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SOCIETE ACADEMIQUE
DU COTENTIN
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AVRANCHES
Imprimerie alfred perrin, rue de la constitution.
1895
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LISTE DES MEMBRES
DE LÀ
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Bureau de la Société
Président Mgr Germain, Evêque de Coutances et
Avranches.
Vice-Président M. Pigeon, chanoine titulaire, Coutances.
Secrétaire M. Leterrier, avocat, Coutances.
Secrétaire-Adjoint M. Léon Lemuet, Coutances.
Trésorier M. Enault, propriétaire, Coutances.
Bibliothécaire-Archiviste. M. Benoit, receveur des finances, Cou-
tances.
Membres adjoints au Bureau
M. Lair, maire de Coutances, proviseur
honoraire Coutances.
M. Dombreval, ancien conseiller général. id.
M. Menard, chanoine titulaire • id.
Membres de la Commission du Musée
M. Tanqueray, artiste Orval.
M. Léon Lemuet, artiste Coutances.
M. Benoit, receveur des finances id.
Membres titulaires
MM.
Angot, propriétaire, ancien notaire Coutances.
AuBRY, aumônier du Lycée Coutances.
Benoit, receveur particulier des finances-. id.
BiNET, curé-doyen Cerisy-la-Salle.
Blondel, propriétaire Coutances.
BouRSiN, chanoine titulaire id.
Bouillon, chapelain des Augustines id.
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— II -
MM.
Briant, curé de Biniville Biniville.
Chevalier, avocat, conseiller général — Goutances.
Dallain, chanoine id.
De la Rue, notaire id.
De Longueville, chanoine honoraire id.
Le Comte de Mobecq, propriétaire Mobecq.
CoùRAYE ûu Parc, propriétaire Avranches.
DuPREY, Pierre, propriétaire Cambernon.
Dubois, propriétaire, ancien conseiller de
la Préfecture * Coutances.
DuREL, vicaire-général id.
Fleury, pro-secrétaire de l'Evêché id.
PoùCHARD, vicaire à Domjean.
Gritton, avocat Goutances.
HÉLAINE, curé Belval.
Jambin, propriétaire Agon.
James, vicaire à Sainte-Mère-Eglise Sainte-Mère-Eglise.
JouBiN, chanoine titulaire Goutances.
JouBiN, curé Savigny.
Laïsney, chanoine honoraire, secrétaire
particulier de Monseigneur Goutances.
Lebourgeois, curé de Villebaudou.
Lebedel, cuté de Saint-Saturnin Avranches.
Lechevalier, propriétaire Goutances.
Lecardonnel, curé Mesnil-Rault.
Legoux, vicaire-général Goutances.
Lemasson, curé-doyen Gavray.
Lemonnier, supérieur du Collège et Petit
Séminaire Saint-Lo.
Lerendu, propriétaire Péi iers.
Leroy, curé-doyen de St-Hilaire-du-Harcouët
Letot, curé de Pont-Hébert.
Levon, hologer Coutances.
Marie, aumônier de Pont-l'Abbé (Bon-
Sauveur) : Picauville.
Mauduit, chanoine titulaire, secrétaire-
général de l'Evêché • . . . . ^ Coutances.
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> — UI —
MM.
Montaigne, curé Régné^ilfe.
Michel DE MONTHUCHON, propriétaire Monthuchon.
MusTEL, chanoine honoraire, directeur de
la Revm Catholique Avraoebes,
PoRET, maire DenoevUte.
Poulain, chapelain du Sacré-Cœur Coutances.
Prévallée, propriétaire id.
Regnault, sous-préfet Coutances.
RossELiN, curé-doyen Brecey.
Rosine, vicaire à la Trinité Ghevbonrg.
Sanson, chan. honoraire, pro-s«cré taire ,. Goctanees.
ToLLEMER, arcbiprêtre, curé -doyen de
Saint-Pîerre id.
ToLLEMER, euré de Saint-Nicolas id.
TuRGOT, chanoine, curé-doyen de Notre*
Dame de GranviUe.
Varin de la Krunelière, à Notre-DameHie*Ceoilly.
Vautier, supériear des Missionnaires de
Notre-Dame-sur-Vire Troisgots.
Viel, curé de Colomby.
Membres correspondants.
MM.
xVdrian, capitaine, chef du Génie Saint-Malo.
Rlaisot, élève de l'Ecole de« Gbartes Biain ville.
BouET, artiste Gaen.
Briens, sénateur de la Manche Céreaces.
Canivet, artiste Ghambois (Orne).
Caligny (de) Paris.
Clouet, professeur au Lycée Saint-Brieuc,
Courtois Orglandes.
Daniel, capitaine de frégate Brest.
Delisle, membre de l'Institut, directeur
de la Bibliothèque nationale Paris.
Desmottes, professeur agrégé au Lycée . . Bordeaux.
DoLBËT, archiviste du département de la
Manche Saint-Lo.
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— IV —
MM.
Drouet, archiviste Saint-Pierre-Eglise.
DuMESNiL, inspecteur-général Paris.
Dupont, conseiller à la Cour d'appel Caen.
DuRiER, Charles, chef de bureau au Minis-
tère de la Justice Paris.
DuRiER, Emile, avocat à la Cour d'appel. . id.
Faure-Beaulieu, ancien conseiller de la
Cour d'appel Neuilly-sur-Seine.
Feuardent, numismate Paris.
Fierville, censeur au Lycée Charlemagne id.
GuiLLOUARD, professeur de la Faculté de
Droit Caen.
Lavoix, procureur de la République Montluçon.
Leriverend, agent-voyer Pontorson.
Leroy, juge d'instruction Pont-l'Evêque,
Letellier, propriétaire. Caen.
Levé, vice-président du Tribunal. Avesnes (Nord).
LoiSEL, président du Tribunal Mayenne.
Meunier, Stanislas, directeur du Muséum
d'histoire naturelle (section de zoo-
logie) id.
Onfroy, antiquaire Lisieux.
Pigeon, Victor, ancien Receveur à Mortain Genêts.
Prilleux , Paris.
Reffuveille, contrôleur des douanes. ... Le Havre.
Sauvage, ancien juge de paix Paris.
TosTiN, ingénieur des chemins de fer — id.
Travers, Emile, ancien conseiller de pré-
fecture Caen.
Virert, avocat à la Cour d'appel • . . Paris.
Sociétés Correspondantes
Algérie Académie d'Hippone.
Calvados Société des Beaux-Arts de Caen. — Société
des Antiquaires de Normandie.
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Jersey Société Jersiaise pour l'étude de l'histoire
et de la langue du pays.
Manche Société d'Archéologie d'Avranches.
Sociétés d'Agriculture, d'Archéologie et
d'Histoire naturelle de Saint-Lo.
Société Archéologique, Artistique, Litté-
raire et Scientifique de Valognes.
Seine Société d'Anthropologie, à Paris.
Sarthe Revue Historique et Archéologique du
Maine, au Mans.
Finistère Société Académique de Brest.
Ille-et-Vilaine Société Archéologique d'Hle-et- Vilaine, à
Rennes.
Etats-Unis d* Amérique. The Smithsonian Institution, à Washing-
ton.
Orne Société Archéologique de l'Orne, à Alençon.
Alsace Société Belfortaine d'émulation, à Belfort.
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SAINT ROMPHAIRE
ÉVÊQUE DE COUTANCES
ObserTations préliminaires et eritiques*
Nous n'avons pas des actes fort anciens sur saint Romphaire. S'il
en a existé au VIII^ ou IX^ siècle, ils auront disparu pendant les in-
vasions normandes. La fête du saint remonte cependant à une assez
haute antiquité, puisque nous la trouvons établie, comme celle de
saint Lo, dès le XJe siècle. C'était une fête de seconde classe, ainsi que
l'indique l'Ordinaire des offices du prieuré de Saint-Lo de Rouen.
Mais cet office n'avait point de leçons particulières pour saint Rom-
phaire. Tout y était du commun d'un pontife. Il en était de même
à Coutances, comme le prouvent le bréviaire-manuscrit de Valognes
et celui de Geoffroy-Herbert, imprimé à Rouen, en 1499. Vers cette
époque parut une vie manuscrite de saint Romphaire. Elle est courte
et sobre de détails, mais elle s'appuie sur des traditions respectables
et sur ce que que l'histoire positive nous apprend, touchant le saint
pontife. Ce manuscrit, que l'on regarde comme perdu, était encore
entre les mains de Toustain de Billy, curé du Mesnil-Opac, quand il
écrivait son Histoire des Evêques de Coûtâmes^ au commencement du
siècle dernier. Mais si cette copie a disparu, elle a été conservée
presque intégralement dans le bréviaire de Mgr de Briroy, où elle
fut insérée, pour la première fois, en 1601 (1).
(i) Plusieurs expressions citées par Toustain de Billy et la légende du bréviaire
de Mgr de Briroy indiquent la jeunesse relative de la vie de saint Romphaire. Nous
ne citerons que le mot de Barfleur « Barofluctus », employé dans les actes primi-
tifs. Cette orthographe de Barfleur n'apparaît qu'à la fin du XV* siècle et surtout
au XVI' siècle. Au XIP siècle, Orderic Vitale dans son Historia Ecclesiastka^
3« partie, livre XII, écrit « Barbaflot ». Wace, dans son Roman de Brut, T. II,
vers 11,562 « Barbefloc ». Le Livre noir de la cathédrale de Coutances, du XIII*
siècle, « Ecclesia de Barbefluctu. » Dans ce même siècle, les chartes de fondation
de l'Hôtel-Dieu de Barfleur « Barbefluctus, Barrofluctus ». Au XIV« et au XV'
siècles, le Livre blanc de la cathédrale de Coutances « Ecclesia de Barbefluctu ».
Froissart écrit : « Barfleus »,etles historiens anglais Howden et Northbury : « Bar-
flet et Barbeflet ». Enfin, dans un acte de 1533, accordé par le roi François I*% eu
faveur des Augustins de Barfleur, nous trouvons ce Barfleur » orthographié cosime
nous l'écrivons aujourd'hui.
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— 2 —
Voici le résumé de cette vie : « Saint Romphaire naquit en Angle-
j» terre ; son père s'appelait Hermoiaus et sa mère Delphine. Après
• » de bonnes études, il quitta sa patrie, pour visiter la Gaule, et en
» particulier l'Aquitaine, habitée alors par un grand nombre de
» saints dont il voulait étudier la vie et suivre les exemples. Il
» n'avait alors que 18 ans. Une tempête le jeta dans le port de Bar-
» fleur, sur la côte orientale du diocèse de Coutances.
» Saint Lo ayant appris son arrivée l'appela près de lui et, charmé
» des dispositions du jeune étranger, le retint près de lui et l'ad-
» mit plus tard au sacerdoce. Saint Romphaire revint alors évangé-
» User Barfleur. Sa vie était si sainte et si pieuse qu'après la mort
y» de saint Lo, il fût élu, par le peuple et le clergé, pour être son
» successeur.
» Pendant qu'il administrait son diocèse avec beaucoup de sa-
» gesse, il y reçut, comme exilé, le saint pontife Prétextât, son
» métropolitain. Il dut le visiter assez souvent et jouir de son inti-
» mité, car, lorsque dix ans après, il fût rappelé à Rouen, en
» 586 ou 87, pour y être assassiné par un des sicaires de Frédé-
» gonde, c'est saint Romphaire qui fut invité pour présider à ses
» funérailles. On pense que ce saint Evêque de Coutances mourut
» vers l'an 590, après vingt-deux ans d'épiscopat (1). »
En 1663, Mgr de Lesville, et Mgr Dupont, en 1830, modifièrent la
première légende publiée par Mgr de Briroy. Ils ajoutèrent plu-
sieurs particularités, comme la consécration de saint Romphaire
par saint Prétextât et la présence de saint Romphaire à l'inhuma-
tion de saint Sénier et à l'élection de saint Sever. Ces faits peuvent
être vraisemblables, mais dans les actes de ces saints, rédigés à une
époque quasi-contemporaine, saint Romphaire n'est pas cité. Cette
seconde vie du saint Evêque de Coutances a été conservée dans les
bréviaires de M?" de Brienne, en 1715 ; de Gouyon de Matignon, en
1741 ; deTalarudeChalmarel, en 1769, etde Dupont-Poursat, en 1830.
Trigan, dans son Histoire ecclésiastique de Normandie^ suit la
légende du bréviaire de M&^ de Matignon, mais ne dit rien de la
présence de saint Romphaire aux funérailles de saint Sénier.
Rouault, curé de Saînt-Pair, dans son Histoire des Evéques de Coû-
tâmes^ admet la même légende dans son entier, mais l'augmente
encore considérablement et la modifie dans certains endroits ; mal-
Ci) Toustain de Billy, Histoire ecclésiastique du diocèse de Coutances, T. I, p. 43.
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— 3 —
heureusement il ne peut donner aucune preuve de ce qu'il avance.
« Saint Romphaire, dit-il, descend des rois de Northumbre, qui
» s'appelaient Osoûis. Son père se nommait Hermolan, sa mère
» Delphine, de l'illustre maison d'Anemond, sortie des rois de
» Gant Saint Romphaire était d'une race de saints. 11 comptait
» parmi ses parents saint Samson, évêque de Dol, saint Magloire,
» évêque du même siège, saint Malo, évêque d'Aleth, saint Delphin,
» archevêque de Lyon, saint Osoûald, roi de Northumbre, martyrisé
» par les Merciens, enfin saint Aidoûin qui versa aussi son sang
» pour la foi du Christ. » Rouault cite également le nom du profes-
seur de saint Romphaire : « Saint Hidulte, qu'on appelle en France
» Ideult, et qui vivait dans le pays de Clamorgan, dans la princi-
» pauté de Galles. Plus tard il prend congé de son premier maître
» pour se rendre auprès de saint Brandan retiré dans une solitude
» aux environs de Vinchestre. Saint Romphaire, croyant que la Pro-
» vidence divine l'appelait en France, s'embarqua de nuit sur un
» vaisseau marchand qui était près de mettre à la voile pour Aleth (4),
» afin de se rendre auprès de saint Malo qui ressuscitait les morts,
yt de saint Samson et de saint Magloire qui vivaient en grande répu-
» tation de sainteté auprès de la ville de Dol. Une tempête fit dévier
> le bateau de sa route et le matin ils se trouvèrent à la vue de
> Barfleur, où ils entrèrent sains et saufs (2). »
M. Rouault, né près de Saint-Malo, en Bretagne, est un écrivain
studieux, mais riche d'imagination et d'hypothèses. Il donne ses
opinions personnelles comme des vérités qui n'ont pas besoin
de preuves. Il lui était cependant très difficile d'en fournir, sur la
généalogie de saint Romphaire, et sur l'intention de ce saint d'a-
bandonner sa patrie pour se rendre à Aleth.
Rouault est, sur ce dernier point, en contradiction flagrante avec
la vie primitive et tous les bréviaires du diocèse, qui nous appren-
nent que saint Romphaire voulait se rendre non en Bretagne, mais
en Aquitaine. Aussi aucun historien n'a osé suivre les assertions du
curé de Saint-Pair-sur-la-Mer. Le nouveau bréviaire de Goutances,
pfublié en 1862, a repris la légende primitive donnée par Mf^ de
(1) Aleth, présentement Saint- Servan, était le siège d'un Evéché. Le bienheureux
Jean de la Grille, son 39» Pontife, transféra, vers 1150, son siège cpiscopal d'Aleth
dans l'île d'Aron, aujourd'hui la yille de Saint-Malo.
(2) Rouault, Abrégé de la vie des Evêques de CoutanceSy article Saint Romphaire,
page 93.
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— 4 —
Briroy, qui nous offre assurément ce qu'on sait de plus certain sur
saint Romphaire.
Le véritable nom de saint Romphaire est Romacharius, c'est Gré-
goire de Tours qui nous l'apprend, quand il nous représente l'évê-
que de Coutances se rendant à Rouen pour l'inhumation de saint
Prétextât : « Ad qiiem [Praetextatum] sepeliendum Romacharius
Constantinae urbis episcopus advenit(i), »
Fortunat chantant dans ses vers la fête de la dédicace de la cathé-
drale de Nantes, cite les noms des évêques qui furent témoins de
cette cérémonie. Comme l'un de ces pontifes porte le nom deMara-
charius, quelques historiens du diocèse de Coutances ont pensé
que ce nom pourrait bien être le même que Romacharius et rappe-
ler ainsi saint Romphaire. C'est ce qu'ont cru Toustain de Billy et
avant lui l'avocat de Morel (2). Mais Grégoire de Tours nous enseigne
qu'au temps même de saint Romphaire ou Romachaire vivait à
Angoulême un évêque du nom de Maracharius, et les auteurs de
V Histoire Gallicane (3) nous montrent ce pontife comme ayant assisté
à la dédicace de l'église de Nantes. Il n'est guère croyable, en effet,
que Grégoire de Tours eût donné à l'évêque de Coutances le nom
de Maracharius quand il nous l'avait désigné sous l'appellation de
Romachaire. Aussi les auteurs des vieilles listes de l'évêché de
Coutances, qui ne connaissaient sans doute pas l'existence du Mara-
charius d' Angoulême, l'avaient pris pour un évêque de Coutances,
sans le confondre toutefois avec saint Romphaire ou Romacaire.
Trigan, et avec lui les auteurs modernes, rendent Maracharius à
l'église d' Angoulême.
Rouault marque la mort de saint Romphaire en l'an 600 ; nous
n'avons aucun renseignement sur cette date, mais Toustain de Billy
place la fin de l'épicopat du saint évêque de Coutances vers 586.
On ne sait trop où le corps de ce pontife fut inhumé.
Comme saint Lo fut déposé dans l'église de Sainte-Croix du vieux
Briovère, qui prit plus tard le nom du saint dont il possédait les
pieuses reliques, on peut supposer que saint Romphaire y fut égale-
(1) 5. Gregorii episcopi Turonensis historia Francorum^ liber octavus, page
403, et édilion Migne, col. 479.
(2) Le Triomphe de l'église cathédrale de Constances, par M. de Morel, conseil-
ler, imprimé en 1647, page 48.
(3) Histoire de V Eglise gallicane, tom. IV, page 36, édition de 1826.
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— 5 —
ment enseveli (1). Ce qui est certain, c'est que l'enlèvement de son
corps se fit en même temps que celui de saint Lo : tous les deux
furent portés à Bayeux, puis à Rouen et enfin à Angers. Tous les
deux aussi revinrent en partie dans leur église cathédrale de Cou-
tances (2). Les pieux ossements de saint Romphaire, encore recou-
verts d'une partie de leur chair et ses entrailles assez bien con-
servées, semblent prouver que ce corps fut primitivement embaumé ;
honneur qui n'était accordé, à l'époque mérovingienne, qu'aux per-
sonnages de grand renom ou d'une sainteté fort remarquable (3).
Le souvenir de saint Romphaire est resté très vivace à Barfleur.
Sur un rocher du vieux port, on voit encore, à mer basse, une
croix taillée dans la pierre, et qu'on attribue au saint évêque de
Coutances que la localité a choisi pour second patron. La cathédrale
de Coutances possède un autel et une chapelle en l'honneur de saint
Romphaire, et dans l'arrondissement de Saint-Lo, canton de Canisy,
se trouve une belle paroisse qui porte encore le nom de ce saint
prélat.
Deux martyrologes anciens rappellent saint Romphaire : Celui de
Greven s'exprime ainsi : « XIV Kal. Novembris Aptid Comtantiam
inférions Normanniœ civitatem, Sancti Rumpharii episcopi et con-
fessons, y>
Molanus le cite de la même manière : « Die 18 novembris, apud
Comtantiam^ inferioris Normanniœ^ Beati Rumpharii prefatœ urbis
episcopi et confessoris (4). »
(1) On n'enterrait point alors dans les cathédrales, mais uniquement dans quel-
ques églises monastiques, et seulement les personnes qui ayaient offert des preuves
d'une grande sainteté.
(2) Voir la translation des reliques de saint Lo et de saint Romphaire dans la
Vie de saint Lo, Tom. I, p. 145 et suiv.
(3) M. L. de Glainville, dans son Histoire du Prieuré de Saint-Lo de Rouenf
T. I, p. âl, nous apprend, d'après le titre de la translation des reliques de saint Lo
et de saint Romphaire, de Bayeux à Rouen, au X« siècle, « que le cercueil de
saint Romphaire, après 300 ans d'existence, n'était pas tombé en poussière et que
même plusieurs parties de son corps étaient encore très bien conservées, malgré
les difficultés de la translation. »
(4) M. l'abbé Patin était bien mal renseigné quand, dans son grand Dictioîinaire
Hagiographique, Tom. H, col. 1568, il place saint Romacaire au nombre des saints
qui n'ont pas de culte ou de fête connue. « Saint Romacaire, dit-il^ évêque de
Coutances, succéda à saint Lo, en 568. l\ était Anglais de naissance et devint un
des principaux ornements de l'Eglise des Gaules, par sa sainteté et son savoir. »
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Vie de Saint Romphaire.
Tie aneienne de Saint Romplialre.
Romphaire, né en Angleterre, donna tous ses soins à la piété et
aux belles lettres. A l'âge de 18 ans, il voulut visiter la France,
afin de jouir de la présence et -de l'entretien de saints personnages
qui vivaient alors dans l'Aquitaine (1). A peine était-il embarqué
qu'une tempête s'éleva, et, après avoir mis en danger la vie des
passagers, les conduisit dans un port appelé Barfleur ; le saint y
rendit la santé à trois malades qu'on désespérait de sauver.
Le bienheureux Lo, remarquable par sa piété et sa sainteté, gou-
vernait alors l'église de Coutances. Romphaire alla le visiter dans
la ville épiscopale. Il fut reçu avec bonté et revêtu bientôt de la
dignité sacerdotale. Il revint ensuite à Barfleur (2) où, par l'intégrité
et la pureté de ses mœurs, il se concilia tous les esprits. Saint Lo
étant venu à mourir, Romphaire obtint tous les suffrages et fut élu
évêque de la cité de Coutances.
Elevé à cet honneur, l'homme de Dieu brilla surtout par sa pa-
tience, ses travaux assidus et son amour des saintes Ecritures.
L'an 568, il ensevelit avec honneur saint Prétextât, évêque de
Rouen, mis à mort fort injustement. Enfin, après avoir illustré
l'église de Coutances par la sainteté de sa vie et ses miracles, le
14 des calendes de décembre, il changea cette vie périssable pour
une vie immortelle.
Nos pères lui ont élevé un autel dans la cathédrale de Coutances
et une église dans le diocèse. Les reliques de saint Lo et de saint
Romphaire, transportées en même temps à Rouen et à Angers, y
sont encore en grande vénération ; une partie de ces reliques ont
été rendues à l'église de Coutances.
(1) Au temps même de saint Romphaire, c'est en Aquitaine, près de saint
Léonce, éréque de Saintes, qne saint Malo, né dans la Grande-Bretagne, comme
saint Romphaire^ se retira quand il fut chassé de son siège.
(2) Barfleur, où Ton a trouvé un grand nombre de médailles romaines, est une
localité ancienne et possède un port qui fut, au moyen-âge, un des plus célèbres
de la I^ormandie.
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— 7 —
Deuxième vie de Saint Romphaire.
Romphaire naquit en Angleterre de parents illustres ; son père
s'appelait Hermole et sa mère Delphine ; mais les témoignages de
sa rare piété surpassèrent sa haute naissance. Il s'embarqua dans
le dessin d'aller en Aquitaine, afin d'y visiter plusieurs saints per-
sonnages remarquables par leur science et leur vertu ; la Provi-
dence permit qu'il s'éleva une tempête qui le fit aborder à Barfleur,
port du diocèse de Coutances. Là, rempli de grâces et des dons de
l'Esprit Saint, il rendit la santé à trois infirmes dont la position était
désespérée. Il fit encore plusieurs autres miracles. Saint Lo ayant
appris les prodiges et la vie angélique de ce nouveau venu, appela
saint Romphaire à Coutances.
Le saint évêque ayant admiré la pureté et l'humilité du jeune Rom-
phaire possédant une science profonde des Saintes Ecritures avec
un esprit vraiment ecclésiastique, lui donna la tonsure. Après l'avoir
éprouvé plus longtemps dans son palais épiscopal, qui était comme
un séminaire modèle, il l'admit aux ordres mineurs. Enfin, après
l'avoir préparé par de saints exercices, en observant toutefois les
interstices voulus, il lui donna les ordres sacrés, y compris le sacer-
doce. Cependant les habitants de Barfleur redemandaient avec ins-
tance leur jeune apôtre ; ils étaient tristes de son absence, et ne
goûtaient plus de bonheur depuis son départ. Saint Lo le leur ren-
voya, mais enrichi par les saintes onctions, l'imposition des mains
et le droit de prêcher.
Saint Lo ayant été appelé dans le séjour des élus, les vœux et les
suffrages du peuple élurent saint Romphaire comme évêque de
Coutances. Il fut ordonné par saint Prétextât, évêque de Rouen,
auquel il donna ensuite la sépulture quand, en 568, il fut injuste-
ment mis à mort. Il rendit le même office à saint Sénier, évêque
d'Avranches, qu'il visita pendant sa maladie. Il prit encore une part
active à l'ordination de saint Sever. On ne saurait dire les prédica-
tions, les exemples, les bienfaits et les miracles dont il gratifia son
peuple. Toutes les vertus exigées par l'Apôtre pour un saint évêque,
furent les siennes. Enfin plein de jours et de mérites, il s'unit au
Pasteur et au Pontife de nos âmes, près duquel il intercède pour
nous par de continuelles prières. Nos pères lui ont dédié un autel
dans l'église cathédrale et une église dans le diocèse.
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— 8 —
André du Saussey, en 1637, dans son Martyrologe gallican^ ré-
sume ainsi cette vie :
Le 18 décembre, à Coutances en Normandie, dans la seconde
Lyonnaise, on célèbre la mémoire de saint Romphaire, évêque de
cette ville et confesseur. Il naquit en Angleterre ; son père Hermole
et sa mère Delphine étaient des personnages illustres, mais la rare
piété du fils lui fit plus d'honneur que sa haute naissance. Bien su-
périeur à ses concitoyens, il voulut fuir cette vaine réputation que
le monde estime et abandonna son pays natal pour venir en Neus-
trie. Dénué de tout secours humain, mais plein de confiance en
Dieu, il se retira dans une solitude du pays de Coutances où il se
livra aux saintes méditations. Grâce à sa fidélité au Seigneur, il opéra
des miracles pour le salut des habitants.
Saint Lo ayant été appelé à jouir de la récompense céleste, Rom-
phaire, par la permission divine, fut élu comme le plus digne pour
remplacer l'évêque défunt. Dans cette charge il développa tout son
zèle et, avec le secours du ciel, il forma, tant par ses exemples que
par ses enseignements, un grand nombre de fidèles à la justice et à
la piété. Désirant jouir de la vue bienheureuse de Dieu, il alla rece-
voir sa récompense, laissant sur la terre, alors qu'il était déjà ci-
toyen du ciel, un nom béni et à jamais vénéré.
Vita Sancti Rumpharii.
Rumpharius natione Anglus (1), a teneris annis, pietati et litteris
operam dédit (2). Decimo octavo aetatis suîb anno, Gallias invisere
voluit, ut sanctorum Patrum qui tune in Aquitania vigebant, cons-
pectu et colloquio frueretur. Verum ubi navem conscendit, mox
orta est tempestas quae (3) non sine magno navigantium periculo,
(i) Le texte cité par Tonstain de Billy donne les noms du père et de la mère du
saint : « paire Hermolao viro optimo et maire Delphine. »
(2) « A teneris annis cum humanioribus tum philosophicis ac thcologicis operam
dédit. Decimo octavo setatis suae anno, peregrinandi desiderio captus, Gallias in-
visere voluit, ut sanctorum patrum qui tune in Aquitania vigebant, conspecta et
colloquio frueretur. » Toustain, Tome I, page 38, extraits du manuscrit primitif
insérés dans V Histoire ecclésiastique du diocèse de Coutances,
(3) Ubi navem conscendit, mox orta est tempestas quse, non sine magno navi-
gantium periculo, navigantes ad portum, qui dicilur Barofluctus, deduxit, ubi très
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— 9 -^
eos cleduxit ad portum qui dicitur Baroflactus, ubi très infirmos, de
corporis salute desperatos, pristinae restituit sanitati.
Constantiensi Ecclesiae tune prseerat, pietate et sanctitate insignis
beatus Laudus, queni (1) Rumpharius Constantias invisit. A quo
bénigne exceptus et sacerdotali dignitate decoratus, tandem repetit
Barofluctura ubi, integritate vitse atque innocentia, omnium animos
sibi conciliavit. Mortuo autem Sancto Laudo, omnium sententiis,
Constantinse civitatis praesul ipse Rumpharius eiegitur (2).
Vir Dei, ad hune honorem evectus, patientiâ, humilitate, iabori-
bus assiduis et divinarum iitterarum studio, superabat omnes.
Sanctum Pretextatum Rothomagensem episcopum injuste necatum,
anno quingentesimo sexagesimo octavo, honorifice sepeiivit. Etcum
féliciter Constantiensem ecciesiam, vitae sanctitate et miraculis
iliustrasset, vitam caducam cum immortali commuta vit, decimo
quarto Kaiendas decembris.
Sanctse ejus mémorise aram in ecclesia cathedrali et ecciesiam
parochialem in Diœcesi, majores nostri consecrarunt ; reliquiae
autem sanctorum Laudi et Rumpharii simul translatas, nunc à
Rothomagensibus et Andegavensibus pari honore asservantur, qui
earum partem Ecclesiœ Constantiensi reddiderunt.
infirmos ac corporis de salute ^desperantes pristina) restituit sanitati. (Toustain,
T. I, p. 38).
(1) Tonstain. T. I, p. 38, d'après le même manuscrit : « Constantiensi ecclesiae
tune praeerat vir pietate et sanctitate insignis, dominus Laudus, qnem salutandi
causa Constantias venit. Â quo bénigne acceptus et sacerdotali dignitate decoratus,
vir Dei Hompharius tandem Barofluctum repetit, ubi integritate vit» atque inno-
centia omnium animos sibi conciliavit. »
(2) Toustain, T. I, p. 39, ajoute encore d'après le manuscrit primitif : « Non
igitur fumosae majorum imagines, non eblanditae principis commendationes viam
ei ad pontificatum invenerunt, sed eadem virtus quae illum perpetuo comitata est,
tandem in isto celsissimo solio eumdem collocavit. » H termine en disant : u Le
surplus de ces actes ne contient que l'éloge de cet évêque et l'énumération de ses
vertus ; nous ne nous y arrêterons pas davantage, non plus qu'à rapporter ce que
feu Mgr de Lcsseville a ajouté à ce que nous venons de dire dans la réformation
qu'il fit du bréviaire, en 1664. » P. 40.
Ces différentes variantes données par Toustain^ d'après les actes anciens, prou-
vent que le bréviaire de Mgr de Briroy a reproduit ces actes presque intégra-
lement. C'est pour cette raison que le Propre de Mgr Daniel a donné le texte de
1601, comme ce qu'il y avait de plus ancien et de plus positif, touchant la vie de
Saint Bomphaire. -^
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— 10 -
Deuxième Vie de Saint Romphaire
Diaprés les Bréviaires de NN. SS. de Lesseville^ de Loménie de
Brienne^ de Léonor Gouyon de Matignon^ de Talaru de Chai-
mazel et de Dupont-Poursat.
Rumpharius, illustrium in Anglia parenlum Hermolai et Delphinae
fiiius, natalium dignitatem doctrinâ et rarae pietatis insigniis supe-
ravit. Cum mare conscendisset, ut Aquitaniam peteret, multorum
in ea virorum scientiâ et sanctitate celebrium visendi studio ; ortâ
non sine divino nutu tempestate, Barofluctum appulit, agri Cons-
tantiensis portum. In quo plenus grâtia et Spiritu Sancto très infir-
mos, quorum salus conclamata erat, sanitati restituit, multaque alia
operatus est predigia.Cum vero miraculorumejus vitseque angelicae
fama ad beatum Laudum, loci episcopum, pervenisset, vocavit ad
se Constantias Rumpharium. *
Demiratus est sanctus Laudus ejus puritatera, humilitatem et
supra aetatem rerum divinarum cognitionem ; agnoscensque in eo
spiritum vere ecclesiasticum, ilium prima tonsurâ insignivit; et diu
probatuni in paîatio suo, quod virtutis seminarium erat, minoribus
primum, deindè sacris etiam presbyteratus ordinibus, debitis inter-
valiis atque eorum exercitio légitime praeparatum decoravit. Intérim
postulatur à Barofluctuensibus, qui felicitatem suam cum eo deper-
ditam ingemiscebant. Ad eos ergo remittitur à Sancto episcopo, sed
gratiis, charismatibus, sacra manuum impositione et praedicandi
potestate auctus.
Verum Laudo ad superos postmodum evecto, elegitur Rumpharius
omnium votis ac suffragiis sextus Constantiensium episcopus. A
sancto Praetextato Rothomagensi episcopo ordinatus est, quem pos-
tea injuste necatum, anno Christi quingentesimo sexagesimo octavo
sepelivit; idemque persolvit officium sancto Sinerio Abrincensi,
quem morientem,inviserat; et sanctum Severum ordinandum cura-
vit. Dici non potest quot praedicationibus, exemplis, beneficentiis et
miraculis gregem non paverit : quse in episcopis ab Apostolo exigen-
tur virtutes, ipsius proprise erant. Et tandem dierum ac meritorum
plenus Pastori et Episcopo animarum nostrarum junctus est ; apud
quem continuis orationibus interpellât pro nobis, cujus sanctae
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— u —
mémorise aram in cathedrali et ecclesiam parochialem in diœcesi,
majores nostri consecrarunt (Le reste est semblable à la fin de la
vie du bréviaire de 1601, et du bréviaire actuel, imprimé en 1860).
Abrégé de la Vie de Saint Romphaire, d'après le martyrologe
d'André du Saussey, publié en 1637.
Decimo quarto Kalendas decembris, seu die 18 decembris, Cons-
tantise in Normannia sub secunda Lugdunensi, Sancti Rumpharii
episcopi ejusdem civitatis et confessons. Qui illustrium in Anglia
parentum Hermolai et Delpbinae filius, natalium dignitatem, rarse
pietatis insigniis admodum decoravit. Quibus cum suis coaetaneis
prsecelleret, ut aurse popularis ingratos sibi declinaret rumores,
patriâ excessit, atque in Neustriam appellens, omni humano subsi-
dio destitutus, totus se cœlo commisit. Diuque in secessu agri Cons-
tantiensis divina speculatus, miraque etiam in Dei obsequio, et
incolarum sainte operatus, Sancto Laudo ad cœlestia evocato, Dei
nutu ejus in vicem qua omnium dignissimus erat sublectus est.Quo
in munere postquam omni pietatis instantia divina procurasset,
multosque ad justitiam et religionem promovisset castis monitis et
exemplis, cupidus Domini sui cui fideliter servierat beati conspectus,
ejus ad fruitionem evolavit : nomenque benedictione plénum,
aeternae venerationi consecratum, in terra, cœli jam felix municeps,
reliquit... Tom. II, p. 905 du Martyrologkim gallicanum.
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SAINT FRAGAIRE ou PÉGASE
EVÊQUE D'AVRANCHES
Le chanoine Guérin, auteur des Actes de VEglise d*Avranches^
nous apprend, d'après M. Duval, son ami, qu'on conservait jadis à
Beslon les actes de saint Fragaire, mais qu'ils avaient été brûlés par
les protestants en 1562. Il ne reste plus qu'une vie traditionnelle et
une prose qui se chantait autrefois dans la fête solennelle du saint (1).
Vie de Saint Fragaire.
Saint Fragaire, en latin Fregarius^ Fegasim ou Fegarim^ naquit
dans la commune de Beslon (2), dans un village qui porte encore
le nom du saint. Là aussi fut toujours le logis des seigneurs et pa-
trons de la paroisse, qui prenaient le nom de Saint-Fragaire. Près
du château actuel on a découvert d'anciennes substructions qui
occupent, dit-on, l'emplacement du castrum où naquit le Bienheu-
reux, vers la fm du VI^ ou le commencement du Vll^ siècle (3). Issu
d'une famille non moins chrétienne que riche et puissante, le jeune
Fragaire fut élevé dans la piété et la vertu. Après avoir passé l'âge
de l'adolescence, il fut épris de la vie monastique et se retira dans
l'abbaye de Sessiac (4), fondée par saint Pair, évoque d'Avranches.
Dans cette sainte maison, il se fit remarquer par sa vie pieuse et
mortifiée. Les habitants d'Avranches ayant perdu leur pontife, saint
Childoald qui, en 630, assista au concile de Reims, jetèrent les yeux
sur saint Fragaire. Sa réputation de sainteté était parvenue jusqu'à
eux, et d'un commun accord ils l'élurent pour évêque. Aucun fait
particulier de son épiscopat n'est parvenu jusqu'à nous; on sait
seulement qu'il gouverna son diocèse avec beaucoup d'édification
et de sagesse et qu'il obtint plusieurs secours tant spirituels que
temporels pour son peuple. 11 mourut en odeur de sainteté vers
670. Des miracles ayant été obtenus par son intercession, son culte
fut autorisé. Une église fut érigée dans son lieu natal et sa fête fixée
au XI des calendes d'octobre, qui était, paraît-il, le jour de sa mort.
(1) Guérin, Acta Sanctœ Ecclesiœ Ahrincensis, pa^es 4 et 6 de son manuscrit.
(2) Beslon, canton de Percy, arrondissement de Saint-Lo (Manche). — Voir la
prose de saint Fragaire, — Trigan et Toustain de Biliy.
(3) Voir les Catalogues des Evéques d'Avranches, plaçant saint Fragaire après
saint Childoald, qui assista, en 630, au concile de Reims.
(4) Trigan, Histoire ecclésiastique de Normandie, T. I, p. i92. — Toustain de
Billy, Vies des Evêques de Coutances, p. 60.
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— 13 —
Prose en l'honneur de Saint Fragaire, Evêque d'Avranches,
qu'on chantait jadis le jour de sa fête.
Que le peuple chrétien loue Dieu et vénère d'un cœur pur les
suaves mérites de Fragaire. Ce confesseur d'une foi profonde s'ef-
força de marcher à la suite du Seigneur. 11 plut au Souverain Roi et
lui rendit les talents qu'il en avait reçus. Tous les habitants de
Beslon ont été illustrés par ses vertus. C'est en ce jour que ce vain-
queur est monté vers Dieu pour y être couronné. Il vint au secours
des malheureux, et souvent il leur rappelait ce précepte : « Aimez
Dieu par dessus tout et ensuite votre prochain comme vous-même. »
En remplissant ses fonctions de pontife, il se rendit recommandable
par plusieurs actions glorieuses. Après avoir remporté la victoire
sur les dangers du monde, il prie pour ses serviteurs. C'est aujour-
d'hui qu'il a obtenu d'entrer dans la vie éternelle. Que ce peuple
assemblé s'empresse de suivre les exemples de son patron, mainte-
nant dans la gloire. Que le Seigneur, par ses mérites, nous accorde
l'entrée de son royaume. Demandons tous qu'il en soit ainsi en di-
sant ensemble : « Alléluia. »
TEXTE LATIN
Prosa ex manuscripto ecclesiae Sancti Fregarii episcopi Abrinceasis,
quae cantatur in missa, in die festo ejusdem sancti.
Patris nostri dulcia cum mente munda alleluya.
Fragarii mérita plebs veneretur christiana.
Hic confesser claruit, sequi Deum studuit fide firma.
Summo Régi placuit et talenta rcddidit sibi data.
Ejus Bellonensium decorantur cuncti per exempla.
Triumphator hodie migravit ad Deum cum corona.
Desolatis subvenit et piuries docuit haec praecepta :
« Primo Deum dilige et proximum sicut te per omnia. »
Vice fungens praesulis Fragarius titulis
Et pluribus nituit, discrima
Mundi vincens, famulis orat ipse pro suis,
Hodie promeruit frui vita.
Concio propera sequi vestigia hujus manentis in gloria.
Regnum Deus per sua det nobis mérita ;
Amen dicamus omnes una Alleluya (1).
(1) Guérin, manuscrit intitulé : Acla Sanctœ Ecclesiœ Abrincensis. Ce savant
chanoine nous apprend qu'il alla copier cette prose, en 1680, dans un vieux manus-
crit de Féglise Saint-Fragaire.
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— u —
Cette prose ou séquence ne nous apprend guère que ce que nous
savions déjà, à savoir : que saint Fragaire fut l'honneur de son
pays, qu'il se montra toujours d'une foi inébranlable et que son
pontificat fut illustré par plusieurs actions glorieuses. L'auteur n'en
connaît pas les détails, mais ce qu'il sait bien, c'est la confiance du
peuple envers son patron, les grâces qu'il en a obtenues et l'espé-
rance qu'il conservé de gagner la vie éternelle en suivant ses pré-
ceptes.
Au XVI® et au XVII® siècles, on croyait que saint Pégase ou Fra-
gaire avait assisté au cinquième concile d'Orléans, en 549. De ce
nombre nous citerons Démochares ou Mouchy (1) et le Père Labbe
(2). Claude-Robert (3), dans son Gallia ChrHstiana, citait à la fois
les pontifes ^Egedius (Gilles) et Fégase ou Fragaire, tous deux évo-
ques d'Avranches. Mais les meilleurs manuscrits ne parlent que
d'iEgedius et reportent Fégase au VII® siècle, ce qui a été admis par
de Sainte-Marthe et les auteurs qui se sont occupés de Y Histoire des
Evêqties d'Avranches et de leurs signatures dans les conciles. Fégase
ou Fragaire paraît en effet n'avoir assisté à aucune assemblée ecclé-
siastique.
Les auteurs qui citent encore saint Fragaire sont : Nicole, dans
son Histoire des Evêques d'Avranches, Toustain de Billy, dans son
Histoire des Evêques de Coutances^ Trigan, dans V Histoire ecclésias-
tique de Normandie^ Cousin, dans son Catalogue des Evêques d'Avran-
ches^ mais surtout Charles Guérin, dans ses Acta Sanctœ Ecclesiœ
Abrincensis^ enfin, dans notre siècle, tous les auteurs qui ont écrit
sur le diocèse de Coutances et d'Avranches.
Le culte de saint Fragaire remonte à une haute antiquité, comme
le prouve l'église élevée sous son invocation. Dès 1251, le Livre-
Noir du diocèse de Coutances cite l'église de Saint-Fragaire « Ecclesia
Sancti Fragarii{A) ». Le Livre-Blanc du même diocèse mentionne
la même paroisse, en 1340. Le tableau des noms latins des paroisses,
publiés d'après les pouillés, donne aussi le nom de Sancti Fegasii.
(1) Mouchy ou Démochares, chanoine de Noyon, De Sacrificio Missœ, liber. H,
pages 27 et 38. In catalogo episcoporum Abrincensium, édition de 1562.
(2) Le Père Labbe, jésuite, Collection des Conciles^ 1672.
(3) Claude-Robert, vicabe général de Châlons-sur-Saône, Gallia Christiana,
édition de 1626.
(4) Le Livre-Noir, archidiaconé du Val-de-Vire, doyenné de Montbray, église
Saint-Fragaire.
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— 15 —
« De temps immémorial, dit Trigan, saint Fragaire ou Fegase est
honoré sous ce titre dans la paroisse qui porte son nom (1) ». « Elle
» est antique, nous dit Guérin, cette vénération de saint Fragaire que
» nous ont léguée nos pères, principalement dans cette église fondée
» dans le territoire de Beslon, au diocèse de Coutances et à quatre
» lieues d'Avranches (2). » En 1741, les rédacteurs du bréviaire de
Coutances, ne connaissant guère l'histoire de saint Fragaire et les
traditions locales, confondirent ce saint avec saint Fraquaire, père
de saint Hilaire. En 1520, après l'invention de ses reliques, à Clessé
(près de Mortagne, en Poitou), ils firent une leçon sur ce saint, dans
laquelle ils l'indiquaient comme le patron d'une paroisse du doyenné
de Montbray (3). Il faut avouer que cette innovation n'était pas
heureuse. La dévotion à saint Fegase était bien antérieure à 1520;
d'un autre côté, Beslon vénérait un pontife d'Avranches, et le
bréviaire leur donnait un pieux laïque qui ne fût jamais évêque.
Aussi Beslon réclama ; on lui permit de célébrer son saint évêque,
comme par le passé, et le bréviaire de 1830 laissa de côté la légende
de saint Fraquaire de Clessé (4).
Eglise de Saint-Fragaire.
Le seigneur dé Saint-Fragaire ou Fegase était patron de l'église
et percevait la moitié des dîmes ; le curé avait l'autre moitié et
l'autelage (5). Cette famille noble de Saint-Fragaire se retira en
Angleterre en 1791 et y perdit deux de ses membres. Le dernier
survivant revint habiter son château et y mourut en 1820. Il ne
laissait pas de postérité. L'église devait disparaître comme ses pa-
trons.
Sans être remarquable, elle était intéressante. Elle avait conservé
plusieurs portions de la nef et de la tour qui remontaient au
(1) Trigan, Histoire ecclésiastique de Noi^mandie, p. 192.
(2) « Anliqua est mcmoria Sancd Fegasii a patribus nostris tradita, maxime in
ccclesia et parochia Sancti Fregarii, in temtorio Belionensi Gonstanciensis diœcesis
4" leucis ab Abrincis distante. » Guérin, Vie des Evêques d'Avranches ou Actà
Sanctœ ecclesiœ Abrincensis, ms. p. 6.
(3) Bréviaire de Mgr de Matignon, pars autumnalis, die 22 septembris,
(4) Voir le bréviaire de Mgr Duponl^Poursat, en 1830.
(5) Livre-Noir,
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-T- 16 —
XI« siècle. Elle comprenait, outre la nef, un chœur et deux cha-
pelles.
Le clocher était au centre de la croisée et se terminait par une
bâtière ou toit à double égoût. Son dernier curé, un confesseur de
la foi, M. Le Vasseur, revint la desservir, en 1804. Son presbytère
et ses quarante vergées de terre ayant été vendus pendant la Révo-
lution, il se retira dans sa famille à Beslon, et continua d'exercer
les fonctions curiales dans son ancienne paroisse. Il mourut en
1823, et n'eut pas de successeur (1). La commune n'ayant pu
trouver de magistrats dans son sein, pei'dit son titre, au début du
XIX^ siècle, et ne fut même plus paroisse. Les habitants ne pouvant
avoir de pasteur, s'unirent à celui de Beslon. On transporta alors
le grand autel de Saint-Fragaire et sa vieille statue en pierre, dans
la chapelle méridionale de Notre-Dame-de-Beslon, et les cloches
des deux paroisses furent fondues ensemble pour n'en faire qu'une.
Mais l'église de Beslon était devenue insuffisante pour les deux
paroisses réunies. En 1857, le conseil municipal résolut d'abattre
l'église de Saint-Fragaire pour agrandir celle de Beslon ; on conserva
autant que possible les débris de l'église démolie, et en particulier
les plus belles fenêtres, pour les reproduire intégralement dans les
nouvelles constructions. Le grand arc triomphal fut reporté à l'en-
trée de la chapelle de Saint-Fragaire, au midi de l'église Notre-
Dame ; on ajouta même une belle statue en bois du saint, et l'image
du saint fut placée aussi dans la bannière avec cette inscription :
« Saint Fragaire^ évêque d'Avranches (2). » La fête de ce bienheu-
reux pontife, qui avait été négligée pendant tous ces changements,
fut solennisée avec éclat en 1861, par ordonnance épiscopale, et
tous les ans on la célèbre avec pompe le dimanche de l'octave de
Saint Lo, qui est ordinairement le dernier dimanche de septembre.
(1) Renseignements de M. Lecanu, curé de Beslon, dans une lettre qui nous fut
adressée à l'Ëvéché, en 1875.
(2) Renseignements de M. Lecanu, curé de Beslon. Cette fêle de 1861 fut inau-
gurée dans l'église de Beslon par M. Lebrec, vicaire général de Mgr Paniel, Evê-
que de Gontances et Avranches, délégué par le prélat. Il était accompagné de M.
Uarel, vicaire général et chanoine titulaire, de M. Garnier, vicaire général, curé
de Saint-Gervais d'Avranches, et de plusieurs autres ecclésiastiques.
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Histoire le la yille le Saint-James le Beiiïïon
(SUITE)
GEAPITRI GIimilIÈlE
HISTOIRE CIVILE ET RELIGIEUSE DE LA VILLE DE SAINT-JAMES,
PENDANT LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XIX« SIÈCLE.
M. Levindrey rentra à Saint-James, au mois de juillet 1802, et
reprit ses fonctions avec ses anciens vicaires, MM. Le Fagueys et
Morel. La population alla à sa rencontre et lui fit une réception
triomphale. M. l'abbé Vassal partagea la joie commune. Sans
même songer à se prévaloir de la situation exceptionnelle que sa
vertu, ses talents et son titre de vicaire-général du diocèse d'Avran-
ches lui avaient acquise, il fut heureux de redevenir simple prêtre
habitué, pour se donner plus complètement à une œuvre, qui lui
était chère entre toutes, l'instruction d'un certain nombre de jeunes
gens qu'il préparait au sacerdoce. Sa maison devint alors une pépi-
nière de prêtres et le berceau du Grand Séminaire de Coutances.
MM. Gauchet et Mazurage, revenus eux-mêmes d'exil, aidaient,
avec M. l'abbé J. Tesnière, le clergé paroissial dans les différentes
fonctions du ministère. M. l'abbé Mazurage fut bientôt nommé cha-
pelain de l'hôpital, à la place de M. Gauchet, qui ne pouvait plus
occuper cette situation, à cause de sa vieillesse et de ses infirmités.
M. Levindrey s'occupa d'abord de réparer l'intérieur de l'église :
on releva les autels et l'on y replaça les statues et les meubles échap-
pés au vandalisme révolutionnaire. Trente femmes se cotisèrent
pour acheter deux grands tableaux, malheureusement assez mau-
vais ; parmi les plus zélées se distingua M"^ Anne Pallix, qui, nous
l'avons vu, avait été emprisonnée au commencement de la Révolu-
tion, à cause de son opposition au curé constitutionnel.
M. Levindrey intéressa à son œuvre la municipalité et particuliè-
rement le maire, M. Charles Collin des Longchamps. Dès le 19
mai 1803, la municipalité composée de MM. Belloir, Masselin,
Loysel, Chancerel, Destais, Enjourbault, Gauchet, Guérin, Jubé,
Lemouland, Lhomme, Lemoigne, Lerebours, Lelièvre, Louiche,
Menard, Boulier et Roger (1), avait voté un supplément de traite-
(1) Les premières délibérations consignées sur le registre, commençant en Tan
Vlll (1800) et finissant en 1824, sont signées, le pins souvent, de M. Collin des
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— 18 —
meut aux deux vicaires, qui n'avaient d'au-res ressources que les
honoraires de leurs messes. L'année suivante, elle chargea MM.
Charles Collin des Longchamps, Thomas Loysel et Jean-François
Belloir de s'occuper « des réparations urgentes à faire à l'église, des
recettes et autres dûs, jusqu'à l'organisation d'une fabrique (1). »
On régla le prix des places à l'église, du son des cloches aux
baptêmes et inhumations, et le sacriste, Jacques Belloir, rendait
compte à M. J.-B. Lemouland des recettes de chaque semaine (2).
La fabrique fut constituée, au commencement d'avril 1804, et les
trois marguilliers désignés par M. le Préfet furent MM. Jacques-
Athanase Loysel, J.-B. Lemouland et Jean-Pierre Lerebours (3).
Si la fabrique était extrêmement pauvre, la commune pouvait à
peine payer les dépenses les plus indispensables, telles que les
frais de bureau de la mairie et l'entretien des routes devenues
Impraticables. Le budget de l'an IX (4804) présentait un actif de
624 fr. 45 c, provenant des centimes additionnels sur les contribu-
tions foncières et mobilières et un passif de 4 ,334 fr. 77 c. (4). Cepen-
dant, il fallut aviser aux moyens de se procurer les ressources
nécessaires pour faire face aux exigences de la situation. Ce fut
dans ce but que, le 48 fructidor an X (5 septembre 4802), le maire
fit au conseil municipal la proposition suivante :
« Citoyens, l'arrêté des consuls du quatre thermidor dernier et
les instructions du conseiller d'Etat, chargé des recettes et des dé-
penses des communes, portent que vous devez indiquer les moyens
d'accroître les ressources communales pour l'entretien des infirmes,
la répression de la mendicité et l'établissement d'ateliers de charité.
y> Les moyens d'arriver à ce but sont, ce me semble, un droit
perçu sur les liqueurs qui se vendent en débite, à raison de 4 fr.
par tonneau de cidre ou de poiré de huit cents pots et au-dessous,
de 4 fr. aussi par barrique de vin, 2 fr. par baril de trente-deux
pots d'eau-de-vie, et enfin 3 fr. par barrique de bière ; à moins que
Longchamps, maire, et de MM. les conseillers municipaux Bailleul, Barenton, Jean
Ghancerel^ Clouard, Dubreil, Gauchet, L. Gérard, Goupil, Guériu, Jubé, Gh. Le-
moyne, J.-B. Lemouland, Masselin, Menard, Perrodin, Rauilin, Boulier, Roger et
Tesnière.
(1) Registre des délibérations du conseil municipal, Vol. I, N° 26, p. 43.
(2) M,, N- 28, p. 46, 47.
(3) W., N» 33, p. 57.
(4) Id., N" 6, pp. 8 et 9.
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— 19 —
vous ne préfériez la voie de l'abonnement, soit par exercice ou à
l'entrée, dont les prix seraient reçus par le préposé aux recettes
communales. »
Nous le voyons, la Révolution, qui avait confisqué les biens ecclé-
siastiques et les propriétés des émigrés, afin, disait-on, de combler
le déficit du Trésor public et de pourvoir aux besoins des pauvres et
au soulagement des classes laborieuses, avait menti à toutes ses pro-
messes. L'Etat fit banqueroute et le peuple dut encore payer de nou-
veaux impôts « pour l'entretien des infirmes, la répression de la
mendicité et l'établissement d'ateliers de charité. »
Les droits sur les boissons et la création de nouvelles foires pro-
duisirent quelques recettes. Toutefois, on ne put réglementer l'oc-
troi, d'une manière définitive, que quelques années plus tard. La
tenue des foires fut fixée aux époques suivantes : le premier lundi
des mois de février, mars, mai, juin, juillet, novembre et décembre.
En 1820, la foire du premier lundi de mars fut transférée au lundi
gras. On décida aussi que les foires qui, jusque-là, se tenaient dans
la rue Saint-Jacques et les rues adjacentes, où les animaux occa-
sionnaient souvent de graves accidents, se tiendraient désormais
sur la place du Calvaire, et l'on vota des fonds pour démolir la
redoute fortifiée qui l'encombrait (1).
Ce fut à cette époque que s'établit à Saint-James la Communauté
des Religieuses Trinitaires.
Une pauvre veuve d'Ernée, Marie Rocher, qui avait formé, pen-
dant la Révolution, une pieuse association avec quelques personnes
de sa connaissance, rencontra, à Fougères, dans un voyage qu'elle
y fit, en 1801, une jeune fille de Saint- James, Mlle Marie Beaumont,
et l'engagea à faire partie de cette association. Mile Beaumont y
consentit et pressa à son tour Marie Rocher d'établir à Saint-James
une congrégation qu'elle songeait alors à fonder. Celle-ci vint à
Saint-James, l'anpée suivante, et fit part de son projet à M. Vassal
et à M. Chevallier, curé de Saint-Laurent-de-Terregatte, qui l'ap-
prouvèrent. Elle revit alors Mlle Beaumont et s'en retourna avec la
résolution de revenir faire sa fondation dans cette ville. Elle y
revint, en effet, le 30 avril 1804, avec trois de ses compagnes
(1) Registre des délibérations du conseil municipal, Vol. I, N» 28, p. 44. Le conseil
municipal alloua des fonds, pendant plusieurs années, à partir de 1804, pour la
démolition de ce monticule. On se servit des pierres pour encaisser les routes.
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d'Ernée, et loua, du maire, M. Collin des Longchamps, la maison
du Clos-Tardif, dans l'intention de l'occuper prochainement. Pen-
dant quelques semaines, elle reçut l'hospitalité dans la famille de
Mlle Marie Beaumont, et, le 24 septembre, elle prit possession du
Clos-Tardif, avec Mlles Duhoux, Renault et Marie Beaumont, qui la
suivit dans sa pieuse retraite. Mlles Morin et Pouteau la rejoignirent
bientôt, ainsi que trois anciennes religieuses Urbanistes chassées
par la Révolution de leur monastère de Fougères.
M. l'abbé Vassal, qui avait obtenu l'approbation de l'Evêque de
Coutances, Mgr Rousseau, fut nommé directeur de la petite commu-
nauté ; le 1^/ juillet 1806, M. Levindrey présida la première céré-
monie de prise d'habit. Mais de graves difficultés surgirent tout à
coup. A l'expiration du bail, le 29 septembre 1807, les religieuses
durent quitter le Clos-Tardif et retourner loger en ville, les unes
chez M. Beaumont, les autres chez Mme veuve Pallix, rue Saint-
Martin. Cette pénible situation ne pouvait se prolonger sans de
graves inconvénients pour la Congrégation naissante. La Providence
n'abandonna pas son œuvre ; Mme Louiche, propriétaire de l'an-
cien prieuré, consentit, sur les instances de M. Levindrey, à vendre
aux Sœurs cet immeuble, qui fut ainsi rendu à sa première destina-
tion. L'acte fut signé, le 5 mai 1808. Dès lors l'avenir de la Commu-
nauté fut définitivement assuré. Marie Rocher, qui avait pris le nom
de Mère Marie de la Croix, mourut, le 11 février 1816, avec la répu-
tation d'une sainte favorisée de dons surnaturels extraordinaires (1).
M. l'abbé Vassal n'avait dirigé la Communauté que quelques
mois. Une épidémie, qui désola encore la ville de Saint-James,
pendant l'automne de 1804 et le commencement de l'année suivante,
l'enleva, le 28 janvier 1805, après quelques jours de maladie. Il
n'avait que quarante ans (2). Sa vénérable mère ne lui survécut
(1) Voir Vie de la Révérende Mère Marie de la Croix, fondatrice de la Congréga-
tion de la Très-Sainte-Trinité, contenant l'histoire de cette Congrégation et des no-
tices biographiques sur les premières religiemes qui Vont établie, par M. l'abbé
Marie-Léandrc Badiche, prêtre du clergé de Paris. Paris, lib. Adrien Leclerc et
G'% 1856.
(2) Voici l'acte de décès de M. l'abbé Vassal : « M" Pierre-Noël-François Vassal^
prêtre, ci- devant Ticaire-général d'Avranches, âgé d'enyiron quarante ans, décédé
hier en la rue Saint-Jacques, a été inhumé dans le cimetière de ce lieu par
M'* Charles-Marin Chevallier, succursaire de Saint-Laurenl-Terregate, assisté de
Messieurs les succursaires de Montjoye, Saint-Sénier-de-Bevron, de la Groix-en-
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— 21 —
que trois mois et décéda le 20 avril, âgée de quatre-vingt-deux ans.
Elle avait été remplacée, en qualité de directrice de l'hôpital, par
une pieuse et noble demoiselle de la paroisse de Heussey, Mlle
Gabrielle-Jacqueline-Marie-Jeanne Avenel de Longuesves, qui mou-
rut elle-même, le 17 novembre 1804, pendant l'épidémie, à peine
âgée de trente-six ans. Elle fut inhumée à l'hôpital, qu'elle avait,
dit son acte de décès, « comblé de ses bienfaits et régi pendant
deux ans. »
Nous devons encore signaler la mort de deux pieuses filles :
Mlles Thérèse Belloir et Perrine Lamy, religieuse Ursuline, qui
s'étaient consacrées, après la Révolution, à l'instruction des petits
enfants.
MM. Mazurage et Le Fagueys furent aussi emportés par cette ter-
rible maladie : le premier succomba, le 17 décembre 1804, à qua-
rante-six ans et demi ; le second, le 17 février 1805, à l'âge de cin-
quante-quatre ans.
M. l'abbé Beaumont fut alors chapelain de l'hôpital et, quelques
années plus tard, curé de Précey, sa paroisse natale. M. l'abbé Morel
devint lui-même curé d'Argouges.
M. Levindrey, resté seul avec M. Gauchet vieux et infirme et
M. Jean Tesnière, qui fut bientôt appelé à la cure de Ferrières, de-
manda pour vicaires MM. J.-B. Charnel et Pigeon.
M. l'abbé Charnel, dont nous avons déjà parlé, né aux Biards,
le 2 janvier 1773, de Nicolas Charnel et de Marie-Julienne Martin,
avait été ordonné prêtre à Paris, vers 1797, par Mgr de Maillé de
la Tour-Landry, évêque de Saint-Papoul. Pendant les dernières an-
nées de la Révolution, il se cacha tantôt aux Biards, tantôt à Saint-
James et dans les environs, et s'attacha à M. Vassal, dont il devint
le disciple et le compagnon fidèle.
M. l'abbé Pigeon avait émigré et était vicaire de Montjoie depuis
son retour en France.
M. Charnel s'appliqua à continuer les œuvres de M. Vassal. Il fut
heureux de lui succéder dans la direction des religieuses Trinitaires
et de desservir la Communauté, tant qu'elle ne put avoir de chape-
lain. Il favorisa aussi de tout son pouvoir les vocations ecclésias-
ÀTranchin, d'Argouges ; de JMessieurs les yicaires de Montjoye, de Saint-Aubin-
Terregate, de Montanel, Carnet et des Messieurs prêtres de cette paroisse soussi-
gnés, le mardi neuf pluviôse, an treixe^ vingt-neuf janvier mil huit cent cinq. »
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tiques, et, à l'exemple de son vénérable maître, il rassemblait au
presbytère les jeunes gens qu'il croyait appelés au sacerdoce, leur
donnait des leçons de latin et s'intéressait à eux jusqu'à la fin de
leurs études. Son amour des âmes faisait déjà prévoir ce qu'il
serait un jour.
M. de Canisy reçut U^"" Dupont-Poursat, qui vint à Saint-James
donner le sacrement de confirmation, en 1810. Il y avait plus de
vingt ans qu'un Evêque n'avait paru dans le pays ; aussi les confir-
xnands, qui se présentèrent des paroisses voisines et des paroisses
de Bretagne, limitrophes de la Normandie, furent si nombreux que
l'église n'aurait pu les contenir. On les fit ranger en longues files
sous les hêtres touffus des avenues du château de la Paluelle, et,
trois jours durant, l'Evêque dut recommencer la cérémonie.
M.François de Canisy avait succédé, vers la fin de, 1807, à M.
Charles Collin des Longchamps dans les fonctions de maire. Sa
nomination est du 28 décembre de cette même année et son instal-
lation du n janvier suivant. Il était sénateur de l'Empire. Son frère
aîné, M. Louis de Canisy, était lui-même officier de la Légion-d'Hon-
neur, écuyer de l'empereur Napoléon et premier écuyer du roi de
Rome (1). Son beau-père, M. Hervé de Canisy, qu'on appelait le grand
colonel, parce qu'il avait eu autrefois ce litre dans le régiment de la
Reine (cavalerie), vécut, après son retour de l'exil, en dehors du
mouvement de la politique. Il s'occupa d'agriculture, embellit le
parc du château de la Paluelle, et fit exécuter des travaux considé-
rables de défrichement et de terrassement dans le bois de la Villette.
Il ouvrit, à travers les rochers, des routes spacieuses et des sentiers
ombreux sur les flancs du coteau abrupt qui domine le cours du
Beuvron, et transforma ce bois en une ravissante promenade, dont
les habitants de Saint-James jouissent depuis bientôt un siècle.
La ville de Saint-James célébra, en 1811, la naissance du roi de
Rome. Un courrier en apporta la nouvelle, le 25 mars, à quatre
heures du soir, et, le même jour, MM. les adjoints Loysel et Masse-
lin, en l'absence de M. le maire, accompagnés d'un détachement
de la garde nationale, s'empressèrent d'aller lire, sur toutes les
places de la ville, la lettre du préfet, devant la foule, qui fit écla-
(1) La Teuve de M. Louis de Canisy se maria^ en 1814, à M. Armand de Cau-
lincourt, dac de Vicence. ambassadeur en Russie et ministre des affaires étran-
gères.
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— as-
ter sa joie par les cris de « Vive l'Empereur ! Vive l'Impératrice !
Vive le Roi de Rome ! » La municipalité, malgré la modicité de ses
ressources, vota une somme de neuf cents francs pour subvenir aux
frais d'une fête publique, et doter une rosière qui devait épouser,
ce jour-là, un ancien soldat de la commune (1).
La fête eut lieu, en effet, le 9 juin suivant. La veille au soir, la
population réunie sur le boulevard Napoléon assista à un feu d'ar-
tifice suivi d'une décharge de mousqueterie.
Le lendemain, dès l'aurore, un joyeux carrillon annonça la fête
du jour. Les rues, les places et les abords de la mairie et de l'église
se remplirent bientôt d'une foule accourue de tous les points de la
commune et des communes voisines. A huit heures et demie, le
conseil municipal, accompagné des fonctionnaires et de la garde
nationale, sortit de la mairie pour aller chercher la rosière et son
futur époux, qui furent conduits à l'église. « Alors, continue le pro-
cès-verbal de la fête, auquel nous empruntons ces curieux . détails,
M. le curé, vieillard respectable, donna la bénédiction nuptiale avec
cette candeur qui le distingue, et adressa un discours analogue avec
la persuasion qu'il sait imprimer à tout ce qu'il dit. Un silence non
interrompu faisait connaître l'attention de l'assemblée dans cet acte
où la religion venait sceller de son autorité la reconnaissance à la
bravoure et l'hommage à la vertu.
» Lorsque le pasteur eut entonné les premiers mots du Te Deum^
mille voix réunies à la sienne portèrent à l'Eternel leurs vœux pour
sa protection envers la France et son prince.
» Des musiciens de la ville volontairement réunis jouèrent ensuite,
et pendant la messe, les airs chers à la grande patrie. Des larmes
de joie coulèrent des yeux de plusieurs assistants, à la lecture de
la lettre pastorale du vénérable Evêque de Coutances, où le bonheur
de l'Empire était si éloquemment rappelé.
y> Après la messe, le cortège s'en retourna dans le même ordre qu'il
était venu.
» A midi, distribution de pain aux pauvres.
» A cinq heures, loterie de comestibles.
(1) Le conseil municipal se réunit^ le 13 mai, « pour élire le militaire qui^ d'après
larrété du 24 avril 1811, doit être marié avec une rosière choisie par le conseU
municipal. » Le sieur Pivert, Julien-François, rcumt la majorité des suffrages, et
la demoiselle Cahu, Marie-Françoise Rose, fut élue rosière à l'unanimité. (Registres).
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» A neuf heures, feu d'artifice sur le boulevard Napoléon, couvert
d'une foule d'habitants, tous jouissant de la joie de la journée qui
promet un si doux avenir.
» Rappeler les illuminations élégantes, ingénieuses, les inscrip-
tions allégoriques serait entrer dans un détail qui passe les bornes
d'un rapport. A l'illumination de la ville, généralement bien distri-
buée, s'offrait en regard celle du château de la Paluelle, d'un effet
merveilleux.
» Enfin, gaieté pure, décence, bonheur senti, vœux sincères, tel
fut l'objet qui fixa constamment l'attention et le cœur des habitants
de Saint-James.
» Vivent à jamais Napoléon, Marie, Napoléon François! !! (1). »
Trois ans plus tard, le 8 avril 1814, on apprenait la chute de
l'Empire. M. de Canisy s'empressa d'adresser aux habitants la pro-
clamation suivante :
Du 8 avril 1814^ à cinq heures du soir.
Vive le Roi !
Habitants de Saint-James,
« Je n'ai pas encore reçu la preuve officielle de notre bonheur.
Je me suis empressé de vous annoncer de vive voix l'événement
heureux qui nous arrive. Aussitôt que j'aurai de plus amples ins-
tructions, je vous les ferai connaître. Je vous recommande de rester
calmes dans la félicité comme je vous ai vus fermes dans le malheur.
Louis XVIIi, dans sa proclamation, ne parle que de pardon et d'oubli
du passé ; il garantit la sûreté des personnes et le respect des pro^
priètés de quelque espèce qu'elles soient. Suivons cette noble modéra-
tion et montrons-nous dignes d'être gouvernés par l'Auguste Sou-
verain, qui ne se souvient des malheurs de son illustre frère que
pour nous assurer, en son nom et par son ordre, un gouvernement
doux et paternel. Partagez, mes amis, l'excès de ma joie et crions
tous ensemble : Vive Louis XVIII, notre roi ! (2) »
François de Canisy.
Dans une nouvelle proclamation du 11 avril, commençant et finis-
sant par le même cri de : Vive le Roi I M. de Canisy mettait en pa-
(1) Registre des délibérations, pp. 224, 2^.
(2) Id., Id., N- 37, p. 251.
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— 25 —
rallèle le despotisme et les charges accablantes du goavernement
impérial avec le bonheur que promettait le nouveau régime.
La municipalité envoya le lendemain une adresse (1) au prince
de Bénévent, président du nouveau gouvernement provisoire, et, le
27 septembre, elle prêta serment à Louis XVIIL La cérémonie eut
lieu à l'église, afin de lui donner un caractère plus solennel et plus
auguste. Avant la prestation du serment, M. le maire prononça le
discours suivant :
Messieurs,
« Le serment que nous allons faire tient à la morale; aussi l'Eglise
a-t-elle cru devoir nous permettre de le prononcer dans le temple
sacré de notre sainte religion, devant l'autel du Dieu qui sait briser
les sceptres dans les mains impies et les rendre aux Princes légiti-
mes, aux Princes qui n'ont jamais oublié que c'est sur la vertu et
le bonheur des peuples que sont portées les colonnes inébranlables
du trône.
» Il n'est plus question de ces serments sans nombre faits à des
autorités éphémères ; celui-ci, Dieu nous le commande ; celui-ci,
nous le devons à notre roi légitime, à l'honneur de la patrie.
> Si quelque chose pouvait ajoutera ma joie, ce serait. Messieurs,
la persuasion où je suis que le bon esprit qui nous anime tous nous
fait regarder comme un jour de bonheur et de fête le jour où nous
sommes appelés à donner les preuves de notre attachement et de
notre amour à Louis XVIII, le Désiré, au meilleur des rois, à celui
qui est le plus capable de nous rendre heureux.
» Vive le Roi ! Vivent à jamais les Bourbons ! »
(1) Cette adresse fat signée de JMM. François de Ganisy, maire. Loysel et Mas-
selin, adjoints, Belloir, J. Legendre, J.-B. Lemouland, Jean Ghancerel, Guérin, J.
Lhomme, Gauchet, Menard. Besnard, Belloir, Delaroche, CoUin des Longchamps,
membre du conseil de Sous-Préfecture, et Lemoine, secrétaire, administrateur de
THospice.
Le conseil municipal fui renouvelé en 1816. Les membres conservés furent t
MM. fiesnard. Joseph ; Belloir, Jean-François ; Ghancerel, Jean ; Belloir, Jean-André ;
Lemouland, J.-B. ; Lhomme, Jean ; Ameline, Michel ; Lehurey, Victor ; Legendre*
Jean. Les nouveaux membres furent : MM. Le Ghevalier, François ; Lebourgeoîs,
Léonard ; Barenton, Julien; Barbé, Gilles ; Baubigny, François-Julien ; Gérard, Louis-
Pierre ; Aumont, Jean- Jacques ; Lepage, Julien; Pigeon, Guillaume; Menard, César ;
Tesnière, Edouard. (Registre, pp. 309-310). Les adjoints, MM. Masselin et Loysel,
furent conservés.
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« Un nombre considérable d'assistants, ajoute encore le procès-
verbal, ont prouvé par leur empressement combien le règne des
Bourbons a laissé de souvenirs heureux, et combien ' celui de
Louis XVIII inspire de confiance et promet de bonheur.
» MM. les ecclésiastiques de la ville ont chanté les prières qui
convenaient à la cérémonie. Les membres appelés à prêter le ser-
ment l'ont prêté immédiatement. Les cris de : « Vive le Roi !
Vivent les Bourbons ! » ont été répétés par l'assemblée avec l'ex-
pression qui convient à des cœurs français, avec le respect et la
décence que commandait la sainteté du lieu.
» A la fin de la cérémonie, la musique a exécuté les airs ché-
ris de toute la France.
» Pendant tout le temps qu'a duré la solennité, la garde nationale
était sous les armes ; elle a reconduit le cortège à la mairie, où elle
était venue le prendre pour l'escorter à l'église (1). »
La rentrée en scène de l'Empereur calma un peu l'enthousiasme
de la municipalité ; mais la nouvelle du retour de Louis XVIII,
après Waterloo, vint la rassurer et dissiper ses inquiétudes. M. de
Canisy fit alors appel au patriotisme des habitants pour former un
corps de volontaires décidés à défendre le nouveau régime et à ré-
primer toute tentative d'émeute ou de rébellion. La garde nationale
prit alors le nom de garde royale.
Après plus de vingt ans de révolution et de guerres sanglantes,
la France, épuisée d'hommes et d'argent, accueillit avec bonheur
le rétablissement de la monarchie traditionnelle. La population de
Saint-James, restée en grande partie royaliste, ne manqua pas
de s'associer à l'allégresse générale. Qu'on en juge plutôt par le
compte-rendu des réjouissances publiques, qui eurent lieu le 30
juillet 1815 :
La fête de la défaite du tyran à Mont-Saint-Jean et de la rentrée de
Louis XVIII dans ses Etats a été célébrée, le 30 juillet dernier, avec un enthou-
siasme dont jusqu'ici nous n'avons pas eu d'exemple.
t Cette fête avait été annoncée, la veille, par le son des cloches, depuis sept
jusqu'à huit heures du soir, et par des s:ilves de mousqueterie de la totalité de
ceux qui, ayant précédemment composé la garde nationale, s'étaient enrôlés
volontairement comme gardes royaux au service de leur souverain légitime,
pour repousser toute agression des partisans de l'usurpateur.
(1) Registre des délibérations, p. 274 et sulv.
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Dès le matin, les rues avaient été pavoisées de pavillons et d'emblèmes ana-
logues à cette fête.
A quatre heures après midi, les autorités constituées, qui s'étaient réunies à
la mairie, accompagnées dès gardes royaux en armes, et, à leur tête, la mu-
sique composée d'amateurs, se portèrent à l'église, d'où on partit procession-
nellement avec le clergé après le Domine sdvum foc regetn et prières analogues,
entonnées et chantées jusqu'au lieu où Monsieur le comte de Gmisy, maire,
avait fait faire les préparatifs pour le feu de joie, les danses et les rafraîchisse-
ments gratuits des assistants.
Tout avait été prévu : aucune place dans la ville et les faubourgs n'aurait
pu contenir la foule immense de ceux qui, du canton et des cantons circonvoi*
sins, étaient venus pour assister à la fête. Le site du champ Cavage^ faisant
partie de la terre de la Métairie, fut choisi pour les contenir. Cette pièce avait
d'ailleurs l'avantage que, pour l'accéder, on marchait presque à partir de la rue
de Fougères sous une avenue d'arbres qui tempéraient la chaleur du jour et à
l'ombre desquels on pouvait danser. Quatre salles en verdure pour les dan-
seurs y formaient un carré au milieu duquel était le bouquet pour le feu de
joye. Le cortège arrivé, le cercle fait autour du bouquet par la garde armée,
après une première roulade de caisse. Monsieur le maire a parlé en ces termes :
« Vive le Roi I » Messieurs, permettez que je réunisse en ce jour de fête à l'ex-
pression de l'allégresse générale celle de ma reconnaissance envers vous. Je
veux vous remercier de l'empressement que vous avez mis à vous enrôler dans
la garde que j'ai désiré former pour le maintien de la tranquillité et le soutien
du trône. Louis XVIII connaît le bon esprit qui vous anime ; les preuves de
votre dévouement lui ont été mises sous les yeux ; quoique nous ne soyons
qu'une très petite portion de la grande famille, il n'ignore pas que nous avons
fait notre devoir.
Notre garde royale va devenir garde nationale : c'est la volonté du roi.
Nous servirons également notre souverain et notre patrie. S'il arrivait que
S. M. eût besoin de vos services, je ne puis avoir l'honneur de vous comman-
der, mais je serai dans vos rangs et je suivrai votre exemple. Réunissons-nous
tous pour le bien de la France ; jurons tous de défendre le roi et la patrie,
c'est par une étroite union que nous ôterons jusqu'à la pensée de troubler notre
bonheur.
^ « Vive le Roi ! Vivent à jamais les Bourbons ! »
Ces cris de : Vive le Roi ! Vivent à jamais les Bourbons ! se sont fait en-
tendre de toutes parts. L'insertion au procès- verbal du discours de M. le maire
a été proposée et adoptée à l'unanimité. Deuxième roulade, répétition des mê-
mes cris : « Vive le Roi ! Vive Louis XVIII ! Vivent les Bourbons ! » qui mille
et mille fois répétés n'ont cessé ainsi que les décharges d'artillerie, tant que le
feu du bouquet, qui avait été mis par les chefs de chacune des autorités et du
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— 28 -
clergé, a pu durer. La musique s'étant fait entendre, le Te Deum a été entonné
par le clergé et répété jusqu'à l'église, d'où, après le Domine saîvum foc regem
et les oraisons d'usage, les autorités ont été reconduites à la mairie. Les chefs
de la garde nationale ont commandé le service pour le maintien du bon ordre.
Les danses ont commencé sur le champ de la fête et ont été ouvertes par Mme
la comtesse et M. le maire, son époux, et les demoiselles ses deux filles, chaque
à leur salle, et ont été prolongées jusqu'au lendemain, cinq heures du matin.
Jamais allégresse ne fut plus générale ni plus piquante ; tous les âges, tous
les états y ont pris part. Un trait qu'on ne peut citer sans attendrissement, est
celui de deux presque nonagénaires, des deux sexes et des plus marquants de
la commune, qui, grabataires depuis plusieurs années, s'y sont fait transporter,
et qui, de leurs chaises d'où ils ne pouvaient bouger, ont voulu être les témoins
de la fête et partager la joye des assistants et trinquer et boire ensemble, à U
santé du roi. L'illumination a été générale, feux d'artifice à dix heures du soir^
salves de mousqueterie pendant toute la nuit.
Certifié par les adjoints municipaux soussignés :
Masselin Loysel (1).
Le H juin 1816, il y eut encore à Saint-James des réjouissances
publiques, à l'occasion du mariage du duc de Berry avec la prin-
cesse Caroline. On alla en procession avec le Saint-Sacrement sur
la principale place de la ville, où un magnifique reposoir avait été
préparé, et, après la messe solennelle, à laquelle assistèrent les au-
torités civiles et la garde nationale, il y eut une distribution de
pain aux pauvres. L'après-midi se passa en divertissements ; le soir,
feu de joie, feux de file et de peloton exécutés par la garde natio-
nale et la gendarmerie aux cris de : « Vive le Roi I Vivent Monsei-
gneur et Madame la duchesse de Berry ! Vivent les Bourbons ! >
Les autorités et la garde nationale burent ensuite à la santé du roi
et au bonheur de Monseigneur le duc et de Madame la duchesse de
Berry. Enfin, la journée se termina par deux feux d'artifice, tirés
sur les promenades de la ville et sur la terrasse du château de la
Paluelle, et par une illumination générale, a Jamais, ajoute le pro-
cès-verbal, il n'y eut pareille allégresse. Les fêtes durèrent jus-
qu'au dimanche suivant et la plus parfaite tranquillité ne cessa de
régner (2). »
La Restauration ne suscita pas seulement dans le pays cet en-
(1) Mairie de Saint-James, Registre des délibérations, etc., p. 280 et saiv.
(2) Jd., /d., p. 308, 309.
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thousiasme populaire, qui suffirait pour la venger des calomnies et
des odieuses diatribes de ses ennemis, elle détermina un admirable
mouvement de foi catholique dans toutes les classes de la société.
La « grande mission > qui eut lieu à Saint-James, en 1817, fut,
paralt-il, la première donnée, dans le diocèse, après la Révolution.
Elle est restée célèbre par les heureux résultats qu'elle produisit
dans les âmes. Elle fut ouverte au commencement de septembre
et prêchée par MM. Huard, missionnaire, Duval, curé de Cancale,
Latouche, professeur au collège d'Avranches, prédicateur distingué,
et Harel, desservant de l'église Notre-Dame-des-Champs de la même
ville et nommé peu de temps après supérieur des Missions diocé-
saines.
L'affluence fut si considérable qu'on fut obligé de faire deux ins-
tructions en même temps, l'une à l'église et l'autre dans le ci-
metière, à la foule énorme qui le remplissait et refluait jusque dans
les rues voisines. Il fallut bientôt appeler, pour entendre les con-
fessions, plusieurs prêtres des paroisses voisines, parmi lesquels
MM. Gautier, curé de Saint-Léonard de Fougères, Richer, curé de
Saint-Ouen-de-la-Rouairie, Oury, curé de Roucey, James, curé de
Cuves, Lebel, curé de Chavoy, Mûrie, curé de Montbray, Cosson,
curé de Vessey, Caujeul, curé des Pas, Peslin, dePrécey, Provost, de
Géaux, Tuley, curé d'Aucey, James, curé de Saint-Georges-de-Rouel-
ley, etc.
Les exercices de la mission se terminèrent par la touchante céré-
monie de la plantation d'un calvaire, qui devait remplacer, sur la
place de l'ancien château, celui qu'on y avait élevé avant la Révo-
lution. Ce calvaire a subsisté jusqu'en 1855.
Les Sœurs de Saint-Thomas-de- Villeneuve furent rappelées vers
cette époque à l'hôpital, pour y remplacer Mme veuve Lemercier, née
Delanoë de la Bastille, de Fougères, qui avait succédé à Mlle d'Ave-
nel. Elles ont continué depuis ce temps de le diriger avec un dé-
vouement que la religion seule peut inspirer.
Le vénérable M. Levindrey mourut, le dimanche 14 juin 1818, à
rage de 79 ans. Il fut inhumé le lendemain, par le curé de sa pa-
roisse natale, M. l'abbé Lericolais, dont il avait été le bienfaiteur.
Il était curé de Saint-James depuis trente-huit ans (1).
(1) L'acte d'inhumation de M. Levindrey est ainsi conça : « Le sieur François
LeTindrey, fils de feu Aimard Levindrey et de feue Gilette Thierry, âgé de soixante-
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Le 26 août 1815, il avait acquis de Mme Marie-Rose-Gautier,
veuve Lemoyne, une maison qui faisait autrefois partie des dépen-
dances du presbytère, et par son testament, en date du 10 octobre
de la même année, il la laissa à ses successeurs « pour loger un
maître d'école qui devrait instruire la jeunesse, particulièrement
les jeunes gens qui se destineraient à l'état ecclésiastique. » Nous
verrons bientôt M. l'abbé Charnel compléter cette fondation.
M. l'abbé Gauchet était décédé depuis le 14 octobre 1815 et avait
été inhumé par son parent et son compagnon d'exil, M. l'abbé
Gautier, curé de la Croix-Avranchin. Un autre prêtre « de grande
vertu et douceur », dit le Livre paroissial, M. Charles-Marie Benoit,
qui desservait l'hôpital depuis 1809, mourut aussi, le 25 octobre
1816, dans la maison du Pot-d'Etain, qui servait encore de loge-
ment aux chapelains de l'hôpital.
Les vides nombreux que la mort faisait dans les rangs du clergé
étaient comblés par une nouvelle génération de prêtres formés par
M. Gharuel. Nous pouvons rappeler les noms honorés de M. Charles
Gohier, dont nous allons bientôt parler, de M. Edouard-Henri Liber,
Supérieur des Petits Séminaires de Sottevast et de Coutances, puis
chanoine titulaire, mort à Paris en prêchant la station du Carême à
l'église de Saint-Paul-Saint-Louis, en 1852 (1); de M. Roussel, curé
de Précey ; de MM. Pierre-Magloire Belloir, curé de Montgothier, et
Pierre-Joseph Belloir, curé du Grand-Celland ; de M. Jacques Des-
roches, décédé curé-doyen d'Isigny, en 1860. Ce dernier ressuscita
dans l'Avranchin l'amour des études historiques qui furent la passion
de sa vie ; ses ouvrages seront toujours consultés avec fruit par les
dix-neuf ans trois mois et demi, né an Mesnil-Thébault, curé de Saint-James,
depuis environ trente-huit ans, décédé hier en son presbytère, a été inhumé dans
le cimetière de ce lieu par nous curé du Mesnil-Thébault, assisté de MM. Fizel,
curé de Saint-Âubin, Mûris, curé de Saint-Laurent, Loisel, curé de Saint-Sénier-de-
Bca?ron^ Piquot, curé de Vergoncey, Gautier, curé de la Croix, Nicolle, curé de
Villiers, Letullier, curé de Montanel, Morel^ curé d"Ârgouges, Beaufils, curé de
Carnet, Le Trenchant, curé du Ferré, Chevallier^ desservant Hamelin, Lemasle et
Jouey, vicaires de Saint- Aubin, Marigney, vicaire de Vergoncey, Poirier, vicaire de
la Croix, Labbé, vicaire de MonUnel, Martin, vicaire de Vezins^ Piquot, diacre,
Charuel et Pigeon, vicaires, Gohier, chapelain de Thospice^ soussignés, le lundi
quinze juin mil huit cent dix-huit. » Suivent les signatures.
(i) La Gazette de France lui consacra un article nécrologique, reproduit par le
Journal de Coutances du 6 avril 1851 et inséré dans ï Annuaire du département de
la Manche de 1852, pp. 738, 739.
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— 31 —
érudits. Nous devons encore citer avec un légitime orgueil le Véné-
rable Gilles Delamotte, martyrisé en Cochinchine, le 3 octobre
1840, que l'Eglise, nous pouvons l'espérer, mettra un jour sur
les autels (1) ; les quatre frères Menard, prêtres au diocèse du Mans^
M. J.-B. Gournel, chanoine honoraire, curé-doyen de Ducey (2), et
son frère François, curé de Coui'tils, qui ont laissé le souvenir d'une
vie de zèle sacerdotal et d'une inépuisable charité.
M. l'abbé Charnel fut nommé curé de Saint-James, au mois de
septembre 1818. Il fut installé par M. l'abbé Lesplu-Dupré, curé
de Saint-Gervais d'Avranches, et prit d'abord possession, suivant
l'antique tradition, de l'église de Saint-Benoît. Ses vertus, ses talents
et son influence dans la paroisse l'avaient désigné au choix de l'au-
torité ecclésiastique pour succéder à M. Levindrey. Il eut pour vicai-
res M. l'abbé Gohier, son élève, chapelain de l'hôpital depuis deux
ans, et, peu de temps après, M. l'abbé François Poirier. M. Gohier
remplaçait M. Pigeon, devenu curé de Juilley ; lui-même fut bientôt
appelé à la cure de Saint-Symphorien, où il est mort en 1855.
M. Poirier resta seul vicaire jusqu'à son entrée dans la Société des
Missionnaires diocésains, au mois de juillet 1823.
M. Charnel s'appliqua à affermir et à développer les œuvres de
zèle, commencées pendant son vicariat. « Trois pensées, dit son
biographe, semblent avoir dominé toute sa vie, avoir été le but
principal de toutes ses actions : le salut des âmes, l'éducation de la
jeunesse, le développement des vocations ecclésiastiques et reli-
gieuses, et ces pensées ont pris pour ainsi dire un corps dans les
jnonuments publics dont il a gratifié la ville de Saint-James (3).
Il s'occupa activement de réorganiser l'enseignement primaire,
désorganisé à Saint-James comme ailleurs pendant la Révolution,
et il fut heureux de trouver chez les religieuses Trinitairesle concours
le plus précieux et le plus empressé. Peu de temps après leur fonda-
(1) Voir une biographie intéressaute sur le Vénérable Gilles Delamotte dans
Touvrage publié par M. Adrien Lauuay, de la Société des Missions Etrangères,
intitulé : Les cinquante-deux serviteurs de Dieu, français ^ annamites^ chinois j mis
à mort pour la foi en Extrême-Orient, de 18 i 5 à 1856, dont la cau^e de béati-
fication a été introduite en 1840, 1843, 1857. T. II, pp. 79-91.
(2) Voir Notice nécrologique, dans la Revu^ catholique de Coutances (1883-1884,
p. 205).
(3) Vh prêtre selon le cœur de Dieu, ou M. J.-B. Charuel, ancien curé de Saint-
James, chanoine honoraire, par M. l'abbé Le Crecq, p. 37.
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— 32 —
tion, elles avaient ouvert des classes externes qui devinrent bientôt
florissantes. Le conseil municipal, consulté par le Préfet sur Timpor-
tance de la Communauté, son utilité et les avantages que la com-
mune en retirait, répondit, le 19 octobre 1817, que les Religieuses
« instruisaient non seulement les jeunes personnes, qui leur étaient
envoyées en très grand nombre des diflférentes parties du départe-
ment et des départements voisins, mais encore les enfants de la
classe indigente de la commune, auxquelles elles donnaient Tédu-
cation gratuite, et qu'elles faisaient, chaque année, des aumônes
considérables. ^ Il estimait donc que cet établissement était d'un
avantage inappréciable pour la commune et suppliait en conséquence
Son Excellence de vouloir bien accorder aux religieuses l'autorisa-
tion qu'elles sollicitaient (1).
La Communauté, comme toutes les œuvres de Dieu, passa alors
par beaucoup d'épreuves qu'elle surmonta, aidée des conseils et
du dévouement de son zélé directeur.
De pieuses filles, dont nous avons déjà cité les noms, auxquels il
faut associer ceux de Mlles Françoise Menard et de Françoise Bour-
sin, faisaient l'école aux petits garçons du premier âge ; mais les
enfants plus âgés ne recevaient qu'un enseignement tout à fait
insuffisant. M. Charnel s'adressa à la Congrégation de Sainte-Croix
du Mans et put obtenir, en 1823, deux Frères dits de Saint^ Joseph.
Il les logea d'abord dans la maison du Pot-d'Etain et plus tard dans
une école qu'il fit bâtir auprès de l'église. Il put subvenir à leurs
besoins les plus urgents, à l'aide des rétributions scolaires et d'une
rente léguée, le 2 prairial, an XIII, par Mme veuve Mazurage aux
curés de Saint-James pour l'instruction des enfants pauvres. La
municipalité leur vota, en 1827, une indemnité de logement de
100 fr. et les chargea, en 1831, de l'enseignement mutuel, qu'elle
voulait établir, parce qu'il présentait, à son avis, des avantages
réels sur les autres modes d'enseignement. Elle rendit, dans cette
circonstance, un éclatant hommage au zèle infatigable du pieux curé
« qui avait acquis, disait-elle, tant de droits à la reconnaissance de
la ville de Saint-James pour les établissements dont il l'avait dotée,
en faveur de l'instruction publique (2). »
C'est à M. Charnel, en effet, que revient encore l'honneur d'avoir
(i) Registre^ Vol. I, pp. 327, etc.
(2) Id,, Vol. n^ N* 127.
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— 33 —
fondé le collège, qui a rendu tant de services au pays. Depuis long-
temps déjà, il réunissait au presbytère de nombreux élèves et
leur donnait lui-même des leçons ; mais ne pouvant plus faire la
classe régulièrement, à cause des occupations de son laborieux
ministère, il s'adjoignit, en 1818, M. l'abbé J.-B. Gournel, appelé
quatre ans plus tard à diriger le Petit Séminaire de Mortain, puis
son frère M. François Gournel, et M. Jacques Durand, qui furent
les premiers professeurs du petit collège.
Toutefois, ce ne fut qu'en 1828 que cet établissement reçut une
existence légale. Le conseil municipal réuni, le 26 octobre de cette
année, pour se prononcer sur les avantages qu'il y avait à le con-
server, « considérant que Saint-James offrait une population de
trois mille habitants ; qu'il était distant de cinq lieues au moins de
tout établissement de ce genre ; que le canton était un des plus peu-
plés du département ; que la ville possédait un bâtiment cédé par
feu M. Levindrey, curé, pour servir à l'éducation et très propre à
cet usage, » fut d'avis, à l'unanimité, « que le pensionnat serait
maintenu et établi dans le bâtiment cédé par ledit M. Levindrey,
en se conformant toutefois aux lois et aux règlements universitaires
pour ce qui concerne l'autorisation et l'organisation de cet établis-
sement. y> Il proposa, en qualité de directeur, M. Jacques Leroy, de
Saint-James, qui, pour être agréé, devrait remplir les formalités
exigées par l'ordonnance royale du 17 février 1815.
Cette délibération éveilla beaucoup de jalousies et suscita de
grandes difficultés. On craignit même un instant que le petit établis-
sement ne fût supprimé par ordre de l'administration supérieure,
parce qu'il nuisait, disait-on, au recrutement du collège d'Avranches.
Mais cette opposition ne déconcerta point M. Charuel. Rien ne
pouvait rompre et abattre son courage, tant il mettait de ténacité
pour faire réussir ce qu'il croyait être le bien et l'intérêt de la gloire
de Dieu. Il entreprit le voyage de Paris dans la mauvaise saison et,
à force d'habileté, nous pourrions dire de diplomatie et de pres-
santes sollicitations, il put obtenir du ministre l'autorisation d'ou-
vrir à Saint-James un pensionnat pour l'enseignement du latin»
Le 2 décembre, le recteur de l'Académie de Caen adressa cette au-
torisation à M. l'abbé Leroy, et, le 11 du même mois, le maire, M. Sur-
sois, installa le nouveau titulaire dans la maison de M. Levindrey.
Dès le 15 mai 1818, M. Charuel voulant agrandir le local qui,
3
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— 34 —
déjà dans sa pensée, devait servir au futur collège, aVait encore
acheté de M""® veuve Lemoyne une maison contiguë à celle de M. Le-
vindrey. Il la fit reconstruire, en 1827, et la céda à la commune,
le 22 avril 1830.
En même temps qu'il organisait l'instruction primaire et secon-
daire, M. Charnel poursuivait la réalisation d'un projet qui lui de-
manda beaucoup de peines et d'argent. Il avait à cœur de ressus-
citer les retraites établies à Saint-James, au XYIII® siècle, par le
saint abbé de Bragelongne. Mais il fallait bâtir une maison et la
meubler pour recevoir les retraitants, et les ressources lui faisaient
complètement défaut. Ne consultant que son zèle, il entreprit ce-
pendant la construction d'un vaste bâtiment, avec l'espoir que la
Providence ne l'abandonnerait pas. Il fit appel à la générosité de
plusieurs familles chrétiennes, qui lui fournirent, en effet, les
unes de l'argent, les autres des matériaux, et le mirent bientôt en
mesure de mener son entreprise à bonne fin. M?»* Dupont put bénir
la maison, le 7 août 1828, le même jour que la chapelle des reli-
gieuses Trinitaires, et, dès le carême de 1829, les missionnaires du
diocèse y prêchèrent une retraite à plus de 400 hommes.
M. Charuel jouissait enfin du fruit de ses efforts, lorsque la Révo-
lution de Juillet éclata comme un coup de foudre et vint menacer
l'existence de ses œuvres naissantes.
M. l'abbé Leroy ne voulut point prêter serment au nouveau gou-
vernement et se retira. M. Charuel appela, pour le remplacer, un
jeune homme de vingt ans, de la paroisse de Barenton, M. Alexan-
dre Fouafsse, que la mort enleva presque aussitôt à l'estime et à
l'affection de ses élèves. Après lui, ses frères, Emile, Henri et Paul
Fouasse, ont dirigé successivement le collège jusqu'en 1865, avec
un admirable dévouement.
M. Charuel ne put sauver les retraites. La chapelle fut fermée par
ordre de l'autorité supérieure, sous le prétexte ridicule que les réu-
nions qu'on y faisait pouvaient troubler la tranquillité publique
et devenir un danger pour l'Etat. Les conspirations et les com-
plots ne s'ourdissent point dans les églises. On le sait bien ; mais
la guerre à la religion est souvent de mode, par cette raison bien
simple que les passions mauvaises ne désarment jamais et que
pour elles Dieu est toujours Vennemi. M. Charuel fit de nom-
breuses démarches, afin d'obtenir la réouverture de la chapelle.
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— 35 —
Dans une lettre qu'il écrivit à M?"^ Dupont, à la fin^ d'août 1831, il
faisait remarquer que les retraites avaient eu lieu à Fougères, à
Rennes, à Bécherel et à Saint-Servan, comme par le passé. « La
retraite d'Avranches, ajoutait-ii, a été très nombreuse, recueillie
et approuvée au moins secrètement de toutes les autorités, qui
ne s'opposeraient pas à la tenue de celles de Saint-James. Je
pense donc, disait-il en terminant, que dans ce moment où l'on
se prépare à des élections, on serait moins disposé que dans tout
autre à parler mal des retraites ou à les troubler ; car on sait qu'en
se faisant connaître ennemi de la religion on ne s'attirerait pas les
voix ou suffrages (1). » Cette dernière phrase est intéressante à
noter, parce qu'elle traduit bien l'opinion du pays resté foncière-
ment religieux comme par le passé.
Les vœux de M. Charnel ne devaient pas se réaliser si tôt. Les
mouvements politiques de 1832, en Bretagne et en Vendée, en
faveur de la Monarchie légitime, rendirent le gouvernement encore
plus ombrageux que par le passé. On envoya même à Saint-James
des troupes, qui furent logées, pendant les mois d'août, septembre
et octobre, dans la maison des retraites. Ce fut en vain que le zélé
curé fît de nouvelles démarches et qu'il sollicita du préfet, au
commencement de 1835, l'autorisation de reprendre ces pieux exer-
cices. M. Sursois lui transmit, à la date du 15 février, la réponse « qu'il
n'y avait pas lieu, quanta présent, d'accorder cette autorisation. »
Enfin, dans les derniers mois de 1836, M. Charnel et la Mère
Ricard, Supérieure de la maison, s'adressèrent à Mé^»" Robiou, nou-
vellement arrivé dans le diocèse, et le prièrent d'intervenir de nou-
veau auprès de l'autorité civile. M^^ Robiou écrivit, en effet, au
préfet, le 3 janvier 1837, qu'ayant eu l'occasion de visiter Saint-
James, il avait fait une enquête sur les dispositions des esprits par
rapport aux retraites, qu'il avait pu se convaincre qu'elles étaient
sympathiques aux populations de ce pays, et qu'il serait impoli-
tique de prolonger plus longtemps l'interdiction de ces pieux exer-
cices ; car on s'exposerait à faire naître un mécontentement qu'il
serait facile d'exploiter contre le gouvernement. L'autorisation fut
bientôt accordée et les retraites eurent lieu l'année suivante, aussi
nombreuses que par le passé.
(1) Archives diocésaines.
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Ces œuvres,*si nombreuses et si considérables qu'elles fussent,
n'empêchaient pas M. Charuel de faire des réparations importantes
à l'église. Il la fit recouvrir presque en entier et remplaça les ban-
celles inégales et informes par des bancs propres et solides. Mais
il désirait encore exhausser la tour qui n'avait que 17 mètres de
hauteur : la démolition du clocher et de l'église Saint-Martin vint
favoriser son projet.
Dès l'année 1808, le conseil municipal avait eu la pensée, qui ne
fut point réalisée, de convertir cette église en une maison de ville
et une halle à toiles. L'édifice abandonné n'offrit bientôt plus que
des murailles en ruines, qu'on acheva de démolir en 1829. La tour
dans laquelle se trouvait l'horloge de la ville et que, pour cette
raison, on appelait le plus souvent la tour de l'horloge, lézardée en
plusieurs endroits, restait debout au milieu des décombres. M. Sur-
sois chargea l'architecte du département, M. Desquesnes, de la visi-
ter. Le 2 mars 1835, celui-ci adressa au sous-préfet d'Avranches un
rapport, dans lequel il signalait le danger de la conserver, à cause
du peu de solidité des murs. Il la décrivait ainsi : « Sa forme est
carrée, sa hauteur est de 18 mètres; sa partie supérieure est cou-
ronnée d'une petite lanterne, et le tout n'offre rien de remarquable
sous le rapport de l'art (1). » On la démolit quelque temps après, et
le nom seul de la place, sur laquelle elle s'élevait autrefois, rappelle
aujourd'hui le souvenir de l'antique église Saint-Martin.
Mais on ne savait plus où installer l'horloge de la ville. L'archi-
teôte proposait de construire « une petite tour légère » sur les fon-
dations de l'ancienne, ou bien encore d'élever une tourelle en bois
sur le milieu des halles, qu'on devait prochainement bâtir. Cette
proposition, qui parut d'abord acceptable, présentait le double in-
convénient d'imposer à la ville un surcroît de dépenses et de ne
pas atteindre le but qu'on se proposait, car l'horloge ne serait
plus entendue dans toutes les parties de la ville.
M. le curé profita de ces circonstances pour émettre l'idée d'ex-
hausser la tour de l'église Saint-Jacques et d'y placer l'horloge. Le
conseil municipal entra dans ses vues et l'autorisa à se servir des
matériaux provenant de la tour Saint-Martin ; mais il ne promit de
contribuer à l'entreprise que pour la somme insignifiante de cinq
(1) Registre des délibérations, Vol. II, N" 280.
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— 37 —
cents francs. Cependant M. Charnel s'empressa de remplir les for-
malités nécessaires, afin de commencer la construction le plus tôt
possible. Il écrivit, le 19 août 1837, à Ms^ l'Evêque : «Votre Gran-
deur a sans doute remarqué que la tour de l'église de Saint-James,
élevée seulement de cinquante pieds, n'est pas assez haute. Depuis
quelques années on a bâti plusieurs maisons, qui empêchent les
cloches d'être entendues, surtout à l'ouest. Un très bon ingénieur
et plusieurs autres personnes habiles en architecture ont examiné
cette tour et l'ont jugée capable d'être exhaussée. MM. les membres
de la municipalité et de la fabrique vous prient d'agréer le projet
qu'ils ont conçu de l'exhausser de trente pieds (1)... »
Les travaux furent exécutés, en 1838 et 1839, d'après les plans
de MM. de Chérencey et Colibeaux, sous la direction de M. Charles
Leroux, fllaleur à Saint-James. M. Charnel fournit encore à la dé-
pense avec les fonds de la fabrique et les dons des particuliers.
L'ancien dôme fut conservé, avec la lanterne, dans laquelle on
installa l'horloge.
M. Charnel eut le bonheur d'être secondé dans ses entreprises
par des collaborateurs zélés. M. l'abbé Lansard, son vicaire, arrivé
au mois de juillet 1823, ne tarda pas à exercer la plus bienfaisante
influence dans la paroisse, particulièrement sur la jeunesse. Aussi,
quand il quitta Saint-James, en 1841, pour occuper la cure de Dra-
gey, son départ suscita des regrets universels. Son confrère, M. l'abbé
Delarue, mort curé-doyen d'Isigny, se concilia lui-même bien vite
l'estime et l'affection de tous et rendit de grands services, pendant
les onze années de son vicariat (1825-1836).
M. l'abbé F. Gournel, qui avait remplacé M. Gohier à l'hôpital, *
en 1823, aida beaucoup M. Charnel dans la construction de la
maison des retraites. Un autre jeune prêtre de Saint-James, M. J.
Gilles Leraoine, qui lui succéda en 1833, consacra ses talents à
l'instruction des enfants et des pauvres, jusqu'en 1841, époque à
laquelle il fut appelé à professer le cours d'Ecriture Sainte au
Grand Séminaire de Coutances. « C'était, comme il disait plus tard,
passer d'une extrémité à l'autre (2). » Ce poste modeste a été occupé
après lui par M. l'abbé Charles Deslandes, jusqu'en 1877.
(1) Archives diocésaines.
(2) Voir son éloge funèbre prononcé par M. l'abbé Legoux, vicaire-général,
le mercredi 25 avril i888, jour de ses funérailles.
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M. l'abbé Sanson dirigeait la communauté des Trinitaires depuis
le mois de mai 4831. Ce prêtre de mérite quitta Saint-James, le
29 août 1843, pour aller fonder une nouvelle maison religieuse à
Plancoët (1), où il est mort dans un âge très avancé. Les fonctions
de chapelain de la communauté furent alors confiées à M. l'abbé
P. Besnard, vicaire de Saint-James depuis deux ans, qui les a rem-
plies, durant cinquante ans, avec grande édification.
Pendant que M. Charnel se dévouait sans compter pour sa pa-
roisse, la municipalité travaillait de son côté à embellir la ville et
à développer la richesse du pays, en créant des débouchés à l'agri-
culture et au commerce. C'est surtout à l'initiative du maire, M. Sur-
sois, qu'il faut rapporter les travaux qui eurent lieu sous sa longue
administration.
M. Eugène-Charles Sursois, né à Vergoncey, le 4 février 1792,
se fit recevoir de bonne heure docteur en médecine, et s'établit à
Saint-James vers 1815. Il n'avait guère que vingt-trois ans. Dès le
20 février 1817, il fut nommé maire et installé, le 5 mars suivant,
par son prédécesseur, M. François de Canisy. Il se repentit bientôt,
parait-il, d'avoir accepté ces fonctions, qui lui parurent incompatibles
avec ses nombreuses occupations. Il en écrivit plusieurs fois à M. le
préfet, et le pria de lui désigner un successeur. Ne recevant aucune
réponse, le 30 novembre 1817, il consigna sa démission sur le re-
gistre des délibérations du conseil municipal et laissa à ses adjoints,
MM. Loysel et Delaroche (2), le soin d'en informer M. le préfet. M.
Sursois ne tarda pas, il est vrai, à revenir sur sa détermination.
Mais ce petit coup de théâtre, nous ne voudrions pas dire cette ha-
bileté, lui réussit à merveille : son autorité en devint plus forte et
son influence ne fit que grandir avec le temps. On ne marchande
pas son estime et son concours à un homme qui donne cette preuve
d'indépendance et consent, en se désintéressant ainsi des honneurs,
à travailler au bien public. Tôt ou tard le jeune maire devait con-
quérir une situation importante dans le pays. Esprit délié, perspi-
cace, fertile en ressources pour dénouer une difficulté, quand il
n'avait pu l'éviter, connaissant les hommes et sachant en tirer le
meilleur parti, suivant les circonstances, causeur brillant, écrivain
(i) Diocèse de Saint-Brieac.
(2) Registre, p. 328.
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— 39 —
facile (1), M. Sursois avait toutes ces qualités maîtresses, et, pour
les faire valoir, une activité qui se ralentit à peine avec les
années. Malheureusement, il avait été élevé dans les idées révolu-
tionnaires ; sous la Restauration il appartint au parti libéral : c'est
assez dire qu'il accepta avec enthousiasme le gouvernement de
Juillet.
Voici en quels termes il écrivit à M. le sous-préfet d'Avranches,
au sujet de la fête qui eut lieu à Saint-James, à l'époque du sacre
du roi Charles X :
Saint-James^ le 9 juin 1825,
Monsieur le Sous-Préfet,
c< Je m'empresse de vous rendre compte de la fête qui a été don-
née par la ville de Saint-James, à l'occasion du sacre de notre
auguste monarque.
» Le quatre, au soir, cette fête fut annoncée par le son des clo-
ches, qui dura près d'une heure.
» Le cinq, à une heure de l'après-midi, il y eut distribution de
pain aux pauvres. A l'issue de la procession du Saint-Sacrement, à
laquelle avaient assisté les fonctionnaires publics, le cortège se ren-
dit sur la promenade des Rochers, où un feu de joie fut allumé au
milieu des cris mille fois répétés de : « Vive le Roi ! ! ! Vivent les
Bourbons ! ! ! »
» Un Te Deum et le Domine salvum^ etc., furent entonnés par le
clergé et répétés par les assistants.
» A huit heures du soir, il y eut, sur la place du Boulevard, exer-
cices gymnastiques exécutés par les écuyers sauteurs, que j'avais
retenus dans notre ville pour cet effet.
» A dix heures, les réjouissances furent terminées par un feu
d'artifice, pendant la durée duquel une foule immense d'habitants,
(1) M. Sursois a fait un Mémoire sur Saint-James^ que nous trouvons signalé
dans un compte-rendu des travaux de la Société ' d'Archéologie d'Avranches. (An-
nuaire du département de la Manche de 1847, p. 557).
Ce Mémoire, resté manuscrit, fut certainement déposé aux archives de cette
Société. Nous lisons, en effet, cette note dans VAvranchin monumental et historique
de M. Ed, Le Héricherj T, II, p» 336, art. Saint-Jambes : « Les archives de la
Société d'Archéologie renferment un intéressant Mémoire de M. Sursois, plein de
détails modernes sur les monuments de cette localité. » Qu'est devenu cet intéres-
sant Mémoire que nous aurions voulu consulter ? Nous ne savons s'il existe quel-
que part, mais il n'est plus aux archives de la Société d'Archéologie d'Avranches.
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— 40 —
tant de notre ville que des communes voisines, ne cessèrent de ré-
péter les cris de : « Vive le Roi ! ! ! Vivent les Bourbons ! ! ! » Les
édifices publics et un grand nombre de maisons de notre ville furent
pavoises.
» Le soir, la ville fut spontanément illuminée; la joie qui éclatait
de toutes parts ne fut troublée par aucun événement fâcheux ; le
plus grand ordre régna pendant toute la durée de cette fête, qui se
prolongea jusqu'à une heure (Ju lendemain matin.
» Tel est en abrégé le récit de ce qui s'est passé, à l'occasion
d'une cérémonie dont les habitants de Saint-James garderont éter-
nellement le souvenir.
» Agréez, Monsieur le Sous-Préfet, toute l'assurance de mon pro-
fond respect. Sursois. »
Faisons suivre ce compte-rendu du procès-verbal d'une autre
fête organisée, cinq ans plus tard, le 19 septembre 1830, «pour
célébrer l'heureux avènement au trône de Louis-Philippe !«% roi
des Français. » Ces rapprochements font naître certaines réflexions
qui s'imposent d'elles-mêmes à l'esprit du lecteur.
« Dès trois heures de l'après-midi, les autorités et les fonctionnaires
publics s'étaient rendus à la mairie pour prendre part à cette fête
nationale, à laquelle ils avaient été convoqués. La garde nationale
a aussi répondu à l'appel qui lui a été fait; elle s'est réunie dans le
meilleur ordre possible. Les armes nous manquent ; ceux des gardes
nationaux qui possèdent des fusils de chasse s'en sont munis ; les
autres, quoique sans armes, n'en ont pas moins marché dans les
rangs avec un enthousiasme digne d'éloges. Toute la compagnie de
pompiers, en pantalons blancs et chapeaux d'uniforme, a rivalisé de
zèle et de dévoûment avec la garde nationale.
^ A quatre heures, le cortège s'est mis en marche et a parcouru la
ville, le drapeau tricolore à sa tête. La proclamation du roi Louis-
Philippe 1«^ a été lue sur les principales places de la ville, au milieu
d'un concours nombreux de citoyens. Les cris unanimes de : « Vive
le Roi des Français! Vive la Charte! Vive Louis-Philippe !«»• ! Vive la
la liberté ! ! ! » ont suivi chaque lecture de cette proclamation. Arri-
vés sur la route départementale d'Avranches, où tout était préparé
pour un feu de joie, la proclamation a été de nouveau lue et suivie
des acclamations les plus unanimes. /A l'instant où les principaux
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— 4! —
fonctionnaires, munis de torches, se sont approchés pour allumer
le feu, les cris de :« Vive le Roi des Français! Vive Louis-Phi-
lippe 1er I Vive la Charte ! » ont redoublé.
» Toute notre population s'était portée sur ce point, où devait se
terminer la cérémonie à laquelle toutes les classes ont pris part
avec une touchante cordialité.
» De retour à la mairie, vers six heures et demie, le cortège s'est
séparé au milieu des acclamations qui n'avaient pas cessé de se
faire entendre pendant toute la durée de la réunion. La joie était
peinte sur tous les visages.
» A huit heures la ville était illuminée. L'union la plus parfaite n'a
pas cessé de régner un seul instant. C'était une véritable fête de
famille. Cet accord nous présage des jours de bonheur, fruits de la
liberté triomphante.
y> Vive le Roi des Français 1 Vive la Charte ! »
» Fait et signé après lecture, à Saint-James, le 20 septembre
1830(1). »
Le même jour eut lieu la prestation de serment par le maire, les
(1) Registre, Vol. II, N° IOd. — Le 21 mai précédent, M. Sursois avait en?oyé
h M. le sous-préfet d'Avranches le rapport suivant, qui présente un réel intérêt au
point de vue météorologique :
« Hier, 21 du courant, lendemain de l'Ascension, vers trois heures de l'après-
midi, notre ville a éprouvé un orage épouvantable. Pendant plus d'une heure le
tonnère a grondé sans la moindre interruption ; il a tombé à peu de distance, mais
heureusement c'était sur un arbre et il n'en est résulté aucun accident. Aux pre-
miers coups de tonnère a succédé une grêle telle qu'on n'en avait vu à Saint-James :
la grosseur des grêlons était depuis celle d'un œuf de pigeon à celle d'un très gros
œuf d'oie. On en a mesuré qui offraient de 8 à 9 pouces (23 centimètres) de cir-
conférence. Quelques-uns avaient 3 pouces el demi de diamètre au moins ; leur
forme variait infiniment ; il y en avait de ronds, de carrés^ plusieurs allongés et
ayant près de cinq pouces (13 centimètres) de longueur ; d'autres étaient plus ou
moins aplatis ; mais tous hérissés d'aspérités plus ou moins prononcées. Us étaient
d'une dureté extraordinaire, ce qui explique le poids de 8 et 9 onces que plusieurs
ont offert. La terre est couverte de branches d'arbres, de feuilles et de fruits» qui
ont été détachés par la chute de ces énormes grêlons. Plusieurs oiseaux ont été
trouvés morts, particulièrement des hirondelles qui probablement ont été surprises
dans leur vol. Les vitres des maisons exposées à l'ouest ont été brisées.
» Il m'est parvenu des renseignements qui annoncent que cet orage, qui se di-
rigeait de l'ouest à l'est, a produit de grands ravages sur les communes de Lan-
delles et Hameliu. Si j'apprends qu'il soit résulté quelques pertes importantes dans
notre commune, je m'empresserai de vous en instruire.
» Agréez, etc. »
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— 42 —
adjoints, conseillers municipaux et fonctionnaires, en la forme
suivante : « Je jure fidélité au Roi des Français, obéissance à la
Charte constitutionnelle et aux lois du Royaume (1). ts> Le 7 no-
vembre suivant, M. Sursois, accompagné des deux adjoints, donna
lecture de la Charte constitutionnelle, en face de la mairie, au mi-
lieu d'un concours nombreux de citoyens (2).
Mais laissons la politique et revenons à l'administration de
M. Sursois.
Une de ses premières, nous pourrions dire de ses principales
préoccupations, fut de continuer la réparation des routes et d'ou-
vrir de nouvelles rues dans la ville. La municipalité vota, en 1819,
une somme de 1,500 francs pour l'entretien des chemins vicinaux,
et, presque tous les ans, elle inscrivit au budget des dépenses ex-
traordinaires une allocation pour cet objet.
La ville de Saint-James n'avait guère changé d'aspect depuis le
moyen-âge jusqu'au commencement du siècle. Ses fortifications
n'existaient plus ; mais on pouvait facilement suivre la ligne des
murs d'enceinte. La ville proprement dite, ou comme on disait au-
trefois i( l'encloison de la ville, » était encore séparée des faubourgs,
vers le couchant, par des terrains convertis en jardins et vergers,
qui avaient été pris sur les fossés et les ouvrages extérieurs de dé-
fense. Le passage de deux rues et de la route départementale
d'Avranches à Fougères, à travers ces terrains, agrandit la ville et
lui donna une tout autre physionomie.
Le 7 mai 1826, le conseil municipal décida d'ouvrir une rue, qui
devait continuer la route d'Antrain par les places du Portail, Bagot
et du Calvaire, pour rejoindre le chemin de St-Hilaire-du-Harcouët.
Il fut autorisé par un arrêté du préfet, en date du 3 novembre de
la même année, à faire l'acquisition des terrains, et presque aussi-
tôt il commença les travaux.
Deux ans plus tard, 17 février 1828, il décida également l'ouver-
ture d'une autre rue destinée à relier la place Saint-Martin à la
place du Boulevard, en traversant a l'ancienne église Saint-Martin
entièrement en ruines, la maison du sieur AUeaume, Charles, et
sœurs, les échoppes des sieurs Lamarre, Pigeon et Baguais, la cour
et le jardin de M™« veuve Gantier, le jardin du sieur Beaumont, ceux
(1) Id., Id., N- 404.
(2) W., Id., N* 114.
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— 43 —
des sieurs Jean-Marie et Pierre Delanoë et Larcher, enfin le sentier
conduisant à l'abreuvoir et à la place du Boulevard (i). ^ M. Clouard
de la Fauconnière abandonna, pour être employée à l'ouverture de
cette rue, l'indemnité lui revenant de l'expropriation de ses terrains
pris par le chemin d'Avranches à Fougères. La municipalité lui
vota même à cette occasion, le 12 avril 1826, une adresse de recon-
naissance (2) ; mais l'exécution de ce projet fut ajournée, faute de
ressources suffisantes.
On travaillait alors, en effet, à la route d'Avranches, classée, par
une ordonnance du 20 mai 1820, au nombre des routes départemen-
tales. Dès le 4 mai 1824, M. Sursois avait adressé une supplique au
conseil général pour l'engager à voter les fonds nécessaires à la
construction de cette route si utile au pays, et en particulier à la
commune de Saint-James, dont les intérêts avaient été négligés par
l'administration d'une manière vraiment déplorable.
«Depuis nombre d'années, disait-il avec trop de raison, le can-
ton de Saint-James fournit, par ses contributions, à l'établissement
et à l'entretien de routes sur le reste du département, où il en existe
un grand nombre, et il est le seul dont on ait paru ne vouloir s'oc-
cuper, le seul qui se trouve isolé, séparé, pour ainsi dire, du reste
du département et abandonné à lui-même. S'il est de la justice du
gouvernement de répartir également les charges publiques, il est
aussi de son équité de répandre également les bienfaits (3)... »
Le conseil général se rendit à ces justes observations ; mais il
voulut faire contribuer aux frais de ce chemin les communes qui
devaient surtout en profiter. La municipalité de Saint-James vota
0,20 par franc sur le principal des contributions directes, pendant
les années 1825, 1826, 1827. Les travaux commencèrent immédia-
tement et furent achevés dans le courant de 1829.
On abandonna, en arrivant à Saint-James, le tracé du vieux che-
min du moyen-âge, qui suivait une ligne à mi-côte depuis le vil-
lage de la Croisette jusqu'aux abords de la ville. Le nouveau tracé
est-il préférable à l'ancien ? Il est permis d'en douter ; mais il est
certain qu'il a été préjudiciable à la bourgade de Saint-Benoît-de-
(1) Registre, Vol U, N^ 69.
(2) M., Id., N* 51.
. (3) /d., W., N* î.
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-, 44 —
Beuvron, dont les communications avec Saint-James sont devenues
beaucoup plus longues, par conséquent plus difficiles.
On éleva bientôt des constructions sur le parcours de la nouvelle
route, qui est aujourd'hui la rue la plus belle et la plus commer-
çante de Saint-James.
M. Sursois avait un autre rêve, dont la réalisation eût fait alors
de Saint-James un des principaux centres commerciaux du pays.
Depuis fort longtemps il était question d'ouvrir, entre Paris et la
Bretagne, une route royale se dirigeant par Alençon, Domfront, Le
Teilleul, Saint-Hilaire, Saint-James, vers Brest et Saint-Malo. La
municipalité de Ducey mit en jeu de puissantes influences, afin de
la faire passer par cette dernière localité. M. Sursois, qui avait déjà
envoyé, le 12 mai 1826, au préfet et au conseil général un long
mémoire pour combattre cette prétention, en rédigea un autre dans
le même sens, à la fin de 1833, pour le ministre du commerce et
des travaux publics (1). Le 4 mai 1834, le conseil municipal signa
(1) M. Sursois rappelait que J'ouverture de cette route avait été ordonnée par
Louis XVI, et que l'intérêt de l'agriculture et du commerce rendait sa direction
obligée par Saint- James. «... Vous ne perdrez pas de vue, écrivait-il, que la ville
de Saint-James offre une population agglomérée de plus de deux mille habitants,
qu'elle est située entre Avranches et Fongères, à quatre lieues de la première
de ces villes et à cinq de la seconde ; qu'elle possède des fabriques nombreuses
de toiles, de droguets, dits de Saint-James^ qu'il s'y fabrique aussi des draps ;
qu'elle possède des filatures de laine qui alimentent ses fabriques, qu'elle jouit
enfin des avantages d'une heureuse position, à laquelle il manque les moyens de
communication avec les pays voisins... » Du reste, le parcours serait moins long
par Saint-James et l'entretien de la route plus facile et moins dispendieux.
A toutes ces considérations développées avec talent, il en ajoutait une autre qu'il
faisait habilement valoir dans les circonstances critiques où se trouvait alors le
gouvernement. Au point de vue stratégique^ cette route assurerait au département
de la Manche l'avantage inappréciable d'une ligne de défense contre les insurrec-
tions qui, nées en Bretagne, comme la Chouannerie, au siècle dernier, avaient pu
envahir plusieurs cantons de l'arrondissement d'Avranches.
Nous transcrivons cette partie du rapport, qui présente un véritable intérêt his-
torique : « La Chouannerie s'éleva dans la Bretagne, gagna notre canton et quel-
ques autres de l'arrondissement d'Avranches, favorisée qu'elle était par un pays
couvert et privé de routes. Nous devînmes le théâtre d'une guerre civile, dont je
ne retracerai point les scènes sanglantes, mais dont le pays désire prévenir le
retour.
» Pendant les Cent Jours, même insurrection dans les mêmes contrées, et les
mêmes causes amenèrent chez nous les mêmes résultats. D faut en convenir, tou-
tefois, la seconde Restauration ne tarda pas à mettre fin à ce mouvement insurrec-
tionnel et notre pays ne fut pas ensanglanté.
» Le gouvernement de Juillet a vu, comme ceux qui l'ont précédé, se lever
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— 45 —
encore une délibération, dans laquelle il réfutait les raisons déve-
loppées par la municipalité de Ducey. Il l'adressa au préfet, qui
devait la soumettre au conseil général avec le rapport de M. Sur-
sois. Malgré ces efforts multipliés, le tracé primitif fut modifié en
faveur du bourg de Ducey.
Plus tard, la ville de Saint-James fut en partie dédommagée par la
construction de la route de Saint-Hilaireau Mont Saint-Michel. Dans
sa séance du 12 juillet 1840, le conseil municipal arrêta que ce
chemin suivrait la rue Saint-Jacques, traverserait la place Saint-
Martin et celle du Boulevard, pour se rendre, par une ligne nouvelle,
au village du Poncéel. Le projet de la rue Neuve ou Fauconnière,
qui avait dû être ajourné en 1828, fut alors repris et promptement
exécuté. Mais cette direction causait un préjudice réel aux habitants
de la rue du Mont. Afin de sauvegarder leurs intérêts et de donner
en même temps un accès plus facile au champ de la foire Saint-Macé,
on promit de relier la route d'Avranches àcelle de Pontorson par un
boulevard ou rue de traverse passant par « le jardin de la Joubau-
dière, celui des dames de la retraite, la rue du Mont, le jardin du cha-
pelain de l'hospice et le Clos-Maugeron (1). » Cette promesse n'a
pas été réalisée.
Le percement de la route de Saint-Hilaire nécessita des terrasse-
ments sur la promenade des Rochers et dans l'ancien cimetière, dont
contre lui les armes vendéennes et bretonnes. Cette fois, notre pays, malgré les
menées du goavernement déchu et de ses partisans, est resté paisible. U est las
sans doute de guerres civiles ; l'esprit s'y est considérablement amélioré ; mais ne
nous dissimulons pas cependant que nous avons dû notre tranquillité, moins peut-
être à cette amélioration qu'à l'attitude ferme des autorités du département et des
gardes nationales, et à la promptitude avec laquelle on forma une ligne de défense
de Domfront h Pontorson, en établissant des garnisons au Teilleul, h Saint-Hilaire-
du-Harcouët, à Saint-James, h Pontorson, lieux situés sur la route qui nous occupe
ici, et des détachements dans les bourgs et villages intermédiaires : à Saint-Sym-
phorien, à Landelles, à Hamelin, à la Groix-Avranchin, etc.
» Qui sait si ces mesures n'ont pas arrêté les bandes des environs de Vitré
qui, battues et poursuivies, se portèrent sur la partie de la Bretagne, dite la Fou-
geraie, et paraissaient vouloir se diriger vers nous, dans l'espoir ou d'y trouver
un refuge ou de soulever le canton ? Ce fut au moins, j'en ai la certitude, cette
crainte qui hâta l'exécution de ce plan de défense : les relations fréquentes et mul-
tipliées que les circonstances et mes fonctions me mirent à lieu d'entretenir alors
avec les autorités civiles et militaires du département, m'ont convaincu de l'impor-
tance qu'on attachait, en efifet, à ce que cette ligne fût bien surveillée... » (Registre,
Vol. Il, N«> 242).
(1) Registre^ Vol. UI, pp. 66-67.
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— 46 —
le sol fut considérablement abaissé. Le conseil municipal avait émis
le vœu, au mois de juillet 1818, de transférer le cimetière le plus
tôt possible en dehors de la ville ; ce ne fut que quelques années
plus tard qu'il fut transporté sur la route d'Avranches, où il est
aujourd'hui.
Les halles^ la mairie et la justice de paix furent construites
en 1832.
Les vieilles halles existaient alors telles que nous les avons dé-
crites au siècle dernier. La grande appartenait encore à la famille
de Canisy, et la petite, ou halle à blé, à l'hôpital, qui percevait,
comme par le passé, le droit de « havage ou mesurage. » En 1829,
la ville acheta pour une somme de dix mille francs, payable en dix
ans, ce la grande halle, une maison y attenant, le tout situé sur la
place du Marché, une chambre, située rue de Suède, sur une vieille
tour de fortification (1). » La commission de l'hospice lui céda la
halle au blé, moyennant une rente annuelle et perpétuelle de 200 fr.
On décida de rebâtir les halles et d'élever, à l'une des extrémités,
une mairie et, à l'autre, une justice de paix, d'après les plan et
devis de M. de Chérancey, architecte de la ville d'Avranches. Le
11 mai 1831, la municipalité nomma une commission pour passer
les marchés : les ouvriers devaient se servir des matériaux
provenant de la démolition de l'église Saint-Martin. C4es construc-
tions furent commencées presque aussitôt et purent être achevées
en 1833, grâce à un secours de 3,000 francs fourni par l'Etat.
L'administration municipale réalisa, vers cette époque, plusieurs
améliorations que nous voudrions encore signaler.
La compagnie des sapeurs-pompiers remonte à l'année 1828. Elle
fut d'abord composée de trente, puis de quarante, et enfin, en 1846,
de soixante hommes âgés de vingt ans au moins et de cinquante
ans au plus. Elle devint bientôt, malheureusement, trop utile, à
cause des nombreux incendies qui désolèrent le pays, pendant les
années 1829 et 1830, et qui préoccupèrent l'autorité à ce point
qu'elle promit une prime considérable à ceux qui dénonceraient les
incendiaires ou qui fourniraient des renseignements utiles pour les
découvrir.
Le vendredi 2 août 1844, le feu éclata, vers deux heures et demie,
(i) Id.y Vol. II, No w.
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— 47 —
dans le grenier d'une maison située à l'angle de la rue Saint-Jacques
et de la rue Cardin. Favorisé par la sécheresse de l'été, il dévora,
avec une effrayante rapidité, les maisons, presque toutes couvertes
en essentes ou en paille, de la rue Saint-Jacques, et gagna, en moins
d'une heure, la place Saint-Martin. L'incendie, limité jusque-là au
côté nord de la rue Saint-Jacques, se propagea des deux côtés de la
rue Saint-Martin, atteignit promplement la Grande-Rue et étendit
ses ravages vers le nord et le midi. Il ne s'arrêta qu'à sept heures
du soir, au carrefour formé par la Grande-Rue et la rue Faucon-
nière. Le terrible fléau avait réduit en cendres au moins 160 mai-
sons et laissé plus de 100 familles presque sans ressources.
C'eût été mal entendre les intérêts de la ville que de ne pas pro-
fiter de ce désastre pour donner aux rues, qui avaient été détruites,
un alignement et une largeur convenables. La municipalité le com-
prit. Dès le 15 juin 1820, une commission avait été chargée
d'étudier cette question de l'alignement des rues, qui ne reçut pas
alors de solution, à cause des nombreuses difficultés pratiques
qu'elle soulevait. Elle fut encore reprise en 1839, sans plus de résul-
tat. Il fut alors arrêté qu'on placerait aux angles des rues et sur les
places de la ville des plaques portant les noms de ces rues et places,
d'après un tableau descriptif transcrit sur le registre des délibé'
rations (1). Ces plaques n'ont pas été placées. Enfin, dans la séance
du 15 septembre 1844, le conseil fut d'avis, à l'unanimité, d'élargir
la place et la rue Saint-Martin. Le 3 novembre suivant, il vota des
fonds pour l'acquisition des terrains nécessaires, ainsi qu'une
somme de 3,000 fr. destinée à payer le jardin de M. Sursois, qui
fut réuni peu, de temps après à la place Saint-Léonard,
L'administration municipale désirait exécuter plusieurs projets,
tels que la conduite des eaux de la fontaine du Reclus dans l'inté-
rieur de la ville, la construction d'une école d'instruction primaire
supérieure et l'établissement d'une salle d'asile, dont la nécessité
se faisait sentir depuis longtemps.
Cette dernière œuvre si populaire est encore due à l'inépuisable
charité de M. Charnel. Il avait, en effet, cédé à la ville, en 1839, la
maison du Pot-d'Etain pour en faire une salle d'asile et y loger des
(1) Nous donnons ce tableau descriptif aux Pièces Justificatives, sous le No
xxvn.
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— 48 —
religieuses, ou, à leur défaut, c< des filles ou femmes gardes-mala-
des. » Quatre ans plus tard, M. Sursois vit à Saint-James M»^» la
Supérieure générale des religieuses de Saint Thomas de Villeneuve
et la pria de donner deux sœurs, dont l'une serait chargée de sur-
veiller les enfants et l'autre serait plus spécialement consacrée à la
visite et au soin des malades à domicile. Sa demande fut agréée avec
un désintéressement auquel il rendit hommage dans la séance du 14
mai 1843 (1). Mais la ville ne put alors entreprendre les réparations
assez considérables qu'il fallait faire à cette maison, et M. Charuel
n'eut pas le bonheur, avant de mourir, de bénir dans cet asile, pré-
paré par ses soins, les petits enfants qu'il avait tant aimés. Ce fut
en 1853 seulement que cet établissement put être complètement
installé et que l'œuvre fonctionna d'une manière régulière.
Le bon curé eut la consolation, bien douce pour son âme vrai-
ment sacerdotale, de voir l'église de Saint-Benoît érigée en église
paroissiale.
L'antique paroisse de Saint-Benoît-de-Beuvron, devenue simple
succursale au siècle dernier, avait été desservie avant la Révolution
par un des vicaires de Saint-James. Après le Concordat, l'église resta
fermée jusque vers 1825. A cette époque, M. l'abbé Durand, et après
lui MM. Queslier et Lecanu, professeurs au petit collège, vinrent, le
dimanche, y célébrer la messe et les vêpres. M. Charuel, dont
les pensées dominaient de toute la hauteur de sa foi les visées
mesquines de l'amour-propre et de l'intérêt particulier, déplorait
un tel état de choses et résolut d'y remédier en faisant rétablir la
paroisse de Saint-Benoit. Le 8 juillet 1843, il présenta à la municipa-
lité de Saint-James une délibération du conseil de fabrique rédigée
dans ce sens. La municipalité, qui avait d'abord rejeté cette de-
mande, l'accepta le 15 septembre 1844, « aux conditions que l'église
actuelle et le presbytère seraient livrés dans un état convenable
d'appropriation et que la commune ne serait point obligée de con-
tribuer aux dépenses (2). »
M. Charuel mit dans cette affaire l'activité qui lui était habituelle
et put obtenir l'autorisation royale, le 29 avril 1845. Le 28 juillet
suivant, M. l'abbé Charles Fouasse, vicaire de Servon, devint curé
(1) Reg^istre^ Vol. m, pp. 123 verso et 124.
(2) Registre, Vol. m, p. 150.
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— 49 —
rie la nouvelle paroisse. La nécessité d'une école pour les enfants
de cette section se fit bientôt sentir, et le conseil municipal vota
une allocation pour le logement et le traitement d'une institutrice.
La sœur Louise Leprieur, de la congrégation du Tiers-Ordre du Car-
mel d'Avranches, fut nommée, au mois de septembre 1848, et, de-
puis bientôt cinquante ans, elle se dévoue à Tinstruclion des en-
fants de Saint-Benoît.
M. Tabbé Fouasse rebâtit la nef de l'église, en 1852. C'est aussi
à ses démarches actives et persévérantes que la paroisse doit de
posséder un cimetière, dont elle était privée.
Le saint curé de Saint-James ne survécut pas longtemps à cette
bonne œuvre. Il tomba malade, au commencement de novembre
1846, et mourut, le dimanche 15 du même mois, pendant la grand'
messe, à l'âge de 7â ans 10 mois et 13 jours. La paroisse comprit
la perte qu'elle falfeait et donna des témoignages touchants de sa
profonde douleur. «... Tout à coup, écrivait plus tard son biographe,
se répand la noutelle de la mort de M. le curé de Saint-James...
Tout le monde esi consterné : l'église était pleine de fidèles qui
firent entendre des sanglots étouffés pendant la récitation du De
profimdis.
» Le presbytère fut bientôt envahi. L'on voulait voir une dernière
fois les traits de ce vénérable vieillard, l'ami et le consolateur de
tous. L'on se pressait autour de sa couche funèbre, l'on baisait avec
respect ses membres glacés. L'on sentait bien alors l'immense perte
que l'on venait de faire : c'était un père qui venait de mourir et
toute la famille était en deuil...
» La foule qui l'accompagna à sa dernière demeure fut immense :
tous les prêtres étaient dans la douleur et comme un voile de deuil
planait sur la ville... (1). »
(1) Un prêtre selon le cœur de Dieu^ elc, p. 104s — La Communauté des reli-
gieuses Trinitaircs de Saint-James conserve avec grand respect le bonnet carré de
M. Charuel, un cilice et une discipline qui lui appartenaient. Le cilice en crin pré-
sente la forme d*un scapulaird. La discipline est formée de cinq petites chaînettes
de fer mesurant à peu près 15 centimètres de longueur et terminées par une
. pointe de même métal. Ces deux derniers objets ont été donnés^ le 4 juin 1870,
aux religieuses Trinitaires, « pour qu'ils soient conservés avec vénération », par
la sœur Marie Brégaint, institutrice du Carmel d'Avranches. Elle les avait reçus
de Mlle Sophie Charnel, morte le 2 novembre 1869, à laquelle les avait légués sa
vénérable tante, Mme Marie Charuel, décédée supérieure du Carmel, le 17 octo-
bre 1852.
4
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— 50 —
M?"* l'Evoque, qui connaissait son éminenle vertu etses rares mé-
rites, l'avait nommé depuis longtemps chanoine honoraire.
Son éloge funèbre fut prononcé, le mardi 17 novembre, jour de
ses funérailles, par M. l'abbé J.-B. Legoupils, supérieur des mis-
sionnaires diocésains.
La vénération dont M. Charnel avait été l'objet, pendant sa vie,
s'est accrue après sa mort, et son tombeau est devenu dans le pays
un lieu de pèlerinages, où se sont produits et se produisent encore
des faits merveilleux qu'il est permis d'attribuer à sa puissante in-
tercession auprès de Dieu.
M. l'abbé Gilles Bosmel, né à Hébécrevon, le 31 mars 1799, an-
cien missionnaire diocésain, curé de Blainville, fut nommé curé de
Saint-James, le ^8 janvier 1847. Ses qualités remarquables de cœur
et d'esprit lui concilièrent bientôt l'estime et l'affection de ses con-
frères et de la population, pendant le peu de temps qu'il resta à
Saint-James.
Le mardi 17 juillet 1847, il lit la translation, au nouveau cimetière,
des nombreux ossements trouvés dans les terrassenients de l'ancien-.
Il invita à celle grande cérémonie funèbre tous les prêtres natifs de
Saint-Jauies. L'un. d'eux, M. le chanoine Liber, y porta la parole
et saisit cette occasion pour rappeler, avec une émotion qu'il com-
muniqua à son auditoire, la mémoire et les vertus de M. Charnel.
M, Bosmel fut profondément attristé par le départ des Frères de
Saint- Joseph, pendant les vacances de 1847.
Depuis quelques années, la municipalité s'était montrée malveil-
lante à leur égard. Elle avait augmenté le nombre des élèves gra-
tuits, abaissé le taux de la rétribution scolaire au-dessous de 1 fr. 50
et réduit par là-méme leur traitement à un chiffre insuffisant. Le
Supérieur rappela un des Frères, en 1843, et voulut, avant de le
renvoyer, que la municipalité prît l'engagement de garantir à cha-
que maître un Iraitemenl de 500 fr. M. Charnel écrivit alors à
M. Sursois deux lettres, dans lesquelles il plaidait la cause des
Frères. « ...Si l'on a fait quelque plainte, disait-il, je suis dans l'im-
patience d'avoir l'occasion de venger les instituteurs et de justifier
ma réclamation. Je la soumets à votre équité... (1). » La rétribu-
tion scolaire fut de nouveau élevée à 1 fr., 1 fr. âo, 1 fr. 50, suivant
({) Registres, Vol. UI, pp. 132-133.
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— 51 —
les cours ; mais il était facile de prévoir que le moment n'était pas
éloijçné où les Frères seraient obligés de se retirer définitivement.
Loin de s'améliorer, la situation devint, en effet, plus tendue
après la mort de M. Cliaruel, et le Supérieur général prit le parti,
au mois de septembre 1847, d'abandonner ce poste. Ces ennuis
et la maladie de poitrine, dont il souffrait depuis longtemps, déci-
dèrent M. Bosmel à donner sa démission et à se retirer à Saint-l.o,
où il mourut le 3 juillet 1848.
Son successeur fut M. l'abbé Charles-Nicolas Lelaizant, vicaire
de la paroisse de Sainte-Trinité de Chejbourg. Sa nomination est
du 26 mai 1848. Il n'avait guère que quarante ans. Il sut bientôt
surmonter, par son intelligence et son activité, les difficultés de la
situation. Son principal souci, en arrivant dans la paroisse, fut
d'établir une école libre. Il fit venir deux Frères de la congrégation
de la Miséricorde de Montebourg et s'adressa à la charité des fidèles
pour subvenir à leurs premiers besoins. Il réclama aussi le revenu
de la terre des pauvres, confisqué par la municipalité, au profit de
l'école laïque. De part et d'autre on rédigea des mémoires pour dé-
montrer son bon droit sur cette rente, qui fut enfin déclarée appar-
tenir à M. le curé, par un arrêté du préfet, en date du 22 janvier
1852. Le 3 juin suivant, M. Lelaizant acheta la vallée des Tou-
relles, des demoiselles Marie et Jeanne Guyhomard, et y cons-
truisit l'établissement St-Nicolas, à l'aide d'une somme d'environ
10,000 francs recueillie par lui et son vicaire, M. Théodore Piquerel,
d'une subvention de 4,000 francs accordée par le Gouvernement, de
corvées et de divers dons en nature. Les constructions n'étaient
pas achevées quand il fut appelé, le 11 janvier 1853, à la cure
de Notre-Dame de Granville ; mais son œuvre était assurée et devait
prendre de rapides développements, grâce au zèle et à la capacité
des instituteurs et aux sympathies de la population, qui ne lui ont
jamais fait défaut.
Les vicaires de Saint-James, après le départ de MM. Delarue et
Lansard, dont nous avons parlé précédemment, furent MM. Denis
Gallouin, nommé à la cure de Subligny, le 2 mars 1846, P. Besnard
et Th. Piquerel, qui devint curé de Tanis, le l'^'* décembre 185:],
puis de Montanel, où il est mort le 20 février 1870. M. Ambroise
Hizet remplaça M. Gallouin et M. l'abbé Frédéric-Julien Leroy fut
le successeur de M. Piquerel.
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— 52 —
L'admiuistratioii municipale avait subi des modilicalious cousidé-
rables, depuis quelques années. M. Sursois avaitdonné sa démission
en 18i5, pour cause de santé. Il était alors chevalier de la Légion-
d'honneur et conseiller général du canton de Saint-James. M. Bes-
nard-Locherie, qui avait rempli les fonctions de maire pendant
l'intérim, lui succéda au mois de novembre 1847. Ses adjoints
furent MM. Gabriel^François Simon et Louis Despréaux. Mais la
Révolution de 1848 amena de nouveaux changements. Le maire et
les adjoints furent remplacés, au mois de mars, par une commis-
sion de cinq membres, dont M. Sursois fut le président. Dès le 5 du
même mois, le conseil municipal fit parvenir au commissaire de
la République dans le département de la Manche, M. Havin, cette
adhésion au nouveau régime :
Liberté, Egalité, Fraternité.
A Monsieur HAVIN, commissaire du Gouvernement pour le
département de la Manche.
Monsieur le Commissaire,
« Le conseil municipal de la ville de Saint-James s'empresse
d'adhérer de toutes ses forces à la proclamation et au maintien de
la République.
» Que les membres du Gouvernement soutiennent énergique-
ment la cause sacrée, à la tête de laquelle la volonté du peuple les
a placés, et le peuple les soutiendra avec la même énergie. Plus la
tâche qu'ils ont entreprise leur occasionne de soins et de fatigues,
plus sera grand notre dévouement à cette cause, plus notre recon-
naissance pour eux grandira. Mais que les ennemis de l'ordre soient
regardés et traités comme les ennemis de la République, à laquelle
on imputerait leurs excès et leurs crimes (1). »
Les ennemis de l'ordre ne furent pas longtemps tranquilles. Les
journées de Juin vinrent bientôt jeter l'épouvante dans le pays. La
nouvelle de l'émeute parvint à Saint-James, le dimanche 23 juin,
pendant la procession du Saint-Sacrement. M. Sursois fit appel au
patriotisme des habitants, et sur le champ vingt-cinq citoyens de
(4) Registre, Vol. IV, p. 34^ verso.
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— sa-
la garde^ nationale se présentèrent pour aller à Paris combattre
l'insurrection (1).
Les 30 et 31 juillet 1848, eurent lieu des élections municipales qui
amenèrent les résultats suivants : Electeurs inscrits, 827 ; votants,
596. Elus au premier tour de scrutin : MM. Sursois, Eugène-Charles,
578 voix; Carbonnel de Canisy, Paul, 547 ; Despréaux, Louis, 543;
Guérandel, Roch, 530; Simon, François-Gabriel, 537; Lhomme,
Charles, 515; Onfray, Louis, 499; Belloir, Valentin, 493; Gérard,
Pierre, 445 ; Dupont, Auguste, 443; Ameline, Auguste, 418; Le-
gendre, Louis, 413 ; Le Roy, Joseph, 388 ; Besnard-Locherie, Pierre-
Marie, 382; Delaroche, Louis, 374; Menard, François, 368; Payen,
Honoré, 321 ; Le Roux, Victor, 305.
Le lendemain, furent élus au deuxième tour de scrutin, MM. Ame-
line, Joseph, 136 voix; Poisnel, Honoré, 122; Gautier, Jean-Marie,
116, sur 422 votants.
M. Sursois fut de nouveau élu maire, le 20 août, et installé, le
15 octobre, par le deuxième conseiller municipal, M. le comte P.
de Canisy (2). Mais il ne resta guère plus d'un an à la tête de l'ad-
ministration municipale ; il fut remplacé, au mois de novembre
1849, par M. Louis Despréaux, qui résigna lui-même ses fonctions
au bout de quelques mois. M. Besnard-Locherie redevint maire le
14 avril 1850. La municipalité se rallia bientôt à la politique du
prince Napoléon et crut même devoir lui envoyer cette adresse,
après le coup d'Etat du 2 décembre 1851 :
(1) C'étaient : MM. CoIIin. Charles, commandant ; Collin, Hîppolyte, porte-dra-
peau ; Gautier, Jules, chirurgien -major ; Delaroche, Narcisse, capitaine ; Lemazu-
rier, Âza, officier d'armement ; Juin, Julien, sergent-major ; Madelaine, Julien,
sergent ; Chauvin, Pierre, sergent ; Destroches, Hervé ; Loivel, Prosper ; Boulon,
Pierre; Ameline, Emmanuel; Onfroy, Louis; Martin-Charterie ; Poisson, Malhurin ;
Larcher, Jean-Marie ; Galles, Stanislas ; Menard, Auguste ; Corbe, Jacques ; Lemon-
nier, Auguste ; BUard, Jacques ; Dubois, Pierre ; Foubert, Honoré ; Fauchon, Nar
cisse; Buridan.
(2) M. le comte Paul-Adrien de Carbonnel de Canisy était fils de Fancien maire
de Saint-James, M. François de Canisy, mort le 29 novembre 1829.
M. François de Canisy laissa un fils et deux filles :
lo M. Paul-Adrien, dont nous venons de parler, ne le 2 février 1814, marié, le
15 juillet 1845, à M"* Jeanne-Marie-Emilie de Giresse-la Beyrie, fiUe du baron de
Giressc-la Beyrie, comte du Saint-Empire, secrétaire des commandements de M. le
Dauphin et préfet de l'Eure et-Loir jusqu'en 1830, et de Clémentine-Henriette Pois-
salloUes de Nanteuil la Norville, décédé au château de la Paluelle, le 7 août 1889.
2o Pauline-Ëtiennette, mariée, en 1828, à M. le comte Guiton de la Villeberge.
3° Marie-Mathilde, qui épousa, en 1831, M. le marquis d'Auray.^
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— 54 —
4 Monsieur le Président de la République.
« Le Conseil municipal de la commune de Saint-James, spontané-
ment réuni en la salle de la mairie,... manifeste et consigne sa
franche et cordiale adhésion an décret du 2 décembre, qu'il avait
déjà sanctionné par ses suffrages. Puisse le sage gouvernement de
Louis-Napoléon Bonaparte faire disparaître à jamais de folles et
effrayantes utopies, rallier tous les partis et donner à la France le
repos,' le bonheur et la prospérité qu'elle était menacée de perdre
sans l'énergique et salutaire résolution du Président de la Répu-
blique !
» A Saint-James, le quatre janvier mil huit cent cinquante-
deux (1). »
Un décret présidentiel du 20 juillet nomma M. Besnard-Locherie
maire, et MM. Simon et Belloir adjoints.
Les élections municipales des 12 et 19 septembre 4852 appor-
tèrent quelques modifications dans la composition du Conseil. Voici
les noms des élus : MM. Le Gendre, Louis, Onfray, Louis, Sursois,
Eugène, Dupont, Auguste, Belloir, Valentin, Payen, Honoré, Des-
préaux, Louis, Besnard-Locherie, Pierre-Marie, Simon, François,
Delaroche, Louis, Le Roux, Victor, Gérard, Pierre, Lhomme, Charles,
Guérandel, Roch, Le Roy, Joseph, Gautier, Jules, Ameline, Auguste,
Morel, Hippolyte, Poisnel, Honoré, Chevalier, Joseph-Alexandre,
Cochet, Paul.
Ils furent installés et prêtèrent serment au gouvernement le 17 oc-
tobre. Le même jour, ils signèrent cette nouvelle adresse au Pré-
sident de la République :
Prince Impérial,
« Les conseillers municipaux et autres habitants de la commune
de Saint-James, partageant les sentiments de la France entière qui
vous doit le retour de l'ordre, de la tranquillité et du bonheur pu-
blic, joignent ici leurs vœux à ceux des conseils d'arrondissement
et de département pour demander que le pouvoir se consolide en se
perpétuant entre vos mains qui en tiennent les rênes avec tant de
sagesse et de fermeté.
(1) Registre, Vol. IV, p. 160, verso.
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— 55 —
y> Que la couronne impériale ceigne au plus tôt votre front si di-
gne de la porter, et puisse, après une longue suite d'années, se
transmettre à vos descendants !
» Ainsi s'évanouiront à jamais d'elfroyables et criminelles uto-
pies, ainsi se fermera l'ère sanglante et désastreuse des révolu-
tions (1). »
Ce langage, qui peut nous surprendre aujourd'hui, à une dis-
tance de près de cinquante ans, n'était alors, en effet, que l'ex-
pression du sentiment général, pour ne pas dire unanime, de la
nation.
L'Empire fut proclamé le ^ décembre 4852 ; ce jour-là le conseil
municipal vota des fonds pour l'illumination de la ville et l'achat
de comestibles qui furent distribués aux pauvres.
Malgré la fièvre politique qui agitait alors les esprits et l'instabi-
lité de l'administration municipale, plusieurs travaux importants
furent exécutés. Les eaux de la fontaine du Reclus furent amenées
sur la place Saint-Martin et dans les différents quartiers de la ville.
L'adjudication eut lieu le 6 août 1848. Les travaux furent terminés
l'année suivante et coûtèrent environ 10,000 francs.
On avait lo projet de construire un bassin-fontaine sur la place
Saint-Martin. Ce projet ne put être réalisé : il fallait, en effet,
achever les réparations de la sulle d'asile, dont nous avons déjà
parlé, et bâtir une école pour les garçons.
Le maître laïque, appelé après le départ des Frères, fut logé dans
une maison de 'a rue Saint-Martin, qui ne convenait point à la des-
tination d'une école communale. On eut alors la pensée de faire l'ac-
quisition de la belle propriété' du Clos-Tardif, dans le but d'y instal-
ler le collège, qui ne comptait pas moins de quatre-vingts élèves,
suivant les cours de latin, et de faire servir les bâtiments du collège
à l'école communale. Un compromis fut même signé, le "28 novem-
bre 1850, avec le propriétaire, M. L. Despréaux, pour une somme
de 19,000 francs. Mais cette excellente combinaison, qui paraissait
assurée, échoua au dernier moment devant des considérations d'éco-
nomie, et l'on se décida à construire, sur la route de Pontorson,
l'école actuelle qui ne coûta pas beaucoup moins cher.
(1) Reg., Vol. IV, p. 185, recto.
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— 56 —
Il nous resterait encore à parler du long ministère pastoral de
M. l'abbé Legrand à Saint-Jaraes, de la construction de l'église et
du collège, de l'administration municipale, des mouvements poli-
tiques et des faits principaux qui ont marqué la seconde moitié du
XIX« siècle dans le pays; mais ces événements sont trop récents pour
que nous puissions entreprendre de les raconter.
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— ^
— 57 —
ADDITIONS
Note I (voir pp. 25 et 26),
Souterrain du Clos-Tardil.
Nous voulons encore signaleirexisteace d'un souterrain débou-
chant dans la cour de la maison du Clos-Tardif, appartenant à
M. L. Despréaux. L'entrée d'un sonterrain à cet endroit prouve
qu'il y avait là, autrefois, une tour fortifiée se reliant aux ouvrages
de défense de la ville et commandant le vieux chemin de Saint-
James à Antrain, qui longeait les maisons du Clos-Tardif. Ce sou-
terrain mesure à son orifice à peu près quatre pieds de hauteur sur
cinq on six de largeur; sa voûte légère est cependant si solide
qu'elle supporte le passage des voitures le plus pesamment char-
gées. Il se dirige vers lejnord-est, c'est-à-dire vers les murailles de
la ville ; mais il serait difficile de dire où il aboutit. On eut, paraît-
il, il y a une cinquantaine d'années, le projet de faire des fouilles,
afin de s'assurer de sa direction ; ce projet fut malheureusement
abandonné.
Note II (p. 50).
A la demande de Saint Hamon, religieux de l'abbaye de Savigny-le-
Vieuz, Dieu opère un prodige dans l'église de l'Abbaye-Blanche, à
l'occasion de la reconstruction de la chapelle de la léproserie de
Saint- James.
Vers le milieu du X1I« siècle (Traduction).
Je ne crois pas devoir passer sous silence que le serviteur de
Dieu eut à souffrir de la part de beaucoup d'envieux et de détrac-
teurs de ses œuvres. C'est un nouveau trait de ressemblance qu'il
eut avec Notre-Seigneur, que les Pharisiens, poussés par nn senti-
ment de basse jalousie, accusaient de chasser les démons et de faire
ses autres prodiges, vraiment divins, au nom de Béelzebuth. Et, ce
n'était pas seulement de la part des étrangers, mais, ce qui est plus
pénible, c'était le plus souvent de la part des gens de sa maison et
de sa religion qu'il avait à supporter ces persécutions. Ainsi, parce
qu'il avait grand soin, comme un économe fidèle, d'employer les
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— 58 —
sommes qu'il recevait des rois, des princes et des puissants de ce
monde à bâtir des églises, à édifier des chapelles, à construire des
ponts, à nourrir et vêtir les pauvres et à faire toutes sortes d'œuvres
de miséricorde, plusieurs en prenaient occasion de lancer contre
lui les traits de leurs censures et de lui reprocher que de toutes ces
richesses il ne réservait rien ou presque rien pour lui et pour ses
frères, et ainsi il leur devenait, suivant la parole de l'Apôtre, une
odeur de vie pour la mort.
Enfin, comme on savait qu'il avait construit, ainsi que nous
venons de le dire, plusieurs basiliques en l'honneur du Christ et de
ses saints, on le pria d'aider à rebâtir dans de meilleures condi-
tions la chapelle des lépreux de Saint-James de Beuron, élevée
autrefois en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie, et dont les
murailles ébranlées étaient tombées en ruine, parce qu'on n'avait
employé pour les faire que de l'argile au lieu de ciment. Mais le
bienheureux (c'est le propre de la faiblesse humaine), ennuyé des
persécutions auxquelles il était en butte, refusa de coopérer à cette
bonne œuvre, pour apaiser les murmures des mécontents. Toute-
fois, il résolut de prier, afin de connaître la volonté de Dieu sur
cette affaire.
Or, il se rendit, dans ce temps-là, à l'abbaye des religieuses de
Mortain, et je l'accompagnai dans ce voyage. Je revins presque aus-
sitôt. Lui resta quelques jours à ral)baye et y célébra la fête de la
Bienheureuse Mère de Dieu, qui était proche.
Le jour même de la fête il alla donc à l'église, et, afin de pouvoir
prier dans un plus grand recueillement, il se dirigea vers une
crypte située du côté droit, dans laquelle il y avait un autel. Après
avoir imploré le pardon de ses fautes par de nombreuses génu-
flexions, il supplia instamment le Dieu de bonté de lui faire con-
naître s'il voulait qu'il aidât à reconstruire la basilique en question
et de lui manifester sa volonté de telle manière qu'il lui plairait.
Pendant qu'il était tout entier à cette pensée et qu'il priait avec ins-
tance dans l'intention que nous venons de dire, de connaître la
volonté du Seigneur sur cette entreprise, tout à coup parut devant
lui un rayon céleste d'une grand(3ur et d'un éclat merveilleux,
n'ayant point la direction ordinaire des rayons du soleil, mais s'é-
levant de terre dans les airs.
L'homme de Dieu, tout rempli d'une ineffable douceur, que l'Es-
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— 59 ~
prit-Saint présent avec ce ra>on répandait dans les puissances de
son âme, fixa longtemps cette iumière avec attention. Enfin, la
consolation cessa d'une manière surnaturelle et le rayon remonta
à travers le toit de l'église vers le ciel, d'où il était venu.
Le bienheureux remercia le Seigneur avec effusion de cette visite
céleste, et, ne pouvant plus douter de la volonté divine sur ce qui
faisait l'objet de sa prière, après cette manifestation de l'Esprit-
Saint, il ne tint aucun compte des critiques de ses détracteurs et
entreprit aussitôt avec un grand sentiment de dévotion la recon-
struction de la basilique en l'honneur de la Bienheureuse Vierge
Marie, et continua, comme un très fervent zélateur de toutes les
vertus, de se consacrer aux autres œuvres de piété qu'il avait cou-
tume de faire par le passé.
(Extrait de la Vie de saint Hamon^ inouïe de Sariyny^ d'après
le manuscrit du Musée Britannique de Londres).
Texte de la Note II.
« Illud nutem silentio nequaquam prastermittendum existimo, quod hic fa-
mulus Dei multos sustinuit operum suorum aemulos et detractores, in hoc
etiam Domini nostri sequens vestigia, queni daemonia propellentem et caetera
. divinae virtutis insigna patrantem Pharisaei, zelo invidiae concitati, in Beelzebud
haec actitare nequiter accusabant. Non soium autem hoc ab alienis, sed, quod
gravius est, a domesticis et suai professionis honiinibus saepius patiebatur. Nam
cum ea quas a regibus et principibus et cseteris hujus mundi potentibus eroganda
accipiebat ecclesiis erigendis, capellis a fundamento aedificandis, pontibus cons-
truendis, pauperibus alendis atque vestiendis, et cetcris miseriCordiae operibus
adimplendis, ut fidelis Domini sui dispensator soUicitus impenderet, hinc vel
maxime nonnulli linguae suae gladios adversus illum armabant, quod ex his sibi
vel his cum quibus commûnem ducebat Vitam, parum aut certe nihil relin-
queret ; sicque, juxta apostolum erat illis odor vitœ in mortem.
Denique cum plures, ut diximus, basilicas aedificasset in honore Christi et
sanctorum ejus, suasum est ei ut basiiicam leprosorum Sancti-Jacobi de Beuron,
quae, quondam in lionore Beatae Virginis Mariae constrùcta, quassatis parietibus,
utpote non ex caemento sed ex luto compactis, decidcrat, ipse, impenso pleniori
adjutorio, ad rea^dificandum juvaret. Ipse autem, ut est humanae fragilitatis infir-
mitas, taedio quodam mentis affectus, cum, ut jam diximus, propter murmu-
rantium quereias consopiendias praedicto operi copiam denegaret, statuit tamen
apud se Domini voluntatem super hoc sollicitis prccibus implorare.
Contigit autem illum tune temporis Moretonium, ad abbatiam sanctimonia-
lium properare meque cum ipso sociabile iter carpere. Me autem ocius re-
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— 60 —
Note III {i^^ partie, chap. IV«).
Miracles opérés par les « Saints de Savigny », en favenr d'habitante de
l'ancienne paroisse de Saint-James.
XIII« siècle (Traduction).
Un homme guéri de la goutte.
Jean Repanel, de Saint-James de Bevron, fut atteint d'un rhu-
matisme dans les reins, et sa douleur était telle qu'il ne pouvait
ni marcher, ni dormir, ni trouver nulle part de repos. Sa mère,
nommée Loysel, compatissant à sa douleur, souffrant même de sa
douleur, le voua aux Saints de Savigny. Un mieux se fit bientôt
sentir ; sans tarder il se mit en route, malgré sa grande faiblesse, et
recouvra uiie santé parfaite pendant le voyage.
deunte, ipse ibidem paucis diebus commoratus est ac inibi Nativitatem Beatae
Dei Genitricis, quae tune instabat, celebravit.
Cum igitur, ejusdem solemnitatis die, ecclesiam ingressus, cryptam quam-
dam quas in dextra ecclesiae ipsius parte cum altari quodam habetur, secretius
orandi gratia expetisset, crebras cum flexione genuum venias petens, caepit
Domini clementiam attentius exorare, quatenus, si voluntas ejus esset ut
praedictae basilicae aedificandae operam impendere deberet, id ei quo sibi
placeret modo, revelare dignaretur. Cumque tota mente hac meditatione
et intentionis studio, ut diximus, orationi insîsteret, ut Domini voluntatem in
praedicto opère agnoscere posset, repente astitit ante illum caelitus emissus
immensae claritatis et magnitudinis radius, non, ut radii solaris mos est in di-
rectum, sed a terra in sublime perrectus.
Intérim autem cum vir Domini per Spiritus Sancti praesentiam, qui cum
eodem radio advenisse non dubitatur, inenarrabili suavitatis dulcedine saginatus,
in eumdem radium coram se positum oculorum aciem diutius infixisset, tandem,
peractà divinitus consolatione, idem radius per ipsius ecclesiae tectum in caelum,
unde venerat, se recepit.
Ipse vero de indultà sibi caelitus visitatione Deo condignas referens gratias,
et per Sancti Spiritus inspirationem de Domini voluntate in eo quod petierat
certissimus efFectus, confestim, spretis maledictorum subsannationibus, caepit
eamdem basilicam in honore Beatae Virginis Mariae cum maximo devotionis
afFectu aedificare, et caeteris quibus ante consueverat pietatis operibus, utpote
virtutum omnium ferventissimus aemulator, insistere.
{Ex vità Sancti Hamonis, monachi Savigfteit).
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— 61 —
Un homme qui avait perdu i'ouïe.
Jean Brusart, de Saint-James de Bevron, qui avait perdu l'ouïe
depuis trois semaines, fit un vœu aux Saints de Savigny. Il vint à
leurs tombeaux, la veille de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge
Marie, et recouvra entièrement l'ouïe.
Une femme guérie du mal tiispanique.
L'épouse de Guillaume Tardif, de Saint-James de Bevron, ayant
marché par hasard sur un fer pointu, se fit au pied une profonde
blessure. Bientôt après, il lui sembla qu'elle était guérie; mais au
bout d'un certain temps, le pied enfla, les humeurs s'y amassèrent,
une fièvre dangereuse se déclara et cette femme fut en proie à
d'intolérables souffrances. Les uns disaient qu'elle était .atteinte du
mal qu'on appelle porfil, d'autres que c'était un anthrax, d'autres
enfin pensaient que c'était un lupus, autrement dit mal royal. Elle
consulta les chirurgiens qui furent d'avis qu'il fallait brûler le pied
et l'ouvrir, ou même le couper tout à fait. La pauvre femme, saisie
d'effroi en les voyant préparer leurs instruments et les cordes pour
la lier, ne voulut plus consentir à subir l'opération. Désespérant
des ressources de la science humaine, elle mit sa confiance en la
miséricordieuse puissance de Dieu, et, dans l'espoir qu'elle serait
guérie miraculeusement, elle se voua très dévotement aux Saints
de Savigny. Que dirai-je de plus? Les douleurs s'apaisèrent, des
ouvertures se firent dans le pied, il en coula un pus abondant, le
pied se dégonfla, la douleur disparut entièrement et cette femme fut
bientôt guérie sans aucun remède.
Pierre de Quarnet, de Saint-James de Bevron, revenant de la ville
de Bordeaux, courut un grand danger dans une barque, sur la Gi-
ronde. Ayant invoqué le§ Saints, la barque et ceux qui la montaient
furent aussitôt hors de danger.
Nicolas Milon, de Saint-James de Bevron, avait un fils grave-
ment malade d'une fistule. Il avait, en effet, au cou, cinq plaies
piu'ulenles. Le père le voua aux Saints et, par leurs mérites, son
fils fut guéri.
Thomas des Pins, clerc, de Saint-James, avait presque perdu l'œil
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T- 02 —
droit, dont la pupille était couverte d'une taie. Il se voua aux Saints,
pria longtemps sur leurs tombeaux et recouvra l'usage de la viu\
Herbert de Kamendoor, de Saint-James, avait eu, pendant deux
ans, la fièvre quarte. Dans un accès, il se voua aux Saints, et doré-
navant il n'eut plus de fièvre et ne sentit plus, comme il en a té-
moigné, sa douleur accoutumée.
Guillaume Le Cliartier, de Saint-James de Bevron, eut le mal
hispanique sur tout le visage et les joues jusqu'à la gorge, et il avait
la face toute tuméfiée. Il se voua à nos Saints : dès le lendemain il
était presque guéri et peu de temps après, il le fut entièrement.
Richard Lestre, de la même ville, fut aussi guéri de la fièvre
quarte par les mérites des Saints.
Renault Gandin, châtelain de Saint-James de Bevron, avait tous
les jours la fièvre. En revenant du Poitou, où il était allé avec
d'autres commerçants de sa connaissance vendre ses marchandises,
il se trouva si malade de la fièvre qu'il ne pouvait plus continuer
son chemin avec ses compagnons. Il se voua aux Saints de Savigny ;
bientôt la fièvre le quitta et il put revenir plein de joie chez lui avec
ses compagnons.
Ranulfe de Longue-Touche, qui avait eu à la jambe le mal hispa-
nique, fut aussi guéri par l'intercession des Saints.
Barthélémy le Comte, de Saint -James de Bevron, qui avait perdu
l'usage des mains et des bras, confesse avoir été complètement guéri
par les mérites des Saints de Savigny.
(Extrait du Livre des miracles des Saints de Savigny),
Texte de la Note III.
Manuscrit original, p. 41. — De quodam sanato ab arihetica.
« Joannes Repanel, de Sancto Jacobo de Bevron, percussus fuit gutta
arthetica in renibus, et tanto dolore cruciabatur, quod alicubi ire, dormire ant
quiescere ullo modo non valebat. Mater ipsius, dicta Aales, compatiens dolori
filii sui, imo pro eo patiens, vovit eum Sanctis nostris. Quo facto, sine mora,
paulatim convalescens, iter arripuit, licet esset debilis plurimum, et in via ad
plénum sanatus est. »
Ibid. p. 39. — De quodam qui a miserai auditum.
« Johannes Brusait, de Sancto Jacobo de Bevron, per très septimanas amisit
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— 6;j —
Note IV.
Combat du Château de Boucéel, du 3 décembre 1795 (pp. 345, 346 et 347).
La terrasse et le jardin anglais, qui s'élcndenl devant la façade
du château de Boucéel, forment un quadrilatère entouré, comme
l'indique M. de Pontbriand dans son récit, d'une douve ou fossé
profond. A l'un des angles, du côté de la prairie, existe une an-
cienne grosse tour ; à l'autre angle du même côté s'élève un mar-
ronnier d'une grosseur extraordinaire, derrière lequel les chouans,
dit-on, s'abritèrent durant le combat. Cet arbre est encore vigou-
reux, malgré les ans et les balles dont il dut être criblé ce jour-là.
auditum. Vovit se Sanctis et Savigniacum veniens ad pignora sanctorum, vigilia
Assumptionis B. Mariai Virginis, plenarie recuperavit auditum. m
Ibid. p. 39-40. — De muliere eu rata a morbo hispanico.
« Uxor Guillelnii Tardif, de Sancto Jacobo de Bevron, casu calcans super
quoddam ferramentum acutum, vulnerata est graviter in pede ; sed in brevi,
prout ci videbatur, sanata est. Processu vero temporis pes intumuit, humores ^
ibi occurrerunt, aegritudo * periculosa insiliit, mulier dolore intolerabili crucia-
batur. Quidam diccbant quod hic erat morbus qui dicitur vulgo porfil, alii
anthrax, alii lupus, id est morbus regius. Consuluit cerurgianos qui dixerunt
quod oportebat pedem uri et secari vel omnino abscindi. Qua; cum videret
ferramenta ad hoc faciendum parari et vincula ad ipsam ligandam, timoré per-
tcrrita, ab ipsorum consiiiis declinavit. Tandem desperata de auxilio humanae
industriae, fixit spem suam in miraculis et clementia virtutis divinae, et Sanctis
Savigniacensibus vovit se devotissime. Quid plura ? Dolores mitigati sunt,
tbramina in pede apparuerunt, sanies inde caepit fluere, pes purgavit sej aegri-
tudo omnino extincta est et mulier absquc omni humana industria in brevi
sanata est.
tbid. p. 57. — Petrus de Quarnet, de Sancto Jacobo de Bevron, rediens a
Burdegala civitate, existensin naviculain fluvio qui dicitur Gironda,periclitaba-
tur. Ad invocationem Sanctorum navicula et qui in ea erant viri a periculo
liberati sunt.
Ibid. p. 60. — Nicolaus Milon, de S. Jacobo de Bevron, habebat filium qui
graviter infirmabatur gutta fistula ; habebat enim in collo quinque foramina
sanie fluentia. Pater vovit eum Sanctis et per eorum mérita sanatus est.
Ibid. p. 66. — Thomas des Pins, clericus, de Sancto Jacobo, occasione
maculae pupillam operieniis, lumen dextri oculi fere amiserat. Vovit se Sanctis
et vigilavit in oratione ad tumbas Sanctorum et usum videndi recepit.
Ibid. p. 66. — Herbertus de Ramendoor, de Sancto Jacobo, per duos annos
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— 6i —
Note V.
Combat du 30 décembre 1795 (pp. 352, 353, 354 et 355).
Le livre paroissial de Saiut-Benoît-de-Beuvron contient cette
note intéressante : « Les villages de Touchegate, en Saint-Be-
noît, et de la Croisette, furent, au fort de la Révolution, le ttiéâtre
d'un combat acharné entre 1 ,500 ctiouans, commandés par Boisguy,
breton, et 800 républicains, ayant à leur tète le général Chalus (1).
Les pertes furent considérables de part et d'antre. Le champ de
bataille resta aux chouans. »
Cette note se rapporte sans aucun doute au combat du 30 dé-
cembre 1795.
D'après la tradition du pays, l'action commença dans un champ
dépendant de la terre de Touchegate, appelé le Guidon^ situé à
l'angle formé par le vieux chemin de Saint-James à Avranches et
celui de Saint-Benoît à la Croix-Avranchin, .p,ar les villages du
quartana laboraverat, et cum quodam die febricitafet, vovit se Sanctis. Quo
facto, nec illa die nec deinceps, sicut dixit, aliquam habuit occasionem nec
solitam sensit passionem.
/à/d. p. 73. — Guillelmus Quadrigarius, de Sancto Jacobo de Bevron,
habuit morbum hispanicum in totà facie et genis usque ad guttur, et inflata-
erat faciès vehementer. Vovit se Sanctis nostris et in crastino quasi totus sana-
tus apparuit et modico post ad plénum convaluit.
/à/cf. p. 73. — Ricardus Lestre, de eadem villa, per mérita Sanctorum sana-
tus est quartana.
/b/cf. p. 74. — Renaît Gaudin, castrensis Sancti Jacobi de Bevron, labora-
bat lebre quotidiana ; qui, dum rediret a Pictavia, ubi merces suas venundandas
detulerat, una cum aliis negotiatoribus sociis, et valde afïligeretur a febre, nec
ulterius posset itinerare cum sociis, vovit se Sanctis Savigniaci, et deinceps reli-
quit eum febris et gaudens venit cum sociis suis usque in patriam suam.
/à/'d. p. 76 — Ranulfus de Longa-Tuscha habuit malum hispanicum in tibia
et per Sanctos sanatus est.
. /à/d.p,lS, — Bartholomœus le Comte, de Sancto Jacobo de Bevron, usum
manuum et brachiorum amiserat. Per mérita Sanctorum plenarie se sanatum
fuisse confitetur. »
(Ex Libro de miraculis Sanctorum Savigniacentium).
(i) L'auteur de cette note se trompe ici évidemment : Chalus était un chef
royaliste qui combattait avec du Bois^y.
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— 65 —
Bois et de TEpine. Ce fut là que du Boisguy attendit les trou-
pes républicaines venant de St-Georges-de-Reintembault et retour-
nant à Avranches. Ce champ présentait, en effet, une position avan-
tageuse pour Tattaque, à cause de sa situation et de son plan in-
cliné vers la route d' Avranches.
Le combat eut lieu, comme nous l'avons dit, sur le chemin de
Saint-Benoit à la Croix-Avranchin. Un vieillard nous a raconté,
d'après un témoin oculaire, que, le soir du combat, on enterra cent
ou cent cinquante bleus dans le champ appelé les Dotiaires, situé
sur le bord de la route, à la hauteur du village du Bois. On avait
fait dans la longueur de ce champ, qui mesure environ un hectare,
ce qu'on appelle vulgairement dans le pays un patoure^ c'est-à-dire
une tranchée formant haie et fossé, pour parquer un troupeau
de moutons. On élargit et on creusa plus profondément le fossé,
dans lequel furent déposés les cadavres. On trouve aussi, paraît-il,
de nombreux ossements dans les champs situés de Pautre côtéde
la route, en face celui des Douaires,
PIÈCES JUSTIFICATIVES'
I
Charte de fondation de la ville et du château de Saint-James (1).
Avril 1067. .
Quicumque hâc fragili et caducâ detinentur vitâ, oportet ut sem-
per habeant prae oculis discussionem judicii Dei omnipotentis, et
agant dum licet, ne in ipsius judicio inveniantur in sinistrâ parte
cum reprobis ; maxime quidem illos quos Dei providentia super
alios extulit, quia quantô ditiores et sublimiores sunt cseteris, tantô
ad bona opéra exequenda etad justa promptiores esse debent judicia.
Qu9e omnia perpendentes et secum sedulô pertractantes Richar-
dus, Normannorum dux, et Robertus frater ejus, pro redemptione
et sainte animarum suarum et antecessorum suorum contulerunt
(1) Les archives d'Orléans possèdent une copie de cette charte, d'après l'ori-
ginal, qui se trouvait à l'abbaye de Fleury -sur-Loire. Cenalis et le chanoine Gué-
rin la donnent aussi dans leurs ouvrages manuscrits. C'est le texte du chanoine
Gttérin, qui reproduit celui de Cenalis et des archives du Loiret, que nous publions.
Dom Martène a imprimé cette charte dans son recueil intitulé : Thésaurus novus
anecdotorum^ T. I, p. 196 ; mais le texte est fautif en plusieurs endroits.
5
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— 66 —
Deo et S. Benedicto ecclesiam S. Jacobi,quae iiiconfinioNoniianniae
et Britanniae sita est cum terra et aquâ eidem ecclesiae pertinenti.
Circa vero eamdem ecclesiàin ego Willeliïius, succesïîor eorum,
dux Normannorum etperDei misericordiam Angloriini rexeffectus,
bellis ingrueutibus, ob inese terrae defensionem, cura locus magis
idoneus ad id videretur, castellura extnixi.
Quo facto, milita illi quse ibi non pertinebant attribui, videlicet
leudam cum sanguine et teloneo, et mercatum de Cruce, pro quo
Radulpho abbati et monacliis de S. Michaele commutationem et
cambium dedi, et nundinas duas et pediaticum. Tria stagna cons-
truxi et bomines illos qui pro sua voluntate ibi manebant stabiles
esse feci.
Videntes autem monacbi S. Benedicti locum per me, Deo adju-
vante, nielioratum adierunt meam prîosentiam commnni concilio
capituli S. Benedicti, Hugo abbas etcseteri complures orantes et
humiliter deprecantes, ut medietatem illorum quae loco snpra-
dicto addideram illis donarem, eo pacto, ut et ipsi me in me-
dietateuï suorum colligerent, excepta ecclesià et oblationibus ad
eamdem ecclesiam pertinentibus, quae ipsorum erant et sunt. Ego
vero potitioni , eorum libenter adqnievi. Distinctio autem rerum
inter nos talis fuit, quod medietatem totius castri, scilicet ex mo-
lendinis, ex furnis, ex teloneis, ex pediaticis, ex nundinis, ex mer-
catis, ex omnibus justitiis, sive ex omnibus redditibus et consuetu-
dinibus, quse ex ipso castm, vel ex adjacentiis ejus accipiuntur, et
de omnibus ad hoc pertinentibus quae ibi meliorabuntur, medieta-
tem mihi retinui et medietatem illis dedi, ita ut ab hàc die et dein-
ceps perpétue) in jure et dominatione sit S. Benedicti et fratrum
Floracencis caenobii.
De stagnis vero tribus quae ibi feci, piscationem superioris mihi
retinui, piscationem medii stagni totam illis concessi, piscationem
vero tertii, mihi dimidiam servavi et dimidiam illis dedi.
De ministris vero hoc decrevimus, ut ministri S. Benedicti mihi
lidelitatem faciant, et mei ministri fidelitatem faciant S. Benedicto et
monachis.
Etquoniampro hoc facto magis quîerebam et desiderabam remn-
nerationem animje quam corporis, hoc mihi spoponderunt et hoc
ab ils nnmus exegi ut unâquàque hebdomadà, pro sainte et incolu-
mitate meà et uxoris meje et filiorum nostrorum et pro remedio
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— 67 —
aniniarum predecessorum et successorum meorum, missam unam
célèbrent et unum monachum vice mea (4) in monasterio S. Bene-
dicti habeant, et semper unum pauperem pascant. Orationes quo-
que et eleemosynas et bénéficia invita et post obitum mihi poliiciti-
sunt et pacti, non solùm in monasterio S. Benedicti, sed in caenobiis
et cellis Floriacensibus sibi appendiciis, et hoc mihi concesserunt
communi concilio abbas et omnes monachi.
Et ut hoc fiirmum atque indivulsum permaneat, signo annota-
tions meo subterfirmavi, uxoris quoque et filiorum nostrorum
adstipulatione firmari feci.
f Signum : W. régis Anglorum et Normannorum ducis. — f S. Ro-
BERTi, filii sui Normannorum comitis. — -j- S. Matildis,
conjugis suse. — f S. Ricardi, filii sui. — f S. Hugonis
DE GORNAIO. — f s. GeRALDI DE NOVO MeRCATO. —
f s. Stigandi, dapiferi. — S. Henrici de Ferreriis. —
f S. Rad. de Rodei. ~ i" S. Gilberti de Mananoth. —
-j- S. Rainaldi, j unions capellani. — S. Hilgeri.
Actum publiée apud Rodolium supra Auduram fluvium, mense
apriii, anno ab Incarnatione Domini millesimo sexagesimo septimo,
régnante rege Philippo, anno nono.
II
Lettre de l'abbé Âraldus, au B. Achaxd, évêque d'Avranches.
Vers 1165.
Venerabili Domino et amico sua Achardo^ Dei gratta Abrincensi
episcopo^ Araldus^ ecclesiœ Beati Benedicti Floriacensis humilis mi-
nistère salùtem et dilectionem.
Sanctitas Vestra non ignorât quanta mala, quanta damna ecclesiae
et fratribus nostris de Sancto Jacobo contigere super discordiam
quae inter eos et presbyteros tamdiu extitisse diguoscitur. Nos
autem audientes illud Apostoli ubi ait : « Vince in bono malum, »
necesse putavimus ut aliqua lieret dispensatio per quam inter eos
pax et concordatio posset reformari. Concessimus igitur presbyteris
sextam partem majoris decimœ, quae est in frugibus ; medietatem
quoque aliarum decimarum et panum de Natali, de Pascha, de Pen-
tecosten, (de quibus omnibus nihil omnino pertinet ad presbytera-
tum) ; de centum quoque soiidis qui G. Grasso persolvuntur non
nisi ()0 reddent.
(1) Variante : « Vit» meae loco. »
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— 68 —
Hoc auteni eis concessimus in vita suâ, vel quandiu ipsi ecclesiani
iilam tenuerint ; quam tamen pactionera auctoritate vestrâ volumus
et precamur confirmari, ne ecclesia nostra propter hoc daranum
patiatur in posterum, videlicet, ne ista compositio personalis sit,
neque transeat de persona in personam, qnodque istis intuilu pacis
et concordiae concessimus, alius post eos non requiràt vel habeat ;
istisque defiinctis, vel ad conversionem venientibus, ecclesiae qui
successerit antiquum habeat presbyteratura. Vale.
(Coll. cum. originali). Carlulaire de Saint-Benoît-sur-Loire (pp.
403, 404). Cette charte, dont la date n'est pas indiquée,
est placée dans une réunion d'actes de 1244, 1218, 1231,
1230, 1233).
III
Littera Pétri, ducis Britannis, de pactionibus matrimonii inter
Tolandim filiam suam et Johannem fratrem régis Francia contrahendis.
Mars 1227.
... Prseterea sciendum est quod idem dominus meus rex Ludovicus
dédit niihi et concessit Sanctum Jacobum de Bevron cum pertinen-
ces suis ad usus et consiietudines Normannie, et Belesmum et Per-
reriam cum foresta et feodis et aliis pertinenciis ad usus similiter
et consuetudines terrae mihi et meis heredibus perpetuo possidenda,
tali si quidem modo quod neque in hiis que hereditarie neque in
hiis que ad tempus tenere debeo poterimus ego vel heredes mei
novas facere fortericias neque veteres inforciare, et salvis in omni-
bus hiis feodis et elemosinis et donis que facta sunt in eisdem tem-
poribus retroactis, et salvo omni alieno jure; ita quidem quod, si
per jus perderem Belesmum et Perreriam cum foresta et aliis perti-
nentiis, redditus castri Belesmi et Perreriae, sicut et tenet dominus
rex ad presens, modo appreciabuntur et venditio boscorum similiter
et valor redditus omnium predictorum mihi assignaretur in terra.
Sciendum est autem quod ego Yolendi filie mee, quam débet, sicut
predictum est, ducere in uxorem prefatus Joannes, frater domini
régis, dedi et concessi in maritagium Braiam cum universis ejus
pertinenciis, ad usus et consuetudines Francie, et Castrum Celsum
et quidquid justo modo acquirere potero in Andegavia, et Sanctum
Jacobum de Bevron et Perreriam et Belesmum cum suis pertinenciis,
salvo eo quod bec omnia tenebo toto tempore vite mee.
Actum Vindocini, anno Domini, M» CC« vicesimo sexto, mense
raartis. (Layettes du Trésor des Chartes^ T. II, n<» 1922).
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— 69 —
IV
Traité de Paris entre Saint Louis et Pierre de Dreux, duc de Bretagne.
Décembre 1234.
Ego Petrus, dux Britannige, cornes Richemontis,notumfacio, etc.
quod ego charissimo domino meo Ludovico, régi Francorumiliustri,
et dominae reginae illustri matri ejus, bene et fideliter serviam et
ebs juvabo bona fide contra omnem creaturam quae possit vivere et
mori, et quod non de me, non de filio meo, vel de filia mea, vel de
aliqua alla re in mundo, aliquam colligationem et confsederationem
faciam, vel fieri permittam pro posse meo, per matrimoniura, vel
alio modo cum rege Angliae, vel cum Richardo fratre suo, vel cum
aliquo alio de suis, vel cum aliquibus aliis, qui eumdem dominum
regem aut regnum suum guerrearent, vel cum ipso treugam habe-
rent ; et eidem et haeredibus suis et dominae reginse, matri ejus,
semper fideljter adhaerebo.
Praîterea ego quietavi et quieto* in perpetuum eidem domino
régi et haeredibus suis castrum Sancti Jacobi de Bevron firmatum
sicuti modo est, et quidquid de dono ejusdem domini régis in
comitatibus Cenomanensi et Andegavi habeamus, et castra Belis-
tarum et Petrarum cum eorum pertinantiis, tali modo, quod nec
ego, nec hseredes mei in eis aliquid de caetero reclamabimus, nec
poterimus reclamare. Et promisi quod eidem domino régi litteras
suas quas exinde habebam, infra instantem Nativitatem Domini
reddam. In cujus rei testimonium présentes litteras eidem domino
régi sigilli mei munimine roboravi.
Actum Parisiis, anno Domini millesimo ducentesimo trîcesimo
quarto, mense decembri.
(Dom Morice, Histoire de Bretagne, T. I, col. 1679.)
V
Le roi d'Angleterre Henri III se plaint au Pape Grégoire IX de Pierre
Mauclerc, duc de Bretagne, qui lui avait enlevé la ville de Saint-
James-de-Beuvron pour la donner au roi de France.
25 Février 1235.
Domino Papae salutem et debitam ac devolam in omnibus reve-
rentiam.
... Revertente autem comité ad partes suas et nobis per consi-
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— 70 —
lium suum iu terra noslra manentibiis, ciini a3stale sequenti congre-
gasset Rex Francise universum posse suum ad iiivadeudum lerrani
prsedicti coniitis, cum totis viribus nostris in succursum ejus ad
suum mandatum transfretavimus in Britanniam, non sine gravi
dispendio corporis nostri et jactura irreparabili magnatum et alio-
rum hominum nostrorum quos ibidem perdidimus. Cum ergo per
adventum nostrum ab ineursibus praedicti Régis Franciae deffensus
extitisset et securus, et ipso Rege sine obtentu propositi sui ad
partes suas revertente, velîemus similiter ad terram nostram redire,
de concilio suo convenit inter nos et memoratum comitem Britan-
niiE, quod ad tenendum ei milites et servientes, quamdam summam
pecuniae daremus eidem per annum, tempore guerrje, et aliam
summam pecunise, si contingeret int(3r regem Francise et nos tune
treugas inirî, sicut factuni est ; quod quidem sine omni defectu ei
plene perfecimus.
Novissime vero cum, instante fine treugarum inter ipsum Regem
et nos,essemus requisiti ab ipso comité de militibus et servientibus
mittendis in succursum suum et ad castrum nostrum S. Jacobi
super Bevronem, quod fuit in manu sua de Baliio nostro munien-
dum, (et pro quo nobis reddendo, cum venissemus in Britanniam,
ei dederimus duo millia marchorum), gratanter annuimus ejus peti-
tioni, destinantes ad eum dilectum et fideiem nostrum Amauricum
de Sancto-Amando, senecallum nostrum, cum numéro militum et
servientium quem ipse comes petierat. Quos postquam ad placituni
suum retinuerat ad nos remittcîiis, sub simulatione parcendi sump-
tibus nostris, nunciavit nobis quod castrum prîedictum salvo custo-
diret ad opus nostrum.
Insuper ad mandatum ejus nobilem H. de Truville, senecallum
nostrum Wosconiœ, cum multitudine armatorum ad eum misimus,
qui strenue et potenter suae instabat defensioni ; in cujus eliam
piaîsentia et prsedictorum nuiltitudinis amiatorum juravit super
verum corpus Christi, quod nec pacem cum Rege Franciae faceret
nec etiam cum eo tractatum liaberet. Licet quidem ipse comes, ut
praediximus, nullum in nobis repererit defectum, inio juxta con-
ventionem inter nos habitam et ultra ei semper satisfecerimus per
finem quem cum eo fecimus, singulis vicibus quibus propter hoc ad
nos venit, vel misit, et idem adhuc facere pro viribus nostris esse-
mus paratij cum omni injuria, sua spreta fidei suse religione et
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— 71 —
sacraiiiento de fideli servitio nobis praestito, si\e eo quod nos diffi-
deret, vel aliquid nobis raandaret, a nobis recessit et Uegi Franciai
adhêesit homagiuni ei faciens et reddens eideni, ad exheredationem
nostrara, praedictuni castruni S. Jacobi, et Castrum-Celsum quod
Theobaldus Crespin tenuit de nobis de comité Andegavensi, et Cas-
truni de Moroeil, quod est de coniitatu nostro Pictaviae. Ne igitur
super prsemissis rei verilas vos lateret, vel ne per alicujus sugges-
tionem minus vere dicani crederetis aliquatenus dictuni comiteni
per deffectum nostriim a nobis recessisse, prœmissa Vestrœ Sancti-
tati feriatim duximus intimenda supplicantes attentius, quatenus
ipsum comitem ut ad servitium nostrnm et fldelitatem nostrani
redeat et super pecunia a nobis recepta et castris prsedictis per
ipsum Régi Franciic liberatis nobis satisfaciat per censurani eccle-
siasticam eoherceatis. Teste rege apud West. Monaslerium, 25 die
februarii.
(Rimer, T. I, p. 335. — Dom Morice, Histoire de Bretagne, T. I
des Preuves, p. 898, 81)9).
VI
Joannes, dux BritanniaB, castrum de Bevrone et quaBdam alla domino
régi in perpetuum concedit.
Avril, après Pâques, du 4 au 20, 1238.
Ego Joaunes, dux Britanniai et cornes Richemontis, notum fado
omnibus tam presentibus quam futuris quod ego karissimo domino
nieo Ludovico, régi Franciîe iliustri, et beredibus ejus quietavi in
perpetuum et quito castrum Sancti Jacobi de Bevrone, quod ipse
karissimo patri et domino meo P. (Petro), tune comiti Britanniae,
dederat et beredibus ejus, et idem dominus et pater meus illud
eidem domino régi tradidit et quitavit. Belysmum etiam et Perreriam
cum omnibus que idem dominus rex eidem patri meo in partibus
illi&sibi et beredibus dederat, eidem domino régi et beredibus ejus
in perpetuum quitavi atque quito.
In illis etiam que dominus rex in comitatibus Andegavensi et Ce-
nomanensi eidem domino et patri meo ad tempus contulit nichii
penitus reclamo nec reclamabo, promittens et per présentes litteras
confirmans quod in omnibus supradictis vel in eorum pertinentiis
que jam dicto patri meo sive ad tempus sive hereditario fuerunt col-
lata, nicbii omnino ego et herodes mei de cetero ullo unquam tem-
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— 72 —
pore reclamabimus vel poterimus reclamare. Preterea cum supra-
dictus patermeus litteras illas, quas de dictis donationibus habebat
sepe dicto domino regiinfra certum terminum, qui jam elapsus est,
reddire debuerit et eas non reddiderit, quia invenire non potuit,
promisi domino régi, tanquam domino meo ligio, quod pro posse
meo et bona fide ad predictas litteras inveniendas laborabo diligen-
ter, et si inveniri potuerint, eidem domino régi vel domine mee
regine, matri ejus, vel ejusdem domini régis heredi sine diffiçultate
et dilatione restituam easdem.
Volo etiam et concedo ut, si forte tempore aliquo predicte littere
invente fuerintvelalicubi aliquando exhibite,nullius omnino virtu-
tis sint vel vigoris et penibus irrite sint et inanes et mihi vel here-
dibus vel successoribus meis nichil possint afferre commodi, nec
eidem domino régi vel heredibus vel successoribus ipsius aliquid
afferre valeantnocumenti. Ego autem in presentia supradicti domini
mei régis, super sacrosancta juravi me omnia supradicta intègre et
flrmiter servaturum, nec contra vel per me vel per alium uUo
unquam tempore me venturum. Quod ut firmum sit et stabile in
perpetuum presentem paginam sigilli mei munimine roboravi.
Actum apud Pontisaram, anno Domini M« CC« tricesimo octavo,
mensi aprili.
(Layettes du Trésor des Chartes, T. Il, N^ 2705).
VII
LitteraB Fetri de Brena super quitatione castri de Bevrone et aliis.
Avril, après Pâques, du 4 au 20, 1238.
Ego Petrus de Brena, miles, notum facio omnibus tam presenti-
bus quam futuris présentes litteras inspecturis quod, cum per
pacem quam cum karissimo domino meo Ludovico, rege Francie
illustri et cum karissima domina mea Blancha, regina Francie
illustri, matre ejus, feci Parisiis, anno Domini M« CC® tricesimo
quarto, mense novembri, eidem domino régi reddiderim castrum
Sancti Jacobi de Bevrone, quod mihi dominus rex et heredibus
meis dederat, et ipsi et heredibus suis in perpetuum quitaverim,
et preterea quidquid idem dominus meus rex michi dederat ad
tempus in comitatibus Andegavensi et Cenomanensi ; et insuper
Belysmum et Petrariam cum pertinentiis eorumdem, in omnibus que
de dono ipsius inpartibusiliis habebam, que et heredibus meis dede-
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— 73 —
rat, eidem sepedicto domino régi et ejuslieredibus quitaverim in per-
petuum et ipsi promiserim me litteras illas, quas super donationibus
predictorum habebam ab ipso, infra certuni tempus et determinatum
quod jam elapsum est, redditurum eidem, nec dictas litteras adhuc
invenire potuerim, licet ad hoc laboraverim diligenter, ad securi-
tatem majorem per présentes recognosco litteras me predictarum
rerum omnium quitacionem fecisse et adhuc pro me et heredibus
meis predicta quito omnia, ita quod ego vel heredes mei in predic-
tis nichil omnino de csetero reclamabimus nec possumus reclamare,
promittens insuper eidem domino régi, tanquam domino meo ligio,
quod pro posse meo et bona flde ad predictas litteras inveniendas
laborabo diligenter, et si inveniri potuerint eidem domino régi,
heredi sine omni difficultate et dilatione restituam easdem.
Volo etiam et concedo, ut si forte tempore aliquo... (Vide supra).
(Layettes du Trésor des Chartes, T. II, N« 2706).
VIII '
Rentes de l'Abbaye du Mont Saint-Michel dans le val du Beuvron.
Septembre 1270.
Anno Domini millesimo ducentesimo septuagesimo decimo, mense
septembri, factus est rotulus iste de redditibus pertinentibus ad
manerum de Ardevone per homines juratos et diligenter inquisitos.
Sciant omnes quod omnes isti redditus ponuntur in rotulis ad turo-
nenses
Vallis de Beuvron,
Guillelmus Elemosinarius, pro horto suo ante molendinum Dilu-
.vii, duos solidos.
Mattheus Morel, pro feodo de mota, duos solidos.
eolinus Brito, decem denarios, pro furno.
Gaufridus Rubin, pro quadam domo pertinenti, duos solidos sex
denarios.
Joanna, filia Johannis Bruault, pro hebergemento suo, duos soli-
dos.
Joannes Primogenitus, pro hebergemento suo, duos solidos.
Joannes Primogenitus, pro molendino de Burgo, quinque solidos
quatuor denarios.
Guillelmus Guitton, pro molendino Pétri, duos solidos octo de-
narios.
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— 74 —
Jlobilius Moiiachus, pro molendino Bru6lé, trigenta duos denarios.
Michael Preposilus, pro molendino Déluge, Ingénia duos denarios.
Petrus Jordani, pro molendino Juette, quinque solidos quatuor
denarios.
Dorainus Rex Francie per manus prepositorum Sancti Jacobi de
Bevron, pro molendino de Prateo, quinque solidos quatuor dena-
rios.
Nicolaus Leduc, pro quodam hebergemento, novem denarios
obolum.
Guillelnius Hillequin, pro hebergemento, novem deceni dena-
rios.
Guillelmus de Mota, duos solidos, pro hebergemento suo.
Galterius Hagonis, pro hebergemento suo, duodecim denarios.
Michael Prepositus, pro hebergemento suo, très solidos.
Dominus Gautherius d'Atré, pro quodam hebergemento, duos
solidos.
Gautherius Hepanel, pro hebergemento suo, sexdecim denarios.
Joannes Anglicus, pro quodam hebergemento, vigenti unum de-
narios.
Guillelmus Hagonis, pro quodam hebergemento, duodecim soli-
dos.
Joannes Aies, pro quodam hebergemento, duodecim denarios.
Odo Pichon, pro hebergemento suo, très solidos quatuor dena-
rios.
Gautherius Moaudon, pro hebergemento suo, septem denarios.
Robert Hay, pro hebergemento suo, très solidos et residentiam.
Gaufridus Guitton, Guillelmus Guitton, Rodulphus Lecoq, pro*
tenementis suis des vallées de Bevron, vigenti sex solidos.
Summa censuum : sexaginta unum solidos etdecem denarios (î).
Et sciendum est quod si aliquis hominum de valle de Bevron
haberet tredecim bidentes résidentes in feodo suo, quod solveret
pro eisdem octo decem denarios, et si non haberet tredecim non
solveret nisi pro una quaque unum denarium, et si haberet centum
non solveret nisi octo decem denarios.
(Archives de la Manche, Série H, Abbaye du Mont Saint -Michel).
(\) n y a une erreur dans le total, qui devrait être de 9i« 8«^,4après les sommes
partielles indiquées.
i.
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— 75 —
IX
Lettres de rémisssion accordées
par Charles V à Guillaume Le Bouc, de Saint-James.
Mars 1359.
CuAKLES aisiiê fils, etc., etc.
Savoir faisons à tous preseiis et avenir que de la partie Guillot
le Bouc, de la chastelienie de Sainct Janie de Beuron, nous a esté
signifié que comme Jacques Tireton, Angloys, eust été prins comme
Angloys et ennemi de Mon^, de nous et de la couronne de France
par Mess. Guillaume de Miclielion, chevalier, lors bon et loyal
françois, qui le tint prisonnier un an ou environ avant qu'il se ran-
çonnast audit chevalier, et depuis qu'il ot paiée sa rançon se maria
en ladite chastelienie de Saint Jame de Beuron, et jura estre bon et
loyal françoys, et se tint commefranço>s par aucun temps ; et après
ce, eu revenant à sa première nature, s'en ala demourer en la ville
d'Avranches avec les Navarroys, lors ennemis de N''^^ dit seigneur,
de nous et de la couronne de France; et depuis a fait et porté
moult de dommages à nos bons et loyaulx subjets et pris par deux
foiz ledit Guillot Le Bouc, qui estoit et a esté touziours bon et loyal
françois, et li fist souffrir moult de paines et le mist a grant rançon,
pour lesquelles paier ledit Guillot, son père et plusieurs de ses
amis sont mis a pouvreté et aussi comme essiiliez. Et après ce
que l'accort fut fait nagaires entre nous d'une part et notre très
chier et amé frère le Roy de Navaire d'autre, ledit Jacques et plu-
sieurs autres ses complices alaient pillier en la terre de Fougères,
qui est à Mon« d'Alençon, et ledit Guillot Le Bouc, Guillemet Rumilly,
Colinet Menard, autrement dit Chouet et Jehannet dessus le Lair,
d'une part, et ledit Jacques et ses compaignons d'autre, s'entre
trouvèrent en tele manière que ledit Jacques et quatre ou cinq de
ses compaignons furent mis a mort par lesdiz Guillot, Guillet, Co-
linet et Jehannet.
Et pour ce que ledit Jacques auroit esté par aucun temps fran-
çois, et que il et ses compaignons dessus diz ont esté mis a mort
depuis ledit accord fait entre nous et ledit Roy de Navarre, ledit
senefiant se doubte que a l'instigacion d'aucuns ses malveillans ou
autrement ne peust estre suis ou approchiez par aucuns noz justices
ou autre souz couleur dudit fait, jasoit ce que ledit Jacques Tireton
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— 76 —
et ses coiupaignons feussent pilleurs et que, depuis ledit accort, ils
eussent pillé sur le plat pais ce que ilz pouvoient trouver, sy nous
a supplié ledit segnefiant que sur les choses dessus dites nous li
vueillons pourveoir de remède gracieux.
Pourquoy nous considérées les choses dessus dites, etc.
Donné à Paris, l'an de grâce MCCCLIX, au mois de mars. Signé
par Mons' le Régent, à la rellation du Conseil (4).
N. LEGR0&.
(Arch. Nat., JJ, 87, p. 455, recto.)
X
Le roi Jean Le Bon accorde ans habitants de Saint-James deux deniers
des douze deniers leyés pour sa rançon, afin de leur aider à fortifier
et à défendre la Tille.
27 mars 1362.
Jehan par la grâce de Dieu Roy de France,
A touz ceulx qui ces présentes lettres verront, salut.
Comme de la partie de nos bien amez les bourgeois et habitanz de
Saint Jame de Buron, ville fermée, nous a esté donné à entendre
que pour cause des guerres qui ont esté ou pais, ilz ont fait grans
mises et despens pour la fortiflcacion de ladite ville et pour aidier
à la garder, dont ils sont tenuz à plusieurs personnes. Et encores
de présent et nécessairement leur faut faire grans mises et despens,
tant pour la fortification que pour la aidier à garder, que faire ne
pourroient senz notre aide et grâce, si comme ilz disent en nous
suppliant humblement que de notre grâce nous veille plaire leur
donner et octroyer deux deniers des douze deus pour livre, qui ont
et auront cours en la dite ville pour cause de notre délivrance, pour
aidier à supporter les fraiz dessus diz.
Savoir faisons que nous en considération aus choses dessus dites
inclinant à leur supplication avons octroyé et octroyons de grâce
especial par ces présentes aus diz bourgeois et habitans de la dite
ville les deux deniers de l'imposition des douze deniers par livre
qui ont et auront cours en ycelle ville jusques à un an à comp-
ter du premier jour de feuvrier jusques à l'an révolu que nous
leur oclroyasmes les deux deniers dessus diz pour l'année pas-
(1) Charles V accorda de pareilles lettres de rémission à Guillaume de Rominy,
à Nicolas Menard et à Jean dessus-le-Lair.
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— 77 —
sée, comme dis est. Et donnons en mandement par ces mesmes
présentes à nos amez et feaulx les Généraux trésoriers sur le fait de
notre délivrance que de tout ce qui sera levé et receu des douze
deniers dessus diz en la dite ville, durant le temps dessus dit compté
et rabatu avant toute autre mise, fraiz et remissions, si aucunes
en faisons, et pertes par deffaut de plegence, si aucunes y en avoit,
ilz baillent senz contredit aus diz bourgeois et habitans ou à leurs
députez les diz deux deniers de sur les diz douze deniers qu'ilz re-
cevront ou feront recevoir, si comme dessus est dit, sans aucun
delay ou empeschement, pour tourner et convertir en ce que dit est.
En les faisant jouir et user de notre présente grâce voulons que tout
ce qui baillié leur sera pour ladite cause soit alloué es comptes du
receveur ou de celui ou ceulx qui paie et baillié l'auroient par noz
amez et feaulx les gens de nos comptes à paier senz contredit ou
difficulté aucune.
En temoing de laquelle chose nous avons fait mettre notre seel à
ces présentes lettres.
Donné à Paris, le XXV1I« jour de mars, Pan de grâce mil troiz
cens soissante deux, soulz le seel de notre chastellet de présent en
absence de notre grant.
(Arch. Nat., K. 48, n^ 29).
XI
Lettres de rémission accordées par Charles V à Jean Paynel, capitaine
de Saint-James, qui ayait chassé du château de ladite ville le
châtelain Thomas Pinchon, grand bailli du Gotentin, sa femme et
ses gens soupçonnés d'être favorables au parti anglais.
Août 1358.
Charles, etc..
Savoir faisons à touz présents et avenir que exposé à nous de la
partie de Messire Jehan Paienel, chevalier, capitaine de la ville de
S. Jame de Beuron, et des bourgeois et habitans d'icelle que na-
gueres eus aians presompcion et doubte que aucuns noz rebelles
et ennemis, allez de notre ennemi et adversaire le Roy de Navaire,
nommez Colin et Guillaume Avenel, frères de la femme de Messire
Thomas Pinchon, bailli de Costentin, naguères garde ou chastellain
de notre chastel de S. Jame de Beuron, avec les Anglois Navairois
et autres noz ennemis ou adversaires ne entrassent par la volenté
du dit Messire Thomas ou par la suggestion de la dite femme ou
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— 78 —
autrement ou dit chastel pour le occuper et tenir contre nous et
grever nous et nos subgez de la dite ville et du pais d'environ ;
mesmement que ja auroient les diz exposants requis ou fait re-
quérir au dit Messire Thomas et à ses gens qu'il preist des gens
d'armes, escuiers, gens de pié et bourgeois pour la garde du dit
chastel, dont il furent refusans, ils entrèrent de fait et par force
ledit chastel et l'ont tenu et gardé et se exposent de jour et de nuit
pour le tenir, garder et deffendre contre noz diz ennemis pour nous
et en notre nom, et déboutèrent et misrent hors du chasteau led.
Messire Thomas, sa dite femme et ses gens, qui par présomption et
commune renoméedu pays sont plus favorables à notre dit ennemi
que à nous.
Et de bien et loyaument garder ledit chastel et deffendre pour
nous donnèrent foy et serment vers nos amez et féaux chevaliers,
Messire Henri de Tieuville, maistre de notre hostel, et Messire
Henri de Colombières, commissaires de par nous à visiter les for-
teresses des baillages de Caen et de Constantin, lesqueux commis-
saires leur promirent leur faire remettre quitte et pardonner par
nous tout meffait pour ce encouru, ou paine ou amende, se aucune
y escheoit »
Charles V donne pleine et entière rémission à Jean Paynel et à
ses vaillants compagnons et veut qu'ils gardent et défendent doré-
navant le château^ « selon les constitutions et ordonnances que par
noz lettres avons ordonné. »
Donné à Paris, l'an MCCCLVIII, au mois d'aoust. — Signé par
Mons^ le Régent.
JULÏANrS.
(Arcli*. Nat. JJ.87, N"61).
XII
Lettres qui portent que la ville et chastellenie
de Saint-James de Beuvron ne seront jamais séparez de la Couronne.
Avril 1361.
Charles ainsné fils, etc.,
Savoir faisons à tous présens et avenir nous avoir receue et
entendue la supplication à nous faite , à grant humilité , de la
partie de noz bons, vrais et loyaulx subjectz les bourgeois et habi-
tans de noz ville et chastellenie de Saint Jame de Beuvron, conte-
nant comme nostre dite ville et chastellenie soient de l'ordenance
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— 79 —
et assiettes d'icelles, assises sur et en frontières et niarcUées de
plusieurs païs tant par terre que par mer ; c'est assavoir de Bretai-
gne, du Maine, en circuité de toutes parties de plusieurs villes,
chasteaux et forteresces appartenant à présent à plusieurs, et soubz
diverses seigneuries etjurisdiction non subjettes à nous sans moyen.
— Et soit ladite ville porte et aussi comme clef et entrée de nostre
duchié de Normandie par devers les parties et païs dessus diz, et
dedens lesquelles ville et chastellenie sont assis et enclavez plu-
sieurs nobles fieux, tenuz en haute et souveraine justice de nous,
et en moïenne et basse de plusieurs seigneurs, lesquels par privi-
lèges anciens de nos très chers seigneurs, qui ont été roys de
France et dux de Normandie, ont été et sont adjoins et unis, réser-
vés et annexez au droit, honneur, juridiction et seigneurie entière
de la couronne de France, en tele manière et par tielx privilèges et
possessions obtenues sur ce qu'ils n'en pevent estre ne oncques ne
furent séparez, combien que long temps a, aucune assiettes, trans-
pors ou eschanges de terre aient été faites de la dite ville et chastel-
lenie au duc de Bretaingne et à autres ; lesquelles par vertu des
dits privilèges et soubz couleur d'iceux, et pour le proufit et seureté
du pais, ont été annullés et réunies au demaine royal et nostre, si
comme de fait est nagaires apparu et appert; et se du demourant
ladite ville et chastellenie non ainsi réservées et privilégiées, comme
dit est, aucuns transpors ou assiettes estaient faiz dores-en-avant
hors de notre main, obéissance, seignourie et demaine, plusieurs
grans inconveniens, discentions et dommages irréparables s'en
pourroient ensuir à nous, aus dis supplians et au païs, tant en
temps de guerre que es revenues et proffiz desdites ville et chas-
tellenie en moult de manières; et pour eschevir aus perilz, inconve-
niens et dommages dessus diz, et aussi pour la grant affection et
vraie amour que les diz supplians ont et veulent tous temps avoir à
monseigneur et à nous, pour vivre en pais et transquillité, et estre
deffenduz et gardez souz nous et notre poissance, comme eulx et
leurs ancesseurs ont touzj ours esté, de toute adversités et poissances
indeûes, remembrans des grâces, subsides et confors que ils ont
trouvées à nous à leurs requestes et besoings, nous, yceulx sup-
plians et leurs successeurs avec les dites ville et chastellenie, en-
semble les drois, justices et seignourie d'icelles, tant en fieux,
arrière-fieux , droiz de bourgoisie, que en quelconques autres
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— 80 —
seignories, jurisdiction et cognoissances à nous appartenans siir
les dis siipplians, tant en leurs personnes que en leurs biens, veui-
llons retenir perpetuelement et sanz séparation à nous et à nostre
demaine et jurisdiction sans moyen.
Pour ce est-il que nous considérées et entendues les choses des-
sus dites, eue bonne et meure deliberacion sur ce à noz amez et
feaulx les genz de nostre grant conseil et de la chambre de nos
comptes, yceulx bourgeois et habitans, leurs hoirs et successeurs,
ensemble ladite ville et chastellenie, tant en chief que en membres,
fieux, arrière-fieux, vavasSouries, droiz de bourgoisie et autres
teneures, possessions, usaiges et libertez acquises ou à acquérir,
avons retenu, réservé ou annexé, et par ces présentes de grâces
especial et auctorité et de nostre pleine puissance, retenons, reser-
vons et annexons perpétuellement et sanz division, transport ou
séparation faire sur ce, pour le temps avenir, à nous, à notre pro-
pre demaine, souveraineté, jurisdiction, obéissance et seignorie, en
tout cas et en toutes choses, droiz et souverainetés dont noz prédé-
cesseurs et nous avons esté et sommes saisis de fait, de droit et
d'ancienneté sur noz diz bourgeois et habitans et es ville et chastel-
lenie dessus dites à estre dores-en-avant gouvernez en toutes juris-
dictions comme nos subjez sans moyen par noz baillis et vicontes
presens et avenir, chacun en tout comme à lui appartiendra, et en
la manière accoutumée d'ancienneté, sanz jamais estre mis hors de
nostre main et obéissance, ne baillées ou tournées en assiette à;yie,
à temps ou à héritage à quelque personne que ce soit.
Et afin que ce soit ferme chose et estable pour le temps avenir
nous avons fait mettre nostre scel à ces présentes, sauf en autres
choses nostre droit et l'autrui en toutes.
Donné à Paris, l'an de grâce mil trois cens soixante et un, au
moys d'avril. Ainsi signé par Monseigneur le Duc, auquel Nous et
les gens des comptes estiez.
B. JOBELIN.
(Secousse, Ordonnances des Rois de France, T. II, p. 490).
V. MENARD
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SAINT ORTAIRE
Mettons préliiniiiAires et critiqueM.
La vie de saint Ortaire a été écrite à une époque ancienne. Celle
que nous possédons rappelle un siècle moins éloigné, mais qui est
antérieur à l'élévation des reliques du saint. Un prédicateur domini-
cain la trouva en 4630 dans l'église d'Etavaux, arrondissement de
Caen, canton de Fontenay-Salnt-Martin. Cette légende, d'après les
BoUandistes, n'était que la copie d'un vieux lectionnaire qui se
trouvait, comme on le pense, dans l'église de la Bazoque, arrondis-
sement de Bernay, canton de Thiberville (Eure). C'est dans ce lection-
naire que le Père Papebrock transcrivit non seulement la vie, qu'il
publia au 21 mai, et qui se trouvait déjà à Etavaux et à Landelles,
mais encore l'office du saint (1). Il en donna plusieurs répons qu'il
regardait comme des fragments d'une vie primitive. Nous donnons
ces répons à la fin du texte, bien qu'ils n'ajoutent rien de nouveau
aux faits déjà connus.
I. — La vie se résume ainsi : Saint Ortaire naquit de parents
nobles. Tout jeune il aimait à fréquenter l'église et les moines.
A l'âge de douze ans, il se livra à l'étude des lettres humaines; se
sentant alors un vif désir de mener une vie religieuse, il dit adieu à
ses parents et vint se retirer dans un monastère peu éloigné de
celui de Landelles. Il y brilla par son humilité, ses jeûnes et sa
grande charité pour les pauvres. Il remporta même de grandes
victoires sur le démon qui, jaloux de sa vertu, lui livrait de rudes
combats. Ayant été présider aux funérailles de l'abbé de Landelles,
dont le monastère était voisin du sien, les moines l'élurent pour
succéder au défunt. A cette nouvelle, il prit la fuite et alla se cacher
dans une grotte. Découvert, il reconnut la volonté de Dieu et accepta
le fardeau qui lui était imposé. Il se rendit remarquable par ses
(i) De Sancto Ortario ahhate, Landellis in Nonnannùe^ commentarium higtoricus,
apud Bolland, 21 maii, Tom, 18, pag. 37, nouvelle édition.
6
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— 82 —
austérités, ses miracles et le rachat d'un grand nombre de captifs,
à l'aide des offrandes qui lui étaient faites. Cette conduite lui attira
un nombre considérable de disciples. Animé d'une grande dévotion
pour la Sainte Vierge, il lui éleva, près de l'église abbatiale, une cha-
pelle dans laquelle il fut plus tard inhumé. Il atteignit un âge très
avancé et mourut doucement, le 15 avril, au milieu de ses frères,
après leur avoir donné ses dernières instructions.
II. — Cette vie ne donne aucun détail sur le lieu natal du saint.
Cependant, des traditions le font naître à Poilley, canton de Ducey,
arrondissement d'Avranches (1). D'autres prétendent que saint Or-
taire fut un des grands oncles des comtes d'Avranches (2). Ces as-
sertions ne sauraient guère être prouvées ; et en particulier la der-
nière ; car de quels comtes veut-on parler ? — Des comtes de l'é-
poque mérovingienne? Mais ils sont ignorés, si ce n'est peut-être
le seigneur Rodolphe ou le comte Gurvan qui devint plus tard duc
de Bretagne. Mais le premier est d'origine franque, l'autre est un
Armoricain qui ne fit que passer. Ils vécurent tous les deux au
IX*' siècle et ils ne sont connus, comme propriétaires dans l'Avran-
chin, que par l'histoire de la translation des reliques de saint Lau-
mer, conservée dans les Acta sanctoram de Mabillon. Veut-on parler
des vicomtes d'Avranches devenus comtes palatins de Chester? Ces
derniers descendent en ligne directe de Rollon ou de la famille royale
de Guillaume-le-Conquéranl, et ils n'apparaissent guère avant ie
XI« siècle. Descendus de laNorwège, on ne voit nullement comment
saint Ortaire aurait pu appartenir à leur race.
La seule cause qui ait pu donner lieu à cette tradition, qui du
reste ne paraît pas ancienne, même à Landelles, c'est que Hugues
Le Loup, neveu du roi d'Angleterre, vicomte d'Avranches et comte
de Chester, était en même temps baron de Saint-Sever et de Lan-
delles. Il faut avouer que cette raison est bien futile.
Une Vie de saint Ortaire imprimée à Saint-Lo, en 1708, fait
(1) L'abbé Desroches, dans ses Mémoires pour servir à Vhistovre ecclésiastique
de la province de Normandie et de celle de Tours , mss. de la bibliothèque d'A-
vranches, fin du 3^ volume. — M. Victor Brunet: La légende de samt Ortaire, p. 8.
— Saint Ortaire et l'église de la Bazoque, p. 6. — Du culte de saint Ortaire, p. %»
— Saint Ortaire^ abbé de Landelles et apôtre de la Basse-Normandie j p. 12.
(2) Vie des Saints du diocèse de Séez et histoire de leur culte, par M. l'abbé
Blin, curé de Durcet, T. I, p. 332. — M. Victor Branet, Saint Ortaire, abbé de
Landelles et apôtre de la Basse-Normandie, p. 56.
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— 83 —
naître le saint à Malloué, sans doute parce qu'il se retira dans une
grotte de cette commune quand les moines de Landelles voulurent
le prendre pour abbé. Cet argument paraît plus faible encore que
le précédent.
On peut maintenant se poser cette question : A quelle époque
vécut le saint abbé? Les Bollandistes ont pensé qu'il avait pu vivre
avant le VI« siècle.
D'autres, d'après M. l'abbé Pétin (1), le font mourir dans le VI« ou
dans le VIII® siècle. Les bréviaires de Coutances marquent en effet sa
mort vers 580 ; Toustain de Billy et Trigan le font vivre dans le VIII®
siècle. La fin du VI« ou le commencement du VII® siècle est peut être
l'époque la plus convenable où l'on puisse placer saint Ortaire, et
voici notre raison. Au temps du seigneur Gorbecène, saint Sever
fonda, près de la forêt qui porte son nom, une abbaye qui était alors
le seul monastère de tout le Val-de-Vire. Landelles, à huit kilo-
mètres de Saint-Sever, n'existait donc pas. Cette abbaye ne paraît
que plus tard, sans doute comme une fille ou succursale de la pre-
mière ; d'un autre côté, comme nos listes épiscopales et nos meil-
leurs historiens font mourir saint Sever vers 578, ce n'est pas trop
exiger que d'attendre la fin du VI® siècle pour y trouver la nouvelle
abbaye et son Supérieur saint Ortaire.
Ifl. — La légende ne dit pas dans quel monastère saint Ortaire
se retira. Nous savons seulement que ce monastère était près de
celui de Landelles. Or l'abbaye la plus rapprochée était celle de
Saint-Sever, et on ne peut en supposer d'autres dans ce Val assez
circonscrit. Il semble donc que c'est dans l'abbaye fondée par le
saint évêque d'Avranches que saint Ortaire dut se retirer. Et si ce
saint est né dans l'Avranchin, comme on l'a dit plus haut, on s'expli-
querait la prédilection d'Ortaire pour une abbaye fondée par l'an-
cien pontife de son diocèse. D'autres auteurs, mais sans preuves, sup-
posent qu'il se serait primitivement rendu à Landelles et en serait
ensuite sorti pour se retirer comme ermite, à deux kilomètres plus
loin, dans une grotte de la paroisse de Beaumesnil. C'est de là qu'il
serait venu pour présider aux funérailles de l'abbé de Landelles. Elu
ensuite par les moines de ce monastère pour succéder au défunt, il
aurait pris la fuite pour se rendre dans une autre grotte, à six milles
(1) Dictionnaire hagiographique ou Vies dea Saints et des Bienheureux, Tom, U,
col. 609.
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— 84: —
de l'abbaye (4). La tradition montre encore cette caverne dans la pa-
roisse de Malloué, à sept kilomètres de Landelles, et l'appelle toujours
la grotte de saint Ortaire. Elle s'élève sur la rive droite de la Vire, dans
un rocher qui domine une berge ardue et boisée ; son ouverture vers
le midi est d'un accès assez difficile, et l'intérieur offre à peine une
superficie de 2 mètres carrés. Dans la belle saison de nombreux vi-
siteurs viennent contempler cet affreux séjour où le saint coucha
sur la pierre nue. Aujourd'hui un moulin à eau coule au pied du
rocher.
IV. — Le monastère primitif de Landelles a complètement dis-
paru. On a simplement retrouvé un grand nombre de substructions
et de tombeaux en pierre dans le cimetière actuel et dans les envi-
rons, ce qui fait supposer que l'église paroissiale a été élevée sur l'em-
placement de l'ancienne basilique. Cette église offre trois nefs sans
déambulatoire autour du chœur. Les bas-côtés sont assez lourds,
mais l'abside est élégante. Elle est éclairée par trois fenêtres à dou-
ble lancette et aux tympans ondulés. C'est l'œuvre du XV« siècle.
Des deux chapelles qui existaient jadis des deux côtés de la basili-
que (2), l'une, celle de la Sainte Vierge, et dans laquelle le saint fut
d'abord inhumé, a disparu. La seconde, dédiée à saint Ortaire et con-
tenant ses précieux restes, avait été conservée. Nous l'avons vue en
assez bon état en 1862. Ravagée et presque détruite par les protes-
tants, en 1562, elle n'offrait plus un grand caractère d'antiquité, si
l'on excepte quelques pans de murs et le tombeau en graûit. C'était
un petit édicule rectangulaire à double toit. A l'orient se trouvait
l'autel surmonté, dans le pignon, par une simple fenêtre. Du côté
de l'Epître se voyait la statue du saint, sans aucun attribut (3). Au
nord, du côté de l'Evangile, on apercevait le cénotaphe. Un couver-
cle en bois avait remplacé celui qui était en pierre, et, avec sa ser-
rure, il ressemblait assez à un coffre fermant à clef. L'inscription :
(1) M. Buuet, ouvrage déjà cilé. — M. Bliu, Vies des Saints du diocèse de Séez^
article saint Ortaire.
(i) Le Livre Blanc du diocèse de Coutances, écrit vers 13^, sous le pontificat de
(juillanme de Thieville, parle ainsi de ces deux chapeUes et du B. Ortaire : « In dicta
parochia [de Landellis] suni duœ capellœ juxta ecclesiam sitœ, quarum una est de
Beatà Viryine; ibidem est alia in quà corpus Beati Hortarii jacet, et conjectœ sunt
dictœ capellœ ecclesiœ. »
(3) Avant les ravages des huguenots, existait une vieille statue représeutaut le
saint avec une crosse en forme de T, suivant l'usage des Orientaux.
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— 85 —
« Cy gist le corps de Monsieur saint Ortaire » n'existait plus. Mal-
gré ces mutilations et l'absence des reliques du taumaturge, la
chapelle était toujours visitée par de nombreux pèlerins,; mais elle
devait bientôt disparaître. Frappée d'alignement en 4854, par l'ou-
verture d'une route de grande communication de Saint-Pois à Mes-
nil-Bocage, on l'a détruite en 1880 et remplacée par une char-
mante ecclésiole gothique rappelant le style du XIV<^ siècle. Elle
comprend trois travées avec un riche portail surmonté de la statue
du saint et encadré entre deux clochetons fleuris. Sous l'autel,
dans le style de la chapelle, on voit le tombeau du Bienheureux.
V. — Pendant les invasions normandes, le corps de saint Ortaire,
comme celui de saint Sever, resta caché sous terre et sous les ruines
de l'abbaye. Lorsque la paix fut rendueàl'Eglise, les fidèles vinrent
de nouveau prier sur son tombeau. De nombreux miracles eurent
lieu, et, le culte du saint ayant été autorisé, on leva le corps pour le
transporter dans une chapelle qu'on érigea en son nom; de l'autre
côté du cimetière, vers le nord. C'est la chapelle qui a été détruite
en 1880. On ne sait trop à quelle époque se fit cette translation,
mais nous ne croyons pas qu'elle soit postérieure au XII® ou au
XIII» siècle, parce que c'est à cette époque que le culte du saint
prend une plus grande extension, comme le prouvent les anciens
lectionnaires ou offices du saint. Cette élévation des pieuses reliques
se fit dans les fêtes de la Pentecôte, le lundi 21 mai, et c'est en ce
jour que vinrent particulièrement l'invoquer les paralytiques, les
goûteux, tous ceux qui souffraient dans les articulations. C'est aussi
le lundi de la Pentecôte que dans ses chapelles, au pied des autels
qui lui sont consacrés, on lui afnène une foule d'enfants rachitiques
ou qui manquent de force, pour que le saint leur rende la santé (i).
Cette fête du 24 mai remplaça celle du 45 avril, et le lundi de la
Pentecôte fut le jour consacré aux pèlerinages.
VI. — La fête de saint Ortaire n'est pas ancienne dans la liturgie
de Coutances. Nous la voyons paraître, pour la première fois, dans
le bréviaire de Mgr de Matignon, imprimé en 4744. Le missel de
Robert Cenalis, évêque d'Avranches, en 4534, l'indique au 24 mai
et un supplément, en caractères gothiques, donne l'office en entier.
(i) Voir le Bréviaire de AJgr de Alatignon, imprimé en 1741. Ces leçons ont été
conservées sans changement dans le propre des saints du diocèse de Coutances,
imprimé en 1860.
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Le manuscrit trouvé à Etavaux en 1637 prouve que la fête de saint
Ortairey était célébrée depuis fort longtemps. Le bréviaire de
Saint-Jean de Falaise, écrit en 1468 et conservé à Tévêché de Séez,
suppose que, dans ce monastère, l'office du saint abbé de Landelles
remonte à une date reculée. Le vieux lectionnaire copié par le Père
Papebrock prouve aussi la haute antiquité de la fête du 21 mai.
Vn. — Les reliques de saint Ortaire ayant été brûlées par les
protestants en 1562, sont devenues excessivement rares. Nous ne
connaissons que celles qui furent données à l'église d'Avranches
avant cette époque. Déposées dans l'église Saint-Gervais de la même
ville, en 1792, elles y furent conservées jusqu'en 1864. A cette
époque, M. Gilbert, vicaire-général du diocèse de Coutances et
Avranches, obtint celte relique avec un fragment du chef de saint
Aubert. Dans une procession solennelle de la cité d'Avranches au
Mont de l'Archange, il les porta lui-même au Mont Saint-Michel,
rendu au culte, pour commencer le nouveau trésor de cette sainte
basilique. Nous pensons que c'est la seule relique de saint Ortaire
qui existe encore dans le monde.
Saint Ortaire ayant paru tard dans la liturgie diocésaine, n'est
cité dans aucun martyrologe. Godescard lui-même ne l'a pas connu.
Du Saussay est le seul qui en parle et encore le confond-il avec
saint Gautier de Pontoise (1).
Vin. — Une tradition, conservée dans une vie du saint publiée à
Saint-Lo en 1708, et dans le bréviaire de Coutances en 1741, nous
représente saint Ortaire parcourant les bourgs (2) et les villages en
semant la parole de Dieu. On dit même que le saint avait construit
un oratoire dans la forêt d'Andaine et qu'un certain nombre de
chapelles furent élevées en son honneur dans les différentes locali-
tés qu'il visita (3).
Nous ne connaissons pas d'église paroissiale sous le vocable de
saint Ortaire, mais plusieurs ont des autels et parfois des sanctuai-
res isolés et fréquentés des pèlerins. Qu'il nous suffise de citer :^
(1) Voir les Bollandistes, Vie de Saint Ortaire, Tom. 18 maii, p. 37.
(2) Inerat ei magn^um animarum salutis desiderium, cum popalos Tideret magnâ
adhuc ex parte simulacrorum cultui de<tito8, quibus, incitante Spiritu, verbo salu>
tis prsBdicato, quam plurimos, castra et vicos perambulando, pcrtrazit ad fidem.
(Bréviaire de Coatances, leçons de la fête da 21 mai).
(3) Vies des saints du diocèse de Séez, par M. Blin. Article de saint Ortaire.
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— 87 —
1" Dans le diocèse de Cou tances, la chapelle de la Mare, dans la
commune du Désert, canton de Saint-Jean-de-Daye ; elle est fort
ancienne et très visitée. Des autels ou statues du saint se trouveat
encore à Saint-Nicolas de Coutances, dans les chapelles des hos-
pices de Saint-Lo et de Périers, dans les églises de Montpinchon,
du Guislin, de Villebaudon et de Mesnil-Hue.
4» Dans l'ancien diocèse d'Avranches on cite les chapelles de la
Gigannière, en Saint-Clément; celle de Notre-Dame et de Saint-Or-
taire, à Saint-Denis-de-Cuves, et les églises de Poilley et de Saint-
Martin-le-Bouillant.
3« Dans le diocèse de Bayeux, saint Ortaire était le second patron
de la chapelle Saint-Clair, près Vire. Le saint avait aussi ses autels
dans les églises d'Estry, de Saint-Germain-l'Angot, près Falaise ; à
Etavaux, près de Caen, et jadis à l'abbaye de Barbery.
4» Dans le diocèse d'Evreux, l'église de la Bazoque, près de Ber-
nay, possède un autel très vénéré et remontant à une époque
ancienne. C'est dans cette église qu'on trouva le vieux lectionnaire
renfermant l'office et la vie du saint publiée par les Bollahdistes.
5» Dans le diocèse de Séez, on cite la chapelle de Beziers, dans
la forêt d'Andaine ; puis des autels dans les églises d'Ecouché, de
Mesnil-Goudouln, de Saint-Pierre-de-Montsort à Alençon, et dans
l'ancienne abbaye de Saint-Jean de Falaise.
Vie OU Actes de Saint Ortaire, abbé de Landelles.
Issu de parents nobles, Ortaire fit ses délices, dès sa plus tendre
enfance, de fréquenter assidûment l'église. Il se plaisait au monas-
tère, il aimait les moines, mais d'un amour beaucoup plus tendre
Notre Seigneur Jésus-Clirist. En effet, à l'âge de douze ans,
lorsque, tout jeune, il se livrait à l'étude des lettres humaines,
inspiré de la grâce divine, il dit adieu à ses parents et embrassa la
vie monastique. En peu de temps il fit de si grands progrès qu'il
devint pour ses frères un objet d'admiration. Dans le monastère où
il s'était retiré, il se livrait aux veilles et au jeûne; mais son
humilité surpassait encore tout le reste. Les aliments qu'il recevait
de l'économe, il les distribuait en cachette aux pauvres, et il lui
arriva parfois de se dépouiller de son vêtement pour couvrir leur
nudité.
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— 88 -
Le démon, jaloux de tant de vertus, assaillit le bienheureux Or-
taire de diverses tentations ; mais celui-ci rempoitait la victoire au
moyen du jeûne et de Foraison. Vaincu et ne pouvant le détourner
du service de Dieu, l'esprit du mal lui livra encore des combats
corporels ; quelquefois il le couvrait de blessures, dans d'autres
moments il lui apparaissait sous des formes extraordinaires et mons-
trueuses, afin de l'effrayer.
Mais parlons maintenant de l'abbaye de Landelles. L'abbé de ce
monastère étant sur le point de mourir, le bienheureux Ortaire fut
averti en songe d'aller rendre à ce père le dernier devoir, et lui
donner la sépulture. Au moment où il arrivait, il vit les chœurs
célestes descendre à la rencontre de celte sainte âme et l'emmener
au ciel avec une allégresse ineffable. Ortaire, l'homme de Dieu, se
rendit aussitôt à la cellule où le corps du saint abbé gisait inanimé.
Les frères chantèrent l'office des morts et il présida aux funérailles.
Après s'être acquitté de ce devoir, il regagna son monastère, lors-
que les moines, auxquels revenait le droit de se choisir un abbé,
l'élurent d'une voix unanime. A cette nouvelle, il s'enfuit, dans la
crainte qu'un tel fardeau ne fût trop lourd pour ses épaules, et se
cacha dans les rochers d'un escarpement, à six milles du monas-
tère. On le chercha, et, personne ne pouvant le trouver, il fut résolu
d'annuler l'élection. Mais pendant que les électeurs hésitaient,
incertains sur le choix, ils entendirent une voix céleste qui dit :
c< Dieu a choisi Ortaire, en ce moment il prie dans le rocher de la
montagne voisine; c'est là que vous le trouverez. » Des frères
furent envoyés à la montagne et Ortaire, connaissant la volonté de
Dieu, accepta virilement le fardeau.
Ainsi devenu abbé à l'âge de cinquante ans, on ne saurait expri-
mer le haut degré de sainteté auquel il s'éleva. Il évitait soigneuse-
ment les entreliens avec les femmes, comme la semence des vices.
Il était d'une si grande abstinence qu'il ne mangeait chaque jour,
disait-on, qu'une once de pain d'orge qu'il préparait lui-même. Il
ne buvait que de l'eau et encore une moindre ration chaque troi-
sième jour. 11 poi tait pour vêtement un sac et un ciliée et par des-
sous sa tunique, sur la chair nue, une chaîne pour ceinture. Sa
sainteté fut suffisamment attestée par des miracles. Une jeune fille
noble ayant les mains desséchées et les genoux débiles vint à lui ;
elle se prosterna à ses pieds et le pria de la guérir. Le saint
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tomba à genoux devant Dieu et se mit en prière. Puis se relevant,
il fit une onction d'huile bénite sur les mains et les genoux de la
jeune fille; celle-ci, par un effet de la bonté du Christ, fut aussitôt
guérie. Plus tard il délivra si bien une femme de la lèpre, ^ont
sou corps était couvert, qu'il ne resta pas même de traces de Tinfir-
mité. De tels miracles accrurent la renommée du saint homme,
son nom fut connu dans toute la contrée et il y devint lui-même
en singulière vénération. Aussi beaucoup de personnes dirent
adieu au monde et vinrent se ranger sous sa discipline.
Il était animé d'une tendre dévotion envers la Sainte Vierge
Marie ; aussi il lui éleva une belle chapelle auprès de son monas-
tère. Là il rendit la vue à des aveugles, l'ouïe à des sourds, la faci*
lité de marcher à des boiteux et guérit une multitude d'infirmes par
l'invocation du nom du Christ. Il racheta un grand nombre de captifs
au moyen des oblations de ceux qui faisaient des vœux. Il était tel-
lement enflammé du zèle du salut des âmes, qu'il convertit à la foi
une multitude d'infidèles. C'est en pratiquant ces vertus et en accom-
plissant ces œuvres que le bienheureux Ortaire arriva à l'âge de la
vieillesse.
Il avait atteint sa quatre-vingt-dix-huitième année lorsque, re-
connaissant que la fin de sa vie était arrivée, il se retira pour prier
dans son oratoire consacré à la Très Sainte Vierge Marie. Là,
après les dernières douleurs et au milieu de ses frères, qu'il avait
convoqués, il s'envola vers le Seigneur le XVll des calendes de
mai [15 avril] en exhortant ceux-ci à la pratique de la charité,
de la piéfé et des autres vertus. H laissait après lui le souvenir
des miracles qu'il avait opérés et il fut inhumé dans ce même ora-
toire.
Il serait beaucoup trop long d'exposer un à un les miracles que le
Seigneur a daigné opérer par l'intercession de son serviteur, car un
grand nombre de démoniaques ont été délivrés près de son tombeau,
et tous les infirmes, qui y sont venus prier avec piété et la ferme
volonté d'être guéris, s'en sont retournés exaucés. Il se fait chaque
année, ce même jour. XVII® des calendes de mai, un grand con-
cours de pèlerins à ladite chapelle, et on assure que les goutteux
qu'on y mène reçoivent le soulagement par l'intercession de saint
Oïlaire.
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- 90 -
Fragjnent d'une vie primilive de Saint Ortaire, tiré de l'office
du Saint.
Knflamiué de raïuour de Jésus-Christ par dessus toutes choses,
le bienheureux Ortaire dit adieu à sa famille et se retira de bonne
heure dans un monastère. Par l'inspiration du Saint-Esprit, il se
jeta aux pieds de l'abbé et lui demanda très humblement Thabit.
L'abbé, convaincu de la sincérité de son cœur, le reçut au nombre
des moines et l'instruisit comme un bon père instruit son fils.
Le Bienheureux Père Ortaire, revêtu du saint habit de la religion,
s'élevait de jour en jour davantage dans le divin amour et surmon-
tait, au moyen du jeûne, les cupidités terrestres. Il s'accoutuma à
garder le silence, au point de ne le rompre que par nécessité. Il
mandait tous les pauvres par lettre et leur donnait l'aumône en se-
cret ; jamais un pauvre ne s'en est allé d'auprès de lui sans emporter
une aumône. Voici l'homme sans pareil qui n'a jamais commis un pé-
ché de parole et qui n'a jamais eu lieu de se repentir d'une mau-
vaise action. Voici l'homme admirable que les hommes et les dé-
mons envieux ont assailli dans le désert, mais sans pouvoir le
vaincre. Aussi le Seigneur lui a donné son héritage et l'a placé au
premier rang à la table du festin céleste. Vous êtes bienheureux,
Ortaire, confesseur de Dieu, parce que vous vous réjouirez avec
les saints et triompherez avec les anges éternellement.
Acta Sancti Ortarii abbatis, Landellis in Normannise.
Ortarius,nobilibus parentibus ortus, ab ipsa infantile- suae setatula
semper frcquentans ecclesiœ catholicselimina, desideravit monaste-
rium, dilexit monachos, amavit pra^ omnibus Christum. Nam cum li-
beralibus disciplinispuer institueretur, divina benedictione prœven-
tus, duodecimum aetatis annum attingens, relictis parentibus, mona-
chus efficitur. Brevi in tantum profecit, ut ceteriS admirationi esset. In
hoc itaque degensmonasterio, insistebat jejuniiset vigiliis, attentius
super omnia humilitatem servans. Cibum quem accipiebat à mo-
nastico Praeposito, latenter egentibustribuere proccurabat; ssepius-
que veste sua exutus, nuditatemeorumstudebatoperire. Cujus vir-
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— 94 —
tutibus invideûs diabolus, B. Ortarium yariis teutationibos aggre-
ditur ; quas oratione et jejunio vincebat. Cum ergo non posset eum
à Dei servilio deflectere, caepit saltem insequi praelio corporali, et
aliquando eura [mulctabat] verberibus, aliquando in portentosis et
monstrûosis formis ad eum deterrendum apparebat.
Non est prsetermittendum, quod cum abbas Landellensis nionas-
terii è corpore esset abiturus, B. Ortarins în somnis est admonitus,
ut ad officia funeris illi Patri prsestanda properaret. Cumque ad
fores ejus pervenisset, vidit cœlestium agminura choros sanctae illius
animse occurrere, eamque cum ineffabiii gaudio ad cœlum deducere.
Mox vir Dei Ortarius ad celiam ingreditur, ubi corpus sancti abbatis
exanime jacebat; Fratribusque débita obsequia decantantibus, ejus
funus curât. Peracto sepulturae offirio, revertitur ad monasterium
suum : at monachi, pênes quos jus erat de eligendo abbate, uno
ominum ore Ortarium in Abbatem désignant. Quod cum Ortario
nuntiaretur, timens ne sub tanto pondère deficeret, sexto miiiiario
à monasterio ad cujusdam montis rupem se iatitavit. Quaeritur au-
tem, et cum a nullo inveniretur, de revocanda electione decernitur.
At dum eligentium corda in ambiguo versarentur, audita est vox
desuper dicens : « Elegit Deus Ortarium; ecceenim inrupe proximi
-» montis orat, ibique ilium invenietis. » Mittuntur ad montem fra-
tres: et Ortarius, cognitâ Dei voiuntate, onus constanti animo
suscepit.
Factus igitur abbas anno aetatis suae quinquagesimo, incredibile
memoratu est quanta vitae sanctimonia floruerit. Mulierum colioquia,
tanquam vitiorum semina, magno studio fugiebat : tanta vero erat
abstinentia, ut panis hordeacei, quem ipse suis manibus conficiebat
non nisi unciam unam in cibum sumere diceretur : et cum praeter
aquam uullum omnino potum admitteret, ea ipse tertio quoque die
parcissime utebatur. Vestes ei saccus et cilicium ; subtus tunicam,
super nudo corpore, catena cingebatur. Nec defuerunt ei miracula,
qu3e sanctitatis ejus non dubia essent documenta. Quaedam puella
nobilis, manus aridas et debiiia habens genua, ad eum venit; ca-
densque ad pedes ejus, sibi restitui petiit. Ilie, humi se prosternens,
Dominum rogat ; indè surgens, manus et genua puelise benedicto
oieo perungit ; ilia, Cbristi benîgnitate, mox revalescit. Subsequenti
tempore quamdam feminam, leprse vitio aspersam, ita emundavit,
ut pristinae inflrmitatis vestigia minime apparerent in ea.
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— M —
Crevit hinc fama sancti viri, et in omnem regionem îllam perva-
gata est, ita ut mire eum venerarentur ; permulti quoque mande
vaiefacientes ei adbsesere, ut disciplinis ejus instruerentur. Eximia
erga Virginem Mariara devotio in eo reluxit, ut in ejus honorem
prope suum mouasterium puichrum sacelium aedificaverit, ubi caecis
visum, surdis auditum, claudis gressum, muitaque infirmitatum
gênera patientibus, Christo invocato, sanitatem restituit : magnani
quoque catervam captivorum de obiigationibusredemitdevotorum.
Inerat ei magnum animarum salutis desîderium, quare quam plu-
rimos infidèles ad lidera convertit. His virtutibus et aliis miraculis
B. Ortarius ad maturam pervenit setatem.
Anno igitur aetatis nonagesimo octave, sentiens finem vitae suae
appropinquare, in oratorium suum quod sacrae Virgini Mariae dica-
verat, orationis causa secessit. Ibi, gravi correptus morbo, ad se
tamen vocatis fratribus, quod ad caritatem, pietatem, virtutesque
omnes adbortatus est, decimo septimo kaiendas maii, ciarus mira*
cuUs migravit ad Dominum, et sepultus est in dicto oratorio. Sed
quanta Dominus perservum suum ostendere dignatusestrairacula,
longum est ire per singula : nam muiti a diabolo vexati, liberati sunt;
et quicumque babens inftrmitatem devoto animo et promptissima
voluntate ad ejus sepulcrium expetierit sanitatem, laetus redit ad
domum suam cum magna hiiaritate. Âd illud sacelium, dicta
die XVII kaiendas maii, adiré solet quotannis frequens populus, et
podagricos, qui eo deducuntur, B. Ortarii opem experiri ferunt.
Répons et Antiennes de Toffice de Saint Ortaire, pris, comme on le
croit, dans une vie primitive du Saint.
B. Ortarius amans prae omnibus Christum, oblita cognatione pa-
rentum, festinus tetendit ad monasterium. Inspirante Spiritu sancto
ad pedes abbatis corruens, cum magnâ humilitate habitum postula-
vit. Abbas, considerans sinceritatem cordis ejus, suscepit in mona-
chum, et instruxit eum quasi bonus pater filium suum. Beatus
Pater Ortarius, sacris BeJigionis vestibus indutus, in dies magis ac
magis in amore divine flagrabat, et abstinentià terrenas cupiditates
superabat. Tanti silentii factus est, ut non nisi opus esset loquere-
tur. Pauperes omnes litteris demandabat, quibus clanculum prsebe-^
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-^ 93 —
bat alîmoniain : nemo unquam miser ab eo eleeniosina discedebat.
Ecce vir egregius, qui nunquam est lapsus verbo, et non est stimu-
latur in tristitia deiicti. Ecce virum admirabiieoi, quem homines
[et daîmones] propter invidiara circumdederunt in deserto : sed
nunquam separari potuit. Ideo dédit illî Dominus hereditatem
suam ; paneni ipsius imprimis paravit in satietatem. Beatus est,
confesser Dei Ortari, quia cum sanctis gaudebis, et cum Angelis
exnltabis in aeternum.
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SAINT LÉODOVALD ou SAINT LÉONARD
Observations préliminaires et critiques.
Saint Léodovald, contemporain de Grégoire de Tours, naquit, selon
la tradition, dans la commune de Vains, d'une famille franque,
mais très chrétienne. On montre encore l'endroit où se dressait son
castel ou manoir, occupé aujourd'hui par un prieuré qui porte le
nom de Saint-Léonard, de Saint-Lieubaut ou de Saint-Léodovald.
Près de là sont aussi les terres qui formaient son patrimoine.
D'une taille élevée, d'une force herculéenne, Léodovald eut une
jeunesse assez orageuse et se fit redouter dans toute la contrée.
Cependant sa mère ne cessait de prier pour son fils et faisait tous
ses efforts pour le ramener à une vie meilleure. Après avoir versé
bien des larmes, elle vit enfin ses vœux exaucés, et la conversion
de Léodovald fut si sincère qu'on ne craignit point de l'élever à la
dignité épiscopale. Sa vie devint dès lors très mortifiée, son épis-
copat fut celui d'un saint évêque et on le cita comme un des grands
pontifes d'Avranches. A Vains, on l'invoque comme le protecteur
né du pays qui lui avait donné le jour. Robert Cenalis crut que le
village qui porte le nom de Saint-Léonard était une altération de
Léodovald qui serait devenu Léodenald et enfin Léonard. Le prieuré
de Saint-Léonard lui parut être dès lors celui de Leodénald ou
Léodovald : « Quem prioratum Sancti Léonard crederim ego appeUan-
dum Sancti Leodenaldi à divo Leodevaldi prœsule quondum Arbore-
taneo. » Le Gallia Christiana partage la même idée et nous dit
que saint Leodevald possède à Vains une église de son nom ;
« Ecclesia Sancti Leonardi seu Sancti Leodevaldi seu Leodeval. » Les
historiens locaux, comme l'abbé Desroches, Le Héricher, Fulgence
Girard, sont aussi du même sentiment. Il est vrai que les noms se
sont souvent modifiés de la sorte, et Léodovald devenu Léonard
n'est pas plus étonnant que l'appellation Romachaire transformé
en Romphaire et celle de Fragaire en Fégase.
Cependant, les moines de Saint-Etienne de Caen, fondateurs du
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— y() —
prieuré de Vains, firent placer dans l'église, au XVI*" siècle, une sta-
tue non d'un évêque, mais d'un abbé. Sa tête est rasée, son vête-
ment est une ricbe chasuble, représentant une grande croix hislo-
riée ; il tient, de la main gauche une crosse, et de la droite une chaîne
comme signe du pouvoir qu'il avait de délivrer les captifs : c'est
saint Léonard du Limousin, abbé de Noblac.
Cette statue monacale n'empêcha point le peuple de Vains d'invo-
quer toujours saint Léonard comme évêque d'Avranches, comme
patron des voyageurs, des agriculteurs malheureux dans leurs
courses et leurs travaux, et nullement comme le saint qu'on priait
pour la délivrance des femmes malades ou des captifs enchaînés.
L'histoire de saint Léonard de Noblac ne ressemble aucunement,
du reste, à celle de saint Leodovald. Le saint ermite du Limousin,
converti par saint Rémi, tenu sur les fonds baptismaux par Clovis,
devint l'ami de Théodebert, roi de Metz, et le fondateur d'un riche
monastère. Saint Leodovald, au contraire, ramené à Dieu par les
prières de sa mère, et élu évêque d'Avranches, se fit remarquer par
sa dévotion particulière envers saint Martin de Tours, en l'honneur
duquel il éleva une église dans sa ville épiscopale.
Robert Genalis termine l'histoire de saint Leodovald par ces deux
vers :
« Dévoué à saint Martin, tu célébras son nom et sa puissance et
ton peuple en éprouva les plus heureux bienfaits. »
Martino addictuSf nomen numenque colebas '
Ex quo non modicam plebs tua sensit opem,
La fête de saint Leodovald est indiquée dans le martyrologe du
Père Dumoustier, dans le Neustria Sancta^ le 4 janvier, qui est aussi
l'octave des Saints Innocents. L'abbé Petin cite saint Leodovald dans
dans son Dictionnaire de la vie des Saints^ et les Petits Bollandistes
ont publié sa vie remplie de détails intéressants. Nous la donnons
nous-même d'après la tradition et les documents légués par Gré-
goire de Tours.
Vie de Saint Leodovald ou Léonard, de Vains.
Saint Leodovald ou Léonard naquit dans l'Avranchin, dans la
bourgade de Vains qui porte son nom, vers 540. On pense que son
castel mérovingien se dressait jadis sur le monticule où plus tard
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s'éleva l'église d'un riche prieuré. Sa famille, d'origine franque,
était noble et pieuse, mais la jeunesse du fils ne répondit point aux
sages instructions de ses parents. Né avec un caractère vif et em-
porté, doué en outre d'une force herculéenne et d'une taille majes-
tueuse, il toilaba dans tous les excès auxquels se livrait trop souvent
la jeunesse de son siècle. L'abus de sa force et de sa puissance le
rendit même le fléau de la contrée.
Sa pieuse mère ne cessait néanmoins de le rappeler à une vie
plus modérée et plus chrétienne; mais le temps fixé par la Provi-
dence pour toucher et convertir ce jeune cœur n'était pas encore
arrivé. Toutefois, au milieu de ses débordements, le bien surnageait
encore, et plus d'une fois on put y reconnaître l'élément d'un cœur
excellent et le principe d'une bonne action. Aussi se plaisait-on à
raconter que maintes fois on l'avait vu porter secours aux agricul-
teurs des environs et retirer, par la force de son bras, leurs voi-
tures embourbées dans les cavités du chemin ou les sables mou-
vants des grèves.
Cependant, sa mère priait toujours, et, comme une autre Mo-
nique, attendait, pleine d'espérance, son sincère retour à Dieu. Un
enfant qui avait coûté tant de larmes ne pouvait périr, et cette
femme vit bientôt arriver l'heureux moment après lequel elle sou-
pirait : la conversion éclatante de son cher fils.
Pensif et solitaire, Leodovald descendait un jour les coteaux ver-
doyants de ses domaines (1) et sous l'ombrage des vergers roulait
dans son esprit les sollicitations pressantes de sa mère et les actes
de sa vie passée. Tout à coup une branche de pommier, chargée de
fruits, l'arrache à ses rêveries. Il s'arrête pour en cueillir un dont
la couleur vermeille et la forme charmante l'ont frappé. Mais à
peine l'a-t-il portée à sa bouche que la pomme, acide et trop verte
encore, l'a bientôt dégoûté. 11 la rejette aussitôt et presque en colère
la dépose sur les branches fourchues de l'arbre. Quelque temps
après, repassant par le même endroit, il retrouve la pomme où il
l'avait laissée. Cette fois elle lui parut plus ravissante encore ; sa
couleur verte et purpurine a pris celle de l'or, et il s'arrête pour la
goûter de nouveau. Il la trouva délicieuse, et sa saveur, naguère si
(1) Ces domidnes sont situés aa midi de la bourgade de Saint Léonard, vers
l'estuaire de la Sée ; les yieiUards vous indiquent encore ces champs à peu de dis-
tance du bourgf en descendant le chemin qui conduit au havre de Gisors.
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amère, est devenue des plus agréables. Cette simple aventure, cette
heureuse rencontre, lui inspire alors les plus heureuses réflexions.
Tout se modifie, dit-il, tout s'améliore, tout se perfectionne, moi
serais-je le seul à ne pas changer; serai-je toujours le fruit vert que
Ton rejette ou l'arbre stérile qui ne produit rien ? Non, s'écria-t-il ;
à l'instant même Dieu touchait son cœur, et Leodovald était con-
verti. La lumière s'était faite dans son âme, il avait eu honte de son
passé, et l'orgueilleux seigneur humilié s'était trouvé petit devant
Dieu. Mais dans son humiliation, ce fut l'humilité qui triompha, et
cet homme, terrassé jadis par les passions, se redressa comme
l'arbre couché par l'orage, et plus il avait penché vers la terre, plus
son âme, ayant repris son élan, se releva vers les cieux.
Sa conversion fut sincère et la science marcha de pair avec la
sainteté, car saint Sever s'étant démis des fonctions épiscopales, le
clergé et le peuple élurent Leodovald pour succéder au saint
évêque redevenu moine. Dans le cours de son épiscopat, saint
Leodovald eut une grande dévotion pour saint Martin, qu'il regar-
dait comme un des apôtres de son diocèse. Saisi d'un vif désir de
posséder des reliques de ce grand thaumaturge des Gaules, il en-
voya un de ses prêtres à Tours pour obtenir ce qu'il souhaitait si
ardemment. L'envoyé ayant prié sur le tombeau du saint, obtint
ce qu'il était venu demander et s'empressa ensuite de revenir vers
la cité des Abrincates. Lorsque les habitants d'Avranches connurent
son arrivée, chacun d'eux s'empressa de se rendre sur son passage.
Au sein de la foule on vit un paralytique qui, porté sur les bras de
ses amis, vint pieusement se reconmiander à saint Martin, en bai-
sant avec confiance le voile qui recouvrait le reliquaire. Aussitôt
il se sentit guéri, et se tenant debout, retourna dans sa demeure sans
avoir besoin d'aucun secours. Cette guérison ayant été rapportée à
Grégoire de Tours, il le consigna dans son livre des miracles en
ajoutant ces mots à la gloire de son prédécesseur : « Ce n'est pas
y> assez pour vous, ô bienheureux confesseur, d'illustrer par vos
» miracles la basilique de Tours, mais vous voulez encore que vos
» vertus brillent de tout leur éclat, sur une terre que vos pieds
» n'ont point foulée. »
A l'endroit où ce miracle était arrivé dans le territoire d'Avran-
ches, saint Leodovald ou Léonard lit élever une église qu'il consacra
lui-même en l'honneur de saint Martin.
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Quant aux relicjiies du bienheureux elles furent placées dans
l'église cathédrale où elles devinrent l'objet d'un pèlerinage. Gré-
goire de Tours nous apprend qu'on venait y invoquer le saint pon-
tife qui rendit encore la voix à une femme qui avait perdu l'usage
de la parole, et, peu après, la vue à un aveugle qui s'était fait con-
.duire devant la châsse bénie. A la vue de ces prodiges un autre
habitant d'Avranches, devenu aveugle, voulut être conduit au tom-
beau de saint Martin, accompagné des siens. Ayant recouvré la
lumière, il fut si touché de reconnaissance qu'il se rasa la tête et,
après avoir revu son pays, regagna de nouveau la ville dé Tours
pour accomplir le vœu qu'il avait fait de se consacrer au service
du Seigneur. Ces prodiges augmentèrent dans toute la Neustrie la
dévotion envers saint Martin, et de tous côtés on éleva des églises
sous son invocation. La Normandie en compte un grand nombre et
le diocèse d'Avranches en particulier (1).
Saint Leodoval ou Léonard mourut dans un âge avancé, vers
625 (2). Il avait vécu sous le roi d'Austrasie, Childebert II, et la
glorieuse et infortunée Brunehaut qui, en 587, dans le partage de
la Gaule, avaient rattaché le diocèse d'Avranches au royaume de
Metz (3). L'église élevée sous le vocable de saint Leodoval ou
Léonard ne remonte qu'au XII^ siècle (4).
(1) On connaît ces dictons :
Saint Martin et Sainte Marie
Se partagent la Normandie.
Sainte Marie et Saint Martin
Se partagent tont TÀTranchin.
Sainte Marie et Saint Martin
Se partagent le Gotentin.
L'église fondée par saint LéodoTal se trouvait à l'angle de la rae du Séminaire
et du boulevard Saint-Martin, dit aussi boulevard du Sud. Cet antique monument
fut vendu en 1806 et détruit par son propriétaire. Son emplacement est occupé
aujourd'hui par une riche demeure, flanquée de quatre tourelles. Elle indique le
lieu où saint Leodoval vint recevoir les reliques du saint cvêque de Tours. « On
a fait bâtir une église à Dieu, sous l'invocation de saint Martin, au lieu du mi-^
racle, dite à présent Saint-Martin-des-Champs. » (Nicole, vicaire général de Dan^l '
Huet, dans son Catalogue des Evêques du diocèse d*Avranehes, page 9). Cette'
église devint plus tard et tout à la fois église du Grand Séminaire d'Avranches et
église paroissiale.
(2) On lui donne communément 48 ou oO ans d'Ëpiscopat^ c'est-à-dire depuis
575 ou 578 à 625.
(3) Grégoire de Tours, Historia Francorum, liber nonus, traité d'Andelot,
28 novembre 587.
(4) Le patrimoine de saint Léodeval rentra dans le domaine royal. A l'époque
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PIÈCES JUSTIFICATIVES
ilaiiit lieodo^aM cité par Grégoire de 1*eiirs.
Sancti Gregorii^ episcopi Turonemis, de Miraculis SancH Martini.
Liber secundus, — Caput XXXVL
De pignoribus^ quœ Leodoialdus episcopus detulit,
Mulfi etiam fide pleni reliquias beati Viri portantes, virtutes
multas experiuntur. Nam Leodovaldus Abrincatinae civitatis epis-
copus, sancti Domni reliquias per presbyterum suum devotus
expetiit. Quibus acceptis, cum terminum antedictae civitatis ingres-
sus fuisset, occurrit ei adhuc inter déserta posito paralyticus
deferentium iliatus manibus ; osculatus autem fideliter vélum que
capsa sanctorum pignorum cooperta erat, mox in pedes constitit,
ac propriis gressibus domum régressas est. Haec enim agis, bea-
tissime confessor, nec tibi sat est propriam sedem exornare prodi-
mérovingienne, vers le Vn« ou VIH* siècle, il paraît a?oir été donné aux deux frères
Landalphe, monnayeurs royaux, établis Tun à Avranches, l'autre à Vains, désigné
alors sous le nom de Venesciacut. Cette propriété s'appelaiX alors la terre des Deux
Francs. Après la conquête normande, elle rentra dans le domaine ducal et fut
fieffée aux seigneurs de Vains. En 1087, peu de jours avant sa mort, Guillaume-le-
Conquérant la donna à Tabbaye de Saint-Etienne de Caen, qui fonda dans cette
seigneurie un de ses meilleurs prieurés.
Le seigneur de Vains avoue, en 1414, tenir par foi et hommage, des religieux
de Saint-Etienne de Caen, un franc fief noble, « à cour et usage, » à cause de leur
terre et seigneurerie de Saint-Léonard. Le prieur de Vains, représentant l'abbaye,
était donc le grand seigneur suzerain dans la paroisse el le seigneur laïque relevait
de lui. L'église du prieuré ne fut construite qu'après 1160, comme le prouve la
charte confirmative des biens de l'abbaye par le roi Henri 11^ vers 1158. Ce di-
plôme ne parle, en effets que de la pêcherie et du manoir qui existait anciennement :
« Confirmo, concedo et corroboro et reddo... clamo etiam quietam totam terram
;» sancti Stephani, et abbas de Cadomo ita benè habeat et in pace teneat... pisca-
^» tionem suam de aqua de Vaim, sicut rex Willelmus habebat illam^ vel ilie qui
» tenebat manerium de ipso. » (Neustria pia, page 631). Cette église prieuriale, au
centre d'une bourgade qui montre encore son champ de foire et sa vieille halle go-
thique, est un curieux monument du roman secondaire. Dominant la baie du Mont
Saint-Michel et les contrées environnantes, il comprend un chœur avec arceaux et
une large nef. Au centre. est une tour élancée, percée de baies romanes, ornée de
contreforts et de modillons. Sa voûte possède, comme le sanctuaire, des colonnes
basées et chapitces, le tout en granit. Cette église, devenue propriété particulière,
a été utilisée pour des usages profanes.
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— 101 —
giis, nisi etiam diverses saltus quos pedibus non adiisti virtutibus
tremendis illnstres» Sed et deinceps caecus quidam, adminiculo
deducente, in occursum earum velociter properat. Adveniens autem
quando Beati pignora in sanctum locabantur altare, expedita solem-
iiitate, visum recipere meruit ocuiorura. Sed et alia nihiiominus
mulier, quse diu muta fuerat, sermonis usum recepit.
Liber tertius, — Caput XIX,
De cœco illuminato.
Abrincatinus quoque incola, cui per sex annos videndi usus fuerat
denegatus, beati Confessons expetiit salvari prsesidio. Ad cujus
basilicam accedens, multoque tempore jejuniis et orationibus va-
cans, auxilium beati implorabat Antistitis. Denique adveniente sacro-
sancta festivitate, populis missarum solemnia spectantibus, huic
visus est redditus ; rediitque in patriam videns, qui ad sanctam
basilicam alio deducente pervenerat. Ipse autem pro tantae pietatis
gaudio vovit se ibidem tonsurari. Quod postea devotus rediens
implevit.
— ^cr^^£:;^<>c^è^r-D^
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SAliS[TE PIENCE
VIERGE ET MARTYRE
{ion culte dans le dioeèse d'ALTranefaieB.
Vers Tanuée ^250 (d'autres disent 150 (1), ce qui est moins pro-
bable), saint Nicaise fut envoyé dans la seconde Lyonnaise ou le
Pagiis Villocamnm, aujourd'bui le Vexin (2), pour en être l'apôtre
et le premier pontife (3). Contemporain de saint Denis et peut-être
son ancien disciple, il partit de Paris avec le prêtre Quirin et le
diacre Scubicule, puis descendit la Seine, en prêchant la bonne nou-
(1) Saint Nicaise paraît avoir été ordonné évéque par saint Denis, de Paris, et
envoyé par lui dans le pays des Viliocasses, vers l'an 250. Tel est le sentiment du
Gallia Christiana, Tom. XI, col. 5. Le martyrologe d'Anvers pense de même. Les
martyrologes d'Utrecht et de Leyde croient que saint Nicaise fut envoyé par le
pape Clément, c'est-à-dire vers 150.
(2) Le diocèse de Rouen comprenait un territoire beaucoup plus considérable
qu'aujourd'hui. Limité au nord par la mer de la Manche, au midi par la Seine, à
l'ouest par la mer et la Rille, à l'est par l'Epte et l'Oise,, il renfermait deux anciens
peuples, les Veliocasses (le Vexin), capitale Holhamagus, Rouen, et les Calletes
(le pays de Gaux)^ capitale Juliobona, Lillebonne. Ce fut ainsi, jusqu'en 1789, un
des plus vastes diocèses de l'empire des Francs. Quand la seconde Lyonnaise, de-
venue la Neustrie, fut cédée au conquérant RoUon, le roi de France, Gharles-le-
Simple, se réserva la partie du Vexin renfermée entre l'Epte et l'Oise ; mais cette
contrée, dont Pontoise fut le chef-lieu, bien que française, n'en resta pas moins
sous la juridiction des évèqucs de Rouen, comme par le passé. Leur diocèse s'éten-
dit ainsi sur deux empires : celui des Normands et celui des Français, qui eut la
moindre portion. C'est cette contrée, restée française, que saint Nicaise évangélisa,
c'est-à-dire depuis l'Oise jusqu'à l'Epte, et, en particulier, toute la rive droite de
la Seine.
(3) Le martyrologe d'Usuard ne donne à saint Nicaise que le titre de prêtre, mais
les mots presbyler, sacerdos sont alors synonymes de pontife, et nous pourrions
eu donner des exemples nombreux ; c'est ce que prouvent aussi les auteurs du Gallia,
T. XI, col. 4. Le martyrologe romain traduit le mot sacerdos, presbyter, par pon-
lifex : « Au pays Vexin, supplice de saint Nicaise, évêque de Rouen, de saint Gé-
rin, prêtre, de saint Egobille, diacre, de sainte Pience, vierge, martyrs, sous le
président Fescennius. » Le martyrologe de Centulen donne à saint Nicaise le titre
de premier évéque de Rouen : ce In pago Vilcassino, sanclorum Nichasii primi
Rothomagensium episcopi et sociorum ejus Quiriaci et Pientiae martyrum. »
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— i04 —
velle. Il fit de nombreuses conversions à Couflans (Condatus)^ Au-
drecy, Triel, Vaux, Meulan, Hantes, Monceaux et la Roche-Guyon,
où il gagna au Seigneur une personne de qualité, la vierge Piencia,
connue aujourd'hui sous le nom de sainte Pience. Arrivé sur les
rives de l'Itta, l'Epte, en face de Gany (Vadiniacum\ il fut arrêté
par des ennemis du Christ et décapité avec ses deux auxiliaires.
Sainte Pience ayant été accusée d'avoir facilité leur iohuma-
tion(i),fut elle-même mise à mort, et reposa près des saints martyrs.
Abrégé de la vie de sainte Pience, vierge et martyre.
Le bréviaire d'Avranches résume ainsi la vie de saint Nicaise et
de sainte Pience, d'après les actes de ces glorieux martyrs :
« Saint Nicaise désigné comme pontife, le prêtre Quirin et le
» diacre Scubicule furent envoyés en Neustrie pour y prêcher l'Evan-
» gile. Ils convertirent à la foi chrétienne une grande multitude
» d'infidèles. Le préfet Fescennius, ayant entendu parler de leurs
> prédications, les fit arrêter. Ses satellites, après les avoir frappés
» de verges, leur tranchèrent la tête et leur procurèrent ainsi la
» couronne des martyrs.
» Une noble femme du nom de Pience donna à leurs corps une
» honorable sépulture. Le juge infidèle, informé de cette action, la
» fit cruellement flageller, et elle fut décapitée, après avoir vu son
» corps mis en lambeaux. Ses reliques, apportées dans l'église d'A-
» vranches, y sont en très grande vénération. »
(Bréviaire de Daniel Huet, évêque d'Avranches, imprimé en 1698 ;
fête du il octobre).
Histoire des reliques de sainte Pience.
Les reliques de saint Nicaise reposaient depuis plusieurs siècles
dans une île de la rivière d'Epte, près de Gany, lorsqu'en 842, à
l'arrivée des hommes du Nord et de leur chef Hasting, on vint de
nouveau y déposer le corps de saint Ouen, archevêque de Rouen.
Les invasions des Scandinaves continuant, on transporta la majeure
(1) « Gorpora aotem eorom Vadiniaci sepnlta sicut ad Ittam flavinm ab reti-
giosa quadam femina nomiDe Pientia quae et ipsa non ita mnlto ppst martyrii co-
ronam adepta est. » Gallia Chriêtiana, T. Xî, col. 5.
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— 105 —
partie des reliques de saint Nicaise, avec tes corps de saiat^Qtrtfîn,
de saint Scubicute, de sainte Pience et du vénéjp»M6 saint Ouen, en
dehors du diocèse de Rouen, sur lanwrgauchede l'Oise, et dans le
royaume de France, c'est-à-dire dans la place forte de Conflans,
qu'on appelait alors Condatus^ parce qu'elte est située au confluent
de l'Oise avec la Seine. Une portion considérable du corps de saint
Nicaise était resté à Gany, car en 872, nous la voyons visitée par
l'archevêque Riculphe, accompagné de Sebar, évêque d'Evreux.
A Conflans on apporta aussi le corps de sainte Honorine, autre
martyre du diocèse de Rouen, au pays de Caux. Pendant que tous
ces corps reposaient ainsi dans cette citadelle française, le roi
Gharles-le-Chauve en gratifia plusieurs églises, et en particulier
celle de Malmedy, au diocèse de Liège. Cette localité qui posséda
une abbaye bénédictine, reçut des reliques de saint Nicaise, de
saint Scubicule et une grande partie du corps de saint Quirin ; mais
il n'est fait nulle mention du corps de sainte Pience. La crainte des
Normands occasionna encore de nouvelles donations de saint
Nicaise et de saint Quirin, à une église de Lorraine, et toujours on
garde le silence sur celles de sainte Pience, ce qui ferait croire que
déjà elles avaient été transportées ailleurs.
Les traditions de l'église d'Avranches nous apprennent, en effet,
qu'elles avaient été données à l'église cathédrale au temps même
de Charlemagne. C'est ce que nous apprend le chanoine Guérin,
en 1680. « L'évêque Jean s'étant trouvé à Aix-la-chapelle, en 804,
y> dans une assemblée de pontifes, présidée par le pape Léon et
» l'empereur d'Occident, on croit que c'est vers cette époque
» que le c^rps de la vierge martyre, sainte Pience, dut être donné
» à l'église d'Avranches, sous le glorieux règne de Charlemagne et
» à la prière de l'évêque Jean. Cette translation, dit-il, est regar-
» dée comme très ancienne, et une tradition constante non seule-
» ment de notre église mais encore de presque toutes les cathédrales
» normandes, la fait remonter à cette date. »
L'antique bréviaire de Coutances de 1499 et celui de 1601 admet-
tent cette tradition en ces termes : « Le nombre des martyrs [de
» Gany] fut heureusement augmenté par la mort d'une vierge de ce
» pays, sainte Pience, de la Roche-Guyon, comme on le croit.
» Ayant été convertie par saint Nicaise, elle prit soin d'inhumer les
» corps des martyrs. Un persécuteur cruel des chrétiens, un juge
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— 106 —
» inhumaiu, que plusieurs historiens nommenl Fescennius, la fit
M décapiter. Son corps fut enseveli près de saint Nicaise et ses
» compagnons, à Gany. En dernier lieu, des reliques de saint
» Nicaise furent portées et honorablement placées à Meulan, dans
» une chapelle admirable, construite en l'honneur du saint. Mais
^ avant cette translation, plusieurs reliques des martyrs, sur les
» instances de Charlemagne, furent données à l'église de Malmedy ;
y> quant au corps de sainte Pience, on le transporta dans la ville
» d'Avranches, et ces translations augmentèrent l'honneur de ces
» saints (1). »
Ce Charlemagne ne paraît pas avoir été l'empereur d'Occident,
mais bien son petit-fils, Charles-le-Chauve, qui prit aussi le titre
d'empereur, en 875. Il nous semble cependant que la donation se
fit avant que Charles eût été couronné par le Pape Jean VIII, car à
cette époque les donations aux églises d'Allemagne et de Lotha-
ringie avaient déjà eu lieu. Nous croirions donc plutôt que le corps
(1) His temporibus, anno 804, venerabilis SanctsB Pientias virginis et matronae
reUquiae translatsB faerunt ad ecclesiam Abrincensem, régnante scilicet et instante
Carolo Magno, prece forsan et hortatu Joannis episcopi nostri cujus translationis
antiquissima et constantissima memoria in omnibus pêne Normanniae cathedralibus,
sed praBcipue in ecclesia praedicta solemnitor festo triplici quod vocatur festum re-
liquiarum qaotannis cum octava celebratur ofiicio proprio et oratione sequenti :
« Deus qui sanctam nobis hujus diei solemnitatem in hororem sanctorum martyrum
taorum Nicasii, Quirini, Scubiculi, Pientise et alioram quorum reliquiae in nostra con-
tinentur ecclesia eonsecrasti, adesto familise tuae precibus et prassta ut quorum fes-
tivitatem celebramus, corum meritis et intercessionibus sublevemur. Per.. .
Non solum in officio diei prœdictse solemnitatis, sed et per annum pluries invo-
catur sancta Pientia in ecclesia Abrincensi, ut patet ex antiquo processionali dictaB
ecclesiae, in litaniis eiusdem, maxime in processione Montis Saucti Michaelis, ut
dicetur infra ; et quia moderni scriptores de translatione hujusmodi nil aut contra
dixerunt ad traditionis nostrae probationeni, actus authenticos hic inserere opère
pretium duximus.
(Ex breviarîo Gonstantiensi pro sancta Pientia).
.... Sed et martyrum auxit féliciter numcrum nobilis illius regionis matroua
Pientia cujus ditionis Rupes Guidonis fuisse ferlur quae à Nicasio conversa ad Chris-
lum, dum ejus et sociorum sacra curât corpora ab immani judice et fidelium perse-
cutore atrocissimo, quem Feceunium muiti nomiuant, truucia est capite, sepulta
Beati Antistilis et sociorum nec non Pienliai apud Gauiacum corpora tandem ad
constructam per Mellentios comités magnifijam sancli Nigasii aîdem in fortissima
arce suae insulae Mellentinae tutius ob bellorum tumultus et honorificenlius illata
sunt. Sed et aliquot eorum partes, instante Carolo Magno, Malmundarium, et Sanctae
Pientiae apud Abrincai» delatse, antquam Mellenti recluderentur, magjiam ubique
eorum augent venerationem. ((îuérin, Acfo SanrUe Ecrleasiœ Abrincensia. pages lOîî
et 106j.
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— 107 —
de sainte Pience fut offert à la cathédrale d'Avranches sous le
pontificat de l'évêque Remedius qui, en 856, se trouva à l'Assem-
blée de Bonneuil, et eut des rapports particuliers avec le roi
Charles. Ce prince étant décédé avec le titre d'empereur, la tradi-
tion aura attribué la donation des reliques de sainte Pience à Char-
lemagne, Carolm Magmis, et, en cela, elle n'est pas complètement
en défaut (1).
Culte de sainte Pience dans la cathédrale et le diocèse
d'Avranches.
Dès le XI« siècle, près du Parc et du château fortifié des évêques
d'Avranches, on éleva une église à la vierge martyre du Vexin,
église qui donna son nom à la paroisse et à la commune qui s'appelle
toujours Sainte-Pience. Son nom est encore cité dans les litanies
au rang des vierges et des martyres ("â). Ses reliques furent placées
dans un coffret d'ivoire, ouvrage bizantin, remarquable par la ri-
chesse de ses sculptures et de ses dessins. Dans un inventaire de
1295, contenu dans le Cartulaire du chapitre ou Livre-Vert, il est
ainsi signalé : « Item una casa eborea mm reliqniis Sanctœ Pien-
tiœ (3). »
En 1417, ce reliquaire est encore cité parmi les joyaux de la
cathédrale, qui furent déposés dans l'Abbaye du Mont Saint-Michel,
au début de la guerre de Cent ans : « Item un coffret d'ivière où
sont les reliques et chiefs de sainte Pience et de saint Nicaise et ses
compagnons (4). » Dans le long catalogue des reliques de la cathé-
drale d'Avranches, l'évêque Robert Cenalis cite deux nouveaux
reliquaires de sainte Pience, dans l'un desquels il indique les dents
de la vierge encore bien fixées dans les deux maxillaires : « Dentés
(1) De CondaiUH ou de Gonflans, en France, RoHon fit revenir les reliques de
saint Ouen et de saint Nicaise, qui furent portées à Rouen. (Voir le Neustria pia,
pages 9 et 10). H en revint aussi de la Lorraine, en 1032, au temps du roi Robert.
Des reliques de saint Nicaise lurent aussi données k Meulan, où on éleva une
abbaye en Thonneur du saint, vers 1076. (Neustria pia, page 332.)
(2) Bréviaires, missels et paroissiens du diocèse d'Avranches.
(3) Livre- Vert, manuscrit aujourd'hui déposé dans la bibliothèque d'Avranches
et portant le N' 206, page 26.
(4) Archives du chapitre d'Avranches et Manuscrit du chanoine Guérin : Actd
Snnct'P Ecdesifp i46rmcenm^ pag. 110.
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-nr 108 —
sanctœ Pientiœ infixi in maxillas (1). » Dans une autre châsse il
nous montre aussi trois têtes ou portions de chefs de saint Nicaise et
de ses compagnons : « Capita tria beatorum Nicasii et sociorum ejm. »
Ce qui prouve que l'église d'Avranches avait non seulement obtenu
le corps de sainte Pience, mais encore des souvenirs des autres
premiers apôtres et martyrs de la Normandie. Aussi la fête de
sainte Pience fut célébrée avec pompe le 11 octobre, avec celle de
saint Nicaise et ses compagnons ; elle était solennelle et avait une
octave ; on fêtait le môme jour les reliques de tous les saints con-
servées dans l'église cathédrale : « Die H octobris^ sancti Nicasii
et sociorum et reliquiarum^ triplex, cum octnva (2). »
Mais la procession de la cathédrale d'Avranches au Mont Saint-
Michel était le glorieux triomphe de sainte Pience. Ce jour on por-
tait solennellement sa châsse au Mont ; les religieux la prenaient
sur leurs épaules, rélevaient à l'entrée de la grande porte et tout
le peuple passait dessous. Dans la nef on chantait des versets et
répons avec une oraison particulière en l'honneur de la Vierge
martyre.
Il était d'usage, nous dit dom Huynes, l'historien de l'abbaye (3),
< que les religieux du Mont Saint-Michel et les chanoines de l'église
cathédrale Saint-André d'Avranches allassent en procession une
fois l'an, vers les festes de la Pentecostes, d'une église à l'autre
et que les religieux portassent le corps de saint Aubert et les
chanoynes celui de sainte Pience, noble vierge. »
Cette procession était même de rigueur pour les moines du Mont,
depuis que l'évêque Jean, en 1060, avait accordé à l'abbé du mo-
nastère le titre et les droits d'archidiacre (4). La procession d'Avran-
ches au Mont ne paraît pas moins ancienne d'après les manuscrits
de l'abbaye ; c'était pour ainsi dire le pèlerinage obligatoire et an-
(!) Robert GenaUs : Hierarehia NeiMtriœ, mannscrit N» 5301, de la Biblio-
thèque nationale, page 15.
(2) Au temps de Robert Genalis on ne fêtait que saint Nicaise, ses compagnons
et sainte Pience avec octave, c'est-à-dire en 1560. En 1592, dans le bréviaire de
François Péricard, on ajoute la fête das reliques renfermées dans l'église cathédrale.
(3) Dom Jean Huynes^ Histoire générale de Votbbaye du Moni Saint-Michel au
péril de la mer, T. I, p. 77.
(4) Charte de Févéque Jean d'Avranches, donnée comme pièce justificative dans
son livre intitulé : De officiis ecclesiasticis. On la trouve également dans : Le diocèse
éPAvranehes, T. II, p. 658.
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— J09 —
nuel de la cité épiscopale à l'église de l'Archange (1). On avait
même rédigé au Mont et à Avranches un règlement particulier pour
ces processions.
Le cérémonial du Mont l'indique en ces termes : <( Si la proces-
> sion d' Avranches vient au Mont Saint-Michel au péril de la mer,
» le vendredi avant la fête de la Pentecôte, comme elle a coutume
» de s'y rendre chaque année, la procession du Mont la reçoit ainsi :
T^ tous les religieux du Mont, en chape, descendront jusqu'à la porte
» de la baillîverie ou procure (2), c'est-à-dire au-dessous du moulin
» qui est sous le transcept de l'église, près de la grande citerne du
» Mont, avec de l'eau bénite, deux candélabres, deux encensoirs,
» deux textes [ou missels] ; l'abbé, s'il est présent, ou, à son défaut,
» le prieur ou un autre maître de l'ordre, passera au milieu des
» deux processions et donn/sra l'eau bénite à l'évêque, s'il est pré-
» sent, l'encensera et lui présentera le texte à baiser. Si le Pontife
» est absent, le prieur ou un autre dignitaire du Mont fera la
» même chose au doyen ou à celui qui présidera la procession. >
» Tous les autres chanoines et chapelains présents baiseront
» également le texte. Cela fait, deux religieux, commandés par le
» chantre, recevront la châsse des reliques qu'ils porteront ; ils l'élè-
» veront entre les deux battants de la porte de l'église, pour que tous
> passent dessous. La procession d' Avranches ainsi reçue, le chantre
» du Mont commencera le répons : « Regnum mundi^ » et la pro-
j> cession monacale se placera dans la nef, du côté gauche, en face
» de celle d' Avranches, dont les derniers seront, d'un côté l'évêque,
» s'il est présent, avec le doyen ; de l'autre côté, l'abbé avec le
» prieur. Si le pontife n'est pas venu, l'abbé avec le doyen et le
» prieur se tiendront les derniers. Si l'abbé fait défaut, le prieur
» ou un autre dignitaire accompagnera l'évêque et le doyen, ou
» celui qui présidera la procession. Le répons fini, l'évêque dira
» l'oraison, si bon lui semble ; autrement, elle sera dite par l'abbé
» ou le prieur. Après l'oraison, la procession d'Avranches se
(1) Voir le manuscrit numéro 211 de la biblioUièque d'Avranches, intitulé :
Historiœ Montis SancH Miehaelis, volumen majus. Livre des miracles^ commençant
k la page 211. — Voir aussi Vie des Saints du diocèse de CotUanees et Avranches ,
T. I, p. 229.
(2) Habitation du bailli, construite par Tabbé Pierre Le Roy, au XIV* siècle, et
existant encore.
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* rendra au chœnr, fera le service, selon l'usage, et si elle le veut.
» Les versets et oraison de sainte Pience sont ceux-ci : f. Dieu Ta
1» choisie et aimée. ^. Et il l'a placée dans son tabernacle. — Orai-
y^ son : Accordez-nous, nous vous en supplions, Seigneur, d'étro
» secourus par votre vierge sainte Pience, dont les prières vous
» sont particulièrement agréables. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
» Ainsi soit-il. — Grâces à Dieu. »
L'ancien processional d'Avranches donne ainsi le cérémonial de
cette procession :
« Le vendredi avant la Pentecôte, après avoir récité prime^ la
» procession d'Avranches a coutume d'aller au Mont Saint-Michel,
» en chantant les antiennes et les répons notés pour les Roga-
» tions (1). Arrivée au pied du Mont, elle se met en ordre, et au
» commandement du sous-chantre, (Jeux ou trois chapelains ou
» prêtres chantent, en montant la rue, la prose : Veni Sancte Spiri-
y> tm^ Etemitte cœlitus, etc., que le chœur reprend. Lorsque la proces-
» sion est rendue en face du moulin, un peu au-dessus de la porte
» ou de la herse de fer, les.Avranchinais, se tenant du côté du Midi,
y> les Montois du côté opposé et revêtus de chapes, prennent sur
» leurs épaules les reliques d'Avranches et, en entrant dans l'église,
» entonnent, en l'honneur de sainte Pience, le répons : Regnum
» mundi. Ils chantent seuls le verset avec le Gloria patri^ et après
» les avoir répétés, l'évêque ou le plus digne dit l'oraison propre
» de sainte Pience que les moines ont chez eux. Après cette oraison,
» le chantre d'Avranches entonne, dans la nef du Mont,'le répons :
» Te sanction Dommum, comme dans les Rogations, avec le Gloria^
» le verset et l'oraison de saint Michel, qui est dite par un des
» dignitaires de la cathédrale ou un chanoine. Tous alors entrent
» dans le chœur et après avoir dit Tierce^ la messe du patron de l'église
» est célébrée avec le Gloria in excelsis, la prose et le Credo, par un
(1) CeUe procession d'Avranches ne se composait pas seulement de la personne
de l'évêque et des membres du chapitre, mais encore d'un grand nombre de per-
sonnes appartenant aux cinq paroisses de la ville : N.-D.- des -Champs, Saint-
Gervais, Saint-Saturnin, Saint-Etienne-de-Ponts et Saint-Martin-des-Champs. U en
était de même au Mont Saint-Michel, puisque les habitants étaient tenus d'accom-
pagner les religieux. La première procession était le pèlerinage de la cité d'Avran-
ches allant invoquer l'Archange et la seconde le pèlerinage du Mont venant prier
le patron du diocèse, saint André, et rendre leurs hommages à l'église-mère, où
siégeait le pontife. Ces deux processions étaient très populaires et fort belles.
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— IH —
» chanoine nommant à quelque bénéfice. Après la messe, on chante
» Sexte^ puis la procession se retire et un vicaire commence les
)) litanies : Domine miserere, annotées pour la vigile de l'Ascension. »
Texte latin de la Vie abrégée de saint Nicaise et de sainte Pience.
« Nicasius pontifex designatus, Quirinus presbyter et Scubiculus
subdiaconus, in Neustriam niissi adpraidicandumEvangelium, innu-
meram gentilium multitudinem Jesu Christo pepererunt. Quapropter
comprehensi a ministris Fescennini praesidis, primum vergis caîsi
ac deinde gladio percussi, amputato capite, martyrio coronati sunt.
Eorum corpora Pientia nobilis fœmina honorifice sepelivit. Quod
cum rescivisset judex inipius, pugnis contusam ac flagellis dilania-
tani securi similiter percussit. Hujus reliquiîe in ecclesiam Abrin-
censem deportata) ibidem magnà veneratione coluntur. »
(Bréviaire de Daniel Huet, fête du 11 octobre, partie d'Eté ;
Edition de 1098).
Ordre suivi par la procession d'Avranches allant au Mont Saint-Michel,
avec les reliques de sainte Pience, d'après le cérémonial manuscrit
du Mont SaintrMichel.
« Si processio Abrincensis eat apud iMontem Sancti Michaîlis de
periculo maris, die veneris ante festum Pentecostes, prout annua-
tim consuevil, processio dicti Montis eam recipit in modum sequen-
tem : videlicet omnes religiosi dicti Montis, in capis, usque ante ostium
balliveriae, id infra molendinum quod est sub ala ecclesiae prope
cisternam niajorem dicti Montis, cum aqua benedicta, duobus can-
delabris, duobus thuribulis et duobus textibus. Abbas, si presens
fuerit, aut prior aut alius magister ordinis descendit per médium
ambarum processionum et dabit aquam benedictam Episcopo, si
fuerit, et incensabit et osculabitur textum ipse episcopus. Si vero
abfuerit, Diacono vel illi qui in processione prîesidebit et similiter
omnes canonici et capellani dictai processionis osculabuntur textum;
quo facto, duo religiosi quibus cantorjusserit récipient capsam reli-
quiarum quae per ipsos deportabitur et tenebitur ad valvas ecdesiae
et sub ipsa omnes transibunt. Processione Abrincensi receptà ut
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— 4!2 —
praefatur, cantor Montis incipit responsorium « Regnum mundi » et
processio dicti Montis ponet se in sinistra parte, Abrincensis vero
in dextra; Episcopus si adsit cum Decano, Abbas cum Priore,ultîmi
remanebunt. At si episcopus absit, Abbas cum Decano et Priore
ultimus remanebit ; si vero Abbas non fuerit, Prior vel alius magister
cum Episcopo et Decano vel ilio qui in processione praesidebit.
Finito responsorio, Episcopus dicat orationem si voluerit, sin autem
Abbas vel Prior dicet illam, quâ dicta processio Abrincensis ibit ad
chorum et faciat servitium, prout consuevit et si ei placuerit.
De sancta Pientia, Versus : « Elegit eam et dilexit eam. » — Res-
ponsorium : « Et habitare facit eam in tabernaculo suo. »
Oratio.
« Annue, quaesumus, Domine, ut sanctse Pientiae virginis tuae tibi
» placitis deprecationibus adjuvemur, per Christum Dominum nos-
» trum. Amen — Deo gratias (1). »
La même procession est ainsi indiquée dans l'ancien procession-
nal de l'église d'Avranches, « Ex veteri processionnali ecclesiœ Abrin-
censis^ » dont voici la copie d'après le chanoine Guérin :
« In die veneris ante Pentecosten, post primam solet processio
Abrincensis adiré Montem Sancti Michaelis cantando antiphonas et
responsaria in rogationibus praenotata ; et processio hujusmodi ad
radicem Montis ordinata, duo vel très capellani vel presbiteri,
jubente succentore, ascendendo gradus modtilissent^ sequentem
prosam, choro. illam repetente : « Veni, Sancte Spiritus, et emitte
caelitus lucis tuae radium. » Cum autem ascenderit processio
ante molendinum paulo altius portam sive cratem ferream (2),
(1) Ceremoniale et OrdinaHones Montis Sancti Michœlis, vel ordo divini o/ficii
reeitandi. XLV* et XV« siècles. A la fin se trouve le cérémonial de la procession du
clergé d'Avranches au Mont Saint-Michel, et réciproquement des moines du Mont k
Avranches avec le chef de saint Aubert. Manuscrit N» 216 de la bibliothèque d'A-
vranches. — Item apud Guérin, manuscrit intitulé : Acta Sanctœ Ecclessiœ Abrin-
censis, ^Viges 108 et 109. Non seulement les moines dû Mont venaient à Avranches :
« Cum capite sancti Auberti », mais, avec eux, tous les laïques qui possédaient une
demeure dans la cité angélique : « Cum processione magna tam clericorum quam
laïcorum omnium qui domos tenent, » et ils devaient faire une offrande à Véglise-
mèrey la cathédrale Saint-André : « Et denariatas cerae matri ecclesiae debent. »
(Charte de l'Evêque Jean d'Avranches, en 1061. Voir Le Diocèse d'Avranches, T. II,
p.(US8).
(2) Cette claie ou treillage en fer, « crates ferrea, » était la herse qui précédait
la grosse porte en bois, elle-même bardée de fer, et sous laquelle on passait pour
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— 113 —
Abrincensibus ad meridiem stantibus, Montensibus vero monachis
cappa indutis è regione collocatis, assumptisque In humeris suis
reliquiis Abrincensibus, intrando ecclesiam suam intonent ab reve-
rentiam Sanctœ Pientiae responsorium : « Regnum uiundi, » et solis
cantantibus cum versu, Gloria Patri, eoruraque regressibus, versi-
culus vero per Episcopum vel digniorem personam, cum oratione
propria de Sancta Pientia quam apud se habent monachi, quâ dicta
cantor Abrincensis in navi ecclesise Montensis intonat responso-
rium : « Te sanctumDominum,)) ut supra in rogationibus, cum versu
et gloria et atque versiculo et oratione de Sancto Michaele per
quamdam dignitatem vel canonicum, cunctis intrantibus chorum
dicti loci consequenler dicatur tertia, postea missa de Patrono
ecclesiae cum Gloria in excelsis, prosa et Credo, per canonicum ad
conferenda bénéficia existentera. Post missara autem dicatur Sexta ;
quâ dicta redeat processio cantando litaniam per vicariura « Domine
miserere (1) » in vigilia Assensionis annotatam (2).
entrer dans Tabbaye, après avoir trayersc le cbàteau. EUe se trouvait au baat de
l'escalier qui conduit à l'abbaye et entre les deux tours de l'entrée formant le
donjon.
(1) Le jour des Rogations, quand la procession se mettait en mouvement pour
rentrer, les litanies commençaient par ces mots « Domine miserere, » La liturgie
de Rouen qui, au XVUI* siècle, avait été admise dans le diocèse d'Avranches,
commençait, au retour de la procession : « In reditu processionis, » les litanies
par ces mots : « Salvator mundi, salva nos, » précédant le « Kyrie eleison. »
(Processionale ecclesiœ Rotomagensis de Mk^ Louis de la Vergue de Tressan, édi-
tion de 1729, page 140).
(i) Le chanoine Guérin, Acta Sanetœ Ecclesiœ Abrincensis^ manuscrit de 1680,
page 110.
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SAINT FROMOND
EVÊQUE DE COUTANCES
Notions préliminaires et critiques*
On possédait, au siècle dernier, une légende latine (1) de Saint-
Fromond, qui, en 1G21, fut traduite en vers français (2). Cette lé-
gende est aujourd'hui perdue, ainsi que la traduction (3). Heureuse-
ment que Toustain de Billy, dans son Histoire des Evéques de Cou-
tances^ et Trigan, dans VHistoire ecclésiastique de Normandie^ nous
en ont conservé la substance. Ce tait une composition relativement
moderne, car on ne la trouve dans aucun bréviaire soit à Rouen,
à Fécamp ou à Cerisy-la-Forèt. Dans ces différentes localités, la
fête de Saint-Fromond était indiquée au commun d'un pontife, et
plus tard, à Rouen et à Fécamp, au commun d'un martyr. Le dio-
cèse de Coutances n'a point inséré dans sa liturgie l'office de ce
saint évêque. Cependant, bien qu'on ne fit mémoire de Saint-Fro-
mond que dans quatre églises ou communautés, sa fête remontait
à une assez haute antiquité. On la trouve indiquée, avec celle de
Saint-Lo et de Saint-Romphaire, dans l'ordinaire du prieuré de
Saint-Lo de Rouen (4), dans un bréviaire manuscrit, plus ancien
(1) Trigan, Histoire ecclésiastique de Normandie. Tom. I. p. 633. Cet auteur
pense que celte légende » pu servir de leçon pour la fête du saint, dans le prieure
de Saint-Fromond-sur-la-Vire.
(2) Ces vers étaient écrits sur un tableau en parchemin et au bas se trouvait
cette note : « L'an 621, selon l'ancienne et vraie histoire de M. Saint-Fromond
trouvée en ce temple, M. Claude Foucard, sieur de Blangi, secrétaire et maître
d'hôtel de Messire Joachim de Matham, prêtre, abbé du Bourg-Achard et prieur
de Saint-Fromond, conseiller ecclésiastique au Parlement de Normandie, a fait, en
l'honneur d'icelui saint, dresser ces vers en ce présent tableau. » Trigan, T. I.
p. 633.
(3) En 1875, M. Hue, curé de Saint-Fromond, nous écrivait qu'en arrivant dans
sa cure il avait trouvé le tableau en parchemin, mais presque indéchiffrable, telle-
ment il était usé ; il l'avait mis de côté pour l'étudier très attentivement, mais il
fut dévoré par un incendie arrivé en 1843.
(4) Ordinarium Sancti Laudi Rothomagensis, imprimé à la suite du De officiis
ecclesiaslicis de Jean d'Avranches, archevêque de Rouen.
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— H6 —
encore, de l'abbaye de Cerisy, au diocèse de Bayeux (1) ; le prieuré
qui porte son nom sur les rives de la Vire remonte au X^ siècle (2)
et l'église paroissiale qui lui était contiguë est citée dans le Polyp-
tycum ou Livre-Noir, du chapitre de Coutances, remontant à l'an-
née 1251 : (c Ecclesia Sancti Fromondi (3). »
VIE DE SAINT FROMOND
Saint Fromond naquit dans le diocèse d'Evreux, vers 620. L'a-
mour de la perfection et un attrait pour la solitude lui fit quit-
ter sa famille pour se retirer dans un désert. Il fixa sa demeure
près de la rivière de Vire, dans un endroit où l'on bâtit plus
tard une église en son nom et où il construisit lui-même un er-
mitage avec un modeste oratoire. Bientôt des disciples vinrent le
trouver et leur nombre étant devenu considérable, il jeta les fonde-
ments d'une abbaya dont il fut le premier abbé. Sa vie mortifiée
et sa réputation de sainteté se répandit bientôt dans le diocèse.
Aussi quand l'évêque Huldéric mourut, vers 673, il fut élu, d'un
commun accord, pour lui succéder. Le saint abbé Fromond, devenu
pontife, s'occupa avec beaucoup de zèle de son peuple et fonda,
dans le nord du Cotentin, sur les rives du Merderet, dans un lieu
appelé le Ham, une célèbre abbaye de filles, qu'il consacra le
15 août, 677. Il fut secondé par le roi Thierry et plusieurs seigneurs
qui firent de grands dons au nouveau monastère. Après un épis-
copat d'une vingtaine d'années, il mourut en odeur de sainteté,
vers 690. Il fut inhumé, selon son désir, dans l'église de l'abbaye
qu'il avait fondée sur la Vire, et où il avait passé sa première jeu-
nesse monacale. On montrait encore, au commencement de ce
siècle, son cénotaphe ou tombeau en pierre recouvert en bois,
comme celui de saint Ortaire à Landelles ; ce qui prouve qu'il avait
été pollué et mutilé par les protestants, en 1562. Cette église où
reposa le bienheureux prit bientôt son nom, sans doute à cause des
miracles qui s'y opérèrent. On allait visiter son église et une fon-
taine salutaire, dite de Saint-Fromond. Sa fête fut, à cette époque
(1) Trigan, Histoire ecelésiasUque de I^ormandie, Tom. I. p. 635.
(2) Trigan, T. I. p. 635.
(3) Polyptychum diœcesis Gonslancieusis, Recueil des historiens de France, Tome
XXUI, p. 508.
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— ^17 —
lointaine, fixée au 24 octobre. Il existait aussi une autre fontaine
sous le vocable du mêrne saint, près de l'église du Ham; mais la
plus célèbre était celle de Brévands, à 14 kilomètres du tombeau du
saint. Les populations de tout le canton s'y rendaient processionnel-
lement, dans les temps de grande sécheresse, pour demander à
saint Fromond une pluie bienfaisante. On y portait même la reli-
que du bienheureux, c'est-à-dire une partie du bras droit, qui dis-
parut au XV^ siècle.
On prétend, depuis un temps immémorial, que le saint est né à
Brévands, et on y montre les terres qui avaient fait partie de son
domaine. C'est pour cette raison que Trigan pense que dans la vie
latine qui est perdue ou égarée, le copiste avait mal lu et sans
doute confondu Ebroïctim, Eberovim (Evreux) avec Brevevadum
(Brévands). Cette erreur parait d'autant plus probable que la cité
d'Evreux n'est marquée qu'à quatre milles du lieu où reposait saint
Fromond. Or cette distance répond à peu près à celle qui existe
entre Brévands et Saint-Fromond, sur la Vire, et nullement à l'espace
très considérable de 130 kilomètres qui séparent Evreux des rives
de la Vire.
Au diocèse de Bayeux, dans l'abbaye de Cerisy, à laquelle appar-
tenait le prieuré de Saint-Fromond, on voyait un très ancien manus-
crit indiquant la fête de saint Fromond, pontife, au 24 octobre. Dans
l'église abbatiale se trouve aussi un vitrail, où le saint était repré-
senté, du côté de l'Evangile, avec ses ornements pontificaux, et au
bas était le nom de saint Fromond. Dans l'église paroissiale annexée
au prieuré, le portrait du même évêque se trouvait encore au-dessus
de l'autel du chœur. Cette église, qui offrait des restes considéra-
bles du Xle siècle, Ecclesia Sancti Fromondi^ a été détruite et il ne
reste aujourd'hui que celle du prieuré, beau vaisseau du XV® siècle
avec collatéraux, mais dont la grande nef était l'ancienne église dis-
parue. Un simple mur de réfend la séparait de l'église conventuelle.
L'Abbaye du Ham.
L'érection de l'abbaye du Ham est le fait le plus important que
nous connaissions d'une manière* authentique de l'épiscopat de
saint Fromond. Situé dans une des fertiles contrées du Cotentin,
enrichi par le roi Thierry et les seigneurs du pays, ce monastère
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— H8 —
devint bientôt un des plus opulents du diocèse. C'est ce que témoi-
gnent ces vers du chanoine Wace, quand, dans son Roman de Bon,
il rappelle les ravages des lioinnies du Nord, à la tin du IX<^ siècle :
A U Ham aveit richo abeic
Et bien assise et bien garnie ;
Hastaing les terres l'eveilIa,
L'avoir en prit, pois l'alluma (1).
L'incendie des Scandinaves no détruisit pas tout. Sur les ruines
on éleva une nouvelle église qui devint un i)riouré, donné jdus
tard à l'abbaye de Saint Pierre en Vallée, au diocèse de Chartres.
De cette église priourialc il reste encore un beau portail roman, à
triple archivolte, orné de trois rangs de dents de scie, comme la
fenêtre qui le surmonte. Mais sur ce vieux sol labouré par le feu,
on découvrit un objet ti'ès curieux : c'était l'autel majeur de l'an-
cienne abbaye mérovingienne, consacrée par saint Fromond, au
Vll^ siècle. D'abord caché sous une boiserie, il fut remis en lumière
au XVIP siècle. C'est un parallélograuime en pierre calcaire, mesu-
rant 1 '" 08 de longueur, 1 '" de largeur avec une épaisseur de •" ÎM3
millimètres. Autour de la surface règne une bordure large de
0"> 08^2 millimètres sur ()"»(X)7 millimètres de saillie, au-dessus de
la table proprement dite (:2). An Uiilieu de la surface en creux,
existe une grande croix ancrée, enfermée, en partie, dans un rec-
tangle simulant une sorte d'auréole. Aux quatre angles de la table
sont encore de petites croix entonrées d'un cercle, et au-dessus de
celle qui est du côté de l'Evangile, on a gravé les lettres X. \\ K.,
abréviation du mot Christus ou Cluiate. Sur la bordure entre deux
lignes tracées au trait, est une longue inscription qui vaut une
charte et qui nous donne la page la plus vraie de l'histoire de saint
Fromond. Cette inscription, qui a été reproduite deux fois i)ar
Mabillon (3), puis, au siècle dernier, par le Père Longueval (4),
Toustain de Billy (5), Trigan (Co; et, de nos jours, par délier-
ai) Romau de Rou^ Tora. 1, p. 20.
(2) Cette pierre d'autel est conservée dans la bibliothèque de la ville de Valognes.
(3) Mabillon, Anu. Bénédictin. Toni. 1. p. 538 et 057.
(4) Histoire de l'Eglise f/allicane. ïom. V. p. 315, édition de 1826.
(5) Histoire ecclésiastique du diocèse de Coutances. Tom. I. p. 52
(6) Trigan, Histoire ecclésiastique de la prorince de Normandie. Tom I. p. 637.
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— i19 —
ville (1), Lecliaudé d'Anisy (^) et M. Le Blant (3), commence
ainsi :
Partie supérieure de l'autel.
f Constantininsis urbis rectur Domnus Frodomundus pontitex
In honore aime Maria genetricis Dni hoc templum hoc —
QuiE iihare construxsit fideliter adquae digne dedicavit mense
Augusto medio et hic festus celebratus dies sit per annû singolus.
Première face.
f Anno iiiiii jam régnante Theodorico rege in Francia hoc
Cinubium chingxit mu [ris]. . . [feli] citer
abens curam pasturalem in amore Dni suarum ovium.
Deuxième face.
Patravit caulas quam pulcherrime nec a morsebu [s] lu [po] rum
E [t] vora [citate] gant
ur pascua perpétua choro nexas virgenale cum Ma —
Troisième face.
ria almissema ispa vivant et exultent in eterna secola
Dom [inus] n
Item locum rex concessit ad istum cenubium ipsi etenem
Quatrième face.
Primus cipit struerc hic monistrium demum pontifex erec —
tus r sem fper]. ....
Pluremus adque citeras pard [inasj [s] eptinari nomero f
f sic ba
Traduction.
M. E. Le Biant, qui a le mieux lu cette inscription, la traduit
ainsi :
« t Le Seigneur et maître Fromond, pontife de la ville de Cou-
tances, a, en l'honneur de la bienfaisante Marie, mère de Dieu, élevé
(1) De GerviUe, Notices sur quelques antiquités tnérovingiennes découvertes près
de Valognes. P. 14.
(2) Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Tom. XVH, p. 215.
(3) Inscriptions chrétiennes de. la Gaule ^antérieures au VIir= siècle, T. f,
p. 181,186.
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— 120 —
ce temple et cet autel, et les a pieusement et dignement dédiés au
milieu du mois d'août; que cet anniversaire soit célébré tous les
ans par une fête.
» f L'année sixième du règne de Thierry, roi de France, il en-
toura ce monastère de murs... heureusement... accomplissant ses
fonctions de pasteur, en l'amour de N.-S., il établit la bergerie de
ses ouailles avec la plus grande sollicitude. Ni les morsures des
loups, ni la voracité... éternels pâturages... unies au chœur des
vierges avec la bienfaisante Marie, puissent vivre et jouir avec elle
du bonheur céleste dans l'éternité des siècles. Le seigneur... De
plus, le roi, a concédé le terrain de ce monastère; en effet...
[Fromond] a commencé le premier à élever ce monastère; enfin
nommé pontife... toujours plusieurs... et d'autres prairies au nom-
bre de sept, t
f Ainsi... y>
Toute l'inscription n'a pu être lue, parce que, comme l'indique
la table, elle se continuait sur quatre pieds-droits qui la suppor-
taient et qui aujourd'hui sont perdus. Quant au latin il est de son
époque, c'est-à-dire un peu barbare. Les cas sont mal observés, les
mots sont dégénérés ou aspirés à la manière des Francs ; mais quoi
qu'il en soit, l'inscription est une des plus curieuses qui nous res-
tent de ces âges reculés, et l'autel lui-même, bien que privé de
ses supports, est aussi, pour son époque, le pins beau qui soit
parvenu jusqu'à nous. Le ciseau qui le sculpta n'avait pas encore
oublié les bonnes traditions de l'art romain. Mais ce qui rend cet
autel particulièrement précieux, ce sont les détails qu'il donne sur
répiscopat de saint Fromond, son zèle pour embellir ce monastère,
ses relations avec le roi Thierry, la charité des fidèles pour secon-
der l'œuvre du pontife, et la date de ces constructions.
Reliques de saint Fromond.
Dès la fin du IX^ siècle les reliques de saint Lo et de saint
Romphaire furent portées à Bayeux. Celles de saint Fromond res-
tèrent dans son tombeau sur les rives de la Vire, comme celles de
saint Sever et de saint Ortaire dans les églises qu'ils avaient fon-
dées. Ces églises furent incendiées et détruites par les Normands,
mais les corps des saints furent conservés sous les ruines. Le
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— 121 —
diocèse de Coutances, toujours occupé par les Scandinaves ido-
lâtres, n'avait plus d'évêque résidant, depuis la mort du pontife
Lista, massacré par les barbares, dans la ville de Saint-Lo. Ses
successeurs s'étaient réfugiés en différents lieux de la France. Au
Xe siècle, Théodoric habitait Rouen avec une partie de ses prêtres.
N'ayant point d'église, le duc Rollon, après son baptême, lui donna
celle de Saint-Sauveur, dite aussi de Sainte-Trinité, et l'évêque
avec son clergé s'y retira comme dans sa cathédrale. C'est alors
qu'il songea à faire apporter, dans ce sanctuaire, les corps de saint
Lo et de saint llomphaire restés sous terre devant le portail de l'é-
glise-mère de Bayeux. Du Cotentin il fit venir également le corps
de saint Fromond qu'il désirait de tout cœur soustraire aux insultes
des mécréants. Ces translations eurent-elles lieu le même jour,
c'est peu probable. L'auteur qui en a parlé, longtemps après nous,
dit : « que les cloches de l'église Sainte-Trinité sonnèrent d'elles-
mêmes lorsque le cortège passait devant le portail du saint lieu et
et que les chevaux attelés au char s'arrêtèrent malgré les efforts
qu'on fit pour les faire avancer. » On fut alors convaincu que
ces pieuses reliques désiraient vraiment être placées dans cette
église (1).
Quand les Evêques de Coutances rentrèrent dans leur diocèse,
au commencement du XI^ siècle, après plus d'un siècle d'absence,
l'église de Sainte-Trinité ou de Saint-Sauveur, qui avait pris le nom
de Saint-Lo, devint une Collégiale de chanoines séculiers. Au
XII*^ siècle, en 1140, la Collégiale était loin d'être régulière et
l'évêque Algare, de sainte mémoire, résolut de remplacer son clergé
par des chanoines réguliers, venus de Sainte-Barbe-en-Auge. Au
milieu de tous ces changements, l'église de Saint-Lo de Rouen
perdit plusieurs de ses titres et en particulier celui de la trans-
lation des reliques de «aint Fromond. Il resta cependant comme
certain, à Rouen, que le corps de saint Fromond était venu du
diocèse de Coutances. Mais, au XIII^ siècle on commença à douter
que ce saint fût un évêque. Les vieilles listes épiscopales de Cou-
tances l'avaient inscrit sous le nom de saint Romond, de saint
(1) Histoire du prieuré de Saint-Lo de Bouen, d'après les documents authenti-
ques tirés des Archives de la Seine-Inférieure et mis en ordre par M. de Glainville.
Tom. I, p. 21 et Tom. II, p. 257. — Voir aussi Toustain de BiUy, Histoire ecclé-
siastique du diocèse de Coutances. Tome l. article saint Fromond.
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— 12â —
Femoiid (i), ce qui laissait des doutes sur l'identité de ce nom avec
celui de saint Fromond. Il ne manquait cependant que la lettre
initiale que le copiste avait trouvée effacée ou peut-être même
oubliée. Quoi qu'il en soit, les rédacteurs de Vordinaire du prieuré
de Saint-Lo de Rouen, ne trouvant pas saint Fromond au nombre
des pontifes coutançais, en firent un martyr que déjà, sans doute,
ils confondaient avec un autre saint du même nom martyrisé en
Angleterre. Sa fête fut alors indiquée au 24 octobre, en ces termes :
a De Sancto Fromondo martyr, duplex festum. Ad utranque ves-
» peras et matutinum cerens ardeat coram feretro. Ad vesperas
» ant. Beatus rit\ Psalmi de die. Si dominica fuerit, ad proces-
» sionem dicatur responsorium Gloria et honore; in qua proces-
» sione débet capsa Beati Fromondi deportari et duo ceri [juxtaj
» feretrum (!2). » Cet ordinaire qui fait de saint Fromond un mar-
tyr, paraît remonter au prieur Jean, Anglais de nation, qui institua
l'office des défunts pour tous les frères morts en Angleterre : « Pro
fratribus transmarinis (3). »
Mais si à Rouen le souvenir de saint Fromond de Coutances
s'oblitérait, il restait vivace dans Tabbaye de Gerisy, au diocèse
de Bayeux. On y possédait un bréviaire plus ancien que l'ordinaire
de Saint-Lo de Rouen, et dans lequel la fête de saint Fromond était
marquée comme celle d'un confesseur et pontife. Si l'église de
Fécamp, qui faisait aussi mémoire de saint Fromond, avait imité
Rouen et le célébrait comme martyi", le prieuré de Saint-Fromond-
sur-la-Vire, fêtait son patron comme évêque de Coutances. Néan-
moins, à Rouen, au XV^ siècle, tout en donnant à saint Fromond
le titre de martyr, on lui rendait son son titre de pontife coutançais.
C'est ce que nous apprend Gilles de Durmond,un des successeurs
de saint Fromond sur ce siège. Cet évêque qui avait fixé sa demeure
au prieuré de Saint-Lo de Rouen, pondant k domination anglaise,
permit aux cbanoines de faire une quête dans son diocèse de Cou-
tances, pour venir au secours du prieuré qui avait cruellement
(1) Anciennes listes des Evêques de Coutances, dans ÏHistoire générale du paya
du Colenlin, manus. de la bibliothèque de (ioutances et apud nos, p. 187. La liste
du Vatican, des Evêques de Coutances, ocri' aussi : Sanctus Rotmundm.
(2) Ordlnarium canonicorum regularium Sancti Laudi Rotomagensis, page 189,
à la suite de Jonnnis Ahriucensis episcnpi. Liber de Offtciis ecclexiagticis. Edition
Migne, page 158.
i"'\) Nenfifria Pin. Prioratus Sancti Lnud' Rotomagensis, page 809.
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— 123 —
souffert pendant l'invasion. Mais cette quête ne fut ordonnée qu'en
vue des souvenirs qui rattachent ce couvent au diocèse de Coutances.
« C'est en effet, dit Mgr de Durmond, dans ce prieuré de la
» Bienheureuse et indivisible Trinité, maintenant désigné par le nom
» et l'appellation du Bienheureux Lo, confesseur et pasteur de notre^
» église de Coutances, qui l'a elle-même choisi pour patron, que
» repose son corps, que l'on garde et vénère pieusement ses
» reliques, ainsi que celles des Bienheureux Romphaire, son succes-
» seur dans la même église comme évêque et comme prélat, et Fro-
» mond, martyr de notre même église de Coutances, tous évêques
» nos prédécesseurs. » a Cum autera in prioratu Beatissimse et in-
y> dividUcT Trinitatis Rothomagensis, nunc nomine et vocabulo
» Beatissimi Laudi confessons ejusdem nostraî Constantiensis eccle-
> siae pastoris et patroni intitulato ejusdem Beatissimi Laudi et
» Beatonnn Rompharii in episcopatu et prelatura ejusdem ecclesise
» successoris sui, atque Fromondi martyrU ipsitis nostrœ Constan-
» tientiœ ecclesiœ^ episcoporum et predecessorum nostrorum corpora
» et reliqtnœ requiescant ac deiotissimè revereantur^ teneantur et
» habeantur » (1). Mgr de Durmond admet le titre de martyr,
comme l'indique l'ordinaire du couvent. Il n'a pas examiné cette
question pour la discuter, mais ce qu'il sait bien, c'est que saint
Fromond a été un de ses prédécesseurs comme évêque de Cou-
tances. Cependant les chanoines de Saint-Lo de Rouen avaient une
préférence pour le martyr anglais, et 29 ans après l'affirmation
du pontife, le prieur Guillaume, en 1470, dans l'acte où il nous
apprend qu'il a donné de nouveaux reliquaires aux trois saints
vénérés dans son couvent, saint Fromond n'est plus cité comme
évêque, mais comme abbé et martyr : « Ut sancti corporibus Beato-
» rum Laudi et Rumpharii quondam Constanciensium episcoporum,
y> ac Fromondi abbatisetmartiris, quorum reliquite nostra requies-
» cunt in ecclesia, decus majus afferretur, feretra sive capsas anti-
y> quas » (2).
Il n'y a plus de doute à conserver; à Rouen saint Fromond n'est
(i) Acte publié in extenso^ dans la Vie des Saints du diocèse de Coutances et
Avranches. Tom. I, page 167, d'après l'acte original, conservé dans les Archives
de la Seine-Inférieure.
(2)^ Vie des Saints du diocèse de Coutances ci Avranches. ïom. I, page 169,
d'après l'acte original conservé dans les Archives de la Seine -Inférieure.
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— 124 -^
point un pontife, mais un abbé martyr, et comme l'Angleterre
a possédé un abbé martyr, appelé Fromond, c'est bien lui qu'on
invoque désormais à Saint-Lo de Rouen et dans l'abbaye de Fécamp.
Cependant comme on croyait toujours que les reliques de saint
^Fromond étaient venues de Coutances, on supposa qu'elles avaient
été transportées d'Angleterre dans le prieuré de Saint-Fromond-
sur-la-Vire et de là, enlevées pour aller à Rouen. Cette thèse fut
admise par le rédacteur des leçons du bréviaire de Coutances, en
1741, sous l'épiscopat de Mgr de Matignon. D'après cette légende :
« Saint Fromond, né d'une famille princière, se serait retiré dans
» le désert pour y vivre en ermite. Apprenant bientôt que les
» Danois étaient venus ravager sa province, il sort de sa retraite et
» à la tête de ses compatriotes, il attaque l'ennemi, le met en fuite et
» rentre victorieux ; mais peu après, vers 866, il est assassiné par
» un apostat, auquel les Danois ont fait de brillantes promesses.
» Regardé comme un martyr de la religion et de la patrie, saint
» Fromond fut inhumé dans la chapelle bâtie par le roi Offa, où on
5) vint le prier. Les vicissitudes du loyaume l'ayant bientôt fait ou-
» blier, on voulut le soustraire aux profanations des infidèles et,
» vers 905, il fut apporté dans le diocèse de Coutances, c'est-à-
» dire dans l'archidiaconé du Val-de-Vire, dans le doyenné du
» Hommet et dans ce lieu où on a élevé depuis une église qui porte
» son nom. De là il aurait été transféré à Rouen quelques années
» plus tard (1). » Il faut avouer que ce n'est pas sans étonnement
qu'on voit transporter d'Angleterre, alors si tranquille, sous les
rois Alfred-le-Grand et Edouard l'Ancien, c'est-à-dire de 871 à 925,
les reliques d'un saint, pour les déposer dans une terre où vivent
des infidèles tellement entiemis du nom chrétien que l'évêque et le
clergé ont été contraints de prendre la fuite.
On comprend que l'évêque Théodoric ait eu à cœur d'arracher
des mains des barbares les reliques d'un de ses vénérés prédéces-
seurs, mais on s'explique difficilement ce même zèle pour un saint
qui lui est inconnu et qui n'eut aucun rapport avec son diocèse.
Enfin on ne saisit guère ce voyage des catholiques anglais venant
s'exposer avec le corps d'un martyr dans un pays infidèle, quand
il leur était si facile d'aller directement à Rouen, alors en sécurité,
(i) Hréviaire de Coutances de Mgr de xMalignon, partie d'Automne, au 24 octobre.
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— 125 —
sous la sage administration du duc Uoilon. Aussi les liistoriens
coutançais, Toustain de Billy et Trigan, ne tinrent-ils aucun compte
de la légende du bréviaire. Non seulement Trigan n'y croit pas
mais il la combat. En voyant la fête de saint Fromond célébrée par-
tout le même jour, à Rouen et à Fécamp, comme abbé et martyr, à
Cerisy-la-Forêt et à Saint-Fromond-sur-la-Vire, comme pontife et
confesseur de Coutances, il conclut a que la tradition du pays d'ori-
» gine doit sembler préférable si Ton ne montre, contre cette tra-
» dition, qu'un autre Fromond que le nôtre, par exemple le prétendu
» martyr anglais, a été apporté dans le Cotentin et de là à Rouen.
» C'est ce qu'a imaginé depuis peu, dit-il, un nouveau légendaire
1 sans que je sache sur quoi fondé (1). » Trigan raisonnait juste et
voyait la vérité ; mais il est regrettable qu'il ait ignoré l'acte de
1441, de Mgr de Durmond, car cet acte lui eût donné complète-
ment raison. Le bréviaire de 1830 de Mgr Dupont-Pou rsat, et celui
de 1861, de Mgr Daniel, ont, avec justice, supprimé la légende
sans fondement du bréviaire de Mgr de Matignmi.
Notre conclusion, en finissant, est que le saint Fromond célébré
le !24 octobre à Rouen, à Fécamp, à Cerisy-la-Forêt et à Saint-Fro-
mond-sur-la-Vire, nous paraît bien être un seul et même saint,
c'est-à-dire le saint Frodomond, évêque de Coutances, fondateur de
plusieurs monastères et en particulier de celui qui existait sur la
Vire, dans lequel on montrait encore son tombeau, au commence-
ment du XIX® siècle.
-»• > c» i ^
(1) Trigan, Histoire ecclésiastique de la province de Normandie. Tom. J, p. 663.
L'auteur indique en marge le bréviaire de Mgr de Matignon où se trouve cette
légende, au 25 octobre. Le bréviaire a fixé cette fête au 25, au lieu du 24, pour
conserver celle de saint Magloire que le diocèse de Coutances célébrait le 24 octobre.
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SAINT LÉON DE CARENTAN
ÉVÊQUE ET MARTYR DE RAYONNE
:¥otioiiii préliiniiiaireii et critiques.
11 existe trois vies anciennes de saint Léon, tirées des archives
et des bréviaires manuscrits de la ville de Bayonne. Deux de ces
vies ont été publiées par les Bollandistes (1). La troisième est
inédite et si elle n'est pas la plus longue elle est la plus logique au
point de vue des dates.
Toutes ces vies n'ont été longtemps connues que dans le diocèse
de Bayonne. Vers 1G30, un chanoine de Rouen, Jean Le Prévost, sa-
vant commentateur du de Officm ecdesiasticis^ de Jean d'Avranches,
reçut l'ordre de préparer une nouvelle édition de la liturgie de son
diocèse. En s'occupant de ce travail il rencontra, dans un vieux
bréviaire-manuscrit de son pays, un office complet de saint Léon,
évêque de Bayonne et natif de Carentan. Sa fête était indiquée au
25 février (2), immédiatement après celle de saint Mathieu, apôtre.
Cette découverte porta le savant chanoine à faire des recherches
ultérieures sur ce saint. Il écrivit à Bayonne et demanda des rensei-
gnements plus complets. On lui communiqua alors un manuscrit
renfermant une vie fort détaillée, avec cette note : <f Tiré de l'ori-
ginal manuscrit gardé au chœur de l'église cathédrale de Bayonne,
le 15 de novembre de l'an du Seigneur 1033, par moi Michel Dorsa-
vard, chanoine théologal de ladite église, vicaire général et officiai
de mon Révérend Seigneur, Raimond de Montagne, évêque de
Bayonne, absent (3). »
Cette longue vie avait été rédigée, dit le texte, d'après un mé-
moire que l'on croyait alors avoir été écrit par Jean Paheu, que
saint Léon avait laissé à Rouen, comme vicaire général, pour admi-
nistrer le diocèse pendant son absence.
(1) Acta smictorum, tom. VU^ du mois de mars, pages 94 et suivantes.
(2) Aujourd'hui elle est partout célébrée le 1" mars.
(3) Mgr Raimond de Montagne fut évêque de Bayonne de 1630 à 1637.
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— 128 —
D'après les notes du vicaire, il résulte que le jour de sou martyre
le saint apparut à l'administrateur Jean pour lui raconter les dé-
tails de sa mort. Il l'engagea en outre à faire le voyage de Rayonne
pour s'assurer, par lui-même, delà réalité decequ'ii venait d'enten-
dre. Jean Paheu obéit et vint avec un de ses confrères de Rouen, nommé
Geoffroy, auquel il avait fait part de sa vision. Après avoir entendu,
sur le tombeau du saint, ce qui lui avait été annoncé, Jean revint à
Rouen et fit un rapport de tout ce qu'il avait appris. Or, c'est sur
ce mémoire que reposent les détails de la première vie. Trigan
paraît douter de plusieurs de ces faits, parce que, dit-il, le vicaire
avec son double nom de Jean Paheu offre une exception sans
exemple au IX® siècle; ensuite, parce que, malgré tous ces détails,
saint Léon est resté trop longtemps dans l'oubli ; enfin, parce que
aucun monument ancien n'est venu confirmer les faits racontés par
le vicaire. « Qui ne sait, ajoute-t-il, par combien de voies certaines
fautes ont pu se glisser dans ces vieux écrits (1). »
Cependant, si quelques détails semblent apocryphes, l'ensemble
des faits, identiques dans les trois manuscrits, paraissent incontes-
tables, et les notes attribuées à Jean Paheu supposent bien des actes
antérieurs aux vies que nous possédons.
La vie la plus détaillée donne le nom de la mère du saint et l'ap-
pelle Alice ; elle indique aussi le lieu de sa naissance, c'est-à-dire
Carentan, qu'elle place en Normandie, mais dans le diocèse de
Rouen; enfin, elle fait naître le saint martyr en 856(2). L'auteur,
il faut l'avouer, ne connaissait guère la Normandie qui, au temps
de saint Léon, n'avait pas encore été cédée aux Scandinaves, et il
ignorait complètement la position de Carentan. En indiquant en
outre la date de 850, saint Léon n'a pu connaître le pape Grégoire IV,
mort en 844.
La seconde vie, qui se trouve à la Bibliothèque nationale, com-
mence à l'arrivée du saint à Rayonne et ne dit rien d'Alice, de Ca-
rentan et de la date de naissance (3).
(1) Trigan, Histoire ecclésiastique de Normandie^ tom, H. Observations^ p. 62.
(2) (( Fuit itaque iu Normauniae partibns, villula Carentauo nomine et Rothoma-
gensis^disecesis vir quidam uxorem habens Aliciam appcllatam »
(3) La seconde, tirée d'un vieux bréviaire manuscrit de Rayonne et publiée par
les BoIIaudistes à la suite de la première, a été transcrite en 1663 par François
Decamps^ de Toulouse. Elle se trouve à la Bibliothèque nationale sous ce titre :
B. I. Résidu Saint Germain. Vitœ et acta sanctorum XIX, 102 et 103.
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— 129 —
La troisième vie, transcrite en 1635 par François Decamps, ne
donne pas Tannée de la naissance, mais seulement celle de la mort
qu'elle marque vers l'année 856 : « Passas est autem circa anmim
Domini octingentesimmn quinquagesimum mcarnationis Domini sex-
tum (1). » Avec cette date on comprend que saint Léon ait pu vivre
sous Louis-le-Germanique et au temps du Souverain-Pontife Gré-
goire IV. Ces actes indiquent aussi que la ville de Carentan, lieu
natal du saint, se trouvait non en Normandie, mais en Neustrie, et
se gardent bien de localiser cette ville dans le diocèse de Rouen. Si
le chanoine Jean Le Prévost eût connu cette vie, peut-être qu'il
n'eût pas placé saint Léon comme archevêque de Rouen, après
l'évêque Jean 1^% en 888, mais nous l'eut plutôt montré comme le
successeur de Guntbald, qui siégea de 838 à 840 ou 848. Cependant,
si saint Léon a été archevêque de Rouen, il a dû siéger bien peu
de temps, car on ne sait absolument rien de son passage dans ta
capitale de la Neustrie, et c'est sans doute pour cette raison que le
Gallia Christiana a rejeté ce saint pontife du catalogue des arche-
vêques de la province de Normandie (^).
Voici le résumé de la vie de ce saint pontife :
Saint Léon naquit à Carentan de parents nobles, vers 810. Ses
parents, voyant la province infestée par les pirates, se retirèrent
dans les états de Louis-le-Germanique, fils aîné de Louis-le-Débon-
naire. Le roi prît le jeune homme sous sa protection et le fit étudier
à Paris. Ses progrès furent très remarquables dans les sciences et
les saintes lettres. Il se rendit ensuite à Rome, près du pape Gré-
goire IV, qui l'admit au sacerdoce, vers l'âge de 30 ans. Peu après
il fut élevé à la dignité épiscopale et envoyé à Rouen pour y admi-
nistrer ce vaste diocèse. Saint Léon y resta peu de temps, car, épris
du désir de convertir à la foi chrétienne les populations de la Na-
varre et de la Biscaye, il quitta Rouen et se dirigea vers les frontières
de l'Espagne. En s'y rendant, il fit plusieurs conversions dans les
landes de la Gascogne et arriva, en suivant les rivages de la mer,
à Lapurdum, aujourd'hui Rayonne et capitale du Labour. Ayant ob-
tenu la permission de parler au peuple, il eut le bonheur de le
convertir, ainsi que; les prêtres qui honoraient le dieu Mars. Il ren-
(i) Troisième Vie de saint LéoUy h la Bibliothèque nationale, sous ce titre :
B. I. Kesidu de Saint Gennain, Vilœ et acta sanctorum. XIX. 105, v» et 104.
(2) Voir le Gallia ChristianUf ïom. XI, page.
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— 130 —
versa leur idole et éleva sur son emplacement une église à la Sainte
Vierge, qui devint la cathédrale et l'église-mère du diocèse. Quand
saint Léon vit le christianisme ravivé dans la ville et la contrée, il
se dirigea vers l'Espagne et, après plusieurs années de travaux, il
ramena au vrai Dieu les peuples de la Biscaye et de la Navarre. II
revint ensuite visiter ses chers néophites de Lapurdum. En arrivant,
il fut rencontré par des pirates infidèles que les habitants de la
ville avaient chassés. Ces malheureux, attribuant leur renvoi aux
prédications de saint Léon, l'assaillirent avec des injures et finirent
par lui trancher la tête. A l'endroit où le saint subit le martyre
jaillit une fontaine dont l'eau eut des vertus merveilleuses (1). On
ajoute que le saint releva son chef et le déposa au lieu où il dési-
rait être inhumé. Une église fut érigée sur son tombeau, on vint y
prier et un grand nombre de miracles s'opérèrent.
M. l'abbé Patin, dans son grand dictionnaire des saints, remarque
que le portement de la tête du saint rappelle des faits semblables,
cités dans la vie de saint Denis et de plusieurs autres saints. Ces
sortes de merveilles, dit-il, ont leur source dans ces tableaux ou
statues qui expriment, de la sorte, le genre de mort souffert par un
grand nombre de martyrs. Aussi cette erreur populaire a-t-elle été
abandonnée par les critiques qui se sont occupés de ces légendes.
Quant au dieu Mars honoré à Lapurdum au IX^ siècle, c'est une
particularité qui ne peut guère étonner, puisqu'au temps de Char-
lemagne on trouvait encore des idolâtres dans les Gaules, comme
le prouvent les capitulaires et les conciles. Lapurdum convertie au
IV« siècle, puis conquise par les barbares et les infidèles, a pu re-
venir au culte primitif de ses pères, à son Dieu privilégié dont le
souvenir était peut-être loin d'être éteint.
Culte de Saint Léon.
Le tombeau de saint Léon fut toujours glorieux par les miracles
qui s'y opéraient, mais son culte ne devint solennel et public que
dans le courant du XIII® siècle, époque où le martyr fut relevé de
(1) A peu de distance de la Ni?e, rivière profonde qui, dans Bayonne, se jeUe
dans TAdour, se trouve la fontaine de saint Léon. Ses eaux sont salutaires pour
les maux d'yeux et différentes autres maladies. Voir Bayonne^ par M. Morel. page 8.
Il cite un individu de Bayonne qui fit de ces eaux un objet de commerce dai.s
l 'S îles de l'Amérique et y gagna des sommes considérables.
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— i3! —
terre et régulièrement canonisé. C'est ce que nous apprend une
note écrite en têle du manuscrit qui fut envoyé à Rouen en l(i^)3.
Elle indique que la vie la plus détaillée fut écrite à cette occasion
fet qu'elle fut approuvée par le délégué du Souverain Pontife. Cette
note est ainsi conçue :
c( Pour la fête de saint Léon, martyr, archevêque de Rouen et
» patron de la ville de Rayonne, selon le rapport tant de Jean
» Palieu, vicaire du même saint et clianoine de ladite église de
» Rouen, que de Guillaume, cardinal de l'Eglise romaine du titre
» de Saint-Laurent, et de Robert, abbé de Saint-Sauveur, en Nor-
» mandie, qui ont examiné et approuvé sa vie et ses miracles par
» ordre du Pape Grégoire, qui l'a canonisé et mis au catalogue des
» saints (i). »
L'abbé de Saint-Sauveur-le- Vicomte fut Robert de Veule, qui fut
élu en 1188 et qui mourut peu avant 1230; le Souverain Pontife
est Grégoire IX, qui siégea de 1229 à 1241, et le cardinal Guillaume
est cité dans la canonisation de saint Dominique qui eut lieu sous
le même Pape.
C'est au commencement du XIII*' siècle que Lapurdum laisse son
vieux nom pour prendre définitivement celui de Rayonne, que sa
cathédrale s'achève et que saint Léon devient le patron de la cité.
Une partie des reliques du saint sont déposées dans l'église-mère
et le nom du glorieux martyr devient de plus en plus très popu-
laire. A Rayonne, on le rencontre partout. Voici le port de Saint-
Léon, la porte de Saint-Léon, la fontaine de Saint-Léon, l'église de
Saint-Léon, le chemin de Saint-Léon, et dans la cathédrale on voit
sachapeUe, sa statue et son tableau. Les protestants ayant, en 1577,
détruit l'église où reposait le corps du saint, ses reliques furent re-
portées dans la cathédrale (2) et l'église renversée, reconstruite dans
la commune d'Anglet, sur la rive droite de l'Adour.
Saint Léon est également vénéré dans le diocèse d'Aire, où il
avait commencé ses fructueuses missions.
(1) Note publiée dans VHisloire ecclésiastique de Normandie, par Trigan, page
161 : observations.
(2) Le 2 juillet 4893 j'ai visité Bayonne, les reliques de saint Léon dans la
cathédrale, où Ton montre aussi la crosse de saint François de Salle, la fontaine de
saint Léon, le port, la porte et le chemin qui rappellent son nom avec remplace-
ment de raucienne église qui renfermait son précieux corps.
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— 132 —
Rouen fcta aussi, dès le XIII^ siècle, au 25 février, le saint qui lui
avait été envoyé comme pontife ; c'est ce que prouve l'ancien bré-
viaire manuscrit de cette église, signalé par le chanoine Le Prévost. Sa
mémoire, tombée en oubli, fut relevée en 1027 par Mgr de Harlay,
archevêque de Rouen, qui donna au saint martyr une place hono-
rable dans sa liturgie et dans la liste de ses prédécesseurs (1).
À l'exemple de Rouen, le diocèse de Coutances, sous Mgr de Les-
seville, en 1663, inséra sa vie dans son bréviaire au \^^ mars, et
Carentan, la ville natale du saint, lui dédia une chapelle dans sa
noble église, avec une statue où le saint est représenté portant sa
tète dans ses mains.
MARTYROLOGES
Les martyrologes qui citent saint Léon au 1<^'' mars, sont :
1« Apographia Hieronymiana, sous ce titre : ce Natalis sanctorum
Leonis^ Donati^ etc. »
2» Antuerp. et Maxi. Lu bec : « Passio sancti Leonis martyris, »
3» Hagenoyen : « Passio sancti Leonis martyris, »
4» Codex Bigotian : « Passio sancti Leonis martyris, »
5« Altempsian : « Passio sancti Leonis. »
6<> Strozz et Medic. : « Item passio sancti Leonis martyris. »
1° Bruxellen. : « Passio sancti Leonis martyris, »
(1) Le nom de saint Léon ne se trouve pas dans les anciennes listes des arche-
vêques de Rouen ; mais, depuis 1627, il a été inséré : 1° Dans les annales Ecdesiœ
RothomagensiSf de Jean Le Prévost, en 1640 ; 2* dans la Neuslria ChrisUana d'Ar-
thur du Moustier, en 1650 j S» dans VHiatoire des archevêques de Rouen, de D. F.
Pommeraye^ en 1667 ; 4» Dans le Rituale Rothomagense de 1739 et de 1843 ; S»
dans le nouveau rituel de Rouen et dans l'ordo du diocèse ; 6' dans VHistoire de
la ville de Rouerie en 1826, page 285 ; 7* dans les Concilia Rothomagensis provin-
ciœ de Dom G. Bessin, en 1720. Jl n'y a guère que le G allia ChrisUana qui ait
rejeté le nom de saint Léon. Voir aussi M. E.-P. Sauvage, chanoine honoraire de
Rouen, dans ses tables : Elenchi episcoporum Rothomagensium, publiées à Bruxelles,
en 1889.
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— 133 —
VIE DE SAINT LÉON
Saint Léon, issu do parents nobles, naquit à Carentan, ville de la
Neustrie, dite aujourd'hui la Normandie (1). Dès sa plus tendre
jeunesse, il donna des preuves de sa future sainteté. Sa mère le mit
au monde sans douleurs et Fenfant s'ahstenait, à certains jours de
la semaine, de prendre le lait de sa nourrice. Sa jeunesse s'écoula
si régulière qu'il fut pour tous un modèle de piété et de vertu. A
l'âge de 1:2 ans il fut demandé à la cour de Louis, roi de Germanie,
qui l'envoya ensuite étudier à Paris. Là il lit des progrès admira-
bles dans la science du droit canon et de la théologie. Le Souve-
rain Pontife Grégoire ÏX, ayant entendu parler de sa science et de
sa sainteté, le demanda à Rome. Il l'ordonna évêque de la sainte
Eglise, et l'engagea ensuite à se diriger vers les frontières de l'Espa-
gne pour y convertir les infidèles. 11 vint donc d'abord dans le dio-
cèse de Rouen qui avait été conlié à sa vigilance pastorale et prit
ensuite la route du midi, avec ses deux frères Gervais et Philippe.
En suivant leur voie à travers les grandes landes delà Gascogne,
ils arrivèrent à une place forte appelée Fallacia ; ils y entrèrent et
convertirent à la foi de Jésus-Christ presque tous les habitants, et en
particulier le seigneur du lieu, avec toute sa famille. De Jà, en lon-
geant le littoral de la mer, ils gagnèrent la ville de Rayonne et pas-
sèrent la nuit dans une caverne qui se trouvait en dehors de la cité
et à peu de distance de la porte méridionale (^).
En y entrant saint Léon prononça ces paroles. « C'est ici le lieu
que j'ai choisi pour mon repos, le lieu que j'iiabiterai pour tou-
jours. » Le lendemain ils pénétrèrent dans la ville et. saint Léon
ayant commencé des prédications au milieu de la place, convertit
sept cent dix-huit personnes de l'un et de l'autre sexe. Les prêtres
des idoles, s'indignant de ces succès, entraînèrent le saint dans le
temple de Mars afin qu'il offrit un sacrifice à leurs dieux. Mais le
Rienheureux méprisa leur erreur et s'écria : « Tous les dieux des
gentils sont des démons ; c'est le Seigneur qui est le créateur du ciel. »
Puis soufflant sur la statue de Mars qui était en airain, elle se ren-
(1) D'après cet auteur, saint Léon naquit bien avant rétablissement des Nor-
mands dans la Neus'trie.
(2) C'est aujourd'hui la porte d'Espagne.
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— 134 —
Versa et se réduisit en poussière. Effrayés à la vue de ce miracle, les
prêtres reçurent la foi du Christ et se firent baptiser, avec cent qua-
rante-trois personnes des deux sexes. Pendant que saint Léon opé-
rait ces conversions, les citoyens abandonnèrent leur ancien culte
renversèrent le temple de Mars et sur son emplacement s'empres-
sèrent d'élever une église en l'honneur de la bienheureuse Vierge
Marie.
Après avoir suffisamment instruit ces peuples dans la foi chré-
tienne, saint Léon désira se rendre utile à d'autres nations et se
dirigea dans le pays des Cantabres (1), dans la Navarre et les con-
trées voisines. Dans cette mission, il gagna à la religion chrétienne
une innombrable multitude d'hommes. Rentrant enfin à Bayonne,
il rencontra plusieurs pirates qui revenaient de la mer avec leur
butin. Ces hommes, voyant qu'on ne voulait plus les recevoir dans
la ville comme autrefois, en attribuaient la cause à saint Léon. Ils
l'abordèrent donc près du fleuve de la Nive, où il prêchait, et après
lui avoir adressé plusieurs injures, ils lui tranchèrent la tête. Mais,
ô merveille ! à l'endroit où le chef vénéré toucha la terre, jaillit aus-
sitôt une source abondante (2).
Le corps, dépourvu de sa tête, se tint debout pendant près d'une
heure ; puis, prenant son chef, le saint le porta, dans ses mains,
à l'endroit où il voulait être inhumé. A partir de cette époque, la
ville de Bayonne choisit saint Léon pour son patron spécial et le
protecteur de la cité. Par ses prières et ses mérites, ont été obtenus
plusieurs miracles dont Dieu se servit pour prouver la sainteté de
son serviteur. Saint Léon souffrit le martyre vers l'an huit cent cin-
quante-six, après l'incarnation du Sauveur.
Deuxième Vie de Saint lion
Dans ce jour où nous célébrons la naissance de notre glorieux
martyr saint Léon, il serait difficile, frères bien-aimés, de rappeler
tous les détails de sa vie et de son séjour parmi nous ; qu'il nous
(1) Aujourd'hui la Biscaye, qui a pour capitale Bilbao, avec Saint-Sébastien
pour port principal. Cette province touche au diocèse de Bayonne et à Tancien
royaume de Navarre qui s'étendait lui-même en Espagne et en France ; ses capitales
sont Pampelune et Saint- Jean Pied-de-Port.
(2) Otle source existe toujours et porte !e nom de Saint-Léon.
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— 135 —
soit au moins permis d'entendre, en quelques mots, le genre et la
cause de sa mort. Ce Bienheureux, savant dans la science de Dieu,
fut, par une révélation divine et l'approbation des Pères qui for-
ment la cour romaine, élevé à la dignité d'archevêque de la ville
de Rouen. Peu de temps après, avec un mandat du collège aposto-
lique, il se dirigea vers l'Espagne pour enseigner la foi chrétienne
à un peuple infidèle.
Il parvint d'abord à un lieu appelé Faverie, il y prêcha la parole
de Dieu et convertit tout le peuple à la religion du Christ. Conti-
nuant sa route, il se rendit à une ville connue sous le nom de
Bayonne et habitée alors par des pirates qui adoraient de fausses
divinités. Arrivé au déclin du jour, il trouva les portes de la ville
fermées et, n'ayant pu entrer, le saint passa toute la nuit en dehors
de l'enceinte fortifiée.
Le jour étant venu, quelques personnages aperçurent le Bien-
heureux avec ses frères Philippe et Gervais, qu'ils reconnurent pour
être des étrangers. Ces citoyens virent avec étonnement qu'au mi-
lieu des ténèbres, les nouveaux venus avaient su éviter les dangers
des serpents et des animaux féroces, et ils allèrent annoncer en ville
qu'ils venaient de rencontrer des étrangers. Les principaux de la
cité députèrent aussitôt des hommes convenables et bien mis.
Ceux-ci, ayant entendu la parole évangélique que cet homme de
Dieu venait annoncer, commencèrent à croire. Le saint, étant entré
avec eux dans la ville, demanda un lieu convenable au centre de
la cité, pour annoncer au peuple le salut qu'il venait leur apporter
au nom de Jésus-Christ.
Saint Léon prêcha ainsi pendant trois jours et, aidé par la grâce
divine, il convertit le peuple à la foi du Christ. Tous ces néophites
s'écrièrent : « Nous ne voulons plus d'autre loi que celle que saint
Léon vient de nous enseigner. » Us renversent aussitôt leurs idoles
et, selon le désir du saint, ils élèvent une église en l'honneur de la
Vierge Marie, puis ils demandèrent à être régénérés par l'onde
pure du baptême dans la doctrine qu'ils avaient reçue.
Après avoir obtenu ce premier succès, saint Léon se dirigea plus
au midi, vers des lieux déserts et boisés, pour y trouver d'autres
brebis égarées, c'est-à-dire des infidèles. Il les chercha longtemps
et, semblable à un négociateur habile, il gagna un trésor infini. En-
fin, cédant à une inspiration du ciel, il revint vers la ville de
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— no —
Bayonne, car il craignait d'y trouver quelque changement dans la
foi ou les mœurs.
Dans des cavernes, près de la ville, habitaient des pirates qui,
ayant voulu rentrer dans la cité, selon leur habitude, en furent
honteusement chassés par les catholiques. Les pirates, étonnés de
ce changement, en conçurent une grande indignation et, enflammés
de colère, ils allèrent à la recherche du saint. En s'éloignant de la
ville, les pirates aperçurent le Bienheureux Léon revenant avec ses
deux frères, après sa prédication. Ils coururent sur eux et, armés
d'un glaive, firent plusieurs blessures au saint et lui tranchè-
rent la tête. Mais, bien que la violence du coup dût le faire tom-
ber, le saint, dit-on, n'en resta que mieux debout et, relevant
son chef de terre, le porta courageusement dans ses mains jus-
qu'en face de la porte de la cité où il avait fait sa première prédi-
cation. Puis, comme une victime d'holocauste, rappelant le juste
Abel, il l'otîrit pieusement au Seigneur, en disant : « C'est ici le
» lieu de la véritable prédication, le lieu que j'ai choisi et dans le-
y> quel, avec la grâce de Dieu, je reposerai. »
Après la mort du saint, ses frères, qui l'accompagnaient et qui
furent témoins du miracle, reculant d'horreur, abandonnèrent ces
barbares et prirent la fuite.
Un agriculteur, travaillant dans ses vignes et ayant vu ce qui
s'était passé, alla, en poussant des hauts cris, raconter tout au peu-
ple. En se dirigeant vers les homicides, les citoyens aperçurent une
très belle fontaine qui avait jailli à l'endroit où était tombée la tête
du saint. Cette fontaine alimente encore aujourd'hui toute la ville
de Bayonne. Les mêmes citoyens trouvèrent aussi le corps du bien-
heureux martyr dépourvu de sa tête et son chef posé sur une pierre.
Le trouble saisit leur âme et leur cœur souffrit cruellement en voyant
que cet aimable pasteur et leur principal protecteur n'avait pas,
pour leur salut, redouté une mort si cruelle. En l'honneur de Dieu
et du corps saint lui-mênje, le peuple chrétien de la cité éleva une
église en cet endroit et y ensevelit très honorablement le saint mar-
tyr.
Par ses mérites, plusieurs miracles s'y opérèrent ; les femmes,
dans leur détresse, l'invoquent et elles sont délivrées de tout
péril; les nautonniers, exposés sur les flots, sont, par lui, exempts
de tout danger ; les animaux, confiés à sa garde, se voient aussi
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— 437 —
préservés de la morsure des loups et d'infirmités de toutes sortes ;
on cite encore d'innombrables faveurs obtenues au nom de Notre-
Seigneur Jésus-Christ.
VITA SANCTI LEONIS
Léo apud Carentam in Neustria quaî nunc Normannia dicitur no-
bilibus parentibus natus, ab ineunte setate futurae sanctitatis spéci-
men dédit. A matre siquidem absque dolore in lucem editus, infans
certis hebdomadge diebus lacté nutricis abstinebat ; pueritiaetempus
in tanta morum compositione transegit ut tanquam virtutis et
pietatis spéculum apud omnes haberetur. Duodecimum annum
agens à Ludovico Germanorum Duendriorum rege expetitus, ab eo
postea Lutetiam Parisiorum studii causa missus est, ubi in sacra
canonum et theologiae doctrina mirum in modum profecit. Ejus
eruditionis et sanctitatis fama permotus, Gregorius papa quartus
Romam accersit, [in] ecclesia epîscopum ordinavit atque insuper
curaeoegitut ad partes Hispaniaî praedicandi causa se conferret.
Igitur Rotomagum veniens populo sibi commisso pastorali sollici-
tudine providit; atque ita Hispaniam versus una cum duobus ger-
manis vel fratribus suis scilicet Gervasio et Philippo aggressus
est.
Cum itaque per majores Landas pergerent, oppidum Fallacia dic-
tum ingressi, incolas ferè omnes et Algarium loci dominum cum
tota familia ejus ad Jesu Christi fidem converterunt. Hinc ductu
marini littoris Bayonnam pervenerunt ; extra urbem non longé a
porta meridionali in quodam antro pernoctarunt. Quo loco depre-
henso dixit Léo : « Haec requies mea in seculum seculi, hic habi-
» tabo quonjam elegi eam. » Sequenti die civitatem ingressi dum
Léo in média platea praedicat septingenti decem et octo promiscui
sexus ad Christi fidem conversi sunt. Quod indigne ferentes idolo-
rum sacerdotes, eum in templum Martis rapiunt ut eis sacrificaret.
At vero sanctus vir, impietatem illam detestans, ait : « Omnes diîgen-
» tium daemonia; Dominus autem cœlos fecit. » Moxque in aeream
Miartis statuam insufflans, ea protinus corruens in pulverem re-
dàcta est. Quo miraculo permoti sacerdotes Christi fidem suscepe-
runt et cum eis centum quadraginta très promiscui sexus illo die
baptisati sunt. Interea cives idolorum cultus exécrantes templo Mar-
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tis everso in ejus locum ecclesiam in honorem Beatae Virginis Ma^
rise construi curaverunt.
lis ergo ad fidem instructis sufficienter, aliis etiam populis pro-
desse desiderans Cantabriam, Navarram aliaque loca adjacentia
peragravit. Quo in itinere innumeram multitudinem hominum ad
christianam religlonem perduxit. Tandem vero Bayonnam rediens,
ecce nequissimi quidam pirate de maritima praeda reversi, aegre
ferentes quod intra civitatem sicut antea recipi non possent, Leoni
rem attribuentes, cum juxta Nimi fluvium prsedicantem agrediun-
tur, eique post plurima verba caput abscindunt. Mirabile dictu ad
sacri capitis tactum fons uberrimus statim ex illo ioco ubi ceciderat
caput manare cœpit. Corpus vero accephalum cum quasi per horam
stetisset erectum, caput a terra sublevans ad eum locum ubipostea
tumulatum est propriis manibus deportavit. lUum ex tune Bayonen-
sis civitas sibi specialem palronum et civitatis protectorem eiegit,
cujus suffragantibus meritis plurima miracula perpétra sunt. Quibus
servi sui [Jésus Christus] sanctitatem voluit esse testatam. Passus
est autem circa annum Domini octingentesimum quinquagesimum
incarnationis Domini sextum (1).
ALIA VITA SANCTI LEONIS
Gk)riosi martyris Leonis, fratres carissimi, natalem célébrantes
cum totius vite et conversationis ejus insignia difficile esset verbis
exprimere, passionis saltem suae modum et causam succinctis ser-
monibus audiamus (2). Fuit itaque vir beatus sacrarum paginarum
titulis decoratus divinâ revelationc sacrique Romanae curise concilii
approbatione ad archiepiscopatus Rotomagensis civitatis celsitudi-
(1) Cette vie est tirée d'an manuscrit de la Bibliothèque nationale, indiqué sous
ce titre : « B. I. Résidu Saint^ermain. Vitœ et acta Sanetorum, XIX, i03 V* et
104. »
(2) La vie détaillée, publiée par les BoUandistes, commence par ces mots :
« Ut beati Leonis martyris, fratres carissimi, informemur exemplis et juvemur patro-
ciniis, hodierna die ejus festum devoti reeolentes breviter audiamus. Fuit itaque
in Normanniae partibus Villula Carentano nomine et Rothomagensis diœcesis Tir
quidam uxorem habens Aliciam appellatam » C'est cette ville de Garentan, pla-
cée dans le diocèse de Rouen et non dans le département de la Manche, qui a fait
dire à F. Morel, dans sou Histoire de Bayonne, page 9 : « Saint Léon, dont Rouen
et Coutances se disputent le berceau. »
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nem sublimatus qui post paucos dies prima sede derelicta de mau-
dato sacri apostolici coUegii versus Hispaniam ad praedicandum
populo gentilium christianae fldei documentum profectus est.
Primum accedens ad locum qui dicitur Faverio verbum Domini
seminans, totum populum ad cultum Christi revocavit. Deinde ad
villam qusB dicitur Bayona rediens quae tune ab infideiibus piratis
possidebatur, falsis idolis serviendo. Vespere facto cum ad dictam
villam applicuisset foribus jam clausis ingredi non valuit, sed extra
totam noctem expectavit.
Mane autem facto quidam de villa egredientes cognoverunt dic-
tum beatum cum fratrlbus suis Philippo et Gervasio a sua secta
alienos et mirati sunt quia malorum incursus ferarum et serpentura
pericula ipsa nocte evaserunt, et referentes quod homines extra
civitatem invenerant. Probi homines dictsB vilte honesto habitu
ex parte comitatus civitatis ante dictum sanctum exiverunt. Qui
statim cum audissent verbum evangelicae praedicationis credere
cœperunt, et ipse cum eis dictam villam ingrediens, locum con-
gruum in medio villae ad declarandam salutem populi parari petiit
in nomine Jesu Christi.
Praîdicavit itaque vir sanctus tribus diebus et divina favente gra-
tia populum ad fidem Christi convertit qui una voce clamaverunt :
« Non aliam legem volumus, nisi istam quam exhibet Léo sanctus, »
et statim idola subvertentes, construxerunt ecclesiam ad nutum viri
sancti in honorem Beatse Virginis Mariae et sana unda baptismatis
baptizantur per doctrinam dicti sancti.
Quo facto ad loca déserta et nemorosa ulterius gradiens oves
perditas scilicet infidèles longo tempore quaesivit et tanquam bonus
negotiator thesaurum infinitum lucratus est, et iterum ad villam
Baionae divina dispositione reversus est, hœsitans ne quid deviuin
vel lubricum in populo inveniret.
Erant autem prope villam piratse in cavernis habitantes qui qua-
dam die cum more solito villam ingredi properarent a civibus ca-
thoHcis turpiter ejiciuntur, qui de conversione civium admirantes
nimium indignantes et furore succensi, quaesiverunt dictum viruni
sanctum.
Fugientes autem piratae de civitate viderunt beatum Leonem
cum duobus suis germanis de sua predicatione revertentem, ir-
ruentes in eos, post diversa vulnera, caput beatî viri funesto gladio
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amputaverunt. Sed quanlo fortius impulsas est ut caderet, tanto
lirmius stare perhibetur ut caput suuin propriis manibus de terra
erigens usque ad locum ubi primo praedicaverat ante portam civi-
tatis viriliter asportavit et iliud quasi victimamholocausti, more justi
Abel, Deo dévote obtulit dicens : « Hic est iocus vere praedicationis
quem elegi in quo fa vente Domino requiescam. »
Quo mortuo fratres beati Leonis, qui cum eo vénérant, viso mira-
culo, prse borrore perterriti homines fugientes recesserunt. Qu8&
omnia aspiciens agricultor quaedam operans in vineis, cum clamore
valido retulit populo civitatis. Populus vero contra praefatos homi-
cidas exiverunt et invenerunt fontem pulcherrimum in loco ubi
caput sanctissimum cecidit, noviter divinitus emanatum, de quo
adhuc hodie totius civitatis populus adaquatur.
Invenientes itaque acephalum corpus beati martyris «t caput
supra petram positum, multa fuerunt perturbatione commoti et
gravis doloris aculeo cordibus sauciati, viso quod amabilis pastor
et praecipuus defensor eorum pro ipsorum salvatione mortem non
metuerat incurrere tam crudelem. In honore Dei et ipsius corporis
sancti plebs catholica civitatis ecclesiam ibidem construxerunt et
corpus sanctum conditum honorifice sepelierunt (1). Per ejus mé-
rita pluriraa fiunt miracula : mulieres in puerperio invocantes
dictum sanctum a periculo liberantur ; nautae in periculis marinis
et inimicorum potestatibus illaesi servantur ; animalia quoque in
ipsius custodia commendata a luporum morsibus et infirmitatibus
variis eripiuntur, et alia innumera prcbstante Domino Jesu Christo.
(1) Cette chapelle devenue église paroissiale fal détraite en 1577 ; elle a été re-
construite dans la commune d'Anglet, et la cathédrale « l'église de saint Léon, >>
comme l'appelle M. F. Morel, dans son livre intitulé : Bayonncy viœs historiques ci
descriptives f page 217, obtint les reliques du saint martyr. La cathédrale de
Bayonne est un beau vaisseau gothique du XUI« et du XIV' siècles. Elle a trois
nefs, un déambulatoire ou abside circulaire avec chapelle au chevet. Le long du
collatéral septentrional existe un vaste cloitre rectangulaire dont les galeries du sud
et deTouest sont utilisées pour une sacristie et des chapeUes, dont Tune est dédiée
à saint Léon. L'entrée principale de la basilique est une porte latérale située au
nord ;. celle de l'ouest est peu fréquentée. Les deux tours jumelles, au bas de la
grande nef^ ont été achevées de nos jours et sont surmontées de flèches élégantes
Cette cathédrale est une des plus gracieuses du midi de la France.
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UNE NOUVELLE PAGE
DE LA VIE DE SAINT LEODEVALD DE VAINS
E^êque d'A^raitcltes.
M. Jules Lair, dans un travail savant et d'une logique très serrée,
s'est efforcé de rendre à Léodovald, évêque d'Avranches, un fait
glorieux qu'on a attribué généralement à Leudovald, évêque de
Bayeux. Cette note, que nous donnons en entier, est extraite d'une
« Etude sur les origines de l'Evêché de Bayeux (1). »
Leudovald.
« L'inscription de ce prélat au catalogue de Bayeux est à l'abri
de toute discussion ; ce qui nous paraît moins sûr, c'est que Len-
dovald ait mérité la belle réputation que les historiens lui ont faite
pour un trait courageux que nous allons rappeler en peu de mots.
Premier suffragant de l'archevêque de Rouen, Prétextât, lorsque
ce généreux prélat périt sous les coups des sicaires de Frédégonde,
ce serait Leudovald qui aurait entrepris de punir cet assassinat.
Après avoir, par lettres missives, saisi tout le clergé de cet attentat
sacrilège, l'évêqùe de Bayeux, venu à Rouen, aurait fermé les
églises, fait rechercher, saisir, mettre à la torture les complices de
Frédégonde, à ce point que la reine, irritée, tenta de le faire assas-
siner à son tour.
Cette vigoureuse conduite qui ne fut pas sans péril, n'est pas
restée sans gloire. Les historiographes de Bayeux la citent avec
orgueil, imités d'ailleurs par tous les historiens et, notamment, par
M. A. Thierry, dans son dramatique tableau de ces événements.
Toutefois, s'il est incontestable que ce prélat courageux s'appelait
Leudovald, il est moins certain que ce fût celui qui siégeait à Bayeux.
Constatons d'abord que l'unique source d'information est VHiS"
toria Francorum de Grégoire de Tours.
(1) Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, Revue d'érudition consacrée spéciale-
ment à l'étude du Moyen-Age, 29^ année, tom. IV^, sixième série, page 33 à page 55.
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Dans cette histoire^ ce nom de Leudovald, appliqué à un évêque,
se représente trois fois, et dans des circonstances très différentes.
La première fois, il s'agit d'une négociation, à vrai dire, d'un
complot tramé, en l'année 581, entre Chilpéric, le mari de Frédé-
gonde, et Childebert, complot qui avait pour but de détrôner le roi
de Bourgogne, Contran. Un évêque, nommé Leudovald, suivait, au
nom de Chilpéric et de Frédégonde, cette odieuse machination qui,
heureusement, n'aboutit pas (1).
Ainsi qu'on le voit, Crégoire de Tours ne détermine pas le dio-
cèse que gouvernait ce Leudovald, et le savant D. Ruinart, éditeur
de Crégoire, s'abstient d'une identification plus formelle; nous
verrons bientôt pourquoi.
La seconde mention d'un Leudovald est précisément relative à
celte vigoureuse instruction sur le meurtre de Prétextât, que nous
avons rappelée plus haut. — D. Ruinart, sortant de la réserve qu'il
avait gardée précédemment, attribue cette action à Leudovald,
évêque de Bayeux, agissant en qualité de premier suffragant du
métropolitain assassiné (2).
Cette qualité de premier suffragant a été évidemment la raison
déterminante de D. Ruinart. Appartenait-elle aux évêques de ce
temps-là, nous le croyons volontiers. Toutefois, Crégoire de Tours
ne la mentionne pas ; l'action de Leudovald, si elle convient au pre-
mier suffragant, peut être aussi bien le fait de tout évêque qui se
sera trouvé à Rouen dans ces conjonctures (3). La suite de l'histoire
donne même à penser que cette énergique résistance à la reine est
(1) m Ut^ ablato Gantchramni regno, hi conjungere debebant in pace... Chilpe<
ricas rex Leudovaldum episcopum cum primis regnis suis direxit. » Greg. Tnron.
Hist. Franc. VI. 3. Tom. I. p. 379 de l'édition de THistoire de France.
(2) Ibid. Ibid, liv. Vm, ch. 31, tom. II, p. 110.
(3) On a dit partout .que Leudovald, à la première nouvelle de l'assassinat,
partit de Bayeux et accourut à Rouen. Hermant, Histoire du diocèse de Bayeux, p.
99. A. Thierry, Récits mérovingiens T. II. p. 96. Le texte de Grégoire de Tours
ne porte rien de semblable : « Post hœc, Leudovaldus cpiscopus epistolas per om.
nés sacerdotes direxit et accepte consilio ecclesias Rotomagenses clausit, ut in his
populus solemnia divina non spectaret, donec indignatione communi reperiretur
hujus aiictor selcris. Sed et aliquos apprehendit, quibus supplicio subditis, verita-
tem extorsit^ qualiter per consilium Fredegundis hsec acta fuerant : sed ca defen-
sante, ulcisci non potuit. Ferebant etiam ad ipsum percussores venisse, pro eo quod
hsec inquirere sagaciter destinaret. sed custodia vallato suorum, nihil ei nocere
potuerunt. »
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— 143 —
en contradiction flagrante avec la condnite ordinaire du Leudovald
bayeusain. 4
Nous savons en effet que le roi Contran, informé de l'assassinat,
et, vraisemblement, par cet évêque Leudovald qui administrait pro-
visoirement le diocèse de Rouen, voulut obtenir justice du meurtre,
mais ne réussit qu'à réveiller la colère de Frédégonde, qui lui dé-
pêcha une ambassade d'assassins, parmi lesquels se trouvait un
homme de marque, nommé Baddon. Le complot fut découvert et
Baddon arrêté (1).
Gontran, après avoir inutilement offert à Frédégonde de justifier
son ambassadeur, le jeta en prison à Chalon-sur-Saône ; mais il
parait qu'on s'intéressait à ce misérable, car, après plusieurs dé-
marches, un éyêque obtint du roi sa mise en liberté. Or, cet évêque,
Grégoire de Tours le nomme Leudovald, en ajoutant, cette fois, qu'il
occupait le siège de Bayeux (2). Ce qui précède se passait vers 857,
moins d'un an après le meurtre de Prétextât.
Ce fait si précis, appartenant si authentiquement à l'évêque de
Bayeux, n'est-il pas de nature à jeter le plus grand doute sur l'iden-
tification proposée par D. Ruinart? Est-il supposable que si peu de
temps après les événements de Rouen, l'évêque qui avait arrêté,
torturé les complices de Frédégonde, fut devenu l'agent de cette
reine aux mortelles rancunes? Est-il vraisemblable que l'évêque,
menacé la veille par les sicaires de Frédégonde, soit intervenu en
faveur d'un de ces assassins, passant du sacrilège au régicide (3)?
Si l'on se rappelle, au contraire, qu'en 581, un évêque, Leudovald,
agissait déjà comme envoyé de Chilpéric, c'est-à-dire de Frédégonde,
dans une négociation peu honnête, n'est-on pas fondé à croire que
l'ambassadeur de 581 et celui de 587 ne sont qu'une seule et même
personne, à savoir, le prélat bayeusain ? L'examen des faits conduit
(1) Historia Franc, lib. VHI, ch. 31 et 44. Tom. Il, page 111 et 124.
(3) Postea, intercurrentibus nuntiis, et presertim Leudovaldo Bajocassino pon-
tifice; dimissus (Baddo) ad propria rediit. Hist. Francor, IX. 13. Tom. II, p. 146.
Le Gallia Christ Sanmarth, ne cite Leudovald qu'à raison de ce fait : Leudovaldus
cujus interventu Baddo liberatus est.
(3) Le bon et «naïf Hermant explique^ nous devons le dire^ la démarche de Leu-
dovald. Ce Baddon était justement seigneur de Vaubadon, au diocèse de Bayeux.
Le pasteur allait au secours d'une de ses ouailles ; seulement il ne faut pas demander
où il a trouvé la généalogie de Baddon de Vaudon {Histoire du diocèse de Bayeus,
page 60).
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— \u —
donc forcément à la supposition d'un second Leudovald et, quand
nous apprenons par le même Grégoire 4b Tours qu'il existait alors
un autre évêque de ce nom, qui gouvernait précisément un des dio-
cèses de la province de Rouen, le diocèse d'Avranches, voir en ce
dernier l'homme indépendant et résolu qui osa instruire contre les
complices de Frédégonde, n'est-il pas plus naturel que d'attribuer
ce courage et cette indépendance, précisément à l'agent de la poli-
tique tortueuse de cette même Frédégonde ?
A notre sens, en disant que ce Leudovald était évêque de Bayeux,
Grégoire de Tours a justement voulu empêcher qu'on n'imputât les
faits et gestes de ce prélat diplomate à son homonyme, l'évêque
d'Avranches, dont il a célébré ailleurs les pieuses vertus (1).
En ce qui touche la situation spéciale de ce dernier, il est un
détail bon à mettre sous les yeux du lecteur, juge de cette question,
c'est la transaction ménagée en 588, par Grégoire de Tours lui-même,
entre Childebert et Contran. Les deux rois terminaient ainsi d'an-
ciens litiges remontant à la succession de Caribert, Or, dans cet
acte, il est dit qu'Avranches restera à Childebert : « Abrincatas...
Childebertus rex a prœsenti die suœ vindicet potestati (2). » Cette ville
et son territoire avaient donc été distraits de la seconde Lyonnaise
attribuée à Chilpéric, et Leudovald (3) d'Avranches, suffragant de
l'archevêque de Rouen, ne dépendait pas du même prince que son
métropolitain. Son roi était ou Contran ou Childebert. Cette situation
n'était pas sans doute indispensable à un évêque, pour qu'il fit son
devoir vis-à-vis de Frédégonde ; elle ne laissait pas de l'y aider.
Il n'est pas non plus inutile au propos de rappeler l'emploi peu
scrupuleux alors donné par Frédégonde à la partie active du trou-
peau confié à la direction spirituelle de l'évêque de Bayeux. Dans
. une première guerre contre Warroch, comte de Bretagne, les Sa-
xons de Bayeux firent campagne avec les milices du Mans, de
(1) Miracula Sancti Martini^ lib. II, cap. 36. — Le bon Herman, dans son
Histoire du diocèse de BayeuXy semble bien distrait ou peu scrupuleux lorsqu'il
attribue ce chapitre des miracles à Leudovald de Bayeux, quand Grégoire de Tours
rapplique spécialement à Léodovald d'Avranches, dont il cite le siège. Voir V His-
toire du diocèse de Bayeux, page 59, note à la marge. «
(2) Historia Francor, IX, 20, tom. H, p. 156.
(3) Le nom de Léodovald d'Avranches s'est écrit selon les variantes des manus-
crits : Leodoval, Leudovald, Leudevald. C'est le même nom, voir aussi le Gallia
Tom. XI, évêque d'Avranches, au mot Léodovald.
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— 145 —
Nantes et de Tours ; ils essuyèrent un rude échec pour s'être laissés
surprendre par les Bretons. Peu de temps après ces mêmes Saxons
de Bayeux, coiffés à la Bretonne, étaient secrètement envoyés par
Frédégonde pour grossir les bandes à-demi sauvages de Warroch,
en guerre avec le roi Contran. Des populations chrétiennes n'au-
raient sans doute pas voulu prêter cet odieux concours, obtenu des
Saxons de Leudovald. »
Toute l'argumentation de M. Jules Lair nous semble d'une jus-
tesse irréprochable. Ce qu'il attribue à l'évêque d'Avranches répond
parfaitement à ce que la tradition nous apprend, touchant le carac-
tère de saint Léodovald de Vains. Ame aussi pieuse que forte et
énergique, rien ne pouvait le faire reculer devant son devoir. In-
dépendant, parce qu'il n'appartenait point au royaume de Neustrie,
puis second suffragant ou sous-doyen de la province, il dut rendre,
dans cette affaire délicate, un service éminent à son confrère de Bayeux,
qui n'osait on ne pouvait agir. Ecrire des lettres au clergé, fermer
les églises de la ville de Rouen, rechercher les coupables, les sou-
mettre à la question, appeler à son secours le roi Contran pour pu-
nir les criminels, se mettre en garde contre les poursuites de Fré-
dégonde, rien ne pouvait effrayer l'évêque d'Avranches. Il était c^
pable d'agir sans crainte et de nature à se défendre avec courage.
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M pierre Mpe dans la coimne lie FengOres.
Un instituteur de Mesnilbus, M. Anger, croit avoir trouvé un
monument celtique, une pierre branlante, dans la commune de
Feugères, canton de Périers. Cette pierre est à un kilomètre au
midi de l'église, dans un petit bosquet, entre les demeures ou hôtels
Girard et la Robinière. Ces blocs sont connus sous le nom de Ro-
ches-Bichues.
Ordinairement les pierres branlantes sont formées de deux blocs
de forte dimension et posés en équilibre l'un sur l'autre. Le bloc
supérieur ne portant que sur un point pivote ou reçoit un mouve-
ment d'oscillation sous un léger effort.
A Feugères, la pierre branlante repose sur deux blocs qui ne font
qu'un dans l'intérieur de la terre, mais forment à leur surface une
large échancrure de plus d'un mètre. C'est sur ce vide et sur les
bras de la pierre que repose le bloc oscillant. Il a environ 6 m. 20
4ins sa plus grande longeur et 4 m. 18 dans la partie la moins
étendue. Il représente environ deux mètres cubes comme volume
et pèse 4 ou 5,000 kilos. Les supports ont l'un 5 mètres de long,
l'autre 4 m. 20, et tous les deuxl m. 10 de hauteur. La pierre
branlante a reçu une entaille au marteau sur le côté qui regarde
l'aquilon. Elle repose sur deux points des supports et il n'y a qu'un
seul endroit où, en appuyant assez légèrement, on puisse la faire
osciller. Sur tous les autres points de cette pierre, si forte que soit
l'impulsion qu'on essaie de lui imprimer, la pierre ne remue pas.
Est-ce bien là une pierre druidique? Nous ne saurions l'affirmer.
Ce qui est certain, c'est qu'on ne peut la regarder comme un bloc
erratique déposé par les flots, à l'époque glacière, sur deux autres
blocs se ramifiant profondément dans le sol. On a toujours consi-
déré cette pierre oscillante comme placée là par la main des hom-
mes. Des légendes circulent sur les Roches-Bichues. C'est le bloc au
Diable, la pierre au revenant, et un poète du pays, un ancien
émigré, a composé sur elle des vers malheureusement perdus ou
gardés par des mains inconnues.
Quelle était l'utilité de ces monuments grossiers? Etait-ce un ins-
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