaît  ainsi,  qu'An- 
gilbert  dut  être  célébré  de  son  vivant  même  en  des  chants 
lyrico-épiques  ou  en  des  poèmes  épiques.  Par  exemple,  en  un 
certain  passage  du  roman  d'Anseis,  Englebert  déplore  que  les 
ménestrels  ne  soient  plus  guère  admis  dans  les  cours  des 
princes  (v.  8886)  : 

Nus  menestreus,  tant  sace  bien  parler, 
Puet  mais  a  painesen  haute  cort  entrer. 

Or,  nous  savons  par  des  textes  historiques  que  Charle- 
magne prit  des  mesures  contre  les  «  histriones  »  et  qu'An- 
gilbert  s'en  affligea  '  :  nous  induirons  de  cette  concordance, 

1.  Poetae  latini  aevi  carolini ,  t.  I,  p.  360. 

2.  Voyez  les  lettres  d'Alcuin,  citées  par  Dûmmler,  /.  laud. 

5.  Voyez  la  lettre  116  d'Alcuin,  citée  par  Du  nimler,  /.  laud.:  «  Vereorne 
Homerus  irascatur  contra  cartaai  prohibentem  spectacula  et  diabolica 
figmcnta.  » 


224  JOSEPH    15EDIER 

s'il  nous  plaît  ainsi,  qu'il  a  dû  exister  au  temps  de  Charle- 
magne  des  «  cantilènes  »  en  l'honneur  d'Angilbert,  défen- 
seur des  poètes  d'alors.  —  Dans  le  roman,  Charlemagne 
confie  à  son  favori  Englebert  le  jeune  roi  d'Espagne  Anseïs  : 
de  même,  dans  l'histoire,  Charlemagne  confie  à  son  favori 
Angilbert  le  jeune  roi  d'Italie  Pépin  :  nous  induirons  de 
cette  concordance,  s'il  nous  plaît  ainsi,  que  cette  scène  du 
roman  doit  être  un  renouvellement  d'une  épopée  du  temps 
de  Charlemagne  :  si  Anseïs  a  remplacé  Pépin,  quoi  d'éton- 
nant ?  C'est  un  «  transfert  épique  »  ;  et  si  l'Espagne  a  rem- 
placé l'Italie,  quoi  d'étonnant  ?  C'est  «  l'altération  fatale  de 
l'histoire  par  la  légende  ».  S'il  nous  plaît  de  supposer  l'exis- 
tence de  tels  poèmeij  sur  Angilbert,  comme  il  plaît  à  tant  de 
critiques  de  supposer  l'existence  d'antiques  poèmes  sur  Roland, 
ou  sur  Ogier,  ou  sur  Guillaume,  nous  ne  ferons  que  rentrer 
dans  l'orthodoxie  et  que  recourir  avec  autant  de  vraisemblance 
qu'eux  aux  procédés  qui  sont  les  leurs. 


Mais  nous  ne  recourrons  pas  à  leurs  procédés.  Pour  expli- 
quer que  des  poètes  du  xii*  siècle  aient  introduit  dans  leurs 
romans  Ogier,  Roland  ou  Angilbert,  il  n'est  pas  nécessaire 
qu'ils  aient  exploité  des  poèmes  du  viii^.  L'auteur  d' Anseïs, 
appelant  son  personnage  Englebert  de  Saint-Richier,  nous  a 
par  là  même  indiqué  d'où  lui  venait  son  savoir  historique  : 
c'était  de  l'illustre  abbaye  de  Saint-Riquier,  l'ancienne  Centule, 
au  diocèse  d'Amiens.  Nous  montrerons  ailleurs  que  les  chan- 
teurs de  geste  du  xi^  et  du  xii'=  siècle  ont  bien  connu  et  fré- 
quenté cette  abbaye  et  que  la  légende  de  Gormond  et  Isem- 
bard,  notamment,  s'est  formée  là.  Or,  au  xii"  siècle  comme 
aujourd'hui,  quiconque  entrait  dans  l'église  de  Saint-Riquier, 
comme  il  y  trouvait  Gormond  et  Isembard,  y  trouvait  Charle- 


ENGLEBERT    DE   SAINT    RICHIER  225 

magne  et  Angilbert  '.  Au  xii'^  siècle,  la  tombe  d'Angilbert  se 
voyait  à  l'entrée  du  chœur  :  l'emplacement  en  était  marqué 
par  les  mots  rex.  lex.  lvx.  pax.,  restes  de  cette  ancienne 
inscription  : 

Rex,  requiem  Aagilberto  da,  Pater  atque  pius  Rex. 
Lex  leguni,  vitam  aeternam  illi  da,  quia  tu  Lex. 
Lux,  lucem  semper  concède  illi,  bona  quia  es  Lux, 
Pax,  pacem  illi  perpetuam  doua,  es  quoniam  Pax  =. 

Angilbert  avait  composé,  pour  divers  édifices  par  lui  cons- 
truits, des  inscriptions  où  il  avait  pris  soin  d'introduire  son 
nom  5,  et  telle  ou  telle  de  ces  inscriptions  devait  subsister 
encore  au  temps  des  chansons  de  geste,  celle-ci,  par  exemple, 
qu'il  avait  fait  graver  sur  une  dalle  de  marbre  magnifique, 
devant  l'autel  de  saint  Riquier  : 

Hoc  pavimentum  humilis  abbas  componere  feci 

Angilbertus  ego,  ductus  amore  Dei, 
Ut  mihi  post  obitum  sanctam  donare  quietem 
Dignetur  Christus,  vita  salusque  mea  ■♦. 

De  plus,  la  reconnaissance  des  moines  entretenait  au 
XII'  siècle  la  mémoire  de  saint  Angilbert.  Il  leur  avait  donné 
des  reliques,  des  évangéliaires,  deux  cents  manuscrits  ;  il  était 
vénéré  par  eux  comme  leur  second  fondateur.  Il  faisait  pour 
eux  des  miracles  insignes  >.  Tout  visiteur  de  l'abbaye  entendait 
parler  de  ces  miracles.  Si  donc  il  est  devenu  le  Turpin  de  la 

1.  Aujourd'hui  le  chef  de  saint  Angilbert  est  placé  dans  un  reliquaire  de 
verre  sur  le  maître-autel,  où  il  fait  pendant  au  chef  de  saint  Riquier. 

2.  Voyez  la  Vita  S.  Angilberti  auctore  Hariuljo  (fin  du  xi^^  siècle),  dans  la 
Chronique  de  Saint-Riquier,  édition  F.  Lot,  p.  78. 

5.  Voyez  les  Poclae  latini  aevi  carolint,t.l,  p.  Î65-6. 

4.  Chronique  de  Saint-Riquier,  éd.  Lot,  p.  55  :  «  Videtur  usquehodiein 
pavimento  chori  tara  pulchra  et  tam  distincta  marmoris  operatio,  ut  qui- 
cumque  illud  inspicit,  incomparabile  opus  asseveret.  Sane  coram  altari 
sancti  Richarii  fecit  pingere  in  ipso  pavimento  quosdam  versiculos,  quo  s 
nos  hic  quoque  necessario  mittere  curamus  :  Hoc  pavimentum,  etc.   » 

5.  Anscher  en  a  raconté  un  grand  nombre  (cf.  F.  Lot,  ouvr.  cité, 
p.  lui). 

Mélanges.    II.  ij 


22é  JOSEPH    BÉDIER 

chanson  à'Anseïs,  c'est  simplement,  croyons-nous,  parce  que 
l'auteur  de  ce  roman,  ou  quelqu'un  de  ses  confrères,  avait 
visité  son  abbaye. 

Les  deux  biographes  de  saint  Angilbert,  Hariulf  et  Anscher, 
rapportent  de  lui  cette  légende.  Chàrlemagne  l'avait  nommé 
gouverneur  d'une  partie  de  la  France  maritime,  en  un  temps 
où  nul  lien  ne  l'attachait  encore  au  monastère  de  Saint-Riquier. 
Or,  les  Normands  ayant  envahi  les  vallées  de  la  Somme  et  de 
la  Seine,  Chàrlemagne  lui  confia  une  forte  armée.  Avant  de 
combattre,  il  vint  s'agenouiller  au  tombeau  de  saint  Riquier, 
le  suppliant  avec  des  larmes  de  défendre  sa  terre.  A  peine 
avait-il  regagné  son  camp,  une  tempête  merveilleuse  éclata. 
Des  voix  surnaturelles  retentissent  dans  les  airs  ;  les  éclairs,  la 
grêle  chassent  les  Normands  jusqu'à  leurs  vaisseaux.  Ils  s'en- 
fuient, décimés  :  «  ainsi  le  Christ,  à  la  requête  de  son  ancien 
chevalier,  saint  Riquier,  porta  secours  à  son  futur  chevalier, 
Angilbert;  par  reconnaissance,  Angilbert  quitta  le  siècle  et  entra 
à  l'abbaye  ' .  »  Nous  surprenons  ici  la  légende  carolingienne 
sous  sa  forme  rudimentaire,  et  c'est,  si  l'on  peut  dire,  une 
chanson  de  geste  restée  à  l'état  de  chrysalide.  Que  l'on  enri- 
chisse cette  histoire,  selon  les  formules  connues,  de  quelques 
épisodes  belliqueux  et  romanesques  :  comme  on  a  un  Moniage 
Guillaume,  on  aura  un  Moniage  Englehert.  Les  vies  de  saints, 
les  chroniques  d'abbayes  nous  offrent  ainsi  de  nombreuses 
légendes  auxquelles  il  n'a  manqué,  pour  se  transformer  en 
chansons  de  geste,  qu'un  peu  de  chance.  Mais  les  jongleurs 
qui  fréquentaient  les  foires  de  Saint-Riquier  pouvaient  négli- 
ger Angilbert  :  ils  avaient  un  autre  héros  à  chanter,  Isembard 
le  renégat. 

Joseph  BÉDIER. 

I.  Cf.,  sur  les  fabrications  d"  Anscher,  Lot,  ouvr.  cité,  p.  li  et  suiv. 


LA  DIATRIBE  DE  JEAN   D'ANNEUX 


Le  théologien  Jean  d'Anneux,  qui  vivait  dans  la  première 
moitié  du  xiv^  siècle,  est  un  auteur  presque  totalement 
inconnu.  Ses  ouvrages  n'ont  jamais  été  imprimés;  ils 
paraissent  d'ailleurs  avoir  été  peu  nombreux  et  les  manu- 
scrits en  sont  rarçs.  C'est  à  peine  si,  en  passant.  Du  Cange  ' 
et  Fabricius  ^  le  mentionnent  d'après  Sanderus.  Ce  dernier 
est  lui-même  extrêmement  bref.  Dans  son  inventaire  des 
manuscrits  de  la  bibliothèque  des  chanoines  réguliers  de 
Saint- Martin  de  Louvain,  il  se  contente  de  noter  :  Joannis 
de  Annosis  sermones  ^ . 

Casimir  Oudin  a  poussé  un  peu  plus  loin  les  recherches. 
Il  signale  deux  traités  qui  doivent  être  attribués  à  notre  théo- 
logien :  c'est  d'abord  un  De  ohedicntia  exhibenda  pastoribiis  a 
Jùicis,  puis  un  Tractàtiis  contra  Fratrcs  dirigé  contre  les  régu- 
liers qui  se  mêlent  d'administrer  les  sacrements.  Après  avoir 
décrit  sommairement  les  deux  œuvres  qu'il  restitue  à  leur 
auteur,  Casimir  Oudin  constate,  avec  une  certaine  satisfoction, 
que  personne  avant  lui,  si  ce  n'est  Du  Cange  et  Sanderus, 
n'avait  parlé  de  Jean  d'Anneux  '^. 

1.  «  Joanaes  de  Annosis.  Vide  Sander.  part.  2,  p.  218  ».  Glossarium  ad 
scriptores  mediae  et  infimae  latinitatis,  édit.  de  1681,  t.  I,  p.  118  (Index  seu 
iioiiieiiclalor  scriptorum  mediae  et  infimae  latinitatis). 

2.  «  Joannis  de  Annosis  sermones  mss.  memorat  Sanderus  ».  Bihl.  lat. 
ined.  et  infini,  latinitatis,  t.  IV  (1754),  p.  513. 

3 .  Index  codicuni  mss.  adhuc  existentium  in  hibliotheca  canonicornm  regula- 
liiim S.  Augustini  in  Valle  S.  Martini  Lovanii,  dans  Bibl.  helgica  manus- 
cripta,  pars  2»  (1643),  P-  218. 

4.  «  Joannes  de  Annosis,  doctor  theologus  parisiensis,  et  magistri  Joan- 
«  nis  de  Poliaco  socius,  scripsit  anno  1327  Tractatuui  de  ohedientia  e.xhi- 
«  benda  pastoribtis  a  laicis,  queni  ms.  asservat  bibliotlieca  CollegiiCholetani 


228  HKNRY    MARTIN 

Pendant  longtemps  on  ne  connut  de  cet  écrivain  que  les 
trois  ouvrages  qui  viennent  d'être  indiqués;  mais,  en  1886, 
je  pus  augmenter  d'une  unité  son  bagage  littéraire.  A  cette 
époque^  en  effet,  je  donnai  une  notice  un  peu  détaillée  d'un 
opuscule  du  même  auteur,  adressé,  en  guise  de  lettre,  à 
Guillaume,  comte  de  Hainaut,  sous  le  titre  de  Tractatus  de 
rcgimine  principum\  Quelques  années  plus  tard,  M.  Tabbé 
P.  Féret  consacrait  un  court  article  à  Jean  d'Anneux  et  ne 
manquait  pas  à'y  réserver  une  place  au  nouvel  ouvrage  que 
j'avais  signalé^. 

Ce  traité  du  Gouvernement  des  princes  mérite  peut-être  mieux 
qu'une  sèche  mention  :  non  pas  que  la  lecture  en  soit 
attrayante  en  toutes  ses  parties,  mais  il  est  écrit  d'une  plume 
parfois  assez  alerte,  et,  malgré  son  titre  latin,  il  est  tout 
entier  en  français.  L'ouvrage  est  encore  remarquable  par  l'ex- 
traordinaire liberté  avec  laquelle  l'auteur  parle  au  comte  de 
Hainaut. 

C'est  dans  le  manuscrit  n°  2059  de  la  Bibliothèque  de  l'Ar- 
senal que  se  trouve  le  traité  dont  il  s'agit  ;  il  y  occupe  les 
feuillets  211  à  223  v°  et  porte  pour  titre  : 

«  parisiensis,  Cod.  2,  ubi  inscribitur  :  Tractatus  de  ohedientia  exhibendà  pas- 
«  toribus  a  laicts,  compilatus  anno  Domini  M.  CCC.  XXVII.  a  inagistro 
«  Joanne  de  Ainwsis,  doctore  theologo  régente  et  consocio  Joannis  de  Poliaco. 
«  Incipit  :  Ohedite  praeposUis  vestris  et  suhjacete  cis,  ipsienim  vigilant  rationem 
«  redditnri  pro  animahits  veslris.  Ista  verha  scripla  sunt  in  Epistola  ad 
«  Hehraeos,  cap.  i^,  ubi  praecipiliir  subditi  ad  praelatiim  obedientia,  etc.  — 
«  Idem  anno  1328,  Avenione  constitutus,  cotnposuit  tractatum  inscriptum 
«  Tractatus  magistri  Johannis  de  Annosis  contra  Fratres,  compilatus  Avenione 
«  1^28,  y  septembris,  qui  extat  ms.  in  bibliotheca  Bodlejana,  codice  1969, 
«  in  mss.  codicibus  Thomae  Bodleji  litera  B  2,  codice  4,  iium.  16.  Agit 
«  hoc  in  libro  contra  regulares  et  sacramentis  administrandis  sese  immis- 
«  centes.  Ego  nuUum  vidi  qui  de  hoc  scriptore  loqueretur,  nisi  Carolum 
«  Dufrenium  du  Cange  in  Indice  aiUhonim  quem  praemisit  suo  Glossario 
«  mediae  et  infunae  latinitaiis,  columna  118,  ubi  citât  Antonium  Sanderum 
«  in  Bibliotheca  manuscriptorum  belgicoruni,  parte  2,  p.  218.» 

(Casimir  Oudin,  Conitncnlarins  de scriploribits  Ecclesiae  anliquis,  III  (1722), 
802.) 

1.  Catalogue  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  V Arsenal,  t.  II  (1886), 
p.  592. 

2.  La  FacuUc  de  théologie  de  Paris,  t.  III  (1896),  p.  231-252. 


LA    DIATRIHK    DE    JEAN    D  ANNEUX  229 

Incipit  quidam  troctatiis  de  regimine  principiim,  qneni  conipiJà- 
vit  magister  Johannes  de  Annosis,  docior  sacre  théologie,  ctiratns 
Sancti  Amandi  in  Fabula,  missus  pro  epistola  domino  comiti 
Hanonie  GuiUermo,  bone  meniorie,  quorum  animabus  omnipotens 
Deus  parcat. 

A  la  fin  (fol.  223  v°)  se  lit  la  souscription  latine  suivante 
en  vers  léonins,  qui,  sous  une  forme  assez  ambiguë,  nous 
donnent  :  d'abord  le  nom  de  l'auteur,  puis  le  nom  et  le 
surnom  du  scribe,  et  enfin  la  date  de  la  copie. 

In  multis  annis  hic  vivat  fama  Johannis. 
Nec  valeat  mergi  cuidoaas,  aime  Georgi, 
Nobile  cognomen,  vel  Thudiniuni  sibi  nomen  ; 
Et  careat  pena  per  quem  sit  scripta  camena. 
In  celi  cena  post  mortem  pascat  amena, 
Est  ubi  solamen  eternum.  Fine  sit.  Amen. 
L,  C  ter,  I,  D  bis,  hanc  factam  nempe  videbis. 

Par  le  premier  vers  nous  voyons,  ce  que  nous  savions  déjà, 
que  l'auteur  se  nommait  Jean.  Les  noms  du  copiste  nous 
sont  donnés  par  le  deuxième  et  le  troisième  vers.  Quant 
au  septième  vers,  les  indications  qu'il  nous  fournit  doivent 
être  lues  ainsi  :  D  bis  =  DD  ;  —  C  ter  =  CGC  ;  — 
L;  —  I;  soit  :  DDCCCLI,  c'est-à-dire  13 51.  C'est  bien  là,  en 
effet,  la  date  de  la  transcription  du  traité  de  Jean  d'Anneux. 
D'ailleurs,  plusieurs  autres  pièces  du  manuscrit,  qui  n'en 
contient  pas  moins  de  quatorze,  sontégalement  datés  de  1351, 
et  l'une  d'elles  nous  apprend  que  le  volume  fut  écrit  à  Valen- 
ciennes. 

Tout  aussi  bien  que  la  souscription,  le  titre  contient 
quelques  indications  utiles.  Il  nous  livre  le  nom  complet  de 
l'auteur  :  «  Maître  Jean  d'Anneux  »,  et  nous  dévoile  ses 
qualités  :  «  docteur  en  théologie,  curé  de  Saint-Amand-en- 
Pevèle  ».  Par  le  titre  nous  savons  encore  que  la  lettre  est 
adressée  à  un  comte  de  Hainaut,  nommé  Guillaume,  qui 
n'était  plus  vivant  au  moment  où  fut  copié  le  manuscrit, 
comme  le  prouve   la  formule   «  bone  memorie  »  accolée  à 


230  HENRY   MARTIN 

son  nom.  Mais  le  scribe  ne  nous  laisse  pas  ignorer  non  plus 
qu'à  la  date  de  135 1  Jean  d'Anneux  était  mort  également, 
puisqu'après  avoir  mentionné  l'auteur  et  le  destinataire  de 
la  lettre,  il  ajoute  :  «  Quorum  animabus  omnipotens  Deus 
parcat.  » 

Ce  ne  sont  pas  là  sans  doute  des  renseignements  d'une 
grande  précision.  On  aurait  tort  néanmoins  de  les  négliger  en 
un  sujet  aussi  obscur:  car  ce  que  l'on  sait  de  Jean  d'Anneux  se 
réduit  à  fort  peu  de  chose.  A  vrai  dire,  le  rôle  qu'il  a  joué  n'eut 
pas  assez  d'éclat  pour  que  personne  ait  jamais  songé  à  écrire 
sa  biographie.  Je  n'essaierai  pas  non  plus  de  la  dresser  ici, 
remettant  même  à  plus  tard  l'analyse  des  manuscrits  qui  con- 
tiennent ses  divers  traités.  Mon  dessein  ne  va  seulement  qu'à 
donner  quelques  notes  très  brèves  permettant  de  fixer  à  peu 
près  l'époque  à  laquelle  cet  auteur  a  écrit  et  d'apprécier  celui 
de  ses  ouvrages  qui  me  paraît  offrir  un  certain  intérêt. 

Jean  d'Anneux  prenait  vraisemblablement  son  nom  de  la 
petite  ville  d'Anneux,  dans  le  département  du  Nord,  arron- 
dissement de  Cambrai,  canton  de  Marcoing.  En  1326,  nous 
le  trouvons  curé  de  Saint- Amand-en-Pevèle,  ou  Saint-Amand- 
les-Eaux,  alors  diocèse  de  Tournai,  faisant  aujourd'hui  partie 
de  l'arrondissement  de  Valenciennes.  Bien  que  pourvu  d'une 
charge  ecclésiastique  qui  l'obligeait  à  la  résidence,  il  se  rendit 
à  Avignon  cette  même  année  1326  et  y  demeura  depuis  le 
14  avril  jusqu'au  mois  de  novembre.  Le  jour  même  de  la 
Toussaint,  i"  novembre,  il  obtenait  du  pape  Jean  XXII 
l'autorisation  de  percevoir  les  fruits,  rentes  et  revenus  de  sa 
cure  de  Saint-Amand,  non  seulement  pour  le  temps  qu'il  en 
avait  été  absent,  mais  encore  pour  une  période  de  trois  années 
qu'il  se  proposait  de  passer  à  Paris  comme  lecteur  en  théolo- 
gie'. Il  est   certain   toutefois    qu'il    ne  résida  pas  trois  ans 

I.  «  Dilecto  filio  magistro  Johanni  de  Anneus,  rectori  parrochialisecclesie 
«  Sancti  Amandi  in  Pabula  Tornacensis  dioccsis,  sacre  théologie  doctori, 
«  salutem.  Litterarum  scientia...  Tuis  itaque  supplicationibus  inclinati  ut 
«  a  tcmpore  que  in  Romana  curia  te  asseris  resedisse,    videlicet  a  xv  kaJ. 


LA    DIATRIBE    DE   JEAN    D  ANNEUX  23I 

entiers  dans  cette  dernière  ville,  puisqu'au  mois  de  septembre 
1328  nous  constatons  de  nouveau  sa  présence  à  Avignon,  où 
il  achève  le  traité  Contra  Fralres  '.  C'est  sans  doute  vers  la  fin 
de  l'année  1328  qu'il  retourna  à  Saint-Amand,  le  délai  de 
l'autorisation  de  non-résidence  octroyée  par  le  pape  étant 
expiré. 

Telles  sont  les  indications,  bien  sommaires  à  coup  sûr, 
qu'il  m'a  été  possible  de  recueillir  sur  l'auteur  de  la  lettre  au 
comte  de  Hainaut.  La  date  de  sa  naissance,  ainsi  que  celle  de 
sa  mort,  me  sont  inconnues.  Tout  ce  qu'on  peut  affirmer, 
c'est  qu'il  n'était  plus  vivant  en  135 1.  Le  titre  du  manuscrit 
de  l'Arsenal  ne  laisse,  semble-t-il,  aucun  doute  à  cet  égard. 

Quant  au  copiste,  Georges  de  Thun,  il  serait  difficile  de 
dire  avec  certitude  quelle  est  la  ville  qui  lui  a  donné  son 
nom  :  car  on  compte  au  moins  trois  localités  portant  ce  nom 
de  Thun  dans  le  département  du  Nord  -.  Cependant,  si  l'on 
considère  que  le  volume  a  été  écrit  à  Valenciennes,  que 
d'autre  part  le  traité  de  Jean  d'Anneux,  qui  résidait  à  Saint- 
Amand,  a  dû  être  transcrit  peu  de  temps  après  sa  mort,  il 
paraîtra  assez  vraisemblable  que  le  scribe  tirait  son  nom  du 
village  de  Thun,  situé  dans  le  canton  de  Saint-Amand.  C'est 
là,  du  reste,  une  question  tout  à  fiiit  secondaire. 


«  Maii  proximo  preteritis  usque  ad  festum  Omnium  Sanctorum  immédiate 
0.  sequens,  et  usque  ad  triennium  post  Parisius  sacram  theologiam  legendo 
«  fructus,  redditus  et  proventus  parrochialis  ecclesie  Sancti  Amandi  in 
«  Pabula  Tornacensis  diocesis,  cujus  rector  existis,  libère  percipere  valeas, 
«  et  ad  residendum  intérim  in  eadem  minime  tenearis...  auctoritate  tibi 
«  presentiumindulgemus...  Nulli  ergo,  etc.,  nostre  concessionis  infringere, 
«  etc.  Dat.  Avinione  kal.  Novembris,  anno  undecimo. 

«  Reg.  Vat.  Comm.  Johannis  XXII,  an.  11,  p.  i,ep.  144,  fol.  6"]^.  » 
(H.  Denifle  et  E.    Châtelain,    CJiartiilariuvi    Universitatis   Parisiensis, 
t.  II  (1891),  p.  294). 

1.  «  Tractatus  magistri  Johannis  de  Anuosis  contra  Fratres  compilatus 
Avenione  1328,  7  septembris.  » 

2.  1°  Thun,  canton  (rive  gauche)  de  Saint-Amand  ;  2°  Thun-l'Évêque  ; 
30  Thun-Saint-Martin  :  ces  deux  derniers  font  partie  du  canton  est  de 
Cambrai. 


232  HENRY    MARTIN 

Il  serait  plus  intéressant  de  savoir  exactement  quel  est  le 
comte  de  Hainaut  à  qui  Jean  d'Anneux  crut  devoir  adresser 
sa  diatribe.  Le  titre  du  traité  nous  apprend  qu'il  se  nommait 
Guillaume  ;  mais  au  temps  de  notre  auteur  trois  comtes  de 
ce  nom  gouvernèrent  le  Hainaut. 

Il  en  est  un  qu'on  doit  tout  d'abord  écarter  :  c'est  Guil- 
laume III,  dit  l'Insensé.  Le  copiste  indique  clairement,  nous 
l'avons  vu,  que  le  destinataire  était  mort  en  13  51.  Or,  Guil- 
laume III,  dépossédé  de  ses  États  en  1357  pour  cause  de  folie 
dûment  constatée,  ne  mourut  qu'en  1389. 

L'âpreté  des  critiques,  d'autre  part,  ne  permet  guère  de 
croire  qu'elles  s'adressaient  à  Guillaume  l",  mort  le  7  juin 
1337.  Ce  prince,  dans  l'histoire,  a  été  surnommé  le  Bon. 
Certes,  la  raison  serait  insuffisante  pour  affirmer  qu'il  ne  com- 
mit aucun  des  excès  que  stigmatise  notre  théologien  ;  mais, 
s'il  se  montra  souvent  impitoyable  dans  ses  guerres  contre  les 
Flamands,  on  ne  voit  pas  qu'il  ait  pressuré  exceptionnelle- 
ment ses  sujets  du  Hainaut,  ni  «  adamagié  les  abbeys  »  de 
cette  province,  dont  le  sort  intéresse  avant  tout  Jean  d'An- 
neux. 

Quant  à  Guillaume  II,  fils  et  successeur  de  Guillaume  le 
Bon,  il  paraît  n'avoir  rien  négligé  pour  justifier  les  dures 
leçons  que  lui  donne  le  curé  de  Saint-Amand.  Porté  au  pou- 
voir à  la  mort  de  son  père,  il  périt  en  1343  dans  une  bataille 
contre  les  Frisons.  Durant  les  six  années  qu'il  gouverna  la 
Hollande  et  le  Hainaut,  Guillaume  II  se  montra  toujours  vio- 
lent, irascible  et  vindicatif,  ne  respectant  souvent  pas  plus  les 
personnes  que  les  biens  des  étrangers  et  de  ses  propres  sujets. 
Froissart,  qui,  originaire  du  Hainaut,  avait  des  raisons  de  n'en 
point  médire,  Froissart  lui-même  ne  peut  se  défendre  de  cons- 
tater qu'il  était  «  moult  entreprendans  et  hardis  chevaliers 
durement  '  ».  Il  est,  en  outre,  resté  d'indéniables  traces  des 
rapports  fâcheux  qu'il  entretenait  avec   les  lombards  et   les 

I.  Chroniques  de }.  Froissart,  édit.  Simcon  Lucc,  t.  III  (1872),  p.  106. 


LA    DIATRIBE    DE    JEAN    D  ANNEUX  233 

usuriers,  ainsi  que  de  ses  disputes  intéressées  avec  lesévêques, 
notamment  celui  de  Cambrai,  et  autres  gens  d'église  ' .  Mais 
c'est  au  Hainaut  qu'il  fit  sentir  surtout  le  poids  de  sa  colère,  et 
aucune  ville  peut-être  n'eut  tant  à  souffrirque  Saint-Amand, 
siège  paroissial  de  Jean  d'Anneux.  Froissart  nous  a  laissé  un 
récit  assez  détaillé  du  désastre  que  cette  ville  eut  à  subir  en 
1340  ^.  S'étant  rendu  maître  de  la  place  presque  sans  coup 
férir,  le  comte  Guillaume  détruisit  en  partie  l'abbaye,  mal- 
traita la  ville,  rançonna  et  massacra  les  habitants.  C'est  là  sans 
doute  dans  toute  l'histoire  de  Saint-Amand  l'événement  le  plus 
considérable.  Jean  d'Anneux  toutefois  n  y  fait  aucune  allusion  : 
d'où  il  est  permis  de  conclure  que  l'événement  ne  s'était  pas 
encore  produit  quand  la  lettre  fut  écrite. 

Pour  ces  diverses  raisons  on  peut  logiquement  admettre, 
d'abord  que  le  traité  De  regimine  principum  a  bien  été  adressé 
à  Guillaume  II,  et  en  second  lieu  qu'il  a  dû  être  composé 
entre  1337,  époque  de  l'avènement  de  ce  prince,  et  1340, 
date  du  sac  de  Saint-Amand. 

En  lisant  l'opuscule  de  Jean  d'Anneux  on  est  frappé  de  la 
liberté  de  langage  dont  il  use  envers  un  seigneur  aussi  puis- 
sant que  le  comte  de  Hainaut,  dont  il  était  le  sujet  et  dont  le 
caractère  violent  nous  est  connu.  Si  c'était  là  le  texte  d'un 
sermon  prononcé  même  en  face  d'un  prince,  la  virulence  des 
paroles  ne  serait  pas  pour  nous  étonner,  les  prédicateurs  ayant 
toujours  eu  leurs  coudées  franches  aussi  bien  pendant  le 
moyen  âge  qu'aux  époques  plus  modernes.  Mais  il  s'agit  ici 
d'objurgations  privées,  d'une  lettre  de  remontrances  person- 
nelles et  faites  sans  ménagement.  A  ne  considérer  que  les  pre- 
mières lignes  du  traité,  on  pourrait  croire,  à  vrai  dire,  que 
l'auteur  s'est  placé  à  un  point  de  vue  très  général.  C'est  à  tous 
les  conducteurs  d'hommes  qu'il  semble  s'adresser  :  «  A  tous 

1.  Voir  :  Cartuîaire  des  comtes  de  Hainaut,  de  V avènement  de  Guillaume  II 
d  la  mort  de  Jacqueline  de  Bavière,  publié  par  Léopold  Devillers,  t.  1er 
(Bruxelles,  1881,  in-40),  passim. 

2.  Chroniques  de  J.  Froissart,  édit.  Siméon  Luce,  t.  II  (1870),  p.  65-69. 


234  HENRY    MARTIN 

prinches  poissans  en  tierre,  Jehansd'Anneus,  entre  les  mestres 
de  divinté  li  menres,  désire  vo  salut  ou  chiel  et  sagement  vo 
peule  gouvrener  en  tierre,  ensi  que  li  rois  Salemons  pour  lui 
le  pria,  et  Dieus  boinnement  li  ottria  \  »  Cette  sorte  de  dédi- 
cace n'est  qu'une  fiction  destinée  peut-être  à  amortir  le  pre- 
mier choc;  mais,  sans  souci  des  périphrases,  c'est  clairement 
et  pour  ainsi  dire  à  découvert  qu'en  terminant  notre  théolo- 
gien porte  les  coups  à  son  redoutable  adversaire. 

«  Chier  singneur,  écrit-il  à  la  fin  de  son  traité  -,  or  vien-ge 
«  à  vous  espesciaument,  car  vous  vos  destruissiéschiertainne- 
«  ment  s'il  est  ensi  c'on  dist. 

«  Car  on  dist  :  —  Quant  vous  avés  oy  vos  boins  conseilleurs, 
«  vous  les  laissiés  et  créés  les  deceveurs. 

«  Item,  on  dist  que  vous  fourmenés  vos  sougis  :  si  que  il 
«  vuident  vos  pays. 

«  Item,  on  dist  que  pour  argent  soustenés  les  useriers,  les 
«  lombars  '  et  les  juis.  Et  ensi  estes  à  yauls  tenus  et  liiés. 

«  Item,  on  dist  que  vous  donnés  auctorité  de  maletotes 
«  maisement  tolir.  Et  ensi  vous  et  elles  lestes  tenus  dou  rendre 
«  et  de  restaulir. 

«  Item,  on  dist  que  vous  adamagiés  les  abbcys  trop  sou- 
«  vent  en  mariages,  em  prières  que  on  n'ose  refuser,  et  em 
((  pluiseurs  manières  autrement  :  si  qu'il  ne  puéent  leur 
«  églises  amender  qui  boin  besoing  en  auroient,  ne  rechevoir 
«  tant  de  personnes  qu'il  soloient,  ne  donner  as  povres  ensi 
«  qu'il  deveroient.  » 

1.  Ms.  Ars.  2059,  fol-  211- 

2.  Fol.  223  v°. 

3.  Les  lombards  auxquels  fait  allusion  Jean  d'Anneux  étaient  les  quatre 
frères  :  Bernard  Royer,  Baudrekin  Royer,  Pierre  Rojer  et  Raphaël  Royer; 
ils  habitaient  Ath.  C'est,  semble-t-il,  avant  son  avènement  que  Guil- 
laume II  s'était  engagé  vis-à-vis  d'eux.  Dès  le  commencement  du  mois 
d'août  1337  —  son  père  était  mort  au  mois  de  juin  ■ —  il  négocie  avec  eux 
et  prend  des  décisions  en  leur  faveur.  Carlnhiiie  des  comtes  de  Hainaut, 
de  l'avènement  de  Guillaume  II  à  la  mort  de  Jacqueline  de  Bavière,  publié  par 
Léopold  Dcvillers,  t.  W  (Bruxelles,  1881,  in-40),  p.  4-6. 


LA    DIATRIBE    DE    JEAN    D  ANNEUX  235 

Si  c'est  seulement  à  la  fin  de  sa  lettre  que  Jean  d'Anneux, 
oubliant  toute  prudence,  ose  braver  aussi  directement  le 
prince  coupable,  il  ne  cesse  point,  dans  le  cours  du  traité,  de 
lui  lancer  les  plus  sévères  avertissements,  sur  le  sens  desquels 
le  comte  Guillaume  ne  pouvait  se  méprendre.  Quand  il  parle 
des  princes  qui  ruinent  les  abbayes,  au  lieu  d'en  fonder  de 
nouvelles,  l'allusion  est  trop  claire  pour  n'avoir  pas  été  com- 
prise. S'il  met  en  parallèle  avec  les  seigneurs  de  son  temps 
Charlemagne  et  le  roi  Dagobert,  les  anciens  comtes  de  Hai- 
naut  et  de  Flandres,  la  comparaison  n'est  point  en  faveur  des 
princes  ses  contemporains.  Or,  quel  est,  parmi  ces  derniers, 
celui  qu'il  connaît  bien  sinon  le  maître  de  la  province  dans 
laquelle  il  vit  ?  C'est  bien  à  Guillaume  de  Hainaut,  le  doute 
n'est  guère  permis,  que  s'adressent  les  reproches  suivants  : 

«  Li  prinche  cha  en  arrière,  dit  Jean  d'Anneux  ',  soloient 
«  fonder  églises,  abbeyes,  hospitaus  et  maladries,  si  que  li  rois 
«  David  fonda  xliii  priestres  pour  faire  le  siervice  de  Dieu; 
«  li  rois  Salemons,  le  temple  de  Jherusalem  pour  Dieu  sier- 
«  vir  ;  li  empereres  Constantin,  les  églises  de  Romme  ;  li 
«  rois  de  Franche  Karlemainne,  Dangobier  et  li  autre  fon- 
ce dèrent  Saint-Denis,  Saint-Amand,  Saint- Vaast  et  pluiseurs 
«  autres  en  leur  vies;  li  conte  de  Haynnau,  pluiseurs  en 
«  Haynnau  ;  li  contes  de  Flandres,  pluiseurs  en  Flandres  ;  et 
«  ensi  des  autres. 

«  Mes  maintenant  est  au  contraire  :  car  il  les  desfont  et 
«  amenuisent  et  destruisent  ;  car  il  prendent,  tollent  et 
«  lièvent  tant  par  iaus,  par  leur  gens,  par  force,  par  priières 
«  armées,  par  dissimes,  par  subjections,  par  empruntemens 
«  et  autres  cuvriemens  que  on  ne  leur  ose  refuser;  si  que  il 
«  ne  puéent  recevoir  tant  de  piersonnes  qu'il  soloient.  Et 
«  ensi  par  iaus  est  li  siervices  amenuisiés,  ne  ne  poéent  au- 
«  mousnes  donner  tant  qu'il  soloient.  Et  ensi  ont  les  povres 
«  entrelaissiés. 

I.  Ms.  Ars.  2059,  fol.  219. 


236  HENRY    MARTIN 

«  On  se  poet  esmierveillier  que  tel  prinche  pensent;  com- 
«   ment  il  osent  vivre,  ne  comment  il  osent  morrir.  » 

Si  la  véhémence  de  l'adresse  à  Guillaume  de  Hainaut 
témoigne  chez  l'auteur  d'une  réelle  indépendance  de  carac- 
tère, l'énergie  de  l'expression  me  semble  aussi  par  endroits 
t  rès  remarquable.  N'est-elle  pas  vraiment  saisissante  la  conclu- 
sion  du  passage  que  je  viens  de  citer?  Après  avoir  fait  le 
procès  des  chefs  d'Etat  contemporains  qui  foulent  aux  pieds 
toutes  les  lois  divines  et  naturelles  :  «  On  peut  se  demander, 
s'écrie  Jean  d'Anneux,  ce  que  de  tels  princes  pensent!  On 
s'étonne  comment  ils  osent  vivre  et  comment  ils  osent  mou- 
rir !  »  Peut-être  n'eût-il  pas  été  facile  d'exprimer  avec  plus  de 
force  la  réprobation  qu'inspire  au  curé  de  Saint-Amand  le 
mauvais  gouvernement  de  son  «  chier  singneur  ». 
•  Il  ne  faudrait  pas  croire,  sans  doute,  que  tout  le  traité  soit 
écrit  de  ce  style  :  s'il  en  était  ainsi,  l'auteur  mériterait  d'être 
plus  connu.  Celui-ci,  en  beaucoup  d'endroits,  se  contente  de 
paraphraser,  sans  grande  originalité,  tel  ou  tel  passage  des 
livres  saints.  Mais  souvent  aussi,  lorsqu'il  exprime  des  idées 
qui  lui  sont  propres,  le  discours  offre  une  incontestable  éner- 
gie. Quels  mo3^ens,  selon  lui,  quels  procédés  sommaires  em- 
ploient les  princes  pour  extorquer  l'argent  des  religieux  et  du 
peuple  ?  Ce  sont  les  dîmes,  les  emprunts  qu'on  n'ose  refuser; 
ce  sont  aussi,  ajoute- t-il,  les  «  prières  armées  ».  Je  ne  saurais 
dire  si  ces  «  prières  armées  »  sont  une  trouvaille  de  Jean 
d'Anneux;  mais  le  terme,  en  tout  cas,  est  singulièrement 
expressif. 

Peut-être  estimera-t-on,  après  avoir  lu  ces  notes  succinctes 
sur  un  écrivain  jusqu'ici  presque  entièrement  ignoré,  qu'il 
serait  digne  de  se  voir  réserver,  certes  je  ne  dis  pas  une  place 
d'honneur,  mais  une  toute  petite  place  dans  l'histoire  litté- 
raire de  la  France  au  xiv^  siècle.  Si  j'avais  à  plaider  sa  cause, 
je  revendiquerais  pour  lui,  à  défaut  d'autres  titres,  le  mérite 
d'avoir,  l'un  des  premiers,  rédigé  en  français,  non  sans  verve, 
l'historiette  du  Renard  confesseur,  dont  notre  La  Fontaine  a 
tiré  l'admirable  fable  des  Animaux  malades  de  la  peste. 


LA    DIATRIBE    DE    JEAN    D  ANNEUX  237 

Les  origines  de  cet  apologue  sont  fort  obscures.  Dans  son 
édition  des  Œuvres  dej.  de  La  Fontaine  {Les  Grands  Ecrivains 
de  la  France),  M.  Henri  Régnier  a  réuni  tous  les  documents 
relatifs  à  la  question  '.  Au  dire  de  l'éditeur,  c'est  en  Alle- 
magne, au  xiii"  siècle,  qu'aurait  été  «  pour  la  première  fois 
écrite  la  tradition  qui  a  inspiré  à  La  Fontaine  un  de  ses 
chefs-d'œuvre,  son  chef-d'œuvre,  disent  Chamfort  et  Saint- 
Marc  Girardin  » .  La  plus  ancienne  rédaction  de  cette  fable 
qu'on  ait  citée  jusqu'à  présent  est  celle  de  Hugo  de  Trim- 
berg.  L'auteur,  maître  d'école  à  Nuremberg,  composa,  de  1280 
à  1300,  un  recueil  de  vers  allemands,  der  Renner,  «  le  Cou- 
reur »,  dans  lequel  figure  la  Confession,  «  die  Beichte  », 
imprimée  pour  la  première  fois  par  Grimm  en  1833  dans  son 
Reinhart  Fuchs  "■.  M.  Régnier,  toutefois,  paraît  accorder  la 
priorité  au  Fœnitmtionarius  hipi,  vulpis  et  asini,  qui  ne  nous 
est  connu  que  par  l'édition  qu'en  a  donnée  Flacius  lUyricus 
dans  son  ouvrage  :  Doctonim  piorumqne  virorum  varia  poemata 
de  corrupto  Ecchsiac  statu  ">  (Bâle,  1557,  in-8°).  Mais  Matthias 
Vlacich  ne  dit  nulle  part  que  la  pièce  ait  été  composée  au 
xiii^  siècle;  il  a  soin,  au  contraire,  de  transcrire  l'explicit  tel 
qu'il  l'a  lu  dans  le  manuscrit  :  «  Explicit  pœnitentiarius  lupi, 
vulpis  et  asini,  completus  anno  Domini  1343  ^.  »  Si  l'on  ne 
possède  pas  d'autres  renseignements,  rien  ne  permet  de  dater 
du  xiii^  siècle  la  poésie  dont  il  s'agit;  il  faudrait  même  admettre 
qu'elle  a  été  écrite  seulement  vers  le  milieu  du  xiv^  siècle, 
c'est-à-dire  à  peu  près  à  la  même  époque  que  la  rédaction 
française  de  Jean  d'Anneux.  Ce  dernier,  d'ailleurs,  différent  en 
cela  de  l'anonyme  cité  par  Flacius  Illyricus,  n'a  pas  conté  l'his- 
toire dans  le  but  de  composer  un  morceau  littéraire.  S'il  rap- 
porte la  légende  du  Renard  confesseur,  c'est  pour  mettre  en 
défiance  le  comte  de  Hainaut  et  lui  montrer  qu'il  se  glisse 

1 .  Tome  II  (1882),  p.  88-94  et  p.  484-495. 

2.  Pages  392-396. 

3.  Pages  199-214. 

4.  Page  214. 


238  HENRY    MARTIN 

auprès  des  princes  non  seulement  des  donneurs  de  conseils 
pernicieux,  mais  même  de  mauvais  prêtres  toujours  disposés 
à  excuser  et  à  absoudre  les  actions  les  plus  condamnables 
quand  ils  espèrent  tirer  honneur  et  profit  de  leur  criminelle 
condescendance.  Le  récit,  comme  on  va  le  voir,  ne  manque 
ni  d'entrain,  ni  de  malice  ' . 

«  Item  encore,  écrit  Jean  d'Anneux,  se  doivent  aviser  no 
«  prinche  qu'il  sont  aucun  confiesseur  qui  voellent  iestre 
«  confiesseur  des  riques  et  n'ont  cure  des  povres  :  pour  çou 
«  qu'il  en  ont  bouche  à  court,  les  dons  et  les  honneurs  qu'il 
«  n'aroient  nient  autrement. 

«  Ensi  c'on  conte  de  Renart  qui  vaut  iestre  confiessères 
«  pour  avoir  riquèces  et  honneurs  et  devient  moinnes  ;  et  les 
«  autres  biestes,  pour  chou  qu'il  quidoient  iestre  saint, 
«  vinrent  à  lui  cà  confiesse. 

«  Et  vint  premiers  li  Lyons  et  se  confiessa  de  çou  qu'il  par 
«  sa  force  et  par  sa  segnourie  avoit  moût  tolut  as  autres 
«  biestes.  Et  li  Regnars  s'apensa  qu'il  poroit  partir  au  gaaing 
«  si  l'asoloit  ;  et  l'escusa  par  douces  parolles  et  dist  :  — 
«  «  Sire,  vous  iestes  rois  des  autres  biestes,  se  poés  faire  par 
«  vo  signourie  moult  de  choses  que  li  autre  ne  puéent  ne 
«  doivent  mie  faire.  Et  pour  çou  je  vous  assauc  :  dittes  vo 
«  patrenostre.  » 

«  Or  vint  li  Leus  à  confiesse  et  dist  qu'il  avoit  estranlé 
«  moult  des  brebis,  plus  qu'il  n'en  peuist  mengier.  Et 
«  Regnars  s'avisa  que  là  poroit-il  avoir  aucunne  gratuité  ;  et 
«  en  flatant  l'escusa  et  dist  :  —  «  Sire  Leus,  vous  l'avés  de 
«  nature.  On  ne  le  vous  poet  mie  boinnementoster.  Je  vous 
«  asauc  :  dittes  vo  patrenostre .  » 

«  Apriès  vint  li  Asnes  à  confiesse  et  dist  :  —  «  Je  porte 
«  les  sas  au  moulin  et  n'ai  à  mengier  que.  j.  pau  de 
«  fain.  Et  par  faminne  je  pris  avant-ier.  j.  pau  d'avainne  no 
«  voisin  et  le  mangai.  »  —  Et  Regnars  s'apensa  :  —  «  Chius- 

I.   Ms.  Ars.  2059,  ^^^-  --'  vû-222. 


LA    DIATRIBE    DE    JEAN    d'aNNEUX  239 

«  chi  ne  me  poroit  emplir  ma  pance.  Je  ne  voel  nient  porter 
«  les  sas  au  moulin.  »  —  Et  dist  à  l'Asne  :  —  «  Va-t'ent  : 
«  tu  ies  lerres.  Je  ne  te  rassorrai  point.  » 

«  Ensi  déçoivent  li  faus  confiesseur  nos  princhcs,  les  pois- 
«  sans  et  les  rikes;  et  pour  avoir  bouche  à  court  taisent  ' 
«  vérité.  » 

Il  serait,  à  coup  sûr,  téméraire  d'attribuer  à  tel  ou  tel  écri- 
vain l'honneur  d'avoir  imaginé  ce  conte  moral,  où  les  puis- 
sants sont  absous  et  l'humble,  l'inoffensif,  impitoyablement 
châtié.  C'est  là  sans  doute  un  lieu  commun  aussi  vieux  que 
les  sociétés  humaines.  En  France  même,  Jean  d'Anneux  n'est 
pas  le  premier  qui  l'ait  noté.  Avant  lui,  l'auteur  du  livre 
appelé  Ci  nous  dit  ou  Composition  de  la  Sainte  Ecriture  avait 
mentionné  la  condamnation  de  l'âne  par  le  hon  pour  avoir 
mangé  quelques  brins  de  persil.  Paulin  Paris,  qui  en  1841 
donnait  le  texte  de  cet  apologue  d'après  un  manuscrit  ayant 
appartenu  à  Jacques  d'Armagnac,  duc  de  Nemours,  exprimait 
le  regret  que  les  commentateurs  de  La  Fontaine  n'eussent  pas 
encore  utilisé  le  Ci  nous  dit  -.  Dans  le  volume  même  où  est 
transcrite  la  diatribe  de  Jean  d'Anneux,  on  trouve  une  copie 
de  cette  singulière  compilation,  qui,  comme  le  manuscrit 
étudié  par  Paulin  Paris,  renferme,  mais  sous  une  forme  plus 
abrégée,  la  fable  du  hon  pardonnant  à  tous  les  animaux,  sauf 
à  l'âne.  La  moralité,  d'ailleurs,  n'est  pas  identique  dans  les 
deux  transcriptions.  Voici  cette  fable  d'après  le  manuscrit  de 
l'Arsenal  : 

«   Chi  devise  de  Dan  noble  h  Lion  qui  reprenoit  les  bestes  qui 

«  vivaient  de  proie  '. 

«  Dan  nobles  li  Lyons,  li    rois  des  biestes,  reprenoit  les 

«  biestes  qui  vivoient  de  proie  de  leur  defautes.  Et  se  n'en  y 

«  ot  nulles  pugnies,  mais  que  li  povres  Anes  qui  avoit  mengié 

«  une  plante  de  pietrecil. 

1.  Ms.  iaisant. 

2.  Les  manuscrits  français  de  la  Bibliothèque  du  roi,  t.  IV,  p.  85. 

3.  Ms.  Ars.  2059,  fo'-  28  vo. 


240  HENRY    MARTIN' 

«  Les  grans  larronz  sont  auchunne  fois  espargniés  de  leur 
«  mefFait  ;  et  les  povres  cheitis  si  sont  pugnis  empresent  pour 
«  ce  que  il  n'ont  que  il  puissent  donner.  » 

Il  ne  me  semble  pas  douteux  que  cet  apologue  doive  se 
rencontrer  beaucoup  plus  anciennement  encore;  mais  je  n'ai 
pas  connaissance  jusqu'à  présent  qu'un  autre  auteur  français 
ait,  antérieurement  à  Jean  d'Anneux,  traité  le  sujet  en  lui 
donnant  cette  forme  vive  de  dialogue  pittoresque,  réaliste  et 
plaisant  :  «  Je  vous  absous  :  dites  vos  patenôtres.  » 

Henry  Martin. 


ORIGINES  ET  CARACTÈRES  GÉNÉRAUX  DE 
LA    SIGNORIA 


La  Signoria,  tyrannie,  est  la  forme  caractéristique  de 
l'état  italien,  tel  que  l'a  réalisé  l'époque  de  la  Renaissance, 
entre  le  premier  tiers  du  xiv^  siècle,  moment  où  disparaît  l'au- 
torité impériale  et  pontificale  en  Italie,  et  le  milieu  du  xvi^ 
siècle,  où  Charles-Quint  restaure  l'empire.  Epoque  riche  en 
contrastes  et  en  anachronismes,  semée  de  ruines  et  de  germes, 
de  traditions  qui  s'effondrent  et  de  paradoxes  qui  prospèrent, 
de  mille  ambitions  qui  s'attirent,  s'entredétruisent  et  s'amal- 
gament dans  un  incessant  conflit.  Époque  d'autant  moins 
aisée  à  définir  que  ce  n'est  pas  un  seul  siècle,  ni  une  seule 
histoire,  mais  plusieurs,  qui  se  déroulent  synchroniquement 
en  Italie,  car  le  quattrocento  de  Florence  n'est  pas  celui  de 
Venise,  ni  celui  de  Mantoue  ne  se  peut  confondre  avec  celui 
de  Milan  ou  de  Naples.  Dans  chaque  centre  la  Renaissance 
garde  une  physionomie  distincte,  éclôt  à  une  heure  différente 
et  représente  un  degré  de  culture  particulier:  tels  contem- 
porains semblent  séparés  par  un  intervalle  de  plusieurs  géné- 
rations, tant  ils  sont  disparates,  et  il  est  presque  choquant  de 
rencontrer  Savonarole,  ce  fanatique  odieux,  au  chevet  de  mort 
de  Messer  Lorenzo,  ce  représentant  magnifique  de  l'esprit  nou- 
veau. Et  parfois  même  l'âme  des  individus  semble  multiple, 
tant  elle  subit  de  contacts  et  d'influences  contradictoires,  tant 
il  est  malaisé  d'en  saisir  l'unité  :  tel  ce  Gilles  de  Viterbe  à 
la  fois  scolastique  et  hébraïsant,  helléniste  et  astrologue,  et 
célébrant  en  Christophe  Colomb  un  Chrislns  rcdivivus.  Ainsi 
tout  ici  est  divers,  fuyant  et  muable,  et  cette  mêlée  d'idées 
en  puissance  et  de  volontés  en  conflit  est  précisément  la  Kenais- 

MÉLANGliS.      II.  l6 


242  L.-G.    PELISSIER 

sance.  Quoi  de  surprenant,  dès  lors,  que  la  Signoria,  expres- 
sion politique  de  ce  temps,  ait,  elle  aussi,  revêtu  bien  des 
aspects  différents  en  apparence  ?  On  peut  cependant  essayer 
de  les  ramener  à  deux  tA'pes  généraux. 

I.  La  lyranuieahéritéde  la  commuiu.  La  commune  italienne, 
qui  est  le  grand  fait  politique  et  social  du  Diiooilo  et  du 
Tnrento,  a  eu  un  grand  rôle  historique  :  elle  s'est  dégagée  de 
l'empereur,  et.  à  un  degré  moindre,  du  pape.  Elle  a  été  le 
premier  novau  d"une  unité  publique  vraiment  nationale  ;  elle 
a  créé  le  citoyen,  l'esprit  civique,  conquis  l'égalité  du  travail, 
l'impôt  sur  le  revenu,  inauguré  une  âme  collective  et  frater- 
nelle, quoique  sanguinaire.  Florence  en  est  le  type  le  plus 
accompli,  Florence  qui 

Fiorenza]  dentro  dalla  cerchia  antica 

Si  stava  in  pace  sobriae  pudica.  Pur.,  XV,  92. 

et  dont  les  chroniqueurs,  comme  Giovanni  Villani,  ontopposé 
la  probité  austère  aux  mœurs  plus  somptueuses  de  l'âge  sui- 
vant; Florence  qui,  en  1289,  délivra  le  pa3'san  de  toute  ser- 
vitude temporaire  ou  à  vie,  «  parce  que  la  liberté  est  un  droit 
imprescriptible  »  ;  qui,  en  1293.  promulgue  ses  Ordinamenti 
di  giustizia  et  exclut  les  nobles  des  fonctions  publiques,  comme 
Venise  devait  plus  tard  en  exclure  le  clergé  et  qui,  en  1298, 
se  disait  «  très  grande,  parce  qu'elle  était  composée  de  l'àme 
des  citoyens,  unis  ensemble  en  un  seul  vouloir  ».  Cette  vie 
municipale,  que  le  Cacciaguida  du  poète  regrettait  presque 
dans  les  délices  du  paradis,  songeant 

A  cosi  riposato,  a  cosi  bello 
Viver  di  cittadini,  a  cosi  fida 
Cittadinanza 

ne  dura  guère  pourtant,  ni  à  Florence,  ni  ailleurs.  —  La  com- 
mune ne  reste  pas  une  unité  organique  :  elle  devient  un  con- 
glomérat de  corporations  et  de  métiers,  de  clientèles  et  de  par- 
tis, où  l'égoïsme  de  la  caste  triomphe  souvent  du  bien  pubHc. 
Les  classes  supérieures  en  arrivent  à  s'éliminer  presque  automa- 


ORIGINES    ET    CARACTERES    GENERAUX    DE    LA    SIGNORIA    2^3 

tiquement,  et  exclues  du  pouvoir,  parfois  de  la  cité,  en  devien- 
nent les  ennemies.  A  la  noblesse  féodale  succède  une  aristo- 
cratie d'argent  et  aux  dépens  du  peuple  civique  s'agglomère 
une  nouvelle  plèbe.  La  commune,  qui  a  accueilli  des  habitants 
nombreux,  ne  les  a  point  assimilés  ;  les  ruraux,  délivrés  du 
servage,  n'arrivent  point  à  la  vie  civile.  Dans  chaque  commune 
se  constitue  une  masse  sociale,  dépendante,  étrangère,  inerte  : 
Florence,  sur  loo.ooo  habitants,  n'a  que  3000  citoyens.  La  com- 
mune est  à  la  merci  du  moindre  coup  demain.  — La  commune 
s'isole  :  l'esprit  municipal,  germe  de  sa  grandeur,  le  devient 
de  sa  décadence.  Il  limite  son  amour  de  la  patrie  à  l'enceinte 
de  son  rempart  et  ne  cherche  sa  prospérité  qu'à  l'ombre  de  son 
campanile.  Séparatistes  ou  plutôt  individualistes,  les  communes 
lombardes  n'ont  su  faire  qu'une  fois  la  Ligue  lombarde  ;  leurs 
discordes  et  leurs  révolutions  intérieures  n'intéressent  qu'elles 
seules.  —  La  commune  perd  son  idéal  civique.  Formée  pour 
l'indépendance,  née  de  la  lutte,  elle  se  corrompt  après 
l'indépendance  conquise  et  la  liberté  assurée.  L'art  militaire 
décrié  est  abandonné  à  des  professionnels  mercenaires  et 
subalternes.  La  guerre  devient  une  industrie  dont  la  bour- 
geoisie se  désintéresse .  Le  commerce  règne  :  c'est  pour  leurs 
intérêts  mercantiles  que  les  communes  ont  des  débats  :  révo- 
lutions, guerres,  alliances,  sont  l'œuvre,  en  Italie  comme  en 
Flandre,  de  marchands  citoyens  pour  qui  se  confondent  la 
Bourse  et  la  patrie:  les  longs  duels  de  Florence  avec  Sienne  et 
avec  Pise  s'expliquent  surtout  par  des  causes  économiques. 
Sienne  fermant  à  Florence  la  route  de  Rome,  Pise  celle  de  la 
la  mer.  De  même  pour  les  rivalités  de  Gènes  et  de  Pise  de 
Venise  et  de  Gènes.  On  lutte  pour  acquérir,  on  lutte  pour 
répartir  le  bien  acquis,  et  les  divisions  internes  des  communes 
sont  causées  par  des  intérêts  économiques.  L'argent  tend  à 
devenir  la  seule  mesure  de  la  politique.  Danscette  ploutocratie 
en  puissance  apparaît  le  maître  futur  :  marchand,  banquier, 
drapier,  armateur,  qui  remplit  l'Italie  et  le  monde  de  son 
industrie,  de  ses  comptoirs,  qui  va  commercer  en  Champagne, 


244  ^•■^-    P^LISSIER 

en  Flandre,  en  Angleterre,  parfois  jusqu'à  Samarcande,  jus- 
qu'à Pékin,  qui  revient  après  une  longue  absence,  fondateur 
de  comptoirs  lointains,  chargé  de  richesses  fabuleuses,  l'esprit 
élargi  par  la  pratique  des  mœurs  étrangères,  et  qui  rapporte 
dans  la  cité  natale,  austère  et  médiocre,  l'habitude  de  l'auto- 
rité, des  habitudes  corruptrices,  des  désirs  sans  frein,  et  le 
moyen  de  les  satisfaire.  Ainsi  naîtra  le  tyran.  Dans  cette 
commune  isolée  qu'encercle  un  mur  jaloux,  marchande  aveu- 
glée par  le  désir  du  gain,  oublieuse  des  vertus  ancestrales,  où 
la  bourgeoisie  dirigeante  est  submergée  par  une  démocratie  qui 
ne  la  subit  qu'en  la  détestant,  si  l'un  de  ces  riches,  descendant 
d'une  famille  ancienne  ou  nouveau  venu,  bourgeois  mécon- 
tent ou  métèque  ambitieux,  se  plaît  aux  affaires  publiques, 
il  devient  vite  l'âme  d'un  parti;  son  ambition  est  soutenue, 
avant  d'être  formulée,  par  une  faction  très  nombreuse,  par  la 
foule  toujours  nombreuse  des  opposants,  par  la  masse  des 
non-citoyens,  heureux  d'avance  et  résignés  à  la  servitude,  si 
elle  atteint  avec  eux  leurs  maîtres  d'hier.  Ou  bien  quelque 
condottiere,  rompu  aux  turpitudes  et  aux  aventures,  seul  armé 
parmi  ce  peuple  de  marchands  qui  lui  ont  aveuglément  remis 
le  soin  de  leur  indépendance  ou  de  leur  ambition,  rêvera  de 
confisquer  à  son  profit  ce  pouvoir  qu'il  protège.  Mais,  soldat  ou 
citoyen,  dans  la  commune  qui  s'émietteen  partis, — les  corpo- 
rations changées  en  factions  rivales,  le  conseil  de  ville  déchiré 
par  les  passions  ou  déserté  par  les  rancunes,  les  ennemis  du 
dehors  parfois  menaçants  — ,  est-ce  son  ambition  personnelle 
qu'il  sert,  ou  si  c'est  le  bien  de  sa  patrie,  sa  liberté,  qu'il 
défend  ?  Il  semble  qu'il  n'ait  qu'à  vouloir,  cet  individu  ambi- 
tieux, plus  vigoureux,  plus  hardi,  plus  politique  que  la  com- 
mune; il  veut  en  effet,  et  un  matin  d'émeute  ou  de  scrutin,  le 
voici  capitaine  du  peuple,  gonfalonier,  podestat,  defensor 
libertatis,  —  tyran. 

IL  La  tyrannie  a  hérité  du  vicariat.  Tandis  que  l'Italie 
communale  se  transforme  ainsi,  ce  qu'elle  avait  laissé  subsis- 
ter chez  elle  et  à  côté  d'elle   de  l'autorité  impériale  et  ponti- 


ORIGINES    ET    CARACTERES    GENERAUX    DE    LA    SIGNORIA     245 

ficale  n'évolue  pas  moins.  L'Italie  des  empereurs  et  des  papes 
s'est  éparpillée  en  mille  centres  autonomes.  Déjà  Frédéric  II 
avait  dû  substituer  à  ses  vicaires  temporaires,  souvent  étran-- 
gers,  qui  représentaient  l'empereur  dans  tout  le  royaume, 
des  vicaires  permanents,  italiens,  locaux  ;  après  la  mort 
d'Henri  VII  ils  se  multiplièrent  prodigieusement  ;  comme  le 
morcellement  du  pouvoir  politique  impérial  en  avait  rendu 
l'exercice  impossible  cà  un  seul  vicaire  général,  l'affaiblissement 
de  ce  pouvoir  rendit  impossible  la  désignation  par  l'empe- 
reur de  vicaires  de  son  choix.  L'éloignement  du  pouvoir  pon- 
tifical, l'anarchie  des  états  de  l'Eglise,  produisirent  le  même 
phénomène  quant  aux  vicaires  pontificaux.  Alors  on  vit  appa- 
raître dans  les  derniers  fiefs  de  l'empire  et  du  Saint-Siège,  des 
tyranneaux  locaux,  fils  de  vieilles  familles,  condottieri  habiles, 
qui  semblèrent  supprimer  complètement  tout  Hen  avec  le 
Saint-Siège  ou  l'Empire.  Le  désir  de  ces  anciens  pouvoirs  de  con- 
server au  moins  une  apparence  de  domination,  la  nécessité  des 
pouvoirs  nouveaux  de  se  donner  une  apparence  de  légalité, 
se  rencontrèrent  dans  uneingénieusecombinaison.  Les  usurpa- 
teurs acceptèrent  le  vicariat,  qui  devint  un  compromis  entre 
leur  prépotence,  et  l'impuissance  du  pape  et  de  l'empereui, 
une  emphythéose  à  terme  ou  perpétuelle,  dont  le  bénéficiaire 
est,  à  l'origine,  tenu  à  l'accomplissement  de  certaines  obliga- 
tions féodales,  prestation  d'un  serment  de  fidélité,  service 
militaire,  tribut.  Mais  tandis  que  les  empereurs,  rêvant  encore 
d'une  puissance  qui  ne  devait  plus  renaître,  tentent  de  trans- 
former lessignori  en  simples  vicaires  en  les  détachant  du  peuple, 
l'esprit  démocratique  pénètre  dans  le  vicariato,  le  modifie, 
en  fait  une  charge  civique,  et  tend  à  rendre  le  tyran  de  plus 
en  plus  indépendant  de  l'empire.  D'ailleurs  le  tyran  oppose  à 
ces  tendances  adverses  une  parfaite  indifférence,  un  esprit  pni- 
tique  dénué  de  scrupules.  Uniquement  soucieux  de  consolider 
son  pouvoir,  il  en  demande  la  confirmation  aussi  bien  au  pape 
qu'à  l'empereur  et  ne  se  soucie  guère  que  le  pape  accorde  le 
vicariat  pour  des  terres  impériales  et  réciproquement.  Guichar- 


24e  L.-G.    PÉLISSIER 

din  l'a  dit:  «  Accadde  talvoltache  secondo  la  varietà  délie  cose 
i  vicari  di  Romagna  e  di  altre  terre  ecclesiastiche,  allontana- 
tisi  apertamente  dal  nome  délia  chiesa,  riconoscevano  in  feudo 
quelle  città  dall'Imperator,  corne  qualche  volta  riconoscevano 
in  feudo  dei  Pontifici  quegli  che  occupavano  in  Lombardia  a 
Milano,  Mantova,  ece.  »  C'est  ainsi  que  le  vicariat  sanctionne 
le  fait  accompli,  légitime  tous  ces  petits  seigneurs  que  la  force 
des  factions  a  créés  ou  qu'elle  soutient.  Qiiand  Passerino 
Bonacolsi  est  fait  vicaire  de  Mantoue  par  Henri  VII,  sa  maison 
y  dominait  depuis  un  demi-siècle  ;  en  1328  Ludovico  Gon- 
zaga  tue  Passerino  et  son  fils  Franceschino,  usurpe  leur  prin- 
cipat  sur  le  vœu  du  conseil  général,  et,  Tannée  suivante,  le 
diplôme  de  vicaire  que  lui  vend  Louis  de  Bavière  efface  toute 
trace  d'illégitimité.  En  13 11,  quand  les  frères  Alboino  et  Cane 
délia  Scala  obtiennent  l'investiture  impériale  pour  la  cité  de 
Vérone,  leur  famille  possédait  la  ville  depuis  43  ans,  Martin 
l'ayant  acquise  en  1268  ;  quand  Matteo  Visconti  obtient  le  titre 
de  vicaire  d'Adolphe  de  Nassau  en  1294,  son  oncle  Ottone  et 
lui-même  dominaient  à  Milan  depuis  près  de  vingt  ans.  On  sait 
quel  était,  au  milieu  du  xiv^  siècle,  le  morcellement  des  Roma- 
gnes  pontificales.  Quelques  princes  y  feignaient  de  temps  à  autre 
des  actes  d'une  soumission  incertaine,  dérisoire,  inacceptable. 
Il  fallut  le  haut  esprit  et  la  dure  main  d'Albornoz  pour  les 
déposséder,  soumettre  leurs  villes  ou  réduire  à  des  traités 
ceux  qu'il  ne  put  réussir  à  éliminer,  les  Este,  les  Alidosi,  les 
Malatesta,  les  Da  Polenta  et  autres.  En  somme  ce  fut  la  vio- 
lence des  signori  et  le  désir  de  sauver  quelques  lambeaux  de 
souveraineté  qui  réduisirent  les  papes,  et  encore  plus  les  empe- 
reurs, à  accorder  ces  diplômes  de  vicariats.  Est-ce  à  dire  que 
ces  concessions  aient  été  sans  valeur,  et,  comme  le  prétend 
Burckardt,  que  malgré  elles  le  fondement  delà  Signoria  reste 
illégitime,  que  le  peuple  se  soucie  peu  du  parchemin  acheté 
en  pays  étranger  ou  à  l'étranger  qui  passe  ?  Peut-être  y  a-t-il 
là  quelque  exagération.  Il  ne  faut  pas  prêter  à  toute  la  popula- 
tion italienne  les  idées  de  la  démocratie  suelfe  de  Florence. 


ORIGINES    ET    CARACTERES    GENERAUX    DE    LA    SIGNORIA     247 

Au  xiii%  au  xiv=  siècle  la  puissance  impériale,  ruinée  en  fait, 
subsistait  encore  comme  un  prestige  et  un  souvenir,  l'Italie 
acceptait  cette  suprématie,  la  ligue  lombarde  avait  lutté  pour 
l'autonomie,  non  pour  l'indépendance,  et  Constance  Barbe- 
rousse  ne  lui  avait  accordé  que  l'autonomie.  L'empereur  res- 
tait théoriquement  la  source  unique  et  éternelle  de  tout  droit 
et  de  toute  juridiction.  Dans  la  croyance  populaire,  le  gouver- 
nement de  la  république  était  passé  successivement  des  comtes 
auxévêques,  aux  communes  aristocratiques,  puis  démocratiques, 
mais  toujours  par  délégation  ou  concession  impériale,  et  la 
ville  qui  vit  son  chef  décoré  du  titre  de  vicario  le  tint  pour 
légitime  représentant  des  Césars. _  D'ailleurs  si  ce  titre  de 
vicaire  n'avait  été  qu'un  objet  de  moquerie  ou  de  dérision, 
on  ne  voit  pas  pourquoi  les  signori  l'auraient  tant  ambitionné. 
On  pourrait  à  certains  égards  appliquer  au  vicariat  ce  que 
dit  Fazio  degli  Uberti. 

Di  questo  grazioso  e  dolcepome 
Sorsero  piante  per  lequali  ancora 
Di  qua  l'Aquila  vive  in  pregio  e  in  nome 

(Dittaniondo,  II,  30) 

et  le  peuple  raconta  que  l'empereur  Henri  VII  avait  légué  la 
puissance  impériale  à  Cangrande  «  Costituens  vicarium,  fide- 
lem  commissarium  Canem  de  Verona.   » 

III.  Ainsi,  tantôt  héritant  son  pouvoir  de  l'empereur  ou 
du  pape,  tantôt  le  tirant  d'une  révolution  communale,  appa- 
raît le  tyran  :  dans  la  commune,  il  masque  son  pouvoir  per- 
sonnel d'un  nom  constitutionnel;  dans  le  vicariat,  il  lui  donne 
un  autre  caractère,  moins  auguste,  plus  fécond  en  pouvoir  et 
en  indépendance.  Sous  le  nom  de  Capitaine  du  peuple  ou  de 
Signor,  il  s'efforce  de  représenter  la  libre  bourgeoisie  munici- 
pale, l'élément  social  qui,  au  congrès  de  Venise,  avait  revendi- 
qué le  droit  d'entrer  dans  la  vie  publique,  de  prendre  place 
à  côté  des  hiérarchies  féodale  et  ecclésiastique,  Bartole  lui- 
même  admet  que  la  cité  a  autant  d'autorité  sur  son  territoire 


248  L.-G.    PÉLISSIER 

que  l'empereur  en  a  dans  l'empire  :  les  chefs  des  cités,  réunis- 
sant en  leurs  mains  tous  les  pouvoirs  publics,  devaient  résu- 
mer et  personnifier  l'importance  politique  des  communes. 
Les  empereurs  s'en  avisèrent  et  s'ingénièrent  à  transformer 
en  autorité  impériale  cette  nouve.le  et  puissante  autorité 
civique.  Tentative  infructeuse. 

En  somme,  même  dans  son  origine  démocratique,  le  pou- 
voir des  tyrans  eut  une  légitimité,  et,  pour  reprendre  le  mot 
de  Romagnosi,  une  légitimité  de  bonne  foi  et  de  libre  con- 
trat. Légitimité  grossière,  primitive,  imposée  par  l'astuce  et 
la  force,  mais  la  meilleure  en  somme  que  pût  produire  la 
société  italienne  de  ce  temps,  hors  de  laquelle,  sans  laquelle 
il  n'y  avait  qu'anarchie. 

C'est  ainsi  que  le  trecento  voit  se  fonder  et  s'affermir  vingt 
signorie,  nées  de  fiefs  usurpés,  communes  confisquées,  conso- 
lidées par  un  travestissement  en  vicariats.  Florence,  la  commune 
par  excellence,  connaît  les  Médicis,  Milan  les  Visconti  ;  Pérouse 
a  Baglione  et  Pesaro  Sforza  :  il  y  a  à  Mantoue  les  Gonzague, 
à  Bologne  les  Bentivoglio,  à  Ferrare  les  Este,  à  Urbin  les  Monte- 
feltre.  Là-même  où  elle  ne  peut  s'implanter,  son  esprit  essaye 
de  pénétrer  :  à  Venise,  où  sans  succès  Baiamonte  Tiepolo 
essaye  une  révolution  analogue;  à  Gênes,  où,  faute  d'un  indi- 
gène, on  l'offre  à  un  prince  étranger;  à  Rome  même,  où  il 
semble  que  le  Saint-Siège  se  réduise  à  une  seigneurie  locale. 

Le  tyran,  le  fondateur  d'une  signoria,  ne  ressemble  ni  au 
seigneur  féodal,  ni  au  souverain  italien  du  siècle  suivant.  —  Il  est 
seul.  Le  plus  souvent  il  n'est  le  «  fils  de  personne  »  ;  derrière  lui, 
point  d'aïeux,  point  de  tradition  historique  ou  familiale,  point  de 
«  morts  qui  parlent  »,  qui  conseillent  et  qui  entravent.  Matteo 
Visconti  sort  de  la  bourgeoisie  milanaise,  les  premiers  Médicis 
son  marchands,  Attendolo  Sforza  vient  de  boucherie,  d'autres 
sont  des  soldats  de  fortune  ;  combien  sont  des  bâtards  ?  c  Ce 
n'est  pas  la  naissance  qui  fait  le  roi,  c'est  l'élévation  d'esprit,  la 
culture  »,  disait  Pie  II,  quelque  peu  parvenu  lui-même.  Son 
pouvoir  est  né  de  la  force  :  usurpation,  coup  d'état,  conquête. 


ORIGINES    ET    CARACTERES    GENERAUX    DE    LA    SIGNORIA      249 

«  Tutti  li  stati,(Jit  Guichardin,chi  ben  considéra  la  loro  origine, 
sono  violenti.  Ne  ve  potesta  che  sia  legittima,  neanche  quella 
del' imperatore  ».  Aussinese  maintient-il  que  parlaforce,  obligé 
de  conquérir  chaque  jour  sa  signoria  :  d'où  une  lutte  inces- 
sante, une  tension  perpétuelle  de  ses  facultés  qui,  presque  tou- 
jours, l'emporte  en  pleine  vigueur.  Bernardino  da  Siena  le 
montre,  non  sans  éloquence,  en  proie  à  la  peur:  «  S'il  mange, 
il  a  peur  du  poison  et  se  fait  faire  la  creden^ia.  Il  ne  se  fie  à 
créature  au  monde  ;  s'il  se  lève  ou  se  couche,  s'il  s'apprête  à 
monter  h  cheval,  s'il  attache  ses  éperons,  toujours  la  cre- 
denzia.  »  Contre  lui  la  conspiration  classique,  le  complot  imité 
de  l'antiquité  semble  le  remède  spécifique  :  à  quoi  bon  citer 
des  exemples  aussi  nombreux  que  célèbres,  dont  celui  d'Olgiati 
et  Lampugnano  est  le  plus  pur  de  style  et  le  plus  noble  d'ins- 
piration ?  Cette  hypertension  de  la  volonté  détermine  chez  le 
tyran  un  besoin  irrésistible  de  sensations  violentes,  un  excès 
maladif  de  passions;  férocité,  haine,  amour,  volupté,  sadisme 
sont  hyperestésiés  chez  lui .  On  accuse  Galeazzo  Maria  Sforza 
d'avoir  empoisonné  sa  mère,  enterré  vivantes  ses  victimes, 
d'exposer  in  postribolo  les  femmes  qu'il  a  séduites.  Un  jour 
il  surprend  un  paysan  qui  lui  a  braconné  un  lièvre,  il  l'oblige 
à  manger  le  lièvre  cru  avec  le  poil  et  la  peau,  et  le  paysan 
en  meurt.  Everso  d'Anguillara  déchaîne  dans  les  castelli 
romani  le  meurtre,  l'inceste,  le  viol  et  le  sacrilège.  Et  je  ne 
puis  ici  que  renvoyer  au  portrait  que  Pie  II  a  tracé  de  Sigis- 
mondo  Malatesta,  pillard  et  sacrilège,  ennemi  des  prêtres,  bâtis- 
seur de  temples  païens,  assassin  de  ses  femmes,  «  libidinis  ita 
impatiens,  »  continue  le  pontife  dans  son  beau  latin  d'huma- 
niste, «  ut  filiabus  ac  generi  vim  intulerit...  virgines  sacras 
incestaverit,  et  —  comble  d'horreur  sans  doute  à  ses  yeux  — , 
judeas  violaverit  ».  Ce  ne  sont  pas  des  fous  ni  des  criminels- 
nés.  Le  tyran  joint  à  ce  déchaînement  d'animalité  des  goûts 
d'artiste  et  de  philosophe.  Ce  Malatesta  est  orateur  et  histo- 
rien, d'une  rare  aptitude  d'assimilation.  Le  sauvage  qui  déchi- 
rait de  morsures  le  bras  d'une  princesse  allemande,    consacre 


250  L.-G.    PELISSIER 

des  vers  aux  charmes  du  printemps  et  trousse  des  rondeaux 
pour  les  jeunes  filles.  Il  tait  sculpter  en  marbre  une  tête  de 
mort  pour  avoir  sans  cesse  devant  les  yeux  la  pensée  de  la 
mort  et  du  salut.  Presque  tous  se  sauvent  par  un  goût  sincère 
de  la  culture  littéraire  et  artistique,  sont  humanistes  et  raf- 
finés. Presque  tous  se  créent  des  existences  somptueuses  dans 
des  cadres  magnifiques  :  un  Gonzague  se  vanta  d'avoir  dépensé 
200.000  ducats  pour  ses  plaisirs;  les  plus  petites  cours,  Mantoue, 
Urbin,  étalent  un  luxe  effréné.  Les  plus  obtus  en  matière 
d'art  se  plaisent  encore  à  la  beauté  des  armes,  des  meutes,  des 
chevaux.  Ludovic  le  More  fait  ciseler  des  cuirasses  en  Alle- 
magne, emprunte  ses  musiciens  à  François  de  Gonzague.  La 
plupart  sont  grands  bâtisseurs  et,  pour  détendre  leurs  nerfs, 
se  donnent  des  maisonschampêtres  aux  noms  significatifs,  Schi- 
fanoia,  Quisisana.  — Le  tyran  est  magnanime;  il  met  sa  vanité 
à  donner  et  à  savoir  donner;  l'un  ôte  ses  bagues  pour  se 
laver  les  mains,  les  distribue  à  ses  familiers  et  les  oublie  volon- 
tairement à  leurs  doigts;  tel  autre,  dégénéré  mystique  et 
tiqueur,  est  aussi  un  séducteur  qui  subjugue  par  sa  politesse 
exquise  tous  ceux  qui  l'approchent.  Les  plus  extrêmes  sont 
encore  préoccupés  d'être  virtuosi,  de  composer  leur  vie  comme 
une  œuvre  d'art.  Pourquoi,  d'ailleurs,  crime  et  vertu,  vice  et 
philosophie,  art  et  sadisme  eussent-ils  été  incompatibles  ?  Le 
tyran  est  le  produit  et  la  figure  d'une  période  de  pleine  anar- 
chie intellectuelle.  Fils  d'une  époque  dégagée  de  tout  scrupule 
moral  et  religieux,  qui  trouve  dans  la  culture  individuelle 
d'un  moi  intensif,  dans  la  soumission  à  l'instinct  naturel,  sa 
suprême  philosophie,  il  trouve  légitime  de  vivre  pleinement 
sa  vie.  Conforme  d'ailleurs  en  cela  au  génie  même  de  la 
Renaissance. 

Ainsi  seul  par  ses  origines,  par  l'usage  égoïste  de  son  pou- 
voir, superposé  à  son  état,  isolé  dans  son  palais,  presque 
étranger  aux  préoccupations  matérielles  et  aux  soucis  écono- 
miques de  son  peuple,  le  tyran  ne  s'attache  guère,  en  matière 
politique,  qu'aux  moyens  de  conserver  son  pouvoir  :  la  guerre 
et  la  diplomatie. 


ORIGINES    F.T    CARACTERES    GENERAUX    DE    LA    SIGNORIA      25 1 

La  guerre  est  un  état  presque  normal  pour  les  Italiens  du 
Trecento  et  du  Quattrocento,  mais  bien  différent  de  ce  qu'elle  a 
été  à  l'époque  communale.  Des  campagnes  comme  celle  de 
Montaperti  sont  devenues  impossibles  au  xiV-"  siècle  :  la 
guerre  n'est  plus  un  acte  politique  vital  de  la  commune,  c'est 
souvent  une  fantaisie  de  prince  ;  la  guerre  de  nécessité  est  rem- 
placée par  ce  que  Louis  XIV  appellera  la  guerre  de  magnificence 
et,  comme  Louis  XIV,  le  tyran  voit  dans  le  droit  de  guerre  un 
privilège  et  une  marque  de  son  pouvoir.  Il  dépend  de  lui  seul 
de  donner  à  ses  peuples  le  bienfait  de  la  paix  :  «  Ite  et  bono 
animo  estote,  disait  Sigismond  iMalatesta  à  ses  sujets,  nun- 
quam  me  vivo  pacem  habebitis.  »  Et  les  chevauchées  de  ces 
rudes  meneurs  d'hommes  ébranlèrent  pendant  deux  siècles 
toutes  les  routes  d'Italie.  Œuvre  personnelle  au  prince,  le  prince 
la  fait  par  ses  moyens  propres,  différence  essentielle  avec  les 
campagnes  communales.  Ici,  plus  de  milices  bourgeoises,  des 
condotte  mercenaires,  aventuriers  d'Angleterre  et  de  Gas- 
cogne, de  Picardie  et  de  Suisse,  Grisons  et  Dalmates,  appelés 
pour  renforcer  les  troupes  urbaines,  et  qui  les  supplantent  ; 
aventuriers  toujours  à  vendre,  dont  Alberico  de  Barbiano 
compose  sa  compagnie  de  Saint  Georges,  les  encadrant  d'élé- 
ments italiens.  De  son  école  sortent  les  grands  chefs  militaires 
du  temps:  Biancardo,  Dal  Verme,  Cane,  Broglia,  Braccio  da 
Montone,  les  uns  devenus  tyrans,  d'autres  loués  au  service  des 
tyrans  et  des  répubhques.  Aucun  esprit  patriotique  chez  les 
hommes,  chefs  ou  soldats  ;  aucun  sentiment  de  clocher  ;  le 
métier  de  la  guerre  est  sa  fin  en  soi,  le  contrat  avec  le  prince 
la  seule  règle.  La  bassesse  de  leur  origine,  leur  anonymat, 
la  rudesse  de  leur  milieu,  dont  le  biographe  d'Attendolo  donne 
un  si  vigoureuxtableau,garantissent  leur  détachement  de  qui 
n'est  pas  leur  maître.  De  là  vient  le  caractère  atroce  que  prend 
la  guerre  :  nul  amour  du  pays,  nul  ménagement  pour  l'ad- 
versaire, nulle  crainte  de  représailles  ;  tragédiens  de  passage, 
que  leur  importe  le  public  ?  Mais  leurs  poignards  ne  sont  pas 
de  théâtre  :  on   sait  les  férocités  d'Attendolo,  de  Braccio  da 


252  L.-G.    PELISSIER 

Montone  pour  les  habitants  ;  Cornazzano  a  dépeint  avant  Cal- 
lot  la  misère  des  soldats.  De  là,  aussi,  la  courtoisie  chevale- 
resque qu'ils  affichent  et  pratiquent  entre  eux  :  simple  dépla- 
cement d'égards  diplomatiques,  leurs  bandes  étaient  leurs 
patries  et  leurs  capitaux.  Le  prince  ne  veut  point  qu'elles  se 
détériorent  ;  le  métier  militaire  devient  une  industrie,  une 
science.  On  limite  le  théâtre  de  la  guerre,  on  restreint  l'enjeu; 
on  donne  à  la  prise  de  tel  château,  Cascine,  Montepulciano, 
une  valeur  symbolique.  Les  condottieri  adversaires  se  consi- 
dèrent comme  des  collègues  momentanément  séparés,  sou- 
vent comme  des  amis.  Il  s'agit  non  plus  d'écraser  l'ennemi, 
mais  de  le  lasser,  de  l'épuiser,  la  condotta  n'est  qu'une  pièce 
sur  l'échiquier  où  le  prince  fait  manœuvrer  aussi  ses  fous  ou 
ses  diplomates.  La  guerre  devient  un  jeu  minuscule  autour 
des  citadelles;  tandis  que  l'esprit  militaire  achève  de  s'y  avilir, 
les  lois  de  la  tactique  sont  découvertes.  C'est  quand  elle  n'a 
plus  de  soldats  que  l'Italie  trouve  ses  meilleurs  généraux.  — 
Enfin,  par  un  juste  retour,  la  guerre,  moyen  d'action  ou  plai- 
sir du  tyran,  crée  elle  aussi  le  tyran,  à  moins  qu'elle  ne  fasse 
supprimer  le  candidat  trop  ambitieux  à  la  tyrannie. 

La  guerre  n'est  qu'un  moyen  accessoire  de  gouvernement.  Le 
procédé  essentiel,  c'est  la  diplomatie.  Elle  appartient  en  propre 
et  plus  directement  encore  au  prince.  Diplomatie  petite  par 
son  théâtre,  par  son  objet,  analogue  à  ce  qu'est  devenue  la 
guerre.  Aucun  principe  d'intérêt  général,  aucune  notion  d'une 
unité  italienne,  une  incapacité  parfaite  à  combiner  une  idée 
générale.  Chaque  seigneur  raisonne  et  combine  pour  soi  des 
accroissements  de  domaine  particulier,  des  avantages  person- 
nels ou  familiaux:  leur  seule  idée  commune  est  le  souci  du 
maintien  de  l'équilibre.  Les  papes  eux-mêmes  sont  atteints  par 
cet  esprit,  se  restreignent  au  souci  de  leur  territoire,  de  leur 
ambition  népotique.  Florence  ne  dépasse  plus  les  collines  de 
Toscane  et  ces  monts  détestés  «  per  cui  Pisan'veder  Lucia  non 
ponnor.  »  Seule  Venise,  sauvée  de  la  Signoria,  conservera  le  goût 
et  le  sens  de  la  grande  politique;  mais  c'est  sur  mer,  contre  les 


ORIGINES    ET    CARACTERES    GENl-RAUX    DE    LA    SIGNORIA      25  3 

Turcs  qu'elle  poursuivra,  languissante  et  superbe,  le  rêve  orien- 
tal qu'elle  n'a  pas  achevé.  Le  champ  de  la  diplomatie  est  donc 
limité  et  en  même  temps  fragmenté,  multiplié,  compliqué. 
Les  intérêts  plus  restreints  sont  plus  âpres,  leurs  négociations 
plus  minutieuses.  Mais,  si  l'on  suppose  l'importance  de  ces  qnes- 
tioni,  quelle  ingéniosité,  quelle  souplesse,  quel  sens  précis  des 
événements  et  des  hommes,  quelle  vision  sagace  de  Tunivers 
politique  et  social,  quelle  somme  d'intelligence,  de  savoir  et 
d'énergie  dépensée  dans  chaque  négociation.  Ce  n'est  pas  à 
l'ampleur  des  affaires  qu'il  faut  mesurer  la  valeur  de  ceux  qui 
les  traitent.  Jamais  l'esprit  humain  n'a  été  fouillé,  compris 
avec  plus  de  clairvoyance,  avec  une  logique  plus  implacable. 
Le  prince,  le  tyran,  est  le  premier  de  ses  diplomates  encore 
plus  que  le  premier  de  ses  condottieri.  Dénué  de  préjugés,  il  ne 
croit  qu'cà  lui-même,  à  son  observation  des  choses,  à  ce  livre  de 
la  discrétion  dont  parle  Guichardin.  Le  mécanisme  des  faits  a 
remplacé  le  règne  des  idées.  Du  terrain  mouvant  qu'est  deve- 
nue l'Italie,  du  spectacle  toujours  renouvelé  qu'offre  son  cadre 
politique,  où  nulle  institution  ne  demeure,  où  nul  royaume 
ne  dure,  ou  ligues  et  contreligues  se  nouent  et  se  dénouent 
sans  raison  apparente,  le  prince  tire  cette  leçon,  que  cela  seul 
compte,  être  intelligent,  fort  et  ppportun  dans  le  monde 
devenu  un  théâtre  d'intérêts  et  de  passions  humaines.  Ainsi, 
comme  la  guerre,  la  diplomatie  devient  une  science  person- 
nelle et  une  science  expérimentale. 

Cette  science,  le  tyran  la  possède,  il  la  pratique  en  artiste 
Vespasiano  di  Bisticci  dit  que  Comte  de  Medicis  «  era  discreto 
in  ogni  cosa  e  conosceva  gU  uomini  a  guardarsi  in  viso  ».  Fil. 
Visconti  savait  sonder  les  cœurs  les  plus  fermés  et  forçait  les 
gens  «  ad  bollum  evomere  »•  Le  prince,  reste  pour  sa  part,  impé- 
nétrable, «  remarquable  ouvrier,  comme  le  dira  Pie  II  de 
Malatesta,  de  simulation  et  de  dissimulation  ».  Le  prince  doit 
être  informé  ;  il  entretient  partout  des  agents,  parfois  plusieurs 
dans  la  même  cour,  qui  se  complètent,  se  suppléent  et  s'es- 
pionnent :  il  se  renseigne  sur  la  politique,  les  affaires  de  femille. 


2)^  L.-G.    PÉLISSIER 

les  intrigues,  les  intérêts  dynastiques  des  autres  princes.  Les 
agents  suivent  le  prince  à  la  guerre  comme  au  Conseil,  assistent 
àses  audiences  diplomatiques,  le  voientà  table,  à  sa  toilette,  au 
lit, surveillent  le  lit  du  moribond  et  la  chambre  de  l'accouchée. 
Et  le  prince  ainsi  informé  sait  jour  par  jour  d'où  le  vent  se  lève 
et  où  il  devra  s'orienter,  toujours  disposé  à  se  tourner,  selon 
la  variation  du  vent  et  de  la  chance,  comme  la  statue  de  la 
Fortune  sur  le  globe  doré  de  la  Sainte.  Ainsi  la  signoria  déve- 
loppe, si  elle  ne  la  crée  pas,  la  conscience  politique  indivi- 
duelle, par  elle  la  politique,  et,  à  la  fin  de  cette  période,  le  livre 
de  Machiavel  sera,  non  une  théorie  préconçue  de  gouverne- 
ment, mais  le  résultat  de  son  analyse  perspicace  et  aiguë. 

Ainsi  la  virtù,  la  guerre,  la  diplomatie,  tels  sont  les  arts 
de  governo  qui  établissent  la  signoria  du  tyran.  Ce  n'est  plus 
l'état  féodal,  pas  encore  l'état  moderne.  Si  le  vicariat  lui  a 
fourni  un  berceau,  elle  s'en  est  vite  libérée  ;  elle  ne  présuppose 
aucun  droite  elle  est  son  droit  à  elle-même,  le  tyran  règne 
sur  une  cité  asservie,  non  plus  constitutionnelle.  11  réussit  à 
faire  admettre  par  l'opinion,  par  les  humanistes,  que  le  peuple 
est  politiquement  incapable.  Le  florentin  Palmieri,  oublieux 
du  bon  sonneur  de  cloches  Antonio  Pucci  «  chi  soleva  consigliare 
ilcomune  percierte  cose  »,  oublieux  du  cardeur  de  laine  Michèle 
di  Lando,  l'illettré  qui  gouverna  trois  ans  Florence,  Palmieri 
écrit  que  c'est  une  sottise  qu'un  cordonnier  conseille  comment 
il  faut  faire  les  lois,  et  Guichardin  dira:  «  chi  disse  un  popolo 
disse  veramente  un  pazzo,  perche  c  un  mostro  pieno  di  con- 
fusion! et  di  errori  !  «  Ainsi  le  prince  absorbe  toute  vie  publique, 
toute  conscience  nationale.  Le  peuple  n'est  plus  rien  que  la  col- 
lection des  sujets  du  prince,  maltraitée  souvent,  parfois  oppri- 
mée, toujours  avilie. 

Le  nouveau  tyran,  maître  du  pouvoir  à  titre  civique,  ponti- 
fical ou  impérial  ou  à  tous  ces  titres,  ce  qui  est  le  plus  fré- 
quent, maître  de  son  état  par  la  virtù,  la  guerre  et  la  diplo- 
matie, s'efforce  de  le  conserver,  de  le  transmettre,  de  fonder 
l'hérédité.  Cette  évolution  se  réalisa  malaisément.  A  la  fin  du 


ORIGINES    ET    CARACTÈRES    GENERAUX    DE    LA    SIGNORIA     255 

XIV*  siècle  on  trouve  des  familles  de  princes,  assurées  contre 
l'inconstance  populaire,  contre  les  dédains  des  empereurs  et 
des  papes,  contre  les  prétentions  de  leurs  rivaux  et  les  ambi- 
tions de  leurs  propres  membres,  s'étantcréé  un  droit  à  la  sei- 
gneurie, transmissible  dans  leur  sein  avec  un  ordre  de  succession 
bien  défini.  Cette  évolution  fut  aidée  plutôt  que  combattue 
par  le  peuple.  Si  le  seigneur  régnant  le  contentait,  son  intérêt 
n'était  pas  de  changer.  La  tyrannie  était-elle  trop  lourde^  il  en 
craignait  une  nouvelle,  qui  ne  paraissait  moins  scélérate  que 
parce  qu'elle  était  moins  éprouvée.  Le  mot  de  Matteo  Visconti 
à  Torriani  est  le  plus  spirituel  jugement  de  ce  temps:  «  Quand 
les  Visconti  comptent-ils  rentrer  à  Milan  ?  —  Quand  les  crimes 
desTorriani  auront  dépassé  les  leurs  »,  et  l'événement  lui  donna 
raison.  A  l'origine,  l'élection  des  seigneurs  et  des  capitaines 
parle  peuple  entraînait  rarement  le  droit  de  succession  dans  la 
famille  :  plusieurs  exemples  montrent  des  villes  (Parme,  Comac- 
chio)  revenant  à  de  plus  anciennes  maisons  seigneuriales.  Mais 
elle  est  le  plus  souvent  faite  à  vie,  et  si  elle  est  «  à  temps  », 
l'élu,  par  le  moyen  de  confirmations  faciles  à  obtenir,  rend  sa 
charge  durable.  Aucun  exemple  d'élection  à  temps  à  Fer- 
rare  ou  à  Vérone;  nombreux  cas  d'élection  perpétuelle  à  Milan, 
à  Padoue.  L'élu,  à  temps  ou  à  vie,  essayait  naturellement 
d'assurer  le  pouvoir  à  ses  héritiers  en  les  associant  à  son  gou- 
vernement, et  il  serait  impossible  d'énumérer  tous  les  arti- 
fices employés  par  le  tyran  pour  éviter  que  le  pouvoir  sortit 
de  sa  famille  et  pour  obtenir  du  peuple  la  reconnaissance  des 
héritiers  déjà  désignés.  Un  procédé  assez  fréquent  était  la  dissi- 
mulation de  la  mort  du  prince  :  on  cacha  celle  de  Matteo  Vis- 
conti pendant  quatorze  jours.  Puis  le  peuple  proclama  lui-même 
la  seigneurie  héréditaire,  par  exemple  à  Padoue,  à  Mantoue  ; 
ailleurs  ce  fut  le  tyran  qui  l'institua,  supprimant  audacieuse- 
ment  les  derniers  restes  des  libertés  publiques.  Galèas  Visconti 
réclama  de  Milan  un  serment  de  fidélité  comme  étant  son  vrai 
souverain,  indépendant  à  la  fois  de  la  République  et  de  l'Em- 
pire, il  l'obtint,  et  à  sa  mort  il  ne  fut  pas  question  de  conférer 


2)6  L.-G.    PtLISSIER 

au  nouveau  tyran  aucune  autorité,  mais  de  lui  prêter  serment. 
Ainsi  disparut  le  vote  populaire,  réduit  d'une  élection  véri- 
table à  une  acclamatim  purement  formelle,  qui  servit  parfois 
à  légitimer  des  usurpations,  et  finalement  à  un  pur  et  simple 
serment  de  fidélité.  L'hérédité  de  la  signoria  se  trouva  ainsi 
assurée  à  l'égard  du  peuple  par  le  droit  de  la  force  ;  à  l'égard 
des  empereurs  et  des  papes,  elle  le  fut  par  le  pouvoir  de  l'ar- 
gent. 

Les  suzerains  faisaient  un  commerce  lucratif  d'investi- 
tures, concédées  pour  de  courtes  durées  et  payées  cher  ;  ce 
ne  fut  qu'après  l'affermissement  des  si'f^norie  que  les  suzerains 
se  résignèrent  à  donner  des  investitures  perpétuelles  et  hérédi- 
taires, mais  toujours  à  prix  d'argent.  Restait  à  définir  l'héré- 
dité, le  droit  de  la  branche  ainée,  et  de  la  représentation  de  la 
branche  aînée;  son  établissement  se  heurta  longtemps  à  deux 
obstacles,  le  caractère  de  bien  patrimonial  que  prit  le  princi- 
pat,  et  l'ambition  déréglée  de  parents  éloignés.  Ajoutez  l'usage 
du  partage  territorial  ou  de  la  c(r,ouveraincté.  il  ne  pouvait 
guère  en  être  autrement  dans  un  temps  où  les  règles  du  droit 
privé  et  de  la  morale  avaient  perdu  leur  force.  L'ordre  de  pri- 
mogéniturc  et  la  continuité  d'une  même  branche  ne  s'établissent 
qu'à  grand'  peine,  combattus  par  les  partages  patrimoniaux, 
les  revendications  des  cadets,  les  conspirations  et  violences  de 
tout  genre.  Une  des  complicaticms  de  ce  temps  est  le  rôle  des 
parents  illégitimes  et  des  bâtards,  que  l'époque,  loin  qu'elle  en 
ait  lu;nte,  comble  d'honneurs  et  souvent  préfère  aux  légitimes. 
Ainsi,  .sous  le  manteau  de  l'hérédité,  les  droits  du  sang  res- 
tèrent mal  définis,  et  ledroit  de  succession  incertain  et  ondoyant, 
souvent  en  conflit  ouvert  avec  les  exigences  de  l'unité  de  l'état. 
Souvent  l'unité  de  l'état  i)ri'.ée  ne  put  se  reconstituer  que 
par  la  violence  sanglante  et  sans  scrupules.  liiiliii  dans  les  der- 
nières années  du  xiv'=  siècle,  les  empereurs  et  les  jjapes,  obli- 
gés de  reconnaître  décidément  un  principat  héréditaire, 
et  ccjmprenant  que  leur  intérêt  était  de  diminuer  les  raisons 
d'anarchie,    intrfjduisireiil  dans  leurs   dijjK'jiiie',   un  (jrdre   de 


OSUGDCES    ET    C-  -    GEVTR-»UT    TE    lA    fTGVOTTA      î^'' 


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-  ^  --  " .~  ■ .   ■  ■     ?vir  tacasuar  k  peuple,  et  il  v^slle 

ivcc  soin.  ùAas  <oti  propre  ùicàr^èt,  aux  besotas  «ini  pea^rfe,  i 


258  L.-G.    PÉLISSIER 

sécurité.  On  voit,  sous  Laurent  le  Magnifique,  Florence 
travailler,  en  paix  et  en  joie,  produire  des  chefs-d'œuvre  et 
s'enrichir,  imposer  ses  volontés  et  ses  caprices,  et,  dit  l'inscrip- 
tion gravée  à  Santa  Maria  Novella  dans  le  chœur,  sous  les 
fresques  de  Ghirlandajo,  «pulcherrima  civitas,  opibus,  victoriis, 
artibus  ^dificiisque  nobilis,  copia,  salubritate,  pace  perfrueba- 
tur  ».  La  Romagnc,  conquise  par  les  Borgiapar  la  fraude,  l'assas- 
sinat, l'incendie  et  la  perfidie,  est  gouvernée  avec  sagesse,  dans 
un  esprit  d'union  et  d'apaisement.  Le  Valentinois  y  protègeles 
pauvres,  y  fait  régner  la  justice,  massacre  de  sa  main  un  de  ses 
fiivoris,  Ramiro  di  Orco,  comme  magistrat  prévaricateur.  Milan 
prospère  sous  les  Sforza,  et  le  conquérant  français  n'aura  qu'à 
débaptiser  leurs  institutions  qu'il  respectera.  A  Mantoue,  à 
Ferrare,  à  Urbin,  la  tyrannie  apporte  la  prospérité,  la  richesse, 
la  paix  et  les  arts.  La  signoria  enfin,  étant  établie,  au  moins 
autant  que  pouvait  l'assurer  la  volonté  du  tyran,  garantit  la 
stabilité  de  l'Italie.  Pendant  tout  ce  siècle,  morcelée  et  tra- 
vaillée par  les  conspirations  et  les  guerres,  son  aspect  poli- 
tique ne  s'est  pas  essentiellement  modifié  :  les  influences  se 
balancent,  les  états  se  tiennent  en  respect,  un  équilibre  poli- 
tique, dont  je  n'ai  pas  aujourd'hui  à  définir  les  caractères,  se 
crée  et  persiste.  Aussi  Machiavel,  au  cardinal  d'Amboise  lui 
disant  que  les  Italiens  n'entendaient  rien  à  la  guerre,  pouvait 
répondre  à  bon  droit,  qu'en  comparaison  d'eux,  les  Français 
non  s'intendevano  dello  stato.  C'est  la  tyrannie,  la  signoria,  qui 
a  achevé  l'éducation  politique  de  l'Italie  et  des  Italiens  C'est 
elle  qui,  en  assurant  à  la  péninsule  le  minimum  de  révolutions 
et  le  maximum  de  paix  publique  dont  elle  était  capable, 
a  fourni  à  l'Humanisme  et  à  la  Renaissance  artistique  un  ter- 
rain solide  et  fertile. 

Mais  la  tyrannie  ne  s'est  fondée  que  dans  l'anarchie  et  sur 
des  ruines  :  ruines  de  l'esprit  public,  de  la  conscience  civique, 
des  constitutions  locales,  anarchie  intellectuelle  et  morale  du 
Trecento  finissant.  Avec  elle,  si  l'esprit  s'affine,  le  caractère 
s'émousse  ;  le  courage  est  remplacé  par  l'adresse  du  bravo,  et 


ORIGINES    ET    CARACTERES    GÉNÉRAUX    DE    LA    SIGNORIA      2)9 

dans  l'épée  rouillée  du  grand-père  Cellini,  Benvenuto  ne  saura 
plus  aiguiser  qu'une  dague.  Une  seule  chose  reste  incomparable^ 
Tintelligence  politique  et  l'habileté  personnelle,  la  floraison 
du  génie  individuel:  pendant  un  siècle,  l'individualisme  fait 
vivre  laSignoria  et  la  Renaissance.  Mais,  dès  la  fin  du  xv= 
siècle,  l'Italie  fait  l'expérience  douloureuse  que  l'intelligence 
personnelle  et  l'habileté  poUtique  ne  suffisent  point  contre 
le  nombre  et  la  brutalité  des  barbares.  De  cette  rencontre  avec 
ces  ennemis  moins  civilisés,  contre  qui  ses  armes  élégantes 
sont  impuissantes,  la  tyrannie  ne  pourra  sortir  au  xvi^  siècle 
que  profondément  transformée.  L'Italie  en  restera  plus  asservie 
et  moins  italienne,  et  la  Renaissance,  mère  de  la  signoria 
que  la  signoria  ne  pourra  plus  protéger,  la  Renaissance 
mutilée  finira  quand  les  tyrans  seront  redevenus  les  vassaux 
de  Charles-Quint  et  les  serviteurs  zélés  du  Concile  de 
Trente. 

L.-G.   PÉLISSIER. 


LE  «  ZIBALDONE  »  DE  BACCIO  TINGHI 


Il  arrive  souvent  qu'un  mauvais  sort  pèse  sur  un  auteur  ou 
sur  un  ouvrage  parti  de  sa  plume.  Mais  que  la  maie  chance 
s'exerce  à  la  fois  sur  l'écrivain  et  sur  l'œuvre,  la  chose  est 
heureusement  assez  rare.  C'est  cependant  ce  qui  s'est  produit 
dans  le  cas  singulier  que  nous  allons  brièvement  étudier. 

I 

Le  manuscrit  n°  998  du  fonds  italien  de  la  Bibliothèque 
nationale  s'ouvre  par  ce  titre  familier,  et  même  quelque  peu 
grossier  :  «  Zibaldone  di  conti  et  di  cose  scritte  alla  carlona, 
ma  vere  bene,  per  esserci  dentro  scritte  tutte  le  mie  coglio- 
nerie,  et  pressochè  io  non  dissi  ancora  le  cacherie.  »  L'aveu 
contenu  dans  ces  quelques  lignes  est  —  hâtons-nous  de  le 
dire  —  plutôt  une  preuve  de  la  modestie  que  de  l'effronte- 
rie de  l'auteur.  Sans  doute,  en  ces  «  mémoires  »  rapidement 
écrits,  celui-ci  n'a  point,  de  ci  de  là,  épargné  les  expressions 
ni  même  les  réflexions  osées  ;  mais,  d'une  manière  générale, 
on  peut  dire  que,  s'il  a  parfois  dépassé  les  bornes  de  la 
décence,  les  circonstances  mêmes  qu'il  a  traversées  lui  pro- 
curent une  sorte  d'excuse.  Dès  qu'on  a  lu  son  «  improvisa- 
tion »,  on  se  sent  plein  d'indulgence  pour  un  homme  d'af- 
faires, sérieux  et  pressé,  qui  voit  tous  ses  efforts  paralysés  par 
de  médiocres  intrigues  de  cour.  La  verve  littéraire  qui  lui  était 
naturelle  s'est  surexcitée  dans  un  milieu  si  peu  propice  à  la 
prompte  expédition  des  contrats  commerciaux.  Ceci  soit  dit 
pour  expliquer  la  verdeur  insolite  d'une  pareille  entrée  en 
matière. 


2^2  LÉON    DOREZ 

Le  D'  Antonio  Marsand,  dans  son  Catalogue  de  1835,  a 
inauguré  en  ces  termes  les  malheurs  de  l'auteur  et  ceux  du 
«  Zibaldone  »:  «  8132.  —  175.  Notizie  e  Memorie  diverse, 
scritteda  Giovanni  Battista  Giraldi.  — Cartaceo,  in-4°,  carat- 
teri  corsivi,  autografo,  secoloxvi°,  di  buona  conservazione  '  ». 
Selon  lui,  c'est  là  un  manuscrit  très  précieux,  tout  entier  de 
la  main  du  célèbre  G.  B.  Giraldi  et  entièrement  inédit,  de 
contenu  très  mêlé,  il  est  vrai,  «  un  verissimo  :^ibaldone,  —  ma 
scrilto  dal  Giraldi  ».  Ce  serait  un  voyage  fait  par  le  célèbre 
professeur  à  travers  la  France,  en  1563,  en  compagnie  de 
Guido  Cavalcanti  ^  Et  Marsand  conclut  avec  enthousiasme  : 
«  Non  saprei  dire  a  bastanza  con  quanto  piacere  io  abbia  letto 
pressochè  tutto  questo  codice  benchè  di  oltre  a  seicento  pagine. 
Desidero  que  qualche  mio  concittadino  voglia  farne  un  dono 
alla  nostrâ  letteratura  chiedendone  copia,  e  mettendone  in  luce 
le  cose  più  importanti  o  riguardo  alla  storià,  o  aile  scienze,  o 
alla  letteratura  medesima,  che  vi  si  contengono  'k  » 

Il  eût  mieux  valu  que  Marsand  conservât  son  sang-froid  et 
lût  tranquillement  les  pages  amusantes  sur  lesquelles  il  n'a 
jeté  —  en  dépit  de  ses  effusions  —  qu'une  assez  distraite 
«  occhiata  ».  Le  Zibaldone  n'est  pas  si  décousu  qu'il  veut  bien 
le  dire  ;  il  ne  contient  pas  la  description  d'«  un  viaggio  ch'ei 
[Giraldi]  fece  l'anno  1563  per  la  Francia  avendo  per  compagno 
Guido  Cavalcanti  »,  et,  chose  plus  grave  encore  peut-être,  en 
dépit  de  l'emphatique  affirmation  :  via  scriilo  dal  Giraldi,  il  n'a 
aucunement  pour  père  l'auteur  des  Hecatonwiiti . 


1.  A  ce  signalement,  d'ailleurs  exact,  ajoutons  que  le  volume  mesure 
210  X  14s  mm.,  compte  259  feuillets  et  est  revêtu  d'une  reliure  en  plein 
maroquin  rouge  aux  armes  et  au  chiffre  de  Louis  XV. 

2.  Un  Cavalcanti  est  nommé  à  différentes  reprises  dans  le  Zibaldone; 
mais  la  fatalité  veut  qu'il  soit  prénommé  Stratta,  et  non  point  Guido,  comme 
l'a  rêvé  l'honnête  Marsand  (cf.  par  exemple  fol.  10  a).  Un  Gîiido  Caval- 
canti apparaît  cependant,  une  seule  fois,  dans  le  récit  (fol.  12  a). 

3.  I  manoscritti  italiani  délia  Regia  Biblioteca  Parigina  descritti  ed  illiis- 
trati  dal  Dottore  Antonio  Marsand  (Parigi,  Dalla  Stamperia  Reale  autorizza- 
tane  dal  Re,  mdcccxxxv,  in-4),  pp.  188-189. 


LE    «    ZIBALDONE    »    DE    BACCIO    TlNGHl  263 

En  1886,  Giuseppe  Mazzatinti  reprenait  en  mains  le  manu- 
scrit, s'apercevait  de  la  légèreté  avec  laquelle  Marsand 
l'avait  attribué  à  Giraldi,  et  rédigeait  la  courte  notice  sui- 
vante :  «  998  (8132;  sec.  XVI  ;  Mazarino).  «  Zibaldone  di 
conti  et  di  cose  scritte  alla  carlona  »;  memorie  di  viaggi, 
minute  di  lettere,  ecc.  del  Rustichi  '.  »  A  son  tour,  Mazzatini 
n'avait  pas  su  distinguer  le  véritable  caractère  de  l'ouvrage,  et 
tout  en  enlevant  la  paternité  à  Giraldi,  il  la  donnait  à  un 
vague  personnage,  qui  n'y  est  pour  rien. 

Il  était  cependant  bien  facile  de  découvrir  l'auteur  du  Zibal- 
done. Celui-ci  parle  souvent  de  son  frère,  qui  est  établi  à  Lyon, 
par  exemple  au  fol.  15  v°,  sous  la  date  du  22  février  1564  : 

Andai  detto  di  22  a  masser  Antonio  Farina,  et  fecimi  pagare 
V<i'  20  d'oro  d'Italia  d'ordine  di  messer  Cesare  suo  fratello,  de' 
quali  ne  debbo  far  creditore  mio  fratello,  et  detti  danari  gli  pagai 
subito  a  messer  Agostino  Mestiati  a  buon  conto  de'  panni  per  ves- 
tirmi  levati  da  lui. 

Pour  trouver  le  nom  de  ce  frère,  il  suffit  de  se  reporter  aux 
comptes  de  voyage,  très  précis,,  qui  figurent  aux  feuillets  1-12 
verso  et  41-43  ^,  et  où  nous  lisons  la  mention  suivante  (fol. 
42O: 

Addi  22  di  febbraio  1563. 
Messer  Filippo  Tinghi   mio  fratello  dee  havere    v^'   20  d'oro 
d'Italia  havuti  da  messer  Antonio  Farina  d'ordine  di  messer  Cesare 
suo  fratello  di  Lione  et  per  lui  da  detto  mio  fratello... 

L'auteur  du  manuscrit  est  donc  Bartolommeo  ou  Baccio 
Tinghi,  frère  du  libraire  Filippo  Tinghi,  établi  à  Lyon,  où  il 
avait  été  amené  fort  jeune  par  son  cousin  Jacopo  Giunta  K  Si 

1.  Giuseppe  Mazzatinti,  Invcntario  dei  manoscritti  italiani  deîle  bihlio- 
teche  di  Francia.  Vol.  I  (Roma,  1886,  in-8),  p.  175.  Le  nis.  vient  bien  du 
cardinal  Mazarin  ;  cf.  le  Catalogue  de  la  Bibliothèque  du  Roi  par  Nicolas 
Clément,  dans  Omont,  Anciens  inventaires  et  catalogues  de  la  Bibliothèque 
nationale,  t.  IV (Paris,  191 1,  in-8),  p.  72. 

2.  Nous  comptons  publier  prochainement  ces  comptes,  très  intéressants 
par  leur  extrême  précision. 

3.  Baudrier,  Bibliographie  lyonnaise,  6^  série  (1904),  p.  224  et  suiv.,   et 


264  LÉON    DOREZ 

l'on  en  pouvait  douter  encore,  on  n'aurait  qu'à  ouvrir  le 
volume  aux  feuillets  54  et  suivants,  où  l'on  «  découvrira  «  sans 
peine,  en  même  temps  que  la  source  de  l'erreur  de  Marsand, 
le  nom  du  «  mystérieux  »  écrivain,  dans  les  quatre  lettres  de 
recommandation  à  lui  remises  par  Giovanni  Battista  Giraldi. 
Voici  la  fin  d'une  lettre  de  Giraldi  au  comte  Francesco  de 
Camerano  : 

...Baccius  Tinghius,  civis  Florentinus,  vir  plane  probus  et  ad 
magna  negotia  maxime  idoneus,  amplissimum  Principem  nostrum 
de  re  (ut  ipse  ait)  non  parvi  negotii  alloqui  cupit.  Is  hac  in  re  ope 
tua  uti  optât,  quod  se,  te  duce,  Principi  magis  futurum  putet. 
Eum  tibi  vehementer  commendo,  pergratumque  mihi  erit  com- 
mendationem  apud  te  magnum  pondus  habuisse  cognoscet  (sic). 
Vale,  et  ut  amplissimis  Principibus  nostris  manum  exosculeris 
meque  illis  plurimum  commandes  te  etiam  atque  etiam  rogo.  XII 
kal.  Martii  1564.  Ex  Monte  regali  '. 

Et  voici  le  commencement  d'une  autre  lettre  à  Girolamo 
Délia  Rovere,  évêque  de  Toulon,  qui  était  alors  sur  le  point 
d'être  nommé  archevêque  de  Turin  (12  mai)  : 

Cynthius  Jo.  Baptista  Giraldus  R.mo  Hyeronimo  (.wV)  Ruverio 
Tol[on]ensi  episcopo  S.  P.  D. 

Cum  hinc  Baccius  Tinghius,  civis  Florentinus  et  maçrnorum 
negotiorum  homo,  Taurinum  discedat,  volui  ut  tibi  meo  nomine 
manum  exosculetur.  Quod  ego  multo  libentius  facerem,  si  mihi 
istuc  per  adversam  valetudinem  nunc  proficisci  liceret.  At  podagrœ, 
ne  dicam  artritidos  dolores,  qui  me  diu  vexant,  votum  meum  impe- 
diunt,  quominus  te  adeam,  et  coram  quantum  te  colam  ac  vénérer, 
verbis  declarem  et  re  ostendam...  Vale.  XII  calendas  Martii 
M.D.LXIIII.  Ex  Monte  regali  ^. 

Et  enfin  —  pour  achever  une  démonstration  qui  devient 
surabondante  —  Baccio  Tinghi  a  inséré,  entre  les   feuillets 

surtout  p.  437-447.  — Au  fol.  52,  Baccio  parle  de  «  Giovanni  Bocier  [Bou- 
cher ?]  nostro  vicino  in  Rua  Merciera  [la  rue  Mercière,  la  rue  des  libraires, 
à  Lyon]  ». 

1.  Fol.  65-65  verso. 

2.  Fol.  53  verso-54. 


LE    «    ZIBALDONE    »    DE    BACCIO    TINGIII  265 

236  et  237  de  son  ZibaJdone,  un  passeport  à  lui  délivré  par  le 
gouverneur  de  Lyon,  René  de  Birague  : 

Gardes  des  chaynes,  laissez  passer  Baçio  [irahord  Bacco]  Tind 
(sic),  fleurentin,  avec  un  sien  compaignon,  et  leurs  baigaige  et 
bardes,  lesquelz  s'en  vont  à  Valence.  Pour  ce  ne  leur  donnez  aucun 
empeschement,  pourveu  qu'ilz  ne  portent  chose  prohibée  par  l'or- 
donnance. 

Fait  à  Lyon  le  xxi«  jour  d'aoust  1564  {sic). 
Renato  da  Birago  '. 

Que  le  manuscrit  italien  998  de  la  Bibliothèque  nationale 
soit  l'œuvre  de  Baccio  Tinghi,  c'est  donc  maintenant  un  fait 
certain.  Mais  nous  n'en  avons  pas  fini  avec  les  aventures  litté- 
raires et  bibliographiques  de  Baccio.  Marsand  et  Mazzatinti  lui 
avaient  enlevé  son  Zibaldone  pour  le  donner  l'un  à  Giraldi  et 
l'autre  à  un  certain  Rustichi  -.  Et  voici  que,  par  un  autre 
malentendu,  dans  un  des  meilleurs  ouvrages  qui  existent  sur 
l'histoire  de  l'imprimerie  et  de  la  librairie  françaises,  la  per- 
sonnalité du  jeune  Tinghi  se  trouve  dédoublée.  Son  livre  avait 
deux  auteurs,  deux  pères  aussi  hasardeux  l'un  que  l'autre, 
—  et  lui-même  se  trouve  avoir,  sinon  deux  âmes  et  deux 
corps,  du  moins  deux  a  biographies  ».  Le  Président  Baudrier, 
en  effet,  trompé  sans  doute  par  la  double  forme,  française  et 
florentine,  du  prénom  de  Barthélémy,  a  consacré  à  notre 
pauvre  héros  deux  notices.  L'un  raconte  la  vie  de  «  Tinghi, 
Baccio...  1561 — 1572  ou  1573...  ■  »,  et  l'autre  celle  de  «  Tin- 
ghi, Barthélémy...  1560-1569...  »  4.  Et  le  consciencieux  histo- 
rien s'attache  à  les  distinguer  de  son  mieux  et  à  distribuer 
entre  eux,  avec  une  difficile  justice,  les  actes  où  ils  sont 
mentionnés...  Il  serait  mal  gracieux  d'insister  sur  un  de  ces 

1.  Fol.  236  hn.  Original. 

2.  Giovanni  Battista  Rustichi,  un  autre  Florentin  établi  en  France, 
voyage  en  eflfet  avec  Baccio  Tinghi  jusqu'à  Momigliano  le  16  février  1565 
[1564]  (fol.  I  b),  et  il  est  nommé  à  plusieurs  reprises  dans  le  Zibaldone 
(fol.  2  a,  2  b,  14,  16  verso,  etc.).  Il  s'en  allait  en  Italie. 

3.  Bibliographie  lyonnaise,  6^  série,  p.  435-436. 

4.  //;/,/.,  p.  4)6-437- 


266  LÉOK    DOREZ 

accidents  qui  nous  menacent  tous,  à  chaque   pas,   dans  nos 
minutieuses  recherches. 

II 

Après  avoir  rendu  à  Baccio  Tinghi  son  œuvre  et  son  unité, 
nous  aurions  voulu,  par  une  fidèle  analyse  et  de  copieux 
extraits,  donner  une  idée  de  son  élucubration  à  laquelle  ne 
font  défaut  ni  le  mérite  Httéraire  ni  l'intérêt  historique.  Mais 
l'espace  nous  manque  pour  entrer  ici  dans  un  tel  détail.  Nous 
nous  contenterons  de  dire  qu'avec  un  entrain  soutenu  et  par- 
fois même  fatigant,  il  nous  raconte,  sous  une  forme  humo- 
ristique, avec  des  alternatives  de  gaieté  et  de  fureur,  son 
voyage  de  Lyon  à  Turin  et  ses  négociations  avec  la  cour  de 
Savoie,  du  13  février  1564,  date  de  son  départ  de  Lyon,  jus- 
qu'au II  juin  suivant,  où  il  s'arrête  brusquement  \  L'affaire 
qui  le  mettait  aux  prises  avec  les  lenteurs  interminables  et  les 
incessantes  cupidités  des  corps  administratifs  du  duc  Emma- 
nuel-Philibert ^  était  d'une  certaine  importance.  Il  était,  en 
cette  occasion,  le  délégué  de  son  riche  compatriote  Luigi  Cap- 
poni,  alors  chef  de  la  maison  lyonnaise  de  ce  nom,  qui  vou- 
lait soumettre  au  duc  une  «  invention  »  nouvelle  relative  à  la 
fabrication  du  sel  et  traiter  avec  lui  pour  la  fourniture  exclu- 
sive de  cette  indispensable  denrée  dans  toute  l'étendue  de  ses 
États  :  Piémont,  Savoie  et  Nice.  Négociation  difficile,  tant  à 
cause  de  son  objet  même  que  des  déplacements  du  duc,  de  la 
mauvaise  volonté  et  des  convoitises  de  ses  conseillers,  mais 
que  l'ingéniosité  et  la  ténacité  de  Baccio  Tinghi  paraissent 
avoir  réussi  à  conclure  heureusement. 

1.  Les  comptes  s'arrêtent  au  30  mai  1564  (fol.  43  /'). 

2.  Il  écrit,  le  19  mai  1564  (fol.  183)  :  «  Questo  andar  d'hoggi  in 
domani  mi  fà  corne  dire  allungare  il  collo  di  tal  sorte  clie  quando  tornerô  a 
Lione,  dubito  di  non  parère  una  cigogna.  Horsù,  io  mi  vo'  dar  pacie, 
dapoi  chè  non  son  solo  a  questo  giuoco,  perché  ho  pur  ancor  io  con  le  mie 
miserie  da  ricrearmi  co'  tribolati,  perché  in  questa  Corte  per  ogn'uno  est 
fletus  et  stridor  dentitwi .  Parmi  pure,  la  Dio  gratia,  esscr  al  fine  de'  miei 
affanni.  » 


LE    «    ZIBALDONR    »    DE    BACCIO    TINGHI  267 

Rien  n'est  plus  amusant  que  les  incidents  que,  parfois  avec 
désespoir,  mais  presque  toujours  avec  une  intarissable  malice, 
Tinghi  confie  à  son  cher  Zibaldone  penàznt  les  loisirs  qui  lui 
sont  faits  par  les  contretemps  et  les  atermoiements.  Seul  à  seul 
avec  son  manuscrit  dans  sa  chambre  de  l'«  albergo  di  San  Gior- 
gio »  ' ,  il  trace  les  peintures  les  plus  satiriques  des  grands  per- 
sonnages en  face  desquels  le  met  sa  mission.  Sauf  le  duc 
Emmanuel-Philibert,  la  duchesse  Marguerite  de  Valois,  et 
quelques  personnages,  comme  l'évêque  Girolamo  Délia 
Rovere,  qu'il  a  gagnés  à  sa  cause,  il  n'épargne  personne.  Mais, 
entre  tous  «  questi  satrapi  »  et  «  questi  giganti  »,  c'est  au 
grand-chancelier,  Thomas  Langusco,  comte  de  Stroppiana, 
qu'il  réserve  ses  traits  les  plus  acérés  :  «  Questo  conte  stor- 
piato,  —  quello  storpiato  diabolico  del  gran  cancillieri  »  ! 
«  Questo  conte  hacosiviso  d'un  trafurello  quanto  huomo  che 
io  habbi  visto,  perché  è  piccino  di  persona,  un  viso  rincagnato 
nero,  certi  occhi  vitiati  ;  mai  o  poco  ti  guarda  in  viso,  et 
finalmente  l'ho  io  per  un  pezzo  di  cattivo  huomo  ^.  »  D'ail- 
leurs, M.  de  Montfort,  président  de  la  Chambre  des  Comptes, 
et  Giovanni  Matteo  Cocconatto,  président  du  Conseil  d'État 
(arpia  .'),  n'y  perdent  rien.  Les  épithètes  toscanes  les  plus 
piquantes,  les  proverbes  du  cru,  les  réminiscences  littéraires, 
tout  ce  que  le  vocabulaire  national  peut  fournir  de  vivacités 
à  un  Florentin  spirituel  et  mécontent,  s'abattent  comme  grêle 
sur  les  épaules  de  ces  «  Raminagrobis  »  qui  auraient  été  bien 
surpris  de  tout  ce  qu'écrivait  d'eux,  après  leurs  entrevues,  ce 
«  courtaud  de  boutique  » .  Seules,  les  femmes  —  ou  plutôt  le 
sexe  féminin  —  sont  aussi  mal  traitées  par  Baccio,  qui  se  sent 
quelquefois  attiré  vers  elles,  mais  qui  en  a  toujours  une 
peur  effroyable. 


1.  L'un  des  plus  anciens  hôtels  et  l'un  des  plus  renommes  de  Turin.  Cf. 
Gaudenzio  Claretta,  Degîi  alberghi  antichi  di  Torino  e  délie  impressioiii 
avutene  da  viaggiatori  illustri,  éd.  accresciuta  (Pinerolo,  1891,  in-8),  p.  14. 

2.  Fol.  33  verso. 


208  LÉON    DOREZ 


III 


Je  ne  puis  m'attarder  davantage  à  une  analyse  qui  m'en- 
traînerait beaucoup  trop  loin.  Je  préfère  insister  ici  sur  l'édu- 
cation littéraire  de  notre  auteur,  telle  qu'elle  nous  est  révé- 
lée par  le  Zibaldone,  et  sur  les  passages  de  son  œuvre  où  il 
mentionne  ses  confrères  en  librairie.  Cette  petite  étude  ajou- 
tera peut-être  quelque  chose  à  ce  que  nous  savons  déjà  du 
monde  des  livres  au  xvi^  siècle,  et  elle  sera  particulièrement 
bien  placée  dans  un  recueil  publié  en  l'honneur  d'un  de  nos 
plus  éminents  bibliographes. 

Pour  estimer  à  leur  juste  valeur  les  renseignements  qui  vont 
suivre,  il  est  bon  de  se  rappeler  que  Baccio  Tinghi  n'occupa 
jamais  dans  sa  profession  qu'une  situation  plutôt  secondaire. 
«  Facteur  »  de  son  frère  Filippo,  courtier  des  Capponi  à  l'oc- 
casion, jamais  il  ne  dirigea  en  maître  une  grande  maison. 
Son  exemple  peut  donc,  dans  une  certaine  mesure,  nous  révé- 
ler la  psychologie  de  ces  modestes  collaborateurs  qui  aidèrent  à 
fonder  la  réputation  et  la  richesse  des  grands  ateliers  et  des 
grandes  «  boutiques  »  de  librairie  au  xvi^  siècle. 

A  ce  que  nous  avons  dit  de  ses  dispositions  satiriques,  on 
pouvait  déjà  soupçonner  qu'il  lisait  les  sceptiques  «  roman- 
ciers »  et  les  poètes  comiques  de  son  pays  natal.  Tout 
d'abord,  il  connaissait  fort  bien  Boccace;  le  14  avril  1564, 
après  maintes  courses  inutiles,  il  écrit  :  «  Dopo  desinare, 
pur  al  solito  [andai]  a  casa  Montfort,  et  in  questo  di  feci  la 
peregrinatione  di  fra  Cipolla  '.  »  Francesco  Berni  lui  est  éga- 

I.  Fol.  71.  —  Voy.  Decamerone,  giorn.  VI,  nov.  x  ;  cf.  Manni,  Istoria 
ciel  Decamerone  di  Giovanni  Boccacio  (Firenzc,  1742,  in-4),  p.  453  et  suiv. 
—  Je  n'ai  fait  aucune  recherche  au  sujet  d'un  autre  conte  toscan  rappelé 
par  Baccio  Tinghi,  sous  la  date  du  20  avril,  pendant  une  longue  attente 
chez  l'évêque  de  Toulon,  Girolamo  Délia  Rovere  (fol.  88)  :  «  Et  postomi 
a  pivuolo  in  una  caméra,  aspettai  tre  hore  che  lui  uscissi  dello  studio  dove 
era  con  certi  frati,  che  per  avventura  disputavano  se  suor  Criofè  havessi 
scorticato  una  anguillaper  niangiarsene  un  rocchio  senza  che  suor  Grima 
badessa  sene  accorgessi.  ».  — A  propos  de  G.  Délia  Rovere,  il  dit  (fol.  98) 
qu'il  entra  dans  son  «  studio  abbondantissinio  di  libri  ». 


LE    «    ZIBALDONE    »    DE    BACCIO    TINGHI  269 

lement  familier;  le  1 6  avril,  il  cite  les  cinq  premiers  vers  du 
Capitolo  deir  Orinale  : 

Chi  non  ha  molto  ben  dcl  naturale 
Et  un  gran  pezzo  di  conoscimento 
Non  puo  saper  che  cosa  é  orinale 

Ne  quante  cose  vi  si  faccin  dentro  '. 

Il  termine  l'une  de  ses  plus  violentes  sorties  contre  le  beau 
sexe  par  trois  otiave  qu'il  cite  évidemment  de  mémoire  : 

Vedi  Hanibal  ch'in  tutte  l'altre  imprese 
Non  sol  mostrossi  intrepido  et  invitto, 
Ma  aperse  l'Alpi  altère  ove  contcse 
Con  la  Naturaet  fegli  alto  despitto. 
Una  femmina  poi  in  Puglia  il  prese 
E'I  fe'  di  vincitor  prigione  et  vitto, 
Et  si  puo  dir  che  fussi  Capua  allui 
Quel  che  fu  Canne  agli  adversarii  sui. 

Vedi  Sanson  robusto  che  gli  Hebrei 
Non  pur  difende  dall'hostil  procella, 
Ma  un  grosso  stuol  d'armati  Filistei 
Rompe  col  fulminar  d'una  mascella. 
Poi  vedi  corne  i  tradimenti  rei 
D'una  vil'  et  sfacciata  femminella 
Menan  un'  huom  si  glorioso  et  forte 
Prigion  et  cieco  a  volontaria  morte. 

Ve'  come  il  senso  a  quello  ch'  in  due  parti 
Diviso  ha  il  mondo  Cleopatra  invola, 
Com'  el  terzo  de'  suoi  lascia  tra  parti 
Ucciso  mentre  a  rivederla  vola. 
Obblia  se  stesso,  l'aima  patria  et  Parti 
Ch'  imparo  già  di  Cesare  alla  squola. 
Ond'  al  fin  vinto  in  sen  d'una  bagascia 
L'honor,  la  vita  e'I  grand'  imperio  lascia  -. 

1.  Fol.  i8i.  —  Éd.  d'Amsterdam,  1770,  in-8,  p.  57. 

2.  Fol.  165-166  verso  :  «  Oh  !  in  su  questo  proposito,  mcsser  Luigi  mio 
caro,  vi  voglio  racconiare  una  bellastanza  tra  di  moite  che  io  so  che  dicono 
mal  délie  donne,  tra  le  quali  è  questa,  perché  si  vede  la  razza  che  le  sono  et 
quello  che  cagionono  di  maie  a  chi  si  avviluppa  con  loro,  perché  in  vero  (che) 


270  LÉON    DOREZ 

Au  beau  milieu  d'un  article  de  compte,  une  scène  de 
taverne  lui  rappelle  un  passage  de  l'Arioste  : 

Addi  detto  [13  di  febbraio  1564]  arrivai  a  Borgo  [Bourg]  et  mi 
fermai  aU'hosteria,  taverna  o  biscazza  che  sia,  d'Antonio  le  Bas- 
tard,  dove  arrivato  su  trovai  una  ciurma  chi  a  tavela  chi  gi[o]- 
cava  et  chi  cantava  et  chi  bestemmiava,  tantochè  mi  ricordai  di 
quelle  gente  d'Alcina  '. 

D'ailleurs,  comme  on  devait  s'y  attendre  de  la  part  d'un 
bon  Florentin,  il  sait  son  Dante  par  cœur...  Dans  une  de  ses 
plus  longues  lamentations  philosophiques  au  sujet  du  péril 
féminin,  il  s'écrie  : 

Tu  l'ai  carpate  che  elle  facessin  mai  cosa  che  bene  stessi,  perché 
la  botte  non  puô  dare  se  non  del  vin  che  l'ha,  perché  se  tu  vuoi 
bere  di  lor  bevanda,  quanti  pericoli,  quanti  affanni,  quanti  tor- 
menti  et  quante  tribolationi  ti  vengono  a  ritrovare  !  O,  qui  comin- 
ciono  i  dolori  !  Hinc  iU[a]e  lacrimac.  Et  se  ti  abbatti  a  voler  entrare 
et  penetrare  i  segreti  délia  natura  col  tuo  cervello,  puoi  sicura- 
mente  dire  : 

Lasciate  ogni  speranza,  voi  ch'entrate, 
et  aggiugnervi  quegli  altri  : 

Per  me  si  va  nella  Città  dolente, 

Per  me  si  va  nell'  eterno  dolore, 

Per  me  si  va  tra  la  perduta  gente. 
Considéra  hora,  Baccio  mio,  di  che  sorte  vino  tengono  queste 
pessime  nelle  lor  botte  *. 

Mais  il  y  a  mieux  encore.  Tout  cela  n'est  que  littérature 
«  vulgaire  »,  et  Baccio  Tinghi  connaît  ses  classiques.  A  un 
certain  moment,  il  revient  en  arrière  pour  raconter  avec  com- 
plaisance comment  il  a  cité  Virgile  (ou  le  pseudo-Virgile), 

è  un  esemplo  bcllissimo  et  chiaro.  Hor  uditc,  vi  prcgo  :  Vcdi  Hannibal...  » 
—  J'ai  vainement  recherché  ces  trois  stances  dans  VOrlando  fnrioso  de 
l'Arioste  et  dans  VOrlando  innaniorato  de  Boiardo  «  rifatto  dal  Berui  »,  où 
je  croyais  les  trouver.  Le  temps  m'a  manqué  pour  en  poursuivre  et  peut- 
être  en  assurer  l'identification.  Elles  doivent  provenir  d'un  poème  très  lu 
au  xvic  siècle. 

1.  Fol.  42  h. 

2.  Fol.  120  verso. 


LE    «    ZIBALDONE    »    DE    BACCIO    TINGHI  27 1 

fort  à  propos,  devant  le  nouvel  archevêque  de  Turin,  Giro- 
lamo  Délia  Rovere  : 

Quando  io  raccoiitai  el  convito  et  le  nozze  dell'  arcivcscovado 
di  Monsigiior  di  Tolone,  mi  dimenticai  di  dire  corne  io  non  mi 
potetti  tenere  di  non  dire  una  bella  sentenza,  anzi  certi  versi  di  Ver- 
gilio  che  egli  fece  a  Cesare  che  haveva  ordinato  certi  spettacoli  da 
celebrarsiun  tal  giorno.  Venne  il  tempo,  et  lanotte  innanzi  piovve 
tutta  la  notte,  dalla  quai  piova  si  dubitô  da  molti  che  detti  spetta- 
coli non  si  finissero  et  non  si  celebrassero.  La  mattina,  vegnente  il 
giorno,  appari  un  bcUissimo  tempo.  II  medesimo  fu  de  Tolone. 
Onde  in  ultimo  de'  loro  ragionamenti  si  venne  a  dire  come  tutta 
la  notte  era  piovuto  et  che  di  poi  havevono  si  bel  giorno  per  la 
festa  di  Monsignore.  AU'  hora  io,  voltomi  quivi  a  un  gentil'huomo, 
dissi  :  «  Questa  è  maggior  gloria  di  Monsignore  »  ;  il  quale  sen- 
tendomi,  perché  dissi  forte,  si  voltô  inverso  di  me  quasimente 
dicendo  :  «  Et  perché  ?  »  AU'  hora  io  gli  spiccai  questi  versi  di 
Vergilio  che  dicono  : 

Nocte  pluit  tota,  redeunt  spectacula  mane. 
Divisum  imperium  cum  Jove  Cœsarhabet. 

Monsignor  con  grata  ciera  guardatomi,  come  colui  che  era  alle- 
gro di  quella  sua  gloria,  mostro  di  haverlo  caro.  In  questo  ogn'uno 
si  levô  da  tavola  '. 

Et  non  content  de  citer  Virgile  %  il  tient  à  se  montrer 
«  utriusque  litteraturae  peritus  »  en  mettant  en  avant  quelque 

1.  Fol.  132  verso.  —  Déjà,  au  feuillet  87,  en  voyant  Stroppiana  dans  sa 
gloire  toute  fraîche  de  grand-chancelier,  il  s'écrie  :  «  Quando  io  veddi 
questo  miracolo  dinatura, 

Obstiipiii  steterunlqiie  come  et  vox  faucibus  besit. 
«  Pure  non  mi  potei  tenere  che  non  dicessi  da  me  medesimo  :  Makdictns 
qui  venit  in  noinine  Ainbitionis,  dapoi  chè  dal  grado  che  egli  ha  ricevuto, 
gli  pare  essere  coa  quelle  scettro  rex  regum  et  doniinus  dominantium,  et 
se  egli  valessi  o  si  potessi  dire  et  svaporare  i  suoi  capricci,  harei  comin- 
ciato  a  gridare  a  testa  all'appressarsi  et  all'entrare  che  fecie  in  chiesa  :  Attei- 
nte portas,  principes  veslras....  et  introihit  Rex  glorix...  » 

2.  Du  reste,  il  avait  pris  uue  devise  latine  (fol.  146  verso)  :  «Mené  tornai 
a  casa,  et  cominciatomi  a  venir  un  poco  di  sonuo,  mi  gittai  cosi  un  poco 
sul  letto  cl  dormi  un  pochetto  ;  et  svegliato  che  io  fui,  mi  ricordai  del 
motto  che  è  alla  mia  impresa,  che  dice  :  Ex  asperitate  siiavitas.  » 

Dans  le  court  intervalle  de  temps  qui  s'est  écoulé  entre  la  rédaction  de 
la  préscute  notice  et  la  correction  des  épreuves,  j'ai  pu  recueillir  à  Londres 


272  LÉON    DOREZ 

théorie  d'Aristote  ;  il  va  même  jusqu'à  discuter  telles  doctrines 
d'Anaxagore  et  de  Démocrite  '. 

Cette  large  instruction,  acquise  à  l'Université  de  Pise, 
explique  les  relations  qu'au  grand  profit  de  sa  mission  Tinghi 
entretient  avec  les  professeurs  de  l'Université  de  Mondovî  fon- 
dée quelques  années  auparavant,  par  acte  du  8  décembre 
1560^.  On  l'a  vu  plus  haut  en  excellents  termes  avec  Giraldi, 
qui  d'ailleurs  pouvait  lui  être  directement  utile,  puisqu'avant 
de  se  consacrer  tout  entier  aux  belles-lettres,  il  avait  exercé  la 

l'intéressante  lettre  suivante,  adressée  par  Baccio  Tinghi  au  prince  des  phi- 
lologues toscans  du  xvie  siècle,  Piero  Vettori  :  «  Molto  magnifico  et  mio 
honorando.  Non  ho  mai  scritto  a  V.  S.  da  poi  chè  mi  parti  di  cotesti  paesi 
per  non  mi  esser  occorso.  Et  perché  pure  havevo  qualche  servitù  et  amici- 
tia  con  lei  per  le  moite  cortesie  usatemi,  che  mi  ha  dalo  ardire  di  richie- 
derja  di  un  servitio,  et  questo  è  che  noi  siamo  insieme  col  Grifo  per  stam- 
pare  le  opère  di  Cicérone  in  piccola  forma,  et  di  già  sono  stampate  l'Ora- 
tioniet  l'Epistole;  et  hora  vorremo  stampare  la  fisolofia,  sopra  la  quale  se 
havessi  qualche  correttione,  ci  faria  gran  piacere  a  mandarmele,  acciochè 
nulla  mancassi,  dico  quanto  alla  diligenza  et  dalla  parte  nostra  ;  et  noi  et  il 
Bruto,  che  le  correggie,  giene  resteremo  molto  obbligati.  Et  volendole  man- 
dare,  V.  S.  le  potrà  dare  a  Jacopo  Giunti,  che  le  mandera  fidatamente.  Che 
Dio  la  salvi  et  guardi.  Di  Lione,  addi  7  di  Luglio  1567.  Di  V.  S.  servitore 
Baccio  Tinghi.  —  Al  Molto  magnifico  messer  Piero  Vettori  suoosser.mo. 
In  Firenze.  »  Musée  Britannique,  Add.  Ms.  10273,  fol.  341,  autogr.  — 
Cette  lettre  est  intéressante  à  divers  points  de  vue.  Elle  trancherait,  s'il  en 
était  besoin,  dans  le  sens  de  l'affirmative,  la  question  de  l'autographic  du 
ms.  de  Paris.  Elle  montre  Baccio  en  relations  avec  un  des  plus  grands 
savants  florentins  du  temps  et  explique  le  rôle  littéraire  qu'il  jouait  dans  la 
maison  de  son  frère.  Elle  nous  apprend  enfin  que  Giovanni  Michèle  Bruto 
exerçait  le  métier  de  correcteur  chez  les  Tinghi,  les  Giunta  et  les  Gryphes, 
et  fait  comprendre  que  Baccio  soit  le  dédicataire  de  deux  intéressantes 
lettres  latines  de  Bruto  mises,  la  première,  à  la  fin  des  Historix  Florentinx 
libriocto  de  cet  auteur  (reproduite  dans  la  belle  édition  de  Venise,  1764,  in-4, 
p.  423-426,  et  datée  de  Lyon,  i^r  août  1562),  la  seconde,  en  tête  des  édi- 
tions des  Lettres  de  Cicéron  publiées  à  Lyon,  chez  Antoine  Gryphe,  en 
1567  et  1571,  in-i6  (Baudrier,  ouvr.  cité,  8e  série,  p.  551  et  358).  — 
Je  rappellerai  ici  que  Baccio  Tinglii  mourut  intestat  et  célibataire  avant 
le  4  juin  1573  {ibid.,  6e  série,  p.  447),  exactement  le  12  mars,  à  Florence. 

1.  Fol.  215. —  Dans  une  autre  occasion,  il  se  plaît  à  entendre  discuter 
les  causes  de  la  grandeur  de  César  et  de  la  puissance  de  Venise,  sur  laquelle 
il  raisonne  longuement  (fol.  125  verso  et  suiv.). 

2.  Vâllauri,  Sloria  délie  Università  degïi  siudi  del  Piemonte  (Torino, 
1846,  in-8)  ,  t.  I,  p.151. 


LE    «    ZIBALDONE    »    DE    BACCIO    TINGHI  2J$ 

médecine  à  Ferrare  '.  Il  fait  très  bien  sa  cour  au  gouverneur  de 
Mondovi,  Carlo  di  Lucerna,  celui-là  même  qui  s'était  distin- 
gué, peu  de  temps  avant,  dans  la  défense  de  Cuneo  assiégée 
par  le  maréchal  deBrissac,  et  qui,  depuis  le  mois  d'avril  1561, 
faisait  partie,  avec  le  comte  de  Stroppiana,  du  Conseil  des 
réformateurs  de  l'éphémère  Université  ^.  Deux  autres  profes- 
seurs encore  sont  l'objet  de  ses  attentions  :  Giovanni  Argen- 
terio,  docteur  en  médecine  de  l'Université  de  Turin,  l'un  des 
maîtres  les  plus  nomades  du  xvi^  siècle ',  et  Domenico  Bucci, 
également  docteur  en  médecine,  dont  le  fils  Agostino  fut  l'ami 
du  Tasse '^.  Mais  celui  auquel  il  se  confie  avec  le  plus  de  con- 
stance et  d'élan,  c'est  son  compatriote  Francesco  Dell'Ottonaio, 
le  célèbre  mathématicien  qui  avait  occupé  avec  éclat,  quelque 
dix  ans  auparavant,  la  chaire  illustrée  plus  tard  par  Galilée  5, 
et  qui  était  le  fils  du  poète  et  héraut  florentine 

D'ailleurs,  tout  en  préparant  avec  eux  le  succès  de  l'aflaire 
du  sel,  Tinghi  n'oubhait  pas  sa  profession  de  libraire.  On  en 
jugera  par  les  extraits  suivants  du  Zihaldone. 

Addi  23  detto  [marzo  1364]  parlai  [a  Mondovi]  con  messer 
Giambatista  Giraldi,  el  quale  mi  pregô  che  io  gli  facessi  stamparc 
i  suoi  Discorsi  sopra  le  poésie  et  roinanii  stampato  {sic)  altra  volta 
in  4°  dal  Giolito  nel  1554,  et  dettemi  lettera  di  favore  per  intro- 
durmial  Duca,  a  questi  {sic),  al  vescovo  di  Tolone,  a  messer  Gio- 
vanni Gattini,  maestro  di  casa  dimonsignor  conte  di  CoUegno,  al 
conte  di  Stroppiana,  gran  cancellieri  di  S.  A.,  al  conte  di  Colc- 
gno,  al  conte  di  Camerano,  col  raccomandarmi  et  favorirmi  7. 

1.  Giraldi  avait  été  appelé  à  Mondovi,  par  lettres  du  13  novembre  1562, 
comme  lecteur  ordinaire  d'humanités  (Vallauri,  ouvr.  cité,  t.  I,  p.  187  et 
suiv.). 

2.  Fol.  23  verso,  245.  —  Cf.  Vallauri,  ouvr.  cité,  t.  I,  p.  181  et  182. 

3.  Fol.  17  verso,  23  verso,  24  verso,  etc.  Ibid.,  t.  I,  p.  1 58-161. 

4.  Fol.  194,  228  vo,  etc.  — Cf.  Vallauri,  ouvr.  cité,  t.  I,  p.  172-174  ; 
t.  II,  p.  63-64. 

5.  Fabroni,  Histor ia  Academiae  Pisaiiae  (Pis'is,  1791,  in-4),  t.  II,  p.  386, 
470,  etc.; —  Vallauri,  ouv.  cité,  t.  I,  p.  192. 

6.  Fol.  17  verso,  23  verso,  59,  68,68  verso,  191,  etc. — Parmi  les  autres 
personnages  dont  il  recherche  l'appui,  il  faut  citer  aussi  le  médecin  du  duc, 
Marcantonio  Capra  (fol.  72,  100,  106). 

7.  Fol.  24-24  verso. 

Mélanges.  II.  i8 


274  LÉON    DOREZ 

Le  19  mai  1564,  il  s'en  va  à  l'hôtel  de  la  Licorne  afin  de 
voir  s'il  trouvera  quelqu'un  sur  le  point  de  partir  pour  Mon- 
dovi  et  de  le  charger  d'un  livre  qu'il  veut  envoyer  à  Francesco 
DeirOttonaio  : 

Et  avviatici  là  trovamo  messer  Giorgio  Castrucci  '  et  mes- 
ser  Domenico  Buci  che  appunto  erono  a  tavola,  et  cou  un 
«  Buona  sera  et  pro  facci  a  V.  Signorie  »  mi  voltai  a  mes- 
ser Giorgio  che  è  reformator  deilo  Studio  et  gli  dissi  :  «  La 
Signoria  V.  dira  che  io  sia  un  fastidioso  et  forse  mi  terra  poco 
discreto  a  non  gli  dar  mai  altro  che  briga,  ma  per  gli  amici  bisogna 
afiaticare  et  se  et  altri.  Pero  mi  harà  per  scusato  se  la  preghero 
che  mi  mandi  al  Mondevi  questo  libro  a  messer  Francesco  Dell' 
Ottonaio.  —  «  Corne!  diss'egli,  non  solo  questo,  ma  altro  faremo 
per  conto  vostro  et  suo,  perche  è  persona  da  fargli  ogni  piacere. 
Pregovene  adunque,  perché  gli  sarà  grato.  Domattina  si  partira  un 
amico  nostro,  et  gliel  dareno  che  ne  fareno  tenere  buona  sera. 
Voleté  voi  bere  ?»  —  «  Signor,  no.  »  —  «  Baciovi  le  mascelle,  ma 
tenetele  ferme,  senza  masticare  ^.  » 

Le  vendredi  2  juin  1564,  après  avoir  écrit  à  Francesco  Dell' 
Ottonaio  '  : 

Parlai  a  messer  Domenico  Bucio,  el  quale  voleva  far  stampare 
un  trattatello  di  medicina  che  vuole  che  si  aggiunga  a  un'altro  che 
ha  stampato  in- 16  l'Honorati,  intitolato  :  Ouatuor  qxiesiia  niediciiialia 
Dominici  Bucii  +,  et  quello  che  vuole  aggiugnervi  questi  di  sotto 
che  saranno  altrettanto,  o  poco  vi  sarà  di  differenza,  cioè  :  Ouestio 
desanguînis  missioiie  in  pueris  et  Traclaius  de  sanguinis  missione  in  uni- 
versum.  Et  di  questi  dice  che  ne  vuole  un  cento  per  lui  5. 

Mais,  par-dessus  tout,  Tinghi  semble  noter  attentivement 

1.  C'était  un  docteur  en  droit.  Cf.  Vallauri,  ouvr.  et  vol.  cité,  p.  181. 

2.  Fol.  184  verso. 

3.  Au  moment  où  Stratta  Cuvalcanti  veut  continuer  son  voyage,  «  gli 
feci  comperare  certi  libri,  cioè  Erasto,  Achille  Tatio  et  gli  Amori  d'Isme- 
nio,  per  passarsi  el  tempo  per  barca.  »  (Fol.  206.) 

4.  Une  édition,  postérieure  à  celle  d'Onorati,  parut  à  Lyon  «  apud 
A.  Marsilium»,  1577,  ■i''"^-  Cf.  Catalogue  général  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale, t.  XX,  col.  1020,  Td34  18(1). 

S-  Fol.  228  verso. 


LE    «    ZIBAI.DONH    »    DE    BACCIO    TINGHI  275 

ses  rencontres  et  ses  conversations  avec  les  libraires  ses  con- 
frères. Non  seulement  il  indique  toutes  les  lettres  qu'il  écrit  à 
son  frère  Filippo,  à  ses  cousins  Jacopo  et  Filippo  Giunta  ',  à 
Bartolommeo  Alessandrini  -,  à  Symphorien  Béraud  >,  mais  il 
n'oublie  jamais  de  coucher  par  écrit  ses  visites  chez  le  libraire 
turinois  Antonio  Farina,  dont  la  boutique  est  pour  lui,  parmi 
ses  ennuis  et  ses  loisirs  forcés,  un  refuge  fiivori.  Le  5  mai 
1564  : 

hitesa  questa  risolutione,  non  sapendo  che  altro  farmi,  mené 
andai  in  bottega  di  Antonio  Farina,  libraro,  dove  stetti  un  pezzo 
aleggere,etvenutomi  aiinoia,  mené  andai  alquanto  tristeggioni  per 
Turino  et  fuor  dclla  porta  insino  aile  mulina  4,.. 

Et  le  20  ou  21  avril  précédent,  après  une  visite  chez  une 
mauvaise  débitrice  de  Luigi  Capponi  (Madama  d'Armignac)  : 

Et  andatomene  a  bottega  di  masser  Antonio  Farina  libraro,  stessi 
a  leocrere  l'Ovidio  deU'Anouillara  tanto  che  vennono  l'hore  dedi- 
cate  a  quel  sacchetto  che  ne  mantiene  in  vita  con  l'armonia  délie 
scodelle  î... 

Un  philologue  connu,  Arnoldus  Arlenius,  le  «  bras  droit  » 
de  l'imprimeur  flamand  Lorenzo  Torrentino  qui  en  1562  avait 
quitté  Florence  pour  Mondovi  ^,  apparaît  ensuite  dans  le 
ZibaIdorie,\Q  12  avril  1364:  ' 

Andai  a  casa  il  Présidente  [Montfort]  et  dimanda[i]gli  se  egli 
haveva  fatto  nulla  ;  nii  disse  di  no  per  causa  di  questa  entrata  [del 
Duca  di  Sessa].  Torna[i]vi  dopo  desinare,  et  mi  disse  che  gliera 
dietro,  tuttavia  quanto  poteva.  Et  pure  all'ordinario  uscendo  di 
casa,  lo  seguitai  fino  alla  Corte,  dove  stato  un  pezzo  per  aspettarlo, 
et  eccotelo  fuora  senza  haver  parlato  al  Duca.  Accompagna[i]lo 

1.  Par  exemple  fol.  154  verso. 

2.  Cf.  fol.  143  et  182. 

3.  Le  25  avril  1564,  (fol.  113),  il  écrit  :  «  Mi  ero  scordato  dire  corne 
scrissi  uaa  lettera  a  Siniforiano  Bcraud  nostro  di  casa...  » 

4.  Fol.  140. 

5.  Fol.  91. 

6.  Domenico  MoRENi,  ^»«rt// (7^//rt  tipografia  fiorentina  di  Lorenzo  Tor- 
rentino..., ediz.  seconda...  (Firenzc,  1819,  in-8),  p.  LXii  etsuiv. 


27e  LÉON    DOREZ 

insino  a  casa  lo  Storpiato,  et  di  quivi  mené  tornai  a  casa  a  far 
governare  il  mio  cavallo  ;  et  detti  la  lettera  a  messer  Arnoldo  Arle- 
nio  che  havevo  scritto  à  messer  Francesco  dell'  Ottonaio,  et  cosi  è 
passato  questo  giorno,  et  piaccia  a  Dio  chc  non  passi  domani  senza 
far  nulla  '  ! 

Puis,  le  28  mai  1564,  c'est  l'envoyé  d'un  fondeur  de  carac- 
tères de  l'imprimerie  de  Torrentino  : 

Scrissi  di  poi  una  lettera  a  mio  fratello,  et  intanto  ne  venne 
l'hora  délia  cena,  et  per  essersi  quietato  un  poco  il  tempo,  messer 
Stratta  et  io  cène  andamo  a  spasso  mez'  hora  per  Turino  et  giu- 
gnemo  a  casa  Scaramuccia,  maestro  délie  Poste,  dove  stemo  a 
cicalar  un  pezzo,  et  essendo  già  sera  ci  ritiramo  a  casa  et  ogn'uno 
sene  andô  alla  sua  caméra.  In  questo  io  mi  sento  chiamare  : 
«  Che  cosa  é?  »  —  «  E  uno  che  sene  vuol  andar  al  Mondevi  ; 
perô  se  tu  hai  scritto,  manda  la  lettera.  »  —  «  Non  già  io,  ma  se 
lui  vuol  aspettare,  la  scrivero  hor  hora.  »  Questo  che  venne  era  un 
mandato  di  un  gittatore  che  sta  al  Mondevi  (che  sta)  colTorentino. 
Et  cosi  io  all'hora  scrissi  a  messer  Francesco  dell'  Ottonaio  quanto 
havevo  fiitto  insino  a  quivi  et  quando  io  pensavo  di  partirmi  ^ .  .  . 

Et  voici,  pour  continuer  la  série,  un  autre  nom  célèbre, 
celui  de  Bernardo  Torresani,  le  parent  des  Aides  et  leur  con- 
current à  Paris  : 

Partitonii  da  Ici  [Madonna  Pocofila],  me  ne  andai  a  casa  ne 
troppo  stetti  che  io  mi  senti  chiamare  dal  scrvitore  ;  fommi  al 
verone  et  io  veggo  Bernardo  Torresan  di  Parigi,  la  venuta  del  quale 
mi  fu  gratissima.  Cenamo  insieme  et  ragionamo  di  moite  cose,  et 
portommi  2  lettere,  una  di  mio  fratello  et  l'altra  di  Filippo  Giunti 
mio  cugino.  Mio  fratello  mi  scriveva  d'un  negotio  con  Giulian 
Griti  ;  Filippo  Giunti,  che  harebbe  havuto  caro  di  ritrovarmi  et 
di  parlarmi.  Scrissi  a  detto  Giuliano,  et  la  mattina  che  fumo 

Alli  28  d'Aprile,  Bernardo,  non  pensando  d'csser  a  tempo  di 
andarsene  di  buon'hora,  sene  viene  allamia  caméra  di  già  stivalato, 
et  non  eran  ancora  ancor  6  hore.  «  Odi  qua,  diss'io,  voi  l'havete 


1.  Fol.    68  verso;  cf.   fol.   39.  Sur  Arlenio,  voy.   Morexi,  ouvr.   cite, 
p.  XLvni  et  suiv. 

2.  Fol.  210. 


LE    «    ZIBALDONE    »    DE    BACCIO    TINGHI  277 

invitata  giovane  ;  non  vi  diss'io  hierscra  che  voi  dormissi  con  gli 
occhi  miei  ?  »  «  Egli  è  vero,  diss'egli,  ma  quando  io  ho  una  fanta- 
sia in  testa,  non  posso  dormire.  »  Et  cosi  stato  un  pochetto  et  li 
accesi  el  lume,  egli  sene  andô  alla  stalla  intorno  al  suo  cavallo,  et 
io  mi  levai  et  scrissi  sopra  li  capitoli  che  la  mattina  dovcvo  dare 
allô  Stroppiano  questo  poco  di  memoriale  '... 

La  mattina  di  buon'hora  [28  d'Aprile  1564],  havendo  messo  il 
mio  pacchetto  [per  i  Capponi]  a  ordine,  presi  licenza  dal  Torresano 
et  mené  andai  a  casa  Io  Stroppiana  ^. 

...Et,  questo  fatto,  mené  andai  un  poco  tristeggion  per  Turino  et, 
appressandosi  l'hora  di  cena,  inverso  casa,  et  di  poi  a  riposarmi, 
perché  ne  havevo  bisogno,  perché  la  notte  dinanzi  non  havevo  dor- 
mito,  bontà  del  Torresano  '. 

Guillaume  Roville  ou  Rouville  ou  Rouille  ou  Rouillé,  le 
grand  libraire  lyonnais,  n'était  pas,  comme  on  le  pense  bien, 
pour  être  absent  du  Zibaldone  de  Tinghi  : 

Addi  26  d'Aprile  [1564]  mi  levai  aile  6  hore  et  scrissi  una  Jet- 
tera al  Rouillio  di  certi  miei  aftari  et  stetti  a  scrivere  fino  aile  1 5 
hore,  et  dubitando  di  non  esser  a  tempo  a  dar  le  lettere  al  segreta- 
rio  che  la  sera  dinanzi  disse  che  voleva  partire  et  andar  dietro  a 
Monfor  suo  padrone,  usci[i]  fuora  senza  che  havessi  tempo  di 
poter  scrivere  a'  Capponi,  m.a  sarà  col  primo  comodo,  et  cosi  a 
mio  fratello  ;  et  andato  là,  Io  trovai  che  acconciava  la  sua  valigia. 
Datogli  questa  per  il  Rouiglio  et  raccomandatogliela,  mené  tornai 
a  casa  4. . . 

Et  enfin  la  liste  se  clôt  sur  le  nom  d'André  Wechel,  le  fils 
de  Chrestien,  sous  la  date  du  28  mai  1564  : 

Venuto  il  doppo  desinare,  mené  andai  a  casa  Io  Stroppiana  per 
farmi  vedere  et  ricordargli  la  lettera.  Et  favellato  che  io  hebbi, 
mené  andai  a  casa  il  Présidente  Monfort  et  gli  dissi  di  questa 
lettera.  Egli  mi  domandô  délie  scritture  perché  l'harebbe  volute 

1.  Fol.  121-121  verso. 

2.  Fol.  122. 

3.  Fol.  123.  —  Sur  Bernardo  Torresani,  fils  de  Francesco  d'Asola,  voy. 
Domenico  Bernoni,  Dei  Torresani,  Blado  e  Raganotii.  . .  (Milano,  1890, 
petit  in-4),  p.  128  et  suiv.,  et  p.  322  et  suiv. 

4.  Fol.  113. 


278  LÉON    DOREZ 

vedere.  AU'  hora  io  gli  dissi  che  l'haveva  il  Segretario  délia  Caméra 
[dei  Conti]  et  egli  all'hora  voltosegli  disse  :  «  Fa,  ch'io  le  voglio 
vedere  ancora  stasera  »,  et  salito  su  in  caméra,  io  mené  andai  a 
casa  a  trovare  messer  Stratta  [Cavalcanti]  che  attendeva  a  leggere, 
et  cosi  cominciamo  a  ragionare.  Et  stato  cosi  un  pezzetto,  mené 
andai  giù  et  veddi  Andréa  Vesel,  al  quale  feci  motto  dimandando- 
gli  donde  veniva  :  «  Da  Roma  »,  mi  rispose  egli,  «  et  vo  a  Lione.  » 
Ma  perche  egli  pioveva  bene,  non  si  sapeva  risolvere  se  si  doveva 
partire,  ma  haveva  voglia  di  andarsene  a  cena  in  Avigliana.  All'hora 
parecchi  che  erano  quivi  Io  consigliorono  che  dovessi  restare  per 
la  sera,  sendo  massime  cosi  cattivo  tempo.  Io  pensando  che  cosi 
dovessi  fare,  mené  andai  in  caméra  messer  Stratta  et  gli  dissi  come 
costui  se  ne  andava  a  Lione,  perô  se  voleva  scrivere,  che  poteva  : 
«  ma  meglio  sarà  che  io  vi  tolga  la  briga  ;  io  scriverô  a  messer 
Luigi  [Capponi]  et  voi  tornandovi  bene  potrete  aggiugnervi  quattro 
versi.  »  Et  cosi  me  ne  andai  alla  mia  caméra  et  scrissi  et  portai 
la  lettera  abbasso,  et  dimandando  di  Veselle,  si  era  partito.  «  A 
buon  viaggio  »,  diss'io,  et  tornandomene  su  in  caméra  mia  a  rag- 
guagliare  Io  scartafaccio,  et  havendo  presa  la  mattina  una  nota  da 
messer  Stratta  su  una  cartuccia  :  «  Meglio  è,  diss"io,  che  la  si  ponga 
su  questo  Zibaldone  '.  » 

Sans  attribuera  tous  ces  détails  plus  d'importance  qu'ils  n'en 
ont  réellement,  on  conviendra  qu'il  valait  la  peine  de  feuil- 
leter attentivement  le  singulier  mémorial  de  Baccio  Tinghi  -. 

Léon  Dorez. 


1.  Fol.  208-208  verso.  —  Sur  André  Wechel,  voy.    Ph.  Renouard, 
Imprimeurs  parisiens,  libraires...  (Paris,  1898,  in-12),  p.  373-374. 

2.  Je  me  promets  de  revenir,  dans  une  prochaine  publication,  sur    ce 
curieux  manuscrit. 


L'((  HÉLÈNE  »  DE  LECONTE  DE  LISLE 


Elle  garde,  dans  les  Poèmes  antiques,  le  charme,  le  mystère, 
l'humanité  profonde  dont  l'a  douée  son  premier  poète '.  On  ne 
pense  pas,  tout  d'abord,  à  l'atmosphère  spéciale,  au  décor 
nouveau  que  lui  crée  l'évocateur  par  ses  propres  visions  et  ses 
propres  rêves,  par  son  adoration  et  son  interprétation  de  l'an- 
tique. On  dirait  qu'il  a  cherché  uniquement  l'artistique  jouis- 
sance de  rivaliser  avec  Homère,  en  accentuant,  en  dégageant 
ce  que  renfermait  de  touchant,  de  féminin,  d'humain, 
l'héroïne  dolente  de  VIliade,  la  reine  majestueuse  de  YOdyssée. 
On  sait  que  souvent  l'œuvre  lislienne  ne  trahit  chez  l'artiste 
que  cette  seule  ambition  :  d'égaler,  de  dépasser  même  la 
beauté  des  anciens.  C'est  dans  ce  seul  but,  par  exemple,  qu'il 
a  raconté,  après  mille  autres,  l'aventure  de  Zeus  et  d'Européia, 
sujet  ardu,  tentant  par  ses  difficultés  mêmes,  où  il  fallait 
qu'un  taureau,  métamorphose  de  Zeus,  eût  une  majesté  et 
une  splendeur  olympiennes  et  qu'une  beauté  éclatante  au  point 
d'amener  le  roi  des  dieux  à  se  prosterner  devant  elle,  s'alliât 
à  l'ingénuité  la  plus  enfantine  ^  C'est  aussi,  surtout,  pour 

1.  Voir  pour  le  mythe  d'Hélène  chez  les  anciens,  W.  H.  Roscher,  Lex. 
der  Griech.  tiiid  rom.  Mythol.  ad  vocem  Helena. 

2.  ]ose'ph.Wl^.^iiEY,  Les  sources  de  Leconte  de  Lisle  (Tï,xvà\xy^  et  mémoires  de 
Montpellier,  Série  littéraire,  I),  Montpellier,  1907,  page  341,  indique  dans 
Europe  un  symbole  historique  :  «  Dans  cette  jeune  fille  qui  porte  le  nom 
de  notre  continent  et  que  le  ravisseur  arrache  à  l'Asie,  sa  patrie,  pour  l'em- 
mener en  Crète,  où  elle  deviendra  mère  d'enfants  héroïques,  est-ce  que  le 
poète  n'a  pas  symbolisé  la  civilisation  transportée  par  les  dieux  d'Asie  en 
Europe,  c'est-à-dire  en  Grèce,  comme  dans  un  milieu  plus  favorable  à  son 
épanouissement  ?  »  On  ne  peut  pas  accepter  cette  conjecture,  étant  évident 
que  Leconte  de  Lisle  a  parfaitement  oublié  qu'Europeïa  était  une  vierge 
tyrienne.  Il  en  fait  une  grecque  et  c'est  dans  la  Grèce  qu'il  place  l'action  : 


28o  L.    F,    BENEDETTO 

complaire  à  ses  curiosités  d'artiste,  pour  se  mesurer  avec 
Eschyle,  qu'il  refit,  plus  passionnelle  et  plus  sombre,  la  tragé- 
die des  Atrides. 

Il  est  aisé  pourtant  de  s'apercevoir,  pour  peu  qu'on  s'arrête 
sur  quelque  détail  de  la  pièce,  qu'il  ne  s'agit  pas  uniquement 
d'une  étude  d'art.  Hélène  est  évidemment  un  symbole.  Tous 
les  commentateurs,  tous  les  lecteurs  peut-être,  ont  senti  que 
le  poème  avait  un  sens  caché  et  la  critique  est  déjà  en  pos- 
session de  quelques  interprétations  ingénieuses.  Nous  allons 
les  discuter  en  détail.  Mais  comme  comprendre  Hélène,  c'est 
comprendre  ce  qu'elle  suppose  et  ce  qu'elle  résume  du  monde 
idéal  que  portait  en  lui  le  poète,  il  nous  faut  d'abord  retracer, 
en  raccourci,  le  fond  splendide  sur  lequel  sa  figure  se  détache. 

* 

Hélène  est  une  habitante  de  la  patrie  fantastique  où  le  poète 
a  vécu  les  instants  les  plus  beaux  de  sa  vie.  Je  ne  parle  pas, 
évidemment,  de  sa  petite  patrie,  de  l'île  Bourbon,  où  ont 
rayonné  son  enfance  et  sa  première  jeunesse,  et  qui,  toujours 
plus  belle  dans  le  double  éloignement  du  temps  et  de  l'espace, 
ne  cessa  jamais  d'obséder  son  souvenir.  Il  eut  une  patrie  beau- 
coup plus  vaste,  pays  aux  contours  moins  précis,  que  n'étrei- 
gnait  pas  de  tous  côtés  l'océan  et  qu'enveloppait  une  vapeur 
mystérieuse  :  l'Orient.  Tout  en  n'ayant  plus  pour  lui  la  même 
indétermination  que  pour  les  premiers  romantiques,  l'Orient 
de  Leconte  de  Lisle  ne  souffre  pas  encore  d'être  identifié  avec 
précision  dans  l'espace  ou  dans  le  temps.  On  peut  dire  en 
général,  qu'Orient  signifie  pour  lui  tout  pays  de  soleil,  tout 
pays  où  la  nature,  belle  et  robuste,  déploie  avec  majesté  ou 
avec  grâce,  ses  jeunes  énergies,  que  ce  soit  aux  pieds  du  Piton 
des  Neiges  ou  aux  pieds  de  l'Himalaya,  dans  les  vallons  d'Hel- 

Cellc-ci  voyant  fuir  le  doux  sol  d'Hellcnie. 
Voir  aussi  l'invocation  de  Zeus  : 

O  fleur  d'Hcllas  que  j'aime. 


l'«    HÉLÈNE    »    DE    LECOKTE    DE    LISLE  2l8l 

las  OU  dans  les  champs  italiques,  dans  les  forêts  de  l'Amérique 
ou  dans  les  solitudes  polynésiennes.  C'est  plus  spécialement, 
l'île  natale,  immensément  agrandie  par  l'imagination,  augmen- 
tée de  toute  l'Inde  et  de  toute  la  Grèce,  et  se  confondant  avec 
elles. 

Dans  le  prologue  de  son  premier  recueil,  le  Cœur  et  l'Ame, 
projet  de  jeunesse  qui  ne  trouva  point  d'éditeur  ',  Leconte  de 
Lisle  s'annonçait  comme  un  messager  de  l'Orient  venant  dire 
au  pâle  Occident  les  clartés  de  l'aurore.  Ces  pièces  juvéniles, 
inspirées  presque  toutes  de  la  patrie  tant  aimée,  il  faut  les  ran- 
ger, mentalement,  parmi  les  Poèmes  antiques,  si  l'on  désire 
pénétrer  l'âme  secrète,  saisir  la  vibration  personnelle  de  son 
œuvre  indo-grecque.  L'auteur  des  Poèmes  antiques  considère 
désormais  l'aveu  public  des  angoisses  du  cœur  comme  une 
vanité  et  une  profanation  -.  Il  veut  paraître  désormais  un  pur 
historien,  travaillant  à  la  reconstitution  de  la  vie  ancienne, 
collaborant  à  la  tâche  du  siècle  qui  est  «  de  retrouver  et  de 
réunir  les  titres  de  famille  de  l'intelligence  humaine  ^  ».  Le 
public  devra  donc  ignorer  que  son  Inde  et  sa  Grèce  ne  sont, 
au  fond,  que  le  prolongement  idéal  de  sa  patrie  insulindienne. 
La  Fontaine  aux  lianes,  une  des  plus  touchantes  évocations  du 
pays  natal,  comprise  d'abord  parmi  les  Poèmes  antiques  dans 
la  première  édition,  sera  exclue  des  éditions  successives.  Dans 
la  première  édition,  le  poète  a  présenté  un  peu  pêle-mêle  les 
poèmes  de  sujet  indien  et  ceux  de  sujet  grec  :  cette  apparence 
de  désordre  qui  témoignait,  elle  aussi,  de  l'unité  de  son  Orient, 
disparaîtra  des  autres  éditions. 

Je  ne  nie  pas  qu'il  ait  été,  à  un  certain  moment,  du  moins 
d'intention,  un  véritable  historien,  lorsqu'il  tâcha  de  saisir,  à 
l'aide  d'une  érudition  consciencieuse,  et  d'exprimer  par  son 
art  concis  et  lumineux,  le  caractère  spécial  des  peuples  et  des 

1.  Du  moins,  du  vivant  du  poète  :  Leconte  de  Lisle,  Premières  poésies 
et  lettres  intimes,  Préface  par  B.  Guinaudeau,  Paris,  1902,  p.  116. 

2.  Derniers  poèmes,  p.  213-214. 
5.  Ibiâ.,  p.  217. 


282  L.    F.    BENEDETTO 

âges  OÙ  son  imagination  l'emportait.  Mais  l'historien  chez  lui 
n'exclut  jamais  le  rêveur,  et  ce  n'est  pas  sans  cause  que  son 
imagination  l'emportait  vers  l'Inde  et  vers  la  Grèce,  plutôt 
que  vers  d'autres  pays. 

On  s'explique  aisément  qu'il  ait  aimé  l'Inde.  Il  se  croyait 
hindou.  Tel  le  croyaient  ses  amis  parisiens.  Bourbon,  où  il 
est  né,  quoiqu'elle  soit  plus  proche  de  l'Afrique  que  de  l'Asie, 
était  pour  lui  une  terre  indienne.  Conjecture  légitime,  d'ail- 
leurs, la  mer  qui  sépare  Madagascar  des  péninsules  de  l'Asie, 
n'ayant  peut-être  pas,  d'après  certains  géologues,  existé  de 
tout  temps  '. 

On  s'explique  plus  facilement  encore  son  amour  pour  la 
Grèce.  Attaché  à  l'Inde  par  sa  naissance,  il  Tétait  à  la  Grèce 
par  ses  origines  artistiques.  C'est  elle  qui  lui  avait  donné,  ou, 
tout  au  moins,  révélé,  le  goût  de  la  beauté  plastique,  de  la 
construction  ordonnée  et  rigoureuse,  de  la  forme  précise,  par- 
faite, unique. 

Les  raisons  n'étaient  pas  moins  profondes  qui  devaient  pro- 
duire l'intime  association  de  ces  deux  pays  dans  l'imagination 
du  poète  et  leur  fusion  avec  sa  terre  natale. 

On  connaît  son  ardente  adoration  pour  le  paradis  de  sa  jeu- 
nesse, et  la  nostalgie  qu'il  en  garda  toujours.  Il  lui  arriva  de 
constater  que  sa  propre  tragédie  était  la  grande  tragédie  de  l'his- 
toire. Voyez  VlJîusion  suprême  et  le  Dies  irae.  Dans  celle-là  le 
regret  de  l'individu,  revoyant  pour  la  dernière  fois,  dans  l'ima- 
gination, avant  de  mourir,  les  jours  heureux  de  sa  jeunesse,  le 
doux  pays  natal,  loin  duquel,  nouvel  Adam  chassé  d'Éden,  il  a 
vécu  misérable.  Dans  Dies  irae,  la  plainte  de  l'humanité  désor- 
mais vieille,  se  retournant  vers  sa  jeunesse  lointaine,  revoyant 
les  premiers  jours  du  monde  et  Eden  perdu  pour  toujours. 
Homme,  et  homme  portant  en  lui  l'âme  de  l'humanité.  Leçon  te 

I.  Voir  par  ex.  W.  Stow,  On  the  probable  Existence  of  an  ancient  Southern 
Continent,  dans  le  Qiiarterly  Journal  of  Geological  Society,  XXVII,  187 1, 
p.  546-548,  et  H.  F.  Blanford,  On  ihe  Age  and  Corrélations  of  the  Planl- 
bearing  Séries  oj  India  and  the  former  Existence  of  an  Indo-Océanic  Continent, 
ihid.,  XXXI,  1875,  p,  519. 


l'«    HÉLÈNE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE  îS^ 

de  Lisle  sentit  le  poids  de  cette  double  douleur.  Il  confondit 
l'amertume  de  son  exil  avec  la  conscience  douloureuse  de  l'uni- 
verselle déchéance.  Aux  heures  d'accablement,  lorsque,  déses- 
pérant de  retrouver  Éden,  d'arrêter  dans  leur  fuite  les  fluides 
apparences,  son  âme  n'avait  plus  d'autre  refuge  que  le  passé 
irrévocable,  ce  n'était  pas  seulement  l'île  lointaine  que  ses  yeux 
contemplaient,  aussi  complète  et  aussi  nette  que  la  patrie 
réelle^  mais  aussi  le  berceau  primitif  des  races,  l'Inde  et  la 
Grèce,  les  premiers  théâtres  de  la  civilisation  humaine. 

Ajoutez  tout  ce  qu'avaient  de  commun  à  ses  yeux,  comme 
nature  et  comme  vie,  les  trois  parties  de  son  Orient  fantastique. 
Rien  de  l'Orient  brumeux  et  impénétrable  qu'entrevoyait 
Hugo  dans  ses  cauchemars  \  Un  rêve  grandiose  de  lumière, 
de  beauté,  d'harmonie.  La  terre,  aussi  jeune  et  aussi  fraîche 
qu'aux  premiers  jours  de  la  création  ou  qu'à  la  cessation  du 
déluge,  semble  comme  saturée  et  enivrée  de  sève.  Partout, 
dans  les  forêts  sans  bornes,  aux  fleurs  splendides,  aux  fauves 
étranges,  aux  effluves  enivrantes,  sur  les  fleuves  sacrés  qui 
roulent  éternellement,  au  milieu  d'une  végétation  luxuriante, 
leurs  eaux  couvertes  de  nymphéas  et  de  lotus,  sur  la  mer 
divine  que  le  soleil  dore,  sur  les  monts  sublimes,  partout 
quelque  chose  de  surhumain  et  d'immense.  L'édition  défini- 
tive des  Poèmes  antiques  s'ouvre  par  un  hymne  à  Surya,  le 
Soleil.  Il  se  peut  que  ce  poème  n'ait  été,  tout  d'abord,  qu'une 
tentative  savante  de  condenser  en  quelques  vers  l'essence 
même  du  Rig-Véda,  les  dieux  védiques  n'ayant  dû  être  à  l'ori- 
gine que  des  noms  ou  des  aspects  différents  du  même  dieu 
solaire^.  Mais  je  crois  que  le  poète,  en  le  plaçant  tout  au  seuil 
des  Poèmes  antiques,  a  voulu  élargir  la  signification  de  son 
hymne,  en  faire  la  synthèse  de  tout  son  Orient  gréco-indien. 
Surya  est  la  source  même  d'où  jaillit,  sous  ses  mille  formes 
éclatantes,  la  vie  orientale.  L'hymne  à  Surya  serait  d'abord 

1.  Je  fais  allusion  à  la  XlIIe  poésie  des  Rayons  et  les  Ombres.  Voir  aussi 
Pierre  Martino,  L  Orient  dans  la  littérature  française,  Paris,  1906,  p.  1-2. 

2.  C'est  là  une  interprétation  de  M.  Vianey,  ouvr.  cit.,  p.  29. 


284  L.    F.    BENEDETTO 

une  magnifique  introduction  aux  poèmes  de  sujet  indien, 
poèmes  qui,  dans  l'ordre  actuel,  ne  constituent  pas,  croyons- 
nous,  des  études  historiques  détachées,  mais  une  vision 
ordonnée  et  graduée  de  toute  l'Inde.  Ce  serait,  en  général,  la 
gloire  de  la  vie  célébrée  dans  un  cœur  pacifique. 

Après  l'activité  confiante  de  la  jeunesse  et  de  la  première 
virilité,  après  les  efforts  pour  réaliser  dans  l'art  et  dans  la  vie, 
l'âme  encore  pleine  du  souffle  vivifiant  de  l'île  divine,  ses 
visions  de  force  et  de  sérénité  primitives,  survient  pour  le 
poète  l'âge  du  désenchantement  et  du  doute.  Mais  sa  vision 
orientale  ne  se  ternit  ni  ne  s'efface  ;  elle  passe  au  dernier 
plan  du  tableau  et  brille  dans  le  lointain.  Au  premier  plan 
l'Occident  barbare.  Auparavant  les  poèmes  de  la  beauté,  de  la 
joie,  de  la  force,  de  la  liberté,  de  l'espérance,  c'est-à-dire  les 
Poèmes  antiques;  maintenant  les  poèmes  de  la  laideur,  de  la  tris- 
tesse, de  la  corruption,  de  la  tyrannie,  du  désespoir,  c'est-à- 
dire  les  Poèmes  barbares  et  les  Poèmes  tragiques  qui  ne  sont,  au 
fond,  que  de  nouveaux  poèmes  barbares  \  Il  ne  s'agit  pas 
d'une  sorte  de  trilogie.  Ceux  qui  ont  cru  trouver  un  sens 
spécial  aux  trois  titres  des  recueils,  n'ont  pas  compris  entiè- 
rement la  vie  intérieure  du  poète.  Celle-ci  est  dominée  et 
puissamment  unifiée  par  une  pensée  unique  :  celle  que  nous 
indiquions  tout  à  l'heure,  et  que  le  poète  a  si  bien  condensée 
dans  un  beau  vers  qui  pourrait  servir  d'épigraphe  à  ses  oeuvres  : 

Je  revois  les  soleils  des  paradis  perdus. 

La  domination  de  cette  seule  pensée  ne  se  révèle  pas  seule- 
ment lorsqu'il  prodigue  la  lumière  dans  ses  peintures  d'Orient  ; 
elle  se  manifeste  aussi  lorsqu'il  assombrit  tout  ce  qui  n'est  pas 
oriental.  Rappelez-vous  les  plus  beaux  de  ses  poèmes  non 
antiques.  Ce  sont  des  histoires  lugubres  se  déroulant  dans  les 

I.  C'est  Kaïn,  placé  au  seuil  des  Poèmes  barbares,  qui  représente  le  poète 
dans  sa  nouvelle  attitude  : 

Que  l'angoisse  du  monde  emplisse  mes  oreilles 
Et  hurle  dans  mon  cœur  comme  un  torrent  sans  fin. 


l'«    HÉLÈNE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE  285 

ténèbres.  La  grande  héroïne  de  ces  drames  est  la  nuit.  Des 
ombres,  çà  et  là,  qu'éclaire  la  lune  froide.  Voici  Hervor  la  fille 
des  héros,  qui  court,  ses  cheveux  noirs  au  vent,  brandissant 
une  épée,  venger  son  père  Angantyr.  Plus  loin,  le  chevalier 
qui  n'a  pas  voulu  danser  sur  les  mousses  fleuries  de  la  forêt 
et  que  la  reine  des  Elfes  a  touché  au  cœur  de  son  doigt  blanc, 
tombe  mort  en  rencontrant  le  spectre  de  sa  douce  fiancée.  Dans 
la  même  nuit  bleue  argentée  par  la  lune,  un  autre  fiancé  passe, 
à  minuit,  enveloppé  dans  un  étroit  suaire,  pour  aller  frapper 
à  la  porte  de  Christine  qui  veille  en  pensant  à  lui,  et  nous  les 
voyons,  avant  la  fin  de  la  nuit,  repasser  tous  deux  lentement, 
sur  les  mousses  humides,  dans  la  direction  du  vieux  cimetière, 
où  elle  aussi  dormira,  blanche,  à  ses  côtés,  sous  la  lune  pâle. 
Qui  ne  se  souvient  de  Hialmar,  se  dressant  sombre  et  majes- 
tueux, les  deux  mains  sur  le  tronçon  de  son  épée,  parmi  les 
mille  morts  étendus  sur  la  neige,  dans  la  clarté  lunaire  ?  C'est 
par  une  nuit  affreuse  que  la  dépouille  livide  de  Tiphaine  tombe 
du  haut  de  la  tour  dans  les  flots  hurlants  de  la  mer.  Ce  sont 
les  terreurs  d'une  nuit  d'orage  qui  accompagnent  les  dernières 
réflexions  de  Magnus.  Est-il  nécessaire  de  multiplier  les 
exemples  ?  Qu'on  remarque  aussi  que  ce  n'était  pas  pour 
reproduire  exactement  ses  modèles  que  Leconte  de  Lisle 
insistait  sur  le  côté  lugubre  de  ses  histoires.  M.  Vianey,  en 
comparant  les  poèmes  de  Leconte  de  Lisle  à  leurs  sources,  a  pu 
souvent  remarquer  qu'elles  prenaient  dans  l'imagination  du 
poète  une  saveur  plus  barbare.  Hialmar  meurt  moins  triste- 
ment dans  la  cantilène  islandaise;  la  mort  de  Sigurd  est  racon- 
tée dans  l'Edda  avec  des  détails  moins  dramatiques. 

Esprit  unitaire  et  simpliste,  voyant  Thistoire  de  l'humanité 
à  travers  ses  souvenirs  de  jeunesse,  Leconte  de  Lisle  a  donc 
fortement  opposé  à  un  Orient  splendide  un  Occident  ténébreux. 
Il  n'a  pas  opposé  d'une  manière  moins  tranchée  les  habitants 
de  ces  deux  mondes.  On  retrouve  aisément  dans  ce  qu'il  a 
rappelé  de  sa  vie  bourbonienne,  dans  ses  tableaux  de  vie 
indienne  ou  hellénique,  la  persistance  d'une  même  abstrac- 
tion :  l'homme  oriental. 


286  L.    F.    BENEDETTO 


* 
*  * 


Il  l'a  conçu,  le  plus  souvent,  cet  enfant  d'un  milieu  privi- 
légié, comme  un  contemplateur  extatique,  goûtant  le  plus 
grand  des  bonheurs,  celui  d'être  tout  absorbé  par  la  beauté  des 
choses,  de  vivre  non  sa  vie  individuelle,  mais  la  vie  immense 
de  la  nature. 

Le  poète  se  rappelle,  dans  ses  jours  de  tristesse,  qu'il  a  été, 
lui,  cet  heureux.  Et  il  décrit  le  prodige.  Ce  n'est  pas  de  la 
rêverie,  ni  de  la  langueur,  mais  une  ivresse,  un  vertige  qui 
augmentent  démesurément  l'être  individuel  et  lui  révèlent 
l'unité  profonde  du  Tout  et  la  grande  âme  cosmique.  Que  de 
fois  il  a  connu  cette  jouissance  !  C'est  tantôt  dans  la  nuit 
silencieuse,  quand  on  entend  la  mer  chanter  au  loin  sur  le 
sable  et  mêler  son  chant  au  gémissement  des  forêts  ;  c'est  tan- 
tôt loin  des  hommes  dans  un  creux  de  montagne,  où  l'on 
peut  écouter  la  musique  subtile  que  font  les  mille  bruits  flot- 
tant dans  l'air  sans  jamais  en  troubler  le  repos  : 

. . .  .L'âme  s'en  pénètre  ;  elle  se  plonge,  entière, 
Dans  l'heureuse  beauté  de  ce  monde  charmant  ; 
Elle  se  sent  oiseau,  fleur,  eau  vive  et  lumière; 
Elle  revêt  ta  robe,  ô  pureté  première. 
Et  se  repose  en  Dieu  silencieusement. 

Car,  pour  Leconte  de  Lisle,  c'est  dans  les  douces  ivresses  de 
ce  poétique  panthéisme  que  consista  le  bonheur  édénique. 
L'homme  ayant  brisé,  en  perdant  Eden,  la  continuité  de  cette 
fusion  harmonieuse,  la  nature  orientale  peut  seule,  par  ses 
splendeurs  paradisiaques,  rétablir  l'ancienne  harmonie.  On 
peut  oublier  dans  ses  bras  les  tristesses  de  la  nouvelle  exis- 
tence. 

Et  l'âme  qui  contemple  et  soi-même  s'oublie 
Dans  la  splendidc  paix  du  silence  divin, 
Sans  regrets,  sans  désirs,  sachant  que  tout  est  vain, 
En  un  rêve  éternel  s'abîme  ensevelie. 


l'«    HÉLÈNE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE  287 

Ces  heures  extasiées,  dont  il  se'souvient  avec  tant  d'émo- 
tion, cadeaux  spontanés  de  la  terre  heureuse,  où  il  avait  vécu 
en  premier  homme,  le  poète  a  souvent  cherché  à  les  évoquer 
aussi  comme  un  baiser  maternel  sur  ses  souffrances.  Il  en  a 
fait  dans  la  Fontaine  aux  lianes  l'aveu  tragique.  Il  a  demandé 
aux  bois  natals,  un  jour  de  sa  jeunesse,  de  le  réconcilier  avec 
la  vie.  Ce  fut  probablement  pendant  son  dernier  séjour  à 
Bourbon,  à  l'époque  de  sa  vie  qu'on  a  si  bien  appelée  du 
recueillement,  époque  de  solitude,  de  méditation*  intense  et 
farouche,  de  défiance  et  de  désespoir.  La  splendeur  édénique 
de  la  vie  immense  et  paisible  que  réveillent  dans  les  forêts 
tropicales  les  premiers  rayons  du  soleil,  avait  suffi  pour  l'ar- 
racher à  sa  sombre  inquiétude. 

O  fraîcheur  des  forêts,  sérénité  première, 
O  vents  qui  caressiez  les  feuillages  chanteurs, 
Fontaine  aux  flots  heureux,  où  jouait  la  lumière, 
Eden  épanoui  sur  les  vertes  hauteurs  ! 

Salut  !  ô  douce  paix,  et  vous  pures  haleines, 
Et  vous  qui  descendiez  du  ciel  et  des  rameaux 
Repos  du  cœur,  oubli  de  la  joie  et  des  peines. 
Salut  !  ô  sanctuaire  interdit  à  nos  maux  ! 

Il  n'est  donc  pas  nécessaire,  pour  trouver  le  repos,  de  se 
réfugier  dans  la  mort.  Ceux-là  seuls  sont  à  excuser,  qu'op- 
prime un  ciel  mélancolique  et  que  n'a  jamais  bercés  le 
charme  d'un  pays  oriental  '. 

Leconte  de  Lisle  cherchera  toute  sa  vie  sa  plus  complète 
félicité  dans  la  contemplation  extatique  de  l'île  natale,  même 
quand  celle-ci  se  sera  depuis  longtemps  perdue  dans  le  loin- 
tain. Il  remplacera  l'extase  de  la  contemplation  directe  par 
l'extase  du  souvenir.  Car  le  paysage,  devant  lequel  ses  yeux 
se  sont  ouverts,  a  gardé,  en  se  changeant  en  paysage  intérieur, 
la  splendeur  de  ses  couleurs,   la  douceur  de  ses  parfums,  la 


I.  Le  poète  sera  tenté  de  nouveau,  plus  tard,  par  l'idée  du  suicide.  Voir 

a  Mort,  d'un  lion. 


288  L.    F.    BENEDETTO 

netteté  de  ses  rumeurs  et  de  ses  lignes.  Le  souvenir  du  temps 
heureux  n'est  jamais  pour  lui  un  moyen  de  se  ménager  de 
vagues  et  délicieux  frissonnements  ni  de  changer  en  mélanco- 
lie sa  tristesse  ;  il  ne  lui  apporte  jamais,  comme  à  la  Francesca 
de  Dante,  une  augmentation  de  souffrance.  C'est  toujours 
une  douce  chose,  car  c'est  une  véritable  résurrection  du  passé. 
Le  poète  n'a  qu'à  contempler.  Son  âme  vibre,  devant  le  rêve, 
des  mêmes  vibrations  que  devant  le  réel.  Il  voit  et  il  voit 
tout. 

Rien  du  passé  perdu  qui  soudain  ne  renaisse. 

Le  tableau  tant  aimé  réapparaît,  paré  de  clartés  aurorales. 
Toujours,  à  quelques  détails  près,  le  même  dessin  minutieux 
et  précis.  Les  abeilles  bruissent  toujours  près  de  leurs  ruches 
naturelles,  parmi  les  tamarins  et  les  manguiers  aux  fruits  ver- 
meils. On  voit  toujours  les  bambous,  grêles  et  géants,  les 
cannes  et  le  maïs  en  fleur  onduler  lentement  ;  on  entend  l'eau 
vive  filtrer  sous  les  mousses  profondes  et  tinter  dans  les  bas- 
sins bleus,  et  la  mer  saluer  d'un  murmure  amoureux  le  soleil. 
Tout  en  n'oubliant  pas  les  autres  oiseaux  de  son  île  —  le  car- 
dinal à  la  plume  écarlate,  le  colibri,  le  martin  au  bec  jaune,  la 
verte  perruche  — ,  son  imagination  lui  rappelle  de  préférence 
l'oiseau  bleu  de  la  vierge,  les  ramiers  chanteurs,  les  blondes 
tourterelles  ployant  leurs  beaux  cols  sur  l'eau  bleue  des  fon- 
taines. Les  bœufs  de  Tamatava  et  les  roses  sauterelles 
manquent  rarement  au  tableau.  A  l'horizon  le  profil  dentelé 
des  montagnes. 

Il  ne  jouit  pas  que  par  la  vue.  Les  anciens  sons  aussi 
arrivent,  inaltérés,  à  son  oreille;  il  s'enivre  aussi  de  l'arôme 
des  bois,  de  l'odeur  des  sucreries,  des  effluves  s'exhalant  du 
sol  comme  d'un  encensoir. 

Et  tandis  que  le  passé  revit,  tout  le  présent  disparait.  Qui 
pourrait  deviner  que  V Illusion  suprême,  évocation  lumineuse,  a 
été  écrite  sous  l'étreinte  d'une  pauvreté  désolante,  au  fond 
d'une  cour  sombre,  dans  un  bouge  misérable  ? 


L  «    HÉLÈNE    »    DE   LECONTE    DE    LISLE  289 

Après  ce  que  nous  venons  de  noter  il  est  facile  de  prévoir 
quelle  conception  il  a  dû  se  faire  de  l'Inde.  Son  Inde  sera  sur- 
tout brahmanique.  Il  n'a  pas  soupçonné  combien  de  vie  pro- 
fondément humaine  ou  noblement  héroïque  se  cachait  sous  la 
sombre  couleur  brahmanique  dont  est  revêtue  la  majeure  par- 
tie de  la  littérature  sanscrite  :  il  ne  s'est  pas  douté  de  l'œuvre 
habile  des  brahmanes  s'emparant  des  héroïques  traditions  de 
la  race  pour  y  accentuer,  au  détriment  de  la  fierté  et  de  la  joie 
antiques,  la  tristesse  et  la  sévérité  sacerdotales,  changeant  en 
pénitent  du  Ramayana  le  guerrier  du  Rig-Véda.  Il  s'arrêta, 
frappé  de  respect,  devant  les  contemplateurs  pieux  qu'on  ren- 
contre si  souvent  dans  les  anciens  livres  de  l'Inde,  figures 
immondes  et  épiquement  niaises  dont  il  confondit  l'immobi- 
lité séculaire  avec  son  ravissement  enthousiaste. 

Il  pressent  mal  l'essentielle  réalité  de  cette  vie  de  pénitence 
et  de  prière.  Incidemment,  il  peint  un  Richi  en  méditation,  à 
l'ombre  d'un  figuier,  immobile  et  muet,  sa  blanche  mousse- 
line nouée  autour  des  reins,  l'œil  clos,  les  deux  pieds  croisés 
sous  sa  cuisse,  tandis  q:ie 

Sa  temme  à  pas  légers,  vient  poser  sur  sa  natte 
Le  riz,  le  lait  caillé,  la  banane  et  la  datte. 

Son  attention  est  toute  aux  vrais  ascètes,  à  ceux  qui  ne  se 
soucient  guère  de  dattes  ni  de  bananes  et  qui  restent  mille  et 
mille  ans  immobiles,  s'élevant  de  plus  en  plus  en  valeur  et  en 
gloire,  jusqu'à  dépasser  la  puissance  même  des  dieux.  Mais  il 
oubhe  complètement  leur  principal  caractère  :  la  pénitence. 

On  connaît  un  épisode  curieux  du  Maha-Bharata,  celui  du 
pénitent  Tchyavana  qui  devint,  au  bout  de  longues  années 
d'immobilité,  une  vivante  fourmilière.  «  Le  sage  ainsi  caché 
était  de  tous  les  côtés  semblable  à  une  boule  de  terre,  et, 
enterré  dans  cette  fourmilière,  il  souffrait  une  épouvantable 
pénitence.  »  Ainsi  dit  le  vieux  poète,  et  l'on  voit  que  pour 
lui  cette  étonnante  aventure  est  surtout  une  belle  preuve  de 
constance  héroïque.  L'ascète  qui  s'est  proposé  de  rester  immo- 

Mélanges.  II.  19 


290  L.    F.    BENEDETTO 

bile  comme  un  pieu  pendant  quelques  centaines  d'années,  les 
yeux  sur  le  même  point  de  l'horizon,  n'a  pas  le  droit  de 
bouger  pour  chasser  les  insectes. 

Leconte  de  Lisle  qui  s'est  inspiré  de  cet  épisode  dans  sa 
figuration  de  Viçvamitra  et  de  Valmiki,  s'est  servi  de  la 
même  situation  comme  d'un  signe  éclatant  de  la  concentration 
la  plus  complète.  Plus  de  constance  et  d'héroïsme,  plus 
d'épouvantable  pénitence,  mais  cessation  complète  de  toute 
sensibiUté,  oubli  total  du  monde  et  de  la  vie. 

Certes  Valmiki,  sage  anachorète  lui  aussi  d'après  le  Riunayana 
même,  fait  songer  à  son  confrère  Tchj'avana,  lorsque,  debout 
sur  l'Himavat,  tout  plongé  dans  la  profondeur  de  son  rêve, 
il  laisse  les  fourmis  ailées  s'amasser  sur  lui  comme  une  écume 
marine,  entrer  dans  sa  chair,  dans  ses  yeux,  sous  son  crâne 
et  faire  de  son  corps  un  squelette.  Mais  pourquoi  le  poète 
indien,  ce  vieillard  de  cent  ans,  est-il  monté  jusqu'au  faîte 
de  l'Himavat  ?  Pour  contempler  encore  une  fois  avant  de  mou- 
rir 

Les  fleuves,  les  cités  et  les  lacs  et  les  bois. 
Les  monts,  piliers  du  ciel  et  l'océan  sonore, 

pour  communier  encore,  dans  une  vision  extasiée,  avec  l'âme 
glorieuse  de  sa  terre. 

Relisez  Bhagavat.  C'est  la  forme  indienne  et  épique  de  la 
Fontaine  aux  lianes.  Tout  nous  rappelle  le  jeune  homme  errant, 
le  cœur  plein  d'hymnes,  par  un  matin  superbe  sous  les  larges 
ramures  des  bois  natals,  ressaisi  soudain  par  ses  souvenirs  et 
versant  ses  plaintes  au  sein  de  la  nature  consolatrice.  Une 
vie  plus  auguste  palpite  dans  la  forêt  agrandie;  le  Gange 
majestueux  a  remplacé  la  source  solitaire  ;  mais  le  drame  est 
le  même  :  Maitreya,  Narada,  Angira,  les  trois  sages  assis  dans 
les  roseaux  du  fleuve,  ne  sont  tous  ensemble,  que  le  mort 
mystérieux  à  qui  le  poète  demandait  : 

Pourquoi  jusqu'au  touibeau  cette  tristesse  amère  ? 
Ce  cœur  s'est-il  brisé  pour  avoir  trop  aimé  ? 
La  blanche  illusion,  l'espérance  éphémère. 
En  s'envolant  au  ciel,  l'ont-clles  vu  fermé  ? 


L«    HELENE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE  29 1 

C'est  en  effet  la  vision  ineffaçable  de  l'Apsara  rapide,  le 
regret  des  plus  chères  affections  que  la  mort  a  brisées,  l'an- 
goisse de  ne  pouvoir  éclairer  la  nuit  humaine  et  embrasser 
l'infini,  c'est,  en  somme,  la  douleur  de  l'homme,  qui  trouble 
le  repos  des  trois  brahmanes  et  qui  leur  fait  implorer,  dans  la 
nuit  merveilleuse,  l'oubli  absolu,  la  triple  libération  du  désir, 
du  souvenir  et  du  doute,  l'ensevelissement  dans  Bhagavat, 
l'âme  universelle.  Leur  cri  désespéré  ne  reste  pas.  ici  non 
plus,  sans  réponse.  Ganga,  la  belle  déesse,  la  rivière  sainte, 
réussit  à  les  fixer  de  nouveau  dans  l'extase  en  leur  indiquant 
le  chemin  de  Kailaça,  le  mont  sacré  où  ils  contempleront 
Bhagavat. 

Si  nous  passons  des  bords  du  Gange  aux  vallons  de  la  Grèce, 
la  nature,  aussi  belle,  y  a  des  amants  aussi  passionnés.  Il  suffi- 
rait de  noter  que  c'est  par  Khirôn  le  centaure  que  le  poète  a 
symbolisé  l'âme  hellène.  Khirôn  évoque,  il  est  vrai,  comme 
un  lointain  souvenir  de  sa  jeune  saison,  les  ivresses  qu'il  a 
goûtées  lorsqu'il  vivait  sur  le  sein  de  Kibèle  et  étreignait  entre 
ses  bras  l'univers.  Mais  l'irrésistible  séduction  de  la  terre  n'a 
pas  cessé  avec  la  jeunesse  du  centaure.  Voyez  le  berger  Kly- 
tios  qui  vit  aux  pieds  de  l'Etna,  en  face  de  la  mer  silencieuse. 
Il  ne  veut  d'autre  maîtresse  que  Kibèle.  En  vain  Glaucé,  déesse 
marine,  tâche  de  le  fléchir  par  ses  aveux  ardents.  La  seule 
volupté  qu'il  cherche  c'est,  oubliant  et  la  mort  et  la  vie,  de  se 
sentir  enveloppé,  pénétré  par  les  doux  chants  et  le  calme  pur 
de  ses  bois  mystérieux  : 

[QuaudJ  la  terre  s'éveille  et  rit  et  que  les  flots 

Prolongent  dans  les  bois  d'harmonieux  sanglots, 

O  nymphe  de  la  mer,  déesse  au  sein  d'albâtre, 

Des  pleurs  voilent  mes  yeux  et  je  sens  mon  cœur  battre 

Et  des  vents  inconnus  viennent  me  caresser 

Et  je  voudrais  saisir  le  monde  et  l'embrasser. 

Dans  la  calme  immobilité  du  midi,  le  ravissement  du  pas- 
teur sicilien  devient  l'inertie  délicieuse  que  goûtent  les  brah- 
manes: 


292  L.    F.    BENEbETTd 

De  la  rumeur  humaine  et  du  monde  oublieux, 
Il  regarde  la  mer,  les  bois  et  les  collines, 
Laissant  couler  sa  vie  et  les  heures  divines, 
Ht  savourant  en  paix  la  lumière  des  cieux. 

C'étaient  donc,  tout  à  la  fois,  des  souvenirs  de  ses  «  belles 
années  »  et  des  visions  de  l'Inde  et  de  la  Grèce  antiques,  que 
Leconte  de  Lisle  évoquait,  en  évoquant  cet  Orient  imaginaire 
de  l'extase. 

Altéré  d'oubli,  désireux  d'échapper  au  mal  de  vivre_,  il  finit 
par  regretter  surtout,  dans  cette  communion  antique  avec  la 
nature,  l'heureuse  inconscience.  Les  douces  illusions  s'éva- 
nouissant  toutes  après  les  amèrês  expériences^  son  esprit  se 
remplissant  de  plus  en  plus  de  la  doctrine  indienne  du  néant, 
le  jour  vint  où  il  ne  crut  plus  la  nature  compatissante,  où  il 
ne  l'entendit  plus  lui  parler  dans  ses  joies  ou  ses  tristesses.  En 
racontant  sa  tragédie  juvénile  de  la  Fontaine  aux  lianes  il  laisse 
tomber  un  sourire  triste  sur  sa  crédulité  d'autrefois.  Mais 
qu'importait  cela  ?  La  nature  se  riait-elle  de  ses  souffrances, 
était-elle  vide  et  insensible,  elle  pouvait  toujours  le  plonger 
dans  le  néant  divin. 

Il  était  donc  naturel  que  sa  conception  finît  par  trouver 
dans  l'ascète  indien  et,  en  général,  dans  l'Inde,  telle  qu'il  la 
concevait,  sa  formule  la  plus  expressive,  et  que  le  vrai  bonheur, 
ce  qu'il  appelait /^  bonheur  impassible,  finît  par  s'identifier  pour 
lui  avec  l'absorption  ascétique.  Il  s'écriait  dans  la  Ravine  de 
Saint-Gilles  : 


Heureux  qui  porte  en  soi,  d'indifterence  empli, 
Un  impassible  cœur,  sourd  aux  rumeurs  humaines, 
Un  gouffre  inviolé  de  silence  et  d'oubli! 

La  vie  a  beau  frémir  autour  de  ce  cœur  morne 
Muet  comme  un  ascète  absorbé  par  son  dieu  ; 
Tout  roule  sans  écho  dans  son  ombre  sans  borne. 


Et  dans  Ultra  caelos,  lui  le  poète  à  qui  on  a  reproché  d'avoir 


L  «    HELENE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE  293 

immolé  en  lui  l'émotion  personnelle,  vaincu  la  passion, 
anéanti  la  sensation,  étouffé  le  sentiment  ',  il  laissait  s'échap- 
per l'invocation  fameuse,  si  vibrante  de  lyrisme  : 

O  nuits  du  ciel  natal,  parfums  des  vertes  cimes, 
Noirs  feuillages  emplis  d'un  vague  et  long  soupir, 
Et  vous,  mondes  brûlant  dans  vos  steppes  sublimes, 
Et  vous,  flots  qui  chantiez,  près  de  vous  assoupir  ! 

Ravissement  des  sens,  vertiges  magnétiques 

Où  l'on  roule  sans  peur,  sans  pensée  et  sans  voix  ! 

Inertes  voluptés  des  ascètes  antiques 

Assis  les  yeux  ouverts,  cent  ans,  au  fond  des  bois  ! 

Nature  !  Immensité  si  tranquille  et  si  belle, 
Majestueux  abîme  où  dort  l'oubli  sacré 
Que  ne  me  piongeais-tu  dans  ta  paix  immortelle  ? 
Quand  je  n'avais  encore  ni  souffert  ni  pleuré  ? 

Nous  n'en  sommes  plus  à  découvrir  que  l'auteur  des  vers, 
que  nous  venons  de  citer,  a  aimé  la  vie,  d'un  amour  ardent, 
exalté.  Portant  en  lui  le  souvenir  ineffaçable  d'une  humanité 
jeune  et  belle,  il  a  aimé  la  vie  tant  qu'il  a  cru  que  cette  huma- 
nité renaîtrait,  et  il  n'a  désiré  la  mort  que  lorsqu'il  s'est 
aperçu  qu'elle  avait  disparu  pour  toujours.  Son  Orient  chimé- 
rique est,  pour  le  regard  qui  l'embrasse  tout  entier,  un  spec- 
tacle glorieux  d'immensité  et  d'énergie.  Non  seulement  des 
ascètes  inertes,  mais  une  foule  d'êtres  beaux,  jeunes  et  vail- 
lants. Songez  au  déroulement  splendide  de  l'histoire  grecque. 
La  forêt  aux  sentiers  fleuris,  à  la  voûte  immobile,   où  rêvent 

I.  On  l'appelle  aussi  d'habitude  le  poète  dts  Montreurs.  On  a,  à  notre 
sens,  un  peu  faussé  la  signification  de  cette  pièce.  Ce  sonnet,  que  l'auteur  a 
placé  au  milieu  de  ses  poèmes  les  plus  personnels,  n'est  pas  un  manifeste 
de  l'impersonnalité  dans  l'art  tel  qu'on  le  conçoit  généralement.  C'est,  au 
fond,  une  reprise  de  la  Source.  Ce  n'est  pas  que  le  poète  ne  veuille  pas  cher- 
cher dans  l'art  le  confident  de  ses  souffrances  intimes.  Il  ne  veut  pas  prendre 
pour  confident  le  public.  Isolé  de  la  foule,  il  demandera  à  l'art  seul  de  ber- 
cer et  d'apaiser  sa  douleur.  Les  larmes  de  Tours  nous  montrent  aussi  sa  foi 
en  la  vertu  consolatrice  de  l'art  :  le  roi  des  Runes,  le  Skalde  immortel  réus- 
sit par  sa  harpe  sonore  à  charmer  et  à  faire  pleurer  l'ours  triste  et  sinistre. 


294  L.    V.    BENEDETTO 

éternellement  les  ascètes,  ne  couvre  pas  non  plus  tout  le  beau 
soi  de  l'Inde.  Valmiki,  du  sommet  de  l'Himavat,  embrasse  de 
son  regard  un  spectacle  plus  étendu  et  plus  varié.  Il  voit  jail- 
lir du  sol  de  la  patrie  et  s'élancer  vers  le  ciel  une  troupe 
radieuse  :  tous  ceux  qu'il  a  chantés  dans  son  Ramayana  ;  avec 
le  peuple  pâle  des  anachorètes,  les  guerriers,  les  vierges,  les 
dieux.  La  vision  s'élargit  aussi,  si  vous  traversez,  avec  le  poète^ 
sur  le  char  de  guerre  de  Laksmana,  les  cités,  les  vallons,  les 
montagnes  et  les  plaines  de  l'Inde  primitive.  Outre  les  ascètes 
qui  rêvent,  les  3'eux  fermés,  vous  rencontrez  des  laboureurs 
courbés  sur  leur  sillon,  des  jeunes  filles  nageant  dans  l'eau 
des  fleuves,  des  chasseurs  poursuivant  leur  proie  :  il  vous  est 
donné  d'admirer,  dans  une  pose  achilléenne,  le  grand  Daça- 
rathide  terrassant  un  Raxsas,  et  d'entendre,  dans  la  ville  de 
Mytila  aux  cent  pagodes  crénelées,  les  clameurs  du  peuple 
saluant  le  retour  du  guerrier  tueur  de  démons.  Dans  les  bois 
sacrés  même,  autour  des  solitaires  immobiles,  vous  pouvez 
écouter  le  tourbillonnement  et  l'enivrement  de  la  jeunesse  et 
de  l'amour. 

Partout,  dans  la  vie  des  hommes,  le  même  éclat  de  forces 
généreuses  et  fécondes,  le  même  bouillonnement  de  sève  que 
dans  la  nature. 

Le  poète  s'est  même  plu  à  marquer  poétiquement  le  con- 
traste entre  l'anéantissement  ascétique  et  l'essor  franc  et 
magnifique  de  la  vie.  Il  a  montré,  par  un  beau  symbole,  qu'il 
ne  sert  à  rien  d'être  convaincu  du  néant,  que  la  longue  expia- 
tion est  inutile  :  sur  le  seuil  même  de  l'au-delà  on  n'échappe 
pas  encore  au  charme  de  la  Maya,  on  sent  encore  la  beauté 
de  ce  monde  illusoire.  L'histoire  de  Çanta  et  de  Çunacepa 
n'est  plus,  dans  les  Poèmes  antiques,  ce  qu'elle  est  dans  le 
Ramayana  :  une  glorification  de  l'ascétisme.  En  effet,  dans  le 
Ramayana,  en  racontant  l'histoire  singulière  de  Çunacepa,  que 
son  père  a  vendu  à  un  roi  pour  être  sacrifié  et  .jue  réussit  à 
sauver  un  vieux  pénitent,  l'auteur  n'a  eu  d'autre  but  que  de 
faire  admirer  la  toute-puissance  du  saint  vieillard,  de  montrer 


I.  «    IIlil.HNE    »    DK    LF.CONTE    DE    LISLK  295 

que  lui  seul  savait  les  prières  capables  d'arracher  la  victime  au 
couteau  du  sacrifice  et  de  rompre  ses  chaînes  à  l'instant  même 
de  la  mort.  L'épisode  du  Rauiayana  est  devenu  un  hymne  à 
l'amour.  Habitué  aux  généralisations  et  aux  symboles,  Leconte 
de  Lisle  a  dégagé  du  récit  la  donnée  la  plus  générale  —  un 
ascète  décrépit  s'attendriss.int  sur  un  jeune  homme  qui  ne  veut 
pas  mourir  —  et,  aya:it  fait  de  celui-ci  un  amoureux,  il  a  pu 
opposer  à  Viçvamitra,  le  plus  pétrifié  des  ascètes,  Çanta  et 
Çunacepa,  le  couple  le  plus  ravissant  de  fraîcheur  originale. 
Devant  l'ascète  qui  peut  les  sauver,  Çanta  et  Çunacepa  n'ont 
qu'une  arme  pour  combattre  ses  raisons,  qu'un  charme  pour 
attendrir  son  cœur  :  leur  amour.  lia  beau  dire  : 

Va  !  le  monde  est  un  songe  et  l'homme  n'a  qu'un  jour, 
Et  le  néant  divin  ne  connaît  pas  l'amour  ! 

en  écoutant  la  voix,  les  sanglots  de  Çanta,  il  sent,  peu  à  peu, 
sa  rigueur  fléchir  ;  l'épaisseur  des  forêts  murmure  comme  aux 
jours  de  sa  jeunesse,  son  sang  brûle,  son  corps  frémit.  Viçva- 
mitra sauvant  Çunacepa  c'est  la  sagesse  brahmanique  qui  se 
renie  et  reconnaît  la  légitimité  des  passions  juvéniles. 

Gardons-notis  de  donner  à  cette  opposition  une  portée  plus 
considérable  qu'elle  n'a  eue  dans  la  pensée  de  l'auteur.  Si  nous 
ne  considérons  dans  l'ascète  que  l'aspect  qui  a  excité  le  pre- 
mier son  intérêt  et  sa  sympathie,  c'est-à-dire  la  fiiculté  de  saisir 
cà  travers  les  apparences  l'âme  intime  des  choses,  le  prétendu 
contraste  entre  le  bonheur  iiiipàssiblc  et  celui  que  donne  la  vie 
éclatante  et  multiple,  devient  tout  à  fait  illusoire.  C'est  juste- 
ment cette  antique  faculté,  maintenant  perdue  pour  les  masses, 
qui  explique  le  vrai  caractère  et  la  vraie  grandeur  de  cette 
vie. 

Qu'était-ce,  en  efiet,  que  cette  àme  cosmique  qui  se  révé- 
lait au  contemplateur  dans  le  ravissement  mystique  dont  nous 
avons  parlé  jusqu'ici  ? 

C'était  la  Beauté. 

La  Beauté  est  l'être  principe  même  ;  elle  est  la  forme  harmo- 
nieuse qui  gouverne  les  mondes. 


2^6  L.    F.    BENEDETTO 

Elle  seule  survit,  immuable,  éternelle, 

La  mort  peut  disperser  les  univers  tremblants, 

Mais  la  beauté  flamboie  et  tout  renaît  en  elle 

Et  les  mondes  encor  roulent  sous  ses  pieds  blancs. 

Le  contemplateur  était  l'inspiré.  Il  percevait  l'Idéal,  Il  voyait 
Viçnou  siéger  sur  le  lotus  d'azur  '.  Il  pouvait,  en  sculptant 
Vénus,  faire  passer  dans  le  marbre  la  pureté  harmonieuse,  la 
sérénité  inaltérable,  la  force  irrésistible  de  la  grande  mère,  la 
Nature,  et  créer,  au  lieu  d'une  Vénus  quelconque,  la  Beauté 
même.  Toute  forme  d'activité,  rêve,  désir,  pensée,  art  et 
action,  était  chez  lui  une  réfraction  de  la  lumière  divine  dont 
la  nature  l'inondait. 

Tout  à  la  fin  des  Poèmes  antiques,  rongé  de  regret  pour  la 
route  infructueuse  qu'a  parcourue  l'humanité  loin  d'Éden,  le 
poète  s'écrie  : 

Oui,  le  mal  éternel  est  dans  sa  plénitude, 
L'air  du  siècle  est  mauvais  aux  esprits  ulcérés. 
Salut,  oubli  du  monde  et  delà  multitude  ! 
Reprends-nous,  ô  Nature,  entre  tes  bras  sacrés  ! 

Ce  n'est  pas  là  l'expression  d'un  désenchantement  sans 
remède.  C'est  le  souhait  que  l'homme  renoue  encore,  à  l'aide 
de  la  nature,  ses  traditions  idéales,  qu'il  retrouve  le  chemin  de 
Paros,  et  fasse  revivre  encore  l'âge  glorieux  où  l'on  entrait 
dans  l'action  baigné  de  lumière  et  plein  d'infini  et  la  vie  était 
toute  une  éclosion  de  beauté. 


I.  Leconte  de  Lisle  reconnaît  à  Viçnou  les  mêmes  qualités  qu'à  la  Beauté 
pure  : 

Oh  !  qu'il  était  aimable  à  voir  l'Etre  parfait, 
Le  Dieu  jeune,  embelli  d'inexprimables  charmes  ! 


Comme  deux  océans,  troubles  pour  les  profanes, 
Mais,  pour  les  cœurs  pieux,  miroirs  de  pureté, 
Abîmes  de  repos  et  de  sérénité. 
Que  ses  yeux  étaient  doux,  qu'ils  étaient  diaphanes! 


L  «    HELENE    »    DR    I.ECONTE    DE    LISLE  l^J 


* 
*  * 


Le  poète  a  dit  lui-même  l'impatience  fiévreuse  de  l'âme  se 
sentant  riche  et  belle,  tendant  à  révéler  ses  forces  et  à  réaliser 
ses  jeunes  rêves.  «  La  contemplation  constante  de  la  beauté 
visible  et  invisible  dans  la  nature  —  cette  seconde  ouïe  de 
l'âme  qui  prête  des  chants  mélodieux  ou  sublimes  aux 
diverses  formes  organiques,  cette  étincelle  qui  vivifie  le  bois 
et  l'argile  —  développe  dans  l'âme  d'immenses  désirs  irréali- 
sables, des  aspirations  généreuses,  mais  vaines,  vers  un  but  à 
peine  entrevu,  un  vague  besoin  d'irrésistible  tendresse...  » 

L'amour  unifie  le  premier  les  élans  confus.  Le  but  flottant 
se  précise.  Tandis  qu'il  repose,  songeur,  sous  les  grands  pins 
de  l'Ida,  Paris  voit  se  composer  devant  lui,  dans  la  vapeur 
douce  du  matin,  la  Forme  divine  qui  accomplira  ses  vœux. 
Le  berger  de  l'Hybla  reconnaît  dans  la  Sicilienne  au  doux  rire, 
aux  longs  yeux,  qui  s'en  vient  par  les  blés  dans  le  rose  brouil- 
lard, l'incarnation  de  ses  désirs.  La  femme  est  le  premier 
idéal. 

Première  manifestation  d'un  sentiment  inné  de  la  nature, 
première  expansion  d'une  vitalité  somptueuse,  l'amour  orien- 
tal éclôt  spontanément,  joyeusement,  sous  le  baiser  du  soleil  : 

qui  sait,  ô  lumière,  ô  beauté, 

Si  vous  ne  tombez  pas  du  même  astre  enchanté 
Par  qui  tout  s'aime  et  s'illumine  ? 

Il  est  à  la  fois  débordant  et  chaste.  Chaste,  parce  que 
spontanément  éclos,  parce  que  libre,  impétueux  :  une  force 
naturelle.  Il  a  la  beauté  vierge  du  milieu  où  il  fleurit.  Ne 
confondons  pas  sa  chasteté  avec  l'accord  réfléchi  de  l'instinct 
individuel  et  de  la  civilisation  ambiante.  C'est  la  naïveté 
des  premiers  hommes  avant  la  faute. 

Telle  avait  été  l'amour  chez  l'homme  primitif: 


298  L.    F.    BENEDETTO 

L'éclair  qui  fait  aimer  et  qui  nous  illumine 
Le  brûlait  sans  faiblir  un  siècle  comme  un  jour  ; 
Et  la  foi  confiante  et  la  candeur  divine 
Veillaient  au  sanctuaire  où  ravonnait  l'amour. 

Telle  avait  été  aussi  la  première  passion  du  poète.  Rien 
d'aussi  doux  et  d'aussi  frais  que  la  jeune  beauté  qu'il  avait 
vue,  un  jour  de  sa  jeunesse,  descendre,  dans  son  beau 
manchy,  de  la  colline  natale,  vision  éphémère  de  jeunesse 
et  de  grâce,  dans  la  gloire  d'un  matin  tropical.  La  grâce  riante 
dont  le  Léopardi  français  a  entouré  l'Eve  antique  est  sans 
doute  aussi  un  souvenir  de  sa  Nérina  à  lui:  de  celle  qui 
n'avait  parfumé  qu'un  jour  l'ombre  calme  de  ses  bois  et  qui 
dormait  là-bas,  dans  le  sable  des  grèves,  sous  les  chiendents, 
au  bruit  des  flots. 

L'ardeur  la  plus  passionnée  dans  l'âme  la  plus  pure,  voilà 
l'amour  dont  il  a  illuminé  son  Orient. 

Cette  conception  n'avait  rien  de  paradoxal  à  ses  yeux.  Ado- 
lescent, quand  le  premier  rêve  faisait  vibrer  son  cœur  et  son 
âme  vierge,  il  avait  connu,  avec  les  désirs  vagues  et  les  timi- 
dités délicieuses,  les  transports  les  plus  brûlants.  Il  a  dit  dans 
une  confidence  précieuse:  «  La  solitude  d'une  jeunesse  privée 
de  sympathies  intellectuelles,  l'immensité  et  la  plainte  inces- 
sante de  la  mer,  le  calme  splendide  de  mes  nuits,  les  rêves 
d'un  cœur  gonflé  de  tendresses,  forcément  silencieuses,  ont 
fiiit  croire  longtemps  que  j'étais  indiff"érent,  même  aux  émo- 
tions que  tous  ont  plus  ou  moins  ressenties,  quand,  au  con- 
traire, j'étouffais  du  besoin  de  me  répandre  en  larmes  passion- 
nées. » 

Il  a  épanché  dans  ses  figures  orientales  sa  sensibilité  débor- 
dante. Çanta  et  Çunacepa,  couple  ardent  et  pur,  se  dressant 
dans  un  décor  enchanté,  qui  rappelle  à  tout  instant  l'île  du 
poète,  ne  résument  pas  seulement  l'Inde  amoureuse.  Vous 
pouvez  retrouver,  chez  beaucoup  de  ses  pasteurs  grecs,  le  même 
éclat  doux  et  viril  de  la  passion  que  chez  Çunacepa;  ses 
vierges  helléniques  ont  la  tendresse  voluptueuse    de    Çanta. 


L  «    HKLHNI-     »    DE    I.HC.OXTH    DH    I.ISLK  299 

Il  faut  voir  dans  Hylas  le  regret  de  l'ancien  amour  dévo- 
rant et  indomptable,  strophe  du  chant  immense  de  la  nature. 
Hylas  n'a  pas  plus  tôt  vu  Monis  et  Nichéa,  dont  les  douces 
voix  l'ont  attiré  au  fond  de  la  fontaine,  qu'il  a  oublié  toute 
chose  : 

Adieu  le  toit  natal  et  la  verte  prairie, 
Où,  paissant  les  grands  bœufs,  jeune  et  déjà  pasteur, 
Pieux,  il  suspendait  la  couronne  fleurie 
A  l'autel  des  dieux  protecteurs  ! 

Adieu  la  mère  en  pleurs  dont  l'œil  le  suit  sur  l'onde, 
Et  de  qui  le  Destin  à  son  sort  est  lié, 
Et  le  grand  Héraklès  et  Kolchos  et  le  monde  ! 
Il  aime  et  tout  est  oublié  '. 

L'amant  de  Klytie  n'est  pas  moins  puissamment  dominé 
par  la  passion  qui  le  conduit  au  tombeau  : 

J'oublie  eu  la  voyant  la  Patrie  et  les  Dieux  ! 

Faut-il  rappeler  Glaucé  lascive  et  provoquante  et  l'exquise 
Thestylis  dont  la  pudeur  farouche  se  détend  et  s'efface  à  la 
tombée  de  la  nuit,  lorsque,  tout  étant  calme  autour  d'elle, 
assise  sur  le  bord  de  la  fontaine,  sur  la  pente  du  mont,  l'im- 
mense horizon  devant  les  yeux,  elle  laisse  échapper  la  plainte 
harmonieuse  de  son  cœur  blessé  et  appelle  le  jeune  immortel, 
l'amant  inconnu  ?  Faut-il  rappeler  la  franche  sensualité  des 
adorateurs  de  Thioné  et  de  Péristéris  ? 

Je  n'ai  jamais  bien  compris  le  jugement  qu'on  a  porté  géné- 
ralement sur  l'Hellas  de  Leconte  de  Lisle.  D'après  M,  Ricard, 
Leconte  de  Lisle,  «  barbare  ébloui,  chaste  et  chagrin  »,  «  âme 
orgueilleuse  et  triste  »,  n'a  pas  compris  cette  joyeuse  antiquité, 
«  à  travers  laquelle    il  se  promenait  un  peu  comme  un  visi- 

I.  Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  adhérer  à  la  conjecture  de  M.  Vianey 
ouvr.  cit.,  p.  328  :  «  A  travers  cette  histoire  on  en  peut  lire,  si  l'on  veut, 
une  autre  :  celle  de  l'attrait  irrésistible  des  eaux  et  des  bois,  celle  de 
l'homme  s'absorbant,  s'ensevelissant  dans  la  nature,  jusqu'à  oublier  tout  le 
reste.  « 


300  L.    r,    BENEDETTO 

teur  dans  un  musée  «  ;  il  aurait  connu  la  Grèce  «  en  puri- 
tain '  ».  On  lit  dans  le  remarquable  ouvrage  de  M.  Leblond  : 
«  La  vertu  essentielle  de  l'Hellas  que  créa  Leconte  de  Lisle, 
c'est  la  chasteté^.  »  Suivant  Jean  Dornis,  Leconte  de  Lisle, 
«  qui  sentait  les  beautés,  les  profusions,  les  troubles  de  la 
nature  tropicale  comme  un  prolongement  de  sa  sensibilité 
personnelle,  aima  et  honora  surtout  dans  la  Grèce,  la  divinité 
supérieure  qui  l'arrachait  aux  songes  du  Nirvana,  à  ce  qui  ris- 
quait de  demeurer  pure  volupté  dans  sa  compréhension  de  la 
création  »  ;  il  aurait  aimé  l'Lide  par  un  élan  de  passion  ins- 
tinctive et  irréfléchie,  tandis  que  son  culte  de  la  Grèce  aurait 
été  plutôt  chez  lui  un  acte  de  qualité  intellectuelle  K 

L'hellénisme  de  Leconte  de  Lisle  est,  à  notre  sens,  un  phé- 
nomène plus  complexe,  où  il  faut  distinguer  plusieurs  phases. 
Nous  allons  bientôt  voir  qu'en  possession  d'une  culture  assez 
étendue  et  comme  guidé  par  les  qualités  de  sa  propre  nature 
et  par  les  événements  de  sa  vie,  notre  poète  n'en  est  pas 
demeuré  au  paganisme  superficiel  dont  s'accommodent  volon- 
tiers, dans  leur  vision  de  la  Grèce,  tant  d'esprits  frivoles  et 
ignorants;  qu'il  n'a  pas  fait  païen  synonyme  d'épicurien,  ni 
beauté  synonyme  de  volupté.  Commençons,  maintenant,  par 
reconnaître  qu'il  n'a  pas  méconnu,  dans  sa  conception  de 
l'âme  grecque,  l'ardeur,  la  volupté,  la  passion  ;  qu'il  a  cons- 
taté chez  les  jeunes  enfants  de  son  Hellas,  sous  un  ciel  aussi 
étincelant,  sur  une  terre  aussi  chaude  et  enivrante,  la  même 
force  et  la  même  joie  de  vivre  que  dans  le  cœur  de  Çanta  et 
de  Çunacepa  aux  bords  du  Gange. 

Il  y  a  plus.  11  ne  s'est  pas  contenté  d'embrasser  la  Grèce 
dans  une  vision  générale  d'Orient  erotique.  Il  a  fait  sienne 
aussi  l'idée  courante  de  joyeuse   antiquité  qu'a  vulgarisée  le 

1.  Cité  par  Jean  Dornis,  Essai  sur  Leconte  de  Lisle.  Paris,  1909,  p.  97- 
98. 

2.  Marius-Ary  Leblond,  Leconte  de  Lisle  d'après  des  documents  nouveanxi 
Paris,  1906,  p.  288. 

3.  Jean  Dornis,  ouvr.  cit.,  p.  97. 


l'«    HÉLÈNE    »    DE    LHCONTE    DE    LISLE  301 

bon  Horace.  Compare/  ses  Eludes  lalincs  qui  sont  presque 
toutes  des  traductions  de  poèmes  horatiens,  à  leurs  sources. 
Vous  constaterez  facilement  un  procédé  curieux,  une  sorte 
de  féminisation.  Tous  les  titres  masculins  disparaissent  et 
le  traducteur  remplace  les  Quinctius  Hirpinus  et  les  Tele- 
phus  par  des  Lydie  et  des  Glycère.  Chaque  poème  se  réduit  à 
un  portrait  de  femme  et  à  l'éternelle  leçon  d'Horace  que 
Saturne  emporte  nos  jours  et  qu'il  faut  jouir  et  boire  quand  il 
en  est  encore  temps.  Allusions  politiques,  détails  curieux  ins- 
pirés du  milieu  romain,  tout  est  supprimé.  En  lisant  Lycimnie 
on  ne  se  doute  plus  guère  qu'il  ne  s'agit  pas  d'une  maîtresse 
du  poète,  mais  de  la  maîtresse  de  son  protecteur.  On  recon- 
naît, par  contre,  aux  changements  qu'il  apporte,  que  le  poète 
s'arrête  avec  plaisir  devant  les  tableaux  d'amour  : 

Les  entretiens  sont  doux  sous  le  portique  ami. 
Dans  les  bois  où  Phoebé  glisse  ses  lueurs  pures, 
Il  est  doux  d'effleurer  les  flottantes  ceintures 
Et  de  baiser  des  mains  rebelles  à  demi. 

Le  final  fameux  de  l'ode  à  Taliarque  est  ici  paraphrasé,  non 
traduit.  Portique,  bois,  lune,  robes  flottantes  (la  robe  d'une 
vierge  antique,  si  elle  en  a  une,  doit  être  naturellement  tou- 
jours flottante),  tout  cela  est  sorti  de  l'imagination  du  traduc- 
teur. Or  il  est  important  de  constater  qu'il  y  a  des  Etudes 
latines  à  côté  des  Odes  anacréoiitiques,  des  Médailles  antiques  et 
des  imitations  de  Théocrite,  qu'un  auteur  latin  a  été  enclavé 
dans  un  monde  tout  à  fait  hellénique.  Leconte  de  Lisle  a,  évi- 
demment, relevé  ce  qui,  à  son  sens,  était  hellénique  dans  les 
poèmes  d'Horace.  Et  à  travers  sa  manière  le  gréciser  on 
aperçoit  son  idée  de  la  Grèce  :  riante,  jeune,  enjouée,  spiri- 
tuelle, désireuse  de  vivre  et  de  jouir  \ 

1.  E.  Stemplinger.  Die  «  Eludes  latines  »  von  Lccontc  de  Liste,  dans  le 
P lu loîog us,  LXXI,  1912,  pp.  500-306  prête,  peut-être,  à  notre  poète  trop  de 
savantes  intentions:  «  Leconte's  Versuch das  Rômische  aus  den  Oden  auszu- 
scheiden  und  das  spezifisch  Griechische  hervorzuheben,  ist  immerhin 
eine  intéressante  Kunstùbune.  Aber  mit  dcni  blossen  Gcfùhle  mit  dem  der 


302  I..    F.    BENEDETTO 

11  est  d'ailleurs  tel  de  ses  Poèmes  antiques  qui  ne  devrait  plus 
laisser  subsister  aucun  doute.  Je  fais  allusion  à  son  Chant 
alterné,  développement  précieux  d'un  motif  qui  fut  familier 
pendant  quelque  temps  à  son  imagination.  Le  poète  a  eu  soin, 
en  opposant  l'une  à  l'autre  l'âme  païenne  et  l'âme  chrétienne, 
d'}'  synthétiser  lui-même,  vigoureusement,  sa  conception  de 
l'antiquité.  Or,  que  Eiit-il  dire  à  la  créature  divine  qui  symbo- 
lise le  monde  antique  ? 

Sur  mou  front  plein  d'ivresse  éclate  uu  divin  rire. . 
Un  trouble  rayonnant  s'épanche  de  mes  yeux. 
Ton  miel,  ô  volupté,  sur  mes  lèvres  respire, 
Et  ta  flamme  a  doré  mon  corps  harmonieux. 

Son  sein  jaillit  libre  et  blanc  hors  de  la  tunique  ;  son  cœur 
palpite  de  désirs  amoureux  ;  elle  danse,  les  pieds  nus,  sur  les 
monts  Phrygiens,  en  chantant  Evohé;  partout  où  elle  passe, 
la  beauté,  fleur  féconde,  s'épanouit  sous  ses  pieds. 

C'est  encore  la  Volupté  qu'elle  invoque  dans  son  dernier 
chant  : 

O  coupe  aux  flots  de  miel  où  s'abreuvait  la  Terre, 
Volupté  !  Monde  heureux  plein  de  chants  immortels  ! 
Ta  fille  bien-aimée,  errante  et  solitaire 
Voit  l'herbe  de  l'oubli  croître  sur  tes  autels. 

On  voit  que,  tout  en  sentant  plus  profondément  et  plus 
complètement  le  charme  des  amours  nobles  et  harmonieux  où 
la  force  s'allie  à  la  chasteté,  Leconte  de  Lisle  est  séduit,  en 
général,  par  tous  spectacles  d'énergie  et  d'enthousiasme.  C'est 
la  sève  inépuisable  de  la  nature  primitive  qu'il  aime  contem- 
pler dans  son  activité  prodigieuse.  L'amour  en  est  la  première 
manifestation  et  la  plus  insigne,  mais  il  n'en  est  pas  la  seule. 
Une  fouled'autres  rêves,  grâce  à  elle,  se  définissent  et  se  concré- 

Dichter  die  Entscheidung  trifft,  wird  nicht  viel  crreicht.  Aber  vielleicht 
konnte  der  Lecontesche  Versuch  zu  einer  zusammentassenden  Untersuchung 
reizen,  wie  Horaz  die  Grieclien  nachgeahnit  bat.  » 


L  «    HELENE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE 


)":> 


tii>ent.  Le  poète  s'arrête  ébloui  devant  les  mille  figures  idéales 
qui  écloscnt,  floraison  merveilleuse,  dans  le  monde  primitif. 

Il  vénère  dans  l'honmie  antique  le  créateur  des  dieux.  On 
sait  quel  culte  fidèle  et  enthousiaste  il  voua  aux  divinités  des 
anciens.  Nous  le  voyons  souvent  concentrer  sur  elles  toute  son 
adoration  du  passé  et  résumer  l'antiquité  tout  entière  par  les 
figures  de  son  Olympe.  En  fait,  l'antiquité  mourut  avec  ses 
dieux.  L'homme,  quand  ils  eurent  disparu,  ne  sentit  plus  battre 
dans  son  cœur  le  cœur  du  monde  et  perdit  le  secret  des  formes 
parfaites  et  des  symboles  impérissables.  Le  poète  se  reporte  par 
l'imagination  au  moment  où  les  dieux  d'Hellas,  trappes  et 
maudits  par  le  «  vil  Galiléen  »  s'endormaient  dans  leur  tombe 
et  une  pitié  profonde  l'envahit  pour  les  vaincus,  pour  les 
morts,  pour  les  temples  abandonnés  tombant  en  ruine.  Il  a 
placé  au  seuil  de  ses  Poèmes  grecs  et,  dans  la  première  édition, 
au  seuil  de  tous  ses  Poèmes  antiques,  la  figure  d'Hypatie,  la 
vierge  héroïque  qui  défendit  contre  les  destructeurs  les  dieux 
foudroyés.  Le  poète  ne  l'a  pas  mise  à  cette  place  pour  faire  une 
déclaration  de  principes  et  symboliser  en  elle  l'alliance 
de  la  religion  et  de  la  science  —  ainsi  que  Brunetière  l'a 
interprétée  —  mais  parce  qu'il  allait  évoquer  lui  aussi,  prêtre 
harmonieux,  au  milieu  des  blanches  ruines,  les  divinités  d'au- 
trefois. C'est  en  ce  sens  que,  sculptant  la  noble  figure  d'Hypa- 
tie, il  sculptait  sa  propre  figure. 

Il  vénère  dans  l'homme  antique  le  créateur  des  héros,  des 
types  moraux  les  plus  partaits  et  les  plus  vivants.  N'oublions 
pas  que  son  Orient  primitif  est  épique  et  que  c'est  sous  cet 
aspect  qu'il  hanta  le  plus  puissamment  son  imagination  et  qu'il 
contribua  le  plus  à  lui  rendre  le  présent  insupportable.  On 
devine  facilement  ce  que  c'est  pour  Leconte  de  Lisle  qu'un  âge 
épique.  C'est  un  âge  où  tout  le  peuple  est  poète.  Certes,  il 
admire  Valmiki,  le  poète  immortel 

Dont  l'âme  harmonieuse  emplit  l'onibic  où  nous  sommes 
Et  ne  tarira  plus  sur  la  lèvre  des  hommes. 

Certes,  il  admire  Homère  et  ses  deux  grands  continuateurs 


304  L.    V.    BENÈt>ETTO 

Eschyle  et  Sophocle,  qui  «  représentent  la  Poésie  dans  sa  vita- 
lité, dans  sa  plénitude  et  dans  son  unité  harmonique  »  ;  mais 
les  grands  poètes  ne  font  que  recueillir  ce  que  le  peuple  a  pro- 
duit, et  la  foule,  en  les  écoutant  évoquer  les  héroïques  souve- 
nirs et  raconter  les  grandes  visions,  écoute  toujours  parler  son 
cœur  et  sa  conscience.  De  là  la  fusion,  la  correspondance 
intime,  l'intelligence  réciproque  du  poète  proprement  dit  et  de 
la  foule,  cest-à-dire  l'existence  d'une  poésie  vraiment  natio- 
nale ;  delà  aussi  la  généralité  puissante  et  l'intarissable  vitalité 
de  ses  figures.  Dans  son  amour  pour  la  poésie  épique,  Leconte 
de  Lisle  n'a  pas  mis  moins  d'outrance  que  dans  ses  autres 
amours.  La  décadence  de  l'épopée  signifie  pour  lui  la  déca- 
dence générale  de  la  poésie.  Il  croira  avoir  prouvé  que  les 
modernes  sont  inférieurs  aux  anciens,  au  point  de  vue  litté- 
raire, lorsqu'il  aura  dit,  ô  ingénuité  épique  !  que  la  Divine 
comédie,  le  Paradis  perdu  et  le  Faust  ne  sont  point  des  épo- 
pées ' . 

Nous  venons  donc  de  voir  ce  que  l'Hellas  de  Leconte  de 
Lisle  avait  en  commun  avec  le  reste  de  son  Orient  :  la  proxi- 
mité de  la  nature,  l'adoration  de  la  beauté  humaine,  la  florai- 
son des  visions  idéales.  Mais  tandis  que  l'Inde  devenait  de 
plus  en  plus  pour  lui  la  terre  de  la  contemplation  et  du  rêve, 
la  Grèce  brillait  de  plus  en  plus,  dans  son  imagination,  de  joie, 
de  lumière,  de  vie. 

Ni  sanglants  autels,  ni  rites  barbares, 
Des  hvmnes  jovcux,  des  rires,  des  fleurs  ! 


Ni  foudre  ni  vent  dont  l'àme  s'effraie. 
Dans  le  bleu  du  ciel  volent  les  chansons. 


La  joie  libre,  éclatante,  partout,  sur  la  terre,  dans  les 
cieux  : 

I.  Derniers  poèmes,  pp.  226-227.  Leconte  de  Lisle  ne  connaissait  que  très 
superficiellement  la  Divine  comédie,  qu'il  a  imitée,  d'une  manière  assez 
banale,  dans  sa  Vision  de  Snorr. 


l'«    HÉLÈNE    »    bÈ    LECONTË    DE    LISLE  3Ô5 

Où  sont  les  bienheureux,  Princes  de  l'Harmonie, 
Chers  à  la  sainte  Hellas,  toujours  riants  et  beaux, 
Dont  les  yeux  nous  versaient  la  lumière  bénie 
Qui  semble  errer  encor  sur  leurs  sacrés  tombeaux  ? 


* 

*  * 


Il  est  un  petit  poème  de  Leconte  de  Lisle,  paru,  en  1845, 
dans  le  recueil  phalanstérien  la  Phalange  \  qu'il  n'a  pas  cru 
digne  de  figurer  dans  l'édition  officielle  de  ses  œuvres  et  dont 
on  n'a  reproduit  jusqu'ici  que  de  courts  fragments  -  :  je  veux 
parler  de  sa  première  Hélène.  C'est  un  témoignage  précieux 
des  idées  du  poète  sur  la  Grèce  non  seulement  pour  les  don- 
nées directes  qu'il  nous  fournit,  mais  aussi,  et  surtout,  pour 
ce  que  nous  laisse  deviner  l'oubli  auquel  il  fut  condamné.  Il 
est  utile  de  l'avoir  sous  les  yeux  tout  entier  K 

Hélène. 
O  vous  qui  saisissez  la  vivante  harmonie 
De  la  forme  parfaite  alliée  au  génie, 
Apôtre  épris  d'amour  pour  l'antique  beauté, 
Venez  1  —  Allons  revoir  l'archipel  enchanté. 

Le  paradis  païen,  la  contrée  immortelle 

Oîi  rayonne  Aphrodite  au  cœur  de  Praxitèle  ; 

Où  les  dieux  helléniens,  Paros  immaculé 

De  qui  le  sol  attique  a  seul  été  foulé, 

Jaillissent,  lumineux,  sous  la  main  qui  les  crée 

Dans  leur  nudité  chaste  et  leur  pose  sacrée. 

Venez  !  —  Soit  que  pour  eux  nous  quittions  le  séjour 

Où  nos  yeux  tout  d'abord  se  sont  ouverts  au  jour  :  — 

1.  La  Phalange,  Reznte  Je  la  Science  sociale,  XI V"^  année,  F^  série,  t.  II, 
deuxième  semestre,  juillet  1845. 

2.  Voir  M.-A.  Leblond,  ouvr.cit.,  pp.  172-173  et  J.  Dornis,  ouvr.  cit., 
pp.  83-84. 

3.  D'autant  que  la  Phalange  n'est  pas  partout  facile  à  trouver.  M.  Léon 
Dorez  a  bien  voulu  me  procurer  une  copie  du  poème  en  question  d'après 
l'exemplaire  de  la  Phalange  possédé  par  la  Bibliothèque  Nationale. 

Mélanges.    II.  20 


306  L.    p.    BENEDETDO 

L'île  aux  blondes  moissons  qui,  de  Cérès  aimée, 

Enclôt  l'Etna  fumant  dans  sa  plaine  embaumée  ; 

Soit  la  chaude  Lybie,  ou  Crète  aux  cent  cités, 

La  riante  Ausonie,  habile  aux  voluptés, 

Où  Ton  voit  Parthénope,  ardente  et  faible  reine 

Sommeiller  demi-nue  aux^bras  de  la  syreine  ! 

Soit  que  notre  trirème,  au  cours  aventureux, 

Ait  quitté  de  Milet  les  rivages  heureux  ;  — 

Q.u'Eole  soit  propice  au  doux  pèlerinage  ! 

Que  Thétys  aux  yeux  bleus,  nous  guidant  à  la  nage, 

Avec  ses  bras  d'albâtre,  entr'ouvre  dans  les  flots 

Un  chemin  de  cristal  d'Ionie  à  Délos  ; 

Puis,  de  l'île  divine  aux  bords  sacrés  d'Athènes  ; 

Et  là,  d'un  bras  pieux  abaissons  les  antennes. 

Comme  deux  étrangers,  d'humbles  aïeux  issus, 
Ami,  baignons  nos  pieds  aux  eaux  de  l'Ilyssus, 
Par  un  soir  qui  permette  à  l'oreille  flattée 
D'ouïr  chanter  l'abeille  aux  ruches  d'Aristée, 
Et  le  troupeau,  docile  à  la  voix  des  bouviers, 
Revenir  à  pas  lents  parles  bois  d'oliviers. 
Ecoutez,  écoutez  !  —  la  vague  du  Pirée 
Murmure  doucement  une  plainte  inspirée. 
Qui  roule  dans  nos  cœurs,  profond,  mélodieux, 
Le  poème  éternel  des  héros  et  des  dieux  !  — 
Voyez  !  —  comme  des  plis  d'une  royale  robe, 
L'ombre,  tombant  des  cieux,  à  demi  nous  dérobe 
Les  blocs  marmoréens  sous  qui  dort  abrité 
L'Olympe  descendu  du  ciel  inhabité  ; 
Et  la  ville  si  belle  et  le  saint  promontoire 
Où  Platon  a  dressé  son  sublime  oratoire! 
O  fille  de  Minerve,  assise  aux  îlots  chanteurs, 
Qu'il  est  doux  de  rêver  à  tes  pieds  enchanteurs  ! 
Qu'il  est  doux,  contemplant  ta  merveilleuse  enceinte 
De  s'abreuver  longtemps  d'une  volupté  sainte; 
Tandis  qu'un  fier  rayon  qu'Hélios  a  dardé 
De  l'horizon  lointain  par  sa  flamme  inondé. 
Du  temple  impérissable  où  le  regard  s'attache. 
Couronne  avec  respect  la  majesté  sans  tache. 

Inaltérable  azur,  ô  terre  !  ù  doux  berceau 

Dont  Saturne  jamais  n'eff"acera  le  sceau  ! 

Radieux  firmament  dont  la  subtile  haleine 

Sculpte  en  contours  divins  les  beaux  membres  d'Hélène! 

Où  Faust,  eu  vieillissant,  par  l'amour  altéré, 


L  «    HELENE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE  307 

Vers  l'idéal  qui  sauve  ardemment  attiré, 
Sentira  quelque  jour  la  blanche  Tyndaride 
Mettre  un  souffle  céleste  en  sa  poitrine  aride, 
Puis  comme  un  cher  fantôme  exhalé  du  tombeau, 
Ne  laisser  en  ses  mains  qu'un  fragile  flambeau  ! 
Terre  et  cieux!  c'est  à  vous  que  la  fille  du  Cygne 
De  sa  race  divine  a  révélé  le  signe  : 
Victorieuse  et  nue  en  sa  vivace  ardeur 
Vous  avez  la  beauté  que  revêt  la  pudeur! 
De  votre  sein  fécond  Hélène  révélée 
Pour  un  aveugle  monde  enfin  s'est  envolée 
Et  ce  monde  la  voit  et  ne  la  connaît  pas. 
Dans  l'inflexible  cercle  où  cheminent  ses  pas 
Il  gémit  sous  le  poids  de  son  ombre  première, 
Ne  sachant  point  qu'Hélène  est  la  toute  lumière. 

Ah  !  brisons  ce  vain  rêve  où  notre  cœur  blessé 
D'un  regret  inutile,  ami,  s'est  trop  bercé. 
Nous  n'avons  point  aux  flots  que  l'aviron  argenté 
Poussé  notre  vaisseau  des  sables  d'Agrigente  ; 
Nous  n'avons  point  quitté  le  golfe  de  cristal 
Où  Parthénope  rit  de  son  gardien  fatal, 
Ni  le  bord  lybien,  ni  la  molle  lonie. 
Nous  ne  sommes  point  nés  à  l'époque  finie 
Où  la  mère  des  dieux,  l'ardente  antiquité 
Voulut  vivre  et  mourir  de  sa  propre  beauté  ! 
Non,  non!  —  sur  la  limite  où  notre  âge  chancelle 
Oh!  cherchons  en  avant  l'Hélène  universelle! 

Non  le  marbre  vivant,  mais  l'astre  au  feu  si  beau 

Qui  reluit  dans  nos  cœurs  comme  un  sacré  flambeau 

La  multiple  beauté,  dont  l'attraction  lie 

D'un  lien  d'amour  le  ciel  à  la  terre  embellie. 

Et  qui  fera  tout  homme,  au  moment  de  l'adieu, 

Plus  digne  de  ce  monde  et  plus  digne  de  Dieu  ! 

Et  disons  :  —  forme,  idée  !  ô  beauté,  sois  bénie  ! 

Subhme  identité  d'où  jaillit  l'harmonie, 

Sois  bénie  à  jamais,  sainte  langue  des  cieux. 

Toujours  inépuisable  en  flots  mélodieux! 

Où  l'astre  inaperçu,  l'oiseau  dans  la  ramure 

Confondent  leurs  concerts  —  où  l'infini  murmure  ! 

Sois  bénie  à  jamais,  sur  terre  comme  au  ciel, 

Toi  par  qui  l'amphion  du  culte  essentiel 

Bâtira  de  ses  chants  la  Thèbes  éternelle  ; 

Toi  qui  faisant  vibrer  ta  corde  maternelle. 

Toujours  une  et  multiple,  et  sept  fois  palpitant. 


^OS  L.    V.    BENHDETTO 

Pleine  d'accords  divins,  verseras  en  cluiutant, 
Comme  en  deux  cœurs  touchés  par  ta  voix  inspirée 
Entre  l'iiomme  et  la  terre  une  amitié  sacrée  ! 

Peut-être  n'est-il  pas  tout  à  fait  exact  de  dire  que  Lecomte 
de  Lisle  a  sacrifié  ce  poème.  S'il  a  sacrifié  le  brouillon,  la 
rêverie  confuse,  il  a  publié  dans  les  Poèmes  antiques  l'œuvre 
d'art,  claire  et  organique,  qui  s'en  était  dégagée  :  Venus  de 
Milo  '.  On  saisit  aisément  le  rapport  des  deux  poèmes. 
Quoique  le  poète,  le  souvenir  de  l'Hélène  de  Goethe  s'ajou- 
tant  à  l'imprécision  du  symbole,  ait  vite  dépassé  son  premier 
but,  Hélène  était  sans  doute  dans  son  intention  ce  que  sera  la 
Vénus  de  Milo  :  un  symbole  de  la  beauté  que  les  Grecs  ont 
réalisée  dans  le  marbre.  On  voit  que  le  poème  a  été  fait  pour 
opposer  à  l'Hélène  antique,  idéal  splendide,  mais  borné,  ne 
dépassant  pas  les  confins  de  l'art,  simple  «  marbre  vivant  », 
l'Hélène  moderne,  idéal  complet  embrassant  toutes  les  formes 
du  Beau.  L'  «  apôtre  épris  d'amour  pour  l'antique  beauté  », 
que  le  poète  invite  à  s'embarquer  avec  lui  pour  le  saint  Archi- 
pel, était  à  coup  sûr  un  sculpteur.  C'est  la  terre  des  dieux  mar- 
moréens qui  les  convie.  C'est  une  statue  aux  contours  divins, 
c'est  déjà  une  Vénus  de  Milo,  que  l'Hélène  que  sculpte  à  leurs 
yeux  l'air  radieux  de  la  Grèce. 

Terre  et  Cieux!  c'est  à  vous  que  la  fille  du  Cvgne 
De  sa  race  divine  a  révélé  le  signe  : 
Victorieuse  et  nue  en  sa  vivace  ardeur, 
Vous  avez  la  beauté  que  revêt  la  pudeur! 

C'est  pour  la  même  raison  que  le  poète  va  proclamer  la 
divinité  de  l'immortelle  Vénus,  de  la  déesse  irrésistible,  au 
port  victorieux,  qui  marche  fière  et  nue  et  fait  palpiter  l'uni- 
vers, et  qui  n'est  pas  Aphrodite,  ni  Kythérèe,  ni  la  Muse,  ni 
Astarté,  mais  la  Beauté  pure. 

Pour  fitire  à'Hclciie  le  poème  plus  ordonné  et  plus  compact 
qu'est  Vénus  de  Milo,  le  poète  a  élagué  tout  ce  qui  n'était  pas 

I .    Venus  de  Milo  est  de  1846. 


L  «    HELENE    »    DE    LECONTE    DE    I.ISLE  309 

évocation    ou    regret  de  l'art  ancien.   La   strophe  célèbre,  à 
laquelle  on  serait  tenté  de  donner  une  signification  si  vaste  : 

Iles,  séjour  des  Dieux  !  Hellas,  mère  sacrée  ! 
Oh  !  que  ne  suis-Je  né  dans  le  saint  Archipel, 
Aux  siècles  glorieux  où  la  Terre  inspirée 
Voyait  le  ciel  descendre  à  son  premier  appel  ! 

n'est   pas   une    variation  du  beau  thème   qu'on  rencontre  si 
souvent  dans  son  œuvre,  dans  Nox,  par  exemple  : 

Montez,  saintes  rumeurs,  paroles  surhumaines, 
Entretien  lent  et  doux  de  !a  terre  et  du  ciel  ! 

OU  dans  le  Dies  ivne  : 

L'esprit  ne  descend  plus  sur  la  race  clioisie 


OU  dans  la  fin  même  de  cette  "prernibre.  Hélène;  il  s'agit  tou- 
jours de  l'art,  du  grand  art  grec,  créateur  de  tous  les  dieux 
dont  le  sol  d'Hellas  est  jonché. 

Cette  unité  faisait  défaut  dans  Hélène.  L'artiste  v  était 
doublé  d'un  sociologue.  Il  voulait  par  son  Hélène  encourager 
les  efforts  vers  l'idéal  nouveau.  Il  ne  fallait  pas  trop  se  bercer 
dans  le  vain  regret  de  la  beauté  ancienne.  Elle  n'avait  été,  en 
définitive,  qu'une  partie  de  la  beauté,  la  beauté  artistique  et 
la  Grèce,  dont  la  mission  dans  le  monde  avait  été  de  la  révéler, 
avait  fini  pour  toujours  sa  carrière,  une  fois  sa  tâche  accom- 
plie. Une  tâche  plus  glorieuse  restait  aux  modernes  :  de  révé- 
ler la  beauté  entière,  celle  qui  est  l'universelle  harmonie. 

Il  ftut  ajouter  ceci  à  ce  que  nous  avons  dit  tout  à  l'heure 
sur  sa  vision  d'une  Grèce  riante  et  joyeuse.  Remarquons  qu'il 
y  eut  un  moment  où  le  poète  a  vu  un  contraste  entre  cette 
Grèce  et  sa  conception  personnelle,  noble  et  sérieuse,  de  la 
vie.  Le  reproche  qu'il  lui  fait  d'avoir  voulu  vivre  et  mourir  de 
sa  propre  beauté  laisse  percer  tant  soit  peu  le  mépris. 

Mais  déjà  une  conception  bien  diverse  se  formait  dans  son 
esprit  et  inspire  même  déjà  quelques-uns  des  plus  beaux  vers 


310  L.    F.    BENEDETTO 

d'Hélène.  En  efFet,  est-ce  qu'il  n'élargissait  pas  et  n'ennoblissait 
pas  l'idéal  grec,  lorsqu'il  ajoutait,  après  avoir  déploré  que  l'Hé- 
lène révélée  par  la  Grèce  se  fût  envolée  pour  un  monde 
aveugle  qui  la  voit  sans  la  connaître  : 

Il  gémit  sous  le  poids  de  son  ombre  première 
Ne  sachant  point  qu'Hélène  est  la  toute-lumière} 

De  même  qu'il  avait  projeté  dans  son  Orient  imaginaire  tous 
les  autres  aspects  regrettés  de  sa  jeunesse,  il  va  y  projeter  aussi 
les  nobles  préoccupations  et  les  rêves  héroïques  de  ses  années 
de  lutte. 


* 
*  * 


Tout  le  monde  sait  de  quels  espoirs  incroyables,  de  quel 
optimisme  prodigieusement  enfantin  s'enivrèrent,  vers  la  moi- 
tié du  siècle  dernier  tous  les  esprits,  même  les  plus  clairvoyants. 
Ce  fut  une  contagion,  une  véritable  folie.  On  cro3^ait  la  régé- 
nération de  l'humanité  un  fait  non  seulement  indubitable,  mais 
imminent.  L'idéaliste  ardent  que  fut  toujours  Leconte  de 
Lisle  ne  pouvait  pas  ne  pas  partager  le  fanatisme  des  temps . 
D'autant  qu'il  s'y  ajoutait  l'impétuosité  combative  d'une  jeu- 
nesse mâle  et  vertueuse.  C'était  l'époque  où  il  écrivait  :  «  Que 
faire?  Que  devenir?  Où  est  la  nuée  lumineuse?  Il  faut  mar- 
cher au  bonheur...  par  le  libre  essor  des  passions  virtuelles. 
Il  faut  oublier  les  cultes  menteurs  et  l'aveuglement  fanatique 
et  tout  le  filtras  mystique  des  soi-disant  révélations  particu- 
lières! que  les  démons  catholiques  aillent  grincer  des  dents  où 
bon  leur  semblera,  tandis  que  les  génies  heureux  de  l'Eden 
berceront  entre  leurs  bras  l'humanité  outragée  depuis  long- 
temps, mais  qui  renaîtra  jeune  et  belle  au  soleil  de  l'amour  et 
de  la  liberté  '.  »  Il  avait  rêvé  tout  le  temps  de  la  félicité  infi- 
nie qu'aura  l'homme  un  jour.  Gagné  par  la  ferveur  révolu- 

I.  Voir  M. -A.  Lkblond,  oiivr.  cit.,  p.  170. 


L«    HELENE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE  3 II 

tionnaire,  aux  approches  de  1848,  il  crut  que  la  réalisation  de 
son  rêve  serait  le  prix  certain  de  l'action  : 

Cesse  ta  morne  plainte  et  songe,  Humanité, 
Que  les  temps  sont  prochains  où  de  l'iniquité, 
Dans  ton  cœur  douloureux  et  dans  l'univers  sombre, 
Les  rayons  du  bonheur  s'en  vont  dissoudre  l'ombre 


O  roi  prédestiné  d'un  monde  harmonieux, 
Marche  !  les  yeux  tendus  vers  le  but  radieux  ! 
Marche  à  travers  la  nuit  et  la  rude  tempête, 
Et  le  soleil  demain  luira  sur  ta  conquête  '. 

De  quel  enthousiasme  confiant  ne  salue-t-il  pas  la  nouvelle 
aurore  qu'il  lui  semble  déjà  voir  poindre  h  l'horizon! 

Des  siècles  de  l'erreur  déjà  la  nuit  s'achève, 
Aux  clartés  du  matin  le  ciel  sourit  encore, 
Et  les  premiers  rayons  de  l'aube  qui  se  lève 
Eclairent  devant  nous  un  nouvel  âge  d'or  -. 

Le  futur  auteur  de  Ka'ni  reconnaît  déjà  que  la  création  est 
mauvaise  et  que  seuls  les  lâches  peuvent  se  résigner  au  mal 
sous  le  prétexte  qu'un  dieu  en  est  l'auteur.  Un  dieu  qui  crée 
le  mal  est  méchant.  Il  faut  corriger  son  œuvre,  enrayer  son 
activité  pernicieuse.  Pour  qu'une  aurore  de  paix  rayonne  un 
jour  sur  le  monde,  il  faut  que  l'homme  règne,  lui  seul  possé- 
dant le  fondement  de  la  grandeur  divine  :  la  justice. 

Dans  Kaïn  il  chantera  Hénokia 

Hénokia  !  cité  monstrueuse  des  mâles, 
Antre  des  violents,  citadelle  des  forts, 

et  il  rassemblera,  par  l'imagination,  dans  la  ville  mythique  de 
l'angoisse,  qu'a  bâtie  le  premier  révolté  et  où  il  dort,  non 
vaincu,  la  face  vers  le  ciel,  toutes  les  âmes  généreuses  que 
l'iniquité  divine  révolte  ! 

1.  Ibid.,  p.  160. 

2.  Ihiâ.,  p.  186. 


312  L.    F.    BENEDETTO 

Maintenant  c'est  dans  Prométhée  qu'il  voit  son  ancêtre 
idéal.  Il  reprend,  avec  une  émotion  sincère,  ce  magnifique 
lieu  commun  de  toute  littérature  philanthropique  et  le  grand 
insurgé  réapparaît  dans  son  poème  Niobé,  tel  que  Shelley  l'a 
conçu,  comme  le  dieu  futur  de  l'humanité  délivrée  : 

L'illustre  Prométhée  aux  yeux  perçants,  celui 

Pour  qui  seul  entre  tous  l'avenir  avait  lui, 

Le  Ravisseur  du  feu  cher  aux  mortels  sublimes, 

Qui,  longtemps  enchaîné  sur  de  sauvages  cimes, 

Bâtissait  un  grand  rêve  aux  serres  de  vautour  : 

Sur  qui,  durant  la  nuit,  pleuraient  pleines  d'amour, 

Les  filles  d'Océan  aux  invisibles  ailes; 

Qui  sera  délivré  par  des  mains  immortelles, 

Et  qui  fera  jaillir  de  son  sein  indompté 

Le  jour  de  la  justice  et  de  la  liberté. 

Tous  les  autres  Titans  aussi  —  c'est-à-dire  tous  les  héros, 
tous  les  penseurs  courageux  —  régneront  avec  lui 

...  les  dieux  humains,  apaisant  nos  sanglots, 
Réuniront  la  terre  à  l'antique  Ouranos. 

Car  ils  ont  déjà  régné,  ces  fils  de  la  terre  et  du  ciel;  ils  sont 
les  génies  de  VÉdeu  dont  le  poète  parle  ailleurs  et  les  mortels 
ont  vécu,  guidés  par  eux,  dans  la  paix,  le  bonheur,  la  sagesse. 

Dépossédés  par  Zeus,  ils  ne  se  sont  pas  effacés  de  l'histoire 
hellène;  ils  sont  devenus  comme  les  génies  tutélaires  de  la 
race  : 

Leur  culte  au  fond  des  cœurs  survit  au  cours  des  âges. 

Les  esprits  sublimes  capables  d'interroger  le  passé  ont  conti- 
nué de  voir  briller,  au  centre  de  leur  conscience,  Tidéal 
qu'avaient  révélé  les  Titans  et  d'en  tirer  une  haute  leçon  de 
bonté  et  d'énergie. 

Leconte  de  Lisle  s'est  plu  dans  Khirôn  à  nous  présenter  la 
vie  grecque  sous  cet  aspect  titanique. 

Khirôn,  symbole  de  la  conscience  grecque,  est  l'éducateur 
des  héros  : 

. .  .Durant  le  cours  des  âges  j'ai  nourri 


L«    HELENE    »    DE    LECONTE   DR    LISLE  ^1^ 

De  sagesse  et  d'amour  tout  un  peuple  cliéri, 
Peuple  d'adolescents  sacrés,  race  immortelle. 


Il  est  l'inspirateur  des  poètes  :  c'est  après  l'avoir  entendu 
qu'Orphée,  semblable  à  un  Dieu,  le  front  serein  tourné  vers 
l'Olympe,  passe  au  milieu  des  beaux  pasteurs  et  des  vierges  au 
doux  rire  et  laisse  tomber  dans  leur  âme  la  parole  inoubliable 
de  la  vertu  '. 

D'un  côté  donc  l'Hellas  pastorale,  coulant  des  jours  paisibles 
et  vertueux,  réalisant  l'utopie  vaporeuse  que  le  jeune  poète 
socialiste  caresse  de  sa  foi  la  plus  sûre  ';  d'un  autre  côté  l'Hel- 
las héroïque  continuant  la  guerre  des  Titans  contre  un  Olympe 
immoral  et  ridicule. 

En  effet,  qu'est-ce  que  leur  dit  Khirôn,  que  voient-ils  en 
tournant  leur  regard  vers  le  passé?  Ce  sont  les  images  des 
dieux  tour  à  tour  adorés  qui  jalonnent  le  chemin  parcouru. 
L'histoire  se  présente  à  leurs  yeux  comme  une  émancipation 
graduelle  de  la  raison,  ayant  pour  terme  la  compréhension  du 
Beau  divin  dans  sa  pureté  absolue;  comme  une  élévation  et 
une  explication  continues  de  la  personne  humaine  vers  le  type 
humain  complet. 

Les  héros  aussi,  tout  en  ayant  senti  directement  le  fort  ensei- 
gnement de  l'histoire,  aiment  la  présence  du  poète,  qui,  par 
son  évocation  et  son  interprétation  puissante  du  passé,  les  aide 
de  plus  en  plus  à  prendre  conscience  de  leur  destin  et  à  persé- 
vérer dans  la  lutte.  Les  chefs  myniens  qui  vont  conquérir  la 


1.  Le  barde  de  Temrhah  est  décrit  de  même  : 

Les  hommes  et  les  bœufs  entourent  à  la  lois 

Le  chariot  roulant  dans  sa  lenteur  égale, 

Et  les  mugissements  se  taisent  et  les  voix 

Et  tous  s'en  vont,  les  yeux  dardés  par  intervalle, 

Ayant  cru  voir  flotter  comme  un  ravonnement 

Autour  de  l'Etranger  mystérieux  et  pale. 

2.  Je  ne  sais  pas  pourquoi  M. -A.  Leblond,  ouvr.  cit.,  p.  187,  méconnaît 
la  valeur  sociale  de  Khirôn. 


314  L.    F-    BENEDETTO 

Toison  d'or  entourent  le   noble  Orphée   et  le  prient  d'aller 
chercher  pour  eux  leur  vieux  maître,  le  sage  Centaure  : 

Va  donc,  clier  compagnon,  harmonieux  Orphée 


Va,  qu'il  cède  à  nos  vœux  et  qu'il  règne  sur  nous  ! 
Ses  disciples  anciens  embrassent  ses  genoux  : 
Aux  luttes  des  héros  il  forma  leur  jeunesse, 
Et  leur  âge  viril  implore  sa  sagesse. 

Il  est  naturel  que,  au  moment  d'entreprendre  leur  expédi- 
tion audacieuse,  ils  se  souviennent  de  Khirôn,  le  sage  que  les 
dieux  olympiens  ont  privé  de  l'immortalité  parce  qu'il  leur  a 
préféré  les  dieux  inconnus.  N'oublions  pas  que  les  héros 
myniens 

Las  d'un  lâche  repos  et  d'une  obscure  vie. 

Vont  chercher  la  Toison  qu'un  Dieu  {leur']  a  ravie, 

Niohé,  Kljîrôu,  une  foule  d'allusions  dispersées  çà  et  là  dans 
son  œuvre,  nous  font  voir  assez  clairement  quelle  a  été,  pour 
notre  poète,  à  un  certain  moment  de  sa  vie,  la  vertu  essen- 
tielle de  la  Grèce,  celle  qui  la  sépare  des  autres  terres  orientales 
et  l'élève  au-dessus  d'elles.  C'est  précisément  celle  que  ne  lui 
reconnaissait  pas  le  poème  paru  dans  la  Phalange  :  le  culte  de 
l'Hélène  complète. 

Douée  d'une  pensée  subtile  et  profonde  que  n'étouffe  pas  le 
débordement  libre  et  sauvage  des  forces  primitives  ni  n'éblouit 
la  splendeur  d'un  anthropomorphisme  riant,  la  Grèce  seule 
sut  atteindre,  à  travers  la  sensation  inconsciente  et  l'intuition 
purement  poétique,  à  la  conscience  pleine  et  précise  de  ce 
qu'elle  était  et  de  ce  qu'elle  pourrait  devenir,  et  par  là  à  la  plus 
magnifique  des  visions  :  celle  d'une  vie  se  déployant  libre  et 
fiera  vers  un  but  lummeux.  Ayant  reconnu  que  les  Forces  de 
l'univers  et  les  Vertus  intérieures,  que  les  dieux,  en  somme, 
dont  on  sentait  immédiatement  la  beauté  et  la  puissance, 
étaient  souvent  des  ennemis  du  bonheur  et  de  la  justice  et  ne 
pouvaient  être,  par  conséquent  les  vrais  dieux,  elle  conçut,  au- 


l'«    HÉLÈNE    »    DR    LECONTE    DE    LISLE  315 

dessus  d'eux,  le  dieu  ou  les  dieux  inconnus,  source  d'une  féli- 
cité et  d'une  harmonie  plus  complètes;  elle  fit  ses  dieux  des 
valeurs  morales  les  plus  hautes,  la  paix,  la  bonté,  l'amour,  la 
vertu;  elle  devint  la  terre  des  Titans. 


VHélène  des  Poèmes  antiques  a  pour  sujet  un  épisode,  le 
plus  fameux,  de  l'héroïque  conflit.  Les  dépositaires  de  la 
flamme  sacrée,  les  successeurs  des  Titans,  ont  ici  contre  eux 
un  puissant  adversaire  :  Aphrodite.  Artisans  d'une  civilisation 
plus  parfaite,  fondée  sur  l'amour  du  Beau  moral  et  sur  l'idée 
du  devoir,  ils  se  heurtent  au  penchant  le  plus  fort  de  la  race, 
celui  qui  se  satisfait  par  la  beauté  extérieure  et  qui  conduit  au 
plaisir.  Comment  s'était-il  fait  que  la  Grèce,  ce  pays  ardent  et 
voluptueux  que  le  poète  avait  pu  croire  un  instant  révélateur 
de  la  seule  beauté  qui  se  perçoit  par  les  sens,  fût  aussi  la  terre 
des  législateurs,  des  penseurs  et  des  poètes,  la  terre  de  Promé- 
thée  et  de  Khirôn  ?  La  splendide  civilisation  péricléenne  ne 
s'était  certes  pas  accomplie  sans  contraste.  La  Grèce  ne  s'était 
pas  sans  peine  arrachée  à  l'empire  de  ses  premiers  dieux  pour 
embrasser  la  religion  de  sagesse  et  d'amour  prêchée  par  les 
Titans.  Une  lutte  s'était  engagée,  sans  doute,  entre  les  deux 
tendances  que  nous  avons  tâché  de  bien  définir  dans  les  pages 
qui  précèdent. 

Le  poème  à' Hélène  est  le  récit  symbolique  de  cette  lutte. 

D'une  part  Hélène  et  Paris,  l'Hellas  jeune  et  splendide,  à 
qui  l'idéal  nouveau  a  déjà  été  révélé  mais  sur  qui  pèse  encore 
la  fatalité  des  passions  primitives.  D'autre  part  Démodoce 
l'aède  et  les  guerriers  qui  combattront  sous  les  murs  d'Ilios, 
c'est-à-dire  l'Hellas  mâle  et  vaillante,  à  qui  sera  l'avenir. 

Hélène  aux  pieds  d'argent,  au  corps  sans  égal,  Hélène  qu'Eros 
consume  de  sa  flamme  implacable,  c'est  bien  l'Hellas  volup- 
tueuse que  la  nature  entière  convie  irrésistiblement  aux  ivresses 
du  plaisir.  Ce  n'est  pas  sans  raison  que  Démodoce,  en  en  célé- 
brant la  naissance,  mêle  à  son  chant  le  beau  refrain  : 


3  I  6  L.    F.    BENEDETTO 

Terre  au  sein  verdoj-ant,  mère  antique  des  choses, 
Toi  qu'embrasse  Océan  de  ses  flots  amoureux, 
Agite  sur  ton  front  tes  épis  et  tes  roses  ! 
O  fils  d'Hvperion,  éclaire  un  jour  heureux  ! 

Elle  est,  dès  sa  naissance,  la  victime  d'Aphrodite.  Lorsqu'elle 
apparaît  la  première  fois  devant  nous,  Paris  n'est  pas  encore 
arrivé,  elle  est  au  milieu  de  ses  compagnes  joyeuses  et  entend 
couler  des  hymnes  flatteurs  de  la  bouche  de  l'aède.  Et  pour- 
tant elle  est  triste.  Elle  sent  déjà  dans  ses  veines  le  feu  dévo- 
rant et  pâlir  devant  sa  raison,  qu'envahit  le  délire,  les  choses 
les  plus  sacrées,  la  famille,  la  patrie,  la  vertu.  Elle  parle  du 
mari  absent,  des  adieux  dont  son  âme  est  encore  pleine,  de 
son  regret  de  l'avoir  laissé  partir  seul;  mais  on  voit  dans  l'ar- 
deur même  avec  laquelle  elle  s'attache  à  ses  vertueux  souvenirs 
quelque  chose  de  désespéré  et  on  s'aperçoit  qu'elle  commence 
à  craindre  la  possibilité  d'une  trahison.  Elle  dit  aux  femmes 
qui  l'entourent  : 

Filles  de  Sparte  et  vous,  compagnes  de  mes  jours. 
De  vos  bras  caressants  entourez-moi  toujours, 

et  l'on  voit  que  l'idée  de  les  quitter  a  déjà  traversé  son  esprit. 
La  colère  des  dieux  éclate.  Paris  arrive.  Hélène  lutte  de 
toutes  ses  forces  pour  échapper  à  son  charme  fatal  et  ne  pas 
renier  ses  devoirs,  mais  le  destin  s'accomplit  malgré  elle.  Sa 
parole  et  son  geste  gardent  pendant  quelque  temps  leur  majesté 
auguste  et  calme  ;  son  cœur  trouve  d'abord  des  élans  de  révolte 
et  de  menace;  mais  bientôt  on  le  voit  fléchir  sous  reff"ort, 
mêler  aux  pleurs  des  supplications  désespérées  et  de  brûlantes 
invectives  : 

O  Zeus,  ô  mou  époux,  ô  ma  fille,  6  vertu. 

Sans  relâche  parlez  à  mon  cœur  abattu  : 

Calmez  ce  teu  secret  qui  sans  cesse  m'irrite! 

Je  hais  ce  Phr3'gien,  ce  prêtre  d'Aphrodite, 

Cet  hôte  au  cœur  perfide,  aux  discours  odieux. . . 

Je  le  hais  !  mais  qu'il  parte,  et  pour  jamais. . .  Grands  Dieux  ! 

Je  l'aime  !  C'est  en  vain  que  ma  bouche  le  nie  ! 

Je  l'aime  et  me  complais  dans  mon  ignominie  ! 


L*«    HÉLÈNE    »    DlL    LËCONTE    DE    LISLE  3I7 

Les  compagnes  de  l'aède  contemplent  avec  pitié  et  avec  ter- 
reur ce  spectacle  tragique.  Ils  savent  qu'Hélène  n'est  pas  cou- 
pable, que  des  dieux  plus  forts  s'acharnent  sur  elle.  Ils  par- 
tagent, respectueusement,  ses  douleurs  et  ses  plaintes. 

Paris  n'est  qu'un  double,  le  double  indispensable  d'Hélène. 
Aphrodite  lui  est  apparue  aux  cimes  de  l'Ida,  dans  l'air  éblouis- 
sant et  embaumé  du  matin  ;  c'est-à-dire  la  beauté  superbe  de  la 
nature,  la  vie  tumultueuse  qui  frémit  et  bondit  dans  l'univers 
ont  allumé  aussi  dans  son  cœur  la  flamme  qui  fait  tout  oublier, 
qui  fiiit  abandonner  les  parents,  la  patrie,  et  fouler  aux  pieds 
les  plus  saintes  vertus.  Il  est  lui  aussi  une  victime  d'Aphro- 
dite. C'est  elle  qui  tourne  vers  Sparte  la  proue  de  sa  trirème. 
C'est  elle  qu'il  accuse  lorsque  touché  du  désespoir  d'Hélène  il 
lui  promet  de  partir  : 

Noble  Hélène,  reviens  à  la  vie  !  et  plains-moi. 

J'ai  causé  ta  colère  et  ton  cruel  effroi, 

Et,  troublant  de  ces  lieux  la  paix  chaste  et  sereine. 

Offensé  ton  cœur  fier  et  mérité  ta  haine. 

Mais  la  seule  Aphrodite  a  dirigé  mes  pas; 

Plains-moi,  fille  de  Zeus,  et  ne  me  punis  pas. 


Rebelle  aux  Immortels,  je  pars  et  t'obéis. 

Le  couple  fatal  de  Leconte  de  Lisle  exprime  une  seule  idée  : 
la  Grèce  jeune.  Belle,  adorant  la  beauté  et  foncièrement  géné- 
reuse, elle  est  en  même  temps  soumise  à  la  violence  irraison- 
née des  instincts. 

N'ajoutons  pas  une  importance  spéciale  au  fait  que  Paris  est 
un  Phrygien.  L'enlèvement  d'Hélène  et  la  guerre  qui  s'ensui- 
vit, ne  symbolisent  point,  à  notre  avis,  dans  le  poème  lislien, 
«  la  lutte  de  deux  civilisations  qui  se  sont  disputé  l'âme  du 
monde  »,  la  lutte  de  l'Asie  et  de  la  Grèce.  Ilios  représente  ce 
que  la  Grèce  eût  été  si  le  courant  hédoniste  eût  remporté  la 
victoire.  A  part  le  résultat  divers,  ce  qui  se  passe  sous  les  rem- 
parts de  Troie  s'est  d'abord  passé  dans  le  cœur  d'Hélène.  Le 


3l8  L.    F.    BENEDETTO 

destin  sous  lequel  celle-ci  se  débat,  ne  peut  pas  être  ramené, 
ainsi  qu'on  a  tâché  de  le  faire,  à  l'influence  du  climat  asia- 
tique s'exerçant  indirectement  par  les  idées  et  les  croyances 
qu'il  a  suscitées.  «  Sur  le  sol  amollissant  de  l'Asie,  écrit 
M.  Vianey,  avaient  foisonné  les  fables  voluptueuses  qui  divi- 
nisaient la  passion  et  autorisaient  l'adultère  par  l'exemple  des 
immortels.  Ces  fables,  les  Hellènes  les  avaient  apportées 
d'Asie  avec  eux  en  venant  coloniser  la  Grèce.  La  femme  de 
Ménélas  a  été  élevée  dans  ces  fables;  on  lui  en  nourrit  encore 
l'esprit  :  ainsi,  au  moment  même  où  son  poète  et  ses  com- 
pagnes essaient,  pour  la  retenir  dans  le  devoir,  de  calmer  ses 
nerfs  par  la  musique,  ils  n'ont  à  lui  chanter  que  des  fables  de 
ce  genre  ;  comment  résisterait-elle  à  tous  ces  conseils  de  volupté? 
Mais  déjà  sur  le  sol  plus  froid  de  l'Hellas  des  légendes  nou- 
velles ont  été  conçues,  un  nouvel  idéal  s'est  formé,  et  l'enlè- 
vement d'Hélène  a  beau  marquer  pour  un  instant  le  triomphe 
des  idées  asiatiques,  ce  sont  les  idées  grecques  qui  définitive- 
ment triompheront  et  illumineront  le  monde  \  »  Cette  inter- 
prétation ne  nous  semble  pas  correspondre  à  la  vraie  pensée  du 
poète.  Les  fables  voluptueuses,  auxquelles  fait  allusion  le  cri- 
tique, sont  indubitablement  et  uniquement  dans  le  poème  qui 
nous  occupe,  des  fables  grecques.  La  première,  qui  a  pour  but 
de  célébrer  l'origine  divine  d'Hélène,  raconte  les  amours  de 
Léda  et  du  Cygne  et  le  tableau  qu'elle  présente  à  notre  ima- 
gination, a,  au  milieu,  l'Eurotas,  baisant  de  ses  eaux  frémis- 
santes les  corps  nus  des  vierges  Spartiates  et,  au  fond,  les  monts 
d'Hellas.  La  seconde  raconte  l'aventure  tragique  d'Aristée  et 
son  vrai  but  est  uniquement  de  faire  voir  la  cruauté  des  dieux. 
Ils  sont  tous  deux  indéniablement  sensuels,  ces  deux  chants 
avec  lesquels  Démodoce  et  le  chœur  des  femmes  tâchent 
d'apaiser  Hélène  tourmentée  par  l'amour;  mais  ce  n'est  pas 
l'Asie  qui  prolonge  par  ce  moyen  son  action  énervante;  c'est 

I.  Vianey,  oî^tv.  c//.,  p.  375. 


L«    HELENE    »    DE   LECONTE    DE   LISLE  3I9 

l'âme  erotique  de  la  Grèce,  ù  nous  désormais  bien  connue,  qui 
le  manifeste  '. 

Le  sage  Démodoce  qui  reconnaît  la  toute-puissance  uni- 
verselle d'Eros  et  qui  exhorte  les  compagnes  d'Hélène  à  respec- 
ter la  tristesse  d'un  cœur  on  les  Dieux  ont  passé,  n'est  pas  sim- 
plement, comme  on  l'a  cru  %  le  prêcheur  austère  de  la  chas- 
teté. La  divinité  qui  symbolise  le  mieux  sa  conception  est  Pal- 
las.  C'est  Pallas  qu'Hélène  invoque  dès  le  commencement  de 
la  pièce  et  qu'invoquent  pour  elle  ses  compagnes  : 

Aphrodite  et  Pallas,  ô  combat  abhorré, 
Se  disputent  Hélène  et  son  cœur  déchiré. 

Or  Pallas  est  bien,  il  est  vrai,  la  déesse  sévère  qui  dédaigne 
Eros  et  qui  punit  le  parjure  ;  mais  elle  est  aussi  la  guerrière  au 
casque  étincelant;  elle  est  surtout  la  déesse  d'Athènes,  le  sym- 
bole de  l'idéal  athénien  :  épanouissement  harmonieux  de  toutes 
les  plus  nobles  énergies  dans  l'homme  et  dans  la  société. 

Abandonnées  par  leur  reine,  les  femmes  de  Sparte  ne  voient 
pas  seulement  dans  sa  fuite  une  action  impudique. 

Gloire,  vertu,  patrie,  Hélène  a  tout  quitté. 

Ces  trois  mots  résument  la  morale  dont  Démodoce  est  le 
porte-voix  et  qu'Hélène  a  violée. 

Ayant  pour  but  suprême,  comme  nous  avons  dit  plus  haut, 
la  paix  et  l'harmonie,  cette  morale  est  fondée  avant  tout  sur 
les  vertus  familiales  et  sociales  qui  sont  à  la  fois  les  plus 
humbles  et  les  plus  sublimes  :  la  chasteté,  le  respect  des  vieil- 
lards, l'amour  du  prochain. 

1.  Il  est  d'ailleurs  une  preuve  irréfragable  que  le  monde  hellénique  de 
Leconte  de  Lisle  comprenait  aussi  la  Phrygie.  Dans  le  Chant  alterné,  c'est  la 
même  personne  qui  dit  : 

Ton  peuple,  ô  blanche  Hellas,  me  créa  de  ses  mains 
et 

Sur  les  monts  florissants  de  la  sainte  Phr^'gie 
J'ai  bu  les  vins  sacrés  en  chantant  Evohé . 

2.  Voir  M. -A.  Leblond,  ouvr.  cit.,  p.  292  et  suiv.  ;  etj.  Dornis,  oî<T/r. 
cit.,  p.   157. 


320  L.    f.    BENEDETTO 

Qu'a-t-il  dit  aux  pasteurs  et  aux  vierges,  le  premier  poète, 
Orphée  ?  Qu'était-ce  que  la  «  Sublime  voix  »  dont  le  souvenir 
ineffaçable  suffira  pour  faire  descendre  la  paix  dans  leur  cœur  ? 

Enfants,  soyez  heureux  ! 

Pasteurs  adolescents,  vierges  chastes  et  belles. 
Salut!  Puissent  vos  cœurs  être  forts  et  fidèles! 
Bienheureux  vos  parents  !  Honneur  de  leurs  vieux  jours, 
Entourez-les,  enfants,  de  pieuses  amours  ! 

Cette  vision  calme  et  chaste  de  la  famille  réapparaît  dans 
Hélène.  On  y  oppose  aux  transports  passagers  des  plaisirs,  que 
suit  l'amertume,  le  bonheur  durable  de  l'homme  paisible  et 
fort,  de  l'épouse  riante  et  pudique.  C'est  le  chœur  des  femmes 
surtout  qui  chante  cette  forme  rudimentaire  de  sagesse. 

Mais  Démodoce  oppose  à  ceux  qui  font  de  la  joie  le  seul 
but  de  la  vie  et  qui  voudraient  chanter  à  Aphrodite  un  hymne 
sans  fin,  un  programme  plus  noble  et  plus  vaste.  La  chasteté 
n'y  est  qu'un  moyen  de  sérénité  et  d'énergie  :  le  but  c'est  la 
lutte  âpre  et  utile,  c'est  la  gloire  que  donne  au  lutteur  la  vie 
fièrement  et  sagement  employée,  c'est  surtout  —  et  il  était 
juste  qu'on  le  remarquât  de  la  Grèce  —  la  dignité  et  la  gran- 
deur de  la  patrie. 

Il  faut  bien  relever  cette  pensée  constante  et  émue  de  la 
patrie  chez  tous  les  personnages  de  la  pièce  que  n'aveugle  pas 
complètement  Aphrodite. 

Hélène  que  la  passion  va  emporter  loin  de  Sparte,  s'étonne 
que  Paris  ait  pu  quitter  les  lieux  où  il  naquit  et  où  ses  pères 
sont  morts.  C'est  elle  qui  s'écrie  : 


et  ailleurs 


Heureuse  qui  peut  vivre  et  peut  mourir  aux  lieux 
Où  l'aurore  première  a  réjoui  ses  yeux  ! 


Heureux  qui  sans  remords  et  d'une  âme  attendrie 
Revoit  les  cieux  connus  et  la  douce  patrie  ! 


Lorsque  les  forces  l'abandonnent  et  qu'elle  se  voit  obligée 


L«    HÉLÈNE    »    DE    LECOi^TE   DE   LISLE  32 1 

de  renoncer  à  la  lutte,  son  regret  le  plus  cuisant  est  pour  la 
ville  natale,  pour  son  fleuve,  pour  la  chère  contrée  où  elle  a 
vu  la  lumière .  Elle  n'ignore  pas  que  le  déshonneur  de  sa  faute 
va  rejaillir  sur  toute  l'Hellas.  Elle  dit  en  effet  cà  Paris  pour  le 
décider  de  s'éloigner  : 

Déjà  sur  l'onde  Aigée 

Au  mâle  appel  d'Hellas  et  d'Hélène  outragée 
Le  courageux  Atride  excite  ses  rameurs. 


Le  chœur  de  ses  compagnes  ne  parle  pas  moins  tendrement 
de  son  «  ciel  si  doux  ».  Il  chante  aussi  : 

Heureux  le  sage  assis  sous  le  toit  de  ses  pères, 

et,  lorsque  la  noble  douleur  d'Hélène  dicte  enfin  au  faible 
Paris  un  mouvement  de  bonté  et  qu'il  paraît  prêt  à  partir,  le 
chœur  se  réjouit  pour  la  Grèce  entière  de  la  courte  victoire  : 

O  charme  du  vaste  Univers, 
O  Terre  de  Pallas,  l'invincible  déesse, 

Exhale  un  hymne  d'allégresse, 
Emeus  l'Olympe  au  bruit  de  tes  sacrés  concerts  ! 
Hellas  !  ô  belle  Hellas,  terre  auguste  et  chérie, 
Mes  yeux  ont  vu  pâlir  ta  gloire,  ô  ma  patrie! 
Mais  Zeus  a  dissipé  l'ombre  vaine  d'un  jour 

Et  de  Pallas  les  mains  paisibles 
Brisent  les  traits  d'Eros,  si  longtemps  invincibles  : 

La  sagesse  a  vaincu  l'amour  ! 

Démodoce  s'exprime  parfois  comme  elle  : 

Jeune  homme,  ils  sont  aimés  des  justes  Immortels 
Ceux  qui  vivent  en  paix  sur  les  bords  paternels. 

Mais  son  patriotisme  atteint  à  une  expression  héroïque  dans 
son  mâle  appel  aux  enfants  d'Hellas,  appel  où  il  faut  voir,  à 
notre  avis,  le  vrai  dénouement  de  la  pièce  : 

O  fiers  enfants  d'Hellas,  ô  races  courageuses. 
Emplissez  et  troublez  de  clameurs  belliqueuses 
Mélanges.  II.  21 


322  L.    F.    BENEDETTO 

La  hauteur  de  l'Olympe  et  l'écho  spacieux 
Des  plaines  et  des  monts  où  dorment  vos  aïeux, 
De  l'Épire  sauvage  aux  flots  profpnds  d'Aigée, 
Levez-vous  pour  venger  la  patrie  outragée  ! 
Saisissez,  ô  guerriers,  d'une  robuste  main, 
Et  le  glaive  homicide  et  la  pique  d'airain  ! 
Pousse  des  cris,  puissante  Argos  !  Divine  Athènes, 
Couvre  la  vaste  mer  d'innombrables  antennes... 

Il  tst  une  scène  importante  d' Hélène  qu'il  faut  rapprocher  de 
ce  que  nous  venons  de  constater,  si  l'on  ne  veut  pas  se 
méprendre  sur  sa  valeur  symbolique.  M.  Vianey  y  voit  une 
preuve  de  ce  qu'il  avance  sur  le  sens  général  du  poème,  c'est- 
à-dire  qu  Hélène  serait  d'abord  un  poème  historique  symboli- 
sant la  lutte  entre  la  Grèce  et  l'Asie.  «  Ce  sens  éclate  —  ajoute- 
t-il  —  avec  une  clarté  parfaite  dans  la  scène  lyrique  où  les 
compagnons  de  Paris  ayant  reproché  à  la  Grèce  la  froideur  de 
son  ciel,  l'aède  reproche  à  l'Asie  son  génie  infertile.  »  Il  flui- 
drait  plutôt  dire  la  scène  où  les  compagnons  de  Paris  tâchent 
en  vain  d'étouffer  l'amour  du  pays  natal  dans  le  cœur  des 
Lacédémoniennes  et  de  les  décider  à  suivre  Hélène.  Ils  épuisent 
naturellement  tous  leurs  moyens  de  séduction  : 

Le  souffle  de  Borée  a  refroidi  vos  cieux. 

Oh!  combien  notre  Troie  est  plus  brillante  aux  yeux! 

Vierges!  suivez  Hélène  aux  rives  de  Phrygie, 

Où  le  jeune  Iakkhos  mène  la  sainte  Orgie, 

Où  la  grande  Kibèle  au  front  majestueux 

Sur  le  dos  de  lions,  fauves  tueurs  de  boeufs, 

Du  Pactole  aux  flots  d'or  vénérable  habitante, 

Couvre  plaines  et  monts  de  sa  robe  éclatante  ! 

La  riposte  des  femmes  suffirait  à  elle  seule  pour  nous  faire 
saibir  la  vraie  portée  de  ces  vers.  C'est  une  douce  évocation  du 
beau  paysage  laconien.  C'est  l'expression  d'un  attachement 
ingénu,  spontané,  invincible. 

Le  même  sentiment  se  révèle  chez  Démodoce,  mais  élargi, 
renforcé,  dirigé  par  la  raison.  Il  ne  se  propose  pas  de  parer 
l'accusation  de  froideur  —  il  ne  voit  dans  ce  reproche  qu'un 
artifice  oratoire  —  mais  d'opposer  encore  une  fois  aux  prin- 


L  «    HELENE    »    DE    LECONTE    DE   LISLE  323 

cipes  débilitants  des  voluptueux   la   morale  magnifique  des 
sages. 

Etrangers,  c'est  en  vain  qu'en  mots  harmonieux 

Vous  caressez  l'oreille  et  l'esprit  curieux. 

C'est  assez.  Grâce  aux  Dieux  qui  font  la  destinée 

Au  sol  de  notre  Hellas  notre  âme  est  enchaînée, 

Et  la  terre  immortelle  où  dorment  nos  aïeux 

Est  trop  douce  à  nos  cœurs  et  trop  belle  à  nos  yeux. 

Les  vents  emporteront  ta  poussière  inféconde 

Ilios!  Mais  Hellas  illumine  le  monde. 

L'amour  du  sol  natal  est  pour  Démodoce  un  des  facteurs 
essentiels  de  la  vraie  civilisation.  Il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant 
à  ce  qu'il  magnifie,  après  avoir  déclaré  l'amour  des  Hellènes 
pour  leur  patrie,  l'effet  qui  en  découle  naturellement  :  leur 
grandeur  immortelle. 

L'origine  première  et  le  but  fondamental  de  la  pièce  paraissent 
bien  avoir  été  ceux  que  nous  indiquons  puisqu'il  suffit  d'ad- 
mettre notre  interprétation  générale  pour  trouver  immédiate- 
ment les  sources  qui  ont  inspiré  au  poète  son  symbole. 

M.  Vianey,  dont  les  études  sur  les  sources  des  poèmes  lis- 
liens  sont  en  général  si  heureuses  et  si  pénétrantes,  s'est  ici, 
nous  semble-t-il,  fourvoyé.  Il  est  d'avis  que  le  drame  de 
Leconte  de  Lisle  n'a  pas  eu  d'autre  source  principale  que 
VEnUvcDient  d^HéJcuc  de  Kolouthos  '.  Or,  les  deux  poèmes 
ont  entre  eux  une  seule  ressemblance  :  ils  nous  font  assister, 
l'un  et  l'autre,  à  l'enlèvement  et  nous  introduisent  dans  le 
palais  des  Atrides  à  l'arrivée  de  Paris.  Mais  il  n'était  pas  diffi- 
cile d'imaginer,  sans  une  source  spéciale,  la  première  ren- 
contre de    Paris    et  d'Hélène.    Sans    nier    absolument    que 

I.  Vianey,  oiiv.  cit.,  pp.  368-372.  Il  faut  lirel"Ap::ay7]  xf;<;  'EÀî'vtj;  dans 
l'édition  critique  de  G.  Weikberger,  Tryphioâcri  et  CoUuihi  caniihia,  Lip- 
siae,  1896  ;  mais  on  peut  aussi  consulter  avec  profit,  pour  une  oiientation 
générale,  l'édition  d'Eug.  Abel,  CoUulhi LycopoUtani  catmen  deraptii  Helenae, 
Berlin,  1880.  S'il  a  lu  le  poème  de  Koluthos,  Leconte  de  Liflel'a  lu,  vrai- 
semblablement, dans  le  texte  de  Lehrs,  Paris,  Didot,  1840.  Le  succès  de 
ce  petit  poème  n'a  pas  été  en  France  moins  étonnant  qu'ailleurs  :  voir,  au 
nom  ÇoLUTHUS,  La  France  lit  là-aire  de  Quérard. 


324  L.    F.    BENEDETTO 

Leconte  de  Lisle  ait  connu  Kolouthos,  on  peut  affirmer  avec 
certitude  qu'il  ne  lui  a  rien  emprunté. 

Ce  n'est  pas  le  poème  on  ne  peut  plus  mesquin  et  ridicule 
du  v^  siècle  qui  a  excité  ou  guidé  sa  création.  L'idée  de  sym- 
boliser dans  Hélène  l'opposition  des  deux  Grèces,  la  volup- 
tueuse et  la  prométhéenne,  lui  est  venue  directement  des  deux 
poèmes  homériques. 

L'Hélène  de  VOdyssée  est  le  développement  logique  et  néces- 
saire de  celle  de  l'Iliade  :  tout  œil  un  peu  pénétrant  saisit  sans 
peine  l'identité  de  leurs  traits  essentiels.  Et  pourtant,  lors- 
qu'on a  devant  soi  la  noble  hôtesse  de  Télémaque,  si  royale- 
ment sereine,  si  tendrement  maternelle,  on  ne  peut  s'empê- 
cher de  se  demander  si  c'est  bien  là  encore  la  pleureuse  de 
Vlliade  succombant  sous  un  destin  inexorable.  Il  n'est  pas  de 
lecteur,  je  crois,  qui  n'ait  noté  ce  contraste.  Leconte  de  Lisle 
était,  pour  les  raisons  qu'on  connaît,  exceptionnellement  pré- 
paré à  en  sentir  toute  la  force.  C'est  de  cette  impression  de 
contraste  qu'ont  produite  sur  lui  les  deux  figures  et  de  la  cons- 
cience de  leur  réelle  identité,  que  son  poème  est  sorti. 

Le  sujet  d'Hélène  est  tout  entier  dans  Vlliade.  Quoiqu'il  se 
déroule  dans  Ilios  et  à  l'époque  de  la  guerre,  le  drame  qu'on 
lit  dans  Homère  est  exactement  le  même  qui  a  eu  pour  théâtre 
le  palais  de  Sparte,  à  l'époque  de  l'enlèvement.  L'état  d'iîme  de 
l'héroïne  est  le  même.  Son  cœur  est  de  nouveau  plein  d'amour 
pour  son  mari  et  pour  sa  terre  natale.  La  situation  est  telle- 
ment identique  que,  lorsque  la  déesse  implacable  réapparaît 
devant  elle  pour  l'entraîner  de  nouveau  dans  les  bras  de 
l'amant,  elle  lui  demande,  dans  sa  plainte  indignée,  si  on  l'a 
destinée  à  quelque  autre  Paris.  Leconte  de  Lisle  n'eut  rien  à 
changer  au  tableau  exquis  d'Homère,  lorsqu'il  fit  d'Hélène 
une  figure  douloureuse,  entourée  de  pitié  et  de  sympathie, 
arrachée  à  ses  devoirs  par  une  fatalité  impitoyable. 

II  s'arrêta  à  rêver  sur  ce  que  la  plus  belle  des  femmes  dit  en 
pleurant  au  vieux  roi  :  que  mieux  eût  valu  mourir  de  la  mort 
la  plus  cruelle  que  de  quitter  son  mari,  ses  frères,  sa  chère 


L«    HELENE    »    DE   LECONTE    DE    LISLE  325 

enfant,  ses  douces  compagnes.  Il  tâcha  de  préciser  la  vision 
que  suggèrent  ces  regrets  et  d'imaginer  le  milieu  tranquille  où 
s'écoula  sa  vie  chaste. 

VOdyssà  pouvait  seule  l'y  aider,  le  tableau  de  ce  qu'Hélène 
fut,  une  fois  rentrée  dans  la  maison  de  Ménélas  et  restituée  à 
ses  premiers  devoirs,  laissant  deviner  ce  qu'elle  avait  été  avant 
que  l'orage  de  la  passion  éclatât. 

Leconte  de  Lisle  utilisa  VOdyssée,  largement.  Il  y  trouvait  un 
tableau  complet  de  la  civiHsation  vertueuse  et  calme  qu'il  per- 
sonnifia en  Démodoce,  qui,  du  reste,  est  un  personnage  de 
VOdyssée.  Il  trouvait  un  des  reflets  les  plus  brillants  de  cette 
civilisation  dans  la  belle  scène,  qu'il  a  si  magistralement  adap- 
tée à  sa  nouvelle  conception  :  la  cour  de  Sparte,  où  trône, 
bonne  et  hospitalière,  la  reine  divine. 

La  différence  générale,  si  facile  à  saisir,  qui  fait  de  VOdyssée 
la  contrepartie,  bien  plus  que  la  continuation  de  VIliade, 
s'ajoutait  à  l'opposition  spéciale  des  deux  Hélène  pour  l'enga- 
ger à  voir  dans  son  sujet  le  symbole  d'un  progrès  décisif 
accompli  par  le  peuple  grec. 

On  a  remarqué  que,  par  moments,  il  semble  que  le  poème 
de  Leconte  de  Lisle  prenne  plus  de  généralité  et  que  l'héroïne 
représente,  non  plus  l'âme  du  monde  à  un  moment  de  l'his- 
toire de  la  civilisation,  mais  l'âme  humaine  de  tous  les  temps. 
«  Par  moments,  dit  M.  Vianey,  Leconte  de  Lisle  semble  nous 
donner  dans  son  personnage  le  portrait  de  l'humanité  entière, 
et  nous  la  représenter  comme  assujettie  au  plus  intolérable  des 
supplices  :  celui  de  se  sentir  en  proie  à  des  passions  irrésistibles 
dont  elle  n'est  point  responsable  et  d'entendre  en  même  temps 
une  voix  non  moins  impérieuse  qui  les  condamne.  Par 
moments,  Leconte  de  Lisle  semble  déclarer  que  la  vie  est  mau- 
vaise et  qu'elle  nous  oblige  à  faire  ce  que  nous  désapprouvons, 
notre  raison  nous  prescrivant,  sous  peine  d'une  honte  irré- 
médiable, d'accomplir  le  devoir,  et  nos  passions  nous  con- 
traignant à  le  violer.  Telle  est  du  moins  la  force  des  invectives 
d'Hélène  qu'on  se  demande  si  dans  le  sort  de  son  héroïne  le 


326  L.    F.    BENEDETTO 

poète  n'a  pas  voulu  nous  faire  reconnaître  toute  destinée 
humaine  '.  » 

Ce  que  nous  avons  dit  jusqu'ici  résout  le  problème. 

Certes,  l'idée  des  destinées  planant,  implacables,  sur  les 
efforts  des  mortels,  l'idée  de  la  souffrance  humaine,  est  impli- 
cite dans  l'histoire  que  le  poète  nous  raconte,  le  progrès  qu'ac- 
complissent les  Hellènes  étant  présenté  par  lui  comme  une  vic- 
toire remportée  sur  des  dieux  puissants  et  cruels.  Mais  le  poète 
ne  s'est  pas  proposé  de  représenter,  en  général,  l'éternel  con- 
flit de  l'homme  et  du  destin.  Il  y  a  plusieurs  fatalités,  ou,  tout 
au  moins,  plusieurs  incarnations  différentes  de  la  Moire  invin- 
cible. Leconte  de  Lisle  a  représenté  dans  Niobé  et  dans  Kaïtiy 
l'Ananké  jalouse  qui  pèse  sur  l'humanité  tout  entière  et  qui 
l'empêche,  après  l'avoir  privée  d'Eden,  de  reconquérir  la  liberté 
et  le  bonheur  primitifs.  Il  a  montré  dans  les  Erynnies  le  des- 
tin qui  poursuit  toute  une  famille  et  ailleurs  celui  qui  écrase 
l'individu.  Dans  Hélèjie  il  a  représenté  le  destin  qui  domine  la 
vie  et  entrave  l'évolution  glorieuse  d'un  peuple. 

Il  est  vrai  qu'Hélène  se  joint  facilement,  dans  l'imagination 
du  lecteur,  à  tous  les  autres  types,  dans  lesquels  le  poète  a  per- 
sonnifié la  conscience  du  mal  et  de  l'irresponsabilité  humaine. 
On  pense  à  Niobé  et  à  Kaïn  lorsqu'elle  gémit  dans  l'abatte- 
ment : 

Ne  cesserez-vous  point,  Destins  inexorables 
D'incliner  vers  le  mal  les  mortels  misérables? 

et  surtout  lorsqu'elle  hurle  dans  la  fureur  : 

. . .  toi,  fille  de  Zeus,  ô  gardienne  infidèle 
Pallas,  qui  m'as  trahie  ;  et  vous,  funestes  Dieux 
Qui  me  livrez  en  proie  à  mon  sort  odieux 
Qui  me  poussez  aux  bras  de  l'impur  adultère... 
Par  le  fleuve  livide  et  l'Hadés  solitaire, 
Par  Niobé,  Tantale,  Atrée  et  le  Festin 
Sanglant!  par  Perséphone  et  par  le  noir  Destin, 

I.  ViANEY,  oui:  cit.,  p.   375. 


l'«    HÉLÈNE    »    DE    LECONTE    DE    LISLE  327 

Par  les  fouets  acharnés  de  la  pâle  Erynnie, 

O  Dieux  cruels,  Dieux  sourds!  ô  Dieux,  je  vous  renie  ! 

On  se  souvient  de  Kaïn  reprochant  à  Jahveh  le  meurtre 
d'Abel,  et  de  Magnus  rejetant  sur  Dieu  la  faute  de  son  impiété 
irréductible,  lorsqu'elle  répond  fièrement  à  ses  compagnes  : 

Ah  !  sans  doute  il  est  lourd  le  poids  que  mon  cœur  porte  ! 
Ils  sont  amers  les  pleurs  qui  tombent  de  mes  yeux! 
Mais  les  Dieux  l'ont  voulu,  je  m'en  remets  aux  Dieux  ! 
Ils  ont  troublé  ma  vie...  Eh  bien!  quoiqu'il  m'en  coûte 
J'irai  jusques  au  bout  de  ma  funeste  route; 
Gloire,  honneur  et  vertu,  je  foulerai  du  pié 
Ce  que  l'homme  et  le  ciel  révèrent,  sans  pitié. 
Sans  honte  !  et  quand  viendra  le  terme  de  mon  âge, 
Voilà,  dirai-je  aux  Dieux,  votre  exécrable  ouvrage  ! 

Parfois  sa  plainte  retentit  comme  un  fragment  d'Orcslie  : 

ô  douleur  !  ô  race  fatidique 

D'Atrée  !  ô  noir  Destin  et  déplorable  jour  ! 

Mais  ces  rapprochements  sont  inévitables,  les  aspects  divers 
du  mal  humain  ne  pouvant  pas  se  séparer  trop  rigoureusement 
l'un  de  l'autre  et  Hélène  ne  cessant  pas  d'être  un  individu 
déterminé  malgré  sa  signification  symbolique.  La  vraie  fata- 
lité qu'on  voit  agir  dans  Hélène  n'en  est  pas  moins,  à  notre 
avis,  la  fatalité  ethnique,  celle  que  font  à  un  peuple  ses  plus 
puissants  instincts. 

Il  faut  d'ailleurs  se  souvenir  que  ce  n'est  pas  dans  la  peinture 
d'une  vie  malheureuse  et  flttale  que  gît  l'intérêt  principal  de 
la  pièce.  Hélène  n'est  point  du  tout  un  poème  pessimiste.  La 
conscience  du  mal  n'y  exclut  pas  l'optimisme  vigoureux  de 
Niobé  et  de  Kaïn,  la  foi  à  un  meilleur  avenir,  le  courage  de 
tout  entreprendre  pour  en  hâter  l'avènement.  Les  vrais  héros 
du  poème  ce  sont  les  forts  enfants  d'Hellas  que  Démodoce 
appelle  aux  armes.  Il  y  a  parmi  eux  un  Achille  et  nous  savons 
ce  que  c'est  que  d'être  élevé  par  Khirôn  ' . 

I.  J.  Lemaitre,  Les  contemporains,  deuxième  série,  Paris,  1889,  p.  30,  a 
écrit  :  «  Il  nous  montre,  en  deux  drames  dont  la  forme  imite  d'assez  près 


328  L.    F.    BENEDETTO 


* 

*  * 


L'idéal  pour  lequel  ils  combattent  n'est  pas  une  chimère 
insaisissable  ;  c'est,  pour  Leconte  de  Lisle,  une  splendide  réalité 
de  l'histoire.  Le  dernier  tableau  de  VApollonide  fait  voir  quel 
était,  suivant  le  poète,  le  prodige  éclatant  auquel  aboutiraient 
les  efforts  :  l'Athènes  de  Périklès. 

Dans  l'aurore  et  l'azur 

Emplissant  l'horizon  de  sa  splendeur  soudaine 
Monte  aux  cicux  élargis  la  Cité  surhumaine, 
Et  la  grande  Pallas,  le  front  ceint  d'un  éclair 
Dresse  sa  lance  d'or  sur  les  monts  et  la  mer! 

Athènes,  c'est  l'harmonie  parfaite  de  toutes  les  vertus  de  la 
race,  sous  les  auspices  de  Pallas,  déesse  de  la  pensée  et  de  l'ac- 
tion. Le  changement  de  la  passion  aveugle  en  amour  chaste  — 
qui  fait  le  sujet  principal  d'Hélène  —  est  le  premier  pas  néces- 
saire vers  cette  fusion  féconde.  Un  progrès  plus  considérable 
sera  accomph,  lorsque  Pallas  s'adjoindra,  en  le  disciphnant, 
Ion,  l'Apollondide.  Celui-ci  n'est  pas,  comme  on  le  répète 
communément,  le  génie  grec  '  ;  il  en  est  la  vertu  principale, 
l'instinct  de  la  multiple  beauté.  Ion  à  Pytho,  dans  la  demeure 
de  l'oracle,  adorant  son  père  Apollon, causant  avec  les  oréades 
sous  les  feuillages  des  forêts,  c'est  la  poésie  au  berceau,  hymne 
intérieur  à  l'âme  poétique  du  monde,  bien  plus  que  réalisation 
concrète  en  formes  artistiques.  Ion  passant  du  rocher  pythique 
à  Athènes,  le  poète  d'Apollon  devenant  prince  athénien,  c'est 

les  tragédies  d'Eschyle,  l'aventure  fatale  d'Hélène,  amante  de  Paris,  et 
d'Oreste  vengeur  de  son  père  et  meurtrier  de  sa  mère.  Mais  aussitôt  sur- 
gissent les  rebelles,  chers  au  poète  de  Kaïn;  c'est  Khirôn  puni  pour  avoir 
rêvé  des  dieux  meilleurs  que  ceux  de  l'Olympe;  c'est  Niobé  fidèle  aux  titans 
vaincus.  »  Cette  opposition,  à  notre  avis,  n'a  pas  le  droit  d'exister.  Les 
rebelles  surgissent  déjà  dans  Hélène. 
I.  ViANEY,  oiivr.  cit.,  p.  298  et  suiv. 


L«    HELENE    »    DE   LECONTE    DE    LISLE  329 

la  poésie  pénétrant,  transformant,  sublimant  toute  la  vie;  c'est 
la  naissance  de  la  vraie  civilisation  athénienne,  où  toute  espèce 
d'activité  s'enveloppe  de  beauté  et  où  tout  se  reflète  dans  l'art, 
miroir  éternel.  C'est  alors  que  Ion  a  la  pleine  révélation  des 
Muses 

A  travers  la  nue  infinie 

Et  la  fuite  sans  fui  du  temps 

Le  chœur  des  astres  éclatants 

Se  soumet  à  notre  harmonie. 

Tout  n'est  qu'un  écho  de  nos  voix  : 

L'oiseau  qui  chante  dans  les  bois, 

La  mer  qui  gémit  et  qui  gronde, 

Le  long  murmure  des  vivants, 

Et  la  foudre  immense  et  les  vents, 

Car  nous  sommes  l'âme  du  monde  '. 

C'est  alors  que  la  grande  Athènes  devient  possible.  Une  des 
Muses  la  lui  montre  au  loin  telle  qu'elle  sera  dans  l'avenir  : 

Enfant  !  tu  vois  la  fleur  magnifique  des  âges 
Qui  s'épanouira  sur  le  monde  enchanté, 
La  ville  des  héros,  des  chanteurs  et  des  sages, 
Le  temple  éblouissant  de  la  sainte  Beauté. 
Tu  donneras  ton  nom  à  ces  races  nouvelles  ; 
Et  dans  un  chant  divin  qui  ne  doit  plus  finir, 
Apollonide  Ion  !  nos  lèvres  immortelles 
Diront  ta  jeune  gloire  aux  siècles  à  venir! 

I.  On  comprend  mal,  sans  notre  interprétation,  une  contradiction  assez 
visible  entre  la  fin  du  drame  et  les  premières  scènes.  A  la  fin  du  drame,  Ion 
ne  connaît  pas  les  Muses .  Il  leur  demande  lorsqu'elles  se  présentent  à  ses 
yeux  : 

Qu'êtes-vous,  ô  formes  sublimes. 

Spectres  ou  déesses,  parlez  ! 

Montez- vous  des  sombres  abîmes  ? 

Venez-vous  des  cieux  étoiles  ? 
Or,  il  a  déjà  dit,  tout  au  commencement  de  la  pièce,  son  invocation  au 
laurier  sacré,  invocation  qui  renferme  toute  une  poétique. 

O  Laurier  qui  verdis  dans  les  Jardins  célestes. 

Que  l'Aube  ambroisienne  arrose  de  ses  pleurs  ! 

Laurier,  désir  illustre,  oubli  des  jours  funestes. 

Qui  d'un  songe  immortel  sait  charmer  nos  douleurs  ! 

Permets  que,  par  mes  mains  pieuses,  ô  bel  Arbre, 

Ton  feuillage  mistique  effleure  le  parvis. 


330  L.    F.    BENEDETTO 

Je  ne  sais  si  l'on  a  remarqué  combien  souvent  Leconte  de 
Lisle  a  sculpté  ses  héros  dans  la  même  attitude  :  tous  absorbés 
par  la  dernière  évocation  du  passé.  Que  de  fois  ce  mot  Salut! 
cri  à  la  fois  de  ravissement  et  d'angoisse  qu'arrache  au  mou- 
rant la  dernière  vision  des  jours  heureux!  Adam  meurt,  les 
souvenirs  d'Eden  dans  les  yeux.  Debout  sur  son  lit  granitique, 
les  bras  croisés  sur  son  sein,  dans  la  nuit,  Kaïn  évoque  l'âge 
du  bonheur  à  l'instant  même  où  les  cataractes  du  ciel  vont 
s'ouvrir  pour  noyer  toute  sa  race.  Si  Khirôn  le  Centaure  rap- 
pelle sa  vie  avec  tant  d'émotion,  c'est  parce  qu'il  sait  que  la 
mort  est  proche.  Nous  avons  déjà  vu'Valmiki  revivant,  avant 
de  mourir,  tout  son  poème.  Sous  un  ciel  noir,  à  la  lueur 
sinistre  des  torches,  le  barde  de  Mona  chante  la  première  his- 
toire de  sa  race  et  son  chnnt  n'est  pas  plutôt  fini  que  Mur- 
doch  le  destructeur  apparaît.  Un  autre  barde,  le  barde  de  Tem- 
rhah  nous  apparaît,  lui  aussi,  dans  la  nuit  morne,  les  bras  croi- 
sés, les  yeux  caves  et  grands  ouverts,  évoquant  la  gloire  des 
anciens  Finns,  les  combats,  les  vertus,  les  fêtes  de  la  sainte 
Erinn,  et  enfonçant  ensuite  l'épée  dans  son  cœur.  Le  dernier 
des  Maourys,  dernier  survivant  d'une  race  de  cannibales  que 
les  blancs  ont  détruite,  redit  toute  l'histoire  tragique  de  son 
peuple,  et,  son  récit  achevé,  disparaît  dans  les  ténèbres.  Chez 
Mouça-Al-Kébyr  le  souvenir  devient  hallucination  :  l'heure  de 
l'outrage  et  de  la  mort  se  transforme  pour  le  guerrier  en  une 
heure  lumineuse  de  triomphe.  La  résurrection  des  ans  écoulés, 
des  aventures  d'autrefois,  est  pour  Magnus  aussi  l'agonie  de 
l'âme  à  l'approche  de  la  mort  :  une  fois  que  toute  sa  vie  s'est 
étalée,  vision  claire  et  puissante,  à  ses  yeux,  le  vieillard  dispa- 
raît dans  les  flammes  infernales  et  le  donjon  s'écroule.  Dans 
les  quelques  instants  que  Komor  lui  accorde  pour  conjurer  le 
Sauveur  avant  de  mourir,  Tiphaine  s'oublie  dans  un  beau  rêve 

Afin  que  la  blaacheur  vénérable  du  marbre 
Eblouisse  les  yeux  ravis 
C'est  Leconte  de  Lisle,  bien  plus  que  Ion  qui  exprime  ses  idées  dans  ces 
vers. 


l'«    HÉLÈNE    »    DE    LECONTE   DE   LISLE  33I 

et  c'est  sa  jeunesse  fraîche  et  joyeuse,  c'est  l'aurore  divine  de 
son  premier  amour,  c'est  l'enivrement  de  la  faute  après  l'union 
funeste,  c'est  tout  le  passé  inoubliable  qui  lui  revient  en 
mémoire. 

V Apollon i de  :i  été  le  rêve  enchanté  où  le  poète  s'oublia  à  son 
couchant. 

Li  nuit  l'enveloppait.  Son  regard  ne  discernait  plus  dans  le 
passé,  autrefois  si  splendide,  qu'un  cortège  lugubre  de  morts, 
de  même  que  la  nature  ne  lui  laissait  plus  percevoir  que  ses 
aspects  les  plus  sinistres.  Il  sentait  un  lourd  destin  peser  sur 
les  hommes,  sur  les  animaux,  sur  les  plantes,  et  entraîner  tout 
ce  monde  triste  au  néant.  Et  lui,  l'ancien  Kaïnite,  le  chan- 
teur d'Enokia,  n'avait  plus  qu'une  crainte  désormais  :  que  la 
mort  ne  fût  pas  complète,  que  la  paix  ne  fût  pas  irrévocable. 
Il  disait  de  mille  manières  son  désir  du  silence,  de  l'oubli  éter- 
nels. 

La  patrie  idéale  reparut  devant  lui.  Jamais  sa  vision  n'avait 
été  si  lumineuse,  si  pure,  si  entière.  C'étaient,  dans  une  syn- 
thèse magnifique,  tous  ses  souvenirs,  tous  ses  rêves.  C'était 
l'épanouissement  complet  et  radieux  de  la  beauté  :  l'apothéose 
d'Hélène'. 

Luii^i  Foscolo  Benedetto. 


I.  J.  Lemaitre,  Iiiipn'ssioits  de  théâtre,  neuvième  série,  Paris,  1896,  p.  i, 
parle  de  V Apollonide  comme  d'une  simple  adaptation  de  VIon  d'Euripide  et 
montre  par  là  qu'il  n'a  rien  compris  à  ce  poème  admirable.  Voir  plutôt  les 
belles  pages  qu'a  consacrées  à  V Apollonide  Jean  Psichari,  Autour  de  la 
Grèce,  Paris,  1897,  p.  161-171  . 


LA  BIBLIOTHÈQUE 

DE 

CLAUDE  BELLIÈVRE 

(1530) 


Claude  Bellièvre  a  pu  être  considéré  à  juste  titre  comme  un 
précurseur  de  nos  modernes  archéologues  et  épigraphistes. 
C'est  à  lui  que  la  ville  de  Lyon  dut  l'acquisition  des  fameuses 
Tables  de  Claude;  ses  jardins  du  quartier  du  Gourguillon,  à 
Lyon,  où  il  avait  rassemblé  quantité  d'inscriptions  et  de 
monuments  antiques,  sont  demeurés  longtemps  célèbres,  et 
son  Liigdumun  priscimi  aurait  suffi  à  sauver  son  nom  de  l'oubli. 
Mais  ce  que  ne  disent  pas  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de 
lui,  c'est  que  cet  amateur  passionné  des  vieilles  choses  avait 
formé  une  collection  de  livres  vraiment  importante  pour 
l'époque.  Seul,  à  ma  connaissance,  Léopold  Niepce  '  parle  de 
sa  «  librairie  »  ;  encore,  bien  qu'il  souligne  le  mot,  est-ce 
tout  à  fait  en  passant  ;  et  s'il  la  qualifie  de  «  belle  »,  il  semble 
bien  que  ce  soit  de  confiance.  Cependant,  le  catalogue  de  la 
bibliothèque  de  Bellièvre  existe,  écrit  de  sa  main  ;  il  occupe 
dix  à  onze  pages  de  l'un  de  ces  gros  recueils  où  l'érudit 
lyonnais  se  plaisait  à  accumuler  les  notes  sur  les  sujets  les 
plus  variés-. 

1.  Léopold  Niepce,  Archéologie  lyoïiintise  ;  les  chambres  de  iiierveilles  et 
cabinets  d'antiquités  de  Lyon  depuis  la  Renaissance  jusqu'en  i/Sç,  p.  57.  — 
Je  ne  trouve  aucune  mention  de  la  bibliothèque  de  Claude  Bellièvre  dans 
l'ouvrage  du  même  auteur,  Les  Bibliothèques  anciennes  et  modernes  de  Lyon 
(Lyon,  1876). 

2.  Bibl.  Nat.,  ms.  fr.  17526,  fol.  82-87  ^^^  ''^  P^^^^  récente  numérotation. 


334  LUCIEN   AUVRAY 

Ce  catalogue  comprend  i68  articles.  Trois  parties,  au  point 
de  vue  de  la  rédaction,  sont  à  distinguer.  Une  première  par- 
tie, qui  couvre  les  feuillets  82  à  85  du  manuscrit,  paraît  s'ar- 
rêter h  notre  numéro  136.  Elle  a  été  écrite,  à  une  date  indé- 
terminée ',  toute  d'une  teneur  et  d'une  même  encre  assez 
noire,  d'une  main  d'abord  assez  posée,  puis,  dès  la  seconde 
page,  très  rapide.  Après  quoi,  la  diversité  des  encres  et  des 
plumes  indique  clairement  que  Bellièvre  a  eu,  à  plusieurs 
reprises,  la  préoccupation  de  tenir  à  jour  ce  premier  inventaire. 
Ces  additions  successives  vont  du  numéro  137  au  numéro  165 
du  catalogue.  Elles  ne  doivent  pas  dépasser,  comme  date, 
l'année  1530.  En  effet,  la  date  1530,  qui  se  lit  en  tête  du 
catalogue,  est  une  addition  postérieure  à  la  rédaction  de  la 
première  partie,  et  doit  s'appliquer  à  la  totalité  de  ce  cata- 
logue, jusqu'au  numéro  165  inclus-. 

Enfin,  un  dernier  et  court  supplément  (fol.  86  v°-87  r°) 
date  de  1555;  on  y  trouvera  mentionnés  uniquement  des 
recueils  de  la  main  de  Bellièvre  lui-même  (n.  166  à  168). 

Un  certain  ordre  a  présidé  au  classement  de  cette  biblio- 
thèque, qui,  formée  à  l'usage  d'un  magistrat  \  est,  pour  une 

Bellièvre  avait  intitulé  ce  recueil  Varia  parinnu,  par  opposition  à  un  autre, 
dénommé  Varia  vtaginnii,  qui  semble  perdu. 

1.  Mais  cette  date  ne  saurait  être  antérieure  à  1524;  c'est  en  cette  année, 
en  effet,  que  parut  la  première  édition  des  Mémoires  de  Philippe  de  Com- 
mines  (cf.  no  71  du  catalogue). 

2.  Les  mots  :  «  j'avoys  en  l'an  1550  »  sont,  en  effet,  d'une  encre  beau- 
coup plus  pâle  que  les  mots  :  «  Primo,  in  Jure  canonico  »,  qui  précédent 
immédiatement.  Il  est  à  noter  que  cette  même  date  «  1530  »  résulte  d'une 
correction;  Bellièvre  avait  d'abord  écrit  «  1523  »,  mais  par  pure  inadver- 
tance ,  semble-t-il,  et  aucune  partie  du  catalogue  ne  remonte  à  cette  date. 
Outre  que  ces  deux  dates  sont,  dans  le  texte,  exactement  de  la  même  encre, 
on  a  vu,  dans  la  note  précédente,  que  la  partie  la  plus  ancienne  du  catalogue 
ne  peut  être  antérieure  à  1524. 

3.  Ou,  plus  exactement,  d'un  futur  magistrat.  De  1522  à  1528,  Bel- 
lièvre fut  échevin  de  Lyon.  C'est  en  1552  qu'il  fut  pourvu  de  l'office  d'avo- 
cat du  roi  en  la  sénéchaussée  de  Lyon  et  bailliage  de  Mâcon.  Cf.  Catalogue 
des  actes  de  François  /er,  t.  II,  n"  4380.  —  Pour  le  curriciduin  vilae  de 
Claude  Bellièvre,  on  pourra  consulter  Fleury  Vindry,  Les  Parktnenlaires 
français  au  XVI^siîcle,  t.  I,  p.  69  (Parlement  de  Grenoble).  Cf.  Inventaire 


LA    BIBLIOTHEQUE   DE   CLAUDE    BELLIEVKE  335 

bonne  partie,  mais  non  certes  exclusivement,  une  biblio- 
thèque juridique'.  —  En  tête  figurent,  avec  un  sous-titre 
spécial,  les  livres  de  droit  canon,  au  nombre  de  10;  vient 
ensuite,  avec  un  autre  sous-titre,  une  plus  longue  et  plus 
importante  série  d'ouvrages  sur  le  droit  civil,  textes  et  com- 
mentaires (n.  II  à  63).  Puis,  après  une  ligne  en  blanc,  indi- 
quant le  commencement  d'une  nouvelle  section,  sont  mention- 
nés, un  peu  pêle-mêle,  les  ouvrages  qui,  sauf  quelques 
exceptions  (le  n°  107  en  est  une),  ne  rentrent  dans  aucune 
des  deux  catégories  précédentes  (n.  64  à  136).  Cette  dernière 
division  n'est  pas  celle  qui  présente  à  nos  3'eux  le  moins 
d'intérêt  ;  c'est  elle  qui  constitue  la  portion  non  profession- 
nelle de  la  bibliothèque  de  Bellièvre,  et  peut  le  mieux  nous 
renseigner  sur  ses  goûts  d'humaniste.  —  Parmi  les  additions 
postérieures  à  la  première  rédaction,  nous  retrouvons,  mêlés 
à  des  ouvrages  de  toute  nature,  une  assez  forte  proportion  de 
livres  de  droit. 

On  raconte  que  Barthélémy  I  Bellièvre,  grand-père  de 
Claude,  qui,  sans  doute  avant  de  devenir  intendant  de  la  mai- 
son du  cardinal  de  Bourbon,  archevêque  de  Lyon,  avait  été 
notaire,  occupait  un  clerc  de  son  étude  uniquement  «  à  copier 
les  bons  auteurs  latins  et  les  anciennes  chroniques  de  notre 
histoire^  ».    On  ne  s'étonnera    pas   de   rencontrer,   dans   la 

ioiiniuiirc  des  Ai cbivcs  dcpartemeii Iules  aiiU'rieures  à  i'j(^o...,  Isài',l.  11(1884), 
pp.  II  et  59. 

1 .  Parmi  les  nombreuses  bibliothèques  privées  de  la  première  moitié  du 
XYi»:  siècle,  dont  le  catalogue  a  été  publié,  je  me  bornerai  à  citer,  comme 
se  rapprochant  plus  particulièiement,  par  leur  ccmpositicn,  de  la  biblio- 
thèque de  Claude  Bellièvre,  celle  de  Gilles  Perrin,  officiai  de  l'archidiacre 
de  Josas  (1528  ;  189  articles,  divisés  en  deux  séries;  catalogue  publié  par 
M.  Ernest  Coyecque,  dans  le  BuUeiin  hisloriqtie  et  philologique  du  Comité 
des  Travaux  historiques  et  scientifiques,  année  1896  [1897],  pp.  777-785  ; 
tirage  à  part  de  10  pages),  et  celle  de  Georgius  Sabinus.gendrede  Mélanch- 
thon  (1533;  8)  articles;  bibliothèque  exclusivement  juridique;  catalogue 
publié  par  M.  Fritz  Schillmann,  dans  le  Zeiiiralblali  Ji'ir  Bibliothehîvesev, 
t.  XXVIII,  novembre  191 1,  pp.  487-495).  Notamment,  les  n.  12,  30,  39, 
45,  138  du  catalogue  de  Bellièvre  se  retrouvent  dans  celui  de  Sabinus. 

2.  Pernetti,  Recherches  pour  servir  à  llnstoire  de  Lyon,  les  Lyoniiois  dignes 
de  mémoire,  t.  I  (1757),   p.   306,  reproduit  à  peu  près  textuellement  par 


336  LUCIEN    AUVRAY 

bibliothèque  de  son  petit-fils,  héritier  de  ses  goûts  et  peut- 
être  aussi  d'une  partie  de  ses  livres,  un  certain  nombre  d'au- 
teurs classiques  ';  et  parmi  ceux  des  volumes  de  sa  collection, 
auxquels  Claude  Bellièvre  semble  avoir  attaché  le  plus  de 
prix,  figuraient  des  exemplaires  manuscrits,  sur  parchemin  et 
«fort  beaux  »,  de  Térence  (n.  ii6)  et  de  Quinte  Curce 
(n.  115)  ;  l'un  de  ses  six  volumes  de  Cicéron  était  une  «  rhé- 
torique... à  la  meyn,  fort  belle  »  (n.  117);  et  des  Commen- 
taires de  César,  il  possédait,  outre  un  exemplaire  «  en  lettre 
coursive  »,  sans  doute  sur  papier  (n.  153),  une  copie  «  à  la 
meyn  »,  sur  parchemin  (n.  14e)-. 

Les  ouvrages  des  contemporains,  ou  d'auteurs  peu  anté- 
rieurs à  sa  génération,  trouvaient  également  place  sur  les 
rayons  de  son  cabinet  ;  les  Mémoires  de  Philippe  de  Com- 
mines,  par  exemple,  alors  dans  toute  leur  nouveauté  (n.  71), 
ou  encore  la  Farce  de  Maistre  Pathelin  (n.  162)  ;  1'  «  Histoire 
de  la  défaite  des  Luthériens  en  Lorraine  »  (n.  142)  représen- 
tait dans  sa  collection  l'événement  d'actualité. 

Les  auteurs  italiens,  et  cette  constatation  ne  saurait  sur- 
prendre, sont  en  assez  forte  proportion  dans  la  bibliothèque  de 
Claude  Bellièvre  5;  on  sait  les  longs  séjourgde  l'antiquaire  lyon- 
nais à  Rome,  à  Florence  et  dans  l'Italie  du  Nord  ;  toutefois,  s'il 
est  vraisemblable  qu'il  les  ait  rapportés  d'au-delà  des  monts, 
il  a  pu  se  procurer  tout  aussi  bien  chez  les  grands  imprimeurs- 
libraires  de  sa  ville  natale  ses  exemplaires  de  Pétrarque  (n.  69 
et  156),  de  Politien  (n.  72),  de  Sannazar  (n,  100),  d'Anto- 
nio Fregoso  (Conten'^ione  di  Plttto  ed  Iro,  n.  96),  de  Laurent 
Valla  (n.  68  et  98),  comme  aussi  les  «  Regole  grammaticali 

l'auteur  anonyme  des  Essais  sur  la  ville  de  Lyon,  dans  Archives  historiques  et 
slatistiques  du  département  du  Rhône,  t.  VIII  (1828),  pp.  82-83. 

1.  Cf.  les  numéros   64,  66,  67,  70,  81,  105,  109,  m    à  117,  137,  138, 
146,  153. 

2.  Je  signalerai  encore,  parmi  les  manuscrits  appartenant  à  Bellièvre,  le 
n.  73. 

3.  Il  en  était  de  même  dans  la  bibliothèque  de  Gilles  Perrin,  dont  il  a 
été  fait  mention  plus  haut,  et  certainement  dans  beaucoup  d'autres. 


LA    BIBLIOTHEaUE    DE   CLAUDE    BELLIHVRE  337 

de  la  volgar  lingua  »,  de  Giovanni  FrancescoFortunio(n.  80), 
la  plus  ancienne  grammaire  italienne  qui  ait  été  imprimée. 

Non  moins  remarquable,  et  non  moins  significative  peut- 
être,  que  l'absence  à  peu  près  complète,  dans  la  bibliothèque 
de  notre  érudit,  de  tout  ouvrage  de  théologie  catholique  (je 
ne  trouve  à  citer  qu'un  exemplaire  des  Epîtres  de  saint 
Jérôme,  un  peu  perdu  au  milieu  de  traités  de  droit  civil, 
n.  33),  est  la  présence  de  quelques  œuvres  de  deux  des  plus 
grands  réformateurs  de  son  temps  ;  en  effet,  Luther  est  repré- 
senté ici  par  son  de  Votis  moiiasticis  (n.  103),  et  Mélanchthon 
par  ses  Loci  communes  reriim  théologien  mm  (n.  78),  et  par  son 
Oratio  in  fmiere  Frederici,  Saxonie  ducis  (n.  160).  Quant  à 
Érasme,  dont  il  eût  été  plutôt  étonnant  de  ne  pas  rencontrer 
ici  au  moins  une  fois  le  nom,  Bellièvre  possédait  de  lui  son 
de  Libéra  arbitrio,  joint  à  son  Caton  (n.  70),  et  deux  exem- 
plaires de  ses  Colloquia  (n.  151  et  159),  dont  l'un  lui  avait 
été  offert  en  cadeau  par  son  compatriote  Claude  Rousselet. 

Enfin,  il  est  toute  une  série  d'articles  de  ce  catalogue  qui 
mérite  tout  particulièrement  de  ne  pas  passer  inaperçue  ;  je 
veux  parler  des  nombreux  recueils  et  répertoires  écrits  de  sa 
main,  que  Bellièvre  a  relevés  dans  son  inventaire,  et  dont 
plusieurs  sont  parvenus  jusqu'à  nous  '  ;  il  y  faut  joindre  la 
mention  de  deux  livres  annotés  par  lui  (n.  124  et  126),  et 
surtout  celle  d'un  précieux  recueil  de  pièces  formé,  ou  tout 
au  moins  copié,  par  son  père  Barthélémy  (n.  158),  et  dont  la 
paternité  a  été  faussement  attribuée,  par  tous  les  auteurs  qui 
en  ont  parlé,  à  Claude  lui-même. 

Le  catalogue  publié  plus  loin  n'est  pas  sans  intérêt  pour  la 
biographie  même  de  son  auteur.  Bellièvre  nous  y  apprend 
qu'en  1555,  il  avait  67  ans.  C'est  là  une  donnée  qui  vient 
s'ajouter  à  celles,  trop  rares,  que  nous  possédions  déjà  par 
ailleurs.  En  1557,  un  monument  lui  fut  érigé  par  les  soins  de 


I.   Numéros  53  à  56,  37  (?),  119,   121  à  123,   125,  127,  130  à   134,    144 
(en  partie),  147  et  166  à  168. 

Mélanges.  IL  22 


338  LUCIEN    AUVRAY 

ses  fils  Jean  et  Pompone.  D'après  l'épitaphe  gravée  sur  ce 
monument,  épitaphe  bien  des  fois  imprimée  et  réimprimée, 
Claude  Bellièvre  a  vécu  70  ans,  7  mois  et  7  jours.  Deux  au 
moins  de  ses  biographes  fixent  la  date  de  sa  mort  au 
2  octobre  de  cette  même  année  1557  ';  ce  qui,  d'après  le 
compte  des  années,  mois  et  jours  fourni  par  l'épitaphe,  repor- 
terait la  date  de  la  naissance  de  Claude  Bellièvre  non  au  mois 
de  mars,  comme  on  Ta  souvent  répété,  mais  au  25  février 
1487.  Cette  dernière  date  est  acceptable,  mais  à  la  condition 
que  la  note  de  1555  ne  soit  pas  postérieure  au  25  mars  de 
cette  année  ;  passé  cette  date,  il  faudrait  admettre  que  Bel- 
lièvre se  serait  trompé,  en  se  disant  âgé  de  67  ans,  au  lieu 
de  68,  qu'il  aurait  eus. 

S'il  paraît  avéré  que  Bellièvre  a  étudié  le  droit  à  l'Univer- 
sité de  Toulouse  -,  on  ignorait  qu'il  eût  poursuivi  ses  études, 
comme  tant  d'autres  jeunes  Français  de  son  temps,  en  Italie; 
il  y  eut  deux  maîtres  réputés,  qui  tous  deux  ont  enseigné  à 
Pavie,  leur  pays  natal,  Francesco  ou  Franceschino  Corti  le 
Jeune  '  et  Paolo   Pico-^.  C'est  ce  qui  ressort  clairement  des 

1.  Breghot  du  Lut  et  Péricaud  aîné,  Biographie  lyonnaise,  Catalogue  des 
Lyonnais  dignes  de  mémoire  (1839),  P-  3*^'  ^^  Léopold  Niepce,  Les  Biblio- 
thèques anciennes  et  modernes  de  Lyon,  p.  52  et  p.  608. 

2.  Germain  de  La  Faille,  Annales  de  la  ville  de  Toulouse,  2^  partie  (Tou- 
louse, 1701),  p.  130,  et  Pernetti,  Recherches  pour  servira  Vhistoire  de  Lyon, 
les  Lyonnais  dignes  de  mémoire,  t.  I,  p.  508. 

3.  Mort  en  1533.  Voir  sur  lui  G.  Panziroli,  De  clarislegum  inlerprelibus, 
(Leipzig,  1 721),  p.  264,  et  Marco  Mantova,  Epitonie  virornm  ilîustriitm  qui  vel 
scripserunt  vel  jurisprudentiam  docuerunt  in  scholis,  imprimé  à  la  suite  du  De 
Claris  legum  interpretibus,  de  Panziroli  (édition  précitée),  p.  458,  notice  77. 
Mantova,  ou  Marco  Mantuano,  de  son  vrai  nom  Benavidio,  avait  person- 
nellement bien  connu  Franceschino  Corti.  Voir  encore  Savigny,  Geschichle 
des  rômischen  Redits  im  Mittelalter,  2^  édit.,  t.  VI  (1850),  p.  486,  et  trad. 
Charles  Guenoux,  t.  IV  (1839),  p.  272. 

4.  Sur  Paolo  Pico,  élève  du  célèbre  Jason  Maino,  voir  Marco  Mantova, 
Opus  cit.,  p.  485,  notice  201.  On  sait  peu  de  chose  de  lui,  et  je  ne  vois  pas 
que  Panziroli  le  mentionne.  Mantova  dit  de  lui  :  «  floruit  anno  1493  »  ;  il 
faut  supposer  que  son  enseignement  dura  bien  au  delà  de  cette  date;  autre- 
ment Bellièvre,  né,  comme  on  l'a  vu,  en  1487,  n'aurait  pu  être  son  auditeur. 
Lipenius,  Bibliotheca  realis  juridîca  (Leipzig,  1736),  cite  plusieurs  ouvrages 


LA    BIBLIOTHEaUE    DE    CLAUDE    BELLIEVRE  339 

articles  53  à  56  de  notre  catalogue  :  Rccollccle  vice...  sub 
domino  Francisco  Ciirtio,  Rccollccle  mec. ..  siib  domino  Paiilo  Pico. 

Notre  jeune  Lyonnais  n'aurait-il  pas  également  suivi,  non 
plus  à  Pavie,  mais  à  Turin,  les  leçons  d'un  professeur  qui  eut 
aussi  une  certaine  célébrité,  Tommaso  Parpaglia  '  ?  L'ar- 
ticle 57  de  l'inventaire,  ainsi  libellé  :  Recollecfe  sub  domino 
Thoma  Parpallia  super  secunda  Codicis,  cum  nonnullis  aliis, 
pourrait  nous  porter  à  le  croire.  Il  importe  toutefois  de 
remarquer  que,  tandis  que  dans  les  quatre  articles  précédents, 
Bellièvre  emploie  constamment  l'expression  Rccollccle  mec,  il 
écrit  ici  seulement  Recollecte,  sans  l'adjectif  possessif ///ff.  Il  est 
donc  vraisemblable  qu'il  faut  voir  dans  cet  article  57,  plutôt 
que  de  notes  prises  par  Bellièvre  en  personne,  un  cours  qu'il 
aurait  eu  l'occasion  de  se  procurer,  ainsi  que  plusieurs  autres, 
—  «  cum  nonnullis  aliis  »,  dit-il.  —  Il  n'est,  d'ailleurs,  pas 
douteux  que  Bellièvre  connut  Turin  -,  sans  qu'on  puisse 
affirmer  qu'il  y  ait  fait  un  séjour  prolongé. 

Les  168  numéros  du  catalogue  imprimé  ci-après  ne  nous 
donnent  certainement  qu'une  idée  assez  imparfaite  de  l'en- 
semble de  la  bibliothèque  de  Claude  Bellièvre,  telle  qu'elle 
devait  être  lors  de  sa  mort,  en  1557.  Nous  savons  par  lui- 
même  que,  de  1530,  date  de  notre  catalogue,  à  1555,  sa  col- 
lection s'était  accrue  d'une  quantité  considérable  de  livres  et 
d'opuscules  («  infiniti  libri  et  libelli  »),  que  malheureusement 
il  n'a  pas  pris  la  peine  d'énumérer  et  encore  moins  de  dé- 
crire. 

Les  nombreuses  références  bibliographiques,  malheureuse- 
ment bien  vagues  pour  la  plupart,  de  son  Lugdununi  priscum, 


de  Piiolo  Pico.    Voir  encore  Savigny,  Ibid.,  p.  492,  et  trad.  Charles  Gue- 
noux,  IMcL,  p.  278. 

1.  Sur  Parpaglia,  de  Turin,  voir  Marco  Mantova,  Opus  cit.,  p.  492, 
notice  226.  «  Floruit  anno  15 10,  dit  cet  auteur,  et  docuit  in  patria  tan- 
tum.  »  Lipenius,  Opus  cit.,  mentionne  également  plusieurs  ouvrages  de 
Parpaglia. 

2.  Lugdiinuin  priscinii  (Lyon,  1S46),  p.  121. 


340  LUCIEN  aùvraV 

ouvrage  auquel  Bellièvre  travaillait  encore  en  1356  ',  c'est-à- 
dire  peu  de  mois  avant  sa  mort,  pourraient-elles  du  moins 
suppléer  à  son  silence  sur  les  acquisitions  faites  par 
lui  pendant  les  25  dernières  années  de  son  existence  ? 
Dans  une  très  faible  mesure,  assurément,  bien  que  ces  réfé- 
rences témoignent  d'une  assez  ample  information,  puisée 
vraisemblablement,  pour  la  plus  grande  partie,  dans  la  biblio- 
thèque même  de  l'érudit  collectionneur  \  Parmi  les  auteurs 
qui  figurent  dans  le  catalogue  de  1530,  il  en  est  bien  peu  que 
nous  retrouvions  dans  les  notes  du  Lugdiitiiim  prisciivi  5 .  Par 
contre,  bon  nombre  d'autres  sont  cités,  dans  cette  curieuse 
compilation,  dont  on  chercherait  vainement  la  mention  dans 
le  catalogue,  ou  qui  n'y  sont  pas  représentés  par  les  mêmes 
ouvrages.  En  voici  quelques-uns,  —  abstraction  faite  des  clas- 
siques latins  et  grecs,  qui  formeraient  à  eux  seuls  une  assez 
longue  liste^  —  dont  il  m'a  paru  intéressant  de  relever  ici  les 
noms  :  Alciat  (divers  traités),  Alessandro  Alessandri,  Pyrrhus 
d'Angleberme,  Nicolas  Bertrand  ou  Bertrandi  (De  gestis  Tho- 
losanonnn),  Flavio  Biondo,  Budé  (traités  non  mentionnés 
dans  le  catalogue),  Fabio  Calvo,  François  de  Connan,  Pietro 
Riccio  Crinito,  Guillaume  Du  Breuil  ÇSfyle  du  Parlement,  édité 
par  Charles  Dumoulin),  Charles  Dumoulin  (^Coi)imentarii  in 
Coiisiietudiuein  Parisiensevi),  Giovanni  Battista  Egnazio,  Erasme 
(Proœiniiim  ad  diviiui  AiiibrosiiiDi),    Robert  Gaguin,   Pompo- 

1.  Liigdiiniiiii priscKiii,  p.  119. 

2.  C'est  seulement  dans  quelques  cas,  tout  à  fait  exceptionnels,  que  l'on 
peut  conclure,  de  sa  manière  de  citer,  que  Bellièvre  se  sert  d'exemplaires 
lui  appartenant  personnellement.  Voici  les  citations  de  ce  genre  que  j'ai 
notées  :  «  Gaguinus,  fol.  mihi  vi  »  (p.  72)  ;  «  Livius,  f°  mihi  lu  » 
(p.  82,  note);  «  Paulus  .Emilius,  fol.  151,  mihi  38  »  (p.  140)  ;  «  Paul. 
iEmil.,  1.  VI,  fol.  mihi  174  »  (p.  141). 

3.  Voici  les  seuls  noms,  en  dehors  des  classiques  latins  et  grecs,  que  je 
rencontre  à  la  fois  dans  le  catalogue  et  dans  le  Liigdunum priscum  :  Annius 
(^Antiquitatiim  variarum  vohun'uui),  Budé  (ih  Asse),  Aymar  Du  Rivail, 
saint  Jérôme  (Lt'«r«),  Gui  Pape,  Ange  Politien  et  Marc' Antonio  Sabcllico 
(Exeinpîa).  Il  convient  d'y  joindre  le  propre  recueil  de  Bellièvre  intitulé 
Varia  paivum  et  le  Tractatus  de  hellis  de  son  père  Barthélémy. 


LA    BIBLIOTHEQUE    DE    CLAUDE    BELLIEVRE  34I 

nius  LiTstus  {De  Romanorum  via^istratihiis),  Christophe  MiUeu 
ou  Myla:us  Helveticus  {De  priuiordiis  clarissimx  nrbis  Lug- 
dnni  commenlarins),  Sébastien  Munster  (traduction  française 
de  VOrganiun  Uranicum?),  Paradin  {De  antiqm  statu  Bnr- 
giindiœ),  Paul  Emile,  Niccolô  Perotti,  Pétrarque  {Lettres)  ', 
Raphaël  de  Volterre,  Beatus  Bild,  dit  Beatus  Rhenanus,  Lo- 
dovico  Riccieri,  dit  Celio  Rodigino,  Claude  de  Seyssel  {de  Val- 
densibns)  -. 

Enfin,  je  rappelerai  que  notre  antiquaire  ne  faisait  aucune- 
ment fi  des  poètes  français  de  son  temps,  —  de  ceux  du  moins 
que  Lyon  avait  vu  naître,  ou  qui  avaient  des  attaches  lyon- 
naises, —  et  qu'il  a  reproduit,  dans  son  Litgduniini  priscmu, 
pour  cette  unique  raison,  il  est  vrai,  qu'ils  étaient  à  la  gloire 
de  sa  ville  natale,  ii  vers  de  Marot  '  et  37  vers  de  la  Délie 
de  son  compatriote  Maurice  Scève'*. 

La  bibhothèque  de  Claude  Bellièvre  a  dû  être  dispersée  de 
bonne  heure^  longtemps  avant  ses  collections  d'antiquités, 
dont  des  débris  importants  ont  subsisté  à  Lyon  pendant  plus 
de  deux  siècles  'k  Bien  rares,  aujourd'hui,  en  sont  les  épaves; 


1.  Dans  le  catalogue,  il  n'est  fait  mention  que  de  ses  poésies  (n.  69  et 
156). 

2.  Ce  serait  une  entreprise  assez  vaine,  et  dans  la  plupart  des  cas 
impossible,  que  de  rechercher  de  quelles  éditions  s'est  servi  Bellièvre.  Je 
noterai  seulement  que  toutes  ses  citations  du  De  antiqno  statu  Biirgtindiae,  de 
Paradin,  se  rapportent  à  l'édition  de  Lvon,  1542,  sauf  une  (Ltigdtiuuiii  pris- 
ciim,  p.  158),  qui  vise  peut-être  un  manuscrit.  Bellièvre  paraît  n'avoir  fait 
aucun  usage  de  l'édition  de  Bâle.  —  Une  ou  deux  fois  seulement,  dans 
tout  son  livre,  il  indique  la  date  des  éditions  dont  il  se  sert. 

3.  Lugdununi  priscum,  p.  65.  —  Ce  sont  les  vers  53  à  63  de  VEpître  an 
cardinal  de  Totirnon  ;  édition  Pierre  Jannet,  t.  I,  p.  236;  édition  Georges 
Guiffrey,  t.  III,  p.  549-550. 

4.  Ibid.,  p.  63-64.  —  Ces  vers  sont  empruntés  aux  dizains  26  (4  vers), 
208  (4  vers),  385  (2  vers),  395  (entier),  396  (4  vers),  412  (entier)  et  417 
(3  vers). 

5.  Au  témoignage  du  P.  de  Colonia,  on  voyait  encore,  en  1738, 
22  inscriptions  dans  les  anciens  jardins  de  Bellièvre,  qui  appartenaient 
alors  aux  Trinitaires.  Mais  il  n'en  restait  plus  trace  au  temps  de  Millin.  Cf. 
L.  Niepce,  Arcliéotogie  lyonnaise  ;  les  chambres  de  nierveiUes,  etc.,  p.  64. 


342  LUCIEN    AUVRAY 

et  je  ne  pourrais  signaler,  en  dehors  de  ses  propres  recueils, 
que  trois  manuscrits  portant  son  ex-lihris  ;  ce  sont  les  manus- 
crits suivants  de  la  Bibliothèque  nationale  : 
Latin  5187.  —  Registre  original  du  secrétariat  de  l'arche- 
vêque de  Lyon  Charles  d'Alençon,  entièrement  de  la  main 
de  Barthélémy  II  Bellièvre,  père  de  Claude. 
Latin  14195.  —  Recueil  de  pièces,  manuscrites  et  imprimées, 

parmi  lesquelles  de  précieux  incunables. 
Français  19087.  —   Corgolo  de  Corne,  etc.    (avec  des  notes 
de  Claude  Bellièvre   au   commencement   et  à    la    fin    du 
volume)  '. 

En  revanche,  une  notable  partie  des  papiers  de  Bellièvre  % 
recueils  plus  ou  moins  volumineux,  ou  notes  éparses,  est  par- 
venue jusqu'à  nous.  Je  ne  crois  pas  inutile  de  donner  ici  la 
liste  de  ceux  dont  j'ai  connaissance  K 
Montpellier,   Bibliothèque  de  la  faculté  de  Médecine,   ms. 

257.  —  Lugdunum  priscuin  (=  Catalogue,  n°  167). 
Paris,  Bibliothèque  nationale  : 

Latin  10033.  —  Recueil  intitulé  i^^^/j  (=  Catalogue,  n°i68). 
Latin  13 122.  —  Répertoire,  en  partie  alphabétique,  principa- 
lement sur  des  matières  de  droit,  commencé  en  1534. 
Latin  13 123.  —  Recueil  intitulé  Noctes  Romanae  (=  Cata- 
logue, n°  119). 

1.  Il  y  aurait  lieu  d'ajouter  à  ces  trois  manuscrits,  quelques  pièces  insé- 
rées dans  divers  recueils  ;  viennent  ainsi  de  Bellièvre  les  feuillets  199-221  du 
ms.  français  16626  (sont  de  sa  main  partie  du  feuillet  201  ro,  tout  le  feuil- 
let 201  vo  et  les  premières  lignes  du  feuillet  215  r»),  les  feuillets  471  à  525 
du  ms.  français  16661  (son  ex  lihris  se  lit  au  feuillet  511  ro),  peut-être  les 
feuillets  532  a  547  du  même  volume,  et  sans  doute  aussi  les  feuillets  422 
à  435  du  ms.  français  16871  (je  crois  reconnaître  sa  main  dans  la  note 
du  feuillet  435  vo). 

2.  Je  me  propose  de  revenir  plus  en  détail  sur  les  papiers  laissés  par 
Cl.  Bellièvre. 

5.  L'existence  de  deux  autres  grands  recueils,  qui  paraissent  aujourd'hui 
perdus,  nous  est  révélée  par  Bellièvre  lui-même  ;  ce  sont  ses  Varia  ma- 
gnum et  le  registre  qu'il  désigne  ainsi  :  «  liber  cui  pro  titulo  est  signum  >^  » 
(ms.  français  17526,  fol.  581  ro  et  382  vo). 


LA    BIBLIOTHEQUE    DE  CLAUDE    BELLIEVRE  343 

Latin  13  124.  —  Recueil  intitulé  Noctes  Florentinae  (=  Cata- 
logue, n°  130). 

Latin  13 125.  — Manuscrit  intitule  L/7v////j  ///  inateria  laiide- 
niioruui  (en  partie  seulement  de  la  main  de  Bellièvre). 

Latin  13 126.  —  Répertoire  de  droit  et  d'institutions. 

Latin  13 127.  —  Mélanges;  recueil  d'inscriptions,  etc.; 
manuscrit  de  format  agenda  (=  Catalogue,  n"  125). 

Latin  13 128.  —  Recueil  de  matières  canoniques  (cf.  Cata- 
logue, n°  131). 

Français  155 14,  fol.  372  à  410.  —  Taxaehciicficioritiii  coiisislo- 
rialium  Franciae.  (=  Catalogue,  n°  121). 

Français  17526.  —  Recueil  intitulé  Varia  parviim  Q=  Cata- 
logue, n°  166). 

Français  18414.  —  Recueil  concernant  le  Parlement  de  Gre- 
noble. 

Baluze  135,  fol.  215  à  219.  —  NoiinnJla  de  pal  n'a  Delphinatiis. 

Lucien  Auvray. 


344  LUCIEN    AUVRAY 

S'ensuyt  l'inventayre  des  livres  de  moy  Claude  Bellièvre*. 
Primo  in  Jure  canonico  j'avoys  en  l'an  1530. 

1 .  Le  Corps  du  droict  canon,  en  grand  volume. 

2 .  Les  Lectures  de  Panorme,  cum  Judiciario  ordinc  seu  practica, 

allegationibus  et  glosis  super  CIe[mentinis]  ejusdem  ;  item 
et  cum  répertorie  Cors[eti]. 

3 .  Lectura  domini  Innoc[entii]  super  Decretalibus. 

4.  Sextus  et  Clémentine,  en  petit  volume. 

5 .  Gemynianus  super  Sexto. 

6.  Petrus  de  Anchar[ano]  super  Sexto. 

7.  Summa  Hostiensis. 

8.  Jo[hannes]de  Ymol[a]  super  Clementinis. 

9-10.   Repertorium  Nicolai  de  Milis,  scriptum  manu,  en  grand 
volume,  et  ung  autre,  imprimé,  en  petit  volume. 

*  Bellièvre  avait  d'abord  écrit  :  «  S'ensuyt  l'inventayre  de  mes  livres.  » 

—  En  outre,  sans  doute  à  l'époque  où  il  a  révisé  son  catalogue,  il  a  écrit, 
d'une  encre  plus  pâle,  son  nom,  «  Cl.  Bellièvre  »,  en  haut  et  à  gauche  de 
la  page. 

2.  Sur  les  Lecture  de  Niccolô  Tedeschi,  archevêque  de  Palerme  (Panor- 
mitanus),  voir  Schulte,  Die  Geschichte  der  OneUen  nnâ  Literattir  des  Caiio- 
nischen  Rechts,  t.  11(1877),  p.  313.  —  Pour  les  éditions  de  son  Jtidiciariiis 
ordo  seu  practica,  cf.  Hain,  Repertorium  bihliogriipbicuvi,  n.    12360  et  suiv. 

—  Pour  les  Alleerationes  et  les  Glosae  super  Clementinis,  voir  Schulte,  Ihid. 

—  Sur  le  Repertorium  d'Antonio  Corsetti  in  opéra  Nicolai  Pauormitaui,  voir 
Schulte,  Ihid.,  p.  349;  pour  les  éditions,  cf.  Hain,  5771  et  5772. 

3.  Il  s'agit  sans  doute  des  Commentaires  d'Innocent  IV  sur  les  Décré- 
tales;  cf.  Schulte,  Ihid.,  p.  92-93. 

5.  Domenico  da  San  Gimignano  ;  cf.  Schulte,  Ihid.,  p.  295,  n^  2; 
Hain,  7528  et  suiv. 

6.  Pietro  da  Ancarano  ;  cf.  Schulte,  Ihid.,  p.  281,  n"  2. 

7.  Enrico  de'  Bartolomei,  Henri  de  Suse,  évéque  d'Ostie  ;  Summa 
super  titulis  Décrétai ium ;  cf.  Schulte,  Ihid.,  p.  125,  n"  2.  —  Cl.  Bellièvre 
a  inséré  une  note  sur  lui  dans  ses  Noctes  Romanac  (ms.  lat.  13 123, 
fol.  214  r°). 

8.  Giovanni  da  Imola;  cf.  Schulte,  Ihid.,  p.  298,  n"  3. 

9-10.  Sans  doute  le  «  Nicolaus  Milius,  auditor  rotae  »,  mentionné, 
d'après  Diplovatazio,  par  Schulte,  t.  II,  p.  299,  note  *,  et  qui  ne  fait  peut- 
être  qu'un  même  personnage  avec  le  canoniste  Giovanni  Milis,  de  Vérone, 
dont  le  Repertorium  huis  est  bien  connu  ;  cf.  Schulte,  Ihid.,  p.  299-300. 


LA    RIBLlOTHEdUE    DE    CLAUDE    BELLIEVRE  345 

In  Jure  civili. 

11.  Le  Corps  du  droict  civil. 

12.  Lecture  Bartholi,  cum  consiliis,  tractatibus,   question ibus  et 

répertorie. 

1 3 .  Spéculum,  en  troys  volumes. 

14.  Bal[dus]  super  toto  Codice. 

15.  Salic[etus]  super  toto  C[odice]. 

16.  Septem  libri  Consiliorum  Alix[andri],  en  troys  volumes. 

17.  Consilia  Baldi. 

18.  Consilia  Pauli  de  Castro. 

19.  Consilia  Ludovici  Romani. 

20.  Repertorium  Bertachini. 

21.  Ung  livre  couvert  de  peaul  tanée,   intitulé  :  Disputationes 

diversorum. 

22.  Ung   livre  couvert  de  rosin,  ubi  est  Repctitio  rub[rice]  et 

c[apituli]   Per  vestras,   De  dona[tionibus]   inter  virum   et 
ux[orem],  per  Palacios  Ruyvos  ;   item  Commentum  super 

15.  Sans  doute  le  Spéculum  jadiciaU  de  Guillaume  Durand.  L'édition  de 
Rome,  1474,  est  précisément  en  trois  volumes  in-folio.  Cf.  Brunet,  Manuel 
du  libraire,  t.  II,  col.  906. 

16.  Les  Consilia  d'AIessandro  Tartagni,  d'Imola  ;  cf.  Haiu,  15255  et 
suiv. 

17.  Consiliorum  partes   V  ;  cf.  Hain,  2528  et  suiv. 

18.  Cf.  Hain,  465961  suiv.,  614644. 

19.  Lodovico  Pontano,  jurisconsulte  à  Rome  (Romanus);  Consilia  et 
allegationes ;  cf.  Hain,  15274  et  suiv. 

20.  Giovanni  Bertachini  ;  cf.  Schulte,  t.  II,  p.  549. 

21.  Je  ne  trouve  pas,  dans  les  bibliographies  que  j'ai  consultées,  men- 
tion d'un  recueil  correspondant  à  ce  titre.  —  Sur  \qs  Disputationes,  vov. 
Savigny,  Geschichte  dcsrômischen  Rechts  ivi  Mittelalter,  2^  édit. ,  t.  III,  p.  570 
et  t.  VI,  p.  18. 

22.  A.  Repetitio  rubricae  et  capiluli  Per  vestras.  De  donationilms  inter 
virum  et  uxorem,  ouvrage,  sans  doute  fort  peu  commun,  de  Juan  Lopcz  de 
Palacios  Rubios,  dont  le  titre  est  donné  par  Nicolas  Antonio,  Bibliotheca 
hispanica  nova,  t.  I  (1785),  p.  720  ;  cf.  encore  Schulte,  t.  II,  p. 5 58.  ^  Le 
chapitre  Per  vestras  {litteras']  est  le  7e  du  titre  xx  (De  donationibus  inter  virum 
et  uxorem)  du  livre  IV  des  Décrétales  de  Grégoire  IX.  —  B.  Giovanni 
Antonio  da  Sangiorgo  ;  cf.  Hain,  7590  et  suiv.  — C.  So^^y,  corrigé  en 
5ocj.  Mariano  Soccini,  ou  Socin,  Tractatus  de  tnstantia  ;  cf.  Hain,  14855 
et  14856.  —  D.  Martino  Garrati,  de  Lodi  (Martinus  de  Caraziis,  ou  Car- 
ractus,  ou  Caretus)  ;  il  s'agit  vraisemblablement  ici  de  sa  Disputai io  in 
materia  legitimationum;  cf.  Schulte,  t.  II,  p.  396.  —  E.  Stefano  Costa, 
Tractatus  de  ludo  ;  cf.  Schulte,  Ibid.,  p.  405,  no  i. 


34^  LUCIEN    AUVRAY 

usibus  teudorum,  per  d[ominum]  Anto[nium]  de  Sancto 
Georgio  ;  item  Tract[atus]  instantiarum,  per  d[ominum] 
Marianum  Socy  ;  item  Tract[atus]  de  legitimatione,  per 
d[ominum]  Mart[inum]  Caretum  Laudensem  ;  de  Ludo,  per 
Step[hanum]  Costam. 

25 .  Ung  livre  in  quo  sunt  Consilia  Fede[rici]  de  Senis,  et  Barba- 
[tia],  de  prestan[tia]  card[inalium]. 

24.   Angélus  super  Institutionibus,  couvert  de  peaul  noyre. 

25-26.  Jo[hannes]  Fabri  super  Institutionibus,  et  Jas[on]  super 
ti[tul]o  De  actio[iubus],  dupliquez,  l'un  en  cartons,  l'autre 
en  aiz. 

27.  Hyppolitus  de  Marsiliis,  de  questionibus. 

28.  Angélus,  de  maleficiis. 

29 .  Summa  Azonis . 

30.  Ung  volume  couvert  de  cartons,  in  quo  continetur  :  Ph[ilip-- 

23.  Federico  Petrucci,  de  Sienne  ;  cf.  Schulte,  IbU.,  p.  238.  —  Andréa 
Barbazza,  de  Messine  ;  cf.  Schulte,  Ibid.,  p.  310. 

24.  Angélus  de  Gambilionibus,  Angelo  Gambilione  ou  Gambilioni, 
d'Arezzo;  Leciiira  super  Institutlonuw  lihn's  quatuor;  cf.  Hain,  1597  et 
suiv. 

25.  Jean  Faure,  deRoussines  (Runcinus)  ;  Opus  super  Institutionibus  ;  cf. 
Hain,  6840  et  suiv.  —  Cf.  le  catalogue  de  Gilles  Perrin,  publié  par  M.  E. 
Coyecque,  n»  55. 

26.  Jasone  ou  Jason  Maino,  de  Pesaro  ;  Lectura  super  tituJo  Institutio- 
num  «  De  actionibus  »  ;  cf.  Hain,  10965  et  suiv.  —  Le  titulus  De  actionibits 
est  le  vie  du  livre  IV  des  Institutes. 

27.  Hippolytus  Marsilius,  Ippolito  Marsigli  ;  cf.  Panzer,  Annales  typo- 
graphie!, t.  VII,  p.  335,  no  487. 

28.  Angélus  de  Gambilionibus  (cf.  supra,  n°  24)  ;  Tractatus  in  practica 
maleficioruin  ;  cf.  Schulte,  t.  II,  p.  365. 

29.  Cf.  Hain,  2231  et  suiv.,  etc. 

30.  A.  Filippo  Decio  ;  Super  ti.  «  De  constitu.  »  D.  Philippi  Decii  com- 
mentaria  amplissima,  Pavie,  1506;  cf.  Catalos^ue  général  des  livres  imprimés 
delà  Bibliothèque  nationale,  t.  XXXVI,  col.  787.  —  B.  La  loi  Ut  vim  se 
trouve  dès  le  début  du  Digeste  (Livre  I,  tit.  i,  1.  3)  ;  l'ouvrage  ou  opuscule 
de  Claude  de  Seyssel  mentionné  parBellièvre  est  inconnu  de  Ch.  Dufa3'ard, 
De  Claudii  Seissellii  vita  et  operibus,  Paris,  1892  (index  bibliographicus, 
pp.  vii-viii). —  C.  Autre  ouvrage  ou  opuscule  de  Claude  de  Seyssel? 
La  loi  Si pascenda  se  trouve  dans  le  Digeste,  liv.  I,  tit.  i,  1.  9.  Dans  l'introu- 
vable recueil  intitulé  Variarum  repetitionum  s.  comment,  juris  civil is  VIII 
volumina  (Lyon,  1553,  in-folio),  auraient  été  insérées  Aliquot  repetitionesde 
Claude  de  Seyssel  ;  cf.  Lipcn'ius,  Bibliotheca  realis  furidica,p.  5 14,  col.  i.  — 
D.  Rocco  Corti,  de  Pavie  ;  cf..  Catalogue  général  des  livres  imprimés  de  la 
Biblioth.  nationale,  t.  XXXII,  col.  819-820,  et  Hain,  5870.   —  E.  Lan- 


LA    BIBLlOTIIliaUE    Dl-    CLAUDK    BELLIEVRE  347 

pus]  Dec[iusj,  de  constitutio[nibus]  ;  Cl[audius]  de  Seys- 
s[el],  super  L[ege]  Ut  vim  ;  Repetitio  L[egis]  Si  pascenda, 
cfapituli]  Depacl[is];  Tract[atus]  de  jure  pa[tronatus],  per 
Roch[um]  Curt[ium]  ;  Tract[atus]  de  arbitris,  per  La[n]- 
fr[ancuni]  de  Oriano  ;  Decem  et  septem  tract[atus]  Mar- 
t[ini]  Laud[ensis]. 

31.  Ung  autre  volume  de  traictiers,    commensant  :  Tractatus  de 

arbitris  d[omini]  La[n]fr[anci]  de  Oriano. 

32.  Ung  autre  volume  de  traictiers,  commensant  :  Tractatus  de 

jure  pa[tronatus]. 

33.  Epistole  Hieronimi,  en  grand  volume. 

34.  Jac[obus]  de  Sancto  Georgio  super  feudis. 

35.  Singularia  Romani,  Francisci  de  Cre[ma],  Mathes[i]ll[ani], 

Corset[i]  et  de  Petra  Sancta,  en  ung  volume. 

36.  Consilia  01dr[adi],  en  moyen  volume,  couvert  de  parche- 

myn. 

37.  Ung  petit  volume  :  Lecture  Lanc[elotti]  Decii  super  p[rima] 

C[odicis]. 

franco  da  Oriano  ;  cf.  Hain,  9888  et  suiv.,  et  Schulte,  t.  II,  p.  392,  n"  251, 
§2.  —  F.  Peut-être  le  Tractatus  de  principibus,  consiliariis,  légat is,  etc., 
de  Martino  Garrati,  de  Lodi  ;  Hain,  4500,  et  Schulte,  Ihid.,  p.  396;  et. 
supra,  n°  22,  D. 

31,  Cf.    supra,  n°  30,  E. 

34.  Jacopo  ou  Jacopino  da  Sangiorgo  ;  Hain,  7581,  cite  une  édition  de 
Bologne,  1499. 

55.  A.  Singularia  in  causis  criminalilms,  de  Lodovico  Pontano(Romanus  ; 
cf.  supra,  no  19);  cf.  Hain,  15262  et  suiv.  —  B.  Singularia  et  solemnia 
dicta,  de  Francesco  da  Crema;cf.  Hain,  5818 et  suiv.  — C  Singularia  dicta 
et  etiam  notabilia,  de  Matteo  Mattesillani  ;  cf.  Hain,  10897  et  suiv.  — D. 
Singularia  et  notahilia,  d'Antonio  Corsetti;  cf.  Schulte,  t.  II,  p.  348, 
cap.  152,  §  II,  I.  —  E.  Dans  la  liste  des  Singularia  juris  qu'il  a  dressée 
dans  le  premier  volume  de  sa  Bibliotheca  realis  jtiridica  (Leipzig,  1736), 
Lipenius  mentionne,  p.  552  :  Petr.  Gerh.  de  Petra  Sancta  singularia  juris. 
Par.  1^12.  Cf.  Ibid.,  Supplementum  (1743),  p.  377,  col.  i.  Des  Singula- 
ria seu  notabilia  ingeniosa  ex  ut  roque  jure  collecta,  de  ce  Petrus  Gerardus  ou 
Petrus  de  Gerardis  de  Petra  Sancta,  occupent  les  feuillets  236  vo  à  270  v° 
des  Singulares  tractatus  clarissimorum  doctorum,  recueil  imprimé  à  Paris,  en 
15 16,  par  Jacques  Pouchin  (in-40),  et  dont  la  Bibliothèque  nationale 
possède  un  exemplaire  (Rés.  E.  2371).  —  Dans  ses  Noctes  Ronianae(B.  N., 
nis.  lat.  15 123),  Bellièvre  reproduit  (fol.  209)  des  inscriptions  conservées 
«  in  domo  auditoris  de  Petrasancta  ». 

36.  Oldrado  da  Ponte,  de  Lodi  ;  cf.  Schulte,  t.  II,  p.  223,  §  2. 

37.  Lancelotto  Decio  ;  cf.  Hain,  6055. 


34^  LUCIEN    AUVRAY 

38.  Practica  Pétri  de  Ferra[riis],  en  petit  volume. 

39.  Practica  Pétri  Jac[obi],  en  moyen  volume. 

40.  Exceptiones  Uberti  de  Bonacurso. 

41.  Institutiones,  in  parvo  volumine. 

42.  Pragmatica  sanctio. 

43  .    Dynus,  de  reg[ulis]  ju[ris],  in  parvo  volumine. 

44.  Stilus  Parlamenti  et  requestarum. 

45.  Tractatus  Bartholomei  Cepol[lc],  en  movcn  volume,  couvert 

de  rosin. 

46.  Directorium  juris  Johannis  Berberii,  en  petit  volume. 

47.  Allegationes  Lapi,  en  petit  volume. 

58.  Giovanni  Pietro  Ferrari,  Practica  nova  judiciaïis,  ou  Practica  aiirea  ; 
cf.  Schulte,  t.  II,  p.  294,  art.  113,  §  11. 

39.  Pierre  Jacobi,  d'Aurillac,  Aurea  practica  lihellorum;  cf.  Hain,  2128, 
et  M.  A.  von  Bethmann-Hollweg,  Der  gerviauisch-rovmnische  Civilproiess, 
t.  VI  (1874),  pp.  227  et  suiv. 

40.  Uberto  Buonaccorsi  ou  di  Buonaccorso,  Tractatus  de  exceptionihus . 
Cet  ouvrage  est  sans  doute  celui  que  Savigny,  Geschichte  des  rômischeti, 
Rechts...,  2eédit.,  t.  V  (1850),  p.  150,  mentionne  sous  le  titre  :  «  Aureum 
et  solenne  opus  quod  praeludia  et  exceptiones  appellavit  »,  Lyon,  1522, 
in-40.  'Panzer,  Atiimles  typographici,  t.  VII,  p.  358,  n"  707,  et  t.  X,  p.  182, 
indique  une  édition  de  ces  mêmes  Praeludia  et  exceptiones,  Lyon,  1553, 
in-40.  Cf.  Mazzuchelli,  Gli  scrittori  d'ItaJta,  II,  iv,  2300. 

42.  Sur  les  éditions  de  la  Pragmatica  sanctio  Caroli  Vif,  voir  Brunet, 
Manuel  du  libraire,  t.  IV,  col.  855-856. 

43.  Dino  de'  Rossoni  da  Mugcllo  ;  cf.  Hain,  6171  et  suiv. 

44.  Le  Stylus  curiae  Parlamenti  Franciae,  de  Guillaume  Du  Breuil,  sans 
doute  l'édition  de  Descousu,  Paris  et  Lvon,  1526  (cf.  Calai,  général  des 
livres  imprimés  de  la  Bibliothcque  nationale,  t.  XLII,  col.  907),  et  non  une 
des  éditions  parues  antérieurement  à  Lyon  (cf.  l'édition  de  M.  Félix 
Aubert,  1909,  introduction,  pp.  lvi  et  suivantes).  L'édition  de  1526  est  la 
seule  dont  le  titre  :  «  Stillus  superincliti  Parlamenti  ac  requestarum  »  cor- 
responde avec  celui  que  Bellièvre  donne  en  abrégé.  Plus  tard,  dans  son 
Lugdmium  priscian,  Bellièvre  citera  (pp.  34-35)  le  Stilus  Parlamenti  Pari- 
siensis  d'après  une  édition  de  Dumoulin,  sans  doute  d'après  la  première. 

45.  Bartolomeo  Cepolla,  de  Vérone;  il  ne  semble  pas  possible  de  pré- 
ciser le  ou  les  Tractatus  dont  il  est  question  ici  ;  cf.  Hain,  4855  et  suiv.,  et 
Caial.  gcnér.  des  livres  imprimés  de  la  Bihlioth.  nationale,  t.  XXV,  col.  701- 
704. 

46.  Jean  Barbier,  d'Yssingeaux,  Viatorium  seu  directorium  juris  ;  la 
Bibliothèque  nationale  possède  une  édition  de  Lyon,  15 16,  in-80  (Calai, 
général  des  livres  imprimés  de  la  Bihlioth.  nationale,  t.  VII,  col.  433). 

47.  Jacopo  Lapo  da  Castiglionchio;  cf.  Hain,  4578  ;  on  le  trouve  appelé 
aussi  «  Johannes  Lapus  »  et  non  «  Jacobus  »  (cf.  Schulte,  t.  II,  p.  270). 


La    BIBLlOTHEaUE    DE    CLAUDE    BELLIEVRE  349 

48.  Parvus    liber   divcrsorum    tractatuum,  quorum    primus    est 

Comprchensorium  feudalc  d[oniini]  Jo[hannis]  Reynaudi. 

49.  Liber  feudorum,  en  petit  volume,  en  parchemyn. 

50.  Institutioncs,  en  moyen  volume,  la  couverte  ouvrée. 
51-52.  Les  Ordonnances  royaulx,  en  moyen  et  en  petit  volume. 

53.  Recollecte  mee  super  p[rim]a  C[odicis],  sub  d[omino]  Fr[an- 

cisco]  Curt[io]. 

54.  Recollecte  mee  super  secunda  C[odicis],  sub  d[oaiino]  Paulo 

Pico. 

55.  Recollecte     mee     super    p[rim]a     Digest[i]    vet[eris],     sub 

d[omino]  Fr[ancisco]  Curt[io]. 

56.  Recollecte  mee  super  secunda   Digest[i]  vet[eris],  sub   d[o- 

mino]  Fr[ancisco]  Curt[io]. 

57.  Recollecte    sub    domino    Thoma    Parpallia,    super  secunda 

C[odicis],  cum  nonnuUis  aliis. 

58.  Casus  arbitrarii,  couverts  de  rouge,  cum  tractatu  regularum 

domini  Dominici  de  Sancto  Germano. 

59.  Casus  arbitrarii,  couvertz  de  parchemyn. 

60.  Decisiones   Guillelmi   Horborchi,    collecte   ex    decisionibus 

dominorum  de  rota. 

61 .  Ung  livre  à  la  meyn,  en  moyen  volume,  in  quo  contineLnltur 

tractatus  super  act[io]ne  L[egis]  ALq[iiiriiiir  ?]  et  collecte 
super  p[rim]a  Infort[iati]. 

48.  Jean  Raynaud,  jurisconsulte  à  Avignon  ;  Brunet,  t.  IV,  col.  1127, 
cite  une  édition  de  Lyon,  1516,  in-40. 

49.  Il  est  douteux  qu'il  faille  voir  sous  ce  titre  un  e.xcmplaire  des  Coii- 
snetndines  (puLibri)  Feudorum  d'Oberto  dair  Orio. 

51-52.  Sur  les  éditions,  cf.  Brunet,  t.  IV,  coL  212-213. 

53,  55  ei  56.  Étant  donné  l'âge  de  Claude  Bellicvre,  qui,  d'après  son 
propre  témoignage,  avait  67  ans  en  1555,  il  s'agit  ici  non  de  Francesco 
Corti,  qui  enseigna  à  Pavie,  et  mourut  en  1495,  mais  de  son  neveu, 
Francesco,  dit  Franceschino  Corti,  le  Jeune,  mort  eu  1533.  Sur  ce  dernier, 
voir  ci-dessus. 

54.  Sur  Paolo  Pico,  voir  ci-dessus. 

57.  Sur  Tommaso  Parpalia  ou  Parpaglia,  qui  professa  à  Turin,  voir  ci- 
dessus. 

58.  Dominici  Je  Saiicto  Germano  est  sans  doute  ici  pour  Dominici  de 
Sancto  Geminiano  (cL  supra,  n°  5);  toutefois,  je  ne  rencontre,  sous  ce 
nom,  ni  d'ouvrage  intitulé  Casus  arbitrarii,  ni  d'ouvrage  intitulé  Tractatus 
regularum,  dans  les  bibliographies   que  j'ai  consultées. 

60.  Guillaume  Horborch,  chanoine  de  Magdebourg;  cf.  Hain,  6042  et 
suiv. 

61.  La  loi  Acquiritur  est  la  dixième  du  titre  i  du  livre  XLI  du  Digeste. 


3  50  LUCIEN    AUVRAY 

62.  Practica  Pétri  Jacobi,  à  la  meyn. 

63 .  La  Somme  rural,  en  françoys. 

64.  Cato,  Varr[o]  et  Columella,  de  re  rustica. 

65.  Grecorum  sapientium  dicta. 

66.  Gellius. 

67.  Epistole  TuUii  familiarcs, 

68.  Valla. 

69.  Petrarcha  vulgaris. 

70.  Libri  rhetoricorum  Ciceronis. 

71.  Histoyre  d'Argenton. 

72.  Politiani  miscellanee  vetj^eres]. 

73 .  Liber  manu  scriptus,  in  cujus  principio  est  Garini  Veronen- 

sis  pro  ill[ustri]  marchione  Leonello  oratio  funebris,  cum 
pluribus  aliis  nota  dignis. 

74.  Johannes  Pomeranus  in  librum  Psalmorum. 

75.  Marius  Grapaldus,  de  partibus  edium. 

76.  Libellus  in  epistolas  Pauli. 

62.  Cf.  supra,  no  39. 

63.  La  Somme  rurale  de  Jean Boutillier. 

64.  Cf.  Brunet,  t.  V,  col.  245-246  :  Rei  rusticae  scriptores. 

65.  Peut-être  \qs  Septein  sapientium...  dicta,  consilia  et  praecepta  ;  toute- 
fois, Brunet,  t.  V,  col.  298,  ne  cite  pas  d'édition  antérieure  à  1 551-1553. 
Cf.  encore  Panzer,  t.  IX,  p.  334,  no  1083b. 

69.  Petrarcha,  Le  cose  volgari ;  cf.  Brunet,  t.  IV,  col.  543-544. 

71.  Il  s'agit  ici,  non  pas  d'une  problématique  histoire  de  la  ville  d'Ar- 
genton, dans  le  Berry,  à  laquelle  Bellièvre  n'avait  aucune  raison  de  s'inté- 
resser, mais  bien  d'une  édition  de  la  Chronique  et  hystoire  de  Philippe  de 
Commines,  sieur  d'Argenton  ;  la  plus  ancienne  est  de  1524. 

73.  Leonello  d'Esté,  seigneur  de  Ferrare,  mort  en  1450.  Je  ne  trouve 
aucune  mention  d'édition  de  l'opuscule  manuscrit  de  Guarino  de  Vérone 
indiqué  ici. 

74.  Peut-être  s'agit-il  de  ce  Jean  de  Poméranic,  que  Du  Boulay,  Historia 
Universitutis  Purisiensis,  t.  IV,  p.  968,  mentionne  comme  ayant  été  élu 
procureur  de  la  nation  anglaise  en  1356  (cf.  encore  Denifle  et  Châtelain, 
Chartularium  Universitutis  Parisiensis,  t.  II,  p.  665,  col.  a,  et  p.  671,  où 
figure  un  Johannes  de  Pruscia,  qui  est  peut-être  le  même  personnage)  ; 
aucun  auteur  de  ce  nom  n'est  indiqué  dans  le  Nomenclator  literarius,  recen- 
tioris  theologicae  catholicae  theoJogos  exhihens,  du  Père  H.  Hurter. 

75.  Francesco  Mario  Grapaldi,  de  Parme;  cf.  Brunet,  t.  II,  col.  1710, 
etc. 

76.  Peut-être  la  Parapbrasis  in  duas  epistolas  Pauli  ad  Coriiitbios, 
(ÏÈrasmQ  (ci.  Catalogue  général  des  livres  imprimés  de  la  Bibliothèque  natio- 


LA    BIBLIOTHÈCIUE    DE   CLAUDE    BELLIEVRE  3)1 

77.  De  libero   arbitrio    libcllus  per  Erasmum,    cum  Caione  per 

cundem  Erasmum  auctorem . 

78.  Loci    communes   rerum    theologicarum,    per    Ph[ilippum] 

Melancto[nem] . 

79.  Epistole  Diogenis,  Bruti,  Hypocratis  et  Democriti. 

80.  Regole  grammatical!  de  la  volgar  lingua. 

81 .  Libri  novem  rhetoricorum  Cice[ronis],  en  petit  volume. 

82.  Petrus  Martir,  de  nuper  repertis  insulis. 

83 .  Liber  rubeo  coopertus,  et  inscriptus  :  Diversa. 

84.  Le  roy  Modus,  de  la  chasse. 

85 .  Les  menuz  propouz,  en  petit  volume,  couvert  de  rousin. 

86.  Correctioncs  lxx  injure  civili. 

87.  Liber  inscriptus  :  Refugium  advocatorum. 

88.  La  nef  des  dames  vertueuses,  par  Simphorien  Champier. 

89.  Francisci  Scauri  de  Jacobo  Trivultio. 

90.  Innoc[entius]  Calvinus,  de  eucrasiconservanda. 

91.  Sabellici  exemplorum  libri . 

nale,  t.  XLVII,  col.  834,  n.  705  tt  706).  Quant  aux  Paraphrases  in  omues 
cpistoldsPauîi,  elles  formaient  un  bien  gros  volume  pourêtre  appelées  libeUiis. 

77.  Ces  deux  ouvrages  sont  représentés  dans  le  Catalogue  général  des 
livres  imprimés  de  la  Bibliothèque  nationale,  t.  XLVII,  le  premier  par  deux 
éditions,  le  second  par  un  bien  plus  grand  nombre  (n.  518-519  et  852  et 
suiv.  de  l'article  Erasme). 

78.  Cf.  Panzer,  Annales  typographici,  t.  X,  p.  509-510. 

79.  Cf.  Brunet,  t.  II,  col.  718  :  Diogenis,  Bruti,  Yppocratis  medici  epi- 
stole, Florence,  1487;  il  est  à  noter  que  Démocrite  ne  figure  pas  dans  le 
titre  du  recueil  cité  par  Brunet. 

80.  Ouvrage  de  Giovanni  Francesco  Fortunio,  dont  la  première  édition 
parut  à  Ancône,  en  15 16  ;  cf.  Brunet,  t.  II,  col.  1352. 

81.  Ms.  :  noni.  —  Peut-être  faut-il  lire  novi  ;  il  s'agirait  alors  de  la 
Rhelorica  nova,  c'est-à-dire  de  la  Rhetorica  ad  Herenniuni. 

82.  Petrus  Martyr  Anglerius,  Pietro  Martire  d'Anghiera,  d'Arona,  De 
nuper  sub  D.  Carolo  repertis  insulis;  Brunet,  t.  I,  col.  294,  cite  une  édition 
de  Bàle,  1521;  opuscule  joint,  dans  une  édition  de  1532,  au  De  insulis 
nuper  invcntis,  de  Fernand  Cortès  ;  cf.  Catal.  génér.  des  livres  imprimes  de 
la  Biblioth.  nationale,  t.  III,  col.  305,  et  t.  XXXII,  col.  791. 

84.  Cf.  Brunet,  t.  III,  col.  1785-1786. 

85.  Cf.  Brunet,  t.  III,  col.  1638-1639. 
88.  Ct.  Brunet,  t.  I,  col,  1 770-1 771. 

90.  La  Bibliothèque  nationale  possède  une  édition  de  Pavie,  15 14,  in- 
40;  cf.  Catal.  génér.  des  livres  imprimés  de  la  Bddioth.  nationale,  t.  XXII, 
col.  897. 

91.  Marc'  Antonio  Sabellico,  Exemplorum  libri  X;  cl.  Panzer,  t.  XI, 


3)2  LUCIEN    AUVRAY 

92.  \'ocabularium  gallicuni,  latinum  et  theutonicuii) . 

93.  Orpheus  Quintiani. 

94.  Phalaridis  epistole. 

95.  De  formandislitteris  majusculis,  per  Fr.  Torniellum, 

96.  Pluto  et  Irus  Antonii  Fregosi. 

97.  Blason  d'armes,  non  relié. 

98.  Valla,  de  donatione  Constantini. 

99.  Cornazanus,  de  interprctatione  certorum  proverbiorum. 

1 00 .  Archadia  de  Jacobo  Sanazaro  liber  pastoralis . 

101 .  Tibaldeo,  in  parvo  volumine. 

102 .  Horos  Appollo,  de  lilteris  egiptiacis . 

103.  Martinus  Lutherus,  de  votis  monasticis. 

104.  Summa  (?)  Andrée  Guarne. 

105 .  Polidorus,   de  proverbiis,    cuni  Cornelio   Nepote,  de   viris 

illustribus. 

p.  97.  —  Cet  ouvrage  a  été  utilisé  par  Bellièvre  daus  son  Lugdunum  pris- 
cu»i. 

92.  Cf.  Brunet,  t.  V,  col.  1341,  n"  10883  (Lyon,  1514). 

93.  Quiatianus  Stoa,  Giovanni  Francesco  Conti,  dit  Quinziano  Stoa, 
Orpheos  libri  ires;  cf.  Panzer,  t.  XI,  p.  74. 

94.  Cf.  Brunet,  t.  IV,  col.  591  et  suiv. 

95.  Cet  ouvrage,  peut-être  manuscrit,  n'est  cité  ni  par  D.  E.  Baring, 
dans  sa  Clavis  diplomatica,  ni  par  P.  Namur,  dans  sa  Bibliographie  palèogra- 
phico-diphmatico-biUîologique. 

96.  Conteniione  di Pîuto  ed  Iro,  poème  moral  en  41  octaves.  Il  en  a  paru 
une  édition  à  Milan,  en  1507. 

97.  Cf.  Brunet,  t.  I,  col.  966  et  suiv. 

98.  De  Dotiatione  Constantini  imperatoris.  Brunet,  t.  V,  col.  1057, 
no  22977,  cite  une  édition  de  1520,  in-40. 

99.  On  ne  trouve  pas  cet  ouvrage,  au  moins  sous  ce  titre,  à  l'article  Cor- 
nazzano  (Antonio)  du  Catalogne  général  des  livres  itnpriniés  de  la  Biblio- 
thèque nationale. 

100.  Ms.  :  Archadio.  —  La  forme  latine  donnée  au  titre  par  Bellièvre  ne 
doit  pas  nous  étonner.  Ne  cite-t-il  pas,  dans  son  Lugduiiutn  priscuvi,  la 
Délia,  non  la  Délie,  de  Maurice  Scève  ? 

loi.  Antonio  Tibaldeo,  de  Ferrare  ;  cf.  Brunet,  t.  V,  col.  775-776. 

102.  Ce  sont  les  Hieroglyphica  d'Horapollon  ;  sur  les  éditions,  dans  les- 
quelles ce  petit  traité  porte  divers  titres,  cf.  Brunet,  t.  III,  col.  345-544. 

103.  De  Votis  monasticis  judicium;  cf.  Panzer,  t.  X,  p.  480. 

104.  Ms.  :  Guarna.  —  Andréa  Guarna,  de  Salerne.  Les  bibliographies 
consultées  ne  citent  d'Andréa  Guarna  que  son  Gramtnatices  opus,  seu  gram- 
maticale belliini  nominis  et  verbi,  dont  les  éditions  sont  nombreuses. 

105.  Polydore  Vergile,  Proverbiorum  libellus;  cf.  Brunet,  t.  V,  col.  11 36. 


LA    BlBLlOTHEaUE    DE    CLAUDE   BELLIEVRE  353 

loé.  ApiciusCelius,  de  re  coquinaria. 

107.  Aymarus  Rivallius,  de  historia  Juris  civilis. 

108.  Ung  livre  de  phisionomye,  non  relie. 

109.  Saluste,  en  volgar  italien . 

iio.  Dialogus  Julii  secundi  et  beati  Pétri. 

111.  Ausonius,  non  relié. 

112.  Juvénal,  de  la  plus  petite  impression. 

113.  Officia  Ciceronis,  ejusdem  impress[ionisJ . 

114.  Alia  Officia  Cice[ronis],  ejusdem  impressionis. 

115.  Quintus  Curt[ius],  de  gestis  Alexandri,  en  parchcmyn  et  à  la 

meyn,  fort  beau, 
né.  Terentius,  en  parchemyn  et  à  la  meyn,  fort  beau. 

117.  La  rhétorique  de  Cicero,  à  la  meyn,  fort  belle. 

118.  Meditationes,  à  la  meyn,  en  parchemyn,  fort  belles. 

119.  Item,  ung  livre  escript  de  ma  meyn,  couvert  de  peaul  tan- 

née, inscriptus  :  Noctes   Romane  mei  Claudii  Bell[evrii]. 

106.  Ms.  :  Appius  Celius.  —  Sur  les  éditions,  cf.  Hain,  1282  etsuiv.,  et 
Brunet,  t.  I,  p.  342-543. 

107.  Aymar  Du  Rival  ou  Du  Rivail,  Libii  de  historia  juris  civilis  et  poiili- 
ficii\d.  Brunet,  t.  IV,  col.  1318,6!  Fleury  Vindry,  Les  Parlementaires 
français  au  XVh  siècle,  t.  I,  p.  106  et  suivantes.  —  Bellièvre  était  en 
relations  personnelles  avec  lui  ;  voy.  Liigdumim  priscuni ,  p.  22. 

108.  Peut-être  le  Liber  cornpilationis  phisiononiiae,  de  Pietro  d'Abano, 
publié  àPadoue,  en  1474,  50  feuilles  in-40.  Cf.  Brunet,  1. 1,  col.  6,  et  M.  Pel- 
lechet,  Catal.  général  des  incunables  des  bibliothèques  de  France,  t.  I  (1897), 
p.  4,  no  13.  —  Mazzuchelli,  Gli  scriltori  d'Ilalia,  1. 1,  parte  l,  p.  9,  cite  une 
édition  de  même  date,  portant  un  titre  en  français  :  La  Ftsionomie  du  Con- 
ciliator  Pierre  de  Apono  (8°). 

109.  Sans  doute  la  traduction  d'Agostino  Ortica  délia  Porta,  de  Gênes; 
cf.  Fabricius,  5/Z;//o//;t'm  latina,  éd.  Ernesti,  t.  I,  p.  247,  et  Brunet,  t.  V, 
col.  91. 

II G.  Sans  doutt  le  Julius,  dialogus  viri  aijuspiam  eruditissimi...,  quomodo 
Julius  LL,  P.  M.,  post  mortem  cœli  fores  pulsando,  ab  janitore  illo  D.  Petro 
intromitti  nequiverit;  cf.  Brunet,  t.  III,  col.   390,  art.  Ulricus  ab  Hutten. 

119.  Aujourd'hui  B .  N.,  ms.  latin  13 123.  — Au  verso  delà  garde  collée 
sur  la  couverture,  on  lit,  sur  le  coin  supérieur  de  gauche  :  Noctes  Ronianç 
ynei  Claudii  Bellièvre  Lugdunensis.  —  Au  feuillet  i  ï°,  se  lit  cet  autre  titre  : 
Collecta  a  me  supra  aitnuni  ab  hinc  quadragesimuni,  inter  quç  îevia  tnulta,  et  a 
me  panitn  apte  notata,  que  colligebam  et  notabam  tyro,  laceraremque,  nisi  ali- 
quid  inesset,  cujus  lectio,  si  non  proderit,  non  oberit  tanien.  —  Idem  dico  de  aliis 
meis  coUectis  et  fiotatis,  ea  mea  adhuc  riuU  ejate.  Bellièvre.  —  La  partie  la 
plus  importante  et  la  plus  connue  du  volume  est  la  dernière,  intitulée  : 
Secluuntur  Urbis  anticluitates  Q.UASC0LLEG1  (fol.  185-254). 

Mélanges.  IL  23 


354  LUCIEN    AUVRAY 

120.  Item,   ung  autre   livre  escript  à  la   meyn,  couvert  de  peaul 

blanche,  inscriptus  :  Dominus  Benedictus  Adam,  auditor 
rote . 

121.  Alius  liber  manu  mea,    couvert   de  rousin,   scriptus   et   in- 

scriptus: Taxe  beneficiorum  consistorialium. 

122.  Alius  libellus  etiam  mea  manu  scriptus,  couvert  de  rouge, 

cum  inscriptione  :  Supplicationes  notabiles  in  curia  apo- 
stolica. 
123  .   Alius  libellus  etiam  mea  manu  scriptus,  couvert  de  vert,  cum 
inscriptione  :  Taxe  beneficiorum. 

124.  Régule  cancellarie  apostolice,  couvertes  de  verd,  cum  multis 

per  me  ibi  notatis. 

125.  Ung  autre  livre  long  et  estroict,  couvert  de  rouge,  in  quo 

continentur  :  Dictionarium  juris,  ex  interpretationc  juris- 
consulti,  menses,  vetera  epitaphia  et  alla  multa. 

126.  Concordata,  cum  multis  per  me  ibi  notatis. 

127.  Ung  autre  livre,  couvert  de  carton,  escript  de  ma   meyn, 

inscriptus  per  me  :  Ro[ma??]. 

128.  Ung  vieulx  formulayre  de  Rome,  couvert  de  rouge,  que  me 

donna  le  prothonotère  Lorideau. 

129.  Ung  autre  formulayre  de  Rome,  qu'estoit  à  Frouard. 

120.  Cf.  B.  N.,  ms.  latin  13123,  fol.  243  vu  (les  Nocks  Romanae  dont  il 
vient  d'être  question)  :  «  Reperi  in  une  libro  D.  Benedicti  Adam,  auditoris 
palatii  apostolici,  Galli,  ita  sua  manu  scriptuni ...  »  Il  s'agit  d'une  recette 
contre  les  maux  de  dents. 

121.  Aujourd'hui  B.  N.,  ms.  français  15514,  fol.  372-^10,  38  feuillets 
(plus  exactement  39),  cotés  de  la  main  de  Claude  Bcllièvrc.  —  Les  mots 
«  couvert  de  rousin  »  sont  ajoutes  en    interligne.  ' 

122.  Les  mots  v  in  curia  apostolica  »  ont  été  ajoutés  après  coup. 

124.  Baudrier,  Bibliographie  lyonnaise,  t.  IV(i899),  pp.  23-25,  décrit  des 
Régule  cancellarie  publiées,  à  Lyon,  par  Guillaume  Boullé  ;  mais  l'ouvrage 
est  de  1531  seulement.  Peut-être  s'agit-il  ici  des  Rcgulae  cancellariae  de 
Paul  III  (vers  1468),  ou  de  celles  de  Sixte  IV  (1471);  cf.  Brunet,  t.  IV, 
col.  450,  et  t.  V,  col.  404. 

125.  Aujourd'hui  B.  N.,  ms.  latin  13127.  Ce  volume  a  conservé  la  belle 
reliure  que  lui  avait  donnée  Belliévre  ;  le  Diclionariuni  juris  occupe  les 
feuillets  1 5  à  34,  les  Menses,  les  feuillets  49  à  60,  et  les  Vetera  epitaphia 
(avec  d'autres  inscriptions),  les  feuillets  96  et  suivants,  jusqu'au  feuillet 
164. 

126.  Concordata  intcr  papam  Leoiieni  ilecinnnn  et  regeni  Franciscuvi  I.  Sur 
les  éditions,  cf.  Brunet,  t.  II,  col.  214. 


LA    BIBLIOTHEQ.UE    DE   CLAUDE    BELLIEVRE  355 

150.  Ung  autre  livre  de  ma  meyn,  couvert  de  rouge,  inscriptus  : 
Noctes  Florentine  mei  Claudii  Bell[evrii],  cum  nonnuUis 
per  me  notatis,  dum  navigarem  per  Adriaticum  mare. 

131.  Ung  répertoyre  de  droyt   escript   de  ma  meyn,    couvert  de 

peaul  tannée,  contenant  comniuniter  jVlatières  ecclésias- 
tiques et  clericorum . 

132.  Ung  autre  répertoyre,  court  et  groz,  couvert  de  peaul  tannée, 

escript  la  moytié  devant  de  ma  meyn,  contenant  commu- 
niter  Matières  civiles  etprophanes. 

135.    Item,  ung  quinterne  de  ma  meyn,  inscriptus  :  Rationes. 

154.  Item^ung  quinterne  in  quo  redigo  multa  vetera  que  ex  pâtre 
audio,  hic  alligatus,  hault  de  quatre  ou  cinq  doys,  de 
papiers  enfilés  entre  deux  cartons,  cum  inscriptione  : 
Diversa  aut  varia,  oi^i  il  y  a  plusieurs  choses  notables. 

135.  Tractatus  de  unio[ni]bus  Pétri  de  Perusio,  en  petit  volume, 
couvert  de  peau  tannée. 

156.    Unum  volumen  Decretorum,  similiter  couvert  de  tanné. 

137.  Epistole  Plinii  nepotis,  en  petit  volume,  couvertes  de  peaul 

tannée . 

138.  Suetonius  Tranquillus,  de  vita  Cesarum,  couvert  de  rouge. 

139.  Decisiones  rote,  impriméez,  en  moyen  volume. 

140.  Decisiones  capelle  Tholosane  et  Guidonis  Pape,  en  ung  vo- 

lume. 

150.  Aujourd'hui  B.  N.,  ms.  latin  13124. 

131.  Peut-être  B.  N.,  ms.  latin  15128,  recueil  de  matières  canoniques 
relié  en  demi-parchemin;  dans  ce  cas,  le  répertoire  de  Bellièvre  aurait  perdu 
sa  couverture  de  «  peaul  tannée  ». 

1 52.  Un  répertoire  analogue,  mais  commencé  seulement  en  1 5  34,  forme 
le  ms.  latin  13 122  de  la  Bibliothèque  nationale. 

134.  Les  mots  «<  aut  varia  »  ont  été  ajoutés  par  Belliévre,  d'une  autre 
encre,  en  interligue.  —  Comparer  les  feuillets  89  à  105  et  1 35  à  141  du  ms. 
français  17526,  bien  que  par  les  dimensions  ils  ne  correspondent  pas  à 
l'article  134  de  notre  catalogue. 

135.  Sans  doute  le  CoiiipeiiJiiiiii  anrc.um  de  unione  heiieficioniiit,  de  Pierre  de 
Pérouse,  dont  Panzer,  Annales  typognxphici,  t.  VIII,  p.  19,  n"  756,  cite  une 
édition  de  Paris,  1514,  et  dont  la  Bibliothèque  nationale  possède  un  exem- 
plaire. 

136.  Les  mots  «  couvert  de  tanné  «  ont  été  ajoutés,  d'une  autre  encre, 
par  Bellièvre. 

139.  Cf.  Brunet,  t.  III,  col.  ^"^4,  Decisiones  rotae  ronianae  (à  l'article  Hor- 
borch). 

140.  A.  Cf.  Brunet,  t.  II,  col.  556.  — i).  Cf.  Brunet.  t.  II,  col.  181 1  et 
1812. 


356  LUCIEN   AUVKAY 

141 .  Compendium  de  asse,  lingua  vernacula,  per  Budcum,  couvert 

de  tanné. 

142.  L'histoyre  de  la  deffaicte  des  Luthériens  en   Lorreyne,  cou- 

verte de  rouzin . 

143.  Le    ProthocoUe   de  chancellerye,   ensemble    le  guidon  des 

segretères  et  vestige  des  finances . 

144.  Ung   livret    couvert    de    tanné,   où    sont  les   Ordonnances 

royaulx  plus  nécessaires,  avec  du  papier  en  blanc  pour  y 
rédiger  choses  notables,  pour  porter  en  ma  manche  et  me 
servir  de  mémoyre . 

145 .  Les  Felinz  complectz,  avec  leur  table,  en  deulx  gros  volumes 

couvertz  de  verd. 

146.  Les  Commentayres  de  César,  à  la  meyn,  en  parchemyn . 

147.  Ung  livre  longuet  et  estroit,  escript  de  ma  meyn,  contenant 

Répertoyre  injure  cujusdam  Antonii. 

148.  Ung  livre  intitulé  :  le  Grand  Coustumier  de  France. 

149.  Le  ProthocoUe  des  notères  et  segretères. 

150.  Masueri. 

141 .  C'est  le  Smiimaire  on  epitoiiieJii  livre  (h'  Asse  fait,  par  le  conninuide- 
iiienl  du  roy,  par  viaisire  Guillaume  Binle,  dont  la  Bibliothèque  nationale 
possède  plusieurs  éditions  ;  cf.  Catal.  genér.  des  livres  imprimés  de  la 
Biblioth.  nationale,  t.  XX,  col.  1247- 1249.  —  Bellièvre  l'a  utilisé  dans  son 
Lugduuum  priscuvi. 

142.  Les  mots  «  en  Lorreyne  »  ont  été  ajoutés,  en  interligne,  d'une  autre 
encre.  —  Malgré  la  différence  des  titres,  il  me  paraît  très  vraisemblable  qu'il 
s'agit  ici  de  V Histoire  et  Recueil  de  la...  victoire  obtenue  contre  les...  Luthé- 
riens... du  pays  Daulsays  [c'est-à-dire,  d'Alsace],  [en  1525],  par  Anthoine... 
duc  de  Lorraine  (par  ]>i\cole  Vokyr  ou  Volcvre  de  Serouville),  s.  1.  n.  d. 
(Paris,  1526),  in-folio,  opuscule  dont  la  Bibliothèque  nationale  possède  deux 
exemplaires. 

145.  Le  Grand  Stille  et  prothocoUe  de  la  chancellerie  de  France.  .  .,  avec  le 
guidon  des  secrétaires,  vestiges  et  instruction  des  finances  ;  cf.  Brunet,  t.  V, 
col.  539. 

145.  Les  Lecturacou  Coii/nientaria,dc  FelinoMaria  Sandco  ou  Sandei,  de 
Felina  ;  sur  les  éditions,  cf.  Hain,  t.  IV,  n.  14280  et  suiv.;  les  «  deux  gros 
volumes  »  de  la  bibliothèque  de  Bellièvre  pourraient  bien  être  ceux  de 
l'édition  de  Lyon,  1505  et  1506,  indiqués  par  Panzer,  t.  VII,  p.  282,  n°  58, 
et  p.  285,  no  76. 

147.  Bellièvre  avait  d'abord  écrit  :  «  à  la  meyn  ». 

148.  De  Jacques  d'Ableiges.  — Sur  les  plus  anciennes  éditions,  cf.  Bru- 
net,  t.  II,  col.  345-346. 

150.  La  Practicaforensis,  de  Jean  Masuer  ou  Masuyer,  de  Riom  ;  cf.  Paul 
Viollet,  Précis  de  Vhistoire  du  droit  français  (1886),  p.  165-166. 


LA    BIBLIOTHEaUE    DE    CLAUDE    BELLIEVRE  357 

151.  Colloquia  Erasmi . 

152.  Pauli  Eginete  precepta  salubria,  Guillelmo  Copo  interprète. 

153 .  Commentarii  Ccsaris,  en  lettre  coursive,  reliez  de  tanné. 

154.  Guillelmi  Benedicti  super  c[apitulo]  Raynutins  De  testa[men- 

tis]. 

155.  Epistole  Guillelmi  Budei. 

15e.   Soneti  et  capitoli  del  Petrarcha,  en  petit  volume. 

157.  Stile   et  manière  de   procéder  et  poursuyvre    plusieurs  ma- 

tières en  Parlement  et  aux  requestes,  couvert  de  verd . 

158.  Ung  livre  des  dissensions  et  guerres  entre  le  clergé  de  Lion 

et  [le]  peuple,   extraict  d'un  vieulx  livre  par  mon  père, 
couvert  de  tanné  doré. 


151.  Cf.  Catalogue  général  des  livres  imprimés  de  la  Bibliothèque  nationale, 
t.  XLVII,  pp.  787  et  suivantes. 

152.  Paul  d'Égine,  Praecepta  salubria,  Guillehno  Copo,  Basil iensi,  inter- 
prète ;BrunQt,  t.  I,  col.  60,  cite  des  éditions  de  1510,  1512,  1527;  la  pre- 
mière est  à  la  Bibliothèque  nationale  ;  cf.  Catal.  géncr.  des  livres  imprimés 
de  la  Biblioth.  nationale,  t.  XXXI,  col.  1047. 

154.  Guillaume  Benoît,  conseiller  au  Parlement  de  Toulouse,  Solennisac 
perutilis  repetit io  c.  Raynutius,  Extra,  de  testamcntis ..  .;  cf.  Catal.  gêner. 
des  livres  imprimés  delà  Biblioth.  nationale,  t.  X,  col.  j'^o-'j4i.  Le  chapitre 
Raynutins  est  le  i6e  du  titre  xxvi  (De  testamentis  et  ultimis  voluntatibus)  du 
livre  m  des  Décrétales  de  Grégoire  IX. 

156.  Bellièvre  avait  commencé  par  écrire  :  «  P.  »  (Pétrarque),  puis  : 
('  Les  sonnetz  et  chapitres  »;  il  s'est  repris  pour  transcrire  le  titre  italien. 

157.  Erunet,  t.  V,  col.  538,  n'indique  pas  de  Styles  portant  un  titre  exac- 
tement conforme  à  celui-ci . 

158.  C'est  le  recueil  de  pièces  intitulé  Tractatus  de  hellis  et  induciis  que 
fuerunt  inter  canonicos  Sancti  Johannis  Lugduni  et  canonicos  Sancti  Justi,  ex 
una parte,  et  cives  Lugdunenses,  ex  altéra,  extrait  par  Barthélémy  II  Bel- 
lièvre,  père  de  Claude,  d'un  manuscrit  de  l'abbaye  d'Ainay  ;  il  a  été  publié 
par  le  P.  Cl.  Fr.  Menestrier,  Histoire  civile  ou  consulaire  de  la  ville  de  Lyon, 
Lyon,  1696,  Preuves,  pp.  1-53.  J'ignore  le  sort  du  manuscrit  original  de 
Barthélémy  Bellièvre  ;  il  en  subsiste,  à  ma  connaissance,  deux  copies  ;  l'une, 
de  la  seconde  moitié  du  w\<^  siècle,  forme  la  première  partie  du  XXI^  vo- 
lume du  Recueil  de  Guichenon,  conservé  à  la  bibliothèque  de  la  Faculté 
de  médecine  de  Montpellier,  sous  le  no  97  ;  l'autre  est  le  manuscrit  des 
Archives  du  Vatican  Miscellanea,  Arm.  XV,  t.  57  ;  ce  dernier  exemplaire 
est  une  copie  calligraphique  de  la  fin  du  xvi^  siècle  ou  du  commencement 
du  xviie,  comme  j'ai  pu  m'en  rendre  compte,  grâce  à  des  photographies  que 
mon  jeune  confrère  de  l'École  des  chartes,  M.  Albert  Guigue,  a  eu  l'obli- 
geance de  me  communiquer. 


358  LUCIEN    AUVRAY 

159.  Colloquia   Erasmi,  et  en  minime  volume,  que   me  donna 

monseigneur  de  la  Part-Dieu,  monsieur  Claude  Rosselet. 

160.  Ung  petit  volume  couvert  de  tanne  ;  le  commancement  est  : 

Oratio  dicta  in  funere  Frederici,  Saxonie  ducis,  Phil[ippo] 
MeI[anchthone]  auct[ore]. 

161 .  Ung  moyen  volume,  couvert  de  tanné  ;  le  commancement  est  : 

Opéra  jucundissima  novamente  retrovata,  etc.,  cum  variis 
opusculis. 

162.  Ung  autre  petit   livre,  qui   commance  :  Patelin,  cum  aliis 

variis  et  jucundis. 

163.  Antiquitatum  liber,  a  Jo[hanne]  Annio,  couvert  de  tanné. 

164.  Tractatus  de  peste,  domini  de  Ripa. 

165.  Tractatus  doctorum . 

159.  Cf.  supra,  130  151.  Les  bonnes  relations  de  Claude  Bellièvre  avec 
Claude  Rousselet  sont  attestées  d'autre  part.  Dans  les  Epigiwiiinata  de 
Rousselet,  se  trouve  une  petite  pièce  de  onze  vers,  adressée  Claudio  BelUeu- 
rio,  et  dans  laquelle  on  lit,  entre  autres  : 

«  ...omnium  unus 

Omnem  rem  studio  pari  procuras. 

Hic  ubi  in  Rhodanum  Sagona  fertur. 

Nam  par  nemo  tibi,  nec  (ut  loquamur 

Multorum  venia)  secundus  ulli  es.  » 
Claudii  Rosseletti...  Epigrammala  (Lyon,  Séb.  Gryphius,  1537),  pp.  107- 
108.  Sur  Claude  Rousselet,  voir  C.  Breghot  du  Lut,  Nouveaux  Mélanges  bio- 
graphiques et  littéraires  pour  servir  à  Vhistoire  de  la  ville  de  Lyon  (Lyon,  1829- 
183 1),  pp.  349-563,  et  Baudrier,  Bibliographie  lyonnaise,  8e  série  (19 10), 
pp.  102-103. 

160.  Panzer,  t.  VII,  p.  94,  n"  220,  cite  une  édition  de  1525,  in-80.  — 
Le  personnage  dont  il  s'agit  ici  est  Frédéric  III,  dit  le  Sage,  mort  le 
5  mai  1525. 

162.  Sur  les  éditions  de  Maistre  Pierre  Pathelin,  voy.  Brunet,  t.  IV, 
col.  431  et  suivantes;  plus  particulièrement,  sur  les  éditions  de  Pathelin 
publiées  depuis  l'origine  de  l'imprimerie  jusque  vers  15 15,  voy.  Emile  Picot, 
Maistre  Pierre  Pathelin  hystorié,  reproduction  en  fac-similé  de  Védition  impri- 
mée vers  isoo  par  Marion  de  Malannoy,  veuve  de  Pierre  Le  Caron  (Paris, 
1904),  pp.  3-1 1  (Société  des  Anciens  Textes  français). 

163.  Giovanni  Nanni,  de  Viterbe.  — Sur  ses  Antiquitatumvariarum  vohi- 
mina  XVIl,  cf.  Brunet,  t.  I,  col.  300,  et  Graesse,  Trésor  des  livres  rares, 
1. 1,  p.  137.  —  Bellièvre  avait  d'abord  écrit  :  «  Antiquitatum  volumina 
17.  »  Il  cite  au  moins  deux  fois  cet  ouvrage  dans  son  Lugdununi  priscum. 

164.  Cf.  Brunet,  t.  V,  col.  119  :  Do.  Jo.  Fraacisci  de  Sancto  Nazario, 
alias  de  Ripa. .  .,  De  peste  libri  très  (1522).  —  Entre  les  mots  «  de  peste  » 
et  «  domini  »,  les  deux  mots  «  de  Sancto  »,  biffés. 

165.  Entre  les  mots  «  Tractatus  »  et«  doctorum  »,  les  mots  «et  repeti- 


LA    BIBLIOTHÈaUE    DR    CLAUDE    BELLIEVRE  359 

Etabhoc  anno  1530,  alii  infiniti  libri  et  libclli,  usque  ad 
annum  hune  1555,  que  je  me  suis  retire  pour  me  repouser, 
quia  sexaginta  septem  habeo  annos. 
ié6.   Volo  expresse  addere  que  ce  présent  volume   est  ainsi   inti- 
tulé :  VARL\. 

167.  Autre   livre  j'ay  ainsi    intitulé   :  Lugdunum,  ubi    de   hujus 

urbis  antiquitate  multa  ;  et  multa  etiam  alia  ibi  sunt,  que 
sunt  lectionis  antique  ;  le  toutescript  de  ma  mayn . 

168.  Autre  livre  j'ay  ainsi  intitulé:  Régis,    ubi  de  compositioni- 

bus  multis  inter  arc[hiepisco]puni,  capitulum  et  cives  Lug- 
duni  super  jurisdictione  Lugd[unensi],  et  de  arrestis  con- 
cernentibus  materiam,  et  pluribus  litteris  super  hoc  domini 
Philippi  régis. 

tiones  »,  biffés.  —  Sans  doute  le  recueil  intitulé  Tractattis  plurivwrum  doc- 
torum,  dont  une  édition  de  Lyon,  1519,  in-folio,  est  citée  par  Savigny, 
Geschichte  des  romischen  Redits  im  Mittelalter,  2e  édit.,  t.  VII  (185 1),  p.  345, 
et  à  l'article  Dino,  dans  le  Cntal.  gêner .  des  livres  iinprivics  de  la  Bibliothèque 
nationale,  t.  XL,  col.  844. 

167.  Il  s'agit  évidemment  ici  du  recueil  do  Claude  Bellièvre,  bien  connu 
sous  le  nom  de  Liigdunuvi  priscuvi,  et  qui  porte  actuellement,  dans  la 
bibliothèque  de  la  Faculté  de  médecine  de  Montpellier,  le  numéro  257.  Il 
semble  bien  que  ce  soit  là  le  recueil  de  matériaux  sur  l'histoire  de  Lyon, 
qui,  passé,  après  la  mort  de  Bellièvre,  entre  les  mains  de  son  neveu  Nico- 
las de  Langes,  lieutenant-général  en  la  sénéchaussée  de  Lyon,  a  été  com- 
muniqué par  ce  dernier  à  Guillaume  Paradin,  lequel  l'aurait  utilisé,  sans 
nommer  l'auteur,  dans  ses  Mémoires  deVhistoirede  Lyon,  parus  en  i)73.  Cf. 
le  P.  Cl.  Fr.  Menestrier,  Les  divers  caractères  des  ouvrages  historiques ..  . 
(Lyon,  1694),  pp.  175-177,  et  l'Épître  dédicatoire  aux  échevins  de  Lyon, 
imprimée  par  Paradin,  en  tête  de  ses  Mémoires  de  Vhisloire  de  Lyon.  —  Le 
Lugdunum  priscum  a  été  imprimé,  en  1846,  par  J.  B.  M.  (Monfalcon),  dans 
la  Collection  des  Bibliophiles  Lyonnais,  d'après  une  copie  de  Breghot  du  Lut. 
Sur  le  recueil  de  Bellièvre,  voir  notamment  Otto  Hirschfeld,  dans  le  Cor- 
pus inscriptionum  latinaruni,  t.  XIII,  i^e  partie  (1899),  pp.  258-259. 

168.  B.  N.,  ms.  lat.  10053.  Ou  lirait  plutôt  Reges  que  Régis.  — Voici  ce 
que  dit  Claude  Bellièvre  de  ce  recueil  et  du  précédent,  aux  feuillets  584  vo- 
385  ro  de  ses  Varia  parviim,  manuscrit  d'où  est  tiré  le  présent  catalogue  : 
«  Ultra  predicta. . .,  habes  duos  libros  alios  meos,  quorum  alteri  pro  titulo 
est  hoc  nomen  LVGDVNVM  PRISCVM,  alteri  vero  nomen  hoc  REGIS, 
cum  suis  indicibus.  Tu  vide  ibi,  si  voles,  quia  ubique  de  Lugduno  multa.  » 
En  tête  de  ce  même  manuscrit  (fol.  11  ro),  je  relève  la  référence  suivante 
au  second  de  ces  registres  :  «  Composition  (5/c)  inter  dominum  archiepisco- 
pum  et  cives  Lugdunenses,  vide  in  libro  meo  cui  pro  titulo  Régis,  in  fine.  » 


36q 


LUCIEN    AUVRAY 


TABLE 


Ableiges  (Jacques  d'),  148. 

Adam  (Benedictus),  120. 

Alixander,  Alessandro  Tartagni,  16. 

Ancarano  (Pietro  da),  6. 

Angélus,  Angelo  Gambilione  ou 
Gambilioni,  24,  28. 

Anghiera  (Pietro  Martire  d'),  Petrus 
Martir,  82. 

Annius  (Johannes),  Nanni  (Gio- 
vanni), 165. 

Antonius  quidam,  147. 

Apicius  Caelius,  106. 

Aulu-Gelle,  66. 

Ausone,   m. 

Aymar  Du  Rivail,  107. 

Azon,  Azzon,  29. 

Balde,  Baldo  degli  Uhaldi,  14,  17. 

Barbazza  (Andréa),  25. 

Barbier  (Jean),  46. 

Bartole,  Bartolo,  12. 

Bartolomei  (Enrico  de'),  ou  Hos- 
tiensis,  7. 

Bellièvre  (Barthélémy),  158. 

Bellièvre  (Claude),  53,  54,  55,  56, 
57  (?),  119,  121,  122,  123,  125, 
127,  130,  131,  132,  133,  134, 
144  (en  partie),  147,  166,  167, 
168.  —  Livres  annotés  par  lui 
124, 126. 

Benedicti  (Guillelmus),  154. 

Benedictus  Adam,  120. 

Benoît  (Guillaume),  154. 

Berberii  (Johannes),  Barbier  (Jean), 
46. 

Bertachini  (Giovanni),  20. 

Blason  d'armes,  97. 


Boutillier  (Jean),  63. 

Brutus,  79. 

Budé  (Guillaume),  141,  155. 

Buonaccorsi    ou     di    Buonaccorso 

(Uberto),  40. 
Calvinus  (Innocentius),  90. 
Caretus      (Martinus),       Laudensis, 

Garrati  (Martino),  22;  cf.  30. 
Castiglionchio   (Jacopo   Lapo    da), 

47. 
Castro  (Paul  de),  18. 

Casiis  arhitrarii,  58,  59. 

Caton  (Denys),  77 . 

Caton  (Marcus  Porcins),  64. 

Cepolla  (Bartolomeo),  45. 

César,  146,  153. 

Champier  (Symphorien),  88. 

Cicéron,  67,  70,  81,  113,114,117. 

Clémentines,  4. 

Colhctae  super  prima  Infortiati,6\. 

Columelle,  64. 

Commines  (Philippe  de),  71. 

Concordata,  126. 

Conti  (Giov.  Franc).  —  Voy.  Stoa. 

Comazzano  (Antonio),  99. 

Cornélius  Nepos,  105. 

Corps  àii  droit  cation,  1. 

Corps  du  droit  civil,  1 1 . 

Correctiones  LXX  in  Jure  civili,  86. 

Corsetti  (Antonio),  2,  35. 

Corti  (Francesco,  dit  Franceschino), 

le  Jeune,  53,  53,  56. 
Corti  (Rocco),  30. 
Costa  (Stefano),  22. 
Coutumier  (Le  Grand)   de    France, 

148. 


LA    BIBLIOTHHQUE    DE    CLAUDE    BELLIEVRE 


3éi 


Crema  (Francesco  da),  35. 
Decio  (Filippo),  30. 
Decio  (Lancelotto),  37. 
Decisioiies  capellae  Tholosanae,  140. 
Decisiones  rotae,  139, 
Decrelormn  vohinien,  136. 
Démocritc,  79. 

Dialogus  Juin  seciindi  et  heali  Pétri, 
IIO. 

Dino  de'  Rossoni  da  Mugello,  43. 

Diogène,  79. 

Disputationes  diversoruui,  21 . 

Diversa,  83. 

Domenico  da  San  Gimignano,    5, 

S8(?),  S9(?)- 
Dominicus  de  Sancto  Germano,  58. 

—  Cf.  Domenico  da   San  Gimi- 
gnano. 
Durand  (Guillaume),  1 3 . 
Du  Rivail  (Aymar),  107. 
Dynus,  Dino  de'   Rossoni  da  Mu- 

gello,  43. 
Égine  (Paul  d'),  152. 
Enrico  de'  Bartolomei,  7. 
Érasme,  76  (?),  77,  151,  159. 
Fabri  (Johannes),  Faure  (Jean),  25. 
Federico     Petrucci,    Federicus     de 

Senis,  23. 
Felinz   (Les),   Felino  Maria  Sandeo 

ou  Sandei,  145 . 
Ferrari  (Giovanni  Pietro),  Ferrariis 

(Petrus  de),  38. 
Feudorum  (Liber),  49. 
Formulaires  de  Rome,   128,  129. 
Fortunio  (Giovanni  Francesco),  80, 
Francesco  da  Crema,  55. 
Fregoso  (Antonio),  96. 
Gambilione   ou  Gambilioni  (Ange- 

lo),  24,  28. 
Garrati  (Martino),  22  ;  cf.  30. 
Gemynianus,     Domenico    da    San 

Gimignano,  s,  58(?),  59(?). 
Giovanni  da  Imola,  8. 
Graecorum  sapientitim  dicta,  65. 
Grand  (Le)   Cotitutnier  de    France, 

148. 


Graml  (Le)  Style   et  protocole  de  la 
chancellerie  de  France,  143. 

Grapaldi  (Francesco  Mario),  75. 

Guarino  da  Verona,  73. 

Guarna  (Andréa),  104, 

Gui  Pape,  140. 

Guillaume  Durand,  15. 

Guillelmus    Benedicti ,     Guillaume 
Benoît,  154. 

Henri  de  Suse,  7. 

Hippocrate,  79. 

Histoire  (U)  de  la  défaite  des  Luthé- 
riens en  Lorraine,  142. 

Horapollon,  Horos  Appollo,  102. 

Horborch  (Guillaume),  60. 

Hostiensis  [Henri  de  Suse],  7. 

Hyppolitus    de    Marsiliis,    Ippolito 
Marsigli,  27. 

Imola  (Giovanni  da),  8. 

Innocent  IV,  3. 

Institiites,  41,  50. 

Jacobi  (Petrus,  Pierre),  39,  62. 

Jacques  d'Ableiges,  148. 

Jason,Jasone  Maino,  26. 

Jérôme  (saint),  33. 

Johannes  Berberii,  Jean  Barbier,  46. 

Johannes  Fabri,  Jean  Faure,  25. 

Johannes  Pomeranus,  74. 

Johannes  Revnaudi,  Jean  Raynaud, 

48. 
Juin  secundi  (Dialogus),  iio. 
Jure  patronat  us  (Tractatus  de),  32. 

Juvénal,  112. 

Lanfranco  da  Oriano,  30,  31. 

Lapo  da  Castiglionchio  (Jacopo),  .|  7 

Libellus  in  epistolas  Pauli,  76. 

Liber  feudorum,  49. 

Lopez   (Juan)   de  Palacios  Rubios, 

22. 
Ludovicus      Romanus,      Lodovico 

Pontano,  19,  35. 
Luther,   105. 

Maino  (Jason,  Jasone),  26. 
Manuscrits,  9,  53  à  57,  61,  62,  73, 
95(?),  IIS,  116,  117,  118,    119, 
120, 121,  122, 123, 125,  127, 130, 


362 


LUCIEN   AUVRAY 


131,   132  (en  partie),   133,   134, 

146,    147,   153,    158,    166,   167, 

168. 
Marsigli  (Ippolito),  Marsiliis  (Hyp- 

politus  de),  27. 
Martinus  Laudensis   [Martinus  Ca- 

retus  ?],  30;  cf.  22. 
Martir,    Martyr   (Petrus),     Martirc 

(Pietro)  d'Anghiera,  82. 
Masuer  ou  Masuyer  (Jean),  150. 
Mathesillanus,     Mattesillani    (Mat- 

teo),  35. 
Meditaliones  [intae  Jcs.  Chr.  ?],  118. 
Mélanchthon,  78,  160. 
Menus pivpoiii  {Les),  85. 
Milis  (Nicolaus  de),  9,  10. 
Modus  {Le  roi),  84. 
Nanni    (Giovanni),     Annius    (Jo- 

liannes),  163. 
Nicolaus  de  Milis,  9,  10. 
Oldrado  da  Ponte,  36. 
Opéra  jucundissima  novaniente  retro- 

vata,  161. 
Ordo7inances  royaux,  51,  52,  144. 
Oriano  (Lanfranco  da),  30,  31. 
Ortica  délia  Porta,  109. 
Palacios   Rubios  (Juan   Lopez    de), 

22. 
Panorme,  2. 
Pape  (Gui),  140. 
Parpaglia  ou  Parpalia  (Tommaso), 

57- 
Pathelin  (Maislre  Pierre),  162. 
Paul  (saint),  76. 
Paul  de  Castro,  18. 
Paul  d'Égine,  152. 
Pérouse  (Pierre  de),  135. 
Pétrarque,  69,  156. 
Petra  Sancta  (Petrus  Gerardus  de), 

35- 
Petrucci  (Federico),  25. 
Petrus  de  Ferrariis,  Giovanni  Pietro 

Ferrari,  38. 
Petrus  Jacobi,  39,  62. 
Petrus  Martir,  82. 
Phalaris,  94. 


Physionomie  (Un  livre  de),  108. 
Pico  (Paolo),  54. 
Pierre  de  Pérouse,  135. 
Pietro  da  Ancarano,  6. 
Pline  le  Jeune,  137. 
Politien,  72. 
Polydore  Vergile,  105. 
Pomeranus  (Johannes),  74, 
Pontano  (Lodovico),  19,   35. 
Ponte  (Oldrado  da),  36. 
Pragmatique  sanction,  42. 
Protocole  (Le)  des  notaires  et  secrétai- 
res, 149.  —  Cf.  Style. 
Quinte-Curce,  115. 
Quintianus,  Quinziano  Stoa,  93. 
Raynaud,  Reynaud  (Jean),  48. 
Recollectae,  53  à  57. 
Refugium  advocatorum,  87. 
Regoïe grammaticali  de  lavolgar  lin- 

gua,  80.  —  Cf.  Fortunio. 
Regulae  cancellariae  aposiolicae,  124. 
Ripa  (Jo.  Franciscus  de  Sancto  Na- 

zario,  alias  de),  164. 
Roi  Modus  (Le),  84. 
Romanus     (Ludovicus),    Lodovico 

Pontano,  19,  35. 
Sabellico  (Marc' Antonio),  9 1 . 
Saliceti  (Bartolomeo),   1 5 . 
Salluste,  109. 
Sancto  Germano  (Dominicus    de), 

58.  —  Cf.  San  Gimignano  (Dome- 

nico  da). 
Sancto  Nazario  (Jo.  Franciscus  de), 

alias  de  Ripa,  164. 
Sandeo  ou  Sandei  (Felino  Maria), 

145. 
San  Gimignano  (Donienico  da),  5, 

58  (?),  59  (?)• 
Sangiorgio  (Giovanni  Antonio  da), 

22. 
Sangiorgio  (Jacopo  ou  Jacopino  da), 

34- 
Sannazar,  100. 
Scaurus  (Franciscus),  89. 
Septem  sapientium  dicta,  6$  (?). 
Sexte,  4. 


LA    BIBLIOTHEQUE    DE   CLAUDE    BELLIEVRE 


"'fi-' 


Seyssel  (Claude  de),  30. 

Socy  (Marianus),  Soccini  (Mariano), 
22. 

Sûiiinie  rurale,  63.  — Cf.  Boiitillicr. 

Spéculum,   13. 

Stilus  Parhunenti  et  requeslaruiii,  44. 

Stoa  (Quintianus,   Quinziano),  93. 

Style  et  manière  de  procéder  et  pour- 
suivre plusieurs  matières  en  Parle- 
ment, 157, 

Style  (Le  Grand)  et  protocole  de  la 
chancellerie  de  France,  143. 

Suétone,  138. 

Suppliques  en  cour  de  Rome,  122. 

Tartagni  (Alessandro),  16. 

Tedeschi  (Niccolô),  ou  Panormc,  2. 


Térence,  1 16. 

Tibaldeo  (Antonio),  ici. 

Tornielli  (Fr.),  95. 

Tractatus  de  jure  patronalus,  32. 

Tractatus     [pluriniorum]    doctorum, 

165. 
Tractatus  super  act[ione^^  legis  Acqui- 

riinr,  61. 
Ubaldi  (Baldo  degli),  14,  17. 
Valla  (Laurent),  68,  98. 
Varron,  64. 

Vergile  (Polydore),  105. 
Vocahularium  gallicum,   latiimm    et 

theutonicum,  92. 
Vokyr  ou  Volcyre  (Nicole),  142. 


UNE  LETTRE  INÉDITE  DE  LOPE  DE  VEGA 


Parmi  les  manuscrits  précieux  exposés  dans  la  salle  Ami 
Lullin  de  la  Bibliothèque  publique  et  universitaire  de  Genève 
figure  depuis  quelque  temps  une  lettre  autographe  de  Lope  de 
Vega,  tirée  de  la  belle  collection  de  documents  espagnols  dont 
la  générosité  de  M.  Edouard  Favre  a  récemment  enrichi  ce 
dépôt.  Ces  documents,  acquis  de  l'hoirie  d'un  Genevois 
longtemps  établi  en  Espagne,  proviennent  des  archives  des 
comtes  d'Altamira,  ducs  de  Sesa'.  Les  personnes  familières 
avec  l'histoire  de  la  littérature  castillane  savent  que  le  sixième 
duc  de  Sesa,  protecteur  et  ami  de  Lope,  se  plaisait  à  recueiUir 
ses  manuscrits  et  que  la  plupart  des  lettres  publiées  du  grand 
dramaturge  ont  la  môme  origine  que  l'autographe  conservé  à 
Genève.  J'ai  tout  lieu  de  croire  que  cette  lettre  est  encore  iné- 
dite et  j'ai  pensé  qu'on  la  lirait  avec  plaisir  dans  ce  volume 
dédié  à  un  maître  qui  s'est  occupé  avec  prédilection  de  l'his- 
toire du  théâtre  et  qui  est,  par  surcroît,  docteur  honoris  causa 
de  l'Université  de  Genève. 

Il  paraît  qu'on  avait  pressé  Lope  de  Vega  et  d'autres  beaux 
esprits  de  s'essayer  à  composer  des  inscriptions  funéraires  à  la 
mémoire  du  roi  Philippe  IIL  Tout  en  se  déclarant  inférieur  à 
la  tâche,  Lope  envoie  à  son  correspondant  deux  séries  de  huit 
inscriptions  latines,  destinées  à  glorifier  les  vertus  de  ce 
médiocre  souverain  que  Guzman  d'Alfarache,  dans  la  conti- 
nuation de  Jean  Marti,  qualifie  de«  phénix  unique  du  monde  ». 
Ces  seize  inscriptions,  ainsi  que  la  lettre  qui  les  précède,  sont 
écrites  ou  transcrites  au  courant  de  la  plume,  sans  aucune 

I.  Voyez,  dans  les  tomes  XI,  XII,  XIII  et  XIV  du  Bulletin  Hispanique, 
l'inventaire  de  la  collection  Edouard  Favre,  dressé  par  le  regretté  Léopold 
Micheli. 


366  ERNEST   MURET 

rature.  Mais,  à  la  quatrième  page,  au  lieu  de  l'adresse  indis- 
pensable à  une  lettre  missive,  nous  lisons  le  brouillon  très 
raturé  d'une  épitaphe  de  Philippe  III.  Le  latin  n'en  est  pas 
très  correct  :  l'Espagnol  y  montre  le  bout  de  l'oreille  dans 
les  graphies  especuliim  et  rexc  (pour  rege)  '.  La  meilleure  lati- 
nité des  seize  inscriptions  n'est  guère  déparée  que  par  l'em- 
ploi de  fidis  au  lieu  de  fidelihiis;  mais  les  yeux  avertis 
y  découvriront  le  geai  paré  des  plumes  du  paon.  Dans 
quelques-unes  on  reconnaît  des  fragments  d'hexamètres,  des 
réminiscences  d'auteurs  romains,  païens  ou  chrétiens,  La 
deuxième  est  empruntée  à  Ovide,  la  septième  à  Martial.  Dans 
la  treizième  et  la  quinzième  mon  savant  collègue  et  ami, 
M.  Paul  Oltramare,  a  retrouvé  des  vers  de  Claudien.  Il  a  été 
impossible  d'identifier  les  autres,  quoique  j'aie  recouru  aux 
lumières  de  plusieurs  excellents  latinistes.  Les  auteurs  latins 
modernes  tenaient  dans  les  lectures  du  dix-septième  siècle 
une  plus  grande  place  que  dans  les  nôtres,  et  la  mémoire  de 
Lope  a  pu  lui  fournir  des  traits  dont  les  véritables  inventeurs 
nous  demeurent  ignorés. 

A  défaut  de  suscription,  la  signature  de  la  lettre  peut  nous 
guider  dans  la  recherche  du  destinataire.  La  formule  Capellan 
de  Vm.  se  retrouve  au  bas  de  deux  autres  lettres  -,  dont  la 
plus  ancienne,  datée  de  1628  par  une  allusion  à  la  sortie  de 
presse  du  premier  recueil  des  Comédies  d'Alarcon,  était  adres- 
sée par  Lope  à  son  ami  et  compatriote  de  la  Montagne,  le 
poète  Antoine  de  Mendoza,  chevalier  de  Calatrava  et  l'un  des 
secrétaires  du  roi  Philippe  IV.  Le  destinataire  anonyme  de  la 
plus  récente,  écrite  à  la  nouvelle  de  la  mort  de  Gustave- 
Adolphe,  en  1632,  a  été  bien  à  tort  identifié  avec  le  duc  de 
Sesa  et  pourrait  être  également  Mendoza.  Une  troisième 
lettre  %  adressée  au  même  et  signée  Su  capellan,  date  de  l'année 

1.  Ailleurs  encore,  dans  les  fautes  vénielles  inocentissima  et  Iranquiliias. 

2.  Publiées  au  tome  I  de  l'édition  académique  des  Obras  de  Lope  de  Vega, 
pp.  652-654. 

5.  Publiée  en  juin  1899,  dans  la  Revisla  de  archivas,  bibliolecas  y  inuseo: 
(terccra  época,  ano  III,  p.  365). 


UNE  LETTRE  DE  LOPE  DE  VEGA  367 

durant  laquelle  Lope  eut  la  dignité  de  chapelain  principal  de 
la  Congrégation  des  prêtres  natifs  de  Madrid,  qu'il  avait  obte- 
nue le  4  juillet  1628  '.  Si  l'autographe  de  Genève  est  contem- 
porain des  trois  autres,  il  s'ensuit  que  les  inscriptions  sollicitées 
de  Lope  n'étaient  pas  destinées  à  rehausser  l'éclat  éphémère  de 
quelque  cérémonie  funèbre  à  la  mémoire  de  Philippe  III,  mais 
à  être  gravées  sur  le  tombeau  même  de  ce  roi,  dans  le  Pan- 
théon de  l'Escurial.  Ce  Panthéon  n'a  été  achevé  qu'en  1645; 
mais,  bien  auparavant,  Philippe  II,  Philippe  III,  Philippe  IV 
étaient  préoccupés  du  projet  d'élever  des  tombeaux  à  leurs  pré- 
décesseurs sur  le  trône  d'Espagne.  Fort  bien  en  cour,  Mendoza 
peut,  de  sa  propre  initiative  ou  en  qualité  d'intermédiaire  offi- 
cieux, avoir  engagé  le  plus  célèbre  poète  du  temps  à  exercer  ses 
talents  présumés  de  latiniste  à  la  louange  du  feu  roi  Philippe  III. 
La  lettre  que  je  publie  ci-après  est  malheureusement  endom- 
magée par  une  déchirure  qui  a  enlevé  la  plupart  des  fins  de 
lignes  de  la  première  page.  J'ai  reproduit  aussi  exactement 
que  possible  la  disposition  du  manuscrit  et  ses  abréviations 
et  gardé  la  ponctuation  suffisamment  claire  de  l'auteur  ^. 
M.  Delarue,  conservateur  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
de  Genève,  a  bien  voulu  m'aider  à  déchiffrer  quelques  mots 
d'une  lecture  difficile,  et  M.  Morel-Fatio  a  eu  la  bonté  de  Hre 
cet  article  en  épreuves.  Je  remercie  MM.  Morel-Fatio,  Oltra- 
mare  et  Delarue  de  leur  aimable  collaboration  '. 

Ernest  Muret. 

1.  Voyez  Renncrt,  Life  of  Lope  de  Vega,  pp.  330  et  351  et  l'art.  Antonio 
de  Mendoza  de  l'Index.  Il  m'a  été,  malheureusement,  impossible  de  consul- 
ter les  lettres  publiées  par  D.  Francisco  Asenjo  Barbieri,  sous  le  pseudo- 
nyme de  José  Ibero  Ribas  y  Canfranc  et  le  titre  de  Ultimes  Atnorcs  de  Lope 
de  Vega  Carpio  (Madrid,  1876). 

2.  On  remarquera,  notamment  dans  le  brouillon  d'épitaphe,  que  Lope  fait 
usage  de  la  virgule  aussi  bien  comme  signe  d'abréviation  que  comme  signe 
de  ponctuation.  Dans  l'inscription  Al  hoiior,  ce  signe  représente  peut-être  à 
la  fois  Vin  de  vulttim  et  le  point  qui  manque  dans  ma  transcription. 

3.  La  part  de  collaboration  de  M.  OItramare  est  marquée,  dans  les 
notes,  par  les  lettres  P.  O.  entre  crochets. 


368  ERNEST   MURET 

Ya  dixe  a  Vm,  La  dificultad  de  las  [f°  i,  r°] 

inçcripçiones  .0.  dedicaçiones  a  tumulos  y 
difuntos,  y  mas  pa  tan  gran  monarca, 
y  que  no  me  atreuia  entre  taies  ingénies, 
5     :  porqîfg  no  hallo  cosa  de  mayor  consider[a-] 
çion  en  quantas  se  escriuen,  y  lie  ten[ido] 
opinion  siempre  (bien  que  ignorante)  que  [mien-]  ' 
tras  mas  claras  son  mexores,  pues  de  [las] 
antiguas  se  conoze,  de  quien  se  toma  mexor 
10     exenplo.  Los  Padres  de  la  compariia  [,  que] 

en  todo  guardan  el  decoro  y  propiedad  deui[dos,] 
pusieron  en  el  Tumulo  de  la  senora  Im- 
peratriz  este  breue,  claro,  y  susta[n-] 
çial  Elogio,  o  sea  dedicaçion  o  inçcripçio[n] 
15     funèbre, 

Maria  Augusta  Maximiliani  II  Vxor, 
Caroli  V.  filia,  Rodolphi  II  mater  Auggg. 
Catholice  fidei  in  Germania  columen. 
heri^jticorum  terror,  humanissima,  Piissi[ma,] 
20         inocentissima,  humilitatis  spéculum,  p[au-] 
perum  mater,  obiit  Matriti.  anno  ié[o2,] 
4  Kal.  Mart. 

A  esta  traza  me  holgara  yo  que  [ ] 

V  con  esta  claridad,  y  no  menos  ^  [.  • .  hu-] 
25     biera  llebado  a  la  compania,  que  [,como  le] 
digo,  son  açertadissimos  e[n  to]d[o.  P'  no  de-] 
xar  (au[n]q;/t'  con  verguença  y  recato)  de  [f"  i,  v°J 

obedezcr  en  algo,  hize  esos  titulos 
a  las  virtudes,  por  el  mexor  camino  que 
30     me  pareçio,  pues  en  razon  de  aplicar 
a  su  Magestad  sus  exçelençias  ya 
esta  dicho  en  hauerlas  colocado  en  su 
Tumulo.  Vm  las  vea,  que  no  van  a  ser 
puestas,  sino  a  rendir  obediençia  y 
35     a  que  conozca  \'m  que  le  amo  y  desseo 
seruir  a  quicn  nro  s''  g'^'^  muchos  anos 

Capellan  de  Vm. 
Lope  de  Vega  Carpio. 

1.  Au  bord  de  la  déchirure  on  lit  encore  une  n  ou  les  deux  premiers  jambages 
d'une  m. 

2.  Au  bord  de  la  déchirure  on  distingue  encore,  un  peu  au-dessous  de  la  ligne, 


ONE  LETTRE  DE  LOPE  DE  VEGA  369 

1  A  la  gloria  [f°  2,  r°] 
Mortalis  Aura  nominis'. 

2  A  la  fama 
Nullis  delebilis  annis  ^. 

3  A  la  Fee 
gloria  Fidis  finis. 

4  A  la  Prudençia 
Moderatrix  5  virtutum. 

5  A  la  continençia 

Angélus  et  pudicus  fœlicitate  differunt. 

6  A  la  Manscdunbre 
Modesti  animi  tranquilitas. 

7  A  la  liberalidad 
Ad  premia  velox  +. 

8  ■  A  la  Religion. 

Erga  deum  pietas  5. 


9  A  la  Benignidad 

Lex  démentie  in  lingua  eius. 

10  A  la  piedad 
Verus  dei  cultus  >. 

11  A  la  Just[iciJ'' 
Vinculum  Societatis  humanae  (>. 

un  trait  en  crochet,  qui  peut  être  une  cédille  on  avoir  appartenu  à  Vnnc  des 
lettres  h,  J,  1,  q,  {on  v.  Le  (\ne  abrégé  a  un  tracé  différent . 

1.  Cf.  Sénèque,  Epistolae  Morales,  123,  16:  «  gloria  vanum  et  volucre 
quiddam  est  auraque  mobilius  »  [P.  O.]. 

2.  Martial,  Epigrammata,  VII,  84,  7. 

3.  Ce  mot  se  trouve  à  plusieurs  reprises,  dans  des  emplois  semblables, 
chez  Cicéron.  Vovez  le  Haudlexikon  :{u  Cicero  de  Merguct. 

4.  Ovide,  Epistolae  ex  Ponto,  I,  2,  121,  en  parlant  de  l'empereur  Auguste. 

5.  «  Des  définitions  plus  ou  moins  semblables  pullulent,  «  m'écrit 
M.  Oltramare,  qui  en  cite  les  exemples  suivants  :  «  iustitia  erga  deos  reli- 
gio  dicitur,  erga  parentes  pietas  »  (Cicéron,  Partitiones  Oratoriac,  §  78)  ; 
«  rcligio  veri  cultus  est  ^)  (Lactance,  Divinae  Institutiones,  4,  28,  11); 
«  iustitia  est  veri  dei  cultus  «  (Lactance,  Epitome,  51,  i).  Le  Vie  livre  des 
Institutions  de  Lactance  est  intitulé  De  vero  ciiltu. 

6.  Cf.  Cicéron,  De  Repuhlica,  I,  49  ;  «  cum  lex  sit  civilis  societatis 
vinculum.  »  M.  Oltramare  attire  mon  attention  sur  le  passage  suivant  du 

Mélanges.  II.  24 


370 

ERNEST   MURET 

12 

A  la  Paz 

ordinata  Tranquilitas 

13 

Al  honor 

Mentiq//t'  parem  componere  vultu/// 

14 

A  la  verdad 

Rara  inter  mortales  veritas. 

15 

a  la  clementia 

sola  Deos  ivquat  clementia  nobis-^. 

i6 

a  la  Victoria 

Meritos  ex  orbe  triumphos. 

6 


D  O  M  [f°  2,  vo| 

Philip, III  {Hispan,  Rex  CatJwlicus)^  Cognomcnto 
bonus,  philipi  II  filias  Caroliq»f  Roman,  imp.  Nepos 
Augustus  Maximus,  Plus,  hasreticorum  terror  vidue 
(    continentie  especulum,  Hdei  prçsidium,  Religionis 
(    [tidei  pr.  au-dessus  des  mots  hijfés  Fidei  columen  et  defensor  fidei] 
5       columen,  humanitatis  et  mansuetudinis  exemplum, 
{  fœliçisimas  {fclicitery^ 

l    post  {lot  hclla  et)i  victorias  exercitis  suisÇparias)^  parlas 
\     et  nouo  [rature]  nouas 

i     [rature]  terrarum  orbe  (et  indiarum')  3  inuentas,  Mauror, 
que  a  Roderico  gothor,  rexe  in  Hisp,  (vuicus)^  relictorum  (î;- 
expulsor  vnicus  imperium  dupliçis  mundi  philipo         [nicus)  > 
lo     [4]  reliquit  et  ad  premium  tante  virtutis  euolauit  matriti 
Anno  {dnï)^^   1621  (P(?)  > 

Patriœ  sua3  masrore  [ratuve]:\icct.\:  et  lachriniis  amoris  et  grati 
animi  monumentum. 


même  auteur  (De  Finibus,  V,  65)  :  «  quae  animi  affectio  suum  cuique  tri- 
buens  atque  hanc  quam  dico  societatem  coniunctionis  humanae...  tuens 
iustitia  dicitur,  cui  sunt  adiunctae  pietas,  bonitas,  llberalitas,  benignitas...  » 

1.  Claudien,  Dt'  coiinitiilii  Slilictmiis,  II,  36,  dans  la  caractéristique  de 
la  fides  [P.  O.J. 

2.  Claudicn,  De  IV.  amsulalu  Hoiiorii,  277[P.  O.]: 

Sis  pius  in  primis  :  nam,  quum  vincamur  in  omni 
Munere,  sola  deos  aequat  clementia  nobis. 

3.  Biffé. 

4.  Lettre  biffée. 


Œl\RHS    D1-:    PJ.UTARQUE 

Aux  armes  de  Nicolas  Moreau  s''  d'Auteuil. 
Collection  de  M.   H.  Yates  Thompson. 


UN  BIBLIOPHILE  DU  XVIe  SIÈCLE 

NICOLAS  MOREAU, 
S-^  D'AUTEUIL  ■ 


Nicolas  Moreau,  s'  d'Auteuil,  a  inscrit  son  nom  et  sa 
devise-anagramme  :  A  r ami  son  cœur,  sur  quelques  manuscrits, 
incunables  et  livres  imprimés  au  xvi*"  siècle  dispersés  aujour- 
d'hui dans  diverses  bibliothèques  publiques  et  privées.  Le 
nombre  des  volumes  portant  cet  ex-libris  qui  ont  été  décou- 
verts jusqu'à  ce  jour  est  assez  considérable  pour  qu'on  en 
dresse  une  liste  et  qu'on  cherche  à  préciser  un  peu  la  person- 
nalité de  ce  bibliophile. 

Nicolas  Moreau,  fils  de  Raoul  Moreau  sieur  de  Grosbois, 
trésorier  de  France,  et  de  Jacqueline  Fournier,  naquit  vers 
1544.  Son  père,  qui  possédait  de  grands  biens  dans  le  comté 
de  Montfort-l'Amaury,  acquit  pour  lui  dans  cette  région  la 
seigneurie  d'Auteuil  ;  dans  la  succession  paternelle,  qui  s'ou- 
vrit en  1583,  Nicolas  Moreau  recueillit  encore  la  terre  de 
Thoiry  avec  le  château  du  Tronchet,  aujourd'hui  château  de 
Thoiry,  et  un  hôtel  à  Paris,  rue  Michel-le-Comte  ;  de  la  suc- 
cession d'un  oncle  maternel,  il  eut  la  terre  de  Marc,  également 

I.  Les  recherches  que  nous  avons  entreprises  sur  ce  personnage,  en  vue 
de  nous  associer  à  l'hommage  qui  est  rendu  à  M.  Emile  Picot,  ont  donné 
des  résultats  qui  dépassaient  nos  prévisions.  La  place  dont  nous  pouvons 
disposer  dans  le  présent  volume  étant  limitée,  nous  devons  nous  borner  à 
une  notice  sommaire.  Un  mémoire  plus  étendu  et  contenant  la  justification 
des  renseignements  donnés  ici  paraîtra  dans  les  publications  de  la  Société 
de  l'histoire  de  Paris  et  de  l'Ile-de-France . 


3^2  A.    VIDIER 

sise  dans  le  canton  actuel  de  Montfort-l'Amaury.  Par  sa  femme 
Marthe  Potier,  fille  de  Jacques  Potier,  conseiller  au  Parle- 
ment, il  devint  encore  seigneur  de  Courbevoie  près  Paris. 

Nicolas  Moreau  débuta  dans  la  vie  publique  par  l'office  de 
trésorier  du  duc  d'Anjou,  le  futur  Henri  III,  qu'il  accompa- 
gna en  Pologne  pendant  l'éphémère  royauté  de  ce  prince. 
Ayant  obtenu  la  survivance,  Moreau  occupa  la  charge  de  tré- 
sorier de  France,  concurremment  avec  son  père,  depuis  1571  ; 
il  s'en  démit  en  1586.  On  le  trouve  dès  lors  pourvu  de  l'em- 
ploi infiniment  plus  modeste  de  maître  d'hôtel  ordinaire  du 
roi,  capitaine  du  château  et  bois  de  Boulogne  et  varenne  du 
Louvre. 

Lorsqu'il  mourut  en  16 19,  tous  ses  biens,  ainsi  que  ceux  de 
sa  femme,  avaient  été  vendus  successivement  par  autorité  de 
justice:  Courbevoie,  à  un  bourgeois  de  Rouen,  Eustache 
Le  Bossu  ;  Auteuil,  à  François  Briçonnet,  maître  des  comptes  ; 
des  fiefs  dépendant  d' Auteuil  à  Guillaume  de  Marescot,  maître 
des  requêtes  au  Parlement.  Ce  dernier  racheta  la  terre  de  Marc 
en  1617,  et,  de  1629  à  1631,  la  part  qui  était  revenue  aux 
enfants  de  Nicolas  Moreau  dans  la  succession  paternelle,  Thoiry, 
dernier  lambeau  du  vaste  patrimoine  constitué  par  Raoul 
Moreau.  Le  château  de  Thoiry  n'est,  depuis,  jamais  sorti  des 
mains  des  descendants  de  M.  de  Marescot;  des  alliances  l'ont 
porté  successivement  dans  les  familles  de  Baussan,  Machaut 
d'Arnouville,  de  Vogué  et  de  La  Panouse. 

Quelques  pièces  insérées  dans  les  œuvres  des  principaux 
poètes  de  la  Pléiade  :  Ronsard,  Dorât,  Jean-Antoine  de  Baïf, 
sont  adressées  soit  à  Raoul  Moreau,  soit  à  son  fils  Nicolas, 
s'  d'Auteuil.  Elles  attestent  les  relations  d'amitié  existant  entre 
ce  dernier  et  le  cénacle  qui  se  réunissait  chez  Dorât,  rue  des 
Fossés- Saint-Victor  et  formait  ce  qu'on  a  appelé  l'Académie 
des  Valois. 

Quelques  C.V  dotw  inscrits  sur  les  volumes  de  Nicolas  Moreau 
témoignent  de  l'empressement  que  mettaient  ses  parents  et 
ses  amis  à  flatter  son  goût  pour  les  livres  :  Baïf  lui  donna  un 


MOREAU,    S''    d'aUTEUIL  373 

Cicéron  ;  M"'^  Harlay  de  Sancy,  sa  sœur,  un  Roman  de  la 
Rose  ;  Jean  Nicot,  une  Chronique  de  Charles  VII,  par  Gilles 
le  Bouvier;  le  président  Nicolas  Potier  de  Blancmesnil,  son 
beau-frère,  une  Légende  dorée  ;  le  trésorier  de  France  Claude 
de  Troyes^  sieur  de  Boisregnault,  une  Consolation  de  Boèce. 

Les  volumes  réunis  par  Moreau  dans  sa  Bibliothèque,  soit 
pardons,  soit  par  suite  d'achats,  sont  remarquables,  les  manu- 
scrits, par  leur  ancienneté  et  par  l'illustration  dont  ils  sont 
ornés  ;  les  imprimés,  par  leur  antiquité  aussi,  et  par  l'abon- 
dance des  figures  sur  bois  ou  même  des  miniatures.  La  plupart 
de  ces  volumes  sont  en  outre  reliés  aux  armes  de  leur  pro- 
priétaire :  chevron  à  trois  tètes  de  mores,  armes  qui,  lorsqu'elles 
sont  peintes  cà  l'intérieur,  sont  d'or  au  chevron  d'azur.  La  col- 
lection de  Moreau  offrait,  à  considérer  sa  composition,  une 
assez  grande  variété  :  ouvrages  de  piété,  de  morale  et  de  phi- 
losophie, livres  d'histoire,  et  surtout  vieux  romans  français, 
comme  se  plaisaient  encore  à  en  lire  bien  des  gens  du  monde 
au  xvi^  siècle,  en  dépit  des  efforts  des  rhétoriqueurs  pour  tout 
latiniser  et  italianiser. 

Des  dates  inscrites  sur  les  volumes  par  leur  propriétaire,  ou 
des  titres  et  qualités  qu'il  s'attribue  dans  son  ex-libris,  il 
ressort  que  Moreau  commença  de  collectionner  en  1566  et 
qu'il  enrichit  sa  bibliothèque  jusqu'en  1586,  époque  où  com- 
mença l'embarras  de  ses  affaires.  Un  seul  manuscrit  paraît 
avoir  été  acquis   par  lui  après  cette  date. 

Aucun  indice  ne  nous  est  parvenu  touchant  l'époque  ou 
les  circonstances  dans  lesquelles  furent  dispersés  les  volumes 
dont  on  trouvera  ci-dessous  l'énumération  ;  M.  Léopold 
Delisle  a  fait  observer  que  quelques  livres  ayant  appartenu  à 
Nicolas  Moreau,  mais  pas  tous,  ont  passé  par  la  biblio- 
thèque de  Charles-Maurice  Le  Tellier,  archevêque  de  Reims. 


374  A-    VIDIER 

LISTE  DES  LIVRES 

AYANT   APPARTENU    A    NiCOLAS    MOREAU. 

Manuscrits. 

1 .  Contes  tirés  de  la  vie  des  Pères.  Chronologie  des  rois  de  France . 
Conte  du  Manteau  mal  taillé.  —  xui^  siècle,  parch.  Bibl.  nat., 
ms.  fr.  2187. 

2.  Romans  de  Florimont,  par  Aimon  de  Varenne,  et  du  Court 
Mantel.  —  xiii«  siècle,  parch.  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  353. 

3.  Psautier  et  cantiques  en  français.  —  xiv<=  siècle,  parch.  Notes  de 
famille  sur  un  feuillet  de  garde.  Coll.  Strœhlin  (vendue  en 
19 12).  —  Cf.  H.  Michelant,  Sur  un  psautier  français  manuscrit 
du  XIV^  siècle,  dans  le  Bibliographe  musical,  1872,  p.  5-11. 

4.  Légende  dorée  de  Jacques  de  Voragine,  traduite  par  Jean  de 
Vignay.  —  xiv^  siècle,  parch.  Bibl.  nat,,  ms.  fr.  184, 

5.  Lancelot  du  Lac.  — ■  xiv^  siècle,  parch.  Bibl.  nat.,  ms.  fr.   341 . 

6.  Consolation  philosophique  de  Boèce,  traduite  par  Jean  de 
Meung.  Sept  articles  de  foi  de  Jean  de  Meung.  École  de  foi  et 
Trésor  de  Notre-Dame  de  Jean  Brisebarre.  Rendus  de  MoUien. 
—  Écrit  en  1383,  parch.  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  576, 

7.  Roman  de  la  Rose.  —  xiv<=  siècle,  parch.  Bibl.  de  Copenhague 
n.  f.  roy.  63. 

8.  Psautier  et  cantiques  en  français.  Vie  de  sainte  Marguerite. 
Prières,  etc.  —  xiv^ siècle,  parch.  Bibl.  nat.  ms.  fr.  n.  acq.  10044. 

9.  La  Cité  des  dames  de  Christine  de  Pisan.  —  xv«  siècle,  parch. 
Bibl.  nat.,  ms.  fr.  24293. 

10.  Livre  de  Sidrac.  — xv=  siècle,  papier.  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  1156. 

11.  Le  Château  périlleux  de  frère  Robert.  —  xv^  siècle,  parch. 
Bibl.  nat.  ms.  fr.  1162. 

12.  Roman  du  Samt-Graal.  —  xv^  siècle,  parch.  Bibl.  de  Dijon 
ms.  527. 

13.  Extraits  du  Livre  de  la  Chasse  de  Gaston  Phœbus.  —  xv^  siècle, 
parch.  Bibl.  de  l'Arsenal,  ms.  3252. 

14.  Traité  d'arithmétique  de  Jean  Adam.  —  xv-'  siècle,  parch. 
Bibl.  Sainte-Geneviève,  ms.  3143.  V.  f.  in-8°. 

15.  Histoire  de  Simon  de  Mont  fort,  par  Pierre  de  Vaux-de-Cernay, 
traduction  française  anonyme.  —  xv^  siècle,  papier.  Bibl.  nat., 
ms.  fr.  17810. 

16.  Chronique  de  Charles  VII,  par  Gilles  le  Bouvier,  dit  Berry. 
xv^  siècle,  papier.  Bibl.  nat.,  ms.  fr.   19562. 

17.  États  généraux  de  Paris(i455)  et  deTours(i484).  —  xv  siècle, 
papier.  Bibl.  de  Rouen,  ms.  3196. 


MOREAU,    S''    D  AUTEUIL  375 

i8.  Roman  de  Thésée  de  Cologne  et  de  Gadifer.  —  xv«-xvi«  siècle, 
parch.  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  1473. 

Imprimés. 

19.  Cicéron,  De  officiis,  Paradoxa,  Versus  xii  Sapientum.  Horace, 
Oda  de  brevitate  humanae  vitœ...  — Mayence,  Jean  Fiist  et  Pierre 
Schœffer,  1466,  in-4°,  Bibl.  nat.,  Vélin,  1838. 

20.  Valére  Maxime,  Faits  et  paroles  mémorables  —  {S.  1.  n.  d. 
[avant  1477]),  in-fol.  Bibl.  Sainte-Geneviève,  Œ  454. 

21.  Les  Quatre  fils  Aymon — (5".  /.  //.  cl.  [I^you,  vers  1485]).  In- 
fol.  Coll.  Fairfax  Murray. 

22.  La  Mer  des  Histoires.  —  Paris,  P.  Le  Roiioc,  1488,  2  vol. 
in-fol.  Coll.  Pierpont  Morgan. 

23.  Matheolus,  Le  livre  contre  le  mariage.  —  (5.  /.  ;/.  d.  [^Lyou, 
C.  Dayiie],  in-fol.)  Bibl.  Mazarine,  incun.  673. 

24.  Valère  Maxime,  Faits  et  paroles  mémorables.  —  Paris,  A.  Vè- 
rard  (s.  d.  [vers  1 500-1 503]),  in-fol.  Bibl.  de  Besançon,  incun. 

935- 

25.  Térence  en  français.  —  Paris,  A.  Verard  (s.  d.),  in-tol.  Bibl. 

Sainte-Geneviève,  Œ  fol.  710  Rés. 

26.  Les  Neuf  Preux.  —  Paris,  M.  Le  Noir,  1507,  in-4".  Musée 
de  la  Ville  de  Paris  (coll.  Dutuit). 

27.  Chronique  Martinienne.  — Paris,  A.  Vérard,  s.  d.  [1510?]). 
2  vol.  in-fol.  Ce  volume  a  fait  partie  de  la  collection  de 
M.  H.  Y.    Thompson,  mais    ne  s'y  trouve  plus. 

28.  Bernard  de  Parentis,  Lilium  missas.  —  Paris,  Ph.  Pigoiichet, 
1510,  in-8°.  Bibl.  Sainte-Geneviève,  BB  in-12.  385,  Rés. 

29.  Corneille  Agrippa,  De  incertitudine  et  vanitate  scientiarum  et 
artium.  —  Autverpiae.  J.  Graphcus,  1530,  in-4°.  Bibl.  de  la 
Sorbonne,  Rés.  856. 

30.  Dante.  —  Veiielia,  G.  B.  Marchio  Sessa  et  fratelli,  1564,  in-fol. 
Bibl.  de  M.  G,  Hanotaux. 

31.  Plutarque,  Œuvres  morales,  traduites  par  Jacques  Amyot. 
—  Paris,  M.  Vascosan,  1572,  2  vol.  in-fol.  Rel.  dorée  et  mosaï- 
quée.  Bibl.  de  M.  H.  Y.  Thompson. 

32.  Jérôme  le  Jeune,  Oraison  funèbre  du  duc  d'Anjou.  — Paris, 
Gilles  de  Saint-Gilles  (s.  d.  [1584]),  pet.  in-8°.  L'exemplaire  de 
Nicolas  Moreau  n'a  pas  été  signalé,  mais  cette  pièce  lui  est  dédiée. 
Un  exemplaire  est  conservé  à  la  Bibl.  nat.,  Rés.  Ye.  4307. 

A.  ViDIER. 


JACQUES    DE  CAMPRONT 
ET   SON  PSALTERIUM 


Au  maître  que  nous  fêtons  qui  pourrait  prétendre  révéler 
un  auteur  nouveau  en  ce  xv!""  siècle  où  il  a  tant  fréquenté  ? 
Jacques  de  Campront  lui  est  bien  connu  sans  doute,  mais  le 
livre  très  rare  qui  nous  a  conservé  ce  nom  pourrait  bien  n'être 
point  passé  sous  ses  yeux.  Voilà  mon  excuse. 

Le  drôle  de  bonhomme  Jacobus  de  Cainp-rmt',  presb.  a  brin - 
censis,  curé  de  Vergoncey,  au  pays  avranchin,  eut  à  soutenir 
sans  doute  plus  d'un  procès,  notamment  un  grave,  très  grave, 
où  il  allait  de  son  honneur,  de  sa  Hberté,  de  sa  vie. même, 

1.  Vergoncey,  près  Avranches.  La  famille  de  Campront  ou  Camprond 
est  bien  connue  en  Avranchin  ;  Le  Héricher,  avec  exagération,  la  dit  illustre 
(^Avranchin  momimental,  t.  I,  p.  392).  On  trouve  des  branches  établies 
notamment  à  Marcilly,  Saint-Senier,  Pontorson,  La  Godefroy,  Gorges  et 
autres  paroisses  des  arrondiss.  d'Avranches  et  Coutances.  Elle  porte  d'ar- 
gent à  la  quintefeuille  de  gueules  (Recherche  de  la  noblesse  de  Guy  Cliamillart, 
Caen,  Delesques,  1887,  p.  56-59). 

1611.  Pierre  de  G.,  esc,  s""  de  la  Transportière,  par.  de  La  Godefroy, 
ler  avocat  du  roi  en  la  vicomte  d'Avranches.  —  161 1,  1615.  Mathurin  de 
G.,  sr  du  Mes,  par.  de  Marcilly.  —  161 1.  Jean  de  G.,  s^  du  Bourg.  — 
161 3,  1649.  Nicolas  de  G.,  chanoine.  —  161 5.  Juhen  de  G.,  esc,  licencié 
aux  droits,  avocat  au  bailliage  et  vicomte  de  Mortain.  —  1627.  Mathieu  de 
G.,  $>■  d'Auberoche,  vicomte  de  Mortain,  cède  son  office.  —  1643.  Elisa- 
beth, fille  de  feu  Isaac  de  G.,  esc,  s""  de  la  Bretaiche,  et  de  Susanne  Tar- 
dif. —  1647.  Michel  de  G.,  esc,  s^  de  la  Porte,  marié  à  Scholastique  La 
Noë.  —  1649.  Nicolas  de  G.,  esc,  s»"  de  la  Porte.  —  1659.  François  de  G., 
esc,  sf  de  His  (?),  fils  d'Antoine  et  de  Louise  Arondcl.  —  1669,  1671. 
Pierre  de  G.,  esc,  s^  de  S»  Loup,  fils  aîné  de  feu  Jean  de  G.,  s>'  du  Bourg, 
conseiller  du  roi  aux  juridictions  d'Avranches.  —  1669.  Jean  de  G.,  s^  de 
la  Transportière,  demeure  à  S'  Senier.  (Extrait  des  notes  mss.  recueillies  au> 
tabelUonage  d'Avranches  par  Ch.  de  Baurepaire').  —  1653.  François  de  G. 
s^  et  patron  de  Gorges,  etc.  (Bibl.  Nat.,  4°  Fm.  5123.) 


378  p.    LE   VERDIER 

qu'il  gagna  avec  le  secours  de  Dieu  autant  qu'avec  celui  des 
hommes,  du  moins  le  crut-il. 

Pour  éviter  à  ses  pareils  d'aussi  cruelles  infortunes,  et,  pour 
les  inviter  à  se  ménager  comme  lui  la  protection  céleste,  il 
composa  et  leur  offrit  le  bizarre  ouvrage  : 

Psalterivm  |1  iustè  Litigantium.  1]  Quo  ex  libro  |f  Consola- 
tio  peti  ab  iis  potest,  quibus  res  [j  est  s^epe  &  pugna  grauis 
cum  Aduersa  -||  riis  tum  visibilibus,  tum  inuisibilibus,  ||  in 
hoc  seculo.  Il  Ad  ||  Amplissimos  &  Ornatissimos  viros,  in 
supremo  Normanias  ||  Senatu,  Rotomagi,  considentes.  ||  Pari- 
siis,  Il  Apud  lametium  Mettayer.  |1  Regias  Majestatis  Typogra- 
phum.  Il  M.  D.  XCVII.  Avec  cette  épigraphe  :  Aperiam  in  Psal- 
TERiopropositionem  meam.  Psal.  48. 

C'est  en  effet  un  psautier,  mais  un  psautier  bien  artificiel, 
dont  les  psaumes  sont  constitués  de  multiples  versets  emprun- 
tés à  David,  glanés  dans  toute  l'œuvre  du  Roi-prophète,  et  rap- 
prochés pour  en  former  un  office  approprié  à  la  malheureuse 
condition  du  plaideur. 

Avant  de  passer  au  texte,  il  convient  d'achever  la  bibliogra- 
phie du  volume.  C'est  un  in-12,  à  signatures  assez  irrégu- 
lières, de  7  feuillets  non  chiffrés  et  de  GG  feuillets  paginés  au 
recto  seulement.  Au  dos  du  titre  se  trouve  V Approhatio  des 
docteurs,  datée  des  ides  de  juin  1597,  signée  notamment  de 
Robert  Liot,  Thesaurariorum  collegii  Provisor  et  decarms,  un 
normand  par  conséquent,  piiisque  le  collège  des  Trésoriers, 
ou  mieux  du  Trésorier,  ne  recevait  guère  que  des  Cauchois. 
Après  la  dédicace  aux  conseillers  du  Parlement  de  Rouen  et 
l'avis  Adlectorem,  viennent  quelques  pièces  liminaires:  d'abord 
un  poema  en  cinq  distiques  donne  tout  le  plan  de  l'ouvrage, 
on  pourrait  dire  la  table  ;  j'y  reviendrai.  Suivent  quelques 
pièces  adressées  à  l'auteur  :  la  première,  en  vers  peut-être 
(je  n'en  sais  rien  !)  est  écrite  en  hébreu  et  signée  Pet.  Vignal  ' 


1.  Pierre  Vignal,  professeur  royal  en  hébreu  au  Collège  de  France,  et 
doyen,  1 592-1640.  (Cf.  AbelLefranc,  Hist.  du  Collège  de  France.') 


JACaUES    DE    CAMI'ROXT    ET    SON'    PSALTERIUM  379 

Profess.  Reg.  ;  la  seconde,  en  distiques  grecs,  douze  vers,  est 
signée  N.  ruXu)visu  '  ;  une  autre,  de  même  longueur,  en  vers 
latins,  est  l'œuvre  de  Jean  de  Rouen  %  puis  on  trouve  une 
épigramme  par  Bertaut',  un  sonnet  par  Du  Nesme,  et  un 
quatrain  par  Robert  Le  Fèvre  S''  de  la  Feverye-*.  Enfin  une 
assez  jolie  figure,  un  cuivre,  montre  David  à  qui  apparaît  un 
ange.  Suit  le  psautier. 

Le  livre  se  termine  enfin  par  un  mémoire  à  pagination  et 
signatures  distinctes  (26  pages),  excnsiim  Littetiœ  VI  Mus 
///rt/7  (1597),  dans  lequel  l'auteur  expose  sa  plainte  aux  magis- 
trats et  se  confie  à  eux,  après  eux  à  Dieu  : 

Explicatiû  litis  enucleande  oc  âisccptauâe  ah  xquissiDiis 
Magni  ambiilaton'ique^  CoinUiiludicihiis,  oric  inter  M.  Jacobuni 

I.  Nicolas  Goulu,  professeur  royal  en  grec,  1 568-1601.  (Ibid.,  Biogr. 
Didot.)  Dorât  lui  adressa  une  de  ses  épigrammes,  Ad  D.  Guloninm  Qoannis 
Aurati  epigrammatum  lihriiu,  Parisiis,  1586,  p.  19).  Lui-même,  helléniste 
obligé,  offrait  volontiers  ses  hommages  en  vers  grecs  :  Eî;  'Aop'.avôv 
TûfvrjjBov,  pièce  liminaire  signée  N.  FuXwvto;,  dans  Adriani  Turnehi  Adver- 
san'orum  (Paris.,  apud  Martinum  Juvenem,  1580);  à  Odet  Turnèbe,  dans 
le  Tumuîus  dédié  à  celui-ci  (Paris.,  Mamert  Pâtisson,  1582);  dans  les 
Hymnes  ecclésiastiques,  etc.,  de  Guy  Le  Fèvre  de  la  Boderie,  dans  les  Larmes 
et  soiispirs  sur  Je  trcspas  très  regretté  de  M.  Antoine  Fiancé,  Bi:yOntin,  par 
Jean-Aimé  de  Chavigny   (Paris,  1582). 

2.  Jean  de  Rouen,  théologien  et  orateur,  né  à  Rouen,  fut  aumônier  du 
Roi  et  proviseur  du  collège  du  Trésorier.  Voy.  des  notes  biographiques 
par  Charles  de  Beaurepaire  (Rech.'rches  sur  V instruction  publique  dans  le  dio- 
ccse  de  Rouen,  t.  I,  p.  212),  —  le  V«e  d'Estaintot,  dans  son  Introduction  à 
Tanniversaire  de  messire  Adrian  de  Bréautê  et  Oratio  Joannis  Roënni  (Rouen, 
1882,  Société  des  Bibliophiles  Normands);  — et  le  Manuel  du  Bibliographe 
Xormand  de  E.  Frère. 

3.  Jean  Bertaut,  l'abbé  d'Aunay  et  le  futur  évêque  de  Séez.  Né  à  Caen, 
1552.  Cette  pièce  n'a  pas  été  recueillie  par  son  dernier  éditeur,  M.  Chenne- 
xière  (Les  œuvres  poétiques  de  M.  Bertaut,  évesque  de  Si-ei-  Collection  El/.é- 
vir,  1891.)  A  plus  forte  raison  ne  se  trouve-t-elle  pas  dans  les  éditions 
anciennes. 

4.  Un  seigneur  de  la  Févrerie  a  composé  un  traité  de  l'origine  de  la  poésie 
et  a  écrit  un  éloge  «  assez  bien  tourné  »  de  P.  Corneille.  Si  ce  n'est  pas  ce 
Robert  Le  Fèvre,  ce  pourrait  être  un  fils,  héritier  de  son  talent  poétique. 
(Goujet,  III,  p.  15  et  XVIII,  p.  158.) 

Du  Nesme  m'échappe;  je  n'ai  rien  su  trouver  sur  lui. 

5 .  II  va  longtemps  que  Louis  XII  avait  h\\.  succéder  le  Parlement  per- 


380  p.    LE   VERDIER 

de  Camp-ront,  Presbyteru  et  Parochiiin  Vergonceiiim,  et  Jnlianuiu 
Rogerone,  cognomine  de  Prateolis  ;  illuin  sese  defendentem  contra 
huius  querelas,  et  agentem  de  restituenda  sibi  fama  atque  existi- 
matione,  aduersiis  calumnias  falsasque  ohiectiones  ipsius  Rogeronis. 

On  trouve  dans  ce  factum  quelques  renseignements  biogra- 
phiques sur  l'auteur,  et,  comme  je  n'en  connais  guère,  je  m'y 
arrête  un  instant. 

Il  y  avait  inimitié  capitale  entre  les  Campront  et  un  certain 
Julien  Rogeron,  S'  de  Préaux.  Ravence  '  de  Campront,  le  père 
de  notre  plaideur,  avait  eu  avec  ce  Rogeron  tant  de  procès,  de 
luttes,  de  batailles  qu'une  haine  s'était  élevée  entre  eux  qui  ne 
pouvait  finir  nisi  alter  ab  altero  coucideret.  Campront  fut  tué  ; 
on  ne  connut  jamais  bien  ses  assassins.  Mais  voilà  qu'un  jour 
le  château  de  Rogeron  fut,  pendant  les  troubles  civils,  pris 
d'assaut  et  pillé,  et  Rogeron  voulut  que  le  coup  ait  été  fait  à 
l'instigation  du  curé  de  Vergoncey.  Il  en  donnait  pour  preuves 
que  celui-ci  avait  des  opinions  espagnoles^,  qu'au  temps  de 
la  Ligue  il  avait  émigré  en  Italie  et  en  Espagne,  qu'il  avait 
d'ailleurs  résidé  à  Fougères  lorsque  cette  ville  était  au  pouvoir 
des  rebelles  ;  qu'un  oncle  de  Campront,  Boislabbé  (Boeslabus), 
et  un  frère  bâtard  de  sa  mère.  Boutoir,  (Butoërius),  étaient 
au  courant  des  êtres  du  château. 

Pauvres  arguments,  semble-t-il,  mais  nous  sommes  un  peu 
loin  pour  apprécier.  Sur  quoi  Rogeron  s'était  pourvu  au  Par- 
lement, réclamant  une  prise  de  corps.  C'est  contre  ces  accusa- 
tions que  Jacques  de  Campront  avait  dû  se  défendre;  la  Cour 
l'avait  laissé  en  liberté,  et  il  achevait  de  se  justifier,  de  récla- 
mer vengeance  du  calomniateur.  En  même  temps  qu'il  pré- 
sentait aux  Pères  conscrits  de  Rouen  un  mémoire  de  défense, 
appuyé  de  solides  arguments,  il  leur  offrit  son  Psalterium.  On 

pétuel  à  l'échiquier  ambulant.  Mais  la  Cour,  fuyant  Rouen  pris  par  les 
Ligueurs,  s'était  réfugiée  à  Caen  en  1589  :  est-ce  pour  cela  que  Campront 
lui  donne  cette  épithète  ? 

1 .  Au  texte  Ravctii  :  Ravence  ou  Raveneau,  Ravenet  ? 

2.  Le  duc  de  Guise  avait  fait  alliance  avec  le  roi  d'Espagne. 


JACaÛES    DE   CAMPRONT   ET   SON    PSALTËRIUM  38 1 

ne  sait  pas  quel  accueil  fut  fait  au  Psautier,  mais  à  l'auteur  les 
juges  conservèrent  son  honneur  et  sa  bonne  renommée  en  pro- 
clamant son  innocence. 

Revenons  au  psautier.  L'office  composé  par  Jacques  de 
Campront  est  divisé  en  fériés  suivant  les  sept  jours  de  la 
semaine.-  Chacune  comprend,  à  la  façon  du  bréviaire,  une  in- 
vocation, une  hymne,  une  antienne,  quatre  psaumes,  suivis 
d'un  cinquième,  que  l'auteur  intitule  Gratianim  aclio,  en 
façon  de  remerciement  au  Seigneur,  puis  les  versets  et  l'orai- 
son. 

Les  quatre  psaumes  du  premier  jour  ont  pour  thèmes  la 
prière,  Oralio:  Deus in  nomine  tiio  salvimimefac...,  cxandi oràtio- 
nem  meam  ÇPs.  53).  Auribus percipe  orationemiueam...(Ps.  16), 
etc.  L'ennemi,  Inhnicns:  Eripenie  dein'wiicîs  meis...  (Ps.  58). 
Eripe  me  de  manu  iniiiiicoruiii...  (Ps.  30),  etc.  La  plainte  de 
l'opprimé,  Clainor  :  Domine..,  in  die  clamavi...  (Ps.  87).  Cla- 
mavi ad  te...  (Ps.  142),  etc.  Le  secours  divin,  Auxiliiiiii  :  Deus 
in  adjiitorimn  meiim....  (Ps.  69),  etc.  Et  de  cette  façon  chaque 
psaume  est  composé  de  nombreux  versets,  conformes  à  son 
sujet,  tirés  du  psautier  tout  entier,  de  manière  à  former  des 
collections  de  textes  davidiques  construites  successivement  sur 
les  quatre  sujets  du  jour,  Oratio,  Inimiciis,  Clainor,  Aitxiliiiiii. 
Quant  au  psaume  qualifié  Gratiarum  actio,  il  est,  lui  aussi, 
formé  de  versets  qui  rappellent  les  quatre  mêmes  inspirations. 
Mais,  devançant  le  temps,  ils  ne  sont  plus  la  prière  d'un  plai- 
deur suppliant,  mais  celle  d'un  plaideur  exaucé,  comme  si 
celui-ci  voulait  s'accorder  d'avance  la  joie  du  succès  ou  bien 
témoigner  à  Dieu  une  reconnaissance  anticipée  du  triomphe 
espéré  :  Ououiain  lu,  Deus  meus,  exaudisti  orationem...  (Ps.  60), 
etc.  Exaltaho  te,  Domine,  nec  delectasti  inimicos  mcos super  nu\.. 
(Ps.  29),  etc.,  etc.  C'est  du  reste,  ce  qu'annonce  l'auteur  dans 
sa  préface  :  Gratiarum  ad  Deuui  actionem  continet  et  preces  exaii- 
ditas  ah  eo  quas  juste  litigans  fundebat  in  singulis  superioribus 
psalmis.  Même  quadruple  programme  dans  l'oraison  finale. 

Au  second  jour  les  thèmes  des  prétendus  psaumes   sont  : 


382  p.    LE    VKRDIER 

Causa,  Lcx,  Testes,  Dolns.  Au  troisième  :  Cahimnia,  Veritas, 
Testimonia,  Justijîcatw.  Au  quatrième  :  Jnjiistus,  Jiistiis,  Injnsti- 
tia,  Jnstitia.  Au  cinquième:  Timor, lunocentia,  Tribulatio,  Spcs. 
Au  sixième  :  Misericordia,  Liberator,  Jiidex,  Jtidiciiim.  Au  sep- 
tième :  Sains,  Benedictio,  Laiis,  Gloria  et  honor.  L'auteur  résume 
tout  ce  défilé,  dans  la  pièce  liminaire  déjà  citée,  en  ces  termes  : 

Ter  dcnos  quinos  miro  ordine  dat  tibi  Psalmos 

Hic  liber,  et  Psalmo  est  cuique  suustitulus  : 
Primo  etenim,  juste  contendens  incipit  Orans. 

Huic  Initnicus  adest.  Clamor  et  Atixilhwi. 
C«»5i7que.  Lex.  Testes.  Dolns  atque  Calmiinia.  Venini, 

Teslificata  nocent.  Justifcata  juvant. 
Injustus.  Jiisliis .  Jiistiitn.  Iiijnsiniiiqiie.  Timorque. 

InnocHuni  Tribiilat.  Spes.  Miseicuisque:  fovet. 
Libérât  hune  Jitiiex.  Sic  Judiciumque  Salîisque. 

Et  Benedictio.  Lins.  Gloria  HonorquQ  venit. 

Admirable  matière,  vraiment,  à  mettre  en  vers  latins. 

Du  reste,  les  thèmes  sont  inscrits  en  manchette  et  rappelés 
partout  où  besoin  est,  ainsi  que,  et  c'est  plus  utile,  les  réfé- 
rences au  psautier  véritable. 

On  devine  combien  de  versets  peuvent  être  collectionnés, 
en  nombre  presque  infini,  sur  chacun  de  ces  sujets;  l'œuvre 
pouvait  s'allonger  autant  que  le  caprice  ou  la  piété  de  l'auteur 
l'eût  décrété.  Campront  cependant  s'est  borné;  l'amplitude  des 
pièces,  des  psaumes,  si  psaumes  il  y  a,  est  très  variable,  depuis 
quinze  jusqu'à  trente  et  quarante  versets  pour  chacun  ;  l'of- 
fice de  chaque  jour  se  limite  à  quinze  ou  dix-huit  pages  de  ce 
petit  in- 12. 

Tel  est  le  véritable  jeu  de  patience  ou  d'assemblage,  le  piiî^le, 
que  le  bon  prêtre  avranchais  a  très  sérieusement  composé 
comme  un  livre  d'heures  spécial  et  utile  au  plaideur,  au  plai- 
deur juste  et  honnête,  comme  une  œuvre  pie  et  agréable  à 
Dieu,  capable  de  le  toucher  et  de  l'induire  à  s'intéresser  à  sa 
créature  opprimée  :  qiio  circa  hiijus  siiit  friicltis  Psalterii  taies, 
ut  qiiisqiiis  juste  liligat  eos  H  lis  suœ  ex  i  tus  exspectet  et  tam  optatos. 


JACQUES    DE   CAMPRONT   ET   SON    PSALTERIUM  383 

quam  qui  singulari  Dei  iiiuin're  ac  bénéficia  niihi  perccpli  siint  vere 
justeqiie  litiganli  '. 

On  était  avisé  en  Normandie.  Pays  de  procès,  c'est  entendu, 
mais  aussi  pa3-s  de  patience  et  de  prudence.  Donc  on  savait 
penser  à  tout.  Se  mettre  bien  avec  le  bon  Dieu,  lui  offrir, 
avant  d'aller  au  Palais,  des  prières,  j'allais  dire  des  épices, 
n'était  pas  la  précaution  inutile;  du  moins  Jacques  de  Campront 
en  voulut  mettre  à  la  disposition  du  plaideur.  Mais,  tout  de 
même,  singulier  livre,  naïve  et  singulière  piété  !  - 

P.  Le  Verdier. 

1.  Ad  leclorein,  fin. 

2.  Je  dois  un  remerciement  particulier  à  MM.  Paul  Lacombe  et  René 
Sturel  qui  ont  bien  voulu  nie  fournir  d'utiles  indications  sur  les  amis  de 
Jacques  de  Campront,  et  à  M.  Charles  de  Beaurepaire  qui  m'a  communiqué 
avec  un  aimable  empressement  les  notes  de  son  véncré  père. 


PIERRE  GRINGORE  ET  L'ENTRÉE  DE 
LA  REINE  ANNE  EN   1504 

(D'après  un  document  inédit). 


Si  je  regrette  pour  mon  livre  sur  Pierre  Gringorc  '  de 
n'avoir  pas  connu,  au  moment  où  je  l'ai  fait  paraître  après  dix 
années  de  recherches  patientes,  la  mention  dont  je  vais  par- 
ler, je  suis  heureux  par  contre  d'offrir  cette  petite  trouvaille  à 
celui  qui  est  à  coup  sûr  le  plus  à  même  de  s'en  réjouir  et  de 
m'en  savoir  gré.  M.  Emile  Picot  connaît  à  merveille  l'œuvre 
de  Gringore,  et  il  a  fait  sur  tel  ou  tel  de  ses  poèmes  d'inté- 
ressantes découvertes  ;  je  n'ai  pas  à  parler  ici  de  ce  dont  j'ai 
longuement  entretenu  le  lecteur  dans  un  gros  volume,  mais 
en  vérité,  il  m'est  loisible  de  reconnaître  une  fois  de  plus  que 
si  l'on  a  trop  souvent  contesté,  même  depuis  mon  travail,  la 
valeur  et  l'intérêt  des  poésies  de  Gringore,  M.  Picot  ne  s'est 
jamais  lassé  de  se  pencher  avec  une  curieuse,  une  touchante 
persévérance  sur  les  productions  de  Mère  Sotte  :  c'est  qu'il  en 
devinait,  à  côté  du  fatras  et  du  prosaïsme  souvent  verbeux,  la 
«  substantifique  moelle  »  et  la  très  grande  originalité,  faite 
de  simpUcitè  dans  un  temps  où  la  complication  était  à  la  mode, 
de  précision  alors  que  les  poètes  s'acharnaient  à  masquer  leur 
pensée  et  à  la  revêtir  d'oripaux  trop  pompeux,  de  verve  gau- 
loise, par  quoi  l'œuvre  de  Gringore  se  rattache  au  moyen-âge 
plus  qu'au  xvi'^  siècle  précieux  et  renaissant. 

Sauvai,  et  après  lui  tous  ceux  qui  ont  cité  les  principales 

1 .  La  poésie  morale,  politique  et  dramatique  à  la  veille  de  la  Rotaissance. 
Pierre  Gringore,  par  Ch.  Oulmont,  docteur  es  lettres  (Champion,  191 1). 
2  vol.  in-80.   Bill,  du  XV^  siècle. 

Mélanges.  II.  25 


386  CHARLES   OULMONT 

dates  de  la  carrière  dramatique  de  Pierre  Gringore,  note  que 
Mère  Sotte  participa  comme  fatiste  à  l'Entrée  de  la  Reine 
Anne  de  Bretagne  à  Paris  en  1504;  c'est  la  quatrième  des 
Entrées  solennelles  pour  laquelle  Gringore  est  mis  à  contribu- 
tion depuis  le  25  novembre  1501.  Toujours  il  a  pour  associé 
Jehan  Marchand,  le  charpentier  de  la  Grande  Cognée,  dans 
ces  organisations  de  mystères  mimés,  très  différents  des 
mystères  parlés. 

Si  le  lecteur  a  quelque  désir  de  savoir  quel  pouvait  être  le 
«  scénario  »  de  l'un  de  ces  mystères,  série  de  tableaux  vivants, 
d'allégories  par  personnages,  je  le  renvoie  au  n°  XVIII  démon 
chapitre  II  :  «  Le  coroneiiient .  sacre  et  entrée  de  la  Royue  a  Paris, 
le  5?  mai  ijiy  ».  (d'après  le  ms.  inédit  de  la  bibl.  de  Nantes, 
n°  1337,  fr.  1176).  Cette  relation  a  d'autant  plus  d'impor- 
tance qu'elle  est  une  des  très  rares  qui  nous  soient  parve- 
nues. 

En  vérité  cela  s'explique  :  de  môme  que  dans  le  théâtre 
joyeux  des  Sots  il  y  avait  à  côté  des  soties  littéraires,  pleines 
de  psychologie,  de  satire  sociale,  politique  ou  mondaine,  des 
soties  qui  n'étaient  à  vrai  dire  que  des  jeux  de  clowns  —  sui- 
vant le  mot  de  M.  Picot  —  et  que  l'on  improvisait  presque, 
de  même  dans  le  théâtre  sérieux,  l'on  ne  se  donnait  pas  tou- 
jours la  peine  de  conserver  le  livret  de  tel  ou  tel  mystère 
mimé.  Une  fois  l'Entrée  achevée,  le  mystère  qui  n'avait 
eu  qu'un  attrait  d'actualité  n'était  plus  bon  à  rien,  et  le 
manuscrit,  s'il  n'était  pas  déchiré,  s'égarait,  faute  de  soins. 

Dans  le  compte  relaté  par  Sauvai  et  les  bibliographes 
modernes,  il  est  fait  mention  du  payement  des  deux  associés  ; 
c'est  le  compte  de  la  prévôté  de  Paris.  Dans  le  compte  que 
l'on  va  lire,  Gringore  est  cité  non  plus  avec  Jehan  Marchand, 
mais  avec  d'autres  fatistes  qui  collaborèrent  aux  diilérents 
mystères  représentés  ce  jour- là.  Les  noms  de  ces  humbles 
auteurs  nous  sont  tout  à  fait  inconnus,  mais  ils  sont  à  joindre 
désormais  à  ceux  de  Jehan  de  l'Espinc,  d'André  de  la  Vigne, 
de  Maistre  Mitou,  de  Maistre  Cruche  et  de  leur  illustre  con- 


PIERRE   GRINGORE    ET   LA    REINE    ANNE    DE    BRETAGNE     387 

irère  Pierre  Gringore  :  «  a  M.  Régné  de  Collerie,  Jehan  Vesse- 
ris,  Claude  Lebrest,  Jehan  le  Secrétaire,  Mère  Sotte,  et  autres 
tous  facteurs  et  inventifs  d'iceulx  mistaires  et  esbatemens,  la 
somme  de  2  livres  6  sols  a  eux  payée  et  distribuée  par  le  dit 
présent  receveur  pour  leurs  peines  et  sallaires  d'avoir  vacqué 
par  plusieurs  journées  avant  la  dite  entrée,  de  diriger  les  mis- 
taires et  mis  en  ryme  les  dictz  que  ont  esté  jouez  es  dits 
lieux,  en  ce  comprins  6  sols  parisis  pour  despence  de  bouche 
faicte  par  le  dict  procureur  en  communiquant  avec  eulx  pour 

ce.  » 

Cette  mention  se  trouve  au  toi.  87  v"  de  la  série  KK  4 16,  aux 
Archives  Nationales  ;  elle  fait  partie  de  copies  de  comptes  faites 
au  xviii^  s.  par  les  soins  du  procureur  du  Roi,  Moriau 
(Comptes  des  subsides  accordées  à  la  Ville  de  Paris  par  le  Roi, 

cf.  Invent,  somiii.  des  Archives,  1871,  p.  283). 

Et  cette  mention  qui  a  déjà  par  soi-même  de  quoi  satisfaire 
les  historiens  des  origines  de  notre  théâtre  si  mal  connues, 
prend  tout  son  relief  quand  on  la  replace  dans  ce  qui  la  pré- 
cède et  la  suit. 

En  effet,  tandis  que  pour  les  mystères  récités  et  joués,  nous 
possédons  quelques  relations  qui  nous  permettent  de  savoir  la 
mise  en  train,  la  dépense  et  l'exécution  de  ces  pièces,  au  con- 
traire nous  ignorions  à  peu  près  tout  de  ces  mystères  mimés 
avant  la  publication  que  j'ai  faite  du  ms.  de  Nantes,  avant  le 
long  compte  que  j'ai  transcrit  ci-dessous.  Petit  xlc  Julleville 
(dans  ses  volumes  sur  les  Mystères,  Paris,  1880,  I,  196-200) 
signale  l'apparition  des  mystères  mimés  en  13  13,  et  reproduit 
(II,  i8i-2ié)  les  mentions  de  Sauvai;  il  indique  pour  des 
mystères  mimés  à  Béthune,  assez  tardivement  (1549)  les  corps 
de  métiers  qui  y  prirent  part,  et  le  nombre  de  personnages 
utilisés.  (Entrée  à  Jérusalem,  par  exemple,  16  personnes). 

Le  compte  que  le  lecteur  a  ici  sous  les  yeux  est,  toutes 
proportions  gardées,  si  l'on  compare  la  longueur  et  la  valeur 
d'un  mystère  récité  à  celles  d'un  mystère  mimé,  aussi  consi- 
dérable que  celui  du  mystère  des  3  Doms.  Nous  sommes  ren- 


388  CHARLEé   OULMONT 

seignéssur  le  moindre  accessoire,  et  tous  les  à-côtés  de  la  fête 

sont  passés  en  revue. 

[fol.  85  recto J. 

Autre  despense  faite  par  ordonnance  des  Prévost  des  marchands  et 
eschevins  de  la  ville  de  Paris  tant  a  cause  de  la  venue  et  nou- 
velle entrée  de  la  Royne  notre  souveraine  dame  faite  en  celle 
dite  ville  en  l'année  de  ce  présent  compte  comme  pour  la  trans- 
lacion  du  corps  de  feu  M.  le  duc  d'Orléans,  père  du  Roy  notre 
Sire  du  lieu  de  Bloys  aux  Celestins  de  cette  ville  faite  au  dit 
temps  comme  aussi  pour  la  messe  solemnelle  de  la  réduction 
d'icelle  ville  de  Paris  ainsi  qu'il  s'ensuit. 
[D'abord,  ce  sont  les  dépenses  pour  l'entrée  de  la  Reine  payées 

par  Jehan  Hesselin,  Receveur  de  la  ville,  20  nov.  1504]. 

Et  premièrement  a  cause  des  préparatifs  et  mistaires  faits 
pour  le  jour  de  lad.  entrée. 

A  Jehan  Perrin  chevaucheur  d'escurie  du  Roy  lequel  a  apporté 
lettres  dudit  $•■  touchant  la  venue,  Entrée  de  lad.  dame  et  du 
recueil  qu'il  entendoit  et  vouloit  luy  estre  fait  de  par  la  ville,  a 
esté  donné  par  ordonnances  et  en  présence  desd.  prevost  des 
marchands  et  eschevins [etc.] 

A  Loys  Lesecq  sergent  de  la  ville,  la  somme  de  cent  douze  sols 
parisis  a  luy  ordonnée  pour  les  peines  et  sallaires  d'avoir  ete  de 
l'ordonnance  que  dessus  de  cette  ville  a  Melun,  Fontainebleau  et 
ailleurs  au  dit  quartier  ou  le  dit  s''  alloit  et  venoit  pour  s'enqué- 
rir et  scavoir  au  vray  le  jour  que  seroit  la  venue  et  entrée  de  la 
d.  dame  en  cette  dite  ville,  a  ce  que  on  feust  pourvu,  au  dit  jour 
a  la  recevoir,  en  quoy  faisant  ledit  Lesecq  a  vacque  l'espace  de 
huit  jours  entiers,  pourcecy 112  s.  p. 

A  Simon  Agneiton  marchand  de  merrien  la  somme  de  18  1.  12  s. 
8  d.  paris,  pour  le  bois  de  merrien  par  luy  livré,  tant  à  la  porte 
Saint-Denis,  au  Ponceau,  à  la  Porte  aux  Paintres  au  bout  du 
pont,  que  au  marché  Fallu  ont  été  faits  et  assis  esd.  portes  les 
eschaffaulx  sur  lesquels  ont  esté  jouez  plusieurs  mistaires  et  esba- 
temens,  et  les  d.  lieux  du  Ponceau,  bout  dudit  pont  et  marché 
Fallu  plusieurs  barrières  pour  obvier  a  la  foulle  du  peuple  le  jour 
de  lad.  entrée  duquel  merrien  les  parties  s'ensuivent...  [suit  le 
détail  qui  est  pour  nous  sans  intérêt]. 

A  Mathurin  Thevenart  charpentier  la  sonuue  de  17  1.  14  s.  8  d. 
pour  avoir  par  luy,  ses  gens,  et  allouez,  fait  ce  qui  s'ensuit,  cest 
assavoir  lesd.  eschaffaulx...  et  assis  des  barrières  au  bout  de  la 
rue    Guerain  Boineau  pour  y  tendre  tapisserie  a  l'endroit  des 


PIERRE    GRINGORE    ET    LA    REINE    ANNE    DE    BRETAGNE      389 

immondices  et  aigoux  {sic)  qui  y  sont  faits,  aussi  d'autres  bar- 
rières au  bout  de  la  rue  Marché  Fallu  qui  vient  du  Petit  Pont  a 
Notre  Dame  au  bout  de  la  rue  de  la  Juifrie  et  au  bout  du  pont 
près  l'orlogc  du  palais  pour  clore  les  passaiges  et  obvier  a  la 
foule  du  peuple  le  jour  de  lad.  entrée.  Item  fait  en  l'hostel  de  la 
ville  3  barrières  a  l'entour  de  la  porte  et  fait  une  cloison  a 
esquierre  et  ung  feste  dessus  en  la  cour  dudit  hostel  pour  la 
couvrir  de  bannes  et  servir  de  cuisine  le  jour  que  la  Royne  y  a 
disné 

A  Gilles  Morise  serrurier,  la  somme  de  42  s.  6  d.  pour  les  parties  et 
ouvraigesde  son  mestier  par  lui  faits  pour  lad.  entrée,  ainsi  que 
s'ensuit  c'est  assavoir  a  la  Porte  S.  Denis  106  crampons  servans 
a  tenir  lesecussons  aux  armes  du  Roy  et  de  la  Roine  au  dessus 
des  eschaffaulx  faits  a  la  porte  pour  les  mistaires  [suit  l'énuméra- 
tion  d'un  certain  nombre  de  serrures  fournies]. 

A  M.  Jacques,  procureur  de  lad.  ville,  lequel  a  eu  charge  desd. 
prevost  et  eschevins  d'ordonner  et  faire  les  frais  des  mistaires 
qui  ont  esté  faits  et  jouez  a  la  porte  Saint-Denis,  fontaine 
du  Ponceau  et  porte  aux  Paintres,  la  somme  de  huit  vingt-neuf 
livres,  16  s,  par... 

Et  premièrement 

A.  M.  Règne  de  CoUerie,  Jehan  Versoris,  Claude  Lebrest,  Jehan  le 
secrétaire.  Mère  Sote  et  autres  tous  facteurs  et  inventifs  diceulx 
mistaires  et  esbatemens  la  somme  de  11  livres  5  sols  a  eulx 
payée  et  distribuée  par  le  dit  présent  receveur  pour  leurs  peines 
et  sallaires  d'avoir  vacqué  par  plusieurs  journées  avant  lad.  entrée 
de  diviser  les  mistaires  et  mis  en  Ryme  les  dictz  qui  ont  esté 
jouez  esd.  lieux,  en  ce  comprins  6  s.  par  jour  despence  de 
bouche  faicte  par  le  dit  procureur  en  communiquant  avec  eulx 
pour  ce. 

A  Pierre  de  la  Croix,  Pasquier,  Vrille,  Jehan  Emery,  Jehan  Lingre 
et  Jehan  Gallant  paintres,  pour  eulx  et  leurs  gens,  tant  pour 
estoffes  et  paintreries  comme  or,  azuré,  argent,  vermillion,  fine 
lacque,  vernis,  vert  de  gris,  mauve,  ocre,  blanc  d'Espagne,  brun 
d'Auxerre,  vieils  drappeaulx,  grantpappier,  colle,  huille,  coton, 
painceaulx  et  autres  choses  de  leur  mestier  qu'ils  ont  livrez  et 
employez  a  faire  ce  qui  s'ensuit,  c'est  assavoir  a  estofîer  cinq  grans 
Ecus  aux  hermes  du  roy  et  de  la  Royne  avec  les  couronnes  et 
ordres  du  Roy  pertinant  ;  item  28  autres  petits  escus  auxsd.  armes 
environnées  de  rinceaux...  item  livré  et  paint  un  petit  dieu,  plus 
paint  de  fin  or  4  grans  bastons  qui  ont  servy  a  porter  le  ciel  sur 


390  CHARLES   OULMONT 

lad.  dame  le  jour  de  sad.  entrée;  item  livré  les  paintures  qu'il  a 
convenu  a  paindre,  un  grant  arbre  ou  perron  qui  a  esté  fiché  et 
assis  en  l'hostel  de  Nesle  ouquel  ont  esté  faites  les  lettres  et  joustes 
pour  y  attacher  les  armes  du  Roy  et  de  lad.  dame...  et  plusieurs 
autres  menues  choses  de  leur  mestier,  que  pour  leurs  peines,  par 
le  temps  et  espace  de  4  vingt  trois  journées   d'hommes  au  prix 

de  6  s.  p.  par  jour 60  1.  8  s. 

A  Bellanger  Imbert  tailleur  d'ymaiges,  pour  les  5  couronnes  des- 
susd...    plus  fait  un    S^   Michel  servant  a  l'un  des   cinq  escus 

116  s. 

Item  mis  et  frayé  par  led.  procureur,  en  chandelle,  charbon,  bûches 

et  bourrées  tant  pour  lesd.  paintreset  bimbellotiers  durant  qu'ils 

ont  faits  les  choses  dessusd.  de  leur  mestier,  que  pour  chauffer 

les  joueurs   desd.  mistaires  esd.  portes,  durant  le  jour  d'icelle 

entrée,  la  somme  de  38  s.  par. 
Item  en  l'achapt  de  4  poulies  et  2  grans  perches  de  bois  en  corde 

qui  ont  servy  a  tendre  les  custodes  sur  les  eschaffaulx  devant  les 

mistaires,  la  somme  de  lé  s.  par. 
Item  en  l'achapt  de  3  peaulx  de  cuir  vert,  une  aulne  toille  rouge, 

deux  colliers  d'etain,  3  chesnes  de  cuivre  en  façon  d'or,  les  papil- 

lottes   et  petits  mirouers  pour  equipper  les  personnages  desd. 

mistaires,  en  doux,  deux  feuilles  de  fer  blanc  et  autres  petites 

drogues  de  mercerie,  la  somme  de  37  s.  p. 
A  Jehan  Labbé  menuisier,  pour  avoir  fait  et  entaillé  un  grant  cueur 

et  austres  menues  choses  de  son  mestier 70  s.  p. 

A  Jehan  Mestier  chasublier  la  somme  de  26  1,  8  s.  p.  tant  pour 

louaige  que  pour  le  déchet  de  43  aulnes  de  drap  de  dames  de 

plusieurs  coulleurs  dont  ont  esté  faits  6  habits. 
A  DenisetteThunier  la  somme  de  72  s.  p,  pour  12  aulnes  de  toille 

dont  ont  esté  faits  5  rochets  pour  2  filles  et  3  bergers. 
A  Pierre  Rousselet  cousturier  la  somme  de  13  1.  6  s.  p.   pour  la 

façon  d'avoir  fait  du  damas  dessusd.  6  robbes,  5  a  usaige  de 

femme  et  une  a  usaige  d'homme. 
Item  en  l'achapt  de  3  chappeaux  defeustre  33  s.  p.,  et  six  paires  de 

gans  8  s.  p.,  en  chappeaulx  de  fleurs  8  s.  p. 
A  Nicolas  Evrard  frepier,  pour  le  louaige  de  3  cottes  simples,  deux 

de  damas  et  une  d'escarlatte  et  une  robbe  d'esc.irhitte  a  usaige 

d'homme,  la  somme  de  44  s.  p. 
A  la  femme  Jehan  Plan  atourneresse  pour  avoir  livré  6  crespines  et 

habillé  six  filles  desd.  mistaires,  la  somme  de  56  s.  p. 


PIERRE   GRINGORE   ET    LA    REINE   ANNE    DE    BRETAGNE     391 

Auxd.  6  filles  et  a  ung  homme  qui  a  fait  avec  elles  un  personnage 
pour  leur  sallaireet  vacation  la  somme  de  100 1.  12  s.  p. 

A  8  chantres  qui  estoient  chanteurs  ledit  jour  de  l'entrée...  et  para- 
vantle  jour  de  lad.  entrée  en  recordant  leurs  chansons  la  somme 
de  68  s.  p. 

A  M.  Jehan  Perrier  lequel  dit  et  exposa  par  plusieurs  fois  aux  pas- 
sans  le  mistere  a  la  porte  aux  peintres,  pour  sa  vacation,  la  somme 
de  16  s.  p, 

Item  en  depence  faite  auxd.  porte  Saint-Denis  et  porte  aux  Paintres 
pour  les  joueurs  des  mistaires  led.  jour  d'entrée...  la  somme 
de  43  s.  p. 

A  Jacques  de  Lange  frepier  et  Jehan  Logre  gueisnier  maitres  et 
gouverneurs  de  la  confrairie  de  la  Passion  et  Ressurection  fondée 
en  l'église  de  la  Trinité  a  Paris,  la  somme  de  10  1.  p.  a  eulx 
ordonnée  pour  subvenir  aux  frais  du  mistere  de  la  Transfigura- 
tion de  la  Passion  Nostre  S''  J.  Chr.  par  eulx  fait  au  devant  de  la 
d.  Eglise  le  jour  de  la  d.  entrée. 

A  Guillaume  Langlois,  Pierre  Huet,  Pierre  Gauchier  et  Jacques 
Drouet  tous  frepiers  et  jurez  dud.  mestier,  la  somme  de  6  1.  p.  a 
eulx  ordonnée  pour  subvenir  aux  frais  du  jeu  et  mistaire  qu'ils 
ont  fait  aucoingde  la  fontaine  Saint-Innocent  de  l'apparicion  des 
3  Roys  le  jour  de  lad.  entrée. 

A  Jehan  Maulevault  demourant  a  Paris  pour  les  parties  d'un  disner 
par  lui  fait  de  l'ordre  que  dessus  pour  led.  prevost  et  eschevins 
et  aucuns  quarteniers  et  bourgeois  assemble/;  en  l'hostel  de  lad. 
ville  le  vendredy  8  nov.  1 504,  lequel  jour  ils  ont  esté  après  le 
diner  au  bois  de  Vincennes  faire  la  reverance  a  la  Royne  qui  y 
estoit  nouvellement  arrivée  la  somme  de  6  1.  16  s.  4  d. 

[Suit  le  payement  aux  paveurs,  aux  balayeurs,  à  ceux  qui  sont 
commis  à  la  garde  des  quais,  rivières,  fossés,  égouts,  à  ceux 
qui  fournirent  les  chandelles  pour  éclairer  les  rues  sur  le  pas- 
sage de  la  reine.  Plus  rien,  ensuite,  dans  les  comptes,  ne  con- 
cerne le  mystère] . 

Je  n'insisterai  pas  sur  l'ensemble  du  compte  ;  mais  il  est 
certaines  rubriques  curieuses  dont  je  voudrais  dire  un  mot  et 
je  voudrais  aussi  rendre  le  lecteur  attentif  à  la  disproportion 
des  salaires,  disproportion  que  Chevalier  et  Serrigny  ont  noté 
déjà   par  ailleurs  à  propos  des  mystères  récités.  N'est-il  pas 


392  CHARLES   OULMONT 

intéressant  de  noter  que  l'on  avait  souci  des  peintres  et  des 
bimbelotiers  durant  qu'ils  travaillaient,  des  joueurs  cependant 
qu'ils  étaient  sur  l'estrade,  et  qu'on  dépensa  une  certaine 
somme  en  bûches,  en  charbon  pour  les  chauffer  :  c'était  le 
20  novembre,  et  ils  eussent  pu  se  refroidir.  N'est-il  pas  inté- 
ressant de  même  pour  l'histoire  du  costume,  comme  ce  qui  pré- 
cède pour  l'histoire  sociale,  de  savoir  que  la  femme  de  notable 
Jehan  Plan,  atourneresse  —  l'habilleuse  —  toucha  56  sols 
parisis  pour  avoir  livré  6  «  crespines  »  (résilles)  et  habillé  six 
filles  ;  pour  l'histoire  du  théâtre,  voyez  ces  filles  qui  miment 
le  tableau  vivant  et  touchent  avec  l'homme  qui  a  fait  avec  elles 
un  personnage  100  livres,  tandis  que  le  pauvre  récitant  Jehan 
Perrier  qui  expose  plusieurs  fois  le  mystère  ne  reçoit  que 
16  sols.  Enfin  rien  n'est  oublié,  puisque  les  chanteurs  — pour 
être  bien  maîtres  de  leur  chanson  et  ne  pas  détoner  —  ont  dû 
«  recorder  »,  répéter  le  19  novembre  leurs  rôles. 

En  vérité,  un  compte  comme  celui-là  ne  nous  rapproche-t-il 
pas  du  passé  de  manière  plus  sûre,  plus  probante  et  aussi  variée 
que  des  anecdotes,  des  mémoires  ou  des  récits  toujours  sujets 
à  caution  ? 

Charles  Oulmont. 


LE  THÈME  DE  L'AVEUGLE  ET  DU 
PARALYTIQUE 

DANS  LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE 


Nous  avons  tous  appris  par  cœur,  étant  enfants,  la  Fable 
de  l'Aveugle  et  du  Paralytique.  Qu'elle  fût  de  Florian  ',  peu  nous 
importait.  Plusieurs  d'entre  nous  la  croyaient  même  de 
La  Fontaine  : 

Aidons-nous  mutuellement 
La  charge  des  malheurs  en  sera  plus  légère  ; 

Le  bien  que  l'on  fait  à  son  frère 
Pour  le  mal  que  l'on  souffre  est  un  soulagement. 
Confucius  l'a  dit;  suivons  toussa  doctrine: 
Pour  la  persuader  aux  peuples  de  la  Chine 
Il  leur  contait  le  trait  suivant. 

On  chercherait  en  vain,  je  crois,  le  trait  en  question  dans 
Confucius,  mais  celui-ci,  à  la  fin  du  xviir  siècle,  était  fort  à 
la  mode^  et  il  n'est  pas  étonnant  que  Florian  lui  attribuât  une 
fable  que  le  Folklore  du  Céleste  Empire  enregistre  encore  '  et 
que  Levesque,  dans  VHomnie  moral  +,  avait  citée  comme  chi- 
noise. Pourtant  ce  n'est  ni  dans  cet  ouvrage  ni  dans  le  Jour- 
nal Encyclopédique^  qui  le  reproduit,  mais  bien  plutôt  dans  les 

1.  Fable  XX  du  Livre  I,  p.  6i  dans  l'édition  de  Montaiglon.  Paris,  Rou- 
quette,  1882. 

2.  Cf.  La  morale  de  Confucius,  philosophe  delà  Chine.  Amsterdam,  chez 
Pierre  Savouret,  1688,  et  nombreuses  éditions  postérieures.  Le  Choit- 
King,  traduit  par  le  P.  Gaubil.  Paris,  Tilliard,  1770,  in-40. 

3.  Dennys,  The  Folklore  of  China.  London,  1876,  in-80. 

4 .  Paris,  Debure,  1 784 .  On  sait  que  les  Fables  de  Florian  n'ont  paru  pour 
la  première  fois  qu'en  1792. 

5.  1784,  t.  VI,  p.  381.  Je  dois  cette  référence  ainsi  que  la  connaissance 


394  GUSTAVE   COHEN 

Apologues  orientaux  de  S^wvïgny  '  que  Florian  a  dû  cueillir  son 
sujet.  Il  y  a  ici  une  phrase  de  l'aveugle  au  sultan  :  «  Vous 
verrez  pour  moi  ;  je  marcherai  pour  vous  »,  qu'avec  peu 
d'effort  le  poète  a  muée  en  un  alexandrin  : 

Je  marcherai  pour  vous,  vous  y  verrez  pour  moi. 

Ce  n'est  donc  pas  non  plus  dans  Gellert%  dans  Desbillons' 
ou  dans  d'Ardène  '^,  qui  tous  ont  traité  le  même  thème,  que 
notre  Florian  a  puisé  et  ce  n'est  pas  davantage,  quoi  qu'en 
pense  Fournier  >,  dans  la  curieuse  lettre  où  Boursault  ^  raconte 
à  l'évêque  de  Langres  l'histoire  du  paralytique  porté  par 
l'aveugle  et  fuyant  avec  lui,  en  cet  équipage,  la  procession  des 
reliques  de  Saint-Martin.  Leurs  infirmités  guéries,  c'en  serait 
fini  des  aumônes,  mais  le  miracle  les  atteint  malgré  leurs 
dents. 

Boursault  termine  en  désignant  son  répondant  :  «  L'homme 
dont  je  parle  à  votre  grandeur  m'a  engagé  sa  foy  qu'il  avoit 
lu  ce  qu'il  me  dit  dans  une  Légende  de  Saint-Martin  que  l'on 
chantoit  le  jour  de  sa  fête.  » 

Quelle  peut  être  cette  légende?  Ne  serait-ce  pas  un  mystère 

des  articles  de  Basset,  Lévi,  Wiese  et  Liebrecht  à  la  précieuse  Bibliographie 
des  ouvrages  arabes  ou  relatifs  aux  Arabes...  de  M.  Chauvin.  Liège,  Vaillant- 
Carmanne.  On  la  consultera  aux  t.  II,  p.  221  ;  III,  p.  52-53  ;  VI,  p.  10. 
Je  n'ai  pu  lire  qu'après  l'achèvement  de  cet  article  :  Gûuther,  Die  Ouclien 
der  Fabeln  Florians.  Programm  des  Kgl.  Gymnasiums  zu  Plauën  i.  V. 
Osten,  1900.11  ne  nous  apprend  d'ailleurs  rien  sur  notre  thème. 

1.  Paris,  Duchesne,  1764,  in-12.  L.  II,  Apol.  XIV,  p.  107.  (Cf.  Chauvin, 
op.  ci  t.) 

2.  Traduit  par  [Boulenger  de  Rivery],  Fables  et  Contes.  Paris,  1754,  in-i6, 
p.  95.  Référence  due  à  M.  Charlier. 

3.  Falmlae  ieaopiae.  Paris,  1778,  in-12. 

4.  Recueil  de  fables  nouvelles.  Paris,  1747,  fable  25.  Ces  deux  ouvrages 
sont  cités  par  M.  R.  Basset:  Le  Mythe  d'Orion  et  une  fable  de  Florian.  Revue 
des  Traditions  Populaires,  t.  IV  (1889),  p.  616-621;  t.   V(i89o),  p.    234- 

235  et  558-559- 

5.  Le  théâtre  français  avant  la  Renaissance.  Paris,  2^  éd.,  s.  d.,  p.  156. 

6.  Lettres  nouvelles,  2*  édition.  Paris,  Gosselin,  1700,  in-12,  t.  II,  p.  156- 
159. 


LE    THÈME    DE    i/aVEUGLE    ET    DU    PARALYTiaUE  395 

dramatique  ?  Ni  le  mot  ni  la  chose  n'étaient  bien  connus  au 
xvii^  siècle.  Je  serais  assez  tenté  de  répondre  affirmativement, 
mais  je  ne  dirais  pas  avec  Fournier  que  c'est  à  la  Moralité  de 
r Aveugle  et  du  Boiteux  d'Andrieu  de  la  Vigne  ',  que  l'érudit 
dont  parle  Boursault  faisait  allusion. 

Le  thème  qui  nous  intéresse  a,  en  effet,  été  porté  deux  fois 
à  la  scène  au  xv^  siècle  et  toujours  en  relation  avec  la  vie  du 
fameux  évêque  de  Tours,  d'abord  par  l'auteur  inconnu  du 
Mystère  de  Saint-Martin  ^  conservé  à  la  Bibliothèque  de 
Chartres  et,  postérieurement  sans  doute,  par  Andrieu  de  la 
Vigne  pour  faire  suite  ci  son  Mystère  de  Saint-Martin,  joué  à 
Seurre  en  1496. 

La  Moralité  de  l'aveugle  et  du  boiteux  qui  y  est  intimement 
reliée  a  été  composée  pour  un  public  bourguignon.  L'aveugle 
«  enluminé  »  malgré  lui,  s'écrie  : 

Bourgoigne  voy,  France,  Savoye 

tandis  qu'au  contraire  la  farce  de  l'aveugle  et  du  paralytique, 
qui  figure  à  la  fin  de  l'autre  de  Mystère  de  Saint-Martin  est 
chargée  d'une  toponymie  locale  accessible  aux  seuls  habitants 
de  Tours  '.  C'est  donc  à  ce  mystère  et  non  à  celui  de  de  la 
Vigne  qu'il  faut  rapporter  les  mentions  de  représentations  à 
Tours  en  1441  4,  en  1503,  en  1509  ^  et  la  comparaison  de 
Menot  dans  ses  sermons  ^. 

Mais  où  ce  mystère  et  Andrieu  de  la  Vigne  ont  pu  prendre 

1.  Publiée  d'abord  par  Fr.  Michel,  puis  par  le  bibliophile  Jacob  dans  son 
Recueil  de  farces  (1859,  in-i2)et  enfin  par  Fournier,  op.  cit. 

2.  Réimprimé  dans  la  Collection  Silvestre,  1841.  Cf.  Petit  de  Julleville. 
Les  Mystères,  t.  II,  p.  S'iS  ^^  suiv. 

3.  Voyez  G.  Cohen,  Rabelais  et  la  Légende  de  Saint-Martin  (Rez'ue  des 
Etudes  Rabelaisiennes,  1910)  et  une  note  qui  paraîtra  prochainement  dans 
la  Romania. 

4.  H.  Lambron  de  Lignim  :  Recherches  sur  l'origine  du  théâtre  en  Touraine. 
Tours,  1848,  in-80,  p.  9. 

5.  Lecoy  de  la  Marche,  Saint  Martin,  2^  édition.  Tours,  Marne,  1890, 
in-4<>,  p.  590. 

6.  Fournier,  op.  cit.,  p.  157. 


396  GUSTAVE   COHEN 

ce  thème  de  l'Aveugle  et  du  Paralytique,  c'est  ce  qu'il  serai  t 
intéressant  de  rechercher  maintenant. 

En  général,  Andrieu  de  la  Vigne  a  suivi  fidèlement  et  pas  à 
pas  Sulpice  Sévère  ',  qu'au  contraire  l'anonyme  tourangeau 
n'a  guère  connu  ;  mais,  pour  sa  Moralité,  l'auteur  du  Vergier 
d'honneur  a  pu  s'émanciper  un  peu  et  semble  avoir  recouru  à 
d'autres  sources  auxquelles  son  prédécesseur  aurait  déjà  puisé, 
sans  que  toutefois  les  deux  versions  se  ressemblent  autrement 
que  par  le  fond. 

La  scène  de  l'aveugle  et  du  paralytique  ou  du  boiteux  guéris 
malgré  eux,  telle  qu'elle  nous  apparaît  au  xv^  siècle  chez  ces 
deux  écrivains  indépendants  l'un  de  l'autre,  résulte  de  la  con- 
tamination de  deux  éléments,  l'un  hagiographique,  l'autre 
folklorique. 

L'élément  hagiographique,  nous  le  trouverons  à  la  fin  du 
xi^  ou  au  commencement  du  xii^  siècle  dans  le  De  Reversioiie 
heali  Martini  a  Bnrgnndia  Traclattis  %  où  le  pseudo-Odon 
raconte  la  translation  des  cendres  du  saint  en  Bourgogne  et 
leur  retour  au  siège  épiscopal  de  Martin  avec  les  innombrables 
miracles  qui  jalonnèrent  la  route  suivie  par  les  reliques,  sur- 
tout à  l'arrivée  dans  le  diocèse  de  Tours.  C'est  là  que  se  place 
l'aventure  des  deux  mendiants  boiteux  cherchant  en  vain  à  échap- 
per à  une  guérison  miraculeuse  qui  les  privera  de  leurs  profi- 
tables infirmités  : 

Per  Martinum  vero  etiam  non  petentibus,  etiam  non  accurrcntibus  et 
quod  majoris  clemcntiae  est,  etiam  nolentibus  subvenicbat.  Dum  enim  talia 
tantaque  virtutum  insignia  agerentur,  quac  etsi  invideret  occultare  fama 
non  potuit,ea  praecurrcnte,  duo  paralyt ici  qui  in  villa  cui  nomen  de  Hcdera 
[var.  Edera]  est,  a  practereuntibus  eleemosynam  petentes,  victitabant 
dixerunt  alter  adalterum  :  «  Ecce  frater,  sub  molli  otio  vivimus.  Nemo  nos 
inquiétât,  omnes  misercntur,  solus  nobis  labor  est    petere  quod  optamus  ; 

1 .  David  (Cari),  Die  Drei  Mysterien  des  lo.  Martin  von  Tours.  Flir  Ver- 
liiillnis  iind  Il]re  Quelle.  Dissertation  de  Greifswald,  1899,  in-S",  p.  27.  Cette 
dissertation  est  muette  sur  le  petit  problème  qui  nous  occupe. 

2.  Publié  par  André  Salmon.  Suppténieut  aux  Oironiques  de  Tourainc . 
Tours,  1857,  in-8o;  v.  p.    31-32.  Cf.    aussi  BibliotJjeca  hagiographia  latina . 


LE  THEME  DE  L  AVEUGLE  ET  DU  PARALYTIQUE     39^ 

licct  cum  libuerit  somiio  indulgerc,  quicti  vero  jugiter,  et,  ut  brevitcrdicani, 
ducinius  in  bonis  dies  nostros.  Hoc  autcm  totum  nobis  vindicat  infirmitas 
haec  qua  jacemus  ;  quae  si  curata  fuerit,  quod  absit,  necessario  nobis 
incumbet  labor  manuuni  insolitus,  quippc  jam  mendicare  inutile  erit.  Et 
QCCQ  audivimus  de  Martino  isto  in  cujus  dioecesi  degimus,quod  revertens  ab 
exsilio  in  toto  suo  episcopatu  neminem  decumbentem  praeterit  non  sana- 
tuni.  Nunc  ergo,  frater,  acquiesce  consiliis  meis,  et  dicto  citius  fugiamus 
Martinum,  ab  ejus  dioecesi  exeuntes  ne  forte  nos  sanitatum  ejus  copia  coni- 
prendat.  »  Novum  sane  consilium,  vota  prorsus  eatenus  inaudita  tanto 
nolle  carereincommodo,  sesibireddieffugere  !  «Qiiid  moror  ?»  Placet  utrique 
consultum  et  aptatis  baculis  sub  utraque  ascella  reptando  potius  quam  gra- 
diendo  fugam  arripiunt  ;  sed  Martini  pernix  potentia  prosequitur  fugicntes, 
conipreliendit  refugas,  compreliensos  et  inventes  invitos  réparât  sanitati. 
Quod  illi  in  sese  experientes,  nec  dissimulare  poterant  nec  audebant  silere  ; 
nimirum  non  nescii  illum  potentem  perdere  ingrates,  qui  et  nolentibus 
subvenisset,  exclamant  igitur  praedicantes  miraculum  ;  et  homines  loci 
illius,  quo  id  contigerat,  ad  laudem  invitant  Martini.  Nec  sibi  integruni 
fore  arbitrati  donec  baculos,  sui  languoris  indices,  ad  Martini  matriceni 
ecclesiam  detulerunt,  palam  omnibus  exponentes  et  suae  perfîdiae  fugam 
et  Martini  etiam  circa  invitos  clementiam.  Porro  incolae  mansionis  in  qua 
signum  hoc  sanitatis  celebratum  est  in  nomine  signipotentis  Martini  eccle- 
siam condidere,  quas  usque  hodie  Capella  alba  nominatur. 

Le  récit  du  pseudo-Odon  ne  manque  pas  de  pittoresque.  Il 
est  même  dramatisé  au  point  qu'on  serait  tenté  de  croire  qu'il 
est  déjà  emprunté  à  une  farce  ou  à  un  dialogue  préexistant. 
Que  le  récit  soit  tourangeau,  c'est  ce  que  prouve  le  don  des 
béquilles  à  la  collégiale  de  Tours  et  l'insistance  du  chroni- 
queur au  sujet  de  l'action  des  reliques  dans  le  diocèse  du  saint. 

Péan  Gatineau,  au  xir'  siècle,  reprend  en  vers  ce  récit 
sans  y  changer  grand'chose  :  (v.  8101  à  8148)  '. 

A  Derre  ^  duicontret  estoient 
Qui  la  novele  oïe  avoieni 
Que  li  saint  chccun  garrissoit 

I  .  Dits  aUfniiiiôsische  Marlinslcbi'ii  i/r,s-  Fciiii  Giiliiiidti  aus  'l'ours,  neue 
nach  der  hds.  revid.  Ausgabevon  Werner  Sôderhielni.  Helsingfors,  Hagels- 
tam,  1899,  in-8". 

2.  Un  document  de  1040  donne  la  forme  «  Dedera  »,  probablement  con 
tractée  de  «  de  hedera  j).  Hedera  ayant  donné  «  iei're  »  et  plus  tard,  par  agglu- 
tination de  l'article,"  lierre»,  il  n'est  pas  étonnant  que,  par  un  procédé  sem- 
blable, «  de  hedera  »   ait  donné  «  Dierre  ».  Des  chartes  de   123 1  et  1291 


398  GUSTAVE   COHEN 

Nis  en  quelque  leu  que  il  soit 
Mes  qu'il  le  trovast  en  Toraigne. 
Si  distrent  que  en  maie  painne 
Seraient  si  il  garissoient, 
Car  chose  fere  ne  savoient 
Dom  pëussent  avoir  gaaing, 
Si  venoit  mielz  avoir  mehaing 
Que  il  ainsi  tuit  garissunt . 
Ce  distrent  entr'os,  quar  il  sunt 
Molt  a  aise,  quar  tuit  lor  donent 
Tant  du  lor  qu'assez  en  rebonent, 
Si  qu'il  en  ont  puis  prou  viande. 
Ne  nesuns  riens  ne  lor  demande. 
Et  si  dorment  quant  il  se  veolent, 
Ne  de  nule  riens  ne  se  deolent. 
Qu'assez  ont  viande  et  drapeaus 
Et  des  bons  vins  en  henapeaus, 
Des  meillors  qu'il  troissent  a  vendre. 
N'a  riens  ne  les  convient  entendre 
Fors  a  déduire  solement. 
Si  pristrent  si  lor  parlement 
Qu'ambedui  tantost  s'enfuireint 
Ne  que  le  saint  pas  n'atendreient  ; 
Lors  s'en  fuient,  que  plus  n'atendent 
Et  au  fôir  d'air  entendent  ; 
Soz  lor  braz  potences  avoient, 
G  quoi  toz  jorz  se  sostenoient, 
Si  corurent  si  com  il  porent, 
Mes  onc  si  tost  fôir  ne  sorent 
Que  li  sainz  nés  aconsëust  : 
Biau  lor  fust  ou  mau  lor  sëust 
Si  que  maugré  lor  redrecerent 
Le  miracle  taire  n'osèrent  ; 
Dom  lor  pesot,  s'il  pcussunt 
A  la  geut  qu'ilec  venu  sunt, 
A  qui  le  miracle  contèrent. 

ont  Derra,  Dierra,  Décria,  qui  expliquent  les  formes  françaises  que  four- 
nissent nos  textes.  (Cf.  Carré  de  BusseroUe  [J.  de  Chàteau-ChalonsJ, 
Dictionnaire  géographique...  d'Indre-et-Loire.  Tours,  1878,  7  vol.  in-8".) 
Quelques  auteurs,  à  cause  de  la  «  Capella  alba  »,  bâtie  selon  le  Pseudo- 
Odon,  en  mémoire  de  ce  fait,  ont  prétendu  que  le  miracle  s'était  passé  à  la 
Chapelle  blanche  (Cf.  Carré  de  BusseroUe  :  canton  de  Ligueil,  arr.  de 
Loches),  où  ily  eut,  en  effet,  au  xn^  siècle,  une  «Ecclesia  S.  Martini  de  villa 
quaedicitur  capella». 


LH  THÈME  DE  L  AVEUGLE  ET  DU  PARALYTIQUE    399 

Et  les  genz  illequcs  fondèrent 
De  saint  Martin  une  chapele 
Que  l'an  encores  hui  apele 
Ce  m'est  vis,  la  chapele  blanche. 
Li  dui  a  qui  li  saiuz  la  hanche 
Ot  malaigrélur  redrecee 
Ont  vers  Tors  lor  voie  adrecee, 
Ou  al'iglise  au  saint  portèrent 
Lor  bâtons,  et  tôt  lor  contèrent. 

Par  une  filière  à  Laquelle  les  chansons  de  geste  nous  ont 
habitués,  ce  récit  se  retrouve  délayé  en  prose  à  la  fin  du  xv= 
siècle  dans  La  Vie  cl  Miracles  de  Mgr  Saint  Martin  '. 

Nous  donnerons  ici  un  extrait  de  ce  texte  assez  rare  qui  ser- 
vira presque  de  traduction  au  fragment  reproduit  plus  haut, 
mais  le  récit  est  certainement  moins  dramatique  et  moins 
pittoresque.  Il  manque,  par  exemple,  le  «  reptando  potius 
quam  gradendo»,  rampant  plutôt  que  marchant,  qui  était  fort 
ingénieux.  Il  est  à  peu  près  sûr  que  l'auteur  anonyme  de  la 
vie  n'a  pas  recouru  à  l'original  latin  et  les  expressions  souli- 
gnées par  l'emploi  de  l'italique  portent  assez  la  trace  de  l'in- 
fluence de  Péan  Gatineau  : 

Et  aussi  tost  que  le  corps  entra  en  Tourainne  en  son  dyocese,  les  con- 
traictz  redressèrent,  les  avaugles  enluminèrent,  les  muetz  eurent  parolles,  les 
sourtz  ouvrent,  les  ladres  et  les  meseaulx  furent  guariz,  les  dyables  yssoient 
hors  des  demoniacles. . .  A  Deree  avoit  deux  contrefaictz  qui  ouyrent  la 
nouvelle  que  le  beuoist  saint  guarissoit  tous  malades  qui  estoient  en  Tou- 
raine,  si  dirent  entr'eulx  deux  qu'ilz  seroient  en  malle  peine  entrez,  s'il  les 
guarissoit,  car  ilz  ne  sçavoient  rien  faire  dont  ilz  peussent  gaigner  leur  vie. 
Si  valloit  mieulx  a  leur  advis  qu'ilz  fussent  tousjours  contrefaictz,  car  on 
leur  donnoit  assez  pour  leur  vie  et  estoient  biens  aises  et  ne  liiir  dénia mloit 
on  riens  et  dorvioienl  quant  ili  voidoient  el  avaient  assez  à  boire  et  à  menger. 
Si  prindrent  leur  parlement  que  entre  eulx  deux  s'enfuyroient  ne  qu'ilz  n'at- 
tendroyent  pas  la  venue  du  corps  sainct.  Si  s'enfuyrent  sans  plus  attendre 
et  de  haste  qu'ilz  avoient  portèrent  sur  leurs  bras  leurs  potences  a  quoy  ilz 
s'apuyoient  quant  humblement  requeroient  l'aumosne.  Mais  oncques  ne 
sceurent  si  fort  fuyr  que  le  benoist  corps  ne  fist  sur  eulx  le  miracle  tout 
entier. 

I.  J'ai  consulté  l'édition  imprimée  à  Paris  par  Michel  Lenoir  en  1516. 
Bibl.  Nat.  Ln=7  13600  (Réserve). 


40U  GUSTAVE   COHEK 

Car  ilz  redressèrent  et  furent  sains  de  tous  leurs  membres.  Le  beau 
miracle  ne  purent  celer,  si  le  comptèrent  a  tous  ceulx  qui  encontrerent. 

Et  en  celle  place  fondèrent  depuys  les  bonnes  gens  du  pays  une  chappelle 
en  l'honneur  de  monseigneur  sainct  Martin  qui  encores  a  ce  jour  est  appel- 
lee  la  chappelle  blanche.  Les  deux  povres  contrefaictz  qui  estoient  garys  et 
sains  comme  vous  avez  ouy  tournèrent  leur  voye  a  Tours  :  et  en  l'église  du 
benoist  corps  sainct  comptèrent  la  manière  du  miracle  qui  par  le  benoist 
saint  avoit  esté  fait.  Et  en  remenbrance  de  ce  laissèrent  leurs  potences  et 
basions. 

Ces  trois  récits,  pseudo-Odon  (xii''  s.),  Pean  Gatineau  (xiii^ 
siècle)  «  \'ie  et  Miracles  »  (xV^  siècle)  n'en  font  qu'un  à  la 
vérité  ou  plutôt  ne  forment  qu'une  même  lignée  que  dis- 
tinguent deux  traits  caractéristiques  :  le  miracle  forcé  s'impose 
à  deux  «  conirets  »,  à  deux  contrefaits,  et  il  se  passe  à  «  de 
Hedera  »,  «  Derré  »  ou  «Derée».  Pour  nous,  il  ne  fait  aucun 
doute  que  cette  localité  ne  doive  être  identifiée  avec  Dierre, 
canton  de  Blérè,  arrondissement  de  Tours,  qui  est,  en  effet, 
sur  la  route  que  dut  parcourir  le  corps  dans  sa  translation  de 
Auxerre  à  Tours  ' . 

Mais,  dès  le  xiii''  siècle,  le  même  récit  de  la  guérison  imposée 
apparaît  aussi  enjolivé  de  l'élément  d'ordre  folklorique  dont 
nous  avons  parlé  :  L'un  des  deux  miraculés  malgré  lui  est 
aveugle  et,  pour  fuir  plus  vite,  se  fait  guider  par  le  paraly- 
tique, qu'en  revanche  il  portera  sur  son  dos. 

Telle  est  la  forme  qu'a  prise  la  relation  du  Pseudo-Odon 
dans  les  Sermons  de  Jacques  de  Vitry  -  (i  i8i  ?-i24o).  Le  pas- 
sage n'est  pas  long;  il  est  peut-être  utile  de  le  citer: 

De  ccco  et  eoutracio  qui  itiviti  curati  suiit .  Exeiiiplutii. 

Legimus  quod  quaudo  corpus  beati  Martini  processionaliter  ferebatur, 

sanabat  omncs  infîrmos  qui  occurrebant.  Erant  autem  juxta  ecclesiam  duo 

trutanni  nK'[nJdicantes  quorum  unus  erat  cecus,  alter  contractus.  Qui  cepe- 

runt  loqui  ad  inviccm  et  dicere  :  «  Eccc  corpus  sancti  Martini.  Jam  defer(e) 

1.  Vide  supra,  p.  5,  u.  2. 

2.  N'^  CXII  de  l'Edition  Crâne.  Londres,  1890,  <So.  Publications  de  la 
Folklore  Society,  t.  XXVL  Voyez  p.  52  et  la  note  p.  182.  M.  Crâne 
suit  le  Ms.  Harl.  463,  f.  9.  Mon  texte  est  pris  sur  le  manuscrit  latin  17509 
(et  non  17506  comme  imprime  Lecoy  de  la  Marche)  parce  que  le  volume 
de  M.  Cranc  que  possède  la  Bibliothèque  Nationale  était  communiqué. 


Le  thème  de  l'aveugle  et  du  paralytiq.ue       401 

tur  ad  processioncm  et  si  nos  invcncrit  statiiii  sanabimuret  ncmo  de  cetero 
nobis  elemosiaas  dabit  et  oportebit  nos  propriis  manibus  operari  et  labo- 
rare.  »  Cecusautem  contracto  :  «  Ascende  super  humeros  meos  quod  fortis 
sum  et  tu  qui  bene  vides  mihi  praestabis  duc(a)tum  '.  »  Quo  facto  cum 
fugere  vellent,  apprehendit  eos  processio  et  cum  prae  turba  fugere  non  pos- 
sent,  sanati  sunt  contra  voluutatem  suam.  Patet  igitur  quod  multi  mali  pau- 
peris  sunt  et  multi  in  tribulationibus  efficiuntur  détériores... 

Le  récit  de  Jacques  de  Voragine  dans  la  Légende  dorée  ^ 
(1298)  est  un  peu  moins  intéressant  et  un  peu  moins  drama- 
tisé: 

Refert  Odo  abbas  Cluniacensis,  quod  tune  omnes  campanae  in  omni- 
bus ecclesiis  nullo  tangente,  pulsabantur...  Fertur  quoque,  quod  tune  duo 
socii  erant  quorum  unus  erat  caecus  et  alter  contractus.  Ca^cus  autem  con- 
tractum  ferebat  et  contractus  cxco  viam  demonstrabat  sicque  taliter  mcndi- 
cantes  multam  pecuniam  acquirebant.  Audientes  vero,  quod  ad  corpus 
S'  Martini  multi  sanabantur  infirmi,  cum  in  translatione  ejus  corpus  circa 
ecclesiam  processionaliter  duceretur,  timere  cœperunt,  nepraedictum  corpus 
juxta  domum,  ubi  manebat,  duceretur  et  sic  ipsi  forsitan  curarentur.  Nole- 
bant  cnimsanitatem  consequinedcperiret  materia  quaestus  sui.  Quapropter 
de  illa  strata  fugientes  se  ad  aliam  transferebant  per  quam  corpus  nequa- 
quani  duci  putabant.  Dum  ergo  fugerent  corpori  ejus  de  improviso  protinus 
obviaverunt  et  quia  Deus  multa  praestat  invitis,  ambo  contra  eorum  volun- 
tatem  continue  sunt  curati,  licet  de  hoc  plurimum  tristarentur. 

Il  se  peut  que  Jacques  de  Vitry  et  Jacques  de  Voragine  aient 
eu  sous  les  yeux  une  version  en  prose  ou  en  vers  du  Pseudo- 
Odon  comportant  déjà  cette  transformation  d'un  des  deux 
«  contrets  »  en  aveugle,  mais  il  est  possible  aussi  que,  moins 
scrupuleux  que  Péan  Gatineau,  ils  aient  enjolivé  leur  modèle 
à  l'aide  d'une  fable  très  répandue  et  que  des  recueils  ultérieurs 
comme  les  Gesta  Romanonnu  '  (antérieur  à  1342)  et  plus  tard 


1.  11  faut  lire  naturellement  «  ductum  ».  L'erreur  du  scribe,  que  par- 
tage M.  Crâne,  est  même  assez  plaisante. 

2.  Jacobi  a  Voragine  Legenda  aurea  recensuit  D^  Th.  Graesse.  Ed.  ter- 
tia.  Vratislaviae,  Kœbner,  1890,  in-8.  Cap.  CLXVI  (161).  De  5°  Martino 
epo,  p.  750. 

3.  Edition  Oesterley,  ch.  LXXI,  p.  385.  Cf.  R.  Basset,  article  cite,  Rev. 
(les  Trad.  Pop.,  1889,  p.  620. 

Mélanges.  IL  26 


402  GUSTAVE   COHEN 

sa  version  française.  Le  Violier  des  Histoires  romaines  '  ,  ont 
enregistrée. 

Il  est  indispensable  de  reproduire  cette  fable,  au  moins  dans 
la  traduction  très  écourtée  du  Violier,  pour  faire  sentir  com- 
bien son  caractère  est  différent  : 

De  la  Reniuncration  irètcnieUe  vie 

Il  y  avoit  ung  roy  qui  fist  ung  grant  bancquet  et  convy.  Il  tist  publier 
et  a  son  de  trompe  cryer  que  tous  ceulx  de  son  royaulme  vinssent  au  disner 
et  feste  destinée.  Chascun  y  fut  invité...  Comme  on  cryoit  la  feste,  deux 
estoient  en  une  cité  qui  convindrent  ensemble  de  aller  à  icelle.  L'ung 
d'iceulx  estoit  aveugle,  fort  et  puissant,  et  l'autre  foible,  mais  bien  voyoit; 
le  foible  estoit  boiteux,  par  quoy  ne  pouvoit  trotter.  L'aveugle  le  fist  mon- 
ter sur  ses  espaulles  et  le  porta,  tellement  qu'ilz  vindrent  a  la  feste  royalle  où 
entre  les  autres  grandes  richesses,  ilz  repeurent  et  beurent  dedans  comme 
les  autres  en  ensuvvant  l'édict  royal. 

...  Moralisai  ion  sus  le  propos 

Ce  ro\'  est  Jcsuchrist  qui  nous  prépare  le  royaulme  de  paradis.  L'aveugle 
qui  alla  a  la  feste  du  roy  est  chascun  riche  de  ce  monde,  qui  point  ne  voit 
les  joyes  de  paradis  pour  les  ténèbres  des  vanitez  séculières,  son  salut  ne 
congnoist  ;  les  choses  temporelles  et  terriennes  assez  voyent  comme  les 
lampes,  mais  es  choses  spirituelles  sont  obfusquees.  Le  boiteux  est  le  bon 
religieux  qui  est  des  deux  pieds  claudicant,  c'est  assavoir  qu'il  n'a  chose  qui 
soit  en  commun  ou  en  propre,  toutteffois  il  voit  es  cieulx  le  convy  et  point 
n'est  aveugle.  Si  donc  les  riches  aveuglez  des  biens  de  ce  monde  veulent 
lassus  monter  a  la  feste  céleste,  nécessaire  leur  est  avec  les  pauvres  faire 
convenance,  c'est  assavoir  qu'il  convient  que  les  riches  portent  les  povres 
sur  leurs  espaulles  par  la  donaison  de  leurs  biens  et  subventions  et  lespovres 
comme  religieux  et  autres  les  conduvront,  leur  montrant  par  bonnes 
exemples,  prédications  et  rcmonstrances  la  voie  des  cieulx. 

L'intention  moralisatrice  et  symbolique  est  évidente  et  mal- 
gré la  prudence  que  nous  impose  désormais  la  vigoureuse  cri- 
tique de  M.  Bédier,  il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  dans 
ce  symbolisme  l'esprit  des  conteurs  hébreux  du  Talmud  ou  des 
conteurs  arabes  des  Mille  et  une  Nuits. 

La  fable  grecque,  qu'attestent  de  bonne  heure  une  épi- 
gramme  descriptive  de  Platon  le  Jeune  (iV  siècle  avant  J.-C.) 
et  de  Léonidas  deTarente(iii*=  siècle  avant  J.-C),  imitées  plus 

I .   Ed.  G.  Brunet.  Paris,  1858,  ch.  LXIX,  p.  175-7. 


LE  THEME  DE  L  AVEUGLE  ET  DU  PARALYTiaUE     4O3 

tard  par  Ausone  (iV  siècle  après  J.-C.)  ',  n'était  qu'une  leçon 
d'humanité  ou  plutôt  de  solidarité  humaine.  Que  les  docteurs 
juifs  l'aient  empruntée  aux  Hellènes  ou  qu'ils  l'aient  trouvée 
en  Orient,  ils  n'en  ont  pas  moins  fait,  obéissant  à  l'esprit  de 
leur  race,  un  symbole  de  l'âme  et  du  corps  au  Jugement  Der- 
nier. 

Rabbi  Juda,  le  Saint-Patriarche  de  Palestine  (Talmud  de 
Babylone,  m"  siècle  après  J.-C.)  enseigne  en  effet  :  Un  roi 
avait  un  beau  verger.  Il  y  place  deux  gardiens,  l'un  boiteux, 
l'autre  aveugle.  Il  s'aperçoit  qu'on  a  volé  ses  fruits  et,  comme 
les  deux  infirmes  protestent  de  leur  innocence  et  de  l'impossi- 
bilité où  ils  étaient  de  perpétrer  ce  méfait,  le  roi  fait  monter  le 
boiteux  sur  les  épaules  de  l'aveugle,  dévoile  leur  perfidie  et 
les  juge  de  la  sorte. 

«  Ainsi  Dieu  amènera  l'âme,  la  jettera  dans  le  corps,  et  les 
jugera  l'un  et  l'autre  ainsi  unis...  ^  » 

Le  conteur  arabe  du  cycle  de  Gal'ad  et  Chimas  ne  parle  pas 
autrement  :  «  Le  corps  et  l'âme  sont  associés  dans  les  actes 
comme  dans  les  récompenses  et  les  châtiments.  Ils  ressemblent 
à  l'aveugle  et  au  cul-de-jatte  qu'avait  recueillis  le  propriétaire 
d'un  verger...  '  » 

Il  appartenait  aux  frères  prêcheurs  du  moyen  âge  de  modi- 
fier un  peu  la  parabole  et  de  montrer,  sans  doute  pour  s'atti- 
rer des  offrandes,  dans  l'aveugle  le  symbole  du  riche,  à  qui  les 
richesses  mettent  un  bandeau  sur  les  yeux,  et  dans  le  paraly- 
tique le  pauvre  moine  qui  les  guide  vers  le  banquet  de  l'éter- 
nel salut. 

Le  vieux  thème,  dont  il  est  vain  de  vouloir  chercher  l'ori- 
gine, a  donc  eu  chez  nous  une  fortune  bien  diverse  : 


1.  R.  Basset,  loc.  laud. 

2.  I.  Lévi,  L'Aveugle  et  le  Cul-de-jatle.  Revue  des  Etudes  juives,  1891, 
t.  23,  p.  199-205. 

3.  Dans  le  récit  de  Kessaï,  c'est  Jésus  enfant  qui  met  le  maître  sur  la 
trace  des  deux  voleurs.  Cf.  Félix  Liebrecht  dans  Geimaiiia,i.  XXV,  1880, 
p.  298-299. 


404  GUSTAVE    COHElsI 

Au  xviii'^  siècle  Florian  l'emprunte  à  l'Orient.  Il  eût  pu,  en 
touillant  un  peu,  le  trouver  sur  le  sol  natal  car  Andrieu  de  la 
Vigne,  de  même  que  son  prédécesseur  tourangeau,  avait  mis 
ce  conte  à  la  scène  et  le  public  du  xv^  siècle  s'éj ouïssait  beau- 
coup à  voir  les  deux  truands  fuir  le  saint  corps  qui  va  les  gué- 
rir malgré  eux  '  :  simple  enrichissement  d'une  vieille  légende 
de  saint  Martin  (récit  du  Pseudo-Odon)  à  l'aide  d'une  fable 
bien  connue. 

Ils  n'eurent  même  pas  le  mérite  d'imaginer  cet  embellisse- 
ment, puisque  Jacques  de  Vitry  et  Jacques  de  Voragine  au 
moins,  et  d'autres  sans  doute,  l'avaient  fait  avant  eux,  mais  ils 
surent  éluder  l'interprétation  moralisatrice  des  Gesla,  qui  eût 
nui  à  la  gaîté  de  la  farce  et  à  la  légèreté  du  dialogue. 

J'ai  un  peu  honte  d'offrir  à  notre  éminent  jubilaire  ces 
quelques  pages  où  j'ai  tâché  de  retrouver  les  sources  d'une 
farce  du  xv  siècle,  car  n'est-il  pas  dangereux  d'essayer  d'ap- 
porter une  découverte,  si  modeste  soit-clle,  à  celui  à  qui  rien 
dans  notre  ancien  théâtre  n'est  inconnu  ? 

Gustave  Cohen. 


I.  C'est  volontairement  qu'ils  vont  à  la  guérison  dans  le  Mystère  de  Saint 
Guénolé,  Acte  II  de  la  première  journée.  Revue  Celtique,  t.  XV,  1894,  p.  257- 
271.  Il  se  peut  que  ce  mystère  remonte  au  xvi^  siècle.  Comme  toujours, 
l'original  doit  être  cherché  dans  le  théâtre  français,  mais  le  ton  est  bien  bre- 
ton. Cf.  G.  Cohen.  La  Renaissance  du  théâtre  hreton.  Mercure  de  France, 
décembre  191 1. 


POLYEUCTE   ENTRE  LES  MAINS 
DE  VOLTAIRE,  BARETTI  ET  PARADISI 


En  1747  parut  à  Venise  le  premier  volume  de  la  traduction 
complète  en  italien  des  tragédies  de  Corneille  par  G.  Baretti. 
Il  contenait,  entre  autres,  le  PoUiitte  (Polyeucte).  En  1764, 
année  même  où  fut  publié  le  Couuuenîairc  de  Voltaire,  parut 
à  Liège  la  traduction  italienne  de  Polyeucte  par  Ag.  Para- 
dis i. 

La  traduction  de  Baretti  a  été  faite  très  à  la  hâte,  nirrciili 
calanio,  puisque  les  quatre  volumes  furent  prêts  dans  l'es- 
pace de  moins  de  deux  ans.  Celle  de  Paradisi  fut  beaucoup 
plus  méditée  '.  D'abord  il  ne  s'agissait  que  d'une  seule 
pièce.  Et  puis  le  comte  Paradisi,  appartenant  à  ce  groupe  de 
petits  poètes  du  duché  estense  qui  s'étaient  proposé  Horace 
comme  modèle  de  poésie  lyrique,  ne  pouvait  pas  se  soustraire 
à  une  préoccupation  toute  spéciale  du  liiim  lahor. 

Mais  pour  ce  qui  est  de  Polyeucte,  les  deux  traducteurs 
s'accordent  admirablement  à  y  reconnaître  ce  je  ne  sais  quoi 
de  trop  familier  et  de  trop  bourgeois  qui  lui  fut  toujours 
plus  ou  moins  reproché  aussi  en  France,  du  prince  de  Conti 
à  Voltaire. 

«  In  alcuni  luoghi  di  questa  mia  traduzione,  écrit  Baretti 
dans  sa  première  préface,  io  mi  son  presa  la  libertà  di  non  mi 
stare  servilissimamente  attaccato  aile  parole  dell'  autore 
quando  per  una  e  quando  per  altra  ragione,  ed    ho  alterato 

I.  Cf.  là-dessus  G.  Meregazzi,  Le  tragédie  di  Pierre  Corneille,  nelle 
tradu^ioni  e  iinitaiioni  italiane  del  secolo  XV III,  Bergamo,  Fagnani,  1906, 
pp.  72  svv. 


406  CESARE   DE    LOLLIS 

qualche  po'  poco  alcun  verso,  corne  sarebbe  a  dire  nell'  atto 
primo,  scena  terza,  del  Poliutte,  in  quei  versi  di  Paulina  a 
Stratonica  : 

Tu  vois,  ma  Stratonice,  en  quel  siècle  nous  sommes... 

Questo  luogo  mi  è  parso  troppo  più  comico  che  non  con- 
verrebbe  alla  maestà  d'una  tragedia,  e  d'una  tragedia  sacra  ;  e 
perciôio  ne  ho  bene  conservato  il  senso  quanto  più  ho  potuto, 
ma  l'ho  fraseggiato  il  più  nobilmente  che  mi  è  stato  pos- 
sibile.  » 

Un  peu  plus  loin,  il  ne  manque  pas  de  proclamer  de  la 
façon  la  plus  tranchante  son  effort  pour  éviter  les  gallicismes  : 
«  ché  ferro  e  piombo  in  mezzo  all'oro,  per  mio  giudizio,  diven- 
tano  i  vocaboli  e  le  frasi  dell'  umile  lingua  francese  in 
mezzo  ai  vocaboli  ed  aile  frasi  délia  nobile  toscana.  » 

Et  Paradisi,  de  son  côté,  dans  la  première  de  ses  notes(«  Osser- 
vazioni  »,  comme  il  dit)  :  «  Se  in  questa  tragedia  si  scorge- 
ranno  alcuni  picciole  variazioni,  non  se  ne  condanni  il  tra- 
duttore.  Egli  ha  dovuto  servire  al  genio  d'un  secolo,  che  non 
puô  soffrir  manière  tenui  e  popolari.  La  Religione,  quando 
parla,  non  deve  tener  soltanto  il  piano  e  semplice  linguaggio 
che  si  converrebbe  al  catechismo  ;  ma  fa  bisogno  che  si  levi  a 
stile  en£itico,  ed  imiti,  quanio  puô,  le  gravi  manière  délia 
profetica  elocuzione.  Gl'  infimi  personaggi  debbono  essere 
anch'  essi  nobili  nel  favellare,  giacché  usano  coi  Grandi.  II 
Cornelio  nella  nascente  eleganza  francese  molto  potea  fare, 
ma  non  tutto.  Noi  nel  meriggio  dell  eloquenza  e  lindura 
toscana  nulla  possiamo  omettere  senza  biasimo.  »" 

La  religion  qui  ne  doit  pas  parler  le  même  langage  que  le 
catéchisme,  la  «  nascente  eloquenza  francese  »  de  l'époque  de 
Corneille,  en  d'autres  termes  la  naïveté  cornélienne,  tout 
cela  est  du  Voltaire  pur  '  ;  et  le  comte  Paradisi,  qui  fut  en 

I.  A  propos  du  vers  //  est  toujours  tout  juste,  etc.  (I,  i),  Voltaire  com- 
mente :  «  Tous  ces  vers  sont  trop  rampans,  trop  négligés,  trop  du  style 
familier  des  livres  de  dévotion...  » 


POLYEUCTE   ENTRE    LES    MAINS    DE    VOLTAIRE  4O7 

correspondance  avec  Voltaire  ',  connaissait  déjà  le  fameux 
commentaire  du  Patriarche  de  Ferney^.  Même  le  «  midi  de 
l'éloquence  de  la  politesse  toscane  »  nous  ramène  à  l'esthé- 
tique de  Voltaire  qui  ne  connaît  en  France  que  la  politesse 
racinienne  purifiée  à  travers  l'appauvrissement  de  la  langue 
du  XVIII*  siècle. 

Mais  il  n'y  a  rien  de  plus  intéressant  que  de  comparer  à 
l'original  français  les  deux  traductions  italiennes  dans  les 
passages  auxquels  Voltaire  reproche  un  défaut  plus  ou  moins 
sensible  de  noblesse. 

I,  I.  Néarque  dit  : 

Quoi  !  vous  vous  arrêtez  aux  songes  d'une  femme  ? 

Voltaire  note  :  «  Il  était  aisé  de  commencer  avec  plus 
d'exactitude  et  d'éloquence.  » 

Et  Baretti,  tout  en  traduisant  presque  littéralement,  avait 
cherché  dans  l'inversion  un  commencement  d'ennoblisse- 
ment : 

Corne  ?  e  tu  credi  d'una  donna  ai  sogni  ?  ' 

Paradisi,  avec  un  véritable  alourdissement  : 

Duuque  potranno  d'una  donna  i  sogni 
Ingombrarti  d'orror  ? . . . 

Néarque  dit  aussi  : 

Et  ce  cœur  tant  de  fois  dans  la  guerre  éprouvé 
S'alarme  d'un  péril  qu'une  femme  a  rêvé  ? 

Et  Voltaire  :  «  Le  mot  de  rêver  est  devenu  trop  familier, 
peut-être  ne  Tétait-il  pas  du  tems  de  Corneille.  » 

1.  Cf.  Carducci  dans  sa  Préface  aux  Poésie  del  conte  Agostino  Paradisi. 

2.  Voy.  la  note  de  Paradisi  au  commencement  de  la  scène  2^2  de 
l'acte  IV  :  «  Qui  si  sono  fedelmente  seguite  le  stanze  dell'  originale  : 
stanze  (corne  osserva  il  signor  di  Voltaire  ne'  commenti  sul  teatro  di  Pie- 
tro  Cornelio)  che  furono  imitate  da  Rotrou  nella  sua  tragedia  cristiana, 
intitolata  S.  Ginnesio.  » 


408  CES  A  RE    DE    LOLLIS 

Baretti  ne  paraît  pas  avoir  soupçonné  cet  excès  de  familia- 
rité ;  et,  en  abrégeant  et  en  affaiblissant,  puisqu'il  omet  d'in- 
diquer qu'il  s'agit  d'un  rêve  fait  par  une  femme,  il  tra- 
duit : 

Quel  tuo  cor  gid  si  forte  in  tante  guerre 
Un  sognato  periglio  oggi  paventa  ? 

Mais  Paradisi,  se  jetant  dans  les  broussailles  d'une  péri- 
phrase : 

E  un  core  usato  ad  aflfrontar  le  guerre 
Teme  un  periglio  immaginato  e  vano, 
Che  al  femminil  terrore  ofTerse  il  sonno  ? 

Polyeucte  : 

Mais  vous  ne  savez  pas  ce  que  c'est  qu'une  femme  ; 
Vous  ignorez  quels  droits  elle  a  sur  toute  l'âme, 
Quand  après  un  long  tems  qu'elle  a  su  nous  charmer, 
Les  flambeaux  de  l'hymen  viennent  de  s'allumer. 

Sauf  le  quatrième,  ce  sont  là  des  vers  d'une  intimité  déli- 
cieuse, dont  quelque  chose  surnage  dans  la  traduction  passa- 
blement coulante  de  Baretti  : 

Ma  tu  non  sai  ancor  quai  sopra  un  core 
Abbia  potere  una  leggiadra  donna 
Gran  tempo  amàta,  e  finalmente  sposa. 

Mais  pour  le  premier.  Voltaire  annote  inexorablement  : 
«  [il]  est  du  style  bourgeois  de  la  comédie  »  ;  dans  le  deuxième 
il  s'attache  à  critiquer  ce  «  toute  l'âme  »,  qui  est  d'une 
grande  profondeur  sentimentale  et  qui  peut  nous  faire  penser 
au  «  totz  lo  cors  mi  dol  »  de  Rudel.  Et  Paradisi  est  fier  de 
lui  donner  raison,  en  étouffant  tout  ce  qu'il  y  a  là  de  sincé- 
rité de  cœur  dans  un  insupportable  enchevêtrement  de 
phrases  nobles  : 

Ma  tu  non  sai  quanto  d'amabil  donna 
Vaglia  il  poter  sull'  alvia  vinla  e  dotua, 
Quando  il  tarda  imcneo  con  sue  catene 
Fu  meta  al  lungo  sospirar... 


POLYEUCTE    ENTRE    LES    MAINS    DE    VOLTAIRE  409 

Néarque  : 

Il  est  toujours  tout  juste  et  tout  bon  ;  mais  sa  grâce 
Ne  descend  pas  toujours  avec  même  efficace  ; 
Après  certains  momens  que  perdent  nos  longueurs 
Elle  quitte  ces  traits  qui  pénètrent  les  coeurs. 

Voltaire  :  «  Tous  ces  vers  sont  trop  rampans,  trop  négligés, 
trop  du  style  familier  des  livres  de  dévotion  »,  et  quant  à  la 
phrase  :  Après  certains  momens  :  «  Cela  sent  plus  le  style 
comique  que  le  tragique.  » 

Baretti  : 

Quel  Dio,  che  il  cor,  che  la  tua  vita  ha  in  pugno, 
Giusto  e  buono  egli  è  sempre,  ma  sua  Grazia 
Sempre  cosî  efficace  a  noi  non  scende, 
E  quando  lento  in  darle  entro  il  tuo  core 
Ricetto  sei,  ella  ti  lascia. . . 

Et  ce  sont  des  vers  assez  fidèles  à  l'original,  quoique  plutôt 
plats  que  du  style  familier.  Mais  voilà  Paradisi  qui,  venant 
après  Voltaire,  nous  dédommage  de  cette  platitude  : 

Iddio, 

Nella  cui  mano  i  giorni  tuoi  si  stanno, 

Non  men  che  l'aima,  a  te  promette  forse 

L'assistenza  superna  al  di  venturo  ? 

Ei  sempre  è  giusto,  e  sempre  ugual  si  regge 

Neir  infinita  sua  bontà  ;  ma  sempre 

La  grazia  ch'  è  de!  ciel  libero  dono 

Col  medesimo  ardore  in  noi  non  piove. 

Se  del  pigro  voler  la  rea  dimora 

Non  arresta  per  via  l'util   momento, 

Illanguidisce  quel  superno  acume, 

Che  gli  adiii  del  cor  pénétra  e  vince. 

Et  l'ensemble  est  ici  tellement  changé  et,  si  l'on  veut, 
brouillé,  que  le  traducteur  éprouve  le  besoin  d'ajouter  cette 
note-ci  :  «  Nella  traduzione  i  luoghi  teologici  sono,  egli  è 
vero,  espressi  con  nuovo  giro  di  parole  :  ma  nondimeno 
rimangono  nella  sostanza  gli  stessi.  » 


410  CESARE    DE    LOLLIS 

Néarque  : 

Ainsi  du  genre  humain  l'ennemi  vous  abuse. 

Voltaire  note  :  «  Ce  langage  familier  de  la  dévotion  parut 
d'abord  extraordinaire.  »  Et  déjà  chez  Baretti  l'on  a  un  com- 
mencement d'ennoblissement,  car  «  l'ennemi  du  genre 
humain  »  avec  ce  qu'il  y  a  de  trop  technique  dans  une  telle 
expression  s'y  change  en  «  comun  nimico  »  (Cosi  il  comun 
nimico  ne  delude).  Mais  Paradisi  va  un  peu  plus  loin  en  tra- 
duisant : 

Cosi  l'inganna  deir  umane  genti 
llgran  nimico... 

Car  le  pluriel  «  umane  genti  »  a  déjà  l'air  bien  plus  fin 
que  le  «  genre  humain  »  et  l'épithète  de  «  grand  »  qui 
vient  flanquer  le  nom  du  diable  fait  le  reste. 

Polyeucte  : 

Sur  mes  pareils,  Néarque,  un  bel  œil  est  bien  fort. 
Tel  craint  de  le  fâcher,  qui  ne  craint  pas  la  mort. 

Une  note  de  Voltaire  dit  :  «  On  ne  dirait  plus  ^aujourd'hui 
sur  mes  pareils  ni  un  bel  œil.  Ce  terme  de  pareil,  dont  Rotrou 
et  Corneille  se  sont  toujours  servis,  et  que  Racine  n'em- 
ploya jamais,  semble  caractériser  une  petite  vanité  bourgeoise. 
Un  bel  œil  est  toujours  ridicule,  et  beaucoup  plus  dans  un 
mari  que  dans  un  amant.  » 

Si  la  phrase  incriminée  se  retrouve  dans  Baretti,  elle  y  est 
toutefois  enveloppée  dans  une  intrigue  d'expressions  nobles 
(«  possanza  «,  «  avvi  »,  «  incontro  a  »)  et  de  constructions 
éloignées  elles  aussi  du  langage  commun  : 


*&' 


Nearco,  due  begli  occhi 
Troppa  sopra  i  miei  pari  hanno  possanza, 
Ed  avvi  alcun  che  incontro  a  morte  è  ardito, 
E  teme  quelli. 


POLYEUCTE    ENTRE    LES   MAINS    DE    VOLTAIRE  4II 

Ce  sera  l'affaire  de  Paradisi  de  la  supprimer  tout  à  fait  : 

« 

In  cor  gentil  forte  è  d'amor  l'impero 
E  più  che  morte  assai  temer  si  suole 
Di  duo  begli  occhi  la  minaccia  e  l'ira. 

Le  tour  «  assai  temer  si  suole  »,  substitué  à  la  phrase  «  mes 
pareils  »,  ennoblit  par  la  généralisation,  qui  est  aussi  de  l'affai- 
blissement, le  tout. 

I,  2.  Polyeucte  : 

Ne  craignez  rien  de  mal  pour  une  heure  d'absence. 

Et  Voltaire  :  «  Nd  -  mal  est  encore  du  style  comique.  »  Il 
l'est  tellement  que  Baretti  avait  traduit  : 

Ah  non  temer  se  brève  ora  lontano 
Da  te  ne  vado... 

et  l'on  a  là  un  tour  encore   plus  noble   que    celui   de  Para- 
disi : 

Brève  è  l'assenza. 

Di  che  temer  non  hai  soggetto 

I,  3.  Pauline  : 

Mais  après  l'hyménée  ils  [les  hommes]  sont  rois  à  leur  tour. 

Note  de  Voltaire  :  «  Ce  vers  a  passé  en  proverbe.  Il  n'est 
pas  à  la  vérité  de  la  haute  tragédie,  mais  cette  naïveté  ne  peut 
déplaire.  » 

Baretti  avait  déjà  traduit  : 

...  Ma  quando  diventiam  lor  spose, 
Misère  noi  1  lor  diventiamo  schiave  ! 

Paradisi  traduira  : 

Appena 

Di  sacro  nodo  l'imeneo  ne  stringe 
Spezzan  con  man  superba  il  nostro  giogo. 


412  CESARE   DE   LOLLIS 

Et  je  ne  sais  si  la  dureté  inouïe  de  la  construction  em- 
ployée par  Baretti  ne  s'écarte  pas  du  naturel  plus  encore  que 
la  nomenclature  gréco-latine  employée  par  Paradisi. 

Stratonice  : 

S'il  part  malgré  vos  pleurs,  c'est  un  trait  de  prudence, 

Sans  vous  en  affliger,  présumez  avec  moi 

Qu'il  est  plus  à  propos  qu'il  vous  cèle  pourquoi. 

Tout  cela  est,   selon   Voltaire,  «  de  la   haute    comédie  », 

«  tout  cela  tient    trop   du    bourgeois  »  !    Suivent  les   deux 

vers  : 

Assurez-vous  sur  lui  qu'il  en  a  juste  cause. 

Il  est  bon  qu'un  mari  nous  cache  quelque  chose, 

et  Voltaire  note  à  propos  du  dernier  :  «  Ce  vers  est  absolu- 
ment comique  et  même  burlesque.  » 
Or  voilà  la  traduction  de  Baretti  : 

E  se  parte  malgrado  i  pianti  tuoi, 
Prudentemente  il  fa  :  più  non  dolerti  ; 
E  credi  anzi,  com'io,  che  la  ragione 
Del  suo  partir  uopo  è  ch'e'  te  la  celi 
E  che  il  dovere  e'  fa,  se  te  l'asconde. 
Non  debbe  a  noi  un  saggio  sposo  tutti 
I  suoi  peusieri  aprir... 

Tout  cela,  on  ne  sait  pas  bien  comment,  est  plat  sans  être 
familier,  sansaspirer  même  à  l'être. 
Paradisi,  de  son  côté,  traduira  : 

Se  malgrado  i  tuoi  pianti  a  te  s'invola, 

Forse  prudenza  a  cié  lo  move  e  guida. 

Deh  meco  il  credi  ;  pel  tuo  meglio  ei  cela 

Di  sua  partenza  la  cagion,  che  giusta  ^ 

E  saggia  fia... 

Mais  à  cet  endroit,  où  se  trouve  le  vers  //  est  bon  etc..  que 
Voltaire  avait  noté  de  burlesque,  Paradisi  se  tire  d'affaire 
avec  une  note  :  «  Aggiungeva  l'originale  :  Il  est  bon  —  ses 


POLYEUCTE    ENTRE    LES   MAINS    DE    VOLiAIRE  41^ 

pas...  io  lîo  traUisciato  dcl  tutto  questo  sentimento  poco 
dicevole  alla  gravita  délia  tragedia,  e  niente  necessario  al  1' 
interesse  délia  macchina  »!  !  !  Pourvu,  en  somme,  que  l'on 
ne  donne  pas  dans  le  bourgeois  ! 

Stratonice  : 

La  digne  occasion  d'une  rare  constance  ! 
Baretti  traduit  presque  littéralement  : 

Oh  belia  occasion  d'alta  costanza 

et  il  n'y  a  que  la  diérèse  dans  le  mot  «  occasion  »  qui  relève 
un  peu  la  dignité  de  l'expression.  Mais  Voltaire  ayant  remar- 
qué que  «  ce  vers  est  trop  d'une  soubrette  »,  Paradisi  ne 
manque  pas  de  dénicher  un  tour  qui  ne  puisse  en  rien  rap- 
peler le  ton  de  la  soubrette  : 

O  di  nobil  costanza  illustre  campo  ! 

Pauline  : 

Hélas  !  c'est  de  tout  point  ce  qui  me  désespère. 

«  De  tout  point  »,  voilà  des  termes  qui  doivent  être  bannis 
du  tragique,  selon  Voltaire.  Et  Paradisi  est  si  résolument  de  son 
opinion,  que,  pour  les  éviter,  il  supprime  le  vers  tout  entier. 
Mais,  ce  qui  est  encore  plus  curieux,  Baretti  déjà  avait  fait 
justice  de  ce  malheureux  vers  en  ne  traduisant  que  «  hélas  » 
(Oh  Dio  !).  C'est  que  le  vers  tout  entier  de  Corneille,  dans 
sa  forme  de  parenthèse,  avait  en  lui  quelque  chose  de  faible. 
Les  parenthèses  peuvent  convenir  au  style  brisé  de  Calderon, 
mais  non  pas  au  style,  toujours  si  ferme,  de  Corneille. 

Stratonice^  ayant  entendu  le  récit  du  rêve  de  Pauline, 
commence  par  s'écrier  : 

...  Il  est  vrai  qu'il  est  triste, 

exclamation  dont  la  naïveté  a  toujours  fait  rire  le  parterre, 
selon    le   témoignage   de  Voltaire.    Mais  Voltaire   lui-mêmt 


414  CESARE   DE   LOLLIS 

trouve  que  «  ces  expressions  (c.-à-d.  d'une  confidente)  ici  ne 
sont  point  comiques  ». 

Et  Baretti  qui,  évidemment,  était  d'avance  de  l'opinion  de 
Voltaire,  traduit  tout  simplement  : 

Certo  e'  fu  tristo.  . . 

Paradisi,  lui,  partageait  l'opinion  du  parterre,  car  il  tâche 
d'arrondir  ce  maigre  hémistiche  en  un  vers  d'une  sonorité 
passablement  héroïque  : 

Orribil  sogno  è  questo,  io  uol  contcndo. 

I,  4.  Félix  veut  déterminer  sa  fille  à  revoir  Sévère,  son 
ancien  soupirant  :  et  Pauline  répond  par  un  vers  d'une  déli- 
cate franchise  féminine  : 

II  est  toujours  aimable,  et  je  suis  toujours  femme. 

«  Je  suis  toujours  femme,  est  une  expression  bourgeoise  », 
observe  Voltaire  à  notre  grande  surprise.  Et  Baretti,  en  effet, 
ne  s'en  était  pas  aperçu,  car  il  avait  traduit,  en  délayant, 
d'un  côté,  et  en  mutilant,  de  l'autre,  l'original  : 

Ma  i'  sonsempre  donna,  e  debil  sempre... 

Tandis  que  le  comte  Paradisi  trouve  ici  encore  le  moyen 
de  garder  son  allure  aristocratique  : 

Amabil  sempre  e  degno 

Egli  è  dei  miei  sospiri,  e  fraie  io  sono  ! 

«  Fragile  »,  dans  sa  valeur  métaphorique,  serait  déjà  bien 
plus  du  goût  classique  que  l'expression  directe  :  «  femme  »_ 
Mais  combien  cet  adjectif  gagne  encore  en  distinction,  en 
se  présentant  dans  la  forme    retroussée  :  «  fraie  »  ! 


* 
*  * 


Je     pourrais     continuer    jusqu'au    bout    de    la    tragédie 


POLYEUCTE    ENTRE    LES   MAINS   DE   VOLTAIRE  415 

cette  comparaison,  mais  les  résultats  seraient,  toute  pro- 
portion gardée,  les  mêmes,  et  ne  changeraient  rien  à  la  con- 
clusion que  nous  en  pouvons  tirer. 

L'un  des  deux  traducteurs,  Baretti,  fut,  au  nom  de  l'actua- 
lité et  de  la  réalité,  hostile  et  rebelle  à  toute  friperie  de  la  tra- 
dition. 

L'autre,  Paradisi,  par  la  complexité  de  son  activité,  est  un 
représentant  considérable  de  l'esprit  italien  du  xviir'  siècle, 
qui  n'étant  plus  satisfait  de  la  littérature  purement  formelle, 
se  tourne  de  tous  les  côtés  à  la  recherche  du  nouveau  et  du 
substantiel.  Studieux  de  Dante,  philosophe,  économiste  de 
premier  ordre,  opiniâtre,  mais  intelligent  adversaire  des 
théories  de  Rousseau,  se  mêlant  même  d'observations  de 
microscopie,  et,  en  tant  qu'homme  de  lettres,  traducteur 
d'auteurs  grecs  et  latins,  en  même  temps  que  d'écrivains 
français  et  anglais  '  ;  en  somme,  le  savant  à  part,  quelque 
chose  comme  l'abbé  Delille,  pour  la  littérature  française. 

Et  pourtant  ces  deux  esprits  passablement  modernes 
éprouvèrent  devant  tout  ce  qu'il  y  a  de  simplement  humain 
dans  Polyeiicte  la  même  préoccupation,  le  même  besoin  de 
l'ennoblissement. 

Beaucoup  moins  noble,  il  est  vrai,  est  la  langue  poétique 
du  traducteur  Baretti  ;  mais  pour  la  très  simple  raison  que  la 
hâte  avec  laquelle  il  fit  sa  traduction  ne  lui  permit  pas  de  pour- 
suivre de  bien  près  son  idéal  d'une  forme  rigoureusement 
classique.  L'intransigeance  d'un  tel  idéal  paraît  à  l'évidence 
dans  ses  Préfaces  à  la  traduction  des  œuvres  de  Corneille  -. 
Là,  il  dit  même  en  toute  franchise  qu'il  aurait  bien  voulu 
traduire  ces  tragédies  en  huitains,  c'est-à-dire  dans  le  mètre 
extrêmement  difficile  d'Arioste  et  du  Tasse,  i,'il  avait  été  à 
même  de  le  faire. 

1.  Cf.  Concari,  //  Setlecento,  pp.  331  svv.,  et  Carducci,  Poésie  del  coule 
Agolino  Paradisi. 

2.  Elles  ont  été  tout  récemment  rééditées  par  L.  PicciONi  dans  le  volume 
de  la  Collection  des  Scrittori  d'Italia  :  G.  Baretti,  Prefaiioni  e  Pokviiche, 
Bari,  Laterza,  191 1,  pp.  33  suiv. 


41 6  Cesàre  de  lollïs 

«  Non  sono  stato  da  tanto  »  avoue-t-il  avec  sa  franchise 
habituelle.  Et  il  aurait  peut-être  pu  ajouter  :  «  et  si  j'en  avais 
eu  le  temps  et  la  patience  ». 

Ah  oui  !  Baretti  et  Paradisi  savaient  bien,  et  le  premier  des 
deux  le  proclame  d'une  voix  bien  haute,  que  nous  n'avions 
ni  un  Corneille,  ni  un  Molière,  ni  un  Racine,  Mais  l'un  et 
l'autre  étaient  fiers  de  la  vieille  noblesse  de  la  langue  italienne. 
La  «  linguanobile  toscana  »,  «  l'eloquenza  e  lindura  toscana  » 
étincelante  dans  la  plénitude  de  son  midi,  étaient  pour  eux 
quelque  chose  de  tellement  parfait  que  non  seulement  elles 
ne  pouvaient  s'adapter  à  ce  qu'il  y  a  de  gothique  et  de  naïf 
dans  la  langue  poétique  de  Corneille,  mais  laissaient  aussi 
en  arrière  la  perfection  classique  de  Racine. 

L'honneur  de  cette  langue,  pur  comme  la  peau  d'une  her- 
mine, était  comme  le  seul  refuge  de  ce  qu'il  pouvait  y  avoir 
de  nationalisme  dans  l'Italie  de  ce  temps-là  :  et  pour  le  sau- 
vegarder on  recourait  à  toutes  les  subtilités,  on  faisait  tous  les 
efforts  et  tous  les  sacrifices  dont  sont  capables  les  héros  de 
Calderon  pour  éviter  même  la  tache  d'un  soupçon  à  leur  hon- 
neur castillan. 

Subtilités,  efforts,  sacrifices  qui  n'excluaient  pas,  cela  se  com- 
prend, le  malentendu.  Car  c'en  est  bien  un  que  d'endom- 
mager dans  son  essence  un  chef-d'œuvre  tel  que  le  Polyencte 
de  Corneille. 

Cesare  de  Lollïs. 
Rome,  lévrier  191 2. 


NOTES  SUR  MAITRE 
JACQUES  MATHIEU  LE  BAZOCHIEN 


Nous  possédons  fort  peu  de  renseignements  sur  les  auteurs 
de  farces  et  de  moralités  de  la  fin  du  xv^  et  du  début  du 
xvi^  siècles.  S'ils  eurent  parfois  de  leur  vivant  assez  d'in- 
fluence, et  si  certains  jouirent  même  de  quelque  réputation, 
ils  n'ont  guère  laissé  après  eux,  à  de  rares  exceptions  près, 
que  le  vague  souvenir  d'un  nom  souvent  incertain.  C'est  ce 
qui  justifiera,  j'espère,  la  publication  de  ces  très  modestes 
notes  relatives  à  l'un  d'entre  eux,  dans  un  volume  dédié  au 
maître  éminent  qui  connaît  mieux  que  personne  l'histoire  du 
théâtre  profane  à  cette  époque,  et  auquel  je  dois  d'ailleurs, 
pour  cet  article  même,  de  précieuses  indications. 

Maistre  Jacques,  barochien, 

De  bien  composer  n'en  craint  rien. 

Ainsi  s'exprime,  vers  1533,  Pierre  Grognet  dans  une  pièce 
intitulée  :  De  la  louange  et  excellence  des  bons  facteurs  qui  bien  ont 
composé  e?î  rime  tant  deçà  que  delà  les  mont^  '.  Montaiglon,  qui 
a  publié  ces  vers,  propose  de  lire  ba::ochicn  au  lieu  de  barochien, 
et  il  ajoute  :  «  Je  ne  sais  quel  est  ce  maître  Jacques,  sans 
doute  un  composeur  de  farces  ^.  » 

C'est  évidemment  le  même  personnage,  acteur  en  même 
temps  que  fatiste,  qui  est  désigné  sous  le  nom  de  Jacques  h 
Ba::^ocbi)i  dans  le  passage  suivant  du  Journal  d'un  bourgeois  de 
Paris  5  : 

1.  A  la  suite  des  Mofidoreidu  (jrand  et  sage  Cathou,  1533.  — Il  n'est  pas 
certain,  d'ailleurs,  que  cette  pièce  de  vers  n'ait  pas  été  publiée  avant  cette 
date.  (Cf.  La  Croix  du  Maine,  du  Verdier  et  Goujet.) 

2.  Recueil  de  poésies Jraiiçaises,  t.  VII,  p.   16. 

3.  Ed.  Bourrilly,  pp.  39-40,  cité  par  Petit  de  Julleville,  Les  Comédiens  en 

Mélanges.  II.  27 


41 8  RENÉ    STUREL 

«  Audict  an  (151 6)  en  décembre  furent  menez  prisonniers 
devers  le  Ro}^,  à  Amboyse,  troys  prisonniers  de  Paris  joueurs 
de  forces,  c'est  a  sçavoyr  Jacques  le  Bazochin,  Jehan  Seroc  et 
maistre  Jehan  de  Pontalez,  lesquelz  estoient  liez  et  enferrez 
et  furent  ainsy  menez  a  Amboyse.  Et  ce  fut  a  cause  qu'ils 
avoient  joué  des  farces  à  Paris,  de  seigneurs  ;  entre  autres 
choses,  que  mère  Sotte  gouvernoit  en  cour  et  qu'elle  tailloit, 
pilloit  et  desrobboit  tout  :  dont  le  Roy  et  Madame  la  Régente 
advertiz  furent  fort  couroucez.  Parquoy  furent  envoyez  quérir 
par  douze  archers  du  prevost  de  l'hostel  du  roy,  enferrez  et 
liez  et  menez  a  Bloys  prisonniers,  où  furent  jusques  a  caresme 
prenant  ensuyvant  et  eschapperent  de  nuict,  et  sen  allèrent 
en  franchise  dedans  l'église  des  Cordeliers  de  Bloys.  Et  envi- 
ron un  moys  devant  l'entrée  de  la  Royne  qui  fut  faicte  a 
Paris  \  furent  délivrez  a  pur  et  a  plain.  » 

On  a  identifié  avec  assez  de  vraisemblance  Jehan  Seroc 
avec  le  comédien  Jehan  Serre  dont  Marot  a  composé  l'épi- 
taphe  ^.  Quant  à  Jehan  du  Pontalez  c'est  un  des  noms,  et 
l'on  pourrait  dire  un  des  types  les  plus  populaires  de  cette 
corporation  de  Bazochiens  et  d'Enfants  sans  Souci  K 

Au  milieu  de  ces  deux  personnages,  maître  Jacques  Baro- 
chien ou  Bazochin  ferait  une  bien  pâle  figure,  si  un  recueil 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Soissons  ^  ne  nous  permettait 
d'ajouter  quelques  détails  à  ces  brèves  mentions.  Ce  volume 
contient  des  pièces  en  prose  et  en  vers,  qui  datent  du  second 
tiers  du  xvi^  siècle  environ  ;  lui-même  semble  avoir  été  écrit 
vers  cette  date.  Au  folio  }6  on  lit  le  quatrain  suivant  : 


France  au  Moyen  Age,  p.  114;  A.  Fabre,  Les  Clercs  de  la  Basoche,  2=  éd., 
p.  146,  et  Montaiglon,  op.  cit.,  t.  XI,  p.  250. 

1.  Le  12  mai  1517. 

2.  Ed.  Jannet,  t.  II,  p.  215.  Cf.  Petit  de  JuUeville,  op.  cit.,  p.  181, 
note  I.  Une  erreur  de  lecture  peut  fort  bien  expliquer  la  leçon  Seroc  pour 
Serre. 

3.  Cf.  Petit  de  Jullevillc,  op.  cit.,  p.  179,  note  3. 

4.  Ms.  189  B. 


NOTES    SUR    MAITRE   JACaUES    MATHIEU  4I9 

Jacques  Mathieu  dict  le  barochien 
Abille  fut  a  gente  rethorique  ' 
La  terre  fait  le  corps  d'icelluy  sien 
Dieu  mccte  l'amc  en  sa  gloire  celique. 

Ce  quatrain  est  précédé  (fol.  35)  d'une  complainte  de  90  vers 
sur  la  mort  du  même  personnage.  La  littérature  de  cette  époque 
nous  fournit  un  certain  nombre  de  pièces  de  ce  genre  relatives 
à  des  Bazochiens.  Pour  ne  point  parler  des  épitaphes,  comme 
celles  de  Jean  Serre  ou  du  comte  de  Salle,  je  rappellerai  seule- 
ment la  Complainte  de  Dame  Ba:(pche  sur  la  mort  de  ce  dernier, 
qui  fut  publiée  dans  certaines  éditions  de  Marot  %  mais  que 
celui-ci  a  désavouée  ',  et  les  Complaintes  et  Epitaphes  du  R^oy 
de  la  Basoche  dont  l'auteur  est  André  de  la  Vigne  -*.  Il  n'est 
pas  impossible  que  le  rimeur  qui  a  composé  en  l'honneur  de 
Jacques  Mathieu  les  vers  qu'on  va  lire  ait  connu  tout  au  moins 
la  dernière  de  ces  pièces,  mais  les  analogies  qu'on  peut  rele- 
ver sont  trop  vagues,  et  d'ailleurs  trop  naturelles,  pour  qu'il 
soit  permis  de  conclure  aune  imitation  5. 

1.  Rhétorique  slgnïûe  ici  (cf.  plus  loin  Complainte,  v.  47-48)  œuvre  litté- 
raire comme  dans  le  fragment  publié  plus  haut,  par  M.  A.  Thomas,  t.  I, 
p.  485  (v.  44-45). 

i>  Or  escoutés  pourquoy  j'ay  ceste  auctorité 
Formée  en  rétorique  dont  li  vers  sont  rimé  », 
ou  dans  ce  titre  d'une  pièce  de  vers  que  contient  le  ms.  919  de  la  Biblio- 
thèque d'Amiens  :  «  Rlietorique  pour  le  feu  de  meschief  advenu  au  clocher 
de  l'église  N.  D.  d'Amyens  et  pour  les  guerres  regnans  en  ce  temps  qui 
estoit  l'an  1527  et  28.  » 

2.  P.  ex.  dans  l'édition  de  Bonnemère,  Paris,  1 5  56  qui  la  donne  au  milieu 
de  pièces  «  qui  ne  sont  pas  de  la  façon  dudict  Marot  ».  Bibl.  Nat.  Res.  Ye 
1 540  fol.  cxx  vo. 

3.  Cf.  l'Épître-préface  de  Marot  à  Estienne  Dolet  en  tête  de  la  première 
édition  complète  du  poète  (Lyon  1538).  Ed.  Jannet,  t.  IV,  p.  195. 

4.  Dans  celte  pièce  de  plus  de  600  vers  assez  inintelligibles  la  Bazoche 
de  Paris  et  les  principales  Bazoches  de  province  viennent  successivement 
déplorer  le  trépas  du  roi  de  la  Bazoche  de  Paris,  Pierre  de  Bauge,  mort  en 
1501.  Cette  oeuvre  fut  publiée  à  Paris,  par  Jehan  Trepperel,  s.  d.,  in-4, 
goth.  Elle  a  été  réimprimée  par  Montaiglon,  op.  cit.,  t.  XIII,  p.  385. 

5.  On  peut  ainsi  rapprocher  du  début  de  notre  Complainte  les  premiers 
vers  de  ta  Ba{oc}}e  contre  la  mort  (v.  49  de  la  pièce  d'André  de  la  Vigne)  : 

O  Atropos  pluthonique,  scabreuse... 


420  RENE    STUREL 

La  Complaincte  que  faict  la   Baioche  pour  la  mort  de  maistre 
Jacques  Mathieu  alias  Barochien,  enferme  de  champ\s\c\  royal. "^ 

Je  me  complaincs  toute  triste  et  doulente 
A  toy  Clotho  cruelle  et  violante, 
Car  tu  m(e)  as  mis  en  terrible[s]  debatz  ; 
Querelle  fais  d'une  voix  véhémente 
5     Vociférant  comme  folle  et  amante 

En  tant  que  voy  toutes  mes  joies  et  -  bas, 
Seur  Lacheusis  qui  m(e)  hoste  mes  esbatz 
Marrie  suis,  o  atropos  l(a)  inicque, 
Acerbe,  faulse  et  plus  que  tirannique 
10     Tu  m(e)  as  touUu  ma  joye  et  ma  plaisance  : 
Hastivement  corps  humain  la  mort  picque, 
Il  est  certain  ;  mais  par  dard  ou  par  picque 
La  mort  n'a  pas  dessus  vertu  puissance. 

De  même  le  (fan/ de  la  mort  (v.  i2  de  notre  complainte)  est  mentionné 
par  André  de  la  Vigne  : 

Par  ung  seul  coup  d'un  dart  mortel...  (v.  377) 
ou 

Par  son  faulx  dart  qui  trop  picque  subtil...  (v.  513). 
Enfin  le  quatrain  cité  plus  haut  rappelle  ces  deux  passages  en  l'honneur 
de  Pierre  de  Baugé. 

Duquel  le  corps  en  ce  lieu  reçoit  lame  [=  tombeau] 
Je  prie  a  Dieu  qu'en  vray  repos  soit  l'âme  (v.  505-506) 
et 

Esprit  parfait,  dont  en  terre  tenu 
Accreusement,  pour  entier  retenu 
Est,  comme  on  voit  essencieux, 

Dieu  doint  que  l'âme  ait  repos  es  saintz  cieulx  (v.  5 14-517) 
mais,  encore  une  fois,  aucun  de  ces  rapprochements  ne  prouve  une  imitation. 
On  retrouverait  à  peu  près  les  mêmes  analogies  dans  la  complainte  sur 
le  trépas  du  comte  de  Salle,  par  exemple  : 

O  Sort  inerte  de  lubrique  repos 
O  fil  coupé  par  la  dire  Atropos 
Que  LacJiesis  encommencoit  filler. 
et  plus  loin  : 

Point  ne  falloit  si  soubdain  affiler 

Poiftcte  a  la  mort  pour  chose  si  très  tendre. 

1.  Nous  reproduisons  le  texte  du  manuscrit  en  le  corrigeant  le  moins 
possible.  Nous  indiquons  seulement  par  une  parenthèse  les  élisions  que  la 
versification  réclame.  Pour  la  ponctuation,  qui  n'existe  pour  ainsi  dire  pas 
dans  le  manuscrit,  nous  avons  cru  préférable  de  la  rétablir. 

2.  Il  faut  sans  doute  lire  en  ou  a  au  lieu  de  et. 


NOTES    SUR    MAITRE  JACQUES    MATHIEU  42 1 

En  ceste  ville  illustre  et  refulgente  ' 
15     Vivions  jadis  par  joye  et  belle  et  gente, 

Tousjours  prenant  passe  temps  et  soûlas, 

Resjouyssant  prince  duc  et  régente  ^ 

En  tous  plaisirs  hastive  et  dilligente, 

Souvent  n'estions  ne  moy  ne  les  myens  las 
20     Suyvans  ce  train  ;  mais  maintenant  helas 

Autrement  va  nostre  cas  et  praticque 

J'avons  5  perdu  une  perle  autenticque, 

Grant  clerc  ayant  de  tout  art  abondance 

Et  de  vertu  bien  garny  sans  replicque. 
25     Raison  veult  dont  que  je  dye  et  replicque  : 

La  mort  n'a  pas  dessus  vertu  puissance. 

Helas  mon  cueur  incessamment  lamente, 
Ennuict  l'abat,  grief  tourment  le  tourmente, 
Toutes  les  foys  que  je  marche  ung  seul  pas, 

30     Or  4  que  je  sois  james  ne  me  contante 
Remémorant  que  selon  mon  entente 
Il  composoit  par  raison  et  compas. 
Crainte  m(e)  assault,  douleur  me  laisse  pas  ; 
Jacques  Mathieu  homme  tant  catholicque 

35     En  droyt  chemin  alloit  non  en  oblicque, 
Noble  de  cueur,  humain  en  congnoissance; 
Ergo  je  dois  ta  vertu  magnificque 
Tousjours  priser,  sachant  que  sans  traficque 
La  mort  n'a  pas  dessus  vertu  puissance. 

40  Cent  regretz  ont  en  moy  assis  leur  tante, 
Horreur  me  point  et  desespoir  me  tante, 
Oultraige  est  cause  de  ce  terrible  cas  5, 

1.  La  «  ville  illustre  et  refulgente  »  où  la  Bazoche  réjouissait  «  prince 
duc  et  régente  »  doit  être  Paris,  puisqu'aussi  bien  nous  savons  qu'en  15 16 
Jacques  Mathieu  faisait  partie  de  la  Bazoche  parisienne. 

2.  En  novembre  1533  Louise  de  Savoie  était  morte  depuis  deux  ans; 
mais  cela  n'empêche  pas  le  poète  de  rappeler  que  pendant  presque  toute 
sa  carrière  Jacques  Mathieu  avait  «  réjoui  »  la  régente.  Et  d'ailleurs  cette 
fin  de  vers  «  prince,  duc  et  régente  »  ressemble  fort  à  une  suite  de  chevilles. 

5.  Forme  fréquente  à  cette  époque,  même  en  poésie. 

4.  Or  est  probablement  une  erreur  pour  oii . 

5.  On  sait  que  jusqu'à  Marot  il  arrive  souvent  que  la  syllabe  muette  à 
l'hémistiche  ne  compte  pas.  Cf.  plus  loin  v.  48. 


422  RENE   STUREL 

Rigueur  de  mort  qui  son  heur[e]  a  latente 

Veint  naguieres  sa  fin  faire  patente 
45     Sonnant  la  cloche  :  où  sont  ses  advocatz 

Ces  conseilliers  et  cent  mille  ducatz 

A  rachepter  l'honneur  de  rethoricque  ? 

N'est-il  possible  par  quelque  rethoricque 

Trouver  moyen  d'en  avoir  recouvrance? 
50     Bien  tost  yras  en  chacun  lieu  publicque 

A  tous  noncer  que  pour  toute  duplicque 

La  mort  n'a  pas  dessus  vertu  puissance. 

Zèle  d'honneur  et  grâce  equivallente 

Ont  eu  en  luy  demeure  equipolente 
55     Conju[n]ctement  le  tenant  en  leurs  las. 

Il  besongnoit  d'affection  fervente 

En  reprenant  la  vie  négligente 

Notoirement  régnant  en  tous  estatz  ; 

Vérité  feust  en  luy  sans  nulz  restatz  ; 
60     James  ne  feist  ung  propos  hereticque. 

Vertu  n'est  pas  sans  vie  probaticque, 

Reste  au  surplus  que  rendre  obéissance 

A  la  raison  qui  vérité  explicque  : 

Sur  quoi  je  diz  qu(e)a  vérité  j(e)  applicque 
65     La  mort  n'a  pas  dessus  vertu  puissance. 

Au  puissant  Dieu  requiers  qu(e)  en  tous  climatz 
Nostre  dueil  soit  complainct  par  grès  '  amas, 
Si  que  le  nom  soit  tenu  pour  re(p)licque. 
Finablement  que,  l'ame  en  lieu  celicque, 
70     II  puisse  avoir  de  gloire  jouissance. 
N'oblions  dont  ce  mot  evangelicque  : 
La  mort  n'a  pas  dessus  vertu  puissance. 

Si  vous  qui  estes  clercs  et  maistres 
Rassembles  les  premières  lettres 
75  Escriptes  en  ce  champ  royal, 

Vous  verrez  en  nombre  total 

I .  Grî's  est  sans  doute  ici  le  pluriel  de  grief,  quant  à  amats  il  doit  signifier 
afflictions  (cf.  ainater,  amatir).  On  pourrait  aussi  peut-être  prendre  ai)ias 
dans  le  sens  défoules  et  donner  à  grès  (griefs)  le  sens,  assez  hypothétique, 
de  tristes. 


NOTES    SUR    MAITRE    JACaUES    MATHIEU  423 

Ce  qu'elles  ■  veullent  entendre  et  dire, 

Si  vous  ne  failles  a  bien  lire. 

Et  si  bien  justement  en  nombre 
80  Les  lectres  rouges  portant  nombre, 

Congnoistre  on  pourra  par  effet 

L'an  que  ce  champ  royal  fut  fait. 

Oultre  plus,  si  bien  on  deciffre 

Les  lettres  cottées  de  ciffres 
85  On  aura  le  mois  sans  séjour  ; 

Et  puis  par  les  cinq  v  le  jour 

Que  deceda  maistre  Mathieu  : 

Chacun  veuille  prier  a  Dieu 

Que  de  sa  gloire  il  soit  asseur, 
90  Et  aussi  (a)  ^  Girard  le  Vasseur. 

Ce  dernier  vers  nous  indique,  sans  doute,  l'auteur  de  la  Com- 
plainte. Girard  le  Vasseur  était,  je  crois,  complètement  inconnu 
jusqu'ici,  et  je  n'ai  pu  recueillir  sur  lui  aucun  renseignement  '. 
Peut-être  un  dépouillement  attentif  des  pièces  d'archives,  ainsi 
que  des  œuvres  des  rhétoriqueurs  contemporains  nous  four- 
nirait-il quelques  indications  sur  lui,  comme  aussi  bien  sur 
Jacques  Mathieu.  Faute  d'avoir  pu  faire  cette  recherche,  force 
nous  est  de  nous  contenter  pour  ce  dernier  de  ce  que  nous 
apprend  le  texte  même  de  notre  complainte.  Cette  pièce, 
comme  on  a  vu,  est  composée  d'un  chant  royal  en  vers  de 
dix  syllabes,  et  d'une  suite  de  dix-huit  vers  octosyllabiques, 
destinée  à  nous  livrer  le  secret  des  acrostiches  que  l'auteur 
s'est  plu  à  multiplier. 

Des  indications   assez  vagues  que  fournit  le  chant  royal, 

1.  Pour  rétablir  le  vers  il  faut  lire  eVvenlent  ou  supprimer  le  premier  mot 
du  vers  :  Qu'elles  veullent  entendre  et  dire  ;  à  moins  que  la  deuxième  syl- 
labe de  veuillent  ne  s'élide  comme  muette  à  l'hémistiche  (cf.  v.  42  et  48). 

2.  ^  est  contraire  au  sens  et  à  la  prosodie. 

3.  Je  mentionnerai  seulement  une  pièce  datée  du  19  janvier  1466  qui 
atteste  que  Girard  Le  Vasseur  demeurant  à  Dompmart  en  Ponthieu  a 
remis  une  certaine  quantité  de  sel  au  grenier  à  sel  de  Compiègne  (Bibl. 
Nat.  Pièces  orig.  2935.  Série  65238,  no  4).  Peut-être  ce  personnage 
était-il  le  grand-père  de  notre  versificateur. 


424  RENE   STUREL 

on  ne  saurait  assurément  tirer  un  portrait  du  personnage  ; 
je  me  contenterai  de  présenter  quelques  remarques  à  ce  propos. 
Lorsque  l'on  compare  cette  complainte  à  telle  autre  pièce 
analogue,  à  l'épitaphe  de  Jean  Serre,  par  exemple,  on  est 
frappé  du  ton  sérieux  qui  y  règne  d'un  bout  à  l'autre.  Sans 
doute  la  Bazoche  évoque  (v.  15-20)  le  souvenir  de  la  vie 
joyeuse  et  pleine  d'entrain  qu'elle  menait  du  temps  où  vivait 
Maître  Jacques  ;  mais  lorsqu'elle  parle  de  celui-ci,  c'est  toujours 
d'une  façon  plus  grave,  que  sa  mort  récente  et  le  caractère 
même  de  Girard  le  Vasseur  ne  suffiraient  pas,  je  crois,  à 
expliquer,  s'il  se  fût  agi  d'un  simple  amuseur.  Certains  vers, 
en  particulier,  me  paraissent  assez  significatifs  à  cet  égard. 

Il  besongnoit  d'affection  fervente 
En  reprenant  la  vie  négligente 
Notoirement  régnant  en  tous  estatz. 

(v.   56-58). 

Ces  expressions  s'appliqueraient  assez  mal  à  un  simple  joueur 
et  composeur  de  farces,  mais  elles  conviennent  fort  bien  à  un 
auteur  de  sotties  morales.  On  se  rappelle  pourtant  que  c'est 
pour  avoir  joué  des  farces  politiques  que  notre  Bai^ochin  avait 
été  emprisonné  en  15 16.  Mais  il  avait  pu  s'assagir  depuis,  et 
regagner  ainsi  la  faveur  du  roi  et  de  la  régente. 

Il  ne  devait  pas  les  effrayer  non  plus  par  des  hardiesses  de 
doctrine,  car,  si  l'on  en  croit  la  Bazoche,  l'orthodoxie  de  ses 
convictions  religieuses  ne  le  cédait  en  rien  à  la  valeur  morale 
de  son  œuvre.  Mais  ici,  il  est  vrai,  le  doute  est  permis. 
Lorsque  notre  rimeur  nous  dit  que 

Jacques  Mathieu  homme  tant  catholicque 
En  droyt  chemin  alloit  non  en  oblicque, 

(v.  34-33)- 

lorsqu'il  déclare  plus  loin  avec  insistance  (v.  60)  que 


NOTES   SUR    MAITRE   JACQUES    MATHIEU  425 

James  ne  feist  ung  propos  hereticquc, 

je  me  demande  s'il  rapporte  des  éloges  reconnus  de  tous,  ou 
si  cette  apologie  ne  nous  cache  pas  au  contraire  quelque 
accusation  d'hérésie,  à  laquelle  Jacques  Mathieu,  comme  cer- 
tains de  ses  confrères,  aurait  été  en  butte.  On  pourrait  à  ce 
propos  discuter  encore  sur  l'orthodoxie  de  certaines  expres- 
sions dont  se  sert  l'interprète  de  la  Bazoche,  telles  que 

Zèle  d'honneur  et  grâce  equivallente 
Ont  eu  en  luy  demeure  equipolente 

(v.  $3-54) 
OU 

Vertu  n'est  pas  sans  vie  probaticque, 
Reste  au  surplus  que  rendre  obéissance 
A  la  raison  qui  vérité  explicque  ' . 

(v.  61-63). 

Mais  l'emploi  de  ces  termes  théologiques  ou  philosophiques 
est  moins,  je  crois,  chez  notre  versificateur,  un  indice  de  ses 
opinions  religieuses  qu'une  preuve,  entre  beaucoup  d'autres, 
de  son  goût  pour  le  style  pompeux  et  ampoulé,  et  aussi  du  peu 
de  scrupule  avec  lequel  il  recourt  sans  cesse  aux  chevilles. 

Les  dix-huit  vers  qui  font  suite  à  ce  chant  royal  nous  four- 
nissent heureusement  des  indications  plus  précises  et  d'une 
interprétation  plus  sûre.  Si,  en  efîet,  nous  négligeons  le 
refrain,  nous  trouvons  comme  acrostiche  du  chant  royal  : 
Jacques  Mathieu  tressnige  rheloricien  el  choruscant  ha:^ocien  vivra 
sans  fin.  Cet  acrostiche  —  notons-le  en  passant  —  s'ajoute  aux 
textes  cités  plus  haut  pour  nous  montrer  que  maître  Jacques 
est  indistinctement  surnommé  BaT^ochien  ou  Barochien.  Ce  fait 
st  rattache   au   phénomène  phonétique  bien    connu  auquel 

I.  Si  le  terme  de  raison  peut  faire  songer  à  la  doctrine  des  novateurs,  il 
n'en  est  pas  de  même  des  vers  précédents,  car  comme  dit  Jean  Bouchet 
(Epistres  fmiiilières,  éd.  1545,  fol.  lxxv  yo)  : 

Les  hereticz  cuident  que  par  seul  croire 

Sans  bien  ouvrer  avoir  divine  gloire. 


426  RENÉ   STUREL 

nous  devons  le  mot  clmise  pour  chaire,  ou  plutôt  au  phéno- 
mène de  réaction  qui  se  manifesta  au  xvi^  siècle  et  qui  abou- 
tit à  des  formes  telles  que  fraire  (=  fraise),  courin  (=  cou- 
sin) attestées  par  les  contemporains  '. 

Pour  l'année  de  la  mort  de  maître  Jacques  ou  de  la  compo- 
sition de  la  complainte,  —  car  il  me  semble,  d'après  le  con- 
texte, que  la  complainte  fut  composée  l'année  même  de  sa 
mort  — ,  il  peut  paraître,  au  premier  abord,  assez  malaisé  de  la 
déterminer,  le  manuscrit  de  Soissons  ne  portant  aucune  lettre 
de  couleur.  Mais  le  rapprochement  avec  d'autres  «  rébus  " 
du  même  genre  va  nous  permettre,  je  crois,  de  trouver  sans 
trop  de  peine  ce  millésime.  Dans  un  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque nationale  qui  date  du  xvi^  siècle  (Nouv.  acq.  fr.  477) 
nous  lisons  au  fol.  loi. 

«  En  ceste  ligne  suyvant  prenez  les  lectres  qui  servent  en  nombre 
de  chiffre,  et  trouverez  l'an  de  la  journée  de  Montlehery, 

A  cheval  a  cheval  geusdarmes  a  cheval. 

Les  lettres  servant  en  nombre  de  chiffre  sont  dans  cette 
ligne  I  M  ;  3  C  ;  3  L  ;  3  V  ;  car  le  D  n'était  guère  usité,  à  cette 
époque  pour  désigner  500.  Le  total  nous  donne  donc  bien 
l'année  de  Montlhery  1465  \ 

Nous  pouvons  procéder  d'une  façon  analogue  avec  notre 
chant  royal.  L'auteur  nous  dit  en  effet  : 

1.  Cf.  G.  Tory,  Champfleury,  fol.  LV  ;  H.  Estienne,  Hypomneses,  p.  67, 
et  VEpistre  du  biau  fi  de  Pa^y.  Cf.  aussi  Bourciez,  Phouétiqxie  française, 
p.  189. 

2.  De  même  dans  une  édition  de  la  Nancèide  de  Pierre  de  Blarru  (Pétri 
de  Blarrorivo  Parhisiani  insigne  Nanceidos  opiis,  15 18,  fol.  38  v",  cf.  Cat. 
Rothschild,  IV,  p.  67)  nous  trouvons  l'épitaphe  suivante  : 

[Epitaphium]  cujus  prior  versus,  ab  ipso  Petro  editus,  natalem  ejus 
diem,  mensem  atque  annum  per  numérales  litteras  insinuât,  secundus  ver- 
sus, a  Je.  Basino  diem,  mensem  atque  annum  obitus  ejusdem  Pétri  per 
numérales  quoque  litteras  explicat  : 

NatVs  In  aprILI  LVX  tcrCIa  CVM  fVIt  ILLI  ; 

CLeMentls  festo  hIC  petre  InCIpIs  esse  sepVLChro. 


NOTES    SUR    MAITRE   JACQUES    MATHIEU  427 

que  si  bien  justement  en  nombre 
Les  lectres  rouges  portant  nombre, 
Congnoistre  on  pourra  par  effet 
L'an  que  ce  champ  royal  fut  fait. 

Les  «  lettres  portant  nombre  »  ne  sont  pas  celles  qui  sont 
accompagnées  d'un  chiffre,  mais  celles  qui  représentent  un 
nombre  dans  la  numération  romaine.  Faisons  abstraction, 
comme  pour  le  grand  acrostiche,  du  refrain,  qui  commence 
par  une  L,  et  nous  trouverons  au  total  : 

I  M;  5  C  ;  s  V  ;  8  I,  autrement  dit  1533. 

Le  mois  au  contraire,  nous  dit-on,  est  désigné  par  les 
«  lettres  cottées  de  ciffres  »,  que  contient  en  effet  le  manus- 
crit, à  savoir  : 

1  en  face  de  N  (v.  36), 

2  en  face  de  O  (v.  43), 

3  en  face  de  V  (v.  44), 

4  en  face  de  N  (v.  59), 

5  ou  un  signe  T,  qui  ressemble  à  un  5,  en  face  de  A 

(v.  9), 

6  en  face  de  B  (v.  50), 

7  en  face  de  R  (v.  43), 

8  en  face  de  E  (v.  37), 

c'est-à-dire,  sauf  une  erreur  du  copiste  qui  a  interverti  le 
4  et  le  5 ,  le  mois  de  novanhre. 

Enfin  les  5  V  que  renferme  l'acrostiche  nous  donnent  le 
quantième  25,  et  nous  obtenons  ainsi  pour  la  mort  de  Jacques 
Mathieu  la  date  du  25  novembre  1533. 

Comme  il  semble,  d'après  cette  pièce,  qu'il  faisait  encore 
partie  des  clercs  de  la  Bazoche,  on  en  peut  conclure  qu'il 
n'avait  guère  dépassé  la  quarantaine  lorsque  la  mort  «  hasti- 
vement  le  piqua  ».  D'autre  part  il  ne  devait  pas  être  beau- 
coup plus  jeune,  puisque  en  15 16  il  était  déjà  bazochien  et 
jouait  des  farces  et  sotties  avecPontalais.  Il  est  donc  permis  de 
fixer  très  approximativement  sa  naissance  vers  1490  ou  1495. 


428  RENÉ   STUREL 


Ces  dates  s'accorderaient  assez  bien  avec  la  mention  d'un 
écrivain  du  nom  de  Jacques,  comme  auteur  d'une  farce  à 
quatre  personnages,  dont  la  Bibliothèque  nationale  possède 
quelques  fragments  en  manuscrit  '.  Mais  cette  identification 
reste  très  douteuse. 

Plus  douteux  encore  est  le  rapprochement  de  notre  maître 
Jacques  avec  un  maître  Jacquet  écrivain  dont  un  autre  manu- 
scrit nous  a  conservé  l'épitaphe  \  Voici,  à  titre  de  curiosité, 
cette  pièce,  dont  la  valeur  littéraire  est,  on  le  verra,  plus  que 
médiocre  : 

Épitaphe  de  maistre  Jacquet  escripvain. 

Soubz  se  tumbeau  gist  feu  maistre  Jacquet 

Noble  escripvain  jadis  et  au  cacquet 

Trop  plus  expert  qu'ung  jeusne  perroquet  : 

Trésor  mundain  n'estima  ung  nicquet  ; 
5     Craignant  que  l'or  fust  ung  trop  lourd  pacquet 

Jamais  deulx  jours  n'en  tint  en  son  sacquet, 

Car  en  tripotz  si  Thibault  ou  Marquet 

Vouloit  jouer,  il  vuidoit  le  bacquet  ; 

Tout  y  alloit  et  gipon  et  roccquet 
10     Quand  il  perdoit  :  contre  ung  foible  nacquet 

Grand  menasseur  bruyant  comme  ung  clicquet, 

Mays  hardy  gars  autant  que  feu  Flocquet  ; 

Prompt  a  tous  jeux  feust  au  billebocquet  ; 

Pour  gringotter  ung  harriboricquet  5 
15     Sur  cornemuse  ou  [sur^]  fluste  ung  chicquet 

Il  n'en  perdoit  ;  toujours  dehait  fricquet, 

Sus  le  bonnet  le  petit  afhcquet, 

1.  Nouv.  acq.  fr.  10667,  fo^-  25  vo.  M.  A.  Thomas  a  étudié  ce  manu- 
scrit dans  un  article  de  la  Roniania,  1909,  p.  192. 

2.  Ms.  fr.  20025,  fol-  130  ^'°-  ^^  recueil  manuscrit  paraît,  pour  le  con- 
tenu et  pour  la  date  de  composition,  assez  analogue  au  manuscrit  de  Sois- 
sons  qui  nous  a  fourni  le  texte  de  la  Complainte. 

5.  Chanson  très  populaire  au  xv=  siècle  et  au  début  du  xvi^  siècle. 
4.  Cette  addition  est  exigée  par  la  versification  . 


NOTES   SUR    MAITRE   JACQUES    MATHIEU  429 

Plaisanta  tous  fcust  en  festc  ou  bancquet. 

Il  est  bien  vray  que  plus  fol  que  cocquet 
20     On  l'appella,  mais  c'est  ung  saubricquet  ; 

Plus  vieil  que  saige  il  fust,  si  le  hocquet 

De  mort  ne  l'eust  surprist  près  se  bocquet. 

Vous  qui  voyez  se  petit  noir  parquet 

Vous  y  debvez  tous  planter  ung  boucquet 
25     Car  oncq  ne  feust,  je  dis  sequin  sequet, 

Qu'ung  seul  Phœnix  et  ung  M^  Jacquet. 

La  nécessité  de  la  rime  a  pu  sans  doute  déterminer  l'auteur 
de  cette  pièce  à  remplacer  le  nom  de  Jacques  par  le  diminu- 
tif Jacquet,  et  par  suite  l'identification  de  cet  «  écrivain  »  '  avec 
notre  Jacques  Mathieu  n'est  pas  inadmissible.  Mais  elle  est  au 
moins  fort  hypothétique,  et  il  faut  avouer  que  le  portrait  de 
cet  assidu  des  tripots  ne  concorde  guère  avec  celui  que  nous 
traçait  tout  à  l'heure  en  teriTies  si  graves  la  Complainte  de  la 


Basoche  ^. 


René  Sturel. 


1.  Il  me  paraît  évident,  en  effet,  que  écrivain  signifie  ici  non  pas 
copiste,  mais  auteur. 

2.  Comme  les  pièces  relatives  à  la  Bazoche  ne  sont  pas  très  communes, 
j'ajouterai  à  ces  quelques  notes  sur  maistre  Jacques  une  poésie  que  nous 
donne  le  manuscrit  de  Soissons  189  C.  (fol.  74  vo)  sous  ce  titre  :  Diiain 
adressant  an  Roy  faict  par  la  Basoche  en  l'an  mil  V^  quarente  : 

Seigneur  illustre  en  vertu  relluisant, 
Voycy  le  temps  qu'en  monstre  marcher  fault  ; 
Mais  ung  des  poinctz  qui  est  le  plus  duysaut, 
Ce  qui  nous  meyne  a  ce  coup  nous  deffault  : 
Ce  n'est  le  cueur  ne  la  main  qui  nous  fault, 
Car  jour  et  nuict  pour  vous  cela  traveille. 
Ung  autre  poinct  plus  nous  blesse  et  traveille  ; 
Mais  vous  pouvez  y  estre  secourant 
Par  ces  escuz  qui  font  rayge  et  merveille  : 
Voyla  le  poinct  de  notre  restaurant. 


DE   L'ESPRIT   SATIRIQUE 

DANS    UN     RECUEIL    DE     «     DICTS    MORAUX     »    ACCOMPAGNÉS    DE 
DESSINS  DU   XVI^  SIÈCLE 


On  sait  quelle  place  occupent  au  moyen  âge  dans  les 
sculptures  grotesques  de  nos  églises  les  sujets  satiriques.  Plu- 
sieurs font  allusion  aux  proverbes  les  plus  populaires  et 
paraissent  cacher  un  sens  profond.  Mais  le  clergé  fit  preuve 
d'une  grande  tolérance  envers  des  artistes,  qui  au  lieu  de  scul- 
pter des  sujets  religieux,  préféraient  choisir  des  scènes  de  la 
vie  de  tous  les  jours  '  où  ils  mettaient  en  posture  ridicule 
les  prêtres,  les  femmes  et  les  personnages  idéalisés  par  la 
chevalerie.  Il  s'accommodait  de  ces  œuvres  malicieuses 
dépourvues  d'intentions  symboliques  où  éclataient  seulement 
la  bonhomie  et  la  gaîté,  et  les  accueillait  volontiers,  se  disant 
qu'elles  ne  pouvaient  diminuer  la  foi,  mais  renfermaient  un 
enseignement  moral  ^  •  .      ^ 

Cette  tendance  apparaît  encore  au  xv^  siècle,  non  seulement 
dans  les  figures  de  pierre  des  églises,  mais  dans  les  sujets  amu- 
sants qui  décorent  les  vitraux  et  les  tapisseries.  Des  artistes 
au  début  du  xvi*"  siècle  s'employèrent  à  dessiner  des  cartons 
qui  devaient  servir  de  modèles  aux  artisans.  On  connaît 
trois  intéressants  recueils  de  ce  genre  présentant  des  des- 
sins identiques  destinés  sans  doute  à  une  manufacture  de 
tapisseries.  Ils  sont  accompagnés  de  formules  proverbiales  des- 
tinées à  compléter  l'instruction  morale  donnée  par  l'image. 

1.  Maeterlinck,  Le  genre  satirique  dans  la  peinture  flamande  et  wallonne, 
Paris,  1910.  Cf.  Enlart  La  satire  des  mœurs  dans  V iconographie  du  moyen  âge. 
Mercure  de  France,  décembre  1909,  et  janvier  1910. 

2.  Mâle,  Lart  religieux  de  la  fin  du  moyen  âge,  Paris,  1908.  Witkowski, 
Larl  profane  à  V église  (France),  Paris,  1908. 


432  ANDRÉ   BLUM 

L'un  est  à  la  Bibliothèque  nationale  ',  un  autre  se  trouve  à 
la  bibliothèque  de  l'Arsenal  ^,  un  troisième  au  musée  Condé 
à  Chantilly  5,  Ce  qui  paraît  indiquer  que  ce  sont  des  modèles 
de  tapisseries,  c'est  qu'au  folio  137  du  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque Nationale  un  ouvrier  est  représenté  devant  son  cheva- 
let de  tapisserie.  Ce  dernier  manuscrit  très  curieux,  que 
Leroux  de  Lincy  a  mentionné  dans  un  appendice  à  un 
inventaire  des  biens  du  château  de  Moulins  ■^,  aurait  appar- 
tenu au  connétable  de  Bourbon.  Au  folio  141  du  même 
manuscrit,  Charles  de  Bourbon  est  représenté  tel  qu'il  était  à 
la  bataille  d'Agnadel.  Leroux  de  Lincy,  sans  avoir  trouvé  ce 
livre  dans  le  catalogue  de  la  bibliothèque  du  connétable,  croit 
qu'il  en  faisait  partie.  Au  verso  du  folio  140  se  trouvent  les 
armes  de  la  maison  de  Bourbon,  avec  les  devises  que  les 
princes  ont  portées.  Champfleury  '>,  qui  le  premier  a  reproduit 
certaines  planches  de  ce  recueil,  ayant  appartenu,  d'après  son 
opinion,  à  Catherine  de  Médicis,  a  été  frappé  du  caractère 
satirique  des  dessins  et  des  vers  qui  les  accompagnent.  Il  a 
signalé  leur  portée  politique,  en  remarquant  qu'au  lieu  d'être 
des  œuvres  de  fantaisie,  ces  esquisses  cherchaient  à  attaquer 
le  clergé,  la  noblesse,  la  justice,  la  faveur,  l'autorité.  «  L'ar- 
tiste dit-il,  se  préoccupe  de  questions  sociales  de  son  temps. 
Catherine  de  Médicis  (?)  en  feuilletant  ce  recueil,  put  s'aperce- 
voir que  le  poète  n'était  pas  respectueux  des  grands.  On  y  trouve 
de  brèves  affirmations  qui  sentent  la  révolte  des  esprits.   » 

En  réaUté  la  plupart  de  ces  sentences  morales  sont  bien 
connues.  Beaucoup  sont  empruntées  aux  Proverbes  communs  ^, 

1.  Omont,  Catalogue  des  manuscrits  français  de  la  Bibliothèque  nationale, 
Paris,  1902,  no  24.461,  t.  2,  p.  390. 

2.  Martin,  Catalogue  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal.  Paris, 
1889,  t.  V,  page  33,  no  5066. 

3.  Catalogue  des  manuscrits  du  Musée  Condc.   Paris,    1900,  t.  II,  p.  107. 

4.  Leroux  de  Lincy,Z,a  bibliothèque  des  ducs  de  Bourbon,  Paris,  1850,  p.  88. 

5.  Champfleury,  Un  recueil  de  facéties  ayant  appartenu  à  Catherine  de 
Médicis.  Galette  des  Beaux- Arts,  1872,  t.  II,  p.  145.  Cf.  du  même,  Histoire 
de  la  caricature  au  moyen  âge.  Paris,  1871. 

6.  Proverbes  communs,  édition  Silvestre.  Paris,  1839. 


DE  l'esprit  satirique  433 

d'autres  au  poète  Baude  ',  protégé  de  François  Robertet,  le 
secrétaire  de  la  duchesse  de  Bourbon,  dont  les  armes  se 
trouvent  au  folio  1 1 5  (d'azur  à  la  bande  d'or,  chargé  d'un 
demi  vol  de  sable,  accompagné  d'une  étoile  d'or  en  chef  et 
deux  en  pointe).  Baudé  a  été  tiré  de  l'oubli  autrefois  par 
Quicherat  qui  a  publié  plusieurs  de  ses  poésies.  Leur  tendance 
satirique  n'a  pas  attiré  son  attention.  Il  n'y  a  vu  que  des 
devises  pleines  de  sel  gaulois  analogues  aux  vers  de  Villon, 

Sans  s'attarder  à  parcourir  entièrement  les  trois  manuscrits 
qui  ont  été  signalés,  il  convient  de  se  borner  à  étudier  les  58 
devises  qu'ils  renferment  et  qui  servent  à  expliquer  les  dessins. 
Est-ce  un  esprit  satirique  ou  moralisateur  qui  préside  à  leur  exé- 
cution ?  On  peut  se  demander  si  le  poète  et  l'artiste  ont  voulu 
tourner  en  ridicule  les  classes  puissantes  de  la  société  et  les 
institutions  établies,  ou,  plus  simplement,  si  les  sujets  du  des- 
sinateur représentant  des  scènes  de  deux  à  trois  personnages 
ou  de  deux  à  trois  groupes,  ne  sont  pas  conçus  de  sorte  que 
l'on  puisse  faire  comme  a  dit  Quicherat  %  la  moralité,  à  la 
manière  du  chœur  antique.  Une  description  du  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  nationale  permettra  de  répondre  à  cette  question. 
Les  proverbes  et  les  images  se  succèdent  dans  l'ordre  suivant. 

Fol.  37.  Une  allégorie  de  la  jeunesse.  Montée  sur  un  che- 
val appelé  Voulente,  une  femme  se  jette  sur  un  roc  : 

Sur  ce  cheval,  qui  Voulente  se  nomme. 
Sans  bride  va  jeunesse  l'importune 
Contre  le  roch  périlleux  de  fortune 
Où  iadis  c'est  précipité  maint  homme. 

•Fol.  38.  Un  personnage  ayant  les  yeux  bandés  fend  avec 
une  hache  l'arbre  sur  lequel  il  repose  : 

Aveugle  suis  aiant  les  yeulx  ouvers 
D'ingratitude  gisant  dessus  la  branche 

1.  Quicherat.  Baiide(Bih\.  de  l'École  des  Chartes,  2'™  série,  t.  V,  année 
1848-49,  p.  95. 

Vallet  de  Viriville,  Nouvelles  recherches  sur  Baude.  Paris,  1855. 

2.  Quicherat,  Les  vers  de  niailre  Henri  Baude.  Paris,  1856.  (Note  en  tète 
des  16  dits  moraux  pour  mettre  en  tapisserie,  p.  94.) 

Mélanges.  II.  28 


434  ANDPÉ    BLUM 

Merveille  n'est  si  ie  tumbe  à  l'envers 

Oiiand  sans  raison  mon  apuy  coupe  et  tranche. 

Fol.  39.  Un  moine  dans  une  grotte  attend  la  lin  de  l'orage  : 

En  atendent  mon  mal  enduré 
Car  qui  bien  n'atend  bien  peu  dure 
Qui  dure  vaint  ainsi  lentens 

Fol.  40.  Un  cheval  voulant  sortir  d'un  parc  où  il  est 
enfermé,  s'empale  à  un  pieu.  L'âne,  hors  du  parc,  qui  ne 
mange  que  des  chardons  dit  : 

J'ayme  trop  mieulx  menger  chardons 
Qu'être  lardé  de  tels  lardons. 

Fol.  41.  Un  homme  monte  l'escaUer  d'une  maison,  le  com- 
pas à  la  main,  un  autre  est  tombé  : 
Le  I"  dit  : 


A  y  entrer  ne  fauldray  pas 
Car  ie  me  règle  de  compas. 


Le  2"'"  dit  : 

Ce  sont  dangereux  ésbas 
De  tomber  de  si  hault  en  bas. 

Fol.  42.  Un  cheval  enfermé  dans  une  cour  de  château  rue 
contre  son  ombre  et  se  frappe  contre  un  mur  : 

Et  d'aventure  ataint  l'ung  des  murs  de  la  rue 
Ainsi  est-il  de  cil  qui  la  guerre  commance 
Quand  batu  il  demeure  et  nul  n'a  desplaisance. 

Fol.  43.  Conversation  d'un  mondain  et  d'un  religieux. 
Le  mondain  dit  : 

Mais  je  maintiens  sans  pouvoir  èstre  repris 
Qu'il  n'est  angoisse  que  celle  de  la  court. 


Le  religieux  répond 


En  tous  terroers  croissent  poires  d'angoisse 
En  cloître  n'a  rien  que  mérencolie 
Mais  qui  du  cuer  avec  Dieu  se  ralie 
Prenant  vertu  pour  sa  guide  et  conduite 
Cil  vaint  soy-mêmes  délices  met  en  fuite. 
Quant  de  plaisirs  mondains  il  se  deslye. 


DE    L  ESPRIT    SATIRiaUE  435 

Fol.  44.  Repas  frugal  d'un  berger  avec  sa  bergère  ; 

J'ayme  mieulx  cstre  franc  berger 
Véstu  de  toille  et  peu  menger 
Avec  ma  doulce  amye  hélaine 
Que  porter  drap  de  fine  laine 
Et  vivre  en  aultruy  danger. 

Fol.  45.  Un  âne  à  une  fenêtre  donne  des  ordres  à  des  che- 
vaux, à  des  brebis,  à  des  bœufs,  pendant  qu'un  renard  s'em- 
pare d'un  oison. 

Moralité  : 

Puisque  âsnes  sont  gouverneurs 

Et  bêtes  allèguent  raison  • 

Regnard  mengera  maint  oyson 

Soubs  ombre  des  dissimuUeurs. 

Fol.  46.  Une  araignée  a  tendu  sa  toile.  Les  petites  mouches 
y  restent  fixées,  les  grosses  mouches  peuvent  en  sortir.  Un 
laboureur  agenouillé  regarde  deux  seigneurs. 

Le  laboureur  pense  : 

Grosses  mousclies  en  tous  endrois 
Passent.  Les  petites  sont  prises. 

Ou  encore  : 

Les  petits  sont  subjects  aux  lois. 
Et  les  grands  en  font  à  leur  guise. 

Fol.  47.  Des  papillons  sont  attirés  par  la  lumière  d'une 
chandelle  et  s'y  brûlent.  Deux  personnages,  un  seigneur  et 
un  laboureur,  à  la  fenêtre  de  la  cour  les  regardent. 

Le  seigneur  dit  : 

Maint  homme  monte  sans  éschelle 
Jusques  au  feu  pour  ce  qu'il  luit. 

Le  laboureur  : 


On  prant  du  riciic  la  querelle 
On  flate  celuy  qui  a  bruit  ; 
On  fait  ainsi  que  se  conduit 
Le  papillon  à  la  chandelle. 


43 6  ANDRÉ   BLUM 

Fol.  48.  Une   toupie   tourne.  Dans  le  haut  on  aperçoit  la 
main  qui  l'a  fait  tourner. 
Moralité  : 

Je  qui  tourne  soubs  autruy  main 
N'a  seureté  ne  soir  ne  main. 

Fol.  49.  Les  trois  états  viennent  réclamer  justice  à  cinq  per- 
sonnages dont  le  chapeau  couvre  les  yeux  jusqu'à  les  aveugler 
et  qui  répondent  : 

Justice  et  rayson  demandez 
Mais  ne  point  vous  y  atendez 
Car  nous  sommes  si  fort  bendéz 
Par  Dieu  que  nous  ny  voyons  goûte. 

Fol.  50  (recto).  L'arbre  de  fortune.  Un  monstre  y  est  atta- 
ché. Deux  couples  s'approchent  de  l'arbre  ;  la  main  de  l'acteur 
écrit  la  moralité  : 

A  fortune  vous  convient  asservir 

Qui  n'entretient  que  bien  peu  ses  amys. 

(verso).  Narcisse  se  mire  dans  une  fontaine.  Une  femme 
tenant  une  fleur  le  regarde  : 

Beaulté  sans  bonté,  honneur  sans  valleur 
Espoir  sans  exploit,  cuider  sans  savoir. 
Confort  en  souhait  sont  pareils  abus 
Comme  en  la  fontaine  trouva  Narcisus 

Fol.  51.  Un  berger  porte  des  rats  dans  sa  botte  et  voit  dans 
ce  procédé  le  moyen  de  faire  fortune  : 

Et  si  ne  metz  les  seigneurs  en  souci 
Pour  ratz  porter  en  court  discrètement 
Que  m'en  chault  il  puis  que  i'ay  leur  argent. 

Fol.  52.  Des  navigateurs  sont  attirés  par  la  voix  des  Sirènes 
et  leurs  barques  se  brisent  sur  des  rochers . 

Par  la  traiance  et  doulx  chant  des  seraines 
Voit  l'on  souvent  périr  et  entamer. 

Fol.  53.  Un  homme  saisit  une  anguille  et  cherche  à  la  briser 
sur  son  genou.  Il  veut  suivant  le  proverbe  : 

Rompre  l'anguille  au  genou  (c'est-à-dire  se  risquer  dans 
une  entreprise  qui  ne  peut  réussir)  : 


DE   L  ESPRIT   SATIRIQUE  437 

A  rompre  anguilles  si  prétens 

Fol.  54.  Un  cheval  et  un  bœuf  vantent  chacun  leurs  quali- 
tés mais  leurs  discussions  servent  à  indiquer  qu'on  ne  connait 
pas  ses  défauts  : 

De  deux  bêtes  de  diverse  figure 
Jugez  qui  a  raison  plus  apparante. 

Fol.  55.  La  Fortune  les  yeux  bandés,  vêtue  d'un  seul  côté, 
de  l'autre  nue,  tient  d'une  main  une  couronne,  de  l'autre  des 
plumes.  A  ses  pieds  un  coffret  : 

Fortune  suis  qui  les  choses  humaines 
Sans  ordre  nul  comme  aveuglée  régente 

Fol.  56.  Un  mâtin  et  un  lévrier  se  vantent  mal  à  propos. 
Un  chat  les  observe  : 

Chacun  veut  avoir  l'avantaige 
Mais  loz  n'aurez  nul  sans  domaige 
Car  tous  deux  rongez  à  ung  os. 

Fol.  57.  Un  ours  monté  sur  un  arbre  cueille  des  fruits  pour 
des  jeunes  oursons  qui  les  ramassent  et  leur  dit  : 

Malle  fin  fait  qui  autruy  mal  procure. 

Fol.  58.  Un  cheval  attaché  à  un  arbre  est  étrillé  par  un 
palefrenier  : 

Je  suis  Fauveau  qui  désire  à  tout  heure 
Estre  éstrillé  et  devant  et  darrière. 

Fol.  59.  Un  arbalétrier  dans  une  charrette  traînée  par 
deux  bœufs  tire  sur  un  lièvre  : 

Tout  homme  et  toute  femme  que  ne  ty  vault  fouyr 
Devant  la  mort  hélas,  car  tous  nous  faut  mourir. 

Fol.  60.  Un  laboureur  est  chassé  par  deux  personnages,  un 
autre  se  tient  hors  d'une  haie  et  écoute  lever  l'avoine  : 

Qu'on  ne  me  boute  comme  Gaultier 
Feignant  que  n'entens  ne  voys  goûte 
Et lavovne  à  lever  écoute. 


438  ANDRÉ    BLUM 

Fol.  61 .  Un  roi,  la  tête  ornée  d'un  diadème,  souffle  dans  une 
trompe  d'où  sort  un  âne  portant  la  mitre  et  la  crosse  d'un 
évêque.  Deux  autres  ânes  s'envolent  dont  l'un  est  revêtu  d'un 
capuchon  de  moine  et  l'autre  tient  un  chapelet.  Le  dessin  est 
accompagné  de  trois  pièces  de  vers.  Les  plus  curieux  sont  les 
suivants  : 


Ailleurs 


Je  suis  faveur  qui  au  son  de  la  trompe 
Souffle  et  produitz  des  choses  non  pareilles. 


Je  suis  ung  âne  que  faveur  fait  voler 
Comme  voyez  ainsi  pesant  et  lourt. 


Fol.  62.  Des  porcs  regardent  un  panier  plein  de  fleurs. 

Belles  raisons  qui  sont  mal  entendues 
Ressemblent  fleurs  à  pourceaux  estendues. 

Fol.  63.  Un  homme  frappe  avec  un  bâton  un  chien  qui  dort. 
L'acteur  chargé  de  faire  connaître  la  moralité,  dit  qu'il  a 
tort  de  réveiller  le  chien  qui  dort  : 

Qiaand  il  dort,  il  ne  peult  mal  faire, 
Et  quand  il  ne  dort  pas  il  mort. 

Fol.  64.  Un  forgeron  avec  deux  ouvriers,  forge  sur  une 
enclume.  La  devise  est  : 

Je  gaigneray  si  ie  ne  faulx 

Plus  qu'à  faire  droit  forger  faulx. 

Fol.  65.  Un  meunier  transporte  des  sacs  sur  une  barque. 
Dans  le  haut  à  droite,  un  âne  chargé  d'un  sac  se  plaint  d'être 
maltraité  et  le  regarde  : 

Follie  est  grant  de  corrompre  nature 
Quand  pour  bien  faire  tel  loyer  est  rendu 

Fol.  dG.  Deux  hommes  portent  sur  leurs  épaules  un  person- 
nage qui  tient  un  faucon  et  une  femme.  Le  proverbe  dit  : 

Les  ungs  sont  en  hault  élevés, 
En  grans  dignitéz  et  esbatz. 
Et  les  autres  comme  voyez 
Sont  dcfférrez  et  mis  aux  bas. 


DE    L  ESPRIT   SATIRiaUE  439 

Fol.  67.  La  licorne  enfonce  sa  corne  dans  une  fontaine 
dont  elle  purifie  l'eau.  Les  bêtes  boivent  l'eau  de  la  source  : 

En  ce  désert  et  mauvais  territoire 

Boire  y  pouvons  plus  sûrement  quen  loire. 

Fol.  68.  1°  Un  pêcheur  jette  un  filet  dans  l'eau. 
Car  il  n'est  péscher  qu'en  eau  trouble 

2°  Un  pêcheur  saisit  une  anguille  par  l'extrémité  et  elle  lui 
glisse  entre  les  mains. 

Par  trop  sarrer  on  pert  l'anguille. 

Fol.  69.  La  fortune  fait  tourner  une  roue.  Au-dessus  est  assis 
un  jeune  homme.  A  terre  est  étendue  une  femme.  Cette 
image  paraît  être  l'explication  de  l'ancien  proverbe  des  Pro- 
verbes communs  :  Fortune  ne  vient  seule. 

Fortune  a  tant  torné  sa  roue 
Qu'au  dessus  suis  de  poureté. 

Au-dessous,  le  dessin  représente  un  homme  percé  d'une 
flèche,  accompagné  de  deux  hallebardiers. 

Tant  plus  i'ay  quis  de  biens  avoir. 
Au  malheureux  le  vireton 

Fol.  70.  1°  Un  danseur  de  corde.  Allusion  à  un  proverbe 
bien  connu  comme  : 

Trop  tendre  fait  briser  ou  fendre. 
Trop  tirer  rompt  la  corde. 

La  légende  est  la  suivante  : 

De  tout  feray  ma  soupe  grâce 
C'est  ioue  par  dessus  la  corde. 

2"  Une  femme  près  d'un  puits  retire  un  pot  brisé.  Un 
homme  la  regarde  : 

Il  n'est  si  fort  fer  qui  se  use 
Tant  va  le  pot  à  l'eau  qu'il  brise. 


440  ANDRE    BLUM 

Fol.    71.    1°   Un   homme   est   dans   un   jardin  entouré  de 
murailles  : 

A  cuer  vaillant  rien  impossible. 

2°  Des  oiseaux  se  sont  posés  sur  un  arbre,  tandis  qu'un 
homme  est  caché  au  dessous. 

Nullv  de  ma  pipée  n'aproche 
S'il  n'est  en  amours  bien  apris. 
Car  les  plus  rouges  y  sont  pris. 

Fol.  72.  1°  Un  homme  porte  un   paquet  de  bûches  et  en 
fait  tomber  plusieurs. 

Qui  trop  embrasse  peu  éstraint. 

2°    Un   personnage  agenouillé  tient   une  anguille  sur  un 
genou  et  dit  en  se  tournant  vers  une  autre  anguille  sur  la  rive  : 

Mais  ie  ne  sceu  onc  en  ma  vie, 
Rompre  les  anguilles  au  genou. 

Fol.  73.  1°  Un  grand  seigneur  en  haut  d'un  escalier  dit  : 

Le  bien  après  moy  sans  fin  court 
A  souhait  i'ay  le  vent  à  gré. 

2°  Une  femme  nourrit  un  petit  enfant  dans  un  berceau  : 
Espérance  paist  les  petits 

Fol.  74.  1°  Un  homme  est  debout  sur  deux  ânes,  voulant 
dire  qu'il  est  au-dessus  de  ses  ennemis  : 

Je  suis  dessus  mes  asnes  mys. 

2°  Un  guerrier  tombe  du  haut  d'une  tour. 
Moralité  : 

Trop  hault  monter  n'est  pas  grand  sens. 

Fol.  75.  i°Un  arquebusier  tire  une  (lèche,  voulant  dire  qu'il 
risque  tout  d'un  seul  coup  : 

A  tout  perdre  ung  cop  périlleux. 


DE  l'esprit  satirique  44 1 

2°  Un  berger  joue  de  la  cornemuse  : 
Tel  refuse  qui  après  muse. 

Fol.  76.  1°  Un  chasseur  vient  de  tuer  un  lièvre.  Derrière 
le  buisson,  un  autre  chasseur  s'empare  du  lièvre  qu'il  a  tiré. 

J'ay  chassé,  les  autres  ont  pris. 

2°  Un  chasseur  accompagné  de  son  chien  dit  : 

Il  n'est  chace  que  de  vieil  chien. 

Fol.  77.  1°  Un  fou  tenant  une    marotte,  escorté  d'autres 
fous  : 

Tousiours  au  plus  fol  la  massue, 

2°  Un  plaideur  est  debout,  devant  un  juge  assis,  vêtu  d'un 
costume  de  fou  : 

De  fol  iuge  briefve  sentance. 

Fol.  78.  1°  Un  cavalier  frappe  d'un  coup  d'éperon  son  che- 
val rétif  pour  le  faire  reculer  : 

Tousiours  au  rety  l'esperon. 

2°  Un  laboureur  conduit  deux  bœufs  avec  un  aiguillon  : 

Car  c'est  une  bien  dure  chose 
Reculler  contre  l'esguillon. 

Fol.  79.  1°  Un  cavalier  dit  après  être  tombé  entre  deux  selles  : 

Je  suis,  pour  vouloir  hault  monter 
Tombe  le  cul  entre  deux  celles. 

2°  La  scène  représente  une  forêt  avec  un  oiseau.  Le  pro- 
verbe est  : 

Sans  vouloir  par  trop  entreprendre. 
Il  faut  voiler  bas  pour  les  branches. 

Fol.  80.  1°  Un  alchimiste  se  dit  en  frappant  avec  un  mar- 
teau un  morceau  de  fer  posé  sur  une  pierre  : 

Je  crois  ou  le  sens  me  séduit 
Finablement  que  argent  fait  tout 


442  ANDRÉ    BLUM 

2°  Un  guerrier  pense  devant  une  haie  : 
Chacun  n'a  pas  argent  qui  veult. 

Fol.  8r.   1°  Un  liomme  sur  une  montagne  regarde  la  lune 
comme  s'il  voulait 

Prendre  la  lune  avec  les  dentz. 

2°  Un   ouvrier  monte  avec  un  treuil  une  pierre  sur  une 
tour  : 

C'est  assez  une  sotte  entreprise, 

A  qui  contre  rayson  se  efforce 

Car  trop  mieulx  vault  engin  que  force. 

Fol.  82.  1°  Un  renard  est  endormi  : 

A  regnard  endormy 

Ne  chet  rien  en  la  bouche 

2°  Un  barbier,  portant  un  sac,  rase  un  fou  assis  : 

Car  à  barbe  de  fol 
Aprent  barbier  à  raire. 

Fol.  83.  1°  Un  requin  avale  des  poissons.  Moralité  : 

Car  les  gros  mengent  les  menus. 
2°  Deux  chats  mangent  deux  rats.  Proverbe  : 

Il  est  dit  :  A  mau  chat  mau  rat. 

Fol.  84.  1°  Un  homme  est  assis  entouré  de  quatre  person- 
nages symbolisant  les  maux  de  l'humanité,  la  Mort,  la  Guerre, 
la  Pauvreté,  la  Discorde  : 

Poureté  me  va  par  tout  quérre 
Et  mal  sur  mal  n'est  pas  santé. 

2°  Le  Christ  se  présente  sous  l'aspect  d'un  laboureur  con- 
duisant des  bœufs  : 

Car  eu  peu  deure,  Dieu  lahcure 


DE    L  ESPRIT   SATIRIQUE  443 

Fol.  85.  1°  Un  corroyeur  coupe  des  peaux  : 

Fais  d'aultruy  cuir  large  courroye. 

2°  Un  vilain  découpe  un  veau  qu'il  saisit  par  la  queue  : 

Mais  pour  mettre  l'ouvrage  a  point 
Geste  queue  n'est  pas  de  ce  veau . 

Fol.  S6.  1°  Un  homme  tombé  dans  une  forêt,  dit  : 

Autant  vault  cheoir  que  trébucher. 

2°  Un  bûcheron  frappe  un  arbre  à  coups  de  hache  : 

Au  premier  cop  ne  chet  pas  l'arbre. 

Fol.  87.  1°  Une  femme  armée  d'un  bâton  saisit  un  homme 
par  les  cheveux.  Moralité  : 

Contre  fortune  nul  ne  peust. 

2°  Une  femme  file  de  la  laine  : 

Commencement  n'est  pas  fusée. 

Fol.   88.    1°    Deux   orgueilleux   montés   sur  un    âne    ne 
peuvent  s'y  tenir  : 

Ung  arrogant  ne  peult  l'autre  souffrir. 

2°  Un  mercier  debout  tenant  devant  lui  un  panier  suspendu 
à  son  cou  : 

Car  à  petit  mercier  petit  panier. 

Fol.  89.  1°  Un  homme  frappe  un  chien  devant  un  lion  : 

Batre  le  chien  devant  le  lion. 

2°  Un  homme  se  cache  la  tête  dans  un  buisson,  mais  laisse 
voir  son  derrière  et  ses  jambes  : 

Voire  mais  il  y  a  dangier 
D'avoir  à  faire  à  homme  expert. 
Mal  ce  musse  a  qui  le  cul  pert 

Fol.  90.  1°  Une  truie  mange  dans  une  auge  entourée  de 
fleurs  : 

Car  mieulx  ayme  truye  bran  que  rose. 


444  ANDRÉ    BLUM 

2°  Un  mâtin  et  un  lévrier,  avec  cette  légende  : 

On  ne  chasce  plus  l'argent 
Oncques  matin  n'ayma  lévrier. 

Fol.  91.  i°Deux  forgerons  battent  le  fer  sur  une  enclume  : 

Car  en  forgent  on  devient  feure. 
2°  Un  ouvrier  bat  le  fer,  par  allusion  au  proverbe  : 

Battre  le  fer,  quant  il  est  chault. 

Fol.  92.  1°  Un  personnage  caricatural  vêtu  d'une  robe  de 
moine,  à  tête  et  queue  de  renard,  joue  au  dévot.  Il  tient  de  la 
main  droite  un  chapelet,  sous  son  bras  gauche  un  livre. 

La  légende  est  : 

Mais  l'abit  ne  fait  pas  le  moine. 

2°  Deux  loups  dévorent  une  brebis  : 

Deux  loups  mengent  bien  la  brebis. 

Fol.  93.  1°  Un  médecin  donne  une  saignée  à  un  person- 
nage assis  : 

C'est  scelon  la  bras  la  seignée. 

2°  Deux  bœufs  sont  attelés  à  une  charrette,  la  tête  tournée 
vers  la  charrette  : 

Quoiqu'il  en  peult  advenir  mectre 
La  charrette  devant  les  bœufs. 

Fol.  94.  1°  Un  fou  parle  à  un  philosophe  : 

Souvent  ung  fol  consille  bien  ung  sage. 

2°  Un  chien  se  glisse  sous  le  ventre  d'un  âne  pour  rentrer 
au  moulin. 
Moralité  : 

Soubs  ombre  d'âsne  entre  chien  au  moulin. 
Fol.  95.  1°  Une  chèvre  gratte  la  terre  avec  sa  patte  ; 

Tant  gratc  chicvrc  que  mau  git. 


DE   l'esprit    SATIRIdUE  44^ 

2°  Un  homme  est  couché,  un  ami  assis  le  veille  : 

On  ne  peult  personne  blâmer 

Quant  lung  amy  pour  l'autre  veille  '     ■ 

Fol.  96.  1°  Un  homme  avec  un  pilon  et  un  mortier  : 

Tousiours  le  mortier  sent  les  aulx. 
2°  Un  homme  veut  à  la  fois  courir  et  sonner  du  cor  : 

On  ne  peult  courir  et  corner. 

Fol.  97.  Trois  fous  sont  assis  à  table,  mangeant  du  pain  : 

Le  pain  aux  folz  est  le  premier  mangé. 

Ces  dessins  à  la  plume  et  à  l'encre  de  Chine  se  trouvent 
répétés  complètement  dans  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de 
l'Arsenal  et  partiellement  dans  celui  du  musée  Condé  à  Chan- 
tilly, avec  les  mêmes  poésies.  Ces  sentences  morales  ont  dû 
être  très  populaires  et  peuvent  être  rapprochées  des  vieux  pro- 
verbes français  dont  elles  procèdent.  Dans  les  ouvrages  qui  les 
ont  publiées  '  figurent  beaucoup  de  ces  anciens  dictons  men- 
tionnés par  le  livre  de  dessins  de  la  Bibliothèque  nationale. 
Cette  tradition  du  moyen  âge  qui  n'a  pas  cessé  au  début  de  la 
Renaissance,  s'est  maintenue  jusqu'au  xvii^  siècle.  Quelques- 
uns  de  ces  dessins  du  xvi^  siècle  ont  été  imités  au  xvii^  siècle 
dans  le  fameux  Recueil  des  plus  illustres  proverbes  de  Jacques 
Lagniet,  publié  à  Paris,  de  1657  a  1663  et  comprenant  trois 
livres,  les  Proverbes  moraux,  les  Proverbes  joyeux,  la  Fie  des 
gueux  et  des  estampes  relatives  cà  la  Vie  de  Tiel  Wlespiègle. 

On  ne  peut  voir  dans  les  croquis  du  xvi^  siècle  les  mani- 
festations d'un  esprit  d'opposition  contre  le  clergé  et  la 
noblesse,  comme  le   pensait  Champfleury.  Certaines  images 

I.  Duplessis,  Bibliographie  parêmiologique,  Paris,  1847.  —  Leroux  de 
Lincy,  Livre  des  proverbes  français ,  Paris,  1842.  —  Méry,  Histoire  des  pro- 
verbes, Paris,  1828.  —  Crapelet,  Remarques  philologiques  critiques  et  litté- 
raires sur  quelques  proverbes,  Paris,  183 1.  —  Qvi.hzrà,  Etudes  sur  les  pro- 
verbes français,  Paris,  1860.  — Langlois,  Anciens  proverbes  françois  (fiihVio- 
•thèque  de  l'École  des  Chartes,  1899). 


44^  ANDRÉ    BLUM 

comme  les  Ungs,  la  toile  d'araignée,  les  moines,  les  récrimi- 
nations des  trois  états,  la  trompette  de  la  faveur  ont  pu  l'ame- 
ner à  cette  intéressante  hypothèse.  Mais  il  semble  que  les 
vilains  ne  sont  pas  épargnés.  Ils  sont  représentés  avec  toutes 
sortes  de  défauts,  avares,  égoïstes,  ignorants.  Ce  n'est  pas  à 
dire  que  les  vilains  soient  plus  maltraités  que  les  seigneurs  et 
les  prêtres.  En  réalité,  la  portée  satirique  de  ces  dessins  se 
limite  à  des  manifestations  d'une  imagination  fantaisiste.  Quant 
aux  formules  proverbiales  qui  forment  les  légendes,  elles  n'ont 
pas  le  tour  agressif  des  Adages  d'Erasme  dont  une  édition 
venait  d'être  publiée  à  Paris  en  1500.  Il  ne  faudrait  pas  y 
chercher  un  sens  caché  et  il  convient  de  se  méfier  des  inter- 
prétations d'une  sorte  de  symbolisme  révolutionnaire  qui 
chercherait  dans  ces  images  des  caricatures  contre  la  société. 
La  verve  du  dessinateur  se  joue  en  images  railleuses  mais  elles 
ne  cherchent  à  attaquer  ni  les  dogmes  ni  les  institutions.  On 
peut  comparer  leur  esprit  à  celui  des  soties  ou  '  des  fabliaux, 
dont  M.  Bédier  disait-  :  «  Le  vrai,  c'est  qu'ils  daubent  indif- 
féremment sur  les  uns  et  sur  les  autres,  chevaliers,  bourgeois 
ou  vilains,  évêques  ou  modestes  provoires.  » 

André  Blum. 


1 .  Emile  Picot.  La  sotie  eu  France,  Paris,  1878,  cl  Recueil  général  de  soties, 
Paris,  1902, 

2.  Bédier,  Les  fabliaux,  Paris,  1895,  p.  326. 


LES  FEUILLETS  PERDUS  DU  MANUSCRIT 

DE  LÉONARD  DE  VINCI   SUR  LE 

VOL  DES  OISEAUX 


A  la  suite  de  donations  diverses,  la  Bibliothèque  ambroi- 
sienne  de  Milan  était  parvenue,  au  xv!!!*"  siècle,  à  réunir 
treize  volumes  de  manuscrits  de  Léonard  de  Vinci.  En  1797, 
la  France  s'empara  de  ces  trésors  qui  furent  transportés  à  la 
Bibliothèque  nationale.  En  181 5,  quand  il  fallut  rendre  aux 
alliés  tous  les  objets  précieux  que  l'on  avait  transférés  à  Paris, 
on  restitua  bien  aux  Milanais  le  Codex  Atlantkiis,  demeuré 
au  dépôt  de  la  rue  Richelieu,  mais  on  ne  put  retrouver  les 
douze  autres  volumes  qui  avaient  été  placés  à  la  Bibliothèque 
de  l'Institut  dont  ils  forment  encore  le  plus  bel  ornement. 
Malheureusement,  vers  1840,  deux  de  ces  volumes,  ceux 
que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  manuscrits  A  et  B,  furent 
l'objet  de  mutilations  criminelles  dont  l'effet  n'est  pas  encore 
entièrement  réparé. 

L'auteur  de  VHistoîre  des  sciences  viathêmatiques  en  Italie 
(1835)  "^  pouvait  manquer  de  consulter  d'aussi  précieux 
documents  ;  aussi  les  cite-t-il  à  plusieurs  reprises.  Mais  Libri 
apporta  tant  d'ardeur  à  l'étude  de  ces  volumes  que  nous  le 
trouvons  bientôt  en  possession  de  près  de  cent  feuillets  arra- 
chés aux  manuscrits  A  et  B. 

Il  résulte  en  effet  des  minutieuses  vérifications  faites  vers 
1848  par  Bordier,  Lalanne  et  Bourquelot  '  que  le  manuscrit 
A  avait  perdu  depuis  peu  le  feuillet  54,  les  feuillets  65  à  114, 

I.  Diclioniiaire  de  pièces  autographes  volées...,  pp.  264-266. 


448  SEYMOUR    DE    RICCI 

soit  en  tout  51  feuillets,  et  que  le  ms.  B  avait  perdu  les 
feuillets  1-2,  84-87  et  91-100,  plus  5  feuillets  non  paginés 
après  le  folio  49,  soit  en  tout  21  feuillets. 

Les  soixante-douze  feuillets  sont  en  grande  partie  rentrés 
au  bercail.  Dès  1845,  Libri  eut  l'impudence  de  faire  figurer 
dans  une  de  ses  ventes  d'autographes  un  feuillet  arraché  au 
manuscrit  5  '.  Il  fut  adjugé  200  francs  et  acquis  par  le  baron 
de  Trémont.  Il  reparut  en  1852  à  la  vente  de  ce  dernier 
(n°  1441),  mais  il  ne  subit  pas  le  feu  des  enchères  :  l'Institut, 
averti  par  Lalanne  et  Bordier,  revendiqua  son  bien . 

En  1847,  Libri  vendit  à  Lord  Ashburnham  sa  collection 
d'environ  deux  mille  manuscrits  :  il  y  plaça  (n°  1875)  deux 
cahiers  de  feuillets  léonardesques  comprenant  en  tout  cin- 
quante feuillets.  Ces  deux  cahiers,  reconquis  il  y  a  vingt-cinq 
ans,  on  sait  à  la  suite  de  quels  efforts  et  au  prix  de  quel 
sacrifice,  par  Léopold  Delisle  %  furent  remis  en  place,  peu 
après,  par  les  soins  du  grand  savant.  Mais  il  manque  tou- 
jours vingt  et  un  feuillets  aux  manuscrits  A  et  5  de  l'Ins- 
titut. 

Là  ne  se  bornèrent  pas  d'ailleurs  les  déprédations  de  Libri  ; 
une  note  rédigée  entre  1834  et  1836  par  Fallot,  sous-biblio- 
thécaire à  l'Institut,  nous  apprend  qu'il  se  trouvait,  cà  la  fin  du 
manuscrit  B,  un  petit  cahier  isolé  de  dix-huit  feuillets  for- 
mant pour  ainsi  dire  «  un  volume  distinct  ».  C'est  précisé- 
ment sur  ce  cahier  que  Léonard  avait  consigné  ses  observa- 
tions célèbres  sur  le  vol  des  oiseaux.  Pour  le  redoutable  ban- 
dit qu'était  Libri  une  pareille  proie  était  bien  tentante  !  Après 
son  passage  en  France,  le  précieux  cahier  avait  disparu. 
J'ignore  pour  quelle  raison  il  ne  fut  point  compris  dans  le  lot 
de  manuscrits  vendus  à  Lord  Ashburnham.  Peut-être  Libri 
voulut-il  le  conserver  toute  sa  vie  comme  la  perle  de  sa  col- 
lection. Il  ne  le  fit  figurer  dans  aucune  des  nombreuses 
ventes  qu'il  organisa  à  Londres  de  1859  à  1864  et  c'est  scu- 

1.  Vente  du  8  décembre  1845,0"  295. 

2.  Bibliothèque  nationale,  mss.  italiens  2037  et  2038. 


LES    FEUILLETS    DU    MANUSCRIT    DE    LEONARD    DE    VINCI     449 

lement  un  an  avant  sa  mort  que,  talonné  par  la  misère,  et 
après  une  année  de  marchandages,  il  consentit  enfin  à  le 
vendre  en  1868  à  un  bibliophile  italien,  le  comte  Giacomo 
Manzoni.  Il  y  a  une  vingtaine  d'années,  le  cahier  fut  acquis 
par  un  érudit  russe,  M.  Théodore  Sabachnikoffqui  en  publia 
un  merveilleux  fac-similé  et  qui  donna,  vers  1895,  le  manu- 
scrit lui-même  au  roi  d'Italie. 

Nous  avons  vu  que  vers  1835  le  cahier  comptait  dix-huit 
feuillets,  sans  parler  de  sa  couverture  originale  en  carton 
jaunâtre.  En  1868,  quand  Libri  le  vendit  au  comte  Manzoni, 
il  ne  renfermait  plus  que  treize  feuillets.  Qu'étaient  devenus, 
dans  l'intervalle,  les  cinq  feuillets  manquants  ?  Libri  seul 
aurait  pu  le  dire  et  M.  Sabachnikoff  ne  paraît  pas  avoir  cher- 
ché à  le  savoir.  A  la  fin  de  son  édition  du  Cahier  sur  le  vol 
des  oiseaux,  il  se  borne  à  dire  qu'après  l'impression  de  son 
volume,  on  a  réussi  à  retrouver  en  Angleterre  dans  des  cir- 
constances qu'il  n'a  pu  connaître  avec  précision,  un  des  feuil- 
lets manquants.  C'est  l'histoire  de  ce  feuillet  et  des  quatre 
autres  qu'un  heureux  hasard  m'a  mis  à  même  de  reconstituer 
en  partie. 

Dans  plusieurs  des  ventes  faites  à  Londres  par  Libri,  figu- 
rèrent des  feuillets  isolés  de  manuscrits  de  Léonard  de  Vinci. 
La  série  la  plus  importante  est  celle  de  dix  dessins  qu'il  fit 
figurer  dans  un  même  lot,  en  1862,  dans  la  vente  de  la 
Reserved  portion  de  sa  bibliothèque.  A  en  croire  le  catalogue, 
un  de  ces  feuillets  aurait  été  acquis  dans  une  vente  à  Dublin 
et  les  neuf  autres,  après  avoir  passé  dans  les  collections  de 
Crozat  et  de  Sir  Thomas  Laurence,  auraient  été  achetés  par 
Libri  en  juin  1860  à  la  vente  de  Woodburn.  Le  lot,  à  la 
vente  Libri,  fut  payé  no  livres  sterling  par  le  marquis  de 
Breadalbane  et  passa  ensuite,  croyons-nous,  dans  la  possession 
de  M.  Baihe  Hamilton,  chez  qui,  vers  1880,  Jean-Paul 
Richter  chercha  vainement  à  le  retrouver. 

On  pourrait  croire,    au    premier  abord,  que  ces  feuillets 
n'avaient  rien  à  faire  avec  les  manuscrits  de  l'Institut  :  Libri 


Mélanges.    II. 


29 


450  SEYMOUR    DE    RICCI 

n'est-il  pas,  en  effet,  et  contrairement  à  ses  habitudes,  fort 
explicite  sur  leur  provenance  ?  C'est  pourtant  dans  ce  lot  que 
se  trouvait  le  feuillet  additionnel  acquis  par  M.  Sabachnikoff 
et  dont  il  a  été  fait  mention  plus  haut.  Vers  1890,  on  vendit 
à  Londres  les  dessins  anciens  de  la  collection  du  marquis  de 
Breadalbane.  J'ai  vainement  cherché  à  retrouver  le  catalogue 
de  cette  vente  ;  mais  j'ai  pu  savoir  qu'on  y  trouvait  décrit 
un  feuillet  isolé  du  cahier  sur  le  vol  des  oiseaux.  Il  fut  adjugé 
à  un  marchand  anglais,  M.  Thibaudeau,  qui  le  vendit  à  un 
éminent  amateur  de  Londres,  M.  Fairfax  Murray.  Ce  der- 
nier, connaissant  tout  l'intérêt  que  portait  M.  Sabachnikoff 
au  cahier  en  question,  lui  rétrocéda  le  feuillet  et  c'est  ainsi 
qu'aux  treize  feuillets  du  comte  Manzoni,  vint  se  joindre  le 
quatorzième. 

Ce  sont  encore  les  catalogues  des  ventes  Libri  qui  vont 
nous  renseigner  sur  le  sort  des  feuillets  manquants  :  dans 
celui  de  sa  dernière  vente,  qui  eut  lieu  à  Londres  le  i"^""  juin 
1864,  nous  voyons  en  effet  figurer  sous  les  numéros  142  à 
145  quatre  séries  de  dessins  originaux  ;  dans  chacun  apparaît 
un  feuillet  léonardesque  : 

N°  142.  —  4°  :  «  A  leaf  with  Designs  and  Writing  (from 
right  to  left)  by  Leonardo  da  Vinci,  very  rare.  » 

N°  143.  • —  9°  :  «  A  Sketch  by  Leonardo  da  Vinci,  with 
writing  in  his  autograph.  » 

N°  144.  —  2°  :  «  Sketches  and  handwriting  of  Leonardo 
da  Vinci.  » 

N°  145.  —  6°  :  «  A  Leaf  with  Sketches  by  Leonardo  da 
Vinci.  » 

Je  possède  trois  exemplaires  du  catalogue  de  cette  vente, 
mais  aucun  n'indique  le  prix  de  l'adjudication  ni  le  nom  de 
l'acheteur.  Du  reste,  ce  détail  est  sans  importance  puisqu'il 
paraît  certain  que  ces  quatre  lots  furent  rachetés  par  Libri. 

Après  trente  ans,  nous  les  voyons  en  effet  reparaître,  le 
7  février  1895  à  Londres,  chez  Christie,  dans  une  dernière 
vente  de  Libri  que  je  n'ai  trouvée  citée  nulle  part  —  Léopold 


LES    FEUILLETS    DU    MANUSCRIT    DE    LEONARD    DE    VINCI    45  I 

Delisle  lui-même  ne  paraît  pas  l'avoir  connue  —  et  dont  je  viens 
de  me  procurer  le  curieux  catalogue  ;  je  l'ai  acheté,  avec  plus 
de  deux  mille  catalogues  anglais,  à  la  vente  après  décès  de 
l'antiquaire  Charles  Wertheimer. 

Dans  ce  catalogue,  les  quatre  collections  de  dessins  sont 
portées  sous  les  numéros  40  à  43 .  Un  de  ces  lots  fut  acquis 
par  M.  Quaritch  pour  un  client  américain,  les  trois  autres 
furent  adjugés  à  MM.  P.  et  D.  Colnaghi  pour  le  compte  de 
ce  même  amateur  anglais,  M.  Fairfax  Murray,  que  nous  avons 
cité  plus  haut  et  qui  eut  la  bonne  fortune,  peu  après,  de  faire 
revenir  des  États-Unis  le  feuillet  de  Léonard  qu'il  n'avait  pu 
acquérir  à  la  vente. 

M.  Fairfax  Murray  m'a  fait  savoir  que  sur  ces  quatre  feuillets, 
il  n'en  possède  plus  aujourd'hui  que  trois  :  le  quatrième  fut 
cédé  par  lui  à  M.  Sabachnikoff  qui,  croyons-nous,  put  le 
joindre  à  son  tour  au  cahier  du  comte  Manzoni  auquel  il  ne 
manquerait  donc  plus  que  trois  feuillets.  Ce  quinzième  feuil- 
let du  cahier  en  question  n'a  pas  été  publié  et  il  serait  bien 
désirable  qu'il  le  fût.  Il  ne  resterait  donc  plus  que  trois  feuil- 
lets à  retrouver. 

N'est-il  pas  permis  de  supposer  que  ce  sont  précisément 
ces  trois  feuillets  que  possède  M.  Fairfax  Murray  ? 

Au  cas  où  mon  hypothèse  ne  se  vérifierait  pas,  je  puis 
signaler  en  Angleterre  un  autre  feuillet  isolé  des  manuscrits 
de  Léonard  :  il  appartient  à  Lady  Morrison  et  fait  partie  de 
l'incomparable  collection  d'autographes  formée  par  Alfred 
Morrison  et  qu'il  a  léguée  à  sa  veuve.  On  en  trouvera,  au 
catalogue  Morrison,  une  excellente  reproduction  photogra- 
phique. 

Seymour  DE  Ricci  . 


NOTE  SUR  LES  SENS  DU  MOT  PICOT 


Picot  est  un  diminutif  en  -ot  de  pic  <  Pîcc-  (cf.  piquet, 
picon,  etc.).  Le  sens  premier  est  «  petit  piquant  »,  d'où  avec 
perte  de  la  valeur  diminutive  :  «  piquant,  pointe,  épine, 
aiguillon».  On  peut  lire  dans  Godefroy  à  picot:  «chandeliers 
de  laiton  à  grand  picot  »  (ex.  de  1383),  «  basions  ferrés  à  pic- 
quot  »  (Froissart).  Picot  veut  dire  «  pointe  qui  reste  sur  le  bois 
après  qu'on  a  arraché  une  branche  »  {Dict.  de  Trévoux,  ij'ji), 
«  pointe  d'un  marteau  de  carrier  »  ou  encore  «  pointe  de 
dentelle  »  (voir  Littré  à  picot  et  noter  l'angl.  picot  dans  le  New 
Engl.  Dict .  avec  divers  exemples  depuis  1882).  Dans  le  sens 
«  piquant,  pointe,  etc.  »,  picot  est  très  répandu  dans  les  dia- 
lectes \ 

De  «  pointe  d'un  objet  »  on  a  passé  à  «  objet  en  pointe, 
objet  pointu  ».  C'est  ainsi  que  picot  «  marteau  de  carrier  » 
est  très  ancien,  attesté  apparemment  depuis  le  xii^  siècle 
d'après  le  premier  exemple  du  mot  cité  par  le  Dict.  Général. 
Godefroy  donne  des  exemples  de  1370  et  de  1381  de  picot 
«  arme  pointue  »  (un  glaive  appelé  piquât).  En  français 
moderne  on  appelle  picot  un  coin  de  bois  dur  employé  dans 
le  boisage  des  puits  de  mine.  Pour  les  dialectes  je  citerai  : 
Suisse  Romande,  picot  «  grosse  épingle  »  (Godefroy)  et  Flandre, 
piquot  «  longue  épingle  de  dentellière  »  d'après  Vermesse 
(cf.  piquet  «  grosse  épingle  de  dessinateur  dans  le  Dict.  de 
Trévoux,  éd.  1771)  ;  Brabant,  picot  «  bâton  ferré  »  (Godefroy), 
et  Berry,  picot  (ou  picoii)  «  bois  avec  une  pointe  au  bout  pour 


I .  En  Anjou  piquot  «  saillie  de  la  peau  »  (quand  on  la  chair  de  poule), 
dans  Verrier  et  Onillon,  Glossaire. 


454  PA.UL   BARBIER 

piquer  les  ânes  »  (H.  Lapaire,  Le  patois  berrichon,  1903); 
Côtes-du-Nord,  picot  «  bec  »  (Godefroy);  Bas-Maine,  pikô 
«  instrument  servant  souvent  à  enlever  les  mauvaises  herbes 
une  à  une  »  (Dottin)  '. 

Ficot  revient  souvent  dans  la  momenclature  des  plantes. 
Dans  le  Dictionnaire  Général  de  Raymond  (1832)  on  lit  pico 
(f  variété  de  l'oreille  d'ours,  plante  à  courtes  étamines  ».  Le 
Dict.  de  Trévoux  dit  que  les  «  oreilles  d'ours  ont  le  picot  quand 
les  étamines,  étant  courtes,  ne  remplissent  pas  la  fleur  et 
qu'on  voit  un  trou  au  milieu  du  disque  ». 

P/^o  veut  dire  «  épine,  ortie,  chardon,  toute  sorte  de  plante 
piquante  »  à  la  Grand'Combe  (Doubs)  d'après  Boillot.  Picot, 
à  Lons-le-Saunier,  est  un  nom  du  fruit  de  la  bardane  (Beau- 
quier,  Faune  et  Flore  Pop.  de  la  Fr. -Comté,  ii.  134)  ;  à  S*-Amour 
picot-grand  se  dit  d'un  cépage  à  grosse  grappe  conique  (pp.  cit. 
ii.  335).  On  appelle  pico,  aux  environs  de  Rennes,  Vulex  eiiro- 
paeus  L  ou  genêt  épineux  (Rolland,  Flore  Pop.  iv.  84)  ;  en 
Anjou  picotin  indique  l'arum  vulgaire  ou  gouet  (Verrier  et 
Onillon,  Glossaire  des  Patois  de  V Anjou)  peut-être  à  cause  des 
feuilles  en  forme  de  flèches  de  cette  plante;  à  Guernesey/)/^o/ 
est  le  nom  de  l'agripaume  cardiaque  (Godefroy). 

Enfin  picot  est  un  nom  des  renoncules.  Jaubert  le  cite  pour 
le  Centre  (=^  «  renoncule  rampante  »).  Rolland  (Flore  Pop., 
ii,  42,  60)  donne  pico  «  bouton  d'or  »  aux  environs  d'Amboise 
et  picot  =  ranuiiculus  parviflorus  L.  en  Anjou.  Enfin  Verrier  et 
Onillon,  dans  leur  Gloss.  des  Pat.  de  l'Anjou,  ont  inséré  picot 
«  renoncule,  pied  de  coq  ».  Etant  donné  que  la  même  plante 
se  dit  piécot,  piécoq  (^=pied  de  coq),  en  Anjou  on  serait  d'abord 
tenté  de  voir  dans  picot  une  altération  de  piécot.  Je  ne  crois 
pas  qu'il  en  soit  ainsi  ;  d'abord  on  trouve  en  Anjou  et  en  Poi- 
tou piquerau  et  à  l'île  d'Elle  (Vendée)  piquwas  =  ranunculus 
arvensis  L.  ;  et  ensuite,  ces  noms  de  renoncules  et  beaucoup 
d'autres  encore  peuvent  s'expliquer  par  les  piquants  des  fruits 
de  ces  plantes. 

I.  Pour  ce  dernier  sens,  cf.  pica^a  en  Murcie. 


NOTE   SUR   LES   SENS   DU    MOT    PICOT  455 

Pour  les  animaux,  il  y  a  d'abord  picot,  nom  en  Normandie 
du  genre  pholas  L.  (Travers,  Moisy).  Il  faut  entendre  ici  par 
picot  le  marteau  du  carrier  ;  les  mollusques  du  genre  pholas  L. 
se  creusent  dans  la  vase,  le  bois  ou  même  la  pierre  des  trous 
où  ils  restent  confinés;  cf.  l'angl.  peckstone  ^=  pholas  dans 
Kolhnd,  Faune  Pop.,  iii.  221,  et  noter  l'ital.  picca-pietre  = 
«  tailleur  de  pierres  »  (Duez),  le  prov,  pico-peiro  de  même 
signification  (Mistral),  l'esp.  picapedrero,  etc. 

Puis  picot  est  un  nom  de  deux  poissons.  Il  indique,  en 
Maine-et-Loire  et  dans  le  Calvados,  le  pleuronecles  flesus  L.  (cf. 
pécô,  même  sens  à  l'île  de  Ré  dans  Rolland,  Faune  Pop.,  xj. 
208),  ce  qui  s'explique  par  le  fliit  que  ce  poisson  porte  touf 
le  long  de  sa  dorsale  et  de  son  anale  un  petit  bouton  âpre  sur 
la  base  de  chaque  rayon  et  que  sa  ligne  latérale  a  aussi  des 
écailles  hérissées.  C est  \e  pleuronectes  flesus  h.  <:\\iev\se  \e  Dict. 
de  Trévoux  (éd.  177 1)  quand  il  explique  picot  par  «  espèce  de 
limande  »,  indication  qu'on  retrouve  dansLittré  (1873).  Enfin 
Cuvier,  Règne  animal,  ii  (1829).  339  s'est  servi  de  la  graphie 
picaud  que  depuis  on  retrouve  par-ci  par-là  dans  les  diction- 
naires. 

C'est  naturellement  picot  «  piquant  »  qui  explique  picot, 
nom  des  épinoches  dans  le  Jura.  D'après  le  glossaire  de  Labou- 
rasse, piquant  =  genre  gasterosiens  L.  dans  la  Meuse  ;  cf.  dans 
le  Lauvâguais peis piquant  d'après  Rolland,  Faune  Pop.,  iii.  173. 
Ce  qui  est  intéressant,  c'est  de  rapprocher  picotin,  sobriquet  en 
Anjou  des  cordonniers  (Verrier  et  Onillon),  de  cordonmer, 
savetier  dont  on  se  sert  comme  noms  du  genre  gaslerosteus  L. 

Picot  est  encore  un  nom  normand  de  dindon  d'après  Dumé- 
ril,  Moisy,  etc.  (cf.  picot-dindon  «  imbécile,  niais  »).  Il  n'a 
rien  à  voir  avec  l'angl.  peàcock  «  paon  ».  Rolland  ne  le  men- 
tionne pas,  mais  il  cite  comme  cri  pour  appeler  les  dindons 
picot  !  picot  !  à  Guernesey,  0  pico  !  0  pico  !  ti  !  ti  !  ti  !  et  picouti  ! 
piçouti  !  piou  !  piou  !  dans  le  Bas-Quercy  {Faune  Pop.,  vi,  143) 
ce  qui  fait  croire  que  picot  «  dindon  »  pourrait  exister  ailleurs 
qu'en  Normandie.  Picaud,   dit  Littré,  est  un  nom,  en  Nor- 


45  6  PAUL    BARBIER 

mandie  des  dindonneaux  ;  cette  graphie  est  sans  doute  fau- 
tive, puisque  Moisy  donne  picotte  «  dinde  ».  Littré  croit  qu'on 
a  donné  ce  nom  au  dindon  à  cause  qu'il  pique  du  bec  pour 
prendre  sa  nourriture  (cf.  argot  pique-en-terre  «  dindon  »  dans 
Rolland,  Faune  Pop.,  vi,  140),  ce  qui  ferait  de  picot  «  dindon  », 
un  déverbal  de  picoter.  Je  crois  qu'il  ne  faut  pas  y  voir  autre 
chose  que  picot,  diminutif  de  pic  «  piquant  »,  sans  pouvoir 
expliquer  sûrement  le  changement  de  signification.  Cepen- 
dant, à  titre  d'hypothèse,  si  l'on  songe  que  l'une  des  caracté- 
ristiques les  plus  frappantes  du  dindon,  ce  sont  les  papilles 
épaisses  et  rougeâtres  autour  de  la  tête  et  du  cou,  que  le  norm. 
piotte  «  dinde  »  (Moisy  qui  le  dit  de  formation  onomato- 
péique)  doit  être  rapproché  du  prov.  piot  «  dindon  »,  pioto 
«  dinde  »  qui  à  leur  tour  ne  se  séparent  pas  du  prov.  piot 
«  rougeole  »,  que  picot  veut  dire  dialectalement  «  tache,  saillie 
de  la  peau,  etc.  »  (cf.  picot  «  tache  »  au  Poitou  d'après  Lalanne, 
norm.  piqueroUe,  piquereulle  «  rougeole  »,  pikrol  «  rougeole  », 
dans  le  Bas-Maine  d'après  Dottin,  picotte  «  vérole  »,  etc.),  on 
pourrait  peut-être  avancer  que  ce  sont  les  «  picots  »  rouges 
du  dindon  qui  lui  ont  valu  le  nom  de  picot  en  Normandie  '. 

Reste  à  dire  un  mot  de  deux  significations  de  picot.  Je  ne 
m'explique  pas,  faute  de  renseignements  suffisants,  la  genèse 
de  picot  «  filet  »  dont  Littré  donne  un  exemple  d'août  1681. 
C'est,  d'après  le  Dict.  de  Trévoux  (éd.  1771),  «un  filet  des  côtes 
de  Normandie,  plus  petit  que  la  drège  et  qui  sert  à  prendre  les 
poissons  plats  »,  Moisy,  dans  son  Dict.  du  Pal.  Nonn.  (1887) 
dit  que  c'est  «  une  espèce  de  filet  qu'on  charge  de  plomb  ou 
de  pierres  pour  prendre  les  poissons  plats  »,  Pourquoi  picot} 

Enfin  il  faudrait  traiter  le  v.  fr.  picot  «  espèce  de  mesure  ». 
Mais,  dans  une  courte  note,  cela  nous  mènerait  trop  loin. 

I.  Le  catal.  picot  (à  côté  de  pigot)  ■==  genre  picus  L.  (oiseau)  dérive  de 
Piccus  (à  côté  du  class.  picus),  qu'il  faut  postuler  pour  l'ital.  picco  (à  côté 
de  /)iVo),sans  doute  le  fr.  pic  (à  côté  du  v,  fr.  pi),  V^sp. pico  (et  pon.picanço) 
et  de  nombreuses  formes  dialectales.  — Four  picot  «  dindon  »  on  peutaussi 
admettre  que  ce  nom  vient  de  la  caroncule  érectile,  située  à  la  base  du  bec 
de  l'oiseau . 


NOTE   SUR    LES   SE\S   DU    MOT   PICOT  457 

Suffit  de  dire  que  picot,  en  ce  sens,  n'est  pas  seulement  le  pri- 
mitif du  fr.  mod.  picotin  (voir  le  Dict.génér.  qui  le  croit  d'ori- 
gine inconnue)  mais  il  dérive  le  pic  (cf.  «  pic  de  f^irine  » 
dans  Cotgrave)  tout  comme  picot  dans  les  sens  divers  que 
nous  venons  de  passer  rapidement  en  revue. 

UNIVERSITÉ  DE  LEEDS  Paul  BaRBIER,  fils. 

20  août  191 1. 


CORRESPONDANCE  INÉDITE  ENTRE 
DOM  MABILLON  ET   DOM  MONTFAUCON 

(1699-1701) 


Rien  de  plus  intéressant  et  de  plus  «  documentaire  »  que 
cette  correspondance  des  deux  bénédictins  de  la  Congrégation 
de  Saint-Maur  dont  nous  préparons  l'édition  si  désirée.  Il  est 
touchant  de  voir  cette  intimité  entre  ces  plus  grands  moines 
du  xvii^  siècle,  j'allais  dire  des  quatorze  siècles  que  l'Ordre  a 
déjà  vécu.  Dix-sept  lettres  seulement  ont  échappé  aux 
flammes  et  aux  voleurs .  C'est  bien  peu  pour  cinquante  ans 
de  vie  commune,  encore  n'ont-elles  trait  qu'aux  missions 
scientifiques  dont  ils  furent  chargés.  On  sent  plus  dans  ces 
lettres  que  dans  toutes  les  autres  le  côté  intellectuel.  C'est 
non  seulement  le  récit  de  leur  «  iter  italicum  »  mais  leur 
préoccupation  constante  à  défendre  l'honneur  de  la  congréga- 
tion bénédictine,  attaqué  surtout  par  les  Jésuites,  qui  fait  le 
fonds  de  ces  lettres.  Toutefois  le  voile  monastique  nous  est 
assez  levé  pour  comprendre  que  ces  religieux  sont  de  cette  race 
de  moines  forte  et  nombreuse  dont  parle  saint  Benoît  au  cha- 
pitre second  de  sa  règle.  Ces  quelques  lignes  suffisent  pour 
présenter  la  correspondance  presque  toute  inédite  de  ces  deux 
célèbres  membres  de  l'Académie  des  inscriptions. 

Nous  avons  réservé  les  notes  pour  notre  édition,  sans  vou- 
loir retarder  davantage  la  transcription   des  lettres  suivantes. 

1699  23  juin. 

1700  19  et  27  avril,  2  mai  ;  8  et  22  juin,  7  et  20  juillet  ; 
10  (deux  lettres),  17,  31  août;  14  septembre; 
30  novembre;  28  décembre. 

1701  4  et  II  janvier. 


460  A.    J.    CORBIERRE 

—    I    — 

Fr.  17680,  f.  271.  D.  Montfaucon  à  D.  Mabillon. 

P.  C.  +  à  Rome  ce  23  juin  1699 

Mon   Révérend  Père, 

Il  semble  que  notre  départ  de  Rome  n'ait  été  différé  de 
quelques  jours  que  pour  assister  à  la  mort  du  R.  P.  D.  Claude 
Estrennot  qui  est  allé  à  Dieu  le  20  de  ce  mois  à  cinq  heures  après 
midi;  une  attaque  d'apoplexie  l'a  emporté  en  34  heures,  il  tomba 
d'abord  en  syncope  et  perdit  la  connaissance  qui  lui  revint  peu  de 
temps  après,  il  la  conserva  depuis  jusques  à  son  dernier  soupir. 
Nous  avons  été  extrêmement  touchés  de  cette  mort  et  la  congré- 
gation a  fait  une  perte  qu'elle  aura  bien  de  la  peine  à  réparer,  on 
l'a  fort  regretté  à  Rome,  son  humeur  bienfaisante,  sa  droiture,  sa 
capacité  et  son  attache  pour  la  religion  luy  avoient  attiré  l'amour 
et  l'estime  de  tout  le  monde.  Il  a  paru  fort  résigné  à  la  mort,  sa 
faiblesse  extrême  et  le  mal  qu'il  souffrait  ne  luy  ont  rien  ôté  de  sa 
tranquillité  ordinaire.  Il  est  certain  que  l'écrit  de  l'Abbé  Allemand 
a  paru  icy  en  latin,  il  n'en  est  venu  qu'un  exemplaire  à  Rome,  qui 
a  été  envoyé  au  Pape  qui  l'a  donné  à  lire  a  son  Eminence 
Casanatta  et  à  plusieurs  autres  Cardinaux.  C'est  par  une  grâce 
particulière  que  le  P.  Maître  du  sacré  Palais  a  examiné  lui-même 
la  réponse  latine  et  qu'il  a  donné  permission  de  l'imprimer  à  Rome, 

on  n'en  donne  jamais  icy  pour  ces  sortes  de  livres.  Les  ont 

été  fort  mortifiés  de  voir  que  sous  les  yeux  du  Pape  et  du  Sacré 
Collège,  on  imprime  un  ouvrage  qui  traite  le  jansénisme  de  phantome 
et  de  chimère.  Ils  ont  pris  le  party  de  dire  que  ce  libelle  ne  vient 
pas  de  leur  corps  et  que  si  c'est  quelqu'un  des  leurs  qui  l'a  fait  ils 
le  désavouent.  Il  est  bon  que  vous  sachiez  que  le  P.  du  Bue  Thé- 
atin  est  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  déclamé  contre  notre  Édition  de 
Saint- Augusiin,  il étoit  piqué  contre  le  P.  Estiennot  parce  quepren- 
nant  la  liberté  de  venir  manger  souvent  «  a  casa  »  sans  être  invité, 
il  luy  avoit  battu  un  peu  froid,  vous  connoissez  le  caractère  de  ce 
religieux,  on  le  connoit  aussi  à  Rome,  tout  ce  qu'il  a  peu  faire  ne 
nous  a  pas  beaucoup  nui  ;  on  examine  au  Saint-Office  la  lettre  de 
l'Abbé  Allemand.  Le  premier  examinateur  a  qui  on  l'a  donnée  est 
un  homme  fort  intègre,  amateur  de  la  vérité  et  qui  nous  fera  jus- 
tice. Les  autres  feront  de  même,  ils  ne  sont  pas  encore  nommez 
que  je  sache,  on  parle  de  deux  qui  sont  fort  gens  de  bien  et  enne- 
mys  des  perturbateurs  du  repos  public.  Je   ne  doute  pas  que  ce  ne 


MABILLON    ET    MONTFAUCON  461 

soient  ceux-là.  Le  P.  Etiennot  jugea  à  propos  de  faire  imprimer 
l'écrit  latin,  une  réponse  manuscrite  auroit  coûté  quatre  fois  plus 
si  on  en  avoit  fait  copier  beaucoup  d'exemplaires.  Les  bons 
copistes  sont  fort  chers  icy  ;  il  y  auroit  encore  eu  danger  qu'elle 
n'eut  été  altérées  par  nos  adversaires  qui  sont  fort  capables  défaire 
ces  sortes  de  tours-là  ;  d'ailleurs  l'approbation  du  Maître  du  Sacré 
Palais  est  d'un  grand  poids.  M.  le  Gard.  Casanata  a  qui  je  parlay 
mercredi  passé  de  la  thèse  de  Caen  me  dit  qu'il  seroit  fort  à 
propos  d'en  faire  venir  des  exemplaires  à  Rome  pour  les  dénoncer 
au  Saint-Office,  que  cette  multitude  d'écrits  imprimez  et  dénoncez 
au  Saint-Office  feroient  voir  la  grande  envie  que  ces  gens-là  ont 
de  susciter  de  nouveaux  troubles  et  de  réveiller  les  anciennes 
querelles.  Si  vous  en  pouvez  trouver  quelqu'une  je  vous  prie  de 
nous  l'envoyer  pour  la  donner  à  cette  Eminence,  cela  fera  un 
fort  bon  effet  ;  je  vis  il  y  a  quelques  jours  le  Gard.  Goloredo  qui  me 
chargea  de  vous  saluer  de  sa  part.  Il  ne  parle  plus  en  faveur  de 
nos  éditions.  Je  le  mis  là-dessus  tout  exprez  pour  savoir  ses  senti- 
mens,  je  n'en  peu  tirer  une  parole.  Il  me  revient  de  bonne  part 
que  c'est  le  plus  zélé  partisan  des  ...  qui  soient  dans  le  sacré 
Gollège.  J'ai  creu  vous  devoir  écrire  cecy  afin  que  vous  voyiés 
quelles  mesures  il  y  a  à  garder  avec  luy.  Nous  nous  portons  assez 
bien  icy.  D.  Guillaume  et  D.  Pau  vous  saluent  très  humble- 
ment. Je  suis  avec  respect. 

Mon  Révérend  Père. 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  Confrère, 
fr.  Bernard  de  Montfaucon  m.  b. 

Vous  scavez  sans  doute  que  le  problème  contre  M.  l'Arch.  de 
Paris  est  aussi  dénoncé  au  Saint-Office. 


Fr.  17680,  f.  272.  D.  Montfaucon  à  D.  Mabillou. 

P.  G.  -j-  à  Rome  ce   19  avril  1700 

Mon  Révérend  Père 

Vous  scavez  sans  doute  que  je  suis  retourné  à  Rome  par  ordre 
du  R''  Père  Général.  J'ay  resté  cinq  semaines  à  Florence  occupé 
tous  les  jours  à  transcrire  des  manuscrits  depuis  treize  heures  du 
matin  jusques  à  23  heures  du  soir.  Je  n'ay  point  manqué  de  faire 
vos  baisemains  au  grand  prince  qui  m'a  témoigné  avoir  une 
estime  singulière    pour  Votre  Révérence,   à  M.    Maghabecchi,   à 


462  A.    J.    CORBIERRE 

M.  Salvini  et  à  tous  les  autres  que  V.  R.  marquait  dans  sa  lettre. 
Je  n'ay  veu  M.  le  Baron  de  Ricasoli  qu'un  moment  je  luy  rendis 
la  lettre  de  V.  R.  et  celle  de  M.  l'Abbé  Renaudot,  il  est  venu  plu- 
sieurs fois  à  l'Abbaye  pour  me  voir  et  m'ofFrir  son  carrosse  quand 
j'en  aurois  besoin  mais  il  ne  me  trouva  jamais  a  case.  M.  Magha- 
becchi  m'a  rendu  tous  les  services  possibles,  je  crois  qu'à  mon 
départ  vous  m'avez  fait  la  grâce  de  me  donner  une  lettre  pour  luy 
mais  je  ne  l'ay  jamais  peu  trouver.  M.  Salvini  fort  habile  dans  la 
langue  grecque  ne  m'a  presque  jamais  quitté.  Il  restoit  tous  les 
jours  avec  moy  à  la  Bibliothèque  ou  l'on  nous  envoyait  à  manger 
de  l'Abbaye,  nous  nous  dictions  alternativement.  On  ne  peut  rien 
ajouter  à  la  bonté  que  le  R'^  P.  Abbé  et  nos  confrères  de  l'Abbaye 
ont  eu  pour  moy.  Les  P.  Camaldules  nous  firent  un  festin  magni- 
fique. M.  Magliabecchi  s'y  trouva  avec  son  équipage  de  philo- 
sophe. On  remarqua  pourtant  qu'il  avait  pris  un  collet  blanc  ce 
jour  là  et  des  manchettes  neuves  au  travers  desquelles  !  on  voyait 
son  bras  tout  nud  car  il  n'avait  point  de  chemise.  J'avais  dessein 
d'aller  à  Camaldoli  et  à  Vallombreuse  mais  il  a  fait  si  grand  froid 
tout  le  tems  que  j'ay  resté  à  Florence  que  les  chemins  étaient 
impraticables.  Retournant  à  Rome  j'ay  trouvé  les  eaux  glacées  à 
Aquapendente  comme  en  plein  hy  ver,  ce  qui  est  assez  extraordinaire 
en  Italie  hors  de  la  montagne,  où  l'on  ne  voit  guère  de  glace  au  mois 
d'Avril.  Le  mauvais  tems  empescha  encore  que  nous  n'allassions 
M.  Maghabecchi  et  moi  a  Fiesole  ou  il  voulait  venir  pour  la  seconde 
fois.  Tout  cela  est  réservé  pour  le  retour,  si  toutefois  il  m'est  per- 
mis de  retourner  en  France.  Il  semble  que  la  Providence  m'ait 
barré  les  chemins.  J'avais  pris  en  partant  une  lettre  de  recomman- 
dation pour  le  Prieur  de  Lerins.  C'était  le  Procureur  général  qui 
écrivait  ainsi  je  ne  doutais  point  qu'ils  ne  me  laissassent  copier  la 
lettre  que  V.  R.  demandoit.  M.  de  Lamoignon  m'a  chargé  deux 
fois  de  vous  présenter  ses  respects.  Je  salue  D.  Thierry  et  suis 
avec  toute  l'estime  et  la  reconnaissance  possible 

Mon  Révérend  Père 
Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 
f.  B.  de  Montfaucon,  m.  b. 

M.  Mignatteli  chanoine  de  Sienne  me  chargea,  lorsque  je  passaylà 
de  vous  faire  ses  baisemains. 


MABILLON    ET   MONTFAUCON  463 

—  3  - 
Fr.   17680,  p.  273.  D.  Montfaucon  à  D.  Mabillon. 

P.  C.  -\-  à  Rome  ce  27  avril  1700 

Mon  Révérend  Père 

Je  vous  donne  avis  qu'on  imprime  icy  avec  l'approbation  du 
Maître  du  Sacré  Palais  et  de  M.  Pastrizzi  une  réponse  à  votre 
lettre,  de  cultu  Sandonim  ignotoriim  en  ayant  été  informé  de  bonne 
part  i'allay  avec  D.  Guillaume  voir  le  Maître  du  Sacré  Palais  et  ne 
l'ayant  point  trouvé  chez  luy  nous  parlâmes  à  son  compagnon  et  luy 
dîmes  de  prier  le  P.  Maître  de  notre  part  de  surseoir  l'impression 
de  ce  livre  jusques  a  ce  qu'on  luy  eût  parlé.  De  là  nous  allâmes 
voir  le  P.  Général  de  la  Minerve  et  le  P,  massoulié  qui  a  beaucoup 
de  pouvoir  sur  l'esprit  du  P.  Maître  du  Sacré  Palais.  Le  P. 
Général  nous  dit  qu'il  croyoit  que  le  Maître  du  Sacré  Palais  faisoit 
fort  mal  de  donner  une  telle  permission,  que  pour  luy  il  étoit  entiè- 
rement de  votre  opinion  touchant  le  culte  des  Reliques  et  que  tout 
ce  qu'on  pourroit  dire  contre  votre  écrit  ne  serviroit  que  pour  don- 
ner prise  aux  hérétiques  sur  la  cour  de  Rome  et  qu'il  en  parleroit 
fortement  au  P.  Maître  du  Sacré  Palais.  Le  P.  Massoulié  me  parut 
un  peu  prévenu  contre  votre  lettre.  Il  me  dit  qu'il  n'étoit  point  du 
tout  de  votre  sentiment  et  qu'on  pouvoit  fort  bien  répondre  à 
votre  lettre.  Je  le  priay  de  me  dire  ce  qu'il  y  avoit  dans  votre  lettre 
qui  lui  faisoit  de  la  peine.  Il  me  dit  que  vous  rendiez  incertaines 
la  plus  part  des  reliques  de  Rome  en  disant  que  le  pro  christo  qu'on 
trouve  en  plusieurs  tombeaux  n'étoit  pas  une  marque  certaine  de 
martyre  ;  je  lui  répondis  que  le  monogramme  ^  ne  vouloit  pas 
dire  pro  Cbrislo  mais  que  c'étoit  deux  lettres  grecques  y  et  p 
qu'on  entrelaçoit  ensemble  pour  signifier  simplement  y.p'tiTo;  à  la 
manière  des  grecs,  que  ce  monogramme  se  trouvoit  en  divers 
endroits  d'Italie  sur  des  tombeaux  dont  l'inscription  faisoit  foy 
que  ceux  qui  étaient  enterrez  là  n'étoient  ny  saints  ny  martirs,  que 
j'en  avois  veu  de  cette  sorte.  Il  ne  sceut  que  dire  à  cela  et  me 
promit  de  parler  au  maître  du  Sacré  Palais  pour  empêscher  l'im- 
pression du  livre.  Le  Maître  du  Sacré  Palais  répondit  au  P.  Général 
et  au  P.  Massoulié  qui  lui  parlèrent  le  même  jour  qu'il  y  avoit 
déjà  quelque  tems  qu'on  méditoit  en  cette  cour  de  foire  faire  une 
réponse  à  votre  lettre  qu'on  en  avoit  chargé  le  chanoine  Fabretti 
lequel  étant  mort,  un  autreavoit  pris  sa  place  et  qu'ainsi  il  ne  pou- 
voit empêscher  l'impression  de  cet  écrit,    qu'il  avoit  ôté  tous  les 


464  A.    J.    CORBIERRE 

termes  durs  que  l'autheur  avoit  mis  et  l'avoit  obligé  de  parler  avec 
grande  modération.  M.  Pastrizzi  a  donné  à  ce  qu'on  m'a  dit  une 
approbation  d'une  page.  Cette  approbation  ne  donnera  pas  grand 
crédit  à  l'ouvrage  car  il  passe  à  Rome  pour  un  homme  qui  scait 
beaucoup  à  la  vérité,  mais  qui  a  des  idées  fort  confuses  et  très 
mauvais  goût.  L'autheur  de  cette  réponse  est  un  certain  M.  Plu- 
vier qui  étant  sorty  de  l'Oratoire  cherche  fortune.  Comme  on  ne 
le  croit  pas  capable  de  cela,  son  estime  qu'il  aura  prêté  son  nom 

a  quelque  j ;  en  effet  on  le  voit  aller  et  venir  chez  eux  et  appa- 

ramment  il  n'a  consenti  que  Touvrage  se  fasse  en  son  nom  dans 
l'espérance  de  trouver  quelque  établissement  parleur  moyen, car 
il  est  à  la  rue.  Dez  que  l'ouvrage  paroitra  nous  vous  l'enverrons 
par  la  poste.  Voilà  ce  que  j'ay  à  vous  mander  pour  le  présent. 
Je  suis    avec  toute  l'estime  possible. 

Mon  Révérend  Père, 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère 
fr.  Bernard  de  Montfaucon,  mb. 


1700,  2  May. 

D.  Mabillon  à  Dom  Montfiiucon, 

D'après  la  lettre  suivante  du  22  juin  1700. 

—  5  — 

Fr.   17701,  fol.  104.  D  Montfaucon  à  D.  Mabillon. 

-|-  à  Rome  ce  8  juin  1700. 
P.  C. 
Mon  Révérend  Père 

Le  décret  contre  l'abbé  Allemand  et  les  autres  libelles  vient 
d'être  publié,  nous  en  envoyons  des  exemplaires  par  cet  ordinaire.  Je 
ne  scay  si  sur  la  lettre  que  j'écrivis  il  y  a  trois  semmaines  au  très 
Révérend  Père  General,  où  je  lui  apprenois  que  les  libelles  étoient 
condamnez  et  le  priois  de  faire  changer  la  disposition  de  la  dicte, 
supposé  qu'on  m'eut  nommé  Procureur  Général,  il  n'aura  pas  fait 
élire  un  autre  en  ma  place,  cet  employ  dérangera  beaucoup  mes 
études,  on  perd  beaucoup  de  tems  en  visites,  actives  et  pas- 
sives. 

M.  Pluvier  fait  grand  bruit  avec  son  livre,  il  dit  partout  qu'il 
est  universellement  estimé.  Cependant  il  n'y  a  guères  que  luy  qui 
en  parle  en  ces  termes,  il  se  peut  pourtant  faire  qu'il  trouve  des 


MABILLON    ET   MONTFAUCON  465 

approbateurs.  Je  crois  que  vous  y  devez  répondre  en  adoucissant 
les  choses  autant  qu'il  se  pourra  sans  changer  de  sentiment.  Il  y 
a  bien  des  gens  dans  cette  cour  à  qui  votre  lettre  a  dépieu  il  est 
difficile  de  les  guérir  de  la  prévention  où  ils  sont  touchant  leurs 
reliques  ;  je  dis  à  ceux  qui  m'en  parlent  que  la  congrégation  faisant 
actuellement  des  recherches  pour  s'assurer  des  véritables  reliques, 
et  n'en  point  donner  de  fausses,  elle  ne  doit  pas  trouver  mauvais 
qu'une  personne  expérimentée  en  ces  choses  dise  son  sentiment 
d'une  manière  aussi  modeste  que  vous  l'avez  fait.  Il  y  a  bien  des 
Italiens  que  l'air  de  ce  pays  n'a  pas  gatéz,  qui  sont  de  votre  sen- 
timent ;  j'ay  creu  vous  devoir  dire  tout  cecy  afin  que  vous  en  fassiez 
l'usage  que  vous  jugerez  à  propos.  La  maladie  du  Cardinal  de  Noris 
m'a  empêsché  de  le  voir  pour  scavoir  certainement  où  s'est  trouvé 
l'inscription  dans  les  catacombes  qui  commence  par  Dis  manibus 
tout  au  long. 

J'auray  soin  d'acheter  pour  M.  Bulteau  tous  les  livres  qu'il 
demande  pour  M.  le  Marquis  du  Refuge.  Ce  sont  des  livres  pour 
la  pluspart  que  l'on  ne  trouve  plus  que  par  rencontre,  ainsi  il  faut 
qu'il  se  donne  un  peu  de  patience,  je  crois  que  vous  aurez  receu 
l'histoire  de  Padolirone,  D.  Guillaume  l'a  envoyée  pendant  mon 
absence  et  le  ballot  est  arrivé  à  Paris.  Je  suis  avec  respect 

Mon  Révérend  Père, 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère, 
fr.  Bernard  de  Montfaucon.  m.  b. 
P.  S.  de  D.  Guillaume, 

au  R.  P.  Jean  Mabillon  à  Saint-Germain  des  Prez  à  Paris, 
(f  Sigillum  procuratoris   cong.  S.   Mauri   in  curia   romana  »   le 
sceau  représentes.  Benoit  :  «  S.  Benedictus  »  est  écrit  devant  lui. 

—  6  — 

Fr.  16680,  fol.  174.  D.  Montfaucon  à  D.  Mabillon. 

-f-  à  Rome  ce  22  juin  1700 
Mon  Révérend  Père 

J'ai  receu  votre  lettre  du  2  May  avec  une  incluse  pour  le 
P.  Alexandre  a  Perugia  que  j'ai  envoj'ée  en  droiture.  Avant  que 
cette  lettre  cy  n'arrive  à  Paris  vous  aurez  appris  que  Mgr.  l'Arche- 
vêque de  Paris  fut  hier  nommé  Cardinal  avec  l'évéque  de  Passau 
pour  l'Empire  et  Borgia  pour  l'Espagne.  Nous  en  fîmes  des  réjouis- 
sances, la  nuit  passée  notre  petite  maison  étoit  pleine  d'illumina- 
Mélanges.  II.  30 


466  A.    J.    CORBIERRE 

tions.  Le  Pape  a  pour  ce  prélat  une  estime  singulière.  Nous  aurons 
apparamment  l'avantage  de  le  voir  ici  l'automne  prochain,  bien  des 
gens  le  souhaitent  fort.  M.  Pluvier  qui  a  écrit  contre  votre  lettre 
de  cullu  sanciorum  ignotorutn,  dit  qu'il  veut  faire  une  apologie  du 
bréviaire  Romain  et  faire  voir  la  vérité  de  l'histoire  du  batème  de 
Constantin,  des  vies  de  saint  Eustache,  de  sainte  Catherine  d'Alexan- 
drie &c.  Il  me  semble  qu'il  est  fort  méprisé  ici  et  n'étoit  qu'il  y 
aura  peut-être  quelque  chose  à  craindre  du  côté  de  l'Indice,  je 
serois  d'avis  que  vous  laissassiez  tomber  ce  petit  méchant  livre 
quoiqu'il  y  ait  bien  des  gens  en  cette  cour  qui  sont  de  même  sen- 
timent que  vous  touchant  les  reliques  des  catacombes  ;  ils  im- 
prouvent pourtant  que  vous  les  ayiez  troublés  dans  la  distribu- 
tion de  leurs  reliques  qui  attirent  tant  de  gens  à  Rome,  je  cherche 
toujours  les  livres  que  M.  Bulteau  demande,  il  sera  difficile  de  les 
trouver.  Je  suis  avec  respect 

Mon  Révérend  Père, 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère 
fr.  Bernard  de  Montfaucon  m.  b. 

P.  S.  de  D.  Guillaume, 

au  Révérend  Père  Jean  Mabillon  à  Saint-Germain  des  Prez 
à   Paris  (ntéme  sceau). 


Fr.  17701,  f.  106.  D.  Montfaucon  à  D.  Mabillon. 

-f  à  Rome  ce  7  juillet  1700 
Mon  Révérend  Père 

J'ai  receu  votre  lettre  écrite  delà  main  de  D.  Thierry;  j'y  ay 
appris  avec  bien  du  déplaisir  que  vous  avez  eu  quelque  accez  de 
fièvre,  je  souhaite  que  cela  n'ait  point  de  suite,  votre  lettre  me  donne 
lieu  de  l'espérer.  Nous  aurons  l'ordinaire  prochain  des  nouvelles  du 
décret  du  Saint-Office  contre  les  libelles  de  l'abbè  Allemand  et  de 
toute  la  suite.  Je  ne  doute  pas  que  Votre  R'^'^  et  tous  les  gens  de 
bien  n'en  ayent  eu  bien  du  plaisir.  Les  Pères  disent  que  ces 
libelles  ne  viennent  pas  de  leur  corps  et  qu'ils  n'y  ont  aucune 
part.  On  n'a  point  encore  veu  dans  ce  pnys-ci  la  lettre  imprimée 
des  M'''^^  jes  Missions  étrangères  touchant  Tafiairc  de  la  Chine,  je 
l'ai  leue  manuscrite,  elle  est  très  forte  et  parfaitement  bien  écrite, 
j'ai  encore  leu  en  manuscritla  lettre  de  M.  Brisacier  où  il  révoque 
l'approbation  donnée  au   livre  du  F.  Tellier.  Ce  sont  de  terribles 


MABILLON    ET    MONTFAUCON  467 

coups  pour  les  bons  pures.  Nous  avons  envoyé  à  Votre  R^""  dans  le 
dernier  ballot  que  le  P.  Doé  a  receu  le  livre  d'Inscriptions  de 
M.  Fabretti,  il  faut  le  luy  demander,  je  luy  mande  de  vous  le 
remettre  ;  nous  avons  aussi  envoyé  cy-devant  pour  Votre  R'^'^  l'his- 
toire de  Padolirone,  je  ne  scay  dans  quel  ballot  elle  doit  être 
arrivée.  Le  P.  Doé  ou  le  P.  Beaugendre  vous  en  donneront  des 
nouvelles  ;  nous  avons  aussi  envoyé  deux  autres  exemplaires  de  la 
même  histoire,  l'un  pour  M.  Baluze,  l'autre  pour  M.  l'Abbé  de 
Longuerue,  mais  ceux-cy  sont  en  blanc  et  celuy  que  nous  avons 
envoyé  pour  vous  étoit  relié. 

J'eux  avant-hier  audiance  d'une  grosse  heure  du  Cardinal 
Ferrari,  Il  est  très  bien  intentionné  pour  la  Congrégation.  Il  attend 
avec  impatience  le  dernier  volume  de  saint  Augustin.  M.  Notre, 
ambassadeur  fit  avant-hier  au  soir  sa  comparsa  en  termes  de  ce 
pays  cy,  elle  etoit  des  plus  magnifiques  qu'on  ait  jamais  veu  à 
Rome. 

Je  salue  très  aftectueusement  D.  Thierry,  et  suis  avec  respect 

Mon  Révérend  Père 
Votre  très  humble  et  affectionné  confrère 
D.  Bernard  de  Montfaucon. 

Je  ne  scay  rien  de  M.  Pluvier,  sinon  que  son  livre  est  fort 
méprisé  des  gens  d'esprit,  tout  le  monde  dit  ici  qu"il  ne  faut 
point  répondre  à  son  livre. 

P.  S.  de  D.  Guillaume, 

Au  Réved.  Père  Jean  Mabillon  à  Paris 
(même  cachet) 

—  8   - 

1700.  20  Juillet,  Rome. 

D.  Montfaucon  à  D.  Mabillon. 

N'ayant  pu  retrouver  cette  lettre  de  la  collection  Laperlier  vendue 
le  16  mai  1908,  je  reproduis  le  catalogue  :  «Belle  lettre  où  il  le 
dissuade  de  répondre  aux  histoires  de  M.  Pluvier  concernant  le 
baptême  de  Constantin,  saint  Eustache  et  sainte  Catherine 
d'Alexandrie.  Il  lui  demande  aussi  de  proposer  un  sujet  destiné  à 
remplacer  M.  du  Bois  auprès  du  Cardinal  d'Estrées.  «  Le  poste  qui 
est  de  soy  fort  honorable  est  encore  meilleur  chez  S.  E.  d'Estrées 
qui  est  un  seigneur  fort  généreux  et  bienfaisant.    » 


468  A.    J.    CORBIERRE 

—  9  — 

Fr.   17680,  f.  275.  —  Fr.   19658,  f.  243.  D.  Monfaucou  à  D.  Mabillon. 
P.  C.  +  à  Rome  ce  10  août  1700 
Mon  Révérend  Père 

Je  crois  plus  que  jamais  que  V.  R.  ne  doit  point  répondre  au 
livre  de  M.  Pluvier.  Il  est  si  méprisé  icy  qu'il  fait  grand  tort  à  son 
auteur.  Il  n'y  a  pas  jusqu'à  M.  Pluvier  luy  même  qui  ne  témoigne 
en  être  dégoûté.  Il  se  plaint  qu'il  ne  peut  se  rembourser  des  frais 
qu'il  a  fait  pour  l'impression.  Il  eut  dernièrement  l'imprudence  de 
dire  eu  bonne  compagnie  qu'il  étoit  du  même  sentiment  que  vous 
touchant  les  reliques  des  Catacombes,  mais  que  certains  intérêts 
l'avoient  porté  à  faire  ce  livre  ;  c'est  un  esprit  inquiet  qui  cherche 
fortune,  ce  ne  sera  pas  son  livre  qui  la  lui  fera  trouver;  je  ne  crois 
point  que  la  lettre  de  cultu  sanctorum  soit  dénoncée  ny  qu'on 
pense  à  la  dénoncer  ;  depuis  un  certain  temps  on  est  plus  circons- 
pect ici  et  on  ne  met  pas  si  facilement  les  livres  à  l'index. 

Je  présenteray  mes  respects  aux  Eminences  que  vous  me  mar- 
quez la  première  fois  que  je  les  verray  ;  je  n'ay  jamais  été  voir  le 
Cardinal  Phamphile. 

Je  n'ay  aucun  papier  à  M.  de  Cocherel.  Il  est  vray  qu'il  me  prêta 
une  fois  la  description  d'un  ancien  tombeau  trouvé  auprès  de  son 
pays  que  je  lui  rendis  peu  après,  apparamment  ce  n'est  pas  cela 
que  l'on  cherche.  Le  bon  homme  m'ècrivoit  assez  souvent  et  il 
n'auroit  pas  manqué  de  me  redemander  son  papier  dont  je  n'avois 
point  à  faire  en  ce  pays  cy. 

Le  Pape  se  porte  mieux,  il  est  arrivé  deux  courriers  extraordi- 
naires qui  avaient  été  dépéchés  pour  l'afLiire  du  Card.  de  Bouillon 
On  ne  scait  pas  ce  qu'ils  apportent,  on  soupçonne  seulement  que 
ce  n'est  rien  de  bon  pour  cette  Eminence. 

On  attend  de  jour  en  jour  le  P.  le  Comte,  les  Jésuites  publient 
qu'il  a  obtenu  son  congé  du  Roy  et  qu'il  gardera  toujours  sa  qua- 
lité de  confesseur  de  Madame  la  Duchesse  de  Bourgogne  et  sa  pen- 
sion ordinaire.  Je  suis  avec  toute  l'estime  possible 

Mon  Révérend  père, 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur 
fr.  Bernard  de  Montfaucon.    M.  b. 

D.  Guillaume  vous  salue  très  humblement. 
+  au  Rév^'  Père  Jean  Mabillon  â  Saint-Germain  des  Prez,  à  Paris. 

Même  cachet. 


MABILLON    ET   MONTFAUCON  469 

—  10  — 

1700,  10  août. 

D.  Mabillon  à  D.   Montfaucon. 

D'après  la  lettre  du  31  août  1700,  f.  17701,  p.  109. 

—  II   — 

Fr.  17701,  f.  108.  D.  Monfaucon  à  D.  Mabillon. 

P.  C.  +  à  Rome  ce  17  août  1700 
Mon  Révérend  Père 

D.  Guillelmo  Leslé  vieux  ecclésiastique  Ecossais  que  V.  R.  a  veu 
à  Rome  et  dont  elle  fait  mention  dans  son  Iter  m'a  prie  de  vous 
remercier  de  sa  part  des  amitiés  que  vous  avez  faites  à  un  Ecossais 
de  ses  amis,  vous  scaurez  bien  qui  c'est.  Je  suis  bien  aise  que  vous 
aye?  enfin  receu  les  livres,  j'avois  envoyé  encore  une  histoire  de 
Padolirone  pour  M.  Baluze,  et  une  autre  pour  M.  l'Abbé  de  Lon- 
guerue  qui  ne  se  trouve  point .  11  en  sera  peut  être  arrive  comme 
de  vos  livres.  A  cette  heure  même  arrive  fr.  J.  Moreau,  il  viendra 
loger  céans  vendredy  et  nous  le  ferons  partir  le  plutôt  qu'il  se 
pourra.    Ce  bon    religieux  pèche    plus    par    simplicité    que   par 

malice.  Le  P.  le  Comte  est  arrivé  ici.  Les  font  courir  le  bruit 

qu'il  a  eu  peine  d'en  obtenir  la  permission  du  Roy  et  que  S.  M. 
lui  donne  deux  cents  écus  de  pension. 

Le  Pape  est  mal,  on  ne  croid  pas  qu'il  en  relève.  Il  y  a  lé  jours 
qu'il  a  la  fièvre  et  ledevoyement,  c'est  merveille  qu'un  vieillard  de 
86  ans  puisse  résister  à  une  si  longue  maladie.  Q.uelqu'efFort 
qu'on  ait  fait  ici  jusqu'à  présent  pour  l'obliger  à  faire  une  promo- 
tion on  n'a  jamais  peu  l'y  résoudre.  Il  y  en  a  qui  croyent  qu'il  la 
fera  avant  de  mourir.  Je  ne  manqueray  pas  de  faire  vos  compli- 
ments à  ceux  que  vous  marquez.  Je  suis  avec  respect 

Mon  Révérend  Père 

Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère 
fr.  Bernard  de  Montfaucon  m.  b. 

Voilà  une  lettre  que  D.  Guillaume  Leslé  envoyé  à  M.  Adamson 
Ecossais . 

au  R^  P.  Jean  Mabillon  en  l'abbaye  de 
Saint-Germain  des  Prez  à  Paris.  Même  sceau. 


470  A.    J.    CORBIERRE 

12    

Fr.  17701,  f.  109.  D.  Montfaucouà  D.  Mabillon. 

P.  C.  +  à  Rome  ce  31  août  1700 

Mon  Révérend  Père 

J'ay  leu  à  M.  le  Gard.  d'Estrées  votre  lettre  du  10  d'Août  il 
vous  est  fort  obligé  des  diligences  que  vous  faites  pour  luy  trou- 
ver un  théologien.  Je  luy  representay  les  difficultés  qu'il  y  a  d'en 
trouver  qui  soient  propres  pour  luy  et  qui  ne  soient  point  placés. 
Il  médit  que  si  on  ne  pouvoit  point  trouver  un  homme  formé  qui 
eut  tout  l'acquit  nécessaire,  il  se  contenteroit  d'un  ecclésiastique 
qui  sceut  déjà  quelque  chose  qui  eut  bon  sens  et  des  dispositions 
pour  se  rendre  capable.  Il  vous  prie  de  luy  continuer  vos  soins 
conjointement  avec  D.  Claude  Guenier.  Il  vint  chez  nous  ven- 
dredy  passé  et  y  resta  une  heure  et  demy,  et  le  lendemain  il  y 
passa  toute  la  journée  et  nous  traita  à  dîner  avee  le  P.  François 
Latenay  assistant  des  Garnies.  Nous  passâmes  ensemble  tout  le 
jour  à  examiner  les  statuts  qu'il  a  dressez  pour  son  abbaye  de 
Saint-Glaude.  Le  livre  de  M.  Pluvier  est  tout  à  fait  tombé  icy, 
on  n'en  parle  plus  et  on  n'y  pense  plus. 

Je  suis  tâché  que  le  P.  Martianay  s'attire  tant  d'ennemys  et  sur- 
tout qu'il  ait  déclaré  la  guerre  au  P.  Sequien  qui  est  un  des  meil- 
leurs et  des  plus  honnêtes  religieux  de  France,  mais  on  connoit 
le  naturel  de  ce  père,  il  ne  faut  pas  espérer  qu'il  change. 

Le  Pape  est  tantôt  mieux,  tantôt  plus  mal,  son  flux  de  ventre 
avoit  cessé  depuis  mercredy  passé,  il  l'a  repris,  dit-on,  cette  nuit, 
ce  sera  merveille  s'il  en  relève.  Je  fais  mes  complimens  à 
D.  Thierry.  Nous  avons  reçeu  et  distribué  les  livres  de  D.  Edmond 
Materne,  de  Rilihus  Eccl.  ;  vous  nous  obligerez  de  nous  envoyer 
encore  des  exemplaires  de  ses  anecdotes.  Je  suis  avec  respect 

Mon  Révérend  Père 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère 
fr.  Bernard  de  Montfaucon. 

fr.  Guillaume  vous  présente  ses  très  humbles  respects. 
Au  Révérend  Père  J.  Mabillon  à  Saint-Germain  des  Prez. 

(Même  cachet.) 


MABILLON    ET   MONTFAUCON  47 1 

—  13    — 

Fr.  19655,  f.  222  bis.  D.  Montfaucon  à  D.  J.  Mabillon. 

P.  C.  -)-  à  Rome  ce  14  septembre  1700 

Mon  Révérend  Père 

J'ay  recours  à  V.  R'=«  pour  la  prier  instamment  de  faire  copier 
par  quelqu'un  de  nos  confrères  qui  le  puisse  bien  faire  la  vie  de 
saint  Cassien  qui  est  dans  nos  manuscris,  citée  par  Dom.  Thierry 
Ruynard  dans  son  Saint-Grégoire  de  Tours,  col.  95e.  C'est  M. 
l'Assesseur  du  Saint-Office  qui  la  demande  même  avec  empresse- 
ment. Ce  Prélat  qui  est  fort  recommandable  par  sa  dignité  et  par 
son  mérite  et  qui  sera  infailliblement  Cardinal,  nous  a  si  bien  servi 
dans  l'affaire  de  l'Abbé  Allemand  que  nous  sommes  obligés  de  lui 
donner  cette  satisfaction  par  un  motif  de  reconnoissance.  La 
note  de  D.  Thierry  p.  95e,  commence  ainsi  :  Habemus  in  vetus- 
tis  mss.  codd.  vitamS.  Cassiani  soluta  et  stricta  oratione  descrip- 
tarn  &c.  C'est  cette  vie  que  demande  l'assesseur,  tant  celle  en  vers 
que  celle  en  prose.  Il  souhaite  aussi  qu'on  lui  envoyé  la  vie  de 
saint  Cassien  martyr  différent  de  l'autre  si  elle  se  trouve  dans  nos 
manuscrits.  Il  voudroit  bien  qu'on  nous  envoyât  ces  vies  feuille  à 
feuille  par  les  ordinaires,  ce  qui  est  fort  facile  et  de  peu  de  frais, 
je  supplie  Votre  R'^'-'  de  faire  faire  diligence  pour  donner  à  ce 
prélat  toute  la  satisfaction  possible.  Je  suis  avec  respect 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur  et  confrère, 
fr,  Bernard  de  Montfaucon,  mb. 
Au  R'^  Père  Jean  Mabillon  à  Paris.  Même  sceau. 

—  14  — 

Fr.  17701,  f.  112.  D.  Montfaucon  à  D.  Mabillon. 

-\-  à  Rome  ce  30  novembre  1700 

Mon  Révérend  Père 

M.  l'assesseur  a  reçu  à  présenties  deux  vies  de  saint  Cassien,  en 
vers  et  en  prose  ;  il  en  a  témoigné  bien  de  la  reconnaissance  ;  j'ac- 
tends  votre  réponse  touchant  les  autres  mémoires  que  M.  l'Asse- 
seur  demande,  je  cherche  aussi  de  mon  côté  et  j'ay  écrit  au  R.  P. 
prieur  d'Autun  d'où  saint  Cassien  a  été  êvêque  pour  luy  demander 
des  notices.  J'ai  rendu  vos  lettres  à  M<=^^.  les  Abbés  de  Louvois  et 
Renaudot  qui  nous  témoignent  toujours  de  l'amitié  à  leur  ordinaire. 
j'ay  aussi  fait  vos  baisemains  aux  autres  MM.  les  Abbés  de  votre 


472  A.    J.    CORBIERRE 

connaissance.  Je  crois  que  le  R.  P.  Général  vous  priera  de  prendre 
soin  de  l'impression  du  livre  de  saint  Bernard  deconsideiatione  pour 
notre  S.  Pèrele  Pape  et  d'en  faire  l'épître  dédicatoire  a  Sa  Sainteté. 
C'est  un  grand  amy  du  Pape  qui  est  aussi  le  mien  qui  nous  donne 
cet  avis  après  avoir  parlé  à  Sa  S.  Le  plus  grand  mérite  de  l'ou- 
vrage consistera  dans  la  p'romtitude,  on  demande  un  caractère  un 
peu  gros,  le  gros  Romain  suffira,  de  peur  que  si  on  le  mettoit 
d'un  caractère  plus  haut,  le  volume  ne  fût  moins  portatif  ;  il  faudra 
le  mettre  en  petit  in-octave  afin  que  Sa  Sainteté  le  puisse  porter 
dans  sa  poche,  et  le  donner  à  M.  l'Arch  de  Rheims  pour  nous  l'en- 
voyer par  la  poste.  On  fit  l'adoration  du  Pape  mardy  passé,  on  l'a 
consacré  aujourd'huy,  on  le  couronnera  à  Saint-Jean  de  Latran 
dimanche  ou  le  jour  de  la  conception. 

Dom.  Thierry  trouvera  icy  mes  baisemains,  il  me  pardonnera 
si  je  ne  luy  écris  point,  je  le  remercie  de  ses  soins  pour  M.  l'As- 
sesseur. Il  y  a  près  de  douze  heures  que  j'écris  avec  peu  d'inter- 
ruption, et  il  me  reste  encore  bien  des  lettres  à  faire.  Je  suis  avec 
respect 

Mon  Révérend  Père 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère 
fr.  Bernard,  de  Montfaucon,  mb. 

M.  Neocomis  m'aurait  épargné  plusieurs  courses  au  Vatican,  s'il 
m'avait  envoyé  les  endroits  où  les  passages  à  conférer  se  trouvent, 
cela  étoit  facile  dans  un  lexicon  ;  j'ai  plus  de  peine  à  trouver  les 
éditions  que  les  manuscrits,  il  n'a  fait  autre  que  marquer  les 
pages  d'une   édition  que  je  ne  scay   si  je  trouveray. 

—  15   — 

Fr.  17701,  f.  113. 

D.  Montfaucon  au  Révérend  Père  D.  J.  Mabillon, 
P.  C.  +  à  Rome  ce  28  décembre  1700 

Mon  Révérend  Père 

On  ne  peut  mieux  s'y  prendre  que  fait  notre  S.  P.  le  Pape 
Si  la  suite  répond  a  ces  beaux  commencemens,  ce  sera  un  des 
plus  saints  Papes  que  nous  ayons  eu  depuis  longtemps.  Il  ne  fait 
aucun  bien  à  ses  parenset  ne  veut  pas  qu'ils  changent  le  moins  du 
monde  de  condition  ;  comme  il  a  beaucoup  d'esprit,  je  ne  doute 
pas  qu'il  ne  se  soutienne  dans  ses  bons  sentimens.  Certaines  gens 


MABILLON    ET   MONTFAUCON  473 

ont  chanté  le  triomphe,  publiant  par  tout  qu'il  étoit  tout  à  eux  et 
qu'il  feroit  tout  ce  qu'ils  voudroient,  mais  nous  venons  de  voir 
une  preuve  du  contraire  par  la  publication  d'une  feuille  de  l'In- 
dex qui  étoient  arrêtée  depuis  long  temps  par  leurs  machines 
souterraines  à  cause  que  la  défense  des  nouveaux  missionnaires  du 
P.  leTellieret  Daniel  Papebrok se  trouve  parmy  les  livres  défendus  ; 
on  n'a  jamais  peu  gagner  sur  le  Pape  défunt  qu'elle  fût  mise  au  jour 
et  celui-cy  la  fait  publier  dés  son  avènement.  Il  en  pourroit  bien 
arriver  de  même  pour  l'affaire  de  la  Chine.  J'ay  entièrement  gagné 
M.  le  Cardinal  de  Noailles  pour  mon  retour,  je  serais  même  parti 
dans  le  cœur  de  l'hyver,  si  je  n'avois  craint  pour  mes  manuscris, 
une  autre  raison  plus  forte  m'a  fait  encore  différer  mon  départ 
jusques  au  mois  de  mars,  c'est  que  j'ay  commencé  quelque  chose  que 
je  ne  puis  finir  qu'ici  et  il  me  faut  encore  deux  mois  pour  l'ache- 
ver. Bien  des  gens  m'exhortent  de  rester  à  Rome,  mais  gens  sans 
authorité,  M.  l'Archer  de  Paris  est  convaincu  qu'il  faut  que  je 
m'en  aille.  Nous  attendons  avec  impatience  l'édition  in-8°  des 
livres  de  saint  Bernard  de  coiisidemtio}ie  ad  Eiigcninm,  j'espère  que 
vous  nous  l'envoirez,  dès  qu'il  sera  imprimé  M.  l'Arch.  de  Reims 
le  mettra  volontiers  dans  le  paquet  qui  viendra  par  la  poste.  Il 
n'est  pas  nécessaire  de  le  relier  à  Paris,  nous  avons  icy  un  bon 
relieur  français,  et  les  feuilles  se  reposeront  par  le  chemin  et  ne 
maculeront  point  quand  on  les  battra.  J'ai  leu  votre  lettre  sur 
la  S'^  Larme  et  l'insolente  réponse  de  M.  Thiers,  on  ne  peut 
rien  voir  de  plus  outré  ny  de  plus  injurieux.  Bien  que  je  croye 
qu'on  peut  raisonnablement  douter  de  la  vérité  de  la  S.  Larme 
de  Vendôme,  il  me  semble  que  M.  Thiers  a  tort  de  prétendre 
qu'elle  n'est  point  venue  de  Grèce,  mais  je  ne  sçay  si  en  prouvant 
que  les  Grecs  nous  l'ont  donné,  nous  levons  toute  sorte  de  doute. 
J'ay  fait  une  partie  de  vos  baisemains,  je  feray  le  reste.  Le  courrier 
est  arrivé  si  tard  que  je  n'ay  peu  tout  faire  et  rendre  vos  lettres.  Je 
souhaite  à  V.  R.  une  heureuse  année,  et  à  D.  Thierry  et 
D.  Eustache  et  suis    avec  respect 

Mon  Révérend  Père 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère 
fr.  Bernard  de  Montfaucon,  m.  b. 

au  Révérend  Père  Jean  Mabillon,    relig''  de  Saint-Germain   des 
Prez  à  Paris. 


474  A.    J.    CORBIERRE 

—   lé  — 

Fr.   17680,  f.  277.  D.  Montfaucon  il  D.   Mabillon. 

-+  à  Rome  ce  4  janvier  1701 
Mon  Révérend  Père 

Les  statuts  de  l'Abbaye  de  Saint-Claude  sont  finis  et  signez  de 
M.  le  Cardinal,  on  y  a  donné  au  Prieur  toute  l'autorité  qu'il  peut 
souhaiter.  Comme  la  vie  des  religieux  de  ce  monastère  telle  qu'elle 
est  portée  par  les  statuts  mêmes  est  extrêmement  large,  il  a  mis  sur 
certains  articles  et  en  particulier  sur  la  propriété  qu'il  ne  les 
approuvoit  pas  mais  qu'il  les  toléroit  seulement.  On  auroit  sou- 
haité d'y  rétablir  entièrement  la  discipline  régulière,  mais  vous 
savez  mieux  que  moy  la  difficulté  qu'il  y  a  de  réduire  un  nombre 
de  religieux  de  tout  âge  à  un  genre  de  vie  tout  à  fait  nouveau.  Je 
connais  particulièrement  M.  d'Angeville,  c'est  un  parfait  honnête 
homme,  je  le  plains  beaucoup  quoique  la  vie  qu'on  établit  dans 
les  statuts  soit  la  plus  mitigée  qu'on  voye  dans  l'église  de  Dieu,  je 
prévois  que  des  Religieux  aussi  peu  réglez  que  ceux  de  Saint- 
Claude,  auront  bien  de  la  peine  à  s'y  soumettre. 

M.  Pouderouxabbé  de  Saint-Martin  de  Canigou  veut  aussi  mettre 
la  réforme  dans  son  monastère  ;  il  m'écrivit  il  n'y  a  pas  long-tems 
pour  cela  et  me  disoit  que  chacun  de  ses  religieux  avoit  sa  ser- 
vante, ce  qui  disoit-il  est  défendu  par  la  règle  de  saint  Benoit,  je 
ne  crois  pas  que  saint  Benoît  se  soit  jamais  avisé  de  défendre  à  ses 
religieux  d'avoir  des  servantes.  J'espère  d'avoir  l'honneur  de  vous 
embrasser  au  printems,  je  partiray  au  commencement  de  mars  pour 
le  plus  tard,  M.  le  Cardinal  de  Noailles  est  party  ce  matin,  S.  E. 
d'Estrées  partira  après-demain  pour  aller  négocier  auprès  des  princes 
d'Italie,  il  commencera  par  la  République  de  Venise  ;  après  qu'il 
aura  fait  sa  tournée,  il  reviendra  à  Rome  où  il  restera  un  mois  et 
ensuite  il  s'en  retournera  à  Paris.  Le  Cardinal  de  Coislin  avec  M . 
Fromentin,  son  grand  vicaire,  partiront  au  mois  prochain.  L'abbé 
Renaudot  reste  à  Rome  encore  quelque  tems.  Le  Pape  luy  a  fait 
beaucoup  d'honnêtetés,  il  veut  travailler,  dit-il,  sur  les  manuscrits  ; 
je  doute  qu'il  puisse  s'assujettir  à  un  travail  assidu  tel  qu'il  le  faut 
pour  les  ouvrages  qu'il  médite,  il  s'est  acquis  beaucoup  de  répu- 
tation en  cette  cour  et  M.  Fromentin  aussi.  Je  suis  avec  respect 

^  Mon  Révérend  Père 

Votre  très  humble  et  affectionné  serviteur 
fr.  Bernard  de  Montfaucon,  m.  b. 


MABILLON  ET   MONTFAUCON  475 

Mes  baisemains  à  D,  Thierry  et  D.  Eustache. 

au  R.  P.  Jean  Mabillon  à  Sains-Germain  des  Prez. 
(Même  cachet) 

—  17  — 
Fol.  17701,    f.114.  D.   Montfaucon  à  D.  Mabillon. 

P.  C.  +  à  Rome  ce  11  janvier  1701 

Mon  Révérend  Père 

Nous  attendons  avec  impatience  la  nouvelle  édition  des  livres 
di'CoHs'uîeralioiie  ad  Eugcinum.  Nous  la  présenterons  à  sa  Sainteté 
nous  luy  présentâmes  vendredi  passé  S'  Athanase,  on  ne  peut 
être  plus  porté  pour  la  congrégation  qu'il  nous  témoigna  l'être. 
Il  me  dit  plusieurs  fois  que  je  visse  en  quoy  il  pourroit  la  favoriser 
et  comme  l'heure  de  dîner  étoit  passée  et  que  le  P.  du  Bue  avec 
un  autre  se  trouvèrent  presens,  il  me  renvoya  à  une  ou  il  veut  me 
parler  des  moyens  de  rétablir  l'imprimerie  et  les  belles  lettres  à 
Rome.  Il  témoigne  avoir  cela  fort  à  cœur,  M.  le  Gard,  de 
Noailles  partit  d'icymardy  passé.  Il  y  a  laissé  l'Abbé  Renandot  qui 
veut  voir  Rome  à  loisir,  en  compagnie  de  M.  l'Abbé  de  Louvois, 
je  seray  de  la  partie  après  quoy  au  premier  beau  tems,  je  me 
mettray  en  chemin.  M.  le  Gardinal  d'Estrées  partit  vendredy  passé 
pour  Venise  où  il  va  négocier  et  de  là  dans  les  autres  cours  des 
Princes  d'Italie.  Je  ne  doute  pas  que  Sa  Sainteté  ne  reçoive  les 
livres  de  consideratione  avec  plaisir,  il  en  fait  sa  lecture  ordinaire. 
Je  crois  que  l'affaire  de  la  Ghine  va  recommencer  dans  peu  de 
jours.  Les  Pères  verront  alors  si  le  Pape  est  à  leur  mode.  Ils  en  ont 
déjà  quelques  preuves  par  la  publication  de  la  feuille  de  l'Indice. 
Je  suis  avec  respect 

Mon  Révérend  Père 
Votre  très  humble  et  très  affectionné  confrère, 
fr.  Bernard  de  Montfaucon  mb. 

au    R.    P.  Jean  Mabillon  à  Saint-Germain  des    Prez,  à  Paris. 

(Même  sceau.) 

En  réalité,  il  n'y  a  pas  que  la  mention  des  lettres  de  Dom  Mabil- 
lon; nous  finissons  en  espérant  que  cet  article  les  fera  découvrir 
et  imprimer  ou  au  moins  signaler.  Nous  n'admettrons  jamais  que 
Dom  de  Montfaucon  ne  les  ait  pas  gardées  précieusement,  vu 
qu'il  y  a  une  numération  qui  le  prouve  dans  les  volumes  conser- 
vés à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris. 

A.  J.  GORBIERKE. 


RABELAIS  ET  CORNELIUS  AGRIPPA 


Les  commentateurs  de  Rabelais  se  sont  accordés  pour  iden- 
tifier le  personnage  appelé  Her  Trippa  qui,  au  chapitre  XXV 
du  Tiers  Livre,  nous  est  présenté  comme  prédisant  toutes 
choses  futures  «  par  art  d'astrologie,  geomantie,  chiromantie, 
metopomantie  et  aultres  de  pareille  farine  »,  avec  Henri  Cor- 
nélius Agrippa  de  Nettesheim,  médecin  originaire  de  Cologne, 
l'auteur  bien  connu  du  De  incertitudine  et  vanitate  Scientiariim 
et  Artiiun.  Toutefois,  on  n'a  peut-être  pas  essayé  de  justifier 
par  tous  les  arguments  désirables  cette  identification  piquante, 
bien  faite  assurément  pour  exciter  la  curiosité  des  rabelaisants, 
puisqu'elle  met  en  cause,  au  cours  d'un  épisode  célèbre  du 
Pantagruel,  l'une  des  plus  singulières  figures  de  l'époque  de 
la  Renaissance. 

Pour  quels  motifs  Rabelais  a-t-il  fait  intervenir  ainsi  cet 
étrange  personnage  dans  l'enquête  poursuivie  par  Panurge  sur 
les  femmes  et  le  mariage;  existe-t-il  entre  le  rôle  joué  par  Her 
Trippa  dans  le  Tiers  Livre  et  le  caractère  et  les  doctrines  de 
Corneille  Agrippa  une  concordance  manifeste  ;  enfin,  est-il 
possible  de  relever  entre  la  vie  de  Rabelais  et  celle  de  l'écri- 
vain allemand  des  points  de  contact,  sinon  certains,  du  moins 
vraisemblables,  et  peut-on  croire  qu'ils  se  sont  connus  au 
cours  de  leur  existence  quelque  peu  vagabonde?  Voilà  autant 
de  questions  auxquelles  il  serait  utile  de  répondre  et  dont  la 
solution,  en  justifiant  et  en  expliquant  l'évocation  faite  par 
Rabelais  de  son  énigmatique  confrère  allemand,  conférerait  à 
celle-ci  une  signification  toute  nouvelle.  Nous  allons  tenter, 
par  un  exposé  des  fiiits  aussi  succinct  que  possible,  d'éclaircir 
ces  divers  problèmes. 


478  ABEL    LEFRANC 

I 

Si  Rabelais  a  fliit  intervenir  Cornélius  Agrippa  dans  la 
longue  et  divertissante  enquête  qui  remplit  la  plus  grande 
partie  du  Tiers  Livre,  c'est  que,  précisément,  l'écrivain  d'outre- 
Rhin  avait  pris  une  part  bruyante  à  la  «  querelle  des  femmes  » 
qui  se  déroula  pendant  la  première  moitié  du  xvi^  siècle  et 
dont  nous  avons  raconté  ailleurs  l'histoire  mouvementée  '. 
On  sait  que  l'apparition  du  Tiers  Livre  lui-même  se  rattache  à 
cette  mémorable  controverse.  Agrippa  publia,  en  effet,  en 
1529,  à  Anvers,  son  traité  De  nohilitate  et  prœceUentia  fœminei 
sexus,  composé  dès  1509  à  Dôle,  et  qui  constitue  le  panégy- 
rique le  plus  enthousiaste,  et  sans  doute  le  moins  nuancé,  que 
le  xvi^  siècle  ait  vu  paraître  en  faveur  du  sexe  féminin.  L'au- 
teur prête  à  celui-ci  toutes  lès  qualités  et  toutes  les  vertus. 
Quelques  intitulés  de  chapitres  suffiront  à  donner  une  idée  du 
ton  adopté  par  le  champion  des  femmes  dans  son  ouvrage  : 
«  Qu'il  y  a  des  preuves  certaines  de  l'excellence  de  la  femme 
au-dessus  de  l'homme.  —  Que  le  nom  d'Eve  prouve  la  supé- 
riorité de  la  femme  au-dessus  de  l'homme.  —  Que  la  femme 
est  le  chef-d'œuvre  des  ouvrages  de  Dieu.  —  Que  la  femme 
fait  le  bonheur  de  l'homme.  —  Que  tout  le  mal  vient  des 
hommes  et  le  bien  des  femmes.  —  Que  les  mauvais  maris 
font  seuls  les  mauvaises  femmes.  —  Les  femmes  savent  toutes 
choses  naturellement.  —  Les  femmes  sont  capables  de  tout: 
l'histoire  en  fait  foi.  —  L'état  où  est  la  femme  aujourd'hui 
résulte  d'une  usurpation  de  ses  droits.  —  La  femme  n'est 
point  faite  pour  obéir  à  l'homme.  »  Comme  on  le  voit. 
Agrippa  ne  se  contente  pas  de  soutenir  la  thèse  de  l'égalité 
absolue  des  deux  sexes;  il  prétend  encore  démontrer  la  supé- 
riorité du  sexe  féminin  sur  l'autre.  L'ouvrage  trouva  forcé- 
ment, du  côté  des  féministes,  alors  nombreux,  une  vogue 
marquée  ;  il  fut  traduit  de  très  bonne  heure  et,  chose  digne  de 
remarque,  parut  en  français  en  1537  à  Lyon,  chez  François 

1.  Revue  des  Etudes  rabelaisieiiues,  1904,  p.  i-io  et  78-109. 


RABELAIS    ET    CORNELIUS    AGRIPPA  479 

Juste,  l'éditeur  même  de  Rabelais.  Celui-ci,  on  le  devine,  dut 
lire  avec  une  ironie  peu  bienveillante  cette  apologie  outrée  et 
indiscrète,  si  éloignée  de  ses  propres  idées,  et  c'est  avec  une 
satisfaction  assez  naturelle  qu'il  songea,  au  moment  de  la  pré- 
paration de  son  Tiers  Livre,  à  mettre  en  scène  le  trop  ardent 
panégyriste,  heureux  sans  doute  de  saisir  une  occasion  favo- 
rable de  le  rendre  ridicule.  Entre  ces  deux  confrères,  le  pre- 
mier d'un  jugement  si  alerte  et  si  juste,  le  second,  —  malgré 
certaines  conceptions  intéressantes  et  parfois  remarquables  for- 
mulées dans  ses  ouvrages,  —  d'un  esprit  si  peu  équilibré  et, 
semble-t-il,  d'une  sincérité  sujette  à  caution,  aucune  sympa- 
thie intellectuelle  ne  pouvait  exister.  Certes,  Rabelais  connais- 
sait fort  bien,  comme  médecin  et  comme  habitant  de  Lyon,  — 
nous  reviendrons  plus  bas  sur  ce  point,  —  la  psychologie  du 
personnage,  ses  œuvres  principales,  notamment  le  De  vanitate 
Scientiarum,  ses  doctrines  quelque  peu  retentissantes  dans  le 
domaine  de  l'astrologie,  de  la  divinitation  et  des  sciences 
occultes,  ses  aventures  singulières,  son  genre  de  vie  et  ses  occu- 
pations favorites.  Il  savait  que  la  profession  médicale,  prati- 
quée par  Agrippa  avec  un  sérieux  fort  discutable,  ne  cons- 
tituait qu'un  des  aspects  de  son  activité  multiple.  «  Pour  le 
populaire,  c'était  une  espèce  de  sorcier,  (nous  dit  l'un  de 
ses  meilleurs  biographes  ').  Agrippa  était  en  correspondance 
avec  des  gens  qui  lui  parlaient  de  chiromancie  et  d'astrologie. 
Il  faisait  lui-même  de  l'alchimie  ;  il  donnait  des  horoscopes.  » 
C'est  exactement  le  genre  de  consultation  que  Panurge  vient 
demander  à  Her  Trippa  sur  le  conseil  d'Epistémon. 

Entre  le  rôle  de  Her  Trippa,  tel  qu'il  apparaît  au 
chapitre  XXV  du  Tiers  Livre,  et  celui  des  moyens  d'existence 
de  Cornélius  Agrippa  qui  avait  dû  retenir  davantage  la  curio- 
sité de  ses  contemporains,  tout  en  représentant  par  ailleurs  le 
côté  original  de  son  labeur  pseudo-scientifique,  la  concordance 
était  complète.  Nombre  de  lecteurs  du  Pantagruel  pouvaient 

I.  Les  sciences  et  les  arts  occultes  au  XVI^  siècle.  Corneille  Agrippa,  sa  vie  et 
ses  œuvres,  par  Aug.  Prost.  Paris,  H.  Cliampion,  1882.  2  vol.  in-8,  t.  II, 
p.  217. 


480  ABEL    LEFRANC 

ainsi  reconnaître  sans  peine  notre  personnage,  d'autant  mieux 
que  le  Her  de  l'appellation  forgée  par  Rabelais  suffisait  à  dési- 
gner un  Allemand,  pendant  que  le  nom  Trippa,  probablement 
choisi  avec  une  intention  satirique,  évoquait  par  sa  désinence 
le  nom  même  du  prétendu  philosophe.  Que  si  maintenant, 
nous  ouvrons  soit  le  traité  De  occulta  pbilosophia^,  soit  le  De 
vanitate  Scientiaruni  d' Agrippa  ^,  nous  y  découvrons  aisément 
les  genres  de  divination  conjecturale  ou  magique  (il  y  en  a 
trente-sept)  proposés  par  Her  Trippa,  étudiés  et  décrits  avec 
tout  le  détail  désirable.  On  sait  en  effet  que  la  magie  dont 
Agrippa  était  un  fervent  adepte,  et  dont  son  De  occulta philoso- 
phia  forme  un  véritable  traité,  comprenait,  avec  la  sorcellerie  et 
les  arts  magiques  proprement  dits,  la  divination  soit  conjectu- 
rale, procédant  de  l'observation  des  signes,  soit  plus  spéciale- 
ment magique,  fondée  sur  des  pratiques  mystérieuses  ^ .  A  la 
divination  magique  se  rapportaient  l'astrologie,  l'art  de  tirer 
des  probabilités  de  l'examen  des  corps,  des  aspects  divers  de  la 
figure  de  l'homme  ou  de  ses  membres,  de  l'explication  des 
songes,  de  l'étude  des  sorts  (chiromancie,  metoposcopie,  alec- 
tryomancie,  onomancie,  stoicheomancie,  etc.).  A  la  divina- 

1 .  Henrici  Cornelii  Agrippx  ah  Nettesheym  a  consiliis  et  archivis  Indiciarii 
sacrx  Cesareœ  Majestatis  De  occulta  philosophia  lihri  très.  Citm  gratta  et  pri- 
vilégia Cxsarex  Majestatis  ad  triennium.  —  A  la  fin  :  Occultée  philosophiîe 
Henricii  Cornelii  Agrippa;  finis.  Anno  MDXXXIII,  mcnse  Julio  (s.  1.  n.  d. 
chez  Jean  Soter,  à  Cologne).  —  Bibl.  Nat.  Z  1983  A.  (Voy.  Prost,  II, 
p.  531).  Cet  ouvrage,  commencé  dès  1 509  et  complété  à  diverses  reprises  par 
des  additions,  contient  probablement  les  résultats  des  plus  anciens  travaux 
d'Agrippa,  c'est-à-dire  de  ceux  qui  remontaient  au  temps  de  sa  jeunesse.  Le 
traité  de  l'incertitude  et  de  la  vanité  des  sciences  appartient  à  son  âge  mûr. 
L'ensemble  des  oeuvres  d'Agrippa  est  dominé  par  ces  deux  ouvrages. 

2.  J'utilise  l'édition  publiée  à  Anvers  sous  ce  titre  :  Splendidx  nobilitatis 
viri  et  armatx  militix  Eqintis  aurati  ac  iitriiisque  Juris  Doctoris  Sacrx  Cxsa- 
rex  Majestatis  a  consiliis  et  archivis  Jnditiarii  Henrici  Cornelii  Agrippx  ah 
Nettesheym  De  Incertitudine  et  Vanitate  Scientiaruni  et  Artium  atque  exccllen- 
tia  Verhi  Dei  Declaniatio.  —  Johannes  Graphcus  excudchat  anno  a  Christo  nato 
M.D.XXX.  Meuse  septemb.  Antverpix.  Le  dernier  feuillet  est  occupé  par  la 
très  belle  marque  qui  représente  la  Charité. 

3.  Cf.  Prost,  op.  cit.,  t.  I,  p.  XXXIX  et  suiv. 


RABELAIS    ET   CORNELIUS    AGRIPPA  48 1 

tioii  magique  appartenaient  les  révélations  obtenues  du  démon 
par  divers  procédés  (géomancie,  aeromancie,  pyromancie, 
nécromancie,  gastromancie,  catoptromancie,  axinomancie, 
cephahtonomancie,  etc.),  et  enfin  les  oracles  (augures, 
auspices,  aruspices,  etc.).  Les  consultations  qu'offre  le 
personnage  de  Rabelais  à  ses  visiteurs  ont  leur  correspon- 
dance et  leur  explication  dans  les  publications  d' Agrippa.  Il 
suffit  de  parcourir  la  table  initiale  qui  donne  les  titres  des  cha- 
pitres du  de  Vanitate  pour  y  retrouver  les  appellations  mêmes 
des  sciences  qui  sont  spécialement  professées  par  Her  Trippa 
et  dont  l'indication  est  présentée  au  début  du  chapitre  XXV 
du  Tiers  Livre  :  De  astrologia,  de  geomantia,  de  metaposcopia  ', 
et  ainsi  de  suite.  Le  parallélisme  est  donc  complet  ;  il  apparaît, 
par  ailleurs,  comme  si  évident,  qu'il  n'est  pas  besoin  d'y  insis- 
ter davantage^. 

n 

Maintenant  que  le  rapport  entre  les  deux  personnages  est 
établi  d'une  manière  sûre,  il  est  à  propos  de  répondre  à  l'autre 

1 .  «  Icy,  près  l'Isle  Bouchart,  demeure  Her  Trippa,  (dit  Epistemon)  ;  vous 
sçavez  comment  par  art  d'astrologie,  geomantie,  chiromantie,  metopoman- 
tie  et  aultres  de  pareille  farine,  il  prîedict  toutes  choses  futures  ;  conférons 
de  vostre  affaire  avecques  luy  ». 

2.  On  lira  peut-être  avec  intérêt  cette  appréciation  de  Prost  (I,  86)  sur  la 
partie  du  De  Occulta  philosophia  dont  nous  parlons  ici  :  «  La  description  des' 
pratiques  mystérieuses  à  l'aide  desquelles  on  obtient  ces  merveilleux  résul- 
tats et  d'autres  du  même  genre,  n'est  pas  oubliée  dans  le  traité  d'Agrippa. 
L'art  des  fascinations,  celui  des  enchantements  et  des  évocations  et,  avec 
eux,  les  procédés  de  la  divination,  l'astrologie  enfin  y  font  l'objet  d'exposi- 
tions détaillées  auxquelles  l'auteur  donne  pour  fondement  les  doctrines  de 
métaphysique  et  de  physique  dont  nous  venons  de  présenter  la  succincte 
analyse.  Cette  portion  de  son  oeuvre,  conçue  dans  un  esprit  tout  pratique, 
en  est  de  beaucoup  la  plus  étendue  et  elle  frappait  plus  que  le  reste  proba- 
blement les  hommes  de  son  temps.  Il  n'en  serait  pas  de  même  pour  ceux 
d'aujourd'hui...  »  Remarquons  qu'un  quatrième  livre  fut  ajouté  de  bonne 
heure  à  l'ouvrage  d'Agrippa,  livre  qui  contient  une  énumération  classique 
des  procédés  de  la  magie  qu'il  est  intéressant  de  rapprocher  de  celle  du 
Tiers  Livre.  On  la  trouvera,  par  ex.  dans  une  éd.  de  l'ouvrage  d'Agrippa 
datée  de  1565,  Lyon.  (Bibl.  Mazarine,  28.458.) 

Mélanges.    II.  ji 


482  ABEL    LEFRANC 

question  :  Rabelais  et  Agrippa  ont-ils  été  à  même  de  se  ren- 
contrer ?  Certes,  l'auteur  du  De  Fâtn/to/^  avait  beaucoup  séjourné 
en  France,  à  Paris,  à  Avignon,  à  Autun,  à  Chalon-sur-Saône, 
à  Metz,  mais  surtout  à  Lyon.  Il  arriva  dans  cette  dernière  ville 
dans  les  premiers  mois  de  l'année  1524  et  y  demeura  quatre 
années  (probablement  le  plus  long  séjour  qu'il  ait  fait  dans  une 
ville).  Il  y  devint  conseiller  et  médecin  du  roi  de  France,  et  fut 
attaché  à  la  personne  de  la  reine-mère  Louise  de  Savoie.  Dans 
une  lettre  qui  porte  la  date  du  27  mai  1525,  il  se  félicite  de 
cette  fortune  inespérée.  Celle-ci,  toutefois,  ne  dura  pas  long- 
temps. Après  le  départ  de  sa  royale  maîtresse,  il  ne  put  obte- 
nir le  payement  de  ses  gages  et  tomba  dans  une  complète  dis- 
grâce en  même  temps  que  dans  une  situation  très  précaire. 
Aigri,  désenchanté,  il  écrivit  le  traité  de  «  l'incertitude  et  de  la 
vanité  des  sciences  »,  qui  porte  la  trace  continue  de  ses  mélan- 
coliques dispositions  d'esprit,  «  satire  emportée,  a-t-on  dit  jus- 
tement, des  mœurs,  des  lois,  des  usages  et  du  régime  entier 
de  la  société  de  son  temps.  »  Il  laissa  donc  à  Lyon  des  souvenirs 
nombreux  et  précis,  à  la  suite  de  ce  séjour  qui  marque  l'une 
des  crises  les  plus  graves  de  sa  vie.  Quand  Rabelais  y  arriva 
quelques  années  plus  tard,  en  1532,  il  n'eut  pas  de  peine  à  les 
recueillir.   En  1535,  du  reste.  Agrippa  se  rendit  de  nouveau 
à  Lyon,  venant  de  Bonn.  Nous  sommes  renseignés  avec  cer- 
titude sur   cette  période  finale   de  son  existence  par  le  plus 
fidèle  de  ses  disciples,  Jean  Wier.  Ce  changement  ne  lui  fut 
pas  favorable.  Revenu  à  Lyon,  il  se  vit  jeter  en  prison  par 
ordre  du  roi;  cette  incarcération  fut  motivée,  croit-on,  par  la 
hardiesse  avec  laquelle  il  aurait  écrit  antérieurement  contre  la 
reine-mère.  Ses  amis  intervinrent,  et  il  fut  relâché.  Il  se  retira 
alors  à  Grenoble,  où  il  mourut  peu  de  temps  après  au  cours 
de  l'année  1535,  âgé  de  49  ans,  sans  qu'on  puisse  préciser  le 
mois  de  son  décès.  Sa  fin  arriva  non  pas  à  l'hôpital,  dans  la 
maison  de  Saint-Antoine  de  la  rue  de  la  Perrière,  comme  on 
l'a  prétendu,  mais,  selon  toute  vraisemblance,  au  logis  même 
de  François  de  Vachon,  président  au  parlement  du  Dauphinc, 


RABELAIS    ET    CORNELIUS    AGRIPPA  483 

qui  l'avait  recueilli  chez  lui,  et  par  les  soins  de  qui  il  fut  inhumé 
honorablement  dans  l'église  des  Frères  Prêcheurs,  suivant  le 
témoignage  de  l'érudit  dauphinois  Guy  Allard.  Un  compa- 
triote et  contemporain  de  celui-ci,  Chorier,  confirme  tous  ces 
renseignements  mais  place  le  trépas  du  savant  allemand  dans  le 
logis  du  conseiller  au  Parlement  Ferrand,  où  était  mort  le 
jurisconsulte  Guy  Pape  vers  le  milieu  du  xv^  siècle  ^  Le  fait 
de  la  mort  d'Agrippa  survenue  en  1535,  à  Grenoble,  est,  en 
tout  cas,  hors  de  doute. 

Or,  personne  n'a  jamais  remarqué  que,  précisément  au  cours 
de  cette  même  année  1535,  Rabelais  avait  effectué  un  voyage 
semblable  à  celui  qui  marqua  la  fin  de  l'existence  d'Agrippa. 
Inquiet,  se  trouvant  sous  la  menace  de  poursuites,  il  quitta 
brusquement  Lyon  le  samedi  13  février  pour  aller  se  réfugier  à 
Grenoble  -,  où  il  trouva  un  asile  dans  la  maison  du  président 
François  de  Vachon,  le  même  chez  lequel  Guy  Allard  sup- 
pose que  s'éteignit  Agrippa.  En  outre,  Guy  Allard  remarque 
à  l'article  Vachon  de  sa  Bibliothèque  de  Daiiphiné  (1680)  que 
ce  personnage  «  président  à  mortier  en  ce  Parlement  soubs 
Henri  III,  ne  passoit  point  agréablement  les  heures  de  son  loi- 
sir s'il  n'estudioit  pas,  et  ses  plus  charmantes  conversations 
estoient  avec  les  gens  de  lettres  ;  aussi  recueillit-il  Rabelais  et 
Agrippa  dans  sa  maison  '  ». 

Il  semble  donc_,  d'après  ce  texte,  rédigé,  il  est  vrai,  au 
XVII''  siècle,  que  Rabelais  et  Agrippa,  qui  tous  deux  séjour- 
nèrent à  Grenoble  en    1535,  aient  pu   se   retrouver  dans   la 

1.  Chorier,  La  jurisprudence  du  célèbre  conseiller  et  jurisconsulte  Guy  Pape, 
etc.,  Lyon,  1692,  dans  la  vie  de  Guy  Pape  qui  figure  en  tête  de  cet 
ouvrage  (cité  par  Prost,  II,  p.  405). 

2.  Voy.  V.  de  Valous,  Rabelais  à  Lyon,  Lyon,  188 1,  p.  8  ;  notre  article  de 
la  Revue  des  Etudes  rabelaisiennes,  1908,  p.  148  et  suiv.  ;  et  Le  séjour  de  Rabe- 
lais à  Grenoble,  par  Albert  Ravanat,  Grenoble,  1891. 

3.  La  Bihliotèque  de  Dauphiné,  contenant  les  noms  de  ceux  qui  se  sont  dis- 
tinguei  par  leur  sçavoir  dans  cette  province  et  le  dénombrement  de  leurs  ouvrages 
depuis  XII  siècles.  Dressée  par  M.  Guy  Allard.  A  Grenoble,  chez  Laurent 
Gilibcrt,  1680.  V>5  Rabelais,  Agrippa  et  Vachon. 


484  ABEL    LEFRANC 

demeure  hospitalière  du  président  de  Vachon.  Et  même  il  ne 
serait  pas  impossible  qu'ils  se  fussent  rencontrés  déjà  à  Lyon, 
si  l'arrivée  d'Agrippa  dans  cette  ville  avait  été  antérieure  à  la 
mi-février.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  intéressant  de  constater 
que  les  circonstances  ont  imposé  à  chacun  d'eux,  vers  la  même 
époque,  un  déplacement  et  une  retraite  absolument  sem- 
blables, conseillés  par  la  prudence.  Une  telle  constatation  nous 
amène  à  nous  demander  s'il  n'existerait  point  une  relation 
entre  le  départ  de  l'un  et  celui  de  l'autre,  et  si  le  même  rapport 
ne  se  manifesterait  pas  en  ce  qui  touche  le  choix  du  lieu  du 
refuge.  Quand  Rabelais  s'enfuit  précipitamment  de  Lyon,  c'est 
que,  nouvellement  censuré  par  la  Sorbonne  \  il  a  lieu  de 
craindre  pour  sa  sûreté,  eu  égard  à  la  situation  générale  et  aux 
dispositions  des  pouvoirs  locaux  ;  or,  il  me  paraît  vraisemblable 
que  si  Agrippa  fut  incarcéré  dans  la  même  ville,  cette  mesure 
dut  être  prise  beaucoup  plus  en  raison  de  ses  idées  réputées 
téméraires  et  dangereuses  qu'en  punition  d'un  écrit  plus  ou 
moins  oublié,  dirigé  contre  la  reine-mère,  morte  depuis 
quatre  ans.  A  diverses  reprises,  son  orthodoxie  donna  lieu  à 
de  graves  soupçons  ^.  Mais  ce  qui  mérite  de  retenir  davan- 
tage notre  attention,  c'est  cette  circonstance  que  le  De  Vanitate 
et  son  auteur  furent  condamnés  par  la  Sorbonne  le  2  mars 

1.  J'incline  à  croire  que  la  censure  portée  contre  le  Gargantua  fut  pro- 
noncée par  la  Faculté  de  théologie  vers  le  mois  de  février  1555  et  qu'elle 
fut  la  cause  déterminante  du  départ  soudain  de  Rabelais. 

2.  Son  biographe  remarque  (t.  II,  App.  X,  p.  463  et  suiv.)  «  que  les 
tendances  d'Agrippa  pour  la  Réforme  sont  incontestables  et  permettent  de 
douter  de  la  sincérité  de  ses  paroles  dans  les  témoignages  qu'il  donne  par- 
fois d'opinions  qui  seraient  contraires  aux  novateurs.  Les  chroniques  mes- 
sines parlent  du  renom  qu'il  avait  à  Metz,  en  1519,  d'être  à  ce  moment  un 
des  adhérents  notoires  des  doctrines  religieuses  nouvelles...  Agrippa  pro- 
fessait une  véritable  admiration  pour  Luther,  l'hérétique  invaincu  comme  il 
l'appelle  ;  et  il  avait  adopté  des  opinions  analogues  aux  siennes  en  bien  des 
points...  La  communauté  d'idées  entre  Agrippa  et  les  hérésiarques  du 
xvie  siècle  s'accuse  dans  maint  passage  de  ses  écrits,  mais  tout  particulière- 
ment dans  son  traité  de  l'incertitude  et  de  la  vanité  des  sciences.  Tels  sont 
les  passages  qui  concernent  le  célibat  des  prêtres,  le  culte  des  saints,  le 
purgatoire,  etc.  » 


RABELAIS   ET   CORNELIUS   AGRIPPA  485 

1535.  L'ouvrage,  censuré  comme  entaché  des  doctrines  luthé- 
riennes (attaques  contre  le  culte  des  images,  des  temples,  des 
fêtes  et  des  cérémonies  de  l'Eglise  ;  blasphème  contre  les  écri- 
vains du  saint  canon),  fut  condamné  à  être  brûlé  publique- 
ment'.Voilà,  selon  nous,  la  véritable  cause  de  l'emprison- 
nement de  l'ardent  sectateur  des  sciences  magiques.  Les  mêmes 
censures  qui  frappèrent  Rabelais,  aussi  bien  du  côté  catholique 
que  du  côté  protestant,  l'atteignirent  pareillement.  Cela  est  si 
vrai  que  Calvin,  un  peu  plus  tard,  rapprocha  le  nom  de  Rabe- 
lais de  celui  d' Agrippa,  en  les  présentant  l'un  et  l'autre  comme 
deux  libres-penseurs  «  frappez  d'un  mesme  aveuglement  ^  ». 
De  toute  manière,  l'auteur  du  Pantagruel  dut  souvent  entendre 
parler  d'Agrippa.  S'il  l'a  connu  personnellement,  comme  bien 
des  indices  permettent  de  le  croire,  il  n'a  sans  doute  éprouvé, 
malgré  quelques  idées  communes  et  la  similitude  des  dangers 
courus  vers  le  même  temps,  aucune  sympathie  pour  son  con- 
frère; ce  champion  des  sciences  occultes  ne  pouvait  séduire  en 
nulle  manière  son  esprit  si  clair  et  tout  épris  des  réalités. 

Quelques  mots,  en  terminant,  sur  l'allusion  du  début  du 
chapitre  XXV  du  Tiers  Livre  relative  aux  infortunes  conju- 
gales de  Her  Trippa;  il  n'y  a  rien  d'impossible  à  ce  qu'elle 
évoque  un  bruit  plus  ou  moins  fondé  répandu  par  la  malignité 
publique.  Her  Trippa  y  apparaît  comme  fréquentant  la  cour 
pendant  son  premier  séjour  à  Lyon,  détail  qui  est  parfaitement 
exact  en  ce  qui  touche  Agrippa.  On  sait  qu'il  fut  marié  trois 
fois.  L'une  des  femmes  qu'il  épousa  passait  pour  très  belle. 
Quant  aux  cadeaux  faits  à  Her  Trippa,  en  dehors  des  «  cin- 
quante beaux  angelotz  »  qu'il  reçoit,  leur  énumération  ne  pré- 
sente rien  que  de  vraisemblable.  Les  imprécations  que  Panurge 
adresse  à  Her  Trippa,  en  quittant  sa  «  tanière  »  (fin  du  cha- 

1.  D'Argentré,  Collectio  judicionnn  de  novis  erroribus,  Paris,  1728,  fo 
t.  II,  p.  85.  Le  De  occulta  philosophia  fut  condamné  également  à  Cologne, 
en  1533. 

2.  Calvin,  Traité  des  Scandales  (1550),  éd.  de  1566,  p.  1182,  dans  le 
Recueil  des  Opuscules  de  Calvin  donné  à  cette  date,  par  Th.  de  Bézc. 


486  AÉEL    LEFRANC 

pitre),  ne  sont  pas  non  plus  pour  surprendre  :  «  A  trente  diables 
soit  le  coqu,  cornu,  marrane_,  sorcier  au  diable,  enchanteur  de 
l'Antichrist.  Retournons  vers  nostre  roy.  Je  suis  asceuré  que 
de  nous  content  ne  sera,  s'il  entend  une  fo5''s  que  soyons  icy 
venuz  en  la  tesniere  de  ce  diable  engiponné.  Je  me  repens  d'y 
estre  venu...  Vray  Dieu  !  comment  il  m'a  pertumé  de  fasche- 
rie  et  diablerie,  de  charme  et  de  sorcellerie  !  Le  diable  le  puisse 
emporter  !  »  Ce  sont  là  autant  d'allusions  qui  s'expliquent 
fort  bien  de  la  part  d'un  contempteur  de  la  magie  en  général 
et  spécialement  des  théories  d'Agrippa.  L'allusion  faite  aux 
sentiments  du  roi  à  l'égard  de  celui-ci  concorde  avec  les  péri- 
péties de  son  premier  séjour  à  Lyon,  je  veux  dire  avec  sa  dis- 
grâce, autant  qu'avec  l'aventure  fâcheuse  du  second  séjour, 
même  si  l'on  admet  que  son  incarcération  put  être  en  partie 
causée  par  un  pamphlet  contre  la  mère  du  souverain.  En 
résumé,  aucun  trait  de  l'épisode  du  Pantagruel  qui  ne  convienne 
exactement  à  la  personnalité  d'Agrippa  '.  Il  ya  donc  identité 
entre  le  célèbre  médecin  et  la  figure  introduite  par  Rabelais 
dans  son  roman.  Une  fois  encore,  tous  les  traits  de  la  satire 
rabelaisienne  s'expliquent  et  se  justifient  de  la  manière  la  plus 
complète  et,  si  j'ose  dire,  la  plus  naturelle.  Après  Hippotha- 
dée  (Lefèvre  d'Etaples),  Raminagrobis  (Lemaire  de  Belges), 
Trinquamelle  (Tiraqueau),  pour  ne  parler  que  du  Tiers  Livre, 
Her  Trippa  nous  apparaît,  lui  aussi,  comme  un  personnage 
emprunté  à  la  réalité  la  plus  concrète. 

Abel  Lefranc. 

I.  Le  seul  trait  — avons-nous  besoin  de  le  dire?  —  qui  ne  conviennepas 
à  Agrippa,  c'est  celui  de  sa  résidence  à  l'Ile-Bouchard.  Comtne  les  faits  du 
Tiers  Livre  se  déroulent  en  Touraine,  cette  supposition  était  nécessaire.  Il 
est  possible  d'ailleurs  qu'une  explication  permette  un  jour  de  préciser  la 
raison  du  choix  fait  par  Rabelais  de  cette  localité  de  son  pa3'S  chinonais. 


RECHERCHE  SUR  LES  PLUS  VIEUX  LIVRES 
DES  CONDÉ 


Quelle  que  soit  la  richesse  du  «  Cabinet  des  livres  »  du 
Musée  Condé,  à  Chantilly,  il  est  loin  de  posséder  tous  les 
volumes  amassés,  depuis  le  xvi^  siècle  jusqu'à  la  Révolution, 
par  le  connétable  Anne  de  Montmorency  et  les  divers  princes 
de  Condé.  L'histoire  des  péripéties  auxquelles  a  été  exposée 
cette  remarquable  collection  a  été  esquissée,  à  grands  traits,  par 
le  duc  d'Aumale  lui-même  '  et  par  Léopold  Delisle  ^ 

En  publiant  un  document  tiré  des  Archives  des  Dépôts 
littéraires  conservées  à  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal,  je  me  pro- 
pose de  montrer  l'abondance  des  incunables  et  des  livres  de  la 
première  moitié  du  xvi^  siècle  dont  pouvait  s'enorgueillir  la 
bibliothèque  des  Condé  avant  la  Révolution. 

On  sait  que  les  livres  des  Condé  (tant  ceux  de  Chantilly 
que  ceux  de  Paris)  versés,  comme  toutes  les  collections  des 
émigrés,  au  Dépôt  littéraire  de  la  rue  de  Lille,  furent  attribués, 
après  les  prélèvements  opérés  par  Van  Praet  pour  la  Biblio- 
thèque nationale,  à  divers  établissements,  tels  que  l'Institut, 
l'Arsenal,  la  Mazarine  et  surtout  l'Institut  des  boursiers  du 
Collège  Égalité,  autrement  dit  le  Prytanée  ou  Collège  Louis- 
le-Grand  '. 

Le  bibliothécaire  de  ce  Collège,  Antoine  Sérieys,  avait  été 

1.  Chantilly,  Le  Cabinet  des  livres.  Manuscrits.  T.  I  (Paris,  Pion,  1900). 
Introd.,  p.  i-xxiv. 

2.  Id.  Impritnés  antérieurs  au  milieu  du  XVI'^  siècle  (Paris,  Pion,  1905). 
Introd.,  p.  i-xxii. 

3.  Ihid.,  p.  XVIII. 


488  EMILE    CHATELAIN 

conservateur  du  dépôt  en  question  ',  il  en  connaissait  les  res- 
sources et  se  fit  autoriser  à  y  puiser  pour  compenser  les  pertes 
qu'avait  subies  lé  Collège  entre  l'époque  du  versement  et  celle 
de  la  reddition.  Il  en  tira  plus  de  2.000  volumes,  dont  les  titres, 
très  négligemment  transcrits,  occupent  de  nombreux  feuillets 
du  manuscrit  6512  de  l'Arsenal  -.  J"ai  extrait  de  cette  longue 
énumération  qui  mériterait  peut-être  d'être  publiée  in-extenso 
la  liste  des  livres  les  plus  anciens,  en  indiquant,  quand  c'était 
possible,  la  cote  qu'ils  portent  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque 
de  l'Université. 

Sans  doute,  le  Catalogue  de  nos  Incunables  et  le  Catalogue 
des  livres  de  1 501-1540,  publié  récemment  par  M.  Charles 
Beaulieux,  ont  signalé  déjà,  avec  la  provenance  Condé,  un 
bon  nombre  de  livres  précieux.  Mais  l'Université  de  Paris  est 
loin  de  posséder  tout  ce  que  Sérieys  avait  choisi,  non  pour 
elle,  mais  pour  son  Collège  dont  les  collections,  après  de 
longues  disputes,  demeurèrent  la  propriété  de  l'Université. 
Les  ouvrages  qui  manquent  sont  passés,  soit  dans  la  biblio- 
thèque du  premier  Consul,  soit  à  l'Ecole  de  Saint-Cyr,  soit  à 
l'École  Normale  supérieures 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  Bibliothèque  de  l'Université  de  Paris 
possède  encore  aujourd'hui  plus  de  500  volumes  provenant 
des  Condé.  Léopold  Delisle  a  fait  connaître  quelques-uns  des 
plus  intéressants  4  ;  je  regrette  de  ne  pas  lui  avoir  communi- 
qué, entre  autres,  l'existence  d'un  précieux  volume  qui  ne 
porte  pas  les  armes  des  Condé,  il  est  vrai,  mais  qui  provient  de 
celui  qu'on  regarde  comme  le  fondateur  de  la  collection  Condé  : 

Alexandri  Tralliani  medici  libri  XII.  Rhazne  de  pestilentia  libel- 
las ex  Syrorum  lingua  in  Graccam  translatus.  Jacobi  Goupyli  in 

1.  Em.  Châtelain,  Manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  TUniversitè  tirés  des 
dépôts  littéraires  (Imprimé  pour  le  mariage  Paris-Talbot,  20  juillet  1885), 
p.  13  sq. 

2.  Fol.  174-191. 

3.  A.  Franklin,  Anciennes  bibliothèques  de  Paris,  t.  III,  p.  311,  d'après 
des  renseignements  communiqués  par  Léon  Renier. 

4.  Chanlllly,  Le  Cabinet  des  Livres,  Imprimes,  p.  lxxix-lxxxi. 


RECHERCHES   SUR    LES    PLUS    VIEUX    LIVRES    DES    CONDÉ     489 

eosdem  castigationes.  Lutetiae,  Rob.  Stephanus,  1548,  in-fol. 
(Relié  en  maroquin  vert  sur  ais  de  bois,  aux  armes  du  connétable 
de  Montmorency,  avec  la  devise  APLANOS.  Clous  aux  huit  coins.) 

R.  r.  63  (4° 

Dans  la  liste  suivante,  j'ai  corrigé  tacitement  une  foule 
d'erreurs  de  l'employé  du  Dépôt  chargé  de  la  dresser.  J'ai 
essayé  de  reconnaître  à  la  Sorbonne  les  livres  conservés,  mais 
on  comprendra  que  le  résultat  est  souvent  incertain.  Outre 
les  fautes  ordinaires  des  copistes,  on  voit  le  scribe  confondre 
l'année  de  la  composition  ou  une  note  inscrite  par  un  posses- 
seur avec  la  date  de  la  publication  '. 

Elat  des  livres  choisis  dans  h  dépôt  littéraire  de  la  nie  de  Lille, 
pour  la  Bibliothèque  de  TInstilut  des  boursiers,  en  vertu  de  l'autori- 
sation du  ministre,  en  date  du  ip  ventôse  de  l'an  V. 

CoNDÉ   ÉMIGRÉ. 

Commentaria   Ciçsaris.    Lugd.,    Huyon,    15 19,    in-12.    [R.    xvi, 

1032.] 
Lingua  per  Des.  Erasmum  Rotterod.  Lugd.,  Gryphius,  1538,  in-8°. 

[R.  XVI,  1285.] 
Helii  Eobani  Hessi  Sylvarum  libri.   1533  [1535]  in-80,  parch.  [R. 

XVI,  II 57.] 
Ausonius.  Aldus,  in-8°. 
La  Narquoise  Justine.  Paris,  Sommaville,  1555  [leg.  1635],  in-8''. 

[LE.  e.  p.  2.  G^,  in-12.] 
[Budé].  Livre  de  l'Institution  du   Prince.  Paris,    Foucher,    1547, 

in-8°.  [R.  ra.  243,  in-120.] 
Plauti  Comœdiœ.  Giunte  Florentinus,  i5i9,in-8''.  [R.  xvi,  1017.J 
De  rébus  gestis  Ludovici  II.  Parisiis,  Wechel,  1545,  in-8°,  parch. 
[Hesiodi]  Ascrcei  opéra.  Basileie,  Oporinus,   in-8°. 
Cornazano,   De  re  militari,  in  Venetia,    1515,   in-8",  parch.    [R. 

XVI,  1020.] 


î.  Par  exemple  pour  Laurent  Valla,  de  voluptate  [R.  xvi.  772],  de  l'an 
15 19,  mentionné  comme  publié  en  1522,  parce  qu'on  lit  sur  le  titre  la  note 
manuscrite  du  propriétaire  «  1522.  Papilio  ».  La  rectification  est  possible 
seulement  quand  le  volume  est  conservé. 


490  EMILE   CHATELAIN 

Discorsi  diNicolo  Machiavelli,  etc.,  in  Venegia,  1534.  in-8°,  parch. 

[R.  XVI,  1148.] 
Aurelius  Augurellus.  Venetiis,  Aldus,  1505,  in-12. 
Opère  Toscane  di  Alamanni,  etc.  Firenze,  1552,  in-8°. 
Francisci   Vergane,  etc.    Parisiis,  Morelius,    1550,  in-8".    [R.  ra. 

59e,  in-i2°.] 
Histoire  du  Tems  ou  Relation  du  Royaume,  etc.,  in-12,  parch. 
Filostrato  Lemnio,  etc.  Fiorenza,  Lorenzo,  1549,  in-8°. 
Sophoclis  Tragœdia;,  etc.  Haganoe,  Secerius,  1534,  in-S", 
M.  F.  Quintiliani  Oratoris,  etc.  Lugd.,  1531,  in-8°. 
Nie,   Leonici  Dialogi,  etc.  Lugd.,  Gryphius,   1532,  in-8",  parch. 

[R.  XVI,  1127.] 
De  recta  latini  grsecique,  etc.  Des.  Erasmi,  etc.  1538  [leg.   1528], 

in-8°,  parch.  [R.  xvi,  1079.] 
Herodoti  Halicarnassei,  etc.  Lugd.,  Gryphius,  1542,  in-8°,  parch. 

[LG.  h.  I,  in-i2°.J 
Nicolai  Leonici  Thomi\;i,  etc.  [de  varia  historia]  Lugd.,  Gryphius, 

1532,  in-8°,  parch.  [R.  xvi,  11 22.] 
La  Zueca  del  Doni  in  Venezia,  Marcolini,  1550,  in-8".  [R.  ra.  184, 

in-i2°.] 
G.  Plinii  Secundi,  etc.   [de  viris  illustribus]  Lutetiiv,   Stephanus, 

1544,  in-80,  parch.  [LL.  h.  151,  in-i2°.] 
Compendium    Guaguini    super   Francorum   gestis.     15 14,    in-8°, 

parch.  [R.  xvi,  745.] 
Rime   di  Alessandro   Lionardi.  In  Venetia,  Griffius,    1547,  in-8°, 

parch.  [R.  ra.  148,  in-120.] 
Aristotelis,  De  arte  dicendi.  Parisiis,  Vascosanus,  1549,  in-S^. 
Lexicon  juridicum,  hoc  est...  Coloni;\;  Allobrogum,  Steer,  15 15, 

in-80. 
Autores  qui  hoc  etc.  Sueton,  etc.  in-8°. 
Gnrcas  literaturaj  dragmata  Jo.   [Oeco]lampadio,   Lutetia:,    1522, 

in-8°.  [R.  XVI,  104 T.] 
Chronicon  de  regibus  Francorum,  etc.  Parisiis,  Vascosanus,  1548, 

in-8°,  parch.  [R.  ra.  634,  in-120.] 
Jac.  Sadoleti  épis.  etc.  Lugd.,  Gryphius,  1550,  in-8",  parch.  [LL'. 

pr.  81,  in-12".] 
Aeneas  Sylvius  [Piccolomini].  De  Bohemorum  origine.  Salingiaci, 

Soter,  1538,  in-8°.  [R.  xvi,  1188.] 
Trebellius  PoUio  et  alii.  Parisiis,  Steph.,  1544,  in-80.  [^ll,  j-,    igj^ 

in-12".] 
Epitome   thesauri   lingua;  sanctas  autore   Pagnino.  Plantin,    1496 

[159e.  ?],  in-8°. 


RECHERCHES    SUR    LES    PLUS    VIEUX    LIVRES    DES    CONDE    49 1 

Theodori  Gaziu  Grammatica  hebraïca.  Parisiis,  Wechelius,   1536, 

in-8°.  [R.  XVI,  1167.] 
Astutie  militari  di  Frontino,  in  Venetia,  Comin  de   Trino,    1541, 

in-80.  [R.  ra.  68,  in-12".] 
Huberi  Chronicorum  libri  très.  Basileiv,  Platterus  1 106  [i  506],  in-8'^. 
Marsilio  Ficino,  Sopra  lo  amore,  overo  convito  di  Platone.  Firenze, 

Neri  Dortelata,  1544,  in-8°. 
Brucherius,  In  septem  sapientum  Grœciœ  apophtegmata.   Parisiis, 

Colini\;us,  1534,  in-8".  [R.  xvi,  1145.] 
Gervasii  Sepini  Salmurei  Erotopa;gnion   lib.   très  ad  Apollinem. 

Parisiis,  Wechelius,  1553,  in-8°.  [LL'.  p.  187,  in-i2°.] 
Ragionamenti  di  M.  Pietro  Aretino.  In-8°. 
Ptolemiti  inerrantiuni  stellarum   significationes.  —    Ibid.    Ovidii 

Fast.  Aldus,  in-8°. 
Magdalena  evangelica,    auth.   Pat.    Philicino.   Antverp,    Stelsius, 

1546,  in-8°.  [LL'.  m.  25,  in-120.] 
P.  Rosseti,  poetie  laureati,    Paulus,  sub  prelo  Ascensiano,   1527, 

in-8°.  fR.  XVI,  1072.] 
I  cantici  e  ragionamenti  del  Britonio.  Venegia,  Constantini,  1550, 

in-8°.  [R,  ra,  149,  in-i2°.J 
[Britonio]  Gelosia  del  sole.  Venetia,  Sessa,    153 1,  in-8°.  [R.  xvi, 

1109.] 
[Porcins]  Pugna  porcorum '.  Wittembergi^?,  1525,  in-8''.  [R.  xvi, 

1054.] 
De  re  vestiaria  libellus  ex  Bayfio  excerptus.  Parisiis,  Rob.  Steph., 

1541,  in-8°. 
Paulus  iEmilius,  De  rébus  gestis  Francorum.  Parisiis,  Aud.  Parvus, 

1548,  in-80.  [R.  ra.  631,  in-i20.] 
Salmonii  Macrini  Hymnorum  libri  sex.  Parisiis,  Rob.  Steph.,  1537, 

in-8°.  [R.  XVI,  1289.] 
Epigrammata  Grasca.  Friburgi  Brisgoia;,  Gravius,  1541,  in-8°. 
Frossardi  opus.    Parisiis,   Colinasus,  1537,  in-8°.  [R.   xvi,  1184,] 
Prose  di  Bembo.  hi  Venetia,  1540,  in-S'^.  [R.  xvi,  1211.] 
Imperatorum  et  Cassarum  vita.  Lugd.,  Arnoletus,    1550,  in-80. 
Aesopi  vita  et  fabuKv.  Lutetiit,  Rob.  Steph.,  1545,  in-8°.  [LG.  d.  i, 

in-i2°.] 
[Varennius],  Syntaxis  grasca.  Parisii>j,  Wechelius,  1546,  in-8^.  [R. 

ra.  595,  in-i20.] 
Grammatica  hebr^ea.  Parisiis,  1540,  in-8°. 

I.  La  plaquette  est  de  1530,  mais  elle  est  reliée  avec  une  grammaire 
hébraïque  de  1525. 


492  EMILE    CHATELAIN 

Cclii  Sedulii  opéra.  Basilex-,  1341,  in-8°.  [LL.  p.  443,  iii-i2°.J 

Aristophanis  Comedi^e.  Venetiis,  Zanet.  1538,  in-8°. 

Décoration  d'humaine  nature,    par  Le    Fournier,    Paris,    Longis 

[Leber]  1503  (leg.  1530).  [R.  xvi,  1097.] 
Biblisch  Historien.   Figùrlich.   [Nuremberg].  1533,  in-8°  [R.  xvi, 

1134.] 
Galeatio  Capella.  De  rébus  nuper  in  Italia  gestis,  1533,  in-8°.  [R. 

XVI,  II 17.] 
I  sonetti  del  Burchiello  Fiorentino  stampati  di  nuovo  et  ricorrecti, 

15 14,  in-8°. 
latrionices  medicamentorum  simplicium  liber  secundus,  in-8°.  [R. 

XVI,  1275.] 
Hist.  de  Josephe  en  italien,  Venise,  Ravano,  1535,  in-8°.  [R.  xvi, 

iiéi.] 
Bonadi  Monodiœ. -Parisiis,  Colinîeus,  1538,  in-i2°.  [R.  xvi,  1194-] 
Nimphce  Fiesolanse  di  Boccacio.  Firenze,  Giuntus,  15 18,  in-8°. 
Arcadia  da  Sannazaro.  Aldus,  1539,  in-8°. 

Victoris  Massiliensis  poemata.  Lugd.,  Portunarius,   1536,  in-8°. 
D.  Jasonis  Pratensis  Zyricei  med.  De  cerebri  morbis  lib.  Basileas, 

Henr.  Petrus,  1549,  in-12,  demi-rel.  [S.  M.  m.  43,  in-12.] 
M.   Gatenaria,  De  curis  fegritudinum,  Practica  uberrima.  Parisiis, 

Guill.  Richard,  1540,  in-12,  demi-rel.  [R.  xvi,  1216.] 
Cl.  Galeni,  De  curatione  per  sanguinis  missionem  libellus.  Lugd., 

Frellonius,  1546,  in-12,  demi-rel.  [SM.  cp.  29,  in-i2°.] 
Cl.  Galeni,  Methodi  medendilibri  14.  Parisiis,  Chevallonius,  1538, 

in-12.  [R.  XVI,  1198.] 
^gidii  carmina  de  urinarum  judiciis  édita.  Basileœ,  Wolfius,  1529, 

in-12,  parch.  [R.  xvi,  1089.] 
De  Vasculis  libellus.  Sebast.   Gryphius,    1539,   in-12,  parch.    [R. 

XVI,   1203.] 
Carcel    de  Amor   del   complimiento    de   Nicolas    Nunez,    et  fut 

impresso  in  Envers,  etc.,  in-ié. 
latrion  medicamentorum  simplicium,  etc.,  per  Othonem  Brunfel- 

sium,  in-8°,  parch.  [Strasbourg,  1533.  R.  xvi,  1274.] 
D.   Michaelis  Ritii  compendiosi,  etc.,  de  regibus  christianis  fere 

[très]  libelli,  etc.  Parisiis,  1507,  in-8°  [R.  xvi,  1005.] 
De  l'administration  du  Saint-Bois,  par  Alfonse  Ferrier,  Poictiers, 

1546,  in- 16,  parch. 
Œuvres  de  Franc.  Villon.  Paris,  Janot,  sans  datte,  in- 16,  parch. 
J.  A.  Comenii   Pansophiie  dyatiposis  ichnographica  et  orthogra- 

phica  delineatione.  Amsterodami,  Elzevirius  1545  [1645],  in-12. 

[SD.  e.  1 16,  in-i2°.] 


RECHERCHES    SUR    LES    PLUS    VIEUX    LIVRES    DES    CONDE      49^ 

D.  Honorii  Augustudunensis  presbiteri  lib,  7.  Basileœ,  1544,  in-8°. 

[SP.  g.  I,  in-i20.] 
L'antichita    di    Roma,    di   Bartolomeo   Marliano,    in  Roma,    fig. 
[Habert],    Voyage  de  l'homme  riche,  etc.  Troyes,  Nicole,  Paris, 

1543,  in-80.  [R.  ra.  238,  in-i2°.] 
II  lettres  d'un  docteur  de  l'ord.  Saint-Dominique,  sur  les  cérémo- 
nies de  la  Chine,  du  Père  Dez,  principal  des  Jésuites.  Sans  datte 

et  nom  d'imprimeur,  in- 12  br. 
Alexandri   Aphroditici  problemata  grœcé   et  lat.    Parisiis,    1541, 

in-80. 
Aloisii  Mundella^  Brixiensis  med.  epistolœ  médicinales  ex  Brixia. 

[Basileae],  1548,  in-8°,  parch.  [SM.  m.  117,  in-12.] 
De  morbis  mulierum  curandis,  auth.    Rocheo.  Parisiis,  Janotius, 

1542,  in-12,  parch.  [R.  ra.  679,  in-12.] 
Sidonii  Apollinaris    poema  aureum,  etc.   1498,   in-8°,   parch.  [I, 

115.] 
Rhetorices   elementa   per    Philip.  Melanchtonem,   Lugd.,    1541, 

in-12,  [R.  ra.  50,  in-12.] 
Ex  scriptis  Herodiani  excerpta,  etc.  Basileae,  Wechel,  1542,  in-12. 
Dictionarium  hebraïcum  a  Sebastiano  Munstero.  Basileit-,  Froben, 

1535,  in-8".  [R.  XVI,  1162.] 
Arnoldi  Ferroni,  De  rébus  gestis  Gallorum  lib.  9.  Parisiis,  Vasco- 

sanus,  1550,  in-8°  [R.  ra.  633,  in-12.] 
Joannis  Vultei  Remensis  epigrammata.  Lugduni,  Gryphius,  1536, 

in-12.  [R.  XVI,  1269.] 
Historia  del  duca  di  Floria,  in  Venegia  al  signo  del  pozzo,  1542, 

in-12. 
Apulei  Madaurensis  philosophi  platonici  Metamorphoseos.  Parisiis, 

Colina^i,  1536,  in-12. 
Œuvres  de  Ronsard.  Paris,  Buon,  1504  [1604],  in-12.  [R.  ra.  287, 

in-12.] 
[Thomas  Morus].  Description  de  l'île  d'Eutopie,  1550,   in-12.  [R. 

ra.  245,  in-12.] 
Commentaire  de  Marsille  Ficin,  sur  le  Banquet  des  Amours  de 

Platon,  par  Simon  Silvius.  Poitiers,  1546,  in-12.  [R.   ra.  455, 

in-12.] 
Augustin!  Niphi  niedici  lib.   3.  Lugduni,   Beringos,  1549,   in-12. 

[R.  r.  31,  in-12.] 
Berosi  sacerdotis  Chaldaïci  antiquitatum  lib.  quinque,  Antverpias, 

Stelsius,    1545,  in-12.  [LL.  h.  261,  in-12.] 
Theophrastus,   De  historia  et  causis    plantarum,    Parisiis,    1529, 

in-12.  [R.  XVI,  1084.] 


494  EMILE    CHATELAIN 

Idem.  De  liistoria  plantanmi,  Lui;duni,  Pagnnus,  1352,  in-12. 
\'ertu   et   propriété  de    la  quintessance  de   toutes  choses.    Lyon, 

Détournes,  1549,  in-8°.  [R.  ra.  242,  in-12.] 
Hieronymi   Cardani   Mediolani    med.   opéra.    Lugduni,    Paganus, 

1535  (?),  in-80. 
Paracelsi   Chirurgia  Minor,   quam   alias   Bertlieoneam    intitulavit. 

Basileas,  Pernam,  in-8°.  [S<1>.  /.  9,  in-12.] 
TabelL-e  de  vita  et  morte,  francicc  et  laiine.  Paris,   Hulpeau  (?), 

1524  (?),  in-8°. 
Polidori  Vergilii  Urbinatis.  Dererum  inventoribus  lib.  8,  Lugduni, 

Gryphius,  1546,  in-8°. 
Henrici  Cornelii  Agrippiv   lib.,  Parisiis,  Wechel,  1531,  in-12.  [R. 

XVI,  1 112.] 
Almanach  nova  plurimis,  etc.  Venetiis,  Liechtenstein,  1521,  in-4". 

[R.  XVI,  811.] 
Lucii  AnuLvi  Seneca^.   De    Morte,   etc.    In    ;vdibus    Ascensianis, 

15 14,  in-4°.  [R.  XVI,  153.] 
Michaelis  Ritii  Neapolitani.   De  regibus   l"rancorum.    Mediolani, 

1505,  in-4^\   [R.  XVI,  769  provient  de  Condé,  mais  c'est  une  éd. 

de  Bàle,  15  17.] 
De  magistratibus  et    republica  \'enetorum,    Parisiis,   Vascosanus, 

1543,  in-4°. 
De  rébus  Turcarum,    ad  Franciscum  Gallorum    rcgem.     Parisiis, 

Stephanus,  1540,  in-4''. 
Di  Ovidii  Metamorphosi,  1538,  in-4". 
Aristophanis  facetissimi  Comediit,  grasce,  1545,  in-4". 
Passionarius  Galeni,  etc.,  in-4°,  Lugd.,  1526.  [R.  xvi.  836.] 
Ant.  Musa^  De  herba  vctonica  Apula.n.  BasilccU,    1537,  in-4°.  [R. 

XVI,  944.] 
Cornélius  Nepos  qui  contra  etc.  Taurini,   1515,  in-4°,  parch.  [R. 

XVI,  747.] 
Rudimenta  grammatices  Linacri.  Parisiis,  Stephanus,  1533,  in-4°. 

[R.  XVI,  880.] 
Métamorphose  d'Ovide,  fig.  in-4°,  oblong. 
Antiquarum  statuarum  urbis  Rom;v  de  Cavalleriis. 
Pseaumes  de  David,  en  hébreu. 
Livre  de  broderie,  fleur  de  la  science  de  portraiture,  etc.  Paris, 

1530,  in-40. 
[Demetrii]  Phaleraei  graece,  Maugius  (?),  151.1,  in-4°,  parch. 
Il  Decameronedi  Boccaccio,  etc.,  in  Venegia,  Giolito,  1548,  in-4°, 
Jurisconsultorum  vit:u,  etc.  Basile;e,  1537,  in-4°.  [R.  xvi,  908. J 


RECHERCHES   SUR    LES   PLUS    VIEUX    LIVRES   DES    CONDE     495 

Leoniceni.  De  serpentibus.  Bononix-,  Junior,  15 18,  in-4''. 

Constantin!  Lascaris  Institutiones,  etc.  15 10,  in-4''. 

Mythologie,  avecfig.,  in-4'',  parch.  verd.  [I.  141.] 

Sententiola  poetarum  vet.  opéra.  Graece,  lat.  in-4'',  p. 

Ovidii  Metamorphoseos  libri   moralizati.  Lugd.,  Huguetan,  15 10, 

in-4'',  parch. 
Diodori  Siculi  Historiarum  libri  aliquot,  Basilea.-,  1539,  in-4''.  [R- 

XVI,  91e.] 
La  Mer  des  Chroniques,  par  Rob.  Gaguin.  Paris,    1525,  in-fol., 

parch.  [R.  xvi,  642.] 
[J,  Lemaire  de  Belges].  Singularités  de  Troye,  1509,  in-4'',  P- 
Orationes  Beroaldi,  in-4°.  [R.  xvi,  92e.] 
Salmonii    Macrini    Odarum    libri   sex,    Lugd.,   Gryphius,    1337, 

in-4°,  [R.  XVI,  1x8 5.] 
Libellus  verè  aureus  seu  Utopia  Thoma  Mori.  Antverpiae,  151e, 

in-4°.  [R.  XVI,  755.] 
Les  vingt-et-une  epistres  d'Ovide,  translatées  de  latin  en  français, 

par  l'évéque  d'Angoulême.  Paris,  Trepperet,   1525. 
Guidonis  Juvenalis  Opéra.  Parisiis,  1490,  in-4°.  [I.  188]. 
Theodori  Gazse  Grammatica.  Parisiis,  1521,  in-4°.  [R.  xvi,  809.] 
Urbani  Bellunensis  Institutionum  in  linguam  graecam  grammatica- 

rum  libri  2  en  i  vol.  in-4°,  parch. 
Jul.  Caesaris   Scaligeri.   De  causis  lingua;  latina  lib.    13,   Lugd., 

Gryphius,  1540,  in-4°,  parch.  [R.  xvi,  969.] 
Délia  istitutione  di  tutta  la  vita  del  huomo  nato  nobile  e  in  citta 

libéra  del  Alessander  Piccolomini.  Venise,  Scot.   1542,    in-4°, 

demi-rel.  [SG.  e.  i,  in-4''.] 
Hermolai  Barbari   Patritii  Veneti  in  C.    Plinii  Xaturalis  historiée 

libros   castigationes.  Basileae,  Valderus,    1334,   in-4<',  [R.    xvi, 

89e.] 
Laurentii  Valla;.  De  voluptate  et  vero  bono  lib.  très,  1522  [1519], 

in-4<'.  [R.  XVI,  772.] 
C.  SoUii  Sidonii  Apollinaris  opéra  cum  commentariis  j.  Bapt.  Pii. 

Basileae,  Petrus,  1342,  4°,  parch, 
L.  Domitii  Brusonii  Contursini  Lucani  facetiarum  exemplorumque 

lib.  7.  Basileas,  Br}'lingerus,  4°. 
Orlando  Inamorato    del  signor   Mateo   Maria   Boyardo.  \'inegia, 

Scotto,  1548,  in-4''. 
De  magistratibus  Atheniensium  lib.  auth.  Guillelmo  Postello  Baren- 

tono.  Parisiis,  Vascosan,    1541,  in-4°. 
Jacobi  Silvii  Ambiani  in  linguam  Gallicam  isagogx.  Parisiis,  Rob. 

Stephan.,  15 31,  in-40.  [R.  xvi,  870.] 


49^  EMILE   CHATELAIN 

Eusebii   Chronicon.  Parisiis.   Henr.   Stephanus,    13 12,  in-12.    [R. 

XVI,  738.] 
Pétri  Corbelini  Adagiales  flosculi.  Parisiis,  Chevallon,  1520,  111-4°, 

parch.  [R.  xvi,  802.] 
Aristotelis  Propositiones.  Venetiis,  Joannot,   1493,  in-4°-  [I-  I93-] 
Le  iMaitre  d'arme  ou  l'exercice  de  l'épée  seule,  par  Liancourt,  ûg. 

Paris,  in-4°. 
Assemblée  des  trois  états.  Caratter.  goth.,  1483,  in-4°. 
Appiani  Alexandrini.   De  civilibus  Romanorum   bellis  historiarum 

lib.  5.  Parisiis,  Vascosan,  1538,  in-40,  parch.  [R.  xvi,  41e.] 
Réthorique  tant  prosaïque  que  rithmétique  de  Pierre  Fabri.  Rouen, 

1521,  Rayer,  in-40.  [R.  xvi,  810.] 
Gesta    Alexandri    Magni  a    D.    Galthero    versibus    conscripta. 

Goth.  in-4°. 
Theophilacti  arch.  Bulgarias  institutio  regia.  Parisiis,  in-40. 
Tullius.  De  officiis,  cum  commentariis  P.  Marsi,  in-4°.  [I.  165.] 
Mirabilia  Romas   Francisci  Albertini,  sans  datte,  ni  nom  d'impri- 
meur, in-4°. 
De   accentibus    et   orthographia  linguœ    hebraica;    J.     Reuchlin. 

Hagenoie,  Badensis,  15 18,  in-4°,  parch.  [R.  xvi,  632.] 
Epiphanii  ep.  Cypri.  De  prophetarum  vita  et  interitu  commenta- 

rius  griece   et  lat.   Basileie,   Cratander,    1529,   in-4°.   [R.    xvi, 

853.] 
Pindari  poetîe  vetustissimi,  etc.  Basileas,  Cratander,    1535,  in-4°. 

[R.  XVI,  899.] 
De  la  Rep.    des  Turcs,  etc.,  par  Postel,    cosmopolite.   Poitiers, 

Demarnef,  in-4°,  sans  datte.   [1560.  R.  r.  6,   in-80.] 
Sigeberti  Gemblacensis  cenobitie  Chronicon  ab  anno  331  ad  1113. 

Henri  Steph.,  in-4°  [15 13].  [R.  xvi,  744.] 
Laurentii  Valhe.   De  latin^e  linguœ  eloquentia,  etc.  Parisiis,  Rob. 

Steph.,  1541,  in-40.  [LP.  1.  26,  in-40.] 
Manuelis  Moschopuli.  De  ratione  examinandie  orationis  liber  grasce. 

Lutetia;,  Rob.  Steph.,  in-4°,  parch. 
Trattato  utilissimo  circa  lo  regimento  e  conservatione  delà   sani- 

tade,  per  Meser  Volgo  [Ugo  Benzo],  sans  datte,  in-40.  cart.  [1508. 

R.  xvi,  725.] 
Veterinaria;  médicinal  lib.  2  a  J.  Ruellio,   grrece.   Basileie,  Valde- 

rus,  in-40,  parch.  [1537].  [R.  xvi,  906.] 
Musaei  antiquissimi  poetie  de  Leandri,  etc.,  grx'ce.  Lutetia;,  Gour- 

montus,  1509,  in-40. 
Practica  J.  Serapionis,  etc.  1525,  in-40,  parch.  [R.  xvi,  641.] 


RECHERCHES    SUR    LES    PLUS    VIEUX    LIVRES    DES    CONDE      497 

Commento  di    Hicronymo  [Benivieni]  sopra  a  piu  sue  canzone 

et  sonetti   dello  aniore,   etc.   Firenze,  Tubini,  1500,  in-4°.  [I. 
".  tél.] 

Recueil  d'histoire  romaine,  in-4°,  sans  datte  ni  lieu  d'impr. 
Policratici  opéra,  etc.  Parisiis,  Rembolt,  15 13,  in-4°. 
Philippi  Galeni  opusculum,  in-4°. 

Arbor  ScientiiV  Raymundi  LuUi,  1515,  in-40.  [R.  xvi,  752.] 
Joannis   Argentarii   varia   opéra.    Florentiœ,    Torrentinus,    1550, 

in-40. 
Opusculum  de  mirabilibus  Romœ  a  Francisco  Albertino.  Lugduni, 

1520,  in-4''.  [R.  XVI,  800.] 
P.  Ovidii  Nasonis  opéra.  4  vol.  in-4°. 
Veterinarix^    niedicin;\i    lib.    2.   interprète  Joh.    Ruellio.   Parisiis, 

Colinieus,  1530,  in-fol.  [R.  xvi,  28.] 
Dion.  Des  faits  et  gestes  des  Romains.  Paris,  les  Angeliers,  1542, 

in-fol.,  parch. 
Persius   cum   commentariis.   Venetiis,   de    Tridino,  1499,    in-fol. 

parch.  [I.  219.] 
Ex  recognitione  Erasmi   varii   autores,    Basil.,    Frobenius,    15 18, 

in-fol.  [R.  XVI,  204.] 
Eustathius  in  Homerum.  RoniiV,  Bladus,  1550,  2  vol.  in-fol. 
Le  ricchezze  délia  lingua  volgare  di  Francesco  Alcuino.  Vinegia, 

Aldus,  1543,  in-fol. 
Joh.  Bap.  Egnatius  in  Dioscoridem.  Romie  [Venet.]  15 16,  in-fol. 

[R.  XVI,  179.] 
Julii  Pollucis  vocabularium.  Florentiie,  Junta,  1521,  in-fol. 
Domitii  Calderini  commentarii,  1475,  in-fol.,  parch. 
Methodus  medendi  certa,  auth.  Albucase.  Basileie,  Henr.  Petrus, 

1541,  in-fol. 
De  omnibus  agriculture  partibus,  etc.  ;  et  à  la  suite  :   Liber  Pétri 

Crescentio  de  Bononia  de  agricultura,  mss.  sans  date.  —  Basilea;, 

Henric  Petrus,  1548,  in-fol.,  parch. 
Chronologia  ab  initio  mundi  usque  ad  resurrectionem  Christi,  auth. 

J.  Funatio,  Basle,  1545,  in-fol. 
Philocolo  in  lingua  volgare...  di  J.  Becontio  [Boccacio]  de  Cer- 

taldo.  Venetia,  15 14,  in-fol.  [R.  xvi,  157.] 
Dictionarium  Varini  Phavorini  Camertis  ex  auth.  coUectum  linguîc 

gn^Cc^.  Basileag,  1538,  in-fol.  [R.  xvi,  361.] 
M.  Tullii  Ciceronis  epistol^e  familiares,  sans  date,  in-fol. 
Valerii  Maximi  dictorum  et  factorum  memorabilium,  etc.  Parisiis, 

Parvus,  1535,  in-fol.  [R.  xvi,  343.] 

Mélanges.   II.  j2 


498  EMILE    CHATELAIN 

Croniche  di  Messer  Giovanni  \'illani  Fiorentino,  etc.  In  Venetia, 

Zanetti  Casterza[gense],  1537,  in-fol.  [R.  xvi,  374.] 
7  livres  des  histoires  de  Diodore  Sicilien,  traduit  du  grec  en  franc., 

Paris,  Vascosan,  1554,  in-fol. 
Compendium  historial  des  polices  des  empires,  etc.  Paris,   Dupré, 

1528,  in-fol. 
Pomponii  epistola,  Crispi  Salusti  lib.  de  conjuratione,   cum  com- 
mentariis,  Laurentii  Philelphi  epistoUi^  lib.  16.  Venetiis,  de  Pip- 
cius,  1492,  in-fol.  [I.  79.] 
J.  Stobœisententite,  Cyri  Theod.  dialogus  de  exilio  amicitiae,  griece 

et  lat.,  in-fol.,  sans  date. 
Lepistole  vulgari  di  Nicolo  Franco.  Venetia,  Gardano,   1539,  in- 
fol. 
J.  Fernelii  Ambianatis   Cosmotheoria.   Parisiis,    Colinivus,    1528, 

in-fol.  [R.  XVI,  274.] 
Xenophontis  pphi  opéra  omnia  grœce  et  latine.    Basilece,  Brylin- 

gerus,  1545,  in-fol. 
Isocratis,  Herodoti  Halicaruassei  lib.  9  in  latinuni  trad.  Venetiis, 

1494,  in-fol.  [I.  91.] 
Templo  militante,  flos  sanctorum  y  triumphos,  etc.,  par  Barth.  Cay- 
rasco.  Lisboa,  Crasboeeck,  15 15  [1615],  in-fol.  [R.  ra.  147,  in-4°.] 
Chronicorum  multiplicis  historiit  utriusque  testamenti.  Maffa^us., 

lib.  20.  Antverpias,  Crinitus,  1540,  in-fol. 
Auli  Gellii  Noctium  Atticarum  lib.  19,  etc.  Paris,  Vascosan,  1536, 

in-fol.  [R.  XVI,  341.] 
G.    Julii   Hygini   Augusti  liberti  fabularum   lib.;  ejusd.    Poeticon 

astronomicon,  etc.  Basileœ,  Hervagius,  1549. 
Alex.  Tralliani  med.   et  Rhazae   De  pestilentia  lib.  Jac.   Goupyli 

Castigationes.  Lutetia;,  Rob.  Steph.  1548.  [R.  r.  63,  4°.] 
Polybii    Megapolitani    Historiarum  lib.    Nie.    Perotto   interprète. 

Basilese,  Hervagius,  1549,  in-fol. 
Thucydides  cum  scoliis  antiquis.  Basilec'e,  Hervagius,  gra.'cè,  1540, 

in-fol. 
Historia  de  todas  las  guerras  civiles  que  wo  (sic)  entre  los    Roma- 

nos,  etc.,  trad.  de  latin  in  lingua  castellana,  1536,  in-fol. 
De  l'Institution  du  Prince,  par  Guill.  Budé,  etc.  Paris,  1547,  in-fol. 

[R.  ra.   18,  4°.] 
Gl.  Glaudiani  Proserpina;  raptus,   Silii   Italici   Vita,  etc.   Parisiis, 

Regnault,  15 12,  in-fol. 
Terentii  Gomedia^  6.  Parisiis,  Hcnr.  Steph.,  1529,  in-fol. 
Justiniani  Novella^  constitutiones.  Parisiis,  H.  Steph.,  1538,  in-fol- 


RECHERCHES    SUR    LES    PLUS    VIEUX    LIVRES    DES    CONDE     499 

Pauli  iî!milii  Veronensis.  De  rébus  gestis  Francorum  lib.  10.  Pari- 

siis,  Vascosan,  1550,  in-fol. 
Albert!  Magtii  Methaurorum  lib.  4.  Renalius  de  Novimagio,   etc. 

1498,  in-fol.  [I.  84.] 
Planta  vitis  seu  Thésaurus  synonymicus  hebraïco-chaldaïco,  rabi- 

nicus.  Plantavitius  ep.  Lodovîe,  Colomerius,  1544  [1644],  in-fol, 

[Rel.  mar.  r.  aux  armes  de  Plantevit.   R.  r.  17,  fol.] 
Inscriptiones  antiquœ  totius  orbis  Romani  Grotii,  Scaligeri  et  Vet- 

teri  card.  fig.  ex  off.  Comeliano,  in-fol. 
Ludovici  Cœlii  Rodigini  lectionum  antiquarum  lib.  30.  Basikct, 

Frobenius,  1542,  2  vol.  in-fol. 
Lectiones  Dni  Al.  Siculi  archiep.  Panormitani  super  2  decretalium 

lib.  Basile^,  1481,  in-fol.  [I.  41.] 
Miroir  historial  de  France.  Paris,  Dupré,  15 16,  in-fol. 
Opéra  omnia  Divi  Joannis  Mesue.  Venetiis,  1502,  in-fol.   [R.  xvi 

102.] 
Francisci    Patricii  Senensis  pontificis  Cajetani,  Enneas  de  Regno, 

etc.  Parisiis,  Dupré,  1520,  in-fol.  [R.  \vi,  213.] 
Les  dix  premiers  livres  de  l'Iliade  d'Homère.  Paris,  Sertenas,  1545, 

in-fol. 
Infînita  naturce  sécréta  quibuslibet  hominibus  contingentia,   etc., 

per  Bern.  de  Baraldis,  15 15,  in-fol. 
Julii  Firmici  Materni  junioris  Siculi  ad  Mavortium,  etc.  Basile^, 

Hervagius,  1533,  in-fol. 
Omnia  divini  Platonis  opéra.  Basileac,  Froben,  1546,  in-fol. 
Opéra  Virgiliana  cum  decem  commentis,  etc.  Lugduni,  Crispinus, 

1529,  in-fol.  [R.  XVI,  277.] 
Calendarium  magnum  Romanum,  aut.   StoefUero  Alemano,  15 18, 

in-fol.  [R.  XVI,  194.] 
Joannis    Fagaultii    de   chirurgiaj    institutionibus  lib.    5.     Parisiis, 

Wechel,   1548,  in-fol. 
Jani   Damasceni    decapolitani     summ^e   inter    Arabes     auctoritatis 

medici,  etc.  Basileas,  Petrus,  1543,  in-fol. 
Compendium  sive  Breviarium  primi  voluminis  sive  historiarum  de 

origine  regum,  etc.  151 5,  in-fol. 
Chronica  de  Joanne  Maccalezo  (?),  in-fol. 
Methodus   sex  librorum  Galeni.   Parisiis,    Wechel,   1550,   2  vol., 

in-fol. 
[Johannes  de  Sacrobosco].  Sphera  mundi  novi[ter]  recognita.  Vene- 
tiis, 15 18,  in-fol.  [R.  XVI,   200.] 
Joannis  Math^ei  de  Gradi[bus]  opéra.  Mediolani,  Jacobus,  etc.  delà 

Rippa,  1493,  in-fol.  [I,  75-] 


500  EMILE    CHATELAIN 

Epigrammata    antiquse  RomEc.   Mazoche,    1521,  in-fol.   [R.    xvi, 

3  34  '^] 
Eusebii  Pamphilii  Evangelicse  pr^eparationis  lib.  15.  Lutetiit,  Ste- 

phaiius,  1544,  in-fol. 
Opéra  J.  Franc.  Pici.  Mantua;,  150e,  2  vol.  in-fol. 
Ant.  Musi^  Brasavoli  medici  commentaria.  Basikit,  Froben,  1541, 

in-fol. 
Commentarii  linguce    gr^c^e  a  G'"'^  Budito.  Parisiis,  Robert.   Ste- 

phanus,  1548,  in-fol. 
Généalogie  Joannis    Boccatii.   Mediolani,   1505,   in-fol. 
Laurentii  Vallœ  opéra.  Basilea^,  H.  Petrus,  1543,  in-fol. 
Auctores  historiœ  ecclesiasticœ.  Basileas,  Froben,  1523,  in-fol.  [R. 

XVI,  238.] 
Glarica  musica.  Basileœ,  H.  Petrus,  1547,  in-fol. 
Les  illustrations  de   Gaule  et  singularité  de  Troye,  par  Jean   Le 

Maire  de  Belges.  Lyon,  Détournes,  1549,  in-fol.  [R.  ra.  25,  fol.] 

JossE  Saint-Laurent  chez  Condé  émigré  '. 

Le  bon  mesnaiger,  par  Pierre  des  Crescens.  Paris,  Sertenas,  1540, 
in-fol.  [R.  XVI,  658.] 

I.  Ce  titre  doit  être  probablement  restitué  :  «  Condé  émigré,  chez  Josse 
Saint-Laurent.  »  En  1790,  le  prince  de  Condé  donna  des  ordres  pour  que 
ses  livres  les  plus  précieux  fussent  mis  à  l'abri  de  la  confiscation  dont  ils 
étaient  menacés.  Le  Musée  Condé  possède  une  liste  sommaire  de  141  articles, 
publiée  par  Léopold  Delisle  (p.  lxxiii  sq.),  des  éditions  princeps  et  autres 
raretés  que  le  prince  voulait  sauver.  Or,  en  comparant  cette  liste  avec  les 
livres  mentionnés  ici,  ou  constate  que  Sérieys  y  a  pris  54  articles  très  impor- 
tants. Van  Praet  avait  sans  doute  enlevé  les  autres,  surtout  les  vieilles 
impressions  de  textes  français.  Voir  les  n°s  5,  7,  13,  22,  25,  26,  36,  41,  50, 
53,  55,  56  de  la  liste  des  livres  des  Condé,  conservés  à  la  Bibliothèque 
nationale  (Ibid.,  p.  lxxvi). 

D'après  un  mémoire  anonyme  de  1850,  publié  parL.  Delisle  (/.  c,  p.  xvi) 
les  livres  et  manuscrits  des  princes  de  Condé  avaient  été  transportés  par 
leurs  ordres,  une  partie  chez  un  sieur  Laurent,  demeurant  à  Paris,  rue 
Saint-Pierre-Pont-aux-Choux,  et  l'autre  partie  à  l'hôtel  d'Aiguillon,  rue  de 
Grenelle-Saint-Germain.  La  cachette  de  l'hôtel  d'Aiguillon  ne  fut  décou- 
verte que  plus  tard,  et,  attribuée  en  bloc  à  la  Bibliothèque  nationale,  elle  fut 
restituée  en  181 5  aux  représentants  du  prince;  mais  la  première  avait  été 
dispersée  dès  l'an  V.  Le  sieur  Laurent  doit  être  le  même  que  notre  docu- 
ment nomme  Josse  Saint-Laurent.  —  Il  semble  qu'il  y  ait  eu  encore  une 
autre  cachette  d'après  les  mentions  mises  en  marge  de  certains  volumes, 


RECHERCHES   SUR    LES    PLUS   VIEUX    LIVRES    DES   CONDE     5OI 

Valerii  Martialis  opus.  Venetiis,  1480,  in-fol.  '. 

Juvenalis  Aquinatis  satirographi  opus.   Venetiis,  de  Lindon,  1539, 

in-fol.  ^ 
Juniani  Maii  Parthenopei  liber  de  priscorum  proprietatc  verborum. 

Venetiis,  1485,  in-fol.  [I.  60.]  3. 
Reuchlin  Phorcensis  de  verbo  mirifico,  1494,  in-fol.  [I.  88.]  4. 
Bartholomeus    Brixiensis    Concordia     discordantium      canonum, 

in-fol.  5. 
Testamentum  novum  gr^ecè  et  latine.  In-fol.  ^. 
Biblia  hebraïca.  In-fol.  [R.  r.  40,  fol,]  7. 
Januensis    Joannis    ordinis    Fratrum    Pr^edicatorum    sumnia    quas 

vocatur  Catholicon.  Lugduni,  Zathani,  1494,  in-fol. 
Jacobi  Januensis  Legenda  Aurea.  Parisiis,  Friburger,  1495  [:47)], 

in-fol.  [I.  28.]  8. 
Abbatis  Nicolai  Siculi  Super  decretalium  de  vita  clericorum,  etc. 

Basilese,  de  Amerbach,  1488,  in-fol.  [I.  63.]  9. 
Galieni  Turisani  monaci  Cartusiensis  comnientum.  Bononiœ,  Ruge- 

rius,  1489,  in-fol.  [I,  71.]'°. 
Lucanus  cum  commento.  Venetiis,  de  Portesio,  1492,  in-fol.". 
Statii  commentarii.  Venetiis,  de  Portesio,  1494,  in-fol.  '-. 
Propertius,   Tibullus,    Catullus,   cum  commento.  Venetiis,    1493, 

in-fol.  '5. 
Petrarchîe  opéra.  Venetiis,  1503,  in-fol.  [R.  xvi,  105.] h. 

dans  le  même  ms.  de  l'Arsenal,  fol.  246  v»  :  Livres  de  che^  Conâé  trouvés 
chei  Lafayctte  et  fol.  247  :  Livres  de  divers  particuliers  rapportés  de  che:^  Coudé 
che^  Lafavette. 

1.  Correspond   au  n"   154  de  la  liste  publiée  par  Delisie,  p.  Lxxiii  sq. 
C'est  l'édition  de  Calderinus. 

2.  Peut-être  le  no  93  de  la  même  liste. 

3.  No  108  décrit  ainsi  :  Priscus  de  verborum  proprietate,  1485. 

4.  No  103. 

5.  No  91. 

6.  Peut-être  n"  29. 

7.  Certainement  n°  54  :  Bible  hébraïque  d'Arias  Montanus  (1662). 
8;  No  34.  La  date  est  exacte  dans  la  liste  de  Chantilly. 

9.  No  100.  Probablement  no  100  :  [Panormitanus]  de  vita  clericorum, 
1498  (à  tort). 

10.  No  106  :  Microtechi  Galieni  commentum.  1489. 

11.  No  112.  • 

12.  No  104. 

15.  Peut-être  n"  1 10. 
14.  No  130. 


502  EMILE    CHATELAIN 

Ordinis  Minorum  deRoberti  Litio.  Romœ,  Arnoldus,  1472,  in-fol. 
Imola  (Alexandri  [Tartagni]  de)  doct.  utriusque  juris.  Lecturœ  de 

jure  civili.  Venetiis,  1494,  in-fol.  [I.  18.]  '. 
Chronique  de  France.  Paris,  Regnault,  in-fol.  [R.  xvi,  154  ]  2. 
Pelagii  Alvari.  De  planctu  ecclesiae,  1535,  in-fol.  [R.  xvi,  188.]  3. 
Joannis  Andréas  Novella  super  primo  libro  decretalium.  Venetiis, 

Jean  de  Forlivio,  1439  [1489],  in-fol.  [I.  13.]  4. 
Ferrarius.  Commentaria.  Pavi«,  Aloizius  Comensi,  1497,  in-fol.  5, 
Epistola;  Marsilii  Ficini,  1495,  in-fol.  ^. 
Capell^  de  mystica  [nuptiis]  etc.  Vicentiîe,  1499,  in-fol.  7. 
Antiquitates  judaïc^e  a  Josepho  liist.  In-fol.  ^. 
Titi  Livii  Décades.  Romae,  1472,  in-fol. 
Chroniques  de  Martin.  Paris,  Verardi,  1454  (jic.^,  in-fol.  9. 
Stœftler.  Calendarium  Romanum  magnum.   Oppenheym,   Kohel, 

1518,  in-fol.  [R.  XVI,  194.]  '°. 
De  ordine  Fratrum  Minorum.  Nuremberg,  Koburger,  1492,  in-fol. 
De  Voragine,  Aurea  Legenda  sanctorum   quae  lombardica  historia 

nominatur.  Lugd.,  Huyon,  15 17,  in-4°.  [R.  xvi,  629.]". 
Guido  de  Columnis,  de  Casu  Troja^,  1480,  in-4°.  '2. 
Catho  moralizatus,    alias    Spéculum  regiminis,    quoad    utriusque 

hominis,  etc.  Lugd.,  De  Vingle,  1497,  in-4°  [I.    153.]". 
Chronique  de  Louis  de  Valois,  depuis  1455  jusqu'en  1483,  in-40.  h. 
Consilia  medica  Baverii.  Bononiœ,  Plato,   1489,   in-4°.  [I.  67.] '5. 
Fasciculus  temporum  omnes  antiquorum    chronicas  complectcns, 

1481,  in-4°.  [L  147,  s.  d.]  ^6. 

1.  Cf.  no  25  :  hiiola  in  rubricam.  Deux  vol.  in-fol.   1494.  Un  seul  vol. 
est  conservé. 

2.  Peut-être  n"  37. 

3.  Peut-être  no  10,  quoique  daté  de  1517. 

4.  No  96  :  Novella  Andréas  super  Decretales.  1489. 

5.  Peut-être  n"  52.  Pratice  Ferrarii.  Deux  vol.  in-fol. 

6.  No  102. 

7.  No  77  :  Capella  de  nuptis,  1499. 

8.  Peut-être  no  46. 

9.  Cf.  no  n  5  :  Chronique  mariinienne,  Verard. 

10.  Peut-être  n"  92. 

11.  No  39. 

12.  No  81. 
15.  No  131. 

14.  No  109. 

15.  No  III. 

16.  No  83. 


RECHERCHES    SUR    LES    PLUS    VIEUX    LIVRES    DES    CONDE      503 

Nouveau  Testament.  Lyon,  Ikiyer,  in-4". 

Marii    Philelphi    artium  jurisque   doctoris    opéra,    1489.    —  Ibid. 

Francisci  Nigri  epistoUe,  etc.  [I.  186.]  '. 
Ludolphi  Cartusiensis  Vita  Jesu  Christi.  In-4°.  ^. 
Guilli  Tardivi,  Eloquenti:v  compendium,  1490,  in-4".  [I.  187.]  î. 
Vita  sancti  Thonix  martyris.  Parisiis,  Alamanus,  1495,  in-4°.  4. 
Flavii  Josephi  Judivi  collectio.  Jehan  Petit,  1520,  in-4".  5. 
La  Chirurgie  de  Salicet,  dit  de  Piacentia.  Lyon,  Husz,  1492,  in-4°. 

[L  19].]  6. 
Theologias  veritatis  compendium.  In-4°.  7. 
EusebiiEsurientishistoria  ecclesiastica.  Parisiis,  Levet,  1495  [1497]. 

in-40.  [L  152.]  8. 
Jardin  de  pLaisance  et  fleurs  de  rhétorique,  Paris,  in-4°.  9. 
Practica  Bernardi   de    Gordonio   dicta  Lihum  mcdicina?.   Lugduni, 

Lambilionis,  1491,  in-4°.  [L  138.]'°. 
Variae  oblectationis    opuscula    et    tractatus,   Hemmerlin,  Basile^e, 

1497,  in-4°.  [L  151-]  "• 
Gregorii  Turonensis  historia.  J.  Petit,  1522,  in-4°.  [R.  xvi,  235. j'^. 
Légende  dorée.  Paris,  Aubri,  152e,  in-4°.  [R.  xvi,  255.]'3. 
Les  Triomphes  de  Pétrarque.  Paris,  Petit,  in-4°.  [R.  xvi,  éoi.]'4. 
Le  Vergier  d'honneur,  par  Saint-Gelais.  Paris,  Trepperel,  in-4°.  '5. 
La    Vie   de   saint    François,  par  Simon    Vostre.    Paris,    in-4°.  [L 

163.] '^ 
Liber  creaturas.  Sabunde  Raym.  Tholosce,  1436,  in-4°.  [I,  133,  s. 

d.]'7. 

1.  No  74. 

2.  Peut-être  no  97. 

3 .  No  2 1 . 

4.  No  158. 

5.  Peut-être  no  46. 

6.  No  5. 

7.  No  73. 

8.  No  18. 

9.  No  120  [de  Fabri].  «  en  rimes  françaises  ». 

10.  No  22. 

11.  No  114,  avec  la  date  fausse  de  1493. 

12.  No  135. 

13.  No  23, 

14.  No  119. 

15.  No  122. 

16.  No  2. 

17.  No  124.  La  date  de  1436,  qui  est  celle  de  la  préface  et  non  de  l'im- 
pression, est  aussi  donnée  par  la  liste  de  Chantilly. 


504  EMILE   CHATELAIN 

Jordani  Nemorarii  arithmetica,  1495,  in-4°.  [I.  149.]  '. 

Oldradi  de  Laude.  Consilia,  148 1,  in-40  [I.  127.]  2. 

Illustrium  virorum  epistolae,  1499,  in-4°. 

Job.   de   Tornamira.   Clarificatorium  super  nono   Almansoris,  etc. 

Lugduni,  Trechsel,  1490,   in-4°.  [I.  137.]  5. 
De  regimine  ecclesias   primitivje  historia  de   Cassiodoro.  Parisiis, 

Regnault,  in-80.  [R.  xvi,  1222.]  4. 
[Dorlandus.]   Viola  aninic-e  per  modum   dialogi  inter  Raimondum 

Sebundium,  etc.   de  natura  hominis.  Colonias,   Q.uentell,  1501. 

[R.  XVI,  701.]  5. 
Heures  gothiques  à  l'usage  de  Bourges.  Paris,  in-S".  ^ . 
Beroaldi.  De  regimine  corporis  humani.  Lugduni,  1504,  in-8°.  7, 
Reprobatio  sententi^  Pilati,  a  Lodovico  Montalto.   Parisiis,   1493, 

in-80.  [I.    192.]». 
L'aiguillon  de  l'amour  divin  de  saint  Bonaventure.   Paris,  Sergent, 

1541,  in-8°  [R.  r.  34,  in-i2.]9. 
Métamorphoses  d'Ovide,  trad.  par  l'Abbé  Bunières  'o. 
Décréta  Basiliensia  et  Bituricensia.  Guymier.  Lugduni,  1488,  in-8°. 

[I-_i34.]"-_ 
Stultifera  navis  et  narragonica  profectio  per  Seb.   Brant.   Parisiis 

Gaufer  [Gaufridus  de  Marnef],  1498,  in-8°.  [L  211.]  '2. 
MaximiTyriiphilosophiPlatonici  sermones.  Parisiis,  Henr.  Steph., 

15 19,  in-fol.  [R.  XVI,  211.] 
Libri  Epidemiarum  Hippocratis.  Parisiis,  1546,  in-fol. 
Etymologicum  magnum  graîce,  in-fol.  [1499  (?)]. 
Bernardini  historia.  Mediolani,  Minutianus,  1503,  in-fol. 
De  Roma  triumphante  lib.  10.  Basileas,  Froben,  1531,  in-fol. 
Flavii  Josephi  opéra  grttce.  Basilea;,  1544,  in-fol. 
Dictionarium  trilingue  Munstericongestum  latine,  graece,  hebraïcc. 

Basileae,  Henr.  Petrus,  1535,  in-4°,  parch.  [R.  xvi,  iiéa.J 

Emile  Châtelain. 

1.  N°  139. 

2.  No  133,  avec  la  date  fausse  1480. 

3.  Peut-être  no  123. 

4.  Peut-être  no  43. 

5.  No  8. 

6.  N"  7. 

7.  No  12. 

8.  No  140. 

9.  N"  19:  L'F.^uillon  d'amour,  par  Gcrson,  1541. 

10.  Peui-ètre  ii"  65. 

11.  N"  II. 

12.  No  16. 


SIGNATURES  DE  PRIMITIFS 


LE  BANQUIER  ET  SA  FEMME 
DE  aUINTEN  MATSYS 


L'identification  cfune  œuvre  d'art  par  un  mandat  de  paye- 
ment, est,  quoiqu'on  en  dise,  bien  problématique. 

Tous  ceux  qui  connaissent  l'organisation  corporative  du 
moyen  âge  —  et  toutes  les  pages  de  cette  époque  que  nous 
appelons  aujourd'hui  œuvres  d'art  ne  sont  en  réalité  que  des 
travaux  industriels  — ,  n'ignorent  pas  qu'autour  de  chaque 
maître,  chef  d'atelier,  vivait  tout  un  petit  monde  de  compa- 
gnons, de  valets,  d'apprentis,  de  fatnulae  mêmes,  qui  pour 
n'avoir  jamais  figuré  dans  un  compte,  n'en  menèrent  pas 
moins  à  bien,  souvent  avec  beaucoup  de  talent,  les  com- 
mandes de  la  boutique.  C'est  ainsi  qu'au  début  du  xv^  siècle, 
à  un  moment  où  il  y  avait  dans  l'Ile-de-France  au  plus 
cent  cinquante  maîtres  peintres,  scribes  et  enlumineurs,  Guil- 
lebert  de  Metz  qui  était  du  métier,  pouvait  écrire  que  dans 
Paris,  il  se  trouvait  soixante  mille  écrivains  et  miniaturistes. 
On  voit  la  difficulté. 

Plus  dangereuse  encore  est  la  critique  purement  sentimen- 
tale, qui  croit  possible  de  trancher  par  une  simple  apprécia- 
tion de  facture,  de  couleur,  les  problèmes  les  plus  délicats.  On 
a  vu,  en  effet,  les  meilleurs  confondre  Botticelli  et  Jérôme 
Bosch,  se  tromper  sur  le  sexe  des  personnages  qu'ils  exami- 
naient, décrire  dans  leur  lyrisme  littéraire  d'admirables  choses 
qui  n'existaient  pas. 

Alors  comment  décider  ? 


506  F.    DE    MÉLY 

Quand  on  sait  au  contraire,  par  les  ordonnances,  par  des 
jugements,  que  loin  de  voir  se  dresser  devant  eux  l'interdic- 
tion de  signer  leurs  œuvres,  les  artistes  étaient  obligés  d'y 
apposer  leurs  marques,  que  loin  d'être  des  ignorants  ou  des 
méprisés,  certains  parlaient  six  langues  et  recevaient  des 
princes  les  distinctions  les  pins  flatteuses,  qu'au  moyen  âge 
enfin  aucun  détail  ne  doit  être  regardé  comme  indifférent,  il 
faut  se  demander  si  ce  n'est  pas  dans  ces  hiéroglyphes  qu'on 
prétend  simplement  décoratifs,  dans  ces  lettres  majuscules 
qu'on  assure  destinées  uniquement  à  imiter  l'antique,  dans  ces 
inscriptions  qu'on  croit  au  premier  abord  indéchiffrables,  qu'il 
faut  chercher  les  documents  réellement  indiscutables. 

Mais  de  ce  côté,  les  découvertes  sont  forcément  très  lentes, 
beaucoup  plus  lentes  qu'on  ne  pourrait  le  soupçonner.  Les  ins- 
criptions sont  souvent  cryptographiques,  parfois  en  langues 
très  diverses,  tracées  par  des  artistes  fort  ignorants  des  règles 
de  la  paléographie,  qu'on  aurait  ainsi  grand  tort  d'invoquer 
contre  ces  fantaisies  invraisemblables. 

Il  y  a  là  en  effet  des  abréviations  extraordinaires,  des  jeux 
de  mots  fantastiques^  des  rébus  fort  inconvenants,  des  gau- 
loiseries très  grasses,  auxquelles  les  milieux  sérieux  de  nos 
jours  et  les  mentalités  savantes  actuelles  ne  sont  pas  habitués; 
ce  sont  plaisanteries  d'ateliers.  Si  bien  que  la  réunion  d'inscrip- 
tions à  conserver,  leur  classement,  leur  déchiffrement,  peuvent 
demander  bien  des  mois,  des  années  mêmes  :  la  solution, 
quand  on  l'obtient,  n'en  est  que  la  mieux  venue.  Aussi  suis-je 
très  heureux  d'apporter  aujourd'hui  en  hommage  à  un  des 
maîtres  les  plus  éminents  de  la  science  du  moyen  âge,  une 
modeste  étude,  le  troisième  chapitre  d'un  travail  commencé 
dans  la  Ga:{ette  des  Beaux- Arts  en  1908,  continué  dans  les 
Moniunents  Piot  en  19 10,  qui  va  peut-être  trouver  ainsi  sa 
conclusion  en  19 13,  après  six  ans  de  recherches  par  consé- 
quent. 


LE    BANQUIER    ET    SA    FEMME  507 


L'un  des  tableaux  primitifs  les  plus  justement  célèbres  est 
certainement  le  délicieux  petit  panneau  du  Musée  du  Louvre, 
le  Banquier  et  sa  femme  (fig.  i),  l'œuvre  peut-être  la  plus 
exquise  de  Quinten  Matsys,  Mais  alors  qu'on  le  croyait  exé- 
cuté en  15 19,  deux  lignes  qu'on  n'avait  pas  lues,  inscrites  au 
dos  d'un  volume,  placé  sur  une  planchette  du  fond,  nous 
donnent  au  contraire  :  Quinten  Matsys,  ScJnldcrt  1)14  (fig.  2). 
C'est  par  exemple  la  seule  inscription  de  ce  tableau  qui  a  joui 
pendant  le  xvi''  et  le  xvii^  siècles  d'une  telle  vogue,  que  quan- 
tité de  reproductions  s'en  trouvent  dans  de  nombreuses  col- 
lections d'Europe. 

On  doit  rappeler  ici  celles  que  j'ai  étudiées  naguère  à  la 
suite  de  la  page  du  Louvre  :  les  tableaux  de  la  collection  délia 
F;:,ille  (15 19),  du  Musée  de  S.  A.  R.  le  prince  de  Hohenzol- 
lern,  à  Sigmaringen  (1534),  du  Prado  de  Madrid,  de  Valen- 
ciennes,  de  Munich,  toutes  trois  datées  de  1538,  de  Copen- 
hague (1540),  de  Dresde  (1545),  de  Florence,  de  Nantes, 
d'Anvers,  de  King  John's  House  (Farham,  Dorset)  :  ces  der- 
nières sans  dates,  par  exemple. 

Les  inscriptions,  que  j'ai  pu  photographier  et  lire,  donnent 
non  seulement  des  dates  qui  s'échelonnent  ainsi  de  15 14  à 
1545,  mais  les  parchemins  couverts  de  caractères,  pendus 
dans  ces  tableaux,  les  registres  de  comptes  ouverts,  nous  font 
connaître  le  nom  des  peintres  qui  les  ont  exécutés,  Matsys, 
Corneille  de  la  Chapelle  ou  de  Lyon,  Marinus  de  Roymers- 
wall  et  aussi  les  personnages  qui  y  sont  représentés,  leurs 
fonctions  et  leurs  résidences.  Le  tableau  du  Prince  de  Hohen- 
zoUern  (fig,  3)  nous  fournit  : 

Rekenigbc  van  lan  Ohrechts 
Van  ^iiti  ha  If  iaer  de 
Anno  vierendertich  von  d' 
Cleene  ontfanck. 


508  F.    DE   MÉLY 

Ce  qui  veut  dire  : 

«  Compte  de  Jean  Obrecht  de  son  semestre  de  l'an  1534, 
de  la  petite  recette.  » 

Puis  : 

Ende  concliiderende  mitsdien  die  :^ejfde  lucester  Cornelis  van 
der  Capella  aJshi  hoven  intdoen  van  desen  gheconcludeert  heeft 
ghehadt  onder  huer...  ijjj.  C.  Morsel  sign. 

Ce  qui  signifie. 

«  D'où  il  faut  conclure,  par  conséquent,  que  le  même  maître 
Corneille  de  la  Chapelle,  comme  il  [est  dit]  plus  haut,  en  exé- 
cutant ceci,  avait  pris  en  sous-location  en  1533.  C.  Morsel 
sign.  » 

Enfin,  dans  le  registre  ouvert  sous   la  main  de  la  femme 

(fig-4): 

Ander  ontfanck  van  de  Waternwe\ï\.  In  dem  eersten  van  Michiel 
de  Wale  achtervo]ge[nde]  donde  vord[rag]  omme  die  maetit  I. 

C'est-à-dire  : 

«  Autre  recette  de  Watermael.  D'abord  de  Michel  de  Wale, 
suivant  l'ancien  contrat  pour  le  mois  de  I.  » 

Ce  tableau  nous  donne  ainsi  la  date  de  1534,  les  noms  de 
Jean  Obrechts,  de  maître  Corneille  de  la  Chapelle,  de  Mor- 
sel, de  Michel  de  Wale,  enfin  un  nom  de  pays  :  Watermael  '. 

Le  tableau  de  Munich  porte  (fig.  6)  : 

Roymerswall,  Marinus  mefecit  a°  )8. 
Puis  une  adresse  sur  une  lettre  : 

Aeûd  eersaTûê  en  zvise  myïïe  discrète  Waut.  Basselaer,  tbollene 
tôt  Ts..  !..  meleun. 

Ce  qui  signifie  : 

«  A  l'honorable  et  sage  Monsieur  discret  Gaut[hicr]  Basse- 
laer,  collecteur  d'impôts  à  Ts..l..  meleun. 

Quant  au  registre  on  lit  : 


I.  Petite  localité  du  Brabanl. 


p.  so8 


1 

•  •                                                    ■  '■  -■ 

Fiu.    I. 


Hk.  =. 


LE  BANQUIER  et  SA  FEMME 


Fig.    I.  —   Par  Quentin  Matsys 
(Musée  du  Louvre) 


Fig.  2.   —   Signature  de  Matsys. 
(Musée  du  Louvre) 

Fig.   3.   —  Par  Corneille  de  Lvon. 

tCollection  de  S.  A.  R.  Mgr.  le  Prince  de  HohcnzoUern) 

(Muiée  de  Signiaringen) 


Fig.  4. 


Fig.  5. 


5.^ 


Fig.  6. 

LE  BANQUIER  et  SA  FEMME 


Fig.  5.  —   Par  Marinus. 
(Musée  de  Madrid) 


Fig.  4.  —  Registre  du  tableau 

de   Corneille   de    Lyon. 

(Musée  de  Signiariiiireii) 

Fig.  6.  —  Signature  de  Marinus  de  Roymerswall.  1538 


Fig.  7. 


Fi".  8. 


LE  BANQUIER  et  SA  FEMME 


Fig.  7.   — •  Copie  du  xvii°  siècle. 
(Musée  d'Anvers) 


Fig.  8.   —  Copie  du  xvii°  siècle. 
(Collection  Mejer  de  Calmar), 


•'.;  9- 


LE  BANQUIER  et  SA  FEMME 


Fig.  9.  —  Une  des  feuilles  du  registre  du 
tableau  de  la  Collection  xMeyerde  Colmar, 
signée  Q_.  M.  avec  la  date  de  15  14. 


l'ig.    10.   —    Autre    feuille    du    registre    ( 
tableau  de  la  Collection  Mever. 


Jmi  de  Driivc  cid  Jan  Onde. 

renlcn 

....  Van  der  Vrye  ad  sy.. 
Somma  same. . . 


Ce  qui  veut  dire  : 

«  Jan  de  Druwe  et  Jan  Onde  xxx  se 
...  renten        xiiii  tt 
...Van  de  Vrye  '  et  son...      c 
somme  totale  c 


•R    ET    SA 

FEMME                                 509 

XXX  se. 

Jan  de  Wrye  ad  sn  resien 

xiiij  il 

.  .  .sâmc 

c 
.c 

ÎVilm  Rail....         ix. 

Jan  de  Wrye  et  son  solde 
.  .  .total 

Wilhem  Rail...,   ix  » 


Le  tableau  de  Madrid  (fig.   5)  porte  dans  le  fond  sur  un 
livre  ouvert  : 

Roymersiuall  Marinas  me  fecit  a°  ij)S 
et  le  registre  : 


Reyken  vam  lyjf renten. 
lan  de  Druve  âd  sn  onde  rester       x 
Adrix  S  files  cofnt.  taeclich 
Lysbet  vander  Bire  en  hare  rcsten 
Clare  en  Kathrine  va  d  Breecht. 
S-  LXXVll.  III  se.  III  gl. 

Ce  qui  signifie  : 

«  Compte  des  rentes  viagères. 
Jean  de  Druve  sur  son  vieux  solde  x 
Adrien  Stiles  quatre  vingt 
Elisabeth  van  der  Bire  et  son  solde 
Claire  et  Catherine  van  der  Breecht 
Total  Lxxv  il.  III  se.  III  orl. 


A  m  deMeyer,  etc.  x^y  resta 
xviij  iid 

....X        ff 

PVilm  Pie  ter  s. 


A  de    Meyer,   etc.  son 
solde  XVIII  iid 

....X  ff. 

Guillaume  Pieters. 


Nous  sommes  ainsi  fixés  :  chaque  réplique  porte  dans  ses 
inscriptions  ses  papiers  d'identité.  On  ne  peut  plus  dire  que 


I.  D'après  le   baron  Van   Zuvlen,   ce  serait   le    «    Franc  de  Bruges  », 
ancienne  fondation  flamande. 


5IO  F.    DE    MELY 

ce  sont  des  hiéroglyphes  inutiles  et  intraduisibles  ;  nous  devons 
compter  avec  eux  et  ne  pas  les  regarder  comme  insignifiants. 

Ne  nous  permettent-elles  pas  en  effet  d'attribuer,  sans  hési- 
tation possible,  le  tableau  du  Louvre  à  Quinten  Matsys  en 
15 14,  celui  de  S.  A.  R.  le  Prince  de  Hohenzollern,  à  Cor- 
neille de  Lyon  en  1534,  les  autres  à  Marinus  de  Roymerswall 
qui  les  peignit  de  1538  à  1545.  Quant  au  tableau  de  King 
John's  House,  qui  est  beaucoup  plus  tardif,  il  me  semble  voir 
sur  la  photographie  que  je  dois  à  l'amabilité  de  M.  Salomon 
Reinach  quelques  lignes  tracées;  malheureusement  je  ne  puis 
les  déchiffrer  sur  l'épreuve. 

Mais  si  on  a  jusqu'ici  rattaché  tous  ces  panneaux  au  tableau 
du  Louvre,  aussitôt  qu'on  les  rapproche,  on  s'aperçoit  que  s'ils 
reproduisent  bien  le  même  thème,  ils  appartiennent  cepen- 
dant à  quatre  types  très  différents  dans  leurs  détails  extrême- 
ment personnels. 

Le  Matsys  du  Louvre,  le  premier  en  date  (15 14),  est  unique 
dans  son  exécution  ;  celui  de  Corneille  de  L3^on,  le  premier 
d'une  série  nouvelle  qui  suit  (1534),  est  jusqu'ici  seul,  avec 
celui  d'Anvers,  qui  paraît  être  une  copie  du  xvii*  siècle  (fig.  7). 
C'est  au  sujet  de  ce  dernier  que  l'érudit  et  aimable  secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  royale  d'archéologie  de  Belgique, 
M.  F.  Donnet,  qui  malgré  le  plus  sérieux  des  examens  n'a  rien 
pu  tirer  des  inscriptions,  m'écrivait  : 

«  On  voit  parfaitement  que  le  peintre  a  copié  soit  des 
papiers  véritables,  soit  une  œuvre  dans  laquelle  l'écriture  était 
lisible;  mais  il  s'est  borné  à  reproduire  des  apparences  maté- 
rielles, sans  se  préoccuper  en  quoi  que  ce  soit  de  l'exactitude. 
De  loin  l'exécution  est  parfaitement  simulée  ;  de  près  pas  une 
lettre  n'est  formée,  ni  un  mot  lisible.  Avec  beaucoup  de  peine 
sur  un  coin,  je  crois  déchiffrer  :  Van  den  Ferrien.  » 

Nous  n'avons  donc  rien  à  demander  à  cette  copie. 

Nous  venons  de  voir  ce  que  les  répliques  de  Marinus  (fig.  5) 
pouvaient  nous  donner.  Leur  différence  avec  l'œuvre  de  Cor- 
neille de  Lyon    consiste  surtout  dans  le  costume  des  person- 


LE    BANQUIER    ET    SA    FEMME  5  I  I 

nages  et  dans  l'absence  du  petit  personnage  à  droite  qui 
apporte  une  lettre  derrière  la  femme  (fig.  3). 

Mais  comme  le  tableau  de  Corneille  de  Lyon  de  1534  est 
de  quatre  années  plus  ancien  que  le  premier  connu  de  Marinus, 
1538,  que  les  costumes  sont  d'ailleurs  beaucoup  plus  sobres, 
beaucoup  moins  tourmentés,  il  semble  que  le  tableau  de  Sig- 
maringen  est,  quoique  inspiré  certainement  de  celui  de  Quin- 
ten  Matsys,  en  quelque  sorte  un  original. 

Cependant,  après  mon  article  de  la  Galette  des  Beaux-Arts 
sur  les  Marinus  de  1538  à  1545,  M.  Robert  de  la  Sizeranne, 
dont  la  critique  est  toujours  si  fine  et  si  précise,  ne  pouvait 
s'empêcher  de  m'écrire  :  «  Quoique  considérablement  éclairci, 
il  plane  encore  sur  le  problème  un  troublant  mystère.  »  Je 
ne  pouvais  vraiment  dire  le  contraire. 

Mon  étude  des  Monuments  Piot  serrait  déjà  de  plus  près  la 
question,  puisqu'elle  nous  faisait  connaître  la  page  exécutée  en 
1534,  par  Corneille  de  Lyon;  mais  il  demeurait  encore  une 
lacune.  Puisqu'on  croyait  fermement  à  un  original  de  Quinten 
Matsys,  comment  le  tableau  du  Louvre  de  15 14,  avait-il  pu 
ainsi  se  transformer,  pour  devenir  la  formule  nouvelle  de  Cor- 
neille de  Lyon,  si   rapprochée   et  cependant  si    différente  ? 

Un  document  que  me  signalait  M.  F.  Donnet  venait  encore 
augmenter  les  incertitudes.  Car  alors  qu'on  connaissait  l'his- 
toire du  tableau  du  Louvre,  vers  1630  à  Anvers  dans  le  Cabi- 
net Stevens  où  il  était  si  admiré  que  Fornenberg  le  signalait, 
un  procès-verbal  de  la  Gilde  de  Saint-Luc  d'Anvers,  du 
30  novembre  1681,  nous  révélait  l'expertise  d'un  tableau  pré- 
senté aux  doyens  par  un  nommé  Daniel  Garreys  comme  une 
œuvre  de  Quinten  Massys  (par  deux  w).  Il  représentait  deux 
personnages  qui  comptent  de  l'argent  —  t-we  parsoonne  die  gelt 
tellen  — .  Les  doyens  déclarent  que  ce  n'est  pas  une  œuvre 
authentique,  mais  une  copie  d'après  le  maître,  —  //  een  copye 
naer  Quinten  Matsys.  Pour  que  Daniel  Garreys  ait  cru  pou- 
voir présenter  aux  doyens  de  la  Gilde  d'Anvers  un  tableau  du 
Banquier  et  sa  femme,  comme  un  original  de  Matsys,  dans  la 


512  F.    DE    MELY 

ville  même  où  se  trouvait  le  célèbre  tableau  aujourd'hui  au 
Louvre,  il  faut  vraiment  admettre  qu'il  était  quelque  peu  diffé- 
rent de  l'autre.  Et  lorsque  les  doyens  déclarent  que  c'est  une 
copie  d'après  le  maître,  ils  affirment  ainsi  qu'il  existait  un  ori- 
ginal de  ce  tableau  par  Quinten  Massys.  Quel  était  donc  ce 
tableau  dont  nous  n'avons  aucune  trace  ? 
Cest  bien  là  le  troublant  mystère. 

* 

*  * 

Telle  était  la  situation,  quand  après  avoir  lu  dans  les 
Monuments  Piot  mon  étude  sur  le  Banquier  et  sa  femme  de 
Corneille  de  Lyon,  M™^  Judith  Gautier  me  lit  examiner  une 
réplique  de  la  même  série,  qu'une  de  ses  amies.  M"""  Meyer 
venait  d'acquérir  en  Alsace  (fig.  8). 

Comme  le  tableau  d'Anvers,  c'est  une  copie  du  xvii^  siècle  : 
mais  avec  cette  différence,  qu'ici  les  registres  portent  non 
point  de  la  simili-écriture,  mais  des  mentions,  très  difficiles  à 
déchiffrer  il  est  vrai,  qui  malgré  leurs  incorrections,  leurs 
fautes  d'orthographe,  leurs  lacunes,  offrent,  et  je  dirai  même, 
à  cause  de  cela,  un  intérêt  fort  grand.  Il  est  certain  en  effet  que 
si  les  inscriptions  étaient  très  Usibles,  très  correctes,  très  pré- 
cises, je  les  craindrais,  dans  une  copie  faite  après  un  siècle, 
semblables  aux  faux  du  secrétaire  du  comte  de  Béthune,  qui  au 
xvii'^  siècle  ne  se  faisait  aucun  scrupule  d'orner  des  mentions 
les  plus  royales,  les  manuscrits  de  son  maître.  Ici  les  difficul- 
tés même  de  lecture  prouvent  que  nous  sommes  en  présence 
de  la  copie  d'un  tableau,  dans  lequel,  ainsi  que  le  disait 
M.  F.  Donnet  «  le  peintre  avait  devant  les  yeux  des  papiers 
véritables  dont  l'écriture  était  lisible  ».  Seulement  l'artiste 
semble  avoir  été  peu  familiarisé  avec  la  langue  dans  laquelle 
ils  étaient  écrits  :  du  vieux  flamand.  Cependant  certains  mots 
l'ont  particulièrement  frappé  et  il  les  a  reproduits  distincte- 
ment. 

Voici  ces  deux  inscriptions  avec  leur  déchiffrement,  œuvre 


LE    BANQ.UIER    ET    SA    FEMME  5  1 3 

de  collaboration  avec  le  savant  M.    F.  Donnet   qui   a   bien 
voulu  m'aider  à  les  traduire  : 

Sous  la  main  de  la  femme  (fig.  9)  : 

Anden  ontfant  van  dcm  siiiedst  niafcy  te  Sanddina  van  dcr  son 
E.  Judag  VIII J  don    antfont   darin   nuw  betref  van  ans  hecr 
XVCX..  de  mas  4  f  De  somme  van  iiij  onterf.  .  . 
MVCXIIII  (ù,  ilt. 

Ce  qui  veut  dire  : 

«  Autre  recette  du  forgeron  Mafry  à   Sanddam  du  fils  de 
E.  Judag  VIIII  s,  ensuite  de  ce  qui  regarde  Mas...  en  l'an  de 
Notre-Seigneur  XVCX... —  de  4  f.  la  somme  de  iiij  d'intérêt. 
MVCXIIII  €t  ilt.  » 

La  deuxième  inscription  donne  (fig.  10)  : 

// .  al  af  gereckent  mit  interest  van  inkompt  de  X  tôt  iiltimo 
februarii  yaar  de onse  heer.  .  .  .XI .  .  . 

Fan  XVCIII  tôt  [aan  einde  van  termin]  (?). 

Ce  qui  veut  dire  : 

«  Item.  Entièrement  réglé  y  compris  les  intérêts  de  x  jus- 
qu'à la  fin  de  février  de  l'année  de  Notre-Seigneur.  .  .  .XI.  .  . 
De  XVCIIII  jusqu'à  la  fin  du  terme.  » 

La  seconde  inscription,  assez  effacée,  ne  nous  donne  en 
réalité  rien  autre  chose  que  quin:^e  cent  trois  (xvciii)  et 
quinze  cent  quatre  (xvciiii).  La  première  au  contraire  qui  res- 
semble à  celles  qui  nous  ont  permis  d'identifier  les  tableaux 
de  Corneille  de  Lyon  et  de  Marinus  nous  fournit  d'abord 
mil  cinq  cent  quatorze  (mvcxiiii)  ;  puis,  c'est  un  reçu  comme 
celui  du  panneau  HohenzoUern  avec  un  nom,  Mafc-y.  Quand 
nous  savons  que  Matsys  signait  Massys,  quand  nous  trouvons 
là  cette  curieuse  épithète,  smedst  (pour  smeder),  forgeron, 
qui  nous  rappelle  la  légende  du  fabro-ferraio  de  Vasari,  du 
forgeron  devenu  peintre  par  amour,  quand  nous  pouvons  tra- 

Mhlanghs.     II.  5  5 


514  F.    DE    MELY 

duire  Sanddma,  par  la  Dune  de  Sable,  quand  nous  avons  un 
payement  au  fils  de  E.  Judag,  quand  enfin  au  bas  nous  lisons 
15 14,  suivi  des  deux  initiales,  <D,  M,  il  nous  faut  repenser  à 
l'expertise  des  doyens  de  la  Gilde  de  Saint-Luc  d'Anvers,  à 
un  original  de  Quinten  Matsys,  diff"érent  du  tableau  du 
Louvre.  Et  nous  devons  nous  demander  si  cette  copie  du 
xvii^  siècle,  où  se  trouve  avec  le  nom  de  Massys  le  forgeron, 
la  date  de  15 14,  n'aurait  pas. été  faite  alors  directement  sur 
cet  original  actuellement  inconnu  de  Matsys,  copié  en  1534 
par  Corneille  de  Lyon,  puis  plus  tard,  avec  quelques  modi- 
fications de  costumes,  nécessitées  par  la  mode,  par  Marinus  ? 
L'inscription  que  nous  fournit  le  tableau  Meyer  nous  per- 
met, je  crois,  de  présenter  cette  hypothèse  comme  très  vrai- 
semblable. 

F.    DE   MÉLY. 

Mesnil-Germain  (Calvados),  le  15  janvier  1913. 


L'ORIGINAL  DE  LA  PALIA  D'ORÀSTIE 


Les  Roumains  n'ont  possédé  de  Bible  complète  en  leur 
langue  qu'en  ié88  ÇBible  de  Bucarest),  mais  l'on  avait  com- 
mencé bien  avant  cette  date,  peut-être  dès  la  fin  du  xv*  siècle, 
à  traduire  en  langue  roumaine  diverses  parties  des  livres 
saints,  le  Psautier,  les  Evangiles,  les  Actes  des  Apôtres.  En  1581- 
1582,  s'imprime  en  Transylvanie,  à  Szâszvdros  (en  roumain, 
Oràçtie),  une  traduction  roumaine  de  la  Genèse  et  de  V Exode  ; 
c'est  la  Palia  d'Orâçtie,  œuvre  à  divers  égards  fort  intéres- 
sante, due  au  zèle  d'un  petit  groupe  de  Roumains  protestants 
dirigés  par  l'évêque  Michel  Tordasi. 

J'ai  étudié  ailleurs  les  circonstances  historiques  et  les  condi- 
tions matérielles  dans  lesquelles  fut  faite  cette  publication.  Je 
voudrais  indiquer  ici  les  résultats  essentiels  de  mes  recherches 
sur  un  point  particulier,  dont  je  n'ai  pas  besoin  de  souligner 
l'importance  pour  l'histoire  de  la  culture  et  de  la  langue  rou- 
maines :  d'après  quel  original  les  traducteurs  d'Oràstie  ont-ils 
composé  leur  version  ? 

Si  nous  en  croyons  la  préface  de  la  Palia,  les  traducteurs 
se  sont  imposé  la  tâche  difficile  de  faire  une  version  roumaine 
d'après  l'hébreu,  le  grec  et  le  slavon.  Mais  le  titre  du  volume 
est  moins  affirmatif  :  il  présente  le  Pentateuque  comme  tra- 
duit de  l'hébreu  en  grec,  du  grec  en  slavon  et  en  d'autres 
langues,  de  là  en  roumain  ;  cette  mention  d'autres  langues, 
en  même  temps  que  le  vague  de  l'indication  relative  à  l'ori- 
ginal particulier  de  la  traduction  roumaine,  fait  naître  quelques 
doutes  sur  la  véracité  de  la  préface.  Ces  doutes  n'ont  pas  été 
levés  par  les  savants  qui  se  sont  occupés  jusqu'ici  de  la  Palia, 
et  la  recherche  de  l'original  reste  à  faire. 


5l6  MARIO    ROaUES 

Cette  recherche  se  fonderait  naturellement  sur  une  compa- 
raison minutieuse  de  la  Palia  avec  les  divers  modèles  que  les 
traducteurs  ont  pu  avoir  sous  les  yeux.  Mais  il  n'est  pas  sûr  que 
cette  méthode  dût  amener  à  des  résultats  certains  si,  comme 
il  est  vraisemblable,  les  traducteurs  avaient  eu  plusieurs  modèles 
et  les  avaient  contaminés  ou  corrigés  l'un  par  l'autre. 
Il  est  d'ailleurs  fort  difficile  de  déterminer,  dans  la  masse  des 
versions  bibliques  et  des  remaniements  ou  des  combinaisons 
de  versions  du  xvi'^  siècle,  celles  que  pouvaient  et  celles  que 
ne  devaient  pas  avoir  des  prêtres  habitant  dans  un  pays  où 
se  mêlaient  les  peuples,  les  langues,  les  religions  et  même  les 
civilisations.  J'ai  donc  renoncé  à  cette  méthode  d'investiga- 
tion ;  je  n'ai  fait  venir  qu'en  seconde  ligne  les  comparaisons 
de  textes  et  j'ai  cherché  un  premier  guide  dans  des  détails  maté- 
riels relativement  indépendants  du  sens.  Je  n'ai  pas  tardé  à 
constater  que  ni  l'original  hébreu,  ni  la  version  des  Septante, 
ni  la  version  slavone,  pris  isolément  ou  tous  trois  ensemble, 
ne  suffisent  à  expliquer  les  particularités  de  la  version  rou- 
maine. 


Le  vocabulaire  biblique  est  assez  complexe,  assez  différent  du 
vocabulaire  commun,  pour  que  des  traducteurs  des  livres 
saints  résistent  avec  peine  à  la  tentation  défaire  à  leur  original 
des  emprunts  lexicaux  assez  nombreux.  Les  noms  propres 
bibliques  sont  assez  difficiles  pour  que  des  traducteurs  se 
bornent  à  les  transcrire  très  mécaniquement.  Ces  emprunts 
lexicaux,  ces  transcriptions  mécaniques,  s'il  s'en  rencontre 
dans  la  Palia,  doivent  nous  indiquer  suffisamment  la  forme, 
la  langue  de  l'original.  En  effet  : 

1°  Un  certain  nombre  de  noms  se  présentent  dans  la  Palia 
avec  une  finale  en  -us y  -us,  -os,  -os  ;  ce  sont  des  noms  de 
peuples,  Amorreoçilor  (Goi.  xv,  i6),  Horeosanilor  (Gm. 
xxxvi,  29),  Heteu^  {Gen.  xxiii,  10),  Si  rus  (Gm.  xxv,  20), 


L  ORIGINAL    DE    LA    PALIA    D  ORASTIE  517 

et  surtout  le  mot  siclus,  sicluç,  çicluç  ou  çucluç  ÇGen. 
XXIII,  15,  16;  Ex.  XXI,  32;  XXX,  13,  23;  XXXVIII,  24).  Ce 
procédé  de  transcription  des  noms  bibliques  ne  peut  avoir  son 
origine  ni  dans  l'hébreu,  ni  dans  le  grec,  ni  dans  le  slavon, 
mais  il  correspond  exactement  au  mode  de  traitement  des  mots 
latins  en  hongrois  ',  cf.  hong.  predikâcio,  predikator, 
status,  templom,  etc.,  où  la  flexion  du  nominatif  latin  est 
devenue  partie  intégrante  du  mot,  mais  avec  prononciation 
hongroise  des  caractères  latins,  -us  devenant  en  particulier  -us. 
Dès  lors  deux  explications  sont  possibles  pour  les  formes  de 
la  Palia  :  ou  bien  elles  proviennent  d'un  original  hongrois  qui 
avait  déjà  altéré  les  mots  latins  ;  ou  bien  elles  proviennent  d'un 
original  latin  dont  les  formes  ont  été  altérées  par  des  traduc- 
teurs habitués  au  système  de  transposition  hongrois.  Les  deux 
hypothèses  ^  contredisent  également  les  affirmations  déjà  sus- 
pectes des  auteurs  de  la  Palia. 

2°  Il  est  naturel  que  dans  un  texte  écrit  en  Transylvanie  le 
roumain  soit  plus  qu'ailleurs  pénétré  de  magyarismes  ;  mais  il 
s'en  rencontre  dans  la  Palia  un  nombre  trop  considérable 
pour  qu'on  puisse  ne  voir  là  qu'une  particularité  dialectale  ; 
je  ne  donne  ici  de  ces  mots  d'emprunt  que  quelques  exemples 
choisis  parmi  les  plus  intéressants  : 
al  nie  {Gen.  m,  i),  «  rusé  »,  hg.  àlnok, 

bàrat  '  (Gen.  xxxviii,  12)  )  •       t       ,     , 

,  „        „    z'/-  ,.       [   «  ami  »,  hg,  mrat, 

barata§(Gm.  xxvi,  26)      ]  '     o  ' 

bâsàu  {Gen.  ix,  5),  «  inimitié  »,  hg.   bos:{û,  «  vengeance  », 

berc  ÇEx.  xxxiv,  13),  «  bois  sacré  »,  hg.  berek,  «  bosquet  », 

beseadà  (Gett.  xi,  i,  7,  etc.),  «  paroles  »,  hg.  bes:(éd, 

buduçlàu  (Gen.  iv,  12),  «  fugitif»,  hg.  hujdosô, 


1.  Catechisvmhi  calvinescH,  éà.  Baritiu,  121. 

2.  Je  ne  m'arrête  pas  à  l'hypothèse  d'une  traduction  faite  sur  des  textes 
en  d'autres  langues  que  le  latin  ou  le  hongrois,  mais  par  des  traducteurs 
tellement  imbus  des  habitudes  hongroises  qu'ils  introduiraient  dans  leur 
travail,  en  dépit  de  leur  modèle,  des  formes  latino-hongroises. 

3.  Je  corrige  ainsi  l'absurde  bar  bat  de  la  Palia. 


5l8  MARIO    ROQUES 

curd3.(Gen.  xxxi,  43),  «  troupeau  »,  hg.  csorda, 

doicà  (Gen.  xxiv,  59),  «  nourrice  »,  hg.  àttiha, 

golgiu  (^Ex.  XXVIII,  42),  «  toile  de  lin  »,  hg.  gyolc s, 

hasna  {Ex.  xxiii,  10),  «  profit  »,  hg.  has;ï)n, 

iliç  {Ge7i.  XIV,  11),  «  vivres  »,  hg.  élés, 

maiâ(£'A-.  xxv,  39,  etc.),  «  quintal  »,  hg.  mà~sa, 

ocà  ÇGen.  xxxviii,  7,  etc.),  «  cause  »,  hg.  ok, 

çinor  {Ex.  xxviii,  37),  «  cordon  »,  hg.  sinôr, 

çpan  {Ex.  1,  II),  «  surveillant  »,  hg.  ispdn, 

sucuit  (Ê';c.  xxxiii,  11),  «   habitude  »,  hg.  s^okm,   «  avoir 

l'habitude  », 
târcat(G<?«.  xxxi,  10),  «  bigarré  »,  hg.  tarka, 
târna^  {Ex.  xxvii,  18),  «  parvis  »,  hg.  tornâci, 
tàroasâ  {Gen.  m,  16),  «  enceinte  (adj.)  »,  hg.  terhes. 

Cette  liste  pourrait  être  infiniment  augmentée,  si  l'on  y 
ajoutait  les  mots  plus  répandus  tels  que  alean,  bànui,  batàr, 
birui,  fagâdui,  fel,gîndi,  hotar,  hotnog,  îngâdui, 
lacui,  mîntui,  oraç,  pilda,  samà,  çireag,  talpà,  uriaç, 
etc.  ;  et  les  mots  pour  lesquels  il  est  permis  d'hésiter  entre 
l'origine  slave  et  l'origine  magyare. 

Il  est  peu  vraisemblable  que  tant  de  magyarismes  se  fussent 
présentés  sous  la  plume  des  traducteurs  transylvains,  s'ils 
n'avaient  utilisé  que  des  textes  hébreu,  grec  ou  slavon.  L'on 
en  peut  dire  autant  de  magyarismes  syntactiques  sur  lesquels 
nous  aurons  à  revenir  et  qui  ont  imposé  de  plus  en  plus  à 
notre  esprit  l'hypothèse  d'un  original  hongrois  pour  la  Palia  ; 
un  troisième  ordre  de  faits  rend  cette  hypothèse  nécessaire. 

3°  Les  noms  propres  bibliques  se  présentent  dans  la  Palia 
sous  des  formes  assez  diverses  suivant  les  parties  du  texte  où 
ils  se  trouvent,  suivant  aussi  la  notoriété  des  personnages 
qu'ils  désignent  :  tels  noms  se  rapprochent  davantage  de  la 
forme  gréco-slavone  traditionnelle,  d'autres  de  la  forme 
hébraeo-luthérienne,  d'autres  encore  de  la  forme  latine.  Mais 
il  en  est  quelques-uns  qui  s'écartent  également  de  toute  tra- 
dition et  qui  supposent  des  erreurs  de  la  part  des  traducteurs 


l'original  de  la  PALI  a  d'orâstie  519 

roumains  ;  ce  sont,  comme  on  pouvait  s'y  attendre,  des  noms 
d'importance  secondaire  dans  l'histoire  biblique,  pour  lesquels 
les  traducteurs  devaient  être  obligés  de  suivre  aveuglément 
leur  modèle. 

Le  chapitre  x  de  la  Genèse  présente  un  assez  grand  nombre 
de  noms  propres  de  villes  et  d'hommes  qui,  dans  la  Palia,  se 
rapprochent  en  général  de  la  forme  hébraïque  plus  que  de  toute 
autre^  mais  quelques-uns  de  ces  noms  ont  une  finale  anor- 
male en  -t,  ih  ou  -ot,  ainsi  :  x,  11,  Irth  (Ir),  Calahaot  à 
côté  de  Calah  au  v.  12  ;  —  12,  Rasant  (Ressen)  ;  —  13, 
Ludimot  (Ludim),  Anamimot  (Anamini),  Leabimot 
(Leabim)  ;  —  et  autres  formes  analogues. 

Cette  finale,  étrangement  répétée  dans  ce  passage,  ne  paraît 
pouvoir  s'expHquer  que  comme  une  flexion  et,  le  roumain  ne 
connaissant  rien  de  semblable,  force  est  bien  de  l'attribuer  au 
texte  qui  a  servi  de  modèle  aux  traducteurs  ;  si  ce  texte  était 
hongrois  tout  s'explique  :  -/  ou  -ot  est  la  finale  de  l'accusatif 
(les  noms  en  question  sont  en  efi^et  des  régimes  directs)  qu'un 
traducteur  distrait  ou  troublé  par  ces  noms  inconnus  n'aura 
pas  su  distinguer  du  radical.  Nous  trouvons  au  chap.  xxxvi 
une  difficulté  semblable  :  le  v.  5  nous  présente  la  forme 
Coraho,  tandis  que  nous  avons  vu  au  v.  14  la  forme  normale 
Corah;  la  seule  difi"érence  est  que  Coraho  est  un  régime  direct 
et  Corah  un  attribut,  et  cela  n'explique  rien  en  roumain,  mais 
résout  la  difficulté  si  nous  avons  afî"aire  indirectement  à  un 
texte  hongrois:  au  nominatif  Ko  r  ah  correspondait  un  accu- 
satif Koraho  t  que  le  traducteur,  trouvant  ce  nom  pour  la  pre- 
mière fois,  n'avait  pas  de  raison  pour  décomposer  en  Corah  + 
ot  plutôt  qu'en  Coraho  +  t.  Je  néglige  quelques  erreurs  ana- 
logues qui  n'ajouteraient  pas  à  la  force  probante  de  celles-ci. 

Au  chap.  XIV,  v.  14,  nous  lisons  dans  la  Palia  :  «  Si  gràbi 
dupa  ei  pânâ  la  Danic.  »  Il  s'agit  dans  ce  passage  du  nom  de 
lieu  Dan,  qui  se  retrouve  dans  toutes  les  versions  sous  cette 
dernière  forme  ;  si  nous  appliquons  à  la  finale  -ic  le  procédé 
d'explication  que  nous  avons  employé  pour  -ol,  nous  n'aurons 


520  MARIO    ROCIUES 

pas  de  peine  à  y  reconnaître  le  suffixe  hongrois  -ig  indiquant 
le  terme  jusqu'auquel  on  arrive,  ce  qui  s'accorde  parfaitement 
avec  le  sens  de  la  phrase  ;  l'idée  de  terme  étant  déjà  exprimée 
par  un  adverbe  que  traduit  pànâ,  le  traducteur,  magyarisant 
peut-être  novice,  n'a  pas  su  discerner  la  valeur  de  -ig. 

Nous  sommes  ainsi  amenés  à  conclure  que  les  auteurs  de 
la  Palia  ont  eu,  au  moins  partiellement,  pour  modèle  un 
texte  hongrois,  et  nous  pouvons  constater  que  rien  ne  leur 
était  en  effet  plus  facile. 


L'histoire  de  la  Bible  hongroise  commence  au  xv^  siècle 
avec  le  mouvement  hussite,  mais  ici  encore  il  faut  attendre  la 
Réforme  pour  trouver  des  traductions  étendues  de  V Ancien 
Testament.  Un  Saxon  magyarisé,  Gaspard  Heltai',  élève  de 
Mélanchthon  (1543),  pasteur  àKolozsvdr  depuis  1545,  fonde, 
en  1550,  une  imprimerie  dans  cette  ville  et,  de  155 1  à  1565, 
y  imprime  une  traduction  hongroise  presque  complète  des 
livres  saints.  Il  débute,  en  15  51,  par  un  Pentateuque  précédé 
d'une  longue  préface  où  il  nous  apprend  qu'il  a  fait  sa  traduc- 
tion, avec  trois  collaborateurs,  d'après  la  Bible  hébraïque, 
mais  en  a3'ant  sous  les  yeux  la  Vulgate,  d'autres  Bibles  latines 
et  des  Bibles  en  d'autres  langues  (c'est-à-dire  sans  doute  des 
Bibles  protestantes  et  la  Bible  allemande  de  Luther).  Il  devait 
être  facile  ^  aux  auteurs  de  la  Palia  de  se  procurer  le  Penta- 
teuque de  Heltai  et  la  comparaison  des  deux  textes  s'impose  ; 
nous  avons  pu  la  faire,  malgré  la  rareté  de  l'impression  de 
Heltai,  grâce  à  la  libéralité  de  l'Académie  hongroise  qui  a  mis 

1 .  Il  signait  aussi  H  e It h,  cf.  Szabô,  Régi maa^yar  Kônyvtdr,  II,  nos  50  et  S  i . 

2.  Il  ne  faut  pas  oublier  cependant  que,  à  cette  époque  et  même  un  peu 
plus  tard,  la  Bible  n'était  pas  un  livre  fort  commun  ;  cf.  ce  qu'en  dit  Etienne 
Fogarasi  dans  la  préface  du  Catéchisme  de  1 648  :  «  La  Bible  ne  se  trouve 
pas  dans  tous  les  buissons  et  elle  coûte  cher,  surtout  dans  notre  pays  » 
(Bianu  et  Hodo§,  Bihliogr.  roin.,  162). 


l'original  de  la  palia  d'orastie 


52T 


à  notre  disposition  son  exemplaire  de  ce  précieux  volume  ' . 
Cette  comparaison  a  pleinement  confirmé  nos  hypothèses  anté- 
rieures . 

1°  La  préface  de  la  Talia  présente  un  sommaire  du  Pcnta- 
t Clique  \  la  préface  de  Heltai  contient  un  sommaire  très  sem- 
blable des  livres  de  Y  Ancien  Testament,  et  en  particulier  du  Pen- 
tateiique,  qui  est  visiblement  inspiré  de  VExpositio  de  omnibus 
sanctœ  scriptnrx  libris  de  Heinrich  Bullinger,  mais  Heltai  a  fait 
à  son  modèle  des  additions  qui  se  retrouvent  précisément 
dans  la  Palia  ;  par  contre  tout  ce  qui  est  commun  à  la  Palia 
et  à  Bullinger  se  retrouve  aussi  chez  Heltai,  ce  qui  nous 
amène  à  conclure  que  les  auteurs  de  la  Palia  n'ont  utilisé 
VExpositio  de  Bulhnger  que  sous  la  forme  que  lui  avait  donnée 
Heltai  ;  il  est  facile  de  s'en  convaincre  en  examinant  les  trois 
versions  du  sommaire  de  la  Genèse  réunies  ci-dessous  -  : 


Bullinger 

Genesis.  Primus  li- 
ber exponit  originem  et 
caussas  omnium  rerum, 
praesertim  hominis  or- 
tum,  qualis  fuerit  ab 
initio,  quomodo  lapsus 
et  restitutus  sit,  quo- 
modo ab  uno  nati  sint 
omnes,  perque  terras 
sparsi,  fiagitiis  eiior- 
mibus  diluvium  in  se 
ab  irato  deo  deriva- 
runt  :  rursus  qui  in 
illo  servati  omnibus 
regnis  dederint  princi- 


Palia 

Bitia  :  în  care  Bitie 
§i  carte  dentàniu,  scris 
au  sfdnt  Moisi  :  înce pâ- 
tura a  toate  fâpturilor  : 
mai  vârtos  iarâ  omul, 
întru  ce  açezâturâ  l'au 
rodit  :  aï  l'au  rodit  în 
curdtie,  în  màndrie  ^i 
sfàntie,  dup'acea  cum  au 
càzut,  si  apoï  cumu  se 
au  sporit  oamenii  delà 
Adam  ^t  delà  Eva  :  cumu 
se  au  impartit  în  lume, 
si  cumu  s'au  adus  pre 
capete-s  pentru  pâcatele 


Heltai 

Genesis.  Az  elsô  kô- 
nybe  meg  irta  à  s^ent 
Moses  minden  allatnac 
kezdetit  :  fôkepen  kedig 
az  emberèt  :  Minemû 
allapadba  terômtetet 
volt  :  Mert  artatlan- 
sagha ,  bôlchesegbe  es 
s^entseghe.  Touaba,  mi- 
kepen  eset,  es  az  essés- 
bôl  mikepen  vètetet  fel. 
Mikepen  szaporattanac 
az  emberec  Adamlol  es 
Eiiatol  :  mikepen  oszlot- 
takel  é  fôlden  :  mikepen 


1 .  Cet  exemplaire  signalé  par  Szabô  comme  incomplet  (Régi  magyar 
Kônyvtdr,  I,  no  25)  a  été  complété  de  façon  qu'il  ne  présente  pas  de  lacune 
importante  pour  la  partie  qui  nous  intéresse. 

2.  Je  cite  VExpositio  de  Bullinger  d'après  la  Bible  latine  de  Zurich, 
Froschover,  1539.  J'^i  souligné  les  additions  communes  à  Heltai  et  à  la 
Palia. 


522 


MARIO    ROQUES 


piiim,  postremo  Abra- 
hami,  Isaaci,  lacobi 
et  losephi  sanctorum 
patriarcharum  qui  ante 
legem  tabularum  vixe- 
rint  vitae  describuu- 
tur,  mores,  illustria 
dicta  et  facta,  religio, 
et  quomodo  e  terra 
Chanaan  descenderint 
in  jEgyplum. 


sale  PotopuI  apeei.   Si 

cum se  au  izvodit 

iarâs  a  doo  lume.  Scrie 
se  si  acastadup'aceacum 
au  aies  Domnezeu  Avra- 
am  patriarhul  den  Hal- 
dei  ^i  fu  lui  fjgâduità 
blagoslovenie.  Isac,  la- 
cov  si  depre  losif  eu 
bun  nàravul  sâu  :  ^i  la- 
cov  eu  fecorii  sài  cum 
fudus  în  Egipet. 


hosztac  feiehr  az  ô  go- 
nosz  bûnekkel  az  ôzôn 
vizet.  Kik  marattanac 
meg  az  ôzôn  vizbe  : 
azoktol  mikepen  szar- 
mazot  ismet  à  masodic 
vilag.  Ennec  vtanna 
vgyan  azon  kônybe 
meg  h'ta  à  szent  Patriar- 
kaknac,  Abrahamnac, 
Isaknac,  es  lacobnec, 
azonkepen  losephnec 
erkôlcheket,  ielles  bes- 
zedeket,  chelekedete- 
ket,  Isteni  tiszteleteket  : 
es  lacohnac  ai  ô  fiaiual 
Egiptusba  valo  mene- 
set,  es  elnyuguasat. 


Pour  les  sommaires  de  Y  Exode  et  du  Lévitiquù  le  rapport  des 
trois  versions  reste  le  même  ;  pour  les  Nombres  et  le  Deutéro- 
noiiie  la  Palia  s'écarte  de  Heltai,  mais  sans  se  rapprocher  du 
texte  de  Bullinger. 

2°  La  Palia  présente  des  additions  marginales  de  trois 
sortes  :  des  sommaires  placés  en  général  en  haut  de  la  marge 
extérieure,  des  indications  de  concordance,  des  gloses  assez  peu 
nombreuses  (environ  30  pour  les  deux  livres).  Nous  trouvons 
dans  Heltai  ces  trois  genres  d'additions. 

Les  sommaires  de  Heltai,  placés,  eux  aussi,  au  haut  de  la 
marge  extérieure,  ne  sont  pas  identiques  à  ceux  de  la  Palia, 
mais  les  ressemblances  sont  très  grandes,  surtout  pour  la 
deuxième  partie  de  V Exode  ;  pour  les  parties  précédentes  les 
sommaires  de  Heltai  sont  très  brefs  (un  simple  nom  en  géné- 
ral :  Adam,  Abra  ham,  laco  b),  la  Palia  détaille  un  peu  plus. 
Nous  rapprochons  ci-dessous  à  titre  d'exemples  quelques-uns 
des  sommaires  de  Heltai  et  de  la  Palia  pour  les  chap.  xxi-xl 
de  V Exode  : 


L  ORIGINAL    DE    LA    PALU    D  ORASTIE  523 

Heltai  PALIA 

XXI  Tôrvennyec.  Legile. 

XXII  Kûlsô  tôrvennyec.  Legile  de  dé  afara. 

XXIV  Egyhazi  tôrvennyec.  Legile  beséreciei. 

XXVIII  Aaron  papnac  ôltezete.        Veçmintele  lu  Aron  pop. 
XXXIII  Moses  beszel  az  Istennel.     Moisi  grâiaçte  eu  Domnul. 
XXXVI  A  sator  chinalasa.  Facerea  cortului. 

L'identité  continue  de  ces  formules  ne  saurait  s'expliquer 
par  desimpies  coïncidences  '. 

Les  indications  de  concordance  sont  un  peu  plus  nom- 
breuses dans  le  Pcntateuque  de  Heltai  que  dans  la  Palia  :  la 
force  des  caractères  employés  pour  celle-ci  empêchait  qu'on 
pût  toujours  en  réunir  dans  la  marge  autant  que  le  fait  quel- 
quefois Heltai.  Par  contre,  presque  toutes  les  concordances  de 
la  Palia  se  retrouvent  identiques  dans  le  Pentaieuque. 

Les  gloses  marginales  de  la  Palia  sont  de  nature  assez 
diverse  :  les  unes  sont  des  explications  de  mots  et  doivent 
appartenir  en  propre  au  traducteur  roumain,  par  exemple,  au 
chap.  XXXVII  de  VExode,  le  traducteur,  ayant  employé  tantôt 
le  mot  creanga,  tantôt  le  mot  stâlp,  pour  désigner  le  même 
objet,  croit  bon  d'en  avertir  le  lecteur  :  «  Stâlpurile  colo  sus 
am  scris  créngure  »  ;  d'autres  sont  destinées  à  faire  connaître 
ou  à  expliquer  des  mots  hébreux,  ainsi,  Ex.  xxviii  :  ((  Hozi- 
nul  eu  ait  nume  peptar  »,  nous  aurons  à  rechercher  d'où 
viennent  ces  mots  ou  leur  traduction  ;  quelques-unes  enfin 
sont  de  véritables  commentaires  du  texte,  l'une  de  ces  der- 
nières pourrait  faire  croire  à  une  origine  orientale  à  cause  de 
la  mention  qu'elle  fait  de  S.  Jean  Chrysostome  sous  son  nom 
slavon  de  Zlatoust  :  «  Taore  ïaste  Sichem  cela  ce  au  rusenat 
pre  Dina,  asa  cetéste  lo  Zlatoust  »,  Geu.  xlix,  6. 

Mais  si  nous  nous  reportons  au  Pcntateuque  hongrois,  nous 
y  retrouvons  dix  des  gloses  de  la  Palia,  les  plus  développées, 

I.  Aucune  des  nombreuses  Bibles  du  xvie  siècle  que  j'ai  examinées  ne 
présente  des  sommaires  aussi  voisins. 


524  MARIO    ROQUES 

explications  de  mots  hébreux  ou  commentaires  du  texte,  sous 
une  forme  identique  ou  très  voisine,  et  en  particulier  la  glose 
à  Gen.  xlix,  6  :  «  (Bikat),  az  az,  mint  Chrisostomus  magya- 
razya,  Sikhêet,  ki  Dinat  meg  szeplôsitette  vala.  »  Les  traduc- 
teurs roumains  se  sont  bornés  à  changer  l'ordre  des  mots  et  à 
donner  au  nom  de  S.  Jean  Chrysostome  une  forme  plus 
familière  à  leur  public. 

L'examen  des  gloses  nous  fournit  encore  un  rapproche- 
ment. Les  gloses  de  Heltai  ne  sont  pas  toujours  imprimées  dans 
la  marge  ;  elles  se  trouvent  fréquemment  insérées  dans  le  texte 
dont  elles  se  distinguent  par  un  alinéa  et  par  leur  caractère  : 
elles  sont  composées  en  italique  d'un  corps  inférieur  au  romain 
du  texte.  Les  gloses  marginales  de  la  Palia  correspondent  en 
général  aux  gloses  marginales  de  Heltai,  cependant  les  gloses 
aux  versets  28  et  30  du  chap.  xxxii  de  la  Genèse  qui  se 
retrouvent  dans  la  version  roumaine  et  dans  le  Pentateuque 
hongrois  sont,  dans  ce  dernier,  insérées  dans  le  texte.  Mais 
en  deux  passages  de  V Exode,  xxii,  29,  et  xxiii,  16,  le  texte 
même  de  la  Pnlia  présente  des  additions  très  semblables  à 
deux  gloses  également  imprimées  par  Heltai  au  milieu  de  son 
texte  : 

Ex.  XXII,  29  :  «  Plinâciuné).  amu  den  hrana.  si  poama  ta, 
sa  dai  pàrga  den  prima,  lacrâmile.  amu  den  vin  si  den  uleïul 
tau,  si  den  tôt  ce  se  scurâ  ce-i  al  tau  sa  dai  pàrga  dentànïu.  » 
=  «(Telyessegedet)  az  az,  gabonadbol  es  gyûmôlchedbôl  meg 
ad  az  elsô  sengét.  (Kônyuezésedet)  az  az,  borodbol,  es  olaiod- 
bol,  es  minden  elfolyo  allatodbol  adki  az  elsô  sengét.  » 

XXIII,  16  :  «  Sfrsitul  anului,  amu  în  luna  lu  Septevie.  Chémâ 
derept'însâ  sfrsitul  anului.  pentru  ce  atunce  se  sâvârsaste  cres- 
terïa  poamelor  si  culesul  lor.  »  =  «  (Végén)  Az  az,  Szent 
Mihal  hauaban.  Neuezi  kedig  esztendonec  végénec,  miert 
hogy  akor  à  gyùmôlchnec  neuekedesse,  es  be  gyûytesse  elue- 
gesztetic.  » 

Nous  trouvons  ici  identité  de  sens,  de  forme  et  de  disposi- 
tion matérielle  ;  nous  ne  pouvons  pas  espérer  de  preuve  plus 


L  ORIGINAL   DE    LA    PALI  A    D  ORASTIE  525 

forte  à  l'appui  de  notre  hypothèse.  Mais,  s'il  est  certain  que 
les  auteurs  de  la  Palia  ont  connu  le  Pentateiiqne  de  Heltai  et 
l'ont  utilisé  pour  des  additions  au  texte  biblique,  l'ont-ils  pris 
demême  pour  point  de  départ  de  leur  traduction  ? 

Il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  se  rappeler  les  magya- 
rismes  et  les  fausses  interprétations  de  suffixes  hongrois  que 
nous  avons  signalés  plus  haut.  La  lecture  d'un  chapitre  du 
Pentateuque  comparé  à  la  Talia,  et  aux  diverses  versions  qui 
auraient  pu  servir  de  modèle  à  celle-ci  entraîne  la  même  con- 
clusion. Mais  nous  trouverons  des  preuves  plus  certaines 
encore  dans  des  coïncidences  matérielles  qui  ne  sauraient  être 
fortuites. 

1°  Le  texte  roumain  et  celui  de  Heltai  présentent  des  lacunes 
identiques  pour  les  passages  suivants  que  nous  donnons 
d'après  la  Vulgate  : 

Gen.  XX,  5  :  et  ipsa  ait  «  Frater  meus  est  ». 

Gen.  XXX,  33  :  Respondebitque  mihi  cras  justitia  mea, 
quando  placiti  tempus  advenerit,  coram  te  ; 

Gen.  xxxiv,  6-7  :  Egresso  autem  Hemor  pâtre  Sichem  ut 
loqueretur  ad  Jacob  ecce  filii  ejus  veniebant  de  agro  ; 

Gen.  XLii,  5  :  Erat  autem  famés  in  terra  Chanaan. 

2°  Le  texte  roumain  présente  des  fautes  qui  correspondent  à 
des  erreurs  matérielles  du  Pentateuque  hongrois  ou  à  des  tour- 
nures équivoques  : 

Gen.  X,  4  :  Le  nom  biblique  Dodanim  devient  dans  la 
Palia  Dodavim  ;  Heltai  imprime  ici,  avec  une  lettre  retour- 
née, Dodauim  :  le  -//-  a  été  lu  normalement  -v-  entre  deux 
voyelles. 

Gen.  XVI,  7  :  la  source  «  quae  est  in  via  Sur  «  (même  texte 
dans  toutes  les  versions)  devient  dans  la  Palia,  «  o  fàntânâ 
ce  ïaste  langâ  Saru  »  ;  on  lit  dans  Heltai  :  «  melly  kutfô  Sar 
ut  mellet  vala  »,  le  mot  Sar  étant  à  la  fin  d'une  ligne,  ut  au 
commencement  de  l'autre  :  le  traducteur  roumain  a  conservé 
la  forme  Sar  au  lieu  de  Sur,  mais  de  plus  il  n'a  pas  su  décom- 
poser Sarut  — qu'il  a  lu  comme  un  seul  mot  coupé  en  deux 


526  MARIO    ROQ.UES 

par  le  changement  de  ligne  — en  Sar  ût  (chemin  de  Sar)  et  il 
y  a  vu  un  accusatif  Sa  ru- 1,  dont  il  a  retranché  seulement  ce 
qu'il  prenait  pour  un  suffixe  de  flexion. 

Gen.  xxviii,  9  :  le  nom  propre  Mahalath  (Vulg.  :  Mahe- 
leth,  Sept.  :  Maeleth)  est,  dans  la  Palia,  Mahala;  en  effet 
Heltai  imprime  Ma  h  al  a  t  à  l'accusatif  à  côté  de  hugat,  de 
hûg  :  le  traducteur  roumain  devait  être  tenté  de  supprimer  le 
-t-  final. 

Gen.  XXXVI  :  ce  chapitre  où  les  noms  propres  abondent 
nous  fournit  plusieurs  exemples  d'erreurs  de  la  Palia.  Au  v.  2 
Sebeon  le  Hévéen  devient  Heveiuzivei,ce  qui  calque  la  forme 
de  Heltai,  Hiueo  Zibei.  Au  v.  41,  les  deux  chefs  Elah  et 
Pinon  se  fondent  en  un  seul  Elapinon  qu'avait  déjà  créé 
Heltai.  Au  v.  43  Iram  devient  Ira  h,  c'est  que  Heltai  avait 
imprimé  Ira  pour  Ira,  le  traducteur  a  restitué  à  tort  une  finale 
-ah  dont  il  avait  d'autres  exemples  dans  le  même  chapitre. 
Du  v.  2  au  v.  29  reparaît  plusieurs  fois,  pour  désigner  d'ail- 
leurs des  personnages  différents,  le  même  nom  Anah;  la 
Palia  distingue  ici  deux  noms,  Anah  et  Anania  (génitit 
Ananiei);  cette  distinction  n'a  aucune  raison  d'être  dans  ce 
passage,  elle  s'explique  seulement  par  le  fait  que  le  traducteur 
connaissait  par  d'autres  passages  de  la  Bible  le  nomd'Anania 
ou  Ananias  ;  mais  nous  comprenons  ce  qui  a  évoqué  ce  sou- 
venir, lorsque  nous  voyons  la  forme  Anah  correspondre  régu- 
lièrement aux  Anah  (nominatif)  de  Heltai,  et  la  forme 
Ananiei  aux  Ananac  (datif).  Il  ûiut  expliquer  de  même 
Iscana  (Gen.  xi,  29)  pour  Isca,  l'erreur  a  été  causée  par  la 
flexion  hongroise  Iscanac. 

L'Exode,  à  trois  reprises,  nous  donne  la  généalogie  de  Besa- 
leel,  le  constructeur  du  tabernacle,  «  Besaleel,  fils  de  Uri, 
fils  de  Hur  »,  et  le  roumain  dit  en  eft'et  correctement  :  xxxi, 
2,  «  Vesaleel,  fiiul  lu  Uri,  ficorului  lu  Hur  »,  et  xxxv,  30, 
«  Vezaliel,  fiïul  lu  Uri,  a  lu  Hur  »,  mais  au  chap.  xxxviii,  v. 
22,  nous  lisons  «  Vezaliel,  fiïul  ficorului  lu  Urihur  »,  et 
il  n'y  a  à  cette  erreur   d'autre  explication   que  celle-ci  :  le 


L  ORIGINAL    DE    LA    PALIA    D  ORASTIE  527 

hongrois  dit  «  Bezaleel,  Vri  Hur  fianac  fia  »  avec  intercala- 
tion  du  déterminatif,  construction  deux  fois  comprise,  mais, 
une  troisième  fois,  cause  d'erreur  pour  le  traducteur  moins 
attentif  ou  peut-être  pour  un  traducteur  nouveau. 

3°  La  Palia  n'est  pas  exempte  de  contre-sens  ;  au  chap.  xv, 
V.  9,  de  la  Genèse,  par  exemple,  sont  indiquées  les  victimes 
que  doit  sacrifier  Abraham,  ce  sont  :  «  une  génisse  de  trois 
ans,  une  chèvre  de  trois  ans,  un  bélier  de  trois  ans,  etc.  »  ;  la 
Palia  en  fait  «  trei  giunci  de  càte  u(n)  an,  si  trei  are^i  de 
cate  u(n)  an,  si  trei  ;api  de  câte  (un)  an,  s.  a.  »  ;  c'est  qu'elle 
calque  exactement  le  texte  de  Heltai,  «  harom  egy  egy  eszten- 
dôs  Vszôt,  es  harom  egy  egy  esztendôs  Bakot,  es  harom  egy 
egy  esztendôs  Kost  ». 

Une  explication  du  même  genre  s'impose  pour  le  passage 
suivant  : 

Gen.  XIV,  7  ;  Heltai  :  Amorritakat,  kic  Hazezon  Tamarba 
laknac  vala. 
Palia  :  Amoriténicarii  la  Haseson,  î[n]  tabarà 

làcuiïa. 
Vulg.  :   (Amorrhaei)  qui  habitabant  in  Asa- 
sonthamar. 

La  place  du  -ba  locatif  lié  à  Tamar  a  amené  le  traducteur  à 
écrire  «  carii  Haseson  în  Tamar  làcuiïa  »,  et  «  în  tabarà  »  est 
sans  doute  une  correction  de  l'imprimeur  ou  d'un  réviseur 
qui  ne  se  reportait  pas  au  texte  original  et  qu'inquiétaient  ces 
deux  noms  juxtaposés. 

Au  chap.  xviii,  V.  19,  de  la  Genèse  un  doublon  de  Heltai 
entraine  dans  la  Palia  une  double  traduction  de  la  même 
phrase. 

4°  L'imitation  servile  du  texte  hongrois  explique  bien  des 
expressions  étranges  de  la  Palia  ;  en  voici  quelques  exemples  : 

Gen.  XXVI,  11  :  eu  moarté  mor^iei  va  mûri  =  halalnac 
halalaval  hallyon.  De  même,  Gen.,  xx,  7. 

Gen.  xxxviii,  15  :  atare  obraz  care  au  gresit  cale  (Vulg.  : 
meretrix)  =■  uta  vétett  szômely. 


528  MARIO    ROaUES 

Gen.  XLi,  34  :  pnetori  de  cinste  (Vulg.  :  praepositos)  = 
tisztartokatt. 

Gcn.  XLiii,  16  :  portàtoriu  de  grijâ  (Vulg.  :  dispensator)  = 
gondgyaviselô. 

Ex.  XXV,  10  et  passim  :  de  al  treilea  cot  în  lung  (Vulg.  : 
duos  et  semis  cubitos)=  harmadfél  séng  ;  si  l'on  ne  veut  pas, 
pour  ce  détail,  recourir  à  l'hypothèse  d'un  original  allemand, 
dont  le  «  dritterhalb  Ellen  »  expliquerait  aussi  le  tour  rou- 
main. 

Ex.  XXXVIII,  26  :  Sase  sute  de  mii,  trei  mii,  cinci  sute  = 
hâtszdz  ezer,  harom  ezer,  ôtszâz  ;  même  observation  que  pour 
l'exemple  précédent. 

Le  titre  même  de  la  Palia  reproduit  les  expressions  du  titre 
de  Heltai  : 

Helt.  :  A  Biblianac  elsô  resze,  az  az,  Mosesnec  ôtt  kônyue  : 

mely  magyar  nyelwre  fordittatot .... 
Pal.  :  Acasta  e  parte  Paliei  de  întài,  amu  cinci  câr;i  aie 
lui  Moisi  prrocul  :  carele  sàmtîntorse  si  scose... 

Certaines  des  coïncidences  que  nous  venons  d'indiquer 
peuvent  être  fortuites,  mais  il  est  impossible  que  toutes  le 
soient  et  nous  devons  en  conclure  que  la  Palia  d'Orâstie 
remonte,  au  moins  pour  la  plus  grande  partie,  au  Pentatcuque 
hongrois  imprimé  en  15  5 1  par  Heltai.  Nous  comprenons  ainsi 
comment  les  auteurs  roumains  ont  pu,  sans  croire  qu'ils  alté- 
raient trop  gravement  la  vérité,  prétendre  que  leur  traduction 
se  rattachait  à  l'original  hébraïque  :  Heltai  présentait  en  effet 
son  œuvre  comme  une  traduction  de  l'hébreu,  par  suite  la 
Pdlia  dérivait  aussi  de  ce  texte  primitif;  Michel  Tordasi  omet- 
tait seulement  de  dire  que  la  filiation  n'était  pas  directe. 

* 
*  * 

Le  Pentatcuque  de  Heltai  ne  suffit  pas  à  expliquer  la  Palia 
tout  entière.  Il  y  a  entre  les  deux  textes  des  différences  dans 
la  division  capitulaire,  dans  les  indications  de  concordances. 


L  ORIGINAL    DE    LA    PALIA    D  ORASTIE 


529 


dans  la  forme  des  noms  propres,  dans  la  rédaction  ou  le  con- 
tenu des  gloses,  dans  le  texte  lui-même  où  certaines  lacunes, 
volontaires  ou  accidentelles,  de  Heltai  sont  comblées  par  la 
Paîia,  où  certains  passages  sont  interprétés  tout  différemment 
par  le  traducteur  hongrois  et  les  traducteurs  roumains.  Voici 
de  ce  dernier  fait  deux  exemples  qui  ne  peuvent  être  contestés 
et  qui  appartiennent  à  des  chapitres  où  l'influence  de  Heltai 
se  manifeste  par  ailleurs  d'une  façon  évidente  : 

Geii.  xxxviii,    ^,    Heltai:   Vala  kedig  ô  Chezibbe,    mikor 
eszt  è  fiât  szùle. 
Palia  :  ci  statu  dé  naçterea  cànd  nâscu  acel 

fecor. 
Vulgate  :  Quo  nato  parère  ultra  cessa  vit. 
Septante  :  "Au-/)  îà  -q  h  Xau,3i  'h'^iy-ct  iTexsv 

al)XOÛq. 
Luther  :  Und  er  war  zu  Chesib,  da  sie 

ihn  gebar. 
Hébr.  :  même  leçon  que  Luther,  Septante, 
Heltai. 
Gen.    XLViii,    7.    Helt.  :  mikor  még  Ephratahoz  egy  szan- 
tofôld  hoszszanyira  volnec. 
Pal.  :  §i  era  timp  de  primâvarâ  :  ci  întraiû 

în  Efrata. 
Vulg.  :  eratque  vernum  tempus  :  et  ingre- 

diebar  Ephratham. 
Sept.  :  sYYi'CovTOç  [xoy  "/.aTx   xbv  '.XTi:ô8poij,ov 

-/ajâpaQà  TYJç  Y?;;  rou  èXOsfv  'EçoâOa. 
Luth.  :  da  noch  ein  Feld  Weges  war  gen 

Ephrath . 
Hébr.  :  même  leçon  que  Luther,    Sep- 
tante, Heltai. 
J'ai  joint  ici  aux  leçons  de  Heltai  et  de  la  Palia  celles    des 
versions  qu'ont  pu  le  plus  fiicilement  connaître  les  traducteurs 
roumains  (les  Septante  tiennent  lieu  de  la  forme  slavone)  ; 
il  résulte  de  ce  rapprochement  que,  si  le  Pentateuqne  de  Heltai 


Mélanges.   II. 


34 


530  MARIO    ROaUES 

n'est  pas  le  seul  original  de  la  Palia,  les  traits  par  lesquels 
celle-ci  se  distingue  du  modèle  hongrois  ne  proviennent  ni  de 
l'hébreu,  ni  du  grec,  ni  du  slavon,  ni  de  la  version  luthé- 
rienne, mais  de  la  Vulgate. 

Il  me  serait  facile,  mais  je  crois  inutile  d'apporter  ici 
d'autres  preuves  de  l'utilisation  de  la  Vulgate  par  les  traduc- 
teurs d'Oràstie.  J'indiquerai  seulement  qu'ils  ont  dû  con- 
naître la  Vulgate  dans  une  édition  corrigée,  complétée  (en 
marge  ou  dans  le  texte  même),  comme  on  en  a  imprimé  plu- 
sieurs au  xvi^  siècle,  dans  une  édition  semblable  à  celles  que, 
depuis  1573,  Lucas  Osiander  imprimait  à  Tubingue.  Un 
exemple  suffira  pour  faire  comprendre  sur  quoi  je  fonde  cette 
affirmation. 

L'on  rencontre  à  diverses  reprises  dans  la  PaJia,  pour  une 
même  phrase  du  texte  hébraïque,  deux  traductions  différentes 
à  la  suite  l'une  de  l'autre.  Ainsi  : 

Ex.  XXI,    3.   Helt.  :  Ha  feleségnékûl  ment  hozzad,  felesé- 
gnékûl  menyenki. 
Vulg.  :  Cum  quali  veste  intraverit,  cum  tali 

exeat. 
Pal.  :  Cu  ce  veçmânt  va  întra  la  tine  eu  acela 
iasâ.  sa  fàrâ  muïare  au  mers  la  tine,  fiïrâ 
muïare  sa  mérgâ  de  la  tine. 
On  peut  expliquer  ce  passage  et  d'autres  analogues  par  la 
contamination  de   la  Vulgate  et  de  la  version  hongroise  ici 
nettement  séparées  par  le  sens,  mais  la  juxtaposition  pure  et 
simple  des  deux  traductions  dans  la  Palia  est  surprenante.  S'il 
y  a  eu  contamination  consciente,   le  traducteur  roumain  ne 
devait-il  pas  l'indiquer  plus  clairement,  p.  ex.,  comme  il  le  fait 
ailleurs,  en  séparant  par  s  au  les  deux  traductions  qu'il  propo- 
sait également  ?  Tout  s'explique  si  nous  consultons  une  Bible 
telle  que  celle  d'Osiander  :  les  deux  versions  du  membre  de 
phrase  de  V Exode,  celle  de  la  Vulgate  et  celle  de  la  critique  du 
xvP  siècley  sont  juxtaposées,  comme  dans  la  Pfilia  ;  mais  elles 
sont  clairement  distinguées  par  la   mention  Heb.   devant  la 


L  ORIGINAL    DE   LA    PALIA    D  ORASTIE  53  I 

seconde  et  par  l'emploi  pour  celle-ci  d'un  caractère  diffé- 
rent : 

Ex.  XXI,  3  :  Il  cum  quali  veste  intraverit  is,  cum  tali  exeat  : 
Heb.  Si  ciiiii  corpore  siio  intraverit  (^. .  .cxlebs) ,  cum 
cor  pore  s  no  exeat. 

C'est  une  disposition  analogue  qu'ont  dû  avoir  sous  les 
yeux  les  traducteurs  roumains,  ou  au  moins  certains  d'entre 
eux  chargés  de  la  traduction  de  tels  ou  tels  chapitres  ou  d'une 
révision  de  l'ensemble.  Je  ne  puis  malheureusement  pas  indi- 
quer précisément  quelle  édition  ou  quelles  éditions  de  la  Vul- 
gate  ils  ont  connues,  mais,  si  l'on  néglige  cette  question  d'im- 
portance médiocre,  il  reste  que  la  Palia  provient  : 

1°  du  Pentateuqiie  hongrois  de  Heltai  ; 

2°  subsidiairement,  de  la  Vulgate,  connue,  au  moins  en 
partie,  d'après  une  édition  corrigée.  Ainsi  s'explique,  et  se 
légitime  en  quelque  mesure  l'indication  de  Michel  Tordasi 
sur  les  textes  divers  utilisés  pour  la  rédaction  de  la  Palia . 

Mario  RoauES. 


QUELaUES-UNS  DES  LIVRES  DE  TRAVAIL 

ANNOTÉS  PAR  BARTHÉLÉMY  MERCIER 

ABBÉ   DE  SAINT-LÉGER 


Barthélémy  Mercier,  abbé  de  Saint-Léger  de  Soissons,  a 
été  défini  par  l'un  de  ses  contemporains  (Ch.  Antoine  de  La 
Serna  Santander)  une  «  bibliothèque  vivante  »  et  la  postérité 
a  ratifié  ce  jugement  flatteur,  bien  qu'il  ne  soit  en  réalité  jus- 
tifié par  la  publication  d'aucun  de  ces  ouvrages  auxquels  les 
chercheurs  ont  constamment  recours;  le  savoir  de  Mercier 
ne  n'est  condensé,  en  eff"et,  que  dans  un  très  petit  nombre  de 
publications  personnelles  destinées  la  plupart  du  temps,  il  est 
vrai,  à  former  des  suppléments  et  des  additions  aux  travaux 
d'autrui  ;  mais  ce  savoir  s'est  épanché  encore  dans  une  corres- 
pondance considérable,  aujourd'hui  malheureusement  disper- 
sée, et,  de  plus,  dans  des  notes  déposées  sur  les  marges  ou  inter- 
calées entre  les  feuillets  des  livres,  presque  toujours  de  con- 
dition fort  modeste,  composant  sa  bibliothèque  particulière. 
D'autres  notes  se  lisent  encore  sur  un  certain  nombre  de  volumes 
provenant  de  l'ancien  fond  de  la  bibliothèque  de  l'abbaye  de 
Sainte-Geneviève  dont  Mercier  eut  la  garde  de  1764  a  1771. 

J'ai  eu  naguère,  après  bien  d'autres,  l'ambition  de  rendre 
à  Mercier  le  plus  précieux  hommage  que  puisse  recevoir  la 
mémoire  d'un  érudit  en  reconstituant  ce  qui  nous  est  parvenu 
de  ses  écrits  et  de  sa  correspondance.  Absorbé  par  d'autres 
soins,  j'ai  perdu  l'espoir  d'accomplir  cette  tâche;  je  voudrais 
tout  au  moins  indiquer  quelques-uns  des  livres  enrichis  par 
Mercier  de  notes  qui  en  doublent  le  prix  et  dont  j'ai  pu 
retrouver  la    trace.   Quelques-uns  font  heureusement  partie 


534  MAURICE    TOURNEUX 

intégrante  de  dépôts  publics  facilement  accessibles  ;  d'autres, 
plus  nombreux,  se  sont  depuis  un  siècle  transmis  de  mains  en 
mains  à  des  curieux  véritablement  dignes  de  ce  nom  et  il  n'est 
pas  impossible  d'en  suivre  les  migrations  successives.  C'est  le 
résultat  de  ces  recherches  que  je  présente  aujourd'hui  aux 
lecteurs  dont  l'indulgence  ne  m'aura  jamais  été  plus  nécessaire. 
J'ai  cru  devoir  adopter,  comme  le  plus   pratique,  l'ordre 
alphabétique  des  noms  d'auteurs  en  y  joignant  les  références 
nécessaires,  soit  qu'il  s'agisse  d'une  simple  mention  emprun- 
tée aux  catalogues  modernes,  soit  que  l'ouvrage  signalé  appar- 
tienne à  une  bibliothèque  publique  ou  à  un  particulier  actuel- 
lement vivant.    Le   point  de  départ  de  ces  recherches  a  été 
presque  toujours  le  catalogue  de  la  vente  posthume  de  Mercier 
de    Saint-Léger.    Malheureusement   l'expert,    pour    satisfaire 
aux  exigences  d'une  succession  obérée,  dut  se  contenter  de 
rédiger  en  hâte  cette  notice  et  renoncer  à  y  joindre  des  notes 
qui  nous  eussent  été  précieuses  '.  Selon  l'usage  du  temps  en 
pareille  occurrence,  les  «  articles  »  furent  groupés  en  «  numéros  » 
comportant  eux-mêmes  de  très  nombreux  volumes  et  il  serait 
téméraire  d'affirmer  que  tous  ceux  de  ces  volumes  que  Mercier 
avait  apostilles  de  notes  ou  de  corrections  aient  été  signalés  par 
l'expert.  On  ne  trouvera  donc  ici  mentionnés  que  quelques- 
uns  des  exemplaires  sur  lesquels  De  Bure  avait  appelé  l'atten- 
tion des  acquéreurs.   De  plus,  dans  l'impossibilité  matérielle 
de  remettre  la  main  sur  tous  les  témoignages  subsistants  de 
l'activité  intellectuelle  du  savant,  et  pressé  à  mon  tour  par  le 
temps  et  les  circonstances,  j'ai  dû  procéder  à  un  choix  qui  s'est 
porté  de  préférence  sur  les  livres  de  travail.  Il  m'a  donc  fallu 
écarter  provisoirement  de  cette  liste  les  opuscules  de  littéra- 
ture ancienne  et  moderne  sur  lesquels  leur  possesseur  avait 

I.  Notice  des  livres  manuscrits  et  imprimés  de  feu  le  cit.  Barth.  Mer- 
cier, ci-devant  abbé  de  Saint-Léger  et  ancien  bibliothécaire  de  Sainte- 
Geneviève,  dont  la  vente  se  fera  le  24  frimaire  an  VIII  [15  déc.  1799]  et 
j.  s...,  en  sa  maison,  rue  du  faubourg  Saint-Jacques,  au-dessus  de  la  rue 
Saint-Dominique  [aujourd'hui  rue  Rover-Collard],  n°^  132  et  374.  Paris, 
G.  de  Bure,  l'aîné,  an  VIII,  in-8,  68  p.  (La  dernière  non  chiffrée). 


LIVRES    ANNOTES    PAR    MERCIER    DE    SAINT-LEGER  535 

inscrit  quelques  remarques  ou  particularités  instructives.  Telles 
quelles,  si  insuffisantes,  incomplètes  et  sommaires  qu'elles  se 
présentent,  ces  indications  ne  seront  peut-être  pas  jugées 
indignes  de  prendre  place  dans  un  recueil  destiné  à  honorer 
l'éminent  et  bienveillant  érudit  dont  il  porte  le  nom. 

Maurice  Tourneux. 

Baillet  (Adrien).  Jugements  des  savants  sur  les  principaux 
ouvrages  des  auteurs  [nouv.  édition  revue  et  corrigée  par 
B.  de  la  Monnoye].  Paris,  Ch.  MoeJte,  1722,  7  vol.,  in-4°. 

Fragment  du  tome  I'^''  (B.  N.,  Rés.  Q.  31e)  de  cette  réédition 
(pp.  345-404)  comprenant  les  «  Jugements  »  des  principaux 
imprimeurs,  avec  notes  de  La  Monnoye  et  additions  peu  impor- 
tantes de  Mercier. 

Barat  (Nicolas),  de  Bourges.  Nouvelle  Bibliothèque  choisie 
où  l'on  fait  connaître  les  bons  livres  en  divers  genres  de 
littérature...  Amsterdam,  Mortier,  17 14,  2  vol.  in- 12. 

Cat.  Boulard,  tome  III,  n°  5551.  Le  même  ex.  a  passé  en 
octobre  1891  sur  un  catalogue  à  prix  marqués  de  la  librairie 
Antonin  Voisin  (n"  2592),  où  il  était  coté  5  francs. 

Carra  (Jean-Louis).  L'an  1787,  précis  de  l'administration 
de  la  Bibliothèque  du  Roi  sous  M.  Lenoir.  S.  l.  n.  d.,  in-8°, 
15  p.  [B.  N.,  Réserve.  Q..  756.] 

Exemplaire  auquel  on  a  joint  deux  notes  intéressantes  de 
Mercier  :  la  première,  en  partie  déchirée,  a  trait  à  la  paternité 
de  cet  opuscule  satirique.  «  Libelle  écrit,  dit-on,  sous  la  dictée 
de  l'abbé  Desaulnays  par  un  mauvais  sujet  nommé  La  Reynie, 
surnommé  au  Palais-Royal  Fabbé Lapin.. .  »  Danslaseconde  note, 
Mercier  indique  le  nom  du  véritable  auteur  et  rectifie,  d'après  un 
témoin  auriculaire,  une  anecdote  malveillante  pour  Lenoir  à  qui 
serait  échappée  une  inadvertance,  lors  de  la  visite  du  prince  et 
de  la  princesse  Ferdinand  de  Lorraine  à  la  Bibliothèque  du  Roi. 

Denis  (Michel).  Bibliotheca  typographica  Vindobonensis  ab 
anno  1482  ad  annum  1560...  Vindohonae,  Wappler,  1742, 
in -4°. 


536  iMAURICE   TOURNEUX 

Cat.  de  la  bibliothèque  de  feu  Marie-Jacques  De  Bure  (13  mars 
1848  et  j.  s.),  n°  38e. 

Billet  autographe  de  l'auteur  et  nombreuses  notes  de  Mercier. 

Freytag  (F. -G.).  Analecta  litteraria  de  libris  rarioribus. 
Lipsiae,  1750,  in-8°. 

Ex.  annoté  par  Mercier,  signalé  par  A.  Claudin  sous  le 
n°  700  de  la  Bibliothèque  du  D""  Cazin  vendue  en  1885. 

GoujET  (l'abbé).  Mémoires  historiques  et  littéraires  sur  le 
Collège  royal  de  France.  Paris,  1758,  in-4°.  [Biblioth.  du 
Collège  de  France.] 

Cet  ex,  a  eu  des  vicissitudes  singulières  :  après  avoir  été  offert 
par  le  libraire  Augustin-Martin  Lottin  à  Jamet  le  jeune,  le  27  oc- 
tobre 1782,  il  fut  déposé  par  Mercier  au  Collège  de  France  le 
9  avril  1786,  mais  il  disparut  pendant  la  Révolution,  et  Lalande, 
par  une  note  insérée  dans  le  Magasin  encyclopédique  (1799,  t-  V, 
pp.  229-240),  réclamait  cet  exemplaire  devenu  «  pour  ainsi  dire 
un  manuscrit  »  tant  il  était  chargé  de  notes.  Tombé  plus  tard 
entre  les  mains  du  baron  Joseph  Vitta,  de  Lyon,  il  fut  restitué  au 
Collège  de  France,  le  14  avril  1888,  ainsi  que  l'atteste  une  note 
autographe  signée  d'Ernest  Renan. 

Hérissant  (Louis-Théodore).  —  Observations  historiques 
sur  la  littérature  allemande,  par  un  François.  Nouvelle  [troi- 
sième] édition,  suivie  de  Remarques  sur  le  théâtre  espagnol, 
par  DE  Cronegk,  et  de  quelques  Lettres  sur  Leibnitz  et  sur 
Gessner.  s.  L.  1781  et  Ralisbonne  [Paris].  1782,  in-8  et  in-12. 

Le  catalogue  de  la  bibliothèque  de  J.  Ch.  Brunet  (2^  partie, 
n°  1037)  enregistre  un  ex.  des  deux  éditions  réunies  sous  la 
même  reliure  et  renfermant  quatre  pages  de  notes  mss.  par  Mer- 
cier. 

La  Caille  (Jean  de).  —  Histoire  de  l'imprimerie  et  de  la 
librairie  011  l'on  voit  son  origine  et  son  progrès  jusqu'en  1689. 
Paris,  1689,  in-4°,  veau  brun. 

Exemplaire  couvert  d'additions  et  renfermant  les  feuillets 
supplémentaires  destinés  à  prendre  place  entre  les  pp.  2  et  3. 
Cet  exemplaire  provenant  de  Renouard  (n°  3309  de  la  vente  de 


LIVRES    ANNOTÉS    PAR    MERCIER    DE    SAINT-LEGER  537 

1854)  a   passé  dans   la   vente   posthume   de   Leroux   de  Lincy 
(1870),  sous  le  n°  1595. 

La  Croix  du  Maine  et  du  Verdier.  —  La  Bibliothèque 
françoise  de  La  Croix  du  Maine  et  de  du  Verdier,  sieur  de 
Vauprivas;  nouvelle  édition  ...  corrigée  et  augmentée  par 
M.  RiGOLEY  de  Juvigny,  Conseiller  honoraire  au  Parlement  de 
Metz.  Paris,  Saillant  et  Nyon,  libraires;  Michel  Larnbert,  impri- 
meur, 1772- 1773,  6  vol.  in-4°  [B.  N.   Réserve  Q.  205-210.]. 

Exemplaire  dont  chaque  page,  pour  ainsi  dire,  présente  au 
recto  et  au  verso  des  additions  ou  des  corrections  importantes, 
sans  parler  d'innombrables  bouts  de  papiers  de  tous  formats 
montés  avec  le  plus  grand  soin  à  leurs  places  respectives.  Ce  tra- 
vail minutieux  a  été  accompli  par  un  très  habile  ouvrier  pen- 
dant les  loisirs  forcés  du  premier  siège  de  Paris  (i  870-1 871),  sous 
la  direction  de  feu  M.  Olgar  Thierry-Poux,  plus  tard  conserva- 
teur du  département  des  Imprimés. 

Un  second  exemplaire  de  la  Bibliothèque  française,  en  grand 
papier  et  relié  en  maroquin  citron,  est  décrit  par  M,  Emile  Picot 
sous  le  n°  2517  (tome  II)  du  Catalogue  des  livres  composant  la 
bibliothèque  de  feu  M.  le  baron  famés  de  Rothschild.  Cet  exem- 
plaire provient  de  M.  Durand  de  Lançon  qui  a  transcrit  sur  les 
marges  une  grande  partie  des  notes  de  Mercier  et  y  a  joint 
d'autres  observations  suggérées  par  ses  propres  recherches  biblio- 
graphiques. 

[La  Vallière  (duc  de).]  —  Bibliothèque  du  théâtre  François 
depuis  son  origine,  contenant  un  extrait  de  tous  les  ouvrages 
composés  pour  ce  théâtre  depuis  les  mystères  jusqu'aux 
pièces  de  P.  Corneille  et  la  liste  chronologique  de  celles  com- 
posées depuis  cette  dernière  époque  jusqu'à  présent.  Dresde, 
Michel  Groell  [Paris,  f.-B.  Cl.  Bauche],  1768,  3  vol.  in-8°. 

Frontispices  de  Cochin,  vignettes  et  culs-de-lampe,  par  Eisen, 
Carpentier,  de  Seix  et  Martini,  gravés  par  Massard,  de  Launay, 
Fessard  et  Bosse. 

Ex.  couvert  de  notes  marginales  et  intercalaires  dans  les 
tomes  I  et  II  ;  le  tome  III  n'en  renferme  qu'un  petit  nombre 
(vente  J.-Ch.  Brunet,  2^  partie,  n"  1782).  L'une  de  ces  notes 
inscrite  au  verso  du  feuillet   de  garde  du  tome  h'    atteste  que 


538  MAURICE   TOURNEUX 

Mercier  a  «  travaillé  beaucoup  »  à  ce  catalogue,   ainsi  que  Cap- 
peronnier,  Marin  et  l'abbc  Boudot. 

Le  Gallois.  —  Traité  des  plus  belles  bibliothèques  de  l'Eu- 
rope. Paris,  MichaJkt,  1680,  in-12. 

Cat.  A. -A.  Renouard  (1854),  n^  3275.  Nombreuses  notes  de 
Mercier. 

[Lelong  (le  P.  Jacques).]  —  Bibliothèque  historique  de  la 
France...  Nouvelle  édition  revue,  corrigée  et  considérable- 
ment augmentée  par  Fevret  de  Fontette  [et  autres].  Paris, 
Hérissant,  1768- 1778,  5  vol.  in-folio. 

Cet  exemplaire,  acquis  par  Campion  de  Tersan  à  la  vente  pos- 
thume de  Mercier,  était  en  1820  chez  Boulard.  Il  a  passé 
depuis  dans  la  bibliothèque  du  séminaire  de  Saint-Sulpice  où  il 
ne  s'est  pas  retrouvé  lors  de  l'application  des  lois  récentes  sur 
la  séparation  de  l'Église  et  de  l'État.  II  avait  été  antérieurement 
l'objet  d'un  travail  intéressant  de  M.  Antoine  de  Lantekay 
[l'abbé  Ant. -Louis  Bertrand],  paru  dans  la  Revue  catholique  de  Bor- 
deaux et  faisant  partie  (pp.  353-362)  des  Mélanges  de  biographie 
cl  d'histoire  de  l'auteur,  tirés  à  50  exemplaires  et  mis  en  vente  à 
la  librairie  Feret  et  fils  (Bordeaux,  1885,  in-8°). 

Leprince  (Nicolas-Thomas).  —  Essai  historique  sur  la 
Bibliothèque  du  Roi  et  sur  chacun  des  dépôts  qui  la  com- 
posent... Paris,  Bclin,  1782,  in-i2[B.N.,  Réserve,  p.  Q..  77.] 

Exemplaire  acquis  à  la  vente  posthume  de  M.  Armand  Durand, 
ancien  professeur  de  rhétorique  aux  lycées  Louis-le-Grand  et 
Condorcet  (15  février  1895  et  j.  s.),  n°  1305.  Il  avait  auparavant 
appartenu  à  J.-Ch.  Brunet  et  à  Leroux  de  Lincy  (vente  pos- 
thume,  1870,  n°  1594). 

Le  Verrier  de  la  Conterie.  —  L'École  de  la  chasse  aux 
chiens  courants,  précédée  d'une  Bibliothèque  historique  et  cri- 
tique des  théreuticographes,  par  Nicolas  et  Richard  Lalle- 
MAND.  Rouen,  Nicolas  et  Richard  Lallemand,  1762,  2  parties 
in-8. 

«  Ex.  chargé  de  notes  marginales  et  séparées  »,dit  P.  Leblanc, 

rédacteur  du  catalogue  de   la  bibliothèque  Huzard  (tome    il, 


LIVRES    ANNOTÉS    PAR    MERCIER    DE    SAINT-LEGER  539 

n°   5073)  qui  signale,  sous  le  n°  5074,    un  second   exemplaire 
abondamment  annoté  par  Huzard  lui-même. 

LoTTiN  (Auguste-Martin).  Catalogue  chronologique  des 
libraires  et  des  libraires-imprimeurs  de  Paris  depuis  l'an  1470... 
Paris,  J.-R.  LoUin  de  S.  Germain,  MDCC.LXXXIX  (1789)- 
Petit  in-8. 

Exemplaire  renfermant  un  intéressant  prospectus  de  la  publi- 
cation de  Lottin  ;  Mercier  de  Saint-Léger  y  a  jomt  huit  pages  de 
notes,  consacrées  à  des  livres  datés,  munis  de  privilèges  et 
publiés  par  des  libraires  ou  des  imprimeurs  parisiens  (xvi^  et 
surtout  xviie  siècles).  Cet  exemplaire  paraît  avoir  appartenu  au 
libraire  Molini  ;  il  a  fait,  plus  tard,  partie  de  la  collection  de  Le 
Roux  de  Lincy,  dont  il  porte  la  signature,  mais  il  ne  figure  pas 
dans  le  catalogue  de  la  vente  de  cet  érudit.  Il  se  trouve  mainte- 
nant dans  la  Bibliothèque  de  feu  M.  le  baron  James  de  Roths- 
child. 

Maichel  (Daniel).  —  Introductio  ad  historiam  litterariam 
de  praecipuis  bibliothecis  Parisiensibus.  Caiitabrigiac,  1721, 
in- 12. 

Cat.  M.-J.  De  Bure  (1848),  n"  496;  cat.  Le  Roux  de  Lincy 
(1870),  n°  1589;  cat.  Hipp.  Cocheris  (1882,  n°  1794);  cat. 
Armand  Durand  (1895),  n°  13087;  aujourd'hui  chez  M.  Paul 
Lacombe  qui  dans  une  communication  faite  à  la  Société  de 
l'histoire  de  Paris,  le  11  juin  1912  (BnUetiii  de  la  Société, 
pp,  170-172),  a  cité  quelques-unes  des  très  nombreuses  notes 
relatives  au  Collège  des  Écossais  déposées  par  Mercier  sur  cet 
exemplaire.  Ce  même  exemplaire  est  accompagné  de  la  disserta- 
tion de  Wallin  :  Lutelia  Pariùoruin  enidifa,  Norimbergiae,  1722, 
in- 12,  qui  comporte  également  quelques  notes,  mais  peu  impor- 
tantes. 

Maittaire  (Michel).  — Annales  typographici  ab  artis  inven- 
tae  origine  ad  annum  1500.  Londini,  1719-1741,  5  vol.  in-4. 
[B.  N.,  Réserve.  Q.  264-267.] 

Ex.  ne  comportant  que  les  tomes  II  et  V,  seulement,  mais 
remplis  de  notes  de  la  main  de  Mercier,  particulièrement  dans 
VIndex  formant  le  tome  V 


540  MAURICE   TOURNEUX 

[Manuce  (Paul).]  —  Pauli  Manutii  epistolarum  libri  XII, 
ejusdem  quae  praefationes  appellantur.  Venetiis,  apitd  Aldtwi, 
1580,  in-8°. 

«  Ex.  de  l'abbé  Saint-Léger  (^sic)  auquel  le  titre  manque  et  qui 
est  taché,  mais  il  y  a  annexé  deux  notes  manuscrites  »,  dit  le 
libraire  Gaudefroy,  dans  le  cat.  Boulard,  tome  II,  n"  4010. 

Marchand  (Prosper).  Dictionnaire  historique  ou  Mémoires 
critiques  et  littéraires  concernant  la  vie  et  les  ouvrages  des 
personnes  distinguées  singulièrement  dans  la  République  des 
lettres.  A  la  Haye,  che^  Pierre  de  Hondt,  MDCCLIX  2  vol. 
in-folio. 

Un  ex.,  renfermant  de  nombreuses  notes  de  Mercier,  a  passé 
sous  le  n°  165  d'une  vente  de  livres  et  documents  manuscrits 
sur  Paris,  la  Picardie  et  la  Lorraine,  faite  le  22  mars  1886  par 
M.  Antonin  Voisin. 

Voyez  ci-dessous  Mercier. 

Martène  (D.  Edmond)  et  Durand (D.  Ursin).  Voyage  litté- 
raire de  deux  religieux  bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur.  A  Paris,  che^  Florentin  Delaidne,  Hilaire  Foiicaidt, 
Michel  Clou^ier,  Jean-Geojroy  Nyon,  Etienne  Ganeau,  Nicolas 
Gosselin,  MDCCXVII,  deux  parties,  in-4°. 

Un  exemplaire,  recueilli  sur  les  quais  par  M.  Camille  Couderc 
et  obligeamment  communiqué  par  lui,  renferme  d'assez  nom- 
breuses notes  marginales  de  Mercier,  la  plupart  sévères  pour  les 
opinions  et  les  allégations  des  rédacteurs  de  ce  Voyage  et  presque 
toutes,  semble-t-il,  contemporaines  des  dernières  années  de  l'an- 
notateur, car  il  est  fréquemment  question  des  déprédations  com- 
mises en  1793  ^^  ^^  P^^  pl^^  tard. 

Mercier  (abbé  de  Saint-Léger).  Supplément  à  l'histoire  de 
l'origine  des  progrès  de  l'Imprimerie  de  Prosper  Marchand  ou 
additions  et  corrections  pour  cet  ouvrage.  Paris  Pb.  D.  Pierres 
l'j'jT,,  in-4°.  — Supplément...  Nouvelle  édition  revue  et  aug- 
mentée, avec  un  mémoire  sur  l'époque  certaine  du  commence- 
ment de  l'année  durant  le  xvi^  siècle.  Paris,  Pb.  D.  Pierres, 
l'jJS^  in-4°|B.  N.  Réserve.  Q.  279J. 


LIVRES    ANNOTES    PAR    MERCIER    DH    SAINT-LEGER  54 1 

Exemplaires  surchargés  de  notes  et  d'additions,  renfermés  dans 
une  boîte  de  sapin  formant  reliure.  La  mise  au  net  de  ce  travail, 
destinée  à  l'impression  qu'en  projetait  Anisson  Duperron,  lut 
acquise  par  Van  Hulthem  et  déposée  plus  tard  à  la  Bibliothèque 
Royale  de  Bruxelles,  avec  tous  les  autres  ouvrages  légués  par  ce 
bibliophile  au  même  établissement  ;  voir  à  ce  propos  le  Manuel 
du  libraire  de  J.-Ch.  Brunet(5^  édition,  v"  Marchand  (Prosper). 

Pernetti  (l'abbé  Jacques).  Recherches  pour  servir  à  l'his- 
toire de  Lyon,  ou  les  Lyonnais  dignes  de  mémoire.  Lyon,  che^ 
les  frères  Duplain,   1757,  2  vol.  petit  in-8°. 

Acquis  en  1799  par  l'abbé  Campion  de  Tersan  et  à  sa  propre 
vente  posthume  (1819)  par  le  grand  collectionneur  lyonnais 
J.-L.-A.  Coste  dont  les  richesses  locales  et  spéciales,  léguées  à 
la  Bibliothèque  municipale  de  Lyon,  ont  été  inventoriées  par  Aimé 
Vingtrinier  dans  un  catalogue  imprimé  aux  frais  de  la  veuve  du 
donateur  (1853,  in-S",  840  p.). 

Piles  (Roger  de).  Cours  de  peinture  par  principes.  Paris, 
Etimne,  1708,  in- 12. 

Note  autographe  de  Mercier  sur  l'auteur. 

Catalogue  raisonne  d'une  collection  de  livres,  etc.  relatifs  aux  arts, 
réunis  par  M.  Jules  Goddé  peintre,  avec  des  notes  du  collecteur 
(L.  Potier  et  Defer,  1850,  in-S^'),  n"  291. 

PiNGRÉ  (le  P.  Max-Guy).  La  Cométographie  ou  Traité  his- 
torique et  théorique  des  comètes.  Paris,  Imprimerie  Royale, 
1783,  1784,  2  vol.  in-4°,  9  pi. 

Ex.  annoté  sur  les  marges  et  sur  des  feuilles  volantes.  Cata- 
logue des  livres  de  la  bibliothèque  de  J.-B.  Hu^ard,  rédigé  par 
P.  Leblanc  (1842),  tome  II,  n°  5018. 

Tassin  (dom  René-Prosper).  Histoire  littéraire  de  la  con- 
grégation de  Saint-Maur,  ordre  de  Saint-Benoît,  où  l'on  trouve 
la  vie  et  les  travaux  des  auteurs  qu'elle  a  produits  depuis  son 
origine  en  1618  jusqu'à  présent,  avec  les  titres  des  livres  qu'ils 
ont  publiés  et  la  notice  des  ouvrages  manuscrits  composés  par 
des  écrivains  du  même  corps.  Bruxelles  et  Paris,  Humblot,  1770, 
in-4°. 


542  MAURICE   TOURNEUX 

Ex.  renfermant  les  quatorze  cartons  dont  le  détail  a  été  donné 
par  Gabriel  Peignot  {Répertoire  bibliographique  universel,  p.  434) 
et  auquel  sont  ajoutés  dix  portraits  de  bénédictins  célèbres. 
L'exemplaire  de  Mercier  a,  depuis,  appartenu  à  D.  Poirier  et  à 
l'abbé  Campion  deTersan.  Il  a  figuré  aussi  sous  n°  628  du  troi- 
sième Catalogue  des  euriosilés  biblograpbiques  recueillies  par  le  biblio- 
phile voyageur  (P.  Leblanc)  et  dispersées  le  i^''  mars  1839  et  j.  s. 

Thémiseul  de  Saint-Hyacinthe  (Hyacinthe  Cordonnier, 
dit).  Dissertation  critique  et  analytique  sur  les  chronogrammes, 
publiée  en  1718.  Nouvelle  édition  revue  et  corrigée  par  l'au- 
teur. Bruxelles,  che:{  la  V"-'^  Foppens,  1741,  in-8"  [B.  N.  Inv.  G. 
II 604]. 

Pp.  10- II  et  30-31,  notes  de  Mercier  intercalées  entre  les 
feuillets  de  cet  opuscule  dont  la  paternité  est  attribuée  sans  preuve 
à  Thémiseul  de  Saint-Hyacinthe  par  Paul  Lacroix  (Bulletin 
du  Bibliophile,  1859,  p.  771). 


DEUX   IMITATIONS   DE   LA    RESSOURCE 
DE  LA   CHRÉTIENTÉ 


En  1494  André  de  la  Vigne  était  le  secrétaire  d'Anne  de 
Bretagne'.  Charles  VIII  se  préparait  alors  à  entrer  en  Italie  et 
à  chercher  au  delà  des  Alpes  le  titre  de  libérateur  de  la  chré- 
tienté. «  Bien  des  écrits,  dont  les  auteurs  se  proposaient  de 
justifier  l'entreprise  de  Charles  VIII  et  de  préparer  les  puis- 
sances étrangères,  surtout  celles  de  l'Italie,  à  n'en  prendre 
aucun  ombrage  -  »,  virent  le  jour  à  cette  époque,  et  André 
de  la  Vigne  tint  sa  place  dans  ce  concert  ;  il  composa  un  ou- 
vrage à  la  fois  en  prose  et  en  vers  qu'il  intitula  La  Ressource 
de  la  Chrétienté. 

Dame  Chrétienté,  voyant  le  mépris  où  est  tombé  son  culte, 
vient  chercher  en  France  quelque  remède  à  ses  maux.  Par- 
venue dans  un  verger  délicieux,  elle  est  abordée  par  Dame 
Noblesse,  qui  l'amène  dans  un  «  consistoire  tendu  de  belles 
fleurs  de  lys  ».  Là  elle  raconte  ses  malheurs  à  Majesté 
Royalle,  qu'elle  supplie  de  lui  porter  secours.  Bon  Conseil 
appuie  la  prière  de  Chrétienté  auprès  de  Majesté  Royalle, 
tandis  que  Jenesçayqui  fait  ressortir  le  danger  et  l'inutilité 
d'accéder  à  cette  prière.  Majesté  Royalle  décide  d'accorder  à 
Dame  Chrétienté  sa  protection,  et  lui  promet  de  la  rétablir 
dans  son  royaume. 

La  Bibliothèque  Nationale  possède  dans  son  fonds  français 
deux  manuscrits  de  cet  ouvrage,  qui  datent  tous  deux  du 
xv^  siècle  :  l'un  porte  le  numéro  1699,  l'autre,  qui  fut  pré- 
senté au  Roi  par  l'auteur,  porte  le  numéro  1687.  A  partir  de 
1496%  La  Ressource  de  la  Chrétienté,  dont  on  avait  changé  les 

1.  Picot  (E.)>  Ki-'cucil  ocncral  des  Sotties,  Paris,  1904,  2  vol.  in-S", 
vol.  II,  p.  8,  II. 

2.  Foncemagne  (F.  de),  Mémoires  de  VAûidniiie  des  Iiiscr.  et  Belles-Lettres, 
vol.  XVII,  p.  583. 

3.  Picot  (E.),  Ouv.  cit.,  p.  9. 


544  E.    R.    WICKERSHEIMER 

quatre  derniers  vers,  fut  imprimée  en  guise  d'introduction  au 
journal  de  l'expédition  d'Italie,  rédigé  par  André  de  la  Vigne 
sous  le  titre  de  Vergier  d'Hojineur. 

La  Ressource  de  la  Chrétienté  flattait  les  ambitions  du  jeune 
Roi  ;  aussi  André  de  la  Vigne  trouva-t-il  des  imitateurs  parmi 
les  partisans  de  l'expédition.  La  Bibliothèque  Nationale  pos- 
sède deux  de  ces  imitations,  toutes  deux  inédites  :  le  manu- 
scrit français  20055  ^^  ^^  manuscrit  français  15215. 

Le  manuscrit  français  20055  se  divise  en  deux  parties  :  la 
première  sur  papier,    écrite  au  xV  siècle,  comprend  52  feuil- 
lets ;  la  seconde,  sur  vélin,   est  du  xvi^  siècle   et  comprend 
45  feuillets.  La  Ressource  de  la  Moimrché  chrestien?ie  promise  estre 
faict  par  Majesté  Royalle  par  le  moyen  de  Noblesse  et  Bon  Conseil, 
en  prose  et  en  vers,  remplit  les  49  premiers  feuillets;  2  feuil- 
lets de  rondeaux  en  l'honneur  de  Charles  VIII  et  un  feuillet 
blanc  terminent  le  manuscrit.  Au  feuillet  2  recto  commence 
l'introduction  :  La  prénosticacion  du  Roy  Charles  Imycieme  de  ce 
nom,  compillée  par  l'une  des  Sybilles  et  conservée  par  le  saint 
homme.   Cette   prophétie,     qui   est    en    latin,    annonce    que 
Charles  VIII   sera   couronné   dans    sa   14^    année;   dans   sa 
24^  année  (1494)  il  assemblera  une  grande  armée  :  il  vaincra 
le    monde   entier    et  sera  appelé  le   Roi  des    chrétiens.    Il 
mourra  à  Jérusalem  dans  la  21^  année  de  son  règne. 

Le  manuscrit  français  20055  ^st  à  ma  connaissance  le  seul 
qui  renferme  le  texte  latin  de  la  prophétie  de  la  Sibylle.  Cette 
prophétie,  que  cite  André  de  la  Vigne  ',  était  connue  dès 
1 494,  car  on  en  trouve  à  cette  date  une  version  française  dans 
La  Prophécie  du  Roy  Charles  huifiesme  de  ce  nom^,  écrite  par 
maître  Guilloche  de   Bordeaux,   et 

«  Extraicte  d'une  autre  copie 

En  latin, ^  » 

Dans  le  manuscrit  français  20055,  1^  prophétie  est  suivie  de 

1.  Bibl.Nat.  ms.  fr.  1687,  f.  22  recto. 

2.  Publ.  par  le  marquis  de  La  Grange,  Paris,  1869,  in-12;  une  grande 
partie  dans  Cherrier  (G.  de),  Histoire  de  Chartes  VIII,  2  vol.  in-S";  Paris, 
1868,  vol.  I,  pp.  487-490. 

3.  La  Proptiécie  du  Roy  Qnntes  VIII,  éd.  La  Grange,  p.  9. 


DEUX    IMITATIONS  545 

Strophes  latines  à  l'éloge  de  Charles  VIII.  En  bas  du  feuillet 
3  verso^  on  trouve  la  signature  Ravigneau  . 

Le  récita  qui  commence  au  feuillet  4  recto,  Nagairei  moy 
estant  en  certaine  spéculation, .  .  .  suit  pas  à  pas  le  récit  d'André 
de  la  Vigne.  Seul  le  nom  d'un  des  personnages  est  changé, 
celui  de  Dame  Chrétienté,  qui  devient  Monarché  Chrestienne. 
Les  parties  en  prose  sont  exprimées  dans  ce  manuscrit  avec 
une  simplicité  et  une  clarté  plus  grandes  que  dans  La  Ressource 
de  la  Chrétienté  ;  certains  détails  ont  été  ajoutés,  telle  la  devise 
de  Majesté  Royalle,  «  ung  A  et  un  C  en  convention  », 
(f.  15  r°)  initiales  de  Charles  VIII  et  d'Anne  de  Bretagne. 
Aux  strophes  de  sa  propre  facture,  dont  plusieurs  contiennent 
des  vers  empruntés  à  La  Ressource  de  la  Chrétienté,  l'auteur  a 
mêlé  une  grande  partie  des  strophes  d'André  de  la  Vigne. 

La  Ressource  de  la  Chrétienté,  de  même  que  La  Ressource  de  la 
Monarché  Chrétienne,  sont  écrites  toutes  deux  dans  un  style  si 
diffus,  qu'il  est  impossible  de  trouver  d'après  la  suite  des 
idées  quelque  indication  permettant  d'attribuer  la  priorité  à 
l'un  ou  à  l'autre  de  ces  écrits,  et  de  dire  lequel  est  imité  de 
l'autre. 

La  Ressource  de  la  Chrétienté  se  termine  par  des  strophes  de 
12  vers,  dont  les  initiales  expriment  les  vœux  que  forme  l'au- 
teur pour  la  prospérité  du  roi  :  Charles  huitiesme  et  dernier  de 
ce  nom,  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France,  à  qui  Dieu  doint 
bonne  vie  et  longue,  et  Paradis  à  la  fin.  Ces  strophes  sont  repro- 
duites dans  La  Ressource  de  la  Monarché  Chrétienne,  à  l'excep- 
tion de  la  dernière,  qui  n'a  que  5  vers  ;  l'acrostiche  est  ainsi 
coupé  court  à  Paradi. 

Il  est  donc  permis  de  croire  que  c'est  l'auteur  de  La  Res- 
source de  la  Monarché  Chrétienne  qui  a  reproduit,  ainsi  abrégé, 
l'acrostiche  composé  par  André  de  la  Vigne,  et  que  l'ouvrage 
signé  Ravigneau  n'est  qu'une  imitation  de  La  Ressource  de  la 
Chrétienté . 

Le  manuscrit  de  La  Ressource  de  la  Monarchie  Chrétienne  qui 
porte  le  numéro  152 15  du  fonds  français  est  décrit  ainsi 
qu'il  suit  dans   le  catalogue   de   la   Bibliothèque   Nationale  : 

Mélanges.   II.  35 


546  E.    R.    WICKERSHEIMER 

Début,  f.  I,  «  Nagaires  moy  estant  en  certaine  spéculation...  « 
Miniatures  aux  fol,  i  et  9.  xv=  siècle.  Parchemin,  23  ft., 
248  sur  175"™.  Relié  velours  vert. 

Par  suite  d'une  erreur  du  relieur,  le  feuillet  i  doit  être  suivi 
des  feuillets  10-15,  8,  9,  2-7  et  16-23. 

Le  contenu  du  manuscrit  français  15215  est  le  même  que 
celui  des  deux  manuscrits  précédents. 

L'auteur  a  certainement  eu  en  mains  le  manuscrit  français 
20055  ^^  La  Ressource  de  la  Chrétienté  d'André  de  la  Vigne. 
Il  a  fait  un  amalgame  des  strophes  du  manuscrit  20055  écrites 
par  Ravigneau,  et  de  celles  de  La  Ressource  de  la  Chrétienté 
que  Ravigneau  n'a  pas  utilisées;  enfin  il  y  a  ajouté  quelques 
strophes  de  sa  façon.  Son  manuscrit  date  de  l'époque  des  pré- 
paratifs faits  en  vue  de  la  guerre  d'Italie,  comme  l'indique  cet 
explicit  '  :  Pryant  le  souverain  redenipteur  ladicte  entreprise  par- 
faire et  mettre  à  prouffit  du  Roy  et  de  la  chouse  publique,  exulta- 
tion et  glorieuse  renommée  de  ladite  Monarché  Cristienne,  pour 
laquelle  ce  livre  est  fait  et  compillé.  Lequel  est  intitulé  :  La  Ressource 
de  la  Monarché  Chrestienm. 

On  ne  sait  de  qui  est  le  manuscrit  français  15215.  Ravi- 
gneau, dont  le  nom  figure  sur  le  manuscrit  français  20055, 
est  un  personnage  tout  à  fait  inconnu.  Pourtant  il  est  pro- 
bable que  les  auteurs  des  deux  manuscrits  ont  vécu  à  la  cour 
de  Charles  VIII.  L'œuvre  d'André  de  la  Vigne,  composée  au 
moment  des  préparatifs  de  l'expédition  d'Italie,  ainsi  que  les 
prophéties  de  la  Sibylle,  du  médecin  Jehan  Michel,  de  maître 
Guilloche  de  Bordeaux,  et  d'autres  du  même  genre  -,  ne  pa- 
raît pas  avoir  été  connue  ailleurs  qu'à  la  cour  avant  1496, 
date  de  sa  publication.  Les  imitations,  antérieures  à  cette 
date,  ont  donc  dû  naître  dans  l'entourage  immédiat  de 
Charles  VIII.  Le  Dialogue  entre  la  Chrétienté  et  un  chevalier, 
resté  inédit,  et  dont  la  Bibliothèque  Nationale  possède  un 
manuscrit  sous  le  numéro  148  de  son  fonds  français,  a  sans 
doute  la  même  origine.  E.  R.  Wickersheimer  . 

1.  F.  23,  1.  20. 

2.  Ces  prophéties  étaient  répandues  tant  en  Italie  qu'en  France.  Cf.  M.  de 
Foncemagne,  Mém.  de  l'Acad.  des  laser,  et  Belles-Lettres,  t.  XVII,  p.  543  ss. 


ANDREA  MOSCHETTI 


PER  LA  «  CACCIA  DI  TEODERICO  »  SULLA  FACCIATA 
DEL  S.  ZENO  DI  VERONA. 


Dei  tanti,  che  si  occuparono  délie  celebri  sculture  che  ador- 
nano  i  lati  del  portale  di  s.  Zeno  in  Verona,  e  traesse  di  quella 
Caccia  di  Teoderico  che  si  trova  nella  zona  inferiore  del  lato 
destro,  Francesco  Novati  dedicô  a  quest'ultima  una  particolare 
e  assai  distesa  trattazione,  confermando  in  parte  e  in  parte 
mutando,  con  quella  dottrina  e  con  quella  acutezza  che  son 
tutte  sue,  i  vecchi  modi  di  interpretare  e  di  illustrare  la  scul- 
tura  stessa  e  nuovi  proponendone  '.  Non  è  certo  intenzione 
nostra  di  afTrontare  qui  e  rinnovare  tutta  la  complicata  ques- 
tione  che  a  quel  marmi  si  riferisce  -  ;  bensi  soltanto  di  discu- 
tere  e  di  confutare  a  nostra  volta  una  di  quelle  proposizioni 
del  Novati,  —  piccola  in  apparenza,  ma  pur  tuttavia  taie  che 
su  di  essa  egli  fonda  buona  parte  almeno  del  suo  tentativo 
«  di  ricercare  se  nel  cimelio  sanzeniano  sotto  il  camufFamento 
médiévale  si  discernano  ancora  le  traccie  dell'opera  vetusta, 
ond'è  forse  derivato  ».  Intendo  dire  del  significato  di  quella 
figura  che,  nella  formella  di  destra,  sta  sulla  porta  di  un  edi- 
ficio  architettonico,  tenendo  in  una  mano  qualche  cosa  che 
viene  da  tutti  interpretato  come  uno  spiedo  o  una  lancia,  e 

1 .  Stilla  leggenda  cU  re  Teoderico  in  Verona,  in  Rendicoiiti  del  ;-o.  Instiliito 
îonihardo  di  Science  e  Lettere,  s.  II,  vol.  XXIV,  1901,  pagg.  716  sgg. 

2.  Per  la  bibliografia  dell'  argomento  rimando  al  lavoro  stesso  del 
Novati  c  più  particolarmente,  come  più  degno  di  osservazione  prima  di 
questo,  allô  scritto  di  C.  Cipolla,  Pei-  la  leggenda  di  re  Teoderico,  in  Per  la 
storia  d'Italia  e  deisnoi  conquistatori  nel  Medioevo  più  antico  ;  Bologna,  1895. 


548  ANDREA    MOSCHETTI 

coU'altra  afferrando  aile  corna  un  cervo  che  galoppa  alla  sua 
volta,  —  infelice  figura  tutta  pesta  e  logora  dalle  sassate  plu- 
risecolari  délia  ragazzaglia  sanzenate,  cosi  da  riuscire  veramente 
indecifrabile  a  chi  colle  antiche opère  d'arte  non  abbia  consue- 
tudine  quasi  quotidiana. 

Ci  sia  lecito,  prima,  di  ripetere  brevemente  quanto  in  propo- 
sito  dice  il  Novati.  «  E  proprio  vero,  chiede  egli,  che  quella 
figura  rappresenti  il  demonio,  il  quale,  ritto  sul  limitare  délia 
sua  triste  dimora,  tende  l'orecchio  allô  scalpiccio  del  cavallo 
corrente  ?  Il  personaggio  nulla  présenta  in  se  di  diabolico,  e  in 
cosi  fatta  sentenza  potrebbe  confermarci  anche  l'esame  délia 
riproduzione  che  l'abbate  Venturi  aggiungeva  nel  1825  al 
Compendio  délia  storia  sacra  e  profana  di  Verona  '  ;  riproduzione 
grossolanamente  ingenua,  se  si  vuole,  ma  pur  sempre  intéres- 
sante per  noi,  giacchè  ebbe  a  ricavarla  dalla  tavola  marmorea, 
quando  era  men  guasta,  //  fii  Gaetano  Cristojoli,  che  aveva  una 
abilità  somma  per  disegnare  cou  tutta  precisione  le  cose  di  quel  ro'^i 
(sic)  tempi^  le  quali  si  incidono  per  lo  più  inesatte,  perché  troppo 
àbhellite.  La  figura,  di  cui  stiamo  ragionando,  non  ha  corna, 
non  ali,  non  coda,  non  viso  mostruoso  e  contraffatto,  non 
corpo  villoso  e  bizzarramente  déforme,  non  piedi  belluini  o 
muniti  d'artigli.  L'arma  che  stringe  poi  nellasinistra  non  è  ne 
una  força,  ne  un  tridente  e  neppur  un  raffioovveroun  ronci- 
glio  ^  ;  sibbene,  secondochè  ce  ne  fa  certi  l'incisione  condotta 
suUo  schizzo  del  Cristofoli,  un'  asta  sormontata  da  una  punta 
acuminata  di  lancia  :  uno  spiedo  da  caccia  insomma,  un  «  vena- 
bulo  »  per  servira  del  termine  del  quale  si  valse  a  descriverla 
rOrti  Manara  %  che,  ancor  egli,  potè  ai  giorni  suoi  discer- 
nerne  la  forma  assai  meglio  di  quanto  sia  a  noi  concesso 
oggidi.  »  Ma  al  tempo  dello  scultore  Niccolô,  ne  egli  nèaltri 

1.  Edizione  seconda,  Verona,  1825,  vol.  1°,  tav.  XX. 

2.  Nota   del   Novati  :   «    E    nemmen  un   «    bastone   »  conie  scrivc  il 
Cipolla.  » 

3.  Deir  antica  hasilica  di  s.  Zcnoiie  niaggiorc  in  Verona,  ragionanienlo. 
Verona,  1859,  tav.  IV  b. 


'f^j'^Mit'^, 


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^§?fi4^'^ 


PER    LA    «    CACCIA    DI    TEODERICO    »  549 

avrebbe  effigiato  il  demonio  cosî  spoglio  di  ogni  infernale 
attributo;  corne  nessuno  avrebbe  figurata  la  sua  infernale 
dimora  in  quel  «  palazzo  merlato,  nel  cui  mezzo  aprivasi  una 
porta  di  buona  architettura,  un  arco  sorretto  da  colonne  con 
basi  e  capitelli  ».  Talcliè  non  sarebbe  forse  difficile  inten- 
dereche  quella  figura,  anzichè  il  demonio^  fosse  «  Teoderico 
stesso  balzato  fuori  ignudo  del  bagno  alla  notizia  che  l'infer- 
nale sovrano  gli  aveva  trasmessi  i  doni  bramati  ;  Teoderico 
che,  stringendo  in  pugno  uno  spiedo,  s'affaccia  aile  porte  délie 
terme  da  lui  stesso  edificate,  impaziente  di  salire  in  groppa 
del  fatale  corsiero  ».  Il  che  sembrerebbe  confermato,  sempre 
secondo  il  Novati,  da  queH7j///r  délia  inscrizione  che  si  legge 
sulla  formella  stessa  : 

Nisus  equus  cervus  canis  huic  datur.  Hos  dat  Avernus. 

L'hnic  si  riferirebbe  al  secondo  Teoderico,  nudo  ed  a 
piedi,  non  al  primo,  cioè  a  quello  délia  prima  formella,  che 
cavalca  colla  clamide  svolazzante  e  di  cui  dice  l'altra  incrizione 
ivi  scolpita  : 

O  regem  stultum  !  Petit  infernale  tributum, 
Moxque  paratur  equus,  quem  misit  démon  iniquus  ; 
Exit  aquam  nudus;  petit  infera  non  rediturus. 

Due  obiezioni  pero  il  Novati  non  si  dissimula:  la  prima  che 
la  sommità  dell'  edificio,  sulla  soglia  del  quale  appare  il  per- 
sonaggio,  non  risulta  già  coronata  da  una  série  di  merli, 
secondochè  lascerebbe  credere  l'incisione  divulgata  dal  Ven- 
turi,  bensî  da  alquante  punteverticali  ed  ondeggianti  che  sem- 
brano  piuttosto  lingue  di  fuoco.  «  Se  cosî  fosse,  soggiunge 
(ma  non  dice  che  cosî  sia  veramente),  l'edificio  rappresente- 
rebbe  fuori  di  dubbio  l'ingresso  del  Tartaro  in  una  forma 
molto  vicina  a  quella  sotto  la  quale,  con  esempio  più  unico 
che  raro  nell'iconografia  infernale  dell'  epoca,  esso  è  raffigurato 
in  un'  altr'  opéra  d'arte  délia  medesima  basilica  veronese  :  le 
valve  di  bronzo,  cioè,  che  ne  decorano  la  porta  regia.  Equesta 


5)0  ANDREA    MOSCHETTI 

constatazione,  pur  non  obbligandoci  irremissibilmente  a  rico- 
noscere  che  colui,  il  quale  si  trattiene  suU'  ingresso  délie  dolenti 
case,  ne  sia  per  l'appunto  il  signore  e  il  padrone,  danneggerebbe 
perô  gravemente,  corne  ognuno  intende,  la  solidità  délie  nostre 
congetture  ».  L'altra  obiezione  sarebbe  che,  mentre  il  cane  e 
il  cervo  cui  allude  l'inscrizione  si  trovano  effigiati  in  quella  for- 
mella,  e  il  cavallo  si  potrebbe  forse,  da  un  critico  non  troppo 
sottile,  ritenere  quello  délia  formella  di  sinistra,  manca 
affatto  il  falcone^  il  nisus,  che  dovrebbe  essere  mandate  in 
dono  a  quel  personaggio  délia  porta,  aWhuic  délia  inscrizione 
stessa. 

Délie  quali  obiezioni  la  prima,  che  a  noi  più  intéressa,  e 
che  è  davvero  importantissima,  rimane  per  il  Novati  stesso 
senza  conferma  ne  diniego.  La  seconda  invece  cade  di  per  se, 
quando  si  veda  che  il  falcone,  invano  cercato  dal  Novati, 
esiste  invece,  ma  a  parte,  in  un  riquadro  délia  pilastrina  che 
intercède  fra  le  due  formelle  e  che  in  questo  caso  funge  non 
da  separazione  ma  da  unione  fra  esse.  Ivi  l'uccello  rapace  è 
calato  dair  alto,  ad  ali  spiegate,  sopra  un  coniglio,  e  lo  stringe 
fra  gli  artigli  ghermito  in  sul  dosso.  Lo  scultore,  ben  inten- 
dendo  che  in  una  caccia  al  cervo  il  falcone  non  avrebbe  avuto 
che  fare  e  sarebbe  stato  un  fuor  d'opéra,  lo  collocô  qui  a  for- 
mare  quasi  soggetto  da  se  stesso,  pur  volgendolo  nella  stessa 
direzione  di  tutto  il  resto  délia  caccia  '. 

Quanto  poi  al  cavallo,  anche  a  rischio  di  esser  presi  per 
critici  un  po'  grossi,  a  noi  pare  che  Veqiiits  délia  inscrizione 
nella  seconda  formella  sia  tutt'uno  coU'  eqmis  nominato  ed 
effigiato  sulla  prima  ;  giacchè  le  due  formelle  insieme  col  fal- 
cone délia  pilastrina  rappresentano  un'unica  scena  in  azione  : 

I.  Si  noti  che  tutta  la  rimanente  decorazione  délie  pilastrelle  non  ha 
scène  figurale  ma  ornati.  Sotto  del  riquadro,  che  racchiude  il  falcone  e  il 
coniglio,  è  invece  un  secondo  riquadro  figurato,  con  una  persona  seduta  che 
suona  l'arpa  e  che,  volta  verso  Teoderico.  sembra  voglia  attrarlo  colla  sedu- 
zione  del  suono.  In  che  legame  questa  figura  si  trovi  colla  leggenda  teode- 
riciana  non  sappiamo. 


PER    LA    «    CACCÎA    DI    TEODERICO    »  55  T 

il  cervo  précède  di  furia,  i  cani  lo  incalzano  e  lo  addentano, 
il  falcone  si  précipita  sul  coniglio,  cavallo  e  cavalière  soprag- 
giungono  di  galoppo  al  suono  delcorno.  E  quel  quarto  verso 
è  stato  messo  nella  seconda  formella  non  perché  ad  essa, 
come  vorrebbe  il  Novati,  particolarmente  si  riferisca,  ma 
semplicemente  perché  lo  scultore  non  aveva  lasciato  spazio 
sufficiente  per  tutti  quattro  i  versi  nella  prima,  come  il  terzo 
(che,  sia  detto  per  incidenza,  anche  se  si  accettasse  l'interpre- 
tazione  del  Novati  dovrebbe  riferirsi  a  quanto  é  figurato  non 
nella  prima  ma  nella  formella  seguente  :  exit  aquam  niidus)  il 
terzo,  anch'  esso,  è  costretto  a  spezzarsi  e  a  costiparsi  fram- 
mentariamente  in  tre  righe  riempiendo  tutti  i  vuoti  attorno 
aile  figure.  E  anche  nella  seconda  formella,  quel  povero  quarto 
verso  vi  sta  tutto  raggricciato  e  spezzettato,  cosî  che  l'ultima 
sillaba,  per  quanto  ridotta  paleograficamente  ad  una  lettera 
sola,  viene  a  cacciarsi  fra  il  muso  del  cervo  e  l'arco  délia  porta, 
assai  lontana  dal  principio  délia  stessa  parola.  Certo  è  dunque 
che,  se  spazio  avesse  avuto,  l'epigrafaio  avrebbe  inseriti  tutti  i 
versi  nella  prima  formella,  o  li  avrebbe  almeno  divisi  a  due  a 
due  fra  la  prima  e  la  seconda,  sicchè  la  divisione,  come  é,  fu 
puramente  casuale  e  indipendente  dalla  sua  volontà.  Come 
dunque  la  scena,  cosi  anche  l'epigrafe  è  tutt'una. 

Dove  corre  la  caccia  infernale  ?  Nemmeno  questo  ci  par 
dubbio:  entro  quell'  edificio,  oltre  la  soglia  del  quale  il  cervo 
ha  già  le  zampe  anteriori  e  il  quale  sbarra  ad  esso  prospettica- 
mente  la  via.  Giacchè  maestro  Niccolô  era  uomo  che  la  pros- 
pettiva,  pur  a  modo  suo,  conosceva  alquanto  e  praticava;  e 
sapeva  distinguere  bene  le  figure  di  frontc  da  quelle  di  tre 
punti  e  di  profilo  ;  e  s'arrischiava,  non  del  tutto  erronea- 
mente,  negli  scorci  ;  né  avrebbe  mai  disegnato  cervo  e  porta  a 
quel  modo  se  veramente  non  avesse  voluto  fu'ci  credere,  come 
air  occhio  apparisce,  che  il  cervo  stesse  appunto  per  infilare  la 
porta. 

Porta  di  che  ?  A  spiegarcelo  dovrebbe  bastarçi  l'iscrizione  : 
petit  infera  non  rediturus,  Credere  che  quell'uomo  sull'uscio 


552  ANDREA    MOSCHETTI 

sia  Teoderico  uscito  dal  bagno  e  già  anelante  alla  caccia,  vuol 
dire,  oltrecchè  spezzare  in  due  episodi  staccati  la  scena,  guas- 
tare  tutta  la  concezione  délia  scena  stessa,  poichè  quel  bravo 
Nicolô  in  tal  caso  avrebbe  almeno  volto  cane  e  cervo  daU'altra 
parte  e  non  già  mandato  il  cervo  a  rifugiarsi  fra  le  braccia  del 
cacciatore.  Se  no,  addio  caccia  egita  ail'  inferno  !  Quell'uomo 
dunque,  già  logicamente,  non  puô  essere  altri  che  il  diavolo, 
il  quale  accoglie  col  braccio  alzato  e  arresta  nella  corsa  il  cervo 
che,  a  lui  rifugiandosi,  gli  conduce  prigione  Teoderico. 

Ma  nel  fatto  manca  esso  veramente  di  tutti  o  di  alcuni 
degli  attribut!  demoniaci  ?  In  verità  siamo  costretti  a  riconos- 
cere  che,  nel  negargli  quegli  attributi,  il  Novati  cadde  in  errore  ' 
troppo  fidandosi,  più  che  dell'esame  diretto  del  marmo,  del 
vecchio  disegno  del  Venturi  o  del  Cristofoli  che  dir  si  voglia. 

Già  quel  disegno  stesso  avrebbe  dovuto  metterlo  subito  in 
guardia.  Per  quanto  i  danni  del  tempo  e  le  offese  délia  ragaz- 
zaglia  abbiano  dovuto  per  dolorosa  nécessita  crescere  col  cres- 
cere  degli  anni,  ben  perô  si  capisce  che,  dopo  più  di  sette 
secoli  intieri  di  geli,  di  grandinate  e  di  sassate,  poco  assai 
doveva  restare  agli  ultimi  ottant'anni  (quanto  appunto  il 
tempo  intercorso  fra  la  stampa  del  Venturi  e  quella  del 
Novati)  da  rodere  su  quel  marmi,  collocati  cosi  bassi  che  son 
quasi  a  portata  non  solo  di  sassi,  ma  di  bastoni  e  di  mani.  Chi 
invece  guardi  il  disegno  del  Venturi  stupisce  che  il  rilievo 
potesse  ai  tempi  suoi  essere  ancora  tanto  incolume  che  il 
demonio  (ci  sia  lecito,  fin  d'ora,  chiamarlo  cosi)  conservasse 
la  barba  e  i  capelli,  e  la  lancia  conservasse  la  punta,  e  del  torace 
si  contasser  le  costole.  Ma  poi,  anche  un  semplice  confronto 
con  una  fotografia  bastava  a  mostrare  a  che  cosa  si  riduceva  la 
perizia  e  l'esattczza  del  Cristofoli  tanto  decantata  dal  Venturi. 
La  figura  del  demone  campeggia  libéra  nel  vano  délia  porta, 

I.  Adolfo  Venturi  (Storîa  deïï'Arte  ilaliana,  vol.  III.  L'Arteromanica, 
Milano,  1904,  mostra  dapprima  (pag.  191)  di  intendere  anch'egli  la  figura 
per  ua  demone;  ma  più  innanzi  (pag.  194)  ripete  testualmente  le  parole 
del  Novati  c  sembra  acconciarsi,  senz'altro,  alla  sua  interpretazione. 


PER  LA  «  CACCIA  DI  TEODERICO  ))  553 

mentre  nel  marmo  tutta  in  altezza  e  in  larghezza  la  occupa  e 
la  chiude;  ed  ha  la  faccia  di  profilo,  mentre  nel  marmo  la  pré- 
senta poco  men  che  di  fronte.  Che  se  queste  inesattezze  non 
erano  state  rilevate  dal  Novati,  altre  perô  anch'egli  ne  aveva 
avvertite  sufficienti  ad  indurlo  a  negare  ogni  Iode  al  Cristofoli 
o  almeno  a  credere  che  il  disegno  suo  fosse  stato  guasio  dall' 
incisore  Bisesti  ;  pur  tuttavia  esse  non  avevano  scemata  in  lui, 
ne  si  capisce  perché,  fede  alla  riproduzione. 

Eppure  quella  merlatura  a  denti  di  sega,  che  sormonta  l'edi- 
ficio,  troppo  differiva  in  verità  dalle  flamme  che  si  veggono 
chiarissime  nel  marmo.  Poichè,  bisogna  dirlo,  il  dubbio 
espresso  dal  Novati  sulla  loro  significazione  non  puô  avère 
assolutamente  luogo.  Si  trattadi  sette  vere  nitide  fiammelle,  che 
salgono  a  spira  colla  punta  aguzza  lungo  la  corona  dell'  edificio 
a  dar  segno  del  fuoco  eterno,  che  arde  entro  quelle  mura. 

Ma  vediamo  finalmente  la  figura  del  personaggio  che  sta  sull' 
uscio.  Il  volto  è  pesto  cosi  che  ormai  non  serba  più  traccia  di 
lineamenti;  ma  pur  in  tanta  rovina  non  ci  è  negato  indovi- 
nare  che  esso  doveva  avère  aspetto  mostruoso.  Un  buco  pro- 
fonde eseguito  col  trapano  sta  ad  indicare  la  bocca  spalancata  ; 
attorno  si  spargono  scomposti  e  arruffati  i  riccioli  délie 
chiome  e  délia  gran  barba  ;  a  destra  rimane,  ancora  quasi 
intatto,  un  orecchio  circolare  di  forma  belluina  ;  a  sinistra, 
protetto  dalla  sporgenza  dell'  arco  e  quindi  perfettamente  con- 
servato,  ma  non  visibile  da  chi  stia  in  basso,  bensî  percepi- 
bile  soltanto  a  chi  saïga  sur  una  scaletta  a  piuoli  o  lo  cerchi 
colle  dita,  spunta  fra  i  capelli  un  piccolo  corno  ;  l'altro  cor- 
netto,  che  per  la  disposizione  del  viso  veniva  a  trovarsi  più  in 
fuori  e  quindi  più  esposto,  è  tutto  scrostato  e  scalcinato,  ed 
ha  perduta  in  parte  la  forma  primitiva,  ma  pur  si  conserva 
anch'  esso  e  tocca  colla  punta  la  linea  dell'  arco. 

Che,  se  délie  mani,  profondamente  guaste,  una  sola,  quella 
distesa  suUe  corna  del  cervo,  sembra  incertamente  mostrare 
gli  unghioni,  ben  più  chiari  sono  al  basso  gli  attributi 
demoniaci.  Dei  piedi  infatti  uno  solo  si  vede,  ma  questo  è 


554 


ANDREA    MOSCHETTl 


énorme  e  si  présenta  di  profile.  Benchè  guasto  nel  mezzo  per 
un  gran  buco  prodotto  da  una  sassata  che  gli  strappô  almeno 
due  dita,  esso  conserva  ancora  altre  due  dita  grandi,  piegate 
ad  arco  corne  veri  e  proprii  artigli  di  aquila  e  terminate  da 
unghioni  acutissimi  e  terini.  Lo  stato  di  loro  conservazione  è 
perfetto,  e  la  forma  loro  cosî  évidente  che  non  pu6  sfuggire  a 
chi  solo  si  soffermi  a  guardarle  ' . 

Or  che  cos'è  quell'oggetto,  in  forma  di  bastone,  che  il 
demonio  tiene  colla  sinistra  ?  Non  un  bastone  corne  credette 
il  Cipolla,  ma  neanche  una  lancia  o  venalmh,  corne  disegnô  il 
Cristofoli  e  corne  interpretarono  l'Orti  Manara  e  il  Novati. 
Délia  punta  in  alto  non  solo  non  vi  è  traccia,  ma  non  appare 
nemmeno  che  mai  vi  sia  stata  ;  all'estremità  superiore  quell'asta 
si  troncava  sempre  semplicemente  corne  ora.  Strano  è  invece 
che  nessuno  abbia  posto  mente  o  fatto  parola  dell'estremità 
inferiore,  dove  quelFarnese,  pesto  anch'  esso  e  rovinato,  mos- 
tra  oggi  un  aspetto  quasi  di  badile.  Ma  badile  non  era,  bensi 
un  vero  e  proprio  tridente.  Le  linee  di  contorno  del  dente 
mediano  e  del  dente  di  sinistra  e  quelle  del  tratto  trasversale 
che  univa  l'uno   all'altro  sono   ancora   incise  evidentissima- 


mentc  nel  marmo  ;  soltanto  manca  lo  sporgere  délie  parti  in 
grossezza  o  rilievo,  poichè  le  ingiurie  del  tempo  e  dei  ragazzi 

I.  I  piedi  unghiuti  furono  recentementc  avvcrtiti  anche  da  LuiGi 
SiMEONi  nel  suo  lavoro  La  luuilica  di  s.  Zeno  di  Veroiia,  Verona,  1909,  pag.  5  5 . 
Di  essi  perô,  corne  di  tutto  ciô  che  è  argomento  di  questo  mio  scritto,  io 
avevo  già  prima  largamente  parlato  in  una  mia  lezione  all'Università  di 
Padova  il  giorno  4  febbraio  1908. 


PER    LA    «    CACCIA    DI    TEODERICO    »  555 

sbalzaron  via  ogni  grossezza  e  spianarono  la  pietra  ;  mentre 
una  più  grossa  sassata  staccô  intiero  il  dente  di  destra  insieme 
col  tratto  trasverso  e  insieme  collo  stinco  del  demone  a  cui 
s'appoggiava,  e  produsse  al  loi"  posto  un  grosso  buco. 

Cosi  il  demone,  cornuto  ed  unghiuto,  si  prescntava  sulla 
soglia  coU'asta  del  tridente  stretta  nel  pugno  sinistro  e  le 
punte  volte  verso  terra  e  nascoste  all'estremità  loro  dietro  il 
piede,  mentre  colla  destra  in  atto  regalmente  autoritario  fer- 
mava  la  caccia  ed  acçoglieva  l'ospite  augusto.  Degli  attributi 
dunque,  di  che  l'aveva  gratifîcato  il  Medioevo,  nessuno  gli 
manca,  tranne  la  coda  che  lo  scultore,  per  forza,  non  poteva 
farci  vedere.  Non  gli  manca  nemmeno  l'aspetto  di  gigante  ', 
un  altro  appunto  dei  suoi  medievali  attributi,  poichè  colla 
grande  massiccia  persona  egli  riempie  intiera,  come  dicemmo, 
la  porta  dell'edificio.  Il  quale  edificio  infernale,  non  ha  invero 
forma  di  palazzo,  ma  si  riduce  tutto  ad  un  liscio  muro  fiammeg- 
giante  e  ad  una  porta  romanica  segnata  fra  due  colonne  e  un 
arco  rotondo;  forma  certo  non  nuova  ne  strana  a  riprodurre 
l'ingresso  délia  diabolica  dimora,  se,  fino  dai  più  remoti  tempi, 
in  tutte  le  rappresentazioni  innumerevoli  délia  Discesa  ail' 
inferno,  le  valve  abbattute  e  le  chiavi,  i  catenacci,  i  chiodi  dis- 
persi  erano  motivo  obbligatorio  ail'  artista.  Portae  inferi  era  la 
deslgnazione  evangelica  deir  inferno,  e  nel  nome  di  Babilo 
nia,  con  cui  esso  veniva  chiamato  in  contrapposizione  alla 
Gerusalemme  céleste,  era  già  incluso  il  concetto  di  città  murata 
e  di  porta.  Onde  potè  Dante  figurare  più  tardi  nel  modo  a 
tutti  noto  la  città  di  Dite. 

E  poichè,  ripetiamo,  non  è  nostra  intenzione  addentrarci 
qui  nell'esame  di  tutta  la  ipotesi  esposta  e  argutamente  soste- 

I.  Sugli  attributi  demoniaci  e  specialmente  su  quelli  mitologîci  del  tri- 
dente plutoniano  e  del  corpo  gigantesco  veggasi  A.  Graf,  //  diavolo 
(Milano,  1890,  pagg.  37  sgg.)  ;  lo  stesso,  Demonologia  in  Dante  in  Miti, 
leggendee.  siipersti:(ioni  del  Medioevo  (Torino,  1893,  pagg.  79  e  segg.)  ; 
A.  Maury,  La  Magie  et  F  Astrologie  dans  l'antiquité  et  au  moyen  âge  (Paris, 
1860,  pagg.  168  sgg.) 


5  56  ANDREA    MOSCHETTI 

nuta  dal  Novati,  facciamo  punto.  Certo  non  possiamo  non 
avvertire  (corne  già  egli  stesso,  colle  parole  sopra  citate,  a 
priori  riconosçeva)  che  colla  identificazione  ormai  innegabile 
del  demonio  e  dell'inferno  in  quel  personaggio  délia  formella 
di  destra  e  in  quell'edificio  che  lo  ospita  viene  ad  essa  man- 
care  un  assai  forte,  anzi  il  più  forte,  sostegno. 


LE  PREMIER  TRAITÉ  D'ORTHOGRAPHE 
FRANÇAISE  IMPRIMÉ 


Le  28  avril  1529  sortait  des  presses  le  Champfleury  de 
Geofroy  Tory. 

Entre  autres  choses  réclamées  par  l'auteur  se  trouvait  un  élo- 
quent appel  aux  «  deuotz  Amateurs  de  bonnes  lettres  »  qu'il 
conviait  à  l'étude  de  notre  langue  française  si  négligée  jus- 
qu'alors :  «  ...donon  nous  tous  courage  les  vngzaux  aultres  », 
s'écriait-il,  «  et  nous  esueillon  a  la  purifier. . .  Quant  lung  traic- 
tera  des  Lettres,  &  laultre  des  Voca[b]les,  vng  Tiers  viendra  / 
qui  déclarera  les  Dictions.  &  puis  encores  vng  aultre  suruien- 
dra  qui  ordonnera  la  belle  Oraison.  Par  ainsi  ontrouuera  que 
peu  a  peu  on  passera  le  chemin,  si  bien  quon  viendra  aux 
grans  Champs  Poétiques  et  Rhétoriques  plains  de  belles 
/  bonnes  /  et  odoriferentes  fleurs  de  parler  et  dire  honneste- 
ment  et  facillement  tout  ce  quon  vouldra.  »  (Préface,  A  8,  v°). 

Ce  fut  un  Abbevillois  qui  répondit  le  premier  à  l'appel  de 
Tory. 

Le  22  septembre  de  la  même  année,  il  écrivait  la  préface  de 
son  Tresutile  &  compendienlx  traicte  dorthographie  gallicane. 
Quoiqu'il  ne  souffle  mot  du  Champfleury,  il  s'est  inspiré  visi- 
blement de  la  préface  de  Tory.  S'excusant  de  tenter  un  aussi 
diflScile  sujet,  il  ajoute  «...  non  point  que  ie  pense  quil  soit 
souffisant  de  restaurer  lorthographie  en  sa  dignité  pristine  : 
Mais  affin  que  les  amateurs  de  ladicte  langue  francoyse 
prennent  cueur  chascun  en  son  endroit  :  &  sefForcent  de  la 
redresser  &  restablir  en  son  entière  et  absolute  perfection.  » 


558  CHARLES   BEAULIEUX 

Et,  à  la  fin  de  son  opuscule  :  «  Nous  auons  beningz  lec- 
teurs entame  ceste  matière  non  point  que  nous  pensons  auoir 
satiffaitou  pour  satiffaire  mais  nostre  intention  est  principalle- 
ment  de  animer  et  aygrir  les  engins  des  gentilz  facteurs  în: 
vrays  zélateurs  de  nostre  langue  franchoise  pour  rencontrer 
lung  lautre  au  passetemps  de  doulce  et  amiable  concertation 
et  que  par  telle  collision  ilz  viennent  esclarcir  et  nettoyer  la 
rouillure  /  les  faultes  /  et  obscurtez  grandement  noircies/  cor- 
rompues et  peruerties  par  les  faulses  escriptures  /  et  aussi  pour 
la  restituer  en  son  honneur  a  la  gloire  et  exaltation  de  tous 
franchois.  »  Le  style  est  aussi  pompeux,  et  le  ton  aussi  élevé 
que  celui  du  Champfleury.  L'auteur  toutefois  était  pourvu  de 
plus  de  bonne  volonté  que  de  talent. 

Quel  était  donc  cet  auteur  qui  ne  se  nomme  point  ?  C'était 
un  Picard,  sans  doute  régent  de  quelque  collège  :  à  coup  sûr 
un  érudit.  Il  se  lance  dans  des  discussions  sur  les  lettres,  sur 
les  diphthongues,  qui  trouveraient  bien  mieux  place  dans  un 
traité  de  grammaire,  et  à  ce  propos  il  se  permet  de  reprendre 
deux  autorités  en  la  matière,  Despautère  et  Fabri.  Il  nous 
donne  quelques  renseignements  intéressants  sur  la  façon  dont 
on  prononçait  le  latin  à  son  époque. 

Il  est  curieux  de  poésie  vulgaire.  Il  cultive  les  rhétoriqueurs. 
Il  cite  Lemaire  de  Belges  et  Chastelain,  écrivains  de  sa  région, 
comme  des  auteurs  déjà  classiques.  Il  s'étend  sur  la  diérèse,  la 
synérèse,  l'élision,  tout  comme  s'il  écrivait  un  traité  de  seconde 
rhétorique.  Mais  quand  il  touche  à  l'orthographe,  il  est  évi- 
demment embarrassé.  Là  il  n'avait  plus  Priscien,  Despautère 
et  Fabri  comme  modèles.  L'étude  de  l'orthographe  française 
n'avait  encore  été  tentée  par  aucun  théoricien.  Aussi  son 
œuvre,  visiblement  improvisée,  n'oftre-t-elle  nullement  un  corps 
de  doctrine,  mais  seulement  un  certain  nombre  de  remarques 
isolées. 

Il  était  du  reste  impossible  de  dégager  des  règles  de  la  caco- 
graphie  qui  régnait  alors. 

Par  suite  du  dédain  des   lettrés  pour   la  langue  vulgaire, 


LE    PREMIER    TRAITE    D  ORTHOGRAPHE    FRANÇAISE  559 

une  orthographe  empirique  et  routinière  colorée  d'une  vague 
teinte  d'étymologisme  s'était  peu  à  peu  étabhe. 

Notre  auteur,  tout  fiirci  de  latin,  est  naturellement  étyino- 
logiste. 

«  Il  se  lault  donner  de  garde  »  d'employer  les  lettres  c, 
k  et  q  les  unes  pour  les  autres.  «  Il  est  nécessite  pour  bonne 
«  orthographie  de  retourner  au  latin  touchant  les  dictions  ter- 
«  minées  en  ence  ou  ense  car  pour  bien  escripre  prudence,  clc- 
«  mence  et  semblables,  nous  retournons  a  pniciciilia,  clemenlia 
«  ou  t  se  mue  en  c.  Item  nous  congnoissonsquil  fault  escripre 
«  offense,  immense  etc.  par  s,  a  cause  quik  descendent  de 
«  offensa,  [ini]Hiensus,  semblablement  response  a  cause  de  respon- 
«  sum  :  a  lopposite  annunce  /  denunce  /  renuncc  a  raison  de 
«  annuncio,  etc.  Nouscongnoissonsaussy  que  debuons  escripre 
«  par  double  ss passion,  profession,  possession,  ^Avpassio,  professio, 
«  etc.  ;  au  contraire, perdition  j inhibition  /  innention  par  /.  Extrac- 
«  tion,  dilection  par  et.  Influxion,  annexion,  par  .v.  Et  generalle- 
«  ment  pour  obseruer  bonne  escripture  il  conuient  recourir  au 
«  latin,  si  les  dictions  descendent  directement  dudict  latin.  » 

Et  son  dernier  conseil  est  pour  nous  rappeler  que  «  nous 
«  debuons  songneusement  retourner  au  latin  et  regarder  par- 
ce faictement  lorthographie  latine  pour  nous  reigler  en  nostre 
«  escripture  franchoise.  » 

Il  ne  proteste  contre  les  lettres  superflues  que  quand  elles 
ne  sont  pas  justifiées  par  la  bonne  orthographe  latine.  Aussi 
blàme-t-il  les  mauvaises  graphies  danipne  et  escripre;  il  faut 
écrire  damne  et  condenine,  et  escrire  car  «  scribere,  scribebat  na 
point  de  p.  » 

Il  cherche  parfois  à  concilier  l'usage  avec  son  désir  de  suivre 
le  latin,  ce  qui  lui  fait  établir  une  règle  tout  artificielle  d'après 
laquelle  il  ne  faut  pas  écrire  cq  dans  les  adjectifs  en  ique,  venant 
du  latin,  «  attendu  que  c  est  mue  en  (/,  il  sensuyt  que  c  deuant 
qu  est  superflu,  pourquoy  on  escript  mal  magnifique,  mistique 
etc.  par  c.  »  De  même  les  adjectifs  en  -if  «  descendantz  du 
latin  »  ...  «reiectent/ au  féminin  comme  appellatif,  appellatiue; 


560  CHARLES    BEAULIEUX 

mais  quant  il  ne  profluent  point  du  latin,  il  reseruent  /  au 
féminin  comme  hatif  hatifue  et  semblables.  » 

Quand  il  n'a  plus  l'appui  du  latin,  il  s'en  tient  absolument 
à  l'usage.  Cet  usage  avait  créé  des  habitudes  de  plume  plutôt 
que  des  règles,  en  partie  nécessitées  par  le  besoin  d'éviter  les 
équivoques  que  n'aurait  causées  que  trop  souvent  l'illisible 
écriture  dont  les  Français  usèrent  jusqu'au  xvii^  siècle. 

«  Nous  escriuons  »  dit-il,  les  mots  v  en  eux,  eiilx,  aux,  oiilx, 
«  aiL\  et  aulx,  par  x  non  point  par  ~.  »  «  Nous  escriuons  cous- 
ce  tumierement  jy  ^/"(^^  en  la  fin  de  la  diction  comme  roy  /  esnwy  j 
«  fera  y  /  amy  /  icy,  etc.  Et  aussi  »,  ajoute-t-il,  «  en  la  diction 
«  descendant  du  grec  ayant  y  grec  comme  hypocrite...  » 

Il  constate,  pour  le  pluriel  des  substantifs,  que  les  «  vocables 
«  ayans  b  /  c  /  d  /  f  /  l  ett  3.u  singulier  ont  /  ;;/  après  lesdictes 
«  consonantes  au  plurier.  Les  terminez  eng  j  m/  n  / p/  r  ont 
«  au  plurier  s.  On  escript  par  coustume  les  participes  et  noms 
«  terminez  en  -ant  ou  -ent  au  plurier  par  s  :  muant  t  en  s 
«  comme  négligent  /  negligens.  Jaymeroye  mieulx  adiouter  s 
«  après  /:  et  escripre  négligent:^,  vaillaut^  et  ainsy  des  aultres.  » 
Les  substantifs  terminés  par  e  féminin,  au  singulier,  prennent 
s  au  pluriel  comme  diuiHes,  va  il  labiés,  bourgeoises...  tandis  que 
ceux  qui  ont  e  masculin,  prennent  au  pluriel  ^  comme  deile:(, 
irrite:^,  précipite::^  etc . . . 

Il  ne  manque  pas  d'appliquer  un  des  principes  orthogra- 
phiques les  moins  contestés  au  xvi''  siècle,  qui  est  l'habitude 
de  distinguer  les  homonymes  par  l'orthographe.  C'est  pour- 
quoi notre  auteur  conseille  d'ajouter  au  prétérit  des  verbes 
dire  et  lire,  dist,  list  une  s  «  pour  mettre  différence  a  la  tierce 
personne  du  présent.  »  Il  déclare  en  terminant  son  opuscule 
qu'il  pourrait  «...  icy  assembler  plusieurs  dictions  a  lescrip- 
ture  desquelles  on  voit  leur  différence,  comme  dix  de  decem  / 
dis  de  dico  /  dict:(  de  dicta  »  et  il  est  regrettable  qu'il  ne  l'ait 
pas  fait. 

Il  donne  la  règle  suivante  qui  est  conforme  à  l'usage  établi 
au  xvi^  siècle,  pour  savoir  si  tel  ou  tel  mot  doit  se  terminer 


LE    PREMIER    TRAITÉ    DORTHOGRAPIIE    FRANÇAISE  561 

psLrd  OU  par  /  :  «  Nous  regarderons  pour  bien  discerner  de  les- 
cripture  sil  descend  dudit  vocable  quelque  denominatif  lequel 
brisera  tout  le  différent;  comme  il  fault  escripre  concord,  nor- 
mand j  picard I  verd  et  semblables  par  ^  ainsy  que  les  denomi- 
natifz  concorde,  Normandie  /  Picardie  /  verdure  enseignent.  Au 
contraire  \onnert\  fort,  couiicrt,  etc.  par  tz.  raison  de  oiiiierttire  / 
forlitnde,  coiiucrliirc.  Si  le  vocable  est  verbe,  nous  passerons  au 
prétérit,  comme  inordoye,  pendoyc,  descendoient  et  semblables 
demonstrent  quil  fault  escripre  mord,  pend,  descend  etc.  par 
d.  Sil  est  nom  ou  participe,  au  féminin,  comme  sourd,  sourde, 
truand,  truande,  superahundanl,  superabundante.  » 

Voilà  les  principes  orthographiques  dont  s'inspire  l'auteur 
de  ce  petit  traite.  Si  sa  graphie  est,  sur  quelques  points,  moins 
empirique  que  celle  du  vulgaire,  elle  n'en  diffère  guère  dans 
l'ensemble. 

On  chercherait  en  vain  une  innovation  dans  cet  opuscule. 
Il  n'y  est  nulle  part  question  des  accents  déjà  réclamés  par 
Fabri  et  Geofroy  Tory. 

Ce  Traité  est  cependant  intéressant,  parce  qu'il  nous  montre 
quelle  était,  à  la  fin  du  premier  tiers  du  xvi*"  siècle,  l'ortho- 
graphe d'un  homme  «  de  doctrine  non  prolétaire.  »  Il  nous 
permet  de  juger  combien  était  nécessaire  une  réforme  que  plu- 
sieurs, peu  d'années  après,  tentèrent,  sans  pouvoir  f^iire  autre 
chose  que  d'atténuer  la  routine  de  l'empirisme  dont  plusieurs 
traits  subsistent  encore  dans  notre  graphie. 

L'ouvrage  fut  imprimé  à  Paris,  et  vendu  par  Jean  Saint- 
Denis,  libraire.  L'exécution  typographique  en  est  déplorable. 
Les  mots  omis,  les  mots  défigurés,  la  graphie  qui  donne  à 
chaque  instant  un  démenti  aux  lois  énoncées,  nous  montrent 
clairement  que  l'auteur  ne  revit  aucune  épreuve  et  que  l'im- 
pression fut  faite  à  la  hâte  et  sans  aucun  soin. 

Quelques  années  après  parut  une  réédition.  Nous  relevons 
en  effet,  dans  le  Catalogue  de  la  vente  Pichon,  i'^  partie, 
1897,  p.  206,  n""  712,  le  titre  suivant  : 

Tresutile  &  com    \\   pendieulx  Traictc   de    lart  et  science 

Mélanges.    II.  5^' 


5  62  Charles  beaùlieux 

dorthogra  ||  phie  Gallicane  /  dedans  lequel  sont  cowprinses  |j 
plusieurs  choses  nécessaires  /  curieuses/  nouuel  ||  les  et  dignes 
de  scauoir  /  no«  veues  au  paraua«t  ||  ^  Auec  vne  petite 
introduction  pour  cognoi  H  stre  a  lire  le  chiffre  /  &  scauoir 
gecter  &  compter  se  H  Ion  les  sept  espèces  de  tout  nombre 
entier.  || 

A  la  fin  :  Imprime  a  Paris  pour  la  veufue  de  feu  Jehan  Sainct 
Denys  demoura^t  en  la  rue  neufue  nostre  dame  a  le;/seigne 
s.  nicolas.  s.  d.,  très  pet.  8°  goth.  20  ffnch.  (mar.  r.  tr. 
dorée,  court  de  marges,  prov.  de  la  vente  Chartener.) 

Jean  Saint-Denis  étant  mort  vers  la  fin  de  1531,  sa  veuve 
continua  son  commerce.  Cette  réédition  est  donc  postérieure 
â  153 1.  Nous  n'avons  pu  la  rencontrer.  L'exemplaire  du  baron 
Pichon  fut  acquis  par  M.Jacques  Rosenthal,  libraire  à  Munich 
qui  l'a  vendu  depuis. 

Nous  connaissons  deux  exemplaires  de  la  première  édition  : 
celui  de  la  Bibliothèque  James  de  Rothschild  décrit  par 
M.  Emile  Picot  dans  le  tome  IV  du  Catalogue  de  cette  Biblio- 
thèque, p.  45  (avec  fac-similé  du  titre)  et  celui  de  la  Biblio- 
thèque nationale  coté  Réserve  X  2826.  La  «  petite  introduc- 
tion pour  congnoistre  a  lire  le  chiffre  »  annoncée  sur  le  titre 
ne  se  trouve  que  dans  l'exemplaire  de  Rothschild. 

Charles  Beaùlieux. 


pcnÇiciifîP  "^taictc  te  (att  et  (dma  bozr^Oî 
graphie  Oafl'icanf/bcSane  fcqucf  font  corn- 
pzinfee  pfufieure  c^ofee  ncceffakce/cwicufzs 
nouueffc6/cf  biqnte  tt  fcauowimt)  Seuce  au 
paraiiant.fliiecSncpftirc  tn(ro5uctior)  pouc 
congnoi/îrcalire  fe  chiffre. 


ôfloufî  6oiffr  ÎDa66cuiffc  ^afiic  et  ^fperiee. 
^mùkrj  que  pfufictire  poctc*  et  o:(i 
tcur6ftrtcoy6cuffcntt<i8i<?  pdr  fcur 
tncffiffuc  cfoqiiêcect  aôûdante  facn* 
8c/tc0fcmêf  cntifÇyfrt  î>oufce  fangne 
gdflficnnc:^  (ug  toute  auf  tte  *?ctnûf  « 
fe  eft  rtuioutSpuy  fa  pf?^p<fe(i  copieufe  po*  6id 
fecSuite  toute  c^ofe  be  qucf^  importâce  Jiffe  foit 
fi  cflfe  qf5  ont  fue  feure  efctiptutcc-:  tât  fofutce 
()  ftece  fcf8  ttiefute  rttwomeufe  /  ou  ï)efdiffe/ott 
c^fl{fe/ou  enttemcffe  rtufcune  ttaict^  fefqucf^ 
ont  ôedufoup  conûpu  fort^ograp^ie  (t  adôma 
qz  fc6  63*re0  pmnrtutee  ^  cflofft-ô  natuteffce. 
(gt  ce  ne  noua  J)oi6t  poit^t  feufement  bcfpfaite 
aine  cfmouuoir  (t  femon5:c  pout  fuy  faite  tz* 
couutei:fe6p)tiiete6^*?me0  coufeuta  repute5 
"bzfiimz  friuofepat  fefucctoyfi  î>e  faSuffeti'nc 
piifnftutc.)!Lar  fif  e^mnfî  que  tiyone'veu  et; 
ce tewipe^cuteuç  toute©  \de\\ae  pf^efffrttciîr 
^iVimme/tout  rttt  fforit  ^'îenfr  rt  pfecttî/f^df 
f un  p:c8:e  pfrtifit  rt  rcflfoufSzc  (i  augmétet  ]ox) 
inou^cte  fane  efpargnec  peine  ne  fd6cut,^cf<i 
ÎJoi6tcflteoff(jfio^fufftfante  î>e  flimufet  ay^ 
grrr/et  ouutit  fea  entenSemena  î)ea  ^cfateuta 
Se  frtStcte  fâjjue  pour  ewtrepîcnSîCf  ^ifitet  fe« 


cfctiptutca  pctuertie*  (t  Ireprdueeaei^  eçJtt'rpat 

toute6fau(te6(terreut6aff(t^de  fea  teuoquet 

ûfeut  première  et  anttnque  tntegrite.jlîeant> 

moinQ  oi;  a  lufqa  if  y  fait  ôe  ce  nuffe  ou  petite  te 

putatiot?:ï)3t  tcffee  ï»tff te uftcaj  (i  oBfcurtcçont 

puffufe/pout  fe  p:cfcnt  if  ncfî  pae  fegiet  ne  ay 

fe  De  fee  cetf  fct  et  puremêt  nettoyer  ,^t  zMtm 

6u  ()  fce  ance/lrea  fe  fît  îiepoztc?  de  cntatner  ce 

fie  matière  if  fc6feroit  ouftrecuSct  (i  tewieritc 

ÏJc^oufoit  irtue/ltguer  pfuaau5t.^aiefutifiy 

te  qui  tx}  peuft  iuinit  î»oiet  'îaincte  et  ^onntt 

^arSicffe  l>e  mettre  fa  ma\r}a(z  fa6cut.:^u  xz* 

jfar8beq«oy(iau|]ripatfe6impio6c0eç>^oît<i^ 

tionebauftûaauecfcf^f^iay  n5"^ufgaite  fami . 

fiarite  fuie  lUxaint  î>eç>pojet  ce  petit  txaictz: 

n5  poîtqucie  pcnfeqf  foit  foufftfant  be  rcfîau 

rer  fo^t^ograp^ieet;  fa  bignite  pn^inz:^ai<it. 

aff(t;^fc6  amateure  befaSif  te  fanguefr3foy# 

fep:ennct  cueut  cpafca  zx)  \ox)  zn^toiti  (t  fcffor 

cent  be  fa  reSzcjJcr  ^  rcflaWir  zxj  \ox)  entière  et 

a6fofute  pfcctiS.pourtttt  trcf^3no:e  feigSr  f5# 

me  ie  fuffc  pfuaSc  p  iceuf^  mee  amye  q  czfiz  fe 

f ture  bSneroit  pafjTetêpe:^  txovtwxoit  fieu  zn* 

tte  gct5  be  ^odxinz  n3  ^fefairc  entre  fefquef^ 

*?o9  teniez  fc  front  b«uâf.2(irtfifou65  îomdiz 

be  *3off te  pîotcf ti3  ma  fcmCfe  c ^ofe  cSuenaDfc 

et  bccètc  (i  ay  efle  (Strainct  be  façet  (i  cSmuni 


qucr  feapîcmifeôîienofîrc  petite  tenntte  ef^ 
perât  ^  au  moyc  be^Soî'pourrJt  tpctrcr  faueuc 
ctrccucifbcuantfeayeufjpbce  dzniuoUo  tet* 
tcure.  «["Bonne  Xiabbt-ui^c  (e.i^^xi.^e  \zp* 
fem6rc.â:)vf  "'«a  <^nt^  'iin^  neuf. 

Oiat^ograp^ic  efl'îng  terme  greffait  par 
f5guc  cfpacc  be  tcpe  f5mui;it  f3e  pzopze  a 
nofîre  fâgrte  ftot  pour  fe  pzefct  if  noua  fuff  tra 
befabifftmtto  ^zt^ograp^icboncqsefl  ^ne 
fffcfe  (tîSuflricbe  ffauoir6tccffrip:e.  Jllo  pott 
q  fefoit  be  6icr)  farSer  ou  patSze  fa  fcf  trc  m<ii<i 
Ï)e«ot)f^âgcr/a8iouteroubiminuct  'inz  Ut* 
tfepourfrtutrcct;fotjcffripture.:©t;r3gnoiit 
fuffifâmct  fcû  fectrcarcqfcaa  6ic  cftripze  pfa 
tjc  te  fefqiïeG  f3t  ^zuifz^  tx)  'îorefïca  aiziiioiuf 
micf  y  gtcf:feG  autres  f5t  X^\ttt&  ^\onditzÇ'  flo^ 
appcffSa  ^ne  fcftrc'îoieffe  quâ8  be  foymcfme 
(ffc  fournit  pfcinc  *ioif  /LÇfonâte  quâSbe  fof 
incfmc  na  point  fa'voiç»  maia  fa  mtriSic  be  fit 
'éoicffe  f  3r  6/be/e/f  ar  if  cfl  t'mpoffiôfe  be  ;pna^ 
czx  6  fâ^e/et  ainfi  be^  auftrea.îEoutCG  fetf  rca 
aufr(înf5oi«<  f5t  be  S)nz  feuffe  fyiïaee  faqucffe 
fpofc  efï  manifefîect;  fa  profatior)  bcG  iôoieffea 
et  qf  foit  airtfy  "itz^  auftree  nou&  fe  t ompzc^cn 
ÇtonG  fafiffcmct.^ar  fa  fetf  te  cfl  "bUtZfoniof 
i;âtc  pufc  ^(Tc  f3nc  aucf  fa  *?oicffe  f  oc  b/autf  c 
et  noç  point  aue  c  bcuj)  ou  pf  uficuta.jg^  ^»e  f  ^ 


affirt  lie  aBoUv  (a  foffc'^fâfc  ou  pfue  (ofl  ta6u^ 
be  nofive  pUavSiz  ctj  faquefifc  no' p:ofet$a  cff« 
faf^e/cnnue/ennc/ctrcejyc/iuî?.'5et5:e/pouccf 
firtcm  en  et  cç.  (8é  we  fattaf  Î>c6  parificne  q 
ï)icnt  Boy/c^oy/boy  j  ce.<Bv  pdfTât  fcc  aufttce 
fu6b"tuift36  fcf^eG  ne  fctuct  uet)  a  «ofttep:o/ 
po6  cat  tcfîc  feufefuffit  û  6icr)  futnit  (i  ôtffcc^ 
nct&c  fcfftiptntegdtticanc.  «t^Bc  fcefcttte» 
f tff urcce  ou  cfcmenf flitee  ccfl  a  Ôire  cffttptcs 
ou  p:of«ce6bcpcnS  f  cfffue  nofltc  fâgue  fra^ 
rfioife  eût  ÔCG  fettrcG/frt  0[£i6c:(i.ï>c6  (tBaôcs 
c/î  to 'tfocflfc  coiflpofc.it^f  cfl  tequie  dfû  ftffti 
6e  "înc  ou  pfuficute  confondtitca  ducc  ^nc  feu 
fç ^oteffe  comôtct;  que  falote ffc(û  raiforj  de  fd 
pfctnc  fonozite^fait  ^ouuent  î>e  foymefmej^nc 
fiÏÏa6e.c:^tfir(j8utcrtfeic9^ncfiffa0eï)euî? 
^oicffee  flucc  fcur^ettu  (i  Ecur  fo:ce¥ocûfe  fcf 
Btte^  î>eu»  ^oicffce  ninfy  çonfucs  (i  fieeô  font 
tippcffeceôip^t^onguc.et  fSefeuffemct  qudfre 
rtufnftrxîc/oe/au/cuiïucfeigrec  wiate  o?;  n<r 
point  cn<oite  atxefic  ci)  noftvc  (angneU  nonu 
6:c  ncdnf  moine  fcnfuyf  cciïcequc  auos  aiM* 

rcfTcpîcmietcmcnt.  ^.^  «  ^     ,    .  . 

^a  ^ommc<ï(i«cbijTyffrt6ccfftipe 

<ou/lamicre«iet  par  bouWciKi 
en  frt  prcMucrc  nowno6/îrtnt  ïc 
efcriproyccaffc» 

3e  ricîfcfc§fcpfctrcîJ(ïti5(efw< 

30  /Lonftcïnionô  eflione 

€E/îo?c5quc  f<Jcouflum«l»eegtoôpù<it85  pzo 
fctcnf  fouwenf  <oou  tf  ûffiett  feufifetnent  0  rO» 
nic(mon))»tionofyBfa6c  pour  no«}/poutquoy  f< 
noueéoufionecfctipw  fcf ot?  f eut  profatiori/ 
noue  dutton<j(  comme  fco  ffamcn^)  ï>ou6fc  it 

'iiipt^ongut* 

;©a  /LommcfOrtc  maie  ce eft  tare 

;©c  *Bu  îatix) 

;©i'9cfoy   ;0oi«  ôcfoing  toy 
;©u  ;K  outff  court  Éouta 

Ajt'îcfuy    i^mfc|uy 

•©efpflutctebiÉ^uy  tnÉcticctioi?  cfîte  Miono^ 
fyBfade  ,t  Bdiffe  pour  tcfmoîg  fcretue  ci^  quoy 
fuy  et  foi;  f  efmoinçr  cefî  ti6ufc:  eux  or)  ne  ttcu^ 
«e  poî'nt  rtu  fatii;  uy  î)ipt^5îf uc:  patciffemct  u 
apzee  ^  ne  pet8  point  ^cttu  î)e  cSfonanfe  pat* 
quoy  tf  efî  ncceflrmrement  Î>yfl"i(fa6en 

C:^5mcnt%pet8  dufcuneffoyô  ^er> 
tu  de  *5oieffe  j  confonante. 

I[j0xaffit;  ({uty%i  tujfcono  tnat  ï)ipt6o»S«c 
pour  noi?ï)ipt6ott{fae  noue  «ofctîe  irpqucii 
flp:cdg/iR/î/f/f«ywûnÉ  quefque  Goutte  eçfa 


2t<  "Bu  fdfit;  comme  pMefcrct.jc. 

2ti  "îït  ùf     pfijit/^ait/maie/fctay 

2to  3toznet 

2ta  ^uc^auft^aufé 

^a  (Ba$'eaneantet/c^<]n9e<3.(i.c. 

;C>i;<jiufque6icyefctipt  ôatBare 

met  ie^â/fcqf  et?  \a  ptntx^  ^  mt{» 

mtmlitt}  mefutent^mi^  c^  monoi^flaUi^t 

fi  eÇa  fut  î>ipt^9gue:c96ic  qf  foit  teqa  de  tieno 

intetpofer  enfte  deu^  ^oieScd  appzengnent 

doncqued  fee  tennin^  a  efrtipze  teuro  nom^, 

(3e  ^sneemeMt  de  o:nate.    ;Oi;  ef/ 

cripuiboudfeeedeuâtmctquanS 

oijfe^cteta  crj  pfcîe  \onoiite  ma 

fcufitte  if  eft  mafc ufii;  par  tout  ou  \t  tefone  ih* 

me  ex)  ttinite  facitite/facutte»   3îf  efi  fetninir) 

quâS  if  d  fe  foi;  ternie  et  doufç  cZme  frâce/do* 

cttine/î»iuine.^yel)onfque0l>euant(mcOefl 

feminii;ifcflfimpfc/f3me  fetmement/  o:ne* 

ment  î>e  otnatue.^if  cfltttidfcufiT;  if  cfl  douôfc 

comme  dffetmeement  o:necment(î)e  omdtf) 

(i  *^ou0  nayme?  mieuf^p  efctipze  ornement  pat 

ne  et  ain\i  hee  auf ttee. 

^i  'fcit/pateUconfeit 

<3û  îoeozge  iugeon<i 

<3«  ;C5eut  î)euç)  coutdjfeuf^ 

«tefmc  fyffa6c  perS  norti  de'Soieffe  ^  de  c5fon5 

te  ^idcfpautcte  fappeffe  foze^iquiSe.  £at  if  ne 

fc  piofcte  point(ôit  if)c3me  ^oicPfe  (t  mfi  poît 

totafement  fîtpp:ime  aina  efi  pionutite  c5me 

crjfon  (an^uiffant  fnqffec^ofe  nou6  coffnoif' 

fonefigitammcnt  npzcGff  fuyuante/f  i/c5mc 

et;  dtflmguct  fâjfuû  cat  fi  u.e/loitdu  tout  fup 

p:iM;c  01?  p:ofcrctoit  diflinffcr/fâgit.iSt  ainfi 

petSte'îcttudcconfontînteejt  ^ne  fetttc  ne 

pouoit^uoir  fonc:itcou  pfeinc  tcfonâce  <jucc 

(a  "îoicffc  de  cfff  mefme  fi  dcuât  faSicte  fcttte 

nep:oce6cqucfquertuftrc  confone  qui  foit  ei; 

îa  mefme  fyiïflôc/cat  fy  nouô  reiectons  g/de 

di/tingueroiifangaic.iffetaimpoffiWcdcpzO 

fetct  feure  dernières  fiffa6e6.C[(St  fi  ^.efioit 

confortante  01;  profctetoit  fag  'Çir  difling  "îet 

oii  g.nc  tic8iott  point  de  f<t  dernière  fiffaSc  "5» 

donqueenc/r  poinetjce  confonante  attcdu  ^t 

ne  f onfone  point  (i  quif  na  point  pfeitj  fo  autc 

ta  ^oieïï^;  neantmoine  ne  pcrS  polt  nox)  de  (et 

trc  comme  notto  mon^rcronocy  np:e6. 

€Iâ>efor)  ta  pzaîatior)  o6feruee  de6';frd[nc5oi« 

Ti.flp2C(j  fcfSictee  con\onante<i/iu^u(int  aKSiol 

^oic6feocTJfamcfmcfiffiî6ea  fe  foi;  mozt  cat 

nouûpiofcroneaquadiflinguo  comme  fyoi^ 

efctipuoït  ac\a  di/linÊfo  fane  u'.neantmoina  fe* 

forj  fit  pioîatiox)  itaUenne  ou  gcr manicquf  09 


oit  u.duoit  f(J9  tic  bouffe  ef  ^em6ta6(cmi(  fuff 
uât  c/(i  U^fpîtd  teïïe  fotce  au  (atir)  aptee  g/q/ 
gtf/fcHffemcCmûfeci;  noflce  fâgucûpzce  tou^ 
feefîfonâteômoyrnnâtqcT?  fa  mcfmefyffd*» 
6e  fuyuc qucfq  *5otc£fc  c8»tic  Buirc/  cut'tc/  c on^ 
8uit/fuir/î»iftinguer/iuiffctEuire/rtutfoT;/nm^ 
fant/puÏ6/queffe/6:utt/pourfutf/tru<iufj?^ua 
roi?tfuqucf^:pzcwiicr  g(1  tonfonattte  cdeiftij 
luitTet.itpe  5)/et  î/'vo^  fe  ttouucte^  er}  anfcûs 
nom6Î>ercgtonGCt  tctmeefozattte, 
a^Bt  cotnôic^  que  n  ex)  ce  fem6fe  ciuoi'tfom^ 
me  fonortf  cîw  ^oicffc  fy  cff^f  quit  ne  tcfone  n5 
pf(c0  apzto  teiSkteo  con^onantee  que  nptee  f. 
C-Oz  pt"«  qmf  efl  ainfi  que  rtpree  per8 'îetftt 
^ocafc  (t  î)efonfoiîc:if  fcnfuyt  ncfcflTatrcHient 
(attcSu  quif  ne  chance  point  ï)e  fonorite  mnc 
tcticnt  pjreiÏÏe  rcfonancc  iZme^uix  fuir  (t  din^ 
fy  bes  ûuf  ttc0)quc  fa  beDuons  lugcr  petS:c  tcf 
fe  ^txtn  ÎJcfjTouB^  fce  tetfvee  p:c8trtc8:maw  <c 
fuyeuypfuefongqutfneappaifieitM  matiez 
te  ifdffojftque, 

<tiDufitepfu0  "iS  pctS  duffunfffayetcffc'îery 
tuûp:e6^:fomwiecrj  ^uytiefme  aufruncffoye 
que n5 comme  cri^uife  faqucffee/l  impofftéfc 
be  btffertict  a  fa  pzofatioTj  :  'îcu  que  fa  lono.» 
rite  nei^  frange  pointimaw  île  ce  parfetonc  cy 
aptt6w 

7B.Û 


CBe  {'xt  o.confotKittf  c« 

C^fnefetoit  point  Befoîng  he^cUpte  eequt 
fe^enfan«»  netgtiozent  cejl  quci:et:u.  fue  tou^ 
tee  'ïoieGfeô  faifan«  feô  pzemietcô  fetttee  be  ta 
fyffaôe  font  cortfonanf ce  c5mc  iufie  a6mtcur 
^ctttt/conuctfetitt)^^^  maifixe  piettc  ':f  a6zy 
ti:euue(u6'3cri(*3ufgarte)d<pt55gue  ex)  quof 
it  mft  pae  digne  deflre  vepiins» 

CBe  (inaetcfe- 
CjlouG  notctona  tVy  ûffjijbe  ^ifcetnct  fa  bip 
tÇonjucôe  n^biptÇongueq^^e  beuj)  "îoieffea 
natareBfemcrtt  fepateee  fc/ltainSent  et  loin/ 
jfnent  ci;  '^ne  fyffaôe  pat  finaerefe  ^eax)  te 
maiseex)  fepytap^e  Ô  Ôtjyipat.  i)ee5  cy  fc  tozp« 
be  fung  î)c  pfu6  gcntif^. 
e.'Jiterx)  te  6iex)  nai^ant  î»c  fu6tife  pocfie. 
C3tcMi.iDouf3it6uinff€tpat  atf  De  geotne^ 
ttie/ee/e9'?ec5oee«;poefie(igcometne  ne  f3t 
point  dipt^onguce  aino  font  natutcffement 
Ï>ytififfa6es  t  font  tfinfi  noeeeci;  "vne  paxta^ 
8icte  figure  ittuctee  feuffemct  pour  »iettte:fi/ 
iwcrefe  bon cque«  auttxement  appcffee  (Epif^ 
gutffop^e  cflquâS  heuK  "^oieffeenaturcffemêt 
(epareeo  fe  ferrent  ei;  ^ne  fyffaôf . 
C["©cî>iactefc. 


C.  floua  auoM'^V^eautUe  figure  dppoftte  pat 
faque(Fefabtpt^ongueefi  iefnoee  (t  partie  etji 
beuç>fyffa6e6i9eozgec^a/leiïmi;  axtf  cpyta^ 
p^ee  iè^ecto:  iEae  eflcljeutc  ci;  ferre  (t  poucri^i 
tute.C 'Jiti  te  maire  ei;  'ing ttaicte  be  cuptSo 
et  atropo0<p2Ît  \a  niepce  ei;  fee  biaô  "iic^ia  fxci 
8e(ter;pfufieur6auftte0fieu5):  Car  trente 
font  ei;  ce  trifyflfaôcauftremct  fa  mefurc  nef^ 
toit  point  oôferuee.  "Biaerefe  efl  \iiui\iot}  bu^ 
nefyffaÔeeçbcujpaffe^  "îfiteefiirtt  aufran^ 
coye  que  au  tatix)  ;C)uySe.jlîurtc  quoq;  te  f<tf^ 
uo  petfofiicnSa  mif()i.C3Btc  ^eiuexant  fu^oa 
eucfuiffe  bice.c;  ^tê  et;  fr^yfloite  be  faîct  ^u(* 
fta»;.piu8êter  modetâe  fottieiuiïuoexatn 
<Gx)quoy  iufïue  efi  trifyBfaee  cdme  pcrfofuen/ 
da  (i  euofuiffe  be  fiJnq.jjay  icy  parfc  befSictee 
figurée  affii;  que  fee  ignoiane  fe  boy6ucf  gat 
Ser  be  conocpner  cequif  nenfenSent  pae  (t  tii^ 
teffee  ot;  ^oiét  ^fer  fo6îe»tict:  car  effee  furent 
pour  necefTite  be  raefure  inuéteee.  pour  coni 
fuyuir  noftre  pzopoe  encômence  ex)  nofÇre  fan* 
gueiSufgaire  feô*5oic6fe6  fentteaymct  teffee 
met  9  troie  nerfueee  natuxeftement  cnfem6fi 
font  feuBfctnct  Î3ne  fyffaBe  faqueffe  cÇofe  n«fe 
fatct  point  au  tatix)  comme. 
Uou  2toi^  faouffec 

^ay'Sefeail  ^^angeaf  iutteai 


(Ban  J^eaunouueavt 

(go<  7B  ourgeoiG  fiegcote 

■Jiei  iDieittarS 

3eu*5ef  ^eWBiiiitieulitit 

:i>ei  iDoeitoeit 

;©«»  ^ocur  foeur  oeuirte 

^ue  Coucffe/miroucro  comme  cfctip«» 

(^uent  autcunô» 
ou^^etoui  ^u^l>eita/iouiSor) 

{^TBioniiïox), 
<r3«  r)ié7)eudt  natureffemct  nerfacee  a  eau/ 
fe  a  par  finaerefe  troie^oicefee  fe  fettct  en\^ne 
fyefaôe  qui  be  feut  nature  font  ^eu^o  fy!la6eô 
-Jean  fe  mairc.^Bffe 'va'îcoir  frt  noWe  germai 
ne.<f3tcci;  fepitap$ebe6itT»pat.  par  jfoytî 
fu»5  fuy  puie  fcffcuoict  au^  cicuf j>  foient  pfet.^ 
WC5  ia  pieca  ne  teut  oij-O^t  mefî aSuiô  fc  J fl"| 
eftoict  ^{mpt^  ei;  quoy  ftoié  'ïoicttce  fôtCnô 
poît  naturcefemct)mai6  par  figure  troyefyt^ 
fa6ec.€)i;'ïfc  ferfi6fa6fenict  icy  be  ^iaexeie  e»; 
bccopp«tfefÔ  ttoiô*2oicffe«5ei;bcu5)  fi  cj)c  qfct; 
fauft  "Yfer  fo6:cmct.C["Bc4fcttre6et;  partira 
fier  etpmicrcmct  be  c/f:/(t/qu.  Cpour  bcfccn 
S:e  au»  fetttee  pticuficrcmct  no^  bc6u36cntc 
8ze  ^  fee  gtec^  ont  ^ne  fettre  hicte  cappa  pour 
td^ffc  no9au5a</f:/(iqu/fef^8fe6  f  roie  beuat  af 
ont  Mitant  au  iatix}  c3me  ci?  no^tc  iôernacufç 


ont  ff  »tt6f(i6ee  fonon'f  c  car  (at^ctinc/  cZment/ 
'  <uticuç>/fç  .pfcrct  et  tcfonct  fSme  fy  arj  c/mi" 
puoit  f:4t5'an«c/fi5«ict/f:u«:cu«p/ou  quatÇtiïï 
ne/qu5mct  quuri'cujp  ncSrmoino  if  fc  faufî  ô5 
net  ôe  gar8c/î)efcrip:c  iônc  fctirc  po*  tauttc  ïz 
et  qu.fuo  c/ct  V  0"*  fcm6f<i6fc  >fatiOT)  et  tefoi* 
jiâce  fût  qfîion  tcfonnc  f5me  fy  or)  crcctpuoit 
f:c/ti5 f:y«'c  c$e  fy  ot;  cfctiuOii  nuy:ù'.  (i)at<îc 
îieuât  re|8Kfeôl>cuç  "ïo^cffcG  c^age  ï)c  fono;ii« 
te  fluff  remet  'So'  ne  f  touucric^  pott  ï)e  bifco:i 
èe  entre  citer,  jfluitet.cntïe  ^rimomc  ctcet^i« 
ïnonie.f:/ne  fe  ofe  f roauer  au;?  ftrtcoyo  fmo^ 
cr)  nom6  fo:amé  et  6ar5are6. 
CB?6  '^OfflÔfee  tctmme3  eij  ique» 
C  ji2ou6  noterono  ûy  que  qu/Du  fatit;  fe  <5uet 
tu  auffuncffoy^ei?  f/cojnmebc  quinq^  dnqf 
aufcuneffop  que  f/e»;  qu/commct  î)e  rortuo;» 
rare  conuoquer.bont  r.ouo  fuBfinuerottô  que 
Ceo  nômô  frt  tine  ci?  icuetranfmue^  au  fr^coyé 
cr)iquc(i  rSme  ï>c  artjfeftcue  angetiquc^iç  î)oy^ 
0uent  cfaipîc  (ans  intctpofet.c.cntte»ùct.qi 
car  attcrtSu que  c  cfl  mue  CTjqu. 
C3i  fenfuyt  que  c  ^^cuant qu  e|l fu^jffu  poùt 
quoyor)Cfcript  mat  magnifique  mi^iqHC.;tcL 
))ec  (• 

C"Be  encc/cnfe/tiot)/fioi?/cti!oii« 
»ioiietfcm6fa6fe<9i. 
i  ^  "  J5.«i; 

8c  wttwcrf  «re.^i  fc  ^Qfa0fc  cfl  ^ctSno^  paf^ 
ferons  au  p:eterit  cqmmz  mottop  pcSoye  iScf 
ccnSoiêt  (t  fc6fa6fee  l>emon|lrent  q*f  fauft  cf* 
(tipzc  moz5  pen8ï>efccn8.(ic.pî).  ^itcft  n5  ou 
participe  ou  feminit)  corne  fourS  fourSe  (tuâS 
tru58e/fupera6un6ât  fupera6a85te.*©ef  et  g 
C  ^5me  fcô  auf  ttce  c^ione&  tctient  fa  pec  uftc^ 
te  fonotite  fiffnatnment  ôeffue  aoc<f,  uKat  f^ 
c  ^ i rcfonc corne  i  c5fonâte.â>i  ^d(que6nou« 
intcrpofone  e  entre  fefSicteç  tr  oi©  iSoiffee  t^â* 
gc  et  mue  fa  fono:ite  c5me  gcozge  tefonc  auf^ 
f  rement  îj  gozgea  raifoi;  be  e  tntetpofc.  2linfi 
pfufieute  n5  congnoiffant?  ccfic  immitatior) 
ï)cfaiffenf  e  ouif  aff  icrf  ex)  efcripuat  €^ansay/ 
0ourgeoyô  in^eant  et  cetera. 
Cl€>uftrccegî>cuâtnc5fonâte  ex)  ^nc  mcf/ 
tne  fyffa6e  fait  Beguer  (t  pfoier  fa  fanguc  corn 
me  6o:gnc  Ôcfortgne/efpargnc  et  fcm6fa6fe«ï 
mof^nndt  q(i  ne  Ï»cfcc8ent  pae  î)u  fatit;  ayant 
gnfequcfot;  pzofere  cÇmunement  (ana  pfoier 
fa  tangue  (Zme  maQnifiqm  régnât  î)igne.(ic. 
€E"Be  f  •  c::Ce6  'îocaôfee  ter  mine3  ex}  iuc 
befcen8ant3  î»u  îatix)  (Wex)  quif^  ayent  fe  ma\ 
cufir)  au  franc 6oye  ci?  if:fy  efl"e  qf  teiettit  fau 
fcmim'tj  c5mc  apeOfatif  appfatiuc  :  mai&  quât 
it  ne  proffucnt  point  bu  fattt?  if referuertt  fau 
jfcminit?  c3mc  Çatif  Çatif  uc  (t  femÔfaWcô. 


C.!Outttc  ptmïinfs ( a  ^(qm  îtcPfigëce  aace 
t  et  l'if  e/l  neceffite  pour  6onm  oztJjograp^ic 
be  retourner  aufatit;  touchât  feebictiSôtermi 
nee6ex}çi%ceouenfc  car  pour  ôiet^efcriprc  ptu 
Sencecfemence(ifem6fa6fe6  no^  tetournSdd 
pzuSctiacfv'mêfiaoutfe  mueetjc31îert)  nouô 
c3gnoiff36  qf  fauft  efcripre  o^êfc  immcfc.(ic* 
par  fa  caufe  (jf^befccSct  î>e  offcfa  mcfuefcèfd 
6femct  refponfe  a  caufe  î)e  re|p5fti:a  foppofite 
flnniice/benilce/reniîcea  raifj  î)e  axinûcio.^ic» 
jîlou&  (on^noifjoneau^f  que  î)e6uon6  cfcrip 
re  p î>ou6fe ff  pa]Jid  :pfefft6  poljclfioi?  p palJTio 
fife\fio.;ic.au  coxittaite  p8itioi;/in^ièitiot?/  in 
uttiox}  p  t^(Blptta<tiox}  î>ifectiot?  p  et.  "jlnffu* 
yiJanncjPTOTj  p  $>.  <Bt  generaffemct  pour  o6<» 
feruer  6onne  efcripture  if  conuict  rjpcoutir  au 
(atix)  ii  fee  dictions  Ï)cfcen8ent  birectement  bw 
Sictfatit?  "Bebett. 

CUttenSu  auffy  fibct  t  ex)  (afix)  ^u  ^otaSU 
ox\t  queîque  pzoc^aine  refînance  nou6  regar^ 
Serone  pour  6ien  bifcerner  be  fefc  ripture  fif  bef 
eenSduBif^ocake ^fque  benominatif  feqf  6z< 
fera  tout  fe  biffctct  comme  if  fauft  cfcripze  c5 
coz5  nozmanS/picarS/'îerS  (t  femBfabfee  pat  b 
ainfy  ^  fee  heniominatify  tdcotde  nozmandie/ 
picat8ie/*5erSure  exi^ei^nent  au  coxittaite  fott , 
couuett.(tc.par  t  araiforjlbcouuerfurc/foztitu 


CI?  Ç*  ô  f  <îf  <itt  f<if  t*!?  <îac  rttt  f  .âcdys  afpi're 
^utcG  ^oicOCee  (t  ^ne  feutTc  cSfonâte  qui  cfc  c: 
içat  feo  *?ocaOfe6  «et cnât3  p^/tij/et  i^/  ne^otxt 
point  pute  Catine.nc  frâcoye  maie  tfe^tenoent 
bu  grec.(23ntrc  fcf^ffee  ^  ne  afpire  point  feutre 
wientp:maieiainfifuyfaicf  c^angct  amoîit/f- 
muer  (a  pzopzc  refomrncc  auftremct  if  nyau,^ 
ioit  poixxt  be  biff:rccc  entre  fa  ;pfatiorj  be  p0a 
îificr)  et  parifie!;."©aBantaigc  en  no/lre  fan^ 
{^ue  borne fticquef)  retient  ccfle  me^me  *vertu 
ftit  c  et  fait  amofir  (t  aSoufccr  fa  raifonûce  (a* 
îjùeffe  cijofe  if  ne  fait  point  au  tatixj  c3mc  be,» 
tnonf{recf)arita6et  cparite:cat  comme  nou^s 
ifluono  bit  bcffusic  beuîit  a/o/e  u  fy  piofete  io* 
me  fi  ox)  efcripuoit  qw  au  ftcu  be  c  maie  fy  no^ 
içrfpif 5g  c beuât  fef6  troie  "îoicffcG/  fafpiratiot; 
(f^âgc  et  moCifie  fa  ;pfatior?  corne  cofcr  efl  pfue 
fctir  que  c^ofcr.(3t  ninfinoue  congnoillonc a 
^a  p:ofattot?quan8oi?  boi6t  afpircr  c  oun5c5<« 
me  a  pzoferrr  cat^erme/  captm»te/  cSpaignot? 
^facoi;  gafcoi?  curie wç>  et  fcm6f<i6fe6.  on  eon^ 
i$no\tque  c  ne  fc  afpirc  point  a  foppofite  if  efî 
iàfptfcei?c^anoynecf5artot;  cÇofc  c|)ar6onnict 
ct.femBfaéfee  pourquoyifc/lcui8ct  que  01?  cf^ 
f  rtproif  maîiane  ^  frâc^oio/  fat{)Ox)i  (ec^or}/e( 
iêStaSdù  car  fane  ^  oi?  ,pfcrcroit  f r3quoi6.(if . 
lôoueeçccptcreîfee  ^otaSteo  bcfcenSanebu 


^-" 


jftc(  tommt  (ÇatSec/c^ananee  r  Çofcte  ^cUCuet 
^tauoit  f  feë  depenSdne  fy  ot^  i5eu(t  efcctpze  ^ 
^u^uiv.^acouftumc  trcfuftïee tieantmoind  ie 
flinic  (ff  é  6çfoîff  fef  S^zayc  o:t^ogtdpÇtc  bc  in 
tetpofete>cat  noitô  ef(r(pu9e<jupzefêt  tufce^: 
t(fcetfequcfe2»e6uon6  9<it8et^touCet;  efcti> 
uantnouefreauoneiSouefceaue?  if  fceauen^ 
pat  feqncffcepfcarSîcfctipucnt  if  fceuent. 
^n  doSouf^e  lionquee  c  beudnf  fefSifctee  trot^ 
^oieffeea  o  u  et^  iterpofSt  «  (9e  cea  pout  fequef 
ot^efrtipt  mafcd/c^cetceant  cçcerceott.pfKfi 
cutdfenforcct^uuer  ^  ouott  au  (atii}^ettuhe 
(Sfonâte  mate  toute  feut  btgfadkitif^  e^  foufle 
;iuc  et  6hfce  pat  fe  Boucftcc  ôe  réfute.  3f  efl 
2)onque0  faufueé  toutes  feuté  6onne6  tatfone 
au  tatix)  feufement  a\pitatior)  maMmoh  tf  a 
au  ftant^ofô  ^ettw  ftet onfonan(e/ef  efl  pute 
(onfonnânte  ^at  e  femifniT^  deuât  ^  pute  afpi 
tatiox)  eft f oufioute fytwEoep^e  adiume  (i  nn^ 
gfouty  et  ce  e(i  mouffcomwiutj:  mete  fotte  cxf 
^e6  fantafiee.Tpytcmittcmct  pfatftt  de^f^  ^9^ 
meiouif  ÏJeuantfee^eufç»  fe  fage  ^3me  fuuft 
mettteet  tfuffteeîftm'eee^empfee  ^aiequdt 
^v9^om tomme cr)^avdf'.  ^af  ^o6ir}i}.iem6(a^ 
6U6  nenSute  iamaie  que  e  feminix)  fott  <i6fu/ 
ittc  'Je^ax)  fe  m<Jite  ei;  fepiflteîïe  (amant  '^etS 
Ztont  fe  ^duft  (ueur  2>e  'i^^iy  <imout  put  Jute. 


£iuc  Çdy  foye  (i  que  fcu/ïte  ttie^oyc  fot?  maU 
^teÇauft  p:mceî)c  portu^af  t5t  ce  ^0'3it;  «t<t^ 
f^euf euç  ^  nirtufSit  31tc»D  mete  fotte  ci;  fee  fa 
tafiee^e  crieôflufttuf  faisant  mainte  ^aten* 
^ue.  <Br)  ïtemonfttant  Giae  tuoit  face  ^arSi'c 
er)quof^ap(einexe\onance  cÉfonne  auec  (et 
<èoieiieafantfoiteet'r)ettu^e(on{one  et  efi 
^lafefonionante  maiediup  duftteeefl  feufe 
mentaipitat\or}(at^omme^otxi6(e  Çcfae  ne 
tefoncrtt  noi?  pfue  que  fy  Ç  e(îoiÉ  bcfa^lTc 

•Betîcuûtitf» 
3ï)emint  (fina(vemp(oicau((uncmH  (a  pro 
fattot;  moicnnant  que  feSit  i  foif  tifcoupfe  pat 
biptongue  rtucc  qucfîj  fluftte  iSoiefïe  ou  iJeuj» 
cowimet«etrttffonfeif/feif  faqucfTc  cÇofe  if  ne 
faict  poît  fcufcf  frtortuftte  iSoîcffc  tomme  fet 
tW'it\(/'i\t\(  iu6ti(.(^c.^}aiQ'i'^i^ant  bûu6fe 
ff  foit  feuf  ou  ioinct  pat  ôip^t^onaue  faictÇavi 
;pfctet)pfoiet.cf  Oct^t  (a  iâgue  (Oe  tvaueinef 
bataiHe/sifte/efitiiie  moiennant  ^  (a  ^ktiox) 
ne  DefcenSe  point  î>u  (atix)  afant  ï)ou6fc  (iicat 
foî6  ra  p:ofatioi?  efh  tnoUte  comme  et}  î)tfîifiFe 
^iffeetfcm6faÔfc6.jîîou6  cfmpuone  ôonc^a 
fiffe  pdt ôou6fcff  rt crtufeque  f<x piofatiot?  frti^ 
6ecquet  ta  fanguc  comôiet;  qmf ôefcenSe  ïe  fi 
fiafcqucftift'mpfef. 
■j9e«  i5ocrt0fea  («tmine^  «^  effe  ^  ef.îto^  TOfd 


6fe6  he^cenS^t^  ^eê  nome  tetmme;  ct^  rfu«  ou 
etie  et  bee  *5ct0e6  ex)  e(o  ont  fimpfe  f  comme  ft 
8efe/5efe/teuefe  ^louônufÉtee  ont  ï>o»6fe  ff  c3 
me  fupctneffe  fempitetncffe/natwteffe  com6it 
quirdefcendede  notutâfte. 

"Beetetmincîei; 

afeoetaffïe. 
tSou6^0M6fee  proffudnt^  Ôitetfemcnf  ÎJufa 
tti;  aiflnt  a  fus  f/ont  fimpte  f  romme  icandale 
i;egafe:impetiafe:6:uiafe  toue  nufttee  ont  Dou 
6feff.  "Beto. 

'Jlamaie  ox)  rtcî>oi6t  cfrttpzep  enttc  m  (in  po- 
quof  on  efctipt  mat  Ôampne  cat  i(  faute  efctip 
te}>amne  ç onSemne  pat  e  non  pat  a  ian«  p. 

"©et 
3i\  fimpfe  foit  au  commicement  au  myfieu  ou 
ex}  (a  fiç  a  toufioutefoitc  tcfonâcc  fy  cffe  nejjt 
point  ent  fofe  entte  ï)eu(^  ^oiffce  entre  fcfqucf^ 
fea  a  foç  foiôfe  et  petit  cime  i)tff€tenteî)itimc. 
■©ef. 

CS  fimpfe eiittedeuç  Coiffée  a  fafonozi<> 
te  ^e  j  gouttant  if  fe  fauft  bonnet  gatSe  îicf<> 
rtip:e  fimpfe  f  pout  ÔOHÔfe  ^fct  au  cotittuitc: 
iZme  poijiop  pout  poifot;  couflfii;  pout  coufîc^ 
retoutnât  pout  o6fctuct09nc  o:t|)ograp^iea 
to^fati$pfatiffeno'?ffnoifl$6faî)iffctccc  c5 

fi,.i\i. 


me  eoatîfcotfe  feft  rip(  pat  fimpfe  f  an  jfotffe  ç 
î>ou6feetm'nff  beeaufttce  3}afovt  l>oncque<i 
fontî>euçï»iction6:i5oite  quanS  it  ne  betiue 
point  ï)e  Jafe^  ou  Ja^et  tetme  nouueau, 
€.3tett)  f fefctipÉ  ex)  (a  pzemiete  (i  fecunSe  pet 
fonneîJupzetetitpatfcjict  î>e  (indicatif  cime 
aimaimeo  (jymafîeefcifmce  feiftee  et  aîfy  ï)eô 
nufttee^ctôce.  S>em6ffl6femct  au^  bictiSe 
te  nomùte  comme  bcujJ^i^fme  ttoi3iefme.(i.c. 
cjjf fctoit  auffi Box)  ï>e  fefctipze  ex)  (a tietce p 
fone  firtffufiete  Hudict  pzetetit  pout  metttedif 
fetenteafrttictccpetfonneDu  pzcfent  comme 
Wfi  te  î>içtt  fifî  Ôc  fegtt  (t  fem6fa6fe6. 

a  TEi  teuant  ^ne  'îoicCfe  tefone  ci  comme  pet 
Sitior;  becfatatioij.fi  pou  5)  ne(i  fue  t  c5e  que/ 
^iox)  cJmjPitioi;  ou  fe(ox)  autcux)  commifiiox): 
ou  fi  tatictiox)  ne  pzoffue  ïiu «tcc  mat^iaa  ma 
t^ieu  cat  fozet  a  fd  pzopzetefonance 

"Be^. 
a^ommunemêt  fee  '3oca6fe6  Î)et<u2t5  bitef* 
tcment  bu  fatii;<jy<tnf  fe:auff anchois  f  tetict 
fot?  fi6if comme  cocfefle/ttifle  tette/ïte  mani^ 
JFe^e  et  cetet .excepte  tempefîe  beflttiite  mon* 
fitet  auec  peu  bauftte  que  te  paflTe. 
<t/iote5bitectemertt  cat  fif^  tefcenBent  inSi* 
tectement  f  nefi  point  owye  comme  ex)  mainte 


ttoifitcapofhe  $cfte  cat  or)^itoit  ^iudement 
maifite/ttaufttt/apoftote/defic  iSùrj  pouxxoit 
ifcf  Uitc  que  mma/lee  et  fcmBEaÔfce  'tiennent 
btwctcmcnt  bu  ftftit;  î>e  amoflte  3îcï)w  î^noi? 
rac  ncud  ïïtfone  xc^uXicxtmtnt  amamfUe  et 
patfiQuxfama(ii6. 

Uoutee  aufttce  bfcfionecfcn'ptce  pdtjî  e  f be 
uant  e<T  fe  fotj  moît  j  («me  fiBif  comme  tcflc/ 
a8morte^cnquc(lc^afitf/6aflot7pfli/tcc/naû 
fltc.(tf.<S5>«Ptcpo|lc6a/liffoj?cf  tefîot;  fcfot; 
facouflumcîm  ^outS^ufauec  peu  danftreo. 

C/Lomairtj  que  £ttiU\Uax}  ^ie  o  (t  u  c/ltc  funçf 
pour  fauftre  immue  ff  (\feque  ie  m^  lufquce 
wf  trouuc  gtflmmetiei;  îs^fc  ctnant  fa  piofdtiS 
Î)c6  55o(a6fe6  fatîe  nyât?  u:dufqucfîi  t\)  Sa  mcf 
wcfiffagc  m  ou  tt  fuyucf  continueffcmcf  (3«» 
quoy  noue  ofonc-lieio^ta  communt  ptotati^') 
u  auoix  (a  fonotitc  î)c  o  comme  mun8u6/(ccu# 
fo:u»t)/fcffat/'5ngo/cf  fous  duftree  fy  nox)  (à* 
cf  tt6/puncÉu6bcfuncf  U6  flmntmoine  fce  bic/ 
(iotte  putc0  gaîïicance  <it<int5  u  ï)euâÉ  h  ou  m 
tefecuent  cf  profèrent  unot;  point  o  c5mc  6iû 
^ctSuî?  aufcuTj.fc.  jfiafott  bonquee  que  et;  fud« 
ri6un8ef(icun8e/fecun8e/mun8e/qucfcunque 
pzofun5e  (ici^femefdBfee  betiuanf^u  att  fo^ 
noiiU  U  0  ff  fauft  if cfctipjr  pour  o&fetuet  65 

^.iii. 


m  o^tÇojftâpÇieu  nonoi^ât  quefconqne  tou^ 
^ume> jDoue  auon6  monfhe  beuant  que  ^  efi 
maintenant  '^oieiïe/ maintenant  confonante 
et  que  aufcuneff oie  pec8  non)  be  bouffe  (ibe  c5 
fonante  d  quo^  (^a\(ur)  fe  confent/mme  auf^ 
tune  ^fent  que  fore  pctS  nd  be fettre  ;^z  pour 
&ier^  enten5:e  et  iugct  bc  ie(i  dffdire  noue  pzd 
Serons  ceflc  mettre  gafficanc.jÊong'efcfoi;  fot; 
oîÇrefc  ^uitiefme.tB»?  faqucfife  fi  u  ncfloit  polt 
fettre  eneceffairement  fe  rtBfumeroit  e\)tant 
que^  eij)Çuitiefmee/lputc  nfptratiot;  comme 
afpiCdttot?  ne  empefc^e  point  fa  fynafep^e  pat; 
pfuefozteraiforj  iiineftpoint  fetttenc fempe 
fr^era  point. ;€)uftre  fif  e(loit 'S oicEfee  femôfdi 
6fement  fe  aBfumctmt.et  fif  eftoit  con\onan* 
te  oj;  pzofereroit  ^uitiefme  comme  fi  01;  cfcri* 
uoit  *?itiefme  if  ne  per 8  point  ^onquee  non)  be 
fcttreret  cjircomme if  e^'î>it  beffue)ftqui8e. 
ibinou<kt>e\iton6fon^no\fite  quand  u  apzee 
jiperS  nom  bc  confonâfe  et  bc  ^oieHe/ou  quâS 
çVfc  cfi^oteffenouenou0retirerone  a  ta  tit^ 
}^me  et}  (a  quefifc  fi  c  feminii;  fa6fume  if  c^'vo*» 
^effcèinoi^if  nefl^oieBfenepfoHdnte  maie 
\c  pourrone  nommer  fiquiSc» 

CBe.^. 
j^oue  efcriuone  fa  ftr)  be  tii(tion«  et)  cw^/cuf||) 
oûçj/oufj)/iiuç>  et  aufç/par  ç  nox)  point  par .5, 


fC"©^  f  îfrec«  C  floue  efctiuono  cott^uhii^ii 
remet  vgrcc  et;  fa  fit/  b«  (a^ictio^  comme  xof 
«fmof/feraf/amf/icf  .fc.igC  aujfiet?  fa  l>icti 
ot)  \>e\ccndant  l>u  grec  ayant  y  grec  comme  ^f 
pocrite  et;  fa  pzemiece  fyOfa0c/aeyfme/6aayf^> 
nc/tyrant  be  tjtannun  et  femBfafifee. 
C©e.e,et.3.  CiDocaÔfce ayane  &/c/b/f/f/(t 
t.air  finguficr  ont/5/<Jp«6  fef&ictee  con^onan 
teeaupfurier.iEeetcrmine^  ei?/g/m/n/p/r/3t 
au  pfurier  e.;i!Doefcript  par  cou(iume  feeçti<« 
cipee  et  n$e  ter  mine?  et;  ant  ou  ent/  au  pfur  i  »; 
er  par  e.muant  t  et)  e  comme  ncgfigcnf /negfi; 
gctt6.3îay  meroye  mieufç»  a8iouter  e  opzee  t:(X 
cfcripze  ncgfigcntî  ^aiftant^  <f-  «infy  bee  auf^ 
tree.^uftte  ce  tout  ^ocaBfe  termine  et;  c  fe^ 
minitj  ayant  fi6if  retient  efinafe  cSebiutnee/ 
^aiffa6fce/0ourgeoifeo/bifco:8ee^mcffee/63 
nee/buree  et  fc6fa6feG/au  ptraire  fe  mafcufirt 
a  s/comme  bcif evirritevpif«pite5.(tc.  )^qu& 
diionebecfaircbelfu6quâ8*vng  terme efl  ma 
fcufii?oufcminii?.3!c  pozroye  icy  a^em0fcr 
pfufieure biftione  a  fefcripf ute  befqneilce  or) 
iSoit  feurbiffctêcc  comme  ^ij^  bebeceni/biebe 
^ico/^ict^^e  bicto/jEefquf  ffeeie  faiflTc  auç»  bif^ 
Kfcnt^fcctcurei 


C.&  poux  fafii;nou6be6u36  ^ongneu^emil 
retourner  autatix) et  regar8er  parfaictemcnt 
fozt^ograpÇie  fatine  pour  noue  reigfer  et;  no* 
flre  efcripturc  franc^oifc  noua^ommee  fouuêt 
adufe^par  faufte  be  ce  comme  pat  faufte  ^e  ti 
ter  au  (atir)  noue  efcriu3e/cffripze/efcripuoit. 
çtc.par  p  com6ic  que  (atir)  fcriBere  fcri0e6at  na 
point  ife  p,ain^i  or)  efi^eceuptl poux  cau\e  que 
cfcript  fequef  '^ient  be  fcriptue  fefcxit  pat  piet 
ainfi  bce  auf  tree  fefJjf?  ie  pafje  pour  0zief  uete« 

«tîtuj)  fecteure. 
CL jQoueauone Bening^ (ecteuta  entame cefie 
tnatiete  nox)  point  que  penfone  auoir  fatiffait 
ou  pour  fatiffaite  maie  nofite  intitior)  efi  ptU 
cipaOfemêt  be  animer  et  aygrir  fee  en^ine  bee 
gctif5  facteure  (t  ^zaye  ^efateure  tte  nofite  ta 
gue  franc^oife  pour  rencontrer  fdg  fantre  au 
paflTctempebeboufceet  amiadte  concettatior) 
e^quepar  teffccoffifiot^if;  'viennent  efctatcit 
et  nettoyer  farouiffure/fee  fauttee/et  oôfcut* 
te?  gran8emct  noixciee/coitompuee/et  petxtet 
tiee  pat  (ce  fautfee  efcripturce/et  aujji  pour  (a 
teftituet  ex)  forj  ?)onnèut  a  ta  çtoite  et  e-çaita* 
tiox)  be  toue  ftanc^oie»  Cfinie  • 

Comprime  a  parie  pour  jfie^â  faît  ^enia 
fi0zaire  ïiemout<it  a  parie  et;  fa  rue  neufue 
nofkxe  bame  d  fenfeigne  {ainct  fiicotae. 


5'^"^ 


NOTE  SUR  LE  SOMMAIRE 
DU  DE  CLEMENTIA 


Sén.  De  CJem.  III,  i.  Nunc  in  très  partes  omnem  hanc 
materiam  dividam.  Prima  erit  "j-  mannmissionis  ;  secunda,  quae 
naturam  clementiae  habitumque  demonstret...  ;  tertio  loco 
quaeremus,  quomodo  ad  hanc  virtutem  perducatur  animus, 
quomodo  confirmet  eam  et  usu  suam  faciat. 

Ainsi  est  distribuée  dans  ce  sommaire  un  peu  tardif  (cap. 
'III),  la  matière  des  trois  livres  du  traité  sur  la  Clémence.  Au 
premier,  nous  le  savons  par  le  contenu  lui-même,  l'auteur 
s'étend  sur  la  mansuétude  en  général,  la  beauté  et  la  grandeur 
de  cette  vertu,  l'utilité  qu'elle  a  pour  le  prince.  Le  deuxième, 
nous  le  voyons  par  le  fragment  qui  nous  en  reste  et  par  le  som- 
maire, définissait  la  clémence  et  nous  apprenait  à  la  distinguer 
de  certains  défauts  qui  lui  peuvent  ressembler,  comme  de  plu- 
sieurs vertus,  séparées  d'elle  par  des  nuances  (misericordia, 
venia).  La  troisième  partie  nous  découvrait  les  moyens  d'acqué- 
rir cette  qualité,  de  la  conserver  et  de  la  développer  en  nous. 

Le  titre  de  la  première  partie,  «  manumissionis  »,  est  une 
énigme  '. 

I 

Les  corrections  qui  ont  été  proposées  depuis  la  Renaissance, 

sont  toutes  ingénieuses,  mais  probablement  toutes  à  écarter. 

Celle  de  Juste  Lipse  mamiductionis  ^  ne  soutient  pas  l'examen. 

1.  Cf.  Schanz  :  Rom.  IJlt.  (Iwan  MuUer),  11^  1899,  §  464  sqq  ,  p.  306, 
sqq.  ;  Prima  erit  manumissionis  (leider  noch  uicht  geheilt). 

2.  Mamiductionis  olimvolui,  quod  esset  /sipaYojyîa:,  dijcL^oi^r];,  praepara- 
tionis  et  inductionis,  sed  nec  omniuo  placet .  Prima  sane  pars  est  in  com- 


570  F.    PRECHAC 

Le  mot  signifie  livre  d'introduction,  chapitres  préparatoires  :  ce 
titre  convient  évidemment  au  premier  livre  du  de  Clementia 
mais  n'offre,  en  somme,  qu'un  sens  assez  plat  et  inutile. 
De  plus  il  est  emprunté  au  latin  de  Juste  Lipse,  qui  ne  se 
recommande  point  par  une  grande  pureté'!  L'auteur  finit 
d'ailleurs  par  renoncer  à  sa  conjecture^  et  par  admettre  qu'il  y 
a  ici  une  lacune. 

Le  texte  de  Gronov  (cité  par  Fickert),  mappa  enùssionis 
ou  coniDiissiotiis,  n'a  qu'un  intérêt  paléographique. 

L'hypothèse  de  Madvig  (Mamis  injcctionis),  est,  certes,  fort 
éloignée  de  la  platitude  :  il  veut  dire  que  Sénèque,  dans  la 
première  partie,  met  la  main  sur  Néron  et  tâche  de  le  «tenir». 
Cette  expression  métaphorique  est  empruntée  à  l'écrivain  lui- 
même  (De  const.  sap.,  5,  7).  Malheureusement,  elle  est  trop 
recherchée,  un  peu  maladroite  ici,  et  elle  n'a  pas  une  grande 
vraisemblance  paléographique. 

Mansmfactionis  (Gertz)  est  joli  :  Sénèque  se  proposerait 
d'apprivoiser  Néron.  Mais  ce  serait  un  sommaire  un  peu 
trop  malicieux  peut-être  ;  et,  de  plus,  nous  sommes  trop  loin 
des  manuscrits. 

J.  MùUer  a  corrigé  en  monitionis  :  ce  mot  convient  à  l'idée 
du  livre  I  ;  mais  outre  qu'il  est  vague  et  assez  plat,  il  n'a  point 
une  grande  vraisemblance  paléographique. 

Très  ingénieuse  est  l'hypothèse  de  M.  Emile  Thomas  :  /w 
animi  remissi  bonis.  La  mansuétude,  l'humanité  sont  rendues 
quelquefois  par  l'expression  remissio  animi  \  De  plus,  les 
quatre  mots  proposés,  moyennant  omission  mécanique  (aniw/ 
<Cvemi^)  et  bévue  in  =  m  font  un  ensemble  de  lettres  qui 

mendanda  clementia,  necessitate  et  fructu  ejus  ostendendo  :  quod  facit  hoc 
libro  I.  Itaque  ego  non  corruptelam  soliim,  sed  defectum  arbitrer,  nec  una 
voce  totum  hoc  expressum. 

1.  Cf.  dans  les  opéra  de  J.  Lipse  (Lyon,  161 3),  t.  I,  p.  742  :  trois  livres 
vmtmductionis  ad  stoicam  Philosophiam. 

2.  M.  Dorison  la  reprend. 

3.  Cf.  Cic.  ad  fam.  V,  2,  9:  Cognosce  nunc  humanitatem  meam,  si 
humanitasappellandast  in  acerbissima  injuria  remissio  animi  ac  dissolutio. 


LE   SOMMAIRE    DU    DE  CLEMENTIA  ^JI 

rend  compte,  dans  une  certaine  mesure,  du  texte  :  manuHiis- 
sîonis.  Mais  les  dernières  syllabes  (/'onis)  n'ont  qu'une  res- 
semblance assc:(^  lointaine  avec  la  leçon  du  manuscrit  ;  et  la 
tournure  ///...  bonis,  un  peu  compliquée,  ne  convient  pas 
précisément  à  un  sommaire.  Enfin  la  finale  onis  fournit  un 
génitif  qui  est  ici  fort  correct  '  et  qu'une  méthode  rigoureuse 
doit  peut-être  essayer  d'utiliser. 

De  l'examen  de  ces  diverses  tentatives  nous  pouvons  dégager 
la  méthode  h  suivre  :  gardons,  si  nous  le  pouvons,  le  génitif  : 
si  les  noms  communs  ne  fournissent  décidément  pas  la  solu- 
tion, peut-être  un  nom  propre  la  fournirait-il.  Quelle  que 
soit  la  nature  du  mot,  il  devra  résumer  le  premier  livre.  II  se 
peut  d'ailleurs  qu'il  y  ait.  plus  d'un  mot,  qu'on  ait,  par 
exemple,  un  superlatif  en  issimi  et  un  génitif  de  nom  en  onis. 


II 


De  quoi  est-il  question  dans  ce  livre  ?  Nous  pouvons 
le  savoir,  malgré  les  sinuosités  de  la  pensée  du  philosophe, 
et  les  digressions  perpétuelles.  Certes  il  est  question  de  clé- 
mence, de  mansuétude,  d'humanité. 

C'est  là,  dit  Sénèque,  la  vertu  qui  convient  le  mieux  à 
l'homme-,  et  surtout  au  prince  ',  elle  le  fait  rayonner  comme 
un  astre  bienfaisant  et  pur  ^.  Le  peuple,  aimant  le  monarque, 
aime  sa  propre  conservation  5  ;  il  faut  une  tête  à  l'État  ^  :  la 

1.  Cf.  Cic.  de  orat.  2,  7:  ars  est  cariim  rermii,  quae  sciuutur  (cité  par 
Madwig  :  gr.  lat.,  §283  n.).  De  fin.  1,  22,  in  altéra  philosophiae  parte  quas  est 
qiiaerendi  ac  disserendi,  cité  par  Riemann,  Synt.  lat.  —  De  fin.  V.  29  :  sed 
est  forma  ejus  disciplinae  (peripateticorum),  sicut  fere  ceterarum  triplex. 
Una  pars  est  nalurx,  disserendi  altéra,  vivendi  tertia.  Dans  ces  trois 
exemples  le  génitif  accompagné  de  esse  signifie  à  peu  près  :  s'applique  à..  .,a 
pour  objet,  roule  sur. 

2.  m,  2. 

3.  m,  5. 

4.  ni,  5. 

s-  IV,  I. 

6.  IV,  3  (/î«). 


572  F.    PRECHAC 

République  est  le  corps  de  César;  lorsqu'il  épargne  autrui, 
dans  sa  clémence,  c'est  lui-même  qu'il  épargne'.  Cette  vertu 
est  d'autant  plus  glorieuse  aux  souverains  qu'elle  se  déploie 
sur  plus  de  malheureux  -,  qu'elle  est  plus  en  vue  >,  et  qu'elle 
est  plus  rare  en  ce  degré  d'élévation  ■♦.  N'est-ce  pas  le  propre 
d'une  grande  âme  de  regarder  de  haut  les  injures  et  les 
offenses  5  ?  Seul  le  souverain  peut  vraiment  donner  la  vie, 
comme  les  dieux  ''.  Au  reste  il  ne  saurait  y  avoir,  dans  la 
capitale  du  monde,  beaucoup  d'âmes  innocentes  et  à  l'abri  des 
châtiments"  :  les  dieux  supportent  tous  les  hommes, et  peut- 
être  le  prince  lui-même  :  qu'à  l'égard  des  sujets  le  prince  fasse 
comme  les  dieux  ^.  Et  l'éloge  de  la  mansuétude  se  poursuit 
par  des  considérations  ingénieuses  et  des  comparaisons  gran- 
dioses (avec  les  forces  de  la  nature  9,  avec  la  divinité  '°),  par 
des  exemples  illustres  pris  dans  la  famille  du  prince  ",  par 
l'exhortation  à  la  prudence  bien  entendue '%  par  la  promesse 
de  rimmortaîité  ''. 

Voilcà  certes  des  leçons  d'humanité  à  l'usage  des  rois  ;  et  il 
faudra  que  l'idée  s'en  retrouve  dans  le  substitut  de  mamimïs- 
sionis. 

Mais  on  aurait  tort  de  restreindre  à  ces  préceptes  le  con- 
tenu de  ce  premier  livre,  M.  Waltz''*  a  récemment  montré  le 
rapport  enirele  de  Cle?)ientia  et  les  mesures  libérales,  humaines 


1.  V,  I. 

2.  V,  2. 

5.  V,  3  et  fui. 
4.  V,  4. 

5-  V,  5. 

6.  V,  6  et  7. 

7.  VI. 

8.  VII,  I  et  2. 

9.  VII,  2  et  3. 

10.  VIII,  3. 

11.  IX,  XI,  XV. 

12.  VIII,  6;  XXII,  sqq. 

13.  XXI  fin;  XXVI. 

14.  P.  201  sq.,  La  vie  politique  de  Sènèqiie,  Paris,  thèse,  1909. 


LE   SOMMAIRE   DU  DE  CLEMENTIA  573 

du  jeune  empereur.  Conseillé  par  Sénèque,  il  cherchait  à  se 
faire  aimer  «  par  une  perpétuelle  ostentation  de  désintéresse- 
ment et  de  générosité  ' .  .  .  Toutes  les  classes  de  la  nation 
bénéficiaient  tour  à  tour  de  sa  clémence.  L'un,  personnage 
sénatorial,  poursuivi  sur  la  seule  délation  d'un  esclave,  était 
mis  hors  de  cause  sans  débats  ;  un  autre,  de  rang  équestre^ 
était  dénoncé  comme  suspect  d'attachement  à  Britannicus  : 
l'accusation  n'était  pas  accueillie.  Plautius  Lateranus,  exclu 
naguère  du  Sénat  pour  ses  relations  avec  Messaline,  fut  réhabi- 
lité par  Néron  (yi///;/.,  XIII,  lo,  ii).  » 

Et  Sénèque,  en  bon  précepteur,  faisait  prononcer  par  son 
élève  des  harangues  fort  vertueuses,  par  lesquelles  le  prince 
devait  se  lier.  «  Nous  trouvons  sans  doute  un  écho  de 
ces  discours  sensationnels  dans  cette  phrase  du  de  Ckmentia  : 
I,  1 1  :  Hoc,  quod  magno  aninio  gloriatus  es,  niillani  te  toto  orbe 
stillam  criioris  huniani  misisse,  etc.  et  dans  d'autres  passages 
analogues.  »  Rien  de  plus  vraisemblable. 

Il  faut  aller  plus  loin  et  dire  que  ces  passages,  si  le  traité 
devenait  le  livre  de  chevet  de  Néron,  allaient  le  «  lier  » 
autant  que  ses  discours.  Il  allait  s'y  reconnaître  avec  com- 
plaisance :  il  les  relirait  souvent  afin  de  s'imiter  lui-même 
dans  sa  conduite  à  venir.  Sénèque,  les  multiplia  habilement. 
Son  intention  est  visible  dès  les  premières  lignes  :  le  Traité  sur 
la  clémence  est  un  «  miroir  »,  dit-il,  où  Néron  n'a  qu'à 
se  contempler  :  «  scribere  de  clementia,  Nero  Caesar,  institui, 
ut  quodam  modo  speculi  vice  fungerer  et  te  tibi  ostenderem...»  ; 
et  l'introduction,  le  premier  livre  vont  démontrer  à  Néron ^ 
tout  simplement,  que  la  mansuétude,  la  clémence,  l'humanité, 
ces  vertus  divines  par  excellence,  se  confondent  avec  Néron, 
et  qu'il  n'a  qu'à  être  toujours  lui-même. 

Voici  les  principaux  passages  ;  ils  sont  nombreux  : 

I,  I,  3.  Il  est  doux  de  se  dire  (comme  toi)  :  «  ...  au  sein  de 
la  toute-puissance,  rien  n'a  pu  m'arracher  d'injustes  condam- 

I.  Suet.,  Nir.,  10. 


574  f-    PRECHAC 

nations  :  ni  la  colère,  ni  la  fougue  de  la  jeunesse,  ni  cet  esprit 
de  témérité  et  de  révolte  propre  à  la  multitude,  qui  souvent 
fait  perdre  patience  aux  âmes  les  plus  calmes,  ni  l'ambition 
cruelle,  mais  si  commune  aux  maîtres  du  monde,  de  signa- 
ler leur  pouvoir  par  la  terreur.  J'ai  enfermé,  j'ai  scellé  mon 
glaive,  avare  du  sang  même  plus  vil. . .,  etc.  » 

I,  5  «...  Oui  César,  vous  avez  aspiré  aune  gloire  bien  rare, 
que  jamais  prince  n'a  encore  obtenue,  celle  de  n'avoir  lésé  per- 
sonne... Jamais  homme  ne  fut  cher  à  un  homme  autant  que 
vous  l'êtes  au  peuple  romain,  qui  voit  en  vous  ses  délices  pour 
une  longue  suite  de  jours...  6.  On  ne  vous  cherche  de  modèle  ci 
imiter  qu'en  vous-même...  7.  Il  n'est  plus  à  craindre  que  Néron 
vienne  à  s'oublier  tout  à  coup  lui-même...  9.  Ce  qui,  par- 
dessus tout,  frappe  les  grands  comme  les  petits  d'une  égale 
admiration,  c'est  votre  clémence...  Il  ne  convient  pas  toutefois 
de  pardonner  au  hasard...  II,  2.  Il  est  également  cruel  de  pardon- 
ner à  tous  et  de  ne  faire  grâce  à  personne.  On  doit  tenir  un 
juste  milieu  :  or,  l'équilibre  étant  difficile,  s'il  faut  que  l'un  des 
deux  côtés  y  gagne,  que  ce  soit  celui  de  rbuiiianité  \..  III.  Je 
divise  maintenant  mon  sujet  en  trois  parties  :  Prima  erit 
manuiiiissionis,  etc.  » 

III,  3.  «  Il  n'est  personne  en  qui  la  clémence  soit  plus  belle 
que  dans  un  roi  ou  un  chef  d'empire...  V,  i...  Oui,  César, 
puisque,  comme  je  le  prouve  en  ce  moment,  vous  êtes  l'âme 
de  la  République,  puisque  celle-ci  est  votre  corps,  vous  voyez, 
je  pense,  combien  la  clémence  est  un  besoin  pour  vous  ;  c'est 
vous-même  que  vous  épargnez  quand  vous  semblez  épargner 
autrui...  7.  Donner  la  vie,  privilège  de  la  souveraineté,  laquelle 
n'est  jamais  plus  auguste  que  lorsqu'elle  exerce  ce  bienheureux 
pouvoir  des  dieux  —  à  qui  tous,  bons  et  méchants,  nous 
devons  la  lumière  !  Que  le  prince  donc,  s'associant  à  la  pensée 
divine,  se  complaise  à  voir  ceux  de  ses  sujets  qui  sont  ver- 
tueux et  utiles,  et  laisse  le  reste  dans  la  foule.  » 

1.  Sed  haec  suo  melius  loco  dicentur  (Séiicquc  vient  d'anticiper  sur  la 
première  partie). 


LE  SOMMAIRE   t)U   Dh  CLEMEKTIA  575 

XI,  I  sq.  «...  Tel  fut  Auguste  déjà  vieux  ou  au  déclin  de 
l'âge,  après  une  jeunesse  bouillante,  irascible,  signalée  par  tant 
d'actes  vers  lequels  il  ne  tournait  qu'à  regret  les  yeux.  Nul 
n'oserait  mettre  en  parallèle  votre  douceur  avec  celle  d'Auguste, 
tout  divin  qu'on  le  nomme,  opposât-on  à  vos  jeunes  années, 
les  années  plus  que  mûres  d'un  vieillard.  Il  a  été  clément  et 
modéré,  mais  ce  fut  après  Actium,  etc.  Pour  moi,  je  n'ap- 
pelle pas  clémence  la  lassitude  de  la  cruauté.  La  vraie  cU- 
mence,  César,  est  celle  dont  vous  faites  preuve,  qui  n'est  point 
née  d'une  barbarie  repentante,  qui  consiste  à  rester  sans 
tache,  à  n'avoir  jamais  versé  le  sang  des  citoyens.  C'est,  au 
sein  de  la  toute-puissance,  véritablement  régner  sur  soi- 
même,  c'est  étendre  son  amour...  à  l'univers  tout  entier,  que 
de  ne  se  laisser  ni  enflammer  de  passions  coupables  ou  irré- 
fléchies, ni  corrompre  aux  exemples  de  ses  prédécesseurs,  que 
de  ne  pas  tenter  jusqu'où  va  la  rigueur  de  ses  droits  sur  les 
peuples,  mais,  au  contraire,  d'émousser  le  glaive  du  pou- 
voir. » 

«  XI,  3.  Grâce  à  vous.  César  !  Rome  est  pure  de  supplices  ;  et 
votre  belle  âme  a  pu  se  glorifier  de  n'avoir  pas  versé  dans  le 
monde  entier  une  goutte  de  sang  humain',  chose  d'autant 
plus  grande  et  admirable  que  jamais  le  glaive  ne  fut  confié  à 
de  plus  jeunes  mains  4.  La  clémence,  revenons-y,  ne  donne 
pas  seulement  de  la  gloire,  elle  est  aussi  une  sauvegarde^ 
etc..  »  A  la  faveur  des  éloges,  la  leçon  va  recommencer. 

XIII,  4.  —  Le  portrait  du  bon  prince  est  évidemment  le  por- 
trait de  Néron  :  c'est  lui  qui,  «  porté  par  nature  à  la  bonté,  lors 
même  qu'il  convient  de  sévir,  laisse  voir  avec  quelle  répu- 
gnance il  prête  son  bras  à  la  rigueur  préservatrice  des  lois  ; 
qui  n'a  dans  l'âme  rien  d'hostile,  rien  de  farouche  ;  qui  exerce 
doucement  une  autorité  salutaire,  qui  veut  la  faire  aimer,  trop 
heureux  si  de  sa  prospérité  tous  ont  leur  part;  qui  est  affable 
dans  ses  discours  et  d'un  abord  facile...  »;  enfin  «  qui  est  chéri, 
défendu,   vénéré  de  tous  ses  sujets  ».  A  Néron  s'applique, 

I.  Texte  cité  par  M.  Waltz. 


576  F.    PRÉCHAC 

puisque  ceci  n'est  qu'un  «  miroir»,  la  comparaison  du  prince 
avec  un  bon  père  (XIV,  i);  oui  à  Néron,  «  père  delà  patrie  » 
(ibid,  2.)  '.  Et  il  devra  aussi  se  reconnaître,  sans  doute,  dans  la 
bonté  généreuse,  désintéressée  qu'Auguste  témoigne  à  Tarius, 
le  père  malheureux  d'un  parricide.  A  lui  sans  doute  s'adresse  ce 
bel  éloge  de  la  clémence (XIX,  i):  «  Nul  ne  peut  rien  imaginer 
de  plus  glorieux  que  la  clémence  pour  l'homme  placé  à  la  tète 
des  autres^  de  quelque  manière  et  à  quelque  titre  qu'il  y  soit 
monté  »  ;  et  aussi  cet  autre  {ibid.  7)  :  «  Quoi  de  plus  beau  pour 
le  prince  que  de  vivre  entouré  des  vœux  d'un  peuple  entier, 
vœux  qui  ne  s'énoncent  pas  sous  l'œil  des  délateurs  ;  que  de 
voir  le  moindre  ébranlement  de  sa  santé  exciter  non  l'espoir, 
mais  l'alarme  de  tous  ;  de  savoir  que  ses  sujets  n'ont  rien  de 
si  précieux  qu'ils  ne  soient  prêts  à  sacrifier  pour  son  salut?... 
8.  Il  prouve  par  des  actes  d'une  bonté  journalière  que  la  répu- 
blique n'est  pas  à  lui,  mais  bien  lui  à  la  république.  Qui  ose- 
rait lui  dresser  quelque  embûche?  Qui  ne  souhaiterait,  s'il 
était  possible,  détourner  même  les  coups  du  sort  loin  d'un 
chef  sous  qui  la  justice,  la  paix,  la  pudeur,  la  sécurité,  l'hon- 
neur fleurissent  respectés  et  qui  maintient  l'état  enrichi, 
dans  l'abondance  -  de  tous  les  biens.  Il  est  contemplé  comme  le 
serait  la  divinité,  si  elle  daignait  se  rendre  visible  à  nos  adora- 
tions et  à  notre  culte.  9.  Car  enfin,  n'est-ce  pas  approcher  les 
dieux  que  de  se  montrer,  comme  est  leur  nature,  bienfaisant, 
généreux,  puissant  pour  le  bonheur  du  monde  »  (suivent  les 
leçons  XXI,  XXII,  XXIII,  XXIV,  XXV,  XXVI).  Or  ces 
règles  ne  sont  que  des  applications  particulières  de  la  loi 
sublime  de  clémence,  représentée,  incarnée  par  Néron  lui- 
même.  Et  de  peur  que  les  digressions  de  la  fin  (sur  la  cruauté 
mauvaise  conseillère)  ne  fassent  perdre  de  vue  au  lecteur 
l'objet  spécial  du  premier  livre,  voici  immédiatement  après, 
tout  au  début  du  second,  le  retour  de  cette  idée  :  Néron  très 

1.  Donc    ce  titre  lui   serait  donné  à  la  fin  de    55  ou  au  début  de  56 
(Gagnât,  Mati.  iVEpigr.  lai.,  p.  183). 

2.  Florent,  ahunJanl  sont  à  l'indicatif,  non  au  subjonctif. 


I 


LE   SOMMAIRE    DU    DE  CLEMENTIA  <yJ'J 

clément,  et  très  humain  —  par  une  allusion  non  déguisée  à  ce 
mot  célèbre  du  jeune  empereur  :  «  Je  voudrais  ne  savoir  pas 
écrire  !  »  —  et  Sénèque  nous  rappelle  l'intention  qu'il  avait  en 
commençant  l'ouvrage  :  II,  ii,  2  :  bene  factis  dictisque  tuis 
quam  familiarissimum  esse  te  cupio.  » 

Donc  il  formule  des  préceptes  généraux  de  clémence  et 
d'humanité  à  l'usage  des  princes  :  mais  il  laisse  bien  entendre, 
dans  tout  le  premier  livre,  que  c'est  Néron  qui  lui  fournit  le 
modèle,  l'image,  l'idéal  vivant  de  la  clémence  et  de  l'humanité. 
D'ailleurs  c'est  la  voix  publique  qui  semble  le  lui  désigner'. 

Je  pense  qu'il  faut  voir  dans  la  première  partie  du  traité 
et  du  sommaire  non  seulement  un  résumé  des  préceptes  :  clé- 
mence, humanité  ;  mais  une  allusion  directe  à  celui  qui  person- 
nifie ces  vertus.  J'entendrais  donc  :  «  la  première  partie  aura 
pour  sujet  Néro7i  plein  de  mansuétude  ». 


III 


Lirons-nous  :  «  prima  pars  erit  kuinanlssinii  Ncronis  »  ? 
Les  deux  derniers  mots  comportent  justement  des  abréviations 
usuelles,  qui  les  font  ressembler  au  texte  des  manuscrits  : 

umanissimiiiois  (cf.  manumissionis). 

Je  note  dans  Hosius  (de  benef.  et  de  ckni.  Teubner,  1900, 
p.  VII.)  que  le  Nazarianus  omet  souvent  l'h,  sans  doute  comme 
son  modèle  ;  que  l'archétype  de  N  et  de  R  ^  transposait  par- 
fois arbitrairement  les  syllabes  des  mots,  écrivant  pour  tem- 
pestates  (têpestates)  :  potestates.  Je  suppose  qu'il  était  en  minus- 
cule, d'après  certaines  confusions  de  lettres  auxquelles  il  semble 
avoir  donné  lieu  ^  ;  dès  lors  les  abréviations  de  er  et  de  onis 
sont  admissibles. 

1.  Cf.  I,  9  et  XI,  3  (liv.  I). 

2.  Regîneasis,  1529,  (ix-xe  siècle).  Cf.  Hosius,  p.  xvi,  n.  2. 

5.  Cf.  éd.  Hosius,  iu  pour  ni  :  par  ex.  :  de  Benef.  VII,  14,  3  :  tii  usus  : 
NR  wssus;  G  P  n/re  usus;  c  pour  t  et  inversement  :  De  Cl.  I,  xxvi,  4  : 
exi/ia  :  aesicia  NR;  II,  vi,  4  oscitationem  :  es/itationem  NR.  I.  26. 


Mélanges.  II. 


37 


578  F.    PRÉCHAC 

Le  génitif  hnvianissimi  Neronis  serait  de  même  nature  que 
celui  qu'on  supposait  à  cet  endroit  lorsqu'on  lisait  un  nom  de 
vertu  ;  de  plus,  il  rappellerait  le  génitif  de  consécration  ou  de 
dédicace,  du  style  lapidaire  '.  Ainsi  la  formule  ressemblerait  aux 
titres  officiels  que  portèrent  les  grands  hommes  de  la  Répu- 
blique :  Metellus  Plus,  Piso  Frugi,  Laelius  sapiens  %  et  certains 
empereurs,  comme  Trajanus  Opiimus  '  ;  elle  rappelle  les 
récompenses  honorifiques  que  Sénèque  à  la  fin  du  livre  promet 
au  jeune  empereur  :  corona  civica  —  ob  cives  servatos-*;  et 
aussi  l'épithète  flatteuse  qu'il  fltudra  bientôt  joindre  publique- 
ment au  nom  d'Agrippine  :  opt'una  mater.  Sénèque  connaissait 
assez  la  famille,  pour  écrire  dans  un  traité  destiné  au  fils  : 
prima  pars  erit  huiiianissimi  Neronis. 

Deux  objections  se  présentent  : 

1°  Les  manuscrits  principaux  du  de  Cleiii.,  notamment  le 
Nazarianus,  semblent  être  trop  anciens  pour  qu'on  puisse 
admettre  la  substitution  d'un  signe  àcr,  ou  l'abréviation  de  onis. 

Il  est  vrai  :  </)  que  sur  la  date  du  Nazarianus  les  avis 
diffèrent  sensiblement  :  Si  O.  Rossbach  (De  Sen.  phil.  lihr. 
rec.  et  emeud.,  Breslau,  1888,  p.  13)  et  M.  C.  Gertz  (cf. 
Hosius,  éd.  Teubner  de  Cleni.,  praef.,  p.  v)  parlent  du 
VIII''  siècle,  Baehrens  (Jcnaer  Hier.  :{tg,  4,  1877,  p.  62)  se  pro- 
nonce pour  le  viii^-ix'^  siècle,  M.  Châtelain  {Pal.  des  class.  lat.) 
place  N  au  ix%  et  R.  Kekulé  (cf.  Hos.  lor.  /.)  au  ix'^-x'-". 

1.  Cf.  Riemann-Lejay.  ^  60,  2°,  p.  121.  Cf.  Cagnat.  Man.  d'cpigr. 
lat.  p.  2265. 

2.  Cf.  Plin.,  Ptui.  LXXXVIII,  4,  à  propos  du  titre  d'optiinus  donne  à 
Trajan. 

3.  Cf.  Cohen,  II,  p.  55  sqq.  ;  Cagnat,  op.  laiid.,  p.  i<S8  :  Pliu.,  op.  laud.,  II, 
6  sq  ;  7  ;  LXXXVIII,  4  ;  LXXXIX,  début.  Ce  titre  d'opliinus  résume  ceux  de 
fortissimus,  de  pins,  de  manstietus  (il,  6);  de  démens,  d'Imiiianus  (III,  4); 
dejuslus,  depatiens  (LIX,  3).  D'où  le  caractère  un  peu  vague  de  ce  super- 
latif :  mais  n'oublions  pas  qu'il  implique  en  lui-même  le  superlatif  «  huma- 
nissimus  »  (LIX,  5),  celui  qui  pourrait  résumer  dans  le  de  Cl.  la  tiiansiieliido, 
la  clemenlia,  la  liberalitas  de  Néron  à  ses  débuts. 

4.  La  récompense  oh  cives  servatos  avait  été  déjà  décernée  à  Auguste 
(Cohen,  I,  p.  91),  le  modèle  proposé  à  Néron. 


LE   SOMMAIRE   DU    DE  CLEMEN7IA  579, 

b)  Que  l'abréviation  de  er  a  l'air  d'avoir  été  assez  fréquente 
dans  l'archétype  de  N  R.  En  effet,  non  seulement  les  copistes 
des  deux  manuscrits  semblent  être  habitués  à  la  voir  dans 
leur  modèle  :  de  Ckin.,  I,  23,  2,  ils  lisent  credere  pour  crede, 
peut-être  il  est  vrai  sous  l'influence  de  os tendere  qui  suit;  I,  6, 
3,  d^relinquimus  pour  deliquimus;  de  Benef.,  VI,  42,  i  reci- 
ptve  (R),  pour  recipe  ;  —  mais  ils  paraissent  confondre  dans 
leur  modèle  le  signe  de  ar  avec  celui  de  er,  qui  lui  ressemble  : 
nous  trouvons  de  Benef  .  III,  5,  2  (NR)  :  obpigneret  pour  obpi- 
gner^ret,  VI,  5,  4;  sep^ratim  (N)  pour  separatim  ;  de  Cleni., 
1,  15,4:  aparirentur  (N),  apparerentur  (R)  pour  apmrentur, 
I,  8,  I  appereant  (N)  pour  app^reant.  Ou  bien  ils  semblent 
lire  le  signe  de  cr  à  côté  de  sa  vraie  place,  car  ils  l'écrivent  à 
côté  dans  la  copie  :  ainsi  de  Ben.  VI,  24,  2,  seumtas  devient 
st'/'uitus;  ou  bien  ils  ajouteront  au  mot  abrégé  un  com- 
plément marginal  ou  interlinéaire  (de  Cl.  I,    16,  3  recundia 

re 

NR  parait  venir  du  texte  (wt'cundia)  ;  parfois  en  l'absence  de 
er  ils  interprètent  le  mot  tronqué  — de  Cl.  II,  2,  2,  ils  lisent  pre 
id  (NR)  pour  prett'rid  —  ou  même  le  transcrivent  tel  qu'ils  le 
voient,  sans  le  compléter  :  de  Cl.  I,  26,  i  :  excuerunt  NR, 
pour  ex^rcuerunt  ;  II,  i,  i  scribera  pour  scrib^rem;  de  Benef. 
VI,  8,  3,  peruenit,  pour  peruen^jrit;  V,  17,  i  percurre  N  pour 
percurr^re  (en  ce  cas,  il  peut  y  avoir  haplographie  simple- 
ment). Enfin  ils  abrègent  eux-mêmes  ^r  dans  les  titres  des  deux 
traités  '. 

c)  L'abréviation  ois  serait  moins  nécessaire  que  l'autre  :  on 
peut  admettre  lunanissiminonis  pour  expliquer  l'arrangement 
manumissionis .  D'ailleurs  les  copistes  de  NR  semblent  accou- 
tumés à  la  rencontrer  :  car  ils  la  supposent  de  Cl.  II,  6,  3, 
lisant  pannoîam  (Panno/i/am)  pour  pannosam. 

d^  Enfin  le  cognomen  Nero  devait  s'abréger  parfois  dans  les 
manuscrits  :  c'est  ce  qui  arrive  dans  Vell.  Pat.  II,  76  où  Ti. 
Ndronis  est  devenu  par  abréviation  et  confusion  de  lettres 

I.  Cf.  Hosius,  op.  îauJ.,  pp.  216,  120,  52,  21  au  mot  liber  lib).  Ces 
faits  confirment  la  date  assignée  à  N  par  M.  Châtelain  et  par  Kckulé. 


580  F.    PRÉCHAC 

(Ti.notiis)  Tironis  dans  les  copies  du  xvi=  siècle.  Dans  le 
de  BeneJ.,  Caesar  devient  ces  (III,  27,  i  ;  IV,  31,2  NR). 

2°  On  objectera  aussi  que  le  sommaire  «  Humanissimi 
Neronis  »  n'est  pas  conforme  à  l'étiquette  impériale,  puisque 
l'empereur,  n'étant  pas  encore  divus,  y  porte  non  le  titre  de 
Caesar  ',  mais  son  cognomen  Nero.  La  règle  invoquée  n'est 
pas  absolue  ^  Puis  a)  Sénèque  ne  s'adresse  pas  directement 
à  l'empereur,  mais  il  parle  de  lui  ;  h)  il  le  nomme  peut-être  à 
la  manière  du  peuple  de  Rome,  de  qui  Néron  était  alors  les 
«  délices  »  (cf.  p.  6),  et  sans  doute  comme  je  prince  vaniteux, 
lorsqu'il  songeait  à  sa  popularité,  aux  épithètes  décernées  à 
sa  personne,  au  souvenir  qu'il  laisserait  parmi  les  hommes, 
à  Nero  Diuus  enfin,  se  nommait  lui-même  5. 

Les  deux  objections  précédentes  n'en  gardent  pas  moins 
leur  valeur.  —  1°  Comme  le  prince  n'a  peut-être  pas  encore 
le  culte  de  son  cognomen,  l'infraction  à  l'étiquette  impériale 
reste  peu  vraisemblable.  2°  Même  si  N  est  du  ix""  et  non  du 
VIII'  siècle,  les  abréviations  supposées  ne  peuvent  avoir  été 
assez  fréquentes  dans  le  modèle  pour  qu'on  les  admette  toutes 
deux  au  même  endroit. 

D'ailleurs  nmanissimi  est  un  peu  loin  de  manumtssî.  Enfin 
l'accord  de  tous  les  mss.  à  cet  endroit  semble  prouver  que  le 
modèle  X  de  NR...  avait  déjà  manumissionis  ;  que  l'altération 
est  par  conséquent  antérieure  à  X  et  qu'il  en  faut  chercher 
l'origine  ailleurs  que  dans  la  minuscule. 


IV 


Comment  était  donc  formulée  l'allusion  personnelle  à  la 
clémence  impériale  ?  Le  mot  «  Nero  »,  nous  l'avons  vu,  est 

1.  Apostrophe  à  l'empereur  vivant  :  ih  Cl.  [cap.  I,  i  et  5  :  Nero  Caesar; 
Caesar;  II,  i,  i  et  II,  i  id.  Cf.  Plin.,  Pan.,  XIV  au  début,  LUI,  s;  XLVI, 
lo,  LX,  6,  etc.  :  Caesar;  —  à  l'empereur  mort  :  Plin.,  op.  laud.  LXXXIX 
début  :  Dive  Nerva. 

2.  Cf.  Martial.  Kpigr.  IX,  i,  i  ;  26,  i  ;  VIII,  70,  i,  etc. 

5.  Cf.  Suét.,  A^tf/-.   12,  25,  55;  cf.  Dittenberger,  Sylloge,  376. 


LE  SOMMAIRE  DU  DE  CLEMENTIA  581 

sans  doute  à  écarter.  «  Caesar  »  est  impossible  paléographi- 
quement.  Reste  le  pronom  tu  ou  l'adjectif  ttius. 

Supposons  dans  X  uianitmissionis.  L'un  des  m  peut  prove- 
nir soit  de  la  lettre  M  soit  d'un  groupe  IVI  ou  TVI...  dans 
l'archétype  en  capitales.  Je  lis  donc  :  TVI  ANIMJ  <.REMI> 
SSIONIS  :  «  la  mansuétude  de  votre  âme  ».  Remissio  animi 
est  synonyme  d'hunmnitas  (p.  2,  n,  3)  et  s'oppose,  comme 
clemenlia,  à  severitas  (Cic.  De  or.,  II,  72;  Sén.  Declem.,  I,  i, 
§  4)  '.La  place  de  ////  souligne  l'hommage  rendu  au  prince  : 
«  aura  pour  sujet  Votre  clémence.  » 

F.  Préchac. 

I.  Cf.  le  sens  de  reniissiis  dans  Cic.  :  CalîL,  IV,  §  12  ;  ad.  fam.  XVI, 
15,  I  ;  Postred.  adQuir.  23:  in  ulciscendo  remissior;  dans  PI.  J.  Ep.  14, 
5,  etc. 


AGGIUNTE  MINIME  ALLE  NOTE  SUI  VIAGGI 

E  I  VIAGGIATORI  NELLA  SPAGNA 

E  NEL  PORTOGALLO 

(dal  secolo  XV  al  XVIII)  ' 


Dieci  anni  ormai  passaronodacchè  io  stampai  l'ultimo  Sup- 
plemento  ad  una  Bibliografia  dei  Viaggi  per  la  Spagna  e  il 
Portogallo,  e  sempre  era  vivo  in  me  il  pensiero  di  raccogliere 
in  un  denso  volume  quelle  mie  note  scarne,  scritte  in  casti- 
gliano,  dicompletarle  qua  e  là,  con  nuove  ricerche  nelle  biblio- 
teche  e  negli  archivi,  di  ordinarle  con  pieno  rigore  cronolo- 
gico,  indicando  via  via,  sia  pure  di  sfuggita,  tutte  le  amba- 
sciate  e  nunziature,  mettendo  in  luce  i  brani  più  curiosi  e 
caratteristici  délie  relazioni  manoscritte,  e  talora  anche  le 
illustrazioni,  le  incisioni,  i  disegni  tolti  aile  memorie  e  agli 
appunti  degli  artisti  migliori.  Un  indice  copiosissimo  avrebbe 
dovuto  chiudere  l'opéra,  che,  a  torto  o  a  ragione,  recherebbe 
il  sottotitolo  :  Fonli  pcr  la  storia  délia  cuit  lira  nella  péJiisola  ibe- 
rica,e  che,  malgrado  le  imperfezioni  inevitabili,  le  lacune,  le 
inesattezze,  non  sarebbe  stata  superflua  agli  ispanistieagli  ispa- 

I .  Con  un  sentimanto  di  vergogna  ed  una  dolorosa  stretta  al  cuore 
raccolgo  queste  povere  mie  note,  destinate  a  figurare  in  una  miscellanea 
in  onore  di  un  amico  veneratissimo  ;  nulla  di  meglio  posso  offrira  dal  mio 
ricovero  alpestre  ;  ed  a  Torino,  in  un  anno  di  triboli,  mancavami  la  pace 
per  stendere  un  lavoro  che  non  offendesse,  per  la  sua  pochezza  e  csiguità,  la 
dottrina  professata  dall'  uomo  illustre  che  or  si  festeggia  e  onora,  e  délia 
cui  squisita  gentilezza  e  liberalità  io  ho  menioria  imperitura. 
Bad  Fusch,  luglio  del  191 2. 


584  ARTURO   FARINELLI 

nologhi,  ai  quali  s'offriva  una  bibliografia  che  ancor  difetta  aile 
altre  nazioni,  ail'  Italia,  alla  Francia,  alla  Germania,  ail'  Inghil- 
terra . 

Altre  cure,  aitri  lavori  assorbirono  la  poca  attività  di  cui 
dispongo;  sopravvenne  un  mutamento  di  cattedra;  dovettero 
ianguire  i  miei  studi  ispanici  ;  e  a  stento  mi  ridussi  a  regi- 
strare,  nel  modo  più  fugace,  man  mano  che  progredivo  nelle 
mie  letture,  i  cenni  a  me  ignoti  ancora  ad  altre  peregrinazioni  : 
date,  titoli,  spunti  di  epistole  che  dovevano  aggiungersi  aile 
note  già  offerte  e  agli  antichi  frammenti.  In  fondo  mi  di- 
straevo,  eplacavo,  colpensiero  aiviaggialtrui,  la  nostalgia  mia 
propria,  invincibile,  aile  terre  di  Spagna.  ;Non  immaginavo 
un  tempo  di  stendere,  sorretto  dall'  amico  Rafaël  Altamira,  un 
Cicérone  artistico  per  la  Spagna  e  il  Portogallo  ? 

Avverto  qui  infine  che,  non  potendo  sciogliere  nessunodei 
dubbi  rimasti  in  me,  nell'isolamento  in  cui  mi  trovo,  di 
fronte  aile  mie  carte  mute,  lontano  da  ogni  centro  di  studi  e 
da  ogni  biblioteca,  dovrô  far  seguire,  per  nécessita,  aile  note 
cosi  monche  e  frammentarie  che  ora  offro  (limitate  a  quattro 
secoli),  altri  appunti  e  indicazioni  di  altri  viaggi  compiuti,  che 
gioveranno  a  chi  vorrà  raccoglierle,  disporle  e  ordinarle  nell' 
opéra  complessiva,  da  me,  e  certo  pur  da  altri,  vagheggiata  '. 

I .  Con  l'indicazione  B.  s'intenda  la  Bibliographie  des  Voyages  en  Espagne 
et  en  Portugal  del  Foulché-Delbosc. 

Con  l'indicazione  Ap.  i  miei  Apuntes  sobre  viajes  y  viajeros  por  Espaiia  y 
Portugal,  nella  Revista  critica  de  hisloria  y  literatura  espanolas,  porttignesas  è 
hispano-americanas  del  1898. 

Con  l'indicazione  D.  l'esiratto  :  Mas  Apuntes  y  divagaciones  sobre  viajes 
y  viajeros  por  Espaiïa  y  Portugal  (dalla  Rn'ista  de  Archivos,  Bibliotecas  y 
Miiseos),  Madrid,  1903 . 

Non  dubito  di  trovar  presto  una  mano  pietosa  rassegnata  a  stendere  un 
indice  alfabetico  générale  dei  nomi  propri  contenuti  nelle  mie  varie  diva- 
gazioni  e  negli  appunti.  Per  alcune  ricerche  storiche  quest'indice,  la  cui 
mancanza  dovetti  vivamente  deplorare  iostesso  compilando  queste  minime 
note,  sarcbbe  certo  di  qualche  utilità.  —  Ad  una  Rivista  di  Spagna  cederô 
gli  appunti  sui  viaggi  nei  primi  secoli  fino  al  1400,  e  quelli,  troppo  copiosi 
per  essere  qui  considerati,  sui  viaggi  nel  1800. 


VIAGGl    E    VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  585 

XV  SECOLO 

Curiose  notizie  sul  soggiorno  in  Ispagna,  massime  nella 
Catalogna  e  nell'  Aragona,  dei  mercanti  fiorentini(fine  del  1300 
e  principio  del  1400)  offrono  gli  estratti  délie  letiere  pubbli- 
cate  da  G.  Livi,  Dali'  Archiviodi  Francesco  Datini  viercantePra- 
tese,  Firenze,  19 10.  Il  Dati,  Simone  d'Andréa  Bollandi,  Lotto 
degli  Agli,  Baldassarre  e  Benedetto  degli  Ubriachi,  Michèle 
Benini  erano  uomini  di  acuto  ingegno  e  di  grande  cultura  ; 
leggevano  nei  fondaci  loro  il  loro  poeta  divino,  e  iniziavano 
nella  terra  di  Spagna  quel  culto  per  Dante  di  cui  è  memoria 
in  alcune  mie  fugacissime  note  {Dante  in  Ispagna^.  Parecchi 
erano  benvoluti  dai  principi.  Scrive  da  Zaragoza,  nel  1399, 
Baldassarre  degli  Ubriachi  :  «  mi  sono  molto  dimesticato  con 
questo  nobile  signore  Re,  il  quale  m'a  posto  grande  amore,  e 
a  ogni  mio  piacere  mi  vo  a  stare  con  lui  a  solo  a  solo  nel  suo 
studio,  e  volentieri  m'ode  e  pratica  e  ragiona  mecho,  e  per  la 
sua  benignità  gl'è  piaciuto  farmi  di  suo  stallo  e  di  suo  consi- 
glio  ». 

1403.  —  Offre  il  Boletin  de  la  R.  Academia  de  la  Historia 
(ottobre  1907,  vol.  LI,  pp.  319)  un  frammento  di  una  de- 
scrizione  del  viaggio  dalla  Castiglia  in  Tartaria  dell'  ambascia- 
tore  Ruy  Gonzalez  de  Clavijo  (tolta  dall'  edizione  di  Madrid 
1782)  :  Formentera  é  Ibixfi  en  140).  - 

Citavo  nelleZ).  (p.  73)  il  saggio  délia  Michaëlis  de  Vascon- 
cellossui  viaggi  dell'  Infante  Don  Pedro.  Si  veda  C.  Fernàn- 
dez  Duro,  Viajes  del  Infante  D.  Pedro  de  Portugal  en  el  sigloXV, 
con  una  indicaciôn  de  los  de  una  religiosa  espanola  por  las  regiones 
orientales  mil  anos  antes,  Madrid,  1 903 . 

Chiariva  e  à'iscmeva  Vltinerario  del  rey  Alfonso  I  de  Catahiha 
II  de  Aragon,  Joaq.  Miret  y  Sans,  nel  Boletin  delà  R.  Academia 
de  Buenas  Letras  de  Barcelona,  1904,  marzo.  Si  veda,  nella 
Revista  de  Archivos,  Bibliotecas  y  Museos,  1908,  marzo-aprile, 
Vltinerario  de  Alfonso  V  de  Aragon  en  Espana  (A.   Jiménez 


586  ARTURO    FARINELLI 

Soler,  Itimrario  del  Rey  Don  Alonso  de  Aragon  elque  ganôNàpo- 
les...)  ;e  le  indicazioni  di  F.  Carreras  y  Candi,  Anfôs  IF  u  Lo 
Magnânim  »  y  su  millier  y  llocbtlnenl  Maria  de  Castella  à 
Montserrat,  nel  saggio  Visites  de  nostres  Reys  â  Montserrat, 
or  raccolto  nel  bel  volumetto,  Narraciones  Montserrati- 
nas,  Barcelona,  191 1,  pp.  285  sgg.  (dovrô  ricordare 
nelle  note  sui  viaggi  anteriori  al  1400  questo  saggio  stampato 
una  prima  volta  nel  Boletin  de  la  R.  Acadeinia  de  Bitenas  Letras 
de  Barcelona,  vol.  II,  pp.  339  sgg.,  riprodotto  in  seguito  nella 
Miscelànea  histôrica  catalana  del  Carreras  — I,  251  sgg.).  — 
Non  vidi  un  articolo  anonimo  Anadas  de  Reys  à  Montserrat  in 
La  Veu  de  Montserrat  del  25  aprile  1880. 

Verso  il  1442  il  dottissimo  Alonso  de  Cartagena  sollecitava 
Pier  Candido  Decembrio,  perché  realizzasse  il  desiderio 
espresso  di  venire  da  lui  in  Ispagna  :  «  ut  ais,  pietate  favente 
divina,  tecum  deportares  et  beati  apostoli  Jacobi  limina  visita- 
turus  omnes  fere  nostras  peragrares  provincias.  Habes  siqui- 
dem  civitatem  nostram  in  via,  apud  quam,  si  mihi  tune  vita 
cornes  esset,  non  dicam  honorem  debitum...  sed  saltem  ami- 
cabile  hospicium  reperies  ibique  quamdiu  velle  reparans  et  a 
labore  vie  aliquantulum  recreatus  factusque,  ut  ita  dicam, 
recencior  et  de  nostris  informatior  rébus,  regiam  personam 
et  curiam  nec  non  alias  huius  regionis  provincias  visitares.  » 
Brave  e  facile  sarebbe  il  viaggio  dalla  Fiandra  in  Inghilterra  e 
di  là  alla  Spagna.  E  il  Decembrio  scriveva  da  Milano  il 
30  aprile  1442  :  «  Suspiro  autem  iter  illud  iocundissimum, 
si  îd  Deus  annuat,  sed  nescio  quo  modo  omnia  prêter  spem 
eveniant;  nam  facta  sperantibus  plerumque  adversa  succe- 
dunt,  adversa  timentibus  nonnunquam  prospéra  eveniunt, 
verum  illa  rariora.  »  Rimase  l'umanista  con  la  sua  speranza,  e 
in  terra  di  Spagna  non  mise  mai  piede  (tutto  ciô  è  bene  e 
luminosamente  esposto  dal  Morel-Fatio,  Les  deux  Oniews  cas- 
tillan';, ndhRoinania,  XXV,  125).  Fece  poi  il  vescovo  di  Bur- 
gos,  sessantenne,  il  suo  pellegrinaggio  a  Santiago  e  ne  ritrasse 
grande  soUievo  e  conforto. 


VIAGGI    E    VIAGGIATORI    NELLA    SPAGMA    E    NEL    PORTOGALLO  587 

Fu  Gismondo  Pandolfo  Malatesta,  signore  di  Rimini 
(•j-  1468)  in  Ispagna?  Le  lettere  degli  umanisti  del  tempo, 
anche  quelle  del  Decembrio,  ci  lasciano  in  dubbio.  Il  Basini 
neir  Hesperidos  (Opéra...  Rimini,  1794,  I,  151  sgg.  :  «Vcni- 
mus  a  priscà  magnae  Carthaginis  urbe...  »),  ove  célébra  le 
guerre  combattute  dal  Malatesta,  nel  1448  enel  i453,contro 
Alfonso  e  Ferdinando  d'Aragona,  favoleggia,  nel  7°  libro,  che 
s'ispira  ail'  Odissea,  di  un  viaggio  del  Malatesta  in  Catalogna, 
ove,  sul  paese  che  sconfisse,  vola  altissima  la  sua  fama.  Lo 
studio  di  F.  Ferri,  L'antore  del  Liber  hottaeus,  Rimini,  19 12, 
non  rileva  il  potere  ùntastico  del  Basini.  E  al  viaggio  in 
Ispagna  non  alludeva  punto  il  Battaglini  nel  saggio  premesso 
alla  Opère  basiniane,  Vella  Vita  e  de'  fatti  di  Sigismondo  Pan- 
dolfo Malatesta. 

Nel  Livre  des  faits  de  facqués  de  Lalaing,  che  Kervyn  de  Let- 
tenhove  stampa  tra  le  opère  di  Georges  Chastellain  (Bruxelles, 
1860,  vol.  VIII),  si  narrano  le  imprese  cavalleresche  e  le  giostre 
aile  corti  di  Navarra  e  Castiglia,  d'Aragona  e  del  Portogallo 
(intornoal  1445),  cap.  xxih-xl. 

E  memoria  di  un  peregrinaggio  a  Santiago  in  una  délie 
leggende  sacre  del  Bokenam  (Osbern  Bokenams  ' Legenden  hrg. 
V.  G.  Horstmann  nell'  Altenglische  Bibliothek,  I,  Heilbronn, 
1883,  p.  129): 

Magdalena  ! 

tyl  I  acomplysyd 
My  pylgramage  had,  wych  promysyd 
I  to  seynt  Jamys  wyth  hert  entere 
Had  to  performe  pe  same  yere... 

Rileva  la  passione  per  i  viaggi  nei  principi  estensi,  i  magni- 
fici  e  sontuosi  cortei  che  li  seguivano  a  San  Giacomo,  a  Geru- 
salemme  e  altrove,  G.  Bertoni,  La  Biblioteca  Estense  e  la  col- 
tiira  ferrarese  ai  tempi  del  Diica  Ercole  I  (^I4JI-IS0)),  Torino, 
1903,  pp.  185  sg. 

Sui  viaggi  del  Rozmital  {B.  N.  1 1  ;  Ap.  p.  160)  vedi  Henry 


588  ARTURO   FARINELLI 

Cust,  Gentlemen  Errant,  heing  the  journeys  and  adventures  of 
four  nohlemen  in  Europe  during  the  ij^^  and  16^^  centuries,  Lon- 
don,  1908  (Qui  pure  è  memoria  dei  viaggi  in  Ispagna  dell' 
elettore  palatino  Federico). 

1465  sgg.  —  Ricorderô  àltri  pellegrinaggi  reali  dietro  il 
saggio  già  cit.  di  Fr.  Carreras  y  Candi  (Visites  de  nostres 
Reys  a  Montserrat),  pp.  295  sgg.  foan  lia  Mont  serrai  (viaggi 
del  1465  ?  e  del  1475),  pp.  295  sgg.  Père  IF  Conestahk  de 
Portugal  Rey  de  Catalunya  a  Montserrat  {1^6^  ?),  pp.  296  sgg. 
Ferran  II  «  lo  Catôlich  »,  a  Montserrat  (1471,    1481,  1493). 

1468.  —  In  un  manoscritto  deir  Archive  Histôrico  Nacio- 
nal  trovasi  una  Relacion  que  Francisco  de  Leôn,  Conicndador  de 
hastimentos  del  campo  de  Montiel  en  la  Ordcn  de  Santiago,  hi~o  al 
Maestre  Don  Alonso  de  Cârdenas  del  esîado  de  los  conventos,  pue- 
blosy  encomiendas  del  Orden,  segûn  la  visita  que  por  mandado  del 
Maestre  D.  Juan  Pacheco  hi:(o  el  anode  146 S. 

Al  soggiorno  in  Ispagna,  nel  1465,  'bb  enel  1468,  Robert 
Gaguin  {^Ap.  p.  léo;  D.  p.  8)  allude  pure  nel  suo  Compen- 
dium  délia  Vita  di  Carlo  Magno(I,  188)  :  «  Ego  verum  cum 
Tolleti  essem,  ecc.jsi  veda  :  Robert i  Gaguini  Epistole  et  Ora- 
tiones,  éd.  L.  Thuasne,  Paris,  1904,  II,  19  sgg. 

1468-69.  —  Con  Bernardo  Bembo  {D.  8)  e  Antonio  Vin- 
ciguerra  fu  pure  in  Ispagna  Paolo  Marsi,  su  cui  vedi  uno  stu- 
dio di  A.  Délia  Torre,  Paolo  Marsi  da  Pescina.  Contributo  alla 
storia  delT  Accadeniia  Poniponiana,  Rocca  S.  Casciano,  1903. 
Qui  si  stampano,  tolti  ad  un  codice  ferrarese,  alcuni  fram- 
menti  délie  elegie  curiosissime,  Bembice,  del  ,poeta  umanista, 
che  descrivonodi  tappa  in  tappa  (Cartagine,  Gibilterra,  Cadice, 
Siviglia)  il  viaggio  ispanico  e  i  fortunali  amori  con  la  bella 
andalusa  Béatrice  (pp.  143  sgg.).  Il  viaggio  del  Vinciguerra 
è  ricordato  di  sfuggita  nel  lavoro  antécédente  del  Délia 
Torre,  Di  Antonio  Vinciguerra  e  délie  sue  satire,  Rocca  S.  Ca- 
sciano, 1902,  pp.  32  sg. 

Sul  Ramusio  {D.,  p.  8)  vedi  A.  Del  Piero,  Délia  vita  e  degli 
studi  di  G.  B.  Ramusio,  Venezia,  1902  (e  vedi  Rivista  storica  ita- 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI   NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  589 

liana,  vol.  XX).  Sul  Marineo  Siculo  (D.,  p.  9)  viene  pubbli- 
cando  da  alcuni  anni  in  qua  il  prof.  P.  Verrua  una  série  di 
note  che  illustrano  l'efficacia  dell'  insegnamento  impartito  in 
Ispagna  :  Nel  niondo  umanistico  spagnolo,  Rovigo,  1 906  ;  Cultori 
délia  poesia  in  Ispagna  durante  il  regno  dt  Ferdinando  il  Cattolico, 
Adria,  1^06  ;  Precettori  italiani  in  Ispagna  durante  il  regno  di 
Ferdinando  il  Cattolico,  Adria,  1907  ;  Lncio  Marineo  Siculo  e  la 
scien^a  del  linguaggio,  Adria,  1 908  ;  Una  leiione  epistolare  di 
latino  a  una  don^ella  spagnola  nel  1^04,  Bobbio,  1912.  Si 
aggiunga  l'opusculo  di  G.  Noto,  Moti  umanistici  nella  Spagna 
al  tempo  del  Marineo,  Caltanisetta,   19 12. 

Già  in  una  mia  divagazione  linguistica  sulla  parola  Marrano 
(«  Studi  letterari  e  linguistici  »  dedicati  a  Pio  RajnUy  Firenze, 
191 1,  p.  524)accennavoadun  viaggioche  Pico  délia Mirandola 
minacciava  di  fare  in  Ispagna,  e  al  terrore  suscitato  nei  santi 
uomini  dell'  Inquisizione  che  chiedevano  ai  re  cattolici  lo  si 
incarcérasse  appena  giunto  sul  suolo  di  Spagna,  corne  infetto 
di  giudaica  perfidia.  Si  veda  un  art.  del  P.  Fi  ta,  Pico  de  la 
Mirândula  y  la  Inqnisiciôn  espanola.  Brève  inédito  de  Inocencio  VIII, 
nel  Bolet  lu  de  la  R.  Academla  de  la  Historia  (1890),  XVI, 
314  sgg  :  «  Audivimus  Joannem  Picum  de  Mirândula  ad 
Régna  Hispaniârum  et  ad  loca  Regni  tui,  in  quibus  studia  lit- 
terarum  vigent,  venisse  ea  de  causa  ut  comités  furoris  etinsa- 
niae  socios  possit  invenire  et  fau[t]ores  querere  ad  misterium 
iniquitatis  quod  operatur...  » 

Di  una  missione  diplomatica  presso  Ferdinando  di  Casti- 
glia  affidata  al  priore  John  Weston  è  memoria  nel  Dudgale, 
Monasticos  Anglic,  VII,  799. 

Sappianio  da  alcune  lettere,  ora  édite,  di  Amerigo  Vespucci 
(ved.  Rambàldi,  Amerigo  Fespucci,  Firenze,  1898;  Rivista  délie 
biblioteche  e  degli  archivi,  ottohre-d'icemhre  1902)  in  quali  rap- 
porti  di  intimità  vivesse  l'illustre  esploratore  cogli  arhici  ita- 
liani stabiliti  in  Ispagna  :  i  Del  Nero  a  Vallàdolid,  Bartolom- 
meo  Marchionni  a  Lisbona,  Antonio  del  Giocondo,  Clémente 
Sernigi  çcc. 


590  ARTURO   FARINELLI 

Tra  gli  episodi  fantastici  intrecciati  un  po'  goffaménte  nel 
Mambriano  di  Francesco  Bello  detto  il  Cieco  da  Ferrara  (ultimo 
decennio  del  1400)  compare  pure  l'avventuroso  pellegrinag- 
gio  di  Orlando  a  S.  Jàcopo  di  Compostella. 

Particolari  su  di  un'  ambasciatâ  di  alcuni  Genovesi  al  re  di 
Castiglia  e  d'Aragona  (1493)  offre  A.  Ferretto,  Noti:;je  intornoa 
tre  anihascerie  genavesi  del  secoloXV,  nel  Gioni.  stor.  eletter.  d. 
Ligu lia  {1904),  V,  262  sgg. 

Un'  altra  ambasciatâ  al  re  di  Spagna  (1498)  ricordata  nel 
Diario  del  dalmata  Luca  de  Renaldis,  vescovo  di  Trieste,  è 
descritta  noW  Archeogr.  Triestino,  Série  III,  vol.  I,  pp.  46  sgg. 
(E  vedi  per  altre  ambasciate,  dal  1495  alchiudersi  del  secolo  : 
Francesco  Capello,  Giorgio  Marni,  Guido  Antonio  Rizim- 
baldo,  Giov.  Battista  de'  Sfondradi,  Giov.  GirolamoVisconti, 
Domenico  Trevisan,  ecc,  un  articolo  di  A.  Schaube,  Z//r 
EnîiuickJnngsgeschichte  der  stàndigen  Gesaudtschaften,  nelle  Mit- 
theil.  d.  Instit.  f.  oesterr.  Gescbicblsforsch..,  X,  549  sgg.). 

Ferdinand  Wolf  ricorda  in  un  suo  saggio,  Studien..,,  Ber- 
lin, 1859,  p.  227,  una  Beschreibung  des  Jest lichen  Empf anges  der 
Z)'  Margareta  de  Flandes  bei  deren  Vermàhhing  mit  dem  Prin^én 
von  Astiirieu  D.  Juan,  Sevilla  1497,  dovuta  a  Hernan  Vazquez 
de  Tapia. 

1497.  —  Si  vedano  alcuni  brevi  articoli  délia  Revista  de  Extre- 
màdnra,  del  1904  (novembre)  :  E.  Escobar  Prieto,  Los  Reyes 
Catôlicos  en  Trujillo  ;  V.  Paredes,  lîinerarios  cxtremeiios  de  los 
Reyes  Catôlicos  ;  A.  Aznar,  Valencia  de  Alcdntara  por  los  Reyes 
Catôlicos.  Boda  regia  en  14PJ  \ 

I.  Do  qui  in  nota  alcuue  'poche  notizie  estratte  dall'  opuscolo  di  Pro- 
spère Peragallo,  Cenni  Inlorno  alla  colonîa  italtana  in  Porlogallo  nel  secoli 
XIV,  XV  e  XVI,  Torino,  1904,  che  allinca  in  ordinc  alfabetico  gli  italiani 
che  soggiornarono  nel  Portogallo  :  esploratori,  commercianti,  artisti,  lette- 
rati,  ecc.  (Per  gli  scopritori  e  viaggiatori  nell'  India  e  nell'Oriente  si  con- 
sultera il  lavoro  di  Amat  di  S.  Filippo,  piij  volte  citato  nelle  mie  note)  : 

Erasi  stabilita  a  Lisbona,  già  in  fine  del  14°  secolo  la  famiglia  Spinola, 
con  Baldassarrc,  favorito  del  re  Fernando. 

A  Lisbona    cbbero   fondaco   e  case  di   mercatura  fiorentissime  neeli- 


VIAGGI    E    VIAGGIATORI  NHLLA   SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  59I 


XV  SECOLO 

Solo  délie  raccolte  dei  viaggi  e  délie  spedizioni  d'oltremare 
(Valentim  Fernandez,  Pietro  Martire  d'Angera,  Aloise  di  Càda 
Mosto...  Feyerabend,  tcc.)  s'occupa  la  tesi  de  M.  Bôhme, 

ultimi  decennidel  1400  :  il  fiorentino  Gerolamo  Sernigi  (fu  tra  primi  a  dif- 
fondere  notizie  délia  i-»  spedizione  di  Vasco  de  Gama  ;  prese  parte  a  parec- 
chie  spedizioni  ncU'India),  il  banchiere  Bartolomeo  Marchionni,  assai  ben 
voluto  da  re  Emanuele  e  pur  attivo  in  più  spedizioni  in  India. 

Sulla  fine  del  1 5°  secolo  è  attivo  a  Lisbona  il  conte  Gian  Francesco  Affai- 
tati,  passato  dalla  mercatura  alla  costruzione  di  armature  di  navi  per  le  spe- 
dizioni in  India.  Verso  il  1554  era  chiamatoda  Genovanel  Portogallo  Bru- 
zio  Damiani,  perito  uel  dar  caréna  aile  navi  senza  tirarleall'  asciutto.  Nella 
2»  décade  del  500  arricchivasi  a  Madera  nella  coltivazionc  délie  cannamele  il 
fiorentino  Simone  Acciaiuoli. 

Erano  aLisbona,  a  principio  del  1500  :  Francesco  Carducci  (Carducho), 
ricco  negoziante  di  spezierie  e  di  zucchero  ;  Francesco  Corvinelli,  commer- 
ciante  di  droghe  indiane  e  famoso  navigatore;  Luca  Giraldi,  ricordato 
corne  uomo  d'affari  intraprendentissimo  nel  151 5  (Nel  1583  la  sua  vasta 
teuuta  «  dos  Theos  »  passava  a  Francesco  Giraldi,  noto  capitalista  e 
ambasciatore  (Su  Pietro  Strozzi  che  giungeva  a  Lisbona  nel  1 509,  fortunato 
esplorarore  délie  Indie,  si  veda  G.  Uzielli,  Piero  di  Andréa  Stronividggia- 
tore  fiorentino  nel  secolo  délie  scoperte,  in  Memoried.  Società  geogr.  iUil.,\\ 
iiosgg.). 

Si  ricorda  il  fiorentino  Giuliano  del  Giocondo  mandato  da  re  Emanuele  a 
Siviglia  per  indurre  Amerigo  Vespucci  a  mettersi  al  servizio  del  Porto- 
gallo. 

—  Nel  1501  stabilivasi  aLisbona  il  cremonese  Gian  Pietro  Buonomini 
editore  e  tipografo;  nel  1504  si  associava  a  Valentim  Fernandez. 

Verso  il  1488,  o  poco  dopo,  re  Giovanni  II  chiamavâ  a  insegnare  ail' 
università  di  Coimbra  Giovanni  Cataldo  Aquila. 

Nel  1544  re  Giovanni  III  incarica  un  suo  agente  di  recrutare  per 
l'università  coiinbrana  professori  valenti,  assicurando  buou  trattamento  per 
un  corso  di  4  a  6  anni,  prolungabile  a  piacere.  E  pare  aderissero  ail'  invito  : 
ccrto  Rissoro,  di  cui  il  monarca  sollecitava  la  partenza  verso  il  1546  ;  Asca- 
nio  Scotto,  letterato  e  legista  di  Perugia  ;  un  giovane  ebreo  convertito  che 
insegnava  alla  Sapienza  di  Roma . 

Del  latinista  Maffei,  che  dal  1572  in  poi  risiedette  nel  Portogallo,  è 
memoria  più  innanzi  nelle  mie  note. 

Recasi  a  Lisbona  nel  16°  secolo  il  veueto  Marco  Antonio  Priuli,  con 
lettera  raccomandatizia  del  doge  Pietro  Landi  al  re  Giovanni. 


592  ARTURO   FARINELLI 

Die  grossen  Rdsesammhingen  des  i6  Jahrhunderts,  Strassburg, 
1904. 

Nella  5.  N  25  non  si  avverte  che  nel  1501  l'arciduca 
Friedrich  si  mosse  una  prima  volta  per  la  Spagna,  già  allora 
seguito  dal  suo  annalista  Hubertus  Thomas.  —  E  délie  Epistole 
deir  umanista  Nicolas  Cleynaert  era  pure  opportuno  citare 
l'ediz.  di  An  versa,  1566,  anteriore  di  40  anni  aquellaindicata  : 
Sui  viaggi  di  Cleynaert  vedi  Ap.,  p.  168;  aggiungi  alcuni 
particolari  insignificanti  nella  Revue  de  la  Renaissance,  Genn.- 
Febbr.,  1905,  pp.  22  sgg.,  Un  voyage  au  Maroc  au  XV^  siècle 
par  Nicolas  Clénart  de  Louvain. 

E  ora  nota  una  disposizione  di  Louis  II  de  la  Trémoille 
riguardo  ad  un  pellegrinaggio  a  S.  Giacomo  di  Galizia,  del 
29  febbraio  1504,  indicata  da  L.  de  la  Trémoille,  Les  La  Tré- 
moille pendant  cinq  siècles, ^znits,  1892,  II,  55. 

Un    Reisepass  nach  Santiago  de  Conipostella,  rilasciato  nell' 


Nel  1558  Antonio  Cavalcanti,  nobile  fiorcntino,  perseguitato  da  Cosimo 
de  Medici,  trova  rifugio  nel  Portogallo . 

Con  Antonio  fiorentino,  pittore  di  Giovanni  I,  Bencdetto  da  Ravenna, 
mandate  a  fortifkare  Ceuta,  il  Contucci  (Sansovino),  chiamato  da  Gio- 
vanni II,  si  ricordano  :  i  fratelli  Antonio,  Francesco  e  Pietro  Tacca,  pittori 
in  vetro,  attivi  verso  la  meta  del  I500(lavorarono  allabasilica  di  Batalha)  ; 
Diego  e  Consalvo  Torralva,  architetti  piemontesi  (^lavorarono,  nella  i^metà 
del  1500,  alla  basilica  di  Belem  e  alla  cattedrale  di  Miranda)  ;  il  bolognese 
Filippo  Terzi,  pittore  e  architetto,  segui  D.  Scbastiano  nella  campagna  del 
1570,  fu  fatto  prigionero  nel  157b,  e,  riscattato,  moriva  nel  1597;  al 
Terzi  succedette  il  cremonese  Leonardo  Torriano  ingegnere  civile  e  militare 
(un  suo  Parecer  sobre  la  navegacion det  rio  Giiadalete  aide  Guadatqtiivir,  colla 
data  del  1627,  è  alla  Nazionaledi  Madrid  :  due  altre  copie  sono  alla  Nazio- 
nale  di  Lisbona). 

Per  le  vicende  dei  mercanti  italiani  nel  Portogallo  si  dovrà  ancor  sempre 
consultare  lo  studio  di  G.  Canestrini,  hilonio  aile  i-elaiioiii  commerciali  dei 
Fiorentini  coi  Portoghesi  avanti  e  dopo  ta  scoperta  del  Capo  di  Biiona  Sperania, 
neir  Archivio  storico  ilaliano,  tomo  III  (1846). 

Un  articolo  di  A.  Ferretto,  nel  Giornale  Ligiistico,  anno  XXII  (1897) 
fasc.  I,  Contributo  aile  relaiioni  tra  Genova  e  Lisbona,  reca  memoria  di 
alcuni  cappuccini  genovesi  che  si  stabilirom  nel  Portogallo,  nella  seconda 
mebà  del'  600. 


VIAGGI    E    VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E    \EL    PORTOGALLO  593 

aprile  del  1505,  ù  riprodotto  nella  Zcitsch.  j.  cl.  Gesch.d.  Oher- 
rhems,XVl  (1864)  ■. 

15 17.  —  Avevo  scordato  nei  miei  appunti  alcune  pagine 
di  Francesco  Chieregati,  Noti::^ie  de  lecose degnc  da  vcdersi  et  de 
le  délit ie  nel  regno  di  Granata  che  fn  dei  Re  mori  nella  Spagna 
(1517),  riprodotte  da  A.  Portioli,  Quattro  docuvieuti  d'Inghil- 
terra  ed  une  di  Spagna  delV  Archivio  Gon^aga  di  Mantova, 
Mantova,  1868,  pp.  27-34. 

1517.  — Una  redazione  spagnuola  (da  aggiungersi  alla  B. 
N.  17)  :  El  via  je  que  el  empevador  Carlos  Ouinto  ])i:^o  à  Castilla 
aho  de  i^ij  è  indicaia  nell'  Inventario  (N.  214)  riprodotto  da 
R.  Béer,  Die  Handschriftenschenhiug  Philipp  II  an  den  Escorial 
{Jahrb.  d.  kunsthist.  Saimiil.  d.  allerh.  Kaiserh.,  vol.  ix). 

15 17-1523.  Fernan  Colon  (vedi  D.,  p.  10)  ;  la  Descripcion 
itineraria  de  todas  las  ciudades  y  lugares  que  anduvo  personalmente, 
contenuta  in  un  vol.  esclusivamente  dedicato  alla  Spagna,  e 
4  tomi  di  Variae  eruditae  aiiotatioiies  del  dotto  e  attivissimo 
figlio  di  Colombo  sono  ricordati  da  A.  Bldzquez,  El  Itinerario 
de  D.  Fernando  Colon  y  las  relaciones  topogràficas ,  nella  Rev.  de 
Arch.,  Bibl.  y  Museos  (febbr.-marzo  1904),  VIII,  83  sgg. 

Si  aggiunga  ai  miei  Ap.  (p.  169),  a  proposito  deiviaggi  di 
Carlo  V,  un  articolo  di  certo  J.  C,  Les  anades  del  gran  empe- 
rador  Caries  V  al  Santuaride  Montserrat,  in  La  Veu  de  Montser- 
rat  (1884),  VII,  304;  il  cap.  Multiples  visites  de  Caries  I  a 
Montserrat,  del  saggio  più  volte  citato  di  F.  Carreras  y  Candi 
(^Visites  de  nostres  Reys  d  Montserrat),  p.  305  sgg.  (viaggi  del 
1520,  1533,  1535,  1536,  1538,  1542).  E  siricordino  le  pere- 
grinazioni  al  célèbre  santuario  dei  monarchi  successivi  :  Les 
visites  de  Felip  I  «  lo  Grandi  ÇII en  Casiella')  a  Montserrat  (pp.  311 
sgg.;  1548,  1565,  1585);  Felip  II (JII  en  Castella)  a  Montserrat 
(pp.  331  sgg.  ;  1599);  Felip  III  CI  F  en  Castella)  a  Montserrat 
(pp.  336  sgg.  ;    1626,  1632);  Lo  rey  Felip  IF  de  Borbôn  {Fcn 

I ,  Un  curioso  Spottlied  di  G.  Wickram  sui  peregrinaggi  dcvotl  è  a  stampa 
neirSo  vol.  délie  opère  compl.  IVerkc,  hrg.  v.  J.  Boite  (5/W.  </.  litcr.  Verein, 
vol.  CCXLI),  Stuttgart,  Tùbingen,  1906. 

MÙLANGI  s.     II.  î8 


594  ARTURO    FARINELLl 

Castclla)  a  Montserrai  (pp.  339  sgg.  ;  1702).  E  si  vedano  le 
note  su  viaggi  nel  secolo  xviii. 

1)21.  — Missiva  di  Chiaffredo  Pasero  al  scgretario  ducale 
Giovanni  Vulliet,  da  Lisbona,  aprile,  1521  ;  riguarda  il 
matrimonio  tra  il  duca  e  Béatrice  figlia  del  re  di  Portosiallo 
(si  veda  A.  Segre,  Dociimenti  di  Storia  sahauda^  Torino, 
1903,  p.  162,  dal  R.  archivio  di  Stato  di  Torino). 

1 523-1 524.  —  Data  da  questi  anni  una  missione  nel  Por- 
togallo  affidata  a  D.  Luis  de  Requesens  y  Zuiiiga  ;  parecchie 
lettere  scritte  dal  Portogallo  le  pubblicô  D.  Manuel  Dan- 
vila  nel  Mémorial  histârico  espanol,  vol.  XXXIX  (1899).  Si 
veda  A.  Morel-Fatio,  nel  BnU.  Hisp.,  VI,  196. 

Alla  missione  in  Ispagna  del  cardinale  Salviati  alludono 
4  pag.  di  un  Sumario  de  las  facuJtades  concedidas  por  el  Sanctis- 
simo  seîtor  7iostro  senor  el  papa  Clémente  septimo  :  al  reuereudissimo 
schor  don  Juan  del  iitulo  de  saut  Cosme  y  saut  Dauiian  diacono 
Cardenal  de  la  sancta  romana  yglesia  llamado  de  Saluiatis, 
Toledo,  en  casa  de  Ramon  de  petras,  1525  (per  questa  e  per 
altre  missive  di  nunzi  in  Ispagna  sempre  dovrô  rimandare 
air  ottimo  libro  di  R.  de  Hinojosa,  Los  despachos  de  la  Di- 
plomacia  Pontificia,  Madrid,  1896). 

Cenni  al  viaggio  e  alla  prigionia  di  Francesco  1°  e  ai  vari 
parlamenti  avutisi  dai  suoi  rappresentanti,  specie  da  Jean  de 
Selve,  nello  studio  di  M.  G.  Clément-Simon,  Uu  cousciller 
du  roi  François  I  :  Jean  de  Selve,  premier  président  du  parle- 
ment à  Paris,  négociateur  du  traité  de  Madrid,  nella  Revue  des 
Questions  historiques,  vol.  LXXIII  (1903),  pp.  45-120. 

Vedo  ricordata  nella  i?a'//(?  latine  del  1906  (V,  625),  in  un 
artic.  di  E.  Maison,  De  Pavie  à  Madrid  un  manosc.  di  Siman- 
cas  {B.  I,  2),  certa  Injormacion  del  uxer  Fronces,  que  vino  â  visi- 
tar  el  Dolfin  y  cl  duque  de  Orliens  por  mandado  de  la  régenta  de 
Francia. 

Parecchie  lettere  ancora  ignotc  di  Martino  Centurione 
ambasciatore  alla  corte  di  Spagna,  scritte  a  Toledo,  ritengo 
verso  il  1525,  sono  ail'  Archivio  di  stato  di   Genova. 


VIAGGI    E    VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  595 

1525  .  —  NegViAp.  (p.  167)  e  iielle  D.  (p.  i3)ricordavo  il 
viaggio  dell'Acursio.  Si  vedano  ora  alcune  epistole  concernenti 
l'ambasciata  a  Carlo  V,  édite  ed  illustrate  da  G.  Pansa,  Otto 
Icttcre  inédite  dcl  célèbre  nmanista  Michelangelo  Accursio,  nel  Bol- 
lettino  délia  Société  di  Storiapatrianegli  AbruT^T^i,  XV,  fasc.  4. 

AU'epocastessadeir  Accursio  trovavasi  in  Ispagnarumanista 
Benedetto  Tagliacarne  (Teocreno),  precettore  del  delfino  di 
Francia.  Non  so  s'egli  abbia  lasciato  memorie  di  questo  suo 
soggiorno.  — SuU'umanista  Aretio,  ricordato  nelle  D.,  p.  14,  si 
veda  un  ampio  saggio  di  E.  Pulejo,  Un  nmanista  siciliano  délia 
prima  meta  del  secohXVI,  Claudio  Mario  Aretio,  Acireale,  1903, 
e  la  bibliografia  degli  scritti  aggiuntavi.  —  Il  viaggio  in 
Ispagna  del  Vettori  è  fugacemente  ricordato  nella  monografia 
di  F.  Niccolai,  Pier  Vettori,  Firenze,  1912,  p.  9. 

Missiva  del  Sig'  di  Configue  al  duca  di  Savoia,  da  Vitoria, 
16  aprile  1526,  con  informazioni  sulla  regina  Eleonora  e  i  figli 
ostaggi  di  Re  Francesco.  —  Altra  missiva  da  Sevilla,  14  mag- 
gio  1 5  26,  ove  accenna  di  presto  sbrigare  la  missione  nel  Porto- 
gallo  (A.  Segre,  Documenti  di  Storia  sabatida,  Torino,  1903, 
pp.  176  sgg.). 

L'umanista  spagnuolo  Juan  de  Vergara  ricorda  le  sue  pere- 
grinazioni  in  una  epistola  poetica  pubblicata  da  A.  Bonilla  (t/« 
manuscrito  de  la  Biblioteca  Nacional  Matritense  con  versos  de  Juan 
de  Vergara,  in  Anales...  Madrid,  1903...  pp.  172  sgg.). 

...  Atque  ego  non  paucas  peragravi  glorius  vrbes, 
hispanas  gallasque  simul  flandrasque  potentes, 
germanasqueetiam.  Quaruni  ipse  illustria  gesta 
perdidici.  Vidi  Burgos  mercântibus  vrbem 
claram,  et  Valsolti  confiniae  pulclira  coloni, 
inclytaque  intraui  Toleti  mœniasaepe. 
Quae  Tagus  auriferas  ainbit  iaculatus  arenas 
Lisbonae  et  portus  ;  Meritaeque  et  mœnia  priscae, 
lata  amplos  quondani  circuncingentia  campos. 
Secobiam  atque  Abulam,  et  te  Salmantica  docta 
multoties  adii,  nec  non  et  plurima  nostrae 
oppida  quae  taceo  patriae 


596  ARTURO    FARINELLI 

Erano  troppo  scarse  e  troppo  vaghe  le  notizie  suUe  peregri- 
nazioni  ispaniche  degli  umanisti  tedeschi  che  offrivo  nelle  D. 
pp.  16  sg.  —  Neir  Ars  versificandi  Conrad  Celtis  frustava  già 
la  voga  dei  lontani  viaggi  (nella  Gallia,  in  Ispagna,  nella  Pan- 
nonia,  ecc).  —  Pasquillus,  eroe  di  un  singolarissimo  libello 
PasquUhis  Marraniis  cxitl  {sta.inpato  a  Wittenberg,  nel  1520) 
prétende  di  esser  passato,  con  Carlo  V,  dalla  Spagna  in  Ger- 
mania,  per  fuggire  la  vita  corrotta  alla  corte  di  Roma  (vedi 
lo  studio  Marrano,  in  Stiidi  letter.  e  linguist.  deJ.  a  Pio 
Rajna,  Firenze,  191 1,  p.  542  ;  W.  Brecht,  Die  Verfasser  der 
Epistolae  Obscuroriim  Viroriim,  Strassburg,  1904,  p.  196).  — 
Era  in  Ispagna,  intorno  al  15 15,  Wilibald  Pirckheimer,  e  di  là 
facevasi  venire  uno  dei  nipoti  che  allora  studiavano  a  Bolo- 
gna. —  Da  Roma,  verso  il  1520,  recavasiin  Ispagna  alla  corte 
di  Carlo  V,  Georg  Sauermann,  autore  di  un'  arringa  in  versi 
assai  letta  ai  suoi  tempi,  Hispaniae  consolatio.  —  In  Ispagna 
similmente  vagô  alcun  tempo,  sempre  con  fissa  la  suaGerma- 
nia,  le  sue  selve,  isuoi  prati  in  cuore,  Peter  Lotichius.  Si  veda 
una  elegia  sua  (lib.  II,  11),  De  peregrinatione  in  Hispaniam. 
—  Fra  i  compagni  nel  terzo  viaggio in  Ispagna (1526)  dei  prin- 
cipe palatino  Friedrich  von  Wittelsbach  (B.  N.  45)  era  pure 
l'umanista  Johann  Lange  di  Lôwenberg  (vedi  Bauch,  Beitràge 
::iir  Literaturgesch.  d.  schksisch.  Hunianisiiius,  nella  Zeitschr.  d. 
Fereins  f.  d.  Gesch.  Schlesiens,  XXXIX,  179  ;  e  vedi  la  nota 
seguente  sui  ricordi  dei  Lange  Ispagna).  — Lessi  poi  il  volume 
dei  Chytraeus,  Hodeporicu,  sive  Itineraria,  ecc.  {Deliciae 
Variorum  Europae  itinenuii).  che  ancora  non  conoscevo  ail' 
epoca  délie  D.  (p.  17).  Vi  è  accolta  unepistola,  Valentia 
(p.  313),  di  G.  C.  Scaligero. 

Un  Hispanianun  Elogium  figura  nel  libro  di  J.  Vaerthus, 
Phonicis  sive  consecraliouis  Augustae,  Antverpiae,  1562,  fol.  21- 
26  (è  registrato  nell'  Eiisayo  dei  Gallardo,  IV,  849). 

1526.  — A.  Hasenclever,  Die  tagebucharligen  Anfxeichnun- 
gen  des  pfàl:(ischen  Hofar:^tes  D.  Johanncs  Lange  iiber  seine  Reise 
nach  Granada  im  Jahre  1J26,  nell'  Arçhiv  f.  Kulturgeschichlc, 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  597 

vol.  V(i907),  pp.  385-439  (fu  tra  i  Baschi,  in  Castiglia,  a 
Jaen,  Tornô  daGranada  passando  a  Toledo  e  a  Madrid)  ;  vedi 
anche  G.  Lacombe,  Les  Basques  en  1J26,  nella  ^evue  de  Lin- 
guistique. . .  del  1 9 1 2 . 

Era  nella  Spagna  e  nel  Portogallo,  intorno  al  1535,  An- 
dreno  Boorde,  autore  di  un  primo  Baedeker  per  l'Europa, 
Itinerary  of  Europe  (1542). 

1535-1537.  —  Non  dovevo  scordare  nelle  D.  la  nunziatura 
in  Ispagna  di  Giovanni  Guidiccioni  e  lelettere  important!  che 
concernono  questo  viaggio  (ediz.  Minutoli,  Firenze,  Barbera, 
1867).  Il  Guidiccioni  andô  in  Ispagna  il  24  gennaio  del  1535, 
e  tornô  in  Italia  il  28  agosto  del  1537  (si  veda  sul  Guidic- 
cioni :  M.  A.  Benincasa,  Giovanni  Guidiccioni  scrittore  e  diplo- 
matico  italiano  del  secoJoXVI,  del  1895  ;  E.  Chiorboli,  Giovanni 
Guidiccioni,  nella  Bihliot.  letter.  délia  Rornagna,  N.  i,  Jesi, 
1907  ;e  un  saggio  di  R.  Fornaciari,  nel  vol.  Fra  il  niwi'o  e 
Vantico,  Milano,  1909).  •'         \\ 

È  manoscr.  alla  Hofbibliothek  di  Vienna  (N.  6621-43)  una 
Instrutlione  per  il  Nitntio  di  Portogallo  Gerolamo  Capo  di  Ferro, 
ijfehbraio  1^)7. 

1538  sgg.  —  Sui  frequenti  viaggi  diplomatie!  nella  Spagna, 
nel  Portogallo  e  ail'  estero  di  Luis  Venegas  de  Figueroa  vedi 
il  denso  volume  di  A.  Danvila  y  Burguero,  Diploniâticos  Espa- 
holes.  Don  Cristovalde  Moura  primer  Marqués  de  Castel  Rodrigo, 
Madrid,  1900  (cap.  11,  vi,  ecc).  Qui  pure  copiose  notizie  sui 
viaggi  dei  monarchi  di  Spagna  (cap.  xxvii,  Viaje  del  monarca 
castellano.  Viaje  de  la  corte  d  Valeiicid). 

1541.  — Si  aggiunga  alla  5.,  N.  27,  una  Relaciâ  inedita  de  la 
vinguda  à  Mallorca  del  Emperador  Carlos  V  y  de  su  expediciô  ù 
Alger,  scritta  da  Gabriel  Sampol  nel  1541  (vedi  Boletin  de  la 
Sociedad aqueolôgica  Luliana,  1904,  marzo). 

Nelh  Revista  Europea  del  1879,  A.  Rodriguez  Villa  riferiva 
sulla  fuga  a  Toledo  e  il  soggiorno  nel  Portogallo  di  Doiia 
Maria  Pacheco,  sorelladi  D.  Diego  de  Mendoza.  Délie  Memo- 
rie  scritte  da  questa  gentildonna  sembra  non  esservi  ormai 
più  traccia. 


598  ARTURO   FARINELLI 

Repertorio  de  todos  los  caminos  de  Espana  compuesto  por  Pero 
Juan  de  Villuga,  Médina  del  Campo,  1546  (ne  diede  una  ri- 
stampa  récente  Archer  M.  Huntington). 

1547-1552,  — Suir  insegnamento  e  le  tormentose  vicissi- 
tudini  del  célèbre  George  Buchanan  nel  Portogallo  chiamatovi 
corne  illustrazione  délia  novellauniversità  diCoimbra,  vedi  il 
saggio  di  G.  J.  G.  Henriques,  Buchanan  in  Portugal  del  vol. 
miscellaneo  :  George  Buchanan  :  A  mémorial .  ijo6-i^o6.  Con- 
tributions by  varions  luriters,  compiled  and  edited  by  D.  A.  Mil- 
lar...  St  Andrews,  1907  (7°  studio). 

1548.  —  Particolari  sul  viaggio  in  Ispagna  dell'  imperatore 
Massimiliano  I  (D.  p.  i5)troviin  un'  indagine  di  H.  Krei- 
ten,  Der  Briefivechsel  Kaiser  Maximilians  I  mit  seiîier  Tochter 
Margareta,  Wien,  1907.  —  Nell'  Ensayo  del  Gallardo  (IV, 
1222)  si  registrano  le  Copias  nuevamente  hechas  sobre  el  gran 
recibimiento  que  se  hi^o  al  Principe  Maximiliano  en  esta  villa  de 
Valladolid,  1548. 

Ricorderô  una  ristampa  del  poema  descrittivo  délia  Sigea 
(D.  75)  aggiunta  al  volumetto  di  P.  AUut,  Aloysia  Sigéa  et 
Nicolas  Chorier,  Lyon,  1862  (a  pp.  64  sgg.  notizia  sul  sog- 
giorno  di  Sigea  nel  Portogallo)  ;  un'altra  curata  da  Fonseca  e 
Pinto  col  titolo  A  flor  de  marniore. . . 

1548.  —  Un  esiratto  délia  Rela:(ione  (stesa  dal  dotto  uma- 
nista  e  musicista  bergamasco  Cerbonio  Besozzi)  del  viaggio  in 
Ispagna,  compiuto  nel  1548,  dal  cardinale  Cristoforo  Madruzzo 
si  stampô  in  un  opuscolo  per  7io~~e  Giuliano  Del  Rio,  Trento, 
1885.  —  Vedi  ora  nelle  Fontes  reruni  Austriacarum,  I  p., 
Scriptores,  9°  vol.  :  Die  Cbronik  des  Cerbonio  Beso:^:^.  1^48-6^ 
erlâutertu.  herausg.  v.  W.  Friedensburg,  Wien,  1904. 

Un'  Islru^ioiw  per  V ambasceria  affidala  ad  Annibale  Merlani 
pressa  Filippo  II  re  di  Spagna  nel  IJS9  ^  riprodotta  nella  Riv. 
stor.  artist.  e  archeol.  d.  prov.  di  Alessandria,  III  (1901). 

Un  anno  dopo  era  in  Ispagna  alla  corte  di  re  Filippo  l'am- 
basciatore  lucchese  Andréa  De'  Nobili.  Al  suo  viaggio  accènna 
S.  Bongi,  neir  opusculo,  //  Principe  Don  Carlo  e  la  Regina  Isa- 


VIAGGI    E    VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E    NEL    PORTOGALLO  599 

bella  di  Spagna  seconda  i  documcnti  di  Lucca,  Lucca,  1887, 
p.  107.  —  Posteriori  a  quella  data  sono  le  relazioni  date  in 
luce  da  A.  Pellegrini,  ReIa:(iom  inédite  di  anibascialori  lucchesi 
alla  Carte  di  Madrid  nei  sec.  XVI-XFII,  Lucca,  1903. 

Dovevano  ricordarsi  per  nécessita  dietro  l'Alberi  le  relazioni 
di  Spagna  e  del  Portogallo  (Soriano,  Quirini,  G.  Soranzo, 
P.  Tiepolo,  Antonio  Tiepolo,  Cavalli,  Badoero,  L.  Donato, 
Mocenigo,  Contarini)  accennate  e  discusse  nel  lavoro  assai 
pregevole  di  Willy  Andréas,  Die  venetianiscben  Relâtionen  und 
ihr  Verhàliniss  ■^nr  Kultnr  der  Renaissance,  Leipzig,  1908.  Qui 
si  osserva  che  non  tutti  gli  ambasciatori  offrono  descrizioni 
dirette;  parecchi  desumono  le  notizie  loro  candidamente  dai 
precursori  ;  il  Soranzo  dipenderebbe  del  Tiepolo  ;  il  Correr 
dal  Quirini  ;  tutti  caratterizzano  gli  Spagnuoli  assai  sfavo- 
revolmente.  A  pp.  119  sgg.,  è  riassunta  la  bella  caratte- 
ristica  deU'imperatore  Carlo  V  fatta  dal  Mocenigo,  «  ein  Mei- 
sterstûck  aller  Menschendarstellungen  ».  —  Oraè  in  luce  un 
volume  curato  da  Arnaldo  Segarizzi  (Rela::joni  degli  ambascia- 
tori veneti  al  Senato,  Bari,  19 12.  Scrittari  d'Italia). 

Fu  in  Ispagna  nel  1562  il  letterato  bassanese  G.  Betussi,  con 
tutta  probabilità  mandatovi  dal  Vitelli,  che  fu  pur  lui  in 
seguito  in  Ispagna.  Non  conosco  memorie  di  questi  viaggi  ;  e 
nemmenoa  G.  Zonta  che  del  Betussi  raccolse  parecchie  notizie 
(Note  Bctussiane,  nel  Giorn.  star.  d.  letier.  ital.,  LU,  350  sgg.) 
sono  note  le  lettere  che  il  Betussi  scrisse  da  Barcellona  al  Con- 
tile  (Lettere  di  Luca  Cantile,  Pavia,  1564,  p.  4 18,  losettembre 
1562  :  «  So  d'avervi  scritto  almeno  trevolte  daldi  che  ricevei 
lalettera  vostra  data  in  Barcellona.  »  —  E  il  29  maggio  1563  : 
«  Niuna  occasione  mi  poteva  esser  più  grata  che  il  vostro 
ritorno  e  che  vi  siate conservato  sano...  in  cosî  lungo  viaggio  e 
per  terra  e  per  mare  »). 

Torno  a  consigliare  uno  studio  sui  comici  italiani  in 
Ispagna,  che  recheràcerto  nuova  luce  alla  storiadel  teatro.  Aile 
peregrinazioni  ispaniche  del  Ganassa  accennavo  negli  Ap., 
p.  178,  e  nelleZ).  p.  21.  Prima  certamentedel  i574era  in  Ispa- 


éoO  ARTUBO   FARINELLI 

gna.  Sul  soggiorno  a  Madrid,  a  Sevilla  ealtrove  nella  penisola, 
neldecennio  1 574-1 584,  vedi  l'articolodel  Cotarelo,  nelh  Rcv. 
deArch.y  Bibl.  y  Museos,  1908,  XIX,  42  sgg.  E  bisognerà  cor- 
reggere  la  nota  che  al  Ganassa  dedica  H.  A.  Rennert,  nel 
paziente  e  dotto  libro,  The  Spanish  Stage  in  the  tinie  of  Lope  de 
Vega,  New  York,  1909,  p.  479.  Si  vedano  i  Nuevos  dates 
acerca  del  histrionisiiw  espanol  en  los  siglos  XVI  y  XVII,  del 
compianto  C.  Pérez  Pastor,  ndBulL  hisp.  del  191 1. 

1 562-1 565-1566.  —  Su  Jean  Ebrard  in  Ispagnasi  vedano  le 
lettere  e  i  document!  messi  in  luce  da  E.  Cabié,  Ambassade  en 
Espagne  de  Jean  Ebrard  seigneur  de  Saint-Snlpice,  de  IJ62  à  ij6j, 
et  mission  de  ce  diplomate  dans  le  même  pays  en  ij66,  Albi,  1903. 

Ritengo  datino  dal  1 567  alcune  Epistolae  di  «  Johannes  Ton- 
ner a  Triebpach  in  Hispania  »,  dirette  all'arciduca  Rodolfo 
d'Austria,  manoscr.  alla  HofbibJiothek  di  Vienna  (N.  9103). 

Dai  manoscritti  délia  medesima  biblioteca(N.  9371)  rilevo  : 
Johannes  Michaël  Thonet,  Relatio  Germaniae  ad  qnendam 
imperatorem  de  Statu  Belgii  regii  etjoederati  nec  nonregni  Hispa- 
niarum. 

Altro  manoscr.  délia  «  Hofbiblioth.  »  (N.  loioo,  17)  : 
Dialogus  ger  manie  us  Henrici  II  régis  Galliae  et  Ludovicii  XIII 
de  itinere  in  Hispaniam  nuptiarum  gratia  suscipiendo. 

Ricorda  i  peregrinaggia  Santiago  délie  confraternité  svizzere 
E.  A.  Stùckelberg,  in  un  articolo  délie  BasJer  Nachricbten, 
1903,  pp.  190-196  che  ancor  non  lessi,  e  in  una  nota  di 
aggiunta  :  Schivei:;erische  Santiagopilger,  dello  Schwei:(eriscljes 
Archivji'ir  Volkskunde,  vol.  VIII,  pp.  61  sgg.  (qui  si  riproduce 
il  documento  délia  fondazione  délia  confraternita  di  Sachseln)  '. 

Sul  pittore  e  poeta  Caxesi  in  Ispagna  (verso  il  1567  ?  — 
vedi  D.  p.  76),  una  lettera  di  Léo  Rouanet,  (spcntosi  pur 
lui  ormai  !)  nella  Rev.  de  Arch.,  Bibl.  y  Museos,  gennaio 
del  1904. 

Di  due  viaggi  in  Ispagna  compiuti  tra  il  1569  e  il  1572,  dà 

I.  Sul  IFainJcrlicd  filr  Raisende  Lent  del  Fischart,  si  veda  A.  Hauffen, 
Fiscbart-Siudien,  nell'  Eupliorion,  XI,  56  sgg. 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  éoi 

notiziaCh.  Mirschauer,  nella  i?(T/<^  du  Nord,  agoslo  191 1  :  Le 
voyage  en  Espagne  de  Nicolas  de  Leucaigne  et  de  Philippe  Prévost. 

Nessuna  menioria  di  Spagna  trovo  nelle  Lettere  di  Giuliano 
Goselini  (Venetia,  1592  ;  sul  suo  viaggio  ved,  Ap.,  p.  308). 
Solo  visiaccenna  con  insistenza  ail' ambasciata  in  Ispagna  del 
Torre,  posteriore  al  viaggio  del  Goselini  di  più  di  un  decen- 
nio. 

Spiacemi  non  conoscere  ancora  un  libro  di  Gilbert  James 
Coleridge  e  Marion  Coleridge  ;  Jan  Van  Elselo  :  Account  of  his 
adventures  during  the  reign  of  His  Most  Catholic  Majesty  Pln- 
lipp  II,  kiiig  of  Spain,  London,  1902. 

Délia  relazione  di  Gaspar  Aguilar,  hiestas  nupciales  que  la 
ciudad  de  Valencia  hiio  al  casaniiento  de  Felipe  II,  v'è  una  nuova 
ristampa  (non  vénale)  curata  da  Francisco  Carreres  Vallo, 
preceduta  da  uno  studio  biografico  e  bibliografico  di  Francisco 
Marti  Grajales,  Valencia,  19 10. 

1571.  —  Giovasi  délia  relazione  inedita  del  viaggio  del  car- 
dinale Alessandrmo  (Giov.  Battista  Venturino  da  Fabiano, 
ved.  Ap.,  p.  174,  308),  A.  Pellizzari,  nel  saggio,  Feste,  Gioie  e 
Veste  nu:;ialidel  Cinquecento,m  Rivista  d'Italia,  settembre  191 1. 

Del  latinista  bergamasco  Gian  Pietro  Maffei  (chiamato  a  Li- 
sbona  nel  1572  percompilare  la  storia  portoghese  ^dell' infante 
D.  Enrico  fino  a  re  Sebastiano,  e  restatovi  per  circa  un  decen- 
nio),  è  memoria  nel  saggio  cit.  di  P.  Peragallo,  Cenni  intorno 
alla  colonia  italiana  in  Portogallo...  Torino,  1904. 

Sul  Granvella  in  Ispagna  {Ap.,  p.  309)  avrei  dovuto  ricor- 
dare  il  volume  di  M.  Philippson,  Fin  Ministeriuni  unter  Phi- 
lipp  IL  Cardinal  Granvella  am  spanischen  Hofe,  IS76-S6, 
Berlin,  1895  (pp.  67  sgg.  viaggio  del  Granvella  in  Ispagna). 

1577.  —  Una  Descriiione  del  Portogallo,  ignoro  di  quale 
autore,  è  tra  i  manoscr.  délia  «  Hofbibliothek  »  di  Vienna 
(N.  6752,  2).  —  Similmente  a  Vienna  è  pur  manoscr.  un 
Itinerario  overo  descrittione  di  Portogallo  et  Historia  di  quel  Regno, 
1577.  —N.  6977,  3. 

1575.  —  Una  relazione,  ritengo  ancora  m3.noscTina,  Las  vis- 


602  ARTURO    FARINELLI 

tas  del  Rey  de  Castilla  y  Portugal  en  Guadalupe,  aiio  1575,  è 
ricordata  nell'  Ensayo  del  Gallardo  (IV,  15 14). 

A  Celio  Magno,  che  fu  in  Ispagna  con  l'ambasciatore  Badoero 
(^Ap.,  p.  177)  dedica  parecchistudi  A.Pilot  :  FilippoII  di  Spa- 
gna  in  iina  can^one  inedita  di  Celio  Magno,  nella  Nnova  Rasse- 
gna,  Firenze,  1905.  — Del  protestantesimo  a  Vene:(ia  e  délie  poé- 
sie religiose  di  Celio  Magno,  nell'  Ateneo  Veneto,  vol.  XXXII» 
fasc.  1-2. 

Sul  Sassetti  (5.,  N.  38  ;  Ap.,  p.  175  ;  D.  20)  vedi  Zaccaria, 
Contributo  allô  studio  degliiberis)ni  in  Italia,  Torino,  1905.  — 
Su  Antonio  Veneziano  (^Ap.,  p.  176),  L.  Natoli,  Prosae  pro- 
satori  siciliani  del  secolo  XVI,  Milano,  Palermo,  1904,  e  una 
memoria  (a  me  ancora  sconosciuta)  di  F.  Biondolillo,  Un 
ignoto  manoscritto  di  Antonio  Veneziano,  dall'  Archivio  storico 
siciliano,  N.  S.  anno  XXXVII,  Palermo,  '1912. 

Sul  Peregrino  curioso  del  Villalba  vedi  una  brève  notizia  nell' 
introduzione  del  Serrano  y  Sanz  al  vol.  Autohiografias  y  Memo- 
rias,  Madrid,  1905,  p.  lxxxvi  sg.  Non  sarà  possibile  rintrac- 
ciarne  la  continuazione  ?  Sono  sfuggite  al  Serrano  le  memorie 
di  Juan  de  Vargas,  che  narrano  gli  infiniti  vagabondaggi  in 
Ispagna  e  un  po'  per  tutti  i  regni.  Si  stamparono,  tradotte 
non  so  in  quai  modo,  da  G.  Navarin,  Les  Aventures  de  Don 
Juan  de  Vargas,  Fa.ns,  1853  (Bibl.  Elzév.) 

Dair  Archivio  di  Stato  Mediceo  estrae  notizie  sul  soggiorno 
in  Ispagna  (a  Madrid,  a  Barcellona,  verso  il  1579)  di  Luigi 
Dovara  (successo  a  Antonio  Serguidi),  G.  Sommi  Picenardi, 
Luigi  Dovara  gentil  iionio  cremonese  agente  mediceo  alla  Cor  te  di 
Filippo  II,  neir  Arch.  stor.  ital.,  Ser.  V,  tomo  XLVII  (191 1)? 
PP-  63  sgg. 

Ricordavo  nelle  D.  p.  75,  il  viaggio  in  Ispagna  di  Thomas 
Wyatt.  Un  poeta  ben  maggiore,  lo  Spenser  sembra  sia  pure 
stato  in  Ispagna,  verso  il  1579,  al  seguito  del  duca  de  Leices- 
ter.  A  me  sfugge  una  sua  epistola  latina,  in  cui  narra  dove  r 
peregrinare  nelle  contrade  più  remote  ;  «  per  inhospita  Gau- 
casa  longe  Perque  Pyrenaeos  montes  Babylonaque  turpem  », 
e  nella  Spagna,  e  a  Roma,  ecc. 


VIAÛGI    E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  603 

1 583-1 586.  —  La  biblioteca  di  Corte  di  Vienna  conserva 
manoscritto  di  Vincenzo  Gradenigo  (N.  6744)  un  Registro  di 
lettere  di  Spagna,  clie  comprende  gli  anni  1583-86. 

1583-90.  —  Sul  soggiorno  del  de  Ségusson  in  Ispagna  si 
veda  lo  studio  di  A.  Mousset,  Un  résident  de  France  en  Espagne 
au  temps  de  la  Ligne  (i  j S  j-ij^o),  Pierre  de  Ségusson,  Mamers, 
1908. 

Fu  affidata  a  Pomponio  Torelli,  verso  il  1584,  una  mis- 
sione  diplomatica  in  Ispagna  per  ottenere  dal  re  la  restituzione 
del  castello  di  Piacenza.  Poco  si  sofferma  su  questo  viaggio 
(già  ricordalo  dall'  Affô,  Meniorie  degli  scrittori  e  letler.  par- 
rnigiani,  vol.  IV,  p.  273),  A  Barilli,  Nuova  Biografia  di  Pom- 
ponio Torelli  e  critica  délia  sua  tragedia  Vittoria,  Parma,  1903, 
pp.  12  sgg.  A  Barcellona  il  poeta  délia  Merope  dev'  essersi 
trovato  col  Principe  di  Sulmone,  col  Barone  Sfondrato,  con 
Bonifazio  Vannozzi.  —  Il  Vannozzi  spagnolizza  a  piacere 
nelle  sue  epistole,  e  ricorda  il  gran  viaggio  (^Delk  Lettere 
Miscellàme...,  Venetia,  1606).  Scrive  ad  un  ignoto,  I,  8  : 
«  Quello  che  mi  paia  délia  Corte  di  Spagna...  lo  vedrà...  e 
l'intenderà  nell'  alligato  toglio...  Quivi  si  tratta  di  cose  mas- 
sime,  di  negotii  sodi...  lo  non  vorrei  non  esservi  stato  per 
quanto  m'è  cara  la  vita...  », 

1584.  —  L'amico  D.  Joaquim  de  Araujo  m'indica  un'  epi- 
stola  sfuggitami  nelle  D.  :  Sul  commercio  dei  prodotti  délie  Indie 
Orientali.  Lettera  informativa  di  Luigi  Verato  da  Lishon'a  al  Con- 
sole délia  Repuhhlica  Vend  a  a  Madrid,  V  maggio  MDLXXXIV, 
Venezia,  Antonelli,  1873  (di  43  pp.).  Verato  era  ancora  a 
Lisbona  nell'  anno  successivo,  1585. 

1585.  —  Aile  mie  note  sul  viaggio  di  Carlo  Emanuele  Fili- 
berto  (^/).,  p.  30,  113;  D.,  p.  20)  s'aggiunga  una  notizia 
di  F.  Carreras  y  Candi,  Carlos  Manuel  de  Saboya  en  el  Carna- 
val de  Barcelona  (ano  de  ij^'^j),  nella  Cultura  Espahola  del 
1908,  febbr.,  pp.  10  sgg. 

Aile  notizie  sui  viaggi  e  le  csplorazioni  di  Francis  Drake  (5., 
45  ;  D.,  p.  21)  s'aggiungan  le  Noticias  historiales  de  las  con- 


604  ARTURO  FARINELLI 

qiiistas  de  Tien  a  Firme  di  Fray  Pedro  Simon  (1604),  sulle 
quali  riferisce  G.  Jenner,  A  Spanish  account  of  Drakes  voyage, 
nella  EngJish  HistoricaJ  Rcview  del  1901,  pp.  :\6-66.  —  E  si 
veda  la  tesi  di  John  Arthur  Ray,  Drake  dans  la  poésie  espa- 
gnole (^i^jo-ij^i),  Chartres,  1906. 

1587.  — Vedo  registrato  dal  Gayangos,  Catalogue  of  the  Mss. 
in  the  Span.  lang.  in  the  Brit.  Mus.,  IV,  85  una  relazione  : 
Fr.  Garcia  de  Loaysa  à  Maiheo  Vasque^  sohre  la  visita  de  Ron- 
cesvalles  por  los  de  la  Camara  y  respnesla  de  Su  Majestad,  2}  Fe- 
brero  ijSy. 

1587.  — Pure  al  British  Muséum  (Egerton  311)  conservasi 
una  relazione  manosc.  :  Visits  to  shrines  in  Spain,  Provence  and 
Italy  in  ij8/  by  a  proxy  of  Philipp  IL 

1588.  —  Manoscr.  alla  «  Tournay  Library  »  :  Journey  of 
the  Comte  de  Solre,  Sieur  de  Molenbais,  froui  Solre,  near  Dinanl, 
in  Belgium,  to  the  court  of  Philipp  II  of  Spain  i^SS:  vîa  Genava. 

Sui  viaggi  di  certo  Fabrizio  Ballerini  che  in  in  Ispagna  verso 
il  1588,  vedi  un  opuscolo  di  P.  Tommasini-Mattiucci,  Un 
viaggiatore  perugino  del  secolo  XVI,  Perugia,  1906. 

Ricordavo  nelle  D.,  p.  75  il  viaggio  in  Ispagna  del  milanese 
Pietro  Monti,  assai  stimato  e  benvoluto  da  Leonardo  da 
Vinci.  Un  altro  milanese,  Giov.  Ambrosio  Mazzenta,  scultore 
di  valore,  felice  possessore  dei  più  preziosi  manoscritti  vin- 
ciani  recavasi  un  secolo  dopo  in  Ispagna,  nel  1589  (Alcune 
Memorie  de  fatti  da  Leonardo  da  Vinci  a  Mi  la  no  e  de  suoi  lihri 
del  P.  Don  Giov.  Ambrosio  Ma~~enta  milanese  Chierico...  ripr., 
nel  Buonarroti,  série  II,  vol.  IX,  pp.  168  sgg.). 

Sembra  sia  pure  st:Uo  in  Ispagna,  verso  la  fine  del  1500, 
Scipione  Mercurio,  a  cui  il  dottissimo  Teza  dcdicava  una 
memoria  :  Scipione  Mercurio  e  gli  Errori  popolari  d'ItaJia,  in 
Atti  e  Mem.  d.  R.  Ace.  d.  scien~e,  lettere  e  arti,  Padova,  1902. 
N.  S.,  XVIII,  189-205. 

1589.  —  Vedo  erroneamente  attribuita  a  Walter  Raleigh 
una  variante  del  discorso  registrato  nella  B.  46,  stampato  a 
parte,  già  nel  1589  (prima  che  nella  raccolta  dell'  Hakluyt)  : 


VIAGGl    E   VIAGGIATORl    NELLA    SPAGNA    E   NEL  l'ORTOGALLO  605 

A  True  Coppic  of  a  Discourse  ivritien  by  a  Gentleman  employée 
in  the  late  Voyage  by  Spaine  and  Portiîigak,  sent  to  bis  particular 
friend,  and  by  him  pnbUshed,  for  the  better  satisfaction  of  ail  sitch 
a<;  having  been  seduced  by  particular  report  bave  entered  into  con- 
ceipts  tending  to  the  discrédite  of  the  enterprise  and  actors  of  the 
same,  London,  1589. 

Il  viaggio  del  Barbetta  è  ricordato  nelle  D.,  p.  21,  con  la 
dataerronea  del  1590  ;  si  corregga  1592,  e  si  indichi  più  esai- 
tamente  il  titolo  :  Itineris  a  Veneiiis  in  Hispaniani  et  iiide  in 
Americam  et  Africam  suscepti  descriptio  ;  la  relazione,  è  stesa  in 
tedesco,  ed  è  dedicata  «  praeposito  Berchtegadensi  »  (cod. 
8916  délia  Palatina  di  Vienna). 

Di  un  viaggio  in  Ispagna  del  poeta  John  Donne,  compiuto 
certamente  nell'  ultimo  scorcio  del  1500,  prima  che  il  Donne 
fosse  secretario  di  Lord  EUesmer  non  trovo  memoria  nei  due 
vol.  di  E.  Gosse,  The  life  and  letters  of  fohn  Donne  (Dean  of 
St.  Paul),  London,  1899;  ^'^  l^i  riprodotta  una  lettera  del 
Donne  diretta  al  Buckingham  quand'  era  in  Ispagna  col  prin- 
cipe de  Wales  (1623),  vol.  II,  p.  176  :  «  I  can  thus  far  make 
myself  believe  that  I  am  where  your  Lordship  is,  in  Spain, 
that,  in  my  poor  library,  where  indeed  I  am,  I  can  turn 
mine  eye  towards...  In any  profession  from  the  mistress  ofmy 
youth,  Poetry...  Their  authors  in  Divinity,  though  they  do 
not  show  us  the  best  way  to  heaven,  yet  they  think  they  do 
(non  ho  tra  mani  l'ediz  récente  :  The  Poems  of  fohn  Donne, 
ed.  by  H.  J.  C.  Grierson,  Oxford,   1912,  2  vol.). 

Credo  si  debba  far  risalire  ail'  ultimo  decennio  del  1500  il 
Romance  del  viaje. . .  à  Sevilla  del  Gôngora,  che  io  ricordai  nelle 
D.,  pp.  26  sg.  Si  aggiungano  altri  Romances  che  celebrano 
altre  peregrinazioni  del  poeta  :  quello  a  Granada  p.  es.  (del 
1598  ?)  :  «  Ilustre  ciudad  famosa  »,  tcc.  che  figura  nel  Roman- 
cero gênerai,  del  1600  (9^  parte,  pp.  515-516);  quello  poste- 
riore  di  alcuni  anni  (1609)  a  «  Galicia  »  :  «  Oh  montanas  de 
Galicia  »,  ecc. 

Vedo    ricordato   nella  memoria  del   Bonilla,  La  vida   del 


6o6  ARTURO    PARINHLLI 

P icaro  (^Revue  hisp.,  IX,  34),  certo  satirico  Itinerario  escrito  de 
Burgos  à  Cn'stôbaî  Pere^  tninistril  de  Segovia  del  dottor  Juan 
de  Salinas. 

1599-  —  Dovevo  avvertire  negli  Ap.^  p.  183,  che  la  Rela- 
cion  del  viaggio  a  Valencia  di  Filippo  III  (1599)  è  opéra  di 
Luis  Velez  de  Guevara.  Si  vcda  A.  Paz  y  Melia,  Nuevos  datos 
para  la  vida  de  Luis  Vele:{  de  Guevara,  nella  Rev.  de  Arch., 
Bibl.  y  Museos,  del  1902,  p.  129  ;  e  le  Notas  di  F,  Pérez  y 
Gonzalez  ail'  ediz.  del  Diahlo  cojuelo,  Madrid,  1903  (qui  appare 
col  titolo  Las  hodas  de  los  Catôlicos  Reyes  de  Espana  Don 
Felipe  m  y  Doha  Margarita  de  Ausiria).  —  Si  aggiunga  la 
relazione  poetica  di  Lope  de  Vega,  El  viaj'e  y  fiestas  que  se 
hicieron  à  Felipe  III  en  Dénia,  Valencia,  1599. 

1599.  —  Sul  viaggio  dell'  arciduca  Alberto  {B.  50)  si  veda 
l'opuscolo  di  Arnaud  d'Agnel,  La  venue  à  Marseille  en  ij^^  de 
la  reine  d'Espagne  Marguerite  et  de  Varchiduc  Albert,  Paris, 
1907.  —  E  aggiungasi  alla  B.  (50),  agli  Ap.  (pp.  183)  e  aile  D. 
(p.  24)  una  Brève  narra tione  di  quanto  passa  appo  la  persona 
deir  m.  et  ecc.  Signor  Contestabile  di  Castis;lia  dal  giorno  che 
parti,  fino  a  che  ritornô  a  Milano  con  la  Seren.  et  potent.  Regina 
Margarita,  Milano,  1599. 

Era  manoscritta  alla  Nazionale  di  Madrid,  alcuni  anni  or 
sono,  e  destinata  alla  pubblicazione,  unacuriosa  autobiografia, 
ch'io  ancora  non  lessi  :  Vida  y  Memorias  del  licenciado  Grego- 
rio  de  Tovar  {iS4j-i6^6).  —  Accennavo  fugacemente  negli 
Ap.  (pp.  184  sgg.)  e  nelle  D.  (pp.  21  sgg.)  aile  peregrina- 
zioni  per  le  terre  di  Spagna  e  fuori  di  esse  di  alcuni  avventu- 
rieri,  soldati,  comici,  che  scrissero  più  o  meno  fantasticamente 
le  memorie  loro.  Di  Alonso  Contreras  occorreva  pure  ram- 
mentare  un  suo  Derrotero  del  Mcditcrraneo,  frutto  délie  espe- 
rienze  avute  nei  lunghi  viaggi,  e  in  cui  gran  parte  è  fatta  alla 
Spagna.  Pur  non  dovevo  tacere  i  Comentarios  deldesenganado... 
di  D.  Diego  Duque  de  Estrada  {Mémorial  historico  espanol, 
vol .  XII),  il  Cavallero  venturoso  di  Juan  de  Valladares  de  Val- 
delomar  (dato  in  luce  dal  Bonilla  e  dal  Serrano),  e  parecchie 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    MELLA    SPAGNA    E    NEL    PORTOGALLO  éoy 

altre  narrazioni  autobiografîche  registratc  e  studiate  da 
M.  Serrano  y  Sanz  nel  vol.  Aulohiografias  y  Mcmorias  cokccio- 
nadas  é  iliistradas  (N liera  BihJ.  de  Aiif.  Esp.),  Madrid,  1905, 
pp.  xciv  sgg. 

Ricordo  qui,  congiunte,  le  relazioni  lucchesi  che  si  esteii- 
dono  dal  1592  al  1674,  e  pubblicate  da  A.  Pellegrini,  Rela- 
~/o«/  inédite  di  ambasciatori  lucchesi  alla  corie  di  Madrid  (sec 
xvi-xvii),  Lucca,  1903  : 

1="  relazione   di   Compagno    Compagni  che   rimase  quattro 
anni  a  Madrid  (1592),  pp.  11  sgg. 

2*         —         di   Lorenzo   Bonvisi    e    Alessandro    Gabrielli 

(1599),  PP-  15  sgg. 
3*        —         molto  ampia  di  Damiano  Bernardini  rimasto 

dieci  anni  alla  corte  (1602),  pp.  18  sgg. 
4"         —         di  Alessandro  Lamberti  (1605),  pp.   24  sgg. 
5"         —         di  Sebastiano  Gigli  (1610),  pp.  30  sgg. 
6*         —         di  Bernardo  Minutoli  (161 5),  pp.  39  sgg. 
7^"         —         molto  estesa  e  importante  di  Attilio  Arnolfini 
che  fu  tre  anni  alla  corie  (iéi8),  pp.  43  sgg. 
8*         —         di  Cesare  Burlamacchi  (1622),  pp.  57  sgg. 
9^         —         di  Lorenzo  Cenami,  che  fu  tre  anni  a  Madrid 
(  1622,  giunse  alla  corte  nel  1 6 1 9),  pp.  éo  sgg. 
10*         —         di  Jacopo  Arnolfini  (1644),  PP-  ^^  sgg. 
n'         —         di  Alessandro  Massei,  ambasciatore  résidente 

per  tre  anni  (1646),  pp.  72  sgg. 
12^        —        di  Giovanni  Guinigi,  ambasciatore,  pur  rimasto 

tre  anni  (1649),  pp.  80  gg. 
13*         —         di  Pietro  Guinigi  e  Claudio  Bonvisi  (1666), 

PP-  84  gg- 
14*         —         di  Lorenzo  Cenami,  che  passô  altri  nove  anni 

circa  alla  corte  (1674),  pp.  87-96. 

Chiama  l'Arnolfini  (relaz.  7*,  pp.  51)  la  cacciata  dei  Mori 

compiuta  da  Filippo  III,   «  la  più  pia  e  la  più  eroica  attione 

che   quai  si   voglia   romano  imperatore,  e  cristianissimo  re, 

potesse    mai  fare  ;    generosa,    poichè    per  quella   non  solo 


6o8  ARTURO   FARINELLI 

corse  S.  M.  gran  pericolo  che  queirinnumerabil  quantità  di 
ferocissime  bestie  li  facesse  immortal  guerra...,  ma  ancora  per- 
ché non  bastô  per  tenerlo  indietro  il  grand'interesse  di  stato 
che  dovesse  la  Spagna  et  i  suoi  stati  niancar  di  tanta  brava 
gente  da  Guerra...  E  dove  poichè  vi  puoneva  la  sua  potente 
mano  poteva  far  morir  tal  diabolica  gente,  perché  non  li 
facesse  mai  più  guerra,  non  pati  il  suo  hunianissimo  quore  che 
si  spargesse  tanto  sangue  humano  ».  —  Dice  di  re  Carlo  II  il 
Cenami  (rel.  14^',  p.  94)  :  «  Non  sarà  ornato  di  scienza,  di 
lingue,  né  di  cognitioni  politiche,  per  che  non  l'hanno  mai 
potuto  soggetare  allô  studio  che  Tabborrisce  più  délia  morte 
e  l'attrista  a  segno  di  farle  danno  alla  sainte  ;  fugge  il  maestro,  et 
un  giorno,  trovandomi  con  la  Marchesa  Aya  in  uscita,  mi 
sentii  afferrare  da  una  parte  ;  voltandomi  viddi  essere  la  M.  S. 
che  lo  fuggiva,  né  sono  certo  che  siano  ancora  arrivati  alla 
félicita  che  sappia  scrivere  il  suo  real  nome.  » 

XVII  SECOLO 

Sul  Cortese,  che  purviaggiô  in  Ispagna  (D.,  p.  24),  si  veda 
A.  Ferolla,  Ginlio  Cesare  Cortese, pocta  napoleiano  del  secolo  XV II, 
Napoli,  1908. 

Seguono  da  più  anni  le  discussioni  suUe  Filippiche  (Ap., 
pp.  183  sg.  ;  D.  p.  24),  che  nella  Bibl.  Univ.  del  Sonzogno 
ancora  si  stampano  corne  opéra  del  Testi  ;  vedi  :  Rass.  bibl.  d. 
Ictter.  ital.,  XI,  231  ;  A.  Belloni,  Le  Filippiche  e  la  «  Pietra  del 
Paragone  »,  per  nozze  Pellegrini-Bu:^;},  Verona,  1903  ;  G.  Rossi, 
Saggio  di  tina  bibliografia  ragionata  délie  opère  di  Aiess.  Tassoni, 
Bologna,  1908;  G.  Rua,  Tassoniana,  Nuovi  documenii  per  la 
storia  délie  Filippiche,  nel  Giorn.  star.  d.  letter.  ifal.,L,  369  sgg. 
Dimenticavo  io  pure  negli  /]//).  la  traduzionc  castigUana  di  una 
Filippica,  indicata  nel  Catal.  del  Gayangos,  I,  856  (opusc.  di 
10  pp.). 

1603. — Una  brève  parte  è  pur  fatta  alla  Spagna  nelle 
Reldciones  de  Don  Juan  de  Persia...  divididas  en  très  libros,  donde 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  609 

se  tratan  las  cosas  notables  de  Persia,  la  genealogia  de  sus  Reyes, 
guerras  de  Persianos,  Turcos  y  Tartaros,  y  las  que  vido  en  el  viaje 
que  Uzp  à  Espaha  ;  y  su  conversion  y  la  de  otros  dos  Cavalleros 
persianos,  V^WzàoXxà,  1604  (vedi  fol.  161  sgg.)  • 

1603-1604.  — La  relazione  del  viaggio  in  Ispagna  di  Bar- 
thélémy Joli  {B.,  N.  56)  è  ora  a  stampa  nel  XX  vol.  (1909), 
délia  Revue  hispanique  (cita  Lope  «  poète  fort  estimé  »,  il 
Botero,  l'autore  del  Giiimân  de  Alfarache,  Huarte,  Juan  de 
Mal  Lara,  Mariana,  i  Valdés,  ecc). 

Al  Cervantes  attribuivasi  erroneamente  una  Rclacion  de  las 
fiestas  de  Valladolid,  scritta  da  Antonio  de  Herrera,  corne 
dimostra  C.  Pérez  Pastor,  Documentos  Cervantinos,  II,  411- 
418.  —  Si  aggiunga  agli  Ap.,p.  184,  perle  peregrinazioni 
del  Cervantes,  lo  studio  di  Martinez  Ruiz  (Azorin),  Rnta  de 
Don  Ouijote,  Madrid,  1905  (r'  edizion),  e  Madrid,  19 12, 
(2^  ediz.).  Non  conosco  che  dal  titolo  una  Relatione  di  qnanto 
è  successo  nella  città  di  Vagliadolid  dopo  il  felicissimo  nascimento 
del  Principe  di  Spagna  D.  Filipo  D.  V.,  Milano,  1608  (com- 
prende  116  pp.  di  una  Miscellanca  Milancse^. 

1605.  —  La  embajada  de  Lord  Noltingham  à  Espana  en  160; , 
fa  parte  del  vol.  di  Ramirez  de  Villa-Urrutia,  Ocios  diplomàti- 
cos,  Madrid,  1907  (qui  pure  vi  figura:  La  jornada  del  Con- 
destablc  de  Castilla  à  Inglaterra  para  las  paces  de  1604). 

1 605-1 606.  —  Un  manoscritto  délia  Bodleiana  (D.  1286) 
che  contiene  la  relazione  del  viaggio  di  un  anonimo,  Italy  and 
Spain,  160^-06,  è  registrato  nell'ottimo  volume  diE.  S.  Bâtes, 
Toiiring  in  1600.  A  Study  in  the  Development  of  Travel  as  a 
Means  of  Education,  London,  1912,  p.  393  (si  veda  particolar- 
mente  la  3^  parte  :  The  misunderstood  West,  del  cap.  Christian 
Europe,  pp.  162  sgg.) 

Polevo  io  pure  ricordare  che  nel  1607  si  stampô  a  Anversa 
la  descrizione  del  Nunez  :  Ludovicus  Nonnius,  Hispania  sive 
de  oppidis ,  fluminibusque  veteris  Hispaniae  (ne\h  Hisp.  illustr. 
dello  Schott,  IV,  431  sgg.).  SuUa  descrizione  ancora  inedita  di 
Pedro  Teixeira,  compilata  intorno  al   1630,  vedi  l'articolo  di 

Mélanges.  II.  39 


élO  ARTURO    FARÎNELLÎ 

A.  Blâzquez,  La  âcscripciôn  de  las  Costas  de  Espaha  por  Pedro 
Teixeira  Albernas,  nella  Rev.  de  Arch.,  Bibl.  y  Muscos,  del 
1908,   pp.   364  sgg.,  che  offre  stampati  i  primi  due  capitoli. 

1608  sssT.  —  Suir  ambasciata  del  conte  Orso  d'Elci  a 
Madrid,  che  favoriva  il  duplice  matrimonio  fra  le  case  di  Spa- 
gna  e  di  Francia,  vedi  l'indicazione  del  carteggio  col  gran- 
duca  Ferdinando  I,  di  altre  lettere  a  cardinali,  ecc.  ;  e  varie 
minute  scritte  dall'  ambasciatore  toscano  a  Madrid  negli  anni 
iéo8-iéi8,  nella  Revista  del  le  Bibliotecbe,  gmgno-lu^lio,  1904 
(Carte del  Conte  Orso  D' Elci-Pannocchiescbi  acqnistate  dal  R.  Ar- 
chivio  di  siato  di  Firen:^è). 

Peregrinô  pure  in  Ispagna,  nel  seconde  decennio  del  '600, 
Peter  Mundy,  le  cui  memorie  di  viaggio  or  si  stampano  dalla 
Hakluyt  Society,  Séries  II,  vol.  17. 

Le  peregrinazioni  in  Ispagna  di  César  Oudin  si  ricordano 
negli  Ap.,  p.  184.  Dalla  ristampa  délia  Galatea  del  Cervantes 
(161 1)  risulta  che  l'Oudin  fu  pure  nel  Portogâllo  :  «  passando 
a  Portugal,  y  llegando  a  una  ciudad  fuera  de  camino  llamada 
Evora,  ecc.  » 

Nel  Càtal.  del  Gayangos,  I,  355,  è  registrata  una  brève  Rela- 
cion  de  Espaha,  manoscr.  del  i6io(«  a  niiscellaneous  collec- 
tion of  tracts,  compiled  from  varions  authors,  and  intended 
for  a  description  of  Spain  :  Costuinbres  de  Espana  difereiites  de 
[las  de]  otras  naciones^. 

Per  la  relazione,  incompleta,  di  un  viaggio  d'anonimo  com- 
piuto  nel  16 12,  indicata  nella  B.  58,  vedi  E.  Guillon,  Deux 
voyages  en  Espagne  au  XVII^  siècle,  nella  Revue  hispan.,  del 
1902,  IX,  511  sgg. 

Avevo  spedito  a  D.  Pedro  Roca,  a  Madrid,  già  nel  1902,  un 
ampio  estratto  délia  relazione  latina  manoscritta  Peregrinus, 
sive  Peregrinalor  terrestris  et  coeleslis  del  medico  di  Kônigsberg 
Caspar  Stein  {D.  p.  27),  ma,  non  so  come  avvenne,  la  copia 
mia  si  smarri,  e  alla  morte  del  Roca  non  s'è  più  trovata  tra  le 
carte  lasciate  dall'  estinto.  Sarà  bene  tornare  a  chiedere  il 
manoscritto  dello  Stcin  alla  biblioteca  dell'  Università  di 
Kônigsberg. 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  6l  I 

Di  alcune  memorie  del  «  maestre  de  campo  »  Alvaro  de 
Paz  Villalobos  :  Servicios...  à  los  Reyes  Felipe  II  y  III,  en  Ita- 
lia,  Flandes,  Portugal  y  las  Indias,  Madrid^,  1602,  non  ho  che 
una  notizia  vaghissima. 

161 5.  —  Una  brevissima  relazione  di  Fr.  Luys  Soleto  con- 
cerne più  ritalia  che  la  Spagna  :  Relacion  verdadera  del  recibi- 
viiento  que  Papa  Paulo  V  y  los  cardenalei  hi:^ieron  en  Rovia  al 
cinbaxador  de  los  Japones,  que  des  la  Citidad  de  Seuil  la  partie  cl 
a ùo  passado,  Sev'ûla,  1616. 

Non  avrei  dovuto  dimcnticare  negli  Ap.,  e  nelle  D.  le 
Rcla:^ioni  snlla  Nnn::jatiira  in  Ispag)ia  del  Cardinale  Bentivoglio 
(vedi  l'edizione  di  Colonia,  1632).  La  Palatina  di  Vienna  con- 
serva manoscritte  (N.  6739,  24)  Treinta  y  cinco  Cartas  del 
Cardenal  BenliboUo  tradiicidas  de  Italiano  en  Castellano  escritàs 
al  Duque  de  Monteleon  à  Bruselas  y  à  Madrid,  1618-1620.  — 
E  vedi  del  cardinale  Bentivoglio  le  Memorie,  Milano,  Daelli 
1864. 

Si  aggiunga  aile  notizie  sui  viaggi  dell'  Hovvell  {B.  N.  69) 
la  curiosa  allegoria  Howelliana  Dodona's  Grove,  or  the  Vocall 
Forest  (1640),  di  cui  conosco  una  traduzione  francese  :  La 
Deudrologue  ou  la  Forêt  de  Dodone,  coin  posée  de  plusieurs  arbres 
mystérieux  sous  l'ondnx  desquels  il  est  discouru  critiquement  des 
plus  mémorables  occurrences  amenées  en  France,  en  Angleterre,  en 
Italie,  en  Espagne...  depuis  Van  1600  jusqu'à  présent  par 
J.  Hoiuell,  gentilhoninie  breton-anglais,  Paris,  Courbé,  1641  (v'è 
anche  una  versione  latina  del  1641).  —  E  vedi  G.  Jùrgens, 
Die  Epistolae  Ho.  Elianae.  Ein  Beitrag  :{iir  englischen  Lilteratur- 
geschichte  '(in  Marburger  Studien  :iur  englischen  Philologie) y 
Marburg,  1901. 

Alla  5.  N.  65  e  aile  D.,  p.  28  s'aggiunga  una  nuova  e  scru- 
pulosa  edizione  del  viaggio  del  Lithgow,  The  totall  Discourse 
of  the  Rare  Adventures  and  Painefull  Pérégrinations  of  long  Nine- 
teen  Yeares  Travayles  from  Scotland  to  the  most  fanions  King- 
domes  in  Europe,  Asia  and  Affrica,  Glasgow,  1907. 

1620  sgg.  —  Registriamo  y  vari  viaggi  in  Ispagna  (1620; 


6l2  ARTURO  FARINELLI 

1639  ;  1643)  dell'agente  diplomatico  modenese  Ippolito 
Camillo  Guidi,  di  cui  stampa  ora  il  iMorel-Fatio,  nel  Bull,  ital., 
del  1913,  l'interessantissima  Cadiiia  del  Conte  d'Olivares, 
scritta  a  Madrid  nel  gennaio  del  1643. 

Pare  si  recasse  in  Ispagna  verso  il  1623,  col  vescovo  di 
Bertinoro,  nionsig.  Massimi  Nicolô  Strozzi,  e  vi  abbia  cono- 
sciuto  personalmente  Lope  de  Vega.  Stampa  un  sonetto  di 
Lope  allô  Strozzi,  L.  Fasse,  in  Scriiti  vari  di  erudi^.  e  di  critica 
in  onore  di  R.  Renier,  Torino,  19 12,  p.  405. 

Ne  la  B.  N.  70,  ne  le  mie  aggiunte  {Ap.,  pp.  186  ;  311  ; 
D.,  pp.  28  sg.  ;  p.  77)  ricordavano  una  stampa  barcellonese  di 
una  relazione  del  viaggio  del  principe  Charles  Stuart,  ripro- 
dotta  in  facsim.  da  Archer  M.  Huntington  (1902)  :  Relacion  de 
la  salida  que  hi:(0  desta  villa  de  Madrid  el  Serenissitno  Principe  de 
Gales,  à  mieve  de  Setiembre  deste  ano  de  162),  Barcelona,  1623. 
Si  veda  anche  una  notizia  nel  Boletin  de  la  Sociedad  Castel- 
lana  de  Exciirsiones,  luglio,  1 908  :  El  Principe  de  Gales  en  Val- 
ladolid  en  162^. 

Era  pure  del  seguito  del  principe,  Sir  Richard  Wynn  che 
scrissele  sue  memorie  di  viaggio,  stampateda Thomas  Hearne 
in  appendice  alla  Historiac  Vitae...  Ricardi  //(1729),  e  ripro- 
dotte,  nel  1845,  da  Halliwell-Phillipps  nell'edizione  dell'auto- 
biografia  di  Simonds  d'Ewes  (1602-16 50). 

1 624.  —  E  manoscritta  alla  Nazionale  di  Madrid  (N.  6043)  ; 
vedi  Rev.  deArch.,  Bibl.  y  Miiseos,  vol.  VIII,  1904,  p.  95,  una 
Nolicia  de  algunos  lugares  de  Andalucîa,  de  relaciones  de  Gabriel 
del  Santans  que  con  comisiôn  de  su  Mages tad  por  el  aho  pasado  de 
1624  anduvo  por  algunàs  partes  de  Espaûa,  recogiendo  y  obser- 
vando  lo  niâs  notable  de  algunos  pneblos  para  la  descripciôn  gênerai 
de  Espaûa  que  se  habia  encargado  à  Juan  Bautista  Labana  (vedi 
D.,  p.  77). 

1624.  —  E  nota  un' cpistola  del  Quevedo  :  Carta  al  mar- 
qués de  Velada  y  de  San  Roman,  dandole cuenta  delviaje  de  Anda- 
lucia  con  el  rey  Don  Felipe  IF,  che  puô  leggersi  nella  Bibl.  de 
Aut.Esp.,  XL VIII,  521,  ed  è  ricordata  dal  Rodriguez  Marin, 


VIAGGI   E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL   PORTOGALLO  6l  ^ 

Pedro  Espinosa,  Madrid,  1907,  p.  260  (si  aggiunga  alla  B.,  71). 

Délia  nobile  Anna  Douglas,  confessa  di  Morton,  che  viaggiô 
e  soggiornô  in  Ispagna  nei  primi  decenni  del  1600,  è  memoria 
neir  opéra  del  Serrano  y  Sanz,  Escritoras  espaholas,  Madrid, 
1903,  I,  346  :  «  Un  distinguido  bibliofilo  nos  dijo  que  D*  Ana 
habia  estado  en  Espaiia  y  publicado  la  relaciôn  de  su  viaje, 
de  cuya  obra  ténia  él  un  ejemplar.  »  Ma  forse  la  notizia  è  erro- 
nea.  Délia  Douglas  non  è  a  stampa  che  un  libro  di  preghiere, 
edito  più  volte  sin  verso  il  i6éé. 

Ricordi  di  un  milite  portoghese  Miguel  Leitào  de  Andrade 
che  partecipô  aile  campagne  del  re  D.  Sebastiano,  in  un  biz- 
zarro  volume,  Miscellanea,  Lisboa,  1629. 

Fr.  Luis  dos  Anjos  è  autore  di  un  Jardim  de  Portugal,  Coim- 
bra,  1626. 

1626.  —  Non  so  se  sia  già  a  stampa  la  Relaciôn  del  viaje  y 
enirada  en  Madrid  del  Cardinale  Barberino,  che  vidi  mano- 
scritta  alla  Nazionale  di  Madrid  (ind.  ant.  H.  10).  Si  aggiunga 
aile  notizie  délia  B.  N.  74  ;  Ap.,  p.  187  ;  D.,  pp.  30,  78,  una 
Relaciôn  de  la  partida  que  1)1:^0  el  Conde  de  Ohate  para  la  raya  de 
Aragon,  movendo  ail'  incontro  del  Cardinal  Barberino, 
Madrid  (vedi  Gallardo,  Ensayo,  I,  390). 

Sul  conte  Giambattista  Ronchi  résidente  estense  a  Madrid 
(1630-163 3)  ha  promesso  da  parecchi  anni  un  lavoro  Paolo 
Negri. 

Il  Caîal.  del  Gayangos,  IV,  157,  registra  tra  le  descrizioni 
dei  viaggi  in  Ispagna  :  Risbie's  Journey  froni  Briisscls  to  England 
(nel  3°  decennio  del  1600).  Da  Bruxelles  il  viaggiatore  pas- 
sava  nella  Spagna  e  nel  Portogallo,  e  risaliva  per  la  Francia. 

Ai  viaggi  in  Ispagna  del  Voiture  edel  Saint-Amant  acennavo 
nelle  D-,  pp.  32  sg.  (vedi  ora  E.  Magne,  Voiture  et  les  origines 
de  l'hôtel  de  Rambouillet...,  Paris,  19 13).  Occorreva  pure  indi- 
care  il  viaggio  e  il  lungo  soggiornô  fatto  alla  corte  di  Madrid 
da  Antoine  de  Metel  sieur  d'Ouville,  di  cui  è  memoria  nei 
Contes  aux  heures  perdues,  Paris,  165 1,  vol.  I,  p.  477  :  «  Ne 
vous  estonnez    point  si  vous  voyez  en  ce    présent  volume 


6 14  ARTURO   FARINELLI 

plusieurs  contes  des  Espagnes.  L'Autheur  qui  a  fait  ce  recueil 
y  ayant  demeuré  sept  ans  dans  la  Court,  et  la  langue  espa- 
gnole luy  estant  fort  familière  n'a  pas  voulu  oublier  ceux 
qu'il  a  remarquez  dans  ce  pays...  «  Analoga  affermazione  nel 
vol.  III  dei  Contes,  p.  406  :  «  ...pour  avoir  demeuré  sept  ans 
entiers  à  Madrid  et  prenant  plus  de  plaisir  à  la  lecture  espa- 
gnole qu'à  la  française...  (e  vedi  Tallemant  des  Réaux,  Histo- 
riettes, III,  p.  167;  A.  L.  Stiefel,  nella  Zeitschr.  f.  fran^. 
Sprache  n.  Liter.,  XXVII,  192). 

Negli^/j.,  p-  311  ricordavo  i  viaggi  in  Ispagna  del  Brignole 
Sale  e  di  Paolo  Riccio.  Avrei  forse  dovuto  aggiungere  un 
altro  secentista  genovese  Tommaso  Oderico,  autore  délie 
Muse  CastigUane  (R.  Soprani,  Scrittori  délia  Liguria,  Genova, 
1667,  p.  271),  e  il  genovese  Tommasi  Sibori  che  scrisse  e 
rimo  in  castigliano  parecchio  (un  vol.  suo  manoscr.  è  regi- 
strato  neir  Ensayo  del  Gallardo,  IV). 

Dovevo  similmente  indicare  altre  ambasciate  in  Ispagna 
ordinate  dagli  estensi,  oltre  quella  del  Testi  (^Ap.,  pp.  188  sgg.) 
e  ricordare  le  missioni  anteriori  del  conte  Ercole  Rondinelli, 
del  Cardinale  Alessandro  d'Esté  (16 14),  ecc.  Per  il  Testi  si 
veda  una  memoria  di  V.  Santi,  //  processo  e  la  condanna  di 
Fulvio  Testi  nel  7617,  nel  Giorn.  stor.  d.  letter.  ital.,LlY,  i  sgg. 

1634.  —  La  Nazionale  di  Madrid  (Mss.    P.  V.   Fol.   8, 
N.  64),  conserva  il  manoscr.  autografo  di  una  Rclacion  de  un 
viaje  que  hi^o  desde  Madrid  à   Palermo,  D.  Gaspar  de  Salcedo  ' 
(Palermo,  2  febbr.  1634). 

Sugli  Itinerari  allestiti  da  Martin  Zeiller  di  Ulm  (B.  N.  63) 
vedi  una  fugace  notizia  nella  Beilage  der  Allgemeinen  Zcitnng, 
del  1904,  N.  245  :  Ein  Baedeker  vor  2)0  Jahren. 

Su  Godofredo  Riques,  agente  délia  Danimarca  in  Ispagna, 
verso  il  1638,  ved.  E.  Gigas,  nella  Revue  hispanique,  XXIII 
(1910),  pp.  575  sgg. 

1640-1644.  — Sarebbe  ormai  tempo  che  si  raccogliessero  e 
si  stampassero,  ordinate  e  illustrate,  le  relazioni  sugli  amba- 
sciatori  estensi  alla  corte  di  Madrid,  non  meno  importanti  cer- 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA   E   NEL    PORTOGALLO  6l  $ 

tamente  délie  relazionilucchesi.  Dell'  ambasciata  del  P""'  Ippo- 
lito  Camillo  Guidi  inviato  alla  corte  di  Spagna  dal  duca  Fran- 
cesco  1°  d'Esté  (vedi  l'articolo  cit.  del  Morel-Fatio  in  una  nota 
précédente)  sappiamo  ancora  ben  poco.  Tutto  il  carteggio, 
che  lo  Justi  cita  nel  suo  Vela^qiie'^,  riposa  negli  archivi  di 
Modena.  E  non  offre  più  di  un  aridissimo  elenco  G.  Ogni- 
bene  nel  suo  libro  Le  relayioui  délia  casa  d'Esté  coW  estera, 
Modena,  1903.  Ora  il  Sig''  U.  Dallari  gentilmente  mi  comu- 
nica  trovarsi  nell'  archivio  di  Stato  di  Modena  che  dirige 
tredici  minute  délie  istruzioni  avute  dal  Guidi  per  la  sua 
missione,  e  quattro  intere  buste  del  voluminoso  carteggio 
guidiano  con  notizie  interessantissime  intorno  alla  corte  spa- 
gnola  nel  1643  e  la  disgrazia  del  Conte  Duca.  II  1°  ottobre 
del  1640  il  Guidi  ebbe  udienza  a  Madrid  dal  Conte  Duca; 
rimase  alla  corte  sin  verso  la  fine  del  1644.  Gli  successe,  in 
qualità  di  agente  estense,  il  nipote  capitano  Pietro  Giovanni 
Guidi. 

Assicura  in  certe  sue  rime  il  Busenello  :  «  E  perché  havea 
superà  el  francese  j  Andai  subito  in  Spagna  vittorioso...  »  ma 
forse  è  immaginario  questosuoviaggio,  e  appaiono  calcati  sui 
soliti  modelli  due  suoi  sonetti  su  Madrid  ed  una  sua  Descri- 
tione  di  Madrid.  Si  vedano  /  sonetti  niorali  ed  amorosi  di  Gian 
Francesco  Busenello  (i 598-1659).  Testo  critico  per  cura  di 
A.  Livingston,  Venezia,  1911,  p.  112.  E,  del  medesimo 
Livingston,  La  Vita  vene^iana  nelle  opère  di  Gian  Francesco 
Busenello,  Venezia,  191 3,  p.  80. 

Spiacemi  non  avère  che  una  vaghissima  notizia  délia 
missione  diplomatica  in  Ispagna  del  toscano  Monsignor 
Lorenzo  Corsi,  avvenuta,  se  non  erro,  intorno   al   1640. 

1640  sgg.  —  Rimembra  le  missioni  in  Ispagna  di  H.  Han- 
nibal  Sehest,  di  H.  W.  Rosevinge,  il  dotto  E.  Gigas  nella  sua 
intéressante  pubblicazione  :  Notes  du  Voyage  en  Espagne  {1640- 
41)  du  Médecin  Otto  Sperling,  nella  Revue  hispanique,  XXIII, 
5 34  sgg.  (Su  altri  ambasciatori  di  Danimarca  in  Ispagna  [il 
Lerchefu  in  Ispagna  dal  1650  al  53  e  dal  1658  al  62],  vedi 


6l6  ARTURO   FARINELLI 

E.  Gigas,  Lettres    inédites  de  quelques    savants    espagnols  au 
XFI^  siècle,  nella  ^^z;.  hisp.,  XX,  424). 

1640.  —  F.  Rodriguez  Marin  nel  suo  bel  volume  su  Pedro 
de  Espinosû...,  Madrid,  1907,  p.  308  dà  notizia  del  Panegyrico 
nupcial  :  Fiagedel  ExccJcntissiino  Seiior  Don  Gaspar  Alouso  Pere::^ 
de  Gu:(nian,  Duque  de  Médina  Sidonia...  en  las  hodas  cou  la 
Excelentisima  Senora  Doha  Jnana  Fernande^  en  Cordoha..., 
Cadiz,  1640,  che  io  ricordai  nelle  D.,  pp.  36  sg. 

Neir  Inventario  délia  collezione  Edouard  Favre  (Bnlle- 
letin  hispanique,  XIV,  93)  trovo  indicato  una  Relation  du 
voyage  fait  en  Andalousie  par  D.  Luis  [Mende^]  [de  Haro  [Soto- 
mayor  y  Gu:;inan\  Comte-duc  d'Olivares  (tra  il  1645  e  il 
1649). 

1649.  —  Si  ricordi  a  proposito  del  viaggio  di  Maria  Anna 
d'Austria  (B.,  81)  l'entusiastica  descrizione  e  l'inno  sciolto  da 
D.  Juan  de  Mendoza  nella  «  comedia  »  del  Calderôn,  Guar- 
date  del  agua  mansa  (Jorn.,  I). 

Pare  varcasse  la  frontiera  e  giungesse  in  Catalogua  il 
poeta  Jean-François  Sarasin,  benchè  le  ultime  lettere  sui  suoi 
peregrinaggi  non  datino  che  dalla  Francia.  Vedi  il  cap.  Der 
Feld:(ug  in  Catalonien  und  Sarasins  Tod,  dell'  opéra  prolissa 
di  M.  Mennung,  Jean-François  Sarasin  s  Leben  und  Werke, 
Halle  a  S.,  1904,  II,  425  sgg. 

1655. —  Sul  viaggio  del  Brunel  (5.  N  83)  vedi  J.  de 
Armas,  Antonio  Brunel  y  su  viaje  d  Espaha  en  16;  j,  nel  vol. 
Ensayos  de  literatura  inglesa  y  castellafia,  Madrid,  1909  (e  vedi 
Espana  futura,  del  19 10,  genn.-febbr.-marzo). 

1657.  —  Un  «  romance  »  che  fa  parte  di  certo  Poenm  di 
P.  Pedro  de  Quiros,  tattora  manoscritto  (a  Sevilla?),  è  ricor- 
dato  neir  Ensayo  del  Gallardo,  IV,  18  :  «  Dale  cuenta  à 
Ardenia  del  Viaje  de  Olivares.  Lunes  4  de  diciembre  1657  ». 

Per  le  spedizioni  aile  frontière  délia  Spagna  del  conte  di 
Souvigny  si  vedano  :  Mémoires  du  comte  de  Soiivigny,  lieutenant 
général  des  armas  du  Roi,  pidiliés  d'après  le  manuscrit  original 
par  le  baron  Ludovic  de  Contenson.  Paris,  1906  (ora,  se  non 
erro,  è  a  stampa  solo  il  1°  vol.). 


VIAGGI    E    VIAGGIATORI   NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  617 

Ricordo  qui  Vltinerario  historial  di  Alonso  de  Andrade, 
neir  ediz.  Madrid,  1647  (ve  n'è  una  posteriore,  Lisboa, 
1687).  E  ancora  :  un'  arida  descrizione  di  A.  Saur,  Stàtte- 
Buch  oder  ausfuhrliche  Beschreibung  der  filrnehmsten  Stàtle,  Plàt^ 
imd  Festimgen  meistens  in  Europa,  aiich  in  anderen  Teilen  der 
gantien  Welt.  Fortgesetzt  durch  H.  A.  Authes  (con  moite  in- 
cisioni),  Frankfurt  a.  M.,  1658. 

A  complemento  délia  relazione  di  viaggio  elencata  nella 
B.  90,  s'aggiunga  la  Relaciôn  de  la  Jornada  que  la  Condessa 
de  Escalante  [Dotia  Maria  de  Guevara]  hi:(o  â  Ja  ciudad  de  Vito- 
ria  à  bessar  la  mano  â  Su  Magestad,  ricordata  dal  Serrano  y 
Sanz,  Escrîtoras  Espaholas,  I,  474  ;  deve  trovarsi  ancora 
manoscritta  alla  Nazionale  di  Madrid). 

1662.  — Èsepolto  air  Archivio  di  stato  a  Parma  il  car- 
teggio  di  Giuliano  Ardinghelli  che  recossi  in  Ispagnae  nel  Por- 
togallo  per  i  preparativi  délie  nozze  di  Alessandro  Farnese 
con  Maria  di  Portogallo.  Si  veda  J.  de  Araujo,  0  Conde  de 
Mansfelt  eni  Portugal,  in  Revista,  Porto,  1903,  fasc.  III.  — 
Per  altre  notizie  di  stranieri,  diplomatici  ecc.  alla  corte  di 
Castiglia  a  quell'  epoca  si  veda  il  1°  vol.  dell'  opéra  di  G. 
Maura  Gamazo,  Carlus  II  y  su  corte,  i  vol.  (1661-1669), 
Madrid,  191 1. 

1666.  —  Sul  viaggio  da  Madrid  a  Rovereto  dell'  infanta 
Margarita  Maria,  sposa  ail'  imperatore  Leopoldo  I  d'Austria, 
{Ap.,  p.  191),  si  veda  una  notizia  nel  Bolet  in  de  la  R.  Acade- 
mia  de  la  Historia,  1903  maggio  (vol.  XLII,  pp.  376  sgg.). 

Per  i  viaggi  del  Fanshawe  (Ap-,  p.  190),  ved.  J.  W. 
Mackail,  Sir  Richard  Fanshawe,  in  Transactions  of  the  Royal 
Society  of  Literatare,  XXVIII  (1908),  fasc.  2.  —  Additavo  le 
Memoirs  ofAnn  lady  Fanshaïue,  nell'  edizione  del  1829  ;  or 
converrà  ricordare  quella  curata  daJohnLanc,  London,  1907. 

1666  sgg.  —  Dei  vari  viaggi  in  Ispagna  di  Domenico 
Laffi  (^/).,  p.  191)  (fu,  come  già  si  è  avvertito,  tre  volte  a 
Santiago  :  una  prima  volta  nel  1666,  con  D.  Morando  Conti, 
Nicolo  Mantuani,  Francesco  Magnaghi  —  una  2^  nel  1670, 


él8  ARTURO   FARINELLI 

col  pittore  Domenico  Codici  —  una  3^'  nel  1673  con  Fra 
Giuseppe  Lipparini  ;  si  spinse  allora  sinoa  Madrid)  tocca  fuga- 
cemente  G.  Rossi,  Roiicisvûlle  uei  ricordidi  un  pellegrino  del  600, 
nel  FanfnUad.  Djincnica,  XXV  (1903),  pp.  9  sgg.  (ora  nel 
vol,  Varielà  kttcraric,  Bologna,  19 12,  pp.  135  sgg.) 

1667-68.  —  Nelle  mie  aggiunte  era  pure  scordato  il  viag- 
gio  del  Potemkin.  Si  veda  :  La  Russie  du  XFII^  siècle  dans  ses 
rapports  avec  V Europe  centrale.  Récit  du  voyage  de  Pierre  Potem- 
kin envoyé  en  andmssade  par  le  tsar  Alexis  Mikhaïlovisch  à  Phi- 
lippe IF  d'Espagne,  et  à  Louis  XI F  en  166S.  Précédé  d'un 
aperçu...  par  le  Prince  Em.  Galitzin.  Paris,  Baudry  1853 
(quivi  il  Journal  détaillé  de  Tamhassade...  en  Espagne,  i66j, 
166  S). 

1669.  — Estratti  di  un  Itinerarium  Hispanîcu(in')  compilato 
da  Frate  Simon  Gansler  «  Guardiano  Landishutano  »,  nel  1669, 
sono  comunicati,  con  scarse  note  illustrative,  da  L.  Pfandl, 
nella  Revue  hispanique,  XXIII,  411  sgg.  {Ein  Beitrag  ^ur  Reise- 
literatur  iiher  Spanien  ans  einer  Handschrift  der  Miinchener  Hoj- 
und  Staatsbibliothek). 

1669-70.  —  Di  un  manoscritto  di  memorie  del  conte 
Ercole  Zani  (Bibl.  univ.  di'Bologna,  col.  n.  3830)  :  Fiaggi  per 
ritaJia,  Francia,  Spagna,  Portogallo,  Inghilterra,  Alemagnay 
Polonia,  Moscovia,  Sve^ia  e  Danimarca,  dà  succinta  notizia  L. 
Frati,  I  viaggi  del  conte  Ercole  Zani,  Bologna,  191 1  (estratto 
dal  VArchiginnasio,  VI,  1-2).  Lo  Zani  si  recô  nel  1669  nel 
Portogallo,  e  passô  nell'  estate  del  1670  a  Madrid,  dove  ri- 
mase  45  giorni;  in  seguito  si  recô  a  Zaragoza  e  a  Barcelona 
(notizia  cortesemente  comunicatami  dal  Frati). 

1670.  —  Di  una  Relacion  de  un  viaje  hecho  desde  Madrid  à 
la  ciiulad  de  Argel  para  rediniir  cautivos,  en  el  aîio  iSyo,  è  data 
notizia  nel  Bolelin  de  la  R.  Sociedad  Geogrâfica,  del  1907. 

Dclla  Jornada  de  Madrid,  Madrid,  1672,  di  A.  Ribeiro  de 
Barros  non  ho  che  una  vaghissima  notizia. 

Al  viaggio  in  Ispagna  di  J.  Limberg  von  Roden  (1673) 
allude  fugacemente  E.  Gigas,  nella  Revue  hispanique,  XXIII, 
P-  575- 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NELI.A    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  619 

Col  viaggio  del  de  Senecé  (D.,  p.  42)  avrei  pure  dovuto 
rammentare  quello  nel  Portogallo  del  poeta  Antoine  de  La 
Fosse,  sieur  d'Aubigny.  Or  no  so  bene  in  quale  anno  l'ese- 
guisse. 

Dal  Catal.  del  Gayangos  (Colleclanea  Historica,  I,  300) 
estraggo  la  notizia  di  un  Itlnerario  que  lleva  eJ  Set"""  Senor 
Don  Juan  \de  Austria  ]  desde  esta  cor  te  à  la  Coriiha  (1675  ?), 
manoscr.  al  British  Muséum. 

1677.  —  Il  medesimo  Catal.  (I,  392)  registra  una  relazione 
abbreviata  del  viaggio  che  figura  nella  5.,  107  :  Diario  del 
viage  que  el  Rey  nueslro  Senor  [Carlos  II]  hi~o  al  Reyno  de 
Aragon. 

Di  Pedro  Cubero  Sébastian  (5.  108)  si  ricordi  anche 
l'edizione  di  Valencia,  1697,  délia  Descripciôn  gênerai  del 
mundo  y  notables  sucesos  que  han  sucedido  en  él,  con  la  harmonîa 
de  sus  tiempos,  ritos,  cereinonias,  costumbres y  trajes... 

1678  sgg.  —  Sui  frati  Francesco  da  Portomaurizio  e  Paolo 
da  Varazze,  attivi  nel  Portogallo  si  veda  un  brève  art.  già 
citato  di  A.  Ferretto,  Contributi  aile  relaxjmii  tra  Genova  e 
Lisbona,  in  Giorn.  ligust.,  XXII,  12  sgg. 

Qualche  particolare  aggiunto  alla  relazione  del  viaggio 
pubblicata  nel  Bull.  hisp.  del  1902  (Z).,  p.  79)  puô  vedersi 
neU'articolo  del  compianto  Rodrîguez  Villa,  Dos  viajes  regios, 
nel  Boletin  de  la  R.  Academia  de  la  Historia,  Madrid,  1903, 
pp.  250  sgg. 

Memorabilia  Europae,  oder  Denckwiïrdige  Sachen,  Welche 
Ein  Reisender  in  den  fiïrnebmsten  Slàdten  Europae  heu  tiges  Tages 
observiren  und  in  Acht  ^w  nehnien  bat.  Nunniehr  aher,  ^^umfilnf- 
ften  mal,  An  vielen  Orten  vermehret  und  verbesserl,  Ulm,  1686 
(ne  ignoro  l'autore,  e  pur  mi  sfugge  la  data  délia  prima 
stampa). 

Considéra  pure  la  Spagna,  corne  m'avvcrte  l'amico  R. 
Béer  una  relazione  satirica,  ancor  manoscritta  alla  Palatina 
di  Vienna  (14117,  2),  Nerone  pellegrino  per  le  principali  reggie 
d'Enropa. 


620  ARTURO    FARINELLI 

Si  noti  una  miscellanea  di  Pascual  Ribeiro  Coutinho, 
Jornada  de  la  Reyna  de  Portugal  y  fiestas  que  en  el  viaje  se  le 
hicieron  hasîa  llegar  â  la  cortc  de  Lisboa.  — Entrada  del  Embaxa- 
dor,  Conde  de  Fillar-Mayor,  Manuel  Telle-  de  Silva,  en  la  Cor  te 
de  Heldemberg  — Fiestas  que  se  celebraron  en  Lisboa  desde  ii  de 
Agosto  hasta  2j  de  Octubre,  Madrid,  1687.  E  si  veda  Fr.  da 
Fonseca,  Embayada  do  Conde  de  Villarviayor  Fernando  da  Sylva 
de  Lisboa  à  Corte  de  Vienna  e  viagem  da  Rainha  Senhora  Maria 
Anna  de  Austria  de  Vienna  à  Corte  de  Lisboa,  Vienna,  1717. 

Si  aggiunga  alla  B.  115  e  aile  D.  p.  44,  un  Relate  del 
viaje  hecho  por  los  quefueron  â  recibir  D""  Mariana  de  Neoburgo, 
manoscritto  alla  Nazionale  di  Madrid  (T.  250). 

Fra  le  descrizioni  del  Portogallo  converrà  pure  registrare 
quella  del  visconte  Julio  de  Castilho,  A  Ribeira  de  Lisboa. 

Nella  Turbia  Aganipe,  miscell.  poetica  manoscr.  di  Vicente 
Diaz  de  Montoya  (Gallardo,  Ensayo,  II,  767)  figura  certa 
«  carta  »,  satirica  «  à  un  amigo...  describiendo  un  viaje  de 
Madrid  â  Canencia  (1696). 

Soggiornô  a  lungo  in  Ispagna  e  nel  Portogallo,  sulla  fine 
del  1600,  il  capit°  John  Stevens  (morto  nel  1726),  ma  non 
so  se  nel  British  Muséum  si  conservino  le  memorie  délie  sue 
peregrinazioni. 

1698.  — Per  il  viaggio  di  François  de  Tours,  cappuccino 
predicatore  (5.  123),  si  veda  ors.  Deux  voyages  en  Espagne... 
cit.  ndh  Revue  hispanique,  IX  (1902). 

SulGemelli  Careri  (Ap.,  pp.    194  sg.  ;  D.  p.  44)  si  veda 
oltre  il  saggio  del   Magnaghi  :  F.  A.  Numari,   Un   viaggiatore 
calabrese  délia  fine  del  secolo  XVII,  Messina,  1901. 
XVIII  SECOLO 

Si  aggiunga  alla  B.,  120  :  Voyages  faits  en  divers  temps 
en  Espagne,  en  Portugal,  en  Allemagne,  en  France  et  aille-urs  par 
Monsieur  M***  (con  12  incis.)  Amsterdam,  1700. 

Non  è  ricordata  nelle  D.  la  descrizione  :  Spanien,  des 
Kônigreichs,  Land-Staats-  und  Stàdt-Beschreibung,  luorinnen  von 
desseuLager,  Grànt^en,  Fruchtbarhit ,  Inniuohnern,  Regentenelc, 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI   NELLA    SPAGNA   E   NEL   PORTOGALLO  621 

luie  auch  von  denen  da:(îi  gehôrigen  Kônigreichen  und  Provin:(en  so 
wol  hin  Europà,  ah  auch  in  Asia,  Africa  und  America  gehan- 
delt  wird  (con   13  incis.),  Leipzig,   1700. 

Si  aggiunga  alla  B.,  125  C,  un  art.  di  M.  Rosi,  Un  rice- 
vimenfo  regio  al  principio  del  settecento  {Filippo  V  a  Genova^ 
Firenze,  Collini,  1906;  S.  M.U]ica,  Los  Viajesreaks  deantatio..., 
in  Eiiskakrrianen-AIde.,  191 1  marzo. 

Al  N.  132  déliai,  s' aggiunga  ora  :  Madame  des  Ursins 
et  la  succession  d'Espagne.  Fragments  de  correspondance  publiés 
par  M.  le  duc  delà  Tréinoille,  l^lumes,  1903  (due  vol.).  E  si 
completi  la  mia  nota  sull'  Alberoni  {Ap.,  p.  196):  E.  Bour- 
geois, La  diplomatie  secrète  an  XVIII'^  siècle.  Vol.  II,  Le  secret 
de  Farnèse.  Philippe  V  et  la  politique  d' Alberoni,  Paris,  1909. 

1700-1701.  —  La  brève  relazione  del  viaggio  in  Ispagna 
di  Louis  François  d'Harcourt  si  stampô  da  L.  Barrau-Dihigo 
nella  Revue  hispanique  del  1908,  pp.  248  sgg. 

1706  sgg.  —  Da  una  relazione  del  viaggio  in  Catalogna 
deir  arciduca  d'Austria,  ormai  irreperibile^  J.  R.  Carreras 
y  Bulbena  toglieva  le  notizie  per  un  suo  articolo  :  Caries 
d'Austria  y  Elisabeth  de  Brunsiuich  Woljfenbiittel  a  Barce- 
lona y  Girona,  Barcelona,  1902.  Si  veda  anche  il  cap.  Visites  a 
Montserrat  de  Caries,  Arxiduch  d'Austria,  régnant  a  Catalunya 
del  libro  cit.  di  F.  Carreras  y  Candi  (^Visites,  ecc.  pp.  343 
sgg.).  E  si  ricordi  una  descrizione  in  versi  del  Montserrat 
del  P.  Eura,  Descripciô  de  la  montanya  y  santuari  de  Montser- 
rat. Poesia  catalana  del  siglo  XVIII  publicada  enter amente  con- 
forme con  el  manoscrito  original,  por  D.  Florencio  Janer,  Madrid, 
1859  ;  e  una  collana  di  versi  assai  curiosa,  La  musa  lalina  en 
Montserrat.  Antologia  de  poetas  latinos  de  los  siglos  XVI  y  XVII 
que  da  à  luT^  por  ve^  primera  con  un  estudio  bibliogrâfico  D. 
Jaime  Collell,  canônigo  de  la  catedral  de  Vich,  Barcelona, 
1893. 

1711-13.  — Un  articoletto  di  G.  Doublet,  Un  ambassadeur 
ariégeois  en  Espagne  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV  (lyii- 
171  ))i  in  Bulletin  périodique  delà  Société  Ariégeoise  des  Sciences, 


622  ARTURO    VARlNELLI 

Lettres  et  Arts,  vol.  IX,  Foix,  1904,  descrive  l'ambasciata 
presso  Filippo  V  di  Jean-Louis  d'Usson,  marchese  di  Bonnac 
(1672-1738). 

17 18.  — Un  estratto  delT  autobiogralia  di  un  commesso 
viaggiatore  di  Strasburgo,  J.  E.  Zetzner  è  ora  a  stampa 
nella  Pjviie  d'Alsace,  1905-1907  :  R.  Reuss,  Un  voyage 
iï affaires  en  Espagne  en  ///(^  (Anche  a  parte,  Strasbourg,  1907). 

E.  R.  Roth,  MeniorahUia  Eiirop.,  anserks.  Denchuurâig- 
keilen,  luelche  ein  curieuser  Reysender  in  Eiiropa  ;(//  observiren., 
Ulm,  1719  (debbono  precedere  a  questa  edizione  parecchie 
altre). 

1727.  —  Duolmi  di  non  aver  ricordato  negli  Ap.  e  nelle 
D.  la  Relaciôn  del  viajc  del  Marqués  de  !os  Balhases  desde  Madrid 
à  Lisboa,  comunicata  da  A.  Rodriguez  Villa  nel  suo  saggio, 
La  Embajada  extraordinaria  del  Marqués  de  los  Balbascs  d  Por- 
tugal en  I72y,  nella  Revisla  de  Archivos,  Bibliotecas  y  Museos 
(antica  série),  II,  192  sgg.;  205  sgg.  ;  i  225  sgg.;  237  sgg.,  e 
a  parte,  xMadrid,  Rivadeneyra,   1875. 

1728.  —  Sul  viaggio  del  D'Arvillars  alla  corte  di  Madrid 
si  veda  una  brève  memoria  de  A.  Giarrusso,  Istru^ioni  al 
Marchese  d'ArviUars,  niinislro  pieniontese  a  ^Madrid  nel  172S, 
Catania. 

1729.  —  Un  fugace  accenno  al  soggiorno  in  Ispagna  di  un 
missionario  gesuita  destinato  aile  Filippine,  in  un  brève  arti- 
colo  di  V.  W.  Eymer,  Leben  und  Schicksaledes  Missionàrs  Lau- 
rni~John  S.  J.,  in  Deutsche  Arbeit,  del  1906,  V,  373  sgg. 

Ignoro  l'autore  di  certa  Description  de  la  Fille  de  Lis- 
bonne, où  l'on  traite  de  la  Cour,  de  la  Langue  Portugaise  et  des 
Mœurs  des  Habitans,  stampata  a  Parigi,   nel  1730. 

Negli  archivi  di  La  Haya  è  sepolta  ancora  una  parte 
assai  cospicua  del  carteggio  dei  vari  ambasciatori  d'Olanda  in 
Ispagna,  nella  prima  meta  del  1 700. 

Negli  Ap.,  p.  198,  ricordavo  la  autobiografia  curiosissima 
di  Diego  de  Torres  Villarroel,  che  ora  puô  leggersi  nitida- 
mente  stampata  nella  collez.  Clàsicos  caslellanos,  vol.  7°  :  Vida, 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  623 

ascmdencia,  naciiiiiento,  crian::a  y  aventuras  del  Doclor  Don  D. 
de  T.  V...  (Introduzione  e  note  di  F.  de  Onis),  Madrid, 
19 12.  Vedi  lo  studio  de  A.  Garda  Boiza,  Don  Diego  de 
Torrcs  Villarocl. . . ,  Salamanca,   1 9 1 1 . 

Per  alcune  missioni  in  Ispagna  verso  la  meta  del  1700 
vedi  Andrés  Jiménez  Soler,  CabaUeros  espanoïes  en  Africa  y 
africanos  en  Espaha.  Notizie  \n  Revue  hispanique,  del  1908;  G, 
Desdevises  du  Dezert,  U)i  consul  général  de  France  à  Madrid 
sous  Ferdinand  VI  (i'/4S-ij)6)  (trattasi  délia  gestione  del 
console  M.  Partyet  e  délie  sue  esperienze  alla  corte  di  Ca- 
stiglia). 

Ricordo  qui  una  traduzione  tedesca  (di  N.  Carstens  ?)  di 
certe  memorie  del  danese  Erich  Pontoppidan,  professore  di 
teologia  a  Kopenhagen  {Meno:;;a,  en  asialisk  prinds,  3  vol. 
1742),  sfuggitemi  nelle  D.  :  Meno~a,  \  Fin  j  asiatischer  Prinl'^ 
I  ivelcher  die  IVelt  iunherge~ogen,  \  Christ  en  \  -//  suchen  |  Beson- 
ders  in  Indien,  Hispanien,  Italien,  \  Frankreich,  Engelland, 
Holland,  Teutschland,  \  nnd  Danemark,  \  aber  des  Gesuchten 
îuenig  gefunden,  Copenhagen,  1750. 

Se  non  erro,  pure  alla  Spagna  si  estendono  le  memorie 
di  un  avventuriere  fiammingo  :  Der  reisender  Avanturier.  Oder 
sehr  incricwiirdiges  Leben  und  Begebenheilen  eines  flanilàndischen 
Ritters,  Frankfurt  a  M.,  1749. 

Nel  1749  fu  nel  Portogallo  e  in  Ispagna  il  célèbre  pit- 
tore  Joshua  Reynolds.  A  Menorca  cade  da  cavallo  e  riporta 
una  ferita  al  labbro  (si  veda  la  monogratia  di  P.  Ortlepp,  Sir 
Joshua  Reynolds...,  Strassburg,  1907). 

1753  sgg.  —  Una  dissertazione  di  B.  Mildebrath,  Die 
deutschen  «  Avanturiers  »  des  XVIII  Jahrhunderts,  Grafenhaini- 
chen,  1907,  ricorda,  pp.  68  sgg.,  due peregrinaggi  in  Ispagna  : 
Der  russische  Avanturier-  lyjj  ;  l'avventuriere,  prigioniero 
de'  Turchi,  è  liberato  da  una  nave  da  guerra  spagnuola  e  con- 
dotto  a  Barcellona.  Qui  si  bisticcia  con  un  prête  ;  passa  aile 
carceri  dell'  inquisizione  ;  ma  gli  amici  vengono  in  soccorso  e 
gli  agevolano  la  fuga  a  Marsiglia.  —  Der  Leip:{igcr  Avanturier- 


624  ARTURO    FARINELLI 

77/^;  da  Parigi,  dove  trovasi  con  un  portoghese,  va  a 
Madrid,  Toledo,  Sevilla,  Cadix,  Lisboa.  Di  qui  passa  in 
Inghilterra. 

1754.  —  Si  aggiungano  al  Journal  del  Fielding  (JB.,  149), 
le  lettere  scritte  durante  il  soggiorno  nel  Portogallo.  Di  due 
bellissime  epistole,  dirette  da  Lisboa  al  fratello,  dà  notizia  A. 
Dobson,  i\é\2i  National   Revieiu  del    19 11,  agosto. 

Poco  è  noto  délie  peregrinazioni  ispaniche  di  Henry 
Lloyd,  scrittore  di  cose  militari,  stimato  assai  dal  Carlyle,  inti- 
missimo  un  tempo  dei  fratelli  Verri.  Dava  di  lui  notizia  Pie- 
tro  Verri  in  una  lettera  del  15  settembre  1759  {Lettere  e  scritti 
inediti  di  Pietro  e  di  Alessandro  Verri,  7  éd.,  C.  Casati,  Milano, 
1879,  I,  49)  :  «  ha  vissuto  molto  in  Italia  e  nella  Spagna,  e 
ne  conosce  assai  bene  le  lingue...  Visse  in  Barcellona  assai  bene 
col  marchese  (de  las  Minas)  che  non  potendogli  dare  un 
impiego  se  non  nel  militare,  lo  appoggiô  a  Madrid,  al  signor 
Watt,  secretario  di  gabinetto  del  re  cattolico.  Ivi  lavorô... 
ritornô  a  Barcellona,  qcc  ».  Si  veda  anche  L.  Ferrari,  Del 
Caffè,  periodico  milanesc  del  secolo  XVIII ^  Pisa,  1899,  p.  16; 
E.  Masi,  Gli  avventurieri  (nel  vol.  coll.  La  Vila  italiana  nel 
Settecento,  pp.  87  sgg.).  Del  Lloyd  cercai  invano  le  Memorie, 
tradotte  in  parte  in  francese,  Mémoires  poliiiqiies  et  militaires..., 
Paris,  191 1.  —  Or,  dopo  scritta  questa  nota,  leggo  il  Car- 
teggio  di  Pietro  e  di  Alessandro  Verri,  a  cura  di  F.  Novati  e  E. 
Greppi,  Milano,  19 10,  e  vi  trovo,  nei  2  vol.  pubblicati,  fre- 
quentissimi  accenni  al  Lloyd  e  alla  sua  estrema  volubilità. 

In  una  nota  fugace  degli  Ap.  (p.  198)  indicavo  il  nome 
di  alcuni  italiani  che  soggiornarono  nella  penisola  nella  2" 
meta  del  1700  (il  Signorelli  nella  commedia  Faustina  ricorda 
ancora  Placido  Bordoni,  Giacinto  Ceruti  e  il  Conti).  Or  del 
Signorelli  saranno  presto  in  luce  altri  ricordi  di  Spagna  pro- 
messi  nel  vol.  di  C.  G.  Menini,  Pietro  Napoli  Signorelli.  Vita, 
opère,  tempi,  amici,  con  epistolario,  documenti  ed  altri  scritti  ine- 
diti..., Città  di  Castello,  191 3.  — Si  avvertano  ancora  gli 
italiani  chiamati  da  Padova  ail'  università  di  Lisbona,  verso  il 


VIAGGl    E    VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E    NEL    POKTOGALLO  62) 

1765  (Domenico  Vandelli,  G.  Antonio  délia  Bella,  Giulio 
Mattiazzi),  di  cui  ragionaP.  Saccardo,  Di  Domenico  Vandelli  e 
délia  parte  che  ehbe  lo  sliidio  padovano  nella  rifonna  delV  istni- 
^ione  siiperiore  del  Portogallo  nel  Seltecento,  in  Atti  eMeinoried.  R. 
Acad.  d.  Scien:^e...  di  Padova,  N.  S.,  vol.  XV  (1899),   pp.  71 

sgg- 

«  Un  idiota  che  ha  pubblicato  i  suoi  viaggi  nella  Spagna  in 
un  volume^  dove  l'unica  cosa  buona  si  è  un  disegno  del  Ci- 
priani  e  del  Bertolazzi  »,  questo  giudizio  dava  il  Baretti,  inuna 
lettera  sua,  del  viaggio  del  Twiss  (Piozzi,  Letters  to  and  froin 
the  late  Samuel  Johnson,  London,  1788,  I,  215).  —  Poco  soddi- 
sfatto  doveva  pure  essere  il  Baretti  délia  traduzione  francese  del 
proprio  Viaggio  (B.,  155  V.  e  Ap.  p.  193)  :  «  IFrancesi  debbon 
aver  tradotto  il  mio  viaggio  di  Spagna  al  modo  che  mi  tradus- 
sero  un  tempo  il  Ragguaglio  d'Italia,  onde  questa  è  forse  la  ra- 
gione  che  ti  riesce  insulso  e  noioso.  lo  non  ho  veduta  quella 
traduzione,  anzi  non  sapevoche  esistesse  ».  Cosi  in  una  lettera 
a  Filippo  Bareiti,  Londra,  5  dicembre  1777,  cit.  da  L.  Pic- 
cioni,  Stndi  ericerche  intorno  a  Giuseppe  Baretti,  Livorno,  1899. 
—  Di  un  frammento  di  versione  svedese  (che  neppur  vedo 
ricordato  dal  mio  carissimo  Piccioni),  ho  avuto  tardi  notizia  : 
Bref  om  Portugal  af  Joseph  Baretti,  of  okànd  hand,  af  Arthur 
Wilhelm  Costignan.  Ofiuersàttning  af  Samuel  Oedmann,  Stock- 
holm, 1796.  —  Qualche  altro  particolare  sulla  peregrinazione 
barettiana  in  Ispagna  offre  U.  Cosmo,  G.  Baretti  e  José  Fran- 
cisco de  Isla,  nel  Giorn.  stor.  d.  letter.  ital.,  XLV,  280  sgg. 
Ora,  nella  cit.  miscellanea  di  scritti  dedicata  a  R.  Renier 
(Torino,  1912,  p.  365)  il  Piccioni  pubblica  una  curiosa  let- 
tera del  Baretti,  ove  è  pur  memoria  délia  Spagna  che  il 
brioso  scrittore  avrebbe  voluto  rivedere  :  «  L'aria  di  Spagna, 
amico,  m'ha  fatto  tanto  bene...  Per  Dio  che  mi  sono  affatto 
innamorato  degli  Spagnuoli,  gente  molto  diversa  da  quelle 
che  infiniti  birboni  di  viaggiatori  ne  hanno  scritto.  Se  avessi 
avuto  venti  anni  di  meno,  non  tornavo  più  indietro.  Basta, 
ci  tornerô  un'  altra  volta,  se  la  Parca  non  mi  fa'l  giuoco 
troppo  tosto  ». 

Mélangks.    II.  40 


626  ARTURO    FARlNELLl 

1765.  —  Stampa  la  Lettre  du  comte  G.  Ph.  Creul~  à  Mar- 
montel  sur  l'Espagne  (1765),  J.  Vising,  nella  Revue  hispa- 
nique, vol.  XXIII,  ignorando  serenamente  che  io  l'avevo  indi- 
cata  nelle  D.,  p.  47  (la  mancanza  di  un  Indice  è  riuscita 
fatale  ai  miei  poveri  appunti). 

1767-68.  —  SuUa  nunziatura  in  Ispagna  di  Monsignor 
Lucini,  del  conte  Ippolito  Antonio  Vincenti  e  di  altri  valen- 
tuomini  si  vedrà  il  carteggio  sepolto  ancora  ail'  Archivio 
Vaticano. 

Nel  1767  G.  G.  Passeroni  avrebbe  dovuto  essere  com- 
pagno  al  Lucini  nella  nunziatura  di  Madrid,  ma,  stretto  da 
altre  cure,  rinunciô  al  viaggio.  Vedi  V.  A.  AruUani,  Ricerche 
sulla  cronologia  de'  viaggi  di  G.  C.  Passeroni,  nel  Bull.  stor. 
hibl.  suhalp.,  XI  (1906),  pp.  239  sgg- 

Citavo  nelle  D.,  pp.  49  sgg.  le  Meniorie  del  Gasanova,  e 
ricordavo  gli  articoli  del  D'Ancona,  or  riprodotti  con  moite 
aggiunte  nel  vol.  Viaggiaiori  e  Avventurieri,  Firenze,  19 12,  pp. 
215  sgg.  —  Trovo,  tradotto  Da  Wilhelm  von  Schûtz  e 
stampato  nell'  Urania.  Taschenhiich  auf  das  Jaljr  1S24,  Leipzig, 
1824,  pp.  243  sgg.,  il  Gciiiàlde  ans  Madrid  nach  Casanova.  — 
Nelle  MenwriciyW,  387)  il  géniale  avventuriere  ricorda  l'ar- 
chitetto  Sabatini  che  re  Garlo  III  chiamava  da  Napoli  a  Madrid 
per  ripulire  la  capitale. 

1767  sgg.  —  Brevi  notizie  sul  doloroso  soggiorno  in 
Ispagna  di  alcuni  missionari  tedeschi,  tolti  a  forza  dalle  colonie 
spagnuole  dopo  l'espulsione  dell'  ordine,  nella  Zeitschrij't  fiir 
hatholische  Théologie,  XXVI  (1902),  pp.  62  sgg.  :  J.  B.  Mund- 
wiler  S.  }.,  Deutsche  Jesniten  in  spanischcn  Gefàngnissen  im  iS 
Jahrhundert.  Vi  si  ricorda,  tra  altri,  con  Joseph  Goebel,  che 
risiedeva  in  Ispagna  ancora  nel  1778,  Peter  Weingarten  (Ms. 
délie  sue  memorie  nell' ^/r/;/î/  Provinciae  Gervianiae.  S.  J.) 
scarcerato  nel  1769;  Josef  Rapp  (lettera  che  dcscriveil  viaggio 
in  Ispagna  nel  medesimo  Archiv),  rilasciato  nel  1769  ;  Fran- 
ciscus  Nidutsch;  BernhardMiddendorf  (parte  del  manoscritto, 
or  perduto,  délie  sue  memorie  apparve  nel  Kathol.  Magasin  J. 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NELLA    SPAGKA    E   NEL    PORTOGALLO  627 

Wissenschaft  u.  Leben,  nel  1845  :  Ans  don  Tagehuch  des  iiiexi- 
kanischen  Missionarius  G.  B.  M.,  1 734-1776)  ;  Benno  Ducrue 
(una  Relatio  expulsionis...  stampata  da  Cli.  G.  Murr,  nel  Jour- 
nal :^.  Kunst}^eschichte  n.  :;;.  allgemeincn  Litteratur,  XII,  217- 
267,  Nûrnberg)  ;  Wolfang  Bayer  (mcmorie  del  suo  viaggio 
nel  medesimo /oM/'mjf/,  III,  113-326);  Florian  B.  Baucke  (su 
di  lui  scrisse  una  memoria  H.  Kobler,  Regensburg,  1870); 
Michael  Gerstner;  Michael  Meyer,  tcc. 

Accanto  al  Casanova  avrei  pur  dovuto  far  posto  nelle 
aggiunte  mie  ail'  avventuriere  Gorani  ches'aggirô  buon  tempo 
nella  Spagna  e  nel  Portogallo,  autore  de'  Mémoires  secrets  et 
critiques  des  Cours,  des  Gouvernements  et  des  mœurs  des  principaux 
Etats  d'Italie,  Paris,  1793.  Si  veda  su  di  lui  il  libro  di  Marc 
Monnier,  Un  aventurier  italien.  Le  Comte  Joseph  Gorani,  Paris, 
Levy,  1885  (Ricordo  il  Gorani  negli  Ap.,  p.  316,  di  sfuggita, 
citando  le  Migalbas  d'i  Pinheiro  Chagas). 

Cita  il  Morel-Fatio,  nel  suo  studio  La  Satire  de  Jovel- 
lanos  contre  la  mauvaise  éducation  de  la  noblesse  (1899, 
p.  18,  n,  3  deir  estr.),  certe  Cartas  sobre  las  costumbres  de  la 
Corte,  stampate  a  Madrid,  ma  subito  soppresse,  e  ormai  irrepe- 
ribili,  di  D.  Cristôbal  de  Hoyo  Solorzano,  visconte  di  Buen 
Paso,  morto  nel  1762  (noto  col  pseudonimo  F.  Gonzalez  de 
la  Gonzalera),  e  rimanda  ail'  articolo  su  questo  Casanova  di 
Spagna  di  José  de  Viera  y  Clavijo,  Noticias  de  la  historia 
gênerai  de  las  Islas  Canarias,  t.  IV,  Madrid,  1783,  p.  555. 

Nel  catalogo  dei  manoscritti  posseduti  da  Pascual  de 
Gayangos,  ora  acquistati  dalla  Nazionale  di  Madrid  (17,  733), 
trovo  indicata  la  relazione  di  un  viaggio  fittizio  di  un  barbiere: 
Viaje  de  Roque  Anton.  Escrilo  por  un  personage  en  el  reinado  de 
Carlos  III,  en  compania  de  los  très  herederos  del  lugar  de  Castro 
Andrés  :  Saturnino,  Firmin  y  Jorge  (P  parte^  ;  cicaleggio  sati- 
rico  sui  costumi  del  tempo. 

1780.  —  Richard  Cumberland,  autore  ben  noto  dei  2  vol. 
di  Anecdotes  oj  Eminent  Painters  in  Spain,  prese  parte  coll' 
abate  Hussey,  nel  1780,  ad  una  missione  sécréta  in  Ispagna  e 


62  8  ARTURO    FARINELLI 

nel  Portogallo  e  narrô  le  sue  esperienze  nella  penisola  nei 
2  vol.  di  Meinoirs  of  himself,  London,  1807  (che  io  ancora 
non  vidi),  e  in  un  volume  di  scritti  lasciati  alla  figlia,  inedito 
tuttora  al  British  Muséum,  Add.  MS.  28851. 

1782.  —  Di  G.  B.  Casti  ben  conoscevasi  la  Rela^ione  di  un 
viaggio  a  Costantinopoli,  a  tutti  accessibile  nella  stampa  di 
Milano,  1822  (or  lo  ripubblicaF.  Visconti,  RoccaS.  Casciano, 
19 12),  ma  ignote  ancora  sono  le  sue  memorie  sul  soggiorno 
in  Ispagna  e  nel  Portogallo,  a  cui  allude  fugacemente  Gemma 
Sgrilli,  Viaggi  e  viaggiatori  nella  seconda  meta  del  settecento 
{Miscellanca...  in  onore  di  G.  Ma:^:^oni,  II,  300).  Fu  il  Casti  in 
Ispagna  dal  1°  aprile  1782  al  i°ottobre  di  quell'  anno,  e  scrisse 
da  Cadice,  da  Malaga,  da  Badajoz,  da  Lisbona  lettere  lunghis- 
sime,  le  più  dirette  al  Kaunitz  (redatte  in  castigliano),  ancor 
sepolte  nel  carteggio  del  Casti  alla  Nazionale  di  Parigi  (cod. 
ital.  1629,  pp.  34-134). 

Deve  aver  pure  peregrinato  in  Ispagna  il  fecondo  ver- 
seggiatore  e  avventuriere  Giacomo  Bosi  (1739-1824)  che, 
senza  quattrini,  percorse  l'Europa.  Vedi  su  di  lui  le  Noti'^ie 
biografiche  degli  scrittori  dello  Stato  Estense,  Reggio,  1834,  II, 
432  (Le  Lettere  dei  Viaggi  di  Andréa  Benedetlo  Giovanelli  ^\ih\A. 
dal  principe  A.  Giovanelli,  Venezia  1907,  concernono  i  viaggi 
compiuti  verso  la  meta  del  700  in  gran  parte  dell'  Europa,  ma 
la  Spagna  non  vi  è  compresa). 

Di  passaggio  sulla  nave  che  da  Londra  salpava  per  Costanti- 
nopoli il  Biôrnstâhl,  professore  di  filosofia  ail'  università  di 
Uppsala;  vide  Lisbona,  Gibilterra  ei  monti  di  Granada;  ricordi 
fugaci  nel  VI  vol.,  p. '6  dï  Jacob  Jonas  Biôrnstàhls  Briefe  ans  seinen 
auslàndischen  Reisen  an  den  k.  Bibliotekar  C.  C.  Gionucll  in 
Stockholm.  Aus  dem  Schwedischen  ûbersetzt  von  Just  Ernst 
und  Christian  Heinrich  Groskurd,  Leipzig,  Rostoch,  1783. 

Passé  pure  per  la  Spagna  il  Padre  Boetti,  grande  vaga- 
bondo  che  scrisse  le  memorie  délie  sue  peregrinazioni,  trafu- 
gategli  poi,  nel  1786,  da  un  suo  confidente.  Una  relazione 
francese,  desunta  da  quelle   memorie  tolta  dall'  archivio  di 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI    NRLLA    SPAGNA    E   NEL    PORTOGALLO  629 

stato  di  Torino,  ci  è  offerta  da  F.  Picco,  Un  awenturieremon- 
ferrino  del  secoh  XVIII,  Alessandria,  1901.  E  vedi  un  brève 
cenno  sul  Boetti  (ristampato  dal  Fanfulla  d.  Domenica,  del 
1881)  nel  vol.  del  D'Ancona,  cit.,  Viaggiatori  eawentuyieri, 
pp.  436  sgg.  (Deploro  di  non  conoscere  ancora  un  saggio 
récente  di  F.  Visconti,  Letterati  viaggiatori  nel  secolo  XVIII, 
Ariano,  1909,  che,  corne  rilevo  da  una  recensione,  non  tra- 
scura  le  peregrinazioni  in  Ispagna.) 

Nelle  D.  (p.  81)  è  un  cenno  brève  aile  niemorie  del  sog- 
giorno  in  Ispagna  di  Paolo  Greppi,  console  a  Cadice,  e  prov- 
vido  di  aiuti  e  di  consiglio  a  molti  italiani  che  a  lui  si 
rivolgevano  (si  vedano  le  notizie  sul  Pananti).  Usci  nel  1902 
(a  Milano)  il  2°  vol.  che  annunciavo  di  G.  Greppi,  La  rivoJn- 
:(ione  francese  nel  carteggio  di  un  osservaîore  italiano.  Nel  1904 
l'opéra  si  chiudeva  col  4°  vol.  — Mi  scordavo  di  avvertire  che 
del  Greppi  essiste  manoscritta  alla  Palatina  di  Vienna  (N. 
6820)  una   Rela:^ione  del.  conunercio  di   Cadice,  che  data   dal 

1775- 
Alla  Palatina  viennese  è    pure  manoscr.  (N.    15 188,   15) 

un  Rapport  à  M.  le  prince  de  Katmiti  sur  les  progrès  littéraires 

d'Espagne  di  Francesca  Giusti  nata  Manzoni,  steso   nel   1777. 

Sono  noti  pochi  brani  del  Viaggio  di  Cadice  per  Cartagena 
del  Marchese  Azzo  Giacinto  Malaspina,  esperto  giurisconsulto 
(nato  nel  1746)  e  amico  di  Paolo  Greppi,  da  uno  studio  di  G. 
Sforza,  A^io  Giacinto  Malaspina.  Un  feudatario  Giacobino,  nel 
Giorn.  stor.  e  letter.  d.  Liguria  (i^o}),  IV,  8  sgg. 

È  tuttora  sepolta  al  R.  Archivio  di  stato  a  Firenze  la 
narrazione  del  viaggio  in  Ispagna  (in  Francia  e  altrove),  nel 
1785,  stesa  da  Giovanni  Battista  Malaspina,  di  cui  favella  a 
lungo  il  D'Ancona  (senza  perô  considerare  le  memorie  sulla 
Spagna)  nell'  articolo  Francia  e  Italia  nel  ijSô  (nella  relaxione 
del  viaggio  di  G.  B.  Malaspina),  riprodotto  dalla  Nuava  Anto- 
logia  (16  dicembre  1891)  nel  vol.  cit.,  Viaggiatori  e  awentn- 
rieri...  pp.  453  sgg. 

Ricordo,   di  sfuggita,  nelle  D.,    p.    81,    la   descrizione  di 


6}0  ARTURO    FARINELLI 

un  viaggio  di  un  tedesco  alla  Sierra  Morena,  del  1769.  Nel 
1788  comparve  anonimo  a  Zurigo  (ne  era  autore  Giovanni 
Pezzi),  un  libro,  Faustin,  oder  das  philosophische  Jahrhiindert, 
che  descrive  alquanto  fantasticamente  un  viaggio  da  Genova 
alla  Sierra  Morena  in  compagnia  di  alcuni  emigranti. 

1787.  —  Neir  introduzione  al  suo  volume  Autobiografias  y 
Memorias  coleccionadas  é  ilustradas  {Mûdiià,  1905,  p.  lvii)  il 
Sig""  M.  Serrano  y  Sanz  registra  un  manoscritto,  posseduto 
dal  Gayangos,  ora  alla  Nazionale  di  Madrid  :  Diario  de  los 
viajes  hechos  en  Cataluna  por  D.  Francisco  de  Zamora.  Afio  de 
1787  («  D.  Fr.  de  Zamora...  aficionado  a  la  Arqueologia 
hizo  varias  excursiones  por  el  Principado,  y  escribiô  en  este 
libro  sus  observaciones,  que  no  dejan  de  tener  bastante  origi- 
nalidad  »). 

Ricorderô  la  monografia  dedicata  al  colonizzatore  tedesco 
délia  Sierra  Morena,  di  J.  Weiss,  Die  deutsche  Kolonie 
an  der  Sierra  Morena  und  ihr  Gritnder  J.  Kaspar  v.  ThitrriegeJ, 
ein  bayerischer  Abenteuer  des  iS  Jahrhunderts,  Kôln,  1907 
(Gôrresgesellschaft,  i  Vereinschr.).  Il  Thûrriegel  giungeva  a 
Madrid  nel  1766. 

1789  sg.  —  Fu  anche  in  Ispagna  il  conte  d'Espinchal,  di 
cui  si  è  recentemente  pubblicato  dai  manoscritti  originali  il 
Journal  d'émigration,  Paris,  191 2. 

Non  vennero  in  luce  ancora  i  Diari  dei  viaggi  del  Jovella- 
nos  affidati  per  la  stampa  a  quella  fenice  di  critico  e  di  eru- 
dito  ch'era  il  Menéndez  y  Pelayo,  ora  scomparso.  Li  ricor- 
davo  fugacemente  negli  Ap.  (pp.  204;  213)  e  nelle  D. 
(p.  51).  Ne  dava  una  brève  notizia  il  Serrano  nel  tomo  cit. 
Autobiografias  y  Memorias  (pp.  cxxix  sgg.).  Appena  vi  accenna 
E.  Gonzalez  Blanco,  nel  saggio  \Jovellanos,  su  vida  y  sus 
obras,  Madrid,  191 1.  Or  vedi  le  ultime  fatiche  del  persévé- 
rante Jovellanista  Julio  Somoza  (che  già  aveva  pubblicato 
altri  Diari  :  Camino  del  destierro.  Fragmento  de  un  diario  en  Pall- 
demuia.  Devuelta  del  destierro.  Diario  del  via  je  de  Càdi^  à 
Mnros^  ;  l'edizione  del  carteggio  sobre  la  guerra  de  la  Indepen- 


VIAGGI    E   VIAGGIATORI   NELLA    SPAGNA    E   NEL   PORTOGALLO  631 

dencia  (2  vol.,  Madrid,  1911);  e  i  2  vol.  Documentos para  escri- 
bir  la  biografia  de  Jovellanos,  Madrid,  191 1. 

Dalla  Polonia  passava  in  Ispagna,  nel  1790,  il  polacco 
T.  Morski,  autore,  tra  altro,  délia  Z,<'//r^  à  Mr.  Vabbède  Pradt 
ci-devant  ambassadeur  en  Pologne,  Paris,   18 1 5 . 

Fu  in  Ispagna,  ospite  degli  eremiti  del  Montserrat  il  ve- 
scovo  di  Tarbes  F.  de  Gain-Montaignac.  Vedi  la  monografia 
deir  abate  L.  Dantin,  François  de  Gain-Montaignac,  evéque  de 
Tarbes  (i'/S2-iSoi)  et  son  diocèse  pendant  la  Révolution,  Paris, 
1908. 

Ricorderô  una  bufFa  fantasia  di  Alexandro  Mota,  El  triiwfo 
de  las  castafinelas  0  mi  viaje  à  crotalôpolis ,  Madrid,  Gonzalez, 
1792. 

E  memoria  nelle  mie  D.  del  viaggio  in  Ispagna  di  alcuni 
poeti  inglesi .  Anche  il  Wordsworth  fu  afflitto  un  tempo  dalla 
«  Sehnsucht  »  per  la  Spagna,  e  nel  1792  sperava  di  riuscire 
ad  accompagnare  un  giovane  Lord,  in  qualità  di  tutore,  nei 
viaggi  al  Mezzodi.  Vide  poi  l'Italia,  ma  non  la  Spagna  (Si 
vedano  le  Letters  of  the  Wordsworth  Family,  éd.  W.  Knight, 
Boston,  London,  1907). 

Délie  peregrinazioni  (in  Inghilterra,  in  Ispagna,  ecc.)  délia 
marchesa  di  Lage  s'aveva  notizia  dai  Souvenirs  d'émigration  de 
M"'=  la  Marquise  de  Lage  de  Volude,  dame  de  S.  A.  S.  Madame  la 
Princesse  de  Lamballe  ij ^2-1^^4  (Lettres  à  Madame  la  Comtesse 
de  Montijo  publiées  par  le  baron  de  La  Morinerie,  Evreux,  1869). 
Or  si  veda  il  vol.  délia  contessa  H.  de  Reinacli-Foussemagne, 
Une  fidèle,  La  marquise  de  Lage  de  Volude  (1764-1842^  d'après 
des  documents  inédits,  Paris,  1908. 

1792-1802.  Non  so  se  sieno  riuniti  in  un  volume  i  nume- 
rosi  articoli  di  J.  Contrasty  :  Le  Clergé  français  réfugié  en 
Espagne,  pubblicati  nella  Revue  de  Gascogne,  dal  1908  al  1910, 
notevole  complemento  ail'  indagine  di  V.  Pierre,  Le  clergé 
français  en  Espagne...,  Besançon,  1904  vedi  nel  Boletîn  de  là 
Comisiân  provinc.  de  Moniim.  Instar,  y  artist.  de  Orense,  1904, 
marzo-aprile,  la  Relaciôn  de  todos  los  eclesiâsticos  franceses  que 


632  ARTURO    FARINELLI 

con  motivo  de  la  persecuciôn  de  la  Iglesia  y  clero  de  Francia  han 
llegado  à  la  cludad  y  obispado  de  Orense  en  los  ahos  de  77^2  à 
1802.  —  E  vedi,  nel  medesimo  Boletin,  maggio-giugno,  1908, 
un  resoconto,  El  clero  francés  en  Galicia,  1^^2-1802). 

1797.  —  Si  vcdano  le  lettere  scritte  da  Madrid  di  J.  B.  Le 
Chevalier  (gennaio-aprile,  1797),  in  appendice  all'articolo  di 
C.  Joret,  Un  helléniste  voyageur  normand,  d'après  sa  correspon- 
dance avec  Bôttiger,  in  Mémoires  de  l'Académie  Nat.  des  Sciences, 
Aris  et  Belles-Lettres,  Caen,  1903,  pp.  37  sgg. 

1798- 1800.  —  Sul  soggiorno  in  Ispagna  del  diplomatico 
H.  Schubart,  di  cui  esiste  manoscritta  alla  Biblioteca  reale  di 
Copenhagen  (N.  1386'')  una  autobiografia  amplissima,  offre 
preziose  notizie  E.  Gigas,  Lettres  d'un  diplomate  danois  en 
Espagne  (1798- 1800),  nella  Revue  hispanique  (1902),  IX, 
393  sgg.  (Sul  danese  Yoldi,  con  cui  si  trovô  lo  Schubart,  vedi 
E.  Gigas,  Litteratur  og  Historié,  II,  Copenhague,  1899, 
PP-  I  sgg.) 

Neir  opéra  di  R.  Kôpke  sul  Tieck,  I,  300  affermavasi  riso- 
lutamente  di  Wilhelm  von  Burgsdorff,  vissuto  in  intimità  col 
Brinkmann,  con  W.  von  Humboldt  ed  i  maggiori  spiriti  del  suo 
tempo  :  «  Im  Jahre  1799  ging  er  nach  Spanien,  im  Spiitherbste 
nach  London.  »  Or  questo  viaggio  è  immaginario  affatto,  e  il 
v.  Burgsdorff,  che  assai  interessavasi  allecose  di  Spagna,  epro- 
gettava  una  biografîa  del  Cervantes,  e  da  W.  v.  Humboldt 
avevasi  nel  1800  a  prestito  tutta  la  biblioteca  ispanica, 
dovette  calmare  ben  presto  i  suoi  ardori.  Ne  mai  potè  metter 
piede  sut  lidi  délia  Spagna.  Vedi  ora  Wilhelm  von  Burgs- 
dorff, Briefe  an  Brinkmann,  Henriette  v.  Finckenstein,  Wilh. 
V.  Humboldt,  Rahel,  Friedr.  Tieck,  Lud.  Tieck  ...hrg.  v., 
A.  F.  Cohn,  in  Deutsche  Leleraturdenhn.  d.  18  und  i^  Jahrh. 
3  Folge,  N.  19,  Berlin,  1907  (a  p.  181  si  ricorda  il  maggiore 
Peter  V.  Gualtieri,  ambasciatore  prussianoa  Madrid);  eEupho- 
Won,  XIV,  533  sgg. 

Quanto  al  viaggio  in  Ispagna  di  Wilhelm  von  Humboldt, 
da  me  descritto,  ancora  si  aspetta  la  pubblicazione  del  Tage- 


VIAGGI    E    VIAGGIATORI    NELLA    SPAGNA    E    NEL    PORTOGALLO  63  3 

buch  famoso   (nelle    Gesammelte  Schriften  ?)   annunziata  dal 

Leitzmann   (D.  p.    51).    Per  qualche   altro  particolare  vedi 

A.  St^uffer,  Karoliiiev.  Hiiinboldt  inihren  Briefen  an  Alexander 

von  Rennenkampf,  Berlin,  1904  ;  gli  ultimi  2  volumi  del  car- 

teggio,  Wilhehn  und  KaroUm  von  Humboldt  m  ihren  Briefen  y 

hrg.  V.  A.  V.  Sydow  (Berlin,  1907-19 10);   Goethes  Briefwech- 

sel  mit  Wilhehn  und  Alexander  v.  Huniholdt,  hrg.  v.  L.  Geiger, 

Berlin,    1909  (su  Sagunto  vedi  l'introduz.  ai  frammenti  del 

viaggio  in  Ispagna).    Vedi   ancora  una  mia  brève  nota.  Le 

Tagehœh  de  G.  de  Hmnboldt ,  nella  Rev.  intern.  de  los  Estudios 

Vascos,  VI,  558. 

Sembra  che  parecchie  lettere  scritte  da  Filippo  Pananti  dalla 

Spagna  {Ap.,  p.  317)  non  sieno  giunte  mai  a  destinazione  : 

«  Mi  son  convinto  che  si  debbon  esser  perdute  due  lettere 

che  vi  ho  scritte  da  Bagneres  e  da  Saragoza.  Altri  miei  corri- 

spondenti,  a'  quali  scrissi  nello  stesso  tempo,  si  lagnano  del 

mio  silenzio.  »  {^Scritti  minori,  p.  296,  lettera  al  fratello  da 

Sorèze,  1°  febbraio  1802).  Il  viaggio  in  Ispagna    era   luego, 

ben  triste.  Qualche  brève  osservazione  suUe  coste  di  Spagna 

trovasi  pure   nella     Rela^ione   di  un    viaggio    in    Algeri,    in 

Opère,  vol.  III,  Firenze,  1825. 

Arturo  Farinelli. 


LA  PREMIÈRE  ÉDITION 
DES  ŒUVRES  DE  CLÉMENT  MAROT 


Dans  l'épître  préliminaire  en  date  du  12  août  1532  placée 
en  tête  de  V Adolescence  Cléinenliiie,  édition  publiée  par  Tierre 
Roffet  ',  Clément  Marot,  s' adressant  «  a  un  grand  nombre  de 
frères  qu'il  a,  tous  enfans  d'Apollo  »,  donne  comme  un  des 
motifs  de  la  publication  de  «  ces  miennes  petites  jeunesses, 
le  déplaisir  de  ouyr  crier  et  publier  par  les  rues  une  grande 
partie  toute  incorrecte,  mal  imprimée,  et  plus  au  proufict  du 
libraire  qu'à  l'honneur  de  l'autheur  ». 

Au  f.  89  du  même  livre,  Marot,  revenant  sur  ce  sujet,  faisait 
précéder  un  certain  nombre  de  pièces  d'un  titre  ainsi  libellé  : 
Autres  œuvres  de  Clément  Marot,  varlet  de  chambre  du  Roy. 
Faictes  depuis  leage  de  son  adolescence  par  cy  devant  incorrectement, 
et  maintenant  correctement  imprimées. 

A  quel  volume  Marot  faisait-il  allusion  ?  A  ce  moment  le 
poète  s'était  borné  à  faire  imprimer  quelques  opuscules  :  Le 
Temple  de  Cupido,  YEpîIre  de  Maguelonne  à  son  ami  Pierre  de 
Provence,  VEglogue  sur  le  tresplis  de  Loyse  de  Savoye  %  mais 
bien  d'autres  petites  œuvres  de  lui  circulaient  dans  des  re- 

1 .  U Ai]olescence  Clémentine,  ant renient  les  Œuvres  de  Clément  Miirot  de  Ca- 
horscn  Ouercy.  Paris,  P.  Roffet,  i2aoùt  I532,in-8de4  ff.lim.,  ii5ff.  chiffr. 
et  I  f.  d'errata.  Brunet,  Manuel  du  libraire,  III,  1446  ;  Catalogue  de  la  biblio- 
thèque James  de  Rothschild,  rédigé  par  M.  Emile  Picot,  no  596.  Cette  édition 
est  la  plus  ancienne  citée  avec  date.  LengletDufresnoydanssaC/)ro«o/i)i,''/V(/«5 
Qùrvres  de  Clément  Marot  (Œuvres  de  Marot,  La  Ha\e,  173 1,  VI,  285)  cite 
vaguement  une  édition  de  V Adolescence  publiée  en  1530,  mais  cette  édition 
n'a  jamais  été  retrouvée  et  la  date  de  1532  de  l'épître  préliminaire  infirme 
l'assertion  deDufresnoy.  Voy.  encore  Cat.  Rothschild,  n"  596. 

2.  Brunet,  Manuel,  III,  1459. 


636  EDOUARD    RAHIR 

cueils  manuscrits  ;  il  avait  donc  été  facile  à  un  éditeur  peu 
scrupuleux  de  réunir  un  certain  nombre  de  ces  poésies  et  de 
les  publier  sans  l'autorisation  de  l'auteur. 

On  ignorait  le  sort  de  livrets  de  ce  genre,  quand  en  1884, 
lors  du  pillage  de  l'antique  Bibliothèque  Cohmhine,  formée  dans 
le  premier  quart  du  xvi^  siècle  par  Fernand  Colomb,  aujour- 
d'hui propriété  du  Chapitre  de  Séville,  on  signala  parmi  les 
manuscrits  et  livres  volés  un  volume  ayant  pour  titre  :  Opus- 
cules de  Clément  Ma  rot'. 

L'attention  des  bibliophiles  fut  attirée  sur  ce  volume  de- 
meuré jusque-là  inconnu,  mais  le  livre  ayant  été  acquis  par 
M.  Daguin,  collectionneur  aussi  avisé  que  discret,  il  disparut 
parmi  les  trésors  de  sa  bibliothèque,  sans  qu'on  ait  pu  en 
prendre  une  description  complète. 

Cependant  M.  Harrisse,  très  renseigné  sur  la  Bibliothèque 
Colomhine  et  ses  déprédations,  obtenait  par  une  voie  indirecte 
un  assez  grand  nombre  d'indications  sur  les  livres  volés, 
même  sur  les  Opuscules  de  Marot  et  enregistrait  ses  trouvailles 
dans  une  brochure  ayant  pour  titre  :  La  Colomhine  et  Clément 
Marot,  deuxième  édition  revue,  corrigée  et  considérablement 
augmentée.  Paris,  1886,  in-8\ 

M.  Harrisse  n'était  pas  éloigné  de  penser  que  le  volume 
des  Opuscules  de  Clément  Marot,  était  un  de  ceux  dont  Marot 
avait  «  le  déplaisir  de  ouyr  et  crier  par  les  rues  »,  mais  ayant 
seulement  une  copie  inexacte  du  titre  et  le  relevé  d'une  men- 
tion inscrite  par  Fernand  Colomb  au  verso  du  dernier  feuil- 
let :  Esto  libro  costo  8  dineros  eu  Mompeller  a6  dejulio  de  ijjj. 
y  et  ducado  de  oro  vale  J64  dineros,  ce  bibliographe,  malgré  ses 
ingénieuses  déductions,  ne  put  que  limiter  la  date  de  publi- 
cation du  recueil  entre  l'automne  de  1530  et  le  printemps  de 

1535- 

1.  H.  Harrisse,  Gvaudeiir  et  décadence  ile  la  Colomhine.  Paris,  1885,  in-8, 
p.  19.  Publié  antérieurement  dans  la  Revue  critique,  n"  de  mai  1885. 

2.  Une  partie  de  ce  travail  avait  été  publié  dans  le  Livre,  r\°  du  10  mars 
1886. 


LA    PREMIÈRE    ÉDITION    DE   MA  ROT 


637 


En  1905,  lors  de  la  dispersion  aux  enchères  de  la  biblio- 
thèque de  M.  Daguin,  le  volume  des  Opuscules  fut  acquis  par 
un  bibliophile  américain  M.   Robert  Hoe.  La   collection  de 

les  0pnfcnke  et 

iiteeùicaiee/amcfe  ^Ipk  \ic  £npf5o/(Z 
fa  piaincf  c  bc  ÎRo6crf  et  cnfcmBfc  pfuf  leurs 
(îiirtrce  cÇofce  ior^eufce  (i  re  créât  i«f  6/rf  0î> 
gtC6  e»)  înçç/(ï  nùnudkmtnt  91mp2imees 
a  £))0^  par  «SDtïwict  2(motiffet* 


M.  Hoe  ayant  été  également  vendue  récemment,  nous  avons 
réussi  à  faire  revenir  en  France  ce  précieux  ouvrage  et  par  la 
description  qui  suit,  on  verra  que  rien  ne  s'oppose  à  ce  que 
l'on  voit  en  lui  le  premier  essai  des  publications  des  œuvres 
de  Marot  et  le  livret  ayant  décidé  le  poète  à  mettre  au  jour 
son  Adolescence  Clémentine. 


638  EDOUARD    RAHlR 

Le  volume  des  Opuscules  est  un  petit  in-8  gothique  de 
40  feuillets  non  chiftVés  à  27  lignes  à  la  page  pleine,  signa- 
tures A-D  par  8.  Le  texte  commence  au  verso  du  titre  dont 
nous  donnons  la  reproduction  à  la  page  précédente. 

Il  se  termine  au  verso  du  dernier  feuillet  par  le  mot  Finis. 
Au-dessous  de  ce  mot  était  autrefois  l'inscription  de  Fernand 
Colomb  citée  plus  haut,  cette  inscription  a  été  soigneusement 
grattée. 

Le  volume  a  été  relié  par  Cu~in,  pour  M.  Daguin,  en  maro- 
quin brun  Lavallière,  avec  ornements  à  froid  et  le  titre  de 
l'ouvrage  doré  en  lettres  capitales  autour  des  plats  ' . 

Olivier  Arnoullet  ayant  exercé  à  Lyon  de  15 14  à  1567 
environ  ^  l'année  de  l'impression  ne  peut  guère  être  fixée 
d'après  ces  dates  éloignées. 

Voici  le  détail  des  pièces  contenues  dans  le  recueil  : 

1°  Chant  royal  de  Marot  : 

Qui  avme  dieu  son  règne  et  son  empire 
Rien  désirer  ne  doibt  que  son  honneur... 

Œuvre  de  jeunesse  de  Marot.  Se  trouve  dans  Y  Adolescence 
Clémentine,  édition  de  août  1532,  f.  105  r°  ;  dans  l'édition  défi- 
nitive des  Œuvres  de  Marot  (dite  du  Rocher)  ^uhWét  par  Cons- 
tantin à  Lyon  en  1544,  p.  260,  et  dans  l'édition  des  Œuvres 
complètes  de  Marot  publiée  par  P .  Jannet,  tome  II,  p.  92. 

Il  y  a  quelques  légères  variantes  entre  le  texte  des  Opus- 
cules et  celui  des  autres  éditions. 

2"  Champ  royal  faict  par  Clément  Marot.  Sur  le  refrain 
donne  par  le  Roy  sur  Desbender  lare  ne  guarist  point   la  playe. 

Prenant  repos  dessoubz  ung  verd  laurier 
Apres  travail  de  noble  poésie... 

Adolescence,  1532,  f.  106  r°  ;  Marot.,  I544>  P-  262;  Marot, 
Jannet,  II,  94. 

1.  H.  Harrisse,  Exarpia  Cotouilnniana.  Paris,  1887,  n"  145  ;  Calaloguc 
de  beaux  livres  ayant  appartenu  à  M.  Daguin,  3^  partie,  1905,  n"  632. 

2.  Baudrier,  Bibliographie  lyonnaise,  X,  pp.  28  et  41 . 


LA    PREMIÈRE    ÉDITION    DE    MAROT  639 

3°  Epistre  de  Ma  roi  envoyée  au  Roy. 

Roy  des  françois  plain  de  toutes  bontez 
Quinze  jours  a  ie  les  ay  bien  comptez... 

Épître  composée  pendant  la  captivité  de  Marot  en  octobre 
1527. 

Adolescence,  1532,  f.  110  v°;  Marot,  1544,  p.  169;  Marot 
Jannet,  I,  190;  Œuvres  de  Marot,  édition  G,  Guiftrey,  III, 
80. 

4°  A  Monsieur  le  Cardinal  de  Sens  cha}icelier  de  France  Clé- 
ment Marot  Donne  très  hnnihle  saint. 

Si  officiers  en  lestât  seuremeni 

Sont  tous  couchez,  fors  le  povrc  Clemenl,.. 

Épître  composée  peu  de  temps  après  1527,  date  à  laquelle 
le  chancelier  Du  Prat  fut  nommé  cardinal. 

Adolescence,  1532,  f.  109  r°  ;  Marot,  1544,  p.  167;  Marot, 
Jannet,  I,  188;  Marot,  Guiffrey,  III,  93. 

Cette  épître  comprend  seulement  48  vers,  alors  que  dans 
les  autres  éditions  elle  en  contient  62. 

5°  Dizain. 

Puissant  prélat  ie  me  plains  grandement  ' 

Dung  trésorier  qui  ne  veult  croire  en  cire. . . 

Composé  à  la  même  époque  que  l'épître  précédente  pour 
se  plaindre  du  trésorier  Preudhomme. 

Adolescence,  1532,  f.  iior°;  Marot,  1544,  p.  159;  Marot, 
Jannet,  \,  190;  Marot,  Guiffrey,  \l\,  99. 

6°  Au  conte  destampes. 

Conte  prudent  saige  et  rassis 
Fortune  que  iay  tant  suyvie . . . 

Epître  en  20  vers  suivie  des  mots  :  Finis  coronat  opus.  Elle 
est  adressée  cà  Jean  de  La  Barre,  seigneur  de  Verets,  premier 
gentilhomme  de  la  chambre  du    Roi,   comte  d'Étampes  de 


640  EDOUARD    RAHIR 

1526  à  1533.  Marot  réclame  toujours  son  inscription  sur  le 
registre  des  pensions  royales. 

Cette  pièce  n'est  pas  imprimée  dans  les  diverses  éditions 
des  Œuvres  de  Marot  ;  elle  se  retrouve,  avec  le  nom  du  poète, 
dans  un  Recueil  de  poésies  du  seizième  siècle  (principalement  de 
Clément  Marot),  composé  à Ferrare  vers  1535,  recueil  qui  fait 
partie  de  la  bibliothèque  James  de  Rothschild  (Cat.  Rothschild, 
n°  2964). 

7"  Balade  sur  la  venue  des  enfans  de  france. 

Les  ans  dorez  ont  ia  reprins  leurs  cours 
Saturnus  vient  qui  les  chasse  et  ramaine. .. 

Refrain  : 

Qui  a  pris  fin  à  l'aide  du  grand  maistre 

Cette  Ballade  ne  se  retrouve  pas  dans  les  Œuvres  de  Marot, 
et  n'est  probablement  pas  de  lui.  Elle  se  termine  par  la 
devise  :  Après  mort  vie  que  nous  n'avons  pu  identifier. 

8°  Balade  a  la  louenge  de  ma  dame  Alienor  Royne  de  France. 

Or  vient  le  temps  de  la  ioyseuse  (sic')  année 
Princesse  ellustre,  et  de  bonne  heure  née... 

Cette  pièce,  n'est  pas  l'œuvre  de  Marot  ;  elle  se  retrouve 
parmi  diverses  poésies  imprimées  à  la  suite  d'une  traduction 
en  vers  français  de  la  tragédie  d'Hécube  d'Euripide,  publiée  à 
Paris  en  1544  et  en   1550. 

Ces  poésies,  ainsi  que  la  traduction  d'Hécube,  simplement 
signées  de  la  devise  :  Rerum  vices,  étaient  généralement  attri- 
buées à  Lazare  de  Baïf,  mais  M.  René  Sturel,  de  qui  nous 
tenons  ce  renseignement,  dans  un  travail  intitulé  :  A  propos 
d'un  manuscrit  du  Musée  Condé,  publié  dans  les  Mélanges 
offerts  à  M.  Emile  Châtelain,  a  très  vraisemblablement  restitué 
à  Guillaume  Bochetel,  secrétaire  du  roi,  et  la  traduction 
d'Hécube  et  les  poésies  qui  font  suite,  y  compris  la  Ballade  à 
la  louange  de  la  reine  Eléonore. 


LA    PREMIER!-    ÉDITION    DE    MAROT  64! 

Marot,  à  la  suite  de  l'aiinoiice  du  mariage  de  François  P"" 
avec  la  sœur  de  Charles-Quiut,  et  du  retour  en  France  des 
fils  du  roi,  s'était  hâté  de  composer  une  Epilrc  a  la  royiic 
Elietior  nouvel Iciiwiit  arriver  cfEspagne  avec  les  deux  enfants  chi 
Roy  délivre^  des  mains  de  r Empereur  ;  il  présenta  cette  épître  à 
la  nouvelle  reine  à  Bordeaux,  le  17  juillet  1530  {Marot,  édi- 
tion Guift'rey,  III,  p.  162);  la  pièce  ne  fut  pas  imprimée  dans 
l'Adolescence  de  1532,  mais  seulement  dans  h  Suite  de  l'Adoles- 
cence dont  la  plus  ancienne  édition  doit  être  de  1534  (^'^y- 
Cat.  Rothschild,  n°  601). 

L'éditeur  des  Opuscules  n'ignorait  pas  le  poème  de  Marot, 
mais  n'ayant  pu  s'en  procurer  le  texte,  il  a  comblé  cette  lacune 
en  imprimant  dans  son  volume  les  deux  Ballades  mentionnées 
sous  les  n°'  7  et  8. 

9°  A  monsieur  le  cardinal  de  Lorraine. 

Lhommc  qui  est  en  plusieurs  sortes  bas 
Bas  de  stature,  et  de  ioye  etdesbas... 

Epître  composée  par  Clément  Marot  vers  1528  pour  succé- 
der à  son  père  Jehan  Marot,  sur  l'état  des  pensions  du  roi. 

Adolescence,  1532,  f.  m  v°;  Marot,  1544,  p.  171  ;  Marot, 
Jannet,  I,  192;  Marot,  Guiffrey,  III,  loi. 

Le  texte  de  cette  pièce  dans  les  Opuscules  renferme  un  cer- 
tain nombre  de  variantes  assez  importantes  donnant  la  pre- 
mière leçon  de  l'épître. 

Au  31''  vers  au  lieu  de  : 

J'entend  pourveu  que  monsieur  le  grand  maistre.  .. 

allusion  au  duc  de  Montmorency  pourvu  de  cette  charge, 
on  lit  : 

J'entens  pourveu  que  Destempes  le  comte 

qui  se  rapporte  à  Jean  de  La  Barre,  comte  d'Etampes,  pre- 
mier gentilhomme  de  la  chambre  du  roi  (voy.  ci-dessus, 
n°  6). 

Mélanges.    II.  41 


642  EDOUARD    RAHIR 

A  la  fin  du  poème  deux  vers  qui  n'ont  pas  été  reproduits 
dans  les  éditions  suivantes  : 

Plus  nen  disant  de  paour  que  eu  cuydant  plaire 
Trop  long  escript  ne  cause  le  contraire. 

10"  Le  temple  de  Ciipido.  Faict  et  compose  par  maistre  Clément 
Marot.  Facteur  de  la  Royne  de  France. 

Ce  poème,  une  des  premières  œuvres  de  Marot,  fut 
imprimé  séparément  (vers  15 15,  dit  Lenglet  Dufresnoy)  et 
forme  un  petit  volume  de  12  ff.  (Brunet,  Manuel,  III,  1459). 

L'édition  gothique  est  précédée  d'une  épître  en  prose  au 
roi,  qui  n'a  pas  été  reproduite  dans  les  premières  éditions 
collectives  de  Marot  et  qui  a  été  remplacée  dans  les  éditions 
postérieures  à  1538,  par  une  épître  à  Messire  Neufville,  che- 
valier seigneur  de  Villeroy. 

Adolescence,  1532,  f.  5  r°  ;  Marot,  1544,  p.  7;  Mnrot,  J an- 
net,  I,  5  ;  Marot,  Guifrey,  II,  61. 

Le  volume  des  Opuscules  contient  le  Temple  de  Cupido  tel 
qu'il  est  imprimé  dans  l'édition  gothique,  avec  l'épître  au 
roi  et  les  diverses  transpositions  de  texte  qui  ont  été  corri- 
gées dans  les  éditions  suivantes. 

11°  Deploration  sur  le  trespas  de  feu  messire  Florimond  Rohertet 
seigneur  Dalluye.  Jadis  chevalier  Çsic)  Conseiller  du  Roy,  trésorier 
de  France.  Secrétaire  des  finances. 

On  vit  iadis  son  vol  ma  plume  estendrc 

Au  gré  damours  et  dung  bas  stile  et  tendre. . . 

A  la  fin  la  devise  :  Mord  ny  mord. 

Florimond  Robertet  mourut  le  29  novembre  1527;  la 
Deploration  fut  écrite  peu  de  temps  après. 

Adolescence,  1532,  f.  90  r°  ;  Marot,  1544,  p.  442;  Marot, 
Jannet,  II,  244. 

12°  Epistre  du  Coq  a  Lasne  faicte  par  Clément  Marot. 

Je  te  donne  ung  grant  million 
De  Salus  mon  amv  Lyon. . . 

La  date  de  la  composition  de  cette  épître  à   Lyon  Jamet, 


LA    PREMIÈRE    ÉDITION    DE   MAROT  643 

célèbre  dans  les  œuvres  du  poète,  n'est  pas  encore  bien  éta- 
blie. Lenglet  Dufresnoy,  dans  sa  Chronologie  des  œuvres  de 
Marot,  cite  cette  pièce  à  l'année  15^4,  sans  avoir  remarqué 
qu'elle  figure  déjà  dans  l'édition  de  1532  de  V Adoles- 
cence; d'un  autre  côté  M.  Guiftrey  (^Œuvres  de  Marot,  III, 
206-207)  a  retrouvé  '^'•^^^^  ^^^  registres  du  Parlement,  à  la  date 
du  18  mars  1531  (1532  nouveau  style),  un  document  éta- 
blissant qu'à  cette  époque  Marot  était  de  nouveau  inquiété 
pour  avoir  enfreint  la  loi  de  l'église,  défendant  de  manger  de 
la  chair  en  carême,  et  il  suppose  que  Marot  s'adressait  de 
nouveau  à  son  ami  Jamet  en  souvenir  de  l'assistance  qu'il 
lui  avait  donnée  auparavant  dans  un  cas  semblable  ? 

La  raison  est  un  peu  subtile,  et  nous  croyons  que  la  date 
de  cette  épître  peut  être  avancée,  et  l'allusion  (vers  24  et  sui- 
vants) à  un  hiver  très  rigoureux  s'applique  parfaitement  aux 
grands  froids  d'avril  1530  que  Sauvai  signale  dans  son  His- 
toire des  Antiquités  de  Paris  (I,  p.  350). 

Adolescence,  1532,  f.  107  r°  ;  Marot,  1544,  p.  163;  Marot ^ 
Jannet,  I,   184;  Marot,  Gtiiffrey,  III,  206. 

Le  texte  des  Opuscules,  présente  quelques  variantes  avec 
celui  des  autres  éditions. 

Au  119^  vers  au  lieu  de  : 

Saint  Marceau  pour  faire  pleuvoir 
on  lit  : 

De  sainct  Alivargo  pour  faire  pleuvoir 

L'épître  se  termine  par  4  vers  omis  dans  les  autres  édi- 
tions : 

Lettres  courez,  comme  astarot, 
A  Lyon,  loing  de  jamect, 
De  par  le  tien,  Clément  Marot 
Que  amours  au  loing  des  ja  mect. 

1 5"  Chant  Royal  sur  le  grant  décret 

Que  le  pape  ordonna  pour  l'homme 
Contre  pèche  comme  discret 


644  EDOUARD    RAHIR 

Cest  Marie  en  concept  saiis  soinnie 
De  vice  que  grâce  consomme. 

Cette  pièce  qui  commence  ainsi  : 

Le  grant  evesque  en  leglise  Rommaine 
Souverain  prebstre  et  grant  législateur... 

n'est  pas  de  Marot;  M.  Picot  nous  a  signalé  qu'elle  se  retrouve 
sous  le  nom  de  Jacques  Fillastre^  au  feuillet  59  du  recueil 
des  PaJinodi,  Chants  royanlx,  Ballades,  Rondeaux  et  Epi- 
grammes,  a  r honneur  de  l'immaculée  Conception  de  la  toute  belle 
fnere  de  Dieu  {Patronne  des  Normans)  présente:^  au  Puy  a  Rouen . 
Paris,  Fr.  Regnault,  s.  d.  (vers  1525),  in-8  gothique'. 

L'éditeur  du  volume  des  Opuscules  en  prenant  le  texte  de 
ce  Chant  royal  dans  le  recueil  des  Palinodz^,  a  maladroite- 
ment reproduit  le  poème  de  Fillastre  à  la  place  de  celui  de 
Clément  Marot  commançant  ainsi 

Lorsque  le  Roy  par  hault  désir  et  cure 
Délibéra  d'aller  veoir  ennemis.  . .  - 

imprimé  immédiatement  avant,  aux  ff.  57  et  58  du  même 
volume,  chant  royal  présenté  par  Clément  Marot  au  concours 
de  l'année  1521  '. 

14°  Êpistre  de  Maguelonne  a  son  amv  Pierre  de  Provence  elle 
esta?it  a  Ihospital. 

Cette  épître,  composée  par  Marot  dans  sa  jeunesse  (Lcnglet 
Dufresnoy  dit  en  15 17),  fut  d'abord  imprimée  séparément  et 
Brunet  {Manuel,  III,  1459),  en  cite  une  édition  gothique  en 
4  iF.  in-4  publiée  suivant  lui  vers  15 19. 

Adolescence,  1532,  f.  26  v°  ;  Marot,  1544,  p.  108  ;  Marot  y 
Jannet,  I,  iij;  Marot,  Guiffrcy,  III,  3. 

1.  Brunet,  Manuel,  IV,  318;  Collection  DiUuit,  Livres  et  Manuscrits, 
no  292. 

2.  Marot,  Edition  Jannet,  II,  80. 

3.  Vie  de  Clément  Marot  par  G.  Guiffrey  (revue  par  M.  Yves  Plcssis), 
Œuvres  de  Marot,  édition  GuitlVe}-,  I,  p.  66. 


LA    PREMIÈRE    EDITION    DE    MAROT  645 

Le  texte  de  cette  pièce,  dans  les  Opuscules,  se  rapproche 
avec  quelques  variantes  de  celui  de  l'édition  gothique. 

15°  Rondeau  duquel  les  lettres  capital  les  portent  le  nom  de  Lac- 
leur. 

Comme  Dido  qui  moult  se  courrouça 
Lors  Queneas  seuUe  la  délaissa... 

Se  trouve  déjà  à  la  suite  de  VEpître  de  Magueloiine  dans 
l'édition  gothique  citée  au  n°  14.  Ce  Rondeau  est  signé  de  la 
première  devise  de  Marot  :  De  bouche  et  cœur. 

Adolescence,  1532,  f.  30  r°  ;  Marol,  15^4,  p.  285  ;  Marot, 
Jannet,  II,  127;  Marot,  Gui ffrcy,\\\,  4. 

Ainsi  qu'on  a  pu  le  voir,  toutes  les  pièces  contenues  dans 
le  volume  des  Opuscules  ont  été  composées  avant  la  fin  de 
l'année  1530;  les  variantes  relevées  dans  plusieurs  d'entre 
elles,  notamment  dans  VEpître  au  Cardinal  de  Lorraine  (n°  9), 
dans  le  Temple  de  Cupido(n°  10)  et  dans  VEpître  à  Lyonjamct 
(n°  12),  montrent  que  l'éditeur  a  imprimé  son  livre  avant  la 
publication  de  V Adolescence  de  1532,  ne  pouvant  ainsi  profiter 
des  revisions  et  modifications  apportées  par  Marot  à  ses 
œuvres  de  jeunesse. 

Huit  pièces,  celles  citées  sous  les  n°'  i,  2,  3,  4,  5,  9,  11  et 
12,  sont  contenues  dans  la  partie  à^s  Autres  œuvres  à^V  Adoles- 
cence que  l'auteur  déclare  avoir  été  par  cy-devant  incorrectement 
imprimées. 

Les  plaintes  formulées  par  Marot  dans  sa  préface  d'août 
1532  semblent  donc  bien  s'appliquer  au  volume  des  Opuscules 
dans  lequel  nous  devons  voir  une  première  réunion  des  œuvres 
du  poète,  faite  sans  son  aveu,  et  le  déterminant  à  présenter  ses 
œuvres  au  public  en  un  volume  soigneusement  revu  et  cor- 
rigé. 

Edouard  Rahir. 


TABLE  DU  TOME  II 


J.  Deny.  Sari  Saltiq  et  le  nom  de  la  ville  de  Babadaghi l 

John  Gerig.  Une  lettre  d'Antoine  Arlier  à  Louis  Grille 17 

E.  HoEPFFNER .   La  chronologie  des  Pastourelles  de  Froissart 26 

De  A.  Medin.  Il  Gran  Credo  di  Venezia 43 

Th.    DuFOUR.    Calviniana 51 

Fr.  NovATi.  Bigorne  e  Chicheface 67 

H.  Pernot.  Le  poème  crétois  de  la  Belle  Bergère 89 

G.  G.  Keidel.  I  Santi  di  Manerbi  printed  on  vellum 103 

Pio  Rajna.  Rosafiorida 1 1  î 

M.  L.  PoLAiN.  Note   sur  un  hommage  d'Érasme 135 

Guido  Mazzoni.  Un  poema  su  Carlo  magno  dedicato  a  Enrico  IV.  143 

M.  WiLMOTTE.  A  propos  d'un  passage  d'Alfred  de  Vigny 149 

A .   Piaget.  La  CoiiipJaiiile  cJn  prisonnier  d\iinours 155 

A.  Pereire.  Les  quinze  lois  delà  Bibliothèque  des  VargasMacciucca.  163 

H.  Stein.  Scipiou  Sardini  et  sa  famille 171 

Ed.    Champion.    Notes   sur    un    recueil  formé  par  Philibert  de 

Pingon 187 

G.  Lanson.  Manuscrit  de  La  mort  de  Socrale  de  Lamartine 199 

J.  BÉDIER.   Un  personnage  de  chanson  de  geste  non  identifié  jus- 
qu'ici   221 

H .  Martin  .  La  diatribe  de  Jean  d'Anneux 227 

L.  G.  Pelissier.  Origines  et  caractères  généraux  de  la  Signoria.  .  241 

L.  Dorez.  Le  Zihaldone  de  Baccio  Tinghi 261 

L.  F.  Benedetto.  U Hélène  de  Leconte  de  Lisle 279 

L.  Auvray.  La  bibliothèque  de  Claude  Bellievre  (1530) 353 

E.  Muret.  Une  lettre  inédite  de  Lope  de  Vega 365 

A.  ViDiER.    Un    bibliophile  du  xvie  siècle,  Nicolas  Moreau  d'Au- 

teuil 371 

P.  Le  Verdier.  Jacques  de  Campront  et  son  Psalterium 377 

Ch,    Oulmont.  Pierre  Gringore    et  l'entrée  de   la  reine  Anne  en 

1 504 '. 585 

G.  Cohen.  Le  thème  de  l'aveugle  et  du  paralytique   dans  la  litté- 
rature française 395 

C.  DE  LoLLis.  Po/yt'/^r/t,' entre  les  mains  de  Voltaire,  Baretti  et  Para- 

disi 405 

R.  Sturel.  Notes  sur  Maître  Jacques  Mathieu  le  Bazochien ^17 

A.  Blum.  De  l'esprit  satirique  dans  un  recueil  de  Dicts  nioreaiix  du 

xvie  siècle 451 


648  TABLE   DU    TOME    II 

Seymour  de  Ricci.  Les  feuillets  perdus  d'un  manuscrit  de  Léonard 

de  Vinci 447 

Paul  Barbier,  fils.  Note  sur  les  sens  du  mot  picot 453 

Abbé  A.  J.  CoRBiERRE.  Correspondance  inédite  entre  Mabillon  et 

Montfaiicon 45^ 

A.  Lefranc.  Rabelais  et  Cornélius  Agrippa 477 

E.  Châtelain.  Recherches  sur  les  plus  vieux  livres  des  Condé. . .  487 

F.  DE  Mely.  Le  banquier  et  sa  femme  de  Qiiinten  Matsys 505 

M.  RoauES.  L'original  de  la  Palia  d'Oràstie 515 

M.  TouRN'EUX.  Livres  annotés  par  Merci'er  de  Saint-Léger 535 

M'oe  E.  WiCKERSHEiMER.   Deux   imitations  de  la  Ressource   tJe   la 

Chrétienté 543 

A.  MosCHETTl.  Per  la  Cacria  di  Teodeiico  sulla  facciata  del  S.  Zcno 

di  Verona 547 

Ch.  Beaulieux.  Le  premier  traité  d'orthographe  française  imprimé.  557 

F.  Préchac.  Note  sur  le  sommaire  du  De  Cleiiuiitia 569 

A.  Farinelli.  Viaggi  e  viaggiatori  nella  Spagna  e  nel  Portogallo.  583 

E.  Rahir.  La  première  édition  des  œuvres  de  Clément  Marot. ...  635 

ERRATUM 

P.  71,  dernière  ligne,  au  lieu  de  sciccheggiare,  lire  vccellare. 


.maçon,  PROTAT  FRERES,  IMPRIMEURS 


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