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Full text of "Mémoires"

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LES 

GRANDS    ÉCRIVAINS 

DE   LA  FRANCE 

NOUVELLES    ÉDITIONS 

PUBLIÉES    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  M.  AD.  REGNIER 

Membre  de  l'Institut 


MEMOIRES 

DE 

SAINT-SIMON 


Rue  de  Fleurus,  9 


MF 


MEMOIRES 

DE 


SAINT -S  mois 


NOUVELLE  EDITION 

COLI.ATIONNÉH     SUR      LE      MANUSCRIT     AUTOGIi  APHlî 

AUGMENTÉE 
UKS    AOniTIONS     DE     S  A  I  N  J  -  S  I  M  O  N     AU     JOURNAL     DE     D  ANGE  AU 

et    de    notes    et    appendices 

rVll  A.   DE  BOISLISLE 

Et  suivie  <riiii   Lexique   des  mots  ht  j^ciftious   remaïquablcs 


TOME    TROISIEME 


PAIIIS 

EinilAlIUL:    HACMETTt:    ET    C 

B  ou  LEVA  Kl)      SA  IN  T-GEKiMAIJN,      7  tj 
1881 


AVERTISSEMENT 


Il  s'est  écoulé  un  trop  long  intervalle  de  temps  depuis 
la  publication  de  nos  deux  premiers  volumes,  pour  que 
nous  ne  désirions  pas  faire  connaître  la  cause  principale 
de  ce  retard.  Le  tome  III  était  déjà  en  préparation  lors- 
que, vers  le  commencement  de  l'année  1880,  se  sont 
ouvertes  les  portes  du  Dépôt  des  Affaires  étrangères,  où 
gisaient,  depuis  cent  vingt  ans,  derrière  des  murs  im- 
pénétrables et  sous  de  solides  serrures,  les  manuscrits 
enlevés,  par  l'ordre  de  Louis  XV,  aux  héritiers  de  Saint- 
Simon.  Nous  n'insisterons  pas  ici  sur  cet  heureux  dénoue- 
ment de  la  campagne  de  revendication  qui,  commencée, 
il  y  a  plus  d'un  demi-siècle,  par  le  général  de  Saint- 
Simon,  et  reprise  en  dernier  lieu  par  M.  Armand  Bas- 
chet,  a  été  enfin  couronnée  de  succès  le  lendemain  du 
jour  où  nous  nous  plaignions,  dans  l' Avant-propos  du 
tome  P*",  de  n'avoir  pu  vaincre  une  consigne  injusti- 
fiable; mais  on  nous  permettra  du  moins  d'exprimer, 
pour  notre  compte,  une  vive  gratitude  aux  confrères  en 
histoire  qui  se  sont  associés  à  nos  réclamations,  aux 
membres  des  Compagnies  savantes  et  aux  écrivains  qui 
ont  bien  voulu  y  intéresser  le  public,  et  tout  particuliè- 
rement au  Ministre  qui  nous  a  donné  gain  de  cause, 
comme  à  ceux  de  ses  collaborateurs  qui  se  sont  empres- 
sés de  nous  faire  regagner  autant  que  possible  le  temps 
perdu. 

MÉMOIRES    DE   SAI.NT-SIMON.    111  A 


II  AVERTISSEMENT. 

Mais  un  pareil  surcroît  de  matériaux  mis  à  notre  dis- 
position augmentait  singulièrement  la  tâche  :  il  a  fallu 
d'abord  pratiquer  des  reconnaissances  préalables,  puis 
poser  les  bases  d'un  inventaire,  le  faire  exécuter,  éta- 
blir les  références  entre  les  Mémoires  et  les  nouveaux 
papiers,  où  une  grande  partie  de  ces  mêmes  Mémoires 
se  retrouvait  à  l'état  de  fragments  épars,  sous  une  forme 
primitive  ou  sous  plusieurs  formes  successives,  et  enfin 
faire  faire  la  transcription  des  pièces,  des  fragments  qui, 
sans  sortir  du  cadre  adopté  pour  notre  édition,  pouvaient 
être  immédiatement  mis  à  profit  dans  l'Appendice  du 
tome  III  ou  dans  les  compléments  des  deux  Appendices 
précédents.  Bien  que  cette  besogne  ait  été  facilitée  par 
l'obligeance  inépuisable  des  conservateurs  du  Dépôt,  et 
qu'elle  se  trouve  aussi  simplifiée  par  les  publications 
entreprises  de  côté  ou  d'autre,  des  mois  se  sont  passés 
avant  que  nous  pussions,  sûrs  d'un  butin  devenu  magni- 
fique, revenir  au  volume  que  nous  préparions.  Plus  tard, 
pour  la  mise  en  œuvre,  il  s'est  produit,  c'était  chose 
inévitable,  des  hésitations,  des  tâtonnements,  c'est-à-dire 
d'autres  pertes  de  temps  fort  regrettables.  On  sait  que 
les  dimensions  de  notre  plan,  quoique  sagement  et  pru- 
demment réduites,  ne  laissaient  pas  d'inquiéter  encore 
et  nos  amis  et  nous.  Il  s'agissait  donc  de  ne  point  élargir 
inconsidérément  ce  cadre,  et  de  fournir  néanmoins  au  lec- 
teur des  Mémoires  tout  ce  qui,  dans  les  nouveaux  papiers 
de  Saint-Simon,  peut  être  nécessaire  ou  sérieusement 
utile.  Les  notes  et  les  appendices  du  tome  III  feront 
voir  si  nous  avons  bien  compris  nos  obligations  nou- 
velles. Notre  règle  générale  est  de  renvoyer  aux  textes 
publiés,  ou  même  à  ceux  qui  sont  encore  inédits,  mais 
facilement  abordables,  plutôt  que  d'encombrer  le  bas  des 


AVERTISSEMENT.  m 

pages  et  la  fin  des  volumes.  Sauf  de  rares  exceptions, 
nous  suivrons  le  même  système  pour  tout  ce  qui  a  été 
imprimé  ou  s'imprimera  des  papiers  des  Affaires  étran- 
gères, soit  dans  des  revues,  soit  en  ouvrages  séparés, 
comme  les  Écrits  inédits  de  Saint-Simon,  que  publie 
M.  Faugère  et  qui  sont  parvenus  actuellement  à  leur 
troisième  volume. 

Plus  ces  publications  se  multiplieront,  plus  notre  far- 
deau personnel  s'allégera  :  aussi  est-ce  un  devoir  pour 
nous,  non  seulement  de  les  accueillir  avec  gratitude, 
mais  d'en  provoquer  de  nouvelles  et  d'en  favoriser  l'exé- 
cution autant  que  nous  le  pourrons. 

Ce  que  nous  disons  ici  surtout  pour  les  manuscrits 
sortis  de  la  plume  même  de  Saint-Simon  s'étend  à  tous 
les  textes  quelconques  qui  intéressent  l'histoire  des  dix- 
septième  et  dix-huitième  siècles.  Nous  souhaitions,  par 
exemple,  en  1879,  que  les  mémoires  inédits  du  marquis 
de  Sourches  vinssent  prendre  place  à  côté  du  Journal 
de  Dangeau,  ce  guide  si  sûr.  Notre  satisfaction  est  grande 
d'annoncer  qu'ils  commenceront  très  prochainement  à 
paraître  par  les  soins  de  la  maison  même  qui  édite  les 
Mémoires  et  les  Écrits  inédits  de  Saint-Simon;  et  j'ajoute 
que,  n'ayant  pas  été  absolument  étrangers  à  cette  louable 
entreprise,  nous  avons  pu  en  profiter  au  fur  et  à  mesure 
que  le  tome  I"  s'imprimait  à  côté  de  notre  tome  III. 

J'en  dirai  autant  d'un  manuscrit  de  haut  intérêt,  la 
Relation  de  la  cour  de  France  en  1690,  par  l'allemand 
Ézéchiel  Spanheim,  dont  M.  Charles  Schefer,  de  l'Institut, 
fait  en  ce  moment  la  publication  pour  la  Société  de  l'His- 
toire de  France  et  qu'il  y  aura  lieu  souvent  de  citer  en 
regard  des  portraits  de  Saint-Simon. 

Bientôt  aussi  commencera  l'impression  de  cette  cor- 


K  AVERTISSEMENT. 

respondance  de  la  marquise  de  Balleroj  qui  a  été  déjà 
mise  en  relief  par  MM.  Aubertin  et  Chéruel,  et  qui,  im- 
primée intégralement,  rendra  les  meilleurs  services  au 
commentateur  de  la  seconde  moitié  des  Mémoires . 

Comme  les  publications  s'attirent  en  quelque  sorte 
les  unes  les  autres,  il  est  probable,  il  est  même  déjà 
certain,  que  l'histoire  du  temps  dont  Saint-Simon  est 
et  restera  le  peintre  incomparable  va  s'enrichir  de  toutes 
parts.  Nombre  de  documents  ou  d'études  sur  cette  épo- 
que, ayant  vu  le  jour  dans  les  deux  dernières  années,  ont 
déjà  servi  à  notre  annotation;  puisse  le  futur  tome  IV 
bénéficier  de  la  continuation  d.'  cet  heureux  mouve- 
ment ! 

Avant  d'en  finir  avec  ce  sujet,  il  faut  encore  annoncer 
à  qui  l'ignorerait  que  l'édition  in-12  des  Mémoires  due  à 
la  collaboration  de  M.  Chéruel  et  de  feu  Adolphe  Régnier 
fils  (1873-1875),  cette  édition  à  laquelle  se  rapportent 
tous  nos  renvois  pour  la  suite  des  Mémoires,  s'est  aug- 
mentée, en  1881,  de  la  Table  alphabétique  dressée  par 
M.  Jules  Guérin  et  annoncée  à  la  page  m  de  notre  tome  P*". 
On  comprend  que,  dès  à  présent,  cette  table,  commode 
et  nécessaire  pour  les  recherches  personnelles  des  pos- 
sesseurs de  l'édition  de  1873,  est  surtout  d'un  usage 
constant  et  fructueux  pour  le  commentateur,  qui  ne  pou- 
vait avoir  aucune  confiance  dans  les  anciens  index. 

En  ce  qui  touche  l'annotation  du  présent  volume, 
comme  elle  est  conçue  et  établie  d'après  des  principes 
suffisamment  exposés  dans  l'Avant-propos,  je  n'aurai  à 
faire  qu'une  ou  deux  observations. 

Mais  d'abord  je  dois  revenir  sur  un  point  important 
de  cet  Avant-propos.  Quelques  critiques,  de  ceux  mêmes 
qui  ont  fait  le  plus  bienveillant  accueil  à  nos  premiers 


AVERTISSEMENT.  v 

volumes,  m'ont  reproché  d'avoir  dit  que,  «sans  Dangeau, 
on  n'aurait  peut-être  pas  eu  les  Mémoires  de  Saint- 
Simon.  »  Ce  que  nous  connaissons  maintenant  des  papiers 
de  notre  auteur  fait  voir  que  certainement,  et  quoi  qu'il 
dise  en  divers  endroits,  il  n'avait  ni  commencé  la  rédac- 
tion régulière  de  ses  Mémoires,  ni  même  songé  à  cette 
entreprise,  avant  d'avoir  eu  communication  et  copie  du 
Journal.  Alors  même  que  le  manuscrit  de  Dangeau  se 
trouva  entre  ses  mains,  il  ne  voulut  d'abord  qu'anno- 
ter, commenter,  rectifier  ou  contredire,  par  des  «  Ad- 
ditions »,  certains  passages  du  manuscrit  dont  la  forme 
et  le  caractère  lui  semblaient,  dit-il,  si  fort  «  au-dessous 
du  médiocre,  »  bien  que  le  fond  fût  pour  lui  un  secours 
nécessaire,  une  mine  facile  à  exploiter.  Sur  ces  entre- 
faites, les  continuateurs  de  VHistoire  généalogique  du 
P.  Anselme  et  de  du  Fourny  ayant  terminé  leur  œuvre 
(1733),  Saint-Simon  se  trouva  peu  satisfait  de  ce  qu'ils 
avaient  dit  des  ducs  et  pairs,  encore  moins  de  leur  vo- 
lume des  chevaliers  du  Saint-Esprit,  et,  regrettant  en 
outre  qu'ils  n'eussent  pas  fait  droit  à  ses  propositions 
ou  réclamations  en  faveur  des  charges  de  la  couronne 
qui  n'avaient  aucune  place  dans  l'ouvrage,  il  entreprit 
de  reprendre  et  compléter  par  lui-même,  comme  bio- 
graphie et  comme  histoire,  ces  articles  des  ducs,  des 
chevaliers  du  Saint-Esprit  et  des  officiers  de  la  couronne 
qu'on  n'avait  traités  qu'à  un  point  de  vue  purement  gé- 
néalogique, ou  qui  même  faisaient  lacune.  Ce  fut  seule- 
ment après  avoir  poussé  fort  loin  ce  travail  d'une  part, 
et  d'autre  part  les  Additions  à  Dangeau,  que  l'idée  lui 
vint  de  donner  une  forme  plus  régulière,  en  même 
temps  que  plus  personnelle,  à  ses  souvenirs,  aux  por- 
traits, aux  anecdotes,  aux  considérations,    aux    digres- 


VI  AVERT1SSE3IENT. 

sions  qu'il  éparpillait  jusque-là,  sans  suite  et  sans  liaison, 
dans  ses  portefeuilles  ou  sur  sa  copie  du  manuscrit  de 
Dangeau.  Et,  je  le  répète,  avec  plus  d'assurance  encore 
qu'en  1879,  maintenant  que  j'ai  mûrement  étudié  la 
masse  énorme  de  papiers  conservée  aux  Affaires  étran- 
gères, tout  nous  prouve  qu'il  a  pris  pour  se  guider  dans 
la  contexture  de  son  œuvre  définitive  les  éphémérides  du 
véridique  et  exact  marquis,  et  qu'il  n'a  pu  faire  autre- 
ment. Nulle  part  on  ne  trouve  la  moindre  trace  de  Mé- 
moires,  au  sens  véritable  du  mot,  qui  aient  été  com- 
mencés en  1694  et  continués  depuis  lors.  En  effet,  ce 
ne  sont  point  des  Mémoires,  ces  pièces  éparses  sur  les 
faits  de  guerre  ou  les  événements  politiques  qui  intéres- 
saient personnellement  le  duc,  ces  mémorandums  à  l'u- 
sage des  princes  ses  amis  ou  de  l'héritier  de  la  couronne, 
ces  factums  (on  n'a  point  de  terme  plus  propre)  sur  les 
questions  de  préséance  et  de  cérémonial  où  l'ordre  des 
ducs  et  pairs  se  trouvait  continuellement  engagé.  Sont- 
ce  davantage  des  Mémoires,  ces  «  Courtes  notes  sur  les 
Duchés-pairies,  »  ou  ces  «  Légères  notions  sur  l'ordre 
du  Saint-Esprit,  »  qui,  paraphrase  animée  de  Y  Histoire 
généalogique,  en  égalent  presque  les  dimensions  ;  ou 
bien  ces  Additions,  indépendantes  les  unes  des  autres, 
qui  viennent  donner  la  vie,  de  distance  en  distance,  au 
monotone  journal  de  Dangeau?  Et  si,  au  contraire,  on 
examine  attentivement  le  texte  des  Mémoires,  oii  se  re- 
trouvent, remaniés  dans  un  ordre  chronologique,  et  enfin 
rapprochés,  enchaînés,  soudés  les  uns  aux  autres,  la 
plupart  de  ces  morceaux  détachés  que  les  papiers  inédits 
nous  présentent  dans  leur  forme  première,  avec  une  des- 
tination tout  autre  ;  si,  en  même  temps,  on  suit,  sur  une 
ligne  parallèle,  les  articles  quotidiens  du  Journal  de  Dan- 


AVERTISSEMENT.  vu 

geau,  à  chaque  instant  il  ressort  de  cette  comparaison 
que  tout  ou  presque  tout  ce  qui  forme  la  trame  du  récit 
historique  de  Saint-Simon  est  emprunté  à  Dangeau,  y 
compris  même  des  expressions,  des  membres  de  phrase 
entiers,  et  jusqu'aux  tours  par  le  temps  présent  dont 
naturellement  l'auteur  du  Journal  se  servait  chaque  soir 
en  consignant  ses  souvenirs  de  la  journée.  N'est-il  donc 
pas  permis  de  croire  et  de  dire  que,  sans  ce  guide, 
sans  cette  trame,  quels  que  fussent  le  talent  de  Saint- 
Simon,  sa  verve,  sa  connaissance  des  faits,  des  choses, 
des  personnes,  sa  vigueur  de  plume,  son  génie  enfin,  il 
lui  eût  été  impossible  de  reconstituer,  à  un  demi-siècle 
d'intervalle,  le  fond  de  son  récit,  et  qu'il  n'eût  eu  ni 
le  courage  ni  même  le  moyen  de  reprendre  la  filière  de 
ses  souvenirs? 

Mais  j'espère  traiter  bientôt  cette  question  aussi  com- 
plètement qu'elle  le  mérite,  puisqu'il  ne  s'agit  de  rien 
moins  que  de  la  constitution  fondamentale  des  Mémoires, 
et  par  conséquent  de  leur  valeur  historique  :  pour  le 
moment,  il  suffira  qu'ayant  exposé  de  nouveau  d'où  me 
viennent  et  sur  quoi  s'appuient  mes  convictions,  je  ren- 
voie ici,  d'une  manière  générale,  à  maint  et  maint  pas- 
sage du  tome  III,  où  les  notes  montreront,  de  façon  à 
n'en  pouvoir  douter,  que,  toutes  les  fois  que  notre  auteur 
veut  reprendre  la  suite  chronologique  des  événements, 
c'est-à-dire  la  trame  de  son  récit,  il  est  obligé  de  re- 
courir à  Dangeau, 

En  ce  qui  concerne  le  commentaire  philologique  et 
grammatical,  on  verra  que  les  notes  ont  considérablement 
augmenté  en  nombre  et  en  importance;  mais  personne 
assurément  ne  s'en  plaindra,  et  personne  même  n'en  peut 
être  surpris.  Étant  données  les  dimensions  des  Mémoires 


VIII  AVERTISSEMENT. 

et  par  suite  la  durée  probable  de  la  publication,  pou- 
vions-nous renvoyer  le  lecteur  au  futur  lexique  pour 
nombre  de  renseignements  ou  d'explications  que  la  lan- 
gue, les  locutions  et  les  constructions  de  Saint-Simon, 
si  souvent  étranges  et  embrouillées,  rendent  nécessaires 
en  regard  du  texte  même?  Ces  notes,  comme  on  peut 
s'en  souvenir,  sont  du  ressort  particulier  de  M.  Régnier, 
qui  a  bien  voulu  se  charger  de  tout  ce  qui,  dans  le  com- 
mentaire, a  rapport  à  la  langue.  Sans  rendre  par  là  inutile 
le  lexique  à  venir,  sans  rien  ôter  de  son  intérêt  ni  de 
son  importance  au  travail  d'ensemble  qui  doit  se  faire 
en  son  temps,  M.  Régnier  donnera  désormais  à  cette 
partie  de  l'édition  toute  l'extension  qu'elle  comporte.  Si 
considérable  que  puisse  devenir  ainsi  sa  tâche  person- 
nelle, nos  lecteurs  peuvent  être  assurés,  comme  je  le 
suis  moi-même,  que  sa  surveillance  n'en  continuera  pas 
moins  à  s'exercer  activement  sur  tous  les  autres  détails 
d'un  labeur  qui  trouve  dans  cette  haute  direction  une 
précieuse  garantie,  et  je  dois  être  le  premier  à  en  ex- 
primer une  profonde  gratitude. 

A.    DE    BoiSLISLE. 


MÉMOIRES 


SAINT-SIMON 


L'année  1696  commença  par  un  petit  dégoût  à  des  gens  igog. 

qui  n'y  étoient  pas  accoutumés.  Le  Roi  donna  l'Ordre  à 
Monsieur  de  Nojon  et  à  Guiscard,  et,  à  la  cérémonie,  les 
cardinaux  d'Estrées  et  de  Fiirstenberg   n'eurent  qu'un 
banc,  comme  tous  les  autres  chevaliers ^  Peu  à  peu^  cette      depiovaiu" 
dignité,  habile  en  usurpations  et  heureuse  à  les  tourner  aux  cardinau 
en  droits^,  avoit  trouvé  moyen  d'avoir^  chacun  un  siège 


aux 
cérémonies 


1.  Voyez  le  Journal  de  Dancjeau,  tome  V,  p.  331  et  339,  la  Gazelle 
d'Amsterdam,  1696,  Extraordinaire  m,  etc.  La  cérémonie  eut  lieu, 
comme  d'habitude,  le  i"  janvier.  Dangeau  dit  :  «  Les  cardinaux.... 
n'ont  point  eu  de  sièges  pliants;  on  leur  a  donné  un  banc,  comme  aux 
autres  chevaliers.  MM.  les  cardinaux  d'Estrées  et  de  Fiirstenberg  y 
étoient.  »  —  On  trouvera  un  plan  de  la  séance  à  la  chapelle  dans  le 
volume  32  des  Papiers  de  Saint-Simon,  aux  Affaires  étrangères,  M.  231. 

2.  Le  second  peu  est  écrit  en  interligne. 

3.  Voyez  l'article  des  cardinaux  dans  les  Projets  de  gouvernemenl  du 
duc  de  Bourgogne,  publiés  par  M.  P.  Mesnard,  p.  102-107,  et  divers 
passages  des  Mémoires  cités  dans  le  commentaire,  ibidem,  p.  25o-2o8. 

4.  Devant  avoir  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  de. 

MÉMOIRES    DE  SAIMT-SIMON.    III  1 


MÉMOIRES  [1696 


<le  l'Ordre,  à  la 
réception   de 


liiisKiard. 


Duc  Lanti 
nomnK' 


ployant'  à  leur  place  auprès  de  la  crédence^  de  l'autel, 
MM.  de  Noyon   comme  Monseigneur^  et  Monsieur  et  la  maison  royale  en 
et  de  ont*  auprès  du  Roi,  qui,  à  la  fin,  le  trouva  mauvais  et  le 

leur  ôta^.  Ils  l'avalèrent  sans  oser  dire  mot". 

Au  chapitre  qui  précéda  cette  cérémonie',  le  Roi  nomma 
à  l'Ordre  le  duc  Lanti*,  dont  la  femme ^  étoit  sœur'"  de  la 


i.  L'Académie  (1694)  dit  que  ployer  «  n'est  plus  guère  en  usage,  » 
et  écrit,  ainsi  que  Furetière  (1690)  :  un  siège  pliant  (de  même  Dangeau, 
tome  V,  p.  339  et  360,  et  Sainctot,  ms.  Fr.  14  117,  p.  83),  ou  un 
pliant  (Molière,  la  Comtesse  cVEscarbagnas,  scène  v)  ;  Saint-Simon  pré- 
fère habiluellemeut  la  forme  vieillie  ployant  (voyez  ci-après,  p.  6'2,  et 
les  Projets  de  gouvernement,  p.  63;  c'est  à  tort  que  M.  Littré  a  lu,  dans 
le  premier  de  ces  deux  passages  :  un  pliant). 

2.  Crédence,  «  petite  table  qu'on  met  de  chaque  côté  de  l'autel,  oia 
l'on  pose  les  chandeliers,  bassin,  burettes.  »  (Furetière.) 

3.  Mons  a  été  corrigé  en  Mgr.  —  4.  Ont  au-dessus  de  a,  biffé. 

5.  Cela  avait  été  notifié  la  veille  [Dangeau,  tome  V,  p.  331). 

6.  Dans  sa  Table  alphabétique  générale  (tome  XX,  p.  121),  Saint- 
Simon,  en  analysant  ce  passage,  ajoute  que  le  nouvel  ordre  de  choses 
«  a  subsisté  jusqu'à  ce  que  le  cardinal  Fleury,  premier  ministre  de  son 
successeur  (du  successeur  de  Louis  XIV),  leur  ait  fait  reprendre  (aux  car- 
dinaux) le  tabouret.  »  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  V,  p.  181, 
tome  IX,  p.  420,  etc.,  le  Journal  de  Dangeau,  tome  XV,  p.  3o6,  et,  sur 
le  règlement  des  cérémonies  de  l'Ordre,  un  passage  des  Projets  de  gou- 
vernement, p.  147-149.  11  faut  ajouter  que  l'on  ne  faisait  pas  de  diffé- 
rence enive.  pliant  et  tabouret  :  voyez  l'Addition  188  (ci-après,  p.  373). 

7.  Ce  fait  est  encore  pris  du  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  329  et  339. 

8.  Don  Antoine  Lanti  délia  Rovere,  duc  de  Bomarse,  marquis  de  la 
Roche-Sinibaldi ,  connu  d'abord  sous  le  nom  de  prince  de  Belmonte. 
Il  mourut  à  Rome  le  o  mai  1716.  Son  portrait  au  lavis  est  dans  le  ms. 
Clairambault  1170,  fol.  9,  avec  une  légende  qui  dit  que  ses  preuves 
furent  admises  le  10  juin  1696.  Depuis  longtemps,  raconte  Dangeau, 
il  avait  arboré  les  armes  de  France  sur  son  palais  de  Rome. 

9.  Louise-Angélique  de  la  Trémoïlle,  dite  Mlle  de  Noirmoutier,  ma- 
riée par  procuration  le  11  novembre  1682  [Mercure,  novembre  1682, 
p.  154),  et  morte  à  Paris  le  2o  novembre  1698,  à  l'âge  de  qua- 
rante-trois ans.  M.  Geflfroy  a  publié  en  18o9,  en  tête  de  ses  Lettres 
inédites  de  la  princesse  des  Ursins,  plusieurs  lettres  à  la  duchesse 
Lanti,  écrites  entre  168S  et  1693,  et  il  a  en  outre  emprunté  un  cer- 
tain nombre  d'autres  documents  aux  archives  du  duc  Lanti  actuel. 

10.  Saint-Simon  a  écrit,  par  distraction  •  «  dont  la  sœur  étoit  femme  ". 


[Ib96]  DE  SAINT-SIMON.  3 

duchesse  de  Bracciano',  qui  l'y  servit  fort  par  elle  et  par  à  rordre;  son 
ses  amis^  Il  étoit  à  Rome,  et  l'y  reçut  au  grand  conten-      extraction, 
tement  du  cardinal  d'Estrées,  ami  intime  de  la  duchesse 
de  Bracciano^,  et^  qui  y  avoit  le  plus  travaillé^.  Ces  Lanti    [Add.  S'-S.  436 
ne  sont  rien  du  tout  :  ils  ont  pris  le  nom  délia  Rovere®        ®*  '^^^ 
parce  qu'ils  en  ont  eu  une  mère^  et  ces  Rovere   eux- 
mêmes  étoient  de  la  lie  du  peuple  avant  leur  pontificat^. 

1.  /oyez  notre  tome  II,  p.  260,  note  4.  C'est  eu  1696,  et  non, 
comme  nous  l'avons  dit,  en  1698,  que,  par  suite  de  la  vente  du  duché 
de  Bracciano,  le  duc  et  la  duchesse  prirent  le  titre  princier  des  Ursins 
{Cabinet  hislorique,  tome  XI,  p.  309).  Saint-Simon  se  trompe  sur 
ce  point  (tome  II  de  1873,  p.  32,  et  Addition  à  Dangeau,  17  décembre 
1687),  et  nous  donnerons  plus  loin  (p.  171,  note  2)  une  lettre  de 
l'année  1696,  qui  est  signée  :  la  Princesse  des  Ursins.  Mais,  en  France, 
on  conserva  longtemps  encore  à  la  princesse  son  premier  titre  :  voyez 
une  lettre  de  1701,  dans  le  Sévigné,  tome  X,  p.  465. 

2.  Comparez,  dans  la  suite  des  Mémoires,  le  tome  II  de  1873,  p.  14 
et  14o,  et  le  tome  XVIII,  p.  19.  —  La  Gazette  d Amsterdam  avait  annoncé 
dès  1690,  dans  sa  correspondance  de  Paris  du  21  octobre,  que  le  Roi 
avait  promis  à  Mme  de  Bracciano  de  donner  l'Ordre  à  son  beau-frère 
et  d'être  parrain  de  la  fille  de  celui-ci,  et  l'on  voit,  dans  les  Lettres 
inédites  de  la  princesse  des  Ursins  (p.  8-10),  que,  vivement  pressé  par 
Mme  de  Bracciano,  lors  de  la  promotion  de  décembre  1688,  il  avait 
exprimé  en  public  son  regret  de  n'y  pas  faire  figurer  le  duc  Lanti. 

3.  Sur  les  séjours  du  cardinal  d'Estrées  à  Piome  et  sur  ses  relations 
avec  Mme  des  Ursins,  voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  X,  p.  3ol, 
352  et  334,  les  Mémoires  deBerwick,  p.  339  et  360,  et  les  Mémoires  du 
duc  de  Luynes,  tome  XVI,  p.  293.  Selon  l'Addition  indiquée  ici,  n"  136, 
et  une  autre  grande  Addition  sur  ce  cardinal  (Dangeau,  tome  XV, 
p.  309),  c'est  lui  qui  trouva  pour  la  duchesse  un  second  mari,  alors 
qu'elle  était  veuve  de  M.  de  Chalais  et  «  errante  à  Rome.  »  Antérieure- 
ment, le  cardinal  de  Retz  avait  été  de  même  familier  et  assidu  chez  elle. 

4.  Et  est  écrit  en  interligne. 

3.  La  suite  de  ce  paragraphe  a  été  citée  comme  exemple  des  pro- 
cédés de  travail  de  Saint-Simon,  dans  un  article  de  la  Revue  d' Edimbourg 
traduit,  en  mars  1864,  par  la  Revue  britannique,  et  reproduit  en  partie 
par  M.  Chéruel,  dans  Saint-Simon  considéré  comme  historien,  p.  168-171. 

6.  Saint-Simon  a  écrit  :  Rovéré,  comme  on  prononce  en  italien. 

7.  Voyez  un  tableau  de  la  parenté  des  Lanti  et  des  la  Rovere  avec 
les  Médicis,  en  1700,  au  Cabinet  des  titres,  dossier  Rovere  (la),  fol.  34. 

8.  Saint-Simon  est  ici  d'accord  avec  la  généralité  des  historiens  et 


4  MÉMOIRES  [1696] 

François  délia  Rovere*,  qui  fut  pape  en  1471^,  et  qui  le 
fut  quatorze  ans  ^,  sous  le  nom  de  Sixte  IV,  étoit  fils  d'un 
pêcheur  des  environs  de  Savone*,  et  ce  furieux  Jules  se- 
cond^, pape  en  1503,  et  qui  le  fut  dix  ans,  étoit  fils  de 
son  frère.  Ils  n'oublièrent  riefi  pour  élever  leur  famille'^ 
par  argent,  par  alliances,  par  troubles,  et  par  toutes  sortes 


des  généalogistes  ;  cependant  un  auteur  a  fait  remonter  les  la  Rovere 
jusqu'à  un  certain  Hermond  qui  aurait  vécu  à  la  cour  du  duc  de 
Turin  en  l'an  700.  Voyez  l'article  Rovere  (la)  dans  le  Moréri. 

1.  François  d'Albescola  délia  Rovere,  né  le  22  juillet  1414,  était 
devenu  général  des  Cordeliers  quand  le  cardinal  Bessarion,  charmé  de 
son  érudition  et  de  son  éloquence,  lui  fit  donner  le  chapeau  en  1464.  Il 
succéda  au  pape  Paul  II  le  9  août  I47I,  et  mourut  le  13  août  1484. 

2.  Le  chiffre  7,  dans  1471,  corrige,  ce  semble,  un  5. 

3.  Treize  ans  et  cinq  jours. 

4.  Sixte  IV  naquit  à  Cella,  bourg  peu  éloigné  de  Savone,  ville  forte 
à  l'embouchure  de  l'Egabona  et  à  trente-neuf  kilomètres  S.  0.  de  Gênes. 

5.  Jules  "2^,  dans  le  manuscrit.  — Julien  délia  Rovere,  fils  de  Raphaël 
délia  Rovere  et  de  Theodora  Manerola,  né  en  1441,  à  Albizale,  près 
de  Savone,  occupa  d'abord  l'évêché  de  Carpentras,  au  Comtat-Veuais- 
sin  ;  puis,  sous  le  pontificat  de  son  oncle,  qui  lui  donna  à  conduire  les 
troupes  du  saint-siège  contre  quelques  populations  révoltées,  il  eut  le 
chapeau  de  cardinal  au  titre  de  Saint-Pierre-ès-Liens  (1471),  les  évê- 
chés  d'Albano,  de  Sabine,  d'Ostie,  de  Boulogne,  celui  d'Avignon,  qu'il 
fit  ériger  en  archevêché  (1475),  l'évêché  de  Mende,  et  enfin  le  titre  de 
légat  en  France  (1480).  Son  rôle  devint  ensuite  des  plus  considérables  à 
la  cour  pontificale  et  dans  les  affaires  de  l'Italie  et  de  la  France,  jusqu'au 
jour  où  il  fut  élu  pape  (31  octobre  loOo)  en  remplacement  de  Pie  III. 
Pendant  dix  années  qu'il  porta  la  tiare,  ses  intrigues  et  sa  politique 
«  furieuse,  »  comme  le  dit  Saint-Simon,  occupèrent  sans  relâche  l'Eu- 
rope entière;  mais  il  mourut  (19  février  1S13)  avant  d'avoir  pu  chasser 
d'Italie  les  barbares  qu'il  y  avait  amenés  tout  le  premier.  On  raconte 
que,  lorsque  Michel-Ange  fit  sa  statue,  il  lui  commanda  de  placer  dans 
sa  main  droite,  non  un  livre,  mais  une  épée  nue  ;  nous  ne  devons  pas 
toutefois  oublier  que,  comme  protecteur  des  lettres  et  des  arts,  il  pré- 
para les  splendeurs  du  règne  de  son  successeur  Léon  X. 

6.  Un  des  frères  de  Jules  II  devint  patriarche  d'Antioche,  et  un  autre 
préfet  de  Rome,  prince  de  Sora  et  de  Sinigaglia.  Deux  Riario,  neveu  et 
petit-neveu  de  Sixte  IV,  reçurent  successivement  le  chapeau  de  car- 
dinal; un  troisième,  Jérôme,  eut  les  principautés  d'Imola  et  de  Forli, 
et  le  neveu  de  Jules  II  (voyez  la  note  suivante)  eut  le  duché  d'Urbino. 


[1696] 


DE   SAINT-SIMON. 


de  voies.  Le  duché  d'Urbin*  et  d'autres  grands  fiefs  y 
entrèrent,  qui  pour  la  plupart  sont  retournés  aux  papes. 
Ces  la  Rovere  ont  eu  trois  ducs  d'Urbin^. 

M.  le  prince  de  Conti  gagna  tout  d'une  voix  son  procès 
contre  Mme  de  Nemours^  à  l'audience  de  la  grand  cham- 
bre*, c'est-à-dire  la  permission  de  prouver  que  M.  de 
Longueville  étoit  en  état  de  tester  lorsqu'il  fit  son  testa- 
ment en  sa  faveur^:  à  quoi  lui  servit  beaucoup  son  ordi- 
nation postérieure  à  l'ordre  de  prêtrise  par  les  mains  du 
Pape  ^  ;    et  ce  jugement  préliminaire   emportoit  le  fond, 

•i.  Le  duché  d'Urbino,  situé  entre  la  Romagne  au  N.,  l'Adriatique  à 
l'E.,  la  Marche  d'Ancône  au  S.,  avec  Pesaro,  Sinigaglia,  Urbino,  pour 
principales  villes,  était  possédé  par  les  Montefeltro.  Le  mariage  du 
préfet  de  Rome,  frère  de  Jules  II,  avec  l'héritière  des  Montefeltro,  et 
l'adoption  de  François-Marie  délia  Rovere,  issu  de  ce  mariage,  par  le 
dernier  duc  d'Urbin,  firent  entrer  le  duché  dans  la  maison  délia  Rovere 
(1508),  à  l'extinction  de  laquelle  il  fut  légué  au  saint-siège  (1631). 

2.  On  compte  quatre  ducs  d'Urbin  de  ce  nom;  mais  trois  seulement 
régnèrent  :  François-Marie  I",  mort  en  1 538  ;  Guidobaldo,  mort  en  1574,  et 
François-Marie  II,  mort  en  1626,  dont  le  fils,  Frédéric-Ubaldo,  était  mort 
en  1623.  François-Marie  I"  et  Guidobaldo  furent  de  grands  capitaines. 

3.  Voyez  notre  tome  II,  p.  123  et  p.  226  et  note  5,  et  comparez  à  ce 
nouveau  paragraphe  de  Saint-Simon  le  texte  de  Dangeau,  qui  lui  sert 
toujours  de  guide,  tome  V,  p.  345. 

4.  Saint-Simon  conserve  d'ordinaire  l'ancien  féminin  grmid  et  écrit 
en  abrégé  g^  chambre  (p.  7,  </'*  salle  ;  p.  33,  </"*  chose  ;  p.  357,  cj^  cour). 
Il  lui  arrive  pourtant  aussi  de  mettre  l'apostrophe  ;  nous  ferons  comme  lui. 

5.  Le  premier  testament,  daté  de  Lyon,  le  1"  octobre  1668,  instituait 
successivement  pour  héritiers  :  1°  le  frère  du  testateur,  M.  de  Saint-Pol; 
2°  les  enfants  de  celui-ci  ;  3°  Mme  de  Longueville,  avec  prière  de 
transmettre  l'héritage  aux  Conti  :  voyez  le  37'  plaidoyer  de  Daguesseau, 
au  tome  III  de  ses  OEuvres,  p.  235-258.  Le  second  testament  avait  été 
fait  le  26  février  1671,  au  profit  de  Mme  de  Nemours,  six  mois  seu- 
lement avant  que  l'interdiction  fût  prononcée  (Journal  de  Dangeau, 
tome  III,  p.  272,  et  tome  IV,  p.  453-454),  et  alors  que,  selon  Dagues- 
seau (p.  261  et  suivantes),  la  démence  était  déjà  reconnue. 

6.  Le  sens,  évident,  corrige  l'amphibologie  de  construction  ;  à  l'ordre 
dépend,  non  de  postérieure,  mais  d'ordination  :  «  Son  ordination  à 
l'ordre  de  prêtrise  faite  par  les  mains  du  Pape  postérieurement  à  la 
date  du  testament.  »  —  Les  Annales  de  la  cour  et  de  Paris  pour  les 
années  1697  et  1098,  qui  consacrent  quelques  pages  au  procès  (p.  157- 


Prince  de  Conti 

gagne  son 

procès  contre 

la  duchesse 

de  Nemours. 


6  MÉMOIRES  [1696] 

supposé  les  preuves'.  J'étois  dans  la  lanterne-,  avec  M.  le 
prince  de  Conti,  Monsieur  le  Duc  et  M.  de  la  Rocheguyon, 
assis  sur  le  banc,  et  devant  nous  le  peu  des  premiers  offi- 
ciers de  ces  princes  qui  y  purent  tenir.  Toute  la  France 
en  hommes  remplissoit^  la  grand  chambre.  Le  plaidoyer, 
déjà  commencé  en  une  autre  audience,  remplit  celle-ci. 
Il  fut  très  éloquent,  et  tout  de  suite  suivi  du  jugement*. 
Jamais  on  n'ouït  de  tels  cris  de  joie,  ni  tant  d'applaudis- 

162  du  tome  I  de  l'édition  de  1739),  disent  que  les  partisans  de  Mme  de 
Nemours  ne  s'appuyaient  que  sur  «  l'infaillibilité  du  Pape,  qui  l'avoit  or- 
donné prêtre  justement  dans  le  temps  qu'il  avoit  fait  ce  second  testament.  » 

1.  Voyez  à  l'Appendice,  n"  I,  un  fragment  de  l'article  des  ducs 
DE  LoxGUENTLLE  tiré  des  Notes  de  Saint-Simon  sur  les  Duchés-pairies 
éteints.  —  Cette  cause  fut  réputée  «  la  plus  immense  qui  eût  été  portée 
à  l'audience.  »  On  en  trouvera  les  principaux  détails  dans  le  tome  III, 
déjà  cité,  des  Œuvres  du  chancelier  Daguesseau,  p.  249-642,  et  dans 
la  Gazette  d'Amsterdam,  1695,  p.  62,  93,  96,  112,  143,  etc.  La  pre- 
mière fois,  il  y  eut  vingt  audiences  pour  les  avocats  et  deux  pour 
Daguesseau,  qui  obtint  un  arrêt  conforme  à  ses  conclusions  ;  la  seconde 
fois,  vingt-neuf  audiences  pour  les  avocats  et  quatre  pour  Daguesseau, 
dont  les  conclusions  eurent  gain  de  cause,  huit  mois  après,  par  l'arrêt 
définitif  du  10  janvier  1696.  Le  29  mars  1693,  le  prince  de  Conti  avait 
obtenu  permission  de  faire  informer  de  l'état  d'esprit  du  testateur. 

2.  On  appelait  lanterne  ou  écoide  un  petit,  cabinet  en  menuiserie 
ajouté  en  saillie  sur  une  salle  d'audience  pour  que  les  auditeurs  étran- 
gers qu'on  y  plaçait  pussent  entendre  les  débats  iîicognito,  et,  au  besoin, 
se  dissimuler  derrière  des  jalousies.  Il  y  avait  deux  lanternes  à  la  grand'- 
chambre,  l'une  dans  l'angle  oi!i  s'ouvrait  la  porte  conduisant  au  greffe 
et  à  la  buvette,  et  l'autre  contre  la  cheminée;  la  première,  dite  lanterne 
du  greffe  ou  lanterne  haute,  était  à  deux  étages,  et  l'on  y  avait  accès  par 
un  escalier  placé  dans  le  greffe  ;  la  seconde  était  basse,  au  niveau  des 
sièges  des  magistrats,  et  on  l'appelait  la  lanterne  de  la  quatrième  (cham- 
bre). On  voit  la  situation  et  la  forme  des  deux  lanternes  dans  les  per- 
spectives gravées  de  plusieurs  séances  importantes  de  la  grand'chambre. 

3.  La  première  lettre  de  remplissait  corrige  en. 

4.  Dangeau  raconte  que  l'avocat  général  «  parla  plus  de  deux  heures 
(le  9)  avec  beaucoup  d'éloquence  ;  »  puis,  le  10,  il  ajoute  :  «  M.  le  prince 
de  Conti....  obtint  tout  ce  qu'il  demandoit  ;  et,  puisqu'il  est  reçu  à  faire 
l'enquête,  on  ne  doute  pas  qu'il  ne  gagne  son  procès  dans  le  fond.  Les 
conclusions  de  l'avocat  général  ont  été  toutes  pour  lui,  et  il  n'y  a  pas 
eu  une  voix  contre.  »  (Journal,  tome  Y,  p.  343.) 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  7 

sèment  ;  la  grand  salle  étoit  pleine  de  monde  qui  reten- 
tissoit;  à  peine  pûmes-nous  passer.  M.  le  prince  de  Conti 
se  contint  fort  ;  mais  il  parut  fort  sensible  et  à  la  chose  et 
à  la  part  générale  qu'on  prenoit  pour  lui'.  On  ne  laissa 
pas,  dans  le  monde,  d'appeler  un  peu  de  ce  jugement'^,  sans 
se  soucier  pourtant  de  Mme  de  Nemours,  à  qui  le  choix 
de  son  héritier^  ne  laissa  pas  de  faire  grand  tort.  La  colère 
qu'elle  conçut  de  cette  décision  est  inconcevable,  et  tout 
ce  qu'elle  dit  de  plaisant  et  de  salé  contre  sa  partie  et 
contre  ses  juges'.  Ce  ne  fut  encore  que  le  commencement 
de  leurs  combats^. 

1.  «  Il  y  eut  une  foule  si  prodigieuse  de  monde,  que  ce  prince  (de 
Conti)  put  à  peine  fendre  la  presse  pour  remonter  dans  son  carrosse. 
Ce  n'est  pas  la  seule  occasion  où  il  a  reçu  des  marques  de  l'affection 
publique  et  d'un  applaudissement  général,  que  sa  sagesse  et  sa  mo- 
destie ne  lui  font  pas  rechercher.  »  {Gazette  d'Amsterdam,  1696,  Extr. 
VI;  voyez  aussi  les  Annales  de  la  cour,  tome  I,  p.  162.)  Selon  son  an- 
cien précepteur,  l'abbé  Fleury,  le  prince  se  connaissait  fort  en  pro- 
cédure :  «  Les  juges  qu'il  alloit  solliciter  étoient  surpris  de  l'entendre 
parler  de  ces  matières  comme  si  c'eût  été  sa  profession  ;  M.  Daguesseau, 
procureur  général,  en  rendroit  un  bon  témoignage.  »  [Les  Collections 
d'autographes  de  M.  de  Stassart,  par  M.  Kervyn  de  Lettenhove,  p.  89.) 

2.  Saint-Simon  lui-même,  dans  la  première  rédaction  qu'on  trouvera 
à  l'Appendice,  p.  377,  semble  protester  contre  ce  jugement. 

3.  Le  chevalier  de  Soissons  :  voyez  notre  tome  II,  p.  227-229.  Outre 
la  terre  de  Coulommiers,  Mme  de  Nemours,  se  portant  comme  héritière 
du  duc  de  Longueville,  avait  donné  à  ce  bâtard  légitimé  du  comte  de 
Soissons  les  comtés  et  souverainetés  de  Neufchâtel  et  de  Valengin. 
(Arch.  nat.,  Y  262,  fol.  432  et  4o3,  donations  des  17  et  18  février  1694.) 

4.  Le  couplet  suivant  est  attribué  à  la  duchesse  ou  à  quelqu'un  de 
l'hôtel  de  Vendôme,  dans  les  Lettres  de  Mme  Dunoijer,  éd.  1720,  tome  I, 
p.  192  : 

Conti  avoit,  par  ses  malheurs. 

Dès  sa  tendre  jeunesse, 
Des  courtisans  gagné  les  cœurs, 

Des  peuples  la  tendresse; 
Aujourd'hui  ses  fausses  grandeurs 

Font  voir  sa  petitesse. 


Plaider  la  veuve  est  moins  l'emploi 
D'Achille  que  d'Ulysse. 


5.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  année  1698,  tome  II  de  1873,  p.  130. 


8  MÉMOIRES  [1696J 

Mariri<,'e  Cet  hiver  fut  fertile  en  mariages*.  Barbezieux  les  com- 

g^  ^g         mença-:  il  épousa  la  fille  ainee  de  d  Alegre*,  qui  fit  en* 
Mlle  d'Aiègre.    cette  occasion  une  fête  aussi  somptueuse  que  pour  l'al- 
liance d'un  prince  du  sang^.  Il  étoit  maréchal  de  camp, 
il  en  espéroit  sa   fortune  :  il  eut  tout  le  temps  de  s'en 
repentir*^. 

Celui  de  M.  de  Luxembourg  fut  fort  avancé  avec  Mme  de 
Seignelay".    G'étoit  une   grande   femme,  très  bien  faite, 

1.  Dans  les  pages  qui  suivent,  le  lecteur  va  comprendre  quelle  marche 
Saint-Simon  observera  désormais  pour  chaque  année,  et  quel  usage  il 
put  faire  des  tables  de  Mariages,  de  Morts,  etc.  dont  il  avait  muni,  à 
cet  effet,  son  exemplaire  manuscrit  du  Journal  de  Dangeau.  Tous  les 
mariages  dont  il  parlera  d'abord  se  retrouvent  aussi  dans  la  correspon- 
dance de  Coulanges  avec  les  habitants  du  château  de  Grignan,  imprimée 
au  tome  X  des  Lettres  de  Mme  de  Sévigné. 

2.  Barbezieux  était  veuf,  depuis  un  an  et  demi,  de  la  dernière  fille  du 
duc  d'Uzès,  qu'où  avait  voulu  faire  épouser  à  Saint-Simon  :  voyez  notre 
tome  I,  p.  142. 

3.  Cette  fille  aînée  du  marquis  d'Aiègre,  laquelle  a  sa  notice  dans  notre 
tome  II,  p.  169,  note  2,  s'appelait  Marie-Thérèse-Delphine-Eustachie. 
Elle  mourut  le  29  octobre  1706,  âgée  de  vingt-six  ans  environ. 

4.  En  corrige  à. 

5.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  34o,  les  Lettres  de 
Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  338  et  suivantes,  et  le  Mercure,  janvier 
1696,  p.  312-315.  Les  noces  eurent  lieu  le  10  et  le  11,  à  l'hôtel  d'Aiègre, 
«  avec  une  magnificence  qui  ne  se  peut  exprimer,  »  dit  le  Mercure;  et  ce 
journal  ajoute,  au  sujet  de  la  mariée,  qui  n'avait  qu'une  quinzaine  d'an- 
nées :  «  Elle  est  toute  charmante;  mais  son  esprit  passe  encore  tous  les 
avantages  qu'elle  a  du  côté  de  la  beauté,  et  il  n'y  a  point  de  science  dont 
elle  n'ait  quelque  teinture,  jusqu'à  n'ignorer  pas  même  la  philosophie.  » 

6.  M.  d'Aiègre  ne  passa  lieutenant  général  qu'après  la  mort  du  mi- 
nistre qu'il  avait  pris  pour  gendre,  et  le  mariage  de  1696  n'eut  que  des 
suites  malheureuses,  comme  le  racontera  Saint-Simon. 

7.  Seignelay,  ayant  perdu  en  1678  sa  première  femme,  qui  était  une 
d'Aiègre  (tante  de  celle  dont  il  est  parlé  six  lignes  plus  haut),  s'était 
remarié,  le  6  septembre  1679,  avec  Catherine-Thérèse  de  Matignon- 
Torigny,  qu'il  laissa  veuve  le  3  novembre  1690,  ayant  cinq  fils,  et  que 
nous  verrons  bientôt  (p.  14)  épouser  en  secondes  noces  le  comte  de 
Marsan,  puis  mourir  en  couches,  le  7  décembre  1699,  à  trente-huit  ans. 
Sur  les  bruits  qui  avaient  couru  de  son  mariage  avec  le  duc  de  Luxem- 
bourg dès  le  mois  de  février  1693,  voyez  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné, 


[I696J  DE  SAINT-SIMON.  9 

avec  une  grande  mine  et  de  grands  restes  de  beauté ^  Sa 
hauteur  excessive  avoit  été  soutenue  par  celle  de  son  mari, 
par  son  opulence,  sa  magnificence^,  son  autorité  dans  le 
Conseil  et  dans  sa  place ^,  dont  il  avoit  bizarrement  tenté 
de  se  faire  un  degré  à  devenir  maréchal  de  France^;  mais, 
devenue  veuve,  elle  brûloit  d'un  rang  et  d'un  autre  nom^, 
quoiqu'elle  eût  plusieurs  enfants".  Le  rare  fut  que  M.  de 
Chevreuse,  qui  avoit  marié  sa  fille  à  M.  de  Luxembourg, 

tome  X,  p.  239,  et  \e  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  313  et  349.  II  avait 
été  aussi  question  que  ce  duc  épousât  Mme  de  Bellefonds,  née  Mazarin, 
ou  la  fille  de  M.  de  Monaco.  {Gazelle  cV Amslerdam,  1695,  p.  19  et  193.) 

1.  «  Mme  de  Seignelay....  est  belle,  très  bien  faite,  magnifique  en 
toutes  choses,  »  dit  le  Mercure  (février  1696,  p.  301-306).  De  plus, 
elle  avait  soixante-cinq  ou  soixante-quinze  mille  livres  de  rente,  nous 
apprend  Dangeau.  Elle  tenait  aux  Bourbons  par  sa  bisaïeule  pater- 
nelle, Éléonore  d'Orléans-Longueville,  et  Mlle  de  Montpensier  {Mémoi- 
res, tome  IV,  p.  516)  dit  que  cette  parenté  donnait  «  un  grand  air  à 
M.  de  Seignelay,  qui  naturellement  avoit  assez  de  vanité.  » 

2.  «  C'est  la  splendeur  qui  est  morte,  »  s'écrie  Mme  de  Sévigné  en 
annonçant  la  fin  de  Seignelay.  .^près  avoir  payé  cinq  millions  de  dettes, 
ses  héritiers  conservèrent  encore  quatre  cent  mille  livres  de  rente. 
{Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  IX,  p.  583  et  suivantes.) 

3.  Sa  place  de  secrétaire  d'État  de  la  marine  et  de  la  maison  du  Roi. 
Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  II  de  1873,  p.  279. 

4.  C'est  dans  cette  intention  (la  charge  d'amiral  appartenant  alors  à 
un  des  bâtards  du  Roi)  qu'il  avait  voulu  commander  une  flotte  à  plu- 
sieurs reprises,  en  1685  et  en  1689;  Saint-Simon  rappelle  ce  fait  dans 
le  Parallèle  des  trois  premiers  rois  Bourbons,  p.  221.  «  Il  étoit  général 
en  tout,  dit  Mme  de  la  Fayette  {Mémoires,  p.  643),  hors  qu'il  ne  don- 
noit  pas  le  mot;  et  même  il  en  avoit  les  habits  et  la  mine.  »  «  M.  de  Sei- 
gnelay me  paroît  comme  Bacchus  jeune  et  heureux  qui  va  conquérir  les 
Indes,  »  écrivait  Mme  de  Sévigné  (tome  IX,  p.  128). 

5.  Remarquable  emploi,  dont  M.  Littré  ne  cite  point  d'exemple  (voyez 
Brûler,  14°),  de  brûler  suivi  d'un  nom  régi  par  de,  au  sens  de  «  brûler 
du  désir,  de  l'ambition  de,  »  sens  qu'il  a  souvent  devant  un  verbe 
précédé  de  de  ou  de  que. 

6.  Après  avoir  passé  pour  être  une  veuve  inconsolable,  des  bruits 
peu  favorables  avaient  couru  sur  son  compte,  et  l'on  prétendait  même 
qu'elle  avait  eu  les  bonnes  grâces  du  Roi.  (Chansonnier,  ms.  Fr.  12  691, 
p.  190,  et  Lettres  de  Mme  Dunoijer,  éd.  1720,  tome  I,  p.  105.)  Elle 
venait  de  perdre  un  de  ses  cinq  fils,  tout  jeune,  en  1695. 


De  M.  de 

Luxembourg 


40  MÉMOIRES  [4696] 

qui  en  étoit  veuf  sans  enfants,  et  Cavoye,  le  plus  grand 
favori  de  M.  de  Seignelay,  furent  les  entremetteurs  de 
l'affaire,  que  M.  de  Luxembourg  rompit  fort  malhonnête- 
ment, parce  qu'il  la*  voulut  rompre,  les  habits  achetés  et 
tous  les  compliments  reçus^.  Il  eut  lieu  de  s'en  repentir. 
Tous  deux  ne  tardèrent  pas  à  trouver  ailleurs. 

M.  de  Luxembourg  épousa  Mlle  de  Clérembault^,  riche 

4.  Saint-Simon,  ayant  d'abord  écrit  :  «l'avoit»,  a  corrigé  en  «  la 
voulut  »  ;  mais  il  a  laissé,  par  mégarde,  l'apostrophe. 

2.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  349  ;  Lettres  de  Mme  de  Sévigné, 
tome  X,  p.  339,  340,  349  et  350.  Selon  Coulanges,  on  attribua  cette 
rupture  à  la  liaison  bien  connue  de  M.  de  Luxembourg  avec  Mme  de 
Bellefonds,  quoique  son  père  et  sa  mère  se  fussent  toujours  opposés 
à  ce  qu'il  épousât  celle-ci;  comparez  le  Chansonnier,  ms.  Fr.  42  692, 
p.  484.  Dangeau  (tome  V,  p.  352)  dit  assez  malignement,  contre  son 
habitude,  que  M.  de  Luxembourg,  apprenant  qu'on  faisait  courir  le  bruit 
qu'il  cherchait  un  mariage  d'inclination  chez  Mme  de  Seignelay,  se  re- 
tourna aussitôt  vers  Mlle  de  Clérembault,  qui  avait  plus  de  deux  millions 
de  bien  :  «  Il  désabuse  le  public,  et  fera  une  très  bonne  affaire.  »  Au 
contraire,  les  Annales  delà  cour  et  de  Paris,  tome  II,  p.  9-40,  prétendent 
que  la  rupture  vint  de  Mme  de  Seignelay,  parce  qu'elle  refusa  d'avan- 
tager le  duc. 

3.  Marie-Gilonne  Gilier  de  Clérembault ,  qui  épousa  le  duc  de 
Luxembourg  le  45  février  4696,  et  mourut  à  Rouen,  le  45  septembre 
4709,  âgée  de  trente-deux  ans.  «  Elle  étoit  fort  jolie,  quoique  ce  ne 
fût  pas  une  beauté.  »  (Annales  de  la  cour,  tome  II,  p.  40.)  Sa  main 
avait  été  convoitée  successivement  par  les  ducs  de  Lesdiguières  et 
d'Uzès,  et  par  le  fils  aîné  du  prince  de  Guémené  ;  on  avait  même  parlé, 
en  décembre  4694,  du  duc  de  Vendôme  :  voyez  la  Gazette  d'Amster- 
dam, 4694,  p.  442,  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  320-323,  ou 
les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  4695  et  4696,  passim.  M.  de  Luynes 
{Mémoires,  tome  X,  p.  404)  raconte  que  Monsieur  avait  proposé  Mlle  de 
Clérembault  à  la  duchesse  de  Bouillon,  pour  son  fils,  mais  que  la 
duchesse  n'avait  point  voulu  d'une  «  fille  de  domestique.  »  Le  ma- 
riage avec  M.  de  Luxembourg  fut  célébré  summo  mane  (à  minuit),  par 
l'archevêque  de  Bourges  (l'acte  est  dans  le  Dictionnaire  critique  de 
Jal,  p.  892),  et,  selon  le  Mercure  (février  4696,  p.  296-299),  «  il  y 
eut  la  veille  un  repas  d'une  propreté  et  d'une  magnificence  à  laquelle 
on  ne  peut  rien  ajouter.  »  La  dot  était  de  cinq  ou  sept  cent  mille 
livres,  avec  cent  mille  livres  de  pierreries.  (Lettre  de  Coulanges  du 
3  février  4696,  tome  X,  p.  354,  et  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  366.) 


11696J  DE  SAINT-SIMON.  11 

et  unique  héritière,  et  fort  jolie,  mais  dont  la  naissance     a^çc  Mlle  de 
étoit  légère.  Son  nom  étoit  Gilier^;  elle  étoit  fille  de  Clé-    \Adr^-S^m] 
rembault^,  qui,  étant  dans  les  basses  charges  chez  Mon-    [Add.  S'-S.  i39] 
sieur,  donna  dans  l'œil  de  la  comtesse  du  Plessis^,  dame 
d'honneur  de  Madame  en  survivance  de  la  maréchale  du 
Plessis*  sa  belle-mère,  et  veuve  du  comte  du  Plessis  ^, 


1.  On  ne  doit  donc  pas  confondre  ces  Gilier  de  Clérembault  avec  les 
Clérembault  de  Palluau,  dont  un  a  déjà  figuré  dans  notre  tome  I, 
p.  273.  M.  de  Luynes  (Mémoires,  tome  X,  p.  404)  dit  :  «  M.  de  Clérem- 
bault n'étoit  pas  Palluau  ;  c'étoit  un  fort  simple  gentilhomme.  »  Plus 
anciennement,  Guillard,  dans  ses  généalogies  satiriques,  écrivait  :  «  Le 
marquis  de  Clérembault,  ci-devant  premier  écuyer  de  Madame,  porte  le 
surnom  de  Gilier.  C'est  une  noblesse  de  la  cloche  (c'est-à-dire  d'éche- 
vinage)  de  Poitiers.  Il  est  le  brochet  de  sa  famille.  »  (Cahittet  historique, 
tome  V,  p.  99.)  En  effet,  cette  maison  s'était  élevée,  à  partir  du  milieu 
du  quatorzième  siècle,  par  les  charges  de  finance,  puis  par  la  mairie  de 
Poitiers,  et,  bien  que  la  branche  des  marquis  de  Puygarreau,  où  la 
terre  de  Clérembault  avait  été  apportée  par  Claude  de  Laval,  en  1582, 
eût  fini  par  jouer  un  rôle  important  en  Poitou  et  par  faire  alliance  avec 
des  familles  considérables,  comme  les  Chabot,  les  la  Rochefoucauld, 
les  Bueil-Sancerre,  etc.,  néanmoins  le  mariage  de  l'héritière  avec  un 
duc  de  Luxembourg  était  nécessaire  pour  «  dépiquer  »  les  Clérembault, 
comme  le  dit  Coulanges  [Sévigné,  tome  X,  p.  334). 

2.  René  Gilier,  marquis  de  Clérembault,  de  Puygarreau,  de  Mar- 
mande,  etc.,  capitaine  de  cavalerie  au  régiment  de  Condé  (1650), 
maître  d'hôtel  de  Madame  Henriette  (1661),  puis  premier  écuyer  de 
cette  princesse  et  de  Madame  Palatine  (1662  à  1680),  gouverneur  de 
Toul  de  1685  à  1690,  mourut  le  29  mars  1713,  âgé  de  cent  un  ans, 
selon  les  gazettes  et  Mme  de  Maintenon,  ou  de  quatre-vingt-dix-huit 
seulement,  selon  le  registre  de  Saint-Sulpice.  (Notes  prises  aux  archives 
de  létal  civil  de  Paris,  par  M.  de  Chastellux,  p.  300.) 

3.  Marie-Louise  le  Loup  de  Bellenave  avait  épousé,  le  16  juillet  1659, 
le  comte  du  Plessis-Praslin  (ci-après,  note  5).  Elle  se  remaria,  en 
août  1673,  avec  Clérembault,  et  mourut  le  25  septembre  1724,  âgée  de 
quatre-vingt-quatre  ans.  Elle  fut  d'abord  dame  d'atour  de  Madame,  puis 
fit  parfois  les  fonctions  de  dame  d'honneur,  comme  survivancière  de  sa 
belle-mère,  à  partir  de  1673,  et  fut  titulaire  de  1681  à  1684. 

4.  Colombe  le  Charron,  baptisée  à  Paris  le  25  février  1603,  mariée  le 
31  juillet  1625  à  César  de  Clioiseul,  faite  dame  d'honneur  de  Madame 
Palatine  en  1671,  et  morte  le  26  janvier  1681,  à  soixante-dix-huit  ans. 

5.  Alexandre  de  Choiseul,  comte  du  Plessis-Praslin,  né  en  1634,  était 


12  MÉMOIRES  [i696J 

premier  gentilhomme  de  la  chambre  de  Monsieur  en  sur- 
vivance du  maréchal  du  Plessis\  son  père,  qui  avoit  été 
gouverneur  de  Monsieur^.  Le  comte  du  Plessis  fut  tué  de- 
vant Arnheim^,  en  Hollande,  en  1672,  à  trente-huit  ans, 
trois  ans  avant  la  mort  de  son  père,  et  laissa  un  fils 
uniques  qui  devint  duc  et  pair  par  la  mort  du  maréchal 
son  grand-père^  et  qui  fut  tué  sans  alliance  devant  Luxem- 
bourg*"',  en   1684,  ce  qui  fit  duc  et  pair  le  chevalier  du 

mestre  de  camp  de  cavalerie  et  maréchal  des  camps  et  armées  du  Roi 
lorsqu'il  fut  tué  devant  Arnheim,  le  14  juin  1672. 

i.  César  de  Choiseul,  comte  du  Plessis-Praslin,  baptisé  à  Paris  le 
•12  février  1S98  et  choisi  par  Henri  IV  pour  être  enfant  d'honneur  du 
Dauphin,  commença  à  commander  un  régiment  à  quatorze  ans,  sous  les 
ordres  du  maréchal  de  Praslin,  son  oncle,  et  passa  par  tous  les  grades 
avant  d'arriver  au  bâton  de  maréchal  de  France  (i64o).  Il  devint  gou- 
verneur de  Monsieur  en  mars  164<S,  et  plus  tard  surintendant  de  sa 
maison  et  premier  gentilhomme  de  sa  chambre,  fut  ministre  d'État  de 
1653  à  1661,  chevalier  des  ordres  en  1662,  duc-pair  du  Plessis-Praslin 
en  1665,  et  mounit  le  23  décembre  1675.  Il  assista  à  trente-cinq  sièges 
et  huit  batailles,  dont  la  principale  fut  sa  grande  victoire  de  Rethcl 
(1650),  remplit  à  plusieurs  reprises  des  missions  diplomatiques,  et  pos- 
séda les  charges  de  gouverneur  de  Turin  et  des  Trois-Évêchés,  de 
bailli  de  Troyes,  etc.  On  a  de  lui  des  Mémoires,  ou  plutôt  un  panégy- 
rique, s'étendant  de  1628  à  1671.  Il  signait  :  Plessis-Prashmi. 

2.  Le  gouverneur  du  prince  devenait  généralement,  après  avoir  fini 
l'éducation,  son  premier  gentilhomme  et  surintendant  de  sa  maison  et 
de  ses  finances;  mais  M.  du  Plessis  perdit  la  surintendance  en  1654. 

3.  Capitale  de  la  Gueldre,  sur  la  rive  droite  du  Rhin,  à  soixante- 
quinze  kilomètres  S.  E.  d'Amsterdam.  — Sur  la  mort  du  comte  du  Plessis 
et  sur  son  éloge,  voyez  la  Gazette,  n"  du  25  juin  et  du  2  juillet  1672.  Déjà 
lemaréclial  avait  perdu  deux  fils,  à  Crémone  (1648)  et  à  Rethel  (1650). 

4.  César-Auguste  de  Choiseul,  comte  puis  duc  du  Plessis-Praslin,  né 
en  1664  et  nommé  dès  1672  premier  gentilhomme  de  la  chambre  du 
duc  d'Orléans,  fut  blessé,  en  servant  comme  volontaire  au  siège  de 
Luxembourg,  le  28  mai  1684,  et  mourut  peu  après. 

5.  La  comtesse  du  Plessis  se  trouva  ainsi  sans  titre  entre  sa  belle-mère 
et  sa  belle-fille,  toutes  deux  duchesses  {Corr.  de  Bussij,  tome  II,  p.  151). 

6.  La  ville  forte  de  Luxembourg,  capitale  du  duché  souverain  de  ce 
nom,  qui  appartenait  à  l'Espagne,  mais  faisait  partie  de  l'Empire  ger- 
manique, fut  prise  par  le  maréchal  de  Créquy  et  Vauban,  le  4  juin  -1684. 
On  la  restitua  à  la  paix  de  Ryswyk. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  43 

Plessis,  son  oncle,  qui  prit  le  nom  de  duc  de  Choiseul*. 
Nous  avons  vu  plus  haut'^  l'étrange  raison  qui  l'empôcha 
d'être  maréchal  de  France.  La  comtesse  du  Plessis  s'appe- 
loit  le  Loup  et  étoit  fille  de  Bellenave^  et  riche.  Amou- 
reuse de  Clérembault,  elle  l'épousa^,  et,  pour  le^  rappro- 
cher un  peu  d'elle,  eut  le  crédit  de  le  faire  premier  écuyer 
de  Madame*^.  L'un  et  l'autre  la  quittèrent  ^  et  vécurent  dans 
une  grande  avarice  et  fort  dans  le  néant.  Ils  voulurent 
garder  leur  fille,  et  M.  de  Luxembourg  se  mit  chez  eux*. 

1.  César-Auguste  de  Choiseul  (tome  I,  p.  117,  note  5).  —  Ce  pas- 
sage de  Saiut-Simon  (repris  et  développé  au  tome  X,  p.  7-8)  et  celui  de 
Dangeau,  tome  XIV,  p.  376,  présentent  tous  deux  de  l'analogie  avec 
l'article  du  Mercure  sur  le  mariage  de  M.  de  Luxembourg,  février  1696, 
p.  296.  Saint-Simon  a  du  reste  consacré  à  ces  Choiseul  une  page  de  ses 
Notes  sur  les  Duchés-pairies  existants,  qu'on  trouvera  à  l'Appendice,  n°II. 

2.  Tome  I,  p.  117-119. 

3.  Claude  le  Loup,  baron  de  Bellenave,  maréchal  des  camps  et  armées 
du  Roi,  marié  en  premières  noces  à  Madeleine  d'Hostun,  en  secondes 
à  Marie  de  Guénégaud,  et  tué  à  Nordlingue,  en  1645.  Cette  famille 
avait  possédé  la  charge  de  maréchal  héréditaire  du  Bourbonnais. 

4.  Clérembault  avait  un  renom  bien  établi  d'homme  amoureux  : 
voyez  les  Mémoires  de  Gourville,  p.  498.  Selon  Loret  et  Tallemant 
(Historiettes,  tome  III,  p.  9o  et  101),  il  ruina  la  veuve  d'Arnauld,  mestre 
de  camp  général  des  carabins,  sous  prétexte  de  l'épouser.  11  fut  aussi  le 
tenant  de  la  marquise  d'IIuxelles,  d'après  la  Carte  du  paijs  deBraquerie 
{ibidem,  tome  IV,  p.  S24-S30),  qui  le  qualifie  d'  «  homme  de  naissance, 
pauvre,  mais  de  grande  réputation.  »  Bussy-Rabutin,  apprenant  son  pro- 
chain mariage  avec  la  comtesse  du  Plessis,  prétendait  qu'il  devait  s'en 
estimer  singuhèrement  heureux.  «  Ce  sont  des  miracles  de  l'amour, 
disait-il,  car  Clérembault  a  cinquante  ans  passés,  et  elle  n'en  a  pas 
trente.  »  Mais  la  marquise  de  Gouville,  qui  avait  négocié  cette  union, 
répondit  que  Clérembault,  quoique  cadet,  avait  trente  mille  livres  de 
rente,  et  qu'il  serait  un  mari  bien  plus  raisonnable  que  quelque  jeune  duc 
et  pair.  {Corresp.  de  Bussy,  tome  II,  p.  250,  252,  258,  263  et  281  ;  voyez 
aussi  diverses  mentions  faites  par  Mme  deSévigné,  tome  III,  p.  182,  205, 
212,  et  les  Mémoires  de  Sourches,  éd.  1836,  tome  I,  p.  257,  note  1.) 

5.  Le  est  écrit  en  interligne,  à  la  place  de  se. 

6.  Clérembault  avait  cette  charge  depuis  dix  ans  quand  Mme  du 
Plessis  devint  veuve. 

7.  Le  mari  et  la  femme  quittèrent  le  service  de  Madame  en  1684. 

8.  Mlle  de  Clérembault,  dit  Dangeau,  «  aura  plus  de  deux  millions 


14  MÉMOIRES  [1696] 

De  Mme  de  Mme  de  Seignelay,  outrée  de  ce  qui  venoit  de  lui  arri- 

Ml^de^Marsar*^  ^^^\  trouva  un  mari  qui  lui  donnoit  un  rang,  et  de  meil- 
leure maison  que  M.  de  Luxembourg  :  aussi  ne  le  man- 
qua-t-elle  pas,  et  les  Matignons,  ses  oncles,  se  cotisèrent 
pour  brusquer  cette  afïaire^  Ce  fut  avec  M.  de  Marsan^, 
frère  de  Monsieur  le  Grand.  Cavoye,  si  intime  de  feu 
M.  de  Seignelay  et  de  feu  M.  de  Luxembourg,  piqué  du^ 
procédé  avec  Mme  de  Seignelay,  en  fit  la  noce  chez  lui^, 
à  Paris,  où  il  y  eut  fort  peu  de  monde". 

de  bien  ;  »  et  plus  loin  :  «  Outre  les  sept  cent  mille  livres  que  M.  de 
Luxembourg  a  eues  en  mariage,  il  seroit  logé  et  nourri  chez  son  beau- 
père.  »  (Journal,  tome  V,  p.  365,  366.)  M.  de  Luxembourg  rendit  la  dot 
de  Mlle  de  Chevreuse  lorsque,  peu  de  temps  avant  son  second  mariage, 
il  perdit  la  fille  qu'il  avait  du  premier.  A  en  croire  les  Annales  de  la 
cour,  tome  II,  p.  10-12,  il  reprit  tout  aussitôt  ses  relations  avec  Mme  de 
Bellefonds  et  ne  tarda  pas  à  se  séparer  des  parents  de  sa  femme. 

1.  Pontchartrain  écrit  à  l'abbc  de  la  ïrémoïlle,  le  19  février  1696  : 
«  Mme  de  Seignelay,  par  un  dépit  amoureux,  s'est  donnée  en  corps  et  en 
âme  à  M.  le  comte  de  Marsan  ;  »  et  Coulanges  à  Mme  de  Sévigné  : 
«  Son  dessein  a  été  de  se  dépiquer,  et  toute  sa  famille  en  même  temps.  » 
(Depping,  Correspondance  administrative  soms  le  règne  de  Louis  XIV, 
tome  IV,  p.  772  et  773;  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  364.) 

2.  M.  de  Marsan  alla  demander  la  permission  du  Roi  dès  le  lende- 
main du  mariage  Luxembourg.  [Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  366.) 

3.  Charles  de  Lorraine-Armagnac,  né  le  8  avril  1648,  cinquième  fils 
du  comte  d'Harcourt  et  frère  cadet  du  grand  écuyer  et  du  chevalier  de 
Lorraine,  portait  les  titres  de  comte  de  Marsan,  sire  de  Pons,  prince  de 
Mortagne,  etc.  Il  était  lieutenant  général  en  basse  Normandie  et  avait 
eu,  en  1688,  un  des  quatre  colliers  de  l'Ordre  donnés  aux  Lorrains.  Il 
avait  perdu,  le  13  juin  1692,  sa  première  femme,  laquelle  était  veuve 
du  marquis  d'Albret.  11  mourut  le  13  novembre  1708.  On  trouve  son 
portrait  au  lavis  dans  le  ms.  Clairambault  1160,  fol.  198. 

4.  De  son  a  été  corrigé  en  du. 

5.  «  La  noce  se  fit  à  l'hôtel  de  Matignon  ;  ils  se  marièrent  dans  la 
chapelle  de  Cavoye.  »  (Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  369.)  Cavoye 
habitait  dans  la  rue  des  Saints-Pères,  non  loin  de  l'hôtel  de  Saint-Simon. 

6.  Le  contrat  se  signa  le  20  février  1696;  il  y  en  a  une  copie  aux 
Archives  nationales,  dans  le  registre  des  Insinuations  Y  267,  fol.  151. 
Le  mariage  fut  célébré  le  21,  à  minuit  :  voyez  Mme  de  Sévigné,  tome  X, 
p.  'è6i  ;  Dangeau,  tome  V,  p.  366  et  369;  le  Mercure,  février  1696, 
p.  301,  etc.  Selon  les  Lettres  de  Mme  Dunoyer,  tome  I,  p.  105,  le  Roi 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  15 

M.  de  Duras  fit  un  grand  mariage  pour  sa  seconde  fille'.        Du  duc 
L'aînée"^  avoit  épousé,  il  y  avoit  quelques  années,  le  duc  '-^^^^^^^^^^^'■'^^ 
de  la  Meilleraye^  fils  unique  du  duc  Mazarin\  mais  qui    Mile  de  Duras. 
n'avoit  que  des  richesses  avec  sa  dignité.  Il  trouva  pour 
l'autre,  avec  les  grands  biens,  tout  ce  qu'il  pouvoit  desi- 

félicita  Mme  de  Seignelay  de  ce  qu'elle  remplaçait  son  premier  mari, 
l'homme  le  plus  brusque  du  monde,  par  le  plus  doux  et  le  plus  poli. 

1.  Le  duc  de  Duras,  oncle  paternel  de  Mme  de  Saint-Simon,  avait 
trois  filles  ;  mais  la  seconde,  dite  Mlle  de  Blanquefort,  était  i-eligieuse, 
et  Saint-Simon  n'en  tient  pas  compte".  La  troisième,  dont  il  est  parlé 
en  ce  moment,  s'appelait  Louise-Bernardine,  demoiselle  de  Pujols. 
Elle  épousa  le  duc  de  Lesdiguières  le  17  janvier  1696,  et  mourut  le 
21  mars  1747,  à  soixante-cinq  ans. 

2.  Charlotte-Félicie-Arraande  de  Durfort-Duras,  née  à  Paris  le  2  jan- 
vier 1672,  mariée,  en  décembre  168o,  au  duc  de  la  Meilleraye-Mazarin, 
et  morte  le  27  décembre  1730. 

3.  Paul-Jules  de  la  Porte-Mazarin  de  la  Meilleraye,  né  le  23  janvier 
1666,  mourut  le  7  septembre  1731.  Il  eut,  en  1686,  par  la  démission 
de  sou  père  (voyez  la  note  suivante),  les  gouvernements  d'Alsace,  un 
justaucorps  bleu  et  le  titre  de  duc  de  la  Meilleraye.  En  mai  1688,  il 
acheta  une  compagnie;  mais  il  ne  put  obtenir,  quatre  ans  plus  tard,  l'a- 
grément royal  pour  acquérir  un  régiment.  Son  père  se  démit  à  son  profit 
du  duché-pairie  de  la  Meilleraye  en  1700,  et  il  prit  séance  au  Parlement 
le  23  août.  Ce  fut  seulement  à  la  fin  de  1713  qu'il  hérita  du  titre  de 
duc  Mazarin,  Voyez  les  circonstances  curieuses  de  son  mariage  dans 
les  Mémoires  de  Sourches,  tome  I,  p.  346  et  38S-386,  et  dans  le  Journal 
de  Daiigeau,  tome  I,  p.  2o2,  267  et  275;  comparez  les  Mariages  dans 
l'ancienne  société  française,  par  M,  Ernest  Bertin  (1879),  p.  163-164. 

4.  Armand-Charles  de  la  Porte,  marquis  de  la  Meilleraye,  fils  du  duc 
et  maréchal  de  ce  nom,  devint  duc  Mazarin  en  1661,  par  son  mariage 
avec  Hortense  Mancini  et  par  la  substitution  que  le  Cardinal  fit  à  son 
profit.  Lieutenant  général  de  la  province  de  Bretagne  dès  1643,  capi- 
taine de  cavalerie  en  1645,  grand  maître  de  l'artillerie,  à  la  place  de 
son  père,  de  1648  à  1669,  maréchal  de  camp  en  1649,  lieutenant  gé- 
néral des  armées  en  1654,  il  eut  les  charges  de  gouverneur  de  l'Alsace, 
de  Brisach  et  de  Philipsbourg,  de  grand  bailli  d'Haguenau,  de  gou- 
verneur de  la  Fère,  du  château  de  Vincennes,  des  villes  de  Port- 
Louis,  Blavet,  Hennebont,  Quimperlé,  etc.  Il  reçut  l'Ordre  en  1688, 
et  mourut  à  la  Meilleraye  le  9  novembre  1713,  âgé  de  quatre-vingt-deux 
ans.  Outre  son  fils,  il  eut  trois  filles. 

«  Dans  sa  Table  alphai)étique  (tome  XX,  p.  285),  il  dit  plus  exactement  : 
«  La  3""  fille  du  maréchal  duc  de  Duras.  » 


46  MÉMOIRES  [1C961 

rer  d'ailleurs  :  ce  fut  le  jeune  duc  de  Lesdiguières\  ardem- 
ment désiré  des  plus  grands  partis,  parce  qu'il  étoit  lui- 
même  le  plus  grand  parti  de  France"-.  Sa  mère*,  héritière 
des  Gondi^  étoit  une  fée  solitaire,  qui  ne  laissoit  entrer 
presque  personne  dans  son  palais  enchanté",  et  que"  la 
maréchale  de  Duras'  sut  pourtant  pénétrer.  Tout  convenu 
dans  un  grand  secret  avec  elle,  qui  étoit  aussi  la  tutrice, 
il  fut  question  des  parents.  Le  maréchal  de  Villeroy  et 
Monsieur  le  Grand,  qui  étoient  les  plus  proches  du  côté 
paternel*,  et  la  maréchale  de  Villeroy'*,  du  maternel,  firent 

1.  Voyez  notre  tome  II,  p.  17.  On  a  un  très  beau  portrait  du  jeune 
duc,  gravé  d'après  Rigaud. 

2.  Le  public  lui  attribuait  plus  de  six  cent  cinquante  mille  livres 
de  rente,  et  sa  mère  paraissait  désireuse  de  se  débarrasser  de  lui  par 
un  mariage.  En  novembre  1691,  il  avait  été  question  de  lui  faire 
épouser  la  fille  du  duc  de  la  TrémoïUe,  malgré  le  jeune  âge  de  l'un 
et  de  l'autre;  mais  M.  de  Canaples  avait  fait  rompre  ce  projet.  (Pap. 
du  P.  Léonard,  Arch.  nat.,  MM  825,  fol.  143.)  A  la  tin  de  1693,  on  crut 
encore  son  mariage  conclu  avec  Mlle  de  Clérembault  ;  cette  seconde 
alliance  fut  abandonnée  par  Mme  de  Lesdiguières,  avec  des  procédés 
très  désagréables  {Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  333  et  340,  et  lettre  de 
Villeroy  à  Harlay,  dans  le  ms.  Fr.  17  429,  fol.  92). 

3.  Voyez  notre  tome  II,  p.  17.  Mme  de  Lesdiguières,  née  le  12  mars 
1633  à  Machecoul,  et  mariée  le  12  mai  1673,  avait  perdu  son  mari  le  3  mai 
1681.  Elle  mourut  le  21  janvier  1716.  Comme  plusieurs  autres  Gondi, 
elle  écrivait  son  nom  à  la  française  :  Gondij. 

4.  Elle  était  la  dernière  héritière  de  ces  Gondi,  ducs  de  Retz,  d'ori- 
gine florentine,  qui  étaient  venus  s'établir  en  France  sous  François  I", 
et  dont  elle  fit  écrire  l'histoire  généalogique,  en  1703,  par  Corbinelli. 
Voyez  l'article  de  la  maison  de  Gondi  dans  le  mémoire  de  d'Hozier  sur 
les  Ducs  et  pairs,  ms.  Clairambault  719,  p.  43-44. 

3.  Voyez  notre  tome  II,  p.  121,  et  la  suite  des  Mémoires,  notamment 
tome  XII,  p.  413.  Nous  aurons  l'occasion,  en  cet  endroit,  de  donner 
une  note  sur  l'hôtel  de  Lesdiguières,  qui  était  situé  rue  de  la  Cerisaye. 

6.  Que  amphibologique,  pouvant  se  rapporter  à  fée  ou  à  palais.  La 
virgule  devant  et  (elle  est  au  manuscrit)  rend  probable  l'accord  avec  fée. 

7.  Marguerite-Félicie  de  Levis,  fille  du  duc  de  Ventadour,  mariée  au 
duc  de  Duras,  le  13  avril  1668,  et  morte  le  10  septembre  1717. 

8.  La  mère  du  maréchal  de  Villeroy  et  de  Mme  d'Armagnac  était 
Madeleine  de  Créquy,  tante  du  père  du  jeune  duc. 

9.  La   maréchale  de  Villeroy   (Marguerite    de  Cossé-Brissac)  et   la 


[IG96J  Dli   SAINT-SIMON.  17 

grand  bruit'.    Lq  maréchaP  et  le  père'   du  jeune  duc 

duchesse  de  Lesdiguières  (Gondi)  avaient  pour  grand -père  commun 
Henri  de  Gondi,  duc  de  Retz,  mort  en  1639. 

4.  Voyez  à  la  Bibliothèque  nationale,  dans  le  ms.  Fr.  17  429,  fol. 
92-97,  les  lettres  de  Mme  de  Lesdiguières  au  maréchal  de  Villeroy,  et 
celles  de  ce  dernier  à  la  ducliesse  et  au  premier  président  de  Harlay. 
La  duchesse  dit  :  «  Suivant,  Monsieur,  les  conseils  que  vous  me  fîtes 
l'honneur  de  me  donner  la  dernière  fois  que  je  vous  vis,  je  me  suis 
tout  à  fait  résolue  à  marier  mon  fils,  afin  de  le  mettre  dans  le  monde 
comme  il  doit  y  être.  J'ai  cru  que  Mlle  de  Duras  étoit  d'assez  bonne 
maison  et  avoit  des  alliances  assez  considérables  pour  y  trouver  des 
agréments.  M.  le  maréchal  de  Duras  lui  donne  cent  mille  écus,  et, 
connoissant  comme  je  fais  M.  et  Mme  de  Duras,  je  suis  persuadée  que 
je  trouverai  avec  eux  une  certaine  douceur  de  voies,  qui  est  la  seule 
chose  que  je  souhaite....  »  Dans  sa  réponse,  le  maréchal  se  borne  à 
inviter  Mme  de  Lesdiguières  h  consulter  les  Créquy,  et  il  lui  rappelle 
qu'elle  a  signé  un  engagement  de  ne  point  disposer  de  son  fils  sans 
le  consentement  de  sa  famille.  En  envoyant  ensuite  une  copie  de  cette 
correspondance  au  premier  président,  le  26  décembre  169o,  il  s'exprime 
ainsi  :  «  Si  l'Archevêque  (Harlay),  de  très  glorieuse  mémoire,  vivoit,  nous 
saurions  bien  contenir  Mme  de  Lesdiguières  ;  mais  le  bon  sens,  la  raison 
et  l'intérêt  de  son  fils  ne  font  que  blanchir  quand  l'humeur  et  la  boutade 
sont  en  campagne....  Je  ne  veux  point  m'embarquer  mal  à  propos  et 
inutilement  pour  servir  M.  de  Lesdiguières  ;  mais  je  suis  bien  résolu 
de  faire  tout  ce  que  les  lois  et  un  véritable  attachement  pour  sa  maison 
et  sa  personne  me  permettront,  au  hasard  de  déplaire  à  M.  le  maréchal 
de  Duras,  et  même  à  M.  deLauzun.  »  Comparez  les  articles  de  Dangeau 
datés  du  31  décembre  169o  et  du  12  janvier  1696,  tome  V,  p.  330  et  346. 

2.  Avant  Le  maréchal,  le  pronom  Us  a  été  bitte. 

3.  François-Emmanuel  de  Bonne  de  Créquy,  d'abord  comte  puis  duc 
de  Sault,  ne  devint  qu'en  1677  duc  de  Lesdiguières  et  pair  de  France. 
Pourvu  tout  jeune  de  la  survivance  du  gouvernement  de  Dauphiné 
(1651),  fait  mestre  de  camp  d'infanterie  en  16nD,  brigadier  en  1672, 
maréchal  de  camp  en  1674,  il  quitta  le  service  en  1676,  ne  suivit  plus 
les  armées  que  comme  volontaire,  et  mourut  à  Saint-Germain-en-Laye, 
le  3  mai  1681,  âgé  de  trente-six  ans  et  quatre  mois.  C'est  lui  qui  figure 
dans  l'ode  de  Boileau  sur  le  passage  du  Rhin  : 

Mais  déjà  devant  eux  une  chaleur  guerrière 
Emporte  loin  du  bord  le  bouillant  Lesdiguière. 

Il  s'était  aussi  distingué  à  la  mort  de  Turenne,  en  1675.  On  le  voit  sou- 
vent mentionné  dans  les  Lettres  de  Mme  de  Sévujné,  et  Saint-Simon 
fera  son  portrait  en  1704,  dans  les  Mémoires,  tome  IV,  p.  57. 

MÉMOIRES   DE   SALNT-SIMOiN.    Ul  « 


18  MÉMOIRES  [1696J 

étoient  enfants  du  frère  et  de  la  sœur*,  et  la  duchesse  de 
Lesdiguières  et  la  maréchale  étoient  filles  aussi  du  frère 
et  de  la  sœur-.  Mme  d'Armagnac^  étoit  sœur  du  maré- 
chal ;  lui  et  Monsieur  le  Grand  étoient  intimes.  Il  ména- 
geoit  depuis  longtemps  Mme  de  Lesdiguières,  qui  se  ser- 
voit  de  son  crédit  à  son  gré.  Plusieurs  partis  avoient 
manqué  à  Mlle  d'Armagnac*  :  ils  vouloient  celui-ci,  bien 
que  plus  jeune  qu'elle,  et  c'est  ce  qui  les  mit  en  si  grand 
émoi^.  Pendant  ce  vacarme,  tout  fut  signée  et  par  M.  de 
la  Trémoïlle,  tuteur  paternel,  gendre  du  feu  duc  de  Cré- 
quy\  ami  des  maréchaux*  de  Duras  et  de  Lorge  et  fils  de 
leur  cousin  germain^.  Cela  fit  taire  tout  à  coup  les  autres, 

1.  François  de  Bonne  de  Créquy,  duc  de  Lesdiguières,  pair  de 
France,  chevalier  des  ordres  en  1619,  gouverneur  et  lieutenant  général 
en  Dauphiné,  mort  le  1"  janvier  1677;  —  et  Madeleine  de  Créquy, 
mariée,  par  contrat  du  11  juillet  1617,  à  Nicolas  de  Neufville,  duc  de 
Villeroy,  et  morte  le  31  janvier  1673,  à  soixante-six  ans. 

2.  Mme  de  Lesdiguières  et  Mme  de  Villeroy  n'étaient  pas  filles  du 
frère  et  de  la  sœur,  mais  des  deux  sœurs  :  Catherine  de  Gondi  (1612- 
1679),  mariée  en  1633  à  son  cousin  germain  Pierre  de  Gondi,  à  qui  elle 
porta  le  duché  de  Retz  ;  et  Marguerite-Françoise  de  Gondi,  duchesse  de 
Beaupréau  (1613-1670),  mariée  en  1643  à  Louis  de  Cossé,  duc  de  Brissac. 

3.  Voyez  notre  tome  11,  p.  248  et  249.  —  4.  Ibidem,  p.  260. 

3.  A  la  suite  d'émoi,  Saint-Simon  a  écrit,  puis  biffé  :  «  pour  l'empêcher  » , 

6.  Voyez  deux  lettres  de  M.  de  Villeroy  au  premier  président  de 
Harlay,  des  12  et  14  janvier  1696,  qui  ont  été  publiées  dans  le  tome  VI 
de  la  Corvespomlance  adminislrutive  du  règne  de  Louis  XIV,  p.  770-772, 
et  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  34.S-349.  Le  Roi  avait  d'abord 
promis  de  ne  pas  signer;  mais  le  maréchal  de  Duras  l'y  Ht  consentir  en 
lai  amenant  le  jeune  duc  de  Lesdiguières,  et  31.  de  la  Trémoïlle  se 
laissa  également  gagner.  «  Mme  de  Lesdiguières,  écrivait  de  dépit  le 
maréchal,  est  la  plus  grande  folle  qu'il  y  ait  en  France  ;  dans  un  état 
bien  policé,  on  la  mettroit  entre  quatre  murailles.  » 

7.  Sur  les  ducs  de  la  Trémoïlle  et  de  Créquy,  voyez  tome  I,  p.  132. 

8.  Des  3/-^  corrige  de  M". 

9.  Henri-Charles  de  la  Trémoïlle,  duc  de  Thouars,  chevalier  de 
l'ordre  de  la  Jarretière,  général  de  la  cavalerie  des  États  de  Hollande, 
né  en  1621,  mort  le  14  septembre  1672,  avait  eu  pour  mère  Marie  de 
la  Tour,  fille  d'Henri,  duc  de  Bouillon,  et  sœur  d'Elisabeth  de  la  Tour, 
mère  des  deux  maréchaux  de  Duras  et  de  Lorge. 


[16961  DE  SAINT-SIMON.  19 

et  le  mariage  se  fit  à  petit  bruit  à  l'hôtel  de  Duras',  parce 
que  Mme  de  Lesdiguières  ne  voulut  point  de  monde, 
encore  moins  les  parents  de  mauvaise  humeur^.  Il  n'en 
coûta  que  cent  mille  écus  de  dot  à  M.  de  Duras  ;  encore 
en  retint-il  onze  mille  livres  de  rente  pour  loger  et  nourrir 
sa  fille  et  son  gendre^.  Il  avoit  marié  l'aînée  à  aussi  bon 
marché*.  La  mariée  étoit  grande,  bien  faite,  belle,  avec 
le  plus  grand  air  du  monde,  et  d'ailleurs  très  aimable^; 
et  l'âge  convenoit  entièrement. 

Il  s'en  fit  un  autre,  d'âge  bien  disproportionné,  du  duc 
d'Uzès'',  qui  avoit  dix-huit  ans,  et  de  la  fille  unique'  du 

1.  L'hôtel  de  Duras  était  alors  sur  la  place  Royale  ;  celui  qui  a  donné  son 
nom  à  une  rue  du  faubourg  Saint-Honoré  ne  fut  construit  que  vers  1718. 

2.  Le  Mercure  (janvier  1696,  p.  313-318)  dit  :  «  Le  lundi  16  de  ce 

mois,  M.  le  duc  de  Lesdiguières  épousa  Mlle  de  Duras M.  le  duc  de 

Lesdiguières  n'a  que  dix-sept  ans....  Mlle  de  Duras....  n'a  pas  encore 
quatorze  ans....  Aucun  préparatif  ne  fut  affecté  pour  cette  noce  :  on 
étoit  bien  sûr  d'une  assemblée  illustre,  sans  appeler  des  étrangers —  » 
La  célébration  eut  lieu  le  17,  swïdiio  mane,  à  Saint-Paul;  l'acte  est 
reproduit  en  partie  dans  le  Dictionnaire  critique  de  Jal,  p.  778. 

3.  Comparez  tout  cet  article  à  celui  du  Journal  de  Dangeau,  tome  V, 
p.  349,  dont  Saint-Simon  s'est  évidemment  inspiré,  de  même  que  poul- 
ies autres  mariages  qu'il  raconte  au  début  de  celte  année  1696.  Une 
copie  du  contrat  de  mariage,  qui  se  signa  le  14  janvier,  est  aux  Ar- 
chives nationales,  dans  le  registre  des  Insinuations  Y  WQ,  fol.  434. 

4.  Coulanges  écrivait,  le  6  janvier  1696  :  «  Pour  celui  (le  mariage) 
de  Mlle  de  Duras  avec  M.  de  Lesdiguières,  les  uns  parient  pour,  et  les 
autres  contre  ;  mais  Mme  de  Lesdiguières  se  décrie  si  fort,  qu'on  com- 
mence à  la  regarder  comme  la  femelle  de  M.  de  Mazarin.  Il  sera  plai- 
sant que  Mme  de  Duras,  par  son  bon  esprit,  ait  profité  à  bon  marché  de 
l'extravagance  de  l'un  et  de  l'autre  pour  aussi  bien  établir  ses  lilles.  » 
(Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  340.) 

5.  Sur  cette  jeune  duchesse  de  Lesdiguières,  voyez  la  suite  des 
Mémoires,  tome  IV,  p.  133-137,  et,  sur  sa  présentation  au  Roi,  le 
Sévigné,  tome  X,  p.  346. 

6.  Jean-Charles  de  Crussol,  duc  d'Uzès  et  colonel  d'infanterie  depuis 
1693  :  voyez  tome  I,  p.  238,  note  3.  Ce  duc  n'avait  pas  dix-huit  ans, 
mais  environ  vingt  ou  vingt  et  un  ans,  car  il  mourut  en  1739,  dans  sa 
soixante-quatrième  année,  selon  la  Gazette,  ou  à  soixante-trois  ans  et 
demi,  d'après  l'épitaplic  placée  dans  la  chapelle  du  château  d'Uzès. 

7.  Anne-IIippolyte  de  Grimaldi,  dite  Mlle  de  Monaco,  épousa  le  duc 


Du  duc  d'Uzès 

avec  Mlle  de 

.Monaco. 


20  MÉMOIRES  [1696] 

prince  de  Monaco\  sœur  du  duc  de  Valentinois  "gendre  de 
Monsieur  le  Grand  :  elle  avoit  trente-quatre  ou  trente-cinq 
ans^,  et  les  paroissoit.  Elle  étoit  riche^.  Sa  mère^  étoit  sœur 
du  duc  de  Gramont''.  11  étoit  lors  dans  les  horreurs  de  la 
taille';  M.  de  Valentinois  n'avoit  ni  feu  ni  lieu  que  chez 
son  beau -père,  et  il  n'avoit  pas  lieu  d'être  bien  avec  sa 
femme  ni  avec  les  siens  ;  M.  de  Monaco  étoit  à  Monaco^.  La 


d'Uzèsle  18  janvier  1696,  et  mourut  Ie23  juillet  1700,  à  trente-huit  ans. 

i.  Louis  Grimaldi  :  voyez  notre  tome  II,  p.  18  et  note  3. 

1.  Antoine  Grimaldi,  duc  de  Valentinois,  né  le  27  janvier  1661, 
devint  prince  de  Monaco  et  pair  de  France  après  son  père  en  1701,  et 
chevalier  des  ordres  en  1724.  Il  s'était  marié  le  13  juin  1688  avec  la 
princesse  Marie  de  Lorraine-Armagnac,  fdle  du  grand  écuyer.  Il  mourut 
le  20  février  1731,  étant  veuf  depuis  le  30  octobre  1724. 

3.  Elle  était  née  le  14  janvier  1662. 

4.  Selon  la  Gazette  iV Amsterdam,  1696,  n°  viii,  elle  avait  cinq  cent 
mille  livres  comptant  et  cent  cinquante  mille  livres  assurées  après  la 
mort  de  son  père.  Dangeau  (tome  V,  p.  344)  donne  des  cliiflVes  un  peu 
moindres,  et  dit  que  le  duc  d'Uzès  devait,  après  la  mort  de  son  aïeule, 
jouir  de  près  de  cinquante  mille  écus  de  rente. 

5.  Catherine-Charlotte  de  Gramont,  mariée  à  Pau,  le  30  mars  1660, 
avec  Louis  Grimaldi,  prince  de  Monaco  (ci-dessus,  note  1),  et  morte  au 
Palais-Royal,  le  4  juin  1678,  à  l'âge  de  trente-neuf  ans.  Elle  avait  été 
nommée  surinlendante  de  la  maison  de  Madame  en  mars  1673,  et  était 
la  favorite  de  cette  princesse. 

6.  Antoine-Charles  de  Gramont,  quatrième  du  nom,  connu  d'abord 
sous  le  titre  de  comte  de  Louvigny,  fut  pourvu,  après  la  mort  de  son 
frère  aîné  le  comte  de  Guiche  (1673),  des  gouvernements  de  la  Navarre, 
du  Béarn,  de  Rayonne  et  de  Saint-Jean-Pied-de-Port,  s'étant  déjà  dis- 
tingué, comme  volontaire,  en  Pologne  et  au  passage  du  Rhin.  Il  devint 
duc  de  Gramont  et  pair  de  France  à  la  mort  du  maréchal  son  père 
(1678),  fut  nommé  aide  de  camp  du  Roi  en  1684  et  chevalier  des  ordres 
en  1688,  fut  envoyé  en  ambassade  extraordinaire  auprès  de  Philippe  V 
en  1704,  fut  fait  ministre  d'État  et  chevalier  de  la  Toison  d'or  par  ce 
prince  en  1703,  et  mourut  le  23  octobre  1720,  âgé  de  soixante-quinze  ans. 

7.  Le  duc  de  Gramont  fut  taillé  par  Maréchal  le  16  avril  1696  ;  l'opé- 
ration réussit  bien.  Voyez  le  foivnal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  397. 

8.  Monaco,  capitale  d'une  principauté  souveraine,  qui  comprenait 
en  outre  les  villes  de  Menton  et  de  Roqucbrune,  avec  sept  mille  cinq 
cents  habitants.  La  ville  de  Monaco  est  bâtie  sur  un  promontoire  es- 
carpé que  surmontait  jadis  un  temple  d'Hercule  J/ofcecns. 


11696J  DE  SAINT-SIMON.  "21 

noce*  se  fit  donc  chez  la  duchesse  du  Lude,  veuve  en 

premières  noces  de  ce  galant  comte  de  Guiche',  frère  aîné 

du  duc  de  Gramont,  et  elle  étoit  toujours  demeurée^  fort 

unie  avec  eux  tous.  Mlle'  de  Monaco  avoit  le  tabouret^ 

parce  qu'au  mariage  de  M.  de  Valentinois,  en  1688,  Mon-    [Add.S'-S.  i-',o\ 

sieur  le  Grand  avoit  obtenu  le  rang  de  prince  étranger"    Rans  nouveau 

pour  M.  de  Monaco  et  pour  ses  enfants  :  à  quoi  ils  n'avoient 

jamais  osé  songer  jusque-là''.  La  mère^  de  M.  de  Monaco 


de  prince 
étranger  de 
.   df   Monaco. 


1.  Journal  de  Damjeau,  tome  V,  p.  350;  Mercure,  janvier  1696, 
p.  319-3-20;  Dictionnaire  critique  de  Jal,  p.  1217.  Le  mariage  fut  cé- 
lébré le  18,  à  l'Arclievèché.  En  raison  de  l'alliance  du  comte  de  Guiche, 
cousin  germain  maternel  de  Mlle  de  Monaco,  avec  le  maréchal  de 
Noailles,  celui-ci  se  chargea  de  représenter  le  prince  de  Monaco. 

2.  Marguerite-Louise  de  Béthune-Sully  (voyez  tome  I,  p.  81-82, 
note  3,  où  il  faut  corriger,  à  la  ligne  33,  SI  janvier  en  25  janvier,  et  à 
la  ligne  34,  quatre-vingt-trois  ans  en  quatre-vingt-quatre,  selon  les 
Notes  de  M.  de  Chastollux,  p.  61)  avait  épousé  en  premières  noces,  le 
23  janvier  1638,  Armand  de  Gramont,  comte  de  Guiche,  né  en  1638, 
fils  aîné  du  maréchal  et  survivancier  de  ses  charges  et  gouvernements. 
11  mourut  dans  la  campagne  du  Palatinat,  le  29  novembre  1673,  ayant 
alors  le  grade  de  lieutenant  général.  Voyez  plus  loin,  p.  161-171,  l'article 
consacré  à  sa  veuve,  belle-sœur  des  Monaco  par  ce  premier  mariage. 

3.  Demeuré,  sans  accord,  dans  le  manuscrit. 

4.  La  lettre  M  de  Mlle  corrige  un  premier  de. 

5.  Sur  cette  expression,  voyez  notre  tome  11,  p.  41,  note  1. 

6.  Voyez  tome  I,  p.  202,  note  .t.  Los  princes  étrangers  avaient  un 
rang  intermédiaire  entre  les  princes  du  sang,  issus  de  la  maison  royale 
ou  légitimés,  et  les  ducs  et  pairs,  avec  l'important  avantage  sur  ces 
derniers  que  leur  qualité  profitait  à  toute  leur  famille,  tandis  que  les 
enfants  ou  les  frères  et  sœurs  d'un  duc  et  pair  ne  partageaient  aucun 
de  ses  privilèges.  Saint-Simon  parle  assez  longuement  de  ces  princes 
dans  ses  Projets  de  gouvernement,  p.  100-102,  dans  son  mémoire  sur 
les  Rangs  étrangers  à  l'État,  vol.  43  et  68  de  ses  Papiers,  dans  d'autres 
notices  sur  les  principales  familles  qui  jouissaient  du  même  privilège, 
et  entiu  dans  divers  endroits  des  Mémoires,  notamment  tomes  111  (de 
1873),  p.  171-172,  IX,  447-448,  etc. 

7.  Cette  affaire  du  mariage  de  1688  est  racontée  plus  longuement 
dans  l'Addition  indiquée  en  marge,  n*  140,  et  dans  le  travail  de  Saint- 
Simon  sur  les  Duchés-pairies  éteints,  art.  Valentinois,  vol.  58  de  ses  Pa- 
piers, fol.  117.  Il  en  reparlera  encore  dans  les  Mémoires,  en  1697  et  1699. 

8.  Marie-Aurélie  Spinola,  mariée,  en  juin  1641,    à  Hercule  II  Gri- 


22  MÉMOIRES  [1696] 

vint  à  Paris  pour  le  faire  tenir  sur  les  fonts  de  baptême 
par  le  Roi  et  par  la  Reine  sa  mère'.  Son  mari  étoit  mort' 
sans  que  son  père^,  qui  vivoit  encore\  se  fût  démis  ;  elle 
s'appeloit  la  princesse  de  Mourgues^  C'étoit  M.  d'Angou- 
lême  •"'  qui,  étant  dans  son  gouvernement  de  Provence, 
avoit  fait  avec  ce  même  beau-père  le  traité  de  se  donner 
à  la  France'';  ce  fut  donc  à  la  duchesse  d'Angoulême,  sa 


maldi,  marquis  des  Baux,  lequel  mourut  avant  son  pore  et  ne 
point  la  souveraineté  de  Monaco.  Elle  mourut  le  29  septembre  1670. 

i.  Louis  XIV  et  Anne  d'Autriche.  —  Le  baptême  fut  célébré  à 
Monaco,  le  13  octobre  1643,  le  jeune  roi  étant  représenté  par  le  comte 
d'Alais,  plus  tard  duc  d'Angoulême  (ci-dessous,  note  6),  et  la  Reine 
mère  par  la  comtesse  :  voyez  le  récit  de  cette  cérémonie  dans  la 
Gazette,  p.  941-946.  Y  eut-il  plus  tard  un  complément  de  baptême 
à  Paris?  Ce  que  dit  Saint-Simon  le  ferait  croire. 

2.  Le  marquis  des  Baux  fut  tué  d'un  coup  de  pistolet  parti  acciden- 
tellement, en  i6ol.  Il  était  alors  dans  sa  vingt-septième  année. 

3.  Honoré  Grimaldi,  second  du  nom,  seigneur  souverain  de  Monaco 
depuis  1604,  chevalier  de  la  Toison  d'or,  puis  des  ordres  du  Roi,  reçu 
duc  deValentinoisct  pair  de  France  le  19  février  1643.  Il  mourut  le  9  jan- 
vier 1662,  dans  sa  soixante-cinquième  année.  On  lui  attribue  l'histoire  de 
la  maison  de  Grimaldi  publiée  sous  le  nom  de  son  secrétaire  Vénasque. 

4.  Encore  a  été  ajouté  en  interligne. 

5.  A  cause  de  la  ressemblance  de  Monaco  avec  le  latin  monacims, 
«  les  Provençaux,  dit  Thomas  Corneille,  lui  donnent  le  nom  de  Mour- 
(jues,  par  allusion,  parce  que  ce  mot  signifie  moine  en  leur  langue.  » 
[Dictionnaire  universel  de  (jéographie  et  dliistoirc;  comparez  \es  Mémoires 
de  Momjlat,  p.  113.)  Les  emblèmes  de  la  ville  étaient  aussi  des  moines. 
C'est  sous  le  nom  de  Mourgues  que  M.  de  Monaco  est  désigné  par 
la  Gazelle,  lors  des  voyages  qu'il  fit  en  France,  dans  les  années  1642, 
1646,  16r,l,  etc. 

6.  Louis-Emmanuel  de  Valois,  fils  du  bâtard  de  Charles  IX  et  de 
Marie  Touchet,  portait,  en  1643,  le  titre  de  comte  d'Alais,  et  il  ne  de- 
vint duc  d'Angoulême  qu'à  la  mort  de  son  père,  en  16o0.  II  fut,  comme 
celui-ci,  dès  1620,  colonel  général  de  la  cavalerie  légère,  et  eut,  de  1637 
àl6ol,  le  gouvernement  de  Provence.  Né  en  lo96,  il  mourut  le  13  no- 
vembre 1663. 

7.  Par  ce  traité,  signé  à  Péronne  le  8  juillet  1641,  Honoré  II,  qui 
venait  de  se  débarrasser  de  la  garnison  espagnole  établie  à  Monaco 
depuis  lo2o,  se  pinça  sous  la  protection  de  la 'France  et  accepta  une 
garnison  française,  dont  il  eut  le  commandement.  Alors  Louis  XIII  lui 


1696]  DE   SAINT-SIMON.  23 

veuve*,  qu'elle  s'adressa  pour  la  présenter  et  la  mener  à 
la  cour.  Elle  y  fut  debout",  sans  prétention  ni  équivoque, 
et,  après  un  court  séjour,  elle  s'en  retourna  avec  son  fils, 
comblée  des  bontés  du  Pioi  et  de  la  Reine.  Mme  d'Angou- 
lême,  chez  qui  ma  mère  a  logé  longtemps  fille,  et  y  a  été 
mariée,  le  lui  a  conté  cent  fois,  et  c'est  le  père  de  ce 
prince  de  Monaco  du  traité  qui,  le  premier,  s'est  fait  ap- 
peler et  intituler  prince  de  Monaco^;  le  père  de  celui-là* 
et  tous  ses  devanciers  ne  se  sont  jamais  dits  ni  fait  ap- 
peler que  seigneurs  de  Monaco^.  C'est,  au  demeurant,  la 
souveraineté  d'une  roche,  du  milieu  de  laquelle  on  peut, 
pour  ainsi  dire,  cracher  hors  de  ses  étroites  limites". 

donna  l'ordre  du  Saint-Esprit  en  remplacement  de  la  Toison  d'or,  dont 
il  renvoyait  le  collier  au  roi  d'Espagne,  et  le  duché-pairie  de  Valen- 
tinois  en  compensation  des  domaines  qu'il  perdait  à  Naples  et  à  Milan. 
Voyez  le  Recueil  des  traités,  par  Jacques  Bernard  (1700),  tome  111, 
p.  415  et  416,  ou  Monaco  et  ses  princes,  par  M.  Métivier  (1862),  tome  1, 
p.  36o-37i.  Le  duc  de  Luynes  parle  du  traité  dans  ses  Mémoires, 
tome  XI,  p.  258,  ainsi  que  Monglat  dans  les  siens,  p.  113,  et  Saint- 
Simon  reviendra  longuement  sur  les  conséquences  de  cet  acte  (tome  X, 
p.  416-418).  On  trouvera  dans  le  ms.  Clairambault  '1226,  fol.  154-155, 
un  mémoire  sur  les  biens  que  MM.  de  Monaco  avaient  au  royaume  de 
Naples,  et  que  le  traité  de  1641  leur  fit  perdre. 

1.  Henriette  de  la  Guiclie  :  voyez  notre  tome  I,  p.  24,  note  2. 

2.  C'est-à-dire  qu'elle  n'eut  point  de  tabouret  au  cercle  de  la  Reine, 

3.  Hercule  I"  Grunaldi,  seigneur  de  Monaco,  assassiné  en  1604. 

4.  Honoré  I",  qui  suivit  tour  à  tour  le  parti  de  François  1"  et  celui 
de  Charles-Quint,  et  qui  mourut  en  1581,  avec  une  rare  réputation  de 
sagesse,  de  vaillance  et  d'érudition. 

5.  Comparez  à  ces  vingt  dernières  lignes  l'Addition  n'  136.  —  Dans 
les  textes  que  cite  M.  Métivier,  on  ne  trouve  aucun  titre  de  «  prince  » 
avant  le  traité  de  Péronne.  La  généalogie  publiée  par  Vénasque  rat- 
tachait les  Grimaldi  à  Grimoald,  fils  de  Pépin  d'iléristal  ;  il  paraît  du 
moins  prouvé  que  la  côte  méridionale  de  la  Provence,  de  Saint-Tropez 
à  Fréjus,  leur  appartenait  dès  la  fin  du  dixième  siècle.  Voyez  un  article 
de  d'Hozier  que  nous  sommes  obligé  de  renvoyer  à  l'Appendice,  n°  111, 
avec  un  mémoire  de  1740  sur  les  origines  de  la  principauté,  et  le  pas- 
sage déjà  cité  du  mémoire  de  Saint-Simon  sur  les  Duchés-pairies  éleinis. 

6.  Dans  les  Lettres  historiques  et  galantes  de  Mme  Dunoyer  (tome  II, 
p.  162-163),  une  des  correspondantes  dit  du  royaume  d'Yvetot  «  qu'il 


Du  duc 

d'Albret   et    de 

Mlle  de 

la  TiiMiioïlIe. 


U  MEMOIRES  [16961 

Le  duc  d'Albret',  fils  aîné  de  M.  de  Bouillon,  épousa  la 
fille  du  duc  de  la  Trémoïllo".  Il  y  eut  d'autres  mariages 
plus  tard,  dont  il  vaut  autant  finir  la  matière  tout  de  suite. 
^^  Mmc^  la  maréchale  de  Lorcje  maria  une  cousine  s:er- 

Sainl-llirem.  •       i        '   u  -,  ■       r    il  •      i     c    •    a   U' 

mamoVju  elle  avoit  auprès  d  elle  au  marquis  de  Samt-He- 

y  a  une  tour  au  milieu  de  ce  petit  Etat,  d'où  on  en  découvre  non 
seulement  toute  l'étendue,  mais  du  haut  de  laquelle  le  Roi  peut,  s'il 
veut,  cracliei-  sur  tout  le  pays  de  son  obéissance.  »  Scion  le  duc  de  Luy- 
nes  (tome  III,  p.  317),  la  principauté  de  Monaco,  au  dix-huitième  siècle, 
rapportait  soixante-douze  mille  livres  de  rente. 
■1.  Voyez  notre  tome  II,  p.  -l'28,  note  4. 

2.  Ibidem,  p.  134  et  note  1.  Il  avait  été  question  de  faire  épouser 
cette  jeune  personne  par  Saint-Simon  (môme  tome,  p.  260  et  269).  — 
Le  contrat  d'Albret  fut  signé  le  31  jnnvier  1696;  on  en  trouve  le  texte 
dans  le  registre  des  Insinuations  Y  270,  fol.  172.  Sur  le  mariage,  voyez 
Dcmgeau,  tome  V,  p.  317,  3r»3,  3o9  et  361,  le  Mercure,  février  1696, 
p.  291-296,  et  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  339,  349,  3S2 
et  363.  M.  Ernest  Dertin  en  a  parlé  longuement  dans  son  livre  sur  les 
Mariages  dans  l'ancienne  société  française,  p.  96-101.  La  Gazette  de 
1696  (|).  60)  fit  remarquer  qu'il  y  avait  déjà  eu,  près  de  trois  siècles 
auparavant,  en  14l().  une  alliance  entre  Jeanne  d'Auvergne,  comtesse 
d'Auvergne  et  de  Pologne,  veuve  du  duc  de  Berry,  et  Georges  de  la 
Trémoille,  neuvième  aïeul  paternel  de  la  nouvelle  duchesse  d'Albret. 

3.  M"*,  par  mégarde. 

4.  Nous  avons  déjà  indiqué  (tome  II,  p.  26S,  fin  de  la  note  4)  ce  côté 
des  alliances  de  la  maréchale.  Une  sœur  de  son  père,  Marie  de  Fré- 
mont,  avait  épousé  à  Rouen,  le  23  avril  1665,  Jacques  Rioult  de  Douilly, 
qui  devint  fermier  général  et  acheta  une  charge  de  secrétaire  du  Roi; 
dont  :  1°  un  fils,  qui  acquit  une  charge  de  maître  des  requêtes  en  1698, 
et  que  Saint-Simon  recommande  dans  une  lettre  du  1"  avril  1707 
(tome  XIX,  p.  249);  2°  un  autre  fils,  qui  fut  capitaine  de  dragons;  et 
3°  une  fille,  nommée  Marie-Geneviève,  dont  il  s'agit  ici,  et  qui,  après 
avoir  dû  se  marier  au  fils  de  M.  de  Montchevreuil,  épousa,  le  6  février 
1696,  le  marquis  de  Saint-Hérem,  et  mourut  à  Paris,  le  19  juin  1731, 
âgée  de  soixante-dix-huit  ans,  selon  le  Mercure  et  l'acte  mortuaire  cité 
par  M.  de  Chastellux  (Notes  de  Vélal  civil,  p.  314).  A  l'occasion  de  ce 
mariage,  que  le  Roi  facilita  par  le  don  d'un  brevet  d'assurance  de 
cent  mille  livres,  le  Mercure  fit  paraître  une  note  généalogique  sur  l'an- 
cienneté des  Rioidt  de  Douilly;  mais,  en  admettant  même  leur  attache 
avec  certains  Rioult  qui  étaient  nobles  en  1463,  on  savait  que  le 
grand-père  de  Mme  de  Saint-Hérem,  comme  son  père  aussi,  n'avaient 
eu  qu'une  cihiation  foît  modeste  en  Normandie,  et  que  le  second  s'était 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  ^S 

rem*,  du  nom  de  Montmorin^,  qui  étoît  fort  de  mes  amis. 
Il  avoit  la  survivance  du  gouvernement  de  Fontaine- 
enrichi  par  la  finance".  Aussi  Coulanges*,  à  propos  du  mariage  Saint- 

Héreni,  raille-t-il  fort  cette  «  bonne  maison toute    resplendissante 

d'une  Fréaiont  pour  mère,  qui  lui  donne  une  maréchale  de  Lorge 
pour  cousine  germaine,   et  des  duchesses  de  Saint-Simon  et  de  Lau- 

zun  pour  nièces  à  la  mode  de  Bretagne Voyez  le  Mercure  (jalanl 

du  mois  de  février,  et  vous  verrez  que  c'est  une  maison  que  la  maison  de 
Douilly!  »  {Lettres  de  Mme  de  SévujHé,  tome  X,  p.  3.Ï4,  339-360  et  376.) 
Le  plus  piquant,  et  Coulanges  le  fait  remarquer  à  mots  couverts,  tandis 
que  \e. Mercure  n'en  parle  pas,  c'est  qu'une  autre  Douilly,  cousine  germaine 
de  celle-ci,  venait  d'épouser,  le  mois  précédent,  le  financier  Borthelotde 
Pléneuf,  d'oi!i  vint  la  trop  célèbre  marquise  de  Prie.  Voilà  pourquoi  notre 
auteur  ne  prononce  même  pas  le  nom  de  ces  parentes  de  Mme  de  Saint- 
Simon*.  —  Le  contrat  fut  signé  le  4  février  1696,  à  l'hôtel  de  Lorge,  avec 
assistance  de  toute  la  famille,  parmi  laquelle  figuraient  M.  et  Mme  de 
Saint-Simon.  (Arch.  nat.,  Y  'il.66,  fol.  464  v°.)  Mlle  de  Douilly  recevait 
en  dot  trois  cent  mille  livres;  mais  les  parents  de  M.  de  Saint-IIércm 
étaient  ruinés  ou  à  peu  près.  (Lettres  de  Mme  de  Sévigiié,  tome  X,  p.  376.) 

i.  Charles-Louis  de  Montmorin,  marquis  de  Saint-Hérem,  pourvu  le 
9  novembre  1686  de  la  survivance  du  gouvernement  de  Fontainebleau, 
et  mort  le  10  juin  4725,  dans  sa  quarante-huitième  année  (voyez 
le  tome  XVIII,  p.  439).  On  écrivait,  comme  on  prononçait  :  Saint-Hércm. 

2.  Maison  fort  ancienne,  dont  Jean  du  Bouchot  avait  dressé  la  généa- 
logie en  1683.  Nous   aurons  ailleurs  occasion  de  citer  un  article  que 

"  Voyez  les  Papiers  du  P.  Léonard,  Arch.  nat.,  MM  824,  fol.  126,  la  Des- 
cription de  Paris,  par  Piganiol  de  la  Force,  éd.  174*2,  tome  11,  p.  531. 
surtout  le  mémoire  de  d'Ilozier  sur  les  maîtres  des  requêtes  (ms.  Clairam- 
bault  648,  p.  S'^),  et  le  dossier  Rioui.t  au  Cabinet  des  titres.  Le  père  du 
fermier  général  avait  une  charge  d'élu  à  Lisieux.  Le  grand-père,  procureur 
du  Roi  à  Argentan,  avait  obtenu  d'Henri  IV,  en  récompense  de  services  ren- 
dus pour  la  soumission  des  villes  d'Argentan,  de  Lisieux,  de  Falaise,  etc., 
des  lettres  de  relief  de  dérogeance  et  de  confirmation  de  noblesse  (dé- 
cembre 1.S96).  Quant  à  Jacques  Itioult  lui-même,  qui  s'était  pourvu  d'une 
charge  de  secrétaire  du  Roi  en  166!;,  et  qui  se  qualitiait  seigneur  de  Douilly 
{sic;  c'est  Ouilly,  localité  de  l'élection  de  Lisieux),  de  Neuville,  du  pont  de 
Neuilly,  du  Roule,  etc.,  il  avait  partagé  avec  un  frère  aîné,  nommé  Pierre 
(dont  deux  filles  épousèrent  des  Bertlielot),  la  recette  générale  des  finances 
de  Poitiers,  et  était  entré  dans  les  fermes  générales  lors  du  bail  Fauconnet 
(1681).  Né  en  1623,  il  mourut  le  2  4  mars  1704.  Daugcau  appelle  sa  fille  : 
Mlle  de  Riou;  le   Mercure  écrit  :  liioule  Douilly. 

*  Et  non  Mme  de  Sévigné,  comme  nous  l'avons  dit  par  erreur  au  tome  II. 

«  Il  se  gardera  encore  mieux  d'écrire  ce  nom  de  Douilly  en  faisant  le  por- 
trait de  M.  et  Mme  de  Pléneuf.  tome  \IX,  v.  S0-.51. 


26  MÉMOIRES  [1696] 

bleau'  de  son  père^,  que  le  Roi  prit  en  1688  pour  un 
homme  de  peu,  quoique  de  très  bonne  et  ancienne  mai- 
son et  très  bien  alliée'',  dont  les  pères  avoient  eu  le  gou- 
vernement d'Auvergne,  et  qu'il  ne  fit  point  chevalier 
de  l'Ordre.  M.  de  la  Rochefoucauld,  ami  du  bonhomme 
Saint-Hérem,  le  détrompa;  mais  il  n'étoit  plus  temps*. 
De  viiiacerf         Villacerf  ^  épousa  Mlle  de  Brinon,  sans  bien;  elle  étoit 


Saint-Simon  a  consacre  aux  Saint-llérem,  d'après  le  P.  Anselme,  clans 
ses  Grands  Louvetiers  (Affaires  étrangères,  vol.  Saint-Simon  45). 

4.  Selon  le  duc  de  Luynes  (Mémoires,  tome  VIII,  p.  382-383),  le 
véritable  litre  de  ce  gouverneur  était  capitaine-concierge  du  château, 
et  la  charge,  avec  la  surintendance  des  bâtiments,  n'avait  coûté,  en 
i66I,  que  quatre-vingt-six  mille  livres.  Sous  Louis  XV,  le  revenu  allait 
à  trente  ou  quarante  mille  livres.  Le  texte  des  provisions  en  survi- 
vance données  au  fils  de  M.  de  Saint-IIérem  se  trouve  aux  Archives  na- 
tionales, 0'  274,  fol.  67-68.  Lorsqu'il  se  maria,  le  père  reçut,  par  faveur 
exceptionnelle,  un  brevet  de  retenue  de  cent  cinquante  mille  livres. 

2.  François-Gaspard  de  Montmorin,  marquis  de  Saint-llérem,  com- 
manda un  régiment  de  cavalerie  et  fit  les  fonctions  de  maréchal  de 
camp  avant  d'obtenir,  au  mois  de  mars  1655,  la  charge  de  grand  lou- 
vetier  de  France,  en  remplacement  du  successeur  immédiat  de  Claude 
de  Saint-Simon  ;  puis  il  eut,  le  6  février  1656,  les  charges  de  capitaine, 
garde  et  gouverneur  de  la  forêt  de  Bière,  du  bourg  et  du  château  de 
Fontainebleau,  de  maître  particulier  des  eaux  et  forêts  du  bailliage 
de  Melun,  de  capitaine  des  chasses,  etc.,  et  enfin,  le  6  juin  1661, 
en  remplacement  du  duc  de  Damville,  les  provisions  de  capitaine- 
concierge  et  garde  des  clefs  de  Fontainebleau.  C'était  un  ami  de  Mmes 
de  Sévigné  et  de  Grignan.  Il  mourut  en  août  1701,  âgé  de  plus  de 
quatre-vingts  ans,  et  n'étant  plus  grand    louvetier  depuis  1684. 

3.  11  faut  dire  cependant  que  M.  de  Saint-Hérem  père  avait  fait  une 
mésalliance  et  épousé  une  fille  de  financiers,  fort  riche,  mais  hideuse, 
prodigue  et  ruineuse.  Voyez  les  Mariages  dans  Vancienne  société  fran- 
çaise, par  M.  Ernest  Bertin,  p.  339-540. 

4.  On  trouvera  des  variantes  de  cette  anecdote  dans  le  tome  III  de 
1873,  p.  68,  et  dans  le  tome  XII,  p.  14. 

5.  Pierre-Gilbert  Colbert,  marquis  de  Villacerf,  fut  reçu  chevalier  de 
Malte  en  1676;  puis,  devenu  l'aîné  par  la  mort  de  deux  de  ses  frères  et 
par  l'entrée  d'un  autre  dans  les  ordres  sacrés,  il  quitta  la  Religion  et 
reçut  une  commission  de  capitaine  de  vaisseau  en  décembre  1692.  En 
4697,  quand  son  père  fut  nommé  premier  maître  d'hôtel  de  la  duchesse 
de  Bourgogne,  il  eut  la  survivance,  et  Louis  XV  lui  donna,  en  1723, 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  27 

Saint-Nectaire',  et  lui  Colbert  :  les  noms  ne  se  ressenti-  a^^c 

bloient  pas^  Son    pere^  et  Saint-Pouenge*,  son    frère,   [^^j  5.5.  ^4^] 
étoient  fils  d'une  sœur  du  chancelier  le  Tellier^.  Saint- 
Pouenge  faisoit  tout  sous  M,  de  Louvois,  et  après  sous 

la  même  charge  auprès  de  la  reine  Marie  Leczinska.  Il  mourut  à  Paris, 
le  3  mars  1733,  âgé  de  soixante  et  un  ans. 

1 .  Saint-Nectaire  est  une  localité  d'Auvergne  (arrondissement  d'issoire) 
connue  pour  ses  eaux  thermales  et  son  antique  église.  Les  seigneurs  du 
lieu  avaient  peu  h  peu  changé  leur  nom  primitif  en  Sainedaire,  Scnec- 
tere,  Sénederre  et  Sennderre.  La  dernière  de  ces  formes  est  plus  usitée 
aujourd'hui  ;  mais  la  seconde  et  la  troisième  se  retrouvent  généralement 
dans  les  signatures  du  dix-septième  siècle.  —  Marie-Madeleine  de  Son- 
neterre,  fille  du  comte  de  Brinon,  épousa  M.  de  Villacerf  le21  février  1G96 
{Mercure  de  ce  mois,  p.  299),  et  mourut  le  22  juin  4716,  à  quarante- 
trois  ans.  Son  mariage  eut  lieu  le  même  jour  que  celui  de  M.  de  Marsan. 
Le  contrat,  signé  les  IS  et  20  février,  se  trouve  à  la  Bibliothèque  na- 
tionale, dans  le  ms.  Fr.  11439.  Quoique  Mlle  de  Brinon  fiât  devenue 
«  grande  héritière  »  par  la  mort  de  son  frère  unique,  tué  à-Tleurus 
[Dangccni,  tome  III,  p.  162),  elle  n'avait  que  cent  cinquante  mille  livres 
de  dot,  tandis  que  M.  de  Villacerf  en  apportait  le  double.  Elle  perdit 
au  bout  de  quelques  mois  son  père,  qui  était  lieutenant]  général  et 
avait  quatre-vingt-huit  ans   {Mercure,  novembre  1696,  p.  319). 

2.  Les  Senneterre  étaient  de  fort  ancienne  noblesse  et  avaient  pro- 
duit beaucoup  d'hommes  de  guerre  considérables  :  voyez  la  Généalogie 
de  la  maison  de  Sénederre,  par  F.  Fayon  (1688),  et  l'article  qui  lui  a 
été  consacré  par  les  continuateurs  du  P.  Anselme,  tome  IV,  p.  887.  — 
Est-ce  à  cause  de  l'inégalité  de  noblesse  que  ce  mariage  ne  fut  pas 
approuvé  (Lettres  de  Mme  de  Sévignc,  tome  X,  p.  364)  ? 

3.  Edouard  Colbert,  marquis  de  Villacerf,  baron  de  Payens,  etc.,  en 
Champagne,  acheta  en  16o9,  grâce  à  sa  parenté  avec  Jean-Baptiste 
Colbert,  la  charge  de  premier  maître  d'hôtel  de  la  Reine,  et  eut  un 
titre  déconseiller  d'État  le  24  juillet  1677.  En  août  1686,  il  fut  adjoint  à 
son  cousin  maternel  Louvois  comme  inspecteur  général  des  bâtiments, 
et  il  lui  succéda,  comme  surintendant  et  ordonnateur  général,  le 
28  juillet  1691.  Il  se  démit  de  cette  charge  en  janvier  1699,  ayant  eu, 
en  décembre  1697,  celle  de  premier  maître  d'hôtel  de  la  duchesse  de 
Bourgogne.  Mort  le  18  octobre  1699,  h  l'âge  de  soixante  et  onze  ans, 

4.  Voyez  notre  tome  I,  p.  113,  note  4. 

5.  Claude  le  Tellier,  sœur  du  chancelier,  mariée  le  6  mars  1628  à 
Jean-Baptiste  Colbert,  seigneur  de  Saint-Pouenge  et  de  Villacerf,  qui  fut 
maître  des  comptes,  conseiller  d'État  semestre,  intendant  en  Lorraine, 
en  Soissonnais  et  en  Picardie,  était  devenue  veuve  le  29  avril  1663, 


De  Lassay  et 
d'une     bâtarde 


28  MÉMOIRES  11696] 

Barbezieux^  Ils  avoient  répudié  les  Colberts'  pour  les 
Telliers,  dont  ils  avoient  pris  les  livrées^  et  suivi  la  for- 
tune. Tous  deux  étoient  bien  avec  le  Roi,  surtout  Villa- 
cerf,  avec  confiance  de  longue  main;  c'étoit  aussi  un  très 
bon  homme  et  fort  homme  d'honneur\  Il  eut  les  bâti- 
ments à  la  mort  de  Louvois,  et  fut  aussi  un  temps  pre- 
mier maître  d'hôtel  de  la  Reine^  Son  fils  aîné**  avoit  été 
tué  à  la  tête  d'un  régiment  qu'on  avoit  fait  royal  pour 
lui  '  ;  celui-ci  avoit  servi  à  la  mer  quelque  temps. 

Lassay*  épousa  à  l'hôtel  de  Condé  la  bâtarde  de  Mon- 

•1.  Nous  avons  déjà  dit  qu'il  était  premier  commis  du  secrétaire  d'État 
de  la  guerre.  Son  père  avait  eu  ce  poste  en  1643,  sous  le  Tellier. 

2.  Cette  brandie  de  Colbert  descendait  d'un  grand-oncle  du  ministre. 

3.  Voyez,  chez  M.  Littré,  à  l'article  Livrée,  1°,  un  premier  emploi  du 
mot  qui  lui  ôte  ce  qu'il  semble  avoir  ici  de  par  trop  humiliant,  et,  à  la 
fin  de  1°,  un  emploi  figuré  qu'en  a  fait  notre  auteur  (tome  XVI,  p.  176). 

4.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  II,  p.  241-24^2,  et,  outre  l'Addi- 
tion placée  ici,  n"  141,  celle  du  20  juillet  1691,  qui  est  commune  aussi 
àSaint-Pouenge  et  àVillacerf.  Le  marquis  oc  Sourclies  (éd.  1881,  tomcl, 
p.  78,  note  3)  ne  dit  pas  moins  de  bien  de  Villacerf  que  Saint-Simon. 

o.  Il  le  fut  pendant  toute  la  vie  de  Marie-Thérèse,  et  eut  vingt  mille 
écus  pour  prix  de  la  vaisselle  d'argent  qui  lui  devait  revenir  à  sa  mort. 
{Mémoires  de  Choisy,  p.  608,  et  Journal  de  Dancjeau,  tome  I,  p.  324.) 

6.  Villacerf  avait  perdu  à  la  bataille  de  Cassel  un  premier  fils, 
nommé  Edouard,  capitaine  de  cavalerie.  Le  second,  dont  parle  ici 
Saint-Simon,  s'appelait  François-Michel,  marquis  de  Payens  et  de 
Villacerf,  et  il  fut  tué  devant  les  remparts  de  Furnes,  le  o  janvier  1693. 

7.  Le  Roi  lui  avait  fait  la  grâce,  en  1689  ou  1690,  de  donner  le  nom 
de  Berry  au  régiment  de  cavalerie  qu'il  commandait  depuis  168o  :  voyez 
la  suite  des  Mémoires,  tome  X,  p.  334,  et  le  Daucjeau,  tome  III,  p.  134. 
En  devenant  la  propriété  du  Roi  ou  d'un  prince  de  la  famille  royale,  le 
régiment  prenait  un  rang  invariable  parmi  les  premiers  de  son  arme. 

8.  Armand  de  Madaillan  de  Lesparre,  marquis  de  Lassay,  né  le 
28  mai  16o2,  commença  à  servir  en  1672  comme  aide  de  camp  de 
Condé,  devint  guidon  des  gendarmes  du  Roi  la  même  année,  enseigne 
en  167."),  et  se  distingua  dans  toutes  les  campagnes  suivantes,  puis  en 
Hongrie,  avec  les  princes.  Quand  la  guerre  de  1688  éclata,  il  y  prit  part, 
d'abord  comme  volontaire,  puis  comme  aide  de  camp  du  Roi  (1690-1692), 
et  fut  blessé  devant  Namur.  Fait  chevalier  des  ordres  en  1724,  il  mourut 
à  Paris,  le  21  février  1738.  Sur  ce  personnage,  dont  on  possède  un  Re- 
cueil de  différentes  choses,  en  quatre  volumes,  imprimé  par  lui-même  au 


[1696J  DE   SAINT-SIMON.  29 

sieur  le  Prince'  et  de  Mlle  de  Montalais',  qu'il  avoit  fait     ^e  Monsieur 
légitimera  Elle  étoit  fort  jolie   et  avoit  beaucoup  d'es-   udd  s'-s^u2  a 


143] 


château  de  Lassay,  voyez  plusieurs  articles  :  de  Sainte-Beuve,  dans  les 
Causeries  du  lundi,  tome  IX,  p.  1"29-I6'2  ;  de  P.  Paris,  dans  le  Bulletin 
du  Bibliophile,  année  I84S,  p.  719  et  suivantes;  de  M.  Weiss,  dans 
la  Biographie  universelle;  d'Alexandre  Destonchcs,  dans  la  Correspon- 
dance littéraire,  tome  III,  p.  387-389  ;  de  M.  Desnoiresterres,  dans  ses 
Cours  galantes,  tomes  I,  p.  77-86,  II,  p.  26o-336,  etc. 

i.  Ici  sont  bilTés  ces  mots  :  <■  légitimée  sans  avoir  nommé  la  mère  ". 
Les  dix  mots  qui  suivent  ont  été  écrits  en  interligne. 

2.  La  mère  de  celte  bâtarde  n'était  point  la  Montalais,  cette  fille 
d'honneur  qui  prit  part  à  tant  d'intrigues  de  cour,  mais  sa  sœur,  Fran- 
çoise-Charlotte de  Montalais,  veuve,  depuis  1663,  de  Jean  de  Dueil, 
comte  de  Marans,  grand  échanson  de  France,  celle  que  Mme  de  Sévigné 
désigne  du  nom  de  «  la  méchante  fée  Mélusine,  »  et  que  le  Chansonnier 
(ms.  Fr.  12  618,  p.  311)  représente  également  comme  folle,  médisante, 
méchante  et  laide  ".  Si  Saint-Simon  dit  :  Mlle  de  Montalais,  au  lieu  de  : 
Mme  de  Marans,  cette  négligence  doit  venir  de  ce  que  les  continuateurs 
de  ['Histoire  gém'alocjique  du  P.  Anselme,  à  l'article  de  Lassay  (tome  IX, 
p.  27o),  n'ont  nommé  que  «  Françoise  de  Montalais,  •  sans  rappeler  les 
titres  de  femme  de  celle-ci,  déjà  donnés  à  l'article  de  sa  fille  (tome  I, 
p.  341).  Mme  de  Marans,  mariée  en  avril  1660,  était  veuve  depuis  trois 
ans  lorsqu'elle  eut  du  prince  de  Condé  (voyez  la  note  suivante)  Mlle  de 
Châteaubriant.  —  Quelques  auteurs  ont  prononcé,  au  lieu  du  nom  de 
Mine  de  Marans,  celui  de  la  comtesse  de  Marey,  grande  amie  de  Saint- 
Simon  :  celle-ci  fut  aussi  la  maîtresse  du  prince,  mais  poslérieuremenl 
à  1668,  époque  où  elle  n'avait  environ  que  vingt  ans,  et  où  elle  perdit 
son  mari,  tué  au  siège  de  Candie,  après  trois  années  d'union. 

3.  Julie  de  Dourbon,  fille  naturelle  d'Henri-Jules,  prince  de  Cbndé, 
naquit  vers  1668  et  fut  d'abord  élevée  à  Maubuisson  par  une  tante  de 
Fagon,  puis  à  l'Abbaye-aux-Dois.  Elle  ne  fut  légitimée  qu'en  1693,  par 
lettres  que  le  Pioi  signa  dans  son  séjour  à  Namur*,  et  où  il  est  dit  que 
son  père  «  l'a  fait  élever  sous  le  nom  de  demoiselle  de  Guenani  (ana- 
gramme ô'Amjuien),  et  qu'elle  est  parvenue  en  âge  d'être  pourvue.  » 
Cette  légitimation  avait  été  demandée  par  Madame  la  Princesse  elle- 

<»  Saint-Simon  fait  allusion  aux  traits  plaisants  de  Mme  de  Sévigné  dans  le 
tome  VIII,  p.  2-29.  —  Mme  de  la  Fayette  dit.  à  la  fin  de  16';-2,  que,  depuis  que 
Mme  de  Marans  est  devenue  dévote  et  pénitente,  «  sa  personne  est  changée 
à  n'être  pas  connoissable;  elle  paroît  soixante  ans.  »  {Sérigiié,  tome  III, 
p.  180.)  Voyez  son   portrait  dans  les  Mémoires  de  l'abbé  A'uauld,  p.   536. 

*  L'Histoire  généalogiçue  daieh  tort  cette  légitimation  de  IGD^.  Comme  pour 
les  enfants  de  Mme  de  Montespan,  on  n'y  nommait  pas  la  mère.  Voyez  la  note  1 . 


30  MÉBIOIRES  [1696] 

prit'.  Il  en  eut  du  bien  et  la  lieutenance  générale  de  Bresse^. 
11  étoit  fils  de  Montataire^  grand  menteur  de  son  métier*, 
et  d'une  Vipart^  très  petite  damoiselle'^  de  Normandie.  Ce 
nom  de  Madaillan  est  étrangement  connu  par  la  Vie  de 
M.  (TÉpernon',  et  n'a  pas  brillé  depuis.  Lassay  avoit  déjà 

même,  pour  pouvoir  marier  la  jeune  fille,  devenue  Mlle  de  Château- 
briant.  Elle  épousa  M.  de  Lassay  le  6  mars  1696,  et  mourut  le  10  mars 
1710,  en  sa  quarante-troisième  année.  Elle  signait  :  Julie  L.  de  Bourbon 
(Jal,  Didionnaire  critique,  p.  817). 

i.  Mme  deSévigné  disait  d'elle,  en  1676,  alors  qu'on  l'élevait  à  Mau- 
buisson  :  «Elle  est  aimable,  sans  être  belle;  elle  est  vive,  douce,  com- 
plaisante, glorieuse  et  folle.  »  (Lettres,  tome  IV,  p.  501  ;  comparez  une 
lettre  de  Mme  de  Maintenon,  dans  la  Correspondance  générale,  tome  lY, 
p.  78.)  Effectivement,  elle  devint  à  peu  près  folle  vers  la  fin  de  sa  vie. 

2.  Dans  le  contrat  de  mariage,  daté  du  5  mars  1696  (Arch.  nat., 
Y  266,  fol.  462),  il  est  dit  que  Monsieur  le  Prince  obtiendra  pour  le 
futur  les  provisions  de  la  charge  de  lieutenant  de  Roi  de  Bresse,  que  le 
Roi  lui  a  donnée  à  cette  intention,  et  qui  est  estimée  cent  trente-cinq 
mille  livres.  La  future  reçoit  une  somme  de  cent  mille  livres  et  dix-sept 
mille  livres  de  pierreries.  Comparez  Dungeau,  tome  V,  p.  367. 

3.  Louis  de  Madaillan,  marquis  de  Montataire,  servit  depuis  1649 
jusqu'à  la  paix  de  Nimègue,  comme  capitaine-lieutenant  des  gendarmes 
de  Bourgogne,  qui  appartenaient  au  prince  de  Condé,  et  comme  maré- 
chal de  camp.  Il  mourut  le  17  mars  1708,  à  soixante-dix-neuf  ans. 

4.  Voyez  une  note  sur  sa  misère  et  ses  escroqueries  dans  le  Chanson- 
nier, ms.  Fr.  12  687,  p.  193. 

5.  Suzanne,  fille  unique  de  Guillaume  de  Vipart,  marquis  de  Sainte- 
Croix,  mariée  le  10  juin  1651,  morte  le  22  février  1676.  Son  mari 
épousa  en  secondes  noces,  en  1682,  une  fille  de  Bussy-Rabutin. 

6.  Damoiselle  signifiait  une  fille  noble  ;  mais  l'Académie,  dès  1694, 
dit  qu'on  ne  l'emploie  plus  que  «  dans  les  actes  publics,  »  et  que, 
«  hors  de  cet  usage,  »  l'on  se  sert  toujours  de  la  forme  demoiselle.  — 
Nous  aurons  occasion,  à  propos  du  marquis  de  Silly,  de  dire  ce  qu'était 
cette  maison  de  Vipart.  Celle  de  Bladaillan  était  de  très  bonne  noblesse. 

7.  La  Vie  du  duc  d'Épernon  (éd.  de  1730,  tome  IV,  p.  433-474), 
que  Saint-Simon  avait  dans  sa  bibliothèque  (n°  708),  parle  longuement 
de  Madaillan,  le  plus  indigne  de  la  qualité  de  gentilhomme  qu'il  y  eiàt..., 
«  aussi  méfiant  et  artificieux  que  méchant...,»  accusé  de  polygamie, 
d'inceste,  d'infanticide,  etc.  Voyez  aussi  des  lettres  du  duc  d'Épernon 
à  Mazarin,  sur  ce  Madaillan-Laval,  dans  Xqs  Archives  historiques  du  dé- 
parlemcnl  de  la  Gironde,  tome  II,  p.  17,  18  et  24,  et  la  réponse  dans 
les  Lettres  de  Mazarin,  publiées  par  M.  Chéruel,  tome  I,  p.  715. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  31 

été  marié  deux  fois.  D'une  Sibourg*,  qu'il  perdit  tout  au 
commencement  de  1675,  il  eut  une  fille  unique^,  qui  n'eut 
point  d'enfants  du  marquis  de  Coligny^  dernier  de  cette 
grande  et  illustre  maison.  Il  devint  après  amoureux  de  la 
fille  d'un  apothicaire^  qui  s'appeloit  Pajot^,  si  belle,  si  mo- 
deste, si  sage,  si  spirituelle,  que  Charles  IV,  duc  de  Lor- 
raine", éperdu  d'elle,  la  voulut  épouser  malgré  elle,  et  n'en 
fut  empêché  que  parce  que  le  Roi  la  fit  enlever\  Lassay, 

4.  Voyez  le  début  de  l'Addition  n°  143.  Marie-Marthe  Sibourg,  qui 
mourut  en  couches  au  mois  de  janvier  IGTo,  n'étant  âgée  que  de  dix- 
huit  ans,  était  tille  d'un  conseiller  au  parlement  de  Normandie  et 
sœur  d'un  inspecteur  de  cavalerie.  —  Saint-Simon  suit  en  ce  moment 
la  généalogie  des  continuateurs  du  P.  Anselme. 

2.  Adélaide-Marie-Constance  de  Madaillan  de  Lesparre,  dite  Mlle  de 
Lassay-Montataire,  mariée  au  comte  de  Coligny  le  S  mars  1690,  et 
morte  le  28  février  1723,  à  cinquante  ans  passés. 

3.  Gaspard-Alexandre,  qui  se  titrait  comte,  et  non  marquis,  de  Coli- 
gny-Saligny,  mourut  le  14  mai  1694,  à  trente-deux  ans,  étant  mestre 
de  camp  du  régiment  de  Condé.  Voyez  notre  tome  I,  p.  89,  note  1.  Ce 
Coligny  était  cousin  de  Bussy-Rabutin  ;  les  lettres  qu'ils  échangèrent  à 
l'occasion  de  son  mariage  sont  dans  l'édition  Lalanne,  tome  VI,  p.  325. 

4.  Saint-Simon  a  écrit  :  une  apothicaire. 

5.  Marie-Anne-Françoise  Pajot,  fille  de  Claude  Pajot,  apothicaire  de 
Mademoiselle,  et  d'Elisabeth  Souart,  première  femme  de  chambre  de  la 
princesse.  11  y  eut,  entre  Marie-Anne  et  le  duc,  un  contrat  de  mariage 
passé  à  Paris,  le  18  avril  1662,  chez  un  autre  apothicaire  de  la  rue 
Saint-Honoré.  Cette  pièce  est  reproduite  dans  les  Mémoires  du  marquis 
de  Beauvau  pour  servir  à  Vhistoire  de  Charles  IV  (1686  et  1689),  p.  221. 
Il  y  est  dit  que  le  duc  a  voulu  «  faire  choix  d'une  épouse  en  laquelle 
la  pudeur  et  la  sagesse  remplissent  les  lieux  de  ces  éminentes  et  fas- 
tueuses qualités  qui  sont  plutôt  les  objets  de  l'ambition  des  hommes 
que  d'un  amour  chaste  et  véritablement  conjugal,  »  et  que  Marie-Anne 
offre  de  «  belles  et  considérables  qualités,  accompagnées  d'une  vertu 
rare,  d'une  piété  solide  et  d'une  modération  non  commune.  » 

6.  Charles  111,  dit  communément  Charles  IV,  duc  de  Lorraine  et  de 
Bar,  né  le  S  avril  1604,  devenu  duc  par  l'abdication  de  son  père, 
en  1624,  et  mort  le  17  septembre  1673.  Ce  fut  pour  pouvoir  épouser 
Marie-Anne  Pajot  qu'il  céda  ses  États  à  Louis  XIV,  par  l'étrange  traité 
de  Montmartre  (6  février  1662). 

7.  Voyez  les  curieux  détails  donnés  par  Mademoiselle  dans  ses. tlémoi- 
res,  tome  III,  p.  497, 530-331,  579-380,  qUo  Recueil  de  différentes  choses. 


3-2  MÉMOIRES  [1696J 

qui  n'étoit  pas  de  si  bonne  maison,  l'épousa  ^  et  en 
eut  un  fils  unique-,  puis  la  perdit,  et  en  pensa  perdre 
l'esprit.  11  se  crut  dévot,  se  fit  une  retraite  charmante 
joignant  les  Incurables^,  et  y  mena  quelques  années  une 
vie  fort  édifiante.  A  la  fin,  il  s'en  ennuya;  il  s'aperçut 
qu'il  n'étoit  qu'affligé,  et  que  la  dévotion  passoit  avec  la 
douleur.  Il  avoit  beaucoup  d'esprit,  mais  c'étoit  tout.  Il 
chercha  à  rentrer  dans  le  monde,  et  bientôt  il  se  trouva 
tout  au  milieu.  Il  s'attacha  à  Monsieur  le  Duc  et  à  MM.  les 
princes  de  Conti,  avec  qui  il  fit  le  voyage  de  Hongrie*. 

du  marquis  de  Lassay,  tome  I,  p.  o-l7.  Ce  dernier  ouvrage  (p.  6-7)  dit 
que  le  duc  de  Lorraine,  devenu  amoureux  de  Marie-Anne,  «  s'aperçut 
bientôtquece  n'étoit  pas  une  conquête  aisée,  et  il  l'estima  assez  pour  la 
vouloir  faire  duchesse  de  Lorraine....  Elle  n'en  fut  point  éblouie,  au  point 
de  s'en  «.luirc  indigne.  »  Ce  fut  Marie-Anne  elle-même  qui  rompit,  et 
le  Roi  la  fit  mettre  sous  bonne  garde  au  couvent  de  la  Ville-l'Évêque. 

1.  Sur  les  amours  de  Lassay  avec  Marie-Anne,  voyez  les  Lettres  de 
Mme  Dunoijer,  tome  I,  p.  5o,  et  surtout  les  pages  touchantes  qu'il  lui 
a  consacrées  dans  le  tome  I  de  son  Recueil  de  différentes  choses.  Leur 
mariage  se  fit  secrètement;  il  ne  fut  rendu  public  que  lorsque  M.  de 
Montalaire  voulut  se  remarier,  et  le  Roi  lui-même,  qui  avait  donné 
une  dot  à  Marie-Anne,  intervint  pour  que  le  père  de  Lassay  ratifiât  son 
union.  Trois  ans  plus  tard,  peu  après  la  conclusion  de  la  paix  de  Nimè- 
gue,  Marie-Anne  mourut  :  voyez  le  Recueil,  tome  l,  p.  51  et  suivantes, 
et  les  Cours  galantes  de  M.  G.  Desnoiresterres,  tome  I,  p.  oo-76. 

2.  Léon  de  Madaillan  de  Lesparre,  comte  puis  marquis  de  Lassay, 
lieutenant  au  régiment  d'infanterie  du  Roi  en  1G98,  colonel  d'un  régi- 
ment de  son  nom  en  170-2,  colonel-lieutenant  du  régiment  d'Enghien 
en  1710,  brigadier  en  1719,  mourut  sans  laisser  d'enfants,  le  "2  octobre 
1730,  à  soixante-douze  ans, 

3.  Hôpital  fondé  dans  la  rue  de  Sèvres,  en  1634,  à  côté  des  Petites- 
Maisons  et  de  la  rue  du  Bac.  La  demeure  de  Lassay  possédait  un  grand 
jardin  (Lefeuve,  les  Anciennes  maisons  deParis,  tomelll,  p.  210;  G.  Des- 
noiresterres, Cours  galantes,  tome  II,  p.  334,  note).  Monsieur  le  Duc 
avait  là  aussi  une  maison  où  l'on  allait  festiner(Z)a«<7ea2/,  tome  V,  p.  318). 

4.  Voyez  notre  tome  II,  p.  288,  note  2,  et  l'Addition  n°  121.  La  Fare 
[Mémoncs,  p.  292),  au  sujet  de  ce  voyage,  dit  que  Lassay  était 
•  homme  d'esprit  et  d'un  grand  courage,  capable  d'aller,  comme  un 
second  don  Quichotte,  en  chevalier  errant,  chercher  les  aventures  et  les 
occasions  de  se  signaler.  »  Le  Recueil  de  Lassay  renferme  une  suite  de 
lettres  écrites  de  Hongrie. 


avec 
la  Mignard. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  33 

Il  n'avoit  jamais  servi*,  et  avoit  été  quelque  temps  à  faire' 
l'important  en  basse  Normandie^.  Il  plut  à  Monsieur  le 
Duc  par  lui  être  commode  à  ses  plaisirs',  et  il  espéra  de 
ce  troisième  mariage^  s'initier  à  la  cour  sous  sa  protec- 
tion et  celle  de  Madame  la  Duchesse  :  il  n'y  fut  jamais 
que  des  faubourgs''.  Il  en  eut  une  fille  unique^ 

Un  mariage  d'amour  fort  étrange  suivit  celui-ci,  d'un     De  Feuquière 
frère  de  Feuquière^,  qui  n'avoit  jamais  fait  grand  chose, 
avec  la  fille  du  célèbre  Mignard,  le  premier  peintre  de  son 
temps,  qui  étoit  mort,  et  dont  j'ai  parlé  ci-devant^.  Elle 

1.  Saint-Simon  veut  probablement  dire  qu'il  n'avait  eu  ni  régiment  ni 
grade  supérieur.  Voyez  ci-dessus,  p.  28,  note  8,  et  l'Abrégé  chronolo- 
gique de  le  Pippre,  tome  I,  p.  477-478. 

2.  Entre  faire  et  l'important,  on  aperçoit  un  mot  biffé,  peut-être  «près. 

3.  Sans  doute  dans  les  terres  de  sa  mère,  à  Sainte-Croix-Grand- 
Tonne,  élection  de  Saint-Lô. 

4.  Voyez  l'Addition  143,  p.  343,  et  le  tome  VIII  des  Mémoires,  p.  228. 

5.  On  parla  de  cette  alliance  dès  le  milieu  de  l'année  1693  {Dangeau, 
tome  V,  p.  211).  Le  Recueil  de  M.  de  Lassay  (tome  II,  p.  1-116)  ren- 
ferme ses  lettres  amoureuses  à  Mlle  de  Chàteaubriant  et  celles  qu'il  écrivit 
à  Monsieur  le  Prince  et  à  Mme  deMaintenon.  Celle-ci,  qui  avait  vu  naître 
Lassay  et  qui  l'avait  toujours  favorisé,  prit  une  grande  part  à  la  conclu- 
sion du  mariage  {Correspondance  générale,  tome  IV,  p.  41  et  77).  Ma- 
dame la  Princesse  ne  le  souhaitait  pas  moins,  dit  Dangeau,  et  c'est  pour 
le  faciliter  que  le  Roi  avait  mis  la  lieuteuance  du  pays  de  Bresse  à  la  dis- 
position de  Monsieur  le  Prince.  La  noce  se  fit  à  l'hôtel  de  Condé,  comme  l'a 
dit  Saint-Simon,  et  fut  magnifique.  {Journal,  tome  V,  p.  367,  373  et  374.) 

6.  Furetière  cite  cette  locution  :  «  Il  y  a  longtemps  qu'il  cherche 
cette  invention  ;  s'il  n'y  est  arrivé,  il  est  du  moins  aux  faubourgs.  » 

7.  Anne-Louise  de  Madaillan  de  Lesparre  de  Lassay,  née  le  26  juin 
1697,  mariée,  le  21  février  1715,  à  Gabriel-Simon,  comte  d'O,  et  morte 
à  Paris,  le  2  octobre  1723.  —  Nous  retrouvons  tout  cet  article  de  Lassay, 
presque  textuellement  reproduit,  mais  un  peu  amplifié,  dans  la  suite 
des  Mémoires,  tome  VIII,  p.  228-229,  et,  en  première  rédaction,  dans 
l'Addition  correspondante.  Journal  de  Dangeau,  2  avril  1711. 

8.  Jules  de  Pas,  comte  de  Feuquière  (frère  cadet  du  marquis  cité 
tome  I,  p.  243  et  note  2),  avait  un  régiment  d'infanterie  de  son  nom 
et  la  charge  de  lieutenant  général  au  gouvernement  du  pays  de  Ver- 
dun. Il  mourut  à  Paris,  le  10  octobre  1741,  âgé  de  quatre-vingt-six 
ou  sept  ans.  Ce  fut  lui  qui  édita  les  mémoires  de  son  frère. 

9.  Voyez  tome  II,  p.  281-282.  Sur  Catherine  Mignard  et  son  père,  de 

MÉMOIRES    DE    SAINT-SIMON.  III  3 


34  MÉMOIRES  [1696] 

étoit  encore  si  belle \  que  Blouin^,  premier  valet  de 
chambre  du  Roi,  l'entretenoit  depuis  longtemps,  au  vu  et 
au  su  de  tout  le  monde^,  et  fut  cause  que  le  Roi  en  signa 
le  contrat  de  mariage^. 

nombreux  et  importants  documents  ont  été  publiés  récemment  par 
M.  J.  Guiffrey,  dans  les  Nouvelles  archives  de  l'Art  français,  année  1874- 
1875,  et  par  feu  M.  le  Brun-Dalbanne,  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
académique  de  l'Aube,  tomes  XXXI,  XXXIV  et  XLI. 

1.  Elle  avait  déjà  trente-neuf  ans,  quoique  son  acte  de  mariage  ne  lui 
en  donne  que  trente,  et  trente-cinq  à  M.  de  Feuquière.  (Dictionnaire 
critique  de  Jal,  p.  862.) 

2.  Louis  Blouin,  qui  avait  succédé  tout  jeune  à  son  père,  comme 
premier  valet  de  chambre  du  Roi,  en  166o,  eut,  à  la  mort  de  Bontemps, 
le  16  janvier  1701,  l'intendance  des  châteaux  de  Versailles,  Marly,  etc., 
qu'avait  possédée  également  son  père.  Il  acheta  le  gouvernement  de 
Coutances  en  1713,  vendit  sa  charge  de  premier  valet  de  chambre  à 
Bachelier  en  septembre  1713,  et  mourut  à  Versailles,  le  11  novembre 
1729,  dans  sa  soixante-douzième  année.  Voyez  son  portrait  dans  le 
tome  II  des  Mémoires,  éd.  1873,  p.  430.  Il  signait  :  Bloiiin. 

3.  M.  Guiffrey  et,  avec  lui,  M.  Campardon  ont  fourni  des  témoi- 
gnages positifs  de  ces  relations  dans  l'article  cité  des  Nouvelles  archives 
de  l'Art  français,  1874-1873,  p.  500-513,  et  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  de  l'histoire  de  l'Art  français,  octobre  1873,  p.  67.  Par  exemple, 
Blouin  avait  passé,  en  1688,  une  donation  de  cent  mille  livres  au  profit 
de  Catherine  Mignard,  «  fille  majeure,  »  demeurant  comme  lui  dans  la 
rue  Richelieu,  «  pour  donner  des  marques  de  l'amitié  qu'il  lui  porte,  et 
de  l'estime  qu'il  fait  de  ses  vertus  et  de  son  mérite.  »  Trente  ans  plus 
tard,  le  3  septembre  1717,  ils  se  firent,  avec  l'autorisation  de  M.  de 
Feuquière,  une  donation  mutuelle  de  l'hôtel  qu'ils  occupaient  en  com- 
mun dans  le  faubourg  Saint-Honoré,  en  face  de  la  rue  d'Anjou. 

4.  M.  Guiffrey  a  donné  le  texte  du  contrat,  dont  la  signature  eut  lieu 
le  16  avril  1696,  selon  Dangeau,  qui  ajoute  (tome  V,  p.  397)  :  «  Ce 
mariage  n'a  pas  été  approuvé  de  tout  le  monde.  »  La  cérémonie  des 
épousailles  se  fit  à  Paris,  le  1"  mai  ;  peu  après,  le  Roi  ôta  à  Mme  de 
Feuquière  un  logement  qu'elle  avait  eu  jusque-là  au  palais  de  Ver- 
sailles, et  le  mari  fut  forcé  de  vendre  son  régiment  en  1700.  {Dangeau, 
tome  V,  p.  476,  et  tome  VII,  p.  287.)  —  Saint-Simon  a  écrit  la  note 
qui  suit  dans  la  table  des  Mariages  de  son  manuscrit  de  Dangeau, 
année  1696  :  «  Mariage  de  Feuquière,  frère  du  lieutenant  général,  avec 
la  fille  de  Mignard,  fameux  peintre  du  Roi,  si  extrêmement  aimée  de 
son  père  et  de  bien  d'autres,  fort  belle  et  peinte  partout  dans  la  galerie 
de  Versailles  et  dans  force  tableaux  de  son  père.  » 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  35 

Enfin  Bouzols',  gentilhomme  d'Auvergne  tout  simple  DeBouzoïs 
et  peu  connu,  sinon  par  avoir  acheté  le^  régiment  Royal-  MUe  de  Croissy. 
Piémont^,  épousa  la  fille  aînée  de  Croissy ^  déjà  fort 
montée  en  graine^  et  très  laide.  Ce  n'étoit  pas  faute  d'am- 
bition d'être  duchesse  comme  ses  cousines'*;  mais,  à  force 
d'attendre  et  d'espérer,  il  fallut  faire  une  fin  et  se  contenter 
du  possible,  fort  éloigné  du  titrée  Elle  avoit  infiniment 
d'esprit,  de  grâces  et  d'amusements  dans  l'esprit,  et  pas- 
soit  sa  vie  avec  Madame  la  Duchesse.  Elle  ne  faisoit  pas 
moins  de  chansons  bien  assenées  qu'elle;  mais  elle*  et  son 

1.  Louis-Joachim  de  Montaigu,  marquis  de  Bouzols,  puis  vicomte  de 
Beaune,  en  Auvergne,  d'abord  enseigne  aux  gendarmes  du  Dauphin 
(168'2),  était  mestre  de  camp  du  régiment  de  cavalerie  de  Royal-Pié- 
mont depuis  1690,  et  avait  été  blessé  à  la  bataille  de  Fleurus.  En  1698, 
il  remplit  une  mission  extraordinaire  auprès  du  duc  de  Lorraine.  Fait 
brigadier  en  1702,  maréchal  de  camp  en  1704,  lieutenant  général  des 
armées  eu  1708,  il  eut  la  charge  de  lieutenant  général  de  la  basse 
Auvergne  en  1719,  celle  de  gouverneur  de  Brouage  en  1732,  le  collier 
des  ordres  en  1724,  et  mourut  en  Auvergne,  le  16  septembre  1746,  âgé 
de  quatre-vingt-quatre  ans.  Il  a  signé  son  acte  de  mariage  :  Montaigu 
Bouzolle.  Voyez  ses  preuves  de  1724  dans  le  dossier  Montaigu,  fol.  13 
et  suivants,  au  Cabinet  des  titres.  Cette  famille,  originaire  du  Vivarais, 
ne  s'était  transplantée  en  Auvergne  qu'au  seizième  siècle. 

2.  Le  corrige  un. 

3.  Ce  régiment,  l'un  des  six  vieux  corps  de  l'infanterie,  avait  été 
formé,  en  lo67,  des  bandes  qui  servaient  en  Piémont.  Il  «  roulait  »  avec 
les  régiments  de  Champagne  et  de  Navarre.  Le  tome  VI  des  Essais  histo- 
riques de  Roussel  est  consacré  à  son  histoire. 

4.  Marie-Françoise  Colbert  de  Croissy,  fille  aînée  du  ministre,  mariée 
le  15  mai  1696,  au  château  de  Croissy-Beaubourg,  et  morte  le  28  sep- 
tembre 1724,  à  cinquante-trois  ou  quatre  ans,  était  donc  âgée  d'envi- 
ron vingt-huit  ans  quand  elle  se  maria.  Elle  avait  dû  épouser  le  comte 
d'Estrées,  puis  le  comte  de  Tillières  (Mme  deSévicjné,  tomes  IX,  p.  459, 
et  X,  p.  242).  Son  contrat  de  mariage  se  trouve  dans  le  registre  des  Insi- 
nuations Y  267,  fol.  138  v"  :  voyez  ce  qu'en  dit  Dangeau,  tome  V,  p.  410. 

5.  «  On  dit  proverbialement,  d'une  fille  qui  est  déjà  un  peu  âgée  pour 
se  marier,  qu'elle  rnonle  en  (jraine.  »  (Furctière.) 

6.  Les  trois  fdles  de  Jean-Baptiste  Colbert,  mariées  aux  ducs  de 
Chevreuse,  de  Beauviliicr  et  de  Mortemart. 

7.  La  noblesse  des  Montaigus  était  toutefois  fort  ancienne. 

8.  C'est-à-dire  Madame  la  Duchesse.   Les  mots  :   «  son  cher   ami 


fait  duc 

vérifié  de 

Chàtillon-sur 


36  MÉMOIRES  [1696] 

cher  ami  Lassay  ne  furent  pas  à  l'épreuve  des  siennes, 
et  si  parlantes  et  si  plaisantes  qu'on  s'en  souvient  toujours*. 

Comte  de  Luxe,  Le  Roi  fit  presque  en  même  temps  deux  grâces ^  Il  avoit 
fait  passer  la  Normandie  du  maréchal  de  Luxembourg 
à  son   fils   aîné,    à   condition  qu'il   ne  lui  parlât  jamais 

Loing     épouse  j.  ]^jj  j^  g^  charge  de  capitaine  des  gardes  du  corps ^ 

Mlle  de  Royan.    r  ,,.ii-  ,•  • 

[Add  S'-S  iU]  Le  père,  hardi  de  ses  lauriers,  et  qui,  avec  raison,  ne 
se  croyoit  pas  inférieur  en  naissance  aux  Bouillons,  aux 
Rohans,  aux  Monacos\  auxquels  tous  le  Roi  avoit  donné 
des  rangs  de  prince  étranger',  s'étoit  mis  à  le  prétendre 
et  à  l'en  presser^';  et,  comme  il  fait  toujours  bon  se  mettre 
en  prétention,  comme  disoit  M.  le  Teilier',  le  Roi  s'en 
crut  quitte  à  bon  marché  de  promettre  à  M.  de  Luxera- 
bourg  de  faire  son  second  fils  duc  lorsqu'il  trouveroit 
quelque  mariage^.  M.  de  Luxembourg  mourut  avant  que 

Lassay  »  ne  laissent  pas  de  doute  sur  ce  rapport  peu  grammatical.  — 
Il  ne  faut  pas  confondre  cependant  la  liaison  de  Lassay  père  et  les  re- 
lations beaucoup  plus  tendres  qui  unirent  plus  tard  Madame  la  Duchesse 
à  son  fils  (voyez  tomes  VIII,  p.  406,  et  XII,  p.  392);  certainement 
Saint-Simon  veut  parler  de  ce  dernier  à  la  ligne  suivante. 

1.  Voyez  le  Chansonnier,  années  1716  à  1718. 

2.  L'article  qui  va  suivre  a  été  fait  à  l'aide  de  trois  passages  du 
Journal  de  Dayigeau,  tome  V,  p.  98,  3o2  et  363. 

3.  La  même  chose  est  déjà  dite  au  tome  II,  p.  233,  et  l'on  a  vu,  tome  I, 
p.  136,  que  le  Roi  ne  donnait  plus  aucune  survivance  de  gouvernement. 

4.  Il  est  difficile  de  distinguer  s'il  y  a  Monacos  (c'est  probable),  ou, 
peut-être  à  cause  de  la  désinence  étrangère,  Monaco,  sans  accord.  Plus 
haut  (voyez  p.  16),  il  y  a  des  Gondi  dans  le  manuscrit. 

5.  Voyez  ci-dessus,  p.  21. 

6.  C'est  en  1683,  à  l'occasion  du  mariage  du  prince  de  Tingry  avec 
Mlle  de  Chevreuse,  qu'on  avait  dit  que  le  Roi  accorderait  aux  époux  les 
honneurs  du  Louvre,  le  tabouret,  etc.,  comme  les  avait  déjà  la  tante  du 
marié,  cette  princesse  de  Luxembourg-Tingry  dont  Saint-Simon  a  parlé 
en  1694.  [Journal  de  Dangeau,  tome  I,  p.  247;  Correspondance  de 
Bussij,  tome  V,  p.  493,  et  mémoire  fait  par  Clairambault,  en  1696, 
dans  le  volume  1193  de  ses  manuscrits,  fol.  114.) 

7.  Le  chancelier  le  Tellier.  —  Ce  mot  de  le  Tellier  se  trouve  encore 
dans  l'Addition  reproduite  dans  notre  tome  II,  n°  67,  p.  380,  à  laquelle 
il  faut  se  reporter  de  nouveau  pour  ce  qui  concerne  ce  tils  du  maréchal. 

8.  Saint-Simon  a  déjà  annoncé  cette  «  grâce  »  en  termes  couverts. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  37 

le  comte  de  Luxe  *  fût  marié  :  la  famille  crut  ne  devoir 
pas  laisser  refroidir  trop  longtemps  la  promesse'.  Le  ma- 
réchal ne  fut  pas  plutôt  mort  que  le  Roi  s'en  repentit; 
néanmoins  il  ne  put  reculer,  mais  il  le  fit  de  mauvaise 
grâce.  Il  fit^  donc  expédier  une  érection  sur  Châtillon-sur- 
Loing*,  que  le  comte  de  Luxe  avoit  eu  du  legs  universel 
de  sa  tante  de  Meckelbourg%  pour  être  vérifiée  au  Parle- 
ment, sans  pairie,  lorsqu'il  se  marieroit,  et  n'en  pas  jouir 
auparavant*^.  Il  épousa'  enfin  Mlle  de  Royan,  celle-là 
même  que  la  duchesse  de  Bracciano,  sa  tante,  avoit  eu 
tant  d'envie  de  me  donner,  et  à  laquelle  Phélypeaux  avoit 
osé  prétendre*.  Ce  nouveau  duc  ne  put  jamais  plaire  au 
Roi  depuis  qu'il  le  fut,    et  en  essuya  tous  les  dégoûts 

lors  de  la  mort  du  inaréchal  de  Luxembourg,  tomell,  p.  228  et  note  6. 
Comparez  le  Journal  de  Dancjeau,  tome  V,  p.  352. 

4.  Paul-Sigismond  de  Montmorency-Luxembourg,  second  fils  du  ma- 
réchal :  voyez  nos  tomes  I,  p.  256,  note  i,  et  II,  p.  234.  Son  comté  de 
Luxe,  en  basse  Navarre,  venait  de  l'héritière  de  ce  nom,  mariée  en  4593 
à  l'aïeul  du  maréchal. 

2.  On  parla  d'abord  de  lui  faire  épouser  la  fille  unique  du  président 
de  Bosmelet,  qui  ne  se  maria  qu'en  4698,  avec  le  duc  de  la  Force. 
Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  352,  et  les  lettres  de  M.  et  de 
Mme  de  Coulanges,  dans  le  Sévujné,  tome  X,  p.  256  et  356. 

3.  Lui  a  été  corrigé  en  fit. 

4.  Cette  terre  (voyez  tome  II,  p.  39,  note  4)  fut  érigée  pour  la  se- 
conde fois  en  duché  par  lettres  patentes  du  mois  de  février  4696, 
qui  furent  enregistrées  au  Parlement  le  3  mars  suivant,  et  dont  on  trou- 
vera le  texte  dans  l'Histoire  géncalocjique,  tome  V,  p.  787. 

5.  Voyez  tome  II,  p.  234.  L'acte  de  donation  de  Châtillon,  daté  du 
47  septembre  4694,  se  trouve  aux  Archives  nationales,  dans  le  registre 
des  Insinuations  Y  264,  fol.  3  v".  De  plus,  Mme  de  Bouteville  avait 
donné  à  son  petit-fils,  le  43  février  suivant,  une  rente  de  huit  mille  livres 
sur  sa  part  de  l'héritage  de  Mme  de  Meckelbourg. 

6.  Comparez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  374. 

7.  Voyez  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigîié,  tome  X,  p.  368.  Ni  Dan- 
geau ni  la  Gazette  ne  mentionnent  la  célébration  de  ce  mariage,  qui  se 
fit  le  même  jour  que  celui  de  M.  de  Lassay  ;  Jal  en  a  donné  l'acte  dans 
son  Dicliormaire  critique,  p.  892. 

8.  Voyez  notre  tome  II,  p.  260-262.  Le  mariage  se  fit  par  l'intermé- 
diaire du  duc  de  Noirmoutier,  sans  que  Mme  de  Bracciano  fût  consultée. 


38 


MÉMOIRES 


[4696] 


Prince 
d'Isenghien 
obtient   un   ta- 
bouret de 
grâce,  et  pour 

toujours. 

[Add.   S'-S.    U5 

et  146] 


qu'il  lui  put  donner  toute  sa  vie,  pour  se  dépiquer*  de 
l'avoir  fait  duc  malgré  lui. 

L'autre  grâce  fut  fort  extraordinaire,  et  j'avoue  franche- 
ment que  je  ne  sais  d'où  elle  vint^.  Le  Roi,  qui  aimoit 
le  feu  maréchal  d'Humières^,  avoit  fait*  le  mariage  de 
sa  fille  aînée  en  lui  accordant  un  tabouret  de  grâce"  en** 
épousant  le  prince  d'Isenghien  :  ce  qui  a  le  même  effet 
que  ce  qu'on  connoît  sous  le  nom  d'un  brevet  de  duc.  Il 
étoit  mort'  et  avoit  laissé  deux  fils*  :  le  Roi,  sans  aucune 


•1.  Nous  avons  déjà  rencontré  cette  expression,  tome  II,  p.  338  :  voyez 
ci-dessus,  p.  14,  note  1,  une  citation  de  Coulanges. 

2.  Saint-Simon  prend  cet  épisode  dans  le  Dangeau,  tome  V,  p.  363. 

3.  Voyez  tome  II,  p.  177-178. 

4.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  :  «  fit  le  mariage  ».  Il  a  corrigé 
ensuite  fit  en  fait,  et  a  ajouté  avoit  en  interligne. 

5.  Voyez  tome  II,  p.  41,  note  i.  Selon  une  note  de  Saint-Simon  dans 
son  travail  sur  les  Rangs  étrangers  à  l'État  (Affaires  étrangères,  vol. 
Saint-Simon  4S,  p.  237),  les  dames  suivantes  avaient  obtenu  le  tabouret 
de  grâce  i-Mme  de  Tingry  et  la  princesse  d'Espinoy  (1662),  Mme  de  Mon- 
tespan  (1666),  la  maréchale  de  ScVonberg  (1668),  la  princesse  d'Isen- 
ghien (1677),  la  duchesse  de  Bracciano  (1680),  la  duchesse  de  Sforce 
(1688),  la  comtesse  d'.\lmond,  favorite  de  la  reine  d'Angleterre,  et  les 
duchesses  de  la  cour  de  Saint-Germain  (1689),  la  princesse  de  Fûrstenberg 
(1694).  La  suppression  des  tabourets  de  grâce  est  énergiquement  de- 
mandée dans  les  Projets  de  gouvernement  du  duc  de  Bourgogne,  p.  12S. 

6.  En  corrige  l'abréviation  de  que  ou  qu  . 

7.  Le  prince  d'Isenghien  était  mort  à  Versailles  le  6  mai  1687.  Sur 
son  mariage  avec  Mlle  d'Humières,  voyez  la  Correspondance  de  Bussy, 
tome  III,  p.  213-216. 

8.  Louis  de  Gand  de  Mérode  de  Montmorency,  prince  d'Isenghien,  etc., 
né  à  Lille  le  16  juillet  1678,  mousquetaire  en  1696,  colonel  en  1697, 
brigadier  en  1703,  maréchal  de  camp  en  1709,  lieutenant  général  des 
armées  en  1718,  chevalier  des  ordres  et  lieutenant  général  d'Artois  en 
1724,  gouverneur  d'Arras  en  1725,  maréchal  de  France  en  1741;  mort 
le  6  juin  1767.  —  Alexnndre-Maximilien-Balthazar-Dominique  de  Gand, 
etc.,  dit  le  comte  de  Middelbourg,  né  le  2  janvier  1683,  colonel  d'in- 
fanterie en  1704,  brigadier  en  1719,  maréchal  de  camp  en  1734  et  gou- 
verneur de  Bouchain;  mort  le  30  décembre  1758.  —  La  terre  d'Isen- 
ghien, en  Flandre,  n'était  qu'un  comté,  érigé  le  16  mai  1582;  c'est 
celle  de  Mamines  qui  avait  été  érigée  en  principauté  le  4"  août  1652, 
par  le  roi  d'Espagne,  avec  mention  que  les  comtes  de  Gand  descen-^ 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  39 

occasion,  ni  de*  mariage,  non  seulement  accorda  la  même 
grâce  à  l'aîné,  mais,  ce  qui  étoit  sans  exemple,  il  l'ac- 
corda de  mâle  en  mâle  à  sa  postérité,  c'est-à-dire  que, 
sans  aucun  renouvellement,  le  fils  aîné  y  succéderoit  à 
son  père,  n'ayant  toutefois  que  des  honneurs,  sans  aucun 
rang,  comme  les  ducs  à  brevet^. 

Le  nouvel  archevêque  de  Cambray  s'applaudissoit  ce-     sourde  lutte 

daient  des  anciens  ducs  de  Saxe,  et,  dans  les  premiers  temps,  on 
n'avait  connu  que  le  prince  de  Mamines  à  la  cour  de  France. 

1.  Ce  de  incorrect  corrige  d'un. 

2.  La  copie  du  brevet  dont  parle  Saint-Simon  nous  a  été  conservée 
par  Clairanibault.  Il  était  ainsi  conçu  :  «  Aujourd'hui,  23°  du  mois  d'avril 
1696,  le  Roi  étant  à  Versailles,  mettant  en  considération  le  zèle  qu'a  eu 
pour  son  service  le  feu  sieur  Jean-Alphonse  de  Gand,  prince  d'Isenghien, 
lequel,  pour  donner  à  Sa  Majesté  des  assurances  plus  particulières  de 
sa  fidélité  et  de  son  attachement  pour  toujours,  renonça  aux  biens  qu'il 
possédoit  en  Espagne,  aux  établissements  qu'il  avoit  lieu  d'y  espérer 
et  aux  honneurs  dont  sa  maison  y  jouissoit  :  à  l'occasion  de  quoi  et  de 
son  mariage  avec  la  fille  aînée  du  feu  sieur  duc  d'Humières,  maréchal  de 
France,  Sa  Majesté  avoit  été  conviée  de  lui  donner  des  marques  de  son 
affection,  et,  pour  le  gratifier  et  traiter  d'autant  plus  favorablement, 
lui  accorder,  comme  elle  fit  dès  lors,  les  honneurs  convenables  et  pro- 
portionnés à  ceux  dont  lui  et  sa  maison  avoient  joui  en  Espagne  {en 
marge,  de  la  main  de  Clairambault  :  Il  faudroit  en  voir  les  preuves)  ;  et 
Sa  Majesté  voulant,  suivant  l'intention  qu'elle  en  a  eue  en  accordant 
lesdits  honneurs  audit  feu  sieur  prince  d'Isenghien,  les  continuer  à  son 
fils  aîné  et  les  faire  passer  successivement  aux  aînés  de  sa  maison,  Sa 
Majesté  a  ordonné  et  ordonne  que  le  sieur  Louis  de  Gand,  prince  d'Isen- 
ghien, et  son  épouse,  lorsqu'il  sera  marié,  jouiront  de  l'entrée  au  Louvre 
dans  leurs  carrosses,  et  ladite  dame  princesse  d'Isenghien  de  la  séance 
devant  les  Reines  sur  un  tabouret;  et  que  dorénavant  les  aînés  mâles  de 
ladite  maison  d'Isenghien  et  leurs  femmes  jouiront  des  mêmes  préro- 
gatives d'honneur,  sans  toutefois  que  les  cadets  de  ladite  maison  d'Isen- 
ghien ni  les  filles  puissent  en  aucune  manière  prétendre  les  mêmes 
avantages  ;  m'ayant  Sa  Majesté  commandé  d'expédier  le  présent  brevet, 
qu'elle  a  signé  de  sa  main  et  fait  contresigner  par  moi,  son  conseiller 
secrétaire  d'État  et  de  ses  commandements  et  finances.  »  Signé  sur  l'ori- 
ginal :  LOUIS,  et  plus  bas  :  Le  Tellier.  (Arch.  nat.,  KK  S99,  p.  339- 
341.)  —  Au  mois  de  février  précédent  (ms.  Clairambault  1193,  fol.  128 
v°  et  129),  ^.  de  Pontchartrain  avait  fait  faire  un  mémoire  concluant  à 
ce  que  les  lettres  de  principauté  de  MM.  d'Isenghien  n'emportaient  an- 


iO  MÉMOIRES  [1696J 

^^ .  pendant  de  ses  succès  auprès  de  Mme  de  Maintenon*  : 

1  archevêque       J  ,  ,  r 

de  cambray  et   les  esperances  qu  il  en  concevoit,  avec  de  si  bons  appuis, 
tie  l'évéque      étoient  grandes ,  mais   il    crut  ne   les  pouvoir   conduire 

de  Chartres.  *      x  -    •  '    «     -i  i  • 

avec  surete  jusqu  ou  il  se  les  proposoit  qu  en  achevant 
de  se  rendre  maître  de  son  esprit  sans  partage.  Godet ^, 
évêque  de  Chartres,  tenoit  à  elle  par  les  liens  les  plus 
intimes^  :  il  étoit  diocésain  de  Saint-Cyr,  il  en  étoit  le 
directeur  unique,  il  étoit  de  plus  celui  de  Mme  de  Main- 
tenon;  ses  mœurs,  sa  doctrine,  sa  piété,  ses  devoirs  épi- 
scopaux,  tout  étoit  irrépréhensible*;  il  ne  faisoit  à  Paris 
que  des  voyages  courts  et  rares,  logé  au  séminaire  de 
Saint-Sulpice,  se  montroit  encore  plus  rarement  à  la  cour, 
et  toujours  comme  un  éclair,  et  voyoit  Mme  de  Maintenon 
longtemps  et  souvent  à  Saint-Cyr,  et  faisoit  d'ailleurs 
par  lettres  tout  ce  qu'il  vouloit^.  C'étoit  donc  là  un 
étrange  rival  à  abattre;  mais,  quelque  ancré  qu'il  fût,  son 
extérieur^  de  cuistre'  le  rassura  :  il  le  crut  tel  à  sa  longue 

cune  prérogative  pour  eux  ;  mais  la  qualification  de  cousin  avait  été 
donnée  au  jeune  prince  dès  1689  [Damjeau,  tome  II,  p.  384). 

1.  Voyez  notre  tome  II,  année  1693,  p.  338-346. 

2.  Voyez,  sur  ce  prélat,  le  même  tome  II,  p.  207,  note  4,  où  nous 
devons  signaler  une  grande  inadvertance,  car  M.  Godet  des  Marais  ne 
passa  pas  au  siège  de  Blois,  en  1697,  comme  nous  l'avons  imprimé;  au 
contraire,  il  sollicita  et  obtint  le  démembrement  de  son  évêcbé  et  la  for- 
mation du  diocèse  de  Blois  au  profit  de  M.  de  Bertier. 

3.  Sur  la  liaison  de  l'évéque  de  Chartres  avec  Mme  de  Maintenon  et 
sur  ses  conséquences,  voyez  une  citation  faite  par  Lavallée,  dans  la  Cor- 
respondance (jénérale  de  Mme  de  Maintenon,  tome  III,  p.  188  et  189. 

4.  Dans  le  manuscrit,  irreprenhensiblc. 

5.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  VII,  p.  123-123,  une  Addi- 
tion au  Journal  de  Dangeau,  6  février  1690,  et  partie  de  l'Addition 
n°  127  (tome  II,  p.  414).  Un  certain  nombre  de  lettres  de  l'évéque  à 
Mme  de  Maintenon,  recueillies  par  l'abbé  Berthier,  forment  le  neu- 
vième volume  de  la  collection  de  la  Beaumelle,  dans  l'édition  d'Amster- 
dam, et  elles  y  ont  été  en  partie  reprises  par  Lavallée. 

6.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  :  extérieure,  et  a  biffé  \'e  final. 

7.  Le  cuistre  est,  selon  Furetière,  un  «  valet  de  pédants  ou  de  prê- 
tres, .  souvent  un  pauvre  écolier  qui  se  met  en  service  (comparez  l'an- 
cien mot  coustre,  «  sacristain  »,  du  latin  custos,  et  l'allemand  kiister). 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  41 

figure  malpropre,  décharnée,  toute  sulpicienne,  un  air  sim- 
ple*, aspect  niais,  et  sans  liaison  qu'avec  de  plats  prêtres*. 
En  un  mot,  il  le  prit  pour  un  homme  sans  monde,  sans 
talents,  de  peu  d'esprit  et  court  de  savoir,  que  le  hasard 
de  Saint-Cjr  établi  dans  son  diocèse'  avoit  porté  où  il 
étoit,  noyé  dans  ses  fonctions,  et  sans  autre  appui  ni 
autres*  connoissances.  Dans  cette  idée,  il  ne  douta  pas  de 
lui  faire  bientôt  perdre  terre  par  la  nouvelle  spiritualité  de 
Mme  Guyon,  déjà  si  goûtée  de  Mme  de  Maintenon  :  il  n'i- 
gnoroit  pas  qu'elle  n'étoit  pas  insensible  aux  nouveautés 
de  toute  espèce,  et  il  se  flatta  de  culbuter  par  là  Monsieur 
de  Chartres,  dont  Mme  de  Maintenon  sentiroit  et  mépri-- 
seroit  l'ignorance,  pour  ne  plus  rien  voir  que  par  lui^. 

Pour  arriver  à  ce  but,  il  travailla  à  persuader  Mme  de 
Maintenon  de  faire  entrer  Mme  Gujon  à  Saint-Cyr,  où 
elle  auroit  le  temps  de  la  voir  et  de  l'approfondir^  tout 
autrement  que  dans  de  courtes  et  rares  après-dînées  à 

1.  Devant  simple,  Saint-Simon  semble  avoir  voulu  écrire  contrit,  et 
en  a  écrit  en  effet  la  première  syllabe,  qu'il  a  ensuite  oublié  d'effacer; 
le  cru  simple  des  dernières  éditions  ne  nous  paraît  possible,  ni  comme 
lecture,  ni  comme  sens.  A  la  suite,  l'a  d'aspect  corrige  un  u. 

2.  Nous  avons  déjà  remarqué  (tome  11,  p.  339,   note  3),   en  disant  /^ 
quel  motif  on  avait  cru  pouvoir   attribuer  à  cette    malveillance,  que 
Saint-Simon  ne  perdait  pas  une  occasion  de   déprécier  les  prêtres  de 
Saint-Sulpice,  à  qui  il  reproche  platitude,  ignorance,  manque  de  sujets 

de  distinction,  etc.  Comparez  le  tome  XII,  p.  141. 

3.  C'est-à-dire  le  hasard  qui  avait  fait  prendre  une  localité  de  son 
diocèse  pour  siège  de  l'établissement  fondé  par  Mme  de  Maintenon. 

4.  Ce  second  autre  est  au  singulier,  comme  le  premier. 

o.  Si  l'on  s'en  rapporte  à  une  lettre  de  Madame,  duchesse  d'Orléans  -'' 
(20  juillet  1698),  et  à  une  autre  de  Mme  de  Maintenon  à  Mgr  de  Noailles 
(29  mai  1697),  les  partisans  ou  les  fauteurs  de  Mme  Guyon  avaient 
cru  se  rendre  maîtres  de  la  cour  et  du  Roi  lui-même  par  Mme  de 
Maintenon,  et  ils  avaient  déjà  dressé  leurs  listes  de  distribution  des 
charges,  quand  Mme  de  Maintenon  dut  faire  volte-face.  {Correspon- 
dance générale,  tome  IV,  p.  162-163.)  — •  Pour  toute  cette  partie  de 
l'histoire  de  Mme  Guyon,  il  faut  se  reporter  à  l'Addition  127,  déjà  placée 
dans  le  tome  11,  p.  414. 

6,  Ce  mot  est  écrit  en  interligne,  au-dessus  d'aprondir  (sic),  biffé. 


42  MÉMOIRES  [1696] 

l'hôtel  de  Chevreuse  ou  de  Beauvillier.  Il  y  réussit  : 
Mme  Gujon  alla  à  Saint-Cyr  deux  ou  trois  fois'  ;  ensuite 
Mme  de  Maintenon,  qui  la  goiitoit  de  plus  en  plus,  l'y  fit 
coucher;  et  de  l'un  à  l'autre,  mais  près  à  près^,  les  sé- 
jours s'y  allongèrent,  et,  par  son  aveu^,  elle  s'y  chercha  des 
personnes  propres  à  devenir  ses  disciples,  et  elle  s'en  fit*. 
Bientôt  il  s'éleva  dans  Saint-Cyr  un  petit  troupeau  tout  à 
part,  dont  les  maximes,  et  même  le  langage  de  spiritualité 
parut  fort  étranger  à  tout  le  reste  de  la  maison,  et  bientôt 
fort  étrange  à  Monsieur  de  Chartres^.  Ce  prélat  n'étoit 
rien  moins  que  ce  que  Monsieur  de  Cambray  s'en  étoit 
figuré"  :  il  étoit  fort  savant,  et  surtout  profond  théolo- 
gien ;  il  y  joignoit  beaucoup  d'esprit;  il  y  avoit  de  la  dou- 
ceur, de  la  fermeté,  même  des  grâces  ;  et,  ce  qui  étoit  le 
plus  surprenant  dans  un  homme  qui  avoit  été  élevé  et 
n'étoit  jamais  sorti  de  la  profondeur  de  son  métier  %  il  étoit 

1.  Elle  y  fut  introduite  par  sa  cousine,  Mme  de  la  Maisonfort,  direc- 
trice de  la  maison  et  grande  admiratrice  du  Moyen  court  et  très  facile 
pour  faire  oraison  (publié  par  Mme  Guyon,  en  1688).  Voyez  les  Mémoires 
pour  servir  à  l'histoire  de  Mme  de  Maintenon,  par  la  Beaumelle,  éd.  de 
1789,  tome  IV,  p.  12  et  suivantes. 

2.  «  De  l'un  à  l'autre,  »  neutralement,  d'une  fois  à  l'autre  ;  «  de  près 
à  près,  »  à  des  intervalles  rapprochés.  Richelet  interprète  cette  seconde 
locution  par  «  l'un  contre  l'autre,  tout  contre.  »  Il  est  remarquable 
que  Fiiretière,  a.  l'article  Près,  ne  la  donne  pas  ;  l'Académie  la  donne 
dans  toutes  ses  éditions,  et  ne  la  dit  «  peu  usitée  »  que  dans  les  deux 
dernières  (1835  et  1878). 

3.  Emploi  à  noter  de  par,  où  nous  disons  rfe  :  «  et,  par  suite  de  l'agré- 
ment de  Mme  de  Maintenon,  rfe  ou  aî;ec  son  aveu,  elle  (Mme  Guyon),  etc.  » 

4.  Voyez  YHistoire  de  la  maison  royale  de  Saint-Cyr,  par  Th.  La- 
vallée,  p.  152-174;  l'Histoire  de  Fénclon,  par  le  cardinal  de  Beausset, 
tome  I,  p.  348-350  ;  la  Vie  de  Mme  de  la  Motte-Guyon,  écrite  par  elle- 
même,  3"  partie,  p.  123  et  suivantes;  les  Mémoires....  de  Mme  de 
Maintenon,  par  la  Beaumelle,  tome  IV,  p.  24,  27,  35-37,  etc. 

5.  Voyez  l'Histoire  de  Saint-Cyr,  p.  162. 

6.  Voyez  l'éloge  historique  de  Godet  des  Marais,  par  l'abbé  Berthier, 
imprimé  à  Bruxelles,  en  1755,  etl' Histoire  de  Fénelon,  tome  I,  p.  350-355. 

7.  Nous  verrons  plus  d'une  fois  notre  auteur,  môme  quand  le  tour 
était  facile  à  modifier,  ne  pas  tenir  compte  de  la  diversité  des  régimes. 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  4a 

tel  pour  la  cour  et  pour  le  monde,  que  les  plus  fins  cour- 
tisans auroient  eu  peine  à  le  suivre,  et  auroient  eu  à  pro- 
fiter de  ces*  leçons.  Mais  c'étoit  en  lui  un  talent  enfoui 
pour  les  autres,  parce  qu'il  ne  s'en  servoit  jamais  sans  de 
vrais  besoins  :  son  désintéressement,  sa  piété,  sa  rare 
probité  les  retranchoient  presque  tous,  et  Mme  de  Main- 
tenon,  au  point  où  il  étoit  avec  elle,  suppléoit  à  tout. 

Dès  qu'il  eut  le  vent  de  cette  doctrine  étrangère,  il  fit  en 
sorte  d'y  faire  admettre  deux  dames  de  Saint-Cyr  sur 
l'esprit  et  le  discernement  desquelles  il  pouvoit  compter, 
et  qui  pourroient  faire  impression  sur  Mme  de  Mainte- 
non.  Il  les  choisit  surtout  parfaitement  à  lui,  et  les  instrui- 
sit bien.  Ces  nouvelles  prosélytes  parurent  d'abord  ravies, 
et  peu  à  peu  enchantées.  Elles  s'attachèrent  plus  que  pas 
une  à  leur  nouvelle  directrice,  qui,  sentant  leur  esprit 
et  leur  réputation  dans  la  maison,  s'applaudit  d'une  con- 
quête qui  lui  aplaniroit  celle  qu'elle  se  proposoit.  Elle^ 
s'attacha  donc  aussi  à  gagner  entièrement  ces  filles  :  elle 
en  fit  ses  plus  chères  disciples;  elle  s'ouvrit  à  elles, 
comme  aux  plus  capables  de  profiter  de  sa  doctrine  et  de 
la  faire  goûter  dans  la  maison.  Elle  et  Monsieur  de  Cam- 
bray,  qu'elle  instruisoit  de  tous  ses  progrès,  triomphoient, 
et  le  petit  troupeau  exultoit  ^.  Monsieur  de  Chartres,  par 
le  consentement  duquel  Mme  Guyon*  étoit  entrée  à  Saint- 
Cyr  et  y  étoit  devenue  maîtresse  extérieure,  la  laissa 
faire.  Il  la  suivoit  de  l'œil  :  ses  fidèles  lui  rendoient  un 
compte  exact  de  tout  ce  qu'elles  apprenoient  en  dogme 
et  en  pratiques  ;  il  se  mit  bien  au  fait  de  tout,  il  l'examina 
avec  exactitude,  et,  quand  il  crut  qu'il  étoit  temps,  éclata. 

1.  Il  y  a  bien  ces  dans  le  manuscrit;  on  s'attendrait  plutôt  à  ses. 

2.  Elle  corrige  ce. 

3.  Nous  retrouverons  ce  mot,  qui  francise  le  latin  exultare,  dans  la 
suite  des  Mémoires  (tome  XII,  p.  109);  il  est  aussi  dans  une  lettre  de 
Voltaire  de  1760  (tomeLVlII,  p.  547,  éd.  Beuchot).  Le  dérivé  exultation 
est  seul  dans  Furetière  et  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  de  1694; 
on  l'a  supprimé  dès  l'édition  de  176:2. 

4.  Saint-Simon  a  écrit  ici  :  Mme  de  Guyon. 


44  MÉMOIRES  [1696] 

Mme  de  Maintenon  fut  étrangement  surprise  de  tout  ce 
qu'il  lui  apprit  de  sa  nouvelle  école',  et  plus  encore  de  ce 
qu'il  lui  en  prouva  par  la  bouche  de  ses  deux  affidées  et 
par  ce  qu'elles  en  avoient  mis  par  écrit.  Mme  de  Main- 
tenon  interrogea*  d'autres  écolières:  elle  vit  par  leurs  ré- 
ponses que,  plus  ou  moins  instruites  et  plus  ou  moins 
admises  dans  la  confiance  de  leur  nouvelle  maîtresse,  tout 
alloit  au  même  but,  et  que  ce  but  et  le  chemin  étoient 
fort  extraordinaires.  La  voilà  bien^  en  peine,  puis  en 
grand  scrupule*  :  elle  se  résolut  à  parler  à  Monsieur  de 
Cambray.  Celui-ci,  qui  ne  soupçonnoit  pas  qu'elle  fût  si 
instruite,  s'embarrassa  et  augmenta  les  soupçons.  Tout 
Mme  Guyon  à  coup  Mme  Gujon  fut  chassée  de  Saint-Cyr^,  et  on  ne 
dnt'-aT^  puis  ^'y  appliqua  plus  qu'à  effacer  jusqu'aux  moindres  traces 
i  la  Bastille,  de  ce  qu'elle  y  avoit  enseigné.  On  y  eut  beaucoup  de 
peine  :  elle  en  avoit  charmé  plusieurs^,  qui  s'étoient  véri- 
tablement attachées  à  elle  et  à  sa  doctrine \  et  Monsieur 

1.  Une  lettre  de  Mme  de  Maintenon  à  Mme  du  Tourp  {Lettres  histo- 
riques et  édifiantes,  tome  I,  p.  Sli)  prouve  que,  dès  '1692,  éclairée 
sans  doute  par  MM.  Brisacier  et  Tiberge,  que  l'évêque  de  Chartres  avait 
fait  nommer  directeurs  de  Saint-Cyr,  elle  condamnait  l'abandon  des  pra- 
tiques de  solide  dévotion  pour  le  nouveau  mysticisme;  néanmoins 
elle  fut  toute  surprise  de  voir  que  «  ce  qu'elle  avoit  trouvé  bon  fût 
traité  d'erreur.  »  La  Beaumelle  a  fabriqué,  sur  ce  sujet,  plusieurs 
fausses  lettres,  que  Lavallée  a  reproduites,  comme  telles,  dans  la  Cor- 
respondance  générale,  tome  III,  p.  393-394,  40ÎÎ-403. 

2.  Dans  le  manuscrit,  par  mégarde,  interragea  ;  plus  loin,  après jjar, 
l'archaïsme,  qui  y  revient  fréquemment,  de  leur,  sans  accord. 

3.  Bien  est  en  interligne,  au-dessus  de  fort,  biffé. 

4.  Voyez  ce  que  dit  Lavallée  (Histoire  de  la  maison  de  Saint-Cyr, 
p.  169-170)  de  la  colère  du  Roi  contre  Mme  de  Maintenon. 

5.  Dangeau  écrit,  à  la  date  du  10  janvier  1694  :  «  Mme  Guyon, 
femme  de  grande  piété,  mais  accusée  d'avoir  des  opinions  un  peu  sin- 
gulières sur  la  religion  et  de  les  avoir  inspirées  à  quelques  dames,  s'est 
éloignée  de  Paris  ;  on  ne  sait  si  elle  en  a  reçu  l'ordre,  ou  si  elle  l'a 
prévenu.  »  (Journal,  tome  IV,  p.  434.) 

6.  Plusieures  (sic)  est  en   interligne,  au-dessus  de  beaucoup,   biffé. 

7.  Voyez  l'Histoire  de  la  maison  de  Saint-Cyr,  p.  163-174.  Les  dames 
j       conservèrent  un  commerce  de  lettres  secret  avec  Mme  Guyon.  Il  fallut 

/ 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  45 

de  Chartres  en  profita  pour  faire  sentir  tout  le  danger 
de  ce  poison  et  pour  rendre  Monsieur  de  Cambray  fort 
suspect.  Un  tel  revers,  et  si  peu  attendu,  l'étourdit,  mais 
il  ne  l'abattit  pas  :  il  paya  d'esprit,  d'autorités  mystiques, 
de  fermeté  sur  ses  étriers  ;  ses  amis  principaux  le  sou- 
tinrent. Monsieur  de  Chartres,  content  de  s'être  solide- 
ment raffermi  dans  l'esprit  et  la  confiance  de  Mme  de 
Maintenon,  ne  voulut  pas  pousser  si  fort  de  suite'  un 
homme  si  soutenu;  mais  sa  pénitente,  piquée  d'avoir  été 
conduite  sur  le  bord  du  précipice,  se  refroidit  de  plus  en 
plus  pour  Monsieur  de  Cambray  et  s'irrita  de  plus  en 
plus  contre  Mme  Guyon'.  On  sut  qu'elle  continuoit  à  voir 
sourdement  du  monde  à  Paris  ;  on  le  lui  défendit  sous  de 
si  grandes  peines,  qu'elle  se  cacha  davantage,  mais  sans 
pouvoir  se  passer  de  dogmatiser  bien  en  cachettes^,  ni 


que  l'évêque  de  Chartres  vînt  en  personne  enlever  livres  et  manuscrits 
suspects  ;  puis  Bossuet  fit  deux  conférences.  Les  plus  exaltées  étaient, 
avec  Mme  de  la  Maisonfort,  deux  professes  de  la  première  fondation, 
Mmes  du  Tourp  et  de  Montaigie,  qu'on  finit  par  reléguer  dans  d'autres 
maisons.  La  paix  ne  se  rétablit  réellement  à  Saint-Cyr  qu'après  une 
visite  que  le  Roi  y  fit  au  retour  du  camp  de  Compiègne. 

1.  Avec  suite,  sans  interruption  ;  et  non  au  sens  de  «  tout  de  suite  », 
sens  encore  incorrect  aujourd'hui,  mais  dont  des  exemples  comme  celui- 
ci  expliquent  bien  l'origine. 

2.  Au  mois  de  juin  1694,  Mme  Guyon,  se  sachant  accusée  «  de  crimes,  » 
et  croyant  devoir  faire  connaître  publiquement  la  vérité,  demanda  à 
Mme  de  Maintenon  qu'on  lui  indiquât  une  prison  pour  s'y  rendre  et  se 
soumettre  à  l'enquête  d'une  commission  mi-partie  d'ecclésiastiques  et 
de  laïques.  Sa  lettre  se  trouve  dans  la  Correspondance  générale, 
tome  111,  p.  400,  et  dans  la  Correspondance  de  Fénelon,  tome  VII,  p.  51. 
M.  Ravais.son,  dans  les  Archives  de  la  Bastille,  tome  IX,  p.  4G-47,  a 
publié  une  autre  lettre  de  justification  (IG  octobre  1694),  adressée  à  la 
duchesse  de  Noaillcs.  Gomme  le  sollicitait  la  principale  accusée,  Mme  de 
Maintenon  fit  prier  les  évêques  de  Meaux  et  de  Ghâlons,  le  P.  Bourda- 
loue,  et  MM.  Joly.Tronson,  Brisacier  et  Tiberge,  d'examiner  les  doctrines 
de  «  cette  illusion  qu'on  nomme  le  qjiiétisme.  » 

3.  Richclet  (1680)  dit  qu'cra  cachette  et  en  cachettes  se  trouvent  l'un 
et  l'autre  dans  les  bons  auteurs,  mais  que  le  premier  est  préférable  ; 
Furetière  et  l'Académie  ne  donnent  que  le  singulier. 


1 


46  MÉMOIRES  [1696] 

son  petit  troupeau  de  se  rassembler  par  parties  autour 
d'elle,  en  différents  lieux.  Cette  conduite,  qui  fut  éclai- 
rée*, lui  fit  donner  ordre  de  sortir  de  Paris ^.  Elle  obéit; 
mais  incontinent  après  ^  elle  se  vint  cacher  dans  une  petite 
maison  obscure  du  faubourg  Saint-Antoine.  L'extrême 
attention  avec  laquelle  elle  étoit  suivie  fit  que,  ne  la  dé- 
pistant de  nulle  part,  on  ne  douta  pas  qu'elle  ne  fût  ren- 
trée dans  Paris,  et,  à  force  de  recherches*,  on  la  soup- 
çonna oîi  elle  étoit,  sur  le  rapport  qu'on  eut  des  voisins 
des  mystères  sans  lesquels^  cette  porte  ne  s'ouvroit  point. 
On  voulut  être  éclairci  :  une  servante  qui  portoit  le  pain  et 
les  herbes"  fut  suivie  de  si  près  et  si  adroitement,  qu'on 
entra  avec  elle.  Mme  Guyon  fut  trouvée'  et  conduite 
sur-le-champ  à  la  Bastille^,  avec  ordre  de  l'y  bien  traiter, 
mais  avec  les  plus  rigoureuses  défenses  de  la"  laisser  voir, 


■1.  Au  sens,  plus  rare  à  présent,  mais  que  l'Académie  donne  encore 
à  ce  mot,  de  «  surveiller,  épier.  » 

2.  Nous  n'aurons  qu'en  1607  la  suite  du  récit  fait  incomplètement 
ici.  Quand  Saint-Simon  reviendra  alors  sur  cette  affaire,  il  s'excu- 
sera d'avoir  omis  de  dire  en  1696  qu'avant  d'être  chassée  de  Paris, 
puis  emprisonnée,  Mme  Guyon  se  rendit  à  Meaux  et  signa  une  ré- 
tractation entre  les  mains  de  Bossuet,  mais  reprit  tout  aussitôt  ses 
pratiques  de  prosélytisme,  et  fut  alors  expulsée. 

3.  Incontinent  est  suivi,  en  interligne,  d'après,  qui,  presque  en  entier, 
est  recouvert  d'encre,  mais  paraît  brouillé  par  hasard,  plutôt  qu'effacé 
à  dessein. 

4.  Le  signe  du  pluriel  a  été  ajouté  après  coup. 

5.  Lesquelles,  dans  le  manuscrit. 

6.  On  dirait  plutôt  maintenant  :  les  légumes.  Les  deux  termes  s'em- 
ployaient concurremment:  voyez  l'Addition  143,  ci-après,  p.  344. 

7.  Rentrée  à  Paris  le  9  juillet  1693,  ce  ne  fut  que  dans  les  derniers 
jours  de  décembre  que  Mme  Guyon  fut  découverte  par  l'exempt  Desgrez. 

8.  Non  pas  à  la  Bastille,  mais  à  Vincennes,  comme  Saint-Simon  lui- 
même  le  dira  en  1697.  Comparez  les  Archives  de  la  Bastille,  tome  IX, 
p.  32-53,  et  le  Journal  de  Damjeau,  tome  V,  p.  331.  «  Il  y  avoit  beau- 
coup de  personnes  de  grande  vertu  à  qui  elle  en  avoit  imposé,  dit 
Dangeau.  On  la  cherchoit  il  y  a  longtemps....  On  l'a  trouvée  dans  le 
faubourg  Saint-Antoioe,  où  elle  étoit  fort  cachée.  » 

9.  La  est  ajouté  en  interligne,  au-dessus  de  lui,  biffé. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  47 

écrire,  ni  recevoir  de  nouvelles  de  personne*.  Ce  fut  un 
coup  de  foudre  pour  Monsieur  de  Cambray  et  pour  ses 
amis,  et  pour  le  petit  troupeau,  qui  ne  s'en  réunit  que 
davantage.  Les  suites dépasseroient l'année;  il  vaut  mieux 
en  demeurer  oîi  nous  en  sommes  pour  celle-ci,  et  re- 
mettre aux  événements  de  la  suivante*  tout  ce  qui  les 
amena. 

Il  y  a  dans  les  cours  des  personnages  singuliers,  qui,        Cavoye 
sans  esprit,  sans  naissance  distinguée  et  sans  entours  ni    ^^  ^^  fortune, 
services,   percent  dans  la  familiarité  de  ce  qui  y  est  le 
plus  brillant,  et  font  enfin,  on  ne  sait  pourquoi,  compter 
le  monde  avec  eux.  Tel  y  fut  Cavoye^  toute  sa  vie,  très  [Add.  S'-S.  147] 
petit  gentilhomme  tout  au  plus,  dont  le  nom  étoit  Oger^. 
Il  étoit  grand  maréchal  des  logis  de  la  maison  du  Roi^, 
et  le  roman  qui  lui  valut  cette  charge  mérite  de  n'être  pas 
oublié,  après  avoir  dit  ce  qui  le  regarde  en  ce  temps-ci. 
J'ai  parlé  de  lui  plus  d'une  fois  et  fait  mention  de  son 
amitié  intime  avec  M.  de  Seignelay",  chez  qui  la  fleur  de 
la  cour  étoit  trayée^  Cette  grande  liaison,  qui  devoit  lui 
aider  à  tout,    par  le  crédit  où  étoit  ce  ministre,  causa 

1.  Les  ordres  relatifs  à  la  prisonnière  qui  se  trouvent  dans  les 
registres  de  la  Maison  du  Roi  ont  été  publiés  dans  les  Archives  de  la 
Bastille,  à  l'endroit  cité,  et  dans  le  Dictionnaire  critique  de  Jal,  p.  668. 
Elle  n'était  connue  à  Vincennes  que  sous  le  nom  de  Besnard. 

2.  Tome  IV,  année  1697. 

3.  Voyez  sa  notice  dans  notre  tome  II,  p.  60,   note  1,  et  quelques 
notes  complémentaires    dans  un  article  de  la  Revue  historique,  mai- 
juin  1881,  p.  114-126,  avec  la  première  rédaction  de  cette  historiette     . 
du  mariage  de  Cavoye,  tirée  des  papiers  inédits  de  Saint-Simon,  vol.  68. 

4.  Il  signait  :  Louis  Doger  de  Cavoye,  sans  apostrophe.  Les  généalogies 
ne  font  rien  connaître  de  saillant  sur  cette  famille. 

5.  Tome  II,  p.  82,  note  1,  et  ci-dessus,  p.  9  et  14. 

6.  Voyez  notre  tome  II,  p.  60,  et  ci-dessus,  p.  9-10. 

7.  L'Académie  (1694)  ne  donne  que  trier;  Furetière  n'admet  frayer 
que  comme  terme  technique  en  parlant  des  monnaies.  M.  Littré, 
bien  qu'on  entende  souvent  encore  cette  ancienne  prononciation  (il  la 
figure  parfrèier),  dit  que  c'est  une  faute  chez  notre  auteur.  Nous  le  ver- 
rons plus  tard,  en  1703,  parlant  de  la  société  réunie  chez  Cavoye  lui- 
même,  dire  encore  (tome  III  de  1873,  p.  378)  :  «  C'étoit  un  monde  trayé.  » 


48  MÉMOIRES  11696J 

pourtant  le  ver  rongeur*  de  sa  vie.  Avec  sa  charge,  ses 
amis  considérables  à  la  cour  qui  l'y  faisoient  figurer',  et 
les  bontés  du  Roi  toujours  distinguées^,  il  se  flatta  d'être 
chevalier  de  l'Ordre  en  la  promotion  de  1688*.  Le  Roi  la 
fit  avec  M.  de  Louvois,  qui  étoit  chancelier  de  l'Ordre  : 
ce  ministre,  qui  minutoit  une  grande  guerre,  qu'il  avoit 
déjà  fait  déclarer  et  qu'il  rendit  plus  générale  que  le  Roi 
ne  s'y  attendoit^,  ne  songea  qu'à  profiter  de  l'occasion  de 
se  faire  des  créatures.  Il  la  rendit  donc  toute  militaire, 
pour  la  première  qui  ait  jamais  été  faite  de  la  sorte,  et 
eut  grande  attention  à  en  exclure  tous  ceux  qu'il  n'aimoit 
pas,  tant  qu'il  put".  L'amitié  de  Seignelay,  son''  ennemi, 
pour  Cavoye  l'avoit  mis  dans  ce  nombre  :  il  ne  fut  point 
de  la  promotion,  et  il  en  pensa  mourir  de  douleur*.  Le 

4.  L'Académie  (1694)  rappelle  que  cette  figure  est  empruntée  à  TÉcri- 
ture  sainte  {haïe,  chapitre  lxvi,  verset  24),  et  Furetière  dit  :  «  On  ap- 
pelle figurément  ver  le  remords  de  la  conscience,  parce  qu'il  ressemble 
à  un  ver  qui  nous  ronge  le  cœur  incessamment.  » 

2.  Parmi  ces  amis,  on  citait  les  Coudés  et  les  Contis,  Colbert,  les 
maréchaux  de  Turenne,  de  Luxembourg,  de  Noailles  et  de  Boufflers, 
Racine,  l'abbé  Genest,  etc. 

3.  Il  obtint  un  des  justaucorps  bleus  le  23  juillet  1678,  peu  de  temps 
après  être  devenu  grand  maréchal  des  logis.  Mme  de  Sévigné  cite  plu- 
sieurs preuves  du  crédit  dont  il  jouissait  à  la  cour.  Voyez  aussi  son 
article  nécrologique  dans  le  Mercure,  février  1716,  p.  81-93. 

4.  Ses  prédécesseurs  avaient  tous  eu  l'Ordre. 

5.  La  guerre  que  nous  allons  voir  se  terminer  en  1697  et  1698. 

6.  Voyez  tome  I,  p.  61,  notes,  et  une  page  de  l'Addition  n°  6, 
p.  322  ;  et,  sur  le  mécontentement  de  Cavoye  et  des  autres  courtisans 
oubliés  dans  cette  promotion,  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VIII, 
p.  301,  336  et  337.  Aux  documents  que  nous  avons  indiqués  dans  le 
tome  I,  touchant  la  même  promotion  de  1688,  il  faut  ajouter  une  rela- 
tion officielle  recueillie  par  Clairambault  (ms.  721,  p.  487-490),  et  qui 
présente  le  détail  des  décisions  prises  par  Louis  XIV  et  des  exclu- 
sions dont  il  crut  devoir  donner  publiquement  le  motif.  Saint-Simon 
a  consacré  au  même  sujet  un  article  important  dans  ses  Légères  notions 
sur  les  chevaliers  de  l'Ordre,  vol.  34  de  ses  papiers  inédits  ;  on  le  trouvera 
dans  le  complément  que  nous  publierons  pour  notre  premier  volume. 

7.  La  première  lettre  de  son  corrige  un  p[our]. 

8.  Le  brave  Cavoye  (voyez  ci-après,  p.  ol)  avait  fait  la  guerre  très 


[1696J  DE   SAINT-SIMON.  49 

Roi,  à  qui  il  parla  et  fit  parler  par  Seignelay  et  par 
d'autres  amis,  lui  adoucit  sa  peine  par  des  propos  de 
bonté  et  d'espérance  pour  une  autre  occasion'.  Il  se  fit 
depuis  diverses  petites  promotions^,  et  toujours  Cavoye 
laissé,  parce  qu'en ^  effet  ces  promotions  avoient  des  cau- 
ses particulières  pour  chacun  de  ceux  qui  en  furent.  A  la 
fin,  Cavoye,  lassé  et  outré,  écrivit  au  Pvoi  une  rapsodie  ^ 
sur  sa  santé  et  ses  affaires,  et  demanda  la  permission  de 
se'^  défaire  de  sa  charge.  Le  Roi  ne  lui  dit  ni  ne  lui  fit 
rien  dire  là-dessus  ;  et  cependant  Cavoye  prenoit  publi- 
quement tous    ses  arrangements  pour    se   retirer  de   la 

vaillamment  ;  son  nom  figure  avec  honneiii'  dans  l'épître  iv  de  Boileau 
sur  le  passage  du  Rhin  : 

La  Salle,  Beringhen,  Nogent,  d'Ambres,  Cavois  '^, 
Fendent  les  flots  tremblants  sous  un  si  noble  poids  ; 

et,  selon  l'abbé  de  Choisy  (il/émoîVes,  p.  558),  le  Roi,  le  croyant  mort 
dans  cette  affaire,  avait  manifesté  un  profond  chagrin  de  sa  perte. 
Mais  Cavoye  n'avait  pas  de  grade  dans  l'armée,  et,  bien  qu'il  eût 
servi  comme  aide  de  camp  du  Roi  en  1684,  il  ne  comptait  point  dans  ce 
que  Saint-Simon  appelle  le  militaire.  De  plus,  les  Annales  de  la  cour 
(tome  II,  p.  19-20)  prétendent  qu'il  fut  exclu  de  la  promotion  de  1688 
parce  que  le  Roi  apprit  qu'il  avait  trafiqué  de  son  crédit  auprès  de  Sei- 
gnelay et  de  l'amirauté.  Ce  libelle  ajoute,  comme  Saint-Simon,  que 
Lduvois  profita  de  l'occasion  pour  marquer  ses  sentiments  d'animosilé 
à  l'égard  d'une  créature  de  son  rival. 

1.  D'après  une  lettre  de  Boileau,  c'est  en  juin  1693  que  le  Roi  aurait 
fait  cette  promesse  du  cordon  h\en{Œuvres  de  Racine,  tome  VII,  p.  99). 

2.  Il  y  eut  des  promotions  particulières,  d'un,  deux  ou  trois  cor- 
dons, en  1689,  1693,  1694  et  169o. 

3.  En  corrige  cel.  —  Faisons  observer  à  ce  propos  que  Saint-Simon 
écrit  toujours  que  par  un  simple  q  avec  signe  d'abréviation,  qu'il  y  ait 
ou  non  lieu  à  élision. 

4.  «  Maintenant  le  mot  de  rapsodie....  ne  se  prend,  dit  l'Académie 
(1694),  que  pour  un  mauvais  ramas,  un  mauvais  ouvrage,  soit  de  vers, 
soit  de  prose.  »  Mme  de  Sévigné  emploie  rapsodage  dans  un  des 
fragments  publiés  par  M.  Capmas  (tome  II,  p.  71),  et  le  verbe  rapsodcr 
(tomes  II,  p.  230,  et  V,  p.  369),  dans  le  sens  de  ravauder,  raccom- 
moder, au  figuré  :  voyez  le  Lexique  de  ses  lettres,  tome  II,  p.  294. 

o.  Se  corrige  ce. 

a  Orthographe  fréquente  dans  le  manuscrit  dos  Mémoires. 

MÉMOIRES    DE    SAINT-SIMOX.  U!  4 


50  MÉMOIRES  [1696] 

cour',  dont  je  pense  qu'il  se  fût  cruellement  repenti.  Dix" 
ou  douze  jours  après  avoir  remis  sa  lettre  au  Roi,  vint  un 
voyage  de  Marlj,  et  Cavoye,  sans  demander,  y  fut  à  l'or- 
dinaire*. Deux  jours  après*,  le  Roi,  entrant  dans  son  ca- 
binet, l'appela,  lui  dit  avec  bonté  qu'il  y  avoit  trop  long- 
temps qu'ils  étoient  ensemble  pour  se  séparer,  qu'il  ne 
vouloit  point  qu'il  le  quittât,  et  qu'il  auroit  soin  de  ses 
affaires.  Il  y  ajouta  des  espérances  sur  l'Ordre  :  Cavoye'* 
prétendit  en  avoir  eu  parole  ;  et  le  voilà  enrôlé  à  la  cour 
plus  que  jamais. 

Sa  mère  -  étoit  une  femme  de  beaucoup  d'esprit,  venue 
je  ne  sais  par  quel  hasard  de  sa  province,  ni  par  quel 
autre  connue  de  la  Reine  mère  dans  des  temps  où  elle 
avoit  besoin  de  toutes  sortes  de  gens\  Elle  lui  plut,  elle 

1.  On  avait  d'abord  attribué  ces  projets  de  retraite  à  un  excès  de 
dévotion;  mais,  le  29  janvier  1696,  Dangeau  écrit,  dans  son  Journal  : 
«  Cavoye,  au  retour  de  Marly,  écrivit  au  Roi  pour  lui  demander  per- 
mission de  se  défaire  de  sa  charge  ;  ses  affaires  et  sa  santé  l'obligent  de 
prendre  ce  parti-là.  »  (Tome  V,  p.  3S1  et  3S4.)  C'est  pour  ce  passage 
du  Journal  que  Saint-Simon  a  fait  l'Addition  147,  et  il  se  sert  en- 
core ici  des  expressions  de   Dangeau,  affaires  et  santé. 

2.  Le  premier  chiffre  de  10  corrige  un  D. 

3.  Cavoye  avait  eu  un  logement  à  Marly  dès  l'origine. 

4.  Dangeau  écrit,  de  Marly,  le  vendredi  10  février  1696  :  «  Le  Roi, 
après  son  lever,  appela  Cavoye  dans  son  cabinet  et  lui  dit  :  «  Il  y  a 
«  trop  longtemps  que  nous  vivons  ensemble  pour  que  je  consente  que 
«  nous  nous  séparions  ;  soyez  tranquille,  j'aurai  soin  de  vos  intérêts  et 
«  de  ceux  de  votre  femme.  »  Il  accompagna  cela  de  beaucoup  de  mar- 
ques de  bonté,  et  Cavoye,  pénétré  de  reconnoissance,  l'assura  qu'il  ne 
le  quitteroit  jamais.  »  {Journal,  tome  V,  p.  364.)  Saint-Simon  copie 
encore  Dangeau  presque  textuellement,  sauf  en  ce  qui  concerne  l'Ordre. 
— -  Mme  de  Cavoye  eut  la  permission  de  venir  à  Marly  pendant  l'après- 
dînée,  et  le  Roi  liù  donna,  peu  après,  sans  qu'elle  eût  rien  demandé, 
une  pension  de  six  mille  livres,  «  en  considération  des  services  de  son 
mari.  »  (Dangeau,  tomes  V,  p.  4o0,  et  VI,  p.  63;  Annales  de  la  cour, 
tome  II,  p.  'l'9;  Arch.  nat.,  0'  41,  fol.  16,  brevet  du  28  janvier  1697.) 

5.  Cavois  (sic)  est  écrit  en  interligne,  sur  il,  bilfé. 

6.  Voyez  notre  tome  II,  p.  81,  note  3.  Mme  de  Cavoye  avait  eu  un 
premier  mari,  du  nom  de  la  Croix,  conseiller  au  présidial  de  Nîmes. 

7.  Cette  dame  de  Cavoye,  «  fdle  de  Sérignan,  gentilhomme  de  qua- 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  SI 

la  distingua  en  bontés,  sans  la  sortir  de  son  petit  état\ 
Mme  de  Cavoye  en  profita  pour  mettre  son  fils  à  la  cour 
et  se  faire  à  tous  deux  des  amis^.  Cavoye  étoit  un  des 
hommes  de  France  le  mieux  fait  et  de  la  meilleure  mine^, 
et  qui  se  mettoit  le  mieux.  Il  en  profita  auprès  des  dames. 
C'étoit  un  temps  où  on  se  battoit  fort  malgré  les  édits'  : 
Cavoye,  brave  et  adroit,  s'y  acquit  tant  de  réputation, 
que  le  nom  de  brave  Cavoijc  lui  en  demeura^.  Mlle  de 

lité  du  Languedoc,  »  et  son  mari,  ont  leur  historiette  dans  Talleniaul 
des  Rcaux,  tome  V,  p.  173-178.  Le  mari,  «  gentilhomme  de  Picardie, 
peu  accommodé,  mais  de  beaucoup  de  cœur,  »  c'est-à-dire  duelliste 
renommé,  avait  été  d'abord  attaché  à  M.  de  Montmorency  ;  le  cardinal 
de  Richelieu  le  prit  pour  capitaine  de  ses  mousquetaires  en  1634,  et  il 
mourut  en  1641,  de  blessures  reçues  devant  Bapaume,  ayant  déjà 
conquis  une  situation  fort  honorable  à  la  cour.  Il  avait  eu  au  moins 
douze  enfants.  Tallemant  dit,  en  terminant  l'historiette,  que  Mme  de 
Cavoye,  Mme  Pilou  et  Mme  Cornucl  «  sont  trois  originaux.  »  La  pre- 
mière tigure,  sousIenomdeCAssioPE,  dans  \c  Dictionnaire  des  précieuses . 

1.  Selon  une  note  des  éditeurs  de  Tallemant  (tome  V,  p.  178),  Mme  de 
Cavoye  aurait  été  nommée  dame  d'honneur  en  1643  ;  elle  ne  fut  que 
dame  du  palais  ou  de  la  maison,  pendant  une  quinzaine  d'années. 

2.  Le  Dictionnaire  de  Moréri  dit,  à  l'article  Cavoye  (tome  III,  p.  360)  : 
«  Il  eut  le  bonheur  d'être  élevé  auprès  du  roi  Louis  XIV,  les  belles 
qualités  qui  brilloient  en  lui  ayant  engagé  ceux  qui  étoient  chargés  de 
l'éducation  de  ce  prince  à  admettre  le  jeune  d'Oger,  qui  n'avoit  encore 
que  sept  ans,  pour  lui  tenir  compagnie  :ce  qui,  l'exemptant  des  fatigues 
ordinaires  de  l'étude,  lui  en  fit  recevoir  tout  le  fruit,  son  goût  s'étant 
formé  parfaitement  dans  une  cour  dont  la  politesse  est  connue  de  tout 
le  monde.  »  Cet  article  paraît  fait  d'après  celui  que  la  veuve  de  Cavove 
fit  insérer  dans  le  Mercure  lorsqu'il  mourut,  février  4716,  p.  81-95. 

3.  Voyez  le  premier  portrait  de  Cavoye,  tome  II,  p.  81. 

4.  Les  ordonnances  de  1643,  1631  et  1670,  qui  déclaraient  les  duel- 
listes criminels  de  lèse-majesté  divine  et  humaine,  et  les  frappaient  de 
peines  encore  plus  sévères  que  celles   du  règne  de  Louis  XIII. 

3.  Il  est  parlé  des  duels  de  Cavoye  et  de  sa  bravoure  dans  les  Mé- 
moires d'Amelot  de  la  Houssaye,  tome  111,  p.  113  et  114.  En  revanche, 
comme  l'a  dit  Saint-Simon  en  commençant,  Cavoye  n'avait  guère  d'es- 
prit (voyez  des  couplets  en  contre-vérités,  de  l'année  1680,  dans  la 
Correspondance  de  Bussy,  tome  V,  p.  117),  et  le  Mercure  (février  1716, 
p.  93)  dit  qu'il  n'avait  fait  aucunes  études,  mais  qu'il  y  suppléait  par 
un  goût  excellent  et  par  le  commerce  des  gens  de  lettres. 


n  MÉMOIRES  [1696] 


Coëtlogon',  une  des  filles  de  la  reine  Marie-ïhérèse*, 
s'éprit  de  Cavoje,  et  s'en  éprit  jusqu'à  la  folie.  Elle  étoit 
laide,  sage,  naïve  aimée,  et  très  bonne  créature.  Per- 
sonne ne  s'avisa  de  trouver  son  amour  étrange,  et,  ce 
qui  est  un  prodige,  tout  le  monde  en  eut  pitié.  Elle  en 
faisoit  toutes  les  avances.  Cavoje  étoit  cruel,  et  quelque- 
fois brutal;  il  en  étoit  importuné  à  mourir.  Tant  fut  pro- 
cédé^, que  le  Roi  et  même  la  Reine  le  lui  reprochèrent, 
et  qu'ils  exigèrent  de  lui  qu'il  seroit  plus  humain.  11  fallut 
aller  à  l'armée,  où  pourtant  il  ne  passa  pas  les  petits  em- 
plois*. Voilà  Coëtlogon  aux  larmes,  aux  cris,  et  qui  quitte 
toute  parure  tout  du  long  de  la  campagne,  et  qui  ne 
les^  reprend  qu'au  retour  de  Cavoye.  Jamais  on  ne  fit 
qu'en"  rire.  Vint,  l'hiver,  un  combat  oii  Cavoye  servit  de 
second  et  fut  mis  à  la  Rastille  :  autres  douleurs.  Chacun 
alla  lui  faire  compliment  ;  elle  quitta  toute  parure  et  se 
vêtit  le  plus  mal  qu'elle  put.  Elle  parla  au  Roi  pour  Ca- 
voye, et,  n'en  pouvant  obtenir  la  délivrance,  elle  le  que- 

1.  Louise-Philippe  de  Coëtlogon,  dont  le  père  avait  les  charges  de 
lieutenant  de  Roi  en  Bretagne  et  de  gouverneur  de  Rennes,  et  dont 
l'oncle  fut  vice-amiral  et  maréchal  de  France  en  1730.  Mariée  le  9  fé- 
vrier 1677,  elle  mourut  le  31  mars  1729,  âgée  de  quatre-vingt-huit  ans, 
selon  le  Mercure  et  VHisioire  géiu'alogique,  ou  plutôt  de  quatre-vingt- 
trois,  comme  le  portent  l'épitaphe  de  Saint-Sulpice  reproduite  par 
Piganiol  de  la  Force  et  l'extrait  de  l'acte  mortuaire  recueilli  par 
M.  Chastellux,  dans  ses  Notes  de  l'état  civil,  p.  182.  Elle  n'eut  qu'un 
iîls,  mort  en  naissant. 

2.  Elle  était  fille  d'honneur  dès  le  mariage  du  Roi,  et,  lorsque  la 
chambre  des  filles  fut  dispersée  le  26  novembre  1673,  elle  se  retira 
chez  la  duchec-se  de  Richelieu  {Sévigné,  tomes  II,  p.  lOo,  et  III,  p.  293). 

3.  L'Académie  définit  le  \orhe procéder,  dans  cet  emploi  :  «  agir....  en 
quelque  chose  que  ce  soit.  »  Cette  locution,  que  nous  rencontrerons  en- 
core à  la  page  53,  et  que  Saint-Simon  atTectionnait,  veut  dire  ici  :  «  On  fit 
sibien...,  les  choses  en  vinrent  à  tel  point,  que,  etc.  »  Voyez  les  Lettres 
de  Mme  de  Sévigné  et  de  Mme  de  Simiane  (tomes  X,  p.  2o,  et  XI,  p.  71). 

4.  Voyez  ci-dessus,  p.  48,  note  8.  Il  s'agit  de  la  guerre  de  Hollande. 

5.  Il  y  a  bien  les  dans  le  manuscrit. 

6.  Saint-Simon  a  écrit  :  «  n'en  fit  qu'en  l'ire.  »  Après  avoir  ajouté 
le  second  c/i  au-dessus  de  la  ligne,  il  a  oublié  d'effacer  le  premier. 


[16961  DE    SAINÏ-SIMON.  53 

relia  jusqu'aux  injures.  Le  Roi  rioit  de  tout  son  cœur  :  elle 
en  fut  si  outrée,  qu'elle  lui  présenta  ses  ongles,  auxquels 
le  Roi  comprit  qu'il  étoit  plus  sage  de  ne  se  pas  exposer. 
Il  dinoit  et  soupoit  tous  les  jours  en  public  avec  la  Reine  : 
au  dîner,  la  duchesse  de  Richelieu'  et  les  filles  de  la 
Reine'  servoient.  Tant  que  Cavoye  fut  à  la  Rastille,  jamais 
Coëtlogon  ne  voulut  servir  quoi  que  ce  fût  au  Roi  :  ou 
elle  l'évitoit,  ou  elle  le  refusoit  tout  net,  disoit^  qu'il  ne 
méritoit  pas  qu'elle  le  servît^.  La  jaunisse  la  prit,  les  va- 
peurs, les  désespoirs.  Enfin  tant  fut  procédé,  que  le  Roi 
et  la  Reine  exigèrent  bien  sérieusement  de  la  duchesse  de 
Richelieu  de  mener  Coëtlogon  voir  Cavoye  à  la  Rastille, 
et  cela  fut  répété  deux  ou  trois  fois.  Il  sortit  enfin,  et 
Coëtlogon,  ravie,  se  para  tout  de  nouveau  ;  mais  ce  fut  avec 
peine  qu'elle   consentit  à  se  raccommoder  avec  le  Roi^. 

1.  Anne  Poussart  de  Fors  du  Vigean,  mariée  :  1°  le  16  octobre  1644, 
à  François-Alexandre  d'Albret,  sire  de  Pons;  2°  le  26  décembre  1649, 
à  Armand-Jean  de  Vignerot  du  Plessis,  duc  de  Richelieu.  Nommée 
dame  d'honneur  de  la  Reine  en  novembre  1671,  elle  passa  auprès  de 
la  Dauphine  en  décembre  1679,  et  mourut  le  28  mai  1684. 

2.  Étaient  filles  de  la  Reine,  en  même  temps  que  Mlle  de  Coëtlogon. 
Mlles  de  Théobon,  de  Ludres,  de  Dampierre,  de  Rouvroy,  de  la  Marck,  de 
la  Mothe-Houdancourt  et  de  Lannoy.  Au  sujet  de  ces  fonctions,  Dangeau 
disant  que  Mme  de  Cavoye  avait  eu  une  pension  jusqu'en  1683  comme 

<lame  du  palais  de  la  Reine,  Saint-Simon  a  eu  soin  de  relever  ce  lapsus     \Add.  S'-S.  148] 
en  quelques  mots  {Journal,  tome  VI,  p.  63);  et  effectivement  le  brevet 
de  1697,  indiqué  plus  haut,  ne  parle  que  des  services  du  mari. 

3.  La  conjonction  et  est  biffée  avant  clisoit. 

4.  En  janvier  1674,  les  filles  ayant  cessé  leur  service,  il  revint,  comme 
par  le  passé,  aux  gentilshommes  servants  et  aux  maîtres  d'hôtel  :  voyez 
le  Sévigné,  tome  III,  p.  344,  348  et  386. 

5.  On  trouve  dans  le  Chansonnier  (ms.  Fr.  12  618,  p.  403-404)  et  dans 
le  Nouveau  siècle  de  Louis  XIV,  tome  IV,  p.  203,  ce  couplet  de  167!  : 

il  ne  manque  à  la  Coëtlogon 

Qu'un  Cavoye  d'une  humeur  plus  tendro, 

Qui  prouvât  par  d'autres  raisons 

L'amour  dont  il  a  su  la  prendre. 

I.a  pauvrette  meurt  de  langueur 

Pour  tant  de  charme  et  de  rigueur.... 

Le  commentateur  a  ajouté  en  noie  :  «  Il  y  avoit  déjà  longtemps  que 


U  MÉMOIRES  [1696] 

La  pitié  et  la  mort  de  M.  de  Froullay^  grand  maré- 
chal des  logis,  vinrent  à  son  secours.  Le  Roi  envoya 
quérir  Cavoye,  qu'il  avoit  déjà  tenté  inutilement  sur  ce 
mariage.  A  cette  fois,  il  lui  dit  qu'il  le  vouloit,  qu'à  cette 
condition  il  prendroit  soin  de  sa  fortune,  et  que,  pour  lui 
tenir  lieu  de  dot  avec  une  fille  qui  n'avoit  rien,  il  lui  feroit 
présent  de  la  charge  de  grand  maréchal  des  logis  de  sa 
maison^.  Cavoye  renifla^  encore  ;  mais  il  y  fallut  passer*. 
Il  a  depuis  bien  vécu  avec  elle,  et  elle  toujours  dans  la 

Mlle  de  Coëtlogon  aimoit  le  marquis  de  Cavoye,  et,  comme  elle  avoit 
beaucoup  de  vertu  et  que  ses  vœux  alloient  au  mariage,  elle  ne  s'en 
cachoit  point,  jusque-là  que,  Cavoye  ayant  été  plusieurs  années  en  pri- 
son pour  s'être  battu  en  duel,  Mlle  de  Coëtlogon,  pendant  tout  ce 
temps-là,  ne  porta  ni  mouches,  ni  rubans,  ni  habit  de  couleur,  ni  frisure. 
Cavoye,  de  sou  côté,  l'avoit  fort  aimée;  mais  sa  passion  n'étoit  plus  si 
vive,  et  il  attendoit  pour  l'épouser  que  le  Roi  fit  du  bien  à  tous  les 
deux.  »  On  voit  encore  une  fois  que  l'analogie  est  remarquable  entre  le 
commentaire  du  Chansonnier,  qui  vient  sans  doute  de  Gaignières,  et  le 
l'écit  de  Saint-Simon. 

1.  Louis,  comte  de  Froullay,  pourvu  de  la  charge  de  grand  maréchal 
en  survivance  le  23  avril  1671,  et  entré  en  fonctions  la  même  année,  à 
la  mort  de  son  père,  fut  tué  au  combat  de  Consarbriick,  le  11  août  167S. 
Son  portrait  au  lavis  se  trouve  dans  le  ms.  Clairambault  llol,  fol.  16. 

2.  La  veuve  de  M.  de  Froullay  et  une  vingtaine  de  concurrents  deman- 
daient cette  charge:  voyez  XeSévigné,  tome  IV,  p.  81  et  87-88.  Un  peu 
auparavant,  le  bruit  avait  couru  que  Cavoye  recevrait  la  lieutenance 
de  Languedoc  pour  se  marier.  [Gazette  d'Amsterdam,  1676,  correspon- 
dance de  Paris  du  29  septembre.) 

3.  Cet  exemple  de  renifler  dans  cette  acception  est  le  plus  ancien 
que  cite  M.  Littré;  il  en  donne  un  autre  d'une  lettre  de  Voftaire,  de 
1763  (tome  LXI,  p.  70,  éd.  Reuchot).  L'Académie  l'admet  dès  1740; 
elle  explique  bien  le  sens  de  «  témoigner  de  la  répugnance  »  par  cette 
phrase  oi^i  l'on  peut  dire  que  le  mot  est  pris  à  la  fois  au  propre  et  au 
figuré  :  «  Le  cheval  renifle  sur  l'avoine.  »  Nous  disons  aujourd'hui  fa- 
milièrement, dans  le  même  sens,  renâcler  [Académie  à  partir  de  1762); 
on  se  servait  jadis,  avec  une  signification  un  peu  différente,  de  rcnas- 
quer,  que  ['Académie  donne  encore  en  1762,  conjointement  avec  reni- 
fler et  renâcler. 

4.  Voyez  l'acte  de  leur  mariage,  du  9  février  1677,  dans  le  Dic- 
tionnaire critique  de  Jal,  p.  336.  On  n'y  donne  que  vingt-sept  ans  en- 
vM'on  à  la  mariée,  ce  qui  est  certainement  inexact  de  plusieurs  années. 


U696]  DE  SAINT-SIMON.  55 

même  adoration  jusqu'à  aujourd'hui*  ;  et  c'est  quelquefois 
une  farce  de  voir  les  caresses  qu'elle  lui  fait  devant  le 
monde,  et  la  gravité  importunée  avec  laquelle  il  les  reçoit. 
Des  autres  histoires  de  Cavoye,  il  y  auroit  un  petit  livre 
à  faire ^  :  il  suffît  ici  d'avoir  rapporté  cette  histoire  pour 
sa  singularité,  qui  est  sûrement  sans  exemple,  car  jamais 
la  vertu  de  Mme  de  Cavoye,  ni  devant  ni  depuis  son  ma- 
riage, n'a  reçu  le  plus  léger  soupçon-^.  Son  mari,  lié,  toute 
sa  vie,  avec  le  plus  brillant  de  la  cour,  s'étoit  érigé  chez  lui 
un*  espèce  de  tribunal,  auquel  il  ne  falloit  pas  déplaire; 
compté  et  ménagé  jusque  des  ministres,  mais  d'ailleurs 
bon  homme,  et  un  fort  honnête  homme,  à^  qui  on  se 
pouvoit  fier  de  tout  ". 

Le  duc  de  Berwick',  bâtard  du  roi  d'Angleterre,  parti     Projet  avorté 

i.  Cet  aujourd'hui  et  les  indicatifs  qui  suivent  pourraient  faire  croire 
que  Saint-Simon  transcrit  un  passage  rédigé  antérieurement  à  la  mort 
de  Cavoye  (1716),  au  lieu  de  suivre,  comme  d'ordinaire,  une  rédaction 
composée  entre  4730  et  1740;  mais  c'est  chose  peu  vraisemblable. 

2.  On  en  trouvera  quelques  contes  dans  l'Addition  n°  147  et  dans  la  ré- 
daction primitive,  indiquées  p.  47,  ou  dans  les  Mémoires,  tomeVl,  p.  426. 

3.  Saint-Simon  rendra  encore  ailleurs  hommage  à  la  vertu  de 
Mnoe  de  Cavoye  et  à  l'amour  qu'elle  conserva  pour  son  mari  jusque 
dans  le  veuvage  :  voyez  le  tome  Xll,  p.  418. 

4.  Saint-Simon  fait  l'accord  avec  le  mot  régime  tribunal  :  voyez  plus 
loin,  p.  237  et  34o.  Nous  trouvons  de  semblables  accords,  devant  es- 
j}èce,  dans  les  Mémoires  de  Retz,  par  exemple,  tome  II,  p.  105  et  167, 
et  dans  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VI,  p.  428-129. 

5.  Et  a  été  corrigé  en  à. 

6.  Voyez  l'éloge  de  Cavoye,  déjà  cité,  dans  le  Mercure  de  4746  et  dans 
leMoréri,  et  comparez  un  autre  passage  des  Mémoires,  tome  III,  p.  378. 

7.  Jacques  Fitz-James  était  fils  du  roi  Jacques  II  et  d'Arabella  Chur- 
chill, sœur  de  Jean,  duc  de  Mariborough.  Né  le  24  août  4670,  à  Moulins, 
et  élevé  en  France,  il  servit  dès  4686  en  Hongrie,  où  il  fut  blessé,  et, 
à  son  retour  en  Angleterre,  il  fut  créé  par  son  père  duc  de  Berwick, 
comte  de  Tinmouth  et  baron  de  Bosworth,  puis  chevalier  de  la  Jarre- 
tière, colonel  et  gouverneur  de  Portsmouth  (mars  4687).  Il  suivit 
Jacques  II  en  France,  fut  renvoyé  par  lui  en  Irlande  comme  général  d'ar- 
mée et  commandant  du  royaume,  entra  ensuite  au  service  de  la  France 
avec  le  grade  de  lieutenant  général  (34  mars  4693),  et  fit  toutes  les 
campagnes  depuis  lors.  Naturalisé  en  décembre  1703,  il  alla  comman- 


56  MÉMOIRES  [1696] 

sur  l'Angle-      SOUS  prétexte^  pour  aller  faire  la  revue  des  troupes  que 


terre  ;    le  roi 
d'Angleterre 
Calais. 


Jacques  II  avoit  en  France-,  alla  secrètement  en  Angle- 
terre^, où  il  fut  découvert,  et  au  moment  d'être  arrêté  et 
peut-être  pis.  Le  but  de  ce  voyage  étoit  de  voir  par  lui- 
même  ce  qu'il  y  avoit  de  réel  dans  un  parti  formé  pour 
le  rétablissement  du  roi  Jacques,  qui  le  sollicitoit  puis- 
samment de  passer  en  Angleterre  avec  des  troupes*.  Le 
retour  de  Berwick^  donna  de  telles  espérances,  que  le  roi 
d'Angleterre  s'en  alla  le  lendemain  à  Calais'*,  où,  à  tout 

(ler  les  troupes  françaises  en  Espagne  (1704)  et  y  reçut  la  grandesse. 
11  fut  promu  maréchal  de  France  le  lo  février  1706,  reçut  de  Phi- 
lippe Y,  après  sa  victoire  d'AImanza  (1707),  le  duché  de  Liria,  la  Toison 
d'or  et  la  lieutenance  générale  d'Aragon,  eut  alors  en  France  le  gou- 
vernement de  Limousin,  et  obtint,  en  1710,  l'érection  de  la  terre  de 
Warty  en  duché-pairie  de  Fitz-James.  Il  remplit,  en  1714,  les  fonctions 
de  généralissime  des  armées  françaises  et  espagnoles,  devint,  en  1719, 
conseiller  au  conseil  de  régence  et  général  de  l'armée  dirigée  contre 
l'Espagne,  eut  le  commandement  en  chef  de  la  Guyenne  et  de  plusieurs 
autres  provinces  du  midi  en  1721,  le  collier  du  Saint-Esprit  en  1724, 
le  gouvernement  de  Strasbourg  en  1730,  et  fut  tué  le  12  juin  1734, 
devant  Philipsbourg,  commandant  alors  l'armée  française  d'Allemagne. 

1.  Sous  jjréte.iie  a  été  ajouté  en  interligne,  au-dessus  de  pour.  Saint- 
Simon  a-t-il  oublié  de  remplacer  cette  préposition  par  de,  ou  bien  ferait- 
il  peut-être  de  «  sous-prétexte  »  une  locution  adverbiale  détachée  : 
«  en  apparence,  à  l'en  croire  »  ? 

2.  Voyez  le  Journal  de  Dangeaii,  tomes  IV,  p.  3,  et  V,  p.  364.  Les 
troupes  anglo-irlandaises  s'élevaient  à  seize  mille  hommes  environ; 
on  en  avait  formé  deux  compagnies  de  gardes,  deux  régiments  de  ca- 
valerie, et  dix  de  dragons  et  d'infanterie  {État  de  la  France). 

3.  Voyez  un  autre  passage  du  Journal,  tome  V,  p.  372. 

4.  Voyez  les  Mémoires  de  Berwick,  p.  343,  l'Histoire  de  Louis  XIV, 
par  la  Martinière,  tome  V,  p.  104-103,  l'Histoire  de  Guillaume  III,  par 
Macaulay,  traduction  Pichot,  tome  III,  p.  366-377,  etc.  M.  Fr.  Ravaisson 
a  publié,  dans  le  tome  IX  des  Archives  de  la  Bastille,  p.  3ol-4o6,  le  dos- 
sier de  l'agent  Jones  Simpson,  qui  travaillait  en  Angleterre  pour  Jacques  II. 

o.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  373  et  377. 

6.  Jacques  II,  parti  le  28  février,  au  matin,  était  déjà  sur  la  route 
de  Calais  quand  son  fils  le  rencontra,  quoiqu'il  eût  été  convenu  qu'on 
attendrait  le  retour  de  celui-ci,  et  Rerwick,  loin  de  donner  des  «  espé- 
rances, »  comme  le  dit  Saint-Simon,  avertit  qu'il  n'y  avait  point  lieu  de 
compter  sur  un  soulèvement  jacobite  tant  qu'une  armée  française  n'a«- 


[16961  DE   SAINT-SIMON.  57 

hasard,  dès  les  premières  notions,  on  s'étoit  préparé  à 
tout  ce  qui  lui  étoit  nécessaire*.  Les  troupes  destinées  au 
trajet,  et  qu'on  tenoit  à  portée,  y  marchèrent  en  même 
temps,  et  une  escadre  s'y  rendit  pour  le  transport.  Le 
marquis  d'Harcourt  commanda  tout  sous  lui,  avec  Pra- 
comtal  maréchal  de  camp-,  et  le  duc  d'Humières,  Biron^ 
et  Mornay"*  pour  brigadiers^.  Ces  Messieurs  s'y  morfon- 

rait  pas  débarqué  en  Angleterre.  Il  ajoute,  dans  ses  Mémoires  (p.  343)  : 
«  Le  Roi  très  chrétien,  demeurant  ferme  dans  sa  première  résolution  de 
ne  point  faire  d'embarquement  jusqu'à  ce  qu'il  eût  appris  un  soulève- 
ment formel  en  Angleterre,  conclut  que  l'entreprise  ne  se  feroit  pas. 
Toutefois,  comme  je  lui  fis  part  du  projet  qu'on  m'avoit  communiqué 
contre  la  personne  du  prince  d'Orange,  il  ordonna  que  tout  resteroit  dans 
le  même  état,  afin  d'être  prêt  à  passer  an  Angleterre,  en  cas  que  l'on  eût 
la  nouvelle  que,  depuis  mon  départ,  il  y  fût  arrivé  quelque  événement.  » 

1.  Sur  ces  préparatifs,  voyez  le  Mercure  galant,  février  1696,  p.  324- 
327,  et  la  continuation  de  Rapin-Thoyras,  tome  XI,  p.  391.  On  trou- 
vera aussi  des  rapports  et  des  correspondances  secrètes  sur  les  projets  de 
débarquement  dans  le  ms.  Clairambault  1108,  fol.  245-264.  Les  évêques 
de  Soissons  et  de  Noyon  firent  des  mandements  en  faveur  de  l'entre- 
prise, et  il  y  eut  aussi  des  prédications.  [Gazette  d'Amsterdam,  n°  xxxi.) 

2.  Selon  Dangeau  (tome  V,  p.  372)  et  le  Mercure,  que  peut-être  Dan- 
geau  a  suivi,  Albergotti  était  de  l'expédition,  comme  maréchal  de  camp. 

3.  Charles-Armand  de  Gontaut,  marquis  de  Biron,  né  le  5  août  1664, 
débuta  comme  capitaine  dans  le  régiment  du  Roi.  Il  eut  le  régiment  de  la 
Marche  en  1684,  fut  fait  brigadier  en  1696,  maréchal  de  camp  en  1702, 
lieutenant  général  en  1704,  gouverneur  de  Landau  en  1713,  membre 
du  conseil  de  guerre  en  1715  et  du  conseil  de  régence  en  1721,  premier 
écuyer  du  Régent  en  1719,  duc  de  Biron  et  pair  de  France  en  1723, 
maréchal  de  France  en  1734,  chevalier  des  ordres  en  1737,  et  mourut 
le  23  juillet  1756,  étant  alors  doyen  des  maréchaux. 

4.  Léonor,  comte  de  Mornay-Montchevreuil,  lieutenant  au  régiment 
du  Roi  en  1682,  capitaine  en  1684,  pourvu  du  régiment  de  Béarn  en 
1688,  à  la  mort  de  son  frère  aîné  tué  devant  Mannheim  (voyez  tome  I, 
p.  57,  note  3),  avait  été  fait  brigadier  au  mois  de  janvier  1696.  Il 
passa  maréchal  de  camp  en  1702,  lieutenant  général  en  1704,  et,  ayant 
succédé,  en  1706,  à  son  père,  comme  gouverneur  de  Saint-Germain- 
en-Laye,  il  ne  servit  plus.  Mort  le  18  octobre  1717.  Il  a  déjà  été 
parlé,  dans  le  tome  I,  de  son  père,  de  son  frère,  de  son  oncle,  tué  à 
Nervvinde,  et  de  Pracomtal,  qui  était  son  beau-frère. 

5.  Cette  distribution  avait  été  faite   antérieurement   au    retour  de 


58  MÉMOIRES  [1696] 

dirent  tout  le  reste  de  l'hiver  et  tout  le  printemps  \  long- 
temps contrariés  des  vents,  pais  bloqués  par  les  vaisseaux 
anglois,  qui  empêchèrent  qu'on  ne  pût  entrer  ni  sortir-. 
Tout  échoua  de  la  sorte,  comme  il  arriva  toujours  aux 
projets  de  ce  malheureux  prince^,  qui  revint  enfin  à  Saint- 
Germain*,  et  les  troupes  retournèrent  se  rafraîchir,  puis 
joindre  les  armées  de  Flandres. 


Berwick  :  voyez  le  Journal  de  Dangeau,  que  suit  de  loin  Saint-Simon, 
tome  V,  p.  'Sll'àTi.  L'armée  comptait  dix-huit  régiments;  la  ilotte 
était  sous  les  ordres  de  Cabaret. 

i.  Pracomtal  seul  obtint  la  permission  de  revenir  vers  le  milieu 
d'avril.  (Dangeau,  tome  V,  p.  398.) 

2.  Voyez  1&  Gazelle  (V Amsterdam,  n"  xx-xxin.  La  flotte  anglaise  partit 
des  Dunes  le  5  mars,  commandée  par  Russell  et  Berkeley, 

3.  On  se  souvient  du  désastre  de  la  Hougue,  raconté  dans  le  tome  I, 
en  1692. 

4.  Le  5  mai.  {Dangeau,  tome  V,  p.  405.) —  Cette  tentative  avait-elle 
une  relation  réelle  avec  les  projets  d'enlèvement  ou  d'assassinat  tramés 
dans  le  même  temps  contre  Guillaume  III,  et  dont  la  répression  fut 
si  sévère?  Du  moins  ce  prince  affecta  d'avoir  la  preuve  que  les  conspi- 
rateurs étaient  inspirés  par  Jacques  II  et  dirigés  par  Berwick  :  voyez  les 
manifestes  anglais  envoyés  de  Cènes  à  M.  de  Pontchartrain,  dans  le 
ms.  Clairambault  1004,  fol.  151-152.  Le  6/16  mars  1696,  Guillaume 
écrivait,  de  Kensington,  cette  lettre  autographe  à  l'électeur  de  Bavière 
(Bibl.  nat.,  mss.  Nouvelles  acquisitions  françaises,  vol.  486,  fol.  138)  : 
«  Mon  frère,  je  vous  suis  très  obligé  de  la  part  que  vous  prcnés  à 
la  découverte  que  l'on  a  fait  de  l'infâme  dessin  qui  avoit  esté  tramé 
contre  ma  personne,  et,  comme  mes  ennemis  ont  manqué  leur  coup  en 
ça  aussi  bien  qu'au  grand  dessin  qu'ils  avoient  projette  pour  invader 
ce  royaume,  j'espère  que  cela  tournera  à  leur  honte  et  préjudice,  et 
que  toutte  la  cause  commune  en  poura  profiter.  Je  vous  prie  d'estre 
tousjours  asseuré  de  mon  amitié,  et  que  je  chercherés  avec  empresse- 
ment les  occasions  à  vous  tesmoigncr  combien  véritablement  je  suis, 
mon  frère,  vostre  très  affectionné  frère.  Wu^liam  R.  »  De  son  côté,  Jac- 
ques II,  en  restant  sur  le  bord  de  la  mer  même  après  la  découverte 
du  complot,  voulut  prouver  qu'il  n'avait  pas  cortipté  sur  son  succès 
{Gazelle  d'Amsterdam,  Extraordinaire  xxiv).  Madame,  dans  une  des 
lettres  traduites  par  M.  Jaeglé,  en  1880  (tome  I,  p.  142),  affirme  que 
Louis  XIV  n'avait  aucune  part  à  cette  conspiration;  mais  elle  ajoute  : 
«  Peut-être  que  le  duc  de  Berwick,  qui  est  un  peu  brutal,  a  eu  cette 
idée  et  aura  proposé  la  chose  au  nom  des  deux  rois,  et  à  leur  insu.  »  Il 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  89 


con 

Cl 


Mme  de  Guise'  mourut  en  [ce]  temps-ci.  Bossue  et  Mort  de 
trefaite  à  l'excès,  elle  avoit  mieux  aimé  épouser  le  '^'"^^  '^^  Guise. 
lernier  duc  de  Guise^,  en  mai  1667^,  que  de  ne  se  point 
marier*.  Monsieur^,  son  père,  frère  de  Louis  XIII,  étoit 
mort  en  1660.  Madame^',  sa  mère,  qui  étoit  sœur  de 
Charles  IV,  duc  de  Lorraine,  et  que  Monsieur  avoit  clan- 
destinement épousée  à  Nancy  en  1632^  dont  Louis  XIII 
voulut  si  longtemps  faire  casser  le  mariage,  et  qui  ne 
put  venir  en  France  qu'après  sa  mort*,  étoit  morte  en 
i6Q^^.  Mme  de  Savoie*",  sœur  du  même  lit,  et  cadette  de 
Mme  de  Guise,  étoit  morte  sans  enfants  en  1664,  et  son 
autre  sœur  du  même  lit,  et  l'aînée",  étoit  revenue  dans 

paraît  plutôt,  par  le  passage  cité  plus  haut  des  Mémoires  de  Bertvick, 
que  celui-ci  eut  simplement  connaissance  des  projets  d'assassinat. 

1.  Elisabeth  d'Orléans,  née  le  26  décembre  1646,  et  dite  Mlle  d'Alea- 
çon  (tome  II,  p.  96,  note  2).  On  a  un  portrait  d'elle  au  musée  de 
Versailles,  n"  2070. 

2.  Louis-Joseph  de  Lorraine  (tomes  I,  p.  24,  note  5,  et  II,  p.  96, 
note  1).  Nous  avons  fait  remarquer  que  Saint-Simon  le  qualifie  toujours 
de  dernier  duc  de  Guise,  bien  que  son  fils  lui  ait  survécu  quatre  ans. 

3.  Sur  ce  mariage  (13  mai  1667),  voyez,  en  date  du  22,  une  des  ga- 
zettes en  vers  adressées  à  Madame  par  le  continuateur  de  Loret. 

4.  Lors  de  la  mort  du  précédent  duc  de  Guise  (1664),  la  Reine  mère 
reprocha  à  Mlle  de  Montpensier  de  porter  le  deuil  trop  rigoureusement. 
«  Cela  ne  se  fait  point,  disait-elle,  à  des  gens  si  au-dessous  de  soi.  » 
(Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  III,  p.  586.) 

5.  Gaston,  duc  d'Orléans. 

6.  Marguerite  de  Lorraine,  née  en  1613,  mariée  à  Gaston  d'Orléans 
le  31  janvier  1632,  et  morte  le  3  avril  1672. 

7.  Voyez  le  Parallèle  des  trois  premiers  rois  Bourbons,  par  Saint- 
Simon,  p.  181,  et  les  Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  I,  p.  34-3S. 

8.  Le  premier  mariage  étant  considéré  comme  nul,  il  y  eut  une  autre 
célébration  à  Meudon,  le  26  mai  1643  ;  l'acte  est  indiqué  dans  le  Dic- 
tionnaire  critique  de  Jal,  p.  801-802. 

9.  En  1672,  comme  on  vient  de  le  dire,  et  non  en  1662.  Saint-Simon 
transcrit  mal  la  généalogie  dont  il  se  sert  en  cet  endroit. 

10.  Françoise-Madeleine  d'Orléans,  née  le  13  octobre  4648,  dite 
Mlle  de  Valois,  mariée  le  4  mars  1663  à  Charles-Emmanuel  II,  duc  de 
Savoie,  et  morte  le  14  janvier  1664. 

11.  Marguerite-Louise  d'Orléans,  dite  Mlle  d'Orléans,  née  le  28  juillet 


60  MÉMOIRES  [1696] 

un  couvent  en  France,  sans  aucune  considération,  après 
avoir  quitté  ses  enfants  et  son  mari,  le  grand-duc  de 
Toscane',  qui  ne  put  jamais  l'apprivoiser^.  Mlle  d'Alen- 
çon,  c'est  ainsi  qu'on  appeloit  Mme  de  Guise  avant  son 
mariage,  avoit  plus  de  vingt^  ans,  étant  née  26  décem- 
bre 1646;  elle  étoit  fort  maltraitée  par  Mademoiselle,  sa 
sœur  unique  du  premier  lit,  puissamment  riche,  et  qui 
n'avoit  jamais  pu  digérer  le  second  mariage  de  Monsieur*, 
son  père,  ni  souffrir  sa  seconde  femme  ni  ses  filles^. 
Dans  cet  état  d'abandon,  comptée  pour  rien  par  le  Roi  et 
par  i^Ionsieur,  ses  seuls  parents  paternels  (car  la  branche 
de  Condé  étoit  déjà  fort  éloignée),  elle  se  laissa  gouverner 
[Add.S'-S.  i.',9    par  Mlle  de  Guise",  qui  tenoit,  par  ses  biens  et'  son  ransr, 

et  -l.'iO]  ^  ^  '  1  &' 

1643,  mariée  le  19  avril  1661  à  Cùme  de  Médicis,  troisième  du  nom, 
grand-duc  de  Toscane,  et  morte  à  Paris  le  17  septembre  1721.  On  la 
désignait  à  la  cour  de  France  sous  le  titre  de  Grande-Duchesse.  Elle 
était  en  très  mauvais  termes  avec  Mme  de  Guise. 

1.  Côme  III  de  Médicis,  né  le  14  août  1642,  devenu  grand-duc  de 
Toscane  en  1670,  et  mort  le  31  octobre  1723,  n'ayant  plus  alors  qu'un 
fils,  en  qui  finit  la  dynastie  deux  fois  séculaire  des  grands-ducs  de  la 
maison  de  Médicis,  et  une  fille,  mariée  à  l'électeur  palatin. 

2.  Ce  fut  en  1673  que  la  Grande-Duchesse  revint  en  France,  où  on 
lui  assigna  sa  demeure  auprès  d'une  de  ses  tantes,  abbesse  du  couvent 
de  Montmartre.  Voyez  les  Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  IV,  p.  376- 
377  et  320-324,  les  Lettres  de  Mine  de  Sévigné,  tomes  III,  p.  481  et  303, 
et  IV,  p.  333,  et  la  suite  des  Mémoires  de  Saint-Simon,  tome  XVII, 
p.  263-266. 

3.  Le  chiffre  30  corrige  un  30. 

4.  Gaston  d'Orléans  avait  perdu,  au  bout  de  dix  mois  de  mariage,  sa 
première  femme,  Marie  de  Bourbon,  héritière  du  duché  de  Montpensier, 
de  la  souveraineté  de  Dombes,  etc. 

3.  Un  fils  du  second  lit  était  mort  à  l'âge  de  deux  ans,  et  une  fille  à 
l'âge  de  quatre.  Restaient  :  la  grande-duchesse  de  Toscane,  la  duchesse 
de  Savoie  et  Mlle  d'Alençon. 

6.  Sur  Mlle  de  Guise,  voyez  notre  tome  II,  p.  96  et  note  4,  et  les  deux 
Additions  à  Dangeau,  des  4  et  11  mars  1688,  que  nous  plaçons  ici  dès  à 
présent,  quitte  à  y  renvoyer  quand  Saint-Simon  parlera  du  mariage  se- 
cret de  la  princesse  avec  Moutrésor  {Mémoires,  tome  XIII,  p.  393). 

7.  Au-dessus  des  quatre  derniers  mots,  on  lit,  en  interligne,  ces 
deux,  biffés  :  «  avec  esprit  ».   Avec  paraît  corriger  son. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  61 

un  grand  état  dans  le  monde,  et  qui  s'étolt  soumis  toute 
la  maison  de  Lorraine*  ;  c'étoif^  de  plus  une  personne  de 
beaucoup  d'esprit  et  de  desseins,  et  fort  dignes^  des  Gui- 
ses, ses  pères ^.  Elle  avoit  perdu  tous  ses  frères^,  desquels 
tous  il  ne  restoit  d'enfants  que  le  seul  duc  de  Guise,  né 
en  août  I60O.  Il  y  avoit  un  grand  inconvénient  :  sa  mère^ 
étoit  à  peu  près  folle  dès  lors,  et  ne  tarda  pas  à  la  devenir 
tout  à  fait  ;  elle  étoit  fille  unique  et  héritière  du  dernier 
duc  d'Angoulême",  fils  du  bâtard  de  Charles  IX^  et  d'une 
la  Guiche  de  laquelle  j'ai  déjà  parlé,  chez  qui  ma  mère 
fut  mariée''.  Mlle  de  Guise,  malgré  ce  grand  contredit'", 

•1.  Voyez  les  Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  IV,  p.  73. 

2.  Ce  f[ut]  a  été  corrigé  eu  c  estait. 

o.  Dignes  est  ainsi  au  pluriel,  et  ï accord  a\cc  desseins  donne,  croyons- 
nous,  un  sens  plus  satisfaisant  que  l'accord  avec  personne.  Le  tour 
est  négligé  ;  le  second  et  équivaut  à  la  répétition  du  nom  :  «  d'esprit  et 
de  desseins,  de  desseins  (tels  qu'on  les  peut  dire)  fort  dignes,  etc.  » 

4.  Saint-Simon  parlera  encore  (tome  XVII,  p.  39)  des  Guises  et  de 
«  cette  ambition  et  cet  esprit  qui  leur  a  été  si  terriblement  propre.  » 
Comparez  leur  article  dans  les  ISotes  sur  tous  les  Duchés-pairies  éteints, 
vol.  S8  et  64  des  Papiers  de  Saint-Simon,  aux  Affaires  étrangères. 

5.  Le  prince  de  Joinville  (1612-1639),  Henri  II  de  Lorraine  (1614- 
1664),  le  duc  de  Joyeuse  (Charles-Louis,  1618-1637),  un  autre  duc  de 
Joyeuse  (Louis,  1622-1654,  père  du  dernier  duc  de  Guise),  et  Pioger  de 
Lorraine,  chevalier  de  Malte  (1624-1633). 

6.  Françoise-Marie  de  Valois,  duchesse  d'Angoulême,  comtesse  de 
Lauraguais  et  d'Alais,  née  en  1630,  mariée  le  3  novembre  1649  à  Louis 
de  Lorraine,  duc  de  Joyeuse,  et  morte  le  4  mai  1696.  Voyez  ci-après, 
p.  67,  et  l'Addition  n"  1,  dans  le  tome  I,  p.  303. 

7.  Voyez  ci-dessus,  p.  22,  note  6. 

8.  Charles  IX,  né  le  27  juin  1330,  devenu  roi  le  3  décembre  1360, 
à  la  place  de  François  II  son  frère,  et  mort  le  30  mai  1374,  eut  de 
Marie  Touchet,  sa  maîtresse,  Charles  de  Valois,  né  le  28  avril  1373  et 
mort  le  24  septembre  1630,  duc  d'Angoulême,  comte  d'Auvergne,  de 
Ponthieu  et  d'Alais,  pair  de  France,  chevalier  des  ordres,  colonel  géné- 
ral de  la  cavalerie  légère,  etc.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  X, 
p.  69,  et  le  Mémoire  sur  les  Légitimés,  dans  le  tome  II  de  la  publica- 
tion des  Écrits  inédits  de  Saint-Simon,  par  M.  Faugère,  p.  9-10. 

9.  Voyez  tome  I,  p.  24  et  211,  tome  II,  p.  34,  et  ci-dessus,  p.  23. 

10.  Les  anciens  dictionnaires,  non  plus  que  ceux  d'à  présent,  n'ont, 


62  MÉMOIRES  [16961 

entreprit  cette  grande  affaire,  et  elle  en  vint  à  bout'.  Tous 
les  respects  dus  à  une  petite-fille  de  France'"  furent  con- 
servés^: M.  de  Guise  n'eut  qu'un  ployant^  devant  Mme  sa 
femme;  tous  les  jours,  à  diner,  il  lui  donnoit  la  ser- 
viette, et,  quand  elle  étoit  dans  son  fauteuil  et  qu'elle 
avoit  déployé  sa  serviette,  M.  de  Guise  debout,  elle  or- 
donnoit  qu'on  lui  apportât  un  couvert,  qui  étoit  toujours 
prêt  au  butîet;  ce  couvert  se  mettoit  en  retour^  au  bout  de 
la  table;  puis  elle  disoit  à  M.  de  Guise  de  s'y  mettre,  et 
il  s'y  mettoit.  Tout  le  reste  étoit  observé  avec  la  même 
exactitude,  et  cela  se  recommençoit  tous  les  jours,  sans 
que  le  rang  de  la  femme  baissât  en  rien,  ni  que,  pour  ce'' 
grand  mariage,  celui  de  M.  de  Guise  en  ait  augmenté  de 
quoi  que  ce  soit'.  Il  mourut  de  la  petite  vérole  à  Paris,  en 
juillet  1671^,  et  ne  laissa  qu'un  seul  fils,  qui  ne  vécut  pas 

ni  dans  leurs  définitions  ni  dans  leurs  exemples  de  contredit,  ce  sens 
si  large  de  «  motif  d'opposition  à  faire  valoir  »  et,  presque  tout  simple- 
ment, d'  «  inconvénient  faisant  obstacle,  •>  que  lui  donne  ici  Saint- 
Simon.  Le  mot  signifiait,  comme  Furctière  l'explique,  «  allégation  con- 
traire, »  et  était  surtout  terme  de  Palais  :  voyez  un  exemple,  entre 
autres,  dans  les  Historiettes  de  lallemant,  tome  VII,  p.  477. 

1.  Voyez  les  Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  IV,  p.  44-4o.  M.  de 
Guise,  selon  Mademoiselle,  était  beau  et  bien  fait,  mais  avait  l'air  fade  et 
très  délicat  ;  comparez  les  Mémoires  de  Sourches,  éd.  1881,  tomel,  p.  13. 

2.  Saint-Simon  a  dit  déjà  (tomel,  p.  127-129,  et  Addition  37,  p.  362) 
que  Mlles  d'Orléans  avaient  dû  à  son  père  ce  rang  et  ces  distinctions. 

3.  Comparez  l'article  de  la  duchesse  de  Guise  dans  les  Notes  sur 
tous  les  Duchés-pairies  éteints,  que  nous  renvoyons  à  l'Appendice,  n°  IV. 

4.  Voyez  ci-dessus,  p.  2  et  note  1. 

o.  Nous  ne  trouvons  la  locution  «  en  retour  »  dans  aucun  des  diction- 
naires du  temps  ;  mais  elle  se  déduit  naturellement  du  sens  que  Fure- 
tière  donne  au  mot  retour  en  architecture.  M.  Littré  cite  notre  exemple 
et  l'explique  au  mot  Retour,  10°.  Dans  V Avûde  des  Duchés-pairies,  Saint- 
Simon  dit  que  M.  de  Guise  s'asseyait  «  à  un  des  bouts,  sur  un  ployant.  » 

6.  Ce  semble  avoir  été  effacé.  L'auteur  a  peut-être  voulu  modifier 
ce  qu'il  venait  d'écrire,  puis  s'en  est  tenu  à  sa  première  rédaction. 

7.  On  lui  avait  seulement  rendu  le  carreau  à  la  messe  du  Roi  (Corres- 
pondance de  Biissij,  tome  1,  p.  173  et  180). 

8.  Sur  sa  mort  et  ses  obsèques,  vovez  la  Gazette,  de  1671,  p.  737, 
756,  830  et  8S4. 


1161»H|  DE   SAINT-SIMON.  63 

cinq  ans,  et  qui  mourut  à  Paris  en  août  1675 '.  Mme  de 
Guise  en  fut  atïligée  jusqu'à  en  avoir  oublié  son  Pater ^. 

Elle  fut  toujours  mal  avec  Mademoiselle^,  quoiqu'elles 
logeassent  toutes  deux  à  Luxembourg*,  qu'elles  parta- 
geoient  par  moitié".  G'étoit  une  princesse  très  pieuse  et 
toute  occupée  de  la  prière  et  de  bonnes  œuvres^.  Elle 
passoit  six  mois  d'hiver  à  la  cour,  fort  bien  traitée  du  Roi 
et  soupant  tous  les  soirs  au  grand  couvert ^  mais  passant 
les  Marlis*  à  Paris.  Les  autres  six  mois,  elle  les  passoit 
à  Alençon'-',  oi!i  elle  régentoit  l'intendant  comme  un  petit 
compagnon'"  et  l'évêque  de  Séez",  son  diocésain,  à  peu 

1.  Voyez  tome  I,  p.  24.  Cet  enfant,  François-Joseph  de  Lorraine,  né 
16*28  août  1670,  était  de  constitution  malsaine  (Mémoires  de  Mademoi- 
selle, tome  IV,  p.  370  et  371).  On  ne  le  baptisa  et  nomma  que  quelques 
heures  avant  sa  mort,  16  mars  (et  non  août)  167o  (Gazelle,  p.  195-196). 

2.  Le  comte  de  Gramont  oublia  aussi  le  Pcder  (tome  V,  p.  122). 

3.  Voyez  ci-dessus,  p.  60,  et  les  Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  IV, 
p.  30o,  323  et  370.  Mademoiselle  trouvait  fort  peu  d'esprit  à  sa  sœur. 

4.  Au  palais  de  Luxembourg  :  voyez  tome  1,  p.  122,  note  5. 

o.  Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  IV,  p.  74-73,  372-373,  328- 
336,  etc.  Après  avoir  cherché  à  vendre  ce  palais,  dont  elle  était  restée 
seule  propriétaire,  Mme  de  Guise  le  céda  au  Roi,  le  16  mai  1694, 
moyennant  une  pension  viagère  de  cinquante  mille  livres,  outre  laquelle 
le  Roi  se  chargeait  d'acquitter  quatre  cent  mille  livres  de  legs  pieux  de 
Mlle  de  Guise  et  de  rembourser  ses  créanciers  (Arch.  nat.,  Y  263, 
fol.  193).  Aussitôt  Mme  de  Guise  morte,  on  prit  possession  du  palais. 

6.  Elle  était  une  des  directrices  de  la  Charité  de  Saint-Sulpice. 

7.  Sur  le  grand  couvert,  voyez  VÉtat  de  la  France,  qui  dit  en  effet 
que  les  filles  de  Monsieur  Gaston  y  mangent  à  la  même  table  que  le 
Roi.  (Année  1692,  tome  I,  p.  281.) 

8.  C'est-à-dire  le  temps  des  séjours  de  la  cour- à  Marly. 

9.  Elle  avait  eu  ce  duché  dans  la  succession  de  son  père,  et,  selon 
les  Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  IV,  p.  529,  elle  y  séjournait  tous 
les  ans  de  l'Ascension  à  la  Saint-Martin  d'été  (4  juillet  ;  faut-il  lire 
d'hiver,  ou  Saint-Simon  se  trompe-t-il  en  disant  «  six  mois  »  ?).  — L'hôtel 
de  ville  actuel  d'Alençon  remplace  le  château,  dont  il  reste  deux  tours. 

iO.  Les  Papiers  du  Contrôle  général,  conservés  aux  Archives  natio- 
nales, renferment  un  certain  nombre  de  lettres  de  la  duchesse  concer- 
nant les  intérêts  qu'elle  avait  dans  l'intendance  d'Alençon. 

11.  Séez  ou  Sées,  sur  l'Orne,  à  vingt-deux  kilomètres  N.  N.  E.  d'Alen- 


64  MÉMOIRES  [1696] 

près  de  même,  qu'elle  tenoit  debout  des  heures  entières, 
elle  dans  son  fauteuil,  sans  jamais  l'avoir  laissé  asseoir, 
même  derrière  elle,  en  un  coin.  Elle  étoit  fort  sur  son 
rang,  mais  du  reste  savoit  fort  ce  qu'elle  devoit,  le  ren- 
doit,  et  étoit  extrêmement  bonne.  En  allant  et  revenant 
d'Alençon,  elle  passoit  toujours  quelques  jours  à  la 
Trappe',  et  coupoit  son  séjour  d'Alençon  par  y  faire  un 
petit  voyage  exprès  '.  Elle  y  logeoit  au  dehors,  dans  une 
maison  que  Monsieur  de  la  Trappe  avoit  bâtie  pour  les 
abbés  commendataires,  afin  qu'ils  ne  troublassent  point 
la  régularité  de  la  maison^.  Il  étoit  le  directeur  de  Mme  de 
Guise*,  et  on  a,  entre  ses  ouvrages,  quelques-uns  qu'il  a 
faits  pour  elle".  Il  venoit  de  perdre  l'abbé  qu'il  avoit 
choisi*',  et  qui  étoit  à  souhait  :  il  n'avoit  pas  cinquante 
ans^  et  il  étoit  d'une  bonne  santé;  une  fièvre  maligne 
l'emporta^.  3Ime  de  Guise  contribua  à  faire  agréer  au  Roi 

çon,  était  et  est  encore  le  siège  de  l'évêché  (suflragant  de  Rouen), 
quoique  la  ville  d'Alençon  soit  quatre  ou  cinq  fois  plus  considérable. 

1.  On  comptait  une  dizaine  de  lieues  d'Alençon  à  la  Trappe. 

2.  Saint-Simon  dit,  dans  la  table  des  Morts  jointe  à  son  manuscrit  du 
Journal  de  Dcnujeau,  année  1696  :  «  Mort  de  Mme  de  Guise,  saintement, 
à  Versailles,  après  une  vie  pareille  et  un  grand  attachement  au  célèbre 
abbé  de  la  Trappe,  qu'elle  alloit  voir  tous  les  ans  trois  fois,  allant  et 
revenant  d'Alençon,  et  une  fois  au  milieu  de  son  séjour  à  Alençon.  » 

3.  Voyez  notre  tome  II,  p.  361-363. 

4.  Il  avait  été  l'aumônier  de  son  père. 

5.  Nous  ne  pouvons  citer  que  la  Conduite  chrétienne,  que  M.  de  Rancé 
avait  composée  pour  la  duchesse,  et  qu'il  fit  imprimer  en  1697,  avec 
privilège,  pour  empêcher  qu'on  ne  publiât  sans  son  assentiment  d'autres 
instructions  dont    les    copies  défectueuses  circulaient    dans    la  haute 

société  :  voyez  la  Vie  du  T.  R.  P.  dom  Armand de  Rancé,  par  M.  de 

Maupeou  (1702),  tome  II,  p.  106,  et  l'Histoire  de  l'abbé  de  Rancé  et  de 
sa  réforme,  par  M.  l'abbé  Dubois  (1869),  tome  II,  p.  438.  Chateaubriand, 
dans  sa  Vie  de  Rancé  (p.  169),  dit  avoir  eu  communication  de  vingt- 
sept  lettres  de  l'abbé  à  Mme  de  Guise. 

6.  Dom  Zozime,  qui  mourut  le  3  mars  1696  :  voyez  notre  tome  II, 
p.  363,  note  3,  et  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  386. 

7.  Il  n'avait  que  trente-cinq  ans,  disent  les  relations  du  temps. 

S.  «   Quelques  heures  avant  que  le  mal  se  déclarât,  on  lui  avoit 


[1G96]  DE  SAINT-SIMON.  65 

celui  que  Monsieur  de  la  Trappe  désira  mettre  en  sa 
place*. 

Ce  fut  la  dernière  bonne  œuvre  de  cette  princesse^. 
Elle  tomba  incontinent  après  malade,  d'un  mal  assez  sem- 
blable à  celui  dont  M.  de  Luxembourg  étoit  mort^,  et  qui 
l'emporta  de  même,  le  17  mars^  Elle  avoit  reçu  ses  sacre- 
ments, et  elle  mourut  avec  une  piété  semblable  à  sa  vie^. 

entendu  dire,  sur  uu  avis  qu'on  lui  donnoit  de  prendre  plus  de  soin  de 
lui-même  qu'il  ne  faisoit  pas  (sic),  qu'il  avoit  plus  de  force  et  de  santé 
que  tous  ses  frères....  Le  lundi  7  février...,  il  se  sentit  saisi  d'un 
froid  extraordinaire....  suivi  d'une  fièvre  chaude....  »  {Relations  de  la  vie 
et  de  la  mort  de  quelques  religieux  de  la  Trappe,  attribuées  à  l'abbé 
de  Rancé,  éd.  de  1733,  tome  II,  p.  331.) 

1.  Dom  Armand  (François  Gervaise,  dit  d'abord  le  P.  Agathange), 
qui  eut  plus  tard  des  différends  si  pénibles  avec  M.  de  Rancé,  et  sur 
lequel  Saint-Simon  reviendra  longuement  en  1698  (tome  II  de  1873, 
p.  122  et  suivantes),  était  un  ancien  carme  déchaussé,  âgé  de  trente- 
sept  ans,  et  il  faisait  les  fonctions  de  prieur  à  la  Trappe  lorsque  les 
moines  l'élurent  abbé,  le  29  mars  1696.  Le  P.  Léonard,  dans  des  notes 
sur  la  Trappe  dont  nous  aurons  souvent  occasion  de  nous  servir,  dit, 
à  ce  propos  :  «  Ce  dom  François-Armand  a  été  nommé  abbé  par  le 
Roi  à  la  recommandation  de  3Ime  de  Guise  (cette  abbaye  a  beaucoup 
perdu  à  la  mort  de  cette  princesse,  qui  la  protégeoit  fort),  bonne 
amie  de  l'ancien  abbé,  un  peu  avant  la  mort  de  cette  princesse, 
S.  M.  ayant  pris  ses  mesures  du  côté  de  Rome  pour  conserver  son 
droit,  car,  étant  le  troisième  abbé  régulier,  ce  bénéfice  seroit  devenu 
régulier.   »    (Bibl.  nat.,   ms.  Fr.  24123,  fol.  24  v°.) 

2.  Cette  phrase  est  prise  de  l'Addition  n°  132,  que  nous  avons  déjà 
placée  au  tome  II,  p.  417,  à  propos  de  l'élection  de  dora  Zozime. 

3.  Voyez  tome  II,  p.  231.  C'est  Dangeau  (tome  V,  p.  378)  qui  dit  que 
la  maladie  «  approche  de  celle  dont  mourut  M.  de  Luxembourg.  »  En 
effet,  selon  Coulanges  {Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  377), 
c'était  «  une  grosse  fièvre,  avec  une  fluxion  sur  la  poitrine.  » 

4.  Voyez  la  lettre  de  Coulanges  que  nous  venons  d'indiquer  et  les 
documents  réunis  par  Jal,  dans  son  Dictionnaire  critique,  p.  667. 

3.  M.  de  Maupeou  parle  de  cette  fin  édifiante  dans  sa  Vie  de  Rancé, 
tome  II,  p.  232-236.  «  Mme  la  duchesse  de  Guise,  dit  aussi  le  Mer- 
cure, a  montré,  dans  les  derniers  moments  de  sa  vie,  toute  la  rési- 
gnation d'une  personne  qui  a  toujours  vécu  dans  de  grandes  pratiques 
de  piété.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  au  Roi  que  cette  princesse  étoit  morte 
comme  elle  avoit  vécu,  c'est-à-dire  toujours  pleine  de  charité.  »  {Mer- 

MÉMOIBES  DE  SAINT-SIMON.    lil  5 


66  MÉMOIRES  [1696] 

Le  Roi  l'aimoit  et  l'alla  voir  deux  fois,  la  dernière  le 
matin  du  jour  qu'elle  mourut^et,  le  soir,  il  alla  coucher 
et  passer  quelques  jours  à  Marly,  pour  laisser  faire  les 
cérémonies*;  mais  elle  les  avoit  toutes  défendues,  et  voulut 
être  enterrée,  non  à  Saint-Denis  suivant  sa  naissance^ 
mais  aux  Carmélites  du  faubourg  Saint-Jacques  \  et  en 
tout  comme  une  simple  religieuse^  :  elle  fut  obéie.  On  ne 
sut  qu'à  sa  mort  qu'elle  portoit  un  cancer  depuis  long- 
temps, qui  paroissoit  prêt  à  s'ouvrir".  Dieu  lui  en  épargna 
les  douleurs.  Elle  avoit  fait  et  jeûné  tous  les  carêmes, 
et  toute  sa  vie  n'en  étoit  pas  moins  pénitente. 


cure  galant,  mars  1696,  p.  2o3-2o9.)  —  «  Voilà  Mme  de  Guise  morte 
en  quatre  jours,  écrit  Mme  de  Maintenon  ;  et  nous  vivons  encore!  Nous 
ne  devrions  penser  qu'à  nous  préparer  à  mourir.  »  [Correspondance 
générale,  tome  iV,  p.  78.)  Et  Madame  :  «  J'en  ai  été  fort  attligée.  C'était 
une  digne  et  pieuse  femme.  Nous  dînions  chaque  jour  ensemble;  il  n'y 
avait  qu'une  antichambre  entre  ma  chambre  et  son  cabinet.  Elle  a  con- 
servé toute  sa  tête  jusqu'au  dernier  moment,  et  elle  est  morte  tran- 
quille et  sans  regret.  »  (Correspondance,  éd.  Brunet,  tome  1,  p.  23.) 
Outre  l'article  du  mois  de  mars,  le  Mercure  publia,  dans  son  volume 
d'avril  1696,  p.  127-13-2,  un  éloge  de  la  princesse  par  l'abbé  de  Fourcroy. 
L'oraison  funèbre  fut  prononcée  à  Alençon  par  le  P.  Dorothée,  capucin. 

1.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  378  et  379. 

2.  Le  Roi,  ne  connaissant  pas  encore  les  dernières  volontés  de  sa 
cousine,  avait  déjà  réglé  la  pompe  des  obsèques,  nommé  des  dames 
pour  la  garde  du  corps,  etc.  (Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  380.) 

3.  «  Mme  de  Guise,  écrit  Coulanges,  a  ordonné  qu'on  l'enterrât  sans 
cérémonie,  et  a  préféré  la  sépulture  des  Carmélites  du  grand  couvent  à 
tout  le  faste  de  celle  de  Saint-Denis  avec  les  rois  ses  aïeux.  >-  Et  Mme  de 
Sévigué  répond  :  «  Je  fais  la  révérence  à  la  sainte  et  modeste  sépulture 
de  Mme  de  Guise,  dont  le  renoncement  à  celle  des  rois  ses  aïeux  mérite 
une  couronne  éternelle.  »  (Leltres,  tome  X,  p.  379  et  382.) 

4.  Sur  ce  couvent,  le  grand  couvent  par  excellence  de  l'ordre  des 
Carmélites,  voyez  notre  tome  II,  p.  94  et  181.  Mme  de  Guise  allait 
souvent  faire  des  visites  et  des  retraites  chez  les  Carmélites  de  la  rue  du 
Bouloy  (Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  IV,  p.  81-83  et  373). 

0.  Ces  derniers  mots:  «  enterrée comme  une  simple  religieuse  », 

sont  empruntés  à  l'article  da  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  380. 

6.  Dangeau  ne  parle  pas  ici  de  cancer,  mais  il  a  dit  en  1688  (tome  II, 
p.    H4)  que  Mlle  de  Guise  se  mourait  d'une  affection  de  ce  genre. 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  67 

Le  Roi  donna  mille  écus  de  pension  à  Mme  de  Vi- 
bra je',  sa  dame  d'honneur,  et  cinq  cents  écus  à  cha- 
cune de  ses   filles  d'honneur  ^ 

La  duchesse  de  Joyeuse^,  sa  belle-mère,  ne  la  survécut 
pas  deux  mois,  dans  l'abbaye  d'Essey'',  où  elle  faisoit 
prendre  soin  d'elle  depuis  la  mort  de  Mme  d'Angou- 
lême\ 

Le  marquis  de  Blancheforf',  second  fils  du  feu  mare-      Du  marquis 
chai  de  Créquy^  beau,   bien  fait,  galant,  avancé  et  fort  de  Blanchefort. 
appliqué  à  la  guerre,  mourut  en  même  temps  à  Tournay*, 

1.  Polyxène  le  Coigiieux  de  Bélabre,  fille  du  chancelier  de  Gaston 
d'Orléans,  avait  épousé,  le  20  (ou  26)  mars  1638,  Henri-Emmanuel  Hu- 
rault,  marquis  de  Vibraye  (qui  signait  :  Vibrais;  voyez  le  Diction- 
naire critique,  p.  i26o)  ;  elle  avait  remplacé  Mme  du  Couchet,  comme 
dame  d'honneur  de  la  duchesse,  en  mai  1683,  après  avoir  failli  occuper 
la  même  place  auprès  de  la  princesse  de  Conti  (1680).  Elle  mourut  à 
Paris,  le  13  janvier  1703, 

2.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  380  et  397.  Ces  filles  d'honneur 
étaient  au  nombre  de  trois  :  Mlles  de  Congnée,  de  Langeais  et  d'Illiers.  Le 
brevet  de  pension  de  Mme  de  Vibraye  et  celui  de  Mlle  de  Congnée  se  trou- 
vent dans  les  registres  de  la  Maison  du  Roi,  Arch.  nat.,  0'  40,  fol.  66-v°. 

3.  Morte  le  4  mai  1696.  Le  bruit  avait  couru  de  sa  mort  en  juin  1692  : 
voyez  le  Journal  de  Damjeau,  tome  IV,  p.  120-121  (avec  l'Addition  de 
Saint-Simon  que  nous  avons  placée  au  tome  I,  n°l),  et  tome  V,  p.  409. 

4.  Bourg  du  diocèse  de  Séez,  où  les  anciens  ducs  d'Alençon  avaient 
eu  une  maison  de  plaisance,  et  qui  possédait  une  abbaye  de  l'ordre  de 
Saint-Benoît,  fondée  en  1064. 

5.  Henriette  de  la  Guiche  était  morte  le  22  mai  1682. 

6.  Charles-Nicolas  de  Blanchefort-Créquy,  marquis  de  Blanchefort, 
né  en  1669  et  pourvu  du  régiment  de  cavalerie  d'Anjou  eu  1688,  après 
avoir  fait  son  apprentissage  aux  mousquetaires,  avait  été  nommé  briga- 
dier en  1693  et  maréchal  de  camp  le  3  janvier  1696,  à  vingt-sept  ans. 

7.  Voyez  tome  I,  p.  132,  note  3. 

8.  Il  mourut  le  16  mars  1696  {Mercure,  mars  1696,  p.  268-269, 
et  Dançjeau,  tome  V,  p.  379).  La  dernière  lettre  que  l'on  possède  de 
Mme  de  Sévigné,  et  l'une  des  plus  touchantes  (tome  X,  p.  381  ;  com- 
parez tome  Vill,  p.  46),  est  consacrée  à  l'éloge  de  «  cet  aimable  garçon, 
tout  parfait,  qu'on  donnoit  pour  exemple  à  tous  nos  jeunes  gens.  »  Voyez 
ce  que  disent  aussi  de  ses  qualités  les  iVmo/res  de  Sourclies,  éd.  Bernier, 
tome  I,  p.  74,  et  le  Chansonnier,  ms.  Fr.  i2  692,  p.  2o.  En  1685,  il  avait 
failli  périr  d'une  chute  de  cheval;  mais  Félix  l'avait  trépané  et  guéri. 


68  MÉMOIRES  U69G] 

DeM.de  sans  alliance,  et  M.  de  Saint-Géran^  tomba  mort  dans 
Saint-Géran.  gaint-Paul^  à  PaHs.  On  dit  qu'[il]  venoit  de  faire  ses  dé- 
votions^. C'est  ce  comte  de  Saint-Géran  si  connu  par  ce 
procès  célèbre  sur  son*  état  qui  est  entre  les  mains  de 
tout  le  monde^.  Il  portoit  une  calotte,  d'une  furieuse  bles- 
sure qu'il  avoit  reçue  devant  Besançon**,  du  crâne  du  frère 
[Add.  S'-S.  151]  aîné  de  Beringhen',  premier  écuyer,  à  qui  un  coup  de 
canon  emporta  la  tête^.  M.  de  Saint-Géran  étoit  court, 
gros  et  entassé,  avec  de  gros  yeux  et  de  gros  traits,  qui  ne 

1.  Voyez  tome  I,  p.  145,  note  3,  et  le  portrait,  en  deux  rédactions 
différentes,  de  M.  et  Mme  de  Saint-Géran,  dans  les  Légères  notions  des 
chevaliers....  de  l'ordre  du  Saint-Esprit,  que  nous  plaçons  à  l'Appen- 
dice, n°  V. 

2.  L'église  paroissiale  du  Marais,  qui,  d'abord  petite  chapelle  au 
milieu  d'un  ciuietière,  puis  érigée  en  paroisse  au  douzième  siècle,  avait 
surtout  pris  de  l'importance  par  le  voisinage  de  l'hôtel  Saint-Paul  et  du 
palais  des  Tournelles.  Le  bâtiment  ne  remontait  qu'au  règne  de  Charles  VI. 

3.  «  M.  de  Saint-Géran  est  mort  ce  matin  à  Paris,  en  entrant  à  Saint- 
Paul  ;  il  est  tombé  aux  pieds  de  son  confesseur.  »  {Dançjcau,  tome  V, 
p.  380,  18  mars  1696.)  Comparez  le  Mercure,  mars,  p.  264-266,  et  les 
détails  plus  circonstanciés  que  donne  Coulanges  (Sévigné,  tome  X,  p.  378). 

4.  Son  est  eu  interligne.  —  5.  Voyez   notre  tome  1,  p.  145,  note  4. 

6.  Lors  du  second  siège  de  cette  ville  et  de  l'annexion  définitive  de 
la  Franche-Comté,  en  1674,  dans  la  nuit  du  13  au  14  mai  :  voyez  la 
Gazette,  p.  444  et  465,  et  le  Sévigné,  tomes  III,  p.  408,  et  IV,  p.  327. 

7.  Jacques-Louis,  chevalier  puis  marquis  de  Beringhen,  né  le  20  oc- 
tobre 1651,  envoyé  d'abord  à  Malte  et  pourvu,  en  mai  1667,  de  l'ab- 
baye Saint-Étienne  de  Fontenay,  devint  cornette  et  enseigne  aux  gen- 
darmes de  Bourgogne  en  1674,  par  la  mort  de  son  frère  aîné,  colonel 
d'infanterie  et  premier  écuyer  en  survivance,  puis  gouverneur  de  la  cita- 
delle de  Marseille  (juin  1679)  et  chevalier  des  ordres  (1688).  Il  faisait 
les  fonctions  de  premier  écuyer  depuis  la  retraite  de  son  père  (1685). 
Sous  la  Régence,  il  fut  nommé  membre  du  conseil  du  dedans,  directeur 
général  des  ponts  et  chaussées,  membre  honoraire  de  l'Académie  des 
belles-lettres,  et  mourut  le  1"  mai  1723.  —  Son  frère  aîné,  Henri  de 
Beringhen,  dont  parle  Saint-Simon,  était  pourvu  de  la  survivance  de 
premier  écuyer  et  commandait  le  régiment  Dauphin,  quand  il  fut  tué 
devant  Besançon.  Déjà  en  1668,  étant  aide  de  camp  du  Roi,  il  avait  été 
blessé  devant  Dôle,  et  il  s'était  signalé,  en  1673,  au  siège  de  Maëstricht. 

8.  Le  marquis  de  Gesvres  fut  blessé  de  même  à  la  figure,  en  1688, 
par  une  portion  du  crâne  d'un  soldat. 


Géran. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  69 

promettoient  rien  moins  que  l'esprit  qu'il  avoit.  Il  avoit 
été  auprès  de  quelques  princes  d'Allemagne  \  lieutenant 
général,  chevalier  de  l'Ordre  en  1688,  fort  pauvre^,  pres- 
que toujours  à  la  cour,  mais  peu  de  la  cour,  quoique  dang 
les  meilleures  compagnies.  Sa  femme \  charmante  d'esprit  Mme  de  Saint- 
et  de  corps,  l'avoit  été  pour  d'autres  que  pour  lui;  leur 
union  étoit  moindre  que  médiocre'*.  M.  de  Seignelay, 
entre  autres,  l'avoit  fort  aimée.  Elle  avoit  toujours  été 
recherchée^  dans  ce  qui  l'étoit  le  plus  à  la  cour,  et  dame 
du  palais  de  la  Reine^,  recherchée  elle-même  dans  tout  ce 
qu'elle  avoit,  et  mangeoit  avec  un  goût  exquis  et  la  déli- 
catesse et  la  propreté  la  plus  poussée'.  Elle  étoit  fille  du 

1.  En  1671,  il  avait  été  envoyé  successivement  en  Toscane,  à  Lon- 
dres et  auprès  de  l'électeur  de  Brandebourg,  d'où  on  l'avait  rappelé  en 
mars  1672. 

2.  En  1680,  le  Roi  lui  avait  accordé  remise  d'une  somme  de  cent 
quatre-vingt-quatre  mille  livres,  pour  l'aider  à  se  défaire  de  ses  créan- 
ciers et  à  dégager  ses  terres;  en  1685,  Mme  de  Maintenon  lui  avait  fait 
donner  une  pension  de  douze  mille  livres,  et  une  de  six  mille  livres  à  sa 
femme.  (Arch.  nat.,  0'  24,  fol.  73,  et  29,  fol.  141.)  Plus  anciennement, 
en  1679,  il  avait  failli  devenir  premier  écuyer  de  la  Dauphine  ;  ce  fut 
le  comte  de  Gramont  qui  empêcha  ce  «  gros  pifre  »  d'être  nommé 
{Correspondance  de  Bussy,  tome  V,  p.  29  et  35). 

3.  Tome  I,  p.  145.  Mignard  fit  le  portrait  de   Mme  de  Saint-Géran. 

4.  A  moins,  qu'il  avait  mis  d'abord,  l'auteur  a  substitué  moindre,  en 
risquant  cette  forte  ellipse  :  "  moindre  que  (elle  n'eût  été  si  elle  avait 
été  seulement)  médiocre.  »  — 11  avait  été  question  qu'ils  se  séparassent, 
en  1686  {Correspondance  de  Biissy,  tome  V,  p.  532). 

5.  Ce  premier  recherchée  prête  à  deux  sens;  il  peut  signifier,  comme 
celui  qui  va  suivre,  ayant,  mellant  de  la  recherche,  du  raffinement, 
mais  est  plutôt,  vu  le  complément,  pris  au  propre  :  «  Elle  était  une  des 
personnes  recherchées  parmi  celles  qui  l'étaient  le  plus  à  la  cour.  » 
Cette  dernière  interprétation  nous  parait  seule  admissible,  étant  donnée 
la  première  rédaction  qu'on  trouvera  dans  l'appendice  V,  p.  390. 

6.  Elle  avait  été  pourvue  de  cette  charge  vers  le  commencement 
de  l'année  1683,  à  sa  propre  surprise  et  par  l'influence  de  Mme  do 
Maintenon.  Voyez  la  Correspondance  de  Bussy,  tome  V,  p.  341. 

7.  Poussé,  dans  le  sens,  jadis  fréquent,  de  «  porté  loin,  »  ou  même 
«  outré.  »  — Une  lettre  de  Coulanges  {Sévigné,  tome  X,  p.  250)  fait  voir 
que  cette  propreté  à  table  n'était  pas  le  fait  de  toutes  les  dames. 


70  MÉMOIRES  [1696] 

frère  cadet  de  M.  de  Blainville,  premier  gentilhomme  de 
la  chambre  de  Louis  XIII,  à  la  mort  duquel,  sans  enfants, 
mon  père  eut  sa  charge'.  Sa  viduité  ne  l'affligea  pas^.  Elle 
ne  sortoit  point  de  la  cour  et  n'avoit  pas  d'autre  demeure. 
G'étoiten  tout  une  femme  d'excellente  compagnie  et  extrê- 
mement aimable,  et  qui  fourmilloit  d'amis  et  d'amies*. 

Mort  de  Mme  de  On  perdit  en  même  temps  Mme  de  Miramion*,  à 
soixante-six  ans,  dans  le  mois  de  mars",  et  c  en  tut  une 

[Add.  S'-S.  152]  véritable''.  Elle  s'appeloit'  Bonneau,  et  son  père*  le  sieur 
de  Rubelles",  de  fort  riches  bourgeois  de  Paris''*.  Elle  en 

1.  Saint-Simon  a  déjà  dit  cela  :  voyez  notre  tome  I,  p.  144  et  14d, 
et  comparez  l'Addition  à  l'article  de  Dangeau  du  23  octobre  1696,  qui 
trouvera  sa  place  (n°  189)  lors  de  la  disgrâce  de  Mme  de  Saint-Géran. 

2.  Mme  de  Coulanges  écrit  à  Mme  de  Sévigné  {LeUrcs,  tome  X, 
p.  383)  :  «  Mme  de  Saint-Géran  a  reçu  deux  visites  de  Mme  de  Maintenon  ; 
vous  jugez  bien  qu'il  n'en  falloit  pas  tant  pour  la  consoler.  »  Et  Cou- 
langes  (p.  379)  :  «  Notre  amie  a  toujours  vécu  au  jour  le  jour,  sans  jamais 
.songer  à  l'avenir  ;  Dieu  veuille  qu'elle  .s'en  trouve  bien  jusques  au  bout  !  » 

3.  Particulièrement  dans  la  société  de  Mme  de  Sévigné,  qui  parle 
souvent  d'elle,  mais  qui  semble  lui  trouver  plus  d'apparences  que  de 
véritables  qualités,  et  Coulanges  de  même.  Le  Chansonnier  (ms.  Fr. 
12  687,  p.  133)  prétend  en  effet  qu'après  avoir  été  fort  dévole,  elle 
étoit  devenue  non  moins  coquette.  Voyez  plus  loin,   p.  320-322. 

4.  Marie  Bonneau  de  Rubelles,  née  à  Paris  le  26  novembre  1629,  et 
mariée,  le  26  avril  1645,  à  M.  de  Miramion  (ci-après,  p.  71,  note  2). 
Edelinck  a  gravé  son  portrait  en  costume  demi-religieux,  d'après  de  Troy. 

5.  Le  24  mars  1696.  Voyez  le  Journal  de  Dcmgeau,  tome  V,  p.  383, 
le  Dictionnaire  critique  de  Jal,  p.  866,  la  Gazette  de  1606,  p.  lo6,  et  le 
Mercure  du  mois  de  mars,  p.  324-32o. 

6.  «  Et  ce  fut  une  véritable  perte,  »  accord  remarquable  avec  la 
pensée,  sans  égard  aux  mots.  —  Mme  de  Sévigné  (Lettres,  tome  X, 
p.  382)  écrit  que  la  mort  de  «  cette  mère  de  l'Église  »  sera  «  une  perte 
publique  ;  »  et  Dangeau  dit  :  «  C'est  une  grande  perte  pour  les  pauvres.  » 

7.  S'appelait,  écrit  au  bas  de  la  page  83  du  manuscrit,  est  répété 
au  commencement  du  verso,  page  84. 

8.  Elle  était  tille  de  Jacques  Bonneau,  seigneur  de  Beauvais,  de  Ru- 
belles et  de  Purnon,  reçu  secrétaire  du  Roi  en  1634,  enrichi  dans  les 
affaires  de  finances  et  mort  en  1643,  et  de  Marie  d'Ivry,  morte  en  1639. 
Elle  s'était  donc  trouvée  orpheline  à  seize  ans. 

9.  Village  à  cinq  kilomètres  N.  deMelun,  sur  un  affluent  de  l'Anqueil. 

10.  Le  grand-père,  Thomas  Bonneau,   seigneur  du  Garsois   et   du 


[16961  L)E  SAINT-SIMON.  71 

avoit  épousé^  un  autre^,  d'Orléans,  fort  riche  aussi,  dont  le 
père'  avoit  obtenu  des  lettres  patentes  pour  changer  son 
sale  et  ridicule  nom  de  Beauvit  en  celui  de  Beauharnois*. 

Plessis-Saint-Antoine,  avait  eu  la  noblesse  comme  maire  de  Tours, 
en  1604  ;  le  bisaïeul  était  un  simple  procureur  au  présidial  de  cette 
ville.  Tallemant  des  Réaux  commence  ainsi  son  historiette  de  Mme  de 
Miramion  {Historiettes,  tome  VII,  p.  447  ;  voyez  la  citation  faite  par  le 
commentateur,  p.  149)  :  «  Elle  est  fille  d'un  des  Bonneaux  de  Tours 
intéressés  aux  gabelles  et  à  bien  d'autres  affaires.  »  A  propos  de  Mme  de 
la  Hoguette,  qui  était  aussi  une  Bonneau  de  Rubelles,  Saint-Simon 
(tome  XVII,  p.  41)  dira  encore  que  c'«  étoit  très  peu  de  chose.  » 
4.  Épousé  a  été  écrit  après  coup,  en  interligue. 

2.  Un  autre  bourgeois.  —  Marie  Bonneau  avait  épousé,  le  26  avril 
4645,  Jean-Jacques  de  Beauharnais,  chevalier,  seigneur  de  Miramion 
(château  voisin  d'Orléans)  et  de  la  Couarde,  qui  était  conseiller  au 
Parlement  depuis  4644,  et  qui  mourut  le  2  novembre  4646. 

3.  Aignan  de  Beauharnais,  seigneur  de  Miramion,  secrétaire  et  con- 
trôleur général  de  l'extraordinaire  de  la  cavalerie  légère,  mort  en  juil- 
let 46o2.  Il  avait  épousé,  le  43  septembre  4618,  Marguerite  de  Choisy, 
sœur  du  chancelier  de  Gaston  d'Orléans  et  tante  de  l'abbé  dont  on  a  de 
si  curieux  mémoires,  écrits  en  partie  sous  le  toit  de  Saint-Simon,  et  qui 
publia  en  outre  une  Vie  de  Mme  de  Miramion  en  4706.  C'est  de  ces 
Choisy  que  vint  une  grosse  portion  de  la  fortune  des  Miramion. 

4.  Cette  légende  a  été,  croyons-nous,  recueillie  et  mise  en  circu- 
lation par  Amelot  de  la  Houssaye,  qui  était  d'Orléans,  comme  les  Beau- 
harnais". «  Il  y  a  là,  dit  le  plus  récent  biographe  de  Mme  de  Miramion, 
une  erreur  grossière,  car  la  famille  de  Beauharnais  n'a  jamais  porté 
d'autre  nom  patronymique  que  celui-là,  et  elle  remontait  à  Guillaume 
de  Beauharnais,  seigneur  de  Miramion  et  de  la  Chaussée,  vivant  en 
4380,  dont  le  fils,  Jehan  de  Beauharnais,  figure  en  qualité  de  témoin 
au  procès  pour  la  justification  de  Jeanne  d'Arc.  «  [Madame  de  Mira- 
viion ,  par  M.  Bonneau-Avenant,  4873,  p.  20  et  note  4.)  Le  nom  de 
Beauharnais  figure  seul  en  effet  dans  la  généalogie  imprimée  par  d'Ho- 
zier,  en  4764,  au  tome  V  de  V Armoriai  général,  et  dans  les  généalogies 
modernes,  comme  dans  les  titres  originaux;  mais  il  ne  semble  pas  que 
le  Jean  Beauharnoys  témoin  au  procès  de  Jeanne  d'Arc  (voyez  le  recueil 
de  M.  J.  Qnicherat,  tome  111,  p.  31  et  33,  et  le  fac-similé  du  n"  502  du 
Musée  des  Archives)^  et  qui  avait  pris  une  part  active  à  la  défense  d'Or- 
léans, fût  noble.  Point  de  traces  non  plus  d'un  Beauharnais,  fils  de  Jean, 
qui,  selon  la  généalogie  de  la  famille,  aurait  eu  une  charge  de  maître 
des  requêtes  sous  Louis  XI   et   administré   le  duché    d'Orléans  sous 

"  Voyez  une  note  complémentaire  dans  nos  Additions  et  corrections. 


n  MÉMOIRES  [1696] 

Elle  fut'  et  mariée  et  veuve  la  même  année,  en  1645,  et 
demeura  grosse  d'une  fille^  qu'elle  maria  à  M.  de  Nes- 
mond^,  qu'elle  vit  longtemps  président  à  mortier  à  Paris, 

Charles  VIII".  En  revanche,  il  y  eut,  dit-on,  un  Beauharuais  barbier  à  Or- 
léans, que  son  confrère  Olivier  le  Dain  transforma  en  prévôt  des  maré- 
chaux pour  procéder  plus  à  son  aise  contre  le  conseiller  Martin  de  Bel- 
lefaye  et  contre  l'évêché  de  Paris*.  Les  pièces  originales  conservées  au 
département  des  Manuscrits  prouvent  que  la  généalogie  de  d'Hozier  dissi- 
mule la  véritable  situation  de  tous  les  personnages  dont  elle  parle  avant 
le  dix-septième  siècle.  Nous  y  voyons  que,  sous  Louis  XII,  en  ISM,  Guil- 
laume Beauharnais  était  un  simple  échevin  d'Orléans.  François  Beau- 
harnais,  qui,  sous  Henri  III,  ne  se  qualifiait  que  d'honorable  homme, 
marchand  et  bourgeois  d'Orléans,  devint,  sous  Henri  IV,  lieutenant  gé- 
néral et  président  du  présidial,  et  prit  alors  la  qualité  de  noble  homme. 
A  la  même  époque,  Guillaume  Beauharnais  était  trésorier  de  France  à 
Orléans  et  secrétaire  ordinaire  de  la  chambre  du  Roi.  Aignan,  son  fils, 
le  contrôleur  général,  ne  fut  pas  conseiller  d'État,  comme  le  dit  la  gé- 
néalogie, mais  seulement  conseiller  du  Roi  en  ses  conseils,  ce  qui  était 
un  titre  purement,  honorifique,  attaché  à  la  charge  de  contrôleur.  C'est 
d'un  frère  aîné  d'Aignan,  François  de  Beauharnais,  que  descend  la 
branche  qui  porte  aujourd'hui  en  Allemagne  le  titre  ducal  de  Lcuch- 
tenberg,  et  dont  chacun  connaît  les  attaches  avec  Napoléon  I". 

1.  Après  fut,  il  y  a  veuve  (vefve),  biffé. 

2.  Marguerite  de  Beauharnais  de  Miramion,  née  le  7  mars  1646, 
quatre  mois  et  demi  après  la  mort  de  son  père,  mariée  le  22  juin  1660  à 
M.  de  Nesmond,  et  morte  le  6  novembre  1723.  Sa  fortune,  selon  Talle- 
mant,  s'élevait  à  quatre  cent  mille  écus.  Elle  écrivit  une  vie  de  sa  mère. 

3.  Guillaume  de  Nesmond,  conseiller  au  parlement  de  Paris  en  1649, 
maître  des  requêtes  en  1659,  fut  reçu  président  à  mortier  le  1"  dé- 
cembre 1664,  en  remplacement  de  son  père,  dont  il  avait  la  survivance 
depuis  le  16  novembre  1638.  II  mourut  le  19  mars  1693,  âgé  de  soixante- 
cinq  ou  six  ans.  Il  était  d'une  famille  d'Angoulème  qui,  anoblie  par 
l'échevinage,  avait  donné  un  premier  président  au  parlement  de  Bor- 
deaux, un  ambassadeur  en  Turquie,  etc.  Son  père  avait  eu  une  grande 
réputation  ;  lui-même  passait  pour  un  esprit  médiocre,  mais  bon  homme 

«  De  plus,  la  généalogie  de  d'Hozier  donne  à  Jean  une  femme  appelée 
Anne  de  Loynes,  tandis  que,  dans  le  procès,  cette  femme  porte  le  seul  nom 
de  Pétronille.  Les  de  Loynes  étaient  d'ailleurs  de  l'échevinage  d'Orléans. 

*  G.  Picot,  Mémoire  sur  le  procès  d'Olivier  le  Dain,  dans  les  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  tome  CVIII,  1877, 
p.  498.  Comparez  le  recueil  des  Ordonnances  des  rois  de  France,  tome  XIX, 
p.  338,  note  a,  où  le  nom  est  écrit  :  Blancharnois. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  73 

et  qui  n'eut  point  d'enfants.  Mme  de  Miramion,  veuve, 

jeune,  belle  et  riche,  fut  extrêmement  recherchée  de  se 

marier',   sans  y  vouloir  entendre  ^    Bussy-Rabutin  ^,    si    W(l- S'-S.  133] 

connu  par  son  Histoire  amoureuse  des  Gaules^  et  par  la 

profonde  disgrâce  qu'elle  lui  attira,  et  encore  plus  par  la 

vanité  de  son  esprit  et  la  bassesse  de  son  cœur  ^,  quoique 

très  brave  à  la  guerre,  la  vouloit  épouser  absolument,  et, 

protégé  par  Monsieur  le  Prince''',  qui  n'eut  pas,  dans  les 

et  juge  intègre  (Portraits  des  membres  du  parlement  de  Paris,  publiés 
parDaleau,  p.  7,  et  Papiers  du  P.  Léonard,  Arch.  nat.,  MM  826,  fol.  99). 
i.  Rechercher  Tpvena.\l  de  même  pour  complément  de  avec  un  nom. 
On  disait,  par  exemple  (voyez  Furelière),  en  parlant  d'un  plaideur  : 
«  Il  commence  à  rechercher  sa  partie  d'accommodement.  » 

2.  Selon  Tallemant,  elle  fut  «  comme  accordée  »  avec  un  Caumar- 
tin,  parent  de  son  premier  mari  par  les  Choisy. 

3.  Roger  de  Rabutin,  comte  de  Russy,  né  le  3  avril  1618,  pourvu  en 
1636  du  régiment  qu'avaiteu  son  père,  en  1644  du  commandement  de 
la  compagnie  de  chevau-légers  de  Monsieur  le  Prince,  en  164o  de  la 
lieutenance  générale  de  Nivernais,  en  1633  de  la  charge  de  mestre  de 
camp  général  de  la  cavalerie  légère,  fut  fait  conseiller  d'État  en  1646, 
maréchal  de  camp  en  1651,  lieutenant  général  en  1654,  devint  membre 
de  l'Académie  française  en  1663,  et  mourut  à  Autun,  le  9  avril  1693. 
Russy  venait  de  perdre  sa  première  femme,  Gabrielle  de  Toulongeon, 
quand  il  se  mit  en  tète  d'épouser  Mme  de  Miramion. 

4.  L'Histoire  amoureuse  des  Gaules,  roman  libre  reposant  en  partie 
sur  les  galanteries  bien  connues  de  certaines  dames  de  la  cour,  avait 
été  composée  par  Russy  en  1660  et  courait  depuis  plusieurs  années  de 
main  en  main,  lorsque  la  première  édition  imprimée  parut  en  1665.  On 
croit  que  ce  ne  fut  point  ce  livre,  mais  un  couplet  satirique  sur  les 
amours  du  Roi  et  de  Mlle  de  la  Vallière,  qui  valut  alors  à  Russy  un  an 
de  Rastille,  puis  une  longue  disgrâce,  dont  il  ne  se  releva  jamais.  Voyez 
les  éditions  de  ses  Mémoires  et  de  sa  Correspondance  publiées,  de  1837 
à  1839,  par  M.  Ludovic  Laianne,  celle  de  {'Histoire  amoureuse,  par 
M.  Paul  fioiteau,  1836,  et,  particulièrement  sur  la  disgrâce  de  Russy, 
les  pièces  reproduites  par  M.  Fr.  Ravaisson  dans  le  tome  Vil  des  Ar- 
chives de  la  Bastille,  p.  193  et  suivantes.  Comparez  aussi  divers  pas- 
sages des  Mémoires,  tomes  IV,   p.  236,  V,  p.  168,  et  XII,  p.  280. 

3.  Saint-Simon  parle  encore  assez  longuement  de  Russy  dans  l'Addi- 
tion 143,  à  propos  de  Lassay.  Voyez  le  portrait  que  M.  P.  Mesnard  a 
fait  de  lui  dans  la  Notice  biographique  sur  Mme  de  Sévigné,  p.  31. 

6.  Russy  avait  servi  sous  les  ordres  du  grand  Condé  aux  sièges  de 


74  MÉMOIRES  [16961 

suites,  lieu  de  se  louer  de  lui,  l'enleva  et  la  conduisit 
dans  un  château ^  Tout  en  y  arrivant,  elle  prononça  de- 
vant ce  qu'il  s'y  trouva  de  gens  un  vœu  de  chasteté^,  puis 
dit  à  Bussy  que  c'étoit  à  lui  à  voir  ce  qu'il  vouloit  faire. 
Il  se  trouva  étrangement  déconcerté  de  cette  action  si 
forte  et  si  publique,  et  ne  songea  plus  qu'à  mettre  sa 
proie  en  liberté  et  à  tâcher^  d'accommoder  son  affaire*.  De 
ce  moment,  Mme  de  Miramion  se  consacra  entièrement  à 
la  piété  et  à  toutes  sortes  de  bonnes  œuvres.  C'étoit  une 
femme  d'un  grand  sens  et  d'une  grande  douceur,  qui,  de 
sa  tète  et  de  sa  bourse,  eut  part  à  plusieurs  établissements 
très  utiles  dans  Paris  ^,  et  elle  donna  la  perfection  à  celui 
de  la  communauté  de  Sainte-Geneviève*^,  sur  le  quai  de  la 

Mardj'ck  et  de  Lerida.  La  Fronde  étant  venue,  il  l'alla  rejoindre  dans 
Montrond,  en  1650,  quoiqu'il  sût  bien  que  ce  prince  ne  l'aimait  pas 
(Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  I,  p.  368)  ;  et  en  efiet,  Condé  l'obligea, 
l'année  suivante,  de  vendre  au  comte  de  Guitaut  sa  compagnie  de 
chevau-légers.  Bussy,  dépité,  se  rallia  aussitôt  à  la  cour. 

1.  Le  château  fort  de  Launay  (déparlement  de  l'Yonne,  commune  de 
Saint-Martin-sur-Oreuse),  qui  était  une  maison  de  campagne  appartenant 
à  un  oncle  de  Bussy,  comme  apanage  du  grand  prieur  de  France.  —  Cet 
enlèvement  eut  lieu  le  7  août  1648  ;  on  en  trouve  le  récit  dans  les 
Mémoires  de  Bussy  lui-même,  dans  la  Vie  de  Mme  de  Miramion  par 
l'ctbbé  de  Choisy,  dans  l'historiette  de  cette  dame  par  Tallemant  des 
Réaux,  dans  les  Mémoires  de  M.  d'Arlagnan,  où  Sandras  a  usé  très 
librement  des  privilèges  du  romancier,  dans  les  Mémoires  sur  Mme  de 
Sévigné,  par  Walckenaor,  tome  II,  p.  126-148,  dans  Madame  de  Mira- 
mion, par  M.  Bonneau-Avenant,  p,  39-73,  etc. 

2.  Elle  fit  plus  régulièrement  son  vœu  de  chasteté  lo  2  février  sui- 
vant, n'ayant  pas  encore  vingt  ans. 

3.  Le  t  initial  corrige  un  c. 

4.  Il  affecta  de  prendre  bien  les  choses  et  de  plaisanter  sur  son  «  in- 
fante »,son  «  Hélène  «.Voyez  sa  Correspondance,  tome  IV,  p.  114etH5. 

5.  Citons,  entre  autres  :  l'orphelinat  de  la  Sainte-Enfance,  l'associa- 
tion des  Dames  de  charité,  les  fourneaux  économiques,  la  congrégation 
des  Prêtres  de  l'Hôlel-Dieu,  la  communauté  de  la  Sainte-Famille,  les 
refuges  de  la  Pitié  et  de  Sainte-Pélagie,  etc. 

6.  Sur  l'origine  de  cette  communauté,  fondée  en  1636  par  Mlle  de 
Blosset,  pour  quelques  filles  pieuses  qui,  sans  vœux  et  sans  clôture,  se 
consacraient  au  soulagement  des  pauvres  et  à  l'éducation  des  enfants. 


[16961  DE   SAINT-SIMON.  75 

Tournelle',  où  elle  se  retira  et  qu'elle  conduisit  avec 
grande  édification,  et  qui  est  si  utile  à  l'éducation  de  tant 
de  jeunes  filles  et  à  la  retraite  de  tant  d'autres  filles  et 
veuves.  Le  Roi  eut  toujours  une  grande  considération  pour 
elle^  dont  son  humilité  ne  se  servoit  qu'avec  grande 
réserve  et  pour  le  bien  des  autres,  ainsi  que  de  celle  que 
lui  témoignèrent  toute  sa  vie  les  ministres*,  les  supé- 
rieurs ecclésiastiques  et  les  magistrats  publics*.  Sa  fille,  Mme  de 
dont  la  maison  étoit  contiguë  à  la  sienne^,  se  fit  un  titre     *^^oi°gueii  ' 

voyez  Piganiol  de  la  Foifce,  Description  de  Paris,  éd.  de  1742,  tome  IV, 
p.  729-733. 

1.  Le  logement  où  Mme  de  Miramion  avait  établi,  vers  1660,  la 
Sainte-Famille,  dans  la  rue  Saint-Antoine,  s'étant  trouvé  trop  étroit, 
elle  se  transporta  dans  le  voisinage  de  l'église  Saint-Nicolas  du  Char- 
donnet  et  de  l'hôtel  de  son  gendre  (voyez  ci-après,  p.  76,  note  3), 
en  1662.  Ce  fut  alors  qu'elle  conçut  le  projet  d'unir  sa  communauté 
avec  celle  de  Sainte-Geneviève,  qui  était  installée  non  loin  de  là,  sur 
les  fossés  de  Saint-Victor,  et  elle  acheta  à  cette  intention  deux  maisons 
du  quai  Saint-Bernard,  autrement  dit  de  la  Tournelle,  attenant  à  l'hôtel 
de  Nesmond,  qui  devinrent  le  siège  des  Miramionnes,  et  où  elle  mou- 
rut en  odeur  de  sainteté.  Les  principaux  devoirs  de  cette  communauté 
étaient  d'enseigner  gratuitement  la  lecture,  l'écriture  et  les  travaux 
utiles  aux  petites  tilles  pauvres,  de  donner  des  secours  aux  malades  et 
aux  blessés,  d'élever  chrétiennement  des  pensionnaires,  etc.  Les  dames 
du  monde  y  venaient  faire  des  retraites  annuelles.  —  Voyez  les 
diverses  descriptions  de  Paris,  par  Piganiol  et  autres,  et  les  Anciennes 
maisons  de  Paris,  par  M.  Lefeuve,  tome  IV,  p.  336-338.  La  maison 
des  Miramionnes  existe  encore,  et  est  occupée  par  la  Pharmacie  cen- 
trale des  hôpitaux  civils. 

2.  «  Le  Roi,  dit  Dangeau,  l'aidoit  beaucoup  dans  les  bonnes  œuvres 
qu'elle  faisoit,  et  ne  lui  refusoit  jamais  rien.  >>  (Journal,  tome  V,  p.  383.) 
Voyez,  dans  la  Correspondance  générale  de  Mme  de  M aintenon,  tome  IV, 
p.  80-81,  la  dernière  lettre  écrite  par  Mme  de  Miramion  pour  demander 
qu'on  maintînt  après  elle  les  aumônes  de  quartier  que  le  Roi  la  chargeait 
de  distribuer  depuis  la  mort  de  Mlle  de  Lamoignon.  Mme  de  Montespan 
avait  aussi  beaucoup  aidé  les  Miramionnes  de  son  crédit  et  de  ses  libé- 
ralités. 

3.  La  conjonction  et  est  biffée  après  ministres. 

4.  Sur  ces  relations  charitables,  voyez  ['Histoire  de  Mme  de  Mira- 
mion, par  M.  Bonneau-A venant,  p.  327-330. 

5.  Voyez  ci-dessus,  note  i,  et  ci-après,  p.  76,  note  3. 


76  MÉMOIRES  [1696] 

d'en  prendre  soin  après  sa  mort,  et,  devenue  veuve,  se  fit 
dévote  en  titre  d'office*  et  d'orgueil,  sans  quitter  le  monde 
qu'autant  qu'il  fallut  pour  se  relever  sans  s'ennuyer.  Elle 
s'étoit  ménagé  les  accès  de  sa  mère  de  son  vivant,  et  les 
sut  bien  cultiver  après,  surtout  Mme  de  Maintenon,  dont 
elle  se  vantoit  modestement".  Ce  fut  la  première  femme 
de  son  état  qui  ait  fait  inscrire  sur  sa  porte  :  Hôtel  de 
Nesmond^.  On  en  rit,  on  s'en  scandalisa;  mais   l'écriteau 

i.  Cette  locution  se  trouve  déjà  dans  notre  tome  II,  p.  481  et  note  2. 

2.  Dans  sa  Table  alphabétique  générale  (éd.  de  1873,  tome  XX, 
p.  364),  Saint-Simon  a  indiqué  ce  passage  en  ces  termes  :  «  Orgueil 
rare  de  la  veuve  de  son  frère  (M.  de  Nesmond),  président  à  mortier  ; 
famille  de  cette  ambitieuse  dévote.  »  —  Mme  de  Nesmond  mourut 
octogénaire,  étant  directrice  en  litre  de  la  communauté  des  filles  de  la 
Providence  de  la  rue  de  l'Arbalète,  au  faubourg  Saint-Marcel. 

3.  L'hôtel  de  Nesmond,  bâti  en  retrait  au  fond  d'une  cour  et  flan- 
qué de  deux  ailes,  existe  encore  à  l'angle  du  quai  de  la  Tournelle  et  de 
la  rue  des  Bernardins,  en  face  du  pont  de  l'Archevêché  ;  il  est  occupé 
par  un  distillateur.  L'inscription  primitive  a  été  remplacée  par  cette 
«  sotte  »  variante,  comme  disait  Montalembert  {le  Correspondant,  25  jan- 
vier 1857,  p.  20)  :  «  Hôtel  ci-devant  de  Nesmond.  »  —  Saint-Simon  fait 
allusion  à  1'  «  entreprise  »  de  Mme  de  Nesmond,  dans  les  Projets  de  gou- 
vernement, p.  156,  et  demande  qu'aucun  magistrat  ne  puisse  avoir  de 
suisse,  ni  écrire  le  mot  d'hôtel  sur  la  porte  de  sa  maison.  Selon  les  Mé- 
moires du  duc  de  Luynes,  tome  VIII,  p.  378,  ce  n'est  pas  le  président  de 
Nesmond,  mais  le  président  de  Maisons,  qui,  dans  le  Parlement,  fut 
le  premier  à  donner  l'exemple  de  ces  inscriptions.  Tallemant  des  Réaux 
dit  du  chancelier  Séguier  (tome  III,  p.  385)  :  «  Personne  n'a  tant  donné 
à  l'extérieur  que  lui  ;  il  a  baptisé  sa  maison  hôtel,  il  a  mis  un  manteau 
et  des  masses à  ses  armes....  »  —  Ainsi  qu'on  le  voit  dans  une  cu- 
rieuse correspondance  de  M.  d'Argenson  (mss.  Clairambault,  vol.  490, 
fol.  29;  Arch.  nat.,  recueil  de  la  Pairie,  KK  600,  fol.  883-887,  et  Cor- 
respondance administrative  sous  le  règne  de  Louis  XIV,  tome  II,  p.  836), 
la  dénomination  d'hôtel  était,  dans  l'origine,  à  Paris,  réservée  pour  les 
demeures  des  princes  du  sang  et  des  seigneurs  d'une  naissance  et  d'une 
illustration  supérieures".  Mais,  dit  M.  d'Argenson,  en  1704,  «  jamais 
aucune  ordonnance  n'a  déterminé  la  condition  des  personnes  qui  peu- 

«  Dans  les  villages  au  contraire,  le  mot  d'hôtel  avait  longtemps  désigné 
les  demeures  de  simples  laboureurs,  quelque  chose  de  moins  que  ce  qu'on 
appelle  maison.  Selon  le  Glossaire  françois  de  du  Cange,  hôtel  signifiait 
«  toute  espèce  de  maison  ou  de  logement;  »  c'était  à  l'époque  où  le  mot 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  77 

demeura,  et  est  devenu  l'exemple  et  le  père'  de  ceuxqul^, 
de  toute  espèce,  ont  peu  à  peu  inondé  Paris.  C'étoit  une 
créature  suffisante,  aigre,  altière,  en  un  mot  une  franche 
dévote,  et  dont  le  maintien    la    découvroit   pleinement. 

Mme^  de  Sévigné*,  si  aimable  et  de  si  excellente  com-    Mort  de  Mme  de 
pagnie,  mourut  quelque  temps  après  à  Grignan^,  chez  sa        Sevigne. 
fille^,  qui  étoit  son  idole  et  qui  le  méritoit  médiocrement. 
J'étois  fort  des  amis  du  jeune  marquis  de  Grignan',  son 
petit-fils.  Cette  femme,  par  son  aisance,  ses  grâces  natu- 

vent  mettre  sur  le  frontispice  de  leurs  maisons  l'inscription  à'Iiôtel; 
la  naissance  et  les  dignités  ont  seules  établi  cette  distinction,  sans 
l'autorité  des  lois,  et  je  ne  vois  pas  que,  jusqu'à  présent,  on  ait  beau- 
coup abusé  de  cette  liberté.  » 

4.  Cet  emploi  du  mot  père,  au  sens  de  «  principe  par  l'exemple,  » 
est  bon  à  ajouter,  dans  l'article  de  M.  Littré,  à  la  fin  de  9°. 

2.  Qui  covr'ige  un  premier  de. 

3.  La  lettre  initiale  de  Mtne  remplace  un  J. 

4.  Saint-Simon  écrit  ici  Sévigmj,  suivant  l'usage  presque  général  du 
temps,  et  d'autres  fois  Sévigné.  —  Marie  de  Rabutin-Chantal,  baptisée 
à  Paris  le  6  février  1626,  mariée,  le  4  août  1644,  à  Henri,  marquis  de 
Sévigné,  et  devenue  veuve  le  6  février  16ol,  mourut  le  17  avril  1696. 
Voyez  son  article  dans  le  Dictionnaire  critique  de  Jal,  p.  1129-1132, 
sa  biographie,  par  M.  Paul  Mesnard,  en  tête  de  l'édition  des  Lettres  pu- 
bliée dans  la  collection  des  Grands  écrivains,  et  diverses  lettres  sur 
sa  mort  dans  le  tome  X  de  cette  édition,  notamment  celles  de  M.  et 
de  Mme  de  Grignan,  p.  387,  393  et  399. 

5.  Ville  et  château  magnifique  situés  sur  la  limite  du  Dauphiné  et  de 
la  Provence,  dans  ce  qu'on  appelait  les  Terres  adjacentes,  à  dix  kilomè- 
tres E.  du  Rhône  et  vingt-sept  S.  de  Montélimar.  C'était  un  comté  érigé 
en  faveur  d'une  branche  de  la  maison  d'Adhémar  de  Monteil,  par  lettres 
du  mois  de  juin  lîjoS.  Le  marquis  du  Muy  eu  devint  propriétaire  en 
1732.  Le  château  a  été  ruiné  pendant  la  Révolution. 

6.  Françoise-Marguerite  de  Sévigné,  née  à  Paris  en  octobre  1646, 
mariée,  le  29  janvier  1669,  à  François  Adhémar  de  Monteil,  comte  de 
Grignan,  et  morte  à  Marseille  le  13  août  1705  {Mémoires,  tome  IV, 
p.  274).  Mme  de  Grignan,  malade  elle-même  lorsque  sa  mère  mourut, 
ne  connut  la  nouvelle  de  cette  mort  que  plus  tard  (Damjeau,  tome  V, 
p.  401). 

7.  Voyez  notre  tome  II,  p.  146,  où  Saint-Simon  a  déjà  parlé  de  cette 

hospes,  primitif  d'hospice,  d'hôtel  [hospitalis  et  plus  souvent  hospita/r, 
au  neutre),  etc.,  désignait  un  paysan  vassal  du  seigneur  du  lieu. 


78  MÉMOIRES  [1696J 

relies  ',  la  douceur  de  son  esprit,  en  donnoit  par  sa  con- 
versation à  qui  n'en  avoit  pas,  extrêmement  bonne  d'ail- 
leurs^, et  savoit  extrêmement  de  toutes  sortes  de  choses, 
sans  vouloir  jamais  paroitre  savoir  rien^. 

Le  P.  Séraphin  ^,  capucin^,  prêcha,  cette  année,  le"  carême 


liaison;  il  y  reviendra  plus  longuement  lors  de  la  mort  du  jeune  mar- 
quis, en  1704. 

1.  Mme  de  Sévigné  conserva  toujours  sa  beauté,  tandis  que  Mme  de 
Grignau  perdit  ses  charmes  de  bonne  heure  :  voyez  la  Correspondance  de 
Bussy,  tome  IV,  p.  [oH  et  lo3,  et  un  passage  de  l'appendice  VI,  p.  393. 

2.  «  C'est  une  dame  qui  n'a  point  de  plus  grand  plaisir  que  quand 
elle  peut  obliger  quelqu'un,  étant  la  générosité  même.  »  (Mémoires  de 
Mme  de  la  Giieile,  p.  50.)  Comparez  les  Mémoires  de  Conrart.  p.  593. 

3.  Dans  la  table  jointe  à  son  exemplaire  du  Journal  de  Dangeau,  à 
l'article  des  Morts  du  mois  d'avril  1696,  Saint-Simon  a  écrit  :  «  Mort  de 
Mme  de  Sévigny  à  Grignan,  chez  sa  fille,  si  connue  par  son  esprit  et  ses 
illustres  amis  dans  le  grand  monde,  et  par  ses  lettres.  »  —  Il  ne  parle 
pas  ici  des  lettres  de  Mme  de  Sévigné  ;  mais  nous  aurons  à  relever,  dans 
la  suite  des  Mémoires  (tomes  I  de  1873,  p.  409  ;  IV,  p.  178  ;  VIII,  p.  2'29  ; 
XII,  p.  97,  etc.;  comparez  une  ligne  de  IWddition  143),  des  allusions 
qui  prouvent  qu'elles  lui  étaient  familières;  il  avait  dans  sa  bibliothèque 
l'édition  de  1734.  —  Dans  ses  Légères  notions  des  chevaliers  du  Saint- 
Esprit,  à  propos  de  M.  de  Grignan,  il  a  tracé  un  portrait  de  Mme  de 
Sévigné  que  nous  renvoyons  à  l'Appendice,  n°  VI,  et  qu'on  devra  compa- 
rer avec  une  Addition  sur  Mme  de  Grignan  (Dangeau,  tome  X,  p.  397). 

4.  Le  P.  Séraphin,  dit  de  Paris  (dans  le  monde  Claude-Robert  Hurault), 
supérieur  et  gardien  du  couvent  des  Capucins  de  Meudon,  mourut  le 
10  septembre  1713,  à  l'âge  de  soixante-dix-sept  ans,  dans  le  grand 
couvent  que  son  ordre  possédait  à  Paris,  rue  Saint-Honoré.  Voyez  une 
note  de  M.  Servois  dans  le  commentaire  des  Caractères  de  la  Bruyère, 
tome  II,  p.  416-419,  et  les  Orateurs  sacrés  à  la  cour  de  Louis  XIV, 
par  M.  l'abbé  Hurel,  tome  II,  p.  186-188.  On  possède  de  ce  prédi- 
cateur plusieurs  séries  d'Homélies  sur  les  évangiles  des  dimanches. 

5.  Cet  ordre  de  religieux  mendiants  avait  été  établi  à  Meudon 
d'abord,  par  le  cardinal  de  Lorraine  (mort  en  1564),  ensuite  à  Paris,  par 
les  rois  Charles  IX  et  Henri  III.  Depuis  que  Catherine  de  Médicis  les 
avait  aidés  à  transférer  leur  siège  principal  de  Picpus  à  la  rue  Saint- 
Honoré,  ils  avaient  prospéré  grandement.  Ils  jouissaient  d'une  grande 
popularité  et  avaient  une  attribution  spéciale  pour  combattre  les  incen- 
dies, le  service  municipal  des  pompes  n'étant  pas  encore  créé.  Ils  s'oc- 
cupaient aussi  avec  succès  de  la  médication  par  les  simples. 

6.  La  lettre  l  corrige  un  d. 


[I696J  DE  SAINT-SIMON.  79 

à  la  cour'.  Ses  sermons,  dont  il  répétoit  souvent  deux 
fois  de  suite  les  mêmes  phrases,  et  qui  étoient  fort  à  la 
capucine-,  plurent  fort  au  Roi,  et  il  devint  à  la  mode  de 
s'y  empresser  et  de  l'admirer^;  et  c'est  de  lui,  pour  le 
dire  en  passant,  qu'est  venu  ce  mot  si  répété  depuis  : 
Sans  Dieu  point  de  cervelle*;  il  ne  laissa  pas  d'être  hardi 

1.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  360,  376,  38o  et  399. 

2.  «  A  la  manière  des  capucins,  »  ainsi  que  l'explique  le  Dictionnaire 
de  Trévoux,  qui  dit  que  cette  expression  entre  souvent  dans  le  dis- 
cours familier.  M.  Littré  en  restreint  le  sens,  et,  citant  notre  exemple, 
il  la  traduit  ainsi  :  «  avec  une  dévotion  étroite.  »  Ne  marque-t-elle  pas 
plutôt  ici  la  simplicité  du  langage  ou  une  certaine  hardiesse  popu- 
laire ?  Voyez  la  réponse,  rapportée  dix  lignes  plus  loin,  du  duc  de 
Vendôme.  — La  Bruyère,  qui  était  un  des  admirateurs  les  plus  enthou- 
siastes du  P.  Séraphin,  au  point  qu'il  l'a  voulu  nommer  en  toutes  lettres 
dans  les  Caractères  (tome  II,  p.  22I-'2''22),  nous  apprend  que  ce  prédi- 
cateur, par  son  débit  uni,  familier  et  vraiment  apostolique,  rompait 
avec  les  traditions  des  «  rhéteurs,  déclamateurs,  énumérateurs,  »  ses 
devanciers,  mais  que  ce  genre,  quoique  fort  goûté  tout  de  suite  par  les 
courtisans,  n'avait  plu  nullement  au  public  des  paroisses  oia  il  prêcha 
avant  d'être  appelé  à  Versailles.  L'abbé  le  Gendre  s'est  fait  {Mémoires, 
p.  14-13)  l'écho  de  ces  sentiments  du  public  et  des  rancunes  de  tous 
ceux  que  le  P.  Séraphin  attaquait  sans  aucun  ménagement.  Le  P.  Léo- 
nard (Arch.  nat.,  M  737,  p.  163)  cite,  entre  autres,  un  trait  qui  dut  le 
faire  voir  fort  mal  des  bénéficiers.  On  raconte  qu'une  fois,  l'abbé  de 
Fénelon  s'étant  endormi  au  milieu  du  sermon,  le  Père  l'apostropha  du 
haut  même  de  la  chaire  {V Intermédiaire,  1870-1873,  col.  263). 

3.  Dangeau  répète  à  deux  reprises  (tome  V,  p.  376  et  399)  que  le 
Roi  «  trouve  ces  sermons-là  plus  de  son  goût  qu'aucun  qu'il  ait  jamais 
entendu.  »  Mme  de  Maintenon  écrit  que  le  Père  a  «  fait  pleurer  bien  des 
gens,  »  et  qu'il  a  reçu  du  Roi  «  plus  de  louanges  que  tous  les  prédica- 
teurs ensemble  n'eu  ont  donné  au  Roi  depuis  trente  ans.  »  Le  2  février 
1696,  elle  dit  à  l'archevêque  de  Paris  :  «  Jamais  succès  ne  fut  égal  à 
celui  du  P.  Séraphin.  Toute  la  cour  en  est  charmée;  mais  ce  qui  est 
considérable,  c'est  que  le  Roi  a  trouvé  son  sermon  court,  en  a  retenu 
une  grande  partie,  et  m'a  dit  que  cet  homme  donnoit  envie  d'être 
dévot....  y  {Con-espondance  générale,  tome  IV,  p.  63  et  91.)  Plus  tard, 
le  quiétisme  compromit  le  P.  Séraphin,  qui  fut  même  interdit  en  1700. 

4.  Les  jugements  contemporains  sur  le  maréchal  de  Villeroy  ren- 
dent bien  raison  de  l'application  ironique  qui  lui  fut  faite,  comme  on 
va  le  voir,  du  mot  du  capucin,  lequel  n'est,  au  propre,  qu'une  déduc- 
tion de  la  parole  bien  connue  de  l'Écriture  (Épître  de  saint  Jacques, 


MÉMOIRES 


[1696 


[AMS'-S.      15i] 

Éclat  de 
l'évêque  d'Or- 
léans contre 
le  duc  de   la 
Rochefoucauld 

sur  une 

place  derrière 

le  Roi  donnée 

au  dernier. 


devant  un  prince  qui  croyoit  donner  les  talents  avec  les 
emplois  :  le  maréchal  de  Villeroy  étoit  à  ce  sermon'  ;  cha- 
cun, comme  entraîné,  le  regarda.  Le  Roi  fit  des  reproches 
à  M.  de  Vendôme,  puis  à  M.  de  la  Rochefoucauld,  de  ce 
qu'ils  n'alloient  jamais  au  sermon,  pas  même  à  ceux  du 
P.  Séraphin.  M.  de  Vendôme  lui  répondit  librement  qu'il 
ne  pouvoit  aller  entendre  un  homme  qui  disoit  tout  ce 
qu'il  lui  plaisoit,  sans  que  personne  eût  la  liberté  de  lui 
répondre,  et  fit  rire  le  Roi  par  cette  saillie.  M.  de  la  Ro- 
chefoucauld le  prit  sur  un  autre  ton,  en  courtisan  avisé^  : 
il  lui  dit  qu'il  ne  pouvoit  s'accommoder  d'aller,  comme 
les  derniers  de  la  cour,  demander  une  place  à  l'officier 
qui  les  distribuoit^,  s'y  prendre  de  bonne  heure  pour  en 
avoir  une  bonne,  et  attendre,  et  se  mettre  où  il  plaisoit  à 
cet  officier  de  le  placer.  Là-dessus,  et  tout  de  suite',  le 
Roi  lui  donna,  pour  sa  charge^,  une  quatrième  place  der- 
rière lui,   auprès    du   grand  chambellan'',   en   sorte  que 


1,  16)  :  «  Tout  don  parfait  vient  d'en  haut,  descendant  du  père  des 
lumières.  »  Donc,  sans  Dieu  point  d'intelligence,  point  de  bon  sens,  de 
qualités  d'esprit.  De  même,  sans  le  dieu  de  Versailles,  qui  donne  les 
talents  avec  les  emplois,  que  serait,  qu'est  vraiment  le  maréchal?  — 
Qu'on  se  reporte  aux  divers  portraits  que  Saint-Simon  fait  de  celui-ci  dans 
la  suite  àes  Mémoires,  au  commentaire  des  Coradères  sur  «  Ménippe,  » 
dans  le  tome  I  de  l'édition  des  Grands  écrivains,  p.  4o0-4o2,  au  portrait 
de  Villeroy  par  Ézéchiel  Spanheim,  dans  Y Athenœuin  frmiçais,  aanéc 
18o6,  p.  567,  à  trois  autres  articles  dans  les  Portraits  et  caractères  de 
la  cour  de  France  de  1703,  p.  o8-o9,  dans  les  Nouveaux  portraits  et 
caractères  de  1706,  réédités  par  M.  Edouard  de  Barthélémy,  p.  24-23, 
dans  les  Caractères  inédits  du  Musée  britannique,  fol.  20  v",  etc. 

1.  Sans  doute  un  des  sermons  qu'indique  Dangeau  aux  dates  des 
2  février,  11  et  26  mars,  22  avril  1696. 

2.  Voyez  tome  II,  p.  71,  et  la  suite  des  Mémoires,  tome  IV,  p.  381-382. 

3.  C'était  un  exempt  de  la  première  compagnie  des  gardes  du  corps  : 
voyez  les  Mémoires  du  duc  de  Luynes,  tome  I,  p.  2lo. 

4.  Dangeau  (tome  V,  p.  380-381)  place  cette  prise  de  possession  au 
dimanche  11  mars  1696,  où  le  sermon  fut  prêché  par  le  P.  Séraphin. 

o.  Celle  de  grand  maître  de  la  garde-robe:  voyez  l'État  de  la  France 
de  1698,  tome  I,  p.  191-193. 

6.  L'État  de  la  France  (1698)  dit  seulement  :  «  Quand  le  Roi  donne 


I 

J 


a696j  bE  SAINT-SIMON.  84 

partout  il  est  ainsi  placé  :  le  capitaine  des  gardes  derrière 
le  Roi,  qui  a  le  grand  chambellan  à  sa  droite  et  le  pre- 
mier gentilhomme  de  la  chambre  à  sa  gauche  ;  et  jamais 
que  ces  trois-là  jusqu'à  cette  quatrième  que  M.  de  la 
Rochefoucauld  sut  tirer  sur  le  temps  ^  pour  sa  charge,  qui 
n'en  avoit  point,  qui  est  nouvelle^,  et  que  le  Roi  fit  pour 
Guilrj^,  tué  au  passage  du  Rhin*,  auquel  M.  de  la  Roche- 
audience  aux  ambassadeurs,  le  grand  maître  de  la  garde-robe  a  sa  place 
derrière  le  fauteuil  de  S.  M.,  à  côlc  du  premier  gentilhomme  ou  du 
grand  chambellan,  et  prend  la  gauche  de  la  chaise  du  Roi.  »  M.  de 
Luynes  {Mémoires,  tome  I,  p.  21S-2I(j)  cnumèrc  ainsi  les  places,  telles 
qu'elles  étaient  réglées  pour  le  sermon  :  «  Le  capitaine  des  gardes  im- 
médiatement derrière  le  Roi  ;  à  sa  droite,  le  grand  chambellan  ;  à  sa 
gauche,  le  premier  gentilhomme  de  la  chambre;  à  la  droite  du  grand 
chambellan,  le  grand  maître  de  la  garde-robe  ;  et  cela  depuis  la  décision 
du  feu  roi,  de  1684,  83  ou  86  (le  duc  nous  paraît  se  tromper  de  dix 
ans),  que  cette  charge  étoit  une  des  grandes  charges  de  sa  maison....  « 
Comparez  les  mêmes  Mémoires,  même  tome,  p.  221-222. 

1.  Cet  emploi  figuré  de  tirer  sur  a  de  l'analogie  avec  celui  qu'on  lait 
de  ce  tour  dans  la  locution  «  tirer  une  somme  sur  quelqu'un,  >-  adresser 
h  quelqu'un,  se  servir  d'un  tiers  pour  le  payement  (voyez,  dans  le  Dic- 
lionnaire  de  M.  Littré,  l'article  Tirer,  34").  Le  sens  est  que  M.  de  la 
Rochefoucauld  mit  à  profit  le  temps,  le  moment,  se  servit  de  la  circon- 
stance pour  se  faire  donner  cette  place. 

2.  La  charge  unique  de  grand  maître  avait  été  créée  le  26  novem- 
bre 1669  (voyez  note  3),  et  ses  attributions  définies  par  un  règlement  du 
même  jour,  qu'on  trouve  dans  les  registres  de  la  Maison  du  Roi,  Arch. 
nat.,  0'  13,  fol.  349-350,  et  0»  274,  fol.  9o;  mais,  avant  ce  temps,  les 
deux  maîtres  de  la  garde-robe  se  qualifiaient  eux-mêmes  grands  maîtres. 

3.  Guy  de  Chaumont,  marquis  de  Guitry  (on  dit  à  tort  aujourd'hui  : 
Quitry)  et  de  Bertichères,  pourvu  d'une  charge  de  maître  de  la  garde- 
robe  le  31  décembre  1656,  en  remplacement  du  marquis  de  Monglat,  et 
nommé  conseiller  d'État  le  mois  suivant,  fut  créé  grand  maître  de  la 
garde-robe  le  26  novembre  1669.  En  1667,  il  avait  rempli  une  mission 
à  Vienne.  —  Saint-Simon  rappellera  encore  le  même  souvenir,  presque 
dans  les  mêmes  termes,  quatre  ou  cinq  fois;  mais,  nulle  part,  il  n'a 
reproduit  dans  ses  Mémoires  les  détails  biographiques  et  généalogiques 
que  contient  l'article  Guitry  dans  ses  notes  sur  les  Grandes  charges  de 
la  couronne,  et  nous  plaçons  ce  fragment  à  l'Appendice,  n°  VII. 

4.  Sur  le  passage  du  Rhin,  qui  eut  lieu  le  12  juin  1672,  et  oîi 
périrent  plusieurs  volontaires  portant  des  noms  illustres,  voyez  ci-après 
un  endroit  où  Saint-Simon  parle  du  comte  de  Saint-Pol,  p.  294,  note  5. 

MliMOIRES  DE    SAINT-SIMON.    III  6 


m  MÉMOIRES  [1696] 

foucauld  succéda'.  Monsieur  d'Orléans^  premier  aumô- 
[Add.S'-S.i56]  nier,  qui  a  sa  place  au  prié-Dieu^,  mais  point  ailleurs*, 
s'étoit  peu  à  peu  accoutumé  à  se  mettre  auprès  du  grand 
chambellan,  et,  comme  il  étoit  fort  aimé  et  honoré,  on 
l'avoit  laissé  faire  sans  lui  dire  mot.  C'étoit  celle  que  le 
Roi  donna  à  M.  de  la  Rochefoucauld.  Monsieur  d'Or- 
léans, qui,  à  force  de  s'y  mettre,  la  vouloit  croire  sienne, 
fit  les  hauts  cris,  comme  si  elle  l'eût  été,  et,  n'osant  se 
prendre  au  Roi,  qui  venoit  de  le  nommer  si  gracieuse- 
ment au  cardinalat^,  se  brouilla  ouvertement  avec  M.  de 
la  Rochefoucauld,  jusqu'alors  et  de  tout  temps  son  ami 
particulier.  Les  envieux  de  sa  faveur,  qui  ne  manquent 
point  dans  les  cours,  firent  grand  bruit,  Monsieur  le 
Grand  surtout  et  ses  frères.  Ils  étoient,  eux  et  le  duc  de 
Coislin  et  Monsieur  d'Orléans  et  le  chevalier  de  Coislin, 
enfants  du  frère  et  de  la  sœur".  Ils  avoient  toujours  vécu 
sur  ce  pied-là  avec  eux,  et  s'étoient  surtout  piqués  d'une 
grande  amitié  pour  Monsieur  d'Orléans.  Monsieur  le  Grand 
étoit  l'émule  de  la  faveur  de  M.  de  la  Rochefoucauld; 
et  fort  jaloux  l'un  de  l'autre.  N'osant  aller  au  Roi,  ils 
excitèrent  Monsieur,  dont  le  chevalier  de  Lorraine  dispo- 
soit  :  bref,  toute  la  cour  se  partialisa',  et  Monsieur  d'Or- 

1.  Voyez  la  Correspondance  de  Bussy,  tome  II,  p.  482. 

2.  M.  de  Coislin  :  voyez  notre  tome  II,  p.  3o4,  note  2. 

3.  Cette  forme  (voyez  tome  I,  p.  93),  la  seule  qu'admette  l'Académie 
jusqu'à  1762  inclus  (cependant  Saint-Simon  écrit  parfois  sans  accent),  est 
identique,  pour  la  prononciation,  avec  la  forme,  probablement  plus  ré- 
gulière, priez-Dieu,  que  nous  trouvons  dans  la  Gazette  de  4660,  p.  572. 

4.  Sur  les  fonctions  du  premier  aumônier,  consultez  l'État  de  la 
France,  année  4698,  tome  I,  p.  24-25  et  51. 

5.  En  4695  :  voyez  notre  tome  II,  p.  354-355. 

6.  Sur  ces  Coislin,  voyez  notre  tome  I,  p.  82,  note.  Leur  père,  Pierre- 
César  du  Cambout,  marquis  de  Coislin,  mort  le  28  juillet  4644,  avait 
pour  sœur  la  comtesse  d'Harcourt  (tome  I,  p.  487,  note  4),  mère  de  Louis 
de  Lorraine-Armagnac,  du  chevalier  de  Lorraine  et  de  M.  de  Marsan. 

7.  Nous  avons  déjà  vu  ce  mot  dans  le  tome  II,  p.  83  ;  nous  en  trou- 
vons à  peu  près  le  même  emploi  dans  les  Mémoires  de  Lenet,  p.  494  : 
«  En  peu  de  temps,  la  cour  fut  partialisée.  » 


L1690J  DE  SAINT-SIMON.  83 

léans  l'emporta  pour  le  nombre  et  pour  la  considération 
des  personnes  qui  se  déclarèrent  pour  lui.  Le  Roi  tâcha 
inutilement  de  lui  faire  entendre  raison;  M.  de  la  Roche- 
foucauld, vraiment  affligé  de  perdre  son  amitié,  fit  fort 
au  delà  de  ce  dont  il  étoit  ordinairement  capable;  des 
amis  communs  s'entremirent  :  Monsieur  d'Orléans  fut  in- 
flexible, et,  quand  il  vit  que  tout  cet  éclat  n'aboutissoit 
qu'à  du  bruit,  il  s'en  alla  bouder  dans  son  diocèse  ^ 

1.  Comparez  les  Mémoires  du  duc  de  Luynes,  tome  I,  p.  222. —  Ainsi 
que  nous  l'avons  annoncé  dans  le  tome  II,  p.  357,  note  3,  Saint-Simon 
avait  écrit  une  première  fois,  pour  169S,  par  conséquent  hors  de  l'ordre 
chronologique,  le  l'écit  de  ce  conflit,  et,  s'aperccvant  de  son  erreur,  il  a 
biffé  cette  rédaction  primitive,  pour  la  refaire  ici  et  la  compléter  plus 
loin  encore,  en  1697.  On  trouvera  à  l'Appendice  du  présent  volume, 
n"  VIII,  le  texte  de  la  rédaction  biffée  sur  la  page  77  du  manuscrit  ori- 
ginal. —  Saint-Simon  aurait-il  pris  quelques  éléments  de  cet  épisode 
(p.  78-83)  dans  le  passage  qu'on  va  lire  des  Annales  de  la  cotir  et  de 
Paris  (tome  II,  p.  169-171  de  l'édition  de  1739)  :  «  Le  carême  vint  bien- 
tôt après,  et  un  certain  P.  Séraphin,  gardien  des  capucins  de  Meudon, 
ayant  été  choisi  pour  prêcher  le  carême  devant  le  Roi,  s'en  acquitta  avec 
tant  de  liberté,  que  l'on  crut  que  la  chaire  lui  seroit  interdite;  mais  Sa 
Majesté,  qui  étoit  dans  la  dévotion,  et  qui,  par  un  principe  de  christia- 
nisme, se  relâchoit,  à  ce  qu'on  prétendoit,  en  faveur  de  la  paix,  de 
quantité  de  choses  qu'il  eût  voulu  conserver  dans  un  autre  temps  à  la 
pointe  de  l'épée.  Sa  Majesté,  dis-je,  qui  aimoit  les  gens  de  bien,  bien 
loin  de  s'en  scandaliser,  lui  témoigna  que  ses  sermons  étoient  de  son 
goût,  et  qu'il  n'avoit  qu'à  les  continuer  sur  le  même  ton.  Ce  prince  n'en 
perdit  pas  un,  et,  voyant  que  le  duc  de  la  Rochefoucauld  n'y  venoit  point, 
il  lui  en  demanda  la  raison.  Le  duc  lui  répondit  que  c'étoit  qu'il  n'avoit 
point  de  banc  à  l'église,  et,  comme  l'évêque  d'Orléans,  premier  aumô- 
nier, étoit  absent,  le  Roi  lui  donna  celui  que  ce  prélat  occupoit  d'or- 
dinaire. Il  n'étoit  pas  allé  bien  loin  :  il  n'étoit  allé  qu'à  son  évêché,  qui 
n'est  qu'à  deux  petites  journées  de  Paris,  et,  en  étant  bientôt  revenu, 
il  voulut  ravoir  son  banc.  Le  duc  ne  voulut  pas  le  lui  rendre,  et  pré- 
tendoit que,  ne  l'ayant  jamais  eu  que  parce  qu'il  s'en  étoit  emparé 
par  droit  de  bienséance,  il  l'en  excluoit  maintenant  que  le  Roi  le  lui 
avoit  donné.  Ce  démêlé  ne  lit  pas  moins  de  bruit  que  le  lutrin  dont 
nous  parle  Boileau.  Leurs  amis,  tant  de  part  que  d'autre,  se  rangèrent 
auprès  d'eux  pour  les  soutenir  dans  leurs  prétentions....  Le  Roi  se 
déclara  pour  le  duc  :  ce  qui  fâcha  si  fort  ce  prélat,  qu'il  s'en  retourna 
de  dépit  dans  son  diocèse.  »  Sur  la  conclusion  de  l'incident,  voyez  la 


84  MÉMOIRES  I1096J 

Le  public  perdit  bientôt  après  un  homme  illustre  par 
son  esprit,  par  son  style  et  par  la  connoissance  des  hom- 
mes :  je  veux  dire  la  Bruyère^  qui  mourut  d'apoplexie  à 
Versailles^,  après  avoir  surpassé  Théophraste^  en  travail- 
lant d'après  lui,  et  avoir  peint  les  hommes  de  notre  temps, 

suite  des  Mémoires,  tome  I  (de  1873),  p.  424-425,  et  le  Journal  de 
Daiigemc,  tome  VI,  p.  424. 

■1.  Jean  de  la  Bruyère,  baptisé  à  Paris  le  47  août  4645,  pourvu,  de 
4674  à  1687,  d'une  charge  de  trésorier  de  France  en  la  généralité  de 
Caen,  attaché  à  la  maison  de  Condé  en  4684,  pour  prendre  part  à  l'édu- 
cation du  jeune  duc,  puis  comme  homme  de  lettres  et  comme  gentil- 
honnne  de  Monsieur  le  Duc,  reçu  membre  de  l'Académie  française  le 
lo  juin  4693,  et  mort  le  4  l  mai  4696.  Voyez  son  article  dans  le  Diction- 
naire critique  de  iaï,  p.  743-749,  et  surtout  la  Notice  biographique  qui 
complétera  très  prochainement  l'édition  des  Œuvres  de  la  Bruyère 
donnée  par  M.  Servois  dans  la  collection  des  Grands  écrivains.  On  ne 
connaît  pas  de  portrait  authentique  de  l'auteur  des  Caractères;  mais 
celui  que  possède  le  musée  de  Versailles,  n°  4277,  se  trouve  offrir  de 
la  ressemblance  avec  une  autre  toile  conservée  au  château  de  Mouchy. 

2.  Dans  l'hôtel  de  Condé,  situé  rue  des  Réservoirs.  Selon  la  Gazette 
d.  Amsterdam,  année  4696,  n°  xli,  et  le  Mercure,  mai  4696,  p.  309-340, 
il  mourut  subitement  dans  la  nuit  du  jeudi  40  au  vendredi  44,  après 
avoir  soupe,  à  deux  heures,  avec  grand  appétit.  L'apoplexie  se  faisait 
pressentir  depuis  quelques  jours.  —  Dangeau  (tome  V,  p.  408)  dit  seu- 
lement ces  mots  :  «  La  Bi'uyère  mourut  ici  d'apoplexie;  il  étoit  un 
des  quarante  de  l'Académie  et  étoit  connu  par  un  ouvrage  qu'il  a  fait 
à  la  suite  de  la  traduction  des  Caractères  de  Théophraste.  »  Dans  une 
Addition  sur  cet  article  un  peu  froid  et  bref,  Saint-Simon  a  expliqué 
quel  ressentiment  Dangeau  pouvait  avoir  contre  son  confrère.  En  faisant 
les  tables  de  ce  volume  du  Journal,  il  a  écrit  :  «  Mort  de  la  Bruyère, 
que  ses  Caractères  de  Théophraste  ont  tant  illustré.  » 

3.  Tyrtame,  surnommé  Théophraste,  né  dans  l'ile  de  Lesbos,  en 
l'an  371  avant  Jésus-Christ,  fut  disciple  de  Platon,  puis  d'Aristote,  et 
remplaça  celui-ci  lorsqu'il  cessa  d'enseigner  au  Lycée  d'Athènes.  Il 
mourut  extrêmement  âgé,  laissant  beaucoup  d'écrits  sur  toutes  les 
sciences,  dont  un  petit  nombre  sont  arrivés  jusqu'à  nous,  parmi  lesquels 
sont  surtout  connus  de  tous  et  lus  les  Caractères,  traduits  par  la  Bruyère. 
Huit  éditions  de  l'ouvrage  de  la  Bruyère  avaient  paru  de  son  vivant  (la 
Gazette  d'Amsterdam,  en  annonçant  sa  mort,  dit  :  «  II  s'étoit  rendu 
recommandable  par  son  livre  des  Caractères  de  Théophraste,  dont  il  y  a 
déjà  eu  huit  éditions  »),  et  la  neuvième  fut  mise  en  vente  peu  de  jours 
après    son  décès.  Voyez  la  Notice   bibliographique  de  M.  Servois. 


[1696J  l»K  SAINT-SIMON.  83 

dans  ses  nouveaux  Caractères^,  d'une  manière  inimitable^. 
C'étoit  d'ailleurs  un  fort  honnête  homme  ^,  de  très  bonne 
compagnie,  simple,  sans  rien  de  pédant*,  et  fort  désinté- 
ressé. Je  l'avois  assez  connu  pour  le  regretter,  et  les  ou- 
vrages que  son  âge  et  sa  santé  pouvoient  faire  espérei" 
de  lui^. 

D'Aquin,  ci-devant  premier  médecin  du  Roi,  ne  put 
survivre  longtemps  à  sa  disgrâce"  :  il  alla  chercher  à  pro- 
longer ses  jours  à  Vichy',  et  y  mourut  en  arrivant^,  et 
avec  lui  sa  famille,  qui  retomba  dans  le  néants 

i.  Les  Caractères  ou  Mœurs  de  ce  siècle,  placés  par  la  Bruyère  à  la 
suite  de  sa  traduction  de  Théophraste,  ce  qui  faisait  confondre  à  cer- 
taines gens,  à  Dangeau  par  exemple,  deux  œuvres  si  différentes.  La  pre- 
mière édition  parut  en  mars  1688,  sous  le  titre  de  :  Les  Caractères  de 
Théophraste  traduits  du  grec,  avec  les  Caractères  ou  les  Mœurs  de  ce  siècle. 

2.  Comparez  le  jugement  porté  par  Bussy  sur  les  Caractères,  lorsqu'ils 
parurent  en  1688  (Correspondance,  tome  VI,  p.  122). 

3.  M.  Edouard  Fournier  (Comédie  de  la  Bruyère,  tome  I,  p.  22o) 
fait  observer,  mais  cela  nous  paraît  fort  douteux,  qu'ici  cette  qualifi- 
cation doit  être  plutôt  prise  dans  le  sens  moderne  que  «  dans  le  sens 
alors  admis  d'une  urbanité  parfaite.  »  D'Olivet,  dans  son  Histoire  de 
l'Académie  française,  tome  II,  p.  317,  dit  la  Bruyère  «  toujours  disposé 
à  une  joie  modeste  et  ingénieux  à  la  faire  naître,  poli  dans  ses  manières 
et  sage  dans  ses  discours,  craignant  toute  sorte  d'ambition....»  C'est 
bien  Ylioniiête  homme  au  sens  de  ce  temps-là. 

4.  Voyez,  aux  tomes  II  et  III  de  ses  Œuvres,  les  vingt  et  une  lettres 
que  l'on  a  de  lui. 

5.  On  a  attribué  à  la  Bruyère  des  Dialogues  sur  le  Quiétisme,  qui 
n'étaient  point  achevés,  et  que  néanmoins  l'abbé  du  Pin  fit  paraître 
en  1698.  M.  Servois  a  cru  devoir,  tout  bien  pesé,  reproduire  ce  texte, 
comme  authentique,  dans  son  édition,  tome  II,  p.  529  et  suivantes. 

6.  Voyez  tome  I,  p.  284-288. 

7.  Les  eaux  minérales  de  Vichy  étaient  fort  en  vogue,  et  l'intendant 
de  cet  établissement,  le  médecin  Claude  Fouet,  en  avait  fait  l'objet 
de  deux  notices,  en  1679  et  1686,  dédiées  précisément  à  d'Aquin. 

8.  Le  17  mai.  Selon  Dangeau  (tome  V,  p.  415),  Antoine  d'Aquin 
n'avait  pris  les  eaux  qu'un  jour.  Voyez,  sur  sa  mort,  \e  Mercure,  mai  1696, 
p.  310-311,  et  un  long  article  consacré  aux  d'Aquin  dans  le  Dictionnaire 
critique,  où  Jal  a  reproduit  (p.  60)  le  texte  de  l'acte  d'inhumation  du 
premier  médecin  dans  l'église  Saint-BIaise  de  Vichy. 

9.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  II,  p.  147.  Mme  de  Sévigné 


«6 


MÉMOIRES 


[16961 


L'Espagne  perdit  la  reine  mère*  d'un  cancer ^  C'étoit 
une  méchante  et  malhabile  femme,  toujours  gouvernée 
par  quelqu'un,  qui  remplit  de  troubles  la  minorité  du 
roi  son  fils^.  Dom  Juan  d'Autriche'  lui  arracha  le  fameux 


(tome  III,  p.  30)  avait  appliqué  à  «  ce  petit  d'Aquin  ->  le  vers  du  Cid  : 

La  faveur  l'a  pu  faire  autant  que  le  mérite. 

i.  Marie-Anne,  archiduchesse  d'Autriche,  née  en  1634,  était  fille  de 
Ferdinand  III,  empereur  d'Allemagne,  et  de  Marie-Anne  d'Autriche. 
Fiancée  en  1648  à  l'infant  d'Espagne,  qui  mourut  avant  la  consomma- 
tion du  mariage,  elle  épousa  l'année  suivante  le  père  de  ce  prince,  le 
roi  Philippe  IV,  dont  elle  devint  veuve  le  17  septembre  166o.  Son  por- 
trait, en  1679,  est  dans  les  Lettres  et  mémoires  de  Mme  d'Aulnoy  sur 
l'Espagne,  tome  I  (éd.  Carrey  de  1876),  p.  476.  Philippe  IV,  en  mou- 
rant, l'avait  dispensée  de  se  faire  religieuse  selon  l'obligation  ordinaire. 

2.  Elle  mourut  à  Madrid,  dans  la  nuit  du  16  au  17  mai  1696,  et  son 
corps  fut  transporté  le  20  à  l'Escurial,  dans  le  Panthéon  où  reposertt 
les  reines  qui  ont  donné  des  enfants  à  leurs  époux.  Sur  cette  mort  (dont 
Saint-Simon  a  rencontré  l'indication  dans  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  V,  p.  415  et  417,  à  côté  de  celle  du  décès  d'Antoine  d'Aquin),  voyez 
la  Gazette,  p.  207,  219,  242-243,  267-268,  302-303,  315,  le  Mercure 
de  juin  1696,  p.  185-208,  et  la  Gazette  d'Amsterdam,  n"'  xlvii  et  xlviii. 

3.  Charles  II,  dernier  roi  d'Espagne  de  la  branche  aînée  de  la  maison 
d'Autriche,  né  le  6  novembre  1661,  appelé  dès  1665  à  remplacer  son 
père  sur  le  trône,  déclaré  majeur  le  6  novembre  1675,  à  quatorze  ans, 
et  marié  :  1°  en  1679,  à  Marie-Louise  d'Orléans  ;  2°  en  1690,  à  une 
princesse  de  Neubourg.  Il  mourut  le  1"  novembre  1700,  et  ce  fut  le 
petit-fils  de  Louis  XIV  qui  lui  succéda. 

4.  Don  Juan,  deuxième  bâtard  de  ce  nom,  fils  naturel  de  Philippe  IV 
et  d'une  comédienne,  naquit  en  1629,  fut  grand  prieur  de  Castille, 
vicaire  général  et  plénipotentiaire  du  roi  son  père,  généralissime  de  ses 
armées  de  terre  et  de  mer.  Forcé  de  quitter  la  cour  à  la  mort  de  Phi- 
lippe IV,  il  y  reprit  sa  prépondérance  onze  ans  plus  tard,  en  1676,  et 
obligea  alors  la  reine  mère  à  se  retirer  pour  un  temps  à  Tolède.  Mort 
le  17  septembre  1679.  Mademoiselle,  qui  le  vit  à  Paris  en  1659,  a  fait 
un  portrait  de  lui  dans  ses  Mémoires,  tome  III,  p.  362,  et  Mme  d'Aulnoy 
en  parle  très  souvent  et  assez  longuement  dans  ses  Lettres  et  mémoires 
sur  l'Espagne  (tomes  I,  p.  177-179,  491-494,  et  II,  p.  12,  60-61,  99- 
101).  Comparez  la  suite  des  Mémoires  de  Saint-Simon,  tomes  III, 
p.  154-155,  et  IX,  p.  290.  Au  pouvoir  pendant  cinquante  ans,  don  Juan 
eut  le  plus  grand  crédit  parce  qu'il  était  le  seul  homme  de  guerre  que 
possédât  alors  l'Espagne  ;  mais  ses  talents  étaient  fort  médiocres. 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  87 

Vasconcellos^  puis  le  jésuite  Nithard^  son  confesseur, 
qu'elle  consola  par  l'ambassade  d'Espagne  à  Rome,  n'é- 

4.  Saint-Simon  commet  ici  une  erreur,  car  il  ne  saurait  être  ques- 
tion, dans  la  régence  de  Marie-Anne  d'Autriche,  du  portugais  Michel 
Vasconcellos,  qui  remplit  auprès  de  la  vice-reine  de  Portugal  les  fonc- 
tions de  secrétaire  d'État,  sous  les  ordres  du  comte-duc  d'Olivarès,  et 
périt  le  l"  décembre  1640  dans  la  sédition  par  laquelle  les  Bragance 
gagnèrent  la  couronne.  11  est  certain  qu'ici,  comme  en  deux  autres 
endroits  (tomes  III,  p.  100-101,  et  XIII,  p.  236),  Saint-Simon  a  écrit  ce 
nom  au  lieu  de  celui  du  ministre  Fernando  Valenzuela,  espagnol  de 
classe  inférieure  et  serviteur  du  P.  Nithard,  que  la  Régente  appela  au 
pouvoir,  non  pas  avant  Nithard,  mais  après  la  chute  de  celui-ci,  en 
1669,  et  qu'elle  conserva  jusqu'en  1677,  époque  où  don  Juan  fit  relé- 
guer la  reine  à  Tolède  et  Valenzuela  aux  îles  Philippines.  Il  est  vrai 
que,  dans  les  deux  autres  passages,  Saint-Simon  a  du  moins  rétabli 
l'ordre  chronologique  et  placé  son  Vasconcellos  après  le  P.  Nithard  ; 
mais  l'erreur  principale  subsiste,  et  elle  est  d'autant  moins  facile  h 
comprendre  qu'on  ne  la  retrouve  ni  dans  une  Addition  que  notre  auteur 
avait  écrite  antérieurement  à  la  rédaction  des  Mémoires  (article  de  Dan- 
geau  du  28  septembre  1692,  tome  IV,  p.  175),  et  où  il  commente  la 
disgrâce  de  Valenzuela  annoncée  par  Dangeau,  ni  dans  la  Table  alpha- 
bétique générale  des  il/e)7ioires,  au  mot  Grands,  tome  XX,  p.  241.  —  Sur 
la  faveur  et  la  disgrâce  de  Valenzuela,  voyez  les  Mémoires  de  Mme  d'Aul- 
noy  sur  l'Espagne,  tome  II,  p.  47-54,  les  Négociations  relatives  à  la 
sjiccession  d'Espagne,  par  M.  Mignet,  tome  IV,  p.  632-641,  et  un  article 
de  M.  Eugène  Baret  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  1"  juillet  1880. 

2.  Jean-Éverard  Nithard  (Nidhard,  en  allemand),  né  en  Autriche  le 
8  décembre  1607  et  d'abord  luthérien,  étant  entré  dans  la  compagnie 
de  Jésus  le  5  octobre  1631,  enseigna  la  philosophie  à  Gratz,  puis  devint 
confesseur  de  l'archiduchesse  Marie-Anne,  la  suivit  en  Espagne,  eut  sa 
confiance  absolue  quand  elle  devint  régente  (octobre  1665),  entra  dans 
toutes  les  juntes  avec  le  titre  de  conseiller  d'État,  fut  naturalisé,  el, 
sous  le  titre  d'inquisiteur  général,  devint  premier  ministre  (1666)  ;  mais 
son  caractère  incertain  et  timide,  mêlé  d'orgueil,  lui  attira  l'inimitié 
générale,  et  don  Juan  n'eut  pas  de  peine  à  obtenir  qu'il  fût  renvoyé  et 
exilé  le  25  février  1669  (M.  Mignet,  tome  IV,  p.  405  et  suivantes,  et 
p.  423-424;  Mémoires  de  Mme  d'Aidnoy,  tome  II,  p.  2-47  ;  article  Nidhard 
dans  le  Dictionnaire  de  Baijle;  et  Gazette,  1669,  p.  113,  185-186,  285- 
286,  309-310,  333,  358).  11  se  rendit  à  Rome  avec  les  fonctions  d'am- 
bassadeur d'Espagne,  que  la  Régente  lui  donna  en  partant,  eut  en  1672 
le  chapeau  de  cardinal,  fut  fait  archevêque  d'Édesse  et  de  Monreale, 
et  mourut  à  Rome  le  30  janvier  1681,  dans  la  maison  des  Jésuites. 


88  MÉMOIRES  [1696] 

tant  que  simple  jésuite,  et  le  fit  cardinal  après,  mais  sans 
avoir  pu  le  rapprocher  d'elle.  Elle  régna  avec  plus  de 
tranquillité  sous  le  nom  de  son  fils  devenu  majeur,  et 
rendit  fort  malheureuse  la  fille  de  Monsieur',  que  ce 
prince  avoit  épousée.  A  la  fin,  son  mauvais  gouverne- 
ment, et  plus  encore  son  humeur  altière,  qui  lui  avoit 
aliéné  toute  la  cour,  refroidit  le  roi  pour  elle,  sur  qui 
elle  l'exerçoit  avec  peu  de  ménagement^,  et  elle  alla 
passer  ses  dernières  années  dans  un  palais  particulier 
dans  Madrid^,  peu  comptée  et  peu  considérée.  Elle  liaïs- 
soit  extrêmement  la  France  et  les  François.  Elle  étoit 
sœur  de  l'Empereur*  et  seconde  femme  de  Philippe  IV ^, 
qui,  de  sa  première  femme",  fille  d'Henri  IV,  avoit  eu 
notre  reine  Marie-Thérèse'  :  en  sorte  que  le  Roi  en  drapa** 
pour  un  an,  sans  regrets 

1.  Marie-Louise  d'Orléans,  fille  de  Philippe,  duc  d'Orléans,  et  de  sa 
première  femme,  Henriette  d'Angleterre,  était  née  le  27  mars  1G62. 
Mariée  le  31  août  1679  à  Charles  II,  elle  mourut  le  12  février  1689, 
empoisonnée  au  dire  de  Saint-Simon  et  de  beaucoup  de  contemporains. 

2.  Voyez  le  portrait  de  cette  princesse  dans  un  rapport  fait  par  l'am- 
bassadeur vénitien  en  1693,  et  des  détails  sur  les  ministres  et  les  mem- 
bres du  Conseil  dans  un  rapport  de  1698  (Relazioni  degli  ambasciatori 
veneziani,  publiées  par  Barozzi,  Espagne,  tome  II,  p.  569  et  623). 

3.  Selon  l'article  du  Mercure  (juin  1696,  p.  183-208),  ce  palais  était 
situé  en  face  de  l'église  Sainte-Marie  ;  ce  devait  être  celui  des  comtes 
d'Onate.  Antérieurement,  la  reine  avait  habité  le  palais  du  duc  d'Uzeda. 

4.  Léopold  I".  Voyez  tome  I,  p.  112,  note  3. 

3.  Philippe  IV,  né  le  8  avril  1603,  monta  sur  le  trône  d'Espagne 
le  30  mars  1631,  et  mourut  le  17  septembre  1663. 

6.  Elisabeth  de  France,  née  le  22  novembre  1602,  mariée  le 
18  octobre  1613  à  Philippe  IV,  et  morte  le  6  octobre  1644. 

7.  Voyez  tome  1,  p.  83  et  Additions  et  corrections. 

8.  Draper  signifiait  spécialement,  en  matière  d'étiquette,  recouvrir 
les  carrosses,  à  l'intérieur  comme  à  l'extérieur,  de  drap  et  d'ornements 
de  deuil  ;  le  Roi  drapait  de  violet,  et  les  autres  personnes  de  noir. 
Voyez  les  différents  articles  indiqués  par  Saint-Simon,  dans  sa  Table 
alphabétique  générale,  aux  mots  Deuil  et  Draper,  et  son  Addition  à 
l'article  de  Dangeau  du  21  février  1696,  Journal,  tome  V,  p.  369. 

9.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  417  et  429-431.  On 
écrivait  de  Paris,  le  22  juin,  à  la  Gazelle  d'Amsterdam  (année  \QdQ, 


M696J  DE  SAINT-SIMON.  89 

3Iaintenant  il  est  temps  de  reprendre  la  suite  du  procès      Reprise  du 
de  M.  de  Luxembouro-,  dont  ie  n'ai  pas  voulu  interrom-   Procès  de  m.  de 

.  o  •'  J^  .     .  Luxembourg. 

pre  la  suite*.  Le  départ  pour  les  armées  avoit  mterrompu 
le  cours  de  cette  affaire,  que  M.  de  Luxembourg  avoit 
reprise  à  la  mort  du  maréchal  son  père.  Nous  avions  fait 
notre  opposition  à  sa  réception  au  Parlement  ;  nous 
avions  résolu  de  mettre  en  cause  le  duc  de  Gesvres,  pour 
entraîner  par  là  la  récusation  du  premier  président,  dont 
les  ruses,  les  détours  et  les  manèges,  dans  la  soif  de  de- 
meurer notre  juge,  avoient  causé  une  division  entre  nous, 
dont  le  danger  avoit  été  promptement  arrêté  par  notre 
réunion  pour  la  récusation,  avec  ce  ménagement  pour 
ceux  qui  l'avoient  combattue,  de  n'y  venir  point  tant 
que  rien  ne  péricliteroit.  C'est  ce  qui  se  trouve  expliqué 
page  61  ^,  oii  on  voit  aussi  qu'il  fut  résolu  de  commencer 
par  une  requête  civile  de  MM.  de  Lesdiguières,  de  Bris- 
sac  et  de  Rohan.  Ce  fut  aussi  par  oîi  nous  voulûmes  re- 
commencer cette  année,  La  requête  civile,  toute  scellée 
et  toute  prête,  étoit  entre  les  mains  du  procureur  du  duc 
de  Rohan*,  tandis  que,  dès  notre  première  assemblée,  les 
agitations  se  renouveloient  parmi  nous  sur  la  récusation 
actuelle  du  premier  président,  par  toutes  les  bassesses 
et  les  artifices  qu'il  prodiguoit  de  nouveau  pour  se  con- 
server le  plaisir  de  demeurer  notre  juge  et  parer  la  honte 
de  la  récusation.  Nous  sûmes  de^ce  procureur  du  duc  de 
Rohan  qu'il  avoit  défense  expresse  de  lui,  qui  étoit  lors 

n°  Lii)  :  «  S.  M.  se  dispose  à  prendre  le  grand  deuil  au  commencement 
du  mois  prochain.  Les  ducs  et  pairs  et  les  officiers  de  la  couronne  font 
draper  leurs  carrosses  et  habiller  leurs  livrées.  » 

1.  Voyez  notre  tome  II,  p.  238-242  et  l'Appendice  (n°  I).  —  Nous 
renvoyons  à  l'Appendice  (n°  IX)  les  pièces  relatives  à  la  seconde  pé- 
riode du  procès,  comme  nous  avons  fait,  pour  la  première,  au  tome  II. 

2.  La  page  61  du  manuscrit  correspond  aux  pages  236-242  de  notre 
tome  IL 

3.  Le  duc  de  Rohan  et  MM.  de  Ventadour,  de  Brissac  et  de  Mont- 
bazon  avaient  pour  procureur  François-Hubert  Véron. 

4.  La  première  lettre  de  la  préposition  de  corrige  un  p[ar]. 


90 


MÉMOIRES 


[1696] 


Récusation 
du  premier  pré- 
sident Harlay. 


]Add.  S'-S.  158] 


Option  hardie 

de  M.  de 
I.iixcnibourt'. 


en  Bretagne,  de  laisser  faire  aucun  usage  de  la  requête 
civile,  que  préalablement  le  duc  de  Gesvres  ne  fût  en 
cause.  Cette  déclaration  finit  toutes  les  diversités  d'avis. 
Le  duc  de  Gesvres  fut  assigné  et  mis  en  cause*,  sans 
donner  le  moindre  signe  de  vie  au  premier  président", 
non  plus  que  lors  de  sa  récusation,  que  nous  fîmes  tout 
de  suite.  La  rage  qu'il  en  conçut  ne  se  peut  exprimer,  et, 
quelque  grand  comédien  qu'il  fût,  il  ne  la  put  cacher. 
Toute  son  application  depuis  ne  fut  plus  que  de  faire 
tout  ce  qu'il  pourroit  contre  nous  :  le  reste  de  masque 
tomba^,  et  la  difformité  du  juge  parut  dans  l'homme  à 
découvert. 

Aussitôt  après,  nous  fîmes  signifier  à  M.  de  Luxera- 
bourg  qu'il  eût  à  opter  des  lettres^  d'érection  de  Piney 
de  1581  ou  de  celles  de  1662".  En  abandonnant  les  pre- 
mières, le  procès  tomboit;  en  répudiant  les  dernières,  il 
renonçoit  à  l'état  certain  de  duc  et  pair  après  nous,  pour 
s'attacher  à  l'espérance  de  nous  précéder  et  courir  le 
risque,   s'il  perdoit,   de  n'être  plus  que  duc  vérifié  de 


1.  La  requête  civile,  datée  du  13  août  1695,  fut  signifiée  le  21  jan- 
vier 1696,  en  même  temps  que  MM.  de  Sully,  de  la  Rochefoucauld  et 
de  Valentinois  déposaient  des  conclusions  tendantes  à  ce  que  M.  de 
Gesvres  fût  appelé  à  défendre  et  à  plaider  conjointement  avec  eux,  et 
que  l'arrêt  qui  interviendrait  fut  déclaré  commun  pour  tous. 

2.  Saint-Simon  a  écrit  par  mégarde  la  conjonction  et  entre  les  abré- 
viations P»-  et  PK 

3.  On  retrouvera  la  même  métaphore  dans  le  tome  V,  p.  58,  à  propos 
de  Vendôme.  Il  est  à  remarquer  qu'un  contemporain  de  notre  auteur, 
J.-B.  Rousseau,  l'avait  récemment  employée  de  la  même  façon,  dans 
ces  vers  bien  connus  de  YOde  à  la  Fortune  (c'est  la  vi°  du  livre  II, 
mais  elle  fut  publiée  en  tête  des  Œuvres  dans  les  premières  impres- 
sions, de  Soleure  1712,  de  Rotterdam  1714,  avec  le  titre  d'Ode  sur  les 
Conquérants)  : 

Le  masque  tombe,  l'homme  reste, 
Et  le  héros  s'évanouit. 

4.  Saint-Simon  avait  d'abord  mis  entre,  voulant  écrire  :  «  entre  les 
lettres.  »  Des  l[ettres]  corrige  cet  entre. 

5.  Voyez  notre  tome  II,  p.  24,  note  8,  et  p.  42-43,  note  3. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  91 

l'érection  qui'  avoit  été  faite  en  sa  faveur  de  la  terre  de 
Beaufort,  sous  le  nom  de  Montmorency^,  lorsqu'il  épousa 
la  fille  du  duc  de  Chevreuse,  Le  parti  étoit  bien  délicat  : 
aussi  en  fut-il  effrayé  ;  mais,  après  avoir  bien  consulté, 
il  ne  put  se  résoudre  d'abandonner  ses  prétentions,  et 
choisit  d'en  courir  tout  le  danger^.  Il  compta  sur  son 
crédit  et  sur  la  compassion  des  juges  dans  une  si  grande 
extrémité,  et  il  espéra  contre  toute  raison  et  prudence, 
M.  de  Gesvres,  mis  en  cause,  exclut  tous  les  présidents  à 
mortier^  excepté  Maisons^  seul,  et,  des  trois  avocats  gé- 


1.  Que  a  été  changé  en  qui. 

2.  Voyez  notre  tome  II,  p.  47. 

3.  Voyez,  dans  l'appendice  n°  IX,  consacré,  comme  nous  venons  de  le 
dire,  à  la  suite  du  procès,  l'intitulé  des  deux  requêtes  présentées  par 
les  ducs  le  4  et  le  24  février  1696. 

4.  Le  8  mars,  le  procureur  du  duc  de  Luxembourg  fut  averti  que  le 
premier  président  et  les  présidents  Mole,  Charron  de  Ménars  et  de  Ha- 
nyvel  étaient  forcés  de  se  récuser.  Le  9  mars,  le  président  de  Mesmes 
se  reconnut  parent  au  degré  prohibé  de  MM.  d'Elbeuf  et  de  Brissac; 
les  conseillers  Rancher  et  Bochart,  parents  de  M.  de  Brissac;  le  con- 
seiller Briçonnet,  parent  de  la  duchesse  de  Rohan.  Le  président  le 
Peletier  se  retira  comme  créancier  du  duc  de  Gesvres  ;  les  conseillers 
Catinat,  le  Boultz,  Brisard,  le  Doulx,  Camus  de  Pontcarré,  le  Tonnellier 
de  Breteuil  et  de  Ville  vaut,  comme  créanciers  de  divers  ducs.  (Arch. 
nat.,  recueil  de  la  Pairie,  K  616,  n°  22.)  Le  nom  du  président  de  Bail- 
leul  de  Château-Gontier  ne  figure  pas  dans  cette  énumération.  — 
Le  même  jour,  9  mars,  et  le  jour  suivant,  10  mars,  M.  de  Gesvres  fit 
signifier  aux  ducs  et  pairs  qu'il  renonçait,  ainsi  que  le  faisait  M.  de 
Luxembourg,  à  récuser  aucun  magistrat  de  la  Cour  comme  parent,  allié 
ou  créancier.  Nous  reproduisons  le  texte  de  ces  significations  dans  l'ap- 
pendice n"  IX. 

5.  Jean  de  Longueil,  marquis  de  Maisons,  était  fils  du  surintendant 
des  finances  qui  avait  acquis  jadis  la  capitainerie  de  Claude  de  Saint- 
Simon  (voyez  tome  I,  p.  loi).  Pourvu  d'une  charge  de  conseiller  au 
Parlement  en  1644,  de  la  survivance  de  celle  de  président  à  mortier  en 
1646  et  d'une  charge  de  maître  des  requêtes  en  1650,  il  avait  remplacé 
son  père  comme  chancelier  de  la  Reine  mère  et  avait  eu  la  survivance 
du  gouvernement  de  Versailles,  Saint-Germain  et  Poissy.  Il  exerçait  les 
fonctions  de  président  depuis  le  1"  décembre  1672  et  venait  d'en  faire 
donner  la  survivance  à  son  fils,  le  6  décembre  169S.  Mort  le  10  avril 


92 


MÉMOIRES 


[169G] 


Renvoi  au 

Parlement  de 

la  cause  par  la 

bouche  du 

Roi. 


[Add.  S'-S.  ir,9] 


néraux*,  ne  nous  laissa  que  Daguesseau^,  qui  étoit  alors 
l'aigle  du  Parlement. 

Cette  reprise^  pouvoit  demander  des  lettres  patentes 
de  renvoi  au  Parlement,  pour  lui  donner  pouvoir  de 
juger,  les  pairs  non  parties  convoqués^,  par^  l'option 
forcée  de  M.  de  Luxembourg,  par  laquelle,  en  perdant 
son  procès,  il  tomboit  entièrement  de  la  dignité  de  pair 
de  France;  mais,  comme  il  étoit  pourtant  vrai  que  cette 
option  n'étoit  qu'une  suite  en  conséquence"  de  la  reprise 
du  même  procès,  le  Pioi  aima  mieux  y  suppléer  de 
bouche.  Il  manda  donc  le  président  de  Maisons  et  les 
gens  du  Roi,  et  leur  dit  qu'encore  que  notre  affaire  ne 
fût  pas  naturellement  de  la  compétence  du  Parlement,  il 
vouloit  que,  pour  cette  fois,  il  la  jugeât  selon  les  lois  et 
définitivement,  sans  tirer  à'  conséquence  pour  de  pa- 
reilles matières,  parce  qu'il  ne  se  vouloit  point  mêler  de 
celle-ci,  ni  la  retenir  à  son  Conseil^.  Ce  fut  le  27  mars,  et, 


i70S,  à  quatre-vingts  ans.  Ce  fut  un  des  magistrats  les  plus  remuants 
de  la  Fronde. 

i.  Les  trois  avocats  généraux  étaient  MM.  de  Lamoignon,  de  Harlay, 
fils  du  premier  président,  et  Daguesseau. 

2.  Henri-François  Daguesseau,  né  le  27  novembre  1668,  reçu  avocat 
le  18  avril  1690,  fut,  peu  après,  pourvu  d'une  charge  nouvelle  d'avo- 
cat général,  dans  laquelle  il  fut  installé  le  10  janvier  1691,  n'ayant  que 
vingt-deux  ans.  11  passa  procureur  général  en  1700,  fut  nommé  chan- 
celier de  France  sous  la  Régence,  le  2  février  1717,  ne  se  démit  do 
cette  charge  que  le  27  novembre  1750,  après  avoir  supporté  ])lusiours 
disgrâces,  et  mourut  le  9  février  suivant. 

3.  Selon  Furetière,  reprise  se  disait  plus  communément,  comme 
aujourd'hui  encore,  en  termes  de  manège  et  d'escrime,  d'une  leçon  ou 
d'une  manœuvre  recommencée;  mais  il  ajoute  :  «  Reprise  d'instance  se 
dit  au  Palais  du  renouvellement  d'un  procès  contre  une  nouvelle  partie, 
après  qu'elle  en  a  fait  un  acte  au  greffe.  » 

4.  Après  convoqués  est  bitïé  et.  —  5.  Par,  en  raison  de. 

6.  Ni  Furetière  (1690),  ni  les  trois  premières  éditions  de  l'Académie 
(1694,  1718,  1740)  ne  donnent  la  locution  en  conséquence  de,  qui  ligure 
dans  ce  pléonasme,  lequel  équivaut  à  «  une  suite  découlant  de.  » 

7.  A  corrige  en. 

5.  Cette  phrase  est  |)resque  textuellement  empruntée  an  Journal  de 


rieurs  en  cause. 


fKiimj  DE  SAINT-SIMON.  93 

le  dernier  du  même  mois,  le  premier  président,  le  pré- 
sident de  Maisons  et  plusieurs  conseillers  de  la  grand 
chambre  vinrent  faire  leur  remerciement  au  Roi  de  l'hon- 
neur qu'il  lui  plaisoit  faire  au  Parlement  de  lui  renvoyer 
notre  affaire  et  de  ce  qu'il  avoit  fait  la  grâce  de  dire 
là-dessus  au  président  de  Maisons  et  aux  gens  du  Roi'. 

Il  ne  fut  plus  question  que  de  se  bien  défendre  de  part  Pairs  postë- 
et  d'autre.  Nous  persuadâmes  à  quelques  ducs  posté- 
rieurs aux  lettres  d'érection  nouvelle  de  Piney  en  1662- 
de  se  joindre  à  nous,  par  la  juste  crainte  que  d'autres 
prétentions  d'ancienneté^  les  vinssent  troubler,  si  celle-ci 
réussissoit,  et  les  ducs  d'Estrées,  la  Meilleraye,  Villeroy, 
Aumont,    la  Ferté  *  et   Charost^  entrèrent  avec  nous  en 

Dcmgcau,  tome  V,  p.  385-386.  Saint-Simon,  dans  sa  Table  alphabétique 
(tome  XX,  p.  311),  comme  dans  la  note  marginale,  dit  :  «  Le  Roi,  de 
sa  bouche,  renvoie  la  cause  au  Parlement.  » 

1.  Cette  autre  phrase  est  également  prise  du  Journal  de  Dangean, 
p.  388.  —  A  côté  de  la  lettre  de  convocation  adressée  au  président  de 
Maisons  et  au  procureur  général  par  l'intermédiaire  du  secrétaire  d'État 
de  la  maison  du  Roi,  et  presque  à  la  même  date,  on  trouve,  dans  les 
registres  de  cette  secrétairerie,  un  transport  de  moitié  de  la  pension  de 
douze  mille  livres  de  M.  de  Harlay  sur  la  tète  de  son  fils  l'avocat 
général,  et  des  lettres  de  conseiller  honoraire  pour  M.  Câlinât  (Arch. 
nat.,  0'  40,  fol.  51  v%  58  et  60,  25  mars,  1"  et  2  avril  1696). 

2.  Voyez,  dans  notre  tome  II,  Appendice,  p.  438-439,  la  liste  des 
ducs  et  pairs  par  ordre  de  réception. 

3.  Saint-Simon  a  écrit  :  d'ancienne.  Ce  lapsus,  si  c'en  est  un  et  non 
une  abréviation  voulue,  revient  plus  d'une  fois,  à  notre  connaissance, 
dans  ses  manuscrits. 

4.  Henri-François  de  Senneterre,  marquis  de  la  Ferté-Nabert,  né  le 
23  janvier  1657,  fait  colonel  d'infanterie  en  1671,  gouverneur  de  Metz 
et  des  Trois-Évêchés  en  1674,  brigadier  en  1684,  maréchal  de  camp 
en  mai  1692,  lieutenant  général  en  janvier  1696.  Il  siégeait  comme 
duc-pair  de  la  Ferté  depuis  1678,  et  mourut  le  1"  août  1703. 

5.  Armand  I"  de  Béthunc,  titré  d'abord  marquis  de  Charost,  n'avait 
obtenu  que  le  9  août  1690  la  vérification  de  l'érection  de  Charost  en 
duché-pairie  faite  en  1672  au  profit  de  son  père,  moyennant  l'échange 
de  la  charge  de  capitaine  de  la  quatrième  compagnie  des  gardes  du 
corps,  dont  il  avait  la  survivance,  contre  celles  de  lieutenant  général  au 
gouvernement  de  Picardie,  Boulonnais,  Hainaut,  etc.,  et  de  gouverneur 


94  MÉMOIRES  116961 

cause*.  Arrault '^  plaida  pour  eux,  Fréteau^  pour  nous, 
Magueux*  pour  M.  de  Richelieu,  à  cause  de  ses  pairies 
femelles,  en  expliquerMes  différences  et  les  écoulements''; 

particulier  de  Calais.  Pourvu  aussi  de  ces  deux  charges  depuis  la  mort 
de  son  père,  il  avait  été  fait  chevalier  des  ordres  en  1688.  En  novembre 
1695,  il  s'était  démis  de  son  duché  au  profit  de  son  fils  et  avait  pris 
alors  le  titre  de  duc  de  Béthune  (que  Saint-Simon  lui  donnera  plus  loin)  ; 
mais  il  continua  de  siéger  au  Parlement  jusqu'à  ce  que  le  nouveau  duc 
y  eût  été  reçu.  Il  mourut  le  I"  avril  I7I7,  âgé  de  soixante-seize  ans. 

1.  Voyez,  dans  l'appendice  n"  IX,  l'intitulé  des  requêtes  des  13,  21, 
'29  et  30  mars  1696.  Saint-Simon  oublie  le  nom  du  duc  de  Choiseul 
parmi  ceux  des  ducs  intervenants. 

2.  Saint-Simon  .T  écrit  :  Harreau;  mais  il  s'agit  de  Charles  Arrault, 
qui,  reçu  avocat  depuis  le  28  novembre  1667,  était  aussi  renommé 
comme  consultant  que  comme  plaidant.  Il  devint  bâtonnier  de  l'ordre 
en  1717,  conseiller  au  conseil  de;  la  maison  du  Régent,  procureur 
général  du  duc  de  Berry  et  chef  du  conseil  du  comte  de  Toulouse,  et 
mourut  en  1718.  On  connaît  de  lui  un  recueil  de  mémoires  et  fac- 
tums  pour  le  duc  de  Gesvres  et  un  mémoire  pour  le  duc  de  Savoie. 

3.  Héracle-Michcl  Fréteau,  né  le  16  septembre  1663,  reçu  avocat  le 
9  juillet  1682,  quitta  le  barreau  en  1723  pour  prendre  une  charge 
de  secrétaire  du  Roi,  et  fut  alors  appelé  par  le  chancelier  Daguesseau, 
qui  le  considérait  comme  son  plus  ancien  et  plus  fidèle  ami,  au 
poste  de  contrôleur  généTral  de  la  chancellerie.  Il  mourut  fort  vieux, 
en  17o2.  C'est  le  grand-père  du  président  de  la  Constituante  qui  fut 
exécuté  le  14  juin  1794.  —  Sa  plaidoirie  pour  les  ducs  est  résumée 
dans  le  Journal  des  principales  audiences  du  Parlement,  éd.  1733, 
tome  IV,  p.  639. 

4.  Voyez  tome  II,  p.  70,  et  note  7.  Cet  avocat  eut  un  fils,  François 
Magueux,  qui  lui  succéda  au  barreau  et  épousa  en  1707  une  fille  de 
Charles  Arrault.  Dans  les  factums  du  procès  de  1694-1696,  nous  n'en 
voyons  pas  qui  soit  signé  par  Magueux  ;  mais  on  a  de  lui  deux  mémoires 
sur  l'extinction  du  duché-pairie  d'Épernon,  qui  furent  imprimés  en  1711, 
pour  les  ducs  et  pairs,  dans  l'affaire  de  M.  d'Antin,  oîi  Saint-Simon 
prit  une  part  très  active  (Arch.  nat.,  carton  K  620). 

5.  Devant  «  en  expliquer  »,  il  y  a  ellipse  de  pour,  mot  ayant  même 
sens,  quoique  autre  régime,  que  l'a  cause  qui  précède. 

6.  M.  Littré  donne  divers  exemples  d'emploi  semblable  du  mot  écou- 
lement au  figuré,  dans  l'article  de  ce  mot,  au  n°  2,  et  l'on  en  trouve 
aussi  un  emploi  singulier  dans  le  Parallèle  de  Saint-Simon,  p.  374.  — 
Sur  les  exemples  de  pairies  femelles,  voyez  un  mémoire  manuscrit 
dans  le  carton  de  la  Pairie,  aux  Archives  nationales,  coté  K  620,  et. 


11696J  DE  SAINT-SIMON.  95 

Chardon*  fut  chargé  de  la  réplique,  et  du  Mont-^  plaida 
pour  M.  de  Luxembourg.  Nous  nous  mîmes  à  solliciter  tous 
ensemble  et  à  les  instruire,  et  nous  nous  rendîmes  assidus 
aux  audiences^,  qui  étoient  tous  les  mardis  et  samedis 
matins*,  aux  bas  sièges^.  M.  de  la  Trémoïlle,  en  année  de 

dans  le  carton  suivant,  K  621,  n°  3,  une  copie  du  dialogue  que  nous 
avons  déjà  cité,  tome  II,  p.  65,  fin  de  la  note  3,  et  qui  est  l'œuvre  du 
duc  de  Chevreuse.  Nous  rencontrerons  plus  tard,  tome  VIII,  p.  319-328, 
un  projet  de  règlement  pour  la  transmission  des  duchés-pairies  femelles, 
dressé  dès  1694  par  le  premier  président  de  Harlay,  et  annoté  en  1711 
par  Saint-Simon. 

1.  Daniel  Chardon,  qui  avait  été  reçu  avocat  le  24  novembre  1653, 
fut  élu  bâtonnier  le  9  mai  1699.  Saint-Simon  racontera  ailleurs  (tome  IV, 
p.  164-165)  dans  quelles  circonstances  presque  miraculeuses  ce  même 
Chardon,  qui  fut  l'avocat  de  son  père  avant  de  plaider  pour  lui,  avait, 
ainsi  que  sa  femme,  abjuré  la  religion  protestante.  Chardon  mourut 
en  janvier  1714. 

2.  Jacques-François  du  Mont,  reçu  avocat  le  4  juillet  1667.  Il  était 
renommé  pour  sa  facilité  d'élocution,  et  l'on  comparait  son  éloquence 
à  celle  de  Mascaron;  le  Mercure  du  mois  de  mai  1718,  en  annonçant 
sa  mort,  survenue  dans  le  mois  de  mars  précédent,  dit  (p.  187)  qu'il 
était  surnommé  «  l'aigle  du  Palais.  »  Il  avait  alors  soixante-treize  ans 
et  un  demi- siècle  de  profession.  • —  Les  seuls  facturas  imprimés  pour 
M.  de  Luxembourg,  en  1696,  que  nous  ayons  trouvés,  sont  signés 
par  les  avocats  Argoud  et  Nivelle  ;  aucun  ne  l'est  par  du  Mont. 

3.  Voyez  le  Journal  des  principales  audiences,  tome  IV,  livre  XI, 
chapitre  xvi,  p.  638-642.  Ce  recueil  contient  une  dissertation  sur  l'ar- 
rêt d'appointement  du  13  avril  1696,  l'analyse  des  plaidoiries  de  Fré- 
teau,  de  Magueux,  de  Véron,  d'Arrault,  de  celle  de  du  Mont  surtout, 
puis  de  la  réplique  de  Chardon,  du  réquisitoire  de  M.  Daguesseau,  et 
enfin  le  texte  de  l'arrêt. 

4.  Il  y  a  bien  ainsi  matins,  au  pluriel. 

5.  Sur  ce  qu'on  appelait  les  bas  sièges,  voyez  la  description  que 
Saint-Simon  fait  de  la  grand'chambre  dans  le  tome  X,  p.  446,  et 
le  mémoire  sur  les  pertes  subies  par  la  Pairie,  dans  le  volume  51  de 
ses  Papiers.  On  peut  se  reporter  aussi,  pour  tout  le  détail  des  au- 
diences, au  Dictionnaire  géographique  et  historique  d'Expilly,  tome  V, 
article  Paris,  p.  533,  ou  au  Livre  commode  des  adresses  de  Paris 
pour  1692,  éd.  Éd.  Fournier,  tome  I,  p.  81,  qui  dit  :  «  Nos  seigneurs 
de  la  grande  {sic)  chambre  du  Parlement  tiennent  les  grandes  audiences 
de  robes  rouges,  sur  les  hauts  sièges,  les  lundis,  les  mardis  et  les  jeudis, 
depuis  huit  heures  du  matin  jusqu'à  dix  ;  et  celles  de  robes  noires,  de  re- 


%  MÉMOIRES  lUi96J 

premier  gentilhomme  de  la  chambre',  et  M.  de  la  Roche- 
foucauld, dont  la  charge  est  d'un  service  continuel"-,  s'y  ren- 
dirent au  moins  une  fois  la  semaine,  très  ordinairement 
toutes  les  deux  fois  ;  je  n'en  manquai  aucune,  et  presque 
tous  s'y  rendirent  aussi  assidus.  Notre  nombre  nous  dé- 
tourna d'y  mener  nos  amis,  et  M.  de  Luxembourg  n'y  fut 
accompagné  que  de  MM.  de  Saillans^  et  de  Clérembault  *, 
son  beau-père,  dont  le  maintien,  le  vêtement  et  la  perru- 
que, fort  semblable  à  celle  des  quais  ^  et  qui  lui  en  avoit 
mérité  le  surnom",  paroissoit  lin  vieux  valet  que  l'attache- 

levée,  les  uianlis  pour  les  causes  du  rôle,  et  les  vendredis  pour  celles  des 
placets.  Les  audiences  ordinaires  de  la  grande  chambre  qui  se  tiennent 
sur  les  bas  sièges,  en  robes  noires,  sont  données  les  mercredis,  vendredis 
et  samedis,  outre  les  petites  audiences  qui  se  donnent  tous  les  jours, 
à  l'exception  des  lundis,  depuis  sept  jusqu'à  huit  heures  du  matin.  » 

1.  Voyez  notre  tome  II,  p.  71,  note  3. 

2.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  VI,  p.  382. 

3.  Jean-Philippe  d'Estaing,  comte  de  Saillans,  page,  puis  mousque- 
taire du  Roi,  entra  comme  enseigne  au  régiment  des  gardes  françaises 
en  1663.  Promu  lieutenant  de  la  compagnie  colonelle  en  1673,  capi- 
taine en  167S,  brigadier  d'infanterie  et  chevalier  de  Saint-Louis  en  169i, 
il  devint  maréchal  de  camp  en  1702,  lieutenant  général  en  1704,  lieute- 
nant-colonel des  gardes  françaises  et  gouverneur  de  Sarrelouis  en  1710, 
gouverneur  des  évêchés  de  Metz  et  de  Verdun  en  1712,  et  mourut  à  Metz, 
le  23  juillet  1723.  A  l'occasion  de  sa  mort,  Saint-Simon  dira  (tome  XIX, 
p.  132)  que  c'était  un  homme  brave  et  honnête,  mais  «  court  à  l'excès.  » 

4.  Le  marquis  de  Clérembault,  dont  nous  avons  vu  ci-dessus  (p.  10- 
13)  la  fille  unique  épouser  le  duc  de  Luxembourg,  le  14  février  1696. 

3.  Saint-Simon  a  écrit  quais,  ce  qui  augmente  la  difficulté  apparente 
pour  interpréter  cette  locution  ;  mais,  si  l'on  se  reporte  à  un  autre  pas- 
sage (tome  X,  p.  7)  sur  ce  Clérembault,  où  Saint-Simon  dit  qu'on  l'ac- 
cusait d'acheter  ses  perruques  sur  les  quais",  on  comprendra  sans 
peine  qu'il  s'agit  d'une  perruque  commune  et  à  bon  marché,  peut-être 
de  rebut,  comme  certaines  autres  marchandises  qui  se  vendaient  et  se 
vendent  encore  sur  quelques  quais  de  Paris.  —  Celles  semblerait  préfé- 
rable à  celle  ;  pourtant  le  singulier  s'explique  au  besoin  par  :  «  semblable 
à  la  perruque,  à  l'espèce  de  perru([ue  qui  se  vend  sur  les  quais.  » 

6.  Clérembaull-la-Perruque ;  voyez  le  passage  du  tome  X  que  nous 
venons  d'indiquer. 

Œ  Écrit  cette  fois  sans  tréma. 


nous. 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  97 

ment  conduit  à  la  suite  de  son  maître'.  Ses  écus  nous 

firent  plus  de  mal  que  son  crédit  :  il  ne  les  épargna  pas 

à  une  dame  Baillj^  que  le  président  de  Maisons  entrete-     Partialité  de 

noit  depuis  longues  années  qu'il  la^  logeoit  avec  lui,  et  ^'^isons  contre 

pour  qui  il  avoit  chassé  sa  femme*,  sœur  de  Fieubet^, 

conseiller  d'Etat  fort  distingué,  et  qui  étoit  elle-même  une 

femme  d'esprit  et  de  mérite*^.  Il  avoit  eu  depuis  peu  la 

i.  Comparez  le  portrait  de  M.  de  Clérembault  dans  les  Mémoires  de 
Sourches,  éd.  Dernier,  tome  I,  p.  257,  note  I,  et  dans  le  Chansonnier, 
ms.  Fr.  12  692,  p.  204-203. 

2.  Suivant  l'article  du  P.  Léonard  qui  va  être  cité  dans  la  note  6, 
cette  dame  devait  être  Esther  Halle,  fille  d'un  conseiller  au  parlement 
de  Rouen,  mariée  le  10  septembre  1639  à  Alexandre- Paul  Bailly,  sieur 
d'Avrigny,  gentilhomme  ordinaire  de  Monsieur  et  écuyer  de  la  reine 
d'Espagne,  puis  de  Madame,  et  enfin  de  la  duche.sse  de  Chartres,  lequel 
mourut  en  septembre  I70I,  et  qui  était  frère  de  M.  Bailly,  avocat  gé- 
néral au  Grand  Conseil,  et  de  l'abbé  Bailly.  Voyez  le  Mercure,  septem- 
bre 1701,  p.  396-397,  et  VÉlat  de  la  France,  1698,  tome  II,  p.  141. 
Serait-ce  aussi  la  «  demoiselle  Bailly  »  qui  porte  le  pseudonyme  de 
Beroxice  dans  le  Dictionnaire  des  précieuses  de  1661,  tome  I,  p.  36-37? 
Mme  Bailly  eut  de  nombreux  enfants. 

3.  La  est  ajouté  en  interligne. 

4.  Louise  de  Fieubet,  fille  d'un  trésorier  de  l'Épargne,  baptisée  le 
18  mai  1638,  mariée  à  M.  de  Maisons  le  29  juin  1636,  et  morte  subite- 
ment le  13  novembre  1698.  On  prétendait  qu'elle  avait  eu  dix-huit 
cent  mille  livres  de  dot. 

o.  Gaspard  de  Fieubet,  conseiller  au  parlement  de  Toulouse  en  1646 
et  à  celui  de  Paris  en  1649,  maître  des  requêtes  de  1634  à  1671,  chan- 
celier de  la  Reine  mère  en  1660,  conseiller  d'État  semestre  en  1671  et 
ordinaire  en  1683;  mort  le  10  septembre  1694,  à  soixante-sept  ans. 
Il  est  bien  souvent  question  de  lui  dans  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné. 
Saint-Simon  fera  plus  tard ,  incidemment,  son  portrait  (tome  IV, 
p.  40-41). 

6.  C'est  sans  doute  cette  dame  de  Maisons  qui  figure  fréquemment, 
comme  cousine,  dans  la  Correspondance  de  Bussy,  et  que  Mme  de 
Sévigné  voyait  assez  souvent.  Mme  de  Coulanges  lui  reconnaissait  un 
très  bon  cœur  et  une  véritable  générosité;  raai-s  le  Chansonnier  (ms. 
Fr.  12  617,  p.  529)  dit  qu'elle  avait  peu  d'esprit,  qu'elle  était  très 
bourgeoise  et  laide,  avec  un  teint  de  corbeau,  et  que  cependant  elle 
faisait  la  coquette  et  «  dégoisoit  souvent  hors  de  propos.  »  Le  P.  Léo- 
nard raconte  que  le  président  de  Maisons,  s'étant  séparé  de  sa  femme, 

MÉMOIRES    DE   SAINT-SIMON.    III  7 


98  MÉMOIRES  [1696J 

survivance  de  sa  charge  pour  son  fils',  par  le  crédit  du 
premier  président"^;  aussi  ne  fit-il  aucun  pas  dans  notre 
affaire  que  par  ses  ordres,  et  se  fit  un  fidèle  canal  de  sa 
partialité.  Daguesseau  s'instruisit  avec  grande  application, 
et  en  montra  une  extrême  à  écouter  les  avocats  en  toutes 
les  audiences. 

parce  que  c'était  une  joueuse»,  et  lui  ayant  donné  une  pension  de  dix 
raille  livres,  entretenait  une  dame  d'Avril  ou  Bailly  (sic),  femme  d'un 
écuyer  de  la  duchesse  de  Chartres,  que  cela  se  passait  publiquement  à 
Maisons,  au  grand  scandale  du  public  et  malgré  les  menaces  du  Roi, 
et  qu'un  fils  de  cette  femme  fut  marié  à  la  chapelle  de  Maisons,  en  juil- 
let 1693.  (Arch.  nat.,  MM  825,  fol.  15S.)  Dans  une  fort  longue  Addition 
sur  M.  de  Maisons  le  tils  {Journal  de  Dangeau,  tome  XVI,  p.  101-109), 
qui  ne  trouvera  sa  place  que  beaucoup  j:^us  tard,  Saint-Simon  insiste 
également  sur  les  graves  conséquences  de  la  liaison  du  président  avec 
Mme  Bailly.  II  «  fut,  dit-il,  président  à  mortier,  très  vénal  et  très  dé- 
crié pour  ses  injustices,  ses  débauches  et  une  Mme  Bailly  qu'il  entre- 
tenoit  chez  lui  publiquement,  après  avoir  chassé  de  chez  lui  sa  femme, 
qui  avoit  du  mérite  et  de  l'esprit,  et  qui  étoit  Fieubct.  Les  plaideurs 
alloient  à  découvert  traiter  avec  la  Bailly,  qui  rendoit  d'autant  plus 
dangereusement  la  justice,  que  Maisons,  comme  l'ancien  des  présidents 
à  mortier,  tint  longtemps  les  audiences  de  l'après-dinée.  » 

1.  Claude  de  Longueil,  marquis  de  Maisons  et  de  Poissy,  né  le 
12   juin  1668,  pourvu  d'une  charge  de  conseiller  au  Parlement  le  15 

juin  1689,  et  de  la  survivance  de  celle  de  président  à  mortier  le  4  dé- 
cembre 1695,  entra  en  exercice  en  l'année  1701,  et  mourut  le  22  août 
1715. 

2.  En  envoyant  au  fils  de  M.  de  Maisons  ses  lettres  de  survivance, 
M.  de  Pontchartrain  lui  écrivit,  le  6  décembre  1695  :  «  S.  M.  a  trouvé 
bon  que  je  retranchasse  la  clause  qui  y  avoit  été  insérée,  de  ne  présider 
qu'à  trente  ans.  S.  M.  est  persuadée  qu'à  quelque  âge  que  vous  exer- 
ciez cette  charge,  vous  le  ferez  dignement,  et  elle  a  bien  voulu  encore 
ajouter  à  cette  grâce  celle  de  vous  faire  don  et  remise  des  frais  des 
parties  casuelles.  »  (Arch.  nat.,  0'  39,  fol.  235.)  Ces  lettres  de  sur- 
vivance, rédigées  en  termes  très  élogieux  pour  les  impétrants,  parlent 
des  services  du  président,  de  ceux  de  son  père  et  de  ses  ancêtres,  de 
«  sa  grande  capacité,  intégrité,  fidélité,  »  etc.  (Arch.  nat.,  V  111.) 
Saint-Simon  aura  occasion  de  revenir  longuement  sur  tous  les  Maisons 
dans  la  suite  des  Mémoires  :  voyez  notamment  tome  X,  p.  208-210. 

»  II  est  parlé  de  projets  de  séparation  en  1678,  dans  la  Correspondance 
de  Bussij,  tome  IV,  p.  194. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  99 

Nous  nous  mettions  dans  la  lanterne  du  côté  de  la  che- 
minée\  qui  étoit  celui  de  nos  avocats,  et  sur  le  banc  des 
gens  du  Roi,  avec  eux,  et  M.  de  Luxembourg,  avec  sa 
petite  suite  et  son  avocat,  auprès  de  la  lanterne  du  côté  de 
la  buvette,  avantage  de  droit  qui  ne  nous  fut  pas  disputé. 

La  réception  du  duc  de  Villeroy-,  qui  se  fit  un  des 
jours  de  nos  audiences^,  y  amena  les  princes  du  sang  et  [Add.S'-S.  160] 
légitimés  et  beaucoup  d'autres  pairs \  M.  le  prince  de 
Conti,  Monsieur  de  Reims,  M.  de  Vendôme  et  plusieurs 
autres  y  demeurèreirt^,  et  furent  si  satisfaits  d'avoir  ouï 
plaider  Arrault,  qu'ils  ne  doutèrent  pas  que  nous  ne  ga- 
gnassions notre  cause. 

1.  Comme  ci-dessus,  p.  6,  lors  du  procès  Conti-Nemours.  Pour  bien 
comprendre  la  disposition  des  lieux,  ici  et  p.  104,  ligne  3,  le  lecteur 
peut  se  reporter  au  plan  que  Saint-Simon  lui-même  donne  de  la  grand'- 
chambre  dans  la  suite  des  Mémoires  (tome  X,  p.  439)  et  dans  les  ma- 
nuscrits conservés  aux  Affaires  étrangères  (vol.  Saint-Simon  50),  ou 
bien  à  un  plan  plus  complet,  dessiné  à  la  sanguine,  qui  se  trouve  dans 
les  manuscrits  de  l'abbé  de  Dangeau,  ms.  Fr.  22  603,  fol.  123,  ou 
encore  à  un  autre  plan  qui  est  dans  le  ms.  Clairambault  719,  p.  593, 
avec  une  gravure  de  la  séance  du  12  septembre  1715. 

2.  Comme  nous  l'avons  dit  dans  une  note  du  tome  II,  p.  131,  le 
maréchal  de  Villeroy  avait  cédé  sa  pairie  à  son  fils,  pour  que  celui-ci 
épousât  Mlle  de  Louvois. 

3.  Dans  le  manuscrit,  par  mégarde,  audience  au  singulier,  —  L'infor- 
mation préalable  à  la  réception  eut  lieu  le  8  avril  1696,  les  ducs  de 
Foix  et  de  Gramont  et  le  comte  de  Fiesque  étant  témoins,  et  le  nou- 
veau pair  prit  séance  le  11  du  même  mois. 

4.  Étaient  présents  :  le  duc  de  Bourbon  et  le  prince  de  Conti,  le  duc 
du  Maine,  le  comte  de  Toulouse  et  le  duc  de  Vendôme,  les  ducs  de 
Montbazon,  de  Luynes,  de  Chaulnes,  de  Richelieu,  de  la  Rochefoucauld, 
de  la  Force,  d'Estrées,  de  Foix,  de  Noailles,  d'Aumont  et  de  la  Ferté. 
Les  registres  ne  citent  aucun  nom  de  pair  ecclésiastique  (Arch.  nat., 
K  616,  n°  37,  et  X"^  8412,  fol.  321).  L'archevêque  de  Reims  serait 
donc  ici  de  trop. 

o.  Dangeau  dit  :  «  M.  le  duc  de  Villeroy  fut  reçu  duc  et  pair  au 
Parlement.  Messeigneurs  les  princes  du  sang  qui  étoient  ici  (à  Marly) 
allèrent  tous  à  sa  réception,  et  entendirent  ensuite  parler  l'avocat  de 
M.  de  Luxembourg  et  ceux  des  autres  ducs,  qui  parlèrent  pour  la  der  ■ 
nière  fois.  »  {Journal,  tome  V,  p,  392-393.) 


100 


MÉMOIRES 


[1696] 


Insolence  de 

l'avocat 

de  M.  de 

Luxembourg 

sans  suite. 


Nos  avocats  ayant  fini,  ce^  fut  à  du  Mont  à  parler.  Il 
tint  trois  audiences  en  beaucoup  de  fatras,  et,  faute  de 
raisons,  battit  fort  la  campagne;  et^,  à  la  quatrième,  il  se 
licencia  fort  sur  nos  avocats.  La  cinquième  fut  fertile^  en 
subtilités,  où,  et  hors  d'espérance  de  rien  emporter  par 
raisons  \  il  hasarda  tout  pour  réussir  par  une  impression 
de  crainte  qui  persuadât  à  des  gens  éloignés  du  monde 
et  de  la  cour  que  le  Roi  étoit  intéressé  dans  l'affaire  pour 
M.  de  Luxembourg,  comme  le^  premier  président  avoit 
tâché  sans  cesse  de  le  leur  persuader.  Ce  du  Mont  étoit 
un  homme  fort  audacieux,  et  qui  en  fit  là  ses  preuves. 
11  assimila  tant  qu'il  put  le  droit  infini  des  pairies  fe- 
melles, qu'il  s'efforçoit  d'établir,  au  nouveau  rang  des 
bâtards,  et  nous  appliqua  en  propres  termes  ce  passage 
de  l'Écriture  :  Populus  hic  labiis  me  hvnorat  ;  cor  autem 
eorum  longe  est  a  me^,  tandis  que  nous  contestions  si  vi- 
vement le  rang  à  sa  partie,  sans  cesser  de  faire  assidûment 
notre  cour  au  Roi.  Les  ducs  de  Montbazon  (Guémené)^, 
la  Trémoïlle,  Sully,  Lesdiguières,  Chaulnes  et  la  B'orce 
éioient  sur  le  banc  des  gens  du  Roi,  et  moi  assis  dans  la 
lanterne,  entre  les  ducs  de  la  Rochefoucauld  etd'Estrées. 
Je  m'élançai  dehors,  criant  à  l'imposture,  et  justice*  de  ce 
coquin.  M.  de  la  Rochefoucauld  me  retint  à  mi-corps  et 
me  fit  taire  :  je  m'enfonçai,  de  dépit  plus  encore  contre 
lui  que  contre  l'avocat.  Mon  mouvement  avoit  excité  une 


I .  Ce  corrige  et. 

■2.  Et  est  ajouté  après  coup  ;  il,  qui  suit,  est  écrit  en  interligne. 

3.  Fertile  remplace  fertilité,  et  oîi  est  en  interligne. 

4.  Le  signe  du  pluriel  a  été  ajouté  après  coup  au  mot  raison. 

5.  Le  paraît  corriger  une  M. 

G.  Évangile  selon  saint  Matthieu,  chapitre  xv,  verset  8  :  «  Ce  peuple 
m'honore  des  lèvres,  mais  son  cœur  est  loin  de  moi.  » 

7.  Voyez  notre  tome  II,  p.  16  et  note  6,  et  aussi  la  suite  des  Mé- 
moires, tome  II  de  1873,  p.  214. 

8.  C'est-à-dire  «  et  demandant  justice,  »  ou  plutôt,  «  criant  :  Justice 
de  ce  coquin!  »  Il  y  a  une  virgule  dans  le  manuscrit,  après  imposture, 
comme  pour  bien  montrer  que  de  ce  coquin  ne  dépend  que  de  justice. 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  101 

rumeur,  et  il  n'y  avoit  qu'à  interpeller  M.  de  Luxem- 
bourg s'il  avouoit  son  avocat  ou  non  ;  et  sur-le-champ  on 
auroit  eu  justice  du  Parlement  contre  l'avocat,  ou,  dans 
la  journée,  du  Roi  de  M.  de  Luxembourg';  mais  nous 
n'étions  plus  pour  la  demander",  et  moins  encore  pour 
nous  la  faire  :  on  laissa  achever  du  Mont,  et  le  président 
de  Maisons  fit  une  légère  excuse^. 

L'après-dînée^,  nous  nous  assemblâmes.  M.  de  Guémené 
y  rêva  à  la  suisse,  à  son  ordinaire^;  M.  de  la  Trémoïlle 
parut  plus  fâché  que  le  matin;  M.  de  Lesdiguières,  tout 
neuf  encore,  écoutoit  fort  étonné  ;  M.  de  Chaulnes  rai- 
sonnoit  en  ambassadeur,  avec  le  froid  et  l'accablement 
d'un  courage*"'  étouffé  par  la  douleur  de  son  échange^,  dont 
il  ne  put  jamais  revenir;  M.  de  la  Rochefoucauld  pétilloit* 

4.  Continuation  avec  de  du  tour  précédent  avec  contre  :  «  On  aurait 
eu  du  Roi  justice  de  M.  de  Luxembourg.  » 

2.  Mais,  ayant  laissé  échapper  le  moment,  nous  ne  pouvions  plus,  il 
était  trop  tard,  la  demander. 

3.  C'est  à  cet  incident  du  procès  que  la  Table  alphabétique  de  Saint- 
Simon  (tome  XX,  art.  Ducs,  p.  484)  renvoie  en  ces  termes,  qui  déve- 
loppent la  manchette  :  «  Misère  des  ducs  opposants  à  la  prétention  du 
maréchal  duc  de  Luxembourg  de  la  première  ancienneté  de  Piney.  » 
Voyez  ci-après,  p.  404,  note  S, 

4.  C'était  le  mercredi  44  avril  :  voyez  Dangeau,  tome  V,  p.  393. 

o.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  V,  p.  65.  —  Rêver  à  la 
suisse,  «  c'est,  dit  Furetière,  ne  penser  à  rien.  »  Selon  le  P.  Buffier 
[Principes  du  raisonnement,  4744,  p.  243,  §  467),  «  penser  à  la  suisse 
s'est  dit  pour  laisser  aller  son  esprit  à  de  simples  idées  qui  se  présentent 
à  l'imagination,  sans  prendre  la  peine  d'examiner  l'une  par  rapport  à 
l'autre.  »  Le  duc  de  Gramont  disait  «  qu'il  n'y  avoit  point  de  bête  qui 
ressemblât  plus  à  l'homme  que  le  Suisse.  »  {Chevrœana,  p.  82.) 

6.  L'e  final  de  courage  porte,  par  mégarde,  un  accent  aigu,  lapsus 
auquel  Saint-Simon  se  laisse  assez  souvent  entraîner  par  l'accentuation 
du  mot  qui  doit  suivre  immédiatement  celui  qu'il  écrit. 

7.  L'échange  forcé  de  son  gouvernement  de  Bretagne  contre  celui  de 
Guyenne  :  voyez  notre  tome  II,  p.  2o3-2o8.  —  Il  avait  été  trois  fois, 
nous  l'avons  dit  (tome  I,  p.  430),  ambassadeur  à  Rome,  et  une  fois  à  Co- 
logne. Au  tome  II,  p.  47,  Saint-Simon  l'a  caractérisé  par  ces  mots  : 
«  si  connu  par  ses  ambassades.  » 

8.  Voyez  le  Lexique  de  Mme  de  Sévigné,  où   l'on    trouvera   deux 


10-2  MÉMOIRES  [1696] 

de  colère  et  d'impatience,  et  au  fond  ne  savoit  que  pro- 
poser ni  que  conclure  ;  le  duc  d'Estrées  grommeloit  en 
grimaçant,  sans  qu'il  en  sortît  rien,  et  le  duc  deBéthune* 
bavardoit  des  misères  ^  Après  une  longue  pétaudière^,  il 
fut  résolu  que  le  Roi  seroit^  informé  de  cette  insolence 
par  MM.  de  la  TrémoïUe  et  de  la  Rochefoucauld,  chez 
lequel  nous  nous  assemblerions,  avec  chacun  un  projet  de 
réponse,  pour  en  pouvoir  choisir.  Ces  Messieurs  s'en  ac- 
quittèrent auprès  du  Roi  mieux  qu'il  n'y  avoit  eu  lieu  de 
l'espérer.  Le  Roi  témoigna  sa  surprise  que  Maisons  n'eût 
pas  imposé  silence,  et  ajouta,  sur  ce  beau  passage  de 
l'Écriture,  qu'il  étoit  à  présumer  que  ceux  qui  accusoient 
les  autres  de  manquements  à  son  égard  en  étoient  plus 
coupables,  et  que,  pour  nous,  nous  pouvions  être  pleine- 
ment en  repos  sur  ce  qu'il  en  pensoit;  que  M.  de  Luxem- 
bourg ne  lui  avoit  point  parlé  ;  qu'il  verroit  ce  qu'il  lui 
diroit,  mais  qu'il  ne  nous  disoit  rien  sur  notre  réponse, 
sinon  qu'il  vouloit  n'en  rien  savoir  qu'après  qu'elle  seroit 
faite.  Nous  portâmes  donc  chacun  la  nôtre  chez  M.  de  la 
Rochefoucauld,  où  je  crus  voir  des  pensionnaires^  qui  ont 

exemples  de  pétiller  employé  de  même  au  figuré,  mais  absolument  et 
sans  régime.  Nous  le  rencontrerons  encore  dans  Saint-Simon. 

1.  Le  duc  de  Béthune-Charost  :  voyez  ci-dessus,  p.  93,  note  5. 

2.  M.  Littré  ne  donne  de  bavarder  actif  que  cet  exemple.  Furetière 
(1690)  dit  que  ce  verbe  est  bas;  l'édition  de  1694  de  son  Dictionnaire 
lui  prête  le  sens  actif  que  nous  avons  ici;  l'Académie  (même  année) 
dit  qu'il  n'y  a  guère  d'usité  que  l'infinitif. 

3.  Terme  de  raillerie,  signifiant  un  lieu  de  confusion  et  de  désordre, 
une  «  assemblée  confuse  où  chacun  fait  le  maître,  »  dit  M.  Littré,  en 
citant  notre  exemple.  Le  marquis  d'Argenson,  dans  ses  Essais  dans  le 
(joût  de  ceux  de  Montaigne,  p.  21o,  et  dans  ses  Mémoires,  tome  VIIL 
p.  223,  qualifie  certains  Conseils  de  la  Régence  ou  du  règne  de  Louis  XV 
de  véritable  pétaudière. 

4.  Saint-Simon  avait  d'abord  commencé  à  écrire  :  en  s[eroil]. 

5.  Pensionnaire,  entre  autres  sens,  se  disait  soit  des  élèves  d'aca- 
démie, comme  ou  le  voit  dans  le  Journal  d'un  voyage  à  Paris  en  1657- 
1658,  édité  par  M.  Faugère,  p.  43,  soit  des  enfants  mis  en  pension 
chez  un  régent  {Furetière,  1690)  ou  dans  un  collège  {Académie,  1694). 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  103 

composé  pour  les  places.  Il  s'en  fit  une  assez  mauvaise 
compilation.  M.  de  Chaulnes  se  chargea  d'aller  travailler 
avec  Chardon  pour  la  réplique  et  de  lui  porter  notre 
réponse.  Il  l'affoiblit  encore,  et  elle  ne  valut  pas  la  peine 
d'être  prononcée  :  au  moins  c'est  ce  qu'il  m'en  parut 
quand  Chardon  la  débita. 

Tout  fini  de  part  et  d'autreS  ce  fut  à  Daguesseau  à  par-     Daguesseau, 
1er.  Il  s'en  acquitta  avec  une  si  exacte  fidélité  à  mettre   ^""""fj^^^^'^^' 
dans  le  plus  grand  jour  jusqu'aux  moindres  raisons  allé-      pour  nous, 
guées  de  part  et  d'autre,  et  tant  de  justesse  à  les  balan- 
cer toutes  et^  à  laisser  une  incertitude  entière  sur  son 
avis,  que  le  barreau  et  les  parties  mêmes  auroient  donné 
les  mains  à  en  passer  par  son  avis.  Il  se  reposa  le  lende- 
main, et,  le  vendredi  13  avril,  il  reparut  pour  achever.  Il 
tint  encore  l'auditoire  assez  longtemps  en  suspens,  puis 
commença  à  se  montrer  :  ce  fut  avec  une  érudition,  une 
force,  une  précision  et  une  éloquence  incomparables^;  et 
conclut  entièrement  pour  nous^.  Il  se  déroba  aussitôt  aux 
acclamations  publiques^,  et  nous  fûmes  priés  de  sortir 
pour  laisser  opiner  les  juges  avec  liberté  :  c'est  ce  qu'ils 
appellent  délibérer  sur  le  registre'^.  Tout  le  monde  sortit 

1.  Douze  audiences  avaient  été  consacrées  à  l'audition  des  avocats. 
Selon  une  note  mise  en  marge  de  l'arrêt  original  (Arch.  nat.,X'»  7040), 
les  deux  derniers  jours,  jeudi  12  et  vendredi  13,  «  Messieurs  sont  montés 
aux  hauts  sièges,  quoiqu'à  toutes  les  audiences  ils  se  fussent  mis  aux 
bas,  et  M.  le  président  de  Longueil  avoit  sa  robe  rouge  les  deux  jours.  » 

2.  Et  est  écrit  en  interligne. 

3.  Bien  que  notre  auteur,  le  plus  souvent,  laisse  l'adjectif  au  singu- 
lier après  plusieurs  noms,  c'est  par  réflexion  et  après  coup  qu'il  semble 
avoir  ajouté  ici  une  s  à  incomparables. 

4.  11  conclut  que  la  pairie  originale  de  1581  était  éteinte,  mais  que 
les  magistrats  devaient  en  référer  au  Pioi  avant  de  se  prononcer.  Voyez 
le  compte  rendu  de  la  Gazette  d'Amsterdam,  1696,  n"  xxxni,  et  surtout 
le  38"  plaidoyer  de  Daguesseau,  dans  ses  Œuvres,  tome  111,  p.  643-767. 

o.  «  Son  discours  fut  universellement  applaudi,  »  dit  la  Gazelle 
dWmsterdam. 

6.  «  La  Cour  prononce  quelquefois  qu'il  en  sera  délibéré  sur  le 
registre,  lorsqu'elle  ne  veut  pas  juger  à  l'audience,  ni  aussi  prononcer 


104  MÉMOIRES  L1696] 

donc  en  même  temps,  et  ils  demeurèrent  seuls  dans  la 
grand  chambre.  Mme  de  la  Trémoïlle^  qui  étoit  dans  une 
lanterne  haute-,  nous  vint  trouver.  Le  délibéré^  ne  fut 
pas  long;  mais  notre  impatience  nous  fit  entrer  dans  le 
parquet  des  huissiers,  d'où,  un  moment  après,  nous  vî- 
mes sortir  de  la  grand  chambre,  qui  étoit  fermée  et  où 
il  ne  devoit  y  avoir  que  les  juges,  Poupart,  secrétaire  du 
premier  président.  Bientôt  après  on  nous  fit  entrer  pour 
entendre  la  prononciation  de  l'arrêt  \  qui  donna  gain  de 
M.  de  Luxem-    cause  à  M.  de  Luxembourg  sur  l'érection  de  1662  et  l'ap- 

en  appointement,  mais  seulement  revoir  les  pièces  sur  le  bureau,  et 
juger  à  huis-clos.  »  (Furetière,  1690,  au  mot  Registre.) 

i.  Madeleine  de  Créquy,  duchesse  de  la  Trémoille  :  voyez  notre 
tome  I,  p.  132,  note  3. 

2.  L'étage  supérieur  de  la  lanterne  do  la  buvette  ou  du  greffe. 

3.  Délibéré  signifie  ici  plutôt  (et  c'est  le  premier  sens  du  mot  chez 
M.  Littré,  celui  qu'il  a  plus  bas,  p.  108,  lignée)  la  délibération  même 
que  son  résultat  (dans  l'acception  technique  définie  par  Furetière). 
L'Académie,  en  1694,  omet  ce  terme. 

4.  Cet  arrêt  fut  imprimé  en  huit  pages  in-4°  ;  on  le  trouve  en  outre  dans 
le  Journal  des  Audiences,  avec  un  résumé  de  l'affaire,  tome  IV,  p.  638- 
642,  et,  à  la  suite  du  plaidoyer  de  Daguesseau,  dans  le  tome  III  de  ses 
Œuvres,  p.  767-772.  Nous  le  donnons  à  la  fin  de  l'appendice  n°  IX,  d'a- 
près la  minute  originale.  Dangeau  le  mentionne  en  ces  termes  (tome  V, 
p.  393-394)  :  «  M.  le  prince  de  Conti,  qui  étoit  à  Paris  depuis  deux 
jours,  revint  au  dîner  du  Roi  (à  Marly,  oi\  la  cour  était  depuis  le 
dimanche  8),  et  dit  que  les  conclusions  de  M.  Daguesseau,  avocat  géné- 
ral, avoient  été  entièrement  contre  M.  de  Luxembourg,  et  qu'il  avoit 
été  d'avis  que  le  duché  de  Piney  étoit  éteint  ;  cependant  qu'il  croyoit 
que  cet  avis-là  ne  seroit  pas  suivi  et  que  les  juges  penseroient  différem- 
ment de  Tavocat  général.  En  effet,  on  sut  une  heure  après  que  M.  de 
Luxembourg  avoit  entièrement  gagné  son  procès  contre  les  nouveaux 
ducs,  qui  sont  condamnés  aux  dépens;  et  il  sera  reçu  au  Parlement  duc 
et  pair  de  l'année  62,  et  son  procès  contre  les  anciens  ducs  appointé.  » 
Dans  sa  Table  alphabétique  (voyez  le  tome  XX,  art.  Luxembolrg,  p.  311), 
Saint-Simon  a  résumé  ainsi  la  conclusion  du  procès  de  1696  :  «  Misère 
et  pitoyable  conduite  des  opposants  (comparez  ci-dessus,  p.  101  et 
note  3).  L'avocat  général  Daguesseau  conclut  pour  eux.  Le  procès  est 
appointé,  et  le  duc  de  Luxembourg  mis,  en  attendant,  en  possession 
du  rang  de  la  réérection  de  Piney  faite  en  1662  en  faveur  de  son  père, 
sans  qu'il  en  ait  formé  la  demande.  » 


[■1696J 


DE   SAINT-SIMON. 


10?) 


pointa*  sur  celles  de  I08I  :  tellement  qu'il  se  trouva  par 
là  au  même  état  qu'étoit  son  père.  Nous  eûmes  peine  à 
entendre  un  arrêt  si  injuste  et  si  nouveau,  et  qui*  sta- 
tuoit  ce  qui  ne  pendoit  point  en  question^. 

Quelque  outré  que  je  fusse,  je  proposai  là  même  de 
nous  aller  assembler;  mais  je  parlois  à  des  gens  à  qui  le 
dépit  avoit  bouché  les  oreilles.  Rentré*  chez  moi,  ce  même 
dépit,  qui  me  tàisoit  toute  une  autre  impression,  m'en  fit 
sortir  pour  aller  tâcher  de  persuader  M.  de  la  Roche- 
foucauld de  porter  ses  plaintes  au  Roi;  mais  je  ne  trouvai 
qu'un  homme  furieux,  incapable  de  rien  entendre  ni  de 
rien  faire,  et  qui  s'exhaloit"  inutilement.  Je  revins  donc 
chez  moi,  plus  piqué  contre  les  nôtres  que  contre  nos 
juges.  Je  n'y  fus  pas  longtemps,  que  la  duchesse  de  la 
Trémoïlle  me  manda  d'aller  chez  Riparfonds*'.  Je  fus  sur- 
pris d'y  trouver  M.  de  la  Rochefoucauld  avec  elle,  qui 
l'exhortoit  avec  force,  comme  j'avois  fait  le  matin.  Je  me 
joignis  à  elle;  mais  nous  y  perdîmes  notre  temps.  Il  ne 
répondit  qu'en  furie,  et,  au  fond,  qu'en  mollesse;  et,  las 
enfin  d'être  serré  de  si  près,   il   nous  laissa.  Mme  de  la 

1.  Le  tribunal,  tout  en  établissant  les  termes  de  la  contestation,  re- 
mettait son  jugement  à  un  autre  temps,  pour  que  l'instruction  pût  être 
plus  complète,  comme  l'explique  la  délinition  que  donne  Furetière  du 
mot  Appoixtement.  A  l'article  Appointer,  le  même  dictionnaire  ajoute  : 
«  Quand  les  juges  veulent  favoriser  une  méchante  cause,  ils  sont  d'avis 
de  l'appointer,  au  lieu  de  la  juger.  »  Voyez,  dans  notre  Appendice, 
p.  377,  un  endroit  où  Saint-Simon  parle  «  du  dégoût  et  des  longueurs 
de  l'appointement.  » 

2.  Après  qui  sont  biffés  les  mots  :  prononçait  sur. 

3.  La  décision  du  Roi,  à  qui  le  Parlement  s'en  rapportait  quant  au 
tond  de  l'affaire,  ne  fut  donnée  que  quinze  ans  plus  tard,  par  l'édit  du 
mois  de  mai  1711  (voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  VIII,  p.  396- 
398),  dont  l'article  11  réduisit  le  duc  de  Luxembourg  au  rang  de  1662. 

4.  L'é  de  rentré  corrige  ay. 

5.  Emploi  remarquable  de  s  exhaler  pris  absolument.  Nous  avons 
vu  déjà  (tome  I,  p.  232)  ce  même  verbe  construit,  selon  l'usage,  avec 
des  noms  de  personnes  pour  sujets,  mais  avec  un  complément  :  «  Le 
prince  de  Conti  et  son  fils....  s'exhalèrent  en  désespoirs.  » 

6.  Riparfonds  demeurait  rue  de  la  Harpe. 


bourg  appointé 

sur  sa 
prétention,  et, 
sans  qu'il  en 

eût  fait 

demande,  mis 

en  attendant  au 

rang  de  1662. 


Pitoyable 

conduite  des 

ducs 

opposants. 


106  MÉMOIRES  [1696J 

Trémoïlle,  outrée,  ne  se  contraignit  pas  sur  son  chapitre; 
et  puis  nous  nous  séparâmes.  Rentrant  chez  moi,  il  me 
vint  da,ns  la  pensée  de  faire  un  mémoire  pour  le  Roi. 
Comme  il  explique  bien  l'arrêt  et  nos  sujets  de  plaintes, 
je  l'insérerai  ici'  : 

«  Sire, 
Projet  d'écrit  «  L'arrêt  qui  a  été  rendu  ce  matin  sur  notre  affaire  porte  des  carac- 

le  Roi  ^^"^^^  ^^  singuliers,  que  nous  croyons  pouvoir  oser  supplier  la  bonté  et 

inutilement.  la  patience  de  Votre  Majesté  de  trouver  bon  que  nous  ayons  l'honneur 
de  lui  en  rendre  compte.  Nous  commencerons  par  nous  dépouiller  des 
premiers  mouvements  qui  peuvent  échapper  à  ceux  qui  sont  vivement 
persuadés  d'un  tort  considérable  qui  leur  a  été  fait,  et  nous  deman- 
derons à  Votre  Majesté  la  grâce  de  lire  cet  écrit,  non  comme  une 
plainte,  mais  comme  un  soulagement  que  nous  nous  donnons  en  l'in- 
struisant de  ce  qui  nous  touche  si  sensiblement,  moins  encore  comme 
une  censure  aigre  contre  des  personnes  dont  nous  ne  croyons  pas  nous 
devoir  louer,  mais  comme  un  récit  exactement  conforme  à  la  vérité  la 
plus  scrupuleuse. 

«  Ce  matin.  Sire,  les  juges  sont  entrés  un  peu  avant  neuf  heures, 
apparemment  instruits  des  désirs  qu'il  y  a  si  longtemps  que  Monsieur 
le  premier  président  ne  se  donne  pas  même  la  peine  de  cacher  contre 
nos  intérêts;  et  ce  magistrat,  seul  dès  cinq  heures  et  demie*  dans  la 
grand  chambre',  a  eu  tout  le  loisir  de  leur  en  rafraîchir  la  mémoire, 
les  ayant  tous  attendus  et  vus  entrer  un  à  un. 

«  M.  l'avocat  général  Daguesseau  a  continué,  avec  une  force  et  une 
éloquence  que  tous  les  auditeurs,  en  nombre  prodigieux,  ont  unanime- 
ment admirée,  le  beau  plaidoyer  qu'il  avoit  commencé  avant-hier  *.  II 

•1.  Nous  n'avons  pas  encore  retrouvé  l'original  autographe  de  cette 
pièce  dans  les  papiers  conservés  aux  Affaires  étrangères,  non  plus  d'ail- 
leurs qu'une  partie  des  documents  que  Saint-Simon  avait  réunis  sur  le 
procès  des  ducs  et  pairs  contre  MM.  de  Luxembourg,  et  que  mentionne 
l'inventaire  de  1755.  Quelques-unes  des  corrections  que  nous  aurons 
à  signaler  ici  semblent  prouver  que  Saint-Simon  a  modifié  en  divers 
endroits  le  texte  primitif,  dont  sans  doute  une  minute  lui  était  restée. 

2.  Voyez  ce  qui  a  été  dit  dans  le  tome  II  fp.  oO,  note  o)  de  l'heure 
matinale  de  certaines  audiences. 

3.  Ici  sont  biffés  les  mots  :  «  où  il  les  a  attendus.  « 

4.  Avant-hier  est  en  interUgne,  au-dessus  d'avant-hier  samedi,  bitTé. 


11696J  DE   SAINT-SIMON.  107 

avoit,  ce  jour-là,  rapporté,  avec  une  mémoire  et  une  exactitude  infinie, 
toutes  les  raisons  de  part  et  d'autre,  et  avoit  si  bien  réussi  à  le  *  mettre 
dans  un  jour  égal,  qu'on  ne  put  pénétrer  du  tout  ce  qu'il  pensoit. 
Aujourd'hui,  Sire,  il  s'est  expliqué,  et  pour  nous;  il  a  si  fortement 
combattu,  et,  nous  osons  vous  l'avancer  avec  la  voix  du  public,  ter- 
rassé les  raisons  de  notre  partie  par  les  nôtres,  par  notre  droit,  par  le 
droit  commun,  par  le  droit  public,  que  chacun  nous  a  donné  gain  de 
cause.  Il  a  fait  plus.  Sire  :  il  a  été  tellement  convaincu  que  Votre  Ma- 
jesté y  étoit  intéressée,  qu'il  a  non  seulement  conclu,  mais  requis  et 
demandé  en  termes  exprès  et^  formels  que  M.  de  Luxembourg  ne  fût 
point  reçu,  et,  comme  par  commisération  pour  son  état  et  pour  son 
nom,  qu'il  fût  sursis  au  jugement  de  sa  réception  jusqu'à  ce  que  Votre 
Majesté  eût  expliqué  plus  clairement  ses  intentions  ^  et  ses  ordres  sur 
la  diversité  qui  *  semble  se  trouver  dans  les  lettres  d'érection  de  Piney 
de  1662  et  la  déclaration  de  1676,  émanées  de  Votre  Majesté  =.  Et 
quant  à  l'ancienne  érection  de  Piney  de  1S81,  il  a  conclu  à  son  extinc- 
tion, à  cause  des  monstrueuses  conséquences  du  contraire,  également 
préjudiciables  à  Votre  Majesté  et  à  l'État,  qu'il  <>  a  parfaitement  déduites. 
«  Il  a  été  ordonné  un  délibéré  sur  le  registre  sur-le-champ,  c'est-à- 

i.  Il  y  a  bien  le,  au  sens  neutre  de  cela,  à  moins  que  ce  ne  soit  une 
simple  inadvertance. 

2.  Les  mots  exprès  et  sont  écrits  en  interligne. 

3.  Saint-Simon  a  hésité  entre  deux  manières  de  s'exprimer;  il  paraît 

avoir  voulu  mettre  d'abord  :  «  se  fût  expliquée sur  ses  intentions  »  ; 

puis,  comme  le  montrent  les  mots  suivants  :  «  sur  la  diversité  »,  il  a 
adopté  le  tour  que  nous  donnons,  mais  s'est  corrigé  imparfaitement. 
Voici  une  sorte   de  fac-similé  (l'italique  représente  les  mots  bitTés)  : 

etist  fust  ses 

«  V.  M.  se  fust  expliquée  plus  clairement  ses  intentions.  » 
Il  a  effacé  eiist  au  lieu  de  fust,  et  a  oublié  de  supprimer  Ye  final  d'ex- 
pliquée et  un  des  deux  ses. 

4.  Qui  est  en  interligne,  au-dessus  de  qiiil,  biffé. 

5.  Voici  les  termes  mêmes  de  cette  conclusion  [Œuvres  du  chancelier 
Dacjuesseau,  tome  III,  p.  765)  :  «  Ce  seroit  une  extrême  rigueur  de  faire 
tomber  tout  l'effet  de  la  grâce  accordée  à  ce  grand  homme  (le  maréchal 
de  Luxembourg)  et  de  l'arrêt  de  réception,  sur  le  fondement  des  der- 
nières lettres  qu'il  a  obtenues,  et  de  priver  par  là  un  nom  si  illustre 
d'une  dignité  par  laquelle  le  Roi  a  voulu  en  relever  l'éclat.  Tout  concourt 
à  chercher  des  expédients  pour  tempérer  cette  rigueur....  >• 

6.  Par  mégarde,  qui,  au  lieu  de  qu'il. 


108  MÉMOIRES  [1696] 

dire  que  tout  le  monde  s'est  retiré  pour  laisser  la  liberté  aux  juges 
d'opiner  tout  haut  et  plus  à  leur  aise.  Durant  ce  délibéré  ',  où  il  ne  se 
doit  trouver  personne  que  les  juges,  M.  l'avocat  général  Harlay*  et 
Poupart,  secrétaire  de  Monsieur  le  premier  président,  sont  demeurés 
dans  la  grand  chambre.  Au  bout  d'une  grosse  heure ^,  les  parties  ont 
été  rappelées  pour  entendre  leur  arrêt,  que  voici'*  : 

«  Nous  l'avouerons,  Sire,  c'a  été  pour  nous  un  coup  de  foudre,  et 
nous  ne  croyions  pas  le  Parlement  assez  hardi  pour  faire  tant  de  choses 
à  la  fois  sans  exemple  :  accorder*  à  M.  de  Luxembourg  ce  qu'il  ne 
demandoit  pas,  puisque,  par  l'option  qu'il  a  faite,  il  a  renoncé  à  l'érec- 
tion de  1662,  dont  il®  lui  donne  la  dignité  et  le  rang;  et  pour  pronon- 
cer la  réception  d'un  pair  de  France,  non  seulement^  contre  les  conclu- 
sions formelles  de  l'homme  de  Votre  Majesté  et  de  l'organe  de  ses 
volontés,  surtout  en  telles  matières,  mais  encore  contre  sa  réquisition 
expresse,  et  sans  user  du  tempérament  qu'il  a  dit  ne  proposer  à  la 
Cour  que  par  une  espèce  de  commisération  pour  Vétat  violent,  mais 
juste,  de  M.  de  Luxembourg^,  où  il  s'est  mis  par  l'option  qu'il  a  faite. 

«  Oserions-nous,  Sire,  prendre  la  liberté  de  demander  en  grâce  à 
Votre  Majesté  de  se  faire  rendre  compte  du  plaidoyer  de  M.  Daguesseau, 
et  oserions-nous  l'assurer  qu'il  mérite  cet  honneur?  Mais,  Sire,  ose- 
rions-[nous]  davantage,  et  notre  confiance  aux^  bontés  et  en  l'équité 
de  Votre  Majesté  nous  en  donneroit-elle  assez  pour  lui  demander, 
comme  la  plus  grande  grâce,  de  se  faire  rapporter  l'affaire  pour  la 
juger  de  nouveau,  si  le  plaidoyer  de  votre  avocat  général  et  les  deux 
nullités  expliquées  de  l'arrêt  vous  paroissent  mériter  une  revision? 
Oui,  Sire,  nous  l'espérons  de  votre  justice  accoutumée  et  de  votre 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  104  et  note  3. 

2.  Achille  IV,  fils  du  premier  président:  voyez  notre  tome  II,  p.  118, 
note  4. 

3.  Le  manuscrit  porte  heures,  au  pluriel. 

4.  Ici,  un  blanc,  marquant  la  place  du  texte  de  l'arrêt. 

5.  L'a  d'accorder  corrige  un  d,  initiale  sans  doute  de  donner. 

6.  Ils,  dans  le  manuscrit,  quoique  donne  soit  au  singulier. 

7.  Ces  deux  mots  sont  en  interligne. 

8.  Les  mots  imprimés  en  italique  sont  soulignés  dans  le  manuscrit. 
Nous  avons  donné  à  la  page  précédente,  note  o,  le  texte  des  paroles  de 
Daguesseau. 

9.  Aux  corrige  à. 


ri696]  DE    SAINT-SIMON.  109 

bonté  ;  et  à  qui  est-ce  enfin  •  à  décider  des  dignités  et  de  leur  effet, 
sinon  à  celui  qui  en  est  le  seul  maître,  dispensateur  et  arbitre  suprême, 
et  à  la  source  incorruptible  de  la  justice  ?  Nous  demandons  cette  grâce 
à  Votre  Majesté  avec  toute  la  soumission  et  toute  l'instance  dont  nous 
sommes  capables^,  et  aucun  de  nous  ne  la  désire  avec  une  ardeur 
moins  vive  que  la  restitution  de  ses  biens  et  de  son  honneur,  égale- 
ment contents 5  et  soumis  au  succès*,  tel  qu'il  puisse  être,  pourvu  que 
sa  décision  sorte  de  la  bouche  de  l'oracle  de  la  justice.  » 

Dès  que  j'eus  achevé  ce  projet  de  mémoire,  j'allai  le^ 
porter  au  duc  de  la  Trémoïlle,  à  qui  j'avois  mandé  de  ne 
s'en  aller  pas  à  Marly*^  que  je  ne  l'eusse  vu.  Mme  de  la 
Trémoïlle  et  la  duchesse  de  Créquy',  sa  mère,  qui  en  en- 
tendirent la  lecture  avec  lui,  auroient^  bien  voulu  qu'il 
l'eût  porté  au  Roi.  Il  en  avoit  aussi  grande  envie;  mais 
la  scène  de  M.  de  la  Rochefoucauld  et  sa  foiblesse  les  en 
détourna.  Je  ne  trouvai  pas  mieux  mon  compte  avec  le 
duc  de  Chaulnes,  à  qui  je  le  portai;  et  de  là^  je  m'en  re- 
vins chez  moi,  plus  fâché,   s'il  se  pouvoit  encore,  que  je 

1.  Enfin  est  en  interligne,  sur  en  effet,  biffé. 

2.  Capable,  au  singulier,  dans  le  manuscrit. 

3.  Encore  un  accord  étonnant,  soit  avec  le  nous  qui  précède  deman- 
dons, soit  avec  l'idée  de  tous,  contenue  négativement  dans  aucun  de  nous. 

4.  Au  succès  corrige  :  à  ce  que.  —  Nous  avons  ici  un  exemple  assez 
remarquable  du  mot  succès  sans  épithète,  pris  au  sens  général,  et  très 
fréquent  jadis,  d'issue  quelconque,  soit  bonne,  soit  mauvaise,  d'une 
affaire.  Voyez  les  divers  Lexiques  de  la  Collection. 

0.  Le  corrige  la,  et,  à  la  ligne  suivante,  le  second  de  corrige  da. 

6.  La  cour  était  à  Marly  depuis  le  8  avril,  et  elle  en  revint  le  14, 
c'est-à-dire  le  jour  même  où  Saint-Simon  dut  porter  son  mémoire  :i 
M.  de  la  Trémoïlle. 

7.  Armaude  de  Lusignan  ou  Lezignem  de  Saint-Gelais  de  Lansac, 
mariée  le  22  juin  1653  à  Charles  III,  duc  de  Créquy,  et  restée  veuve 
en  1687.  Elle  mourut  d'apoplexie  le  10  août  1709,  âgée  de  soixante- 
douze  ans  environ,  et  n'ayant  eu  d'autre  enfant  que  Mme  de  la  Tré- 
moïlle. Elle  avait  été  dame  d'honneur  de  la  Reine  de  1680  à  1683,  et 
nous  la  verrons  plus  loin  (p.  179,  note  3)  proposée  pour  le  même  poste 
auprès  de  la  duchesse  de  Bourgogne. 

8.  Aur  de  auroient  corrige  av[oient\. 

9.  De  là  est  écrit  en  interligne. 


110 


MÉMOIRES 


L1696] 


Prévarication 
solennelle  du 
premier  pré- 
sident Harlay. 


n'en  étois  sorti.  11  étoit  pourtant  vrai  que  le  Roi  trouva 
le  jugement  contre  toutes  les  formes  et  très  extraordi- 
naire, et  qu'il  s'attendoit  aux  plaintes  qui  lui  en  seroient 
portées.  Il  s'en  expliqua  même,  à  son  dîner,  d'une  manière 
peu  avantageuse  au  Parlement,  et  toute  sa  promenade,  le 
soir,  dans  ses  jardins,  se  passa  à  ouïr  M.  de  Chevreuse, 
qui  revenoit  de  Paris,  et  à  lui  faire  des  questions  peu 
obligeantes  pour  les  juges'.  Mais  l'obstination  de  M.  de  la 
Rochefoucauld,  qui  tourna  en  dépit  contre  soi-même, 
rendit  tout  inutile,  et  me  combla  de  déplaisir,  que  j'allai 
chercher  à  émousser  à  la  Trappe,  pour  y  profiter  du  temps 
de  la  semaine  sainte^.  En  revenant,  j'appris  que  le  Roi,  à 
son  retour  à  Versailles,  avoit  fort  parié  de  ce  jugement 
au  premier  président;  que  ce  magistratM'avoit  fort  blâmé, 
et  dit  au  Roi  que  notre  cause  étoit  indubitable  pour  nous, 
et  qu'il  l'avoit  toujours  et  dans  tous  les  temps  estimée 
telle.  C'étoit  se  jeter  à  lui-même  la  dernière  pierre.  Pen- 
sant ainsi,  quel  juge,  après  tout  ce  qu'il  fit  contre  nous, 
jusqu'à  nous  forcer  à  le  récuser,  et,  après,  en  faire  plus 
ouvertement  contre  nous  sa  propre  chose^  !  S'il  ne  le  pen- 


1 .  «  Le  Roi  nous  dit  à  son  dîner  et  à  sa  promenade  que  cette  affaire-là 
lui  paroissoit  jugée  contre  les  formes,  et  que  le  Parlement  avoit  trouvé 
le  moyen  de  n'obliger  aucune  des  parties.  M.  de  Chevreuse,  sur  la  fin  de 
la  promenade  du  Roi,  arriva  de  Paris  :  S.  M.  lui  fit  conter  le  détail  de  tout 
ce  qui  s'étoit  passé  à  ce  jugement.  Le  président  de  Maisons,  qui  y  étoit 
le  seul  des  présidents  à  mortier,  et  les  vingt-quatre  conseillers  qui  y  étoient 
ont  tous  été  du  même  avis.  »  {Journal  de  Daiujeau,  tome  V,  p.  394.) 

2.  La  fête  de  Pâques  fut  le  22  avril.  Voyez  ci-après,  p.  2S3-264,  le 
récit  d'un  autre  voyage  à  la  Trappe. 

3.  Ces  trois  derniers  mots  sont  en  interligne,  sur  et  qu'il,  biffé. 

4.  La  construction  est  fort  irrégulière  et  mal  suivie;  mais  le  sens, 
croyons-ùous,  ne  laisse  pas  de  doute.  La  phrase  revient  à  dire  :  «  Pen- 
santainsi,  quel  juge  (était-il)  »,  c'est-à-dire  «  quel  juge  (était-il)  s'il  pen- 
sait ainsi  après  avoir  tout  fait,  etc.  »  ;  ou,  en  tournant  par  de,  comme 
va  faire  l'auteur  :  «  quel  juge  (c'était  là),  d'agir,  tout  en  pensant  ainsi, 
contre  nous  au  point  de  nous  forcer  à  le  récuser,  puis,  après  (la  récu- 
sation), d'en  faire  (de  faire  de  la  cause  de  M.  de  Luxembourg),  plus 
ouvertement  (qu'avant),  sa  propre   chose  contre   nous  !   »    Après   est 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  111 

soit  pas,  quel  juge  encore  et  quel  prévaricateur  de  ré- 
pondre au  Roi  avec  cette  flatterie  sur  ce  qu'il  voyoit  quel 
étoit  son  sentiment!  Les  juges  eux-mêmes,  honteux  de      Honte  des 

leur  iueement,  s'excusèrent  sur  la  compassion  de  l'état    J"?^^  ^^  'f"' 
••     ,  ,  .   .  jugement. 

de  M.  de  Luxembourg  tombe  de  toute  pairie  sans  cet 
expédient,  et  sur  l'impossibilité  qu'il  gagnât  jamais  la 
préséance  de  l'ancienne  érection  de  1581,  dont  ils  lui 
avoient  laissé  la  chimère  :  c'est-à-dire  qu'après  s'être 
déshonorés  par  le  jugement,  ils  montrèrent  par  là  la  honte 
qu'ils  en  ressentoient. 

M.   de  Luxembourg   fut  reçu    au   Parlement  au  rang       Réception 
de  1662,  le  vendredi  4  mai  suivant;  le  duc  de  la  Ferté  et     ,  fJeM  de 

11  ,  <  i    Ti      •  Luxembourg 

deux  autres  de  la  queue  seulement  s  y  trouvèrent  .  Il  vint   au  Parlement. 
chez  nous  tous^;  mais  aucun  ne  voulut  d'aucun  commerce 
ni  avec  lui  ni  avec  ses  juges  ^.  Nous  portâmes  tous  nos 
remerciements  à  l'avocat  général  Daguesseau,  qui,  pour 
la  première  fois*  de  sa  vie,  fut  tondu ^,  et  dans  la  seule 

adverbe;  l'iiifinitif  précédent,  forcer,  a  entraîné  le  suivant,  faire,  quoi- 
qu'il eu  soit  détaché  comme  idée. 

1.  Le  Journal  de  Daiujeau,  tome  V,  p.  404-403,  dit  :  «Quelques-uns 
des  nouveaux  ducs  contre  qui  il  vient  de  gagner  son  procès  se  trou- 
vèrent à  sa  réception.  »  Nous  reproduisons  à  la  fin  de  l'appendice  n°  IX 
le  procès-verbal  original,  d'après  lequel  les  assistants  étaient  :  le  duc 
de  Bourbon,  le  prince  de  Conti,  le  duc  du  Maine,  le  comte  de  Toulouse, 
l'archevêque  de  Reims,  et  les  ducs  d'Estrées,  de  Villeroy,  de  Foix, 
d'Aumont  et  de  la  Ferté;  c'est-à-dire  deux  pairs  «  de  la  queue  »  de 
plus  que  n'en  compte  Saint-Simon. 

i.  Pour  les  solliciter  comme  juges  devant  se  prononcer  sur  sa  réception. 

3.  Le  point  qui  suit /«(/es  était  d'abord  une  virgule. 

4.  Fois  est  en  interligne.  Plus  loin,  et  corrige  de. 

5.  Selon  les  dictionnaires  du  temps,  tondu  se  disait  de  ceux  contre 
l'avis  desquels  un  arrêt  avait  été  prononcé.  Ils  ajoutent  que  l'expression 
est  basse;  Saint-Simon,  en  l'appliquant  ici  à  Daguesseau,  ne  la  juge 
sans  doute  que  familière.  Voyez  un  second  exemple  dans  la  suite  des 
Mémoires,  tome  XII,  p.  212,  et  un  autre  dans  Conrart,  éd.  Michault  et 
Poujoulat,  p.  580.  «  Je  suis  tondu  dans  mes  conjectures,  »  écrit  aussi 
l'avocat  Barbier  {Journal,  tome  III,  p.  77)  ;  et  le  marquis  d'Argenson 
{Mémoires,  tome  VI,  p.  370)  :  «  M.  de  Machault  a  été  tondu  tout  à  fait 
sur  le  traitement  de  Monseigneur.  » 


112 


MÉMOIRES 


[1696] 


Destination  des 

armées. 

Maréchal  de 

Choiseul 
sur  le  Rhin. 


cause  qu'il  eût  peut-être  plaidée*,  où  cela  étoit  de  droit 
impossible  par  son  seul  caractère  d'avocat  général". 

La  destination  des  armées^  étoit  réglée  comme  l'année 
précédente,  excepté  que  le  maréchal  de  Choiseul  eut  l'ar- 
mée du  Rhin  à  la  place  de  M.  le  maréchal  de  Lorge^;  le 
maréchal  de  Joyeuse  alla  en  la  sienne  sur  les  côtes  ^  ;  les 
princes  du  sang  furent  de  l'armée  du  maréchal  de  Ville- 
roy,  où  M.  de  Chartres  commanda  la  cavalerie,  et  les  bâ- 
tards en  celle  de  M.  de  Bouftlers,  pour  les  séparer  et  mettre 
M.  du  Maine  moins  au  grand  jour*^.  Le  Roi,  avant  de  dé- 
clarer le  maréchal  de  Choiseul',  le  prit  en  particulier  dans 
son  cabinet*,  et  se  fit  expliquer  par  lui,  pendant  un  assez 
long  temps,  les  objets  qu'il  voyoit  de  ses  fenêtres  :  il  s'as- 
sura par  ce  moyen  de  sa  vue,  qui  étoit  fort  basse  de  près, 
mais  qui  distinguoit  bien  de  loin".  Nous  demeurâmes  per- 
suadés que  le  Roi  se  sentit  plus  à  son  aise  de  ce  changement. 

M.  le  maréchal  de  Lorge,  qui  vouloit  faire"*,  qui  en 
sentoit  les  moyens,  et  qui  voyoit  de  plus,  comme  tout  le 
monde,  que  les  succès  de  Flandres  n'amèneroient  point 

1.  Le  représentant  du  Roi,  comme  aujourd'hui  celui  du  ministère 
public,  ne  pouvait  que  conclure,  sans  faire  acception  de  personne,  sans 
avoir  à  se  préoccuper  d'autre  chose  que  de  la  justice  et  du  droit. 

2.  Notre  auteur  a  dit  au  Roi  (p.  108)  que,  en  droit,  et  surtout  à 
raison  du  caractère  particulier  de  l'affaire,  les  juges  ne  pouvaient  se 
prononcer  contre  les  conclusions  de  l'avocat  général. 

3.  Voyez  le  Dangeau,  tome  V,  p.  387  et  suivantes,  et  plusieurs  nu- 
méros de  la  Gazette  d'Amsterdam,  1696,  vni,  xxx,  xxxii,  xl  et  xlvu. 

4.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  383  et  387. 

5.  Ce  maréchal  avait  dû  servir  en  Allemagne,  sous  Choiseul;  ce  fut 
à  la  suite  d'une  longue  conversation  avec  lui  que  le  Roi  l'envoya  sur  les 
côtes  normandes.  Il  partit  le  1"  mai.  {Dangeau,  p.  387,  388,  398  et  403.) 

6.  Dangeau,  tome  V,  p.  397  et  404.  —  7.  Le  dimanche  2o  mars. 

8.  Le  cabinet  du  Roi,  qui  devint  sa  chambre  en  1701,  au  centre  de 
la  cour  de  Marbre  :  voyez  plus  loin,  p.  -163,  note  1. 

9.  Voyez  notre  tome  I,  p.  117,  note  2.  Mme  de  Sévigné  écrivait,  le 
12  avril  1692  :  «  On  dit  que  le  tombeau  de  M.  de  Louvois  fait  des  mi- 
racles; il  fait  voir  un  aveugle,  qui  est  notre  ami  Choiseul,  dont  le  public 
a  eu  une  véritable  joie.  »  {Lettres,  tome  X,  p.  76.) 

10.  Emploi  absolu  remarquable,  au  sens  d'  «  agir  utilement  ». 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  113 

la  paix  dans  un  pays  tout  hérissé  de  places,  à  moins  de 
conjonctures  uniques,  comme  avoient  été  celle  de  Parc, 
lorsque  le  Roi  revint*,  et  la  dernière,  qui  sauva  M.  de 
Vaudémont^,  ne  cessoit,  tous  les  hivers,  de  proposer  le 
siège  de  3Iayence  et  d'emporter^  les  lignes  d'Heilbronn,  et 
d'en  presser  le  Roi  à  temps  d'y  donner  les  ordres  néces- 
saires à  une  heureuse  et  sûre  exécution  ;  et  le  Roi,  de- 
meuré persuadé  qu'il  ne  falloit  rien  faire  d'important  en 
Allemagne  et  réserver^  tous  ses  efforts  ailleurs,  écondui- 
soit  tous  les  ans  le  maréchal  de  Lorge  avec  ennui,  parce 
que  les  répliques  lui  manquoient,  hors  celle  de  sa  volonté  ^. 
M.  de  Louvois,  qui  avoit  procuré  cette  guerre  et  qui  ne 
la  vouloit  finir  de  longtemps,  avoit,  par  cette  raison-là 
même  que  je  viens  de  dire,  persuadé  au  Roi  l'avis  oii  il 
étoit  demeuré,  et  que  sa  pique  personnelle  contre  le 
prince  d'Orange  lui  faisoit  goûter,  lequel  commandoit 
toutes  les  années  l'armée  de  Flandres,  et  sa  colère  aussi 
contre  les  Hollandois.  Les  sources  de  toutes  ces  choses 
feroient  ici  une  trop  longue  parenthèse;  peut-être  se 
placeront-elles  d'elles-mêmes  plus  naturellement  ailleurs*. 
Ce  changement  de  situation  de  M.  le  maréchal  de 
Lorge'  en  apporta  bientôt  un  autre  dans  sa  famille.  M.  de    M.  de  Lauzun 

1.  Voyez  notre  tome  II,  p.  228  et  suivantes. 

2.  Voyez  ibidem,  p.  314-318. 

3.  «  Et  (proposer)  d'emporter,  »  diversité  de  régime  fort  commune 
jadis,  mais  que  rend  ici  un  peu  choquante  la  différence  de  rôle  des  de. 

4.  Les  deux  premières  lettres  ré  (re)  corrigent  nieHtre^]. 

5.  Une  dernière  fois,  l'année  précédente,  en  quittant  son  armée, 
M.  de  Lorge  avait  demandé  qu'on  fit  le  siège  de  Mayence  dès  le  mois 
de  mai  1696,  cette  place  lui  semblant  indispensable  à  avoir  comme  base 
d'opérations  ;  tout  au  moins  il  réclamait  une  armée  assez  forte  pour  em- 
pêcher l'irruption  des  ennemis  en  deçà  du  Rhin.  Le  Roi  lui  avait  ré- 
pondu, le  15  septembre,  qu'on  avait  le  temps  d'y  songer.  (Dépôt  de  la 
guerre,  vol.  1324,  n"  18  et  27.) 

6.  Voyez  notamment  tome  VI,  p.  263,  et  tome  XII,  p.  25. 

7.  La  Gazette  dAmsterdatn  de  1696  dit,  dans  son  numéro  i,  en  date 
du  26  décembre  1695,  que  le  maréchal  de  Lorge,  incommodé,'  a  remis 
le  bâton  (des  gardes  du  corps)  à  M.  de  ViUeroy,  et,  dans  son  numéro  iv, 

MÉMOIRES    DE   SAINT-SIMON.    Ul  o 


114  MÉMOIRES  [1696J 

se  brouille  et  se  Lauzun,  qui  n'avoit  si  opiniâtrement  voulu  épouser  sa 
de  MmVia  ^    seconde  fille  que  par  l'espérance  de  rentrer  dans  quelque 

maréchale  de  chose  avec  le  Roi  à  l'occasion  d'un  beau-père  général 
°^^^'  d'armée  \  ne  lui  pardonnoit  pas  d'avoir  résisté  à  tous  ses 
contours^  et  de  ne  l'avoir  mis  à  portée  de  rien^.  Il  ignoroit 
les  précautions  et  les  défenses  expresses  du  Roi  là-dessus 
lors  de  son  mariage*;  et  quand  il  les  auroit  sues,  il  n'au- 
roit  pas  trouvé  moins  mauvais  que  le  maréchal  ne  les  eût 
pas  su  vaincre.  G'étoit  d'ailleurs  un  homme  peu  suivi^  et 
peu  d'accord  avec  soi-même,  et  dont  l'humeur  et  les  fan- 
taisies lui  avoient  plus  d'une  fois  coûté  la  plus  haute  et  la 
plus  solide  fortune.  Dépité  donc  de  n'avoir  eu  part  à  rien, 
et  hors  d'espérance  d'y  revenir  par  un  beau-père  qui  ne 
commandoit  plus  d'armées,  il  ne  compta  plus  assez  sur 
sa  charge  pour  se  contraindre  plus  longtemps.  Ce  n'étoit 
pas  un  homme  à  durer  longtemps  au  pot  et  au  logis ^  d'au- 

qu'il  a  déclaré  au  Roi  son  intention  de  ne  plus  servir.  Voyez  la  réponse 
du  Roi,  que  mentionne  Dangeau,  à  la  date  du  2  janvier  (tome  V,  p.  340). 
Bien  des  gens,  dit  Coulanges,  ne  croyaient  pas  que  cette  retraite  fût 
volontaire  {Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  340). 

i.  Voyez  notre  tome  II,  p.  276  et  277.  De  même  la  Feuillade  épou- 
sera la  seconde  fille,  «  cruellement  laide,  »  de  Chamillart,  et  Lauzun 
mariera  la  troisième  à  son  beau-frère  le  duc  de  Lorge,  pour  s'ouvrir  à 
lui-même  «  la  porte  du  cœur  et  de  l'esprit  »  du  tout-puissant  ministre. 
{Mémoires,  tome  III  de  1873,  p.  196  et  362.) 

2.  Le  mot  est  mal  écrit  et  nous  laisse  quelque  doute  ;  contours  nous 
paraît  la  lecture  la  plus  probable.  Le  seul  dictionnaire  qui  donne  à 
ce  terme  le  sens  d'  «  action  de  circonvenir,  de  solliciter,  »  est  celui  de 
M.  Littré,  et  ce  sens,  qu'il  faut  compléter  par  «  moyen  d'agir,  d'arriver 
à  ses  fins,  >>  il  ne  le  fonde  que  sur  l'exemple  que  nous  trouvons  ici  ; 
mais  Saint-Simon  dira  ailleurs  (tome  XIV,  p.  304)  que,  pour  faire  le 
bien,  il  faut  ne  pas  ignorer  «  les  contours,  sans  quoi  rien  ne  réussit,  » 
et  dans  le  Parallèle,  p.  2o5,  il  parle  des  «  contours  de  l'ambition.  » 

3.  Comparez  l'Addition  118,  tome  II,  p.  406.  —  4.  Voyez  tome  II,  p.  278. 

5.  Nous  dirions  plutôt  «  peu  conséquent  »  ;  mais,  à  s'en  rapporter  aux 
dictionnaires,  il  ne  paraît  pas  que  conséquent  s'employât  dès  lors  ainsi. 

6.  «  On  dit  d'un  homme  assidu  à  manger  à  la  table  d'autrui  qu'il  y 
est  à  pot  et  à  rôt.  »  {Furetière,  1690.)  —  D'après  l'Académie  (1694), 
cette  locution  aurait  eu  d'ordinaire  un  emploi  plus  restreint. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  415 

trui*,  et  la  jalousie,  qui  toute  sa  vie  avoit^  été  sa  passion 
dominante,  ne  se  pouvoit  accommoder  d'une  maison  soir 
et  matin  ouverte  à  Paris  et  ^  à  la  cour  et  qui  fourmilloit  à 
toute  heure  de  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  brillant  en  l'une 
et  en  l'autre,  sans  que  la  cessation  du  commandement  eût 
rien  diminué  de  cette  nombreuse  et  continuelle  compa- 
gnie. Il  avoit  surtout  en  butte*  les  neveux",  qui  étoient 
sur  le  pied  d'enfants  de  la  maison,  et  il  étoit  extrêmement 
choqué  de  leur  âge  et  de  leur  figure  ^  avec  une  femme  de 
l'âge  et  de  la  figure  de  la  sienne.  Elle  ne  sortoit  pourtant 
jamais  des  côtés  de  sa  mère,  et  ni  le  monde  ni  lui-même 
n'avoient  pu  trouver  rien  à  reprendre  en  elle  ;  mais  il  trou- 
voit  le  danger  continuel,   et,  comme  les  vues  d'ambition 
ne  le  retenoient  plus,  il  ne  résista  plus  à  ses  fantaisies  : 
plaintes  vagues,   caprices,   scènes   pour  rien,   lettres  ou 
d'avis  ou  de  menaces,  humeurs  continuelles.  Enfin  il  prit 
son  temps  que  M.  le  maréchal  de  Lorge^  avoit  le  bâton  à 
Marly  pour  M.  le  maréchal  de  Duras*  :  il  sortit  le  matin 
de  l'hôtel  de  Lorge,  manda  à  sa  femme  de  le  venir  trou- 
ver dans  la  maison  qu'il  avoit  gardée  joignant  l'Assomp- 

1.  Le  contrat  de  mariage  du  19  mai  1693,  que  nous  avons  mentionné 
dans  le  tome  II,  p.  278,  note  4,  avait  stipu'é  que  les  parents  de  Mme  de 
Lauzun,  ne  lui  donnant  rien  présentement,  logeraient  le  ménage. 

2.  Avoit  corrige  estait.  —  3.  Et  corrige  à. 

4.  Nous  ne  voyons  pas  cité  d'exemple  d'aucun  autre  écrivain  pour 
cette  locution  active  avoir  en  butte,  «  viser,  tirer  sur,  »  dont  au  reste 
le  sens  se  déduit  bien  de  la  passive  être  en  butte,  «  être  exposé  à,  >> 
que  nous  trouverons  écrite  par  but,  substitué  par  correction  à  butte 
(voyez  le  tome  X  de  l'édition  de  1873,  p.  202  et  note  1).  Le  mot  butte, 
au  figuré,  que  nous  ne  disons  plus  qu'avec  en,  s'employait  jadis  assez 
souvent  sans  la  préposition. 

5.  Le  duc  de  Duras,  le  comte  de  Roucy  et  le  chevalier  de  Roye,  déjà 
nommés  dans  notre  tome  II. 

6.  Le  plus  jeune  avait  vingt-trois  ans,  l'aîné  trente-six  ou  trente-neuf. 

7.  Les  mots  de  Lorge  sont  écrits  en  interligne. 

8.  Dangeau  (tome  V,  p.  411)  place  cette  nouvelle  au  15  mai  1696,  et 
dit  un  peu  plus  loin  (p.  418)  que  M.  de  Lorge  tient  le  bâton  pour  son 
frère  Duras  (le  remplace  comme  capitaine  des  gardes  en  quartier). 


116  MÉMOIRES  [1696J 

tion%  rue  Saint-Honoré,  et  qu'elle  auroit  un  carrosse  sur 
les  six  heures,  pour  y  aller  désormais  demeurer  avec 
lui.  Quoique  tout  eût  dû  préparer  à  cette  dernière  scène, 
ce  furent  des  cris  et  des  larmes  de  la  mère  et  de  la  fille, 
(}ui  écrivit  fort  inutilement  :  il  fallut  obéir'"'.  Elle  fut  reçue 
chez  M.  de  Lauzun  par  les  duchesses  de  Foix^etdu  Lude', 
parentes  et  amies  de  M.  de  Lauzun,  qui  lui  donna  toute 
une  maison  nouvelle,  renvoya"  le  soir  même  tous  ses 
domestiques,  et  lui  présenta  deux  fdles  dont  il  connois- 
soit  la  vertu  et  qu'il  avoit  connues  à  Mme  de  Guise^, 
pour  ne  la  jamais  perdre  de  vue.  Il  lui  défendit  tout  com- 
merce avec  père  et  mère  et  tous  ses  parents  ^  excepté 

1.  Ce  couvent,  dont  une  partie  des  bâtiments  et  l'église,  en  forme 
de  dôme,  achevée  en  1676  sur  les  dessins  de  Charles  Errard,  existent 
encore  à  l'angle  des  rues  de  Luxembourg  (maintenant  Cambon)  et 
Saint-Honoré,  avait  été  fondé  en  1622,  par  le  cardinal  de  la  Roche- 
foucauld, pour  des  religieuses  de  la  règle  de  Saint- Augustin  soumises 
à  la  juridiction  du  grand  aumônier  de  France.  Ces  dames  de  l'Assomp- 
tion possédaient  les  maisons  de  la  rue  Saint-Honoré  attenantes  à  leur 
église,  et  c'est,  croyons-nous,  la  seconde  ou  la  troisième  que  Lauzun, 
en  quittant  la  place  Dauphine,  avait  louée,  le  2  mai  1694,  pour  le  prix 
de  treize  cents  livres  par  an.  Avant  lui,  elle  était  occupée  par  le  finan- 
cier Gorge  d'Antraigue,  et  Lauzun  y  fut  remplacé,  en  1712,  parla  prin- 
cesse deNeufchàtel.  (Arch.  nat.,  S  4627.) 

2.  Mme  de  Lauzun,  dit  Dangeau,  «  obéit  aux  ordres  de  son  mari  avec 
bien  de  la  douleur,  car  elle  aime  fort  son  père  et  sa  mère.  » 

3.  Marie-Charlotte  de  Roquelaure  épousa,  le  8  mars  1674,  Henri- 
François,  duc  de  Foix-Randan,  et  mourut  le  22  janvier  1710,  à  cinquante- 
cinq  ans.  Elle  était  tille  de  la  dernière  héritière  des  Daillon  du  Lude,  et 
son  mari  avait  eu  pour  grand'mère  paternelle  une  Caumont-Lauzun. 

4.  Voyez,  au  tome  I,  la  note  4  de  la  page  81. 
o.  Devant  renvoya  est  biffée  la  conjonction  et. 

6.  La  duchesse  de  Guise  (voyez  ci-dessus,  p.  59-67,  et  tome  II,  p.  96) 
était  sœur  consanguine  de  Mademoiselle,  que  Lauzun  avait  dû  épouser 
vingt-six  ans  auparavant. 

7.  11  renouvela  encore  plus  expressément  cette  défense  quelques 
mois  plus  tard,  lorsque  M.  de  Frémont  mourut  et  que,  pour  obtenir  le 
parfait  payement  des  quatre  cent  mille  livres  que  le  défunt  lui  avait 
promises,  il  fallut  intenter  un  procès  à  la  veuve  et  au  fils.  Les  Annales 
de  la  cour  et  de  Paris,  lome  1,  p.  209-213  et  219-222,  donnent  sur 


[1696]  DE    SAINT-SIMON.  117 

Mme  de  Saint-Simon,  avec  qui  même  il  fut  rare  dans  les 
premiers  temps,  et  l'amusa  de  ce  qu'il  put  de  compagnies 
qui  ne  lui  étoient  point  suspectes.  Après  les  premiers 
jours  d'affliction  et  d'étonnement,  l'âge  et  la  gaieté  natu- 
relle prirent  le  dessus  et*  servirent  bien,  dans  les  suites, 
à  supporter  des  caprices  continuels  et  peu  éloignés  de 
la  folie.  M.  le  maréchal  de  Lorge  prit  mieux  patience 
que  Mme  sa  femme  :  c'étoit  son  cœur  qui  lui  étoit  arra- 
ché, une  fille  pour  qui  elle  n'avoit  pu  cacher  ses  conti- 
nuelles préférences^.  Le  Roi  fut  instruit  de  cet  éclat, 
assez  modérément  par  M.  le  maréchal  de  Lorge,  beaucoup 
plus  fortement  appuyé  par^  M.  de  Duras;  mais  le  Roi, 
qui  n'avoit  jamais  approuvé  ce  mariage^,  non  plus  que 
le  public,  et  qui  n'entroit  jamais  dans  les  affaires  de  fa- 
mille, ne  voulut  point  se  mêler  de  celle-ci.  Le  monde 
tomba  fort  sur  M.  de  Lauzun^  et  plaignit  fort  sa  femme 
et  le  père  et  la  mère  ;  mais  personne  n'en  fut  surpris. 

Chacun  partit  pour  se  rendre  aux  différentes  armées. 
Le  duc  de  la  Feuillade  passa  par  Metz  pour  aller  à  celle  , 

r  r  r  son  oncle  en 

d'Allemagne  et  s'y  arrêta  chez  l'évêque^,  frère  de  feu  son    passant  à  Metz. 


cette  brouille  beaucoup  de  détails  qu'il  est  intéressant  de  rapprocher 
du  texte  de  Saint-Simon.  Nous  en  reparlerons  dans  l'appendice  XXII. 

1.  Après  et  est  biffé  le  pronom  lui. 

2.  Voyez  notre  tome  II,  p.  267  et  268. 

3.  Par  corrige  de. 

4.  Voyez,  tome  II,  p,  278,  sa  réponse  à  M.  de  Lorge  annonçant  ce 
mariage. 

o.  Coulanges  écrit  à  Mme  de  Simiane  :  «  N'êtes-vous  pas  trop  heu- 
reuse, divine  Pauline,  de  n'avoir  point  épousé  M.  de  Lauzun,  qui,  sans 
rime  et  sans  raison,  a  planté  là  sa  femme  ?  »  (Lettres  de  Mme  de  Sévigné, 
tome  X,  p.  368.)  Cette  lettre,  datée  du  27  février,  prouverait  qu'il  v 
avait  eu  une  rupture  antérieure  de  plusieurs  mois  à  celle  du  15  mai. 
—  Lauzun  ne  se  rapprocha  des  de  Lorge  qu'à  la  mort  du  maréchal. 

6.  Georges  d'Aubusson,  dit  l'abbé  de  la  Feuillade,  docteur  de  Sorbonne, 
entra  d'abord  chez  les  jésuites,  puis  fut  nommé  archevêque  d'Embrun 
en  1648,  ambassadeur  à  Venise  en  1659  et  à  Madrid  de  1661  à  1667, 
commandeur  de  l'ordre  du  Saint-Esprit  dans  la  promotion  du  31  décem- 
bre 1661,  évêque  et  prince  de  Metz  en  1668,  conseiller  d'État  d'Église 


Le  chic  de  la 
Feuillade  vole 


118  MÉMOIRES  U696] 

père,  qui  étoit  tombé  en  enfance  et  qui  étoit  fort  riche'. 
II  jugea  à  propos  de  se  nantir  et  demanda  la  clef  de  son 
cabinet  et  de  ses  coffres,  et,  sur  le  refus  que  les  domes- 
tiques lui  en  firent,  il  les  enfonça  bravement  et  prit 
trente  mille  écus  en  or,  beaucoup  de  pierreries,  et  laissa 
l'argent  blanc.  Le  Roi  d'ailleurs,  de  longue  main  fort  mal 
content  des  débauches  et  de  la  négligence  de  la  Feuillade 
dans  le  service,  s'expliqua  fort  durement  et  fort  publi- 
quement de  cet  étrange^  avancement  d'hoirie,  et  fut  si 
près  de  le  casser,  que  Pontchartrain  eut  toutes  les  peines 
du  monde  à  l'empêcher^  :  ce  n'est  pas  que  la  Feuillade 
ne  vécût  très  mal  avec  Châteauneuf,  secrétaire  d'État,  et 
avec  sa  fille*,  qu'il  avoit  épousée  dès  1692;  mais  un  coup 
de  cet  éclat  leur  parut  à  tous  mériter  tous  les  efforts  de 
leur  crédit  pour  le  parer. 

en  1690.  Il  mourut  à  Metz  le  12  mai  1697,  étant  âgé  de  quatre-vingt- 
huit  ans  et  le  plus  ancien  des  prélats  de  France.  11  était  doyen  de  la  fa- 
culté de  théologie  de  Paris  et  possédait  les  abbayes  de  Saint-Loup  de 
Troyes,  de  Saint-Jean  de  Laon  et  de  Joyenval.  11  avait  eu  aussi  celles 
de  Saint-Remy,  de  Reiras  et  de  Solignac. 

i.  Son  évéché  rapportait  plus  de  quatre-vingt  mille  livres,  l'abbaye 
de  Joyenval  huit  ou  dix  mille  livres,  celle  de  Saint-Loup  de  Troyes 
neuf  mille  livres,  celle  de  Saint-Jean  de  Laon  douze  mille  livres.  Il 
avait  conservé  en  outre  une  pension  sur  l'archevêché  d'Embrun,  rece- 
vait le  traitement  de  conseiller  d'État,  avait  recueilli,  en  1660,  un  legs 
universel  du  maréchal  de  l'Hospital,  etc.  ;  mais,  selon  le  Gallia  cltris- 
iiana  (tomes  111,  p.  1098,  et  Xlll,  p.  804),  il  faisait  dans  sou  diocèse, 
à  grands  frais,  nombre  de  fondations  charitables  et  utiles.  Saint-Simon 
parlera  cependant  de  son  avarice  en  1697. 

2.  Cet  étrange  est  en  interligne,  au-dessus  de  cette,  biffé. 

3.  Le  texte  de  cet  épisode  est  presque  littéralement  emprunté  au 
Journal  de  Dancjeau,  tome'V,Tp.  419,  31  mai  1696.  Nous  reproduirons  à 
l'Appendice,  n°  X,  une  lettre  du  procureur  général  au  parlement  de  Metz 
qui  en  donne  le  récit  officiel.  —  Peu  après,  M.  de  la  Feuillade  demanda 
l'interdiction  de  son  oncle,  et  elle  fut  prononcée  le  17  juillet  1696. 

4.  Catherine-Thérèse  Phélypeaux  de  Châteauneuf,  mariée  le  8  mai 
169-2  au  duc  de  la  Feuillade,  et  morte  le  5  septembre  1697,  à  vingt  et 
un  ans.  Elle  était  cousine  des  Phélypeaux  de  Pontchartrain  ;  mais  les 
deux  branches  ne  s'aimaient  point,  comme  le  dira  plus  tard  Saint-Si- 
mon (tome  II  de  1873,  p.  224  et  338). 


[1696J 


DE    SAINT-SIMON. 


419 


J'avois  vu  le  maréchal  de  Choiseul,  avant  partir^  chez  Prévenances  du 


lui  et  chez  moi,  et  j'en  avois  reçu  toutes  sortes  d'offres 
et  de  civilités.  Il  étoit  assez  de  la  connoissance  de  mon 
père,  et,  comme  il  étoit  plein  d'honneur  et  de  sentiments'^, 
il  se  piqua  de  faire  merveilles  à  tout  ce  qui,  dans  son 
armée,  tenoit  à  M.  le  maréchal  de  Lorge.  Je  trouvai  à 
Philipsbourg  Villiers^,  mestre  de  camp  de  cavalerie,  qui  y 
étoit  venu  avec  un  assez  gros  détachement,  et  qui  s'en 
retournoit  le  lendemain  à  l'armée,  laquelle^  venoit,  d'en- 
trée^ de  campagne,  de  passer  le  Rhin*^.  En  traversant  les 


maréchal  de 

Choiseul,  en 

l'armée  duquel 

j'arrive. 


i.  Nous  trouverons  d'autres  exemples  de  cet  emploi  d'avant,  sans 
que  ni  que  de  ni  de,  devant  l'infinitif;  il  était  fréquent  au  seizième  siècle 
(voyez,  chez  M.  Littré,  l'historique  de  l'article  Avant),  et  il  s'est  con- 
servé dans  le  style  de  procédure  :  avatit  dire  ou  faire  droit.  —  En  par- 
tant pour  l'armée,  Saint-Simon  laissa  à  sa  femme  une  nouvelle  procu- 
ration, qui  est  datée  du  16  mai.  (Minutier  de  M'  Galin,  notaire  à  Paris.) 
Il  avait  dû  assister,  le  14,  au  service  annuel  de  Louis  XUI,  célébré 
par  l'évêque  de  Perpignan. 

2.  Sentiments,  absolument,  pour  «  bons  et  nobles  sentiments,  » 
exemple  qui  confirme  bien  l'explication  donnée  par  M.  Littré,  sans  cita- 
tion d'aucune  autorité,  à  l'article  Sentiment,  8°.  —  Voyez  l'éloge  du 
maréchal  de  Choiseul  dans  la  suite  des  Mémoires,  tome  VIII,  p.  212-213, 
et  dans  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  491,  S40,  etc. 
Ézéchiel  Spanheim  lui  a  consacré  une  page  intéressante  dans  la  série 
de  portraits  que  M.  Ch.  Schefer,  de  l'Institut,  va  prochainement  pu- 
blier pour  la  Société  de  l'Histoire  de  France.  —  En  1702,  le  maréchal 
fut  un  des  témoins  qui  déposèrent  en  faveur  de  Saint-Simon,  lorsque 
celui-ci  se  fit  recevoir  au  Parlement  comme  duc  et  pair  (nous  publie- 
rons le  texte  de  sa  déposition),  et  l'un  des  amis  aussi  qui  approuvèrent, 
peu  après,  son  intention  de  quitter  le  service  {Mémoires,  tome  III, 
p.  224-226). 

3.  Etienne  Bérault  de  Villiers-le-Morhier,  cornette  au  régiment  de 
Catheux,  eut,  en  1671,  une  compagnie  de  cavalerie.  Il  devint  lieu- 
tenant-colonel en  1686,  mestre  de  camp  en  1693,  brigadier  en  1702, 
maréchal  de  camp  en  1704,  et  mourut  de  maladie  dans  le  courant  du 
mois  de  mai  1709. 

4.  Laquelle  a  été  écrit  en  interligne,  au-dessus  de  qui,  biffé. 

5.  Emploi  à  remarquer  de  de  au  sens  de  dès,  comme  dans  les  locu- 
tions «  d'abord,  de  prime  abord,  d'emblée.  » 

6.  Selon  la  correspondance  du  Dépôt  de  la  guerre  (vol.  1364),  M.  de 


120  MÉMOIRES  [1696] 

bois  de  Bruchsal,  nous  trouvâmes  les  débris  de  l'escorte 
qui  avoit  conduit  Montgon  '  la  veille,  et  qui  avoit  été 
bien  battue,  assez  de  gens  tués  et  pris,  et  Montgon  ga- 
gna le  camp  seul  et  de  vitesse  comme  il  put'^  J'avois  fait 
tout  ce  que  j'avois  pu  pour  le  joindre  en  arrivant  un  jour 
plus  tôt  à  Philipsbourg,  et  je  ne  me  repentis  pas  de  n'a- 
voir pu  y  réussir. 

J'allai  mettre  pied  à  terre  chez  le  maréchal  de  Choiseul. 
Il  me  pressa  extrêmement  de  loger  au  quartier  général; 
mais  je  le  suppliai  de  me  permettre  de  camper  à  la  queue 
de  mon  régiment,  et  je  l'obtins  avec  peine.  Il  demanda 
au  marquis  d'Huxelles  comment  M.  le  maréchal  de  Lorge 
en  usoit  avec  moi  et  avec  ses  neveux,  pour  que  nous  ne 
nous  aperçussions  de  la  différence  que  le  moins  qu'il  lui 
seroit  possible  ;  et  en  effet  il  ne  se  lassa  point  de  nous 
prévenir  en  tout  tant  que  la  campagne  dura,  et  de  nous 
combler  d'attentions  et  de  toutes  les  distinctions  qu'il  put. 

Choiseul  arriva  le  9  niui  h  Strasbourg,  le  46  au  Fort-Louis,  le  19  ;i 
Bellheim  et  au  pont  de  Philipsbourg  (voyez  le  Journal  de  Da7igeau, 
tome  V,  p.  416),  le  20  à  Bruchsal.  Le  23,  il  vint  camper  à  Sickingen, 
devant  les  lignes  d'Eppingen;  mais  cette  position  des  ennemis  lui  sembla 
trop  formidable  pour  tenter  une  attaque.  Il  avait  ordre  de  rester  le  plus 
longtemps  possible  sur  la  rive  droite.  La  Gazette  d'Amsterdam,  n"  xxxv 
et  suivants,  donne  des  détails  intéressants,  venant  du  camp  allemand, 
sur  les  mouvements,  sans  importance  d'ailleurs,  qui  remplirent  les  trois 
premiers  mois  de  cette  campagne. 

1.  Jean-François  Cordebœuf  de  Beauverger,  marquis  puis  comte  de 
Montgon,  né  en  16oo,  nommé  cornette  de  cavalerie  en  1674,  sous- 
lieutenant  des  gendarmes  bourguignons  en  1677,  mestre  de  camp- 
lieutenant  du  régiment  Royal-cuirassiers  en  1678,  inspecteur  général 
de  la  cavalerie  et  des  dragons  en  1690,  brigadier  en  1691,  venait 
d'être  fait  maréchal  de  camp  le  3  janvier  1696.  Il  devint  lieutenant 
général  le  23  décembre  1702,  et  mourut  le  7  mai  1730  (?). 

2.  Le  29  mai,  du  camp  de  Golzheim,  le  maréchal  annonce  que 
M.  de  Montgon,  en  venant  de  Philipsbourg  avec  cent  vingt-cinq  maîtres, 
a  donné  dans  une  embuscade  d'infanterie  et  a  perdu  quatre  ou  cinq 
officiers  et  sept  ou  huit  cavaliers.  (Dépôt  de  la  guerre,  vol.  1364,  n°184; 
la  Gazette  fournit  aussi  quelques  détails,  p.  274.)  Les  bois  qui  cou- 
vraient Philipsbourg  étaient  toujours  périlleux  à  traverser,  comme  on 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  i21 

De  juin,  qui  commençoit,  jusqu'en  septembre,  le  maré- 
chal et  le  prince  Louis  de  Baden*,  la^  plupart  du  temps 
dans  ses  lignes  d'Eppingen,  ne  firent  que  s'observer  et 
subsister  :  après  quoi  nous  repassâmes  le  Rhin  à  Philips- 
bourg,  où  l'arrière-garde  fut  tâtée  plutôt  qu'inquiétée, 
sans  le  plus  léger  inconvénient^.  La  campagne  mérita  de- 

le  voit  dans  une  lettre  où  Mme  de  Sévigné  (tome  VIII,  p.   213)  parle 
des  dangers  que  M.  de  Vins  y  avait  courus  en  4688. 

1.  Ce  général,  que  le  margrave  de  Bayreuth  suppléait  en  son  absence, 
avait  dû  être  éloigné  du  théâtre  de  la  guerre  par  les  puissances  alliées, 
si  l'on  en  croit  cette  lettre  autographe  de  Guillaume  III  à  l'électeur  de 
Bavière,  que  nous  reproduisons  avec  toutes  ses  incorrections  :  «  A  Ken- 
sington,  ce  7/17  de  janv:  1696.  — Mon  frère  je  n'ay  receu  qu'avent  hier 
la  lettre  que  vous  m'aves  escrit  du  4  du  courent  a  vostre  retour  deNamur, 
et  ay  veu  par  les  Mémoires  que  vous  m'aves  envoyé  ce  que  vous  y  aves 
ordonne,  ce  que  j'approuve  fort,  et  espère  que  vous  tiendrez  la  main 
que  cela  s'exécute  avec  toutte  la  promtilude  possible,  vous  saves  combien 
le  temps  est  présentement  a  ménage.  Je  vous  suis  très  oblige  de  la  con- 
fiance que  vous  me  témoignes  en  me  communiquent  ce  que  vous  aves 
appris  a  l'eguard  du  Prince  de  Baden,  je  vous  dires  naivement  mes  sen- 
timents avec  ma  franchise  ordinaire,  que  je  croi  que  c'est  un  artifice  de 
la  france,  et  j'advoue  très  bien  controuvée,  puisque  si  la  chose  estoit 
véritable,  il  est  certain  que  nous  deverions  tous  contribue  affin  qu'il 
ne  fut  plus  emploie  en  Almagne  mais  en  Hongerie,  a  quoy  je  croi  que 
la  france  butte,  Et  je  crains  fort  qu'a  Vienne  l'on  ne  pouroit  que  trop 
aisément  donner  dans  ce  paneau,  pour  moy  je  ne  puis  croire  la  chose. 
Et  j'ay  trop  bonne  opinion  du  Prince  de  Baden  de  pouvoir  croire  qu'il 
peu  tant  manque  a  son  honneur,  Et  avoir  asses  peu  de  jugement 
d'escouter  de  telles  propositions  qui  ne  peuvent  en  auqu'une  manière 
tourne  a  son  adventage,  Je  vous  prie  de  me  communiquer  de  ce  que 
vous  en  apprenderes  de  plus  Et  de  me  croire  tousjours,  Mon  frère,  Votre 
très  affectione  frère.  William  R.  »  (Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisitions 
françaises,  ms.  486,  fol.  136-137.) 

2.  VI  de  la  corrige  un  d. 

3.  Il  semble  que  Saint-Simon  suive  en  ce  moment  le  Journal  de  Dan- 
(jcau,  où  le  retour  en  deçà  du  fleuve  est  ainsi  mentionné  :  «  M.  le  maré- 
chal de  Choiseul  repassa  le  Rhin  sur  le  pont  de  Philipsbourg,  le  30  de 
juin,  sans  que  notre  arrière-garde  fût  inquiétée  par  les  ennemis....  » 
(Tome  V,  p.  436.)  On  voit  donc  que  cette  opération  s'exécuta  à  la  fin 
du  mois  de  juin,  et  non  pas  en  septembre,  comme  l'expression  «  après 
quoi»  de  Saint-Simon  pourrait  le  faire  croire  ici.  D'après  la  correspon- 
dance du  Dépôt  de  la  guerre,  vol.  1365,  la  date  exacte  serait  le  28  juin. 


422  MÉMOIRES  [1696] 

puis  plus  d'attention.  Je  me  servirai  de  ce  loisir  jusqu'en 
septembre  pour  faire  des  courses  ailleurs. 

La  Flandre  *  ne  fournit  rien  du  tout  cette  année  :  il  ne 
fut  question  de  part  et  d'autre  que  de  subsistances  et 
que  de  s'épier.  Le  prince  d'Orange  laissa  de  fort  bonne 
heure  l'armée  à  l'électeur  de  Bavière,  avec  lequel  il  ne 
se  passa  rien  non  plus. 

Mort  de  Montai.  Pendant  la  campagne,  le  bonhomme  du  Montai  mou- 
rut à  Dunkerque.  Il  avoit  un  corps  séparé  vers  la  mer^. 
C'étoit  un  très  galant^  homme,  et  qui  se  montra  tel  jus- 
qu'au bout,  à  plus  de  quatre-vingts  ans*.  Il  vaqua,  par  sa 
mort,  le  gouvernement  de  Mont-Royal  ^  et  un  collier  de 
l'Ordre;  et  le  public  et  les  troupes,  qui  lui  rendirent 
justice,  trouvèrent  honteux  qu'il  n'eût  pas  été  fait  maré- 
chal de  France  :  j'ai  parlé  de  lui  lorsqu'on  les  fit^. 

Du  marquis  de       L^  marquis  de  Noailles  ^  qui  servoit  en  Flandres,  y 

Noaiiles.  ^  ^  -^ 

1.  Flandres  a  le  signe  du  pluriel,  dans  le  manuscrit,  malgré  l'article 
la,  ce  qui  n'est  pas  rare  dans  les  documents  du  temps. 

2.  Voyez  notre  tome  II,  p.  311  et  326. 

3.  Ici,  galand  :  voyez  notre  tome  I,  p.  284,  note  1,  et  ci-dessus,  p.  67. 

4.  II  mourut  le  27  septembre  1696,  n'ayant  que  soixante-dix-sept  ans, 
dit  la  Gazette.  On  doit  donc  corriger  en  1696  la  date  de  1698,  imprimée 
par  mégarde  dans  notre  note  2  de  la  page  122  du  tome  I. 

5.  Bonne  forteresse  construite  par  Louis  XIV,  peu  avant  que  la 
guerre  de  1688  éclatât,  dans  le  comté  de  Spanheim,  à  onze  lieues  au- 
dessous  de  Trêves.  La  rivière  de  Moselle  l'environnait  presque  entière- 
ment. Le  gouvernement  en  fut  donné  au  marquis  de  Montrevel  dans  les 
premiers  jours  de  l'année  1697;  selon  Dangeau  (tome  VI,  p.  55),  il  valait 
plus  de  vingt  mille  livres  de  rente.  Les  fortifications  furent  détruites  à 
la  paix  de  Ryswyk. 

6.  Lorsqu'on  créa  sept  maréchaux  en  1693  :  voyez  nos  tomes  I, 
p.  121-122,  et  II,  p.  311,  et  l'article  consacré  à  M.  du  Montai  dans  les 
Notions  sur  les  chevaliers  du  Saint-Esprit,  que  nous  renvoyons  à  l'Ap- 
pendice, n"  XI.  Son  éloge  funèbre,  par  un  prêtre  du  nom  de  le  Clerc, 
fut  imprimé  en  1699. 

7.  Voyez  notre  tome  II,  p.  155,  note  2.  —  Jean-François,  marquis  de 
Noailles,  était  né  le  28  août  1658.  Major  du  régiment  Dauphin-étranger 
en  1675,  mestre  de  camp  d'un  régiment  de  cavalerie  de  son  nom  en 
4677,  capitaine  de  Najac  en  1678,  lieutenant  général  et  grand  bailli  de  la 


Plessis. 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  423 

mourut  de  la  petite  vérole  et  ne  laissa  que  deux  filles  ^ 
Le  duc  son  frère  eut  pour  un  de  ses  fils^  enfant  la  lieu- 
tenance  générale  d'Auvergne^,  qu'il  avoit. 

11  ne  faut  pas  omettre  la  mort  de  deux  hommes  célè- 
bres   en   genre   fort   différent,  qui  arriva   en  ce   même 
temps  :  de  Varillas  \   si  connu  par  les  histoires  qu'il  a  De  Varilias;  di 
écrites  ou  traduites^,  et  du  Plessis**,  écuyer  de  la  grande 

haute  Auvergne  en  1679,  capitaine  en  chef  dans  Royal-Piémont  le  15  août 
de  la  même  année,  il  avait  été  fait  brigadier  de  cavalerie  en  mai  1692. 
Il  mourut  au  camp  de  Gosseliers,  le  23  juin  1696,  et  fut  enterré  à 
Mons  {Mercure  galant,  juin  1696,  p.  310-311,  et  juillet,  p.  274-278).  Sa 
veuve,  Marie-Thérèse  Rouillé,  devint  plus  tard  duchesse  de  Richelieu. 

1.  Il  avait  eu  quatre  filles,  dont  deux  seulement  survivaient  :  Anne- 
Marie  de  Noailles,  née  le  10  janvier  1691,  qui  mourut  le  17  juillet  1703; 
et  Anne-Catherine  de  Noailles,  née  le  28  septembre  1691,  qui  devint,  en 
1711,  la  femme  du  fameux  Louis-François-Armand,  duc  de  Richelieu, 
et  mourut  le  7  février  1716.  —  Saint-Simon  suit  toujours  Dangeau,  qui 
dit  (tome  V,  p.  431)  :  «  Le  marquis  n'a  laissé  que  deux  filles.  » 

2.  Jules-Adrien,  chevalier  de  Noailles,  né  le  7  juin  1690  et  reçu 
chevalier  de  Malte,  puis  chanoine  de  l'église  Notre-Dame  de  Paris,  fut 
en  effet  pourvu  de  la  lieutenance  générale  de  la  haute  Auvergne.  Il 
devint  plus  tard  comte  de  Noailles  par  la  mort  d'un  frère  aîné,  et 
obtint,  en  1709,  le  régiment  de  cavalerie  de  son  nom  ;  mais  il  mourut 
de  la  petite  vérole,  à  Perpignan,  le  17  septembre  1710,  sans  alliance. 

3.  Cette  lieutenance  générale  de  la  haute  Auvergne  valait,  selon 
Dangeau,  huit  à  neuf  mille  livres.  Voyez  les  Additions  et  correctio7is. 

4.  Antoine  Varilias  (ce  nom  vient  sans  doute  de  la  localité  de  Va- 
reilles,  département  de  la  Creuse),  né  à  Guéret  en  1624,  commença 
par  être  précepteur  à  Lyon,  puis  en  Bretagne;  il  devint  ensuite  histo- 
riographe de  Gaston,  duc  d'Orléans  (1648-1655),  et,  vers  1660,  historio- 
graphe ordinaire  du  Roi.  Il  mourut  à  Paris  le  9  juin  1696.  Voyez  une 
note  complémentaire  à  l'Appendice,  n"  XII. 

5.  On  retrouve  à  peu  près  les  mêmes  expressions,  non  seulement 
dans  le  Journal  de  Damjeau  (tome  V,  p.  424),  qui  dit  :  «  Varilias,  fort 
connu  par  toutes  les  histoires  qu'il  nous  a  données...,  »  mais  aussi  dans 
la  Gazette  d'Amsterdam  (n°  xlix)  :  «  Varilias,  qui  s'est  fait  connoître  par 
plusieurs  ouvrages  d'histoire  qu'il  a  donnés  au  public...,  »  et  dans  la 
Gazelle  (p.  205)  :  «  Varilias,  connu  par  un  grand  nombre  d'ouvrages 
d'histoire.  » 

6.  Pierre  du  Vernay  du  Plessis,  le  plus  ancien  des  écuyers  ordinaires 
du  Roi,  mort  subitement  le  8  juin  1696,  à  soixante-seize  ans  et  trois 


124 


MÉMOIRES 


[1696] 


Du  roi 
de  Pologne 
J.  Sobieski. 


Cavalerie 
battue  par 


écurie  et  le  premier  homme  de  cheval  de  son  siècle, 
quoique  déjà  fort  vieux  \ 

Une  autre  mort  fit  plus  de  bruit  dans  le  monde  et  y 
eut  de  grandes  suites  :  c'est  celle  du  fameux  roi  de  Po- 
logne J.  Sobieski-,  qui  arriva  subitement.  Ce  grand 
homme  est  si  connu,  que  je  ne  m'y  étendrai  pas^. 

En  Catalogne,  M.  de  Vendôme  battit  la  cavalerie  d'Es- 
pagne^. Elle  étoit  de  quatre  mille  hommes,  à  la  tête  des- 


mois. Il  était  déjà  renommé  comme  maître  de  manège  en  16o7 
(Journal  d'un  voyage  à  Paris  en  i657,  p.  60),  et,  deux  ans  plus  tard, 
appartenant  alors  au  corps  des  écuyers  de  la  grande  écurie,  il  avait 
succédé  au  célèbre  Arnolfiny  pour  enseigner  l'équitation  au  Roi  et  à 
son  frère.  (Brevet  du  18  décembre  1659,  Arch.  nat.,  KK  1454,  fol.  151 
v°.)  Il  avait  été  également  le  professeur  de  tous  les  enfants  de  France, 
selon  la  Gazette  et  selon  l'article  du  Mercure,  qui  a  été  reproduit  par 
les  éditeurs  du  Journal  de  Danyean,  tome  V,  p.  423.  Il  tenait  l'Aca- 
démie royale,  dit  la  Gazette  d'Amsterdam,  n"  xlix. 

1.  Dangeau  dit  :  «  M.  du  Plessis,  écuyer  de  la  grande  écurie  et  le 
plus  babile  homme  qui  ait  jamais  été  pour  apprendre  à  monter  à  che- 
val, mourut  hier  subitement  ;  il  étoit  fort  vieux,  mais  il  étoit  encore  fort 
vigoureux.  »  (Journal,  tome  V,  p.  422-4'23.)  Dans  la  table  du  manuscrit 
de  Dangeau  conservé  aux  Affaires  étrangères,  Saint-Simon  a  relevé 
ainsi  ce  décès  :  «  Mort  de  du  Plessis,  le  plus  fameux  et  habile  écuyer 
de  plusieurs  âges,  fort  vieux  et  subitement.  » 

2.  Jean  Sobieski  (Saint-Simon  a  écrit  par  mégarde,  en  abrégeant  : 
Jacq.,  qui  était  le  nom  du  fils  aîné  de  ce  souverain);  sa  notice  est 
dans  notre  tome  I,  p.  303,  note  2.  La  Gazette  de  1696,  p.  325,  et  la 
Gazelle  d' Amsterdam,  n°Liv,  donnent  des  détails  sur  cette  mort,  arrivée 
le  17  juin  :  malade  depuis  quelques  jours,  Sobieski  fut  enlevé  par  une 
espèce  d'apoplexie,  qui  lui  laissa  à  peine  le  temps  de  remplir  ses  der- 
niers devoirs.  Comparez  son //js/ojre,  par  Salvandy,  tome  II,  p.  395-397. 

3.  Saint-Simon  parlera  plus  loin  (p.  302-308)  de  sa  succession,  de 
ses  fils  et  de  sa  veuve,  qui  était  française,  comme  on  l'a  vu  dans  le 
tome  I.  Beaucoup  plus  tard  (tome  V,  p.  288-290),  il  reviendra  assez 
longuement  sur  son  règne  et  ses  victoires. 

4.  Victoire  de  Massanet,  près  Hostalrich,  remportée  le  30  mai  1696  : 
voyez  la  continuation  de  Rapin-Thoyras,  tome  XI,  p.  425,  \ Histoire  des 
dernières  campagnes  du  duc  de  Vendôme^  p.  416,  et  le  récit  détaillé  de 
la  Gazette,  p.  283-284,  ou  celui  de  la  Gazette  d' Amsterdam,  n'^xuia  et  h. 
Monsieur  le  Prince  écrivit  au  vainqueur  cette  lettre,  de  Chantilly,  le 
12  juin  :  «  Je  m'accoutume,  Monsieur,  avec  un  grand  plaisir  à  vous  faire 


m%]  DE   SAINT-SIMON.  425 

quels  étoit  le  prince  de  Darmstadt*.  Ils  en'  ont  eu^  le  quart  m.  de  Vendôme. 
tué  ou  pris,  et  le  comte  de  Tilly*,   commissaire  général, 
neveu  de  Tzerclaës",  est  des  derniers;  et  il  n'en  a  coûté 
qu'une  centaine  de  carabiniers,    et  autant  de  dragons. 
Longueval  ",    lieutenant  général,    fut    reconnoître,  après 

des  compliments  sur  ce  qui  se  passe  dans  les  armées  que  vous  com- 
mandez. Je  vous  prie  de  croire  que,  outre  l'intérêt  général,  je  suis  fort 
sensible  à  ce  qui  vous  regarde  en  cela  particulièrement.  La  liberté  d'é- 
crire de  la  main  des  secrétaires  doit  être  établie  entre  tout  le  monde, 
mais  surtout  entre  ceux  qui  ont  les  affaires  d'un  général  et  ceux  qui, 
comme  moi,  ont  le  poignet  attaqué  par  un  peu  de  goutte.  »  (Bibl. 
nat.,  ms.  Fr.  14  477,  fol.  440-441.) 

4.  Georges  de  Hesse-Darmstadt,  né  le  23  avril  1669,  fils  cadet  issu 
du  second  mariage  de  Louis  II,  landgrave  de  Hesse-Darmstadt,  avec 
une  princesse  de  Saxe-Gotha,  s'était  converti  au  catholicisme,  et,  après 
avoir  servi  en  Irlande  pour  le  compte  du  prince  d'Orange,  il  était  passé 
en  Espagne,  où  la  Reine,  sa  parente,  le  fit  mettre  à  la  tète  de  l'année, 
en  remplacement  de  Gastanaga.  Saint-Simon  racontera,  en  1697,  les 
causes  prétendues  ou  réelles  de  la  haute  fortune  qu'il  fit  à  la  cour  de 
Madrid,  où  il  devint  grand  de  première  classe,  chevalier  de  la  Toison 
d'or  et  vice-roi  de  Catalogne.  Disgracié  en  1700  avec  le  parti  allemand, 
puis  forcé  de  quitter  l'Espagne  à  l'avènement  de  Philippe  V,  il  se  ran- 
gea alors  du  côté  de  l'Archiduc,  alla  diriger  les  opérations  en  Portugal 
et  y  fut  nommé  général  de  la  cavalerie  en  4704;  mais  il  périt  au  siège 
de  Barcelone,  le  44  septembre  4705. 

2.  Ve  de  eri  corrige  un  o,  et  ont  est  écrit  on, 

3.  Ce  passé  indéfini,  conservé  pendant  quatre  lignes,  trahit  encore 
un  emprunt  à  Dangeau  :  voyez  ci-après,  p.  426,  note  4. 

4.  Voyez  notre  tome  I,  p.  236,  note  4. 

5.  Jean  Tzerclaës,  comte  de  Tilly  (4559-1632),  plus  connu  sous  ce 
dernier  titre  que  sous  son  nom  patronymique  (Saint-Simon  écrit  :  Ser- 
claes),  fut  l'un  des  plus  illustres  capitaines  de  la  guerre  de  Trente  ans. 
Il  venait  de  remplacer  Wallenstein  comme  généralissime  des  armées 
de  l'Empire  et  de  la  ligue  catholique,  quand  il  périt  de  blessures 
reçues  en  combattant  contre  l'armée  de  Gustave-Adolphe. 

6.  François-Annibal,  comte  de  Longueval,  cornette,  puis  capitaine  au 
Royal-cuirassiers  (1667),  aide  de  camp  des  armées  du  Roi  pendant  la 
guerre  de  Hollande,  fait  colonel  des  dragons  du  Dauphin  en  1675,  bri- 
gadier en  1686,  maréchal  de  camp  en  1690,  lieutenant  général  le  3  jan- 
vier 1696.  Selon  la  Gazette  cV Amsterdam  (n°u),  son  corps,  retrouvé 
après  li3  combat  du  30  mai,  fut  inhumé  dans  l'église  d'IIostalrich.  Le 
comte  de  Tilly,  dont  il  vient  d'être  question  trois  lignes  plus  haut,  avait 


426  MÉMOIRES  [1696J 

l'action,  leur  infanterie,  qui  étoit  dans  un  camp  retran- 
ché, et  fut  emporté  d'un  coup  de  canon  V 
Négociation  L'Italie  fut  plus  fertile  ^  Le  Roi,  résolu  de  ne  rien  ou- 

armée  de  i  !•  i  i  •       '  •  •, 

Savoie.  blier  pour  donner  la  paix  a  son  royaume,  qui  en  avoit 
un  grand  besoin,  jugea  bien  qu'il  n'y  parviendroit  qu'en 
détachant  quelqu'un  des  alliés  contre  lui^,  dont  l'exemple 

épousé  uneLongueval  de  la  branche  des  comtes  de  Buquoy,  qui  avaient 

quitté  la  Picardie  pour  s'établir  en  Flandre. 

4,  Il  faut  mettre  en  regard  de  ce  récit  le  paragraphe  correspondant 

de  Dangeau  (tome  V,  p.  422),  pour  montrer  que  Saint-Simon  n'y  a  fait 
que  des  modifications  peu  importantes,  ou  des  altérations  par  mé- 
gardes  «  Cotron,  officier  des  gardes  de  M.  de  Vendôme,  apporta  au  Roi 
la  nouvelle  que  M.  de  Vendôme  avoit  battu  la  cavalerie  d'Espagne,  qui 
étoit  composée  de  quatre  mille  cinq  cents  chevaux  et  commandée  par  le 
prince  [de]  Darmstadt.  On  leur  a  pris  ou  tué  plus  de  mille  hommes; 
nous  avons  perdu  environ  deux  cents  carabiniers  ou  dragons.  Parmi  les 
prisonniers  que  nous  avons  faits,  est  le  comte  de  Tilly,  commissaire 
général  et  neveu  de  Tzerclaës,  qui  commande  les  troupes  de  Liège. 
M.  de  Longueval,  lieutenant  général,  après  l'action  finie,  voulut  aller 
reconnoître  le  camp  de  l'infanterie  ennemie,  qui  est  retranché,  et  fut 
emporté  d'un  coup  de  canon.  Mailly  a  été  légèrement  blessé  d'un  coup 
de  sabre.  » 

2.  Plus  fertile  en  événements.  Saint-Simon  dit,  dans  le  Parallèle  des 
trois  premiers  rois  Bourbons,  p.  264  :  «  En  4696,  la  paix  particulière 
de  Savoie  et  le  mariage  de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne  furent  les  seuls 
événements,  avec  la  neutralité  d'Italie.  » 

3.  C'est-à-dire,  de  ceux  qui  étaient  alliés  contre  lui.  Le  sens  est 
clair;  mais,  grammaticalement,  contre  /««dépendrait  plutôt  du  verbe 
détacha  que  du  participe-substantif  alliés.  —  Les  organisateurs  de  la 
ligue  d'Augsbourg  (7  mai  et  9  juillet  4686)  avaient  été  l'Empereur,  l'élec- 
teur de  Bavière,  les  rois  d'Espagne  et  de  Suède  (comme  faisant  partie 
du  corps  de  l'Empire),  les  cercles  de  Bavière  et  de  Franconie,  les 
princes  de  la  maison  de  Saxe,  les  princes  et  États  du  Haut-Rhin  et  du 
W^esterwald  :  voyez  le  Journal  de  Damjeau,  tome  I,  p.  365.  L'électeur 
palatin  et  le  duc  de  Holstein  y  avaient  adhéré  aussitôt.  La  Hollande 
n'était  entrée  dans  la  ligue  qu'après  avoir  reçu  une  déclaration  de 
guerre  du  roi  de  France  (26  novembre).  Quant  à  l'Angleterre,  qui,  sous 
Jacques  II,  avait  eu  beaucoup  de  peine  à  se  maintenir  à  l'état  de  neu- 
tralité, elle  était  tout  acquise  à  la  confédération  depuis  que  la  maison 
d'Orange  avait  remplacé  les  Stuarts.  Le  duc  de  Savoie,  un  des  premiers 
à  approuver  la  formation  de  la  ligue,   n'avait  conclu   cependant  son 


H696]  DE  SAINT-SIMON.  427 

affoibliroit  les  autres  et  lui  donneroit  plus  de  moyens  de 
leur  résister  et  de  les  amener  à  son  but,  et  il  pensa  au 
duc  de  Savoie  comme  à  celui  dont  les  difficiles  accès*  lui 
causoient  plus  de  peines  et  de  dépenses,  et  qui  d'ailleurs 
se  trouvoit  fort  molesté  par  les  hauteurs  de  l'Empereur 
et  très^  mal  content  de  l'Espagne,  qui  lui  tenoient  tous^ 
très  peu  de  tout  ce  qu'ils  lui  avoient  promis  et  de  ce 
qu'ils  lui  promettoient  sans  cesse.  Le  Roi  donc,  pour 
parvenir  à  réussir  dans  son  dessein,  donna  au  maréchal 
Catinat  une  armée  formidable^,  et  en  même  temps  des 
instructions  secrètes  fort  amples,  avec  des  pleins  pou- 
voirs pour  négocier^,  et,  s'il  se  pouvoit,  conclure  avec 
M.  de  Savoie.  Catinat  passa  les  monts  de  bonne  heure", 
et,  gardant  une  exacte  discipline,  menaçoit  de  dévaster 
tout  et  de  couper  sans  miséricorde  tous  les  mûriers  de  la 
plaine,  qui  faisoient  le  plus  riche  commerce  du  pays  par 
l'abondance  des  soies  ^,  et  dont  la  perte  l'eût  ruiné 
pour  un  siècle  avant  de  pouvoir  être  remis.  M.  de  Savoie 
avoit  vu  brûler  ses  plus  belles  maisons  de  campagne, 
les  années  précédentes,   et  les  lieux  de  plaisance  qu'il 

traité  de  jonction  avec  l'Allemagne  et  l'Espagne  qu'après  l'entrée  d'une 
armée  française  en  Piémont  (juin  4690).  Sur  les  motifs  de  sa  décision, 
voyez  les  Mémoires  de  Catinat,  tome  II,  p.  374,  et  la  suite  de  nos 
Mémoires,  tome  XII,  p.  26-27.  Mme  de  Sévigné  appelait  cela  «  la  fré- 
nésie de  M.  de  Savoie  contre  tous  ses  intérêts.  »  (Lettre  du  mois  de 
juillet  [4690],  tome  IX,  p.  547.) 

4.  L'accès  de  la  Savoie  et  du  Piémont. 

2.  Le  f  de  très  corrige  une  m. 

3.  Tous  est  écrit  en  interligne. 

4.  Il  eut  cinquante-cinq  ou  soixante  bataillons  et  plus  de  quatre- 
vingts  escadrons.  {Dangeau,  tome  V,  p.  348,  440  et  445.) 

5.  Catinat  avait  déjà  été  chargé  de  faire  des  propositions  au  duc  en 
4694  :  voyez  ses  Mémoires,  tome  II,  p.  66  et  suivantes. 

6.  Il  avait  pris  congé  du  Roi  dès  le  29  janvier,  pour  retourner  à 
Pignerol  ;  mais  il  ne  fit  entrer  son  armée  dans  les  plaines  du  Piémont 
que  le  49  mai. 

7.  Le  Piémont  fournissait  des  soies  à  toutes  nos  manufactures  de 
Lyon  et  de  Tours,  ainsi  qu'à  celles  de  Turin. 


128  MÉMOIRES  [1696] 

avoit  les*  plus  ornés ^;  il  avoit  éprouvé  ce  que  peut  une 
armée  supérieure  que  rien  n'arrête  :  il  vouloit  la  paix, 
et  Catinat  crut  voir  distinctement  que  c'étoit  tout  de 
bon.  Le  maréchal  avoit  contribué  à  se  faire  associer  le 
comte  de  Tessé  pour  la  négociation^  :  il  falloit  un  homme 
intelligent  et  de  poids,  qui,  s'il  étoit  nécessaire,  pût 
parler  et  répondre  :  ce  que  le  maréchal  n'étoit  pas  en  si- 
tuation de  faire  à  la  tête  d'une  armée  qui  avoit  les  yeux 
sur  lui,  et  dont  il  n'y  avoit  pas  moyen  qu'il  disparût  un 
moment;  et  c'est  ce  que  put^  Tessé  en  faisant  le  malade, 
comme  il  en  usa  plusieurs  fois,  et  tant  qu'enfin,  les^  temps 
où  on  ne  le  voyoit  point  joints  à  l'inaction  des  troupes,  on 
s'en  aperçut  dans  l'armée,  où  il  étoit  le  plus  ancien  des 
lieutenants  généraux  et  chevalier  de  l'Ordre  de  1688. 

C'étoit  un  homme  fort  bien  et  fort  noblement  fait^ 
d'un  visage  agréable,  doux,  poli,  obligeant,  d'un  esprit 
raconteur  et  quelquefois  point  mal  ",  au-dessous  du  mé- 
diocre si  on  en  excepte  le  génie  courtisan  et  tous  les  re- 
plis qui  servent  à  la  fortune,  pour  laquelle  il  sacrifia  tout. 
Il  s'étoit  fait  un  protecteur  déclaré  de  M.  de  Louvois  par 
ses  bassesses,  son  dévouement  et  son  attention  à  lui  ren- 

1.  Saint-Simon  a  écrit  les.  Est-ce  à  dessein  ou  par  inadvertance? 
Plus  loin,  un,  devant  armée. 

2.  Voyez  notre  tome  I,  p.  376  et  note  2. 

3.  Nous  donnons  à  l'Appendice,  n"  XIII,  des  fragments  de  la  corres- 
pondance diplomatique  de  Tessé  relative  à  cette  négociation  secrète  de 
1696;  ses  premières  démarches  dataient  de  1692. 

4.  Put  est  en  interligne,  au-dessus  du  même  mot  corrigeant  fit,  puis 
effacé. 

5.  Les  corrige  le.  —  La  proposition  incidente  qui  commence  par  cet 
article  est  un  latinisme,  une  sorte  d'ablatif  absolu,  que  les  désinences 
de  cas  rendraient  très  clair  en  latin,  mais  dont  le  rapport  avec  le  reste 
de  la  phrase  est,  au  premier  abord,  beaucoup  moins  net  en  français. 

6.  Voyez  son  portrait  au  lavis  dans  le  ms.  Clairambault  1168,  fol.  62. 

7.  Les  lettres  de  Tessé  sont  innombrables,  et  se  distinguent  par  un 
tour  piquant  qui  justifie  cette  appréciation  favorable  de  Saint-Simon. 
Tessé  doit  certainement  être  compté  parmi  les  bons  écrivains  épisto- 
laires  de  son  temps. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  129 

dre  compte  de  tout  :  ce  qui  ne  servit  pas  à  sa  réputation, 
mais  à  un  avancement  rapide  et  à  en  donner  bonne  opi- 
nion au  Roi.  Son  nom  est  Froullay*;  il  étoit  Manceau,  et 
ne  démentoit  en  rien  sa  patrie".  D'une  charge  caponne^ 
de  général  des  carabins  ^,  qui  n'existoient  plus,  il  s'en  fit 

1.  C'était  une  fort  bonne  famille,  de  noblesse  ancienne,  ayant  pris 
son  nom  d'une  des  chàtellenies  les  plus  considérables  qui  relevaien 
du  duché  de  Mayenne,  aujourd'hui  commune  de  Tessé-Froullay. 

2.  Dans  un  autre  portrait,  où  Saint-Simon  (voyez  le  tome  III  de  1873, 
p.  388-389,  et  comparez  une  Addition  à  Dangeau,  tome  IX,  p.  96)  ne 
fera  guère  qu'amplifier  certains  détails  de  celui-ci,  il  caractérise  ains 
Tessé  :  «  C'étoit  un  Manceau,  digne  de  son  pays,  fin,  adroit,  ingrat 
à  merveilles,  fourbe  et  artificieux  de  même.  »  Mme  de  Caylus  dit,  dans 
ses  Souvenirs  (p.  490),  à  propos  des  courtisans  que  Mme  de  Montespan 
s'amusait  à  tourner  en  ridicule  :  «  Un  troisième  ressembloit  au  valet 
de  carreau  :  ce  qui  donna  même  à  ce  dernier  un  si  grand  ridicule,  qu'il 
lui  a  fallu  depuis  tout  le  manège  d'un  Manceau  pour  faire  la  fortune 
qu'il  a  faite;  car  elle  (Mme  de  Montespan)  ne  s'en  tenoit  pas  à  la  cri- 
tique de  son  ajustement,  elle  se  moquoit  aussi  de  ses  phrases,  et  n'a- 
voit  pas  tort.  «  Mais  il  s'agirait  là  de  Dangeau,  dit-on,  et  non  de  Tessé. 
—  Du  reste,  la  réputation  des  gens  du  Maine  était  bien  établie,  car  le 
Mémoire  sur  la  généralité  de  Tours  dressé  en  1698,  par  l'intendant 
Miroménil,  s'exprime  ainsi:  «  Le  caractère  des  Manceaux  est  l'industrie 
et  la  vigilance  pour  leur  intérêt  ;  ils  sont  laborieux  et  actifs,  mais 
d'une  foi  douteuse.  »  On  se  rappelle  que,  dans  Racine,  l'Intimé  dit  à 
Petit-Jean,  qui  lui  présente,  comme  témoins,  la  tête  et  les  pieds  du 
chapon  (Plaideurs,  vers  722  et  723)  : 

Je  les  récuse....  Ils  sont  du  Maine. 

3.  Une  charge  «  nulle,  »  comme  le  dira  ailleurs  Saint-Simon  (tome  III, 
p.  388  ;  comparez  les  Projets  de  (j cuver nement  du  duc  de  Bourgogne, 
p.  97).  Il  se  servira  plusieurs  fois  de  cette  expression  de  «  caponne,  » 
et  dira  (éd.  de  1873,  tome  II,  p.  478,  et  tome  V,  p.  466)  qu'il  l'em- 
prunte à  la  langue  espagnole.  Selon  M.  Littré,  une  charge,  ou  une 
clef  caponne,  c'est-à-dire  cliaponnée,  était  ainsi  dite,  en  Espagne,  par 
analogie,  comme  n'ayant  que  les  apparences,  sans  pouvoir  ni  exercice. 
Voyez  les  Lettres  de  Mme  d'Aulnoy  sur  l'Espagne,  tome  I,  p.  413. 

4.  Les  carabins,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  corps  d'élite 
des  carabiniers  dont  nous  avons  vu  l'organisation  se  faire  après  Ner- 
winde,  étaient  des  soldats  de  cavalerie  légère,  arquebusiers  ou  mous- 
quetaires, qui,  sous  Henri  IV  et  Louis  XIII,  avaient  été  formés  en 
compagnies  ou  en  régiments,  pour  servir  à  la  garde  des  officiers  géné- 

MKMOIRKS    DE   SAliNT-SIMON.    III  9 


430  MÉMOIRES  [1696] 

une  réelle  de  mestre  de  camp  général  des  dragons  \  qui 
le  porta  à  celle  de  leur  colonel  général^  quand  M.  de 
Boufflers  la  quitta  pour  le  régiment  des  gardes,  et  on 
regarda  avec  raison  comme  une  signalée  faveur  qu'à  son 
âge  et  n'étant^  que  maréchal  de  camp,  il  fût  fait  chevalier 
de  l'Ordre.  Il  sut  se  maintenir  avec  Barbezieux  comme  il 
avoit  été  auprès  de  son  père,  et,  tant  qu'il  pouvoit  dans 
son  éloignement  de  la  cour,  il  ne  négligea  de  cultiver 
aucun  homme  dont  il  pût  espérer  près  ou  loin.  Il  avoit 
aussi  le  riche  gouvernement  d'Ypres*  et  quantité  de  sub- 

raux,  aux  escarmouches,  aux  reconnaissances.  Leur  tactique  était  en 
général  de  tourner  bride  aussitôt  après  avoir  déchargé  la  courte  carabine 
à  rouet  dont  ils  étaient  armés  et  d'où  ils  prenaient  leur  nom».  Dans  les 
batailles,  ils  combattaient  sur  les  ailes  de  la  première  ligne.  Comme 
armure  défensive,  ils  avaient  une  cuirasse  échancrée  à  l'épaule  droite, 
un  casque  et  un  gantelet  à  coude  pour  la  main  qui  tenait  la  bride. 
Leur  arme  de  tir,  fort  embarrassante  à  charger,  fut  abandonnée  sous 
Louis  XIV,  et  le  corps  des  carabins  n'exista  plus  que  de  nom,  comme 
e  dit  notre  auteur.  C'est  surtout  sous  le  commandement  général  d'Isaac 
Arnauld,  oncle  d'Arnauld  d'Andilly,  que  les  carabins  avaient  eu  une 
grande  réputation. 

i.  Ceci  est  probablement  pris  du  passage  suivant,  où  Dangeau  an- 
nonçait la  création,  en  date  du  6  novembre  1684  (tome  I,  p.  67)  :  «  Il 
y  avoit  une  ancienne  charge  de  mestre  de  camp  général  des  carabins 
qui  s'étoit  conservée  dans  la  maison  de  Quincé  ;  Tessé  l'acheta  de  cette 
famille  quarante  mille  francs;  le  Roi  la  supprima,  et  lui  donna  en  la 
place  celle  de  mestre  de  camp  général  des  dragons.  Il  y  avoit  douze 
cents  écus  d'appointements  à  celle  des  carabins,  qu'on  attacha  à  celle 
des  dragons.  »  Voy°z  l'Histoire  de  la  Milice  française,  par  le  P.  Daniel, 
tomes  I,  p.  232-236,  et  II,  p.  506. 

2.  Cette  charge,  sous  Louis  XV,  valait  cinq  cent  mille  livres  et 
en  rapportait  vingt-cinq  mille,  plus  les  produits  casuels  ;  celle  de  mes- 
tre de  camp  général  ne  rapportait  que  huit  mille  livres  net  et  le  casuel. 
[Mémoires  du  duc  de  Luynes,  tomes  VIII,  p.  463,  et  XIII,  p.  136.) 
Celle-ci,  nous  l'avons  dit,  avait  été  créée  pour  Tessé  en  1684;  il  eut 
l'autre  en  1692,  comme  le  dira  Saint-Simon  dans  son  second  portrait. 

3.  L'n  qui  précède  étant  corrige  si.  —  Un  peu  après,  il  y  a  bien  fût 
au  subjonctif  (fusi). 

4.  Dangeau  dit  (tome  III,  p.  4lo)  que  ce  gouvernement  rapportait 

"  C'est  de  cette  manœuvre  que  vint  l'expression  carabiner  que  nous 
rencontrerons  dans  Saint-Simon. 


[16961  HE    SAINT-SIMON.  131 

sistances^  Son  bien  d'ailleurs  étoit  fort  court,  et  sa 
femme ^,  qu'il  tint  toujours  au  Maine,  ne  lui  servit  de 
rien,  n'étant  pas  propre  à  en  sortir^.  Il  étoit  cousin  ger- 
main du  marquis  de  Lavardin  ^  chevalier  de  l'Ordre  en 
même  promotion,  pendant  son  ambassade  de  Rome,  par 
sa  mère^,  petite-fiUe  du  maréchal  de  Lavardin",  Sa  femme 
s'appeloit  Auber',  fille  d'un  baron  d'Aulnay**,  du  même 
pays  du  Maine".  Par  sa  mère,  Beaumanoir,  il  devint  hé- 
ritier de  beaucoup  de  choses  de  cette  illustre  maison  '". 

plus  de  quarante-cinq  mille  livres  au  marquis  de  la  Trousse,  prédéces- 
seur de  Tessé.  Ypres  fut  français  de  1678  à  1713. 

1.  L's  finale  a  été  ajoutée  après  coup.  —  On  comprend  que  subsis- 
tances signifie  les  fournitures  ou  les  indemnités  allouées  à  l'officier 
général,  peut-être  aussi  les  profits  du  gouverneur. 

2.  Voyez  ci-dessous,  note  7. 

3.  Comparez  tome  VI,  p.  319,  et  le  Journal  de  Dangeau,  tome  XII, 
p.  278. 

4.  Voyez  notre  tome  II,  p.  133,  note  1. 

5.  Madeleine  de  Beaumanoir  de  Lavardin,  mariée  le  7  novembre  1638 
à  René  II  de  FrouUay,  comte  de  Tessé,  lieutenant  général,  et  morte  à 
Paris,  le  25  décembre  1682,  étant  âgée  de  soixante-quatre  ans. 

6.  Jean  de  Beaumanoir  (1S51-1614),  élevé  auprès  d'Henri  de  Navarre, 
mais  converti  plus  tard  au  catholicisme,  fut  fait  successivement  colonel 
de  l'infanterie  française,  gouverneur  du  Poitou  et  du  Maine,  chevalier 
des  ordres  en  1595,  maréchal  de  France  et  marquis  de  Lavardin  en  1601, 
ambassadeur  extraordinaire  à  Londres  en  1612. 

7.  Marie-Françoise  Auber  d'Aulnay,  mariée  le  10  juin  1674,  et  morte 
le  30  mars  1709,  au  château  d'Aulnay,  en  Normandie. 

8.  Antoine  Auber,  baron  d'Aulnay,  etc.,  marié  vers  1650  à  Françoise 
«le  Villette,  dit  la  généalogie  des  continuateurs  du  P.  Anselme,  que 
Saint-Simon  suit  en  ce  moment. 

9.  Non  point  du  Maine,  mais  de  Normandie  (Saint-Simon  lui-même 
dira  ailleurs,  tome  VI,  p.  319  :  «  près  de  Caen  >.);  c'est  Aulnay-sur- 
rOdon,  aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  du  département  du  Calvados. 

10.  La  filiation  des  Beaumanoir  du  Maine  n'est  bien  établie  qu'à 
partir  du  milieu  du  quinzième  siècle,  et  l'on  ne  peut  les  rattacher  avec 
une  absolue  certitude  ni  à  l'auteur  des  Coidumes  du  Becmoaisis,  ni  à 
l'ami  de  du  Guesclin,  au  héros  du  combat  des  Trente.  Cependant  les 
lettres  d'érection  du  marquisat  de  Lavardin  disent  que  Jean  de  Beau- 
manoir, l'impétrant,  était  issu  d'une  des  plus  illustres  familles  de  Bre- 
tagne, et  saint-Simon,  dans  ses  Légères  notions  sur  les  chevaliers  du 


Conditions  de 
la  paix  de 


132  MÉMOIRES  [1696] 

Pendant  la  négociation* ,  Catinat  se  jDréparoit  au  siège 
de  Turin-,  et  M.  de  Savoie,  qui  voyoit  ses  États  dans 
Sav'oier  ^^  danger,  et  qui  d'ailleurs  s'y  sentoit  moins  le  maître 
que  ses  propres  alliés,  convint  enfin  de  la  plus  avan- 
tageuse paix  pour  lui,  et  que  le  Roi  trouva  telle  aussi 
pour  soi-même  par  le  démembrement  qu'elle  mit  parmi 
ses  alliés.  Les  principaux  articles^  furent  :  le  mariage 
de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne  avec  sa  fille  aînée*  dès 
qu'elle  auroit  douze  ans,  et,  en  attendant,  envoyée  à 
la  cour  de  France;  que  le  comté  de  Nice^  seroit  sa  dot, 

Saint-Esprit  (vol.  34  de  ses  papiers,  fol.  83  v"  à  84),  commence  ainsi  la 
généalogie  de  Lavardin  :  «  Maison  connue  en  grandeur  avant  1200,  ot 
qui  y  a  toujours  été  tant  que  la  Bretagne  a  eu  ses  ducs  particuliers,  et 
depuis  fort  déchue  en  alliances  et  en  grands  emplois.  »  Il  rattache  sans 
hésiter  le  chef  des  trente  Bretons  ;i  la  même  tige  et  consacre  une  longue 
notice  au  maréchal  de  Lavardin. 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  128. 

2.  Cette  capitale  du  Piémont,  sur  le  Pô  et  la  Doire,  bien  fortifiée  et 
pourvue  d'une  bonne  citadelle,  avait  été  déjà  prise  une  fois  par  les 
Français,  en  1640.  Nous  la  verrons  assiégée  inutilement,  en  1706,  par 
Marsin.  —  Catinat,  entrant  avec  une  armée  formidable  dans  la  plaine 
de  Piémont  et  s'avançant  jusqu'à  deux  lieues  de  Turin,  annonça  l'inten- 
tion de  bombarder  la  place,  et  Victor-Amédée  s'empressa  de  faire  des 
lignes  de  défense  tout  autour,  comme  si  cette  menace  eût  été  sérieuse. 
(Gazette,  p.  285,  297-298,  308,  321.) 

3.  Les  conventions  préliminaires  furent  signées  le  29  mai  1696  et 
ratifiées  à  Marly  le  4  juin,  à  Turin  le  29  ;  le  projet  de  contrat  de  mariage, 
envoyé  par  Tessé  le  3  septembre  et  ratifié  à  Marly  le  9,  fut  signé  solen- 
nellement à  Turin  le  15,  à  Versailles  le  25.  (Dépôt  des  affaires  étran- 
gères, Turin,  vol.  95  et  97.) 

4.  Marie-Adélaïde  de  Savoie,  premier  enfant  issu  de  l'alliance  de 
Victor-Amédée  II  avec  Anne-Marie  d'Orléans,  fille  de  Monsieur  et  cou- 
sine germaine  du  père  du  duc  de  Bourgogne.  Née  le  6  décembre  1685, 
cette  princesse  fut  mariée  le  7  décembre  1697,  et  mourut  le  14  février 
1714.  Voyez  ci-après,  p.  264-277.  Il  y  avait  à  la  cour  même  de  France 
deux  autres  prétendantes  qui  aspiraient  à  épouser  le  jeune  héritier  du 
Roi  :  la  petite  princesse  d'Angleterre,  qui  n'avait,  il  est  vrai,  que  quatre 
ans,  et  la  fille  de  Madame  qui  devint  duchesse  de  Lorraine.  {Lettres  de 
Madame,  recueil  Jaeglé,  tome  I,  p.  105  et  149.) 

5.  La  ville  et  le  comté  de  Nice  avaient  appartenu  d'abord  aux  rois 
de  Bourgogne,  puis  aux  comtes  de  Provence,  et  Amédée  VII  de  Savoie 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  133 

qui  lui  demeureroit  et  lui  seroit  livré  jusqu'à  la  célébra- 
tion du  mariage;  la  restitution  de  tout  ce  qui  lui  avoit 
été  prisS  et  même  de  Pignerol,  rasé,  et  deux  ducs  et 
pairs  en  otage  à  sa  cour  jusqu'à  leur  accomplissement^; 
enfin  une  grande  somme  d'argent  en  dédommagement  de 
ses  pertes^,  et  d'autres  moindres  articles,  entre  lesquels 
il  obtint  pour  ses  ambassadeurs  en  France  le  traitement 
entier  de  ceux  des  rois'',  dont  jusqu'alors  ils  n'avoient 
qu'une  partie,  et  les  offices  du  Roi  à  Rome  pour  leur 
faire  obtenir  la  Salle  Royale",  qui  est  la  même  chose  : 

ne  s'en  était  emparé  qu'en  1388.  Ses  successeurs,  demeurés  depuis  lors 
en  possession  du  pays,  fondaient  leurs  droits  sur  une  prétendue  cession 
d'Yolande,  mère  de  Louis  111  de  Provence.  Louis  XIV  se  saisit  du  comté 
en  1691,  dès  le  début  des  hostilités;  il  le  réoccupa  une  seconde  fois 
en  1705,  et  le  rendit  encore  par  le  traité  d'Utrecht.  Nice,  qui  redevint 
pays  français  de  1792  à  1814,  nous  a  été  enfin  cédé  par  l'Italie  en  1860. 

1.  Toute  la  Savoie,  Pignerol,  la  Pérouse,  Villefranche,  Suse,  etc.  La 
ville  de  Casai  avait  déjà  été  rendue  et  démantelée  l'année  précédente. 

2.  Ce  dernier  membre  de  phrase,  depuis  :  «  et  deux  ducs....  »,  est 
écrit  en  interligne. 

3.  Tant  que  la  guerre  durerait  en  Italie,  le  duc,  comme  généralissime 
des  armées  combinées  de  France  et  de  Savoie,  devait  toucher  un  sub- 
side mensuel  de  cent  mille  écus.  Louis  XIV  s'engageait  en  outre  à  lui 
abandonner  toutes  les  conquêtes  qui  pourraient  être  faites  en  Milanais. 

4.  Le  duc  de  Savoie  portait  le  titre  de  roi  de  Chypre  et  la  couronne 
fermée  des  souverains,  comme  héritier  de  Charlotte  Paléologue,  et  il 
avait  obtenu  le  traitement  d'Altesse  Royale  de  toutes  les  cours,  même 
de  l'Empereur,  qui  le  lui  avait  accordé  en  échange  de  son  adhésion  à 
la  ligue  d'Augsbourg.  Voyez  les  Mémoires  de  Pomponne,  tome  II,  p.  93 
et  106-107. 

5.  La  Sala  Regia  du  Vatican,  qui  fut  construite  par  Antoine  de  San 
gallo,  sous  le  pontificat  de  Paul  111,  et  à  laquelle  conduit  le  magnifique 
escalier  du  Bernin.  Cette  salle,  ornée  de  fresques  historiques  et  formant 
comme  le  vestibule  des  chapelles  Pauline  et  Sixtine,  servait  aux  proces- 
sions et  aux  consistoires  publics.  —  Vingt  ans  auparavant,  les  Génois 
avaient  fait  offrir  cinq  millions  pour  que  leurs  ambassadeurs,  au  lieu 
de  n'être  reçus  par  le  Pape  que  dans  la  Chambre  Ducale,  eussent  l'en- 
trée dans  la  Salle  Royale  {Gazette  d'Amsterdam,  1676,  correspondance 
de  Paris  du  13  novembre).  Dangeau  dit,  au  31  juillet  1696  (tome  V, 
p.  447;  comparez  tome  VI,  p.  30)  :  «  S.  A.  R.  espère  obtenir  la  Sala 
Regia,  c'est-à-dire  les  traitements  qu'on  accorde  à  Rome  aux  anibas- 


134  MÉMOIRES  11696] 

toutes  les  autres  cours  lui  avoient  déjà'  accordé  les  mêmes 
honneurs.  11  voulut  aussi  être  l'un  des  médiateurs  de  la 
paix  générale  lorsqu'elle  se  traiteroit.  Le  Roi  l'accorda  ; 
mais  l'Empereur  n'y  voulut  jamais  consentir  quand  il  fut 
question  de  la  faire '^. 

Tout  cela  signé  avec  le  dernier  secret '\  il  songea  à  se 
délivrer  de  ses  alliés,  qui  l'obsédoient,  qui  le  soupçon- 
noient,  qui  étoient  plus  forts  que  lui,  et  qui,  selon  toute 
apparence,  alloient  devenir  ses  ennemis.  Pour  y  parve- 
nir, il  fit  semblant  de  prêter  l'oreille  aux  nouvelles  pro- 
positions qu'ils  lui  firent  et  au  renouement^  de^  celles  de 
mariage  de  sa  fille  aînée  avec  le  roi  des  Romains'',  dont 
le  refus  qu'en  avoit  fait  l'Empereur  l'avoit  sensiblement 

sadeurs  des  têtes  couronnées  ;  il  les  a  déjà  en  France,  à  la  cour  de 
l'Empereur,  en  Espagne  et  en  Angleterre.  »  Saint-Simon,  comme  on 
le  voit,  suit  encore  le  texte  du  Journal.  —  Plus  tard,  en  1699  (tome  II 
de  1873,  p.  197),  Victor-Amédée  se  montrera  très  mécontent  de  ce 
que  l'Empereur  accorde  le  même  traitement  au  grand-duc  de  Toscane. 

1.  Déjà  est  en  interligne. 

2.  Le  duc  de  Savoie,  en  se  détachant  des  alliés,  s'engageait  à  obtenir 
de  l'Empereur  la  neutralité  de  l'Italie;  sinon,  il  se  liguerait  avec  la 
France.  Louis  XIV,  de  son  côté,  laissait  au  duc  trois  mois  pour  se 
dégager  honnêtement,  et  promettait  de  ne  pas  traiter  sans  lui  avec 
Vienne  et  Madrid. 

3.  Sur  les  bruits  qui  en  couraient  depuis  quelque  temps,  voyez  la 
Gazelle  cV Amsterdam  de  1696,  n"  liv  et  suivants,  le  Journal  de  Ban- 
deau à  la  date  du  2  juin,  etc.  Le  courrier  de  Tessé,  porteur  de  la  nou- 
velle, arriva  à  Marly  le  3  juin  au  soir. 

4.  Ce  mot,  en  ce  sens,  a  été  relevé  par  M.  Littré  dans  Corneille  et 
dans  un  autre  passage  des  Mémoires  (tome  Vil,  p.  2o4).  Furetière  (1690) 
ne  le  donne  qu'au  sens  de  «  réconciliation  »  ;  l'Académie  de  même 
(1694),  en  citant  l'exemple  :  «  renouement  d'amitié  ». 

5.  De  corrige  des,  et  celles,  qui  suit,  est  écrit  en  interligne,  au-dessus 
de  proposilions,  biflé. 

6.  L'archiduc  Joseph-Jacob-Ignace-Jean-Antoine-Eustache,  fils  aîné  de 
l'empereur  Léopold,  avait  été  déclaré  roi  de  Hongrie  en  1687  et  élu  roi 
des  Romains  (voyez  notre  tome  I,  p.  112,  note  6)  le  24  janvier  1690.  Il 
tut  promu  à  l'Empire  le  6  mai  1703,  sous  le  nom  de  Joseph  I,  et  mourut 
le  17  avril  1711.  Il  ne  se  maria  qu'en  1699,  comme  on  l'a  déjà  vu  à 
l'endroit  cité  du  tome  1,  avec  une  des  princesses  de  Hanovre. 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  135 

piquée  En  même  temps,  il  proposa  une  revue  des  troupes 
étrangères  à  distance  éloignée  de  Turin,  où  il  mit  ses 
troupes  dans  les  postes  qu'elles  occupoient.  Il  avoit  eu, 
sous  d'autres  prétextes,  la  même  précaution  pour  Coni  et 
pour  ses  autres  places,  et,  quand  il  fallut  aller  à  la  revue, 
il  demeura  à  Turin  et  s'en  excusai  Après  ces  précautions, 
il  se  déclara  :  il  leur  manda  qu'il  étoit  contraint  d'accep- 
ter la  neutralité  d'Italie,  que  le  Roi  lui  faisoit  offrir,  et 
qu'il  les  prioit  aussi  de  l'accepter  de  même.  Le  mar- 
quis de  Leganez*,  le*  prince  Eugène^  et  Milord   Gallo- 


1.  L'Empereur  offrit,  disent  les  historiens,  de  faire  ce  mariage  et 
d'assurer  au  duc  de  Savoie  le  marquisat  de  Montferrat  et  le  duché  de 
Milan  après  la  mort  du  roi  Charles  II,  avec  une  armée  de  douze  mille 
Anglais,  quatre  millions  d'argent  comptant,  etc. 

2.  Voyez  Quincy,  Histoire  militaire,  tome  III,  p.  250,  et  le  Journal 
de  Dangeau,  tome  V,  p.  415  et  442. 

3.  Don  Diego- Maria -Felipez  de  Guzman,  troisième  marquis  de 
Leganez,  de  Morata  et  de  Mayrena,  duc  de  San-Lucar,  comte  d'Azual- 
coUar,  fut  grand  d'Espagne,  gentilhomme  de  la  chambre,  conseiller 
d'État,  général  de  la  cavalerie,  grand  alferez  {porte-étendard),  grand 
commandeur  de  l'ordre  de  Saint-Jacques,  vice-roi  et  capitaine  de  Cata- 
logne, puis  gouverneur  et  capitaine  général  du  Milanais  à  partir  de 
■1691,  gouverneur  du  Buen-Retiro,  et  enfin  capitaine  général  de  l'artil- 
lerie d'Espagne  et  président  du  conseil  des  Indes.  Disgracié  et  exilé  à 
l'instigation  de  Mme  des  Ursins,  nous  le  verrons  mourir  à  Paris  le 
28   février  1711.  Il  signait  :  Leganes. 

4.  La  lettre  initiale  de  le  corrige  un  G  majuscule  (Galloway). 

5.  Eugène-François  de  Savoie,  fils  cadet  du  prince  de  Carignan  et  de 
Marie  de  Bourbon,  comtesse  de  Soissons,  était  né  à  Paris,  le  18  octobre 
1663,  et  avait  été  connu  sous  les  noms  de  chevalier  de  Carignan  et 
d'abbé  de  Savoie  (il  eut  plusieurs  abbayes  en  Savoie)  avant  de  prendre 
celui  de  prince  Eugène.  Mécontent  de  la  cour  de  France,  en  1683,  il 
était  allé  rejoindre  sa  mère  à  Bruxelles,  avait  servi  dans  l'armée  im- 
périale de  Hongrie,  d'abord  comme  volontaire,  puis  comme  colonel  de 
dragons,  et,  ayant  été  envoyé  à  l'armée  de  Piémont  en  1691,  il  y  avait 
remporté  plusieurs  avantages  importants  à  la  tête  d'un  corps  de  troupes 
confédérées.  En  1697,  l'Empereur  lui  donna  le  commandement  des  trou- 
pes qui  opéraient  contre  les  Turcs.  Lorsque  éclata  la  guerre  de  Suc- 
cession, il  l'envoya  de  nouveau  en  Piémont,  avec  trente  mille  hommes, 
et  le  fit  président  de  son  conseil  militaire  en  1703  et  gotiverneur  du 


136  MÉMOIRES  U696J 

way*  avoient  ordre  de  lui  obéir,  et  n'osèrent  se  porter  à 
une  violence  ouverte  :  ils  se  continrent  et  attendirent 
de  nouveaux  ordres-.  En  même  temps,  M.  de  Savoie 
masqua^  sa  paix  d'une  trêve  de  trente  jours  avec  le  ma- 
réchal Catinat^,  à  qui  il  envoya  le  comte  Tana*,  cheva- 
lier de   l'Annonciade",  et  le   marquis  d'Aix^  pour  ota- 

Milanais  en  1706.  A  partir  de  1708,  il  commanda  les  armées  de  Flandres. 
Après  la  paix  d'Utrecht,  le  prince  reprit  la  conduite  des  armées  d'Orient, 
et,  quand  la  guerre  recommença  avec  la  France,  en  1733,  il  fut  mis 
de  nouveau  à  la  tète  des  troupes  impériales.  11  mourut  subitement  à 
Vienne,  le  27  avril  1736. 

1.  Le  marquis  de  Ruvigny,  protestant  français,  créé  lord  Galloway 
par  Guillaume  111  :  voyez  notre  tome  I,  p.  260,  note  1. 

2.  Voici  le  passage  du  Journal  de  Dangeau  (tome  V,  p.  438),  que 
Saint-Simon  transcrit  encore  presque  textuellement  depuis  sept  lignes  : 
«  M.  de  Savoie  a  envoyé  aux  alliés  pour  leur  dire  qu'il  a  été  contraint 
de  prendre  ce  parti-là  et  les  prier  de  vouloir  accepter  la  neutralité 
pour  l'Italie,  que  le  Roi  lui  a  fait  offrir.  M.  de  Leganez,  le  prince 
Eugène  et  Milord  Galloway,  qui  sont  avec  M.  de  Savoie,  ont  fait  leurs 
remontrances  en  vain  ;  et,  comme  ils  ont  ordre  de  leurs  maîtres  d'obéir 
à  M.  de  Savoie,  il  faut  qu'ils  se  soumettent  en  attendant  de  nouveaux 
ordres.  »  Comparez  la  continuation  de  Rapin-Thoyras,  tomeXI,  p.  431. 

3.  La  lettre  initiale  de  masqua  corrige  une  f. 

4.  Cette  trêve  commença  le  11  juillet.  Le  Roi  l'annonça  à  Mme  de 
Maintenon  dans  une  lettre  du  16  juillet,  que  donne  la  Correspondance 
générale,  tome  IV,  p.  104. 

o.  Charles-Joseph-Jean-Baptiste  Tana,  marquis  d'Entragues,  lieutenant 
général  des  armées  de  Savoie,  fait  chevalier  de  l'Annonciade  en  janvier 
1697,  fut  successivement  ambassadeur  en  Espagne,  en  Portugal  et  à  Mi- 
an.  Dans  les  Mémoires  de  Tessé  (tome  I,  p.  73),  il  est  qualifié  capitaine  des 
gardes  du  corps  du  duc  de  Savoie.  11  avait  été  jésuite  pendant  huit  ans. 

6.  Ordre  militaire  de  Savoie,  institué  par  Amédée  VI,  en  1362.  Les 
nsignes  étaient  un  collier,  avec  la  devise  énigmatique  F.  E.   R.  T., 

et  un  manteau  amarante,  doublé  de  toile  d'argent  à  fond  bleu.  Les  che- 
valiers ne  pouvaient  entrer  dans  aucun  autre  ordre;  mais  ils  jouissaient 
de  beaucoup  de  privilèges  et  tenaient  le  premier  rang  à  la  cour.  La  liste 
des  promotions  se  trouve  dans  le  Moréri,  tome  I,  p.  126-131.  Saint- 
Simon  a  écrit  sur  cet  ordre  une  Addition  au  passage  du  Journal  de  Dan- 
geau où.  est  relatée,  eu  1697,  la  nomination  du  marquis  Tana,  tome  VI, 
p.  o4,  et  une  autre  Addition  dans  le  tome  XV,  p.  3. 

7.  Sigisraond  de  Seyssel,   marquis  d'Aix  et  de  la  Serre,  cornette 


mer. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  137 

ges\  et  reçut  en  même  temps  le  comte  de  Tessé  et  Bouzols* 
en  la  même  qualité^.  Ces  choses  se  passèrent  les  premiers 
jours  de  juillet,  et  ensuite  la  trêve  fut  prolongée*. 

Cependant  le  célèbre  Jean  Bart  ^  brûla  cinquante-cinq      Succès  ù  la 
vaisseaux  marchands  aux  Hollandois,  parce  qu'il  ne  put 
les  amener  après  avoir  battu  leur  convoi,  et  leur  coûta 
une  perte  de  six  ou  sept  millions". 

Notre  île  de  Ré^  fut  un  peu  bombardée;  ils  allèrent 

blanche  de  la  noblesse  de  Savoie  et  lieutenant  général  des  armées  du- 
cales. Dans  les  Mémoires  de  Tessé,  il  est  qualifié  lieutenant  des  gardes 
du  corps  du  duc. 

1.  L's  d'otages  paraît  avoir  été  ajoutée  après  coup. 

2.  Voyez  ci-dessus,  p.  llo.  Bouzols  venait  d'épouser  la  fille  de  Croissy, 
et,  pour  faire  .sa  cour  au  ministre,  Tessé  l'avait  chargé  de  porter  à 
Versailles  le  projet  de  contrat  de  mariage  de  la  princesse  Adélaïde. 

3.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  438;  Gazette,  1696,  p.  336. 

4.  Elle  fut  prolongée  jusqu'au  20  août,  puis  jusqu'à  la  tin  du  mois. 

5.  Jean  Bart  (ou  Baert),  né  à  Dunkerque  le  1"  juillet  1639,  était 
entré  en  1679  dans  la  marine  royale,  comme  lieutenant  de  vaisseau, 
puis  était  devenu  capitaine  de  frégate  en  1686  et  capitaine  de  vaisseau 
en  1689.  En  1694,  il  avait  reçu  la  croix  de  Saint-Louis  et  des  lettres 
de  noblesse,  dont  le  texte  se  trouve  dans  le  Mercure  du  mois  d'octobre, 
p.  206-228.  Il  fut  nommé  chef  d'escadre  le  1"  avril  1697,  et  mourut 
à  Dunkerque,  le  27  avril  1702. 

6.  Comparez  le  Journal  de  Dangeau,  2o  juin  1696,  tome  V,  p.  430- 
431.  Ce  convoi  anglo-hollandais,  de  plus  de  cent  navires,  revenait  du 
Sund;  Bart,  l'ayant  surpris  le  18  juin,  écrasa  les  cinq  frégates  d'escorte 
et  captura  la  moitié  des  vaisseaux  marchands,  mais  fut  obligé  d'en  brûler 
la  plus  grande  partie,  par  l'arrivée  d'une  grosse  escadre  ennemie. 

7.  L'île  de  Ré,  à  trois  kilomètres  de  la  côte  de  France  et  neuf  de 
la  ville  de  la  Rochelle,  formait  un  petit  gouvernement  dépendant  de 
l'Aunis.  Elle  jiossédait  des  fortifications  assez  considérables,  entre 
autres  le  fort  de  la  Prée,  sur  le  Pertuis-Breton,  et  plusieurs  bourgs 
commerçants.  L'île  reçut  trois  ou  quatre  mille  projectiles  dans  ce  bom- 
bardement, qui  dura  du  13  au  17  juillet  1696  ;  sur  neuf  cents  maisons, 
les  trois  quarts  furent  endommagés.  Les  bourgs  des  Sables-d'OIonne  et 
de  la  Chaume,  sur  la  côte  de  France,  subirent  le  même  traitement. 
{Gazette  d'Amsterdam,  n°  lxii,  et  Gazette,  p.  339-360.)  Avant  de  se 
porter  de  ce  côté,  la  flotte  anglo-hollandaise  avait  paru,  le  18  mai, 
devant  Calais,  et  bombardé  cette  ville  et  son  port  pendant  une  après- 
midi,  mais  saus  causer  aucun  dommage  sérieux. 


138  MÉMOIRES  [1696] 

après ^  devant  Belle-Isle-,  et  se  retirèrent  sans  rien  faire*. 
Filles  dhou-         Les  Princesses  firent  deux  nouveautés.  Le  Roi,  à  Tria- 
princesse  de     "*^"'  mangeoit  avec  les  dames*  et  donnoit^  assez  souvent 
Conti  mangent    aux  Princesses  l'agrément  d'en  nommer  deux  chacune.  11 
avec  le  Roi.      j^^j,  avoit  donné  l'étrange  distinction  de*^   faire  manger 
leurs  dames  d'honneur,  ce  qui  continua  toujours  d'être 
refusé   à  celles  des  princesses  du  sang,  c'est-à-dire  de 
Madame  la  Princesse  et  de  Mme  la  princesse  de  Conti  sa 
fille.  A  Trianon,  Mme  la  princesse  de  Conti  fille  du  Roi 
lui  fit  trouver  bon  qu'elle  nommât  ses  deux  filles  d'hon- 
neur^ pour  manger,  et  elles  furent  admises*;  elle  étoit  la 
\Add.  S'-S.  161]    seule  qui  en  eût'^  L'autre  nouveauté  fut  dans  leurs  signa- 

1.  L'a  A' après  corrige  un  d. 

2.  Cette  île,  éloignée  de  seize  kilomètres  de  la  côte  de  Quiberon,  avait 
été  fortifiée,  entre  4658  et  1661,  par  Foucquet,  et  était  rentrée  en  la 
possession  du  Roi  depuis  la  disgrâce  du  surintendant  ;  mais  le  domaine 
en  appartenait  encore  aux  héritiers  de  celui-ci,  et  il  ne  fit  retour  à  l'État 
que  sous  la  Régence.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome   XV,  p.  163. 

3.  Journal  de  Dungeau,  tome  V,  p.  438-443.  —  Le  Mercure  fait  un 
récit  spécial  de  ces  divers  bombardements  dans  son  volume  d'août 
4696,  p.  238-263. 

4.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  XII,  p.  69. 

5.  Devant  donnait  est  biffé  leur. 

6.  Le  d  de  la  préposition  de  corrige  un  p. 

7.  Mlles  de  Sanzay  et  de  Viantais,  qui  furent  admises,  en  1699,  à 
manger  avec  la  duchesse  de  Bourgogne.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  VII,  p.  128,  ainsi  que  la  suite  des  Mémoires,  tome  II  de  1873, 
p.  216,  et  tome  III,  p.  1  et  228;  comparez  les  Projets  de  gouvernement, 
publiés  par  M.  Mesnard,  p.  117,  et  le  Mémoire  sur  les  légitimés,  dans 
le  tome  II  de  la  publication  de  M.  Faugère,  p.  28. 

8.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  427.  Peu  de  temps  après  {ibi- 
dem, p.  436),  on  remarqua  que  Monseigneur,  à  Meudon,  faisait  manger 
avec  lui  et  Mme  la  princesse  de  Conti  une  de  ses  voisines  de  campagne, 
Mme  de  Varangeville,  fille  de  Courtin.  Le  même  Journal,  tomes  III, 
p.  48,  et  IV,  p.  432,  donne  des  listes  de  dames  et  de  demoiselles  ad- 
mises au  souper  du  Roi. 

9.  Nous  lisons  cependant  dans  le  Journal  de  Dangeau,  tome  II, 
p.  120-121,  que,  lorsque  Mlle  de  Bourbon  épousa  l'autre  prince  de 
Conti,  en  1688,  on  lui  donna  deux  filles  d'honneur,  Mlle  de  Saint-Osmanne 
et  Mlle  de  Xaintrailles.  La  première  ne  la  quitta  qu'en  juillet  1698,  pour 


[46961 


DE  SAINT-SIMON. 


139 


tures*.  Toutes  trois  ajoutoient  à  leur  nom  :  Légitimée  de 
France.  Mme  la  duchesse  de  Chartres  et  Madame  la  Du- 
chesse supprimèrent  cette  addition,  et  par  là  signèrent 
en  plein  comme  les  princesses  du  sang  légitimes.  Cet 
appât  ne  tenta  point  Mme  la  princesse  de  Conti  :  elle  ne 
perdoit  point  d'occasion  de  faire  sentir  aux  deux  autres 
princesses  qu'elle  avoit  une  mère  connue  et  nommée,  et 
qu'elles  n'en  avoient  point ^;  elle  crut  que  cette  addition 
la  distinguoit  en  cela  d'autant  plus  que  les  deux  autres 
la  supprimoient,  et  elle  voulut  la  conserver^. 

M.  de  Croissy*,  ministre  et  secrétaire  d'État  des  affaires 
étrangères  et  frère  de  feu  M.  Colbert,  mourut  à  Versailles 
le  28  juillet^.  C'étoit  un  homme  d'un  esprit  sage,  mais 


\Add.   S'-S.  162 


Elle  conserve 
sa  signature, 
que  les  deux 
autres  filles  du 
Roi  changent. 


MortdeCroissy, 
ministre  et 

secrétaire  des 

affaires 

étrangères . 


entrer  au  couvent,  et  fut  alors  remplacée  par  une  Matignon  ;  la  seconde 
se  maria  au  marquis  de  Lanques,  en  1693.  Comment  concilier  ce  fait 
avec  l'Addition  de  Saint-Simon  n°  161,  et  avec  ce  qu'il  dit  ici  même? 

1.  C'est  encore  Dangeau  (tome  V,  p.  448)  qui  a  fourni  cette  anecdote. 

2.  Mlle  de  la  Vallière,  n'étant  pas  mariée,  avait  pu  être  nommée  dans 
les  lettres  de  légitimation  de  ses  enfants,  tandis  qu'on  n'avait  pas  parlé 
de  mère  dans  les  lettres  des  enfants  adultérins  de  Mme  de  Montespan, 
celle-ci  étant  en  puissance  de  mari.  Voyez  notre  tome  II,  p.  108. 

3.  Voyez  l'énumération  des  signatures  de  la  famille  royale,  en  1685, 
dans  un  article  du  Musée  des  Archives,  p.  530.  Dangeau  dit,  en  1696, 
que  la  princesse  de  Conti  douairière  «  ne  se  contente  pas  de  mettre 
une  simple  L;  elle  met  après  son  nom  de  baptême  Lég.  de  France.  » 
On  remarquera  au  contraire,  dans  l'article  cité,  qu'en  1683  c'est  elle 
qui  mettait  une  simple  L,  tandis  que  Louise-Françoise  (plus  tard  du- 
chesse de  Chartres)  signait  :  Lé(j.  de  France.  En  1695,  au  contrat  de 
mariage  de  Saint-Simon  (Appendice  de  notre  tome  II,  p.  477),  la  prin- 
cesse de  Conti  ajoute  à  ses  noms  L.  de  France,  comme  en  1685  (ce 
qui  contredit  encore  Dangeau)  ;  les  deux  autres  princesses  suppriment 
déjà  toute  qualification  de  ce  genre.  Voyez  aussi,  dans  les  Œuvres  de 
J.  Racine,  tome  V,  p.  39  et  40,  l'explication  des  médailles  frappées 
pour  la  princesse  de  Conti  en  1694  et  1695. 

4.  Voyez  notre  tome  I,  p.  120,  note  4. 

5.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  443.  Voyez  les  articles  nécrolo- 
giques publiés  sur  M.  de  Croissy  dans  la  Gazelle,  1696,  p.  371,  et  dans 
le  Mercure,  juillet  1696,  p.  324.  Il  fut  assisté  à  son  lit  de  mort  par 
Bourdaloue,  et  finit  avec  beaucoup  de  fermeté.  Son  corps  fut  inhumé 
à  Saiut-Eustache,  comme  ceux  de  Colbert  et  de  Seignelav. 


440  MÉMOIRES  [1696] 

médiocre,  qu'il  réparoit  par  beaucoup  d'application  et  de 
sens,  et  qu'il  gàtoit  par  l'humeur  et  la  brutalité  naturelle 
de  sa  famille*.  11  avoit  été  longtemps  président  à  mortier-, 
dont  il  avoit  peu  exercé  la  charge  ^  et  avoit  été  ambassa- 
deur à  la  paix  d'Aix-la-Chapelle*  et  en  Angleterre^  Enfin 

1.  En  1667,  dans  le  temps  oîi  Croissy  n'était  encore  que  maître  des 
requêtes,  Olivier  d'Ormesson  (Journal,  tome  II,  p.  488)  le  caractérisait 
ainsi:  «  L'esprit  fort  pesant,  mais  de  grand  travail;  fort  défiant,  peu 
ouvert  et  ne  parlant  point  à  ses  plus  familiers;  aimant  la  grande  dé- 
pense et  à  danser,  et  dansant  fort  bien  (comme  son  frère  aîné  le  mi- 
nistre); altier  et  colère.  »  L'abbé  de  Choisy  (Mémoires,  p.  5o6)  fait  en- 
tendre qu'il  eut  beaucoup  de  communications  de  Croissy,  et,  plus  loin 
(p.  644),  l'apprécie  en  ces  termes  :  «  M.  de  Croissy  avoit  plus  de  capa- 
cité qu'on  n'a  cru  dans  le  monde.  Son  air  grossier,  pour  ne  pas  dire 
brutal,  lui  a  fait  tort.  Personne  n'écrivoit  mieux,  et  toutes  ses  dépèches, 
qu'il  dictoit  lui-même,  sans  le  secours  de  ses  commis,  étoient  admira- 
bles.... >>  Gourville  n'est  pas  moins  élogieux  que  Cboisy  (Mémoires, 
p.  593).  La  relation  d'Ézéchiel  Spanlieim  sur  la  cour  de  France  en  1690, 
que  M.  Schefer  va  publier  prochainement,  renferme  un  très  curieux  cl 
long  chapitre  sur  Croissy.  On  a  de  ce  ministre  les  enquêtes  qu'il  fit  pour 
son  frère  sur  l'état  du  Poitou,  de  l'Alsace  et  des  Trois-Évèchés.  Ses  dé- 
pêches de  Nimègue  sont  imprimées  avec  celles  do  MM.  d'Estrades  et 
d'Avaux  dans  le  recueil  de  1710,  et  le  Dépôt  des  aflaires  étrangères 
possède  sa  correspondance  à  peu  près  entière,  comme  plénipotentiaire 
et  ambassadeur,  ou  comme  secrétaire  d'État.  Voyez  l'Histoire  du  Dépôt 
des  archives  des  affaires  étrangères,  par  Armand  Baschet,  p.  67-74.  Un 
beau  portrait  de  Croissy  a  été  gravé  par  Edelinck  d'après  Rigaud. 

2.  De  1679  à  1689. 

3.  Au-dessus  de  l'e  de  charge  est  biffé  un  accent  aigu.  — Croissy  n'a- 
vait pas  plus  fait  ses  fonctions  d'intendant  de  la  généralité  de  Paris 
(1668-1679)  qu'il  ne  fit  celles  de  président;  pendant  ses  absences,  il 
était  remplacé  par  un  subdélégué.  Voyez  le  Mémoire  de  la  généralité 
de  Paris  (1700),  publié  par  M.  de  Boislisie,  p.  lxxix  et  378,  note  4. 

4.  Traité  des  30  avril  et  2  mai  1668,  qui  termina  la  guerre  de  Dé- 
volution et  assura  à  la  France  une  partie  des  Flandres.  La  correspon- 
dance de  Croissy  relative  à  celte  négociation  est  conservée  à  la  Biblio- 
thèque nationale,  mss.  Fr.  10  664  et  10  663.  Avant  de  revenir  en  France, 
il  donna  une  fête  magnifique,  le  1"  juin  (Gazette,  1668,  p.  373). 

3.  Nommé  ambassadeur  à  Londres  dès  son  retour  d'Allemagne,  il 
ne  revint  à  Paris  qu'à  la  fin  du  mois  de  janvier  1674,  et  fut  envoyé 
ensuite  (1675-1679)  aux  conférences  de  Nimègue,  puis  à  Munich, 
comme  ambassadeur  extraordinaire.  Il  est  longuement  parlé  de  l'anibas- 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  U4 

il  eut  la  place  de  M.  de  Pomponne  à  sa  disgrâce*,  et  la 
survivance  de  cette  place  pour  M.  de  Torcy^,  son  fils,  qui 
avoit  celle  de  président  à  mortier^  lorsque  le  Roi,  enfin 
indigné  de  l'abus  continuel  que  le  premier  président  de 
Novion  faisoit  de  sa  place  et  de  la  justice,  voulut  abso- 
lument qu'il  se  retirât,  et  fit  vendre  à  son  petit-fils  de 
Novion  la  charge  de  président  à  mortier  de  MM.  de 
Croissy  et  Torcy*.  M.  de  Pomponne,  qui  avoit  également 
porté  sa  faveur  et  sa  disgrâce,  et  à  qui  on  n'avoit  pu  ôter 

sade  en  Angleterre  dans  les  Négociations  relatives  à  la  succession  d'Es- 
pagne, par  M.  Mignet,  tome  IV,  p.  43  et  224-235.  La  Gazette  rend  très 
souvent  compte  des  fêtes  que  Croissy  donnait  à  Londres,  ou  des  mar- 
ques de  confiance  qu'il  recevait  de  Charles  II. 

1.  Ses  provisions  de  secrétaire  d'État  «  pour  les  affaires  des  pays 
étrangers  et  les  généralités  de  Bretagne,  Provence,  Dauphiné,  Cham- 
pagne et  Brie  et  souveraineté  de  Sedan,  Berry,  Angoumois,  Saintonge, 
Limousin,  parlement  de  Navarre,  Béarn  et  Bigorre,  »  furent  signées  le 
22  janvier  1680  (copie  dans  le  ms.  Clairambault  664,  p.  233).  Il  eut  un 
brevet  de  retenue  de  cinq  cent  mille  livres  au  mois  de  novembre  1681. 

2.  Jean-Baptiste  Colbert,  marquis  de  Torcy  et  de  Sablé,  né  le 
14  septembre  1665  et  titré  d'abord  marquis  de  Croissy,  reçu  secrétaire 
d'État  en  survivance  de  son  père  le  23  septembre  1689  (Arch.  nat., 
01274,  fol.  31).  Il  avait  eu  auparavant,  en  1683,  1685,  1687  et  1689, 
des  missions  extraordinaires  en  Portugal,  en  Danemark,  à  Ralisbonne, 
à  Vienne,  en  Angleterre  et  àPvome.  Devenu  secrétaire  d'État  en  exercice 
à  la  mort  de  son  père,  il  lui  succéda  aussi,  le  12  août  1696,  comme 
grand  trésorier  des  ordres,  fut  nommé  surintendant  des  postes  en  1699, 
chancelier  des  ordres  en  1701,  et  ne  quitta  le  ministère  qu'à  la  mort 
de  Louis  XIV,  pour  devenir  membre  du  conseil  de  régence.  Il  con- 
serva cet  emploi  jusqu'en  1721,  et  mourut  à  Paris,  le  2  septembre  1746. 
II  avait  été  élu  membre  honoraire  de  l'Académie  des  sciences  en  1715. 
M.  Armand  Baschet  lui  a  consacré  deux  chapitres  (p.  93-161)  de  son 
Histoire  du  Dépôt  des  affaires  étrangères.  On  a  de  lui  des  Mémoires 
très  précieux,  dont  nous  verrons  Saint-Simon  faire  un  fréquent  usage, 
et  qui  ont  été  imprimés  plusieurs  fois  depuis  1756  ;  mais  sa  Vie,  écrite 
par  sa  propre  fille,  Mme  d'Ancezune,  en  1748,  et  conservée  aujour- 
d'hui à  la  Bibliothèque  nationale  (ms.  Fr.  10  668),  est  encore  inédite. 
Le  même  dépôt  renferme  diverses  séries  de  papiers  qui  viennent  de  Torcy. 

3.  On  ne  voit  nulle  part  que  Torcy  eût  la  survivance  de  la  charge  de 
président,  qui  fut  vendue  en  1689  {Dangeau,   tome  II,  p.  473  et  475). 

4.  Voyez  notre  tome  II,  p.  54-53. 


142  MÉMOIRES  [4696] 

l'estime  du  Roi,  en  avoit  été  mandé  à  Pomponne'  le  jour 
même  de  la  mort  de  M.  de  Louvois,  et  rentra  dans  le 
Conseil  en  qualité  de  ministre  d'État  sans  charge,  et  eut 
la  piété  et  la  modestie  de  voir  M.  de  Croissy  sans  ran- 
cune et  sans  éloignement.  Les  histoires  de  tout  cela,  qui 
sont  très  curieuses,  ne  sont  pas  matière^  de  ces  Mémoires^: 
ce  peu  suffit  pour  entendre  ce  qui  va  suivre. 

Le  Roi,  qui  s'étoit  rattaché  à  M.  de  Pomponne  et  qui, 

à  la  retraite  de  M.  Peletier',  ministre  d'État,  lui  donna' 

la  commission  de  la  surintendance",  et  par  conséquent 

Torcy  épouse     le  secret  de  la  poste  ^   avoit  imaginé  le   mariage   de  sa 

1.  Sur  cette  terre  (département  de  Seine-et-Marne,  arrondissement 
de  Meaux,  à  deux  kilomètres  N.  0.  de  Lagny),  voyez  les  Essais  histo- 
riques sur  le  département  de  Seine-et-Marne,  par  Michelin,  p.  908. 

2.  L'm  de  matière  corrige  un  d. 

3.  Saint-Simon,  revenant  sur  ce  scrupule,  racontera  longuement  en 
1699  (tome  II  de  1873,  p.  243-230)  «  la  faveur  et  la  disgrâce»  de  Pom- 
ponne. Celui-ci  parle  en  très  bons  termes  de  Croissy  dans  ses  Mémoires. 

4.  Claude  le  Peletier  (Saint-Simon  écrit  :  Pelletier,  sans  article),  issu 
d'une  famille  de  magistrats  du  Mans,  était  né  à  Paris  le  28  juin  1631. 
Conseiller  au  Parlement  en  1632,  président  aux  enquêtes  en  1662,  prévôt 
des  marchands  de  la  ville  de  Paris  de  1668  à  167o,  conseiller  d'État 
semestre  et  conseiller  honoraire  au  Parlement  en  1673,  doyen  d'hon- 
neur de  la  Faculté  de  droit  de  Paris  de  1677  à  1681,  conseiller  d'État 
ordinaire  en  1678,  contrôleur  général  des  finances  du  6  septembre  1683 
au  20  septembre  1689,  ministre  d'État  à  partir  du  même  temps,  prési- 
dent à  mortier  de  1686  à  1689,  il  fut  nommé,  lorsqu'il  quitta  le  contrôle 
général,  conseiller  d'État  ordinaire  et  conseiller  au  conseil  royal  des 
finances  (20  septembre  1689),  et  reçut,  le  1"  janvier  1692,  une  commis- 
sion pour  exercer  la  surintendance  générale  des  postes,  restée  vacante 
par  la  mort  de  Louvois.  Saint-Simon  racontera  bientôt  comment  il 
quitta  définitivement  la  cour  en  1697..  Il  mourut  à  Paris,  le  10  août  1711. 

5.  Après  avoir  écrit  d'abord  :  «  avoit  donné  »,  Saint-Simon  a  biffé 
avoit  et  corrigé  Vé  de  donné  en  a,  mais  néglige  d'etfacer  l'accent  aigu. 

6.  La  surintendance  générale  des  postes  et  relais  de  France,  dont  la 
charge,  nous  venons  de  le  dire,  avait  été  supprimée  après  la  mort  de 
Louvois,  par  un  édit  du  1"  janvier  1692  {Journal  de  Dangeau,  tomes  III, 
p.  368,  et  IV,  p.  6).  Pomponne  en  eut  la  commission  le  16  septem- 
bre 1697. 

7.  On  peut  voir  dans  les  correspondances  du  temps,  notamment  danv 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  i4H 

fille  ^  avec  Torcy,  pour  réunir  ces  deux  familles  et  pour       latiiiede 
donner  un  bon  maître  à  ce  jeune  survivancier  des  affaires     Pomponne  et 
étrangères  dans  la  décadence  de  santé  oîi  Croissy,  perdu    charge"  de 'im!' 
de  goutte,   étoit  tombé,  et  qui  étoit  encore  plus  néces-  père. 

saire  si  Croissy  venoit  à  manquera  Dès  qu'il  fut  mort,  le 
Roi  s'en  expliqua  à  Pomponne  et  à  Torcy,  et  d'une  ma- 
nière à  trancher^  toutes  espèces  de  difficultés  possibles, 
et  il  régla  que  ce  mariage  se  feroit  sans  délai  * ,  que  Torcy 
conserveroit  la  charge  de  son  père,  qu'il  ne  seroit  point 
encore  ministre,  mais  que,  sous  l'inspection  et  la  direc- 
tion de  Pomponne,  il  feroit  toutes  les  dépêches,  que  Pom- 
ponne les  rapporteroit  au  Conseil,  et  diroit  après  à  Torcy 
les  réponses  qui  y  auroient  été  résolues,  pour  les  dresser 
en  conséquence^;  que  les  ambassadeurs  iroient  désormais 
chez  Pomponne,  qui  leur  donneroit  audience  en  présence 
de  Torcy";  qu'enfin  celui-ci^  auroit  la  charge  de  grand 
trésorier  de  l'Ordre*,  que  son  père  avoit  eue  à  la  mort 

celle  de  Madame,  qu'un  service  spécial  était  chargé  d'ouvrir  les  lettres 
suspectes,  surtout  celles  des  personnages  considérables  de  la  France  ou 
de  l'étranger,  et  d'en  faire  des  extraits  pour  le  ministre  ou  pour  le  Roi. 

1.  Catherine-Félicité  Arnauld  de  Pomponne,  mariée  le  13  août  1696 
au  marquis  de  Torcy,  et  morte  le  G  avril  175o,  dans  sa  soixante-dix- 
septième  année. 

2.  Il  avait  été  question  de  cette  alliance  dès  l'année  précédente,  et 
l'on  reprit  les  négociations  quand  Croissy  tomba  malade,  le  Roi  ayant 
«  témoigné  souhaiter  cette  affaire.  »  (Journal  de  Dangeau,  tome  V, 
p.  281  et  441.)  Antérieurement,  Torcy  avait  dû  épouser  Mlle  d'Estrées. 
{Lettres  de  Mme  de  Sévicjnô,  tome  IX,  p.  459.) 

3.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  :  tranché,  et  a  laissé  l'accent. 

4.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau  (tome  V,  p.  443-445),  que  notre 
auteur  suit  encore  de  très  près. 

5.  «  M.  de  Pomponne,  dit  Dangeau,  rapportera  au  Conseil  toutes  les 
affaires  étrangères,  et  mettra  par  apostille  ce  qu'on  aura  résolu  de 
répondre  aux  dépêches  des  ministres  du  Roi  dans  les  pays  étrangers.  - 

6.  On  trouve  le  compte  rendu  de  la  plupart  de  ces  audiences 
dans  les  registres  d'une  des  séries  de  France  conservées  au  Dépôt  des 
affaires  étrangères. 

7.  La  syllabe  finale  ci  (cy)  est  ajoutée  en  interligne. 

8.  Le  Roi  venait  de  porter  à  quatre  cent  mille  livres  le  brevet  de  rete* 


144  MÉMOIRES  [16961 

de  M.  de  Seignelay  ;  et  à  Versailles,  le  beau-père  et  le 
gendre  partagèrent  le  logement  de  la  charge  de  secrétaire 
d'Etat  des  affaires  étrangères*,  pour  être  ensemble  et 
travailler  en  commun  plus  facilement.  De  part  et  d'autre 
beaucoup  de  vertu  dans  les  mariés,  mais  peu  de  bien^, 
auquel  le  Roi  pourvut  peu  à  peu  par  ses  grâces,  et  d'a- 
bord par  de  gros  brevets  de  retenue  ^.  Le  mariage  se  fit  à 
Paris,  le  13  août  suivant,  chez  M.  de  Pomponne^,  et  ils  vé- 
curent tous  dans  une  grande  et  estimable  union  ^. 
Mort  de  Mme -le       En  même  temps  moururent  deux  personnes  fort  âgées 


Boufeville. 


nue  de  cette  charge,  pour  laquelle  Croissy  n'avait  payé  que  trois  cent  cin- 
quante mille  livres,  en  1690.  Colbert  l'avait  eue  avant  Seignelay.  C'était 
la  seule,  dit  M.  de  Luynes,  qui  rapportât  plus  que  l'intérêt  de  la  finance. 

1.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,p.  472.  Ce  secrétaire  d'État 
occupait,  à  Versailles,  le  corps  de  logis  situé  au-dessus  des  gardes  suisses. 

2.  M.  de  Croissy,  en  mourant,  «dit  qu'il  ne  faisoit  point  de  testament, 
parce  qu'il  ne  laissoit  aucun  bien  au  monde.  »  {Dangeau,  tome  V, 
p.  443.)  La  terre  de  Croissy-en-Brie,  qui  lui  venait  de  son  mariage  avec 
une  fille  du  grand  audiencier  Bérault,  et  qu'il  avait  fait  ériger  en  mar- 
quisat en  168o,  rapportait  environ  quinze  mille  livres  de  rente. 

3.  Selon  le  contrat  de  mariage  (Arch.  nat.,  registre  des  Insinuations 
Y  268,  fol.  41),  M.  de  Torcy  apportait  sa  charge  de  secrétaire  d'État, 
avec  droit  à  un  quart  du  brevet  de  retenue  de  quatre  cent  mille  livres, 
le  marquisat  de  Croissy  et  les  autres  terres  de  Brie,  et  enfin  l'assu- 
rance d'une  somme  de  cent  mille  livres  sur  la  succession  de  son  grand- 
oncle  Pussort.  Mlle  de  Pomponne,  outre  deux  cent  quatre-vingt  mille 
livres  de  ses  parents  et  vingt  mille  livres  de  son  oncle  maternel  Antoine 
Ladvocat,  recevait  cent  mille  livres  du  Roi. 

4.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  453  ;  Mercure,  juillet  1696, 
p.  32d;  Gazelle  d'Amsterdam,  n°  lxiv.  M.  de  Pomponne  habitait,  sur 
la  place  des  Victoires,  l'ancien  hôtel  du  maréchal  du  Rallier. 

5.  Mme  de  Grignan  écrivait  à  Pomponne,  une  semaine  avant  le  ma- 
l'iage  :  «  Je  trouve  le  Roi  et  M.  de  Torcy  bien  heureux,  l'un  de  vous 
avoir  pour  secrétaire  d'État,  et  l'autre  pour  père,  à  la  place  de  M.  de 
Croissy.  Un  échange  si  avantageux  demande  que  ce  soit  à  eux  que  l'on 
fasse  des  compliments,  et  l'on  ne  vous  en  doit.  Monsieur,  que  sur  la  joie 
que  vous  avez  de  l'agréable  établissement  de  Mademoiselle  votre  fille.  » 
(Letlres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  403.)  Voyez  aussi  un  passage 
du  livre  déjà  indiqué  de  M.  Baschet  sur  le  Dépôt  des  affaires  étrangères, 
p.  97-98.  ' 


[1696J  i>E  SAINT-SIMON.  145 

et  depuis  ijien  longtemps  hors  du  monde  :  i\Ime  de  Bon-   [Âdd.  S'S.  tes] 
teville',  mère  du  maréchal   de   Luxembourg,   à  quatre- 
vingt-onze  ans,  qui  avoit  passé  toute  sa  vie  retirée  à  la 
campagne,   d'où  elle  avoit    vu  de  loin  la  brillante  for- 
tune de  son  fils  et  des  siens,  avec  qui  elle  n'avoit  jamais   Du  marquis  de 
eu  grand  commerce^  ;  et  le  marquis  de  Ghandenier*,  aîné      5^^^^"'^'' 
de  la  maison  de  Rochechouart\  si  célèbre  par  sa  disgrâce   [Add.  S'S.  i64\ 

1.  Elisabeth-Angélique  de  Vienne,  comtesse  douairière  de  Bouteville 
(voyez  tome  II,  p.  35),  morte  au  château  de  Dangu,  dans  la  nuit  du  5 
au  G  août.  Elle  était  veuve  depuis  soixante-neuf  ans,  comme  l'a  déjà 
fait  remarquer  notre  auteur,  sans  doute  d'après  X Histoire  (jénéalogique 
du  P.  Anselme,  tome  III,  p.  S89,  qui  copie  la  Gazette  de  1696,  p.  394. 

2.  Dans  la  table  de  son  manuscrit  de  Dangeau,  Saint-Simon  a  relevé 
ce  décès  dans  les  termes  suivants  :  «  Mort  de  Mme  de  Bouteville 
Vienne,  de  la  robe  de  Paris,  fort  vieille,  et  depuis  presque  toute  sa  vie 
retirée  à  la  campagne;  avec  de  l'esprit,  du  mérite  et  une  grosse  vertu  ; 
mère  du  feu  maréchal  de  Luxembourg,  de  la  feue  duchesse  de  Meckel- 
J)ourg  et  de  feu  Mme  de  Valençay  ;  grand'mère  par  sa  fdle  de  la  duchesse 
de  Béthune.  »  Comparez  le  passage  de  Dangeau,  tome  V,  p.  450.  — 
Mme  de  Bouteville  était  d'extraction  très  modeste,  comparée  à  celle 
des  Montmorency.  Gaillard,  dans  ses  généalogies  satiriques,  dit  :  «  Elle 
n'est  pas  damoiselle.  »  {Cabinet  historique,  tome  V,  p.  97.)  Sur  les 
différentes  maisons  de  Vienne,  on  peut  consulter  le  Dictionnaire  véri- 
dique  des  origines,  par  Laine,  tome  II,  p.  467-469. 

3.  Voyez  notre  tome  II,  p.  365,  note  2.  Chaadenier  mourut  le 
14  août  1696,  dans  la  communauté  de  Sainte-Geneviève,  et  il  y  fut 
enterré  auprès  du  tombeau  de  son  oncle  le  cardinal  de  la  Piochefoucauld. 
(Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  453;  Mercure,  septembre  1696,  p.  35; 
article  de  Chandenier  dans  l'Histoire  de  la  maison  de  Rochcchouart, 
par  le  général  comte  de  Rochechouart,  tome  I,  p.  188-217.)  L'Addi- 
tion 164,  que  nous  indiquons  ici,  renferme  beaucoup  d'inexactitudes. 

4.  Cette  illustre  maison,  que  l'on  considère  avec  toute  vraisemblance 
comme  descendue  des  vicomtes  de  Limoges,  forma,  à  partir  du  quin- 
zième siècle,  un  grand  nombre  de  branches,  qui  ont  presque  toutes 
marqué  dans  l'histoire,  à  savoir  :  les  seigneurs  du  Bourdet,  les  seigneurs 
et  marquis  de  Chandenier  (aujourd'hui  la  Motte-Champdcoiers,  dans  le 
département  de  la  Vienne,  arrondissement  de  Loudun),  les  barons  et  mar- 
quis de  Faudoas,  les  comtes  de  Rochechouart-Clermont,  les  seigneurs 
de  Jars,  de  la  Brosse,  du  Monceau,  de  Fontaine-Beaudan  et  de  Chàtillon- 
le-Roy,  la  branche  ducale  de  Mortemart,  celles  des  marquis  de  Mont- 
pipeau,  des  vicomtes  de  Rochechouart-Pontville  et  du  Bâtiment,  etc.  Les 

tlK.MOIR£S    DE  S AINT-SIMUN.    MI  10 


146  MÉMOIRES  fl696] 

et  par  la  magnanimité  dont  il  la  soutint  plus  de  quarante 
ans  jusqu'à  sa  mort'.  11  étoit  premier  capitaine  des  gardes 
du  corps-,  et  singulièrement  considéré  pour  sa  valeur, 
son  esprit  et  son  extrême  probité.  11  perdit  sa  charge, 
avec  les  autres  capitaines  des  gardes  du  corps,  à  l'affaire 
des  Feuillants^,  en  [1648]  \  qui  n'est  pas  du  sujet  de  ces 
Mémoires  et  qui  se  trouve  dans  tous  ceux  de  ces  temps- 
là,  et  il  fut  le  seul  des  quatre  à  qui  elle  ne  fut  point  ren- 

seules  branches  qui  subsistent  aujourd'hui  sont  celles  des  comtes  de 
Rochechouart  (Fontaine-Beaudan)  et  des  ducs  de  Mortemart.  Jean  le 
Laboureur  dit  des  Rocheciiouart,  dans  ses  Additions  aux  Mémoires  de 
Castelnmi  (tome  III,  p.  1 10)  :  «  Nous  n'avons  point  de  maison  en  France 
qui  surpasse  celle  de  Rochechouart  en  grandeur  d'origine  et  d'an- 
tiquité; il  y  eu  a  peu  qui  l'égalent.  La  fortune  n'a  rien  contribué  à 
son  progrès,  et,  si  elle  a  perdu  les  terres  de  ses  premiers  aïeux  par 
l'extinction  de  ses  branches  aînées,  elle  s'est  revêtue  d'autres  dé- 
pouilles de  maisons  illustres  qui  ont  tenu  h  gloire  de  perdre  leur 
nom  par  un  heureux  mélange  de  leur  sang  avec  le  sien.  »  Comparez 
l'arlicle  de  Mortemart  dans  le  mémoire  de  d'Hozier  sur  les  Ducs  et  pairs, 
ms.  Clairambault  719,  p.  63,  et  l'Art  de  vérifier  les  dates,  l'Histoire 
généalogique  du  P.  Anselme,  etc.  —  La  ville  de  Rochechouart  (sous-pré- 
fecture du  déparlement  de  la  Haute- Vienne),  qui  a  donné  son  nom  à 
cette  famille,  est  située  sur  les  frontières  du  Limousin  et  de  l'Angou- 
mois,  et  elle  possède  encore  un  château  féodal  fort  bien  conservé. 

1.  Dans  la  table  de  son  manuscrit  du  Journal  de  Dangeau,  Saint- 
Simon  a  marqué  le  décès  de  M.  de  Chandenier  en  ces  termes  :  «  Mort 
de  Chandenier  Rochechouart,  si  célèbre  par  sa  fermeté,  sou  courage  et 
sa  grandeur  d'âme  dans  une  disgrâce  si  complète  et  si  peu  méritée,  qui 
ne  put  être  vaincue,  à  la  fin  d'une  longue  et  vertueuse  vie,  que  par  la 
piété,  la  justice,  et  la  considération  de  ses  créanciers.  Sans  postérité.  » 

2.  Depuis  l'année  1642.  Avant  d'avoir  cette  charge,  il  s'était  dis- 
tingué, comme  capitaine  aux  gardes,  dans  les  campagnes  de  Lorraine, 
de  Flandre  et  de  Roussillon. 

3.  Ce  couvent,  fondé  en  l.')87,  par  les  Bernardins,  dans  la  rue 
Saint-Honoré,  auprès  des  Tuileries,  un  peu  avant  d'arriver  aux  Capu- 
cins, a  été  détruit  en  1804,  pour  ouvrir  la  rue  de  Castiglione.  L'église 
était  un  rendez-vous  élégant  pour  la  cour  :  «  Narcisse,  dit  la  Bruyère, 
va  tous  les  jours  fort  régulièrement  à  la  belle  messe  aux  Feuillants 
ou  aux  Minimes.  »  (Caractères,  tome  I,  p.  284.)  Le  portail,  construit 
en  1624,  avait  été  la  première  teuvre  de  François  Mansart. 

4.  La  date  d'année  est  restée  en  blanc  dans  le  manuscrit. 


[liîOCJ  l>K   SAINT-SIMON.  147 

due,  quoiqu'il  ne  se  fût  distingué  en  rien  d'avec  eux'. 
Un*  homme  haut,  plein  d'honneur,  d'esprit  et  de  courage, 
et  d'une  grande  naissance  avec  cela,  étoit*  un  homme 
importun  au  cardinal  Mazarin,  quoiqu'il  ne  l'eût  jamais 
trouvé  en  la  moindre  faute  ni  ardent  à  demander.  Le 
Cardinal  tint  à  grand  honneur  de  faire  son  capitaine  des 
gardes  *  premier  capitaine  des  gardes  du  corps,  et  il  ne 

1.  Le  15  août  1648,  dans  un  conflit  entre  les  gardes  de  la  compagnie 
de  M.  de  Tresmes  et  ceux  de  la  prévôté  de  l'hôtel ,  un  de  ces  derniers 
fut  tué  et  deux  autres  blessés,  en  pleine  église  des  Feuillants,  malgré 
la  présence  du  jeune  roi  et  du  cardinal  Mazarin.  Les  trois  capitaines 
des  gardes  du  corps  qui  se  trouvaient  à  Paris",  Tresmes,  Charost  et 
C.handenier,  s'étant  portés  solidaires  les  uns  pour  les  autres,  furent 
destitués  et  exilés,  le  18  août,  dans  leurs  terres.  Voyez  les  principaux 
récits  dans  les  Mémoires  de  Mme  de  Molleville,  tomes  II,  p.  134-144, 
et  m,  p.  30-31,  dans  Momjlat,  p.  19(J,  dans  Nicolas  Goulus,  tome  II, 
p.  334-339  et  4'20-421,  dans  le  Journal  d Olivier  d'Ormessoji,  tome  I, 
p.  oo3-oo4,  et  dans  l'Histoire  de  la  France  pendant  la  minorité  de 
Louis  XIV,  par  M.  Chéruel,  tome  III,  p.  24-26.  A  la  faveur  de  la  Fronde, 
les  trois  capitaines  rentrèrent  en  fonctions  ;  mais  le  rôle  de  Cliandenier 
dans  la  cabale  des  Importants,  et  ses  liaisons  avec  le  Coadjuteur,  ou 
tout  au  moins  ses  démarches  imprudentes  auprès  de  celui-ci,  sur  qui, 
si  l'on  en  croit  les  Mémoires  de  Retz  (tomes  III,  p.  249-231,  et  IV, 
p.  431),  i!  aurait  compté  pour  devenir  duc  et  pair,  le  désignaient  plus 
particulièrement  aux  vengeances  de  Mazarin*.  Une  nouvelle  disgrâce 
ne  tarda  pas  à  le  frapper  définitivement  (voyez  l'Addition  164),  et,  le 
18  janvier  1651,  il  reçut  l'ordre  de  quitter  le  bâton  et  de  se  retirer  dans 
ses  terres  {Motteville,  tome  III,  p.  270-271  ;  Gazette  de  Loret,  22  jan- 
vier 1651,  p.  13-14).  La  Reine  mère  ayant  refusé  d'admettre  ses  ex- 
cuses, «  il  se  sépara  de  la  cour  pour  toujours,  et  voulut  chercher  dans 
le  repos  d'une  agréable  retraite  un  bonheur  solide  et  durable.  » 

2.  D'abord  écrit  :  Une. 

3.  Estait  {sic  avec  accent)  a  été  corrigé  en  estoit. 

4.  Dès  le  début  de  sa  grande  faveur  (novembre  1643),  Mazarin  se 
lit  autoriser  à  former  une  compagnie  de  gendarmes  pour  sa  garde,  sous 
la  conduite  du  baron  de  Noailles  :  voyez  les  Problèmes  historiques,  par 

»  Le  quatrième,  Aumont-Villequier,  était  absent. 

*  Une  première  fois,  en  décembre  1643,  il  avait  élc  disgracié  passagère- 
ment, pour  n'avoir  pas  voulu  rendre  ses  devoirs  au  Cardinal.  (./our/iaZ  d'Or- 
messon,  tome  1,  p.  13"2  et  I.'î3.)  Mme  de  Motteville  explique  aussi  celte  hos- 
lililé  par  la  parenté  de  Cliandenier  avec  l'ancien  secrétaire  d'État  de  Noyers, 


448  MÉ>IOIUES  [1696J 

Foriiiiie  de      niaiiqaa  pas  cette   occasion    d'y  placer  un   domestique^ 
M.  de  >oaiiies.   ^^^^j  ^^^^  ^^^^  l^^j  ^^^j^  ^j    ^j^  ]^Joailles^  M.  de  Chande- 

nier  refusa  sa  démission^  ;  le  Cardinal  fit  consigner  le ^  prix 
qu'il  avoit  réglé  de  la  charge  chez  un  notaire,  puis  prêter 
serment  à  Noailles,  qui,  sans  démission  de  Chandenier, 
fut  pleinement  pourvu  et  en  fonction^.  Chandenier  étoit 

M.  Loiseleur,  p.  49.  Plus  tard,  le  2o  février  1648,  il  eut  la  permission 
en  forme  de  lever  une  compagnie  de  cent  hommes  à  cheval,  portant 
armes  à  feu,  mousquetons,  carabines  ou  pistolets,  et  de  se  faire  escor- 
ter par  eux,  même  à  l'intérieur  des  maisons  royales.  (Arch.  nat.,  0'  12, 
fol.  27.)  M.  de  Noailles  les  commandait,  avec  le  titre  de  capitaine-lieu- 
tenant, et  M.  d'Estrades,  qui  fut  maréchal  de  France,  faisait  fonctions  de 
lieutenant  (voyez  les  Historiettes  de  Talleraant,  tome  Vil,  p.  8).  Cette 
troupe  devint,  en  1660,  la  seconde  compagnie  des  mousquetaires  du  Roi. 
J.  Est-il  besoin  de  rappeler  ici,  et  plus  loin,  p.  200-207,  que  le  mot 
domestique  signifiait  alors,  d'une  manière  bien  plus  large  qu'à  présent, 
«  qui  est  de  la  maison,  qui  appartient  à  la  maison  »  ?  C'est  dans  ce  sens 
que  Saint-Simon  l'a  déjà  employé  au  tome  I,  p.  165,  168,  169,  etc. 

2.  Anne,  baron  puis  comte  de  Noailles  et  d'Ayen,  marquis  de  Mont- 
clar,  colonel  d'infanterie  en  1633,  maréchal  de  camp  en  1643,  sénéchal 
et  gouverneur  du  Rouergue  en  1644,  lieutenant  général  de  la  haute 
Auvergne  et  gouverneur  de  Perpignan  en  1646,  lit  les  fonctions  de  capi- 
taine de  la  première  compagnie  des  gardes  du  corps  par  commission 
depuis  le  18  août  1648,  et  fut  nommé  lieutenant  général  des  armées  au 
mois  de  septembre  1630.  En  1660,  il  obtint  le  gouvernement  du  Rous- 
sillon  et  de  la  Cerdagne,  et,  au  mois  de  décembre  1663,  le  comté  d'Ayen 
fut  érigé  en  duché-pairie  à  son  profit.  Mort  le  lo  février  1678,  à  l'âge  de 
soixante-trois  ans.  Ilavait  épousé,  le  1"  janvier  1646,  Louise  Boyer  (voyez 
notre  tome  II,  p.  156  et  358),  qui,  selon  Mme  deMotteville,  était  recher- 
chée en  mariage  par  Chandenier  et  apportait  en  dot  cinq  cent  mille  livres. 

3.  Le  5  janvier  1653,  le  Roi,  «  aj'ant  depuis  longtemps  divers  sujets 
de  mauvaise  satisfaction  de  la  conduite  »  de  Chandenier,  lui  fit  donner 
ordre  de  se  démettre  de  sa  charge,  moyennant  restitution  des  cent 
quatre-vingt  mille  livres  qu'elle  lui  avait  coûté.  (Arch.  nat.,  0'  12, 
fol.  429  v°.)  Selon  Monglat  {Mémoires,  p.  296),  Chandenier  répondit 
qu'il  «  vouloit  mourir  capitaine  des  gardes,  et  qu'il  ne  donneroit  jamais 
sa  démission,  puisqu'il  n'avoit  pas  mérité  un  tel  traitement.  »  Au  bout 
de  six  mois,  un  arrêt  en  date  du  14  juillet  1653  ordonna  que  M.  de 
Noailles  fût  reçu  à  rembourser  le  prix  de  la  charge. 

4.  Le  corrige  l'a[rgent]. 

5.  M.  de  Noailles,  pourvu  par  provisions  du  30  décembre  1633  (Arch. 


[1696]  l»E  SAINT-SIMON.  149 

pauvre  :  on  espéra  que  la  nécessité  vaincroit  rophiiâtreté\ 
Elle  lassa  enfin  la  cour,  qui  envoya  Chandenier  prison- 
nier au  château  de  Loches^,  au  pain   du  Roi^  comme  un 

nat.,  0*  1,  fol.  160),  entra  en  exercice  le  jour  suivant  et  prit  le  bâton 
des  mains  de  M.  de  ViJieqiiier,  qui  avait  servi  trois  quartiers  pour  Chan- 
denier. Afin  d'ôter  toute  espérance  à  celui-ci,  on  donna,  le  42  mars  1661. 
des  provisions  en  survivance  au  comte  d'Ayen,  fils  de  M.  de  Noailles, 
âgé  seulement  de  onze  ans  :  voyez  les  Mémoires  de  Noailles,  p.  7.  Les 
Annales  de  la  cour  et  de  Paris,  tome  1,  p.  141  et  suivantes,  rappellent 
cet  incident  de  1648  à  propos  du  mariage  Coëtquen  et  Noailles  dont  il 
sera  parlé  plus  loin  (p.  312).  Dans  le  Parallèle  des  trois  premiers  rois 
Bourbons  (p.  1615),  notre  auteur  fait  observer  qu'il  n'y  a  pas  d'analogie 
entre  la  disgrâce  de  Chandenier  et  les  événements  à  la  suite  desquels 
Claude  de  Saint-Simon  avait  remplacé  le  favori  Baradat  en  1626.  11  par- 
lera encore  de  l'élévation  de  M.  de  Noailles  au  tome  XIX,  p.  38  et  216-217. 

1.  On  trouve,  dans  une  des  gazettes  du  Recueil  des  épUres  envers 
burlesques  de  Scarron  (p.  56),  cette  nouvelle,  à  la  date  du  2  mars  1656  : 

Chandenier  dans  Loudun  s'égaie. 
Et  toute  la  ville  défraie 
De  bals,  ballets,  collations, 
De  comiques  inventions. 

En  1657,  Mademoiselle  raconte  qu'elle  a  rencontré  Chandenier  et  qu'il 
est  «  devenu  philosophe....  On  est,  dit-elle,  assez  aise  de  voir  des  gens 
du  monde;  cela  divertit.  »  {Mémoires,  tome  111,  p.  175.)  L'année  sui- 
vante, il  faillit  être  compromis  dans  la  rébellion  des  nobles  de  Poitou 
(Lettres  de  Colbert,  tome  I,  p.  303,  381  et  512).  Il  fit,  par  la  suite, 
quelques  démarches  auprès  du  Roi,  comme  le  prouve  une  lettre  de 
1664,  que  nous  renvoyons  à  l'Appendice,  n"  XIV. 

2.  Le  château  de  Loches,  en  Touraine,  qui  servit  de  résidence 
royale  depuis  Charles  Vil  jusqu'à  Charles  IX,  reçut  aussi,  notamment 
sous  Louis  XI,  des  prisonniers  d'État,  la  Balue,  le  duc  d'Alençon,  Com- 
mynes,  etc.  Sous  Louis  XIV,  ce  n'était  plus  qu'un  lieu  de  détention 
(aujourd'hui  encore  le  château  est  une  prison  départementale),  et  M.  de 
Saint-Aignan,  père  du  duc  de  Beauvillier,  en  avait  le  gouvernement 
depuis  le  12  août  1661.  —  Chandenier  fut  d'abord  invité  à  se  retirer  à 
Bourges,  le  4  octobre  1671,  et  le  lieutenant  du  chevalier  du  guet  eut, 
le  25  du  même  mois,  ordre  de  le  faire  conduire  dans  cette  ville;  mais, 
le  17  décembre,  un  autre  ordre  fut  expédié  de  l'arrêter  et  de  le  con- 
duire au  château  de  Loches.  (Arch.  nat.,  0'  15,  fol.  422  v°,  454  et  488  v».) 

3.  Aux  termes  de  l'ordonnance  de  1670,  article  xxv,  les  prison- 
niers détenus  de  par  le  Roi  et  n'ayant  pas  de  partie  civile  pour  pour- 
voir à  leur  entretien,   ou  d'argent  pour  se   payer  un  meilleur  gîte, 


150  MÉMOIRES  L1G96J 

criminel,  et  arrêta  tout  son  petit  revenu,  pour  le  forcer 
à  recevoir  l'argent  de  M.  de  Noailles,  et  par  conséquent 
à  lui  donner  sa  démission.  Elle  se  trompa  :  M.  de  Chan- 
denier  vécut  du  pain  du  Roi  et  de  ce  qu'à  tour  de  rôle 
les  bourgeois  de  Loches  lui  envoyoient  à  dîner  et  à  sou- 
per, dans  une  petite  écuellequi  faisoit  le  tour  de  la  ville; 
jamais  il  ne  se  plaignit,  jamais  il  ne  demanda  ni  son  bien 
ni  sa  liberté.  Près  de  deux  ans  se  passèrent  ainsi.  A  la  fin, 
la  cour,  honteuse  d'une  violence  tellement  sans  exemple 
et  si  peu  méritée,  plus  encore  d'être  vaincue  par  ce  cou- 
rage qui  ne  se  pouvoit  dompter,  relâcha  ses  revenus  et 
changea  sa  prison  en  exiP,  où  il  a  été  bien  des  années,  et 

devaient  recevoir  du  Roi  le  pain,  l'eau  et  la  paille,  le  tout  «  bien  condi- 
tionné. »  Cette  dépense  était  payée  des  fonds  du  domaine  ;  mais,  sur 
l'allocation  réglementaire,  qui  s'élevait  à  cinq  sous  généralement  (par- 
fois trois  sous  seulement),  il  était  rare  que  les  geôliers  ou  concierges 
chargés  d'en  faire  l'emploi  ne  retinssent  pas  moitié,  ou  même  plus. 
A  Paris,  les  prisonniers  du  Roi  ne  recevaient  qu'une  livre  et  demie  de 
pain.  La  ration  s'élevait  à  deux  li\Tes,  lorsque  le  pain  ne  coûtait  pas 
cher;  mais,  en  tout  cas,  cette  alimentation  était  insuffisante.  Dans  la 
Correspondance  des  contrôleurs  généraux  (tome  I,  n°  1390),  un  inten- 
dant demande  à  M.  de  Pontchartrain  si  «  son  intention  est  de  réduire 
à  une  pareille  extrémité  des  gens  qui  n'ont  ni  assez  de  forces  pour  sou- 
tenir cette  nourriture,  ni  les  moyens  pour  se  procurer  du  soulagement.  •> 
Aussi,  dans  presque  toutes  les  villes,  les  bourgeois  organisaient-ils  un 
service  d'assistance  charitable,  qui  faisait  vivre  à  peu  près  les  détenus. 
1.  Son  «  opiniâtreté,  dit  Monglat,  a  été  cause  de  sa  ruine;  il  fut 
renfermé  comme  un  criminel  au  château  de  Loches,  et  ensuite  exilé.  » 
Saint-Simon  se  servirait-il,  en  ce  moment,  des  mémoires  que  nous 
venons  de  citer?  Ils  furent  publiés  pour  la  première  fois  en  1727,  et 
on  les  voit  figurer  dans  sa  bibliothèque  (u"  778).  Certaines  expressions 
ou  certaines  idées  présentent  bien  de  l'analogie  de  part  et  d'autre, 
comme  on  le  voit.  Plus  haut,  Saint-Simon  a  déjà  écrit  :  «  Un  domes- 
tique (du  cardinal  Mazarin)  aussi  affidé  que  lui  étoit  M.  de  Noailles  ;  » 
et  Monglat  avait  dit  :  «  Le  comte  de  Noailles,  homme  attaché  au  der- 
nier point  au  Cardinal.  «  Dans  l'Addition  164,  Saint-Simon  se  sert  en- 
core plus  exactement  des  mêmes  termes  :  «  attaché  en  domestique.  » 
Enfin  Monglat  et  Saint-Simon  se  trompent  ensemble  sur  l'exil,  qui  pré- 
céda la  détention,  au  lieu  de  la  suivre  :  Chandenier  était  encore  pri- 
sonnier à  Loches  quand  arriva  l'ordre  du  Roi  de  le  mettre  en  liberté. 


\Um\  DE    SAINT-SIMON.  131 

toujours  sans  daigner  rien  demander.  Il  en  arriva  comme 
de  sa  prison  :  la  honte  fît  révoquer  l'exiP. 

11  revint  à  Paris '\  où  il  ne  voulut  voir  que  peu  d'amis. 
11  ['étoit  fort  de  mon  père,  qui  m'a  mené  le  voir  et  qui 
lui  donnoit  assez  souvent  à  diner.  Il  le  menoit  même 
quelquefois  à  la  Ferté^,  et  ce  fut  lui  qui  fit^  percer  une 
étoile^  régulière  à  mon  père,  qui  vouloit  bâtir,  et  qui  en 
tira  son  bois  ;  et  c'est  une  grande  beauté  fort  près  de  la 
maison,  au  lieu  que  mon  père  ne  songeoit  qu'à  abattre, 
sans  considérer  oîi  ni  comment.  Depuis  sa  mort,  j'ai  vu 
plusieurs  fois  M.  de  Chandenier,  avec  un  vrai  respect,  à 
Sainte-Geneviève^,  dans  la  plus  simple,  mais  la  plus  jolie 


1.  Le  prisonnier  fit  agir  son  ami  Biissy-Rabutin,  et  surtout  son  cou- 
sin, déjà  tout-puissant,  la  Rochefoucauîd-Marcillac  :  voyez  la  Corres- 
pondatice  de  Bussij,  tome  III,  p.  195  et  430. 

2.  Ce  fut  seulement  le  7  août  1677  que  le  duc  de  Saint-Aignan, 
gouverneur  et  capitaine  du  château  de  Loches,  ami  intime  de  Bussy, 
eut  ordre  de  faire  relâcher  son  prisonnier,  avec  permission  pour  celui- 
ci  d'aller  où  bon  lui  semblerait  (Arch.  nat.,  0*  21,  fol.  182  v°  et  18;>), 
et  Chandenier  se  démit  le  30  septembre  suivant,  après  vingt-sept  ans 
environ  de  résistance.  Bussy,  qui  se  connaissait  en  disgrâces,  écrivait, 
le  15  septembre,  à  Mme  de  Sévigné  :  «  Chandenier  est  à  Paris,  en  pleine 
liberté.  Il  donne  sa  démission  pure  et  simple,  et  se  remet  à  la  dis- 
crétion du  Roi  pour  la  récompense  de  sa  charge.  S'il  avoit  fait  cela 
il  y  a  seulement  dix  ans,...  il  auroit  gagné  l'intérêt  de  cent  mille  écus 
au  moins,  qui  se  seroit  monté  à  cinquante  mille,  il  se  seroit  épargné 
les  chagrins  d'une  longue  prison,  après  un  long  exil,  et  il  ne  se  soroil 
pas  distingué,  comme  il  a  fait,  par  une  longue  folie....  Nous  ne  sa^onn 
pas  encore  ce  que  le  Roi  aura  fait  pour  lui.  »  [Lettres  de  Mme  de  Sévi- 
gHé,  tome  V,  p.  321-3*22.)  Outre  son  remboursement,  Chandenier  reçut, 
le  7  mai  1678,  le  brevet  d'une  pension  de  neuf  mille  livres,  dont  il 
jouit  jusqu'à  sa  mort. 

3.  La  Ferté-Vidame. 

4.  Le  verbe  fit  est  biffé;  mais  l'infinitif  qui  suit  n'a  pas  été  corrigé. 

5.  «  On  appelle....  étoile  plusieurs  allées  d'un  jardin  ou  d'un  parc 
qui  viennent  aboutir  à  un  même  centre,  à  une  place  ronde.  «  (Furetière.) 
L'étoile  dont  parle  ici  Saint-Simon  serait-elle  ce  qu'on  appelle  aujour- 
d'hui à  la  Ferté  le  rond  des  Princes? 

6.  L'abbaye  de  Sainte-Geneviève,  élevée  sur  la  colline  qui  domine 
la  Seine  au  sud-est  {muns  Leucotilius).  Sa  fondation  était  due  au  roi 


152  MÉMOIRES  [16961 

retraite'  qu'il  s'y  ôtoit  faite  et  où  il  mourut ^  C'étoit  un 
homme  de  beaucoup  de  goût  et  d'excellente  compagnie, 
et  qui  avoit  beaucoup  vu  et  lu.  Il  fut  longtemps  avant  sa 
mort  dans  une  grande  piété^.  On  s'en  servit,  dans  la  der- 
nière année  de  sa  vie,  pour  lui  faire  un  juste  scrupule  sur 
ses  créanciers,  qu'il  ne  tenoit  qu'à  lui  de  payer  de  l'ar- 
gent de  M.  de  Noailles,  en  donnant  sa  démission  ;  et,  quand 
on  l'eut  enfin  vaincu  sur  cet  article  avec  une  extrême 
peine*,  les  mêmes  gens  de  bien^  entreprirent  de  lui  faire 
voir  M.  de  Noailles",  qui  avoit  sa  charge  après  son  père. 

Clovis  et  à  la  reine  Clotilde;  mais  elle  n'avait  pris  le  nom  de  la  patronne 
de  Paris  qu'au  milieu  du  quinzième  siècle.  Les  religieux  étaient  des 
chanoines  réguliers  de  l'ordre  de  Saint-Augustin,  réformés  en  1624 
par  le  cardinal  de  la  Rochefoucauld,  grand-oncle  de  M.  de  Chandenier. 
Sainte -Geneviève  et  ses  dépendances  ne  couvraient  pas  moins  de  dix- 
huit  arpents  de  terrain;  une  partie  des  anciens  bâtiments  est  occupée 
de  nos  jours  par  le  lycée  Henri  IV,  et  la  bibliothèque,  transportée 
non  loin  de  là,  est  encore  une  des  plus  importantes  de  Paris. 

1.  Mme  de  Sévigné  écrit,  le  18  janvier  1693  :  «  M.  de  Chandenier  a 
quitté  sa  belle  retraite  de  Sainte-Geneviève  pour  aller  dans  un  trou, 
près  de  M.  Nicole  :  si  c'est  dévotion,  je  l'honore  ;  si  c'est  légèreté,  je 
m'en  moque.  »  (Lettres,  tome  X,  p.  100.) 

2.  On  sait  que  c'est  aussi  à  Sainte-Geneviève  que  le  duc  d'Orléans 
fds  du  Régent  mourut  en  1752,  après  y  avoir  passé  dix  années  entières. 

3.  Bussy,  qui  l'aimait  peu,  l'accusait  d'im  stoïcisme  affecté  et  lui  re- 
prochait aussi  d'être  redevenu  dévot  en  1674,  à  la  suite  d'une  grave 
maladie  (Correspondance,  tome  II,  p.  399  et  400).  «  C'a  été,  disait-il 
(tome  iV,  p.  265),  un  faux  philosophe  toute  sa  vie,  et  qui,  après  avoir 
poussé  trop  loin  l'opiniâtreté  de  refuser  la  démission  de  sa  charge,  a 
eu  la  foiblesse  de  la  donner  lorsqu'il  n'y  avoit  rien  qui  put  justifier  en 
quelque  façon  cette  opiniâtreté,  qu'en  la  poussant  jusqu'à  sa  mort.  » 
D'autres  cependant,  comme  la  Feuillade,  préféraient  la  disgrâce  de 
Chandenier  à  la  faveur  de  M.  de  Noailles  :  voyez  les  Lettres  de  Mme  de 
Sévigné,  tome  VIII,  p.  520. 

4.  Vers  ses  derniers  jours,  il  put  constituer  des  rentes  viagères  sur  la 
ville  au  profit  de  plusieurs  de  ses  serviteurs;  les  actes  se  trouvent  dans 
le  registre  des  Insinuations  Y  268,  fol.  45-48,  aux  Archives  nationales. 

5.  Le  premier  président,  le  prince  de  Marcillac  et  le  duc  d'Orléans: 
voyez  la  Correspondance  de  Bussy,  tome  III,  p.  360. 

6.  Anne-Jules  de  Noailles,  maréchal  de  France,  le  même  qui  avait  eu 
en  1661  la  survivance  de  la  charge  de  capitaine. 


col. 


mm]  DE  SAINT-SIMON.  133 

L'effort  de  la  religion  le  soumit  encore  à  recevoir  cette 
visite,  qui,  de  sa  part,  se  passa  froidement,  mais  honnê- 
tement. Il  avoit  perdu  sa  femme*  et  son  fils  ^  depuis  un 
grand  nombre  d'années,  qui  étoit  un  jeune  homme,  à  ce 
que  j'ai  ouï  dire,  d'une  grande  espérance^. 

Le  Roi  eut  une  antraxe  '  au  col,  qui  ne  parut  d'abord    Aniraxe  du  Roi 
qu'un  clou,   et  qui  bientôt  après  donna  beaucoup  d'in- 
quiétude. Il  eut  la  fièvre,  et  il  fallut  en  venir  à  plusieurs 
incisions  par  reprises  ^  Il  affecta  de  se  laisser  voir  tous  les 

1.  Claude  le  Loup  de  Bellenave,  mariée  le  3  mai  1646,  et  morte 
le  27  mai  1649.  Elle  était  sœur  cadette  consanguine  de  Mme  de  Clé- 
rembault,  dont  Saint-Simon  a  parlé  ci-dessus,  p.  13. 

2.  Charles-François  de  Rocliechouart-Chandenier,  marquis  de  Belle- 
nave, à  qui  son  père  fit  reprendre  officiellement,  en  1661,  le  titre  de 
comte  de  Limoges".  Né  le  11  avril  1649,  il  servit  comme  volontaire 
pendant  une  dizaine  d'années,  sans  que  le  Roi  voulût  lui  permettre 
d'acheter  une  compagnie,  et  il  mourut  à  Lille,  en  avril  1678,  de  bles- 
sures reçues  au  siège  d'Ypres. 

3.  Bussy  avait  beaucoup  aimé  ce  jeune  homme,  qu'il  traitait  comme 
un  fils  ou  un  élève  (voyez  les  lettres  par  lesquelles  il  le  présenta  à 
Mlle  de  Scudéry  et  au  vice-amiral  d'Estrées),  et  il  avait  même  songé  à 
lui  faire  épouser  sa  fille,  sans  s'inquiéter  si  ce  ne  seraient  pas  «  la  faim 
et  la  soif  ensemble  ;  »  mais,  à  la  longue,  il  trouva  que  le  caractère  du 
comte  de  Limoges  était  «  corrompu  par  l'adversité,  »  et  se  détacha 
un  peu  de  lui.  Mme  de  Sévigné  ne  trouvait  aussi  chez  lui  qu'un 
«  mérite  aussi  petit  que  le  nom  est  grand.  »  Quand  il  périt,  on  accusa 
sa  famille  de  l'avoir  envoyé  comme  à  la  boucherie,  et  le  père  d'avoir 
accueilli  avec  indifférence  la  nouvelle  de  cette  mort  si  prématurée. 
(Correspondance  de  Bussy,  tome  II,  p.  67,  72,  234,  248  et  424; 
tome  III,  p.  10;  tome  IV,  p.  87,  91  et  99;  LcUres  de  Mme  de  Sévujné, 
tome  III,  p.  152,  318,  431,  436,  A31  ;  Histoire  de  la  maison  de 
Rochechouart,  p.  211-213.) 

4.  C'est  ainsi,  et  en  le  faisant  du  féminin,  que  Saint-Simon  écrit  ce 
mot,  qui  a  passé,  tout  grec,  et  en  gardant  le  genre  qu'il  a  en  grec,  un 
anthrax,  dans  la  langue  française  médicale.  Ambroise  Paré  l'employait, 
et  au  ir-asculin,  dès  le  seizième  siècle;  mais  on  ne  le  trouve  ni  dans 
Ménage  ni  dans  Furetière,  et  l'Académie  ne  l'a  mis  dans  son  Diction- 
naire qu'à  partir  de  la  quatrième  édition  (1762). 

5.  La   Gazette  (p.    442),  dans  un    article    de    Versailles   daté    du 

«  I,e  père  lui-même,  dans  les  derniers  temps,  s'intitulait  :  François  de 
limoges  de  Rocliechouart-Chandenier. 


134  MÉMUlKES  Li696] 

jours  et  de  travailler  dans  son  lit  presque  à  son  ordinaire*. 
Toute  l'Europe  ne  laissa  pas  d'être  fort  attentive  à  un 
mal  qui  ne  fut  pas  sans  danger.  Il  dépêcha  un  courrier 
au  duc  de  la  Rochefoucauld-,  en  Angoumois,  où  il  étojt 
allé  passer  un  mois  dans  sa  belle  maison  de  Verteuil^, 

44  septembre,  dit  :  «  Le  Roi  a  été  incommodé  depuis  quelques  jours 
d'un  clou  entre  les  deux  épaules.  La  goutte,  qui  s'est  jointe  à  ce  mal, 
l'a  retenu  plusieurs  jours  au  lit.  S.  M.  en  est  présentement  délivrée,  et 
quelques  incisions  faites  à  propos  à  l'endroit  où  étoit  le  clou  ont  pro- 
duit un  si  bon  effet,  qu'on  espère  qu'elle  sera  bientôt  entièrement 
guérie.  »  Des  symptômes  que  signale  Dangeau  prouvent  que  le  mal  cou- 
vait depuis  plusieurs  mois;  selon  le  Journal  de  la  santé  du  Roi  tenu 
par  Fagon  (p.  230-233),  ce  fut  seulement  le  12  août  que  le  premier 
médecin  reconnut  à  la  nuque  un  commencement  de  furoncle,  qui  dégé- 
néra en  anthrax,  et  dont  il  raconte  minutieusement  le  traitement.  Le 
chirurgien  Félix  pratiqua  les  incisions.  Voyez  aussi  le  Journal  de 
Dangeau,  tome  V,  p.  4oa-4Tl,  la  Gazelle  d'Amsterdam  de  1696,  n"  lxx- 
Lxxvii,  etc. 

1.  Le  Roi  fut  obligé  de  garder  la  chambre  depuis  le  18  août  jus- 
qu'au 16  septembre.  Dangeau,  qui  appelle  le  mal  un  «  anthrax  érési- 
pélateux  »  et  qui  en  note  la  marche  avec  beaucoup  d'exactitude,  insiste, 
comme  le  fait  aussi  Saint-Simon,  sur  l'affectation  du  Roi  à  tenir  les 
Conseils,  à  recevoir  les  courtisans,  les  dames,  les  ministres  étrangers, 
ainsi  qu'en  temps  ordinaire,  et  à  ne  pas  «  paroître  de  plus  mauvaise 
humeur.  »  {Journal,  tome  V,  p,  436  et  437.) 

2.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  VI,  p.  382.  Dangeau  dit 
simplement,  à  la  date  du  1"  septembre  :  «  M.  le  duc  de  la  Rochefou- 
cauld, qui  étoit  allé  à  ses  terres  de  Poitou,  y  ayant  appris  la  maladie 
du  Roi,  est  revenu  ici.  »  (Journal,  tome  V,  p.  461.) 

3.  Verteuil  est  un  bourg  du  département  de  la  Charente,  situé  h 
sept  kilomètres  S.  de  Ruffec,  dont  le  marquisat  était  à  la  mère  de  Saint- 
Simon.  Possédé  de  toute  ancienneté  par  les  la  Rochefoucauld,  le 
château  de  Verteuil  appartient  encore  aux  représentants  du  nom.  11 
s'élève  sur  un  promontoire  entouré  en  demi-cercle  par  la  rivière  de 
Charente,  et  son  enceinte  triangulaire  est  flanquée  de  trois  tours.  Il 
fut  honoré  de  la  visite  de  Charles-Quint  et  de  celle  de  Louis  XIII. 
L'auteur  des  Maximes,  qui  en  affectionnait  beaucoup  la  résidence,  y 
fut  inhumé  :  voyez  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  V,  p.  90,  et 
tome  VI,  p.  324.  Selon  le  Mémoire  de  la  généralité  de  Limoges  dressé 
par  l'intendant  en  1698,  et  un  Mémoire  sur  l'Angomnois  publié  en 
1864  par  M.  Babinet  de  Rencogne,  p.  76-79,  le  parc,  entouré  de  murs 
et  fort  peuplé  de  bêtes  fauves,  avait  de  très  belles  avenues  et  une  im- 


[1696J  Dfc:   SAINT-SIMON.  ISS 

et  lui  manda  sa  maladie  et  son  désir  de  le  revoir,  avec 
beaucoup  d'amitié.  Il  partit  aussitôt,  et  sa  faveur  parut 
plus  que  jamais  \ 

Comme  il  ne  se  passoit  rien  en  Flandres  et  qu'il  n'y 
avoit  plus  lieu  de  s'y  attendre  à  rien,  le  Roi  manda  aux 
maréchaux"  de  Villeroy  et  de  Boufflers  de  renvoyer  les 
princes  dès  que  le  prince  d  Orange  auroit  quitté  l'armée  : 
ce  qui  arriva  peu  de  jours  après  ^. 

Ce  fut  pendant  le  cours  de  cette  maladie  que  la  paix 
de  Savoie  devint  publique*,  et  que  le  Roi  régla  tout  ce 
qui  regardoit  la  princesse  de  Savoie  et  les  deux  otages 
jusqu'aux  restitutions  accomplies^.  M.  de  Savoie,  qui  n'i- 
gnoroit  rien,  jusque  des  moindres  choses,  des  principales 
cours  de  l'Europe,  compta  que  les  ducs  de  Foix*'  et  de 
Choiseul'  ne  l'embarrasseroient  pas.  Le  premier  n'avoit 
jamais  songé  qu'à  son  plaisir  et  à  se  divertir  en  bonne 
compagnie*;  l'autre  étoit  accablé  sous  le  poids  de  sa  pau- 

mense  futaie  ;  la  terre,  portant  le  titre  de  baronnie,  avec  douze  pa- 
roisses dans  sa  mouvance,  donnait  seulement  cinq  à  six  mille  livres  de 
revenu,  mais  toutes  les  autres  propriétés  du  duc  de  la  Rochefoucauld, 
entre  autres  son  duché-pairie  et  sa  principauté  de  Marcillac,  étaient 
situées  dans  la  même  province,  et  l'ensemble  formait  un  apanage  d'une 
étendue  peu  commune. 

1 .  Cette  faveur  était  plus  marquée  depuis  l'année  précédente,  où  le 
Roi  avait  fait  une  visite  au  duc  de  la  Rochefoucauld  dans  sa  maison  do 
la  Celle  et  rappelé  son  fils  à  la  cour.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  V,  p.  224  et  227,  et  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  288. 

2.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  :  «  au  M'  ».  Il  a  changé  M^  en  .¥*  ; 
mais  au  est  resté  au  singulier. 

3.  Cette  phrase  est  prise  du  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  ii>\). 
Les  princes  arrivèrent  à  Versailles  le  i"  septembre. 

4.  La  paix  fut  signée  à  Turin,  le  29  août  1696,  par  le  comte  de  Tessé 
et  le  marquis  de  Saint-Thomas,  et  ratifiée  à  Versailles  le  7  septembre. 

5.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  466  et  suivantes. 

6.  Autrement  dit  le  duc  de  Randan  :  voyez  tome  I,  p.  191,  note  4. 

7.  Tome  I,  p.  117,  note  5. 

8.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  X,  p.  134-13.5.  Ce  duc  est 
ainsi  dépeint  dans  les  Nouveaux  portraits  et  caractères  de  1706  (éd.  de 
M.  Éd.  de  Barthélémy,  p.  33)  :  «  Il  peut  servir  de  zéro  dans  les  petites 


Ducs  de  Foix 
et  de  Choiseul 
otages  à  Turin. 


1S6  MÉMOIRES  [1696] 

vreté  et  de  sa  mauvaise  fortune';  tous  deux  d'un  esprit 
au-dessous  du  médiocre  et  parfaitement  ignorants  de  ce 
qui  leur  étoit  dû,  très  aisés  à  mener,  à  contenter,  à  amu- 
ser, tous  deux  sans  rien  qui  tint  à  la  cour  et  sans  consi- 
dération particulière,  tous  deux  enfin  de  la  plus  haute 
naissance  et  tous  deux  chevaliers  de  l'Ordre^.  C'étoit  pré- 
cisément tout  l'assemblage  que  M.  de  Savoie  cherchoit^. 
Il  voyoit  qu'on  vouloit  ici  *  lui  plaire  dans  cette  crise  d'al- 
liance :  il  fit  proposer  au  Pioi  ces  deux  ducs,  et  le  Roi  les 
nomma  et  leur  donna  à  chacun  douze  mille  livres  pour 
leur  équipage  et  mille  écus  par  mois'\ 

Le  comte  de  Brionne'',  chevalier  de  l'Ordre  et  grand 

affaires;  véritable  ombre  de  protecteur,  sans  en  avoir  la  réalité;  servant 
à  fournir  un  crédit,  et  puis  c'est  tout.  » 

1.  Saint-Simon  a  déjà  parlé  (tome  I,  p.  117-119)  des  malheurs  do- 
mestiques du  duc  de  Choiseul  et  de  leur  désastreuse  influence  sur  sa 
carrière  militaire.  Pendant  le  séjour  qu'il  fit  en  Piémont,  dans  cette  an- 
née 1696,  l'inconduite  de  sa  femme  fut  plus  notoire  que  jamais,  et  nous 
verrons  bientôt  quelles  en  furent  les  suites.  Gêné  en  outre  dans  ses 
affaires,  les  Nouveaux  portraits  disent  de  lui  (p.  33-34)  :  «  11  est  gueux, 
et  ne  doit  s'en  prendre  qu'à  sa  vanité  ;  de  ces  maîtres  à  faire  un  riche  in- 
tendant; sa  misère  l'a  si  fort  abattu,  qu'il  n'a  pas  le  courage  de  la  sentir. 
11  a  été  brave  dans  l'occasion,  mais  partout  ailleurs  très  irrégulier.  » 

2.  Les  sept  derniers  mots  sont  ajoutés  en  interligne. 

3.  On  fit  courir  le  bruit  que  le  duc  de  Savoie  profitait  du  peu  de 
considération  dont  jouissaient  ces  deux  ducs  pour  donner  la  pré- 
séance sur  eux  à  son  cousin  le  prince  de  Carignan,  et  les  autres  ducs 
s'empressèrent  de  protester  :  voyez  les  Annales  de  la  cour  pour  1697. 
tome  1,  p.  14,  '20,  21.  Les  lettres  de  Tessé  prouvent  que  ce  n'était  pas 
vrai,  mais  que  Yictor-.Amédée  avait  témoigné  de  la  répugnance  soit 
pour  le  duc  d'Estrées,  soit  pour  le  duc  de  Chevreuse. 

4.  Vouloit,  en  interligne,  remplace  cherchait,  biffé,  et,  après  ici, 
Saint-Simon  a  effacé  la  préposition  à. 

5.  Ce  dernier  membre  de  phrase  est  pris  de  Dangeau,tome  V,  p.  439. 
—  On  trouve  au  Dépôt  des  affaires  étrangères,  Turin,  vol.  93,  l'instruc- 
tion donnée  aux  deux  otages  et  leur  correspondance. 

6.  Henri  de  Lorraine,  comte  de  Brionne  (il  signait  :  k  comte  de 
Briône),  fils  aîné  du  comte  d'Armagnac,  grand  écuyer,  était  né  le  15  no- 
vembre 1661. 11  avait  eu,  le  23  lévrier  1677,  la  survivance  de  la  charge 
de  son  père,  en  1684  celle  du  gouvernement  d'.\njou,  et  en  1688  le 


uture  duchesse 
de  BourffOKne. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  157 

écujer  en  survivance  de  son  père,  fut  nommé  pour  aller, 
de  la  part  du  Roi,  recevoir  la  Princesse  au  Pont-Beau- 
voisin  ',  et  Desgranges^,  un  des  premiers  commis^  de  Pont- 
chartrain  et  maître  des  cérémonies*,  pour  y  aller  aussi, 
et  faire  là  sa  charge^  pendant  le  voyage  de  la  Princesse". 

Sa  maison  fut  plus  longtemps  à  être  déterminée.  La  cour  Maison  de  la 
étoit  depuis  longtemps  sans  reine  et  sans  dauphine  '  : 
toutes  les  dames  d'une  certaine  portée  d'état  ou  de  faveur 
s'empressèrent  et  briguèrent,  et  beaucoup  aux  dépens 
les  unes  des  autres  ;  les  lettres  anonymes  mouchèrent**, 
les  délations,  les  faux  rapports.  Tout  se  passa  unique- 
ment là-dessus  entre  le  Roi  et  3Ime  de  Maintenon^,  qui 

collier  de  l'Ordre,  peu  de  temps  après  avoir  obtenu  le  justaucorps  bleu. 
Il  mourut  le  3  avril  1712,  ayant  donné  sa  démission  de  la  survivance  au 
profit  de  son  frère,  le  prince  Charles.  Il  avait  possédé  aussi  un  régiment 
de  cavalerie,  mais  s'en  était  défait  en  1692.  C'était  un  des  danseurs 
et  des  cavaliers  les  plus  renommés  de  la  cour.  Sa  mère  avait  eu,  en 
1663,  la  mission  de  conduire  la  duchesse  de  Savoie  à  Turin. 

1.  Le  bourg-  du  Pont-de-Bcauvoisiu  (Saint-Simon  supprime  la  par- 
ticule intermédiaire)  est  divisé  en  deux  par  la  rivière  de  Guiers,  qui  fai- 
sait la  frontière  entre  le  Dauphine  et  la  Savoie.  Aujourd'hui  une  des  com- 
munes appartient  au  département  de  l'Isère,  l'autre  à  celui  de  la  Savoie. 

"1.  Michel  Ancel,  sieur  des  Granges  (il  signait  en  un  seul  mot),  pourvu 
le  23  août  1691  de  la  charge  de  maître  des  cérémonies,  avait  eu  en 
outre  une  charge  de  secrétaire  du  Roi,  et,  comme  légataire  de  Saint- 
Mars,  il  obtint  les  gouvernement  et  grand  bailliage  de  Sens  en  1708. 
11  mourut  dans  cette  ville  le  23  mars  1731,  à  quatre-vingt-deux  ans. 

3.  Les  premiers  commis  des  secrétaires  d'État  avaient  à  peu  près  la 
fonction  et  le  rang  de  nos  chefs  de  division  actuels.  Desgranges  rem- 
plissait ce  poste  à  la  maison  du  Roi,  service  des  cérémonies. 

4.  Sur  les  fonctions,  le  rang  et  les  prérogatives  du  maître  des  céré- 
monies, voyez  le  chapitre  xi  du  tome  I  de  Y  État  de  la  France  de  1698. 

o.  Après  c/mr^e  est  un  ef,  biffé. — 6 .  Journal  de Dangeau,  tome\ ,pA6. 

7.  La  Reine  était  morte  en  1683,  la  Dauphine  en  1690. 

8.  Voyez,  sur  ce  mot,  notre  tome  II,  p.  127,  et  note  3. 

9.  On  trouve  dans  la  Correspondance  générale  de  Mme  de  Muinleuon, 
à  la  date  du  3  août  1696  (tome  IV,  p.  106),  ce  passage  d'une  lettre 
adressée  à  Mgr  de  Noailles  :  «  Les  dames  se  donnent  assez  de  mou- 
vement pour  être  auprès  de  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne,  Monsei- 
gneur, pour  que  vous  puissiez  faire  parler  Mme  la  duchesse  de  Noailles 


1^8  MÉMOIRES  11690] 

ne  bougeoit  du  chevet  de  son  lit  pendant  toute  sa  maladie, 
excepté  lorsqu'il  se  laissoit  voir,  et  qui  y  étoit  la  plupart 
du  temps  seule'.  Elle  avoit  résolu  d'être  la  véritable  gou- 
vernante de  la  Princesse,  de  l'élever  à  son  gré  et  à  son 
point*,  de  se  l'attacher  en  même  temps  assez  pour  en  pou- 
voir amuser  le  Roi  sans  crainte  qu'après  le  temps  de 
poupée  passé,  elle  lui  pût  devenir  dangereuse^.  Elle  son- 
geoit  encore  à  tenir  par  elle  Mgr  le  duc  de  Bourgogne  un 
jour,  et  cette  pensée  l'occupoit  d'autant  plus  que  nous 
verrons  bientôt  que  ses  liaisons  étoient  déjà  bien  refroi- 
dies avec  les  ducs  et  les  duchesses  de  Chevreuse  et  de 
Beauvillier*,  auxquelles,  pour  cette  raison,  l'exclusion  fut 
donnée  de  la  place  de  dame  d'honneur,  que  l'une  ou 
l'autre  auroient  si  dignement  et  si  utilement  remplies". 
Mme  de  Maintenon  chercha  donc,  pour  environner  la 
Princesse,  des  personnes  ou  entièrement  et  sûrement  à 
elle,  ou  dont  l'esprit  fût  assez  court  pour  n'avoir  rien  à  en 
IMd.  S'-S.  165]  appréhender.  Ainsi,  le  dimanche  2  septembre",  la  maison 
fut  nommée  et  déclarée  '  : 

Dangeau,  chevalier  d'honneur; 

sur  Mme  de  Créquy,  la  duchesse  du  Lude  ou  la  duchesse  de  Ventadour. 
La  dernière  est  séparée  d'avec  son  mari;  sa  réputation  n'est  pas  sans 
tache,  elle  traîne  une  mauvaise  suite  dans  sa  famille,  elle  est  toute 
liée  à  Saint-Cloud,  dont  on  voudroit  éloigner  la  jeune  princesse....  » 

1.  Elle  écrit,  le  7  septembre  :  «  On  parle  d'ouvrir  le  mal  du  Roi  en 
quatre.  Je  ne  sais  plus  où  nous  en  sommes  ;  je  crains  tout.  »  (Corres- 
pondance (jénérale,  tome  IV,  p.  116.)  Comparez  une  lettre  de  Madame, 
du  6  septembre,  dans  le  recueil  Rolland,  p.  168. 

'i.  A  sa  convenance  ;  comparez  la  locution  :  «  à  son  point  et  aisément.  » 

3.  Sur  cet  accaparement  de  la  duchesse  de  Bourgogne  par  Mme  de 
Maintenon,  voyez  les  Souvenirs  de  Mme  de  Caylus,  p.  312. 

4.  Sur  l'origine  de  cette  intimité,  que  rompit  la  disgrâce  de  Fénelon, 
voyez  les  mêmes  Souvenirs,  p.  500;  et  sur  le  refroidissement,  voyez 
la  suite  de  l'affaire  du  quiétisme,  en  1697  (tome  I  de  1873,  p.  409). 

o.  Remplies,  au  pluriel,  nouvel  exemple  d'accord  avec  l'idée. 

6.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  461-462. 

7.  Le  passage  qui  suit  est  rangé  sur  deux  colonnes  dans  le  ma- 
nuscrit; la  première  finit  à  «  M'  Quentin  »  ;  les  petits  alinéas  suivants, 
jusqu'à  :  <■  fut  le  maître  »,  tornient  la  seconde. 


ii 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  159 

La  duchesse  du  Lude,  dame  d'iionneui ', 
La  comtesse  de  Mailly,  dame  d'atour; 
Tessé,  premier  écuyer. 

DAMES  DU  PALAIS  E>  CET  ORDRE  : 

Mme  de  Dangeau', 

La  comtesse  de  Roucy-, 

Mme  de  Nogaret^, 

Mme  d'O*, 

La  marquise  du  Châtelet^, 

Mme  de  Montgon^'; 

Et  pour  première  femme  de  chambre  : 

Mme  Quentin'. 

Peu  après,  le  P.  le  Comte**,  jésuite,  pour  confesseur; 

Et  dans  la  suite  : 

L'évêque  de  Meaux  premier  aumônier,  ci-devant"  de 
Madame  la  Dauphine,  et  auparavant  précepteur  de  Mon- 
seigneur '"  ; 

1.  Voyez  ci-après,  p.  187,  note  2.  —  2.  Voyez  p.  178,  note  2. 
3.  Voyez  p.  194,  note  5.  —  4.  Voyez  p.  197,  note  1. 
o.  Voyez  p.  209,  note  1.  —  6.  Voyez  p.  213,  note  2. 

7.  On  lirait  soit  Cantin,  soit  Camtin,  dans  le  manuscrit;  il  semble 
que  Saint-Simon  ait  d'abord  voulu  écrire  Cuentin,  pour  Quentin.  — 
Mme  Quentin,  Marie-Angélique  Poisson,  était  sœur  du  premier  apothi- 
caire du  Roi,  belle-sœur  du  premier  valet  de  chambre  Quentin  de  la 
Vienne,  dont  il  a  été  parlé  tome  II,  p.  320,  et  femme  de  Jean  Quentin, 
seigneur  de  Villiers,  maître  d'hôtel  du  Roi,  l'un  de  ses  barbiers  et  de 
ses  premiers  valets  de  garde-robe.  Elle  mourut  au  Louvre,  le  26  juin 
1731,  âgée  de  soixante-quatorze  ans.  Saint-Simon  ne  donnera  que 
plus  tard,  en  1697,  les  détails  qu'il  juge  inutile  de  fournir  ici  sur 
Mme  Quentin.  —  Avec  Mme  Quentin,  quatre  femmes  de  chambre  furent 
désignées  :  Mmes  de  la  Bussière,  de  Monsoury,  de  la  Borde  et  de 
Louiste  ou  Loys  [Gazette  lï Amsterdam,  1696,  n°  i.xxni). 

8.  Voyez  ci-après,  p.  160,  note  9. 

9.  C'est-à-dire  que  Bossuet  avait  eu  la  même  charge  auprès  de  la 
Dauphine-Bavière,  en  1679.  II  n'en  fut  pourvu  auprès  de  la  duchesse 
de  Bourgogne  qu'en  octobre  1697  (Dangeau,  tome  VI,  p.  219). 

10.  Et  termine  une  ligne;  les  quatre  mots:  «auparavant,  etc.», 
ont  été  ajoutés  au-dessus  de  la  suivante. 


160  MÉMOIRES  [1696] 

Et  Villacerf  acheta  du  Roi  la  charge  de  |ii'e)nier  maître 
d'hôtel  '. 

Il  faut  voir  maintenant  ce  qu'on  sut  des  raisons  de 
chacun  de  ces  choix,  et  de  celui  de  Mme  de  Gastries^  pour 
dame  d'atour  de  Mme  la  duchesse  de  Chartres,  au  lieu  de 
la  comtesse  de  Mailly,  qui  se  trouvera  en  son  temps'. 

Pour  de  celui*  du  comte  de  Tessé,  les  raisons  en  sont 
visibles^  et  j'ai  suffisamment  parlé  de  sa  personnel 

J'en  dis  autant  pour'  celui  de  la  comtesse  de  Mailly*; 

Et  pour  le  P.  le  Comte'',  ce  fut  une  affaire  intérieure  de 
jésuites,  dont  le  P.  de  la  Chaise  fut  le  maître*". 

1.  Ce  fut  aussi  à  la  tin  de  1697  que  Villacerf  négocia  l'acliat  cle  cette 
charge,  convoitée  par  Chamarande.  Il  ne  la  paya  que  deux  cent  mille 
livres  ;  au  lieu  de  se  faire  pourvoir  lui-même,  il  en  fit  mettre  les  provi- 
sions au  nom  de  son  fils  et  n'eut  que  la  survivance.  Voyez  le  Journal 
de  Damjeau,  tome  VI,  p.  219,  222  et  223. 

2  et  3.  Voyez  p.  323  et  suivantes. 

4.  Ce  tour  incorrect  ne  peut  guère  s'expliquer  qu'ainsi  :  «  pour  les 
raisons  de  celui  (c'est-à-dire  du  choix)  de  Tessé.  »  Avec  la  reprise  de 
les  raisons  pour  sujet,  l'ellipse  est  singulière  ;  de  et  en  font  [jléonasme. 

5.  C'était  la  récompense  de  ses  négociations  avec  la  Savoie.  Les  An- 
nales de  la  cour  (tome  I,  p.  8)  prétendent  qu'il  avait  compté  sur  la 
charge  de  chevalier  d'honneur  ;  sa  correspondance  prouve  qu'il  de- 
manda trop  tard  celle  de  premier  écuyer,  et  refusa  l'ambassade  qu'on 
lui  offrait.  Il  prit  possession  de  ses  fonctions  à  Turin  même,  le  jour  où 
se  signa  la  ratification  du  contrat  de  mariage.  (Dangeau,  tome  V,  p.  472.) 

6.  Voyez  ci-dessus,  p.  128-131. 

7.  Pour  corrige  de.  A  la  ligne  suivante,  de,  au  lieu  de  le,  devant  Comte. 

8.  Voyez  notre  tome  I,  p.  86-90. 

9.  Daniel-Louis  le  Comte,  né  à  Bordeaux  en  16ol,  entra  dans  la 
compagnie  de  Jésus  le  15  octobre  1671.  Il  s'attacha  à  l'étude  des  ma- 
thématiques, fit  le  voyage  de  Siam  (1685-1688)  avec  la  double  qualité 
de  missionnaire  et  d'astronome,  puis  séjourna  à  Rome  pour  le  service 
des  missions.  Nommé  confesseur  de  la  Princesse  le  1"  octobre  1696 
{Dangeau,  tome  VI,  p.  1),  il  fut  renvoyé  eu  1700,  à  l'occasion  de  ses 
mémoires  sur  la  Chine  et  sur  les  cérémonies  chinoises,  comme  le  ra- 
contera Saint-Simon  (voyez  la  suite  des  Mémoires,  éd.  1873,  tome  II, 
p.  335-336),  et  ces  publications  furent  condamnées  à  la  fois  à  Paris 
et  à  Rome.  Il  mourut  dans  sa  ville  natale,  le  19  avril  1728. 

lu.  Cette  assertion  est  confirmée  par  la  Correspondance  générale  de 


1696] 


DE   SAINT-SIMON. 


161 


La  duchesse  du  Lude'  étoit  sœur  du  duc  de  Sully  qui 
fut  chevalier  de  l'Ordre  en  1688,  fille  de  la  duchesse  de 
Verneuil  et  petite-fille  du  chancelier  Séguier.  Elle  avoit 
épousé  en  premières  noces  ce  galant  comte  de  Guiche", 
fils  aîné  du  maréchal  de  Gramont,  qui  a  fait  en  son  temps 
tant  de  bruit  dans  le  monde,  et  qui  fit  fort  peu  de  cas  d'elle 
et  n'en  eut  point  d'enfants^.  Elle  étoit  encore  fort  belle  \ 


Duchesso 

du  Lude  dame 

d'honneur. 


Mme  de  Maintenon,  tome  IV,  p.  107-108,  114,  120  et  127.  Mme  de 
Maintenon  fit  repousser  un  autre  candidat  comme  trop  dévot,  et  elle 
trouva  le  P.  le  Comte  «  admirable.  » 

1.  Voyez  tome  I,  p.  83,  et  ci-dessus,  p.  21  et  159,  et  l'Addition  165. 

2.  Voyez  ci-dessus,  p.  21,  où  Saint-Simon  s'est  servi  des  mêmes  épi- 
thètes.  Nous  ne  pensons  pas  qu'il  fasse  allusion  à  VHistoire  galante  de 
M.  le  comte  de  Guiche  et  Madame,  imprimée  en  1667  et  attribuée  à  Bussy. 
M.  de  Guiche  ne  s'illustra  pas  moins  par  sa  valeur  que  par  ses  galanteries. 

3.  Mlle  de  Béthune  avait  été  mariée  à  treize  ans,  le  23  janvier  1658, 
mais  «  mariée  sans  l'être,  »  quoique  bien  faite,  sage  et  riche  (Mémoires 
de  Mme  de  Motteville,  tome  IV,  p.  375).  «  Pour  le  comte  de  Guiche,  dit 
Mademoiselle,  il  se  soucioit  si  peu  de  sa  femme,  l'ayant  épousée  parce 
que  son  père  le  vouloit,  qu'il  étoit  bien  aise  de  ne  la  voir  jamais  nulle 
part.  On  disoit  qu'il  vivoit  avec  elle  comme  un  homme  qui  se  vouloit  dé- 
marier un  jour,  et  que  la  cause  en  étoit  l'extrême  passion  qu'il  avoit 
pour  la  fille  de  Mme  [de]  Beauvais.  »  {Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  III, 
p.  202.)  Une  de  ses  dernières  galanteries  eut  pour  objet,  en  1672,  la 
sœur  de  Saint-Simon,  Mme  de  Brissac  :  voyez  notre  tome  I,  p.  206, 
note  5.  Il  était  «  beau  comme  un  ange  et  plein  d'amour,  »  dit  VHistoire 
amoureuse  des  Gaules,  éd.  Daflfis,  tome  I,  p.  65-68,  oià  l'on  trouvera  son 
portrait,  ainsi  que  dans  Mme  de  Motteville,  tome  IV,  p.  93,  avec  l'his- 
toire de  sa  disgrâce,  p.  370-376;  mais,  à  peine  mort,  il  fut  oublié. 
Sa  veuve,  dont  le  deuil  fut  tout  de  convenance,  disait  :  «  Je  l'aurois 
aimé  passionnément,  s'il  m'avoit  un  peu  aimée.  »  On  s'occupa  immé- 
diatement de  la  remarier  avec  quelque  duc  :  voyez  le  Sévigné,  tome  III, 
p.  302-304  et  330,  la  Correspondance  de  Bussy,  tome  I,  p.  321,  etc. 

4.  Dans  le  veuvage,  Bussy  la  trouvait  plus  belle  que  jamais,  et  il  eût 
voulu,  disait-il,  être  prince  du  sang  pour  l'épouser  {Correspondance, 
tome  II,  p.  376).  Trente  ans  plus  tard,  en  1704,  Mme  de  Coulanges 
dit  encore  :  «  Nous  avons  eu  la  duchesse  du  Lude  quatre  jours  ici.  Cela 
devient  ridicule  d'être  aussi  belle  qu'elle  l'est  ;  les  années  coulent  sur 
elle  comme  l'eau  sur  la  toile  cirée.  »  {Lettres  de  Mme  de  Sévigné, 
tome  X,  p.  505.)  En  1719  même.  Madame,  qui  était  très  liée  avec  la 
duchesse,  et  qui  parle  souvent  d'elle,  raconte  qu'elle  est  allée  la  voir 

MÉMOIRES   DE   SAhNT-SlMON.    Hl  H 


m  MÉMOIRES  [1696] 

et  toujours  sage\  sans  aucun  esprit^  que  celui  que  donne 
l'usage  du  grand  monde  et  le  désir  de  plaire  à  tout 
le  monde,  d'avoir  des  amis,  des  places,  de  la  considéra- 
tion^  et  avoit  été  dame  du  palais  de  la  Reine*.  Elle  eut  de 
tout  cela  parce  que  c'étoit  la  meilleure  femme  du  monde, 
riche,  et  qui,  dans  tous  les  temps  de  sa  vie,  tint  une  bonne 
table  et  une  bonne  maison  partout^;  et  basse  et  rampante 

dans  sa  retraite  des  Carmélites  :  «  Elle  souffre  nuit  et  jour  de  la  goutte, 
et  elle  est  encore  tranquille  et  gaie  ;  elle  a  soixante-seize  ans,  et  ne 
paraît  pas  en  avoir  plus  de  cinquante.  »  {Lettres  de  Madame,  édition 
Brunet,  tome  II,  p.  415.)  Mignard  avait  fait  d'elle,  en  1687  {Vie  de  Mi- 
gnard,  par  Monville,  p.  144),  un  portrait  que  grava  Larmessin,  et  elle 
est  représentée  deux  fois  au  musée  de  Versailles,  la  première  (n"  3373) 
comme  comtesse  de  Guiche,  la  seconde  (n°  4266)  comme  duchesse  du 
Lude.  Un  exemplaire  de  ce  dernier  portrait  se  trouve  au  château  deMouchy. 

1.  La  Beaumelle  seul  a  supposé,  dans  une  des  prétendues  lettres 
à  Mme  de  Saint-Géran,  que  la  duchesse  avait  «  perdu  un  ami  »  en  la 
personne  de  Condé.  {Correspondance  générale  de  Mme  de  Maintenon, 
tome  III,  p.  SO.) 

2.  Et  surtout,  peut-on  ajouter,  sans  aucune  culture,  si  l'on  en  juge 
par  l'orthographe,  étonnante,  même  pour  ce  temps,  d'une  lettre  d'elle 
à  M.  de  Morpas  (Maurepas),  dont  voici  le  fac-similé  :  «  Trouue  bon 
Monsieur  que  ie  me  serue  de  ma  belle  escriteure  pour  vous  fire  un 
petei  reproche  de  ne  vous  estre  pas  souueneu  de  M^  darli  pour  estre 
garde  de  marine  uous  maues  promie  que  uous  l'emploirie  de  manire 
quil  aurest  peu  uiure  cest  un  for  ounest  home  qui  a  enuie  de  bien  fire 
et  qui  na  pas  de  pam  il  ma  este  re  que  mende  par  M""  et  madame  la  du- 
chesse de  barouique  {Berwick)  je  uous  suplie  très  humblement  aie  quel 
que  bonté  pour  luy  et  dans  la  uerite  ie  uous  sere  sensiblemen  oblige  et 
de  croire  que  personne  nest  plus  ueritable  men  notre  oubehisente  ser- 
uente.  La  duchesse  du  Lude.  »  (Ms.  Clairambault  1150,  fol.  3-4.) 

3.  Comparez  ce  passage  des  Souvenirs  de  Mme  de  Caylus  (p.  512)  : 
«  La  duchesse  du  Lude  avoit  de  la  dignité  dans  l'extérieur  et  une  défé- 
rence à  l'égard  de  Mme  de  Maintenon,  qui  lui  tenoit  lieu  d'esprit.  On 
n'avoit  voulu  dans  cette  place  qu'une  représentation  :  c'est  aussi  tout 
ce  qu'elle  avoit,  et  elle  ne  faisoit  rien  sans  en  rendre  compte.  » 

4.  Elle  eut  cette  charge  sans  l'avoir  sollicitée,  en  juillet  1667  {Cor- 
respondance de  Bussy,  tome  I,  p.  51  et  72). 

y.  C'est-à-dire  à  Paris  et  dans  ses  terres.  Sur  les  dîners  et  le  luxe 
de  l'hôtel  du  Lude,  voyez  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tomes  IX, 
p.  359,  366,  370,  et  X,  p.  355.  Cet  hôtel  était  situé  rue  Coq-Héron,  à 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  163 

sous  la  moindre  faveur,  et  faveur  de  toutes  les  sortes.  Elle 

se  remaria  au  duc  du  Lude  *  par  inclination  réciproque,    [Add.  S'-S.  166] 

qui  étoit  grand  maître  de  l'artillerie,  extrêmement  bien 

avec  le  Roi,  et  d'ailleurs  fort  à  la  mode,  et  qui  tenoit  un 

grand  état.  Ils  vécurent   très  bien  ensemble,  et  elle  le 

perdit  sans  en  avoir  eu  d'enfants^.  Elle  demeura  toujours 

attachée  à  la  cour,  oii  sa  bonne  maison^,  sa  politesse  et  sa 

bonté  lui  acquirent*  beaucoup  d'amis,  et  où,  sans  aucun 

besoin,  elle  faisoit  par  nature  sa  cour  aux  ministres  et 

tout  ce   qui  étoit  en  crédit,    jusqu'aux  valets.   Le    Roi 

n'avoit  aucun  goût  pour  elle,  ni  Mme  de  Maintenon  ;  elle 

l'angle  du  carrefour  de  la  Croix-des-Peti(s-Champs,  non  loin  des  jardins 
de  l'hôtel  Séguier  ;  plus  tard  la  duchesse  se  transporta  rue  Saint-Domi- 
nique. Le  Livre  commode  de  1692  la  cite  en  tête  des  «  dames  curieuses.  » 
1.  Sur  le  duc  du  Lude,  voyez  notre  tome  II,  p.  176,  et  Additions, 
p.  S02;  l'Addition  de  Saint-Simon  à  Dangeau,  30  août  168S,  indiquée 
en  marge  ici,  n"  166  ;  l'article  du  Lude  dans  les  Ducs  à  brevet,  vol.  68  des 
Papiers  de  Saint-Simon;  un  article  nécrologique  et  généalogique  du 
Mercure,  septembre  1685,  p.  97-104  ;  le  portrait  de  Licidias  dans  le  Dic- 
tionnaire des  précieuses,  tome  I,  p.  67,  et  celui  de  Jérémie  dans  VHis- 
toire  amoureuse  des  Gaules,  tome  I,  p.  320-322  ;  les  Mémoires  sur 
Mme  de  Sévigné,  par  Walckenaer,  tome  II,  p.  83-84;  la  Notioe  sur 
Mme  de  Sévigné,  par  M.  Paul  Mesnard,  p.  49  et  59-60;  le  Château  du 
Lude  (par  M.  David),  p.  88-97,  etc.  Le  Chansonnier  (ms.  Fr.  12  688, 
p.  339)  renferme  une  note  curieuse  sur  son  mariage  avec  Mme  de 
Guiche.  Sa  passion  «  admirable  »  pour  cette  dame  s'était  soutenue  plu- 
sieurs années,  et,  aussitôt  qu'il  eut  perdu  sa  première  femme,  une  es- 
pèce de  «  veneur  qui  l'empêchoit  de  se  marier,  »  dès  le  lendemain  il 
alla  demander  la  main  de  Mme  de  Guiche  à  sa  mère.  {Correspondance 
de  Bussij,  tomes  IV,  p.  43  et  46,  et  V,  p.  228,  230,  234,  etc.)  On  trouve 
le  portrait  du  duc  dans  le  ms.  Clairambault  1150,  fol.  1,  à  côté  de 
celui  de  la  duchesse  (fol.  5),  gravé  par  Larmessin. 

2.  Le  bruit  avait  couru  d'une  grossesse  en  mars  1685,  peu  de  temps 
avant  la  mort  du  duc.  (Mémoires  de  Sourches,  éd.  Bernier,  tome  I, 
p.  56.)  Celui-ci  n'avait  point  eu  d'enfants  non  plus  de  sa  première 
femme,  celle  dont  Saint-Simon  a  raconté  une  étrange  historiette  dans 
l'Addition  indiquée  ici,  et  à  propos  de  qui  Mme  de  Sévigné  a  certaines 
phrases  plaisantes  (tome  III,  p,  26  et  36). 

3.  Déjà  dit  sept  lignes  plus  haut. 

4.  L'a  d'acquirent  corrige  un  d;  un  peu  après,  tous  pour  tout. 


164  MÉMOIRES  [1696] 

n'étolt  presque  jamais  des  Marlis',  et  ne  participolt  à  au- 
cune des  distinctions  que  le  Roi  donnoit  souvent  à  un 
petit  nombre  de  dames.  Telle  étoit  sa  situation  à  la  cour 
lorsqu'il  fut  question  d'une  dame  d'honneur  sur  qui  rou- 
lât toute  la  contiance  de  l'éducation-  et  de  la  conduite  de 
la  Princesse,  que  Mme  de  Maintenon  avoit  résolu  de  tenir 
immédiatement  sous  sa  main,  pour  en  faire  l'amusement 
intérieur  du  Roi. 

Le  samedi  matin*,  veille  de  la  déclaration  de  la  maison, 
le  Roi,  qui  gardoit  le  lit  pour  son  antraxe,  causoit,  entre 
midi  et  une  heure,  avec  Monsieur,  qui  étoit  seul  avec  lui. 
Monsieur,  toujours  curieux,  tâchoit  de  faire  parler  le  Roi 
sur  le  choix  d'une  dame  d'honneur,  que  tout  le  monde 
voyoit  qui  ne  pouvoit  plus  être  différé;  et  comme  ils  en 

i.  Les  Annales  de  la  cour  et  de  Paris  disent,  à  propos  de  sa  nomina- 
tion (tome  I,  p.  9)  :  «  Il  n'y  avoit  pas  encore  très  longtemps  que  la  du- 
chesse du  Lude  ne  se  seroit  pas  attendue  à  cette  fortune,  parce  qu'elle 
n'étoit  pas  trop  bien  en  cour.  Elle  n'étoit  même  pas  du  nombre  des 
dames  qui  avoient  accoutumé  d'aller  à  Marly,  et  il  lui  en  avoit  coûté 
deux  mille  écus  la  première  fois  qu'elle  y  avoit  été  :  la  princesse  d'Har- 
court,  qui  fait  argent  de  tout,  lui  avoit  procuré  cette  faveur.  »  Le  même 
libelle  en  un  autre  endroit  (tome  II,  p.  169),  les  Lettres  galantes  de 
Mme  Dunoyer  (éd.  1738,  tome  I,  p.  364),  et,  par  suite,  la  Beaumelle, 
dans  ses  Mémoires  sur  Mme  de  Maintenon  (tome  III,  p.  45),  ont  mis 
cette  anecdote  au  compte  de  la  princesse  de  Montauban,  et  non  de  la 
duchesse  du  Lude.  Il  se  peut  que  l'une  et  l'autre  aient  usé  du  même  ex- 
pédient ;  mais  un  passage  de  la  lettre  de  Mme  de  Sévigné  qui  porte 
la  date  du  25  juin  1690  (tome  IX,  p.  526-527)  paraît  bien  affirmatif  en 
ce  qui  touche  la  seconde  de  ces  dames  :  «  La  duchesse  du  Lude  a  été 
assez  occupée  de  Versailles  et  de  Marly.  Il  y  a  trois  mois  qu'elle  n'y 
va  plus,  que  l'autre  jour  à  Marly,  oia  il  y  avoit  vingt-quatre  femmes. 
Si  vous  demandez  à  Mademoiselle  d'où  vient  ce  changement,  elle  vous 
dira  que  la  princesse  d'Harcourt  les  y  faisoit  aller  parce  qu'elle  avoit 
besoin  de  M.  de  Lamoignon  ;  mais,  dans  la  vérité,  c'est  que  ce  sont  des 
grâces  gratuites,  qu'on  donne  quand  on  veut,  et  à  quoi  on  ne  veut  pas 
s'assujettir.  »  En  1695  (ibidem,  tome  X,  p.  288),  on  voit  encore  la  du- 
chesse tout  heureuse  d'être  invitée  quelquefois. 

2.  Les  lettres  l'é  corrigent  la. 

3.  C'était  le  1"  septembre  :  voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V, 
p.  461. 


M696J  DE   SAINT-SIMON.  165 

parloient,  Monsieur  vit  à  travers  la  chamibre,  par  la  fe- 
nêtre %  la  duchesse  du  Lude  dans  sa  chaise  avec  sa  livrée^, 
qui  traversoit  le  bas  de  la  grand  cour,  qui  revenoit  de 
la  messe  :  «  En  voilà  une  qui  passe,  dit-il  au  Roi,  qui  en 
abonne  envie,  et  qui  n'en  donne  pas  sa  part;»  et  lui 
nomme  la  duchesse  du  Lude.  «  Bon  !  dit  le  Roi,  voilà  le 
meilleur  choix  du  monde  pour  apprendre  à  la  Princesse 
à  bien  mettre  du  rouge  et  des  mouches^;  »  et  ajouta  des 
propos  d'aigreur  et  d'éloignement.  C'est  qu'il  étoit  alors 
plus  dévot  qu'il  ne  l'a  été  depuis,  et  que  ces  choses  le 
choquoient  davantage.  Monsieur,  qui  ne  se  soucioit  point 
de  la  duchesse  du  Lude  et  qui  n'en  avoit  parlé  que  par 
ce  hasard  et  par  curiosité,  laissa  dire  le  Roi,  et  s'en  alla 
dîner*  bien  persuadé  que  la  duchesse  du  Lude  étoit  hors 

\.  A  cette  époque,  Louis  XIV  couchait  dans  la  chambre  située  à 
l'angle  méridional  de  la  cour  de  Marbre,  chambre  qu'avait  toujours  oc- 
cupée son  père,  et  qui  communiquait,  par  la  pièce  dite  des  Bassans, 
avec  les  appartements  de  la  Reine.  Ces  deux  pièces  devinrent  l'OEil-de- 
Bœuf  en  1701,  et  le  Roi  se  transporta  alors  dans  la  pièce  contiguë,  jus- 
que-là son  grand  cabinet,  qui  occupait  exactement  le  centre  du  château 
primitif  (n°  124  du  catalogue  Soulié).  En  outre,  il  avait  une  chambre 
de  parade,  qui  servait  à  son  jeu  les  jours  d'appartement  (aujourd'hui 
salon  d'Apollon,  n°  111),  d'oi!i  le  lit  avait  été  transporté,  lors  de  la  con- 
struction de  la  grande  galerie  et  des  salons  qui  la  terminent  à  chaque 
bout,  dans  la  pièce  qui  servait  jusque-là  d'antichambre  (salon  de  Mer- 
cure, n°  110). 

2.  Sa  chaise  à  porteurs. 

3.  L'usage  des  mouches  remontait  au  règne  d'Henri  IV,  ou  même 
plus  haut;  celui  du  fard  rouge  était  moins  ancien.  Tous  deux  devinrent, 
sous  Louis  XV,  l'habillement  obligé  du  visage,  selon  l'expression  de 
M.  J.  Quicherat  {Histoire  du  Costume,  p.  557).  Sous  Louis  XIV,  les  dé- 
votes seules  affectaient  de  ne  pas  mettre  de  rouge;  autrement,  toutes 
les  femmes  de  la  cour  en  portaient.  «  Ce  rouge,  disait  Mme  de  Sévigné, 
c'est  la  loi  et  les  prophètes;  c'est  sur  ce  rouge  que  roule  tout  le  chris- 
tianisme. »  (Lettres,  tome  III,  p.  177,  212  et  347;  comparez  une  lettre 
de  Madame,  dans  le  recueil  Jaeglé,  tome  I,  p.  257.)  Mais,  depuis  que  le 
Roi  était  devenu  dévot  et  rigoriste,  il  fallait  éviter  l'usage  immodéré 
du  fard. 

4.  Ce  jour-là,  Monsieur  et  toute  sa  famille  allèrent  à  Saint-Cloud  re- 
cevoir le  duc  de  Chartres,  qui  revenait  de  l'armée  de  Flandres. 


466  MÉMOIRES  [1696] 

de  toute  portée,  et  n'en  dit  mot.  Le  lendemain,  presque 
à  pareille  heure.  Monsieur  étoit  seul  dans  son  cabinet;  il 
vit  entrer  l'huissier  qui  étoit  en  dehors,  et  qui  lui  dit  que 
la  duchesse  du  Lude  étoit  nommée.  Monsieur  se  mit  à 
rire  et  répondit  qu'il  lui  en  contoit  de  belles;  l'autre 
insista,  croyant  que  Monsieur  se  moquoit  de  lui,  sortit 
et  ferma  la  porte.  Peu  de  moments  après,  entre  M.  de 
Châtillon  *  le  chevalier  de  l'Ordre  avec  la  même  nou- 
velle; et  Monsieur  encore  à  s'en  moquer.  Châtillon  lui 
demande  pourquoi  il  n'en  veut  rien  croire,  en  louant  le 
choix  et  protestant  qu'il  n'y  a  rien  de  si  vrai.  Comme  ils 
en  étoient  sur  cette  dispute,  vinrent  d'autres  gens,  qui  le 
confirmèrent  :  de  façon  qu'il  n'y  eut  plus  moyen  d'en 
douter.  Alors  Monsieur  parut  dans  une  telle  surprise 
qu'elle  étonna  la  compagnie,  qui  le  pressa  d'en  dire  la 
raison.  Le  secret  n'étoit  pas  le  fort  de  Monsieur  :  il  leur^ 
conta  ce  que  le  Roi  lui  avoit  dit  vingt-quatre  heures  au- 
paravant, et  à  son  tour  les  combla  de  surprise.  L'aven- 
ture se  sut  et  donna  tant  de  curiosité,  qu'on  apprit^  enfin 
la  cause  d'un  changement  si  subit'.  La  duchesse  du  Lude 
n'ignoroit  pas  qu'outre  le  nombre  des  prétendantes^,  il 


1 .  Voyez  tome  II,  p.  206,  note  5.  —  2.  Leur  corrige  un  premier  cont[a]. 

3.  Apprit  est  en  interligne,  au-dessus  de  sut,  biffé. 

4.  Comparez,  pour  l'anecdote  que  Saint-Simon  va  raconter,  la  suite 
àes  Mémoires,  tome  XII,  p.  133,  et  une  première  rédaction  dans  l'article 
Sully  des  Duchés-pairies  existants,  vol.  68  des  Papiers  de  Saint-Simon. 

5.  Tel  est  bien  le  texte  ;  le  sens  est  :  «  qu'outre  cette  première  dif- 
ficulté, de  l'emporter  sur  un  si  grand  nombre  de  prétendantes,  il  y 
avait  (seconde  difficulté)  une  prétendante  sur  qui,  etc.  »  A  la  suite,  les 
mots  :  «  une  entre  autres  »  sont  écrits  en  interligne,  au-dessus  de  deux, 
biffé.  —  La  lettre  de  Mme  de  Maintenon  à  l'archevêque  de  Paris  citée 
plus  haut,  p.  157,  note  9,  donne  quelques  noms  de  prétendantes.  Dans 
une  lettre  à  Mme  de  Simiane  (qui  eût  désiré  faire  partie  elle-même  de 
la  nouvelle  maison),  Coulanges  en  cite  un  autre  (Lettres  de  Mme  de  Sé- 
vigné,  tome  X,  p.  401-402,  lettre  du  20  juillet)  :  «  On  se  tourmente 
déjà  pour  être  des  dames  de  Mme  de  Bourgogne,  car  on  dit  qu'elle 
n'aura  point  de  filles  et  qu'on  lui  donnera  à  peu  près  les  dames  qu'a- 
voit  la  Reine,  excepté  Mme  de  Beauvillier,  qui,  selon  toutes  les  appa- 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  467 

y  en  avoit  une  entre  autres  sur  qui  elle  ne  pouvoit  espérer 
la  préférence  :  elle  eut  recours  à  un  souterrain  \  Mme  de 
Maintenon  avoit  conservé  auprès  d'elle  une  vieille  ser- 
vante qui,  du  temps  de  sa  misère  et  qu'elle  étoit^  veuve 
de  Scarron^,   à   la    Charité*   de   sa    paroisse  de   Saint- 

rences,  sera  dame  d'honneur.  »  Mais  Saint-Simon  a  dit  (p.  158)  com- 
ment cette  duchesse  se  trouva  exclue. 

i.  A  des  voies,  des  pratiques  secrètes,  comme  le  Dictionnaire  de 
Trévoux  définit  le  mot.  Voyez  ci-après,  p.  226  et  247. 

2.  Es,  de  estoit,  corrige  un  v. 

3.  Selon  Lavallée  (tome  I,  p.  87)  et  l'éditeur  des  Historiettes  de  Talle- 
mant  (tome  IX,  p.  477),  Scarron  mourut  le  6  octobre  1660;  selon 
G.  Brice,  le  1"  ou  le  4  octobre  ;  selon  Jal  [Dictionnaire  critique, 
p.  1107)  et  selon  le  Parnasse  français,  de  Titon  du  Tillet  (p.  261),  le  14. 
Loret  parle  de  cette  mort  dans  sa  gazette  du  16,  ce  qui  rend  la  date 
du  14  plus  probable.  —  Dans  une  lettre  à  M.  de  Villette,  qui  a  appar- 
tenu à  M.  Honoré  Bonhomme,  Mme  Scarron  écrivait,  très  peu  de  jours 
après  avoir  perdu  son  mari,  qu'il  ne  lui  reviendrait  que  quatre  à  cinq 
mille  livres.  «  Voilà,  disait-elle,  l'état  du  bien  de  ce  pauvre  homme, 
qui  avoit  toujours  quelque  chimère  dans  la  tête,  et  qui  mangeoit  tout 
ce  qu'il  avoit  de  liquide  sur  l'espérance  de  la  pierre  philosophale.... 
Je  ne  suis  pas  destinée  à  être  heureuse,  ajoutait-elle  ;  mais,  entre 
nous  autres  dévots,  nous  appelons  cela  des  visites  du  Seigneur....  » 
(Correspondance  générale  de  Mme  de  Maintenon,  tome  I,  p.  91-92.) 
L'enterrement  même  de  Scarron  ne  fut  pas  payé,  et  la  fabrique  de  l'é- 
glise Saint-Gervais,  où  son  corps  fut  porté,  plaidait  encore  au  bout 
d'un  siècle  et  plus  contre  les  héritiers.  (Dictionnaire  historique,  criti- 
que, politique  et  moral  des  bénéfices  [,  par  l'avocat  Hennique  de  Cheuilly], 
1778,  p.  94,  note  162.) 

4.  On  appelait  Charités  certaines  associations  hospitalières  qui  s'é- 
taient multipliées  partout  vers  la  fin  du  dix-septième  siècle,  et  dont 
le  Dictionnaire  de  Trévoux  (tome  II,  p.  462)  parle  en  ces  termes  : 
«  Il  y  a  à  Paris,  dans  chaque  paroisse,  une  société  de  dames  vertueuses 
qui  s'appliquent  à  connoître  et  à  soulager  les  besoins  des  pauvres  de  la 
paroisse,  et  qu'on  appelle  pour  cela  les  dames  de  la  Charité....  Le  mot 
de  Charité  signifie  aussi  tout  seul  ces  sortes  de  sociétés....  «  Il  a  été 
«  enterré  aux  dépens  de  la  Charité  de  la  paroisse....  »  11  est  à  «  la 
«  Charité  de  la  paroisse,  »  c'est-à-dire  il  est  entretenu  des  fonds  de  la 
Charité.  »  Mais  on  va  voir,  dans  la  note  suivante,  que  Saint-Simon, 
sciemment  ou  non,  fait  équivoque  sur  ce  mot  de  Charité,  qui  était 
aussi  le  nom  d'une  maison  religieuse  où  Mme  Scarron  alla  prendre  asile 
dans  les  premiers  temps  de  son  veuvage. 


168  MÉMOIRES  [1696] 

Eustache',  otoit  son  unique  domestique-;  et  cette  ser- 
vante, qu'elle  appeloit  encore  Nanon  comme  autre- 
fois,  étoit  pour  les  autres  Mlle  Balbien^,   et  fort  consi- 

1.  Nous  croyons  qu'il  y  a  erreur  ici  et  dans  une  «  redite  »  de  Saint- 
Simon  qui  se  trouve  au  tome  XII,  p.  132,  car  :  1°  Scarron  et  sa  femme 
n'habitaient  point  sur  la  paroisse  Saint-Eustache,  mais  sur  la  paroisse 
Saint-Paul,  rue  Neuve-Saint-Louis»,  où  la  jeune  veuve  conserva  tout 
d'abord  sa  résidence'';  2°  selon  Tallemant  (historiette  du  Petit  Scarron, 
tome  VII,  p.  40),  Mme  Scarron,  pour  ne  pas  être  à  charge  à  ses  amies, 
se  retira  «  à  la  Charité  des  femmes,  vers  la  place  Royale,  »  où  la  maré- 
chale d'Aumont  lui  prêta  une  chambre  meublée  et  la  fournit  de  tout  ce 
qui  lui  manquait.  Ce  couvent,  vulgairement  appelé  la  Charité-Notre- 
Dame  ou  la  Petite-Charité  (sans  doute  pour  le  distinguer  de  la  grande 
maison  des  Filles  de  la  Charité  fondée  par  Vincent  de  Paul),  et  situé  rue 
des  Tournelles,  entre  les  Minimes  et  la  place  Royale,  était  occupé  par 
des  Hospitalières  de  Notre-Dame.  Piganiol  de  la  Force,  en  décrivant 
leur  établissement,  consacré  au  soulagement  des  pauvres  malades,  parle 
du  séjour  qu'y  flt  la  future  marquise  de  Maintenon  {Desaùption  de  Paris, 
éd.  1742,  tome  IV,  p.  322),  et  Segrais  {Segraisiana,  p.  131-134)  dit 
qu'il  l'y  vit  souvent.  Dans  une  lettre  de  la  sœur  de  Scarron  qui  a  été 
publiée  par  Matter  {Lettres  et  pièces  rares  ou  inédites,  1846,  p.  333), 
puis  par  M.  Feuillet  de  Couches  et  par  Lavallée,  on  lit  ceci  :  «  Ma 
belle-sœur  s'est  mise  à  la  Petite-Charité,  fort  affligée  de  la  mort  de  son 
mari.  »  Il  est  probable  que  Mme  de  Caylus  (Souvenirs,  p.  476)  était 
mal  renseignée  lorsqu'elle  écrint  que  sa  tante  se  retira,  avec  la  pen- 
sion de  deux  mille  livres  que  lui  donnait  la  Reine  mère,  chez  les  Hos- 
pitalières du  faubourg  Saint-Marceau,  établies  à  la  rue  Mouffetard  de- 
puis 1636.  Les  Mémoires  de  Languet  de  Gergy,  publiés  par  Lavallée 
dans  l'Appendice  de  la  Famille  d'Aubigné  et  Venfance  de  Mme  de  Mainte- 
non  (p.  114  et  suivantes),  parlent  aussi  de  retraite  dans  cette  maison  du 
faubourg  Saint-Marceau,  puis  chez  les  Hospitalières  de  la  place  Royale. 
La  vérité  est  que  Mme  Scarron,  après  avoir  résidé  à  la  Petite-Charité, 
passa  un  certain  temps  chez  les  Ursulines  de  la  rue  Saint-Jacques. 

2.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  XII,  p.  132-133,  et  un  pas- 
sage de  la  grande  Addition  sur  Louis  XIV,  dans  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  XVI,  p.  73,  ainsi  que  l'Addition  indiquée  ci-dessus,  n»  165. 

3.  On  n'a  point  de  renseignements  biographiques  sur  Nanoa  Bal- 

"  C'est  du  moins  la  rue  qu'indique  l'acte  mortuaire  vu  par  Jal  ;  mais  le 
Dictionnaire  des  bénéfices,  dans  l'article  que  nous  venons  de  citer  page  167, 
prétend  que  Mme  Scarron  habita,  dans  le  même  Marais,  rue  des  Rosiers,  une 
maison  qu'on  montrait  encore  au  dix-huitième  siècle. 

'  Acte  notarié  du  23  juillet  166",  dans  le  catalogue  Chambry,  n°  40a. 


1696]  DE  SAINT-SIMON.  469 

dérée  par  Tamitié  et  la  confiance  de  Mme  de  Maintenon 
pour  elle.  Nanon  se  rendoit  aussi  raie  que  sa  maîtresse, 
se  coiifoit  et  s'habilloit  comme  elle,  imitoit  son  précieux, 
son  langage,  sa  dévotion,  ses  manières.  C'étoit  une  demi- 
fée  %  à  qui  les  Princesses  se  trouvoient  heureuses  quand 
elles  avoient  occasion  de  parler  et  de  l'embrasser^,  toutes 
filles  du  Roi  qu'elles  fussent,  et  à  qui  les  ministres  qui 
travailloient  chez  Mme  de  Maintenon  faisoient  la  révé- 
rence bien  bas.  Toute ^  inaccessible  qu'elle  fût,  il  lui  res- 
toit  pourtant  quelques  anciennes  amies  de  l'ancien  temps, 
avec  qui  elle  s'humanisoit,  quoique  rarement,  et,  heureu- 
sement pour  la  duchesse  du  Lude,  elle  avoit  une  vieille 
mie*  qui  l'avoit  élevée,  qu'elle  avoit  toujours  gardée  et 

bien.  C'est  elle  sans  cloute  que  Mme  de  Caylus  {Souvenirs,  p.  502)  cite 
en  ces  termes  parmi  les  témoins  qui  auraient  connu  le  mariage  de 
Mme  de  Maintenon  avec  Louis  XIV  :  «  Une  femme  de  Mme  de  Mainte- 
non, fdle  aussi  capable  que  qui  que  ce  soit  de  garder  un  secret,  et 
dont  les  sentiments  étoient  fort  au-dessus  de  son  état.  »  Sa  maîtresse 
l'appelait  soit  Balbien  {Histoire  de  Mme  de  Maintenon,  par  M.  le  duc 
de  Noailles,  tome  II,  p.  167  et  177),  soit  ^anon  {Correspondance  géné- 
rale). Après  lui  avoir  appris  à  lire,  la  marquise  voulut  l'employer  auprès 
des  bâtards  du  Roi  ;  mais  les  parents  de  Mlle  Balbien  s'y  opposèrent 
{Mémoires,  par  la  Beaumelle,  tomes  I,  p.  229,  et  11,  p.  5);  plus  tard, 
Mme  de  Maintenon  la  chargea  de  l'éducation  de  Mlle  d'Aubigné  {Lettres 
historiques  et  édifia7ites,  tome  I,  p.  299).  Saint-Simon  parlera  encore 
de  Nanon  aux  tomes  IX,  p.  198,  et  XII,  p.  132-133.  Nous  ne  savons 
sur  quelle  preuve  on  l'a  dite  fille  d'un  architecte. 

1.  «  Sous-fée  de  la  fée  »,  dit  Saint-Simon,  dans  son  mémoire  sur 
les  Duchés-pairies  existants. 

2.  Les  mots /)ar/er  ei  rfe  sont  écrits  en  interligne.  Avec  ces  mots  ajou- 
tés après  coup,  le  membre  de  phrase  commençant  par  un  relatif  indi- 
rect forme  un  latinisme  contraire  à  notre  usage,  et  que  rend  tout  à  fait 
incorrect  l'addition  d'un  second  verbe  accompagné  de  son  régime  direct. 

3.  Cet  accord  est  ordinaire  chez  Saint-Simon,  et  en  général  très  fré- 
quent au  dix-septième  siècle  :  voyez  le  Lexique  de  Mme  de  Sévigné. 

4.  Furetière  dit  que  les  enfants  appellent  mie  leur  gouvernante,  et 
Saint-Simon  écrira  ailleurs  (tome  VII,  p.  310)  :  «  Aucune  mie,  aucune 
nourrice.  »  Mais  on  trouve  dans  le  Lexique  de  Mme  de  Sévigné  l'em- 
ploi inverse,  bien  naturel,  de  cette  abréviation  d'amie  s'appliquant  à 
l'enfant. 


470  MÉMOIRES  11696J 

qui  l'aimoit  passionnément,  qui  étoit  de  l'ancienne  con- 
noissance  de  Nanon%  et  qu'elle  voyoit  quelquefois  en 
privance^.  La  duchesse  du  Lude  la  lui  détacha,  et  finale- 
ment vingt  mille  écus  comptant  firent  son  affaire,  le  soir 
même  du  samedi  que  le  Roi  avoit  parlé  à  Monsieur,  le 
matin,  avec  tant  d'éloignement  pour  elle^.  Et  voilà  les 
cours  !  Une  Nanon  qui  en  vend  les  plus  importants  et  les 
plus  brillants  emplois  ;  et  une  femme  riche,  duchesse,  de 
grande  naissance  par  soi  et  par  ses  maris,  sans  enfants,  sans 
liens,  sans  affaires,  libre,  indépendante,  a  la  folie  d'acheter 
chèrement  sa  servitude*!  Sa  joie  fut  extrême;  mais  elle 

1.  Plus  loin  (p.  179),  Saint-Simon  appellera  cette  femme  Mme  Bar- 
bisi  ;  dans  l'Addition  n°  l6o,  si  nous  lisons  bien,  le  nom  est  :  «  Barbesi  » . 

2.  En  particulier.  Ce  sens  est  un  peu  différent  de  celui  oiî  nous  avons 
déjà  vu  le  même  mot,  au  tome  II,  p.  48,  et  où  Nicolas  Goulas  le  prend  dans 
ses  Mémoires,  tome  I,  p.  244  :  «  Entrer  dans  la  privance  de  quelqu'un.  » 

3.  «  Elle  convint  de  soixante  mille  livres,  et  tout  fut  fait  en  un 
tourne-main.  »  (Addition  n"  16o.) 

4.  Le  simple  rapprochement  de  ce  passage  avec  la  note  suivante  du 
Chansonnier,  écrite  par  B.  Remy,  sous  la  dictée  de  Gaignières  (ms.  Fr. 
12  692,  p.  68),  fera  ressortir  une  de  ces  analogies  indéniables  que  nous 
avons  déjà  signalées,  sans  les  pouvoir  expliquer  d'une  façon  positive  : 
«  Il  n'y  avoit  guère  d'embarras,  ou,  pour  parler  comme  l'auteur  (de 
la  chanson),  de  tracas  plus  grand  que  celui  dont  la  duchesse  du  Lude 
s'étoit  chargée  en  se  mettant,  à  son  âge  de  cinquante  ans  ou  environ, 
veuve,  sans  enfants,  et  riche  de  soixante  mille  livres  de  rente,  gouver- 
nante d'une  petite  princesse  d'onze  ans  ;  d'autant  plus  que,  pour  la 
conduite  de  cet  (sic)  enfant,  elle  recevoit  les  ordres  non  seulement  du 
Roi,  mais  aussi  de  Mme  de  Maintenon,  favorite  de  ce  prince  :  de  manière 
que  la  duchesse  étoit,  à  proprement  parler,  la  servante  de  cette  dame, 
qui  étoit  la  véritable  gouvernante  de  la  Princesse,  aussi  bien  que  du 
Royaume,  par  la  confiance  que  le  Roi  avoit  en  elle.  Et  ce  qu'il  y  a  de 
beau  en  cela,  c'est  que  cette  duchesse  avoit  brigué  cet  emploi,  et  même, 
disoit-on,  donné  de  l'argent  pour  cela.  Ainsi,  elle  avoit  acheté  l'escla- 
vage. »  On  doit  se  souvenir  que  ce  commentaire  a  été  écrit  avant  1715, 
ou  même  avant  1708  ;  il  est  donc  antérieur  de  quinze  ou  vingt  ans  à  l'é- 
poque où  Saint-Simon  rédigea  l'Addition  n"  16S  et  l'article  de  la  du- 
chesse du  Lude  dans  les  Duchés-pairies  exislayits,  auxquels  correspond 
le  passage  actuel  des  Mémoires.  Comparez  aussi  deux  lettres  de  Mme  de 
Coulanges  et  Mme  de  Simiane,  dans  le  Sévigné,  tome  X,  p.  427  et  430. 


[1696]  IJE  SAINT-SIMON.  171 

sut  la^  contenir,  et  sa  façon  de  vivre  et  le  nombre  d'amis 
et  de  connoissances  particulières  qu'elle  avoit  su  toute  sa 
vie  se  faire  et  s'entretenir  à  la  ville  et  à  la  cour,  entraînè- 
rent le  gros  du  monde  à  l'applaudissement  de  ce  choix^. 
La  duchesse  d'Arpajon^  et  la  maréchale  de  Rochefort* 
furent  outrées  ^.  Celie-ci  fit  les  hauts  cris  et  se  plaignit 
sans  nul  ménagement  qu'on  manquoit  à  la  parole  qu'on 
lui  avoit  donnée,  sur  laquelle  seule  elle  avoit  consenti  à 
être  dame  d'honneur  de  Mme  la  duchesse  de  Chartres"  : 
elle  confondoit   adroitement   les   deux   places  de   dame 

4.  La  corrige  les. 

2.  Selon  Mme  de  Maintenon  (Lettres  histariques  et  édifiantes,  tome  I, 
p.  464),  la  duchesse  de  Bourgogne  fit  ce  compliment  à  sa  dame  d'hon- 
neur :  «  Je  voudrois  que  vous  eussiez  été  dans  un  petit  coin  quand  ma- 
man m'a  parlé  de  vous,  pour  entendre  tout  le  bien  qu'elle  m'en  a  dit.  » 
Comparez  les  lettres  de  Mme  de  Coulanges  à  Mme  de  Simiane,  dans  le 
Sévigné,  tome  X,  p.  411-412  et  422.  La  princesse  des  Ursins  écrivait  de 
Rome,  le  2  octobre  1G96,  à  M.  de  Maurepas  :  «  Je  m'imagine  qu'il  y  a 
eu  un  beau  mouvement  parmi  les  dames  pour  avoir  des  charges  chez 
Mme  la  princesse  de  Savoie.  Le  Roi  ne  pouvoit  pas,  par  toutes  sortes 
de  raisons,  choisir  mieux  que  Mme  la  duchesse  du  Lude  pour  dame 
d'honneur.  Je  ne  doute  pas  que  Madame  votre  mère  n'ait  été  aussi  aise 
que  moi  de  lui  voir  remplir  cette  place.  Je  vous  supplie.  Monsieur,  de 
lui  en  faire  mes  compliments,  en  l'assurant  que  je  l'honore  toujours  beau- 
coup. »  (Cabinet  historique,  tome  XI,  p.  o08  et  309.)  Les  appointements 
de  la  charge  de  dame  d'honneur,  y  compris  une  pension  de  cinq  mille 
livres,  furent  réglés  à  vingt  et  un  mille  cinq  cent  cinquante-quatre  livres. 

3.  Voyez  notre  tome  II,  p.  136,  note  4. 

4.  Saint-Simon  a  déjà  parlé  longuement  de  la  maréchale  de  Rochefort, 
lors  de  sa  nomination  au  poste  de  dame  d'honneur  de  la  duchesse  de 
Cliartres  (tome  I,  p.  81-87).  Elle  était  cousine  germaine  de  la  duchesse 
du  Lude. 

5.  Mme  de  Maintenon  écrit  à  l'archevêque  de  Paris,  le  4  septembre  : 
«  Hé  bien!  voilà  les  dames  nommées,  et  la  maréchale  (de  Rochefort) 
désespérée!  Mon  état  et  ma  vocation  présentement  est  d'affliger  et  de 
desservir  tout  ce  que  j'aime.  Je  vous  avoue,  Monseigneur,  que  j'en  souf- 
fre beaucoup.  »  (Correspondance  générale,  tome  IV,  p.  113.) 

6.  Voyez  tome  I,  p.  87.  Douze  ans  auparavant,  le  Roi,  en  choisissant 
la  duchesse  d'Arpajon  pour  remplacer  Mme  de  Richelieu  comme  dame 
d'honneur  de  la  Dauphine,  avait  dit  que  Mme  de  Rochefort  était  trop 
jeune  pour  cet  emploi  (Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  (ome  VU,  p.  267). 


172  MÉMOIRES  [16961 

d'konneur  et  de  dame  d'atour\  pour  se  relever  et  crier 
plus  fort  ;  c'étoit  la  dernière  qu'elle  avoit  chez  Madame  la 
Dauphine,  et  qui  lui  avoit  été  promise^.  Mme  de  Mainte- 
non,  qui  la  méprisoit,  en  fut  piquée,  parce  qu'elle  Tavoit 
Comtesse  de     fait  donner  à  Mme  de  Mailly.  Elle  prit  le  tour  d'accuser 
^'d'afour"^     la  maréchale  d'être  elle-même  cause  de  ce  dégoût,  qu'on 
ne  lui  vouloit  pas  donner,  par  avoir  tellement  soutenu  sa 
fille  ^  que,  par  considération  pour  elle,  on  ne  l'avoit  pas 
chassée.  La  maréchale  en  fut  la  dupe,  et,  bien  qu'en  con- 
servant tout  son  dépit  et  que  la  place  fût  donnée  \  elle 
abandonna  sa  fille  de  rage,  qui  fut  renvoyée  à  Paris,  avec 
[Add.  S'-S.  167]    défense  de  paroître  à  la  cour^.  Cette  fille  étoit  mère  de 

1.  Nous  avons  expliqué,  dans  le  tome  I,  p.  86,  note  S,  quelles 
étaient  les  principales  fonctions  de  la  dame  d'atour.  On  peut  voir  aussi, 
sur  la  différence  des  deux  charges,  la  suite  des  Mémoires,  tome  IV, 
p.  43-18,  l'Addition  au  Journal  de  Dangeau  du  25  octobre  1703 
{tome  IX,  p.  331),  et  les  Mémoires  du  duc  de  Liiynes,  tome  I,  p.  126- 
129.  Nous  plaçons,  en  outre,  plus  loin  (p.  310,  n"  188)  une  Addition 
relative  aux  privilèges  de  la  dame  d'atour. 

2.  Promise  chez  la  future  duchesse  de  Bourgogne. 

3.  Marie-Henriette  de  Rochefort-d'Aloigny  fut  mariée  :  1°  le  14  sep- 
tembre 1676,  n'étant  âgée  que  de  douze  ans,  à  son  cousin  germain 
Louis-Fauste  de  Brichanteau,  marquis  de  Nangis  ;  2°  le  3  mai  1691,  à 
Charles  de  la  Rochefoucauld  de  Roye,  comte  de  Blanzac.  Elle  mourut 
à  Paris,  le  18  septembre  1736,  dans  sa  soixante-treizième  année.  Par 
son  second  mari,  elle  était  cousine  germaine  paternelle  de  la  duchesse 
de  Saint-Simon  (voyez  le  contrat  de  mariage  de  celle-ci,  dans  l'Ap- 
pendice du  tome  II,  p.  471),  et  Saint-Simon  devint  son  ami  intime,  en 
même  temps  que  celui  de  la  maréchale  de  Rochefort. 

4.  Bien  que,  avec  deux  dépendances  très  diverses.  Devant  la  première, 
il  équivaut  à  tout.  Le  tour  vraiment  correct  serait  :  «  tout  en  conservant 
(ou  bien  qu'elle  conservât)  son  dépit,  et  bien  que  la  place  fût  donnée.  » 

5.  Nous  ne  trouvons,  dans  le  Journal  de  Dangeau,  aucune  mention 
de  cet  éloignement  de  Mme  de  Blanzac;  son  nom,  après  y  avoir  figuré 
au  mois  d'avril  1696,  comme  invitée  à  Marly,  n'y  reparaît,  en  décem- 
bre 1698,  que  pour  annoncer  son  retour  à  la  cour,  dont  Saint-Simon 
parlera  quand  le  temps  en  sera  venu  (tome  II,  éd.  1873,  p.  181),  mais 
en  deux  simples  mots.  Quoique  lié  intimement,  nous  venons  de  le  dire, 
avec  Mme  de  Blanzac,  ses  Mémoires  ne  font  connaître  cette  dame  et 
.ses  disgrâces  que  très  imparfaitement,  avec  beaucoup  de  confusion. 


[1696] 


DE   SAINT-SIMON. 


173 


Nangis  '  en  premières  noces,  qui"  avoit  plus  que  mal  vécu 
avec  ce  premier  mari  ^  et  qui  ruina  son  fils  sans  paroître, 
qui  étoit  très  j*iche\  qui  devint  grosse  de  Blanzac^,  qu'on 
fit  revenir  de  l'armée  pour  l'épouser'^,  et  elle  accoucha  de 


La  comtesse 

de  Blanzac 

chassée. 


1.  Louis-Armand  de  Brichanteau,  marquis  de  Nangis,  né  le  27  sep- 
tembre 1682,  fait  colonel  de  Royal-Marine  dès  1690,  en  remplacement 
de  son  père,  et  mis  à  la  tête  du  régiment  de  Bourbonnais  en  1700,  fut 
nommé  brigadier  d'infanterie  en  1704,  maréchal  de  camp  en  1708, 
colonel -lieutenant  du  régiment  du  Roi  en  1711,  lieutenant  général  en 
1718,  gouverneur  de  Salses  en  1719,  directeur  général  de  l'infanterie  en 
1721,  chevalier  d'honneur  de  l'Infante  en  1724  et  de  la  Reine  en  1725, 
chevalier  des  ordres  en  1728,  enfin  maréchal  de  France  en  1741.  Il  mou- 
rut le  8  octobre  1742.  Saint-Simon  a  fait  plusieurs  fois  son  portrait,  no- 
tamment tome  IV,  p.  170,  et  tome  XVI,  p.  359.  De  plus,  on  trouve  un 
long  article  sur  Nangis  et  son  père  dans  les  Légères  notions  des  cheva- 
liers de  Tordre  du  Saint-Esprit  (Papiers  de  Saint-Simon,  vol.  34,  p.  91). 

2.  Il  y  a  là  un  singulier  enchevêtrement  de  qui:  pour  les  deux  pre- 
miers, l'accord  avec  le  mot  fille  saute  par-dessus  Nangis  ;  pour  le  qua- 
trième, par-dessus  fds  et  un  autre  membre  conjonctif  en  dépendant. 
Même  sans  le  féminin  grosse,  l'ensemble  du  sens  forcerait  à  compren- 
dre; mais  le  tour  n'en  est  pas  moins  d'une  étrange  licence. 

3.  Louis-Fauste  de  Brichanteau,  marquis  de  Nangis,  né  en  1658, 
colonel  du  régiment  Royal-Marine  en  1676 ,  brigadier  de  cavalerie 
en  1689,  mort  le  22  août  1690,  d'une  blessure  reçue  dans  les  plaines 
d'Offenbourg.  Sur  les  circonstances  «  un  peu  suspectes  »  de  sa  mort, 
voyez  une  Addition  de  Saint-Simon  au  Journal  de  Dangeau,  tome  III, 
p.  194,  17  août  1690,  et,  sur  son  mariage  avec  Mlle  de  Rochefort,  les 
Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  V,  p.  46  et  56. 

4.  Après  riche  est  biffée  la  conjonction  et.  —  Comparez  la  suite  des 
Mémoires,  tome  VII,  p.  453,  et  une  Addition  à  l'article  de  Dangeau 
du  22  juillet  1692. 

5.  Charles  de  la  Rochefoucauld  de  Roye,  comte  de  Blanzac,  troisième 
fils  du  comte  de  Roye,  ayant  fait  abjuration  de  la  religion  réformée  à 
Rome,  en  1682,  servit  d'abord  comme  colonel  du  régiment  d'infanterie 
de  Guyenne  en  1684,  puis  fut  fait  brigadier  en  1693,  maréchal  de  camp 
en  1702,  lieutenant  général  en  1704,  gouverneur  de  Bapaume  en  1721, 
et  mourut  à  Paris,  le  4  septembre  1732,  âgé  de  soixante-sept  ans.  Son 
fils  devint  duc  d'Estissac. 

6.  Dangeau  ne  raconte  pas  ainsi  les  choses.  Il  dit,  à  la  date  du 
22  juillet  1692  :  «  Le  mariage  de  Mme  de  Nangis  avec  M.  de  Blanzac 
fut  déclaré.  Il  y  a  plus  d'un  an  qu'il  est  fait  ;  mais  ils  l'avoient  tenu 
''ecret,  sans  en  faire  part  à  personne.  Blanzac  revient  de  l'armée  afin 


\Add.S'-S.  m] 


174  MÉMOIRES  [1696 

Mme  de  Tonnerre'  la  nuit  même  qu'elle  fut  mariée. 
On  ne  pouvoit  avoir  plus  d'esprit,  plus  d'intrigue*,  plus 
de  douceur,  d'insinuation,  de  tour  et  de  grâces  dans 
l'esprit,  une  plaisanterie  plus  fine  et  plus  salée,  ni  être 
plus  maîtresse  de  son  langage  pour  le  mesurer  à  ceux 
avec  qui  elle  étoit.  C'étoit  en  même  temps,  de  tous  les 
esprits,  le  plus  méchant,  le  plus  noir,  le  plus  dangereux, 
le  plus  artificieux,  d'une  fausseté  parfaite,  à  qui  les  his- 
toires entières  couloient  de  source^,  avec  un  air  de  vérité 
et  de  simplicité  qui  étoit  prêt  à  persuader  ceux  mêmes 
qui  savoient,  à  n'en  pouvoir  douter,  qu'il  n'y  avoit  pas 
un  mot  de  vrai^.  Avec  tout  cela,  une  sirène  enchanteresse, 

c}ue,  s'il  manque  quelque  célébration  à  la  cérémonie  du  mariage,  ils 
puissent  le  réparer  avant  que  Mme  de  Nangis,  qui  est  grosse  de  huit 
mois,  soit  accouchée.  »  (Journal,  tome  IV,  p.  131.)  Il  se  produisit  des 
retards,  dit  plus  loin  (p.  136)Dangeau,  parce  que  l'archevêque  de  Paris 
refusa  d'abord  de  donner  les  dispenses  nécessaires  entre  cousins  ger- 
mains ;  cependant  le  mariage  put  avoir  lieu  dès  que  le  consentement  de 
la  mère  de  M.  de  Blanzac  fut  arrivé.  La  célébration  se  fit  dans  la  nuit 
du  samedi  16  août,  et  Mme  de  Blanzac  accoucha  le  dimanche  matin. 
«  Il  y  avoit  déjà  plus  d'un  an  qu'ils  étoient  mariés,  répète  Dangeau,  et 
ceci  n'a  été  qu'une  confirmation  pour  ôter  tout  sujet  de  procès  à 
l'avenir.  »  (Journal,  tome  IV,  p.  134.)  En  effet,  les  généalogies  datent 
le  mariage  du  3  mai  1691  ;  mais  on  trouve  aussi  dans  le  commentaire 
du  Chansonnier  (ms.  Fr.  12  691,  p.  189)  la  preuve  que  cet  accouchement 
immédiat  fit  d'autant  plus  de  scandale,  que  Mme  de  Nangis  passait  pour 
avoir  eu  beaucoup  de  galants,  au  nombre  desquels  était  peut-être  Barbe- 
zieux,  et,  tout  en  suivant  Dangeau,  Saint-Simon  se  fait  l'écho  du  bruit 
public,  sans  se  préoccuper  de  sa  liaison  avec  la  personne  dont  il  parle. 

1.  Geneviève-Armande  de  la  Rochefoucauld  de  Roye  de  Blanzac,  née 
le  17  août  1692,  mariée  le  30  décembre  1708  à  Philippe-Aymard  de 
Clermont,  comte  de  Tonnerre,  et  morte  le  24  octobre  174o.  Elle  eut 
une  charge  de  dame  auprès  de  la  duchesse  d'Orléans  à  partir  de  1713. 

2.  Plus  (Tintrigue  est  en  interligne. 

3.  Il  faut  noter  que  Mme  de  Blanzac  et  Mme  de  Rochefort  furent  du 
nombre  des  femmes  de  la  cour  qui  fournirent  de  tout  temps  des  infor- 
mations journalières  à  Saint-Simon.  «  Je  ne  bougeois,  dit-il  quelque 
part  (tome  IV,  p.  171),  de  chez  Mme  de  Blanzac,  à  Paris,  et  de  chez 
la  maréchale  de  Rochefort,  à  Versailles.  »  Comparez  tome  XII,  p.  33. 

4.  Comparez  tome  VI,  p.  37. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  175 

dont  on  ne  se  pouvoit  défendre  qu'en  la  fuyant,  quoi- 
qu'on la  connût  parfaitement.  Sa  conversation  étoit  char- 
mante, et  personne  n'assenoit^  si  plaisamment  ni  si  cruel- 
lement les  ridicules,  même  oii  il  n'y  en  avoit  point,  et 
comme  n'y  touchant  pas.  Au  demeurant,  plus  que  très 
galante  tant  que  sa  figure  lui  avoit  fait  trouver  avec  qui, 
fort  commode  ensuite  ^  et  depuis  se  ruina  pour  les  plus 
bas  valets.  Malgré  de  tels  vices,  et  dont  la  plupart  étoient 
si  destructifs  de  la  société,  c'étoit  la  fleur  des  pois  *  à  la 
cour  et  à  la  ville.  Sa  chambre  ne  désemplissoit  pas  de  ce 
qui  y  étoit  et  de  plus  brillant  et  de  la  meilleure  compa- 
gnie, ou  par  crainte  ou  par  enchantement,  et  avoit*  en 
outre  des  amis  et  des  amies  considérables.  Elle  étoit  fort 
recherchée  des  trois  filles  du  Roi  :  c'étoit  à  qui  l'auroit; 
mais  la  convenance  de  sa  mère  l'avoit  attachée  à  Mme  la 
duchesse  de  Chartres  plus  qu'aux  autres.  Elle  la  gouver- 
noit  absolument.  Les  jalousies  et  les  tracasseries  qui  en 
naquirent  l'éloignèrent  ^  de  Monsieur  et  de  M.  le  duc  de 
Chartres  jusqu'à  l'aversion  :  elle  en  fut  chassée^.  A  force 

1.  Acenoit,  dans  le  manuscrit,  ici  et  encore  plus  loin,  p.  333; 
plus  haut  (p.  35),  assenées.  L'orthographe  par  un  c  est,  dans  l'ancienne 
langue,  une  des  plus  ordinaires  de  ce  verbe,  qui  n'était,  dans  le  prin- 
cipe, qu'une  forme  vulgaire  d'assigner  :  voyez  le  Dictionnaire  de  l'an- 
cienne langue  française  de  M.  Godcfroy,  tome  I,  p.  44. 

2.  Ces  trois  derniers  mots  sont  en  interligne. 

3.  Cette  expression  figurée  est  admise  pour  la  première  fois  par 
l'Académie,  et,  comme  familière,  dans  sa  4°  édition  (1762);  le  Didion- 
naire  de  Trévoux  ne  la  donne  que  dans  sa  6°  (1771),  et  la  dit  «  un  peu 
triviale.  »  M.  Littré  n'a  cité  que  cet  exemple  et  une  seconde  applica- 
tion qu'en  fait  notre  auteur  au  fils  même  de  Mme  de  Blanzac,  c'est-à- 
dire  à  Nangis  {Mémoires,  tome  IV,  p.  170). 

4.  Saint-Simon  a-t-il  sauté  par  mégarde  le  sujet  elle  devant  le  verbe 
avoit?  Cinq  lignes  plus  haut,  autre  omission  de  même  genre. 

5.  Le  pronom  l'  a  été  ajouté  après  coup. 

6.  Comparez  une  lettre  de  Mme  de  la  Troche,  en  1699,  dans  le  Sévi- 
gné,  tome  X,  p.  442-443,  où  est  raconté,  en  termes  qu'on  ne  peut 
reproduire  ici,  un  souper  donné  par  la  maréchale  de  Rochefort  à  la 
duchesse  de  Chartres  et  à  Mmes  de  Sforce,  de  Saint-Pierre  et  de 
Blanzac.  «  Madame  de  Chartres,  y  lit-on,  est  plus  entêtée  de  Mme  de 


176  MÉMOIRES  [1696] 

de  temps,  de  pleurs  et  de  souplesses  de  Mme  la  duchesse 
de  Chartres,  elle  fut  rappelée*.  Elle  retourna  à  Marly, 
elle  fut  admise^  à  quelques  parties  particulières  avec  le 
Roi  :  elle  le  divertit  avec  tant  d'esprit  qu'il  ne^  parla  d'au- 
tre chose  à  Mme  de  Maintenon  ;  elle  *  en  eut  peur,  et  ne 
chercha  ^  plus  qu'à  l'éloigner  du  Roi  (elle  le  fit  avec  soin 
et  adresse),  puis  à  la  chasser  de  nouveau,  pour  plus 
grande  sûreté,  et  elle  saisit  l'occasion  d'en  venir  à  bout". 
On  se  moqua  bien  de  la  mère  d'y  avoir  consenti  si  inu- 
tilement pour  la  place  qu'elle  ne  pouvoit  plus  avoir,  et 
par  une  sotte  et  folle  colère  d'honneur  et  de  duperie; 
mais  la  fille'  demeura  à  Paris  pour  longtemps^. 
Duchesse  La  duchesse  d'Arpajon,  mariée''  belle  et  jeune  à   un 

Blanzac  que  jamais  ;  on  dit  que  c'est  à  cause  du  chevalier  de  Roye....»  — 
Le  pronom  en  est  ici  peu  net  :  il  signiûe  probablement  d'eux,  par 
eux;  mais,  vu  le  très  libre  emploi  que  Saint-Simon  fait  de  ces  mots 
relatifs,  il  se  peut  à  la  rigueur  qu'il  ait  voulu  dire  :  «  fut  chassée  de 
là  »,  c'est-à-dire  d'auprès  de  la  duchesse  fie  Cliarhes,  ou  encore  «  par 
suite  de  cela  »,  c'est-à-dire  do  ces  jalousies,  tracasseries,  aversion. 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  172,  note  5.  —  2.  Admises,  avec  l's  effacée. 

3.  Après  ne  est  biffé  se.  —  4.  Elle,  pour  celle-ci,  Mme  de  Maintenon. 

5.  Songea  a  été  corrigé  eu  chercha. 

6.  Comparez  l'Addition  167  et  la  suite  des  Mémoires,  tomes  VII, 
p.  4o2-4o3,  et  XII,  p.  341. 

7.  Saint-Simon  avait  d'abord  commencé  à  écrire  :  mais  ell[e]  ;  puis  il 
a  biffé  ell,  pour  écrire  à  la  suite  :  la  fille. 

8.  Mme  de  Blanzac  habita  vingt  ans  le  petit  château  de  Saint-Maur. 
Dangeau  cesse  de  parler  d'elle  dès  1701. 

9.  Loret  annonça  ce  mariage  en  ces  termes,  le  26  avril  16o9  : 

Monsieur  d'Arpajon,  pair  de  France, 
Jeudi  dernier  fit  alliance, 
Mais  alliance  tout  de  bon. 
Avec  l'admirable  Beuvron, 
Que  l'on  sait  être  demoiselle 
De  riche  taille,  blanche  et  belle, 
Et  laquelle,  outre  les  beautés, 
A  tant  d'aimables  qualités.... 

Selon  Tallemant  des  Réaux,  qui  a  consacré  une  petite  historiette  à  la 
duchesse  (tome  VI,  p.  493-497)  alors  qu'elle  était  encore  Mlle  de  Beu- 
vron, sa  pauvreté  la  rendait  difficile  à  marier,  quoique  belle,  sage  et  ver- 
tueuse. Elle  porte  le  nom  de  Dorénice  dans  le  diclionnaire  des  précieuses. 


comtesse  de 
Roucy,  sa  fille. 
[Add.  S'-S.  169] 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  177 

vieillard^  qui  ne  sortoit  plus  de  Rouergue^  et  de  son  châ-      d'Arpajon; 
teau  de  Sévérac^,  s'étoit  vue  noyée  d'affaires  et  de  pro- 
cès, depuis  qu'elle  fut  veuve,  au  parlement  de  Toulouse  *, 

1.  Louis  d'Arpajon,  titré  successivement  vicomte,  comte  et  enfin  due 
d'Arpajon,  débuta  à  la  tête  d'un  régiment  d'infanterie  en  1621,  gagna 
le  grade  de  maréchal  de  camp  au  siège  de  Tonneins  {\6^2î),  eut  l'Ordre 
en  1633,  une  des  deux  charges  de  lieutenant  général  au  gouvernement 
de  Languedoc  en  1634,  le  gouvernement  de  Nancy  et  de  la  Lorraine 
pendant  l'occupation  de  1633  à  1636,  et  le  grade  de  lieutenant  général 
des  armées  en  1637.  En  1645,  il  partit  au  secours  de  l'île  de  Malte  et 
fut  élu  chef  des  conseils  du  grand  maître  et  généralissime  des  armées 
de  la  Religion.  En  1648,  il  alla  à  Varsovie  comme  ambassadeur  extraor- 
dinaire. En  décembre  1630,  il  eut  un  brevet  de  duc  et  pair,  et,  le 
14  août  1653,  il  fut  fait  ministre  d'État.  Le  Roi  lui  donna  encore,  en 
1656,  le  commandement  du  régiment  Royal  d'infanterie,  et,  en  1657, 
la  charge  de  sénéchal  du  Gévaudan.  Il  mourut  au  château  de  Sévérac, 
le  27  avril  1679,  étant  alors  le  plus  ancien  des  chevaliers  de  l'Ordre. 
Veuf  de  deux  premières  femmes,  il  avait  épousé  Mlle  d'Harcourt-Beu- 
vron,  le  24  avril  1659,  alors  qu'elle  avait  vingt-huit  ans  environ.  On 
trouvera  le  résumé  de  ses  actions  d'éclat  dans  un  article  spécial  du 
Moréri,  dans  la  Chronolorjie  militaire  de  Pinard,  et  dans  son  oraison 
funèbre  prononcée  par  le  sieur  de  la  Motte,  le  6  juin  1679.  Saint- 
Simon  lui  a  consacré,  dans  ses  Légères  nolions  des  chevaliers  de  l'ordre 
du  Saint-Esprit,  un  article  que  nous  renvoyons  à  l'Appendice,  n°  XV. 
Un  portrait  de  lui  existe  au  château  de  Mouchy;  un  autre,  gravé,  est 
dans  le  ms.  Clairambault  1139,  fol.  75. 

2.  La  province  de  Rouergue,  capitale  Rodez,  entre  l'Auvergne,  le 
Quercy,  les  montagnes  des  Cévennes,  le  Gévaudan  et  le  Languedoc,  se 
subdivisait  en  comté  de  Rodez,""  haute  Marche  et  basse  Marche.  Elle 
appartenait  au  gouvernement  de  Guyenne  et  à  la  généralité  de  Mon- 
tauban. 

3.  Sévérac-le-Château,  ville  assez  considérable  du  département  de 
l'Aveyron  et  l'un  des  chefs-lieux  de  canton  de  l'arrondissement  de 
Millau.  On  y  voit  encore,  au  sommet  de  la  colline  abrupte  sur  laquelle 
la  ville  est  bâtie  en  amphithéâtre,  les  ruines  du  château,  dont  les  sei- 
gneurs d'Arpajon  avaient  hérité  au  quinzième  siècle,  en  vertu  d'une 
substitution  du  maréchal  Amaury  de  Sévérac.  C'est  sur  cette  terre  que 
fut  d'abord  assis,  en  1650,  le  titre  ducal  d'Arpajon. 

4.  Le  parlement  de  Toulouse,  institué  par  Philippe  !e  Bel,  en  1302 
et  rendu  sédentaire  en  1443,  avait  sous  sa  juridiction  le  Languedoc, 
et  en  outre  le  Rouergue,  le  Lauraguais,  le  pays  de  Foix  et  une  partie 
du  Quercy  et  de  la  Gascogne. 

MÉMOIRES    DK    SAINT-SIMON.    III  ^■0 


178  MÉMOIRES  U696J 

pour  ses  reprises'  et  pour  sa  fille  unique",  dont  des  inci- 
dents importants  l'amenèrent  à  Paris,  pour  y  plaider  au 
Conseil^.  C'étoit  une  personne  d'une  grande  vertu,  d'une 
excellente  conduite,  qui  avoit  grande  mine  et  des  restes 
de  beauté^.  On  ne  l'avoit  presque  jamais  vue  à  la  cour  ni 
à  Paris,  et  on  l'y  appeloit  la  duchesse  des  Bruyères.  Elle 
ne  Fétoit  qu'à  brevet  °.  Mme  de  Richelieu  mourut  fort  tôt 
après  son  arrivée,  et  la  surprise  fut  extrême  de  voir  la 
duchesse  d'Arpajon  tout  à  coup  nommée  dame  d'honneur 
de  Madame  la  Dauphine  en  sa  place''.  Elle-même  la  fut^ 
plus  que  personne  :  jamais  elle  n'y  avoit  pensé,  ni  M.  de 

1.  Reprises,  au  pluriel,  signifiait  et  signifie  encore,  dans  la  langue  des 
notaires,  ce  que  chacun  des  époux,  par  lui  ou  par  ses  représentants, 
a  droit  de  reprendre  en  forme  de  prélèvement,  avant  partage,  dans  les 
biens  de  la  communauté. 

2.  Catherine-Françoise  d'Arpajon,  née  en  1661,  mariée  le  8  février 
1689  à  François  de  Roye  de  la  Rochefoucauld,  comte  de  Roucy,  et  morte 
à  Paris,  le  8  décembre  1716.  On  verra,  par  la  suite  des  Mémoires,  que 
cette  dame  fut  une  des  amies  intimes  de  M.  et  Mme  de  Saint-Simon. 

3.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  II  de  1873,  p.  46,  et 
tome  VIII,  p.  4''29,  et  les  Mémoires  de  Sourches,  éd.  Bernier,  tome  II, 
p,  Io0-lo2,  où  ce  procès  et  sa  solution  sont  racontés  en  détail,  ainsi 
que  dans  les  Mémoires  de  Choisy,  p.  617,  et  dans  le  Journal  de  Dan- 
geau,  tome  I,  p.  369,  à  la  date  du  10  août  1686.  Voyez  aussi  un  factura 
imprimé  pour  Mlle  d'Arpajon,  dans  le  ms.  Clairambault  1139,  fol.  102. 

4.  On  a  un  portrait  d'elle  à  Versailles  (n°  3o68),  et  un  autre  à  Mou- 
chy.  Nous  avons  vu  que  Loret  la  qualifiait,  en  1639,  d'  «  admirable 
Beuvron,  »  et  Tallemant  dit  qu'elle  «  étoit  une  des  plus  belles  per- 
sonnes de  la  cour.  » 

5.  Voyez  la  page  précédente,  note  1.  Selon  Olivier  d'Ormesson  (Jour- 
nal, tome  II,  p.  67-68),  M.  d'Arpajon  n'obtint  pas  la  pairie  héréditaire 
«  à  cause  de  son  fils,  qui  n'a  nul  mérite,  et  qu'il  a  offert  d'accepter  le 
duché  pour  sa  personne  seule.  D'autres  racontent  que,  durant  les  dés- 
ordres, il  levoit  en  son  pays  des  troupes,  et  qu'on  lui  envoya  le  brevet 
pour  le  retenir  dans  le  service....  » 

6.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  XII,  p.  92  et  112,  et  l'ap- 
pendice n"  XV.  Ce  fut  le  dimanche  II  juin  1684  que  le  Roi  annonça  la 
nomination  de  Mme  d'Arpajon  {Journal  de  Dangeau,  tome  I,  p.  24-2o  ; 
Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VII,  p.  267-269). 

7.  Comme  s'il  venait  de  dire  :  «  tout  le  monde  fut  surpris.  » 


L169(jj  UE  SAINT-SIMON.  179 

Beuvron  '  son  frère  ;  ce  fut  pourtant  lui  qui  la  fit  sans  le 
savoir.  Il  avoit  autrefois  été  plus  que  bien  avec  Mme  Scar- 
ron  :  celle-ci  n'oublia  point  ses  anciens  amis  de  ce  genre '; 
elle  compta  sur  l'attachement  de  sa  sœur  par  lui,  pai* 
reconnoissance,  et  par  se  trouver  parfaitement  isolée  au 
milieu  de  la  cour^.  On  ne  pouvoit  avoir  moins  d'esprit; 
mais  ce  qu'elle  en  avoit  étoit  fort  sage,  et  elle  avoit  beau- 
coup de  sens,  de  conduite  et  de  dignité;  et  il  est  impos- 
sible de  faire  mieux  sa  charge  qu'elle  la  fit,  avec  plus  de 
considération,  et  plus  au  gré  de  tout  le  monde.  Elle  es|)éra 
donc  être  choisie;  elle  le  demanda.  Le  monde  le  crut  et 
le  souhaita  ;  mais  les  vingt  mille  écus  que  Mme  Barbisi^, 
la  vieille  mie  de  la  duchesse  du  Lude,  lit  accepter  à  la 
vieille  servante  de  Mme  de  Maintenon,  décidèrent  contre 
Mme  d'Arpajon  ^.  Le  Roi  voulut  la  consoler,  et  Mme  de 
Maintenon  aussi,  et  firent  la  comtesse  de  Pioucy*''  sa  fille 

1.  François  III  d'Harcourt,  marquis  de  Beuvron  :  voyez  notre  tome  II, 
p.  34,  note  2. 

2.  Saint-Simon  a  répété  ceci  textuellement  dans  la  suite  des  Mémoires, 
tome  II,  p.  382.  Le  marquis  de  Beuvron  est  en  effet  mentionné  par 
Mme  de  Caylus  comme  un  des  familiers  de  Mme  Scarron  (Souvenirs, 
p.  476);  mais  faut-il  croire  qu'il  y  eût  «  plus  »  que  de  l'amitié  dans  son 
fait?  Ailleurs  Saint-Simon  affirmera,  en  propres  termes,  que  Beuvron  fut 
un  de  ceux  qui  entretinrent  Mme  Scarron  (tome  XII,  p.  92).  Quoique  ces 
assertions  se  retrouvent  dans  des  pamphlets  du  temps,  Lavallée  (Cor- 
respondance générale,  tome  I,  p.  94  et  104)  et  M.  Feuillet  de  Conclies 
(Causeries  d'un  curieux,  tome  II,  p.  o72  et  suivantes),  comme  la  Be.ni- 
melle  avant  eux  (Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  Mme  de  Main- 
tenon, livre  II,  chapitres  xi  et  xii),  n'y  ont  vu  que  de  pures  calomnies. 

3.  Mme  de  Caylus  raconte  (Souvenirs,  p.  493-494)  que  Mme  de  Main- 
tenon avait  d'abord  voulu  faire  nommer  la  duchesse  de  Créquy,  mais 
que  le  Roi  l'avait  refusée  :  «  L'occasion  lui  parut  alors  trop  favorable 
pour  la  duchesse  d'Arpajon,  son  ancienne  amie  et  sœur  du  marquis  de 
Beuvron,  auquel  elle  étoit  bien  aise  de  faire  plaisir,  pour  ne  la  pas 
proposer.  Le  Roi  l'accepta,  et  Mme  d'Arpajon  a  parfaitement  rempli 
l'idée  qu'on  avoit  d'elle.  >>  Comparez  un  passage  intéressant  de  la  lettre 
déjà  citée  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VII,  p.  267-269. 

4.  Voyez  ci-dessus,  p.  170,  note  i.  —5.  Voyez  ci-dessus,  p.  171. 
6.  Voyez  ci-contre,  p.  178,  note  2. 


i 


180 


MÉMOIRES 


[1696] 


Marquis 
de  Rochefort 

menin  de 
Monseigneur. 


dame  du  palais'.  La  mère  ne  prit  point  le  change^  :  elle 
demeura  outrée.  Le  transport  de  joie  de  sa  fille  l'affligea 
encore  plus,  et  leur  séparation  entière^,  qu'elle  envisa- 
geoit,  l'accabla.  Elle  aimoit  fort  sa  fille,  que  cette  place 
attachoit  en  un  lieu  où  la  mère  ne  pouvoit  plus  paroître 
que  fort^  rarement  avec  bienséance,  et  elle  se  voyoit 
[Add.S'-S.  170]  tombée  en  solitude.  Elle  ne  la  put  porter  :  peu  de  mois 
après,  elle  eut  une  apoplexie",  dont  elle  mourut  quelque 
temps  après  •*. 

Cette  consolation  prétendue  donnée  à  Mme  d'Arpajon, 
et  cette  différence  des  deux  belles-sœurs,  la  comtesse  de 
Roucy  faite  dame  du  palais,  et  Mme  de  Blanzac  chassée, 
combla^  la  douleur  de  la  maréchale  de  Rochefort ^  Elle 
étoit  cousine  germaine  de  la  duchesse  du  Lude,  filles"  des 
deux  sœurs,  et  vivoit  fort  avec  elle  :  autre  crève-cœur. 


l.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  462.  —  2.  Voyez  tome  II,  p.  239. 

3.  La  première  lettre  d'entière  corrige  un  q. 

4.  Bien  a  été  changé  en  fort,  et  plus  loin  le  premier  e  d'elle  corrige  s. 

5.  Au  mois  de  novembre  suivant  {Dangeau,  tome  VI,  p.  28).  Les 
Annales  de  la  cour  (tome  I,  p.  6),  comme  Saint-Simon,  attribuent  cette 
attaque  au  chagrin  qu'avait  eu  la  duchesse  de  se  voir  supplantée. 
Comme  Saint-Simon  aussi,  ce  libelle  dit  à  propos  de  la  nomination  de 
sa  fille  :  «  On  crut  que  cela  la  consoleroit  de  ce  que  le  Roi  ne  s'étoit 
pas  souvenu  d'elle;  mais,  comme  notre  intérêt  marche  toujours  le  pre- 
mier, elle  fut  bien  moins  sensible  à  l'honneur  que  S.  M.  faisoit  à  sa 
tille,  qu'à  l'affront  qu'elle  prétendoit  avoir  reçu.  » 

6.  Elle  ne  mourut  que  cinq  ans  plus  tard,  en  1701  :  voyez  la  suite  dos 
Mémoires,  tome  III,  p.  17,  et  une  Addition  à  l'article  de  Dangeau, 
Il  mai  1701,  tome  VIII,  p.  99.  Jusqu'en  1698,  elle  conserva  à  la  cour 
l'appartement  qu'elle  y  avoit  eu  comme  dame  d'honneur  de  la  Dau- 
phine.  Elle  avait  en  outre  la  pension  de  douze  mille  livres. 

7.  Voyez,  sur  ce  sens  figuré  de  combler,  notre  tome  II,  p.  284  et  note  2. 

8.  «  Son  sort  étoit  de  marcher  à  la  cour  toujours  en  écrevisse.  » 
(Addition  n°  163.) 

9.  Encore  une  ellipse,  claire  à  tout  prendre,  mais  allant  au  delà  de  ce 
qu'autorise  la  grammaire.  C'est  une  proposition  absolue,  hardiment  abré- 
gée :  «  elle  et  cette  duchesse  étant  filles  des  deux  sœurs,  »  à  savoir  de  Marie 
Séguier  et  de  Charlotte  Séguier  :  voyez  notre  tome  I,  p.  81-83  et  note  4, 
et  ci-après,  p.  189. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  181 

A  peine  la  voulut-elle  voir,  et  ne  reçut  *  qu'avec  aigreur 
toutes  ses  avances.  Enfin,  après  avoir  longtemps  gémi, 
elle  fut  apaisée  par  une  place  nouvelle"-  de  menin^  de 
Monseigneur  donnée  au  marquis  de  Rochefort  '*,  son  fils, 
sans  qu'elle  l'eût  demandée^. 

4.  L'omission  d'elle  devient  correcte,  si  l'on  change  le  tour  :  «  Elle 
voulut  à  peine  la  voir,  et  ne  reçut....  » 

2.  Vu  de  nouvelle  corrige  de. 

3.  Ce  mot  de  menin,  comme  le  dit  le  marquis  de  Sourchcs  {Mémoires, 
éd.  Bernier,  tome  I,  p.  371),  venait  de  l'espagnol  menino,  par  lequel 
on  désignait  à  Madrid  des  jeunes  gens  de  grande  naissance  élevés  avec 
les  princes  de  la  famille  royale;  il  y  avait  aussi  des  menines  auprès  des 
princesses  :  voyez  les  Mémoires  de  la  cour  d'Espagne,  de  Mme  d'Aul- 
noy,  tome  II,  p.  95,  et  les  Mémoires  de  Mme  de  Motteville,  tome  IV, 
p.  i74-17S.  Quand  Louis  XIV  composa  la  maison  de  son  tils,  en  1680, 
six  seigneurs  furent  choisis  pour  être  assidus  auprès  de  la  personne 
du  prince,  sans  avoir  d'ailleurs  aucune  charge  déterminée  {Gazette  de 
4680,  p.  90;  Correspondance  de  Bussy,  tome  V,  p.  71  et  81  ;  Lettres  de 
Madam,e,  recueil  Jaeglé,  tome  I,  p.  49  et  20).  «  Ce  sont  ses  dames  du 
palais,  écrivait  Mme  de  Sévigné  {Lettres,  tome  VI,  p.  272)  ;  il  y  en  aura 
tous  les  jours  deux  qui  le  suivront.  »  Chacun  d'eux  touchait  une  pen- 
sion de  six  mille  livres.  Officiellement,  on  les  qualifiait  du  titre  de 
gentilshommes  d'honneur  de  Monsieur  le  Dauphin.  Avec  le  temps,  leur 
nombre  était  monté  à  onze  ;  c'étaient  :  les  comtes  de  Matignon-Torigny, 
de  Sainte-Maure,  de  Cheverny,  de  Caylus  et  de  Mailly  ;  les  marquis  de 
Crussol-Florensac,  de  Dangeau,  de  Thiange,  d'Urfé,  d'Antin,  et  le  che- 
valier de  Grignan.  Le  marquis  de  Rochefort  fit  le  douzième.  Voyez 
l'État  de  la  France,  année  4698,  tome  II,  p.  42-44. 

4.  Louis-Pierre-Armand  d'Aloigny,  marquis  de  Rochefort  et  baron  de 
Craon,  qui  mourut  à  Paris,  le  24  juillet  4701,  âgé  de  trente  et  un  ans 
et  trois  mois.  Il  avait  acheté,  en  mars  4687,  le  régiment  d'infanterie 
de  Bourbonnois,  «  petit  vieux  corps,  »  mais  n'en  avait  pris  le  comman- 
dement qu'après  avoir  servi  quelques  mois  dans  les  mousquetaires. 
Blessé  à  Nerwinde  et  au  siège  de  Charleroy,  il  était  brigadier  du  mois 
de  janvier  4696.  Sa  santé  le  força  bientôt  de  quitter  le  service.  Monsei- 
gneur lui  avait  donné  les  entrées  dès  la  fin  de  l'année  4689. 

5.  Voyez,  dans  le  Journal  de  Damjeau,  tome  VI,  p.  49,  à  la  date  du 
2  novembre  4696,  de  quelle  façon  obligeante  le  Roi  annonça  cette  no- 
mination à  la  mère  du  nouveau  menin,  pour  diminuer  sa  douleur  et  ses 
regrets  de  n'avoir  point  eu  la  charge  de  dame  d'honneur.  C'est  sur  cet 
article  du  Journal  que  Saint-Simon  a  fait  l'Addition  n"  44,  déjà  placée 
dans  notre  tome  I,  p.  3o3. 


\H'2  MÉMOIRKS  11696] 


Dangeau  Danffeau  ^  étoit  un  gentilhomme  de  Beauce  tout  un 


cheva 


'honneur.  ^'t  huguenot  dans  sa  première  jeunesse^;  toute  sa  famille 
l'étoit,  qui  ne  tenoit  à  personne*.  Il  ne  manquoit  pas 
d'un  certain  esprit,  surtout  de  celui  du  monde,  et  de  con- 
duite^. Il  avoit  beaucoup  d'honneur  et  de  probité.  Le  jeu, 

1.  Voyez  notre  notice  sur  Dangeau,  dans  le  tome  I,  p.  301,  note  4. 
On  peut  comparer  le  portrait  qui  va  suivre  avec  celui  que  Saint-Simon  a 
placé  en  1720,  tome  XVll,  p.  435-144,  et  qui  est  beaucoup  plus  déve- 
loppé, ainsi  qu'avec  deux  autres  rédactions  tirées  des  Duchés-pairies 
et  des  Grandes  charges,  qui  prendront  place  ici,  à  l'Appendice,  sous  le 
n°  XVI,  et  auxquelles  nous  ajouterons  un  fragment  inédit  d'Ézéchiel 
Spanheim.  Les  éditeurs  du  Journal  de  Dangeau,  en  commençant  leur 
œuvre,  ont  consacré  au  marquis  une  notice  biographique,  qui  est  en 
tète  du  premier  volume,  et  ils  y  ont  ajouté  plusieurs  articles  sur  cer- 
tains points  spéciaux,  dans  l'Appendice  du  dix-huitième  et  dernier 
volume,  p.  431-473.  Xous  aurons  lieu,  dans  les  notes  qui  vont  suivre, 
de  renvoyer  aux  renseignements  ainsi  réunis  par  MM.  Soulié  et  Dus- 
sieuiX.  eu  à  un  livre  plus  récent  de  M.  Maurice  de  Possesse,  sur  Dangeau 
et  ses  seigneurs,  publié  à  Chartres,  en  1878.  Fontenelle  et  d'Alembert 
ont  fait  l'éloge  académique  de  Dangeau. 

2.  C'est-à-dire  un  simple  gentilhomme,  de  noblesse  ordinaire. 

3.  Dangeau  ne  se  convertit  qu'assez  tard,  en  1665,  et  son  frère, 
le  futur  abbé,  en  1668  :  voyez  la  seconde  partie  de  l'appendice  n°  XVI, 
où  nous  rejetons  le  commentaire  de  certains  points  du  portrait  que 
trace  ici  Saint-Simon. 

4.  Voyez  le  même  appendice  XVI. 

5.  L.omparez  les  treize  ou  quatorze  lignes  qui  suivent  avec  un  pas- 
sage du  portrait  plus  con.plet  de  Dangeau  que  nous  venons  d'indiquer 
dans  le  tome  XVII,  p.  135-136.  Dans  les  Caractères  inédits  du  Musée 
britannique  (ms.  Addit.  29  507,  fol.  26  v°  et  27),  il  est  ainsi  dépeinl  : 
«  Le  marquis  Dangeau  a  fait  si  longtemps  une  si  grande  figure  à  la  cour, 
qu'on  ne  peut  se  dispenser  d'en  dire  quelque  chose.  C'étoit  un  des  sei- 
gneurs des  mieux  faits  pour  la  taille  et  pour  le  visage.  Il  fut  assez  heu- 
reux pour  être  du  jeu  du  Roi  et  de  la  feue  reine,  et,  comme  il  se  servit 
prudemment  de  sa  bonne  et  de  sa  mauvaise  fortune  en  jouant,  il  y  gagna 
beaucoup  d'argent  :  ce  qui  l'entretenoit  d'habits  et  d'équipages  magni- 
fiques. Il  acheta  un  régiment,  qui  étoit  toujours  des  plus  lestes;  mais, 
comme  il  n'étoit  pas  né  pour  la  guerre,  il  s'en  défit  peu  de  temps  après, 
ce  qui  fit  dire  à  feu  Monsieur  le  Prince  :  «  Si  la  paix  dure  encore  dix 
«  ans,  Dangeau  sera  maréchal  de  France.  »  11  voulut  acquérir  de  l'hon- 
neur par  une  autre  voie,  en  se  faisant  agréger  au  nombre  des  qua- 
rante académiciens  :   ce  qui  ne  lui  fut  pas  difficile,  étant  dans  la  fa- 


I 


[1696]  I>E  SAINT-SniON.  183 

par  lequel  il  se  fourra  à  la  cour,  qui  étoit  alors  toute 
d'amour  et  de  fêtes,  incontinent  après  la  mort  de  la 
Reine  mère,  le  mit  dans  les  meilleures  compagnies.  Il  y 
gagna  tout  son  bien  ;  il  eut  le  bonheur  de  n'être  jamais 
soupçonné,  il  prêta  obligeamment,  il  se  fit  des  amis,  et 
la  sûreté  de  son  commerce  lui  en  acquit  d'utiles  et  de 
véritables.  Il  fit  sa  cour  aux  maîtresses  du  Roi;  le  jeu  le 
mit  de  leurs  parties  avec  lui  :  elles  le  traitèrent  avec  fami- 
liarité, et  lui  procurèrent  celle  du  Roi\  Il  faisoitdes  vers^, 

veur.  Il  y  a  longtemps  qu'il  remplit  cette  place;  mais,  quoiqu'il  ait  de 
l'esprit  et  du  bien  tourné,  et  qu'il  ne  soit  pas  ignorant,  cela  n'empêche 
pas  que  sa  naissance  et  son  crédit  ne  lui  tiennent  lieu  du  savoir  qui  lui 
manque.  » 

i.  Voyez  l'Appendice  du  tome  XVIII  du  Journal,  p.  438-441.  Toutes 
les  clefs  des  Caractères  de  la  Bruyère  (tome  I,  p.  504)  désignent  Dan- 
geau  parmi  «  ceux  que  le  jeu  et  le  gain  ont  illustrés.  »  Dans  le  Chan- 
sonnier (ms.  Fr.  12  618,  p.  10),  à  côté  de  ce  couplet,  daté  de  1666,  et 
qui  a  été  reproduit  plusieurs  fois  : 

Être  des  plaisirs  de  son  roi, 
Du  jeu,  du  bal  et  de  la  chasse, 
Faire  exercice  en  bel  arroi. 
Monter  quelquefois  sur  Parnasse,  etc., 

on  trouve  ce  commentaire  :  «  11  y  a  gagné  (au  jeu)  plus  de  deux  millions 
(le  bien...,  et  cela  sans  avoir  jamais  été  soupçonné  de  friponnerie.  » 
l.e  Roi  le  nommait  constamment,  avec  Langlée,  pour  tenir  les  tables  de 
jeu  de  l'Appartement,  et  ils  rivalisaient  de  prodigalités  et  de  galanteries 
2.  La  Vie  de  Dangeau,  par  les  éditeurs  de  son  Journal  (tome  l, 
p.  XXXV,  note,  comparez  le  tome  XVlll,  p.  441-445),  cite  de  lui  diver- 
ses pièces  de  vers  qui  ont  été  conservées  soit  dans  le  Chansonnier,  soit 
dans  les  Œuvres  de  ChaiiUeu.  M.  Edouard  de  Barthélémy  a  retrouvé  et 
imprimé  dans  une  notice  sur  Philippe  de  Courcillon,  marquis  de  Dan- 
geau,  sa  vie,  son  journal  et  la  cour  de  Louis  XIV  (1862),  quelques 
autres  vers  et  un  fragment  de  livret  intitulé  :  Flmpromptu  de  Villcrs- 
Cotterels,  qui  doit  dater  du  voyage  que  fit  la  cour  en  septembre  1665 
{Gazette,  p.  948  et  959).  Mme  de  Sévigné,  l'abbé  de  Choisy  et  Fonte- 
nelle  racontent  que  Dangeau,  comme  Saint-Aignan,  aidait  le  Roi,  en 
certaines  circonstances,  à  rimer  des  madrigaux  ou  à  composer  des  let- 
tres galantes.  D'Argenson  dit  même  {Mémoires,  éd.  Jannet,  tome  I, 
p.  75-76)  que  Dangeau  avoua,  après  la  mort  de  Louis  XIV,  qu'il  avait 
écrit  ainsi  des  billets  à  Mlle  de  la  Vallière  et  corrigé  les  réponses  de 
celle-ci.  C'est  Bonserade  qui  l'avait  introduit  chez  la  favorite. 


184  MÉMOIRES  [1696] 

étoit  bien  fait,  de  bonne  mine'  et  galant*  :  le  voilà 
de  tout  à  la  cour,  mais  toujours  subalterne'.  Jouant  un 
jour*  avec  le  Roi  et  Mme  de  Montespan,  dans  les  com- 
mencements des  grandes  augmentations  de  Versailles,  le 
Roi,  qui  avoit  été  importuné  d'un  logement  pour  lui,  et 
qui  avoit  bien  d'autres  gens  qui  en  demandoient,  se  mit 
à  le  plaisanter  sur  sa  facilité  à  faire  des  vers,  qui,  à  la 
vérité,  étoient  rarement  bons,  et  tout  d'un  coup  lui  pro- 
posa des  rimes  fort  sauvages^,  et  lui  promit  un  logement 

1.  Tallemant  des  Réaux,  qui  vit  Dangeau  à  \'ingt  ans,  lui  trouva  alors 
une  figure  «  niaise  »  {Historiettes,  tome  VII,  p.  437),  et  les  chansons 
nous  disent  qu'il  avait  le  visage  ridiculement  large  (ms.  Fr.  12  691, 
p.  309);  mais  la  toile  bien  connue  de  Rigaud  (aujourd'hui  au  musée  de 
Versailles,  n°  3632)  et  la  gravure  de  Brevet,  qui  le  représentent,  en 
1700,  dans  le  costume  de  grand  maître  de  l'ordre  de  Saint-Lazare,  don- 
nent l'idée  d'une  prestance  vraiment  majestueuse  et  d'une  physionomie 
agréable.  «  On  croirait  voir  Louis  XIV  lui-même,  »  disent  3IM.  Soulié  et 
Dussieux.  Saint-Simon,  dans  une  première  rédaction  (appendice  XVI), 
rapporte  que  Dangeau  eut  «  un  beau  visage  jusque  dans  sa  vieillesse.  » 

2.  Ici  encore,  (jaland  est  écrit  par  un  d.  —  Sur  les  galanteries  de 
Dangeau,  voyez  sa  Vie,  p.  xxxii. 

3.  Dans  une  Addition  au  Journal  (tome  XIV,  p.  283),  nous  voyons 
Saint-Simon  railler  Dangeau  d'avoir  eu  des  prétentions  au  titre  ducal  et 
à  l'ambassade  de  Rome  ;  cette  dernière  compétition  pourrait  être  pour 
quelque  chose  dans  l'acrimonie  des  Mémoires  envers  l'auteur  du  Journal. 

4.  L'épisode  qui  va  suivre  a  été  repris  et  amplifié  dans  le  second  por- 
trait de  Dangeau,  tome  XVII,  p.  139.  Fontenelle  le  raconte  aussi  en 
quelques  mots,  mais  place  la  scène  à  Saint-Germain,  et  non  à  Versailles. 
A  défaut  de  l'impromptu  fait  en  cette  occasion  par  Dangeau,  nous 
avons  une  chanson  sur  Marly,  que  le  Roi  lui  commanda  en  1688,  et 
que  les  auteurs  de  sa  Yie  (p.  xxxv,  note)  ont  citée  d'après  le  Chan- 
sonnier (ms.  Fr.  12  689,  p.  393).  Dangeau  venait  alors  d'obtenir  pour 
sa  femme  un  des  premiers  logements  désignés  dans  la  nouvelle  résidence 
{Journal,  tome  I,  p.  379-380).  A  cette  chanson,  en  quatre  couplets, 
Gaignières  a  joint  une  réplique  rimée,  sur  le  ton  ironique,  que  les  édi- 
teurs du  Journal  ont  eu  tort,  croyons-nous,  de  laisser  de  côté.  Le  Nou- 
veau siècle  de  Louis  XIV,  édité  en  1793,  donne  (tome  IV,  p.  226-229) 
l'une  et  l'autre,  mais  en  les  appliquant  à  Trianon,  et,  point  intéressant 
à  signaler,  il  reproduit  en  commentaire  tout  ce  passage  de  notre  auteur, 
depuis  «  jouant  un  jour  »,  jusqu'à  «  eut  ainsi  un  logement  ». 

o.  Extraordinaires,  étranges,  bizarres. 


[1696J  DE   SAINT-SIMON.  185 

s'il  les  remplissoit  sur-le-champ.  Dangeau  accepta,  n'y 
pensa  qu'un  moment,  les  remplit  toutes,  et  eut  ainsi  un 
logement.  De  là,  il  acheta  une  charge  de  lecteur  du  Roi  ', 
qui  n'avoit  point  de  fonction,  mais  qui  donnoit  les  en- 
trées du  petit  coucher,  etc."^.  Son  assiduité  lui  mérita  le 
régiment  du  Pioi-infanterie  ^,   qu'il  ne  garda  pas  long- 

4.  Ici  et  plus  loin  (tome  XIII,  p.  283,  et  tome  XVII,  p.  136),  ainsi 
que  dans  les  autres  rédactions,  Saint-Simon  commet  une  singulière 
erreur  :  ce  n'est  pas  le  marquis  de  Dangeau,  mais  l'abbé  son  frère,  qui 
acheta  la  charge  de  lecteur  du  Roi  devenue  vacante  par  la  mort  du 
président  de  Perrigny,  en  1671,  et  qui,  plus  tard,  en  1685,  l'ayant 
revendue  à  Bonrepaus,  avec  un  bénéfice  de  vingt-cinq  mille  livres,  con- 
serva néanmoins  les  entrées  attribuées  à  cette  charge.  Antérieurement 
à  l'acquisition  de  son  frère,  Dangeau  avait  obtenu,  le  23  septem- 
bre 1670,  un  brevet  pour  entrer  à  toute  heure  dans  tous  les  lieux  où 
le  Roi  pourrait  être,  «  même  pendant  les  plus  secrètes  affaires.  »  (Arch. 
nat.,  0'  14,  fol.  407  v";  voyez  la  Vie  de  Dangeau,  p.  xliii.)  Il  n'avait 
donc  point  besoin  d'une  charge  à  laquelle  ce  privilège  fût  attaché. 

2.  Depuis  1668  environ,  il  y  avait  deux  charges  de  lecteur  ordinaire 
de  la  chambre,  dont  l'une  fut  occupée  successivement,  comme  nous 
venons  de  le  dire,  par  le  président  de  Perrigny,  l'abbé  de  Dangeau  et 
Bonrepaus,  l'autre  par  le  président  de  Mesmes,  de  l'Académie  française 
(1668),  le  baron  de  Breteuil  (1677)  et  l'abbé  de  Vaubrun  (1696).' Les 
lecteurs  en  charge,  et,  par  faveur  spéciale,  les  démissionnaires,  avaient 
la  première  entrée  au  lever  du  Roi  et  à  son  coucher  :  voyez  Y  État  de  la 
France,  1698,  tome  I,  p.  258,  2o9  et  301.  Outre  les  lecteurs  de  la 
chambre  (dont  le  président  Fauchet  prétendait  que  la  charge  avait  été 
anciennement  tenue  par  de  grands  seigneurs:  voyez  VÉtat  de  la  France, 
1652,  p.  89),  il  y  avait  eu,  durant  quelques  années,  un  lecteur  pour  les 
globes  célestes  et  les  mathématiques  et  un  lecteur  ecclésiastique. 
Comme  le  dit  Saint-Simon,  les  titulaires  des  deux  charges  de  lecteur  de 
la  chambre  ne  remplissaient  pas  leurs  fonctions,  car,  en  1696,  le  Roi 
étant  malade,  ce  fut  Racine  qui  fut  appelé  à  le  divertir  par  des  lectures 
d'auteurs  classiques,  et  non  Bonrepaus,  qui  cherchait  alors  à  vendre  sa 
charge,  ni  l'abbé  de  V^aubrun,  nouvellement  pourvu. 

3.  Ce  régiment  avait  été  créé  par  une  ordonnance  du  2  janvier  1663, 
pour  servir  d'école  d'infanterie  aux  jeunes  gens  des  familles  nobles.  Le 
Roi  s'en  était  réservé  le  commandement  et  la  propriété,  et  surveillait 
de  très  près  l'éducation  des  soldats,  leur  équipement,  l'instruction  des 
jeunes  officiers,  etc.  (voyez  notre  tome  I,  p.  29  et  41);  mais  on  recon- 
nut qu'il  était  bon  que  le  service  fût  fait  en  son  nom  par  un  colonel- 


186  JIÉMOIRES  [1696J 

temps  ;  puis  fut  envoyé  en  Angleterre,  où  il  demeura 
peu,  et,  à  son  retour,  acheta  le  gouvernement  de  Tou- 
raine\  Son  bonheur  voulut  que  M.  de  Richelieu  fît  de  si 
grosses  pertes  au  jeu,  qu'il  en  vendit  sa  charge  de  cheva- 
lier d'honneur*  de  Madame  la  Dauphine,  au  mariage  de 
laquelle  il  l'avoit  eue  pour  rien^,  et  que  son  ancienne 
amie,  Mme  de  Maintenon,  lui  fit  permettre  de  la  vendre 
tant  qu'il  pourroit  et  à  qui  il  voudroit*.  Dangeau  ne  man- 
qua pas  une  si  bonne  affaire  :  il  en  donna  cinq  cent  mille 
livres^,  et  se  revêtit®  d'une  charge  qui  faisoit  de  lui  une 
espèce  de  seigneur',  et  qui  lui  assura  l'Ordre,  qu'il  eut 

lieutenant,  et  ce  titre  fut  créé,  en  octobre  i66o,  pour  Dangeau,  qui  ve- 
nait de  faire  la  guerre  au  service  du  roi  d'Espagne  contre  les  Portugais. 
L'uniforme  du  régiment  du  Roi  était  de  drap  gris  clair,  avec  les  bou- 
tonnières de  soie  d'or  et  les  rubans  couleur  de  feu. 

1.  Voyez  l'appendice  n°  XVI. 

2.  Le  chevalier  d'honneur,  qui  occupait  le  premier  rang  dans  la  maison 
de  la  princesse,  avait  pour  principale  fonction  de  l'accompagner  et 
de  lui  donner  la  main,  de  préférence  aux  écuyers.  Il  recevait  les  ser- 
ments de  fidélité  des  autres  officiers  de  la  maison,  et,  en  certaines 
occasions,  pouvait  donner  des  ordres  à  l'écurie.  Les  gages  ordinaires 
n'étaient  que  de  douze  cents  livres.  (État  de  la  France.) 

3.  Voyez  les  Souvenirs  de  Mme  de  Cayhis,  p.  492,  un  fragment  de 
Saint-Simon  publié  dans  la  Revue  historique,  mars-avril  1881,  p.  344- 
346,  et  comparez  la  suite  des  Mémoires,  ci-après,  p.  221,  et  tomes  XII 
.le  1873,  p.  92  et  111,  XIII,  p.  181-182,  XVII,  p.  137,  etc. 

4.  La  Gazette  dit,  dès  le  mois  de  janvier  1684  (p.  36),  que  M.  de  Ri- 
chelieu a  obtenu  permission  de  vendre  sa  charge.  Le  marché  ne  fut 
conclu  que  le  24  janvier  1683,  par  l'entremise  de  M.  de  Montchevreuil, 
ainsi  que  le  raconte  Dangeau  lui-même  [Journal,  tome  I,  p.  126). 

o.  Non  pas  cinq  cent  mille  livres,  mais  seulement  trois  cent  cinquante 
mille,  comme  Dangeau  le  dit,  et  comme  Saint-Simon  l'a  relevé  encore 
dans  la  table  de  sa  copie  du  Journal.  Voyez  la  Vie  de  Dangeau,  p.  l-li. 

6.  Se  revestit  est  écrit  en  interligne,  au-dessus  de  s'asseura,  biffé, 

7.  Dans  son  tome  IV,  p.  356,  dans  le  grand  portrait  du  tome  XVII, 
p.  138,  et  dans  la  rédaction  primitive  qu'on  trouvera  à  l'Appendice, 
Saint-Simon  fait  une  allusion  plus  précise  au  passage  des  Caractères 
de  la  Bruyère  où  toutes  les  clefs  reconnaissaient  Dangeau  sous  les  traits 
du  Pamphilc  qui  «  veut  être  grand,  »  et  n'est  que  «  d'après  un  grand.  » 
Comparez  les  Additions  n"  157  et  165,  indiquées  ci-dessus,  et  voyez. 


[16961  DE    SAINT-SIMON.  187 

bientôt  après,  en  4688.  Il  perdit  sa  charge  à  la  mort  de 
Madame  la  Dauphine  ;  mais  il  avoit  eu  une  place  de  menin 
de  Monseigneur  \  et  tenoit  ainsi  partout. 

Madame  la   Dauphine  avoit  une  fille  d'honneur^  d'un  [AM-  S'-S.  in] 
chapitre  d'AlIemagne^  jolie  comme  le  jour,  et  faite  comme    j^^^^"^^^  ^^^^ 
une  nymphe,  avec  toutes    les  grâces  de  l'esprit   et  du       du  palais. 
corps*.  L'esprit  étoit  fort  médiocre,  mais  fort  juste,  sage 
et  sensé,  et  avec  cela  une  vertu  sans  soupçon.  Elle  étoit 

sur  cette  identification,  une  longue  note  des  auteurs  de  la  Vie  de  Dan- 
(jeau  (p.  xcii),  ainsi  qu'un  commentaire  de  M.  Servois,  dans  son  édition 
des  Œuvres  de  la  Bruyère,  tome  I,  p.  o49-oS3. 

1.  En  1680  :  voyez  ci-dessus,  p.  181,  et  le  Mercure,  mars  1680, 
p.  232,  qui  dit  que  le  marquis  de  Dangeau,  nommé  le  premier  des  six 
nïenins,  «  s'est  acquis  une  estime  universelle  par  son  esprit...,  est  ga- 
lant, bien  fait,  et  soutiendra  le  choix  de  S.  M.  avec  éclat.  »  Il  aban- 
donna cette  charge  à  M.  dePompadour  en  1708. 

2.  Sophie-Marie  de  Bavière,  comtesse  de  Levenslein-Rochefort-Mon- 
taigu  (voyez  ci-après,  p.  188,  note  2),  était  née  vers  1664",  à  Wertheim. 
Introduite  à  la  cour  de  France  par  son  oncle  le  cardinal  de  Fiirstenberg, 
elle  fut  nommée  fille  d'honneur  de  la  Dauphine  en  juin  1684,  à  la  place 
de  Mlle  de  Laval  (voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  I,  p.  24),  et  elle 
épousa  Dangeau  le  31  mars  1686  (ibidem,  p.  316).  Elle  ne  fut  naturalisée 
française  qu'au  mois  d'août  1718  (Arch.  nat.,  0'  348,  fol.  249;  enregis- 
trement fait  à  la  Chambre  des  comptes  de  Paris,  le  3  décembre  1718, 
sans  approbation  du  titre  de  marquis  de  Dangeau),  et  elle  mourut  à 
Paris,  le  19  septembre  1736. 

3.  Ce  chapitre,  celui  de  Thorn,  dans  les  Pays-Bas,  au  N.  de  Mae- 
seyck,  était  un  des  plus  célèbres  de  l'Allemagne.  Pour  y  être  admises 
chanoinesses,  les  filles  de  qualité  devaient  faire  preuve  de  seize  quar- 
tiers de  princes  ou  de  comtes  souverains  de  l'Empire.  {Mémoires  de 
l'abbé  de  Choisy,  p.  601  ;  Dictionnaire  géographique  de  la  Martinière, 
au  mot  Thaurex,  tome  IX,  p.  45o.)  Ces  chanoinesses  portaient  à  la 
taille,  dit  Mme  de  Caylus,  un  ruban  couleur  de  feu.  comme  insigne 
distinctif.  Elles  pouvaient  se  marier. 

4.  Tous  les  contemporains  s'accordent  à  faire  la  description  la  plus 
séduisante  de  cette  seconde  marquise  de  Dangeau.  Le  rédacteur  du  Mer- 
cure, dans  son  article  matrimonial  du  mois  d'avril  1686  (p.  188),  dit 
que  Mme  la  comtesse  de  Levenstein  «  a  l'air  doux,  l'âme  grande  et  gé- 

<»  Son  acte  de  mariage  lui  donne  dix-huit  ans  en  1686,  et  son  acte  mor- 
tuaire soixante-douze  ans  en  1736,  soil  quatre  ans  de  plus.  Presque  jamais 
ces  pièces  des  registres  paroissiaux  n'étaient  exactos. 


188  MÉMOIRES  [1696] 

fille  ^  d'un  comte  de  Levenstein^et  d'une  sœur  du  cardinal 
de  Fiirstenberg^,  qui  a  tant  fait  de  bruit  dans  le  monde 
et  qui  étoit  dans  la  plus  haute  considération  à  la  cour. 
Ces  Levenstein  étoient  de  la  maison  Palatine  \  mais  d'une 

néreuse  et  les  manières  honnêtes.  Je  ne  vous  dis  rien,  ajoute-t-il,  de 
sa  beauté  :  le  bruit  qu'elle  fait  doit  vous  en  avoir  instruite.  »  Mme  de 
Caylus  vante  cette  beauté  et  une  «  taille  de  nymphe,  »  expression  que 
Saint-Simon  n'a  pu  certainement  emprunter  aux  Souvenirs,  qui  ne  fu- 
rent publiés  qu'en  1770,  non  plus  qu'à  une  lettre  où  Mme  de  Sévigné 
parle  aussi  (tome  VII,  lettre  988,  p.  491)  dû  plaisir  d'épouser  «  la  plus 
belle,  la  plus  jolie,  la  plus  jeune,  la  plus  délicate  et  la  plus  nymphe  de 
la  cour,  »  cette  lettre  n'étant  connue  que  depuis  1773.  L'abbé  de  Choisy 
dit  encore  Mme  de  Dangeau  «  belle  comme  les  anges  »  ;  la  comtesse  de 
Rivière,  «  belle  comme  Vénus  »,  etc.  Voyez  la  Vie  de  Dangeau,  p.  liii-lvh, 
et  le  tome  XVIII  du  Journal,  p.  461.  De  portraits  gravés,  nous  n'en  con- 
naissons qu'un  dans  la  collection  de  modes  de  Trouvain  (1694),  assez  joli. 

1.  L'f  de  fille  corrige  un  d. 

2.  Saint-Simon  écrit  ici  Lovestein  (sans  égard  à  la  prononciation), 
et  plus  bas  Levestein;  Dangeau,  ou  ses  éditeurs,  Lotvenstein,  comme  la 
Gazette  le  plus  souvent  ;  les  continuateurs  du  P.  Anselme,  Leivcstein; 
Imhoff,  Lœvenstein '^ .  Nous  adoptons  l'orthographe  de  Mme  de  Dangeau 
elle-même,  qui  signait  :  Comtesse  de  Levenstein,  M.  de  Dangeau.  — 
Son  père,  Ferdinand-Charles  de  Bavière,  comte  de  Levenstein-Rochefort, 
né  le  18  mai  1616,  mourut  le  24  janvier  1672.  Voyez  la  généalogie 
de  Bavière  dans  le  tome  II  du  Moréri,  p.  207,  et  l'Addition  de  Saint- 
Simon  û"  171,  qui  paraît  faite  d'après  le  Moréri. 

3.  Sur  le  cardinal  de  Fùrstcnberg,  voyez  notre  tome  II,  p.  355, 
note  2.  Saint-Simon  fera  par  la  suite  son  portrait  et  l'énumération  de 
sa  parenté  (tome  II,  éd.  de  1873,  p.  310  et  suivantes).  Sa  sœur,  Anne- 
Marie  de  Furstenberg,  née  le  12  septembre  1634,  s'était  mariée  en  1651 
à  Ferdinand-Charles,  comte  de  Levenstein.  Elle  mourut  au  mois  de 
janvier  1705.  Le  cardinal  et  elle  étaient  issus  du  mariage  d'un  célèbre 
lieutenant  de  Tilly  avec  une  Hohenzollern. 

4.  Othon  I"  le  Grand,  comte  de  Schiren  et  de  Wittelsbach,  fut  investi 
du  duché  de  Bavière  par  Frédéric-Barberousse,  et  son  fils  Louis  I" 
reçut  le  Palatinat  du  Rhin  de  l'empereur  Frédéric  II,  en  1215.  A  la  fin 
du  même  siècle,  leur  descendance  se  partagea  en  deux  branches  :  celle 
des  Palatins  du  Rhin,  dite  Rodolphine,  et  celle  des  ducs  de  Bavière, 
dite  Wilhelmine.  La  première  se  subdivisa  en  plusieurs  rameaux  :  celui 
des  électeurs  palatins,  dont  Madame  (duchesse  d'Orléans)  fut  la  der- 

"  C'est  la  vraie  forme  de  la  première  voyelle.  Beaucoup  d'Allemands, 
et  entre  autres  les  Bavarois,  altèrent  en  e  le  son  eu  de  la  voyelle  œ  ou  o. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  489 

branche  mésalliée  par  un  mariage  qu'ils  appellent  de  la 
main  gauche  \  mais  qui  n'en  est  pas  moins '^  légitime  : 
l'inégalité  de  la  mère  fait  que  ce  qui  en  sort  n'hérite 
point,  mais  a  un  gros  partage  et  tombe  du  rang  de 
prince  à^  celui  de  comte*.  Le  cardinal  de  Fûrstenberg, 
qui  aimoit  fort  cette  nièce,  cherchoit  à  la  marier  ;  elle 
plaisoit  fort  au  Roi  et  à  Mme  de  Maintenon,  qui  se  pre- 
noient  fort  aux  figures  ^  ;  elle  n'avoit  rien  vaillant  ^,  comme 
toutes  les  Allemandes  :  Dangeau,  veuf  depuis  longtemps 
d'une  sœur  de  la  maréchale  d'Estrées  \  filles  *  de  Morin  le 

nière  représentante,  et  auquel  se  rattachaient  les  Levensteln  ;  et  ceux  des 
ducs  des  Deux-Ponts,  des  ducs  de  Neubourg,  des  ducs  de  Landsberg, 
des  ducs  de  Klebourg,  des  princes  de  Birkenfeld,  etc. 

'1 .  «  Épouser  de  la  main  gauche  signifie  épouser  une  femme  de  condi- 
tion inférieure,  dont  les  enfants  n'auront  qu'une  portion  des  biens,  que 
le  mari  assigne  le  lendemain  des  noces,  sans  qu'ils  puissent  succéder 
au  père  dans  tous  ses  biens,  ni  les  partager  avec  les  enfants  d'un  autre 
lit.  )'  {Furetière,  1694;  comparez  les  JJ/émo/res  du  baron  de  Pulbiitz, 
1737,  tome  I,  p.  83-84.)  Le  plus  ancien  exemple  que  M.  Littré  cite  de 
cette  locution  est  de  Mme  de  Sévigné  disant  (tome  VI,  p.  375)  :  «  Sa 
mère  étoit  de  la  main  gauche.  »  L'époux,  dans  la  cérémonie  nuptiale 
de  ces  sortes  de  mariages,  donne  à  l'épouse  la  main  gauche.  On  les 
appelle  aussi  morganatiques,  mot  d'étymologie  douteuse. 

■i.  L'adverbe  moins  est  répété.  —  3.  Et  a.  été  corrigé  en  a. 

4.  Voyez,  dans  le  Moréri,  tome  II,  p.  206,  l'origine  des  comtes  de  Le- 
venstein,  et  comparez  l'Addition  n°  171,  ainsi  que  deux  passages  des 
Souvenirs  de  Mme  de  Caylus,  p.  495,  et  des  Mémoires  de  Choisy,  p.  602. 

5.  De  1684  à  1686,  elle  prit  part  constamment  aux  fêtes  de  la  cour  : 
voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  I,  p.  69,  166,  194,  288,  etc.,  et, 
dans  la  Vie  de  Dangeau,  p.  mv-lv,  un  extrait  des  instructions  de  Mme  de 
Maintenon  aux  demoiselles  de  Saint-Cyr. 

6.  Cet  emploi  de  rien  non  suivi  de  la  préposition  et  s'accordant  avec 
l'adjectif  est  de  la  première  moitié  plutôt  que  de  la  fin  du  siècle  :  il  n'y  en 
a  pas  d'exemple  dans  les  Lexiques  de  Racine  ni  de  la  Bruyère;  mais  on 
en  trouve  dans  celui  de  Malherbe,  et  ils  abondent  dans  celui  de  Corneille. 

7.  Voyez  notre  tome  II,  p.  130.  Cette  première  marquise  de  Dan- 
geau, Françoise  Morin,  était  morte  le  22  mars  1682, 

8.  Ce  pluriel  s'applique  à  la  fois  ù  Mme  de  Dangeau  et  à  la  maréchale 
sa  sœur.  C'est  une  apposition,  grammaticalement  impossible,  à  deux 
substantifs,  non  point  juxtaposés,  mais  dont  le  second  est  régime  du 
premier;  c'est  comme  une  parenthèse  qui,  complète,  serait  :  «toutes 


190  MÉMOIRES  [16961 

Juif^,  et  qui  n'en  avoit  qu'une  lille-,  dont  le  grand  bien 
qu'on  lui  croyoit  l'avoit  mariée  au  duc  de  Montfort^,  se 
présenta  pour  une  si  grande  alliance  pour  lui,  et  aussi 
agréable  *.  Mlle  de  Levenstein,  avec  la  hauteur  de  son 
pays,  vit  le  tuf^  à  travers  tous  les  ornements  qui  le  cou- 
vroient,  et  dit  qu'elle  n'en  vouloit  point.  Le  Roi  s'en 
mêla,  Mme  de  Maintenon,  Madame  la  Dauphine;  le  cardi- 
nal son  oncle  le  voulut,  et  la  fit  consentir*^.  Le  maréchal 

deux  étaient  filles,  etc.  »  Notre  auteur  compte  vraiment  trop  sur  la 
force  du  sens.  Comparez  la  même  ellipse  remarquée  ci-dessus,  p.  180, 
note  8.  —  Aux  deux  lignes  suivantes,  il  y  a  une  autre  licence  à  rele- 
ver :  le  cas  indirect  dont,  au  lieu  du  cas  direct  que,  lequel  contiendrait, 
donc  rendrait  inutile  le  pronom  personnel  le  qui  suit.  Le  tour  régulier 
serait  :  «  que  le  grand  bien  qu'on  lui  croyait  avait  mariée.  »  Voyez  ci- 
après,  p.  193  et  note  7. 

1.  Le  tourangeau  Jacques  Morin  (voyez  tome  II,  p.  130,  note  2), 
enrichi  par  le  négoce  et  par  l'usure,  et  marié  à  Anne  Yvelin,  fille  d'un 
médecin  de  Paris  (Bibl.  nat.,  ms.  Duchesne  34,  fol.  342),  avait  eu  trois 
filles  et  deux  fils.  Sur  le  mariage  de  Françoise  Morin  avec  Dangcaii, 
voyez  la  Lettre  en  vers  de  Robinet  datée  du  24  mai  1670.  Par  un  tes- 
tament ologjaphe  du  2o  octobre  1681,  elle  avait  désigné  comme  léga- 
taire universel  de  sa  très  grosse  fortune  l'abbé  de  Dangeau,  son  beau- 
frère  ;  mais  celui-ci,  dès  1685,  en  fit  donation  à  sa  nièce,  qui  devint 
duchesse  de  Montfort,  et  plus  tard  il  en  attribua  une  petite  portion  à 
son  neveu.  (Arch.  nat.,  Y  263,  fol.  53  v°.) 

2.  Dangeau  avait  eu  aussi  de  cette  alliance  une  autre  fille,  Thérèse, 
dite  Mlle  de  Saint-Hermine,  qui  mourut  jeune. 

3.  Voyez  notre  tome  II,  p.  130-131.  Le  contrat  de  mariage,  en  date 
du  17  février  1694,  se  trouve  aux  Archives  nationales,  dans  le  registre 
des  Insinuations  Y  265,  fol.  219  v°. 

4.  Mme  de  Caylus,  dans  le  passage  déjà  indiqué  sur  Mlle  de  Leven- 
stein, dit  :  «  Cette  haute  naissance,  cette  figure  charmante  et  une  vertu 
si  rare  n'ont  trouvé  que  M.  de  Dangeau  capable  d'en  connoître  le  prix.  » 

5.  Pour  tuf,  au  figuré,  «  le  fond,  ce  qui  est  sous  l'apparence,  sous 
l'écorce,  »  comme  dit  ailleurs  Saint-Simon,  comparez  tomes  II  de  1873, 
p.  252,  V,  p.  9,  et  XVI,  p.  539.  Richelet  (1679)  et  Furetière  (1690)  ne 
donnent  tuf  qu'au  sens  propre.  L'Académie  mentionne  le  sens  figuré 
à  partir  de  1740  seulement,  et  ne  l'applique,  même  dans  sa  dernière 
édition,  qu'à  la  culture,  au  savoir;  elle  paraît  ne  tenir  compte  que  de 
l'emploi  qu'en  a  fait  la  Bruyère  {Caractères,  tome  I,  p.  331,  n°  83). 

6.  Les  auteurs  de  la  Vie  de  Dangeau,  p.  lvi-lvii,  ont  contesté  cette 


[1696]  IJE    SAINT-SIMON.  491 

et  la  maréchale  de  Villeroy  en  firent  la  noce',  et  Dangeau 
se  crut  électeur  palatin". 

C'étoit  le  meilleur  homme  du  monde,  mais  à  qui  la 
tête  avoit  tourné  d'être  seigneur^  :  cela  l'avoit  chamarré'^ 
de  ridicules,  et  Mme  de  Montespan  avoit  fort  plaisam- 
ment, mais^  très  véritablement,  dit  de  lui  qu'on  ne  pou- 
voit  s'empêcher  de  l'aimer  ni  de  s'en  moquer.  Ce  fut  bien 
pis  après  sa  charge  et  ce  mariage  :  sa  fadeur  naturelle, 
entée  sur  la  bassesse  du  courtisan  et  recrépie  de  l'or- 
gueil du  seigneur  postiche,  fit  un  composé  que  combla 
la  grande  maîtrise  de  l'ordre  de  Saint-Lazare",  que  le  Roi 
lui  donna  comme  l'avoit  Nérestang,  mais  dont  il  tira  tout 
le  parti  qu'il  put,  et  se  fit  le  singe  du  Roi  dans  les  pro- 
motions qu'il  fît  de  cet  ordre  ^,  où  toute  la  cour  accouroit 

particularité,  sans  rien  produire  toutefois  qui  contredise  les  assertions 
de  Saint-Simon.  Comme  Saint-Simon,  mais  en  termes  couverts,  le  mar- 
quis de  Sourches  {Mémoires,  éd.  Dernier,  tome  II,  p.  30)  dit  que  le 
Roi  agréa  le  mariage  «  après  que  l'amour  de  M.  de  Dangeau  eut  sur- 
monté tous  les  obstacles  qui  avoient  si  longtemps  difîeré  cette  alliance.  » 
Un  des  correspondants  de  Bussy  lui  écrivait  (tome  V,  p.  o08-o09)  : 
«  On  ne  croit  pas  qu'elle  (Mlle  de  Lévestin,  sic)  en  soit  contente.  On 
dit  qu'elle  aura  les  honneurs  du  Louvre.  » 

1.  Voyez,  sur  ce  mariage  (30  mars  1686),  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  I,  p.  316,  sa  Vie,  p.  lu  et  suivantes,  etc. 

2.  Voyez  la  fin  de  l'appendice  XVI. 

3.  Voyez  ci-dessus  la  note  6  de  la  page  186. 

4.  Nous  avons  déjà  trouvé  ce  verbe  (au  tome  I,  p.  233,  où  nous  au- 
rions dû  l'annoter)  employé  au  figure  et  signifiant,  à  lui  seul  et  sans 
complément,  «  couvrir  de  ridicule.  »  Il  se  rencontre  à  plusieurs  reprises 
chez  Mme  de  Sévigné,  mais  jamais  sans  régime,  et  soit  dans  le  même 
sens  qu'ici,  soit  plutôt  dans  le  sens  favorable  d'  «  orner,  décorer,  »  ou 
simplement  de  «  mélanger.  »  Les  dictionnaires  du  temps  ne  le  donnent 
que  dans  le  sens  propre  ;  l'Académie  ne  marque  l'acception  figurée  que 
dans  la  o'  édition  (an  VII). 

5.  Et  mais,  dans  le  manuscrit.  —  Nous  pensons  que  l'auteur  a  oublié 
de  bilTer  et,  mais  ne  l'affirmons  pourtant  pas  absolument,  en  pensant 
à  certains  emplois  familiers  de  la  locution  el  mais,  ou  eh  !  mais. 

6.  \oyez  notre  tome  1,  p.  302  et  les  notes. 

7.  La  première  lettre  du  mot  ordre  a  été  changée  après  coup  en  un  0 
capital. 


de  Roucy 
dame  du  palais. 


192  MÉMOIRES  1 16061 

pour  rire  avec  scandale,  tandis  qu'il  s'en  croyoit  admirée 
Il  fut  de  l'Académie  françoise'-  et  conseiller  d'État  d'épée^, 
et  sa  femme  la  première^  des  dames  du  palais,  comme 
femme  du  chevalier  d'honneur  et^  n'y  en  ayant  point  de 
titrées.  Mme  de  Maintenon  l'avoit  goûtée  ;  sa  naissance, 
sa  vertu,  sa  figure,  un  mariage  du  goût  du  Roi  et  peu 
du  sien,  dans  lequel  elle  vécut  comme  un  ange,  la  consi- 
dération de  son  oncle  et  de  la  charge  de  son  mari,  tout 
cela  la  porta,  et  ce  choix  fut  approuvé  de  tout  le  monde''. 
Comtesse  La  comtesse  de  Roucy,  j'en  ai  rapporté  la  raison'  en 

parlant  de  la  duchesse  d'Arpajon,  sa  mère.  C'étoit^  une 
personne  extrêmement  laide,  qui  avoit  de  l'esprit,  fort 
glorieuse,  pleine  d'ambition,  folle  des  moindres  distinc- 

1.  Comparez,  à  ce  sujet,  l'autre  portrc  c  de  Dangeau,  tome  XVII, 
p.  139,  et  voyez,  outre  les  documents  indiqués  dans  un  chapitre  de  sa 
Vie,  p.  Lxxii-Lxxx,  avec  une  addition  dans  le  tome  XVIII,  p.  4o7-4o8, 
la  Gazette  (T Amsterdam,  1693,  correspondance  de  Paris  du  19  décem- 
bre, et  1696,  n°  xi.  On  peut  voir  dans  le  recueil  de  Pièces  originales, 
vol.  884,  fol.  184,  une  empreinte  gravée  du  grand  sceau  équestre  que 
Dangeau  se  fit  faire  comme  grand  maître.  Il  fut  remplacé,  à  sa  mort, 
par  le  duc  de  Chartres,  fils  du  Régent.  Une  toile  de  N.-F.  Bocquet,  au 
musée  de  Versailles,  n°  4343,  représente  un  chapitre  tenu  par  Dangeau. 

2.  Il  y  fut  élu  en  1668,  et  devint  membre  honoraire  de  l'Académie  des 
inscriptions  en  1704.  Voyez  sa  Vie,  p.  xxxvi-xl  et  lxxxviii-xciii,  avec  une 
addition  dans  le  tome  XVIII,  p.  469-471.  Le  mardi,  il  y  avait  des  confé- 
rences littéraires,  et  surtout  grammaticales,  à  l'hôtel  de  Dangeau,  sous 
la  direction  de  l'abbé.  Quand  les  académiciens  venaient  en  députation 
à  la  cour,  Dangeau  se  chargeait  de  les  recevoir  splendidement. 

3.  Il  fut  nommé  en  remplacement  du  marquis  d'Arcy,  le  3  janvier 
1696.  (Arch.  nat.,  0«  40,  fol.  1  v°  ;  Journal,  tome  V,  p.  341  et  343,  et 
Vie  de  Dangeau,  p.  lxxx.)  On  a  dit  ce  qu'étaient  ces  conseillers,  tome  I, 
p.  80,  note  3. 

4.  L'abréviation  p''^  est  précédée  de  j9''K  corrigé  en  la. 

5.  Ce  dernier  membre  de  phrase  est  ajouté  en  interligne. 

6.  Ici  Saint-Simon  a  écrit,  puis  biffé  cette  phrase,  dont  l'idée  est 
déjà  rendue  plus  haut  :  «  La  charge  de  chevalier  d'honneur  de  son 
mari  lui  valut  la  première  place.  » 

7.  C'est-à-dire  :  j'ai  rapporté  la  raison  de  sa  nomination  comme 
(seconde)  dame  du  palais.  Voyez  ci-dessus,  p.  179-180. 

8.  Comparez  ce  qui  va  suivre  avec  le  tome  XII,  p.  334-333. 


Roucy. 


[4696]  DE  SAINT-SIMON.  193 

tions,  engouée  à  l'excès  de  la  cour,  basse  à  proportion 
de  la  faveur  et  des  besoins,  qui  cherchoit  à  faire  des 
affaires  à  toutes  mains ^  aigre  à  merveilles^  jusqu'aux 
injures,  et  fréquemment  en  querelle  avec  quelqu'un,  tou- 
jours occupée  de  ses  aiîaires,  que  son  opiniâtreté,  son 
humeur  et  sa  raalhabileté  perdoient,  et  qui  vivoit  noyée 
de  biens,  d'affaires  et  de  créanciers;  envieuse,  haineuse^, 
par  conséquent  peu  aimée,  et  qui,  pour  couronner  tout 
cela,  ne  manquoit  point  de  grand  messes  à  la  paroisse,  et 
rarement  à  communier  tous  les  huit  jours.  Son  mari^  n'a-  Comte 
voit  qu'une  belle,  mais  forte"  figure;  glorieux  et  bas  plus 
qu'elle,  panier  percé  qui  jouoit  tout  et  perdoit  tout,  tou- 
jours en  course  et  à  la  chasse,  dont  la  sottise  lui  avoit 
tourné  à  mérite,  parce  qu'il  ne  faisoit  jalousie  à  personne, 
et  dont  la  familiarité  avec  les  valets  le  faisoit  aimer  ®  ;  il 
avoit  aussi  les  dames  pour  lui,  parce  qu'il  étoit  leur  fait; 
et,  avec  toute  sa  bêtise,  un  entregent  de  cour  que  l'usage 
du  grand  monde  lui  avoit  donné  ^  Il  étoit  de  tout  avec 
Monseigneur,  et  le  Pioi  le  traitoit  bien,  à  cause  de  M.  de 
la  Rochefoucauld  ^  et  des  maréchaux  de  Duras  et  de  Lorge, 

1.  Nous  retrouverons  cette  même  expression  (tome  XI,  p.  280); 
M.  Littré  (Main,   10°)  n'en  a  pas  relevé  l'emploi  chez  notre  auteur. 

2.  L'm  de  merveilles  corrige  un  t.  —  Dans  cette  locution,  merveille 
prenait  d'ordinaire  Vs  (Lexiques  de  Mme  de  Sévicjné  et  de  Racine),  et 
Saint-Simon  la  met  habituellement.  L'Académie  donne  à  merveilles  et 
à  merveille  dans  ses  cinq  premières  éditions,  le  singulier  seul  à  partir 
de  1833. 

3.  Ces  deux  derniers  adjectifs  ont  été  ajoutes  en  interligne. 

4.  Sur  M.  de  Roucy,  voyez  notre  tome  II,  p.  336,  note  1,  la  suite  des 
Mémoires,  tome  XII,  p.  3o3-3o4,  et  les  Mémoires  de  Sourches,  éd.  1881, 
tome  I,  p.  106  et  112.  Il  avait  abjuré  entre  les  mains  de  Bossuet,  en 
février  1684. 

5.  Dans  l'autre  passage  qui  vient  d'être  indiqué,  notre  auteur  dé- 
peint M.  de  Roucy  comme  «  un  grand  homme,  fort  bien  fait,  de  bonne 
mine,...  l'air  fort  et  robuste,  qui  sentoit  son  homme  de  guerre.  « 

6.  «  Lui  et  ses  frères  étoient  les  rois  de  la  canaille.  »  (Tome  XII,  p.  3o4.) 

7.  Nous  retrouvons  ici  deux  emplois  de  dont  semblables  à  celui  que 
nous  avons  relevé  p.  189,  note  8. 

8.  Le  duc  de  la  Rochefoucauld,  favori  du  Roi. 

MÉMOIRES  DE  SAINT-SIMON.    III  13 


194  MÉMOIRES  [1696] 

frères  de  sa  mère,  qui  tous  trois  avoient  fait  de  lui  et  de 
ses  frères  comme  de  leurs  enfants  \  depuis  que  la  révoca- 
tion de  l'édit  de  Nantes  -  avoit  fait  sortir  du  Royaume  le 
comte  et  la  comtesse  de  Roye^,  ses  père  et  mère.  Son  grand 
mérite  étoient*  ses  inepties,  qu'on  répétoit,  et  qui  néan- 
moins se  trouvoient  quelquefois  exprimer  quelque  chose. 

Mme  de  ^j       j    No2aret%  veuve  d'un  Calvisson  ^  à  qui  le  Roi 

Nogaret  dame  ^  '  ^ 

1.  Comme  ils  faisaient  de  leurs  enfants,  à  l'égard  de  leurs  enfants. 

2.  L'édit  de  Nantes,  rendu  par  Henri  IV  en  avril  lo98,  avait  mis  fin 
aux  guerres  de  religion  en  accordant  aux  réformés  la  liberté  de  con- 
science, l'exercice  de  leur  culte,  l'admission  dans  les  emplois  publics, 
le  droit  de  tenir  des  synodes,  etc.  La  révocation  de  cet  édit,  pro- 
noncée par  une  déclaration  royale  du  18  octobre  1683,  fit  émigrer  à 
l'étranger  tous  les  religiounaires  qui  ne  consentirent  pas  à  abjurer,  et 
le  protestantisme  ne  reconquit  droit  de  cité  en  France  qu'après  plus 
d'un  siècle,  dans  les  dernières  années  du  règne  de  Louis  XVI. 

3.  Frédéric-Charles  de  la  Rochefoucauld,  comte  de  Royeet  deRoucy, 
né  en  1633,  servit  d'abord  comme  volontaire,  puis  fut  colonel  de  cava- 
lerie (16o7),  mestre  de  camp-lieutenant  du  régiment  Royal-étranger 
(1659),  brigadier  (1667),  maréchal  de  camp  (1674),  lieutenant  général 
(1676).  Voyez  la  France  protestante  des  frères  Haag,  tome  VI,  p.  3S4. 
Dans  toutes  les  campagnes  auxquelles  il  prit  part,  notamment  sous  les 
ordres  de  Turenne,  il  se  distingua  par  des  prodiges  de  valeur.  En  1683, 
il  obtint  une  permission  d'aller  prendre  le  commandement  des  armées 
du  roi  de  Danemark,  et  il  en  revint  au  mois  de  novembre  1684,  avec  le 
titre  de  maréchal  de  camp  général  et  l'ordre  de  l'Éléphant.  Lors  de  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes  (Saint-Simon  en  parlera  à  l'année  1697), 
il  passa  à  Hambourg,  et,  deux  ans  après,  en  1688,  se  retira  auprès  du 
nouveau  roi  d'Angleterre,  qui  le  fit  pair,  sous  le  titre  de  comte  de 
Lifïord,  en  Irlande.  Il  mourut  aux  eaux  de  Bath,  le  13  juin  1690.  II 
avait  épousé,  en  1636,  Isabelle  de  Durfort-Duras,  sœur  des  maréchaux 
de  Durfort  et  de  Lorge,  qui  mourut  à  Londres,  le  14  janvier  1713, 
âgée  de  quatre-vingt-deux  ans,  et  ayant  eu  onze  enfants. 

4.  Accord  avec  l'attribut,  familier  à  Saint-Simon. 

5.  Marie-Madeleine-Aguès  de  Gontaut-Biron,  dite  Mlle  de  Biron, 
nommée  fille  d'honneur  de  la  Dauphine  en  1679,  mariée  au  marquis  de 
Nogaret  le  3  juillet  1688,  et  morte  au  couvent  des  filles  de  Sainte-Marie, 
le  14  août  1724,  étant  âgée  d'environ  soixante  et  onze  ans.  Voyez  ce 
qui  est  dit  d'elle  dans  l'Addition  n"  163,  indiquée  ci-dessus.  C'était 
une  petite-nièce  du  maréchal  de  Biron  exécuté  sous  Henri  IV. 

6.  Louis  Louet  de  Calvisson  (on  disait  plutôt  :  Caiivisson,  et  Saint- 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  19S 

l'avoit^  mariée  lorsqu'il  cassa  la  chambre   des  filles  de      du  palais. 

Madame   la  Dauphine'^,    dont    elle  étoit  avec  sa  sœur, 

Mme  d'Urfé^,  dame  d'honneur  de  Mme  la  princesse  de 

Conti  fille  du  Roi*,  avoit  perdu  son  mari,  tué  à  Fleurus, 

qui  n'étoit  connu  que  sous  le  nom  de  Son  Impertinence^ . 

Il  avoit  assez  mal  vécu  avec  elle,  et  l'avoit  laissée  pauvre 

Simon  l'écrit  ainsi;  Mme  de  Sévigné  :  Couisson;  mais  les  signatures 
donnent  :  Calvisson,  orthographe  actuelle),  dit  le  marquis  de  Nogaret, 
était  un  des  familiers  de  Monseigneur,  mais  mal  vu  du  Roi  et  de  Lou- 
vois,  qui  lui  refusèrent  de  donner  son  nom  au  régiment  d'infanterie  de 
la  Ferté-Senneterre,  qu'il  voulait  acheter,  et,  par  suite,  il  ne  possédait 
encore  qu'une  compagnie  de  cavalerie  quand  il  fut  tué  au  combat  de 
Fleurus,  le  1"  juillet  1690.  Mme  de  Sévigné,  très  liée  avec  sa  mère, 
nous  a  conservé  sur  lui  une  anecdote  piquante  (tcrae  VIII,  p.  4o5),  qui 
prouve  que  Louvois  n'aimait  guère  ces  officiers  courtisans. 

1.  L avoit  est  répété  dans  le  manuscrit. 

2.  Voyez  le  Journal  de  Damjeau,  tome  11,  p.  137,  140,  142  et  loi. 
Ce  mariage  fut  négocié  ou  achevé  de  négocier  par  Dangeau,  à  la  prière 
de  Monseigneur,  qui  «  souhaitoit  fort  d'établir  Mlle  de  Biron,  »  âgée 
déjà  d'environ  trente-cinq  ans,  et  qui  l'imposa  aux  Calvisson.  Selon 
Mme  de  Sévigné  {Lettres,  tome  IX,  p.  548),  là  mère  de  Nogaret  n'agréait 
point  cette  belle-fille,  et  elle  fut  inconsolable  lorsque  son  fils  mourut 
sans  enfants. 

3.  Louise  de  Gontaut-Biron,  dite  Mlle  de  Gontaut,  née  eu  janvier  16oo 
et  tenue  sur  les  fonts  baptismaux,  le  12  août  1663,  par  Louise  de 
Crussol,  marquise  de  Saint-Simon  (Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  648), 
fut  mariée  le  19  septembre  1684  au  marquis  d'Urfé  (ci-après,  p.  20S). 
Veuve  en  1724,  elle  mourut  le  23  juin  1739,  à  quatre-vingt-cinq  ans. 
Nous  verrons  que  Mme  d'Urfé  et  Mme  de  Nogaret  furent  toutes  deux 
des  amies  les  plus  intimes  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Saint-Simon. 
On  a  conservé  ce  couplet  de  1679  sur  les  deux  sœurs  {Conespondance 
de  Bussy,  tome  V,  p.  23)  : 

Vous  êtes  belle  et  votre  sœur  est  belle  ; 
Entre  vous  deux  tout  choix  seroit  bien  doux. 
L'Amour,  dit-on,  étoit  blond  comme  vous; 
Mais  il  aimoit  une  brune  comme  elle. 

4.  Elle  avait  été  nommée  au  mois  d'avril  1693,  et  le  Roi  avait  vive- 
ment approuvé  ce  choix  (Journal  de  Dangeau,  tome  IV,  p.  272). 

o.  Voyez  le  Chansonnier,  ms.  Fr.  12  689,  p.  235-236.  —  Selon 
Tallemant  (tomes  IV,  p.  48,  et  IX,  p.  463),  le  même  surnom  avait  été 
donné  au  marquis  de  Vassé,  mort  en  1684. 


196  MÉMOIRES    '  [1696] 

et  sans  enfants.  Elle  étoit  sœur  deBiron*,  et  la  maréchale 
de  Villeroy  et  elle  étoient  enfants  du  frère^  et  de  la  sœur', 
et  en  grande  liaison.  C'étoit  une  femme  de  beaucoup  d'es- 
prit, de  finesse  et  de  délicatesse,  sous  un  air  simple  et  na- 
turel, de  la  meilleure  compagnie  du  monde,  et  qui,  n'ai- 
mant rien,  ne  laissoit  pas  d'avoir  des  amis.  Elle  n'avoit 
ni  feu  ni  lieu,  ni  autre  être  que  la  cour*,  et  presque  point 
de  subsistance^  ;  laide,  grosse,  avec  une  physionomie*  qui 
réparoit  tout,  d'anciennes  raisons  de  commodité  l'avoient 
fort  bien  mise  avec  Monseigneur,  qui  aimoit  sa  sœur  et 
elle  particulièrement';  et  tout  cela  ensemble  la  fit  dame 
du  palais.  Elle  n'étoit  point  méchante,  et  avoit  tout  ce 
qu'il  falloit  pour  l'être  et  pour  se  faire  fort  craindre  ;  mais, 
avec  un  très  bon  esprit,  elle  aima  mieux  se  faire  aimer*. 

1.  Celui  qui  devint  duc  de  Biron  en  1723  et  maréchal  de  France 
en  1734.  Voyez  ci-dessus,  p.  57,  note  3. 

2.  Louis  de  Cossé,  duc  de  Brissac  et  pair  de  France  en  1645,  qui 
mourut  à  Paris  le  26  février  1661,  n'ayant  que  trente-cinq  ans.  De 
Marguerite  de  Gondi,  il  avait  eu  la  maréchale  de  Villeroy  et  le  duc 
de  Brissac,  époux  en  premières  noces  de  Gabriellc-Louise  de  Saint- 
Simon.  Voyez  notre  tome  I,  p.  22. 

3.  Elisabeth  de  Cossé-Brissac,  sœur  du  duc  Louis,  qui  avait  épousé 
François  de  Gontaut,  marquis  de  Biron,  lieutenant  général,  et  qui 
mourut  le  18  décembre  1679. 

4.  «  Ni  autre  existence  que  la  vie  delà  cour.  »  Le  sens  est  clair,  mais 
l'expression  bien  plus  énergique  que  cette  traduction. 

6.  De  quoi  vivre  :  «  Nourriture  et  entretènement.  »  (Académie,  1694.) 
—  Comparez  p.  202,  note  1. 

6.  L'orthogi-aphe  de  Saint-Simon  est  fismiomie. 

7.  Le  Journal  de  Dangeau  parle  très  souvent  de  témoignages  d'in- 
térêt donnés  par  Monseigneur  à  Mmes  de  Nogaret  et  d'Urfé. 

8.  Mme  de  Caylus  dit  d'elle  :  «  Mlle  de  Biron  n'étoit  pas  jeune.  On 
disoit  qu'elle  avoit  été  belle;  mais  il  n'y  paroissoit  plus".  Ne  pouvant 
donc  faire  usage  d'une  beauté  passée,  elle  se  tourna  du  côté  de  l'in- 
trigue, à  quoi  son  esprit  étoit  naturellement  porté.  Elle  tira  le  secret 
de  ses  compagnes,  se  rendit  nécessaire  à  Monseigneur,  et  obtint  par  là 
de  la  cour  de  quoi  se  marier.  »  (Souvejiirs,  p.  495.) 

<»  Ceci  s'accorde  avec  le  dire  de  Saint-Simon;  mais  le  couplet  cité  plus 
haut,  p.  195,  note  3,  semble  prouver  qu'en  efiet  Mlle  de  Biron  avait  été 
belle,  ainsi  que  sa  sœur. 


I 
I 


il 


[1696]  r>E  SAINT-SIMON.  197 

Mme  d'O'  étoit  une  autre  espèce '^  Guilleragues*,  son        d'o,  et 


Mme  d'O  dame 

du  palais. 


père,  n'étoit  rien  qu'un  gascon,   gourmand,   plaisant,  de 
beaucoup  d'esprit,  d'excellente  compagnie,  qui  avoit  des    u^^  s'-S  -n 
amis,  et  qui  vivoit  à  leurs*  dépens,  parce  qu'il  avoit  tout         et  173] 
fricassé",  et  encore  étoit-ce  à  qui  l'auroif.  Il  avoit  été 

1.  Marie-Anne  de  la  Vergne  de  Guilleragues  épousa,  en  1686  ou  1687 
(voyez  ci-après,  p.  199,  note  5),  Gabriel-Claude  d'O,  et  mourut  à  Paris, 
le  12  octobre  1737,  âgée  de  quatre-vingts  ans  environ. 

2.  «  Une  autre  espèce  de  femme,  »  avec  quelque  chose  évidemment 
du  sens  méprisant  qu'a  le  mot  espèce  tout  court.  Bien  que,  par  le  tour, 
il  se  rapporte  aux  deux  dames,  on  peut  déduire  delà  manière  dont  Saint- 
Simon  parle  de  la  première  qu'il  n'a  dû  vouloir  déprécier  que  la  seconde. 

3.  Gabriel-Joseph  de  la  Vergne,  vicomte  de  Guilleragues,  issu  d'une 
bonne  famille  du  parlement  de  Bordeaux  et  protégé  par  Daniel  de  Cos- 
nac,  son  camarade  d'études  au  collège  de  Navarre,  commença  par  rem- 
placer le  poète  Sarrasin  auprès  du  prince  de  Conti,  et,  en  cette  qualité, 
mena  secrètement  les  négociations  de  la  paix  de  Bordeaux  (Historietles 
de  Tallemant  des  Réaux,  tome  VII,  p.  407  ;  Mémoires  de  Cosnac,  tome  I, 
p.  63).  Il  eut  ensuite  une  charge  de  président  à  la  Cour  des  aides  de 
Guyenne,  devint  premier  président  de  la  même  compagnie  le  31  mars 
1660,  puis  acheta,  en  1669,  la  charge  de  secrétaire  ordinaire  de  la 
chambre  et  du  cabinet  que  possédait  Bartet  (Dictionnaire  critique  de  Jal, 
p.  665),  mais  dut  la  revendre  pour  payer  ses  dettes.  Nommé  ambassa- 
deur à  Constantinople  en  décembre  1677,  il  y  mourut  le  5  mars  1683. _ 

4.  Leur,  sans  s,  comme  ailleurs  déjà. 

5.  Les  deux  expressions  fricasser,  pris  au  figuré,  et  se  remplumer, 
qui  vient  trois  lignes  plus  loin,  sont  dans  Furetière  (1690)  et  dans 
l'Académie  (1694),  qui  qualifie  la  première  de  «  basse  ». 

6.  Daniel  de  Cosnac  dit  de  Guilleragues  :  «  Le  foible  de  ce  gascon 
étoit  la  vanité.  Il  avoit  naturellement  beaucoup  de  penchant  au  plaisir, 
et  peu  aux  affaires.  Bon,  facile,  croyant  aisément  les  choses  qu'il  desi- 
roit.  »  (Mémoires  de  Cosnac,  tome  I,  p.  209.)  L'abbé  de  Choisy  :  «  Guil- 
leragues étoit  honnête  homme,  à  cela  près  que,  né  gascon,  il  vouloit 
toujours  que  l'on  fit  cas  de  sa  naissance,  dont  il  importunoit  impi- 
toyablement tous  ceux  qu'il  trouvoit  moyen  d'en  informer.  >»  (Mémoires 
de  Choisy,  p.  623.)  M.  de  Sourches  :  «  Honune  de  cœur,  et  qui  avoit  l'es- 
prit fort  agréable.  »  (Mémoires,  éd.  1881,  tome  I,  p.  117-118.)  Son  ami 
Boileau  lui  dédia,  en  1674,  l'épître  v,  débutant  par  ces  vers"  : 

Esprit  né  pour  la  cour  et  maître  en  l'art  de  plaire, 
Guilleragues,  qui  sais  et  parler  et  te  taire.... 

«  Voyez,  à  propos  de  cette  épitrc,    la  Correspondance  de  Bussy,  ton.c  II, 


198  MÉMOIRES  [4696] 

ami  intime  de  Mme  Scarron^  qui  ne  l'oublia  pas  dans  sa 
fortune,  et  qui  lui  procura  l'ambassade  de  Constantino- 
ple  pour  se  remplumer;  mais  il  y  trouva,  comme  ailleurs, 
moyen ^  de  tout  manger*.  Il*  y  mourut,  et  ne  laissa  que 
cette  fille  unique,  qui  avoit  de  la  beauté.  Yillers^,  lieute- 

Guilleragues  faisait  des  chansons,  des  épigrammes,  et  écrivait  des  arti- 
cles, notamment  l'éloge  de  Turenne,  dans  la  Gazette;  on  lui  attribue  la 
traduction  des  Lettres  d'amour  d'une  religieuse  portugaise  (1681).  Plu- 
sieurs de  ses  bons  mots  sont  rapportés  dans  les  Lettres  deMmedeSévigné, 
avec  qui  il  était  en  relations  familières.  C'est  lui,  par  exemple,  qui  accu- 
sait Pellisson  d'outrepasser  la  permission  qu'ont  les  hommes  d'être  laids. 
i.  Mme  de  Caylus  dit  (Souvenirs,  p.  492)  :  «  M.  de  Guilleragues,  par 
la  constance  de  son  amour,  son  esprit  et  ses  chansons,  doit  aussi  trou- 
ver place  dans  le  catalogue  des  adorateurs  de  Mme  de  Maintenon.  » 

2.  Moyen  est  écrit  en  interligne. 

3.  Sur  son  séjour  à  Constantinople,  voyez  le  recueil  des  Ambassades 
du  comte  de  Guilleragues  et  de  M.  de  Girardin  auprès  du  Grand  Sei- 
gneur, publié  à  Paris,  en  1687  ;  la  Relation  de  laudieiice  donnée  sur 
le  sopha,  imprimée,  en  lTo9,  dans  les  Curiosités  historiques,  tome  I, 
p.  56-87  ;  les  détails  de  cet  incident  diplomatique  (Journal  de  Dangeau, 
tome  I,  p.  163-166)  dans  le  tome  II  d'Abraham  du  Quesne,  par  Jal, 
p.  22-38,  et  dans  la  nouvelle  édition  des  Mémoires  de  Sourches,  tome  I, 
p.  63-64,  117-118  et  140.  La  Gazette  de  168o  contient  aussi  des  rensei- 
gnements sur  la  fin  de  sa  mission  et  sur  sa  mort,  aux  pages  239,  248  et 
273-284.  Quant  aux  profits  que  donnait  l'ambassade  de  Constantinople, 
le  duc  de  Luynes  les  explique  dans  le  tome  II  de  ses  Mémoires,  p.  238. 

i.  Et  a  été  corrigé  en  //. 

5.  Gabriel-Claude  d'O,  seigneur  de  Villers,  Bazemont  et  Herbeville, 
marquis  d'O  et  de  Franconville,  reçu  chevalier  de  Malte  dès  son  enfance, 
entra  comme  page  à  la  grande  écurie  le  1"  janvier  1672 ,  puis  servit 
dans  la  marine  royale*  comme  volontaire  (29  mars  1673),  comme  en- 
seigne (1 1  avril  1676),  comme  lieutenant  de  vaisseau  (l"  janvier  1682), 
et  obtint,  le  6  et  le  7  octobre  1686,  le  titre  de  major  de  la  marine  du 
Ponant,  à  Brest,  avec  rang  de  capitaine.  Peu  après  son  mariage,  en 
mars  1687,  il  devint  gouverneur  du  comte  de  Toulouse,  fut  nommé  gen- 

p.  -432  et  433.  Bussy  reproche  à  Boileau  de  parler  en  termes  trop  savants  à 
un  homme  de  cour,  quoique  celui-ci  ne  manque  pas  de  savoir. 

<»  Il  y  avait  été  précédé  par  un  marquis  de  -Yilliers  (sic)  d'O,  sans  doute 
son  frère  aîné,  qui,  nommé  capitaine  de  vaisseau  en  1676,  perdit  un  bras  au 
combat  de  Tabago,  et,  servant  de  second  à  Tourville  dans  la  campagne  de 
1079,  périt  avec  son  navire,  le  Sans-Pareil,  sur  la  côte  de  Belle-Isle.  (Ga- 
zette de  167".  p.  HG;  Abraham  du  Quesne,  par  Jal,  tome  II,  p.  335.) 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  499 

nant  de  vaisseau  et  fort  bien  fait,  fut  de  ceux  qui  por- 
tèrent le  successeur^  à  Constantinople,  et  qui  en  rame- 
nèrent la-  veuve^  et  la  fille  du  prédécesseur.  Avant  partir 
de  Turquie  et  chemin  faisant,  Villers  fit  l'amour  à  Mlle  de 
Guilleragues  et  lui  plut  ;  et  tant  fut  procédé  que,  sans 
bien  de  part  ni  d'autre,  la  mère  consentit  à  leur  mariage. 
Les  vaisseaux  relâchèrent  quelques  jours  sur  les  bords  de 
l'Asie  Mineure,  vers  les  ruines  de  Troie*.  Le  lieu  étoit 
trop  romanesque  pour  y  résister  :  ils  mirent  pied  à  terre, 
et  s'épousèrent^.  Arrivés  avec  les  vaisseaux  en  Provence, 


tilhomme  de  sa  chambre  en  1696,  menin  du  duc  de  Bourgogne  en  1699, 
chef  d'escadre  le  1"  avril  1702,  lieutenant  général  des  armées  navales 
à  Toulon  le  27  décembre  1707,  grand-croix  de  Saint-Louis  le  1"  juin 
1726,  et  mourut  le  17  mars  1728,  dans  sa  soixante-quatorzième  année. 
—  Sur  son  nom,  voyez  ci-après,  p.  200-201,  et  comparez  le  récit  que 
commence  ici  Saint-Simon,  soit  avec  les  Additions,  soit  avec  une  rédac- 
tion antérieure,  tirée  des  Légères  iwtions  des  chevaliers  du  Saint-Esprit, 
que  nous  plaçons  à  l'Appendice,  n"  XVII. 

1.  M.  de  Girardin.  En  attendant  son  arrivée,  la  veuve  de  M.  de  Guil- 
leragues fit  une  partie  des  fonctions  d'ambassadeur,  comme  la  marquise 
de  Béthune  les  avait  faites  en  Pologne  {Mémoires  de  Soiirches,  éd.  Ber- 
nier,  tome  II,  p.  45).  Il  avait  été  question  qu'elle  revînt  en  France, 
avec  sa  fille,  dès  1681  (Gazette,  p.  634)  ;  mais  la  Porte  s'y  était  opposée. 
Selon  l'Addition  173,  d'O  s'était  épris  de  Mlle  de  Guilleragues  en  la  con- 
duisant avec  les  siens  à  Constantinople,  et,  apprenant  la  mort  du  père, 
il  demanda  à  aller  chercher  les  deux  dames  comme  lieutenant  de  vaisseau. 

2.  Sa  a  été  corrigé  après  coup  en  la. 

3.  Mme  de  Guilleragues  s'appelait  Marie-Anne  de  Pontac  et  apparte- 
nait à  une  bonne  famille  du  parlement  de  Bordeaux.  Sur  son  retour  à 
Marseille,  en  avril  1686,  voyez  la  Gazette,  p.  216.  Elle  eut,  conjointe- 
ment avec  sa  fille,  le  1"  janvier  suivant,  une  pension  de  deux  mille 
livres.  Après  le  mariage,  elle  se  retira  à  Bordeaux,  et  M.  et  Mme  d'O  lui 
constituèrent  une  rente  le  11  mai  1689.  (Arch.  nat.,  Y  2So,  fol.  S4  v".) 

4.  Saint-Simon  écrit  :  Troijes.  —  Les  dictionnaires  historiques  et 
géographiques  de  la  première  partie  du  dix-huitième  siècle  disent  qu'on 
apercevait  encore  quelques  ruines  sur  l'emplacement  présumé  de  l'an- 
tique Ilion,  cherché  de  nouveau,  tout  récemment,  sur  la  côte  d'Issarlik. 

5.  Ce  récit  «  romanesque,  »  avec  des  variantes  dans  les  autres  rédac- 
tions, ne  paraît  point  exact.  Si,  d'une  part,  l'article  nécrologique  de 
Mme  d'O,  dans  le  Mercure  (octobre  1737,  p.  2313),  dit  qu'elle  fut  ma- 


200  MÉMOIRES  [1696] 

Mme  de  Guilleragues  amena  sa  fille  et  son  gendre  à  Paris 
et  à  Versailles,  et  les  présenta  à  Mme  de  Maintenon  :  ses 
aventures  *  lui  donnèrent  compassion  des  leurs. 

Villers  se  prétendit  bientôt  de  la  maison  d'O*,  et  en  prit 

riée  à  «  Galata,  près  de  Constantinople,  »  le  14  janvier  1686,  pendant 
l'ambassade  de  son  père  (sic),  d'autre  part  il  est  certain  que  son  contrat 
de  mariage  fut  passé  à  Paris,  devant  le  notaire  Béarnais,  le  10  février 
4687  (Cabinet  des  titres,  dossier  d'O,  fol.  9).  Il  pouvait  y  avoir  eu  cé- 
lébration du  mariage  religieux  en  Orient,  peut-être  en  Asie  Mineure, 
avant  que  l'on  s'embarquât  pour  revenir  en  France,  ou  bien  sur  le  vais- 
seau, pendant  la  traversée;  mais  le  Journal  de  Dangeau  indique  d'une 
façon  positive  que  ce  mariage  dut  tout  au  moins  être  renouvelé  a  Paris 
dans  les  formes  valables,  car  il  y  est  dit,  en  octobre  1686  (tome  I, 
p.  401)":  «  J'appris  qu'avant  que  de  partir  de  Versailles,  le  Roi  avoit 
donné  la  majorité  du  Ponant  au  marquis  d'O,  lieutenant  de  vaisseau.... 
Celui-ci  doit  épouser  la  fille  de  Guilleragues.  »  Et,  en  mars  1687,  dans 
un  temps  où  Dangeau,  aux  mains  des  chirurgiens,  ne  peut  plus  tenir 
régulièrement  son  journal,  il  écrit  encore  ceci  (tome  II,  p.  30)  :  «  Le 
Roi  choisit  le  marquis  de  Villers  d'O,  qui  fut  fait  major  de  la  marine 
du  Ponant  pendant  que  le  Roi  étoit  à  Fontainebleau  l'année  passée,  et 
qui  avoit  épousé  Mlle  de  Guilleragues  le  jour  de  mardi  gras,  le  Roi  le 
choisit  pour  être  gouverneur  de  M.  le  comte  de  Toulouse.  Le  Roi  avoit 
donné  à  Mme  de  Guilleragues  vingt-deux  mille  écus.  »  Cette  phrase 
est  mal  tournée,  et  de  plus  les  éditeurs  du  Journal  l'ont  mal  ponc- 
tuée ;  mais  la  date  du  mardi  gras  (11  février  1687),  indiquée  pour  la 
célébration  du  mariage,  concorde  trop  précisément  avec  celle  du  contrat 
de  mariage  (10  février),  pour  qu'on  puisse  hésiter  plus  longtemps.  Au 
bout  de  neuf  mois  et  sept  jours,  le  17  octobre  1687,  Mme  d'O  accou- 
chait d'une  fille,  celle  qui  devint  plus  tard  Mme  d'Espinay. 

i.  Les  aventures  non  moins  romanesques  de  Mme  de  Maintenon. 

2.  La  maison  d'O  tirait  son  nom  d'une  terre  du  Perche  (commune  de 
Mortrée,  Orne)  où  se  voit  encore  un  beau  château  datant  en  partie  du 
quinzième  siècle. 

»  Cette  contradiction  entre  les  textes  fut  signalée  par  Anquetil,  il  y  a 
presque  un  siècle,  dans  Louis  XIV,  sa  cour,  etc.,  tome  III,  p.  37.  Une  pièce 
satirique  sur  le  combat  de  Malaga  (i"0-i),  rapportée  dans  le  même  volume, 
p.  t6-2,  parle  en  ces  termes  de  M.  d'O  : 

Lui  qui  jadis,  en  vrai  Jasou, 
Au  péril  exposant  sa  tête, 
D'une  grosse  et  grasse  Toison 
Au  Pont-Euxin  fit  la  conquête. 

Une  chanson  de  la  Régence,  dans  le  recueil  que  publie  actuellement 
M.  Raunié  (tome  II,  p.  87),  appelle  encore  Mme  d'O  «  reine  d'Ithaque  ». 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  201 

le  nom  et  les  armes  \  Rien  n'étoit  si  intrigant  que  le  mari 
et  la  femme,  ni  rien  aussi  de  plus  gueux.  Ils  firent  si 
bien  auprès  de  Mme  de  Maintenon,  que  M.  d'O  fut  mis 

1.  Saint-Simon  peut  avoir  été  induit  en  erreur  par  le  fait  d'une 
interversion  assez  commune,  qui  consistait  à  placer  le  nom  de  fief 
(Villers)  avant  le  nom  de  terre  patronymique  (d'O)  ;  cependant,  et  quoi 
qu'il  en  dise  dans  l'Addition  n"  173,  les  généalogistes,  le  Laboureur,  la 
Roque,  etc.,  aussi  bien  que  la  cour  et  le  monde,  reconnaissaient  le 
gouverneur  du  comte  de  Toulouse  pour  être  réellement  le  représentant 
d'une  branche  cadette  de  la  maison  d'O,  dont  la  branche  aînée  avait 
fini,  au  seizième  siècle,  avec  le  surintendant  François  d'O  et  son  frère, 
M.  de  Manou,  tous  deux  chevaliers  du  Saint-Esprit.  L'aïeul  de  ceux-ci, 
Jean  d'O,  nommé  chambellan  de  Charles  VIII  en  1484,  avait  eu  deux 
fils  :  1°  Charles  d'O,  qui  fut  père  du  surintendant  ;  2°  Jacques  d'O,  qui 
eut  en  partage  les  terres  de  Baillet  et  de  Franconville-au-Bois,  près 
de  Pontoise,  et  dont  Gabriel-Claude  d'O  de  Villers  descendait  en  ligne 
directe.  Quant  au  titre  de  marquis  d'O,  après  l'extinction  de  la  branche 
aînée,  il  fut  relevé  par  les  acquéreurs  successifs  de  la  terre,  les  de 
la  Guesle,  les  Séguier  et  les  Montagu.  Ces  derniers  le  portaient  sous 
Louis  XIV  et  Louis  XV;  mais  on  a  vu  plus  haut  (p.  198,  note  de 
note)  qu'un  frère  aîné  de  Gabriel-Claude  d'O  se  qualifiait  aussi  mar- 
quis de  Villers  d'O.  Pour  prendre  ce  titre  régulièrement,  le  gouverneur 
du  comte  de  Toulouse  racheta,  en  1698,  de  sou  cousin  René-Claude  d'O, 
les  terres  de  Franconville,  Courdimanche,  Génicourt,  Nantouillet,  etc., 
qui  avaient  été  érigées  en  marquisat  pour  son  oncle,  au  mois  de  juin 
•1619,  et  il  en  obtint  une  nouvelle  érection  au  mois  de  juin  1699.  Dans 
les  lettres  données  à  cette  occasion  (Arch.  nat.,Oi  43,  fol.  243)  et  dans 
le  mémoire  justificatif  préparé  en  février  1697  (Cabinet  des  titres,  dos- 
sier d'O,  fol.  7-9),  on  verra  plus  au  long  les  preuves  de  la  filiation  que 
nous  venons  d'indiquer  et  de  l'ancienneté  de  la  maison  d'O.  D'ailleurs 
les  pièces  originales  de  la  collection  du  Cabinet  des  manuscrits  ou  du 
ms.  Clairambault  1118,  fol.  219-237,  la  filiation  dressée  par  la  Roque 
dans  l'Histoire  de  la  maison  cVHarcourt  (1662),  tome  II,  p.  1296-1301, 
et  les  épitaphes  rapportées  par  l'abbé  Lebeuf,  dans  son  Histoire  du 
diocèse  de  Paris,  tome  IV,  p.  233  et  suivantes,  et  reproduites  en  partie 
dans  le  tome  II  du  recueil  des  Inscriptions  de  la  France,  p.  403-406, 
confirment  cette  communauté  d'origine  d'une  manière  irréfutable.  Les 
armes  des  deux  branches  étaient  semblables  :  d'hermines,  au  chef  en- 
denché  de  gueules.  M.  d'O,  le  commandeur  Alexandre-César  d'O,  son 
frère,  et  Mlle  d'O",  sa  sœur,  les  firent  enregistrer  ainsi  en  1696. 

«  L'héroïne  du  procès  du  chevalier  de  Rohan  et  de  Latréaumont,  Renée- 
Maurice  d'O  de  Villers,  qui  sortit  indemne  des  mains  de  la  Chambre  de  justice 


202  MÉMOIRES  [1696J 

auprès  de  M.  le  comte  de  Toulouse,  avec  le  titre  de  gou- 
verneur et  d'administrateur  de  sa  maison.  Cela  lui  donna 
un  être,  une  grasse  subsistance^  un  rapport  continuel 
avec  le  Roi,  et  des  privances  et  des  entrées  à  toutes  heures, 
qui  n'avoient  aucun  usage  par-devant,  c'est-à-dire  comme 
celles  des  premiers  gentilshommes  de  la  chambre,  mais 
qui  étoient  bien  plus  grandes  et  plus  libres,  pouvant  entrer 
par  les  derrières  dans  les  cabinets  du  Roi  presque  à  toutes 
heures,  ce  que  n'avoient  pas  les  premiers  gentilshommes 
[Add.  S'-S.  174]  de  la  chambre,  ni  pas  une  autre  sorte  d'entrée-;  outre 
qu'il  suivoit  son  pupille  chez  le  Roi,  et  y  demeuroit  avec 
lui  à  toutes  sortes  d'heures  et  de  temps,  tant  qu'il  y  étoit^. 
Sa  femme  fut  logée  avec  lui  dans  l'appartement  de  M.  le 
comte  de  Toulouse*,  qui  lui  entretint  soir  et  matin  une 
table  fort  considérable.  Ils  n'avoient  pas  négligé  Mme  de 
Montespan,  et  l'eurent  favorable  pour  cette  place  et  tant 
qu'elle  demeura  à  la  cour,  et  ils  la  cultivèrent  toujours 
depuis,  parce  que  M.  le  comte  de  Toulouse  l'aimoit  fort. 
D'O  peu  à  peu  avoit  changé  de  forme,  et  lui  et  sa  femme 
tendoient  à  leur  fortune  par  des  voies  entièrement  oppo- 
sées, mais  entre  eux  parfaitement  de  concert.  Le  mari 
étoit  un  grand  homme  froid,  sans  autre  esprit  que  du 
manège  et  d'imposer  aux  sots^par  un  silence  dédaigneux; 

4.  Tallemant  dit,  dans  l'historiette  de  Gombaud  (tome  III,  p.  236)  : 
«  On  tâchoit  à  lui  faire  avoir  une  subsistance  en  quêtant  ses  amis.  » 

2.  C'est-à-dire  pas  une  des  personnes  qui  avaient  quelque  autre 
sorte  d'entrée.  Sur  les  entrées  diverses,  voyez  l'État  de  la  France,  année 
•1698,  tome  I,  p.  252  et  suivantes,  et  la  suite  des  Mémoires,  tomes  XIII, 
p.  282-286,  et  XIX,  p.  98-101,  ou  l'Addition  indiquée  ci-contre,  n"  174. 

3.  Comparez  tomes  YII,  p.  298,  XIII,  p.  28o,  XIX,  p.  99,  etc. 

4.  Selon  la  Notice  du  Musée  de  Versailles,  par  Eud.  Soulié,  tome  I, 
p.  3ol  et  361,  l'appartement  de  M.  d'O,  donné  plus  tard  au  duc  de 
Penthièvre,  puis  à  Mme  de  Pompadour,  est  représenté  actuellement  par 
les  salles  des  Maréchaux  n"'  oT  et  o8. 

o.  Sots  est  écrit  en  interligne,  au-dessus  d'autres,  bitfé. 

de  1674,  et  dont  on  a  une  si  belle  lettre  d'adieux  au  chevalier.  Voyez  Trois 
drames  historiques,  par  P.  Clément,  p.  235  et  283,  le  ms.  226  des  Cinq  cents 
Colbert,  p.  516,  et  les  Archives  de  la  Bastille,  tome  VII,  p.  4-41,  461  et  462. 


11696]  DE  SAINT-SIMON.  203 

une  mine  et  une  contenance  grave  et  austère,  tout  le 
maintien  important  ;  dévot  de  profession  ouverte,  assidu 
aux  offices  de  la  chapelle,  oîi,  dans  d'autres  temps,  on  le 
vojoit  encore  en  prières;  et  de  commerce  qu'avec  des 
gens  en  faveur  ou  en  place,  dont  il  espéroit  tirer  parti, 
et  qui,  de  leur  côté,  le  ménageoient  à  cause  de  ses  accèsV 
Il  sut  peu  à  peu  gagner  l'amitié  de  son  pupille,  pour  de- 
meurer dans  sa  confiance  quand  il  n'auroit  plus  la  res- 
source de  son  titre  et  de  ses  fonctions  auprès  de  lui.  Sa 
femme  lui  aida  fort  en  cela,  et  ils  y  réussirent  si  bien  que, 
leur  temps  fini  par  l'âge  de  M.  le  comte  de  Toulouse,  ils 
demeurèrent  tous  deux  chez  lui  comme  ils  y  avoient  été, 
avec  toute  sa  confiance  et  l'autorité  entière  sur  toute 
administration  chez  lui".  Mme  d'O  vivoit  d'une  autre 
sorte.  Elle^  avoit  beaucoup  d'esprit,  plaisante,  com- 
plaisante, toute  à  tous  et  amusante^.  Son  esprit  étoit  tout 
tourné  au  romanesque  et  à  la  galanterie,  tant  pour  elle 
que  pour  autrui.  Sa  table  rassembloit  du  monde  chez 
elle,  et  cette  humeur  y  étoit  commode  à  beaucoup  de 
gens,  mais  avec  choix,  et  dont  elle  pouvoit  faire  usage 
pour  sa  fortune.  Et  dans  les  premiers  temps  où  M.  le 
comte  de  Toulouse  commença  à  être  hors  de  page^  et  à  se 

1.  De  ses  hautes  et  puissantes  relations.  Comparez  ci-dessus,  p.  76. 

2.  Ce  fut  au  mois  de  décembre  1696  que,  le  prince  n'ayant  plus  be- 
soin de  gouverneur,  M.  d'O  devint  gentilhomme  de  sa  chambre,  en  con- 
servant la  pension  de  dix  mille  livres,  les  entrées  chez  le  Roi,  et  le 
logement  pour  lui  et  toute  sa  maison,  avec  leur  subsistance,  chez  le 
comte  de  Toulouse.  En  outre,  il  reçut  une  nouvelle  pension  de  six  mille 
livres,  «  si  bien  qu'il  aura  moins  de  peine  et  plus  de  revenu,  »  écrivait 
Dangeau  {Journal,  tome  VI,  p.  40),  et  les  États  de  Bretagne  lui  conti- 
nuèrent une  gratification  de  cinq  mille  livres  par  an,  comme  au  temps 
où  il  dirigeait  l'éducation  du  gouverneur  de  leur  province. 

3.  Elle  est  écrit  en  interligne,  au-dessus  d'ei,  biffé. 

4.  Le  Chansonnier  (ms.  Fr.  12  692,  p.  177)  la  représente  toujours 
empressée  et  effarée. 

5.  Hors  de  page,  «  hors  de  la  puissance  d'autrui  «  {Académie,  1694), 
marque  particulièrement  la  sortie  de  tutelle,  et  parfois,  comme  ici  ce 
semble,  le  passage  de  l'adolescence  à  la  jeunesse. 


204 


MÉMOIRES 


[1696] 


Différence  des 
principaux   do- 
mestiques   des 
petits-fils  de 
France  et  de 
ceux  des 
princes  du  sang. 
[Add.  S'-S.  175] 


sentir,  elle  lui  plut  fort  par  ses  facilités.  Elle  devint  ainsi 
amie  intime  de  vieilles  et  de  jeunes,  par  des  intrigues  et 
des  viies  de  différentes  espèces  ;  et,  comme  elle  faisoit 
mieux  ses  affaires  de  chez  elle  que  de  dehors,  elle  sortoit 
peu,  et  toujours  avec  des  vues*.  Cet^  alliage  de  dévotion 
et  de  retraite  d'une  part,  de  tout  l'opposé  de  l'autre,  mais 
avec  jugement  et  prudence,  étoit  quelque  chose  de  fort 
étrange  dans  ce  couple  si  uni  et  si  concerté.  Mme  d'O  se 
donnoit  pour  aimer  le  monde,  le  plaisir,  la  bonne  chère; 
et,  pour  le  mari,  on  l'auroit  si  bien  pris  pour  un  phari- 
sien^, il  en  avoit  tant  l'air,  l'austérité,  les  manières,  que 
j'étois  toujours  tenté  de  lui  couper  son  habit  en  franges 
par  derrière  \  Bref,  tous  ces  manèges  firent  Mme  d'O 
dame  du  palais. 

Si  son  mari,  qui  étoit  demeuré  avec  le  titre  de  gentil- 
homme de  la  chambre  de  M.  le  comte  de  Toulouse  et 
toutes  ses  entrées  par  derrière,  l'eût  été  d'un  prince  du 
sang,  c'eût  été  une  exclusion  sûre;  mais  le  Roi  avoit 
donné  à  ses  enfants  naturels  cet  avantage  sur  eux,  de 
faire  manger^,  entrer  dans  les  carrosses,  aller  à  Marly,  et 
sans  demander,  leurs  principaux  domestiques,  sans  que 
Monsieur  le  Duc,  quoique  gendre  du  Roi,  eût  pu  y  at- 
teindre pour  les  siens".  Il  arriva,   depuis   son  mariage, 


i.  Elle  sera  citée  plusieurs  fois  parmi  les  quatre  ou  cinq  dames 
admises  familièrement  dans  l'intimité  du  Roi  et  de  Mme  de  Maintenon. 

2.  Celle,  au  féminin,  dans  le  manuscrit. 

o.  Saint-Simon  se  servira  ailleurs  (tome  XVII,  p,  4J)  de  l'expression 
dévole  pharisaïque. 

4.  Les  Pharisiens,  qui,  comme  l'on  sait,  affectaient  un  respect  minu- 
tieux de  toutes  les  prescriptions  de  la  loi  et  des  pratiques  extérieures 
du  culte,  portaient,  pour  se  distinguer  du  commun  des  Juifs,  un  cos- 
tume particulier.  Une  de  leurs  habitudes  était  d'allonger  outre  mesure 
les  franges  de  leurs  vêtements,  ainsi  que  les  houppes  attachées  aux 
coins  du  manteau,  et,  comme  le  dit  Saint-Simon  dans  l'Addition,  ils  se 
mettaient  au  front  et  sur  les  épaules  de  longues  bandes  de  peau,  ou 
phylactères,  sur  lesquelles  étaient  inscrits  des  articles  du  Décalogue. 

o.  Manger  avec  le  Roi  :  voyez  plus  loin,  p.  207,  et  le  tome  VI,  p.  342. 

G.  Voyez  ci-dessus,  p.  138. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  20o 

que  Monseigneur,  revenant  de  courre  le  loup^,  qui  l'avoit  Avantage! 


veaux  de  ceux 
des  bâtards  sur 


mené  fort  loin,  manqua  son  carrosse,  et  s'en  revenoit^ 

avec  Sainte-Maure^  et  d'Urfé  ^  En  chemin,  il  trouva  un        ceux  des 

carrosse  de  Monsieur  le  Duc,   dans  lequel  étoient  Xain-  P""cesdusang 

i.  Saint-Simon  dira  ailleurs  (tome  VIII,   p.  263)  que  Monseigneur 

«  dépensoit  infiniment à  l'équipage  du  loup,  dont  il  s'étoit  laissé 

accroire  qu'il  aimoit  la  chasse.  »  En  effet,  Dangeau  enregistre  sans  cesse 
les  exploits  de  cet  équipage.  Monseigneur  refusait  parfois  de  se  rendre 
à  une  séance  du  Conseil,  plutôt  que  de  manquer  sa  chasse,  et  l'on  con- 
naît ce  mot,  que  rapportent  en  même  temps  Mme  de  Sévigné  et  Dan- 
geau, en  1688,  lors  de  la  campagne  de  Philipsbourg  :  «  Le  Roi  prend 
présentement  des  loups  comme  Monseigneur,  et  Monseigneur  prend 
des  villes  comme  le  Roi.  »  (Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VIII,  p.  231; 
Journal  de  Damjeau,  tome  II,  p.  203-206.) 

2.  Il  y  a  ici,  après  revenoit,  trois  mots  :  «  de  fort  loin  »,  biffés, 

3.  Honoré,  chevalier  puis  comte  de  Sainte-Maure  et  marquis  d'Ar- 
chiac,  nommé  menin  de  Monseigneur  en  1080,  premier  écuyer  du  duc 
de  Berry  en  1702,  premier  écuyer  de  la  grande  écurie  du  Roi  et  capi- 
taine de  la  plaine  Saint-Denis  en  1717,  mourut  à  Paris,  le  8  novem- 
bre 1731,  dans  sa  soixante-dix-neuvième  année.  Il  avait  eu  un  régi- 
ment d'infanterie  jusqu'en  1683  et  avait  suivi  son  maître,  comme  aide 
de  camp,  pendant  les  campagnes  de  1688  et  des  années  suivantes. 

4.  Joseph-Marie  de  Lascaris,  marquis  d'Urfé,  enseigne  aux  gardes 
du  corps  depuis  1677,  eut,  en  se  mariant  (1684)  avec  la  dame  du  palais 
dont  il  a  été  parlé  ci-dessus  (p.  193),  une  place  de  menin  de  Mon- 
seigneur et  la  charge  de  lieutenant  de  Roi  du  haut  et  bas  Limousin  ;  il 
possédait  déjà  la  survivance  de  celle  de  grand  bailli  de  Forez.  Au  mois 
de  décembre  1683,  il  fut  envoyé  en  Piémont,  à  l'occasion  de  l'accou- 
chement de  Madame.  II  vendit  sa  charge  de  Limousin  en  mai  1688, 
mais  monta  à  la  lieutenance  des  gardes  en  août  1690,  et  eut,  au  mois 
d'octobre  1691,  la  lieutenance  des  chevau-légers  de  Monseigneur.  Il 
remplit  encore  une  mission  en  Piémont  en  1699.  Il  mourut  à  Paris,  le 
13  octobre  1724,  âgé  de  soixante-douze  ans,  et  transmit  les  noms 
d'Urfé  et  de  Lascaris  à  son  petit-neveu,  M.  de  la  Rochefoucauld-Lan- 
gheac.  Dangeau  (tome  I,  p.  39  et  118)  raconte  comment  ce  M.  d'Urfé, 
quoique  simple  officier  des  gardes,  avait  obtenu  de  manger  avec  Mon- 
seigneur, ainsi  que  d'entrer  dans  son  carrosse  et  de  faire  monter  sa 
femme  dans  celui  de  la  Dauphine  ;  comparez  la  suite  des  Mémoires, 
tome  XII,  p.  171.  —  Dans  une  autre  rédaction  que  nous  indiquerons 
p.  208,  note  2,  M.  d'Urfé  n'est  pas  avec  Monseigneur,  mais  avec  les 
deux  survenants  qui  vont  être  nommés.  Dans  l'Addition  173,  c'est  le 
prince  de  Conti  qui  accompagne  Monseigneur,  au  lieu  de  M.  d'Urfé. 


206  MÉMOIRES  [1696] 

traillesS  qui  étoit  à  lui,  et  le  chevalier  de  Sillery-,  qui 
étoit  à  M.  le  prince  de  Gonti,  et  frère  de  Puysieulx*  qui 
fut  depuis  chevalier  de  l'Ordre.  Ils  s'étoient  mis  dans 
ce  carrosse,  qu'ils  avoient  rencontré,  et  y  attendoient  si 
Monsieur  le  Duc  ou  M.  le  prince  de  Conti  ne  viendroient 
point.  Monseigneur  monta  dans  ce  carrosse  pour  achever 
la  retraite,  qui  étoit  encore  longue  jusqu'à  Versailles,  y  ^ 
fit  monter  avec  lui  Sainte-Maure  et  d'Urfé,  laissa  Xain- 
trailles  et  Sillery  à  terre,  quoiqu'il  y  eût  place  de  reste 
encore  pour  eux^,  et  ne  leur  offrit  point  de  monter.  Cela 
ne  laissa  pas  de  faire  quelque  peine  à  Monseigneur,  par 
bonté;  et  le  soir,  pour  sonder  ce  que  le  Roi  penseroit, 
il  lui  conta  son  aventure  et  ajouta'' qu'il  n'avoit  osé  faire 
monter  ces  Messieurs  avec  lui.  «  Je  le  crois  bien,  lui  ré- 
pondit le  Roi  en  prenant  un  ton  élevé?  un  carrosse  oii 
vous  êtes  devient  le  vôtre,  et  ce  n'est  pas  à  des  domes- 


-1.  Joseph  de  Xaintrailles,  chevalier  de  Malte,  seigneur  de  Montots  et 
de  Navilly,  gentilhomme  de  Monsieur  le  Prince,  avait  été  fait  mestre  de 
camp  du  régiment  de  cavalerie  d'Enghien  en  1678,  et  premier  écuyer  de 
Monsieur  le  Duc  le  19  décembre  1684.  Il  conserva  cette  charge  toute 
sa  vie,  mais  se  défit  de  son  régiment  en  1690,  et  mourut  dans  le  mois 
de  décembre  1713,  à  Marcoussis.  Saint-Simon  reparlera  plusieurs  fois 
(notamment  tome  VII,  p.  287,  et  tome  X,  p.  ill)  de  ce  personnage  et 
de  son  nom  de  Xaintrailles,  usurpé  selon  les  Mémoires  et  selon  le  Chan- 
sonnier. Nous  reviendrons  aussi  sur  sa  famille. 

1.  Voyez,  sur  le  chevalier  de  Sillery,  notre  tome  I,  p.  256,  note  3. 

3.  Roger  Brûlart,  marquis  de  Puysieulx  et  de  Sillery,  baptisé  le 
1"  avril  1640,  nommé  capitaine  au  régiment  de  Turennc,  puis  lieute- 
nant-colonel en  166o,  gouverneur  d'Épernay  en  1668,  brigadier  en 
1672,  commandant  de  Verdun  en  167o,  maréchal  de  camp  en  1676, 
gouverneur  d'Huningue  en  1679,  lieutenant  général  en  1696.  Il  fit  les 
fonctions  d'ambassadeur  extraordinaire  en  Suisse  de  1698  à  1708,  fut 
nommé  chevalier  des  ordres  en  1704,  conseiller  d'État  d'épée  en  fé- 
vrier 1707,  et  mourut  le  28  mars  1719,  à  soixaute-dix-neuf  ans. 

4.  Un  et  a  été  biffé  devant  y;  un  autre  ensuite  devant  laissa. 
o.  Le  carrosse  était  à  six  places. 

6.  Bien  que  la  diversité  de  régime  d'un  même  verbe  (un  nom,  puis 
un  que)  soit  une  très  fréquente  habitude  de  Saint-Simon,  il  a  cru  devoir, 
ici,  mettre  ajouta  après  coup,  en  interligne. 


[16961  DE  SAINT-SIMON.  207 

tiques  de  princes  du  sang  à  y  entrer'.  »  Mme  de  Lange- 
ron*  en  a  été  un  exemple  singulier.  Elle  fut  d'abord  à 
Madame  la  Princesse^,  et,  tant  qu'elle  y  fut,  elle  n'entra 
point  dans  les  carrosses,  ni  ne  mangea  à  table.  Elle  passa 
à  Mme  de  Guise,  petite-fille  de  France*,  et,  de  ce  mo- 
ment, elle  mangea  avec  le  Roi^,  Madame  la  Dauphine  et 
Madame,  car  la  Reine  étoit  morte ^,  avec  qui  elle  auroit 
mangé  aussi  \  et  entra  dans  les  carrosses  sans  aucune 
difficulté^.  La  même  Mme  de  Langeron  quitta  Mme  de 

1.  Bussy  {Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VIII,  p.  435-136)  raconte, 
en  1687,  que  le  Roi,  ayant  à  se  plaindre  de  quelque  négligence  de 
Xaintrailles,  dit  à  Monsieur  le  Duc  qu'il  «  s'étonnoit  qu'il  fit  entrer  un 
homme  comme  celui-là  dans  son  carrosse.  » 

2.  Claude-Bonne  Faye  d'Espeisses,  fille  d'honneur  de  la  Reine,  épousa, 
le  24  octobre  1643,  Philippe  Andrault,  gentilhomme  de  Monsieur  (Gas- 
ton) en  1643,  bailli  de  Nivernais  et  gouverneur  de  la  Charité  en  1644, 
maréchal  de  camp  en  16oJ,  créé  comte  de  Langeron  en  1656,  premier 
gentilhomme  de  Monsieur  le  Duc  en  1672,  et  mort  le  21  mai  1673,  à 
soixante-trois  ans.  «  Femme  de  vertu  et  de  mérite  »  (Mémoires  de  Ma- 
demoiselle, tome  III,  p.  489),  Mme  de  Langeron  fut  d'abord  nommée 
dame  de  la  chambre  de  la  reine  de  Pologne  par  brevet  du  7  novem- 
bre 1645  ;  puis,  de  1660  à  1663,  elle  fit  les  fonctions  de  gouvernante 
auprès  des  filles  du  second  lit  de  Gaston,  devint  ensuite  dame  d'hon- 
neur de  Madame  la  Princesse,  comme  va  le  dire  Saint-Simon,  et  de  la 
duchesse  de  Guise,  et  fut  choisie,  en  avril  1685,  pour  remplir  les 
mêmes  fonctions  auprès  de  la  future  duchesse  de  Bourbon.  Mais,  quand 
elle  mourut,  le  2  décembre  1690,  âgée  de  soixante-cinq  (ou  soixante- 
dix)  ans,  elle  était  redevenue  dame  d'honneur  de  Madame  la  Princesse 
{Journal  de  Dangeau,  tome  111,  p.  256;  Correspondance  de  Biissij, 
tome  VI,  p.  416).  Son  père  et  son  grand-père  avaient  fait  les  fonctions 
d'ambassadeur  ;  son  mari  est  qualifié  de  grand  écuyer  de  Monsieur  dans 

es  relations  du  mariage  de  Mlle  de  Valois  avec  le  duc  de  Savoie  (1663). 

3.  Ce  n'est  pas  Claire-Clémence  de  Maillé-Brezé,  femme  du  grand 
Condé,  mais  Anne  de  Bavière,  femme  d'Henri-Jules  de  Bourbon. 

4.  Voyez  ci-dessus,  p.  59-65. 

5.  Comparez  les  premières  lignes  de  l'Addition  175. 

6.  C'était  donc  après  le  mois  d'août  1683. 

7.  Aussi  est  ajouté  en  interligne. 

8.  Voyez  un  singulier  épisode  où  figure  Mme  de  Langeron,  comme 
gouvernante  de  Mme  de  Savoie,  dans  les  Lettres  de  Colberl,  publiées 
par  P.  Clément,  tome  VI,  p.  468. 


208  MÉMOIRES  [1696] 

Guise  et  rentra  à  Madame  la  Princesse  '  ;  et  dès  lors  il  ne 

fut  plus  question  pour  elle  de  plus  entrer  dans  les  car- 

\Add.  S'-S.  ne,   rosses,  ni  de  manger'^.  Cette  exclusion  dura  le  reste  de  sa 

177  e\  Il 8]      longue  vie,  et  elle  est  morte  chez  Madame  la  Princesse^. 

1.  Ea  racontant  que  «  Mme  de  Langeron,  qui  étoit  dame  d'honneur 
de  Madame  la  Duchesse  <^,  fut  nommée  pour  être  dame  d'honneur  de 
Mme  la  duchesse  de  Bourbon,  »  en  avril  168o,  le  marquis  de  Sourches 
fait  cette  réflexion  :  «  Il  paroissoit  que  c'étoit  baisser  en  dignité,  ayant 
été  dame  d'honneur  de  Madame  la  Duchesse,  de  la  devenir  de  Mme  la 
duchesse  de  Bourbon,  et  qu'il  n'étoit  guère  convenable  à  une  femme 
qui  passoit  soixante  ans  d'entrer  au  service  d'une  si  jeune  princesse. 
Mais  il  falloit  bien  que  cela  fût  bon,  puisque,  ayant  de  l'esprit,  elle  le 
souhaita,  et  que  Mme  de  Maintenon,  sa  bonne  amie,  s'employa  pour  le 
lui  faire  obtenir.  »  (Mémoires  de  Sourckes,  éd.  Bernier,  tome  I,  p.  95.) 
Daugeau  (tome  I,  p.  162)  ajoute  à  la  même  nouvelle  :  «  Elle  (Mme  de 
Langeron)  sera  comme  Mme  la  duchesse  de  Richelieu,  qui  fut  dame 
d'honneur  de  Madame  la  Dauphine,  après  l'avoir  été  de  la  Reine.  » 
Mme  de  Sévigné  parle  trois  fois  de  la  «  déchéance  »  de  Mme  de  Lan- 
geron, en  1680  (tome  VI,  p.  171,  196  et  208-209),  et  ses  expressions, 
dans  le  premier  de  ces  passages  :  «  Elle  avoit  eu  cet  honneur  (d'entrer 
dans  le  carrosse  de  la  Reine)  quand  elle  étoit  gouvernante,  »  prouvent, 
de  même  que  d'autres  documents,  que  Mme  de  Langeron  avoit  le  titre 
de  gouvernante,  et  non  de  dame  d'honneur,  chez  la  duchesse  de  Guise. 
Mais  nous  ne  voyons  nulle  part  quand  Mme  de  Langeron  passa  de  Ma- 
dame la  Princesse  à  Mme  de  Guise,  puis  revint  de  celle-ci  à  Madame  la 
Princesse.  En  mai  168o,  la  place  auprès  de  Mme  de  Guise  était  occu- 
pée par  Mme  du  Bouchet,  que  remplaça  alors  Mme  de  Vibraye  (ci- 
dessus,  p.  67,  note  1.) 

2.  Outre  les  Additions  indiquées  en  marge,  voyez  une  note  de  Saint- 
Simon  sur  l'article  de  Dangeau  du  5  janvier  1694  (tome  IV,  p.  432),  et 
divers  passages  des  Mémoires,  notamment  tome  IV,  p.  15-19.  Les  deux 
épisodes  qu'on  vient  de  lire  sont  racontés,  avec  des  différences  de 

■  détail,  dans  un  grand  article  sur  le  duc  du  Maine  et  le  comte  de  Tou- 
louse que  Saint-Simon  a  intercalé  au  milieu  de  ses  Ducs  d  pairs  faits 
par  Louis  XIV  (vol.  51  de  ses  Papiers),  et  que  nous  donnerons  plus 
tard,  en  regard  des  pages  relatives  à  l'élévation  des  bâtards  de  Mme  de 
Montespan. 

3.  Dangeau  dit,  à  la  date  du  2  décembre  1690  :  «  Mme  de  Langeron 
est  morte  à  Paris;  elle  étoit  dame  d'honneur  de  Madame  la  Princesse.  » 
Et  Saint-Simon  a  ajouté  en  note  :  «  Celle  qui  cessa,  étant  dame  d'hon- 

»  Qui  devint  Madame  la  Princesse  l'année  suivante,  à  la  mort  de  son  beau- 
père. 


du  pair 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  209 

La  marquise  du  Châtelet'  étoit  fille  du  feu  maréchal  de  Marquise  du 
Bellefonds%  et,  comme  Mme  de  Nogaret,  avoit  été  fille  f^fiàtt'et  dame 
de  Madame  la  Dauphine.  Elle  avoit  épousé  le  marquis  du 
Châtelet^,  c'est-à-dire  un  seigneur  de  la  première  qualité 
de  l'ancienne  chevalerie  de  Lorraine*.  Cette  maison  pré- 
tend être  de  la  maison  de  Lorraine,  et  l'antiquité  de  l'une 
et  de  l'autre  ôte  les  preuves  du  pour  et  du  contre  ^.  Elle 

neur  de  Madame  la  Princesse,  de  manger  à  table  et  d'entrer  dans  les 
carrosses,  comme  elle  faisoit  étant  dame  d'honneur  de  Mme  de  Guise.  » 
Voyez  aussi  les  articles  du  Journal  des  13  avril  et  19  juin  1688  (tome  II, 
p.  129  et  148),  auxquels  Saint-Simon  a  fait  des  Additions  qui  trouvent 
place  ici.  Selon  Mme  de  Scvigné  (tome  VI,  p.  200  et  522),  Mme  de 
Langeron  était  «  l'âme  de  toute  la  parure  de  l'hôtel  de  Condé,  »  et 
surtout  elle  y  exerçait,  par  son  bon  esprit,  une  heureuse  influence; 
peut-être  même  (tome  IV,  p.  28)  avait-elle  une  tendre  affection  pour 
Monsieur  le  Duc.  Jal  a  indiqué  sommairement  la  célébration  des  obsè- 
ques de  Mme  de  Langeron,  3  décembre  1690,  dans  le  Dictionnaire  cri- 
tique, p.  1260,  note  1  ;  voyez  aussi  Abraham  du  Quesne,  tome  II,  p.  398. 

1.  Suzanne '^  Gigault  de  Bellefonds,  dite  Mlle  de  l'Isle-Marie,  nom- 
mée fille  d'honneur  de  la  Dauphine  le  30  avril  1686,  en  place  de 
Mlle  de  Levenstcin,  épousa,  le  8  janvier  1688,  Antoine-Charles,  mar- 
quis du  Châtelet  de  Clémont.  Elle  devint  veuve  en  1720,  et  mourut  le 
13  octobre  1733,  à  soixante-six  ans. 

2.  Voyez  notre  tome  I,  p.  131,  note*.  —  3.  Tome  II,  p.  149,  note  2. 

4.  Le  Mémoire  sur  le  duché  de  Lorraine  dressé  en  1698,  par  l'inten- 
dant Desmaretz  de  Vaubourg,  s'exprime  ainsi  :  «  On  appelle  ancienne 
chevalerie  la  noblesse  dont  les  aïeuls  ont  été  au  voyage  de  la  terre 
sainte  avec  Geoffroy  de  Bouillon,  dans  le  temps  des  croisades.  Il  n'y  a 
plus  que  quatre  de  ces  familles  qui  subsistent  par  les  mâles,  savoir  :  du 

Châtelet,  Haraucourt,  Lenoncourt  et  Ligniville Celle  du  Châtelet  est 

plus  étendue »  Ce  sont  ces  quatre  familles  qu'on  appelait  familière- 
ment les  grands  chevaux  de  Lorraine. 

5.  Voyez  {'Histoire  généalogique  de  la  maison  du  Châtelet,  branche 

«  Kllc  est  nommée  Armandc-Mftrie  dans  les  tableaux  Imprimés  de  la  gé- 
néalogie DU  Châtelet,  Thcrèse-Maric  dans  les  généalogies  manuscrites,  Ma- 
deleine-Suzanne dans  le  Mercure  d'octobre  1733,  Jeanne-Suzanne  dans  une 
copie  de  ses  bans  de  mariage  conservée  dans  le  dossier  du  Châtelet,  fol.  146, 
et  dans  le  contrat  de  mariage  de  sa  nièce,  Mme  de  Vergetot,  mais  simple- 
ment Suzanne  dans  plusieurs  quittances  passées  par  son  mari  et  dans  le 
contrat  de  mariage  de  son  fils  [Pièces  originales,  vol.  70:>,  dossier  du  Chàtelkt). 

*  Nous  répéterons  que  cette  famille  écrivait  son  nom  Bcllefont.  Le  ma- 
réchal signait  :  Bernardin  Gigaut  Bcllefont. 

MKMOIRES    DE   .SAINT-SIMON.     III  1-4 


210  MÉMOIRES  [1696] 

y  a  eu  toujours  les  emplois  les  plus  distingués,  et  porte 
les  armes  pleines  de  Lorraine  ^  avec  trois  fleurs  de  lis 
d'argent  sur  la  bande  ^  au  lieu  des  trois  alérions^  de 
Lorraine,  et,  depuis  quelque  temps,  ont*  pris  le  manteau 
ducaP,  de  ces  manteaux  qui  ne  donnent  rien  et  que  M.  le 
prince  de  Conti  appeloit  plaisamment  des  robes  de  cham- 

puînée  de  la  maison  de  Lorraine,  par  dom  Augustin  Calmet  (1741), 
ainsi  qu'une  pièce  manuscrite  du  dossier  du  Châtelet,  fol.  136,  au 
Cabinet  des  titres,  et  une  généalogie,  également  manuscrite,  dans  le 
volume  705  des  Pièces  originales. 

1.  Sur  les  armes  de  Lorraine,  qui  étaient  :  «  d'or,  à  la  bande  de 
gueules,  chargée  de  trois  alérions  d'argent,  »  on  peut  consulter  la  pré- 
face de  YHistoire  de  Lorraine,  par  dom  Calmet,  et,  sur  le  blason  par- 
ticulier de  la  maison  du  Châtelet,  la  préface  de  l'Histoire  de  la  maison 
du  Châtelet  indiquée  dans  la  note  précédente,  p.  xx-xxvi,  une  disser- 
tation de  1736  insérée  dans  le  Supplément  aux  Preuves  de  cet  ouvrage, 
p.  ccxcv,  et  les  documents  réunis  dans  le  dossier  du  Châtelet,  fol.  o7et 
63,  au  Cabinet  des  titres. 

2.  La  bande,  une  des  ^^ièccs  honorables  du  blason,  traverse  l'écu  de 
l'angle  dextre  supérieur  à  l'angle  senestre  inférieur,  et  ne  doit  occuper 
qu'un  tiers  de  sa  largeur. 

3.  Alérion,  dans  la  langue  poétique  du  moyen  âge,  signifiait  un 
petit  aigle.  En  blason,  l'alérion  se  figure  sans  bec  ni  jambes,  montrant 
la  poitrine  et  les  ailes  déployées,  mais  abaissées.  On  a  prêté  une  origine 
fabuleuse  aux  alérions  des  armes  de  Lorraine;  des  étymologistes  ont 
voulu,  d'autre  part,  n'y  voir  autre  chose  qu'un  anagramme  de  Lorraine. 
Ce  qui  est  plus  positif,  c'est  que  la  forme  et  les  attributs  de  l'alérion  ne 
se  reconnaissent  pas  distinctement  sur  les  anciens  sceaux  de  cette  maison. 

4.  Ont,  par  mégarde,  comme  si  le  sujet  était  «  les  du  Châtelet.  » 

5.  Ducal,  mal  écrit  une  première  fois,  a  été  biffé,  puis  récrit.  — 
Les  princes  qui  ne  sont  pas  souverains,  dit  Furetière  à  l'article  Manteau, 
et  les  ducs  et  pairs  de  France  couvrent  leurs  écus  d'un  manteau  fourré 
d'hermines  et  armorié  sur  le  repli  ;  cet  usage,  ajoute-t-il,  n'a  guère  plus 
d'un  siècle,  et  l'on  considère  le  manteau  comme  une  représentation  de 
la  cotte  d'armes  du  chevalier.  Le  manteau  est  un  des  privilèges  de  la 
pairie  que  Saint-Simon  revendiquait  très  vivement,  notamment  dans 
ses  Projets  de  rétablissement  du  royaume  de  France  (1712),  que  doit 
comprendre  la  publication  de  M.  Faugère.  Sur  une  liste  des  «  personnes 
qui  portent  le  manteau  d'armes  sans  avoir  de  rang,  »  nous  voyons  le 
marquis  du  Châtelet  figurer  le  sixième  entre  dix-sept  noms  français 
(ms.  Clairambault  719,  p.  101). 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  211 

bre'.  De  rang  ni  d'honneurs^,  ils  n'en  ont  jamais  eu  ni 
prétendu^.  M.  du  Châtelet  étoit  un  homme*  de  fort  peu 
d'esprit  et  difficile,  mais  plein  d'honneur,  de  bonté,  de 
valeur,  avec  très  peu  de  bien  et  de  santé,  et  fort  bon 
officier  et  distingué^.  Sa  femme  étoit  la  vertu  même  et  la 
piété  même*^  dans  tous  les  temps  de  sa  vie,  bonne,  douce, 
gaie,  sans  jamais  ni  contraindre  ni  trouver  à  redire  à  rien, 
aimée  et  désirée  partout".  Elle  vivoit  retirée,  avec  son 
mari  et  sa  mère*,  à  Vincennes,  dont  le  petit  Bellefonds^, 

1.  Saint-Simon  disait,  vers  1714,  dans  ses  Projets  de  fjoiivernement 
du  duc  de  Bourgogne  (édités  par  M.  Mesnard,  p.  140)  :  «  Personne  ne 
croit  plus  devoir  porter  d'autre  couronne  que  celle  de  duc  ;  en  porte  le 
manteau  qui  veut,  que  M.  le  prince  de  Conti  appeloit  de  faux  manteaux 
et  des  robes  de  chambre,  jusque-là  que  les  présidents  à  mortier  les 
contrefont  tant  qu'ils  peuvent,  et  font  disparaître  leur  petit-gris.  »  Dans 
les  Mémoires  (tome  IV,  p.  235),  il  répétera  encore  que  le  manteau 
ducal,  «  depuis  vingt  ou  vingt-cinq  ans,  se  souffroit  à  plusieurs  gens, 
qui  n'en  tiroient  aucun  avantage.  » 

2.  C'est-à-dire  le  rang  ou  les  honneurs  de  prince  étranger,  comme 
appartenant  à  la  maison  de  Lorraine. 

3.  Cet  article  est  presque  littéralement  transcrit  de  celui  que  Saint- 
Simon  avait  inséré,  un  peu  antérieurement,  dans  ses  Notions  des  cheva- 
liers du  Saint-Esprit,  vol.  34  de  ses  Papiers,  fol.  78  v«. 

4.  Un  liomme  est  écrit  eu  interligne. 

5.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  VIII,  p.  107. 

6.  «  Personne  de  grand  mérite,  fort  bien  faite  et  fort  aimable,  » 
dit  le  marquis  de  Sourches  (éd.  Dernier,  tome  II,  p.  33,  42  et  7o). 

7.  On  retrouvera  les  mêmes  éloges  à  l'endroit  indiqué  ci-dessus  des 
Mémoires,  tome  VIII,  p.  107,  et  au  tome  X,  p.  166,  ainsi  que  dans 
une  Addition  au  tome  XV  du  Journal  de  Dangeau,  p.  128-129. 

8.  La  maréchale  de  Dellefonds  s'appelait  Madeleine  Foucquet  de 
Chalain.  Mariée  par  contrat  du  27  décembre  165S  et  devenue  veuve 
le  5  décembre  1694,  elle  ne  mourut  que  le  20  mai  1716,  à  l'âge  de 
soixante-dix-sept  ans.  Le  9  décembre  1094,  quatre  jours  après  la  mort 
de  son  mari,  elle  avait  eu  un  brevet  pour  conserver  sa  pension  de  douze 
mille  livres  et  son  appartement  au  château  de  Vincennes,  où  toute  la 
famille  habitait  par  économie.  (Arch.  nat.,  0'  38,  fol.  300.) 

9.  Louis-Charles-Bernardin  Gigault,  marquis  de  Bellefonds,  né  le 
11  octobre  1683,  avait  été  pourvu  à  sept  ans,  en  août  1692,  du  gou- 
vernement de  Vincennes,  vacant  par  la  mort  de  son  père,  tué  à  Stein- 
kerque.  Il  acheta  un  régiment  de  cavalerie  en  1704,  et  mourut  subite- 


21-2  MÉMOIRES  [1696J 

son  neveu,  étoit  gouverneur  ^  Ils  venoient  peu  à  la  cour, 
n'avoient  pas  de  quoi  être  à  Paris,  et  cependant  M.  du 
Châtelet  vivoit  fort  noblement  à  l'armée.  Ils  ne  pensoient 
à  rien  moins  -.  Le  Roi  avoit  toujours  aimé  le  maréchal  de 
Bellefonds^,  et  l'avoit  pourtant  laissé  à  peu  près  mourir 
de  faim*  :  sa  considération,  quoique  mort,  la  vertu  et  la 
douceur  de  sa  fille  la  firent^  dame  du  palais  dans  Vin- 

nient,  le  20  août  1710,  dans  sa  vingt-cinquième  année.  Il  était  petit-fils 
du  maréchal  mort  en  1694,  et,  jusqu'à  ce  qu'il  eîit  atteint  sa  majorité, 
M.  de  Bernaville  fut  chargé  de  faire  les  fonctions  à  sa  place. 

1.  Selon  le  duc  de  Luynes  {Mémoires,  tome  XllI,  p.  3ol),  le  gouver- 
nement du  château  de  Vincennes  valait  vingt-quatre  mille  livres  au 
moins.  Il  était  venu  au  marquis  de  Bellefonds,  en  1681,  par  la  démis- 
sion de  son  beau-père,  le  duc  Mazarin.  On  y  avait  joint,  depuis  1676, 
une  capitainerie  des  chasses  dont  la  juridiction  s'étendait  sur  onze 
villages  et  leurs  territoires.  Le  maréchal  de  Bellefonds,  sa  veuve  et  son 
petit-fds  furent  enterrés  dans  le  chœur  de  la  Sainte-Chapelle  du  château. 

2.  «  A  rien  moins  qu'à  cette  place  de  dame  de  la  Dauphine.  »  C'est 
clair  et  continué  par  la  ligne  1  de  la  page  213  et  les  premiers  mots 
de  l'alinéa  suivant  :  «  Mme  de  Montgon  n'y  pensoit  pas  davantage.  » 

3.  Voyez  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  en  1671  et  1672,  tome  II, 
p.  117,  456,  464,  et  tome  111,  p.  37,  44,  etc.,  et  surtout  une  notice 
biographique  consacrée  au  maréchal  par  P.  Clément,  à  la  fin  du  tome  II 
de  son  édition  des  Réflexions  sur  la  miséricorde  de  Dieu  par  la  duchesse 
de  la  Vallière,  p.  249-259.  Ami  de  Mme  de  Sévigné,  de  Bossuet,  de 
Rancé,  de  Mlle  de  la  Vallière,  le  maréchal  était,  selon  l'expression  de 
Bussy,  de  «  ces  espèces  de  philosophes  chrétiens  qui  se  sont  fait  une 
longue  habitude  de  mépriser  les  vanités  de  la  cour,  »  {Correspondance 
de  Busstj,  tome  IV,  p.  205.)  On  a  un  certain  nombre  de  lettres  que  lui 
écrivirent  Bossuet  et  Mlle  de  la  Vallière  à  propos  de  la  retraite  de 
cette  dernière,  et  sa  correspondance  avec  Louvois  et  le  Roi.  Le  marquis 
de  Sourches  lui  a  consacré  une  note  intéressante  au  début  de  ses  Mé- 
tnoires,  éd.  1881,  tome  I,  p.  34,  et  nous  donnons  à  l'Appendice,  n"  XVIII, 
un  article  inédit  de  Saint-Simon  sur  lui,  ainsi  que  son  portrait  par  Ézé- 
chiel  Spanheim. 

4.  A  la  mort  de  M.  de  Bellefonds  (1694),  le  maréchal  de  Choiseul 
fut  seul  à  «  faire  des  merveilles  »  pour  la  famille  {Sévigné,  tome  X, 
p.  217-219).  Sur  la  détresse  du  maréchal,  voyez  aussi  un  des  passages 
cités  des  Mémoires  de  Sourches,  éd.  Bernier,  tome  II,  p.  42-43. 

5.  Il  semble  que  Saint-Simon,  ayant  commencé  par  mégarde  à  écrire 
fill[e]  une  seconde  fois,  a  aussitôt  effacé  les  //  et  corrigé  en  firent. 


|-169GJ  DE   SAINT-SIMON.  2i3 

cennes,  où  elle  n'y  avoit  seulement  pas  songé  ',  et  ce  choix 
fut  fort  applaudi. 

Mme  de   Montgon  ^  n'y  pensoit  pas  davantage,   et  se        Mme  de 
trouvoit  alors  chez^  son  mari*,  en  Auvergne  %  et  lui  à  Tar-    '^'o'^tgo"  ^lame 

,  .  •  ,,  ""  palais. 

mée;  mais  elle  avoit  une  mère  quiy  songeoitpour  elle,  et 

qui  ne  bougeoit  de  la  cour  et  d'avec  Mme  de  Maintenon  :  c'é- 

toit  Mme  d'Heudicourt  %  qu'il  faut  reprendre  de  plus  loin. 

Le  maréchal  d'Albret^  des  bâtards   de   cette  grande 


Mme  d'Heudi- 
court. 


I.  M.  du  Chàtelet  venait  d'obtenir  une  pension  de  mille  écus. 

'■2.  Louise  Sublet  d'Heudicourt,  née  en  1668,  mariée  le  10  avril  1688  au 
comte  de  Montgon,  et  morte  à  Clermont,  en  Auvergne,  le  S  janvier  1707. 

3.  Chez  corrige  en.  —  4.  Voyez  ci-dessus,  p.  120,  note  1. 

.^.  Montgon  est  une  localité  du  département  de  la  Haute-Loire,  com- 
mune de  Grenier-Montgon. 

6.  Bonne  de  Pons,  mariée  en  1666  à  Michel  Sublet,  marquis  d'Heu- 
dicourt, grand  louvetier  (voyez  ci-après,  p.  219,  note  7),  mourut  au 
château  de  Versailles,  le  24  janvier  1709,  à  l'âge  de  .soixante-cinq  ans. 

7.  César-Phébus  d'Albret,  sire  de  Pons  et  comte  de  Miossens,  obtint 
d'abord,  en  1635,  un  régiment  d'infanterie,  puis,  en  1639,  une  compa- 
gnie aux  gardes,  et,  en  1644,  une  enseigne  aux  gendarmes  de  la  garde. 
II  fut  fait  maréchal  de  camp  en  1643,  sous-lieutenant  des  gendarmes 
en  1647,  grand  maître  de  la  garde-robe  du  duc  d'Anjou  et  lieutenant 
général  en  1630,  capitaine-lieutenant  des  gendarmes  en  1631,  maréchal 
de  France  en  février  1633  (il  changea  alors  son  surnom  de  Miossens 
contre  le  titre  de  maréchal  d'Albret),  chevalier  des  ordres  en  I66i,  gou- 
verneur de  Guyenne  en  1670.  Il  mourut  à  Bordeaux,  le  3  septembre  1676, 
âgé  de  soixante-deux  ans.  Un  portrait  de  lui,  assez  mauvais,  venant  de 
la  collection  des  Grands-Augustins,  est  au  musée  de  Versailles,  n°  4243. 
Scarron  et  Saint-Évremond  l'ont  beaucoup  célébré,  Tallemant  a  raconté 
ses  succès  innombrables,  et  la  Carte  de  la  cour  (1663,  par  Guéret)  le 
qualifie,  sous  le  pseudonyme  du  «  brave  Timante,  »  de  «  grand  maître 
dans  l'art  d'aimer  »  ;  mais  il  paraît  que  la  galanterie  le  faisait  souvent 
tomber  dans  le  «  galimatias.  »  C'est  de  lui  que  Scarron,  avec  qui  il 
était  fort  lié,  a  dit,  dans  son  Épître  chagrine  à  Mgr  le  maréchal  tVAlhret  : 

Ce  Miossens  aux  maris  si  terrible, 
Ce  Miossens  à  l'amour  si  sensible, 
Mais  si  léger  en  toutes  ses  amours, 
Qu'il  change  encore  et  changera  toujours.... 


Quelques  billets  du  maréchal  ont  été  reproduits  dans  l'Appendice  de 
Madame  de  Sablé,  p.  382-384.  Il  fut  question,  un  moment,  de  le  créer 
duc  en  1048  {Mémoires  de  Mme  de  Moiteville,  tome  II,  p.  264). 


214  MÉMOIRES  [1696] 

maison  dès  lors  éteinte ^  avoit  une  grand'mère  Pons*, 
mère  de  son  père^  fille  du  chevalier  du  Saint-Esprit 
de  la  première  promotion  *,  sœur  de  la  fameuse  Mme  de 
Guercheville  ^,  dame  d'honneur  de  Marie  de  Médicis,  qui 
introduisit  la  première  le  cardinal  de  Richelieu  auprès 
d'elle*^,  et  qui  fut  mère  en  secondes  noces  du  duc  de 

1.  Les  seigneurs  d'Albret  ou  de  Lebret  tiraient  leur  nom  d'un  bourg 
(aujourd'hui  Labrit)  situé  dans  les  Landes,  qui  fut  érigé  en  duché 
d'Albret,  au  mois  de  décembre  loo6,  pour  la  dernière  représentante  de 
cette  race,  Jeanne  d'Albret,  reine  de  Navarre  et  princesse  de  Béarn, 
mère  d'Henri  IV.  Une  autre  branche,  celle  d'Orval,  avait  fini  également 
en  1524.  Voyez  leur  généalogie  dans  le  P.  Anselme,  tome  VI,  p.  206- 
218.  La  branche  bâtarde  de  Miossens  (ibidem,  p.  219-221)  avait  pour 
premier  auteur  Etienne  d'Albret,  sénéchal  de  Foix,  légitimé  en  juin  1527 
et  quahfié  cousin  du  Roi,  comme  le  fut  depuis  toute  sa  descendance; 
mais  le  maréchal  n'avouait  pas  cette  bâtardise,  et  son  opinion  a  été 
encore  soutenue  dans  les  Mémoires  de  Trévoux,  en  1731,  p.  1055-1063. 
Saint-Simon  en  reparlera  plus  longuement  (tome  X,  p.  137  et  suivan- 
tes, et  tome  XII,  p.  93);  nous  donnerons  alors  les  articles  consacrés 
par  lui  aux  Albret-Miossens,  soit  dans  les  Duchés -pairies,  soit  dans 
les  Notions  des  chevaliers  du  Saint-Esprit. 

2.  Antoinette,  dame  de  Pons  et  de  Marennes,  mariée  à  Henri  I" 
d'Albret,  baron  de  Miossens,  chevalier  des  ordres  en  1595,  dont  le  por- 
trait est  au  musée  de  Versailles,  n"  4132.  L'illustre  maison  de  Pons 
était,  disent  les  lettres  d'érection  du  duché  de  la  Rocheguyon,  alliée 
aux  plus  grands  princes  de  la  chrétienté.  Brouage  lui  doit  sa  fondation. 

3.  Henri  II  d'Albret,  baron  de  Miossens  et  de  Pons,  comte  de  Maren- 
nes, marié  en  1611  à  une  fille  du  marquis  de  Montespan,  et  inhumé  à 
Pons  le  19  mai  1650.  Tallemant  parle  de  lui  fort  souvent. 

4.  Antoine,  sire  de  Pons  et  comte  de  Marennes,  capitaine  des  cent 
gentilshommes  de  la  maison  du  Roi  et  lieutenant  pour  le  Roi  en  Sain- 
tonge,  fait  chevalier  des  ordres  le  31  décembre  1578,  par  Henri  III. 

5.  Autre  Antoinette  de  Pons,  marquise  de  Guercheville,  mariée  :  1"  à 
Henri  de  Silly,  comte  de  la  Rocheguyon,  chevalier  des  ordres,  qui  mourut 
en  1586  ;  2°  le  17  février  1594,  à  Charles  du  Plessis,  seigneur  de  Lian- 
court,  comte  de  Beaumont,  aussi  chevalier  des  ordres.  Elle  mourut  h 
Paris,  le  16  janvier  1632.  L'abbé  de  Choisy  a  fait,  dans  ses  Mémoires 
(livre  XII,  p.  670-671),  une  notice  sur  Mme  de  Guercheville,  si  renom- 
mée pour  sa  résistance  à  Henri  IV,  et  nous  donnons  à  l'Appendice,  n°  XIX, 
celle  que  lui  a  consacrée  Saint-Simon  dans  les  Duchés-pairies  éteints. 

6.  Voyez  la  fin  de  l'appendice  XIX.  On  disait  qu'elle  avait  été  char- 


[16961  r»E  SAINT-SIMON.  215 

Liancourt^  Le  maréchal  d'Albret,  qui  eut  son  bâton 
pour  avoir  conduit  Monsieur  le  Prince,  M.  le  prince  de 
Conti  et  M.  de  Longueville  -  à  Vincennes^  avec  les  che- 
vau-légers^,  fut  toute  sa  vie  dans  une  grande  considéra- 
tion et  tenoit  un  grand  état  partout.  Il  étoit  chevalier 
de  l'Ordre  et  gouverneur  de  Guyenne;  il  avoit  chez  lui, 
à  Paris,  la  meilleure  compagnie,  et  Mlles  de  Pons^  n'en 

ruée  des  sermons  du  jeune  prélat,  au  diocèse  duquel  appartenaient 
Pons  et  le  comté  de  Marennes.  L'éditeur  de  la  correspondance  de  Ri- 
chelieu, dans  une  note  de  son  premier  volume  (p.  603,  note  2),  dit  que 
Mme  de  Guercheville  rendit  de  grands  services  à  Monsieur  de  Luçon, 
mais  qu'on  n'est  pas  sûr  que  ce  soit  elle  qui  l'ait  présenté  à  la  cour. 

1.  Roger  du  Plessis,  marquis  de  Liancourt  et  de  Guercheville,  etc., 
premier  écuyer  de  la  petite  écurie  en  1620,  premier  gentilhomme  de 
la  chambre  en  4624,  chevalier  des  ordres  en  dôSS,  créé  duc  de  la 
Rocheguyon  (et  non  de  Liancourt)  en  1643,  mourut  à  Paris,  le  1"  aoiît 
4674,  âgé  de  soixante-quinze  ans.  Sa  petite-fille  et  héritière  unique 
porta  Liancourt  et  la  Rocheguyon  aux  ducs  de  la  Rochefoucauld. 

2.  Le  grand  Condé,  son  frère  Armand  et  leur  beau-frère,  Henri  d'Or- 
léans, duc  de  Longueville. 

3.  Le  manuscrit  porte  :  «  à  /a  Vincennes  »,  les  deux  lettres  Vi  corri- 
geant Bas[tille]. 

4.  Sur  l'arrestation  des  princes  (18  janvier  lUoO),  voyez  les  Mé- 
moires de  Lenet,  p.  244,  ceux  de  Mme  de  Motteville,  tome  III,  p.  434 
et  suivantes,  ceux  de  Retz,  tome  III,  p.  49,  de  Choistj,  p.  S65,  et  le  der- 
nier chapitre  du  tome  II  de  l'Histoire  de  la  Frcmce  pendant  la  minorité 
de  Louis  XIV,  par  M.  Chéruel,  p.  35S-387.  Mlle  de  Montpensier  et  Lenet 
ont  raconté  que  Condé  essaya  de  séduire  le  chef  de  l'escorte,  et  que 
Miossens  répondit  simplement  :  «  Je  suis  serviteur  du  Roi.  »  Quelques 
contemporains  rapportent,  comme  Saint-Simon,  que  l'escorte  fut  four- 
nie par  les  chevau-légers  de  la  gai'de  ;  mais  on  a  vu  plus  haut,  dans  la 
notice  du  maréchal  d'Albret  (p.  243,  note  6),  qu'il  était,  depuis  4647, 
sous-lieutenant  des  gendarmes,  et  non  des  chevau-légers,  et  Saint- 
Simon  le  dira  lui-même  au  tome  XII,  p.  93-94.  —  Tallemant  des  Réaux 
prétend  (tome  III,  p.  432)  que  Miossens  s'était  fait  donner  par  Mme  de 
Rohan  le  prix  d'une  compagnie  aux  gardes,  dont  il  acquit,  par  la  suite, 
un  guidon,  puis  une  enseigne  aux  gendarmes,  et  Monglat  raconte  (Mé- 
moires, p.  287)  par  quelle  audacieuse  démarche  il  fcwça  Mazarin  à  le 
déclarer  maréchal  de  France. 

5.  Elisabeth  de  Pons  et  Bonne  de  Pons,  filles  de  Pons  de  Pons,  sei- 
gneur de  Bourg-Charente,  et  d'Elisabeth  de  Puyrigault,  avaient  pour 


216  MÉMOIRES  [1696] 

bougeoient,  qui  n'avoient  rien  et  qu'il  regardoit  comme 
ses  nièces.  Il  fit  épouser  l'aînée  à  son  frère  ^  qui  n'eut 
point  d'enfants  et  est  morte  en  1714^;  elle  s'appeloit 
Mme  de  Miossens,  et  faisoit  peur  par  la  longueur  de  sa 
personne^.  La  cadette*,  belle  comme  le  jour^,  plaisoit 
extrêmement  au  maréchal  et  à  bien  d'autres  ^  Mme  Scar- 


arrière-grand-père  Charles  de  Pons,  seigneur  de  Bourg,  frère  puîné  d'An- 
toine, comte  de  Marennes  (p.  214,  note  4). 

1.  Élisabetii  de  Pons  épousa  François-Amanieu,  chevalier  d'Albret, 
comte  de  Miossens,  qui  périt  en  duel  en  1672,  ayant  tué  de  même  M.  de 
Sévigné  vingt  ans  auparavant.  Elle  ne  mourut  que  le  23  février  1714,  à 
soixante-dix-huit  ans. 

2.  Saint-Simon  a  écrit,  par  mégarde  :  16U. 

3.  Voyez  les  Mémoires  à  l'occasion  de  sa  mort,  tome  X  de  1873, 
p.  137. 

4.  Bonne  de  Pons  :  voyez  ci-dessus,  p.  213,  note  5.  —  On  trouvera 
à  l'Appendice,  n°  XX,  la  première  rédaction  de  l'article  qui  va  suivre, 
tirée  d'un  mémoire  de  Saint-Simon  sur  les  Alliances  directes  des  filles 
de  seigneurs  français  avec  des  seigneurs  et  des  princes  du  sang  de  nos 
rois. 

o.  Mme  d'Heudicourt  devint  hideuse  et  méchante,  et  Saint-Simon 
la  comparera  (tome  VI,  p.  24o,  et  Addition  171)  à  un  «  démon  domes- 
tique »,  à  une  «  mauvaise  fée  ».  II  est  très  souvent  question  d'elle  dans 
les  lettres  de  Mme  de  Sévigné,  qui  était  de  ses  amies,  et  qui  néanmoins 
la  dit  aussi  «  laide  comme  un  démon  ».  (Lettres,  tome  VI,  p.  536.) 

6.  «  Le  maréchal  d'Albret,  dit  Mme  de  Caylus,  avoit  deux  parentes 
qui  demeuroient  avec  Mme  sa  femme,  Mlle  de  Pons  et  Mlle  de  Martel, 
toutes  deux  aimables,  mais  de  caractère  différent.  »  Et  plus  loin  : 
«  Mlle  de  Pons,  depuis  Mme  d'Heudicourt,  et  Mlle  d'Aumale,  depuis 
Mme  la  maréchale  de  Schonberg,  avoient  aussi  leurs  amants  déclarés, 
sans  que  la  réputation  de  cette  dernière  en  ait  reçu  la  moindre  atteinte; 
et,  si  l'on  a  parlé  différemment  de  Mme  d'Heudicourt,  c'est  qu'on  ne 
regardoit  pas  alors  un  amour  déclaré,  qui  ne  produisoit  que  des  galan- 
teries publiques,  comme  des  affaires  dont  on  se  cache  et  dans  lesquel- 
les on  apporte  du  mystère.  Mme  de  Schonberg  étoit  précieuse;  Mlle  de 
Pons,  bizarre,  naturelle,  sans  jugement,  pleine  d'imagination,  toujours 

nouvelle  et  divertissante »   (Souvenirs,   p.  477,  492  et  493.)   La 

même  Mme  de  Caylus  rapporte  plus  loin  (p.  500)  que  «  la  chronique 
scandaleuse  prétend  qu'il  (le  maréchal  d'Albret)  avoit  été  amoureux  » 
de  Mlle  de  Pons.  La  Fare  dit  aussi,  à  propos  de  Mme  Scarron  :  «  Le 
maréchal  d'Albret,  son  amant  ou  son  ami,  l'introduisit  à  l'hùtel  d'Albret 


[1G9GI  DE  SAINT-SIMON.  217 

ron,  belle,  jeune,  galante,  veuve  et  dans  la  misère \  fut  [Add.  S'-S.  179] 
introduite  par  ses  amis  à  l'hôtel  d'Albret^,  où  elle  plut 
infiniment  au  maréchal  et  à  tous  ses  commensaux  par  ses 
grâces,  son  esprit,  ses  manières  douces  et  respectueuses, 
et  son  attention  à  plaire  à  tout  le  monde  et  surtout  à  faire 
sa  cour  à  tout  ce  qui  tenoit  au  maréchaP.  Ce  fut  là  011  elle 

et  à  l'hôtel  de  Richelieu,  oh  elle  fit  connoissance  avec  Mlle  de  Pons, 
depuis  Mme  d'Heudicourt,  dont  le  maréchal  étoit  devenu  amoureux,  et 
avec  Mme  de  Montespan,  qui  avoit  épousé  un  proche  parent  du  maré- 
chal. »  {Mémoires,  p.  288.) 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  167-168,  et  comparez  tome  XII,  p.  92. 

2.  L'hôtel  d'Albret  était  situé  fort  près  de  la  place  Royale  et  de  l'hô- 
tel de  Richelieu,  dans  la  rue  des  Francs-Bourgeois  (n°  31  actuel),  où 
se  voit  encore  sa  façade  avec  fronton,  sculptures  et  balcon,  et,  par 
derrière,  il  avoisinait  l'hôtel  des  ducs  de  Lorraine.  Il  avait  appartenu 
au  connétable  de  ||û[itmorency,  puis  aux  Guénegaud,  avant  d'être 
acquis  par  la  mère  de  M.  de  Miossens.  Mme  de  Marsan  le  vendit,  en 
avril  1678,  au  financier  Brunet  de  Chailly.  (Jaillot,  Recherches  sur  Paris, 
quartier  Saint-Antoine,  p.  76-77.)  Ces  deux  hôtels  d'Albret  et  de  Riche- 
lieu avaient  comme  hérité  de  la  société  de  l'hôtel  de  Rambouillet,  ou 
du  moins  c'était  leur  prétention.  (Souvenirs  de  Mme  de  Caylus,  p.  48S.) 

3.  On  trouve  dans  le  ms.  Clairambault  1165,  fol.  162,  la  note  sui- 
vante, attribuée  à  d'Hozier,  sur  les  débuts  de  Mme  Scarron  à  la  cour  : 
«  Cette  dame,  après  la  mort  du  célèbre  Paul  Scarron,  cul-de-jatte,  poète 
comique,  en  1663  (sic),  avoit  peu  ou  point  de  bien.  Elle  étoit  très  belle. 
Le  feu  marquis  de  Villarceaux,  le  père,  s'attacha  à  elle.  Elle  devint  des 
amies  particulières  de  M.  et  de  Mme  de  Montchevreuil,  et  elle  s'en  est 
bien  souvenue,  car  elle  a  relevé  et  soutenu  de  toute  sa  faveur  ces 
deux  branches  de  la  maison  de  Mornay,  où  elle  a  remis  des  biens,  des 
honneurs  et  de  la  dignité.  Pendant  qu'elle  passoit  sa  vie  avec  le  secours 
qu'elle  tiroit  de  ces  MM.  de  Villarceaux  et  de  Montchevreuil,  le  maréchal 
d'Albret,  qui  l'estimoit  aussi,  la  recommanda  à  la  feue  reine,  qui  lui 
fit  donner  une  pension  de  deux  mille  sept  cents  livres.  Enfin  Mme  de 
Montespan  étant  devenue  maîtresse  du  Roi,  le  maréchal  d'Albret  la  fit 
connoître  à  cette  dame  et  l'attacha  à  elle  :  si  bien  qu'elle  fut  choisie 
pour  gouverner,  dans  leur  bas  âge,  tous  les  enfants  que  le  Roi  eut  de 
Mme  de  Montespan.  Elle  s'en  acquitta  très  bien;  le  Roi  eut  occasion 
de  la  voir  et  de  lui  parler;  son  esprit  et  sa  sagesse  lui  plurent,  et,  dès 
qu'il  eut  renvoyé  Mme  de  Montespan  et  rompu  le  commerce  qu'il  avoit 
avec  elle,  accoutumé  déjà  aux  manières  de  Mme  Scarron,  (|ui  acheta 
alors  la  terre  de  Maintenon  d'une  gratification  considérable  que  le  Roi 
lui  avoit  faite,  il  la  fit  venir  à  sa  cour,  il  lui  donna  la  charge  de  dame 


21.S  MÉMOIRES  [1696 

fut  connue  de  la  duchesse  de  Richelieu  \  veuve  en  pre- 
mières noces  du  frère  aîné^  du  maréchal  d'Albret,  qui  de 
plus  avoient^  marié  ensemble  leur  fils*  et  leur  fille  uni- 
que^ ;  et  la  duchesse,  quoique  remariée,  étoit  demeurée 
dans  la  plus  intime  liaison  avec  le  maréchal.  Lui  et  M.  de 
Montespan "^  étoient  enfants  du  frère'  et  de  la  sœur®. 

d'atour  de  Madame  la  Dauphine,  et  il  la  choisit  enfin  comme  la  seule  per- 
sonne capable  d'être  honorée  de  toute  sa  confidence  et  de  sa  bienveil- 
lance. >'  Comparez  l'édition  de  YHistoire  amoureuse  des  Gaules  donnée 
par  M.  Ch.  Livet,  tome  111,  p.  123  et  suivantes,  et  les  nouveaux  Mé- 
moires de  Sourches,  éd.  1881,  tome  I,  p.  20. 

1.  Anne  Poussart  de  Fors  du  Vigean.  Voyez  ci-dessus,  p.  53,  note  1, 
et  comparez,  sur  sa  parenté  avec  les  d'Albret,  sur  ses  relations  avec 
Mme  de  Maintenon,  etc.,  un  article  des  Duchés-pairisfi  existants  de 
Saint-Simon  publié  dans  la  Revue  historique  de  mars  1881,  p.  343- 
346,  la  suite  des  Mémoires,  tomes  X,  p.  139,  et  XII,  p.  92-93,  et  l'Ad- 
dition 180.  ^ 

2.  François-Alexandre  d'Albret-Miossens,  sire  de  Pons  et  comte  de 
Marennes,  mort  en  1648. 

3.  Ce  pluriel  se  rapporte  au  maréchal  d'Albret  et  à  sa  belle-soeur. 
C'est  un  accord  analogue  à  celui  que  nous  avons  vu  page  189,  note  8. 

4.  Charles-Amanieu  d'Albret,  dit  le  marquis  d'Albret,  fils  du  maré- 
chal (ce  que  notre  texte  devrait  indiquer  plus  clairement),  entra  comme 
enseigne,  en  1667,  au  régiment  du  Roi,  devint  lieutenant  en  1670, 
eut  le  régiment  de  Navarre  en  1673,  le  grade  de  brigadier  en  1673, 
celui  de  maréchal  de  camp  en  1677,  et  fut  tué  à  Pinon,  dans  la  nuit 
du  3  au  6  août  1678,  allant  retrouver  Mme  de  Bussy  Lamet,  sa  maî- 
tresse. Voyez  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  V,  p.  468  et  470, 
et  la  Correspondance  de  Bussy,  tome  IV,  p.  172. 

3.  Marie  d'Albret,  dame  de  Pons,  princesse  de  Mortagne,  etc.,  fille 
du  maréchal,  mariée  :  1°  le  2  mars  1662,  à  son  cousin,  qui  précède  ; 
2°  le  22  décembre  1682,  à  Charles  de  Lorraine,  comte  de  Marsan.  Elle 
mourut  le  12  juin  1692,  à  quarante-deux  ans,  sans  avoir  eu  aucun  en- 
fant de  ses  deux  unions.  Elle  avait  été  faite  dame  du  palais  à  la  fin 
de  l'année  1673,  et  s'était  retirée  lors  de  son  second  mariage. 

6.  Louis-Henri,  baron  de  Pardaillan  et  de  Gondrin,  marquis  de 
Montespan,  d'Antiu,  etc.,  marié  le  28  janvier  1663  à  Françoise-Athénaïs 
de  Rochechouart,  et  mort  au  mois  de  novembre  1702. 

7.  Roger-Hector  de  Pardaillan  de  Gondrin,  marquis  d'Antin,  chevalier 
d'honneur  de  Madame,  frère  consanguin  de  Mme  de  Miossens,  qui  suit. 

8.  Anne  de  Gondrin,  mariée  le  3  janvier  1641  à  Henri  II  d'Albret, 
baron  de  Pons  et  de  Miossens. 


11090]  DE  SAINT-SIMON.  219 

M.  et  Mme  de  Montespan  ne  bougeoient  de  chez  lui,  et  ce 
fut  où  elle*  connut  Mme  Scarron,  et  qu'elle^  prit  amitié 
pour  elle^.  Devenue  maîtresse  du  Roi,  le*  maréchal  n'eut 
garde  de  se  brouiller  avec  elle  pour  son  cousin  :  en  bon 
courtisan,  il  prit  son  parti,  et  devint  son  meilleur  ami 
et  son  conseil.  C'est  ce  qui  fit  la  fortune  de  Mme  Scarron, 
qui  fut  mise  gouvernante  des  enfants  qu'elle  eut  du  Roi, 
dès  leur  naissance  ^.  Le  maréchal,  qui  ne  savoit  que  faire 
de  Mlle  de  Pons",  trouva  un  Sublet',  de  la  même  famille 
du*  secrétaire  d'Etat  de  Noyers^,  qui  avoit  du  bien,  et 


i.  Elle,  Mme  de  Montespan. 

2.  Et  qu  est  écrit  en  interligne,  au-dessus  de  et  où  qu,  biffé. 

3.  Voyez  le  passage  des  Mémoires  du  marquis  de  la  F  are,  p.  288, 
dont  nous  avons  déjà  cité  quelques  lignes  ci-dessus,  p.  216,  note  6. 

4.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  la. 

5.  Voyez  les  Souvenirs  de  Mme  de  Caylus,  p.  481,  et  les  Lettres 
inédites  de  Mme  de  Sévigné,  recueil  Capmas,  tome  I,  p.  270,  note  19. 

6.  Sur  ce  mariage  et  sur  les  motifs  qui  le  firent  hâter,  voyez  un 
passage  des  Souvenirs  de  Mme  de  Caylus,  p.  501.  Les  charmes  de  Mlle  de 
Pons  avaient  failli,  paraît-il,  l'emporter  sur  ceux  de  Mlle  de  la  Vallière. 

7.  Michel  Sublet,  troisième  du  nom,  dit  le  marquis  d'Heudicourt 
(alors  :  de  Heudicourt),  de  Saint-Paire,  etc.,  servit  comme  capitaine, 
comme  mestre  de  camp  et  comme  brigadier  de  cavalerie,  jusqu'en  1684, 
où  il  fut  pourvu  de  la  charge  de  grand  louvetier.  Il  s'en  démit  au  profit 
de  son  fils,  en  1718,  pour  pouvoir  se  remarier  avec  sa  maîtresse,  et 
mourut  à  la  fin  de  la  même  année.  Le  marquisat  d'Heudicourt  ne  fut 
régulièrement  érigé  qu'en  1737. 

8.  Sur  ce  tour  par  de,  au  lieu  de  qiœ,  voyez  M.  Littré  à  l'article 
Même,  S".  Il  en  cite  plusieurs  bons  exemples  et  regrette  de  le  voir  tom- 
ber en  désuétude. 

9.  François  Sublet,  seigneur  de  Noyers  (et  non  des  Noyers,  comme 
l'écrit  Saint-Simon),  en  Bourgogne,  et  baron  de  Dangu,  au  Vexin  nor- 
mand, d'abord  trésorier  de  France  à  Piouen,  puis  conseiller  d'État, 
contrôleur  général  et  intendant  des  finances  en  1629,  remplit,  de  1636 
à  1643,  les  fonctions  de  secrétaire  d'État  de  la  guerre,  dans  lesquelles 
Michel  le  Tellier  lui  fut  substitué  sans  qu'il  voulût  donner  sa  démission. 
11  mourut  le  20  octobre  1643,  âgé  de  cinquante-sept  ans.  Son  aïeul, 
Mathurin  Sublet,  était  frère  aîné  du  bisaïeul  de  M.  d'Heudicourt.  Sur 
M,  de  Noyers,  voyez  une  historiette  de  Tallemant  des  Réaux,  tome  II, 
p.  138-144,  les  Mémoires  de  Monglat,  p.  13S-136,  164-165,  etc. 


-220  MÉMOIRES  110061 

qui,  ébloui  de  la  beauté  et  de  la  grande  naissance  de  cette 
fille,  l'épousa  pour  l'alliance  et  la  protection  du  maréchal 
d'Albret,  qui,  pour  lui  donner  un  état,  lui  obtint,  en 
considération  de  ce  mariage,  l'agrément  de  la  charge  de 
grand  louvetier^  dont  le  marquis  de  Saint-Hérem  se  dé- 
faisoit  pour  acheter  le  gouvernement  de  Fontainebleau  "\ 
Ce  nouveau  grand  louvetier  s'appeloit  M.  d'Heudicourt^ 
et  eut  une  fille''  à  peu  près  de  l'âge  de  M.  du  Maine, 
quelques  années  de  plus  ^.  Mme  Scarron  fit  trouver  bon  à 
Mme  de  Montespan  qu'elle  prît  cet  enfant  pour  faire  jouer 
les  siens",  et  l'éleva  avec  eux  dans  les  ténèbres  et  le 


1.  Nous  devons  faire  observer  qu'il  s'écoula  environ  vingt  ans  entre 
le  mariage  de  Mme  d'Heudicourt  et  l'acquisition  de  la  charge  de  grand 
louvetier  (1684).  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  111,  p.  68.  — 
On  a  vu  (tome  I,  p.  loi)  que  cette  charge  avait  été  possédée  quelque 
temps  par  le  père  de  Saint-Simon.  Le  duc  de  Luynes  dit  {Mémoires, 
tome  IV,  p.  3)  qu'elle  rapportait  vingt-trois  mille  livres.  M.  d'Heudi- 
court prit  ses  fonctions  si  fort  à  cœur,  qu'on  l'entendit  une  fois  s'affli- 
ger de  ce  que  des  paysans  avaient  tué,  aux  environs  de  Versailles,  une 
louve  pleine  qui  eût  pu  donner  plusieurs  petits.  (Lettre  de  Bonrepaus  à 
Pontchartrain,  Arch.  nat.,  K  1368,  p.  673.)  Cependant  le  Journal  de 
Dangeau  suffirait,  à  lui  seul,  pour  témoigner  quelle  était  alors  l'abon- 
dance des  loups  presque  en  tous  pays,  et  nous  avons,  d'autre  part,  des 
preuves  nombreuses  du  ravage  que  ces  animaux  faisaient  parmi  les 
enfants  de  la  campagne. 

2.  Voyez  ci-dessus,  p.  25. 

3.  Voyez  la  page  précédente,  note  7. 

4.  Louise  Sublet  d'Heudicourt,  comtesse  de  Montgon  :  voyez  ci-dessus, 
p.  213,  note  2,  et  comparez  un  des  derniers  passages  de  la  grande 
Addition  indiquée  ci-dessus,  n°  165,  p.  359,  ainsi  que  le  début  d'une 
autre  Addition  sur  les  Montgon,  dans  le  Journal  de  Dangeau,  tome  XI, 
p.  281,  à  la  date  du  9  janvier  1707. 

5.  Le  duc  du  Maine  était  né  en  1670,  et  nous  avons  dit  plus  haut 
que  Mme  de  Montgon  était  de  l'année  1668. 

6.  Mme  de  Caylus,  qui  raconte  fort  au  long  les  débuts  de  sa  tante  à 
la  cour,  dit,  à  propos  des  enfants  que  Mme  de  Montespan  lui  confiait, 
qu'elle  «  prit  pour  prétexte  la  petite  d'Heudicourt  et  la  demanda  à 
Mme  sa  mère,  qui  la  lui  donna  sans  peine,  par  l'amitié  qui  étoit  entre 
elles,  et  par  le  goût  qu'elle  lui  connoissoit  pour  les  enfants...,  »  {Sou- 
venirs, p.  482.) 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  221 

secret  qui  les  couvroit  alors  ^  Quand  ils  parurent  chez 
Mme  de  Montespan,  la  petite  Heudicourt  étoit  toujours  à 
leur  suite,  et,  après  qu'ils  furent  manifestés  à  la  cour, 
elle  y  demeura  de  même  ^.  Mme  Scarron,  devenue  Mme  de 
Maintenon,  n'oublia  jamais  le  berceau  de  sa  fortune  et 
ses  anciens  amis  de  l'hôtel  d'Albret.  C'est  ce  qui  fit,  si 
longtemps  après,  Mme  de  Richelieu  dame  d'honneur  de  [Add.  S'-S.  isn] 
la  Reine*,  puis,  par  confiance,  de  Madame  la  Dauphine,  à 
son  mariage  \  M.  de  Richelieu  chevalier  d'honneur  pour 
rien,  et  ce  qui  fit  toute  la  fortune  de  Dangeau,  par  la  per- 
mission qu'eut  le  duc  de  vendre  sa  charge  à  qui  et  si  cher 
qu'il  voudroit^  Par  même  cause,  Mme  de  Maintenon 
aima  et  protégea  toujours  ouvertement  Mme  d'Heudicourt 
et  sa  fille,  qu'elle  avoit  élevée  et  qu'elle  aima  particuliè- 
rement**. Elle  entra  dans  son  mariage  avec  Montgon^,que 


1.  Cette  réclusion  sévère  dut  commencer  vers  le  mois  de  décem- 
bre 1671. 

2.  Mme  de  Sévigné  écrit,  en  1673  (tome  III,  p.  299),  que  colle  petite 
fille,  jolie  comme  un  ange,  est  toujours  pendue  au  cou  du  Roi.  Elle  a, 
dit-elle,  «  adouci  les  esprits  par  sa  jolie  présence.  C'est  la  plus  belle 
vocation  pour  plaire  que  vous  ayez  jamais  vue  :  elle  a  cinq  ans  ;  elle 
sait  mieux  la  cour  que  les  vieux  courtisans.  »  Les  rapports  étaient  si 
intimes  avec  les  enfants  de  Mme  de  Montespan,  qu'on  se  traitait  de 
sœur  et  de  frère. 

3.  Souvenirs  de  Mme  de  Caylus,  p.  491-493,  et  LcUres  de  Mme  de 
Sévigné,  tome  II,  p.  429. 

4.  Elle  fut  nommée  le  l"  janvier  1680. 

5.  Saint-Simon  a  déjà  dit  tout  cela,  presque  dans  les  mêmes  termes, 
quelques  pages  plus  haut  (p.  186),  et  il  le  répétera  encore  plusieurs  fois,, 
tomes  VII  de  1873,  p.  60,  XII,  p.  92,  XVII,  p.  137. 

6.  Il  y  eut  cependant,  de  1671  à  1673,  une  brouille  grave  que 
Mme  d'Heudicourt  s'attira  par  des  indiscrétions  sur  Mme  de  Montespan 
{Sévigné,  tome  II,  p.  49-50  et  54).  Voyez  ci-dessus,  p.  216,  note  5. 

7.  Jean -François  Cordebœuf  de  Beauverger,  comte  de  Montgon  : 
voyez  ci-dessus,  p.  120,  note  1.  Pour  aider  à  ce  mariage,  le  Roi  donna 
à  Mlle  d'Heudicourt  trente  mille  livres  d'argent,  avec  mille  écus  de  pen- 
sion, et  une  pension  pareille  à  M.  de  Montgon.  Mme  de  Miossens  assura 
quarante  mille  livres  à  sa  nièce.  [Journal  de  Dangrau,  tomes  l,p.  380, 
et  II,  p.  125.) 


ni  MÉMOIRES  11696] 

cette  faveur  lui  fit  faire.  C'étoit  un  très  médiocre  gentil- 
homme d'Auvergne,  du  nom  de  Cordebœuf*,  dont  l'esprit 
réparoit  tant  qu'il  pouvoit  la  valeur^,  et  qui  toutefois^ 
s'étoit  attaché  au  service.  Il  étoit  à  l'armée  du  Rhin*,  bri- 
gadier de  cavalerie  °  et  inspecteur,  et  sa  femme  dans  ses 
terres,  en  Auvergne,  lorsqu'elle  fut  nommée  dame  du 
palais,  au  scandale  extrême  de  toute  la  cour.  C'étoit^  une 
femme  laide,  qui  brilloit  d'esprit,  de  grâces,  de  gentil- 
lesse, plaisante  et  amusante  au  possible,  méchante  à 
l'avenant,  et  qui,  sur  l'exemple  de  sa  mère,  divertit 
Mme  de  Maintenon,  et  le  Roi  dans  les  suites,  aux  dépens 
de  chacun,  avec  beaucoup  de  sel  et  d'enjouement'. 

Toute  cette  petite  troupe  ^  partit  au-devant  de  la  Prin- 
cesse". Mme  de  Mailly  étoit  grosse,  et  ne  fut  point  du 
voyage.  Mme  du  Châtelct  s'en  dispensa,  pour  donner  à  la 
maréchale  de  Bellefonds  tout  ce  temps-là  encore  à  de- 

1.  Voyez  le  dossier  Beauverger  (Cordedœuf  de)  au  Cabinet  des  titres 
et  le  volume  8o3  du  recueil  de  Pièces  originales,  même  nom. 

2.  En  masquait  le  défaut. 

3.  Notre  auteur  écrit  constamment  en  deux  mots,  selon  l'usage  an- 
cien :  toutes  {touttes)  fois. 

4.  Voyez  ci-dessus,  p.  '1"20,  la  mention  d'une  escarmouche  où  il  faillit 
être  pris  en  arrivant  sur  le  théâtre  des  opérations,  et  dans  laquelle 
Saint-Simon  eût  été  engagé,  saas  un  retard  heureux  pour  lui. 

o.  Ceci  est  une  légère  erreur  :  M.  de  Moutgon  avait  été  promu  maré- 
chal de  camp  dans  la  promotion  de  janvier  1696  ;  il  faisait  alors  les 
fonctions  d'inspecteur  sur  la   Sarre.    (Journal  de  Dangeau,  tome  V, 
p.  308  et  343.) 
,    6.  Saint-Simon  avait  commencé  à  écrire  ici  :  «  C'est  bri....  » 

7.  Comparez  le  début  d'une  Addition  à  Dangeau,  tome  XI,  p.  281-283, 
sur  Mme  de  Montgon  et  son  fils,  et  les  passages  indiqués  plus  haut, 
p.  216,  note  3,  relativement  à  Mme  d'Heudicourt.  Nous  donnerons  plus 
tard,  sur  tous  les  Heudicourt,  l'article  que  Saint-Simon  leur  a  consacré 
dans  les  Grands  louvetiers  (vol.  45  de  ses  Papiers). 

8.  Troupe,  d'abord  omis,  est  écrit  en  interligne. 

9.  Voyez  la  Gazette  d' Amsterdam,  n°'  lxxiv  et  lxxv,  correspondances 
de  Paris.  Ce  journal  domie  plus  exactement  que  Dangeau  la  composi- 
tion du  cortège,  dont  on  trouve  d'ailleurs  l'état  officiel  dans  le  volume 
du  Dépôt  des  affaires  étrangères  coté  Turin  93. 


le  Rhin. 


[1696]  DE  SAINT-SDION.  223 

meurer  auprès  d'elle'  ;  on  ne  le  trouva  pas  trop  bon,  et, 
au  lieu  de  la  troisième  place,  qui  lui  étoit  destinée  avec 
grande'"  raison,  elle  n'eut  que  la  cinquième.  L'éloignement 
de  Mme  de  Montgon  en  Auvergne  ne  lui  permit  pas  d'être 
du  voyage^.  Laissons-les^  aller^,  et  publier  la  paix  à  Paris 
et  à  Turin,  où  le  maréchal  Catinat  fut  reçu  avec  de  grands 
honneurs,  et  y  donna  chez  lui  à  dîner  à  M.  de  Savoie*^  ; 
et  retournons  sur  le  Rhin. 

Après  une  longue  oisiveté  en  ces  armées  et  en  Flan-  Projets  des 
dres,  les  vinût  mille  hommes  de  Hesse  et  d'autres  contin-  "'^^'i^,"^ 
gents^  en  furent  renvoyés  au  prince  Louis  de  Baden,  qui, 
avec  ce  qu'il  avoit  d'ailleurs,  se  trouva  le  double  plus  fort 
que  le  maréchal  de  Choiseul,  et  en  état  et  en  volonté  d'en- 
treprendre le  siège  de  Philipsbourg,  dont  tous  les  amas 
étoient  depuis  l'hiver  dans  Mayence,  et  toutes  les  précau- 
tions prises  depuis  pour  que  rien  [n']y  pût  manquer*. 
L'Empereur  pressoit  l'exécution  de  ce  dessein  avec  toute 
l'ardeur  que  lui  inspiroit  son  dépit  de  la  paix  de  Savoie 

l.  Sur  la  vie  des  Bellefonds  à  Vincennes,  comparez  le  début  d'une 
Addition  à  Dangeau,  tome  XV,  p.  128. 

'2.  Il  semble  bien  que,  dans  le  manuscrit,  il  y  a  plutôt,  selon  l'ha- 
bitude de  Saint-Simon  devant  maint  substantif,  grand  {(f^)  quo  grande. 

3.  Comparez  la  fin  de  l'Addition  indiquée  ci-dessus,  n°  16o. 

4.  Les  est  écrit  en  interligne. 
o.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  466,  468  et  471.  Les 

dames  qui  allaient  au-devant  de  la  Princesse  partirent  le  11  septembre, 
dans  un  carrosse  du  Roi;  Dangeau,  le  lundi  17. 

6.  Ceci  est  tiré  du  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  466.  La  paix  ne 
fut  proclamée  à  Paris  que  le  10  septembre,  après  qu'on  en  eut  appris 
la  publication  faite  à  Turin,  et  un  Te  Denm  fut  chanté  à  l'église  Notre- 
Dame  le  13.  Le  compte  rendu  des  cérémonies  et  les  textes  de  la  pro- 
clamation et  de  la  lettre  de  Te  Deum  se  trouvent  dans  la  Gazette 
d'Amsterdam,  n°  lxxvi,  et  dans  les  placards  du  temps.  Une  estampe 
d'almanach  de  1697  représente  le  détîlé  du  cortège  de  In  publication 
devant  la  cour  des  Tuileries. 

7.  Sur  la  marche  de  ces  contingents,  voyez  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  V,  p.  434. 

8.  Voyez,  dans  la  Gazette  d' Amsterdam,  1696,  n°'  lxii,  lxix,  lxxii. 
Correspondances  d'Allemagne. 


224  MÉMOIRES  [KiOBl 

et  son  extrême  désir  de  reculer  la  générale,  à  laquelle 
celle-là  commençoit  à  donner  un  grand  branle.  Sur  les 
avis  que  le  maréchal  de  Choiseul  en  donna  à  la  cour,  il 
en  reçut  deux  lettres  fort  singulières,  et  en  même  temps 
contradictoires.  Par  la  première,  Barbezieux  lui  faisoit 
écrire  par  le  Roi'  de  jeter  huit  de  ses  meilleurs  bataillons 
dans  Philipsbourg^  et  quatre  dans  Landau,  et  de  se  reti- 
rer après  en  pays  de  sûreté  contre  l'invasion  du  prince 
Louis.  Il  faut  remarquer  que  le  maréchal  n'avoit  dans 
son  armée  que  douze  bons^  bataillons,  et  que  tout  le 
reste  de  son  infanterie  étoit  *  de  nouvelle  levée,  ou  des 
bataillons  de  salade^  ramassés  des  garnisons*'.  En  suivant 
cet  ordre,  il  n'avoit  plus  à  compter  sur  ce  qui  lui  seroit 
resté  d'infanterie,  et,  en  abandonnant  ces  places  au  ren- 
fort qu'il  y  auroit  jeté,  l'exemple  récent  de  Namur  ^  de- 
voit  persuader  qu'elles  n'en  seroient  pas  moins  perdues. 
Par  l'autre  lettre,  en  réponse  au  maréchal,  le  Roi  lui  mar- 
quoit  qu'il  n'étoit  pas  persuadé  que  le  prince  Louis  pen- 
sât^ à  passer  le  Rhin  à  Mayence**,  mais  que,  s'il  songeoit 

1.  Après  le  Roi  sont  biffés  ces  mots  :  «  qu'il  croyoit  point  (sic)  que 
le  prince  Louis  »  ;  voyez  douze  lignes  plus  bas. 

2.  Philipsbourg  surcharge  Lrt/i(/a?<,  récrit  un  peu  plus  loin. 

3.  Bons  est  en  interligne. 

4.  Dans  le  manuscrit,  estoient;  l'auteur,  sans  doute,  avait  d'abord 
voulu  faire  suivre  immédiatement  le  verbe  d'un  attribut  pluriel,  comme 
bataillons,  qu'il  a  mis  un  peu  plus  loin.  —  Après  levée,  sont  biffés  les 
mots  :  qui  venait  d'cstre  levée. 

5.  Cette  expression  figurée,  que  nous  retrouverons  dans  les  Mémoi- 
res (tome  VI,  p.  152),  avec  le  mot  troupes,  s'appliquait  primitivement, 
par  comparaison  aux  divers  ingrédients  de  la  salade,  à  des  soldats  ra- 
massés de  toutes  parts  pour  parfaire  des  garnisons;  mais,  en  1684,  on 
en  avait  formé  des  régiments  d'infanterie  régulière  [Gazette  de  1684, 
p.  588,  et  Chansonnier,  ms.  Fr.  12  689,  p.  79).  Il  n'en  est  pas  parlé 
particulièrement  dans  VÈtat  de  la  France,  au  chapitre  de  l'Infanterie. 

6.  On  avait  pris  à  l'armée  d'Allemagne,  pour  celle  de  Flandres,  vingt  des 
meilleurs  bataillons  et  trente-six  escadrons  [Dangcau,  tome  V,  p.  391). 

7.  Tome  II,  p.  324. 

8.  Pensast  est  écrit  en  interligne,  sur  soncjcast,  biffé. 

9.  Comparez  les  opérations  de  la  campagne  précédente,  dans  notre 


[1696J  DE   SAINT-SIMON.  225 

à  l'entreprendre,  il  se  persuadoit  que  le  maréchal  l'empêche- 
roit  bien  d'y  déboucher,  c'est-à-dire  empêcher'  un  ennemi 
de  passer  sur  un  pont  à  lui,  dans  une  place  à  lui,  et  de 
déboucher  sur  une  contrescarpe  à  lui,  dans  une  plaine'-. 

tome  II,  p.  163,  et  celles  de  la  campagne  de  1690.  dans  le  Journal  de 
Dangeau,  dont  l'auteur  fut  témoin  oculaire  de  toutes  les  opérations  (pii 
eurent  alors  les  mêmes  lieux  pour  théâtre,  comme  aussi  pendant  la 
guerre  précédente. 

i.  La  locution  c  est-à-dire,  qui,  régulièrement,  devrait  être  suivie  de 
la  répétition  du  conditionnel  empêcherait,  équivaut,  par  ce  tour,  à 
«  c'était  lui  dire,  c'était  comme  si  on  lui  eût  dit  d'empêcher,  etc.  » 

2.  De  la  correspondance  conservée  au  Dépôt  de  la  guerre  il  résulte 
que  M.  de  Choiseul,  sur  la  foi  d'un  garde  du  prince  de  Bade,  croyait  à 
des  intentions  hostiles  de  celui-ci  contre  le  haut  Rhin  et  l'Alsace  (voyez 
l'article  de  Dangeau  du  24  août),  quand  le  Roi  lui  écrivit,  le  15  août, 
cette  lettre  (vol.  1366,  n"  33)  :  «  lAIon  cousin,  je  viens  d'être  informé 
du  départ  du  prince  de  Hesse  pour  s'en  retourner  en  Allemagne  avec 
toutes  les  troupes  qu'il  avoit  amenées  sur  la  Meuse,  et  l'on  me  marque 
en  même  temps  qu'il  pourroit  être  suivi  d'un  détachement  de  l'armée 
des  alliés  de  dix  bataillons  et  de  six  régiments  de  cavalerie,  et  que  le 
dessein  du  prince  de  Bade  est  d'essayer  de  faire  le  siège  de  Philips- 
bourg.  Quoique  j'aie  peine  à  croire  que  cela  soit  praticable,  cependant 
j'ai  envoyé  ordre  au  marquis  d'Harcourt  de  suivre  la  marche  du  prince 
de  Hesse  avec  vingt-quatre  bataillons.  Si  le  détachement  de  l'armée 
des  alliés  va  en  Allemagne  et  ne  mène  avec  lui  que  les  troupes  qu'il 
avoit  amenées  d'Allemagne,  ledit  marquis  d'Harcourt  ne  doit  marcher 
qu'avec  vingt  bataillons  et  trente-six  escadrons,  avec  lesquels  je  suis 
persuadé  que  vous  serez  en  état  d'empêcher  les  ennemis  de  rien  entre- 
prendre. J'ai  ordonné  au  marquis  de  Barbezieux  de  faire  remettre  dans 
Philipsbourg  les  munitions  de  guerre  et  de  bouche  qui  pourroient  être 
nécessaires  pour  sa  défense,  et  je  compte  aussi  que,  soit  infanterie, 
soit  dragons  à  pied,  vous  y  mettrez  jusqu'à  huit  bataillons.  »  Cette 
lettre  est  suivie,  le  17  août,  d'une  dépèche  conforme  de  Barbezieux 
à  M.  d'iluxelles.  {Ibidem,  n"  44.)  Le  18,  le  Roi  écrit  encore  à  M.  de 
Choiseul  qu'il  ne  croit  pas  au  siège  ;  toutefois  il  lui  envoie  un  mémoire 
de  Chamlay  sur  les  mesures  à  prendre  dans  cette  occurrence,  notam- 
ment pour  la  formation  d'un  camp  retranché  auprès  de  Philipsbourg, 
dans  la  plaine  de  Rhciusheim.  [Ibidem,  n"  45.)  M.  de  Choiseul  répond, 
le  22  (n°  58),  du  camp  de  Dirmstein,  que  le  prince  de  Hesse  doit 
passer  la  Moselle,  le  23  ou  le  26,  à  deux  lieues  au-dessus  de  Coblenz, 
mais  que  M.  d'Harcourt  l'observe.  Le  24,  par  courrier  exprès,  il  an- 
nonce que  Philipsbourg  n'a  rien  à  craindre,  fût-ce  de  toutes  les  armées 

MÉMOIRES    DE    SAINT-SIMON.    III.  l;') 


226  MÉMOIRES  I1696J 

Le  maréchal  haussa  les  épaules,  et  proposa  au  moins 
d'envoyer  le  marquis  d'Harcourt  le  renforcer,  qui  demeu- 
roit  oisif  où  il  étoit  dans  la  situation  présente'.  Harcourt, 
accoutumé  à  commander  en  chef,  ami  de  Barbezieux  et 
grand  maître  en  souterrains  '^  à  la  cour,  ne  vouloit  point 
tâter  de  cette  jonction*.  Il  proposa  à  la  cour  et  au  ma- 
réchal des  partis  téméraires,  bien  sûr  qu'il  ne  les  adop- 
teroit  pas,  et  que  l'honneur  de  les  avoir  imaginés  lui  en 
leroit^.  Le  maréchal,   aux  ordres  duquel  il  n'étoit  point 

d'Allemagne,  pour  peu  que  M.  d'Harcourt  le  vienne  joindre  et  qu'on  se 
place  bien.  La  position  actuelle,  dit-il,  protège  Ebernbourg  et  Kirn. 
Si  le  corps  qui  est  sous  Mayence  passe  le  Rhin,  il  rencontrera  d'abord 
les  marais  de  Durckheim,  puis  la  petite  rivière  nommée  Spirebach  ; 
en  supposant  qu'il  osât  et  pût  franchir  ces  obstacles,  on  aurait  le  temps 
de  jeter  les  renforts  dans  Philipsbourg.  Si  au  contraire  lui-même,  Choi- 
seul,  se  dégarnissait  de  huit  bataillons,  il  n'y  aurait  plus  moyen  de 
tenir  devant  toutes  les  forces  ennemies,  et  Philipsbourg  serait  perdu. 
(Ibidem,  n°  60.)  Dangeau  mentionne  un  bruit  à  peu  près  analogue,  dès 
le  25  (tome  V,  p.  458).  Le  Roi,  en  réponse  à  ces  deux  dépêches,  or- 
donna, le  28,  que  le  maréchal  ne  jetterait  des  troupes  dans  Philipsbourg 
que  si  les  ennemis  parvenaient  à  enlever  le  passage  des  marais  de 
Durckheim  et  du  Spirebach.  (Ibidem,  n"  90.) 

4.  Harcourt,  qui  avait  dû  commander  l'expédition  d'Angleterre  quel- 
ques mois  auparavant  (ci-dessus,  p.  57),  avait  été  placé  ensuite,  avec 
un  petit  corps  séparé,  dans  le  pays  de  Luxembourg,  pour  se  joindre  au 
maréchal  de  Boufilers,  s'il  en  était  besoin,  et,  depuis  quelque  temps, 
il  tenait  en  observation  les  troupes  de  Hesse  campées  sur  la  Meuse. 
(Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  403,  424,  434  et  452.) 

2.  Comparez  ci-dessus,  p.  167,  note  1.  Harcourt  était  de  l'entourage 
familier  de  Mme  de  Maintenon  et  allait  toujours  à  Marly. 

3.  En  effet,  le  premier  soin  d'Harcourt  avait  été  de  stipuler  que  ses 
troupes  ne  se  mélangeraient  point  avec  celles  du  maréchal,  et  qu'il  con- 
serverait son  commandement  particulier;  M.  de  Barbezieux  écrivit  au 
maréchal,  dès  le  28  août,  que  le  Roi  l'entendait  ainsi.  De  plus,  le  mar- 
quis annonça  l'intention  de  n'arriver  qu'à  son  gré  et  à  son  heure  :  sur 
quoi  M.  de  Choiseulet  M.  de  Chamilly  répondirent  que  les  communica- 
tions n'étaient  pas  assez  sûrement  garanties,  et  qu'il  fallait  se  rejoindre 
au  plus  tôt.  (Dépôt  de  la  guerre,  vol.  1366,  n"  89,  91,  93  et  99.) 

4.  En  est  écrit  en  interligne,  feraient  est  au  pluriel,  et  le  mot  hon- 
neur a  été  biffé  après  ce  verbe.  On  se  demande,  en  voyant  cette  phrase 
singulière  :  ><  que  l'honneur....  lui  en  feroit  (lui  fcroit  de  l'honneur)  », 


cainp. 


H696I  rJE   SAINT-SIMON.  2^27 

comme  de  ceux  qui  étoient  en  Flandres',  ne  pouvoit  se 
commettre  à  lui  en  donner,  et  Harcourt,  qui  le  sentoit, 
et  qui  le  savoit  mal  de  tout  temps  avec  son  ami  Barbe- 
zieux,  alloit  à  son  lait  de  ne  point  joindre,  et  se  moquoit 
de  lui.   Cette  conduite  ouvrit  les  yeux  au  maréchal  sur     Maréchal  de 

.•r»  .,  -  I  'Ai     Choiseul  dans 

ses  artifices  :  il  ne  compta  plus  que  sur  soi-même,  et  jegpirebach; 
résolu[t]  de  laisser  dire  Harcourt  et  ordonner  à  la  cour,  raisons  de  ce 
de  ne  suivre,  à  toutes  risques*  pour  lui-même,  que  le 
parti  unique  par  lequel  il  crut  sauver  Philipsbourg  et 
Landau.  Il  se  retira  donc  sur  son  infanterie,  que,  pour  la 
commodité  des  fourrages,  il  avoit  laissée  derrière,  entra 
dans  le  Spirebach  ^,  et  fit  une  des  plus  belles  choses  qu'on 
eût  vue*  depuis  bien  longtemps  à  la  guerre^. 

si  c'est  bien  à  cela  que  l'auteui-  a  voulu  s'arrêter,  s'il  n'y  a  pas  eu  quel- 
que inadvertance  et  confusion  dans  sa  manière  de  corriger.  Elle  indique 
des  velléités  diverses  ;  ainsi  le  pluriel  feraient,  avec  honneur  à  la  fin,  fiiit 
penser  à  quelque  tour  de  ce  genre  :  «  qu'ils  (ces  partis)  lui  feroient  hon- 
neur (comme  imaginés  par  lui)  »  ;  un  autre  tour  pouvait  être,  mais  avec 
changement  de  nombre  :  «  que  les  avoir  imaginés  lui  feroit  honneur.  » 

1.  On  a  vu  à  la  page  précédente,  note  1,  que  d'Harcourt  était  sous 
les  ordres  de  Boûfflers. 

2.  Nous  trouvons  risque  au  féminin  chez  Malherbe,  Corneille,  Pas- 
cal, Retz,  etc.  L'Académie,  dès  1694,  le  dit  masculin  ;  mais,  jusqu'à  sa 
sixième  édition  exclusivement  (1833),  elle  fait  exception  pour  «  à 
toute  risque.  »  Saint-Simon  dira  encore  :  «  à  toutes  risques  et  périls  » 
(tome  XIV,  p.  297). 

3.  C'est-à-dire  dans  le  delta  compris  entre  les  deux  embouchures  du 
Spirebach.  Cette  petite  rivière  (S/)eî/er-&ac//,  ruisseau  de  Spire),  formée 
de  la  réunion  de  plusieurs  cours  d'eau  secondaires  des  Vosges,  à  l'ex- 
trémité N.  E.  du  cercle  des  Deux-Ponts,  au-dessous  de  Kayserslautern, 
coule  dans  la  direction  de  l'est  vers  le  Rhin,  et,  en  passant  à  Neustadt, 
se  divise  en  deux  branches,  dont  l'une  va  tomber  dans  le  fleuve  au- 
dessous  de  Spire,  et  l'autre  environ  trois  lieues  plus  bas,  presque  en  face 
de  Neckerau.  De  Neustadt  à  Spire  on  comptait  à  peu  près  cinq  lieues. 

4.  Il  y  a  bien  ici  vue  au  singulier.  L'ancien  usage,  qui,  sans  être  en- 
tièrement tombé  en  désuétude,  est  en  général  condamné  aujourd'hui, 
comme  graramaticalcment  peu  logique,  était  de  faire  accorder  le  parti- 
cipe, dans  cette  lournure,  plutôt  avec  le  nom  singulier  sous-enlondu 
auprès  d'zm,  une,  qu'avec  le  nom  pluriel  accompagnant  le  superlatif. 

5.  Saint-Simon   nous  semble  exagérer  l'opinion  publique,  qui,  en 


±1S  Mt.MOIl'.ES  11696J 

Le  prince  Louis  passa  le  Rhin,  avec  sa  cavalerie,  à 
Mayence*,  après  avoir  conféré  avec  le  landgrave  de 
Hesse,  qui  vint  passer  la  Nahe  auprès  de  Mayence,  qui 
vint  après  le  long  des  montagnes  ^  et  se  saisit  sans 
peine,  chemin  faisant,  de  Neuf-Linange^,  de  Kirckheim*, 
et  d'autres  postes  que  nous  y  avions,  tandis  que  le  prince 
Louis  vint  à  Oppenheim^,  où  son  infanterie,  son  artillerie 
et  ses  bagages  le  joignirent  par  un  pont  de  bateaux ''.  Il  en 

1696  comme  dans  les  années  précédentes,  approuva,  mais  n'exalta 
point  l'attitude,  plutôt  espectante  qu'offensive,  des  généraux  français, 
en  face  d'ennemis  supérieurs  et  par  leur  nombre  et  par  leur  position. 
(Papiers  du  P.  Léonard,  MM  824,  fol.  48.)  Les  historiens  militaires 
du  temps,  Quincy  ou  le  continuateur  de  Rapin-Thoyras,  se  bornent  à 
dire  qu'il  y  eut  d'assez  belles  marches  de  part  et  d'autre  et  que  le 
prince  de  Bade  parut  «  avoir  quelques  desseins,  »  mais  que  le  général 
français  eut  l'habileté  de  les  déjouer.  Selon  son  habitude,  et  son  droit 
même,  notre  auteur  insiste  sur  les  événements  auxquels  il  a  assisté  et 
pris  part;  c'est  sans  doute  de  très  bonne  foi  qu'il  en  grossit  l'impor- 
tance, ici  comme  en  1694  (tome  II,  p.  150-ioI),  où  il  dit  que  M.  de 
Lorge  fit  «  la  plus  belle  marche  du  monde.  » 

1.  Sur  la  marche  du  prince  et  du  landgrave,  voyez  la  Gazette,  n°*  du 
7  septembre,  p.  430-431,  et  du  lo,  p.  440-441,  et  Xa^  Gazette  d Amster- 
dam, n"  Lxxiii,  correspondance  de  Mayence  du  1"  septembre. 

-1.  Un  correspondant  écrivait  de  Cologne,  le  7  septembre,  à  la  Gazette 
iV Amsterdam  (n"  Lxxn)  :  «  On  apprend  que  le  landgrave  de  Hesse  a  passé 
la  rivière  de  Nahe,  avec  son  armée,  près  de  Kreuznach,  et  qu'il  marche 
le  long  de  la  montagne  vers  l'armée  du  prince  de  Bade,  avec  laquelle  il 
se  pourra  joindre  en  cas  de  besoin.  » 

3.  Linange  (en  allemand,  Leiningen)  était  un  ancien  comté,  d'où 
sont  sorties  plusieurs  branches  princières  encore  existantes.  Son  ter- 
ritoire avait  pour  confins  le  bas  Palatinat  et  les  évêchés  de  Spire  et  de 
Worms.  Le  chef-lieu,  Neuf-Linange  (Neu-Leiningen),  était  à  trois  lieues 
et  demie  0.  de  Worms,  presque  sur  la  lisière  de  la  forêt  de  Rosenthal. 
Aujourd'hui  il  fait  partie  du  canton  de  Griinstadt,  Bavière  rhénane. 

4.  Kirckheim-an-der-Eck  (Saint-Simon  écrit  :  Kirken)  est  une  petite 
ville  située  plus  au  N.  que  Neuf-Linange,  de  l'autre  côté  de  la  forêt 
de  Rosenthal. 

5.  Ancienne  ville  impériale  située  près  de  la  rive  gauche  du  Rhin,  à 
quatre  lieues  environ  au  S.  de  Mayence,  sur  la  route  menant  de  cette 
ville  à  Forbacb.  Les  Français  avaient  incendié  Oppenheim  en  1689. 

6.  Le  h  de  bateaux  corrige  un  p. 


[1096]  DE   SAINT-SIMON.  229 

fit  descendre  un  à  Worms  ',  tant  pour  tirer  ce  qu'ils  vou- 
droient  de  l'autre  côté  du  Rhin,  que  pour  communiqué!' 
avec  le  baron  de  Thungen'^,  commandant  de  Mayence, 
qui  avoit  environ  quinze  mille  hommes  aux  vallées  de 
Ketsch  *,  et  vers  Fribourg  *,  avec  des  bateaux,  pour  nous 
donner  par  nos  derrières  l'inquiétude  du  siège  de  cette 
place  ou  d'un  passage  du  Rhin.  La  cour  alors  avoit  changé 
d'avis  et  auroit  voulu  que  le  maréchal .  de  Choiseul  eût 
combattu  le  prince  Louis  aux  plaines  d'Alzey^.  11  étoit 
plus  fort  que  nous  du  double",   et,  s'il  avoit  battu  notre 


1.  Worms,  ville  libre  fort  ancienne,  située  sur  la  rive  gauche  du 
Rhin,  au  S.  de  Mayence  et  au  S.  0.  de  Darmstadt,  était  le  siège  d'un 
évêché.  Les  Français  l'avaient  détruite  en  1689,  comme  Oppenheim  et 
les  principales  villes  du  Palatinat  ;  il  ne  restait  debout  que  l'église 
cathédrale.  —  Sur  le  déplacement  des  ponts  de  bateaux,  voyez  la 
Gazette  d'Amsterdam,  n"'  lxxiv,  lxxvii  et  lxxix. 

2.  Saint-Simon,  pour  figurer  la  prononciation,  écrit  :  Thunguen.  — 
Jean-Charles,  baron  de  Thungen,  né  en  Franconie  le  4  février  1648, 
s'occupa  d'abord  de  l'étude  des  antiquités,  puis  prit  du  service  dans  un 
régiment  lorrain  au  service  de  l'Espagne  et  eut  le  commandement  de 
Besançon  de  1673  à  1674.  On  trouvera  le  détail  de  sa  carrière  militaire 
dans  l'article  que  lui  a  consacré  le  Moréri.  Choisi  en  1686  pour  général- 
major  de  l'infanterie  des  États  confédérés,  promu  lieutenant  général  eu 
1688,  grand  maître  de  l'artillerie  des  Impériaux  en  1692,  général  en 
1696,  il  commandait  la  place  de  Mayence,  ainsi  que  les  autres  forte- 
resses et  les  troupes  de  l'Électeur,  depuis  1690.  Dans  la  guerre  de  Suc- 
cession, il  dirigea  les  opérations  des  armées  impériales  pendant  quelques 
mois,  fut  fait  comte  de  l'Empire  en  1708,  et  mourut  le  8  octobre  1709. 

3.  Localité  de  la  rive  droite  du  fleuve,  entre  Spire  et  Mannheini 
(voyez  tome  II,  p.  297,  note  3).  On  y  avait  dressé  un  pont  en  169.^. 

4.  Fribourg-en-Brisgau,  ancienne  capitale  et  ancien  chef-lieu  de  cer- 
cle. Cette  ville  est  située  au  pied  de  la  Forêt-Noire,  à  cinq  lieues  environ 
E.  du  Rhin,  entre  Mulhouse  et  Schelestadt.  Condé  y  avait  battu  les  Ba- 
varois en  1644,  et,  Créquy  s'en  étant  emparé  en  1677,  on  en  avait  aug- 
menté les  fortifications  ;  mais  le  traité  de  Rysvvyk  nous  l'enleva  en  1697. 

o.  Alzcy  (que  Saint-Simon  écrit  :  Altzey,  comme  les  cartes  du  temps) 
est  une  ville  située  à  vingt  kilomètres  N.  0.  de  Worms  et  à  trente  et  un 
S.  S.  0.  de  Mayence,  sur  le  Salz,  dans  une  plaine  ondulée,  la  plus 
fertile  du  Palatinat.  Son  château  avait  été  détruit  en  1689. 

6.  Quelques  historiens   du  temps  prétendent  que  cette  supériorité 


230  MEMOIRES  [1696] 

armée,  il  eût  aisément  pris  Landau,  fort  méchante  place 
alors  \  et  eût  été  le  maître  d'emporter  le  fort  qui  cou- 
vroit  le  bout  d'en  deçà  du  pont  de  Philipsbourg^  de^ 
brûler  ce  pont,  de  ravager  l'Alsace,  de  s'établir  pour 
l'hiver  à  Spire,  d'empêcher  M.  d'Harcourt  de  déboucher 
les  montagnes',  puis  de  faire  tout  à  son  aise  le  siège  de 
Philipsbourg. 

Ces  mêmes  raisons  détournèrent  le  maréchal  de  croire 
ceux  qui  lui  proposoient  de  se  mettre  à  Durckheim  ^. 
Cette  petite  ville,  ruinée  et  non  tenable,  étoit  bien  au  pied 
des  montagnes  ;  mais,  entre  elles  et  l'endroit  où  les  mon- 
tagnes s'escarpent  et  se  couvrent,  il  y  avoit  un  grand 
espace  de  terrain  à  passer  plusieurs  colonnes  de  front; 
d'ailleurs  le  marais  qui  auroit  couvert  l'armée  étoit  en 

numérique  n'était  pas  réelle,  et,  au  lieu  de  soixante-dix  mille  hommes, 
ils  croient  que  le  prince  de  Bade  n'en  avait  pas  la  moitié,  et  même  fut 
le  plus  faible  au  début  de  la  campagne. 

i.  En  1688,  Louvois  avait  commencé  de  grands  travaux  à  Landau; 
mais  la  guerre  était  survenue  avant  que  cette  place,  et  de  même  celles 
d'Hunmgue,  de  Belfort,  de  Fort-Louis  et  de  Mont-Royal,  fussent  en 
état  de  défense.  {Histoire  de  Louvois,  par  M.  Cam.  Roussel,  tome  III, 
p.  346-347.)  Nous  verrons  Landau  pris  et  repris  pendant  la  guerre  de 
Succession. 

2.  C'est  le  pont  par  où  le  maréchal  de  Lorge,  en  1694,  avait  fait 
cette  retraite  que,  nous  le  rappelions  un  peu  plus  haut,  son  gendre  a 
qualifiée  «  la  plus  belle  marche  du  monde.  •> 

3.  Samt-Simon  a  ajouté,  en  interligne,  le  entre  de  et  brûler,  sans 
effacer  ce  pont,  peut-être  par  oubli,  à  moins  qu'il  ne  se  soit  ravisé  ol 
n'ait  omis  d'effacer  le  pronom,  qui  en  effet  signifierait  plutôt  le  fort. 

4.  >(Ous  avons  vu  plus  haut  (p.  225,  lignes  2  et  4)  déboucher  employé 
neutraloment,  selon  l'usage  le  plus  ordinaire.  Ni  l'Académie,  en  1694, 
ni  Furetière,  en  1690,  ne  donnent  ce  sens  du  verbe.  La  troisième  édi- 
tion de  Furetière,  en  ITOl,  dit  que  c'est  un  terme  de  guerre  nouveau, 
signifiant  passer,  sortir.  Nous  le  retrouverons  activement,  comme  ici,  au 
tome  X,  p.  413,  dans  un  exemple  qui  n'a  rien  de  militaire.  L'Académie, 
en  1740,  ne  l'admet,  dans  cette  acception  de  guerre,  que  substanti- 
vement, à  l'infinitif,  avec  régime  indirect,  et  de  plus,  en  1762,  à  un 
mode  personnel,  mais  «  absolument,  »  dit-elle,  sans  régime. 

3.  Cette  ville  a  déjà  été  nommée  au  tome  II,  p.  166  et  167,  et  ci- 
dessus,  fin  de  la  note  2  de  la  page  22o. 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  231 

figure  de  T,dout  la  queue  la  séparoit\  Il  auroit  donc  fallu 
force  ponts  de  communication  sur  cette  queue,  et  on  laisse 
à  penser  de  quelle  ressource  sont  de  telles  communica- 
tions à  une  armée  attaquée  par  le  double  d'elle.  Le  mar- 
quis d'Huxelles  proposoit  de  se  mettre  le  cul  ^  au  Rhin  et 
le  nez  à  la  montagne.  Ce  parti  conservoit  Spire  et  nous 
en  appuyoit;  mais  il  abandonnoit  Neustadt^,  le  livroit  au 
prince  Louis  pour  un  entrepôt''  très  commode  pour  ses 
vivres  et  un  passage  assuré  derrière  Landau  pour  passer 
en  Alsace  et  la  ruiner,  sans  crainte  que  nous  osassions 
nous  déplacer.  Il  nous  ôtoit^  en  même  temps,  en  fort  peu 
de  jours,  toute  subsistance,  parce  que  nous  ne  pouvions 
tirer  de  fourrages  que  de  l'Alsace,  et  bientôt  les  vivres, 
que  Thungen  ne  nous  auroit  pas  même  laissés*^  descendre 
aisément  par  le  Rhin.  D'autres  proposèrent  la  position 
contraire"^,  le  cul  à  Landau  et  la  tête  au  Rhin.  Celui-là** 
tenoit  Landau  et  Neustadt  ;  mais  il  laissoit  tout  le  chemin 

i.  La  coupait  en  deux,  comme  le  dit,  ou  du  moins  l'implique  la 
suite.  —  Nous  n'avons  pas  besoin  de  conseiller  au  lecteur  de  suivre  ces 
considérations  stratégiques  sur  la  carte  ;  il  semble  bien  probable  que 
Saint-Simon  en  avait  une  sous  les"  yeux  en  écrivant. 

2.  Voyez  au  tome  II,  p.  147  et  305.  L'emploi  de  nez,  par  opposition, 
qui  vient  ensuite,  est  moins  usité,  dans  la  terminologie  militaire,  que 
celui  de  tête  que  nous  avons  dix  lignes  plus  loin  ;  cependant  nous  le 
rencontrons  dans  les  Mémoires  de  la  Fare,  p.  278.  M.  Littré  l'a  omis. 

3.  Neustadt-an-der-Haardt  est  une  ville  située  sur  le  Spirebach,  à 
l'endroit  où  il  se  partage  en  deux  branches,  et  par  conséquent  elle 
en  commande  le  delta,  à  vingt-six  kilomètres  0.  N.  0.  de  Spire. 

4.  L'e  initial  d' entrepôt  corrige  un  p. 

5.  L'o  initial  d'ostoit  corrige  un  e,  et,  deux  lignes  plus  bas,  1'/  de  les  un  d. 

6.  Dans  le  manuscrit  :  «  laissé  descendre  »,  d'après  l'ancien  usage,  à 
peu  près  général,  d'employer  le  participe  sans  accord  devant  tout  infinitif. 
Au  reste,  l's  d'à  présent  ne  détermine  pas  mieux  que  le  défaut  d'accord 
chez  Saint-Simon  si  descendre  est  ici  verbe  neutre,  ou  pris  à  l'actif  pour 
faire  descendre.  Pour  nous  l'accord  est  ici  de  règle  dans  les  deux  cas. 

7.  Après  «  la  position  contraire  »,  Saint-Simon  a  bitfé  ces  deux  mots  : 
"  le  contraire  »,  qu'il  paraît  avoir  voulu  d'abord  y  substituer. 

8.  Ce  parti-là,  le  contraire,  mots  que  notre  auteur  avait  écrits  dans 
la  phrase  précédente  ;  il  oublie  ici  qu'il  les  a  biffés. 


maréchal 
Choiseul 


532  MÉMOIRES  [1696] 

de'  l'Alsace  libre  aux  ennemis,  l'important  poste  de  Spire, 
d'où,  une  fois  établis,  ils  pouvoient  brûler  le  pont  de 
Philipsbourg,  s'en  épargner  la  circonvallation  de  ce  côté- 
ci  et  en  faire  le  siège  de  l'autre  côté  tout  à  leur  aise-. 
D'ailleurs,  bien  établis  à  Spire,  ils  mettoient  l'Alsace  en 
contribution,  minoient^  Landau,  et  renvoyoient  nos  ar- 
mées s'assembler  bien  loin.  Se  mettre  derrière  la  petite 
rivière*  de  Landau  laissoit  tout  en  proie,  Neustadt,  Spire, 
le  pont  de  Philipsbourg,  le  passage  en  Alsace,  Landau 
même.  Tous  ces  partis,  quelque  mauvais  qu'ils  fussent, 
avoient  leurs  ^  partisans  considérables. 
Disposition  du  Le  maréchal  de  Choiseul,  bien  résolu  de  n'aller  qu'au 
meilleur  dans  une  conjoncture  si  importante,  laissa 
écrire  la  cour  et  discourir  qui  voulut,  et  prit  de  soi  tout 
seul  l'unique  parti  qui  sauvoit  tous  ces  inconvénients.  Il 
les  avoit  de  longue  main  pourpensés^,  et  il  s'y  étoit  pré- 
paré autant  qu'il  l' avoit  pu,  dans  la  prévoyance  de  ce 
que  les  ennemis  pourroient  entreprendre.  G'étoit  de  bar- 
rer la  plaine  derrière  le  Spirebach,  de  la  montagne  au 
Rhin,  et  de  mettre  par  là  Neustadt,  Landau,  Spire, 
Philipsbourg  et  l'Alsace  à  couvert.  Lorsqu'il  s'étoit  avancé 
avec  sa  cavalerie,  pour  la  commodité  des  fourrages,  dans 
les  plaines  de  Mayence,  tandis'  qu'il  n'étoit  encore  ques- 

•1.  L'auteur  avait  d'abord  voulu  écrire  libre  immédiatement  après 
chemin.  La  préposition  de  corrige  //. 

2.  Aise  est  écrit  en  interligne. 

3.  «  Miner  signifie  :  consumer,  détruire  peu  à  peu.  »  [Dictionnaire 
de  l'Académie,  1694.) 

4.  Saint-Simon  a  écrit  le  mot  rivière  en  interligne,  après  j)etite  et  en 
place  de  ville  de  L.  Mais  ensuite  il  a  biffé  également  rivière,  puis  l'a 
récrit,  —  Cette  rivière  est  la  Oueich  :  voyez  notre  tome  II,  p.  144, 
note  4. 

5.  Leur,  sans  accord,  dans  le  manuscrit. 

6.  Pourpenser,  «  considérer  attentivement,  avec  réflexion  et  délibé- 
ration.... Ce  mot  vieillit.  »  {Fnretière,  1690.)  L'Académie  ne  le  donne 
dans  aucune  de  ses  éditions. 

7.  Tandis,  écrit  en  interligne,  au-dessus  de  lors,  bitlé,  signifie  ici  : 
alors  (que),  dans  le  temps  (que). 


fIG96]  DE   SAINT-SIMON.  233 

tiou  de  rien,  et  qu'il  avoit  laissé  son  infanterie  en  arrière ^ 
il  avoit  chargé  le  marquis  d'Huxelles,  avec  sa  seconde 
ligne  d'infanterie,  d'accommoder  le  Spirebach  ;  et,  quand 
il  s'y  vint  mettre,  il  trouva  cette  besogne  achevée  et  par- 
faitement bien  faite,  avec  des  redoutes  d'espace  en  espace 
et  tous  les  bords  retranchés^. 

Il  avoit  cependant  obtenu  la  jonction  du  marquis  d'Har- 
court,  qui  se  fit  fort  attendre,  et  qui  manda  à  la  cour  qu'il 
avoit  joint  deux  jours  plus  tôt  qu'il  n'avoit  fait^  Comme 

1.  Ahrière,  dans  le  manuscrit. 

2.  Une  ligne  de  retranchements  et  de  redoutes  est  très  nettement 
indiquée  en  dedans  de  la  branche  droite  du  Spirebach,  celle  de  Spire, 
sur  la  carte  des  bords  du  Rhin  gravée  par  G.  de  l'Isle,  vers  1703. 

3.  Le  maréchal  de  Choiseul,  ayant  pris  son  parti,  ainsi  que  l'a  dit 
Saint-Simon,  écrivit,  le  2  septembre  :  «  Comme  le  poste  de  Durckheim, 
que  j'avois  cru  pouvoir  garder,  n'est  pas  soutenable  à  présent  que  les 
marais  qui  le  couvrent  sont  entièrement  desséchés  par  un  soleil  de  deux 
mois,  et  que  M.  d'Harcourt  ne  me  peut  joindre  sûrement  qu'en  mar- 
chant par  la  montagne  et  venant  par  Neustadt,  j'ai  jugé  à  propos  de 
venir  aujourd'hui  camper  à  la  Rehutte  (camp  de  Walsheim),  où  je  suis 
en  sûreté,  ayant  joint  M.  le  marquis  de  Chamilly  et  étant  à  portée  de 
M.  d'Huxelles,  par  lequel  je  fais  accommoder  le  Spirebach  et  remuer 
quelque  terre,  c'est-à-dire  la  branche  qui  aboutit  à  Spire.  Cela  ne  peut 
être  que  bon;  j'espère  que  je  n'en  aurai  pas  besoin,  ayant  M.  d'Har- 
court. »  (Dépôt  de  la  guerre,  vol.  1366,  n°  108.)  Mais,  le  même  jour 
(n°  111),  M.  d'Harcourt,  en  annonçant  qu'il  allait  joindre  le  maréchal 
à  Keustadt,  avait  soin  d'ajouter  ces  réflexions  désobligeantes  :  «  Quand 
on  a  une  fois  manqué  le  bon  parti  à  ce  métier,  on  n'y  revient  plus  de 
toute  la  campagne.  Celui  d'aller  à  Niederolm  et  s'y  joindre  étoit  le 
seul  bon  :  on  n'a  pas  voulu  le  prendre,  et  il  est  honteux  de  croire 
qu'avec  les  deux  armées  du  Roi  on  puisse  craindre  celles  des  alliés 
pour  entreprendre  un  siège.  Mais  c'est  une  fatalité  de  faire  mal  la 
guerre  en  Allemagne,  qui  nous  tient  il  y  a  quelques  années.  Ne  mar- 
chant pas  en  avant,  vous  laissez  Kirn  et  Ebernbourg  à  la  disposition 
des  ennemis,  et  il  ne  faut  pas  se  flatter  de  les  pouvoir  secourir  par  les 
pays  affreux  que  je  viens  de  passer.  »  Le  Roi  s'en  était  remis  entière- 
ment à  la  discrétion  du  maréchal  de  Choiseul  (lettre  du  4  septembre, 
u"  119);  cependant  les  nouvelles  insinuations  de  d'Harcourt  eurent  de 
l'etfet,  car,  à  la  date  du  9  septembre  (n"  140),  Barbezieux  fit  adresser 
au  maréchal  cette  lettre  fort  dure:  «  Mon  cousin,  j'ai  été  surpris  de  voir, 
par  la  dernière  lettre  que  vous  m'avez  écrite,  que  vous  vous  êtes  retiré 


-2H4  MÉMOIRES  [1696] 

il  arrivoit  par  la  montagne,  il  fut  chargé  de  Neustadt  et 
de  tous  ces  postes-là.  De  la  montagne  aux  bois,  il  y  avoit 
une  bonne  demi-lieue  ;  cet  espace  étoit  fermé  par  les 
deux  branches  du  Spirebach,  réduites  en  une  par  une 
retenue  de  distance  en  distance  au*  dedans  et  au-dessus 
de  Neustadt,  qui  formoit  une  inondation  et  un  marais 
qui  ne  se  pouvoit  passer.  Là  il  se"^  trouvoit  une  comman- 
derie  ruinée,  qui  fut  très  bien  accommodée,  où  on  jeta 

avec  mes  troupes  à  la  Rehutte.  Outre  qu'une  pareille  retraite  ne  con- 
vient point  à  l'honneur  de  mes  armes,  quand  vous  ne  pourriez  (sic) 
ignorer  que  les  ennemis  n'éloient  pas  joints  ensemble,  cette  situation 
vous  mettoit  hors  de  portée  que  le  marquis  d'Harcourt  pût  vous  joindre 
promptement....  Comme  vous  serez  supérieur  aux  ennemis  aussitôt 
qu'il  vous  aura  joint,  étant  resté  de  leurs  troupes  de  l'autre  côté  du 
Rhin,  sur  les  hauteurs  de  Wiesloch,  mon  intention  est  que  vous  mar- 
chiez en  avant  tout  le  plus  tôt  qu'il  vous  sera  possible,  pour  être  en 
état  d'empêcher  les  ennemis  de  rien  entreprendre  du  reste  de  la  cam- 
pagne—  »  Barbezieux,  en  faisant  part  de  cette  lettre  à  d'Harcourt 
(n°  141),  reconnut  avec  celui-ci  qu'il  fallait  que  «  le  mauvais  air  de 
l'armée  d'Allemagne  eût  opéré  sur  le  maréchal  de  Choiseul.  »  Mais, 
lorsque,  le  11  septembre,  les  ennemis  combinés  parurent  devant  Neu- 
stadt, en  excellente  position,  d'Harcourt  avoua  confidentieUement  (lettre 
n°  146)  que  le  meilleur  parti  était  de  «  laisser  passer  doucement  la 
campagne.  »  Quant  au  maréchal,  il  se  borna  à  adresser  au  ministre, 
le  13  septembre,  cette  lettre  fort  digne  :  «  Je  crois  que  vous  ne  doutez 
pas,  Monsieur,  que  je  ne  sois  très  touché  de  la  lettre  que  S.  M.  m'a 
écrite.  Il  est  bien  affligeant  pour  moi  qu'on  puisse  penser  ainsi  sur  mon 
sujet  :  je  m'en  rapporterois  volontiers  au  sentiment  de  tous  les  hon- 
nêtes gens  de  cette  armée,  lesquels,  pai'  tout  ce  qui  me  paroît,  ne 
diront  point  que  j'aie  pu  mieux  faire.  Après  cela,  on  doit  être  content. 
Cependant  je  vous  avoue.  Monsieur,  que,  m'attendant  à  tout  autre 
chose  après  tous  les  soins  que  j'ai  pris  pour  mettre  Philipsbourg  et 
Landau  à  couvert,  avec  une  armée,  quoi  qu'on  dise,  fort  inférieure,  il 
m'est  très  sensible  de  voir  qu'on  y  ait  si  peu  d'égards,  car  il  est  assuré 
que  M.  de  Baden  avoit  un  dessein  formé  sur  Philipsbourg.  Vous  m'avez 
témoigné  trop  d'amitié  pour  que  je  puisse  douter  que  vous  n'entriez  pas 
un  peu  dans  ma  douleur.  »  (Dépôt  de  la  guerre,  vol.  1366,  n°  lo4.) 

1.  Les  cinq  derniers  mots  ont  été  ajoutés  après  coup,  en  interligne, 
au-dessus  de  d'espace  en  espace,  bitfé. 

2.  Se  est  écrit  en  interligne  au-dessus  de  il,  qui  paraît  être  une  cor- 
rection d'un  premier  se,  et  dont  on  pourrait  se  passer. 


11696]  DE  SAINT-SIMON.  235 

quatre  bataillons,  avec  Cadrieu  \  très  bon  brigadier  d'in- 
l'anterie.  De  lui  jusqu'aux  bois,  des  demi-lunes  bien  ajus- 
tées, toutes  flanquées  de  deux  pièces  de  canon  de  chaque 
côté,  avec  chacune  un  bataillon  derrière  pour  s'y  jeter  à 
propos,  et  un  espace  entre  chacune  pour  y  recevoir  un  es- 
cadron. Avec  cela,  Neustadt  remparé"-  et  fortifié  au  mieux 
avec  de  l'artillerie,  et  Saint-Frémond^,  maréchal  de  camp, 
pour  y  commander  sous  Harcourt,  et  la  plaine  de  Muss- 
bach*,  par  où  seulement^  les  ennemis  pouvoient  venir, 
entièrement  découverte  et  de  toutes  parts  fouettée  des 
batteries  disposées  pour  cela.  Le  petit  château  de  Hart**, 
à  mi-côte  de  la  montagne,  fut  occupé  et  bien  retranché, 

1.  Jean,  chevalier  puis  comte  de  Cadrieu,  enseigne  au  régiment  de 
Navarre  en  1666,  aide-major  au  régiment  d'infanterie  d'Orléans  en  1670, 
capitaine  de  grenadiers  en  1676,  major  en  1680,  lieutenant-colonel  du 
régiment  de  Toulouse  en  1684,  commandant  à  Fribourg  en  1689,  in- 
specteur général  de  l'infanterie  en  1691,  brigadier,  commandant  de  la 
place  de  Namur  et  colonel-lieutenant  du  régiment  de  Toulouse  en  1693, 
ne  fut  point  compris  dans  la  promotion  de  maréchaux  de  camp  du  mois 
de  décembre  1702,  quitta  le  service  au  mois  de  mai  suivant,  comme 
Saint-Simon,  et  mourut  le  12  novembre  1712. 

2.  Mis  en  état  de  défense,  proprement  garanti  par  un  rempart. 

3.  Jean-François  Ravend,  marquis  de  Saint-Frémond,  mousquetaire 
en  1672,  avait  été  fait  major  de  dragons  en  1673,  lieutenant-colonel 
en  1673,  mestre  de  camp  en  1688,  brigadier  en  1690,  maréchal  de 
camp  en  1693.  Il  devint  lieutenant  général  en  1702,  commanda  dans  le 
duché  de  Modène  en  1704,  fut  pourvu  du  gouvernement  de  Maubeuge 
le  28  janvier  1706,  et  mourut  le  17  juin  1722,  à  soixante-dix-huit  ans. 

4.  Localité  située  à  un  demi-mille  allemand  au  N.  E.  de  Neustadt  et 
de  l'angle  supérieur  du  delta. 

3.  Seulement  est  ajouté  en  interligne,  ainsi  qu'un  peu  plus  loin  venir 
au-dessus  d'un  autre  seulement,  biffé. 

6.  Ce  château  de  Hart  ou  de  la  Harte,  nommé  Harlt  sur  la  carte  de 
G.  de  risle,  et  Hart  ou  Weintzingen  dans  la  Gazette  d'Amsterdam, 
aujourd'hui  Haardter-Schlosschen  ou  Winzingen,  est  situé  au  N.  de 
Neustadt,  sur  la  pente  même  de  la  montagne.  Abandonné  depuis  plu- 
sieurs années,  il  n'avait  aucun  fossé,  et  l'on  n'eût  pas  cru  que  les 
murailles  pussent  supporter  la  canonnade  plus  d'un  jour  ou  deux. 
(Gazette  du  29  septembre,  p.  464-463;  Gazette  d'Amsterdam,  n"  lxxvhi 
et  i.xxix.)  Il  en  subsiste  encore  des  ruines,  d'où  l'on  a  une  belle  vue. 


236  MÉMOIRES  ri696] 

bien  muni,  avec  ce  qu'il  y  put  tenir  de  monde  choisi.  G'étoit 
un  petit  castel  blanc  qui  se  voyoit  de  partout',  un  peu  à 
côté  et  plus  avancé  au  delà  de  Neustadt.  Les  bois  devinrent 
bientôt  un  fond  de  marais  artificiel,  par  les  retenues 
d'espace  en  espace  du  Spirebach,  qui  y  couloit^.  On  y  fit 
de  grands  abatis  d'arbres,  et  tout  du  long  semés  de  petits 
postes,  pour  avertir  seulement.  En  un  endroit  plus  clair, 
et  au  bord  d'une  petite  plaine  où  il  y  avoit,  en  deçà  du 
ruisseau,  un  moulin  appelé  FreymùhP,  dont  on  se  servit 
avantageusement  pour  s'aider  de  l'eau  à  retenir  et  à 
inonder,  on  fit  camper  quatre  bataillons,  appuyés  de  la 
cavalerie  de  notre  droite,  parce  que  la  ligne  s'étendoit 
jusque-là,  et  le  quartier  du  marquis  de  Renty^,  lieutenant 
général  fort  bon  et  beau-frère  du  maréchal,  n'en  étoit 
pas  éloigné.  On  mit  un  peu  plus  loin,  au  village  ruiné  de 
Spirebach^,  la  brigade  de  cavalerie  de  Bissy,  avec  de  fin- 
fanterie  divisée  par  pelotons  jusqu'à  Spire,  où  finissoient 

i.  Comparez,  pour  ce  détail,  la  lettre  du  maréchal  de  Choiseul  don- 
née plus  loin,  p.  !244,  note  3.  Nous  ne  saurions  trop  faire  remarquer 
l'exactitude  minutieuse,  sauf  de  très  légères  erreurs,  de  toute  cette 
partie  du  récit  de  Saint-Simon,  en  ce  qui  concerne  la  topographie  et  les 
opérations  des  campagnes  auxquelles  il  assista  en  personne. 

2.  Déjà  dit  plus  haut,  p.  234. 

3.  Ce  moulin  ne  figure  pas  sur  la  carte  de  G.  de  l'isle,  où  il  s'en 
trouve,  à  la  place  voulue,  un  autre,  dont  le  nom  a  étymologiquement 
le  sens  contraire,  à  savoir  :  Frohnmi'ihle. 

A.  Jean-Jacques,  marquis  de  Renty,  nommé  capitaine  au  régiment 
de  cavalerie  de  Bourlémont  en  1657,  mestre  de  camp-lieutenant  du 
régiment  Colonel  général  en  1666,  brigadier  en  1674,  maréchal  de 
camp  en  1677,  lieutenant  général  de  la  province  de  Franche-Comté 
en  1687,  et  lieutenant  général  des  armées  le  24  août  1688.  11  mourut 
au  Bény,  en  Normandie,  le  29  juin  1710,  après  avoir  passé  ses  dernières 
années  dans  une  pieuse  retraite,  comme  son  père,  le  baron  de  Renty, 
mort  en  odeur  de  sainteté  (24  avril  1648).  Sa  sœur,  Catherine-Alphon- 
slne  de  Renty,  avait  épousé  M.  de  Choiseul  en  1638  ;  mais  il  n'était 
point  venu  d'enfants  de  ce  mariage,  et  les  deux  époux  s'étaient  séparés. 

5.  Nous  ne  trouvons  pas  non  plus  cette  localité  de  Spirebach  (ou 
Speyerbach,  ruisseau  de  Spire,  ci-dessus,  p.  227,  note  3)  sur  la  carte 
des  bords  du  Rhin,  mais  celle  de  Spej/err/o»/ (village  de  Spire). 


ii(3'J6J  l^E  SAIiNT-SlMON.  237 

l(>s  bois.  A  Spire  \  force  canon  et  beaucoup  d'infanterie 
dans  les  retranchements,  avec,  pour  cavalerie,  la  brigade 
du  Colonel  générale  Le  marquis  d'Huxelles  et  le  duc  de 
la  Ferté,  lieutenants  généraux,  y  commandoient,  et  sous 
eux  Hautefort^  et  la  Lande*,  maréchaux  de  camp.  De  Spire 
au  Rhin,  il  n'y  avoit  pas  l'espace  pour  un  escadron.  Le 
maréchal  de  Choiseul  prit  son  quartier  général  au  village 
(JeLackheim^,  vis-à-vis  du  commencement  des  bois,  vers 
le  centre  de  la  cavalerie".  Notre  gauche  de  cavalerie  joi- 
i;noit  la  droite  de  celle  du  marquis  d'Harcourt,  mais  un 
peu  plus  reculée,  et  lui  se  mit  dans  un  petit  village  tout  à 
tait  dans  la  montagne,  près  de  Neustadt,  en  deçà^ 

1 .  Ces  deux  mots  sont  écrits  en  interligne,  au-dessus  de  Là,  bifï'é. 

2.  La  brigade  dont  faisait  partie  le  régiment  du  colonel  général  de 
la  cavalerie  légère,  c'est-à-dire  du  comte  d'Auvergne,  que  commandait 
le  marquis  du  Guémadeuc. 

3.  François-Marie,  comte  puis  marquis  d'Hautefort,  né  le  16  août 
i6S4,  cadet  aux  gardes  en  1673,  aide  de  camp  et  colonel-lieutenant  du 
régiment  d'infanterie  d'Anjou  en  1674,  brigadier  en  janvier  1691,  avait 
été  nommé  maréchal  de  camp  le  3  janvier  1696.  Il  passa  lieutenant  gé- 
néral en  1703,  fut  nommé  gouverneur  de  Guise  en  1717,  reçut  l'Ordre 
en  1724,  et  mourut  à  Paris,  le  8  juillet  1727. 

4.  Jean-Baptiste  du  Deffand,  marquis  de  la  Lande,  nommé  major 
d'un  régiment  de  dragons  en  1676,  niestre  de  camp  en  1678,  brigadier 
de  dragons  en  1690,  était,  comme  M.  d'Hautefort,  un  des  maréchaux  de 
camp  de  la  dernière  promotion,  et  il  avait,  depuis  l'année  précédente,  la 
charge  de  lieutenant  général  au  gouvernement  d'Orléanais,  par  démis- 
sion de  son  père.  Il  passa  lieutenant  général  des  armées  en  1704,  avec 
le  gouvernement  de  Neuf-Brisach,  et  mourut  en  Bourgogne,  au  mois  de 
décembre  1728,  étant  alors  dans  sa  soixante-dix-septième  année. 

o.  Lackheim  (Lacheijin  dans  la  Gazette  d'Amsterdam,  Lachen  sur  la 
carte  de  G.  de  l'Isle)  est  une  localité  située  en  dehors  et  au  S.  du 
Spirebach,  à  trois  quarts  de  mille  S.  E.  S.  de  Neustadt,  sur  une  route 
conduisant  à  Germersheim  et  au  Rhin. 

6.  Ces  six  derniers  mots  ont  été  ajoutés  en  interligne. 

7.  Selon  la  Gazette,  a"  du  22  septembre,  p.  45.5,  les  positions  étaient 
fixées  comme  il  suit,  à  la  date  du  14  :  «  Le  maréchal  de  Choiseul  a  par- 
tagé son  armée  en  plusieurs  camps,  qui  occupent  un  espace  de  cinq 
lieues  depuis  la  montagne  jusqu'au  Rhin.  La  droite  est  à  Spire,  sous  les 
ordres  du  marquis  d'Huxelles,  et  la  gauche  à  Neustadt,  commandée 


288  MÉMOIRES  [1696] 

Les  choses  disposées  de  la  sorte,  on  continua  à  perfec- 
tionner les  retranchements  partout  oîi  on  crut  qu'il  en 
étoit  besoin,  et  on  attendit,  avec  une  tranquillité  toutefois 
très  vigilante,  ce  que  les  ennemis  pourroient  ou  vou- 
droient  entreprendre.  On  montoit  tous  les  soirs  un  gros 
bivouac'  à  la  tète  des  camps,  avec  le  maréchal  de  camp 
de  jour  à  la  droite  et  le"-  brigadier  de  piquet^  à  la  gauche. 
Le  mestre  de  camp  de  piquet  se  promenoit  toute  la  nuit 
d'un  bout  à  l'autre,  pour  voir  si  tout  étoit  bien  en  état. 
J'étois  encore  cette  campagne*  de  la  brigade  qui  fermoit 
la  seconde  ligne  de  la  gauche,  avec  le  bonhomme  Lugny^ 

par  le  marquis  d'Harcourt,  qui  a  été  renforcé  d'une  brigade  de  cavalerie. 
A  Marientraut,  sur  le  Speyerbach,  il  y  a  une  brigade  de  cavalerie,  deux 
régiments  de  dragons  et  deux  bataillons  ;  à  Guinsen  (Geinsheim),  entre 
Marientraut  et  Neustadt,  une  brigade  de  cavalerie  ;  et  le  maréchal  de 
Choiseul  étoit  avec  le  reste  à  Schwegenheim.  Le  7,  les  ennemis  quit- 
tèrent leur  camp  de  Franckenthal,  et  viurent  camper,  leur  gauche  à 
Lampsheim,  et  leur  droite  à  Durckheim.  Le  10,  ils  marchèrent  eu  quatre 
colonnes  et  vinrent  camper  en  deux  lignes  à  Mussbach,  à  une  petite  lieue 
de  Neustadt,  leur  droite  s'étendant  jusqu'à  la  montagne,  et  leur  gauche 
jusquesà  Haslach  (Hassloch).  » 

1.  L'Académie  (1694)  définit  ce  mot  :  «  garde  extraordinaire  qu'on 
fait  la  nuit  pour  la  sûreté  d'un  camp.  »  Selon  Furetière  (1690),  il  est 
nouveau  ;  cependant  Corneille  l'employait  dès  1667  ",  la  Gazette  aussi 
(1667,  p.  629),  et  il  est  dans  Richelet  (1680),  qui  écrit,  comme  Saint- 
Simon,  bihouac  par  h  au  lieu  de  v.  En  allemand,  ce  n'est  pas,  comme 
dit  Furetière,  iveywach  (lisez  zweiivache),  «  double  garde  »,  mais  he'ma- 
clie,  «  garde  auprès  ». 

2.  La  première  lettre  de  cet  article  est  un  d,  corrigé  en  /. 

3.  Cette  expression  militaire,  usitée  aujourd'hui,  ne  se  trouve  pas 
dans  les  dictionnaires  du  temps  ;  pourtant  on  en  peut  voir  l'explication 
dans  la  Milice  française  du  P.  Daniel,  tome  I,  p.  3o4  et  359-360. 

4.  Comme  en  1694:  voyez  notre  tome  II,  p.  14o. 

5.  Ce  doit  être  Jacques-Ponthus  de  Levis,  baron  de  Lugny  en  Bourgo- 
gne. Lugny  (dont  les  éditeurs  du  Journal  de  Damjeau  ont,  le  plus  sou- 
vent, lu  ou  transcrit  le  nom  :  Lagmj)  avait  été  fait  mestre  de  camp  de  ca- 
valerie en  1689,  brigadier  en  1694.  Son  régiment  fut  réformé  en  1698,  et 
il  ne  servit  plus.  Il  vivait  encore  en  mars  1714,  disent  les  généalogies. 

^  Voyez  le  Lc.<  '  'U«  de  Corneille,  où  l'on  a  dit.  p.ir  erreur,  que  Uichelct 
avait  oublié  le  mot,  en  1680,  dans  son  Dictionnaire. 


[1696J  DE   SAINT-SIMON.  239 

pour  brigadier,  très  galant^  homme,  de  qui  je  reçus  mille 
honnêtetés,  mais  qui  n'avoit  ni  l'esprit  ni  le  monde  qu'a- 
voit  Harlus-,  qui  servoit  cette  année  sur  les  côtes  avec  le 
maréchal  de  Joyeuse^.  Le  chevalier  de  Conflans  '  étoit 
l'autre  mestre  de  camp  avec  nous.  C étoit  un  très  bon 
officier,  gaillard  et  de  bonne  compagnie,  plaisant  en  li- 
berté^, avec  de  l'esprit,  qui  savoit  fort  vivre,  et  dont  je 
m'accommodai  fort.  Il  étoit  cadet  ®  du  marquis  de  Con- 
flans  ',  mestre  de  camp  général  en  Catalogne  pour  le  roi 

1.  Dans  le  manuscrit,  galaml.  —  2.  Voyez  au  tome  II,  p.  US. 

3.  Voyez  ci-dessus,  p.  112.  Harlus  servait  comme  maréchal  de  camp 
(Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  403). 

4.  Jean-Chrétien  de  Watteville,  chevalier  puis  marquis  de  Conflans, 
d'abord  capitaine  de  cavalerie  au  régiment  de  Roussillon,  où  Saint- 
Simon  débuta  en  1693,  puis  lieutenant-colonel  du  régiment  du  cheva- 
lier de  Bezons,  n'était  mestre  de  camp  d'un  régiment  de  son  nom  que 
du  mois  de  juin  1694.  Il  fut  promu  brigadier  en  1702,  maréchal  de 
camp  en  1704,  lieutenant  général  en  1710,  cordon  rouge  en  1720,  et 
mourut  le  7  mars  1725,  âgé  de  soixante-sept  ans.  Il  était  gouverneur 
de  l'ordre  des  chevaliers  de  Saint-Georges,  en  Bourgogne. 

5.  C'est-à-dire  «  librement,  sans  gène  »,  comme  M.  Littré  traduit 
cette  locution  prépositionnelle  à  l'article  Liberté,  23°.  C'est  en  ce  sens 
que  Racine  l'a  employée,  aL\ec  parler,  dans  Bajazet  (vers  208). 

6.  Cet  otficier  général  explique  lui-même  sa  parenté  dans  la  lettre 
suivante  au  contrôleur  général  Desmaretz,  qui  est  datée  de  Condé,  le 
12  avril  [1710],  et  dont  nous  n'osons  pas  reproduire  l'orthographe  par 
trop  barbare  :  «  ....  Je  suis  d'une  des  meilleures  maisons  de  ce  pays-là 
(la  Franche-Comté).  Par  mes  services  et  sans  aucune  protection,  je  suis 
parvenu  à  la  dignité  de  lieutenant  général.  Je  suis  le  premier  de  ma 
famille  qui  ait  servi  le  Roi,  et,  lorsque  la  comté  de  Bourgogne  étoit  à 
l'Espagne,  ma  maison  a  toujours  tenu  le  premier  rang.  Mou  père  est 
mort  vice-roi  de  Navarre,  avec  tous  les  honneurs  et  les  ordres  d'Es- 
pagne ;  mon  aîné,  qui  est  retiré  chez  lui,  est  chevalier  de  la  Toison. 
Pour  moi.  Monsieur,  je  suis  un  cadet,  qui  n'ai  que  deux  mille  livres  de 
rentes....  Watteville  Conflans.  »  (Arch.  nat.,  Papiers  du  Contrôle  gé- 
néral des  finances,  G^  6o2.) 

7.  Charles-Emmanuel  de  Watteville,  marquis  de  Conflans,  employé  en 
Flandre,  comme  sergent  général  de  bataille  et  commandant  de  Namur 
et  de  Luxembourg,  puis  en  Franche-Comté  et  à  la  défense  d'Ypres  en 
1678,  fait  mestre  de  camp  général  en  Navarre  en  1684,  avait  été  envoyé, 
en  1691,  à  Milan,  pour  remplacer  Louvignies,  comme  général  de  la  cava- 


-IW  MEMOIRES  116<J()] 

d'Espagne,  qui  lui  avoit  donné  la  Toison  d'or*,  et  qu'il 
fit"',  l'année  suivante,  vice-roi  de  Navarre  et  grand  d'Es- 
pagne de  la  troisième  classe,  dont  la  grandesse  périt  avec 
eux,  comme  nos  ducs  à  brevet^.  Ils  étoient  ou  petits-fils 
ou  fort  proches,  et  de  même  nom,  de  ce  baron  de  Batte- 
ville  ou  Vatteville  *  qui,  étant  ambassadeur  d'Espagne  en 

lerie  espagnole,  clans  les  conseils  de  direction  de  l'armée  alliée.  Il  devint 
chevalier  de  la  Toison  d'or,  lieutenant  général  des  armées  espagnoles, 
gouverneur  d'Ath,  etc.,  se  retira  dans  ses  terres  de  Franche-Comté  en 
1701,  et  y  mourut  après  i710.  Peut-être  Saint-Simon  a-t-il  confondu 
ce  personnage,  qui  ne  fut  pas  vice-roi  de  Navarre,  avec  son  père,  Jean- 
Charles  de  TVatteville,  marquis  de  Conflans  (on  le  nommait  en  Espagne  le 
marquis  de  Batteville),  gouverneur  de  Pampelune,  chevalier  de  la  Toison 
d'or,  lieutenant  général,  etc.,  lequel  mourut  en  1699,  laissant,  de  sou 
alliance  avec  une  Bauffremont,  les  deux  frères  nommés  ici  et  plusieurs 
autres  enfants.  —  Il  faut  bien  distinguer  ces  Conflans  de  la  famille  de 
même  nom  dont  Saint-Simon  parlera  à  la  page  336.  Le  marquisat  de 
Conflans  des  Watteville  était  en  Franche-Comté  (Conflans-sur-Lanterne), 
et  leur  avait  été  donné  en  16"21,  en  échange  du  marquisat  de  Versoix. 

1.  Sur  cet  ordre  de  chevalerie,  qui  avait  été  institué  en  1430  par 
Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  et  dont  la  grande  maîtrise  était 
passée,  avec  la  succession  des  derniers  ducs,  à  la  maison  impériale 
d'Autriche,  puis  aux  rois  d'Espagne,  on  peut  voir  une  digression  de  Saint- 
Simon  dans  le  tome  XVIII,  p.  336-373.  Depuis  1316,  le  nombre  des 
chevaliers  avait  été  fixé  à  cinquante.  Aucune  condition  autre  que  la  vo- 
lonté du  chef  souvei'ain  n'était  imposée  pour  la  nomination  des  chevaliers. 

2.  Qui  le  fit  serait  plus  régulier. 

3.  Voyez  le  long  article  sur  les  grands  d'Espagne  qui  se  trouve  dans 
le  tome  III  des  Mémoires,  éd.  1873,  p.  86  et  suivantes;  les  Recherches 
historiques  et  (jénéalo(jiques  sur  les  grands  d'Espagne,  par  Imhoff  ;  la 
Relation  du  voyage  d  Espagne,  par  Mme  d'Aulnoy,  tome  I,  p.  187-189, 
et  divers  articles  sur  le  même  sujet  dans  les  Papiers  de  Saint-Simon 
conservés  aux  Affaires  étrangères.  Outre  son  caractère  viager,  la  gran- 
desse de  troisième  classe  ne  donnait  point  le  droit  de  rester  couvert  on 
écoutant  le  Roi,  ni  en  lui  parlant. 

4.  Charles,  baron  de  Watteville,  frère  aîné  d'un  certain  abbé  Godille 
dont  Saint-Simon  racontera  les  aventures  extraordinaires,  était  d'une 
famille  de  bonne  noblesse,  originaire  de  la  terre  de  Watteuweil  en 
Thurgovie,  et  dont  une  branche,  transplantée  de  Berne  en  Franche- 
Comté,  avait  servi  avec  distinction  la  dynastie  espagnole.  Successive- 
ment mestre  de  camp  du  cercle  de  Bourgogne,  maréchal  de  camp 
en  1647,  commandant  de  l'armée  navale  qui  bloqua  la  Garonne  en  1630 


[1696]  DE   SAINT-SIMON.  241 

Angleterre,  fit  cette  insulte  pour  la  préséance  au  maréchal 
d'Estrades*,  ambassadeur  de  France,  qui  fit  tant  de  fra- 


(voyez  l'Appendice  de  notre  tome  1,  p.  468),  capitaine  général  en  Calabre 
gouverneur  de  Saint-Sébastien  et  de  la  province  de  Guipuzcoa  (16G0), 
le  baron  de  Watteville  (Batteville,  dans  la  prononciation  espagnole)  avait 
représenté  l'Espagne  aux  conférences  préparatoires  de  la  paix  des  Pyré- 
nées avant  d'aller,  comme  ambassadeur  ordinaire,  à  Londres,  oi!i,  le  10  oc- 
tobre 1661,  il  fît  au  représentant  du  roi  de  France  une  insulte  publique 
dont  le  récit  se  trouve  dans  tous  les  mémoires  du  temps.  Les  Espagnols, 
aidés  de  deux  mille  bouchers,  brasseurs  ou  bateliers  de  Londres,  égor- 
gèrent les  chevaux  et  massacrèrent  les  laquais  de  l'ambassadeur  français, 
qui  devait,  suivant  l'ordre  exprès  de  Louis  XIV,  prendre  le  premier  rang 
à  l'entrée  de  l'ambassadeur  de  Suède,  et  la  place  resta  libre  ainsi  pour 
le  représentant  de  l'Espagne.  Malgré  la  réparation  que  cette  cour  fut  con- 
trainte de  faire  à  celle  de  France,  Watteville,  relégué  d'abord  à  Alcala,  ne 
resta  pas  longtemps  en  disgrâce  :  il  eut  la  vice-royauté  de  Navarre  et  fut 
encore  envoyé  en  ambassade  à  Lisbonne,  après  la  guerre,  en  1669  ;  mais 
il  y  mourut  à  la  fin  de  1670,  peu  après  avoir  reçu  la  Toison  d'or,  déses- 
péré, dit-on,  de  ce  que  son  frère  l'abbé  avait  livré  la  Franche-Comté  à 
Louis  XIV.  —  Le  père  du  baron  et  de  l'abbé  était  un  fils  cadet  du  bis- 
aïeul de  nos  deux  Watteville-Conflans.  Voyez  leur  généalogie  dans  le  Dic- 
tionnaire de  la  Noblesse  de  la  Chenaye  des  Bois,  tome  XIV,  p.  683  et  684. 
4.  Godefroy,  comte  d'Estrades,  né  à  Agen,  en  1607,  d'une  famille  de 
bourgeoisie  consulaire,  et  admis  comme  page  à  la  cour  de  Louis  XIII, 
alla  faire  ses  premières  armes  en  Hollande,  auprès  de  Maurice  de  Nassau, 
puis  rentra  en  France,  et  tantôt  servit  dans  les  armées,  où  il  devint 
mestre  de  camp  du  régiment  de  Candalle  en  1640,  maréchal  de  camp 
en  1647,  lieutenant  général  en  1630,  tantôt  remplit  diverses  missions 
diplomatiques,  en  Angleterre  (1637),  en  Piémont  (1638),  en  Hollande 
(1639-1642),  aux  conférences  de  Munster  (1646),  à  Londres  de  nou- 
veau (1661),  où  sa  fermeté  dans  l'affaire  de  Watteville  et  ses  succès 
pour  la  rétrocession  de  Dunkerque  lui  valurent  l'Ordre,  en  Hollande  de 
nouveau  (1662),  aux  conférences  de  Bréda  (avril  1667),  et  à  celles  de 
Nimègue  (1676-1678).  11  fut  récompensé  de  ses  services  par  le  don  des 
gouvernements  de  Dunkerque  (1649),  de  Brouage,  de  l'Aunis  et  de  la 
Guyenne  (16o3),  de  Mézières  (1656),  de  Gravelines  (1660),  de  Maës- 
tricbt,  Dinant,  Huy,  Liège,  etc.  (1673),  et  par  les  titres  de  capitaine  de 
la  volière  des  Tuileries  (1636),  de  vice-roi  de  l'Amérique  (1662),  de 
maire  perpétuel  de  Bordeaux  (1674),  de  maréchal  de  France  (30  juillet 
4675),  et  de  gouvemieur,  premier  gentilhomme  et  surintendant  des 
finances  du  duc  de  Chartres  (janvier  1685).  Il  mourut  à  Paris  le  26  fé- 
vrier 1686,  âgé  de   soixante-dix-neuf  ans.  Ses  lettres,  mémoires  et 

MÉMOIRES    DE   SAhNT-SIMON.    Ul  16 


Mouvements 

ol  disposition 

du  prince  Louis 

de  Bade. 


242  MÉMOIRES  [1696J 

cas,  et  qui  fut  suivie  de  la  déclaration  solennelle  que  l'am- 
bassadeur d'Espagne  en  France  eut  ordre  de  faire  au  Roi, 
de  ne  plus  prétendre  en  nul  lieu  de  compétence'  avec  lui. 
Le  prince  Louis,  supérieur  au  maréchal  de  Choiseul  et 
au  marquis  d'Harcourt  joints,  de  plus  de  vingt-deux  mille 
hommes^,  campa ^,  deux  jours  après  notre  arrivée,  à  une 

négociations,  de  4637  à  1662,  de  1663  à  -1668,  et  de  1676  à  1677,  ont 
été  imprimés  à  plusieurs  reprises.  L'édition  la  plus  complète  est  celle  de 
Londres  (la  Haye),  1742-1743,  dix  volumes  in-12;  mais  les  documents 
y  sont  souvent  défigurés  et  faussés,  et  il  faut  se  reporter,  sinon  aux 
originaux,  du  moins  aux  excellentes  copies  réunies  dans  dix-huit  vo- 
lumes du  fonds  Clairambault  (mss.  S71-o82  et  o84-o99)'^.  Wicquefort 
parle  de  M.  d'Estrades,  avec  grands  éloges,  dans  l'Ambassadeur  (voyez, 
à  ce  sujet,  un  article  des  Mémoires  Iiistoriques,  politiques  et  critiques 
d'Amelot  de  la  Houssaye,  éd.  1737,  tome  III,  p.  272-281),  et  Talleraant 
des  Réaux  lui  a  consacré,  ainsi  qu'à  Mme  d'Estrades,  une  historiette, 
tome  VII,  p.  o-lO.  M.  Tamizcy  de  Larroque  a  publié,  en  1872,  une  Re- 
lation inédite  de  la  défense  de  Dunkerque  {I65M652)  par  le  maréchal 
d'Estrades,  en  la  faisant  précéder  d'une  notice  biographique  fort  com- 
plète sur  ce  personnage,  et  en  y  ajoutant  des  lettres  inédites. 

1.  Compétition,  prétention  rivale  :  voyez  les  Mémoires  de  Retz, 
tomes  I,  p.  "257;  III,  p.  oOo;  V,  p.  33.  —  iSous  venons  de  dire,  dans  la 
notice  de  Watteville  (p.  240,  note  4),  quelle  insulte  cet  ambassadeur 
avait  faite  à  la  France  en  la  personne  de  M.  d'Estrades  ;  la  cour  de 
Madrid  accorda  réparation  par  la  bouche  d'un  ambassadeur  extraordi- 
naire, le  marquis  de  la  Fuente,  qui  déclara,  le  24  mars  1662,  dans 
une  audience  solennelle,  que  jamais,  en  quelque  pays  que  ce  fût,  les 
représentants  de  l'Espagne  n'entreraient  en  concurrence  avec  ceux  de 
la  France.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  I  de  1873,  p.  419, 
tome  II,  p.  434,  et  tome  III,  p.  203,  où  ce  passage-ci  est  presque  tex- 
tuellement répété.  Les  pages  que  Louis  XIV  a  consacrées  à  cet  incident 
dans  ses  Mémoires,  tome  II,  p.  332-340,  ainsi  que  le  long  récit  de 
Mme  de  Motteville  (tome  IV,  p.  296-301),  sont  une  preuve  du  grand  bruit 
que  fit  alors  l'affaire,  et  Saint-Simon,  en  y  revenant  à  plusieurs  reprises, 
témoigne  que  l'effet  obtenu  fut  durable.  La  déclaration  de  M.  de  la 
Fuente  se  trouve  au  milieu  de  pièces  sur  les  conflits  de  préséance  entre 
la  France  et  l'Espagne,  dans  le  volume  33  des  Papiers  de  Saint-Simon. 

2.  Nous  avons  dit  que  cette  grande  supériorité  de  nombre  était  con- 
testée. 

3.  Première  rédaction  :  campèrent;  et,  deux  lignes  plus  bas  :  mirent. 
"  Une  collection  analogue  est  à  Vienne,  dan»  la  bibliutjjéque  du  Prince 


11696]  DE  SAINT-SIMON.  243 

demi-lieue  de  nous,  derrière  le  village  de  Mussbach,  à  la 
vue  de  nos  montagnes,  et  se  mit  à  ouvrir  des  chemins 
dans  les  leurs.  On  les  vit  se  donner  de  grands  mouve- 
ments pendant  plusieurs  jours,  sans  qu'on  en  pût  devi- 
ner la  cause,  lorsque,  après  avoir  longé  notre  front'  bien 
des  fois  et  s'en  être  approchés  tant  qu'ils  purent  pour 
reconnoîtrc,  et  cherché"  inutilement  par  où  pouvoir  at- 
taquer, on  s'aperçut  qu'ils  avoient  établi  des  batteries 
sur  des  montagnes  qui  sembloient  inaccessibles,  d'où  ils 
firent  grand  bruit  de  canon.  C'étoient  trois  batteries  de 
gros  canon  à  diverses  hauteurs,  dont  une  sur  la  crête',  tout 
au  haut;  et  on  distinguoit  très  clairement  les  tentes  de 
trois  bataillons  qui  campoient  auprès.  Ils  occupèrent  di- 
verses maisons  éparses  le  long  de  la  montagne,  auprès  de 
ce  petit  château  de  Hart,  le  canonnèrent,  et  firent  remuer 
(juelque  cavalerie  du  marquis  d'Harcourt,  incommodée  de 
cette  artillerie.  Ce  petit  castel  les  mit  en  colère,  dont  ils 
ne  touchoient  que  le  haut  des  toits.  Ils  baissèrent  donc 
une  batterie,  avec  laquelle  ils  y  firent  une  grande  brèche; 
ils  y  donnèrent  quelques  assauts  sans  succès,  jusqu'à  ce 
que  le  brave  officier  qui  y  commandoit^,  se  voyant  ouvert 
de  toutes  parts  et''  sans  nulle  espérance  de  pouvoir  être 
secouru,  prit  le  temps  d'un  assaut  plus  grand  que  les 
précédents  pour  faire  retirer  sa  garnison  par  un  trou  qu'il 

1.  Le  mot  front  a  été  récrit,  puis  aussitôt  effacé  avec  le  doigt,  dans 
l'interligne  de  dessous. 

2.  Ellipse  d'après  avoir,  malgré  l'interposition  d'un  verbe  réfléchi  et 
de  son  auxiliaire  (être). 

3.  Il  semble  que  crête  (creste)  surcharge  une  première  rédaction,  cime. 

4.  Cet  officier,  le  sieur  de  la  Clochardière,  simple  lieutenant  de  gre- 
nadiers au  régiment  de  Piémont,  n'avait  qu'une  soixantaine  d'hommes 
avec  lui,  et,  selon  la  Gazette  (p.  46o),  ils  n'essuyèrent  pas  moins  de 
trois  mille  coups  de  canon.  Un  général-major  avait  été  chargé  de  faire 
cette  canonnade  avec  seize  grosses  pièces,  qui  tirèrent  sans  relâche  le 
14,  le  16  et  le  17  septembre  (Gazette  d'Amsterdam,  n"  taxvii  et  lxxix), 
et  un  assaut  fut  tenté  par  deux  cents  grenadiers  cuirassés  et  mille 
mousquetaires  (Dépôt  de  la  guerre,  vol.  1366,  n"  184). 

5.  El  corrige  une  s. 


244  MÉMOIRES  L1696] 

avoit  pratiqué,  et  sortit  le  dernier  de  sa  place,  qu'il  avoit 
bravement  défendue*  six  jours  durant,  à  la  vue  des  deux 
armées,  et  se  retira  avec  ses  gens  à  Neustadt,  avec  une 
jambe  qu'il  se  cassa  en  sortant.  Il  fut  loué  et  caressé  de 
toute  l'armée  ;  le  maréchal  lui  donna  le  peu  qu'il  avoit 
d'argent,  et  lui  procura  une  gratification.  11  avoit  laissé 
une'^  traînée  de  poudre,  où  il  mit  le  feu,  qui  fut  fatale  aux 
premiers  qui  se  jetèrent  dans  leur  conquête^.  Cet  exploit 
achevé,  les  Impériaux  changèrent  et  augmentèrent  leurs 
batteries,  et  en  battirent  la  porte  de  Neustadt*  de  notre 
côté,  par-dessus  la  ville  :  ce  qui  n'eut  d'autre  effet  que 
de  faire  hâter  le  pas  à  ceux  qui  entroient  et  sortoient. 

Au  bout  d'un  mois,  ils  s'aperçurent  si  bien  de  l'inutilité 
de  leur  canonnade  et  de  l'impossibilité  d'attaquer  nos 
retranchements  avec  le  moindre  succès  %  qu'ils  se  tour- 

i.  D'abord,  défendues;  Ys  a  été  biffée. 

2.  Dans  le  manuscrit,  par  mégarde,  mi,  au  lieu  d'une. 

3.  Les  correspondances  officielles,  sur  cet  épisode,  comme  sur  la  plu- 
part des  détails  qui  précèdent,  confirment  le  récit  de  Saint-Simon,  et  il 
est  à  croire  que  celui-ci  s'est  servi  ou  de  notes  prises  sur-le-champ,  ou 
de  documents  originaux.  Voici  en  quels  termes  M.  de  Choiseul  annonru 
au  Roi  la  chute  du  château  de  Hart  :  «  Les  ennemis,  après  avoir  ca- 
nonné  six  jours  entiers  ce  petit  château  blanc  au-dessus  de  Neustadt, 
l'ont  enfin  mis  en  poudre,  et  le  sieur  de  la  Clochardière,  lieutenant  do 
grenadiers  dans  le  régiment  de  Piémont,  qui  y  commandoit,  en  sortit 
hier  au  soir,  avec  ce  qu'il  avoit  avec  lui,  après  en  avoir  fait  sauter  les 
poudres  au  moyen  des  troupes  que  j'avois  placées  pour  le  soutenir.  On 
ne  peut  assez  le  louer  de  sa  fermeté,  laquelle  assurément  mérite  récom- 
pense. Je  ne  croyois  pas  qu'il  pût  tenir  deux  fois  vingt-quatre  heures. 
Au  sortir  de  là,  il  a  eu  le  malheur,  en  voulant  sauter  à  un  passage,  de 
se  casser  la  jambe.  Je  crois  que  les  ennemis  y  ont  tiré  au  moins  quinze 
cents  coups  de  canon,  et  il  ne  se  trouve  que  trois  ou  quatre  soldats  de 
blessés....  »  (Dépôt  de  la  guerre,  vol.  1366,  n°  180,  lettre  au  Roi,  datée 
du  18  septembre.) 

4.  Neustadt  corrige  nostre  cosié,  écrit  une  première  fois  après  la 
porte  de. 

5.  Après  l'évacuation  du  petit  château,  le  prince  de  Bade  et  le  land- 
grave de  Hesse,  s'y  étant  rendus,  purent  juger,  dit  la  Gazelle  d'Amster- 
dam, quels  avantages  la  rivière  du  Spirebach  et  les  travaux  de  forli- 
lication  assuraient  à  l'armée  française. 


[16961  DE   SAINT-SIMON.  245 

lièrent  à  d'autres  moyens  pour  nous  obliger  à  les  aban- 
donner :  ils  envoyèrent  donc  faire  des  courses  sur  la  Sarre 
jusque  vers  Metz,  et  ils  ordonnèrent  à  Thungen  de  ne 
rien  oublier  pour  passer  diligemment  en  Alsace.  Sur  les 
avis  qu'on  en  eut,  Gobert,  excellent  brigadier  de  dragons*, 
fut  envoyé  avec  un  gros  détachement  sur  la  Sarre,  et  le 
marquis  d'Huxelles  sur  le  haut  Rhin,  joindre  Puysieulx, 
avec  un  régiment  de  cavalerie,  des  dragons  et  de  l'infan- 
terie; et  Chamilly  fut  mis  à  Spire  à  la  place  d'Huxelles"-. 
Puysieulx,  lieutenant  général  et  gouverneur  d'Huningue^, 
n'avoit  presque  point  d'autres  troupes  pour  la  garde  du 
haut  Rhin  que  des  compagnies  franches*  du  Rhin,  un 
ramas  de  garnisons^  et  des  paysans.  Thungen^,  outre  ses 
ordres,  mouroit  d'envie  de  passer  et  de  faire  du  pis  qu'il 
pourroit,  de  dépit  d'avoir  été  enlevé,  tout  au  commence- 
ment de  la  campagne,  par  un  parti  d'infanterie  qui  s'étoit 
glissé  tout  contre  Mayence,  d'où  il  l'avoit  mené  à  Philips- 
bourg  ^  n  avoit  fallu  payer  pour  en  sortir  libre,  et  cela, 

i.  Voyez  notre  tome  II,  p.  304  et  30o. 

2.  On  trouvera  ces  mouvements  dans  la  Gazette  de  septembre  1696 
et  dans  les  correspondances  allemandes  de  la   Gazette  d'Amsterdam. 

3.  Huningue  (Huningen),  sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  à  trente  kilo- 
mètres S.  E.  de  Mulhouse,  et  trois  N.  de  Bàle,  n'était  qu'un  très  petit 
village  de  la  haute  Alsace,  transformé  en  place  forte  par  Vauban  depuis 
la  paix  de  Nimègue. 

4.  Presque  tous  les  gouverneurs  de  places  frontières  avaient  organisé 
des  compagnies  de  partisans;  on  les  réunit  en  régiments  au  mois  de 
février  1697  {Dangeau,  tome  VI,  p.  70).  A  la  fin  de  la  précédente 
guerre,  on  ne  comptait  pas  moins  de  deux  cent  cinquante  de  ces  com- 
pagnies sur  la  frontière. 

3.  Sur  ces  troupes  de  «  ramas,  »  voyez  les  notes  S  et  6  de  la  page  224. 

6.  Quand  le  prince  de  Bade  et  le  landgrave  de  Hesse  avaient  passé  le 
Rhin,  au  commencement  du  mois  de  septembre,  Thungen  s'était  placé 
à  Waghausen,  près  de  Pliilipsbourg,  et  il  y  avait  reçu  un  renfort  de  dix 
ou  douze  mille  hommes  de  milices. 

7.  Pris  dans  les  derniers  jours  du  mois  de  mai,  ce  général  avait 
été  remis  en  liberté,  moyennant  rançon,  le  8  juin  suivant.  Voyez  le 
Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  420-421,  et  la  Gazette  d'Amsterdam, 
n"'  5avi-XLix,  correspondances  de  Cologne,  de  Mayence  et  de  Francfort. 


Impériaux. 


246  MÉMOIRES  [16961 

joint  à  l'affront,  l'avoit  mis  fort  en  colère;  mais  il  fut  ob- 
servé de  si  près  qu'il  ne  put  jamais  tenter  le  passage ^  Sur 
la  Sarre,  Gobert  ne  leur  donna  pas  loisir  de  courir  ni  de 
Retraite  des  piller  :  tellement  que  les  Impériaux,  sentant  enfin  qu'une 
plus  longue  opiniâtreté  ne  feroit  qu'augmenter  leur  honte, 
résolurent'^  de  se  retirer'.  Je  m'aperçus,  étant  de  piquet 
et  me  promenant  la  nuit  le  long  de  nos  bivouacs,  d'une 
diminution  dans  leurs  feux  ordinaires,  qui,  avec  les 
nôtres,  faisoient  dans  ces  montagnes  et  au  bas  un  effet 
singulier  et  tout  à  fait  beau  ;  et  le  matin  nous  n'enten- 
dîmes point  leur  canon.  Dès  qu'il  fit  un  peu  plus  clair, 
j'allai  vers  nos  demi-lunes  trouver  le  maréchal  de  Choi- 
seul,  qui  s'y  promenoit  déjà,  et  nous  vîmes  qu'ils  n'avoient 
plus  ni  canon,  ni  camp,  ni  personne  sur  leurs  montagnes. 
Un  gros  brouillard,  qui  nous  en  ôta  incontinent  la  vue, 
tomba  sur  les  neuf  ou  dix  heures  du  matin  et  nous  laissa 
apercevoir  à  découvert  leur  retraite  :  ils  marchoient  en 
bataille  derrière  la  plaine  de  Mussbach,  où  ils  avoient 
laissé  divers  petits  pelotons  de  cavalerie  épars,  pour  nous 
observer  et  escarmoucher,  s'ils  étoient  suivis.  Harcourt 
vint  trouver  le  maréchal  à  une  batterie  élevée  où  nous 
étions,  et  chacun  fut  fort  aise  d'être  délivré  d'un  ennemi 
si  peu  à  craindre  dans  le  poste  où  nous  étions,  mais  d'ail- 
leurs si  importun  par  la  vigilance  que  demandoit  un  si 
proche  voisinage.  Saint-Frémond,  qui  se  trouvoit  de  jour, 

1.  Sur  les  mouvements  rapides  par  lesquels  le  marquis  d'Huxelles 
parvint  à  empêcher  Thungen  de  passer  le  fleuve  ou  d'aller  assiéger 
Fribourg,  voyez  une  correspondance  envoyée  de  Strasbourg,  le  20  sep- 
tembre, à  la  Gazette  d'Amsterdam,  n°  lxxix.  D'autre  part,  les  Français 
voulurent  faire  une  diversion  sur  Eppingen  ;  mais  le  baron  de  Soyer  y 
mit  obstacle.  {Ibidem,  n°  lxxx,  correspondance  de  Cologne.) 

2.  Après  résolurent,  il  y  a  un  second  enfin,  biffé. 

3.  Cette  retraite  était  annoncée  comme  imminente,  dès  le  28  septem- 
bre, par  le  correspondant  de  la  Gazette  d Amsterdam,  n°  lxxxi.  Le  4  oc- 
tobre, les  alliés  retirèrent  leurs  canons  de  position  et  mirent  en  marche 
le  gros  bagage  et  les  malades;  le  5,  ils  décampèrent;  le  7,  ils  repas- 
sèrent le  Rhin. 


[IG9fi]  HE  SAINT-SIMON.  247 

étoit  sorti,  avec  quelques  gardes  ordinaires,  à  la  tête  du 
village  de  Winzingen*,  sous  Neustadt;  il  eut  envie  de  se 
faire  valoir  à  bon  marché  et  envoya,  à  plusieurs'^  reprises, 
demander  quelques  troupes  au  maréchal  pour  pousser  ce 
qui  étoit  dans  la  plaine  :  dont,  à  la  fin,  ce  dernier  s'im- 
patienta. Comme  son  projet  avoit  été  d'arrêter  les  enne- 
mis, et  non  d'aller  à  eux  pour  les  combattre,  mais  de 
rompre  tous  leurs  desseins  en  barrant  de  la  montagne  au 
Rhin,  nos  inondations  étoient  faites  en  sorte  qu'il  n'y 
avoit  que  deux  ouvertures,  par  lesquelles  on  ne  pouvoit 
sortir  qu'un  à  un.  La  raison  du  maréchal  fut  donc  que, 
s'il  n'y  avoit  dans  la  plaine  que  ces  petits  pelotons  que 
nous  voyions,  ce  n'étoit  pas  la  peine  d'aller  à  eux  pour 
leur  faire  doubler  le  pas;  que  si,  au  contraire,  il  y  avoit 
des  troupes  derrière  les  haies  et  ce  qui  bornoit  notre  vue, 
il  ne  falloit  pas  exposer  Saint-Frémond  à  être  battu  sous 
nos  yeux  sans  pouvoir  être^  secouru,  et  faire  ainsi  sans 
raison  une  mauvaise  affaire  et  honteuse,  d'une  bonne, 
puisque  les  ennemis  se  retiroient  sans  avoir  pu  exécuter 
quoi  que  ce  soit.  Saint-Frémond,  qui  avoit  aussi  ses  sou- 
terrains* et  qui  étoit  ami  du  marquis  d'Harcourt,  ne 
laissa  pas  d'être  accusé  d'avoir  écrit  qu'il  n'avoit  tenu 
qu'au  maréchal  de  Choiseul  de  battre  l'arrière-garde  des 
ennemis,  sans  qu'il  eût  pu  le  lui  persuader^. 

4.  Saint-Simon  a  écrit  Wehitzingen.  C'est  le  village  dont  dépendait, 
comme  l'a  dit  la  Gazette  cl  Amsterdam,  ce  «  petit  castel  blanc  »  de  Hart. 
Il  est  situé  à  un  quart  de  mille  E.  de  Neustadt,  et  compte  actuelle- 
ment sept  cent  cinquante-quatre  habitants. 

2.  Dans  le  manuscrit,  pliisieures,  orthographe  qui  se  rencontre  assez 
souvent  sous  la  plume  de  notre  auteur  :  voyez  ci-après,  p.  377. 

3.  Estre  est  écrit  deux  fois,  et  biffé  la  seconde. 

4.  Voyez  plus  haut  (p.  226)  l'expression  :  «  grand  maître  en  souter- 
rains, »  appliquée  au  marquis  d'Harcourt. 

5.  En  effet,  on  trouve  au  Dépôt  de  la  guerre  (vol.  1366,  n°'  2S7  et 
264)  deux  lettres  de  Saint-Frémond  qui  témoignent  de  ses  griefs  contre 
le  maréchal,  trop  prudent  selon  lui.  En  somme,  toute  la  correspon- 
dance prouve  que  les  chefs  de  corps,  aussi  bien  que  le  ministre,  le  Roi 
et  Chamlay,  désapprouvèrent  les  scrupules  du  maréchal  de  Choiseul,  et 


248  MÉMOIRES  [1696 

Les  ennemis  avoient  retiré  leurs  postes  le  long  du  ruis- 
seau et  des  inondations,  qui  n'étoient  qu'à  une  portée  de 
carabine  des  nôtres,  toute  la  nuit  précédente,  en  grand 
silence,  et  y  avoient  laissé  leurs  feux  tant  qu'ils  avoient 
pu  durer,  et,  en  même  temps,  retiré  tout  ce  qu'ils  avoient 
de  canons  en  batterie  ;  et  l'artillerie  qui  n'y  étoit  pas  et 
leurs  bagages',  les  avoient  fait  passer  à  Worms,  avec 
quelque  peu  de  troupes,  sur  leur  pont  de  bateaux,  qu'ils 
défirent  aussitôt  après".  Leur  armée  marcha  fort  vite  à 
Mayence,  où  elle  repassa  le  Rhin,  dédaigna  de  prendre 
Ebernbourg*  et  Kirn\  deux  bons  châteaux  qu'il  ne  tenoit 
qu'à  eux  de  prendre,  et  se  mirent  aussitôt  après  en  quar- 
tiers de  fourrages,  non  sans  force  querelles  entre  les  gé- 
néraux, enragés  d'avoir  tant  éclaté  en  menaces  et  en 
grands  projets,  et  de  n'avoir  pu  rien  exécuter.  Cela  fut 
uniquement  dû  à  la  capacité  et  à  la  fermeté  tout  ensemble 
du  maréchal  de  Choiseul,  qui  laissa  tonner  la  cour,  crier 
ses  premiers  officiers  généraux,  intriguer  M.  d'Harcourt, 
sans  s'ébranler  en  aucune  sorte  ^ 

Le  lendemain  de  cette  retraite,  nous  fûmes  voir  leurs 
camps  et  leurs  travaux,  et  nous  admirâmes  les  peines 
qu'ils  eurent  sans  doute  à  guinder  leur  canon  si  haut,  et 

qu'ils  eussent  préféré  l'exécution  des  projets  d'offensive  de  MM.  de 
Saint-Frémond,  d'Huxelles  et  d'Harcourt. 

1.  Nous  reproduisons  la  ponctuation  du  manuscrit,  ici  une  virgule, 
plus  haut  un  point  et  virgule.  La  clarté  eût  gagné  peut-être  à  l'inser- 
tion d'un  nouveau  sujet,  ils,  devant  les  avoient. 

2.  Voyez  la  Gazette  d'Amsterdam,  n°'  lxxxiii  et  lxxxiv. 

3.  Il  a  été  parlé  d'Ebernbourg  lors  de  la  campagne  de  1694,  tome  II, 
p.  172.  Cette  place  avait  été  fortifiée  dès  l'entrée  en  Palatinat  (1688). 

4.  Kirn  est  une  localité  de  seize  cent  soixante-dix  habitants,  située 
à  quatre  milles  environ  S.  0.  0.  de  Kreuznach.  Dès  1694,  Vauban 
estimait  que  cette  place  n'était  bonne  qu'à  démanteler  et  rendre  au 
palatin  de  Morhange.  —  M.  d'Arcy,  capitaine  dans  le  régiment  de 
Picardie,  était  gouverneur  à  Ebernbourg,  et  M.  d'Esperoux  à  Kirn. 

5.  La  médaille  par  laquelle  l'Histoire  métallique  caractérisa  la  cam- 
pagne de  1696,  représentait  un  Mars  assis  dans  son  camp,  et  son  cheval 
paissant  à  côté  de  lui,  avec  la  devise  :  Mars  in  hostili  sedens. 


[ 


11696]  DE  SAINT-SIMON.  249 

le  reste  de  leurs  ouvrages,  qui  nous  parurent  prodigieux*. 
Les  fourrages  leur  manquoient,  ils  tiroient  de  fort  loin 
leurs  vivres  :  tout  enfin  les  avoit  obligés  à  la  retraite. 

Le  maréchal  avoit  gardé  toutes  les  lettres  du  marquis  Précautions  du 
d'Harcourt  et  la  copie  de  ses  réponses.  Il  avoit  mis  un  (5^^o-gg[|f/î*j^ 
petit  commentaire  concis  et  fort,  en  marge,  vis-à-vis  des  cour,  qui  met 
endroits  qui  le  demandoient,  et  avoit  envoyé  tout  cela  au  ^^  quartiers  de 

.    ,  ^  1        1  •      2    ivT  4.     1  •         '    f  •  +    fourrages  et  me 

Koi  dans  un  grand  cahier  .  IN  y  ayant  plus  rien  a  taire,  et    donne  congé. 

les  troupes  allant  dans  leurs  quartiers  de  fourrages^,  je 

voulus  m'en  aller  à  Paris*.  Le  mois  d'octobre  étoit  fort 

avancé  ;  Mme  de  Saint-Simon  avoit  perdu  M.  Frémont^,    Mort  de  m.  de 

1.  Dans  la  seconde  des  lettres  indiquées  plus  haut,  Saint-Frémond 
dit  (vol.  1366,  n"  264)  :  «  Je  fus  hier,  avec  M.  d'Harcourt,  visiter  le 
camp  que  M.  de  Bade  a  quitté  à  Mussbach.  Nous  avons  remarqué  qu'à 
notre  imitation  il  s'étoit  retranché  avec  beaucoup  de  précaution,  parti- 
culièrement à  sa  droite  :  ce  qui  peut  faire  croire  qu'étant  joint  avec 
M.  de  Hesse,  ils  n'ont  eu  d'autre  dessein  que  celui  de  marcher  en  avant 
à  mesure  que  nous  avons  reculé.  » 

2.  Ce  cahier  s'est  retrouvé  au  Dépôt  de  la  guerre  ;  nous  en  donnons 
le  texte  à  l'Appendice,  n°  XXI. 

3.  La  Gazette  d'Amsterdam  indique,  dans  ses  n"'  xci  et  xcii,  correspon- 
dances de  Strasbourg,  1"  et  3  novembre,  la  distribution  des  troupes  en 
quartiers  d'hiver.  Au  46  octobre,  Dangeau  dit  :  «  Le  maréchal  de  Choi- 
seul,  après  avoir  fait  raser  les  retranchements  que  le  prince  Louis  avoit 
faits  devant  son  camp,  est  allé  camper  en  deçà  de  la  Queich  et  a  mis  ses 
troupes  en  quartiers  de  fourrages.  «  (Journal,  tome  VI,  p.  8.) 

4.  Le  mois  précédent,  M.  de  Barbezieux  avait  écrit  à  Saint-Simon  la 
lettre  qui  suit,  datée  de  Versailles,  le  18  septembre  (Dépôt  de  la  guerre, 
vol.  1347,  fol.  226)  :  «  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'écrire  le  11  de  ce  mois,  en  faveur  de  M.  de  Saint-Simon,  cornette, 
au  régiment  de  Bar,  pour  la  compagnie  qui  vaque  dans  celui  de  du 
Bordage.  Je  vous  prie  de  croire  que  je  m'emploierai  auprès  du  Roi  pour 
lui  faire  plaisir  et  vous  témoigner  que  je  suis,  etc.  »  Il  s'agit  .sans  doute 
de  Louis-Claude  de  Saint-Simon  Monbléru,  neveu  du  brigadier  tué  à 
Nerwinde.  Voyez  la  généalogie  de  cette  branche  dans  notre  tome  I, 
Appendice,  p.  410  et  419. 

5.  Frémont  dans  le  texte  ;  de  Frémont  à  la  manchette.  —  Nicolas 
de  Frémont  (voyez  notre  tome  II,  p.  262,  note  5)  mourut  à  Paris,  le 
10  septembre  1696,  et  fut  inhumé  à  la  Visitation  de  Chaillot.  Dan- 
geau {Journal,  tome  V,  p.  468)  enregistre  ainsi  cette  mort  :  «  Le  bon- 


mo 


MÉMOIRES 


[1696] 


Frémont,  beau- 
père  de  M.  le 
maréchal  de 

Lorge. 

Naissance  de 

ma  fille. 


père  de  Mme  la  maréchale  de  Lorge,  et  elle  étoit  en 
même  temps  heureusement  accouchée  de  ma  fille',  le 
8  septembre.  Le  maréchal  me  le  permit.  Il  m'avoit  traité 
avec  tant  de  politesse  et  d'attention,  que  je  m'attachai  à 
lui  et  qu'il  me  donna  enfin  sa  confiance^,  dont,  à  mon 
âge,  je  me  sentis  fort  honoré^.  Je  savois  tout  ce  qui 
s'étoit  passé  entre  le  marquis  d'Harcourt  et  lui,  et  il 
m'avoit  montré  ce  cahier  qu'il  avoit  envoyé  au  Roi.  Il 
me  pria  de  conter  tous  ces  détails  au  duc  de  Beauvillier 
en  arrivant,  et  de  l'engager  à  le  servir  :  ce  que  j'exécutai 
tout  à  fait  à  la  satisfaction  du  maréchal. 

En  arrivant  à  Paris  \  je  trouvai  la  cour  à  Fontaine- 
bleau '■'.  Comme  j'étois  arrivé  un  peu  devant  les  autres,  je 
ne  voulus  pas  que  le  Roi  le  sût  sans  me  voir  et  me  crût 
de  retour  en  cachette;  je  voulois  de  plus  voir  M.  de 
Beauvillier  sur  le  maréchal  de  Choiseul.  Je  me  hâtai  donc 
d'aller  à  Fontainebleau,  oii  je  fus  très  bien  reçu,  et  le 
Roi,  à  son  ordinaire  de  mes  retours",  me  parla  avec  bonté, 
en  me  disant  toutefois  que  j'étois  venu  un  peu  tôt,  mais 
ajoutant  qu'il  n'y  avoit  point  de  mal. 

homme  Frémont,  beau-père  du  maréchal  de  Lorge,  est  mort  à  Paris; 
on  croit  que  c'étoit  le  pKis  riche  homme  qui  fût  en  France.  »  Voyez 
quelques  notes  sur  lui  et  les  siens  dans  l'Appendice,  n°  XXII. 

4.  Charlotte  de  Saint-Simon,  née  le  8  septembre  1696,  mariée 
le  16  juin  1722  au  prince  de  Chimay,  devenue  veuve  en  1740,  et  morte 
à  Paris  le  29  septembre  1763.  Nous  n'avons  pas  le  texte  de  son  acte  de 
baptême.  —  Est-ce  à  cette  première  grossesse  de  Mme  de  Saint-Simon 
que  Coulanges,  aussitôt  après  avoir  annoncé  le  mariage  de  M.  de  Saint- 
ilérem  avec  «  la  petite  cousine  de  la  maréchale  de  Lorge,  »  fait  cette 
allusion  malicieuse,  dans  une  lettre  du  3  février  1696  {Sévigné,  tome  X, 

I».  354)  :  «  Mme  la  duchesse  de  S est  toujours  grosse  et  fait  voir  par 

!;i  qu'il  n'y  a  rien  d'impossible  en  ce  monde  »  ? 

2.  Saint-Simon  termine  ce  nom,  comme  certains  autres  de  même  ter- 
minaison, par  ence,  au  lieu  d'ance. 

3.  Comparez  ci-dessus,  p.  119,  note  2,  et  la  suite  des  Mémoires, 
tomes  III,  p.  224,  et  VIII,  p.  212. 

4.  Le  P  initial  de  Paris  corrige  un  p  minuscule. 

.").  La  cour  y  était  arrivée  le  4  octobre  et  rentra  à  Versailles  le  8  novembre. 
6,  Emploi  elliptique,  mais  aussi  clair  que  vif,  de  la  préposition  de. 


[Ifi961  HE   SAFNT-SIMON.  254 

J'avois  un  voyage  en  tête  à  brusquer,  dont  je  parlerai 
tout  à  l'heure  S  qui  me  pressoit  de  m'en  retourner  à  Paris 
après  mes  premiers  devoirs  rendus,  lorsqu'au  sortir  du 
lever  du  Roi,  comptant  monter  en  chaise  tout  de  suite, 
Louville  me  mena  dans  la  salle  de  la  Comédie,  ouverte 
alors  et  où  il  n'y  avoit  jamais  personne  les  matins,  qui 
étoit  au  bout  de  la  salle  des  Gardes\  Là  il  m'avertit  qu'il  "^^'^  invention 

,  ,      .       ,  ,  „  .  ,     ,  "'  nion  retour. 

s  étoit  répandu  que,  lorsque,  en  faisant  ma  révérence  au 

P«oi,  il  m'avoit  dit  qu'il  se  réjouissoit  de  me  voir  de  retour 

en  bonne  santé,  quoique  un  peu  tôt,  je  lui  avois  répondu 

que  j'avois  mieux  aimé  le  venir  voir  tout  en  arrivant, 

comme  ma  seule  maîtresse,  que  de  demeurer  quelques 

jours  relaissé^  à  Paris,  comme  faisoient  les  jeunes  gens 

avec  les  leurs  *.  A  ce  récit,  le  feu  me  monta  au  visage  ;  je 

1.  Voyez  ci-après,  p.  253. 

2.  La  salle  de  la  Comédie,  au  palais  de  Fontainebleau,  qui  a  été  brû- 
lée en  '18S6  et  remplacée  par  une  autre,  loin  de  l'ancienne,  au  bout  de 
la  galerie  Louis  XV,  avait  été  construite  par  Charles  IX,  ainsi  que  la 
salle  des  Gardes,  à  laquelle  elle  faisait  pendant  ;  on  y  arrivait  du  dehors 
par  la  rampe  de  droite  de  l'escalier,  dit  des  Fées,  de  la  cour  de  la 
Fontaine.  Appelée  d'abord  la  «  Grande  Salle,  »  elle  prit,  en  1599,  à 
cause  de  la  cheminée  qu'Henri  IV  lit  construire  alors  à  l'une  de  ses 
extrémités,  le  nom  de  salle  «  de  la  Belle-Cheminée,  »  qui  lui  fut  dis- 
puté, à  partir  de  1633,  où  l'on  y  dressa  un  théâtre,  par  celui  de  salle 
«  de  la  Comédie,  »  lequel  fut  son  nom  unique  depuis  1725  ;  à  cette  épo- 
que le  théâtre  et  la  salle  furent  refaits,  et  la  grande  cheminée  disparut. 
Voyez  la  Description  historique  des  château,  bourg  et  forêt  de  Fontai- 
nebleau, par  l'abbé  Guilbert,  Paris,  1731,  tome  II,  p.  48-50,  et  la 
Description  de  Paris,  etc.,  par  Piganiol  de  la  Force,  éd.  1742,  tome  VIII, 
p.  125. 

3.  Relaissé,  «  terme  de  chasse  qui  se  dit  lorsqu'un  lièvre  est  telle- 
ment couru  qu'il  s'arrête,  étant  lassé,  et  ne  va  point  au  gîte.  »  (Furetière, 
1690.)  L'Académie  ne  donne  le  mot  qu'à  partir  de  sa  4'  édition  (1702), 
et  .simplement,  même  encore  dans  la  7°  (1878),  comme  adjectif.  Nous 
trouverons  plusieurs  fois,  dans  la  suite  des  Mémoires,  le  verbe  réfléchi 
se  relaisser;  voyez  aussi  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  III,  p.  513. 

4.  Ceci  ne  rappelle-t-il  pas  une  des  flatteries  de  la  Feuillade  à  l'a- 
dresse du  Roi,  qui  venait  de  le  nommer  maréchal  de  France  (1675)? 
«  M.  de  la  Feuillade  a  pris  la  poste,  et  s'en  est  venu  droit  à  Versailles, 
où  il  surprit  le  Roi  ;  il  lui  dit  :  «  Sire,  les  uns  font  venir  leurs  femmes..,, 


232  MÉMOIRES  [1696] 

rentrai  chez  le  Roi,  où  il  y  avoit  encore  beaucoup  de 
monde,  devant  qui  je  m'exhalai  sur  ce  qui  me  venoit 
d'être  rapporté,  et  j'ajoutai  que  je  donnerois  volontiers 
bien  de  l'argent  pour  savoir  qui  avoit  inventé  et  semé 
cette  noire  friponnerie,  afin,  quel  qu'il  fût,  de  lui  en  don- 
ner le  démenti  et  force  coups  de  bâton  au  bout,  pour  lui 
apprendre  à^  calomnier  d'honnêtes  gens,  à  lui  et  aux  fa- 
quins ses  semblables.  Je  demeurai  tout  le  jour  à  Fontai- 
nebleau, cherchant  le  monde  pour  répéter  ces  propos, 
et  que,  si  un  grand  coquin  demeuroit  assez  caché  pour 
échapper  au  châtiment,  j'espérois  du  moins  qu'il  en  ap- 
prendroit  la  menace,  et  qu'il  l'entendroit  peut-être  lui- 
même  assez  pour  en  faire  son  profit  et  laisser  les  gens 
d'honneur  en  repos. 

Ma  colère  et  mes  discours  firent  la  nouvelle^.  M.  le 
maréchal  de  Lorge,  qui  avoit  le  bâton  et  m'avoit  coupé 
la  parole  sur  mon  arrivée  un  peu  tôt,  en  sorte  que  je  n'y 
pus  rien  du  tout  répondre  au  Roi,  quand  je  l'aurois  voulu, 
bien  loin  d'ailleurs  d'une  si  indigne  flatterie,  et  beaucoup 
de  vieux  seigneurs  avec  lui,  me  blâmèrent  d'avoir  parlé 
si  haut,  eu  tels  termes,  dans  la  maison  du  Roi  et  jusque 
dans  son  appartement.  Je  les  laissai  dire,  parce  qu'ils  ne 
m'apprenoient  rien  que  je  n'eusse  bien  prévu  ;  mais,  de 
deux  maux,  j'avois  choisi  le  moindre,  qui  étoit  une  répri- 
mande du  Roi,  ou  peut-être  quelques  jours  de  Rastille, 
et  j'avois  évité  le  plus  grand,  qui  étoit  de  laisser  croire  la 
chose  vraie  à  mon  âge,  et  encore  peu  connu  ^  de  la  plu- 

«  les  autres  les  viennent  voir  :  pour  moi,  je  viens  voir  une  heure  Votre 
«  Majesté,  car  ce  n'est  qu'à  elle  que  je  dois  tout....  »  Et  s'en  alla  re- 
monter à  cheval,  et  en  effet  n'a  vu  âme  vivante.  »  {Lettres  de  Mme  de 
Sévigné,  tome  IV,  p.  06.) 
•1.  A  corrige  et. 

2.  La  nouvelle,  absolument,  la  grande  nouvelle,  la  nouvelle  du  jour; 
fxiire  la  nouvelle,  occuper  l'attention.  Le  Lexique  de  Mme  de  Sévigné 
donne,  à  l'article  Nouvelle,  plusieurs  exemples  de  cette  locution. 

3.  Et  étant  encore,  et  cela  quand  j'étais  encore  peu  connu.  Ellipse, 
ou  plutôt  tour  rapide,  se  liant  très  clairement  à  ce  qui  précède. 


[IG96I  DE   SAINT-SIMON.  253 

])art  du  monde,  et  me  laisser  passer^  pour  un  infâme 
délateur  de  toute  la  jeunesse,  pour  faire  bassement  et 
misérablement  ma  cour.  Le  Roi  n'en  sut  rien,  ou  voulut 
bien  l'ignorer.  Le  bruit  que  je  fis  étouffa  sa  cause  et  me 
fît  honneur  ;  et  je  m'en  allai  faire  mon  petit  voyage,  dont 
je  parlerai  ici  tout  de  suite. 

Il  y  avoit  longtemps  que  l'attachement  que  j'avois  pour  Monsieur  de  la 
Monsieur  de  la  Trappe  et  mon  admiration  pour  lui  me  de  mémoire, 
faisoit  désirer  extrêmement  de  pouvoir  conserver  sa  res- 
semblance après  lui,  comme  ses  ouvrages  en  perpétue- 
roient  l'esprit  et  les  merveilles.  Son  humilité  sincère  ne 
permettoit  pas  qu'on  pût  lui  demander  la  complaisance 
de  se  laisser  peindre^  On  en  avoit  attrapé  quelque  chose 
au  chœur,  qui  produisit^  quelques  médailles  assez  ressem- 
blantes*; mais  cela  ne  me  contentoit  pas.  D'ailleurs,  de- 

\.  Ces  trois  derniers  mots  sont  écrits  en  interligne. 

2.  Nous  connaissons  un  portrait  gravé  par  Van  Schuppen,  en  1683, 
et  un  autre,  gravé  par  N.  Habert,  en  1G92,  dont  la  légende  significa- 
tive :  «  C.  de  la  Grange  inscium  pinxit  »,  confirme  ce  que  dit  Saint- 
Simon  des  répugnances  de  M.  de  Rancé. 

3.  Le  t  final  de  produisit  remplace  une  r. 

4.  Le  P.  Léonard  a  noté  les  détails  suivants  dans  un  de  ses  porle- 
feuilles,  aujourd'hui  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale,  ms.  Fr.  24 123, 
fol.  21  v°  :  «  Au  mois  de  mai  1695,  on  voyoit  à  Paris  une  médaille 
fabriquée  en  bronze  par  un  frère  convers  de  l'abbaye,  qui  représentoit 
la  tète  de  l'abbé  de  la  Trappe,  M.  de  Rancé.  Autour  de  la  tête,  il  y  a  : 
Abbas  de  Trappa.  Au  revers,  on  voit  la  Religion  qui  travaille  le  buste 
dudit  abbé,  avec  cette  inscription  :  Labor  est  ante  me.  Au  piédestal  qui 
est  au-dessous  de  ce  buste  que  la  Religion  travaille,  il  est  écrit  en  petit 
caractère  :  Reslauraiori  vitœ  monasticœ.  Ce  frère  étoit  frère  Armand, 
qui  en  étoit  sorti  en  1694.  (Ici  le  P.  Léonard  renvoie  à  ce  qu'il  a  dit 
plus  haut,  fol.  20,  du  frère  Armand.)  Mon  frère  Roger,  qui  est  sculp- 
teur, en  1692,  étant  à  la  Trappe,  lui  donna  quelque  avis  pour  son  tra- 
vail, qu'il  lui  montra,  et  qu'il  avoit  tracé  d'abord  sur  une  ardoise  avec 
de  la  cire  blanche;  il  lui  corrigea  quelques  traits,  etc.,  et  il  fut  surpris 
de  voir  le  travail  de  ce  frère,  qui  disoit  n'avoir  jamais  appris.  Je  tiens 
cela  de  mon  frère.  »  —  Le  Cabinet  des  médailles  ne  possède  point  l'œu- 
vre du  frère  Armand;  mais  il  a  deux  autres  médaillons  de  Rancé,  dont 
un,  fait  ex  idea,  dit  la  légende,  et  daté  de  1675,  est  de  Bertinct, 
payeur  des  rentes,  et  l'autre  de  Chéron,  daté  de  1693.  Tous  deux  ont 


2S4  MÉMOIRES  LI696J 

venu  extrêmement  infirme,  il  ne  sortoit  presque  plus  de 
l'infirmerie,  et  ne  se  trouvoit  plus  en  lieu  où  on  le  pût 
attraper.  Rigaud'  étoit  alors  le  premier  peintre  de  l'Eu- 
rope pour  la  ressemblance  des  hommes  et  pour  une 
peinture  forte  et  durable  ;  mais  il  falloit  persuader  à  un 
homme  aussi  surchargé  d'ouvrages  de  quitter  Paris  pour 
quelques  jours,  et  voir  encore  avec  lui  si  sa  tête  seroit' 
assez  forte  pour  rendre  une  ressemblance  de  mémoire. 
Cette  dernière  proposition,  qui  l'effraya  d'abord,  fut  peut- 
être  le  véhicule^  de  lui  faire  accepter  l'autre.  Un  homme 
qui  excelle  sur  tous  ceux  de  son  art'  est  touché  d'y  excel- 
ler d'une  manière  unique  :  il  en  voulut  bien  faire  l'essai, 
et  donner  pour  cela  le  temps  nécessaire.  L'argent  peut- 
être^  lui  plut  aussi.  Je  me  cachois  fort,  à  mon  âge,  de  mes 
voyages  de  la  Trappe*^  ;  je  voulois  donc  entièrement  ca- 
cher aussi^  le  voyage  de  Rigaud,  et  je  mis  pour  condition 

été  reproduits  parla  gravure,  le  second  dans  le  Mercure,  en  février  IG'Jfi 
(p.  198),  d'où  vint  peut-être  à  Saint-Simon  l'idée  d'avoir  un  autre 
portrait.  Maupeou  parle  des  trois  médailles,  dans  sa  Vie  de  M.  de  Rancé 
(1702),  tome  II,  p.  238-240,  avant  de  raconter  l'anecdote  du  voyage 
de  Saint-Simon  (voyez  plus  loin,  p.  2G1,  tin  de  la  note  2). 

1.  Hyacinthe-François-Honoré-Mathieu-Pierre-le-Martyr-.\ndré-Jean 
Rigau  y  Ros,  dit  en  France  Rigaud  (Saint-Simon  écrit  :  Rigault),  né  à 
Perpignan  le  18  juillet  1639,  s'était  fixé  à  Paris  en  1681,  après  avoir 
étudié  la  peinture  à  Montpellier  et  à  Lyon.  En  1690,  il  avait  remplacé 
le  Brun  comme  premier  peintre  du  Roi  ;  il  devint  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  peinture  en  1700,  chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel 
en  1727,  directeur  de  l'Académie  en  1733,  et  mourut  à  Paris  le  29  dé- 
cembre 1743.  Ses  compatriotes  l'avaient  nommé  citoyen  noble  de 
Perpignan  le  18  juin  1709.  Le  musée  du  Louvre  et  surtout  celui  de 
Versailles  possèdent  un  grand  nombre  de  portraits  faits  par  lui. 

2.  Seroil  est  répété,  par  mégarde. 

3.  L'emploi  métaphorique  de  véhicule  manque  dans  le  Dictionnaire 
de  Furetière  (1690);  mais  il  est  marqué,  dès  1694,  dans  celui  de  V Aca- 
démie. Ce  qu'il  y  a  ici  de  rare,  c'est  l'infinitif  complément. 

4.  Ceux  de  son  art  est  en  interligne,  au-dessus  de  les  antres,  bitfé. 
o.  Le  mot  peut-être,  écrit  ici  au-dessusde  la  ligne,  a  été  eilacé  après/j/i/L 

6.  Comparez  notre  tome  II,  p.  16. 

7.  .Imss*  est  en  interligne. 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  25S 

de  ma  part  qu'il  ne  travailleroit  que  pour  moi,  qu'il  me 
garderoit  un  secret  entier,  et  que,  s'il  en  faisoit  une  copie 
pour  lui,  comme  il  le  vouloit  absolument,  il  la  garderoit 
dans  une  obscurité  entière,  jusqu'à  ce  qu'avec  les  années 
je  lui  permisse  de  la  laisser  voir.  Du  mien',  il  voulut  mille 
écus  comptant'^  à  son  retour,  être  défrayé  de  tout,  aller 
en  poste  en  chaise,  en  un  jour,  et  revenir  de  même.  Je 
ne  disputai  rien  et  le  pris  au  mot  de  tout^.  C'étoit  au 
printemps,   et  je  convins  avec  lui  que  ce  seroit  à  mon 

1.  Du  mien  corrige  De  la  sienne.  —  Nous  gardons  le  texte  du  manu- 
scrit; mais  ce  changement  parait  bien  marquer  que  l'auteur  a  voulu, 
et  l'a  oublié,  corriger  plus  haut  de  ma  part  en  de  son  côté.  Modifié  aux 
deux  endroits,  ce  passage  devient  et  correct  et  logique  :  il  dit  les  con- 
ditions à  observer  :  1°  du  côté  de  Rigaud,  2"  du  côté  de  Saint-Simon.  La 
plirasc  au  reste  se  comprendrait  aussi  avec  De  la  sienne. 

2.  Comptant  est  bien  ainsi,  adverbialement  et  sans  accord,  dans  le 
manuscrit.  L'Académie  ne  note  pas  cet  emploi  dans  sa  première  édi- 
tion, mais  bien  dès  la  seconde,  où  elle  construit  comptant  avec  somme. 

3.  Selon  l'état  des  portraits  faits  par  Rigaud,  qui  est  conservé  à  la 
bibliothèque  de  l'Institut,  ms.  139  (comparez  les  Mémoires  inédits  sur 
la  vie  et  les  ouvrages  des  membres  de  l Académie  royale  de  peinture 
et  de  sculpture,  tome  II,  p.  165),  le  peintre  n'aurait  reçu  que  neuf 
cents  livres  (300  écus,  et  non  1000)  pour  le  portrait  de  «  l'illustre  abbé 
de  la  Trappe,  lequel  est  en  pied  et  se  voit  chez  M.  le  duc  de  Saint- 
Simon.  »  On  y  peut  constater  d'ailleurs  qu'en  1696  le  prix  régulier  de 
chaque  portrait  de  dimensions  ordinaires  était  de  cent  quarante  livres 
(il  ne  dépassait  pas  cent  vingt  livres  auparavant,  et  Mme  de  Frémont, 
grand'mère  de  la  duchesse  de  Saint-Simon,  n'avait  payé  que  cent  dix 
livres  en  1693),  et  que  Rigaud  recevait  rarement  une  somme  supé- 
rieure, si  ce  n'est  pour  certains  portraits  du  Roi  ou  pour  des  portraits 
en  pied.  Par  exception,  le  maréchal  de  Boufflers  paya  cinq  cents  livres 
en  1694;  le  duc  de  Saint-Simon,  père  de  notre  auteur,  quatre  cent  vingt 
livres,  en  1692;  le  traitant  Laugeois  d'imbercourt,  quatre  cent  quarante 
livres,  en  1694;  Dangeau,  six  cent  cinquante  livres  en  1700,  et  six 
cents  en  1702;  Vauban,  cinq  cents  livres  en  1704,  etc.  En  1690,  Rigaud 
fit  trente-six  portraits,  qui  lui  rapportèrent  huit  mille  six  cent  soixante- 
deux  livres.  Chaque  année,  il  livrait  aussi  un  certain  nombre  de  copies, 
qui  ne  sont  comptées,  dans  son  registre,  qu'à  cinquante  livres  pièce,  et 
qu'il  faisait  exécuter  généralement  par  des  élèves.  Ainsi,  en  1695,  il 
paya  six  livres  à  le  Roy  pour  une  esquisse  du  duc  de  Saint-Simon.  (Bibl. 
de  l'Institut,  ms.  140.)  On  disait  alors  :  «  Gueux  comme  un  peintre.  •> 


^m  MÉMOIRES  m%] 

retour  de  l'armée,  et  qu'il  quitteroit  tout  pour  cela.  En 
même  temps,  je  m'étois  arrangé  avec  le  nouvel  abbé  \ 
M.  Maisne^,  secrétaire  de  Monsieur  de  la  Trappe  et  retiré 
là  depuis  bien  des  années,  et  M.  de  Saint-Louis^,  ancien 
brieadier  de  cavalerie,  fort  estimé  du  Roi,  retiré  là  aussi 
depuis  longtemps,  desquels  j'aurai  ailleurs  occasion  de 
parler*,  et  qui  ne  desiroient  pas  moins  que  moi  ce  por- 
trait de  Monsieur  de  la  Trappe. 

Revenant  donc  de  Fontainebleau,  je  ne  couchai  qu'une 
nuit  à  Paris,  où,  en  arrivant,  j'avois  pris  mes  mesures  avec 
Rigaud,  qui  partit  le  lendemain  de  moi^.  J'avertis  en  arri- 
vant mes  complices,  et  je  dis  à  Monsieur  de  la  Trappe 
qu'un  officier  de  ma  connoissance  avoit  une  telle  passion 
de  le  voir,  que  je  le  suppliois  d'y  vouloir  bien  consentir 

i.  Voyez  ci-dessus,  p.  60  et  note  1. 

2.  Le  P.  Léonard  (nis.  Fr.  "24  123,  foL  56  et  85  v°)  dit  que  M.  Maisne 
était  un  ancien  clerc  d'avocat  au  Conseil,  et  que,  retiré  à  la  Trappe 
et  devenu  secrétaire  de  M.  de  Rancé,  il  conservait  cependant  l'habit 
séculier.  Il  passait  pour  avoir  gâté  l'esprit  du  saint  abbé  en  lui  faisant 
écrire  toute  sorte  de  lettres  compromettantes.  On  lui  attribua  la  rela- 
tion de  la  mort  de  Rancé  imprimée  en  1700  chez  Muguet.  En  1705, 
il  ne  vivait  plus  avec  la  communauté  et  habitait  une  maison  bâtie  pour 
lui,  d'où  il  allait  souvent  voir  l'évèque  de  Séez.  La  Vie  de  Rancé,  par 
M.  de  Maupeou  (tome  II,  p.  239),  dit  que  M.  Maisne  possédait  un  buste 
en  terre  de  l'abbé,  fait  à  son  insu. 

3.  Louis  le  Loureux,  seigneur  de  Saint-Louis,  des  Rues  et  de  la 
Villetraye,  capitaine  au  régiment  Colonel  de  cavalerie,  puis,  en  1675, 
mestre  de  camp  du  régiment  de  Roussillon-cavalerie,  qu'il  vendit  à 
M.  de  Villacerf  en  1684,  avait  fait  les  fonctions  de  brigadier  sous  divers 
généraux,  Turenne  entre  autres,  comme  le  dira  ailleurs  Saint-Simon 
(tomes  IV,  p.  375,  et  X,  p.  333-334).  S'étant  retiré,  quelque  temps 
après  la  vente  de  son  régiment,  à  la  Trappe,  où  M.  de  Rancé  le  logea 
dans  la  maison  des  abbés  commendataires,  il  y  vécut  trente  et  un  ans,  et 
mourut  le  8  octobre  1714,  âgé  de  quatre-vingt-cinq  ou  sept  ans.  11 
avait  épousé  Barbe  de  Broon,  le  27  juin  1660. 

4.  En  1698  :  voyez  le  tome  11,  éd.  1873,  p.  124. 

6.  Si  la  clarté  suffisait  à  justifier  une  ellipse,  celle-ci  serait  parfaite- 
ment correcte.  Comparez  cet  autre  tour  rapide  :  «  le  lendemain  que...  », 
dont  M.  Littré  cite  un  exemple  de  Mme  de  Sévigné,  avec  d'autres,  plus 
anciens,  de  Commynes  et  d'Amyot. 


[I69fi]  DE  SAINT-SIMON.  257 

(car  il  ne  vojoit  plus  presque  personne)  ;  j'ajoutai  que, 
sur  l'espérance  que  je  lui  en  avois  donnée,  il  alloit  arri- 
ver, qu'il  étoit  fort  bègue  et  ne  l'importuneroit  pas  de 
discours^  mais  qu'il  comptoit  s'en  dédommager  par  ses 
regards.  Monsieur  de  la  Trappe  sourit  avec  bonté,  trouva 
cet  officier  curieux  de  bien  peu  de  chose,  et  me  promit 
de  le  voir.  Rigaud  arrivé,  le  nouvel  abbé,  M.  Maisne  et 
moi  le  menâmes  dès  le  matin  dans  un*  espèce  de  cabi- 
net qui  servoit  le  jour  à  l'abbé  pour  travailler  et  oii  j'a- 
vois  accoutumé  de  voir  Monsieur  de  la  Trappe,  qui  y 
venoit  de  son  infirmerie.  Ce  cabinet  étoit  éclairé  des  deux 
côtés  et  n'avoit  que  des  murailles  blanches,  avec  quel- 
ques estampes  de  dévotion  et  des  sièges  de  paille,  avec 
le  bureau  sur  lequel  Monsieur  de  la  Trappe  avoit  écrit 
tous  ses  ouvrages,  et  qui  n'étoit  encore  changé  en  rien'\ 
Rigaud  trouva  le  lieu  à  souhait  pour  la  lumière  ;  le  Père 
abbé  se  mit  au  lieu  où  Monsieur  de  la  Trappe  avoit  ac- 
coutumé de  s'asseoir  avec  moi,  à  un  coin  du  cabinet,  et 
heureusement  Rigaud  le  trouva  tout  propre  à  le  bien 
regarder  à  son  point.  De  là,  nous  le  conduisîmes  en  un 
autre  endroit  où  nous  étions  bien  sûrs  qu'il  ne  seroit  vu 
ni  interrompu  de  personne.  Rigaud  le  trouva  fort  à  pro- 
pos pour  le  jour  et  la  lumière,  et  il  y  apporta  aussitôt 
tout  ce  qu'il  lui  falloit  pour  l'exécution. 

L'après-dînée,  je  présentai  mon  officier  à  Monsieur  de 
la  Trappe.  Il  s'assit  avec  nous  dans  la  situation  qu'il  avoit 
remarquée  le  matin,  et  demeura  environ  trois  quarts 
d'heure^  avec  nous.  Sa  difficulté  de  parler  lui  fut  une  ex- 
cuse de  n'entrer  guère  dans  la  conversation  :  d'où  il  s'en 
alla  jeter  sur  sa  toile  toute  préparée  les  images  et  les 


1.  Voyez  un  premier  exemple  analogue,  plus  haut,  p,  5o  et  note  4, 
et  l'accord  avec  espèce,  ci-après,  p.  2o9. 

2.  Tous  ces  détails  se  retrouvent  exactement  dans  la  toile  d'Hyacinthe 
Rigaud  et  dans  la  gravure  en  pied  faite  par  J.  Crespy,  d'après  le  même 
portrait. 

3.  D'heures,  au  pluriel,  dans  le  manuscrit. 

MÉMOIRES    DE    SAWT-SIMO.N.    lU  17 


258  MÉMOIRES  [i696] 

idées*  dont  il  s'étoit  bien  rempli.  Monsieur  de  la  Trappe, 
avec  qui  je  demeurai  encore  longtemps,  et  que  j'avois 
moins  entretenu  que  songé  à  l'amuser^,  ne  s'aperçut  de 
rien  et  plaignit  seulement  l'embarras  de  la  langue  de  cet 
officier.  Le  lendemain,  la^  même  chose  fut  répétée.  Mon- 
sieur de  la  Trappe  trouva  d'abord  qu'un  homme  qu'il  ne 
connoissoit  point,  et  qui  pouvoit  si  difficilement  mettre 
dans  la  conversation^,  l'avoit  suffisamment  vu,  et  ce  ne  fut 
que  par  complaisance  qu'il  ne  voulut  pas  me  refuser  de  le 
laisser  venir.  J'espérois  qu'il  n'en  faudroit  pas  davantage, 
et  ce  que  je  vis  du  portrait  me  le  confirma,  tant  il  me 
parut  bien  pris  et  ressemblant;  mais  Rigaud  voulut  ab- 
solument encore  une  séance,  pour  le  perfectionner  à  son 
gré.  Il  fallut  donc  l'obtenir  de  Monsieur  de  la  Trappe, 
qui  s'en  montra  fatigué,  et  qui  me  refusa  d'abord  ;  mais 
je  fis  tant,  que  j'arrachai,  plutôt  que  je  n'obtins  de  lui, 
cette  troisième  visite.  Il  me  dit  que,  pour  voir  un  homme 
qui  ne  méritoit  et  qui  ne  desiroit  que  d'être  caché,  et 
qui  ne  vojoit  plus  personne,  tant  de  visites  étoient  du 
temps  perdu  et  ridicules;  que,  pour  cette  fois,  il  cédoit  à 
mon  importunité  et  à  la  fantaisie  que  je  protégeois  d'un 
homme  qu'il  ne  pouvoit  comprendre,  et  qui  ne  se  con- 
noissoient  ni  n'avoient  rien  à  se  dire%  mais  que  c'étoit  au 
moins  à  condition  que  ce  seroit  la  dernière  fois  et  que  je 
ne  lui  en  parlerois  plus.  Je  dis  à  Rigaud  de  faire  en  sorte 
de  n'avoir  plus  à  y  revenir,  parce  qu'il  n'y  avoit  plus 
moyen  de  l'espérer.  Il  m'assura  qu'en  une  demi-heure  il 

1.  Voyez  ci-après  la  note  2  de  la  page  261,  note  où  le  mot  idée  se 
rencontre  trois  fois  d'une  façon  qui  explique  bien  le  sens  qu'il  a  ici. 

2.  Ce  pléonasme  de  le  devant  amuser,  après  un  relatif  pouvant  suffire 
comme  régime,  est  dans  le  manuscrit. 

3.  L'I  de  la  corrige  une  s. 

4.  Cette  locution  peut  se  comparer,  pour  l'emploi  du  verbe,  à  «  mettre 
au  jeu,  à  la  loterie  »  :  voyez  le  Lexique  de  Mme  de  Sévigné,  tome  II,  p.  97. 

5.  C'est-à-dire  :  «  et  {entre  gens)  qui,  etc.  »  Ici  encore  (comparez  pages 
180  et  note  9,  189  et  note  8,  218  et  note  3),  l'ellipse  se  comprend  sans 
trop  de  peine,  mais  le  sans  façon  grammatical  passe  vraiment  les  bornes. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  259 

auroit  tout  ce  qu'il  s'étoit  proposé,  et  qu'il  n'auroit  pas 
besoin  de  le  voir  davantage.  En  effet,  il  me  tint  parole 
et  ne  fut  pas  la  demi-heure  entière. 

Quand  il  fut  sorti.  Monsieur  de  la  Trappe  me  témoigna 
sa  surprise  d'avoir  été  tant  et  si  longtemps  regardé,  et  par 
une^  espèce  de  muet.  Je  lui  dis  que  c'étoit  l'homme  du 
monde  le  plus  curieux,  et  qui  avoit  toujours  eu  le  plus 
grand  désir  de  le^  voir;  qu'il  en  avoit  été  si  aise  qu'il 
m'avoit  avoué  qu'il  n'avoit  pu  ôter  les  yeux  de  dessus  lui, 
et  que  de  plus,  étant  aussi  bègue  qu'il  l'étoit,  la  conversa- 
tion, où  il  ne  pouvoit  entrer  de  suite  ^,  ne  l'ayant  point 
détourné,  il  n'avoit  songé  qu'à  se  satisfaire  en  le  regar- 
dant tout  à  son  aise.  Je  changeai  de  discours  le  plus 
promptement  que  je  pus,  et,  sous  prétexte  de  le  mettre 
sur  des  choses  qui  ne  s'étoient  pu  dire  devant  Rigaud,  je 
cherchai  à  le  détourner  des  réflexions  sur  des  regards 
qui,  n'étant  que  pour  ce  que  je  les  donnois,  étoient  en 
effet  si  peu  ordinaires  que  je  mourois  toujours  de  peur 
que  leur  raison  véritable  ne  lui  vint  dans  l'esprit,  ou 
qu'au  moins  il  n'en  eût  des  soupçons  qui  eussent  rendu 
notre  dessein  ou  inutile  ou  fort  embarrassant  à  achever. 
Le  bonheur  fut  tel  qu'il  ne  s'en  douta  jamais. 

Rigaud  travailla  le  reste  du  jour  et  le  lendemain  en- 
core sans  plus  voir  Monsieur  de  la  Trappe,  duquel  il  avoit 
pris  congé*  en  se  retirant  d'auprès  de  lui  la  troisième  fois, 
et  fit  un  chef-d'œuvre  aussi  parfait  qu'il  eût  pu  réussir  en 
le  peignant  à  découvert^  sur  lui-même.  La  ressemblance 
dans  la  dernière  exactitude,  la  douceur,  la  sérénité,  la 
majesté  de  son  visage,  le  feu  noble,  vif,  perçant  de  ses 
yeux,  si  difficile  à  rendre,  la  finesse  et  tout  l'esprit  et  le 


•1.  Ici,  le  manuscrit  a  bien  une  au  féminin. 

2.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  la. 

3.  Avec  suite,  d'une  manière  suivie.  La  même  locution  a  été  eni 
ployée  ci-dessus,  p.  4o. 

4.  Congé  est. écrit  en  interligne. 

5.  Sans  dissimulation,  sans  cacher  son  dessein. 


260  'MÉMOIRES  [1696] 

grand  qu'exprimolt  sa  physionomie,  cette  candeur,  cette 
sagesse,  paix  intérieure  d'un^  homme  qui  possède  son 
âme,  tout  étoit  rendu,  jusqu'aux  grâces  qui  n'avoient  point 
quitté  ce  visage  exténué  par  la  pénitence,  l'âge  et  les 
souiïrances^.  Le  matin,  je  lui  fis  prendre  en  crayon  le 
Père  abbé  assis  au  bureau  de  Monsieur  de  la  Trappe, 
pour  l'attitude,  les  habits,  et  le  bureau  même,  tel  qu'il 
étoit,  et  il  partit  le  lendemain,  avec  la  précieuse  tête  qu'il 
avoit  si  bien  attrapée  et  si  parfaitement  rendue,  pour 
l'adapter  à  Paris  sur  une  toile  en  grand  et  y  joindre  le 
corps,  le  bureau  et  tout  le  reste.  Il  fut  touché  jusqu'aux 
larmes  du  grand  spectacle  du  chœur  ^  et  de  la  communion 
générale  à*  la  grand  messe  le  jour  de  la  Toussaints^,  et  il 
ne  put  refuser  au  Père  abbé  une  copie  en  grand  pareille 
à  mon  original^.  Il  fut  transporté  de  contentement  d'avoir 
si  parfaitement  réussi,  d'une  manière  si  nouvelle  et  sans 
exemple,  et,  dès  qu'il  fut  à  Paris,  il  se  mit  à  la  copie  pour 
lui  et  à  celle  pour  la  Trappe ^  travaillant  par  intervalles 
aux  habits  et  au*  reste  de  ce  qui  devoit  être  dans  mon 

1 .  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  :  d'une,  peut-être  avec  l'intention 
de  mettre  ensuite  âme,  et  il  n'a  pas  songé  à  corriger  le  féminin  après 
avoir  changé  de  tour  et  ajouté  en  interligne  :  homme. 

1.  Il  y  a,  en  effet,  une  grande  différence  entre  la  figure  émaciée, 
barbue  et  inculte  du  portrait  de  1696  et  la  tête  fine,  complètement 
imberbe,  de  la  gravure  faite  en  1683  par  Van  Schuppen. 

3.  C'est-à-dire  des  offices  que  les  religieux  allaient  dire  au  chœur, 
soit  celui  des  matines,  qui  se  chantaient  de  deux  heures  à  quatre 
heures  et  demie  de  la  nuit,  soit,  dans  la  journée,  celui  de  la  messe,  pré- 
cédé de  tierce  et  suivi  de  sexte,  puis  none,  et  enfin  vêpres  et  compiles. 

4.  A  corrige  de. 

5.  Orthographe  conforme  à  l'ancien  usage  et  à  l'étymologie. 

6.  En  outre,  par  son  testament,  Saint-Simon  légua  aux  Trappistes 
«  le  portrait  original  de  leur  saint  abbé  et  réformateur.  >.  (Tome  XIX, 
p.  432.)  La  Trappe  le  possède  encore,  et  il  a  figuré,  en  1878,  à  l'Ex- 
position des  portraits  historiques  du  Trocadéro,  sous  le  n"  232. 

7.  Dans  l'état  des  tableaux  de  Rigaud  que  nous  avons  déjà  cité  (ms. 
de  l'Institut  139),  on  voit  figurer,  à  l'année  1697,  deux  copies  du  por- 
trait de  Rancé,  pour  le  prix  de  cent  livres. 

8.  Aux,  par  mégarde. 


[1G96]  DE  SAINT-SIMON.  261 

original.  Cela  fut  long,  et  il  m'a  avoue  que,  de  l'effort 
qu'il  s'étoit  fait  à  la  Trappe,  et  de  la  répétition  des  mêmes 
images  qu'il  se  rappeloit  pour  mieux  exécuter  les  copies, 
il  en^  avoit  pensé  perdre  la  tête,  et  s'étoit  trouvé  depuis 
dans  l'impuissance,  pendant  plusieurs  mois,  de  travailler 
du  tout  à  ces  portraits^.  La  vanité  l'empêcha  de  me  tenir 

i.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  ce  pléonasme  d'en,  qui  résume 
les  précédents  régimes,  est  bien  du  fait  de  notre  auteur. 

2.  Rigaud  lui-même,  dans  un  mémoire  à  lui  attribué,  et  qui  a  été  im- 
primé en  1834,  au  tome  II,  p.  114-122,  des  Mémoires  inédits  sur  la  vie 
el  les  ouvrages  des  membres  de  V Académie  roijale  de  peinture  et  de 
sculpture,  raconte  en  ces  termes  (p.  118)  son  voyage  à  la  Trappe  : 
«  M.  le  duc  de  Saint-Simon,  intime  ami  de  M.  de  Rancé,  abbé  de  la 
Trappe,  désirant  avoir  le  portrait  d'un  si  grand  homme,  et  n'ayant  pu 
l'obtenir  de  lui,  détermina  Rigaud,  par  beaucoup  de  prières,  d'aller 
avec  lui  à  celte  abbaye,  en  la  même  année  1695^  [sic],  pour  y  peindre 
d'idée  ce  saint  homme.  Il  y  resta  quatre  jours  avec  ce  seigneur,  et, 
pendant  ce  temps-là,  il  fit,  par  un  effort  d'imagination,  la  ressemblance 
si  parfaite  de  cet  homme  de  Dieu,  que  tous  ceux  qui  l'ont  connu  re- 
gardent cet  ouvrage  comme  un  chef-d'œuvre  de  l'art.  Le  tableau  a 
cinq  pieds  de  haut.  Cet  illustre  abbé  y  est  peint  assis,  méditant  devant 
un  crucifix  qui  est  sur  son  bureau  ;  il  a  la  plume  à  la  main,  comme 
un  homme  qui  compose,  ayant  plusieurs  de  ses  ouvrages  autour  de  lui. 
Le  fond  du  portrait  est  la  cellule  qu'il  habitoit.  M.  le  duc  de  Saint- 
Simon  le  garde  précieusement.  »  D'autre  part,  dans  une  lettre  que 
M.  Feuillet  de  Conches  a  publiée  en  partie  au  tome  I  des  Causeries 
d'un  curieux,  p.  337,  note  2,  M.  Maisne  dit  :  «  ....  Je  suis  surpris  aussi 
bien  que  vous.  Monsieur,  que  nous  n'ayons  pas  encore  un  portrait 
gravé  de  N.  P.,  y  en  ayant  tant  de  copies  à  l'huile.  Peut-être  ne  savcz- 
vous  pas  à  qui  nous  sommes  redevables  du  premier  original.  On  avoit 
fait  jusqu'ici  plusieurs  entreprises  ou  tentatives  pour  le  surprendre, 
parce  qu'il  n'avoit  jamais  voulu  consentir  à  nous  le  donner  ;  mais  un 
jeune  seigneur  de  la  cour,  voisin  de  la  Trappe,  ami  de  père  en  fils 
du  Père  abbé,  et  qui  n'avoit  pas  moins  d'envie  que  nous  d'avoir  ce  pré- 
cieux gage,  amena  avec  lui,  dans  une  visite  qu'il  nous  rendit,  un  homme 
que  l'on  ne  pouvoit  prendre  que  pour  un  capitaine  du  régiment  de  ce 
jeune  seigneur  et  son  ami.  N^  P.  y  fut  si  bien  trompé,  qu'il  n'eut 
jamais  la  moindre  défiance.  Cet  homme  donc  se  trouva  à  la  première 
conversation  et  à  la  première  entrevue.  Il  y  parla  peu  ;  mais,  ayant 
beaucoup  regardé  et  examiné,  il  sortit  quelque  temps  après,  comme  par 
respect,  pour  laisser  ce  seigneur  avec  N.  P.  ;  et,  étant  dans  son  appar- 


"26^2  MÉMOIRES  [1696] 

parole,  malgré  les  mille  écus,  que  je  lui  fis  porter  le  len- 
demain (le  son  arrivée  à  Paris  :  il  ne  put  se  tenir  avec  le 
temps,  c'est-à-dire  trois  mois  après,  de  montrer  son  chef- 
d'œuvre  avant  de  me  le  rendre,  et,  par  là,  de  rendre  mon 
secret  public.  Après  la  vanité  vint  le  profit,  qui  acheva 
de  le  séduire,  et,  par  la  suite,  il  a  gagné  plus  de  vingt- 
cinq  mille  [livres]'  en  copies,  de  son  propre  aveu,  et  c'est 
ce  qui  fît  la  publicité".  Comme  je  vis  que  c'en  étoit  fait, 
je  lui  en  commandai  moi-même,  après  lui  avoir  reproché 
son  infidélité,  et  j'en  donnai  quantité •\  Je  fus  très  fâché 

tement,  où  il  avoit  une  toile  préparée,  il  se  trouva  l'esprit  si  rempli  de 
cette  première  idée,  qu'il  en  fit  une  ébauche  qui  nous  surprit  tous,  tant 
il  y  avoit  déjà  de  ressemblance.  A  deux  jours  de  là,  ayant  rendu  une 
seconde  visite  semblable  à  la  première,  il  se  confirma  dans  une  ressem- 
blance si  fidèle  qu'il  n'eut  plus  rien  à  faire,  et  on  ne  peut  douter  que 
Dieu  ne  s'en  soit  mêlé  et  qu'il  n'ait  voulu  que  l'on  eût  ce  portrait  pour 
la  consolation  de  ceux  qui  aiment  N.  P.,  car  il  est-  fort  rare  que  l'on 
puisse,  de  la  seule  idée,  perfectionner  un  tel  ouvrage.  Le  peintre  étant 
parti,  le  jeune  seigneur,  partant  lui-même,  écrivit  à  N.  P.  et  lui  décou- 
vrit la  surprise  qu'il  lui  avoit  faite,  lui  demanda  pardon,  et  en  des 
termes  qui  le  lui  firent  obtenir.  Aussi  bien  n'y  avoit-il  plus  de  remède. 
Le  jeune  seigneur  est  M.  le  duc  de  Saint-Simon,  et  le  peintre  est  Rigault 
(sic),  le  plus  habile  homme  que  nous  ayons  aujourd'hui,  particulière- 
ment en  portrait »  Tous  ces  faits  se  retrouvent  aussi  dans  la  Vie  de 

Rcmcé  par  M.  de  Maupeou,  tome  II,  p.  241-245,  et  cet  auteur  a  dû 
écrire  son  récit  sous  la  dictée  de  Saint-Simon,  qui  n'y  est  pas  nommé, 
mais  seulement  désigné  comme  «  une  personne  qui  a  trouvé  le  difficile 
secret  d'allier  toute  la  politesse  du  monde  avec  l'austérité  de  la  reli- 
gion. »  M.  de  Maupeou  ajoute  même  :  «  Je  me  fais  violence  de  taire 
ses  vertus  ;  mais  je  sais  que  je  lui  ferois  de  la  peine,  si  je  disois  tout 
ce  que  je  devrois  dire.  »  Les  deux  textes,  de  M.  de  Maupeou  et  des 
Mémoires,  étant  presque  complètement  analogues,  Saint-Simon  aurait- 
il  repris  son  propre  bien  dans  la  Vie  de  Rancé  ? 

1.  En  chiffres,  S5  000,  sans  le  mot  livres,  ni  le  signe  équivalent,  ce 
qui  manque  presque  toujours  dans  les  textes  de  Saint-Simon.  —  Au 
prix  où  étaient  les  copies,  cette  somme  totale  semble  bien  forcée. 

2.  Ce  mot  n'est  ni  dans  Richelet  (1680)  ni  dans  Furetière  (1690)  ; 
mais  l'Académie  le  donne  dès  1694,  avec  une  restriction  qui  parait  sin- 
gulière :  «  Il  n'a  guère  d'usage  qu'en  parlant  d'un  crime »   Les  plus 

anciens  exemples  qu'en  cite  M.  Littré  sont  de  Voltaire  et  de  d'Alembert. 

3.  Dans  les  inventaires  faits  à  la  mort  de  Saint-Simon,  on  trouve  la 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  263 

du  bruit  que  cela  fit  dans  le  monde  ;  mais  je  me  consolai 
par  m'ôtre  conservé  pour  toujours'  une  ressemblance  si 
chère  et  si  illustre,  et  avoir  fait  passer  à  la  postérité  le 
portrait  d'un  homme  si  grand,  si  accompli  et  si  célèbre. 
Je  n'osai  jamais  lui  avouer  mon  larcin;  mais,  en  partant 
de  la  Trappe,  je  lui  en  laissai  tout  le  récit  dans  une  lettre 
par  laquelle  je  lui  en  demandois  pardon.  Il  en  fut  peiné 
à  l'excès^,  touché  et  affligé;  toutefois  il  ne  put  me  gar- 
der de  colère  :  il  me  récrivit  que  je  n'ignorois  pas  qu'un 
empereur  romain  disoit  qu'il  aimoit  la  trahison,  mais 
qu'il  aimoit  les  traîtres^;  que,  pour  lui,  il  pensoit  tout 
autrement,  qu'il  aimoit  le  traître,  mais  qu'il  ne  pouvoit 
que  haïr  sa  trahison.  Je  fis  présent  à  la  Trappe  de  la 
copie  en  grand,  d'une  en  petit,  et  de  deux  en  petit, 
c'est-à-dire  en  buste,  à  M.  de  Saint-Louis  et  à  M.  Maisne, 

désignation  d'un  portrait  de  Rancé  placé  au-dessus  de  la  cheminée  d'un 
petit  cabinet  du  château  de  la  Ferté-Vidame,  et  d'une  copie  dans  la 
salle  du  Dais  de  l'hôtel  de  Paris.  (Arm.  Baschet,  le  Cabinel  du  duc  de 
Saint-Simon,  p.  62  et  70.)  —  Le  portrait  fait  par  Rigaud  fut  gravé 
plusieurs  fois  dans  le  cours  des  années  1699, 1700  et  1701  :  en  pied,  par 
J.  Crespy  ;  en  buste,  par  Nicolas  Bazin,  par  Gilbert  Fillœul  d'Abbeville, 
parJ.  Crespy,  par  A.  Dutlos,  par  Habert,  par  J.  Thomassin,  par  Desplaces 
et  par  P.  Giffart.  Selon  les  Mémoires  inédits  des  académiciens  (tome  II, 
p.  16S),  que  no"us  avons  déjà  cités  tout  à  l'heure,  le  petit  buste  tourné 
à  droite,  que  Brevet  grava  en  1700,  était  «  ainsi  en  contre-épreuve  du 
tableau,  lequel  est  en  pied  et  se  voit  chez  M.  le  duc  de  Saint-Simon.  » 

1.  Pour  toujours,  biffé  à  la  ligne  suivante,  après  illustre,  a  été  réta- 
bli ici  en  interligne. 

2.  La  première  lettre  de  ce  dernier  mot  était  d'abord  un  i. 

3.  Le  lapsus  est  évident  ;  il  faut  lire  :  «  mais  qu'il  haïssoit  »  ou  «  qu'il 
n'aimoit  pas  les  traîtres.  »  Voici  comment  Amyot,  dans  sa  traduction 
des  Vies  de  Plutarque,  rapporte  ce  dicton,  dont  M.  Littré  cite  une  partie 
dans  Vhisforique  de  l'article  Trahir  :  «  Antigonus  donc  n'a  pas  été  seul 
qui  a  dit  qu'il  aimoit  ceux  qui  trahissoient,  et  avoit  en  haine  ceux  qui 
avoient  trahi;  ni  César-Auguste,  qui  dit  à  Rhymitalcès  Tliracion  qu'il 
aimoit  la  trahison,  mais  qu'il  haïssoit  les  traîtres.  »  (Vie  de  Romulus, 
p.  59  de  l'édition  de  1577.)  On  pense  bien  que  le  lapsus  n'est  point 
dans  le  récit  de  M.  de  Maupeou  [Vie  de  M.  de  Rancé,  p.  244-245),  où 
cette  fin  de  l'épisode  est  reproduite  textuellement,  comme  le  reste. 


264  MÉMOIRES  [1696] 

que  j'envoyai  tous*  à  la  fois.  Monsieur  de  la  Trappe  avoit 
depuis  quelques  années  la  main  droite  ouverte'  et  ne 
s'en  pouvoit  servir  :  dès  que  j'eus  mon  original,  où  il  est 
peint  la  plume  à  la  main,  assis  à  son  bureau,  je  fis  écrire 
cette  circonstance  derrière  la  toile,  pour  qu'à  l'avenir 
elle  ne  fit  point  erreur,  et  surtout  la  manière  dont  il  fut 
peint  de  mémoire,  pour  qu'il  ne  fût  pas  soupçonné  de 
la  complaisance  de  s'y  être  prêté ^. 

J'arrivai  à  Paris  la  veille  que*  le  Roi  devoit  arriver  de 

Montargis  à  Foutainebleau  avec  la  Princesse^,  et  je  m'y 

trouvai  à  la  descente  de  son  carrosse.  J'avois  espéré  de 

cacher  ainsi  parfaitement  mon  petit  voyage. 

M.  de  Savoie,         Avant  de  parler  de  la  princesse  de  Savoie,  il  faut  dire 

avec  1  armée     ^n  mot  de  ce  qui  se  passoit  en  Italie^  M.  de  Savoie,  tout 

_u  Roi,  assiège    ,    ^  .       ,  ,    ,       ,  ^         . 

Valence,  qui  le  a  fait  déclaré,  et  enhardi  en  même  temps  par  une  ma- 
nière de  défaite  assez  considérable  des  Impériaux  en 
Hongrie  par  le  Grand  Seigneur^  en  personne,  parla  plus 


lève  par  la 

neutralité 

d'Italie*.  Tout 


1.  Accord  d'idée  a\ec  portraits.  —  2.  Par  une  plaie. 

3.  Une  obligeante  communication  des  RR.  PP.  de  la  Trappe  de 
Maison-Dieu  nous  apprend  que  l'inscription  était  très  fruste,  et  en 
partie  effacée,  lorsque,  en  1863,  on  fut  obligé  de  la  recouvrir  par  une 
toile  neuve.  Ces  mots  seulement  s'y  lisaient  :  «  Vera,  originalis  et  sin- 
cerrima  (sic)  effigies  venerabilis  anachoretœ  et  eremilœ  Armandi  Johan- 
nis  le  Boiitliilier  de  Rancé,  monachorum  dodoris,  Thebaïdœ  restaura- 
toris,  regni  ornamenti,  sœculi  miraculi,  ordinis  Cisterciensis  et  Ecclesiœ 
œdificationis,  sandi  Bernardi....  Domus  Dei....   Peint  par   Hyacinthe 

Rigaud,   1697.  A atiJio  gratiœ  1696,  œtatis  70  et  professionis  27.  » 

Le  reste  était  indéchiffrable  ;  mais,  au  bas  de  la  toile,  on  lisait  distinc- 
tement :  «  Liidovid,  diicis  a  S'''-Simo)îe,  paris  Francice,  venerandi  istius 
abbatis  perintrinced  (sic)  atnid,  sumptibus  et  astidia.  » 

4.  Tour  analogue  à  «  le  lendemain  que  ».  Vovezlanote  5  de  la  page  2o6. 

5.  La  princesse  de  Savoie  (ci-dessus,  p.  132  et  222).  —  Le  Roi  se 
rendit  à  Montargis  le  4  novembre. 

6.  Voyez,  p.  223,  le  point  où  Saint-Simon  avait  coupé  son  récit. 

7.  Mustapha  II,  parvenu  au  trône  le  27  janvier  1693,  à  trente-trois 
ans,  marcha,  en  1696,  au  secours  de  Temeswar  assiégé  par  l'électeur 
de  Saxe,  et  vainquit  ce  prince  le  26  août.  Mustapha  fut  renversé  par 
son  propre  frère,  en  septembre  1703,  et  mourut  en  1703. 

*  La  phrase  est  brouillée  au  point  de  ne  se  comprendre  que  par  le  texte. 


[1G96] 


DE  SAINT-SIMON. 


265 


haut  sur  la  neutralité.  Leganez,  gouverneur  du  Milanols,  accompli  avec 

se  laissoit  entendre'  qu'[il]  avoit  les  pleins  pouvoirs  d'Es-  ^i^^sire  mené, 

pagne;  Mansfeld^  commissaire  général  de  l'Empereur  en  pour  le  premier 

Italie,  s'y  opposoit  toujours  de  sa  part^.  On  comprit  ce  de»  mimstre^s 
manège,  et,  pour  le  mettre  au  net^,  M.  de  Savoie  s'alla         Mariy.  ' 

1 .  On  verra  ci-après  (note  3)  que  Saint-Simon  emprunte  à  Dangeau 
cette  expression  d'apparence  elliptique,  que  rend  remarquable  le  double 
régime  (se  et  que)  d'entendre,  au  sens  de  comprendre  ;  l'Académie  ne  la 
donne  qu'en  1694  et  1718.  Elle  équivaut  à  «  se  laisser  entendre  (di- 
sant, insinuant)  que....  »  Nous  disons  aujourd'hui,  à  peu  près  dans  le 
même  sens,  en  omettant  le  pronom  :  «  laisser  entendre  que » 

2.  Issu  de  la  branche  aînée  d'une  famille  prussienne  qui  fournit 
nombre  de  personnages  illustres  au  seizième  et  au  dix-septième  siècle, 
Henri-François,  comte  de  Mansfeld,  après  avoir  rempli  diverses  mis- 
sions diplomatiques,  avait  résidé  en  France,  comme  envoyé  extraordi- 
naire de  l'Empereur,  depuis  le  mois  de  septembre  1680  jusqu'au  mois  de 
février  1683;  puis  il  était  allé,  comme  ambassadeur,  à  Madrid  (1683) 
et  à  Rome  (1693),  avant  de  venir  à  Turin  (août  1696).  A  cette  dernière 
époque,  il  était  chevalier  de  la  Toison  d'or,  membre  du  conseil  intime, 
maréchal  de  la  cour  et  des  armées  de  l'Empereur,  général  de  l'artil- 
lerie de  tous  ses  États  et  gouverneur  de  Komorn.  De  plus  il  avait  reçu 
de  l'Espagne,  oîi  son  rôle  avait  été  des  plus  nuisibles  pour  Louis  XIV, 
la  grandesse  et  la  principauté  de  Fondi,  dans  le  royaume  de  Naples. 
Quand  Philippe  V  monta  sur  le  trône,  Mansfeld  se  déclara  pour  son 
concurrent  l'Archiduc,  et  devint  président  du  conseil  aulique  de  guerre, 
puis  grand  chambellan  de  l'Empereur.  Il  mourut  à  Vienne,  le  "18  juin 
171S,  âgé  de  soixante-quatorze  ans. 

3.  Saint-Simon  a  pris  ceci  dans  le  Journal  de  Dangeau,  qui  s'exprime 
ainsi,  à  la  date  du  21  septembre  (tome  V,  p.  473)  :  «  M.  de  Bouzols 
(arrivé  la  veille  de  Tarin)  a  dit  au  Roi  que  M.  de  Leganez  s'est  laissé 
entendre  qu'il  avoit  les  pleins  pouvoirs  du  roi  son  maître  pour  accepter 
la  neutralité  ;  mais  M.  de  Mansfeld  parle  toujours  comme  l'Empereur  ne 
la  voulant  point.  M.  de  Savoie  savoit  déjà  la  défaite  des  Impériaux  en 
Hongrie,  et  la  croyoit  aussi  grande  qu'elle  a  été....  »  La  correspondance 
de  Tessé,  dont  nous  reproduisons  des  fragments  à  l'Appendice,  donne 
beaucoup  de  détails  sur  les  manœuvres  de  Mansfeld  ;  Dangeau  en  parle 
plusieurs  fois  (tome  V,  p.  451,  435,  etc.).  Il  existe  en  outre  un  libelle 
imprimé  en  1697,  sous  le  titre  de  Mémoires  de  M.  D.  F.  L.  touchant  ce 
qui  s'est  passé  en  Italie,  qui  roule  sur  les  intrigues  qui  s'étaient  pour- 
suivies dans  ce  pays  peiidant  toute  la  guerre. 

4.  Le  mettre  au  net,  figurément,  le  débrouiller,  lever  les  doutes,  en 
avoir  le  cœur  net. 


266  MÉMOIRES  [1696] 

mettre,  le  15  septembre,  à  la  tête  de  l'armée  du  ma- 
réchal Catinat,  pour  entrer  dans  le  Milanols,  et  fit  le 
siège  de  Valence  \  Sur  quoi,  les  alliés,  qui  n'avoient  rien 
voulu  conclure  avec  le  marquis  de  Saint-Thomas^,  que 
M.  de  Savoie  leur  avoit  envoyé  à  Milan,  lui  déclarèrent 
la  guerre  dans  toutes  les  formes,  et,  pour  la  faire  comp- 
ter comme  bien  certaine,  envoyèrent  en  même  temps  le 
cartel  pour  l'échange  des  prisonniers  qui  se  feroient  de 
part  et  d'autre*.  Ce  n'étoit  qu'une  dernière  tentative.  Ils 
se  rendirent  bientôt  traitables,  et,  dans^  le  10  octobre  ^ 
la  neutralité  d'Italie  fut  signée  de  part  et  d'autre,  telle 


1 .  Cette  phrase  est  encore  empruntée  au  Journal  de  Dangeau,  20  et 
21  septembre  (p.  472-473)  :  «  M.  de  Bouzols  a  dit  au  Roi  que  M.  de 
Savoie  étoit  parti  le  dimanche  (16),  au  soir,  pour  aller  se  mettre  à  la 
tète  de  l'armée  du  Roi Il  va  faire  le  siège  de  Valenza,  où  les  en- 
nemis ont  treize  bataillons....  II  étoit  parti  le  dimanche  après  dîner, 
en  chaise  de  poste,  et  Tessé  le  suit  à  l'armée.  Elle  passa  la  Sésia 
le  15.  Ainsi,  voilà  nos  troupes  dans  le  Milanois.  »  —  V'alenza  ou  Va- 
lence, ville  située  sur  le  Pô,  avait  été  prise  par  les  Français  en  1656 
[Gazette,  p.  697  et  suivantes),  et  rendue  lors  de  la  paix  des  Pyré- 
nées. Le  duc  de  Savoie  et  l'armée  française  ouvrirent  la  tranchée  le 
24  septembre  :  voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  3-4,  et 
surtout  la  Gazette  d'Amsterdam  (n°'  lxxxii  et  suivants)  et  notre  Gazette 
(n"'  44  et  suivants),  qui,  l'une  et  l'autre,  donnent  avec  minutie  le  détail 
des  opérations  militaires  et  des  négociations. 

2.  Charles-Victor-Joseph  Carron,  marquis  de  Saint-Thomas,  était  de- 
puis fort  longtemps  ministre  et  premier  secrétaire  d'État  de  Victor- 
Amédée.  C'est  avec  lui  que  Tessé  négociait  depuis  le  commencement  de 
l'année.  Il  fut  fait  chevalier  de  l'Annonciade  en  janvier  1697,  et  mourut  à 
Turin  en  décembre  1699.  C'était  un  homme  habile,  mais  sincère,  et  aussi 
probe  que  pouvait  le  permettre  la  diplomatie  italienne  de  ce  temps-là. 

3.  Dangeau  donne  ainsi  cette  nouvelle,  au  6  octobre  (tome  VI, 
p.  3)  :  «  M.  de  Tessé  écrit  de  Valenza,  du  3,  que  le  marquis  de  Saint- 
Thomas  étoit  revenu  de  Milan  sans  y  avoir  rien  conclu,  que  les  alliés  ont 
déclaré  la  guerre  à  M.  de  Savoie  dans  toutes  les  formes  ;  on  a  même 
envoyé  le  cartel  de  part  et  d'autre  pour  l'échange  des  prisonniers.  » 

4.  Saint-Simon  a  bien  écrit  dans,  peut-être  au  lieu  de  dès  ;  ou  se- 
rait-ce un  latinisme  :  dans  au  sens  d'mfra,  «  en  dedans,  en  deçà  de  »  ? 

5.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  6.  Le  traité  fut  signé 
le  7  octobre  à  Vigevano,  non  le  10,  et,  la  nouvelle  en  ayant  été  portée 


|l(i96J  DE  SAINÏ-SIMON.  267 

que  M.  de  Savoie  l'avoit  proposée,  qui  en  même  temps 
leva  le  siège  de  Valence  ;  et  le  maréchal  Catinat  ne  songea 
plus  qu'à  faire  repasser  les  monts  à  son  armée.  Les  res- 
titutions stipulées  avec  M.  de  Savoie  lui  furent  faites*; 
les  ducs  de  Foix  et  de  Choiseul  eurent  liberté  de  revenir, 
et  Govon^,  envoyé  extraordinaire  de  M.  de  Savoie,  vint 
en  remercier  le  Roi  et,  en  attendant  un  ambassadeur,  se 
trouver  à  l'arrivée  de  la  Princesse.  C'étoit  un  homme  ha- 
bile, de  beaucoup  d'esprit  et  de  politesse,  fort  fait  aux 
cours,  et  qui  plut  extrêmement  à  tout  le  monde.  Le  Roi 
prit  du  goût^,  et  le  distingua  jusqu'à  le  mener  à  Marly, 
familiarité  que,  jusqu'à  lui,  aucun  ministre  étranger  n'a- 
voit  obtenue,  et  qui  ne  fut  communiquée  à  aucun*. 

par  M.  de  Saint-Thomas  au  camp  de  Valenza,  les  opérations  cessèrent 
aussitôt.  On  trouve  le  texte  de  la  déclaration  de  neutralité  dans  le 
Corps  diplomatique  de  Dumont,  tome  VII,  2"  partie,  p.  375,  et  dans 
les  placards  imprimés  du  temps  (Dépôt  des  attaires  étrangères,  vol. 
Turin  93.) 

i.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  2.  Les  actes  de  remise 
de  la  Savoie  (28  septembre)  et  du  comté  de  Nice  (29  septembre)  se 
trouvent,  le  premier  imprimé  en  placard,  dans  le  volume  1375  du  Dépôt 
de  la  guerre,  n°'  68  et  77. 

2.  Octave-François  de  Solare,  comte  de  Govon  (Saint-Simon  écrit  : 
Gouvon),  premier  écuyer  de  la  duchesse  de  Savoie  depuis  le  mois  d'avril 
1G84,  partit  de  Valenza  le  19  septembre  1696  et  fut  reçu  à  Versailles  le 
3  octobre,  avant  que  la  cour  s'en  allât  à  Fontainebleau.  Le  Roi,  en  lui 
donnant  audience,  «  lui  dit  qu'il  n'avoit  qu'un  reproche  à  faire  à  S.  A.  R., 
qui  est  qu'elle  s'exposoit  beaucoup  trop  au  siège  de  ValeniAi,  et  qu'il  le 
prioit  de  se  ménager  davantage  pour  leurs  intérêts  communs.  «  [Journal 
de  Dangeau,  tomes  V,  p.  475,  et  VI,  p.  3  ;  comparez  la  Gazette,  p.  478.) 

3.  Ellipse  du  régime  indirect  :  «  du  goût  pour  lui.  » 

4.  Dangeau  écrit,  le  6  décembre  1696  (tome  VI,  p.  39-40)  :  «  Je 
demandai  à  S.  M.  la  permission  d'y  mener  (à  Marly)  le  comte  de  Govon, 
envoyé  de  Savoie  ;  le  Roi  y  consentit,  et  n'avoit  jamais  fait  cette  grâce- 
là  à  aucun  ministre  étranger.  »  M.  de  Govon  quitta  Versailles  le  9  avril 
suivant,  et,  dès  son  arrivée  à  Turin,  fut  nommé  gouverneur  de  l'héri- 
tier présomptif  de  la  couronne.  Il  devint  plus  tard  ministre  d'État  et 
chevalier  de  l'Annonciade.  Pendant  son  séjour  en  France,  il  se  fit 
peindre  par  Rigaud,  pour  le  prix  de  cent  quarante  livres  (ins.  de  l'In- 
stitut 139). 


MÉMOIRES 


[1696] 


La  Princesse 

au  Pont-Beau- 

voisin.  A  le 

rang  de 
duchesse  de 
Bourgogne. 


La  maison  de  la  Princesse  s'étoit  arrêtée  près  de  trois 
semaines  à  Lyon',  en  attendant  qu'elle  fût  à  portée  du 
Pont-Beau  voisin,  où  elle  la  fut  recevoir.  Elle  y  arriva 
de  bonne  heure,  le  mardi-  16  octobre,  accompagnée  de 
la  princesse  de  la  Cisterne^  et  de  Mme  de  Noyers^;  le 
marquis  de  Dronero^  étoit  chargé  de  toute  la  conduite: 
auxquels",  ainsi  qu'aux  officiers  et  aux  femmes  de  sa  suite, 
il  fut  distribué  beaucoup  de  beaux  présents  de  la  part  du 
Roi".  Elle  se  reposa  dans  une  maison  qui  lui  avoit  été  pré- 
parée du  côté  de  Savoie^,  et  s'y  para.  Elle  vint  ensuite  au 


1.  On  a,  depuis  ce  moment-là,  un  certain  nombre  de  lettres  de  Dan- 
geau,  Desgranges  et  autres,  à  M.  de  Torcy,  que  nous  reproduisons  en 
partie  dans  l'appendice  n°  XXIII. 

2.  Saint-Simon  a  effacé  un  premier  chiffre  16^  qu'il  a  remplacé  par 
Vm  de  mardi. 

3.  Thérèse  Litta,  héritière  de  l'ancienne  principauté  de  la  Cisterna, 
située  dans  l'Astesan,  avait  épousé  Jacques-Maurice  del  Pozzo,  mar- 
quis de  Yoghere,  gouverneur  de  Biella,  grand  écuyer  de  Savoie,  cheva- 
lier de  l'Annonciade,  grand-croix  des  ordres  de  Saint-Maurice  et  Saint- 
Lazare.  Elle  était  première  dame  d'honneur  de  la  duchesse  depuis  1684 
et  gouvernante  de  la  Princesse.  Son  fils  s'était  établi  à  Paris  en  épou- 
sant Henriette-Marie  de  la  Trousse,  fille  d'une  des  meilleures  amies  de 
Mme  de  Sévigné,  et  il  y  mourut  le  14  octobre  1698,  à  trente-huit  ans. 

4.  Nommée  Mme  de  Moijere  dans  la  relation  imprimée  à  Lyon. 

5.  Charles-Philibert  d'Esté,  marquis  de  Dronero  et  comte  d'Ormea, 
né  en  1649,  fils  de  Philibert-François,  marquis  de  Saint-Martin,  et  de 
Marguerite,  bâtarde  du  duc  Charles-Emmanuel,  était  grand  maréchal  de 
Savoie,  chambellan  du  duc  et  gouverneur  de  Turin.  On  le  considérait 
comme  un  des  trois  principaux  personnages  du  Piémont,  et,  selon  la 
manière  de  parler  de  cette  cour,  il  éialt  ^seigneur  du  sang.  En  1681,  à 
la  suite  d'une  mission  en  Portugal  qui  avait  eu  pour  but  de  conclure 
le  mariage  projeté  entre  l'Infante  et  Victor-Amédée,  l'influence  fran- 
çaise l'avait  fait  disgracier.  A  la  fin  de  l'année  1696,  son  maître  le 
nomma  gouverneur  et  lieutenant  général  de  la  Savoie. 

6.  Encore  un  relatif  plus  latin  que  français. 

7.  La  princesse  de  la  Cisterne  eut  une  rose  de  diamants  de  trente  ou 
quarante  mille  livres  ;  M.  de  Dronero,  une  boîte  de  cinquante  diamants, 
valant  près  de  quinze  mille  livres  ;  Mme  de  Noyers,  une  table  de  bra- 
celet de  onze  mille  livres;  les  officiers  et  domestiques,  dix  mille  écus. 

8.  Nous  avons  dit  plus  haut  (p.  lo7,  note  1)  que  le  bourg  du  Pont- 


[1696] 


DE  SAINT-SIMON. 


269 


pont,  qui  tout  entier  est  de  France,  à  l'entrée  duquel 
elle  fut  reçue  par  sa  nouvelle  maison,  et  conduite  au 
logis,  du  côté  de  France,  qui  lui  avoit  été  préparée  Elle 
y  coucha,  et,  le  surlendemain^,  elle  se  sépara  de  toute  sa 
maison  italienne  sans  verser  une  larme,  et  ne  fut  suivie 
d'aucun^  que  d'une  seule  femme  de  chambre  et  d'un  mé- 
decin, qui  ne  dévoient  pas  demeurer  en  France,  et  qui, 
en  effet,  furent  bientôt  renvoyés  K 

Avant  de  passer  outre,  il  ne  faut  pas  oublier  deux  choses 
qui  arrivèrent  en  ce  lieu^,  dont  l'une  fut  cause  du  séjour 
que  la  Princesse  y  fit.  Le  comte  de  Brionne,  chargé  au 
nom  du  Roi  de  recevoir  la  princesse  du  marquis  de  Dro- 
nero'',  qui  la  livroit  au  nom  de  M.  de  Savoie,  prétendit 


Prétention 
étrange  du 
comte  de 
Brionne  à 


de-Beauvoisin  était  partagé  par  la  rivière  du  Guiers  entre  la  France  et 
la  Savoie. 

1.  Saint-Simon  suit  encore  le  récit  de  Dangeau,  qui,  témoin  oculaire 
de  cette  scène,  l'a  racontée  ainsi  {Journal,  tome  VI,  p.  8)  :  «  Ce  jour-là, 
nous  reçûmes  la  Princesse  au  Pont-de-Beauvoisin,  au  bout  du  pont 
même,  qui  est  tout  entier  à  la  France....  Nous  fîmes,  de  la  part  du  Roi, 
des  présents  considérables  au  marquis  de  Dronero,  qui  conduisoit  la 
Princesse,  à  Mme  la  princesse  de  la  Cisterne  et  à  Mme  du  Noyer  (sic), 
qui  étoient  les  dames  qui  l'accompagnoient,  et  à  plusieurs  autres  offi- 
ciers ;  et  on  distribua  beaucoup  d'argent  aux  domestiques  les  moins 
considérables.  »  Comparez  à  ce  récit  et  aux  pièces  de  l'appendice 
n"  XXIII  la  relation  du  Mercure,  que  les  éditeurs  de  Dangeau  ont  repro- 
duite en  note,  celles  de  la  Gazette,  n"  43,  p.  516,  et  de  la  Gazette  d  Am- 
sterdam, n°  Lxxxvii,  ou  bien  encore  une  relation  imprimée  à  Lyon,  chez 
B.  Martin  (Bibl.  nat.,  L""  "  4082),  qui  doit  être  celle  dont  les  Annales 
de  la  cour  (tome  I,  p.  11-12)  parlent  comme  ayant  été  faite  par  l'abbé 
de  Choisy  et  n'étant  bonne  qu'à  passer  chez  les  beurriers  et  les  épiciers. 

2.  Saint-Simon  a  ajouté  en  interligne  le  sur  initial;  cependant  ces 
faits  sont  du  17,  comme  le  dit  Dangeau  (tome  VI,  p.  11),  et  non  du  18. 

3.  Aucun,  ])0\ir  personne,  au  sens  indéfini. 

4.  Aux  mois  de  novembre  1696  et  d'avril  1697  (Journal  de  Dangeau, 
tome  VI,  p,  36,  98  et  100).  Cette  condition  avait  été  stipulée  avec  soin 
par  Tessé  et  Torcy  :  «  C'est  un  grand  plaisir,  écrivait  Mme  de  Main- 
tenon  à  Dangeau,  de  pouvoir  renvoyer  la  femme  de  chambre  et  le  méde- 
cin sans  les  fâcher.  »  {Correspondance  générale,  tome  IV,  p.  126.) 

5.  Au  Pont-de-Beauvoisin. 

6.  Ici,  Dr  orner  0. 


270  MÉMOIRES  [16961 

l'égard  de  être  traité  â'Âltesse  dans  l'instrument  de  la  remise,  où  le 
\Add  '^S'-s'^si]  ^^^  ^^  Savoie  étoit  traité  (ï Altesse  Royale  ;  et  il  s'y  opi- 
niâtra  si  bien,  quoi  qu'on  pût  lui  dire  des  deux  côtés,  que 
le  marquis  de  Dronero,  pour  ne  point  arrêter  plus  long- 
temps la  Princesse,  ôta  Y  Altesse  des  deux  côtés,  en  évitant 
de  faire  mention  expresse  de  M.  le  duc  de  Savoie.  Ce  prince 
fut  extrêmement  offensé  quand  il  apprit  la  difficulté  du 
comte  de  Brionne,  et  le  Roi  le  trouva  aussi  fort  mauvais  ; 
mais  la  chose  étoit  faite  et  terminée,  et  il  ne  s'en  parla  plus  ' . 
[Add. S-S.  18:2]  L'autre  chose  qui  y  arriva  fut  par  un  courrier  du  Roi 
par  lequel  il  arriva  un  ordre  de  traiter  la  Princesse  en 
tout  comme  fille  de  France  et  comme  ayant  déjà  épousé 
Mgr  le  duc  de  Bourgogne^.  L'embarras  de  son  rang  avec 

1.  Voici  un  cas  où  Saint-Simon,  tout  en  suivant  le  texte  de  Dan- 
geau,  en  altère  un  peu  les  termes  ou  le  sens.  On  lit,  dans  le  Journal 
(tome  VI,  p.  14)  :  «  M.  le  comte  de  Brionne....  avoit  été  chargé  du  Roi 
d'aller  recevoir  Mme  la  princesse  de  Savoie  au  Pont-de-Beauvoisin; 
c'est  lui  qui  donna  aux  Savoyards  l'acte  de  délivrance.  II  y  eut  une 
difficulté  sur  cela,  qu'heureusement  les  Savoyards  ne  firent  qu'après 
que  nous  en  fûmes  partis.  Ils  prétendoient  que  M.  le  comte  de  Brionne 
devoit  donner  de  l'Altesse  Royale  à  M.  de  Savoie,  en  parlant  de  lui,  et 
M.  le  comte  de  Brionne  prétendoit  qu'aucun  prince  de  la  maison  ne 
l'avoit  jamais  fait.  Nous  prîmes  sur  cela  un  expédient  à  Lyon,  qui  étoit 
de  ne  point  nommer  M.  de  Savoie  dans  l'acte  de  délivrance  ;  et  le  Roi 
a  approuvé  l'expédient.  >>  Saint-Simon  rejette  tout  au  compte  du  prince 
lorrain.  Comparez  à  ces  deux  récits  les  lettres  que  nous  donnons  dans 
l'appendice  n"  XXllI,  quelques  lignes  de  l'article  de  M.  de  Brionne 
dans  le  mémoire  de  Saint-Simon  sur  les  Duchés-pairies  existants,  que 
nous  plaçons  aussi  à  l'Appendice,  n"  XXIV,  et  un  passage  de  la  rela- 
tion imprimée  à  Lyon,  p.  12  et  16-18.  Dans  l'Addition  182,  p.  369, 
Saint-Simon  rapproche  de  ce  conflit  de  1696  celui  que,  vingt-six  ans 
plus  tard,  le  prince  de  Rohan  voulut  provoquer  en  pareille  circonstance. 

2.  Dangeau  dit  (tome  VI,  p.  8)  :  «  Un  peu  devant  que  la  Princesse 
arrivât,  nous  reçûmes  l'ordre  du  Roi  de  la  traiter  comme  duchesse 
de  Bourgogne.  »  Et  l'article  du  Mercure,  qui  peut  avoir  été  fourni  par 
Dangeau  lui-même,  commence  ainsi  :  «  Le  matin  du  mardi  16,  qui 
étoit  le  jour  qu'on  devoit  recevoir  la  Princesse,  il  arriva  un  courrier  de 
la  cour,  qui  apporta  l'ordre  de  la  faire  traiter  comme  duchesse  de  Bour- 
gogne. »  La  Gazette  d'Amsterdam  (n"  lxxxv.  Extraordinaire)  dit,  à  ce 
propos  :  «  On  écrit  de  Paris  que  le  Roi  a  accordé  à  la  princesse  royale 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  271 

tout  le  monde  engagea  Monsieur  à  en  prier  le  Roi,  les  prin- 
ces et  princesses  du  sang  à  le  désirer,  et  le  Roi  à  le  faire'. 
Ce  courrier  arriva  sur  le  point  de  l'arrivée  de  la  Princesse, 
de  manière  qu'elle  ne  baisa'"  que  la  duchesse  du  Lude 
et  le  comte  de  Brionne,  et  qu'il  n'y  eut  que  la  duchesse 
du  Lude  assise  devant  elle.  Par  toutes  les  villes  oii  elle 


de  Savoie  les  honneurs  de  duchesse  de  Bourgogne.  Ce  point  a  été  fort 
débattu;  mais  on  dit  qu'un  exemple  en  a  fait  la  décision  :  on  a  trouvé 
dans  le  Cérémonial  de  la  couronne  que  la  fille  de  l'empereur  Maximilien 
eut  en  France,  sous  le  règne  de  Louis  XI,  les  honneurs  de  dauphine, 
quoiqu'elle  ne  l'ait  jamais  été  ;  et  le  Cérémonial  marque  expressément 
que  les  honneurs  que  Louis  XI  lui  fit  rendre,  ne  lui  furent  pas  rendus 
comme  à  la  fille  de  l'Empereur,  mais  comme  à  la  dauphine  désignée  :  de 
sorte  que,  le  cas  étant  égal,  le  Roi  s'est  déterminé  à  regarder  la  prin- 
cesse de  Savoie  comme  sa  petite-fille,  et  S.  M.  a  envoyé  ordre  que,  dès 
son  arrivée  au  Pont-de-Beauvoisin,  on  la  reçût  en  cette  qualité,  et  qu'il 
n'y  eût  que  la  duchesse  du  Lude  qui  s'assît  devant  elle.  »  Tout  cela  est 
parfaitement  conforme  aux  pièces  originales  conservées  dans  le  volume 
des  Affaires  étrangères  Turin  96,  dont  nous  avons  extrait  quelques 
lettres  pour  l'appendice  XXIII. 

4.  Selon  Dangeau  (p.  7),  Monsieur  avait  demandé  cette  décision  au 
Roi,  en  témoignant  que,  loin  de  les  peiner,  Madame  et  lui,  cela  leur 
ferait  plaisir,  parce  que,  dit  aussi  Mme  de  Maintenon  (qui  y  était  op- 
posée), il  n'eût  pu  supporter  qu'une  princesse  de  Savoie  eût  le  pas  sur 
lui  (Correspondance  générale,  tome  IV,  p.  127).  Voyez  d'ailleurs  une 
des  lettres  que  nous  donnons  dans  l'appendice  XXIII. 

2.  Sur  cette  grave  question  du  baiser  d'étiquette,  qui  va  bientôt  se 
présenter  de  nouveau  (p.  27o  et  310-311),  voyez  deux  Additions  de 
Saint-Simon  à  Dangeau,  tomes  I,  p.  374,  et  II,  p.  61,  une  anecdote  ra- 
contée dans  la  suite  des  Mémoires,  tome  II,  p.  4,  un  mémoire  histo- 
rique de  l'introducteur  des  ambassadeurs,  M.  de  Breteuil,  qui  a  été 
publié  dans  la  deuxième  série  des  Archives  curieuses  de  Vhistoire  de 
France,  tome  XII,  p.  153-162,  un  passage  des  Lettres  de  Mme  de  Sévi- 
gné,  tome  VI,  p.  348,  et  la  Correspondance  de  Bussy,  tome  V,  p.  88-89 
et  94.  La  collection  chronologique  de  l'histoire  de  France  conservée 
au  Cabinet  des  estampes  renferme  une  gravure  qui  représente  l'au- 
dience et  le  baiser  donnés  par  la  duchesse  de  Berry  le  7  juillet  1710,  au 
lendemain  de  son  mariage  :  la  duchesse  est  assise  ;  deux  dames  sont 
debout  à  ses  côtés,  trois  autres  agenouillées,  et  six,  rangées  sur  deux 
rangs,  semblent  attendre  leur  tour.  Cette  scène  sera  d'ailleurs  racontée 
en  son  temps  par  Saint-Simon  (tome  VIII,  p.  27). 


272 


MÉMOIRES 


[1690] 


Le  Roi  à 

Montargis,  au 

devant  de  h 

Princesse. 


passa,  elle  fut  reçue  comme  duchesse  de  Bourgogne,  et, 
aux  jours  de  séjour  aux  grandes  villes',  elle  dîna  en  pu- 
blic, servie  par  la  duchesse  du  Lude.  Excepté  les"  repas 
de  séjour,  ses  dames  mangèrent  toujours  avec  elle.  Elle 
marcha  à  petites  journées. 

Le  dimanche  4  novembre^,  le  Roi,  Monseigneur  et  Mon- 
sieur allèrent  séparément  à  Montargis  au-devant  de  la 
Princesse,  qui  y  arriva  à  six  heures  du  soir,  et  fut  reçue 
par  le  Roi  à  la  portière  de  son  carrosse*.  IPla  mena  dans 
l'appartement  qui  lui  étoit  destiné  dans  la  même  maison 
de  la  ville  oii  le  Roi  étoit  logé,  puis  lui  présenta  Monsei- 
gneur, Monsieur  et  M.  le  duc  de  Chartres.  Tout  ce  qui  fut 
rapporté  des  gentillesses  et  des  flatteries  pleines  d'esprit, 
et  du  peu  d'embarras,  et,  avec  cela,  de  l'air  mesuré  et  des 
manières  respectueuses  de  la  Princesse,  surprit  infiniment 
tout  le  monde  et  charma  le  Roi  dès  l'aborda  II  la  loua  sans 


4.  Dangeau,  quoique  faisant  partie  du  cortège,  est  très  bref  dans  son 
Journal  et  ne  donne  guère  que  l'itinéraire;  il  faut  se  reporter  à  ses 
lettres  ou  aux  articles  du  Mercure. 

2.  VI  de  les  corrige  un  c. 

3.  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  21.  Saint-Simon  suit  ce  texte; 
mais  il  a  dû  aussi  recourir  après  coup  à  l'article  du  Mercure  de  no- 
vembre 1696,  p.  262  et  suivantes.  Le  lecteur  peut  comparer  en  outre 
diverses  lettres  de  Madame,  dans  le  recueil  Rolland,  p.  170  et  sui- 
vantes, et  celles  de  Mme  de  Maintenon,  dans  la  Correspondance  yé- 
nérale,  tome  IV,  p.  130  et  suivantes. 

4.  Un  frontispice  d'almauach  du  plus  grand  format  consacra,  en  jan- 
vier 1697,  le  souvenir  de  cette  première  entrevue,  et  l'on  fit  courir 
aussi  une  chanson  populaire,  que  nous  trouvons  dans  le  Chansonnier, 
ms.  Fr.  12  692,  p.  80.  Le  texte  du  contrat  de  mariage  fut  immédiate- 
ment imprimé  et  publié  par  Fr.  Léonard,  avec  une  relation  de  l'arrivée 
de  la  Princesse. 

o.  //  est  écrit  en  interligne. 

6.  Mme  du  Lude  avait  annoncé,  dès  les  premiers  jours,  que  la  Prin- 
cesse se  montrait  fort  gracieuse,  aussi  agréable  qu'il  était  possible  sans 
beauté,  et  avait  très  bon  air.  (Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  X, 
p.  422.)  Madame  écrit  le  8  novembre  (recueil  Rolland,  p.  171)  : 
«  Elle....  est  très  sérieuse  pour  une  enfant  de  son  âge,  et  terriblement 
politique.  Elle  fait  peu  de  cas  de  son  beau-père  et  nous  regarde  à  peine, 


LlGOej 


DE   SAINT-SIMON. 


273 


cesse  et  la  caressa  continuellement.  Il  se  hâta  d'envoyer  un 
courrier  à  Mme  de  Maintenon,  pour  lui  mander  sa  joie  et 
les  louanges  de  la  Princesse'.  11  soupa  ensuite  avec  les 
dames  du  voyage*  et  fit  mettre  la  Princesse  entre  lui  et 
Monseigneur. 

Le  lendemain^,  le  Roi  l'alla  prendre,  la  mena  à  la  messe, 
et  dîna  ensuite  comme  il  avoit  soupe  la  veille;  et  aussitôt 
après  montèrent  en  carrosse,  le  Roi  et  Monsieur  au  der- 
rière, Monseigneur  et  la  Princesse  au  devant;  de  son  côté, 
à  la  portière,  la  duchesse  du  Lude.  Mgr  le  duc  de  Bour- 
gogne les  rencontra  à  Nemours;  le  Roi  le  fit  monter  à 
l'autre  portière,  et,  sur  les  cinq  heures  du  soir,  arrivèrent 
à  Fontainebleau,  dans  la  cour  du  Cheval-Blanc^.  Toute  la 
cour  étoit  sur  le  Fer-à-ChevaP,  qui  faisoit  un  très  beau 

mon  fils  et  moi;  mais,  dès  qu'elle  aperçoit  Mme  de  Maintenon,  elle  lui 
sourit  et  va  se  jeter  dans  ses  bras.  Elle  en  fait  autant  lorsqu'elle  aper- 
çoit la  princesse  de  Conti.  Vous  voyez  par  là  combien  elle  est  poli- 
tique. Ceux  qui  lui  parlent  disent  qu'elle  a  beaucoup  d'esprit.  »  Nous 
reproduisons  dans  l'appendice  n"  XXIII  la  lettre  de  remerciement  que 
sa  mère  écrivit  à  Louis  XIV. 

1.  Les  lettres  de  Louis  XIV  à  Mme  de  Maintenon,  imprimées  pour 
la  Société  des  Bibliophiles  François,  en  18"22,  ont  été  reproduites  depuis 
par  les  éditeurs  du  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  21-23,  note,  et 
par  Lavallée,  Correspondance  générale,  tome  IV,  p.  130.  Le  Roi,  inter- 
rogé par  Dangeau  au  moment  où  il  allait  écrire  ces  lettres,  répondit 
qu'il  «  n'étoit  que  trop  content,  et  qu'il  avoit  peine  à  contenir  sa  joie.  » 
Comparez  les  lettres  de  Mme  de  Maintenon  à  la  duchesse  de  Savoie,  qui 
ont  été  données  aussi  par  Lavallée,  tome  IV,  p.  133-133. 

2.  Mmes  du  Lude,  de  Dangeau,  de  Roucy,  de  Nogaret  et  d'O, 

3.  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  24-2o. 

4.  Cette  cour,  construite  sur  une  partie  des  terrains  qui  avaient  été 
acquis  des  Mathurins  en  1329,  et  appelée  la  Basse-cour,  la  Grande 
basse-cour  ou  la  Grande  cour,  doit  son  autre  nom,  du  Cheval-Blanc, 
à  un  moulage  en  plâtre  du  cheval  de  Marc-Aurèle  (placé  h.  Rome  devant 
la  porte  du  Capitole),  que  Catherine  de  Médicis,  régente,  fit  mettre  au 
milieu,  sous  un  dôme,  mais  qui,  étant  brisé,  fut  enlevé  en  1626.  Voyez 
l'abbé  Guilbert,  Description  historique  des  château,  etc.  de  Fontaino- 
bleau  (1731),  tome  I,  p.  42  et  suivantes. 

0.  «  On  voit  dans  cette  cour  un  escalier  de  pierre  et  hors  d'œuvre.  Il 
est  à  deux  rampes,  d'une  très  belle  architecture,  et  fut  construit  en  1634, 

MÉMOIRES    DE    SAI.NT-StMO.N.    III  18 


Arrivent  k 
Fontainebleau. 
Présentations. 


274  MÉMOIRES  [I69(ij 

spectacle  avec  la  foule  qui  étoit  en  bas\  Le  Roi  mcnoit  la 
Princesse,  qui  sembloit  sortir  de  sa  poche"",  et  la  conduisit 
fort  lentement  à  la  tribune  un  moment,  puis^  au  grand 
appartement  de  la  Reine  mère^,  qui  lui  étoit  destiné,  où 
Madame,  avec  toutes  les  dames  de  la  cour,  l'attendoient". 
[Add.  S'-S.  1S3]  Le  Roi  lui  nomma  les  premiers  d'entre  les  princes  et 
princesses  du  sang,  puis  dit  à  Monsieur  de  lui  nommer 
tout  le  monde  et  de  prendre  garde  à  lui  faire  saluer 
toutes  les  personnes  qui  le  dévoient  faire  ®,  et  qu'il  alloit 

en  la  place  d'un  autre  plus  petit,  que  les  injures  du  temps  avoient 
ruiné.  »  (Piganiol  de  la  Force,  Description  de  Paris,  éd.  1742,  tome  VIII, 
p.  137.)  Selon  la  correspondance  de  Richelieu,  publiée  par  Avencl 
(tome  IV,  p.  344),  ce  fut  le  surintendant  d'Effiat  qui  dirigea  la  con- 
struction du  Fer-à-Clieval,  en  1632. 

1.  Voici  le  texte  de  Dangeau,  que  Saint-Simon  a  simplement  remanié, 
quoiqu'il  eût  assisté  lui-même  à  cette  scène  :  «  Après  diner,  ils  mon- 
tèrent en  carrosse  pour  venir  ici,  et  trouvèrent  près  de  Nemours  Mgr  le 
duc  de  Bourgogne,  qui  avoit  mis  pied  à  terre.  Le  Roi  le  fit  mettre  dans 
son  carrosse  :  le  Roi  et  Monsieur  étoient  dans  le  fond,  Monseigneur  et 
la  Princesse  étoient  au  devant,  la  duchesse  du  Ludesur  l'estrapontin  du 
côté  de  la  Princesse,  et  Mgr  le  duc  de  Bourgogne  se  mit  sur  l'estrapon- 
tin du  côté  de  Monseigneur.  Ils  arrivèrent  ici  sur  les  cinq  heures,  par 
la  cour  du  Cheval-Blanc,  et  trouvèrent  le  Fer-à-Cheval  rempli  du  haut  en 
bas  de  courtisans  qui  attendoient.  »  (Journal,  tome  VI,  p.  23.) 

2.  La  Princesse,  dit  Madame,  «  n'est  pas  précisément  très  grande 
pour  son  âge  (elle  n'avait  pas  accompli  sa  onzième  année)  ;  mais  elle  a 
une  jolie  taille  fine  comme  une  vraie  petite  poupée.  »  (Recueil  Rolland, 
p,  171.)  Voyez  l'estampe  de  1697  représentant  cette  première  entrevue. 

3.  Les  mots  :  «  à  la  tribune  un  moment,  puis  »,  ont  été  ajoutés  après 
coup  en  interligne,  sans  doute  parce  que  Saint-Simon  n'avait  pas  trouvé 
mention  de  la  tribune  dans  le  Journal  de  Dangeau;  c'est  le  Mercure 
(novembre  1696,  p.  273)  qui  en  parle.  Sur  cette  tribune,  voyez  notre 
tome  I,  p.  294,  note  4. 

4.  Ce  pavillon  était  ainsi  nommé  parce  que  Catherme  de  Médicis  et 
Anne  d'Autriche  l'avaient  occupé,  et  que  cette  dernière  l'avait  fait 
décorer  de  nouveau  :  voyez  Piganiol  de  la  Force,  tome  VIII,  p.  130-134. 
La  Dauphine-Bavière  y  avait  eu  son  installation. 

5.  Le  verbe  est  ainsi  au  pluriel,  comme  s'il  y  avait  et  au  lieu  cVavec. 

6.  C'est-à-dire  «  à  lui  faire  saluer  toutes  les  personnes  qui  elles- 
mêmes  la  devaient  saluer.  »  Le  tour  n'est  pas  clair  ;  mais  voyez  la 
suite. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  275 

se  reposer.  Monseigneur  s'en  alla  aussi,  l'un  chez  Mme  de 
Maintenon,  l'autre  chez  Mme  la  princesse  de  Conti,  qui 
ne  s'habilloit  pas  encore,  d'une  loupe'  qu'elle  s'étoit  fait 
ôter  de  dessus  un  œil,  et''  qu'elle  en  avoit  pensé  perdre^. 
Monsieur  demeura  donc  à  côté  de  la  Princesse,  tous  deux 
debout,  lui  nommant  tout  ce  qui,  hommes  et  dames,  lui 
venoient*  baiser  le  bas  de  la  robe,  et  lui  disoit  de  baiser 
les  personnes  qu'elle  devoit,  c'est-à-dire  princes  et  prin- 
cesses du  sang,  ducs  et  duchesses  et  autres  tabourets'',  les 
maréchaux  de  France  et  leurs  femmes.  Cela  dura  deux 
bonnes  heures  ;  puis  la  Princesse  soupa  seule  dans  son 
appartement,  où  Mme  de  Maintenon,  et  Mme  la  princesse 
de  Conti  ensuite,  la  virent  en  particulier^.  Le  lendemain, 
elle  fut  voir  Monsieur  et  Madame  chez  eux,  et  Monsei- 
gneur chez  Mme  la  princesse  de  Conti,  et  reçut  force 
bijoux  et  pierreries';  et  le  Roi  envoya  toutes  les  pierre- 
ries de  la  couronne  à  Mme  de  Mailly,  pour  en  parer  la 
Princesse  tant  qu'elle  voudroit^. 

1.  A  cause  d'une  loupe. 

2.  La  conjonction  et  est  de  trop  avant  quelle.  C'est  encore  un  de 
ces  défauts  de  suite  dont  Saint-Simon  est  coutumier  dans  la  construc- 
tion des  relatifs. 

3.  Dangeau  parle  très  longtemps  de  ce  mal,  qui  persista,  mais  il  le 
qualifie  simplement  de  «  fluxion  sur  l'œil.  » 

■4.  Accord  irrégulier  du  verbe  avec  l'apposition  «  hommes  et  dames  ». 

5.  Les  autres  personnes  ayant  droit  à  prendre  le  tabouret  au  cercle. 

6.  Dangeau  (tome  VI,  p.  2o)  dit  que  «  Monseigneur  y  amena  Mme  la 
princesse  de  Conti  en  déshabillé.  »  Il  ne  parle  pas  de3Ime  de  Maintenon. 

7.  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  26. 

8.  C'est  le  premier  soir  que  «  le  Roi  lui  envoya  par  M.  Nyert,  son 
premier  valet  de  chambre  en  quartier,  les  pierreries  de  la  couronne, 
qu'elle  remit  entre  les  mains  de  Mme  de  Mailly,  sa  dame  d'atour.  » 
{Dangeati,  tome  VI,  p.  2o.)  Cet  envoi  n'avait  compris  qu'une  partie  des 
pierreries;  le  reste  fut  livré  quelques  jours  plus  tard.  Dangeau  dit,  à 
cette  occasion  :  «  Les  pierreries  montent  à  la  somme  de  onze  millions 
trois  cent  trente-trois  mille  livres,  suivant  le  prix  qu'elles  ont  été  ache- 
tées, sans  compter  ce  qui  a  été  ajouté  depuis  que  M.  de  PontcharLrain 
en  a  eu  la  direction.  A  la  mort  du  feu  roi,  toutes  les  pierreries  de  la 
couronne  ne  montoient  qu'à  sept  cent  mille  livres.  »  (Tome  VI,  p.  ol.) 


276 


MÉMOIRES 


[1696J 


Retour  à 

Versailles. 

Présentations. 


Grâces  de  la 

Princesse,  qui 

charment  le 

Roi  et 


Le  Roi  régla  qu'on  la  norameroit  tout  court  la  Princesse^ 
qu'elle  mangeroit  seule,  servie  par  la  duchesse  du  Lude, 
qu'elle  ne  verroit  que  ses'^  dames  et  celles  à  qui  le  Roi  en 
donneroit  expressément  la  permission,  qu'elle  ne  tien- 
droit  point  encore  de  cour,  que  Mgr  le  duc  de  Bourgogne 
n'iroit  chez  elle  qu'une  fois  tous  les  quinze  jours,  et 
Messieurs  ses  frères   une   fois   le  mois^. 

Toute  la  cour  retourna  le  8  novembre  à  Versailles,  oii 
la  Princesse  eut  l'appartement  de  la  Reine  et  de  Madame 
la  Dauphine  ensuite ',  et  oij,  en  arrivant,  tout  ce  qui  étoit 
demeuré  à  Paris  de  considérable  se  trouva  et  lui  fut  pré- 
senté tout  de  suite,  comme  à  Fontainebleau^.  Le  Roi  et 
Mme  de  Maintenon^  firent  leur  poupée  de  la  Princesse, 
dont  l'esprit  flatteur,  insinuant,  attentif,  leur  plut  infini- 
ment, et  qui  peu  à  peu  usurpa  avec  eux  une  liberté  que 

1.  Monsieur  insista  sans  succèspour  qu'on  lui  donnât  immédiatement 
le  titre  de  duchesse  de  Bourgogne.  (Journal  de  Daiujeau,  tome  VI, 
p.  18.) 

2.  La  première  lettre  de  ses  est  un  c  corrigé  en  s. 

3.  «  Le  Roi  a  réglé  qu'il  (le  duc  de  Bourgogne)  n'iroit  voir  la  Prin- 
cesse que  tous  les  quinze  jours,  et  Messeigneurs  ses  frères  n'iront  que 
tous  les  mois.  Elle  mangera  toujours  seule,  et  la  duchesse  du  Lude  la 
servira.  »  {Journal  de  Daiujeau,  tome  VI,  p.  26.)  «  Le  Roi  a  réglé  que 
la  Princesse  verroit  deux  fois  la  semaine  du  monde  à  sa  toilette,  les 
mardis  et  les  vendredis.  »  {Ibidem,  p  28.)  «  Le  Roi  a  réglé  qu'on  don- 
neroit à  la  Princesse  cinq  cents  écus  par  mois,  pour  ses  menus  plaisirs, 
jusqu'à  ce  qu'elle  soit  mariée.  »  {Ibidem,  p.  38.) 

4.  Comparez  le  Journal  de  Dan(jeau  (tome  VI,  p.  27),  à  la  date 
donnée  par  Saint-Simon.  —  L'appartement  du  palais  de  Versailles  oc- 
cupé jadis  par  Marie-Thérèse,  puis  par  la  Dauphine-Bavière,  était  au 
premier  étage  de  l'aile  perpendiculaire  à  la  grande  galerie  du  côté  du 
Midi,  et  il  communiquait  avec  la  galerie  par  le  salon  de  la  Paix,  Voyez 
notre  tome  II,  p.  9,  et  la  Notice  du  musée  de  Versailles,  par  Eudore 
Soulié,  2°  partie,  p.  468  et  suivantes. 

5.  Ce  dernier  membre  de  phrase,  depuis  :  ci  où,  a  été  ajouté  après 
coup  en  interligne  et  en  marge,  sans  doute  encore  parce  que  Saint- 
Simon  n'avait  pas  trouvé  mention  de  cette  nouvelle  présentation  dans  le 
Journal  de  Dangeau,  d'oili  est  tiré,  comme  nous  l'avons  montré,  presque 
tout  le  reste  de  son  récit. 

6.  De  M  corrige  la  d. 


Soissonsîont 


[169GJ  DE  SAINT-SIMON.  277 

n'avoient^  jamais  osé  tenter  pas  un  des  enfants  du  Roi,  Mme  de 
et  qui  les  charmai  II  parut  que  M.  de  Savoie  étoit  bien  Maint'^"»"- 
informé  à  fond  de  notre  cour  et  qu'il  avoit  bien  instruit 
sa  fille;  mais  ce  qui  fut  vraiment  étonnant,  c'est  combien 
elle  en  sut  profiter  et  avec  quelle  grâce  elle  sut  tout  faire  : 
rien  n'est  pareil  aux  cajoleries  dont  elle  sut  bientôt  en- 
sorceler Mme  de  Maintenon,  qu'elle  n'appela  jamais  que 
ma  tante,  et  avec  qui  elle  en  usa  avec  plus  de  dépen- 
dance et  de  respect  qu'elle  n'eût  pu  faire  pour  une  mère 
et  pour  une  reine;  et  avec  cela^,  une  familiarité  et  une 
liberté  apparente,  qui  la  ravissoit,  et  le  Roi  avec  elle*. 

Mlles  de  Soissons^,  qui  tenoient*"'  dans  Paris  une  con-        Mlles  de 
duite  fort  étrange'  et  qui  ne  venoient  point  à  la  cour, 

1.  Avoieul,  au  pluriel,  comme  s'il  eût  écrit  :  les  enfants  du  Roi,  et 
sans  tenir  compte  du  sujet  négatif  singulier. 

2.  Comparez  cette  première  esquisse  avec  le  portrait  que  Saint-Simon 
fera  de  la  duchesse  de  Bourgogne  en  1712,  tome  IX,  p.  195  et  suivantes. 

3.  Après  cela  est  biffé  un  second  avec. 

4.  Voyez  les  lettres  de  Mme  de  Maintenon  et  de  Madame  citées  plus 
haut  (p.  272,  note  G,  et  273,  note  1).  Au  sujet  de  cette  diplomatie  pré- 
coce de  la  jeune  princesse,  Mme  de  Caylus  dit,   dans  ses  Souvenirs 

(p.  S14)  :  «  On  a mieux  aimé  croire  que  Madame  la  Dauphine  res- 

sembloit  à  Monsieur  son  père,  et  qu'elle  étoit,  dès  l'âge  de  onze  ans 
qu'elle  vint  en  France,  aussi  fine  et  aussi  politique  que  lui,  affectant 
pour  le  Roi  et  pour  Mme  de  Maintenon  une  tendresse  qu'elle  n'avoit 
pas.  Pour  moi,  qui  ai  eu  l'honneur  de  la  voir  de  près,  j'en  juge  autre- 
ment, et  je  l'ai  vue  pleurer  de  si  bonne  foi  sur  le  grand  âge  de  ces  deux 
personnes,  qu'elle  croyoit  avec  raison  devoir  mourir  devant  elle,  que  je 
ne  puis  douter  de  sa  tendresse  pour  le  Roi.  »  Voyez  aussi  un  fragment 
de  VHistoire  de  la  maison  royale  de  Saint-Cyr,  de  Lavallée,  cité  par  les 
éditeurs  du  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  35-36,  note. 

5.  Marie-Jeanne-Baptiste  de  Savoie,  dite  Mile  de  -Soissons,  née  le 
1"  janvier  1665,  morte  le  30  mai  1705  ;  —  et  Louise-Philiberte,  dite 
Mlle  de  Carignan,  née  le  22  novembre  1667,  morte  au  mois  de  février 
1722.  Elles  étaient  les  deux  plus  jeunes  enfants  d'Eugène-Maurice  de  Sa- 
voie, comte  de  Soissons,  arrière-petit-fils  du  trisaïeul  de  Victor-Amédée  II. 
Olympe  Mancini,  leur  mère,  vivait  errante  et  misérable  à  l'étranger. 

6.  La  première  lettre  de  tenoient  est  un  v[ivoient\  corrigé  en  t. 

7.  Après  avoir  habité  une  maison  de  la  rue  du  Vieux-Colombier  (voyez 
une  donation  mutuelle  qu'elles  se  firent  le  5  juillet  1694,  Arch,  nal.. 


278  MÉMOIRES  116961 

défense  de  voir  eurent  défense  de  voir  la  Princesse  \  Elles  étoient  sœurs 
rincesse.  j^^^  comte  de  Soissons"  et  du  prince  Eugène  de  Savoie^, 
celui-ci*  au  service  de  l'Empereur  et  parvenu  aux  pre- 
miers grades  militaires,  l'autre  sorti  de  France  depuis 
un  an  ou  deux,  où  il  avoit  toujours  demeuré,  et  rôdant 
l'Europe^  sans  obtenir  d'emploi  nulle  part®. 

Y  263,  fol.  334  v°),  elles  étaient  revenues  à  l'hôtel  de  Soissons,  où, 
peu  de  temps  après  l'incident  dont  parle  ici  Saint-Simon,  le  17  dé- 
cembre 1696,  le  procureur  du  Roi  au  Châtelet  eut  ordre  d'aller  enjoin- 
dre à  Mlle  de  Soissons  qu'elle  cessât  la  loterie  ouverte  par  elle,  et  qu'elle 
fit  ôter  de  son  «  département  »  les  billards  qui  y  attiraient  des  joueurs 
(Arch.  nat.,  0'  40,  fol.  336,  343  et  347).  Plus  tard,  le  prince  et  la  prin- 
cesse de  Carignan  obtinrent  l'autorisation  de  tenir  une  roulette  publi- 
que dans  l'hôtel  de  Soissons,  de  même  que  le  duc  de  Gesvres  dans  son 
hôtel  de  gouverneur  de  Paris  (Mémoires  de  Saint-Simon,  tome  XVI, 
p.  206,  et  Mémoires  du  duc  de  Luynes,  tome  III,  p.  363). 

1.  «  Mlles  de  Soissons  avoient  fait  demander  au  Roi,  par  M.  de 
Bouillon,  ce  qu'elles  auroient  à  faire  à  l'arrivée  de  la  princesse  de 
Savoie;  le  Roi  leur  a  fait  dire  qu'il  ne  vouloit  point  qu'elles  la  vissent 
jusqu'à  ce  qu'elles  eussent  changé  de  conduite.  »  [Journal  de  Dangeau, 
tome  VI,  p.  18.)  —  En  1697,  Mlle  de  Soissons  fut  expulsée  de  Paris, 
à  propos  d'un  duel  dont  ses  galanteries  avaient  été  le  motif,  et  nous 
la  verrons  enfermer,  ainsi  que  sa  sœur,  en  1698. 

2.  Louis-Thomas  de  Savoie,  comte  de  Soissons  (rameau  puîné  dos 
princes  de  Carignan),  était  né  le  16  octobre  1657  et  avait  eu  en  France 
un  régiment  de  son  nom,  puis  le  grade  de  brigadier  (1688)  et  celui  de 
maréchal  de  camp  (1690),  avec  une  pension  de  trente  mille  livres; 
mais,  s'étant  retiré  à  l'étranger  en  1694,  et  ayant  fini  par  offrir  ses  ser- 
vices aux  puissances  confédérées,  ses  biens  de  France  avaient  été  sé- 
questrés (22  mai  1695).  Ni  l'Allemagne,  ni  la  Savoie,  ni  Venise,  ni  l'An- 
gleterre, où  il  se  trouvait  en  1696,  ne  voulurent  lui  donner  un  asile,  et 
Louis  XIV  repoussa  toutes  les  ouvertures  de  Victor-Amédée  pour  le 
laisser  rentrer  en  France.  Enfin,  au  début  de  la  guerre  de  Succession, 
le  prince  Eugène,  son  frère  cadet,  le  fit  nommer  par  l'Empereur  gé- 
néral de  l'artillerie,  et  il  périt  au  siège  de  Landau,  le  25  août  1702. 

3.  Voyez  ci-dessus,  p.  135,  note  5.  —  4.  Ci  est  écrit  en  interligne. 

5.  M.  Littré  cite  d'autres  exemples  de  rôder  actif,  l'un  de  Regnard, 
dans  l'article  de  ce  verbe  et  dans  Vkistorique  qui  le  suit. 

6.  Un  passage  de  Dangeau  (tome  V,  p.  325)  doit  avoir  fourni  à  Saint- 
Simon  ce  dernier  membre  de  phrase.  «  Il  demande  de  l'emploi  partout, 
dit  Dangeau;  mais  jusqu'ici  il  n'en  a  pu  avoir  nulle  part.  »  Comparez 
la  suite  des  Mémoires,  tomes  II  de  1873,  p.  25,  et  III,  p.  301-303. 


ri696]  DE  SAINT-SIMON.  279 

Le  Roi,   qui  tenoit  depuis  quelque    temps   Callières^      Plénipoten- 
secrètement    en    Hollande '^   l'y   fit    paroître  comme  son     pôu^ia^^i^! 
envoyé  public  après  la  neutralité  d'Italie^,  et  ne  différa 
guère  ^  à  nommer  ses  plénipotentiaires  en  Hollande,  pour 
travailler  à  la  paix,  Courtin^  et  Harlay,  conseillers  d'Etat, 

1.  François  de  Callières,  né  à  Torigny  le  14  mai  1645,  avait  rempli 
plusieurs  missions  «  obscures,  »  comme  le  dira  plus  loin  Saint-Simon 
(p.  296),  en  Pologne,  en  Hollande  et  dans  le  Nord,  avant  que  M.  de 
Croissy  l'envoyât  secrètement  en  Hollande.  Nommé  plénipotentiaire  d'a- 
bord, puis  ambassadeur  extraordinaire  au  congrès  de  Ryswyk  (1696- 
1697),  et  pourvu  d'une  charge  de  secrétaire  du  cabinet  le  7  mars  1698, 
il  eut  encore,  en  1700  et  1702,  diverses  missions  en  Lorraine,  mais  ne 
s'occupa  plus,  à  part  ces  voyages,  que  des  travaux  littéraires  et  philolo- 
giques qui  lui  avaient  valu,  en  1689,  un  fauteuil  à  l'Académie  française. 
On  trouvera  l'énumération  de  ses  ouvrages  dans  les  notices  biographi- 
ques que  lui  ont  consacrées  les  continuateurs  de  Moréri  et  son  ami 
Piganiol  de  la  Force,  auteur  de  la  Description  de  Paris.  Il  mourut  dans 
cette  ville,  le  5  mars  1717,  instituant  les  pauvres  de  l'Hôtel-Dieu  ses 
légataires  universels.  Voyez  plus  loin,  p.  293-301,  le  portrait  que  fait 
de  lui  Saint-Simon,  avec  qui  il  fut  très  lié  par  la  suite. 

2.  Dangeau  (tome  V,  p.  105,  404  et  422)  parle,  à  partir  de  1694, 
des  allées  et  venues  de  Callières  entre  Paris  et  la  Haye  ou  Amsterdam. 

3.  La  nomination  de  Callières  comme  envoyé  extraordinaire  et  plé- 
nipotentiaire fut  annoncée  à  Fontainebleau  le  7  octobre  1696  (Dcin- 
(jeau,  tome  VI,  p.  4). 

4.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  26  et  27.  La  déclara- 
tion officielle  fut  faite  le  9  novembre. 

5.  Honoré  Courtin,  seigneur  de  Chanteraine  et  des  Mesnuls,  pourvu 
d'abord  d'une  charge  de  conseiller  semestre  au  parlement  de  Rouen 
(1640),  avait  débuté  dans  la  diplomatie  en  accompagnant  son  parent 
d'Avaux  aux  conférences  de  Munster,  d'où  les  plénipotentiaires  l'en- 
voyèrent en  mission  auprès  de  l'électeur  de  Brandebourg.  A  son  retour 
d'Allemagne,  il  acquit  une  charge  de  maître  des  requêtes  (1649),  puis 
accompagna  le  cardinal  Mazarin  aux  conférences  de  1659,  eut  l'honneur, 
avec  M.  de  Mesmes,  tous  deux  comme  maîtres  des  requêtes,  de  signer 
le  contrat  de  mariage  du  Roi,  et  fut  commis  pour  le  règlement  des 
limites  de  la  France  du  côté  des  Pays-Bas  espagnols  (1660).  De  1663 
à  1665,  il  fit  les  fonctions  d'intendant  à  Amiens,  dans  les  Flandres  et  à 
Soissons.  Puis  il  alla,  comme  ambassadeur  extraordinaire,  à  Londres 
(10  mai-10  décembre  1665)  ;  comme  plénipotentiaire,  à  l'assemblée 
d'Heilbronn  (1666)  et  aux  conférences  de  Bréda  (1667)  ;  comme  ambas- 
sadeur, en  Hollande  et  eu  Suède  (1671-1673);  comme  plénipotentiaire 


MÉMOIRES 


[1696] 


Harlay,  conseil- 
ler d'État. 


Courtin, 

conseiller 

d'État. 


ce  dernier'  gendre  du  Chancelier,  et  Crécy  en  troisième': 
j'ai  déjà  fait  connoître  ce  dernier^. 

Harlay  avoit  déjà  été  inutilement  sur  les  frontières  de 
Hollande  '.  C'étoit  un  homme  d'esprit  et  fort  du  monde 
qui  avoit  été  longtemps  intendant  en  Bourgogne^  et  qui 
aimoit  le  faste.  Le  jugement  ne  répondoit  pas  à  l'esprit, 
et  il  étoit  glorieux  comme  tous  les  Harlay,  mais  il  ne 
tenoit  pas  tant  de  leurs  humeurs  et  de  leurs  caprices.  En 
général,  son  ambition  le  rendoit  poli  et  cherchant  à  plaire 
et  à  se  faire  aimer.  11  demeura  tôt  après,  et  avant  même 
de  partir,  premier  plénipotentiaire,  parce  que  Courtin, 
qui  perdoit  les  yeux,  s'excusa*"'. 

C'étoit  un  très  petit  homme,  bellot ',  d'une  figure  assez 
ridicule,  mais  plein  d'esprit,  de  sens,  de  jugement,  de 
maturité  et  de  grâces,  qui  avoit  vieilli  dans  les  négocia- 

au  congrès  de  Cologne  (1673-1674);  comme  ambassadeur,  de  nouveau 
en  Angleterre  (1676-1677).  Conseiller  d'État  semestre  en  1669,  con- 
seiller ordinaire  le  17  avril  1673,  sous-doyen  du  Conseil  en  novembre 
1693,  il  s'était  retiré  des  affaires  depuis  quelques  années.  Il  mourut 
doyen  du  Conseil,  le  27  décembre  1703,  à  soixante-dix-sept  ans.  C'est 
lui  qui  est  l'auteur  de  la  correspondance  intitulée  :  Journal  des  en- 
trevues.... dans  l'île  des  Faisans,  et  imprimée,  en  166a,  à  la  fin  de 
VHisioire  de  la  paix  des  Pyrénées,  de  G.  Gualdo  Priorato. 

1.  Nicolas-Auguste  de  Harlay-Bonneuil  :  voj^ez  notre  tome  II,  p.  83, 
note  6.  Ces  Harlay  étaient  des  petits-cousins  du  premier  président, 
d'une  branche  cadette. 

2.  Crécy  ne  fut  nommé  troisième  plénipotentiaire  que  le  20  décembre 
{Dangeau,  tome  VI,  p.  4o). 

3.  Tome  II,  p.  242-243,  à  propos  des  négociations  tentées  en  1694. 

4.  Voyez  le  même  tome  II,  p.  244-243,  et  ci-après,  p.  299,  note  7. 

3.  Quelques  lettres  de  'cet  intendant  à  Claude  le  Peletier  sont  im- 
primées dans  le  tome  I  de  la  Correspondance  des  contrôleurs  géné- 
raux. 

6.  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  37  et  44.  Comparez  les  Annales 
de  la  cour  et  de  Paris  pour  1697  et  169^,  éd.  1739,  tome  I,  p.  122. 

7.  «  Bellot,  diminutif  de  beau.  II  ne  se  dit  que  des  enfants.  »  [Dic- 
tionnaire de  l Académie,  1694  à  1762.)  Dans  la  3'  édition  disparaît  la 
restriction  ne.. ..que,  dont  déjà,  on  le  voit,  Saint-Simon  ne  tenait  pas 
compte.  —  R.  Nanteuil  peignit  et  grava  un  charmant  portrait  de  Cour- 
tin en  1668  ;  la  figure  est  un  peu  jeune  et  efféminée. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  ^281 

tions,  longtemps  ambassadeur  en  Angleterre,  et  qui  avoit 
plu  et  réussi  partout'.  Il  avoit  été  ami  intime  de  M.  de 
Louvois".  Le  Roi  lui  parloit  toutes  les  fois  qu'il  le  voyoit, 
et  le  menoit  même  quelquefois  à  Marly,  et  c'étoit  le  seul 
homme  de  robe  qui  eût  cette  privance^  et  la  distinction 

i.  Comparez  un  autre  portrait  de  Courtin,  plus  développé,  dans  le 
tome  IV,  p.  38-4-2.  Gourville,  qui  le  fréquenta  assidûment  pendant  les 
conférences  de  Bréda,  en  1666,  nous  dit  de  lui  :  «  M.  Courtin  avoit  tou- 
jours de  la  joie  et  l'inspiroit  aux  autres....  Il  étoit  l'âme  de  toutes  les 
délibérations  qui  se  prenoient,  étant  regardé  comme  un  homme  de 
très  bon  esprit  et  de  longue  expérience.  »  {Mémoires,  p.  o43.)  M.  Ca- 
mille Rousset  le  considère,  d'après  sa  correspondance  avec  Louvois, 
comme  plus  intelligent  que  les  autres  plénipotentiaires  de  cette  époque 
et  connaissant  mieux  que  personne  la  situation  et  les  intérêts  de  chacun 
des  États  européens.  Les  lettres  de  Courtin,  dit-il,  sont  remarquables 
de  style,  et  surtout  de  franchise,  de  dignité;  on  peut  les  comparer,  sous 
ce  rapport,  à  celles  de  Vauban,  de  Chamlay,  de  Catinat,  de  Bellefonds, 
et  elles  témoignent  aussi  d'un  sincère  attachement  à  Louvois.  {Histoire 
de  Louvois,  tome  I,  p.  463  et  suivantes.)  M.  Mignet  a  rendu  également 
hommage  à  l'habileté  déployée  par  Courtin  dans  ses  diverses  missions, 
en  Suède,  à  Cologne  et  en  Angleterre.  {Négociations  relatives  à  la  suc- 
cession d'Espagne,  tome  III,  p.  347-376,  et  tome  IV,  p.  141  et  sui- 
vantes, 271-280,  430-448,  476-302.)  Courtin  était  de  la  société  de 
Mme  de  Sévigné;  on  trouve  dans  le  recueil  de  M.  Capmas,  tome  I, 
p.  339-360,  une  lettre  à  Mme  de  Grignan  écrite  en  partie  par  lui,  et 
en  partie  par  la  marquise. 

2,  Cette  liaison  avec  Louvois  aboutit  à  une  hostilité  déclarée  entre 
l'ambassadeur  et  son  secrétaire  d'État,  M.  de  Pomponne,  qui,  jusque- 
là,  appréciait  et  reconnaissait  l'habileté  de  Courtin.  Voyez  une  lettre 
de  celui-ci  à  Louvois  et  la  réponse  de  Louvois,  relatives  aux  négocia- 
tions de  1673,  dans  la  Correspondance  administrative  sous  le  règne  de 
Louis  XIV,  tome  IV,  p.  743-748. 

3.  Le  marquis  de  Sourches  écrivait,  en  aoiit  1683  {Mémoires,  éd. 
Bernier,  tome  I,  p.  262)  :  «  La  foule  de  gens  qui  y  venoient  importu- 
nant le  Roi  dans  un  aussi  petit  lieu  que  Marly,  il  défendit  que  personne 
n'y  vînt  sans  lui  en  avoir  demandé  permission,  donnant  par  là  exclusion 
aux  gens  de  moindre  étoffe,  qui  n'osoient  la  lui  demander,  et  ne  la 
refusant  à  aucun  homme  de  condition.  »  Selon  les  Mémoires  du  duc 
de  Luynes  (tome  XII,  p.  432),  ce  fut  seulement  en  mai  1733  que  le 
Chancelier  et  le  Garde  des  sceaux  furent  portés  sur  la  liste  de  Marly 
et  y  eurent  un  logement.  Quoique  Saint-Simon  ne  cite  ici  que  doux 
exceptions  à   la  consigne  établie  par  Louis  XIV,  il  y  en  eirt  quelques 


i 


282  MÉMOIRES  I169G] 

oncore  de  paroître  devant  le  Roi  et  partout  sans  manteau, 
comme  les  ministres\  Peletier  de  Souzy^,  frère  du  mi- 
nistre^, l'usurpa  à  son  exemple  depuis  que  le  Roi  lui  eut 

autres,  notamment  en  faveur  du  président  de  Maisons,  considéré  comme 
un  voisin  de  campagne,  et  de  M.  Nicolay,  premier  président  de  la 
Chambre  des  comptes  de  Paris,  qui,  avant  de  prendre  la  robe,  avait 
servi  dans  les  mousquetaires.  Cette  faveur  fut  maintenue  pour  les  Ni- 
colay de  génération  en  génération;  en  1766,  le  comte  de  Noailles 
écrivait  au  premier  président  de  ce  nom  :  «  Le  Roi  vous  continue, 
Monsieur,  la  permission  qu'il  vous  a  donnée  de  venir  à  Marly.  Vous 
pouvez  y  amener  Monsieur  votre  tils.  Quoiqu'il  n'ait  pas  les  mêmes 
droits  encore,  S.  M.  le  trouve  bon.  Vous  savez  qu'on  n'y  vient  pas  en 
robe,  mais  en  manteau  court.  C'est  au  lever  du  Roi....  »  {Pièces  justi- 
ficatives pour  servir  à  l'histoire  des  premiers  présidents  de  la  Chambre 
des  comptes  de  Paris,  publiées  par  A.  de  Boislisle,  n°  833.)  Mais  on 
voit  que  cette  exception  ne  comportait  pas  le  logement  et  le  coucher 
dans  un  des  pavillons  de  Marly. 

■l.  Comparez  les  détails  plus  complets  donnés  dans  la  suite  des 
Mémoires,  tome  IV,  p.  38-39.  Ailleurs  encore  (tome  VI,  p.  267),  Saint- 
Simon  dira  que,  contrairement  aux  façons  d'agir  de  son  parent  d'Avaux, 
Courtin  reprenait  toujours  le  costume  de  robe  en  revenant  d'ambassade. 

2.  Michel  le  Peletier  de  Souzy,  né  à  Paris  le  3  juillet  1640,  débuta 
au  barreau,  puis  fut  pourvu  d'une  charge  d'avocat  du  Roi  au  Châtelet 
(1660)  et  devint  conseiller  au  Parlement  (1666),  intendant  en  Franche- 
Comté  (février  4668)  et  en  Flandre  (juin  de  la  même  année),  et  con- 
seiller d'État  semestre  (17  juin  1683).  Lorsque  son  frère  aîné  eut  le 
Contrôle  général,  il  lui  fut  adjoint,  en  1684,  avec  une  commission 
d'intendant  des  finances,  qu'il  conserva  jusqu'en  1701.  En  outre,  il 
remplit  les  fonctions  de  directeur  général  des  fortifications,  à  la  place 
de  Louvois,  de  1691  à  1715,  fut  fait  conseiller  d'État  ordinaire  en  no- 
vembre 1693,  et  entra  au  conseil  des  flnances  en  octobre  1702,  quand 
sa  commission  d'intendant  eut  été  supprimée.  Il  fut  membre  des  con- 
seils de  régence  et  des  finances  pendant  la  minorité  de  Louis  XV,  et 
mourut  le  10  décembre  1723.  Voyez  son  article  dans  le  Moréri  et  son 
éloge  dans  le  tome  VII,  p.  369,  des  Mémoires  de  V Académie  des  inscrip- 
tions, dont  il  fut  nommé  membre  honoraire  en  1701.  En  1666,  il  avait 
suivi  Courtin  aux  conférences  de  Bréda  :  c'était  alors  l'usage  que  beau- 
coup de  jeunes  gens  des  grandes  familles  de  robe  fissent  de  ces  voyages 
à  la  suite  des  ambassadeurs. 

3.  Claude  le  Peletier,  contrôleur  général  et  ministre  d'État,  dont  le 
nom  a  déjà  été  prononcé  ci-dessus,  p.  142,  et  que  nous  retrouverons 
dans  le  tome  suivant,  à  l'année  1697. 


11696]  DE  SAINT-SIMON.  2R8 

donné  les  fortifications \  à^  la  mort  de  M.  de  Louvois,  qui 
le  faisoient  aller  à  Marlj,  mais  seulement  coucher  deux 
nuits,  pour  ses  jours  d'y  travailler^  avec  le  Roi^ 

Pour  mieux  faire  connoitre  ces  deux  hommes,  qui  ont 
tant  influé  au  dehors,  surtout  Courtin,  aux  principales        Couitin, 
affaires",  j'en  veux  rapporter  deux  aventures  de  leur  vie.      "'^Jj'^^y  ^^'® 
Tous  deux  étoient  amis  de  M.  de  Chaulnes".  Courtin  étant       chaulnes. 
intendant'  en  Picardie ^  M.  de  Chaulnes"  lui  recommanda    [Add.S'-S.  i8-'>] 

•1.  La  direction  des  fortifications  était  alors  partagée  entre  les  deux 
secrétaires  d'État  de  la  guerre  et  de  la  marine  :  voyez  un  chapitre  de 
l'Histoire  de  Colbert  et  de  son  administration,  par  P.  Clément,  tome  II, 
p.  160-194. 

2.  Cet  à  remplace  un  et,  écrit  d'abord. 

3.  Emploi  à  remarquer,  et  dont  l'Académie  ne  donne  pas  d'exemple, 
d'un  infinitif,  au  lieu  d'un  nom,  après  jour  de. 

4.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  éd.  1873,  tome  I,  p.  471,  et 
tome  II,  p.  222.  Le  Journal  de  Dangeau  parle  très  souvent  de  ce  travail 
de  M.  de  Souzy  avec  le  Roi,  qui  se  faisait  le  lundi,  après  dîner. 

5.  De  cet  emploi  insolite  d'à,  au  lieu  de  sur,  après  influer,  au  figuré, 
on  peut  rapprocher  un  exemple  de  Bossuet,  d'influer  avec  y  (à  cela), 
cité  par  M.  Littré  à  l'article  de  ce  verbe,  1°. 

6.  On  a  déjà  parlé  des  ambassades  de  M.  de  Chaulnes.  Courtin  fut, 
dans  la  suite,  plénipotentiaire  avec  ce  duc  et  Barrillon  au  congrès  de 
Cologne,  en  1673  (voyez  ci-dessus,  p.  101,  note  7,  et  279,  note  5),  et 
Dangeau  nous  le  montre,  en  1685  {Journal,  tome  I,  p.  163),  négociant 
la  vente  de  la  terre  de  Magny  au  nom  du  duc. 

7.  Comme  Saint-Simon  reviendra  plus  d'une  fois  sur  l'administration 
des  intendants,  et  particulièrement  sur  leur  rôle  dans  la  répartition  de 
l'impôt,  dont  il  va  indiquer  ici  certaines  conséquences  très  graves,  nous 
croyons  bon  de  traiter  ces  deux  sujets,  une  fois  pour  toutes,  dans  une 
notice  qu'on  trouvera  à  l'Appendice,  n°  XXV. 

8.  Il  occupa  ce  poste  de  1663  à  1663:  voyez  les  Intendants  de  la  gé- 
néralité d'Amiens  {Picardie  et  Artois),  par  le  baron  de  Boyer  de  Sainte- 
Suzanne,  p.  114-118. 

9.  Le  duc  et  la  duchesse  de  Chaulnes  avaient  presque  autant  d'au- 
torité en  Picardie  que  dans  leur  gouvernement  de  Bretagne,  et  Mme  de 
Sévigné,  visitant  les  terres  dont  va  parler  Saint-Simon,  admira  beau- 
coup cette  situation.  «  Mme  de  Chaulnes,  écrivait-elle  à  la  comtesse 
de  Grignan,  est  honorée  et  révérée  à  Amiens  comme  vous  l'êtes  en 
Provence  ;  je  n'ai  jamais  vu  que  cela  de  pareil.  »  {Lettres,  tome  IX, 
p.  32.) 


284  MÉMOIRES  [1696] 

fort  ses  belles  terres  de  Chaiilnes',  Magny-  et  Picquigiiy^, 
qui  sont  d'une  grande  étendue,  et  Courtin  ne  put  lui 
refuser  le  soulagement  qu'il  demandoit.  La  tournée  faite, 
M.  de  Chaulnes  fut  fort  content,  et  il  espéra  que  cela  con- 
tinueroit  de  même;  mais  Courtin,  venu  à  l'examen  de  ses 

4.  Chaulnes  (aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  du  département  de  la 
Somme,  arrondissement  de  Péronne)  était  un  ancien  comté,  venu  à 
Honoré  d'Albert,  frère  du  connétable  de  Luynes,  par  son  alliance  avec 
Charlotte  d'Ailly,  et  érigé  en  duché-pairie  à  son  profit,  par  lettres  du 
mois  de  janvier  1621.  Les  mouvances  en  étaient  peu  considérables; 
mais  le  revenu  s'élevait  à  vingt  mille  livres,  selon  le  Mémoire  de  la 
généralité  d'Amiens  (1698),  à  vingt-cinq  mille,  selon  le  Journal  de  Dan- 
geau  (tome  I,  p.  164).  On  y  voit  encore  des  restes  du  château  que  visita, 
en  1689,  Mme  de  Sévigné,  et  qu'elle  a  décrit,  ainsi  que  les  jardins  et 
le  pays  d'alentour  (Lettres,  tome  IX,  p.  22).  Chaulnes  faisait  partie  de 
la  généralité  d'Amiens,  élection  de  Péronne. 

2.  Magny,  aujourd'hui  Guiscard  (département  de  l'Oise,  arrondisse- 
ment de  Compiègne),  n'était  pas  de  la  généralité  d'Amiens,  mais  de 
celle  de  Soissons,  élection  de  Noyon;  il  est  vrai  que  Courtin  était 
chargé  en  même  temps  des  deux  généralités.  Lorsque  le  second  due 
de  Chaulnes,  en  1685,  liquida  ses  dettes,  Magny  fut  proposé  au  duc  du 
Maine  par  l'intermédiaire  de  Courtin,  comme  nous  l'avons  dit,  et  de 
Louvois,  moyennant  sept  cent  trente  mille  livres  et  quinze  cents  louis 
de  pot-de-vin  ;  mais  le  marché  manqua  [Dangcau,  tome  1,  p.  163  et 
179  ;  Sourches,  éd.  1881,  tome  I,  p.  212).  Ce  fut  le  comte  de  Guiscard 
qui  se  rendit  acquéreur,  sur  le  duc  de  Chevreuse,  en  octobre  1698, 
pour  cinq  cent  quarante  mille  livres,  et  il  obtint  l'érection  de  cette 
terre  en  marquisat  de  Guiscard,  au  mois  de  janvier  1703,  pour  sa  fille. 
Toutes  charges  déduites,  le  produit  annuel  était  de  vingt-deux  mille 
livres  (Dangeau,  tomes  VI,  p.  447,  et  IX,  p.  84);  il  y  avait  un  beau 
château,  avec  parc,  jardins  et  eaux  courantes.  Plusieurs  fois  la  cour  s'y 
était  arrêtée  en  allant  aux  frontières. 

3.  Picquigny  (chef-lieu  de  canton  du  département  de  la  Somme, 
arrondissement  d'Amiens),  autrefois  Pecquigny,  était  une  très  ancienne 
baronnie  jointe  au  vidamé  d'Amiens  et  relevant  de  l'évêché.  Les  d'Al- 
bert tenaient  cette  terre,  de  même  que  Chaulnes  et  Magny,  de  l'héritière 
de  la  maison  d'Ailly.  Ses  mouvances  étaient  extrêmement  considérables  : 
on  y  comptait  environ  sept  cents  fiefs,  et  le  revenu  était  de  vingt  mille 
livres,  selon  le  Mémoire  de  la  généralité  d'Amiens,  ou  de  trente-deux 
mille,  selon  le  Journal  de  Dangeaxi  (tome  I,  p.  163).  Mme  de  Sévigné  a 
décrit  le  château  dans  une  lettre  du  27  avril  1689.  Picquigny  faisait 
partie  de  l'élection  d'Amiens.  Louis  XV  l'érigea  en  duché   en  1762. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  ■  28S 

impositions,  trouva  qu'il  avoit  fort  surchargé  d'autres* 
élections^  de  ce  qu'il  avoit  ôté  aux  terres  de  M.  deChaul- 
nes.  Cela  alloit  loin.  Le  scrupule  lui  en  prit;  il  n'en  fit  pas 
à  deux  fois  :  il  rendit  du  sien  ce  qu'il  crut  avoir  imposé 
de  trop  à  chaque  paroisse  par  le  ^soulagement  qu'il  avoit 
fait  à  celles  de  M.  de  Chaulnes',  et  quitta  l'intendance 
sans  que  le  Roi  l'y  pût  retenir. 

Le  Roi  avoit  tant  de  confiance  en  lui  pour  les  affaires 
de  la  paix^,  qu'il  le  pressa  de  demeurer  plénipotentiaire, 
en  consentant  que  Mme  de  Varangeville*',  sa  fille,  en  eût 
le  secret  et  écrivît  tout  sous  lui  ;  mais  il  ne  put  se  ré- 
soudre au  voyage  ni  au  travaiP.  Avec  ses  yeux,  sa  santé 

1.  D'autres  est  écrit  en  interligne,  au-dessus  de  des,  biffé. 

"i.  Chaque  généralité,  dans  les  pays  de  taille,  était  divisée  en  un  cer- 
tain nombre  de  circonscriptions,  pourvues  chacune  d'un  tribunal  d'élec- 
tion, qui  connaissait  des  matières  relatives  à  la  répartition,  au  recou- 
vrement et  au  contentieux  de  l'impôt.  En  1700,  la  généralité  d'Amiens 
comptait  six  élections,  et  celle  de  Soissons  sept. 

3.  Par  remplace  et  ser,  et  le  est  écrit  en  interligne. 

4.  Nous  donnerons  l'explication  de  tous  ces  procédés  administratifs 
dans  l'appendice  n°  XXV. 

5.  La  paix  qu'on  allait  négocier  en  Hollande  ;  Saint-Simon  reprend 
son  récit  sans  nous  prévenir  que  la  digression  est  finie. 

6.  Charlotte-Angélique  Courtin  avait  été  mariée,  le  6  octobre  1678, 
à  Jacques  Roque,  seigneur  de  Varangeville,  ambassadeur  à  Venise  et 
secrétaire  des  commandements  du  duc  d'Orléans.  Veuve  depuis  1692, 
elle  ne  mourut  que  le  6  mars  1732,  à  soixante  et  onze  ans.  Mme  de 
Varangeville  habitait,  avec  son  père,  une  petite  maison  de  Meudon,  qui 
leur  était  utile  à  cause  du  voisinage  de  Châville  et  des  le  Tellier,  et 
dont  la  proximité  l'avait  mise  aussi  en  relations  familières  avec  Mon- 
seigneur. {Journal  de  Dancjeau,  tome  V,  p.  436.) 

7.  Comparez  les  tomes  III,  p.  206,  et  IV,  p.  39,  des  Mémoires,  éd. 
1873,  et  le  Chansonnier,  ms.  Fr.  12  692,  p.  194.  Le  P.  Léonard  a  con- 
signé ces  faits  dans  plusieurs  de  ses  portefeuilles  (Arcb.  nat.,  M  737, 
p.  o8-59;  M  763,  et  MM  824,  fol.  90).  Dans  le  premier  recueil,  à  la 
date  du  mois  de  février  1698,  il  s'exprime  ainsi  :  «  M.  Courtin,  sous- 
doyen  des  conseillers  d'État  ordinaires,  alla  à  Versailles  porter  à  signer 
au  Roi  le  contrat  de  mariage  de  sa  petite-fille,  Mlle  de  Varangeville,  avec 
M.  le  marquis  de  Poissy,  fils  de  M.  de  Maisons,  président  à  mortier. 
S.  M.  lui  demanda  des  nouvelles  de  ses  yeux,  dont  il  est  incommodé 


286  MÉMOIRES  [16961 

diminuoit;  il  avoit  été  fort  galant'  et  avoit  passé  toute  sa 
vie  dans  les  affaires  et  dans  le  plus  grand  monde,  où  il 
étoit  fort  goûté,  et  il  voulut  absolument  mettre  un  inter- 
valle entre  la  vie  et  la  mort.  Aussi  ne  parut-il  guère  de- 
puis, et  demeura  fort  retiré  chez  lui  ^. 

M.  d'Harlay^,  avec  une  figure  de  squelette  et  de  spectre  *, 

depuis  quelques  années.  Après  avoii'  répondu  que  sa  vue  étoit  toujours 
en  mauvais  état,  le  Roi,  se  tournant  vers  le  monde,  dit  tout  haut  :  «Voilà 
«  des  yeux  qui  me  coûtent  bien  cher,  etc.  »  ;  voulant  dire  que,  si  M.  Courtin 
avoit  été  en  état  d'aller  aux  conférences  de  Ryswyk  pour  la  paix,  il 
auroit  mieux  ménagé  les  intérêts  de  la  France  que  n'ont  pas  fait  les 
autres  plénipotentiaires  que  S.  M.  y  a  envoyés.  Le  Roi  avoit  nommé, 
le  9  octobre  1696,  M.  Courtin  pour  son  premier  plénipotentiaire.  Il 
voulut  s'en  excuser  sur  son  incommodité  des  yeux  :  le  Roi  lui  dit  qu'il 
avoit  plus  besoin  de  son  esprit  que  de  sa  vue  ;  mais,  les  passeports 
n'ayant  pas  été  expédiés,  et  son  mal  étant  augmenté  à  la  fin  de  no- 
vembre, il  supplia  le  Roi  de  le  dispenser  de  cet  emploi.  On  tient  jiour 
assuré  qu'il  prétexta  de  cette  incommodité  parce  qu'il  prévit  bien,  selon 
les  instructions  qu'on  avoit  commencé  à  lui  donner,  que  la  paix  ne  seroil 
pas  honorable  à  la  France  et  que  le  roi  d'Angleterre,  Jacques  II,  ne 
seroit  pas  rétabli  :  ce  qui  le  chagrinoit,  ayant,  depuis  son  ambassade 
en  Angleterre ,  d'étroites  liaisons  avec  ce  prince,  dont  il  est  fort  consi- 
déré et  qu'il  va  voir  souvent  à  Saint-Germain-en-Laye.  »  —  On  estima  à 
deux  millions  la  perte  causée  par  la  faute  que  fit  le  plénipotentiaire 
Harlay  en  consentant  trop  tôt  à  faire  revenir  les  armées  du  territoire 
ennemi,  alors  qu'il  n'y  avait  point  de  magasins  préparés  sur  les  fron- 
tières. Courtin,  bien  plus  versé  dans  les  calculs  de  la  diplomatie,  n'eût 
point  commis  un  pareil  mécompte.  (Papiers  du  P.  Léonard,  M  763.) 

1.  Ici,  et  six,  puis  encore  treize  lignes  plus  loin,  et  à  la  page  288, 
comme  ci-dessus,  p.  21,  67  et  122,  galant  est  écrit  par  un  t,  tandis 
qu'il  l'est  par  un  d  aux  pages  184  et  239. 

2.  Nous  le  verrons  bientôt,  en  1697,  refuser  une  place  de  membre  du 
conseil  des  finances.  Sa  cécité  devenant  presque  complète,  il  voulut, 
en  1701,  rendre  les  bureaux  qu'il  avait  au  Conseil,  et  qui  étaient  d'un 
assez  gros  produit  ;  mais  le  Roi  le  maintint  partout,  «  soit  qu'il  pût 
travailler  ou  non.  »  (Journal  de  Dancjeau,  tome  VIII,  p.  211.) 

3.  On  a  vu  plus  haut  ce  nom,  qui  commence  ici  et  mainte  fois  dans 
les  pages  qui  vont  suivre  par  une  h  muette,  écrit  mainte  fois  aussi 
par  une  h  aspirée  (tome  II,  p.  S3,  241  et  24S). 

4.  Comparez  notre  tome  II,  p.  24S,  et  voyez  une  plaisanterie  du 
'  gros  »  Rarrillon  dans  les  Letlrea  de  Mme  de  Sévkjné,  tome  VIII,  p.  412. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  "181 

étoit  galant  aussi.  Le  chancelier  Boucherat,  son  beau- 
père',  étoit  ami  intime  de  M.  deChaulnes^  et  M.  deChaul- 
nes,  au  temps  de  cette  aventure,  étoit  aux  couteaux  tirés^ 
avec  M.  de  Pontchartrain,  premier  président  du  parlement 
de  Rennes^  :  tous  deux  en  Bretagne,  et  tous  deux  remuant 
l'un  contre  l'autre  tout  ce  qu'ils  pouvoient  à  la  cour,  à 
qui  auroit  le  dessus  dans  leurs  prétentions".  Pontchartrain 

1.  Harlay  avait  épousé  Mlle  Boucherat  le  22  décembre  1670  :  voyez 
le  Journal  cC Olivier  d'Ormesson,  tome  II,  p.  606. 

2.  Il  se  trouvait  ainsi  êlre  de  la  société  de  Mme  de  Sévigné  ;  mais  on 
voit,  par  les  lettres  de  celle-ci  (tome  IV,  p.  211  et  238),  que  Boucherat 
et  Harlay,  en  1673,  eurent  une  mission  auprès  des  États  de  Bretagne, 
qui  dut  déplaire  beaucoup  à  M.  de  Chaulnes.  Harlay,  qui  s'était  déjà 
fort  bien  acquitté  de  pareil  emploi  aux  États  de  1673,  comme  commis- 
saire royal,  y  retourna  encore  en  1689,  et  eut  un  véritable  succès  d'élo- 
quence {ibidem,  tome  IX,  p.  279). 

3.  Au  lieu  de  cette  locution  proverbiale  bien  connue,  et  que  nous 
avons  déjà  rencontrée  (tome  I,  p.  227),  signifiant  «  être  en  querelle, 
en  inimitié  ouverte,  »  nous  trouverons  plus  tard  (tome  VI,  p.  380)  aux 
couteaux,  sans  tirés.  On  disait  dans  le  même  sens  :  «  être  aux  épées  et 
aux  couteaux  »  ;  voyez,  dans  la  correspondance  de  Mme  de  Sévigné,  une 
lettre  de  son  fils  (tome  IV,  p.  338).  Furetière  donne,  dès  1690,  à  (pour 
aux)  couteaux  tirés,  que  l'Académie  n'admet,  comme  substitut  facultatif 
de  l'autre  tour,  qu'à  partir  de  sa  6°  édition  (1835). 

4.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  tome  I,  p.  52,  note  2,  Louis  Phélypeaux 
de  Pontchartrain  avait  occupé  ce  poste  de  premier  président  de  1677 
à  1687,  avant  d'être  rappelé  à  Paris  par  le  contrôleur  général  le  Pelelier, 
et,  comme  il  n'y  avait  pas  encore  d'intendant  en  Bretagne,  il  en  faisait 
toutes  les  fonctions.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  II,  éd.  1873, 
p.  224-225,  et  l'Addition  à  Dangeau  du  30  juin  1714,  tome  XV,  p.  177. 

5.  Comparez  la  suite  des  Mémoires,  tome  II  de  1873,  p.  225.  —  On 
trouve  une  allusion  à  cette  rivalité  dans  un  passage  des  Mémoires  du 
marquis  de  Sourclies  écrit  à  propos  du  remplacement  de  M.  de  Cau- 
marlin  par  M.  de  Fieubet,  comme  commissaire  du  Roi  aux  États  de 
Bretagne  de  1683  (éd.  Bernier,  tome  I,  p.  199-200)  :  «....  La  raison  de 
cela  étoit  que,  M.  le  Chancelier  s'étant  déclaré  ouvertement  contre  M.  le 
duc  de  Chaulnes,  gouverneur  de  Bretagne,  il  avoit  trouvé  mauvais  que 
M.  de  Caumartin  eut  de  grandes  liaisons  avec  ce  duc...  M.  de  Fieubet 
lui  paroissoit  plus  propre  à  ses  intentions,  n'ayant  pas  de  liaison  avec 
M.  de  Chaulnes  et  en  ayant  beaucoup  avec  M.  de  Pontchartrain,  pre- 
mier président  du  parlement  de  Bretagne,  petit  homme  d'un  grand 


-288  MÉMOIRES  11696] 

étoit  aussi  fort  galant*,  et  il  avoit  à  Paris  un  commerce 
de  lettres  avec  une  femme  avec  qui  il  étoit  fort  bien^,  et 
qui  avoit  la  confiance  de  tous  ses  ressorts  contre  M.  de 
Chaulnes.  Le  diable  fit  qu'Harlay  devint  amoureux  de  cette 
même  femme,  et  qu'elle  crut  tout  accommoder  en  ne  se 
rendant  pas  cruelle  au  nouvel  amant,  pour  mieux  servir 
l'autre.  Le  Chancelier  étoit  instruit  de  tout  par  M.  de 
Chaulnes;  il  étoit  déclaré  pour  lui  contre  Pontchartrain. 
Tout  ce  qui  se  tramoit  pour  l'un  contre  l'autre  se  pas- 
soit  sous  les  yeux  de  Boucherat,  et  fort  souvent  par 
son  ministère.  Il  aimoit  passionnément  Mme  d'Harlaj,  sa 
fille,  et  ne  cachoit  rien  à  Harlay,  qui  logeoit  avec  lui*. 
L'amour  corrompit  ce  dernier  jusqu'à  livrer  son  ami  à  sa 

mérite,  de  beaucoup  d'esprit  et  d'une  égale  ambition,  lequel,  ayant 
été  mis  fort  jeune  à  la  tète  de  ce  parlement,  et  peut-être  par  les  soins 
de  M.  de  Chaulnes,  qui  s'étoit  imaginé  le  gouverner  à  sa  fantaisie, 
crovoit  avoir  eu  depuis  de  grands  sujets  de  se  plaindre  de  ce  duc, 
et,  s' étant  soustrait  à  sa  domination,  avoit  cherché  l'appui  de  M.  le 
Chancelier,  par  le  moyen  de  M.  le  Contrôleur  général.  Son  mérite  et 
les  intentions  de  M.  le  Chancelier  contre  M.  le  duc  de  Chaulnes  lui 
avoient  ouvert  toutes  les  portes  de  ce  côté-là,  et  il  étoit  alors  un  grand 
acteur  pour  contrecarrer  en  toutes  choses  les  desseins  de  M.  de  Chaul- 
nes, quoique,  en  apparence,  ils  vécussent  ensemble  comme  s'ils  eussent 
été  encore  bons  amis.  »  —  Effectivement  deux  lettres  de  M.  de  Pont- 
chartrain au  ministre  le  Peletier,  publiées  dans  le  tome  I  de  la  Corres- 
pondance des  contrôleiirs  généraux,  n""  lOo  et  197,  le  montrent  «  con- 
trecarrant en  toutes  choses  »  les  propositions  et  les  idées  de  M.  de 
Chaulnes.  Dans  le  Sévigné,  tome  IX,  p.  4o,  68  et  2o4,  on  voit  que 
Mme  de  Marbeuf  fut  longtemps  brouillée  avec  les  Chaulnes,  comme 
coupable  «  d'avoir  reçu  M.  de  Pontchartrain  chez  elle,  de  lui  avoir  donné 
un  souper  magnifique,  et  d'avoir  dit  qu'on  le  regardoit  comme  le  sau- 
veur et  le  restaurateur  de  la  province.  »  La  marquise  elle-même  avait 
peine  à   se  maintenir  en  bons  termes  avec  les  deux  partis. 

•1.  Saint-Simon  dira  plus  tard  :  «  Pontchartrain,  né  galand  (sic)  et  avec 
un  feu  et  une  grâce  dans  l'esprit  que  je  n'ai  point  vus  dans  aucun  autre, 
si  ce  n'est  en  Monsieur  de  la  Trappe,  se  distinguoit  dans  les  ruelles 
et  les  sociétés  à  sa  portée....  »  (Mémoires,  éd.  1873,  tome  II,  p.  224.) 

2.  «  Une  femme  considérable  de  la  robe,  »  dit  Saint-Simon  dans 
l'Addition  n"  184. 

o.  L'hôtel  du  Chancelier  était  dans  la  rue  Saint-Louis,  au  Marais. 


[I696J  DE  SAINT-SIMON.  "289 

maîtresse  et  à  lui  rendre  compte  de  tout  ce  qui  se  pas- 
soit  de  plus  secret  contre  Pontchartrain. 

Ce  manège  eut  à  peine  duré  deux  ou  trois  mois,  qu'il 
se  présenta  une  question  fort  importante  pour  les  deux 
ennemis,  sur  laquelle  tous  lés  ressorts  furent  mis  en 
mouvement  de  part  et  d'autre.  Au  plus  fort  de  ces  intri- 
gues, Harlay  vint  de  Versailles  descendre  chez  sa  dame, 
qui  trouva  son  récit  si  important,  qu'elle  exigea  de  lui  de 
mettre  par  écrit  toute  sa  découverte,  tandis  qu'elle  écri- 
roit  à  part  à  Pontchartrain,  pour  ne  lui  pas  envoyer  un 
volume  sous  la  même  enveloppe.  Harlay  étoit  las  :  il  fal- 
lut obéir  et  écrire  chez  cette  femme  ;  l'écriture  fut  longue 
et  détaillée,  le  cabasset  '  s'échauffa,  sa  tète  se  remplit  du 
nom  de  M.  de  Chaulnes,  tellement  et  si  bien  qu'il  cachette 
sa  lettre,  mit^  le  dessus^  à  M.  de  Chaulnes  au  lieu  de  M.  de 
Pontchartrain,  et,  comme  il  étoit  jour  de  poste*  et  que 
l'heure  pressoit,  s'en  va  et  la  donne  à  un  laquais  pour  la 
mettre  à  la  poste,  et  se  couche  très  fatigué  '°.  On  peut 
juger  de  la  surprise  de  M.  de  Chaulnes,  qui  connoissoit 
parfaitement  l'écriture  de  M.  d'Harlay,  sur  l'amitié  intime 
et  le  secours  duquel  il  comptoit  en  tonte  confiance,  et 
personnellement  et  par  rapport  au  Chancelier,  quand  il 

1.  «  Cabasset  (da.ns  le  manuscrit  cabacet),  vieux  mot,  qui  signifioit  une 
arme  défensive  qui  couvroit  la  tête....  On  dit  proverbialement  qu'un 
homme  a  bien  du  bon  sens  ou  de  la  malice  sous  son  cabasset,  pour 
dire  dans  sa  tète.  »  {Fitretière,  1690.)  M.  Littré,  citant  de  ce  passage 
des  Mémoires  une  leçon  qui  diffère,  non  pas  seulement  de  la  nôtre, 
c'est-à-dire  du  manuscrit  autographe  et  unique,  mais  même  de  l'é- 
dition à  laquelle  il  nous  renvoie,  propose  une  interprétation  au  sens 
figuré,  que  le  vrai  texte  ne  comporte  point. 

2.  Saint-Simon  a  corrigé  met  en  7nit,  par  inadvertance  sans  doute, 
laissant  les  autres  verbes  à  l'indicatif. 

3.  Mot  fréquent  autrefois  au  sens  d'adresse  :  voyez  le  Lexique  de 
Mme  de  Sévignc. 

4.  Les  départs  de  la  poste  aux  lettres  n'étaient  point  quotidiens  :  de 
Paris  pour  la  Bretagne,  ils  avaient  lieu  le  lundi,  le  mercredi  et  le  samedi. 

5.  Dans  le  récit  de  l'.^ddition  n°  184,  c'est  l'amie  qui  se  charge  de 
fermer  et  cacheter  la  dépêche. 

MÉMOIRES   DE    SAINT-SIMON.    III  19 


290  MÉMOIRES  [1696J 

se'  vit  trahi  de  la  sorte,  et  la  douleur  de  Pontchartrain 
de  ne  point  recevoir  les  avis  importants  d'Harlaj  annon- 
cés par  la  lettre  de  son  amie.  Ils  ne  surent  ce  que  la 
lettre  étoit  devenue  ;  mais  Harlay  se  souvint  de  sa  mé- 
prise, fut  outré,  mais  n'osa  "^  en  avertir. 

Le  voilà  dans  une  peine  étrange  de  la  juste  colère  de 
M.  de  Chaulnes  et  de  l'usage  qu'il  feroit  de  sa  trahison. 
Il  se  voyoit  perdu  auprès  de  son  beau-père,  et,  pour  le 
monde,  dans  un  prédicament^  à  le  noyer  et  en  même 
temps  bien  ridicule  à  son  âge*.  Son  parti  fut  le  silence  et 
d'attendre  la  bombe^.  M.  de  Chaulnes,  de  son  côté,  sut 
profiter  d'une  si  lourde  méprise,  et  ne  sut  pas  moins  n'en 
faire  aucun  semblant.  Harlay,  aux  écoutes,  trembloit  à 
chaque  ordinaire''  de  Bretagne,  et  respiroit  jusqu'au  sui- 
vant; mais  il  transit  lorsqu'il  sut  M.  de  Chaulnes  en  che- 
min de  Paris.  11  avoit  accoutumé,  les  premiers  jours  de 
ses  retours  à  Paris,  de  donner  à  dîner  au  Chancelier  et  à 
sa  famille,  avec  quelques  amis  les  plus  particuliers.  Jus- 

1.  La  première  lettre  de  se  est  un  v[it],  corrigé  en  s. 

2.  Il  y  a  ici  du  tâtonnement  dans  le  manuscrit.  Il  semble  que  Saint- 
Simon  avait  commencé  par  écrire  n'o[sa],  sans  mais,  puis  qu'il  a  mis, 
en  surchargeant  ces  initiales,  mais  il;  et  enfin  il  a  corrigé  définitive- 
ment il  en  no[sa]. 

3.  Prédicament,  terme  de  logique,  signifiant  «  attribut  »  et  «  caté- 
gorie » ,  se  disait  familièrement  dans  le  sens  de  «  bonne  ou  mauvaise 
réputation  »,  et  nous  le  retrouvons  dans  une  Addition  sur  le  marquis 
de  Termes,  Journal  de  Dangeau,  19  février  1688,  tome  II,  p.  MO. 
Jean-Jacques  Rousseau  a  encore  employé  plusieurs  fois  le  mot  dans 
cette  acception. 

4.  Ce  membre  de  phrase  :  «  et....  âge  »,  a  été  ajouté  en  interligne. 

5.  Les  dictionnaires  de  la  fin  du  dix-septième  siècle  n'indiquent  pas 
cette  expression  métaphorique,  qui,  bien  que  d'origine  récente,  était 
déjà  familière  à  Mme  de  Sévigné  et  à  d'autres,  comme  à  Saint-Simon. 

6.  Vord inaire  était  le  courrier  des  postes  qui  partait  à  intervalles 
réguliers  de  la  Bretagne  pour  Paris  et  de  Paris  pour  la  Bretagne,  comme 
nous  l'avons  dit  à  la  page  précédente,  note  4  :  voyez  les  Lettres  de 
Mme  de  Sévigné,  tome  II,  p.  72,  245  et  246,  et,  dans  un  volume  du 
Dépôt  des  affaires  étrangères  coté  France  378,  l'état  général  des  cour- 
riers, carrosses  et  messageries  pour  l'année  1703. 


[1696]  DE  SAhNT-SIMON.  291 

que-là  Harlay  avoit  caracolé^  pour  éviter'  partout  M.  de 
Chaulnes  et  pour  l'aller  chercher  chez  lui  lorsqu'il  s'étoit 
bien  assuré  de  ne  le  trouver  pas  ;  mais  le  cœur  lui  bat- 
toit  du  dîner,  s'il  en  seroit  prié  à  l'ordinaire,  s'il  iroit 
étant  prié,  et,  s'il  y  alloit,  ce  qu'il  y  deviendroit,  et  quelle 
scène  il  y  pourroit  essuyer  devant  son  beau-père.  Il  fut, 
prié,  et  il  y  alla  comme  un  homme  qu'on  mène  à  la  po- 
tence. M.  de  Chaulnes  avoit  malicieusement  fait  tomber 
ce  dîner  à  un  jour  d'ordinaire  de  Bretagne.  La  compa- 
gnie arrive,  est  reçue  avec  l'amitié  ordinaire  ;  mais  pas 
un  mot  à  M.  d'Harlay.  Vers  le  moment  de  servir,  M.  de 
Chaulnes  regarde  sa  pendule,  se  tourne  au  Chancelier, 
lui  dit  qu'on  va  dîner,  qu'il  est  jour  d'ordinaire  de  Bre- 
tagne, que  toutes  ses  lettres  sont  faites,  mais  qu'il  lui 
demande  la  permission  de  passer  un  demi-quart  d'heure 
dans  son  cabinet,  parce  que  sa  coutume  est  toujours  de 
les  voir  lui-même  fermer,  et,  regardant  Harlay  entre 
deux  yeux^  :  et  mettre  le  dessus  à  ses  lettres,  pour  évi- 
ter les  méprises  qui  arrivent  quelquefois,  et  qui  peuvent 
être  fâcheuses;  et  tout  de  suite,  en  souriant  et  toujours 
regardant  Harlay,  va  dans  son  cabinet.  Harlay,  à  ce 
qu'il  a  dit  depuis  à  Valincour\  qui  me  l'a  conté,  pensa 

1.  Caracoler,  selon  Furetièrc  (1690),  «  se  dit  figurénicnt,  dans  les 
affaires,  pour  dire  :  biaiser,  ne  marcher  pas  droit.  »  L'Académie  ne 
note  cette  métaphore  dans  aucune  de  ses  éditions. 

2.  Les  deux  premières  lettres  d'éviter  corrigent  ne. 

3.  «  Jetant  un  regard  assené  sur  Harlay,  »  dit  l'Addition  n°  184. 

4.  Jean-Baptiste-Hcnri  du  Trousset  de  Valincour  naquit  à  Paris,  le 
1"  mars  1633.  S'étant  fait  connaître  de  très  bonne  heure  par  sa  cri- 
tique de  la  Princesse  de  C lèves  (1678)  et  par  une  Vie  de  François  de 
Lorraine,  duc  de  Guise  (1681),  il  fut  choisi,  la  même  année  1681,  pour 
faire  les  fonctions  de  gentilhomme  ou  de  sous-précepteur  auprès  du 
comte  de  Toulouse,  et  ce  prince,  devenu  amiral  de  France,  le  nomma, 
en  1688,  secrétaire  de  ses  commandements  et  secrétaire  général  de  la 
marine,  puis,  en  1689,  secrétaire  général  du  gouvernement  de  Guyenne, 
et  enfin,  en  1693,  secrétaire  général  du  gouvernement  de  Bretagne. 
En  1699,  Valincour  succéda  à  son  ami  Racine,  comme  membre  de 
l'Académie  française  et  comme  historiographe  du  Roi.   En   1712,   il 


-292  MÉMOIRES  [16961 

évanouir  \  et  se  trouva  effectivement  assez  mal  pour 
le  craindre;  il  le  cacha  pourtant  :  à  quoi  sa  naturelle 
pâleur  de  mort  le  servit  bien.  Le  maître  d'hôtel  vint 
avertir-.  M.  de  Chaulnes,  qui  rioit  dans  son  cabinet  et 
s'épanouissoit  de  sa  vengeance,  sortit,  fit  passer  le  Chan- 
celier et  les  dames,  prit  Harlay  par  la  main,  et,  sou- 
riant toujours  :  «  Allons,  Monsieur^,  et  buvons  ensem- 
ble; voilà  comme  je  sais  me  venger*.  »  A  ces  mots,  l'autre 
pensa  fondre^  :  il  ne  put  répondre  une  parole  ;  il  dîna  mal, 
trouva  qu'on  dînoit  longtemps,  et  disparut  dès  qu'il  le 
Dut  sans  trop  d'affectation.  Jamais  il  n'en  a  été  question 
depuis  de  la  part  de  M.  de  Chaulnes,  et  Harlay  ne  sachant 
plus  que  devenir  avec  un  homme  si  offensé  et  si  trahi, 
et  en  même  temps  si  sage,  si  modéré,  si  maître  de  soi- 
même,  il  en  pensa  mourir  de  honte  et  de  douleur. 

acheta  une  des  charges  de  secrétaire  de  la  chambre.  En  Hli,  il  rem- 
plaça le  marquis  de  Dangeau  à  l'Académie  des  sciences,  ayant,  deux 
ans  auparavant,  donné  sa  démission  de  membre  honoraire  de  l'Académie 
des  inscriptions.  Il  mourut  à  Paris  le  o  janvier  1730.  Nous  verrons  sou- 
vent son  nom  revenir  sous  la  plume  de  Saint-Simon,  avec  lequel  il  Ha 
une  vraie  amitié,  et  qui  lui  dut  beaucoup  d'anecdotes  et  d'informations. 

1.  L'Académie,  dans  ses  deux  premières  éditions,  admet,  comme 
également  usités,  évanouir  et  s  évanouir.  Le  dictionnaire  de  Furetière 
fait  remarquer,  dès  1690,  que  ce  verbe  «  ne  se  dit  guère  qu'avec  le 
pronom  personnel.  » 

2.  En  omettant  le  point  qui  est  ici  au  manuscrit  et  y  corrige  une 
virgule,  les  éditions  antérieures  ont  brouillé  le  tour  et  le  sens. 

3.  La  capitale  M  corrige  une  minuscule  m. 

4.  Cette  fin  de  l'épisode  est  toute  différente  dans  le  texte  de  l'Ad- 
dition n°  184,  où  le  duc  de  Chaulnes  ne  dit  rien  à  son  convive,  et  par 
conséquent  ne  parle  pas  de  vengeance.  On  trouve  encore  une  troisième 
version  ou  rédaction  dans  l'article  Chaulxes  des  Duchés-pairies  éteints 
(vol.  58,  fol.  113,  des  Papiers  de  Saint-Simon,  aux  Affaires  étrangères). 

5.  Le  sens  que  prend  ici  fondre  peut  se  déduire  de  l'une  ou  de 
l'autre  de  ces  deux  acceptions  du  verbe  :  «  se  réduire  à  rien  »,  et 
«  s'abhiier  (sous  terre)  »,  deux  façons  de  «  disparaître  ».  M.  Littré 
adopte,  à  l'article  Fondre,  10°,  la  seconde  explication,  et  traduit  par 
«  s'abîmer  de  confusion  » .  La  première  fait  penser  à  l'étymologie  à' éva- 
nouir, que  nous  avons  huit  lignes  plus  haut,  précédé  de  même  de  pensa. 
Dans  l'Addition  184  (ci-après,  p.  372),  Saint-Simon  dit  que  M.  de  Harlay 


[1696J  DE  SAINT-SIMON.  293 

De  ces  deux  plénipotentiaires,  il  y  a  loin  en  soi,  et 
avec  le  même  duc  de  Chaulnes'. 

Callières   fut  enfin    déclaré    le  troisième.    C'étoit    un        Cailières. 
Normand  attaché  en  sa  jeunesse    à   MM.  de  Matignon'^,    [^^^-  ^'-^-  ^^-^l 
pour  qui  il  conserva  toute  sa  vie  beaucoup  de  respect  et 
de  mesure.  Son  père^  avoit  été  à  eux^.  Il  avoit  beaucoup 
de  lettres  ^,  beaucoup  d'esprit  d'affaires  et  de  ressources  ; 

«  en  pensa  rentrer  cent  fois  en  terre  »,  même  figure  que  dans  l'expli- 
cation de  M.  Littré. 

1.  Il  y  a  loin  de  l'un  à  l'autre  (en  soi,  c'est-à-dire  à  ne  prendre 
qu'eux,  à  les  comparer  entre  eux),  et  loin  de  l'un  et  de  l'autre  au  duc 
de  Chaulnes.  C'est  l'idée  de  comparaison  qui  amène  cet  avec  après  loin. 
La  clarté,  avouons-le,  laisse  à  désirer. 

2.  Il  était  né  sur  leurs  terres  mêmes,  à  Torigny. 

3.  Jacques  de  Caillières  (il  écrivait  ainsi  son  nom  à  la  difîérence  de 
son  fils,  qui  signait  :  Callières),  également  versé  dans  les  lettres  et  dans 
la  science  des  armes,  s'attacha  aux  maisons  de  Longueville  et  de  Ma- 
tignon et  devint  gouverneur  du  comte  de  Matignon,  qui  lui  donna  plus 
tard  le  commandement  de  la  place  de  Cherbourg.  Il  prenait  en  outre 
la  qualité  de  maréchal  de  bataille  des  armées  du  Roi.  11  publia  :  en 
■1660,  une  Lettre  héroïque  à  Mme  de  Longueville;  en  1661,  la  Fortune 
des  gens  de  qualité  et  YHistoire  de  Jacques  de  Goyon  de  Matignon,  ma- 
réchal de  France;  en  1662,  l'histoire  «  fort  divertissante  »  du  duc  de 
Joyeuse  le  capucin,  dédiée  à  Mademoiselle  (voyez  les  Mémoires  de  cette 
princesse,  tome  IV,  p.  430)".  Il  avait  pris  pour  femme,  dans  les  envi- 
rons de  Coutances,  une  demoiselle  Madeleine  Potier,  qui,  selon  le  Chan- 
sonnier (ms.  Fr.  12  617,  p.  437),  ne  se  fil  pas  une  très  bonne  réputation. 

4.  Voyez  une  lettre  de  Jacques  de  Caillières  à  d'Hozier  (10  décembre 
1643),  sur  la  généalogie  des  Matignon,  dans  le  dossier  Caillères  (sic), 
au  Cabinet  des  titres. 

5.  Callières,  reçu  à  l'Académie  française,  en  1689,  pour  un  Panégy- 
rique historique  du  Roi  composé  en  vue  de  cette  élection,  avait  fait, 
un  peu  auparavant,  l'Histoire  poétique  de  la  guerre  nouvellement  dé- 
clarée entre  les  anciens  et  les  modernes.  Il  publia,  en  1692,  un  livre 
Des  mots  à  la  mode,  qui  était  la  critique  de  certains  néologismes  intro- 
duits par  un  mauvais  usage,  ainsi  qu'un  autre  livre  Des  bons  mots  et  des 
bons  contes,  et,  on  1693,  un  Traité  du  bel  esprit  (ou  du  bon  et  du  mau- 
vais usage  de  s'exprimer).  Mais  son  principal  ouvrage,  sur  la  Manière  de 
négocier  avec  les  souverains,  ne  parut  que  peu  avant  sa  mort,  en  1716. 

«  Les  deux  derniers  ouvrages  figurent  dans  le  catalogue  des  livres  de 
Saint-Simon,  n»=  "05  et  72".  v 


294  MÉMOIUES  II  6961 

et  fort  sobre  et  laborieux,  extrêmement  sûr  et  honnête 
homme.  Je  ne  sais  qui  le  produisit  pour  aller  secrète- 
ment en  Pologne,  lorsqu'il  y  fut  question  de  l'élection 
du  comte  de  Saint-Pol'.  Il  s'y-  conduisit  fort  bien  et  y 
lia  une  grande  amitié  avec  Morstin^,  grand  trésorier  de 
Pologne,  qui  étoit  fort  françois  et  avoit  fort  travaillé 
pour  l'élection  du  comte  de  Saint-Pol  *,  qui  ne  manqua 
que  par  la  mort  de  ce  candidat,  tué  au  passage  du  Rhin"'. 

1.  Charles-Paris  d'Orléans,  comte  de  Saint-Pol  (voyez  notre  tome  II, 
1).  124,  note  9,  et  un  fragment  de  l'article  Longueville,  dans  les  Duchés- 
pairies  éteints,  que  nous  plaçons  à  l'Appendice,  n"  XXVI),  prit  le  titre 
de  duc  de  Longueville,  sur  la  démission  de  son  frère  aîné,  le  24  février 
4671.  —  Les  Mémoires  de  M.  de  ***  pour  servir  à  Vhisioire  du  XVII' 
siècle  racontent  (p.  607  de  l'édition  Michaud  et  Poujoulat)  qu'une  par- 
tie des  Polonais  voulait  détrôner  le  roi  Michel  Wiecnowiecki  :  «  La 
Reine,  sa  femme,  concourut  même  dans  le  dessein  de  le  fai^e  abdiquer. 
On  avoit  fait  voir  à  cette  princesse  le  portrait  du  comte  de  Saint-Pol, 
second  fils  du  duc  de  Longueville,  et  elle  en  avoit  été  si  charmée, 
qu'elle  vouloit  faire  casser  son  mariage  pour  l'épouser.  Cette  intrigue 
fut  si  bien  conduite,  que  le  comte  de  Saint-Pol  auroit  été  infaillible- 
ment roi  de  Pologne,  s'il  n'eût  pas  été  tué  au  passage  de  Tolhuys,  en 
1672.  »  Comparez  les  Mémoires  de  Pomponne,  tome  II,  p.  421-423,  et 
ceux  de  Mademoiselle,  tome  IV,  p.  397-398  ;  il  avait  été  sérieusement 
question,  en  1670,  que  cette  princesse  se  mariât  avec  le  jeune  duc. 
Celui-ci  avait  déjà  donné,  dans  les  campagnes  de  Flandres  et  de  Franche- 
Comté,  ainsi  qu'à  Candie,  des  «  marques  de  valeur  telles  qu'on  la  pou- 
voit  attendre  d'un  comte  de  Dunois,  neveu  du  prince  de  Condé.  »  {Ga- 
zette, 1672,  p.  612.)  «  C'était,  dit  un  historien  moderne,  l'âme  de  saint 
Louis,  le  cœur  de  Dunois  et  l'esprit  de  sa  mère.  »  (Salvandy,  His- 
toire de  la  Pologne  avant  et  sous  le  roi  Jean  Sobieski,  tome  I,  p.  372.) 

2.  Il  s'y  corrige  mais. 

3.  Voyez  notre  tome  II,  p.  32o,  note  6,  et  l'Addition  123,  ibidem, 
p.  408-409.  —  Nous  avons  eu  tort  d'écrire  Morstein,  comme  le  fait 
Saint-Simon,  ainsi  que  presque  tous  les  contemporains  ;  la  signature 
est  :  Morstin,  quoiqu'on  trouve  dans  des  actes  Morsztijn,  comme  l'a 
écrit  Salvandy  dans  son  Histoire  de....  Jean  Sobieski. 

4.  Il  avança  de  grosses  sommes  pour  cette  élection,  et  ce  fut  seule- 
ment en  1701  que  l'héritière  de  Longueville  fut  condamnée  à  les  rem- 
bourser à  ses  petites-filles.  (Journal  de  Dangeau,  tome  VIII,  p.  111.) 

5.  Voyez  le  récit  de  cette  journée  dans  un  mémoire  de  Louis  XIV 
sur  la  campagne  de  1672  que  M.  Camille  Rousset  a  publié  [Histoire  de 


[1696]  DE  SAlNT-SiMON.  29o 

Callières,  qui  se  trouvoit  bien  de  Morstin,  demeura  avec 
lui,  et,  comme  ce  sénateur  étoit  toutfrançois',  son  témoi- 


Louvois,  tome  I,  p.  526  et  527  ;  comparez  p.  357  et  suivantes),  dans 
les  Œuvres  de  Louis  XIV,  tome  III,  p.  194-211,  dans  les  Lettres  histo- 
riques de  Pellissoii,  tome  1,  p.  133  et  suivantes,  dans  la  Gazette  de 
1672,  p.  611-612,  dans  la  relation  du  comte  de  Guiche,  jointe  à  ses 
Mémoires  concernant  les  Provinces-Unies  (Amsterdam,  1744),  ou  encore 
dans  les  Mémoires  de  l'abbé  de  Choisy,  témoin  oculaire,  p.  558-559. 
Ce  fut  la  témérité  du  jeune  Longueville  qui  causa  sa  mort  et  celle  do 
plusieurs  de  ses  compagnons.  «  Tous  ces  volontaires,  dit  Louis  XIV,... 
donnèrent  d'abord  beaucoup  d'occupation  au  prince  de  Condé  pour 
les  retenir;  mais  enfin  le  duc  d'Enghien  et  le  duc  de  Longueville  lui 
échappèrent,  et  voulurent  forcer  une  barrière  pour  joindre  les  enne- 
mis.... »  Longueville,  qui  était  en  tête,  fut  tué  le  premier,  de  cinq 
coups  de  mousquet.  Voyez  les  lettres  que  Mme  de  Sévigné  écrivit  à 
cette  occasion,  tome  III,  p.  108-109,  111,  113-114,  117,  118,  135, 
etc.  Cette  mort  excita  les  plus  vifs  regrets,  et  la  duchesse  de  Brissac, 
sœur  de  Saint-Simon,  fut  une  des  personnes  qui,  après  Mme  de  Lon- 
gueville, en  marquèrent  le  plus  de  douleur  (Lettres  de  Mme  de  Sévigné, 
tome  III,  p.  203  et  227;  Mémoires  de  l'abbé  Arnauld,  p.  549).  La  nou- 
velle arriva  à  Dantzick  au  moment  où  la  femme  de  Jean  Sobieski,  qui 
avait  été  la  première  à  mettre  en  avant  la  candidature  du  jeune  prince, 
lui  préparait  une  réception  triomphale.  Ce  fut  un  coup  de  foudre  pour 
le  parti  français,  et  par  suite  Michel  Wiecnowiecki  garda  la  couronne 
(Salvandy,  Histoire  de  la  Pologne  avant  et  sous  le  roi  Jean  Sobieski, 
tome  I,  p.  372-377).  Une  insinuation  de  Mademoiselle  de  Moutpensier 
ferait  croire  que  Louis  XIV  ne  fut  pas  très  sensible  à  cet  échec  de  sa 
politique  :  la  princesse,  après  avoir  raconté  qu'elle  sut  par  «  Callières, 
gentilhomme  de  Normandie,  »  que  l'affaire  de  Pologne  était  résolue  du 
côté  des  Polonais  quand  le  jeune  duc  périt  si  malheureusement,  ajoute  : 
«  Quoique  le  Roi  eût  permis  cette  négociation,  je  ne  sais  s'il  en  eût 
eu  la  réussite  agréable  et  s'il  ne  la  traversoit  point,  car  il  n'a  jamais 
aimé  M.  de  Longueville.  » 

1.  C'est-à-dire  tout  dévoué  à  Louis  XIV  et  aux  candidats  qu'il  propo- 
sait pour  le  trône  de  Pologne  à  chaque  vacance.  De  plus,  Morstin  avait 
reçu,  en  1678,  des  lettres  de  naturalisation,  comme  on  lo  verra  dans 
l'appendice  XXVII,  et  ce  furent  ces  attaches  multipliées  avec  la  France 
qui,  jointes  peut-être  à  des  irrégularités  dans  le  maniement  des  flnances 
publiques  ou  dans  les  relations  d'intérêts  du  grand  trésorier  avec  le 
Roi,  lui  valurent  des  accusations,  des  persécutions,  même  une  mise  en 
jugement,  et  enfin  une  condamnation,  à  laquelle  il  n'échappa  qu'en  al- 
lant chercher  un  asile  auprès  de  Louis  XIV,  vers  la  fin  de  l'année  1683.  Uu 


29G  MÉMOIRES  [1696] 

gnage  fit  employer  Callières,  tout  porté  sur  les  lieux,  en 
plusieurs  négociations  obscures  dans  le  Nord,  et  même 
en  Hollande.  On  fut  content  du  compte  qu'il  en  vint 
rendre  plusieurs  fois,  et  il  s'acquit  plusieurs  amis  par- 
tout où  il  avoit  été,  Morstin,  s'étant  brouillé  en  Po- 
logne jusqu'à  craindre  pour  sa  liberté  et  pour  sa  vie, 
avoit,  dans  l'appréhension'  de  l'orage  naissant,  fait  passer 
de  gros  fonds  en  France,  et  les  y  suivit  avec  Callières, 
quand  il  crut  qu'il  en  étoit  temps  ^  11  s'établit  à  Paris  en 
homme  fort  riche^,  et  logea  son  ami  avec  lui^.  Il  n'avoit 

reste,  ce  personnage  est  assez  curieux  à  connaître  en  raison  du  rôle 
important  qu'il  joua,  sous  trois  princes  ditTérents,  comme  chef  du  parti 
français  en  Pologne,  et,  pour  donner  à  cette  notice  un  peu  plus  de  dé- 
veloppement, nous  la  renvoyons  à  l'Appendice,  n°  XXVII. 

4.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  la  crainte  ;  \->ms  il  a  biffé  ces  deux 
mots,  sauf  la  lettre  /,  et  écrit  en  interligne  :  'aprehension  (sic). 

2.  Comparez  notre  tome  II,   p.   325. 

3.  Nous  avons  eu  tort,  à  l'endroit  cité  du  tome  II,  de  qualifier  de 
bel  liôtel  l'habitation  où  Morstin  s'établit  sur  le  quai  Malaquais,  au 
coin  de  la  rue  des  Saints-Pères.  Piganiol  de  la  Force  (éd.  1742, 
tome  VII,  p.  274)  dit  qu'elle  avait  un  air  de  prison  ;  comparez  la 
Description  de  Paris,  par  G.  Brico,  éd.  17S2,  tome  IV,  p.  131,  et  les 
Anciennes  maisons  de  Paris,  par  M.  Lefeuve,  tome  V,  p.  3o3.  Malgré  son 
renom  d'avarice,  dont  la  Bruyère  (tome  I,  p.  266  et  o03)  nous  a  con- 
servé le  souvenir,  M.  de  Morstin  comptait  parmi  les  «  curieux  d'ouvrages 
magnifiques,  »  et  il  avait  à  Montrouge,  dans  l'ancienne  maison  du 
grand-père  maternel  de  Saint-Simon,  de  très  beaux  jardins.  On  verra 
en  outre,  dans  l'appendice  XXVII,  qu'en  Pologne,  et  à  raison  de  la 
charge  très  importante  dont  il  était  investi  depuis  1668,  il  donnait 
fréquemment  des  fêtes  magnifiques  et  avait  un  grand  train  de  maison. 

4.  Piganiol  de  la  Force,  qui  a  consacré  un  article  intéressant  à  Cal- 
lièios,  dans  sa  Description  de  Paris  (éd.  1742,  tome  III,  p.  530-538), 
y  dit  (p.  533)  :  «  Attaché  à  la  maison  d'Orléans-Longueville,  il  fut  em- 
ployé aux  négociations  qu'on  ht  pour  faire  élire  roi  de  Pologne  le  duc 
de  ce  nom.  Cette  négociation  avoit  été  si  bien  conduite,  qu'un  de  nos 
historiens  (l'abbé  de  Choisy)  dit  qu'on  attendoit  à  tout  moment  le  cour- 
rier qui  devoit  apporter  la  nouvelle  de  cette  élection,  lorsque  ce  jeune 
seigneur  fut  tué  au  passage  du  Pihin,  en  1672.  Ce  contretemps  funeste 
laissa  Callières  sans  emploi,  au  lieu  que,  si  le  duc  de  Longueville  fût 
parvenu  au  trône  de  Pologne,  il  lui  auroit  sans  doute  fait  un  établisse- 
ment considérable  dans  ce  royaume-là.  Pendant  le  cours  de  cette  négo- 


[1669J  DE  SAINT-SIMON.  297 

qu'un  fils*,  dont  j'ai  parlé  sur^  le  siège  de  Namur^,  où  il  fut 
tué.  Le  père  avoit  acquis  de  grandes  terres,  entre  autres 
celles  de  la  maison  de  Vitry*,  et  cherchoit  à  appuyer  son 
fils  d'une  grande  alliance^.  M.  de  Chevreuse,  plus  touché 
de  la  grande  raison  de  sans  dof^,  dans  le  mauvais  état  de 
ses  affaires,  que  du  désagrément  de  prendre  un  proscrit 

ciation,  Callières  s'étoit  lié  d'estime  et  d'amitié  avec  le  comte  de  Mor- 
stein,  grand  trésorier  de  Pologne,  qui,  étant  venu  s'établir  en  France, 
voulut  absolument  que  Callières  acceptât  un  appartement  dans  son 
hôtel  à  Paris;  et  c'est  là  que  je  le  connus.  » 

i.  Michel-Adalbert  (et  non  Albert,  comme  nous  l'avons  écrit  par  er- 
reur), comte  de  Morstin,  dit  le  comte  de  Chàteauvillain  :  voyez  nos 
tomes  I,  p.  268,  note  S,  et  II,  p.  325  et  326. 

2.  Sur,  à  l'occasion  de,  ou  plutôt,  elliptiquement,  «  en  écrivant 
sur....  » 

3.  Le  second  siège  de  Namur,  en  1693,  et  sa  prise  par  le  prince 
d'Orange. 

4.  Ces  acquisitions,  qui  se  firent  en  janvier  1680  (voyez  la  Corres- 
pondance de  Bussy,  tome  V,  p.  81),  comprenaient  le  comté  de  Chà- 
teauvillain et  le  marquisat  d'Arc-en-Barrois,  en  Champagne,  dont 
Nicolas  de  l'Hospital,  maréchal  de  Vitry,  puis  son  fils,  mort  en  1679, 
ainsi  que  son  petit-fils,  tué  en  1674,  avaient  porté  les  titres,  et  que 
même  le  maréchal  avait  fait  ériger  en  duché-pairie  de  son  nom,  au 
mois  de  juin  1630.  Selon  le  Mémoire  de  la  généralité  de  Champacine 
(1697),  Chàteauvillain  fut  vendu  neuf  cent  mille  livres  à  M.  de  Morstin, 
par  les  créanciers  de  la  maison  de  Vitry,  et,  comme  l'acquéreur,  nous 
l'avons  déjà  dit,  passait  pour  être  fort  avare,  la  reine  de  Pologne  lui 
donna  le  sobriquet  de  Petil-Vilain,  par  allusion  au  nom  de  sa  nouvelle 
terre.  (Cabinet  des  titres,  dossier  Morstin.)  En  1698,  lorsque  sa  bru  se 
remaria,  Chàteauvillain  fut  revendu,  par  décret  sur  ses  petites-filles 
mineures,  au  comte  de  Toulouse,  qui  le  fit  ériger  de  nouveau  en  duché- 
pairie,  au  mois  de  mai  1703.  C'est  également  des  Vitry  qu'il  aval! 
acheté  la  seigneurie  de  Moutrouge,  près  de  Paris.  Quelques  mois  après 
la  vente  de  ce  patrimoine,  et  au  moment  même  où  finit  le  séjour  de 
Morstin  en  France,  le  marquis  de  Vitry,  frère  cadet  du  duc  et  dernier 
de  ce  nom,  partit,  comme  ambassadeur  extraordinaire,  pour  la  Pologne. 

3.  On  voulut  lui  faire  épouser,  en  1689,  la  fille  du  duc  d'Uzès  {Lettres 
de  Mme  de  Sévigné,  tome  Vlil,  p.  439),  celle  qui,  deux  ans  plus  tard, 
fut  mariée  à  Barbezieux  et  mourut  en  1694. 

6.  Saint-Simon  a  déjà  cité  ce  mot  de  l'Avare  à  propos  du  mariage 
de  sa  belle-sœur  avec  Lauzuu   (tome  II,  p.  277).   Madame   s'en  sert 


298  MÉMOIRES  U696J 

de  Pologne  tombé  ici  des  nues  pour  gendre,  en  écouta 
volontiers  la  proposition.  Callières  en  fut  le  négociateur 
pourMorstein,  et,  comme  celui-ci^  étoit  détaché  de  toutes* 
autres  choses  que  de  l'alliance,  l'affaire  fut  bientôt  con- 
clue, et  Callières  s'acquit  les  bonnes  grâces  de  M.  de  Che- 
vreuse*.  La  mort  du  fils,  puis  du  père*,  suivirent  d'assez 
près  le  mariage.  Callières  se  livra  à  la  protection  de  M.  de 
Chevreuse,  à  qui  il  plut  par  ses  lettres"  et  par  son  esprit 
d'affaires  et  de  raisonnement,  et  par  le  soin  qu'il  prit  des 
affaires  des  deux  filles  que  son  gendre  avoit  laissées". 
C'étoit  la  vie  et  l'occupation  de   Callières'  lorsque  le 

aussi  (voyez  sa  Correspondance,  édition  Jaeglé,  tome  II,  p.  158),  et 
Mme  de  Sévigné  (dans    deux   fragments  inédits  du  recueil   Capmas, 
tome  II,  p.  54  et  371).  —  Dangeau  rapporte  en  effet  (tome  IV,  p.  253) 
qu'on  ne  donnait  pas  un  «  gros  mariage  »  à  Mlle  de  Chevreuse. 
i.  Ci  a  été  ajouté  en  interligne. 

2.  Toute,  au  singulier.  Mieux  vaut,  croyons-nous,  ajouter  le  signe 
du  pluriel  à  ce  premier  mot,  que  de  l'effacer  aux  deux  suivants. 

3.  Comparez  encore  notre  tome  II,  p.  325  et  326. 

4.  C'est  une  erreur  :  le  père  était  mort  le  8  janvier  1093,  trois  mois 
avant  le  mariage,  et  nous  avons  vu  que  le  fils  ne  périt  que  deux  ans  et 
demi  plus  tard,  à  Namur,  dans  une  sortie  faite  le  18  juillet  1695. 

5.  Saint-Simon  veut  sans  doute  parler  du  goût  de  Callières  pour  la 
littérature  et  de  ses  ouvrages,  plutôt  que  de  sa  façon  d'écrire  les  let- 
tres. Ailleurs  (tome  IV,  p.  348),  nous  verrons  l'abbé  de  Polignac  ga- 
gner la  faveur  de  M.  de  Chevreuse  «  par  les  lettres  et  les  sciences.  » 

6.  Ces  filles  moururent  sans  doute  jeunes;  on  n'en  trouve  aucune 
mention  après  celle  que  fait  Dangeau  en  mai  1701  (tome  VIII,  p.  111). 

7.  «  En  1693,  dit  Piganiol  de  la  Force,  la  fortune  vint,  pour  ainsi 
dire,  prendre  M.  de  Callières  par  la  main,  et  le  conduisit  par  degrés  à  un 
emploi  auquel  il  n'auroit  jusqu'alors  osé  aspirer.  M.  de  Piles»,  si  connu 
par  son  long  et  fidèle  attachement  à  M.  Amelot,  un  des  grands  négo- 
ciateurs du  règne  de  Louis  le  Grand,  et  par  la  grande  réputation  qu'il 
avoit  parmi  les  curieux  de  peinture,  fut  envoyé  en  Hollande  pour  y  de- 
meurer incognito  et  y  travailler  avec  les  personnes  qui  souhaitoient  la 
paix.  Il  fut  découvert  pour  ce  qu'il  étoit,  et  l'on  sut  qu'il  s'occupoit 
moins  de  peinture  que  de  négociation.  Il  fut  arrêté  par  ordre  de  l'État, 
détenu  prisonnier  à  la  Haye  pendant  deux  ans,  et  puis  transféré  au 

a  Roger  de  Piles  (1635-1709),  qui  avait  commencé  par  être  précepteur  chez 
M.  Amelot.  Voyez  ce  qui  est  dit  de  ses  négociations  secrètes  et  des  livres 
qu'il  écrivit  sur  les  beaux-arts,  dans  le  Moréri,  article  Piles. 


[1696J  DE  SAINÏ-SIMON.  299 

hasard  lui  fit  rencontrer  dans  les  rues  de  Paris  un  mar- 
chand hollandois  fort  de  ses  amis  et  fort  accrédité  dans 
son  pays,  venu  à  Paris  pour  des  affaires  de  prises'  et  de 
négoces^.  Ils  renouvelèrent  connoissance  et  amitié,  par- 
lèrent de  la  guerre  et  de  la  paix,  et  raisonnèrent  tant 
ensemble,  que  le  marchand  lui  avoua  de  bonne  foi  le 
besoin  et  le  désir  qu'avoit  sa  république  de  la  paix.  Ils 
approfondirent  si  bien ,  que  Callières  crut  en  devoir 
rendre  compte  à  M.  de  Chevreuse.  Il  n'étoit  qu'un  avec 
le  duc  de  Beauvillier,  son  beau-frère,  qui  étoit  dans  le 
Conseil^  :  il  lui  mena  Callières.  Son  récit  fut  goûté;  ces 
Messieurs  le  firent  voir  à  Croissy,  oncle  deleurs^  femmes, 
et  à  Pomponne,  leur  ami,  qui  étoit  aussi  ministre  ;  et,  de 
toutes  ces  conversations^,  Callières  fut  envoyé  secrètement 
en  Hollande.  Il  revint  quelques  mois  après,  et  fut  encore 
renvoyé;  et,  de  ce  dernier  voyage,  il  conduisit  les  affaires 
au  point"  que  les  principales  difficultés  se  trouvèrent  le- 
vées au  commencement  de  l'hiver,  et  qu'il  eut  ordre  de  pa- 
roître  publiquement  comme  envoyé  du  Roi  en  Hollande'. 

château  de  Louvenstein,  où  il  fut  resserré  pendant  trois  autres  années. 
Il  fallut  remplacer  M.  de  Piles,  et  l'on  envoya  M.  de  Callières  en  Hol- 
lande. Celui-ci,  plus  heureux  que  son  prédécesseur,  négocia,  pendant 
près  de  cinq  ans,  sans  être  reconnu,  et  amena  les  différents  intérêts  qui 
agitoient  l'Europe  au  point  d'être  terminés  par  un  traité  de  paix.  » 
(Description  de  Paris,  éd.  4742,  tome  III,  p.  535-536.) 

4.  Des  prises  de  navires,  soumises  au  jugement  de  l'amirauté. 

2.  Négoces  est  bien  ainsi  au  pluriel.  —  Selon  les  Mémoires  du  XVIII' 
siècle,  par  Lamberty,  tome  I,  p.  40-44,  «  la  France  envoya  une  per- 
sonne à  la  Haye,  qui  fut  fort  secrètement  introduite  auprès  de  quel- 
ques membres  des  États  généraux  par  un  nommé  Mollo,  marchand 
d'Amsterdam,  homme  d'intrigue  et  de  capacité.  On  convint  qu'on  ad- 
mettroit  à  Maëslricht  Caillcres  (sic),  pour  convenir  authentiquement 
des  préliminaires  avec  M.  de  Dijckveldt....  »  Ce  Mollo  est  nommé  par 
la  Gazette,  en  4680  et  4683,  comme  résident  de  Pologne  à  la  Haye  ; 
Harlay  et  Callières  le  virent  à  Namur  en  4694. 

3.  Saint-Simon  a  corrigé  en  capitale  lec,  d'abord  minuscule,  de  Conseil. 

4.  Leur,  ici  encore,  sans  s.  —  5.  Par  suite  de  toutes  ces  conversations. 

6.  Au  point  est  ajouté  en  interligne. 

7.  Dangeau  dit,  à  la   date  du  42  novembre  4694  :   «  On  croit   (pie 


300  MÉMOIRES  [1696] 

On  a  vu^  que  Courtin  s'excusa  d'être  plénipotentiaire 
pour  la  paix  et  que,  son  collègue  Harlay  l'étant  devenu, 
Grécy  le  fut  nommé  :  on  l'y  vouloit  pour  sa  capacité  et 
son  expérience,  porté  par  le  P.  de  la  Chaise  et  les  jé- 
suites-. L'exemple  d'un  homme  de  si  peu  fit  mettre  Cal- 
lières  en  troisième,  qui  avoit  seul  conduit  l'affaire  au 
point  où  elle  étoit,  et  qui  étoit  instruit  de  tout  à  fond^. 

G'étoit^  un  grand  homme  maigre,  avec  un  grand  nez, 
la  tête  en  arrière,  distrait,  civil,  respectueux,  qui,  à  force 
d'avoir  vécu  parmi  les  étrangers,  en  avoit  pris  toutes 
les  manières  et  avoit  acquis"  un  extérieur  désagréable'', 

M.  de  Callières,  qui  partit,  il  y  a  quelque  temps  aussi,  sans  qu'on  dise 
où  il  est  allé,  est  employé  à  quelque  négociation  sous  lui  (M.  de  Har- 
lay, à  Maëstricht).  »  Et  le  3  mai  1696  :  «  M.  de  Callières  est  parti  de 
Paris,  et  on  croit  qu'il  est  allé  à  Amsterdam  pour  quelques  négocia- 
tions. »  Enfin,  le  7  juin  1696  :  «  On  prétend  que  M.  de  Callières  est, 
depuis  assez  longtemps,  en  Hollande,  pour  des  négociations  de  paix,  et 
on  dit  qu'il  est  venu  à  Marly  secrètement,  qu'il  a  vu  le  Roi  assez  long- 
temps, et  que  S.  M.  l'a  fait  repartir.  »  Sa  nomination  au  poste  de 
plénipotentiaire  fut  connue,  comme  nous  l'avons  dit,  le  7  octobre  sui- 
vant, et  le  Roi  porta  ses  appointements,  peu  après,  à  trente-six  mille 
livres.  {Journal,  tome  V,  p.  lOo,  404,  422,  et  tome  VI,  p.  4  et  29.)  Un 
compte  rendu  du  séjour  qu'il  fit  en  Hollande  en  1694,  avec  Harlay, 
se  trouve  aux  Archives  nationales,  K  1352,  n°  33. 

1.  Ci-dessus,  p.  279-280  et  285. 

2.  A  cause  du  P.  Verjus,  frère  de  Crécy  :  voyez  le  tome  II,  p.  243. 
D'ailleurs,  Crécy  avait  successivement  rempli  plusieurs  missions  diplo- 
matiques en  Allemagne  en  1671,  1672,  1673,  1676,  et  il  avait  résidé  à 
Ratisbonne,  comme  plénipotentiaire,  du  mois  de  mai  1679  aux  pre- 
miers jours  de  l'année  1689. 

3.  Dans  le  manuscrit,  comme  d'ordinaire,  fonds. 

4.  Il  s'agit  certainement,  dans  les  deux  phrases  qui  suivent,  de  Cal- 
lières, objet  de  toute  la  phrase  précédente,  et  non  de  Crécy,  quoique  cer- 
tains traits  ressemblent  à  ce  que  Saint-Simon  a  déjà  dit  de  ce  dernier 
(tome  II,  p.  243)  ;  mais,  selon  un  autre  portrait  (tome  VII,  p.  128),  Crécy 
était  «  un  petit  homme,  »  tandis  qu'ici  Callières  est  représenté  comme 
«  un  grand  homme  maigre,  etc.  »  ;  et  d'ailleurs,  s'il  a  été  question  de 
Crécy  quatre  lignes  plus  haut,  ce  n'est  que  très  incidemment,  au  milieu 
de  tout  ce  long  passage  consacré  en  entier,  sauf  une  phrase,  à  Callières. 

o.  Acquis  a  été  ajouté  en  interligne. 

6,  Trait  commun  à  Callières  et  à  Crécy  :  voyez  tome  II,  p.  243. 


[1696]  DE  SAINT-SIBION.  301 

auquel  les  dames  et  les  gens  du  bel  air  ne  purent  s'ac- 
coutumer, mais  qui  disparoissoit  dès  qu'on  l'entretenoit 
de  choses,  et  non  de  bagatelles.  C'étoit  en  tout  un  très 
bon  homme,  extrêmement  sage  et  sensé,  qui  aimoit 
l'État,  et  qui  étoit  fort  instruit  \  fort  modeste,  parfaite- 
ment désintéressé,  et  qui  ne  craignoit  de  déplaire  au  Roi 
ni  aux  ministres  pour  dire  la  vérité  et  ce  qu'il  pensoit, 
et  pourquoi,  jusqu'au  bout,  et  qui  les  faisoit  très  souvent 
revenir  à  son  avis. 

Le  Roi  traitoit  une  autre  affaire,  pour  laquelle  il  avoit  Candidats  pour 
hâté  le  retour  des  princes  de  l'armée,  pour  qu'il  ne  parût      .  ^"!°^"^' 
auquel   d'eux    il   avoit  à    parler.   L'abbé    de   Polignac^ 

■1.  La  conjonction  et  est  biffée  après  instruit,  et  encore,  deux  mots 
plus  loin,  avant  parfaitement. 

2.  Melchior,  second  fils  du  vicomte  de  Polignac  chevalier  de  l'Ordre 
et  mort  en  1692,  naquit  au  Puy-en-Velay  le  11  octobre  1661,  et, 
après  avoir  pris  ses  degrés  et  soutenu  ses  thèses  de  théologie  avec  un 
éclat  peu  ordinaire,  il  accompagna  le  cardinal  de  Bouillon  au  conclave 
de  1689.  Son  habileté  fut  grande,  en  cette  occasion,  pour  calmer  le 
Pape  au  sujet  des  articles  de  l'Assemblée  de  1682  et  obtenir  un  accom- 
modement; aussi  le  renvoya-t-on  à  Rome,  en  1691,  pour  l'élection  d'In- 
nocent XII.  De  retour  en  France,  il  entra  au  séminaire  des  Bons-En- 
fants; mais,  dès  le  mois  de  mars  1693,  il  fut  nommé  ambassadeur  en 
Pologne,  en  même  temps  qu'abbé  de  Bonport.  L'entreprise  du  prince  de 
CoHti  ayant  échoué,  comme  nous  Talions  voir  bientôt,  l'abbé  de  Poli- 
gnac fut  disgracié  lorsqu'il  revint,  en  1698,  et  relégué  dans  son  abbaye 
jusqu'en  1701.  En  1704,  il  remplaça  Bossuet  à  l'Académie  française, 
et,  en  1706,  il  fut  nommé  auditeur  de  rote.  Après  trois  ans  de  séjour 
et  de  négociations  à  Rome,  il  rentra  en  France,  et,  quand  furent  dési- 
gnés les  plénipotentiaires  aux  conférences  de  Gertruydenberg,  on  l'ad- 
joignit, en  cette  qualité,  au  maréchal  d'Huxelles.  De  même,  en  1710, 
il  fut  désigne  pour  prendre  part  aux  négociations  du  traité  d'Utrecht, 
et,  peu  après,  le  18  mai  1712,  il  fut  créé  cardinal-prêtre,  du  titre  de 
Sainte-Marie-des-Anges,  sur  la  présentation  du  roi  d'Angleterre  Jac- 
ques m.  De  1713  à  1716,  il  exerça  les  fonctions  de  maître  de  la  cha- 
pelle du  Roi;  en  1724,  il  alla  prendre  la  direction  des  affaires  de  la 
France  à  Rome;  en  1726,  il  fut  nommé  archevêque  d'Auch;  en  1732, 
de  retour  à  la  cour,  il  eut  le  collier  du  Saint-Esprit  (il  avait  permission 
de  le  porter  depuis  1728).  Outre  l'abbaye  de  Bonport,  il  eut  celles  de 
Begard  en  1707,  de  Mouzon  en  1710,  de  Corbie  en  1713,  et  d'Anchin 


302  MÉMOIRES  [16961 

ambassadeur  en  Pologne,  crut  y  voir  jour  à  l'élection  en 
faveur  de  M.  le  prince  de  Conti'.  Il  le  manda,  et  le  Roi, 
qui  ne  demandoit  pas  mieux  que  de  se  défaire  d'un  prince 
de  ce  mérite  si  universellement  connu,  et  qu'il  n'avoit 
jamais  pu  aimer,  tourna  toutes  ses  pensées  à  le  porter 
sur  ce  trône  ^  Les  candidats  qui  s'y  présentoient  *  étoient 

en  471o.  Déjà  membre  de  l'Académie  française,  il  fut  élu  par  celle  des 
sciences  en  1715,  et  par  celle  des  belles-lettres  en  1717.  Il  mourut  à 
Paris,  le  20  novembre  1741.  Voyez  le  portrait  que  Saint-Simon  fait 
de  lui  en  170o  (tome  IV,  p.  346-330),  et  qu'il  faut  comparer  à  ceux  de 
Mme  de  Sévii^né,  du  marquis  d'Argenson,  etc.  Chrysostome  Faucher  a 
publié  une  Histoire  du  cardinal  de  Policjnac  en  deux  volumes  (1777), 
et,  en  1868,  M.  Marins  Topin  a  consacré  à  la  carrière  diplomatique  du 
cardinal,  particulièrement  à  ses  négociations  en  Pologne  que  va  ra- 
conter Saint-Simon,  le  livre  intitulé  :  l'Europe  et  les  Bourbons  sous 
Louis  XIV.  Sa  principale  œuvre,  en  dehors  de  la  correspondance  di- 
plomatique, est  le  poème  de  Y  Anti-Lucrèce,  publié  après  sa  mort, 
en  1745. 

1.  En  1663,  lorsque  Jean-Casimir  Wasa  avait  songé  à  abdiquer  la 
couronne  de  Pologne,  sa  femme,  Louise-Marie  de  Gonzague,  avait  voulu 
faire  élire  soit  Condé  lui-même  ou  son  fils  le  duc  d'Enghien,  qui 
épousa  la  fille  adoptive  de  Louise-Marie,  soit  le  prince  de  Conti,  et 
Colbert  avait  vivement  engagé  Louis  XIV  à  faire  réussir  une  élection 
aussi  utile  à  la  France  ;  mais  le  projet  n'avait  pas  eu  de  suites  à  cette 
époque,  non  plus  qu'en  1669,  quand  un  nouveau  parti  se  forma  en 
faveur  des  Condé,  sous  les  auspices  de  la  femme  même  du  roi  Michel 
Wiecnowiecki.  On  a  vu  plus  haut,  comment,  à  défaut  d'un  Condé,  les 
visées  du  parti  français  se  portèrent  sur  le  jeune  duc  de  Longueville, 
et  comment  la  mort  de  celui-ci  au  passage  du  Rhin  fit  tout  rompre. 
Wiecnowiecki  finit  son  règne  deux  ans  plus  tard,  et,  faute  de  pouvoir 
faire  triompher  un  candidat  présenté  par  la  France,  Louis  XIV  dut  favo- 
riser l'élection  de  Jean  Sobieski,  d'ailleurs  tout  dévoué  à  nos  intérêts. 
Salvandy  a  retracé  ces  diverses  péripéties  dans  l'histoire  du  roi  Jean. 
Celui-ci  mort,  on  revenait  encore  aux  anciens  projets  avec  l'espérance 
d'enlever  la  Pologne  aux  influences  autrichiennes  et  de  la  détourner  de 
la  guerre  contre  les  Turcs,  qui,  retombant  aussitôt  de  tout  leur  poids 
sur  l'Empire,  auraient  produit  une  diversion  favorable  à  la  France. 

2.  Voyez  à  l'Appendice,  n°  XXVIII,  quelques  extraits  de  la  corres- 
pondance diplomatique  relative  à  cette  candidature,  qui  sont  tirés  du 
manuscrit  Clairambault  1160. 

3.  L'énumération  qui  va  suivre  a  été  prise  par  Saint-Simon  dans  le 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  303 

les  électeurs  de  Bavière',  Saxe"^  et  Palatin^,  le  duc  de 
Lorraine*;    et,    bien  que    les   Polonois    se   déclarassent 

Journal  de  Dancjeau,  tome  V,  p.  435  ;  comparez  aussi  les  Ânnale&  de  la 
cour  pour  i697,  tome  I,  p.  165,  de  l'édition  de  1739. 

1.  Maximilien-Marie-Emmanuel,  duc  et  électeur  de  Bavière,  gouver- 
neur des  Pays-Bas  espagnols  et  ancien  général  des  armées  impériales 
sur  le  Rhin.  Sa  notice  est  dans  notre  tome  I,  p.  261,  noie  1,  et  nous 
l'avons  vu,  en  1693,  diriger  les  opérations  de  Flandre  conjointement 
avec  Guillaume  III.  Très  jeune,  il  s'était  distingué  dans  la  guerre  contre 
les  Turcs  et  leur  avait  pris  la  ville  de  Belgrade  (6  septembre  1689). 

2.  Frédéric-Auguste,  fils  cadet  de  l'électeur  de  Saxe  Jean-Georges  III, 
était  né  le  12  mai  1670  et  avait  passé  une  partie  de  sa  jeunesse  à  par- 
courir l'Europe  ;  puis  il  avait  fait  les  quatre  premières  campagnes  de 
la  présente  guerre  contre  les  Français,  et  s'était  marié,  en  1693,  avec 
une  princesse  de  Brandebourg.  En  1694,  il  avait  succédé  à  son  frère 
Jean-Georges  IV  comme  duc  de  Saxe,  de  Clèves,  de  Juliers,  etc.,  et 
comme  électeur  et  arcliimaréchal  de  l'Empire.  Depuis  169o,  il  dirigeait 
les  opérations  de  l'armée  impériale  en  Hongrie,  et  Saint-Simon  a  men- 
tionné plus  haut  (p.  264)  sa  défaite  du  26  août  1696.  Nous  le  verrons, 
en  1697,  se  convertir  au  catholicisme  et  parvenir  à  la  couronne  de  Po- 
logne, que,  malgré  de  nombreuses  compétitions  et  sauf  une  abdication 
temporaire,  il  conserva  jusqu'à  sa  mort  (1"  février  1733). 

3.  Jean-Guillaume-Joseph,  delà  branche  de  Bavière-Neubourg,  à  la- 
quelle l'électoral  était  revenu  en  1683,  était  né  le  19  avril  1638,  et 
avait  succédé,  le  2  septembre  1690,  à  son  père  Philippe-Guillaume, 
comme  duc  de  Bavière  et  de  Neubourg,  comte  et  électeur  palatin  du 
Rhin.  Il  mourut  le  8  juin  1716.  Sa  femme,  morte  en  1689,  était  une 
archiduchesse  d'Autriche,  fille  de  l'empereur  Ferdinand  III.  Son  père 
avait  agi  activement,  en  1669  et  en  1673,  pour  se  faire  élire  roi  de 
Pologne,  mais  comme  allié  et  protégé  de  la  France;  depuis,  s'étaut 
laissé  entraîner  dans  le  parti  contraire  par  l'empereur  Léopold,  son 
gendre,  il  avait  été  un  des  promoteurs  de  la  ligue  d'Augsbourg  et  était 
devenu  chef  du  conseil  aulique,  etc.  Philippe-Guillaume,  père  de  dix- 
sept  enfants,  avait  marié  ses  filles  à  l'Empereur,  au  roi  de  Portugal,  au 
roi  d'Espagne,  au  prince  de  Parme  et  au  fils  aine  du  roi  Sobieski. 

4.  Léopold -Joseph -Charles- Dominique -Agapet- Hyacinthe,  duc  de 
Lorraine  et  de  Bar,  néà  Insprùck  le  II  septembre  1679  et  fait  chevalier 
de  la  Toison  d'or  en  1690,  était  petit-neveu  du  duc  Charles  IV,  qui 
avait  cédé  ses  États  à  Louis  XIV  par  le  traité  de  Montmartre  (1662),  et 
fils  aîné  du  duc  Charles  V  (1643-1690),  qui  avait  brigué  deux  fois  la 
couronne  de  Pologne  et  commandé  longtemps  les  armées  impériales.  Sa 
mère,  Éléonore  d'Autriche,  était  veuve  en  premières  noces  du  roi  Michel 


304  MÉMOIRES  [1696] 

contre  tout  piaste',  les  tîls  du  feu  roi'-'  y  auroient  eu 
grand  part^,  tant  par  une  coutume  assez  ordinaire*  que 
par  le  mérite  d'un  aussi  grand  homme  que  l'étoit  J.  So- 
bieski,  si  l'avarice  extraordinaire  de  la  Reine,  qui  avoit 
tout  vendu  et  rançonné,  et  la  hauteur  de  ses  manières 
n'eût  rendu  ses  enfants  odieux  à  cause  d'elle,  et  si  elle 
eût  été  plus  d'accord  avec  eux^.  Jacques,  l'aîné,  étoit 
fort  mal  avec  elle;  mais  il  étoit  né  avant  l'élection^  de 

Wiecnowiecki.  Nous  le  verrons  remonter  sur  le  trône  ducal  à  la  suite  des 
traités  de  Ryswyk,  épouser  une  tille  du  duc  d'Orléans,  et,  depuis  lors, 
garder  la  plus  stricte  neutralité.  Il  mourut  à  Lunéville,  le  27  mars  iT'29. 

1.  Piast  était  le  nom  du  fondateur  d'une  longue  race  de  princes 
et  rois  de  Pologne,  finie  avec  Casimir  III  le  Grand  (1370).  Par  extension, 
on  désignait  de  cette  appellation  générique  de  piaste  tout  descendant 
d'une  des  dynasties  qui  avaient  occupé  successivement  le  trône,  ou 
même  tout  prétendant  polonais.  Dangeau  dit  en  etfet  (c'est  ce  passage 
que  suit  Saint-Simon)  :  «  On  mande  que ceux  qui  proposeront  un  ori- 
ginaire polonois,  qu'on  appelle  communément /)«««<  dans  ce  pays-là,  sera 
regardé  (sic)  comme  un  traître  à  la  patrie.  »  {Journal,  tome  VI,  p.  -12.) 

2.  Jean  Sobieski  laissa  trois  fils  de  son  mariage  avec  Marie-Casimire 
de  la  Grange  d'Arquien,  savoir  :  i"  Jacques-Louis-Henri,  prince  royal 
de  Pologne,  né  à  Paris  le  2  novembre  1667,  et  tenu  sur  les  fonts  bap- 
tismaux, à  Saint-Germain,  le  15  mai  suivant,  par  Louis  XIV  et  la  reine 
d'Angleterre,  lequel  fut  chevalier  de  la  Toison  d'or,  gouverneur  de 
Styrie,  etc.,  et  mourut  à  Zolkiew,  le  17  décembre  1737;  2°  Alexandre- 
Benoît-Stanislas,  né  à  Dantzick,  le  6  septembre  1677,  et  nommé  par  le 
Pape  et  l'Impératrice,  lequel  devint,  en  1698,  capitaine  des  gardes  du 
roi  Auguste  de  Pologne,  reçut  le  collier  de  l'ordre  du  Saint-Esprit  en 
1700,  et  mourut  à  Rome,  le  19  novembre  1714,  ayant,  peu  auparavant, 
fait  profession  de  la  règle  des  capucins  ;  3"  Constantin-Philippe-Uladis- 
las,  né  le  1"  mai  1680,  qui  reçut  l'Ordre  à  Rome  en  même  temps  que 
son  frère,  et  mourut  le  28  juillet  1726.  Voyez  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  V,  p.  434  :  c'est  ce  texte  que  notre  auteur  continue  de  suivre. 

3.  Le  sens  grammatical  est  :  «  auraient  eu  grande  part  au  trône;  » 
le  vrai  sens  :  «  auraient  eu  grande  chance  d'y  monter,  d'y  être  élus.  « 

4.  Quoique  les  enfants  d'un  roi  défunt  n'eussent  aucun  droit  à 
la  couronne,  il  avait  été  d'usage,  jusqu'au  seizième  siècle,  qu'on  élût 
l'un  d'eux,  et  même  qu'à  défaut  de  fils  on  prît  une  reine  parmi  les  filles. 

5.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  V,  p.  291-292,  ou  l'Histoire 
deJ.  Sobieski,  par  Salvandy,  tome  III,  p.  237,  4o0-4So  et  461-470. 

6.  Uélec surcharge  les  mots  ;  son  père;  devant  est  biffé  ^mc. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  303 

son  père\  ce  qui  le  défavorisoit '^  fort.  Il  étoit  d'ailleurs 
peu  aimé,  et  son  mariage  avec  une  palatine^  sœur  de 
l'Impératrice^  le  rendoit  suspect.  L'Empereur  le  portoit; 
sa  mère  le  traversoit  ^  :  elle  vouloit  un  de  ses  deux  cadets, 
mais  ses  trésors  lui  étoient  plus  chers  encore.  Bavière 
étoit  son  gendre®,  avoit  pour  lui  la  mémoire  du  feu  roi 
et  d'être  homme  de  guerre.  Saxe  avoit  aussi  cette  der- 
nière qualité,  et  son  voisinage,  qui  avoit  fait  connoitre  la 
douceur  de  ses  moeurs  et  sa  libéralité  '.  Le  duc  de  Lor- 

1.  Jean  Sobieski  n'avait  été  élu  que  le  20  mai  167-4,  alors  que  son 
fils  Jacques  avait  déjà  six  ans  et  demi.  Celui-ci  «  était  petit,  brun, 
maigre,  inconstant  dans  ses  goûts.  Avec  un  esprit  élevé,  il  déplaisait 
par  son  air  seul.  Le  marquis  de  Béthune,  son  oncle,  avait  dit  de  lui 
qu'il  portait  l'exclusion  sur  son  visage,  et  les  Polonais  ne  l'appelaient 
que  le  fils  du  grand  maréchal,  taudis  qu'Alexandre  et  Constantin  étaient 
les  fils  du  Roi.  »  (Salvandy,  Histoire  de  J.  Sobieski,  tome  II,  p.  360  ; 
comparez  p.  400-401.)  Un  contemporain  (Mémoires  de  M.  de  ***,  p.  600) 
raconte  que  Sobieski  était  devenu  avare  pour  assurer  l'avenir  de  son 
fils  Jacques,  et  ne  pensait  plus  à  autre  chose. 

2.  Les  dictionnaires  de  la  tin  du  dix-septième  siècle  s'accordent  à 
omettre  ce  verbe,  dont  les  exemples  abondent  au  siècle  précédent.  Au 
reste,  Richelet  (1680)  déclare  «  vieux  et  hors  d'usage,  »  de  l'avis  des 
«  habiles,  »  le  composé  nominal,  de  formation  analogue,  défaveur. 

3.  Hedwige-Élisabeth-Amélie  de  Bavière-Neubourg,  fille  de  l'électeur 
palatin  Philippe-Guillaume,  née  le  18  juillet  1673,  mariée  le  2o  mars 
1691  à  Jacques  Sobieski,  et  morte  le  10  août  1722. 

4.  Éléonore-Madeleine-Thérèse  de  Bavière-Neubourg,  née  le  6  jan- 
vier 1635,  mariée  à  l'empereur  Léopold  le  14  décembre  1676,  morte  le 
17  février  1720. 

3.  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  434  et  469. 

6.  L'électeur  de  Bavière  avait  épousé  en  premières  noces,  le 
13  juillet  1683,  Marie-Antoinette,  archiduchesse  d'Autriche,  et,  devenu 
veuf  le  24  décembre  1692,  il  s'était  remarié,  le  13  août  1694,  avec 
Thérèse-Charlotte-Casimire  (dite  Cunégonde)  Sobieski,  qui,  née  le 
3  mars  1676  et  tenue  sur  les  fonts  par  le  roi  d'Angleterre  et  la  reine 
de  France,  mourut  à  Venise  le  11  mars  1730.  Le  mariage  avec  une 
archiduchesse  avait  changé  les  premières  inclinations  de  ce  prince, 
naturellement  porté  vers  la  France  :  voyez  les  Mémoires  de  Pomponne, 
tome  II,  p.  238  et  suivantes. 

7.  Frédéric-Auguste  de  Saxe,  appuyé  par  l'Empereur,  le  Pape,  les     [Add.  S'-S.186] 
jésuites  et  la  Russie,  finit  par  l'emporter  sur  le  prince  de  Conti.  —  En 

MKMOIRKS    DE    SAINT-SIMON.    ÏU  20 


806»  MÉMOIRES  L169GJ 

raine  étoit  fils  d'une  sœur'  de  l'Empereur,  qui*  avoit  été 
reine  de  Pologne,  et  d'un  des  plus  grands  capitaines  de 
son  siècle^;  plus  effectivement  porté  par  l'Empereur  que 
Jacques  Sobieski.  Enfin  le  prince  Louis  de  Baden  se  mit 
aussi  sur  les  rangs,  comme  un  capitaine  expérimenté, 
peut-être  plus  pour*  l'honneur  d'y  prétendre  que  par 
aucune  espérance  d'y  réussir^. 

La  naissance  du  prince  de  Conti,  si  supérieure  à  celle 
de  ces  candidats,  ses  qualités  aimables  et  militaires,  qui 
s'étoient  fait  connoître  en  Hongrie**  et  qu'il  avoit  si  bien 
soutenues  depuis',  la  qualité  de  neveu  et  d'élève  de  ce 

1686,  il  était  venu  à  la  cour  de  France  sous  le  nom  de  comte  de  Barby, 
et  Saint-Simon,  rencontrant  son  nom  à  cette  occasion,  dans  le  Journal 
de  Dangeau,  tome  I,  p.  281-28^2,  a  fait  une  Addition  de  deux  lignes. 

1.  Marie-Éléonore  d'Autriche,  fille  de  l'empereur  Ferdinand  III,  née 
en  16uo,  épousa  :  1°  le  27  févrior  1670,  Michel  Koribut  Wiccnowiecki, 
élu  roi  de  Pologne  l'année  précédente,  lequel  mourut  le  10  novembre 
1673  ;  2"  le  6  février  1678,  Charles,  duc  de  Lorraine  et  de  Bar  (note  3). 
Devenue  veuve  en  1690,  elle  mourut  le  17  décembre  1697. 

2.  Qui  corrige  et  d'un,  récrit  un  peu  après. 

3.  Charles-Léopold-Nicolas-Sixte,  cinquième  du  nom,  dit  le  prince 
ou  le  duc  Charles  (1643-1690),  avait  été  le  concurrent  de  Michel  Wiec- 
nowiecki  pour  le  trône  de  Pologne,  puis  celui  de  Jean  Sobieski.  Il  prit 
le  titre  de  duc  de  Lorraine  à  la  mort  de  son  oncle  Charles  IV,  mais 
aima  mieux  ne  pas  rentrer  dans  ses  États  de  Lorraine  et  de  Bar  lors 
de  la  conclusion  de  la  paix  de  Nimègue,  que  de  subir  les  conditions 
qu'on  lui  imposait.  Généralissime  de  l'armée  impénale  depuis  la  re- 
traite de  Montecuculi  (octobre  1680),  il  remporta  nombre  de  victoires 
sur  les  Turcs,  et,  pendant  la  campagne  de  1689  sur  le  Rhin,  enleva 
Mayence  et  Bonn  aux  Français.  Mort  en  Autriche  le  18  avril  1690. 

4.  Pour  est  écrit  en  interligne. 

5.  Voyez  les  Annales  de  la  cour,  tome  I,  p.  16o. 

6.  Saint-Simon  a  déjà  dit  un  mot  (tome  II,  p.  288)  de  ce  voyage  des 
princes  de  Conti  en  Hongrie,  sur  lequel  il  s'est  plus  étendu  dans  l'Addi- 
tion 121  {ibidem,  p.  407).  Ils  y  avaient  pris  part,  comme  volontaires, 
aux  glorieux  combats  de  l'armée  impériale  commandée  par  le  duc 
Charles  de  Lorraine. 

7.  Il  avait  assisté  au  siège  de  Philipsbourg  et  à  la  conquête  du  Pa- 
latinat,  en  1688,  puis  aux  batailles  de  Fleurus,  de  Steinkerque  et  de 
Nerwinde  ;  dans  cette  dernière  journée,  son  ardeur  avait  entraîné  les 


G9t)J  OE   SAIiNT-SlMOiN.  307 

fameux  prince  de  Condé^ ,  et  celle  d'héritier  et  de  cousin 
germain  du  comte  de  Saint-Pol,  qui  étoit  encore  regretté 
en  Pologne  et  dont  il  avoit  réuni  tous  les  suffrages  lors- 
qu'il mourut^,  firent  tout  espérer  à  l'abbé  dePolignac,  qui 
voyoit  pour  soi  le  chapeau  de  cardinal  pour  récompense, 
dont  les  Polonois  sont  peu  amoureux,  et  que  leurs  rois 
donnent  fort  ordinairement  à  des  étrangers,  de  la  façon 
desquels  nous  en  avions  en  France^.  Le  Roi  voulut  donc 

troupes  jusqu'au  milieu  des  retranchements  ennemis  :  voyez  le  récit  de 
Saint-Simon  dans  notre  tome  I,  p.  242-261  et  279.  En  169S,  le  prince 
avait  servi  dans  l'armée  de  Flandre. 

1 .  Les  Annales  de  la  cour  et  de  Paris  pour  les  années  1696  et  1697 
(tome  I,  p.  133)  disent  que  toute  l'armée  l'adorait  comme  si  l'âme  du 
feu  prince  de  Condé,  son  oncle,  fut  revenue  en  lui.  Voyez  ci-dessus, 
p.  294,  note  1,  une  citation  de  la  Gazette. 

2.  Encore  un  défaut  de  suite  dans  l'emploi  des  relatifs;  il  disparaî- 
trait par  la  suppression  cVel.  Avec  la  conjonction,  le  tour  devrait  être  : 
«  et  qui  en  avoit  réuni  ».  —  Voyez,  sur  le  testament  du  comte  de  Saint- 
Pol  Longueville  et  sur  le  procès  auquel  donna  lieu  sa  succession,  notre 
tome  II,  p.  12S  et  223-227,  et  ci-dessus,  p.  5-7.  Saint-Simon  a  dit,  un 
peu  plus  haut  (p.  294),  que  «  l'élection  ne  manqua  que  par  sa  mort.  » 

3.  En  1696,  on  comptait  sept  cardinaux  français,  dont  deux  seule- 
ment, M.  de  Bouillon  (1669)  et  M.  de  Fûrstenberg  (1686),  avaient  eu  le 
chapeau  à  la  nomination  de  Louis  XIV  ;  on  n'avait  pu  l'obtenir  pour 
M.  de  Harlay,  et  M.  de  Coislin,  substitué  à  celui-ci,  ne  fut  promu  qu'en 
1697.  Le  cardinal  le  Camus  avait  été  nommé  par  le  Pape  lui-même, 
proprio  molu,  en  1686;  le  cardinal  d'Estrées  était  de  la  nomination  du 
roi  de  Portugal  (1670),  et  les  trois  autres  de  celle  du  roi  de  Pologne, 
savoir  :  M.  de  Bonsy,  pour  avoir  empêché  Jean-Casimir  d'abdiquer 
{Mémoires,  tome  III,  p.  426,  et  ci-après,  p.  326)  ;  M.  de  Forbin-Janson, 
pour  services  rendus  lors  de  l'élection  de  Jean  Sobieski  (tome  V, 
p.  291);  M.  de  la  Grange  d'Arquien,  comme  beau-père  du  même  So- 
bieski et  en  consolation  de  ce  que  Louis  XIV  lui  avait  obstinément  re- 
fusé le  titre  ducal  (tome  V,  p.  291).  —  A  chaque  nouvelle  exaltation, 
la  France,  l'Autriche,  l'Espagne,  le  Portugal,  la  Pologne  et  Venise  pou- 
vaient demander  un  chapeau,  et  il  suffisait  de  quatre  vacances  dans  le 
sacré  collège  pour  que  «  la  promotion  des  couronnes  »  se  fit.  Depuis 
Sixte  V,  il  était  d'usage  que  le  Pape  fit  une  première  nomination  pour 
sa  famille,  une  seconde  pour  son  propre  compte,  et  la  troisième  pour 
les  couronnes.  Souvent  les  droits  des  trois  dernières  puissances  étaient 
méconnus,  et  le  saint-siège   prétendait  même  que  la   Pologne  avait 


308 


MÉMOIRES 


[1696] 


Princes 
Constantin  et 
Alexandre 


voir  ce  que  le  prince  de  Conti  pourroit  faire.  11  Tentretint 
plusieurs  fois  en  particulier,  ce  qui  ne  lui  arrivoit  guère*. 
Il  vendit  pour  six  cent  mille  livres  de  terres  à  des  gens 
d'affaires,  avec  la  faculté  de  les  pouvoir  reprendre  dans 
trois  ans  pour  le  même  prix  :  cette  somme  fut  envoyée 
en  Pologne,  et  le  Roi  promit  de  la  rendre  si  l'élection  ne 
réussissoit  pas". 

Pendant  un  temps  si  critique  pour  les  candidats,  les 
princes  Alexandre  et  Constantin^  Sobieski*  voyageoient, 
et  vinrent  jusqu'à  Paris  pour  y  recevoir  l'Ordre,  qu'ils 
Sobieski,  bien  portoient  dès  avant  la  mort  du  roi  leur  père,  qui  l'avoit 
^baiserftTa^'    instamment  demandé  pour  eux.  Pour  sonder  les  traite- 

Princesse. 

seulement  le  droit  de  solliciter  pour  un  candidat,  et  non  pas  précisé- 
ment celui  de  le  nommer,  comme  faisaient  la  France  et  l'Espagne  : 
voyez  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  IV,  p.  557,  le  Journal  de 
Dangeau,  tome  VI,  p.  60  et  70,  et  les  Mémoires  de  Sourches,  éd.  1881, 
tome  I,  p.  50,  note  2.  Pomponne  {Mémoires,  tome  II,  p.  3)  dit  la  même 
chose  que  notre  auteur  du  peu  d'ambition  des  prélats  polonais  pour  la 
pourpre,  qui  les  eût  gênés  dans  les  diètes. 

1.  Dangeau  dit,  à  la  date  du  t-2  septembre  (tome  V,  p.  470)  :  «  Le 
Roi  eut  une  grande  conversation,  ce  matin,  avec  M.  le  prince  de  Conti, 
et  l'on  croit  que  cela  regarde  la  Pologne.  »  Et  le  23  (p.  475)  : 
«  M.  le  prince  de  Conti  a  souvent  de  petites  conférences  avec  le  Roi,  et 
cela  fait  croire  que  S.  M.  songe  à  le  faire  roi  de  Pologne,  d'autant  plus 
qu'il  y  a  des  seigneurs  polonois  considérables  qui  le  demandent,  et  qui 
ont  déclaré  qu'ils  ne  vouloient  élire  aucun  des  fils  du  feu  roi,  ni  même 
aucun  piast.  »  Comparez  une  phrase  de  Saint-Simon,  plus  haut,  p.  304. 

2.  Cette  phrase  est  presque  littéralement  copiée  du  Journal  de 
Dangeau,  tome  V,  p.  477,  30  septembre.  Les  Annales  de  la  cour  et  de 
Paris  (tome  I,  p.  134)  disent  :  «  Quoique  ce  prince  (de  Contij  ne  fût 
pas  riche,  il  ne  laissa  pas  d'envoyer  deux  cent  mille  écus  de  son  argent 
en  Pologne,  pour  achever  de  gagner  par  des  présents  le  suffrage  de 
ceux  qui  avoient  déjà  de  la  bonne  volonté  pour  lui  par  le  seul  bruit  de 
sa  renommée  ;  car,  comme  ce  n'est  qu'en  ce  temps-là  que  les  grands 
de  ce  royaume  ont  coutume  de  faire  leur  moisson,  il  ne  faut  pas  pré- 
tendre que  l'on  puisse  jamais  obtenir  leur  couronne  à  moins  que  de 
semer  auparavant  pour  les  faire  recueillir.  » 

3.  Les  deux  prénoms  sont  écrits  en  abrégé  :  Alex,  et  Const. 

4.  Voyez  ci-dessus,  note  2  de  la  page  304,  et  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  V,  p.  126,  26,  décembre  1694.  On  trouve  les  portraits  de  ces  deux 
princes,  au  lavis,  dans  le  ms.  Clairambault  1170,  fol.  61  et  6'2. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON,  309 

ments  qu'ils  desiroient,   ils  demeurèrent  i7îcofjnito\   et 
néanmoins  le  Roi  leur  donna,  comme  aux  gens  titrés,  la 
distinction  de  baiser  la  Princesse^  et  Madame.  Mme  de     Vaine  entre- 
Béthune^  sœur  de  la  Reine  leur  mère,  arrivoit  aussi  de  Béthune  d^bai- 
Pologne,  où  son  mari^  avoit  été  longtemps  ambassadeur,  seriaPrincesse. 

1.  Voyez  le  Journal  de  Datujeau,  tome  VI,  p.  30,  32,  44,  etc.  Voici 
le  procès-verbal  que  Sainctot  fit  de  leur  visite  au  Roi  :  «  Le  27  décem- 
bre, le  prince  Alexandre,  sous  le  nom  du  marquis  Jaroslaw,  et  le  prince 
Constantin,  sous  celui  du  comte  de  Pomergean  (?),  après  la  mort  du  roi 
Jean  III,  de  la  maison  de  Sobieski,  vinrent  en  France,  saluèrent  inco- 
gnito le  Roi  à  Versailles.  Sa  Majesté  les  reçut  debout  et  découvert,  dans 
son  cabinet,  vers  l'heure  de  midi,  avant  qu'il  se  mît  à  table.  Ils  étoient 
accompagnés  de  Mme  la  marquise  de  Béthune,  leur  tante,  du  marquis 
de  Torcy,  ministre  et  secrétaire  d'État,  do  l'introducteur  des  ambassa- 
deurs et  de  leurs  gentilshommes  polonois.  Le  Roi  leur  fit  un  accueil 
honnête,  et,  après  un  demi-quart  d'heure  de  conversation,  il  s'inclina 
le  premier,  pour  marquer  qu'il  avoit  reçu  leur  visite.  Ils  se  retirèrent. 
Le  Roi  ne  les  fit  point  couvrir.  »  (BibL  nat.,  ms.  Fr.  14  119,  fol.  268.) 
Nous  les  verrons,  au  mois  d'avril  1697,  repartir  sans  que  leurs  préten- 
tions diverses  aient  été  accueillies.  Ils  avaient  apporté  avec  eux  un 
million  ou  douze  cent  mille  écus,  et  faisaient  entendre  qu'ils  voulaient 
acheter  une  terre  en  France  ou  des  rentes  sur  la  Ville,  afin  de  «  don- 
ner une  idée  plus  avantageuse  de  leur  mère  que  l'abbé  de  Polignac  n'en 
donnoit.  »  [Annales  de  la  cour,  tome  I,  p.  136-140,  et  Journal  de  Dan- 
geau,  tome  VI,  p.  30.) 

2.  La  future  duchesse  de  Bourgogne,  nommée  alors,  comme  il  a  eu-, 
dit  (p.  276),  «  la  Princesse,  »  tout  court.  —  Saint-Simon  dit,  dans  sa 
Table  alphabétique  (tome  XX,  p.  569)  :  «  Princes  Constantin  et  Alexan- 
dre, fils  puînés  du  roi  de  Pologne  J.  Sobieski,  quoique  incognito  en 
France,  baisent  la  Princesse,  future  duchesse  de  Bourgogne,  laquelle 
dès  lors  en  avoit  le  rang.  « 

3  Marie-Louise  de  la  Grange  d'Arquicn,  fille  d'honneur  de  la  Reine, 
mariée  à  Rueil,  le  20  janvier  1669,  avec  François-Gaston,  marquis  de 
Béthune,  et  morte  le  11  novembre  1728,  à  quatre-vingt-quatorze  ans. 
Elle  avait  obtenu  la  survivance  de  la  charge  de  dame  d'atour  peu  de 
temps  avant  son  mariage,  en  décembre  1668. 

4.  François-Gaston,  marquis  de  Béthune,  de  la  branche  de  Selles, 
né  à  Selles  le  13  mai  1638,  et  fils  du  fameux  collectionneur  de  manu- 
scrits, commanda  un  régiment  de  cavalerie  pendant  la  campagne  de 
1667  et  fut  gouverneur  du  pays  de  Clèves  en  1672.  Sa  première  mission 
diplomatique,  en  1671,  eut  pour  objet  le  mariage  de  Monsieur  avec  la 
princesse  palatine.  Il  retourna  auprès  de  rElcctcur  en  1674,  puis  l'ut 


310  MÉMOIRES  [1G96I 

et  étoit  mort  en  la  même  qualité  eu  Suède'.  Elle  avoit 
été  dame  d'atour  de  la  Reine  en  survivance  de  sa  belle- 

[Add.  S'-S.  187]  mère*,  sœur  du  duc  de  Saint-Aignan^.  G' étoit  une  femme 
d'esprit,  hardie,  entreprenante^  qui,  à  l'abri  de  ses  ne- 

\-kld.  S'-S.  188]  veux  Sobieski,  se  mit  dans  la  tête  de  faire  accroire  que, 
parce  qu'elle  avoit  été  dame  d'atour  de  la  Reine,  elle 
devoit  baiser  les  filles  de  France.  Madame  en  fut  la  dupe 
et  la  baisa.  Avec  cet  exemple,  par  lequel  elle  avoit  com- 
mencé, elle  crut  être  admise  au  même  honneur  par  la 
Princesse  ;  mais  la  duchesse  du  Lude,  à  la  cour  de  tout 
temps,  et  qui  savoit  et  avoit  vu  le  contraire,  n'osa  le 
prendre  sur  elle.  Le  Roi,  informé  de  la  prétention,  la 

choisi  pour  aller  en  Pologne  complimenter  son  beau-frère  Jean  Sobieski, 
élu  roi,  et  y  emmena  Chaulieu,  dont  les  lettres  contiennent  des  détails 
curieux  sur  ce  voyage.  Revenu  en  1673  pour  recevoir  le  collier  du  Saint- 
Esprit,  il  retourna  encore  à  Varsovie,  comme  ambassadeur,  de  1676  à 
1680,  en  fut  rappelé  à  cause  de  la  conduite  de  sa  femme,  mais  y  alla 
de  nouveau  résider,  avec  le  titre  d'envoyé  extraordinaire,  de  1686  à 
1691.  Il  fut  nommé,  en  1691,  ambassadeur  auprès  du  roi  de  Suède, 
et  mourut  à  Stockholm,  le  4  octobre  1692.  Sur  ses  ambassades  et  ses 
relations  avec  les  Sobieski,  voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  V,  p.  289, 
une  Addition  à  Dangeau  (tome  IV,  p.  188),  les  Mémoires  de  Choisy, 
p.  641-642  et  661-665,  ceux  de  Pomponne,  tome  II,  p.  43o  et  438-472, 
etc.  Il  avait  été  question,  en  1689,  de  le  nommer  gouverneur  du  duc 
de  Chartres  {Journal  de  Dangeau,  tome  II,  p.  334  et  476). 

1.  Ce  dernier  membre  de  phrase  détaché  du  relatif  où,  est  encore  une 
licence  ordinaire  à  notre  auteur  dans  les  constructions  conjonctives. 

2.  Anne-Marie  de  Beauvillier  de  Saint-Aignan,  mariée  le  29  novem- 
bre 1629  à  Hippolyte  de  Béthune,  comte  de  Selles,  chevalier  des  ordres 
et  chevalier  d'honneur  de  la  reine  Marie-Thérèse,  dont  elle  fut  nommée 
dame  d'atour.  Elle  devint  veuve  le  24  septembre  1663,  eut  une  pen- 
sion de  neuf  mille  livres  en  quittant  sa  charge  (décembre  1684),  et 
mourut  à  Paris,  le  12  novembre  1688,  âgée  de  soixante-dix-huit  ans. 

3.  Le  père  du  duc  de  Beauvillier  (tome  I,  p.  134). 

4.  «  La  marquise  de  Béthune  étoit  naturellement  très  intéressée.... 
Cette  femme  ne  laissoit  pas  d'avoir,  par  son  esprit  difficile,  jaloux  et 
impérieux,  une  sorte  d'autorité  sur  l'esprit  du  marquis  de  Béthune,  son 
mari....»  {Mémoires  de  Choisy,  p.  663-664;  comparez  les  Lettres  de 
Mme  de  Sévigné,  tome  X,  p.  84.)  Les  Mémoires  de  M.  de  *"*  (p.  610) 
la  disent,  au  contraire,  fort  douce,  obligeante  et  très  utile  aux  Fran- 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  M^ 

trouva  impertinente  et  fausse,  et  fort  mauvais  que  Ma- 
dame s'y  fût  laissé^  tromper^.  Mme  de  Béthune,  qui  sa- 
voit  fort  bien  que  sa  prétention  étoit  une  entreprise^,  la 
laissa  promptement  tomber,  et  fut  présentée  à  la  Prin- 
cesse sans  la  baiser. 

Coëtquen*,  en  arrivant,  épousa  la  seconde  fille  du  duc     Mariage  de 


çais.  Les  Annales  de  la  cour  (éd.  1739,  tome  1,  p.  154)  prétendent  que 
sa  foile  jalousie  l'avait  seule  empêchée  de  faire  une  grande  fortune  à 
Varsovie,  et,  selon  un  passage  du  Journal  de  Dangeau  (tome  I,  p.  253), 
elle  eut  beaucoup  de  peine,  en  revenant  de  Pologne,  à  obtenir  la  per- 
mission de  suivre  la  cour;  cependant,  rentrée  en  grâce  par  le  moyen 
de  ses  parents,  vers  1685,  elle  reçut  une  pension  de  quatre  mille  livres, 
portée  à  neuf  mille  en  1693  et  à  treize  mille  en  1698. 

1.  Laissée,  au  féminin,  dans  le  manuscrit. 

2.  Dangeau  enregistre  le  fait  en  ces  termes,  à  la  date  du  19  décem- 
bre 1696  (tome  VI,  p.  44)  :  «  Les  princes  de  Pologne  allèrent  mardi  (18 
à  sa  toilette  (de  la  Princesse),  et,  quoiqu'ils  soient  ici  incognito,  le 
Roi  régla  qu'ils  baiseroient  la  Princesse.  Mme  de  Béthune  prétendoit 
le  même  honneur,  comme  ayant  été  dame  d'atour  de  la  Reine  et,  en 
cette  qualité,  à  son  retour  de  Pologne,  ayant  baisé  Madame  ;  mais  le 
Roi  a  dit  que  cet  exemple  ne  sufïisoit  pas,  et  ne  voulut  pas  qu'elle 
baisât  la  Princesse.  »  C'est  cet  endroit  du  Journal  qui  a  inspiré  l'Ad- 
dition de  Saint-Simon  (n°  188),  et  par  suite  le  présent  passage  des  3Ié- 
moires.  Nous  avons  déjà  indiqué  plus  haut,  p.  271,  note  2,  un  mémoire 
de  Breteuil  sur  les  baisers  d'étiquette.  «  La  Dauphine,  dit  ce  document, 
étant  venue  en  France  en  1680,  le  Roi  régla  qu'elle  ne  baiseroit  que 
les  femmes  dont  elle  baisoit  les  maris,  c'est-à-dire  les  princesses  du 
sang,  les  duchesses  et  les  femmes  des  officiers  de  la  couronne.  » 
Comparez  les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VI,  p.  348,  le  recueil 
de  la  Pairie,  Arch.  nat.,  KK  594,  fol.  398,  et  le  Journal  de  Dangeau, 
tome  I,  p.  373,  et  tome  II,  p.  61,  avec  Additions  de  Saint-Simon.  Mon- 
sieur obtint  la  même  chose  pour  Madame,  «  quoique  le  Roi  dit  que  cette 
distinction  ne  devoit  être  que  pour  celle  qui  devoit  un  jour  être  reine.  » 

3.  Entreprise,  empiétement  :  voyez  le  Dictionnaire  de  M.  Littré  à  ce 
mot,  3°.  En  ce  sens,  il  ne  s'emploie  guère  absolument,  mais  avec  sur. 

4.  Sur  la  maison  de  Coëtquen,  voyez  notre  tome  I,  p.  55,  note  6.  — 
Malo-Auguste,  marquis  de  Coëtquen  et  comte  de  Combourg,  né  le 
7  juin  1678,  eut  un  régiment  d'infanterie  en  novembre  1696,  fut  promu 
brigadier  en  1704,  maréchal  de  camp  en  1708,  commandant  pour  le 
Roi  en  Bretagne  en  1716,  gouverneur  de  Saint-Malo  en  1717,  lieute- 
nant général  en  1718,  et  mourut  à  Saint-Malo,  le  30  juin  1727. 


312  ÎVIÉMOIRES  [169G] 

Coëtquen  avec  de  Noailles*  :  il  n'avoit  point  de  père,  étoit  riche,  et  fils 

uiip  lilledu  duc     i       ^  j       r>    -.  »       m<i  i  •  /    ^»       i 

de  iVoaiiies.  "^  ^"^^  ^^  toetquen'  célèbre  par  la  passion  de  M.  de 
Turenne  et  le  secret  de  Gand^,  qui  lui  échappa;  elle  étoit 
sœur  du  duc  de  Rohan\  de  Mme  de  SouLise^  dont  la 
beauté  a  fait  une  si  éclatante  fortune,  et  de  la  princesse 
d'Espinoy*',  tous  enfants   de  l'héritière  de  Rohan'  qui 

1.  Marie-Charlotte  de  Noailles,  mariée  le  20  novembre  1696,  et 
morte  à  Paris,  le  7  juin  1723,  à  l'âge  de  quarante-deux  ans. 

2.  Marguerite-Gabrielle  de  Rohan-Chabot  épousa  Malo,  marquis  de 
Coëtquen,  second  du  nom,  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  (1659), 
gouverneur  de  Saint-Malo  (1662),  lieutenant  général  en  Bretagne  (1663), 
grand  veneur  de  Monsieur  pour  le  cerf  (1677)  ;  elle  devint  veuve  le 
24  avril  1679,  et  mourut  le  17  juin  1720,  à  Rennes,  dans  un  couvent 
de  la  Visitation  oij  elle  s'était  retirée  depuis  l'année  1708.  Elle  signait  : 
M.  Chabot  de  Rohan,  douarière  de  Coesquen. 

3.  Gand,  capitale  du  comté  de  Flandre,  fat  pris  en  neuf  jours  (3-9- 
12  mars  1678)  par  Louis  XIV  et  Louvois  ;  mais  cela  se  passait  trois  ans 
après  la  mort  de  Turenne,  et,  bien  que  Saint-Simon  répète  plusieurs 
autres  fois  (tome  II,  éd.  1873,  p.  101,  tome  XVll,  p.  86-87,  et  Addition 
à  Dangeau,  tome  XVIII,  p.  304")  que  Mme  de  Coëtquen  arracha  à 
Turenne  et  livra  au  chevalier  de  Lorraine  le  «  secret  du  siège  de  Gand,  » 
nous  ne  pouvons  voir  là  qu'une  erreur  persistante.  D'après  l'abbé  de 
Choisy  {Mémoires,  p.  639  et  6o4;  comparez  la  Vie  de  D.  de  Cosnac,  à 
la  suite  des  Mémoires  de  celui-ci,  tome  II,  p.  241-242),  d'après  la  Fare 
{Mémoires,  p.  268-269),  d'après  deux  lettres  de  Madame  (recueil  Brunet, 
tomes  I,  p.  243-244,  et  11,  p.  206),  etc.,  ce  fut  le  secret  des  négocia- 
tions confiées  à  Madame  Henriette  auprès  du  roi  Charles  II  d'Angleterre, 
en  1670,  que  Mme  de  Coëtquen  se  lit  révéler  et  qu'elle  dévoila  à  son 
amant  préféré.  Quant  au  siège  de  Gand,  ce  prodige  de  tactique  et  de 
combinaisons  précises  (voyez  l'Histoire  de  Louvois,  tome  11,  p.  484  et 
suivantes),  ce  «  chef-d'œuvre  de  Louvois  »  {Mémoires  de  Sai7it-Simon, 
tome  Xll,  p.  8,  et  Parallèle,  p.  53),  personne  n'en  trahit  le  secret. 

4.  Le  duc  de  Rohan-Chabot  :  voyez  tome  II,  p.  18,  note  4. 
3.  Tome  I,  p.  85,  note  5. 

6.  Jeanne-Pélagie  de  Rohan-Chabot,  mariée  le  11  avril  1668  à 
Aleyandre-Guillaume  de  Melun,  prince  d'Espinoy,  et  morte  le  18  août 
1698.  Elle  s'appelait  la  princesse  douairière  d'Espinoy  depuis  la  mort 
de  son  mari  (1679). 

7.  Marguerite,  duchesse  de  Rohan  et  princesse  de  Léon,  seule  héri- 

<»  Dans  une  Addition  précédente  (tome  II,  p.  80).  il  dil  (|ite  l'iiuliscrétion 
porta  sur  les  projets  formés  pour  le  siège  do  Maëstrirht. 


[1G96J  DE  SAINT-SIMON.  313 

épousa  le  Chabots  Ainsi  le  père  et  les  filles  devinrent 
célèbres  par  le  bonheur  de  l'amour.  Coëtquen  n'en  tint 
rien  :  il  épousa,  pour  le  crédit  des  Noailles'^  la  plus  laide 
et  la  plus  dégoûtante  créature  qu'on  sût  voir,  et  il  pré- 
tendit plaisamment  qu'on  lui  avoit  fait  voir  la  troisième^, 

tière  du  grand  Henri  de  Rohan  (mort  le  13  avril  1638)  et  d'une  fille  de 
Sully,  épousa  Henri  de  Chabot  le  6  juin  1645,  devint  veuve  en  1635,  et 
mourut  à  Paris,  le  8  avril  1684,  âgée  de  soixante-sept  ans.  —  Saint- 
Simon  reviendra  ailleurs  sur  Marguerite  de  Rohan,  sur  son  mariage 
et  sur  sa  descendance  :  voyez  le  tome  II  de  l'édition  de  1873,  p.  69, 
101,  etc. 

1.  Henri  de  Chabot,  de  la  branche  des  comtes  de  Jarnac,  seigneur  de 
Sainte-Aulaye  et  de  Montlieu,  devint  duc  de  Rohan-Chabot  par  lettres 
du  mois  de  décembre  1648,  données  en  considération  de  son  mariage. 
Il  fut  nommé  gouverneur  d'Anjou  en  1647,  et  mourut  à  Chanteloup, 
près  de  Châtres,  le  27  février  1653,  âgé  de  trente-neuf  ans. 

2.  Coëtquen  se  trouvait  fort  riche,  car  sa  mère,  décidée  à  vivre  dé- 
sormais dans  la  retraite",  lui  céda  tout  son  bien  et  n'en  garda  que  dix 
ou  onze  mille  livres  de  rente,  sur  les  représentations  du  maréchal  de 
Noailles  :  voyez  les  Annales  de  la  cotir  et  de  Paris,  tome  I,  p.  143-144. 
Le  Chansonnier  (ms.  Fr.  12  692,  p.  69),  qui  nous  donne  le  même  détail, 
ajoute  qu'on  trouva  ce  désintéressement  d'autant  plus  étonnant  que 
la  duchesse  du  Lude,  à  cinquante  ans,  venait  de  se  lancer  de  nouveau 
dans  les  tracas  de  la  cour.  Mlle  de  Noailles  n'apportait  que  cinquante 
mille  livres  comptant  ;  mais  sa  grand'mère  lui  donnait  dix  mille  écus, 
avec  assurance  de  cent  mille  livres  après  sa  mort,  et  son  père,  outre 
l'entretien  du  ménage  pendant  sept  ans,  s'engageait  à  faire  passer  le 
régiment  d'infanterie  de  Noailles  au  nom  de  M.  de  Coëtquen.  L'arche- 
vêque de  Paris  ajouta  aussi  un  contrat  de  rente  de  mille  livres.  (Arch. 
nat.,  Y  268,  fol.  447,  contrat  de  mariage  du  19  novembre  1696;  Ga- 
zette d' Amsterdam,  n°  xcvi  ;  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  29  et  33). 
D'une  lettre  de  félicitations  de  Mme  des  Ursins  aux  Noailles  il  ré- 
sulte que  cette  princesse  s'était  chargée  de  négocier  un  mariage  pour 
leur  fille  avec  les  Salviati  (Ribl.  nat.,  ms.  Fr.  6919,  fol.  95-96).  —  Le 
maréchal  de  Noailles  avait  huit  filles  ;  mais,  comme  le  dira  Saint-Simon, 
il  parvint  à  les  bien  placer  toutes. 

3.  La  troisième  fille  alors  vivante  du  maréchal  de  Noailles  était 
Lucie-Félicité,  née  le  9  novembre  1683,  que  nous  verrons  épouser  le 
comte  d'Estrées  le  30  janvier  1698,  et  qui  fut  nommée,  à  cette  occa- 
sion, dame  du  palais  de  la  duchesse  de  Bourgogne.  Elle  devint,  selon 

o  Elle  se  retira,  presque  aussitôt  après  le  mariai2;e,  dans  la  maison  de 
Sainte-Pélagie,  au  faubourg  Saint-Marcel,  fondée  par  Mme  de  Miianiion. 


314  MÉMOIRES  [16961 

qui  étoit  jolie,  puis  qu'on  l'avoit  trompé  et  donné  l'autreV 
Le  mariage  aussi  fut  peu  heureux*. 

le  dire  de  Mme  de  Maintenon,  une  fort  jolie  femme,  avec  plus  d'esprit 
qu'il  n'en  paraissait  d'abord,  très  naturelle,  gaie,  sage  et  polie  (lettre 
du  7  janvier  1701).  Elle  mourut  le  11  janvier  1745. 

1.  Ellipse  familière  à  notre  auteur  :  «  et  qu'on  lui  avoit  donné.  » 

2.  Voici  un  article  des  Annales  de  la  cour  et  de  Paris  (tome  I,  p.  144- 
147)  qu'il  est  bon  de  rapprocher  de  ce  passage  :  «  Son  fils  (de  Mme  de 
Coëtquen)  n'avoit  pas  plus  de  dix-huit  ans  alors  qu'il  épousa  Mlle  de 
Koailles.  Cependant,  comme  il  étoit  non  seulement  très  grand  pour 
son  âge,  mais  encore  qu'il  ne  pouvoit  guère  espérer  de  le  devenir  da- 
vantage quand  il  auroit  vingt-cinq  ans,  elle  s'étoit  pressée  de  le  ma- 
rier, parce  que  son  mari  ne  lui  avoit  point  laissé  d'autres  enfants.  Elle 
n'avoit  pas  été  trop  heureuse  avec  lui,  quoique  ce  fût  une  brune  fort 
agréable  et  de  très  bonne  mine....  Il  arriva....  que,  dès  le  lendemain 
de  ses  noces,  il  ne  se  put  tenir  de  dire  à  ses  amis,  qui  venoient  lui 
faire  compliment  sur  son  mariage,  qu'il  n'y  avoit  pas  de  quoi  s'en 
donner  la  peine;  que  sa  mère  lui  avoit  choisi  une  bamboche"  au  lieu 

d'une  femme En  effet,  il  commença,  dès  le  jour  même,  à  donner 

tant  de  marques  de  l'indifférence  qu'il  avoit  pour  elle,  que  toute  la  fa- 
mille de  cette  dame  en  fut  alarmée.  Elle  tint  conseil  là-dessus,  afin  que 
M.  de  Coëtquen  ne  se  jetât  pas  dans  la  débauche —  L'archevêque  de 
Paris,  qui  est  frère  du  maréchal,  y  fut  appelé  tout  des  premiers,  et 
ils  convinrent  tous  d'un  commun  accord  que,  comme  la  jeune  mariée 
avoit  le  teint  d'un  mort,  ce  qui  la  faisoit  paroître  encore  plus  désagréable, 
il  falloit  trouver  quelque  expédient  pour  lui  en  donner  un  meilleur.  Il 
y  en  avoit  un  qui  étoit  assez  en  vogue  parmi  les  dames  qui  font  le  leur 
de  quelle  couleur  elles  veulent,  par  le  moyen  du  blanc  et  du  rouge 
dont  elles  couvrent  leur  visage....  Mais,  quoique  la  duchesse  de  Noailles 
et  M.  l'archevêque  de  Paris  ajoutassent  encore  au  rouge  dont  ils  far- 
dèrent le  visage  de  cette  dame  des  talons  d'un  quartier  de  haut  à  ses 
souliers,  pour  la  faire  paroître  plus  grande,  elle  ne  fut  pas  plus  aimable 
aux  yeux  de  son  mari  qu'elle  y  avoit  été  depuis  qu'ils  étoient  ensemble; 

il  la  trouva  encore  plus  laide  qu'auparavant Le  maréchal  de  Noailles, 

qui  est  un  faiseur  d'enfants,  et  qui  en  a  plus  d'une  vingtaine  de  sa 
femme,  quoiqu'elle  n'ait  guère  plus  de  quarante  ans,  avoit  encore  une 
autre  fille  toute  prête  à  marier,  laquelle  étoit  bien  différente  de  Mme  de 
Coëtquen.  Autant  que  l'une  étoit  laide,  autant  l'autre  étoit  agréable  : 
ce  qui  faisoit  dire  au  marquis  de  Coëtquen  que  ce  maréchal  lui  avoit 
donné  Lea  (sic,  pour  Lia),  et  qu'il  avoit  gardé  Rachel.  »  —  Mme  de 

»  On  appelait  bamboches  de  «  petites  figures  en  forme  de  marionnettes,  >■ 
et,  par  extension,  «  une  femme  de  fort  petite  taille.  »  (Furetitre.) 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  31.H 

L'année  finit  par  deux  morts  et  deux  disgrâces  ^  :  l'abbé 
[le]  Peletier^,  conseiller  d'État  habile,  mais  fort  rustre,  qui 
mourut  d'apoplexie  presque  en  sortant  de  dîner  chez  son 
frère  le  ministre  d'État^  ;  et  le  duc  de  Rouannez\  IP  avoit 
perdu  son  père*^  avant  son  grand-père  ^  auquel  il  avoit 

Coëtqtien  mourut   «  sans  qu'on  eût  fait  grand  cas  d'elle  nulle  part.  » 
{Mémoires,  tome  XIX,  p.  106.) 

1.  Elle  avait  commencé  par  «  deux  grâces,  »  a  dit  Saint-Simon  (p.  36). 

2.  Jérôme  le  Peletier  (Saint-Simon,  nous  l'avons  déjà  remarqué, 
écrit  :  Pelletier,  sans  article)  était  né  à  Paris  le  1""  octobre  1632,  et 
ne  possédait,  en  fait  de  bénéfices,  que  la  prévôté  de  l'église  collégiale 
de  Notre-Dame  de  Pignans,  en  Provence.  Il  fut  d'abord  conseiller  au 
Châtelet,  puis  eut  une  charge  au  Parlement  le  7  juin  16S6,  passa  à  la 
grand'chambre  en  1680,  et  obtint  des  lettres  de  conseiller  d'honneur 
en  avril  1686.  Il  était  conseiller  d'État  semestre  depuis  le  mois  de 
janvier  168o.  Il  mourut  à  Fontainebleau  le  17  octobre  1696,  et  fut  in- 
humé le  19  à  Paris,  chez  les  Carmes  de  la  place  Maubert.  L'abbé  le  Pe- 
letier avait  fait  partie  de  la  commission  des  Grands  jours  d'Auvergne, 
de  la  commission  d'enquête  de  1687  et  de  la  chambre  des  Grands  jours 
qui  siégea  en  Poitou,  Aunis,  Saintonge,  etc.,  l'an  1688.  C'était  un  ami 
de  Mme  de  Sévigné,  et,  d'après  le  récit  d'un  souper  qu'elle  fit  chez  lui 
en  1689  (tome  VIII  des  Lettres,  p.  537),  on  est  autorisé  à  croire  qu'il 
aimait  beaucoup  la  bonne  chère. 

3.  Claude  le  Peletier,  déjà  mentionné  plus  haut,  ancien  contrôleur 
général  des  finances.  —  Selon  le  Journal  de  Dangeau  (tome  VI,  p.  7 
et  11),  où  Saint-Simon  a  trouvé  ce  fait,  l'abbé  le  Peletier  fut  frappé 
d'apoplexie  le  15  octobre,  et  il  ne  mourut  que  le  17. 

4.  Artus  Gouffier,  titré  d'abord  marquis  de  Boisy,  puis  duc  de 
Rouannez  après  la  mort  de  son  grand-père  (septembre  1642),  fut  pourvu 
du  gouvernement  dos  pays  de  Poitou,  de  Chàtellcraudois  et  de  Loudu- 
nois  en  septembre  1631,  et,  deux  mois  après,  il  contribua  à  la  défaite  des 
troupes  du  prince  de  Condé  devant  Cognac.  Mort  le  4  octobre  1696.  Il 
signait,  sans  accent  ni  tréma  :  le  duc  de  Rouaties.  Saint-Simon  écrit  : 
Roannais,  ce  qui  serait  la  forme  la  plus  régulière;  mais  nous  croyons 
devoir  conserver  celle  de  Rouannez,  qui  est  plus  généralement  adoptée. 
—  L'auteur,  se  bornant  à  une  incorrecte  apposition,  laisse  au  bout 
de  sa  plume,  après  Rouannez  :  «  furent  les  deux  morts.  »  Il  dira  plus 
loin,  passant  aux  disgrâces  (p.  319)  :  «  furent  les  deux  disgraciés.  » 

3.  Le  second  des  deux  personnages  morts,  M.  de  Rouannez. 

6.  Henri  Gouffier,  dit  le  marquis  de  Boisy,  né  en  1603,  tué  le  24  août 
1639.  Tallemant  des  Réaux  cite  de  lui  quelques  aventures  galantes. 

7.  Louis    Gouffier,    né  le    23    novembre   1378,   capitaine  de    cent 


Mort  de  l'abbé 

[le]  Peletier, 

conseiller 

d'État. 

Du  duc  de 
Rouannez. 


316  MÉMOIRES  [16961 

succédé  au  gouvernement  de  Poitou  et  à  sa  dignité,  en 
1642^  Faute  de  pairs,  rares  alors  et  dispersés  dans  leurs 
gouvernements  dans  ces  temps  de  troubles^  il  eut  l'hon- 
neur de  représenter  le  comte  de  Flandres^  au  sacre  du 
Roi,  n'ayant  pas  trente  ans^  C'étoit  un  homme  de  beau- 
coup d'esprit  et  de  savoir^,  qui  tourna  de  fort  bonne  heure 

hommes  d'armes  des  ordonnances  et  gouverneur  du  Poitou,  créé  duc 
de  Rouannez,  par  nouvelle  érection,  en  1612  (voyez  la  note  1  de  la 
page  318),  nommé  conseiller  d'État  et  chevalier  du  Saint-Esprit  en  1614, 
et  mort  à  Oiron,  le  16  décembre  1642,  sans  avoir  été  reçu  dans  l'Ordre". 
Tallemant  (/^/s<om«es,  tome  II,  p.  218,  et  tome  VII,  p.  375)  décrit 
deux  singuliers  tableaux  que  ce  duc  de  Rouannez  avait  fait  faire. 

1.  Ce  fut  seulement  le  1"  septembre  46ol  que  le  dernier  duc  de 
Rouannez  rentra  en  possession  du  gouvernement  de  Poitou,  sur  la  dé- 
mission du  duc  François  VI  de  la  Rochefoucauld,  qui,  pourvu  depuis  le 
mois  de  novembre  1646,  avait  fait  donner  la  survivance  à  son  fils  le 
prince  de  Marcillac,  en  juin  16ol  ;  et,  avant  François  VI,  ce  gouverne- 
ment avait  appartenu  au  comte  de  Parabère,  qui  l'avait  eu  le  12  février 
4633,  en  remplacement  de  François  V,  premier  duc  de  la  Rochefoucauld. 
En  1664,  M.  de  Rouannez  fut  forcé  de  le  vendre  au  duc  de  la  Vieuville. 
Saint-Simon,  trompé  par  une  ponctuation  défectueuse  de  YHistoire  gé- 
néalogique, placera  à  tort  cette  démission  en  1632  (tome  VIII,  p.  23). 

2.  C'est  à  la  même  cérémonie  du  7  juin  16o4  que  le  duc  de  Saint- 
Simon,  père  de  notre  auteur,  ne  put  ou  ne  voulut  assister:  voyez  notre 
tome  I,  p.  206  et  471,  et  le  tome  XIX  de  1873,  p.  67. 

3.  Un  des  six  anciens  pairs  laïques  qui,  bien  que  n'existant  plus 
en  fait,  reparaissaient  en  nom  pour  assister  le  Roi  à  son  sacre.  C'é- 
taient :  le  duc  de  Bourgogne,  représenté  en  1634  par  Monsieur;  le  duc 
de  Normandie,  représenté  par  M.  de  Vendôme,  et  le  duc  d'Aquitaine, 
représenté  par  M.  d'Elbeuf;  le  comte  de  Toulouse,  représenté  par  le 
duc  de  Candalle;  le  comte  de  Flandres,  par  M.  de  Rouannez,  et  le 
comte  de  Champagne,  par  le  duc  de  Bournonville  (Gazette  de  1634, 
p.  581  ;  Mémoires  de  Momjlat,  p.  297-298).  Le  comte  de  Flandres  était 
chargé  de  porter  une  des  épées  du  Roi. 

4.  Une  longue  digression  sur  cet  épisode  se  trouve  dans  l'article 
Rouannez  des  Duchés-pairies  éteints  (vol.  58  des  Papiers  de  Saint- 
Simon).  Il  en  est  parlé  aussi  dans  les  Écrits  inédits  publiés  par  M.  Fau- 
gère,  tome  III,  p.  27. 

5.  Le  duc  de  Rouannez,  selon  une  expression  du  chevalier  de  Méré, 

o  Ses  preuves,  datées  du  19  décembre  1616,  se  trouvent  dans  le  ms.  Du- 
chesne  25,  foi.  198. 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  317 

à  la  retraite  et  à  une  grande  dévotion,  qui  l'éloigna  abso- 
lument du  mariage^  M.  de  la  Feuillade'  en  profita  dans 
sa  faveur  :  il  traita  avec  lui,  lui  donna  gros  du  duché  de 

avait  «  l'esprit  mathématique,  »  plutôt  que  de  l'étude.  La  mécanique  et 
la  géométrie  l'occupèrent  tout  particulièrement,  ainsi  que  Pascal,  son 
hôte  et  son  ami;  et,  sans  doute  pour  restaurer  une  fortune  fort  compro- 
mise par  les  générations  précédentes,  il  s'intéressa  à  un  certain  nombre 
d'opérations  industrielles  et  commerciales.  Peu  de  temps  avant  sa 
mort,  on  le  voit  constituer  au  profit  de  Jean-Antoine  de  la  Chabane, 
prêtre  de  l'Oratoire,  une  rente  de  mille  livres  sur  le  produit  du  tiers 
qu'il  possédait  dans  l'entreprise  de  la  navigation  de  la  Seine  (privilège 
concédé  en  novembre  1676)  et  sur  sa  part  d'une  autre  concession  de 
remontage  des  bateaux  sur  toutes  les  rivières  de  France  (privilège  du 
29  mai  1691),  dont  M.  de  Feuquière  était  le  titulaire.  (Arch.  nat.,  Y  268, 
fol.  54  v°,  contrat  du  26  juin  1696  ;  comparez  le  Mémoire  de  la  généralité 
(le  Paris,  publié  par  M.  de  Boislisle,  p.  3,  note  3,  et  la  Correspondance 
des  contrôleurs  génératix,  par  le  même,  tome  I,  n"  1442.) 

1.  Le  duc  de  Rouannez  est  surtout  connu  pour  son  intime  liaison 
avec  Pascal  et  pour  la  correspondance  mystique  que  celui-ci  entretint 
avec  Charlotte  Gouffier,  sœur  du  duc.  Pascal  et  son  ami,  habitant  en- 
semble l'hôtel  de  Rouannez,  avaient  d'abord  mené  une  vie  de  luxe  et  de 
dissipation,  tout  en  s'occupant  de  sciences  mathématiques  et  physiques, 
et,  dans  ce  temps-là,  le  duc  songea  à  épouser  la  plus  riche  héritière  du 
Royaume,  Mlle  de  Mesmes,  qui  devint  duchesse  de  Vivonne  ;  mais  les  con- 
seils de  Pascal,  qui  s'était  converti  le  premier,  l'engagèrent  à  ne  plus  son- 
ger qu'à  la  retraite  et  à  la  dévotion,  et,  pour  assurer  le  payement  des 
dettes  énormes  de  son  grand-père,  il  renonça  au  mariage,  en  abandon- 
nant duché  et  fortune  à  sa  sœur.  Depuis  lors,  il  ne  vécut  qu'entouré  de 
ses  amis  de  Port-Royal  ou  de  l'Oratoire.  A  la  mort  de  Pascal,  il  fut  un  de 
ceux  que  s'adjoignit  Arnauld  pour  préparer  la  première  édition  des  Pen- 
sées (1670).  Voyez  la  tin  d'une  Addition  à  Dangeau,  19  septembre  1691. 
2.  François,  troisième  du  nom,  vicomte  d'Aubusson,  comte  puis  duc 
de  la  Feuillade,  etc.,  entré  au  service  en  1647,  devint  maréchal  de  camp 
en  1663,  lieutenant  général  en  1667,  colonel  des  gardes  françaises  en 
1672,  gouverneur  de  Dôle  en  1674,  maréchal  de  France  en  1675,  vice- 
roi  de  la  Sicile  et  chef  de  l'armée  navale  en  1678,  gouverneur  du  Dau- 
phiné  en  1681,  chevalier  des  ordres  en  1688.  II  mourut  subitement  dans 
la  nuit  du  18  au  19septend3rel691,  à  l'âge  de  soixante  ans  passés.  Saint- 
Simon  aura  l'occasion  de  parler  de  ses  campagnes,  et  surtout  du  monu- 
ment qu'il  éleva  à  Louis  XIV.  Il  lui  a  consacré,  comme  au  duc  de  Rouan- 
nez, un  article  de  ses  Duchés-pairies  éteints,  que  nous  aurons  plus  tard 
foccasion  de  donner  avec  l'Addition  à  Dangeau  du  19  septembre  1691, 


318  MÉMOIRES  L1696J 

Rouannez',  épousa  sa  sœur-  en  avril  1667,  et,  sur  sa  démis- 
sion en  conservant  le  rang  et  les  honneurs,  obtint  pour 

1.  Le  Rouannais  ou  Roannais  (pays  de  Roanne),  sur  la  rivière  de 
Loire,  le  marquisat  de  Boisy  et  d'autres  baronnies  voisines  (voyez  les 
Mémoires,  tome  V,  p.  303)  avaient  été  réunis  à  diverses  reprises  en  du- 
ché et  en  pairie,  au  profit  de  plusieurs  Gouffier,  sans  que  les  lettres 
d'érection  reçussent  l'enregistrement  indispensable,  et  Artus  Gouffier 
ne  put  lui-même  obtenir  l'érection  en  pairie  dans  la  «  fournée  »  de  1663 
(voyez  le  Journal  d'Ol.  cVOrmesson,  tome  II,  p.  68).  Il  céda  son  duché 
et  le  marquisat  de  Boisy  à  sa  sœur,  qui,  par  contrat  de  mariage,  les 
vendit,  moyennant  quatre  cent  mille  livres,  à  son  futur  époux,  à  charge 
que  leurs  enfants  porteraient  conjointement  le  nom  et  les  armes  des 
deux  maisons  d'Aubusson  de  la  Feuillade  et  de  GoutBer-Rouannez  :  voyez 
les  actes  des  14  et  17  février  et  9  avril  1667,  dans  le  recueil  de  Pièces 
originales,  à  la  Bibliothèque  nationale,  vol.  1367,  titres  Gouffier,  n°'  138 
et  suivants.  Au  bout  de  six  ans,  M.  de  la  Feuillade,  qui  avait  d'abord  pris 
le  titre  de  duc  de  Rouan  nez,  profita  de  la  grande  faveur  dont  il  jouissait 
pour  ne  garder  que  son  propre  nom,  avec  le  titre  de  duc  (Papiers  du 
P.  Léonard,  Arch.  nat.,  Mx\I  82o,  fol.  48),  et  il  ne  s'acquitta  pas  davan- 
tage de  l'obligation  de  payer  les  dettes  de  la  maison  de  Rouannez,  que  son 
beau-frère  lui  avait  formellement  imposée  par  les  actes  de  l'année  1667. 

2.  Charlotte  Gouffier,  disciple  fervente  de  Port-Royal,  se  réfugia  dans 
cette  maison  pour  éviter  un  mariage  que  sa  mère  lui  voulait' imposer. 
Rendue  au  monde  pour  un  temps  par  la  force  d'une  lettre  de  cachet, 
elle  retourna  cependant  encore  une  fois  à  Port-Royal,  où  l'attiraient 
les  exhortations  de  l'abbé  Singlin  et  de  Pascal,  et  n'en  sortit  qu'après 
la  mort  de  ce  dernier,  pour  épouser  le  comte  de  la  Feuillade  (9  avril 
1667).  Ce  mariage  et  ses  suites  lui  furent  funestes;  elle  mourut  le 
13  février  1683,  après  avoir  subi  des  opérations  très  cruelles  et  avoir 
perdu  la  vue,  quoique  jeune  encore.  Elle  avait  été  baptisée  à  Paris  le 
16  avril  1633.  On  peut  voir,  sur  ses  relations  avec  l'auteur  des  Pensées 
et  des  Provinciales,  l'ouvrage  de  M.  l'abbé  Maynard,  publié  en  18ol, 
sous  le  titre  de  Pascal,  sa  vie  et  son  caractère,  ses  écrits  et  son  génie, 
tome  I,  p.  11-2-122;  une  conférence  de  M.  G.  Lyon  sur  la  Conversion 
de  Mlle  de  Roannez  (1879)  ;  et  surtout  les  Introductions  et  les  Appen- 
dices des  éditions  des  Pensées  données  par  M.  Faugère  et  par  M.  Havet, 
ou  encore  un  article  de  V.  Cousin  dans  la  Bibliothèque  de  VÊcole  des 
Chartes,  tome  V,  1843,  p.  1-8.  On  a  neuf  lettres  que  lui  écrivit  Pascal. 
Saint-Simon  lui  a  consacré,  dans  les  Duchés  -  pairies  éteints,  un  article 
particulier,  que  nous  plaçons  dans  l'appendice  XXIX.  De  son  alliance 
avec  la  Feuillade,  il  ne  subsista  qu'un  fils  (tome  I,  p.  227,  note  o),  que 
nous  retrouverons  souvent  dans  les  Mémoires. 


M696J  DE  SAINT-SIMON.  319 

soi  une  érection  nouvelle,  vérifiée  au  Parlement  en  août 
la  même  année  \  Bientôt-  après,  M.  de  Rouannez  ne  parut 
plus,  prit  une  manière  d'habit  d'ecclésiastique  sans  être 
jamais  entré  dans  les  ordres,  et  vécut  dans  une  grande 
piété  et  dans  une  profonde  retraite,  et  mourut  de  même^, 
fort  âgé,  à  Saint-Just*  près  Méry-sur-Seine^. 

RubenteP  et  Mme  de  Saint-Géran  furent  les  deux  dis-   Mme  de  Saint- 

•  '        T)    •  1  '   j  n        -7  »         •        •         '   _     Géran  exilée. 

gracies.  J  ai  assez  parle  de  celle-cr  pour  n  avoir  rien  a  y 

ajouter.  Elle  étoit  fort  bien  avec  les  Princesses,  et  man-  [Add.  S'-S.  IS9] 

geuse,   aimant  la  bonne  chère  et  bonne  convive,  comme 

1 .  Outre  cette  nouvelle  érection  en  duché,  la  Feuillade  obtint  la  pairie  : 
voyez  les  pièces  réunies  dans  V Histoire  (jénéalogique,  tome  V,  p.  293-317. 

2.  La  première  lettre  de  Bientôt  est  une  L,  corrigée  en  B. 

3.  Ces  derniers  mots  prouvent  que  Saint-Simon,  ici  encore,  s'est 
servi  du  Journal  de  Dangeau,  en  amplifiant  l'article  ainsi  conçu  (tome  VI, 
p.  7)  :  «  L'ancien  duc  de  Rouannez,  qui  avoit  cédé  son  duché  à  feu 
M.  de  la  Feuillade  quand  il  épousa  sa  sœur,  est  mort  à  la  campagne  ; 
il  y  a  longtemps  qu'il  vivoit  dans  une  fort  grande  dévotion  et  fort  retiré.  » 
De  même,  la  ligne  qui  va  suivre  montre  qu'il  s'est  servi,  pour  commen- 
ter Dangeau,  de  la  généalogie  des  Gouffier  de  Rouannez,  sans  doute 
d'après  le  texte  même  de  YHisloire  généalogique,  ou  d'après  sa  propre 
rédaction  des  Duchés-pairies  éteints.  —  L'article  du  duc  de  Rouannez 
est  porté  en  ces  termes  dans  la  table  des  Morts  de  l'année  1696  jointe 
par  Saint-Simon  à  son  exemplaire  de  Dangeau  :  «  Mort  du  duc  de  Roan- 
nois  (sic),  non  marié,  grand  dévot,  depuis  longtemps  retiré  à  la  cam- 
pagne, et  qui  avoit  tout  cédé  et  donné  à  sa  sœur,  la  femme  du  maré- 
chal de  la  Feuillade,  morte  longtemps,  et  son  mari,  avant  lui,  »  — c'est-à- 
dire  morte,  ainsi  que  son  mari,  longtemps  avant  lui  (duc  de  Roannois). 

4.  Saint-Just  est  une  commune  du  département  de  la  Marne,  arron- 
dissement de  Sézanne,  sur  le  canal  d'Anglure,  dans  le  delta  formé  par 
l'Aube  et  la  Seine  un  peu  avant  leur  réunion  à  Marcilly.  Il  y  avait,  à 
une  très  petite  distance  de  Saint-Just,  à  Macheret,  une  maison  de  Bons- 
hommes ou  Minimes,  où  M.  de  Rouannez  s'était  retiré:  voyez  son  acte 
mortuaire  dans  l'appendice  XXIX,  à  la  suite  des  fragments  inédits  que 
nous  avons  successivement  indiqués. 

H.  Méry-sur-Seine  est  un  bourg  assez  éloigné  de  Saint-Just,  au  S.  E., 
et  fait  partie  aujourd'hui  du  département  de  l'Aube,  arrondissement 
d'Arcis, 

6.  Voyez  la  notice  de  Rubentel  dans  notre  tome  I,  p.  243,  note  5. 

7.  Voyez  notre  tome  I,  p.  145,  et  ci-dessus,  p.  69-70;  comparez  au 


320  MÉMOIRES  [1696J 

Mme  de  Chartres  et  Madame  la  Duchesse'.  Cette  dernière 
avoit  une  petite  maison  dans  le  parc  de  Versailles,  auprès 
de  la  porte  de  Sertori-,  qu'elle  appeloit  le  Désert^, que  le 
Roi  lui  avoit  donnée  pour  l'amuser,  et  qu'elle  avoit  assez 
joliment  ajustée  pour  s'y  aller  promener  et  faire  des  col- 
lations. Les  repas  se  fortifièrent*,  devinrent  plus  gais,  et 
à  la  fin  mirent  Monsieur  le  Duc  de  mauvaise^  humeur  et 
Monsieur  le  Prince  en  impatience.  Ils  se  fâchèrent  inuti- 
lement, et  à  la  fin  ils  portèrent  leurs  plaintes  au  Roi,  qui 
gronda  Madame  la  Duchesse  et  lui  défendit  d'allonger  ces 
sortes  de  repas,  et  surtout  d'y  mener  certaines  compa- 
gnies*^. Si  Mme  de  Saint-Géran  ne  fut  pas  du  nombre  des 


récit  qui  va  suivre,  et  à  l'Addition  indiquée  en  regard,  la  fin  des  deux 
morceaux  de  l'appendice  V,  sur  M.  de  Saint-Géran. 

1.  Voyez  les  récits  de  l'année  1695,  dans  notre  tome  II,  p.  370- 
374. 

2.  Ancienne  forme  de  Satory. 

3.  Cette  habitation  se  trouve  située  vers  la  limite  S.  0.  du  plateau  de 
Satory,  sur  la  route  qui  conduit  de  Versailles  à  Voisins  et  à  Dampierrc. 
C'est  de  la  même  maison  que  parle  Dangeau,  sous  un  autre  nom,  en 
mai  1696  (tome  V,  p.  406)  :  «  Le  Roi  a  donné,  depuis  quelques  jours, 
à  Madame  la  Duchesse  et  à  M.  le  comte  de  Toulouse  le  château  de  Bue, 
qui  est  dans  ce  parc  ici.  Ils  le  font  accommoder  et  meubler;  mais  c'est 
M.  le  comte  de  Toulouse  qui  en  fera  toute  la  dépense.  »  Selon  l'abbé 
Lebeuf  {Histoire  du  diocèse  de  Paris,  tome  VIII,  p.  441-442),  cette 
habitation,  appelée  successivement  la  Boulie,  le  Désert  et  l'Étoile,  avait 
été  construite  sur  un  terrain  de  la  ferme  de  Montmoyen  cédé  par  les 
Célestins  au  Roi,  en  168d.  Le  Régent  y  alla  souvent  loger. 

4.  Devinrent  de  plus  forts,  de  plus  grands  repas.  Comparez,  dans 
le  Dictionnaire  de  M.  Littrâ,  à  l'article  Fort,  6%  les  locutions  «  un  plat 
fort,  un  ordinaire  fort.  » 

0.  L'm  de  mauvaise  remplace  une  6-,  et,  trois  lignes  plus  bas,  le  c 
de  ces  corrige  une  s. 

6.  Madame,  dans  une  lettre  du  2o  novembre  1696  (recueil  Rolland, 
p.  173),  raconte  un  fait  de  réprimandes  analogue,  mais  postérieur  : 
«  Mme  de  Chartres  et  Madame  la  Duchesse  ont  eu,  la  semaine  passée, 
un  grand  éclaircissement  avec  le  Roi  ;  mais  Mme  de  Chartres,  à  ce 
qu'il  paraît,  s'est  mieux  défendue  que  sa  sœur.  La  dame  régnante 
(Mme  de  Maintenon)  a  eu  pourtant  la  générosité,  bien  qu'ayant  de 
grandes  raisons  d'être  mécontente  d'elles,  de  leur  obtenir  une  audience 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  3-21 

interdites,  elle  le  dut  à  sa  première  année  de  deuil*,  pen- 
dant laquelle  le  Roi  ne  crut  pas  qu'elle  pût  être  de  ces 
parties;  mais  il  s'expliqua  assez  sur  elle  pour  que  Madame 
la  Duchesse  ne  pût  pas  douter  qu'elle  n'étoit  pas  approu- 
vée pour  en  être'.  Quelques  mois  se  passèrent  avec  plus 
de  ménagement,  et  Madame  la  Duchesse  compta  que  tout 
étoit  oublié.  Sur  ce  pied-là,  elle  pressa  Mme  de  Saint- 
Géran  de  venir  souper  avec  elle  de  bonne  heure  au  Désert, 
pour  être  au  cabinet  au  sortir  du  souper  du  Roi,  à  l'ordi- 
naire. Mme  de  Saint-Géran  craignit,  se  défendit  ;  mais, 
comme  elle  aimoit  à  se  divertir  et  qu'elle  ne  laissoit 
pas  d'être  imprudente,  elle  espéra  qu'on  ne  sauroit  pas 
qu'elle  y  auroit  été,  que  sa  première  année  de  deuil  dé- 
tourneroit  même  le  soupçon,  et  que,  Madame  la  Duchesse 
paroissant  le  soir  au  cabinet,  il  n'y  auroit  rien  à  repren- 
dre. Elle  se  laissa  donc  aller,  et,  comme  elle  étoit  de  fort 
bonne  compagnie,  elle  mit  si  bien  tout  en  gaieté,  que, 
l'heure  de  retourner  à  temps  pour  le  cabinet  étant  insen- 
siblement passée,  le  repas  et  ses  suites  gagnèrent  fort 
avant  dans  la  nuit.  Voilà  Monsieur  le  Duc  et  Monsieur  le 
Prince  aux  champs,  et  le  Roi  en  colère,  qui  voulut  savoir 
qui  étoit  du  souper.  Mme  de  Saint-Géran  fut  nommée.  Sa 
première  année  de  deuil  aggrava  le  crime;  tout  tomba  sur 
elle  :  elle  fut  exilée  à  vingt  lieues  de  la  cour,  sans  fixer  de 

du  Roi.  Ces  drôlesses  n'épargnent  pas  plus  le  père  que  la  belle-mère, 
car,  il  y  a  trois  ans,  elles  faisaient  de  singulières  chansons  sur  son 
compte.  Cette  fois,  il  leur  a  dit  rudement  leur  fait,  et  il  semble  être 
plus  blessé  des  chansons  qu'on  a  composées  contre  la  Maintenon  que 
de  celles  qu'on  a  faites  contre  lui-même.  » 

1.  On  a  vu  plus  haut  que  son  mari  était  mort  subitement  le  18  mars 
1696. 

2.  Mme  de  Saint-Géran  s'était  déjà  brouillée  avec  Mme  de  Maintenon 
en  1686  et  avait  failli  être  disgraciée  :  voyez  les  Mémoires  de  Sourches, 
éd.  Dernier,  tome  I,  p.  398,  et  tome  II,  p.  40.  Plus  anciennement  en- 
core, en  1679,  elle  n'avait  pu  se  faire  nommer  dans  la  maison  de  la 
Dauphine,  quoique  «  mangeant  tous  les  gratins  des  poêlons  des  petits 
enfants.  »  {Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VI,  p.  209  ;  et,  sur  M.  de 
Saint-Géran,  p.  152.) 

MÉMOIRES   DE   SAINT-SIMON.    III  '21 


322  MÉMOIRES  [1696] 

lieu,  et  Madame  la  Duchesse  bien  grondée*.  En  femme  d'es- 
prit, Mme  de  Saint-Géran  choisit  Rouen,  et  dans  Rouen  le 
couvent  de  RelIefonds^  dont  une  de  ses  parentes  étoit  ab- 
besse.  Elle  dit  qu'ayant  eu  le  malheur  de  déplaire  au  Roi,  il 
n'y  avoit  pour  elle  qu'un  couvent,  et  cela  fut  fort  approuvé  ^. 
Disgrâce  de  Rubentel  étoit  un  homme  de  peu*,  qui,  à  force  d'acheter 
Rubeutei.  gt  de  longueur  de  temps,  étoit  devenu  lieutenant-colonel 
du  régiment  des  gardes^,  et  ancien  lieutenant  général".  Il 
l'étoit  fort  bon,  fort  entendu  pour  l'infanterie,  fort  brave 

1.  Voyez  cette  nouvelle  dans  le  Journal  de  Daiigeau,  h  la  date  du 
2o  octobre  1696,  tome  VI,  p.  lo.  Dangeau  dit  que  Mme  de  Saint-Géran 
devra  s'éloigner  de  plus  de  trente  lieues  de  la  cour,  qu'on  ne  connaît  pas 
encore  le  sujet  de  cette  disgrâce,  mais  que  sa  pension  lui  est  conservée. 

2.  Cet  établissement,  fondé  sous  l'invocation  de  Notre-Dame-des- 
Anges,  dans  le  faubourg  de  Saint-Sever,  par  une  religieuse  bénédictine, 
avait  été  racheté  en  1648,  par  le  maréchal  de  Bellefouds  (d'où  son 
surnom),  et  transféré  dans  la  villa  même,  auprès  de  la  porte  Beauvoi- 
sine.  La  première  prieure,  nommée  par  le  Roi,  avait  été  Laurence  de 
Bellefonds,  religieuse  de  la  Trinité  de  Caen,  qui  avait  fait  bâtir  l'église, 
et  dont  le  P.  Bouhours  écrivit  la  Vie  en  1683.  En  1696,  elle  était  rem- 
placée par  une  de  ses  petites-nièces,  Mlle  du  maréchal,  Marie-Armande- 
Agnès  de  Bellefonds,  qui  fut  nommée,  le  24  décembre  1697,  prieure 
de  la  Conception  de  Conflans,  en  place  de  Mme  Damond,  proche  pa- 
rente de  la  duches?e  de  Saint-Simon.  Le  maréchal  avait  réservé  au 
Roi  la  nomination  et  les  droits  de  fondateur. 

3.  Journal  de  Dangeau,  tome  VI,  p.  16.  —  Mme  de  Saint-Géran  ne  re- 
vint à  la  cour  qu'en  1699.  A  cette  époque,  Saint-Simon  parlera  de  nou- 
veau de  son  séjour  au  couvent  (éd.  1873,  tome  II,  p.  181-182). 

4.  Sa  famille,  d'origine  bourgeoise  et  marchande,  avait  pris  rang 
ensuite  au  Parlement  (épitaphes  de  l'église  Saint-Gervais). 

5.  Les  gardes  françaises  :  voyez  l'article  consacré  à  Rubentel,  en 
qualité  de  lieutenant-colonel  de  ce  corps,  dans  YAbrégé  chronologique 
de  la  maison  du  Roi,  par  le  Pippre  de  Nœufville,  tome  III,  p.  74-75.  11 
fut  reçu  en  cette  qualité  le  11  mars  1681.  —  Le  régiment  des  gardes 
françaises,  créé  sous  Charles  IX  et  premier  corps  d'infanterie  de  la  mai- 
son militaire  du  Roi,  était  composé  de  trente  compagnies  ordinaires  et 
de  deux  de  grenadiers,  chacune  de  cent  vingt-quatre  hommes.  Les  ca- 
pitaines aux  gardes  (distingués  ainsi  des  capitaines  des  gardes  du  corps) 
avaient  titre  de  colonel  depuis  1691.  L'uniforme  était  bleu,  à  bouton- 
nières blanches,  avec  la  veste  rouge. 

6.  Cette  fin  :  «  et  ancien....  »,  est  évidemment  à  rattacher  au  dé- 


[1696]  HE  SAINT-SIMON.  323 

homme,  fort  honnête  homme  et  fort  estimé,  une  grande 
valeur  et  un  grand  désintéressement\  et  vivant  fort  noble- 
ment à  l'armée,  où  il  étoit  employé  tous  les  ans  comme 
lieutenant  général.  Avec  ces  qualités,  il  étoit  épineux'^, 
volontiers  chagrin ^  et  supportoit  impatiemment  des  vé- 
tilles et  des  détails  du  maréchal  de  Boufflers  dans  le 
régiment  des  gardes*.  Le  maréchal  eut  beau  faire  pour  lui 
adoucir  l'humeur;  plus  RubenteP  en  recevoit  d'avances, 
plus  il  se  croyoit  compté  et  plus  il  étoit  difficile  :  tant 
qu'à  la  fin  la  froideur  succéda,  et  bientôt  la  brouillerie  et 
les  plaintes.  Rubentel,  quoique  difficile  à  vivre,  étoit 
aimé,  parce  qu'il  avoit  toujours  de  l'argent  et  qu'il  le  prê- 
toit  fort  librement  et  obligeamment  :  cela  lui  avoit  attaché 
beaucoup  de  gens  dans  le  régiment  des  gardes,  outre  ce 
qui  se  trouve  toujours,  dans  un  grand  corps,  de  frondeurs 
et  de  mécontents,  qui  se  rallioient  à  lui.  A  la  fin,  le  maré- 
chal de  Boufflers,  fatigué  de  tout  cela,  proposa  au  Roi  de 
tirer  honnêtement  Rubentel  du  régiment  des  gardes,  avec 
lequel  il  n'y  avoit  plus  moyen  pour  lui  de  demeurer^.  Le 

but  de  la  phrase  :  «  étoit  un  homme  de  peu  ». —  Nommé  lieutenant  en 
iGo'l  et  pourvu  d'une  compagnie  en  i6o6,  à  la  place  de  son  frère, 
Rubentel  avait  été  fait  brigadier  en  1672,  maréchal  de  camp  en  1677, 
à  la  suite  du  siège  de  Valenciennes,  où  il  s'était  distingué  sous  les  yeux 
du  Roi,  et  en6n  lieutenant  général  en  1688.  Nous  l'avons  vu  figurer  en 
cette  qualité  à  la  bataille  de  Nerwinde. 

1.  Hardi  mélange,  facile  à  comprendre,  d'adjectifs  et  de  noms,  avec 
ellipse  d'ayant  devant  ces  derniers. 

2.  Cet  adjectif,  selon  Furetière,  ne  s'emploie  que  pour  les  choses  ; 
mais  l'Académie,  dès  1694,  l'applique  aussi  aux  personnes. 

3.  Il  passait  aussi  pour  être  fort  avare,  quoique  très  riche  (Papiers  du 
P.  Léonard,  Arch.  nat.,  MM  827,  fol.  123,  et  ms.  Clairambault  290,  p.  S31- 
o32).  Une  anecdote  que  rapporte  le  P.  Léonard  prouve  qu'il  avait  le 
parler  très  libre,  et  grossier  parfois,  en  présence  du  Roi  lui-même. 

4.  En  1692,  Rubentel  s'était  montré  fort  mécontent  que,  pour  rem- 
placer le  duc  de  la  Feuillade,  on  lui  préférât,  à  lui  qui  avait  commandé 
le  régiment  et  était  capitaine  depuis  près  de  quarante  ans,  Boufflers, 
qui  avait  été  sous-lieutenant  dans  sa  compagnie  et  sous  ses  ordres. 

5.  Rubaîitel  (sic)  a  été  ajouté  en  interligne,  au-dessus  d'il,  biffé. 

6.  Dès  le  mois  d'avril  1696,  un  bruit  avait  couru  que  le  Roi  ne  vou- 


:n-'i  MÉMOIRES  [1696] 

Roi ,  qui ,  de  longue  main ,  connoissoit  l' hunrieur  de  Ruhentel , 
qui  aimoit  le  maréchal,  et  qui  étoit  jaloux  de  la  subordi- 
nation, fit  dire  par  Barbezieux  à  Rubentel  qu'il  lui  per- 
mettoit  de  vendre  sa  compagnie,  lui  continuoit  sa  pension 
de  quatre  mille  livres,  et  qu'il  lui  donnoit  le  gouverne- 
ment du  fort  de  Barraux\  qu'il  ne  lui  auroit  pas  donné 
sans  l'instante  prière  de  M.  de  Boufflers,  par  le  mécon- 
tentement qu'il  avoit^  de  sa  conduite  avec  ce  maréchal,  son 
colonel;  et  d'Avéjan^,  premier  capitaine  aux  gardes,  fut 
lieutenant-colonel.  C'étoit  à  Versailles  que  Rubentel  reçut 
ce  discours  :  il  en  fut  si  outré,  qu'il  ne  voulut  d'aucune 

lait  plus  faire  servir  Rubentel  {Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  390- 
391).  Au  mois  de  décembre  suivant,  lors  de  la  revue  annuelle  du  régi- 
ment, Rubentel  fit  une  dernière  incartade,  en  refusant  de  défiler  à  son 
rang  devant  le  maréchal-colonel,  qu'il  eût  été  obligé  de  saluer  de  la 
pique. 

1.  Forteresse  bâtie  en  1597,  par  le  duc  de  Savoie  Charles-Emma- 
nuel, sur  la  rive  droite  de  l'Isère,  à  trente-six  kilomètres  N.  E.  de 
Grenoble,  pour  garder  la  route  de  Chambéry  :  voyez  l'Appendice  du 
tome  II  des  Mémoires  de  Catinat,  p.  512-S15.  Le  gouvernement  valait, 
selon  Expilly,  huit  mille  six  cents  livres,  et  douze  mille  cinq  cents  selon 
Dangeau  (tome  VI,  p.  45-46).  Il  était  vacant  par  la  mort  du  vieux  Gcn- 
lis.  Ce  fut  Bachivilliers  qui  l'eut,  au  refus  de  Rubentel. 

2.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit,  par  mégarde,  à  l'indicatif  : 
«  qu'il  a  de  s  [a].  »  Il  a  corrigé  les  quatre  dernières  lettres  en  avoit, 
et  récrit  de  sa.  Ce  lapsus  indiquerait,  s'il  en  était  d'ailleurs  besoin, 
qu'il  copiait  en  ce  moment  un  article  de  Dangeau  (Journal,  tome  VI, 
p.  46),  dont  les  phrases  et  les  expressions  sont  reproduites  presque 
littéralement. 

3.  Denis  de  Banne,  dit  le  comte  d'Avéjan,  né  le  7  août  1639  et  mort 
le  17  septembre  1707.  Il  fut  pourvu,  dès  sa  huitième  année,  d'une 
compagnie  au  régiment  de  la  Fare  et  reçu  enseigne  aux  gardes  en  1661, 
puis  page  du  Roi  en  1665,  et  parvint  au  grade  de  capitaine  en  avril 
167''2.  Brigadier  en  1689,  gouverneur  de  Furnes  et  maréchal  de  camp 
en  1693,  il  fut  nommé  grand-croix  de  l'ordre  de  Saint-Louis  en  1699, 
lieutenant  général,  gouverneur  de  Nancy  et  commandant  de  la  Lorraine 
en  1702,  et  résida  dans  ce  gouvernement  jusqu'à  sa  mort.  Il  avait  épousé 
une  fille  du  premier  médecin  Vallot,  et  s'était  fort  bien  fait  venir  du  Roi 
en  abjurant  la  religion  protestante.  (Annales  de  la  cour,  éd.  1739, 
tome  II,  p.  33.)  Sa  terre  d'Avéjan,  en  Languedoc,  fut  érigée  en  mar- 
quisat en  1736, 


Castries  clame 
d'atour  do 

Mme  la 

duchesse  de 

Chartres. 


[1096]  DE  SAINT-SIMON.  325 

grâce,  s'en  alla  à  Paris  sans  voir  le  Roi,  et  ne  l'a  jamais 
revu,  ni  songé  à  servir  depuis  ^ 

Au  retour  de  l'armée  ",  nous  trouvâmes  Mme  de  Castries  *  ^  Mme  de 
établie  à  la  cour  dame  d'atour  de  Mme  la  duchesse  de 
Chartres,  au  lieu  de  Mme  de  Maillj.  Par  la  bâtardise  do 
cette  princesse,  Mme  de  Castries  étoit  sa  cousine  ger- 
maine, enfants*  du  frère  et  de  la  sœur^  L'état  triste  où 
se  trouva  le  cardinal  Bonsy^  après  un  fort  brillant,  avoit 

4,  Voyez  plusieurs  articles  du  Journal  de  Dangemi,  tome  VI,  p.  47, 
49  et  53,  et  ceux  de  le  Pippre  de  Nœufville,  tome  III,  p.  74-75,  du  ms. 
Cl.iirambault  290,  p.  532,  et  du  P.  Léonard,  qui  tous  présentent  une 
remarquable  analogie  avec  le  récit  de  Dangeau,  malgré  quelques  diiîé- 
rences  de  détails.  Les  Annales  de  la  cour  (éd.  4739,  tome  II,  p.  27-37) 
racontent  aussi  cette  disgrâce  longuement,  avec  de  curieuses  particu- 
larités et  avec  des  expressions  qui  se  retrouvent  ici,  à  plusieurs  re- 
prises, dans  le  texte  de  Saint-Simon. 

2.  Voyez  ci-dessus,  p.  249-250.  La  nomination  dont  va  parler  Saint- 
Simon  avait  été  annoncée  à  la  cour  le  3  septembre,  en  même  temps  que 
celle  de  Mme  de  Mailly  comme  dame  d'atour  de  la  future  duchesse  de 
Bourgogne.  {Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  465.) 

3.  Marie-Élisabeth  de  Rochechouart-Mortemart,  mariée  le  20  mai  1693 
au  marquis  de  Castries,  et  morte  le  4  mai  1718,  à  cinquante-cinq  ans: 
voyez  ci-dessus,  p.  160,  et  l'Addition  165,  ci-après,  p,  359. 

4.  Pour  cette  apposition,  voyez  ci-dessus,  p.  180  et  189. 

5.  Mme  de  Castries  était  fille  de  Louis-Victor  de  Rochechouart,  duc 
de  Mortemart,  dit  le  maréchal  duc  de  Vivonne,  frère  de  Mme  de  Mon- 
tespan.  Ce  duc,  né  le  25  août  1636  et  choisi  pour  être  enfant  d'hon- 
neur du  Roi,  eut  la  survivance  de  la  charge  de  premier  gentilhomme 
de  la  chambre,  à  la  place  de  son  père,  en  1641.  Soit  comme  volontaire, 
soit  comme  capitaine  de  chevau-légers,  comme  mestre  de  camp,  ou,  à 
partir  de  1664,  comme  maréchal  de  camp,  il  fit  toutes  les  campagnes 
en  France  et  à  l'étranger.  En  1669,  ayant  eu  la  charge  de  général  des 
galères,  sur  la  démission  du  marquis  de  Créquy,  il  alla  secourir  Candie 
avec  le  titre  de  général  de  l'Église.  Il  fut  ensuite  envoyé  comme  vice- 
roi  en  Sicile,  eut  le  gouvernement  de  Champagne  en  1674,  reçut  le  bâ- 
ton de  maréchal  le  30  juillet  1675,  prit  séance  au  Parlement,  comme 
pair  de  France,  en  1679,   et  mourut  à  Chaillot  le  15  septembre  1688. 

6.  Pierre  de  Bonsy  (la  signature  est  telle  ;  mais  Saint-Simon  écrit, 
avec  désinence  italienne  et  sans  particule  :  Bonzi),  né  à  Florence  le 
45  avril  1631,  et  amené  en  France  par  son  oncle  l'évèque  de  Béziers, 
entra  dans  l'Église  à  vingt-quatre  ans  et  fut  destiné  par  le  cardinal 


MÉMOIRES  [1696] 

Il  se  trouvera  peut-être  ailleurs  occa- 
sion^ de  parler  de  lui^,  sans  en  faire  ici  une  trop  longue 
parenthèse.  Il  suffit  de  dire  qu'après  s'être  fort  distingué 
en  diverses  ambassades^  et  avoir  eu,  du  consentement 
du  Roi,  la  nomination  de  Pologne^,  passé  par  les  sièges 
de  Béziers,  Toulouse  et  Narbonne,  il  avoit  été  longtemps 
roi  de  Languedoc  par  l'autorité  de  sa  place,  son  crédit 
à  la  cour  et  l'amour  de  la  province^.  Bâville*',  qui  y  étoit 
intendant,  second  fils  du  premier  président  Lamoignon',  j 

Mazarin  au  service  diplomatique.  Il  assista,  comme  représentant  du 
grand-duc  de  Toscane,  aux  conférences  de  Saint-Jean-de-Luz  et  de 
Fontarabie,  y  fut  nommé  évêque  de  Béziers  et  abbé  d'Aniane  {16S9)  en 
place  de  son  oncle,  eut  ensuite  diverses  missions  dont  on  donnera  plus 
bas  le  détail,  fut  nommé  archevêque  de  Toulouse  en  1669,  grand  au- 
mônier de  la  Reine  en  1670,  cardinal  en  1672,  archevêque  de  Nar- 
bonne en  1673,  commandeur  des  ordres  en  1688,  et  mourut  le  11  juillet 
1703,  à  Montpellier.  Il  possédait  ou  avait  possédé  plusieurs  abbayes 
considérables  :  Valmagne,  Saint-Sauveur-de-Lodève,  Mortemer,  Saint- 
Chaffre  de  Carmery,  Aniane,  etc.  Plusieurs  portraits  de  lui  sont  réunis 
dans  le  ms.  Clairambault  1160,  fol.  65-71. 

4.  Occasion  est  ajouté  après  coup  en  interligne. 

2.  Il  sera  très  souvent  question  du  cardinal  de  Bonsy,  mais  surtout 
en  1703,  à  l'occasion  de  sa  mort  (tome  III,  éd.  1873,  p.  42S-429,  et 
Addition  à  Dangeau,  tome  IX,  p.  244-245). 

3.  Outre  ses  négociations  pour  le  grand-duc  de  Toscane,  qui  abou- 
tirent, en  1661,  au  mariage  de  ce  prince  avec  une  fille  de  Monsieur,  il 
eut  les  fonctions  d'ambassadeur  extraordinaire  de  France  à  Venise 
(1662),  en  Pologne  (1665-1668  et  1669),  en  Espagne  (1670).  Voyez  ce 
qu'en  dit  Saint-Simon  dans  le  passage  du  tome  III  de  l'édition  de  1873 
que  nous  venons  d'indiquer. 

4.  Nous  avons  dit  un  peu  plus  haut  (p.  307,  note  3)  ce  que  c'était  que  la 
nomination  au  cardinalat,  et  comment  M.  de  Bonsy  l'eut  du  roi  Casimir, 
pour  l'avoir  empêché  d'abdiquer  ;  mais,  malgré  l'insistance  de  ce  prince 
et  de  son  successeur,  il  ne  reçut  le  chapeau  que  sept  ans  plus  tard,  en 
1672.  Voyez  son  historiette  dans  les  Lettres  de  Mme  Dunoijer,  tome  I, 
p.  111  ei  s,uï\'antes,  elles  Lettres  de  Mme  de  Séiigné,  tome  H,  p.  517  et  538. 

5.  L'archevêque  de  Narbonne  avait  la  haute  conduite  des  affaires 
du  Languedoc,  comme  président-né  des  États  de  cette  province.  — 
Comparez  le  tome  III  de  l'édition  de  1873,  p.  427. 

6.  Voyez  la  notice  de  Bâville  dans  notre  tome  II,  p.  223,  note  2. 

7.  Guillaume  de  Lamoignon,  né  le  23  octobre  1617,  reçu  avocat  le 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  327 

vouloit  régner,  et  en  sut  venir  à  bout.  L'abaissement  du 
cardinal  lui  ^  fut  insupportable:  il  tâcha  de  se  relever;  tous 
ses  efforts  furent  inutiles*.  Sa  sœur  unique^,  qu'il  aimoit 
tendrement,  avoit  épousé  M.  de  Castries*,  du  nom  de  la 

19  avril  163S,  conseiller  au  Parlement  le  14  décembre  suivant,  maître 
des  requêtes  le  lo  décembre  1644,  et  premier  président  du  parlement 
de  Paris  le  2  octobre  1638;  mort  le  10  décembre  1677.  Saint-Simon 
reviendra  plus  d'une  fois  sur  cet  illustre  magistrat,  pour  le  nom  duquel 
il  professait  une  horreur  particulière  ;  on  remarquera  déjà  qu'il  lui  sup- 
prime la  particule  de,  à  laquelle  il  dira  ailleurs  (tome  IV  de  1873, 
p.  309)  que  la  famille  Lamoignon  n'avait  pas  droit.  C'est  en  faveur  de 
ce  premier  président  que  furent  érigés  successivement  le  marquisat  de 
Bâville  et  le  comté  de  Launay-Courson  (1670). 

1.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  ce  lui,  douteux,  mais  vite 
éclairci  par  la  suite,  se  rapporte  au  cardinal  lui-même,  et  non  à  Bâville, 
sujet  de  la  phrase  précédente. 

2.  Ces  faits  seront  développés  plus  longuement  en  1703,  et  nous 
commenterons  alors  le  récit  de  Saint-Simon  à  l'aide  des  correspondances 
officielles  de  la  province  de  Languedoc.  On  trouvera  dès  à  présent  un 
épisode  caractéristique  de  la  lutte  de  Bâville  contre  le  cardinal  et  contre 
les  Castries  dans  le  tome  I  de  la  Correspondance  des  contrôleurs  gé- 
néraux, année  1692,  n°  1130.  L'intendant  accusait  formellement  les 
«  dames  amies  »  de  M.  de  Bonsy,  et  le  marquis  de  Castries  lui-même, 
gouverneur  de  Montpellier,  de  se  procurer  de  gros  revenus  aux  dépens 
de  cette  ville  et  de  faire  de  leur  domination,  depuis  vingt  ans,  un  «  vé- 
ritable brigandage.  »  Il  eut  gain  de  cause,  et  fit  donner  la  mairie  h  un 
concurrent  de  M.  de  Castries. 

3.  Saint-Simon  se  trompe  en  disant  :  «sœur  unique  »,  car  M.  de  Bonsy 
eut  deux  sœurs  :  Mme  de  Castries  dont  il  va  être  question,  belle-mère 
de  celle  qui  vient  d'être  nommée,  et  Marie,  femme  du  marquis  de  Cay- 
lus.  —  Elisabeth  de  Bonsy  épousa,  par  contrat  du  21  novembre  1644, 
René-Gaspard  de  la  Croix,  marquis  de  Castries  (ci-dessous,  note  4),  et 
mourut  le  13  novembre  1708,  à  quatre-vingt-deux  ans.  Elle  est  dési- 
gnée sous  le  nom  de  Corinne  dans  le  Dictionnaire  des  Précieuses,  éd. 
Livet,  tome  I,  p.  62.  On  la  voit  figurer  dans  la  société  de  Mmes  de 
Sévigné  et  de  Grignan. 

4.  René-Gaspard  de  la  Croix,  marquis  de  Castries  (la  plupart  des 
contemporains  écrivaient  comme  on  prononce  :  Castres,  mais  Saint-Simon 
écrit  ici  :  Castries),  entré  au  service  en  1632,  nommé  gentilhomme  or- 
dinaire de  la  chambre  en  1639,  marquis  de  Castries  en  1645,  gouver- 
neur de  Sommière?  en  1646,  capitaine-lieutenant  de  la  compagnie  des 
gendarmes  d'Orléans  et  maréchal  de  camp  en  1651,  gouverneur  des 


328  MÉMOIRES  [1696] 

Croix,  qui  étoit  riche  pour  une  fille  qui  n'avoit  rien.  Il 
étoit  veuf,  sans  enfants,  de  la  mère^  de  M.  de  la  Feuillade 
et  de  Monsieur  de  Metz^.  La  faveur  de  son  beau-frère^  lui 
procura  le  gouvernement  de  Montpellier  *,  ensuite  une  des 
trois  lieutenances  générales  de  Languedoc"',  enfin  l'ordre 
du  Saint-Esprit  en  1661,  et  il  fut  un  de  ceux  que  le  duc 
d'Arpajon  reçut  à  Pézenas,  avec  M.  le  prince  de  Gonti'', 
par  commission  du  Roi'.  Il  mourut  en  1674,  à  soixante- 
trois  ans,  et  laissa  des  filles  et  deux  fils^,  dont  l'aîné^  se 

ville  et  citadelle  de  Montpellier  en  1660,  chevalier  des  ordres  en  1661, 
lieutenant  général  au  bas  Languedoc  en  4668.  Il  mourut  le  21  août  t674, 
à  soixante-trois  ans,  peu  de  temps  après  avoir  levé  un  régiment  d'in- 
fanterie et  un  régiment  de  cavalerie  de  son  nom.  Voyez  son  article 
dans  le  Moréri. 

1.  Ces  six  derniers  mots  .sont  écrits  en  interligne,  au-dessus  de 
veuf  sans  enfans,  frère  de  mère,  biffé.  —  M.  de  Castries  avait  épousé, 
eu  1637,  Isabelle  Brachet,  fille  du  baron  de  Pérusse  et  veuve  de  Fran- 
çois d'Aubusson,  comte  de  la  Feuillade;  mais  il  l'avait  perdue  dès  le 
mois  de  novembre  de  l'année  suivante. 

2.  Voyez  ci-dessus,  p.  117. 

3.  M.  de  Bonsy,  alors  évêque  de  Béziers. 

4.  Selon  Expilly  (Dictionnaire  géographique,  tome  IV,  p.  75),  le  gou- 
vernement de  Montpellier  rapportait  plus  de  vingt-deux  mille  livres, 
sous  Louis  XV. 

5.  Ces  trois  lieutenances  générales,  créées  en  1633,  pour  suppléer 
le  gouverneur  de  la  province,  étaient  celles  du  haut  Languedoc,  du  bas 
Languedoc  et  des  Cévennes  (État  de  la  France,  année  1698,  tome  111, 
p.  209-210).  Selon  le  duc  de  Luynes  (tome  XI,  p.  127),  elles  rappor- 
taient dix-huit  mille  livres  chacune. 

6.  Armand  de  Bourbon,  qui  mourut  en  1666,  à  Pézenas. 

7.  Voyez,  dans  la  Gazette  de  1662,  p.  348-349,  le  compte  rendu 
de  cette  cérémonie,  qui  eut  lieu  le  24  mars.  Saint-Simon  en  a  parlé 

aussi  dans  ses  Légères  notions  des chevaliers  du  Saint-Esprit,  vol.  34 

de  ses  papiers,  fol.  127  v°. 

8.  Il  avait  eu  sept  filles  et  trois  fils  :  un  premier,  qui  était  mort  en 
bas  âge,  un  autre  qui  suit,  et  un  dernier,  Armand-Pierre,  que  nous 
verrons  premier  aumônier  de  la  duchesse  de  Berry,  archevêque  de 
Tours,  etc.  Sur  les  sept  filles,  cinq  furent  religieuses. 

9.  Joseph-François  de  la  Croix,  marquis  de  Castries,  pourvu  d'un 
régiment  d'infanterie  de  son  nom  et  du  gouvernement  de  Montpellier 
en  1674,  à  l'âge  de  onze  ans,  fut  fait  brigadier  en  1689,  lieutenant  de 


[1696J  HE   SAINT-SIMON.  329 

distingua  extrêmement  à  la  guerre  par  sa  capacité  et  par  [Add.  S'-f>.  i9o] 

des  actions  brillantes  de  valeur ^  C'étoit^  d'ailleurs  un 

homme  pétri  ^  d'honneur  et  de  vertu,  doux,  sage,  poli, 

fort  aimé,  et  de  bonne  compagnie.  Il  lutta  longtemps 

contre  sa  mauvaise  santé  et  un  asthme  qu'il  eut  dès  sa 

première  jeunesse,  mais  qui  fut  à  la  fin  le  plus  fort  et  le 

força,  près  d'être  maréchal  de  camp\  à  quitter  un  métier 

auquel  il  étoit  propre,  qu'il  aimoit  avec  passion,  et  qui 

l'auroit  apparemment  mené  loin.  M.  du  Maine  étoit  gou- 

Roi  en  Languedoc  (diocèses  de  Montpellier,  Nîmes,  Alais  et  Lodève) 
lors  de  la  création  de  ces  charges  en  1692,  maréchal  de  camp  en  4693, 
chevalier  d'honneur  de  la  duchesse  d'Orléans  en  1698,  chevalier  des 
ordres  en  1724,  et  mourut  à  Paris,  le  24  juin  1728,  âgé  de  soixante- 
cinq  ans, 

1.  Entre  autres  actions  brillantes  de  M.  de  Castries,  il  faut  citer 
une  retraite  qu'il  exécuta,  en  1689,  dans  l'électorat  de  Cologne,  et 
où  il  dégagea  l'infanterie  presque  accablée  par  quatre  ou  cinq  mille 
chevaux  ennemis.  Il  y  fit  «  des  merveilles,  »  et  le  Roi  félicita  publique- 
ment M.  le  cardinal  de  Bonsy  du  courage  et  de  la  fermeté  dont  son 
neveu  venait  de  faire  preuve.  (Journal  de  Dangcan,  tome  II,  p.  35S  et 
357  ;  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VIII,  p.  539-540  et  643  ;  Histoire 
de  Louvois,  par  M.  Rousset,  tome  IV,  p.  169-170.)  De  plus,  il  lui  donna 
le  grade  de  brigadier  par  un  brevet  où  cette  circonstance  fut  mentionnée 
dans  des  termes  tout  particuliers.  —  C'est  à  propos  de  cette  affaire  que 
Saint-Simon  a  écrit  l'Addition  que  nous  plaçons  dès  à  présent  ici,  quoi- 
qu'il y  soit  parlé  du  second  mariage  de  M.  de  Castries  et  de  la  fin  de 
sa  vie.  On  trouvera  en  outre  à  l'Appendice,  n°  XXIX,  un  article  sur  les 
Castries,  tiré  des  Légères  notions....  des  chevaliers  du  Saint-Esprit, 
vol.  34  des  Papiers  de  Saint-Simon. 

2.  Il  est  clair  qu'il  ne  s'agit  plus  du  père,  mais,  comme  dans  le 
membre  conjonctif  qui  précède,  du  fils,  Joseph-François. 

3.  L'Académie,  dès  1694,  donne  pétri  (pestri)au  figuré  avec  un  com- 
plément, mais  un  complément  de  sens  proprement  physique  :  «  Cet 
homme  est  tout  pétri  de  salpêtre.  »  Ce  n'est  qu'à  sa  6°  édition  (an  VII) 
qu'elle  y  joint  des  mots  de  sens  moral,  comme  dans  «  pétri  de  bonté.  » 
Chez  Furetière  (1690),  le  mot,  dans  l'acception  métaphorique,  est  em- 
ployé absolument  :  «  Cet  homme  a  été  bien  paistri  (sic),  fait  de  bonne 
pâte.  » 

4.  Ceci  doit  être  inexact,  puisque  M.  de  Castries,  fait  maréchal  de 
camp  dans  la  promotion  de  mars  1693,  figurait  encore,  en  1694,  dans 
l'armée  du  maréchal  de  Luxembour:^. 


330  MÉMOIRES  [1696] 

verneur  de  Languedoc^  :  le  cardinal  Bonsy,  à  bout  de 
douleur  et  de  ressources,  en  chercha  dans  cet  appui,  et 
c'est  ce  qui  fit  le  mariage  de  son  neveu.  M.  du  Maine 
s'en  chargea,  le  régla  et  le  conclut^.  Cela  n'étoit  pas  dif- 
ficile :  Mlle  de  Vivonne  n'avoit  rien  que  sa  naissance,  et 
le  cardinal  et  sa  sœur  ne  cherchoient  qu'une  grande  al- 
liance et  un  soutien  domestique  contre  Bâville.  Mme  de 
Montespan  fit  la  noce,  en  mai  1693,  chez  elle,  à  Saint- 
Joseph^,  et  se  chargea  de  loger  et  nourrir  les  mariés\ 
M.  du  Maine  promit  merveilles,  et,  à  son  ordinaire,  ne 
tint  rien.  Il  ménageoit^  son  crédit  pour  soi  tout  seul,  et 
se  seroit  bien  gardé  de  choquer  le  dégoût  du  Roi  pour  la 
conduite  du  cardinal  Bonsy,  ni  ses  ministres,  et  le  goiit 
qu'ils  lui  avoient  donné  pour  Bâville;  mais,  à  l'égard  de 

1 .  Comparez  ce  qui  va  suivre  à  deux  autres  passages  des  Mémoires, 
édition  1873,  tomes  III,  p.  429,  et  XII,  p.  418,  et  à  une  Addition  au 
Journal  de  Dangeau,  tome  XVI,  p.  304. 

2.  Le  duc  du  Maine,  «  par  sa  bâtardise,  »  se  trouvait  aussi  proche 
parent  de  Mlle  de  Mortemart  que  la  duchesse  de  Chartres. 

3.  La  maison  des  filles  de  la  Providence  ou  de  Saint-Joseph  s'était 
établie  en  1641  dans  la  rue  Saint-Dominique  (c'est  aujourd'hui  l'hôtel 
du  ministère  de  la  guerre);  on  y  élevait  et  instruisait  de  jeunes  orphe- 
lines, qui  produisaient  de  «  magnifiques  ouvrages  en  meubles  et  en 
ornements  d'église.  »  (Saint-Simon,  Parallèle  des  trois  premiers  rois 
Bourbons,  p.  228.)  Sur  les  retraites  que  la  favorite  y  faisait  depuis 
4690,  voyez  Madame  de  Montespan,  par  P.  Clément,  p.  loO  et  403-410. 
Elle  remplissait  les  fonctions  de  supérieure,  et  avait  même  désigné  sa 
nièce,  dont  il  s'agit  ici,  pour  lui  succéder. 

4.  Saint-Simon  prend  ceci  dans  le  Journal  de  Dangeau,  tome  IV, 
p.  289,  17  mai  1693  :  «  C'est  M.  du  Maine  qui  a  fait  le  mariage  de 
Mlle  de  Mortemart.  Elle  a  cinquante  mille  francs  sur  la  maison  de  ville, 
une  pension  du  Roi  de  mille  écus,  et  Mme  de  Montespan  lui  donnera 
mille  écus  de  pension  aussi,  et  les  logera  à  Saint-Joseph,  où  elle  les 
nourrira  quand  elle  sera  à  Paris.  »  La  pension  du  Roi  de  mille  écus 
datait  de  1691,  temps  où  Mlle  de  Mortemart-Vivonne  avait  été  placée 
auprès  de  Mlle  de  Blois  {ibidem,  tome  III,  p,  325).  Ce  fut  le  cardinal 
de  Bonsy  qui  célébra  le  mariage,  le  20  mai,  dans  l'église  des  filles  de 
Saint-Joseph  {Gazette,  p.  2o2). 

5.  Ménageoit  est  écrit  en  interligne,  au-dessus  de  gardoii,  que  Saint- 
Simon  a  biflé. 


I1696J  L>E  SAINT-SIiMON.  331 

la  place  de  dame  d'atour  de  Mme  la  duchesse  de  Char- 
tres, peu  courue,  et  par  des  gens  dont  M.  du  Maine  n'a- 
voit  aucune  raison  de  s'embarrasser,  il  ne  put  refuser  à 
Mme  de  Montespan,  quelque  peu  cordialement  qu'ils  fus- 
sent ensemble,  à  Mme  la  duchesse  de  Chartres,  avec  qui 
il  vivoit  alors  intimement,  et  [à]  sa  propre  pudeur  pour 
des  gens  dont  il  avoit  fait  le  mariage,  et  qui  n'avoient 
trouvé  en  lui  rien  moins  de  ce  qui  l'avoit  fait  faire  S  de 
s'intéresser  pour  eux  en  chose  si  fort  de  leur  convenance 
et  qui  ne  lui  coùtoit  rien.  Il  obtint  donc  cette  place  du 
Roi  et  de  Mme  de  Maintenon,  sans  laquelle  ces  sortes 
d'emplois  ne  s'accordoient"  point,  et  se  donna  le  mérite^ 
de  le  mander  en  Languedoc,  où  étoient  M.  et  Mmes*  de 
Castries  et  le  cardinal  Bonsj,  avant  qu'ils  pussent  savoir 
que  ce  poste  étoit  à  remplir.  Ils  demeurèrent  encore 
quelque  temps  chez  eux  à  achever  leurs  affaires,  et  puis 
vinrent  s'établir  pour  toujours  à  la  cour^. 

1.  Locution  déduite,  avec  changement  incorrect  de  que  eu  de,  du  tour  : 

ne rien  moins  que,  au  sens  de  nullement  (voyez  M.  Littré,  à  l'article 

Rien,  13°).  II  faut,  pour  comprendre,  ou  rétablir  le  que  (il  se  pourrait 
après  tout  que  le  de  fût  un  simple  lapsus),  ou  tourner  en  ôtanl  le  ne  : 
«  qui  avoient  trouvé  moins  que  rien  de  ce  qui,  etc.  »  Il  semble  qu'il  se 
soit  fait  à  ce  moment  dans  l'esprit  de  l'auteur  une  confusion  de  ces  deux 
constructions.  Pour  la  clarté,  le  remède  le  plus  simple  serait  d'ôter  moins. 

2.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  :  se  donnoient;  puis  il  a  biffé  don- 
noienl,  et  substitué  accordaient  en  interligne,  sans  corriger,  à  la  fin  de 
la  ligne  précédente,  se  en  s' . 

3.  Dans  le  manuscrit,  par  mégarde,  mériter. 

4.  L's  du  pluriel  a  été  ajoutée  après  coup,  d'une  autre  encre,  à  l'a- 
bréviation {M"). 

5.  Nous  avons  vu  que  cette  nomination  de  dame  d'atour  fut  connue 
le  3  septembre  4696.  Dangeau  annonce,  le  23  octobre  suivant,  que 
l'appartement  de  Versailles  devenu  vacant  par  la  disgrâce  de  Mme  de 
Saint-Géran  a  été  immédiatement  donné  par  le  Roi  à  Mme  de  Cas- 
tries. Le  même  Journal  de  Dangeau  (tome  V,  p.  416  et  422)  nous 
apprend  que  le  cardinal  de  Bonsy  était  venu  à  la  cour  dans  les  pre- 
miers temps  de  l'été  précèdent,  qu'on  l'y  avait  trouvé  fort  changé  et 
vieilli,  mais  qu'il  avait  été  reçu  du  Roi  avec  beaucoup  de  bonté.  Com- 
parez le  Mercure  galant,  juin  1696,  p.  300-301. 


332  MÉMOIRES  [1690] 

Mme  de  Castries*  étoit  un  quart  de  femme,  une  espèce 
de  biscuit  manqué'-,  extrêmement  petite,  mais  bien  prise, 
et  auroit  passé  dans  un  médiocre  anneau  :  ni  derrière,  ni 
gorge,  ni  menton  ;  fort  laide,  l'air  toujours  en  peine  et 
étonné;  avec  cela,  une^  physionomie  qui  éclatoit  d'esprit 
et  qui  tenoit  encore  plus  parole.  Elle  savoit  tout  :  histoire, 
philosophie,  mathématiques,  langues  savantes,  et  jamais 
il  ne  paroissoit  qu'elle^  sût  mieux  que  parler  françois^; 
mais  son  parler  avoit  une  justesse,  une  énergie,  une  élo- 
quence, une  grâce  jusque  dans  les  choses  les  plus  com- 
munes, avec  ce  tour  unique  qui  n'est  propre  qu'aux  Mor- 
temarts^'.  Aimable,  amusante,  gaie,  sérieuse,  toute  à  tous, 

1.  Comparez  au  portrait  qui  va  suivre  deux  autres  passages  des 
Mémoires  sur  la  marquise  de  Castries,  tomes  XII,  p.  419,  et  XIV, 
p.  391,  et  deux  Additions  au  Journal  de  Dangeau,  tomes  XVI,  p.  304- 
30S,  et  XVII,  p.  302. 

2.  M.  Littré  croit  que  cette  expression  (Saint-Simon  l'appliquera 
encore,  tome  XVI,  p.  207,  au  maltotier  Réraond  le  Diable)  signifie,  au 
propre,  un  gâteau  non  réussi,  manqué  par  le  pâtissier.  Ne  serait-ce  pas 
plutôt  une  allusion  à  la  pièce  de  pâtisserie,  sorte  de  biscuit  plat  peu 
levé,  qu'on  appelle  aujourd'hui  un  manqué,  tout  court,  à  supposer 
qu'elle  fût  connue  dès  le  dix-septième  ou  le  dix-huitième  siècle  et  dé- 
signée alors  par  les  deux  mots  de  «  biscuit  manqué  »? —  Dans  la  se- 
conde Addition  et  dans  le  tome  XIV,  p.  391,  des  Mémoires,  Saint- 
Simon  dit  :  «  Une  petite  poupée  manquée,  mais  pétillante  d'esprit....  » 
Dans  l'Addition  placée  plus  haut,  n°  16o,  Mme  de  Castries  n'est,  «  par 
son  exiguïté,  qu'une  moitié  de  figure.  » 

3.  Dans  le  manuscrit,  par  mégarde,  un,  au  masculin. 

4.  QiC  est  répété  deux  fois. 

o.  Aussi  «  modeste  que  belle,  »  elle  se  cachait,  du  moins  avant  son 
mariage,  pour  lire  les  œuvres  de  Platon  dans  l'édition  grecque  :  voyez 
une  anecdote  rapportée  dans  les  Mémoires  de  Daniel  Huet,  p.  228. 
M.  Boutron  a  possédé,  ou  possède  encore,  dans  sa  collection  d'autogra- 
phes, une  églogue  latine  que  le  même  Huet  adressa  à  Mlle  de  Morte- 
mart.  Ce  goût  pour  les  langues  anciennes  devait  lui  avoir  été  inspiré  par 
sa  tante  l'abbesse  de  Fontevrault,  la  traductrice  du  Banquet  de  Platon. 

6.  L'esprit,  ou  le  chrême,  des  Mortemart,  comme  dira  ailleurs 
(tome  XII,  p.  419)  Saint-Simon,  à  propos  de  la  même  Mme  de  Cas- 
tries, est  vanté  par  tous  les  contemporains  qui  voyaient  en  même  temps 
à  la  cour  M.  de  Vivonne  et  ses  trois  sœurs,  Mme  de  Montespan,  Mme  de 


[1696]  DE  SAINT-SIMON.  333 

charmante  quand  elle  vouloit  plaire,  plaisante  naturelle- 
ment avec  la  dernière  finesse,  sans  la  vouloir  être,  et 
assenant*  aussi  les  ridicules  à  ne  les  jamais  oublier;  glo- 
rieuse, choquée  de  mille  choses,  avec  un  ton  plaintif  qui 
emportoit  la  pièce  ;  cruellement  méchante  quand  il  lui 
plaisoit,  et  fort  bonne  amie,  polie,  gracieuse,  obligeante 
en  général;  sans  aucune  galanterie,  mais  délicate  sur 
l'esprit  et  amoureuse  de  l'esprit  oi^i  elle  le  trouvoit  à  son 
gré;  avec  cela,  un  talent  de"  raconter  qui  charmoit,  et, 
quand  elle  vouloit  faire  un  roman  sur-le-champ,  une 
source  de  production,  de^  variété  et  d'agrément  qui  éton- 
noit.  Avec  sa  gloire,  elle  se  croyoit  bien  mariée,  par 
l'amitié  qu'elle  eut  pour  son  mari  ;  elle  l'étendit  sur  tout 
ce  qui  lui  appartenoit,  et  elle  étoit  aussi  glorieuse  pour 
lui  que  pour  elle.  Elle  en  recevoit  le  réciproque*  et  toutes 
sortes  d'égards  et  de  respects. 

On  ^  ajouta  bientôt"  après  une  nouvelle  personne  à  la  Mme  de  Jussac 

Thiange  et  l'abbesse  de  Fontevrault.  C'était,  selon  l'expression  de  Voltaire 
{Siècle  de  Louis  XIV,  chap.  xxvi),  «  un  tour  singulier  de  conversation 
mêlée  de  plaisanterie,  de  naïveté  et  de  finesse.  »  Mme  de  Caylus  parle 
surtout  de  la  manie  de  dénigrement  orgueilleux  que  Mme  de  Thiange, 
«  folle  sur  deux  chapitres,  celui  de  sa  personne  et  celui  de  sa  naissance,  » 
professait  «  pour  tout  ce  qui  n'étoit  pas  de  son  sang,  ni  dans  son  alliance  » 
(Souvenirs,  p.  488);  et  Mme  de  Maintenon  dit  (Correspondance  générale, 
tome  II,  p.  103)  que  cet  orgueil  avait  été  transmis  au  duc  du  Maine.  On 
va  voir,  quelques  lignes  plus  loin,  que  Mme  de  Castries  tenait  aussi  du 
même  esprit  de  «  gloire  »,  ou  de  «  folie  »,  comme  le  qualifie  le  marquis 
d'Argenson  à  propos  de  Mlle  de  Charolais  (Mémoires,  tome  II,  p.  231). 

1.  Dans  le  manuscrit,  acenani  :  voyez  ci-dessus,  p.  175,  notel. 

2.  De  corrige  à.  —  3.  Et  a.  été  changé  en  de. 

4.  Expression  analogue  à  celle  que  citent  l'Académie  (1694)  et  Fure- 
tière  (1690),  de  rendre  le  réciproque. 

5.  Ici,  Saint-Simon  a  inscrit  en  marge  la  date  de  1697,  pour  marquer 
que  la  nomination  dont  il  va  parler  commence  une  nouvelle  année; 
mais  cet  événement  tout  à  ftiit  secondaire  se  rattache  si  naturellement  à 
ce  qui  vient  d'être  raconté  pour  1696,  que  nous  croyons  devoir  en 
laisser  le  récit  dans  le  volume  consacré  à  cette  année,  sans  tenir  compte 
de  la  «  manchette  »  du  manuscrit, 

6.  Journal  de  Damjeau,  tome  VI,  p.  37,   16  janvier  1697. 


et  )9S] 


334  MÉMOIRES  [1696J 

auprès  de       siiite,  mais  intérieure,  de  Mme  la  duchesse  de  Chartres, 
duchesslTde     ^^^^  ^^"^  ^^'^^'  ^  Marlj,  ni  paroître  avec  elle  en  public 
Chartres.       hors  de  soH  appartement,  sinon  en  des  voyages  ou  en  des 
[Âdd.  S'-S.  191    choses  familières*  :  ce  fut  Mme  de  Jussac-,  quiavoit  été  sa 
gouvernante,  et  qui  sut  allier  la  plus  constante  confiance 
de  Mme  de  Montespan  avec  l'estime  de  Mme  de  Main- 
tenon.  Elle  s'appeloit  Saint- Just  et  avoit  été  longtemps 
auprès  de  la  première  femme  de  mon  père^,  qui,  par  con- 
fiance, la  donnèrent^  à  ma  sœur  quand  elle  épousa  le  duc 
deBrissac^'.  Les  brouilleries  domestiques®,  qui  ne  tardèrent 
pas,  l'en  détachèrent.  Elle  entra  chez  Mme  de  Montespan', 
qui  après  la  mit  auprès  de  Mlle  de  Blois,  dont  elle  fut 
gouvernante  jusqu'à  son  mariage  avec  M.  le  duc  de  Char- 

1.  «  Elle  n'aura  point  de  charge,  dit  Dangeau  de  Mme  de  Jussac 
(voyez  la  note  suivante)  ;  mais,  comme  c'est  une  femme  de  confiance, 
on  est  bien  aise  qu'elle  soit  auprès  d'elle  (Mme  de  Chartres),  quand 
ses  dames  n'y  pourront  pas  être.  »  Par  une  curieuse  coïncidence, 
Mme  de  Jussac  fut  appelée  à  ce  poste  à  cause  du  renvoi  d'une  pre- 
mière femme  de  chambre  de  même  nom  qu'elle,  Mme  de  Saint-Just. 

2.  Marie-Françoise  Evrard  de  Saint-Just,  seconde  femme  de  Claude, 
comte  de  Jussac,  lequel  avait  épousé  en  premières  noces,  en  1663,  la 
veuve  du  marquis  d'Hérouville,  et  l'avait  perdue  le  8  juin  1678.  Nous 
ne  connaissons  pas  l'époque  de  la  mort  de  Mme  de  Jussac. 

3.  Dans  un  autre  portrait  de  Mme  de  Jussac  (tome  IX,  p.  29o), 
Saint-Simon  dit  qu'  «  étant  fille,  elle  avoit  été  demoiselle  de  la  pre- 
mière femme  de  son  père.  » 

4.  Nouvel  exemple  d'accord  d'un  relatif  et  d'un  verbe  pluriels  avec 
deux  noms  dont  l'un  est  régi  par  l'autre  :  comparez  ci-dessus,  p.  189, 
218,  238,  264. 

o.  «  Jussac...  étoit  un  gentilhomme  très  simple  et  pauvre,  qui  avoit 
épousé  Mlle  de  Saint-Just,  de  même  étoffe  et  fortune.  Elle  avoit  été 
domestique,  fille  et  mariée,  de  la  première  duchesse  de  Saint-Simon, 
qui,  par  confiance,  la  mit  auprès  de  la  duchesse  de  Brissac,  sa  fille,  à 

son  mariage.  »  (Article  de  Conflans  d'Ouchy,  dans  les  Légères  notions 

des  chevaliers  du  Saint-Esprit,  Papiers  Saint-Simon,  vol.  34,  fol.  93.) 

6.  Saint-Simon  a  déjà  parlé  plusieurs  lois  du  peu  d'union  qu'il  y 
avait  entre  le  duc  et  la  duchesse  de  Brissac,  notamment  dans  le  tome  I, 
p.  209. 

7.  Voyez,  dans  Madame  de  Montespan^  par  P.  Clément,  p.  .274-275, 
une  lettre  à  Daniel  Huet  écrite  en  commun  par  la  marquise,  Mme  de 


IIH96]  DE  SAINT-SIMON.  33o 

lies'.  Son  mari '^  fut  tué  écuyer  de  M.  le  duc  du  Maine, 
à  la  bataille  de  Fleurus,  en  1690^  C'étoit  une  grande 
femme,  de  bonne  mine  et  qui  avoit  été  fort  agréable, 
et  toujours  parfaitement  vertueuse.  Elle  étoit  douce,  mo- 
deste, bonne,  mais  sage  et  avisée,  qui  connoissoit  fort 
le  monde  et  les  gens,  vraie  et  droite,  polie,  respectueuse, 

Jussac,  Mlle  de  Blois,  l'abbesse  de  Fontevrault,  Mlle  de  Mortemart  (qui 
devint  Mme  de  Castries),  etc. 

1.  Elle  avait  quitté  Mlle  de  Blois  en  février  1692,  lors  de  la  forma- 
tion de  la  nouvelle  maison  de  cette  princesse,  le  Roi  lui  donnant  qua- 
rante mille  livres  pour  elle  et  ses  enfants,  avec  maintien  d'une  pension 
de  six  mille  livres  et  promesse  d'un  logement  à  Versailles  {Journal  de 
Dangeau,  tome  IV,  p.  26;  Arch.  nat.,  0'  36,  fol.  74,  brevet  de  pension 
du  lo  mars  1692). 

2.  Claude,  dit  le  comte  de  Jussac,  fut  tué  à  Fleurus  le  1"  juil- 
let 1690.  Fils  d'un  gentilhomme  ordinaire  du  Roi,  il  avait  commandé 
au  Havre  sous  les  ordres  du  jeune  duc  de  Richelieu,  puis  avait  fait  les 
fonctions  d'écuyer  ordinaire  de  la  duchesse  d'Orléans,  de  capitaine  de 
la  porte  du  duc,  et  de  gouverneur  de  MM.  de  Vendôme.  Le  Roi  l'at- 
tacha, avec  cette  dernière  qualité,  au  duc  du  Maine,  et,  quand  M.  de 
Montchevreuil  eut  pris  la  même  place  auprès  du  prince,  Jussac  devint 
premier  gentilhomme  de  sa  chambre  (septembre  1688),  et  non  écuyer, 
comme  le  dit  Saint-Simon  ». 

3.  Mme  de  Sévigné,  qui  avait  souvent  vu  Jussac  et  qui  appréciait  ses 
qualités,  parle  de  sa  mort  en  termes  touchants,  dans  deux  lettres  du 
mois  de  juillet  1690  (tome  IX,  p.  S44-545  et  349)  :  «  Et  Jussac!  dit- 
elle  ;  ce  philosophe,  cet  homme  retiré  !  La  cour  le  tente  ;  il  suit  son 
pupille  ;  le  prince  tombe,  parce  qu'il  a  eu  deux  chevaux  tués  sous  lui  ; 
ce  bon  gouverneur  veut  le  relever,  on  le  tue  :  voilà  qui  est  fait.  »  Made- 
moiselle s'exprime  aussi  sur  le  ton  le  plus  favorable  :  «  Il  avoit  de 
l'esprit,  savoit  la  cour;  et  avec  cela,  des  manières  particulières;  étoit 
savant,  savoit  les  poètes,  faisoit  joliment  des  vers  et  écrivoit  bien.  » 
{Mémoires,  tome  IV,  p.  490.)  On  trouve  quelques  lettres  intéressantes 
de  Jussac  à  la  marquise  d'Huxelles  dans  le  ms.  de  l'Arsenal  3202,  fol.  62 
et  suivants.  Une  lettre  à  Colbert,  sur  le  voyage  de  MM.  de  Vendôme  en 
Italie  (1671),  a  été  publiée  par  P.  Clément,  dans  le  tome  VI,  p.  4o8,  des 
Lettres  ei  mémoires  de  Colbert.  C'était  Mme  de  la  Fayette  qui  avait  in- 
troduit Jussac  chez  Mme  de  Montespan,  et  celle-ci  avait  été  obligée  de 
lui  faire  violence  pour  qu'il  acceptât  le  gouvernement  du  jeune  prince. 

«  C'est  le  chevalier  d'Aunay  qui  avait  eu  la  charge  d'écuyer  :  voyez  le 
Journal  de  Dangeau,  tome  II,  p.  114. 


336  MÉMOIRES  [1696] 

toujours  en  sa  place,  et  qui,  avec  la  confiance  et  Ta- 
mitié  intime  de  Mme  la  duchesse  de  Chartres  et  de 
Mme  de  Montespan%  et  depuis  avec  assez  de  confiance 
de  Mme  de  Maintenon,  ne  vojoit  rien  à  l'aveugle,  dis- 
cernoit  tout,  et  sut  toujours  se  bien  démêler  sans  flat- 
terie et  sans  fausseté,  et  sans  rien  perdre  avec  elles. 
Elle  sut  aussi  s'attirer  une  vraie  considération  et  des 
amis  distingués'  à  la  cour^,  quand  elle  y  fut  mise,  et 
toujours  sans  sortir  de  son  état,  ni  oublier  avec  nous 
ce  qu'elle  y  avoit  été*.  Il  est  très  singulier  qu'avec  très 
peu  de  bien  elle  maria  ses  deux  filles^  à  deux  frères, 
MM.  d'Armentières**  et  de  Conflans',  qui  n'avoient  rien, 

1.  Saint-Simon,  après  avoir  d'abord  écrit,  par  mégarde,  Montespar, 
a  ensuite  corrigé  Yr  en  71. 

2.  Distingués  est  en  interligne,  au-dessus  de  comidérables,  biffé. 

3.  Dangeau  rapporte  plusieurs  témoignages  de  l'estime  que  le  Roi 
professait  pour  Mme  de  Jussac,  notamment  aux  tomes  IV,  p.  26,  XI, 
p.  3o6,  etc. 

4.  Comparez  l'autre  portrait,  déjà  indiqué,  de  3Ime  de  Jussac,  dans 
la  suite  des  Mémoires,  tome  IX,  p.  295-296. 

5.  Louise-Françoise  de  Jussac,  mariée  :  1°  le  7  janvier  170 1,  à  Charles 
d'Ambly,  marquis  deChaumont,  brigadier  des  armées,  tué  au  combat  de 
Cassano,  le  16  août  1703  ;  2°  le  9  févTier  1712,  à  Alexandre-Philippe,  mar- 
quis de  Conflans  Saint-Remy.  Elle  fut  nommée,  en  octobre  1713,  dame 
pour  accompagner  de  la  duchesse  d'Orléans,  puis  passa  gouvernante  des 
deux  dernières  filles  de  cette  princesse,  et,  vers  1739,  devenue  aveugle, 
elle  quitta  la  cour.  —  Diane-Gabrielle  de  Jussac,  mariée  le  W  janvier 
1709  à  Michel  III  de  Conflans,  marquis  d'Armentières,  et  nommée,  en 
juin  1713,  dame  pour  accompagner  de  la  duchesse  de  Berry,  puis  atta- 
chée avec  le  même  titre  à  la  duchesse  d'Orléans,  en  avril  1727.  Elle 
mourut  à  Paris,  le  14  février  1777,  âgée  de  quatre-vingt-neuf  ans.  — M.  de 
Jussac  avait  eu  de  son  premier  mariage  un  fils,  dont  Saint-Simon  parlera. 

6.  Michel  de  Conflans,  troisième  du  nom,  marquis  d'Armentières, 
chambellan  du  duc  d'Orléans  et  colonel  d'un  régiment  d'infanterie, 
acheta,  en  se  mariant  (décembre  1708),  la  charge  de  premier  gentil- 
homme du  même  prince  et  vendit  celle  de  chambellan  au  mois  de  jan- 
vier 1710.  Il  mourut  le  3  avril  1717,  à  quarante-deux  ans. 

7.  Alexandre-Philippe  de  Conflans,  marquis  de  Saint-Remy,  plus 
connu  sous  le  nom  de  marquis  de  Conflans,  et  colonel  de  dragons  jus- 
qu'en 1711.  Il  eut,  comme  son  frère  aîné,  en  se  mariant,  une  charge 


[169<iJ  t)E  SAINT-SIMON.  33*? 

et  que  ce  soit'  ces  deux  mariages  qui  les  aient  remis  au 
monde,  et  le  chevalier  de  Conflans^,  leur  troisième  frère, 
et  qui  les'  aient  tirés  de  la  poussière  où  l'indigence  faisoit 
languir  cette  ancienne  maison  depuis  si  longtemps^. 

de  chambellan  du  duc  d'Orléans,  et  lui  succéda,  en  qualité  de  premier 
gentilhomme,  au  mois  d'avril  1717.  Il  mourut  le  2  décembre  4719,  âge 
de  quaraute-deux  ans. 

4.  Nous  avons,  dans  cette  phrase,  à  la  suite  du  tour  :  «  Il  est  très 
singulier  que....  »,  un  emploi  peu  correct  du  subjonctif  (soit)  après  un 
premier  indicatif  (maria),  venu,  lui,  bien  naturellement  sous  la  plume 
pour  parler  d'un  fait  positif  et  certain.  Nous  ne  relevons  pas  l'accord  si 
fréquent  du  verbe  (soit)  avec  l'antécédent  ce,  bien  qu'ici  il  étonne  un 
peu  à  cause  du  pluriel  suivant  aient  remis;  voyez  ci-après  la  note  3. 

2.  Philippe-Alexandre  de  Conflans,  reçu  chevalier  de  Malte  de  mino- 
rité en  1687,  servit  d'abord  dans  la  marine,  acquit  ensuite  une  compa- 
gnie aurégiment  de  Conflans  en  1706,  devint  lieutenant-colonel  au  mois 
d'octobre  1707,  eut  un  régiment  d'infanterie  de  son  nom  en  1710,  fut 
promu  brigadier  le  1"  février  1719,  et  nommé  prunier  gentilhomme 
de  la  chambre  du  Régent  après  la  mort  de  son  second  frère,  en  survi- 
vance de  son  neveu  (janvier  1723),  puis  eut,  en  janvier  1724,  la  même 
charge  auprès  du  nouveau  duc  d'Orléans.  Il  parvint,  dans  l'ordre  de 
Malte,  aux  dignités  de  bailli  et  de  grand-croix,  avec  les  commanderies 
de  Pézenas,  de  Moisy,  de  Magny  et  d'Abbeville.  Le  bailli  de  Conflans 
mourut  à  Paris  le  12  février  1744,  âgé  de  soixante-huit  ans,  et  fut  en- 
terré le  13,  dans  l'église  Sainte-Marie  du  Temple.  Il  était  manchot  de- 
puis plusieurs  années. 

3.  Les  est  ajouté  en  interligne,  et  le  manuscrit  porte  ensuite  ail, 
au  lieu  iVaient  (quoiqu'il  y  ait  plus  haut  aijent  remis),  et  tiré,  sans 
accord. 

4.  Saint-Simon  aura  à  revenir  plus  longuement  sur  la  maison  de 
Conflans,  qui  prétendait  se  rattacher  aux  anciens  Brienne,  sur  les  trois 
frères  qu'il  vient  de  nommer,  et  sur  le  mariage  des  deux  premiers  avec 
les  tilles  de  Mme  de  .Jussac  :  voyez  le  tome  IX,  p.  293-298,  et  l'Addition 
correspondante  {Dangean,  tome  XIV,  p.  77),  qui  finit  en  ces  termes  : 
«  C'est  ainsi  que  MM.  de  Conflans  ont  été  remis  au  monde  par  Mme  de 
Jussac  et  par  ses  filles,  à  la  honte  des  connétables  de  Brienne  et  des  em- 
pereurs d'Orient.  » 


MEMOlKES    UE    SAIN  1 -SIMON.    IJI 


APPENDICE 


PREMIÈRE    PARTIE 

ADDITIONS    DE    SAINT-SIMON 

AU   JOURNAL  DE   DANGEAU 

136.  Le  titre  princier  des  Salviati,  Vaïni  et  Monaco, 
(Page  3.) 

3  février  1700.  —  Les  chefs  des  maisons  papalines  à  qui  les  ambas- 
sadeurs impériaux  et  d'Espagne  donnent  l'Excellence  sont  très  différents 
du  duc  Salviati,  quoique  peut-être  de  meilleure  maison  que  la  plupart, 
et  de  MM.  Lanti  et  Vaïni,  gens  d'aucune  illustration  et  tout  à  fait  nou- 
veaux, le  premier  adopté  par  les  la  Rovère,  de  maison  papale,  mais 
autrement  vile,  et  que  la  France  éleva  à  Rome  peu,  mais  le  plus  qu'elle 
put,  par  le  crédit  du  cardinal  d'Estrées,  qui  avoit  fait  épouser  à  Lanti 
la  sœur  de  Mme  de  Bracciano,  sa  bonne  amie  alors,  depuis  la  fameuse 
des  Ursins,  et  qui  n'avoit  rien.  Pour  le  Vaïni,  on  a  vu'  le  peu  que 
c'étoit,  et  pourquoi  le  cardinal  de  Bouillon  entreprit  sa  fortune;  mais, 
pour  M.  de  Monaco,  ce  n'étoit  pas  à  dire  qu'il  eût  raison.  Son  bisaïeul 
est  le  premier  qui,  de  seigneur  de  Monaco,  s'en  intitula  prince,  et  cela 
de  lui-même.  Son  grand-père ,  qui  se  donna  à  la  France,  ne  pensa 
jamais,  non  plus  que  son  père,  à  avoir  aucune  distinction  en  Italie,  et 
nulle  part  à  titre  de  prince  ni  de  principauté.  Son  père,  qui  fut  tué 
d'accident  avant  son  père  ^,  qui  ne  s'étoit  pas  démis  de  son  duché,  laissa 
une  veuve,  qui  l'amena  en  France  pour  y  être  tenu  par  LL.  MM.,  et  qui 
alla  à  la  cour  sans  avoir  ni  prétendre  le  tabouret  ;  et  on  a  vu  '  que  ce 
ne  fut  qu'au  mariage  du  fils  de  celui-ci  avec  la  fille  de  Monsieur  le  Grand 
qu'il  eut  le  rang  de  prince  :  depuis  quoi  la  tête  leur  a  tourné  là-dessus, 
et  à  Rome,  au  grand  détriment  des  affaires  du  Roi. 


1.  Addition  à  l'article  du  2  février  1698,  tome  VI,  p.  287. 

2.  Le  texte  des  Mémoires,  ci-dessus,  p.  22,  explique  ce  passage,  écrit  sans 
soin  par  Saint-Simon. 

3.  Voyez  ci-après,  p.  3-il,   n"   140,  l'Addition  à  laquelle  Saint-Simon  fait 
allusion,  et  qui  se  rattache  à  l'année  1688. 


340  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

137.  Le  (hic  Lanti. 
(Page  3.) 

i"  janvier  1696.  —  Ce  duc  Lanti  est  peu  do  chose.  Il  a  pris  le  nom 
de  la  Rovère  parce  qu'ils  eu  ont  eu  une  mère,  et  ces  la  Rovère  eux- 
mêmes  étoient  des  paysans  de  Savone.  Ce  fut  un  pêcheur  de  cette  ville 
ou  des  environs  qui  fut  père  de  François  la  Rovère  qui  fut  pape  en  147 1 
et  le  fut  quatorze  ans  sous  le  nom  de  Sixte  IV.  Ce  furieux  Jules  II,  élu 
en  io03,  et  qui  fut  dix  ans  pape,  étoit  fils  du  frère  de  Sixte  IV.  Ils  éle- 
vèrent leur  famille,  dans  laquelle  entra  le  duché  d'Urbin  et  d'autres 
grands  fiefs,  par  argent  et  par  grandes  alliances,  qui  sont  retournés 
aux  papes,  la  plupart  par  usurpation.  Ils  ont  eu  trois  ducs  d'Urbin,  et 
le  cardinal  d'Estrées,  comme  on  le  verra  ailleurs,  fit  donner  l'Ordre  à  ce 
duc  Lanti  à  cause  de  la  duchesse  de  Bracciano,  sa  belle-sœur,  avec  qui 
il  étoit  en  très  étroite  amitié,  et  qui  '  l'avoit  mariée  elle-même,  et  qui, 
devenue  fameuse  sous  le  nom  de  princesse  des  Ursins,  se  brouilla  si  fort 
avec  lui  et  les  siens  en  Espagne.  Ce  duc  Lanti  eut  un  fils,  que  sa  tante, 
la  fameuse  princesse  des  Ursins,  attira  en  Espagne,  et  à  qui  elle  fit 
épouser  une  riche  héritière  du  comte  de  Priego,  soi-disant  Cordoue, 
qui  en  fut  fait  grand  d'Espagne,  pour  que  sa  grandesse  vînt  à  son  gen- 
dre après  lui  ;  mais  le  bonhomme,  qui  avoit  eu  l'esprit  de  se  faire  grand 
de  la  sorte,  et  qui  en  avoit  beaucoup  en  effet,  survécut  et  le  règne  et 
la  vie  de  Mme  des  Ursins,  et  sa  fille  après,  qui  étoit  dame  du  palais  de 
la  reine  Savoie,  et  qui  la  demeura  de  la  reine  Farnèse  :  tellement 
que,  lorsqu'il  mourut,  la  grandesse  tomba  sur  sa  petite-fille.  Le  roi 
(l'Espagne  eut  pitié  de  l'infortune  du  père,  et  le  fit  grand  à  vie  sous  le 
nom  de  duc  Santo-Gemini. 

138.  Clércmhaull  et  sa  fille. 
(Pagcll.) 

14  février  161)6.  —  Mlle  de  Clérembault  s'appeloit  Gilier,  et  étoit  fille 
de  Clérembault  que  la  comtesse  du  Plessis  avoit  épousé  par  amour, 
laquelle  étoit  veuve  du  fils  aîné  du  maréchal  du  Plessis,  mère  du  duc  de 
Choiseul  tué  à  Luxembourg,  belle-sœur  du  duc  de  Choiseul,  et  avoit  été 
dame  d'honneur  de  Madame. 

139.  Mme  de  Clérembault  el  son  premier  mariage. 
(Page  112.) 

3  juin  1685.  —  Le  duc  de  Choiseul  étoit  petit-fils  du  maréchal  du 
Plessis,  célèbre  pour  avoir  sauvé  l'État  par  la  bataille  de  Rethel  qu'il 

1.  Ce  second  qui  se  rapporte  au  cardinal,  sujet  de  la  phrase,  tandis  que 
le  précédent  et  le  suivant  se  rapportent  à  la  duchesse  de  Bracciano,  com- 
plément indirect. 

1.  Voyez  ci-aprèb  l'appendice  II  de  la  seconde  partie,  p.  378-380. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  341 

•^agna  contre  M.  de  Turenne.  Le  maréchal  du  Plessis  étoit  gouverneur 
(le  Monsieur,  puis  premier  gentilhomme  de  sa  chambre  et  surintendant 
(lo  sa  maison,  et  sa  femme  dame  d'honneur  de  Madame  ;  et  le  demeu- 
nVent  depuis  avoir  été  fait  duc  et  pair,  en  1665.  Son  fils,  le  comte  du 
Plessis,  mourut  avant  lui,  et  ne  fut  point  duc,  et  sa  femme  fut  dame 
d'honneur  de  Madame  ;  elle  épousa  Clérembault  par  amour.  De  son  pre- 
mier mariage,  elle  avoit  eu  ce  duc  de  Choiseul  qui  avoit  eu  la  charge  de 
son  grand-père  avec  sa  dignité,  à  laquelle  son  oncle  paternel  succéda, 
qui  a  été  le  dernier  duc  de  Choiseul,  en  qui  le  duché-pairie  s'est  éteint 
faute  de  postérité.  Mme  de  Clérembault,  de  son  second  mariage,  a  eu 
une  fille  unique,  mère  du  duc  de  Luxembourg  d'aujourd'hui. 

140.  Orujine  de  la  princerie  des  Monaco. 
(Page  21'.) 

M  juin  1688.  —  M.  de  Monaco,  Honoré  Grimaldi,  deuxième  du  nom, 
arrière --grand-père  de  celui  dont  il  est  j)arlé  ici,  fit,  en  1642,  son  traité 
avec  Louis  XIII,  qui  le  fit  duc  et  pair  et  chevalier  de  l'Ordre  ;  et  ce  fut 
à  sa  réception  au  Parlement,  en  1643,  après  la  mort  de  Louis  XIII,  que 
l'ordre  en  fut  changé  pour  la  première  fois,  sans  ordre  et  sans  autre 
cliûse  que  le  faire  et  le  continuer  après.  Les  réceptions  se  faisoient  aux 
hauts  sièges,  un  avocat  général  plaidant  et  concluant,  et  le  Premier 
Président  allant  prendre  les  voix  le  long  des  bancs,  le  bonnet  à  la 
main,  comme  il  se  pratique  aux  grandes  audiences.  Cette  fois,  ils  en 
usèrent  comme  pour  un  conseiller,  aux  sièges  bas,  un  conseiller  rap- 
portant, et  le  Premier  Président  prenant  les  voix  de  sa  place,  en  nom- 
mant, et  son  bonnet  sur  la  tète.  Cela  suffit  pour  cette  époque^. 

M.  de  Monaco*  avoit  un  fils  unique.  Hercule  Grimaldi'*,  qui  s'appeloit 
le  prince  de  Mourgues,  et  qui  fut  tué  par  malheur  à  Monaco,  en  16ol'', 
(lu  vivant  du  père,  qui  ne  s'étoit  point  démis  de  son  duché  et  mourul 
on  1662.  Le  prince  de  Monaco  avoit  épousé  une  Spinola,  dont  il  eut  la 
marquise  de  Pianezze  Simiane,  la  princesse  de  Francavilla  Imperiali 
et  la  marquise  de  Saint-Martin,  etc.  Le  fils  fut  le  prince  de  Monaco,  que 
sa  mère  amena  en  France,  étant  veuve  et  son  beau-père  vivant,  pour 
être  tenu"  sur  les  fonts  de  baptême  par  leKoi.  Elle  fut  recueillie  par  la 


1.  Voyez  ci-après  l'appendice  III  de  la  seconde  partie,  p.  381. 

2.  Ces  mots  :  «  Griiiiakli....  arrière  »,  ont  été  ajoutés  après  coup,  au-des- 
sus de  la  ligne. 

3.  Ce  dernier  membre  de  phrase  est  biffé. 

i.  Ces  trois  mots  sont  biffés  et  remplacés  en  interligne  par  :  «  Ce  M.  de 
Monaco.  » 

o.  Ces  deux  noms  sont  ajoutés  en  interligne. 

G.  Cette  date  remplace  en  interligne  une  autre  date  biffée  postérieure- 
ment et  devenue  illisible. 

7.  Toute  cette  partie  du  texte  primitif,  depuis  :  «  Le  prince  de  iMonaco 
avoit  épousé....  »,   a  été  biffée   postérieurement  et    remplacée  par  :  •<  Sa 


342  ADDITIONS  DE  SAhNT-SiMON 

duchesse  d'Angoulênie  la  Guiche,  dont  le  mari,  gouverneur  de  Provence, 
avoitfort  contribué  au  traité  de  M.  de  Monaco.  Le  baptême  se  fit*,  et  la 
princesse  de  Mourgues  s'en  retourna  avec  son  fils  incontinent  après, 
très  satisfaite  des  bons  traitements  qu'elle  avoit  reçus,  sans  avoir  été 
assise  ni  prétendu  à  l'être.  [Ce  fils,  marié  en  1660  à  Charlotte-Cathe- 
rine de  Gramont,  en  eut  Antoine  Grimaldi,  né  en  janvier  1661,  et  ce  fut 
ce  fils  qui  épousa  en  1688  Mlle  d'Armagnac*.] 

Jusqu'à  cette  année,  M.  de  Monaco  n'avoit  pas  songé  à  être  prince  : 
Monsieur  le  Grand,  en  peine  de  se  défaire  de  sa  fille  et  pour  peu,  en 
obtint  le  rang,  et  fit  asseoir  Mlle  de  Monaco,  qui  avoit  déjà  de  l'âge,  et 
qui  épousa  le  duc  d'Uzès  ensuite. 

M.  de  Seignelay  ne  signa  point  au  contrat  de  mariage,  où  la  faveur  de 
Monsieur  le  Grand  emporta  ce  qu'il  voulut,  et  on  verra  pourquoi  à  la 
fin  de  l'année^;  il*  signa  même,  de  légèreté  méditée,  le  contrat  devant" 
M.  de  Monaco,  qui  voulut  rompre  tout  là-dessus  en  présence  du  Roi, 
qui  l'apaisa  comme  il  put,  et  en  ordonnant  à  Monsieur  le  Grand  de 
signer  après  M.  de  Monaco  sur  le  registre  de  la  paroisse  :  ce  qui  fut 
exécuté.  Ce  fut  là-dessus  que  Monsieur,  qui  aimoit  fort  Monsieur  le 
Grand  et  Mme  d'Armagnac,  donna  un  grand  dîner  à  Saint-Cloud,  sans 
Madame,  à  la  noce,  pour  raccommoder  les  deux  pères.  Le  mariage  fut 
peu  heureux,  comme  on  en  pouvoit  faire  l'horoscope. 

144.  Les  Colbert  de  Villacerf  et  de  Saint-Pouenge. 
(Page  27.) 

49  octobre  4699.  —  Villacerf  étoit  Colbert,  mais  fils  d'une  sœur  du 
chancelier  le  Tellier,  et  attaché  à  lui  et  à  sa  famille  au  point  que  lui  et 
Saint-Pouenge,  son  frère,  furent  premiers  commis  de  M.  de  Louvois  et 
prirent  ses  livrées.  Villacerf  avoit  beaucoup  de  probité,  de  vérité,  avec  de 
la  rudesse  ;  il  avoit  aussi  des  amis,  et  en  méritoit.  Le  Roi  avoit  pour  lui 
de  l'amitié  et  de  la  confiance.  M.  de  Louvois  y  en  avoit  pris  une  entière 
lorsque,  par  ses  charges,  il  prit  plus  d'essor  :  Saint-Pouenge,  son  frère, 
prit  son  bureau  et  tout  son  crédit  dans  les  affaires  du  secrétaire  d'État 
de  la  guerre. 


veuve,  de  la  maison  de  Spinola,  amena  leur  fils  en  France  pour  être  tenu 
sur  les  fonts....  » 

1.  Ici  on  a  ajouté  en  interligne  :  «  Son  fils  fut  nommé  Louis.  » 

2.  La  phrase  que  nous  plaçons  ici  entre  crochets  a  été  ajoutée  en  inter- 
ligne sur  le  manuscrit. 

3.  A  propos  de  la  promotion  de  l'Ordre.  —  Ce  nienibi-e  de  phrase  est 
t)ift'é. 

4.  Monsieur  le  Grand. 
.H.  Avant. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  343 

14î2  et  143.  Le  marquis  de  Lassay  et  sa  famille. 
(Page  29.) 

18  février  IG96.  —  Lassay  s'appeloit  Madaillaii,  et  avoit  de  l'esprit  et 
du  courage.  11  s'étoit  déjà  marié  deux,  ou  même  trois  autres  fois,  et  une, 
entre  autres,  à  la  fille  d'un  apothicaire,  que  le  duc  Charles  IV  de  Lor- 
raine avoit  été  tout  prêt  d'épouser.  C'est  d'elle  que  Lassay  a  eu  Mme  de 
Coligny*  et  Lassay  son  fils.  11  perdit  cette  femme,  et  se  jeta  dans  une 
grande  dévotion  et  dans  une  grande  retraite  aux  Incurables,  où  il  s'est 
bâti  fort  agréablement.  La  dévotion  se  refroidit,  et  la  solitude  l'ennuya  : 
il  se  rejeta  plus  que  devant  dans  le  grand  monde,  et  se  fourra  dans  tous 
les  plaisirs  de  Monsieur  le  Duc,  dont  il  y  a  une  chanson  de  Madame  la 
Duchesse  qui  ne  mourra  jamais.  Elle  prit  depuis  son  fils  en  telle  atfection, 
que  le  monument  en  est  à  Paris,  dans  les  deux  palais  qu'ils  y  ont  fait 
bâtir.  En  outre  des  trésors  que  cette  faveur  valut  au  fils  sous  la  régence 
de  M.  le  duc  d'Orléans,  elle  valut  l'Ordre  au  père  en  1724. 

2  avril  1711.  —  Lassay  étoit  un  homme  qui  avoit  de  l'esprit  et  du  cou- 
rage, mais  qui  avoit  fait  bien  des  métiers  eu  sa  vie,  et  trois  ou  même 
quatre  mariages.  Il  servit,  puis  il  fit  le  petit  coq  de  province  ;  étoit  déjà 
veuf  de  sa  première  femme,  qui  n'étoit  rien  et  s'appeloit  Sibourg,  dont 
la  fille  unique  a  épousé  le  dernier  de  la  maison  de  Coligny,  éteinte  en  sa 
personne.  Quoique  laide,  elle  a  fait  du  bruit,  avec  de  l'esprit  et  de  l'in- 
trigue, méchante  et  hardie.  Elle  se  laissa  mourir  de  douleur,  pour  en 
parler  sobrement,  de  la  mort  du  dernier  duc  de  la  Feuillade.  Lassay, 
longtemps  après,  s'amouracha  de  la  fille  de  cet  apothicaire  que  sa  beauté, 
sa  vertu  et  l'amour  de  Charles  IV  de  Lorraine,  qui  fut  au  moment  de 
l'épouser,  a  rendue  illustre.  Lassay  l'épousa,  en  eut  un  fils,  la  perdit  au 
fort  de  son  amour,  et,  de  douleur,  se  retira  aux  Incurables,  où  il  passa 
quelques  années  dans  une  grande  retraite  et  une  grande  piété.  Ennuyé 
enfin  de  cette  vie,  il  ajusta  sa  petite  maison,  égaya  sa  solitude,  se  remit 
dans  le  monde,  s'éloigna  entièrement  de  la  vie  dont  il  s'étoit  dégoûté, 
eut  des  commerces  peu  séants,  et  fut  accusé  d'être  le  Mercure  de  Mon- 
sieur le  Duc,  dont,  par  la  suite,  il  épousa  la  sœur  bâtarde.  Cela  acheva 
de  le  raccrocher  dans  le  monde  et  à  la  cour,  où  il  ne  fut  jamais  de  rien. 
Sa  femme  lui  donna  une  fille,  qu'il  maria  au  fils  de  M.  d'O,  n'ayant  tous 
deux  ni  pain  ni  pâte.  Mme  de  Lassay  mourut  folle,  après  avoir  été  plu- 
sieurs années  en  cet  état,  et  .sa  fille,  qui  ne  fut  guère  sage  d'aucune  fa- 
çon, mourut  aussi  après  avoir  été  plusieurs  années  abandonnée  de  son 
mari,  et  ne  laissa  qu'une  fille  unique,  qui,  du  sein  de  la  famine,  a  tiré  des 
millions  qui  lui  ont  fait  épouser  le  fils  unique  du  duc  de  Villars  Brancas. 
Lassay  étoit  fils  du  vieux  Montataire,  homme  fort  peu  considéré,  et 
d'une  Vipart,  sa  première  femme.  Leur  nom  est  Madaillan,  trop  connu  à 
la  fin  de  la  Vie  du  célèbre  duc  d'Épernon.  Montataire  se  remaria  à  une 
fille  de  ce  Bussy-Rabutin  si  connu  par  son  Histoire  amoureuse  des  Gaules, 

i.  C'est  une  erreur.  Mme  de  Coligny  était  née  du  premier  mariage  :  voyez 
treize  lignes  plus  bas. 


344  ADDITIONS   DE   SAINT -SIM  ON 

qui  le  plongea  dans  la  plus  profonde  disgrâce,  et  par  la  misère  avec  la- 
quelle il  montre  lui-même  qu'il  la  porta,  par  ses  lettres,  où  la  fausseté  et 
la  contorsion  régnent  à  force  de  vouloir  paroitre  ferme,  élevé  ot  spirituel, 
et  dont  le  style  tronqué  sur  le  cérémonial  d'écrire  a  achevé  de  montrer 
la  vanité  de  ses  enfants,  qui,  non  contents  de  montrer  la  nudité  de  leur 
père,  l'ont  rendue  encore  plus  honteuse  en  imprimant  ses  lettres  avec 
celles  de  Mme  de  Sévigné,  dont  le  sel,  le  naturel,  la  simplicité,  le  tour 
enlèvent.  Du  mariage  de  cette  Rabutin  sont  venus'  une  fille  et  un  fils. 
Celui-ci  n'eut  point  d'enfants  de  la  fille  du  comte  de  Tillières,  qui  se  re- 
maria au  comte  de  Châtillon,  chevalier  de  l'Ordre  en  1724  et  mestre  de 
camp  général  de  la  cavalerie,  dont  elle  fut  la  seconde  femme.  La  fille 
épousa  son  neveu  Lassay,  fils  du  vieux  Lassay,  son  frère  de  père,  et  de  la 
fille  de  l'apothicaire.  C'est  une  femme  qui  s'est  presque  rendue  illustre 
par  sa  douleur  de  la  mort  de  son  frère  de  même  lit  et  par  plusieurs  an- 
nées de  retraite,  de  piété  grande,  de  silence  et  de  réclusion,  même 
dans  les  lieux  fort  ouverts  où  elle  est  obligée  d'aller,  et  par  n'avoir  pas 
pris  de  quoi  se  nourrir,  et  jamais  encore  jusques  à  cette  heure  autre 
chose  que  quelques  herbes  sans  sauce  et  quelques  légumes  de  même, 
sans  pain  ni  vin.  Son  mari,  qui  la  respecte,  a  élevé  dans  Paris,  près  de  la 
rivière,  vis-à-vis  du  Cours,  un  palais  joignant  et  communiquant  avec 
celui  que  Madame  la  Duchesse  s'est  bâti  en  même  temps,  qui  sera  un  mo- 
nument éternel  de  la  longue,  utile  et  persévérante  affection  pour  lui  de 
cette  princesse,  qui  lui  a  valu  des  trésors  innombrables  au  Mississipi,  qu'il 
a  bien  su  réaliser,  et  l'Ordre  à  son  père,  qu'il  fit  passer  à  la  promotion  de 
1724,  dans  la  foule  de  tant  d'autres.  Il  n'a  point  d'enfants  et  a  marié  sa 
nièce,  la  duchesse  de  Lauraguais,  dont  Madame  la  Duchesse  fit  une  aussi 
somptueuse  noce,  et  peut-être  plus,  que  si  elle  eût  été  sa  fille.  Ce  fut  lui 
aussi  qui  enrichit  Silly,  Vipart  comme  sa  grand'mère,  et  qu'il  fit  fourrer 
aussi  en  1724  dans  la  même  promotion.  Mais,  à  propos  de  ces  deux  pa- 
lais si  contigus  et  si  uniformes,  excepté  que  celui  de  Lassay  est  bien  plus 
petit  et  beaucoup  plus  bas  que  celui  de  Madame  la  Duchesse,  n'oublions 
pas  un  bon  mot  du  nonce,  depuis  cardinal  Massei,  à  qui  il  échappa  sans 
y  entendre  malice.  Passant  sur  le  chemin  de  Versailles,  et  les  voyant  l'un 
et  l'autre  à  plein  ^,  la  rivière  entre-deux^,  il  fut  choqué  de  l'inégalité  de 
hauteur  et  de  ce  que  celui  de  Madame  la  Duchesse,  pour  sa  longueur, 
n'a  qu'un  étage.  «  Cet  autre  plus  petit  palais,  dit  le  nonce,  semble  fait 
pour  être  mis  sur  le  plus  grand.  »  Ce  mot  ne  tomba  pas  à  terre  "•. 

144.  Le  duché  du  second  fils  du  maréchal  de  Luxembourg. 

(Page  36.) 

22  janvier  1696.  —  M.  de  Luxembourg,  dans  le  brillant  de  ses  der- 
nières campagnes,  avoit  inutilement  fait  tous  ses  efforts  pour  avoir  sa 

1.  Sont  venus  est  ajouté  en  interligne.  —  2.  En  plein,  pleinement. 
3.  Entre-deux,  entre  lui  et  le  quai.  —  4.  Voyez  tome  VIII,  p.  ^^S-âas. 


AU  JOUKxNAL  DE  DANGEAU.  345 

charge  pour  son  fils  et  obtenir  les  honneurs  de  prince,  comme  MM,  de 
Hohan  et  de  Bouillon  ;  et,  comme  il  fait  toujours  bon  prétendre,  il  se 
labattit  à  tirer  parti  des  refus,  et  il  obtint  sa  survivance  du  gouverne- 
ment de  Normandie  pour  son  aîné,  et  parole  que  son  second  fils  seroit 
t'ait  duc  vérifié  dès  qu'il  trouveroit  à  le  marier.  11  mourut  avant  d'avoir 
trouvé  un  parti  qui  convînt  à  ce  fils,  et  la  chose  fut  exécutée  après 
sa  mort,  mais  avec  tant  de  dégoût  du  Roi  de  s'y  être  engagé,  que  cette 
grâce  a  été  l'unique,  et  suivie  de  beaucoup  de  dureté,  marquée  en  toute 
occasion  pour  ce  nouveau  duc. 

143  et  146.  Le  titre  de  prince  de  MM.  dlsenghien. 
(Page  38.) 

0  mai  1687.  —  Le  prince  d'Isenghien  est  Flamand,  et  s'appelle  Villain, 
Il  y  en  a  eu  treize  maires  de  Gand  de  suite.  11  faut  que  cela  soit  beau, 
puisqu'en  mémoire  de  cela  ils  portent  un  XIII  pour  chiffre.  Celui-ci 
eut  peu  de  chose  de  la  fille  du  maréchal  d'Humières,  qui  obtint  un 
tabouret  de  grâce  en  faisant  ce  mariage,  comme  M.  de  Charost  en  avoit 
ol)tenu  un  pour  le  prince  d'Espinoy  en  lui  donnant  sa  fille,  et  le  fils  de 
l'un  et  de  l'autre  en  ont  obtenu  la  continuation  leur  vie  durant. 

10  avril  1700.  — MM.  d'Isenghien  s'appellent  Villain,  et  ce  sont  des 
nons  de  qualité  de  Flandre.  Son  père  épousa  la  fille  aînée  du  maréchal 
d'Humières,  gouverneur  de  Flandre,  qui,  en  faveur  de  ce  mariage, 
obtint  pour  sa  fille  un  tabouret  de  grâce,  dont  leur  fils,  à  la  mort  du 
père,  eut  la  continuation. 

147.  Cavotje,  sa  femme  et  ses  bons  mots. 
(Page  47.) 

29  janvier  1696.  —  Cavoye,  fort  simple  gentilhomme  et  fils  d'une 
femme  d'esprit  fort  dans  le  monde  et  fort  connue  de  la  Reine  mère  du 
Roi,  avoit  percé  à  la  cour.  Beaucoup  d'honneur  et  de  valeur  et  quel- 
ques occasions  heureuses  de  faire  connoître  l'un  et  l'autre  lui  acquirent 
(le  l'estime  et  des  amis  ;  et  lui,  avec  fort  peu  d'esprit,  acquit  une  connois- 
sance  si  grande  du  monde  et  de  la  cour,  que  cela  y  suppléa  et  le  porta 
enfin  à  une  familiarité  avec  le  Roi,  et  à  une  liaison  avec  la  meilleure 
compagnie  de  la  cour,  qui  le  rendirent  un  »  espèce  de  personnage  avec 
qui  on  comptoit.  11  étoit  fort  bien  fait  et  de  bonne  mine  :  ce  qui  contri- 
bua encore  à  sa  fortune.  Mlle  de  Coëtlogon,  fille  d'honneur  de  la  Reine, 
en  devint  tellement  amoureuse,  qu'elle  ne  se  contraignit  pas  de  l'avouer  ; 
et  ce  qu'il  y  eut  de  plus  merveilleux,  c'est  que  cet  amour,  qu'elle  mon- 
troit  et  poussoit  tout  publiquement  jusqu'à  la  folie,  ne  fit  pas  la  plus 
légère  tache  à  sa  réputation.  Le  Roi  et  la  Reine  y  entrèrent  et  en  eurent 
pitié,  jusque-là  que,  Cavoye  étant  à  la  Conciergerie  pour  un  combat  de 

I.  Un,  déjà  rencontré  ci-dessus,  p.  55  et  25". 


340  ADDlTIOiNS  DE  SAINÏ-SIMON 

rt'.ncoutre,  et  Coëtlogoii  aux  hauts  cris,  le  Roi  et  la  Reine  prièrent 
Mme  de  Richelieu,  dame  d'honneur  de  la  Reine,  de  mener  Coëtlogon  le 
voir.  Dès  qu'il  partoit  pour  l'armée,  elle  quittoit  toutes  parures,  jusqu'aux 
rubans,  et  Cavoye,  que  cette  passion  importunoit,  parce  qu'il  n'en  avoit 
point  pour  elle,  fut  souvent  exhorté  par  le  Roi  et  par  la  Reine  d'y  ré- 
pondre plus  doucemest.  Enfin  ils  y  voulurent  mettre  fin  et  engagèrent, 
à  force  de  bienfaits',  Cavoye  à  l'épouser.  Il  en  eut  la  charge  de  grand 
maréchal  des  logis  de  la  maison  du  Roi  et  des  grâces  pécuniaires.  Il  a 
parfaitement  bien  vécu  avec  elle  toute  sa  vie,  qui  a  été  fort  longue,  et 
elle  toujours  dans  la  même  adoration  pour  lui,  qu'elle  a  poussée,  a^rès 
sa  mort,  à  passer  sa  vie  dans  la  chapelle  où  il  fut  enterré,  et  à  ne  plus 
voir  qui  que  ce  soit  au  monde,  toujours  dans  son  premier  grand  deuil 
et  dans  une  grande  dévotion  jusqu'à  sa  mort.  Ils  n'eurent  point  d'enfants. 
Cavoye  donc,  enorgueilli  de  sa  situation  à  la  cour  et  outré  de  n'avoir  point 
été  chevalier  de  l'Ordre,  fit  cette  tentative  de  quitter'-.  Le  Roi,  qui  l'aimoit 
et  qui  y  étoit  accoutumé,  le  retint  à  force  de  bontés  et  de  promesses 
vagues  de  l'Ordre  quand  il  en  feroit  une  promotion  :  c'étoit  où  Cavoye 
en  vouloit,  et  dont  il  se  contenta,  ne  pouvant  mieux,  et  dans  l'espérance 
de  serrer  la  mesure  avec  plus  de  succès;  mais  enfin  il  ne  fut  point  che- 
valier de  l'Ordre,  et  le  Roi,  qui  en  fît  à  plusieurs  reprises  s,  mourut 
avant  lui,  sans  avoir  fait  de  promotion. 

Entre  mille  contes  de  Cavoye,  il  y  en  a  deux  qui  méritent  de  n'être 
pas  oubliés.  Le  plus  ancien  est  de  1674,  pendant  l'interrègne  de  Pologne 
où  le  célèbre  J.  Sobieski  fut  élu  roi.  Cavoye  étoit  fort*  mêlé  parmi  la 
meilleure  compagnie  de  la  cour,  et  fort  avec  Manicamp,  qui  y  brilloit  fort 
alors,  et  dont  on  admiroit  l'esprit  par  mode  :  il  en  avoit  en  effet  beau- 
coup, ot  en  paroissoit  d'autant  plus  qu'il  se  croyoit  tout  permis.  Cavoye 
paria  qu'il  lui  feroit  accroire  la  chose  du  monde  la  plus  extraordinaire, 
et  pressé,  il  lui  échappa  qu'il  lui  persuaderoit  que  lui,  Cavoye,  étoit  élu 
roi  de  Pologne».  Plusieurs  de  la  jeunesse,  et,  parmi  les  seigneurs  plus 
âgés,  M.  de  Vivonne,  M.  de  Créquy,  et  quelques  autres  6.  Le  hasard  fit 
qu'un  matin  le  Roi  appela  Cavoye  dans  son  cabinet,  à  Fontainebleau,  où 
la  cour  étoit,  et  lui  parla  assez  longtemps  pour  des  tracasseries  de  loge- 
ments. Cavoye  saisit  l'occasion,  fit  le  réservé,  le  rêveur,  le  distrait.  On  le 
fil  remarquer  à  Manicamp,  et  on  lui  demanda  avec  inquiétude  s'il  ne 
sa  voit  point  à  qui  en  avoit  son  ami.  Manicamp  s'en  aperçut  aussi,  et  lui 

1.  Biens  faits,  dans  le  manuscrit. 

2.  C'est  à  propos  de  cette  tentative,  mentionnée  par  Dangeau,  que  Saint- 
.Simon  écrit  l'Addition. 

3.  Dans  le  manuscrit,  primitivement  :  «  fit  plusieurs  à  reprises  »  ;  à  a  été 
hïiïé  et  replacé  en  interligne  entre  fit  et  plusiew'S. 

4.  Fort  a  été  ajouté  après  coup,  en  interligne,  par  le  copiste. 

5.  Ici  l'Addition  ne  se  trouve  plus  conforme  aux  Mémoires,  où  Cavoye 
cache  à  tout  le  monde  l'objet  de  sa  gageure. 

6.  La  phrase  est  demeurée  incomplète.  Il  faut  sans  doute  y  ajouter  des 
mots  rendant  l'idée  de  :  «  tinrent  le  pari.  » 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  347 

lil  (les questions,  que  l'autre  éluda  toutes.  11  lui  proposa  une  promenade 
sui  le  parterre  du  Tibre,  au  bout  de  quelques  jours,  où  les  questions 
1. 'doublèrent.  Cavoye,  après  s'être  fait  bien  presser,  lui  dit  que  c'étoit  un 
si'cret  si  grand  et  si  important  que  ce  qui  le  tenoit  en  rêverie,  qu'il  n'y 
a  voit  pas  moyen  de  le  confier.  Manicamp  redouble  de  curiosité  et 
d'ollorts:  tant  qu'enfin  Cavoye,  faisant  semblant  de  céder  à  la  vanité  et 
■1  1,1  persécution,  lui  dit  qu'il  alloit  le  lui  dire  pourvu  qu'il  lui  promît  de 
lie  le  pas  croire  un  fou,  et,  après  bien  des  propos  de  part  et  d'autre,  lui 
avoua  que  la  conversation  qu'il  avoiteue,  il  y  avoit  quelques  jours,  avec 
If  Roi,  le  mettoit  dans  la  très  prochaine  attente  de  la  plus  grande  for- 
tune où  un  gentilhomme  pût  être  porté.  Après  quelques  pauses  et  quel- 
i|iies  degrés  semblables,  il  lui  dit  qu'il  avoit  bien  ouï  dire  que  les  Polo- 
imis  avoient  exclu  les  princes  pour  cette  élection-ci,  mais  qu'il  alloit  lui 
apprendre  que  les  partis  des  divers  candidats  polonois  leur  avoit*  fait 
prendre  la  résolution  de  les  rejeter  tous  et  de  choisir  un  gentilhomme 
l'I ranger;  que  son  bonheur  étoit  tel,  que  ce  peu  de  réputation  qu'il 
ivoit  acquise  dans  les  armes  avoit  fait  par  hasard  quelque  bruit  parmi 
iiix,  qui  les  avoit  déterminés  à  jeter  les  yeux  sur  lui  ;  qu'ils  en  avoient 
l'ii  i(  au  Roi  d'abord,  pour  avoir  son  agrément,  et  qu'il  attendoit  à  tous 
moments  une  première  députation  de  quelques  seigneurs,  en  poste,  dont 
il  alloit  savoir  des  nouvelles  par  le  Roi  à  son  retour  de  la  chasse.  Tant 
(le  circonstances  frappèrent  Manicamp  d'une  si  grande  surprise,  qu'il  ne 
s'aperçut  point  que  Cavoye,  dont  il  connoissoit  la  droiture  et  l'amitié,  se 
nioquoit  de  lui  pour  cette  fois  ;  et  le  voilà  tombé  en  des  admirations  non 
pareilles  d'une  si  étonnante  fortune.  Cavoye,  si  heureusement  venu  à  son 
point,  ne  songea  qu'à  se  séparer  de  son  ami  pour  lui  laisser  le  temps 
d'aller  raconter  à  quelques-uns  des  leurs  un  cas  si  étrange.  Il  lui  recom- 
manda fort  un  secret  qu'il  auroit  été  bien  fâché  qu'il  eût  gardé,  et  le 
pria  de  le  laisser  rêver  un  peu  tout  seul  à  des  affaires  qui  demandoient 
tant  de  réflexions  sur  sa  conduite.  Manicamp  le  quitta,  et,  plein  d'une 
ilocouvertc  qui  le  remplissoit  tout  entier,  ne  put  en  effet  la  contenir  en 
lui-même.  Illa  conta  presque  aussitôt  au  comte  de  Fiesque  et  à  d'autres, 
(|ui  se  consolèrent  de  leur  pari  par  une  si  ample  matière  de  rire  de  la 
simplicité  d'un  homme  qui  se  piquoit  tant  d'esprit,  de  sagacité,  et  qui 

('■(oit  mis  sur  le  pied  d'être  l'oracle  de  tant  d'autres.  Ceux  qui  étoient 
(lu  complot  se  divertirent  à  le  faire  parler,  à  lui  tirer  son  secret,  et  à 
admirer  avec  lui  les  profonds  ressorts  de  la  fortune  :  tant  qu'enfin 
MM.  deVivonne  et  de  Créquy  mirent  le  Roi  au  fait,  qui,  n'aimant  point 
Manicamp,  n'en  rit  que  de  meilleur  cœur.  A  la  fin,  celui-ci  vit  à  des  rires 
(  (  liappés  qu'il  y  avoit  quelque  chose  à  soupçonner,  et  de  là  fut  bientôt 

(Il  fait  et  de  la  chose  et  de  la  gageure.  Manicamp  entra  en  furie  contre 
iiiv  tous,  et  surtout  vouloit  tuer  Cavoye.  On  eut  grand'peine  à  l'apaiser, 
|juis  à  les  raccommoder,  A  la  fin,  on  y  réussit  si  bien,  qu'ils  se  re- 
mirent ensemble  comme  devant,  et  Cavoye  en  fit  sa  cour  à  merveilles. 

1.  Singulier  incorrect,  mais  s'expliquant  par  l'accord  avec  l'idée. 


348  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

Voici  maintenant  le  second  conte.  La  Reine  avoit  si  peu  d'esprit, 
qu'elle  en  toniboit  dans  des  absurdités  élranj^es,  jusqu'à  se  presser 
d'aller  souvent  à  la  comédie  et  à  d'autres  spectacles,  de  peur  d'y  man- 
quer d'une  place.  Le  Roi  en  rioit  ;  mais  sa  naissance,  sa  vertu,  sa  pas- 
sion pour  lui,  qu'il  mettoit  à  des  épreuves  dures  et  continuelles  par 
l'éclat  de  ses  maîtresses,  lui  donnoit  pour  elle  une  '  extrême  considéra- 
tion, qu'il  vouloit  qui  lui  fût  rendue  par  toute  sa  cour  avec  un  extrême 
respect.  Dans  un  voyage  elle  se  trouva  mal  logée,  et  crut  que  Mme  de 
Montespan  l'étoit  mieux  qu'elle.  La  voilà  en  pleurs,  qui  demande  justice 
au  Roi  de  Cavoye,  et  qui  lui  déclare  que  cet  affront  qu'il  lui  fait  est  tel 
qu'elle  exige  qu'il  le  chasse.  Le  Roi,  bien  empêché,  excuse  Cavoye,  et 
ne  fait  qu'irriter  la  Reine  jalouse  de  Mme  de  Montespan,  et  qui  le  croit 
lui-même  du  complot.  Il  envoie  quérir  Cavoye,  lui  conte  le  fait,  et  lui  dit 
franchement  qu'il  voie  à  apaiser  la  Reine,  parce  que,  quelque  amitié 
qu'il  ait  pour  lui,  il  ne  sait  plus  comment  en  sortir  avec  elle,  sur  le  ton 
qu'elle  l'a  pris.  Cavoye,  qui,  avec  fort  peu  d'esprit,  avoit  souvent  de 
promptes  rencontres  et  fort  plaisantes,  s'excuse,  puis  pense  un  moment, 
et  dit  au  Roi  qu'il  se  tirera  fort  aisément  d'affaires-  avec  la  Reine  pourvu 
qu'il  lui  permette  de  dire  ce  qu'il  voudra,  et  qu'il  lui  réponde  aussi  de 
Mme  de  Montespan.  «  Et  comment  ferez-vous?  lui  dit  le  Roi.  — Lais- 
sez-moi faire,  répond  Cavoye,  et  ne  vous  embarrassez  pas;  mais  au 
moins,  Sire,  à  ces  deux  conditions?  »  Le  Roi  le  lui  promit,  et  Cavoye 
s'en  va  trouver  la  Reine.  Dès  qu'elle  le  vit,  la  voilà  à  pleurer,  crier;  et 
Cavoye  sans  dire  une  parole.  Quand  elle  l'eut  bien  pouillé,  et  traité 
d'impudent  et  d'insolent  d'oser  se  présenter  devant  elle,  Cavoye  lui  dit 
qu'elle  étoit  trop  juste  pour  lui  refuser  un  instant  en  particulier, 
et  l'obtint.  Là,  il  lui  dit  qu'il  avoit  un  secret  à  lui  confier,  où  il  alloit  de 
sa  fortune,  mais  qu'elle  le  forçoit  à  la  remettre  entre  ses  mains  ;  qu'il 
voyoit  depuis  longtemps,  avec  la  dernière  douleur,  par  sou  attachement 
pour  le  Roi,  le  scandale  de  sa  vie  et  les  peines  de  la  Reine  ;  que,  ne  les 
pouvant  plus  supporter,  il  avoit  saisi  «ne  occasion  de  les  finir  au  moment 
qu'elle  s'étoit  présentée;  qu'il  étoit  vrai  qu'il  avoit  logé  Mme  de  Montes- 
pan mieux  qu'elle,  mais  que  c'étoit  dans  une  maison  qui,  avec  une  belle 
apparence,  tomberoit  peut-être  dans  la  nuit,  surtout  la  chambre  où 
logeroit  Mme  de  Montespan,  et  que  cela  l'avoit  déterminé  à  l'instant.  La 
Reine  passa  des  injures  aux  remerciements  et  ne  fut  plus  en  peine  que 
de  raccommoder  ce  qu'elle  avoit  gâté,  et  le  fit  d'autant  plus  aisément 
que  le  Roi  ne  demandoit  pas  mieux.  Mais  sa  surprise,  qui  fut  extrême 
d'un  changement  si  subit  et  annoncé  d'avance  par  Cavoye,  augmenta 
bien  encore  lorsque  celui-ci  lui  raconta  comment  il  s'y  étoit  pris  :  il  en 
rit  avec  lui  et  avec  Mme  de  Montespan  de  toute  sa  force,  et  Cavoye  en 
fut  mieux  que  jamais  avec  la  Reine,  le  Roi  et  la  maîtresse. 

Il  s'étoit  tellement  autorisé  dans  une  charge  dont  les  fonctions  sont 

1.  Un,  dans  le  manuscrit. 

•2.  Le  signe  du  pluriel  semble  avoir  été  ajouté  après  coup. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.         849 

.souvent  sujettes  à  beaucoup  de  plaintes  et  de  discussions  désagréables, 
qu'il  la  faisoit  sans  que  personne  osât  se  plaindre,  parce  que  le  Roi  le 
soutenoit  toujours.  Il  arriva  pourtant  une  fois  un  plaisant  culbutis  de 
cartes.  Ce  fut  en  arrivant  à  Nancy,  où  l'on  devoit  séjourner  quelques 
jours.  M.  de  Créquy  se  trouva  mal  logé,  et  s'alla  mettre  dans  la  maison 
marquée  pour  le  duc  de  Coisliu,  moins  ancien  duc  que  l'autre,  qui 
n'étoit  pas  d'année  de  premier  gentilhomme  de  la  chambre.  Le  duc  de 
Coislin,  piqué,  n'en  fit  pas  à  deux  fois,  et  s'en  fut  s'établir  dans  la  maison 
destinée  au  maréchal  de  Créquy.  Celui-ci,  qui,  n'étant  pas  à  l'armée, 
n'avoit  rien  à  dire,  s'en  vengea  sur  Cavoye,  qu'il  délogea  à  son  tour,  et 
Cavoye,  qui  sentit  qu'il  avoit  affaire  à  trop  forte  partie,  et  qui  ne  vouloit 
pas  perdre  l'amitié  du  duc  de  Créquy,  se  fourra  où  il  put  et  tourna  l'af- 
faire en  plaisanterie,  et  ne  songea  qu'à  procurer  promptement  que  le 
duc  de  Coislin  et  les  deux  frères  fussent  promptement  raccommodés. 

148.  Mlle  de  Coëllogon,  femme  de  Cavotje. 
(Page  .=;3,  note  '■1.) 

27  janvier  1607.  —  Les  Mémoires  ont  voulu  dire  .sans  doute  que 
3Ime  de  Cavoye  a  été  tille  de  la  Reine;  mais  du  palais,  jamais  ne  le  fut 
ni  n'y  songea. 

149  et  15Q..  Mlle  de  Guise. 
(Page  60.) 

4  mars  '168(S.  —  Mlle  de  Guise  étoit  extrêmement  riche,  et  la  der- 
nière de  la  branche  de  Guise  en  directe  ;  car  toute  la  maison  de  Lor- 
raine établie  en  France  en  descend  par  le  marquis  d'Elbeuf,  dernier 
lils  du  premier  duc  de  Guise.  Celle-ci  étoit  petite-fille  de  celui  qui  fut 
tué  à  Blois,  sœur  de  celui  qui  tenta  l'expédition  de  Naples  et  de  trois 
autres  frères,  dont  un  seul  eut  un  fils  unique,  que  Mlle  de  Guise  parvint 
à  faire  épouser  à  la  dernière  fille  de  Gaston,  frère  de  Louis  XIII,  et  de 
la  sœur  de  M.  de  Lorraine,  Charles  IV.  Elle  étoit  sœur  aussi  de  l'ab- 
besse  de  Montmartre,  célèbre  par  ce  beau  traité  de  Montmartre,  signé 
à  sa  grille  et  avorté  aussitôt  après,  qui  donnoit  la  Lorraine  au  Roi  et 
substituoit  la  couronne  à  la  maison  de  Lorraine  après  les  princes  du 
sang,  avec  le  même  rang  cependant,  sur  quoi  tant  de  vacarmes,  et  sur 
lequel  le  chancelier  Séguier  dit  au  Roi  qu'il  ne  pouvoit  faire  de  prince 
du  sang  qu'avec  la  Reine.  Mlle  de  Guise  étoit  fort  magnifique  et  fort  glo- 
rieuse, et  avoit  épousé  secrètement  un  cadet  de  Bourdeille,  si  connu  dans 
la  cabale  des  Importants  sous  le  nom  de  Montrésor,  dans  la  Régence, 
de  qui  on  a  des  mémoires.  Il  mourut  chez  elle,  et  n'en  eut  point  d'enfants. 

11  mars  1688.  —  L'héritière  de  Joyeuse,  fille  du  comte  du  Bouchage, 
capucin,  prêtre,  général  d'armée,  gouverneur  de  Languedoc,  duc-pair, 
maréchal  de  France,  chevalier  de  l'Ordre,  recapucin,  mort  allant  à 
Rome  demander  justice  de  n'avoir  pas  été  élu  gardien,  qu'un  autre 
avoit  emporté  sur  lui,   et  qui  avoit  hérité  du  duc   de  Joyeuse,  favori 


\ 


3o0  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

d'Henri  III,  du  grand  prieur  et  du  cardinal  de  Joyeuse,  ses  frères;  cette 
héritière  avoit  épousé  le  dernier  duc  de  Montpensier,  prince  du  sang, 
dont  une  fille  unique,  qu'avoit  épousée*  en  premières  noces  Gaston, 
i'rère  de  Louis  Xlll,  et  n'en  eut  que  Mademoiselle,  dont  il  s'agit  ici. 
L'héritière  de  Joyeuse,  veuve  de  M.  de  Montpensier,  épousa  en  secondes 
noces  M.  de  Guise,  fils  de  celui  qui  fut  tué  ù  Blois,  et  en  eut  M.  de 
Guise  de  Naples  et  trois  autres  fils,  Mlle  de  Guise,  de  la  succession  de 
qui  on  parle,  et  Madame  de  Montmartre.  Le  duc  de  Joyeuse,  un  des 
frères  de  Mlle  de  Guise,  avoit  épousé  la  fille  unique  du  duc  d'Angou- 
lême  et  d'une  la  Guiche,  dont  il  avoit  eu  M.  de  Guise,  mari  de  la  petite- 
fille  de  France.  Mme  de  Joyeuse  étoit  folle  et  enfermée.  Son  père,  le 
duc  d'Angoulême,  étoit  fils  du  bâtard  de  Charles  IX  si  longtemps  en 
prison  sous  le  nom  de  comte  d'Auvergne,  et  d'une  fille  du  dernier  con- 
nétable de  Montmorency,  sœur  du  dernier  duc  de  Montmorency,  dé- 
capité à  Toulouse,  sans  postérité,  de  la  duchesse  de  Veutadour  et  de 
la  princesse  de  Condé,  grand'mère  de  Monsieur  le  Prince,  qui,  par  là, 
héritoit  des  biens  de  Joyeuse  avec  Mademoiselle,  qui  se  trouvoient  dans 
la  succession  de  Mlle  de  Guise,  et  dont  elle  avoit  disposé  en  faveur  de 
sa  maison,  qu'elle  avoit  toujours  aimée  passionnément. 

151.  Mort  du  fils  de  Beringhen. 

(Page  68.) 

21  mars  1692.  —  On  a  parlé  de  Monsieur  le  Premier  le  père,  p.  160 
du  second  volume-.  Il  étoit  veuf  depuis  longtemps  d'une  femme  de 
grand  mérite,  sœur  du  marquis  d'Huxelles,  père  du  maréchal.  Il  avoit 
perdu,  à  la  conquête  de  la  Franche-Comté,  un  fils,  son  survivancier,  de 
grand  mérite  et  de  valeur  à  faire  un  grand  chemin  à  la  guerre,  et  qui 
n'étoit  point  marié.  Il  eut  la  tête  emportée  ;  son  crâne  cassa  celui  de 
M.  de  Saint-Géran,  fait  chevalier  de  l'Ordre  à  la  promotion  de  1688, 
qui  en  a  porté  une  calotte  toute  sa  vie. 

152.  Mme  de  Miramion  et  sa  fille  Mme  de  Nesmond. 
(Page  70.) 

24  mars  1696.  —  Mme  de  Miramion  s'appeloit  Marie ^  Bonneau,  et  son 
père  le  sieur  de  Rubelles,  de  fort  riches  bourgeois  de  Paris.  Elle  en 
épousa  un  d'Orléans*,  qui  s'appeloit  Beauharnois,  sieur  de  Miramion,  qui 
s'étoit  fait  conseiller  au  Parlement,  de  qui  le  père  ou  le  grand-père,  ne 
pouvant  supporter  le  ridicule  vilain  de  son  nom,  qu'il  n'osoit  porter,  et 

1.  Epousé  sans  accord  dans  le  manuscrit. 

2.  Ce  renvoi  correspond  à  l'Addition  que  nous  avons  placée  au  tome  I,  sous 
le  n»  49. 

.3.  En  abrégé  dans  le  manuscrit,  M^  Bonneau. 

A.  Avant  d'Orléans,  le  mot  bourgeois  a  été  ajouté  en  interligne,  puis 
biffé,  de  la  main  même  de  Saint-Simon,  à  ce  qu'il  semble. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  3M 

qui  étoit  Beauvit,  le  fit  changer  en  Bcauharnois  par  des  lettres  patentes. 
iVIme  de  Miramion  fut  mariée  et  veuve  la  même  année,  1645,  et  resta 
grosse  d'une  fille.  Sa  beauté,  sa  jeunesse  et  ses  biens  la  firent  beaucoup 
rechercher  en  mariage,  et  Bussy-Rabutin,  si  connu  depuis  par  son 
Histoire  amoureuse  des  Gaules,  la  profonde  disgrâce  qu'elle  lui  attira  et 
ses  efforts  de  bel  esprit,  l'enleva,  protégé  par  Monsieur  le  Prince,  et 
la  conduisit  dans  un  château,  où,  dès  qu'elle  fut  arrivée,  elle  prononça  un 
vœu  de  chasteté  devant  tout  ce  qu'il  se  trouva  là  de  gens,  puis  dit  à 
Bussy-Rabutin  que  c'étoit  désormais  à  lui  à  voir  ce  qu'il  vouloit  faire. 
Cette  forte  démarche,  et  publique,  le  consterna  étrangement,  et  il  ne 
songea  plus  qu'à  accommoder  son  affaire  et  à  mettre  sa  proie  en  liberté. 
Depuis  ce  temps-là,  elle  s'adonna  entièrement  à  la  piété  et  embrassa 
toutes  sortes  de  bonnes  œuvres.  C'étoit  une  femme  de  grand  sens  et 
d'une  grande  douceur,  qui  eut  part,  de  sa  bourse  et  de  sa  tête,  à  plu- 
sieurs établissements  très  utiles  dans  Paris.  Elle  donna  la  perfection  à 
celui  de  la  communauté  établie  sur  le  quai  de  la  Tournelle  qui  porte 
toujours  son  nom,  quoique  sous  celui  de  filles  de  Sainte-Geneviève, 
si  utile  au  corps  et  à  l'âme,  à  l'éducation  et  à  la  retraite  d'un  grand 
nombre  de  filles  et  de  femmes.  Le  Roi  avoit  pour  elle  une  véritable  con- 
sidération, qui  passa  même  à  sa  fille  unique,  et  qui  n'y  étoit  pas  si  indif- 
férente que  la  mère,  et  qui,  après  la  mort  de  son  mari,  sans  enfants, 
qui  étoit  président  à  mortier,  fit  mettre  sur  la  porte  de  sa  maison,  con- 
tiguë  à  la  communauté  de  sa  mère  :  Hôtel  de  Nesmonu.  Ce  fut  la 
première  femme  de  robe  qui  l'avoit  hasardé.  On  s'en  est  moqué  et  scan- 
dalisé quelque  temps  ;  et  à  la  fin  l'imitation  est  venue  au  point  qu'on  la 
voit.  Mme  de  Miramion  mourut  à  soixante-six  ans,  en  1696,  pleine  de 
mérites,  universellement  regrettée. 

153.  Bussy-Rabutin. 
(Page  73.) 

13  juin  1684.  —  Bussy  est  celui  qui  se  perdit  par  YHistoire  amou- 
reuse des  Gaules,  qui  étoit  les  amours  du  Roi,  qu'il  écrivit  en  style  de 
roman,  d'une  manière  fort  libre  :  ce  que  le  Roi  ne  lui  pardonna  jamais. 
Il  en  perdit  sa  charge  de  mestre  de  camp  général  de  la  cavalerie,  et  fut 
vingt-cinq  ans  exilé.  Il  avoit  très  bien  servi  ;  mais  l'opinion  qu'il  avoit 
de  sa  naissance,  qui  étoit  bonne,  de  sa  valeur,  et  il  en  avoit  beaucoup, 
de  sa  capacité,  de  ses  services,  de  son  savoir,  de  son  esprit,  de  sa 
galanterie  et  de  sa  figure,  jointe  à  une  ambition  démesurée,  l'avoient 
rendu  insupportable.  Les  lettres  qu'il  écrivit  à  plusieurs  personnes, 
dont  on  a  changé  soigneusement  le  cérémonial  lorsque  son  fils,  évoque 
de  Luçon*,  les  a  publiées,  respirent  tout  à  la  fois  un  orgueil  et  une 
bassesse  qui  font  peine,  et  montrent  un  homme  qui  fait  le  philosophe 
ei  le  tranquille  du  fond  de  son  désespoir,  qui  tire  vanité  de  tout  avec 

1.  Ces  trois  mots  sont  écrits  en  interligne. 


352  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

l'alambic,  qui  se  guindé  pour  faire  le  savant  el  l'honinie  d'esprit  juge  du 
bon  goiàt,  qui  est  effacé  par  les  moindres  réponses  de  Mme  de  Sévigné, 
dont  la  grâce,  le  naturel  et  le  tour  aisé  enchantent.  On  voit  de  plus 
Bussy  courir  après  les  plus  légères  espérances  de  retour,  et  recourir 
misérablement  à  tout  ce  qui  les  peut  réaliser,  en  conservant,  tant  qu'il 
peut,  une  hauteur  qui  fait  souvenir  de  ces  pauvres  d'Espagne  qui,  en 
tendant  la  main,  vous  disent  superbement  :  «  Seigneur  cavalier,  faites- 
nous  du  bien  ;  »  enfin  réduit  à  s'ériger,  en  province,  en  juge  du  bon 
goût,  à  parler  et  à  écrire,  et  à  y  dégénérer  en  grammairien.  Il  passa 
pour  aimer  sa  fdle  plus  que  raison  j  il  tâcha  de  perdre  d'honneur  son 
gendre,  qui  en  eut  tout  l'avantage,  et  qui  est  mort  à  l'Institution  de 
l'Oratoire,  après  y  avoir  saintement  vécu  plusieurs  années. 

loi.  Place  assirjnée  au  (jraml  maître  de  la  fjarde-robc. 
(Page  80«.) 

19  mars  1696.  —  La  charge  de  grand  maître  de  la  garde-robe  est 
toute  nouvelle.  Louis  XIV  la  fit  pour  Guitry,  tué  au  passage  du  Rhin, 
qui  étoit  un  favori.  M,  de  la  Rochefoucauld,  qui  en  fut  un  autre,  lui 
succéda  dans  la  charge,  et  lui  donna  encore  plus  d'agrément  et  de  consis- 
tance. Jusqu'à  cette  année,  il  n'avoit  pas  eu  de  place  derrière  le  Roi  au  ser- 
mon, à  la  comédie,  au  bal  et  autres  lieux  **.  Il  n'y  enavoit  que  trois  :  le 
capitaine  des  gardes  en  quartier,  qui,  à  la  droite,  avoit  le  grand  chambel- 
lan, et  à  la  gauche  le  premier  gentilhomme  de  la  chambre  en  année, 
M.  de  la  Rocliefoucauld  pensa  que  ce  seroit  une  distinction  ^  pour  sa 
charge  d'y  être  en  quatrième,  et  commença  à  s'abstenir  de  suivre  le  Roi 
à  la  chapelle,  qui,  à  la  fin,  s'en  aperçut  et  lui  en  fit  des  reproches.  C'étoit 
ce  qu'il  demandoit,  et,  quand  il  les  vit  redoubler,  il  avança  franchement 
qu'avec  sa  charge  il  avoit  peine*  à  demander  une  place,  quclqu'avances^ 
qu'il  y  trouvât,  quand  il  en  voyoit  de  fixes  au  premier  gentilhomme  de 
la  chambre  en  année  et  au  grand  chambellan.  Le  Roi,  là-dessus,  lui 
permit  d'en  prendre  une,  et  il  se  mit  à  la  gauche^  du  grand  chambellan. 
On  verra  dans  la  suite  que  cette  place  fit  la  fortune  de  l'abbé  de  Coislin. 

Uîo.  Uévêque  de  Dax  et  M.  de  Chauniont-Guitrij . 

(Page  82.) 

48  mars  1697.  —  Il  s'appeloit  Chaumonf,  étoit  homme  d'esprit  et 

1.  Voyez  ci-après  l'appendice  VIU. 

'i.  Ces  trois  derniers  mots  sont  cii  interligne  et  corrigent  etc.,  biffé. 

3.  Distraclion  corrigé  en  distinction.  —  4.  Peine  au-dessus  de  pensée,  bille. 

'.'>.  Orthographe  conl'orme  à  une  prononciation  alors  commune. 

fi.  Ledran  a  corrigé  gauche  en  droite. 

7.  L'ancien  évèque  de  Dax,  Paul-Philippe  de  Chaumont,  de  l'Académie  fran- 
çaise, ancien  garde  de  la  bibliothèque  du  Roi,  mort  le  24  mars.  Saint-Simon 
ne  parle  pas  de  lui  dans  les  Mémoires.  Voyez  les  appendices  VII  et  VIH. 


AU   JOURNAL  DE  DÂNGEAU.  3,^3 

de  bonne  compagnie,  homme  de  qualité,  de  même  maison  que  feu 
M.  de  Guitry,  tué  au  passage  du  Rhin,  espèce  de  favori  pour  qui  la 
charge  de  grand  maître  de  la  garde-robe  fut  faite,  ami  intime  de  M.  de 
Lauzun,  et  non  marié,  dont  M.  de  la  Rochefoucauld  eut  la  charge.  Ce 
Monsieur  d'Acqs'  avoit  eu  longtemps  le  prieuré  d'Essonnes,  dont  il  avoit 
fait  sa  maison  de  campagne.  Il  avoit  du  savoir,  des  amis,  de  la  piété. 

156.  Déplaisir  dominé  à  M.  de  Coislin  comme  premier  aumônier  du  Roi. 

(Page  82.) 

10  mars  1697.  —  On  a  vu  dans  le  tome  précédent,  page  114",  com- 
ment M.  de  la  Rochefoucauld  s'étoit  adroitement  fait  accorder  une  place 
derrière  le  Roi  au  sermon  et  à  la  droite  du  grand  chambellan,  comme 
grand  maître  de  la  garde-robe,  qui  n'en  avoit  jamais  eu  ni  prétendu 
aucune.  Monsieur  d'Orléans,  comme  premier  aumônier  du  Roi,  s'y  étoit 
mis  toute  sa  vie  et  avoit  toujours  vécu  en  liaison  et  amitié  étroite  avec 
M.  de  la  Rochefoucauld  ;  il  fut  don^  fort  piqué  de  ce  qu'il  lui  prenoit  sa 
place,  et  en  voulut  un  jugement  du  Roi.  L'aigreur  s'y  mit,  quoi  que 
pussent  faire  les  amis  communs,  et  cette  querelle  partialisa  la  plupart 
de  la  cour,  où  Monsieur  d'Orléans  étoit  généralement  aimé  et  respecté. 
Quand  il  eut  perdu  son  procès,  et,  avec  ce  procès,  tout  droit  à  une  place 
derrière  le  Roi,  dont  il  avoit  toujours  joui,  il  fut  outré  de  douleur  et 
contre  la  partie,  et  contre  le  juge  môme,  qui,  venant  de  le  nommer  au 
cardinalat,  ne  s'étoit  pas  contraint  en  faveur  de  M.  de  la  Rochefoucauld. 
Toutefois  on  verra,  par  la  suite  de  ces  Mémoires,  que  l'absence,  le  cha- 
grin et  l'estime  de  Monsieur  d'Orléans  peinèrent  fort  le  Roi,  qui  en 
sortit  par  la  vacance  de  Metz,  qu'il  saisit  pour  donner  ce  grand  et  riche 
évêché  à  l'abbé  de  Coislin,  sans  que  personne  l'eût  demandé  pour  lui, 
et  par  réparer,  comme  il  put,  sur  la  place,  le  déplaisir  qu'il  avoit  fait  à 
l'oncle,  qu'il  se  fit  de  plus  une  affaire  de  raccommoder  avec  M.  de  la 
Rochefoucauld,  et  y  parvint.  L'abbé  de  Coislin  fut  heureux  de  cette 
aventure.  Il  étoit  jeune  et  fcrt  du  monde,  et  le  Roi  étoit  fort  éloigné 
encore  alors  de  le  faire  évèque,  quoique,  depuis  longtemps,  son  pre- 
mier aumônier  en  survivance  de  son  oncle  5. 

137.  La  Bruyère  et  ses  Caractères. 
(Page  Si,  note  2.) 

11  mai  1696.  — C'est  où*  M.  de  Lauzun  est  si  bien  et  si  uniquement 
peint  en  deux  paroles.  C'est  de  lui  qu'il  dit  qu'il  «  n'est  pas  permis  de 
rêver  comme  il  a  vécu.  »  M.  de  Dangcau  est  sobre  sur  les  louanges  de  la 

i.  Ancienne  forme  de  Vax. 

2.  Ce  renvoi  correspond  à  l'Addition  loi. 

3.  Comparez  la  fin  de  cet  épisode,  en  1697,  dans  les  Mémoires,  tome  1  de 
1873,  p.  425-427,  et  ci-après,  l'appendice  VIII. 

4.  Dans  les  Caractères,  tome  I,  p.  335,  de  la  Cour,  n"  9G. 

MÉMOIRES    DE   SAINT-SIMON.    111  23 


3.^4  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

Bruyère.  Il  n'étoit  pas  content  du  coup  de  pinceau  par  lequel  il  l'avoit 
donné  si  parlant;  c'est  de  lui  qu'il  dit  :  «  Ce  n'est  pas  un  seigneur; 
mais  il  est  d'après  un  seigneur'.  » 

158.  Reprise  du  procès  des  ducs  et  pairs  contre  le  duo 

de  Luxembourg. 
(Page  90.) 

13  avril  1696.  — Lorsqu'à  la  mort  de  M.  de  Luxembourg,  les  ducs  en 
procès  avec  lui  firent  assigner  en  reprise  M.  son  fils^,  ils  lui  signifièrent 
d'opter  entre  la  réalité  paternelle  et  les  chimères  maternelles,  parce  que, 
s'il  optoit  la  première,  il  n'y  avoit  plus  de  procès,  puisque  son  père 
avoit  eu  une  création  en  1662,  en  vertu  de  laquelle  il  avoit  été  reçu,  et 
qui  fixoit  son  rang  d'ancienneté  ;  que,  si  au  contraire  il  optoit  les 
chimères  maternelles,  il  soutenoit  l'ancienne  érection  subsistante,  par 
conséquent  la  nullité  de  la  nouvelle  :  au  moyen  de  quoi  il  seroit  duc  et 
pair  de  1581,  ou  point  du  tout.  L'argument  étoit  si  pressant,  qu'il  n'y 
put  répondre,  et  qr/il  força  de  crédit,  d'argent  et  de  compassion  :  de 
sorte  que  l'arrêt  fit  plus  qu'il  ne  demandoit,et  crut  faire  merveilles  en  ne 
jugeant  rien  de  ce  qui  étoit  à  juger.  M.  de  Luxembourg  ne  demandoit 
point  le  rang  de  1662,  et  il  le  lui  donna  ;  et,  ne  le  demandant  pas,  il  ne 
pouvoit  joindre  la  réserve  de  ses  prétentions,  et  l'arrêt  la  lui  accorda  : 
en  sorte  qu'il  étoit  comme  son  père,  malgré  les  conclusions  de  l'avocat 
général  Daguesseau,  depuis  chancelier.  Le  Roi  s'attendoit  aux  plain- 
tes des  ducs,  et  à  les  admettre,  comme  il  le  déclara  après  ;  mais  M.  de 
la  Rochefoucauld  fut  si  outré,  qu'il  ne  voulut  plus  en  ouïr  parler; 
Mme  de  la  TrémoïUe  en  eut  une  grosse  prise  avec  lui  ;  M.  de  Chaulnes 
s'enfuit  de  foiblesse  ;  et  tout  resta  là.  Ilarlay,  premier  président,  partial 
au  point  de  s'être  fait  récuser  par  les  ducs,  dit  alors  au  Roi  que  leur 
procès  étoit  indubitable  pour  eux,  qu'il  l'avoit  toujours  estimé  tel,  en 
tous  les  temps. 

159,  Renvoi  du  procès  des  ducs  et  pairs  au  Parlement. 

(Page  92.) 

27  mars  1696.  —  C'est  que  le  Premier  Président  et  tous  les  autres 
présidents  à  mortier  étoient  récusés  :  ainsi  il  n'y  eut  que  le  président 
de  Maisons  de  mandé.  Les  procès,  ou  criminels  des  pairs,  ou  civils  à 
cause  de  pairie,  ne  peuvent  être  portés  au  Parlement,  ni  le  Parlement 
en   connoître,  qu'en  vertu  de  lettres   patentes  du  Roi   de  renvoi  au 

1.  Nous  retrouvons  le  premier  de  ces  rapprochements  à  la  fin  des  Mémoi- 
res, tome  \l\,  p.  168;  le  second,  dans  les  tomes  IV,  p.  336,  et  XVII,  p.  138, 
et  tout  de  suite  même,  dans  le  portrait  de  Dangeau  en  1696. 

2.  Le  copiste  avait  d'abord  écrit  :  «  avec  le  firent  assigner  en  reprise  ». 
Une  autre  main,  peut-être  celle  de  Saint-Simon,  a  corrigé  le  en  luy,  et 
ajouté  M.  son  fils  après  reprise. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  3oS 

Parlement,  qui,  pendant  la  régence  de  M.  le  duc  d'Orléans,  a  su  usurper 
cette  connoissance  sans  lettres  patentes,  et  en  user  depuis  la  majorité 
de  nouveau. 

160.  Les  princes  du  sang  aux  réceptions  des  ducs. 

(Page  99.) 

il  avril  1696.  —  Les  princes  du  sang  ne  manquent  jamais  d'aller  à 
toutes  les  réceptions  des  ducs,  hors  maladie  ou  absence  effective. 

161.  Les  filles  d'honneur  de  la  princesse  de  Conti. 

(Page  138.) 

■27  août  1690.  —  C'est  qu'il*  n'y  ayant  plus  de  filles  d'honneur  que 
les  deux  souffertes  à  Mme  la  princesse  de  Conti,  fille  du  Roi,  il  n'y 
avoit  plus  personne  pour  quêter. 

162.  Signature  des  enfants  légitimés  du  Roi. 
(Page    139.) 

2  août  1696.  —  Mme  la  princesse  de  Conti,  qui  s'est  toujours  avan- 
tagée avec  grand  soin,  sur  les  autres  enfants  du  Roi,  de  la  différence 
de  sa  bâtardise  d'avec  la  leur,  se  soucia  d'autant  moins  de  les  imiter 
dans  cette  suppression  qu'elle  avoit  perdu,  il  y  avoit  bien  longtemps, 
son  frère  unique  de  même  mère,  et  que  ceux  de  ces  deux  autres  prin- 
cesses trouvoient  avec  raison  un  grand  avantage  et  un  chemin  frayé 
à  un  autre  très  prodigieux,  par  la  signature  du  nom  de  Bourbon, 
sans  ajouter  Légitimées  de  France,  puisque,  de  la  sorte,  il  n'y  avoit 
plus  nulle  sorte  de  différence  entre  la  signature  des  princes  du  sang 
et  la  leur. 

16o.  Mme  de  Bouteville,  mère  du  maréchal  de  Luxembourg. 
(Page  145.) 

6  août  1696.  —  Mme  de  Bouteville  étoit  de  Vienne,  d'une  nouvelle 
famille  de  robe  de  Paris.  C'étoit  une  femme  d'une  grande  vertu,  qui 
n'avoit  jamais  paru  dans  le  monde,  et  qui,  très  jeune  veuve,  s'en  étoit 
retirée  pour  toujours. 

164.  Chandenier  et  ses  disgrâces. 

(Page  145.) 

14  août  1696.  —  M.  de  Chandenier  étoit  l'aîné  de  la  maison  de 
Rochechouart,  de  beaucoup  d'esprit,  de  savoir,  d'honneur  et  de  valeur, 

1.  Il  y  a  bien  quil,  au  lieu  de  que,  dans  le  manuscrit.  Est-ce  un  lapsus? 


356  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

liaut  et  ferme,  un  homme  qui  ne  se  seroit  pas  cm  étranger  dans  l'ancienne 
Rome,  et  qui  en  auroit  été  adopté.  Un  tel  homme  n'accommodoit  pas  le 
cardinal  M.izarin  dans  une  charge  si  principale,  et  si  jalouse' en  ces 
temps-là,  où  il  ne  vouloit  que  ses  créatures.  11  chercha  donc  querelle  à 
celui-ci,  à  qui  il  fit  accroire  qu'il  vouloit  livrer  le  Roi  à  Monsieur  le 
Prince,  allant  au  Parlement.  Chandenier  n'eut  pas  de  peine  à  démontrer 
la  calomnie,  ni  le  Cardinal  à  le  chasser.  Il  eut  ordre  de  vendre  sa  charge 
au  vieux  Noailles,  père  du  maréchal,  qui  avoit  été  capitaine  des  gardes 
du  Cardinal  et  lui  étoit  attaché  en  domestique.  Chandenier  refusa,  et 
Noailles  eut  ordre  de  consigner  quatre  cent  mille  livres  chez  un  notaire  et 
de  prêter  serment.  Chandenier  fut  envoyé  au  château  de  Loches,  oià,  pour 
le  forcer  à  prendre  l'argent  et  donner  sa  démission,  on  arrêta  tous  ses 
revenus.  Ce  traitement  inouï  ne  l'ébranla  point,  et  il  demeura  huit  mois 
envoyant  remplir  une  écuelle  chez  les  bourgeois  à  tour  de  rôle.  Cette 
fermeté ,  qui  piqua  le  Cardinal  au  dernier  point ,  mais  qui  vainquit 
cette  nouvelle  barbarie,  fit  changer  sa  prison  en  exil  dans  ses  terres. 
Mme  de  Montespan,  venue  en  pleine  faveur,  le  trouva  en  cet  état,  sans 
que  jamais  il  ait  voulu  se  servir  d'un  crédit  dont  il  étoit  honteux  pour 
sa  maison.  A  la  fin,  il  eut  liberté  de  Paris  et  de  tout  le  Royaume,  hors 
d'aller  à  la  cour.  Il  perdit  à  la  guerre  un  fils  unique  de  grande  espé- 
rance, et  non  marié,  qui  finit  cette  branche,  qui  étoit  pauvre.  M.  de 
Chandenier  conserva  beaucoup  d'amis  et  cette  sorte  de  considération  si 
flatteuse  que  le  mérite  donne,  et  que  la  faveur  ne  peut  donner  ni  ôter. 
Sur  la  fin  de  sa  vie,  il  se  retira  à  Sainte-Geneviève,  dans  un  petit  rien 
d'appartement  qu'il  avoit  fait  accommoder  avec  un  goût  et  une  propreté 
auxquels  il  excelloit.  Ce  fut  là  que,  vaincu  enfin  par  les  gens  de  bien, 
et  il  l'étoit  fort  lui-même,  et  par  la  considération  de  ses  créanciers,  il 
consentit  à  toucher  enfin  les  quatre  cent  mille  livres,  qui  avoient  toujours 
été  en  dépôt,  sans  lui  avoir  rien  produit  pendant  un  si  grand  nombre 
d'années,  et  à  voir  le  maréchal  de  Noailles,  qu'il  reçut  chrétiennement, 
mais  dignement,  à  Sainte-Geneviève;  et  il  ne  vécut  guère  qu'un  an 
depuis. 

16o.  La  maison  de  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne,  sa  dame  d'honneur, 

ses  dames  du  palais,  etc. 

(Page  158.) 

2  septembre  1696.  —  Dangeau,  auteur  de  ces  Mémoires,  avoit  acheté 
du  duc  de  Richelieu  la  charge  de  chevalier  d'honneur  de  Madame  la 
Dauphine,  et,  par  sa  mort,  avoit  perdu  la  charge  et  le  prix.  Il  étoit  bien 
avec  le  Roi,  et  sa  femme  parfaitement  avec  Mme  de  Maintenon,  l'un  et 
l'autre  de  tout  temps  à  la  cour,  avec  le  lustre  de  la  naissance  de 
Mme  de  Dangeau  et  du  cardinal  de  Fûrstenberg,  frère  de  sa  mère.  Tessé 

1.  Au  sens  à' enviée,  jalousée,  que  nous  avons  déjà  rencontré.  Il  s'agit  de 
la  ctiarge  de  capitaine  des  gardes. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  357 

a  voit  fait  plusieurs  voyages  secrets  vers  M.  de  Savoie,  avoit  eu  toute 
la  confiance  de  la  négociation,  et  l'avoit  conclue.  Cela  fit  l'un  chevalier 
d'honneur,  et  l'autre  premier  écuyer. 

Pour  la  dame  d'honneur',  le  choix  en  est  une  anecdote.  C'étoit  une 
très  bonne  femme  et  d'honneur,  fort  belle  encore,  mais  sotte  au  dernier 
point,  et  qui,  sans  jamais  avoir  voulu  plaire  qu'à  ses  deux  maris,  sans 
succès  pour  le  premier,  et  le  second  mariage  ayant  été  d'inclination, 
étoit  fort  attachée  à  son  visage,  au  rouge,  aux  mouches,  et  du  reste  à 
une  parure  décente,  mais  attentive.  Elle  avoit  été  longtemps  dame  du 
palais  de  la  Reine,  et  avoit  toujours  été  de  la  cour  tant  qu'elle  avoit  pu, 
et  du  grand  monde,  avec  bien  des  amis,  bonne  chère,  une  bonne  mai- 
son, parce  qu'elle  étoit  demeurée  riche  et  sans  enfants.  Elle  briguoit  fort 
cette  place,  et  avoit  en  tète  la  duchesse  d'Arpajon,  que  Mme  de  Mainte- 
non  avoit  faite*  dame  d'honneur  de  feu  Madame  laDauphmeà  la  mort  de 
Mme  de  Richelieu,  et  qui,  sans  esprit,  s'y  étoit  dignement  et  parfaite- 
ment bien  conduite.  C'étoit  donc  une  justice  de  lui  rendre  cette  même 
place,  qu'elle  desiroit  fort,  et  à  quoi  on  s'attendoit  ;  mais  il  arriva  que  la 
duchesse  du  Lude  trouva  accès  auprès  de  Nanon  Balbien,  vieille  femme 
de  chambre  favorite  de  Mme  de  Maintenon,  qui  lui  faisoit  son  petit  pot 
du  temps  qu'elle  étoit  Mme  Scarron  et  qu'elle  n'avoit  qu'elle  pour 
domestique.  Cette  espèce  de  fée  du  second  ordre  étoit  invisible  et  inac- 
cessible qu'à  un  très  petit  nombre  de  gens  de  l'ancienne  connoissance 
de  sa  maîtresse,  qui  lui  faisoient  la  cour  parce  qu'elle  pouvoit  beaucoup 
sur  elle  et  qu'elle  avoit  peine  à  se  vouloir  mêler  de  rien  ;  mais  tant  fut 
procédé,  que  la  duchesse  du  Lude,  qui  avoit  aussi  une  vieille  mie  qui 
l'avoit  élevée  et  qui  ne  l'avoit  jamais  quittée,  qu'on  appeloit  Mme Barbesi, 
avoit  fait  connoissance  avec  Nanon  Balbien,  et  qu'elle  l'éblouit  par  l'or  de 
sa  maîtresse.  Elle  convint  de  soixante  mille  livres,  et  tout  fut  fait  en  un 
tournemain  ^.  La  veille  que  la  maison  fut  nommée.  Monsieur  alla  voir 
le  Roi  sur  la  fin  de  la  matinée,  et,  comme  il  étoit  curieux,  il  le  mit  en 
propos  pour  en  tâcher  de  découvrir  quelque  chose  des  choix  qui  seroient 
faits.  Ils  en  étoient  sur  les  prétendantes  à  la  place  de  dame  d'honneur, 
lorsque  Monsieur  vit  par  la  fenêtre  la  duchesse  du  Lude  qui  traversoit 
la  grand  cour  dans  sa  chaise,  revenant  de  la  messe,  et  dit  au  Roi,  en  la 
nommant  :  «  En  voilà  une  qui  passe,  qui  auroit  bien  envie  de  l'être.  — 
Fort  bien,  mon  frère,  lui  répondit  le  Roi;  cela  seroit  fort  bon  pour  bien 
apprendre  à  la  Princesse  à  se  mettre  bien  du  rouge  et  des  mouches  ;  » 
et  ajouta  quelque  mot  d'aigreur.  Monsieur  se  tut,  et  comprit  d'autant 
plus  qu'elle  étoit  exclue,  que  le  Roi  étoit  dévot  alors,  plus  regardant  à 
ces  choses-là  qu'il  ne  l'a  été  depuis.  Le  lendemain,  dès  que  la  maison 
fut  déclarée,  cela  se  sut  dans  le  moment,  et  un  huissier  de  Monsieur 


1.  La  duchesse  du  Lude. 

2.  Fait,  sans  accord,  dans  le  manuscrit.' 

3.  Les  deux  dernières  lettres  de  tourne  ont  été  biffées  ;  a-t-on  voulu  chan- 
ger, ce  qui  serait  moins  juste,  en  tour  de  main  y 


:i58  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

entra  dans  son  cabinet  et  le  lui  dit.  Monsieur,  rempli  de  ce  qu'il  savoit, 
comprit  que  c'étoit  un  bruit  qui  se  venoit  de  répandre,  et  dit  à  l'huissier 
qu'on  s'étoit  moqué  de  lui.  Un  moment  après,  M.  de  Châtillon  vint  dire 
à  Monsieur  la  même  nouvelle,  dont  il  se  mit  à  rire.  M.  de  Châtillon 
insista,  sans  que  Monsieur  en  voulût  rien  croire  ;  et  M.  de  Châtillon  dans 
l'étonnement  de  cette  incrédulité.  Comme  ils  en  étoient  là,  entrèrent 
d'autres  gens,  qui  le  confirmèrent;  et  à  son  tour  Monsieur  fut  si  surpris, 
qu'il  en  conta  la  cause  à  deux  ou  trois;  et  quelque  temps  après  on  sut 
ce  qui  avoit  opéré,  et  que  l'affaire  s'en  étoit  faite  dans  la  soirée  qui 
précéda  la  nomination.  Ainsi  vont  les  cours. 

Pour  les  dames  du  palais,  on  crut  consoler  Mme  d'Arpajon  en  nom- 
mant Mme  de  Roucy,  sa  fille  ;  mais,  bien  loin  de  faire  cet  effet,  elle 
sentit  la  préférence  dans  toute  son  étendue,  et  la  solitude  encore  où  la 
place  qu'on  donnoit  à  sa  fille  l'alloit  laisser  en  l'attachant  à  la  cour,  où, 
après  cet  événement,  elle  ne  pouvoit  plus  aller  que  rarement,  et  autre- 
ment que*  par  bienséance;  aussi  ne  s'en  consola-t-elle  jamais,  ne  le 
porta  pas  loin,  et  finalement  mourut  de  douleur  et  d'ennui. 

Mme  de  Nogaret,  sœur  de  Biron  et  de  Mme  d'Urfé,  avoit  été  fille  de 
Madame  la  Dauphine,  mal  mariée,  veuve  sans  enfants  et  avec  très  peu 
de  bien,  sans  autre  feu  ni  lieu  que  la  cour.  C'étoit  le  Roi  et  surtout 
Monseigneur  qui  avoient  fait  son  mariage.  C'étoit  une  femme  laide,  qui 
s'étoit  toujours  bien  conduite,  adroite,  fine,  accorte^,  vraie  et  droite 
pourtant,  avec  infiniment  d'esprit,  et  d'un  esprit  également  sensé  et 
agréable,  cousine  germaine  et  amie  intime  de  la  maréchale  de  ViJleroy. 

Mme  d'O,  fille  de  Guilleragues,  le  meilleur  ami  de  Mme  de  Maintenon, 
qui  en  avoit  toujours  protégé  la  fille,  en  qui,  de  plus,  elle  trouvoit,avec^ 
beaucoup  d'esprit  et  de  souplesse,  un  tour  de  galanterie  et  de  roman 
digne  de  son  mariage  sur  un  vaisseau  en  revenant  de  Constantinople 
avec  d'O,  à  qui  sa  place  de  gouverneur  de  M.  le  comte  de  Toulouse 
et  d'administrateur  de  sa  maison  donnoient*  auprès  du  Roi  un  accès 
intime^. 

Mme  du  Châtelet  avoit  été  aussi  fille  de  Madame  la  Dauphine.  Elle 
étoit  fille  du  feu  maréchal  de  Bellefonds,  mariée  fort  pauvrement  à 
un  homme  de  qualité  distinguée  et  qui  servoit  avec  application  et 
valeur.  Sa  vertu  et  sa  piété  singulière,  toujours  égale,  et  jamais  austère 
que  pour  elle-même,  lui  avoit  acquis  une  estime  et  une  affection  géné- 
rales. Elle  vivoit  à  Vincennes  avec  sa  mère,  son  inari  et  leurs  familles, 
et  ne  pensoit  à  rien  moins.  On  se  proposoit  d'élever  la  Princesse  dans 
une  grande  vertu.  Les  trois  premières  dames  du  palais  en  avoient, 
celle-ci  plus  qu'aucune  femme  qui  eût  paru  à  la  cour,  et  plus  solide, 

1.  Que  est  ajouté  en  interligne. 

2.  Accorte  est  écrit  au-dessus  d'un  mot  biifé,  à  naistre,  le  copiste  ayant 
sans  doute  mal  lu  l'écriture  de  Saint-Simon. 

3.  Avec  a  été  ajouté  par  le  copiste  en  interligne. 

4.  Ainsi,  au  pluriel,  par  accord  avec  l'idée  de  deux  emplois  diflërents. 
.^>.  Voyez  ci-après  l'appendice  XVII. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.         359 

avec  de  la  douceur  :  toutes  ces  considérations  la  firent  choisir  pour 
honorer  les  choix. 

Mme  de  Montgon,  fille  de  Mme  d'Heudicourt,  l'amie  de  l'hôtel  d'Albret 
de  Mme  de  Maintenon,  élevée  petite  fille  par  elle,  avec  et  pour  faire  jouer 
les  enfants  du  Roi,  et  considérée  par  elle  comme  sa  fille,  mariée  par 
elle,  furent  des  raisons  qui  firent  passer  par-dessus  la  disproportion  de 
celle-ci  avec  les  autres,  outre  qu'elle  étoit  amusante  au  dernier  point, 
avec  infiniment  d'esprit. 

A  l'égard  de  Mme  de  Mailly,  fille  du  cousin  germain  de  Mme  de  Mainte- 
non,  mandée  par  elle  de  sa  province,  mariée  par  elle,  et  tenue  chez  elle 
jusqu'à  son  mariage,  faite  par  elle  dame  d'atour  de  Mme  de  Chartres, 
pour  la  première  qu'eût  eue»  une  petite-fille  de  France,  ce  furent  les 
raisons  qui  la  firent  dame  d'atour  de  la  future  duchesse  de  Rourgogne, 
que  Mme  de  Maintenon  se  proposoit  d'élever  et  de  gouverner  à  sa  mode, 
et  auprès  de  qui  elle  mit  le  plus  de  personnes  de  sa  confiance  qu'elle  en 
pût  ^  trouver.  Mme  de  Chartres,  qui  ne  s'accommodoit  guère  du  froid 
dédaigneux  et  peu  spirituel  d'une  dame  d'atour  qui  s'y  trouvoit  très 
médiocrement  placée,  et  pour  qui  néanmoins  il  falloit  avoir  toutes 
sortes  d'égards,  y  trouva  d'autant  plus  de  soulagement  qu'elle  se  fit 
donner  Mme  de  Castries,  sa  cousine  germaine,  fille  de  feu  M.  de  Vivonne, 
frère  de  Mme  de  Montespan.  M.  du  Maine  lui  fit  cette  affaire-là,  parce 
que,  ne  sachant  que  faire  tous  de  Mlle  de  Mortemart,  sans  bien  aucun  et 
sans  figure,  qui  n'étoit  même  en  tout,  par  son  exiguïté,  qu'une  moitié 
de  figure,  et  vilaine,  ils  l'avoient  mariée  à  M.  de  Castries,  dont  tout  le 
lustre  étoit  beaucoup  de  valeur  et  de  capacité  à  la  guerre,  d'honneur  et 
de  vertu,  et  d'être  fils  d'une  sœur  du  cardinal  Ronsy,  archevêque  de 
Narbonne.  Castries  étoit  de  Languedoc;  son  père  avoit  eu  l'Ordre  et  le 
gouvernement  de  Montpellier,  avec  la  lieutenance  générale  de  Languedoc, 
au  temps  de  la  splendeur  du  Cardinal  son  beau-frère,  et,  à  sa  mort, 
son  fils  eut  le  gouvernement  de  Montpellier^,  et  espéra  tout  après  une  si 
haute  alliance,  dont  M.  du  Maine,  gouverneur  de  Languedoc,  fit  tous  les 
pas.  Us  étoient  lors  l'un  et  l'autre  en  Languedoc,  et  M.  de  Castries  ne  pou- 
vant plus  servir,  par  son  asthme  et  sa  déplorable  santé,  son  oncle  tombé 
de  santé  et  de  crédit,  aux  couteaux  tirés  avec  Râville,  moins  intendant 
que  roi  de  Languedoc,  qui  avoit  culbuté  le  Cardinal  :  de  sorte  que  cette 
place  leur  vint  fort  à  propos.  Mme  de  Castries  savoit  tout  et  brilloit 
d'esprit,  avec  ce  sel  unique  des  Mortemarts  qui  s'est  arrêté  à  cette 
génération,  qui  toute  en  fut  abondamment  remplie,  et  son  agrément 
étoit  tel  qu'il  faisoit  oublier  sa  figure. 

Mme  du  Châtelet  avoit  été  nommée  en  troisième;  mais  la  dépense  et 
la  fatigue  du  voyage,  plus  encore  d'en  donner  le  temps  à  Vincennes  à 


1.  Eu  (sic),  au  masculin,  dans  le  manuscrit. 

2.  Pût  est  bien  au  subjonctif. 

3.  Ces  trois  lignes,  depuis  :  avec  la   lieutenance...,  oubliées  sans   doute 
\r  le  copiste  de  Saint-Simon,  ont  été  ajoutées  après  coup  en  marge. 


360  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

sa  mère,  de  qui  elle  alloit  être  séparée,  lui  ayant  fait  demander  et  obte- 
nir d'y  attendre  l'arrivée  de  la  Princesse,  Mmes  de  Nog;aret  et  d'O,  qui 
furent  au  voyage,  furent  mises  avant  Mme  du  Châtelet.  Mme  deMontgon 
étoit  alors  chez  son  mari  en  Auvergne,  et  ne  fut  point  aussi  du  voyage. 
La  maréchale  de  Rochefort,  dame  du  palais  de  la  feue  reine,  dame 
d'atour  de  la  feue  dauphine,  et  qui  n'avoit  accepté  la  place  de  dame 
d'honneur  de  Mme  de  Chartres  que  sur  les  paroles  réitérées  d'être 
dame  d'atour  de  la  nouvelle  dauphine  ou  duchesse  de  Bourgogne,  cria 
les  hauts  cris  ;  mais  son  temps  étoit  passé,  et  son  sort  étoit  de  marcher 
à  la  cour  toujours  en  écrevisse. 

166.  Le  duc  du  Lude  et  ses  deux  femmes. 
(Page  163.) 

30  août  1685.  —  Le  duc  du  Lude  étoit  brave,  galant,  magnifique, 
bien  fait,  adroit  à  tout,  grand  chasseur,  à  merveille  avec  le  Roi,  dont 
il  avoit  été  premier  gentilhomme  de  la  chambre,  qu'il  vendit  au  duc 
de  Gesvres  en  1669,  pour  acheter  du  duc  de  Mazarin  la  charge  de 
grand  maître  de  l'artillerie.  Il  fut  chevalier  de  l'Ordre  en  1661  et  eut 
un  brevet  de  duc  en  167o.  Son  nom  étoit  Daillon,  très  bonne  et  an- 
cienne maison  éteinte  avec  lui,  et  sa  sœur  avoit  épousé  M.  de  Roque- 
laure,  duc  à  brevet,  fils  du  maréchal,  père  de  celui-ci.  Il  n'eut  point 
d'enfants  de  ses  deux  femmes.  La  première,  Bouille,  toujours  dans  ses 
terres,  ne  se  plaisant  qu'aux  chevaux,  qu'elle  piquoit  mieux  qu'un 
homme,  et  chasseuse  à  outrance;  ellefaisoit  sa  toilette  dans  son  écurie 
et  faisoit  trembler  le  pays.  Vertueuse  pour  elle  et  trop  pour  les  autres, 
elle  fit  châtrer  un  prêtre  en  sa  présence  pour  avoir  abusé,  dans  son 
château,  d'une  de  ses  demoiselles,  le  fit  guérir,  lui  donna  dans  une 
boîte  ce  qu'on  lui  avoit  ôté,  et  le  renvoya.  Son  mari,  toujours  à  la 
cour,  étoit  peu  avec  elle.  Il  épousa,  fort  peu  après  sa  mort,  la  comtesse 
de  Guiche,  qu'il  avoit  aimée,  et  elle  lui,  depuis  longtemps,  et  qui  a  été 
la  seule  dame  d'honneur  de  notre  dernière  dauphine. 

167.  Mme  de  Nangis  et  son  second  mariage  avec  Blanzac. 
(Page  1-2.) 

22  juillet  1692.  —  Mme  de  Nangis,  puis  de  Blanzac,  étoit  fille  de  la 
maréchale  de  Rochefort,  jolie,  piquante,  galante,  intrigante  au  dernier 
point,  avec  l'esprit  du  monde  le  plus  amusant  et  le  plus  séducteur,  dont 
on  ne  pouvoit  se  défendre,  des  grâces  uniques  en  son  dire,  toujours  si 
doux  et  si  insinuant  que  c'étoit  merveilles,  mais  emportant  toujours  la 
pièce  sur  chacun,  et  fort  librement  sur  ses  amis,  gouvernant  Mme  de 
Chartres,  plus  que  bien  avec  M.  le  prince  de  Conti,  et  dans  toutes  les 
intrigues  galantes  des  Princesses,  et  à  merveilles  avec  toutes.  Mme  de 
Maintenon,  qui  vit  le  Roi  s'en  amuser,  la  fit  chasser.  Elle  ne  revint  que 
longtemps  après,  mais  un  peu  plus  connue.  Blanzac,  frère  du  comte  de 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  361 

Roucy,  qui  étoit  une  espèce  de  postillon,  lui  plut.  Il  n'avoit  rien,  et  elle 
pas  grand'chose.  Elle  cacha  sa  grossesse  jusqu'au  bout;  puis  l'affaire 
éclata.  M.  de  la  Rochefoucauld  jeta  feu  et  flammes,  qui,  depuis  la  sortie 
du  comte  de  Roye,  avoit  pris  soin  de  ses  enfants  ;  mais  les  maréchaux  de 
Duras  et  de  Lorge,  oncles  maternels  de  Blanzac,  se  montrèrent  plus 
doux,  et,  après  bien  des  vacarmes,  Blanzac  fut  mandé,  et  arriva.  Le  soir 
même  de  son  arrivée,  ils  se  marièrent  à  Saint-Eustache,  à  minuit,  et, 
dans  la  matinée,  la  nouvelle  mariée  accoucha  d'une  fille,  qui  est  aujour- 
d'hui la  comtesse  de  Tonnerre.  La  vieille  Laval,  qui  s'étoit  remariée 
comme  Mme  de  Blanzac,  sa  petite-fille,  les  prit  chez  elle  et  les  défraya 
de  tout  longues  années  ;  Blanzac  l'étoit  à  l'armée  par  le  maréchal  de 
Lorge.  Mais  le  mari  aux  cartes,  la  femme  à  d'autres  jeux,  se  ruinèrent 
et  mangèrent  d'avance  les  riches  successions  qui  échurent  à  Mme  de 
Blanzac,  et  mangèrent  de  plus  tout  le  bien  de  Nangis,  qui  entra  dans  le 
monde  ruiné.  Ce  que  les  hommes  avoient  dissipé,  les  dames  le  raccom- 
modèrent, et,  par  elles,  Nangis  revint  sur  l'eau  et  fit  un  moment  figure, 
aidé  de  valeur  et  d'application  à  la  guerre  et  encore  plus  à  la  cour,  où 
il  a  fait  un  moment  figure,  et  est  revenu  après,  de  loin,  à  être  chevalier 
du  Saint-Esprit  et  chevalier  d'honneur  de  la  Reine.  Son  frère  du  second 
lit  a  trouvé  un  nid  fort  abondant  et  encore  plus  illustre,  au  moyen 
duquel  il  a  de  quoi  se  consoler.  Mme  de  Blanzac,  toujours  mourante  ou 
soi-disant,  mais  avec  la  meilleure  compagnie  de  France  chez  elle,  la 
perdit  peu  à  peu,  et,  ne  sachant  plus  de  quel  bois  faire  flèche,  emprunta 
une  petite  maison  de  Madame  la  Duchesse  détachée  du  château  do 
Saint-Maur,  où,  brouillée  avec  Mme  d'Orléans  et  avec  bien  d'autres, 
et  pleinement  ruinée,  elle  a  vécu  plus  de  vingt  ans  sans  en  sortir  été  ni 
hiver,  et  son  mari,  assez  las  l'un  de  l'autre,  à  Paris,  défrayé  chez  son 
frère,  qui  avoit  épousé  une  fille  de  Ducasse,  si  connu  à  la  mer. 

168.  Mort  suspecte  du  père  de  Nangis. 
(Page  173,  note  3.) 

17  août  1690.  —  Cette  blessure  de  Nangis  fut  un  peu  suspecte.  Sa 
femme  avoit  beaucoup  d'amis,  qui  n'aimoient  pas  tant  le  mari,  entre 
autres  M.  le  prince  de  Conti,  quoiqu'il  vécût  avec  eux.  Le  fait  est  qu'il 
fut  tué  en  lieu  où  l'on  ne  s'en  doutoit  guère,  qu'il  fut  peu  regretté, 
qu'il  laissa  un  fils  fort  aisé  et  fort  riche,  que  sa  femme  se  maria  secrè- 
tement et  incontinent  après  à  Blanzac,  et  qu'en  peu  d'années,  malgré  de 
grandes  successions  recueillies  et  de  grandes  aisances,  elle,  son  mari, 
Nangis  avant  d'entrer  dans  le  monde,  se  trouvèrent  à  l'hôpital  :  le  mari 
et  la  femme  y  sont  restés  ;  Nangis  et  les  autres  enfants  s'en  sont  tirés 
par  les  dames,  qui  leur  ont  fait  restitution  pour  les  hommes. 


363  ADDITIOiNS  DE  SAINT-SIMON 

169.  La  duchesse  d'Arpajon,  dame  d'honneur  de  la  Dauphine. 
(Pages  176-1771.) 

1:2  juin  1684.  —  Mme  d'Arpajon,  troisième  femme  de  M.  d'Arpajon, 
duc  à  brevet,  avoit  passé  sa  vie  avec  lui  en  Rouergue,  et  tout  le  temps 
de  son  veuvage  à  Toulouse,  à  plaider.  La  suite  de  ce  procès  l'amena  à 
Paris  quelques  mois  avant  la  mort  de  Mme  de  Richelieu.  Elle  étoit  sœur 
du  marquis  de  Beuvron,  duquel  le  fils,  Harcourt,  fut  depuis  duc-pair  et 
maréchal  de  France  ;  Beuvron  avoit  été  plus  que  bien  avec  Mme  de  Main- 
tenon,  qui  n'oublia  jamais  de  tels  amis,  et  qui  l'envoya  dire  à  sa  sœur, 
belle  et  vertueuse,  mais  qui  n'avoit  ni  esprit  ni  cœur,  qu'elle  étoit  dame 
d'honneur  :  dont  elle  pensa  mourir  de  surprise. 

170.  Déconvenue  de  la  duchesse  d'Arpajon. 
(Page  180.) 

Il  mai  1701.  —  Mme  d'Arpajon  étoit  sœur  du  marquis  de  Beuvron, 
père  du  duc  d'Harcourt.  Elle  ne  put  se  consoler  de  n'avoir  pas  été 
dame  d'honneur  de  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne  après  l'avoir  été  de 
Madame  la  Dauphine.  On  a  vu  ce  qui  la  fit. 

171.  La  comtesse  de  Levenstein,  marquise  de  Dangeau. 
(Page   187  2.) 

30  mars  1686.  —  La  comtesse  de  Levenstein,  qui  épousa  l'auteur  de 
ces  Mémoires,  étoit  fille  chanoinesse  de  Thorn,  près  Nimègue,  dont  sa 
tante  étoit  abbesse,  dont  les  prébendes  sont  pareilles  en  preuves  que  cel- 
les de  Cologne,  mais  peu  riches.  Elle  étoit  fille  de  Madame  la  Dauphine 
et  devint  dame  du  palais  de  l'autre  Dauphine,  sa  belle-fille,  et  une  des 
favorites  de  Mme  deMaintenon.  Jolie  et  vertueuse  comme  les  anges,  une 
figure  de  déesse  dans  les  airs,  douce,  bonne,  d'un  bon  esprit,  et  dont  la 
bonté  lui  tenoit  lieu  d'étendue.  Quelqu'un  disoit  d'elle  et  de  Mme  d'Heu- 
dicourt,  autre  favorite  de  Mme  de  Maintenon,  liées  dès  l'hôtel  d'Albret, 
que  c'étoient  les  deux  anges  de  Mme  de  Maintenon,  le  bon  et  le  mau- 
vais; et  en  effet  Mme  d'Heudicourt,  qui  avoit  été  fort  belle  et  fort 
galante,  et  qui  étoit  tôt  devenue  hideuse,  avoit  infiniment  d'esprit, 
et  étoit  méchante  avec  la  noirceur  des  démons.  Mme  de  Dangeau  étoit 
sœur  d'autre  abbesse  de  Thorn,  de  la  comtesse  de  Waldstein,  de  la 
landgrave  d'Hesse-Rheinfels.  mère  de  la  reine  de  Sardaigne,  de  la 
duchesse  de  Bourbon  et  de  la  princesse  de  Sulzbach,  qui  sera  électrice 
palatine.  Elle  étoit  sœur  aussi  de  la  comtesse  de  Salm,  puis  de  Sereni, 
de  la  comtesse  de  Rosenberg,  de  la  princesse  de  Nassau-Siegen'  et  de 
la  princesse  de  Lichtenstein,  veuve  d'un  prince  de  Saxe  ;  sœur  encore 

1.  Voyez  ci-après  l'appendice  XV. 

2.  Voyez  ci-après  l'appendice  XVI. 

3.  Lisez  :  Nassau-Usingeti. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  363 

du  comte  de  Levenstein  fait  conseiller  d'État  de  l'Empire,  gouverneur 
du  Milanois  et  prince  de  l'Empire,  du  prince  de  Murbach,  avec  beau- 
coup d'abbayes  en  France  et  fait  par  l'Empereur  évêque  de  Tournay,  et 
de  plusieurs  autres.  Leur  mère  étoit  sœur  du  cardinal  de  Fùrstenberg, 
et  leur  père  étoit  la  cinquième'  génération  de  Louis,  fils  de  Frédéric, 
puîné  de  l'électeur  Louis  le  Barbu,  administrateur  et  un  peu  usurpa- 
teur de  l'électorat  sur  son  neveu  Louis  l'Ingénu,  qu'il  adopta,  et  épousa 
une  simple  demoiselle,  Claire  de  Tettingen,  en  146"2,  dont  il  eut  Louis, 
tige  de  Levenstein.  C'est  ce  qu'on  appelle  en  Allemagne  des  mariages 
de  la  7nain  gauche,  parce  qu'il  est  inégal,  quoique  légitime,  et  dont  les 
enfants  n'ont  qu'un  léger  partage,  dont  ils  prennent  le  nom,  sans  au- 
cune part  au  rang,  honneurs,  droits  et  biens  de  leur  père.  Aussi  Ma- 
dame la  Dauphine  et  Madame  trouvèrent-elles  très  mauvais  qu'elle  se 
fût  dite  de  la  maison  palatine  par  son  contrat  de  mariage,  quoiqu'elle 
en  fût  très  véritablement,  et  cela  fit*  une  fort  grosse  affaire. 

172  et  173.  Guilleragues,  sa  femme,  sa  fille,  et  le  marquis  d'O. 
(Page   197  3.) 

10  août  1684.  —  Guilleragues  étoit  un  homme  de  robe  de  Bordeaux, 
de  beaucoup  d'esprit  et  de  charmante  compagnie,  qui  avoit  percé  et 
s'étoit  produit  avec  succès  parmi  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  meilleur; 
homme  surtout  de  plaisir,  et  fort  aimé  de  Mme  de  Maintenon.  C'est  ce 
qui.  après  sa  mort  ambassadeur  à  Constantinople,  où  on  l'avoit  envoyé 
raccommoder  ses  affaires,  fit  la  fortune  de  sa  fille,  que  M.  d'O  épousa 
par  amour,  en  revenant  de  Constantinople,  et  à  lui-même.  Il  étoit  officier 
sur  le  vaisseau  qui  fut  chercher  et  ramener  Mme  et  Mlle  de  Guilleragues, 
qui  n'avoit  rien.  Guilleragues  étoit  un  panier  percé. 

Février-mars  1687.  —  Guilleragues,  conseiller  au  parlement  de  Bor- 
deaux, étoit  de  ces  esprits  aimables,  aisés,  amusants,  faits  pour  le  grand 
monde  et  les  bonnes  compagnies,  et  que  leur  agrément,  tourné  en  force, 
tire  de  la  province  malgré  toutes  les  plus  naturelles  barrières.  Celui-ci 
avoit  eu  accès,  et  puis  familiarité  avec  ce  qu'il  y  avoit  de  meilleur  à 
la  cour  et  à  Paris,  et  avoit  fait  une  connoissance  particulière  avec 
Mme  Scarron,  qui  se  tourna  en  amitié  intime.  Elle  s'en  souvint  toujours 
dans  son  changement  de  nom  et  d'état,  et,  comme  Guilleragues  étoit  un 
panier  percé,  elle  le  fit  envoyer  ambassadeur  à  Constantinople,  pour 
se  remplumer  en  cet  emploi,  très  lucratif  pour  un  autre  ;  mais  pour 
Guilleragues  il  n'en  étoit  aucun.  Villers  étoit  un  petit  garde-marine  fort 
gueux,  fort  sot,  mais  fort  bien  fait,  qui  montoit  le  vaisseau  sur  lequel 
Guilleragues  fit  son  voyage,  où  il  avoit  mené  sa  femme  et  sa  fille. 
Il  mourut  peu  après  à  Constantinople.  Villers,  qui  étoit  devenu  amou- 
reux de  Mlle  de  Guilleragues  dans  la  traversée,  ayant  appris  la  mort  de 

1.  La  sixième,  d'après  l'article  du  Moréri  que  suit  Saint-Simon. 

2.  Dans  le  manuscrit,  gue  cela  fit. 
'A.  Voyci!  ci-apros  l'appendice  XVII. 


364  ADDITIONS    DE   SAINT-SIMON 

son  père  et  son  prochain  retour,  fit  si  bien  qu'il  fut  de  ceux  qui  mon- 
tèrent le  vaisseau  qui  alloit  chercher  la  mère  et  la  fille.  Villers  étoit 
devenu  enseigne  ou  lieutenant,  et  Mlle  de  Guilleragues,  charmée  de  son 
retour,  et  encore  plus  de  l'amour  qui  lui  avoit  fait  entreprendre  ce 
voyage,  le  fit  goûter  à  sa  mère,  et,  à  la  manière  des  héros  de  roman  qui 
ne  s'inquiètent  pas  de  la  subsistance,  ils  se  marièrent  sur  la  côte  de 
l'ancienne  Troie,  où  le  vaisseau  eut  à  relâcher,  et  où  ils  mirent  pied  à 
terre.  C'étoit  une  terre  toute  propre  à  un  mariage  de  roman  ;  aussi  lui 
porta-t-elle  bonheur.  Mme  de  Maintenon,  plus  touchée  du  romanesque 
c|ue  sa  moderne  austérité  ne  le  sembloit,  prit  de  là  pour  eux  un  degré 
d'affection  qu'elle  trouva  moyen  de  se  tourner  en  utile.  Elle  avoit  con- 
tinuellement tendu  à  saper  Mme  de  Montespan  et  à  lui  soustraire  ses 
enfants,  par  lesquels  seuls  elle  tenoit  encore:  Madame  la  Duchesse  étoit 
mariée;  Montchevreuil,  tout  à  Mme  de  Maintenon,  étoit,  par  elle,  gou- 
verneur et  le  tout  chez  M.  du  Maine  ;  elle  vouloit  tenir  le  comte  de  Tou- 
louse par  le  même  moyen,  et  sa  qualité  d'amiral  lui  donna  couleur  de 
proposer  un  officier  de  vaisseau  pour  mettre  auprès  de  lui.  Villers  fut 
donc  agréé,  et  prit  le  nom  de  marquis  d'O,  se  prétendant  de  cette  mai- 
son, que  les  généalogistes  ne  lui  accordèrent  jamais,  mais  dont  la  cour 
et  le  monde  ne  fit  aucune  difficulté.  Son  plus  court  génie  répondoit  en 
plein  à  sa  plus  que  courte  expérience  navale,  et  le  cours  militaire  qu'il 
fit  à  Versailles,  sans  en  partir,  le  fit  arriver,  à  force  de  promotions  et 
d'années,  au  grade  de  lieutenant  général  de  mer,  sans  avoir  acquis  que 
les  talents  des  cabinets  et  des  derrières,  qui  n'influent  pas  beaucoup  à 
la  capacité  militaire.  Il  devint  toutefois  un  fantôme  de  personnage  par 
la  suffisance  de  son  maintien,  le  dédain  sage  de  son  silence,  qu'il  ne 
commit  jamais,  et  ses  liaisons  d'intrigue,  dont  il  étoit  dénombré  plus 
que  d'exploits*.  Sa  dévotion  extatique  et  assidue,  joint  à  son  orgueilleux 
.sourcil,  donnoit  envie  de  découper  en  frange  le  derrière  de  son  habit  et 
de  coller  sur  ses  épaules  quelques  passages  de  r.\ncien  Testament. 
Il  devint  le  maître  chez  M.  le  comte  de  Toulouse,  et  en  tira  une  immense 
subsistance.  Sa  femme,  galante  et  romanesque,  lui  laissa  la  gravité  et 
l'austérité  en  partage,  et  prit  pour  elle  l'enjouement  et  tout  ce  qui 
l'accompagne.  Mme  de  Maintenon  la  fit  dame  du  palais,  au  grand 
scandale  de  tout  le  monde,  et  elle  prit  soin,  dans  l'exercice  de  sa 
charge,  d'ôter  à  tout  le  monde  tout  sujet  de  scrupule  d'en  avoir  tant 
pris  sur  un  titre  si  au-dessus  d'elle,  et,  qui  pis  fut,  d'un  accès  si 
intime  et  si  continuel  auprès  de  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne  et  de 
toute  sa  jeune  cour  :  tellement  qu'entre  le  mari  et  la  femme,  tous  deux 
fort  unis  et  concertés  en  bonne  politique,  les  deux  extrémités  se  trou- 
vèrent également  embrassées,  et  très  également  à  leur  profit;  mais  leurs 
vues  furent  trop  vastes  pour  leur  durée:  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne, 
devenue  dauphine,  mourut  trop  tôt,  et  M.  le  comte  de  Toulouse  acheva 
leur  désespoir  par  son  mariage. 

1.  Exploit  est  au  singulier  dans  le  manuscrit. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.         368 

-174.  Le  îiiarquis  d'O  et  ses  entrées  chez  le  Roi. 
(Page  202  «.) 

9  avril  1717.  —  D'O,  gouverneur  de  M.  le  comte  de  Toulouse,  le  sui- 
voit  toujours  chez  le  feu  roi  à  toutes  heures  ;  le  prince  n'y  alloit  jamais 
qu'aux  heures  de  privance,  et,  par  la  disposition  de  son  appartement, 
entroit  toujours  par  les  cabinets,  et  ainsi  par  derrière.  D'O  demeura 
près  de  lui  gentilhomme  de  sa  chambre  après  son  temps  de  gouverneur 
fini,  et  plus  encore,  par  confiance  du  Roi  et  par  amitié  du  prince,  comme 
son  majordome  et  le  maître  dans  sa  maison.  11  continua  à  le  suivre  chez 
le  Roi  fort  souvent,  à  son  ordinaire,  et  obtint  d'y  être  admis  sans  lui  aux 
mêmes  heures  et  par  le  même  chemin.  11  n'avoit  donc  pas  ce  qu'on 
appelle  les  grandes  entrées,  comme  le  premier  gentilhomme  de  la 
chambre,  parce  qu'il  n'entroit  point  par  les  antichambres  ;  mais  en  effet 
il  jouissoit  des  mêmes,  puisqu'il  se  trouvoit  avec  eux  au  petit  lever  et  à 
leurs  heures  les  plus  particulières,  mais  y  arrivant  par  les  cabinets;  et 
il  en  avoit  de  bien  plus  familières  qu'eux,  puisqu'il  entroit  par  les  cabi- 
nets dans  celui  où  étoit  le  Roi,  à  toutes  les  heures  rompues  oii  le  Roi 
étoit  chez  lui  et  où  qui  que  ce  soit  n'entroit  que  les  légitimés,  comme 
les  fils  de  France,  et  encore  ceux-ci  avec  grande  mesure,  les  premier 
médecin,  premier  chirurgien,  premiers  valets  de  chambre,  et  les  garçons 
bleus;  et  d'O  comme  tous  ceux-là,  sans  ménagement.  Il  conserva  encore 
d'être  avec  le  Roi,  les  enfants  de  France  et  légitimés,  les  premiers  valets 
de  chambre,  et  nul  autre,  dans  le  cabinet,  entre  le  souper  et  le  coucher  du 
feu  roi,  tandis  que  les  dames  d'honneur  des  Princesses,  qui  étoient  avec 
le  Roi  leur  père,  se  tenoient  dans  un  autre  cabinet,  avec  la  porte 
ouverte  dans  celui  du  Roi,  hors  à  Fontainebleau,  qu'elles  étoient  avec 
lui  et  dans  le  même,  rangées  en  cercle  et  assises,  joignant  et  à  côté  des 
Princesses,  c'est-à-dire  les  deux  dames  d'honneur  duchesses,  et,  debout 
derrière  les  Princesses,  ou  par  terre,  sans  carreau  ni  tapis,  celles  qui 
n'étoient  pas  duchesses,  même  la  maréchale  de  Rochefort,  dame  d'hon- 
neur de  Mme  la  duchesse  d'Orléans,  quoique,  comme  maréchale  de 
France,  elle  eût  pu  avoir  un  carreau  ailleurs  et  s'asseoir  dessus.  Par 
l'explication  de  ces  entrées  de  M.  d'O,  on  voit  qu'il  auroit  perdu,  sous 
un  roi  grand,  à  changer  ses  entrées  contre  les  grandes,  et  que,  comme 
tous  ceux  qui  avoient  des  entrées  chez  le  feu  roi  les  conservoient  de 
droit  chez  son  successeur,  ce  fut  une  justice  de  donner  les  grandes  à 
d'O,  quoiqu'il  ne  les  eût  pas  chez  le  feu  roi. 

173.  Les  domestiques  des  princes  du  sang  nentrenl  point 

dans  les  carrosses  du  Roi. 

(Page   204.) 

îi  février  1687.  —  Madame  la  Princesse  à  Marly  sans  dame  d'hon- 
1.  Voyez  ci-après  l'appendice  XVII. 


366  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

neur,  sa  belle-fille  et  Mme  la  princesse  de  Conti  lille  du  Roi  ayant  les 
leurs,  mais  par  grâce,  non  de  droit,  et  grâce  à  elles  seules',  Mme  de 
Langeron,  étant  à  Mme'^  de  Guise,  mangea  à  table  et  entra  dans  les  car- 
rosses, et  la  même  perdit  l'un  et  l'autre  étant  à  Madame  la  Princesse. 
Mme  de  Lussan,  dont  le  mari  étoit  cbevalier  de  l'Ordre,  ne  put  avoir  ces 
honneurs  par  la  même  raison,  cl  les  avoit  eus  d'elle-même.  Non  seulement 
Monsieur  le  Prince  et  M.  le  prince  de  Conti,  son  gendre,  n'ont  jamais 
mené  à  Marly  que  leurs  valets,  comme  tout  autre  courtisan  ;  mais  Mon- 
sieur le  Duc,  gendre  du  Roi,  n'y  en  a  pu  mener  d'autres,  tandis  que  MM.  du 
Maine  et  de  Toulouse  y  ont  toujours  mené,  l'un  Chambonas,  son  capitaine 
des  gardes,  l'autre  Hautefort,  son  écuyer,  sans  compter  Montchevreuil 
et  d'O,  qui  avoient  été  leurs  gouverneurs,  et  dont  on  menoit  les  femmes. 
Bien  plus,  Monseigneur  revenant  un  jour  de  la  chasse  de  fort  loin,  son 
carrosse  rompit  ;  il  n'avoit  avec  lui  que  M.  le  prince  de  Conti  et  Sainte- 
Maure.  Le  carrosse  de  Monsieur  le  Duc  se  trouva  à  portée,  qui  l'atten- 
doitjdans  lequel  étoient  Xaintrailles,  son  premier  écuyer,  et  Sillery,  qui 
l'étoit  de  M.  le  prince  de  Conti,  tous  deux  gens  considérés,  et  le  dernier 
cousin  germain  de  M.  de  la  Rochefoucauld  et  frère  de  Puysieulx  mort 
chevalier  de  l'Ordre.  Ils  mirent  tous  deux  pied  à  terre,  et,  quoique  le 
carrosse  fût  aisément  pour  six.  Monseigneur  y  monta  avec  M.  le  prince 
de  Conti  et  Sainte-Maure,  et  les  laissa,  sans  leur  rien  dire,  sinon  qu'il 
étoit  fâché  de  les  laisser  sur  le  chemin;  et  ils  l'achevèrent  jusqu'à  Ver- 
sailles sur  les  chevaux  dételés  du  carrosse  de  Monseigneur.  Le  soir. 
Monseigneur,  fâché  pourtant  de  l'aventure,  la  conta  au  Roi,  qui,  d'un 
ton  sec  et  décidé  :  «  Je  le  crois  bien,  dit-il;  faire  monter  avec  vous  des 
domestiques  de  prince  du  sang,  ce  seroit  une  belle  chose;  ou  que  même, 
sans  vous,  ils  montassent  dans  votre  carrosse  !  » 

176.  Les  dames  dlionneur  des  princesses  du  sang  n'ont  droit 

ni  aux  carrosses  ni  à  la  table. 

(Page  208.) 

13  avril  1688.  —  Être  dame  d'honneur  d'une  princesse  du  sang  ferme 
l'entrée  du  carrosse  et  à  la  table,  quand  cette  dame  d'honneur  seroit 
de  qualité  à  y  entrer  par  elle-même,  comme  on  l'a  déjà  vu  et  comme  on 
le  verra  plus  bas',  et  on  voit  que  l'auteur  des  Mémoires  ajoute  cela  et 
le  coule  au  plus  doucement  qu'il  peut,  mais  non  pas  selon  la  vérité. 

177.  Mme  de  Poigny  et  la  charge  de  dame  d'honneur 

de  la  princesse  de  Conti. 

(Page  208.) 

19  jum  1688.  —  On  voit  que  M.   de  Dangeau  coule  doucement  la 

1.  Il  n'y  a  point  de  ponctuation  dans  le  manuscrit. 

2.  Dans  le  manuscrit,  M. 

3.  Ci-dessous,  Addition  177,  19  juin  1688. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  367 

déclaration  du  Roi  sur  les  dames  d'honneur  des  princesses  du  sang'. 
Mme  de  Poigny  étoit  sœur  de  MM.  de  Chàtillon,  et  on  croira  difficile- 
ment que  cette  naissance  exclût  de  l'entrée  des  carrosses  et  de  la 
table,  ou  eût  besoin  d'aide  à  y  être  admise;  et,  quoique  la  maison 
d'Angennes,  dont  étoit  son  mari,  ne  fût  pas  égale  à  la  sienne,  on  ne 
présumera  pas  non  plus  qu'elle  fût  obstacle  à  un  honneur  que  tant  de 
personnes  de  cette  maison  ont  toujours  eu  de  plein  droit,  et  où  l'on 
compte  tant  de  gouverneurs  de  provinces,  de  charges,  de  colliers  du 
Saint-Esprit,  de  grandes  alliances  et  d'illustrations  de  toutes  sortes.  Il 
faut  donc  en  revenir  que,  si  la  déclaration  du  Roi  sur  l'exclusion  de  la 
dame  d'honneur  de  Mme  la  princesse  de  Conti  fille  de  Monsieur  le 
Prince  a  empêché  Mme  de  Poigny  de  l'être,  c'est  qu'elle  n'a  pas  voulu 
perdre  par  ce  titre  ce  qu'elle  avoit  de  plein  droit  par  elle-même, 
comme  il  arriva  à  Mme  de  Lussan,  dame  d'honneur  de  Madame  la  Prin- 
cesse, et  dont  le  mari  étoit  à  Monsieur  le  Prince,  mais  chevalier  de 
l'Ordre. 

178.  Privilège  des  dames  et  filles  dlionncur  de  la  princesse  de  Coati. 
(Page  208.) 

14  mars  1701.  —  On  a  vu  ci-devant  les  dames  d'honneur  de  Madame 
la  Duchesse  et  de  Mme  la  princesse  de  Conti  manger  avec  Mme  la 
duchesse  de  Bourgogne  sans  que  les  dames  d'honneur  des  autres 
princesses  du  sang  y  fussent  admises,  et  cela  par  grâce  que  le  Roi  fit 
à  ses  filles.  Les  filles  d'honneur  de  Mme  la  princesse  de  Conti  y  man- 
gèrent après;  et,  sur  cet  exemple,  cette  nouvelle  fille  d'honneur-  de 
Madame  la  Duchesse  y  mange  de  même. 

179.  Mme  de  Maintenon  et  ses  débuts  à  la  cour. 
(Page  217  3.) 

30  mai  1684.  —  Mme  de  Maintenon,  dont  l'histoire  sera  trop  célèbre 
pour  en  rien  dire  ici*,  trouva  premièrement  sa  subsistance,  puis  sa 
fortune,  chez  le  maréchal  d'Albret,  et  ne  l'oublia  jamais.  Veuve  du  rare 
Scarron,  et  par  lui  fort  connue  dans  le  grand  monde,  tombée  dans 
l'indigence  jusqu'à  recevoir  les  aumônes  de  sa  paroisse,  belle,  encore 
plus  agréable,  et  peu  cruelle,  avec  un  esprit  aimable  et  amusant  au  der- 
nier point,  elle  fut  introduite  chez  le  maréchal  d'Albret,  qui  en  devint 
amoureux  et  en  prit  soin.  Là  elle  fit  connoissance  avec  sa  famille  et  ses 
amis,  qui  sont  toujours  depuis  demeurés  les  siens.  C'est  ce  qui  fit 
Mme  de  Richelieu  dame  d'honneur  de  la  Reine,  puis,  par  confiance,  de 

1.  Le  Roi  venait  de  déclarer  que  la  dame  d'honneur  de  la  jeune  princesse 
de  Conti  n'entrerait  pas  dans  les  carrosses  de  la  Dauphine. 

2.  Mlle  de  l'Aigle,  dont  parle  Dangeau. 

3.  Voyez  ci-après  l'appendice  XX. 

4.  Ce  membre  de  phrase  a  été  bifFé,  mais  postérieurement. 


368  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

Madame  la  Dauphine,  et  ce  qui  a  servi  à  bien  d'autres.  La  mère  du  ma- 
réchal d'Albret  étoit  Gondrin  de  Pardaillan.  tante  paternelle  de  M.  de 
Montespan,  qui  ne  bougeoit  de  l'hôtel  d'Albret,  et  ce  fut  oià  Mme  de 
Montespan  connut  Mme  Scarron,  et  d'où  elle  la  fit  depuis  gouvernante  des 
enfants  qu'elle  eut  du  Roi  et  dame  de  Maintenon',  et  par  qui  enfin  elle 
fut  supplantée. 

180.  La  première  duchesse  de  Richelieu. 
(Page  221.) 

29  mai  1684.  —  Mme  de  Richelieu  étoit  Anne  Poussart,  fille  du 
sieur  de  Fors  et  d'Anne  de  Neubourg,  et  qu'on  appeloit  M.  et  Mme  du 
Vigean.  Elle  étoit  veuve,  en  1648,  de  M.  d'Albret,  cousin  germain  du 
maréchal  d'Albret,  desquels  le  trisaïeul  étoit  bâtard  d'Albret.  Anne 
Poussart  en  eut  un  fils  unique,  tué  en  1678,  en  Picardie,  sans  postérité 
de  la  fille  unique  du  maréchal  d'Albret,  qui  fut  dame  du  palais  de  la 
Reine,  se  remaria  en  1683-  à  Charles  de  Lorraine,  comte  de  Marsan, 
à  qui  elle  donna  tout  son  bien,  et  mourut  peu  heureuse  en  i69"2,  à 
quarante-deux  ans,  sans  enfants,  et  avoit  quitté  la  Reine  en  se  rema- 
riant. Anne  Poussart,  sa  mère,  étoit  fille  de  gens  tout  à  Monsieur  le 
Prince,  dont  l'amour  pour  Mlle  du  Vigean  fut  célèbre  au  point  d'en  faire 
craindre  le  mariage,  et  plus  célèbre  par  sa  fuite  subite,  qu'on  attribua 
assez  étrangement  à  une  blessure  qui  lui  fit  perdre  beaucoup  de  sang, 
et  qui  rendit  Mlle  du  Vigean  carmélite.  Celle-ci,  veuve  et  laide,  épousa 
M.  de  Richelieu  le  26  de  septembre  1649,  par  une  sorte  d'enlèvement 
qu'on  fit  de  lui  à  Trie,  chez  Mme  de  Longueville,  dont  le  fruit  fut  qu'il 
livra  aux  Princes  le  Havre-de-Gràce,  qu'il  déroba  à  sa  tante,  la  fameuse 
Combalet,  duchesse  d'Aiguillon;  et  ce  point  d'histoire  en  est  un  consi- 
dérable dans  les  troubles  de  la  Régence.  Mme  de  Richelieu  ne  laissa 
point  d'enfants. 

181.  M.  de  Brionne  et  ses  prétentions  à  la  qualification 

d'Altesse  Royale. 

(Page  -269\) 

24  octobre  1696.  —  Le  comte  deRrionne,  grand  écuyer  et  chevalier  du 
Saint-Esprit,  gouverneur  de  province,  sujet  du  Roi,  sans  un  pouce  de 
terre  hors  de  France,  ni  lui  ni  sa  branche,  et  chargé  par  le  Roi  de  rece- 
voir en  sou  nom  la  Princesse,  pouvoit-il,  de  son  chef,  avoir  un  autre 
cérémonial  que  le  Roi  et  refuser  ï Altesse  Royale  à  M.  de  Savoie,  à 
qui  le  Roi  le  donnoit  sans  difficulté  depuis  longtemps,  et  dans  un  acte 
fait  pour  et  au  nom  du  Roi  ?  On  sent  bien  qu'il  y  a  là  quelque  chose 

1.  Ici  a  été  bifl'ée,  postérieurement  sans  doute,  l'abréviation  etc.    \ 

2.  Ce  mariage  fut  célébré  le  22  décembre  1682;  la  date  de  mars  t6è3  est 
donnée  à  tort  par  le  Morcri. 

3.  Voyez  ci-après  l'appendice  XXIV. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  369 

de  plus  ou  de  moins,  et  cette  chose  étoit  l'Altesse  que  le  comte  de 
Brionne  vouloit  accrocher  pour  soi. 

182.  Cérémo7iial  pour  la  réception  de  la  princesse  de  Savoie. 
(Page  2-0.) 

16  octobre  1696.  —  On  ne  sait  pourquoi  les  Mémoires  omettent  deux 
choses  très  publiques  :  l'une,  que  le  rang  absolu  de  duchesse  de  Bour- 
gogne fut  donné  à  la  Princesse  par  l'impossibilité  de  lui  en  donner  aucun 
avec  Madame,  avec  les  princesses  du  sang,  ni  même  avec  les  duchesses, 
qui  pût  s'ajuster  avec  ce  qu'elle  étoit  et  avec  ce  qu'elle  devoit  être  ;  la 
duchesse  du  Lude  ne  lui  cédoit  même  que  par  cette  dernière  considéra- 
tion, et  avoit  ordre  de  prendre  un  fauteuil  devant  elle  et  de  faire  asseoir 
les  dames  sur  des  tabourets  ;  chose  encore  difficile  de  fairç  traiter  cette 
princesse  par  elle-même  comme  les  pnncesses  du  sang  ;  et  ce  fut  tout 
cela  qui  fit  raviser  le  Roi  et  consentir  Monsieur  au  rang  plein  et  entier 
de  duchesse  de  Bourgogne,  qui,  bien  que  sans  fondement  et  prématuré, 
n'étoit  pas  sans  décence  et  coupoit  court  à  tout. 

L'autre  chose,  qui,  à  la  vérité,  n'est  pas  omise,  mais  plus  qu'adou- 
cie, est  que  le  comte  de  Brionne,  qui  devoit  recevoir  la  Princesse  de  la 
part  du  Roi,  des  mains  du  marquis  de  Dronero,  de  la  part  de  M.  de 
Savoie,  ne  voulut  point  que  ce  prince  fût  traité  d'Altesse  Royale,  si  lui- 
même  ne  l'étoit  d'Altesse  par  le  même  instrument.  La  dispute  fut  cause 
du  séjour  du  lendemain  de  l'arrivée  de  la  Princesse  au  Pont-de-Beau- 
voisin;  et,  comme  le  comte  de  Brionne  ne  voulut  jamais  le  passer  autre- 
ment, quoi  qu'on  lui  pût  dire  des  deux  côtés,  Dronero',  plus  sage,  ôta 
toute  Altesse,  puis  évita  de  nommer  M.  de  Savoie.  Le  Roi  en  fut  extrê- 
mement choqué  quand  il  l'apprit,  et  M.  de  Savoie  très  offensé;  mais 
l'affaire  étoit  faite.  11  ne  tint  pas  au  prince  de  Rohan  d'en  faire  autant 
en  recevant  l'Infante*;  mais  il  eut  affaire  au  marquis  de  Santa-Cruz, 
grand  d'Espagne  et  majordome-major  de  la  reine  d'Espagne,  qui  fut 
depuis  chevalier  de  la  Toison  d'or  et  du  Saint-Esprit,  de  la  maison  Ba- 
zan-y-Benavidez,  chargé  de  la  remettre,  c'est-à-dire  chargés  tous 
deux,  de  la  part  des  deux  rois,  de  l'échange  des  deux  princesses.  Non 
seulement  Santa-Cruz  rejeta  l'Altesse  avec  grande  hauteur,  que  le  prince 
de  Rohan  vouloit  prendre,  non  seulement  il  rejeta  l'expédient  qui  lui 
fut  proposé  de  la  prendre  également  l'un  et  l'autre,  non  seulement  il 
rejeta  encore  celui  de  n'en  prendre  également  ni  l'un  ni  l'autre  ;  mais  il 
voulut  prendre  l'Excellence,  et  que  le  prince  de  Rohan  la  prît  aussi, 
disant  que  c'étoit  le  titre  propre  des  grands  d'Espagne,  qui  n'admettoient 
Y  Altesse  qu'aux  fils  d'Espagne,  et  que  ce  même  titre  devoit  par  consé- 
quent être  celui  du  prince  de  Rohan,  qui  avoit  l'honneur  d'être  duc- 
pair.  Celui-ci   se  retrancha  à  laisser  prendre  l'Excellence  à  l'autre,  et 

1.  Ici,  Dromero. 

2.  En  n-2'2,  le  9  janvier.  (Mémoires,  tome  XVIII,  p.  237-2il.) 

MÉMOIRES    DE   SAINT-SIMON.    lU  21 


370  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

à  ne  prendre  ni  Altesse  ni  Excellence  pour  soi  ;  mais  Santa-Cruz 
prétendit  qu'il  prît  ['Excellence,  le  traitement  devant  être  de  point  en 
point  égal  et  pareil  entre  eux,  et  s'y  roidit  si  bien,  qu'après  six  jours 
de  négociations  et  de  finesses,  il  en  fallut  passer  par  là. 

183.  Présentations  à  la  princesse  de  Savoie. 
(Page  274.) 

S  novembre  1696.  —  Le  Roi  lui  nomma  les  premiers  d'entre  les 
princes  et  les  princesses  du  sang  ;  puis,  en  s'en  allant,  dit  à  Monsieur 
de  demeurer  à  lui  nommer  tout  le  monde,  et  à  prendre  garde  à  la  faire 
saluer,  c'est-à-dire  baiser,  par  tous  ceux  et  celles  qui  en  ont  le  droit. 
La  foule  fut  telle,  que  chacun  approcha  comme  il  put,  et,  à  mesure  que 
chacun  se  baissoit  pour  baiser  le  bas  de  la  robe.  Monsieur  nommoit;  et, 
si  c'étoit  un  duc  ou  un  prince  ayant  ce  rang,  un  maréchal  de  France, 
ou  leurs  femmes,  Monsieur  la  poussoit  et  ajoutoit  :  «  Baisez.  »  Elle 
étoit  debout,  et  ne  sortit  point  de  sa  place  que  tous  n'eussent  été  ainsi, 
un  à  un,  présentés  par  Monsieur. 

184.  Le  duc  de  Chaulnes;  son  aventure  avec  Harlay-Bonncuil. 
(Page  283.) 

8  septembre  1698. —  M.  de  Chaulnes  étoit  le  second  fils  du  maréchal  de 
Chaidnes,  frère  du  connétable  de  Luynes  et  de  l'héritière  de  Picquigny. 
Il  étoit  abbé  lorsque  son  frère  aîné  mourut,  en  16o3,  qui,  de  la  fille  aînée 
du  premier  maréchal  de  Villeroy,  veuve  sans  enfants  du  comte  de  Tour- 
non,  ne  laissa  qu'une  fille,  qui  épousa  le  frère  aîné  du  dernier  duc  de 
Foix,  et  tous  deux  moururent  tôt  après  sans  enfants,  et  Mme  de  Chaulnes 
se  remaria  par  amour  à  un  M.  d'Hauterive  Vignier,  homme  de  très  peu, 
et  fut  plus  de  vingt  ans  sans  qu'aucun  de  sa  famille  la  voulût  voir,  et 
ne  l'a  même  guère  vue  depuis.  Elle  en  fut,  longtemps  après,  veuve,  sans 
enfants.  L'abbé  de  Chaulnes,  devenu  duc  et  pair,  et  pas  riche,  parce 
que  sa  nièce  de  Foix  avoit  emporté  beaucoup,  qui  lui  revint  après, 
épousa,  en  1665,  Elisabeth  le  Féron,  veuve  de  Saint-Maigrin  Estuert 
et  sœur  utérine  de  ces  MM.  de  la  Frette  •  si  connus  par  leur  célèbre 
duel.  M.  de  Chaulnes  étoit  un  gros  homme  mat,  épais,  tout  d'une  venue, 
plein  de  babines  et  de  bourgeons,  avec  une  vilaine  lippe,  d'où  sortoient 
deux  défenses  qu'elle  ne  pouvoit  contenir,  une  grosse  et  large  gana- 
che, des  jambes  d'éléphant,  tout  engoncé  et  tout  d'une  pièce,  lent  en 
toutes  ses  actions  et  en  sa  parole,  avec  l'air  le  plus  grossier,  le  plus 
pesant,  le  plus  bœuf  qu'on  pût  voir;  et  toujours  magnifique  sur  sa 
personne,  et  l'Ordre  par-dessus.  Cette  hideuse  et  informe  masse  cachoit 
la  plus  belle  âme  et  l'esprit  le  plus  délié,  le  plus  orné,  le  plus  aisé  et  le 

I .  Après  M"  il  y  a  un  blanc,  où  sans  doute  Saint-Simon  voulait  ajouter 
le  nom  patronymique. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.         371 

plus  agréable,  et  infiniment  d'esprit  ' .  Rien  ne  surprenoit  plus  que  ce 
contraste.  Personne  n'eut  plus  de  tour  ni  plus  de  grâce  dans  l'esprit 
et  dans  les  manières,  même  dans  la  galanterie,  et  personne  n'eut,  de  ce 
règne,  un  talent  plus  reconnu  pour  les  négociations,  dont  le  riche  gou- 
vernement de  Bretagne  fut  la  récompense  ;  il  y  fut  adoré.  Il  avoit  été  à 
Rome  dans  toutes  ses  trois  ambassades,  pour  l'élection  de  :  Clément  IX 
(Rospigliosi),  en  1667;  Clément  X  (Altieri),  en  1670,  et  Alexandre  VIII 
(Ottoboni),  en  1689,  qui,  pendant  toute  la  messe  qu'il  célébra  à  son 
couronnement,  l'entretint  toujours  de  dames  de  Rome,  et  d'une  entre 
autres  de  moyenne  vertu,  dont  il  lui  avoit  fait  la  guerre  autrefois.  Il  fut 
aussi  ambassadeur  à  Cologne  pour  la  paix,  en  1673,  dont  les  négocia- 
tions furent  rompues  par  l'enlèvement  de  M.  de  Fiirstenberg,  depuis 
cardinal,  fait  par  ordre  de  l'Empereur.  Il  avoit  quantité  d'amis,  beaucoup 
de  considération  à  la  cour,  et  vivoit  superbement  partout,  mais  royale- 
ment en  Bretagne,  où  il  se  tenoit  bien  plus  qu'ailleurs.  Il  y  fut  horri- 
blement brouillé  avec  Pontchartrain,  premier  président  du  parlement 
de  Bretagne,  et  aux  couteaux  tirés.  Au  plus  fort  de  leurs  démêlés  et  de 
leurs  soins  pour  se  vaincre  l'un  l'autre  à  la  cour,  et  tous  deux  en 
Bretagne,  Harlay,  qui  fut  depuis  plénipotentiaire  à  Ryswyk,  devint 
amoureux  d'une  femme  considérable  de  la  robe  à  Paris,  qui  avoit  été 
fort  bien  avec  Pontchartrain,  et  qui  le  servoit  de  toutes  ses  forces. 
Elle  gagna  Harlay,  qu'elle  fit  secrètement  changer  de  camp,  et  de  qui 
M.  de  Chaulnes,  le  plus  intime  ami  du  chancelier  Boucherat,  son  beau- 
père,  et  de  toute  sa  famille,  n'avoit  pas  le  moindre  soupçon.  Harlay, 
plein  de  découvertes,  arrive  un  jour  de  Versailles  droit  chez  cette 
femme,  écrit  à  Pontchartrain  tout  ce  qu'il  a  appris,  confie  cette  impor- 
tante dépêche  à  cette  femme,  et  s'en  va  ;  on  la  ferme,  et,  par  une  mé- 
prise dont  la  pareille  perdit  d'Avaux  en  Irlande  et  Chamilly  en  Dane- 
mark, le  dessus  y  est  mis  pour  M.  de  Chaulnes.  Si  sa  surprise  fut 
grande  de  voir  Harlay  le  plus  vif  de  ses  ennemis,  le  profit  ne  fut  pas 
moindre  par  tout  ce  que  lui  apprit  ce  paquet.  Harlay,  n'en  recevant 
point  de  réponse,  en  fut  inquiet,  et  en  sut  bientôt  après  le  sort.  Sa 
peine  fut  extrême,  et  plus  encore  dans  la  crainte  d'un  éclat  de  son  beau- 
père,  qu'il  s'atf^ndoit  d'essuyer  à  tous  moments.  Cependant  il  ne  s'aper- 
cevoit  de  rien  ;  mais  ce  fut  bien  pis  au  retour  de  M.  de  Chaulnes.  II 
avoit  accoutumé,  toutes  les  fois  qu'il  arrivoit,  de  donner  bientôt  après 
un  grand  dîner  d'amitié  au  chancelier  Boucherat,  où  il  n'y  avoit  que 
toute  sa  famille  ;  et  Harlay  bien  en  peine  de  la  fête,  s'il  seroit  convié  et 
comment  faire  ;  ou,  s'il  ne  l'étoit  pas,  c'étoit  le  moment  de  l'éclat.  Il 
fut  convié  sans  avoir  été  vu  auparavant.  N'y  pas  aller,  c'étoit  s'avouer 
coupable;  y  allant,  comment  la  soutenir?  Toutefois,  il  y  fut  et  arriva 
des  derniers.  Peu  après  qu'il  fut  entré,  M.  de  Chaulnes  se  tourne  au 
Chancelier,  lui  demanda  (sic)  excuse  s'il  lui  demande  un  moment  avant 

i.  Comparez  le  portrait  déjà  placé  dans  les  Mémoires,  en  1694  (tome  II, 
p.  114-H5). 


372  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

qu'on  serve,  et  la  permission  de  passer  dans  son  cabinet;  puis,  jetant 
un  regard  assené  sur  Harlay,  ajoute  que  c'est  son  jour  d'écrire  en 
Bretagne,  que  ses  lettres  sont  faites,  mais  qu'il  arrive  quelquefois  de  si 
rudes  méprises  aux  dessus  des  lettres,  qu'il  s'est  fait  une  règle  de  les 
voir  toujours  mettre,  pour  en  éviter  les  inconvénients.  Harlay,  tout  en 
sueur,  ne  savoit  oia  se  fourrer,  et  redoutoit  étrangement  le  retour  de 
M.  de  Chaulnes,  qui  venoit  de  lui  mettre  le  doigt  sur  la  lettre.  Mais  quelle 
fut  sa  surprise  lorsqu'on  eut  servi,  et  M.  de  Chaulnes,  revenu  à  la  com- 
pagnie, fit  passer  M.  le  Chancelier,  et,  prenant  après  M.  de  Harlay  par 
la  main,  passa  avec  lui  sans  le  moindre  mésaise,  but  à  sa  santé,  et  en 
usa  comme  s'il  ne  se  fût  rien  passé  entre  eux  !  11  a  dit  souvent  depuis 
qu'il  en  pensa  rentrer  cent  fois  en  terre,  et  que  la  générosité  si  délicate 
de  ce  procédé  lui  avoit  donné  un  remords  et  un  attachement  pour 
M.  de  Chaulnes  qui  ne  s'effaceroit  jamais.  En  effet,  M.  de  Chaulnes 
en  avoit  gardé  le  secret  au  Chancelier,  et  cela  ne  s'est  su  que  par  Harlay 
lui-même,  qui  ne  put  s'en  taire  à  ses  amis.  11  n'en  parla  jamais  pourtant 
à  M.  de  Chaulnes  ;  mais  il  vécut  toujours  depuis  suivant  cette  recon- 
noissance,  et  le  trouva  le  même  qu'autrefois. 

18o,  L'ambassadeur  Callicres. 
(Page  293.) 

S  mars  1717.  —  Callières  s'étoit  élevé  par  son  esprit,  par  son  excel- 
lent sens,  par  un  art  judicieux  de  négocier,  où  il  avoit  toujours  si  par- 
faitement réussi,  que,  des  petits  emplois  au  dehors,  il  mérita  toute  la 
confiance  du  feu  roi,  avec  qui  il  eut  beaucoup  de  rapports  directs,  qui 
n'altérèrent  jamais  sa  modestie,  non  plus  que  ses  négociations  conti- 
nuelles n'altérèrent  son  secret,  sa  probité,  sa  fidélité.  11  fut  longtemps 
caché  en  Hollande  à  traiter  la  paix  de  Ryswyk,  qu'il  fit  seul,  dont,  en 
récompense,  il  fut  le  troisième  ambassadeur  plénipotentiaire,  et  que 
M.  de  Harlay,  qui  en  fut  le  premier,  gâta  essentiellement,  malgré  lui,  par 
ses  imprudences  et  sa  précipitation.  Callières  parut  ensuite  à  la  cour, 
qu'il  ne  quitta  plus  pour  la  fonction  de  sa  charge,  qui,  pour  le  dire  en 
passant,  est  d'être  superlativement  faussaire,  puisqu'elle  consiste  à 
faire  et  à  écrire  les  lettres  de  la  main,  et,  pour  cela,  à  contrefaire  si  par- 
faitement l'écriture  du  Roi,  qu'on  ne  puisse  pas  la  distinguer  de  son 
imitation  :  c'est  dont  cette  place  oblige  à  faire  une  véritable  étude, 
d'autant  plus  nécessaire  que  le  Roi  signe  ces  lettres  de  sa  main,  à  la 
différence  de  celles  qui  passent  parles  secrétaires  d'État,  où  la  signature 
est  mise  par  les  commis,  et  ne  valent  que  par  celle  du  secrétaire  d'État, 
qui  l'y  met  lui-même.  On  ne  trouva  pas  que  Callières  eût  dégénéré  du 
vieux  Rose,  son  prédécesseur,  oui  étoit  l'homme  du  monde  qui  faisoit 
parler  le  Roi  le  plus  dignement  et  avec  le  plus  de  justesse  suivant  les 
choses  et  les  personnes.  L'habitude  de  presque  toute  la  vie  de  Callières, 
passée  en  pays  étrangers,  lui  avoit  donné  un  air  et  des  manières  étran- 
gères, qui  le  rendoient  désagréable;  mais,  pour  peu  qu'il  fût  approfondi, 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  373 

on  l'aimoit,  on  l'estiraoit,  on  se  plaisoit  avec  lui,  et  on  y  apprenoit 
beaucoup,  sans  qu'il  songeât  même  à  instruire.  Il  eut  des  amis  et  de  la 
considération  ;  sa  vie  fut  toujours  unie  et  sobre,  réfléchie,  chrétienne, 
et  la  tin  très  pieuse,  et  son  testament  fort  sage.  Ce  fut  une  perte  pour 
les  ministres  et  pour  ses  amis.  Il  avoit  eu  un  frère,  mort  gouverneur 
général  de  Canada,  qui  étoit  craint,  aimé  et  estimé,  et  qui  ne  s'étoit 
point  marié. 

186.  Le  prince  Auguste  de  Saxe. 
(Page  305,  note  7.) 

\o  janvier  1686.  —  Ce  prince  électoral  de  Saxe  a  depuis  été  roi  de 
Pologne. 

187.  La  marquise  de  Bélhune,  femme  de  l'ambassadeur. 
(Page  310.) 

13  décembre  1684.  —  Mme  de  Béthune  étoit  dame  d'atour  de  la 
Reine  et  fort  bien  avec  elle,  sœur  du  duc  de  Saint-Aignan  et  mère  de 
M.  de  Béthune  mari  de  Mlle  d'Arquien,  sœur  de  la  reine  de  Pologne 
épouse  du  célèbre  Jean  Sobieski. 

188.  Mme  de  Béthune,  et  ses  prétentions  comme  dame  d'atour. 
(Page  310.) 

49  décembre  1696.  —  Jamais  dame  d'atour  ne  prétendit  à  saluer  les 
filles  de  France.  La  dame  d'atour  de  la  Reine  a  un  carreau  à  sa  toilette 
et  aux  audiences,  comme  en  ont  les  femmes  des  maréchaux  de  France 
et  celle  du  chevalier  d'honneur  de  la  Reine,  et  elles  s'assoient  dessus, 
si  elles  veulent;  mais  il  est  rare  qu'elles  le  prennent.  Elles  préfèrent 
d'être  debout  à  s'asseoir  si  bas  tandis  que  les  duchesses  et  les  prin- 
cesses sont  assises  sur  des  ployants  ou  des  tabourets  ;  car  il  n'y  a  point 
de  différence  pour  ces  deux  sortes  de  sièges  sans  dos  ni  bras.  Le 
carrosse  de  la  dame  d'atour  et  celui  du  chevalier  d'honneur  entrent 
dans  la  cour,  comme  ceux  qui  ont  les  honneurs  du  Louvre  ;  mais  ils 
n'ont  rien  de  plus,  point  de  carreaux  même  à  la  chapelle,  comme  en 
ont  les  duchesses  et  les  princesses,  les  princes  et  les  ducs.  Mme  de  Bé- 
thune crut  tirer  parti  de  la  Pologne  et  faire  de  cela  et  de  sa  charge 
d'autrefois  quelque  chose  qui  imposeroit,  mais  qui  n'imposa  point  :  elle 
baisa,  comme  toutes  les  autres  dames  non  titrées,  le  bas  de  la  robe  de 
la  Princesse,  et  ne  la  salua  point,  c'est-à-dire  baiser  ou  en  être  baisée, 
honneur  qu'ont  les  maréchaux  de  France,  comme  officiers  de  la  cou- 
ronne, et  leurs  femmes,  ainsi  que  les  ducs  et  les  princes  et  leurs  femmes. 


374  ADDITIONS  DE  SAINT-SIMON 

189.  Disgrâce  de  Mme  de  Saint-Géran. 
(Page  319*.) 

25  octobre  1696.  —  Mme  de  Saint-Géran,  veuve  du  chevalier  de 
l'Ordre,  avec  une  fille  unique  qui  s'est  depuis  faite  religieuse,  avoit  été 
dame  du  palais  de  la  Reine,  toujours  toute  de  la  cour,  et  fort  du  grand 
monde  et  de  la  meilleure  compagnie.  Madame  la  Duchesse  avoit  fait  des 
parties  qui  avoient  déplu  ;  elle  et  ses  amies  avoient  été  menacées  :  elle 
hasarda  cependant,  immédiatement  devant  Fontainebleau,  un  souper  à 
sa  petite  maison  du  Désert,  dans  le  parc  de  Versailles.  Mme  de  Saint- 
Géran  en  fut,  et  l'orage  tomba  sur  elle.  Elle  choisit  Rouen  et  le  couvent 
de  Bellefonds,  où  elle  eut  loisir  de  s'ennuyer.  C'étoit  une  fille  de  qualité 
de  Normandie,  dont  l'oncle  paternel,  qui  s'appeloit  M.  de  Blainville, 
mourut  en  1628,  sans  enfants,  chevalier  du  Saint-Esprit  de  1619  et 
premier  gentilhomme  de  la  chambre  de  Louis  XIII,  qui  donna  cette 
charge  à  M.  de  Saint-Simon,  déjà  premier  écuyer,  qui  fut  depuis  duc 
et  pair.  Ce  M.  de  Blainville  s'appeloit  Warignies,  étoit  aussi  maître  de  la 
garde-robe  du  Roi,  et  avoit  été  ambassadeur  en  Angleterre.  Son  frère, 
qui  s'appeloit  Mon tfréville,  étoit  resté  dans  sa  province. 

190.  Le  marquis  de  Castries,  neveu  du  cardinal  de  Bonsy. 
(Page  329.) 

18  mars  1689.  —  Castries  étoit  fils  d'une  sœur  du  cardinal  Bonsy, 
qui  éleva  fort  son  beau-frère  en  emplois  en  Languedoc  et  le  fit  faire 
chevalier  de  l'Ordre  en  1661.  Celui-ci  étoit  un  des  plus  braves,  des  plus 
honnêtes  et  des  plus  galants  hommes  de  France,  qu'un  asthme  excessif, 
dès  sa  jeunesse,  mit  hors  d'état  d'aller  au  plus  grand  par  son  mérite  et 
sa  volonté  à  la  guerre.  Il  se  retrouvera  dans  ces  Mémoires,  attaché  à  la 
cour,  oii,  dans  un  état  médiocre  et  sans  nul  crédit,  il  s'acquit  les  plus 
honnêtes  gens  pour  amis,  la  recherche  de  la  meilleure  compagnie,  et 
une  considération  peu  commune,  qui  lui  a  duré  jusqu'à  sa  mort,  en  1729. 
Il  s'étoit  remarié,  après  avoir  perdu  toute  sa  famille,  à  une  fille  du  duc 
deLevis,  dont  il  laissa  des  enfants,  et  sa  femme  mourut  en  moins  d'un 
an  après  lui.  Son  frère,  aussi  aimé  qu'aimable  et  très  honnête  homme, 
devint,  pendant  la  régence  de  M.  le  duc  d'Orléans,  archevêque  d'Albi, 
où  il  est  confiné  au  soin  de  son  diocèse,  dont  il  ftiit  les  délices,  et  à 
l'éducation  de  ses  neveux,  à  l'aîné  desquels  on  conserva  le  gouverne- 
ment de  Montpellier. 

191  et  192.  Mme  de  Jussac  et  ses  filles. 
(Page  334.) 

15  février  1692.  —  Mme  de  Jussac,  demoiselle  de  bon  lieu  par  elle 
et  par  son  mari,  avoit  été  plusieurs  années   à  la  duchesse  de  Saint- 

J .  Voyez  ci-après  l'appendîcc  V. 


AU  JOURNAL  DE  DANGEAU.  375 

Simon,  puis  à  la  duchesse  de  Brissac,  sa  fille.  Mme  de  Montespan  la  prit 
en  grande  amitié  et  la  mit  auprès  de  Mlle  de  Blois,  et  son  mari  auprès  de 
M.  du  Maine,  où  il  fut  tué  à  Fleurus.  Mme  de  Jussac,  ne  pouvant  avoir 
de  place  auprès  de  la  future  duchesse  d'Orléans,  y  demeura  jusqu'à  sa 
mort,  longues  années,  sans  titre,  mais  dans  l'intimité.  C'étoit  une  femme 
d'esprit,  encore  plus  de  grand  sens,  et  de  grande  et  solide  vertu  en 
tout  temps,  mais  d'une  vertu  aimable  et  d'une  humeur  charmante,  avec 
une  grande  connoissance  du  monde  et  beaucoup  d'amis;  une  femme 
considérée  et  estimée  partout,  et  partout  extrêmement  à  sa  place.  Il  ne 
lui  resta  que  deux  filles,  toutes  deux  à  Mme  la  duchesse  d'Orléans,  qui 
ont  épousé  chacune  un  frère  du  bailli  de  Conflans.  Ces  dernières  sont 
trop  de  ce  temps-ci  pour  avoir  à  en  parler. 

16  janvier  1697.  —  Mme  de  Jussac  étoit  une  femme  d'un  mérite 
accompli,  mais  d'un  mérite  aimable,  d'une  grande  vertu,  mais  d'une 
grande  connoissance  du  monde,  d'esprit,  mais  encore  plus  de  sens,  qui 
s'étoit  fait  beaucoup  d'amis  et  de  la  considération,  mais  qui  ne  s'en 
faisoit  en  rien  accroire.  Elle  avoit  été  longtemps  à  la  première  femme 
du  duc  de  Saint-Simon,  et,  par  confiance,  après  ils  la  mirent  auprès  de 
leur  fille  la  duchesse  de  Brissac.  Mme  de  Montespan  l'approcha  d'elle, 
lui  confia  Mlle  de  Blois,  qui  épousa  M.  de  Chartres,  et  elle  eut  toujours 
la  confiance  de  la  mère  et  de  la  fille,  et  fut  leur  lien,  sans  approuver 
toutefois  aveuglément  tout  ce  qu'elles  faisoient.  Personne  ni  meilleure, 
ni  plus  douce,  ni  plus  avisée,  ni  plus  en  sa  place.  Le  croiroit-on?  ce  fut 
par  le  mariage  de  ses  deux  filles  à  deux  frères,  MM.  d'Armentières  et 
de  Conflans,  que  cette  ancienne  maison  sortit  de  la  poussière  où  une 
longue  indigence  l'avoit  réduite.  Elle  eut  un  fils,  qui  ne  vécut  pas,  et 
son  mari  fut  tué  à  Fleurus,  écuyer  de  M.  du  Maine. 


APPENDICE 


SECONDE    PARTIE 


LA  SUCCESSION  DU  DERNIER  LONGUEVILLE». 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon^.) 

«  Jean-Louis-Charles',  duc  de  Longueville,  montra  de  bonne  heure 
une  foiblesse  d'esprit,  qui,  aisément  tournée  en  dévotion,  se  laissa  aller 
de  même  à  ce  que  ses  parents  en  désirèrent.  Ils  l'envoyèrent  à  Rome, 
et  il  fit  un  testament  au  profit  Je  sa  sœur  en  cas  que  son  frère  vînt  à 
mourir  sans  enfants.  Arrivé  à  Rome,  il  entra  au  collège  chez  les  Jé- 
suites, en  novembre  1666,  et  il  avoit  vingt  ans.  Ces  Pères,  quoique 
témoins  de  son  imbécillité,  et  peut-être  de  plus,  l'induisirent  à  se  faire 
prêtre  et  à  faire  une  démission  générale  de  ses  biens  et  de  sa  dignité 
à  son  frère  :  ce  qu'il  exécuta*;  et  le  pape  Clément  IX  (Rospigliosi),  ou 
trompé,  ou  aveuglé,  l'ordonna  prêtre  lui-même  en  1669,  à  vingt-trois 
ans.  Après  cette  assurance  contre  tout  mariage,  on  le  fit  revenir  en 
France  en  différentes  retraites,  l'aliénation  de  son  esprit  le  mettant 
hors  d'état  de  se  montrer.  Il  fit  alors  un  autre  testament  en  faveur  de 
la  branche  de  Conti,  qui  annuloit  le  premier.  Après  quoi,  il  fut  juridi- 
quement interdit,  et  Monsieur  le  Prince  commis,  avec  Mme  sa  mère, 
sœur  de  Monsieur  le  Prince,  à  l'administration  de  sa  personne  et  de  ses 
biens  ;  Monsieur  le  Prince,  son  fils  et  le  dernier,  succéda  à  cette  admi- 
nistration dans  la  suite  :  ce  qui  ne  fut  pas  sans  difficulté  de  la  part  de 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  5-7. 

2.  Extrait  des  Notes  sur  tous  les  Duchés  vérifiés  sans  pairie  depuis  Van 
1500,  article  Longceville,  vol.  58,  des  Papiers  de  Saint-Simon  conservés  au 
Dépôt  des  affaires  étrangères,  fol.  154. 

3.  La  plupart  du  temps,  Saint-Simon  ne  donne  que  les  initiales  des  pré- 
noms ;  mais  nous  croyons  nécessaire  de  les  rétablir  en  entier. 

A.  Il  prit  l'habit  long  le  27  novembre  1666  (Gazette,  p.  1314),  quitta  Rome 
au  mois  de  février  suivant,  et  remit  la  principauté  de  Neufchâtel  à  son 
frère  le  comte  de  Saint-Pol,  le  23  mars  1668  {Gazette,  p.  357). 


LA  SUCCESSION  DU  DERNIER  LONGUEVILLE.      377 

Mme  de  Nemours  et  de  quelques  parents  qui  la  soutenoient.  Enfin 
M.  de  Longueville  fut  mis  dans  l'abbaye  de  Saint-Georges,  de  Béné- 
dictins réformés  de  Saint-Maur,  à  quelques  lieues  de  Rouen.  Il  y  est 
demeuré  plusieurs  *  années,  et  il  y  est  mort,  le  dernier  de  sa  maison, 
4  février  1694,  à  quarante-huit  ans. 

«  Cette  mort  émut  un  grand  procès  pour  une  succession  si  riche  et 
si  vaste.  Mme  de  Nemours  alléguoit  sa  qualité  de  sœur  et  le  premier 
testament  ;  elle  ajoutoit  les  raisons  de  démence.  M.  le  prince  de  Conti 
se  fondoit  sur  le  second  testament  et  sur  l'ordination  faite  par  le  Pape, 
pour  en  prouver  la  validité  contre  le  reproche  de  démence,  qu'il  soute- 
noit  n'avoir  pas  été  dès  lors.  Un  prince  du  sang,  en  tout  le  Germanicus 
de  son  siècle  et  cru  pauvre  avec  plus  de  quatre  cent  mille  livres  de 
rente,  eut  beau  jeu  contre  une  vieille  veuve,  sans  enfants  et  sans 
parents  qu'éloignés,  la  dernière  de  sa  race,  extraordinaire  avec  beau- 
coup d'esprit,  et  aussi  riche  d'elle-même  que  M.  le  prince  de  Conti.  Le 
public  et  les  conclusions  de  M.  l'avocat  général  Daguesseau,  longtemps 
depuis  chancelier  de  France,  furent  en  tout  favorables  à  M.  le  prince 
de  Conti.  L'arrêt  y  fut  conforme,  sans  le  dégoût  et  les  longueurs  de 
l'appointement.  Mme  de  Nemours  cria  les  hauts  cris,  et,  dans  sa  colère, 
dit  bien  des  choses  fortes,  justes,  et  avec  cela  très  plaisantes  ;  mais  la 
succession  demeura  à  M.  le  prince  de  Conti.  Pour  Neufchàtel,  ses 
annexes  et  dépendances,  que  des  arrêts  ne  pouvoient  adjuger,  M.  de 
Brandebourg,  qui  se  déclara  roi  de  Prusse,  l'eut  par  le  droit  du  plus 
fort,  et  tant  de  prétendants  n'eurent  que  la  peine  du  voyage.  » 


1.  Saint-Simon  a  écrit  plusieures  :  voyez  ci-dessus,  p.  247, 


note 


378 


APPENDICE   11. 


II 

LE  MARÉCHAL  DU  PLESSIS,  SA  FEMME  ET  SES  ENFANTS' 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon  2.) 


«  César  de  Choiseul,  comte  puis 
maréchal  du  Plessis,  enfin  fait  duc 
et  pair  de  France,  servit  à  la  tète 
d'un  régiment  d'infanterie  en  tous 
les  sièges  et  les  combats  de  la 
guerre  des  huguenots,  après  avoir 
été  élevé  enfant  d'honneur  auprès 
de  Louis  XIII,  qu'il  accompagna  au 
fameux  Pas-de-Suse,  et  qu'il  ser- 
vit après  en  Italie  jusqu'à  la  paix 
de  Quierascq^,  pour  laquelle  il  fut 
envoyé  extraordinaire  auprès  des 
princes  d'Italie,  puis  ambassadeur 
à  Turin  pendant  trois  ans.  La  ré- 
gence de  Mme  de  Savoie,  sœur 
de  Louis  XIII,  se  trouvant  inquiétée, 
puis  rudement  attaquée  par  ses 
beaux-frères  et  par  les  Espagnols, 
le  comte  du  Plessis  se  distingua  in- 
finiment dans  cette  guerre,  avec 
M.  de  Turenne,  sous  le  comte  d'Har- 
court,  à  la  gloire  duquel  ils  eurent 
la  principale  part,  et  le  comte  du 
Plessis,  qui  l'eut  entière  à  la  fa- 
meuse prise  de  Turin  (11  juil- 
let 1640),  en  fut  fait  gouverneur. 
Il  fit,  les  années  suivantes,  divers 
exploits  en  chef,  fit  lever  plusieurs 
sièges  et  prit  plusieurs  places. 


«  Colombe  le  Charron,  fille  du 
sieur  de  Saint-Ange,  dame  d'hon- 
neur de  Madame*,  morte  d'apoplexie 
à  soixante-dix-huit  ans,  26  jan- 
vier 1681.  Seroit-il  permis  de  dire 
une  sottise  parmi  des  curiosités  sé- 
rieuses? Marly  ramena  la  mémoire 
de  la  maréchale  du  Plessis.  Elle 
n'cloit  pas  belle  ;  le  maréchal  vivoit 
fort  bien  avec  elle,  mais  on  préten- 
doit  qu'il  n'étoit  pas  aussi  souvent 
son  mari  qu'elle  l'auroit  désiré,  et, 
comme  les  dames  qui  vouloient 
aller  à  Marly,  par  la  coutume  que 
Louis  XIV  avoit  établie,  ne  deman- 
doient  point,  comme  faisoient  les 
hommes,  mais  se  présentoient  seu- 
lement pendant  et  après  son  sou- 
per, celles  qui  n'y  avoient  pas 
pu  trouver  place  la  surveille  du 
voyage,  cela  s'appeloit  se  présen- 
ter pour  Marly  ;  et,  comme  il 
s'en  falloit  toujours  beaucoup  que 
toutes  celles  qui  s'y  étoient  pré- 
sentées fussent  menées,  on  plai- 
santoit  quelquefois  les  éconduites, 
en  leur  disant  qu'elles  s'étoient  pré- 
sentées «  comme  la  maréchale  du 
«  Plessis.  » 


1.  Voyez  ci-dessus,  p.  11-13. 

2.  Extrait  des  f^otes  sur  les  Duchés  et  comtés-pairies  éteints,  article  Polisy 
dit  Choiseul,  vol.  58  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  133  v". 

3.  Cherasco,  près  du  confluent  du  Tanaro  et  de  la  Stura. 

A.  Ces  deux  derniers  mots  sont  corrigés  ;  il  semble  qu'il  faille  lire  «  des 
Madame.  »  En  effet  (voyez  plus  loin  l'article  de  la  comtesse  du  Plessis, 
p.  379,  2=  colonne),  la  maréchale  et  sa  belle-fille  servirent  successivement 
les  deux  femmes  de  Monsieur. 


LE  MARÉCHAL  DU  PLESSIS,  SA  FEMME,  ETC.     379 

«  En  1645*,  il  fut  envoyé  en  Catalogne,  où  il  emporta  Roses,  et,  le 
20  juin  de  la  même  année,  fut  fait  maréchal  de  France,  à  quarante- 
huit  ans.  Aussitôt  après,  il  retourna  en  Italie,  où,  conjointement  avec 
le  maréchal  de  la  Meilleraye,  ce  ne  fut  qu'exploits  en  tout  genre  jus- 
qu'à la  fin  de  1648.  La  Reine  mère,  qui  avoit  pour  Monsieur,  son  fils, 
une  tendresse  extrême,  voulut  mettre  auprès  de  lui  ce  qu'elle  con- 
noissoit  de  meilleur,  et  en  même  temps  de  plus  fidèle  au  Roi  et  à 
elle,  et  choisit  le  maréchal  du  Plessis,  qui  prêta  serment  entre  les 
mains  de  Leurs  Majestés,  en  mai  1649,  de  la  charge  de  gouverneur 
de  Monsieur  et  de  surintendant  de  sa  maison,  sans  cesser  pour  cela  de 
commander  les  armées.  La  même  année,  l'État  se  trouvant  en  grand 
danger  par-  les  ennemis  du  dehors  appelés  par  ceux  du  dedans  et  for- 
tifiés par  la  capacité  du  maréchal  de  Turenne,  déjà  si  célèbre,  qui  se 
mit  à  la  tête  de  leurs  armées  pour  les  amener  dans  le  cœur  du  Royaume, 
tout  fut  amené  l'année  suivante,  1650,  au  point  le  plus  périlleux.  Le 
maréchal  du  Plessis  fut  envoyé  sur  la  rivière  d'Aisne,  dont  il  empêcha 
le  passage  à  l'archiduc  Léopold,  secourut  Guise,  et,  du  consente- 
ment universel,  ne  fit  pas  moins  que  de  sauver  l'État  par  la  fameuse 
bataille  de  Rethel,  13  décembre  de  la  même  année,  où  il  eut  cette 
gloire  particulière  de  remporter  une  victoire  complète  sur  le  maréchal 
de  Turenne,  qu'il  défit  entièrement.  Ce  fut  le  comble  de  tous  ses  lau- 
riers. 11  fut  chevalier  de  l'Ordre  en  1661,  et  enfin  duc  et  pair  en  1663, 
et  mourut  dix  ans  après,  21  décembre  1675,  avec  une  réputation  com- 
plète. Monsieur,  qui  avoit  appris  de  lui  à  gagner  des  batailles,  mais  à 
qui,  après  celle  de  Cassel,  on  se  garda  bien  d'en  plus  laisser  l'occasion, 
eut  toute  sa  vie  un  grand  respect  et  une  grande  amitié  pour  son  gouver- 
neur, et  de  grands  égards  pour  sa  famille,  tant  que  lui-même  a  vécu. 

«  Le  maréchal  du  Plessis  eut  la  douleur  de  perdre  deux  fils  non 
mariés  en  gagnant  deux  grandes  victoires  :  l'un,  à  la  bataille  de 
Trancheron  ou  de  Crémone,  où  il  défit  le  marquis  de  Caracène,  le 
30  juin  1648  ;  l'autre,  à  celle  de  Rethel.  Il  lui  resta  deux  fils,  dont 
il  perdit  encore  l'aîné,  et  une  fille,  mariée  à  M.  de  Maugiron,  gouver- 
neur de  Vienne  en  Dauphiné,  laquelle  n'en  eut  point  d'enfants,  le 
perdit  en  1669,  à  trente-cinq  ans,  et  mourut  à  soixante-dix,  en  1698. 

«  Alexandre  de  Choiseul,  comte  «  Marie-Louise,  fille  et  riche  hé- 
du  Plessis,  tué  15  juin  1672,  de-  ritière  de  Claude  le  Loup,  seigneur 
vaut  Arnlieim,  en  Hollande,  à  trente-  de  Bellenave,  et  de  Marie  de  Gué- 
huit  ans,  maréchal  de  camp  et  pre-  negaud,  dame  d'honneur  des  deux 
mier  gentilhomme  de  la  chambre  femmes  de  Monsieur  en  survivance 
de  Monsieur  en  survivance  de  son  de  la  maréchale  du  Plessis,  sa  belle- 
père,  qui  ne  s'étoit  point  démis  de  mère,  et  puis  en  titre  jusqu'à  son 
son  duché.  U  mourut  sans  avoir  été  second  mariage,  d'inclination,  avec 

1.  Ce  paragraphe  est  la  continuation  de  la  première  des  deux  colonnes 
qui  précèdent. 

2.  Le  mot  par  est  écrit  deux  fois,  et  biffé  la  seconde. 


380  APPENDICE   II. 

duc,  et  laissa  un  fils  unique,  enfant,  René  Gilier  de  Puygarreau,  sieur  ^ 
qui,  trois  ans  après,  la  '  recueillit  de  Clérembault,  qu'elle  fit  premier 
de  son  grand-père.  »  écuyer    de  Madame,    et  qui  ne  le 

demeura  pas  longtemps.  Elle  en 
eut  une  fille  unique,  extrêmement 
riche,  morte  fort  jeune,  duchesse 
de  Luxembourg,  mère  du  duc  de 
Luxembourg  d'aujourd'hui.  Ce  Clé- 
rembault passoit,  ainsi  que  sa 
femme,  pour  très  avare,  et  portoit 
en  effet  des  perruques  si  vilai- 
nes et  si  usées,  qu'il  en  acquit  le 
nom  de  Clérembault-la-Perruque. 
II  a  vécu  plus  de  cent  ans,  allant 
partout,  dans  une  santé  parfaite  de 
corps  et  d'esprit,  qui  étoit  fort  mé- 
diocre. Sa  femme,  qui  en  avoit 
beaucoup,  en  fut  veuve  quelques 
années,  et  mourut  à  Paris  en  1724, 
à  quatre-vingt-quatre  ans.  Elle 
avoit  conservé  des  amis  et  beau- 
coup de  considération  de  Madame; 
mais  ses  procédés  rigoureux  avec 
son  beau-frère,  pour  le  duché,  lui 
firent  un  grand  tort,  dont  elle  eut 
le  démenti  et  la  honte  qu'elle  en 
méritoit'.  » 

1.  En  faisant  duché  féminin,  quoique,  deux  lignes  plus  haut,  il  y  ait  : 
son  duché.  Les  deux  genres  s'employaient  également. 

2.  Saint-Simon  écrit  en  abrégé  s''.  Faut-il  traduire  par  seigneur^ 

3.  Voyez  le  début  de  l'Addition  29,  dans  notre  tome  I,  p.  360. 


LA  PRINCIPAUTÉ  DE  MONACO.  381 

III 

LA  PRINCIPAUTÉ  DE  MONACO'. 
(Fragment  inédit  de  Saint-Simon  ^.) 

«  La  noblesse  génoise  est  distinguée  en  grande  et  en  petite.  La  dis- 
tinction est  réelle,  continuelle,  grande,  très  reconnue,  et  sans  difficulté 
entr'elles  :  elles  ne  se  mêlent  point,  non  pas  même  aux  assemblées, 
ni  à  ces  conversations  que  l'usage  y  autorise  entre  les  voisins,  dans  les 
rues,  et  ceux  qui,  en  passant,  s'y  arrêtent;  et,  dans  la  grande  noblesse, 
il  y  a  quatre  maisons  principales  qui,  sans  avoir  de  distinction  aucune 
sur  les  autres  de  la  grande  noblesse,  sont  néanmoins  reconnues  comme 
les  quatre  premières  de  la  République,  et  entr'elles  sans  avantage. 
On  les  rangera  donc  ici  suivant  l'alphabet  :  Doria,  Fieschi,  Grimaldi, 
Spinola^.  Il  est  pourtant  vrai  de  dire  que  l'antiquité  des  papes  de  la 
maison  de  Fiesque  et  des  illustrations  qui  en  ont  résulté,  suivies  après 
de  bien  d'autres,  lui  pourroit  donner  droit  à  la  primauté.  Les  Doria 
ont  été  plus  souvent  chefs  de  la  République  et  l'ont  servie  avec  une 
autorité  et  un  succès  qui  leur  ont  acquis  une  grande  considération  et 
des  richesses  au-dessus  de  celles  des  particuliers.  Eux  et  les  Spinola 
ont  eu  part  à  la  première  dignité  d'Espagne,  les  Doria  plus  ancienne- 
ment, les  Spinola  plus  fréquemment,  et  aux  premiers  emplois  de  la 
cour  et  de  la  monarchie.  En  tout  cela,  et  jusqu'au  nombre  même  des 
cardinaux,  si  cela  peut  être  compté  hors  de  l'Italie,  la  maison  Grimaldi 
semble  la  moindre  des  quatre,  et  celle  aussi  qui  a  le  moins  dédaigné 
des  emplois,  même  de  robe,  en  Provence,  qu'on  a  peine  à  croire  qu'au- 
cune des  trois  autres  maisons  eût  voulu  exercer.  La  possession  de 
Monaco  est  ce  qui  l'a  le  plus  illustrée  et  distinguée,  qui,  peu  de  chose 
d'abord  et  longtemps,  est  insensiblement  devenue  souveraineté  effective, 
et  qui  a  fait  la  grandeur  et  la  fortune  en  France  de  la  branche  de  la 
maison  Grimaldi  qui  l'a  possédée.  On  ne  voit  point  par  où  ni  comment 
cette  seigneurie  lui  est  venue  :  ce  qui  fait  croire  que  c'a  été  par  acqui- 
sition. On  voit  aussi  peu  comment  elle  est  devenue  principauté  souve- 
raine. Il  est  bien  vrai  que  l'étendue  n'en  est  que  de  son  rocher,  et  si 
étroite  qu'on  ne  peut  éviter  d'en  être  surpris.  Il  ne  l'est  pas  moins 
que,  depuis  même  qu'elle  l'est,  elle  n'a  donné  à  ses  princes  aucun 
rang  en  Italie  en  quoi  que  ce  soit,  ni  où  que  ce  soit,  ni  par  conséquent 

i.  Voyez  ci-dessus,  p.  21,  et  les  Additions  136  et  140. 

2.  Extrait  des  Notes  sur  les  Duchés  et  comtés-pairies  éteints,  article  Valen- 
TiNOis,  vol.  58  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  117-118. 

3.  Voyez,  à  la  page  suivante,  le  début  de  la  note  de  d'Hozier. 


382  APPENDICE  111. 

ailleurs,  jusqu'en  1688,  que  Louis  XIV  Yes  fit  princes  en  France,  comme 
il  se  verra  ci-dessous.  On  ne  s'étendra  point  aux  diverses  branches  des 
Grimaldi,  qui  sont  très  nombreuses  et  reconnues;  mais  on  remarquera 
seulement  que  la  conformité  de  leurs  armes  avec  celles  du  Bec-Crespin, 
dont  étoit  le  marquis  de  Vardes,  célèbre  par  sa  grande  faveur  et  sa 
profonde  disgrâce  sous  Louis  XIV,  père  de  la  duchesse  de  Rohan- 
Chabot,  a  fait  croire  à  quelques-uns  que  cette  ancienne  maison  de 
Normandie  est  une  branche  de  celle  de  Grimaldi,  qui  s'y  est  venue 
établir.  On  ne  trouve  cependant  rien  qui  les  rassemble,  ni  qui  com- 
batte la  séparation  de  la  géographie;  et,  pour  la  raison  des  mêmes 
armes,  la  maison  d'Hennin-Liétard,  comtes  de  Bossut,  prince*  de  Chimay, 
qui  a  maintenant  un  cardinal-archevêque  de  Malines  qui  se  fait  appeler 
le  cardinal  d'Alsace,  ne  prétend  pas  être  sortie  de  la  même  souche  que 
celle  de  Noailles  ;  et  MM.  de  Menou  de  Charnisé,  quoique  de  bons  et 
anciens  gentilshommes,  n'ont  jamais  pensé  à  être  sortis  des  Noailles 
ni  des  Hennins  ;  et  cependant  tous  trois  ont  les  mêmes  armes,  et  tous 
trois  les  portent  en  plein,  seules,  sans  écartelures.  On  se  souvient 
maintenant  de  cet  exemple,  qui  n'est  pas  unique,  comme  on  croit  s'en 
pouvoir  assurer^....  » 

Note  de  Charles-René  d'Hozier^. 

«  La  maison  de  Grimaldi  est  l'une  des  quatre  maisons  que  la  répu- 
blique de  Gènes  met  entre  les  premières  et  principales  de  son  État,  et 
elle  les  compte  en  cet  ordre  :  Fiesque,  Doria,  Spinola,  Grimaldi.  Mais, 
bien  loin  qu'elle  possède  la  place  de  Monaco,  comme  elle  le  dit,  depuis 
Grimaldus,  vivant  l'an  920,  ce  qui  est  une  absurdité  insoutenable, 
puisqu'on  ce  temps-là  il  n'y  avoit  dans  les  races,  telles  qu'elles  fussent, 
ni  de  surnom  fixe,  ni  de  possession  de  fiefs  héréditaires,  chacun  étant 
confondu  par  les  mêmes  noms  de  baptême  ou  par  d'autres  appellations 
qui  étoient  communes  d'un  même  pays,  sans  aucune  distinction  de 
rang  ni  de  qualité,  cette  place,  qui  n'étoit  qu'un  rocher  inhabité  et 
qui  ne  fut  donné  aux  Génois  que  l'an  121o  par  l'empereur  Frédéric- 
Barberousse,  ne  leur  fut  enlevée  que  l'an  1393  par  Louis  Grimaldi, 
seigneur  de  Bueil,  au  comté  de  Nice,  à  qui  on  en  avoit  donné  la  garde. 
Il  la  tenoit  encore  l'an  1401,  et,  par  un  traité  particulier,  il  s'en  accom- 
moda avec  Rainier  Grimaldi  IIP,  seigneur  de  Vence  en  Provence,  et 
chambellan  du  roi  Charles  VI,  l'an  1402.  Il  étoit  petit-fils  de  Rainier 
Grimaldi  11°,  amiral  de  France  l'an  1305,  et  c'est  depuis  ce  Rainier 
Grimaldi  IIP  que  ses  descendants  jouissent  successivement  de  Monaco, 
dont  la  souveraineté  n'est  point  reconnue  par  les  Italiens,  et  dont  les 

1.  Comtes  est  bien  au  pluriel,  ei  prince  au  singulier. 

2.  Saint-Simon  fait  ensuite  tout  au  long  la  généalogie  des  princes  de 
Monaco. 

3.  Extrait  du  Mémoire  sur  les  Ducs  et  pairs  fait  pour  le  Roi  et  Mme  de 
Maintenon;  ms.  Clairambault  719,  p.  49-50. 


LA  PRINCIPAUTÉ  DE  MONACO.  383 

princes  ne  sont  traités  par  eux  que  de  Principi,  d'Excellenza,  e  non 
d'Altezza,  parce  qu'ils  ne  les  regardent  que  comme  de  petits  feuda- 
taires. 

«  Les  marquis  de  Corbon  en  Provence  sont  de  la  même  maison  de 
Grimaldi,  et  cadets  de  la  branche  de  Monaco,  dont  les  prédécesseurs, 
avant  l'an  1300,  s'étoient  attachés  au  service  de  nos  rois  et  avoient 
plusieurs  terres  en  Provence  et  en  Languedoc. 

«  Il  y  a  encore  plusieurs  autres  branches  du  même  nom  à  Gênes,  à 
Boulogne  (de  ceux-ci  le  Roi  en  a  deux  pages  dans  sa  grande  écurie, 
l'an  1670  et  1678),  en  Piémont,  dans  le  royaume  de  Naples,  en  Sicile 
et  en  Espagne;  et  la  plupart  ont  des  titres  de  marquis,  de  ducs  et  de 
princes,  surtout  à  Naples  et  en  Sicile,  où  les  rois  d'Espagne  les  accor- 
dent volontiers  à  la  noblesse,  parce  que  leur  vanité  recherche  ces  sortes 
de  titres,  que  l'on  attache  cependant  à  de  très  petits  domaines.  » 

Mémoire  sur  la  principauté  de  Monaco. 
(Du  n  mars  1740  ».) 

«  La  place  de  Monaco  a  été  connue  sous  trois  noms  différents,  qui 
sont  ceux  de  :  Monaco,  Monegues  et  Moiirgiies.  Ce  n'étoit  d'abord  qu'un 
rocher.  Les  Génois  y  envoyèrent,  vers  l'an  1213,  Fouque  Justinien, 
pour  tracer  le  dessin  d'une  ville  fortifiée  *.  Les  habitants  de  Nice, 
épouvantés  de  cet  établissement,  se  donnèrent  aux  Génois,  et  ils  leur 
prêtèrent  serment  de  fidélité  l'an  1215. 

«  En  1329,  les  habitants  de  Monaco  firent  un  traité  avec  le  sénéchal 
de  Provence  et  de  Forcalquier,  par  lequel  ils  promirent  secours  et 
assistance  pour  le  parti  de  Robert,  comte  de  Provence,  roi  de  Jéru- 
salem et  de  Sicile,  dont  les  successeurs  furent  pourvus  du  gouverne- 
ment de  cette  place  par  les  rois  de  France  (Charles  VI,  seigneur  de 
Gênes,  1396),  comme  seigneurs  de  Gênes,  pendant  que  cette  seigneurie 
fut  sous  la  domination  de  France. 

«  Dans  ce  même  temps  vivoit  Charles  de  Grimaux,  chevalier,  qui 
se  qualifioit  seulement  capitaine  des  galères  de  Morgue  et  Guelfes, 
en  1338, 1339  et  1346.  Ce  fut  lui  qui  acquit  les  seigneuries  de  Menton, 
Castillon  et  Roquebrune. 

«  On  prétend  que  la  maison  de  Grimaldi  ne  s'est  mise  en  possession 
de  Monaco  que  par  usurpation  sur  la  seigneurie  de  Gênes,  à  la  faveur 
de  l'emploi  de  gouverneur  de  Monaco. 

«  Le  premier  acte  qui  fasse  connoître  le  temps  où  Monaco  appartenoit 
à  la  maison  de  Grimaldi,  est  une  lettre  patente  du  roi  Charles  VIII, 
du  17  octobre  1493,  par  lequel  (sic)  ce  prince  confirma  à  son  cher  et 
féal  conseiller  et  chambellan  Jean  de  Grimaldi,  seigneur  de  Monaco,  le 

1.  Ms.  Clairambault  1226,  fol.  164-163. 

2.  Annales  de  Gênes,  par  Justinien,  p.  70,  et  Histoire  de  Gênes,  par  Pierre 
Bizaro  Sentinati,  p.  .32.  (Note  du  mémoire.) 


384  APPENDICE  III. 

droit  de  lever  deux  pour  cent  sur  les  marchandises  passant  par  mer 
vers  la  rivière  de  Gênes,  ainsi  que  ce  droit  avoit  été  approuvé  et  con- 
firmé par  le  père  de  S.  M.  et  par  le  traité  fait  avec  feu  Pierre  de  Campo- 
Forgossi*,  doge  de  Gênes. 

«  Il  paroît  que,  depuis  ce  temps,  la  maison  de  Grimaldi  a  continué 
d'être  en  possession  de  Monaco  ;  mais  on  ne  trouve  point  la  qualité  de 
prince. 

«  En  1533  *,  le  roi  François  I"  fit  un  traité  avec  Honoré  Grimaldi, 
seigneur  de  Monaco,  par  lequel  ce  prince  lui  promit  deux  mille  écus  de 
pension  et  le  collier  de  l'Ordre,  pour  le  faire  rentrer  sous  la  domination 
de  France.  Ce  traité  ne  le  qualifie  seulement  que  «  le  seigneur  de 
«  Monegue.  »  Les  privilèges  qui  avoient  été  accordés  par  les  rois  prédé- 
cesseurs de  S.  M.  aux  seigneurs  de  Monaco,  y  furent  confirmés;  mais 
ils  ne  sont  pas  détaillés.  Honoré  Grimaldi  ne  mourut  qu'en  1581,  et  le 
roi  Charles  IX,  par  une  lettre  qu'il  lui  écrivit  le  II  décembre  1567,  ne 
l'appelle  simplement  que  «  M.  de  Monaco.  » 

«  Ce  ne  peut  donc  être  qu'Hercules  Grimaldi,  fils  d'Honoré,  qui,  le 
premier,  ait  pris  le  titre  de  prince  de  Monaco;  mais,  comme  on  n'a 
point  les  preuves  faites  par  Honoré  Grimaldi,  prince  de  Monaco,  fils 
d'Hercules,  pour  être  reçu  dans  l'ordre  du  Saint-Esprit,  on  ignore 
quelles  qualités  cet  Hercules  Grimaldi  prenoit. 

«  Le  titre  de  prince  de  Monaco  ne  paroît  solidement  établi  que  par  le 
traité  fait  en  1641  entre  le  feu  roi  Louis  XIII  et  Honoré  Grimaldi, 
prince  de  Monaco.  On  ne  sait  pas  quel  rang  il  a  eu  dans  l'ordre  du 
Saint-Esprit  ;  mais  son  fils,  Louis  Grimaldi,  prince  de  Monaco,  et  son 
petit-fils,  Antoine  Grimaldi,  prince  de  Monaco,  n'ont  eu  de  rang,  dans 
les  promotions  de  16<S8  et  17!24,  que  celui  de  leur  duché  de  Valen- 
tinois. 

«  Il  y  a  des  lettres  patentes  du  feu  roi,  datées  du  mois  de  juil- 
let 1705,  qui  portent  don  de  la  jouissance  de  la  principauté,  ville  et 
territoire  de  Monaco,  et  du  bourg  et  territoire  de  Turbie,  en  faveur 
d'Antoine  Grimaldi,  prince  de  Monaco,  registrées  le  10  juillet  suivant. 
Il  faudroit  les  voir  au  long. 

«  On  observera  que  le  duc  d'Arcos,  dans  son  Mémoire  fait  en  17..^, 
sur  les  ducs  et  pairs  de  France  et  grands  d'Espagne,  dit  que,  pendant 
que  la  maison  de  Monaco  a  été  sous  la  protection  de  l'Espagne,  le 
prince  de  Monaco  n'a  jamais  pu  obtenir  la  qualité  de  grand,  et  que  les 
rois  d'Espagne  ne  le  traitoient  seulement  que  de  magnifique  homme  ou 
illustre.  » 

1.  Ainsi,  pour  Campo-Fregoso. 

2.  Mss.  de  Bétliune,  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  vol.  8502,  fol.  4G;  vol.  8-189, 
fol.  70.  {Note  du  mémoire.) 

3.  Les  deux  derniers  chiffres  sont  en  blanc.  Ce  mémoire  fut  fait  en  1701  ; 
on  en  trouve  des  copies  dans  les  manuscrits  de  Clairambault,  vol.  1186, 
et  dans  le  vol.  62  des  Papiers  de  Saint-Simon,  qui  en  a  fait  l'objet  d'une 
longue  digression  dans  ses  Mémoires  (tome  III  de  1873,  p.  86  et  suivantes). 


ORIGINE  DE  LA   PRINCIPAUTÉ  DE  MONACO.  38o 

Note  sur  le  mariage  du  duc  de  Valentinois  avec  Mlle  d'Armagnac  ^ 
(1689.) 

«  Au  mois  de....- 1688,  M.  d'Armagnac  maria  sa  fille  avec  le  dnc  de 
Valentinois,  fils  aîné  du  prince  de  Monaco  Grimaldi.  Son  notaire,  nommé 
Clément,  qui  demeure  près  des  Bâtons  royaux,  rue  Saint-Honoré,  dressa 
le  contrat,  et,  l'ayant  porté  à  Versailles,  à  M.  le  marquis  de  Seignelay, 
secrétaire  d'État,  deux  heures  avant  qu'il  dût  être  présenté  au  Roi,  ce 
ministre  trouva  que  l'on  donnoit  la  qualité  à  M.  d'Armagnac  de  très 
haut  et  puissant  prince  Monseigneur;  et  ayant  fait  savoir  à  M.  d'Arma- 
gnac que  ces  qualités  ne  se  donnoient  pas  aux  princes  du  sang,  ni  à 
personne,  et  qu'il  ne  pouvoit  les  admettre  que  le  Roi  ne  l'eût  ordonné, 
M.  d'Armagnac  porta  le  contrat  de  mariage  d'une  de  ses  autres  filles 
avec  le  duc  de  Cadaval,  par  lequel  M.  de  Pomponne,  lors  secrétaire 
d'État,  les  avoit  laissé  passer  :  sur  quoi  le  Roi  dit,  puisqu'on  les  lui 
avoit  données,  qu'il  ne  vouloit  pas  les  lui  ôter,  mais  qu'il  ne  les  donne- 
roit  pas  à  son  neveu. 

«  Peu  de  temps  après,  se  fit  le  mariage  de  M.  le  prince  deConti  avec 
la  fille  aînée  de  Monsieur  le  Prince  ;  et,  avant  de  passer  le  contrat, 
M.  le  marquis  de  Seignelay  fit  chercher  tous  les  contrats  des  princes 
et  princesses  passés  par  des  secrétaires  d'État  depuis  1575,  pour 
examiner  les  qualités  données  aux  princes  du  sang,  aux  princes  souve- 
rains et  autres  ;  et,  ayant  été  vérifié  que  la  qualité  de  Monseigneur 
avoit  été  rayée  à  tous  autres  que  les  fils  de  rois  ou  premiers  princes  du 
sang,  et  que  ceux  de  la  maison  de  Lorraine,  qui  se  donnoient  souvent 
des  titres  qui  ne  leur  étoient  pas  dus,  ne  l'avoient  point  eue,  il  fut  réglé 
par  S.  M.  qu'ils  n'auroient  plus  de  Monseigneur,  et  seulement  haut  et 
puissant  prince,  de  même  que  M.  de  Monaco,  etc.  ;  que  le  Roi  seroit 
intitulé,  dans  les  contrats  des  secrétaires  d'État,  très  haut,  très  puis- 
sant et  très  excellent  prince;  Mgr  le  Dauphin,  très  haut,  très  puissant 
et  excellent  prince;  M.  le  duc  d'Orléans,  très  haut  et  très  puissant 
prince;  M.  le  duc  de  Chartres,  très  haut  et  puissant  prince  ;  Monsieur 
le  Prince  et  Monsieur  le  Duc,  sou  fils,  très  haut  et  puissant  prince;  et 
que  M.  le  marquis  de  Seignelay  inséreroit  ce  règlement  dans  ses  re- 
gistres, et  qu'il  en  seroit  attaché  une  copie  signée  de  lui  à  la  minute 
du  contrat  de  mariage  du  duc  de  Valentinois  avec  la  fille  de  M.  le 
comte  d'Armagnac.  Il  y  a  apparence  que  ce  comte  en  a  eu  le  vent,  et 
que  c'est  ce  qui  doit  être  cause  que  ladite  minute  du  contrat  de  ma- 
riage de  Mme  de  Valentinois,  restée  à  Clément,  notaire,  pour  la  faire 
signer  aux  parents,  ce  qui  se  fait  en  moins  de  huit  jours,  n'a  pas  en- 
core été  remise  à  M.  de  Seignelay,  quoiqu'il  y  ait  plus  d'un  an  que  le 

1.  Ms.  Clairambault  1160,  fol.  48.  —  Voyez  le  Journal  de  Daiif/eau, 
tome  II,  p.  145,  et  rAddition  de  Saiut-Simon  placée  ci-dessus,  n»  140. 

•2.  Le  nom  du  mois  est  resté  en  blanc.  Ce  fut  le  8  juin  1688  <iiie  se  signa 
le  contrat  de  mariage  du  duc  de  Valentinois. 

MÉMOIRES    DE    SAINT-SIMON'.    III  Of; 


386  APPENDICE  III. 

Roi  l'ait  signée.  Mais,  tant  qu'elle  ne  sera  pas  signée  de  mondit  sei- 
gneur de  Seignelay,  elle  ne  leur  peut  être  d'aucun  avantage,  attendu 
que  c'est  par-devant  lui  qu'elle  est  passée.  » 

On  peut  voir  encore,  relativement  au  rang  de  prince  accordé  aux  iMonaco, 
ou  à  leurs  prétentions,  l'État  de  la  France,  année  16S8,  tome  II,  p.  180-181  ; 
les  Mémoires  du  duc  de  Luyncs,  tome  XV,  p.  164;  les  exemplaires  annotés 
par  Charles-René  d'Hozier  et  par  un  autre  écrivain,  du  Genealogica  et  his- 
torica  Grimaldce  gentis  arbor...,  autkore  Carolo  de  Venasqoe,  que  possède 
la  Bibliothèque  nationale,  et  la  suite  des  Mémoires  de  Saint-Simon,  tome  II 
de  1873,  p.  1"8,  avec  ses  Additions  au  Journal  de  Dangeau,  \"  janvier  1692, 
13  février  1699  et  3  février  1"00,  cette  dernière  reproduite  ci-dessus,  en 
tète  de  la  première  partie  de  l'Appendice,  sous  le  n°  136. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  c'est  dans  cette  maison  de  Monaco  que  Saint- 
Simon  maria  sa  petite-fille  et  héritière  unique,  en  1749,  et  que  celle-ci, 
n'ayant  épousé  qu'un  cadet  à  défaut  du  prince  régnant,  n'eut  de  tabouret  à 
Versailles  qu'après  la  mort  du  duc  de  Ruffec,  son  oncle  paternel  ;  Saint- 
Simon  échoua  dans  ses  instances  pour  faire  donner  un  brevet  de  duc  à  son 
petit-gendre*. 

1.  Lettres  publiées  dans  le  terne  XIX  de  l'édition  de  1873,  p.  356  et  357. 


LA  DUCHESSE  DE  GUISE.  387 


IV 


LA  DUCHESSE  DE  GUISE». 
(Fragment  inédit  de  Saint-Simon*.) 

«  Elisabeth  d'Orléans,  petite-fille  de  France,  troisième  fille  de  Gaston, 
frère  unique  de  Louis  XIII,  mort  à  Blois  en  1660,  et  dernière  de  son 
second  mariage  clandestin  et  à  grand  peine  reconnu  avec  la  sœur  des 
ducs  Charles  IV  et  François  II  de  Lorraine,  morte  3  avril  1672. 

«  Elisabeth  d'Orléans  fut  mariée  à  Saint-Germain,  en  présence  de 
Leurs  Majestés,  15  mai  1667.  Elle  avoit  vingt  et  un  ans,  et  M.  de  Guise 
dix-sept. 

«  II  n'avoit  qu'un  siège  ployant  devant  elle,  lui  présentoit  la  serviette 
tous  les  jours,  et  elle  la  prenoit  ;  ne  se  mettoit  point  à  table  qu'elle  n'y 
fût  et  ne  lui  fit  apporter  un  couvert  qu'on  tenoit  prêt  au  buffet;  avoit 
son  cadenas  et  sa  soucoupe,  sans  qu'il  en  eût;  éloit  dans  un  fauteuil  au 
milieu  de  la  table,  lui  à  un  des  bouts,  sur  un  ployant;  et  ce  cérémonial 
dura  toujours.  M.  de  Guise  ne  donnoit  la  main  chez  lui  à  aucun  prince 
de  la  maison  de  Lorraine,  et,  en  leur  présence  et  la  prenant  sur  eux, 
la  donnoit  sans  difficulté  aux  ducs.  Madame  sa  femme  fut  inconsolable 
de  sa  mort  et  de  celle  de  leur  fils  unique.  Elle  partageoit  sa  vie  entre 
la  cour  et  Alençon,  et  la  passa  dans  une  fidèle  pratique  des  vertus  et 
des  bonnes  œuvres,  fort  sous  la  conduite  de  ce  grand  et  célèbre  abbé 
de  la  Trappe,  la  merveille  de  son  temps  en  tout  genre,  et  alloit  à  la 
Trappe  tous  les  ans,  et  y  entroit  par  le  privilège  de  sa  naissance.  Elle 
mourut  à  Versailles,  le  17  mars  1696,  à  cinquante  ans.  Elle  jouissoit, 
de  droit  et  sans  brevet  de  conservation  de  rang,  de  tout  celui  de  petite- 
fille  de  France,  à  la  différence  des  princesses  du  sang,  à  qui  il  en  faut 
un  quand  elles  se  marient  à  d'autres  qu'à  des  princes  du  sang  au-des- 
sous de  ce  rang  ;  et  rien  ne  s'en  communiquoit,  par  delà  la  considé- 
ration, à  M.  de  Guise,  qui  vivoit  comme  les  ducs  de  Guise  ses  pères 
avec  ceux  de  sa  maison  et  avec  les  ducs  et  qui  n'avoit  point  d'autre 
traitement  qu'eux  des  princes  du  sang.  » 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  59-66. 

2.  Extrait  des  Notes  sur  les  Duchés-pairies  êleinls,  article  Guise,  vol.  58 
des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  76  v». 


388  APPENDICE   IV. 

LA    MÊME. 
(Fragment  inédit  d'Ézéchiei  Spanhcim*.) 

<'  La  duchesse  douairière  de  Guise,  ci-devant  Mlle  d'Alençon,  et  la 
seconde  fille  du  second  mariage  du  feu  duc  d'Orléans,  son  père,  née 
en  décembre  1646,  et  ainsi  une  année  plus  jeune  que  la  Grande- 
Duchesse  sa  sœur  ;  d'une  taille  moins  belle  et  aisée,  d'un  visage  qu'on 
peut  dire  ni  beau  ni  laid,  d'une  humeur  fort  charitable,  et  d'un  esprit 
entièrement  tourné,  depuis  son  veuvage,  à  une  dévotion  outrée,  ce 
qu'elle  a  aflecté,  entre  autres,  de  faire  paroître  dans  la  conversion  pré- 
tendue des  gens  de  la  Religion  qui  se  trouvoient  dans  les  lieux  de  son 
domaine  ou  patrimoine,  comme  à  Alençon,  ou  d'ailleurs  qui  étoient  de 
sa  connoissance.  Je  laisse  à  part  le  zèle  et  la  charité  qui  la  porte  à  vi- 
siter régulièrement  les  hôpitaux,  y  panser  les  malades,  leur  donner  à 
manger,  ensevelir  les  morts,  et  y  faire  d'autres  fonctions  pareilles,  où 
elle  est  souvent  accompagnée  de  la  Grande-Duchesse  sa  sœur,  et  qui  les 
partage  avec  elle.  Elle  avoit  épousé,  en  1667,  le  duc  de  Guise,  chef 
des  branches  de  la  maison  de  Lorraine  en  France,  qui  mourut  en  1672, 
et  dont  elle  avoit  eu  un  fils,  qui  décéda  aussi  en  1673.  Au  reste,  elle 
avoit  conservé,  malgré  son  mariage  avec  un  prince  françois  et  sujet  du 
Roi,  son  rang  et  les  prérogatives  considérables  qui  sont  attachées  aux 
princesses  de  la  maison  royale,  et  qu'elle  conserve  encore  à  présent.  » 

1.  Extrait  de  la  Relation  de  la  cour  de  France  en  1000,  que  M.  Cli.  Schefer, 
membre  de  l'Institut,  doit  publier  très  procliainenicnt  pour  la  Société  de 
l'Histoire  de  France,  et  dont  il  a  bien  voulu  nous  permettre  de  détacher 
quelques  fragments  pour  l'Appendice  de  ce  volume. 


MONSIEUR  ET  MADAME  DE  SAINT-GÉRAN.         389 


V 

MONSIEUR  ET  MADAME  DE  SAINT-GÉRAN*. 

(Fragments  inédits  de  Saint-Simon  2.) 

«  ....  De  sa  première  femme,  il  (le  maréchal  de  Saint-Géran)  eut  un 
fils  et  deux  filles.  L'aînée  épousa  :  1°  M.  de  Chazeron,  2"  le  maréchal 
de  Saint-Luc;  la  cadette  épousa  le  comte  de  Créance  Bouille,  en  1632. 
Leur  frère  unique,  appelé  le  comte  de  Saint-Géran,  gouverneur  de 
Bourbonnois,  mourut  à  Moulins,  dernier  janvier  1659,  h  cinquante-six 
ans.  Il  avoit  épousé,  1619^,  Suzanne,  fille  unique,  héritière  de  Jean  de 
Longaunay  et  de  Suzanne  Aux-Épaules,  seconde  femme  de  son  père; 
elle  mourut  en  1679.  Elle  accoucha  fort  singulièrement  d'un  fils, 
IS  août  1641,  lequel  fut  encore  plus  étrangement  élevé  hors  de  chez 
elle,  et  qu'elle  ne  montra  qu'après  la  mort  de  son  mari.  Mme  de  Ven- 
tadour  le  prétendit  bâtard  ou  supposé  :  ce  fut  la  matière  d'une  question 
d'état  extrêmement  curieuse,  et  d'un  grand  procès.  Mme  de  Saint- 
Géran,  après  l'avoir  bien  défendu,  s'avisa  d'un  moyen  qui,  de  l'aveu 
des  juges  depuis  l'issue  finale  du  procès,  contribua  plus  que  tout  à  le 
lui  faire  gagner,  par  l'horreur  qu'il  causa.  Elle  leur  déclara  que  ce  jeune 
homme  seroit  ou  son  fils  ou  son  mari,  et  que  si,  par  leur  arrêt,  il  étoit 
déclaré  n'être  pas  fils  du  feu  comte  de  Saint-Géran  et  d'elle,  elle  l'épou- 
seroit  dès  le  lendemain.  C'étoit  une  femme  si  résolue  et  si  déterminée, 
que  pas  un  des  juges  ne  douta  qu'elle  ne  le  fît  comme  elle  le  disoit  ; 
et,  là-dessus,  plus  que  par  d'autres  raisons,  il  fut  déclaré  fils  du  feu 
comte  de  Saint-Géran  et  d'elle,  par  arrêts  du  parlement  de  Paris  des'' 
.T  juillet  1663  et  o  juin  1666. 

«  Ce  fils  fut  le  dernier  comte  de  Saint-Géran,  et  dernier  de  toute 
celte  branche.  C'étoit  un  homme  instruit,  d'esprit  et  de  très  bonne 
compagnie  et  initié  dans  la  meilleure  de  la  cour.  Nous  le  verrons  che- 
valier du  Saint-Esprit.  Il  fut  lieutenant  général  et  se  distingua  à  la 
guerre,  où,  au  siège  de  Besançon,  le  crâne  du  fils  aîné  et  survivancier 
du  vieux  premier  écuyer  Beringhen,  emporté  d'un  coup  de  canon,  lui 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  68-70,  et  tome  I,  p.  li'6. 

i.  Extraits  des  Légères  notions  des....  chevaliers  de  l'ordre  du  Saint-Espril. 
art.  LA  GuicuE  et  Sai.m-Géran,  vol.  'Si  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  73  ci 
135  v»;  comparez  l'Histoire  généalogique,  tome  Vil,  p.  446. 

3.  Cette  date  est  en  interligne. 

4.  Après  des  est  biffé  :  iH  août  1657  et.  Dans  l'autre  article,  Saint-Si- 
mon donne  plus  exactement  la  date  ^29  juillet,  prise  dans  VHi^toire  généalo- 
gique. 


390  APPENDICE  V. 

cassa  la  tête*.  Il  en  fut  trépané  et  obligé  toute  sa  vie  à  porter  une 
grande  calotte  sur  sa  perruque,  ce  qui  faisoit  un  effet  très  bizarre.  U 
fut  envoyé  en  Angleterre,  à  Florence  et  en  Brandebourg.  Il  mourut 
subitement  dans  l'église  de  Saint-Paul,  à  Paris,  sortant  de  faire  ses 
dévotions,  8  mars  1696,  à  cinquante-cinq  ans,  et  il  ne  laissa  qu'une 
seule  fdle,  qui  se  fit  religieuse.  Il  avoit  épousé,  en  1667,  Madeleine- 
Françoisc-Claudine  de  Warignies,  fille  d'une  Canisy  Carbonnel  et  du 
frère  cadet  de  M.  de  Blainville,  premier  gentilhomme  de  la  chambre  de 
Louis  XIII,  que  nous  verrons  chevalier  du  Saint-Esprit.  Elle  étoit  char- 
mante de  corps  et  d'esprit,  et  toute  sa  vie  avec  tout  ce  qu'il  y  avoit  de 
plus  recherché  à  la  ville  et  à  la  cour,  où  elle  passa  sa  vie  et  où  elle  fut 
dame  du  palais  de  la  Reine  femme  de  Louis  XIV.  Elle  aimoit  fort  la 
magnificence  et  la  bonne  chère,  et  étoit  extrêmement  recherchée  dans 
tous  ses  goûts.  M.  de  Seignelay,  plus  qu'aucun,  et  plusieurs  autres,  lui 
firent  la  cour,  et  le  mariage  ne  fut  pas  souvent  concordant.  Elle  fui 
exilée  à  Rouen  pour  une  partie  avec  Madame  la  Duchesse  dans  la  pre- 
mière année  de  son  deuil.  Elle  s'y  mit  volontairement  dans  le  couvent 
de  Bellefonds,  où  l'exemple  et  les  réflexions  la  rendirent  dévote.  Ses 
amis,  et  tous  du  plus  haut  parage,  firent  longtemps  tous  leurs  efforts 
pour  son  retour,  et  n'y  purent  réussir  qu'au  bout  de  cinq  ou  six  ans. 
Elle  fut  reçue  à  la  cour  avec  un  applaudissement  infini  :  on  lui  rendit 
un  logement;  Mme  de  Maintenon  lui  fit  merveilles,  et  toutes  les  bâtardes 
du  Roi,  qui  tenoient  la  cour,  et  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne  depuis, 
faisoieut*  à  qui  l'auroit.  Sa  piété  ne  se  dérangea  point,  ni  ne  la  rendit 
point  de  moins  excellente  compagnie.  Elle  a  vécu  de  la  sorte  dans  la 
fleur  de  la  cour  jusqu'à  la  mort  de  Louis  XIV,  qu'elle  se  retira  aux 
Filles  Sainte-Marie  du  faubourg  Saint-Jacques,  où  elle  ne  s'est  pas 
ennuyée  un  moment,  quoique  très  infirme,  et  toujours  visitée  d'un 
nombre  d'amis,  avec  qui  elle  étoit  d'aussi  bonne  compagnie  que  jamais, 
et  toujours  croissant  en  vertu  et  en  piété.  Elle  y  est  morte  sans  en 
être  sortie,  sinon  des  instants,  sans  découcher,  peut-être  une  ou  deux 
fois  l'année.  » 


«  Le  comte  de  Saint-Gérax,  Bernard  de  la  Guiche,  célèbre  par  la 
question  d'état  qui  a  fait  un  si  long  et  si  prodigieux  procès.  11  est  entre 
les  mains  de  tout  le  monde,  comme  une  des  plus  curieuses  et  des  plus 
singulières  pièces  du  dernier  siècle:  ainsi  on  n'entrera  pas  dans  ce  long 
récit.  Il  est  pourtant  vrai  que  sa  mère  fit  la  décision  de  la  cause  en  sa 
faveur  en  protestant  aux  juges,  sur  le  point  de  rendre  l'arrêt,  que,  s'ils 
le  prononçoient  n'être  point  son  fils,  elle  l'épouseroit  le  lendemain.  C'étoit 
une  femme  miûe  et  résolue  :  les  juges  ne  doutèrent  point  qu'elle  ne  le 
fit  comme  elle  le  disoit  ;  l'horreur  du  second  tome  d'Œdipe  les  saisit  : 

1.  Voyez  l'Addition  loi,  ci-dessus,  p.  350. 

2.  Les  mots  :  depuis  et  faisaient  sont  en  interligne. 


MONSIEUR  ET  MADAME  DE  SAINT-GÉRAN.         :m 

M.  de  Saint-Géran  gagna  son  procès  au  parlement  de  Paris,  le  29  juil- 
let 1663.  11  fut  donc  déclaré  petit-fils  du  maréchal  de  Saint-Géran  et 
fils  du  comte  de  Saint-Géran,  gouverneur  de  Bourbonnois,  mort  à  Mou- 
lins, à  cinquante-six  ans,  dernier  janvier  1659,  et  de  Suzanne,  héritière 
de  Longaunay,  morte  en  1679.  On  a  vu  la  maison  de  la  Guiche  p.  21  *, 
sur  M.  de  la  Guiche,  chevalier  de  l'Ordre  en  1383,  et  p.  83,  sur  le  ma- 
réchal de  Saint-Géran,  chevalier  de  l'Ordre  en  1619*. 

«  M.  de  Saint-Géran,  né  lo  août  1641,  avoit  donc  vingt-deux  ans 
lorsqu'il  gagna  son  procès.  Il  entra  aussitôt  à  la  cour  et  à  la  guerre,  où, 
comme  ce  n'étoit  pas  encore  la  coutume  de  laisser  languir  les  seigneurs, 
il  se  trouva  lieutenant  général  en  1670.  L'année  suivante,  1671  ^,  étant 
avec  le  Roi  au  siège  de  Besançon,  le  fils  aîné  du  vieux  Beringhen,  ayant 
sa  survivance  de  premier  écuyer  du  Roi,  eut  la  tête  emportée  d'un  coup 
de  canon,  dont  le  crâne  donna  si  violemment  contre  celle  de  M.  de  Saint- 
Géran,  qu'il  en  pensa  mourir.  Il  fut  trépané;  mais  le  fracas  du  test  fut 
si  grand,  qu'il  fut  obligé  de  porter  une  calotte  toute  sa  vie.  Cela  faisoit 
une  figure  fort  étrange  :  un  gros  homme,  mal  bâti  et  toujours  mal  vêtu, 
l'air  et  les  traits  grossiers,  de  gros  yeux  sortants,  un  gros  nez  et  le  reste 
de  même,  sous  cette  large  calotte  et  une  grosse  perruque  bouffante, 
une  épée  à  son  côté,  tout  cela  ne  se  marioit  point  ensemble,  encore 
moins  avec  ce  visage  frais  et  point  vieux.  Avec  cet  air  d'un  gros  bou- 
cher, c'étoit  un  homme  de  beaucoup  d'esprit,  délié,  agréable,  fort  in- 
struit, recherché  de  la  meilleure  compagnie  de  la  cour,  où  il  passoit  sa 
vie,  et  qui  avoit  été  de  la  part  du  Roi  à  Londres,  à  Florence  et  à  Berlin. 
Il  étoit  pauvre,  ami  intime  du  maréchal  de  Bellefonds,  dont  il  étoit  fort 
proche  par  leurs  grands-mères  Aux-Épaules,  et  très  souvent  à  Vin- 
cennes  avec  lui.  Là,  il  s'étoit  fort  mis  dans  la  dévotion.  Il  mourut  aussi 
de  la  mort  la  plus  désirable.  Se  pointant  fort  bien,  le  18  mars  1696,  il 
alla  se  confesser  à  Saint-Paul,  sa  paroisse,  à  Paris,  communia,  demeura 
en  prières,  puis  s'en  alla.  Ayant  fait  quelques  pas  et  se  trouvant  vers  la 
porte,  il  tomba  roide  mort,  à  cinquante-quatre  ans,  ne  laissant  qu'une 
seule  fille  venue  fort  tard,  qui  s'est  faite  religieuse,  et  sa  branche  finie. 
Il  avoit  épousé,  en  1667,  Mlle  de  Montfréville,  Françoise-Marie-Claude 
de  Warignies,  fille  unique  et  héritière  d'une  Carbonnel-Canisy  et  du  frère 
cadet  de  M.  de  Blainville,  qui  ne  s'étoit  point  marié,  qu'on  a  vu,  p.  91*, 
chevalier  de  l'Ordre  en  1619,  à  la  mort  duquel  sa  charge  de  premier 
gentilhomme  de  la  chambre  du  Roi  fut  donnée  au  père  du  duc  de 
Saint-Simon  d'aujourd'hui.  C'étoit  une  femme  charmante  de  corps  et 
d'esprit,  excepté  pour  M.  de  Saint-Géran,  ravie  par  la  meilleure  com- 

1.  Dans  ce  même  mémoire  sur  les  chevaliers  de  l'Ordre. 

2.  C'est  l'article  dont  on  vient  de  lire  la  dernière  partie  au  commence- 
ment de  cet  appendice.  La  pagination  primitive  de  Saint-Simon  a  été,  de- 
puis 1880.  remplacée  par  un  foliotage  nouveau. 

3.  Erreur,  venant  d'une  lecture  fautive  de  l'Histoire  généalogique.  Le 
siège  de  Besançon  fut  fait  on  167-4. 

4.  Dans  le  même  mémoire  sur  les  chevaliers  de  l'Ordre. 


39^2  APPENDICE   V. 

pagnie  et  les  délices  de  la  cour.  Elle  fut  dame  du  palais  de  la  Reine. 
Jamais  tant  d'amis,  jamais  tant  de  gens  intéressés  véritablement  en  elle; 
jamais  si  constamment  à  la  mode,  même  durant  un  exil  de  quelques 
années  pour  une  partie  avec  Madame  la  Duchesse  à  la  campagne,  dans 
sa  première  année  de  veuve  ;  jamais  rien  de  si  fêté  que  son  retour.  Elle 
avoit  passé  cet  exil,  par  le  choix  qui  lui  avoit  été  laissé,  dans  un  cou- 
vent à  Rouen,  qui  lui  fut  salutaire  :  elle  se  donna  à  la  piété,  qui  ne  fit 
qu'augmenter,  sans  émousser,  les  charmes  de  son  commerce.  Elle  étoit 
de  tout  à  la  cour.  Sa  santé  l'en  retira,  sans  sortir  de  la  cour,  et,  à  la 
mort  du  Roi,  elle  entra  aux  Filles  Sainte-Marie  du  faubourg  Saint- 
Jacques,  où  elle  eut  le  don  de  se  plaire  et  de  s'amuser,  et  de  se  faire 
aimer  des  religieuses.  Sa  santé  lui  tint  lieu  d'une  grande  pénitence,  et 
elle  v  est  morte  très  chrétiennement.  « 


LA  MARQUISE  DE  SÉVIGNÉ  ET  LES  GRIGNAN.     39:^ 


VI 

LA  MARQUISE  DE  SÉVIGNÉ  ET  LES  GRIGNAN'. 

(Fragment  de  Saint-Simon^.) 

«  ....  Le  comte  de  Grignan,  chevalier  de  l'Ordre,  fat  marié  trois  fois  : 
la  première,  à  une  d'Angennes,  sœur  de  la  duchesse  de  Montausier,  qu'il 
perdit  en  1665;  la  seconde,  à  une  Puy-du-Fou,  morte  eu  1667  ;  enfin, 
en  janvier  1669,  une  Sévigné,  si  idolàtriquement  célébrée  par  les  lettres 
de  Mme  de  Sévigné,  sa  mère,  que  tout  le  monde  a  lues  avec  tant  d'avi- 
dité et  de  plaisir,  et  qui  n'ont  que  le  défaut  de  cette  passion  folle  de  sa 
tille,  qu'on  aperçoit  bien  qui  n'y  répondoit  pas,  à  beaucoup  près,  de 
même,  dont  la  beauté  y  est  meilleure  à  lire  qu'elle  n'a  été  à  voir,  et 
tlont  l'esprit,  gâté  de  tant  d'adorations  personnelles  et  d'état  si  prin- 
cipal en  Provence,  aigre,  altier  et  dominant,  ne  répondoit  guère  à  ce 
torrent  d'esprit  naturel,  aisé,  facile,  agréable  et  gai,  qui  ne  se  piquoit 
de  rien  et  qui  s'ignoroit  soi-même,  d'ailleurs  juste,  sage  et  plein  de 
bonté  quand  l'intérêt  de  sa  fille  lui  laissoit  sa  liberté,  tel  qu'on  le  voit 
briller  dans  Mme  de  Sévigny  ^,  qui  faisoit  les  délices  de  ses  amis, 
dont  elle  avoit  grand  nombre,  et  des  plus  distingués  et  choisis,  tandis 
que  sa  fdle,  qui  n'en  avoit  guère,  faisoit  la  contrainte  des  siens.  Toutes 
deux  moururent  à  Grignan,  la  mère,  *,  et  la  fille,  13  août  170.5. 

«  M.  de  Grignan  étoit  un  grand  homme  très  bien  fait,  avec  l'air  et  les 
manières  d'un  grand  seigneur,  tel  qu'il  l'étoit,  extrêmement  poli,  bon 
homme  et  très  honnête  homme,  qui  avoit  beaucoup  d'amis  et  de  consi- 
dération, que  le  Roi  traitoit  bien,  et  qui,  avec  un  esprit  sensé,  mais  fort 
médiocre,  étoit  fort  respecté  en  Provence  et  fort  maître,  et  aussi  aimé 
que  sa  femme  l'étoit  peu.  Ils  s'y  ruinèrent  à  vivre  grandement.  M.  de 
Grignan  y  mourut  dans  un  cabaret,  allant  de  Grignan  à  Marseille,  30  dé- 
cembre 4714,  à  quatre-vingt-cinq  ans,  et  fut  généralement  regretté. 

«  Du  premier  lit,  il  eut  une  fille,  que  sa  belle-mère  tourmenta  tant, 
qu'elle  se  réfugia  chez  le  duc  de  Montausier,  auprès  de  la  duchesse 
d'Uzès,  sa  cousine  germaine,  et  que,  lassée  enfin  de  son  état,  elle 


1.  Voyez  ci-dessus,  p.  Tl-'iS. 

'2.  Extrait  des  Légères  notions  des....  chevaliers  de  l'oi-dre  du  Saint-Esprit, 
article  Grignan,  vol'.  U  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  133  v°.  Ce  fragment 
a  été  public  par  M.  de  Boislisle,  en  1880,  dans  V Annuaire-BuUetin  de  la  So- 
ciété de  l'Histoire  de  France,  p.  13-2-135. 

3.  Saint-Simon  conserve  ici  l'orthographe  qui  paraît  avoir  été  la  plus  com- 
mune au  dix-septième  siècle  ;  mais,  plus  haut,  il  a  écrit  :  «  Sévigné  ». 

i.  La  date  est  restée  en  blanc. 


394  APPENDICE  VI. 

('pousa  M.  tlo  Vibrayc  llurault,  mort  lieutenant  général,  père  de  M.  de 
Vibraye  d'aujourd'hui.  Les  Grignans  en  jetèrent  les  hauts  cris  et  furent 
bien  des  années  sans  lui  pardonner  et  sans  les  voir;  et,  par  l'événement, 
elle  a  été  presque'  leur  seule  héritière.  Du  second  lit,  point  d'enfants. 
Du  troisième,  un  fils  et  une  fille,  dont  Mme  de  Grignan  voulut  faire  la 
passionnée,  comme  sa  mère  avoit  fait  d'elle.  Par  élégance  romanesque, 
elle  l'appcloit  Pauline,  et  en"  faisoit  admirer  tout  à  tout  le  monde.  En 
effet,  elle  étoit  extrêmement  jolie  et  bien  faite,  avec  beaucoup  d'esprit, 
qui  eût  été  charmant,  si  tout  ce  qu'elle  savoit  et  l'exemple  de  la  mère 
ne  le  lui  avoit  pas  un  peu  guindé.  Simiane,  qui  a  été  premier  gentil- 
homme de  la  chambre  de  M.  le  duc  d'Orléans,  en  fut  longtemps  amou- 
reux. Elle  ne  le  haïssoit  pas;  rien  de  plus  sortable  de  part  et  d'autre  : 
le  romanesque  de  la  mère  les  fit  languir  longtemps  ;  enfin  le  mariage  se 
fit.  Il  eut,  après  M.  de  Grignan,  la  lieutenance  générale  de  Provence, 
sans  y  être  jamais  presque  allé.  Le  marquis  de  Brancas  l'eut  après  lui, 
et  Simiane,  son  frère,  sa  charge  chez  M.  le  duc  d'Orléans,  qui,  dans 
la  suite,  l'a  fait  chevalier  de  l'Ordre  en  1724^.  Mme  de  Simiane  n'a 
eu  que  des  fdles.  Elle  fut  une  des  dames  de  Mme  la  duchesse  d'Or- 
léans; mais,  tôt  après,  elle  s'en  alla  en  Provence,  et  y  est  demeurée  le 
reste  de  sa  vie,  qui  fut  pleine  d'accès  de  dévotion  et  de  monde.  M.  de 
Castellane,  lieutenant  des  gardes  du  corps,  épousa  une  de  ses  filles, 
qu'il  a  perdue,  et  n'en  a  que  des  fdles.  Mme  de  Vibraye,  fort  vieille,  et 
Mme  de  Simiane  sont  mortes  il  n'y  a  pas  longtemps*. 

«  Le  comte"  de  Grignan,  fils  de  notre  chevalier  de  l'Ordre,  promit  et 
tint  autant  que  ses  courtes  années  le  purent  permettre.  Le  délabrement 
de  leurs  affaires  le  fit  marier  à  une  fille  de  finance,  Mlle  de  Saint-Amans. 
Mme  de  Grignan,  la  présentant  après  son  mariage,  redoublant  de  mi- 
nauderies, alloit  disant  qu'il  falloit  bien  quelquefois  fumer  ses  terres, 
qui,  en  vieillissant,  devenoient  stériles  et  avoient  besoin  de  fumier.  Le 
monde  se  moqua  fort  de  cette  étrange  pointe,  et  les  Saint-Amans  ne  la 
lui  pardonnèrent  jamais.  Le  pauvre  comte  de  Grignan  mourut  sans 
enfants,  en  octobre  1704,  sur  la  frontière,  revenant  de  l'armée  d'Alle- 
magne, et  fut  infiniment  regretté,  et  le  méritoit. 

«  Ainsi  a  fini  cette  branche  de  Castellane,  dite  Adhémar  de  Monteil, 
comte  ^  de  Grignan,  terre  magnifique  que  M.  de  Mûy^,qui  a  été  con- 
seiller au  parlement  d'Aix,  et  que  l'amitié  de  M.  le  cardinal  de  Fleury 
a  fait  sous-gouverneur  de  Monseigneur  le  Dauphin,  a  achetée.  » 


1.  Presque  est  écrit  en  interligne.  —  2.  En  est  en  interligne. 

3.  Comme  cela  lui  arrive  souvent,  Saint-Simon  a  écrit  16..,  au  lieu  de  17... 

4.  La  première  en  1739,  la  seconde  en  1737. 

3.  Le  fils  de  M.  de  Grignan  prit  le  titre  de  marquis  attaché  à  la  terre 
d'Entrecasteaux.  M.  de  Grignan  lui-même  avait  porté  aussi  le  titre  de  mar- 
quis jusqu'à  la  mort  de  son  père  (1668). 

6.  Selon  son  habitude,  Saint-Simon  n'a  écrit  que  la  lettre  initiale  de  comte, 
et  l'on  ne  peut  juger  s'il  voulait  mettre  ce  mot  au  pluriel  ou  au  singulier. 

7.  Il  semble  que  Saint-Simon,  ayant  écrit  «  Moy  »,  a  corrigé  en  «  Muy  ». 


LA  MAlSUiN   DE  CHAUMONT-GUITR Y.  395 


VII 

LA  MAISON  DE  CHAUMONT-GUITRY  « . 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon  2.) 

«  Le  marquis  de  Quitry^,  pour  qui  cette  nouvelle  charge  fut  créée  sur 
le  pied  en  tout  des  premières  et  plus  grandes  de  la  maison  du  Roi. 
Jusqu'alors  il  n'y  avoit  eu  que  deux  maîtres  de  la  garde-robe  égaux, 
servant  chacun  alternativement  une  année,  et  qui  sont  demeurés  ser- 
vant ainsi. 

«  M.  de  Quitry  et  M.  de  Lauzun  sont  les  deux  seuls  hommes  qui 
aient  été  véritablement  favoris  de  Louis  XIV,  et  tous  deux  amis  in- 
times, galants,  et  aussi  enfermés  l'un  que  l'autre,  car  c'est  trop  peu 
que  d'ire  particuliers  * .  Les  modes^,  les  galanteries,  les  plaisirs,  et  pré- 
cédemment les  privances  de  chez  Mme  la  comtesse  de  Soissons,  de 
chez  qui  le  Roi  ne  bougeoit,  l'avoient  mis  dans  sa  faveur.  Il  n'avoit  pas 
laissé  de  servir  avec  réputation  de  grande  valeur.  Il  avoit  un  esprit 
médiocre,  mais  haut,  et  le  courage  encore  plus;  ne  connoissoit  que  le 
Roi  et  ce  qui  y  avoit  rapport;  et,  avec  cela,  dans  les  fins  de  sa  vie,  il 
s'étoit  mis  dans  la  piété,  et,  sans  qu'il  y  parût,  dans  la  pénitence,  et 
méditoit  de  se  retirer.  II  ne  fut  jamais  marié,  n'eut  ni  frère  ni  sœur, 
n'avança  aucun  des  siens,  et  laissa  faire  la  fortune  pour  lui,  sans  pres- 
que l'aider,  et  sans  désirs  ni  demandes.  En  tout  un  homme  fort  singu- 
lier, mais  un  très  honnête  et  galant  homme,  avec  qui  maîtresses  et 
ministres  comptoient,  et  qui  pouvoit  presque  tout  sur  le  Roi,  sans  en 
faire  presque  aucun  usage.  Il  fut  tué  au  passage  du  Rhin,  12  juin  1672. 

«  Son  nom  étoit  Chaumont,  connu^  avant  1200%  et  dès  lors  seigneurs 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  81,  et  Additions  154  et  155. 

2.  Extrait  du  mémoire  sur  les  Grandes  charges,  art.  Grands  maîtres  de  i.a 
r.ARDE-ROBE,  vol.  45  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  177  v". 

3.  Saint-Simon  écrit  ici  :  Quitry,  comme  les  continuateurs  du  P.  Anselme, 
dont  il  a  la  généalogie  sous  les  yeux.  Au  contraire,  dans  les  Mémoires,  il 
emploie  la  forme  Guitry,  qui  du  reste  était  la  bonne. 

4.  Comparez  le  chapitre  sur  Lauzun,  dans  les  Mémoires,  tome  XIX,  p.  174. 

5.  Saint-Simon  avait  d'abord  écrit  «  La  mode  »,  et,  deux  lignes  plus  bas, 
il  a  écrit  et  laissé  :  Vavoit  mis,  faisant  accorder  le  verbe  avec  ce  singulier, 
sans  tenir  compte  des  pluriels  qui  le  suivent. 

G.  Il  avait  d'abord  écrit  «  connue  ». 

7.  La  filiation  qui  va  suivre,  et  dont  nous  ne  donnons  qu'une  partie,  est 
abrégée  de  V Histoire  généalogique  du  P.  Anselme,  tome  VIII,  p.  885-895,  où 
la  maison  de  Chaumont  figure  comme  comptant  un  grand  maître  des  eaux 
et  forêts  de  France. 


396  APPENDICE   VU. 

de'  Quitry,  qui  relève  du  château  de  Néaufles,  au  bailliage  de  Gisors, 
et  qui  dès  lors  aussi  firent  du  bien  à  l'abbaye  de  Saint-Vandrille,  près 
Caudebec  en  Normandie.  On  n'y  voit  ni  terres,  ni  alliances,  ni  emplois 
à  remarquer  jusqu'en  1385,  que  Guillaume  111,  dit  Lionel,  de  Chau- 
mont,  seigneur  de  Quitry,  accompagna  Charles  VI,  dont  il  étoit  cham- 
bellan, en  Flandres,  avec  huit  chevaliers  et  soixante-dix-sept  écuyers 
dans  sa  compagnie. 

«  Guillaume  IV,  son  fils,  fut  aussi  chambellan  de  Charles  VI,  qui,  en 
1413,  le  ût  capitaine  de  cent  hommes  d'armes,  puis  capitaine  de  Sens 
et  d'Auxerre.  S'étant  après  attaché  au  Dauphin,  depuis  Charles  VII, 
lors  régent,  ce  prince  le  fit  (4418)  maître-enquêteur  et  général  réfor- 
mateur des  eaux  et  forêts  de  France,  et,  la  même  année,  lui  donna  le 
comté  de  Chaumont.  Il  servit  ce  prince,  se  trouva  au  siège  d'Orléans  et 
en  d'autres  occasions,  à  son  sacre  à  Reims  (1429),  et  jusqu'en  1439.  Il 
mourut  1445.  Sa  femme  étoit  Jeanne  de  Mello. 

«  Depuis  lui,  rien  encore  en  aucun  genre  à  remarquer  jusqu'à  Jean 
de  Chaumont,  seigneur  de  Quitry,  etc.,  chevalier  de  Saint-Michel, 
chambellan  du  duc  d'Alençon,  frère  d'Henri  III,  capitaine  de  cinquante 
hommes  d'armes  et  lieutenant  général  des  armées  du  Roi  (1592).  C'est 
le  grand-père  du  grand  maître  de  la  garde-robe.  Il  s'étoit,  comme  la  plu- 
part des  siens,  petitement  marié,  et  maria  ses  enfants  de  même,  qui 
n'eurent  point  de  postérité,  excepté  le  père  du  grand  maître  de  la 
garde-robe,  tué  maréchal  de  camp  au  combat  de  Poligny,  en  Franche- 
Comté  (1638). 

«  Louis  de  Chaumont,  seigneur  d'Athieulles,  frère  du  bisaïeul  du 
grand  maître  de  la  garde-robe,  fut  grand-père  d'Alexandre,  seigneur 
d'Athieulles,  et  de  Jean,  seigneur  de  Boisgarnier.  Alexandre  fut  père 
(lu  chevalier  de  Chaumont,  ambassadeur  de  Louis  XIV  à  Siam,  du 
voyage  duquel  l'abbé  de  Choisy,  qui  l'y  accompagna,  s'y  fit  prêtre 
et  revint  avec  lui,  a  donné  un  journal  si  agréable.  Ce  chevalier  de 
Chaumont  se  maria  depuis,  et  a  eu  un  fils  dans  le  régiment  des  gardes. 

«  Jean,  seigneur  de  Boisgarnier,  épousa  la  sœur  du  président  Bail- 
leul,  surintendant  des  finances,  en  1614,  dont  un  fils  bibliothécaire  du 
Roi,  père  de  l'ancien  évèque  d'Acqs-,  qui  étoit  savant,  estmié  et  fort 
dans  les  bonnes  compagnies,  et  chez  qui  on  passoit  fort,  allant  et 
venant  de  Fontainebleau,  à  son  prieuré  d'Essonnes,  oia  le  Roi  s'est 
arrêté  quelquefois.  Il  étoit  de  l'Académie  françoise,  et  mourut  en  1697, 
à  plus  de  quatre-vingts  ans^.  » 


i.  En  interligne,  biffé:  Chaumonl  et  de. 

2.  Ancienne  orthographe  de  Dax. 

3.  Voyez  le  .Journal    de    T)an<fC(iu,  nvec  l'Acklition   de  Snint-Simon    (|ue 
nous  plaçons  sous  le  n°  l.'i.'i. 


CONFLIT  LA  ROCHEFOUCAULD  ET  COISLIN.       39? 


VIII 

CONFLIT  ENTRE  LE  DUC  DE  LA  ROCHEFOUCAULD 
ET  M.  DE  COISLIN,  ÉVÊQUE  D'ORLÉANS. 

Nous  avons  déjà  dit,  au  tome  II,  p.  357,  note  3,  que  Saint-Simon,  dans  une 
première  rédaction,  avait  rattaché  la  nomination  de  M.  de  Coislin  comme 
cardinal  à  un  conflit  qui  ne  commença  qu'en  1696  pour  se  terminer  en 
1697,  et  que,  s'apercevant  après  coup  de  son  erreur,  il  a  biffé  ce  passage 
en  entier,  pour  refaire  son  récit  plus  exactement  et  aux  dates  précises. 
Nous  plaçons  ici,  correspondant  au  passage  de  l'année  1696  (ci-dessus, 
p.  79-83)  et  à  l'Addition  n»  154  (ci-dessus,  p.  352),  le  fragment  supprimé 
aux  pages  76  et  77  du  manuscrit;  mais  on  ne  doit  pas  perdre  de  vue  que  la 
rédaction  définitive  se  trouve  scindée  entre  les  années  1696  et  1697,  et 
qu'il  faudra  se  reporter  par  conséquent,  pour  la  conclusion  du  conllit,  à 
notre  quatrième  volume. 

«  Avec  tout  cela,  il  lui  donna  une  mortification  que  ce  prélat  prit 
trop  amèrement,  et  qui  pourtant  le  fit  cardinal  avec  la  promptitude  et 
les  grâces  que  je  viens  de  raconter.  Le  premier  aumônier  n'avoit  point 
de  place  au  sermon  ;  le  capitaine  des  gardes,  le  grand  chambellan  à 
droit,  le  premier  gentilhomme  de  la  chambre  à  gauche,  étoient  les 
seuls  qui  y  en  avoient  derrière  le  Roi.  Monsieur  d'Orléans,  quand  il  s'y 
trouvoit,  se  mettoit  quelquefois  auprès  du  grand  chambellan  ;  on  l'ai- 
moit,  on  l'honoroit  :  on  le  laissoit  faire.  A  la  fin,  il  s'y  mit  toujours  et 
se  persuada  que  cette  place  de  hasard  et  de  tolérance  étoit  ia  sienne. 
La  charge  de  grand  maître  de  la  garde-robe  étoit  nouvelle;  le  Roi 
l'avoit  faite  pour  Guitry,  espèce  de  favori,  qui  fut  tué  au  passage  du 
Rhin.  M.  de  la  Rochefoucauld  lui  succéda,  et  plus  encore  à  la  faveur. 
Il  n'alloit  jamais  au  sermon  ;  le  Roi  le  remarqua  et  lui  en  parla  plus 
d'une  fois.  A  la  fin,  M.  de  la  Rochefoucauld,  qui  avoit  ses  vues,  dit 
au  Roi  qu'il  ne  pouvoit  aller  quémander  une  place  à  l'officier  des 
gardes  qui  placoit,  et  y  aller  d'assez  bonne  heure  pour  en  avoir  une 
convenable.  Là-dessus,  lui  donna,  pour  sa  charge,  celle  à  côté  du 
grand  chambellan.  Monsieur  d'Orléans  fit  les  hauts  cris,  comme  si  le 
Roi  lui  eût  ôté  la  sienne,  et  se  brouilla  ouvertement  avec  M.  de  la  Ro- 
chefoucauld, qui  avoit  été  jusque-là  son  ami  particulier.  Les  envieux  de 
sa  faveur,  qui  ne  manquent  point  dans  les  cours,  firent  grand  bruit, 
Monsieur  le  Grand  sur  tous,  qui  étoit  l'émule  en  faveur  de  M.  de  la 
Rochefoucauld,  et  celui-ci  le  sien,  et  sans  aucun  commerce  ensemble. 
Monsieur  le  Grand  étoit  cousin  germain  de  Monsieur  d'Orléans,  enfanta 


398  APPENDICE   VIII. 

du  frère  et  de  la  sœur,  et  lui,  le  chevalier  de  Lorraine  et  M.  de  Marsan, 
ses  frères,  s'étoient,  toute  leur  vie,  piqués  d'une  grande  amitié  pour 
Monsieur  d'Orléans  surtout,  et  pour  le  duc  et  le  chevalier  de  Coislin, 
ses  frères.  Ils  se  portèrent  pour  offensés  contre  M.  de  la  Rochefoucauld, 
n'osant  dire  contre  le  Roi  ;  ils  excitèrent  Monsieur  à  lui  en  parler  : 
bref,  toute  la  cour  se  partialisa,  et  Monsieur  d'Orléans  l'emporta  pour 
le  nombre  et  pour  la  considération  de  ceux  qui  se  déclarèrent  pour  lui. 
Le  Roi  tâcha  de  faire  entendre  raison  au  prélat;  M.  de  la  Rochefou- 
cauld, au  désespoir  de  perdre  son  amitié,  fit  fort  au  delà  de  ce  dont 
il  étoit  capable  ;  des  amis  communs  s'entremirent  :  Monsieur  d'Orléans 
fut  inflexible,  et,  quand  il  vit  que  tout  ce  bruit  ne  faisoit  rien  changer 
sur  la  place,  il  s'en  alla  bouder  à  Orléans,  et  y  demeura  plus  longtemps 
que  de  coutume.  A  son  retour,  le  Roi  lui  fit  merveilles  et  lui  offrit  pour 
sa  charge  la  place  derrière  lui,  à  côté  du  premier  gentilhomme  de  la 
chambre,  qu'il  eut  peine  à  lui  faire  accepter,  et  à  lui  persuader  que 
c' étoit  une  nouveauté  qu'il  vouloit  bien  faire  en  sa  faveur  ;  mais  il 
stipula  qu'il  se  raccommoderoit  avec  M.  de  la  Rochefoucauld.  Le  rac- 
commodement se  fit  donc,  mais  l'un  toujours  ulcéré  de  lui  voir  une 
place  qu'il  avoit  prise  pour  sienne,  et  l'autre  demeuré  piqué  de  ce 
long  vacarme,  quoi  qu'il  eût  su  faire  pour  apaiser  son  ami.  Il  y  avoit 
dix-huit  mois  que  cette  affaire  s'étoit  passée*  :  le  Roi  voyoit  bien  que 
Monsieur  d'Orléans  l'avoit  toujours  sur  le  cœur  ;  il  voulut  l'effacer  par 
le  cardinalat,  dont  d'ailleurs  il  le  croyoit,  avec  raison,  très  digne, 
et  c'est  ce  qui  lui  valut  la  nomination  si  prompte,  et  avec  tant  d'agré- 
ment. Cette  grande  grâce,  et  faite  d'une  manière  si  flatteuse,  arracha 
du  cœur  de  Monsieur  d'Orléans  tout  ce  qui  y  étoit  resté  d'amertume 
et  à  l'égard  du  Roi  et  à  celui  de  M.  de  la  Rochefoucauld,  vers  lequel 
il  fit  à  son  tour  toutes  sortes  d'avances  :  en  sorte  qu'ils  revinrent  en- 
semble comme  ils  avoient  été  depuis  cette  brouillerie'^.  » 

1.  D'après  le  Journal  de  Dangeau,  tome  V,  p.  381,  et  tome  VI,  p.  8i,  ce 
fut  seulement  en  mars  1696  que  le  duc  de  la  Rochefoucauld  obtint  une 
place  derrière  la  chaise  du  Roi  comme  grand  maître  de  la  garde-robe,  et  le 
10  mars  1697  que  se  régla  la  dispute  entre  ce  duc  et  Monsieur  d'Orléans,  à 
qui  le  Roi  voulut  donner  une  consolation,  non  pas  en  lui  faisant  obtenir  le 
chapeau,  ce  qui  était  déjà  fait,  mais  en  donnant  l'évêché  de  Metz  à  son 
neveu. 

2.  Il  faut  construire  :  «  ils  revinrent  ensemble,  depuis  cette  brouillerie, 
comme  ils  avoient  été  ;  »  ou  bien  il  y  a,  par  inadvertance,  depuis,  au  lieu 
d'avant. 


PROCÈS  DES  DUCS  ET  PAIRS.  399 


IX 

PROCÈS  DES  DUCS  ET  PAIRS  CONTRE  LE  DUC 
DE  MONTMORENCY-LUXEMBOURG». 

Cet  appendice  fait  suite  à  celui  qui  a  été  donné  dans  le  précédent 
volume,  p.  420-438,  pour  la  première  période  du  procès.  Nous  comptions, 
et  nous  avions  même  fait  espérer  que  les  Papiers  de  Saint-Simon  déposés 
aux  Affaires  étrangères  fourniraient,  sur  ce  point,  un  supplément  de  preuves 
et  de  pièces  justificatives  ;  mais  notre  attente  a  été  trompée,  et  les  seuls 
documents  que  nous  ayons  rencontrés  jusqu'ici^  dans  cette  mine  si  utile 
pour  le  reste  du  commentaire  des  Mémoires,  ne  sont  guère  que  des  pièces 
du  procès  qui  se  retrouvent  ailleurs  dans  divers  recueils.  Peut-être  les 
portefeuilles  indiqués  dans  l'inventaire  de  nSS^  ont-ils  été  classés  dans 
une  série  du  Dépôt  qui  a  échappé  à  nos  premières  recherches,  et  se  dé- 
couvriront-ils plus  tard.  On  ne  trouvera  donc  dans  le  présent  appendice 
que  le  relevé  ou  le  texte  des  pièces  fournies  par  les  manuscrits  de  Clairam- 
bault,  par  les  recueils  de  jui-isprudence  de  la  Bibliothèque  nationale,  et 
par  les  cartons  du  Parlement  et  des  Ducs  et  pairs  qui  sont  conservés  aux 
Archives  nationales.  Nous  donnons  d'abord  deux  lettres,  l'une  de  Harlay, 
alors  procureur  général,  l'auti'e  de  Clairambault,  qui  se  rapportent  à  des 
temps  antérieurs  même  à  la  première  période  du  procès,  et  qui  auraient 
dit  prendre  place  dans  l'Appendice  du  tome  II. 

25  janvier  1680.  Lettre  du  procureur  général  de  Harlay  à  Colbert, 
au  sujet  de  l'affaire  des  Poisons*  : 

«  Monsieur, 
«  La  qualité  de  M.  de  Luxembourg  lui  pouvant,  dans  la  suite,  faire 
présenter  quelque  requête  au  Parlement  pour  y  réclamer  les  juges  qui 
ont  accoutumé  de  connoître  des  procès  criminels  des  pairs  de  France, 
je  crois  qu'il  est  de  mon  devoir  de  vous  supplier  de  me  faire  savoir  ce 
qu'il  plairoit  au  Roi  que  je  fisse  sur  ce  sujet,  si  cela  se  présentoit,  desi- 


1.  Voyez  ci-dessus,  p.  89-112. 

2.  ils  sont  dans  le  volume  67  des  Papiers  de  Saint-Simon. 

3.  Voyez  ce  que  nous  disions  page  420  du  tome  II. 

4.  Voyez  le  tome  II,  p.  44. 


400  APPENDICE  IX. 

rant  également  obéir  aux  ordres  de  S.  M.  et  par  mes  services  et  par 
mon  silence. 

«  Je  suis  avec  respect,  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur.  «  de  Harlay.  » 

Original  autographe.  (Ms.  Clairambault  "33,  fol.  40  v".) 

8  décembre  1688.  Lettre  de  Clairambault  à  un  duc  et  pair,  au  sujet 
de  la  protestation  contre  les  princes  Lorrains  '  : 

«  Mgr  de  Luxembourg  me  fit  dire  hier  de  l'aller  trouver  aujour- 
d'hui, ce  que  j'ai  fait  dès  le  matin.  11  m'a  chargé  de  travailler  à  ses 
preuves  ;  mais  la  principale  raison  étoit  pour  me  demander  un  mémoire 
abrégé  de  la  prétention  qu'il  a  d'avoir  rang  dès  l'érection  de  Piney.  Il 
m'a  dit  que  vous.  Monseigneur,  et  Mgr  de  Seignelay,  l'approuveriez; 
mais,  avant  de  commencer,  je  crois  être  obligé  de  savoir  plus  positive- 
ment votre  intention,  non  que  je  présume  de  moi  assez  de  capacité 
pour  faire  quelque  chose  qui  puisse  lui  être  de  quelque  utilité,  mais 
seulement  pour  vous  assurer  que  je  me  garderai  bien  de  rien  entre- 
prendre sans  l'ordre  de  mes  maîtres,  et  pour  vous  remontrer  que  cela 
est  contraire  presque  à  tous  Messieurs  les  ducs,  du  nombre  desquels 
sont  Mgrs  de  Luynes  et  de  Chaulnes  :  ce  qui  m'arrête  tout  court  jusqu'à 
ce  que  vous  m'ayez  fait  connoître  votre  volonté,  si  vous  croyez  que 
Mgr  de  Seignelay  l'approuve....  >• 

Minute  autograplie.  (Ms.  Clairambault  "-21,  p.  481.) 

Nous  reprenons  ici  la  suite  du  procès,  pour  l'année  1696. 

(1696).  Mémoire  pour  MM.  les  ducs  et  pairs  contre  M.  le  duc  de 
Montmorency  :  «  L'instance  qui  étoit  entre  défunt  M.  le  maréchal  de 
Luxembourg  et  MM.  les  ducs  et  pairs  consistoit  uniquement  dans  une 
prétention  de  préséance  qu'avoit  M.  le  duc  de  Luxembourg....  »  Signé: 
CoJiMEAu,  procureur. 

Ms.  (Bibl.  nat.,  recueil  Thoisy,  in-folio,  vol.  XXIII,  fol.  3ii-Uli.) 

i"  mars  1696.  Mémoire  pour  MM.  les  ducs  et  pairs  contre  M.  le  duc 
(le  Montmorency*  :  «  La  cause  sur  laquelle  MM.  les  ducs  et  pairs  pour- 
suivent l'audience,  et  dont  la  décision  solennelle  intéresse  la  dignité  de 
tous  les  pairs....  »  Signé  :  Riparfonds. 

Ms.  (Recueil  Thoisy,   vol.  XXIII,   fol.  290  et  346;  ms.  Clairambault 
733,  fol.  399-40-2.) 

(Mars  1696).  Mémoire  sur  la  question  de  l'extinction  de  la  pairie  de 
Piney  pour  MM.  les  ducs  et  pairs  de  France  contre  M.  le  duc  de  Mont- 
morency :  «  Les  trois  chefs  qui  sont  à  juger....  »  Signé  :  Riparfonds. 
Impr.  en  "6  p.  in-4,  chez  Ch.  Guillery  ;   publié  dans  le  Commentaire 
de  la  coutume  de  Paris,  par  du  Plessis. 

1.  Voyez  le  tome  I,  p.  61,  note  3. 

2.  Ce  mémoire  contient  une  généalogie  de  Luxembourg  qui  offre  quelques 
diflcrences  avec  celle  que  Saint-Simon  a  donnée  au  début  du  procès. 


PROCÈS  DES  DUCS   f:T   PAIRS.  401 

(Mars  1696).  Mémoire  pour  M.  le  duc  de  Luxembourg,  pair  de 
France,  touchant  la  question  de  l'extinction  de  la  pairie  de  Piney 
prétendue  par  MM.  les  ducs  et  pairs  :  «  M.  le  duc  de  Luxembourg  ne 
traitera  cette  question....  »  Signé  :  Argoud. 

Impr.  en  28  p.  in-4  ;  publié  dans  le  Recueil  de  factums  d'Ani.sson  et 
Posuel,  en  1710,  tome  I,  p.  147.  Se  trouve  aussi  dans  le  vol.  67  des 
Papiers  de  Saint-Simon  et  dans  le  registre  des  Arch.  nat.  KK  599, 
p.  767. 

9  et  10  mars  1696.  Déclarations  de  non-récusation  : 
«  A  la  requête  de  Messire  Léon  Potier,  duc  de  Gesvres,  pair  de 
France,  premier  gentilhomme  de  la  chambre  du  Roi,  chevalier  de  ses 
ordres,  gouverneur  de  Paris,  soit  signifié  et  déclaré  à  MM.  les  ducs  et 
pairs  de  France  qu'il  est  tellement  convaincu  de  la  bonté  de  sa  cause 
et  de  l'intégrité  de  Messieurs  qui  en  sont  les  juges,  qu'il  consent,  ainsi 
que  M.  le  duc  de  Luxembourg  l'a  consenti,  que  M.  le  Premier  Prési- 
dent, MM.  les  présidents  3Iolé,  de  Ménars  et  de  Hanyvel,  et  MM.  les 
conseillers  demeurent  juges  des  contestations  qui  sont  entre  les  par- 
ties, encore  bien  qu'ils  soient  parents,  alliés  ou  créanciers  d'aucunes 
des  mêmes  parties;  à  ce  qu'ils  n'en  prétendent  cause  d'ignorance. 
Dont  acte. 

«  Delarue. 

«  Le  9  mars  1696,  signifié  et  baillé  copie  à  M"  Véron,  Commeau, 
Chardon,  Danré,  le  Carron  et  Mesnard,  procureurs,  en  leurs  domiciles, 
parlant  à  leurs  clercs. 

«  d'Alençon.   » 

«  A  la  requête  de  Messire  Léon  Potier,  duc  de  Gesvres,  pair  de 
France,  premier  gentilhomme  de  la  chambre  du  Roi,  chevalier  de  ses 
ordres,  gouverneur  de  Paris,  soit  d'abondant  signifié  et  déclaré  à 
Messires  Charles  de  Crussol,  duc  d'Uzès;  Charles  de  Rohan,  duc  de 
Montbazon  ;  Charles  de  Levis,  duc  de  Ventadour;  Charles,  duc  de  la 
TrémoïUe;  Maximilien-Pierre-François-Nicolas  de  Béthune,  duc  de  Sully; 
Jean-François  [de]  Bonne  de  Créquy,  duc  de  Lesdiguières  ;  Henri- 
Albert  de  Cessé,  duc  de  Brissac;  Charles  d'Ailly,  duc  de  Chaulnes  ; 
François,  duc  de  la  Rochefoucauld  ;  Louis,  duc  de  Saint-Simon  ;  Jac- 
ques-Nompar  de  Caumont,  duc  de  la  Force;  Louis  de  Rohan,  duc  de 
Rohan;  Louis  de  Grimaldi,  duc  de  Valentinois,  tous  ducs  et  pairs  de 
France  :  qu'il  consent  que  M3L  les  présidents  et  conseillers  qui  sont 
parents,  alliés  ou  créanciers  d'aucunes  des  parties  qui  plaident,  de- 
meurent juges  nonobstant  leurs  parentés,  alliances  ou  qualités  de 
créanciers,  pour  juger  les  instances  et  contestations  qui  sont  pendantes 
entre  lui,  M.  le  duc  de  Luxembourg  et  mesdits  sieurs  les  ducs  et  pairs  ; 
à  ce  qu'ils  n'en  prétendent  cause  d'ignorance.  Dont  acte. 

«  Delarue. 

«  Le  10  mars  1696,  signifié  et  baillé  copie,  sur    es  sept  heures  du 

MÉMOIRES   DE  SAINT-SIMON.   III  26 


402  APPENDICE  IX. 

matin,  à  M"  Chardon,  Véron,  Commeau,  Danré,  le  Carron  et  Mesnard, 
en  leurs  domiciles,  parlant  à  leurs  clercs. 

«  d'Alençon.  » 
Ms.  (Arch.  nat.,  K  616,  n"  22.) 

(Mars  1696).  Mémoire  pour  M.  le  duc  de  Luxembourg  et  de  Piney, 
pair  de  France,  contre  MM.  les  ducs  et  pairs,  destiné  à  servir  de 
preuve  à  sa  requête  du  21  mars  1696  :  «  Bien  que  l'on  se  soit  beau- 
coup étendu  à  l'audience....  »  Signé  :  Nivelle. 

Imp.  en  27  p.  in-4,  et  publié  dans  le  Recueil  de  1710,  tome  I,  p.  133. 
Se  trouve  aussi  dans  le  ms.  Clairambault  733,  fol.  331-358,  et  dans 
le  registre  des  Arch.  nat.  KK  599,  p.  739-765. 

(Mars  1696).  Réponses  de  MM.  les  ducs  et  pairs  à  la  requête  à  fin 
de  provision  de  M.  le  duc  de  Montmorency  du  21  mars  1696  :  «  M.  le 
duc  de  Montmorency,  convaincu  que  l'extinction  de  l'ancienne  pairie 
de  Piney  érigée  en  1581 » 

Imp.  en  3  p.  in-fol.  (Recueil  Thoisy,  vol.  XXIII,  fol.  286-288  et  348; 
ms.  Clairambault  733,  fol.  359-362.) 

(Mars  1696).  Dernier  mémoire  pour  MM.  les  ducs  et  pairs  contre 
M.  le  duc  de  Montmorency  :  «  M.  le  duc  de  Montmorency  réduit  toute 
la  cause  à  sa  requête  à  fin  de  réception....  » 

Ms.  (Recueil  Thoisy,  vol.  XXIII,  fol.  4-40-444;  ms.  Clairambault  733, 
fol.  489.) 

Extrait  des  demandes  sur  lesquelles  il  s'agit  de  prononcer, 
sîiivant  le  rôle. 

«  7  janvier  1693.  Opposition  formée  par  MM.  les  ducs  de  Mont- 
bazon,  de  la  Trémoille,  de  Richelieu,  de  la  Rochefoucauld,  de  Saint- 
Simon,  de  la  Force,  de  Rohan-Chabot  et  de  Valentinois,  pairs  de 
France*,  par  laquelle  ils  concluent  à  ce  qu'aucuns  des  enfants,  soit 
mâles  ou  femelles,  ou  prétendus  ayants  cause  de  défimt  Messire 
Henri  de  Montmorency  de  Bouteville  et  de  la  dame  sa  veuve,  ensemble 
les  enfants  du  premier  lit  de  dame  Marguerite-Charlotte  de  Luxem- 
bourg, soient  reçus  en  la  dignité  du  duché  et  pairie  de  Piney  et  pair 
de  France,  et  à  la  prestation  de  serment,  même  à  l'enregistrement  de 
toutes  lettres  qui  pourroient  être  obtenues  à  ce  sujet,  pour  les  causes 
à  déduire  en  temps  et  lieu. 

«  26  mars  {pour  avril)  1693.  Acte  de  reprise  fait  au  greffe  de  la  Cour, 


1.  En  marge  de  ce  paragraphe  est  écrit  :  «  Commeau,  procureur,  qui  a 
fait  l'opposition  sous  le  nom  desdits  sieurs  ducs.  Il  l'a  employée  pour  M.  de 
Sully.  —  Chardon,  procureur  de  M.  de  Chaulnes,  a  signifié  cette  opposition 
par  copie  au  procureur  de  M.  de  Luxembourg,  et  l'a  employée  pour  lui.  — 
Danré  le  jeune,  procureur,  a  fait  la  même  chose  pour  M.  de  Ventadour  et 
M.  de  Brissac.  » 


PROCÈS   DES  DUCS  ET  PAIRS.  403 

par  M.  le  duc  de  Luxembourg,  au  lieu  de  Monsieur  son  père,  du  procès 
de  préséance. 

«  14  avril  169o*.  Requête  présentée  à  la  Cour  par  MM.  les  ducs  de 

la  Rochefoucauld,  de  Sully,  de  Valentinois  et  de  Rohan-Chabot,  par 
laquelle  ils  concluent  à  ce  que,  en  conséquence  des  oppositions  ci-des- 
sus, ils  soient  reçus  opposants  à  l'acte  de  reprise  fait  au  greffe  le 
26  mars  1693,  de  l'instance  de  prétendue  préséance  desdits  duché  et 
pairie  de  Piney;  faisant  droit  sur  lesdites  oppositions,  ordonner  que 
Messire  Charles-François-Frédéric  de  Montmorency,  ni  aucun  autre, 
ne  pourra  être  reçu  à  la  dignité  de  duc  et  pair  de  Piney,  ni  reprendre 
ladite  instance  de  prétendue  préséance  desdits  duché  et  pairie  de  Piney*. 

«  21  janvier  1696.  Autre  requête  présentée  par  MM.  les  ducs  de 
Sully,  de  la  Rochefoucauld  et  de  Valentinois,  par  laquelle  ils  concluent 
à  ce  qu'en  venant  plaider  par  les  suppliants  et  Messire  Charles-Fran- 
çois-Frédéric de  Montmorency  sur  les  oppositions  et  requêtes  des  7  jan- 
vier et  14  avril  1693,  ordonner  que  M.  le  duc  de  Gesvres  viendra 
pareillement  y  défendre  et  plaider  conjointement  sur  la  présente  re- 
quête, et,  en  conséquence,  déclarer,  en  tant  que  besoin  est  ou  seroit, 
l'arrêt  qui  interviendra  sur  lesdites  oppositions  et  requêtes  commun 
avec  M.  de  Gesvres. 

«  21  janvier  1696.  Requête  civile  obtenue  contre  l'arrêt  du  20  mai 
4662,  par  MM.  les  ducs  de  Ventadour,  de  Brissac  et  de  Rohan-Chabot, 
le  13  août  1693;  signifiée  le  21  janvier  1696. 

«  1"  février  1696.  Arrêt  intervenu  sur  les  oppositions  et  requêtes 
ci-dessus  datées,  par  lequel  on  donne  acte  à  M.  de  Luxembourg  de  sa 
reprise,  sans  que  les  qualités  y  prises  puissent  nuire  ni  préjudicier,  et 
on  sursoit  durant  trois  mois  au  jugement  du  procès  de  préséance  qui 
est  au  rapport  de  M.  Portail,  et  à  toute  instruction;  et,  durant  ce 
temps,  on  ordonne  que  l'on  fera  diligence  de  faire  statuer  sur  l'opposi- 
tion à  la  réception  et  sur  la  requête  civile. 

«  4  février  1696.  Requête  présentée  par  MM.  les  ducs  de  Venta- 
dour, de  Brissac  et  de  Rohan-Chabot,  par  laquelle  ils  concluent  à  l'en- 
térinement de  leurs  lettres  en  forme  de  requête  civile  ;  ce  faisant, 
qu'ils  soient  mis  en  tel  et  semblable  état  qu'ils  étoient  avant  l'arrêt  du 
20  mai  1662. 

«  24  février  1696.  Requête  présentée  par  MM.  les  ducs  d'Uzès,  de 
Montbazon,  de  Ventadour,  de  la  Trémoïlle,  de  Sully,  de  Lesdiguières, 
de  Brissac,  de  Chaulnes,  de  la  Rochefoucauld,  de  Saint-Simon,  de  la 
Force,  de  Rohan-Chabot,  de  Valentinois,  par  laquelle  ils  concluent  à 
ce  qu'en  prononçant  sur  les  oppositions^  formées  par  les  actes  d'oppo- 
sitions et  requêtes  du  7  janvier,  14  mars,  14  avril  1693  et  [21]  janvier 

1.  En  marge  est  écrit  :  «  Pour  moyens,  dans  la  requête,  on  dit  qu'il  est 
éteint,  et  qu'il  n'y  a  plus  d'instance  de  préséance.  » 

2.  En  marge  est  écrit  :  «  Commeau,  procureur  de  MM.  de  Sully,  la  Roche- 
foucauld et  Valentinois;  Véron,  procureur  de  M.  de  Rohan-Chabot.  » 

3.  En  marge  est  écrit  :  «  L'opposition  à  la  réception  est  fondée  sur  la 


404  APPENDICE  IX. 

1696,  déclarer  la  pairie  de  Piney  érigée  par  lettres  du  roi  Henri  III,  du 
mois  d'octobre  1581,  enregistrées  en  la  Cour  le  '29  décembre  1581 ', 
du  très  exprès  commandement  du  Roi,  éteinte  à  défaut  de  descendants 
du  nom  et  de  la  famille  de  Luxembourg,  sans  que  M.  de  Montmorency, 
ni  autres  enfants  ui  descendants  de  Messire  Henri-François  de  Montmo- 
rency, maréchal  de  France,  puisse  se  dire  pair  de  Piney,  avoir  rang  ni 
séance  en  la  Cour,  sacre  et  couronnement  des  rois,  ni  prétendre  aucunes 
fonctions  ni  prérogatives  personnelles  de  la  dignité  de  pair  de  France, 
et  sans  que,  dans  aucun  cas,  ladite  pairie  de  Piney,  qui  sera  déclarée 
éteinte,  puisse  passer  ni  à  la  maison  de  Montmorency,  ni  à  celle  de 
Gesvres,  ni  à  leurs  descendants  dans  aucuns  degrés  que  ce  soit; 
ordonner  qu'en  venant  plaider  sur  lesdites  oppositions  et  autres  chefs 
de  contestations  incidentes  auxdites  oppositions,  les  parties  viendront 
pareillement  plaider  sur  les  conclusions  de  la  présente  requête. 
«  Voilà  toutes  les  requêtes  qui  sont  au  rôle  dont  on  plaide.  » 

Requêtes  présentées  depuis  la  cause  commencée  à  plaider. 

«  15  et  29  mars  1696.  Requête  présentée  par  MM.  les  ducs  d'Es- 
trées,  de  la  Meilleraye,  de  Villeroy,  de  Choiseul,  d'Aumont,  de  la  Ferté- 
Senneterre  et  de  Béthune-Charost,  par  laquelle  ils  demandent  d'être 
reçus  parties  intervenantes  en  la  cause  qui  se  plaide  en  la  Cour  entre 
MM.  les  ducs  et  pairs  et  M.  le  due  de  Luxembourg  et  M.  de  Gesvres; 
faisant  droit  sur  leur  intervention,  déclarer  la  pairie  de  Piney,  érigée 
par  lettres  du  roi  Henri  III  du  mois  d'octobre  1581,  enregistrées  en  la 
Cour  le  29  décembre  suivant  1581,  du  très  exprès  commandement  du 
Roi,  éteinte  à  défaut  de  descendants  du  nom  et  de  la  famille  de 
Luxembourg,  sans  que  M.  le  duc  de  Montmorency,  ni  autres  enfants 
ni  descendants  de  Messire  François-Henri  de  Montmorency  de  Boute- 
ville,  maréchal  de  France,  puissent  se  dire  pairs  de  Piney,  avoir  rang 
ni  séance  en  la  Cour,  sacre  et  couronnement  des  rois,  ni  prétendre 
aucunes  fonctions  ni  prérogatives  personnelles  de  la  dignité  de  pair  de 
France,  en  qualité  de  pair  de  Piney,  et  sans  que,  dans  aucun  cas,  la- 
dite pairie  de  Piney,  qui  sera  déclarée  éteinte,  puisse  passer  ni  à  la 
maison  de  Montmorency,  ni  à  celle  de  Gesvres,  ni  à  leurs  descendants, 
dans  aucun  degré  que  ce  soit. 

«  21  mars  1696.  Requête  présentée  par  M.  le  duc  de  Luxembourg, 
par  laquelle,  en  déboutant  lesdits  sieurs  ducs  de  Ventadour,  de  Bris- 
sac  et  de  Rohan-Chabot  de  leurs  lettres  en  forme  de  requête  civile 
obtenues  contre  l'arrêt  du  20  mai  1662,  et  de  la  requête  à  fin  d'enté- 
demande  en  extinction  et  sur  le  moyen  des  lettres  obtenues  par  M.  le  duc  de 
Luxembourg,  le  6  avril  1G7C,  que  l'on  oppose  ^^er  média  caitsœ  seulement.  » 

1.  En  marge  est  écrit  :  «  La  demande  en  enregistrement  desdites  lettres 
de  1676,  et  l'opposition  que  MM.  les  anciens  ducs  y  ont  formée,  est  jointe 
au  procès  de  préséance.  Ainsi  il  n'y  a  pas  moyen  de  prononcer  dessus  quant 
à  présent.  » 


PROCÈS  DES  DUCS  ET  PAIRS.  40S 

rinement  d'icelles  du  4  février,  déclarer  MM.  les  ducs  d'Eslrées,  de  la 
Meilleraye,  de  Choiseul,  d'Aumont,  de  la  Ferté,  de  Villeroy  et  de 
Béthune  non  recevables  en  leurs  requêtes  d'intervention,  et,  sans 
s'arrêter  aux  oppositions  et  demandes  desdits  sieurs  ducs  et  pairs, 
ordonner  que,  sans  préjudice  de  l'instance  de  préséance,  il  sera  passé 
outre  et  procédé  à  la  réception  du  suppliant  en  la  dignité  de  duc  et 
pair  de  Piney,  au  lieu  et  place  de  feu  Monsieur  son  père. 

«  30  mars  1696.  Requête  présentée  par  MM.  les  ducs  d'Estrées, 
de  la  Meilleraye,  de  Choiseul,  de  Villeroy,  d'Aumont,  de  la  Ferté  et  de 
Béthune-Charost,  par  laquelle  ils  concluent,  en  plaidant  sur  leur  inter- 
vention, les  recevoir,  en  tant  que  besoin  est  ou  seroit,  opposants  à 
l'arrêt  du  20  mai  1662  en  ce  qu'il  ordonne  qu'il  sera  procédé  à  la 
réception  de  feu  Messire  François-Henri  de  Montmorency,  comte  de 
Bouteville,  en  la  dignité  de  duc  et  pair  de  Piney.  » 
(Arch.  nat.,  K  616,  n°  22.) 

Arrêt  du  Parlement^. 

«  Du  vendredi  13«  avril  1696,  la  grand'chambre  et  tournelle  assem- 
blées, M.  le  président  de  Longueil. 

«  Entre  Messire  Charles  de  Rnhnn 2 


«  Après  que  Fréteau,  avocat  pour  les  ducs  de  Montbazon,  de  la  Tré- 
moille,  de  Richelieu,  de  la  Rochefoucauld,  de  Saint-Simon,  de  la 
Force,  de  Valentinois  et  de  Rohan-Chabot  ; 

«  Arrault,  avocat  pour  les  ducs  de  Ventadour,  de  Brissac  et  de 
Rohan-Chabot; 

«  Magueux,  avocat  pour  les  ducs  d'Estrées,  de  la  Meilleraye,  de 
Villeroy,  de  Choiseul,  d'Aumont,  de  la  Ferté- Senneterre  et  de  Béthune; 

«  Héron,  avocat  pour  le  duc  d'Uzès; 

«  du  Mont,  avocat  pour  le  duc  de  Luxembourg  ; 

"  Nouët,  avocat  pour  le  duc  de  Gesvres  ; 

«  Chardon,  avocat  pour  les  ducs  de  Sully,  de  Lesdiguières  et  de 
Chaulnes; 

«  Et  Daguesseau  pour  le  procureur  général  du  Roi,  qui  a  conclu  à 
ce  qu'il  plût  à  la  Cour  recevoir  les  intervenants  parties  intervenantes, 
déclarer  les  parties  d'Arrault  non  recevables  en  leurs  lettres  en  forme 
de  requête  civile;  ayant  aucunement  égard  aux  oppositions  des  parties 
de  Fréteau,  Chardon  et  Arrault,  et  à  la  réquisition  qu'il  faisoit,  en  tant 
que  besoin  seroit,  pour  le  procureur  général  du  Roi,  faire  défenses  à  la 
partie  de  du  Mont  de  poursuivre  sa  réception  en  vertu  des  lettres 
d'érection  de  l'année  1581,  ordonner  qu'il  seroit  sursis  au  jugement  du 
surplus  des  contestations  jusqu'à  ce  qu'il  ait  plu  au  Pioi  de  déclarer 

1.  Cet  arrêt  a  été  plusieurs  fois  imprimé;  nous  le  donnons  d'après  la  mi- 
nute originale  conservée  aux  Archives  nationales,  X'b  "040. 

2.  Ici,  un  blanc  dans  le  manuscrit. 


406  APPENDICE  IX. 

son  intention  sur  les  lettres  de  4661  et  de  1676,  et  déclarer  l'arrêt 
commun  avec  la  partie  de  Nouët  ; 

«  Ont  été  ouïs  pendant  quatorze  audiences  : 

«  La  Cour  a  reçu  les  parties  de  Magueux  intervenantes,  et,  sans  s'y 
arrêter,  a  débouté  les  parties  d'Arrault  de  leurs  lettres  en  forme  de 
requête  civile,  et  les  opposants  de  leurs  oppositions  à  l'exécution  de 
l'arrêt  du  20  mai  1662  et  à  la  réception  de  la  partie  de  du  Mont;  a 
joint  la  requête  à  ce  que  la  pairie  de  Piney  soit  déclarée  éteinte  à 
l'instance  de  préséance  pendante  en  la  Cour  entre  les  parties;  cepen- 
dant ordonne  que  la  partie  de  du  Mont  sera  reçue  en  la  dignité  de  duc 
de  Piney,  pair  de  France,  conformément  à  l'arrêt  du  20  mai  1662  et  à 
l'arrêté  de  la  Cour  du  même  jour;  condamne  les  demandeurs  en  lettres 
en  forme  de  requête  civile  en  amende  envers  le  Roi  et  la  partie,  et  aux 
dépens  à  cet  égard,  tous  autres  dépens  compris. 

«  De  Longueil. 

«  Nola  que,  le  jeudi  12°  et  le  vendredi  13%  Messieurs  sont  montés 
aux  hauts  sièges,  quoiqu'à  toutes  les  audiences  ils  se  fussent  mis  aux 
bas,  et  que  M.  le  président  de  Longueil  avoit  sa  robe  rouge  les  deux 
jours*.  » 

Réception  de  M.  le  duc  de  Luxembourg  ^^. 

«  Du  vendredi  A"  jour  [de]  mai  1696. 

«  M"  Achille  de  Harlay,  chevalier,  premier; 

M.  J.  de  Longueil, 

M.  L.  Mole, 

M.  L.  le  Peletier, 

M.  J.-A.  de  Mesmes,  \     présidents; 

M.  N.-L.  de  Bailleul, 

M.  J.-J.  Charron, 

M.  A.-A.  de  Hanyvel, 

Le  duc  de  Bourbon,  j     ^„-„„„  j,.  „„ 

,    _,      .  }     princes  au  sa; 

Le  prmce  de  Conti,  )     ^ 

Le  duc  du  Maine,  comte  d'Eu,  duc  d'Aumale, 

Le  comte  de  Toulouse,  duc  d'Amville  ; 

L'archevêque-duc  de  Reims, 

Le  duc  de  Piney-Luxembourg, 

Le  duc  d'Estrées, 

Le  duc  de  Villeroy,  \     •pairs  de  France; 

Le  duc  de  Randan, 

Le  duc  d'Aumont, 

Le  duc  de  la  Ferté-Senneterre, 

1.  Cette  note,  comme  le  reste  du  texte,  est  de  la  main  du  greffier  Gilbert. 

2.  Arch.  nat.,  X'*  8412,  fol.  335.  Ce  procès-verbal  fut  imprimé  en  huit 
pages  m-4°,  chez  Coignard. 


PROCÈS  DES  DUCS  ET  PAIRS. 


407 


Sur  les  bancs  du  parquet  et  sur  les  bancs  d'en  haut 


MM.  Doujat, 
Guillart, 
Lenain, 
le  Mairat, 
Thibeuf, 
Pinon, 
Moral, 
Maulnorry, 
Portail, 
Catinat, 
Chevalier, 
Malebranche, 
Ledoulx, 
le  Boultz, 
Brunet, 

A  la  mercuriale  : 

MM.    Briçonnet,  de   1; 


MM.  Barentin, 
Sainctot, 
Cadeau, 
Petit, 

le  Musnier, 
Robert, 
Bochart, 
Joly; 

Boucherat, 
Camus, 
Dreux, 
de  BéruUe,  I 
Barberie,      | 
Roujault, 


conseillers 
d'honneur; 

maîtres 
des 

requêtes. 


Barde,  de  Thumeryes,  Ferrand,  Feydeau, 
Sevin,  Gilbert,  Lescalopier,  Benoise,  de  la  Grange,  Mole,  de  Vienne, 
du  Tillet,  Gilbert,  Dreux,  le  Fouyn,  le  Féron,  Portail,  Méliand,  Pageau, 
Demurard,  Bavière,  le  Mairat,  Mandat,  de  Lamoignon,  Mesgrigny,  Mé- 
rault,  Leclerc,  Richebourg,  Lucas,  Barrillon,  le  Maître,  Bauyn,  Canaye, 
de  Thuisy,  de  Vienne,  Fraguicr,  Delpech,  etc. 

«  Ce  jour,  pendant  que  la  Cour  vaquoit  au  jugement  de  quelques 
instances,  sont  entrés  successivement  MM.  les  princes  du  sang,  ducs 
et  pairs  ci-dessus  nommés;  et,  sur  les  huit  heures  du  matin,  les 
grand'chambre  et  tournelle  ayant  été  assemblées,  M.  Doujat,  doyen,  a 
fait  lecture  de  la  requête  de  Messire  Charles-François-Frédéric  de  Mont- 
morency-Luxembourg pour  être  reçu  en  la  qualité  de  duc  de  Piney- 
Luxembourg,  pair  de  France,  ensemble  des  lettres  d'érection  de  ladite 
terre,  de  l'information  faite  de  ses  vie  et  mœurs,  et  autres  pièces;  sa 
réception  a  été  ordonnée,  et,  après  le  serment  accoutumé,  a  été  reçu 
et  a  pris  place  au-dessous  de  M.  l'archevèque-duc  de  Reims,  suivant 
l'arrêt  qui  en  a  été  dressé. 

«  Lorsque  ledit  sieur  duc  de  Luxembourg  a  été  assis,  M.  le  Premier 
Président  lui  a  dit  : 

«  Monsieur, 
«  La  grandeur  de  votre  maison  si  ancienne  et  si  illustre,  en  même 
«  temps  la  mémoire  des  services  et  des  grandes  actions  de  feu  M.  de 
«  Luxembourg,  l'autorité  des  choses  jugées  et  la  faveur  d'un  fils  qui 
«  demande  de  recueillir  une  dignité  héréditaire  dont  son  père  a  joui 
«  durant  trente-trois  ans,  vous  ayant  conservé  par  un  second  arrêt  les 
«  avantages  qu'un  premier  vous  avoit  acquis,  nous  aurions  une  joie 
«  parfaite  de  vous  voir  prendre  possession  de  l'éminente  dignité  dont  le 


408  APPENDICE  IX. 

«  quatrième  de  ces  grands  connétables  que  votre  maison  a  donnés  à 
•i  la  France  a  ouvert  le  chemin  à  la  noblesse  par  son  mérite  et  par  ses 
«  services,  si  toutes  vos  contestations  avoient  pu  être  terminées,  et 
«  beaucoup  plus  encore,  ci  elles  l'avoient  été  d'une  manière  qui  eût 
«  éteint,  avec  le  procès,  toutes  les  suites  fâcheuses  qui  sont  presque 
"  inséparables  des  différends  de  cette  nature. 

«  Et  comme  nous  avons  eu  ces  désirs  pour  la  première  partie  de  ce 
«  procès,  il  est  encore  plus  juste  que  nous  fassions  les  mêmes  vœux  la 
«  seconde,  dans  laquelle  on  peut  dire  qu'il  ne  s'agit  plus  de  donner 
«  un  exemple  qui  eût  été  préjudiciable  à  ceux  mêmes  que  l'on  avoit 
«  engagés  à  la  demander,  mais  d'une  préséance  d'honneur,  que  l'on 
«  conteste  avec  un  intérêt  véritable,  et  où  l'on  tâche  de  conserver  les 
«  droits  de  la  possession  qui  a  été  l'un  des  principaux  fondements  de 
"  vos  prétentions  et  de  l'arrêt  que  vous  avez  obtenu. 

«  La  Cour,  qui  a  bien  voulu  joindre  ses  offices  et  ses  souhaits, 
"  m'avoue  encore  aujourd'hui,  lorsque  je  vous  invite.  Monsieur,  en  son 
«  nom,  de  contribuer  de  votre  part,  autant  qu'il  vous  sera  possible,  à 
«  cette  pacification.  La  main  qui  seule  a  le  pouvoir  de  mettre  dans  vos 
«  maisons  les  grandes  dignités,  peut  seule  terminer  heureusement  les 
•'  différends  d'honneur  qu'elles  font  naître.  Le  rang  que  l'on  reçoit 
«  d'elle  est  toujours  le  plus  honorable;  et,  quand  il  ne  seroit  pas 
«  entièrement  conforme  à  nos  prétentions,  l'on  en  seroit  aisément  con- 
«  sole  par  le  plaisir  que  l'on  auroit  d'obéir  à  son  maître  et  à  son  bien- 
«  faiteur. 

«  Nous  vous  invitons  donc  tous  également  de  terminer,  s'il  se  peut, 
«  vos  contestations  par  une  voie  si  douce  et  si  honorable,  et  nous  ver- 
«  rons  avec  autant  de  plaisir  la  réunion  de  tant  de  personnes  qui  tien- 
"  nent  un  si  grand  rang  dans  le  Royaume  et  qui  font  une  partie  si  con- 
«  sidérable  de  la  Compagnie,  que  nous  aurions  d'exactitude  et  de 
"  soumission  pour  exécuter  tout  ce  qu'il  auroit  plu  au  Roi  de  régler 
"  sur  ce  sujet.  » 

«  Toutes  les  chambres  ayant  été  assemblées  pour  la  mercuriale,  les 
huissiers  ont  fait  serment  de  bien  et  fidèlement  exercer  leurs  charges, 
et  de  ne  plus  grands  droits  prendre  que  ceux  qui  leur  sont  attribués. 

«  Les  gens  du  Roi  aussi  mandés,  après  lecture  des  ordonnances  qui 
les  concernent,  M.  le  Premier  Président  leur  a  dit  *  : 

«  Les  gens  du  Roi,  M'  Chrétien-François  de  Lamoignon  portant  la 
parole,  ont  laissé  sur  le  bureau  un  article  signé  du  procureur  général 
du  Roi,  pour  être  délibéré  en  la  mercuriale,  dont  la  teneur  suit  : 
«  Comme  la  diminution  du  nombre  des  affaires  donne  plus  de  temps 
«  pour  les  examiner  dans  les  chambres,  Messieurs  qui  servent  dans  les 
«  chambres  des  enquêtes  seront  invités  d'en  voir  le  moins  qu'ils  pour- 
«  ront  de  petits  commissaires,  et  de  se  souvenir  que  cette  manière  de 

1.  Un  blanc  dans  le  manuscrit. 


PROCÈS  DES  DUCS  ET  PAIRS.  409 

«  visiter  les  procès  n'a  été  introduite  que  pour  en  faciliter  l'expédi- 
«  tion;    »  et  se  sont  retirés. 

«  La  lecture  a  été  faite  des  ordonnances  concernant  les  présidents  et 
conseillers  de  la  Cour,  et  encore  de  celle  concernant  la  décence  des 
habits. 

«  Après  que  M.  le  Premier  Président  a  dit  que  l'article  proposé  par 
les  gens  du  Roi  ne  concernoit  que  l'expédition  des  affaires  de  petits 
commissaires,  on  n'a  pas  estimé  qu'il  fût  nécessaire  de  se  retirer  en  la 
tournelle  pour  y  délibérer  plus  amplement. 

«  MM.  les  princes  du  sang,  ducs  et  pairs  s'en  sont  allés,  MM.  les 
princes  du  sang  traversant  le  parquet,  et  les  autres  derrière  le  bar- 
reau. 

«  MM.  les  princes  du  sang  ont  été  reconduits  par  deux  huissiers  jus- 
ques  à  la  Sainte-Chapelle,  et  MM.  les  ducs  du  Maine  et  comte  de  Tou- 
louse par  un  huissier,  frappant  de  leurs  baguettes.  » 


410  APPENDICE  X. 


L'ÉVÈQUE  DE  METZ  ET  LE  DUC  DE  LA  FEUILLADE». 

Lettre  du  procureur  (jéîiéral  près  le  parlement  de  Metz  au  contrôleur 
général  Pontchartrain'-. 

«  A  Metz,  le  29  mai  1696. 
«  Monseigneur, 

«  M.  de  Vaudrey  est  venu  m'avertir  ce  matin  qu'il  venoit  de  remettre 
entre  les  mains  de  M.  l'intendant  les  clefs  du  cabinet  et  du  coffre-fort 
de  M.  l'évèque  de  Metz  de  la  part  de  M.  le  duc  de  la  Feuillade,  qui  en 
avoit  tiré  cette  nuit  la  somme  dont  il  avoit  besoin  pour  faire  la  dépense 
de  cette  campagne,  et  qu'il  avoit  charge  de  me  faire  part  de  la  facilité 
qu'il  avoit  eue  d'exécuter  son  dessein,  afin  que  je  donnasse  les  ordres 
nécessaires  pour  empêcher  qu'un  autre  ne  put  profiter  de  l'état  où  est 
Monsieur  son  oncle  et  se  rendre  maître  de  son  argent.  Je  suis  allé  dans 
le  moment  trouver  M.  l'intendant,  et  je  lui  ai  proposé  de  se  transporter 
au  palais  épiscopal,  et  de  dresser  procès-verbal  de  l'état  des  portes  et 
des  serrures,  et  de  vous  en  rendre  compte,  Monseigneur,  pour  recevoir 
des  ordres  du  Pioi  sur  ce  qui  seroit  à  faire  pour  la  conservation  des 
effets  de  ce  prélat.  M.  l'intendant  a  cru  d'abord  devoir  préférer  les 
voies  ordinaires  de  la  justice,  et  a  envoyé  quérir  le  lieutenant  criminel 
pour  en  informer;  mais  plusieurs  obstacles  l'ont  empêché  de  persister 
dans  le  dessein  qu'il  avoit  de  poursuivre  cette  procédure.  Le  premier 
est  que  le  lieutenant  criminel  a  refusé  de  l'entreprendre  à  moins  qu'il 
ne  fût  fait  un  inventaire  des  effets  de  M.  l'évèque  et  des  espèces  qui 
étoient  dans  son  coffre,  et  que,  pour  leur  sûreté,  ils  ne  fussent 
mis  entre  les  mains  d'un  notable  bourgeois,  ou  qu'au  moins  il 
n'apposât  le  scellé  sur  ses  effets  et  qu'il  n'y  établît  un  gardien  :  ce 
qui  étoit  également  difficile,  et  par  la  difficulté  de  trouver  un  gardien 
solvable  qui  voulût  en  prendre  la  charge,  et  par  la  contradiction  de 
M.  l'évèque,  qui,  dans  sa  démence,  conserve  assez  de  présence  d'esprit 
sur  le  sujet  de  son  intérêt  pour  ne  vouloir  souffrir  chez  lui  ni  scellé, 
ni  gardien,  et  qui  ne  donnera  jamais  de  son  vivant  son  consentement 
au  transport  de  son  argent.  Nous  avons  même  cru  qu'il  valoit  mieux 
employer  l'autorité  du  Roi  dans  un  cas  aussi  extraordinaire  que  celui 
du  procédé  de  M.  le  duc  de  la  Feuillade  à  l'endroit  de  Monsieur  son 
oncle,  par  rapport  au  caractère  de  l'un  et  de  l'autre,  et  de  l'état  où 
est  le  dernier,  que  d'en  rendre  toutes  les  circonstances  publiques  en 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  117-118. 

"2.  Archives  nationales,  Papiers  du  Contrôle  général,  G'  277. 


L'fiVÈQUE  DE  METZ  ET  LE  DUC  DE  LA  FEUILLADE.   444 

traitant  l'affaire  par  les  voies  ordinaires  de  la  justice.  Ainsi  M.  l'inten- 
dant s'est  déterminé  à  recevoir  la  déclaration  de  M.  de  Vaudrey,  et  à  se 
transporter  ensuite  à  l'évêché,  où  il  a  reçu  la  plainte  de  M.  l'évêque  de 
Metz  et  la  déclaration  de  ses  domestiques  sur  ce  qui  s'est  passé,  et  a 
dressé  un  procès-verbal  de  l'état  des  portes  et  des  serrures  auxquelles 
il  a  fallu  toucher  pour  s'emparer  de  l'argent  de  ce  prélat.  Je  ne  m'é- 
tendrai point  à  vous  rendre  compte  de  la  somme  et  des  espèces  que 
M.  le  duc  de  la  Feuillade  s'est  appropriées,  ni  de  celles  qu'il  a  laissées 
dans  les  coffres  de  Monsieur  son  oncle,  parce  que  je  sais  que  M.  l'in- 
tendant vous  en  fait  un  détail  fort  exact  dans  son  procès-verbal,  et 
qu'il  vous  envoie  même  jusqu'au  bordereau  des  espèces  *.  Il  me  suffit 
de  vous  marquer,  Monseigneur,  que,  l'ayant  accompagné  dans  cette  oc- 
casion, j'ai  remarqué  dans  M.  l'évêque  de  Metz  tant  d'aliénation  et  de 
foiblesse  d'esprit,  que  je  crois  qu'il  est  nécessaire  de  pourvoir  promp- 
tement  à  la  sûreté  de  ses  effets  en  lui  donnant  un  curateur,  ou  par 
telle  autre  voie  qu'il  plaira  au  Roi.  Cependant,  comme  l'exemple  de  ce 
qu'a  tenté  M.  de  la  Feuillade  peut  enhardir  les  domestiques  de  Mon- 
sieur son  oncle  à  profiter  de  la  foiblesse  de  leur  maître,  M.  l'intendant 
a  jugé  à  propos  de  mettre  deux  ou  trois  gardes,  personnes  sûres,  autour 
du  cabinet  où  sont  les  papiers  et  de  celui  où  est  l'argent,  pour  y  veiller 
jusqu'à  ce  qu'il  ait  plu  au  Roi  d'y  mettre  ordre. 

«  Je  suis,  avec  bien  du  respect,  Monseigneur,  votre  très  humble  et 
très  obéissant  serviteur. 

«  De  Corberon.  » 

1.  Cet  envoi  de  l'intendant  ne  s'est  pas  retrouvé. 


412  APPENDICE  XI 


XI 


LE  COMTE  DU  MONTAL'. 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon*.) 

«  Le  comte  du  Momal,  Charles  de  Montsaulnin,  lieutenant  général, 
gouTerneur  de  Charleroy  ',  puis  de  Mont-Royal,  étoit  un  bon  gentil- 
homme tout  uni  de  Bourgogne,  qui  n'étoit  pas  fait  pour  être  chevalier 
de  rOrdre,  mais  qui  avoit  parfaitement  mérité  le  bâton  de  maréchal  de 
France  par  les  plus  belles  et  les  plus  valeureuses  actions,  par  avoir 
souvent  et  très  dignement  commandé  des  corps  d'armées  séparés,  par 
avoir  conduit  et  soutenu  de  grands  sièges.  C'étoit  un  grand  homme, 
d'un  air  martial  et  tout  à  fait  vénérable  ;  un  beau  visage,  avec  un  œil 
crevé  à  la  guerre,  qui  ne  le  défiguroit  point  ;  plein  d'honneur  et  de 
fidélité.  Le  Roi  fut  ébranlé  de  la  douleur  et  de  la  modestie  de  ses 
plaintes  sur  le  bâton,  qui  furent  mêlées  à  ses  remerciements  de  l'Ordre; 
il  les  réitéra  encore,  par  sa  permission,  lorsqu'il  fit  des  maréchaux  de 
France  en  1693,  et  lui  promit  qu'il  le  seroit.  11  mourut  dans  cette 
espérance,  à  Dunkerque,  28  septembre  1696,  où  il  comniandoit  un 
corps  séparé  dans  la  Flandre  maritime,  à  soixante-dix-sept  ans,  et  le 
Roi  eut  au  moins  cet  égard  de  l'avoir  toujours  mis  en  chef  à  part  dans 
cette  guerre.  11  l'estimoit,  et  il  avoit  de  la  bonté  et  de  la  familiarité 
pour  lui.  C'étoit  un  homme  vif,  ardent,  mais  toutefois  sage  et  bonhomme 
[de]  guerre,  et  qui  rarement  trouvoit  rien  d'impossible.  11  s'étoit  acquis 
un  grand  respect  des  troupes  et  beaucoup  de  considération  dans  le 
monde,  où  il  avoit  des  amis  de  la  première  volée*. 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  12-2. 

2.  Extrait  des  Légères  notions  des....  chevaliers  du  Saint-Esprit,  vol.  34 
des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  134. 

3.  Saint-Simon  avait  commencé  à  écrire  «  Mont-Royal  ". 

4.  Dès  l'année  1680,  dans  un  mémoire  que  M.  Camille  Rousset  a  repro- 
duit, Louvois,  défendant  ses  réformes  et  citant  des  exemples  d'officiers  par- 
venus par  leur  seul  mérite,  écrivait  :  «  M.  de  Montai  n'est  pas  né  avec  plus 
de  bien  (que  M.  Lebret),  quoiqu'il  soit  d'une  autre  naissance  ;  chacun  sait 
qu'il  u'avoit  pas  cinquante  écus  de  rente  quand  il  commença  à  porter  les 
armes,  et  que  les  parents  de  sa  femme  eurent  beaucoup  de  peine  à  la  lui 
laisser  épouser,  quoiqu'elle  n'eût  pas  vaillant  mille  écus.  Cependant  où  en 
est-il  aujourd'hui,  et  n'est-il  pas  à  la  veille  d'être  maréchal  de  France?  » 
{Histoire  de  Louvois,  tome  III.  p.  292.)  Et  plus  anciennement  encore,  en 
1C72,  Louis  XIV  lui-même,  parlant  de  la  belle  défense  de  Charleroy,  disait  : 
«  Montai  tint  lieu  de  secours  ;  à  peine  fut-il  entré  (dans  la  ville)  que  les 
armes  tombèrent  des  mains  aux  ennemis.  »  {Ibidem,  tome  I,  p.  406.)  A  la 


LE  COMTE  DU  MONTAL.  413 

«  On  se  moqua  fort  de  sa  femme  qui  mit  le  collier  de  l'Ordre  à  son 
carrosse.  Il  faut  convenir  que  ce  n'est  pas  l'usage  ;  mais,  en  même 
temps,  que  répondre  à  qui  demanderoit  pourquoi?  C'est  le  seul  orne- 
ment qui  ne  soit  pas  commun  au  mari  et  à  la  femme,  de  tous  ceux  qui 
se  mettent  aux  armes,  et  si  encore  celui-là  s'y  [met]  aux  vaisselles, 
aux  meubles,  aux  maisons,  et  à  tout  ce  qui  passe  pour  armes  com- 
munes du  mari  et  de  la  femme,  pourvu  que  ce  ne  soit  pas  à  ce  qui  passe 
pour  être  aux  siennes  particulières,  quoique  les  unes  et  les  autres 
soient  en  tout  parfaitement  semblables,  c'est-à-dire  des  deux  écus- 
sons  accolés  et  unis  sous  la  même  couronne,  et  au  milieu  des  mêmes 
honneurs,  si  le  mari  en  a.  La  maréchale  de  Broglio  ne  s'en  est  pas 
embarrassée  et  a  imité  Mme  du  Montai  ;  il  est  vrai  aussi  qu'elle  est  la 
seule. 

«  La  mère  du  bonhomme  Montai  étoit  Rabutin,  et  sa  femme  Solages. 
Elle  est  morte  à  quatre-vingt-neuf  ans,  en  i7[0]2';  deux  fils  de  ce  ma- 
riage, dont  aucun  n'a  figuré  à  la  guerre,  étant  morts  trop  tôt.  Le  cadet 
a  laissé  plusieurs  fils  et  une  fille,  mariée  à  Eustache  Marion,  seigneur 
de  Druy,  lieutenant  général  et  lieutenant  des  gardes  du  corps,  très 
galand  homme,  père  de  celui  qui,  sous  le  même  nom,  a  le  même  em- 
ploi-. Le  fils  aîné  épousa  une  fille  du  comte  de  Tavannes  et  de  la  fille 
du  duc  de  Gesvres^,  desquels  le  fils  épousa  une  sœur  de  Villacerf,  pre- 
mier maître  d'hôtel  de  Madame  la  Dauphine.  11  est  aujourd'hui  maréchal 
de  camp*.  » 

cérémonie  de  l'Ordre  où  il  fut  reçu,  comme  il  s'embrouillait  dans  la  lecture 
du  serment,  le  Roi  eut  la  bonté  de  lui  dire  :  «  Vous  ne  seriez  pas  si  embar- 
rassé dans  une  tranchée.  »  Bussy,  qui  rapporte  ce  mot  [Correspondance, 
tome  VI,  p.  430),  et  qui  était  un  vieil  ami  de  M.  du  Montai,  l'ayant  connu 
page  chez  M.  de  Montpéroux,  parle  aussi  de  sa  belle  conduite  au  siège  de 
Charleroy   (tome  II,  p.    193-194).  Voyez  la  GflîcW'?,   1G72,  p.  Vim  ei  passim. 

1.  Sic.  Le  P.  Anselme,  que  suit  certainement  Saint-Simon,  dit  (tome  IX, 
p.  235)  :  «  le  29  mars  1702,  âgée  de  89  ans.  » 

2.  Jean-Baptiste  Marion,  comte  de  Druy,  devenu  lieutenant  des  gardes 
du  corps  en  1728,  et  mort  le  19  octobre  1729. 

3.  Ceci  prouve  que  Saint-Simon  suit  V Histoire  généalogique  (tome  IX), 
et  non  le  Moréri,  car  ce  dernier  ouvrage  donne  pour  mère  à  Mme  du  Montai 
Gabrielle  de  Barault,  mariée  à  un  marquis  de  Tavannes,  et  c'est  l'Histoire 
généalogique  qui  se  trompe,  quoiqu'elle  renvoie  exactement,  pour  le  ma- 
riage, à  l'article  antérieur  du  même  marquis  de  Tavannes  (tome  VII,  p.  257), 
où  l'erreur  n'existe  pas. 

4.  Charles-Louis  de  Montsaulnin,  marquis  du  Montai,  fut  nommé  maré- 
chal de  camp  en  1719,  et  ne  passa  lieutenant  général  qu'au  mois  d'août 
1734.  Il  eut  l'Ordre  en  1745.  —  De  ce  que  Saint-Simon,  en  terminant,  le 
dit  seulement  maréchal  de  camp,  il  ne  faut  pas  conclure  que  cet  article  soit 
antérieur  à  1734,  car  il  doit,  au  contraire,  avoir  été  écrit  après  1739;  mais 
notre  auteur  oublie  souvent  les  modifications  survenues  dans  l'état  des 
personnages  depuis  l'impression  du  dernier  volume  de  l'Histoire  généa- 
logique (année  1733). 


414  APPENDICE  XII. 


XII 

DOCUMENTS  ET  NOTES  SUR  VARILLAS'. 

Outre  ses  fonctions  d'historiographe  du  Roi,  Varillas  travaillait  pour  le 
compte  de  Colbert,  qui  l'utilisa  notamment,  avec  Saint-Réal,  à  collationner 
une  copie  des  manuscrits  de  Brienne.  Voici  une  lettre  qu'il  écrivait  au  mi- 
nistre, à  propos  de  plusieurs  autres  travaux  historiques  : 

«  De  la  Bibliothèque  du  Roi,  le  19  octobre  16632. 

«  Monseigneur, 

«  Les  diverses  tentatives  que  j'ai  faites  inutilement  pour  avoir  l'hon- 
neur de  vous  voir,  et  la  crainte  que  j'ai  de  sortir  de  la  Bibliothèque  du 
Roi  avant  le  dernier  jour  de  l'année,  où  l'on  m'a  donné  mon  congé, 
m'obligent  de  vous  écrire  ce  second  billet  : 

«  1°  Pour  vous  offrir  mon  très  humble  service,  avec  toute  la  sou- 
mission dont  je  suis  capable  et  toute  l'ingénuité  qui  m'est  naturelle  ; 

«  2°  Pour  vous  avertir  que  j'ai  reconnu,  après  avoir  employé  quinze 
ans  entiers  à  l'étude  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  qu'il  n'y  a  pas  la  dixième 
partie  des  pièces  rares  qu'elle  contient  qui  soient  énoncées  dans  les 
catalogues,  ni  qui  soient  connues  d'aucune  autre  personne  qui  vive  pré- 
sentement; 

«  3"  Que,  si  le  différend  entre  la  France  et  la  cour  de  Rome  conti- 
nue, je  pourrai  trouver  la  véritable  source  de  la  fausse  donation  de 
Constantin,  sur  laquelle  le  saint-siège  a  fondé  toute  son  autorité  pour 
le  temporel  ;  elle  a  été  inconnue  jusques  à  présent,  et  je  la  produirai 
quand  il  en  sera  temps,  pourvu  que  celui  qui  me  succédera  ne  change 
point  la  disposition  des  livres  ; 

«  4°  Que  j'ai  fait  des  recueils,  suivant  vos  ordres,  de  toutes  les  ma- 
tièies  qui  peuvent  être  contestées  entre  la  France  et  les  puissances 
étrangères; 

«  0°  Que  j'ai  fait  tous  les  extraits  nécessaires  pour  écrire  l'histoire 
secrète  de  la  maison  de  Médicis  suivant  vos  ordres,  et  que  j'en  ai 
presque  achevé  les  deux  premiers  livres^.  Je  commence  où  Machiavel 
finit,  et  je  ne  dis  rien  de  ce  qui  a  été  imprimé  auparavant.  L'ouvrage 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  123. 

2.  Bibl.  nat.,  ms.  Baluze  362,  fol.  38. 

3.  Les  Anecdotes  de  Florence,  ou  Histoire  secrète  de  la  maison  de  Médicis, 
ne  parurent  qu'en  1685,  à  la  Haye.  C'est  un  tissu  d'erreurs  et  de  faus- 
setés. 


DOCUMENTS  ET  NOTES  SUR  VARILLAS.  415 

est  tout  à  fait  curieux,  et  vous  en  jugerez,  Monseigneur,  s'il  vous  plaît 
que  j'en  fasse  transcrire  le  premier  livre. 
«  C'est, 

«  Monseigneur, 

«  Votre  très  obéissant  et  très  fidèle  serviteur, 

«  Varillas.  » 

Les  tendances  de  Varillas  ayant,  à  ce  qu'il  paraît,  déplu  au  ministre,  il 
perdit  son  emploi  vers  1670,  et  même  la  pension  de  douze  cents  livres  qui 
lui  avait  été  attribuée  sur  le  fonds  des  gratifications  des  gens  de  lettres, 
comme  étant  «  bien  versé  dans  l'histoire  et  les  antiquités  »  et  en  considé- 
ration de  «  son  mérite  et  de  son  application  aux  belles-lettres.  »  Depuis  cette 
époque  jusqu'à  sa  mort,  il  prit  asile  à  la  communauté  de  Saint-Côme  et  se 
consacra  entièrement  aux  travaux  historiques.  Le  contrôleur  général  le 
Peletier  lui  fit  donner,  en  1685,  une  somme  de  deux  mille  livres,  et,  en 
1691,  M.  de  Pontchartrain  rétablit  sa  pension  sur  le  Trésor  royal  (brevet 
du  9  décembre,  reproduit  dans  le  Dictionnaire  critique  de  Jal,  p.  1224). 
Nous  trouvons  dans  les  Papiers  du  Contrôle  général  (Arch.  nat.,  G'  992) 
la  lettre  suivante,  qu'il  écrivit  à  Pontchartrain  au  sujet  de  cette  pension  : 

«  Monseigneur, 

<t  Si  mes  infirmités  m'avoient  permis  de  me  transporter  en  votre 
hôtel,  ou  à  pied  ou  en  carrosse,  je  n'aurois  pas  manqué  d'aller  remer- 
cier de  vive  voix  Votre  Grandeur,  comme  je  fais  ici,  de  la  bonté  qu'elle 
a  eue  de  me  faire  rétablir  ma  pension,  dont  M.  de  Barmond  a  bien 
voulu  m'apporter  de  votre  part  la  patente.  Je  l'ai  envoyée.  Monseigneur, 
avec  ma  quittance,  au  Trésor  royal;  mais  les  commis  ont  dit  qu'ils  n'a- 
voient  point  ordre  de  la  payer  :  ce  qui  m'oblige  de  recourir  de  nouveau 
à  Votre  Grandeur,  pour  la  supplier  très  humblement  de  le  donner,  tant 
par  la  considération  de  mon  grand  âge,  que  parce  que,  le  commerce  de 
la  librairie  étant  fort  diminué,  les  libraires  donnent  aux  auteurs  très 
peu  de  chose  pour  leurs  ouvrages.  Les  miens,  qui  m'ont  fait  subsister 
depuis  quinze  ou  vingt  ans,  m'alloient  devenir  inutiles,  et  je  laissois 
périr  dans  la  poussière,  sans  la  bonté  du  Roi,  plus  de  quarante 
volumes  qui  me  restent  à  donner  au  public.  J'ai  chargé  le  sieur  Barbin 
de  remettre  à  Votre  Grandeur  mon  dernier  ouvrage  d'Henry  Second  et 
de  François  Second,  et  j'espère  être  bientôt  en  état  de  mettre  sous  la 
presse  l'Histoire  d'Henry  Trois,  et  que  vous  ne  dédaignerez  pas.  Mon- 
seigneur, de  m'envoyer  les  mémoires  de  deux  ou  trois  de  vos  illustres 
ancêtres  qui  se  sont  signalés  durant  le  règne  de  ce  prince,  afin  que  je 
n'en  dise  rien  au-dessous  de  ce  qu'ils  ont  mérité  envers  l'État.  Je  serai 
toute  ma  vie,  avec  un  profond  respect  et  une  parfaite  reconnoissance. 
Monseigneur,  de  Votre  Grandeur,  le  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur. 

«  Varillas.  » 


416  APPENDICE  XII. 

Gaignièresi  a  conservé  le  fragment  suivant  d'une  lettre  que  Varillas  écri- 
vit à  Mme  de  Maintenon,  à  propos  d'un  ouvrage  que  Colbert  avait  empêché 
de  paraître  -  : 

«  Madame, 

«  Si  vous  ne  m'accordez  votre  protection  dans  la  conjoncture  pré- 
sente, je  verrai  périr  le  moins  mauvais  de  mes  ouvrages,  qui  m'a  coûté 
dix  ans  de  continuel  travail.  Je  m'étois  proposé,  comme  bon  François, 
de  continuer  selon  ma  portée  au  grand  dessein  du  Roi  d'exterminer 
l'hérésie  par  les  voies  les  plus  douces  ;  et,  parce  que  l'expérience 
m'avoit  appris  que  la  théologie  n'avoit  pas  pu  le  faire  toute  seule  jus- 
qu'à présent,  j'avois  voulu  essayer  si  l'histoire  n'y  pourroit  point  aider. 
J'ai  écrit  vingt  volumes  pour  montrer  que  toutes  les  dernières  hérésies 
n'ont  été,  dans  leur  origine  et  dans  leur  progrès,  que  des  intérêts 
humains  et  de  pures  intrigues  de  cour. 

«  Je  parcours  tous  les  pays  de  l'Europe,  et  je  prouve  que  Luther  n'a 
parlé  contre  les  indulgences  que  pour  se  venger  de  ce  que  la  cour  de 
Rome  avoit  ôté  à  l'ordre  des  Augustins,  dont  il  étoit,  le  droit  de  les 
publier,  pour  les  donner  aux  Jacobins,  et  que  l'électeur  palatin  n'étoit 
devenu  premièrement  luthérien,  et  depuis  calviniste,  que  pour  conser- 
ver l'État  de  la  Bergstrasse  engagé  à  ses  prédécesseurs,  pour  quatre- 
vingt  mille  florins,  par  les  archevêques  de  Mayence;  l'électeur  de 
Saxe,  pour  avigmentor  son  revenu  des  trois  quarts,  en  s'emparant  du 
temporel  de  six  évêchés  enfermés  dans  son  électorat  ;  l'électeur  de 
Brandebourg,  pour  usurper  la  Prusse  ducale  sur  l'ordre  Teutonique; 
l'électeur  de  Cologne,  pour  épouser  à  cinquante-huit  ans  une  demoi- 
selle de  quinze;  le  landgrave  de  Hesse,  pour  avoir  deux  femmes  en 
même  temps  ;  le  duc  de  Wittemberg,  pour  obtenir  du  secours  contre  la 
ligue  de  Souabe,  qui  travailloit  à  le  dépouiller  à  cause  qu'il  avoit  mal- 
traité à  coups  d'éperon  Sabine,  sa  femme,  sœur  du  duc  de  Bavière, 
chef  de  cette  ligue;  le  duc  de  Brunswick,  pour  chercher  l'impunité  de 
ses  crimes  ;  et  le  grand  maître  de  l'ordre  Teutonique,  pour  ne  pouvoir 
vivre  dans  le  célibat  à  l'âge  de  soixante-dix  ans.  Je  démontre  histo- 
riquement qu'on  appuya  le  calvinisme  dans  la  France  pour  supplanter 
la  maison  de  Guise;  dans  les  Pays-Bas,  pour  rendre  les  peuples  irré- 
conciliables avec  l'Espagne;  dans  l'Angleterre,  pour  répudier  Catherine 
d'.\ragon  et  mettre  en  sa  place  Anne  de  Boulen,  et  en  Ecosse,  pour 
ôter  la  couronne  à  Marie  Stuart  et  la  transporter  à  son  frère  bâtard; 
que  Frédéric  de  Holstein  rendit  le  Danemark  luthérien  pour  détrôner 
Chrétien  II,  son  neveu  ;  que  Gustave  I"  fit  de  même  en  Suède  pour 

1.  Bibl.  nat.,  ms.  Fr.  22  22-2,  fol.  352  et  333. 

2.  Voyez  le  recueil  de  Depping,  tome  IV^,  p.  o"2,  lettre  du  26  décembre 
1670.  Colbert  écrit  à  l'évêque  de  Luçon  :  «  C'est  une  matière  bien  délicate 
que  l'histoire  de  l'hérésie,  et  je  ne  sais  pas  s'il  ne  seroit  pas  plus  avanta- 
geux pour  notre  religion  de  la  taire  que  de  la  traiter  historiquement.  » 


DOCUMENTS  ET  NOTES   SUR   VAIULLAS.  il7 

rendre  cette  couronne  héréditaire  à  sa  maison,  d'élective  qu'elle  étoit 
auparavant;  et  qu'enfin  les  Suisses  suivirent  les  erreurs  de  Zwingle 
pour  frustrer  la  maison  d'Autriche  de  l'espérance  de  les  remettre  en  sa 
domination. 

«  J'ai  remarqué  que  deux  choses  ont  empêché  les  théologiens  de 
convertir  les  hérétiques  .-l'une,  qu'ils  en  disent  toujours  du  mal;  l'autre, 
qu'ils  suppriment  leurs  belles  actions  morales  ;  et  c'a  été  pour  éviter 
CCS  inconvénients  que  je  me  suis  abstenu  des  injures,  et  que  je  n'ai 
pas  passé  sous  silence  les  belles  actions  des  personnes  séparées  de 
l'Église,  quand  je  les  ai  trouvées  vraies  et  dignes  de  louange.  J'ai  cru 
que  je  persuaderois  les  hérétiques  de  lire  mon  histoire,  en  évitant  de  les 
rebuter,  et  que,  s'ils  les  lisoient,  ils  se  convertiroient,  parce  que,  d'un 
côté,  leur  intérêt  les  en  soUiciteroit,  et,  de  l'autre,  ils  verroient,  par 
plus  de  dix  mille  exemples  incontestables,  que  les  François  calvinistes 
furent  et  sont  encore  les  dupes  de  ceux  qui,  en  I008,  voulurent  perdre 
le  duc  et  le  cardinal  de  Guise,  comme  les  hérétiques  des  autres  nations 
ont  été  et  sont  encore  les  dupes  de  ceux  qui  les  ont  engagés  dans  leurs 
sectes. 

«  Pour  attirer  plus  de  gens  à  lire  mon  livre,  je  n'ai  rien  négligé,  ni  le 
style,  ni  les  autres  agréments  historiques  ;  mais  M.  le  Chancelier,  ayant 
vu  le  titre  de  mon  ou\rage,  qui  est  l'Histoire  des  dernières  hérésies,  a 
nommé  pour  l'cxaiuiner  deux  docteurs  de  Sorbonne,  qui  l'ont  défiguré 
en  effaçant  tout  ce  que  l'on  y  dit  de  bien  des  hérétiques.  Ils  ont  sur- 
tout retranché  presque  tout  à  fait  le  troisième  livre,  quoique  M.  l'Ar- 
chevêque l'eût  fait  lire  en  sa  présence  et  n'y  eût  rien  trouvé  à  redire. 
Cependant  mes  livres  ne  sont  pas  théologiques,  et  il  n'y  a  pas,  dans 
tous  les  cent  ensemble,  quatre  pages  de  doctrine;  ils  sont  purement 
politiques,  et  ne  contiennent  que  des  faits  appuyés  par  les  citations 
aux  marges,  tirées  des  manuscrits  de  la  Chambre  des  comptes,  du 
Trésor  des  chartes,  de  la  Dibliothèque  du  Roi,  des  copies  collationnées 
qui  lui  ont  été  envoyées  d'Allemagne,  d'Angleterre,  d'Ecosse,  de 
Suède,  de  Danemark,  des  Pays-Bas,  et  de  celles  que  j'ai  vues  dans  les 
cabinets  des  curieux.  Ainsi,  je  demande  pour  examinateur  un  homme 
qui  entende  le  monde  et  mon  métier.  Si  le  titre  de  Vhérêsie  choque,  je 
suis  prêt  de  le  changer  et  de  mettre,  au  lieu  de  VHisloire  des  dernières 
hérésies,  l'Histoire  des  révolutions  arrivées  dans  l'Europe  depuis  i.374 
jusqu'en  1658. 

«  Au  nom  de  Dieu,  Madame,  pensez  de  quelle  utilité  peut  être  mon 
travail,  et  employez  votre  crédit  en  faveur  de  la  religion,  si  ce  n'est 
pour'.,..  » 

Ce  fut  seulement  en  1686,  et  sous  le  titre  proposé  à  Mme  de  Mainteuon, 
que  l'Histoire  des  révolulions  commença  à  être  livrée  au  public.  Ces  six 
volumes  forment  l'œuvre  principale  de  Varillas,  avec  quinze  autres  volumes 

1.  La  fin  manque. 

Mli.MOIRES    DE   SAINT-SIMO.V.    lll  27 


418  APPENDICE  XII. 

d'histoire  de  France  depuis  Louis  XI  jusqu'à  Henri  III,  et  trois  sur  la  Poli- 
tique de  Ferdinand  le  Catholique  «.  Comme  il  le  dit  dans  la  lettre  reproduite 
plus  haut,  il  laissa  à  ses  héritiers  de  nombreux  manuscrits;  mais  les  li- 
braires n'en  voulurent  pas  faire  la  publication. 

Saint-Simon  avait  dans  sa  bibliothèque  la  plupart  des  ouvrages  imprimés 
de  Varillas.  Dès  le  temps  même  qu'ils  parurent,  on  y  reconnut  une  emphase 
de  rhéteur  qui,  le  plus  souvent,  ne  tenait  aucun  compte  de  la  vérité  histo- 
rique; aussi  est-il  piquant  de  le  voir,  dans  une  lettre  au  bénédictin  dom 
Audren  qui  a  été  récemment  mise  au  jour  par  M.  de  la  Borderie*,  recom- 
mander aux  préparateurs  de  YHistoire  de  Bretagne  de  travailler  d'après  les 
titres,  in  rerum  tiatura,  et  d'éviter  les  «  contes  à  dormir  debout.  » 

Une  clef  des  Caractères  (tome  III,  1"  partie,  p.  229)  prétend  que  l'ac- 
coutrement suranné  de  Varillas  l'avait  fait  ranger  dans  les  types  ridicules 
que  vise  un  passage  de  la  Bruyère;  mais  il  était  fort  charitable  et  avait 
destiné  une  partie  de  sa  fortune  à  la  fondation  d'un  collège  de  Barnabites 
dans  sa  ville  natale.  Voyez  son  article  dans  les  Hommes  illustres  du  P.  Ni- 
céron,  tome  V,  et  dans  le  Mercure,  juin  1696,  p.  297-300.  On  trouve,  dans 
un  registre  des  Insinuations,  aux  Archives  nationales,  Y  256,  fol.  420  v°, 
une  donation  de  divers  biens  qui  lui  étaient  venus  de  son  père,  dans  la 
Marche,  et  dont  il  assura  la  nue  propriété  à  ses  petits-neveux,  fils  de  feu 
noble  homme  Antoine  Varillas,  conseiller  au  présidial  du  pays  de  la  Marche, 
par  acte  en  date  du  19  juin  1690. 

L'épitaphe  mise  sur  son  tombeau,  dans  l'église  des  Carmélites  de  la  rue 
Saint-Jacques,  à  Paris,  a  été  reproduite  dans  les  Descriptions  de  Paris  de 
G.  Brice,  Piganiol  de  la  Force,  etc. 

1.  Voyez  l'examen  de  ses  ouvrages  dans  la  Science  du  gouvernement,  par 
G.  Real  de  Curban  (1764),  tome  VIII,  p.  264-266. 

2.  Correspondance  historique  des  Bénédictins  bretons,  1880,  p.  6-7. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA   SAVOIE. 


XIII 

NÉGOCIATIONS  AVEC  LA  SAVOIE'. 

1.  De  M.  de  Tessé  à  M.  de  Barbezieux. 

«  Pignerol,  5  février  1696. 

«  ....  Par  un  commerce  très  particulier*,  qui  m'a  coûté  plusieurs  gen- 
tillesses, comme  qui  diroit  paires  de  gants  de  Grenoble,  écrans,  miroirs 
de  toilette  et  amusements  de  femme,  dont  je  suis  payé  d'avance  par 
les  bontés  dont  le  Roi  m'honore,  et  que  j'ai  fait  passer  à  gens  qui  ne 
me  counoissent  que  de  nom,  j'ai  su  que,  depuis  quelques  jours,  le 
marquis  de  Leganez  a  dit,  en  grand  secret,  à  cette  femme,  laquelle  est 
de  grande  considération,  que  tout  étoit  disposé  eu  préparatifs,  grands 
bruits  ;  que  tout  l'hiver  se  passeroit  ainsi,  et  que  ce  seroit  la  mon- 
tagne qui  enfanteroit  du  rat  ;  et  qu'en  un  mot  comme  en  mille,  il 
ne  voyoit  présentement  ni  possibilité,  ni  apparence  à  pouvoir  entre- 
prendre cette  campagne:  le  tout  faute  d'argent.  La  même  personne 
qui  me  mande  ce  que  dessus,  m'assure  qu'en  effet  tout  ce  qui  regarde 
l'habillement  et  les  ajustements  des  troupes  n'est  commandé  que  pour 
la  fin  d'avril. 

«  Mon  5  petit  négociateur  est  sous  ma  clef  et  dort.  Je  ne  l'ai  vu  qu'un 
instant  cette  nuit  ;  ainsi,  je  ne  sais  pas  encore  ce  qu'il  a  dans  le  ventre. 
J'ai  l'honneur  d'être  respectueusement  tout  à  vous. 

«  Tessé.  » 

i.  Ces  fragments  de  la  correspondance  diplomatique  de  Piémont  (1696) 
sont  extraits  des  volumes  du  Dépôt  de  la  guerre  cotés  1373  à  1373,  où  ont 
été  réunies  aux  lettres  adressées  à  M.  de  Barbezieux  quelques-unes  de 
celles  que  Tessé  écrivait  à  M.  de  Croissy  et  les  doubles  de  celles  qu'il  adres- 
sait au  Roi  lui-même.  Presque  toute  la  partie  de  la  correspondance  adressée 
au  Roi  se  retrouve  en  originaux,  avec  les  lettres  au  secrétaire  d'État  des 
Affaires  étrangères,  dans  les  volumes  du  Dépôt  de  ce  dernier  ministère 
cotés  Turin  95  à  98. 

2.  On  voit,  par  une  des  lettres  suivantes,  que  Tessé  était  depuis  quatre 
ans  en  commerce  secret  avec  Grupel  ou  Gropel  (Jean-Baptiste),  maître  des 
comptes  et  intendant  général  de  justice  et  de  guerre  du  duc  de  Savoie. 
Lui  ou  Catinat  avaient  plusieurs  fois  rendu  compte  de  ces  relations  au  Roi. 
■Voyez,  sur  le  même  point,  les  Mémoires  de  Catinat,  tome  II,  p.  "201. 

3.  Ce  dernier  paragraphe  est  de  la  main  de  Tessé,  ainsi  que  la  signature. 


420  APPENDICE   XIII. 

2.  De  M.  de  SaitU-Thomas  à  M.  de  Tessé. 

«  A  Turin,  ce  i\)  lévrier. 

«  J'ai  reçu  avec  autant  de  joie  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'hoii- 
ueur  de  m'écrire  le  19  de  ce  mois,  qu'on  avoit  d'impatience  de  l'avoir, 
et,  pour  commencer  par  où  vous  finissez,  s'il  y  a  de  l'intérêt  [de  tenir) 
dans  un  secret  rigoureux  ce  qui  se  traite,  c'est  de  notre  côté,  et  ce  que 
vous  voulez  bien  me  dire  de  l'électeur  de  Bavière  n'a  nul  rapport  ima- 
ginable, ni  au  vrai,  ni  au  vraisemblable.  Aussi  nous  n'avons  qu'à  sou- 
haiter que  le  secret  soit  aussi  bien  gardé  de  votre  part  qu'il  l'est  de 
la  nôtre,  principalement  en  vue  d'un  bon  succès  de  ce  qui  se  ménage. 

«  S.  A.  R.  est  pénétrée  de  consolation  d'avoir  remarqué  ce  que  vous 
me  mandez  des  sentiments  de  bonté  du  Roi  à  son  égard.  Je  vous  pro- 
teste qu'on  ne  peut  rien  ajouter  à  la  sincérité  du  constant  et  fidèle 
attachement  qu'elle  désire  d'avoir,  et  qu'elle  aura  à  la  personne  du  Roi. 
S.  A.  R.  n'entreroit  point,  après  la  manière  avec  laquelle  elle  a  été 
entraînée  dans  cette  guerre,  et  tout  ce  qu'elle  a  perdu  d'États  et  souf- 
fert de  maux,  dans  les  engagements  qu'elle  est  disposée  à  prendre  avec 
Sa  Majesté,  si  S.  A.  R.  n'avoit  une  résolution  fixe  de  se  mettre  tout  à 
fait  bien  dans  les  bonnes  grâces  de  Sa  Majesté,  et  se  les  conserver  pour 
toujours.  Elle  se  flatte  aussi  qu'un  si  grand  roi  voudra  bien  entrer  avec 
équité  et  générosité  dans  ces  justes  réflexions,  et  prendre  les  voies  qui 
peuvent  donner  une  base  permanente  et  solide  à  ce  dessein,  de  la  ma- 
nière que  je  vous  l'ai  touché  dans  ma  dernière  lettre,  par  rapport  aux 
discours  plus  étendus  que  nous  en  avons  tenus,  et  le  peu  que  Sa  Ma- 
jesté, si  vous  le  voulez,  pourroit  sacrifier;  et  cela  lui  produira  des 
avantages  incomparablement  plus  grands  dans  la  masse  des  autres 
grandes  affaires  que  cette  guerre  enveloppe.  Enfin  il  suffira  que  Sa  Ma- 
jesté veuille  ce  que  S.  A.  R.  désire  ardemment,  et,  comme  il  seroit  pres- 
que impossible  de  s'entendre  par  lettres  sur  tous  les  articles  différents, 
moyens  et  expédients  qui  peuvent  réunir  en  un  seul  les  intérêts  du  Roi 
et  de  S.  A.  R.,  qui  paroissent  opposés  présentement,  sans  entreprendre 
de  faire  un  volume  tel  que  pourroit  le  demander  cette  matière,  et  ne 
pouvant  pas  m'éloigner  de  ce  pays  sans  éclat,  outre  que  je  ne  me  sens 
pas  capable  de  soutenir  une  pareille  thèse  dans  un  si  vaste  théâtre,  je 
vous  dirai  seulement  que  le  contenu  de  votre  lettre,  et  ce  que  j'ai  dit 
à  S.  A.  R.  de  vos  bonnes  intentions,  lui  donne  lieu  d'espérer  qu'on 
trouvera  des  expédients  de  parvenir  à  la  fin  qu'elle  souhaite  avec  can- 
deur et  passion  ;  et,  dans  cette  vue,  elle  vous  prie  de  supplier  le  Roi  de 
vouloir  bien  choisir  quelque  personne  de  son  entière  confiance,  pleine- 
ment instruite  de  ses  intentions ,  qui  puisse  s'absenter  sans  bruit, 
laquelle  vienne  à  Gênes  sous  figure  de  marchand  ;  et,  dès  qu'on  saura 
le  temps  qu'elle  pourra  y  arriver,  sous  quel  nom,  et  en  quelle  auberge 
elle  ira  loger,  on  enverra  un  homme  qui,  lui  montrant  un  contresigne 
que  vous  enverrez,  la  conduira  ici  en  sûreté  et  secrètement  :  d'où 
elle  vous  pourra  écrire  à  Piguerol,  recevoir  vos  lumières  sur  les  divers 


NÉiiOCIATIONS  AVEC   LA   SAVOIE.  '^Q| 

moyens  qui  se  proposeront  pour  conclure  ensuite,  le  plus  tôt  qu'il 
se  pourra,  l'ouvrage  du  service  du  Roi  et  du  bonheur  de  S.  A.  H.,  qui 
consiste  à  rentrer  dans  les  bonnes  grâces  de  Sa  Majesté,  dont  elle 
vous  prie  de  la  bien  assurer,  et  d'être  bien  persuadé  en  votre  parti- 
culier qu'elle  conservera  chèrement  toute  sa  vie  le  souvenir  des  peines 
que  vous  prenez.  11  faudroit  que  l'homme  qui  viendra  à  Gênes  ne 
s'adressât  point  et  ne  fût  point  connu  à  l'envoyé,  pour  plus  de  pré- 
caution. >> 

Dès  la  fin  de  l'année  précédente,  le  duc  de  Savoie  avait  instruit  Tessé 
qu'il  se  trouvait  obligé  de  renouer  avec  la  ligue  d'Augsbourg,  et  que  cepen- 
dant il  ne  demandait  qu'à  se  dégager,  pour  peu  que  la  France  lui  rendît 
Pignerol.  Louis  XIV  s'était  refusé  à  répondre  à  ces  premières  ouvertures; 
mais,  M.  de  Saint-Thomas  et  l'intendant  Grupel  étant  revenus  à  la  charge 
en  février  1696,  comme  on  le  voit  par  les  deux  lettres  qui  précèdent,  Tessé 
vint  apporter  ses  propositions  à  Versailles  (voyez  le  Journal  de  Bangeaii, 
tome  V,  p.  367  et  388,  et  les  Mémoires  et  lettres  du  mm'échal  de  Tessé, 
publiés  en  1806,  par  le  général  de  Grimoard,  tome  I,  p.  67-75).  11  s'en  re- 
tourna le  mois  suivant,  avec  des  instructions  signées  le  18  mars  et  la  per- 
mission de  céder  Pignerol,  si  le  duc  de  Savoie  voulait  accorder  quelque 
compensation  territoriale  dans  les  Alpes  ou  vers  le  Rhône. 

Dès  le  20  mars,  Grupel  demanda  un  rendez-vous  à  M.f  de  Tessé,  qui  n'ar- 
riva à  Oulx,  auprès  du  maréchal  de  Catinat,  que  le  1""'  avril,  ayant  été 
retardé  par  les  neiges  et  la  tempête  dans  le  passage  des  Alpes. 

Le  18  avril,  des  «  dispositions  d'articles  pour  la  paix  d'Italie  »  furent  si- 
gnées entre  Tessé  et  Grupel,  ainsi  qu'un  «  projet  d'articles  entre  S.  M.  ot 
S.  A.  R.,  supposant  que  l'Empereur  et  le  roi  d'Espagne  ne  voudront  pas 
entrer  dans  le  traité  de  paix  proposé  pour  la  neutralité  d'Italie.  »  Mais, 
sous  l'influence  d'un  envoyé  du  prince  d'Orange,  le  duc  ayant  changé  toutes 
les  bases  de  la  convention,  Tessé  dut  demander  de  nouveaux  ordres  pour  re- 
commencer les  pourparlers,  et  il  se  plaignit  vivement  de  ces  «  chipoteries.  » 
«  M.  de  Savoie,  écrivait-il  à  Barbezieux,  continue  de  me  tenir  comme  les 
joueurs  de  gobelets  :  cinq  sous  qu'il  est  dedans!  cinq  sous  qu'il  est  de- 
hors! »  M.  de  Savoie  ayant  témoigné  le  désir  de  voir  le  secrétaire  de  M.  do 
Tessé,  celui-ci  même,  incognito  et  sous  le  nom  de  Valère,  se  rendit  de  nuit, 
à  travers  des  dangers  de  toute  sorte,  au  palais  de  Turin,  oîi  il  eut  une 
longue  conférence  avec  le  duc  et  MM.  de  Saint-Thomas  et  Grupel,  et  en 
rapporta  les  conditions  d'un  traité  à  peu  près  convenu  de  part  et  d'autre, 
sauf  explications  à  donner  sur  trois  points,  entre  autres  sur  la  remise  d'o- 
tages français,  à  quoi  le  Roi  avait  déclaré  qu'il  ne  voulait  point  entendre. 
(Vol.  1373,  n"  14,  19,  27  à  30,  33  et  39.) 


^il  API'KNDir.K  \lll. 

3.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Pigaerol,  ce  1"  juin  1696. 
«  Voici  bien  autre  chose,  Sire,  et  j'eusse  envoyé  ce  qui  suit  par  un 
second  exprès,  sans  que  je  crois  qu'il  est  de  votre  service  que  nous 
allions  toujours  notre  train.  Car  l'important,  c'est  l'éclat  d'une  trêve, 
et  puis  nous  verrons  comment  M.  de  Savoie  et  ses  incertitudes  démê- 
leront la  fusée;  car  je  crois  que  Votre  Majesté  sera  contente  des  si- 
i^natures,  mais  elle  ne  le  sera  pas  de  ce  que  Grupel  me  mande.  » 

LETTRE   DE  GRCPEL. 

«  A  Turin,  ce  30  mai.  —  Je  vous  écris  ces  lignes  plutôt  mort  que 
«  vif,  S.  A.  R.  ayant  extrêmement  désapprouvé  que  j'aie  signé  les  deux 
'  traités  de  paix  et  de  guerre  en  cas  que  la  neutralité  vînt  à  être  refu- 
'  sée  par  l'Empereur  et  le  roi  d'Espagne,  d'une  manière  si  contraire 
«  et  qui  bouleverse  ceux  dont  elle  m'a  voit  remis  les  minutes  que  vous  avez 
"  vues.  Ainsi,  Monsieur,  je  suis  au  désespoir  d'être  contraint  de  vous 
'  dire  le  désaveu  qu'elle  fait  de  ma  signature.  Comme  néanmoins  ces 
>  manquements  sont  réparables  par  le  succès  de  la  neutralité,  elle  ne 
"  laissera  pas  d'y  travailler  de  tout  son  pouvoir,  espérant  d'y  réussir,  et, 
«  si  vous  voulez  nous  aider  à  réparer  mon  manquement,  elle  ratifiera 
«  incessamment,  et,  quoique  S.  A.  R.  ait  désapprouvé  que  j'aie  signé  les- 
«  dits  traités  avec  vue  tournure  toute  différente  qui  m'ait  embarrassé 
l'esprit,  cela  passeroit  encore  sans  les  articles  qui  sont  essentiels*.  » 

«  Voici,  Sire,  ce  que  j'ai  répondu  dans  l'instant,  sans  approfondir  da- 
vantage une  matière  laquelle,  étant  signée  d'un  homme  muni  d'un  bon 
pouvoir,  doit  être  par  moi  regardée  comme  une  chose  consommée  et 
irrévocable  : 

«  COPIE    DE  MA  RÉPONSE    A  GRUPEL. 

«  A  Pignerol,  ce  4"  juin.  —  Je  reçois  avec  une  surprise  étonnante 
«  votre  lettre  du  30,  et  je  ne  puis  croire  que  le  Roi  s'accommode  d'un 
«  désaveu,  ayant  déjà  tant  fait  de  choses  pour  S.  A.  R.  Mon  courrier  sera 
<c  après-demain  à  la  cour,  et  c'est  se  moquer  que  de  croire  faire  ainsi 
'<  essuyer  au  Roi  toutes  ces  variations.  Il  me  paroît  qu'agissant  de 
«  bonne  foi,  comme  je  le  suppose,  vous  vous  effrayez  de  bien  peu  de 
«  chose.  Hé  !  croyez-vous  que  l'on  soit  capable  de  vous  tracasser  pour 
■<  un  peu  plus  ou  un  peu  moins  de  chemin  ?  S'il  y  en  a  un  autre  que 
'<  les  bords  du  Rhin  ou  du  Danube  pour  renvoyer  les  troupes  auxiliaires 
«  à  leurs  maîtres,  elles  le  pouri-ont  prendre.  Fiez-vous  à  moi  :  cet 
«  article-là  est  la  moindre  de  toutes  les  bagatelles,  et,  si,  comme  vous 
<  le  dites,  les  Brandebourgs  vont  au  service  des  Vénitiens,  cela  ne  nous 
«  importe.  Bref,  il  est  entendu  que  toutes  les  troupes  impériales  et 
«  auxiliaires  sortiront  d'Italie,  et  que  celles  qui  sont  au  roi  d'Espagne 

1.  Suit  la  discussion  d'un  certain  nombre  d'articles. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA   SAVOIE.  423 

.  resteront  dans  le  Milanois  ;  et  l'on  ne  prétend  point,  sur  do  mauvaises 
•   petites  interprétations,  faire  de  chicanes. 

«  A  l'éfîard  d'un  peu  plus  ou  un  peu  moins  de  troupes  à  S.  A.  R.  en 
«  iemps  de  paix,  ne  croyez  pas  que  le  Roi  soit  son  commissaire,  et  vous 
«  savez  que  j'ai  passé  cet  article  comme  S.  A.  R.  l'a  voulu.  Si  Sadite 
«  A.  R.  est  dans  les  sentiments  de  demeurer  unie  au  Roi  comme  vous 
«  me  l'avez  dit  de  tant  de  manières,  et  comme  S.  A.  R.  le  témoigne, 
«  S.  M.  ne  se  souciera  guère  qu'il  ait  un  peu  plus  ou  un  peu  moins  de 
«  troupes. 

«  A  l'égard  du  douzième  article  du  second  traité  en  cas  de  guerre, 
"  dont  vous  me  parlez,  je  ne  comprends  pas  votre  nouvelle  difficulté. 
"  Le  Roi  n'a  jamais  entendu,  ni  permis,  ni  pensé,  qu'il  pût  être  autre- 
«  ment.  Il  donne  des  otages  officiers  de  sa  couronne,  il  rend  les  places 
■  du  comté  de  Nice,  il  rend  la  Savoie  entière  et  les  revenus  de  Suse,  il 
«  assure  à  jamais  la  possession  de  Pignerol  à  la  maison  de  Savoie,  il 
"  rend,  outre  sa  parole  et  les  otages,  le  Pape  et  les  Vénitiens  garants 
.<  de  .sadite  parole.  Que  diable  veut-on  donc  autre  chose?  En  un  mot, 
••  si  S.  A.  R.  désavoue  notre  traité,  dont  je  suis  persuadé  que  j'aurai 
«  incessamment  la  ratification,  il  n'y  a  qu'à  plier  les  épaules  et  croire 
<■■  que  rien  au  monde  n'est  ni  ne  peut  être  stable. 

«  L'armée  n'a  pu  marcher  le  i"'  juin,  à  cause  des  mesures  prises 
«  pour  le  pain.  Elle  marchera  le  2,  et  M.  le  Maréchal  écrira  comme 
<<  nous  sommes  convenus,  car  nous  sommes  immuables,  tidèles  et  exacts 
«  dans  ce  que  nous  promettons,  et  le  serons. 

«  Je  crois  que  le  plus  grand  service  que  l'on  puisse  rendre  à  S.  A. 
"  R.,  c'est  de  ne  point  informer  le  Roi  de  ce  que  contient  votre  lettre. 
n  Je  suis  tout  à  vous.  » 

«  Votre  Majesté  remarquera  que  j'ai  traité  tout  cela  de  bagatelle, 
comme  en  effet  ce  n'est  qu'une  chipoterie,  à  la  réserve  du  dernier  ar- 
ticle, par  lequel  il  prétendroit  le  nantissement  de  Pignerol  rasé  en  cas 
que  l'on  continuât  la  guerre.  Je  mande  à  M.  le  maréchal  de  Catinat, 
auquel  je  rends  compte  de  tout  ceci,  que  j'estime  qu'il  faut  qu'il  aille 
toujours  son  chemin,  et  qu'un  traité  signé  n'est  pas  un  jeu  d'enfant. 
Au  bout  du  compte,  Votre  Majesté  plaide,  comme  l'on  dit,  les  mains 
(jarnies,  et  l'important,  c'est  de  faire  éclater  la  trêve  concertée,  pen- 
dant bquelle  l'on  peut  prendre  le  loisir  de  s'entendre  ;  car,  au  sur- 
plus, quand  un  prince  veiit  se  barbouiller  et  se  déshonorer,  et  désavouer 
ce  que  son  ministre  a  fait,  ce  sont  choses  que  toutes  les  pénétrations 
du  monde,  ni  les  mesures  possibles,  ne  peuvent  éviter.  Si  Votre  Majesté 
croit  que  la  réponse  à  ce  que  dessus  mérite  la  diligence  d'un  de  ses 
courriers  pour  que  je  reçoive  plus  promptement  ses  ordres  et  ses  in- 
structions, elle  verra  ce  qu'elle  jugera  à  propos  de  me  commander. 
Pour  moi,  je  crois  qu'il  faut  aller  son  chemin  en  conséquence  des  traites 
signés,  et,  s'il  y  a  des  éclaircissements  à  donner,  l'on  essayera  de  les 
donner  amiablement  dans  les  choses  qui  ne  seront  pas  essentielles. 


hU  APPENIUCE  XIII. 

Votre  Majesté  me  permettra  d'ajouter  qu'un  tliéalin  consommé  dans  la 
patience  s'impatienteroit,  à  ma  place,  de  tout  ce  qui  m'arrive  avec  ces 
gens-ci,  dont  j'avoue  que  les  variations  et  les  procédés  m'excèdent 
de  douleur  et  do  chagrin.  » 

4.  De  M.  de  Saint-Thomas  au  maréchal  de  Caiinat. 

«  Le  7  juin  1696. 
"  Monsieur, 

«  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  le 
6  de  ce  mois.  Je  l'ai  présentée  à  S.  A.  R.,  qui  en  a  considéré  le  con- 
tenu dans  toutes  ses  circonstances,  autant  que  le  cas  dont  il  s'agit  le  mé- 
rite, et  m'a  ordonné,  après  l'avoir  communiquée  aux  chefs  de  ses  alliés, 
de  vous  écrire  que  vous  savez  mieux  que  personne  l'étrange  fatalité  qui 
l'a  obligée  à  chercher  les  moyens  de  se  garantir  de  l'oppression  dont 
elle  étoit  menacée;  que  si,  en  prenant  les  armes,  par  une  si  dure  néces- 
sité, contre  le  Roi  Très  Chrétien,  elle  a  perdu  quelque  chose  dans  l'hon- 
neur de  son  amitié,  elle  se  flatte  d'avoir  pour  le  moins  autant  acquis 
\lans  celui  de  son  estime,  qu'elle  croiroit  de  devoir  perdre   entièrement 

elle  étoit  jamais  capable  détourner  ses  armes,  dans  le  Milanois,  contre 
ie  Roi  Catholique  et  l'Empereur,  desquels  elle  reconnoît  sa  principale 
défense  dans  son  malheur,  et  qui  prennent  presque  le  même  intérêt  à 
l'État  de  Milan.  Vous  voyez  donc  qu'une  pareille  action  est  indigne  d'un 
prince  de  la  qualité  de  S.  A.  R.,  qui  a  le  cœur  aussi  bien  placé  qu'elle 
l'a,  et  par  conséquent  du  tout  impossible,  S.  A.  R.  ne  pouvant  disposer 
que  d'elle-même  et  de  ses  États.  C'est  ce  que  j'ai  eu  ordre  de  vous 
dire.  En  mon  particulier,  je  suis  très  respectueusement,  Monsieur,  etc.  » 

S.  De  M.  de  Tessé  à  M.  de  Croissy. 

«  A  Pignerol,  ce  10  [juin]  au  soir. 

«  Pour  moi,  je  ne  sais  plus  que  dire  à  tout  ceci.  Comme  vous  le  ver- 
rez par  la  lettre  ci-jointe,  un  plus  habile  que  moi,  fût-il  prophète,  n'y 
comprendroit  rien.  Cependant  nous  verrons,  car  l'avenir  est  toujours  le 
refuge  des  choses  incertaines  ;  et,  comme  vous  verrez  les  raisonnements, 
au  moins  en  nombre,  si  ils  ne  sont  pas  bons,  que  je  fais,  je  n'ai  plus 
l'honneur  de  vous  en  rompre  la  tête  dans  celle-ci,  qui  n'est  que  pour 
vous  assurer  de  mes  respects  et  de  ma  fidélité  pour  tout  ce  qui  a  ou 
aura  rapport  à  vous.  J'avoue  qu'en  marchant  seul  avec  ce  cauteleux' 
prince  sur  le  rempart  de  son  jardin,  le  diable  me  tenta  de  le  jeter  du 
haut  en  bas,  et  de  lui  rompre  le  cou.  Il  le  mériteroit  bien,  si  il  désa- 
voue tout  ce  qui  est  fait  et  signé. 

«  Mon  courrier  me  rendit  hier  matin  les  paquets  contenus  dans  la 
lettre  du  5  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire.  Je  ne  saurois 

1 .  Ici,  Tessé  a  écrit  une  première  fois,  puis  biiïé  le  mot  prince. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA   SAVOIE.  425 

assez  vous  dire  combien  je  suis  sensible  aux  témoignages  que  je  reçois 
de  vos  bontés  généreuses  et  infinies,  dont  je  prends*  la  liberté  de  vous 
demander  la  précieuse  continuation,  et  que,  passé  cette  maudite  et 
désastreuse  négociation,  vous  veuillez-  bien  ne  jeter  jamais  sur  moi  les 
yeux  pour  aucune  autre  que  pour  celles  des  affaires  qui  se  passeront 
de  Versailles  à  l'Étang. 

«  J'ai  l'honneur  d'être  plus  à  vous  qu'à  moi-même,  et  serois  encore 
plus  touché  que  je  ne  le  suis  de  toute  la  bizarrerie  de  ce  qui  m'arrive, 
sans  que  le  grand-père  ou  l'aïeul  du  prince  avec  lequel  j'ai  affaire  fit, 
du  temps  de  Henri  IV,  toutes  les  mêmes  choses.  J'ai  l'honneur  d'être  res- 
pectueusement tout  à  vous. 

«  Tessé. 

«  Je  rouvre  mon  paquet  pour  y  joindre  ce  que  M.  de  Savoie  me  fait 
mander.  J'ai  l'honneur  d'être,  avec  respect,  tout  à  vous. 

«  T.  » 

6.  Du  maréchal  de  Catinat  au  Roi'^. 

«  Au  camp  de  Rivalte,  le  2-4  juin  1696. 
«  J'ai  reçu.  Sire,  la  lettre  du  13  dont  il  a  plu  à  Votre  Majesté  de 
m'honorer,  par  laquelle  elle  m'accuse  la  réception  de  la  mienne  du  1", 
écrite  de  Veillane.  Elle  me  marque  qu'elle  auroit  souhaité  que,  dans  la 
première  lettre  que  j'ai  écrite  de  concert  à  M.  le  marquis  de  Saint- 
Thomas,  j'eusse  changé  quelques  termes  qui  lui  ont  paru  trop  rudes. 
Je  puis  assurer  de  bonne  foi  Votre  Majesté  que  je  les  y  employai  avec 
répugnance;  mais  je  crus  n'y  devoir  rien  changer,  parce  qu'ils  avoienl 
été  sollicités  par  le  sieur  Grupel,  et  convenus  par  M.  le  comte  de  Tessé. 
Il  falloit  bien,  en  cela,  que  je  me  laissasse  guider.  Votre  Majesté  m'or- 
donne, en  cas  de  rupture,  de  lui  mander  ce  que  je  crois  que  l'on  pour- 
roit  faire  dans  le  courant  de  la  campagne  :  sur  quoi  il  n'est  pas  possible 
de  s'expliquer,  parce  que  cela  dépend  des  mouvements  et  différents 
partis  que  pourroient  prendre  les  ennemis.  Quand  ils  sont  dans  un 
esprit  de  précaution  aussi  grand  que  celui  où  ils  paroissent  jusques  à 
présent,  l'on  doit  songer  à  consommer  et  profiter  des  subsistances  les 
plus  voisines  de  Turin.  Je  compte,  après  avoir  épuisé  toutes  les  sub- 
sistances que  je  puis  consommer  ici,  d'aller  à  Orbassan,  pour  pareille- 
ment consommer  par  préférence  au  plus  près  de  Turin  qu'il  me  sera 
possible.  Il  faudra  voir  si  ce  mouvement  fera  penser  aux  ennemis  autre 
chose  que  ce  qu'ils  font  naturellement.  Du  camp  d'Orbassan,  je  devrai 
m'approcher  du  Pô.  Je  crois  que  l'on  doit  compter,  m'approchant  du 
Pô,  que  les  ennemis  se  camperont  vis-à-vis,  de  l'autre  côté,  et  qu'ils 
s'allongeront  en  remontant,  suivant  les  mouvements  que  fera  l'armée 

1.  Les  deux  premières  lettres  de  prends  surchargent  vo\iis]. 

2.  ficrit  :  veillies. 

3.  Cette  lettre  est  en  chiffre,  avec  la  traduction  en  interligne. 


42fi  APPENDICE  XIII. 

de  Votre  Majesté.  Votre  Majesté  mo  fait  i'iionneur  de  me  demander  si, 
en  cas  de  rupture,  il  ne  seroit  pas  à  propos  de  donner  la  mortification 
à  M.  le  duc  de  Savoie  de  voir  bombarder  Turin.  Il  y  aiiroit  à  Pignerol 
ce  qui"  seroit  nécessaire  pour  cette  expédition.  Turin  ne  peut  être  ap- 
proché que  par  deux  côtés  :  le  premier,  du  côté  de  la  porte  de  France  : 
ce  terrain  est  absolument  vu,  enfilé  par  les  hauteurs  qui  sont  de  l'autre 
côté  du  Pô,  et.  comme  l'armée  devroit  être  fort  à  portée  de  soutenir 
les  batteries,  il  seroit  très  difficile  de  la  situer  de  manière  qu'elle  fût 
hors  de  l'enfilade  du  canon  ;  l'autre,  par  le  côté  de  la  porte  Susine,  où 
est  leur  gros  camp  d'infanterie,  laissant  la  citadelle  sur  leur  gauche. 
Ces  retranchements  sont  fort  bons  et  larges,  avec  de  bons  et  larges  fos- 
sés; le  parapet  en  finit  au  sommet  à  huit  ou  dix  pieds  d'épaisseur.  L'on 
ne  sauroit  que  difficilement  approcher  le  long  de  la  Doire,  parce  que 
cette  rivière  s'approche  à  moins  que  la  portée  du  mousquet  de  Turin, 
et  que  vous  auriez  à  craindre  des  revers  de  l'autre  bord  de  cette  rivière, 
l'armée  des  ennemis  étant  réunie  auprès  de  cette  place,  soit  de  canon, 
carabines  ou  mousqueterie.  Il  est  difficile,  devant  les  ennemis,  de  faire 
des  ponts  sur  la  Doire,  qui  est  une  rivière  assez  considérable  et  assez 
fâcheuse.  De  plus,  supposé  des  ponts,  si  près  des  ennemis  il  y  auroit  de 
l'inconvénient  de  partager  l'armée  de  Votre  Majesté,  si  voisine  de  celle 
des  ennemis,  de  lui  faire  passer  toute  la  Doire  ;  l'on  n'auroit  de  vivres 
que  ceux  que  l'on  porteroit  avec  soi,  et  les  ennemis  seroient  sur  nous 
dans  une  retraite  fort  embarrassante.  Voulant  absolument  bombarder 
Turin,  l'on  ne  peut  guère  concevoir  autrement  que  ce  devroit  être  par 
la  tète  de  la  citadelle,  où  il  seroit  certain  de  manquer  d'eau,  parce  que 
les  ruisseaux  qui  paroissent  sur  la  carte  ne  sont  que  des  bialières,  ac- 
tuellement sèches  :  ce  que  nous  savons  pour  y  avoir  été  au  fourrage.  Il 
ne  resteroit  donc  d'eau  sûre  que  celle  de  la  Doire,  qui  seroit  extrême- 
ment contestée,  à  moins  que  de  prendre  des  postes  au  delà.  Comme 
ce  bombardement  est  une  chose  à  laquelle  j'ai  bien  réfléchi  auparavant 
d'avoir  reçu  la  lettre  de  Votre  Majesté,  j'ai  été  en  état  d'avoir  l'honneur 
(]c  l'informer  de  toutes  les  différentes  pensées  que  j'ai  eues  là-dessus. 

«  Catinat.  » 

Cinq  jours  plus  tard,  le  duc  de  Savoie  adressait  au  Roi  cette  lettre,  entiè- 
rement écrite  de  sa  main,  et  que  nous  i-eproduisons  telle  quelle  :  «  A  Turin, 
ce  19  jein  tC96.  —  Monseigneur,  après  les  témoignage  que  ie  viens  de  rece- 
voir des  bontés  de  V.  M",  ie  dois  espérer  qu'elle  aura  celle  d'oublier  ce  qui 
s'et  passé,  et  d'agréer  cette  fidelle  protestation  de  la  gioe  infinie  dont  ie 
me  sans  pénétré  de  me  vois  dans  l'honeur  des  bonnes  grâces  de  V.  M'*  par 
de  si  pretieux  liens  que  ceux  qu'elle  a  bien  volu  qui  m'attachent  indisolu- 
blement  à  la  roiale  persone  de  V.  M**  et  à  ses  intéres.  Je  suplie  très  tium- 
blement  V.  Jf'  d'estre  très  persuadé  que  se  sera  tougiors  mon  plus  grand 
ampresemeant  de  luy  en  doner  des  marques  bien  positive  et  de  la  passion 


NFGOriATIONS  AVEC  LA   SAVOIE.  427 

très  respectueuse  avec  laquelle  ie  seray  toute  ma  vie  de  la  manière  dû 
monte  la  plus  dévuoé.  Monseigneur,  de  V.  M'°  le  très  humble  et  très 
obéi[ssant]  serviteur.  V.  Amé.  »  (Dépôt  des  Affaires  étrangères,  vol.  Turin 
93.)  Le  même  volume  du  Dépôt  renferme  une  copie  de  la  lettre  en  français 
que  M.  de  Savoie  adressa  à  l'électeur  de  Brandebourg,  le  7  juillet,  pour 
lui  faire  part  des  propositions  présentées  par  Catinat  et  de  la  correspon- 
dance échangée  à  ce  sujet,  d'où  ressortait  pour  lui  une  nécessité  urgente 
d'accepter  les  offres  de  paix  de  la  France.  La  réponse  en  latin  de  l'électeur 
est  jointe  à  cette  lettre,  qui  fut  envoyée  de  Rome,  le  11  septembre,  par 
le  cardinal  de  Forbin-Janson. 


7.  Du  cardinal  de  Forbin-Janson  au  chevalier  de  la  F  are. 

«  A  Rome,  le  14  juillet  1696. 

«  J'ai  reçu.  Monsieur,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  la  grâce  de  m'é- 
crire  du  3  juillet,  dont  je  vous  suis  sensiblement  obligé. 

«  Enfin  les  affaires  de  Piémont,  après  bien  des  délais,  se  sont  heureu- 
sement terminées.  M.  le  duc  de  Savoie  a  donné  part  au  Pape,  par  un 
courrier  dépêché  exprès  à  son  résident,  du  traité  et  des  conditions 
dont  il  est  convenu  avec  le  Roi,  et  je  ne  doute  pas  que  vous  n'en  soyez 
informé'.  Ce  prince  a  aussi  supplié  Sa  Sainteté,  par  une  lettre  qu'il  lui 
a  écrite,  de  vouloir  interposer  ses  offices  et  sa  médiation  auprès  de 
l'Empereur  et  du  roi  d'Espagne  pour  les  engager  à  accepter  la  neutra- 
lité d'Italie  et  à  en  faire  sortir  toutes  les  troupes  étrangères.  Sa  Sain- 
teté a  écrit,  pour  ce  sujet,  des  brefs  à  Vienne,  Madrid  et  à  Venise,  avec 
des  instructions  pour  ses  nonces,  qui  doivent  les  présenter.  Le  tout  fut 
envoyé  à  Turin  dès  le  lendemain,  11  de  ce  mois,  par  le  retour  du 
courrier  de  M.  le  duc  de  Savoie,  et  ce  prince  doit,  aussitôt  après  avoir 
reçu  la  réponse  de  Sa  Sainteté,  dépêcher  d'autres  courriers  dans  toutes 
ces  cours.  La  satisfaction  que  le  Pape  a  ressentie  de  cette  grande  et 
importante  nouvelle  ne  se  peut  exprimer  :  il  en  pleura  de  joie,  et 
tous  les  ministres  de  la  Ligue,  aussi  bien  que  ceux  de  leur  parti,  en 
sont  également  consternés.  Il  faut  espérer  que  les  autres  princes  ne 
tarderont  pas  de  suivre  l'exemple  du  duc  de  Savoie  et  d'avoir  recours 
à  la  modération  du  Roi,  ou  que  les  armes  de  S.  M.  les  forceront  à  lui 
demander  la  paix 

«  Le  cardinal  de  Janson-Forbix.  » 


1.  Une  copie  de  cette  lettre  au  Pape,  qui  est  datée  du  6  juillet,  se  trouve 
dans  le  volume  des  Afiaires  étrangères  coté  Turin  93.  Nous  en  avons  aussi 
le  texte  italien  dans  les  Papiers  du  Contrôle  général,  aux  Archives  natio- 
nales, G^  352.  Quant  au  texte  français  publié,  comme  original,  dans  les  Mé- 
moires de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest.  1858-1859,  p.  295-297,  ce 
ne  peut  être  qu'iuie  traduction  du  temps. 


42X  APPENDICE  Xlil. 

N.  De  M.  (le  Tess(;  au  Roi. 

"  A  Turin,  ce  1C  juillet  1C96. 
«  Je  ne  sais,  Sire,  si  ceci  durera  ;  mais  je  ne  vais  point  les  matins  à 
la  com%  aux  heures  ordinaires,  sans  empressement,  et  évitant  même  mo- 
destement de  me  trop  montrer,  que  M.  le  duc  de  Savoie  ne  me  prenne, 
et  ne  veuille  publiquement  causer  des  deux  et  trois  heures  avec  moi. 
Ce  ne  peut  être  qu'afTectation  pour  faire  entendre  aux  chefs  des  alliés, 
dont  quelques-uns  sont  quasi  toujours  les  témoins,  qu'il  me  parle  d'af- 
faire, d'autant  plus  que  bien  souvent  ce  prince  ne  me  parle  que  de  la 
pluie,  du  beau  temps  et  de  bagatelles.  Cependant  je  sais  que,  dans  son 
petit  particulier,  quand  il  n'est  vu  que  de  ses  valets,  il  saute  vis-à-vis 
de  son  miroir,  se  remercie  de  la  grande  affaire  qu'il  a  faite,  et  gambade 
comme  un  homme  auquel  la  joie  donne  des  mouvements  involontaires, 
qui  se  montrent  naturellement  quand  on  lâche  la  bride  à  l'humanité.  Il 
est  visible  qu'il  cherche  à  chagriner  les  chefs  des  alliés,  et  de  leur  don- 
ner, avec  tous  les  témoignages  extérieurs  d'égards  et  d'affection,  les 
mortifications  qui  ne  laissent  pas  d'être  cuisantes  dans  le  moment,  bien 
qu'elles  n'aient  rien  de  bien  effectif.  De  dire  présentement  à  Votre  Ma- 
jesté si  cela  durera,  c'est  ce  que  Dieu  seul  peut  savoir,  et  plus  ce 
prince  m'honore  de  ses  conversations  et  de  ses  contidences,  plus  je  me 
tiens  préparé  à  les  voir  diminuer  ou  finir.  Cependant,  Sire,  attendu 
qu'il  faut  battre  le  fer  pendant  qu'il  est  chaud,  je  ne  sais  s'il  ne  seroit 
point  du  service  présent  de  Votre  Majesté  qu'elle  m'envoyât  incessam- 
ment une  lettre  de  créance  aux  princes  d'Italie,  pour  que,  si  l'on  trouve 
occasion  de  les  engager  à  quelque  chose,  je  puisse  m'en  servir  et  sou- 
der avec  eux,  par  les  moyens  secrets  de  M.  le  duc  de  Savoie,  quelque 
moyen  de  les  aider  à  s'unir  contre  l'oppression  de  l'Empereur,  car  je  re- 
garde les  susdits  princes  d'Italie  comme  ayant  une  volonté  impuissante. 

«  Je  ne  vous  rends  point  compte  de  la  visite  que  j'ai  faite  à 
Mme  la  comtesse  de  Venue,  laquelle  partit  hier  pour  les  eaux  de  Saint- 
Maurice.  Ce  fut  Saint-Thomas  qui  me  dit  qu'il  étoit  à  propos  que  je  la 
visse  et  que  je  l'assurasse  de  l'amitié  et  de  la  protection  de  Votre 
Majesté.  Je  le  fis,  et  elle  reçut  mon  discours  avec  des  témoignages 
excessifs  de  respect  et  de  joie.  Mais,  à  vrai  dire,  il  ne  me  parut  pas', 
à  sa  figure,  à  ses  manières,  à  ses  coiffures  et  à  son  attitude,  qu'elle 
songeât  à  aucune  autre  affaire  qu'à  plaire,  et  je  suis  trompé  si  M.  de 
Savoie  lui  dit  son  secret. 

«  J'ai  tourné  le  marquis  de  Saint-Thomas  de  tous  les  sens  possibles, 
pour  pénétrer  ce  qui  pouvoit  lui  convenir.  Je  ne  crois  pas  que  de  l'ar- 
gent, quelque  besoin  qu'il  eu  ait,  pût  l'accommoder,  parce  qu'enfin  les 
mystères  n'ont  qu'un  temps,  et  que  de  l'argent  reçu  est  toujours  un 
reproche;  mais  j'ai  compris  par  ses  propres  discours  qu'un  portrait  de 

1.  Les  mots  ne  et  pas  sont  ajoutés  en  interligne. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA  SAVOIE.  4-29 

Votre  Majesté,  enrichi  de  pierreries  et  d'un  prix  convenable  à  votre 
grandeur,  lui  seroit  très  agréable.  Quand  je  dis  «  convenable  à  votre 
«  grandeur,  »  c'est  à  dire  que  j'estime  que  ce  présent  devroit  être  au 
moins  de  vingt  ou  vingt-cinq  mille  écus.  Cependant,  comme  l'économie 
est  la  base  qui  fait  durer  les  grâces,  Votre  Majesté  peut  réfléchir  qu'a- 
lors que  le  contrat  de  mariage  de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne  se  fera,  il 
est  de  l'usage  que  l'on  fasse  un  présent  considérable  au  secrétaire 
d'État  qui  dresse  le  contrat  :  de  sorte  que  Votre  Majesté  peut  songer 
si  elle  fera  filer  le  présent  de  Saint-Thomas*  jusqu'au  temps  du  contrat 
de  mariage,  et,  en  ce  cas-là,  le  faire  plus  gros,  ou  bien  en  faire  un  sor- 
table  présentement,  et  en  faire  un  second  dans  le  susdit  temps  du  con- 
trat de  mariage.  Je  remarque  qu'à  cette  cour  l'on  estime  fort  les  petits 
présents,  et  je  ne  sais  si  quelque  rien  à  la  marquise  de  Saint-Thomas 
ne  seroit  pas  très  agréable.  Je  prends  la  liberté  de  conter  tout  cela  à 
Votre  Majesté  parce  que  M.  le  duc  de  Savoie  ne  se  sert  que  du  mar- 
quis de  Saint-Thomas,  lequel  a  toute  sa  confiance  et  est  son  seul  mi- 
nistre :  non  qu'il  puisse  rien  d'assuré  sur  son  maître  ;  mais,  si  quel- 
qu'un y  peut  quelque  chose,  c'est  lui. 

«  Voilà,  Sire,  jusques  à  présent,  tout  ce  que  je  sais,  et  que,  depuis 
la  guerre,  l'on  n'avoit  pas  vu  à  Turin  le  peuple  danser  aux  chansons 
dans  les  rues,  et  que  d'avant-hier  l'on  a  commencé.  » 

9.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  ce  20  juillel  1G9G. 

«  L'on  ne  peut  point  exprimer  l'embarras  visible  dans  lequel 
MM.  les  princes  Eugène,  de  Commercy,  et  les  chefs  des  alliés  se  trou- 
vent. Ces  deux  derniers  ne  me  rencontrent  jamais  sans  un  embarras 
qu'assurément  je  n'ai  pas  :  ils  craignent  que  je  ne  les  aborde,  et  c'est  un 
jeu  fort  plaisant  que  M.  le  duc  de  Savoie  se  fait,  de  les  faire  discourir 
sur  moi  et  sur  ma  présence  ici,  et  de  me  faire,  après  cela,  discourir  de 
ce  qu'il  me  dit,  de  ce  qu'ils  lui  ont  dit,  et  de  ce  qu'il  voudroit  que  je- 
lui  voulusse  dire  ;  mais,  en  parlant  respectueusement  des  personnes,  je 
me  tire  d'affaire.  Quant  à  M.  de  Ruvigny,  il  est  et  paroît  au  désespoir; 
il  ne  met  jamais  les  pieds  où  je  suis,  non  plus  qu'aucun  religionnaire.  Il 
dit  hautement  qu'il  faut  continuer  la  guerre  en  Italie.  M.  le  prince  Eu- 
gène dit  la  même  chose,  et  tous  ces  Messieurs  attendent  des  nouvelles 
de  leurs  maîtres,  et  paroissent  faire  ici  un  personnage  très  embarrassé. 

«  Je  ne  saurois  assez  rendre  compte  à  Votre  Majesté  de  la  joie  vive 
et  indicible  de  Mme  la  duchesse  de  Savoie.  Elle  éclate  en  tout,  et, 
quoiqu'il  lui  soit  fort  recommandé  d'être  en  garde  pour  ne  point  faire 
connoître  aux  chefs  des  alliés  la  partialité  de  son  cœur,  cette  princesse 

i.  Un  premier  jusques  est  bifîe  ici. 
2.  Que  je  corrige  quon. 


430  APPENDICE  XIII. 

ne  pont  se  contenir  et  cherche  tous  les  moyens  de  causer  avec  moi, 
de  parler  de  Votre  Majesté,  de  sa  joie,  de  ses  embarras  et  de  ses  mor- 
tifications passées.  Elle  envoie  dimanche  prochain  un  portrait  de  la 
princesse  sa  fdle  à  Monsieur.  11  est  très  ressemblant,  à  cela  près  que 
l'on  lui  fait  les  cheveux  un  peu  moins  noirs  qu'elle  ne  les  a,  et  que, 
dans  le  premier  compte  que  j'en  ai  rendu  à  Votre  Majesté,  je  les  ai  faits 
plus  noirs  qu'ils  ne  m'ont  paru  depuis.  Plus  j'observe  cette  jeune  prin- 
cesse, plus  je  la  trouve  saine  et  bien  constituée.  Je  n'ai  jamais  l'honneur 
de  la  voir  qu'elle  ne  rougisse  modestement,  comme  si  elle  entendoit 
que  c'est  moi  qui  In  fnis  souvenir  de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne     .     .     . 


10.  De  M.  de  TesséauRoi. 

«  A  Turin,  ce  31  juillet  1C9C. 

" .M.  de 

Saint-Thomas  m'est  venu  voir,  et  m'a  apporté  une  lettre  de  M.  l'abbé 
de  la  Tour,  ambassadeur  de  S.  A.,  auprès  de  M.  le  prince  d'Orange.  Ce 
ministre*  écrit  parla  poste  et  lui  mande  avoir  retenu  son  courrier,  qu'il 
lui  dépêchera  dès  qu'il  aura  pu  avoir  une  audience  de  M.  le  prince  d'O- 
range, et  qu'en  attendant,  il  ne  peut  mieux  lui  rendre  [compte]  des  sen- 
timents du  prince  auprès  duquel  il  est,  qu'en  lui  envoyant  l'original  de 
la  lettre  qu'il  reçoit  de  M.  de  Portland.  Cette  lettre,  de  la  propre  main  de 
ce  favori,  porte  la  surprise  dans  laquelle  il  est  de  voir  S.  A.  résolue  de 
suivre  aveuglément  un  parti  si  contraire  à  son  honneur  et  à  ses  intérêts; 
qu'à  l'égard  du  premier,  le  respect  qu'il  conserve  pour  S.  A,  R.  l'em- 
nèche  d'en  parler,  mais  qu'à  l'égard  des  avantages  de  Sadite  A.  R., 
fl  est  certain  qu'ils  ne  peuvent  jamais  se  trouver  en  quittant  la  Ligue 
pour  reprendre  les  intérêts  de  Votre  Majesté,  qui  ne  lui  pardonnera 
jamais  le  passé.  Cette  lettre,  en  françois,  est  assez  bien  écrite,  et  il 
y  paroît,  dans  les  expressions,  une  grande  surprise,  beaucoup  de  dou- 
leur et  des  menaces,  répétant  que  la  Ligue  prendra  des  mesures  pour 
faire  repentir  son  maître  du  pas  dangereux  dans  lequel  il  s'engage, 
et  qu'à  quelque  prix  que  ce  soit,  ladite  Ligue  soutiendra  la  guerre  en 
Italie. 

«  Non  seulement.  Sire,  le  marquis  de  Saint-Thomas  m'a  montré  tout 
cela,  mais  m'a  dit  que  S.  A.,  ne  pouvant  pas  me  parler  présentement, 
l'envoyoit  pour  m'en  rendre  compte,  et  pour  me  prier  d'assurer  Votre 
Majesté  que,  quoi  qu'il  arrive,  il  vous  sera  fidèle,  qu'il  est  entre  vos 
bras,  qu'il  mettra  tout  en  usage  pour  vous  servir  utilement,  et  que, 
sur  la  parole  que  je  lui  réitère  que  Votre  Majesté  ne  lui  en  manquera 
jamais,  il  prend  toutes  ses  mesures  pour  se  déclarer  tout  au  plus  tard 

1.  Ce  ministre  est  écrit  en  interligne,  de  la  main  de  Tessé,  corrigeant 
lequel,  biffé. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA  SAVOIE.  431 

au  retour  de  ses  derniers  courriers,  et  qu'ainsi  Votre  Majesté  peut 
compter  que  l'on  entrera  en  action  les  premiers  jours  de  septembre, 
ou  même  plus  tôt,  contre  le  Milanois,  si  la  neutralité  n'est  pas  accor- 
dée. L'abbé  de  la  Tour  se  réjouit  avec  sou  maître,  et  lui  fait  compli- 
ment sur  la  fermeté  qu'il  paroît  avoir  de  suivre  dorénavant  ses  véri- 
tables intérêts,  et  ajoute  que,  dans  les  conjonctures  où  il  voit  toutes 
choses,  en  Hollande  et  à  l'armée,  il  fera  tout  ce  qu'il  pourra  pour  faire 
arriver  quelques  événements  et  donner  en  Flandres  une  bataille,  ou 
faire  le  siège  de  Dunkerque,  s'il  est  possible ■> 

II.  De  M.  de  Tessé  cm  Roi. 

«  A  Turin,  ce  5  août  169G. 
«  Enfin,  Sire,  il  n'y  a  si  bonne  compagnie  qui  ne  se  sépare.  Les  trou- 
pes impériales,  espagnoles,  religionnaires  et  auxiliaires  se  séparèrent 
hier  de  celles  de  M.  de  Savoie.  Ce  fut,  de  part  et  d'autre,  avec  d'aussi 
froides  cérémonies  qu'on  se  puisse  les  imaginer.  Ces  Messieurs  sont  à 
Brandis  et  à  Cette.  Ils  firent  quelque  difficulté  de  rendre  quelques 
pièces  de  canon  de  M.  de  Savoie  dont  ils  supposoient  avoir  besoin; 
mais  le  ton  que  prit  M.  de  Savoie  eut  bientôt  fini  cette  remontrance. 
Ils  passèrent  hier  le  Pô  et  la  Doire,  sur  le  pont  de  Turin,  avec  toutes 
sortes  de  précautions  pour  la  désertion.  Pas  un  officier  général  n'entra 
à  Turin.  Les  Brandebourgs  ont  opiniâtrement  voulu  suivre  les  Impé- 
riaux, et  j'ai  la  joie  de  voir  que  les  Fi-ançois  qui  sont  sortis  de  votre 
royaume  n'ont  pas  perfectionné  leur  conduite  dans  les  cours  étran- 
gères. Ce  M.  deVarennes  qui  commandv;  les  Brandebourgs  a  suivi  aveu- 
glément les  passions  du  milord,  et  n'a  eu,  dans  cette  séparation,  ni 
procédé  d'honnête  homme,  ni  manières  de  savoir-vivre. 

«  Je  ne  dois  pas  celer  à  Votre  Majesté  que,  quelques-uns  des  officiers 
de  l'Empire  ou  d'Espagne,  de  ceux  qui  avoient  paru  avoir  plus  d'attache- 
ment extérieur  pour  M.  le  duc  de  Savoie,  ou  qui  en  avoient  reçu  le 
plus  de  grâce*,  étant  venus  hier  prendre  congé  de  lui,  il  leur  dit,  devant 
l'abbé  Grimani,  moi  et  plusieurs  autres,  les  belles  paroles  qui  suivent, 
que  j'écoutai  avec  grande  satisfaction,  et  que  j'appréhende  de  n'avoir 
pas  assez  bien  retenues  :  «  Messieurs,  leur  dit  ce  prince,  nous  nous 
«  éloignons  un  peu;  mais  j'espère  que  vos  maîtres  voudront  bien  me 
«  donner  lieu  de  leur  témoigner  la  reconnoissance  que  j'ai  de  la  bonté* 
«  qu'ils  ont  eue  de  me  secourir;  et  en  votre  particulier.  Messieurs, je 
«  chercherai  les  occasions  de  vous  donner  des  marques  de  toute  mon 
«  estime.  J'ai  contribué  autant  que  je  l'ai  pu  à  vous  donner  de  bons 
«  quartiers  d'hiver  :  je  vous  en  souhaite  à  l'avenir  de  meilleurs  ;  mais 
«  trouvez  bon  que  ce  ne  soit  pas  dorénavant  en  Italie.  Je  vous  les  de- 


1.  Ainsi  au  singulier. 

2.  Il  y  avait  d'abord  des  bontés.  Tessé  a  corrigé  les  deux  es  et  es  en  c  et 
et  ajouté  la  en  interligne. 


i3i  APPE.XDiCE   XIll. 

«  sire  ailleurs  :  il  est  temps  que  mes  États,  et,  s'il  est  possible,  ceux 
«  des  princes  mes  voisins,  jouissent  du  repos  que  j'ai  essayé  de  leur 
«  concilier.  J'espère  que  vos  maîtres  y  consentiront  ;  je  leur  ai  instam- 
"  ment  demandé  cette  grâce,  qu'il  est  de  leur  justice  de  m'accorder  : 
•'  après  quoi,  si,  malheureusement  pour  moi,  ils  me  la  refusoient,  j'au- 
«  rois  la  douleur  de  vous  disputer  d'aussi  bon  cœur  vos  quartiers  d'hi- 
«  ver,  que  j'ai  contribué  à  vous  en  faire  avoir,  et  j'agirois  à  la  tète  des 
«  François,  contre  vous,  avec  la  même  vivacité  que  vous  m'avez  vue 
«  pour  mériter  votre  estime.  Cependant,  Messieurs,  comme  j'espère  que 
«  vos  maîtres  m'accorderont  cette  grâce,  je  vous  demande  celle  de 
«  votre  amitié,  et  nous  dînerons  ensemble  aujourd'hui,  si  vous  voulez.  » 
Ces  Messieurs  firent  de  profondes  révérences,  se  retirèrent,  et  pas  un 
ne  resta  à  dîner.  Je  sais  que,  l'après-dînée,  il  monta  dans  une  chambre 
où  il  n'y  avoit  pas  trois  personnes,  et  qu'il  dit  :  «  Enfin,  Mesdames, 
«  vous  pouvez  compter  dorénavant  que  nous  sommes  François.  »  Je  ne 
rends  point  compte  à  Votre  Majesté  de  tout  ce  qu'il  me  dit  tous  les 
jours;  il  n'y  en  a  encore  eu  aucun  dans  lequel  il  ne  m'ait  fait  l'honneur 
de  causer  tête  à  tète  deux  ou  trois  heures. 

«  Voici,  Sire,  une  circonstance  dont  ce  prince  vient  de  me  parler, 
plutôt  je  crois  par  pitié  que  par  amitié,  mais  pourtant  avec  empresse- 
ment. 11  vouloit  en  écrire  à  Votre  Majesté;  cependant,  de  crainte  que 
Votre  Majesté  n'eût  encore  présentement  quelque  petite  répugnance  à 
lui  accorder  cette  grâce  qu'il  vouloit  vous  demander,  j'ai  cru.  Sire,  qu'il 
vous  étoit  plus'  commode  qu'avant  qu'il  vous  écrivît  pour  cela,  j'eusse 
l'honneur  de  pressentir  si  cette  faveur  ne  vous  embarrasseroit  pas,  bien 
que  je  sache  que'-  les  bras  de  Votre  Majesté  soient^  toujours  ouverts  à 
la  miséricorde.  Il  m'a  montré  une  lettre  qu'il  reçut  hier  par  un  exprès 
de  M.  le  comte  de  Soissons  ;  je  l'ai  lue  toute  entière,  et  je  suis  certain, 
Sire,  qu'elle  vous  feroit  pitié.  Il  exhorte  M.  le  duc  de  Savoie,  par  tout 
ce  que  l'on  peut  imaginer  de  plus  fort,  d'obtenir  que  Votre  Majesté  lui 
veuille  bien  pardonner  toutes  les  fautes  qu'il  a  commises  soit  par  légè- 
reté, soit  par  mauvais  conseils  et  par  la  fatalité  de  sa  mauvaise  étoile. 
11  témoigne  la  joie  qu'il  a  de  voir  la  maison  de  Savoie  prête  à  rentrer 
dans  sa  véritable  situation  et  dans  les  bonnes  grâces  de  Votre  Majesté. 
Enfin,  Sire,  il  crie  miséricorde,  et  supplie  M.  le  duc  de  Savoie  de  vous 
supplier  de  lui  pardonner,  et  qu'à  l'avenir  il  aura  une  conduite  dont 
Votre  Majesté  sera  si  contente,  qu'elle  voudra  bien  oublier  ses  crimes 
et  lui  faire  la  faveur  de  permettre  qu'il  revienne  en  France.    ...» 

12.  De  M.  de  Tessé  à  M.  de  Barbezieux. 

«  A  Turin,  ce  7  août  1696. 
«  Nous  attendons  une  vue  de  M.  le  comte  de  Mansfeld  ;  mais  j'ai 

i.  Plus  est  en  interligne. 

2.  Que  est  en  interligne. 

3.  Ainsi  au  subjonctif. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA   SAVOIE.  433 

prié  S.  A.  de  ne  pas  souffrir  qu'il  approchât  de  sa  cuisine  ;  pour  moi,  il 
n'y  a  nulle  apparence  que  je  fasse  aucun  repas  avec  lui,  car  ce  Monsieur 
est  soupçonné  d'avoir  eu  part  à  celui  que  fit  la  reine  d'Espagne  avant 
que  de  passer  de  ce  monde-ci  à  l'autre.  Messieurs  les  généraux  alliés 
ne  craignent  pas  au  moins  de  moi   la  même  chose,   car  ils  trouvent 

mon  vin  fort  bon,  et  je  leur  en  envoie  copieusement 

«  Tessé.  .. 

P.  S.  autographe.  —  «  Au  nom  de  Dieu,  pressez  le  Roi  pour  de 
l'argent,  car,  depuis  la  lettre  ci-jointe  écrite,  M.  le  duc  de  Savoie  m'a 
dit  que,  dans  deux  heures  de  conversation,  il  auroit  fini  avec  M.  de 
Mansfeld,  et  que  si  il  n'apporte  pas  un  pouvoir  pour  la  neutralité  d'Ita- 
lie, qu'il  entrera  en  action  ;  cela  ne  peut  pas  vraisemblablement  excéder 
les  premiers  du  mois  prochain,  et  arrivera  peut-être  les  premiers  de 
celui-ci. 

«  T.   .. 

13.  De  M.  de  Tessé  à  M.  de  Batbezieux. 

«  A  Turin,  ce  11  août  1696. 

«  Les  mystères  n'ont  qu'un  temps,  et  moins  le  secret  est  multiplié, 
plus  il  est  secret.  Je  prends  donc  la  liberté  de  m'adresser  à  vous  pour 
ce  qui  suit,  vous  suppliant  d'en  informer  le  Roi  sans  qu'il  soit  néces- 
saire que  cela  passe  par  son  Conseil.  Je  connois  l'attachement  tendre 
que  vous  avez  pour  S.  M.,  et  elle  n'ignore  pas  celui  que  singulière- 
ment je  dois  avoir  pour  vous. 

«  Le  marquis  de  Saint-Thomas  me  vint  trouver  hier  au  soir,  et  me 
dit  qu'il  ne  pouvoit  me  cacher  que  son  maître,  sans  avoir  osé  ni  voulu 
m'en  parler,  avoit  été  surpris  et  affligé  que  le  Roi  eût  choisi  le  duc 
d'Estrées  pour  venir  ici  en  otage,  et  que,  supposé  qu'il  fût  indillérent 
au  Roi  d'en  nommer  quelque  autre,  il  me  prioit  d'en  supplier  le  Roi. 
A  cela  je  répondis  que  je  croyois  que  le  Roi  avoit  destiné  le  duc  d'Es- 
trées parce  que  c'étoit  un  des  anciens  ducs  et  pairs  de  France  par  le 
rang  de  sa  duché,  et  que  d'ailleurs,  n'étant  pas  employé  dens  les  ar- 
mées et  n'ayant  point  de  charge  à  la  cour,  j'étois  persuadé  que  S.  M. 
n'avoit  eu  d'autre  raison  pour  jeter  les  yeux  sur  lui  que  parce  qu'il 
étoit  très  sage  et  très  honnête  homme.  «  Je  le  crois,  me  dit  Saint- 
«  Thomas  ;  mais  il  suffit  qu'il  soit  parent  de  Madame  Royale  et  neveu 
.<  du  cardinal  d'Estrées,  qui  fait  souvenir  du  voyage  de  Portugal,  pour 
«  que  sa  personne  et  son  nom  soient  insupportables  à  S.  A.  R.,  et  je 
«  vous  prie,  comme  de  moi,  quoique  au  fond  ce  soit  S.  A.  qui  m'ait 
«  chargé  de  vous  en  venir  parler,  je  vous  prie,  dis-je,  comme  de  moi, 
'<  de  supplier  le  Roi  d'en  nommer  un  autre,  si  cela  ne  fait  point  une 
«  extrême  peine  à  S.  M.  » 

«  Après  quoi,  dans  la  conversation,  il  me  dit  :  «  Croyez-vous  que  le 
«  Roi  voulût  nommer  le  duc  de  Chevreuse  pour  venir  ici?  »  A  cela  je 

MÉMOIRES    DK    SAINT-SIMON.   lit  28 


434  APPENDICE  XI II. 

ne  pus  répondre  autre  chose  sinon  qu'outre  que  j'ignorois  sur  cela  les 
sentiments  de  S.  M.,  je  savois  seulement  que,  M.  de  Clievreuse  ayant 
une  grosse  charge  '  dans  la  maison  du  Roi,  je  ne  pensois  pas  qu'il  con- 
vînt fort  au  duc  de  Chevreuse  de  s'éloigner  de  la  cour.  «  Mais,  me  ré- 
«  pliqua  Saint-Thomas,  si  le  Roi  l'envoyoit  ici,  croyez-vous  qu'il  fît 
«  difficulté  de  voir  sa  sœur,  la  comtesse  de  Verrue  ?  »  Je  ne  pus  ré- 
pondre à  cela  qu'en  haussant  les  épaules  et  répliquant  que  je  n'en 
savois  rien.  «  Oh  bien  !  me  dit-il,  s'il  la  voyoit,  même  sans  trop  de 
«  familiarité,  cela  seroit  très  agréable  à  tous;  mais,  s'il  y  a  quelque 
«  difficulté  pour  M.  de  Chevreuse,  que  l'on  souhaiteroit,  essayez,  me 
«  dit-il,  qu'on  n'envoie  point  le  duc  d'Estrées.  » 

"  Je  n'ai  pas  cru  qu'il  fût  à  propos  que,  dans  une  lettre  de  moi  vue 
au  Conseil,  tout  ce  narré  fût  écrit.  Je  vous  supplie  d'en  rendre  compte 
en  particulier  à  S.  M.,  qui,  sous  diff'érents  prétextes,  sans  qu'il  puisse 
paroître  que  ce  soit  un  dégoût  pour  le  duc  d'Estrées,  peut  jeter  les 
yeux  sur  quelque  autre.  Au  reste,  je  vous  supplie  de  dire  au  Roi  que  je 
Yoyois  noir,  ou  de  travers,  quand  j'ai  mandé  que  Mme  la  princesse  de 
Savoie  avoit  les  cheveux  très  noirs  ;  l'on  lui  avoit  mis  trop  d'essence 
les  premiers  jours  que  je  la  vis,  de  sorte  que  je  me  dédis  :  elle  a  les 
cheveux  d'un  châtain  même  assez  clair,  et  plus  clair  que  ne  les  avoit 
Madame  la  Dauphine.  Cette  princesse  disoit  hier  à  sa  mère,  qui  lui  parla 
du  comte  de  Mansfeld  :  «  Mon  Dieu,  que  vient-il  faire  ici?  Vous  verrez 
«  que  papa  écoutera  encore  des  choses  comme  autrefois  ;  cet  homme-là 
■<  n'avoit  que  faire  ici.  Que  ne  nous  laisse-t-il  en  repos?  »  J'ai  l'hon- 
neur d'être  respectueusement  tout  à  vous. 

«  Tessé.  » 

14.  De  M.  (le  Tessé  au  Roi. 

■  A  Turin,  ce  il  août  1696. 


«  J'ai  lu  une  lettre  de  M.  le  prince  d'Orange  à  M.  de  Savoie,  du  "27  du 
mois  passé,  écrite  en  bon  françois.  Il  accuse  la  réception  de  deux  ou 
trois  de  ses  lettres,  et  lui  mande....*  qu'il  a  été  très  surpris  et  affligé  de 
voir  qu'après  tant  de  fermeté  pour  la  cause  commune,  il  paroisse  déter- 
miné à  suivre  les  foibles  et  spécieux  avantages  que  la  France  lui  pro- 
pose ;  qu'il  le  conjure  de  faire  des  réflexions  sur  le  peu  d'honneur  et 
de  gloire,  à  la  vue  de  toute  la  Chrétienté  actuellement  unie  contre 
l'ennemi  commun,  qu'il  acquerra  par  une  paix  particulière;  que  rien 
ne  peut  être  pour  lui  stable,  glorieux  ni  solide,  que  ce  qu'il  acquerra 
par  la  paix  générale;  qu'il  a  chargé  le  comte  président  de  la  Tour,  son 
ambassadeur,  de  lui  remontrer  plus  au  long  l'embarras  et  le  précipice 
dans  lequel  il  est  près  de  tomber.  Enfin  cette  lettre,  qui  pourtant  est 

1.  Chez  le  Roi,  biffé. 

-2.  Ainsi,  avec  trois  points,  dans  le  manuscrit,  qui  n'est  qu'au  duplicata. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA   SAVOIE.  43o 

honnête,  sans  menace  et  sans  aigreur,  finit  par  dire  qu'il  est  fâché  de 
ne  pouvoir  consentir  à  la  neutralité  d'Italie,  et  la  refuse.  Cette  lettre, 
venue  par  un  courrier  extraordinaire,  a  été  rendue  par  le  milord  Gallo- 
way.  Mais  il  faut  que  les  dépêches  dudit  milord  soient  remplies  d'ai- 
greur et  des  (sic)  termes  dont  le  marquis  de  Leganez  ait  craint  l'effet, 
car  M.  le  duc  de  Savoie  m'a  communiqué  une  lettre  dudit  marquis, 
écrite  deux  heures  avant  l'arrivée  du  miJord,  par  laquelle  il  mandoit  à 
ce  prince  qu'il  le  supplioit  de  n'avoir  aucun  égard  aux  choses  fâcheuses 
que  le  milord  pourroit  lui  dire,  qu'il  le  conjuroit  de  ne  rien  précipiter, 
que  le  comte  de  Mansfeld  arriveroit  incessamment,  et  qu'il  ne  seroit 
pas  juste  que  l'envie  passionnée  du  roi  Guillaume  et  du  milord  pour 
perpétuer  la  guerre  en  Italie  apportassent  aucune  nouveauté  ni  à  la 
trêve,  ni  à  l'attente  des  dernières  réponses  que  l'on  attendoit  de 
Vienne  et  de  Madrid.  Or  cette  lettre  du  marquis  de  Leganez,  lequel 
est  parfaitement  honnête  homme,  bon  espagnol,  et  qui  voit  que  tout 
le  poids  des  affaires  est  prêt  de  tomber  sur  lui,  explique,  ce  me  semble, 
que  les  dépêches  de  M.  le  prince  d'Orange  au  milord  contenoient  des 
choses  désagréables  que  le  milord  n'a  pas  cru  qu'il  fût  à  propos  de 
dire,  et  qui  nous  doivent,  ce  me  semble,  marquer  que  le  parti  de  sou- 
tenir la  guerre  en  Italie  est  pris 

«  J'ai  lu  naïvement  et  sans  affectation  à  ce  prince  l'article  de  votre 
lettre,  très  obligeant  pour  lui,  dans  lequel  Votre  Majesté  souhaite  de 
savoir  ses  intentions  sur  la  manière  de  conduire  en  France  la  princesse 
sa  fille;  sur  la  joie  sensible  que  Madame  sa  femme  auroit  de  conduire 
Madame  sa  fille  ;  que  Votre  Majesté  même  pourroit  s'avancer  jusques  à 
Nevers  pour  la  recevoir;  que  votre  joie  et  celle  de  Monsieur  seroient 
sensibles;  et  tout  de  suite  j'ai  lu  ce  que  Votre  Majesté  me  mande,  qu'il 
est  du  repos  et  du  bonheur  de  Madame  sa  tille  qu'il  ne  reste  auprès 
d'elle  aucune  des  femmes  de  celles  qui  sont  à  son  service. 

«  Il  a  reçu  le  tout  avec  des  démonstrations  d'un  profond  respect  . 

«  Quant  au  lieu  jusques  auquel  l'on  la  conduira,  c'est  à  Votre  Ma- 
jesté à  l'ordonner.  Ce  ne  peut  pas  être,  de  la  part  de  M.  de  Savoie, 
moins  qu'au  Pont-Beauvoisin,  et  ce  ne  peut  être,  je  crois,  plus  loin  que 
Lyon.  Ce  sera  celui  des  deux  qu'il  plaira  à  Votre  Majesté.  Quant  à 
la  personne  d'ici  qui  la  conduira,  ce  prince  m'a  dit  que  si,  dans  ses 
États,  il  étoit  possible  qu'il  y  eût  une  reine,  qu'il  lui  donneroit  cet 
emploi  ;  mais  qu'il  n'y  a  de  princesse  que  Mme  de  Carignan,  laquelle, 
par  mille  raisons,  sans  compter  les  jalousies  et  les  envies  de  cour,  ne 
peut  faire  ce  voyage  ;  car,  pour  Madame  sa  mère ,  il  n'est  seulement 
pas  question  de  la  nommer  :  il  ne  peut  pas  l'entendre  nommer.  Il  faut 
donc  retomber  ici  sur  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  et  de  plus  élevé.  Ce  sera 
donc  ou  la  pnncesse  de  la  Cisterne,  dame  d'honneur  de  Madame  la  Du- 
chesse, ou  la  marquise  de  Dronero,  ou  la  marquise  del  Mar,  avec  sa 
gouvernante,  qui  l'accompagnera  jusques  au  lieu  que  Votre  Majesté 
aura  réglé  pour  la  recevoir.  Il  ne  m'a  pas  paru  que  cela  fût  encore  dé- 


436  APPENDICE  XIII. 

cidé,  et,  quand  cela  le  sera,  j'aurai  l'honneur  d'en  informer  Votre  Ma- 
jesté. Quant  à  son  équipage,  M.  le  duc  de  Savoie  sait  les  inconvénients 
que  les  femmes  sont  capables  de  faire  naître,  et  se  rend  de  tout  son 
cœur  à  ce  que  Votre  Majesté  désire  sur  cela.  Mais,  au  bout  du  compte, 
Sire,  cette  princesse  est  un  enfant,  qui  pleurera  :  c'est  tomber  des  nues 
que  de  tomber  de  cette  cour-ci  dans  la  vôtre,  et,  bien  que  cette  prin- 
cesse n'y  puisse  être  reçue  que  tendrement  et  avec  des  soins  d'elle 
infinis,  cependant  l'enfance  comporte  que  l'on  ait  quelque  mie  à  la- 
quelle l'on  fasse,  avec  familiarité,  confidence  des  petits  besoins  dont  on 


ne  se  vante  point  aux  uiconnus  ni 


aux  nouvelles  connoissances.  L'on 


compte  donc  ici  de  donner  d'abord  une  espèce  de  sous-gouvernante, 
avec  deux  femmes  de  chambre,  pour  accoutumer  cette  princesse,  en- 
core très  enfant,  aux  nouvelles  connoissances  et  à  ne  se  pas  contraindre 
sur  ses  petites  nécessités;  et  l'on  compte  que,  trois  ou  quatre  mois 
après,  l'on  les  renverra,  toutes  ou  partie,  pour  peu  que  l'on  n'en  soit 
pas  content.  L'on  compte  aussi  de  faire  passer  un  médecin  qui  connoit 
son  tempérament,  et  qui  reviendra  ;  c'est  Madame  la  Duchesse  qui  in- 
siste au  dernier,  que  j'essaierai  de  faire  retrancher » 

lo.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  ce  1-i  août  1696. 

«  M.  de  Mansfeld,  Sire,  arriva  le  11  au  soir,  et  vit,  le  12,  M.  le  duc 
de  Savoie,  deux  fois  dans  la  journée.  Ses  audiences  n'ont  pas  été 
moindres  de  deux  heures  chacune.  Je  sais  qu'il  propose  bien  des  cho- 
ses, dont  celle  de  la  possession  du  Montferrat  eu  est  une,  aussi  bien 
que  le  mariage  du  roi  des  Romains  est  l'autre  ;  mais,  comme  il  n'est 
plus  question  de  ces  deux  articles,  qui  m'ont  paru  avoir  été  rebutés 
comme  propositions  inutiles  et  qui  ne  sont  plus  de  saison,  je  suis  après 
à  découvrir  les  autres,  dont  la  principale,  à  mon  avis,  que  j'ai  à  com- 
battre et  qui  me  fait  blanchir,  est  la  lenteur,  qui  n'est  que  trop  or- 
dinaire dans  ce  pays-ci.  La  subtilité  italienne  fait  sa  principale  habileté 
de  ne  finir  qu'à  l'extrémité,  et,  bien  que  M.  le  duc  de  Savoie  me  ras- 
sure et  me  paroisse  déterminé  à  faire  éclater  son  traité  dans  les  pre- 
miers de  septembre,  les  mouvements  de  son  tempérament  et  de  sa  na- 
ture indécise  me  tourmentent  souvent.  Le  temps  est  précieux,  l'arrière- 
saison  approche;  ce  prince  voit  qu'il  est  important  d'agir,  mais  pour- 
tant il  veut  la  paix  et  la  guerre  quasi  en  même  temps.  Son  cœur,  flatté 
d'ambition,  de  gloire  et  d'agrandissement,  ressent  le  plaisir  qu'il  y  au- 
roit  d'agir  et  de  réussir;  mais  ia  crainte  de  l'avenir  balance.  Enfin,  Sire, 
Votre  Majesté  ne  doit  pas  juger  des  lumières  des  autres  par  les  sien- 
nes :  il  reste  encore  dans  l'esprit  de  M.  de  Savoie  un  souvenir  récent 
de  la  prétendue  grandeur  de  la  Ligue  et  de  la  maison  d'Autriche.  Il  est 
des  moments  où  je  le  vois  croire  et  espérer  la  neutralité,  et  d'autres  où 
visiblement  il  ne  la  croit  ni  ne  la  désire 

«  Le  13,  Saint-Thomas  alla  chez  M.  de  Mansfeld,  et  fut  plus  de  cinq 


NÉCtOCIATIONS  avec  la   SAVOIE.  437 

heures  avec  lui.  Ce  ministre  passa  chez  moi  au  sortir  de  chez  M.  de 
Mansfeld,  et,  comme  Votre  Majesté  m'a  commandé,  dans  ses  dernières, 
de  ne  point  appréhender  que  mes  dépèches  fussent  trop  longues,  et 
qu'elle  vouloit  être  informée  des  détails,  sur  lesquels  elle  peut  mieux 
juger  de  la  disposition  de  ses  affaires,  voici  ce  que  Saint-Thomas  m'a 
conté    

Nous  supprimons  le  récit  de  cette  entrevue,  où  le  ministre  de  Victor- 
Amédée  réfuta  très  habilement  tour  à  tour  les  griefs  de  la  Ligue  et  les  pro- 
positions apportées  par  M.  de  Mansfeld.  Celui-ci  offrant,  en  dernier  ressort, 
de  faire  du  duc  de  Savoie  l'arbitre  de  la  paix  générale,  M.  de  Saint-Thomas 
objecta  aussi  l'urgence  de  pourvoir  aux  intérêts  de  son  pays  sans  plus  de 
retard  et  de  saisir  l'occasion  présentée  par  la  France,  plutôt  que  de  s'en 
rapporter  à  des  gens  aussi  intéressés  à  la  continuation  de  la  guerre  que 
pouvaient  l'être  MM.  de  Galloway  et  de  Leganez  ou  le  prince  Eugène. 

«  J'ai  cru,  Sire,  que  je  devois  rendre  compte  à  Votre  Majesté  de 
cette  conversation  et  de  ce  que  M.  le  duc  de  Savoie  m'a  dit  de  son 
côté  :  qu'il  étoit  résolu,  dans  les  quinze  derniers  jours  de  ce  mois,  de 
se  tourner  de  tous  les  côtés  possibles  pour  obtenir  la  neutralité  d'Italie; 
que,  pendant  ce  temps-là,  l'on  travaille  sourdement  à  tous  les  prépa- 
ratifs nécessaires  pour  agir,  et  que,  tout  au  plus  tard  dans  les  derniers 
de  ce  mois,  ou  premiers  de  l'autre,  l'armée  de  Votre  Majesté  sera  en 
mouvement  pour  faire  ce  qu'il  conviendra  pour  la  cause  commune,  qui 
est  ou  le  maintien  de  la  guerre  contre  le  Milanois,  ou  l'obtention  de  la 
neutralité  d'Italie. 

«  Depuis  ce  que  dessus  écrit,  Sire,  j'ai  encore  eu  une  conversation 
très  longue  avec  S.  A.,  qui  en  venoit  d'avoir  une  avec  M.  de  Mansfeld. 
Ce  ministre  lui  a  très  finement  proposé  d'envoyer  un  courrier  à  Vienne 
pour  informer  l'Empereur  de  son  arrivée  et  de  ses  premières  conversa- 
tions et  recevoir  ses  ordres  :  à  quoi  M.  de  Savoie  a  répliqué  qu'il  étoit 
le  maître  d'envoyer  tous  les  courriers  qu'il  voudroit,  pourvu  que  ce  ne 
fût  pas  un  prétexte  pour  en  attendre  le  retour,  et  qu'en  partant  de 
Vienne  il  avoit  dû  prévoir  que  les  choses  dont  il  devoit  parler  ne  pou- 
voient  souffrir  un  plus  long  délai.  Avant  quatre  jours,  j'espère  que  nous 
saurons  le  fond  du  sac  ;  mais  M.  de  Savoie  m'a  chargé  d'assurer  Votre 
Majesté  que,  tout  au  plus  tard  le  1"  septembre,  il  seroit  à  la  tête  de 
votre  armée,  si  la  neutralité  d'Italie  n'est  pas  accordée.  Ce  mol  de  neu- 
tralité choque  fort  la  Ligue  ;  celui  de  paix  dltalie  les  blesse  ;  celui 
de  trêve  les  afflige  ;  celui  de  suspension  d'armes  est  honteux  à  des 
gens  de  guerre  :  ils  cherchent  un  terme,  auquel  je  donne  les  mains 
tant  qu'ils  voudront,  pourvu  qu'il  signifie  et  fasse  le  même  effet.  » 


438  APPENDICE   XIII. 

16.  De  M.  de  Tessé  à  M,  de  Barbezieux. 

"  A  Turin,  ce  14  août  1696. 
«  M.  de  Mansfeld  porte  une  perruque  blonde,  mais  blonde  et  fri- 
sotée,  que  celui  qui  fonda  l'ordre  de  la  Toison  d'or  en  commémora- 
tion de  ce  qu'il  trouva,  ne  rencontra  rien  de  si  crêpé  ni  de  si  blond. 
Il  est  pourtant  sexagénaire.  Vous  verrez  partie  des  propositions  qu'il  a 
commencé  de  faire.  Pour  moi,  je  ne  puis  pénétrer  encore  si  il  y  a  appa- 
rence qu'il  puisse  consentir  à  la  neutralité  d'Italie,  et  si  c'est  son  ulti- 
matum. II  dit  hier,  en  montrant  son  plein  pouvoir,  qu'il  n'avoit  nulle 
instruction  de  l'Empereur,  qui  lui  avoit  dit  seulement  :  «  Partez,  faites 
«  diligence,  et  tout  ce  que  vous  ferez  sera  à  propos.  »  Cependant  le 
temps  que  l'on  a  mis  à  copier  ses  titres  pouvoit  suffire  à  celui  qu'il 
eût  fallu  pour  une  longue  instruction.  Je  continuerai  avec  grande  atten- 
tion l'honneur  que  j'ai  de  vous  rendre  compte  de  toutes  choses,  et  j'ai 
celui  d'être  à  vous  respectueusement,  au  delà  de  toutes  les  expressions 
et  sans  réserve  aucune. 

"  Tessé.  - 

17.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

"  A  Turin,  ce  23  août  1696. 

«  Votre  Majesté  m'a  permis  et  commandé  de  lui  rendre  compte  de 
ses  affaires;  mais  je  crois  qu'il  est  de  mon  profond  respect  de  ne  pas 
confondre  dans  cette  permission  la  liberté  de  vous  entretenir  des 
miennes.  Cependant,  Sire,  pour  cette  fois  seulement,  je  supplie  Votre 
Majesté  de  me  permettre  de  l'entretenir  de  ce  qui  suit,  et  de  l'oublier, 
s'il  étoit  possible  qu'elle  crût  que  l'etïet  de  cette  respectueuse  et  sou- 
mise proposition  pût  m'éloigner  tant  soit  peu  de  l'attachement  effectif 
et,  si  je  l'ose  dire,  tendre,  que  j'ai  pour  votre  personne  sacrée. 

«  Votre  Majesté,  Sire,  ne  peut  pas  vraisemblablement  tarder  à  former 
une  maison  à  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne;  et  si,  en  la  formant,  elle 
la  regardoit  comme  la  sienne  et  cherchât  à  y  mettre  des  personnes  dis- 
tinguées par  leur  dévouement  pour  Votre  Majesté,  et  que  ce  ne  fût  point 
une  exclusion  pour  être  encore  plus  particulièrement  à  vous,  je  ne 
sais.  Sire,  si  Votre  Majesté  me  croiroit  digne  de  remplir  celle  que  feu 
M.  le  maréchal  de  Bellefonds  avoit  auprès  de  Madame  la  Dauphine.  Voilà, 
Sire,  l'idée  toute  unie  que  je  crois  pouvoir  donner  à  Votre  Majesté  de 
cette  grâce,  que  je  ne  lui  demande  qu'à  proportion  qu'elle  croira  qu'elle 
peut  convenir  à  son  service  et  à  sa  satisfaction  ;  car.  Dieu  merci  !  hor- 
mis l'ambition  de  vous  voir  et  de  vous  servir,  à  laquelle  je  joins  la  pas- 
sion que  j'ai  pour  votre  conservation,  Dieu  m'a  fait  la  grâce  de  ne  rien 
désirer  puissamment  pour  moi.  » 


NÉGOCIATIONS  AVEC   LA   SAVOIE.  439 

IH.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  co  28  août  1696. 

«  Quant  au  contrat  de  mariage  de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne,  que 
Votre  Majesté  a  grande  raison  de  vouloir  que,  suivant  l'usage,  il  soit 
par  un  acte  séparé,  relatif  à  l'article  du  traité  de  paix,  mais  ne  soit  pas 
inséré  au  long  dans" ledit  traité  de  paix,  comme  M.  le  duc  de  Savoie 
l'avoit  souhaité,  nous  surmonterons  cette  difficulté,  dont  je  me  suis  bien 
gardé  de  me  servir  de  l'exemple  que  Votre  Majesté  me  donne  de  celui 
du  traité  des  Pyrénées,  ayant  découvert  que  c'est  cela  uniquement  qui 
lui  avoit  donné  fantaisie  de  désirer  que  le  contrat  et  les  renonciations 
fissent  corps  du  traité,  pour  rendre  lesdites  renonciations  plus  valables, 
attendu  qu'ayant  été  faites  au  traité  des  Pyrénées  par  un  acte  séparé, 
elles  n'ont  pas  été  valables,  comme  le  sait  bien  Votre  Majesté.  En  un 
mot  de  la  manière  dont  m'a  parlé  Saint-Thomas,  j'ai  lieu  d'espérer  que 
nous  surmonterons  cette  difficulté. 

«  Quant  à  ce  qui  regarde  M.  le  comte  de  Soissons,  tout  ce  que  con- 
tient la  lettre  de  Votre  Majesté  est  si  rempli  de  raison,  de  bonté  et  de 
termes  si  obligeants,  qu'il  faudroit  n'être  sensible  à  rien,  si  l'on  ne  l'é- 
toit  à  ce  que  Votre  Majesté  a  la  bonté  de  mander  sur  cet  article.  Il  n'en 
sera  plus  parlé.  Sire  ;  vous  n'en  serez  plus  importuné,  et  M.  le  duc  de 
Savoie  m'a  dit  de  mander  à  Votre  Majesté  que,  bien  loin  de  vous  de- 
mander des  grâces  qui  vous  pussent  faire  de  la  peine,  il  a  tant  de  besoin 
des  vôtres  pour  lui  seul  et  pour  ses  États,  qui  sont  présentement  sous 
l'honneur  de  votre  protection.  II  mandera  à  M.  le  comte  de  Soissons 
que,  sa  mauvaise  conduite  lui  ayant  attiré  ses  malheurs,  il  doit  prendre 
son  parti  pour  subsister  ailleurs  qu'en  France;  que  cependant,  si  la 
honte  du  passé  et  une  meilleure  conduite  à  l'avenir  lui  donnoient  lieu, 
dans  la  suite,  de  mériter  quelque  grâce  en  demeurant  tranquille  dans 
quelque  pays  neutre,  il  verroit  à  essayer  d'obtenir  que  Votre  Majesté  lui 
fit  quelque  grâce  sur  le  peu  de  bien  de  famille  qui  lui  reste  eu  France. 

«  J'ai  oublié  de  mander  à  Votre  Majesté  que,  contre  l'usage  inter- 
rompu depuis  la  guerre,  votre  fête,  le  jour  de  saint  Louis,  fut  célébrée 
le  25.  Madame  la  Duchesse  en  fit  les  honneurs  ;  la  porte  de  l'église 
étoit  ornée  d'un  grand  saint  Louis,  dont  l'image,  non  plus  que  les  or- 
nements d'église,  n'avoient  pas  paru  depuis  que  M.  le  duc  de  Savoie 
s'étoit  uni  à  la  Ligue,  et  il  y  eut  musique,  au  sortir  de  laquelle  je  crus 
devoir  faire  quelques  aumônes  de  ma  portée;  et  le  soir  il  y  eut  des 
danses  dans  les  rues.  » 

19.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  ce  3  septembre  1696. 
«  J'ai  reçu,  Sire,  la  lettre  du  27  que  Votre  Majesté  m'a  fait  l'honneur 
de  m'écrire,  et  j'ai  rendu  celle  dont  vous  honorez  M.  le  duc  de  Savoie, 


440  APPENDICE   XIII. 

qui  n'a  seulement  pas  hésité  à  approuver  les  réponses  que  Votre  Ma- 
jesté fait  à  la  proposition  de  la  neutralité  particulière  du  Piémont,  et 
s'y  conformer  :  de  sorte,  Sire,  qu'il  m'a  chargé  d'assurer  Votre  Majesté 
qu'il  seroit  le  lo  à  la  tète  de  votre  armée  ;  il  en  a  pareillement  donné 
sa  parole  à  M.  le  maréchal  de  Catinat.  Ses  troupes  sont  en  mouvement 
pour  joindre  les  vôtres,  et  nous  comptons  de  partir  d'ici  le  soir  du  15, 
en  bateau,  pour  être  le  16  à  Casai,  ou  dans  le  lieu  que  sera  l'armée  de 
Votre  Majesté,  et  dîner  ledit  16  avec  M.  le  maréchal  de  Catinat,  qui  a 
couché  ici  deux  nuits.  Je  ne  saurois  assez  exprimer  à  Votre  Majesté 
avec  combien  de  facilité  et  de  dignité  M.  le  duc  de  Savoie  a  vu  la  plu- 
part des  généraux  ou  principaux  officiers  de  l'armée  de  Votre  Majesté. 
Ce  prince  dit  de  bonne  grâce  à  M.  le  maréchal  de  Catinat  qu'il  avoit 
reçu  de  lui  des  leçons  et  des  corrections,  dont  il  espéroit  à  l'avenir 
profiter  pour  votn."  service,  et  reçut  de  bonne  grâce  et  avec  respect  la 
patente  de  général  de  votre  armée  que  M.  de  Catinat  lui  remit.  M.  le 
Grand  Prieur  a  été  deux  jours  ici,  et  doit  être,  je  crois,  content  de  l'ac- 
cueil qu'il  y  a  reçu. 

«  La  garde  de  Turin,  remplie  d'une  infinité  d'officiers,  n'en  a  pas 
augmenté  d'un  homme.  L'indiscrétion  françoise,  tant  et  si  souvent  re- 
prochée à  vos  sujets  dans  les  pays  étrangers,  n'a  paru  ici  que  dans  le 
désirable  empressement  qu'ils  ont  de  voir  S.  A.  La  joie  de  Madame  la 
Duchesse  ne  s'est  assurément  pas  contrainte,  non  plus  que  celle  de 
Madame  Royale.  J'ose  dire  à  Votre  Majesté  que  Mme  la  princesse  Adé- 
laïde a  plu  à  vos  sujets,  qui  ont  eu  bien  de  l'empressement  pour  avoir 
l'honneur  de  la  voir. 

'<  Votre  Majesté  trouvera  ci-joint  le  projet  du  contrat  de  mariage  de 
Mgr  le  duc  de  Bourgogne.  Il  y  a  dedans  une  infinité  de  mots  singuliers 
et  d'expressions  de  pratiques  particulières  au  pays;  mais  l'essentiel  y 
est,  et  c'eût  été  la  mer  à  boire  que  d'essayer  de  réduire  ces  gens-ci  à 
nos  manières.  Ce  projet  est  écrit  de  la  main  du  comte  de  Butiliere, 
fils  de  Saint-Thomas.  Vous  y  trouverez  à  la  page  9°"%  article  6,  deux 
mots  que  j'ai  crus  essentiels,  et  que  j'y  ai  fait  ajouter,  qui  sont  :  «  au 
préjudice  des  mâles,  »  afin  qu'à  tous  hasards,  en  cas  de  mort  de  tons 
les  princes  mâles  de  la  maison  de  Savoie,  notre  princesse  ne  pût  pas 
perdre  ses  droits  d'aînesse;  et,  par  ces  deux  mots,  sans  en  parler  da- 
vantage, la  succession  lui  reste  absolument  ouverte.  Il  s'agit  donc.  Sire, 
présentement,  que  Votre  Majesté  veuille  m'adresser  par  le  retour  de  ce 
courrier  la  ratification  de  ce  contrat  de  mariage,  signé  de  vous,  de 
Monseigneur,  de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne,  de  Monsieur,  et  de  ceux 
ou  celles  de  votre  maison  royale  qui  ont  de  coutume,  si  c'est  l'usage, 
de  signer  dans  ces  sortes  de  contrats,  et  d'ordonner  que  l'on  laisse  en 
blanc  la  date  de  cette  ratification,  que  l'on  remplira  en  vous  renvoyant 
la  ratification  de  S.  A.  R.,  qui,  par  respect,  n'a  pas  cru  devoir  signer 
le  premier,  même  avec  moi,  comme  il  est  exprimé  dans  ce  projet,  sans 
.savoir  si  Votre  Majesté  agréoit  ledit  contrat  tel  qu'il  est.  Ainsi  donc, 
comme  il  faut  que  cette  ratification  que  j'attends  soit  postérieure  à  ce 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA   SAVOIE.  441 

que  nous  devons  signer,  et  que  Votre  Majesté  doit  supposer  être  signé, 
elle  peut  ordonner  que  l'on  laisse  la  susdite  date  de  la  ratification  en  blanc. 

'<  Votre  Majesté  trouvera  pareillement  un  second  projet  de  contrat 
particulier,  qui  fait  la  quittance  du  dot,  dont  les  circonstances  sont 
exprimées  dans  le  traité  de  paix,  et  dont  il  est  nécessaire  que  pareille- 
ment Votre  Majesté  envoie  la  ratification  signée  de  vous,  de  Monsei- 
gneur et  de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne. 

«  .  .  .  .  Quant  au  départ  de  Madame  la  Princesse,  la  grande 
manière  de  ce  pays-ci,  c'est  de  finir  le  plus  tard  que  l'on  peut,  et  M.  le 
duc  de  Savoie,  par  ce  principe,  ou  par  tendresse  pour  sa  fille,  m'a 
chaîné  de  mander  à  Votre  Majesté  qu'elle  étoit  si  jeune  et  que  la  saison 
étoit  si  avancée,  qu'il  ne  sait  s'il  ne  conviendroit  pas  que  l'on  attendît 
au  printemps  à  lui  faire  passer  les  Alpes.  Je  ne  lui  ai  pas,  sur  cela,  donné 
le  moindre  espoir,  et,  attendu  que  cette  princesse  n'a  besoin  que  de 
six  chemises  et  d'un  manteau,  je  presse  et  presserai  autant  que  je  le 
pourrai  son  départ,  et  je  supplie  Votre  Majesté  de  vouloir  bien  me  man- 
der que  vous  avez  tant  d'empressement  de  voir  une  princesse  que  vous 
destinez  à  l'honneur  de  devenir  petite-fille  de  Votre  Majesté,  que  vous 
ne  pouvez  consentir  à  retarder  le  désir  de  la  voir  auprès  de  vous.     . 

«  Le  marquis  de  Saint-Thomas  sort  de  céans  pour  me  dire  que  Votre 
Majesté  peut  dorénavant  faire  publier  la  paix  entre  vous  et  son  maître 
dans  Paris,  et  tout  comme  il  vous  plaira;  que  nous  conviendrons  inces- 
samment du  temps  que  la  Princesse  partira,  et  qu'en  un  mot  il  est  fran- 
çois,  et  veut  bien  que  l'on  le  sache » 

Le  contrat  fut  signé  par  la  cour  de  Savoie,  en  grande  solennité,  le  15  sep- 
tembre. La  Princesse  eut  une  attitude  «  modeste  et  digne,  »  dit  Tessé,  qui 
ajoute  :  «  Après  cette  cérémonie,  l'on  a  ouvert  les  portes,  et  il  n'y  a,  je  crois, 
ni  grand  ni  petit  qui  n'ait  eu  premièrement  l'honneur  de  baiser  la  main  à 
Mesdames  les  princesses,  puis  de  s'entre-embrasser.  Pournioi,  Sife,  j'avoue 
que  rien  ne  peut  mieux  ressembler  à  la  confusion  d'une  joie  excessive  que 
de  voir  cent  femmes  et  plus  de  deux  cents  hommes  s'entre-embrasser  et  so 
donner  mutuellement  toutes  les  marques  extérieures  d'une  véritable  satis- 
faction. "  (Dépôt  des  affaires  étrangères,  vol.  Twnre  97,  15  septembre.) 


20.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  Du  camp  devant  Valence,  ce  9  octobre,  au  matin. 

«  Enfin,  Sire,  cette  neutralité  d'Italie,  dont  on  a  tant  parlé,  est  accor- 
dée et  signée.  Ce  n'a  pas  été  sans  bien  des  difficultés,  et  sans  avoir 
essuyé  les  humeurs,  le  cérémonial  et  toutes  les  petitesses  que  la  fausse 
vanité  des  hommes  a  mis  dans  le  cœur  de  la  plupart  de  ceux  qui  tra- 
vaillent plus  pour  eux  que  pour  l'utilité,  l'avantage  et  la  gloire  de  leur 
m.iître.  Il  y  a  bien  de  tout  cela  dans  M.  de  Mansfeld.  Je  me  sers  du  re- 


442  APPENDICE  XIII. 

tour  d'un  courrier  de  M.  le  marquis  de  Barbezieux  pour  donner  cette 
nouvelle  à  Votre  Majesté,  et,  dans  deux  jours,  j'espère  vous  pouvoir 
envoyer  les  copies  de  tout  ce  que  nous  avons  fait,  qui  se  réduit  à  trois 
choses  :  l'une,  qu'en  vertu  des  pleins  pouvoirs  de  l'Empereur  et  du 
roi  catholique,  MM.  de  Mansfeld  cl  de  Leganez  signent  un  traité 
et  s'obligent  de  retirer  les  troupes  allemandes  et  auxiliaires  en  Alle- 
magne, pour  observer  une  suspension  d'armes  en  Italie  jusques  à 
la  paix  générale;  et,  pour  sûreté  de  la  ratification  de  l'Empereur  et 
du  roi  catholique ,  M.  de  Mansfeld  lui-même  demeure  en  otage  à 
Turin;  M.  de  Leganez,  pareillement  en  otage  :  c'est-à-dire  que  M.  de 
Mansfeld  y  sera  toujours,  et  M.  de  Leganez  ira  et  viendra,  mais  restera 
à  Turin  quand  on  voudra.  C'est  le  seul  expédient,  Sire,  que  nous 
ayons  trouvé  pour  s'assurer  positivement  de  la  ratification  ;  car,  pour 
celle  du  roi  d'Espagne,  elle  est  plus  qu'assurée.  A  cela  l'on  joint  la 
sortie  réelle  des  troupes  auxiliaires  et  allemandes,  et  le  jour  en  est  fixé 
depuis  le  13  jusques  au  20  de  ce  mois,  tout  au  plus  tard  ;  les  Vénitiens 
ont  honnêtement  accordé  le  passage  par  leurs  États,  suivant  la  réponse 
que  m'a  faite  M.  de  la  Haye  par  le  retour  d'un  courrier  que  je  lui  avois 
dépêché  pour  cela,  et,  pendant  ce  temps-là,  M.  le  marquis  de  Leganez, 
qui  met  la  nappe,  fait  fournir  aux  troupes  de  Votre  Majesté  vingt-cinq 
mille  rations  de  fourrage,  qui  diminueront  à  proportion  que  les  troupes 
de  Votre  Majesté  s'en  iront  en  France,  comme  celles  de  l'Empereur  et 
les  auxiliaires  rentreront  en  Allemagne  ;  et  l'on  se  donnera  réciproque- 
ment des  commissaires  pour  suivre  les  troupes  et  les  voir  partir.  Ce 
qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  la  grandeur  de  M.  de  Mansfeld  ne  com- 
porte pas  qu'il  soit  otage  ;  mais  il  se  rend  à  Turin  pour  y  attendre  les 
ratifications  de  son  maître,  et  promet  par  écrit  de  n'en  point  sortir  que 
lesdites  ratifications  ne  soient  arrivées.  Je  ne  sais  pas  comment  il  ap- 
pelle ce  personnage  qu'il  dit  n'être  pas  otage  ;  pour  moi.  Sire,  je  trouve 
que  c'est  .bonnet  blanc  et  blanc  bonnet.  Or,  M.  le  duc  de  Savoie  me 
remet  un  écrit  par  lequel  il  s'engage  de  le  faire  arrêter  et  mettre  dans 
la  citadelle  de  Turin,  si  la  ratification  tardoit,  et  pareillement  le  mar- 
quis de  Leganez,  lequel  a  agi  dans  tout  ceci  comme  un  très  honnête 
homme,  qui  sert  bien  son  maître,  et  qui  va  au  bien,  le  connoît  et  le  fait. 
Quant  à  M.  de  Mansfeld,  il  n'y  a  sorte  de  procédé  oblique,  faux  et  rempli 
de  longueurs  et  de  difficultés  qu'il  n'ait  eu.  Milord  Galloway  s'est  sur- 
passé en  moyens  de  rompre  et  de  brouiller.  Il  est  au  désespoir;  il  a  fait 
des  protestations,  et  tout  ce  que  le  dépit  peut  imaginer.  Parmi  tout  cela, 
notre  affaire  est  faite.  L'on  se  donne,  pour  sûreté  du  traité,  des  otages, 
qui  seront  :  de  la  part  des  ennemis,  le  prince  Trivulce,  lieutenant  géné- 
ral, et  le  marquis  de  Borgomainero,  autre  lieutenant  général  ;  et,  de  la 
part  de  Votre  Majesté,  ce  sera.  Sire,  le  marquis  de  Vins,  et  moi,  que 
vos^  ennemis  ont  désiré.  J'espère  que  Votre  Majesté  ne  m'y  laissera 
pas  passé  la  ratification,  et  je  l'en  supplie ■ 

1.   Vos.  en  interligne,  de  la  nwiin  de  Tessé,  corrige  les. 


NÉGOCIATIONS  AVEC   LA   SAVOIE. 


21.  De  M.  de  Tessé  à  M.  de  Barbezieux. 

«  A  Turin,  ce  16  d'octobre  1696. 
«  Je  sors  d'un  second  accès  de  fièvre,  qui,  suivant  les  apparences  et 
ce  que  j'espère,  n'aura  pas  de  suite,  et  je  profite  de  cet  intervalle  pour 
achever  la  dépêche  ci-jointe,  dans  laquelle  sont  toutes  les  copies  et  tous 
les  papiers  qui  sont  le  nœud  de  notre  affaire.  Dieu  veuille  que  le  Roi 
soit  content!  En  tout  cas,  nous  n'avons  pas  pu  mieux  faire,  en  vérité. 
Je  ne  vous  cacherai  pas  que  M.  de  Torcv  avoit  obligeamment  chargé 
M.  de  Bouzols  de  savoir  de  moi  si  l'ambassade  do  Turin  me  seroit 
agréable.  A  cela  j'ai  répondu  que  je  le  suppliois  de  ne  me  proposer  ni 
en  blanc  ni  en  noir,  et  que,  supposé  même  que  cette  vue  vînt  du  Roi,  je 
le  priois  de  l'en  détourner.  Je  prends  donc  la  liberté  de  vous  supplier 
de  la  même  chose.  Je  ne  sais  point  avoir  d'autre  volonté  que  celle 
du  maître;  mais  franseaf  a  nie  ca/?a;  fs<e,  si  cela  est  possible  .     .     .     . 

-.  Tessé.   ■ 

22.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  ce  16  d'octobre  1696, 
«  Je  n'ai  point  voulu,  Sire,  dépêcher  le  chevalier  de  Froullay,  que  j'en- 
voie porter  à  Votre  Majesté  le  traité  fait  entre  M.  le  duc  de  Savoie  et 
MM.  de  Mansfeld  et  Leganez,  plénipotentiaires  de  leurs  maîtres,  au- 
quel traité,  après  bien  des  contrastes  et  des  '  difficultés,  nous  avons 
enfin  souscrit,  M.  le  maréchal  de  Catinat  et  moi,  suivant  vos  pouvoirs; 
je  n'ai  point  voulu,  dis-je,  envoyer  ledit  traité,  que  M.  de  Mansfeld  ne 
fût  réellement  ici.  MM.  le  prince  deTrivulce  et  le  marquis  de  Borgomai- 
nero,  otages  de  la  maison  d'Autriche,  s'y  sont  rendus  le  même  jour  que 
moi  ;  mais  M.  de  Mansfeld,  ses  petites  finesses  et  ses  irrésolutions  ne 

s'y  sont  rendus  qu'hier 

«  MM.  les  ducs  et  pairs,  qui  sont  ici,  virent  le  lendemain  M.  le  duc 
de  Savoie,  avec  tout  le  cérémonial  dû  à  leur  caractère;  comme  ils  en  ren- 
dent compte  eux-niêniLS  à  Votre  Majesté,  je  n'y  ajoute  rien,  sinon  que 
M.  le  duc  de  Foix,  qui  porta  la  parole,  parla  et  harangua  sans  man- 
quer. J'espère  des  bontés  de  Votre  Majesté  qu'elle  voudra  bien  ne  me 
mettre  jamais  à  cette  épreuve,  qui  me  paroît  de  toutes  la  plus  pénible, 

et  passe  de  bien  loin  mes  foibles  facultés 

«  J'oubliois  de  mander  à  Votre  Majesté  que,  par  des  moyens  trop 
longs  à  écrire  présentement,  nous  avons  su,  depuis  hier  seulement, 
que,  dès  le  premier  jour  que  M.  de  Mansfeld  est  venu  ici,  il  avoit  pou- 
voir d'accorder  la  sortie  des  troupes  allemandes,  s'il  ne  pouvoit  rega- 
gner M.  le  duc  de  Savoie  par  la  promesse  et  possession  du  Montferrat; 

i.  Des  est  en  interligne.  Le  mot  contrastes  est  très  nettement  écrit  dans 
la  dépêche  originale,  comme  dans  le  duplicata  que  nous  suivons. 


444  APPENDICE   XIIl. 

que  c'est  M.  le  prince  d'Orange  qui  a  toujours  mandé  qu'il  enverroit 
des  troupes  et  de  l'argent  pour  soutenir  la  guerre  dans  le  Milanois, 
qu'il  falloit  y  maintenir  les  troupes  auxiliaires  à  quelque  prix  que  ce 
fût,  et  qu'il  les  payeroit  ;  que  l'on  ne  se  mît  en  peine  de  rien,  et  qu'au- 
cune chose  de  ce  qu'il  promettoit  ne  manqueroit.  L'Espagne  avoit  beau 
presser  M.  de  Leganez  de  préserver  le  Milanois  et  d'acquiescer  à  la 
neutralité  :  Mansfeld  s'y  opposoit,  et  Leganez  ne  pouvoit  finir  sans  lui. 
Milord  Galloway  promettoit  tout  ce  que  son  maître  vouloit.  Enfin,  Sire, 
si  Votre  Majesté  n'avoit  fait  ce  qu'elle  a  commandé,  c'est-à-dire  d'agir 
hostilement  et  de  mettre  le  poignard  sur  la  gorge  du  Milanois,  jamais 
les  Allemands  ne  seroient  sortis  d'Italie.  J'espère  que,  dans  la  fin  du 

mois,  il  n'y  en  aura  plus  dans  ladite  Italie 

«  J'envoyai  hier  un  gentilhomme  savoir  de  la  santé  de  Mme  la  prin- 
cesse Adélaïde.  Elle  a  séjourné  un  jour  à  Modane',  parce  qu'elle  a  été 
incommodée.  Elle  m'a  fait  l'honneur  de  me  faire  dire  qu'elle  n'avoit 
pas  oublié  que  je  l'avois  suppliée,  en  partant  pour  l'armée,  de  ne  se 
point  contraindre  pour  pleurer,  qu'elle  avoit  bien  pleuré,  et  qu'elle  se 
souvenoit  aussi  que  je  l'avois  suppliée  au  même  temps  qu'immédiate- 
ment après  avoir  pleuré  il  falloit  rire  et  se  souvenir  de  la  place  qu'elle 
alloit  occuper.  J'ai  appris,  à  mon  retour  ici,  qu'elle  s'est  acquittée 
de  ses  adieux  et  des  réponses  aux  compliments  qu'elle  a  reçus  avec 
dignité  et  plus  de  manières  et  d'esprit  que  l'on  ne  peut  vraisemblable- 
ment en  espérer  d'une  princesse  de  son  âge.  Je  suis  trompé.  Sire,  si 
elle  n'a  le  cœur  bon,  et  j'espère  que  Votre  Majesté,  dans  la  suite,  en  sera 
contente,  quand  la  parfaite  éducation  que  vous  lui  destinez  aura  fait 
sur  elle  les  impressions  nécessaires,  et  telles  que  Votre  Majesté  les 
désire « 

23.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

'<  A  Turin,  ce  15  novembre  1696. 
«  M.  le  duc  de  Savoie  nomma  hier  M.  le  marquis  Ferrer,  pour  être 
son  ambassadeur  auprès  de  Votre  Majesté.  Il  a  déjà  eu  deux  fois  cet 
honneur,  avec  satisfaction  et  distinction  de  Votre  Majesté.  Il  partira 
dans  le  reste  de  ce  mois.  11  a  même  été  choisi  comme  un  sujet  que  l'on 
a  cru  qui  ne  vous  déplairoit  pas.  J'estime  qu'il  est  de  votre  service  que 
celui  sur  lequel  Votre  Majesté  jettera  les  yeux  pour  être  son  ambassa- 
deur ici  soit  un  homme  de  condition,  d'un  esprit  qui  ne  soit  ni  tracas- 
sier,  ni  mal  à  propos  soupçonneux,  et  qui  sache  assez  être  maître  de 
lui  pour  ne  point  embarrasser  M.  de  Savoie  de  la  grandeur  de  son  ca- 
ractère. Au  surplus.  Sire,  présentement  que  voilà,  par  vos  soins,  l'Italie 
libérée  du  poids  tyrannique  de  la  maison  d'Autriche,  il  est  certain  que 
la  haine  récente  que  l'on  a  contre  les  Allemands  pourroit  et  devroit 

1.  Ce  nom  est  écrit  de  la  main  de  Tessé,  dans  un  blanc  que  son  copisie 
avait  ménagé,  sans  doute  parce  qu'il  n'avait  pu  lire  la  minute. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA  SAVOIE.  445 

porter  les  princes  de  ladite  Italie  à  souhaiter  de  faire  une  ligue  défen- 
sive contre  le  retour  desdits  Allemands  ;  mais  je  ne  sais  si  il  est  présen- 
tement du  service  de  Votre  Majesté  de  toucher  cette  corde,  dont  le 
projet  ne  peut  être  assez  secret  pour  n'être  pas  su  de  l'Empereur,  qui 
y  trouveroit  peut-être  le  prétexte  de  quelque  nouveauté.  La  ratifica- 
tion de  son  traité  l'oblige  à  laisser  l'Italie  tranquille  jusques  à  la  paix 
générale:  ainsi,  jusque-là,  Votre  Majesté  ni  les  princes  d'Italie  ne  doi- 
vent avoir  aucun  soupçon  du  retour  des  Allemands.  Or,  si  la  paix  géné- 
rale s'achève,  je  crois  qu'il  y  aura  quelque  article  qui  regardera  la  sû- 
reté de  ladite  Italie  :  de  sorte  qu'il  seroit,  ce  me  semble,  quasi  inutile 
d'alarmer  présentement  l'Empereur  pour  une  chose  qu'il  a  assurée  par 
sa  ratification,  et  dont  je  suppose  qu'il  sera  parlé  à  la  paix  générale; 
joint  que,  si  il  y  a  un  traité  de  défensive  à  faire  entre  lesdits  princes 
d'Italie,  je  ne  sais  si  Votre  Majesté  peut  penser  à  y  réussir  autrement 
qu'en  commençant  de  renvoyer  dans  les  cours  d'Italie  des  résidents, 
comme  elle  en  avoit  avant  la  guerre,  par  lesquels  Votre  Majesté  pour- 
roit  faire  faire  des  insinuations  secrètes,  et  leur  donner  à  tous  une  rela- 
tion pour  le  bien  de  la  cause  commune,  à  M.  le  cardinal  de  Janson  par 
exemple,  ou  à  celui  que  Votre  Majesté  tiendroit  à  Rome,  afin  de  pou- 
voir réduire  à  l'unité  d'un  seul  le  pouvoir  de  traiter  que  Votre  Majesté 
auroit  subdivisé  à  ses  résidents.  Je  demande  pardon  à  Votre  Majesté  si 
la  passion  et  l'attachement  que  j'ai  pour  son  service  me  portent  à  dire 
avec  trop  de  liberté  mes  sentiments  sur  un  fait  qui  passe  de  bien  loin 
mes  lumières. 

«  Il  ne  me  reste,  en  envoyant  la  ratification  de  l'Empereur  à  Votre 
Majesté,  et  par  conséquent  le  dernier  sceau  de  la  neutralité  d'Italie,  qu'à 
recevoir  des  ordres  pour  ce  qu'elle  m'ordonnera  de  faire,  et  de  la  sup- 
plier de  suppléer  par  bonté  aux  fautes  que  j'ai  pu  faire  par  ignorance 
ou  par  inadvertance » 

24.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  ce  29  novembre  109C. 

«  Depuis  ce  que  dessus  écrit,  j'ai  reçu,  Sire,  par  le  retour  de  mon 
dernier  courrier,  la  lettre  que  Votre  Majesté  m'a  fait  l'honneur  de  m'é- 
crire,  dont  j'aurai  celui  de  vous  rendre  compte  par  le  premier  ordi- 
naire; mais  je  dois  dire,  sur  le  chapitre  de  MM.  les  ducs,  que  le  bruit 
qui  a  faussement  couru  que  M.  le  prince  de  Carignan  ne  leur  avoit  pas 
donné  la  main  est  sans  aucun  fondement.  Il  leur  a  donné  la  main,  un 
fauteuil,  les  a  reçus  au  haut  de  l'escalier  et  conduits  à  leur  carrosse, 
n'en  partant  pas  que  le  leur  ne  fût  marché;  et  non  seulement  cette 
cérémonie,  qui  leur  est  due,  a  été  observée,  mais  je  n'ai  pu  en  empê- 
cher la  meilleure  partie  pour  moi  ;  et  quand  on  parle  au  nom  de  Votre 
Majesté,  il  est  bien  assuré  que  l'on  reçoit  au  delà  de  ce  que  la  cou- 
tume prescrit  :  de  sorte  que  je  renvoie  à  M.  de  Torcy  la  lettre  que 


446  APPENDICE   XIII. 

Votre  Majesté  m'avoit  adressée  pour  eux,  auxquels  je  n'en  ai  dit  ni  té- 
moigné aucune  chose.  » 

25.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  ce  15  décembre  1696. 

"  M.  de  Mansfeld,  Sire,  est  enfin  parti  de  Milan;  il  a  pris  la  route  de 
Lorelte  par»  Venise,  d'où  il  doit  aller  à  Vienne.  L'on  m'a  assuré  que 
l'abbé  Grimani  fait  fortement  solliciter  par  l'Empereur  la  permission 
qu'il  demande  de  retourner  à  Venise.  Cependant  il  doit  partir  dans  peu 
de  jours  pour  Vienne,  et,  Dieu  merci  !  ne  reviendra  plus  vraisembla- 
blement ici,  d'où  il  est  parti  mécontent  à  l'occasion  de  quelque  petite 
affaire  d'intérêt,  trop  longue  à  conter  à  Votre  Majesté,  mais  qui  fait 
voir  que  non  seulement  il  a  reçu  de  l'argent  pour  faire  tout  ce  qu'il  a 
fait,  mais  qu'alors  que  l'on  a  été  mercenaire,  l'on  a  vendu  sa  liberté, 
son  honneur,  son  indépendance,  et  jusqu'à  la  consolation  de  pouvoir 
seulement  se  plaindre. 

"  Le  marquis  de  Saint-Thomas  me  dit  hier  que  son  maître  me  vouloit 
parler  en  conséquence  d'une  conversation  que  nous  avions  eue,  ledit 
Saint-Thomas  et  moi,  sur  les  bruits  qui  ont  couru,  et  qui  se  ccifir- 
ment,  que  le  roi  d'Espagne  ne  peut  pas  vivre  longtemps;  car  encore 
faut-il  prévoir  les  embarras  que  peut  subitement  occasionner  cet  évé- 
nement, afin  de  n'avoir  point  à  prendre  de  fausses  ni  d'incertaines  me- 
sures; et  j'aimois  mieux  que  ce  fût  eux  qui  me  tissent  sur  cela  quelque 
ouverture,  que  si  c'eût  été  moi  qui  leur  en  eid^  fait. 

«  Voici  donc,  à  peu  près,  le  précis  de  notre  conversation  :  «  Hé  bien, 
«  Jlonsieur  !  me  dit-il,  cette  mort  du  roi  d'Espagne,  dont  on  m'a  bercé 
«  depuis  que  j'ai  l'âge  de  raison,  arrivera-t-elle  ou  n'arrivera-t-elle  pas'/ 
"  car,  ce  que  nous  disons  ne  bâtant  ni  ne  retardant  ce  malheur,  nous 
«  pouvons  bien  en  raisonner.  Cependant  je  vous  avoue  qu'il  me  semble 
«  qu'il  seroit  à  désirer  que  ce  changement,  qui  peut  en  apporter  de 
«  considérables  à  l'Europe,  ne  se  fît  pas  si  tôt,  et  que  ce  ne  fût  qu'a- 
«  lors  que  cette  ligue  encore  formée  sera  un  peu  plus  dissipée.  Mon 
«  ambassadeur  à  Madrid  m'informe  que  l'on  espère  que  ce  prince 
«  pourra  vivre,  mais  qu'enfin,  la  Reine  sa  femme  tombant  du  mal  caduc, 
«  et  lui  se  trouvant  foible,  il  faudroit  quasi  des  miracles  pour  assurer 
«  cette  succession  par  un  fils.  Que  pensez-vous,  continua-t-il,  qu'il 
«  convînt  au  Roi  que  je  fisse  pour  son  service  en  Italie,  si,  tout  d'un 
«  coup,  l'on  apprenoit  la  mort  du  Roi  catholique?  »  A  cela.  Sire,  je 
ne  répondis  qu'en  termes  généraux,  non  seulement  parce  que  je  n'avois 
nul  ordre  de  Votre  Majesté,  mais  encore  parce  que  ce  prince,  éveillé 
sur  ses  intérêts,  est  assez  attentif  à  lâcher  des  discours  pour  pénétrer 
ce  que  l'on  pense  et  voir  si  l'on  a  des  instructions  sur  les  affaires  dont 
il  parle.  Cependant  la  notion  générale  qui  me  fait  comprendre  que  ja- 

1  et  2.  Ainsi,  dans  la  copie  revue  par  Tessé  et  dans  la  dépêche  originale. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA   SAVOIE.  447 

mais  il  ne  peut  convenir  à  Votre  Majesté  que  ce  prince  s'écarte  de  l'u- 
nion de  vos  intérêts,  m'obligea  de  lui  répliquer  que,  Votre  Majesté 
n'ayant  aucune  vue  de  s'agrandir  en  Italie,  ce  ne  pouvoit  être  que  les 
intérêts  de  S.  A.  qui  pussent  obliger  Votre  Majesté  à  y  reporter  la 
guerre,  et  qu'il  me  sembloit  qu'il  étoit  bon  de  prévoir  si  Sadite  Altesse 
avoit  quelques  prétentions  fondées  sur  le  Milanois,  ou  si  Votre  Majesté 
en  avoit  dont  elle  le  pût  assister.  «  Quant  à  moi,  répliqua  ce  prince,  je 
«  ne  pense  pas  en  avoir  d'autres  que  celles  de  la  bienséance  et  d'em- 
"  pêcher  par  toutes  sortes  de  moyens,  avec  la  protection  du  Roi,  que 
«  l'Empereur  ne  réunisse  à  l'Empire  le  duché  de  Milan,  comme  en  effet 
'<  il  prétend  avoir  un  droit  de  succession  légitime  sur  ledit  duché;  et 
"  j'estime  qu'en  cela  les  intérêts  du  Roi  se  trouvent  unis  aux  miens, 
"  et  qu'il  ne  peut  jamais  convenir  à  la  France  que  l'Empereur  joigne 
«  le  Milanois  à  l'Empire.  »  Cette  conversation  eût,  de  ma  part,  fini  là; 
mais  M.  le  duc  de  Savoie  me  chargea  d'écrire  à  Votre  Majesté  et  de  lui 
dire,  si  j'avois  l'honneur  de  vous  approcher,  qu'en  cas  de  mort  du  Roi 
catholique,  il  vous  oITroit  ses  troupes,  ses  États,  et  d'agir  à  la  tête  de 
votre  année,  et  qu'en  un  mot  il  n'y  avoit  autre  chose  à  faire  qu'à  re- 
prendre notre  traité  d'otfensive,  le  resigner,  et  agir  conformément  à  ce 
qu'il  porte,  avec  la  clause  que,  moyennant  le  Milanois,  il  céderoit  la 
Savoie.  Au  surplus,  je  ne  romps  point  la  tête  à  Votre  Majesté  des  belles 
expressions  dont  ce  prince  se  servit  pour  me  renouveler  l'attachement 
qu'il  avoit  et  auroit  pour  vos  intérêts,  et  vous  obliger  par  sa  conduite 
à  oublier  le  malheur  qu'il  avoit  eu  de  vous  déplaire.  Ce  prince  parle  à 
merveille  ;  mais  je  fais  quasi  plus  de  cas  de  ce  que  Saint-Thomas  me 
dit  :  que  dorénavant  il  n'étoit  plus  question  de  l'inclination  ni  de  la 
volonté  de  son  maître  pour  être  aussi  bon  françois  qu'il  avoit  été  autri- 
chien et  ligueur,  et  qu'enfin  la  nécessité,  ses  intérêts  et  l'impossibilité 
d'être  autrement  le  faisoient  et  le  feroient  françois,  comme  s'il  n'avoit 
jamais  connu  la  Ligue.  J'ai  cru,  Sire,  qu'il  falloit  que  Votre  Majesté  fût 
informée  de  cette  conversation » 

26.  De  M.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  ce  25  décembre  1696. 

«  Je  reste  à  Turin,  où  j'attends  vos  ordres.  Au  surplus.  Sire,  en  atten- 
dant que  je  puisse  rendre  compte  à  Votre  Majesté  de  mille  riens  qui 
regardent  ce  prince,  son  humeur,  ses  caprices  et  ses  inquiétudes,  je 
crois  devoir  vous  dire  que,  quelque  inégalité  qu'il  y  ait  en  tout  entre 
Votre  Majesté  et  S.  A.,  il  n'est  pas  pourtant  possible  d'exiger  de  lui 
les  manières  extérieures  et  charmantes  dont  les  actions  de  Votre  Ma- 
jesté sont  toujours  remplies,  ni  par  conséquent  avoir  la  moindre  peine 
de  ce  qu'il  ne  va  pas  au-devant  de  tout  ce  qui  devroit  vous  plaire,  avec 
les  empressements  qu'il  auroit,  s'il  étoit  capable  de  penser,  d'imaginer 
et  d'agir  comme  vous.  Le  tempérament  ne  se  refait  point  :  le  sien  est 


448  APPENDICE   XIll. 

pétri  d'inquiétudes,  d'incertitudes  continuelles,  d'aversion  pour  le 
plaisir  des  autres,  d'inquiétude  pour  lui-même,  d'intérêt  et  d'impossi- 
bilité d'être  autrement.  Faites-lui  bien  :  ce  prince  n'y  est  pas  sensible  ; 
faites-lui  mal:  il  est  au  désespoir;  et  jamais  il  ne  se  détermine  à  pa- 
roitre  reconnoissaut.  Naturellement,  il  hait  tout,  se  hait  lui-même,  et 
se  défie  de  tout,  sans  se  fier  à  rien.  Mais,  au  milieu  de  tout  cela,  il  n'est 
pas  en  état  de  suivre  d'autre  parti  que  celui  de  vos  intérêts  :  il  hait  les 
Allemands  et  les  Espagnols,  dont  il  dit  toujours  du  bien,  autant  ou  plus 
que  les  François,  dont  il  pense  plus  de  bien  qu'il  n'en  dit.  J'ai  cru  de- 
voir, une  fois  pour  toutes,  informer  Votre  Majesté  de  l'incompréhen- 
sible génie  de  ce  prince,  afin  que,  sur  de  petites  chipoteries  déplai- 
santes. Votre  Majesté  ne  croie  pas  quelquefois  qu'il  y  ait  rien  de  gâté 
dans  le  fond.  Il  est  aussi  peu  possible  à  ce  prince  d'être  aimable  ni  aimé 
de  ceux  qui  l'approchent,  qu'il  seroit  impossible  à  Votre  Majesté  de  ne 
l'être  pas  de  ceux  auxquels  elle  veut  seulement  se  laisser  voir.  » 

27.  De  M.  de  Tessé  à  31.  de  Barbezieux. 

«  A  Turin,  ce  29  décembre  169G. 

«  Dix  chevaliers  de  l'Ordre',  à  la  tête  desquels  est  le  marquis  de 
Saint-Thomas,  et  la  survivance  de  la  charge  de  secrétaire  d'État  et 
celle  de  l'Ordre,  qu'il  avoit,  pour  son  fils;  cent  trente  gouvernements 
ou  offices  dans  la  maison  de  ce  prince  distribués,  et  dont  j'aurai  l'hon- 
neur de  vous  adresser  le  mémoire  quand  je  pourrai  l'avoir;  et,  avec 
toutes  ces  grâces,  trouver  le  moyen ,  par  le  changement  et  boulever- 
sement que  tout  cela  met  dans  sa  maison,  de  rendre  quasi  toute  sa 
cour  mécontente,  est  un  beau  secret. 

«  Parmi  tout  cela,  je  crois  vous  devoir  informer  qu'ayant  fait  mon 
compliment  à  S.  A.  sur  tant  de  bienfaits  qu'il  faisoit  dans  un  jour,  ce 
prince  me  répondit  gracieusement  que  c'étoit  moins  lui  que  le  Roi  qui 
les  donnoit,  puisque  en  effet  c'étoit  la  protection  de  S.  M.  et  le  retour 
dans  l'honneur  de  ses  bonnes  grâces  qui  lui  donnoit  les  moyens  de 
répandre  sur  ses  sujets  ce  qu'il  venoit  de  faire.  J'informe  M.  de  ïorcy 
des  mêmes  choses,  et,  si  vous  voulez  honorer  le  marquis  de  Saint- 
Thomas  d'un  compliment,  je  suis  bien  certain  qu'il  y  sera  très  sensible. 
J'ai  l'honneur  d'êlre,  avec  respect,  plus  à  vous  que  je  ne  puis  le  dire. 

«  Tessé.  » 

28.  De  il.  de  Tessé  au  Roi. 

«  A  Turin,  ce  30  décembre  1696. 
«  MM.   les  ducs  de  Foix  et  de  Choiseul,    Sire,  rendent    compte  à 
Votre  Majesté  de  tous  les  beaux  discours  que  leur  tint  hier  M.  le  duc 
de  Savoie.  Il  m'avoit  dit  les  mêmes  choses  quelques  heures  aupara- 
vant, et  m'avoit  chargé  de  vous  informer  qu'enchanté  de  l'exactitude 

1.  L'ordre  de  l'Annonciadc. 


NÉGOCIATIONS  AVEC  LA  SAVOIE.  440 

avec  laquelle  vous  avez  bien  voulu  lui  rendre  ses  places,  et  certain  de 
la  fidélité  de  votre  parole,  ces  Messieurs  avoient  dorénavant  la  liberté 
de  retourner  auprès  de  Votre  Majesté.  Ce  discours  fut  accompagné  d'ex- 
pressions de  sa  part  qui  perdroient  de  leur  grâce,  si  elles  passoient 
par  moi.  Ce  prince  parle  à  merveille  ;  mais  ce  qu'il  dit  publiquement 
n'est  pas  toujours  ce  qu'il  pense  intérieurement.  Cependant  je  sais  que, 
dans  son  très  petit  et  familier  particulier,  depuis  six  semaines  princi- 
palement, il  a  changé  de  discours,  et  qu'il  en  a  tenu  de  tels  que  Votre 
Majesté  pourroit  croire  qu'il  est  absolument  déterminé  à  profiter  de  vos 
faveurs  et  de  votre  protection.  Mais  l'indécision  de  son  tempérament 
ne  lui  permettra  jamais  de  paroître  gracieusement  aussi  décidé  que 
j'espère  qu'il  le  sera  foncièrement  pour  l'union  de  ses  intérêts  aux 
vôtres.  Ces  Messieurs  les  ducs,  qui  certainement  ont  vécu  ici  avec  toute 
la  dignité  et  tout  l'applaudissement  possib'e,  vous  rendront  compte 
eux-mêmes  de  ce  qu'ils  ont  vu  sur  tout  cela,  et  de  la  manière  dont  il 
s'est  déterminé  à  consentir  qu'ils  repassassent  en  France.  Il  est  de 
tous  les  temps  que  les  bonnes  raisons  d'une  femme  qui  plaît  aient 
quelque  avantage  pour  persuader.  » 


MÉMOIRES   I)E   SAI.NT-SIMO.N.    UT  29 


450  APPENDICE   XIV. 

XIV 

LETTRE  DU  MARQUIS  DE  CHANDENIER  A  L'ABBÉ  DE  BOURZEIS'. 

«  Ce  29»  juin  1664. 
«  Je  vous  suplie  Monsieur  très  instament,  suiuant  ce  que  ie  vous 
dis  hier,  de  sauoir  de  ma  part  si  Monsieur  Colbert  auroit  agréable  de 
représenter  au  Roy  ce  que  ie  soufre  depuis  tant  dannees  sans  auoir 
iamais  eu  le  bonheur  d'estre  escouté.  Comme  c'est  une  grâce  que  ie 
n'attens  que  de  sa  bonté  seule  sil  y  auoit  quelque  raison  qui  l'em- 
peschast  de  me  rendre  cet  office  ie  n'en  seray  ny  moins  satisfait  ny 
moins  son  très  humble  seruiteur.  Et  ce  me  sera  tousiours  assez  qu'il 
me  soit  tesmoin  que  iay  commentîé  par  luy  pour  parvenir  a  ma  justi- 
fication auprès  du  Roy,  ne  uoulant  rien  ometre  pour  cela  et  pour  satis- 
faire a  ce  que  ie  dois  a  ma  maison  et  a  mon  honneur,  qui  souffre  dans 
la  partie  la  plus  sensible  et  qui  m'est  mille  fois  plus  cher  que  la  vie. 
Jugez  de  la  quelle  obligation  i'auray  a  Monsieur  Colbert  s'il  m'en  faci- 
lite les  moyens.  Je  suis  asseuré  par  l'amitié  que  vous  maués  tousiours 
témoignée  que  vous  me  ferés  ce  plaisir  très  uolontiers.  Aussi  ie  nous 
coniure  de  croire  qu'il  ny  a  persone  qui  soit  plus  a  vous  que  ie  suis, 
ny  avec  plus  de  passion, 

«  Vostre  très  humble  seruiteur. 

«  Chandeniek.  » 

Stiscriplion  : 

A  Monsieur, 
<'  Monsieur  l'abbé  de  Bourzé.  » 

1.  Lettre  autographe  couservée  à  la  Bibliothèque  nationale,  Mss.,  Mé- 
latiges  Colbert,  vol.  122,  fol.  69.  —Voyez  ci-dessus,  p.  149,  note  1. 


LE  DUC  ET  LA  DUCHESSE  D'ARPAJON.  4ol 


XV 

LE  DUC  ET  LA  DUCHESSE  D'ARPAJON'. 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon'.) 

«  Le  vicomte  d'Arpajon,  Louis,  depuis,  en  4650,  duc  à  brevet.  Ainsi 
on  parlera  de  cette  maison,  bonne,  ancienne  et  très  bien  alliée,  aux 
DUCS  A  BREVET  OU  NON  VÉRIFIÉS' ;  il  suftira  dc  dire  ici  que  notre  chevalier 
de  l'Ordre  étoit  fils  d'une  Castelnau-Clermont-Lodève,  qu'il  fut  lieute- 
nant général  au  gouvernement  de  Languedoc,  un  moment  gouverneur 
de  Lorraine,  qu'il  servit  avec  réputation,  distinction  et  fidélité,  fut 
lieutenant  général,  qu'il  fut  aussi  ambassadeur  extraordinaire  en  Po- 
logne, pour  porter  l'ordre  du  Saint-Esprit  au  roi  Ladislas  de  Pologne, 
et  qu'il  fut  commis  en  1661  pour  le  donner,  à  Pezénas,  à  M.  de  Daillon, 
dernier  évêque  d'Albi,  à  M.  le  prince  de  Conti,  au  vicomte  de  Polignac, 
à  M.  de  Mérinville  et  à  M.  de  Castries.  Il  fut  volontairement  au  secours 
de  Malte,  près  (sic)  à  être  assiégé  par  les  Turcs  ;  il  y  fut  élu  chef  du 
Conseil  et  généralissime  de  la  Religion  ;  il  y  pourvut  si  bien  à  tout,  que, 
quoique  Malte  ne  fut  point  attaquée*,  il  en  remporta  du  grand  maître 
Jean-Paul  de  Lascaris  et  de  la  Religion  le  privilège,  pour  lui  et  ses 
descendants,  de  porter  derrière  ses  armes  la  croix  de  Malte,  avec  les 
extrémités  saillantes,  et,  pour  une  fois  seulement,  qu'un  de  ses  fils,  à 
son  choix,  seroit  reçu  chevalier  de  Malte  à  seize  ans  et  grand-croix  à 
seize^.  Il  épousa  en  premières  noces  (1622)"  une  fille  du  maréchal  de 
Thémines,  et  on  crut  toujours  qu'il  s'en  étoit  défait  par  jalousie,  dont 
même  il  ne  se  défendoit  pas  trop.  Il  en  eut  un  fils  unique  et  des  filles 
religieuses.  Il  se  remaria  à  une  Simiane-Montcha,  qu'il  perdit  en  cou- 
che à  Pezénas,  en  novembre  1657,  et  n'en  eut  point  d'enfants.  Enfin  il 
prit  (16o9)^  en  troisièmes  noces  la  sœur  de  M.  de  Beuvron,  père  du 
maréchal  duc  d'Harcourt,  que  nous  verrons  chevaliers  de  l'Ordre  en 
1688  et  en  ITOo,  dont  une  fille  unique,  femme  du  comte  de  Roucy  la 

t.  Voyez  ci-dessus,  p.  176-180,  et  Additions  163,  169  et  170. 

2.  Extrait  des  Légères  notions  des  chevaliers  de  l'ordre  du  Saint-Esprit, 
\o\.  34  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  113. 

3.  Vol.  58,  fol.  200. 

4.  Ce  féminin  est  bien  au  manuscrit,  quoique,  plus  haut,  assiège'  soit  au 
masculin. 

5.  Sic.  Lisez  :  «  chevalier  de  Malte  en  naissant  et  grand-croix  à  seize 
ans.  » 

6.  ^625  est  en  interligne. 

7.  1659  en  interligne. 


4o'2  APPENDICE   XV. 

Rochefoucauld,  mère  de  l'arclievêque  de  Bourges  d'aujouid'hui,  dame 
du  palais  de  Mme  la  dauphine  de  Savoie'.  Cette  dernière  duchesse 
d'Arpajon  perdit  son  mari  en  son  château  de  Sévérac,  dont  il  ne  bou- 
geoit  plus  depuis  bien  des  années,  en  avril  1679.  Venue  à  Paris  pour 
de  grands  procès,  à  la  fin  de  1683,  où  elle  n'avoit  paru  que  des  mo- 
ments, et  rares  depuis  son  mariage,  fut,  à  sa  grande  surprise  et  sans  y 
avoir  pensé,  nommée  dame  d'honneur  de  Mme  la  dauphine  de  Ba- 
vière à  la  mort  de  la  duchesse  de  Richelieu,  mai  1684.  Elle  est  morte 
à  Paris  en  décembre  1716",  belle,  vertueuse,  et  ayant  exercé  sa  charge 
jusqu'à  la  mort  do  cette  dauphine,  avec  grande  dignité  et  considéra- 
tion. » 


l.  De  sa  Savoye,  dans  le  manuscrit. 

■S.  Saint-Simon,  en  suivant  VHistoiie  généalogique,  quWni  sert  de  guide 
(tome  V,  p.  898  et  89'Jf,  commet  ici  une  seconde  erreur  :  il  prend  la  date 
de  la  mort  de  Mme  de  Roucy  pour  celle  de  la  mort  de  sa  mère,  qui  est  le 
4  mai  1701. 


LE  MARQUIS   ET  LA   MARQUISE  DE   DANGEAI 


XVI 

LE  MARQUIS  ET  LA  MARQUISE  DE  DANGEAU  ET  LEUR  FILS'. 

(Fragments  inédits  de  Saint-Simon-.) 

«  Le  marquis  de  Dangeau,  du  nom  de  Courcillon,  étoit  de  bonne 
noblesse,  et  rien  de  plus,  qui,  de  pièces  de  rapport,  tâcha  de  se  faire 
un  seigneur,  et,  comme  dit  si  bien  la  Bruyère,  «  ce  n'étoit  pas  un  sei- 
«  gneur,  mais  il  étoit  d'après  un  seigneur.  »  II  étoit  fils  de  père  et  de 
mère  huguenots,  qui  n'ont  jamais  paru,  et  avoit  une  sœur,  morte  fille  en 
Hollande,  où  elle  s'étoit  retirée  à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  Il 
se  fit  catholique  fort  jeune  et  se  poussa  à  la  cour  comme  il  put.  C'étoit 
un  homme  plein  d'honneur  et  de  bonté,  très  officieux,  très  sûr  et  très 
doux  dans  le  commerce,  qui  n'a  jamais  dit  de  mal  de  personne,  mais 
fade  adulateur  à  vomir,  louant  tout,  approuvant  tout,  craignant  tout. 
Il  se  piquoit  d'esprit  et  de  lettres,  avoit  plus  d'esprit  qu'on  ne  pensoit, 
et  savoit  très  bien  se  conduire;  d'ailleurs,  contrefaisant  le  .seigneur  en 
tout,  à  faire  mourir  de  rire  ceux  même  qui  l'aimoient  le  mieux.  Mme  de 
Montespan  disoit  de  lui  qu'on  ne  pouvoit  s'empêcher  de  l'aimer  et  de  s'en 
moquer.  Il  étoit  grand  et  bien  fait;  un  beau  visage  jusque  dans  la  vieil- 
lesse; fort  gros  pourtant,  mais  l'air  et  toutes  les  façons  fort  nobles;  bien 
avec  tout  le  monde,  mal  avec  personne;  vivoit  toujours  à  la  cour  avec  la 
meilleure  compagnie  et  la  plus  choisie,  avoit  beaucoup  d'amis,  et  l'estime 
et  la  considération  de  tout  le  monde,  à  travers  tous  les  ridicules  qu'il 
se  donnoit;  une  bonne  table  et  une  maison  très  honorable  toute  l'année. 

«  II  se  mit  dans  le  plus  gros  jeu.  La  maison  de  la  comtesse  de  Sois- 
sons,  d'où  le  Roi  ne  bougeoit  alors,  lui  fut  favorable;  le  comte  de 
Guiche,  Vardes  et  d'autres  de  cette  privance  et  de  cette  volée  le  pro- 
tégèrent, et  la  comtesse  de  Soissons  beaucoup  :  cela  l'initia  dans  tout 
le  meilleur  et  l'approcha  fort  du  Roi.  On  n'envioit  et  on  ne  craignoit 
rien  de  lui  ;  il  ne  cherchoit  qu'à  plaire  à  tout  le  monde  :  chacun  le 
protégea,  et  les  dames,  à  qui  il  plut  et  qui  le  trouvèrent  discret,  ic 
portèrent.  Il  fut  doublement  heureux  au  jeu,  en  ce  qu'il  y  gagna  si 
gros,  qu'il  en  tira  son  tonds  de  bien  et  les  acquisitions  de  ses  charges, 
et  en  ce  qu'il  n'y  eut  jamais  le  plus  léger  soupçon  sur  sa  fidélité.  Il 

i.  Voyez  ci-dessus,  p.    182-192,  et  l'Addition  171,  p.  362-363. 

2.  Le  premier  de  ces  fragments  est  tiré  de  la  notice  des  Chevaliers  d'hon- 
neur DE  Mme  la  Dauphine-Bavière,  dans  le  mémoire  sur  les  Grandes  charges, 
vol.  45  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  179  V;  le  second,  de  l'article  df. 
Luynes,  dans  les  Notes  sur  tous  les  Duchés-pairies  existants,  vol.  6i  des 
mêmes  Papiers,  fol.  258  v°. 


434  APPENDICE  XVI. 

combinoit  beaucoup  et  réussit  fort  par  là;  il  étoit  de  toutes  les  grosses 
parties  du  Roi  et  de  Mme  de  Montespan,  et  de  celle  entr'autres  où  le 
Roi  perdit  et  regagna  tant  de  millions,  qu'il  s'interdit,  et  à  Mme  de 
Montespan,  ces  prodigieux  jeux-là  pour  toujours.  Cela  le  mit  de  tous 
les  voyages  de  la  cour  et  dans  une  sorte  de  privance.  Il  la  voulut  entre- 
tenir par  l'accès  et  les  entrées  :  cela  lui  fit  acheter  une  charge  de  lecteur 
du  Roi,  qui  les  donne,  et  qui  d'ailleurs  est  sans  fonctions'.  De  là,  jouant 
un  soir  avec  le  Roi  et  Mme  de  Montespan,  à  une  très  grosse  partie,  il 
pressa  la  maîtresse  de  lui  obtenir  un  logement.  Le  Roi,  à  qui  elle  en 
avoit  déjà  parlé  et  qui  l'entendit,  se  mit  en  gaieté  et  lui  en  promit  un 
s'il  faisoit  sur-le-champ  des  vers  sur  des  bouts-rimés  fort  étranges 
qu'il  imagina,  ne  croyant  pas  qu'il  osât  l'entreprendre.  Dangeau  se  fit 
presser,  et  cepencTant  songeoit  à  ses  vers  :  il  fut  assez  heureux  pour  les 
trouver,  et  les  récita  tout  de  suite.  La  compagnie  fut  bien  étonnée,  et 
le  Roi  plus  que  personne,  qui  lui  donna  le  logement.  Il  obtint  ensuite 
le  régiment  du  Roi  d'infanterie  à  sa  création  *  ;  mais  il  le  garda  peu  :  ce 
n'étoit  pas  son  fait.  On  l'envoya  faire  un  compliment  en  Angleterre; 
puis  on  le  dépêcha  pour  quelque  bagatelle  à  des  princes  d'Allemagne. 
Au  mariage  de  3Ionseigneur,  il  fut  au  nombre  des  menins  qu'on  lui 
donna.  Il  acheta  ensuite  le  gouvernement  de  Touraine,  et  y  alloit  de 
temps  en  temps  faire  la  roue  et  Monsieur  le  Gouverneur.  Il  donna  cinq 
cent  mille  livres  à  M.  de  Richelieu,  et  se  fit  ainsi  chevalier  d'honneur 
de  Madame  la  Dauphine,  et  s'assura  par  là  de  l'ordre  du  Saint-Esprit, 
qu'il  eut  à  la  promotion  de  1688.  Il  étoit,  il  y  avoit  longtemps,  de 
l'Académie  françoise,  et  ce  n'étoit  pas  une  des  moindres  sources  de 
ses  fatuités  que  le  sérieux  avec  lequel  il  traitoit  tout  ce  qui  avoit  trait 
à  cette  société.  Il  parvint  à  une  des  trois  places  de  conseiller  d'État 
d'épée,  et  alloit  presque  toujours  au  Conseil  quand  le  Chancelier  le 
tenoit  à  la  cour,  comme  presque  toujours,  d'où  Dangeau  ne  sortit  que 
rarement,  et  comme  par  échappées.  Enfin,  le  Roi  ne  voulant  plus  être 
grand  maître  de  l'ordre  du  Mont-Carmel  et  de  Saint-Lazare,  il  donna  ce 
magistère  à  Dangeau,  qui  en  pensa  mourir  de  joie,  et  qui  ne  s'y  accou- 
tuma jamais.  11  n'y  avoit  presque  que  sa  commanderie  magistrale  qui 
fût  bonne,  et  il  la  consacra  à  l'éducation  d'un  nombre  de  jeunes  gens 
de  grand  nom  et  fort  pauvres,  à  qui  il  donnoit  la  croix.  C'étoit  une 
nouvelle  et  un  concours  à  chaque  promotion  qu'il  faisoit,  tantôt  aux 
Carmes  des  Rillettes,  tantôt  à  Saint-Germain-des-Prés.  Il  y  contrefaisoit 
les  promotions  du  Saint-Esprit.  Il  avoit  au  milieu  du  chœur  son  prie- 
dieu  et  son  tapis  de  pied,  avec  son  grand  manteau  en  broderie  de 
l'ordre  de  Saint-Lazare,  et  le  collier  du  même  ordre  par-dessus.  Des 
prêtres  de  l'Ordre,  vêtus  en  camail  et  rochet,  le  camail  et  la  soutane 
cramoisie,  imitoient  les  cardinaux  ;  et  sur  les  bancs  étoient  les  cheva- 
liers, en  habit  de  cérémonie.  Il  avoit  son  dais  et  son  fauteuil  près  de 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  183,  note  1,  et  ci-après,  p.  45",  note  2. 

2.  Ces  trois  derniers  mots  sont  en  interligne. 


LE  MARQUIS  ET  LA  MARQUISE  DE  DANGEAU.     43^. 

l'autel  ;  les  officiers  de  l'Ordre  le  venoient  prendre  pour  l'y  conduire, 
avec  les  mêmes  révérences  et  cérémonies  que  font  au  Roi  ceux  du 
Saint-Esprit  ;  et  de  même  pour  lui  mener  les  novices  et  leurs  parrains, 
l'en  ramener,  le  conduire  et  le  ramener  de  l'ofTrande,  entrer  et  sortir 
de  l'église.  Là  Dangeau  se  pâmoit  d'aise,  saluoit  avec  un  air  de  gran- 
deur et  de  bonté  tout  ce  qui  étoit  là  sur  des  écliafauds;  et  c'étoit  tou- 
jours toute  la  cour  qui  y  couroit  pour  rire,  et,  quoique  personne  ne 
s'en  contraignît,  souvent  jusqu'au  scandale,  lui  étoit  ravi,  prenoit  tout 
en  bonne  part,  et  se  croyoit  admiré.  Il  lui  écliappoit  quelquefois  de 
dire,  en  souriant  avec  complaisance,  qu'il  n'y  avoit  que  le  Roi  et  lui 
qui,  dans  Paris,  eussent  un  dais  sur  leur  fauteuil  dans  l'église;  et  cent 
autres  remarques  pareilles,  dont  il  s'épanouissoit.  Très  souvent,  les 
soirs,  le  Roi  le  faisoit  entrer  ces  jours-là  chez  Mme  de  Maintenon,  pour 
s'en  donner  la  farce  ;  et  sa  femme,  plus  sensée  que  lui,  souffroit  à  tel 
point  que  personne  n'osoit  lui  en  parler. 

«  Il  avoit  épousé,  en  1670,  Françoise,  fille  d'un  homme  très  riche 
appelé  Morin  le  Juif,  qui  avoit  marié  ses  deux  autres  filles,  l'une  au 
maréchal  d'Estrées,  et  c'est  la  mère  du  dernier  maréchal  d'Estrées, 
l'autre  à  Montmort,  maître  des  requêtes.  Il  n'en  eut  qu'une  fille,  très 
riche,  qui  épousa  le  duc  de  Montfort,  fils  aîné  du  duc  de  Chevreuse, 
qui  en  ont  eu  le  duc  de  Luynes  d'aujourd'hui.  Cette  Morin,  qui  ne  parut 
jamais  à  la  cour,  mourut  en  1682. 

«  Il  se  remaria  en  1686  à  Marie-Sophie,  fille  d'honneur  de  Madame  la 
Dauphine,  fille  de  Ferdinand-Charles,  comte  de  Levenstein',  et  d'une 
sœur  du  cardinal  de  Fùrstenberg.  Jamais  nymphe  si  belle,  si  jolie,  si 
agréable,  si  bien  faite,  si  marchant  par  les  airs  avec  tant  de  grâce  et 
tant  d'ignorance  de  ses  agréments  et  de  ses  charmes,  avec  fort  peu 
d'esprit,  un  très  bon,  très  sage,  très  judicieux  esprit,  un  sens  alle- 
mand, bon,  simple,  droit  et  ferme,  et,  plus  que  tout  cela,  la  vertu 
d'un  ange,  avec  une  bonté  et  une  simplicité  ravissante,  sans  paroître 
dévote,  étant  de  tout  et  à  tout,  aimable  à  tous,  sans  se  démentir  en 
quoi  que  ce  soit.  Elle  n'avoit  rien  de  vaillant,  comme  elles  sont  toutes 
en  Allemagne;  mais  elle  avoit  les  plus  grandes  et  les  plus  proches 
parentés,  ses  frères  et  ses  sœurs  mariés  au  plus  grand,  et  les  premiers 
emplois  de  l'Empire  dans  sa  plus  proche  famille.  C'est  une  branche  de 
Bavière  mésalliée,  ce  qui  s'appelle  de  la  main  gauche  en  Allemagne, 
mais  un  vrai  et  légitime  mariage,  dont  l'inégalité  exclut  des  grands  fiefs 
de  la  maison  et  de  la  qualité  de  prince.  Aussi  pleura-t-elle  bien  quand 
il  fut  question  de  ce  mariage;  mais  elle  n'avoit  rien,  et  elle  s'y  résolut. 
Elle  a  vécu  avec  Dangeau  dans  l'union  et  l'amitié  la  plus  intime,  et  lui 
avec  une  tendresse  et  un  respect  qui  entretenoit  ce  réciproque. 

«  Cette  alliance  le  rehaussa  beaucoup.  Le  cardinal  de  Fùrstenberg 
aimoit  fort  cette  nièce,  et  il  étoit  dans  la  première  considération  à  la 
cour.  Les  armes  de  la  nouvelle  mariée,  qui  parurent  à  sa  chaise,  sur- 

1.  Letvestein,  dans  le  manuscrit. 


456  APPENDICE  XVI. 

prirent  fort  les  ignorants,  qni,  partout,  et  surtout  à  la  cour,  font  le  très 
grand  nombre.  C'étoit  le  même  écusson  que  celui  de  Madame  la  Dau- 
phine  et  de  Madame,  qui,  toutes  deux,  le  trouvèrent  extrêmement 
mauvais.  Elles  étoient  venues  jeunes  d'Allemagne  :  elles  savoient  bien 
cette  main  gauche  ;  mais  la  disproportion  entre  les  princes  palatins  et 
cette  branche  mésalliée  leur  paroissoit  ne  pas  souffrir  les  mêmes 
armes.  Elles  se  trompoient.  Le  cardinal  de  Fûrstenberg  soutint  sa 
nièce  et  montra  que  ses  neveux,  ainsi  que  leurs  pères,  portoient  ces 
mêmes  armes  en  Allemagne,  sous  les  yeux  de  l'Empereur,  de  toute  la 
maison  palatine  et  de  la  diète  de  l'Empire,  sans  [que]  qui  que  ce  soit 
l'eût  trouvé  mauvais.  Ainsi,  les  armes  demeurèrent  entières. 
•  «  A  la  mort  de  Madame  la  Dauphine,  Dangeau  perdit  sa  charge.  Lors- 
que le  Roi  déclara  la  paix  de  Savoie  et  le  mariage  de  Mgr  le  duc  de 
Bourgogne,  il  rendit  pour  rien  la  charge  à  Dangeau  et  nomma  sa  femme 
dame  du  palais;  il  l'a  encore  perdue  à  la  mort  de  cette  princesse. 

«  Mme  de  Dangeau,  estimée  et  considérée  de  toute  la  cour,  fut  goûtée 
du  Roi,  et  plus  encore  de  Mme  de  3Iaintenon,  par  les  privances  de  sa 
place  de  dame  du  palais,  et  peu  à  peu  devint  plus  la  leur  que  celle  de 
la  Princesse.  Elle  fut  admise  à  toutes  leurs  parties  particulières  de 
plus  en  plus,  et,  après  la  mort  de  Madame  la  Dauphine,  c'étoit  Mme  de 
Dangeau,  Mme  de  Levis  et  Mme  d'O,  toutes  trois  dames  du  palais,  qui 
firent  l'unique  compagnie  du  Roi  jusqu'à  sa  mort. 

«  Dangeau  avoit  un  fils  unique  de  son  second  mariage,  plein  d'esprit 
et  de  valeur,  mais  qui  n'avoit  que  ces  deux  qualités,  et  qui  abusoit  fort 
de  la  première*.  Ses  étranges  débauches  lui  causèrent  une  opération 
qu'on  lui  fit  à  Versailles.  Mme  de  Maintenon,  qui  eu  étoit  la  dupe, 
comme  de  bien  d'autres  choses,  lui  alloit  tenir  compagnie  tous  les 
jours  et  l'ennuyoit  beaucoup,  et  il  s'en  dédommageoit  par  lui  faire 
cent  contes,  dont  le  moindre  auroit  perdu  tout  autre.  Il  eut  à  Malpla- 
quet  une  cuisse  emportée  :  il  y  eut  de  la  malefaçon  à  son  traitement, 
en  sorte  qu'il  la  lui  fallut  couper  une  deuxième  fois  à  Versailles.  L'opé- 
ration étoit  infiniment  périlleuse  :  son  père  et  sa  mère  le  pressoient  de 
se  confesser  ;  Courcillon,  après  avoir  fait  la  sourde  oreille,  leur  dit 
enfin  qu'il  le  vouloit  bien,  mais  qu'il  desiroit  le  bien  faire,  et,  pour  cela, 
prendre  un  homme  en  qui  il  pût  mettre  sa  confiance;  qu'il  n'en  con- 
noissoit  qu'un  seul  par  sa  réputation,  qui  étoit  le  P.  de  la  Tour,  général 
de  l'Oratoire,  et  qu'il  les  prioit  de  le  lui  faire  venir.  A  ce  nom,  Dangeau 
pâlit  et  demeura  muet  :  mander  à  la  cour  un  janséniste  pour  confesser 
son  fils,  cet  acte  de  religion  étoit  plus  fort  que  lui.  Il  ne  parla  plus  de 
confession,  et  c'est  tout  ce  que  son  fils  avoit  espéré  de  sa  demande. 
L'opération  faite  et  le  danger  fort  grand,  Courcillon  aperçut  son  père 
qui  pleuroit  :  «  Mon  pauvre  père,  s'écria-t-il  avec  cette  gaieté  singulière 
«  qui  ne  l'abandonna  jamais,  je  t'en  prie,  ne  pleure  point;  tu  fais  une 
«  grimace  qui  me  fait  peur.  Eh  bien!  mon  pauvre  père,  je  vois  bien  ce. 

1.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  tomes  V,  p.  39-60,  VI,  p.  5,  et  VII,  p.  279-280. 


LE  MARQUIS  ET  LA  MARQUISE  DE  DANGEAU.     4o7 

«  que  c'est  :  je  n'ai  point  de  garçons.  Console-toi,  l'abbé  se  mariera.  » 
Et  là-dessus,  enfile  une  description  de  l'équipage  de  l'abbé  de  Dangeau 
en  plumet  et  en  cavalier,  qui  les  força  tous  à  se  tenir  les  côtés  de  rire. 
Cet  abbé  *  étoit  frère  de  Dangeau,  le  meilleur  homme  du  monde,  mais 
si  doucereux,  si  fade,  si  pédant,  et  toutes  ses  façons  si  ridicules,  que 
ce  travestissement  en  petit-maître  étoit  extrêmement  plaisant.  Il  étoil 
aussi  lecteur  du  Roi,  et  les  deux  frères,  contents  de  garder  leurs  en- 
trées, avoient  vendu  cette  charge^.  L'abbé  étoit  aussi  de  l'Académie 
françoise,  infatué  de  corriger  la  langue,  et  auteur  de  cent  ouvrages  plus 
futiles  les  uns  que  les  autres.  Il  avoit  plusieurs  bénéfices  et  avoit  été 
huguenot;  peut-être,  au  fond,  n'a-t-il  jamais  cessé  de  l'être. 

«  Courcillon  épousa  la  fille  unique  du  marquis  de  Pompadour  qui  fut 
à  la  Bastille  dans  la  Régence.  Elle  étoit  riche  et  belle  comme  le  jour. 
Elle  eut  la  place  [de  dame]  du  palais  de  sa  belle-mère,  et  a  logé  et  vécu 
avec  elle  jusqu'à  sa  mort,  en  grande  union.  Elle  n'eut  qu'une  fille 
unique,  qui  épousa  le  fils  du  duc  de  Chaulnes,  dont  elle  devint  veuve 
peu  après,  et  ensuite  a  épousé,  un  peu  sans  sa  mère,  le  prince  de 
Rohan.  Elle  est  belle  et  fort  bien  faite,  très  vertueuse,  et  vit  à  mer- 
veilles avec  lui  et  avec  toute  sa  famille. 

"  Dangeau  n'a  point  vu  ces  mariages,  et  a  eu  la  douleur  de  voir  mourir 
son  fils  de  la  petite  vérole.  Il  est  mort  à  Paris,  9  septembre  4720, 
à  quatre-vingt-quatre  ans,  quoique  taillé  deux  fois,  et  la  grande  opé- 
ration de  la  fistule  ;  du  reste,  jusqu'à  la  fin  entier  de  corps  et  d'es- 
prit. 

«  Il  a  eu,  depuis  son  entrée  un  peu  avancée  à  la  cour,  un  grand  soin 
d'apprendre  toutes  les  nouvelles,  de  ne  négliger  pas  les  plus  petites  et 
les  plus  inditTérentes,  de  les  écrire  tous  les  soirs,  avec  ce  que  le  Roi 
avoit  fait  dans  sa  journée  :  cela,  sèchement,  sans  raisonnement;  rien 
que  des  faits  de  gazette.  Cette  patience  et  cette  persévérante  fidélité 
ne  se  comprend  point.  On  savoit  qu'il  écrivoit,  le  Roi  même  ne  l'igno- 
roit  pas;  aussi  écrivoit-il  de  telle  sorte  qu'il  auroit  pu  le  faire  imprimer 
sans  que  personne  en  eût  été  blessé.  Quelque  fade  et  petit  que  cela  soit 
en  beaucoup  de  choses,  il  faut  avouer  que  c'est  un  ouvrage  précieux 
par  les  suites  et  les  dates,  qui  ne  se  trouvent  rassemblées  nulle  autre 
part  ailleurs,  et  un  tableau  des  occupations  et  des  plaisirs  du  Roi  et  de 
la  cour,  une  image  de  sa  vie  extérieure,  qu'on  n'a  d'aucun  autre,  et 
qui  est  extrêmement  utile  et  curieuse,  et  qui  fait  beaucoup  regretter 
qu'un  autre  ne  s'en  soit  avisé  sous  les  précédents  règnes.  Il  faut  lui 

1.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  XVII,  p.  U4-U5. 

2.  Nous  avons  fait  remarquer  que,  selon  toute  vraisemblance,  selon  les 
pièces  mêmes,  ce  fut  l'abbé  de  Dangeau  seul  qui  acheta  cette  charge,  son 
frère  ayant  déjà  les  entrées.  Il  est  cependant  étrange  que  Saint-Simon  per- 
siste partout  dans  la  même  erreur.  Ici  seulement,  et  dans  son  tome  XIII, 
p.  283,  il  donne  à  entendre  que  les  deux  frères  se  seraient  associés  pour 
acheter  la  charge;  encore  ses  expressions  ne  sont-elles  ni  claires  ni  pré- 
cises. 


4S8  APPENDICE  XVI. 

passer  les  fadeurs  sans  nombre  et  les  louanges  continuelles  du  Roi,  et 
s'attacher  au  gros,  où  il  y  a  fort  à  apprendre. 

«  Mme  de  Dangeau,  veuve,  mena  une  vie  retirée  et  très  décente.  La 
faveur  lui  en  vouloit.  Elle  et  Mme  de  Levis  avoient  bien  servi  M.  le 
cardinal  de  Fleury  auprès  de  Mme  de  Maintenon,  qui,  malgré  le  Roi,  qui 
ne  l'avoit  jamais  aimé  ni  estimé,  et  malgré  le  P.  Tellier,  le  firent  faire 
précepteur  par  le  testament  du  Roi.  C'est  peut-être  les  deux  seules 
personnes  à  qui  il  ait  témoigné  de  la  reconnoissance.  Toutes  les  fois 
qu'il  alloit  au  séminaire  de  Saint-Sulpice  d'Issy,  dont  il  a  fait  sa  maison 
de  campagne,  il  les  voyoit  en  la  leur  de  Suresn^s,  très  rarement  à 
Paris,  et  presque  toujours  en  une  petite  maison  qu'elle  avoit  pour  cela 
•à  Vaugirard,  où  il  venoit  dîner  en  tiers  avec  elle,  sous  la  clochette,  et  y 
passer  tous  trois  seuls  la  plus  grande  partie  de  l'après-dînée.  Mme  de 
Dangeau,  modeste  au  dernier  point  sur  sa  naissance  et  sur  ses  parents, 
dont  elle  ne  parloit  jamais,  toute  occupée  de  prières  et  de  bonnes 
œuvres,  avoit  souvent  quelqu'un  à  manger,  et,  voyant  peu  de  monde 
choisi,  a  vécu  jusqu'en  1737,  qu'elle  mourut  de  s'être  rompu  une  cuisse 
en  tombant  dans  sa  chambre,  dont  on  ne  s'aperçut  que  quand  il  ne  fut 
plus  temps  d'y  remédier.  Elle  avoit  soixante-quinze  ans,  et  toujours 
charmante  dans  le  commerce,  avec  une  franchise  qui  ôtoit  le  fade  de 
sa  douceur,  l'inclination  toujours  un  peu  impériale  et  allemande;  et, 
jusque  dans  cet  âge,  tout  en  elle  faisoit  souvenir  de  ce  qu'elle  avoit  été 
dans  sa  jeunesse.  » 


«  Marie-Jeanne  de  CorRCiLLON*,  fille  unique  de  M.  de  Dangeau  et  de 
Françoise  Morin,  sœur  de  la  maréchale  d'Estrées  mère  du  dernier  ma- 
réchal, sa  première  femme. 

«  Mariée  18  février  1694,  morte  28  juin  1718. 

«  L'occasion  est  trop  naturelle  sur  M.  de  Dangeau  pour  ne  pas  donner 
quelque  chose  à  la  curiosité  sur  lui  et  sur  son  aimable  et  vertueuse 
seconde  femme. 

«  Ce  courtisan  a  fait  mentir  une  vérité,  qui  est  que  les  ridicules 
nuisent  plus  que  les  vices.  C'étoit  un  ancien  gentilhomme,  tout  uni, 
mais  de  bonne  noblesse,  et  dont  les  pères  avoient  été  huguenots  ;  il 
n'étoit  pas  sans  esprit,  ni  sans  de  certains  talents,  surtout  beaucoup 
d'honneur,  de  probité  et  de  bonté,  avec  un  penchant  à  plaire  qui  forma 
en  lui  une  fadeur  dont  la  singularité  étoit  telle,  qu'elle  se  faisoit  sup- 
porter et  divertissoit  à  travers  son  dégoût.  Son  goût  dominant  fut  le 
jeu  et  la  cour,  où  il  s'introduisit  par  les  cartes,  et  son  bonheur  y  fut  tel 
qu'il  y  fit  sa  première  et  foncière  fortune,  et  sans  le  plus  léger  soupçon. 

1,  Saint-Simon  arrive  à  parler  de  Mlle  de  Dangeau  dans  l'article  du  duc 
CE  Ldynes,  en  regard  du  duc  de  Montfort,  son  mari. 


LE  MARQUIS   ET  LA  MARQUISE  DE  DANGEAU.     409 

Il  y  avoit  une  application  de  mathématicien  et  en  avoit  aussi  la  science 
des  combinaisons  à  un  point  qui  étonnoit,  et  qui  le  rendoit  maître  de 
jeux.  11  fut  de  tontes  les  grosses  parties  du  Roi  et  de  Mme  de  Montes- 
pan,  et  acquit  bientôt  de  la  familiarité  avec  le  Roi  et  ses  maîtresses. 
I!  avoit  de  la  facilité  à  faire  de  méchants  vers  ;  il  leur  en  donnoit  pour 
les  amuser  et  pour  rire  :  si  bien  que,  peu  de  gens  ayant  alors  de  loge- 
ment' au  château  de  Versailles,  tout  dans  le  commencement  il  en  vaqua 
un,  demandé  par  tout  le  monde.  Dangeau,  loin  de  cette  portée,  en 
soupiroit  au  jeu  et  s'en  laissoit  entendre  ;  le  Roi  le  lui  donna  à  une  con- 
dition qu'il  crut  impossible  :  ce  fut  de  remplir  sur-le-champ  des  bouts- 
rimés^  qu'il  fît  sur  l'heure;  et,  dans  le  moment,  Dangeau  les  remplit  en 
vers,  et  eut  le  logement.  De  là,  il  acheta  une  charge  de  lecteur  du  Roi, 
pour  se  procurer  les  entrées,  et  il  commença  à  devenir  un  homme  tout 
à  fait  de  la  cour.  Il  se  faisoit  aimer  de  tout  le  monde,  et  Mme  de 
Montespan  disoit  de  lui  qu'on  ne  pouvoit  s'empêcher  de  l'aimer  et  de 
s'en  moquer.  Le  Roi  lui  donna  son  réguuent  d'infanterie,  qu'il  ne  garda 
guère  ;  puis  il  acheta  le  gouvernement  de  Touraine.  Le  duc  de  Riche- 
lieu, intimement  avec  Mme  de  Maintenon  et  fort  mal  dans  ses  affaires, 
voulut  vendre  sa  charge  de  chevalier  d'honneur  de  Madame  la  Dauphine 
de  Bavière,  qu'il  avoit  eue  pour  rien  à  son  mariage.  Il  étoit  ami  de 
Dangeau,  l'avoit  introduit  auprès  de  Mme  de  Maintenon  ;  il  regarda 
avec  raison  cette  charge  comme  sa  fortune,  et,  comme  on  cherchoit 
à  favoriser  M.  de  Richelieu,  Dangeau  l'eut  pour  cinq  cent  mille  livres; 
et  cela  le  fit  chevalier  de  l'Ordre.  Dans  l'entre-deux,  il  fit  un  grand 
mariage.  Madame  la  Dauphine  avoit  amené  avec  elle  une  chanoinesse 
allemande,  qui  avoit  la  figure,  les  grâces,  les  mœurs  et  la  vertu  d'un 
ange,  qui  demeura  une  de  ses  filles  d'honneur.  Elle  s'appelle  Marie- 
Sophie  de  Levenstein^,  qui,  en  effet,  est  Bavière.  Son  père  étoit  la 
cinquième  génération,  de  père  en  fils,  de  Frédéric,  comte  palatin  du 
Rhin,  second  fils  de  Louis  le  Barbu,  cinquième  électeur  palatin  de 
la  branche  Rodolphine,  qui  se  trouva,  1415,  au  concile  de  Constance, 
dont  il  se  déclara  le  protecteur,  et  mourut  aveugle  en  1439,  après  avoir 
été  à  la  terre  sainte.  Frédéric,  son  second  fils,  ayant  perdu  son  frère 
aîné,  l'électeur  Louis  II,  en  1449,  qui  laissoit  un  fils  unique  âgé  d'un  an, 
Philippe,  surnommé  depuis  l Ingénu,  Frédéric,  son  oncle,  fut  tuteur  de 
sa  personne  et  régent  de  ses  États  avec  gloire  ;  mais  il  en  abusa  et  se 
fit  reconnoître  électeur  en  145^2,  adoptant  son  neveu  et  promettant  de 
vivre  dans  le  célibat.  Mais,  ayant  voulu  se  marier  depuis,  il  exprez*  ce 
qu'ils  appellent  en  Allemagne  un  mariage  de  la  main  gauche,  c'est-à- 

1.  Ce  mot  étant  écrit  en  abrégé,  on  ne  distingue  pas  si  Saint-Simon  l'a 
mis  au  pluriel. 

2.  Il  écrit  :  boulrhnés. 

3.  Ici  ce  nom  se  trouve  correctement  écrit,   avec  la   forme  que  nous 
avons  adoptée  :  voyez  p.  188,  note  2. 

4.  Faut-il  supposer  que,  devant  «  exprez  »  {sic),  Saint-Simon  a  sauté  fitt 
Le  sens  serait  à  la  rigueur  acceptable  :  exprès,  à  cause  de  sa  promesse. 


460  APPENDICE   XVI. 

dire  avec  une  fille  noble,  mais  si  inégale,  que  ses  enfants  ne  peuvent 
succéder.  Il  épousa  donc,  1462,  Claire  de  Tettingen,  et  l'empereur  Fré- 
déric fit  ce  qui  en  sortit  comtes  de  l'Empire,  qui  y  ont  toujours  paru 
avec  éclat  sous  le  nom  de  Levenstein',  qui  fut  la  terre  de  leur  apanage. 
Lorsque  la  chambre  des  filles  fut  cassée,  où  celle-ci  s'étoit  distinguée 
par  sa  beauté,  par  son  agrément,  par  sa  douceur  et  par  sa  vertu,  elle 
fut  donnée  à  la  duchesse,  depuis  maréchale  de  Villeroy,  qui  voulut 
bien  s'en  charger,  et  aussitôt  après  on  chercha  à  la  marier.  Dangeau, 
ami  du  duc  de  Villeroy,  depuis  maréchal  de  France^,  lui  en  parla. 
C'étoit  une  fortune  pour  cette  fille;  mais  il  y  avoit  bien  loin  de  ce 
mariage  à  celui  de  ses  sœurs.  Elletiroit  ici  un  grand  lustre  de  sa  mère, 
sœur«du  fameux  cardinal  de  Fûrstenberg,  qui  y  étoit  alors,  avec  l'é- 
vêque  de  Strasbourg,  leur  frère,  sur  un  grand  pied  de  distinction.  Les 
sœurs  de  cette  prétendue  étoient  sept  :  la  comtesse  de  Walstein  ;  la 
landgrave  de  Hesse-Rheinfels,  grand'mère  de  Madame  la  Duchesse 
seconde  femme  de  Monsieur  le  Duc  d'aujourd'hui,  et  de  la  reine  de 
Sardaigne;  l'abbesse  de  Thorn  ;  la  comtesse  de  Salni,  puis  Sereni; 
la  comtesse  de  Rosenberg;  la  princesse  de  Nassau-Ullingen^  ;  la  du- 
chesse Albert  de  Saxe,  puis  princesse  de  Lichtenstein.  Elle  eut  donc 
grand'peine  à  se  résoudre.  Enfin  le  Roi  et  Mme  de  Maintenon,  qui  y 
entrèrent,  lui  firent  parler  par  son  oncle  et  par  Madame  la  Dauphine,  et 
le  mariage  se  fit.  Mais  il  y  arriva  un  scandale  :  le  nom  de  Palatin  fut 
mis  dans  le  contrat,  et  les  armes  à  la  chaise  et  au  carrosse.  Voilà 
Madame  la  Dauphine  et  Madame  en  furie,  et  Dangeau  bien  empêtré. 
Enfin,  après  de  fâcheux  propos,  il  fallut  demander  pardon  du  nom,  qui 
ne  se  souffroit  point  en  Allemagne  ;  mais,  pour  les  armes,  qui  s'y 
étoient  toujours  portées,  il  fallut  bien  les  souffrir.  L'orage  passa  ;  en 
peu  de  temps*  il  n'en  fut  plus  mention.  Le  frère  aîné  est  devenu  prince 
de  l'Empire  et  président  de  la  Chambre  impériale  de  Wetzlar.  Elle  a 
vécu  merveilleusement  bien  avec  son  mari,  et  lui  avec  elle;  et  furent, 
l'un  chevalier  d'honneur,  l'autre  dame  du  palais  de  Mme  la  duchesse 
de  Bourgogne,  à  son  arrivée  en  France.  C'est  elle  dont  on  a  parlé  à 
propos  de  la  duchesse  de  Levis°.  Dangeau  fut  de  tous  les  voyages  de 
guerre  et  de  plaisir  du  Roi,  menin  de  Monseigneur,  conseiller  d'État 
d'épée,  et  fort  du  grand  monde  et  des  meilleures  compagnies  de  la 
cour,  dont  il  faisoit  fort  honorablement  les  honneurs  aux  étrangers, 
II  fut  aussi  grand  maître  de  l'ordre  de  Saint-Lazare,  voulut  rétablir  cet 
ordre  en  splendeur,  en  fit  les  cérémonies  avec  les  grands  habits,  et  y 

1.  Ici,  Lavenstein. 

2.  Saint-Simon,  dans  cette  partie  de  ses  notes,  remplace  l'expression 
maréchal  de  France  par  deux  petits  bâtons  croisés. 

3.  Pour  Usitigen:  voyez  ci-dessus,  p.  362  el  note  3. 
A.  Il  n'y  a  aucune  ponctuation  ici,  ni  après  passa. 

5.  Sans  doute  à  l'article  de  Polig.ny  dit  Levis,  dans  les  Duchés  et  comtés- 
pairies  éteints,  fol.  144  v"  du  vol.  58  des  Papiers  de  Saint-Simon.  Voyez 
ci-dessus,  p.  458,  ligne  4. 


LE  MARQUIS   ET  LA  MARQUISE  DE  DANGEAU.      461 

donna  des  farces  où  toute  la  France  s'eniprcssoit  d'aller  l'admirer  fai- 
sant la  roue  et  imitant  le  Roi  quand  il  faisoit  des  chevaliers  du  Saint- 
Esprit.  Il  écrivoit  tous  les  soirs  tout  ce  que  la  cour  avoit  fait  dans  la 
journée  et  les  nouvelles  ;  il  ne  s'en  caclioit  point,  et,  comme  il  étoit  bon 
courtisan,  il  prenoit  bien  garde  à  y  *  désobliger  personne.  On  admire  la 
patience  d'un  récit  si  répété,  si  fidèle  en  riens,  si  sec  en  choses,  dont 
il  n'exprime  que  ce  que  la  Gazette  pouvoit  dire,  et  surtout  les  louanges 
et  les  fadeurs  dont  le  tout  est  farci  ;  mais  on  regrette  en  même  temps 
qu'il  ne  se  soit  pas  trouvé  un  Dangeau  par  chaque  règne,  par  la  com- 
modité des  dates  de  toutes  les  sortes,  et  par  le  naïf  tableau  de  l'exté- 
rieur de  la  cour.  Il  est  mort,  9  septembre  1720,  à  quatre-vingt-quatre 
ans,  ayant  été  taillé  deux  fois  en  sa  vie,  et  essuyé  peu  après  le  Roi  la 
même  opération  de  la  fistule.  Les  plaisantes  singularités  de  son  fils 
unique  mèneroient  trop  loin^.  Il  eut  la  douleur  de  le  perdre  un  an 
avant  sa  mort,  et  ne  laissa'  qu'une  fille  unique,  qui  a  épousé  le  duc  de 
Picquigny,  fils  du  duc  de  Chaulnes,  dont  il  n'y  a  qu'une  fille,  puis  le 
prince  de  Rohan,  où  elle  se  retrouvera.  » 


NOTES   SUR   DANGEAU. 

Dans  les  Mémoires  (ci-dessus,  p.  182),  Dangeau  est  qualifié  de  «  gentil- 
homme de  Beauce  tout  uni.  »  Dans  les  deux  morceaux  qu'on  vient  de  lire, 
il  est  «  de  bonne  noblesse,  et  rien  de  plus,  »  ou  «  un  ancien  gentilhomme 
tout  uni,  mais  de  bonne  noblesse.  >>  En  eflet,  la  famille  de  Courcillon  ne 
possédait  même  pas  de  titre  régulier,  et,  comme  !e  disent  les  Mémoires, 
elle  «  ne  tenoit  à  personne,  »  c'est-à-dire  ne  se  rattachait  à  aucun  person- 
nage illustre,  à  aucune  grande  famille,  si  ce  n'est  que  notre  marquis,  par  sa 
mère,  Charlotte  des  Noues  de  la  Tabarière,  el;  par  sa  grand'mère  maternelle, 
Anne  de  Mornay  du  Plessis,  qui  se  remaria  avec  le  maréchal  duc  de  la 
Force,  se  trouvait  être  arrière-petit-fils  d'une  des  gloires  du  protestantisme 
français,  Philippe  du  Plessis-Mornay,  l'ami  d'Henri  IV,  l'orateur  du  colloque 
de  Poissy.  Quant  à  la  noblesse  même  des  Courcillon,  sans  être  douteuse, 
elle  n'avait  certainement  ni  l'antiquité  ni  l'illustration  que  lui  prête  certaine 
note  généalogique  fournie,  en  avril  1686,  au  Mercure  galant,  et  reproduite 
avec  une  complaisance  visible  par  les  auteurs  de  la  Vie  de  Dangeau 
(tome  I,  p.  xix).  Deux  ans  plus  tard,  quand  Dangeau  dut  faire  ses  preuves 
de  noblesse  pour  l'ordre  du  Saint-Esprit,  il  ne  fournit  rien  de  suivi  au 
delà  de  1459*;  les  commissaires  nommés  le  12  décembre  pour  recevoir 
ces  preuves  étaient  le  duc  de  Saint-Simon,  père  de  notre  auteur,  et  le  duc 
de  Nevers.  Outre  lesdites  preuves,  nous  possédons  un  grand  nombre  de 

1.  Sic,  sans  la  particule  négative. 

2.  Voyez  ci-dessus  le  premier  article,  p.  456. 

3.  Ce  verbe  a  pour  sujet  Courcillon,  le  fils,  et  non  le  père. 

4.  Bibl.  nat.,  Cabinet  des  titres,  dossier  Courcillon,  fol.  33  et  suivants, 
et  recueil  des  Pièces  originales,  vol.  884,  fol.  1"3  v  et  suivants. 


462  APPENDICE  XVI. 

litres  originaux'  où  l'on  voit,  pendant  un  assez  long  temps,  les  ancêtres 
de  Dangeau  qualifiés  simplement  de  nobles  hommes  et  paroissiens  de 
Moléans.  Enfin  il  y  a  des  grand'mères  de  très  modeste  extraction,  et  dont 
la  noblesse  eût  certainement  fait  défaut,  si  leur  descendant  avait  eu  à 
prouver  huit  ou  seize  quartiers.  Sans  doute  d'Hozier,  dans  le  mémoire  qu'il 
fit  pour  le  Roi,  vers  1706,  sur  les  familles  des  membres  du  Conseil-,  dit 
que  la  maison  de  Courciilon  doit  être  placée  dans  la  troisième  classe  de  la 
plus  ancienne  noblesse,  qu'elle  était  de  noblesse  militaire  dès  1250,  et  les 
seigneurs  de  Courciilon  des  principaux  vassaux  de  Chàteau-du-Loir;  qu'un 
Philippe  de  Courciilon  (dont  le  nom  fut  relevé,  avec  intention  sans  doute, 
pour  notre  marquis)  vivait  en  1080;  qu'un  des  frères  de  Guillaume  IV  de 
Courciilon  s'établit  dans  le  pays  Dunois  en  1361,  et  que  les  marquis  de 
Dangeau  sont  venus  de  cette  branche.  Mais  d'Hozier,  si  rigoureux  pour  tant 
d'aiîtres  noms  dans  ce  mémoire  confidentiel,  nous  semble  répéter  tout 
simplement  l'article  du  Mercure  de  1686,  que  sans  doute  il  avait  rédigé  en 
collaboration  avec  Dangeau  (tous  deux  étaient  des  fournisseurs  habituels  du 
Mercure  pour  les  généalogies  ou  pour  les  comptes  rendus  des  cérémonies), 
et,  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre,  on  ne  voit  aucune  preuve  de  l'attache  des 
Courciilon  de  Dunois  avec  les  anciens  chevaliers  angevins  ou  manceaux  de 
même  nom.  Autrement,  s'il  y  en  eût  eu  des  preuves,  Dangeau  n'aurait  pas 
manqué  de  les  produire  pour  l'Ordre,  en  1688.  La  complaisance  de  d'Hozier 
paraît  donc  évidente;  elle  nous  rappelle  que  Boileau,  au  temps  où  il  avait 
besoin,  comme  le  dit  Fontenelle,  de  «  se  ménager  adroitement  des  protec- 
teurs, »  dédia  à  Dangeau,  tout  fraîchement  mis  à  la  tête  du  régiment  du 
Roi,  sa  satire  v.  Sur  la  Noblesse,  parce  que  le  nom  de  la  Rochefoucauld, 
bien  autrement  illustre,  s'était  trouvé  trop  long  pour  entrer  dans  les  vers. 
On  serait  presque  tenté  de  se  demander  s'il  n'y  aurait  point  quelque  ironie 
dans  cette  dédicace.  Plus  d'un  trait  pourrait  viser  Dangeau,  sa  noblesse  et 
son  titre  si  récent  : 

De  là  vinrent  en  foule  et  marquis  et  barons.... 

et  ces  vers  de  la  fin  s'appliquer  au  jugement  du  célèbre  généalogiste  sur 
les  Courciilon  : 

....  Quand  un  homme  est  riche,  il  vaut  toujours  son  prix, 
Et  l'eût-on  vu  porter  la  mandille  à  Paris, 
N'eût-il  de  son  vrai  nom  ni  titre  ni  mémoire, 
D'Hozier  lui  trouvera  cent  aïeux  dans  l'histoire. 

Du  reste,  Dangeau  ne  se  souciait  guère  de  faire  examiner  les  choses  par 
des  juges  impartiaux,  car,  au  lieu  d'user  du  bon  vouloir  de  Clairambault, 
il  lui  écrivait,  le  16  mai  1703  :  «  Je  suis  honteux  du  peu  de  soin  que  j'ai 
toujours  eu  là-dessus  (les  titres  de  sa  maison);  je  vous  serai  très  redevable 
de  me  tirer  de  ma  paresse.  Je  sens  bien  que  je  devrois  mettre  ma  généa- 

1.  Dans  le  même  volume  884  des  Pièces  originales  et  dans  les  vol.  207 
et  208  des  Carrés  de  d'Hozier. 

2.  Ms.  Clairambault  66.4,  p.  730-731. 


LE  MARQUIS  ET  LA  MARQUISE  DE  DANGEAU.     463 

logie  uu  peu  plus  en  forme*.  »  Le  Dictionnaire  de  Moréri^  montre,  en  ces 
matières,  une  prudente  réserve  :  «  Il  y  a  eu,  dit-il,  dès  le  septième  siècle, 
en  Anjou,  des  seigneurs  de  Courcillon  qui  y  ont  fait  une  assez  grande 
figure;...  mais,  ceux  qui  ont  porté  le  nom  de  Courcillon  dans  les  sei- 
zième et  dix-septième  siècles  n'ayant  pas  pris  le  soin  de  prouver  qu'ils 
descendoient  de  ces  anciens  seigneurs,  on  ne  dira  rien  ici  de  leur  famille 
que  ce  que  celui  qui  fait  le  sujet  de  cet  article  s'est  contenté  d'en  faire 
connoître  pour  jouir  de  l'honneur  que  le  roi  Louis  XIV  lui  avoit  fait  de  le 
nommer  chevalier  de  ses  ordres....  »  Les  continuateurs  du  P.  Anselme, 
eux  aussi,  se  sont  bornés  à  donner  vingt-cinq  lignes  à  Dangeau,  à  ses  deux 
femmes  et  à  ses  enfants  (tome  IX,  p.  229),  sans  remonter  plus  haut  que 
ses  père  et  mère.  D'après  les  titres  originaux  que  possède  la  Bibliothèque 
nationale,  ou  ceux  que  M.  Merlet,  archiviste  du  département  d'Eure-et- 
Loir,  a  employés  dans  l'article  fourni,  en  1837,  au  Bulletin  historique  et 
littéraire  de  la  Société  de  l'histoire  du  Protestantisme  français  (p.  72-78)^, 
et  d'après  l'étude  de  M.  de  Possesse  sur  Dangeau  et  ses  seigneurs,  il  paraît 
que  le  premier  personnage  marquant  parmi  les  ancêtres  authentiques  de 
l'auteur  du  Journal  fut  Guillaume  de  Courcillon,  chambellan  du  roi  Louis  XI, 
bailli  de  Viennois  en  1-463  et  bailli  de  Chartres  en  14G8.  Son  fils  épousa, 
en  1473,  l'héritière  de  la  seigneurie  de  Dangeau.  Au  seizième  siècle,  les 
Courcillon  embrassèrent  la  religion  protestante,  et,  vers  1570,  Louis,  pre- 
mier du  nom,  fonda  l'église  réformée  de  Dangeau.  Une  de  ses  filles  se 
maria  avec  l'ambassadeur  Canaye  du  Fresne.  Son  fils  .Jacques  alla  comme 
ambassadeur  en  Angleterre;  mais  il  s'allia  très  petitement,  avec  la  fille 
d'un  licencié  es  lois.  Louis  de  Courcillon,  issu  de  ce  mariage  et  père  de 
l'auteur  du  Journal,  fut  un  des  anciens  de  l'église  de  Dangeau,  figura  au 
synode  national  de  Tonneins,  à  l'assemblée  de  Loudun,  et  dans  la  députa- 
tion  que  les  nobles  du  pays  Chartrain  envoyèrent  à  Monsieur  le  8  février  1652. 
Notre  marquis,  ainsi  que  son  frère,  le  futur  abbé,  et  que  toute  leur  fa- 
mille, fut  élevé  dans  la  religion  protestante;  mais  ce  fut  lui  qui  donna  le  si- 
gnal du  retour  à  la  foi  catholique,  assez  tard  il  est  vrai,  puisqu'il  avait  déjà 
une  trentaine  d'années,  tenait  un  certain  rang  à  la  cour  et  allait  bientôt 
commander  le  régiment  d'infanterie  du  Roi.  La  Gazette  ne  manqua  point 
d'annoncer  cette  nouvelle  (article  de  Paris  du  18  juillet  1665*)  :  «  Ces  jours 
passés,  le  marquis  d'Angeaut  {sic),  petit-fils  du  sieur  du  Plessis-Mornay,  fit 
abjuration  de  l'hérésie  entre  les  mains  de  notre  archevêque,  en  présence  de 

1.  Ms.  Clairambault  1163,  fol.  15. 

2.  Notice  sur  Dangeau,  au  mot  Courcillon. 

3.  Les  auteurs  de  la  Vie  de  Dangeau,  en  tête  de  son  Journal  (tome  I, 
p.  XX,  note  3),  ont  indiqué,  par  mégarde,  un  article  de  la  Eevue  (sic)  du 
Protestantisme  françois,  année  1833  [lisez  ;  1854),  p.  176-181,  qui  a  trait  à 
des  protestants  du  nom  de  Dangeau  habitant  à  Laurenque,  en  Guyenne  (dé- 
partement de  Lot-et-Garonne),  lesquels  n'appartenaient  ni  aux  Courcillon 
de  Dangeau,  ni  même  à  la  noblesse. 

4.  Gazette  de  1665,  p.  699.  La  Gazette,  dans  ces  temps-îà,  commence  à 
enregistrer,  avec  force  éloges,  les  conversions  marquantes  de  seigneurs 
ou  de  ministres  protestants. 


464  APPENDICE  XVI. 

plusieurs  personnes  de  qualité.  »  Trois  ans  et  quelques  mois  plus  tard, 
nouvelle  abjuration  encore  plus  solennelle  et  plus  retentissante  :  «  Le 
10  [octobre  1668],  l'abbé  Bossuel  reçut  en  l'église  des  Carmélites  de  la  rue 
du  Bouloy  l'abjuration  du  marquis  de  Courcillon  d'Anjau  (sic^),  petit-fils  du 
sieur  du  Plessis-Mornay,  ayant  été  commis  pour  cette  fonction  par  notre 
archevêque,  qui  avoit,  durant  plusieurs  mois,  pris  le  soin  de  l'instruire: 
laquelle  conversion  est  d'autant  plus  considérable,  que  ledit  marquis  est 
fort  éclairé  sur  les  matières  de  la  religion,  et  qu'il  n'a  changé  de  parti 
qu'après  une  entière  connoissance  de  cause-.  »  Cette  seconde  conversion 
devançoit  de  quelques  jours  celle  de  Turenne^,  sous  qui  Dangeau  avait  fait 
ses  premières  armes  comme  capitaine  de  cavalerie;  mais  il  ne  s'agit  plus 
de  Philippe  lui-même  (serait-il  admissible  que  celte  cérémonie  eût  été  ré- 
pétée à  trois  ans  d'intervalle?),  et,  sous  le  titre  de  «  marquis  de  Courcillon 
de  D&ngeau,  »  nous  croyons  qu'il  faut  reconnaître  le  frère  cadet  du  vrai  mar- 
quis, Louis  de  Courcillon,  qui,  né  en  janvier  1643,  venait  de  remplir  une  mis- 
sion auprès  du  roi  Casimir  de  Pologne,  pour  lui  porter  les  condoléances  de 
la  cour  de  France  sur  la  mort  de  la  reine  sa  femme*.  Peu  après  cette  con- 
version, Louis  de  Courcillon  dut  entrer  dans  les  ordres,  puisqu'il  portait 
déjà  le  titre  d'abbé  quand  le  Roi  lui  permit,  en  1671,  d'acheter  la  charge  de 
lecteur  de  sa  chambre  ;  les  bénéfices  vinrent  ensuite,  et,  quoique  l'abbé 
se  déclarât  bien  hautement  hostile  au  cumul  ^,  il  eut  tout  à  la  fois  jusqu'à 
deux  abbayes  et  deux  ou  trois  prieurés,  représentant  de  quarante  à  cin- 
quante mille  livres  de  revenue,  sans  compter  le  titre  de  camérier  d'hon- 
neur que  le  pape  Clément  X  lui  donna  en  souvenir  de  sa  mission  à  Varsovie. 
Le  reste  de  la  famille  demeura  fidèle  au  protestantisme'^,  et  le  château 

i.  La  Gazette  persista  assez  longtemps  à  garder  cette  orthographe. 

2.  Gazette  de  1668,  p.  1258. 

3.  23  octobre  1668. 

A.  Selon  la  France  jjrotestante,  sa  conversion  suivit  de  près  le  voyage  en 
Pologne.  Saint-Simon  dit  en  effet  (tome  XVII,  p.  144)  que  l'abbé  n'abjura 
qu'après  son  frère  aîné.  Le  marquis  de  Sourches,  (Mémoires,  éd.  1881, 
tome  I,  p.  89,  note  2)  note  que  l'abbé  «  huguenot  aussi  bien  que  son  frère, 
avoit  porté  les  armes  en  Pologne  sous  le  nom  de  Courcillon.  »  Ceci  achève 
de  nous  convaincre. 

5.  Avant  de  posséder  plusieurs  bénéfices,  il  déclarait  à  Boileau  qu'un 
seul,  ne  fùt-il  que  de  mille  écus,  lui  suffirait.  Cependant  il  accepta  abbayes 
et  prieurés.  «  Eh  bien!  lui  dit  un  jour  Boileau.  —  Ah!  répondit  l'abbé,  si 
vous  saviez  que  cela  est  bon  pour  vivre  !  —  Mais  pour  mourir.  Monsieur 
l'abbé,  pour  mourir?  »  {Correspondance  de  Boileau  avec  Brossette,  p.  36 
et  38,  6  mars  et  l*'  avril  1700.)  —  On  remarquera  (ci-dessus,  p.  437)  que 
Saint-Simon  conteste  la  sincérité  de  cette  conversion  de  1668. 

6.  L'abbaye  de  Fontaine-Daniel  (février  1680)  et  celle  de  Notre-Dame  de 
Clermont  (juillet  1710),  toutes  deux  au  Maine;  les  prieurés  de  Notre-Dame 
de  Gournay,  de  Saint-Maixent  de  Verines,  de  Ranty  et  de  Saint-Arnoul. 

7.  Voyez  la  France  protestante  des  frères  Uàag,  article  Courcillon,  et  le 
Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  Protestantisme  français,  année  1857, 
p.  72-78;  Dangeau  et  ses  seigneurs,  par  M.  de  Possesse,  p.  72  et  suivantes; 
le  Calvinisme  dans  le  Dunois,  au  XVI'  siècle  et  au  XVII",  par  M.  Amédée 


1>E   MARQUIS  ET  LA  MARQUISE  DE  DANGEAU.      4(i5 

(le  Dangcau,  ou  du  moins  la  basse-cour  de  ce  château,  et  celui  do  Bazoches- 
en-Dunois,  appartenant  aux  demoiselles  de  Courcillon,  servirent  de  lieux 
d'exercice  aux  réformés  des  paroisses  environnantes  jusqu'à  la  suppression 
de  leur  culte  par  arrêt  du  Conseil  *.  Néanmoins,  trois  sœurs  du  marquis, 
et  non  une  seule,  comme  le  dit  Saint-Simon,  persistèrent  dans  leur  foi. 
Lorsque  vint  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  il  obtint  pour  elles  une  per- 
mission tout  exceptionnelle  de  demeurer  dans  son  château  de  la  Bourdai- 
sière,  près  de  Tours,  quoique  non  converties,  et  un  de  ses  beaux-frères,  le 
marquis  du  Perray,eut  un  répit  de  trois  semaines  pour  abjurer-.  Peu  après, 
une  des  sœurs  ^  fut  convertie  par  les  soins  de  l'intendant  de  Poitiers;  les 
deux  autres  résistèrent  à  tous  les  procédés  d'intimidation,  même  à  la  dé- 
tention dans  une  maison  religieuse,  et,  de  guerre  lasse,  on  les  laissa  partir 
pour  la  Hollande.  Leurs  biens  furent  alors  frappés  de  confiscation,  suivant 
les  termes  de  la  loi;  mais  Dangeau  en  obtint  le  don  pour  lui-même,  par  let- 
tres royales  du  20  décembre  1688*.  L'ui^  de  ces  émigrées,  une  «  seconde 
Dorcas,  »  au  dire  de  Mme  du  Noyer,  sans  doute  celle  dont  Saint-Simon  a 
parlé  au  début  de  l'appendice  (p.  A'6S),  fonda  à  la  Haye  deux  pensionnats 
pour  les  jeunes  Françaises  de  qualité.  Charlotte  mourut  en  Angleterre.  Une 
autre  sœur,  Catherine  de  Courcillon,  femme  de  Jean  Guichard,  marquis  du 
Perray,  enfermée  en  1687  chez  les  Hospitalières  de  Saint-Gervais,  finit,  à  ce 
qu'il  semble,  par  se  rallier  au  catholicisme,  comme  l'avaient  fait  déjà,  en 
1686,  son  fils  et  sa  fille^;  mais  son  mari  était  passé  à  l'étranger,  et,  en  1697, 
se  trouvant  «  délaissée  »  par  le  fait  de  cette  émigration,  elle  donna  à  Dan- 
geau et  à  son  fils  la  terre  de  Reuay,  en  Vendomois,  moyennant  une  pen- 
sion viagère  de  quinze  cent  soixante  livres,  avec  stipulation  de  nullité  si 
M.  du  Perray  ou  sa  fille  rentraient  en  France  et  se  faisaient  «  réhabiliter»^. 

Lefèvre-Pontalis,  p.  4-5;  Histoire  du  comté  de  Diuiois,   par  l'abbé  Bordas, 
publiée  par  la  Société  dunoise  (1880),  tome  II,  p.  31-32. 

■1.  Arch.  nat.,  E  1820,  arrêt  du  15  février  1683.  Selon  l'abbé  Bordas  (dont 
le  texte  est  incorrect),  Charlotte,  Hélène- Françoise  et  Hélène-Suzanne  de 
Courcillon  habitaient  à  Bazoches  un  logis  seigneurial  i-écenmient  rebâti,  et 
où  les  avait  attirées  l'existence  d'un  des  prêches  les  plus  fréquentés  du 
Dunois.  Ce  prêche  ayant  été  supprimé,  elles  firent  transporter  la  chaire  et 
les  bancs  dans  leur  propre  maison.  Une  des  deux  Hélène  s'avisa  de  donner 
à  son  ministre  protestant  une  chapelle  seigneuriale  qui  attenait  à  l'église 
de  Bazoches;  mais  l'ordinaire  y  fit  installer  un  prêtre.  Comparez  Dangeau 
et  ses  sfiigneiirs,  par  M.  de  Posscsse,  p.  71-76  et  155-161. 

2.  Dépôt  de  la  guerre,  vol.  758,  31  décembre  1685. 

3.  Elisabeth,  mariée  à  Frédéric  Suzannet  de  la  Forest  :  voyez  Doyen,  His- 
toire de  la  ville  de  Chartres  et  du  paijs  Chartraiti,  tome  II,  p.  248-250. 

4.  Le  2  janvier  précédent,  Charlotte  et  Hélène  de  Courcillon,  dames  do 
Bazoches,  demeurant  à  l'hôtel  de  Dangeau,  avaient  fait  donation  aux  trois 
filles  de  leur  feue  sœur,  Suzanne,  femme  de  M.  du  Plessis  de  la  Perrine, 
aussi  protestante,  de  ce  que  celle-ci  leur  avait  laissé  par  testament  en 
1683.  (Arch.  nat.,  Y  253,  fol.  92.) 

3.  L'abbé  Bordas  dit  que  la  plus  jeune  des  sœurs  fut  convertie  par  le  cure 
de  Dangeau;  selon  M.  de  Possesse    (p.  75),  ce  serait  Mme  de  la  Perrine. 
6.  Arch.  nat.,  Y  270,  fol.  339  v\ 

MF.MOIRES    DE    SAINT-SIMON.    III  30 


466  APPENDICE   XVI. 

Le  titre  de  marquis  de  Dangeau  n'était  que  ce  qu'on  appelle  un  titre  de 
courtoisie.  Jamais  la  terre  de  ce  nom  ne  fut  érigée  en  marquisat.  Située 
dans  le  Porche-Gouët  (département  d'Eure-et-Loir,  canton  de  Brou,  à  dix-sept 
kilomètres  iN.  0.  de  Chàteaudun),  sur  les  confins  de  la  Beauce  el  à  plus  de 
vingt  lieues  des  ruines  du  château  patronymique  de  Courciilon',  elle  était 
venue  aux  Courcillon  de  Dunois,  avec  plusieurs  fiefs  du  voisinage,  par  une 
héritière  de  la  maison  de  Cholet*,  dans  le  courant  du  quinzième  siècle.  Le 
père  de  notre  Philippe  de  Courcillon  se  qualifiait  simplement  seigneur  de 
Dangeau;  Philippe  prit  successivement  les  titres  de  baron  ou  de  marquis 
de  Saint-Hermine,  en  Poitou,  après  la  mort  de  sa  mère,  puis  ceux  de  baron 
et  enfin  de  marquis  de  Dangeau  :  titres  tolérés  à  la  cour,  mais  non  re- 
connus par  la  Chambre  des  comptes,  qui  protesta  à  plusieurs  reprises,  no- 
tamment^  lorsque  l'auteur  du  Journal  fit  ériger  ses  terres  de  Touraine,  la 
Bourdaisière,  Montlouis,  le  Taillau,  la  Vallière,  etc.,  en  marquisat  de  Cour- 
cillon. Sans  attendre  d'ailleurs  cette  érection,  il  avait  fait  prendre  à  spn 
fils  le  titre  de  comte  de  Courcillon  et  de  Dangeau,  alors  que  ce  fils  n'était 
pas  encore  baptisé  et  ne  possédait  même  point  de  prénom*. 

Il  est  à  remarquer  que  ies  contemporains,  ou  du  moins  la  grande  généra- 
lité, supprimant  la  particule  de,  disaient  et  écrivaient  <>  le  marquis  »  ou 
«  l'abbé  Dangeau,  »  tout  court,  pour  «  d'Angeau,  »  comme  si  le  nom  de  la 
terre  avait  été  Angeau  *.  Longtemps  la  Gazette,  plus  correctement  cela  sup- 
posé, imprima  :   d'Anjau,   ou  même  :  d'Aiijo. 

L'auteur  du  Journal  se  qualifiait  encore  comte  de  Melle  et  de  Civray, 
baron  de  Saint-Hermine,  de  Chàteau-du-Loir,  de  Lucé  et  de  Bressuire,  sei- 
gneur de  Chausserais,  etc.  La  plupart  de  ces  terres  étaient  situées  dans  le 
Poitou,  pays  d'origine  de  sa  mère,  et  quelques-unes  furent  acquises  par  lui 
des  Petit  de  Chausserais^,  dont  nous  rencontrerons  le  nom  dans  les  Mémoires. 

Quand  Saint-Simon  dit  :  «  La  guerre  étoit  moins  le  fait  de  Dangeau,  non 
qu'il  ait  été  accusé  de  poltronnerie,...  »  il  ne  faut  pas  prendre  ces  expres- 
sions au  pied  de  la  lettre.  Dangeau  eut  une  carrière  militaire  et  la  remplit 
convenablement.  Vers  sa  vingtième  année,  il  avait  débuté  en  Flandres, 
comme  capitaine  de  cavalerie,  sous  Turenne.  Après  la  paix  des  Pyrénées,  il 
voulut  continuer  le  métier  des  armes,  et,  ainsi  que  le  faisaient  beaucoup  d'of- 
ficiers français,  il  alla  prendre  part  à  la  guerre  de  l'Espagne  contre  le  Portu- 

1.  11  n'en  reste  que  des  ruines,  dans  la  commune  de  Dissay-sous-Cour- 
cillon,  à  la  limite  sud-est  du  département  de  la  Sarthe. 

2.  Un  baron  de  Ciiolet,  issu  sans  doute  de  la  même  souche,  a  relevé  de 
nos  jours  le  titre  de  marquis  de  Dangeau. 

3.  En  1719. 

4.  U  ne  le  fit  baptiser  et  nommer  que  très  tard,  le  3  mai  1697. 

5.  Au  contraire,  nous  avons  vu  plus  haut  (p.  23,  note  de  note  a)  RiouU 
de  Douilly,  pour  dOuilly. 

6.  Dangeau  acheta,  par  décret,  la  baronnie  de  Bressuire,  qui  avait  été 
saisie  sur  les  Chausserais,  et  la  paya  deux  cent  sept  mille  livres,  le  26  sep- 
tembre 1673.  Le  domaine  de  Chausserais  lui  coûta  soixante-quinze  mille 
livres.  (B.  Ledain,  Histoire  de  Bressuire,  2'  édition,  p.  191  et  213.) 


LE  MARQUIS  ET  LA  MARQUISE  DE  DANGEAU.     467 

gai  :  il  se  signala  même,  nous  dit  Fontenelle,  sous  les  ordres  de  don  Juan 
d'Autriche,  à  tel  point  que  le  roi  Philippe  IV  lui  fit  offrir  un  régiment  de 
cavalerie  et  une  pension;  mais  il  préféra  rentrer  en  France,  et  ce  fut  au 
sortir  de  ces  campagnes  qu'il  vint  prendre  rang  à  la  cour  de  Louis  XIV*. 
Converti  tout  aussitôt  au  catholicisme  et  récompensé  par  le  commandement 
du  régiment  du  Roi,  il  donna,  si  l'on  en  croit  la  Gazette,  tous  ses  soins  à 
l'instruction  et  à  la  formation  de  ce  beau  corps*.  Néanmoins,  et  c'est  en 
cela  que  Saint-Simon  se  fait  l'écho  des  contemporains  de  Dangeau,  on  re- 
prochait à  celui-ci  non  seulement  un  goût  insuffisant  pour  le  métier  mi- 
litaire, mais  aussi  quelque  manque  de  vaillance.  Outre  la  chanson  dont 
Mme  de  Sévigné  cite  un  fragment  ^  : 

Dangeau,  par  des  hasards  si  grands, 
Si  la  paix  dure  encor  dix  ans, 
Tu  seras  maréchal  de  France*, 

on  voit,  à  deux  reprises,  pour  des  querelles  de  jeu,  Dangeau  traité  de  lâche 
et  de  poltron  avéré  par  son  partenaire  et  émule  Langlée.  Sur  quoi,  Bussy- 
Rabutin  dit  à  Mme  de  Scudéry^  :  «  D[angeau]  est  de  meilleure  maison  que 
Langlée,  mais  je  le  tiens  bien  égal  en  courage  ;  »  et  Mme  de  Sévigné  écrit 
à  sa  fille  :  "  D[angeau]  est  hors  de  la  Bastille....  Ils  seront  accommodés  de- 
vant les  maréchaux  de  France.  Cela  est  dur  à  D[angeau]  :  il  faudra  qu'il  dise 
qu'il  n'a  point  donné  des  coups  de  bâton,  et  les  injures  atroces  lui  de- 
meureront. Tout  ce  procédé  est  si  vilain,  qu'un  homme  que  vous  recon- 
noîtrez  a  dit  que,  quand  les  joueurs  ont  tant  de  patience,  ils  dcvroienl 
donner  leurs  épées  aux  cartes^.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  Dangeau,  en  quittant  le  commandement  du  régiment  du 
Roi  (16"0)",  comptait  se  faire  donner  le  commandement  d'un  des  corps  les 
plus  importants  de  la  maison  du  Roi,  celui  des  Cent-Suisses  :  il  n'obtint 
que  l'ambassade  de  Suède  ^;  mais,  dès  le  début  de  la  guerre  suivante,  il  se 
fit  nommer  aide  de  camp  du  Roi  et  suivit  plusieurs  campagnes,  soit  en  cette 

1.  Vie  de  Dangeau,  p.  xxii. 

2.  Gazette,  16'66,  p.  341,  342,  948  et  972  ;  1667,  p.  413;  1669.  p.  340  et 
548.  Sous  son  commandement,  le  régiment  fut  porté  à  cinquante  compa- 
gnies et  peuplé  de  tout  ce  qu'il  y  avait  de  plus  brillant  à  la  cour;  mais  il  ne 
put  obtenir  qu'on  le  fît  entrer  dans  les  cadres  de  la  maison  du  Roi,  comme 
les  gardes  françaises  et  suisses.  Il  le  conduisit  pendant  la  campagne  de 
Flandres  de  1667,  notamment  au  siège  de  Lille. 

3.  Lettre  du  23  août  1678,  dans  le  tome  V,  p.  474. 

4.  Comparez  l'extrait  des  Caractères  du  .Musée  britannique  cité  page  18-, 
note  5. 

b.  Correspondance,  tome  III,  p.  336. 

C.  LrMres  de  Mme  de  Scvigné,  tomes  H,  p.  4.d5-4o6,  et  V,  p.  238  et  242. 

7.  Il  y  fut  remplacé  par  l'ancien  lieutenant-colonel  Martinet  (corrigez,  sur 
ce  point,  notre  note  1  de  la  page  29  du  tome  I),  qui  d'ailleurs  avait  con- 
servé la  direction  effective  du  régiment. 

8.  Daniel,  Milice  françoise,  tome  II,  p.  397-398;  C.  Roussel,  Histoire  de 
Louvois.  tome  I,  p.  206.  Les  éditeurs  du  Journal  ont  eu  tort  de  chercher 


468  APPENDICE   XVI. 

qualité,  soit  comme  volontaire*.  De  même,  dans  la  guerre  dite  de  la  Ligue 
d'Augsbourg,  il  servit  sur  le  Rhin,  à  Mons  et  à  Namur*.  On  voit  donc  qu'il 
pouvait  faire  valoir  d'autres  titres  que  son  «  assiduité,  »  et  d'ailleurs  nous 
remarquerons  que,  dans  un  autre  endroit  (Addition  n°  6,  tome  I,  p.  322), 
Saint-Simon  dit  lui-même  que  Dangeau  fut  compris  «  uniquement  pour  la 
guerre  »  dans  la  promotion  de  l'Ordre  de  1688. 

Les  missions  diplomatiques  que  remplit  successivement  Dangeau  sont 
indiquées  avec  inexactitude  par  Saint-Simon;  mais,  comme  les  éditeurs 
du  Journal  ont  étudié  particulièrement  ce  sujet  5,  nous  nous  bornerons 
ici  à  une  simple  chronologie.  En  16"1,  Dangeau,  désigné  pour  aller  en  am- 
bas^de  à  Stockholm,  préféra  une  mission  moins  lointaine  chez  l'électeur 
palatin  (juillet  16"'2  à  mars  16"3).  11  s'arrêta,  en  allant  et  en  revenant,  chez 
les  électeurs  de  Trêves  et  de  Mayence*,  et  fut  envoyé  peu  après  (septembre 
1673)  à  Modène,  pour  y  prendre  la  nouvelle  duchesse  d'York»  et  la  ramener 
en  Angleterre,  où  Charles  11  et  son  frère  le  traitèrent  fort  bien.  Il  retourna 
encore  une  fois  à  Londres  (c'est  sans  doute  de  cette  seconde  mission  que 
parlent  les  Mémoires,  ci-dessus,  p.  186),  en  juillet  1680,  avec  la  qualité 
d'envoyé  extraordinaire  ;  mais  il  n'y  resta  que  quelques  jours,  et  tout  aus- 
sitôt un  yacht  du  roi  Charles  II,  qu'il  était  allé  simplement  complimenter, 
e  ramena  à  la  côte  de  France,  où  il  retrouva  la  cour^. 

Ce  ne  fut  point  au  retour  de  sa  mission  en  Angleterre  ou  après  le  ma- 
riage de  Monseigneur  (1673  ou  1680),  comme  le  disent  les  Mémoires  et  l'un 
des  fragments  imprimés  ci-dessus,  p.  186  et  434,  ni  de  M.  de  Vivonne, 
comme  Saint-Simon  le  dira  ailleurs  (tome  XVII,  p.  136),  mais  en  1666,  et  du 
duc  de  Saint-Aignan,  que  Dangeau  acheta  la  charge  de  gouverneur  et  lieu- 
tenant général  du  Roi  en  Touraine  et  celle  de  gouverneur  particulier  des 
ville  et  château  de  Tours  ^.  Le  prix  d'achat  fut  de  trois  cent  soixante-quinze 

querelle  au  général  Suzaue  pour  sa  façon  de  présenter  cette   partie  de  la 
carrière  militaire  de  Dangeau. 

1.  Ce  fut  lui  qui  reçut  la  capitulation  de  Besançon,  le  14  mai  1674.  Il 
eut  l'honneur  d'ouvrir  la  tranchée  devant  Valenciennes,  le  9-10  mars  1677, 
et  prit  part  à  l'assaut  de  cette  ville,  ainsi  qu'à  celui  de  Cambray. 

2.  Voyez  sa  Vie,  dans  le  Journal,  tomes  1,  p.  xxii-xxiv,  et  XVIll,  p.  433-434. 

3.  Journal,  tomes  I,  p.  xliii-xliv,  et  XVIII,  p.  443-447. 

4.  Mémoires  de  Pomponne,  tome  II,  p.  222-"2-23  et  324-327;  Gazette  de 
1672,  p.  968.  A  son  retour,  le  21  avril  1673,  Dangeau  fut  reçu  par  le  Roi 
«  aussi  favorablement  que  le  méritoit  l'heureux  succès  de  ses  négociations.  » 
{Gazelle,  p.  387.) 

5.  Pellisson,  Letlres  hisloriqv^s,  tomes  I,  p.  404-405,  et  II,  p.  20,  40-51, 
59  et  67. 

6.  Voyez  le  ms.  Clairambault  986,  p.  523,  524,  381,  585,  613  et  633,  le 
Chansonnier,  mss.  Fr.  12  618,  p.  473  et  527,  et  12  619,  p.  15, 21,  23,  73,  etc., 
le  Nouveau  Siècle  de  Louis  XIV,  tome  IV,  p.  225,  et  la  Gazette  de  1680, 
p.  364,  422  et  435. 

7.  Voyez  le  Dictionnaire  des  bienfaits  du  Foi  tenu  par  l'abbé  son  frère, 
ms.  Fr.  7656.  fol.  4. 


LE  MARQUIS   ET  LA   MARQUISE   DE  DANCEAU.      469 

mille  livres;  mais,  en  recevant  ses  provisions,  le  4  mars  1667,  Dangeau  eu 
un  brevet  de  retenue  de  cent  cinquante  mille  livres,  et,  lorsqu'il  se  remaria, 
le  Roi  accorda  à  Mme  de  Dangeau,  le  29  avril  1686,  un  second  brevet  de  cen 
mille  livres.  Le  n  octobre  1719,  le  comte  de  Charolais  remboursa  ces  deux 
brevets  pour  avoir  la   sui'vivance  de  l'un  et  l'autre  gouvernement*. 

Dangeau  était  très  fier  de  son  titre  de  gouverneur  de  province, -et  de  plus, 
le  voisinage  de  sa  terre  de  la  Bourdaisière,  quand  il  venait  à  Tours  et  que 
la  cour  passait  dans  le  voisinage,  lui  permettait  d'y  recevoir  princes  et 
princesses  et  de  combler  chacun  «  de  festins  et  d'honnêtetés*.  »  C'est  bien 
ce  que  dit  Saint-Simon,  dans  le  premier  de  nos  deux  fragments  inédits  : 
«  Il  y  alloit  de  temps  en  temps  (en  Touraine)  faire  la  roue  et  Monsieur  le 
Gouverneur.  »  Les  Mémoires  nous  fourniront  encore,  sur  ce  même  sujet, 
une  anecdote  caractéristique,  répétée  deux  fois,  tomes  IV,  p.  371,  et  XVII, 
p.  138,  et  qu'il  convient  de  rapprocher  d'un  passage  des  Lettres  de  Mme  de 
Sévigné  sur  M.  de  Chaulnes  et  M.  de  Grignan^ 

Saint-Simon  ne  raconte  pas  dans  les  Mémoires*,  et  cette  omission  est 
bien  singulière  de  sa  part,  quel  déboire  Dangeau  et  sa  seconde  femme 
éprouvèrent  dès  le  lendemain  même  de  leur  mariage.  Dans  le  premier  de 
nos  fragments  inédits  ^,  il  dit  seulement  que  les  deux  époux  durent  prouver 
et  faire  attester  leur  droit  à  mettre  sur  les  panneaux  de  leur  chaise  à  por- 
teurs les  armes  de  Bavière;  dans  le  second  toutefois^,  il  parle  un  peu  plus 
complètement  du  «  scandale  »  qui  se  produisit  :  «  Le  nom  de  Palatin,  dit-il, 
fut  mis  dans  le  contrat,  et  les  armes  à  la  chaise  et  au  carrosse.  »  En  effet, 
Mlle  de  Levenstein,  selon  son  habitude,  s'était  nommée  Sophie  de  Bavière 
dans  l'acte  de  mariage,  et,  comme  le  dit  Mme  de  Sévigné",  «  l'endroit  le 
plus  sensible  étoit  de  jouir  du  nom  de  Bavière,  d'être  cousin  de  Madame  la 
Dauphine,  de  porter  tous  les  deuils  de  l'Europe  par  parenté.  »  Mais  la  Dau- 
phine  et  Madame,  toutes  deux  Bavière  aussi  et  issues  de  branches  princièrcs, 
parfaitement  en  règle,  ne  purent  souffrir  une  assimilation  si  outrageante 
pour  leur  orgueil.  Dans  sa  colère,  la  Dauphine  se  fit  apporter  le  registre  tenu 
par  le  curé  de  Versailles  et  voulut  brûler  l'acte  incriminé  :  on  retira  le  re- 
gistre du  feu  où  elle  l'avait  jeté;  mais  le  Roi,  dès  le  jour  suivant,  fit  déli- 
vrer un  ordre  de  détruire  les  feuillets  27  et  28,  sur  lesquels  figurait  l'acte, 
et  de  rétablir  un  autre  texte,  où  la  mariée  est  dénommée  simplement  :  «  Il- 
lustre dame  Madame  Sophie,  comtesse  de  Levenstein-Wertheim-Rochefort  de 
Montaigu,  fille   de  haut   et  puissant    seigneur  Messire   Ferdinand-Charles, 

1.  Bibl.  nat..  Pièces  originales,  vol.  884,  dossier  Courcillon,  fol.  53-.*;4. 
Mme  de  Dangeau  s'intitule,  dans  cette  pièce  :  «  Sophie  de  Bavière  Lewe- 
stein.  » 

2.  Lettres  de  Mme  de  Sévigné,  tome  VII,  p.  277. 

3.  Tome  VII,  p.  27. 

4.  Ci-dessus,  p.  191. 

;>.  Ci-dessus,  p.  453-456. 

G.  Ci-dessus,  p.  460. 

7.  Lettre  du  3  avril  1686,  lome  VII,  p.  .'i92-493. 


470  Al'PRNOICE   XVI. 

comie  de  Lcwcnstein '....  »  Ces  faits  firent  grand  bruit  à  la  cour,  comme  on 
en  peut  juger  dans  les  Mémoires  de  M.  de  Sourches,  éd.  Bernier,  tome  II, 
p.  31,  dans  la  Correspondance  de  Biissy,  tome  V,  p.  ÎJ28,  dans  une  lettre 
de  Mme  de  Sévigné  au  président  de  Monceaux,  du  3  avril  1686,  dans  le 
Chansonnier,  ms.  Fr.  12  689,  p.  217,  dans  les  Mémoires  d'Amelot  de  ta  Hous- 
saye,  tome  III,  p.  50-31,  et  surtout  dans  ceux  de  l'abbé  de  Clioisy,  qui  a  con- 
sacré aux  Levenstein  un  long  passage,  p.  60I-C02.  La  sagesse  de  Mme  de 
Dangeau  put  seule  rendre  cette  déconvenue  moins  amère  à  son  mari,  qui, 
pour  se  mettre  à  la  hauteur  de  la  maison  de  Bavière,  avait  demandé  au  Mer- 
cure de  faire  remonter  les  Courcillon  jusqu'à  Hugues-Capef^.  Le  cardinal  de 
Fiirstenberg  fut  obligé  de  solliciter  le  pardon  pour  sa  nièce,  dit  Mme  de  Sévi- 
gné, et  d'avouer  qu'elle  n'appartenait  qu'à  «  une  branche  égarée  et  séparée 
depuis  longtemps,  et  rabaissée  par  de  mauvaises  alliances,  qui  n'a  jamais 
été  appelée  que  Levestin  {sic).  »  La  nièce,  en  effet,  pour  ne  pas  poursuivre 
une  lutte  ridicule,  cessa  de  prendre  le  nom  de  Bavière,  à  la  cour  du  moins 
et  dans  les  premiers  temps  qui  suivirent  s,  sauf  à  y  revenir  après  la  mort  de 
la  Dauphine,  car,  dans  le  contrat  de  mariage  du  duc  de  Montfort  avec  la  fille 
de  Dangeau,  en  1694 "•,  nous  voyons  la  marquise  de  Dangeau  et  ses  proches 
nommés  de  Bavière  de  Lewenstein.  De  tout  cela  Madame  conserva  un  sourd 
ressentiment,  et  elle  sut  se  venger  à  sa  façon,  comme  elle  le  raconte  dans 
une  des  lettres  nouvelles  du  recueil  de  M.  Jseglé^.  «  Je  connais  bien,  écri- 
vait-elle le  7  avril  1701  à  la  duchesse  de  Hanovre,  une  dame  qui  monte  la 
Pa?itocrate  contre  moi,  à  ce  qu'on  me  dit  :  c'est  Mme  Dangeau,  et  cela  pour 
un  motif  que  j'ignorais  ;  il  n'y  a  que  dix  jours  que  je  le  sais.  Il  y  a  quelques 
années,  après  la  mort  de  Madame  la  Dauphine,  un  quidam  vint  me  deman- 
der la  permission  de  faire  ma  généalogie.  Je  n'y  voyais  aucun  inconvénient, 
et  le  lui  permis.  Il  écrivit  l'histoire  de  notre  maison,  et  y  dit  que  les  comtes 
de  Lœwcnstein  {sic)  en  étaient  des  bâtards.  Le  gaillard  ayant  écrit  qu'il  avait 
fait  ce  livre,  que  je  n'avais  jamais  vu,  avec  la  permission  de  Madame,  la 
dame  s'est  imaginé  qu'on  avait  mis  cela  pour  lui  faire  un  affront;  mais  elle 
ne  m'en  a  pas  dit  un  mot....  »  Quoi  qu'en  dise  Madame,  on  peut  croire  que 
cette  bâtardise  avait  été  mise  là  à  son  instigation,  et  non  à  son  insu,  bâ- 
tardise ou  mésalliance  étant  tout  un  pour  elle.  Beaucoup  plus  tard,  en  1718, 
elle  écrivait  encore  ceci  ^  :  «  Mme  de  Dangeau  est  une  bien  vertueuse  et 


1.  Voyez  la  Vie  de  Dangeau,  p.  lvii  et  suivantes.  Les  auteurs  de  cette  no- 
tice ont,  par  un  excès  d'exactitude,  imprimé  :  Leuenstein  dans  le  corps  de 
l'acte  et  dans  la  signature. 

2.  Voyez  l'article  publié  à  l'occasion  du  mariage. 

3.  «  Mme  Dangeau,  ci-devant  Bavière,  est  toute  sage,  tout  aimable,  et 
rend  son  mari  heureux;  il  n'auroit  tenu  qu'à  elle  de  le  rendre  bien  ridi- 
cule. »  {Sévigné,  iome  VII,  p.  301.)  Elle  n'est  nommée  que  «  Sophie,  comtesse 
de  Lewestein,  »  dans  ses  lettres  de  naturalisation  (Arch.  nat.,  0*  348,  fol. 
249),  et  dans  la  Gazette.  Dans  son  Journal  (tome  I,  p.  316),  Dangeau  dit 
simplement  :  «  A  minuit...,  j'épousai  la  comtesse  Sophie  de  Lowenstein.  » 

4.  .Nous  avons  mentionné  ce  contrat  page  190,  note  3. 
:;.  Tiimo  I.  p.  266-267.  —  6.  Tome  II.  p.  197. 


LE   MARQUIS   ET   LA   MARQUISE  DE   UANCEAU.      471 

honnête  femme,  qui  est  aimée  de  tout  le  monde  ;  mais  son  oncle  l'évêque 
de  Strasbourg  lui  a  fait  faire  un  mariage  par  trop  inégal.  Elle  vit  fort  bien 
avec  son  mari,  comme  s'il  était  non  seulement  son  égal,  mais  même  de 
meilleure  condition  qu'elle.  » 


Pour  terminer  ces  notes,  nous  reproduisons  ici,  avec  la  bienveillante  au- 
torisation de  M.  Ch.  Schefer,  un  article  sur  Dangeau  écrit  en  1690  par  l'an- 
cien envoyé  de  l'électeur  de  Brandebourg  en  Fi-ance,  Ézéchiel  Spanheim. 
Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  dire  que  le  manuscrit  de  Spanheim,  in- 
titulé Relation  de  la  cour  de  France,  serait  prochainement  publié.  Nous 
ajouterons  que,  dans  une  partie  annexe  de  ce  mémoire,  où  l'auteur  a  marqué 
en  signes  hiéroglyphiques  les  bonnes  qualités  ou  les  défauts  des  principaux 
personnages  qu'il  retrouva  à  la  cour,  en  1700,  lors  de  sa  dernière  mission, 
les  qualités  suivantes  sont  attribuées  à  Dangeau  :  «  Honnête  homme;  beau- 
coup d'esprit;  généreux;  estimé  du  Roi;  riche.  » 

PORTRAIT  DE  DANGEAU  PAR  ÉZÉCHIEL  SPANHEIM. 

«  Il  y  a  encore  la  charge  de  chevalier  d'honneur  de  Madame  la  Dau- 
phine,  qui,  de  même  que  celle  de  chevalier  d'honneur  des  Reines, 
quand  il  y  en  a,  se  trouve  ordinairement  remplie  par  des  ducs  et  pairs. 
Le  duc  de  la  Vieuville,  gouverneur  du  PoHou,  étoit  chevalier  d'honneur 
de  la  feue  Reine,  quand  elle  mourut  en  1683,  et  le  duc  de  Richelieu, 
celui  de  Madame  la  Dauphine  dès  son  arrivée  en  France.  Mais,  comme 
la  mort  de  la  duchesse  sa  femme,  qui  étoit  en  même  temps  dame  d'hon- 
neur de  la  Dauphine,  et  le  mauvais  état  de  ses  affaires  par  son  grand 
attachement  au  jeu  lui  donna  lieu  de  songer  à  se  défaire  de  la  charge 
susdite  de  chevalier  d'honneur  de  cette  princesse,  le  marquis  d'Angeaii 
(.Sic),  quoique  d'un  rang  assez  inférieur  à  celui  de  duc  et  pair,  eut  per- 
mission du  Roi  d'en  traiter  avec  le  duc  susdit,  et,  par  là,  d'être  revêtu 
de  cette  belle  charge,  moyennant  la  somme  de  trois  cent  mille  livres 
qu'il  lui  en  paya.  Ledit  marquis  l'exerce  encore  à  présent,  et  doit  un  si 
grand  établissement,  de  même  que  celui  de  gouverneur  de  la  province 
de  Touraine,  qu'il  avoit  acheté  assez  longtemps  auparavant  du  feu  duc 
de  Saint-Aignan,  il  les  doit,  dis-je,  uniquement  à  sa  bonne  fortune  au 
jeu,  qui  lui  donna  lieu  d'y  gagner  peu  à  peu  de  grandes  sommes,  dès 
son  avènement  à  la  cour,  où  il  étoit  venu  avec  un  patrimoine  assez  mé- 
diocre d'ailleurs,  avec  un  esprit  vif  et  hardi,  un  génie  assez  heureux 
et  facile  pour  les  vers,  avec  quoi  il  sut  s'introduire  et  s'insinuer  même 
insensiblement  dans  les  bonnes  grâces  du  Roi. 

«  Il  a  épousé  en  secondes  noces  une  jeune  comtesse  de  Levenstein 
{sic),  qui  étoit  une  des  filles  d'honneur  de  la  Dauphine,  et  nièce  du 
cardinal  de  Fûrstenberg.  Comme  ledit  marquis  d'Angeau  y  eut  princi- 
palement en  vue  de  s'illustrer  encore  davantage  par  ce  mariage  et  par 


472  APPEMDICK  XVI. 

les  alliances  où  il  eutroit  par  là,  puisque  d'ailleurs  la  demoiselle  ne  lui 
apportoit  point  de  dot,  et  qu'en  échange  il  lui  fallut  constituer  un  grand 
douaire,  cette  même  vue  susdite  pensa  presque  lui  être  ruineuse,  par 
la  vanité  qu'il  eut,  ou  à  laquelle  il  consentit,  de  faire  prendre  le  nom 
de  Sophie  de  Bavière  à  son  épouse  dans  le  contrat  de  mariage  et  dans 
la  proclamation  qui  s'en  fit  par  le  prêtre  qui  les  épousoit  dans  la  cha- 
pelle de  Versailles.  Madame  la  Dauphine  ne  l'apprit  pas  plus  tôt,  qu'elle 
en  fit  éclater  un  dépit  et  un  ressentiment  extrême,  et  qui  ne  put  être 
apaisé  qu'en  rayant  ce  nom  de  Bavière  du  contrat  susdit,  d'ailleurs  par 
les  soumissions  du  cardinal  de  Fiirstenberg,  auquel  on  en  attribuoit  la 
principale  faute,  et  enfin  par  les  larmes  de  l'épouse.  Elle  est  d'ailleurs 
fort  aimée  du  Roi  et  de  Mme  de  Maintenon,  et  y  a  contribué  par  la 
bonne*  conduite  qu'elle  a  tenue  depuis  son  mariage,  et  par  tout  l'atta- 
chement pour  son  mari  en  d'aussi  longues  et  fâcheuses  maladies  que 
celles  dont  il  a  été  atteint  depuis,  et  qui  l'ont  obligé  d'essuyer  en  pre- 
mier lieu,  et  à  l'exemple  du  Roi,  la  grande  opération,  comme  on  l'ap- 
pelle, et  ensuite  à  être  taillé  de  la  pierre,  comme  il  l'a  été  heureuse- 
ment. " 


LE  MARQUIS  ET  LA   MARQUISE  D'O. 


XVII 

LE  MARQUIS  ET  LA  MARQUISE  D'O'. 
(Fragment  inédit  de  Saint-Simon  -.) 

«  Nous  avons  vu  gouverneur  de  M.  le  comte  de  Toulouse  un  M.  de 
Villers,  qui,  jeune  et  bien  fait,  officier  de  vaisseau,  montoit  ceux  qui 
ramenèrent  de  Constantinople  Mme  de  Guilleragues  après  la  mort  de 
son  mari,  qui  y  étoit  ambassadeur  et  que  Mme  de  Mainteiion,  sa  bonne 
amie,  y  avoit  fait  envoyer  pour  le  remplumer  :  en  quoi  elle  ne  réus- 
sissoit  pas,  car  c'étoit  un  homme  de  beaucoup  d'esprit,  charmant  dans 
le  commerce,  aimé  de  beaucoup  de  gens  considérables,  mais  un  panier 
percé  que  rien  n'auroit  pu  enrichir.  Il  ne  laissa  qu'une  fille,  assez 
belle,  encore  plus  galante  et  romanesque,  qui  s'éprit  si  bien  du  jeune 
Villers,  et  lui  d'elle,  qu'ils  s'épousèrent  dans  la  traversée,  publique- 
ment, du  consentement  de  la  mère.  Us  arrivèrent;  mais  ni'  chausses 
ni  cotillons  pour  pas  un  des  trois.  Mme  de  Maintenon,  qui  avoit  aussi 
du  romanesque  et  qui  n'avoit  jamais  oublié  qu'elle  avoit  été  galante  et 
quelque  chose  de  plus,  et  qui  a  toujours  aimé  ses  anciens  bons  amis  et 
ce  qui  en  restoit,  prit  soin  d'eux.  Villers  se  dit  de  la  maison  d'O,  en  prit 
le  nom  et  les  armes,  et,  en  peu  de  temps,  fit  le  gros  dos.  Tant  fut  pro- 
cédé, que  Mme  de  Maintenon  le  fit  gouverneur  de  M.  le  comte  de  Tou- 
louse et  le  maître  de  sa  maison.  M.  d'O  devint  dévot  et  important  à 
merveilles,  cachant  son  très  peu  d'esprit  par  un  silence  dédaigneux 
et  une  austérité  apparente.  Sa  femme  prit  tout  un  autre  chemin,  devint 
dame  du  palais  de  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne  à  son  mariage,  et  la 
commode  de  la  jeune  cour  :  grand  dîner  et  grand  souper  tous  les  jours, 
bons  équipages,  feu  et  lumières,  le  tout  aux  dépens  de  M.  le  comte 
de  Toulouse  ;  et  le  mari  parmi  tout  cela,  qui  savoit  l'art  de  ne  rien  voir, 
ni  de  sa  femme,  ni  de  ses  jeunes  poulettes,  et  de  ne  paroître  jamais  mal 
à  propos.  La  dévotion  de  métier  de  l'un  et  la  commodité  publique  de 
la  femme,  outre  ce  qu'elle  se  raccrochoit  parmi  le  subalterne,  faisoit 
un  contraste  le  plus  rare  et  le  plus  plaisant  du  monde,  à  la  face  de 
toute  la  cour,  et  qui  a  duré  en  grande  fleur  jusques  à  la  mort  de 
Mme  la  duchesse  de  Bourgogne,  et  n'a  pas  laissé  d'aller  jusques  à  celle 
du  Roi,  qui  renversa  leurs  escabelles.  Elle  fut  de  ces  trois  ou  quatre 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  197-204,  et  Additions  173  et  174. 

2.  Extrait  de  l'article  de  M.  d'O  de  Manou,  dans  les  Légères  notions 
des  chevaliers  du  Saint-Esprit,  vol.  34  des  Papiers  de  Saint-Simon,  toi. 
78  v". 

3.  Les  mots  mais  ny  sont  en  interligne,  au-dessus  de  tiaylant],  biffé. 


471  APPENDICK    XVII. 

dames  dont,  après  la  mort  de  Mme  la  duchesse  do  Bourgogne,  lors  Dau- 
phiue,  Mme  de  Maintenon  amusa  le  Roi.  Le  mari  avoit  été*  des  trois 
meniiis  de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne.  M.  d'O,  intimement  lié  à  M.  du 
Maine,  porté  par  Mme  de  Maintenon,  et  sa  femme  par  Mme  la  duchesse 
de  Bourgogne,  et  uni  avec  les  Noailies,  lors  en  grand-  faveur,  ne  cou- 
choit^  pas  de  moins  que  d'être  duc  et  pair  et  gouverneur  des  princes 
fils  de  Mgr  le  duc  de  Bourgogne  ;  mais  ce  fut  l'aventure  du  pot  au 
lait  de  la  bonne  femme.  11  n'y  avoit  guère  plus  que  de  la  bienséance 
entre  M.  le  comte  de  Toulouse  et  lui  ;  il  n'étoit  plus  son  Mentor  depuis 
que,  le  lendemain  du  gain  de  sa  bataille  navale,  il  l'avoit  empêché 
d'attaquer  une  seconde  fois  la  fl»tte  battue  et  de  prendre  Gibraltar, 
comme  le  maréchal  d'Estrées,  Relingue,  lieutenant  général  et  son  pre- 
mier écuyer,  qui  mourut  de  ses  blessures,  et  tous  les  principaux  officiers 
de  la  flotte  le  vouloient  ;  mais  il  y  avoit  défense  expresse  du  Roi  de  rien 
faire  sans  l'avis  de  M.  d'O,  lieutenant  général  aussi,  et  qui  l'étoit  devenu, 
de  subalterne,  sans  être  sorti  de  Versailles.  11  n'étoit  donc  plus  le  maî- 
tre de  cette  opulente  maison  ;  Mgr  le  duc  de  Bourgogne,  Mme  la  duchesse 
de  Bourgogne  et  Ipurs  enfants  morts,  excepté  le  Roi'*,  à  qui  le  Roi  pour- 
vut, et  Mme  de  Maintenon,  de  concert  avec  M.  du  Maine  et  pour  son 
intérêt,  d'un  gouverneur  d'un*  autre  poids  que  M.  d'O,  sinon  par  le  mé- 
rite, à  peu  près  égal  pour  la  capacité,  au  moins  pour  les  dignités.  Le 
Roi  mourut^  ensuite,  et  Mme  de  Maintenon  à  Saint-Cyr.  M.  d'O  fut  ré- 
duit à  se  trouver  heureux  d'avoir  la  grand  croix  de  Saint-Louis  de  la 
marine,  et  sa  femme  et  lui  virent  marier  M.  le  comte  de  Toulouse  à 
Mme  de  Gondrin,  sa  compagne  de  dame  du  palais,  et  qui  devint  sa  maî- 
tresse. Elle  est  demeurée  confinée  à  Paris  dans  l'hôtel  de  Toulouse,  fort 
peu  comptée  et  fort  esseulée,  jusques  à  plus  de  quatre-vingts  ans  qu'elle 
est  morte,  depuis  longtemps  sourde  comme  un  pot  et  aimant  toujours 
le  monde.  Le  mari  mourut  fort  avant  elle,  et  leur  fils  unique  bientôt 
après,  leur  belle-fille  aussi,  séparée  du  mari,  plus  galante  et  avec 
moins  de  mesure  ;  elle  étoit  fille  de  Lassay  et  d'une  bâtarde  de  Mon- 
sieur le  Prince  morte  folle.  Une  fille  unique  restée  de  ce  mariage,  fort 
riche  des  millions  acquis  par  Lassay,  son  frère  sans  enfants,  et  fort  belle, 
a  laissé  un  fils  au  fils  du  duc  de  Brancas,  et  n'a  presque  point  paru, 
morte  en  couche.  Mme  d'Espinay,  fille  de  M.  d'O  et  morte  dame  d'a- 
tour  de  Mme  la  duchesse  d'Orléans,  qui,  à  sa  mort,  donna  sa  place  à  sa 
sœur,  a  poussé  M.  de  Clerraont-Gallerande,  son  mari,  qui  n'avoit  rien, 
à  la  place  utile  de  premier  écuyer  de  M.  le  duc  d'Orléans,  son  fils  :  ce 
qui  l'a  fait  chevalier  de  l'Ordre  très  jeune,  en  1734,  par  la  nomination 

1.  Avoit  été  est  en  interligne  au-dessus  d'un   mot  biffé,   probablement 
fid-eiit. 

2.  G^d,  en  abrégé,  sans  accord,  dans  le  manuscrit. 

3.  Voyez  le  Dictionnaire  de  M.  Littré,  Coccher,  8». 

4.  Le  futur  roi  Louis  XV. 

5.  Une,  par  mégarde. 

C.  Les  mots  :  «  Le  Roi  mourut  »,  surchargent  «  M'  d'O  ». 


LK  MAHUIIIS   ET   LA   MARQUISR   D'O.  475 

tolérée  au  premier  prince  du  sang,  el  leur  nièce,  fille  de  Mme  d'Es- 
pinay*,  dame  de  Mme  la  duchesse  d'Orléans,  dont  elle  a  fait  le  beau- 
père,  le  marquis  de  Laval,  puis  le  mari,  son  chevalier  d'honneur,  fort 
peu  propre  à  l'être.  Ainsi  la  seconde  fille  de  M.  [et]  Mme  d'O  a*  re- 
cueilli quelque  fortune  de  l'amour  de  Mme  la  duchesse  d'Orléans  pour 
ce  qu'elle  est  née,  et  toute  celle  qu'elle  a  pu  lui  faire  en  considération 
du  dévouement  de  M.  d'O  à  la  même  passion.  » 

1.  Les  mots  :  «  niepce  fille  de  W  d'Espinay  »,  sont  eu  interligne,  au-dessus 
de  «  fille  est  ». 

2.  A  corrige  ont. 


476  APPENDICE   XVIII. 


XVIII 

LE  MARÉCHAL  DE  BELLEFONDS  ET  SA  FAMILLE'. 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon-.) 

«  Le  M.\RQi:is  DE  Bellefonds.  Il  servit  utilement  en  Normandie,  dans 
le  temps  des  troubles  de  la  minorité  de  Louis  XIV,  puis  en  Catalogne 
et  en  Guyenne,  ayant  le  régiment  de  Champagne,  en  1650  et  51;  et 
bientôt  après,  fait  maréchal  de  camp,  il  défendit  Cognac  et  prit  plusieurs 
places.  Lieutenant  général  en  1655,  il  battit  un  corps  d'ennemis  près 
de  Tournay  en  1659,  commanda  ensuite  un  corps  auxiliaire  de  François 
pour  le  duc  de  Parme,  et  fut  en  Espagne  complimenter  le  roi  Charles  II 
sur  la  mort  du  roi  son  père,  Philippe  IV,  de  la  part  du  Roi 5. 

«  Il  porta  la  queue  du  manteau  du  Roi  à  la  grande  promotion  de  1661, 
aux  Augustins,  à  Paris,  la  dernière  qui  ait  été  faite  dans  toute  la  céré- 
monie :  cette  fonction  lui  donnoit  droit  à  la  première  grande  promotion 
d'après. 

«  A  la  mort  du  marquis  de  Vervins,  en  1663,  il  eut  sa  charge  de 
premier  maître  d'hôtel  du  Roi,  qu'il  revendit  en  [1676]*  à  Sanguin, 
maître  d'hôtel  ordinaire,  père  de  Livry  et  grand-père  de  Livry  d'aujour- 
d'hui, qui  ont  eu  successivement  la  même  charge.  Il  fut  chargé  en  1666 
d'aller  concerter  en  Hollande  la  jonction  de  sa  flotte  avec  celle  de 
France,  et  servit^  sur  le  bord  du  duc  de  Beaufort.  L'année  suivante,  il 
servit  avec  succès  en  Flandres,  y  eut  le  gouvernement  d'Entre-Sambre- 
et-Meuse,  et  continua  d'y  servir  avec  réputation.  Étant  maréchal  de 
France,  fut  ambassadeur  extraordinaire  en  1670,  et,  en  novembre  1673, 
il  eut  le  commandement  de  l'armée  en  Hollande.  Il  commanda  en  1684 
celle  de  Catalogne,  où  son  désastre  devant  Girone,  23  mai,  fut  imputé 
à  son  opiniâtreté.  M.  de  Louvois,  qui  ne  l'aimoit  pas,  s'en  prévalut,  et 
il  n'a  pas  servi  depuis.  Le  Roi,  qui  a  toujours  eu  de  l'amitié  pour  lui, 
lui  donna  en  1680  la  lucrative  charge  de  premier  écuyer  de  Madame  la 
Dauphine,  avec  la  survivance  pour  son  fils  au  mariage  de  Monseigneur. 
Il  avoit  été  exilé  en  1672,  avec  les  maréchaux  de  Créquy  et  d'Humières, 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  209  et  212. 

2.  Extrait  de  l'article  des  Maréchaux  de  France,  dans  le  mémoire  sur  les 
Officiers  de  la  couronne  de  Louis  XIV,  vol.  45  des  Papiers  de  Saint-Simon, 
foi.  150. 

3.  Comparez  l'article  du  maréchal  dans  YHistoirc  (fénéalogique,  tome  VH. 
p.  593-594.  Saint-Simon  le  suit  de  très  près. 

4.  La  date  est  en  blanc  au  manuscrit. 

5.  Ces  deux  dei-niers  mots  sont  ajoutés  en  interligne. 


LE  MARÉCHAL  DE  BELLEFONDS  ET   SA   FAMILLE.    477 

pour  avoir  refusé  d'obéir  à  M.  de  Turenne  et  de  servir  sous  lui*.  Ce 
dernier  avoit  pourtant  deux  titres  sur  eux  :  près  de  trente  ans  d'ancien- 
neté de  maréchal  de  France,  et  le  titre  de  maréchal  général  des  camps 
et  armées  de  France  depuis  douze  ans*.  Jusqu'alors,  les  maréchaux  de 
France  ne  s'obéissoient  point  les  uns  aux  autres  :  lorsqu'ils  se  trou- 
voient  ensemble,  ils  commandoient  l'armée  chacun  leur  jour;  souvent 
l'un  défaisoit  ce  que  l'autre  avoit  commencé,  et  l'inconvénient  de  rouler 
ainsi  ensemble,  en  égalité  entière,  avoit  été  souvent  ruineux.  A  l'égard 
de  l'état  de  maréchal  général  des  camps  et  armées,  il  est  certain  qu'il 
avoit  été  mis  en  faveur  du  maréchal  de  Lesdiguières,  depuis  conné- 
table, comme  un  degré  entre  ce  premier  office  de  la  couronne  et  celui 
de  maréchal  de  France  ;  mais  il  dura  si  peu  dans  M.  de  Lesdiguières, 
qu'il  n'eut  pas  le  loisir  de  le  faire  valoir,  et  M.  de  Turenne,  depuis 
qu'il  l'avoit  obtenu,  n'avoit  point  encore  eu  sous  lui  de  maréchaux  de 
France.  Ces  trois  Messieurs  s'ennuyèrent  de  leur  disgrâce;  ils  capitu- 
lèrent, et  ne  sortirent  d'exil  qu'à  condition  d'en  partir  tous  trois  à  jour 
nommé,  d'aller  directement,  sans  passer  à  Paris  ni  à  la  cour,  trouver 
M.  de  Turenne  dans  son  armée,  d'y  prendre  l'ordre  de  lui,  d'y  rester 
sept  ou  huit  jours.  Ils  l'exécutèrent  tous  trois  de  la  sorte,  et,  en  arri- 
vant, furent  bien  reçus  du  Roi. 

«  Le  maréchal  de  Bellefonds  étoit  homme  d'esprit  et  do  bonne  com- 
pagnie, ayant  passé  sa  vie  à  la  cour  et  dans  le  grand  monde,  ou  à  la 
guerre.  Il  avoit  beaucoup  de  valeur,  presque  autant  d'opiniâtreté,  et  on 
lui  disputoit  les  qualités  de  général.  C'étoit  un  homme  de  figure  fort 
singulière,  fort  grand  et  maigre,  des  épaules  hautes  et  larges,  un  men- 
ton immense,  et,  comme  dit  la  chanson,  mine  indifférente.  Il  étoit 
pauvre,  mal  habile,  dérangé  dans  ses  affaires,  dévot,  et  grand  artiste  de 
remèdes.  Son  iils,  épousant  une  fille  du  duc  Mazarin,  avoit  eu  le  gou- 
vernement du  château  et  capitainerie  de  Vincennes  ;  le  maréchal  y 
habitoit  avec  sa  famille,  et  y  mourut  de  ses  remèdes,  4  décembre  1694, 
à  soixante-quatre  ans,  doyen  des  maréchaux  de  France  ;  il  l'avoit  été 
vingt-six  ans  et  plus,  et  l'avoit  été  avant  trente-huit  ans. 

«  Son  nom  étoit  Gigault^,  connu  seulement  vers  l'an  loOO*.  Ils  eurent 
de  ce  temps-là  la  terre  de  Bellefonds  par  le  mariage  de  Jeanne'*  Grassi- 
gnon.  Le  fils  de  cette  alliance  servit  dans  l'artillerie,  et  le  petit-fils  fut 

1.  Voyez  notre  tome  I,  p.  132. 

2.  Voyez  la  suite  des  Mémoires,  tome  V,  p.  103. 

3.  «  On  sait  en  Normandie  quels  sont  les  Gigaults....  »  {Mémoires,  tome  IV, 
p.  436.)  Nous  avons  dit.  (p.  209,  note  de  note  b)  que  le  maréchal  signait  : 
Gigaut  Bellefont  ;  mais  l'orthographe  du  nom  patronymique  ordinaire- 
ment adoptée  par  les  membres  de  la  famille  et  par  les  généalogistes  est 
Gigault. 

■4.  Histoire  généalogique,  tome  VII,  p.  594-398. 

5.  Les  prénoms,  comme  presque  toujours  dans  ces  articles  où  Saint- 
Simon  paraphrase  VHistoire  généalogique,  sont  indiqués  par  de  simples 
initifdes. 


478  APPENDICE  XVIII. 

un  (les  maîtres  d'hôtel  du  duc  d'Alençon  frère  d'Henri  III,  en  1S74. 
Celui-là  fut  père  de  deux  fils,  et  d'un  troisième  d'un  autre  lit,  qui  fut 
maréchal  de  camp  et  gouverneur  du  Càtelet,  mort  sans  alliance  en  1644. 
De  l'aîné,  quatre  générations,  sans  terres,  sans  alliances,  sans  emplois; 
il  y  a  encore  des  enfants  de  la  dernière  génération,  qui  vivent  dans 
l'obscurité.  Du  second,  Bernardin  Gigault,  vint  la  lignée  dont  on  va 
parler.  On  ne  sait  par  quel  événement  il  parvint  à  épouser  Jeanne  Aux- 
Epaules',  qui,  bien  que  cadette,  hérita  de  l'Ile-Marie;  ce  mariage  se 
fit  en  1607.  Il  en  eut  un  seul  fils,  gouverneur  de  Valognes,  sans  autre 
emploi,  qui  fut  père  du  maréchal  de  Bellefonds.  Bernardin  Gigault  fut 
lieutenant  général  de  Normandie,  et,  outre  ce  fils,  laissa  quatre  filles 
mariées  :  la  première,  à  Charles  Castel,  seigneur  de  Saint-Pierre-Église 
j^ce  sont  les  Saint-Pierre  attachés  à  Mme  la  duchesse  d'Orléans)  ;  la  se- 
conde, à  Pierre  Davy,  seigneur  de  Sorteville;  la  troisième,  à  François 
Cadot,  seigneur  de  Sébeville  ;  la  dernière  est  la  mère  du  maréchal  duc 
de  Villars.  Leur  cousine  germaine,  d'enfants  des  deux  frères,  étoit  la 
célèbre  mère  Agnès,  trente-deux  ans  supérieure  des  Carmélites  de  la 
rue  Saint-Jacques,  à  Paris,  si  consultée,  si  révérée,  si  illustre  par  son 
esprit,  par  son  excellent  jugement,  par  son  savoir,  par  ses  amis,  et 
surtout  par  sa  solide  et  éminente  piété,  morte  24  septembre  -1691,  à 
quatre-vingts  ans,  et  soixante-deux  de  religion. 

«  Le  père  du  maréchal  de  Bellefonds  ne  fut  rien  que  gouverneur  de 
Valognes,  et,  de  Marie  d'Avoynes,  n'eut  que  le  seul  maréchal  de  Belle- 
fonds.  Ce  maréchal  épousa,  en  16oo,  Madeleine  Foucquet,  parente  ob- 
scure du  surintendant  Foucquet,  dont  il  eut  un  fils,  tué  au  combat  de 
Steinkerque,  et  trois  filles,  mariées  :  la  première,  fille  d'honneur  de 
Madame  la  Dauphine,  au  marquis  du  Châtelet  ;  elle  fut  dame  du  palais 
'  de  la  mère  du  Roi  *,  à  son  mariage  ;  son  mari  est  mort  lieutenant  gé- 
néral, gouverneur  et  capitaine  de  Vincennes,  et  son  fils  l'a  eu  par  son 
mariage  avec  la  sœur  du  duc  de  Richelieu  ;  la  seconde,  à  Charles-Fran- 
çois Davy,  seigneur  d'Anfreville,  lieutenant  général  des  armées  na- 
vales ;  la  troisième,  à  Jean-François  du  Fay^,  seigneur  de  Vergetot, 
maréchal  de  camp  ;  et  deux  abbesses,  l'une  de  Montmartre,  l'autre  des 
Bénédictines  de  Conflans. 

«  Le  marquis  de  Bellefonds,  tué  1692,  à  Steinkerque,  laissa  d'une 
fille  du  duc  Mazarin  une  fille,  épouse  de  M.  de  BuUion-Fervacques,  che- 
valier de  l'Ordre,  gouverneur  du  Maine  et  lieutenant  général,  et  un  fils, 
mort  subitement,  20  août  1710,  à  vingt-cinq  ans,  qui,  d'une  Hennequin, 
sœur  d'Ecquevilly  qui  a  les  toiles  pour  le  sanglier,  et  laquelle  est  aussi 
morte  à  vingt-deux  ans,  en  1708,  a   laissé  un  fils*,  qui  a  épousé  sa 

i.  Nous  retrouverons  tout  ce  passage,  depuis  :  «  On  ne  sait....  »,  jusqu'à: 
«  mère  du  maréchal  de  Villars  »,  dans  la  suite  des  Mémoires,  en  1706, 
tome  IV  de  1873,  p.  436. 

"2.  Du  roi  Louis  XV. 

o.  Saint-Simon  écrit  :  Fais. 

•i.  Bernardin-Godcfroy  Gigault,  marquis  de  Bellefonds,  qui  parvint  au  grade 


LE  MARÉCHAL  DE  BELLEFONDS  ET  SA  FAMILLE.  47!3 

cousine,  fille  du  marquis  du  Chàtelet  '.  Il  a  été  pris,  avec  son  régiment, 
à  Dantzick,  et  a  vu  la  cour  de  Russie  '^.  » 


LE  MARÉCHAL  DE  BELLEFONDS,  D'APRÈS  ÉZÉCHIEL  SPANHEHP. 

«  Le  niaré.':hal  de  Bellefonds,  gentilhomme  de  Normandie,  du  nom 
et  famille  de  Gigault,  a  été  un  des  seigneurs  et  officiers  de  la  cour  qui, 
durant  quelques  années,  parut  d'avoir  le  plus  d'ascendant  sur  l'esprit 
du  Roi.  La  charge  de  premier  maître  d'hôtel  de  sa  maison,  qui  l'atta- 
choit  à  un  service  actuel  et  régulier  auprès  de  S.  M.,  lui  donna  lieu  de 
s'insinuer  dans  les  bonnes  grâces  du  Roi  par  les  manières  et  la  con- 
duite d'un  esprit  vif,  droit  et  régulier,  d'un  grand  attachement  à  son 
devoir  et  auprès  de  la  personne  de  S.  M.,  et  d'ailleurs  par  la  réputation 
d'un  homme  fort  entendu  dans  le  métier  de  la  guerre.  Il  quitta  enfin 
cette  charge  de  premier  maître  d'hôtel  pour  une  autre  plus  considérable 
de  premier  écuyer  de  Madame  la  Dauphine,  à  son  arrivée  en  France. 
Cependant  la  conduite  qu'il  tint  dans  la  guerre  passée  de  Hollande,  où 
il  commanda  l'armée  en  place  de  M.  de  Turenne,  à  n'obéir  pas  d'abord 
aux  ordres  du  Roi  pour  l'évacuation  des  places  conquises  dans  les  Pro- 
vinces-Unies, la  disgrâce  qu'elle  lui  attira,  la  dévotion  dans  laquelle 
il  se  jeta  et  qui  contribua  à  le  tenir  plus  longtemps  dans  la  retraite  et 
l'éloignement  de  la  cour,  accoutuma  aussi  le  Roi  à  se  passer  de  lui  :  à 
quoi  se  joignit  le  peu  d'intelligence  entre  ledit  maréchal  et  le  marquis 
de  Louvois,  et  ensuite  le  malheureux  succès  du  siège  de  Girone  en 
Catalogne,  en  1684,  oîi  il  commandoit  l'armée  françoise,  et  ce  qui  con- 
firma l'opinion  qu'on  avoit  déj.à  de  lui  comme  d'un  homme  fort  entier 
dans  ses*  sentiments,  entêté  de  ses  avis,  et  peu  soumis  naturellement 
aux  ordres  de  la  cour  et  aux  volontés  du  ministère  :  ce  qui  a  aussi 
contribué  à  le  tenir  éloigné  jusques  ici  de  l'emploi  dans  la  direction 
des  finances  à  quoi  plusieurs  le  destinoient  depuis  la  mort  de  M.  Col- 
bcrt,  et  même  de  celui  de  chef  du  Conseil  royal,  qu'on  appelle,  oia  il 
se  traite  des  finances,  qui  vint  vacante  par  la  mort  du  maréchal  de 
Villeroy,  et  dont  on  le  jugcoit  plus  capable  à  s'en  acquitter  que  le  duc 
de  Beauvillier,  qui  lui  a  été  préféré,  et  dont  il  a  été  parlé  ci-dessus.  » 

de  maréchal  de  camp  et  eut  le  gouvernement  de  Vincennes,  comme  son  père 
et  son  aïeul.  Il  y  mourut  le  20  janvier  1747,  âgé  de  quarante  et  un  ans. 

1.  Marie-Suzanne-Annande  du  Chàtelet,  morte  le  9  avril  1734,  à  trente- 
neuf  ans. 

2.  M.  de  Bellefonds  commandait  le  régiment  de  la  Marche  dans  cette 
expédition,  où  périt  si  glorieusement  le  cnmte  de  Plélo.  La  capitulation  à 
laquelle  Saint-Simon  fait  allusion  fut  signée  avec  les  Russes  le  28  juin  1734. 

3.  Extrait  de  la  Relation  de  la  cour  de  France  en  1690,  p.  120  du  manu- 
scrit appartenant  à  M.  Ch.  Schefer. 

4.  Dans  le  manuscrit,  ces. 


APPENDICE  XIX. 


XIX 

LA  MARQUISE  DE  GUERCHEVILLE  • . 

(Fragmeat  inédit  de  Saint-Simon-.) 

«  Elle  s'appeloit  Antoinette  de  Pons.  Son  père  étoit  Antoine,  sire  de 
Pons,  comte  de  Marennes,  capitaine  des  cent  gentilshommes  de  la 
4naison  du  Roi,  lieutenant  général  au  gouvernement  de  Saintonge,  che- 
valier de  l'ordre  du  Saint-Esprit  de  la  première  promotion,  mort  1580^, 
et  sa  mère  étoit  Marie  de  Montchenu,  dame  de  Guercheville*.  De  plu- 
sieurs frères  et  sœurs  qu'elle  avoit  eus,  morts  sans  postérité,  il  ne  lui 
resta  que  sa  sœur  aînée,  qui  eut  Marennes  et  la  plupart  des  biens, 
qui  avoit  épousé  Henri,  des  bâtards  d'Albret,  comte  de  Miossens,  cheva- 
lier de  l'Ordre  159o;  et  le  maréchal  d'Albret  fut  leur  petit-fils.  Antoi- 
nette de  Pons  avoit  épousé  en  premières  noces  Henri  de  Silly,  comte 
de  la  Rocheguyon,  chevalier  de  l'Ordre  1583,  mort  1586,  dont  elle  avoit 
eu  un  fils  unique,  qui  fut  grand  louvetier  en  1619,  chevalier  de  l'Ordre 
la  même  année,  duc  à  brevet  1621,  mort  1628,  au  siège  de  la  Rochelle, 
sans  postérité  d'Éléonor''  Goyon,  fille  du  comte  de  Torigny,  fils  du  ma- 
réchal de  Matignon,  et  de  Léonor  de  Longueville  :  par  quoi  la  Roche- 
guyon vint  à  son  frère  utérin  par  leur  mère,  qui,  en  1594,  épousa 
M.  de  Liancourt.  C'étoit  alors  le  fort  des  amours  d'Henri  IV  et  de  Ga- 
brielle  d'Estrées,  qui  s'appeloit  encore  alors  Mme  de  Liencourt,  qui  ne 
fut  démariée  qu'en  1595,  comme  on  levoit  au  titre  d'EsiRÉES,  page  103^, 
et  qui  ne  quitta  ce  nom  qu'alors,  pour  s'appeler  Mme  de  Beaufort.  La 
différence  de  Liancourt  à  Liencourt',  qui  n'en  faisoit  point  dans  la 
prononciation,  ne  put   satisfaire  Antoinette  de  Pons  ;  elle  ne  put  se 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  214. 

2.  Extrait  des  Duchés  et  comtés-pairies  éteints,  article  la  Rocheguyo.n, 
vol.  58  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  129.  Comparez  l'Histoire  généalo- 
gique, tomes  IV,  p.  T6Q,  et  VIII,  p.  173. 

3.  La  mention  de  mort  est  ajoutée  en  interligne. 

4.  Guicrcheville,  dans  le  manuscrit. 

5.  Sic,  au  lieu  de  Catherine-Gilonne. 

6.  Dans  le  même  mémoire  sur  les  Duchés....  éteints,  loi.  120. 

7.  Si  cette  ditîérence  a  existé  autrefois  (au  point  de  vue  étymologique 
elle  n'était  point  fondée),  elle  ne  subsiste  plus  aujourd'hui.  Les  noms  de 
Liancourt-Fosse  (département  de  la  Somme),  où  se  voit  encore  le  château 
de  Gabrielle  d'Estrées,  ou  plutôt  de  M.  d'Amerval,  son  mari,  et  deLiancourt- 
sous-Clermont  (département  de  l'Oise),  où  les  ducs  de  la  Hochefoucauld- 
Liancourt  ont  multiplié  les  fondations  utiles  et  charitables  autour  de  leur 
château  patrimonial    s'orthographient  de  la  même  façon  l'un  et  l'autre. 


LA   MARQUISE   DE  GUERCHEVILLE.  481 

résoudre  à  porter  un  nom  si  semblable  à  celui  de  la  maîtresse  déclarée 
du  Roi.  Quoique  toute-puissante,  elle  lui  en  fit  l'afTront,  pour  n'être 
pas  confondue  avec  elle  par  le  nom,  et  elle  n'épousa  M.  de  Liancourt 
qu'à  condition  expresse  qu'elle  ne  porteroit  jamais  son  nom,  et  qu'elle 
s'appelleroit  la  marquise  de  Guercheville  :  tellement  que  le  mari  et  la 
femme  portèrent  toute  leur  vie  différents  noms,  quoique  vivant  ensemble 
dans  la  plus  parfaite  union.  Cela  montroit  une  fière  et  austère  vertu  : 
aussi  fut-elle  en  cette  dame,  dont  la  beauté  avoit  épris  Henri  IV,  à  qui 
elle  fut  inaccessible,  et  à  qui  elle  répondit  fermement  qu'elle  n'étoit  pas 
d'assez  bonne  maison  pour  être  sa  femme,  mais  qu'elle  étoit  de  trop 
bonne  maison  aussi  pour  être  sa  maîtresse'.  Aussi  disoit-ii  d'elle  que 
c'étoit  la  seule  qui  lui  eût  résisté  ;  et  dès  lors  il  assura  que,  puisqu'elle 
étoit  si  femme  d'honneur,  Mme  de  la  Rocheguyon  en  ce  temps-là,  il  la 
feroit  dame  d'honneur  de  la  Reine;  et  la  fit  en  effet,  lorsqu'il  épousa 
Catherine'*  de  Médicis,  étant  lors  femme  de  M.  de  Liancourt,  et  malgré 
l'affront  qu'elle  avoit  fait  à  sa  maîtresse.  Mme  de  Guercheville  fut, 
dans  cette  place,  la  première  cause  de  la  fortune  du  cardinal  de  Riche- 
lieu :  ses  ouvrages  de  piété  et  de  controverse  le  lui  firent  connoître,  et, 
comme  il  avoit  intérêt  de  plaire  à  une  femme  de  cette  vertu  et  de  cette 
considération,  il  le  voulut,  et  y  réussit  si  bien,  qu'elle  le  produisit  à 
la  Reine,  et  devint  si  bien  sa  protectrice  auprès  d'elle,  qu'elle  le  mit 
dans  ce  degré  de  faveur  et  de  confiance  qui  lui  valut,  par  elle,  tout 
ce  qu'il  fut  depuis.  Elle  ne  courut  point  la  fortune  de  la  Reine,  soit 
qu'elle  se  fût  retirée  d'auprès  d'elle,  ou  qu'elle  eût  cessé  de  la  suivre, 
et  il  ne  paroît  point  qu'elle  ni  son  fils  aient  rien  souffert  du  cardinal 
de  Richelieu  comme  les  personnes  distinguées  par  leur  attachement  à 
cette  princesse  si  mal  conseillée.  Mme  de  Guercheville  vécut  en  grand 
honneur  jusque  dans  un  âge  fort  avancé,  ayant  grand  lieu  d'être  sa- 
tisfaite du  florissant  état  où  elle  laissoit  le  fils  unique  et  la  fille  unique 
qu'elle  avoit  eus  de  M.  de  Liancourt,  et  mourut  à  Paris  le  16  janvier 
1632.  .. 

1.  Depuis  :  «  A  qui  elle  répondit....  »,  tout  ceci  a  été  ajouté  en  interligne. 

2.  Sic,  pour  Marie. 


MliMOIRES    DE   S.41NT-S1M0N.   Ht 


482  APPENDICE  XX. 


XX 


LA  MAISON   D'ALBRET-MIOSSENS, 
LE  MARÉCHAL  D'ALBRET  ET  MADAME  D'HEUDICOURT'. 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon*.) 

«  On  ne  peut  quitter  la  maison  d'Albret  sans  faire  mention  d'une  bâ- 
tardise qui  a  eu  quelque  éclat,  et  de  nos  jours  une  grande  fortune,  dans 
le  sein  de  qui  elle  s'est  éteinte*. 

«  Gilles  d'Albret,  seigneur  de  Castelmorofl,  frère  de  père  et  de  mère 
de  notre  Jeanne  d'Albret,  cause  de  tout  cet  article,  eut  de  Jeanne  du 
Sellier,  sa  maîtresse,  un  bâtard  nommé  Etienne,  dont,  comme  à  bien 
d'autres,  les  bâtardises  firent  la  fortune. 

«  Ce  bâtard  épousa  en  1310  Françoise,  dame  de  Miossens,  de  Gerde- 
rest  et  de  Coaraze,  fille  de  père  et  de  mère  issus  de  bâtards  de  Béarn 
de  la  maison  de  Foix,  et  prit  le  nom  de  baron  de  Miossens,  sous  lequel 
il  fut  sénéchal  de  Foix,  premier  chambellan  de  Jean  d'Albret,  roi  de 
Navarre,  eut  plusieurs  emplois  au  dehors  et  au  dedans  par  cette  petite 
cour,  et  fut  enfin  légitimé  par  François  l",  en  1527,  qui,  par  complai- 
sance pour  la  reine  de  Navarre  sa  sœur,  le  traita  de  cousin  dans  les 
lettres  de  légitimation.  Il  n'eut  qu'un  fils,  qui  fut  lieutenant  général 
d'Henri  d'Albret,  roi  de  Navarre,  en  tous  ses  pays,  et  qui  épousa  Su- 
zanne, gouvernante  de  la  personne  de  notre  roi  Henri  IV  dans  son 
enfance,  fille  de  Pierre,  seigneur  de  Busset,  bâtard  de  [Pierre]''  de 
Bourbon,  évèque  de  Liège.  De  ces  quatre  bâtardises  ainsi  mêlées,  un 
autre  fils  unique,  Henri,  baron  de  Miossens,  grand  terrien,  enseigne 
de  la  compagnie  d'Henri  IV,  lors  roi  de  Navarre,  puis  lieutenant  de  sa 
compagnie  de  deux  cents  hommes  d'armes,  gouverneur  et  sénéchal  de 
Navarre  et  Béarn,  et  enfin  chevalier  du  Saint-Esprit  en  1595.  Il  épousa 
Antoinette,  fille  aînée  et  héritière  d'Antoine,  sire  de  Pons,  chevalier  du 
Saint-Esprit,  et  de  Marie  de  Montchenu,  sa  deuxième  femme,  et  eut 
de  cette  héritière  les  terres  de  Pons  et  de  Marennes.  Le  fils  aîné  de  ce 
mariage  épousa  Anne  de  Pardaillan,  fille  aînée  d'Antoine-Arnaud  de 
Pardaillan,  seigneur  de  Gondrin,  marquis  d'Antin  et  de  Montespan, 


i.  Voyez  ci-dessus,  p.  213-222. 

2.  Extrait  du  mémoire  sur  les  Alliances  directes  des  filles  de  seigneurs 
français  avec  des  seigneurs  et  des  princes  du  sang  de  nos  rois,  vol.  M  des 
Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  241, 

3.  Ce  qui  suit  est  établi  à  l'aide  de  l'Histoire  généalogique,  tome  VI, 
p.  219-221. 

4.  Saint-Simon  a  laissé  le  prénom  en  blanc. 


LA  MAISON  D'ALBRET-MIOSSENS.  483 

chevalier  du  Saint-Esprit  (1619),  premier  capitaine  des  gardes  du  corps 
d'Henri  IV  et  de  Louis  XIII,  etc.  De  ce  mariage  vinrent  plusieurs 
enfants  :  trois  fils  et  six  filles.  L'aîné  mourut  en  1648;  il  laissa  un  fils 
unique  d'Anne  Poussart  du  Vigean,  qui  se  remaria  depuis  au  duc  de 
Richelieu  père  do  celui  d'aujourd'hui,  dont  elle  fut  la  première  femme, 
et  mourut  sans  enfants,  dame  d'honneur  de  Mme  la  Dauphine  de 
Bavière,  après  l'avoir  été  de  la  Reine.  Le  maréchal  d'Albret,  et  M.  de 
Miossens,  qui  fut  tué  en  duel  en  1672,  par  le  comte  de  Saint-Léger- 
Corbon,  sans  enfants  d'Elisabeth  de  Pons  du  Bourg,  morte  13  février 
1714,  à  soixante-dix-huit  ans,  sœur  aînée  de  Mme  d'Heudicourt.  Le 
maréchal  d'.\lbret,  qui,  depuis  la  mort  de  son  aîné,  avoit  pris  le  nom 
de  Miossens,  distingué  de  son  cadet  seulement  par  le  titre  arbitraire  de 
marquis  et  de  comte,  fut  un  homme  d'un  génie  très  propre  à  la  cour. 
Il  étoit  capitaine-lieutenant  des  gendarmes  de  la  garde  lorsque  Monsieur 
le  Prince,  M.  le  prince  de  Conti  et  M.  de  Longueville  furent  arrêtés,  et 
il  eut  la  commission  de  les  conduire  à  Vincennes.  Leur  carrosse  rompit 
en  chemin  ;  il  fallut  mettre  pied  à  terre  :  Monsieur  le  Prince  tenta  tant 
qu'il  put  Miossens  de  le  laisser  échapper;  il  y  résista,  les  remit  tous 
trois  dans  le  donjon  de  Vincennes,  et  en  fit  sa  fortune.  Il  fut  maréchal 
de  France  15  février  1633,  chevalier  du  Saint-Esprit  dernier  dé- 
cembre 1661,  gouverneur  de  Guyenne  novembre  1670,  et  mourut  à 
Bordeaux,  3  septembre  1676,  à  soixante-deux  ans,  le  dernier  de  cette 
bâtardise.  Il  avoit  épousé  en  1645  une  fille  de  Guénegaud,  trésorier  de 
l'Épargne,  dont  il  devint  veuf,  et  en  avoit  eu  une  fille  unique,  qu'il  avoit 
mariée  au  fils  unique  de  son  frère  aîné,  qui  s'appeloit  le  marquis  d'Al- 
bret, lequel,  étant  allé  pour  une  galanterie  au  château  de  Pinon,  en 
Picardie,  y  fut  tué  par  M.  de  Lamet,  seigneur  du  lieu,  6  aoiit  1678, 
sans  enfants.  Sa  veuve,  qui  étoit  aussi  sa  cousine  germaine  héritière, 
fut  dame  du  palais  de  la  Reine,  puis  s'amouracha  du  comte  de  Marsan, 
à  qui,  par  contrat  de  mariage,  elle  donna  tous  ses  biens.  Le  mariage  fut 
stérile,  et  peu  heureux  d'ailleurs.  Elle  mourut,  et  tous  ses  biens  pas- 
sèrent aux  enfants  du  second  mariage  du  comte  de  Marsan  avec  une 
Matignon  veuve,  avec  des  enfants,  de  M.  de  Seignelay  Colbert,  ministre 
et  secrétaire  d'État. 

«  La  maison  d'Albret,  comme  on  vient  de  voir,  étoit  entièrement 
éteinte  dès  1555  :  après  la  mort  d'Henri  IV,  ces  bâtards  Miossens  ne 
craignirent  plus  de  porter  les  armes  pleines  d'Albret,  et,  comme  per- 
sonne n'y  étoit  intéressé,  on  les  laissa  faire.  Leurs  alliances  et  leurs 
richesses  les  avoient  élevés  tellement,  qu'ils  auroient  trouvé  fort  mau- 
vais qu'on  leur  eiit  parlé  de  bâtardise,  le  maréchal  d'Albret  surtout, 
qui  étoit  la  galanterie  et  la  magnificence  mêmes,  extrêmement  poli, 
mais  haut  et  gascon  à  merveilles,  qui  tenoit  un  grand  état  dans  Paris  et 
s'étoit  conservé  à  la  cour  une  considération  très  distinguée.  Sa  maison 
étoit  le  rendez-vous  de  ce  qui  l'étoit  le  plus  en  tout  genre,  même  d'es- 
prit, et  encore  de  beautés,  quoiqu'il  n'eût  plus  de  femmes.  La  trop 
fameuse  Maintenon,  alors  veuve  de  Scarron,  gueuse,  logeant  dans  une 


484  APPENDICE  XX. 

montée  et  vivant  de  ses  grâces  et  de  sa  beauté,  y  fut  introduite  par  ses 
amants.  Elle  y  étoit  sur  tabouret'  derrière  la  porte,  faisant  toutes  les 
petites  commissions  de  toutes  les  compagnies,  dont  les  sonnettes  ont 
depuis  ôté  Timportunité.  Elle  y  fit  beaucoup  de  connoissances  utiles,  à 
quelques-unes  desquelles  elles  l'ont  été  beaucoup  depuis  l'incroyable 
et  l'effroyable  [fortune]  qu'elle  a  faite,  dont  l'hôtel  d'Albret  lui  fraya  le 
chemin;  et  il  faut  dire  à  sa  louange  que,  dans  son  apothéose,  elle  n'a 
jamais  méconnu  les  amis  qu'elle  s'y  étoit  faits,  et  que  le  souvenir  de 
l'hôtel  d'Albret  lui  a  toujours  été  cher  et  considérable. 

«  Le  maréchal  d'Albret  et  M.  de  Montespan  étoient  enfants  du  frère 
et  de  la  sœur.  Ce  dernier  ne  bougeoit  de  chez  le  maréchal,  et  la  trop 
célèbre  beauté  qu'il  avoit  épousée  en  1663  y  étoit  aussi  très  souvent: 
la  Scarron  n'oublia  ni  grâces,  ni  souplesses,  ni  respects,  ni  charmes 
pour  se  rendre  agréable  à  Mme  de  Montespan,  et  elle  y  réussit  si  bien, 
que,  devenue  maîtresse  du  Roi  trop  féconde,  elle  en  confia  les  funestes 
fruits  à  Mme  Scarron,  d'où  elle  sut  monter  sur  le  trône.  Elle  y  fit  donner 
à  M.  et  à  Mme  de  Richelieu  les  emplois  qu'ils  eurent,  et  protégea  celui 
d'aujourd'hui  en  entrant  dans  le  monde,  et  tout  ce  qui  eut  rapport  à 
M.  de  Richelieu.  Il  en  fut  ainsi  de  ses  autres  amis  particuliers  des  bas 
temps  de  sa  vie.  Elle  mèneroit  trop  loin  ici;  il  s'en  trouvera  des  curio- 
sités aux  titres  de  Mortemart  et  de  Noailles*,  plus  naturellement  pla- 
cées qu'en  celui-ci.  La  seule  qui  n'en  peut  être  séparée  est  la  petite 
fortune  de  Mme  d'Heudicourt.  On  a  vu,  à  la  page  précédente,  qu'elle 
étoit  sœur  de  Mme  de  Miossens,  belle-sœur  du  maréchal  d'Albret;  elle 
étoit  parfaitement  belle,  spirituelle,  plaisante,  et  se  refusoit  peu  à  dire 
et  à  faire.  Le  maréchal,  de  chez  qui  elle  ne  bougeoit,  en  étoit  amou- 
reux; elle  n'avoit  rien  vaillant,  et  fut  réduite  à  se  trouver  heureuse 
d'épouser  en  1666  Sublet  d'Heudicourt,  recrépi  de  la  charge  de  grand 
louvetier,  qu'il  acheta  de  M.  de  Saint-Hérem,  capitaine  de  Fontaine- 
bleau. Elle  en  eut  une  tille,  depuis  mariée  à  Montgon  et  dame  du  palais 
de  Mme  la  Dauphine  de  Savoie,  à  son  mariage,  non  sans  grand  scan- 
dale. Mme  d'Heudicourt,  initiée  auprès  de  Mme  de  Montespan  par  son 
amie  la  Scarron  et  par  le  maréchal  d'Albret,  qui,  en  courtisan  rompu 
et  corrompu,  avoit  abandonné  M.  de  Montespan  pour  elle,  la  fut  aussi 
dans  le  secret  de  la  nourriture  faite  par  la  Scarron,  qui  prit  sa  fille, 
depuis  Mme  de  Montgon,  pour  l'élever  avec  M.  du  Maine  et  Madame  la 
Duchesse;  et  de  là  la  fortune  de  la  mère  et  de  la  fille.  Mais,  pour  le 
présent,  c'est  assez  de  curiosité'.  » 

i.  Sic,  sans  un. 

2.  Saint-Simon  n'a  pas  continué  jusqu'à  ces  deux  titres  son  mémoire  sur 
les  Duchés-pairies  existants. 

3.  Saint-Simon  avait  précédemment,  dans  le  chapitre  des  Grands  Louve- 
tiers,  consacré  aux  d'Heudicourt  un  article  beaucoup  plus  long,  qui  trou- 
vera sa  place  à  l'année  1709  (tome  VI  de  1873,  p.  245-249). 


CORRESPONDANCE  DU   MARQUIS   D'HARCOURT.    485 


XXI 

CORRESPONDANCE  DU  MARQUIS  D'HARCOURT 
AVEC  LE  MARÉCHAL  DE  CHOISEUL^ 

Lettre  du  maréchal  de  Choiseul  au  Roi. 

«  Au  camp  de  Lacken*,  le  13  septembre  1696. 
«  Sire, 

«  L'extrait  de  plusieurs  lettres  de  M.  d'Harcourt  que  Votre  Majesté 
trouvera  ci-joint  avec  mes  apostilles,  sont  s,  je  crois,  suffisants  pour 
répondre  à  la  lettre  du  9  de  ce  mois  que  votre  courrier  m'a  rendue. 
Elle  verra  que  je  n'ai  pu  ni  dû  imposer  à  M.  d'Harcourt,  mais  seule- 
ment de  lui  représenter*  les  conséquences,  s'il  manquoit  à  me  joindre 
incessamment  pour  songer  au  capital,  qui  est  Philipsbourg.  S'il  avoit 
été  tout  à  fait  à  mes  ordres,  et  que  j'en  eus^  été  informé  à  temps, 
j'aurois  pu  prendre  des  partis  plus  hardis;  mais,  Sire,  je  n'en  pouvois 
prendre  d'antres.  Votre  Majesté  m'ayant  ordonné  de  jeter  huit  de  mes 
meilleurs  bataillons  dans  Philipsbourg,  et  M.  d'Harcourt  me  mandant 
que  son  parti  étoit  pris,  je  ne  pouvois  donc,  en  lui  faisant  part  de 
toutes  mes  nouvelles,  que  l'exciter  à  faire  diligence  pour  me  joindre; 
mais,  ses  considérations  l'ayant  empêché  de  le  faire  aussi  tôt  que  je 
l'aurois  désiré,  il  m'a  fallu  le  joindre  par  Spire,  pour  ne  point  exposer 
une  arrière-garde,  si  toutes  les  forces  ennemies  étoient  venues  tomber 
sur  moi,  comme  ils®  étoient  à  portée  de  faire  en  forçant  une  marche.  Il 
est  si  vrai,  Sire,  que  mon  dessein  étoit  de  marcher  en  avant,  que 
M.  l'intendant  peut  assurer  Votre  Majesté  que  je  lui  avois  demandé 
plusieurs  chariots  pour  porter  notre  subsistance.  Après  cela.  Votre 
Majesté  me  permettra  de  lui  dire  que  je  suis  le  plus  affligé  homme  de 
son  royaume  de  voir  qu'elle  me  croit  capable  de  foiblesse  quand  il 
s'agit  de  mon  honneur  et  de  la  gloire  de  ses  armes.  Je  suis,  avec  un 
très  profond  respect, 
«  Sire, 

«  De  Votre  Majesté, 

«  Le  très  humble,  très  obéissant  et  très  soumis 
serviteur  et  sujet. 

«  Le  maréchal  de  Choiseul.  » 

1.  Dépôt  de  la  guerre,  vol.  1367,  n"  24  et  25. —Voyez  ci-dessus,  p.  249-250. 

2.  Ainsi,  pour  Lackheim. 

3.  4,  5  et  6.  Nous  n'avons  pas  besoin  d'avertir  que  toutes  ces  méprises 
et  irrégularités  grammaticales  sont  bien  dans  le  texte. 


486 


APPENDICE  XXI. 


Extrait  de 


liisieurs  lettres  écrites  par  M.  le  marquis  d'Harcourt 
à  M.  le  maréchal  de  Choiseul. 


«  Par  sa  première,  qui  est  du 
48  du  mois  d'août,  datée  du  camp 
de  Gouy,  il  lui  mande  qu'il  croit 
être  obligé  de  lui  donner  avis  qu'il 
est  en  mouvement  pour  marcher 
toujours  à  la  hauteur  de  l'armée 
du  Landgrave,  et  qu'il  espère  qu'il 
lui  donnera  de  ses  nouvelles. 

"  Par  la  seconde,  du  camp  de 
Rhouen,  du  2o  dudit,  il  mande 
qu'il  a  trouvé  à  se  porter  avanta- 
geusement pour  attendre  les  en- 
nemis et  couvrir  Kirn,  qu'il  avoit 
trouvé  en  trop  bon  état  pour  être 
attaqué  ;  au  surplus,  qu'il  ne  peut 
encore  rien  mander  du  dessein  et 
de  la  marche  des  ennemis,  mais  que, 
si  les  Hessois  songeoient  à  marcher 
du  côté  de  Mayence,  par  deçà  du 
Rhin,  qu'ils  y  trouveroient  d'assez 
grandes  difficultés,  à  cause  du  pas- 
sage des  montagnes,  et  parce  que 
même  je  pourrois  m'opposer  à  leur 
jonction  en  m'approchant  à  mesure 
de  leurs  marches ,  et  lui  me  joi- 
gnant au  rendez-vous  que  je  pour- 
rois  lui  donner. 

«  La  troisième  lettre  est  du 
camp  de  Rhouen,  du  27  dudit 
mois;  il  me  fait  part  des  mouve- 
ments des  Hessois,  et  me  dit  qu'il 
faut  laisser  passer  à  M.  de  Hesse 
le  bois  de  Lône,  et  que  nous  au- 
rons le  loisir  de  voir  de  quel  côté 
il  aura  dessein  de  marcher  :  que  si 
c'est  du  sien,  que  son  parti  est 
déjà  pris  de  manière  qu'ils  ne 
pourront  rien  entreprendre  sur 
Mont-Royal,  sur  Kirn,  ni  sur  lui  ; 
qu'il  ne  reste  plus  à  prendre  de 
précautions  que  pour  Ebernbourg, 
et  que,  comme  il  se  pourroit  faire 
que  le  Landgrave   se  présenteroit 


«  Par  cette  première  lettre,  il  ne 
paroît  point  du  tout  que  M.  d'Har- 
court  soit  à  mes  ordres,  la  cour 
d'ailleurs  ne  m'en  ayant  rien 
mandé. 


«  Celle-ci  à  côté  ne  me  dit  rien 
de  plus,  si  ce  n'est  que  M.  d'Har- 
court  me  propose  de  marcher  en 
avant  ;  et  pour  lors  les  ennemis 
n'étoient  pas  déterminés  par  en 
bas,  et  avoient  des  ponts  prêts 
au-dessus  et  au-dessous  de  moi. 
J'avois  ordre  de  jeter  huit  de  mes 
meilleurs  bataillons  dans  Philips- 
bourg,  et  S.  M.  sait  que  les  autres 
ne  sont  pas  trop  bons. 


«  Cette  troisième  marque  que 
M.  d'Harcourt  a  pris  son  parti  ; 
donc  je  n'ai  rien  à  lui  ordonner, 
et  son  armée  ne  peut  être  réputée 
que  comme  troupes  auxiliaires. 


CORRESPONDANCE  DU  MARQUIS  D'HARCOURT.   487 


devant  M.  d'Harcourt  et  devant 
Kirn  pour  l'empêcher  de  se  porter 
sur  Ebernbourg,  le  prince  Louis  y 
arrivant  de  son  côté,  il  lui  seroit 
impossible  de  marcher;  mais  qu'il 
est  persuadé  que  je  tiendrai  le 
prince  Louis  de  si  près  qu'il  ne 
lui  sera  pas  facile  de  faire  cette 
démarche  devant  moi;  que  si,  d'un 
autre  côté,  le  Landgrave  se  met  à 
portée  de  joindre  le  prince  Louis, 
pour  marcher  ensemble  dans  la 
vallée  du  Rhin,  qu'il  se  mettra  en 
même  temps  en  état  de  me  join- 
dre lorsque  je  le  jugerai  à  propos. 

«  Par  une  autre,  dudit  jour  27, 
au  soir,  datée  de  Kirn,  M.  d'Har- 
court me  confirme  ce  qu'il  m'a 
mandé,  et  répète  que  si  le  Land- 
grave joint  les  alliés,  qu'il  faut  que 
ce  soit  de  moi  qu'il  sache  par  où 
doit  être  notre  communication  ; 
qu'il  se  préparera  à  exécuter  ce 
que  je  lui  manderai  ;  qu'il  lui  au- 
roit  semblé  que,  si  je  me  fus  (sic) 
avancé  à  Niederolm  avec  l'armée, 
les  ennemis  n'auroient  pu  débou- 
cher de  Mayence,  et  que  notre  com- 
munication auroit  été  aisée,  et  celle 
des  ennemis  impraticable. 

«  Par  sa  lettre  du  28  dudit 
mois,  écrite  de  la  hauteur  de  So- 
drenheim,  >I.  d'Harcourt  me  mar- 
que qu'il  vient  d'examiner  le  pays 
aux  environs  d'Ebernbourg ,  et 
qu'il  lui  paroît,  soit  qu'il  me  joi- 
gne, soit  qu'il  ne  me  joigne  pas,  que 
le  secours  de  ce  château  est  fort 
difficile,  et  me  donne  là-dessus  de 
bonnes  raisons,  autant  qu'on  en 
peut  juger  de  loin. 

"  Par  celle  du  5  septembre,  datée 
du  camp  de  Kervillers,  M.  d'Har- 
court me  mande  qu'il  se  trouvera 
le  lendemain,  6,  à  Neustadt,  oia  je 
lui  avois  donné  rendez-vous.  » 


«  Il  répète  la  même  chose,  si 
ce  n'est  qu'il  me  demande  enfin 
oià  pourra  être  notre  communica- 
tion, en  cas  que  les  ennemis  se 
joignent.  Je  l'ai  pressé  de  me  venir 
joindre  en  tant  qu'il  le  pourroit, 
et  j'ai  bien  fait.  Il  me  propose  de 
m'avancer  à  Niederolm,  et  ne  voit 
pas  que,  les  ennemis  étant  joints, 
notre  jonction  ne  peut  plus  se 
faire  que  par  le  derrière  des  mon- 
tagnes. 


«  J'avois  raison  d'aller  au  certain 
et  de  couvrir  Philipsbourg,  puisque 
M.  le  marquis  d'Harcourt  ne  sait 
si,  étant  joints  ensemble,  nous 
pourrions  sauver  Ebernbourg. 


«  n  n'y  avoit  que  la  tête  de  l'ar- 
mée de  M.  d'Harcourt  arrivée  le  5; 
le  reste  n'arriva  que  le  lendemain. 
Ainsi  je  ne  pouvois  mieux  faire  que 
de  marcher  comme  j'ai  fait.  >> 


488  APPENDICE  XXfl. 


XXII 

NICOLAS  DE  FRÉMONT*. 

Ce  que  nous  avons  dit  dans  le  tome  II,  p.  262,  note  o,  p.  263,  note  2, 
et  p.  26o,  note  6,  des  origines  de  la  famille  de  Frémont,  ne  repo- 
sait pas  uniquement  sur  des  on-dit  recueillis  avec  plus  ou  moins  de 
complaisance  par  Bussy-Rabutin.  Pour  plus  de  sécurité,  nous  avons 
procédé  à  un  nouvel  examen  des  pièces  conservées  au  Cabinet  des  ma- 
nuscrits, ce  qui  nous  permet  de  rectifier  les  premiers  degrés  des  gé- 
néalogies données  par  d'Hozier*  et  par  la  Chenaye  des  Bois',  ou  d'y 
ajouter  les  notions  que  ces  deux  auteurs  ont  dû  omettre  à  dessein. 

Une  note  de  d'Hozier  de  Sérigny  et  plusieurs  tableaux  qui  se  trouvent 
dans  le  dossier  Frémoxt,  au  Cabinet  des  titres,  font  connaître  que  le 
nom  originaire  de  la  famille,  Loue'',  fut  changé  en  lool,  contre  celui 
du  petit  fief  de  Frémont,  au  profit  de  Guillaume  Loue,  receveur  de  la 
seigneurie  de  Lintot.  D'Hozier  père,  dans  un  rapport  sur  l'origine  des 
maîtres  des  requêtes  qui  a  pour  ainsi  dire  le  caractère  d'une  pièce 
officielle,  et  qui,  en  tout  cas,  présente  les  meilleures  garanties  de  sin- 
cérité^, s'exprime  ainsi  à  l'article  de  M.  Frémont  d'Auneuil,  oncle  de 
Mme  de  Saint-Simon  :  «  Il  est  frère  de  la  maréchale  de  Lorge,  et  son 
père,  appelé  Nicolas  Loie  (sic)  de  Frémont,  après  avoir  commencé  par 
les  plus  petites  commissions  dans  les  aides,  devint  fermier  général  des 
gabelles,  puis  grand  audiencier  de  France  et  garde  du  Trésor  royal.  Il 
étoit  fils  d'un  huissier  du  parlement  de  Rouen,  dont  le  père  étoit  avocat, 
mort  sans  bien^.  » 

La  mère  de  Nicolas  de  Frémont,  qui  s'appelait  Baduel,  était  grand'tante 
de  Mme  Catelan  '  :  ce  qui  explique  comment  Frémont  débuta  par  être 
commis  chez  le  financier  de  ce  nom,  et  comment  même  il  épousa  sa 
fille  en  premières  noces.  De  ce  côté  donc,  et  quoique  Mme  de  Lorge  ne 
fût  pas  issue  du  même  lit,  Saint-Simon  se  trouva  apparenté  aux  Cate- 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  250. 

2.  Registre  IV  de  VArmorial  général. 

3.  Dictionnaire  de  la  Noblesse,  tome  VI,  p.  671. 

4.  Ou  Loie  et  Loije,  comme  nous  l'avons  dit  au  tome  II,  p.  263,  note  4. 

5.  Il  fut  fait  vers  1706,  par  ordre  de  Chamillart,  pour  l'instruction  du 
Roi  et  de  Mme  de  Maintenon. 

6.  Ms.  Clairambault  648,  p.  369.  Le  grand-père,  nommé  Robert,  était  aussi 
huissier  au  même  parlement,  en  1374.  En  1421,  un  Raoul  de  Frémont  était 
geôlier  des  prisons  royales  de  Montivilliers. 

".  La  mère  de  Théophile  Catelan  de  Sablonnières,  capitaine  du  bois  de 
Boulogne. 


NICOLAS  DE  FRÉMONT.  489 

lan*,  comme,  du  côté  de  Mme  de  Frémont,  il  l'étoit  aux  Damond,aux 
Douilly,  et,  par  ceux-ci,  aux  Berthelot,  ces  «  bas  financiers,  »  d'un 
«  nom  si  viP.  » 

Robert  de  Frémont,  sieur  de  Gressy,  frère  de  Nicolas,  fut  reçu,  le 
10  février  1656,  receveur  général  et  payeur  ancien  des  rentes  sur  les 
entrées  de  Paris,  et  receveur  des  consignations  et  greffier  des  imma- 
tricules, etc.  dépendant  desdites  rentes.  Comme  son  aîné,  et  pour  s'as- 
surer aussi  la  noblesse,  il  acquit  une  charge  de  secrétaire  du  Roi,  dans 
laquelle  il  parvint  à  l'honorariat  le  16  octobre  168'2.  Ce  Robert  eut 
d'Anne-Thérèse  Cherouvrier  une  fille  nommée  Anne-Geneviève,  qui 
épousa,  par  contrat  du  17  février  1689,  Messire  Pierre  Pollalion,  che- 
valier, seigneur  de  Launay*. 

Quant  à  Mme  de  Frémont,  elle  aussi  devait  sa  noblesse  à  une  charge  de 
secrétaire  du  Roi  possédée,  de  1620  à  1647,  par  son  père,  Claude  Damond*. 

Nous  avons  dit^,  en  opposition  avec  Saint-Simon,  qui  qualifie  le 
grand-père  de  sa  femme  «  d'homme  le  plus  riche  de  France,  »  que 
Nicolas  de  Frémont  laissa  une  fortune  très  diminuée  et  très  embarras- 
sée. Cette  situation  remontait  assez  loin,  au  temps  même  de  Colbert  et 
à  l'époque  où  Mlle  de  Frémont  eut  l'honneur  d'épouser  le  maréchal  de 
Lorge".  En  1682,  Frémont  ne  put  se  tirer  d'affaire  que  moyennant  une 
somme  de  quatre  millions',  et  ce  fut  probablement  pour  assurer  cer- 
taines parties  de  ses  biens  contre  des  éventualités  menaçantes  qu'il  mul- 
tiplia depuis  lors  les  donations  à  .sa  femme  et  à  ses  enfants.  Ainsi  (et 
nous  ne  connaissons  qu'un  petit  nombre  d'actes),  quand  M.  de  Lorge  se 
maria  avec  la  fille  de  Frémont,  outre  la  dot  de  six  cent  mille  livres 
portée  par  le  contrat  du  19  mars  1676  (Ogier  et  le  Vasseur,  notaires), 
le  père  et  la  mère  de  la  mariée  s'étaient  engagés  à  loger  les  nouveaux 
époux  pendant  dix  ans  dans  leur  hôtel  de  la  rue  Neuve-Saint-Au- 
gustin, avec  train  et  équipage,  et,  ce  temps  passé,  à  leur  céder  l'hôtel 
ou  payer  cent  cinquante  mille  livres,  et,  en  outre,  à  les  nourrir  toute 
leur  vie,  ou  bien  payer  douze  mille  livres  par  an.  Conformément  à  ces 
stipulations,  le  9  avril  1687,  ils  abandonnèrent  à  M.  et  Mme  de  Lorge 

1.  Voyez  une  note  de  Clairambault,  dans  le  dossier  Frémont,  fol.  8. 

2.  Mémoires,  tomes  IV,  p.  446,  et  XVI,  p.  316.  Bien  entendu,  ces  parents  no 
figurèrent  pas  aux  mariages  de  1696,  ou  du  moins  leurs  noms  ne  furent  pas 
portés  dans  les  contrats,  à  côté  de  la  brillante  parenté  des  Durfoit  de  Lorge. 

3.  Arch.  nat.,  Y  234,  fol.  418.  —  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  y  eût  aucune 
parenté  entre  ces  Frémont  et  le  banquier  du  même  nom  (ou  peut-être 
plutôt  Fromont)  qui,  sous  Colbert,  faisait  toutes  les  affaires  de  la  cour  en 
Pologne  {Mémoires  de  Pomponne,  tome  II,  p.  467),  ou  l'écrivain  protestant 
Nicolas  Frémont,  dit  d'Ablancourt. 

4.  Laine,  Dictionnaire  véridique  des  origines  des  familles  nobles,  tome  I, 
p.  278.  Voyez  notre  tome  II,  p.  267,  note  2. 

5.  Tome  II,  p.  263,  note  2. 

6.  Le  Livre  commode,  édition  Éd.  Fournier,  tome  I,  p.  28  et  note  I. 

7.  Lettres  historiques  et  anecdoliques,  10  et  17  avril  et  8  mai  1682. 


490  APPENDICE  XXII. 

non  seulement  l'hôtel  et  sa  basse-cour',  mais  la  maison  contiguë  où 
ils  demeuraient  eux-mêmes,  et  dont  ils  gardèrent  seulement  l'usufruit, 
les  deux  jardins,  un  terrain  attenant  pour  bâtir,  l'hôtel  qu'ils  possé- 
daient à  Saint-Germain-en-Laye,  rue  de  la  Reine,  la  terre  d'Argueil, 
en  Normandie'^,  et  celles  de  Saint-Lucien  et  de  Bois-le-Borgne,  sises  à 
Gourna}'.  Trois  jours  plus  tard,  le  12  avril,  comme  compensation  aux 
avantages  qui  venaient  d'être  assurés  par  les  Frémont  à  leur  fille  et  à 
ses  enfants,  ils  donnèrent  à  M.  d'Auteuil,  leur  fils,  une  maison  qu'ils 
venaient  d'acquérir  en  face  de  leur  hôtel,  dans  la  même  rue  Neuve- 
Saint-Augustin,  leur  marquisat  de  Rosay  et  d'autres  terres*;  puis,  en 
■1689,  les  seigneuries  d'Auneuil  (où  ils  avaient  un  château  et  douze 
raille  livres  de  revenu),  d'Argueil,  de  Dominois,  etc.,  et  nous  les  voyons 
encore,  le  30  avril  1692,  délaisser  à  M.  et  Mme  de  Lorge,  en  place 
des  terres  d'Argueil,  de  Bois-le-Borgne  et  de  Saint-Lucien,  celles  de 
Boisséguin  et  l'Isle,  près  de  Civray,  en  Poitou.  Quelques  jours  aupara- 
vant, le  23  avril,  Frémont  avait  assuré  à  sa  femme  et  à  son  fils  une 
somme  de  cent  cinquante  mille  livres  à  prélever  par  chacun  d'eux  au 
jour  de  sa  mort.  Le  2  mai  suivant,  il  donna  à  M.  et  Mme  de  Lorge  : 
1°  les  bâtiments  faits  aux  frais  de  M.  et  de  Mme  de  Frémont  dans 
l'hôtel  de  Lorge,  à  Versailles  ;  2°  la  moitié  des  eaux  et  fontaines  ac- 
quises par  eux  de  l'hôtel  de  Grancey,  pour  le  service  de  leur  hôtel  de 
la  rue  Neuve-Saint-Augustin  ;  3°  la  moitié  de  la  chapelle  et  du  banc 
qu'ils  possédaient  dans  l'église  Saint-Roch  ;  et  ils  assurèrent  encore  à 
leur  fils  des  avantages  équivalents". 

En  1693,  aux  approches  du  mariage  de  Mlle  de  Lorge  avec  Saint- 
Simon,  M.  de  Frémont  donna  aux  parents  une  somme  de  cent  mille 
livres  à  prendre  à  son  décès,  ce  qui  servit  à  parfaire  la  dot  de  la  fu- 
ture duchesse®;  mais,  quatre  jours  auparavant,  par  acte  du  1"  avril, 

1.  Selon  les  Anciennes  maisons  de  Paris,  par  M.  Lefeuve,  tome  III, 
p.  244,  le  maréchal  de  Lorge  acheta  de  la  Ville,  le  10  juin  1688,  le  terrain 
triangulaire  où  était  placée  l'ancienne  porte  Gaillon.  Germain  Brice,  dans 
sa  description  de  Paris  (édit.  l'S'i,  tome  I,  p.  389-390),  dit  que  Fromont 
(sic)  avait  beaucoup  dépensé  dans  son  hôtel,  mais  que  le  maréchal,  «  ayant 
acquis  cet  hôtel,  »  y  fit  construire  un  corps  de  logis  d'entrée,  sur  les  des- 
sins de  Hardouin-Mansart.  «  L'on  en  estime  fort  la  porte,  ajoute-t-il,  qui 
est  d'une  proportion  élégante,  et  le  reste  du  bâtiment  est  décoré  avec  la 
même  sagesse  et  le  même  bon  goût.  Le  grand  péristyle,  au  rez-de-chaussée, 
qui  donne  entrée  dans  la  seconde  cour,  et  qui  précède  en  même  temps 
l'escalier,  annonce  une  maison  digne  de  loger  un  prince.  »  Nous  avons  déjà 
parlé  de  cet  hôtel  au  tome  II,  p.  2'"2. 

2.  Aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de  Neufchàtel, 
avec  un  château  ancien,  entouré  d'un  parc  magnifique. 

3.  Arch.  nat.,  registre  des  Publications  Y  31,  fol.  128.  —  i.  Ibidem,  fol.  199. 

5.  Arch.  nat.,  registres  des  Insinuations  Y  259,  fol.  394  v°  et  421;  260, 
fol.  129  et  347  v»;  267,  fol.  418. 

6.  Voyez  notre  tome  II,  p.  272,  note  1,  et  p.  273,  note  2.  Le  texte  de 
cette  donation  se  trouve  dans  le  registre  Y  265,  fol.  202. 


NICOLAS  DE  FRÉMONT.  491 

M.  d'Auneuil  s'était  fait  faire  une  donation  égale  à  celle  que  sa  sœur 
avait  reçue  en  1692  •. 

Enfin,  lorsque  Lauzun  épousa  la  seconde  fille  de  M.  de  Lorge,  la  dot  se 
composa  pour  trois  quarts  d'une  promesse  de  trois  cent  mille  livres  à 
toucher  au  décès  de  Frémont^;  mais,  disent  les  Annales  de  la  cour^, 
«  M.  de  Frémont....  étant  venu  à  mourir  quelque  temps  après,  M.  de 
Lauzun  fut  tout  étonné  de  voir  que  M.  d'Auneuil,  son  fils,  renonça  à 
sa  succession,  aussi  bien  que  la  maréchale  sa  fille,...  sa  veuve  ayant 
renoncé  pareillement  à  la  communauté  de  son  mari.  »  En  effet,  il  n'y 
eut  qu'une  petite-fille  du  frère  de  Frémont,  Mlle  de  Pollalion,  qui  se 
porta  héritière  bénéficiaire,  et,  pour  leur  compte  personnel,  trouvant 
la  succession  «  plus  véreuse  que  profitable,  »  M.  et  Mme  de  Saint- 
Simon  déclarèrent  y  renoncer  par  acte  du  24  décembre  1697.  Ce  fut 
comme  créanciers  qu'ils  reçurent,  le  20  janvier  suivant,  les  cent  mille 
livres  assurées  par  leur  contrat  de  mariage.  Ils  prirent  part  aussi  à  la 
distribution  de  l'actif  de  la  succession  ;  car  nous  voyons,  à  la  date  du 
10  avril  1698,  une  assemblée  de  parents,  composée  de  trois  cousins  du 
duc  de  Saint-Simon,  les  marquis  de  Saint-Simon  (Eustache-Titus),  de 
Sandricourt  et  de  Mailly-Nesie,  du  duc  de  Duras,  oncle  de  la  duchesse, 
et  de  trois  de  ses  cousins,  le  prince  de  Talmond,  le  duc  de  la  Meille- 
raye  et  M.  de  Montgomery,  désigner  l'ancien  gouverneur  de  Saint- 
Simon,  René  de  Gogué  Saint-Jean,  pour  recevoir  une  partie  du  rem- 
boursement de  la  charge  de  garde  du  Trésor  royal  vendue  par  Frémont 
en  1694 ^ 

M.  d'Auneuil  avait  déjà  passé  une  transaction  avec  Mme  de  Frémont, 
le  12  avril  1697^  :  Lauzun  «  se  vit  obligé....  d'intenter  procès  contre  la 
veuve  et  contre  son  fils  ;  car,  pour  ce  qui  étoit  de  son  beau-père  et  de 
sa  belle-mère,  il  ne  leur  pouvoit  rien  demander,  parce  qu'ils  n'avoient 
pas  même  signé  à  la  donation  que  le  grand-père  de  sa  femme  lui  avoit 
faite  en  faveur  de  son  mariage —  Frémont  lui  avoit  encore  promis,  outre 
ces  cent  mille  écus,  dont  il  lui  avoit  payé  l'intérêt  tant  qu'il  avoit  vécu, 
comme  d'une  chose  qui  lui  étoit  déjà  acquise,  cent  autres  mille  francs 
à  prendre  sur  tous  ses  biens....  L'affaire  fut  portée  aux  requêtes  du 
Palais,  à  cause  de  la  qualité  des  parties,  qui  avoient  droit  de  commit- 
timm....  Cependant,  outré  plus  qu'on  ne  sauroit  dire  du  procédé  de 
Mme  de  Frémont  et  de  M.  d'Auneuil,   dans  lequel  il  faisoit  entrer  le 

1.  Registre  Y  267,  fol.  418.  — Voyez  aussi  les  pièces  imprimées  réunies 
dans  le  dossier  Duras  des  Pièces  originales,  vol.  1043,  n°'  164-174. 

2.  Voyez  tome  II,  p.  "278,  note  4. 

3.  Édition  de  1739,  tome  I,  p.  211-214. 

4.  Ces  actes  sont  conservés  dans  le  minutier  de  M'  Galin,  notaire. 

5.  Bibl.  nat.,  Pièces  originales,  vol.  1242,  Frémont,  n"  13.  On  voit,  par 
cet  acte,  que  M.  d'Auneuil  avait  droit  à  prélever  sur  l'actif  de  la  succession, 
ou  sur  le  bien  de  sa  mère,  une  somme  totale  de  sept  cent  quatre-vingt- 
huit  mille  livres,  comme  équivalent  des  avantages  faits  à  sa  sœur  et  à  ses 
nièces. 


492  APPENDICE  XXII. 

maréchal  et  la  maréchale  de  Lorge,  il  défendit  à  sa  femme  de  les  voir 
ni  les  uns  ni  les  autres.  Cela  fut  fâcheux  à  cette  dame,  aussi  bien  qu'à 
la  maréchale,  qui  aimoit  sa  fille  tendrement'....  »  Lauzun  commença 
par  demander  que  son  instance  fût  portée  devant  la  Cour  des  aides, 
comme  la  seule  juridiction  pouvant  connaître  des  affaires  des  traitants 
et  des  financiers;  mais,  sur  ces  entrefaites,  un  des  anciens  commis  de 
Frémont  alla  aviser  le  contrôleur  général  Pontchartrain  que  le  défunt 
l'avait  employé  à  cacher  une  somme  de  quarante  millions  dans  les 
caves  d'un  château  acheté  par  lui  en  Normandie,  sans  doute  Argueil. 
Des  fouilles  furent  entreprises  sous  la  direction  de  l'intendant  de  la 
province  ;  elles  ne  produisirent  rien.  Le  donneur  d'avis  fut  mis  pour 
quelque  temps  en  prison,  et  Lauzun,  qui  avait  compté  sur  sa  part  du 
trésor,  reprit  avec  une  nouvelle  ardeur  ses  poursuites  contre  Mme  de 
Frémont  et  M.  d'Auneuil,  qu'il  n'accusait  de  rien  moins  que  d'avoir 
dissimulé  les  effets  de  la  succession.  «  Toute  la  cour  et  tout  Paris  sol- 
licitoit  pour  les  uns  ou  pour  les  autres,  et,  quoique  le  maréchal  et  la 
maréchale  de  Lorge  parussent  ne  point  prendre  de  part  à  cette  affaire, 
dans  laquelle  il  sembloit  que,  s'ils  se  fussent  déclarés,  ce  devoit  être 
plutôt  pour  leur  gendre  et  pour  leur  fille  que  pour  Mme  de  Frémont 
et  pour  son  fils,  néanmoins  ils  agirent  sous  mains  (sic)  pour  ceux-ci.  Ils 
considérèrent  qu'outre  que  la  mémoire  du  défunt  leur  devoit  être  chère, 
non  seulement  à  cause  qu'il  avoit  donné  la  vie  à  la  maréchale,  mais 
encore  parce  que,  devant  et  après  leur  mariage,  il  les  avoit  tou- 
jours comblés  de  bienfaits,  ils  ne  dévoient  pas  souffrir  qu'on  eût  lieu 
de  mettre  la  main  sur  la  succession.  Ils  crurent,  avec  beaucoup  d'ap- 
parence, que,  si  le  contre-coup  n'en  retomboit  pas  sur  eux,  par  les  pré- 
cautions qu'ils  avoient  prises  et  dans  leur  contrat  de  mariage  et  dans 
les  dons  qu'ils  en  avoient  reçus,  il  retomberoit  du  moins  sur  leur  fille, 
puisque,  au  lieu  d'avoir  les  cent  mille  écus  que  Mme  de  Frémont  et 
M.  d'Auneuil  vouloient  bien  lui  donner  en  effets,  elle  courroit  risque  de 
ne  rien  avoir  du  tout*....  «  Toutes  les  démarches  de  Lauzun  échouèrent 
contre  une  plus  puissante  intervention  :  non  seulement  le  Conseil  re- 
jeta sa  prétention  d'être  jugé  en  Cour  des  aides  ^,  mais,  lorsque,  refusant 


1.  Annales  de  la  cour,  endroit  cité.  —  2.  Ibidem,  p.  lU-li^A. 

'A.  «  Tout  ce  que  M.  le  Cfiancelier  dit  qui  lui  pût  être  agréable,  par  rap- 
port à  la  haine  qu'il  portoit  à  la  grand'mère  de  sa  femme  et  à  son  fils,  c'est 
que,  quand  des  gens  comme  le  défunt  marioient  ainsi  leurs  filles  ou  leurs 
petites-filles  à  des  gens  de  qualité,  ce  n'étoit  que  pour  commencer  à  resti- 
tuer au  public  l'argent  qu'ils  lui  avoient  volé.  Mais,  n'en  déplaise  à  ce  ma- 
gistrat, il  me  semble  que  le  nom  de  restitution  ne  convient  guère  à  une 
action  comme  celle-là  :  restituer,  c'est  rendre  ce  que  l'on  a  pris,  et  même 
le  rendre  à  ceux  à  qui  il  doit  appartenir  ;  mais  combler  de  biens  ses  en- 
fants ou  ses  petits-enfants  afin  de  cacher  en  eux,  sous  l'éclat  des  richesses, 
un  sang  qui  ne  sauroit  se  mêler  avec  le  leur  sans  quelque  sorte  de  honte, 
voilà  la  première  fois  de  ma  vie  que  j'avois  ouï  dire  que  cela  se  dût  appeler 
restitution.  »  {Annales  de  la  cour,  p.  225-220.) 


NICOLAS  DE  FRÉMONT.  493 

d'accepter  l'arbitrage  de  MM.  de  la  Reynie  et  de  Ribeyre,  qui  ne  pou- 
vaient condamner  la  succession  à  donner  plus  d'argent  comptant  qu'elle 
n'en  avait,  il  voulut  être  jugé  dans  les  formes,  «  les  requêtes  du  Palais 
se  moquèrent  de  ses  prétentions,  et  le  condamnèrent  aux  dépens*.  » 

Cet  épisode  n'expliquerait-il  pas  le  silence  que  garde  Saint-Simon 
sur  la  succession  si  grandement  escomptée  lors  de  son  mariage  ;  et,  en 
même  temps,  ne  faudrait-il  pas  y  voir  un  des  principaux  griefs  qui 
aggravèrent  les  dissentiments  entre  Lauzun  et  l'hôtel  de  Lorge  ^  ? 

Comme  beaucoup  de  financiers,  Frémont  fit  des  fondations  religieuses 
et  charitables.  Il  était  un  des  gouverneurs  et  administrateurs  de  l'hô- 
pital général  de  Paris  ^.  Lui  et  sa  femme  furent  les  fondateurs  de  la  nou- 
velle église  des  filles  de  la  Visitation  de  Chaillot*  et  fournirent  entiè- 
rement à  sa  construction  ".  Mais  on  doit  surtout  signaler  une  institution 
qui  fait  le  plus  grand  honneur  à  leur  intelligente  générosité®. 

Entre  1678  et  1680,  plusieurs  paroisses  de  Paris  avaient  vu  s'ouvrir 
des  écoles  de  charité  dirigées  par  des  maîtres  ou  des  maîtresses  vi- 
vant en  communauté,  mais  ne  faisant  point  de  vœux,  sur  le  modèle 
du  premier  établissement  de  ce  genre  que  le  P.  Nicolas  Barré,  de  l'or- 
dre des  Minimes,  avait  fondé  dans  la  rue  Neuve-Saint-Maur,  en  face 
des  Incurables^.  La  paroisse  Saint-Roch  se  trouvait  chargée  d'une 
très  grande  quantité  d'artisans  et  d'ouvriers  à  qui  les  moyens  man- 
quaient pour  donner  à  leurs  enfants,  principalement  aux  filles,  une 
éducation  professionnelle  et  chréfionne  tout  en  même  temps.  M.  de 
Frémont,  qui  était  premier  marguillicr  d'honneur*,  prit  à  bail  de  la 
fabrique  deux  terrains  attenants  aux  maisons  de  l'église  et  au  cimetière, 
sur  la  rue  Saint-Roch  et  la  rue  d'Argenteuil  ^,  et  il  y  fit  bâtir  à  ses  frais, 
en  1683,  une  école  pour  les  jeunes  filles  pauvres  et  pour  la  commu- 
nauté de  sœurs  des  petites  écoles  chargées  de  l'enseignement.  Placées 
sous  la  direction   spirituelle  de  l'archevêque  de  Paris  et  d'un  prêtre 

1.  Annales  de  la  cour,  tomes  I,  p.  219-227,  et  II,  p.  246-247.  Il  est  vrai 
que,  dix  ans  plus  tard,  en  juillet  1704,  après  la  mort  de  Mme  de  Frémont, 
Lauzun  gagna  son  procès. 

2.  Voyez  ci-dessus,  p.  114-117. 

3.  Le  Livre  commode,  édition  Éd.  Fournier,  tomel,  p.  HG. 

4.  Monastère  établi  en  1G51,  par  la  reine  Henriette  d'Angleterre. 

5.  Piganiol  de  la  Force,  Description  de  Paris,  édition  de  1742,  tome  11, 
p.  304. 

6.  Certains  historiens  de  Paris,  comme  Sauvai,  Félibien  et  Jaillot,  ont 
parlé  de  cette  fondation  ;  mais  presque  tous  appellent  le  garde  du  Trésor 
royal  Fromont. 

7.  Piganiol  de  la  Force,  Description  de  Paris,  édition  de  1742,  tome  VI, 
p.  434-439. 

8.  «  Fonction  bourgeoise,  »  dit  Saint-Simon  (Mémoires,  tome  II  de  1873, 
p.  276). 

9.  Voyez  le  plan  du  terrier  de  Paris,  aux  Archives  nationales,  Q  '  Seine 
t099«,  tome  II,  fol.  106. 


494  APPENDICE  XXII. 

séculier  qu'il  commettait  pour  trois  ans  (ce  fut  d'abord  le  curé  Denis 
Coignet,  que  nous  avons  vu  marier  Saint-Simon),  ces  maîtresses  ne 
pouvaient  être  admises  dans  la  communauté  et  y  prendre  engagement 
qu'après  deux  ans  d'épreuve  et  avec  l'approbation  des  fondateurs  ou 
de  la  maréchale  de  Lorge,  lesquels  gardaient,  pour  leur  vie  durant, 
la  surveillance  de  tous  les  détails  d'administration  financière  et  inté- 
rieure. Uniforme  pour  toutes,  l'habillement  des  sœurs  ne  différait  des 
habits  du  monde  que  par  sa  modestie  :  une  coiffe  de  taffetas  et  un 
bonnet  noir  dissimulaient  entièrement  leurs  cheveux  ;  les  manches  de 
leur  robe  descendaient  au-dessous  du  coude,  et  leurs  mouchoirs  de  cou 
étaient,  comme  la  coiffe,  de  taffetas  noir.  La  maison  était  conduite 
par  une  supérieure  et  par  une  maîtresse  des  prétendantes,  dont  le 
choix,  expressément  attribué  à  Mme  de  Frémont  et  à  sa  fille,  pendant 
leur  vie,  devait  se  faire  ensuite  à  l'élection  et  se  renouveler  tous  les 
trois  ans'. 

Il  n'y  avait  point  de  vœux  de  religion,  mais  un  simple  engagement , 
point  de  clôture  non  plus^,  et,  la  maison  n'ayant  même  pas  de  chapelle 
particulière,  les  sœurs  suivaient  les  exercices  religieux  à  Saint-Roch. 
Elles  conservaient  d'ailleurs  leurs  biens  et  leurs  droits  dans  le  monde, 
avec  la  libre  disposition  de  tout  ce  qui  leur  pouvait  appartenir,  en 
dehors  de  leurs  bardes  et  ameublements. 

La  communauté,  ayant  pour  but  principal  l'instruction  des  pauvres 
filles^,  devait  admettre  toutes  celles  qui  se  présenteraient  en  état  de 
travailler.  On  les  conservait  la  journée  entière,  de  sept  heures  du  matin 
à  la  chute  du  jour,  en  leur  fournissant  un  dîner  selon  les  facultés  de 
la  maison.  Outre  la  lecture,  l'écriture,  l'arithmétique  «  au  jet  et  à  la 
plume  »  et  l'instruction  chrétienne,  les  sœurs  enseignaient  aux  enfants 
«  toutes  sortes  d'ouvrages  selon  la  portée  de  leur  esprit,  la  force  de 
leur  corps  et  la  proportion  de  leur  âge,  comme  la  couture,  tant  en  draps 
qu'en  linge,  la  tapisserie,  les  ouvrages  de  dentelles,  le  blanchissage, 
le  raccommodage  de  linge,  d'habits,  et  généralement  tous  les  ouvrages 
convenables  à  leur  sexe  et  à  leur  état.  •> 

A  ces  classes  de  métier  ou  ouvroirs  étaient  admises  toutes  les  filles 
qui,  en  dehors  de  l'école,  voulaient  venir  s'instruire.  Le  produit  du 
travail  se  vendait  au  profit  de  la  communauté  et  des  pauvres. 

«  On  se  souviendra,  disaient  les  statuts  dont  nous  résumons  ici  les 
parties  essentielles,   ou  se  souviendra  toujours  de  la  fin  pour  laquelle 

1.  La  première  supérieure  fut  Mme  Marie  Villin. 

2.  Comme  chez  les  Miramionnes  (ci-dessus,  p.  74,  note  6). 

3.  Les  statuts  commencent  en  ces  termes  :  «  Comme  l'instruction  et  l'é- 
ducation des  pauvres  petites  filles  dans  leur  bas  âge  est  un  des  principaux 
biens  que  les  chrétiens  peuvent  faire  et  procurer,  et  une  des  plus  grandes 
et  des  plus  nécessaires  œuvres  de  miséricorde  qu'ils  puissent  exercer  pour 
le  salut  des  âmes,  M.  et  Mme  de  Frémont  ont  pris  le  dessein  d'établir  dans 
leur  paroisse  de  Saint-Roch,  de  cette  ville  de  Paris,  une  communauté  de 
tilles  qui  seroient,  pendant  leur  vie,  tout  appliquées  à  ce  bon  œuvre....  » 


NICOLAS  DE  FRÉMONT.  -Wo 

on  a  institué  la  communauté,  qui  est  de  mettre  les  pauvres  filles  eu  état 
de  gagner  leur  vie  honuètement  par  le  moyen  de  quelque  métier  et  de 
les  instruire  dans  la  vertu,  et,  par  conséquent,  qu'elles  ne  soient  pas 
pour  la  communauté,  mais  que  la  communauté  soit  pour  elles.  Aussi 
leur  bien  doit  être  préféré  à  toutes  choses.  C'est  pourquoi,  lorsque  les 
filles  seront  suffisamment  instruites,  on  ne  les  retiendra  pas  dans  la 
communauté,  afin  qu'elles  profitent  de  leur  science,  et,  lorsque  quel- 
qu'une aura  quelque  ouvrage  à  faire  qui  ne  sera  point  pour  la  commu- 
nauté, on  ne  laissera  pas  de  la  diriger  et  lui  en  laisser  le  profit  ;  on  le 
fera  même  avec  joie,  afin  de  les  engager  à  travailler  avec  courage,  et 
par  là  on  témoignera  le  désintéressement  et  la  charité  avec  quoi  on  doit 
agir  en  toutes  rencontres,  et  qui  doit  être  le  fondement  et  le  soutien 
de  cette  communauté.  » 

La  fondation  de  M.  de  Frémont,  organisée  en  1686,  et  les  sages  sta- 
tuts sur  lesquels  elle  reposait  furent  confirmés  par  l'archevêque  de 
Paris  le  4  janvier  1687,  et  par  le  Parlement  le  28  février  suivant.  Outre 
les  frais  de  construction  de  la  maison,  qui  dépassèrent  quinze  mille 
livres,  et  ceux  de  la  location  du  terrain',  M.  de  Frémont  pourvut  aux 
premières  dépenses  de  la  communauté  par  le  don  d'une  rente  de  quatre 
cents  livres  sur  la  ville,  dont  il  obtint  l'amortissement  par  lettres  royales 
du  mois  de  mars  1686*.  Le  4  avril  1687,  il  abandonna  encore  à  la 
communauté  une  rente  de  six  cents  livres  sur  les  aides  et  gabelles,  et, 
le  8  avril  1694,  une  somme  de  neuf  mille  livres,  qui  servit  à  constituer 
une  autre  rente  de  cinq  conis.  livres.  En  outre,  il  assura  sur  sa  suc- 
cession la  somme  de  deniers  nécessaires  pour  garantir  le  payement  du 
loyer  dû  à  la  fabrique'. 

Cette  maison  des  Filles  de  Sainte-Anne  (qu'on  appelait  aussi  les 
Dames  de  la  Charité  de  la  paroisse)  eut  une  rapide  prospérité,  comme 
toutes  les  écoles  fondées  sur  le  même  plan  et  malgré  les  grands  procès 
que  le  chapitre  de  l'église  Notre-Dame  suscita  à  ces  institutions  chari- 
tables*, Mme  de  Frémont,  après  la  mort  de  son  mari,  continua  les 
mêmes  libéralités,  et  prit  une  telle  affection  pour  l'établissement, 
qu'elle  voulut  s'y  assurer  une  retraite,  ainsi  qu'à  sa  fille.  Pour  cet 
effet,  elle  acheta  un  nouveau  terrain  contigu  au  jardin  qui  donnait  sur 
la  rue  d'Argenteuil,  et  s'engagea,  le  18  juin  1703,  à  faire  construire 

1.  Cette  location  fut  portée  en  dernier  lieu  à  trois  cent  quatre-vingt- 
dix-sept  livres. 

2.  Ces  lettres  furent  enregistrées  au  Parlement  le  même  jour  que  les 
statuts;  les  deux  textes  sont  conservés  dans  la  liasse  des  enregistrements 
de  février  1681,  X"»  8997.  Les  lettres  de  mars  1686  ont  été  publiées  dans  les 
Anliquités  de  Paris,  de  Sauvai,  tome  I,  p.  633,  et  l'arrêt  d'enregistrement 
dans  l'Histoire  de  la  ville  de  Paris,  par  Félibien,  tome  V,  p.  230. 

3.  Acte  du  1"  octobre  1694,  dans  le  registre  des  Insinuations  Y  264, 
fol.  209. 

4.  Voyez  la  Description  de  Paris,  par  Piganiol  de  la  Force,  tome  VI,  p.  435- 
439. 


496  APPENDICE  XXII. 

sept  classes  et  une  chapelle,  de  telle  sorte  qu'une  portion  de  l'ancien 
corps  de  logis  de  la  rue  Saint-Roch  pût  fournir  à  ces  deux  dames  le 
logement  dont  elles  auraient  besoin»;  mais,  avant  que  ce  contrat  pût 
avoir  son  exécution,  Mme  de  Frémont  mourut  subitement.  L'épitaphe 
suivante  fut  placée  en  son  honneur  dans  l'église  du  couvent  de  la 
Visitation  deChaillot*: 

Ici  repose 

le  cœur  de  dame  Geneviève  Damond, 

veuve  de  Messire 

Nicolas  de  Fremond^, 

conseiller  du  Roi  en  ses  Conseils, 

grand  audieiicier  de  France  honoraire 

et  garde  du  Trésor  royal. 

Une  douceur  toujours  égale, 

une  humilité  sincère,  une  piété  constante, 

une  tendre  charité  pour  les  pauvres, 

des  aumônes  abondantes, 

un  zèle  éclairé  pour  la  gloire  de  Dieu, 

toutes  sortes  de  vertus  fidèlement 

pratiquées  tandis  que  ce  cœur  a  respiré, 

ont  été  des  preuves  que  Dieu  l'avoit 

formé  selon  le  sien, 

et  qu'il  y  faisoit  sa  demeure. 

Elle  est  décéder  le  19  d'août  1703, 

âgée  de  69  ans,  après  avoir  vu 

comuieiicei  le  bathiieiil  de  cette  église, 

que  son  époux  et  elle  ont  fondée. 

Priez  Dieu  pour  leur  repos. 

Cette  épitaphe  et  l'article  qui  fut  inséré  dans  le  Mercure  galant  lors 
de  la  mort  de  Mme  de  Frémont  ''  confirment  en  tous  points  l'éloge,  fort 
bref  d'ailleurs,  que  Saint-Simon  a  fait  de  la  grand'mère  de  sa  femme  ". 

1.  Bibl.  nat..  Pièces  originales,  vol.  1242,  Frémont,  n»  40.  Dans  le  dossier 
Duras,  vol.  1044,  n'"'  192  et  202-209,  on  trouve  encore  des  baux  à  loyer  du 
terrain  de  la  rue  d'Argenteuil,  signés  :  G.  de  Frémont,  Ma"'  de  Lorge. 

2.  Description  de  Paris,  par  Piganiol  de  la  Force,  tome  II,  p.  305-306. 
Une  des  tilles  de  Frémont  avait  pris  le  voile  à  Chaillot,  en  1687. 

3.  Ainsi  par  un  d. 

4.  Septembre  1703,  p.  276-279. 

5.  Voyez  notre  tome  II,  p.  267. 


AKIRVÉE  DE  LA  PRINCESSE  DE  SAVOIE  EN  FRANCE.   407 


XXIII 

CORRESPONDANCE  RELATIVE  A  L'ARRIVÉE  DE  LA  PRINCESSE 
DE  SAVOIE  EN  FRANCE'. 

I.  De  M.  DesgraïKjes  à  M.  de  Torcy^. 

«  A  Lyon,  le  6  octobre  1696. 
«  Monseigneur, 

"  M.  le  comte  de  Brionne  me  demanda,  étant  à  Versailles,  quel 
siège  il  auroit  à  la  réception  de  Mme  la  princesse  de  Savoie  ;  je  lui  tis 
réponse  que  je  savois  bien  de  quelle  manière  il  devoit  être  devant  elle 
comme  princesse  de  Savoie,  mais  que  je  ne  savois  pas  quelle  seroit  la 
volonté  du  Roi  pour  cette  occasion,  qui  étoit  extraordinaire.  A  quel- 
ques jours  de  là,  il  me  dit  qu'il  avoit  éclairci  la  chose  et  que,  sans 
difficulté,  il  devoit  être  assis  ;  et  il  partit  dans  cette  pensée.  Cependant, 
Monseigneur,  lorsque  j'eus  l'honneur  de  prendre  rongé  du  Roi,  il  me 
dit,  entre  autres  choses,  que  les  honneurs  qu'on  rendroit  à  cette  prin- 
cesse étoient  un  ambigu  (ce  sont  les  termes  dont  se  servit  S.  M.), 
qu'ils  seroient  sans  conséquence,  et  que,  lors  de  la  réception,  M.  de 
Brionne  seroit  debout,  et  la  Princesse  aussi.  Quoique  je  l'aie  trouvé 
dans  cette  pensée  qu'il  devoit  être  assis,  je  n'ai  pas  eu  de  peine  à  lui 
persuader  que  la  manière  expliquée  par  S.  M.  étoit  la  plus  convenable  ; 
il  la  suivra  sans  difficulté,  et  Mme  la  duchesse  du  Lude  aura  soin  que 
la  Princesse  se  tienne  debout  pendant  le  temps  qu'il  sera  avec  elle. 
Je  vous  rends  compte  de  ce  détail,  Monseigneur,  parce  que  je  n'ai  pu  le 
faire  avant  mon  départ,  à  cause  du  voyage  que  vous  fîtes  à  Paris  dans 
le  temps  que  j'allois  à  votre  appartement  à  Marly  pour  recevoir  vos 
derniers  ordres.  Il  y  a  sur  cela  une  seule  rétlexiou  à  faire,  qui  est  que 
M.  le  comte  de  Brionne,  après  avoir  reçu  la  Princesse  à  la  descente  de 
son  carrosse,  ne  pourra  rester  qu'un  moment  avec  elle  lorsqu'il  l'aura 
menée  à  son  appartement  ;  qu'il  sera  de  même  obligé  d'en  sortir  lors- 
qu'il lui  aura  donné  la  main  pendant  les  deux  jours  qu'il  sera  à  sa 
suite,  et  qu'à  Lyon,  où  il  doit  être  présent  aux  compliments  qu'on  lui 
fei"a,  il  sera  obligé  de  prendre  des  précautions  pour  n'entrer  pas  trop 
tôt  dans  la  chambre  de  la  Princesse,  afin  de  ne  la  pas  tenir  longtemps 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  268-272.  —  Toutes  ces  lettres  sont  tirées  du  Dépôt 
des  affaires  étrangères,  volume  coté  Tiviii  93. 

2.  Quoique  cette  pièce  et  presque  toutes  les  pièces  suivantes  soient  auto- 
graphes, nous  ne  conservons  l'orthographe  que  des  deux  courts  n"'  6  et  13, 
qui  sont  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Savoie.  Pour  les  autres,  la  minutieuse 
tidélité  serait  presque  impossible,  et  d'ailleurs  de  nul  intérêt. 

MÉMOIRES   DE   SAINT-SIMON.   III  32 


498  APPENDICE  XXlll. 

debout  ;  au  lieu  que,  s'il  avoit  la  liberté  de  s'asseoir,  il  pourroit  entrer 
un  peu  plus  longtemps  en  conversation  avec  la  Princesse  et  les  dames 
qui  l'accompagneront,  sans  la  gêner,  ni  Mme  la  duchesse  du  Lude  et 
les  autres  dames  du  palais  :  ce  qui  seroit  plus  agréable  pour  un  homme 
de  sa  qualité  qui  a  l'honneur  d'être  chargé  par  le  Roi  de  la  réception 
et  qui  vient  ici  uniquement  pour  cela.  11  ne  sait  point  que  j'ai  l'hon- 
neur de  vous  en  écrire.  11  est  content  de  la  manière  réglée  par  le  Roi  : 
ainsi  nous  la  suivrons,  à  moins  que  vous  se  donniez  des  ordres  contrai- 
res. Je  suis,  avec  un  très  profond  respect, 
«  Monseigneur, 

.<   Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 
"  Desgranges. 

"  Depuis  cette  lettre  écrite,  Monseigneur,  le  courrier  de  M.  de  ïessé 
est  arrivé  ;  il  marque  le  départ  de  la  Princesse  le  6,  et  son  arrivée  au 
Pont-de-Beauvoisin  le  H  ou  12,  supposé  qu'elle  ne  séjourne  point. 
Le  marquis  de  Dronero,  qui  est  chargé  de  la  conduire,  a  apparem- 
ment les  honneurs  réglés  avec  elle  ;  on  verra  de  quelle  manière  il  en 
use,  et  on  prendra  garde  de  ne  rien  faire  contre  l'ordre,  et  de  suivre 
en  tout  ce  qui  se  pourra  ce  que  S.  M.  a  réglé.  Le  courrier  qui  vous 
porte  cette  lettre  est  dépêché  par  Mme  la  duchesse  du  Lude  pour 
porter  à  M.  de  Barbezieux  un  paquet  de  M.  de  Tessé  qui  étoit  dans 
le  sien,  et  qu'on  n'a  pu  donner  à  un  courrier  de  M.  de  Barbezieux  qui 
est  parti  cette  nuit,  » 

2.  Du  marquis  de  Dangeau  au  Roi. 

.  A  Lyon,  ce  jeudi  11  octobre  1696. 
«  Nous  partirons  d'ici  samedi,  et  serons  dimanche  au  Pont-de- 
Beauvoisin,  où' Mme  la  princesse  de  Savoie  doit  arriver  lundi,  quin- 
zième du  mois.  Nous  savons  qu'elle  partit  de  Turin  dimanche,  à  trois 
heures  après  midi;  on  l'attend  aujourd'hui  à  Saint-Joan-de-Maurienne, 
et  l'évêque  a  ordre  d'aller  trois  lieues  au-devant  d'elle.  Vendredi,  elle 
sera  à  Aiguebelle,  et  samedi  à  Chambéry,  où  elle  séjournera  le  diman- 
che. La  journée  de  Chambéry  au  Pont-de-Beauvoisin  est  fort  grande; 
ainsi  elle  y  arrivera  apparemment  fort  tard.  Il  auroit  été  à  souhaiter 
qu'elle  y  arrivât  avant  la  nuit,  pour  éviter  de  petits  embarras  que  la 
nuit  apporte  toujours,  surtout  dans  un  lieu  qu'on  ne  connoît  point. 
Nous  ferons  tout  le  mieux  que  nous  pourrons.  Sire,  pour  y  remé- 
dier. M.  le  comte  de  Brionne  avoit  écrit  au  marquis  de  Dronero  pour 
lui  proposer  que  la  Princesse  vînt,  s'il  étoit  possible,  le  dimanche  aux 
Échelles,  au  lieu  de  séjourner  à  Ciiambéry  :  par  ce  moyen,  elle  seroit 
arrivée  de  bonne  heure  au  Pont-de-Beauvoisin;  mais  je  crois  qu'ils  aime- 
ront mieux  demeurer  un  jour  entier  à  Chambéry.  Le  marquis  de  Dro- 
nero, qui  est  chargé  de  conduire  la  Princesse,  est,  comme  sait  Votre 
Majesté,  de  la  maison  d'Esté,  et  il  est  seigneur  du  sang  de  Savoie  |)ar 


ARRIVÉE  DE  LA  PRINCESSE  DE  SAVOIE  EN  FRANCE.    499 

sa  inère,  qui  étoil  lille  de  Ciiarles-Eiiiinaiiuel.  Les  iils  et  petits-fils  des 
donnés  '  ont  le  rang  après  les  princes  du  sang,  au-dessus  des  cheva- 
liers de  l'Ordre.  On  appelle  données,  en  Savoie,  les  légitimées  de  la 
maison.... 

«  Dangeau.  » 

3.  De  M.  de  Torcy  à  la  duchesse  du  Lude-. 

«  Du  13  octobre  t8'J6,  à  Fontainebleau, 
n  J'ai  eu  l'honneur  de  vous  mander,  Madame,  ce  que  le  Roi  avoit 
résolu  sur  la  manière  dont  Mme  la  princesse  de  Savoie  devoit  être 
traitée  aussitôt  qu'elle  auroit  été  remise  entre  vos  mains.  S.  M.  a  lait 
rechercher  depuis  ce  qui  s'étoit  pratiqué  en  des  occasions  à  peu  près 
semblables  :  il  s'est  trouvé  des  exemples  de  princesses  mariées  à  des 
dauphins  de  France  qui,  avant  leur  mariage,  ont  eu,  pendant  plusieurs 
années,  les  mêmes  honneurs  qu'elles  auroient  eus  étant  Dauphines.  Cet 
expédient  lève  beaucoup  d'embarras  que  le  rang  incertain  de  Mme  la 
princesse  de  Savoie  causeroit  tous  les  jours,  quelq'ordres  que  la  sage 
prévoyance  de  S.  M.  y  pût  apporter.  Ainsi  elle  s'est  déterminée  à  suivre 
les  anciens  exemples.  La  considération  de  Monsieur  et  de  Madame 
arrêtoit  encore  le  Roi.  Monsieur  a  levé  cet  obstacle,  demandant  lui- 
même  à  S.  M.  que,  pour  prévenir  toutes  difficultés.  Madame  sa  petite- 
tille  fût  traitée  dès  à  présent  comme  elle  sera  étant  duchesse  de  Bour- 
gogne. Sur  ce  fondement,  S.  M.  m'ordonne  de  vous  écrire.  Madame, 
qu'elle  veut  que  Mme  la  princesse  de  Savoie  reçoive  présentement  les 
mêmes  honneurs  qu'elle  aura  lorsqu'elle  sera  duchesse  de  Bourgogne; 
qu'elle  n'en  aura  le  titre  qu'après  son  mariage,  mais  qu'elle  sera  cepen- 
dant traitée  de  la  même  manière  que  Mgr  le  duc  de  Bourgogne  le 
seroit,  comme  Madame  l'est,  et  comme  les  filles  de  France  le  doivent 
être;  et  que,  par  conséquent,  il  n'y  ait  que  vous,  Madarue,  qui  vous 
assoyiez  devant  elle.  Voilà  ce  que  S.  M.  m'ordonne  de  vous  faire  savoir 
de  ses  intentions,  et  j'y  ajouterai  seulement  que  je  suis,  etc.  » 

4.  Du  marquis  de  Dangeau  à  M.  de  Torci/. 

'<  A  Lyon,  ce  samedi  matin  13  octobre. 
"  Nous  étions  prêts  à  partir  ce  matin.  Les  dames  ont  grand  regret 
à  deux  heures  de  sommeil  qu'elles  ont  perdues  :  le  marquis  de  Dronero 
vient  d'envoyer  un  courrier  à  M.  le  comte  de  Brionne  pour  lui  dire 
que  la  Princesse  n'arriveroit  que  mardi  au  Pont-de-Beauvoisin  ;  qu'ils 
ne  pouvoient  se  dispenser  de  séjourner  le  dimanche  à  Chambéry,  pour 
y  recevoir  les  compliments  du  Parlement  ',  de  tous  les  corps  et  de  toute 

i.  Le  manuscrit  porte  ici  donnes,  et  à  la  ligne  suivante,  données. 

-2.  Minute. 

o.  Les  mots  :  «  du  Parlement  »  sont  en  interligne. 


tiOO  APPENDICE  XXIII. 

la  noblesse  de  la  province,  et  que,  le  lundi,  ils  ne  pourroient  aller 
qu'aux  Échelles,  parce  que  la  journée  de  Chambéry  au  Pont-de-Beau- 
voisin  seroit  trop  longue.  Nous  nous  étions  bien  doutés  de  ce  petit 
retardement-là,  et  je  me  souvenois  d'avoir  trouvé  ce  chemin-là  bien 
long  quand  j'amenai  en  France  la  reine  d'Angleterre  d'aujourd'hui. 
Une  partie  de  nos  dames  s'est  recouchée  ;  les  autres  avoient  déjà  fait 
partir  leurs  lits.  Ce  petit  contretemps  a  fait  un  embarras,  qu'on  a  mieux 
aimé  avoir  que  d'aller  attendre  au  Pont-de-Beauvoisin  :  il  est,  ce  me 
semble,  plus  décent  de  n'y  arriver  qu'un  jour  avant  la  Princesse.  Ainsi 
nous  demeurerons  encore  ici  aujourd'hui.  Si  nous  avions  pu  partager 
en  trois  les  journées  d'ici  au  Pont-de-Beauvoisin,  nous  aurions  pris  cet 
expédient-là,  car  elles  sont  fort  longues  aussi;  mais  on  ne  l'a  pu  faire: 
il  faut  par  nécessité  aller  coucher  à  Bourgoin  ;  les  autres  lieux  qui  sont 
sur  la  route  ne  sont  pas  logeables.  J'irai  au-devant  de  la  Princesse 
jusqu'aux  Échelles,  comme  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le  mander.  M.  Des- 
granges a  cru  devoir  aller  jusqu'à  Chambéry,  pour  s'informer  exactement 
de  tout  ce  qui  vient  avec  la  Princesse  et  voir  à  régler  de  petites  choses 
du  cérémonial  avec  le  marquis  de  Dronero.  Je  reçus  hier  au  soir  la 
lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire.  Je  vous  rends  grâce 
de  vos  bons  offices;  vous  connoissez  mes  bonnes  intentions. 

«  Dangeau*.  » 

3.  De  M.  Desgranges  à  M.  de  Torcij. 

«  Au  Pont-de-Beau voisin,  le  14  octobre  1696*. 

<'  Lorsque  M.  de  Dronero  faisoit  état  que  sa  princesse  coucheroit  au 
Pont  du  côté  de  Savoie,  il  comptoit  aussi  que  M.  de  Brionne  et  les 
dames  iroient  l'y  prendre.  Il  m'a  dit  que  Mme  de  Savoie  lui  avoit  expli- 
qué que  cela  s'étoit  fait  ainsi  pour  elle,  et  que  M.  de  Savoie  étoit  venu  lui- 
même  la  prendre  du  côté  de  France.  Je  lui  ai  répliqué  que  cela  étoit 
différent  :  que  Mme  de  Savoie  avoit  été  remise  à  l'ambassadeur  dès  le 
jour  même  du  mariage  à  Versailles,  et  qu'il  convenoit  à  M.  de  Savoie 
d'avoir  l'empressement  qu'il  avoit  eu  de  voir  Madame  son  épouse  ;  mais 
qu'en  l'occasion  d'aujourd'hui  il  n'y  avoit  pas  encore  de  célébration, 
que  M.  le  duc  de  Savoie  faisoit  au  Roi  le  plaisir  de  lui  envoyer  une 
princesse  pour  l'élever,  et  que  M.  de  Brionne  et  les  dames  avoient 
ordre  de  la  venir  recevoir  au  Pont.  Il  a  paru  content  de  ces  raisons,  me 
disant  cependant  qu'il  verroit  si  M.  de  Brionne  et  Mme  la  duchesse  du 
Lude  étoient  aussi  impatients  que  je  le  disois  de  la  voir.  Je  lui  ai 
répondu  qu'aussitôt  qu'elle  paroîtroit,  il  verroit  l'empressement  re.s- 


1.  Au  haut  de  la  troisième  et  dernière  page,  à  contre-sens  de  l'écriture, 
on  lit  :  «  Mme  de  Dangeau  et  Mme  d'O  vous  font  mille  compliments.  » 

2.  La  première  partie  de  cette  lettre  n'a  trait  qu'au  règlement  de  la  marche 
du  cortège. 


ARRIVÉE  DE  LA  PRINCESSE  DE  SAVOIE  EN  FRANCE.    501 

pectueux  qu'on  auroit  de  la  recevoir.  Je  ne  crois  pas  qu'il  demande 
plus  qu'on  l'aille  prendre  de  l'autre  côté  du  pont;  mais,  s'il  faisoit 
quelque  nouvelle  difficulté,  il  sera  aisé  de  faire  trouver  le  carrosse  du 
Roi  sur  le  pont,  de  l'y  faire  entrer  en  sortant  de  sa  chaise,  et  de  la 
mener  à  son  logis,  qui  n'est  qu'à  trois  cents  pas.  Mais  je  ferai  en  sorte 
qu'on  l'apporte  jusque  dans  ce  logis:  après  quoi  les  dames  se  verront, 
et  on  régalera  la  suite.  Vous  vous  souviendrez,  Monseigneur,  qu'il  avoit 
été  proposé  de  faire  une  loge  sur  ce  pont  ;  c'étoit  une  chose  impos- 
sible :  il  n'est  que  d'une  seule  arche,  fort  étroit,  en  dos  d'âne,  à  peu 
près  de  la  forme  d'un  petit  pont  qui  est  au  milieu  du  village  d'Es- 
sonnes;  les  maisons  touchent  l'arche  des  deux  côtés,  en  sorte  qu'il  se- 
roit  difficile  d'y  placer  une  guérite  de  bois  sans  incommoder  la  voie 
publique. 

«  Il  semble.  Monseigneur,  qu'on  ne  puisse  vous  écrire  avoir  eu 
l'honneur  de  voir  la  Princesse  sans  vous  dire  ce  qu'on  en  pense.  Je  la 
trouve  bien  faite,  assez  grande  pour  son  âge,  la  peau  belle,  et  la  gorge 
faite  de  manière  à  devoir  l'avoir  comme  31ademoiselle.  Pour  le  visage, 
il  est  assez  agréable;  elle  a  la  physionomie  spirituelle,  et  elle  paroîl 
toute  raisonnable  par  son  maintien  et  par  quelques  réponses  que  je 
lui  ai  entendu  faire  à  gens  qui  venoient  la  complimenter.  Je  suis,  avec 
un  très  profond  respect.  Monseigneur,  votre  très  humble  et  très  obéis- 
sant serviteur. 

"  Desgranges.   » 

6.  Du  duc  de  Savoie  au  Roi. 

>'  Turin,  se  16  octobre  1696. 
«  Monseigneur, 

«  Le  repos  de  l'Italie  qu'on  avoit  refusé  à  la  grande  générosité  de 
V.  M''  vient  d'estre  le  fruit  de  ses  armes  victorieuse,  qui  ont  acquis  par 
là  une  nouvelle  gloire,  et  à  la  modération  d'un  roy  tougiors  trionfant. 
Monsieur  le  conte  de  Tessé  randra  un  compte  plus  particulier  à  V.  M"' 
de  ce  détail  et  des  petits  soins  que  ie  me  suis  donné  pour  le  succès  de 
ses  intentions  ;  ie  luy  proteste  que  ie  n'en  epargneray  iamais  point  pour 
tacher  de  mériter  l'honeur  de  la  puissante  protection  de  V.  M"*  et  la 
rendre  fortement  persuadé  qu'on  ne  peut  rien  aiouter  à  l'attaciement 
très  sinsere  et  très  deuvoué  que  i'aurai  toute  ma  vie  à  son  service,  et 
que  persone  ne  sera  iamais  avec  plus  de  vérité  et  de  respect, 
«  Monseigneur, 
«  De  V.  M'^ 

«  très  humble  et  très  obeisant 
serviteur, 

«  V.  AMÉnfi.  .- 


SO-2  APPENDICE  XXIII. 

7.  De  la  duchesse  du  Lude  à  M.  de  Torcy. 

«  A  Pont-de-Beauvoisin,  le  16. 
"  J'ai  reçu,  Monsieur,  les  ordres  que  vous  m'avez  envoyés  de  la  part 
du  Roi.  J'exécuterai  dès  ce  soir  ce  qu'il  me  commande,  et  Mme  la  prin- 
cesse de  Savoie  sera  traitée  comme  duchesse  de  Bourgogne.  Votre  cour- 
rier veut  partir;  ainsi,  je  n'ai  que  le  temps  de  vous  dire  que  Mme  la 
princesse  de  Savoie  est  une  figure  très  aimable,  bien  faite  dans  sa 
taille,  et  j'ose  espérer  que  sa  personne  plaira  au  Roi.  Je  suis  plus  que 
personne  du  monde,  Monsieur,  votre  obéissante  servante. 

«  La  duchesse  dc  Lude.  » 

8.  De  M.  Desgranges  à  M.  de  Torcy. 

«  Au  Pont-de-Beauvoisin,  le  16  octobre  1696. 

«  J'eus  l'honneur  de  vous  écrire  dimanche  au  soir.  Monseigneur,  sur 
ce  que  j'avois  fait  à  Chambéry  pour  empêcher  que  Mme  la  princesse 
de  Savoie  ne  couchât  ici  autre  part  que  de  notre  côté;  la  lettre  pourra 
être  encore  à  la  poste,  auquel  cas  je  la  ferai  reprendre  par  le  gentil- 
homme de  M.  le  comte  de  Brionne  qui  vous  porte  celle-ci  :  ainsi  je  ne 
vous  répète  point  ce  qu'elle  contenoit,  qui  d'ailleurs  est  devenu  inutile, 

'  J'ai  reçu  aujourd'hui  de  graud  matin  celle  par  laquelle  vous  me 
marquez  la  résolution  que  le  Roi  a  prise  de  traiter  dès  à  présent  cette 
jjriucesse  comme  elle  le  sera  après  la  célébration  du  mariage.  Mme  la 
duchesse  du  Lude  a  déjà  donné  ses  ordres  sur  cela. 

■  La  Princesse  est  arrivée  à  six  heures.  J'avois  bien  envie  qu'on 
l'apportât  jusques  à  son  logis  ;  mais  je  n'ai  pu  le  gagner,  ou  plutôt 
l'insinuer,  car  je  n'ai  point  fait  sur  cela  de  mauvaises  disputes,  sachant 
bien,  comme  vous  me  l'avez  expliqué,  qu'on  trouveroit  bon  qu'on  la 
reçût  au  pont.  Elle  y  a  été  apportée  dans  sa  chaise,  avec  M.  de  Dro- 
nero,  la  princesse  de  la  Cisterne  et  Mme  Desnoyers. 

'-  Le  carrosse  du  Roi  étoit  sur  le  pont,  la  tête  des  chevaux  tournée 
de  notre  côté,  précédé  du  second  carrosse,  et  non  d'autres,  parce  que 
la  rue  n'en  pouvoit  pas  contenir  plus  grand  nombre.  La  Princesse,  sor- 
tant de  sa  chaise,  a  été  présentée  par  M.  le  marquis  de  Dronero  à 
M.  le  comte  de  Brionne,  qui  lui  a  fait  son  compliment  après  l'avoir 
saluée.  Mme  la  duchesse  du  Lude,  M.  de  Dangeau  et  ses  quatre  dames 
du  palais  l'ont  saluée  de  même.  On  a  cru,  quoique  nous  allions  la 
traiter  dans  un  moment  comme  duchesse  de  Bourgogne,  que  M.  de 
Dangeau  et  ses  quatre  dames  du  palais,  qu'on  avoit  flattés  de  cet  hon- 
neur dès  le  commencement  du  voyage,  pouvoient  la  recevoir  dans  cet 
instant  où  Mme  la  duchesse  du  Lude  ne  lui  avoit  pas  encore  annoncé 
qu'elle  seroit  traitée  de  la  sorte. 

'  La  Princesse  est  entrée  dans  le  carrosse,  Mme  de  la  Cisterne  à 
côté  d'elle;  Mme  du  Lude,  Mme  de  Roucy  et  Mme  d'O  ont  occupé 
trt)is  autres  places.  A  l'égard  de  Mme  de  Dangeau  et  de  Mme  de  No- 


ARRIVÉE  DE  LA  PRINCESSE  DE  SAVOIE  EN   KRANCE.    503 

garet,  elles  ont  monté  avec  Mme  Desnoyers  dans  un  autre  carrosse, 
ayant  bien  voulu  avoir  cette  honnêteté  pour  cette  dame,  qui  la  sert  en 
qualité  de  gouvernante,  et  non  de  sous-gouvernante,  comme  on  nous 
avoit  dit  d'abord.  M.  le  comte  de  Brionne  et  M.  le  marquis  de  Dangeau 
lui  ont  donné  la  main  ;  les  gardes  du  Roi,  qui  étoient  sous  les  armes, 
occupant  tout  le  pont,  ont  suivi  le  carrosse  avec  tout  ce  qu'il  y  avoit  de 
pages  et  de  valets  de  pied. 

«  Lorsque  cette  princesse  a  été  dans  sa  chambre,  M.  le  comte  de 
Brionne  lui  a  présenté  les  officiers  du  Roi  destinés  pour  la  servir,  et 
Mme  la  duchesse  du  Lude  ses  femmes  de  chambre.  Si  Madame  la  Prin- 
cesse avoit  été  amenée  d'abord  à  son  logis,  sans  nous  obliger  de  l'aller 
prendre  au  pont,  Mme  la  duchesse  du  Lude  s'étoit  proposé  de  laisser 
encore  coucher  Mme  de  la  Cisterne  dans  la  chambre  cette  nuit  ;  mais, 
puisqu'ils  nous  l'ont  voulu  remettre  au  pont,  sa  fonction  est  finie  :  elle 
n'y  couchera  plus. 

«  Je  vous  envoie.  Monseigneur,  le  mémoire  des  présents  qui  seront 
faits,  tant  en  pierreries  qu'en  argent.  J'y  ai  marqué  le  prix  coûtant  des 
pierreries;  mais  vous  pouvez  bien  croire  qu'on  ne  leur  donnera  pas  sur 
ce  pied-là  :  je  saurai  l'augmenter  à  ceux  qui  seront  curieux  de  le 
savoir. 

«  Je  puis  dire  aujourd'hui  encore  plus  sûrement  que  dimanche  que 
la  Princesse  est  bien  faite,  de  bonne  grâce,  agréable,  et  passablement 
belle.  Je  suis  avec  respect,  Monseigneur,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur. 

"  Desgranges.  « 


9.  Du  marquis  de  Dangeau  à  M.  de  Torcy. 

«  A  Bourgoin,  ce  mercredi  1". 
-<  Je  ne  rends  point  compte  du  cérémonial  :  M.  Desgranges  m'assure 
qu'il  vous  en  a  envoyé  tout  le  détail;  je  vous  dirai  seulement  qu'il  m'a 
paru  que  tout  s'étoit  passé  dignement,  et  qu'il  n'y  eut  point  de  con- 
fusion, malgré  la  foule,  qui  étoit  grande.  Les  Savoyards  sont  retournés 
en  leur  pays  fort  contents,  à  ce  que  je  crois.  Les  principaux  ont  eu  des 
présents  magnifiques,  et  les  moindres  domestiques  se  sont  ressentis  des 
libéralités  de  S.  M.,  qui  ont  été  très  bien  dispensées.  31.  Desgranges 
alla  à  Chambéry  dès  le  dimanche  matin,  et  régla  avec  le  comte  de 
Vernon,  grand  maître  des  cérémonies  de  Savoie,  toutes  les  difficultés 
qui  auroient  pu  embarrasser  si  la  Princesse  fût  arrivée  au  Pont-de- 
Beauvoisin  avant  que  tout  eût  été  décidé.  Quand  j'arrivai  hier  matin 
aux  Échelles,  le  marquis  de  Dronero  et  la  princesse  de  la  Cisterne  m'en 
parlèrent  encore  :  ils  insistoient  fort  pour  que  la  Princesse  fût  reçue  sur 
les  terres  de  Savoie  et  qu'elle  y  couchât  ce  jour-là  ;  mais  enfin  ils  se 
rendirent  et  me  témoignèrent,  en  se  rendant,  qu'ils  seroient  bien  aises 
que  le  Roi  leur  sût  bon  gré  de  leur  facilité  là-dessus,  et  de  la  diligence 
(ju'ils  ont  fait  faire  à  la  Princesse.  Je  leur  promis  d'en  rendre  compte 


504  APPENDICE  XXIII. 

à  S.  M.,  et  vous  aurez,  s'il  vous  plaît,  Monsieur,  la  bonté  de  le  faire. 
Je  me  donnai  l'honneur  de  lui  écrire  hier;  je  n'ai  rien  de  nouveau  à 
lui  dire.  La  Princesse  nous  paroït  très  aimable;  je  me  retiens  sur  son 
chapitre  de  peur  d'en  dire  trop. 

«  Je  croyois  vous  envoyer  cette  lettre  ce  soir  par  le  courrier  de  la 
duchesse  du  Lude;  mais  elle  vient  de  me  dire  qu'elle  ne  l'enverroit  que 
demain  de  Lyon.  Ainsi  ma  lettre  sera  vieille.  » 

10.  De  M.  Desgranges  à  M.  de  Torcy. 

'.  A  Bourgoin,  le  11  octobre  1696. 
«  J'eus  l'honneur  de  vous  mander  hier,  Monseigneur,  par  le  courrier 
de  M.  de  Brionne,  de  quelle  manière  la  Princesse  avoit  été  reçue. 
Après  son  arrivée,  les  dames  la  traitèrent  en  duchesse  de  Bourgogne, 
et,  comme  Mme  de  la  Cisterne  y  étoit,  et  qu'elle  ne  pouvoit  être  assise, 
on  se  tint  debout;  Mme  la  duchesse  du  Lude  lui  fit  même  l'honnêteté 
entière  de  la  laisser  encore  coucher  dans  la  chambre.  On  fut  particu- 
lièrement occupé  à  voir  nos  beaux  présents.  Mme  de  la  Cisterne  et 
Mme  Desnoyers  se  parèrent  des  leurs  sur  l'heure.  Les  portraits  furent 
trouvés  beaux,  même  celui  qui  fut  donné  à  M.  de  Dronero,  que  nous 
ne  trouvions  pas  assez  fort  pour  lui  ;  en  effet  il  est  des  plus  beaux,  et 
il  n'y  a  que  le  haut  prix  de  celui  de  Mme  de  la  Cisterne  qui  pourroit 
diminuer  le  mérite  de  celui-là.  Tous  ceux  qui  ont  reçu  des  présents 
en  argent  ont  aussi  été  fort  contents.  L'homme  que  j'ai  marqué  dans 
ma  liste  comme  second  écuyer,  auquel  on  donnoit  une  épée  de  cent 
pistoles,  s'appelle  M.  Maffey;  il  est  écuyer,  comme  le  commandeur  de 
Sandaillan,  qui  a  eu  un  portrait,  avec  cette  différence  qu'il  n'étoit 
qu'en  second.  Il  fit  difficulté  de  prendre  de  l'argent,  me  disant  que,  si 
je  lui  donnois  une  épée,  il  la  recevroit  volontiers  ;  j'eus  beau  lui  dire 
qu'on  n'avoit  pas  eu  le  temps  de  la  faire  faire  :  il  me  quitta  avec  beau- 
coup d'honnêteté,  sans  cependant  prendre  de  l'argent.  Il  n'y  avoit  que 
cet  homme-là  qui  pouvoit  n'être  pas  content;  mais  M.  de  Dangeau  a 
magnifiquement  réparé  ce  défaut.  Il  m'a  trouvé  ce  matin  avec  l'écuyer, 
en  conférence  sur  cotte  épée,  lui  disant  que  j'étois  bien  fâché  de  n'en 
avoir  point  à  lui  donner:  sur-le-champ  il  lui  a  donné  celle  de  diamants 
qu'il  avoit  au  côté,  le  priant  de  l'accepter  de  la  part  du  Roi.  L'écuyer 
l'a  prise  avec  grande  joie,  l'a  tenue  une  heure  en  sa  main  dans  le 
logis  de  la  Princesse,  la  faisant  voir  à  tout  le  monde.  Cet  homme  se 
trouve  être  une  espèce  de  favori  du  duc  de  Savoie;  c'est  lui  qui  lui 
va  porter  en  poste  la  nouvelle  de  la  réception  de  la  Princesse,  et  je  l'ai 
vu  partir  avec  son  épée,  très  content.  Je  ne  sais  pas  ce  qu'elle  vaut; 
mais  je  la  trouvois  belle.  Hier,  M.  de  Dangeau  l'avoit  à  son  côté  à  la 
réception  de  la  Princesse;  ainsi  c'étoit  certainement  sa  plus  belle'. 
Tout  s'est  fort  bien  passé  de  la  part  de  M.  le  comte  de  Brionne,  qui  a 

1.  Mmo  de  Maintenon.  en   remerciant  Dangeau,  le  21  octobre,  de?  détails 


ARRIVÉE  DE  LA  PRINCESSE  DE  SAVOIE  EN  FRANCE.   503 

rempli  ses  fonctions  avec  beaucoup  d'honnêteté  et  de  dignité.  Pour 
M.  de  Dangeau,  on  ne  peut  en  dire  trop  de  bien  :  il  a  fait  accueil  à  tout 
le  inonde;  il  étoit  partout,  faisant  bien  les  honneurs,  et  chacun  en  étoit 
très  content.  Il  est  de  vos  amis.  Monseigneur;  je  crois  que  c'est  vous 
faire  plaisir  de  vous  en  parler.  Cet  homme-là,  s'il  m'est  permis  d'en 
dire  mon  sentiment,  a  bon  esprit,  des  manières  agréables,  et  il  est  ca- 
pable de  remplir  de  grandes  places.  Je  suis,  avec  un  très  profond  res- 
pect, Monseigneur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

«  Desgranges.  » 

11.   De  M.  Desgranges  à  M.  de  Torcy. 

«  A  Lyon,  ce  18  octobre  1696. 
«  Peu  de  temps  après  qu'on  fut  arrivé  hier  à  Bourgoin,  il  y  vint  un 
homme  envoyé  par  le  maître  des  cérémonies  de  Savoie,  adressé  à 
M.  de  Dangeau,  auquel  il  renvoyoit  l'acte  de  réception  fait  par  M.  le 
comte  de  Brionne,  sur  quelques  mots  qu'il  avoit  trouvé  y  manquer. 
M.  de  Brionne  a  dressé  cet  acte  conformément  au  modèle  que  vous  lui 
en  avez  donné,  Monseigneur.  Il  y  a  qu'il  a  reçu  la  princesse  Adélaïde, 
fille  de  M.  le  duc  de  Savoie,  etc.  Le  maître  des  cérémonies  fait  remar- 
quer à  M.  de  Dangeau  que  M.  de  Brionne  a  omis  les  mots  de  Son  Al- 
tesse Royale,  et  le  prie  de  les  y  faire  ajouter.  M.  de  Brionne  m'a  fait 
l'honneur  de  me  consulter  sur  cela;  je  lui  ai  dit,  Monseigneur,  que, 
sans  difficulté,  vous,  secrétaire  d'État,  mettez  ces  mots  dans  les  actes 
que  vous  faites  entre  le  Roi  et  le  duc,  et  qu'en  dernier  lieu  je*  les  ai 
vus  répétés  bien  des  fois  dans  le  contrat  de  mariage,  et  qu'ainsi  je 
n'en  ferois  nulle  difficulté,  à  moins  qu'il  n'y  eût  à  son  égard  *  des  rai- 
sons particulières  que  je  ne  sais  point.  Il  me  dit,  et  un  homme  qui 
est  à  lui  m'en  assura,  que  les  princes  de  la  maison  de  Lorraine  ne 
donnent  point  dWltesse  Royale  au  duc  de  Savoie;  qu'il  le  feroit  volon- 
tiers, s'il  n'avoit  peur  de  faire  tort  à  sa  maison;  qu'il  s'informeroit  en- 
core ici  plus  particulièrement,  de  M.  le  prince  d'Harcourt,  de  leur 
usage  sur  cela.  Comme  je  suis  ici  des  premiers  arrivés^,  et  que  M.  le 
prince  d'Harcourt  est  venu  dîner  chez  M.  de  Canaples,  je  lui  en  ai  parlé 
par  conversation.  11  m'a  dit  qu'il  ne  donnoit  point  d'Altesse  Royale  :  de 
manière  que  je  prévois  que  M.  de  Brionne  ne  voudra  rien  changer  sans 
vous  en  avoir  consulté.  Monseigneur,  ou  sa  famille.  Comme  la  poste  va 
partir,  j'ai  été  bien  aise  de  vous  donner  cet  avis  à  l'avance,  afin  que 
vous  y  puissiez  faire  vos  réflexions.  Si  j'osois  dire  mon  sentiment  dans 

qu'il  donnait  sur  les  agréments  de  la  Princesse,  lui  dit  :  «  Vous  savez.  Mon- 
sieur, faire  toutes  sortes  de  personnages;  l'épée  de  diamants  et  le  colin- 
maillard  en  sont  des  preuves.  Mme  de  Dangeau  m'en  paroît  fort  touchée,  et 
elle  a  raison.  »  {Correspondance  générale,  tome  IV,  p.  125.) 

t.  Je  est  en  interligne. 

2.  Les  mots  à  son  esgard  sont  en  interligne. 

•S.  Arrivez  en  interligne. 


506  APPENDICE  XXIIl. 

cette  matière,  je  croirois  assez  que  la  maison  de  Lorraine,  qui  a  tou- 
jours disputé  la  préséance  à  celle  de  Savoie,  ne  lui  rend  point  cet  hon- 
neur quand  la  maison  de  Savoie  hii  en  *  refuse  d'autres  de  moindre 
conséquence.  Si,  d'un  autre  côté,  on  ne  veut  point  refuser  cette  satis- 
faction à  M.  de  Savoie,  on  pourroit  prendre  le  tempérament  de  faire 
donner  l'acte  par  M.  de  Dangeau,  si  cela  n'est  point  au-dessous  de  lui, 
par  moi,  ou  par  quelqu 'autre.  Cela  a  son  exemple  quand  M.  le  prince 
d'Harcourt  fut  conduire  la  reine  d'Espagne.  M.  de  Châteauneuf  am- 
bassadeur à  Constantinople,  qui  étoit  alors  conseiller  au  Parlement, 
et  qui  se  trouvoit  comme  simple  curieux  à  la  suite  de  M.  le  prince 
d'Harcourt,  donna  l'acte,  de  la  forme  duquel  je  me  souviens  à  peu  près  : 
«  Nous,  Castagnère  de  Châteauneuf,  conseiller  du  Roi  en  sa  cour 
<  de  Parlement,  etc.,  certifions  que,  ccjourd'hui,  M.  le  prince  d'Har- 
■<  court,  chargé  par  le  Roi  de  la  conduite  de...,  reine  d'Espagne,  l'a 
'.  remise  entre  les  mains  de,  etc.  En  foi  de  quoi,  etc.  » 

<■  Apparemment,  Monseigneur,  que  M.  de  Brionne  vous  écrira  ce  soir 
ou  demain  sur  ce  sujet;  ainsi  n'ayez  attention  qu'autant  qu'il  vous 
plaira  à  ce  que  j'ai  l'honneur  de  vous  en  écrire.  Je  suis,  avec  un  très 
profond  respect,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

«  Desgranges.  » 

12.  Du  marquis  de  Dangeau  à  M.  de  Torcy. 

«  A  Lyon,  ce  samedi  20  octobre  1696,  à  minuit. 

«  Je  vous  envoie  une  lettre  que  m'a  écrite  le  comte  de  Vernon,  et  la 
copie  de  la  réponse  que  j'y  ai  faite.  Vous  verrez  par  là  que  ces  Mes- 
sieurs prétendoient  que  M.  le  comte  de  Brionne  mît  le  titre  d'Altesse 
Royale  en  parlant  de  M.  le  duc  de  Savoie,  et  que  M.  le  comte  de 
Brionne  a  cru  ne  le  devoir  pas  faire  et  que  jamais  aucun  prince  de  sa 
maison  ne  l'avoit  fait. 

«  Nous  partons  demain  matin  :  nous  serons  lundi  à  Roanne,  où  nous 
séjournerons  mardi;  mercredi,  à  la  Pacaudière;  jeudi,  à  Varenne;  ven- 
dredi, à  Moulins;  samedi,  nous  y  séjournerons;  dimanche  28,  à  Saint- 
Pierre-le-Moustier;  lundi  29,  à  Nevers;  mardi  30,  à  la  Charité;  mer- 
credi 31,  à  Cosne;  nous  y  passerons  la  Toussaint:  c'est  pourtant  un 
vilain  lieu  pour  y  passer  une  si  bonne  fête;  le  2,  à  Briare;  le  3,  à 
Montargis. 

«  Apparemment  nous  aurons  l'ordre  à  Montargis  de  ce  que  nous 
aurons  à  faire,  et  si  nous  coucherons  à  Nemours  :  auquel  cas  nous  n'ar- 
riverions à  Fontainebleau  que  le  5. 

"  Notre  princesse  n'a  point  été  embarrassée  de  tous  les  honneurs 
qu'on  lui  a  rendus  à  Lyon;  elle  apprit,  avant  que  d'arriver  au  Pont- 
de-Beauvoisin,  qu'elle  seroit  traitée  comme  duchesse  de  Bourgogne  dès 
qu'elle  seroit  livrée  entre  nos  mains,  et  en  parut  transportée  de  joie, 

1 .   En  est  en  interligne. 


ARRIVÉE  DE  LA  PRINCESSE  DE  SAVOIE  EN  FRANCE.    507 

à  ce  que  me  dit  le  gentilhomme  que  j'y  envoyai,  et  qui  la  trouva  à  une 
demi-lieue  de  là.  Pardonnez  à  ma  mauvaise  écriture;  je  ne  me  porte 
pas  trop  bien  ce  soir.  Attendez-vous  à  voir  une  princesse  très  aimable 
par  son  esprit,  par  son  humeur  et  par  ses  manières.  Plus  nous  la  voyons, 
plus  la  bonne  opinion  que  nous  avons  d'elle  augmente*. 

«  Dangeau.  •> 

13.  De  Mme  la  duchesse  de  Savoie  au  Roi. 

■■  De  Turin,  ce  2  novembre, 
«  Monseigneur, 
«  Toutes  les  exprestions  sont  au  desous  de  celle  dont  ie  me  poures 
servir  pour  témoigner  a  Vostre  Majesté  la  parfaite  reconnoisance  que 
j'ai  des  nouvelle  marque  quelle  a  bien  voulu  nous  donner  de  sa  royal 
bontés  en  donnans  a  la  Princesse  ma  fille  le  rang'^  de  duchesse  de  Bour- 
gognes des  son  entrée  dans  le  Royaume.  Vostre  Majesté  ne  pouvois 
rien  faire  de  plus  glorieux  pour  elle,  ni  qui  peut  rendre  ma  ioie  plus 
parfaite,  ocmentans  dune  manière  si  distinguée  les  obligation  infinie 
dont  ie  luy  suis  redevable  ;  lesquelle  mangageront  a  estre  toute  ma  vie 
plus  que  personne  du  monde, 

■<  Monseigneur, 

«  de  Vostre  Majesté 

«  très  humble  et  très  obbeisante 
servante  et  niesse. 

«  Anne'.  » 

i.  Voyez  une  réponse  de  Mme  de  Maintenon  à  Dangeaii,  datée  du  26  oc- 
tobre, dans  la  Correspondance  générale,  tome  IV,  p.  125-126.  Cette  lettre 
finit  ainsi  :  «  Adieu,  Monsieur  le  Marquis  ;  je  me  sens  de  la  joie  de  me 
retrouver  en  quelque  manière  dans  la  même  maison  que  vous,  et  j'espère 
un  peu  plus  de  commerce  avec  Mme  de  Dangeau  que  par  le  passé.  » 

2.  Le  g  final  de  rang  corrige  un  d. 

3.  C'est  Anne-Marie  d'Orléans,  fille  de  Monsieur,  mariée  à  Victor-Amédée 
le  10  avril  1684. 


508  APPENDICE  XXIV. 


XXIV 

LE  COMTE  DE  BRIONNEi. 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon^.) 

«  ....  Il  fut  choisi  en  1698  pour  aller  recevoir  au  Pont-de- 
Beauvoisin  la  princesse  de  Savoie  mère  du  Roi^.  Il  retarda  un  jour 
cette  réception  parce  que,  dans  l'instrument  qu'il  en  devoit  signer,  il 
prétendit  YAltesse,  ou  que  M.  de  Savoie  n'y  fût  pas  traité  d'Altesse 
Royale.  Messieurs  de  Lorraine  s'étoient  bien  gardés  d'en  faire  la  dif- 
ficulté d'avance,  de  peur  d'accident;  mais,  sur  les  lieux  et  dans  l'em- 
pressement de  la  réception,  ils  se  gardèrent  bien  aussi  de  l'omettre. 
Cela  fit  un  grand  embarras  tout  un  jour.  Enfin  la  peine  d'attendre  en  si 
triste  gîte  le  retour  des  courriers  qu'il  falloit  dépêcher  à  Paris  et  à 
Turin  là-dessus,  fit  céder  les  Savoyards  :  ainsi  *  leur  maître  n'eut  point 
l'Altesse  Royale,  ni  le  comte  de  Brionne  Y  Altesse.  Le  Roi  le  trouva 
extrêmement  mauvais.  Monsieur  le  Grand  et  le  chevalier  de  Lorraine, 
qui  avoient  leur  compte,  baissèrent  la  tête,  sans  désavouer  le  comte 
de  Brionne.  Le  Roi  leur  fit  mauvais  visage  quelques  jours  et  ne  re- 
garda presque  pas  le  comte  de  Brionne  à  son  retour  en  poste,  dès  que 
l'échange  fut  fait".  Cela  passa,  et  V Altesse  nulle  de  part  et  d'autre, 
c'est-à-dire  l'égalité'^,  leur  resta.  M.  de  Savoie  fut  outré  de  colère  de 
ce  que  ses  gens  l'avoient  cédée'....  » 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  SGQ-'STO,  et  l'Addition  181. 

5.  Extrait  de  l'article  d'Elbecf,  dans  les  Notes  sur  Ions  les  duchés-pairies 
existants,  vol.  58  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  8.  Comparez  un  passage, 
de  rédaction  bien  antérieure,  dans  les  Écrits  inédits  publiés  par  M.  Faugère. 
tome  III,  p.  184-183. 

3.  Du  roi  Louis  XV. 

A.  Cet  adverbe  est  écrit  en  interligne,  ainsi  que,  plus  loin,  n'eut  point, 
qui  corrige  eut,  et  ni. 

6.  Faite,  dans  le  manuscrit. 

C.  Ces  derniers  mots,  depuis  nulle...,  sont  en  interligne. 

7.  Cédée  est  écrit  en  interligne,  sur  passée,  qui  a  été  biffé. 


LES  INTENDANTS  ET  LA  TAILLE.  509 

XXV 

LES  LNTENDANTS  ET  LA  TAILLE». 

Les  «  intendants  de  justice,  police  et  finances,  commissaires  départis 
dans  les  généralités  du  Royaume  pour  l'exécution  des  ordres  de  S.  M.,  » 
étaient  pris,  sauf  de  très  rares  exceptions,  dans  le  corps  des  maîtres 
des  requêtes  et  chargés,  par  une  commission  essentiellement  révocable, 
de  veiller  à  la  répartition  et  au  recouvrement  des  impôts,  à  l'emploi 
des  fonds  du  Roi,  aux  opérations  des  fermiers,  traitants  et  commis,  au 
|iassage  des  gens  de  guerre,  à  l'organisation  de  leurs  étapes,  loge- 
ments ou  quartiers  d'hiver,  à  la  subsistance  des  garnisons,  à  la  levée 
des  milices,  à  l'entretien  des  chemins  et  des  édifices  publics,  aux  pro- 
grès de  l'agriculture  et  des  relations  commerciales,  à  l'organisation  des 
établissements  industriels,  à  la  bonne  administration  de  la  justice,  à  la 
police  des  villes  et  des  campagnes,  à  la  répression  des  délits  commis 
soit  par  les  troupes,  soit  par  les  gens  de  finances,  soit  par  les  ofïi- 
ciers  de  justice,  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions,  et  en  général  à  l'exé- 
cution des  ordres  du  Roi  et  des  arrêts  du  Conseil.  Dans  les  affaires  qui 
exigeaient  de  la  célérité  ou  une  répression  exemplaire,  le  Roi  commet- 
tait les  intendants  pour  juger  les  coupables  en  place  des  juges  ordinaires, 
mais  avec  l'assistance  de  ces  juges  ou  de  gradués  pris  à  leur  choix. 

L'organisation  régulière  des  intendances,  sous  une  forme  définie  et 
.ivec  des  garanties  de  durée  et  de  stabilité,  ne  remontait  qu'au  temps 
du  cardinal  de  Richelieu,  et  elle  n'était  même  devenue  définitive  que 
sous  le  ministère  de  Colbert.  Il  y  avait  eu,  auparavant,  depuis  le  règne 
de  Henri  II,  des  intendants  de  justice  et  police,  ou  même  de  finances, 
mais  essentiellement  temporaires,  avec  des  attributions  restreintes  à 
tel  ou  tel  objet,  et,  conjointement  à  ces  intendants,  les  maîtres  des  re- 
quêtes étaient  alors  chargés  de  faire  des  chevauchées  annuelles  pour 
la  réformation  de  la  justice  et  la  surveillance  des  services  royaux. 

Le  nombre  des  intendances,  même  en  ne  considérant  que  le  règne  de 
Louis  XIV,  varia  souvent,  à  cause  des  subdivisions,  des  annexions  ou 
des  restitutions  de  territoires.  En  1700,  on  comptait  :  dix-huit  géné- 
ralités *  de  pays  d'élections  soumis  à  la  taille,  six  de  pays  d'Etats  vo- 
tant des  dons  gratuits,  et  sept  provinces  frontières  :  ce  qui  ne  formait 
en  tout  que  trente  intendances,  les  deux  généralités  de  Languedoc 

1.  Voyez  l'historiette  de  Courtin,  ci-dessus,  p.  283-285. 

2.  On  appelait  généralité  la  circonscription  soumise  à  un  bureau  des 
finances  composé  de  trésoriers  généraux  de  France,  et  élection  la  circon- 
scription secondaire  soumise  à  un  tribunal  composé  d'élus. 


MO  APPENDICE  XXV. 

élant  réunies  dans  une  seule  main.  Les  sièges  des  intendances  étaient*  : 
Aix  (Provence),  Alençon  (partie  de  la  Normandie  et  Perche),  Amiens 
(partie  de  la  Picardie  et  Artois),  Besançon  (Franche-Comté),  Bordeaux 
(Guyenne,  Périgord,  Agénois,  Condomois  et  Gascogne),  Bourges  (Berry, 
partie  du  Nivernais  et  du  Bourbonnais),  Caen  (Normandie  occidentale), 
Châlons  (partie  de  la  Champagne  et  de  la  Brie),  Dijon  (Bourgogne, 
Bresse  et  Bugey),  Dunkerque  et  Ypres  (Flandre  Maritime),  Grenoblr 
(Dauphiné),  Lille  (Flandre  française),  Limoges  (Limousin,  Marche  cl 
Angoumois),  Lyon  (Lyonnais,  Forez  et  Beaujolais),  Maubeuge  (Hainaut), 
Metz  (pays  Messin,  Trois-Évèchés  et  partie  nord  de  la  Lorraine),  Mon- 
tauban  (Quercy,  Rouergue,  Armagnac,  etc.),  Montpellier  et  Toulousr 
(Languedoc),  Moulins  (parties  du  Bourbonnais,  du  Nivernais,  de  l'Au- 
vergne et  de  la  Marche),  Orléans  (Orléanais,  Blaisois  et  parties  du  Gâ- 
tinais,  du  Nivernais  et  de  la  Beauce),  Paris  (parties  de  l'Ile-de-France, 
de  la  Picardie,  de  la  Brie,  de  la  Champagne,  du  Nivernais,  du  Gàtinais, 
de  la  Beauce  et  du  Vexin),  Pau  (Béarn,  Bigorre  et  basse  Navarre),  Perpi- 
gnan (Roussillon  et  Cerdagne),  Poitiers  (Poitou),  Rennes  et  Nantes  (Bre- 
tagne), Riom  (Auvergne),  la  Rochelle  (Aunis,  Saintonge  et  partie  de 
l'Augoumois),  Rouen  (Normandie  orientale),  Soissons  (parties  de  la  Pi- 
cardie et  de  la  Brie),  Strasbourg  (Alsace),  Tours  (Touraine,  Anjou  et 
Maine,  partie  du  Poitou). 

Dans  les  conditions  de  centralisation  imparfaite  où  se  trouvait  encore 
le  gouvernement  de  Louis  XIV,  les  pouvoirs  de  l'intendant  avaient  sou- 
vent un  caractère  arbitraire,  comme  le  dit  l'abbé  Fleury*  :  «  L'inten- 
dant est  fort  puissant  dans  sa  province,  plus  ou  moins  suivant  qu'il  est 
plus  ou  moins  appuyé  de  la  cour.  Bon,  fait  de  grands  biens;  mauvais, 
fait  de  grands  maux.  D'un  côté,  s'il  est  important  au  Roi  d'avoir  des 
personnes  fidèles  qui  veillent  sur  les  officiers  ordinaires,  d'un  autre  c'est 
un  moyen  d'oppression  sous  de  mauvais  ministres.  >•  Un  exposé  som- 
maire du  système  d'imposition  de  la  taille  fera  comprendre  quelle  in- 
fluence l'intendant  pouvait  exercer,  à  ce  point  de  vue,  dans  les  provinces 
soumises  à  cette  contribution,  c'est-à-dire  dans  les  pays  d'élections^. 

La  taille  était  un  impôt  de  répartition,  dont  les  cotes,  du  moins  dans 
les  pays  dits  de  taille  personnelle '^,  se  fixaient  d'après  le  revenu  pré- 
sumé des  contribuables  non  exempts.  Chaque  année,  à  la  fin  de  juin, 
le  Conseil  en  dressait  l'état  total  ou  brevet,  selon  les  besoins  prévus  de 
l'année  suivante,  et  déterminait  en  même  temps  le  contingent  de  chaque 
généralité  ou  intendance.  Des  extraits  de  ce  brevet  étaient  envoyés  par 

1.  Voyez  le  détail  dans  VÉtat  de  la  France,  1698,  tome  III,  p.  398-410. 

2.  Opuscules,  tome  IV,  Droit  pdblic  de  France,  p.  89  et  suivantes. 

3.  Dans  les  pays  d'États,  non  soumis  à  la  juridiction  des  élus,  les  subdi- 
visions, au  point  de  vue  de  l'impôt,  s'appelaient  diocèses,  bailliages,  re- 
cettes. Quelques  intendances  comprenaient  à  la  fois  des  pays  d'États  et  des 
pays  d'élections. 

-4.  Il  faut  encore  distinguer  ces  pays-là  des  provinces  de  taille  réelle,  où 
j'inipôt  portait  sur  les  fonds  de  terre  non  exempts. 


LES  INTENDANTS  ET  LA  TAILLE.  511 

chacun  des  secrétaires  d'État  dans  les  généralités  de  son  département, 
pour  que  l'intendant  et  les  trésoriers  de  France,  informés  de  la  situation 
respective  des  élections  et  des  paroisses  dont  se  composait  la  généra- 
lité, pussent  donner  leur  avis  sur  la  répartition  du  contingent  entre  les 
élections.  Conformément  à  cet  avis,  dans  le  courant  du  mois  d'août, 
une  commission,  ou  brevet  parliculier  des  tailles,  était  expédiée  par  le 
Conseil,  pour  chaque  élection,  sous  forme  de  lettres  patentes,  et  l'inten- 
dant transmettait  cette  pièce  d'abord  au  bureau  des  finances  de  sa 
généralité,  puis  au  greffe  de  chaque  élection.  Après  quoi,  accompagné 
d'un  ou  deux  trésoriers  de  France  et  des  élus,  il  devait  se  transporter 
dans  chacune  de  ces  circonscriptions,  pour  répartir  l'impôt  entre  les 
paroisses  suivant  l'état  actuel  de  leurs  forces,  de  leur  population,  des 
récoltes,  etc.  C'est  ce  qu'on  appelait  le  département.  Le  mandement 
pour  chaque  paroisse  était  envoyé  aux  collecteurs  du  lieu  ;  ceux-ci 
dressaient  le  rôle  de  répartition  entre  les  habitants  non  privilégiés,  et 
c'est  d'après  ce  rôle,  vérification  faite  par  les  élus,  qu'ils  exigeaient  de 
chaque  contribuable  le  payement  de  sa  quote-part.  Le  contingent  de 
la  généralité  étant  fixé  à  l'avance,  il  n'était  possible  de  décharger  une 
élection,  une  paroisse,  un  contribuable,  qu'aux  dépens  des  autres  élec- 
tions de  la  généralité,  des  autres  paroisses  de  l'élection  ou  des  autres 
contribuables  de  la  paroisse.  Au  cas  où  des  accidents,  des  sinistres,  la 
grêle,  le  feu,  l'inondation,  le  manque  de  récoltes,  venaient,  après  la 
fixation  du  montant  de  la  taille,  compromettre  les  ressources  et  la  sol- 
vabilité du  contribuable,  l'intendant,  sur  la  requête  des  intéressés  ou 
d'après  les  renseignements  recueillis  par  les  trésoriers  de  France  au 
cours  de  leurs  chevauchées  réglementaires,  proposait  d'accorder  à  la  gé- 
néralité une  diminution  en  moins-imposé,  et  c'était  lui,  comme  dans  les 
cas  de  décharge  dont  il  a  été  parlé  plus  haut,  qui  devait,  suivant  les 
pertes  subies  et  prouvées,  faire  bénéficier  de  la  diminution  telle  contrée, 
telle  paroisse,  tel  particulier.  C'était  lui  aussi  qui,  dans  l'opération  si 
importante  du  département,  avait  voix  prépondérante  sur  les  trésoriers 
de  France  et  les  élus,  réduisant  ceux-ci  à  un  simple  rôle  consultatif; 
lui  encore  qui  faisait  sur  l'ensemble  des  contribuables  de  sa  généralité 
la  réimposition  des  cotes  rayées  ou  modérées  l'année  précédente,  et 
qui  taxait  d'office,  selon  sa  propre  estimation,  les  contribuables  qui 
jouissaient  de  certains  privilèges  ou  ceux  qui,  sur  le  rôle  de  répartition 
dressé  par  les  collecteurs,  lui  semblaient  avoir  été  augmentés  ou  dimi- 
nués indûment'.  «  La  répartition  des  tailles  et  des  autres  impôts  en- 
tièrement entre  la  main  des  intendants,  dit  quelque  part  Saint-Simon*, 

1.  M.  de  Boislisle  a  publié  dans  l'Appendice  du  Mémoire  de  la  généra- 
lité de  Paris  (1881),  p.  506,  512,  SH,  etc.,  divers  procès-verbaux  et  autres 
pièces  qui  montrent  en  pratique  le  système  de  répartition  arbitraire  et  ex- 
pliquent la  prépondérance  de  l'intendant.  On  trouvera  dans  le  même  volume, 
p.  488-489,  un  mémoire  de  nie  sur  les  procédés  d'assiette  et  de  recouvre- 
ment de  la  taille. 

2.  Parallèle  des  trois  rois  Bourbons,  p.  285-286. 


512  Al^PEiNDlCE  XXV. 

les  rendit  maîtres  de  l'oppression  ou  du  soulagement  des  paroisses  et 
des  particuliers.  »  Chacun  d'eux  était  censé  se  rendre  un  compte  exact 
des  besoins  et  des  ressources  de  chaque  localité  dans  les  tournées  qui 
étaient  obligatoires  pour  lui  au  moins  une  fois  par  an  ;  mais  ces  tour- 
nées ne  consistaient  le  plus  souvent  qu'à  «  traverser  toute  la  généralité 
d'une  marche  rapide  et  plus  convenable  à  un  voyageur,  ou  même  à  un 
courrier,  qu'à  un  intendant,  »  et  l'on  citait  comme  une  exception  bien 
rare  celui  qui  «  s'arrêtoit  longtemps  dans  le  même  lieu,  attentif  à  écouter 
toutes  les  plaintes,  encore  plus  à  connoître  et  à  réformer  tous  les 
abus^.  »  En  vain  les  contrôleurs  généraux  renouvelaient  chaque  année 
les  recommandations  les  plus  expresses  sur  ce  point.  «  11  faut,  disait 
par  exemple  Claude  le  Peletier  aux  intendants,  en  1688,  il  faut  entrer 
dans  le  détail  de  la  répartition  avec  tout  le  soin  et  l'exactitude  possible, 
pour  la  faire  avec  justice  et  égalité....  Comme  c'est  la  plus  importante 
de  vos  fonctions,  vous  y  devez  donner  tout  le  temps  nécessaire,  et  sur- 
seoir plutôt  toutes  les  autres  affaires  dont  vous  êtes  chargé.  Si  l'étendue 
de  votre  département  ne  vous  permet  pas  de  demeurer  dans  chaque 
élection  autant  qu'il  seroit  utile  pour  y  bien  régler  toutes  choses  par 
vous-même,  vous  devez  au  moins  observer  d'y  choisir,  tous  les  ans, 
certain  nombre  de  paroisses  qui  vous  paroîtront  les  moins  bien  réglées, 
y  séjourner  quelque  temps,  pour  y  entrer  jusque  dans  le  moindre  détail 
des  facultés  et  des  cotes  de  chaque  contribuable,  pour  connoître  si  la 
proportion  y  est  bien  gardée,  y  faire  faire  ou  réformer  les  rôles  en  votre 
présence,  et  enfin  y  mettre  par  vos  soins  et  votre  application  les 
choses  sur  un  pied  qui  y  puisse  servir  de  règle  pour  l'avenir.  Mais, 
pour  cela,  il  est  absolument  nécessaire  que  vous  alliez  vous-même  vi- 
siter tous  les  cantons  de  votre  généralité-.  » 

On  a  nombre  de  circulaires  semblables  de  Colbert  insistant  pour  que 
la  répartition  se  fasse  avec  égalité,  forts  et  faibles  portant  chacun  leur 
part  à  proportion  de  leurs  biens  et  facultés^;  mais,  à  côté  de  ces  sages 

1.  Vie  de  H.  Daguesseau,  par  son  fils,  dans  les  Œuvres  du  chancelier, 
éd.  in-4»,  tome  XIII,  p.   17. 

2.  Correspondance  des  contrôleurs  généraux  avec  les  intendants  des  prO' 
vinces,  tome  1,  n"  GI7. 

.3.  Voyez  les  Mémoires  de  Nicolas- Joseph  Foucault,  TpnhWéi  par  M.  Baudry, 
p.  Lxv-Lxvi,  45i,  467,  etc.  Dans  un  mémoire  de  1663,  Colbert  recommanda 
aux  enquêteurs  qu'il  envoyait  dans  certaines  provinces  de  ne  rien  négliger 
pour  que  les  petits  contribuables  ne  fussent  plus  écrasés  au  profit  des 
riches  ou  des  puissants.  «  Par  l'inégalité  des  charges,  écrivait-il,  c'est-à- 
dire  quand  le  plus  puissant  ou  le  plus  riche,  par  des  moyens  qu'il  tire  de 
l'état  où  il  se  trouve,  se  fait  décharger  ou  soulager,  le  pauvre  ou  le  foible 
se  trouve  surchargé;  et  cette  inégalité  cause  dans  les  provinces  la  pauvreté, 
la  misère,  la  difficulté  du  recouvrement  des  deniers  du  Roi,  qui  attire  les 
vexations  des  receveurs  ou  commis  aux  recettes,  des  sergents,  et  générale- 
ment toutes  sortes  de  maux  :  en  sorte  que  les  commissaires  dans  les  pro- 
vinces doivent  avoir  toujours  cette  maxime  fondamentale  et  cette  règle  cer- 
taine dans  l'esprit,  dont  ils  ne  doivent  jamais  se  départir,  de  bien  connoître 


LES   INTENDANTS   ET  LA  TAILLE.  513 

prescriptions,  nous  le  voyons  lui-même  appuyer  les  demandes  en  dimi- 
nution de  certains  personnages  puissants  et  en  crédit,  «  autant,  dit-il, 
que  vous  estimerez  que  cela  pourra  s'accommoder  avec  le  service  du 
Roi';  »  et  Foucault,  pour  ne  citer  que  cet  intendant,  avait  grand  soin 
de  décharger  la  paroisse  de  Poitou  où  Pussort,  l'austère,  l'intègre,  le 
probe  conseiller  d'État '^j  avait  des  terres  :  si  bien  que  les  métayers 
de  celui-ci  «  ne  payoient  presque  point  de  taille^.  » 

Est-il  besoin  d'insister  sur  les  conséquences  de  cet  état  de  choses? 
Boisguilbert  les  a  exposées  très  nettement  dans  la  seconde  partie  du 
Détail  de  la  France*.  11  dit  par  exemple  :  «  Lorsque  la  somme  à 
laquelle  une  généralité  est  arrêtée  est  venue  du  Conseil,  tout  le  monde 
fait  sa  cour  à  Messieurs  les  intendants,  atin  que  leurs  paroisses  soient 
favorablement  traitées,  indépendanmient  du  pouvoir  où  elles  peuvent 
être  de  payer  plus  ou  moins  de  taille  :  en  sorte  qu'il  n'est  pas  extra- 
ordinaire de  voir  une  paroisse  de  cent  feux,  et  du  contenu  de  quinze 
cents  arpents  de  terre,  payer  beaucoup  moins  que  la  paroisse  voisine, 
qui  n'en  contiendra  que  la  moitié.  Mais  celui  qui  cause  ce  soulagement, 
qu'on  peut  appeler  une  ruine,  a  pour  sa  récompense  l'exemption  de  ses 
fermiers  ou  receveurs,  qui  sont  [taxés]  à  rien  ou  très  peu  de  chose; 
mais,  par  une  espèce  de  contre-échange,  il[s]  lui  paye[nt]  la  taille,  et,  si 
les  autres  fermiers  ou  détenteurs  de  fonds  à  louage  tiennent  les  terres  à 
huit  livres  l'arpent,  ceux  des  seigneurs  les  prennent  à  dix  et  onze  livres. 
Quoique  quelques  intendants  bien  intentionnés  aient  voulu  arrêter  ce 
désordre,  cependant,  comme  il  étoit  impossible  que  ce  fût  d'une  manière 
générale,  qui  ôtât  toute  jalousie,  parce  que,  de  très  grands  seigneurs  se 
trouvant  dans  cette  espèce,  on  ne  pouvoit  pas  commencer  par  eux, 
comme  il  eût  été  de  nécessité  pour  montrer  l'exemple  et  arrêter  tout  à 
fait  le  désordre,  ainsi  ils  ont  tous  abandonné  ce  projet  dès  les  com- 
mencements, et  cette  conduite  a  passé  et  passe  imperceptiblement 
d'une  condition  à  l'autre  jusqu'aux  personnes  qui  sembleroient  être 
les  moins  privilégiées,  parce  qu'il  n'a  jamais  été  constant  à  quel  degré 
il  falloit  commencer  d'arrêter  un  si  grand  mal  :  en  sorte  qu'aujourd'hui 
une  des  plus  agréables  fonctions  de  Messieurs  les  intendants  des  pro- 
vinces est  cette  répartition,  parce  que,  comme  l'usage  n'est  pas  que  la 
justice  seule  en  décide,  on  a  recours  à  tous  les  moyens  qui  peuvent 

la  force  au  vrai  de  tous  ceux  qui  sont  sujets  au  payement  des  droits  des 
aides,  tailles,  gabelles,  tant  en  général,  c'est-à-dire  les  paroisses  et  les 
communautés,  que  les  principaux  habitants  de  chacune,  et  empêcher  que 
tous  les  gens  puissants  de  tous  les  ordres  de  la  province,  par  le  moyen  des 
trésoriers  de  France,  des  élus,  et  même  des  collecteurs,  ne  fassent  soula- 
ger les  communautés  ou  le  particulier.  »  {Lettres  de  Colbert,  publiées  par 
P.  Clément,  tome  IV,  p.  35.) 

i.  JMtres  de  Colbert,  tome  VII,  p.  39-40. 

2.  Voyez  l'éloge  que  Saint-Simon  fait  de  Pussort  à  la  date  de  1697. 

3.  Mémoires  de  Foucault,  p.  lxvi  et  \U. 

4.  t.A\i\on  princeps  de  lG9o,  p.  29  et  suivantes. 

MÉMOIRES    DE    SAl.NT-SIMON.    lU  33 


514  APPENDICE  XXV. 

être  utiles  à  se  faire  considérer,  un  homme  étant  respecté  dans  le  pays 
à  proportion  que  ses  paroisses  sont  favorablement  traitées  par  Messieurs 
les  intendants.  Ce  mauvais  exemple  dans  le  département  des  paroisses 
autorise  en  quelque  façon  une  pareille  conduite  dans  l'assiette  parti- 
culière des  contribuables  de  chaque  lieu,  d'une  manière  surprenante  : 
en  quoi  les  autres  collecteurs  ou  asseyeurs,  outre  la  pente  naturelle 
qu'on  a  à  suivre  les  mauvais  exemples,  se  trouvent  merveilleusement 
secondés,  ou  plutôt  forcés,  par  des  intérêts  indirects  des  receveurs  des 

tailles,  tant  généraux  que  particuliers' » 

Le  même  Boisguilbert,  dans  sa  correspondance  avec  le  contrôleur 
général  Charaillart,  revient  mainte  fois  sur  cet  abus.  «  Il  faut,  dit-il  en 
1700,  que  tout  ce  qu'il  y  a  de  grands  seigneurs  qui  afferment,  avec 
leurs  terres,  une  presque  exemption  de  taille,  conçoivent  que  ce  n'est 
qu'en  faveur  de  leurs  fermiers  qu'ils  font  cette  injustice,  et  que,  les  du- 
pant les  premiers  en  gagnant  avec  eux  deux  fois  plus  qu'ils  ne  le  de- 
vroient,  ils  veulent  encore  qu'ils  leur  aident  à  tromper  le  Roi  et  leurs 
compatriotes  en  leur  faisant  payer  leurs  tailles  :  témoin  Mme  de  Ro- 
thelin,  qui  fatiguant  M.  de  la  Bourdonnaye*  de  lettres  pour  cent  cin- 
quante livres  de  taille  que  son  fermier  payoit  sur  six  mille  livres  de 
recette,  on  lui  trouva,  l'an  passé,  soixante  mille  livres  d'argent  comp- 
tant. M.  de  Villeroy  se  trouve,  dans  cette  généralité^,  à  la  tète  de  ceux 
de  son  genre  ■*.  »  Ailleurs  :  «  Le  fermier  de  M.  de  Vieuxpont,  à  Neuf- 
Bourg,  sur  deux  mille  cinq  cents  livres  de  ferme,  paye  quinze  livres  de 
taille,  et  c'est  à  peu  près  de  même  partout  à  l'égard  des  fermiers  des 
gens  de  condition^.  »  Et  il  conclut  ailleurs  en  ces  termes  :  «  La  juste 


1.  Le  duc  de  Noailles  dit  de  même,  dans  son  rapport  de  i'I'  au  Conseil 
de  régence  :  «  Une  troisième  cause  de  la  misère  publique  a  été  l'inégalité 
dans  la  répartition  des  impositions....  Les  personnes  accréditées  dans  les 
provinces  trouvoient  le  moyen  de  s'en  exempter,  les  fermiers  des  terres 
augmentoient  ou  diminuoient  le  prix  de  leurs  fermes  à  mesure  qu'ils  trou- 
voient de  la  protection,  et  les  intendants  n'avoieut  garde  de  se  commettre 
avec  les  personnes  d'un  rang  élevé,  pour  ne  pas  risquer  la  perte  de  leurs 
emplois.  De  là  il  est  arrivé  que  le  poids  des  impositions  est  tombé  sur  les 
misérables  ou  sur  les  gens  dénués  de  tout  crédit,  qui  ont  été  accablés,  et 
auxquels  on  n'a  pas  même  laissé  le  moyen  de  faire  valoir  leur  bien,  ni  celui 
des  autres.  Ce  déserdre  vient  de  ce  que  les  impositions  sont  arbitraires,  de 
ce  qu'il  n'y  a  pas  un  pied  commun  ou  une  estimation  des  biens  pour  régler 
les  impositions  à  proportion  des  facultés,  ainsi  qu'il  se  pratique  dans  tous 
les  États  bien  réglés....  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Fr.  11  lo^,  fol.  1"20  v°.)  Comparez 
un  mémoire  sur  la  taille,  de  i"'2o  environ,  que  M.  Chéruel  a  donné,  eu  1858, 
dans  l'Appendice  du  tome  XVII  de  son  édition  des  Mémoires. 

2.  Intendant  de  la  généralité  de  Rouen. 

3.  De  Rouen. 

i.  Lettre  du  3  octobre  1700.  Cette  correspondance  inédite  s'imprime  en 
ce  moment  dans  l'Appendice  du  tome  II  de  la  Con-espondance  des  contrô- 
leurs généraux. 

5.  Lettre  du  31  décembre  1701. 


I 


LES  INTENDANTS  ET  LA  TAILLE.  ol5 

contribution  des  personnes  puissantes  aux  impôts  est  si  essentielle  au 
maintien  d'un  État,  qu'en  Angleterre,  où  l'on  ne  peut  pas  dire  que  la 
haute  noblesse  manque  de  fierté,  elle  les  paye  sans  difficulté,  et,  en 
France,  oîi  elle  a  une  tout  autre  soumission  pour  son  prince,  elle  croit 
n'y  point  déroger  en  refusant  de  lui  payer  ce  qu'elle  lui  doit  très  légi- 
timement par  les  plus  anciennes  constitutions*.  »  Ce  fut  précisément  cet 
abus  invétéré  qui  arrêta,  trois  ans  plus  tard,  l'essai  des  réformes  pro- 
posées par  Boisguilbert.  Saint-Simon  expliquera '^  que  «  Bullion  avoit  là 
(dans  le  pays  Chartrain,  où  M.  de  Bouville  avait  été  chargé  de  faire 
l'expérience)  une  terre  où  sa  femme  fit  soulager  ses  fermiers  :  cela  fit 
échouer  toute  l'opération,  si  entièrement  dépendante  d'une  répartition 
également  et  exactement  proportionnelle.  » 

Dans  l'affaire  du  duc  de  Chaulnes  que  raconte  Saint-Simon,  et  sur 
laquelle  il  reviendra,  avec  quelques  détails  de  plus,  lors  de  la  mort  de 
Courtin^,  il  évalue  à  quarante  mille  livres  le  montant  des  torts  que  l'in- 
tendant eut  à  réparer.  Quelle  que  fût  l'étendue  des  terres  de  M.  de 
Chaulnes  (le  total  des  revenus  que  nous  avons  indiqués  ne  pouvait  s'é- 
lever à  plus  de  soixante-quinze  mille  livres),  ce  chiffre  de  quarante 
mille  livres  semble  exagéré,  puisqu'il  représente  environ  1/13  de  la 
taille  que  portait  alors  la  généralité  d'Amiens  tout  entière,  et  i/MOO  de 
la  taille  du  Royaume*.  On  ne  peut  pas  dire  d'ailleurs  que  ce  soit  un 
total  applicable  à  plusieurs  années,  puisque  Courtin  ne  fut  intendant 
que  de  1663  à  1665.  Enfin,  dans  des  proportions  pareilles,  l'iniquité 
aurait  été  par  trop  criante  et  eût  certainement  provoqué  un  toile  gé- 
néral. Turgot  a  établi  quelque  part  que  les  diminutions  arbitraires,  du 
fait  de  l'intendant,  ne  pouvaient,  sans  un  grave  danger  pour  celui-ci, 
dépasser  un  chiffre  très  minime,  et  il  raconte  que  M.  d'Orsay,  intendant 
à  Limoges  vers  1730,  ayant  voulu  réserver  une  diminution  de  huit  cents 
livres  pour  les  paroisses  dont  il  était  seigneur,  ne  put  faire  approuver 
cette  opération  par  les  élus  et  se  trouva  littéralement  déshonoré'*. 

Malgré  des  recherches  attentives  dans  les  papiers  de  Colbert  qui  con- 
tiennent la  correspondance  des  intendants  de  1663  à  1663  (Bibl.  nat., 
mss.  Mél.  Colbert,  vol.  114  à  128),  et  dans  les  dépêches  de  Louvois  à 
Courtin  (Dépôt  de  la  guerre,  vol.  191),  nous  n'avons  rien  trouvé  qui  eût 
rapport  à  cette  affaire;  mais  toutes  les  lettres  de  l'intendant  témoignent 
d'un  esprit  laborieux,  scrupuleux  et  honnête,  préoccupé  tout  autant 
des  intérêts  de  ses  administrés  que  de  ceux  du  gouvernement,  et  inca- 

1.  Lettre  du  5  mai  1702. 

2.  Mémoires,  tome  V,  p.  loo-loO. 

3.  Mémoires,  tome  IV  de  1873,  p.  37. 

4.  En  1663,  la  généralité  d'Amiens  portait  774 841  livres;  en  KîOi. 
745000  livres;  en  1663,  694  000  livres.  (Bibl.  nat.,  mss.  Mélanges  Colbert, 
vol.  177.)  Le  montant  général  de  la  taille  était  alors  d'environ  quarante-cinq 
à  quarante-sept  millions. 

5.  Œuvres  de  Turgot,  dans  la  colleclioii  des  Principaux  économistes, 
tome  I,  p.  477-479. 


M6  APPENDICE   XXV. 

pable  de  commettre,  sciemment  ou  non,  une  faute  aussi  grave  que 
celle  dont  Saint-Simon  l'accuse.  Dans  la  dernière  lettre  à  Colbert  que 
nous  ayons  rencontrée,  datée  du  31  janvier  I660,  il  annonce  qu'il  a 
reçu  un  congé  pour  aller  à  Paris,  où  l'appellent  ses  afTaires.  Ce  congé 
lui  avait  été  envoyé  par  son  ami  Louvois,  mais  avec  avis  de  n'en  pas 
profiter  avant  d'avoir  pris  les  ordres  de  Colbert.  La  semaine  suivante 
(3  février),  Louvois  lui  écrivit  de  nouveau  que  Balthazar  de  Fargues, 
l'ancien  major  d'Hesdin,  venait  d'être  pris,  qu'on  devait  lui  commencer 
.son  procès*,  et  que  le  Roi  désirait  que  Courtin,  au  lieu  devenir  à 
Paris,  allât,  sur  les  lieux  mêmes,  «  diriger  la  procédure  de  telle  façon 
qu'il  ne  s'y  fit  pas  la  moindre  cbose  contre  les  formalités  de  la  justice*.  >• 
Courtin,  qui  considérait  Fargues  comme  couvert  par  l'amnistie  générale 
de  1062,  refusa  de  faire  ce  procès  ;  aussitôt  le  maître  des  requêtes 
Louis  de  Machault  vint  le  remplacer,  et  Fargues  fut  condamné  à  mort 
le  18  mars  I660.  Ce  motif  de  retraite,  fort  honorable  pour  l'intendant, 
est  en  effet  indiqué  par  Olivier  d'Ormesson^,  qui,  allant  s'informer 
auprès  de  Courtin  lui-même,  dès  son  arrivée  à  Paris,  apprit  ainsi  que 
l'intendant  avait  été  nommé  malgré  Colbert  au  poste  d'Amiens,  qu'il 
avait  eu  beaucoup  de  peine  à  s'y  maintenir  par  le  crédit  de  Michel  le 
Tellier,  que  Colbert  avait  fini  par  obtenir  son  rappel,  et  qu'il  revenait 
sans  être  sûr  qu'on  pût  lui  offrir  l'ambassade  d'Angleterre  comme  com- 
pensation. Il  l'eut  cependant  au  mois  de  mai  suivant. 

1.  Ce  procès  dont  Saint-Siraoo  a  si   étrangement   dénaturé   les  circon- 
stances et  le  caractère  :  voyez  tome  IV  de  1873,  p.  311-313. 

2.  Dépôt  de  la  guerre,  vol.   191,  fol.  223  et  283. 

3.  Journal,  tome  II,  p.  313  et  314. 


LE  DUC  DE  LONGUEVILLE  CANDIDAT  EN  POLOGNE.  olT 


XXVI 

LE  DUC  DE  LONGUEVILLE  CANDIDAT  EN  POLOGNE». 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon"^.) 

«  Charles-Paris,  comte  de  Saint-Pol,  et,  par  la  démission  susdite'', 
duc  DE  LoNGUEviLLE,  né  dans  l'hôtel  de  ville  à  Paris,  la  nuit  du  28  au 
29  janvier,  où  Madame  sa  mère  avoit  été  obligée  d'aller  loger''  au  mi- 
lieu des  feux  de  la  guerre  civile,  pour  plus  grande  assurance  de  la  foi 
de  son  parti  à  celui  de  la  Ville,  qui,  pour  marque  d'attachement,  donna 
son  nom  à  l'enfant.  Il  trouva  tout  paisible  et  tout  changé  de  face  dès 
sa  première  jeunesse.  Il  suivit  Louis  XIV  en  Flandres  en  1667,  et  s'y 
trouva  aux  sièges  de  Tournay,  de  Douay  et  de  Lille,  et,  l'année  suivante, 
à  la  conquête  de  la  Franche-Comté.  Il  fit  ensuite  une  compagnie  de 
cent  gentilshommes,  qu'il  mena  au  secours  de  Candie  assiégée  par  les 
Turcs.  Monsieur  le  Prince,  son  oncle,  s'étoit  fait  un  plaisir  de  le  former, 
et  y  avoit  si  bien  réussi,  qu'on  ne  vit  point  d'homme  si  aimé,  si  consi- 
déré, si  applaudi  dans  cette  jeunesse,  plus  instruit  de  tout,  et  d'une 
plus  grande  réputation  de  valeur,  ni  d'une  plus  grande  espérance  pour 
toutes  choses.  Monsieur  le  Prince,  qui  le  chérissoit  tendrement,  fit 
usage  de  cette  réputation  si  heureuse  et  de  l'état  triomphant  de 
Louis  XIV  pour  le  porter  sur  le  trône  de  Pologne,  que  la  mort  du  roi 
Michel  Wiecnowiecki  venoit  de  laisser  vacant.  La  tache  de  la  bâtardise, 
qui  est,  en  Pologne,  d'un  si  odieux  mépris,  se  trouvoit  effacée  par  tant 
de  solides  et  brillantes  grandeurs,  qu'avec  l'appui  du  Roi,  alors  si 
redouté  partout,  et  le  crédit  de  ce  mérite  héroïque  de  Monsieur  le 
Prince,  si  révéré  partout,  il  se  flattoit,  non  sans  beaucoup  d'apparence, 
de  voir  incessamment  ce  cher  neveu  couronné,  quand,  au  fameux  pas- 
sage du  Rhin,  c'est-à-dire  du  Tolhuys,  M.  de  Longueville,  sortant  de 
l'eau  des  premiers,  alla  charger  imprudemment  une  troupe  qui  ne 
pensoit  qu'à  précipiter  sa  retraite,  et  fut  tué,  à  vingt-quatre  ans,  le 
dimanche  de  la  Trinité,  12  juin  1672,  sans  alliance.  Le  célèbre  Jean 
Sobieski  fut  élu  roi  de  Pologne. 

«  Ainsi  s'éteignit  cette  race  si  prodigieuse  en  toutes  sortes  de  for- 
tunes et  de  grandeur,  échantillon  premier  et  modèle  après  de  celles  des 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  294. 

2.  Extrait  de  l'art.  Longueville,  dans  les  Notes  stcr  tous  les  duchés  vérifiés 
sans  pairies,  vol.  58  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  13-4  v°,  et  (U.  fol.  180. 

3.  La  démission  de  Jean-Louis-Charles,  duc  de  Longueville,  dont  il  vient 
de  parler. 

4.  Loger  est  en  interligne. 


S18  APPENDICE   XXVI. 

bâtards  en  France,  et  avec  elle  le  duché  de  Longueville.  En  deux  cent 
soixante-treize  ans  et  sept  générations,  dont  deux  de  comtes,  cinq  de' 
ducs,  dix  ducs  de  Longueville  et  un  duc  et  pair  de  Fronsac,  huit  du- 
chesses, offi[ces]  sept,  prov.  [gouverneurs  de  provinces]  sept,  X  [gé- 
néraux d'armées]  trois,  +  [chevaliers  du  Saint-Esprit]  deux,  s[urinten- 
dant  des  finances]  un,  ch[arges]  deux,  emplois  plus[ieurs?],  a[mbas- 
sade]  une*.  Brevets  et  patentes  de  princes  du  sang  non  enregistrés  ; 
"ang  peu  à  peu  monté  et  formé  sans  exemple.  » 


1,  De  est  en  interligne. 

2.  La  plupart  du  temps,  Saint-Simon  se  sert  de  ces  abréviations  ou  signes 
de  convention  pour  résumer  les  titres,  fonctions  et  dignités  énumérés  dans 
la  notice.  Comparez  VHisloire  généalogique,  tome  l,  p.  212-223,  dont  il  s'est 
servi  pour  faire  l'article  qui  se  termine  ici. 


LE  GRAND  TRÉSORIER  MORSTIN.  r»ld 

XXVII 

LE  GRAND  TRÉSORIER  MORSTIN". 

Les  ennemis  de  ce  personnage,  au  cours  de  la  guerre  acharnée  qu'ils 
lui  firent  comme  agent  de  la  politique  française  et  qui  aboutit  à  son 
exil,  prétendirent  qu'il  était  de  basse  origine  et  avait  eu  des  com- 
mencements fort  humbles*;  on  ne  sait  par  conséquent  s'il  faut  s'en 
fier  à  un  tableau  généalogique  dressé  pour  son  fils,  en  France,  et  qui 
présente  André  Morstin  comme  fils  d'autre  André  de  Raciborko  Morstin, 
palatin  de  Sandomir  et  échanson  (pocillator)  ;  celui-ci  fils  de  Christophe 
Morstin,  chancelier  de  Catherine  d'Autriche,  reine  de  Pologne,  et  les 
bisaïeul  et  trisaïeul  administrateurs  héréditaires  des  salines  de  l'État'. 
Mais  ce  qui  peut  intéresser  ici  le  lecteur,  et  ce  que  nous  nous  sommes 
proposé  dans  cet  appendice,  c'est  de  reconstituer  sommairement  l'his- 
toire d'André  Morstin,  ou  du  moins  d'indiquer  les  points  principaux  de 
sa  vie,  en  le  considérant  surtout  dans  son  rôle  «  françois,  »  comme  dit 
Saint-Simon.  Les  correspondances  de  Pologne  envoyées  à  la  Gazette, 
quelques  pages  des  mémoires  contemporains,  \ Histoire  de  Jean  Sohieski 
par  J.  Coyer,  l'étude  beaucoup  plus  moderne  de  Salvandy,  et  enfin  quel- 
ques papiers  de  la  maison  de  Condé  conservés  aux  Archives  nationales 
nous  suffiront  pour  préciser  les  points  les  plus  intéressants,  sans  qu'il 
soit  besoin  de  recourir  aux  documents  diplomatiques  que  possède,  sans 
nul  doute,  le  Dépôt  des  affaires  étrangères,  mais  qui  nous  entraîne- 
raient trop  loin. 

Nous  ne  remonterons  pas  au  delà  de  1654.  A  cette  époque,  la  reine 
Christine  ayant  laissé  le  trône  de  Suède  à  Charles-Gustave,  le  roi  de 
Pologne,  qui  était  Jean-Casimir,  dernier  de  la  race  des  Jagellons,  pro- 
testa contre  la  proclamation  du  nouveau  prince,  et,  au  lieu  d'accréditer 
auprès  de  celui-ci  un  ambassadeur  pour  renouveler  le  traité  d'alliance, 
il  ne  lui  adressa  que  Morstin,  avec  le  simple  caractère  d'envoyé.  Comme 
Morstin  était  porteur  de  lettres  de  créance  où  Casimir  prenait  la  qualité 
de  roi  de  Suède,  Charles-Gustave  refusa  de  le  recevoir,  et,  peu  après, 
il  commença  contre  la  Pologne  une  guerre  qui  ne  devait  finir  qu'à  sa 
mort  (1660)*.  Pendant  ce  temps,  Morstin  remplit  les  fonctions  de  ré- 
sident en  Danemark,  et  il  n'en  revint  que  pour  être  nommé  grand 
référendaire  de  Pologne^. 


1.  Voyez  ci-dessus,  p.  294-297.  —  2.  Voyez  plus  loin,  p.  520  et  note  6. 
3.  Cabinet  des  titres,  dossier  Morstin. 

-i.  Mémoires  de  M.  de  "'pour  servir  à  l'histoire  du  XVII' siècle,  p.  591. 
5.  Gazette  de  1660,  p.  363. 


S20  APPENDICE  XXVII. 

Son  crédit  était  dès  lors  considérable  ;  un  mémoire  sur  la  cour  polo- 
naise, dressé  en  1662',  s'exprime  ainsi  à  son  sujet  : 

"  M.  Morstin,  grand  référendaire,  est  un  homme  fort  liabile  et  fort 
capable  de  servir.  C'est  la  personne  de  toute  la  Pologne  dont  l'esprit 
revient  le  plus  à  la  Reine*,  avec  qui  elle  traite  d'affaires,  et  qu'elle 
emploie  le  plus  volontiers.  Il  n'y  en  a  point  à  qui  elle  se  laisse  si  aisé- 
ment persuader  qu'à  lui,  ni  qui  soit  plus  propre  à  découvrir  les  senti- 
ments de  la  Reine,  même  sur  les  choses  qu'elle  n'a  pas  dessein  de  lui 
communiquer.  C'est  le  grand  maréchal^  qui  a  commencé  à  le  produire  et 
à  le  faire  connoître  à  la  Reine.  11  lui  est  devenu  nécessaire,  peu  de 
temps  après,  en  se  rendant  le  médiateur  entre  elle  et  le  maréchal.  Cela 
lui  a  donné  beaucoup  d'emploi  et  beaucoup  de  moyens  de  se  faire  con- 
sidérer de  la  Reine,  car  le  maréchal  a  toujours  été  embarrassant  et 
difficile  à  faire  agir,  et  l'on  ne  peut  bien  juger  sur  quoi  la  Reine  s'est 
fondée  pour  vouloir  surmonter  l'aversion  que  le  roi  de  Pologne  a  tou- 
jours eue  pour  le  maréchal,  et  pour  s'employer  si  chaudement  à  l'éta- 
blissement d'un  homme  de  la  puissance  de  qui  elle  a  eu,  en  tout 
temps,  grand  sujet  de  se  défier.  M.  Morstin  a  beaucoup  servi  à  faire 
avoir  au  maréchal  les  charges  et  les  bienfaits  qu'il  a,  et  il  s'est  toujours 
fort  employé  à  faire  paroître  à  la  Reine  que  le  crédit  du  maréchal  étoit 
grand  et  qu'il  la  serviroit  utilement.  » 

Vers  cette  même  époque,  Morstin  épousa  la  fille  du  marquis  de  Hun- 
tley,  Catherine-Geneviève  Gordon,  d'origine  écossaise,  mais  amenée  de 
France  par  la  reine  Louise-Marie  de  Gonzague,  et,  une  première  enfant 
étant  issue  de  cette  alliance,  il  la  fit  tenir  sur  les  fonts,  à  la  fin  du 
mois  de  mai  166.5,  par  la  Reine  elle-même  et  par  l'ambassadeur  de 
France  Bonsy,  qui  donnèrent  à  sa  fille  les  noms  des  deux  reines  Anne 
et  Thérèse''.  Peu  auparavant,  lors  du  passage  des  fils  du  duc  de  Gra- 
mont  en  Pologne,  Morstin  s'était  montré  des  plus  hospitaliers  pour  eux, 
et  leur  avait  fait  présent  d'un  beau  cheval  du  pays^.  Quoique  très  lié, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  avec  le  grand  maréchal  Lubomirski  (on 
prétendait  même  qu'il  avait  été  domestique  ou  page  chez  ce  prince*), 
il  ne  prit  point  part  à  sa  révolte  contre  Jean-Casimir,  et,  au  contraire, 
servit  d'intermédiaire  entre  lui  et  la  Reine,  lorsque  celle-ci  entreprit 
de  faire  abdiquer  son  mari  et  de  préparer  la  candidature  du  prince  de 
Condé,  que  l'évèque  de  Béziers  avait  ordre  de  mettre  en  avant  dès  la 
prochaine  diète".  C'est  à  cette  occasion  que  Morstin  fut  envoyé  une 

1.  Arch.  nat.,  K  1313,  p.  13  et  16. 

2.  Louise-Marie  de  Gonzague,  mariée  le  30  mai  1649. 

3.  Georges  Lubomirski. 

4.  Gazette,  1663,  p.  640. 

5.  Gazette,  1663,  p.  1266,  novembre. 

6.  J.  Coyer,  Histoire  de  J.  Sohieski,  tome  II,  p.  237. 

7.  Mémoires  de  Pomponne,  tome  I,  p.  337-360.  Lorsque  Henri-Jules  de 
Bourbon  avait  épousé  Anne  de  Bavière  (1663),  celle-ci  avait  été  traitée 
comme  fille  adoptive  et  héritière  du  roi  et  de  la  reine  de  Pologne,  qui  ne 


LE  GRAND  TRÉSORIER   MORSTIN.  521 

première  fois  auprès  du  roi  Louis  XIV  pour  demander  tout  à  la  fois 
que  la  France  prêtât  aide  aux  Polonais  contre  l'invasion  menaçante  des 
Turcs,  et  que  le  commandement  de  l'armée  de  secours  fût  donné  au 
prince  de  Condé,  dont  la  présence  sur  les  champs  de  bataille  aurait  fa- 
cilement triomphé  des  inimitiés  et  des  compétitions*.  Parti  de  Varsovie 
le  10  janvier  1667,  arrivé  à  Paris  le  6  mars,  Morstin  eut  sa  première 
audience  le  12,  et  reprit  le  chemin  de  la  Pologne  à  la  fin  du  mois  d'avril, 
emportant,  avec  les  meilleures  assurances  de  la  sympathie  française 
pour  son  pays,  les  plus  flatteurs  témoignages  de  l'estime  du  Roi,  qui 
lui  donna  son  portrait  enrichi  de  diamants-.  Dès  son  arrivée,  il  s'était 
mis  en  relation  avec  les  Condés,  comme  le  prouve  cette  lettre  auto- 
graphe, conservée  dans  les  papiers  des  princes^  : 

«  Monseigneur, 
«  On  ne  me  permets  pas  encor  d'aller  à  Chantilly.  Je  scay  bien  que 
je  ne  scaurois  faillir  marchant  soubs  les  ordres  de  Monseigneur  le  Duc  ; 
mais  il  m'est  impossible  pourtant  de  m'empescher  de  tesmoigner  à 
V.  A.  Ser"'  l'impatience  que  j'ay  de  me  pouvoir  jetter  au  plus  tost  aux 
pieds  de  V.  A.  et  de  luy  tesmoigner  que  mes  commissions  et  mon  zèle 
ne  sont  pas  moins  forts  pour  ses  interests  que  pour  le  bien  de  la 
Pologne.  Je  m'accuse  aussy  moy  mesme  d'avoir  contrevenu  à  l'ordre 
convenable,  et  aux  ordres  receus,  que  d'avoir  demandé  au  Roy  la  per- 
sonne de  V.  A.  pour  chef  de  nostre  secours  avant  que  d'en  avoir  eu 
l'adveu  de  V.  A.  Mais  je  la  supplie  très  humblement  de  considérer  que 
le  temps  nous  est  fort  cher,  que  je  ne  pouvois  ny  ne  ('evois  pas  éviter 
de  parler  au  Roy  à  la  première  ouverture  que  Sa  M""  m'en  a  voulu 
donner,  et  que  mes  lettres  de  créance  parlent  si  positivement  de  V.  A., 
qu'il  estoit  inconvénient  de  passer  soubs  silence  ce  principal  poinct  de 
ma  negotiation.  J'en  envoyé  les  coppies  à  V.  A.  pour  luy  faire  voir  la 
vérité  de  ce  que  je  dis,  et  que  tout  ce  qu'elles  contiennent  ne  se  pou- 
voit  pas  séparer.  Monseigneur  le  Duc  aura  faict  savoir  à  V.  A.  ce  que 
Monsieur  de  Lyonne  me  dict  hier  sur  un  traicté  que  l'on  veut  faire  avec 
Monsieur  l'électeur  de  Brandebourg.  Je  le  tiens  très  important  à  touttes 
nos  affaires,  et  ne  le  croy  pas  impossible;  mais  j'appréhende  que,  sur 
cette  espérance,  on  ne  s'abandonne  pas  tout  sur  ce  seul  expédient,  qui 
n'est  ny  prorapt,  ny  tout  à  faict  asseuré.  Je  ne  scay  pas  aussy  si  V.  A. 
se  disposeroit  à  partir  d'icy  sans  aucunes  trouppes,  et  pour  commander 
un  corps  incogneu,  et  obtenu  d'un  prince  qui  ne  fairoit  qu'entrer  dans 
nos  interests.  J'attendray  là  dessus  les  sentiments  de  V.  A.,  comme 
aussi  sur  l'entière  conduitte  de  ma  negotiation,  dans  laquelle  ma  plus 

songèrent  plus  qu'à  abdiquer  au  profit  du  prince  français  ou  de  quelqu'un 
de  ses  proches.  Colbert  poussa  le  Roi  à  faire  tous  les  sacrifices  d'argont 
pour  réaliser  ce  projet. 

1.  Mémoires  de  Pomponne,  tome  I,  p.  355  et  356. 

■2.  Gazette  de  1667,  p.  414  ;  Mémoires  de  Jj)uis  XIV,  tome  II,  p.  "2-20, 

3.  Arch.  nat.,  K  1312. 


S22  APPENDICE    XXVII. 

grande  gloire  consiste  à  monstrer  à  touts  et  à  bien  confirmer  à  V.  A. 
que  je  suis, 

«  Monseigneur, 

«  De  V.  A.  Ser"% 

«  Le  très  fidelle  et  très  obéissant  serviteur. 

«    MORSTIN. 
«  Ce  13  de  mars  1667.  » 

La  mort  subite  de  la  reine  Louise-Marie  (10  mai  1667)  porta  un 
coup  fatal  aux  intérêts  français.  Morstin  était  déjà  en  Hollande  lors- 
que la  nouvelle  lui  en  parvint;  il  écrivit  tout  aussitôt  au  duc  d'Enghien 
cette  nouvelle  lettre  autographe  *  : 

«  A  Amsterdam,  ce  '23  may. 

«  Estant  arrivé  icy  devant  trois  jours,  j'attendois  avec  impatience  les 
lettres  de  Dantsigh,  qui  arrivent  aujourd'huy.  Je  n'en  ay  pas  eu,  à 
cause  que,  croyant  faire  plus  grande  diligence,  je  les  ay  faict  arrester  a 
Dantsigh  ;  mais  je  receu  d'ailleurs  la  cruelle  nouvelle  de  la  mort  de  la 
Reyne.  C'est  le  maistre  des  postes  de  Dantsigh  qui  l'escrit  à  deux  de 
ses  amy  en  cette  ville,  et  dict  qu'un  courier  exprès  l'a  apporté  à 
Dantsigh.  C'est  un  coup  qui  m'abbat,  et  tant  plus  que  je  prevoy  et 
cognois  touttes  les  mauvaises  suittes  qui  en  peuvent  provenir.  Je  sup- 
plie V.  A.  S.  de  croyre  et  d'asseurer  Monseigneur  le  Prince  que  rien 
n'est  capable  de  rallentir  mon  zèle  et  ma  fidélité  envers  Vos  Altesses. 
Mais  il  faut  secourir  Mons'  des  Beziers*  de  nouveaux  ordres  et  de  quel- 
que chose  avec,  et  me  dire  aussy  ce  que  je  dois  faire.  Je  prends  la 
poste  demain  p'ur  Hambourg,  et  de  là  à  Berlin,  ou  le  Roy  m'a  com- 
mandé de  m'abboucher  avec  M'  Millet,  et  m'a  envoyé  de  lettre  de 
créance  pour  M'  l'Electeur.  Je  me  serviray  de  tout  cela  de  la  fason  que 
cela  ne  puisse  retarder  mon  voyage,  voyant  de  quelle  importance  soit 
que  je  sois  au  plus  tost  à  Varsovie,  ou  V.  A.  disposera  tousjours  de 
moy  comme  de  son  très  fidelle  serviteur. 

«  Morstin. 

«  J'escry  à  Monseigneur  le  Prince  par  la  poste  ordinaire,  et  cecy  par 
Breda,  d'où  j'espère  que  M*^  d'Estrade  escrit  droict  au  camp  du  Roy.  » 

Quelques  changements  que  cette  mort  apportât  dans  la  situation,  on 
voit  que  Jean-Casimir,  sous  l'influence  de  Bonsy,  persistait  à  suivre  la 
même  voie.  Il  désirait  que  Morstin  s'assurât  de  l'intention  du  Bran- 
debourg pour  le  cas  où  le  trône  de  Pologne  deviendrait  vacant  par  son 
abdication  :  l'ambassadeur  s'arrêta  donc  à  Berlin  ;  mais  ses  insinuations 
en  faveur  du  prince  de  Condé,  quoique  produites  avec  sagesse  et  me- 
sure, furent  travesties  par  les  partisans  de  l'Empire  et  de  la  Suède,  et 
produisirent  un  très  mauvais  effet^.  En  France  d'ailleurs,  la  mort  de 

1.  Arch.  nat.,  K  1313. 

2.  L'évêque  Pierre  de  Bonsy. 

3.  L'auteur  des  JfcTMOîVes  (prétendus  ou  authentiques)  rfe  M.  de  ***  raconte 


LE   GRAND  TRÉSORIER   MORSTIN.  S23 

la  reine  Louise-Marie  décida  Louis  XIV  à  délaisser  la  candidature 
qu'il  avait  mise  en  avant,  et  à  reporter  les  chances  sur  le  duc  de 
Ravière-Neubourg.  Ronsy  eut  ordre  d'agir  en  conséquence  lors  de  la 
réunion  de  la  diète  de  Varsovie  (janvier  1668*),  et  Morstin  continua  de 
manœuvrer  de  concert  avec  le  représentant  de  la  France,  encore  que 
l'abandon  de  la  candidature  du  prince  de  Condé  eût  fait  suspendre  ie 
payement  des  pensions  qu'on  avait  assignées  à  ses  partisans,  et  dans 
lesquelles  le  grand  référendaire  figurait  pour  neuf  mille  livres,  de  même 
que  Jean  Sobieski,  grand  général  du  royaume,  pour  vingt  mille*.  La 
Gazette  de  1668  mentionne  à  diverses  reprises  les  fêtes  offertes  par 
Morstin.  Généralement  elles  étaient  accompagnées  d'une  comédie  fran- 
çaise, et  Bonsy  y  avait  une  place  d'honneur'.  Elles  se  donnaient  sans 
doute  dans  le  palais  magnifique  que  Morstin  avait  fait  construire  au 
milieu  d'un  des  faubourgs  de  Varsovie,  et  qui,  cinquante  ou  soixante 
ans  plus  tard,  devint  la  résidence  du  roi  Auguste  II.  Ce  palais,  ces 
fêtes,  les  festins  à  huit  services,  les  bals  splendides,  nous  porteraient 
à  suspecter  le  témoignage  des  contemporains  qui  l'accusent  d'avarice 
(au  moins  pendant  son  séjour  en  France);  remarquons  toutefois  que 
l'histoire  affirme  aussi  que  Sobieski  tomba  dans  le  même  défaut  après 
avoir  été  très  libéral  et  généreux*. 

Ce  fut  au  milieu  de  l'année  1668  que  Morstin  échangea  la  charge 
de  grand  référendaire  contre  celle  de  grand  trésorier  de  Pologne,  que 
l'on  regardait  comme  la  plus  considérable  du  royaume  après  celles  de 
grand  maréchal  et  de  grand  général.  Il  prêta  serment  le  27  juin  1668'*. 

L'année  suivante,  le  roi  Jean-Casimir  ayant  enfin  mis  à  exécution 
ses  projets  de  retraite  et  cherché  un  asile  en  France,  la  couronne  fut 
mise  sur  la  tête  de  Michel  Koribut  Wiecnowiecki,  ancien  pensionnaire 
de  la  reine  Louise-Marie.  L'incapacité  notoire  de  ce  prince,  son  inap- 
plication, le  mépris  professé  partout  pour  lui,  même  parmi  ses  élec- 
teurs, provoquèrent  la  formation  immédiate  d'un  parti  considérable, 
dont  le  chef  fut  Jean  Sobieski,  et  oia  Morstin,  «  homme  riche  et  de 
beaucoup  d'esprit,  »  eut  la  principale  part  avec  le  grand  maréchal.  Ils 
reprirent  le  projet,  qui  avait  jusque-là  échoué,  de  faire  monter  sur  le 
trône  de  Pologne  un  prince  de  la  maison  de  France,  et,  à  défaut  des 


(p.  602)  qu'en  venant  prendre  possession  du  poste  de  résident  de  France 
en  Pologne,  il  trouva  à  Varsovie  le  comte  de  Morstin,  qui  était  arrivé  de 
Francfort  depuis  quelques  jours,  et  qu'il  eut  par  son  entremise  une  audience 
particulière  du  Roi. 

1.  Mémoires  de  Pomponne,  tome  I,  p.  386,  396,  428-433,  451-433,  491- 
492,  495. 

2.  Ibidem,  tome  II,  p.  420  et  429. 

3.  Gazette  de  1668,  p.  543  et  749;  de  1669,  p.  319. 

4.  Mémoires  de  M.  de  '",  p.  609. 

5.  Gazette,  p.  725.  Son  prédécesseur  s'appelait  Gonziewski.  Il  prit  posses- 
sion du  trésor  de  la  couronne,  qui  se  conservait  à  Cracovie,  le  5  jaa- 
vier  1669. 


524  APPENDICE  XXVII. 

Condés,  qui  ne  voulaient  plus  se  compromettre,  ils  jetèrent  les  yeux 
sur  le  jeune  duc  de  Lonp;ueville*.  Les  partis  opposés  saisirent  dès  lors 
toute  occasion  de  provoquer  la  disgrâce  du  grand  trésorier.  Accusé  de 
trahison  par  une  diète  provinciale,  en  juillet  1670,  Morstin  commença 
d'abord  par  s'assurer  un  asile  à  Dantzick,  le  grand  refuge  de  tous  les 
mécontents  ;  puis  il  fit  agir  ses  protecteurs  auprès  du  Roi  et  dans  les 
autres  diètes,  si  bien  que  l'examen  des  dénonciations  dirigées  contre 
lui  fut  remis  à  une  future  session  de  la  diète  générale,  et  qu'il  se 
trouva  couvert,  ainsi  que  les  personnages  accusés  avec  lui,  par  une 
amnistie  plérfière  du  Roi  pour  tout  ce  qui  avait  pu  se  dire,  se  faire  ou 
s'écrire  depuis  l'élection  de  1669*.  Les  manœu\Tes  commencées  au 
profit  de  M.  de  Longueville  furent  reprises  plus  activement  que  jamais, 
avec  le  concours  de  la  Reine  elle-même  (Éléonore,  sœur  consanguine 
de  l'empereur  Léopold),  qui,  selon  un  contemporain^,  s'éprit  du  jeune 
duc  sur  la  vue  de  son  portrait  et  ne  songea  plus  qu'à  forcer  Wiecno- 
wiecki  à  abdiquer,  pour  faire  casser  ensuite  leur  mariage  et  convoler 
en  secondes  noces  avec  le  prince  français,  en  lui  apportant  la  couronne 
de  Pologne.  Cette  intrigue,  fort  bien  menée,  eût  infailliblement  réussi 
sans  la  catastrophe  de  Tolhuys.  Morstin  perdit  à  la  mort  du  duc  de 
Longueville  de  grosses  sommes  qu'il  avait  avancées  pour  lui  faire  des 
partisans,  ou  du  moins  ce  ne  fut  que  trente  ans  plus  tard  que  l'héri- 
tière du  duc  les  remboursa  aux  petites-filles  du  grand  trésorier*. 

Vers  le  même  temps,  Morstin  se  trouva  sous  le  coup  d'une  nouvelle 
dénonciation  de  l'envoyé  polonais  en  résidence  à  Constantinople,  puis 
d'une  autre  du  palatin  de  Syradie;  mais  le  roi  Michel  et  la  diète  le 
dégagèrent  encore^,  et  il  revint  en  faveur  comme  par  le  passé,  ainsi 
qu'un  sien  neveu,  le  colonel  Morstin,  qu'on  voit  depuis  lors,  malgré  sa 
jeunesse,  jouer  un  rôle  important,  soit  à  la  cour,  soit  dans  les  expédi- 
tions contre  les  Turcs  et  les  Cosaques,  soit  dans  les  missions  diploma- 
tiques à  l'étranger^. 

Un  mémoire  fait  à  peu  près  vers  ce  temps,  ou  vers  1670,  traite  l'oncle 
fort  mal'.  «  Le  grand  trésorier,  dit  cette  pièce,  est  d'un  si  vilain  carac- 
tère, qu'il  manque  des  termes  convenables  à  l'idée  que  sa  conduite 
donne  de  lui.  Il  a  ce  qu'on  appelle  communément  de  l'esprit  ;  je  trouve 

1.  Mémoires  de  Pomponne,  tome  II,  p.  419-421. 

2.  Gazette  de  16"0,  p.  786,  810,  833,  85",  926,  dl3,  997-998,  1037,  1061, 
1085,  1160-1161,  1183,  1234. 

3.  Mémoires  de  M.  de  '**  pour  servir  à  Vliistoire  du  XVII'  siècle,  p.  607. 

4.  Journal  de  Dangeau,  tome  VIII,  p.  111.  Voyez  ci-après,  p.  526,  une 
lettre  du  duc  d'Enghien. 

5.  Gazette  de  1672.  p.  889;  de  1673,  p.  223. 

6.  Gazette  de  1673,  p.  795  et  1231;  de  1675,  p.  150  et  221;  de  1679, 
p.  217.  Dans  cette  dernière  année,  Morstin  neveu,  devenu  sous-écuyer  de 
Lithuanie,  fut  envoyé  en  Hollande  et  en  Angleterre,  par  la  diète  de  Grodno, 
comme  son  oncle  en  France. 

7.  Arch.  nat.,  K  1313,  dans  les  papiers  de  Condé. 


LE  GRAND  TRÉSORIER   MORSTIN.  525 

que  ce  n'est  que  de  la  mémoire  :  il  ramasse  tout  ce  qu'il  a  ouï  dire  des 
gens  qui  sont  devenus  riches,  ou  qui  ont  engagé  quelqu'un  en  un  mau- 
vais pas  pour  en  profiter.  Pour  les  deux  fins,  il  vendroit  son  roi,  sa  patrie 
et  son  âme.  Il  y  a  très  peu  de  temps  qu'il  est  riche;  il  l'est  devenu 
sans  autre  industrie  que  d'avoir  vendu  le  secret  de  M.  L.  D.  P.,  et  de 
n'avoir  pas  rendu  compte  au  Roi  des  sommes  qui  lui  ont  été  confiées  à 
l'élection.  Il  a  souffert  d'être  diffamé  par  des  factums  et  par  des  repro- 
ches publics  au  Sénat,  sans  se  mettre  en  devoir  de  se  justifier.  » 

En  1674,  la  mort  de  Michel  Wiecnowiecki  rouvrit  le  champ  aux  com- 
pétitions. Contre  les  prétendants  publiquement  avoués,  qui  étaient 
le  fils  du  grand-duc  de  Russie,  le  prince  Charles  de  Lorraine  et  le  duc 
de  Neubourg,  Louis  XIV  n'opposa  que  très  faiblement,  sous  main,  la 
candidature  d'un  des  princes  de  Condé  ou  celle  du  comte  de  Soissons 
(Louis-Thomas  de  Savoie);  mais  il  ordonna  à  l'ambassadeur  qui  avait 
remplacé  Bonsy  de  faire  exclure  à  tout  prix  le  prince  de  Lorraine. 
«  La  principale  créance  que  l'évêque  de  Marseille  (Forbin-Janson)  de- 
voit  prendre,  étoit  au  grand  maréchal  (Sobieski)  et  au  grand  trésorier 
Morstin....  Cependant,  pour  disposer  plus  aisément  les  amis  de  S.  M. 
à  ce  qu'elle  desiroit  d'eux,  elle  chargea  l'évêque  de  Marseille  d'une 
année  des  pensions  qui  leur  avoient  été  données  en  1669,  et  qui  ne 
leur  avoient  point  été  payées  depuis....  Il  devoit  tirer  parole  d'eux 
qu'ils  ne  donneroient  point  leur  voix  au  prince  de  Lorraine.  S.  M.  re- 
mit de  plus  au  pouvoir  de  l'évêque  de  Marseille  une  somme  de  cin- 
quante mille  écus,  pour  répandre  dans  la  diète  selon  qu'il  le  croiroit  à 
propos.  Mais,  pour  toucher  le  grand  maréchal  et  le  grand  trésorier  par  de 
plus  grandes  espérances,  elle  lui  permit  de  leur  promettre  quatre  cent 
mille  livres  après  l'élection  du  prince  de  Neubourg,  ou  au  moins  après 
l'exclusion  du  prince  Charles,  soit  qu'ils  voulussent  distribuer  cette 
somme  parmi  ceux  de  leur  parti,  pour  s'assurer  leurs  suffrages,  soit 
qu'ils  voulussent  se  la  réserver  pour  eux-mêmes* »  On  sait  com- 
ment l'élection  se  termina  par  un  revirement  subit  de  l'ambassadeur 
français,  qui  réunit  les  voix  sur  celui  des  généraux  polonais  qu'il  avait 
droit  de  considérer  comme  tout  acquis  à  la  France,  sur  Jean  Sobieski''. 

Sous  ce  nouveau  roi,  Morstin,  plus  que  jamais  en  faveur,  parvint 
enfin  à  obtenir  de  la  diète  qui  se  tint  à  l'occasion  du  couronnement 
une  quittance  générale  de  tout  son  maniement  passé,  quittance  qu'il 
n'avait  jamais  su  arracher  aux  diètes  précédentes,  et  qui  seule  pou- 
vait lui  assurer  quelque  sécurité^. 

1.  Mémoires  de  Pomponne,  tome  II,  p.  ■4'-28-430. 

'2.  Ibidem,  p.  433.  Les  Mémoires  de  M.  de  ***  (p.  609)  prétendent  que, 
«  si  l'évêque  de  Marseille  eût  bien  appuyé  les  intérêts  du  prince  de  Condé, 
il  auroit  été  sûrement  élu;  mais,  ce  prélat  s'étant  déclaré  pour  Jean  So- 
bieski, qui  avoit  beaucoup  de  partisans  dans  la  diète,  toutes  les  voix  se 
réunirent  en  sa  faveur.  » 

3.  Gazette  de  1676,  p.  353.  Les  Mémoires  de  M.  de  '**  (p.  585)  disent,  de 
la  charge  qu'exerçait  Morstin  :  «  Le  grand  trésorier  reçoit  tous  les  deniers 


526  APPENDICE  XXVII. 

En  avril  1676,  le  duc  d'Enghien,  envoyant  Monsieur  de  Lavaur  en 
Pologne,  lui  donnait  cette  instruction  : 

«  Il  verra  en  particulier  M.  le  comte  de  Morstain  (sic),  de  la  part  de 
Monsieur  mon  père  et  de  la  mienne.  C'est  un  homme  d'un  grand  mé- 
rite et  qui,  en  toutes  rencontres,  a  paru  de  nos  amis.  Ainsi,  il  n'y  a  pas 
lieu  de  douter  qu'il  ne  nous  témoigne  en  celle-ci  toute  l'amitié  que 
nous  en  devons  attendre,  particulièrement  étant,  comme  il  est,  en  état 
plus  que  personne  de  nous  rendre  en  cette  occasion  des  services  so- 
lides pour  toutes  les  différentes  prétentions  que  j'ai,  et  qui  sont  mar- 
quées par  le  mémoire  à  part  qui  en  a  été  donné,  dont  M.  le  comte  de 
Morstain  a  plus  de  connoissance  que  qui  ce  soit.  Si  ledit  sieur  comte 
de  Morstain  parle  de  la  prétention  qu'il  a  contre  la  succession  de  feu 
M.  le  duc  de  Longueville,  et  dans  laquelle  il  avoit  espéré  que  nous  le 
pourrions  servir,  il  faut  lui  répondre  qu'il  ne  doit  pas  douter  de  nos 
bonnes  intentions  pour  tout  ce  qui  pourroit  lui  faire  plaisir,  et  qu'il 
jugera  aisément  qu'en  cette  occasion  nous  l'aurions  dû  faire  pour  notre 
propre  intérêt,  puisque  nous  aurions  pu  espérer  que  cela  auroit  facilité 
les  affaires  que  nous  avons  en  Pologne,  mais  que  cette  même  raison 
nous  a  empêchés  de  pouvoir  presser  Mme  de  Longueville  de  payer  cette 
somme  par  l'avantage  que  nous  en  aurions  pu  tirer. 

«  La  difficulté  que  fait  Mme  de  Longueville  est  un  pur  effet  de  la 
délicatesse  de  sa  conscience,  parce  que  cette  dette  doit  être  portée  par 
les  héritiers  de  feu  M.  de  Longueville,  et  point  par  3Iadame  sa  mère  : 
ce  qui  doit  faire  juger  à  M.  de  Morstain  que  nous  serons  bien  aises 
que  la  prétention  du  roi  de  Pologne  puisse  être  trouvée  bonne  par  les 
commissaires  qui  seront  nommés  par  le  Roi,  puisqu'elle  pourra  encore 
servir  de  préjugé  en  faveur  de  M.  de  Morstain"....  » 

En  1678,  Morstin  fut  envoyé,  comme  ambassadeur  du  Roi  et  de  la 
République,  à  Vienne  et  à  Rome.  Arrivé  à  Vienne  le  o  mars,  il  eut 
aussitôt  une  audience  de  l'Empereur,  par  l'intermédiaire  du  nonce 
apostolique,  présenta  les  félicitations  dont  il  était  chargé  à  l'occasion 
du  mariage  du  prince  Charles  de  Lorraine  avec  son  ancienne  reine 
Éléonore  d'Autriche,  sœur  de  l'Empereur  et  veuve  de  Michel  Wiecno- 
wiecki,  et  donna  assurance  que  les  pensions  assignées  à  celle-ci  par  la 
Pologne  seraient  payées.  De  Vienne  se  dirigeant  sur  Rome,  le  grand 
trésorier  s'arrêta  quelque  temps  à  Venise  en  compagnie  du  prince  et 
de  la  princesse  Radziwill-,  qui  revenaient  à  Varsovie  après  un  long 

de  la  République.  Lorsqu'il  rend  ses  comptes,  la  diète  nomme  des  commis- 
saires pour  les  examiner  et  lui  donner  quittance.  Comme  cette  décharge  lui 
est  extrêmement  nécessaire,  il  régale  bien  ses  commissaires  et  leur  fait 
des  présents  considérables  :  ce  qui  fait  que  ces  commissions  sont  extrê- 
mement recherchées.  »  Parmi  les  attributions  de  la  charge  figurait  le  paye- 
ment des  troupes  {Gazette  de  1677,  p.  518). 

1.  Arch.  nat.,  K  1313. 

2.  Le  prince  Michel  Radziwill,  vice-chancelier  et  petit  général  de  Lithua- 
nie,  avait  épousé  une  sœur  du  roi  Michel. 


LE  GRAND  TRÉSORIER  MORSTIN.  527 

séjour  auprès  du  Pape.  Il  eut  sa  première  audience  d'Innocent  XI  le 
45  juin,  et  repartit  pour  la  Pologne  au  bout  d'un  mois,  ayant  «  ter- 
miné avec  beaucoup  de  succès  les  négociations  dont  il  étoit  chargé  *.  » 

Depuis  trois  mois,  il  était  devenu  Français  :  Louis  XIV  lui  avait 
accordé  pour  lui,  sa  femme  et  ses  enfants,  des  lettres  de  naturalisation, 
en  date  du  24  mars  1678,  avec  dispense  de  résider'-.  Aussi,  au  lieu  de 
retourner  directement  en  Pologne,  il  vint  remercier  le  Roi  à  Fontaine- 
bleau', et  sa  femme  fit  un  plus  long  séjour  en  France*;  peut-être 
même  s'y  établit-elle  dès  lors  à  demeure.  Ce  voyage  et  le  fait  que 
Colbert  avait  mis,  six  mois  auparavant,  une  somme  de  cent  mille  livres 
à  la  disposition  du  grand  trésorier'*,  indiquent  que  celui-ci  prenait  une 
part  active  aux  projets  médités  par  Louis  XIV  contre  l'Autriche.  La  poli- 
tique française,  dans  ces  derniers  temps  de  la  guerre  de  Hollande, 
s'appliquait  à  faire  une  puissante  diversion  du  côté  de  la  Hongrie  en 
y  favorisant  le  soulèvement  des  mécontents,  et  en  y  envoyant  même 
des  troupes  :  toujours  fidèle  à  ses  anciennes  attaches,  Morstin  aida  à 
la  formation  de  cette  petite  armée  auxiliaire,  et  il  fit  même  des  avances 
considérables  pour  le  payement^. 

Par  les  relations  que  lui  avaient  procurées  ses  précédentes  ambas- 
sades, Morstin  se  trouva  tout  désigné  lorsque  la  diète  de  Grodno,  en 
avril  1679,  choisit  des  représentants  pour  aller  de  nouveau  solliciter 
le  secours  des  puissances  occidentales  contre  les  Turcs.  En  même 
temps  que  son  neveu  se  dirigeait  sur  l'Angleterre  et  la  Hollande,  le 
grand  trésorier  partit  pour  Paris  (3  juin)  ;  il  y  arriva  vers  la  fin  du  mois 
suivant,  fit  son  entrée  publique  le  13  août,  et  ne  prit  congé  qu'au 
bout  d'un  an  révolu,  le  12  juillet  1680',  sans  avoir  pu  cependant  obtenir 
une  adhésion  formelle  aux  projets  de  croisade,  car  le  gouvernement 
royal  craignait  de  compromettre  les  intérêts  du  commerce  français 
dans  le  Levant,  Sa  femme  avait  eu  audience  de  la  Reine  et  pris  le 
tabouret  le  20  août*. 

Ce  fut  pendant  ce  troisième  séjour  en  France  que  Morstin  acquit 


1.  Gazette  de  1678,  p.  236,  262,  306,  420,  606,  634,  690,  730. 

2.  Ces  lettres  furent  confirmées  plus  tard,  en  février  1707,  au  profit  de  sa 
fille,  Isabelle-Catherine  de  Morstin,  mariée  au  prince  Casimir  Czartoryski, 
duc  de  Klewan,  grand  échanson  du  duché  de  Lithuanie,  et  pour  les  fils  et 
filles  issus  de  cette  alliance.  (Dépôt  des  affaires  étrangères,  vol.  France  413.) 

3.  Gazette,  6  octobre  1678,  p.  848. 

4.  Ibidem,  p.  922.  Elle  va  «  faire  sa  révérence  »  à  la  Reine  le  7  no- 
vembre. 

5.  Colbert  écrit  à  Louis  XIV,  le  23  mars  1678,  que  les  cent  mille  livres  du 
grand  trésorier  de  Pologne  seront  payées  aussitôt  que  demandées.  {Lettres 
de  Colbert,  tome  VI,  p.  344.) 

6.  Mémoires  de  Pomponne,  tome  II,  p.  467. 

7.  Ibidem,  p.  471-472;  Gazette  de  1679,  p.  217,  336,  348,  396,  407,  408; 
de  1680,  p.  236,  352,  364,  645,  657. 

8.  Gazette  de  1679,  p.  407. 


528  APPENDICE  XXVIl. 

les  terres  de  la  maison  de  Vitry  dont  parle  Saint-Simon  S  et  il  rendit 
hommage  au  Roi  pour  le  comté  de  Cliàteauvillain,  le  26  janvier  1680-. 
Peu  après,  sa  seconde  fille,  Anne-Thérèse,  que  nous  avons  vu  baptiser 
en  1663,  prit  le  voile,  le  2o  mai  1680,  au  couvent  des  religieuses  de 
la  Visitation  du  faubourg  Saint-Germain  (elle  y  fit  profession  le  18  mai 
suivant)^.  Morstin,  étant  reparti  dans  le  courant  du  mois  de  juillet,  fut 
accueilli  à  merveille  par  le  roi  Sobieski*,  qui  témoigna,  ainsi  que  la 
diète  générale,  une  pleine  satisfaction  de  ses  services,  et  lui  donna  tout 
crédit  à  la  cour^  ;  mais  les  ressentiments  du  parti  antifrançais  firent 
explosion  au  commencement  de  l'année  1682,  sous  l'influence  des 
agents  autrichiens,  et  une  requête  fut  présentée  par  le  palatinat  de 
Sandomir  pour  que  Morstin  rendît  compte  de  ce  que,  pendant  son  am- 
bassade en  France,  il  avait  acquis  des  terres  et  prêté  serment  de  fidé- 
lité à  Louis  XIV.  Cette  requête  fut  rejetée  à  une  grande  majorité  par  le 
Sénat  et  le  Roi^.  Le  23  août  suivant,  il  fiança  une  de  ses  filles  au  comte 
Bielinski,  fils  du  palatin  de  Marienbourg^. 

Ses  ennemis  ne  tardèrent  pas  à  renouveler  leurs  accusations,  soit 
parce  qu'il  avait  refusé  de  donner  la  main  de  sa  fille  au  comte  de  Ma- 
ligny^,  frère  de  la  Reine,  soit  parce  que,  disaient-ils,  le  grand  trésorier 
s'était  engagé  envers  la  France  à  détourner  les  Polonais  de  toute 
alliance  avec  l'Autriche  contre  les  Turcs,  et  avait  même  formé  un  com- 
plot pour  renverser  le  roi  Jean  Sobieski  et  lui  substituer  un  partisan 
déclaré  de  la  France,  Jablonowski".  Les  accusations  étaient  fondées, 
cette  fois,  sur  une  correspondance  de  l'ambassadeur  de  Louis  XIV, 
marquis  de  Vitry,  et  l'on  produisait  une  lettre  de  Morstin  lui-même, 
mais  avec  des  parties  chiffrées  que  personne  ne  parvenait  à  lire.  So- 
bieski fut  obligé  de  se  rendre  personnellement  au  Sénat  pour  demander 
le  jugement  du  grand  trésorier.  Abandonné  de  tous,  Morstin  n'obtint 
grâce  de  la  vie  qu'à  condition  que,  dans  un  délai  de  six  mois,  il  don-  ' 
nerait  la  clef  de  son  chiffre  (mars  1683)  ;  mais  le  grand  maréchal  Lu- 
bomirski,  à  qui  il  fut  confié  selon  l'usage,  le  laissa  s'évader,  et  il  partit 
pour  la  France '°. 

Arrivé  à  Paris  dans  le  courant  du  mois  de  décembre,  Morstin  fut 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  297  et  note  4. 

2.  L'acte  d'hommage  est  conservé  aux  Archives  nationales,  dans  le  fonds 
de  la  Chambre  des  comptes  de  Paris,  P  167  ^  n"  2986. 

3.  Gazette  de  1681,  p.  324. 

4.  Le  Roi  lui  écrivit  pour  le  féliciter  de  la  guérison  de  son  fils  et  l'invita 
à  venir  rejoindre  la  cour  à  Zolkiew  {Gazette  de  1680,  p.  637). 

5.  Gazette   de  1681,  p.  73,  170,  653.   On  voit   (année   1680,   p.  521)  que 
Morstin  avait  alors  une  compagnie  de  hussards. 

6.  Gazette  de  1682,  p.  239-240.  —  7.  Ibidem,  p.  631. 

8.  Anne-Louis  de  la  Grange  d'Arquien. 

9.  Morstin  fut  nommé  commissaire  par  la  diète  de  février   1683,    pour 
examiner  les  propositions  de  l'Empire  {Gazette,  p.  145). 

10.  Salvandy,  Histoire  de  la  Pologne  sous  J.  Sobieski,  tome  II,  p.  138-141. 
Morstin  arriva  à  Berlin  le  30  octobre  1683  {Gazette,  p.  652). 


LE  GRAND  TRÉSORIER  MORSTIN.  529 

aussitôt  présenté  par  le  ministre  Croissy  au  Roi,  qui  lui  assura  sa  pro- 
tection pour  lui  et  les  siens*.  Il  prit  rang  dès  lors  à  la  cour,  ovi  il 
comptait  déjà  tant  d'amis.  L'auteur  des  Mémoires  de  M.  de  ***  était 
du  nombre  de  ceux-ci,  et  il  cite  l'exilé  comme  un  «  homme  d'esprit, 
qui  parloit  plusieurs  langues  et  aimoit  les  lettres,  »  et  qui  avait  été 
disgracié  «  pour  n'avoir  pu  bien  rendre  ses  comptes*.  » 

Son  éloignement  ne  mit  pas  fin  aux  poursuites,  car  la  Gazette  nous 
apprend  qu'en  avril  I680  ses  comptes  furent  encore  examinés  longue- 
ment par  la  diète,  surtout  en  ce  qui  concernait  la  vente  des  pierre- 
ries de  la  couronne  qu'il  avait  été  chargé  de  faire  en  1673,  et  il  fut 
sommé  de  représenter  dans  un  délai  de  trois  mois  deux  diamants  qu'il 
avait  achetés  pour  lui-même  au  prix  de  quatre  mille  six  cents  écus,  et 
de  justifier  de  l'administration  de  la  Monnaie  de  Bigodtz,  qu'il  avait 
dirigée  pendant  six  mois  5.  Nous  ne  savons  pas  comment  se  termina 
cette  affaire;  mais,  en  France  aussi,  à  partir  de  1686,  le  grand  trésorier 
eut  à  essuyer  les  revendications  du  prince  et  de  la  princesse  de  Condé, 
qui  l'accusaient  de  s'être  approprié  anciennement  plus  de  quatre  cent 
mille  livres  sur  le  produit  de  certaines  salines  dont  le  revenu  eût  dû 
profiter  au  roi  Jean-Casimir*  :  de  là  un  grand  procès,  qui  durait  en- 
core en  1694,  et  dont  les  pièces  remplissent  un  carton''. 

La  famille  de  Morstin  ne  fut  pas  comprise  dans  sa  disgrâce.  Son 
gendre  Bielinski  lui  succéda  comme  grand  trésorier,  puis  fut  fait  grand 
chambellan  et  continua  ses  traditions  de  politique  française  :  nous  le 
verrons,  en  1697,  comme  maréchal  de  la  diète,  favori.ser  l'élection  du 
prince  de  Conti.  Le  neveu  Morstin  joua  aussi  un  rôle  assez  important 
dans  les  affaires  du  pays;  en  1703,  il   était  palatin  de  Mazovie. 

Selon  les  comptes  de  Hyacinthe  Rigaud  conservés  à  la  bibliothèque 
de  l'Institut  (ms.  139),  le  comte  de  Morstin  se  fit  peindre,  avec  sa  fille, 
en  1692,  pour  le  prix  de  cinq  cent  vingt-six  livres  quinze  sols,  et  un 
autre  portrait  du  comte  seul  (est-ce  le  père  ou  le  fils  ?)  fut  payé  cent 
(juarante  livres  en  1697. 

Comme  on  l'a  vu  dans  une  note  du  tome  II,  Morstin  et  sa  femme  mou- 
rurent à  Paris,  l'une  le  12  mars  1691,  à  cinquante-cinq  ans,  et  l'autre 
le  8  janvier  1693,  à  quatre-vingts  ans*.  Leur  fille,  qui  était  restée 
en  Pologne,  y  épousa  le  prince  Casimir  Czartoryski,  le  11  mai  1693'. 

1.  Gazette  de  iGSi,  p.  12. 

-2.  Mémoires,  p.  610.  — Un  diplomate  français,  Le  Roy  de  Bellevue,  dans 
iin  grand  rapport  de  l'année  1703  (Arcli.  nat.,  K  1352,  n"  59,  p.  26),  fait, 
.1  propos  de  Morstin,  une  allusion  à  «  l'illustre  grand  trésorier  de  ce  nom 
Mil  s'est  vu  la  victime  de  l'envie  et  de  la  jalousie  de  ses  compatriotes.  » 

3.  Gazette  de  1685,  p.  261. 

i.  Ces  salines  constituaient  le  revenu  principal  du  Roi. 

5.  Arch.  nat.,  K  1313. 

6.  Gazette  de  1691,  p.  144,  et  de  1693,  p.  24.  Selon  ce  dernier  article,  Mor- 
stin avait  eu  des  missions  en  Transylvanie  et  auprès  des  princes  de  l'Empire 
et  figuré  comme  plénipotentiaire  aux  négociations  de  la  paix  d'Oliva  (I6C1). 

7.  Voyez  ci-dessus,  p.  527,  note  2. 

MÉMOIRES    DE    SAINT-SIMON.    III  34 


530  APPENDICE   XXVIII. 


XXVIIl 

CANDIDATURE  DU  PRINCE  DE  COxNTI  AU  TRONE  DE  POLOGNE  i. 
(Fragments  de  correspondances  diplomatiques  ^) 

«  La  pensée  de  placer  Mgr  le  prince  de  Conti  sur  le  trône  de  Pologne 
est  venue  uniquement  des  Polonois.  Longtemps  avant  la  mort  de  leur 
roi  Jean  III,  ils  disoient  que  la  Pologne  ne  seroit  jamais  heureuse  ni 
florissante  que  lorsqu'ils  auroient  un  prince  du  sang  royal  de  France; 
qu'il  leur  falloit  un  roi  guerrier,  qu'ils  ne  connoissoient  que  M.  le  prince 
de  Conti  qui  eût  toutes  les  qualités  nécessaires  pour  remettre  la  Pologne 
dans  son  ancien  lustre.  » 

M.  r abbé  de  Policjnac,  le  il  juillet  1696  :  «  Il  faudra,  par  nécessité, 
recourir  aux  princes  étrangers,  entre  lesquels  la  faction  dont  je  parle 
choisit,  par  préféi'ence  à  tout  autre,  et  désire  ardemment  M.  le  prince 
de  Conti,  dont  les  grandes  qualités  sont  ici  parfaitement  connues  de 
tout  ce  qu'il  y  a  de  meilleur,  et  surtout  au  grand  trésorier  de  la  cou- 
ronne, qui  l'a  vu  faire  la  guerre  en  Hongrie  d'une  manière  à  n'être 
jamais  oubliée.  Cette  estime  s'est  fort  augmentée  par  le  récit  des  vic- 
toires de  Votre  Majesté  où  ce  prince  a  fait  éclater  sa  prudence  et  son 
courage.  On  ajoute  que,  si  la  France  néglige  de  placer  sur  le  trône  de 
Pologne  un  prince  de  son  sang  aussi  digne  que  celui-là  de  porter  une 
couronne,  il  ne  sera  plus  possible  d'empêcher  les  Allemands  d'en  pro- 
fiter. » 

Le  même,  le  3  août  :  «  Pour  ce  qui  est  de  M.  le  prince  de  Conti,  les 
grands  du  Royaume  l'aiment  et  l'estiment  au  dernier  point,  parce  qu'ils 
trouvent  eu  lui  tout  ce  qu'ils  ont  à  désirer.  » 

Le  Roi,  le  6  septembre  1696  :  «  Les  biens  que  possède  en  France 
mon  cousin  le  prince  de  Conti  seroient  suffisants  pour  répondre  de 
toutes  les  promesses  que  vous  feriez  en  son  nom,  si  vous  étiez  dans  un 
pays  où  l'on  voulût  prendre  toute  la  confiance  que  doit  donner  une 
parole  aussi  sûre  que  la  sienne....  Les  qualités  que  l'on  doit  chercher, 
pour  le  bien  de  ce  royaume,  dans  celui  qui  sera  élu,  se  trouvent  par- 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  302. 

2.  >"ous  plaçons  ici  quelques  fragments  de  correspondances  qui  se  trou- 
vent dans  le  ras.  Clairambault  1160,  fol.  9,  et  à  l'aide  desquels  on  pourra 
suivre  la  marche  des  négociations  préliminaires.  Les  originaux,  sauf  ceux 
des  deux  dernières  pièces,  existent  au  Dépôt  des  affaires  étrangères,  Po- 
logne, vol.  9'2  et  93,  et  ne  présentent  que  des  différences  insignifiantes. 
Comparez  Flassan,  Histoire  de  la  diplomatie  française,  tome  IV,  p.  140  et 
suivantes. 


CANDIDATURE  DU  PRINCE  DE   CONTI.  531 

faitement  dans  la  personne  de  mon  cousin  le  prince  de  Couti.  Il  n'y  a 
qu'un  prince  de  mon  sang  qui  puisse  garantir  la  Pologne  du  sort  des 
royaumes  de  Bohême  et  de  Hongrie,  qu'elle  craint  avec  tant  de  raison, 
et  vivre  en  roi  sans  être  à  charge  à  la  République,  ni  pour  ses  pa- 
rents. » 

Le  27  septembre  :  «  La  Pologne  a  besoin  d'avoir  un  roi  comme  mon 
cousin  le  prince  de  Conti,  capable  de  bien  conduire  ses  armées  et  de 
repousser  les  efforts  des  Turcs,  qui  seront  désormais  fort  à  craindre, 
si  les  Allemands  ne  sont  pas  en  état  de  leur  résister.  » 

Le  4"  novembre  :  «  Le  sieur  Towinski,  après  avoir  nommé  les  Lubo- 
mirskis,  les  Radziwills,  les  Sapiehas,  et  tous  ceux  qui  souhaitoient  d'avoir 
mon  cousin  le  prince  de  Conti  pour  roi,  a  fait  de  fortes  instances  pour 
savoir  de  lui  s'ils  n'appuieroient  pas  son  parti.  Il  a  seulement  répondu 
à  cet  envoyé  que,  comme  cette  affaire  regardoit  autant  mon  service 
que  ses  intérêts  particuliers,  il  s'étoit  contenté  jusqu'à  présent  de  sa- 
voir qu'il  y  avoit  un  parti  en  Pologne  qui  desiroit  de  l'avoir  pour 
roi,  et  qu'il  ne  s'étoit  point  informé  du  détail  de  ceux  qui  le  compo- 
soient.  » 

Réponse  à  févêque  de  Cnjavie  :  «  Que  cherchent  les  Polonois  dans  la 
prochaine  élection?  N'est-ce  pas  un  roi  très  bon,  un  roi  très  grand,  un 
roi  belliqueux,  sage,  magnanime,  libéral,  modeste,  affable,  qui,  avec 
toutes  ces  grandes  qualités,  rétablisse  la  République  dans  son  premier 
état  de  gloire,  de  richesses,  de  grandeur,  et  qui,  par  le  bruit  de  ses 
triomphes,  pour  me  servir  des  propres  termes  de  V.  É.,  terrasse  les 
ennemis  de  la  patrie,  donne  de  la  terreur  aux  jaloux  de  sa  gloire,  et 
oblige  ses  voisins  d'entretenir  avec  lui  une  amitié  éternelle?  qui  gou- 
verne ses  peuples  par  son  exemple  plus  que  par  son  autorité?  qui  soit 
à  la  guerre  le  premier  soldat,  dans  le  Conseil  le  premier  à  conseiller,  et 
partout  le  modèle  de  tous  les  autres?  qu'aucun  des  Polonois  ne  haïsse 
ni  ne  méprise?  qui  s'étudie  à  porter  dignement  un  sceptre  qui  lui  aura 
été  donné,  non  par  la  loi  et  par  la  coutume,  mais  pour  l'amour  et 
l'estime,  et  qui  se  trouve  dans  la  nécessité  de  le  conserver  par  les 
mêmes  vertus  qui  le  lui  auront  acquis?  » 

Traité  (V association  :  «  Nous  soussignés,  amis,  associés  et  confédérés, 
tant  en  notre  nom  qu'en  celui  des  absents  de  notre  même  ligue,  dont 
nous  promettons  la  ratification,  après  avoir  mûrement  délibéré  sur  tous 
les  concurrents  qui  aspirent  à  la  couronne  de  notre  royaume,  et  dili- 
gemment examiné  leur  naissance,  leurs  alliances  et  leurs  qualités  per- 
sonnelles par  rapport  à  l'avantage  que  la  République  en  peut  retirer 
dans  les  conjonctures  présentes,  nous  avons  préféré  à  tous  les  autres, 
par  l'espérance  de  la  félicité  pubUque  et  de  la  conservation  de  notre 
liberté,  le  sérénissime  prince  du  sang  royal  de  France  François-Louis 
de  Bourbon,  prince  de  Conti,  tant  parce  qu'il  est  plus  versé  dans  le 
métier  de  la  guerre,  dans  les  belles  connoissances,  que  parce  que 
l'éloignement  de  sa  patrie  le  rend  moins  dangereux  à  notre  république, 
et  que  la  grandeur  de  son  extraction  et  de  ses  vertus  nous  est  un  gage 


APPENDICE  XXVIII. 


que,  bien  loin  de  donner  à  notre  liberté  la  moindre  .atteinte,  il  la  conser- 
vera dans  toute  sa  vigueur.  C'est  pourquoi  non  seulement  nous  souhai- 
tons, pour  le  comble  de  notre  bonheur,  dont  la  sûreté,  par  son  élection, 
sera  éternelle,  qu'il  plaise  au  Ciel  de  l'élever  sur  le  trône  par  les  suffrages 
libres  de  tous  les  citoyens,  mais  encore,  pour  obtenir  un  si  grand  bien, 
nous  ferons  tous  nos  efforts,  nous  emploierons  tous  nos  droits  et  nous 
unirons  toutes  nos  puissances  sans  relâche,  et  avec  le  zèle  le  plus 
sincère,  pour  faire  l'avantage  de  notre  patrie.  » 


LES  ROUANNEZ.  533 


XXIX 


LE  DERNIER  DUC  DE  ROUANNEZ'. 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon*.) 

«  Artus,  duc  deRouANNEZ,  fut,  après  sou  père,  gouverneur  de  Poitou, 
et,  faute  de  pairs,  il  représenta  au  sacre  de  Louis  XIV  le  comte  de 
Flandres*.  Il  prit  un  habit  et  des  manières  singulières,  vécut  dans  une 
grande  retraite  et  dans  un  commerce  intime  avec  Messieurs  de  Port- 
Royal,  dont  rien  ne  le  sépara  jamais,  et  voulut  s'unir  à  ceux  qui  pen- 
sèrent à  une  acquisition  dans  l'Amérique,  pour  s'y  aller  établir,  et  à 
laquelle  il  devoit  beaucoup  fournir,  et  que  la  cour  rompit*;  embrassa 
enfin  l'état  ecclésiastique,  sans  néanmoins  s'engager  dans  aucuns 
ordres,  et  passa  sa  vie  dans  une  grande  piété,  dans  la  solitude,  dans 
l'étude,  et  dans  l'exercice  de  toutes  sortes  de  bonnes  œuvres,  mais 
toujours  avec  une  grande  singularité.  On  a  vu,  au  titre  de  Rouannez- 
AuBUSSON,  pages  448  et  liO**,  quelle  étoit  sa  sœur,  et  comme,  en  la 
mariant,  il  lui  donna  tout  et  procura  une  érection  nouvelle  de  son 
duché,  en  s'en  démettant  en  faveur  de  son  beau-frère,  le  premier  maré- 
chal duc  de  la  Feuillade,  avec  qui  il  ne  conserva  pas  grand  commerce, 
et  qu'il  survécut  de  cinq  ans,  et  sa  sœur  de  quinze.  Il  s'étoit  presque 
tout  à  fait  retiré  à  Saint-Just,  près  Méry-sur-Seine,  et  il  y  mourut  fort 
âgé,  4  octobre  1696.  Ainsi  s'éteignit  le  premier  duché  de  Rouannez.    >< 


MADEMOISELLE  DE  ROUANNEZ «. 

(Fragment  inédit  de  Saint-Simon'.) 

«  Ch[arlotte]  Gouffier,  sœur  du  dernier  duc  de  Rouannez  Gouffier, 
fut  élevée  à  Port-Royal  et  en  sortit  fort  jeune;  mais  elle  y  rentra  à  dix- 
sept  ans  et  y  prit  l'habit.  Au  bout  de  six  semaines,  elle  reçut  ordre 
d'en  sortir,  et,  auparavant  de  l'exécuter,  elle  fit  vœu  de  chasteté,  de  se 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  31S-319. 

2.  Extrait  des  Notes  sur  tous  les  Duchés  vérifiés  sans  pairies,  article 
RouANNOis,  vol.  58  des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  169. 

3.  Le  membre  de  phrase  :  «  il  représenta...  »,  est  ajouté  dans  la  marge 
du  manuscrit,  avec  un  renvoi. 

A.  Voyez  une  Addition  au  Journal  de  Dangeau,  tome  111,  p.  402. 

5.  Nous  réservons  cet  article-là  pour  le  passage  consacré  au  duc  de  la 
Feuillade  dans  les  Mémoires. 

6.  Voyez  ci-dessus,  p.  318. 

7.  Extrait  des  Hôtes  sur  les  Duchés-pairies  éteints,  art.  Rooannez,  vol.  58 
des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  142  v\ 


S34  APPE>ÎDICE   XXIX. 

faire  religieuse,  et  se  coupa  même  les  cheveux.  Elle  vécut  neuf  ans  fort 
retirée  et  fort  solitaire,  allant  souvent  à  Port-Royal  et  vivant  sous  la 
conduite  de  la  célèbre  mère  Agnès,  jusqu'en  1664,  que  cette  mère, 
l'abbesse  et  les  principales  de  la  communauté  en  furent  violemment 
enlevées.  Mlle  de  Rouannez,  qui  avoit  alors  trente  et  un  ans,  eut  une 
lettre  de  cachet  pour  se  retirer  en  Poitou,  dont  son  frère  empêcha 
l'effet  en  représentant  sa  déhcatesse.  Alors  elle  renouvela  son  vœu,  et, 
ne  pouvant  plus  penser  à  l'exécuter  à  Port-Royal,  elle  promit  à  Dieu  de 
se  faire  carmélite.  Elle  vendit  ses  pierreries,  dont  elle  ne  se  servoit 
point,  et  en  donna  l'argent  aux  pauvres,  et  dissuada  une  personne  de 
sa  connoissauce  d'écouter  aucune  proposition  de  mariage,  qui  en  étoit 
tentée  après  avoir  fait  un  vœu  de  chasteté.  Elle-même  fut  d'autant 
plus  attaquée  que  son  frère  ne  vouloit  point  se  marier,  et  fut  obligée 
de  subir  l'interrogatoire  de  son  curé  sur  ses  vœux,  à  qui  elle  maintint 
qu'elle  les  avoit  faits  en  toute  connoissance  et  liberté,  et  qu'elle  ne 
croyoil  aucune  puissance  ecclésiastique  en  autorité  ni  en  pouvoir  de 
l'en  dispenser.  Cependant  le  temps  et  les  manèges  la  changèrent.  Elle 
souhaita  de  pouvoir  être  affranchie  :  elle  consulta,  et  fut  mécontente  de 
la  réponse;  elle  consulta  ailleurs  avec  plus  de  succès  pour  ce  qu'elle 
desiroit,  et  obtint  une  dispense  de  Rome  pour  se  marier.  M.  de  la  Feuii- 
lade,  fort  eu  faveur  et  fort  distingué  et  avancé  à  la  guerre,  n'épargnoit 
rien  pour  se  procurer  par  ce  grand  mariage  mieux  que  les  grands  biens 
de  cette  maison,  et  au  Roi  une  occasion  pressante  et  un  moyen  de  le 
faire  duc  sans  tirer  à  conséquence  et  en  être  retenu  par  des  deman- 
deurs sur  un  exemple  qui  n'en  pouvoit  point  faire.  M.  de  Rouannez, 
fort  dans  la  plus  haute  piété,  et  peut-être  plus  extraordinaire  que 
dévot,  avoit  renoncé  au  mariage  et  au  monde,  et  ne  demandoit  pas  mieux 
que  de  tout  donner  à  sa  sœur  :  il  traita  donc  avec  M.  de  la  Feuillade 
de  la  vente,  et  en  même  temps  de  la  démission  de  son  duché,  dont  le 
rang  et  les  honneurs  lui  furent,  à  l'ordinaire,  conservés  en  passant  à 
M.  de  la  Feuillade  par  une  érection  nouvelle,  qui  épousa  en  même 
temps  sa  sœur,  9  avril  1667,  et  prit  le  nom  de  duc  de  la  Feuillade,  à 
cause  de  son  beau-frère,  qui  conservoit  celui  de  duc  de  Rouannez.  Il  se 
sut  plus  de  gré  de  cette  grande  fortune,  et  à  son  adresse,  qu'à  la  femme 
qui  en  étoit  le  moyen,  qui  ne  tarda  pas  à  se  repentir  d'avoir  rompu 
ses  vœux  et  d'en  avoir  de  violents  scrupules  le  reste  de  sa  vie.  Elle  se 
passa  en  chagrins  et  en  maladies  douloureuses  et  presque  continuelles, 
qui  la  mirent  au  tombeau  à  cinquante  ans,  14  février  1683,  sans  avoir 
pu  obtenir  que  son  cœur  fût  porté  à  Port-Royal-des-Champs,  à  qui 
elle  avoit  légué  trois  mille  livres,  qu'elle  confirma,  pour  y  recevoir  une 
converse  pour  y  tenir  la  place  qu'elle  avoit  vouée  et  y  prier  Dieu  pour 
elle,  qui  ne  bénit  ni  son  mariage  ni  ses  fruits.  » 


LES  ROUANNEZ.  535 


s  du  duc  de  Rotiatinez' 


«  Messire  Artus  Gouffier,  duc  de  Rouannez,  pair  de  France,  est  mort 
le  4°  de  ce  mois  (octobre  'l()96),  après  avoir  reçu  les  sacrements,  qui 
lui  ont  été  administrés  par  le  père  prieur  de  Macheret,  selon  la  per- 
mission que  je  lui  en  avois  donnée,  ne  le  pouvant  moi-même  parce  que 
j'étois  au  lit,  malade;  et,  ayant  donné  aussi  permission  audit  prieur  et 
à  ses  religieux  d'accompagner  le  convoi  et  de  le  conduire  dans  ma  pa- 
roisse pour  y  être  inhumé,  Maître  Nicolas  Dorges,  prêtre  desservant  le 
prieuré  de  Saint-Just,  se  trouva  au  convoi  à  la  porte  de  cette  ville,  avec 
l'étole,  et,  après  avoir  demandé  au  père  prieur  de  Macheret  d'ôter  son 
étole  et  de  cesser  les  fonctions  qu'il  faisoit  avec  ma  permission,  sur  le 
refus  qu'il  en  fit,  il  fit  fermer  les  portes  de  l'église,  pour  empêcher  les 
religieux  d'entrer  avec  l'étole  et  de  s'immiscer  de  faire  l'enterrement  du 
corps  dudit  seigneur  duc  de  Rouannez.  Sur  quoi,  les  religieux,  de  con- 
cert avec  les  domestiques  de  M.  de  Rouannez,  au  lieu  de  faire  entrer 
dans  l'église  le  corps  pour  y  être  inhumé,  le  conduisirent  en  l'abbaye 
de  Macheret,  où  ils  déposèrent  ledit  corps.  Ce  qui  m'ayant  donné  occa- 
sion de  sommer  lesdits  religieux  de  me  représenter  ledit  corps  pour 
être  inhumé  dans  ma  paroisse,  d'autant  que  M.  le  duc  de  Rouannez 
n'avoit  point  demandé  par  testament,  ni  les  parents  pour  lui,  de  sépul- 
ture particulière,  il  devoit  être  enterré  dans  ma  paroisse,  dans  laquelle 
il  étoit  décédé  ;  et,  sur  le  retus  qu'ils  en  firent,  je  les  fis  assigner  par- 
devant  M.  l'official  de  Troyes,  pour  y  être  condamnés.  Il  y  eut  sentence 
qui  ordonna  que  le  corps  demeureroit,  par  forme  de  dépôt,  en  l'église 
de  Macheret,  que  le  luminaire  me  seroit  rendu,  et  mes  droits  curiaux 
payés  :  ce  qui  fut  ordonné  sur  ce  que  le  sieur  Giraud,  qui  étoit  chargé 
du  service  de  l'enterrement,  avoit  représenté  qu'il  attendoit  des  ordres 
de  Paris  pour  transporter  le  corps  de  M.  le  duc  de  Rouannez  dans  la 
sépulture  de  ses  ancêtres.  Mais  les  religieux,  après  m'avoir  fait  signi- 
fier ladite  sentence  de  l'Officialité,  ne  laissèrent  pas  de  passer  outre, 
attendu  la  sommation  que  ledit  Giraud  leur  fit  d'enterrer  le  corps  en 
question,  qui  se  gâtoit.  Sur  quoi,  je  leur  fis  donner  assignation  par-de- 
vant M.  l'official  de  Troyes,  pour  être  condamnés  à  exhumer  le  corps, 
me  le  représenter,  et  ensuite  être  conduit  à  Saint-Just  pour  être  enterré 
dans  ma  paroisse.  Sur  quoi,  il  fut  ordonné  que  ledit  corps  resteroit  à 
Macheret,  enterré,  avec  défense  à  l'avenir  auxdits  religieux  de  s'ingérer 
de  faire  aucunes  fonctions  dans  ma  paroisse  sans  mon  consentement, 
que  le  luminaire  me  seroit  rendu,  et  mes  droits  curiaux  payés.  Ladite 
sentence  est  du  samedi  20°  d'octobre,  et  fut  rendue  du  consentement 
des  parties  :  à  quoi  j'ai  consenti  en  considération  de  la  qualité  de  M.  le 
duc  de  Rouannez,  que  je  ne  voulus  point  faire  exhumer,  et  en  consi- 

1.  Communication  de  M.  Pélicier,  archiviste  du  département  de  la  Marne, 
d'après  le  registre  paroissial  de  Saint-Just. 


536  APPENDICE   XXIX. 

dération  aussi  des  lettres  que  des  personnes  de  qualité  écrivirent  à 
Monseigneur  de  Troves  pour   arrêter  le  cours  des  contestations  qui 
étoient  entre  les  religieux  de  Macheret  et  moi.... 
n  En  foi  de  quoi  j'ai  signé  : 

«  GoMBACLT,  curé.  - 


LES   MARQUIS   DE   CASTRIES.  537 


XXX 

LES  MARQUIS  DE  CASTRIES». 
(Fragment    inédit   de   Saint-Simon'.) 

«  Le  premier  marquis  de  Castries,  René-Gaspard  de  la  Croix, 
servit  avec  distinction,  fut  lieutenant  général,  gouverneur  de  Sommières 
en  1646,  fit  ériger  sa  terre  de  Castries,  qui  se  prononce  Castres,  en 
marquisat  en  1660;  en  1661,  gouverneur  de  Montpellier;  en  1668, 
lieutenant  général  au  gouvernement  de  Languedoc,  où  il  se  tint  presque 
toujours  et  y  commanda,  depuis  qu'il  en  fut  lieutenant  général,  en 
l'absence  des  gouverneurs.  Il  mourut  22  août  1674,  à  soixante-trois 
ans.  C'étoit  un  homme  de  valeur,  d'honneur,  de  tète  et  de  mérite, 
mais  qui  dut  toute  sa  fortune  au  cardinal  Donsy,  qui  étoit,  dans  ces 
temps-là,  dans  la  plus  haute  faveur,  et  à  l'esprit,  au  courage  et  à  l'in- 
dustrie de  sa  femme,  sœur  de  ce  cardinal,  lequel  l'aimoit  uniquement. 

«  Il  avoit  épousé  en  premières  noces,  en  1637,  Is[abelle]  Brachet, 
mère  en  premières  noces  de  l'archevêque  d'Embrun,  évêque  de  Metz, 
et  du  maréchal  duc  de  la  Feuillade,  colonel  du  régiment  des  gardes.  Il 
la  perdit  un  an  après,  en  1638,  sans  en  avoir  eu  d'enfants,  et,  en  1644, 
il  épousa  la  sœur  du  cardinal  Bonsy,  morte  en  novembre  1708,  à 
quatre-vingts  ans.  De  ce  dernier  mariage,  deux  fds,  et  des  tilles  reli- 
gieuses ou  mariées  en  province  ;  les  deux  fils,  dont  le  cadet  est  main- 
tenant archevêque  d'Albi  et  élève  ses  deux  neveux  comme  ses  enfants, 
on  en  verra  un  chevalier  de  l'Ordre  en  1724,  l'autre  commandeur  de 
l'Ordre  en  1732,  et  on  parlera  d'eux  à  leur  tour. 

«  D'Hozier  père,  qui,  comme  son  fils,  s'est  acquis  plus  de  bien  et 
de  faveur  par  leurs  généalogies  que  de  réputation  et  de  créance,  pré- 
tend^ que  ces  la  Croix  viennent  de  J[ean]  I"  de  la  Croix,  chevalier, 
vivant  en  1320,  et  de  J[ean]  III  *,  son  petit-fils,  qui  se  signala  sous 
Charles  VI  à  la  bataille  de  Baugé,  en  Anjou,  gagnée  contre  les  Anglois 
en  1421,  sans  toutefois  montrer  aucune  jonction  entre  eux,  ni  du  der- 

1.  Voyez  ci-dessus,  p.  3'27-329. 

2.  Extrait  des  Légères  notions  des....  chevaliers  du  Saint-Esprit,  vol.  3i 
des  Papiers  de  Saint-Simon,  fol.  127  v°. 

3.  La  géoéalogie  dressée  par  d'Hozier  en  1037  a  servi  de  base  à  farticle  du 
Moréri  que  Saint-Simon  suit  en  ce  moment,  V Histoire  généalogique  du  P.  An- 
selme ne  parlant  que  de  René-Gaspard  et  de  sa  descendance  (tome  IX,  p.  207). 
Comparez  le  dossier  la  Croix,  fol.  18,  23-25,  40  et  43,  au  Cabinet  des  titres. 

4.  Saint-Simon  transcrit  inexactement  le  Moréri  et  d'Hozier,  car,  suivant 
celui-ci,  le  héros  de  la  bataille  de  Baugé  serait  Jean  II,  et  l'on  ignorerait  le 
nom  de  son  père. 


338  APPENDICE  XXX. 

nier  avec  J[ean]  IV  S  qui  lui  est  donné  pour  fils,  et  premier  baron  de 
Castries  sans  qu'on  voie  comment  il  l'est  subitement  devenu  dans  un 
temps  où  on  ne  l'étoit  pas  sans  bons  titres,  et  moins  encore  dans  les 
pays  d'États  comme  est  le  Languedoc. 

«  De  ce  premier  baron  de  Castries  et  de  sa  femme,  Judith  de  Pierre- 
fort,  vint  Guillaume  de  la  Croix,  baron  de  Castries  et  seigneur  de 
force  terres,  des  titres  duquel,  obtenus  aux  États  de  Languedoc,  il 
conte  des  merveilles-.  Louis,  fils  de  ce  Guillaume,  épousa  J[eanne],  fille 
héritière  de  C[laude]  de  Montfaucon,  baron  d'Alais,  etc.;  dont  H[enri]. 
On  ne  voit  pourtant  ni  cet  H[enri],  ni  pas  un  autre  de  ses  descendants, 
se  qualifier  d'aucune  des  seigneuries  de  ce  baron  d'Alais.  Cet  H[enri], 
tué  fort  jeune  eu  Allemagne,  se  trouve,  dit-on,  qualifié  monseigneur  aux 
archives  de  Montpellier^.  C'est  peut-être  un  usage  pour  les  barons  des 
États;  sinon,  M.  d'Hozier  est  hardi  à  alléguer  ce  qu'il  sent  bien  qu'on 
ne  prendra  pas  la  peine  de  vérifier,  et  il  y  a  été  pris  plus  d'une  fois 
en  sa  vie.  Ce  même  Hfenri]  eut,  de  Catherine  de  Guilhens,  fille  du  sei- 
gneur de  Monjustin,  Jacques  de  la  Croix,  baron  de  Castries.  On  dit  de 
lui  que  le  maréchal  de  Damville  lui  donna  l'ordre  de  Saint-Michel  par 
commission  de  Charles  IX  du  21  novembre  I068,  qu'il  fut  capitaine 
de  cinquante  hommes  d'armes  et  gouverneur  de  Sommières,  Gignac 
et  Frontignan.  De  Diane  d'Aubenas,  il  laissa  J[eanl,  capitaine  de  cent 
cinquante  lances  des  ordonnances,  qui  épousa  en  lo90  Marguerite, 
fille  de  Pierre  Voglia*,  seigneur  de  la  Lauze,  premier  président  de  la 
Cour  des  comptes  et  aides  de  Montpellier.  De  ce  mariage  vint  autre 
J[ean]  de  la  Croix,  qu'on  appelle  le  comte  de  Castries  sans  parler  d'é- 
rection de  cette  terre  en  comté,  et  colonel  des  légionnaires  de  Lan- 
guedoc. J'ai  peur  qu'il  n'y  ait  bien  de  la  milice  dans  toutes  ces  lances 
et  ces  légions.  Il  fut  de  ceux  qui  furent  privés  de  leur  droit  d'entrée 
aux  États  pour  avoir  suivi  le  parti  de  Gaston  et  du  dernier  duc  de 
Montmorency.  Le  sieur  d'Hozier  dit  qu'il  y  fut  entraîné  par  la  parenté  : 
en  effet  il  avoit  épousé  une  fille  du  marquis  de  Choisy  qu'on  a  vu, 
page  64**,  chevalier  de  l'Ordre  en  lo97,  et  d'une  fille  du  maréchal  de 
Cessé.  C'est  de  ce  mariage  qu'est  venu  notre  chevalier  de  l'Ordre,  au- 
quel nous  nous  arrêterons^.  » 

\.  Même  observation.  C'est  Jean  III  dans  le  Mo7-éii. 

2.  Ici,  Saint-Simon  a  effacé  :  u  des  titres  qui  lui  sont  donnés  dans  les 
délibérations  des  États  de  Languedoc.  » 

3.  Aux  archives  des  États  de  Languedoc,  dont  il  vient  d'être  parlé. 

i.  Marguerite  est  nommée  de  la  Voglia,  et  non  Voglia  tout  court,  dans  le 
Moreri. 

5.  Même  mémoire  sur  les  Chevaliers  de  l'Ordre,  fol.  9i  V. 

6.  L'article  de  René-Gaspard  et  celui  de  Joseph-François  sont  fort  longs 
l'un  et  l'autre  dans  le  More'ri. 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS 


Page  2,  note  8.  La  Gazelle  de  1683,  aux  pages  20,  140  et  152,  donne 
quelques  détails  sur  le  mariage  de  Mlle  de  Noirmoutier  avec  le  duc  Lanti, 
sur  les  fêtes  qui  accompagnèrent  ou  suivirent  la  cérémonie  des  épousail- 
les, et  sur  les  relations  de  la  duchesse  de  Bracciano  avec  MM.  d'Estrées. 

Page  3,  note  2.  Le  duc  Lanti  prit  les  insignes  de  l'Ordre,  mais  ne 
fut  jamais  reçu  :  voyez  les  Mémoires  de  Coulanges  (p.  132-154  et  213), 
où  il  est  dit  aussi  que  le  palais  Lanti  était  toujours  ouvert  libéralement 
aux  Français,  mais  que  le  mauvais  état  des  affaires  du  duc  le  força  de 
louer  cette  demeure  au  cardinal  de  Janson  et  de  se  retirer  dans  ses  terres. 

Page  11,  note  1.  D'Hozier  fit,  ou  du  moins  signa  une  généalogie  des 
Gilier,  en  1631. 

Page  12,  note  1,  ligne  6.  Le  maréchal  du  Plessis  ne  fut  pas  nommé 
gouverneur  de  Monsieur  en  mars  1648,  mais  seulement  le  5  mai  1649 
(Arch.  nat.,  0'  9,  fol.  323,  et  Gazelle,  1649,  p.  308). 

Page  21,  ligne  4.  Mlle  de  Monaco,  présentée  par  la  comtesse  d'Ar- 
magnac, avait  pris  le  tabouret  chez  la  Dauphine  le  7  juin  1688,  et  la 
duchesse  de  Valentinois  (Armagnac),  le  jour  suivant. 

Ibidem,  note  6.  11  est  plusieurs  fois  question  de  la  «  princerie  »  des 
Monaco  dans  le  tome  III  des  Écrils  inédits  de  Saint-Simon  publiés  par 
M.  Faugère,  p.  46-47  et  325-334. 

Page  24,  note  4.  Ce  n'est  pas,  comme  je  l'ai  dit  au  tome  II,  p.  272, 
note  2,  Jacques  Rioult  de  Douilly,  beau-frère  de  Nicolas  de  Frémont, 
mais  le  frère  aîné,  Pierre  Rioult,  qui  avait,  dans  la  rue  Neuve-Saint- 
Augustin,  une  belle  maison,  plus  tard  occupée  par  le  chancelier  de 
Pontchartrain. 

Page  33,  note  8.  Le  comte  de  Feuquière  avait  eu  le  régiment  de 
son  frère  en  février  1689. 

Page  36,  ligne  6.  Dans  ses  notes  sur  le;  Duchés-pairies  vérifiés  et 
non  vérifiés,  art.  Chatillon  (vol.  51,  fol.  98),  Saint-Simon  dit  :  «  M.  de 
Luxembourg,  qui  avoit  longuement  et  ardemment  persévéré  à  deman- 
der au  Roi  la  survivance  de  sa  charge  de  capitaine  des  gardes  du 
corps,  et  même  les  honneurs  qu'il  avoit  accordés  à  MM.  de  Bouillon  et 
de  Rohan,  vint  enfin  à  bout  de  cette  érection,  puis  de  la  survivance  de 
son  gouvernement,  enfin  d'avoir  parole  d'une  autre  pareille  érection 
pour  son  second  fils  lorsqu'il  se  marieroit,  qui,  même  après  sa  mort, 
lui  a  été  tenue.  » 


540  ADDITIONS  ET  CORRECTIONS. 

Page  38,  note  2.  On  trouvera  un  article  sur  les  Isenghien,  considérés 
comme  princes  étrangers,  dans  le  tome  III  des  Écrits  inédits,  p.  336. 
—  Il  y  est  aussi  parlé  des  tabourets  de  grâce,  p.  29-30. 

Ibidem,  note  5.  Sur  la  concession  des  honneurs  du  Louvre  au  prince 
d'Isenghien,  nouvellement  marié  avec  Mlle  d'Humières,  voyez  la  Gazette 
de  1677,  p.  143-144.  Ce  n'est  pas  en  1694,  comme  le  dit  Saint-Simon 
(même  note,  lignes  8-9),  mais  en  mai  1679,  et  déHnitiveraent  en  mars 
1687,  que  la  princesse  de  Fùrstenberg  (Marie  de  Ligny)  eut  le  labourel 
de  grâce  (Gazette  de  1679,  p.  216  ;  Journal  de  Damjecni,  tome  II,  p.  29). 

Page  48,  note  8,  ligne  9.  Cavoye  figura  aussi  au  siège  de  Dôle,  en 
1674;  on  voit  dans  la  Gazette  (p.  518)  qu'il  commanda  la  tranchée  avec 
le  duc  de  la  Feuillade  et  le  chevalier  de  Lorraine.  En  1677,  il  servit 
comme  aide  de  camp  du  Roi  au  siège  de  Cambray. 

Page  49,  note  4.  On  trouve  encore  le  mot  rapsodie,  au  même  sens, 
dans  les  Lettres  de  Mlle  Aïssé,  éd.  Ravenel,  p.  224. 

Page  S2,  note  1,  ligne  8,  lisez  :  «  M.  de  Chastellux  ». 

Il'ldem,  note  2,  ligne  3.  Pellisson,  dans  ses  Lettres  historiques,  tome  II, 
p.  97,  à  l'occasion  du  renvoi  des  filles,  dit  que  Mlle  de  Coëllogon  «  doit 
demeurer  avec  Mme  de  Richelieu,  le  Roi  en  ayant  parlé  favorablement 
et  témoigné  qu'il  falloit  chercher  quelque  occasion  de  la  placer.  » 

Page  56,  note  2.  Jacques  II  avait  obtenu,  dès  son  arrivée  ou  peu  après 
(février  1689),  la  permission  d'enrégimenter  ceux  de  ses  partisans  qui 
émigraient  en  France  (Gazette  de  1689,  p.  60),  et  le  nombre  des  Irlan- 
dais s'était  considérablement  augmenté  après  la  reddition  de  Limerick. 

Page  67,  noie  8.  La  Gazette  de  1694,  p.  345-346  (comparez  Dan- 
gean,  tome  V,  p.  40),  cite  un  beau  fait  de  guerre  du  marquis  de  Blan- 
chefort  dans  le  pays  de  Liège,  et  l'on  voit,  dans  les  Œuvres  de  Louis  XIV, 
tome  IV,  p.  436,  que  le  Roi  apprécia  ce  témoignage  de  sa  valeur.  Il 
avait  été  blessé  au  siège  de  Bude,  le  13  juillet  1686. 

Page  68,  fin  de  la  note  7.  Beringhen  aîné  est  un  de  ceux  dont  le 
nom  figure  dans  l'épître  de  Boileau  sur  le  passage  du  Rhin. 

Page  69,  note  2,  ligne  4.  La  pension  de  douze  mille  livres  avait  été  don- 
née à  M.  deSaint-Gérandans  les  derniers  jours  de  1678  (Gazelle,  p.  1034). 

Page  70,  note  10.  Il  est  parlé,  dans  les  Lettres  de  G.  Patin,  éd.  Ré- 
veillé-Parise,  tome  III,  p.  41S,  de  la  mort  de  Bonneau,  fameux  parti- 
.san  et  adjudicataire  des  gabelles,  natif  de  Tours,  où.  il  avait  été  mar- 
chand de  passements,  et  décédé  le  25  décembre  1662,  à  soixante-seize 
ans.  C'était  sans  doute  l'oncle  de  Mme  de  Miramion. 

Page  71,  note  4.  M.  Boucher  de  Molandon,  à  qui  nous  avons  cru 
devoir  soumettre  notre  note  sur  les  Beauharnais,  comme  à  l'érudit  qui 
possède  le  mieux  l'histoire  de  la  noblesse  orléanaise,  a  bien  voulu  nous 
répondre  que  la  légende  recueillie  par  Saint-Simon  lui  semblait  être 
«  un  de  ces  contes  qui  se  perpétuent  par  cela  seul  qu'ils  ont  été  accep- 
tés par  un  auteur  en  renom.  »  —  «  Le  nom  de  Beauharnais  (toujours 
.sans  particule),  dit  notre  honorable  correspondant,  paraît  pour  la 
première  fois  dans  les  listes  de  l'échevinage  d'Orléans  en  l'année  1512 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS.  541 

(Guillaume  Beauliarnois)  ;  mais  plusieurs  membres  de  cette  famille, 
alors  simples  bourgeois,  sont  nommés  clans  les  vieux  comptes  de  ville 
antérieurs  à  Jeanne  d'Arc,  toujours  sous  la  dénomination  de  Beau- 
harnois  ou  Bimiharnoys.  On  remarque  dans  ces  comptes  de  ville  que 
Jehan  Beauliarnois,  bien  que  n'étant  pas  au  nombre  des  douze  procu- 
reurs de  la  ville,  prit  une  part  active  à  la  défense  de  la  cité,  surtout 
en  ce  qui  regardait  le  service  de  l'artillerie  :  cette  active  coopération 
aux  faits  d'armes  de  la  Pucelle  peut  expliquer  son  audition  dans  l'en- 
quête orléanaise  pour  la  réhabilitation.  11  n'est  point  invraisemblable 
que  sa  femme  Pétronille  fût  une  de  Loynes...;  mais  il  me  paraît  peu 
vraisemblable  qu'une  famille  de  simple  bourgeoisie  ait,  antérieurement 
au  quinzième  siècle,  demandé  et  obtenu  des  lettres  patentes  pour 
changer  de  nom....  »  —  Faisant  un  dernier  examen  de  la  question, 
M.  Boucher  de  Molandon  nous  a  suggéré  que  la  légende  de  Beauvit 
pourrait  bien  avoir  son  origine  dans  ce  fait  que  François  de  Beauhar- 
nais  possédait  sous  Louis  XIV  une  seigneurie  de  Beauville,  et  que  le 
fds  de  ce  François,  devenu  intendant  général  des  armées  navales,  en 
fît  transporter  le  nom  sur  une  terre  de  Port-Maltais  qu'il  avait  en  Aca- 
die,  et  qui  fut  érigée  ainsi  en  marquisat  de  Beauville  le  2S  juin  1707. 
(Généalogie  de  Beauharnois,  dans  le  registre  V  de  l'Armoriai  général 
de  d'Hozier,  p.  7  et  13.)  Ce  serait  donc  une  confusion  entre  le  nom  pa- 
tronymique et  le  nom  de  fief  analogue  à  celle  que  nous  avons  déjà  dé- 
noncée (p.  201,  note  4)  à  propos  du  marquis  d'O,  mais  aggravée  ici  par 
l'altération,  volontaire  ou  involontaire,  du  nom  de  Beauville.  Quant  à 
l'origine  de  la  légende  recueillie  et  perpétuée  par  Saint-Simon,  nous 
n'avons  pu  en  trouver  trace  dans  les  ouvrages  d'Amelot  de  la  Houssaye, 
à  qui  on  attribue  la  première  mise  en  circulation  ;  mais  M.  Boucher  de 
Molandon  nous  signale  un  autre  écrivain,  Adrien  Baillet,  qui,  bien  an- 
térieurement à  Saint-Simon  et  à  Amelot,  aurait  prétendu,  dans  ses  Au- 
teurs déguisés  (Paris,  1690),  p.  57,  que  les  Beauharnais  avaient  pris  ce 
nom  en  échange  de  celui  qu'ils  portaient  originairement,  et  qui  était 
peut-être  (p.  163)  Cheval.  Mais  nous  ne  voyons  pas  que  cette  nouvelle 
assertion  soit  justifiée,  ni  même  présentée  clairement. 

Page  73,  ligne  6.  Le  marquis  de  Sourches  dit  de  Bussy-Rabutin, 
rappelé  à  la  cour  en  avril  1682  :  «  Ses  écrits  faisoient  voir  qu'il  avoit 
beaucoup  d'esprit  ;  mais  il  auroit  peut-être  mieux  valu  pour  lui  qu'il 
en  eût  eu  moins.  »  {Mémoires,  éd.  1881,  tome  I,  p.  98.) 

Page  75,  note  2.  On  verra  peut-être  avec  intérêt  un  spécimen  du 
style  et  de  l'orthographe  de  Mme  de  Miramion  ;  voici  le  fac-similé  d'une 
lettre  qu'elle  écrivait,  dans  les  derniers  temps  de  sa  vie,  au  contrôleur 
général  Pontchartrain  (Arch.  nat..  Papiers  du  Contrôle  général,  G^  552): 

«  Japran,  Monsieur,  que  Ion  vous  solisite  fortement  pour  quil  niay 
que  les  anfans  de  feu  M'  le  p.  Riaute  de  Melun  qui  ait  part  a  la  grase 
que  le  Roy  affaite  antaquesent  sa  charge  de  presiden  a  jeuste  pris. 
M'  Pavilon  et  moy  vous  a  vont  pries  insetaraent  quelle  feut  pour  la 
veuve  ossibain  que  pour  les  anfans  ;  elle  en  na  besoint,  et  sest  la  grase 


342  ADDITIONS   ET  CORRECTIONS. 

que  je  vous  de  mande  et  de  me  croire,  Monsieur,  comme  véritablement 
je  suis,  vostre  très  humble  et  très  obéissante  servante. 

«  M.  B.  DE   MiRAMION. 
«  Ce  SO""  aoust  1092.  » 

Page  77,  ligne  4.  Il  est  fait  deux  allusions  aux  prétentions  de  Mme  de 
Nesmond  dans  le  mémoire  sur  la  Pairie,  tome  III  des  Écrits  inédits, 
p.  136  et  147. 

Page  81,  note  2.  Le  marquis  de  Sourches  dit,  à  la  date  du  20  mars 
1683  :  «  II  n'y  avoit  alors  (du  temps  de  M.  de  Soyecourt)  que  deux 
maîtres  de  la  garde-robe  du  Roi,  qui  servoient  par  année;  mais  le 
marquis  de  Guitry,  qui  étoit  l'un  des  deux,  trouva  le  moyen  de  faire 
agréer  au  Roi  qu'il  le  fit  grand  maître  de  sa  garde-robe  et  qu'il  restât 
encore  deux  maîtres  de  la  garde-robe,  qui  eussent  peu  de  fonction  et 
qui  gardassent  les  mêmes  entrées  dans  la  chambre  de  S.  M.,  le  grand 
maître  ayant  tout  le  soin  de  la  garde-robe....  »  {Mémoires,  éd.  Dernier, 
tome  I,  p.  61-62;  éd.  1881,  tome  I,  p.  196,  note  3.) 

Page  86,  ligne  4  et  dernière.  Dom  n'est  écrit  qu'en  abrégé  :  D;  mais, 
en  un  autre  endroit  du  manuscrit  des  Mémoires  (p.  226,  correspondant 
au  tome  II,  p.  368,  de  l'édition  de  1873),  le  mot  se  lit  en  toutes  lettres, 
avec  l'orthographe  dom,  généralement  admise  au  dix-septième  siècle. 

Page  93,  ligne  12.  François-Annibal  111,  né  le  30  décembre  1648  et 
titré  d'abord  comte  de  Nanteuil,  puis  marquis  de  Cœuvres,  et  enfin 
duc  d'Estrées  depuis  le  commencement  de  1687,  était  fils  de  l'ambas- 
sadeur à  Rome  et  neveu  du  cardinal.  Il  avait  succédé  à  son  père 
comme  gouverneur  de  l'Ile-de-France  et  du  Soissonnais,  gouverneur  par- 
ticulier des  villes  de  Laon,  Noyon,  Soissons  et  Dorame,  et  capitaine 
de  Villers-Cotterets.  Il  avait  reçu  l'Ordre  en  1688.  Mort  le  11  septembre 
1698. 

Page  9o,  note  5.  Le  mémoire  que  nous  avons  indiqué  sur  la  Pairie 
est  imprimé  actuellement  dans  le  tome  III  des  Écrits  inédits,  et  le  pas- 
sage sur  les  bas  sièges  se  trouve  aux  pages  104-108. 

Page  96,  ligne  7.  Le  manuscrit  porte  :  «  Accompagné  de  MM.  de 
Saillans  et  de  Clérembault,  son  beau-père,  dont....  »  Cette  forme  du 
membre  de  phrase,  si  toutefois  Saint-Simon  ne  l'a  pas  écrite  ainsi  par 
inattention,  signifierait  rigoureusement  que  le  duc  de  Luxembourg  était 
accompagné  :  1°  de  MM.  de  Saillans,  au  nombre  de  plusieurs;  2°  du 
beau-père  Clérembault,  à  qui  Saint-Simon  ne  donne  pas  le  3/'"  (voyez 
plus  haut,  p.  11).  Mais  il  faut  observer  que  le  frère  aîné  de  M.  d'Es- 
taing  de  Saillans  portait  le  titre  distinctif  de  marquis  du  Terrail. 

Page  101,  note  8.  Mme  de  Maintenon  disait  (Lettres  historiques  et  édi- 
fiantes, tome  II,  pAO)  :  «Je  pétille  dans  ma  chambre  quand  je  pense....  » 

Page  118,  dernière  ligne  de  la  fin  de  note,  effacez  la  virgule  entre 
Remy  et  de  Reims. 

Page  123,  note  3.  La  lettre  suivante  de  Bontemps  au  cardinal  de 
Noailles,  sur  la  succession  du  marquis  de  ce  nom,  a  récemment  passé 
dans  un  lot  d'autographes  (vente  Charavay,  17  mars  1881,  n°  22)  : 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS.  S43 

«  A  Versailles,  le  24™«  juin  IC9G. 
«  Monseigneur, 
«  J'ay  dit  au  Roy  avant  le  salut  que  vous  estiés  allé  à  Paris  après 
avoir  receu  la  triste  nouvelle  de  la  mort  de  M.  le  marquis  de  Noailles, 
qui  vous  accabloit,  bien  fâché  d'estre  party  sans  avoir  eii  l'honneur  de 
le  voir,  et  Sa  Maiesté  m'a  commandé  de  vous  escrire  qu'il  compatissoit 
fort  à  vostre  douleur.  J'ay  adjousté  de  moy  mesme  qu'il  avoit  la  lieute- 
nance  de  Roy  d'Auvergne,  qui  estoit  depuis  longtemps  dans  vostre 
famille,  et  qu'il  avoit  mangé  presque  tout  son  patrimoine.  Apres  quoy  il 
m'a  demandé  s'il  y  avoit  des  enfants,  et  ayant  respondu  qu'il  y  avoit 
des  filles,  il  a  dit  que  quand  vous  sériés  icy,  il  verroit.  Je  vous  supplie 
d'estre  persuadé  qu'il  n'y  a  personne  qui  prenne  plus  de  part  que  nous 
à  tout  ce  qui  vous  regarde,  estant  avec  un  attachement  très  respec- 
tueux, 

«  Monseigneur, 

«  Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

«  RONTEMPS.   » 

Page  128,  ligne  4.  Un  carton  de  documents  sur  la  Savoie  qui  est  aux 
Archives  nationales  (K  1338,  n°  68)  renferme  cette  pièce  relative  aux 
conditions  dans  lesquelles  se  négocia  la  paix  de  1696  : 

«  Le  marquis  de  Saint-Thomas,  premier  ministre,  gagné  par  les  al- 
liés; le  sieur  *,  sa  créature. 

«  Le  marquis  de  Di^onaire-,  gouverneur  de  Turin,  affectionné  pour  la 
paix. 

«  L'abbé  de  Cumiane. 

«  Le  président  de  Muns,  secrétaire  de  guerre,  disposé  à  la  paix. 

«  L'avocat  Perroquin,  qui  demeure  à  Pignerol,  et  sa  femme  à  Turin. 

«  Le  président  d'Albaret,  premier  président  du  Conseil  souverain,  à 
Pignerol;  c'est  lui  qui  donne  les  nouvelles. 

«  Le  duc  de  Savoie  a  beaucoup  d'esprit  ;  ambitieux,  remuant,  fin  et 
rusé;  il  aime  l'argent;  homme  d'ordre  et  d'économie,  dissimulé,  in- 
quiet, méfiant,  incertain,  changeant  d'avis  d'un  jour  à  l'autre.  Envoyer 
quelqu'un  pour  négocier  tête  à  tête  avec  lui,  le  prendre  au  mot  et  le 
faire  signer  sur-le-champ. 

«  Pignerol  est  une  place  trop  étroite,  dont  on  ne  peut  jamais  faire 
un  magasin.  Il  faudroit  faire  une  nouvelle  place,  ou  au  moins  l'agrandis- 
sement proposé  par  M.  de  Vauban,  qui  est  de  s'approcher  du  Chison^ 
et  enfermer  le  petit  ruisseau  de  Lemne,  qui  vient  du  val  Saint-Pierre, 
cette  place  manquant  d'eau.  Cette  nouvelle  fortification  couvriroit  la 
gorge  ou  l'entrée  de  la  vallée  de  la  Pérouse. 

«  On  pourroit  aussi,  pour  soutenir  Pignerol,  faire  une  place  à  la  Pé- 
rouse, suivant  le  projet  qui  en  a  été  fait  par  le  maréchal  de  Catinat,  dans 
la  vue  d'y  faire  des  magasins  et  suppléer  par  là  à  ceux  qui  manquent 
à  Pignerol;  s'assurer  par  là  la  communication  avec  Pignerol,  et  conte- 

1.  Ce  blanc  est  au  manuscrit.  C'est  sans  doute  de  Grupel  qu'il  s'agit. 

2.  Ainsi,  pour  Dronero.  —  3.  Ainsi,  pour  Chiiison  (Clusone). 


544  ADDITIONS   ET   CORRECTIONS. 

nir  les  Barbets  dans  leur  vallée,  à  cause  de  la  vallée  de  Saint-Martin, 
qui  vient  déboucher  vis-à-vis  de  la  Pérouse. 

«  On  a  bâti  Fenestrelle  non  seulement  pour  rendre  praticables  les  che- 
mins de  Briançon  avec  la  Pérouse,  mais  aussi  pour  être  maître  du  col  de 
la  Fenestre,  qui  verse  à  Suse,  et  en  soutenir  par  là  les  retranchements. 

«  Si  on  abandonnoit  Pigncrol  et  le  Pragelas  jusques  à  Sézanne,  il 
faudroit  faire  bâtir  une  place  sur  le  mont  Genèvre,  ainsi  que  le  maré- 
chal de  Catinat  l'a  projeté;  par  là,  le  Roi  seroit  toujours  le  maître  des 
chemins  qui  conduisent  à  Pignerol  et  à  Suse. 

«  Nota  qu'en  abandonnant  jusques  au  mont  Genèvre,  on  céderoit 
Exiles  et  Chaumont. 

«  En  abandonnant  tout  le  mont  Genèvre  à  condition  que  le  duc  de  Sa- 
voie n'y  pourroit  construire  aucune  place,  on  pourroit  agrandir  Briançon.  » 

Page  129,  note  2.  Guy  Patin  dit  une  fois,  dans  ses  Lettres  :  «  Ni 
savant,  ni  honnête  homme,  mais  Manceau  ;  »  et  une  autre  fois  :  «  un 
Manceau  recuit.  »  (Tome  III,  p.  101  et  277,  éd.  Réveillé-Parise.) 

Page  133,  ligne  3.  Pignerol  (voyez  tome  I,  p.  272,  note  6)  avait 
coûté  dix-sept  cent  mille  écus  à  acheter,  autant  à  fortifier,  et  eût  de- 
mandé encore  une  dépense  de  six  ou  sept  cent  mille  écus.  C'était  d'ail- 
leurs une  entrée  moins  commode  que  la  vallée  de  Suse  pour  déboucher 
en  Piémont.  (Vauban,  mémoire  daté  de  1694,  dans  le  Supplément  des 
Oisivetés,  p.  54-57.) 

Ibidem,  note  4.  L'obtention  des  honneurs  royaux  avait  été  demandée 
avec  insistance  par  la  Savoie  dès  le  temps  de  Louis  XIII,  et,  en  16oo, 
on  avait  rendu  aux  ambassadeurs  du  duc  le  privilège  d'être  «  traités  à 
la  royale,  »  c'est-à-dire  menés  au  Louvre  par  un  grand  officier  de  la 
couronne,  entre  deux  haies  de  gardes.  {Gazette  de  1653,  p.  95.)  En 
septembre  1690,  le  marquis  de  Dronero,  envoyé  à  Milan  pour  obtenir 
du  gouvernement  espagnol  l'argent  et  les  troupes  nécessaires  en  Savoie, 
avait  reçu  les  honneurs  dus  aux  ambassadeurs  de  têtes  couronnées,  en 
vertu  d'un  décret  de  la  cour  de  Madrid  {Gazette,  p.  610).  —  En  avril 
i699,  Victor-Amédée  demandait  encore  le  privilège  de  la  Salle  Royale. 

Page  138,  note  7.  Saint-Simon  parle  encore  des  filles  d'honneur  de 
la  princesse  de  Conti  et  de  leurs  privilèges  dans  le  mémoire  sur  la  Pairie 
qui  est  actuellement  imprimé  au  tome  III  des  Écrits  inédits,  p.  126. 

Ibidem,  note  9.  Sur  l'attribution  de  deux  filles  d'honneur  à  la  prin- 
cesse de  Conti  douairière,  voyez  les  Mémoires  du  marquis  de  Sourches, 
tome  I,  p.  339,  de  l'éd.  de  1881,  et  le  Journal  de  Dangeau,  tome  I, 
p.  263.  Ailleurs,  M.  de  Sourches  (tome  I,  p.  277,  note  4)  dit,  comme 
Saint-Simon,  que  les  princesses  du  sang  ne  peuvent  faire  manger  leurs 
filles  d'honneur  ainsi  que  le  font  les  petites-filles  du  Roi.  —  Quand 
Saint-Simon  écrit  que  la  princesse  de  Conti  fille  du  Roi  était  seule  à 
avoir  des  filles  d'honneur,  il  veut  sans  doute  dire  (et  cela  détruit  la 
contradiction  que  nous  avions  cru  relever)  que  c'était  la  seule  des  trois 
Princesses,  et  non  la  seule  de  toutes  les  princesses  de  la  cour.  En  effet, 
la  chambre  des  filles  de  Madame  la  Duchesse  avait  été  cassée  en  juin 


ADDITIONS   ET  CORRECTIONS.  545 

1689  {Dangeau,  tome  H,  p.  413;  Mme  de  la  Fayette,  p.  241),  et  la  du- 
chesse de  Chartres  n'en  avait  point. 

Page  136,  note  3.  Saint-Simon  s'étend  longuement  sur  l'inconve- 
nance de  la  tenue  des  deux  otages  dans  le  mémoire  sur  la  Pairie  pu- 
blié au  tome  III  des  Écrits  inédits,  p.  98-99. 

Page  168,  note  3.  Nanon  doit  être  Anne  Bailbien,  fille  majeure,  de- 
meurant ordinairement  à  Versailles,  que  nous  voyons,  le  31  mai  1700, 
donner  trois  mille  livres  à  l'abbaye  de  Notre-Dame  de  Meaux,  où  elle 
avait  deux  tantes  du  nom  de  Thévenot,  et  dont  Mme  de  Montclievreuit 
était  abbesse.  (Arch.  nat.,  Y  273,  fol.  427.) 

Page  170,  note  4.  A  propos  de  la  nomination  de  Mme  d'Espinay,  eu 
1724,  la  duchesse  de  Lorraine  écrit  :  «  Je  suis  surprise  qu'elle  veuille 
être  dame  d'honneur,  car  c'est  une  furieuse  sujétion,  et  elle  n'est  plus 
jeune.  »  (Lettres  de  la  duchesse  de  Lorraine  à  Mme  d'Aulède,  p.  184.) 

Page  172,  note  I.  Saint-Simon  parle  encore  des  dames  d'honneur  et  d'a- 
tour  dans  son  mémoire  sur  la  Pairie,  tome  III  des  Écrits  inédits,  p.  73-74. 

Page  173,  note  1,  fin.  Dans  le  nouveau  foliotage,  l'article  Aangis  est 
fol.  104  v°  du  vol.  34. 

Ibidem,  note  3.  M.  de  Sourches  dépeint,  en  1685,  le  marquis  de  Nangis 
comme  «  très  bien  fait  et  brave  de  sa  personne,  mais  dépensant  les  grands 
biens  amassés  par  sa  mère.  »  (Mémoires,  éd.  1881,  tome  I,  p.  231,  note  3.) 

Page  178,  note  4.  Mme  d'Arpajon  avait  eu  la  petite  vérole  en  soi- 
gnant sa  fille.  (Sourches,  éd.  1881,  tome  I,  p.  168-169.) 

Page  181,  note  3.  Ézéchiel  Spanheim,  dans  sa  Relation  de  la  cour  de 
France  en  1690,  écrit  :  minions,  pour  menins. 

Ibidem,  note  4.  Le  jeune  marquis  de  Rochefort,  n'ayant  que  dix-sept 
ans,  avait  figuré  au  carrousel  de  1685  ;  mais,  comme  le  dira  ailleurs 
Saint-Simon,  c'était  un  débauché,  sans  aucun  mérite. 

Page  186,  note  4.  Le  bruit  courut,  en  février  1685,  que  la  place  de 
chevalier  d'honneur  était  convoitée  par  le  prince  de  Fiirstenberg,  mais 
que  le  Roi  refusait  l'agrément  à  celui-ci,  à  cause  de  son  origine  alle- 
mande. (Sourches,  éd.  1881,  tome  I,  p.  179.) 

Page  187,  note  1.  Par  allusion  à  ces  deux  charges,  Dangeau  prit 
pour  devise,  au  carrousel  de  1685  :  Fert  autumni  et  veris  honores. 

Ibidem,  note  4.  Dans  une  lettre  au  comte  d'Aubigné  que  la  Beaumelle 
et  Auger  ont  reproduite,  sous  la  date  du  25  juin  1684,  Mme  de  Mainte- 
non  dit  :  «  Nous  n'avons  rien  à  opposer  à  la  beauté  de  Mlle  de  Leu- 
vestin  (sic),  nièce  de  Monsieur  de  Strasbourg,  que  l'on  vient  de  prendre 
(dans  la  chambre  des  filles  de  la  Dauphine).  »  Mais  l'autographe  vu  par 
Lavallée  (Correspondance  générale,  tome  II,  p.  371)  porte  :  «  La  nièce 
de  Monsieur  de  Strasbourg,  que  l'on  vient  de  prendre,  et  la  nièce  de 
la  comtesse  de  Gramont,  que  l'on  va  nommer,  sont  plus  jolies  que  les 
autres.  » 

Page  194,  note  6,  lignes  5-6.  Sur  le  refus  de  laisser  donner  le  nom 
du  marquis  de  Nogaret  au  régiment  qu'il  voulait  acheter,  voyez  les 
Mémoires  de  Sourches,  éd.  Dernier,  tome  I,  p.  183-184. 

MÉMOIRES   DE   SAINT-SIMO.N.   UI  35 


546  AUDITIONS  ET  CORRECTIONS. 

Page  196,  note  3.  Mme  de  Biron  s'était  mariée  le  24  février  1640. 
Page  197,  note  3.  Quoique  nommé  ambassadeur  à  la  fin  de  décembre 
1677,  Guilleragues  ne  s'embarqua,  avec  sa  famille,  que  le  11  septembre 
1679,  sur  un  vaisseau  commandé  par  le  marquis  de  la  Porte,  et  n'ar- 
riva que  le  8  décembre  suivant,  deux  ans  après  sa  nomination. 

Page  198,  note  3.  Aux  documents  cités  sur  l'ambassade  de  Guillera- 
gues, on  peut  ajouter  divers  mémoires  conservés  aux  Archives  natio- 
nales, K  1342,  n°=  31-33,  et  les  articles  de  la  Gazette  de  1679,  p.  2ol 
et  592-593  ;  de  1680,  p.  1 14-115  ;  de  1682,  p.  507-509  ;  de  1684,  p.  745 
et  778-780;  de  1685,  p.  237-240,  248  et  273-284.  En  annonçant  sa 
mort,  la  veuve  supplia  le  Roi  «  d'avoir  la  bonté  de  pourvoir  à  l'établis- 
sement d'une  fille  unique  que  son  mari  lui  avoit  laissée,  les  affaires  de 
Guilleragues  étant  dans  un  très  mauvais  état.  »  {Mémoires  de  Sourches, 
éd.  Dernier,  tome  I,  p.  99.)  11  est  à  remarquer  que  l'ambassade  sem- 
blait peu  profitable  pour  les  titulaires,  car  le  prédécesseur  de  Guille- 
ragues, M.  de  Noiutel,  qui  l'avait  eue  aussi  «  pour  se  remplumer,  »  était 
rentré  en  France  sans  ressources,  et  fût  mort  de  faim  si  sa  famille 
n'avait  pris  soin  de  lui  {Sourches,  tome  I,  p.  71).  Or,  d'après  une  note 
du  ms.  Clairambault  986,  p.  557,  Nointel  avait  touché,  pour  sa  pre- 
mière année  (1670),  seize  mille  livres  d'appointements,  huit  mille  de 
présents  à  faire,  quinze  mille  pour  augmentation  d'ameublement  et  don 
des  marchands  de  Marseille,  deux  mille  d'augmentation  d'appointe- 
ments, six  mille  pour  son  ameublement,  vingt-quatre  mille  pour  les  frais 
de  voyage.  La  dépense  était  très  peu  considérable,  dit  M.  de  Luynes. 
Page  199,  note  1.  Supprimez  la  particule  de  avant  Girardin. 
Ibidem,  note  3.  D'une  lettre  écrite  par  Mme  de  Guilleragues  au  con- 
trôleur général,  le  17  juillet  1706  (Arch.  nat..  G'  558),  il  résulte  qu'elle 
portait  le  titre  de  comtesse,  et  non  de  vicomtesse,  et  qu'elle  avait  un 
fils,  également  titré  comte  de  Guilleragues,  qui  venait  d'acheter  une 
charge  de  chevalier  d'honneur  au  parlement  de  Bordeaux.  Elle  mourut 
en  cette  ville,  au  mois  d'octobre  1712,  selon  Dangeau. 

Ibidem,  note  5.  Au  sujet  du  mariage  célébré  à  Galata  d'après  le 
Mercure,  ou  en  Troade  d'après  Saint-Simon,  M.  Ch.  Schefer  a  bien 
voulu  nous  faire  observer  que  la  côte  d'Asie  Mineure  dépendait  de 
la  même  circonscription  ecclésiastique  que  Galata.  —  En  souvenir  de 
ce  séjour  dans  le  Levant,  Galland,  qui  avait  accompagné  le  prédécesseur 
de  M.  de  Guilleragues  à  Constantinople,  durant  les  années  1672  et  1673, 
dédia  le  second  livre  de  ses  Mille  et  une  Nuits  (1704)  à  Mme  d'O. 

Page  210,  note  5.  Il  est  aussi  question  des  usurpations  de  manteau 
dans  le  tome  III  des  Écrits  inédits  de  Saint-Simon,  p.  411-114. 

Page  212,  note  3.  Spanheim,  en  un  autre  endroit  de  sa  Relation, 
place  le  maréchal  de  Bellefonds  parmi  les  favoris  du  Roi,  entre  le  duc 
de  la  Rochefoucauld  et  la  Feuillade  ;  et  néanmoins,  quand  le  maréchal 
mourut,  on  ne  maintint  pas  sa  pension  de  six  raille  livres  à  ses  enfants, 
sous  prétexte  que  les  temps  étaient  trop  difficiles.  —  Les  lettres  de 
Mlle  de  la  Vallière  au  maréchal  viennent  d'être  réimprimées  plus  cor- 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS.  o47 

rectement  dans  le  livre  de  M.  Jules  Lair  sur  Louise  de  la  Vallière  et  la 
jeunesse  de  Louis  XIV,  p.  351-398. 

Page  218,  note  4,  ligne  1.  Au  lieu  de  fils,  lisez  neveu. 

Page  219,  note  6.  Selon  Mme  de  Motteville,  Mlle  de  Pons  fut  éloi- 
gnée de  la  cour  au  moment  même  où  elle  réussissait  auprès  du  Roi  ; 
selon  Mme  de  la  Fayette,  elle  ne  sut  pas  se  prêter  à  son  rôle.  On  cher- 
chait alors  à  dissimuler  que  le  Roi  s'occupait  de  Madame. 

Page  22 1 ,  note  1 .  M.  Lair  place  le  début  de  cette  réclusion  en  mars  1669. 

Page  223,  note  6.  Une  note  du  P.  Léonard  sur  la  paix  de  Savoie 
fait  bien  connaître  avec  quels  sentiments  le  public  accueillit  cette  grande 
nouvelle.  Elle  est  ainsi  conçue  (Arch.  nat.,  K  4327,  n°  34)  : 

«  La  paix  ayant  été  conclue,  dans  l'été  1696,  entre  la  France  et  la 
Savoie,  elle  fut  publiée  à  Paris  le  10  septembre  de  la  même  année. 
L'on  en  chanta  le  Te  Deum  à  Notre-Dame,  et  l'on  fit  des  feux  de  joie. 
Non  seulement  la  cour  de  France,  mais  encore  tout  le  peuple  fut  fort 
joyeux  de  cette  paix,  parce  que,  outre  que  c'étoit  le  commencement  de  la 
désunion  de  cette  forte  et  incroyable  ligue  contre  la  nation,  qui  faisoit 
espérer  que  d'autres  souverains  feroient  leur  paix  aussi,  c'est  qu'on 
espéroit  un  peu  de  relâchement  du  côté  des  impôts  et  des  subsides; 
car  il  est  incroyable  combien  cette  guerre,  de  ce  côté-là,  coûtoit  au  Roi 
et  combien  cela  fatiguoit  ses  troupes,  qui  souffroient  beaucoup  à  pas- 
ser et  repasser  les  Alpes,  par  la  difficulté  des  chemins  et  des  gîtes  et 
des  étapes  pendant  plus  de  vingt-cinq  lieues  de  chemin,  et,  quand  elles 
étoient  passées  en  Piémont,  la  difficulté  de  s'étendre  pour  subsister. 
Ainsi  il  falloit  qu'elles  tirassent  leur  subsistance  de  Pignerol,  oîi  il  étoit 
très  difficile  de  faire  de  grands  magasins  de  munitions,  parce  qu'il  fal- 
loit tout  voiturer  à  force  de  mulets.  Ces  convois  étoient  souvent  enlevés 
par  les  Barbets,  qui  occupoient  les  montagnes,  et  même  il  y  avoit  des 
endroits,  sur  les  passages  de  ces  montagnes,  où  les  mulets  ne  pou- 
voient  aller  ;  il  falloit  que  ce  fussent  des  hommes  qui  portassent  les 
munitions  dans  ces  magasins  ou  petits  forts,  dans  lesquels  il  y  avoit  des 
troupes  arfin  de  disputer  le  passage  aux  ennemis  et  pour  couvrir  nos 
troupes  des  insultes  des  Barbets.  De  plus,  comme  on  ne  savoit  point 
le  dessein  des  ennemis,  il  falloit  garder  tous  les  passages,  qui  sont  en 
grand  nombre  dans  ces  montagnes.  Ainsi  il  falloit  quantité  de  troupes 
de  côté  et  d'autre.  C'est  pourquoi  je  ne  fais  pas  difficulté  de  croire  que 
la  dépense  qu'il  falloit  que  le  Roi  fit  pour  la  guerre  de  ce  côté-là 
montoit  à  plusieurs  millions  tous  les  ans  (l'on  dit  quinze  millions  au 
moins  dans  certaines  années),  et  qu'elle  égaloit  presque  celle  de  la 
guerre  de  Flandres.  C'est  un  malheur  qu'il  n'y  a  de  ce  côté-ci  au- 
cune place  forte  que  le  seul  fort  de  Barraux  ;  encore  n'est-il  d'aucune 
utilité.  C'est  pourquoi,  tous  les  ans,  le  roi  de  France  faisoit  quelque 
tentative  pour  désunir  le  prince  ;  mais,  soit  qu'il  ne  fût  pas  satisfait 
(les  oflres  qu'on  lui  faisoit,  soit  qu'il  fût  obsédé  par  les  ministres  dos 
princes  des  alliés,  il  n'a  point  accepté  les  propositions  de  paix  que  cette 
année  ;  aussi  sont-elles  fort  avantageuses.  Mais  il  s'agissoit  de  rompre 


548  ADDITIONS  ET  CORRECTIONS. 

cette  ligue  si  fatale,  non  seulement  à  la  France,  par  l'argent  qu'on  en  a 
tiré,  mais  à  la  plus  grande  partie  de  l'Europe.  [Il]  est  \Tai  que,  si,  en  1689, 
le  Roi  avoit  eu  une  très  belle  armée  aux  portes  de  Turin,  ou  n'eût  point 
tant  différé  à  l'attaquer,  il  [ne]  nous  auroit  pas  fait  tant  de  peine  ;  mais 
ce  prince,  qui  ne  s'éloit  pas  encore  déclaré  ouvertement,  temporisoit 
toujours,  pour  avoir  le  temps  de  se  mettre  en  état  de  nous  résister,  si- 
mulant qu'il  vouloit  bien  la  neutralité  et  qu'il  consentoit  de  donner 
quelques  places  pour  garantie,  mais  trouvant  toujours  de  nouvelles  dif- 
ficultés. Ainsi  il  amusa  la  cour  de  France  par  ses  lettres  fort  soumises. 
Le  Roi  eut  égard  à  la  prière  de  M.  le  duc  d'Orléans,  frère  de  Sa  Ma- 
jesté et  beau-père  du  prince....  » 

Page  233,  note  2.  En  juillet  1634,  le  maréchal  de  Lorge  avait  fait  forti- 
fier de  même  le  bras  gauche  du  Spirebach  :  voyez  la  Gazette,  p.  382  et  393. 

Page  266,  note  2.  Sur  le  marquis  de  Saint-Thomas,  voyez  la  Rela- 
tion de  la  cour  de  Savoie,  en  1673,  par  Chapuzeau,  p.  128,  et  un  livre 
récent  de  M.  de  Léris  sur  Madame  de  Verrue,  p.  240-241. 

Page  27S,  note  7.  Selon  les  chroniqueurs  du  temps  de  la  Fronde,  les 
pierreries  de  la  couronne  employées  au  reposoir  du  Palais-Cardinal, 
le  15  juin  1648,  représentaient  une  valeur  de  trois  millions.  En  1679, 
on  évaluait  tous  les  joyaux  à  quatre  millions  et  demi  {Lettres  de  Col- 
bert,  tome  VI,  p.  348-349). 

Page  389,  lignes  23-24.  L'un  des  arrêts  cités  par  Saint-Simon  était  du 
19,  et  non  du  o  juillet  1663.  L'arrêt  définitif  fut  rendu  le  5  juin  1666. 

Pages  463-464.  Selon  des  pièces  officielles,  Dangeau,  s'étant  con- 
verti en  1664  (sic),  s'adressa  peu  après  au  Roi  pour  que  l'exercice  de 
la  religion  réformée  fût  interdit  dans  toute  l'enceinte  de  son  château  et 
dans  le  voisinage  de  l'église  paroissiale,  et  il  provoqua  une  procédure 
à  cet  effet.  (Arch.  nat.,  TT  314.) 

Page  468,  note  5.  Il  est  parlé  du  voyage  de  Dangeau  à  Modène  dans 
les  Mémoires  de  Pomponne,  tome  II,  p.  517. 

Page  470,  ligne  1.  Une  copie  du  contrat  de  mariage  du  30  mars  1686 
est  conservée  au  dossier  Courcillon,  dans  le  recueil  des  Carrés  d'Hozier 
de  la  Bibliothèque  nationale,  fol.  31  et  suivants.  La  future  est  nom- 
mée :  «  Illustre  dame  Madame  Sophie,  comtesse  de  Leveinstein-Wer- 
theim-Rochefort  et  Montaigu....  »  Il  y  est  dit  qu'elle  se  marie  avec  la 
dot  et  les  droits  portés  par  les  pactes  de  sa  maison  et  suivant  les  renon- 
ciations obligées  ;  que,  de  plus,  il  lui  revient  cent  mille  livres  sur  le 
gouvernement  de  Touraine.  —  Ce  volume  208  et  le  précédent  contien- 
nent bon  nombre  de  titres  intéressant  la  famille  de  Dangeau. 

Page  493,  ligne  31.  A  Argueil  comme  à  Paris,  Mme  de  Frémont  as- 
sura l'existence  de  petites  écoles  qui  avaient  été  fondées  par  Jeanne 
Lombard.  (Arch.  nat.,  Y  271,  fol.  12,  acte  du  11  décembre  1697.) 


TABLES 


TABLE  DES  SOMMAIRES 

QUI    SONT    EN    MARGE    DU    MANUSCRIT    AUTOGRAPHE 


1696. 

Pages. 
Danc,  au  lieu   de    ployant,    aux   cardinaux  aux  cérémonies 
de  l'Ordre,  à  la  réception  de  MM.  de  Noyon  et  de  Guis- 

card 1-2 

Duc  Lanti  nommé  à  l'Ordre;  son  extraction 2-3 

Prince  de  Conti  gagne  .son  procès  contre  la  duchesse  de  Ne- 
mours    5 

Mariage  de  Barbezieux  et  de  Mlle  d'Alègre 8 

de  M.  de  Luxembourg  avec  Mlle  de  Clérembault .   .   .  10- H 

de  Mme  de  Seignelay  avec  M.  de  Marsan 14 

du  duc  de  Lesdiguières  avec  Mlle  de  Duras 15 

du  duc  d'Uzès  avec  Mlle  de  Monaco 19 

Rang  nouveau  de  prince  étranger  de  M.  de  Monaco 21 

[Mariage]  du  duc  d'Albret  et  de  Mlle  de  la  Trémoille 24 

n         de  Saint-Hérem » 

de  Villacerf  avec  Mlle  de  Brinon 26-27 

de  Lassay  et  d'une  bâtarde  de  Monsieur  le  Prince.  28-29 

»         de  Feuquière  avec  la  Mignard 33 

»        de  Bouzols  et  de  Mlle  de  Croissy 3a 

Comte  de  Luxe,  fait  duc  vérifié  de  Châtillon-sur-Loing,  épouse 

Mlle  de  Royan 36 

Prince  d'isenghien  obtient  un  tabouret  de  grâce,  et  pour  tou- 
jours   38 

Sourde  lutte  de  l'archevêque  de  Cambray  et  de  l'évèque  de 

Chartres 39-40 

Mme  Guyon  chassée  de  Saint-Cyr,  puis  à  la  Bastille 44 


5o2  TABLE  DES  SOMMAIRES. 

Pages. 

Cavoye  et  sa  fortune 47 

Projet  avorté  sur  l'Angleterre;  le  roi  d'Angleterre  à  Calais  .   .  5o-o6 

Moit  de  Mme  de  Guise 59 

»     du  marquis  de  Blanchefort 67 

»     de  M.  de  Saint-Géran 68 

Mme  de  Saint-Géran 69 

Mort  de  Mme  de  Miramion 70 

Mme  de  Nesmond  ;  son  orgueil 75 

Mort  de  Mme  de  Sévigné 77 

Éclat  de  l'évêque  d'Orléans  contre  le  duc  de  la  Rochefoucauld 

sur  une  place  derrière  le  Roi  donnée  au  dernier 80 

Mort  de  la  Bruyère 84 

«     de  d'Aquin,  ci-devant  premier  médecin 85 

»     de  la  reine  mère  d'Espagne 86 

Reprise  du  procès  de  M.  de  Luxembourg 89 

Récusation'du  premier  président  Harlay 90 

Option  hardie  de  M.  de  Luxembourg » 

Renvoi  au  Parlement  de  la  cause  par  la  bouche  du  Roi.  .  ,  .  92 

Pairs  postérieurs  en  cause 93 

Partialité  de  Maisons  contre  nous 97 

Insolence  de  l'avocat  de  M.  de  Luxembourg  sans  suite  ....  100 

Misère  des  ducs  opposants 101 

Daguesseau,  avocat  général,  conclut  pour  nous 103 

M.  de  Luxembourg  appointé  sur  sa  prétention,  et,  sans  qu'il 

en  eût  fait  demande,  mis  en  attendant  au  rang  de  1662  .  .  104-105 

Pitoyable  conduite  des  ducs  opposants 105 

Projet  d'écrit  que  je  fis  pour  le  Roi  inutilement 106 

Prévarication  solennelle  du  premier  président  Harlay 110 

Honte  des  juges  de  leur  jugement 111 

Réception  de  M.  de  Luxembourg  au  Parlement » 

Destination  des  armées.  Maréchal  de  Choiseul  sur  le  Rhin  .  .  112 
M.  de  Lauzun  se  brouille  et  se  sépare  de  M.  et  de  Mme  la 

maréchale  de  Lorge 113-114 

Le  duc  de  la  Feuillade  vole  son  oncle  en  passant  à  Metz  ...  117 
Prévenances    du    maréchal  de  Choiseul ,  en  l'armée  duquel 

j'arrive 119 

Mort  de  Montai 122 

'    du  marquis  de  Noailles » 


TABLE  DES   SOMMAIRES.  S53 

Pages. 

[Mort]  de  Varillas  ;  du  Plessis 123 

y>      du  roi  de  Pologne  J.  Sobieski 424 

Cavalerie  battue  par  M.  de  Vendôme 124-I2o 

Négociation  armée  de  Savoie 126 

Tessé 128 

Conditions  de  la  paix  de  Savoie 132 

Succès  à  la  mer 137 

Filles  d'honneur  de  la  princesse  de  Conti  mangent  avec  le  Roi.  138 
Elle  conserve  sa  signature,  que  les  deux  autres  filles  du  Roi 

changent 139 

Mort  de  Croissy,  ministre  et  secrétaire  des  affaires  étrangères.  » 
Torcy  épouse  la  fille  de  Pomponne  et  fait  sous  lui  la  charge 

de  son  père 142-143 

Mort  de  Mme  de  Bouteville 144 

»     du  marquis  de  Chandenier  ;  sa  disgrâce 145 

Fortune  de  M.  de  Noailles 148 

Antraxe  du  Roi  au  col lo3 

Ducs  de  Foix  et  de  Choiseul  otages  à  Turin 155 

Maison  de  la  future  duchesse  de  Bourgogne 157 

Duchesse  du  Lude  dame  d'honneur 161 

Comtesse  de  Mailly  dame  d'atour 172 

La  comtesse  de  Blanzac  chassée 173 

Duchesse  d'Arpajon;  comtesse  de  Roucy,  sa  fille 176-177 

Marquis  de  Rochefort  menin  de  Monseigneur 180 

Dangeau  chevalier  d'honneur 182 

Mme  de  Dangeau  dame  du  palais 187 

Comtesse  de  Roucy  dame  du  palais 192 

Comte  de  Roucy 193 

Mme  de  Nogaret  dame  du  palais 194-195 

D'O,  et  Mme  d'O  dame  du  palais 197 

Différence   des    principaux    domestiques    des   petits -fils    de 

France  et  de  ceux  des  princes  du  sang 204 

Avantages  nouveaux  de  ceux  des  bâtards  sur  ceux  des  princes 

du  sang 203 

Marquise  du  Châtelet  dame  du  palais 209 

Mme  de  Montgon  dame  du  palais 213 

Mme  d'Heudicourt » 

Projets  des  Impériaux  sur  le  Rhin 223 

Maréchal  de  Choiseul  dans  le  Spirebach  ;  raisons  de  ce  camp.  227 


5S4  TABLE  DES  SOMMAIRES. 

Paires. 

Disposition  du  maréchal  de  Choiseul 232 

Mouvements  et  disposition  du  prince  Louis  de  Bade  ....  242 

Retraite  des  Impériaux 246 

Précautions  du  maréchal  de  Choiseul  à  la  cour,  qui  met  en 

quartiers  de  fourrages  et  me  donne  congé 249 

Mort  de  M.  de  Frémont,  beau-père  de  M.  le  maréchal  de  Lorge. 

Naissance  de  ma  fille 249-250 

Noire  invention  à  mon  retour 2ol 

Monsieur  de  la  Trappe  peint  de  mémoire 253 

M.  de  Savoie,  avec  l'armée  du  Roi,  assiège  Valence,  qui  le  lève 
par  la  neutralité  d'Italie.  Tout  accompli  avec  lui  et  son  minis- 
tre mené,  pour  le  premier  des  ministres  étrangers,  à  Marly.  264-265 
La  Princesse  au  Pont-Beauvoisin.  A  le  rang  de  duchesse  de 

Bourgogne 268 

Prétention  étrange  du  comte  de  Brionne  à  l'égard  de  M.  de 

Savoie 269-270 

Le  Roi  à  Montargis,  au-devant  de  la  Princesse 272 

Arrivent  à  Fontainebleau.  Présentations 273 

Retour  à  Versailles.  Présentations 276 

Grâces  de  la  Princesse,  qui  charment  le  Roi  et  Mme  de  Main- 
tenon 276-277 

Mlles  de  Soissons  ont  défense  de  voir  la  Princesse 277-278 

Plénipotentiaires  nommés  pour  la  paix 279 

Harlay,  conseiller  d'État 280 

Courtin,  conseiller  d'État » 

Courtin,  Harlay  et  le  duc  de  Chaulnes 283 

Callières 293 

Candidats  pour  la  Pologne.  Prince  de  Conti 301 

Princes  Constantin  et  Alexandre  Sobieski,  bien  ([u  incognito, 

baisent  la  Princesse 308 

Vaine  entreprise  de  Mme  de  Béthune  de  baiser  la  Princesse.  309 

Mariage  de  Coëtquen  avec  une  fille  du  duc  de  Noailles  ....  311-312 

Mort  de  l'abbé  [le]  Peletier,  conseiller  d'État 315 

»    du  duc   de  Rouannez » 

Mme  de  Saint-Géran  exilée 319 

Disgrâce  de  Rubentel 322 

Mme  de  Castries  dame  d'atour  de  Mme  la  duchesse  de  Chartres.  325 

Mme  de  Jussac  auprès  de  Mme  la  duchesse  de  Chartres.  .  .  .  333-334 


II 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 

DES  NOMS  PROPRES 

ET  DES  MOTS  OU  LOCUTIONS  ANNOTÉS  DANS  LES  MÉMOIRES 

N.  B.  Nous  donnons  en  italique  l'orthographe  de  Saint-Simon,  lorsqu'elle 

diffère  de  celle  que  nous  avons  adoptée. 

Le  chiffre  de  la  page  où  se  trouve  la  note  principale  relative  à  chaque  mot 

est  marqué  d'un  astérisque. 

L'indication  (Add.)  renvoie  aux  Additions  et  Corrections. 


Académie  française  (1'),  192. 

Accès,  76,  *203. 

Aix  (S.  de  Seyssel,  marquis  d'), 

*136. 
Aix-la-Chapelle  (la  paix  d'),  M40. 
Albret  (César-Phébus ,    maréclial 

d'),  *2 13-220. 
Albret  (Fr.-A.,  chevalier  d'),  comte 

de  Miossens.  Voyez  Miossens. 
Albret  (Charles-Amanieu,  marquis 

d"),  *2I8  (Add.). 
Albret  (Marie  d'Albret,  marquise 

d'),  *218. 
Albret  (la maison  d'),  213,  ''214. 
Albret  (l'hôtel  d"),  2 1 5,  *217,  219, 

221. 
Albret  (Emm.-Th.  de  la  Tour,  duc 

d'),  puis  de  Bouillon,  24. 
Albret   (Marie-Armande-Victoire 

de  la  TrémoïUe,  duchesse  d'), 

*24.  Voyez  Trémoïlle  (Mlle  de 

la). 


Alègre  (le  marquis  d'),  8. 
Alègre   (  Marie-Thérèse-Delphine- 

Eustachie  d').  Voyez  Barbezieux 

(la  marquise  de). 
Alençon  (Mlle  d'),  60.  Voyez  Guise 

(la  duchesse  de). 
Alençon  (la  ville  d'),  *63,  64. 
Alérion,  terme  de  blason,  *210. 
Allemagne  (1'),  69,  113,  117,  187, 

189. 
Alsace  (1'),  230-232,  245. 
Altesse  (1'),  270. 
Altesse  Royale  (Y),  270. 
Alzey  (la  ville  d'),  *229.  —Altzey. 
Angleterre  (l'),56,  140,186,241, 

281.  —  Ancjletterre. 
Angleterre  (le  roi  d').  Voyez  Jac- 
ques II,  et  Orange  (Guillaume  d'). 
Anglo-irlandaises  (lestroupes),*56 

(Add.). 
Angoulême  (Charles  de  Valois,  duc 

d'),  *61.  — Angoulesme. 


556 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


Ancodlême  (L.-E,  de  Valois,  comte 

d'Alais,  puis  duc  d'),  *22, 61 . 
Ancoulême  (M. -H.   de  la  Guiche, 

duchesse  d'),  22,23,  61,67. 
Ancoumois  (1'),    154.  —  Angoul- 

mois. 
Anne  d'Autriche  (la  reine),  22,  23, 

50,  51,  183,  274. 
Anno>xiade  (l'ordre  de  1'),  *i36. 
Antin  (R.-H.  de  Pardaillan  de  Gon- 

drin,  marquis  d'),  *218. 
Antraxe,  *153,  164. 
Appointer   sur  un   procès,    104, 

*105. 
Aquin  (Antoine  d'),  premier  mé- 
decin, 85.  —  Daquin. 
Armagnac  (C.  de  Neufville-Ville- 

roy,  comtesse  d'),  48. 
Armagnac  (Charlotte  de  Lorraine 

d'),  18. 
Armand  (dom),  abbé  de  la  Trappe, 

*65,  256,  257,  260. 
Armentières  (Michel  de  Conflans, 

marquis  d'j,  *336,  337. 
Armentières    (Diane-Gabrielle   de 

Jussac,  marquise  d'),  *336. 
Arnheim  (la  ville  d'),  *12. 
Arpajon  (Louis,  duc  d'),  *177,  328. 

—  Harpajon. 
Arpajon  (la  duchesse  d'),  171,  176 

(Add.)-180,  192,  194. 
Arpajon  (Catherine-Françoise  d'). 

Voyez  RoucY  (la  comtesse  de). 
Arquien  (M.  de  la  Grange  d'),  reine 

de  Pologne,  304,  305,  309. 
Arrault   (Charles),  *94,   99.   — 

Harreau. 
Asie  Mineure  (1'),  199  (Add.). 
Assener,  *175. 
Assomption   (le  couvent  de  1'),  à 

Paris,  115,  *H6. 
AuBER  d'Aulnay  (la  maison),  *131. 
Aubusson  (Georges  d'). Voyez  Feuil- 

LADE  (G.  d' Aubusson,  abbé  de 

la). 
Adgsbourg  (la  ligue  d'),  *126. 


AuLNAY  (Antoine  Auber,  baron 
d'),  *131.  —  Aunay. 

Aumônier.  Voyez  Premier  aumô- 
nier. 

Aumont  (le  duc  d'),  93. 

Autriche  (Marie-Antoinette  d'). 
Voyez  Bavière  (l'électrice  de). 

.\uTRiCHE(Marie-Éléonored').  Voyez 
Lorraine  (la  duchesse  de). 

Auvergne  (1'),  35,  213,  222,  223. 

Auvergne  (le  gouvernement  d'), 
26, 

Auvergne  (la  lieutenance  géné- 
rale d'),  *123. 

Avant  partir,  *119. 

AvÉJAN  (Denis  de  Banne,  comte 
d'),  *324. 


B 


Bade  (le  prince  Louis  de),  121, 
224,  228,  231,  242,  306.  — 
Bade  et  Baden. 

Bailly  (Mme),  *97. 

Baisers  d'étiquette, *271 ,  274, 275, 
305,  309-311. 

Balbien  (Nanon),  167,*168  (Add.)- 
170. 

Bande,  terme  de  blason,  *210. 

Barbezieux  (le  marquis  de),  8,  28, 
130,  224,  226,  227,  324.  — 
Barbezieux  et  Barbesieiix. 

B.vrbezieux  (M.-T.-D.-E.  d'Alègre, 
marquise  de),  *8. 

Barbisi  (Mme),  169,  *170,  179. 

Barraux  (le  fort  de),  *324.  — 
Barreaux. 

Bart  (Jean),  *137. 

Bastille  (la),  46,  52,  53,  252. 

Bâtards  du  Roi  (les),  204,  219- 
221. 

Batteville.  Voyez  Watteville, 

Baux  (Hercule  II  Grimaldi,  mar- 
quis des),  *22. 

Baux  (Marie-Amélie-Spinola,  mar- 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


557 


(juise  des),  *21.  Voyez  Mourgues 

(la  princesse  de). 
Bavarder,  pris  activement,  *102. 
Bavière  (l'électeur  de),  122,  303, 

303. 
Bavière  (Marie-Antoinette  d'Autri- 
che, électrice  de),  *30o. 
Bavière-Neubourg  (Éléonore-Made- 

leine-Tliérèse  de),   impératrice 

d'Allemagne,  *30o. 
Bavière-Neubourg  (Hedwige-Élisa- 

beth-Amélie  de),  femme  de  Jac- 
ques Sobieski,  *303. 
Baville    (Nicolas    de    Lamoignon 

de),  326,  327,  330.  —  Basville. 
Beauce  (la),  182.  —  Beausse. 
Beaufort  (la  terre  de),  91. 
Beauharnais  (la  maison  de),  *71 

(Add.). 
Beaumanoir  (la  maison  de),  *131. 
Beauvillier  (le  duc  de),  158,  250, 

299. 
Beauvillier  (la  duchesse  de),  35, 

158,  299. 
Beauvillier  (l'hôtel  de),  42. 
Beauvit  (la  maison  de),  *71  (Add.). 
Belle-Isle  (l'île  de),  *138.  —Bell- 

isle. 
Bellefonds  (le  maréchal  de),  209, 

212  (Add.). 
Bellefonds   (Madeleine  Foucquet, 

maréchale  de),  *211,  222. 
Bellefonds  (Louis-Charles-Bernar- 
din Gigault,  marquis  de),  *211, 

212. 
Bellefonds  (Marie-Armande-Agnès 

de),  abbesse,  *322. 
Bellefonds    (le    couvent    de),    à 

Rouen,  *322. 
Bellenave  (Claude  le  Loup,  baron 

de),  H3. 
Bellot,  *280. 
Beringhen  (Henri,  marquis  de),  *68 

(Add.). 
Beringhen    (J.-L.,   marquis   de), 

*68. 


Berry-Cavalerie  (le  régiment  de), 
*28. 

Berwick  (le  maréchal  de),  *55-57. 

Besançon  (la  ville  de),  68. 

Béthune  (Anne-Marie  de  Beauvil- 
lier de  Saint-Aignan,  comtesse 
de),  *310. 

Béthune  (François-Gaston,  marquis 
de),  *309,  310. 

Béthune  (Marie-Louise  de  la  Grange 
d'Arquien,  marquise  de),  *309- 
311. 

Béthune-Charost  (le  duc  de).  Voyez 
Charost. 

Beuvron  (François  III  d'Harcourt, 
marquis  de),  179. 

Béziers  (l'évêché  de),  326.  —  Be- 
siers. 

BiRON  (Elisabeth  de  Cossé-Brissac, 
marquise  de),  *196  (Add.). 

BiRON  (Charles-Armand  de  Con- 
tant, marquis,  puis  duc  et  ma- 
réchal de),  *57,  58,  196. 

Biscuit  manqué  (un),  *332, 

BissY  (la  brigade  de),  236. 

Bivouac,  *238. 

Blainville  (J.  deWarigniesde),  70. 

Blanchefort-Créquy  (Charles-Nico- 
las, marquis  de),  *67  (Add.). 

Blanzac  (Charles  de  la  Rochefou- 
cauld de  Roye,  comte  de),  *173. 
—  Blansac. 

Blanzac  (M. -H.  de  Rochefort  d'A- 
loigny,  comtesse  de),  *172-176, 
180, 

Blois  (Mlle  de),  334.  Voyez  Char- 
tres (la  duchesse  de). 

Blouin  (Louis),  *34.  —  Bloin. 

BoiSY  (Henri  Goufïier,  marquis  de), 
*315. 

Bombe  (attendre  la),  *290. 

BoNNEAu  (les),  *70  (Add.).  Voyez 
Ru  belles. 

BoNSY  (le  cardinal  Pierre  de),  *325- 
328,  330,  331.  —  Bo7isi  et 
Bonzi. 


558 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


BossuET  (J.-B.),  évêque  de  Meaux, 
459. 

Boucherai  (le  chancelier),  280, 
281,  287-292. 

BouFFLERS  (le  maréclial  de),  112, 
430,  155,  323,  324. 

Bouillon  (G.-Fr.-M.  de  la  Tour- 
d'Auvergne,  duc  de),  24. 

Bouillon  (la  maison  de),  36. 

Bourbon  (Julie  de),  demoiselle  de 
Guénani  et  de  Châteaubriant, 
28,  *29.  Voyez  Lassay  (la  mar- 
quise de). 

Bourgogne  (le  duc  de),  432,  458, 
270,  273,  276. 

Bourgogne  (Marie-Adélaïde  de  Sa- 
voie, duchesse  de),  *132,  134, 
155,  157,  158, 164,  165,  222, 
264,  267-278,  309-311. 

Bourgogne  (la),  280. 

BouTEviLLE  (É. -A.  devienne,  com- 
tesse de),  144,  *145.  —  Bout- 
teville. 

BouzoLS  (L.-J.  de  Montaigu,  mar- 
quis de),  *35,  137.  —  Boiizols 
et  Bouzolz. 

BouzoLS  (M.-Fr.  Colbert  de  Croissy, 
marquise  de),  *35,  36. 

Bracciano  (la  duchesse  de),  3,  37. 

Bresse  (la  lieutenance  générale 
de),  *30. 

Bretagne  (la),  90,  287,  290,  291. 

Brinon  (Marie-Madeleine  de  Sen- 
neterre  de),  26,*27.  Voyez  Vil- 
LACERF  (la  marquise  de). 

Brionne  (Henri  de  Lorraine,  comte 
de),  M56,  269-271. 

Brissac  (L.  de  Cessé,  duc  de),*196. 

Brissac  (M.-Fr.  de  Gondi,  duchesse 
de),  *18. 

Brissac  (H. -A.  de  Cossé,  duc  de), 
89,  334. 

Brissac  (M.-G.-L.  de  Saint-Simon, 
duchesse  de),  334. 

Brissac  (Elisabeth  de  Cossé- ). 
Voyez  BiRON  (la  marquise  de). 


Drcchsal    (la  ville  de),   119.  — 

Bruchsull. 
Brûler  de  quelque  chose,  *9. 
Bruyère  (Jean  de  la),  *84,  85. 
Bussy-Rabutin  (Roger,  comte  de), 

*73  (Add.),  74. 


Cabasset  (le),  *289. 

Cachettes  (en),  *45. 

Cadrieu  (Jean,  comte  de),  *235. 

Calais  (la  ville  de),  56,  57. 

Callières  (Jacques  de),  *293.  — 
Calliéres  et  Caillieres. 

Callières  (François  de),  *279, 
293-296,  298-301. 

Calvisson  (de).  Voyez  Nogaret.  — 
Cauvisson. 

Cambray  (l'archevêque  de),  39, 
47.  Voyez  Fénelon. 

Caponne  (charge),  *129. 

Capucine  (à  la),  *79. 

Capucins  (l'ordre  des),  *78. 

Carabins  (la  charge  de  général 
des),  *129. 

Caracoler,  *29I. 

Caractères  de  la  Bruyère  {les), 
*85. 

Cardinaux  (la  nomination  des), 
*307. 

Carignan  (Louise-Philiberte  de  Sa- 
voie, dite  Mlle  de),  *277,  278. 

Carmélites  (le  couvent  des),  à  Pa- 
ris, 66. 

Castries  (René-Gaspard  de  la  Croix, 
marquis   de),   *327,  328,  331. 

Castries  (Isabelle  Brachet,  mar- 
quise de),  *328. 

Castries  (Elisabeth  de  Bonsy,  mar- 
quise de),  *327. 

Castries  (Joseph-François  de  la 
Croix,  marquis  de),  *328,  329. 

Castries  (M.-É.  de  Rochechouart- 
Vivonne,    marquise  de),    160, 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 


559 


*325-328,  330-333.  —  Castres, 

332  (orthographe  conforme  à  la 

prononciation). 
Castries  (la  maison  de  la  Croix  de), 

*328. 
Catalogne  (la),  424,  239. 
Catinat  (le  maréchal),  127,  128, 

132,  136,  223,  266,  267.  — 

Cattinat. 
Cavoye  (M.  de  Lort  de  Sérignan, 

dame  de),  *S0,  SI. 
Cavoye  (le  marquis  de),  10,  14, 

47,  48  (Add.)-55.  —  Cawye  et 

Cavois. 
Cavoye  (Louise-Philippe  de  Coët- 

logon,  marquise  de),*52-55. 
Cérémonies  (la  charge  de  maître 

des),  M57. 
Chabot    (Henri  de),    *313.   Voyez 

RoHAN-CnABOT  (le  duc  de). 
Chaise  (le  P.  de  la),  160,  300. 
Chamarrer,  *191. 
Chamilly  (Fr.  Bouton,  comte  de), 

245. 
Chandenier  (le  marquis  de),  145- 

153. 
Chandenier  (Claude  le  Loup  de  Bel- 

lenave,  marquise  de),  *153. 
Chandenier  (Charles-François    de 

Rochechouart-),  marquis  de  Bel- 

lenave,  *153. 
Chardon  (Daniel),  *95,  103. 
Charités  des  paroisses    (les),    à 

Paris,  *167. 
Charles  IX,  roi  de  France,  *61 . 
Charles  II,  roi  d'Espagne,  *86,  88, 

240. 
Charles  IV,  duc  de  Lorraine,*31 ,59 . 
Charles  V,  duc  de  Lorraine,  *306. 
Charost  (Armand  I«r  de  Béthune, 

ducde),*93,102,  147. 
Chartres  (le  duc  de),  112,   175, 

272. 
Chartres  (la   duchesse  de),  159, 

160,  171,  175,  176,  320,  325, 

331,  334-336. 


Chartres  (l'évêque  de),  40.  Voyez 
Godet  des  Marais. 

Chateaubriant  (Mlle  de).  Voyez 
Bourbon  (Julie  de). 

Chateauneuf  (B.  Phélypeaux,  mar- 
quis de),  118.  —  Chasteau- 
neuf. 

Chatelet  (le  marquis  du),  209, 
211  (Add.),  212.  —  Chastelel  et 
Chasiellet. 

Chatelet  (Suzanne  Gigault  de  Bel- 
lefonds,marquisedu),159,*209, 
211-213,  222,  223. 

Chatelet  (la  maison  du),  *209- 
211. 

Chatillon  (P. -S.  de  Montmorency- 
Luxembourg,  comte  de  Luxe, 
duc  de),  36  (Add.)-38.  — aas- 
tillon. 

Chatillon  (Marie-Anne  de  la  Tré- 
moïlle-Royan,  duchesse  de),  37. 

Chatillon  (Al. -H.,  chevalier  de), 
166. 

Chatillon-sur-Loing  (le  duché  de), 
*37.  —  Cliastillon  sur  Loin. 

Ch aulnes  (le  duc  de),  100,  101, 
103,  109,  283-285,  287-293. 

Chaulnes  (la  terre  de),  *284,  285. 

Cheval-Blanc  (la  cour  du),  à  Fon- 
tainebleau, *273. 

Chevalerie  de  Lorraine  (l'ancienne), 
*209. 

Chevalier  d'honneur  (la  charge 
de),  *186. 

Chevreuse  (Ch.-H.  d'Albert,  duc 
de),  9,  10,  91,  110,  158,  297- 
299. 

Chevreuse  (J. -M.  Colbert,  duchesse 
de),  35,  158,  299. 

Chevreuse  (Mlle  de).  Voyez  Mont- 
morency -  Luxembourg  (  la  du- 
chesse de). 

Chevreuse  (l'hôtel  de),  42. 

Choiseul (César-Auguste,  duc  de), 
13. 

Choiseul  (le  maréchal  de),    112, 


560 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


H9-121,  455,  156  (Add.),  223- 
227,  229,  230,  232,  233,  23G, 
237,  242,  244,  246-250,  267. 

Choisedl.  Voyez  Plessis-Praslin. 

CiSTERNE  (Thérèse  Litta,  princesse 
delà),  *268. 

Clérembault  (René  Gilier,  mar- 
quis de),  *11,  13,96,  97. 

Clérembault  (Marie-Louise  le  Loup 
de  Bellenave,  marquise  de),  *11, 
13. 

Clérembault  (  Marie-Gilonne  Gi- 
lier de).  Voyez  Luxembourg  (la 
duchesse  de  Montmorency-). 

Clermont-Tonnerre  (Fr.  de),  évê- 
que  de  Noyon,  1. 

Clochardière  (M.  de  la),  *243, 
244. 

CoiiTLOGON  (Louise-Philippe  de), 
*52  (Add.),  54.  Voyez  Cavoïe 
(la  marquise  de). 

Coëtquen  (Malo-Auguste,  marquis 
de),  *31i-314.  —  Coesquen. 

Coëtquen  (M. -G.  de  Rohan-Cha- 
bot,  marquise  de),  *312. 

Coëtquen  (Marie -Charlotte  de 
Noailles,  marquise  de),  311, 
*312-314. 

CoiSLiN  (Pierre-César  du  Cambout, 
marquis  de),  *82. 

CoisLiN  (le  duc  de),  82. 

CoisLiN  (P.  de),  évêque  d'Orléans 
et  cardinal,  82,  83. 

CoiSLiN  (le  chevalier  de),  82. 

Colbert  (J.-B.),  ministre,  139. 

Colbert  (la  maison),  27,  *28, 140. 

Coligny-Saligny  (Gaspard-Alexan- 
dre, comte  de),  *31.  —  Colli- 

gny- 

Coligny-Saligny  (A.-M.-C.  de  Ma- 
daillan  de  Lesparre,  comtesse 
de),  *3i. 

Colonel  général  de  la  cavalerie  lé- 
gère (la  brigade  du),  *237. 

Colonel  général  des  dragons  (la 
charge  de),  *130. 


Comédie  (la  salle  de  la),  à  Fontai- 
nebleau, *251. 

Compagnies  franches,  *245. 

Compétence,  au  sens  de  compéti- 
tion, *242. 

Comptant,  pris  adverbialement, 
*255. 

Comte  (le  P.  Daniel-Louis  le),  159, 
*160. 

CoNDÉ  (le  grand).  Voyez  Prince 
(Louis  11  de  Bourbon,  dit  Mon- 
sieur le). 

CoNDÉ  (la  branche  de  Bourbon-), 
60. 

CoNDÉ  (l'hôtel  de),  28. 

CoNFLANS  (Charles-Emmanuel  de 
Watteville,  marquis  de),  *239, 
240. 

CoNFLANs  (Jean-Chrétien  de  Wat- 
teville, chevalier  puis  marquis 
de),  *239. 

CoNFLANs  (Alexandre-Philippe,  mar- 
quis de  Saint-Remy  et  de),  *336, 
337. 

CoNFLANS  (Louise-Françoise  de  Jus- 
sac,  marquise  de),  *336. 

CoNFLANS  (Philippe-Alexandre,  che- 
valier puis  bailli  de),  *337. 

CoNFLANS  (la  maison  de),  *337. 

CoNi  (la  ville  de),  135. 

Conseil  du  Roi  (le),  92,  142,  143, 
178,  299. 

Conseil  (le  Grand).  Voyez  Grand 
Conseil  (le). 

Conséquence  de  (en),  *92. 

Constantinople  (la  ville  de),  198 
(Add.),  199. 

Conti  (Armand  de  Bourbon,  prince 
de),  215,  328. 

Conti  (la  princesse  douairière 
de),  136  (Add.),  138,  139,  195, 
275. 

Conti  (Fr.-L.  de  Bourbon,  prince 
de),  5-7,  32,  99,206,210,302, 
306-308. 

Contours,  *114. 


i 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


5GI 


Contredit  (un),  *61. 

CoRDEBŒUF  (la  maison),  *2"22.  Voyez 

MoNTGON  (le  comte  de). 
CouRCiLLON  (la  maison  de),  *182. 

Voyez  Dangeau  (le  marquis  de). 
CouRTiN  (Honoré),  *279,  280,  283- 

286,  293,  300. 
Couteaux  tirés  (aux),  *287. 
Couvert  (le  grand),  *63. 
Crécy  (le  comte  de),  280,  300. 
Crédence  d'autel,  *2. 
Créquy  (le  maréchal  de),  67. 
Créquy  (Charles  III,  duc  de),  48. 
Créquy  (Armande  de  Lusignan  de 

Saint -Gelais    de  Lansac,    du- 
chesse de),  *109. 
Croissy  (le  marquis  de),  35,  139- 

143,  299. 
Croissy  (Mlle  de),  *3d.  Voyez  Bol- 

ZOLS  (la  marquise  de). 
Croix  (la  maison  de  la), *328.  Voyez 

Castries. 
Cuistre,  *40. 
Gui,  *231. 


Daguesseau  (Henri-François),  *92, 
98,  103,  106-108,  111,  112. 

Dames  d'atour,  *172  (Add.),  310. 

Dames  d'honneur,  *172  (Add.). 

Damoiselle,  *30. 

Dangeau  (le  marquis  de),  158, 182- 
186(Add.),187(Add.)-191,22I. 

Dangeau  (Françoise  Morin,  mar- 
quise de),  *189,  190. 

Dangeau  (  Sophie -Marie  de  Ba- 
vière, comtesse  de  Levenstein, 
marquise  de),  159,  M 87-190, 
192. 

Darmstadt  (Georges,  prince  de 
Hesse-),  *125. 

Dauphine  (Madame  la),  159,  172, 
178,  186,  187,  190,  195,  207, 
209,  221,  276. 

MÉMOIRES   DE   SAINT-SIMON.    III 


De,  au  sens  de  dès,  *TI9. 
Déboucher   les  montagnes,  *230. 
Découvert  (à),  *2o9. 
Défavoriser,  *30o. 
Délibéré  (un),  *104. 
Délibérer  sur  le  registre,  *103. 
Dépiquer  (se),  *38. 
Désert  (le),  à  Satory,  *320,  321. 
Desgranges  (Michel  Ancel),  *157. 
Dessus  d'une  lettre  (le),  *289,  291. 
Dom,    devant  un    nom  espagnol, 

86  (*Add.). 
Domestique,  *I48. 
Doi]iLLY(MlleRioultde),*24(Add.). 

Voyez  Saixt-Hérem  (la  marquise 

de). 
Dragons  (la  charge  de  mestre  do 

camp  général  des),  *130. 
Draper,  *88. 
Dronero  (Charles-Philibert  d'EsIe, 

marquis  de),  *268-270.  —  Dro- 

mero,  269,  270. 
Duc   (Monsieur  le),   Louis  III  de 

Bourbon-Condé,  6,  32,  33,  204- 

206,  320,  321. 
Duchesse  (Madame  la),  L.-Fr.  de 

Bourbon,  33,  35,  36,  139,  320, 

322. 
Ducs  à  brevet,  38,  39,  178,  239. 
Ducs  vérifiés,  90,  91. 
Dunkerque  (la  ville  de),   122.    — 

Dunquerque. 
Duras     (le    maréchal    de),     15, 

18,    19,   115,  117,    120,   Wo, 

194. 
Duras  (M. -F.  de  Levis-Ventadour, 

duchesse  de),  *16. 
Duras  (Ch.-F.-Arm.  de  Durfort-). 

Voyez  Meilleraye  (la  duchesse 

de). 
Duras  (Louise-Bernardine  de  Dur- 
fort-).    Voyez    Lesdicuières   (la 

duchesse  de). 
Duras  (l'hôtel  de),  *19. 
DuRCKHEiM  (la  ville  de),  230.  — 

Durkeim. 


562 


TvVBLE    ALPHABÉTIQUE. 


Ebernbourg  (la  ville  d'),  *248. 
Éclairer,  épier,  *46. 
Écoulements,  *94. 
Écrilure  sainte  (1'),  100,  103. 
Élections  (les),  circonscriptions, 

*285. 
Empereur  d'Allemagne   (!'),  127, 

134,  223,  26S,  278,  30S,  306. 
Entendre  que  (se  laisser),  *263. 
Entrées  chez  le  Roi,  *202. 
Entreprise,  empiétement,  *31i. 
Épernon  {la  Vie  du  duc  d'),  30. 

—  Espernon. 
Épineux,  *323. 
Eppingen  (la  ville  d'),  121. 
E.SPAGNE  (1'),  86,  87, 124, 125, 127, 

239,  242,  265. 
Espagne  (le  roi    d'),   240.   Voyez 

Charles  II,  Philippe  IV. 
Espagne    (Elisabeth    de    France, 

reine  d'),  *88. 
Espagne  (Marie-Anne  d'Autriche, 

reine  d'),  *86-88. 
Espagne  (Marie-Louise  d'Orléans, 

reine  d'),  *88. 
Espèce  (un  ou  une),  *55,  *197, 257, 

259. 
Espinoy  (Jeanne-Pélagie  de  Rohan- 

Chabot,  princesse  d'),  *312. 
Essey  (l'abbaye  d'),  *67. 
Estrades  (G,,  maréchal  d'),  *241. 
Estrées  (Fr.-A.  III,   duc  d'),  93 

(*Add.),  100,  102. 
Estrées  (la  maréchale  d'),  189. 
Estrées  (le  cardinal  d'),  1,  3. 
Estrées  (la  comtesse  d' ).  Voyez 

NoAiLLEs  (L,-F.  de). 
Étoile  dans  un  bois,  *151. 
Eugène  (Eug.-Fr.  de  Savoie,  dit  le 

prince),  *135,  136,  278. 
Europe  (I'),  154,  155,  254,  278. 
Évanouir,  *292. 


Exhaler  (s'),  *105. 
Exulter,  *43. 


Faire,  absolument,  *112. 

Faubourgs  (être  des),  *33. 

Fénelon  (Fr.  de  Salignac  de  la 
Mothe-) ,  archevêque  de  Cambray, 
39-45,  47. 

Fer-a-Cheval  (l'escalier  du),  à  Fon- 
tainebleau, *273. 

Ferté-Senneterre  (lienri-François, 
duc  dela),*93,  111,237. 

Ferté-Vidame  (la  terre  de  la),  151. 

Feuillade  (Georges  d'Aubusson, 
abbé  de  la),  archevêque  d'Em- 
brun et  évêque  de  Metz,  *117, 
118,  328. 

Feuillade  (François  d'Aubusson, 
duc  de  la),  118,  *317,  318. 

Feuillade  (Charlotte  GoufHer  de 
Rouannez,  duchesse  de  la),*318. 

Feuillade  (L.  d'Aubusson,  duc  de 
la),  117,  118,  328. 

Feuillade  (Catherine-Thérèse  Phé- 
lypeaux  de  Châteauneuf,  du- 
chesse de  la),  *118. 

Feuillants  (le  couvent  des),  à 
Paris,  *146. 

Feuquière  (le  marquis  de),  33.  — 
Feuquieres. 

Feuquière  (Jules  de  Pas,  comte  de), 
*33  (Add.). 

Feuquière  (C.-M.  Mignard,  com- 
tesse de),  33,  34. 

Fieubet  (Gaspard  de),  *97. 

Filles  de  la  Reine  (les),  *53. 

Flandre  (la),  122.  —  La  Flandres. 

Flandres  (les),  58,  112,  113,  155, 
223,  227. 

Flandres  (le  comte  de),  pair  de 
France,  *316. 

Fleur  des  pois  (la),  *175. 

Fleurus  (la  bataille  de),  195,  335. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


5(33 


Foix  (leducdeRandan-),  lo5,  lo6 

(Add.),  267. 
Foix  (Marie-Charlotte  de  Roque- 

laure,  duchesse  de),  *116. 
Fondre,  s'évanouir,  *292. 
Fontainebleau    (le   gouvernement 

de),  2S,  *26. 
Fontainebleau  (la  ville  et  le  châ- 
teau de),  220,  230,  *2ol,  232, 

256,  264,  *273,  *274,  276. 
Force  (le  duc  de  la),  100. 
Fortifications    (la  direction  des), 

*283. 
Fortifier  (se),  *320. 
Français  (les),  88. 
France  (la),  6,  9,  13,  16,  22,  51, 

56,  39,  88,  92,  108,  122,  132, 

133,  241,  242,  269,  273,  278, 

296,  307. 
France  (les  enfants  de),  62,  207, 

270,  276,  310. 
Frémont  (Nicolas  de),  249,  250. 
Fréteau  (H.-M.),  *94.  —Fretteau. 
Freymuhl  (le  moulin  de),  *236. 
Fribourg-en-Brisgau  (la  ville  de), 

*229. 
Fricasser,  au  figuré,  *197. 
Froullay  (Louis,  comte  de),  *54. 

—  Frotday. 
Froullay    (la  maison   de),  *'129. 

Voyez  Tessé. 
FtJRSTENBEKG   (le  Cardinal  de),    1, 

188-190,  192.  —  Fursteniberg. 


Galand,  422,  184,  *239  ;  galant, 
*286-288. 

Galloway  (le  marquis  de  Ruvigny, 
lord),  135,  136. 

G  AND  (la  ville  de),  *312. 

Garde-robe.  Voyez  Grand  maître. 

Gardes  (la  salle  des),  à  Fontaine- 
bleau, *251. 

Gardes  de  Mazarin  (les),  *147. 


Gardes  françaises  (le  régiment  des), 
*322. 

Gaston  d'Orléans.  Voyez  Monsieur. 

Gaules  (les),  73. 

Gesvres  (Léon  Potier,  duc  de),  89- 
91. 

Gilier  de  Clérembault  (la  maison), 
Ml  (Add.).—  Gillier. 

Girardin  (Pierre),  199. 

Gobert(N....),  243,  246. 

Godet  des  Marais  (Paul),  évêqut; 
de  Chartres,  40-43,  45. 

GoNDi  (Catherine  de),  duchesse  de 
Retz,  *18. 

GoNDi  (la  maison  de),  *i6. 

Gouffier.  Voyez  Boisy,  Rouannez. 

GovoN  (Octave-François  de  Solare, 
comte  de),  *267.  —  Gouvon. 

Graine  (monter  en),  *33. 

Gramont  (Antoine-Charles  IV,  duc 
de),  *20,  21,  161. 

Grand  (Monsieur  le),  Louis  de  Lor- 
raine, grand  écuyer,  14,  16, 18, 
20,  21,  82. 

Grand'  chambre  du  Parlement  (la), 
*5,  93,  104,  106,  108. 

Grand  Conseil  (le),  9. 

Grand  louvetier  (la  charge  de), *220. 

Grand  maître  de  la  garde-robe  (la 
charge  de),  *81  (Add.), 

Grand  maréchal  des  logis  de  la  mai- 
son du  Roi  (la  charge  de),  47, 54. 

Grand  Seigneur  (le).  Voyez  Musta- 
pha II. 

Grand  trésorier  de  l'Ordre  (la 
charge  de),  143. 

Grands    d'Espagne    de    troisième 
1       classe  (les),  *239. 
I   Granges  (Michel  Ancel  des).  Voyez 
I        Desgranges. 

i    Grignan  (Fr.  Adhémar  de  Monteil, 
1        comte  de),  *77. 

Guignan  (Françoise-Marguerite  de 
Sévigné,  comtesse  de),  *77. 

Grignan  (L.-Pr.  Adhémar  de  Mon- 
teil, marquis  de),  77. 


564 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 


Grigxan  (le  château  de),  *7T. 
Grimaldi  (la  maison).  Voyez  Monaco. 
GuÉMENÉ  (le  duc  de  Montbazon-). 

Voyez  Montbazon  (le  duc  de). 
GcÉN'AM  (Mlle  de).  Voyez  Bourbon 

(Julie  de). 
GuERCuEviLLE  (Autoinettc  de  Pons, 

marquise  de),  *214.  —  Guier- 

cheville. 
GuiCHE  (Armand  de  Gramont,  comte 

de),  *21,  161. 
Guillaume    III,    roi    d'Angleterre. 

Voyez  Orange  (Guillaume  d'). 
Guilleragues  (Gabriel-Joseph  de  la 

Vergne, vicomte  de), *l97(Add.), 

198  (Add.),  199  (Add.). 
Guilleragues  (Marie-Anne  de  Pon- 

tac,  vicomtesse  de),  *199  (Add.), 

200. 
Guilleragues  (Mlle  de).  Voyez  0 

(la  marquise  d'). 
Guiscard  (le  comte  de),  1. 
Guise  (Louis-Joseph  de  Lorraine, 

ducde),  o9,  61,  62. 
Guise    (Elisabeth    d'Orléans,    dite 

Mlle  d'Alenron,    duchesse   de), 

*o9,  60,  62-67,  110,  207,  208. 
Guise  (Fr. -Joseph,  duc  de),  62,  *63. 
Guise    (Marie    de    Lorraine,    dite 

Mlle  de),  60,  61. 
Guises  (les),  61. 

Guitry  (Guy  de  Chaumont,  mar- 
quis de),  *81.  —  Guitri. 
Guyenne  (la),  21o. 
GuYON  (Mme),  41-46. 


H 


Harcourt  (M.-Ph.  du  Cambout, 
comtesse  d'),  82. 

Harcourt  (Henri,  marquis  d'),  o7, 
58,  226,  227,  230,  233-235, 
237,  242,  243,  246-250. 

Harcourt.  Voyez  Beuvron. 

Harlay  (Achille  III  de),   premier 


236, 


président,  89,  90,  93,  98,  400, 
104,  106,  108,  110,  111. 

Harlay  (Achille  IV  de),  108. 

Harlay  (la  maison  de),  280. 

Harlay-Bonneuil  (Nicolas-Auguste 
de),  279-281,  286-293,  300. 

Harlay-Bonneuil  (Mme  de),  288. 

Harlus  (L.,  comte  de),  239. 

Hart  (le  château  de),  *235, 
243,  244. 

Hautefort  (François-Marie,  mar- 
quis d'),  *237. 

Heilbronn  (la  ville  d'),  113.  — 
Heilhron. 

Henri  IV,  roi  de  France,  88. 

Herbes  (les),  au  sens  de  légumes, 
*46. 

Hesse  (la),  223.  Voyez  Darmstadt. 

Hesse  (le  landgrave  de),  228. 

Heudicourt  (Michel  Sublet,  marquis 
d'),  *219,  220. 

Heudicourt  (Bonne  de  Pons,  mar- 
quise d'),  *213,  219  (Add.),  220. 

Heudicourt  (Mlle  d'),  220,  221. 
Voyez  Montgon  (la  comtesse  de). 

Histoire  amoureuse  des  Gmdes  (P), 
*73. 

Hollandais  (les),  113,  137. 

Hollande  (la),  12,  279,  296,  299. 

Hongrie  (la),  32,  264,  306. 

Honneur  (dames  d').  Voyez  Dames. 

Honneurs  royaux  (les),  *  133  (Add.), 
134. 

HuMiÈRES  (le maréchal  d'),  38,57,58. 

HuMiÈRES  (M. -Th.  de  Crevant  d'). 
Voyez  Isenghien  (M. -Th.  d'Hu- 
mières,  princesse  d'). 

Huningue  (la  ville  d'),  *245. 

HuxELLES  (le  marquis  d'),  120, 231, 
233,  237,  245. 


Impératrice  d'Allemagne  (1').  Voyez 
Bavière-Neubourg. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


565 


Impériaux   (les),   244,   246,   248, 

264. 
Incurables  (l'hôpital  des),  à  Paris, 

*32. 
Influer  à  quelque  chose,  *283. 
Innocent  XI,  pape,  5. 
IsENCHiEN  (Jean-Alphonse  de  Gand, 

prince  d'),  38,  39.  —  Isenghien 

et  Isenyheim. 
Isenghien  (M. -Th.  de  Crevant  d'Hu- 

mières,  princesse  d*),  38. 
Isenghien  (Louis  de  Gand  de  Mé- 

rode   de   Montmorency,    prince 

d'),  *38  (Add.),  39. 
Isenghien  (A1.-M.-B.-D.  de  Gand, 

d'  ) ,    comte   de   Middelbourg , 

*38. 
Italie  (1'),   126,   135,    265,  266, 

279. 


J 


Jacques  II,  roi  d'Angleterre,  55- 
58. 

Jésuites  (les),  300.  —  Jesuities. 

JoiNviLLE  (Fr.  de  Lorraine,  prince 
de),  61. 

Joyeuse  (Charles-Louis  de  Lor- 
raine, duc  de),  *6l. 

Joyeuse  (Louis  de  Lorraine,  duc 
de),  *61. 

Joyeuse  (Françoise-Marie  dé  Va- 
lois, duchesse  d'Angoulème  et 
de),  *61,67. 

Joyeuse  (le  maréchal  de),  112, 239. 

Juan  d'Autriche  (don),  *86.  —  D. 
Juan  dWustriche. 

Jules  II,  pape,  *4. 

JussAC  (Claude,  comte  de),  *335. 

JussAC  (Marie-Françoise  Evrard  de 
Saint-Just,  comtesse  de),  *334- 
336. 

JussAC  (Diane-Gabrielle  de).  Voyez 
Armentières  (la  marquise  d'). 

JussAC  (Louise-Françoise  de).  Voyez 
Conflans  (la  marquise  de). 


KETscH(lavillede),*229.— /iieîïsc//. 
KiRCKHEiM  (la  ville  de),  *228.   — 

Kirken. 
KiRN  (le  fort  de),  *248. 


Lackheim  (le  village  de),  *237. 

Lamoignon  (Guillaume  de),  premier 
président,  *326. 

Landau  (la  ville  de),  224, 227,  *230- 
m^.—Landaw,  232. 

Lande  (Jean-Baptiste  du  Deffand, 
marquis  de  la),  *237. 

Langeron  (Claude-Bonne  Faye  d'Es- 
peisses,  comtesse  de),  *207, 208. 

Languedoc  (le),  326,  330,  331. 

Languedoc  (les  lieutenances  géné- 
rales de),  *328. 

Lanternes  du  Parlement  (les),  *6, 
99,  100,  *104. 

Lanti  (.\ntoine  délia  Rovere,  duc), 
*2  (Add.),  3  (Add.). 

Lanti  (Louise-Angélique  de  la  Tré- 
moïlle-Noirmoutier,  duchesse), 
*2  (Add.). 

Lanti  (la  maison),  *3. 

Lassay  (Armand  de  Madaillan. 
marquis  de),  *28,  30-32.  — 
Lassay,  Lassey  et  Lassé. 

Lassay  (Marie -Marthe  Sibourg, 
marquise  de),  *31. 

Lassay  (Marie-Anne-Françoise  Pa- 
jot,  marquise  de),  *31-33. 

Lassay  (Julie  de  Bourbon,  mar- 
quise de),  28,  *29. 

Lassay  (Léon  de  Madaillan,  comte 
puis  marquis  de),  *32,  36. 

Lassay  -  Montataire  (  Adélaïde  - 
Marie-Constance  de  Madaillan 
de),  comtesse  de  Coligny,  *3I . 

Lassay  (Anne-Louise  de  Madaillan 


566 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 


de  Lesparre  de),  comtesse  d'O, 
*33. 
Launay  (le  château  de),  *74. 
Lauzun  (le  duc  de),  113-117.  — 

Latisun . 
Lauzun  (la  duchesse  de),  114-117. 
Laitzun  (l'hôtel  de),  llo,  *116. 
Lavardin  (Jean  de  Beaumanoir,  ma- 
réchal de),  *13l. 
Lavardin  (H.-Ch.  de  Beaumanoir, 

marquis  de),  131. 
Lecteur  du   Roi   (la    charge   de), 

*18o. 
Leganez  (Diego-Maria-Felipez  de 
Guzman,    marquis    de),    *13d, 
136,  263.  —  Leganéz,  135. 
Légitimés  (les  princes),  99,  112. 

Voyez  Bâtards  du  Roi  (les). 
Légitimées  (les  princesses),  139. 

Voyez  Princesses  (les). 
Léopold  I",  empereur  d'Allemagne, 

88.  Voyez  Empereur  (1'). 
Lesdiguières  (François    de  Bonne 

de  Créquy,  duc  de),  *18. 
Lesdiguières    (François-Emmanuel 
de  Bonne  de  Créquy,  duc  de), 
M7-18. 
Lesdiguières    (Paule  -  Marguerite  - 
Françoise  de   Gondi,   duchesse 
de),  *\6,  18,  19. 
Lesdiguières  (J.-Fr.-P.  de  Bonne 
de  Créquy,  duc  de),  16-19,  89, 
100,  101. 
Lesdiguières    (Louise -Bernardine 
de  Duras,  duchesse  de),  *15, 19. 
Levensteix  (Ferdinand-Charles  de 

Bavière,  comte  de),  *188. 
Levenstein  (Anne-Marie  de  Fùrs- 

tenberg,  comtesse  de),  *188. 
Levenstein  (Mlle  de),  *187  (Add.), 
190.  Voyez  Dangeau  (la  mar- 
quise de). —  Lovestein  et  Leven- 
stein. 
Liangourt  (Roger  du  Plessis,  mar- 
quis de),  duc  de  la  Roche- 
Guyon,  *213. 


Liberté  (en),  *239. 

Livrées  de  quelqu'un  (prendre  les), 

*28. 
Loches  (le  château  et  la  ville  de). 
*149-151. 

LoNGUEVAL(François-Ann  ibal ,  comte 
de),  *125,  126. 

LoNGUEviLLE  (Henri  d'Orléans,  duc 
de),  215. 

LoNGUEViLLE  (J.-L.-Ch.,  abbé  d'Or- 
léans-), 5. 

LoNGUEviLLE  (le  duc  de).  Voyez 
Sai.n't-Pol  (le  comte  de). 

LoRGE  (le  maréchal  de),  18,  112, 
117,  119,  120,  193,  194,  252. 

LoRGE  (la  maréchale  de),  24,  116. 
117,  230. 

LoRGE  (l'hôtel  de),  113. 

Lorraine  (Charles  IV,  duc  de),  *31, 
59. 

Lorraine  (Charles  V,  duc  de),  *306. 

Lorraine  (Léopold-Joseph-Charles- 
Dominique  -  Agapet  -  Hyacinthe, 
duc  de),  *303,  303,  306. 

Lorraine  (Marie -Éléonore  d'Au- 
triche, duchesse  de),  *306. 

Lorraine  (Marguerite  de).  Voyez 
Madame. 

Lorraine  (le  chevalier  de),  82. 

Lorraine  (la),  209. 

Lorraine  (la  maison  de),  61,  209, 
*210.  Voyez  Armagnac,  Brionne, 
Guise,  Joyeuse,  Marsan. 

Louis  XIII,  59.  —  Louis. 

Louis  XIV,  1,  2,  22,  23,  26,  28, 
31,  34,  36-39,  47-49,  52-54, 
60,  63,  66,  67,  73,  79-83,  83, 
88,  92,  93,  99-102,  103-114, 
113,  117,  118,  126,  127,  129, 
132-133,  138,  141-144,  153- 
158,  160,  163-166,  169,  170, 
176,  179,  183-183,  189-191. 
193-193,  202,  204,  206,  207, 
212,  219,  222,  224,  223,  242, 
249-233,  236,  264,  268-277, 
279,  281-283,  283,  299,  301, 


TADLE    ALPHABÉTIQUE. 


567 


30-2,   307-311,  316,  320-326, 
328,  330,  331. 
Loup  (la  maison  le).  Voyez  Belle- 

NAVE. 

LouviLLE  (le  marquis  de),  2ol. 

Louvois  (le  marquis  de),  27,  28, 
48,113,128,130,142,281,283. 

LuDE  (le  duc  du),  *163,  170. 

LuDE  (la  duchesse  du),  *21,  116, 
159,  161-167,  169-171,  179- 
181,  271-273,  276,  310. 

LuGNY  (Jacqucs-Ponthus  de  Levis, 
baron  de),  *238,  239. 

L'un  à  l'autre  (de),  *42. 

LuxE(lecomtede),36,*37. — Ltice. 
Voyez  Chatillon  (le  duc  de). 

Luxembourg  (le  maréchal  de  Mont- 
morency-), 14,  36,  63,  89,  143. 

Luxembourg  (le  duc  de  Montmo- 
rency-), 8-10,  13,  14,  36,  89, 
90,  93,  96,  99-102,  104,  103, 
107,  108, 111. 

Luxembourg  (Marie-Anne  d'Albert, 
duchesse  de  Montmorency-),  9, 
91. 

Luxembourg  (Marie-Gilonne  Gilicr 
de  Clérembault,  duchesse  de 
Montmorency-),  *10,  11,  13. 

Luxembourg  (le  palais  de),  63, 

Luxembourg  (la  ville  de),  *12. 

Lyon  (la  ville  de),  268. 


M 


Madaillan  (la  maison  de).  Voyez 
Lassay,  Montataire. 

Madame  (Marguerite  de  Lorraine, 
duchesse  d'Orléans,  dite),  *59. 

Madame  (É.-Ch.  de  Bavière,  du- 
chesse d'Orléans,  dite),  11,  13, 
60,  207,274,  273,  309-311. 

Mademoiselle  (la  Grande),  60,  63. 

Madrid  (la  ville  de),  88. 

Magny  (la  terre  de),  *284. 

Magueux  (Etienne),  94. 


Mailly  (M. -A. -F.  de  Saint-îler- 
mine,  comtesse  de),  159,  160, 
172,  222,  275,  325. 

Main  gauche  (épouser  de  la),*189. 

Maine  (le  duc  du),  112,  220,  329- 
331,  333. 

Maine  (le),  131. 

Mains  (à  toutes),  *193. 

Maintenon  (la  marquise  de),  40- 
43,  76,  137,  158,  163,  164, 
167-169,  172,  176,  179,  186, 
189,  190,  192,  200,  201,  213, 
221,  222,  273,  275-277,  331, 
334,  336. 

Maisxe  (M.),  *256,  257,  263. 

Maisons  (.lean  de  Longueil,  prési- 
dent de),  *91-93,  97,  98,  101, 
102. 

Maisons  (Louise  de  Fieubet,  mar- 
quise de),  *97. 

Maisons  (Claude  de  Longueil,  mar- 
quis et  président  de),  *98. 

Blanceau  (un),  *129  (Add.).  — 
Mansemi. 

Mansfeld  (Henri-François,  comte 
de),  *265.  —  Mansfeldl. 

Manteau  ducal  (le),  *210. 

Marans  (  Françoise-Charlotte  de 
Montalais,  comtesse  de),  *29. 

Marie  de  Médicis,  reine  de  France, 
214. 

Marie-Thérèse,  reine  de  France, 
28,  52,  53,  69,  88,  162,  207, 
221,  276,  310. 

Marly  (le  château  de),  50,  63,  66, 
109,  115,  164,  176,  204,  267, 
281,  283,  334.  —  Marli,  281. 
283;  au  pluriel  Marîis,  164. 

Marsan  (Charles  de  Lorraine-Ar- 
magnac, comte  de),  *14,  82. 

Marsan  (Catherine-Thérèse  de  Mati- 
gnon-Torigny,  comtesse  de),  14. 
Voyez  SEiGNELAY(la  marquise  de) . 

Masque  tombe  (le),  *90. 

Matignon  (la  maison  de),  14,  293. 
—  Mailifjnon. 


368 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


Mayen'Ce  (la   ville  de),    1 13,  "2-23, 

-224,  228,  229,  232,  245,  248. 

.AL\ZARiN   (le  cardinal),  147,    148. 

—  Mazzarin. 

Mazarin  (.\rmaiul-Cliarles  de  la 
Porte,  marquis  de  la  Meilleraye, 
duc),  *lo. 

Meaux  (l'évèque  de) .  Voyez  Bossiet. 

Meckelbourg  (la  duchesse  de),  37. 

—  Mecklbowg. 

Meilleraye  (Paul-Jules  de  la  Porte- 
Mazarin,  duc  de  la),  *lo  (Add.), 
93.  —  La  Melleraye. 

Meilleraye  (Ch.-F.-Armande  de 
Durfort-Duras,  duchesse  de  la), 
*15. 

Menins  des  princes,  *181  (Add.). 

Merveilles  (à),  *193. 

Méry-sur-Seine  (le  bourg  de),  *319. 

Mestre  de  camp  général  des  dra- 
gons (la  charge  de),  *130. 

Mettre  dans  la  conversation,  *2o8. 

Metz  (la  ville  de),  117,  243. 

Metz  (l'évèque  de),  117,  328. 
Voyez  Feuillade   (l'abbé  de  la). 

MiDDELBOURG  (le  comte  de).  Voyez 
Isexghien'. 

Mie  (une),  *IG9,  179. 

Migxard  (Pierre),  33. 

Mignard  (  Catherine-Marguerite  ). 
Vovez  Feuquière  (la  comtesse 
de). 

Milan  (la  ville  de),  266. 

Milanais  (le),  263,  266.  —  Mila- 
nez,  263. 

Miner,  au  sens  de  réduire,  *232. 

MiossENS  (Antoinette  de  Pons,  dame 
de),  *214. 

MiossENS  (Henri  II  d'Albret,  baron 
de),  *214. 

MiossENS  (Anne  de  Gondrin,  ba- 
lonne  de  Pons  et  de),  *218. 

MiossENS  (François-Amanieu  d'Al- 
bret, comte  de),  *216. 

MiossENS  (Elisabeth  de  Pons,  com- 
tesse de),  *21o,  216. 


MiossENs  (la  maison  de).  Voyez  Al- 

BRET. 

MiRAMioN  (Aignan  de  Bcauharnais 
de),  *71. 

MiRAMiON  (Jean-Jacques  de  Beau- 
harnais  de),  *71. 

MiRAMioN  (Marie  Bonneau  de  Ru- 
belles,  dame  de),  *70-75  (Add.), 
76. 

MiRAMioxNES  (le  couvent  des).  Voyez 
Sainte-Gekeviève  (la  commu- 
nauté de). 

Monaco  (Honoré  I"  Grimaldi,  sei- 
gneur de),  *23. 

Monaco  (Hercule  I'^  Grimaldi,  sei- 
gneur puis  prince  de),  *23. 

Monaco  (Honoré  II  Grimaldi,  prince 
de),  *22,  23. 

Monaco  (Louis  Grimaldi,  prince 
de),  20-22. 

Monaco  (  Catherine-Charlotte  de 
Gramont,  princesse  de),  *20. 

Monaco  (Anne-Hippolyte  Grimaldi, 
demoiselle  de),  *19-21.  Voyez 
UzÈs  (la  duchesse  d'). 

Monaco  (la  maison  de),  20-23,  36. 

Monaco  (la  ville  de),  *20,  23. 

Monseigneur,  dauphin  de  France, 
2,  139,  181,  187,  193,  196, 
203,  206,  272,  273,  273. 

Monsieur  (Gaston,  duc  d'Orléans, 
dit),  39. 

Monsieur  (Philippe,  duc  d'Orléans, 
dit),  2,  11,  12,  60,  82,  88, 
164-166,  170,173,271-273. 

Mont  (Jacques-François  du),  *95, 
100,  101. 

Mont-Royal  (le  gouvernement  de), 
*122.  —  Montroyal. 

Montaigu  (la  maison  de),  *3o. 

Montal  (le  comte  du),  122. 

Montalais  (Françoise-Charlotte  de). 
Voyez  Marans  (la  comtesse  de). 

Montargis  (la  ville  de),  264,  272. 

Montataire  (Louis  de  Madaillan, 
marquis  de),  *30. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


o69 


MoNTBAzoN  (Charles  III  de  Rohan- 

Guémené,  duc  de),  100. 
MoNTESPAN    (Louis-Henri  de  Par- 

daillan  de  Gondrin,  marquis  de), 

*218,  219. 
MoNTESPAN  (la  marquise  de),  139, 

184,   191,  202,  219-221,  325, 

330,  331,  334,  336. 
MoNTFORT  (le  duc  de),  190. 
MoNTFORT  (M.-A.-J.  de  Dangeau, 

duchesse  de),  190. 
MoNTFRÉviLLE  (le  marquis  de),  70. 
MoNTGON    (Jean-François    Corde- 
bœuf  de  Beauverj^er,  comte  de), 

*120,  213,  221,  222. 
MoNTGON  (Louise   Sublet  d'Heudi- 

court,  comtesse  de),  159,  *213, 

220-223. 
Montmorency  (le  duché  de  Beau- 
fort-),  91. 
MoNTMORiN    (la  maison  de),   *25, 

26. 
Montpellier  (le  gouvernement  de), 

*328. 
MoRiN  (Jacques),  dit  le  Juif,  189, 

M90. 
Mornay-Montchevkeuil    (Léonoi-  , 

comte  de),  *o7,  58. 
MoRSTiN  (J.-A.,  comte  de),  *294- 

298. 
MoRSTiN  (M. -A.,  comte  de),  *297, 

298. 
MoRSTiN  (Mlles  de),  *298. 
MoRTEMART  (M. -A.  Colbert,  duchesse 

de),  35. 
Mortemart  (la  maison  de  Roche- 

chouart-),  *332.  Voyez  Roche- 

chouart. 
Mouches  pour  le  visage,  *165. 
Mourgues  (Marie-Amélie   Spinola, 

princesse  de),*21,*22,  23.Voyez 

Monaco. 
MussBACH   (le    village   de),    *235, 

243,  246.  —  Mîisbach. 
Mustapha    1 1 ,    grand     seigneur  , 

*264. 


N 


Nahe  (la),  228.  —  Naw. 

Namur  (la  ville  de),  224,  297. 

Nancy  (la  ville  de),  59. 

Nangls  (Louis-Fauste  de  Brichan- 
teau,  marquis  de),  *173  (Add.). 

Nangis  (Louis-Armand  de  Brichan- 
teau,  marquis  de),  *173  (Add.). 

Nangis  (Marie-Henriette  de  Roche- 
fort  d'Aloigny,  marquise  de), 
M72,  173. 

Nanon.  Voyez  Balbien  (Nanon). 

Nantes  (l'édit  de),  *194. 

Narbonne  (l'archevêché  de),  326. 

Navarre  (la),  239. 

Nemours  (M.  d'Orléans-Longueville, 
duchesse  de),  5,  7. 

Nemours  (la  ville  de),  273. 

Nérestang  (M.  de),  191. 

Nesmond  (Guillaume  de),  *72. 

Nesmond  (Marguerite  de  Beauhar- 
nais  de  Miramion,  dame  de), 
*72,  73,  75-77. 

Nesmond  (l'hôtel  de),  75,  *76. 

Net  (mettre  au),  *265. 

Nelf-Linange  (la  ville  de),  *228. 

Neufchatel  (Louis-Henri,  cheva- 
lier de  Soissons,  prince  de),  7. 

Neustadt  (la  ville  de),  *231,  232, 
234-237,  244,  247. 

Nez  contre  quelque  chose  (avoir 
le),  *231. 

Nice  (le  comté  de),  *132,  133. 

Nithard  (Jean-Éverard,  cardinal), 
*87,  88.  —  Nitard. 

NoAiLLES  (Anne,  baron,  puis  comte 
et  duc  de),  *148,  150,  152. 

NoÂiLLEs  (Anne-Jules,  duc  et  ma- 
réchal de),  123,  152,  311-313. 

NoAiLLES  (Jules-Adrien,  chevalier 
de),  *123. 

NoAiLLES  (Lucie-Félicité  de),  com- 
tesse d'Estrées,  *313,  314. 

No  AILLES    (Marie -Charlotte    de), 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


*3H,  312.  Voyez  Coëtquen  (la 

marquise  de). 
NoAiLLES  (Jean-François,  marquis 

de),  M22,  123  (Add.). 
NoAiLLES  (Anne-Calherine  de),*123. 
NoAiLLEs  (Anne-Marie  de),  *123. 
NoAiLLES  (la  maison  de),  313. 
NoGARET   (L.  Louet  de  Calvisson, 

marquis  de),  *194  (Add.),  195. 
NoGARET    (Marie-Madeleine-Agnès 

de  Gontaut-Biron,  marquise  de), 

159,  *194-19G,  209. 
Nord  (le),  296. 
Normandie  (la),  30,  33,  293. 
Normandie  (legouvernement  de),  36. 
Nouvelle  (faire  la),  *252. 
NovioN  (Nicolas  Potier  de),  premier 

président,  141. 
NoviON  (André  III  Potier  de),  141, 
Noyers  (François  Sublet  de),  *219. 
Noyers  (Mme  de),  *268. 
NoYON  (l'évêque  de).  Voyez  Cler- 

mont-Tonnerre  (Fr.  de). 


0 


0  (le  marquis  de  Villers  d'),  199, 
*201-204. 

0  (Marie-Anne  de  la  Vergne  de 
Guilleragues,  marquise  d'),  159, 
M97-199  (Add.),  200-204. 

0  (la  comtesse  d').  Voyez  Lassay 
(A.-L.  de). 

0  (la  maison  d'),  *200,  *201. 

Oger.  Voyez  CAvoYE(le  marquis  de). 

Oppenheim  (la  ville  d'),  *228. 

Orange  (Guillaume,  prince  d'),  roi 
d'Angleterre,  113,  122,  155. 

Ordinaire  des  postes  (r),*290,  291. 

Orléans  (le  duc  d')  .Voyez  Monsieur. 

Orléans  (Marguerite-Louise  d'Or- 
léans, dite  Mlle  d'),*59, 60.  Voyez 
Toscane  (la  grande-duchesse  de). 

Orléans  (l'évêque  d'),  82.  Voyez 

COISLIN. 

Orléans  (la  ville  d'),  71. 


Page  (hors  de),  *203. 

Pain  du  Roi  (le),  M49,  150. 

Pairs  laïcs  (les  six),  *316. 

Pajot  (Claude),  *31. 

Pajot  (Marie-Anne-Françoisc) ,  mar- 
quise de  Lassay.  Voyez  Lassay 
(la  marquise  de). 

Palatin  (Jean-Guillaume -Joseph, 
électeur),  *303. 

Palatine  (la  maison),  *188. 

Pape  (le),  5.  Voyez  Innocent  XI, 
Jules  II,  Sixte  IV. 

Parc  (l'abbaye  de),  113. 

Paris  (la  ville  de),  14,  22,  *32, 
40,  41,45,46,  62,63,  66,*68, 
70,  72, *74,*75,  77, 110,  115, 
116,  144,*146,M51,  167,168, 
172,  176,  178,  200,  212,  213, 
223,  249-251,  254,  256,  260, 
262,  264,  276,  277,  288,  290, 
296,  299,  308,  325,  *330. 

Pablement  (le)  de  Paris,  37, 89, 92, 
93,101,106-108,110,111,319. 
Voyez  Rennes  et  Toulouse  (le  par- 
lement de). 

Partialiser  (se),  *82. 

Pater  (le),  63. 

Peletier  (Claude  le),  *142,  282, 
315.  —  Pelletier,  sans  article. 

Peletier  (l'abbé  Jérôme  le),  *315. 

Peletier  (Michel  le).  Voyez  Souzv. 

Pensionnaires,  *102. 

Pétaudière  (une),  *102. 

Pétiller,  *101  (Add.). 

Pétri  de  quelque  chose,  *329. 

Pézenas  (la  ville  de),  328. 

Pharisiens  (les),  *204. 

Phélypeaux.  Voyez  Chateauneit, 
Pontchartrain. 

Phélypeaux  de  Pontchartrain  (Jé- 
rôme), 37. 

Philippe  IV,  roi  d'Espagne,   *88. 

Phii.ipsbourg  (la  ville  de),  119-121. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


571 


223,  224,  227,  230,  232,  245. 

Piaste,  en  Pologne,  *304. 

Picardie  (la),  283. 

PiCQUiGNY  (la  terre  de),  *284. 

Pierreries  de  la  couronne  (les), 
*275  (Add.). 

PiGNEROL  (la  ville  de),  133  (Add.). 

PiNEY  (le  duché  de),  90,  93,  107. 

Piquet  (officier  de),  *238. 

Plessis  (Pierre  duVernaydu),*123, 
124. 

Plessis-Praslin  (César  de  Choiseul, 
comte  du),  maréchal  de  France, 
M2  (Add.). 

Plessis-Praslin  (Colombe  le  Char- 
ron, maréchale  du),  *11. 

Plessis-Praslin  (César-Auguste  de 
Choiseul, comte  puis  duc  du), *12. 

Plessis-Praslin  (Alexandre  de  Choi- 
seul, comte  du),  *11,  12. 

Plessis-Praslin  (Marie-Louise  le 
Loup  de  Bellenave,  comtesse 
du),  *11,  13.  Voyez  Clérembault 
(la  marquise  de). 

Plessis-Praslin  (César  -  Auguste 
de  Choiseul,  chevalier  du),  *13. 
Voyez  Choiseul  (le  duc  de). 

Ployant  (un  siège),  *2,  62. 

Point  (à  son),  M 58. 

Poitou  (le  gouvernement  de),  *316. 
—  Poictou. 

PoLiGNAC  (Melchior,  abbé  puis  car- 
dinal de),  *301,  302,  307. 

Pologne  (la),  124,  294,  296,  298, 
302,  303,  307-309,  326. 

Pologne  (Marie-Éléonore  d'Autri- 
che, reine  douairière  de),  *306. 
Pologne  (le  roi  de).  Voyez  Sobieski 

(Jean). 
Pologne  (la  reine  de).  Voyez  Ar- 

quien  (M.-C.  de  la  Grange  d'). 
Pomponne  (le  marquis  de),  141-144, 
299.  —  Pomponne  et  Pompone. 
Pomponne  (Mlle  de),  *143,  144. 
Pomponne  (l'hôtel  de),  *144. 
Pomponne  (la  terre  de),  *142. 


Pons  (Antoine,  sire  de),  '^214. 
Pons  (Bonne  de),  *215,  216,  219. 
Voyez  Heudicourt  (la  marquise 

Pons  (Elisabeth  de).  Voyez  Mios- 

sens  (la  comtesse  de). 
Pont-de-Beauvoisin  (le),  *157, 268, 

269.  —  Pont  Beauvoisin. 
Pontciiartrain  (Louis  Phélypeaux 

de),  118,  157,  287-290. 
Pontciiartrain  (Jérôme  de).  Voyez 

Phélypeaux. 
Postes  (les),  *142,  *289,  *290. 
Pot  et  au  logis  (au),  *114. 
PoupART  (M.),  104,  108. 
Pourpenser,  *232. 
Poussé,  au  sens  de  forcé,  *69. 
Pracomtal  (A.,  marquis  de),  57, 58. 
Praslin.  Voyez  Plessis-Praslin. 
PrédicamenL  (un),  *290. 
Premier  aumônier  (la  charge  de), 

*82. 
Près  à  près  (de),  *42. 
Prié-Dieu  (un),  *82. 
Prince  (Monsieur  le),  Louis  II  de 

Bourbon,  73,  74,  215. 
Prince  (Monsieur   le),    H.-J.    de 
Bourbon-Condé,  28,  29,  320, 
321. 
Princes  (les),  99,  112,  155,  204, 

207,  271,  274,  276. 
Princes  étrangers  (les),  *21,  36,  3S 

(Add.),  39,  211. 
Princesse  (Madame  la),  138.  Voyez 
CoNDÉ  (la   princesse   douairière 
de). 
Princesse  (Anne  de  Bavière,  dite 

Madame  la),  207,  208. 
Princesses  (les),  filles  du  Roi,  138, 

139,  169,  175,  319. 
Privance  (en),  *170. 
Procédé  (tant  fut),  52,  53. 
Provence  (la),  23,  199. 
Publicité,  *262. 

PuYSiEULX  (Roger  Brûlart,  marquis 
de),  *206,  245.  —  Puysieitx. 


372 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


Q 


Quais  (les),  *%. 
QuEiCH  (la),  *232. 
Quentin  (Marie- Angélique  Poisson, 
dame),  *lo9.  —  Ccttntin. 


R 


Ranxé  (H.-J.  Bouthillier  de),  abbé 

de  la  Trappe,  233-264. 
Randan.  Voyez  Foix. 
Rapsodie  (une),  *49  (Add.). 
Ré  (l'ile  de),  *131.  —  Rhé. 
Rechercher  quelqu'un  de  faire  une 

chose,  *73. 
Réciproque  (recevoir  le),  *333. 
Régiments  royaux  (les),  *28. 
Reims  (l'archevêque  de) .  Voyez  Tel- 

LiER  (le).  —  Rheims. 
Reine  (l'appartement  de  la),  à  Ver- 
sailles, *276. 
Reine  mère  (l'appartement  de  la), 

à  Fontainebleau,  *274. 
Relaissé,  *2ol. 
Remparer,  *23d. 
Remplumer  (se),  *I97. 
Renifler,  *o4. 

Rennes  (le  parlement  de),  287. 
Renouement  (un),  *134. 
Renty  (Jean-Jacques,  marquis  de), 

*236.  —  Reiili. 
Reprise  d'un  procès,  *92. 
Reprises  matrimoniales,  *178. 
Retour  (en),  *62. 
Rhin  (le),  81,  112,  119,  -121,  222- 

224,  228,  229,  231,  237,  243, 

247,  248,  293. 
Richelieu  (le  cardinal  de),  214. 
Richelieu  (le  duc  de),  94,  186, 221 . 
Richelieu  (Anne  Poussart  de  Fors 

du  Vigean,  duchesse  de),  *33, 

178,  218,  221. 
Rien  vaillant  (n'avoir),  *189. 


RiGAUD  (Hyacinthe),  *234-262.  — 

Rigault. 
RiPARFONDS  (É.  Gabriau  de),  103. 
Risques  (à  toutes),  227. 
Rochechouart  (la  maison  de),  *143. 

Voyez  Chandenier,  Mortemart, 

ViVONNE. 

RocHEFORT  (la  maréchale  de),  171, 
172,  173,  176,  180,  181. 

RocHEFORT  (L.-P.-A.  d'Aloigny, 
marquis  de),  *181  (Add.). 

RocHEFORT  (Marie-Henriette  de), 
*172.  Voyez  Blanzac,  Nancis. 

Rochefoucauld  (François  VII,  duc 
de  la),  26,  80-83,  96,  100-102, 
103,  109,  110,  134,  133,  193. 
—  Rochefoucauld  et  Rochefou- 
ccnilt. 

RocHEGUYON  (Fr.  VIII  de  la  Roche- 
foucauld, duc  de  la),  6.  Voyez 

LiANCOURT. 

RoHAN  (Marguerite,  duchesse  de), 

*312. 
RoHAN  (la  maison  de),  36. 
Rohan-Chabot (Henri,  ducde),*313. 
Rohan-Chabot  (L.,duc  de),  89, 312. 
Rohan-Chabot    (Marguerite-Ga- 

brielle  de).  Voyez  Coétquen  (la 

marquise  de). 
Roi-infanterie  (le  régiment  du), 

*183. 
RoM.UNS    (l'archiduc    Joseph,    roi 

des),  *134. 
Rome  (la  ville  de),  3, 87,  131,  133. 
Rouannez  (Louis  Goufïïer,  duc  de), 

*313,  316.  —  Roannais. 
Rouannez  (Artus  Gouffier,  duc  de), 

*313-3I9. 
Rouannez  (Charlotte  Gouffier  de). 

Voyez  Feuillade  (duchesse  de  la) . 
Rouannez  (le),  *318. 
RoucY  (le   comte   de),  115,  120, 

193,  194. 
RoucY  (Catherine-Françoise  d'Ar- 

pajon,  comtesse  de),  139,  *178- 

180,  192,  193. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 


573 


Rouen  (la  ville  de),  322. 

RouERCUE  (le),  *177. 

Rouge  (le  fard),  *16o. 

RovERE  (Raphaël  délia),  *4. 

RovERE  (la  maison  délia),  *3,*4,  5. 
Voyez  Jules  II,  L\nti,  Sixte  IV, 
Urbin  (les  ducs  d'). 

Royal  -  Piémont  (  le  régiment  ) , 
*3o. 

RoYAN  (M. -A.  de  la  Tréraoïlle, 
demoiselle  de),  37.  Voyez  Cha- 
TiLLON  (la  duchesse  de). 

RoYE  (Fr.-Ch.  de  la  Rochefou- 
cauld, comte  de),  *I94. 

RoYE  (Isabelle  de  Durforl-Duras, 
comtesse  de),  *194. 

RoYE  (le  chevalier  de),  ilo,  120. 

RuBELLES  (Jacques  Bonneau,  sei- 
gneur de),  *70.  —  Ruhelle. 

lîuBENTEL  (le  marquis  de),  319, 
322-323.  —  Ruhantel. 

RuBENTEL  (la  maison  de),  *322. 


Saillans  (J.-Ph.  d'Estaing,  comte 
de),  *96  (Add.).  —  Saillant. 

Saint-Aignan  (François  de  Beauvil- 
lier,  duc  de),  310. 

Saint-Aignan  (Mlle  de).  Voyez  Bé- 
THUNE  (la  comtesse  de). 

Saint-Antoine  (le  faubourg),  à  Pa- 
ris, 46. 

Saint-Cyr  (la  maison  de),  40-44. 

Saint-Denis  (l'abbaye  de),  66. 

Saint-Esprit  (l'ordre  du),  I,  2,  26, 
48-50,122,128,  130,  131,  *143, 
156,  161,  308,  328. 

Saint-Eustache  (la  paroisse),  à  Pa- 
ris, 167,  168. 

Saint-Frémond  (J.-Fr.  Ravend,  mar- 
quis de),  *23o,  246,  247.  — 
S.  F  remont. 

Saint-Géuan  (le  comte  de),  68,  69, 
321. 


Saint-Géran  (la  comtesse  de),  69 
(Add.),  70,  319-322. 

Saint-Germain-en-Laye  (le  châ- 
teau de),  58. 

Saint-Hérem  (Fr.-G.  de  Montmo- 
rin,  marquis  de),  *26,  220. 

Saint-Hérem  (Ch.-L.  de  Montmo- 
rin,  marquis  de),  24,  *2o. 

Saint  -  Hérem  (Marie  -  Geneviève 
Rioult  deDouilly,  marquise  de), 
*24. 

Saint-Honoré  (la  rue),  à  Paris, 
116. 

Saint-Jacûues  (le  faubourg),  à  Pa- 
ris, 66. 

Saint-Joseph  (la  maison  des  filles 
de),  à  Paris,  *330. 

Saint-Just  (M.-Fr.  Evrard  de). 
Voyez  JussAC  (la  comtesse  de). 

Saint-Just  (le  village  de),  *319. 

Saint-Lazare  (l'ordre  de),  191. 

Saint-Louis  (Louis  le  Loureux  de), 
*256,  263.  —  S.  Louis. 

Saint-Nectaire  (les  seigneurs  de), 
'21.  Voyez  Fekté  (la). 

Saint-Paul  (l'église),  à  Paris,  *68. 

Saint-Pol  (Ch.-P.  d'Orléans,  comte 
de),  294,  295,  301.— S.  Paul. 

Saint-Pouenge  (le  marquis  de),  27, 
28. 

Saint-Pouenge  (Claude  le  Tellier, 
dame  de),  *27. 

Saint-Simon  (Claude,  duc  de),  70, 
119,  151,  334. 

Saint-Simon  (D.-H.  de  Budos,  du- 
chesse de),  334. 

Saint-Simon  (Charlotte  de  l'Aubes- 
pine,  duchesse  de),  23,  61. 

Saint-Simon  (Louis,  duc  de),  6, 
25,  38,  85,  89,  96,  100,  103, 
105,  106,  109-111,  119,  120, 
122,  124,  131,  153,  238,  239, 
246,  248-264,  294, 319. 
Saint-Simon  (Marie-Gabrielle  de 
Lorge,  duchesse  de),  117,  249, 
250. 


574 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Saixt-Simox  (Charlotte  de),  *2o0. 

Saint-Sl'lpice  (le  séminaire  de),  à 
Paris,  40,  41. 

Saint-Thomas  (Ch.-V.-J.Carron, mar- 
quis de),  *266  (Add.). 

Sainte-Geneviève  (l'abbaye),  à  Pa- 
ris, *lol. 

Sainte-Geneviève  (la  communauté 
de),  à  Paris,  *74,  73. 

S.unte-Malre  (Honoré,  comte  de), 
*"20n,  206. 

Salade  (bataillons  de),  *224. 

Salle  Royale  (la),  à  Rome,  *133. 

Sans  dot,  297. 

Sarre  (la  rivière  de),  24o,  240. 

S.VT0RY(laportede),*320. — Sertori. 

Sauvages  (des  rimes),  *184. 

Savoie  (le  duc  de).  Voyez  Victor- 
Amédée.  —  Savoije. 

Savoie  (Françoise-Madeleine  d'Or- 
léans, duchesse  de),  *o9,  60. 

Savoie  (Marie-Adélaïde,  princesse 
de),  *132.  Voyez  Bourgogne  (la 
duchesse  de). 

S AVOfF.  (le  prince  Eugène  de) .  Vo jea 
EcGÈNE  (le  prince). 

Savoie  (la),  13o,  268. 

Savone  (la  ville  de),  *4.  —  Savotine. 

Saxe  (Frédéric-Auguste,  électeur 
de),  *303,  303. 

ScARRON  (Paul),   167. 

ScARRON  (Mme),  179,  198,  216, 
217,  219,  221.  Voyez  Mainte- 
non  (la  marquise  de). 

Séez  (l'évêque  de),  *63,  64.  — 
Séés. 

Séguier  (le  chancelier),  161. 

Séguier  (Charlotte),  duchesse  de 
Sully,  180. 

Séguier  (Marie),  marquise  de  Bois- 
dauphin,  180. 

Seignelay  (J.-B.  Colbert,  marquis 
de),  9,  10,  14,  47-49,  69,  144. 
—  Seignelay  et  Seigneley. 

Seignelay  (Catherine-Thérèse  de 
Matignon-Torigny,  marquise  de), 


puis  comtesse  de  Marsan,  *8-lO, 
14. 

Senneterre.  Voyez  Saint-Nectaire. 
Sentiments,  pris  absolument,  *119. 
Séraphin  (le  P.),  *78-80. 
Sertori.  Voyez  Satory. 
Sévérac-le-Chateau  (le  bourg  de), 

M77. 
Sévigné  (Marie  de  Rabutin-Chan- 

tal,  marquise  de),  *77,  78.  — 

Sévigny. 
SiBOCRG  (Marie-Marthe).  — Siboiir. 

Voyez  Lassay  (la  marquise  de). 
Sièges  (les  bas),  au  Parlement,  *9o 

(Add.). 
SiLLERY  (le  chevalier  de),  206. 
Sixte  IV,  pape,  *4. 
SoBiESKi   (Jean),  roi  de   Pologne, 

124,  304,  305,  308. 
SoBiESKi  (M.-C.  de  la  Grange  d'Ar- 

quien,  femme  de  Jean).  Voyez 

Arquien. 
SoBiESKi   (Jacques,  prince),  *304- 

*305,  306. 
SoBiESKi  (Alexandre,  prince),  *304- 

306,  308-310. 
SoBiESKi  (Constantin,  prince),  *304- 

306,  308-310. 
SûBiESKi(Hedwige-Élisabeth-Amélie 

de  Bavière-Neubourg,  femme  de 

Jacques),  *30o. 
SoissoNS  (Louis-Thomas  de  Savoie, 

comte  de),  *273. 
SoissoNs  (Louis-Henri,  chevalier  de). 

Voyez  Neufchatel  (le  prince  de). 
SoissoNS  (M. -J.-B.  de  Savoie,  de- 
moiselle de),  *277,  278. 
SoissoNS  (la  maison  de).  Voyez  Ca- 

RiGNAN,  Eugène  (le  prince). 
SouBiSE  (la  princesse  de),  312. 
Souterrain,  au  figuré,  *167,  226, 

247. 
SouzY  (Michel  le  Peletier  de),  *282, 

283.  —  Souzi. 
Spire  (la  ville  de),  230-232,  236, 

237,  24.'5. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


5To 


Spirebach  (la  rivière  et  le  village 
(le),  *227, 232,  233  (Add.),  234, 
*236.  —  Spierbach,  234. 

SuBLET  (la  maison).  Voyez  Heu- 
DicouRT,  Noyers  (de). 

Subsistance  et  subsistances,  *131, 
M96,  *202. 

Succès,  issue,  *109. 

Suède  (la),  310. 

Suisse  (rêver  à  la),  *10I. 

Suite  (de),  avec  suite,  *4o,  2o9. 

Suivi,  au  sens  de  conséquent,  *T14. 

Sully  (M.-P.-J.-N.  de  Béthune,  duc 
de),  100,  161. 


Tabourets  de  grâce  (les), *38  (Add.). 

Tana  (Ch.-J.-J.-B.,  comte),  *136. 

Tandis  que,  *232. 

Tellier  (le  chancelier  le),  27,  36. 

Tellier  (Ch.-M.  le),  archevêque  de 
Reims,  99. 

Tellier  (Claude  le),  *27.  Voyez 
Salxt-Pouexge  (Mme  de). 

Tellier  (la  maison  le),  28. 

Tessé  (le  comte  de),  128  (Add.)- 
131,  137,  159,  160. 

Tessé  (Madeleine  de  Beaumanoir- 
Lavardin,   comtesse  de),   *131. 

Tessé  (Marie-Françoise  Auber  d'Aul- 
nay,  comtesse  de),  *131. 

THÉOPHRASTE(Tyrtame,  surnomme), 
*84. 

Thorn  (le  chapitre  de),  *187. 

Thuxgen  (J.-Ch.,  baron  de),*229, 
231 ,  24o,  246.  —  Thungiien,  229. 

Tilly  (Jean  Tzcrclaës,  comte  de), 
*125. 

Tirer  sur  le  temps,  *81. 

Toison  d'or  (l'ordre  de  la),  *240. 

Tondu  (être),  *1H. 

Tonnerre  (G. -A.  de  la  Rochefou- 
cauld de  Roye  de  Blanzac,  com- 
tesse de),  *174. 


Torcv  (J.-B.  Colbert,  marquis  de), 

*141,  143,  144. 
Torcy  (C.-F.  Arnauld  de  Pomponne, 

marquise  de),  *143,  144. 
Toscane    (Côme    III    de    Médicis, 

grand-duc  de),  *60. 
Toscane  (Marg. -Louise  ^d'Orléans, 

grande-duchesse  de),  *59,  60. 
Toulouse  (le  comte  de),  202-204. 

—  Tolose. 
Toulouse  (l'archevêché   de),   326. 
Toulouse  (le  parlement  de),  *177. 
Touraine    (le    gouvernement    de), 

*186. 
Tournay  (la  ville  de),  67. 
Tournelle  (le  quai  de  la),  à  Paris, 

74,  *75. 
Toussaints  (la),  *260. 
Tout,  avec  l'ancien  accord,  *169. 
Trappe  (l'abbaye  de  la),  64,  110, 

234,  260,  261,  263. 
Trappe  (l'abbé  de  la).  Voyez  Ar- 
mand (doni),  Rangé  (l'abbé  de), 

Zozime  (dom). 
Trayer,  *47. 
Trémoïlle  (Henri-Charles  de  la),  duc 

de  Thouars,  *18.  —  Tremoille. 
Trémoïlle  (Ch.,  duc  de  la),  18,  24, 

9o,  96,  100-102, 109. 
Trémoïlle  (Madeleine  de   Créquy, 

duchesse  de  la),  104-106,  109. 
Trémoïlle  (Marie-Armande-Victoire 

de  la),  24.  Voyez  Albret  (la  du- 
chesse d'). 
Tresmes  (le  duc  de),  147. 
Trésorier  de  l'Ordre  (la  charge  de), 

*143. 
Trianon  (le  château  de),  138. 
Tribune  (la),  à  Fontainebleau,  274. 
Troie  (la  ville  de),  *199  (Add.).  — 

Troiies. 
Tuf  (le),  *190. 

TuRENNE  (le  maréchal  de),  312. 
Turin  (la  ville  de),  *132,  133,223. 
Turquie  (la),  199. 
Tzerclaés.  Voyez  Tilly. — Serclaes. 


576 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 


u 


Urrin  (le  duché  et  les  ducs  d'),  de 

la  maison  délia  Rovere,  *S. 
Urfé    (Joseph-Marie  de  Lascaris, 

marquis  d'),  *20o,  206. 
Urfé   (Louise   de   Gontaut-Biron, 

marquise  d'),  *19o. 
Ursins    (la  princesse  des).  Voyez 

Bracciano  (la  duchesse  de). 
UzÈs(J.-Ch.deCrussol,  ducd'),*19. 
UzÈs  (Anne-Hippolyte  Grimaldi  de 

Monaco,  duchesse  d'),  *19-21. 


V 

Valenxe   (la  ville   de),  en    Italie, 

*266,  267. 
Valentinois    (Antoine     Grimaldi, 

duc  de),  *20. 
Valenzuela  (Fernand),  *87. 
Valincour  (J.-B.-II.  du    Trousset 

de),  *29I.  —  Valincourt. 
Vallière  (la  duchesse  de  la),  139. 

V^ARANGEVILLE  (Charlntfp-Angpllque 

Courtin,  dame  de),  *28o. 
Varillas  (Antoine),  *I23. 
Vascoxellos  (Michel),  *87. 
Vatteville.  Voyez  Watteville. 
Vaudémoxt  (le  prince  de),  113. 
Véhicule  (un),  *2o4. 
Vendôme  (le  duc  de),  80,  99,  124. 

—  Vendosme. 
Ver  rongeur  (un),  *48. 
VERNEuiL(Ch.Séguier, duchesse  de), 

161. 
Véron  (François-Hubert),  *89. 
Versailles  (la  ville  et  le  palais  de), 

84,  110,  *I44,  *16o,  184,  200, 

*202,  206,  *276,  289,  324. 
Verteuil  (le  château  de),  *154. 
ViBRAYE  (P.  le  Coigneux  de  Béla- 

bre,  marquise  de),  *67. 
Vichy  (les  eaux  de),  *8o. 
Victor-.4médée  II,  duc  de  Savoie, 

127, 128, 132-137, loo, 136,223 


(Add.),  264-267,269,270,277. 

ViLLACERF  (Edouard  Colbert,  mar- 
quis de),  *27,  28,  160. 

ViLLACERF  (Fr.-M.-Colbert,  marquis 
de),  *28. 

ViLLACERF  (Pierre-Gilbert  Colbert, 
marquis  de),  *26,  27. 

ViLLACERF  (M. -M.  de  Senneterre- 
Brinon,  marquise  de),  26,  *27. 

ViLLEROY  (Madeleine  de  Créquy,  du- 
chesse de),  *18. 

ViLLEROY  (le  maréchal  duc  de), 
16-18,  80,  93,  99,  112,  153. 

ViLLEROY  (Marg.  de  Cossé-Brissac, 
maréchale  de),  16, 18, 191,196. 

ViLLERS  (G, -Cl.  d'O  de).  Voyez  0 
(le  marquis  de  Villers  d'). 

ViLLiERs  (Etienne  Bérault  de),  *119. 

ViNXENXES  (le  château  et  le  gouver- 
nement de),  211,*212,213,213. 

ViPART  (Suzanne),  marquise  de 
Montataire,  *30. 

ViTRY  (la  maison  de),  *297. 

VivosxE  (L.-V.  de  Rochechouart, 
duc  et  marpchal   de),   *323. 

VivoNNE  (Mlle  de).  Voyez  Castries 
(la  marquise  de). 

w 

Watteville   (Charles,  baron    de), 

*240,  241.—  Vatteville. 
Watteville.  Voyez  Conflans. 
Wi.NzixGEN,  *247.  —  Weintziiigen. 
WoRMs  (la  ville  de).  *229,  248. 


Xaimrailles    (Joseph,     chevalier 
de),  203,  *206.  —  Saintrailles. 


Ypres  (le  gouvernement  d'),  *130. 


ZoziME  (dom),  abbé  de  la  Trappe,  64. 


m 

TABLE  DE  L'APPENDICE 

PREMIÈRE    PARTIE 

ADDITIONS    DE   SAINT-SIMON    AU    JOURNAL  DE  DAXGEAU 

(Les  chiffres  placés  entre  parenthèses  renvoient  au  passage 
des  Mémoires  qui  correspond  à  l'Addition.) 

Pages. 

136.  Le  titre  princier  des  Salviati,  Vaïni  et  Monaco  (p.  3).  .   ,  .  339 

137.  Le  duc  Lanti  (p.  3) 340 

138.  Clérembault  et  sa  fille  (p.  U) 

139.  Mme  de  Clérembault  et  son  premier  mariage  (/).  11) 

140.  Origine  de  la  princerie  des  Monaco  (p.  21) 341 

141.  Les  Colbert  de  Villacerf  et  de  Saint-Pouenge  (p.  11)  ...  .  34-2 

142  et  143.  Le  marquis  de  Lassay  et  sa  famille  (p.  29) 343 

144.  Le  duché   du   second    fils    du   maréchal   de    Luxembourg 

(p.  36) 344 

145  et  146.  Le  titre  de  prince  de  MM.  d'Isenghien  (p.  38)   .   .   .  343 

147.  Cavoye,  sa  femme  et  ses  bons  mots  (p.  47) 

148.  Mlle  de  Coëtlogon,  femme  de  Cavoye  (p.  o3,  note  2).  .  .   .  349 
149  et  130.  Mlle  de  Guise  (p.  60) . 

151.  Mort  du  fils  de  Beringhen  (p.  08) 350 

152.  Mme  de  Miramion  et  sa  fille  Mme  de  Nesmond  (p.  "O^i  .   .  . 

153.  Bussy-Rabutin  (p.  73) 351 

154.  Place  assignée  au  grand  maître  de  la  garde-robe  (p.  80i  .   .     352 

155.  L'évêque  de  Dax  et  M.  de  Chaumont-Guitry  (p.  82) 

156.  Déplaisir  donné  à  M.  de  Coislin  comme  premier  aumônier 

du  Roi  (p.  82) 3.']3 

MÉMOIRES  DE   S.U.NT-SIMO.N.   III  o" 


578  TABLE  DE  L'APPENDICE. 

Pages. 
137.  La  Bruyère  et  ses  Caractères  {p.  84,  note  2) 35S 

158.  Pieprise  du   procès    des  ducs    et  pairs  contre    le    duc   de 

Luxembourg  (p.  90) 3o4 

■lo9.  Renvoi  du  procès  des  ducs  et  pairs  au  Parlement  (p.  92).   .       » 

160.  Les  princes  du  sang  aux  réceptions  des  ducs  (p.  99)  ...   .     3oa 

161.  Les  filles  d'honneur  de  la  princesse  de  Conti  (p.  138)   ... 

162.  Signature  des  enfants  légitimés  du  Roi  Qj.  139) 

163.  Mme   de   Bouteville,   mère  du   maréchal   de    Luxembourg 

(P-   143) » 

164.  Chandenier  et  ses  disgrâces  (p.  14o) 

16o.  La  maison  de  Mme  la  duchesse  de  Bourgogne,  sa   dame 

d'honneur,  ses  dames  du  palais,  etc.  (p.  138) 336 

166.  Le  duc  du  Lude  et  ses  deux  femmes  (p.  163) 360 

167.  Mme    de    Nangis    et    son    second    mariage    avec    Blanzac 

ip-  m » 

168.  Moi't  suspecte  du  père  de  Nangis  (p.  173,  7wte  3) 361 

169.  La  duchesse   d'Arpajon,  dame  d'honneur  de   la  Dauphine 

(p.  176-177) 362 

170.  Déconvenue  de  la  duchesse  d'Arpajon  (p.  180) 

171.  La  comtesse  de  Levenstein,  marquise  de  Dangeau  (p.  187).       » 
172  et  173.  Guilleragues,  sa  femme,  sa  fille,  et  le  marquis  d'O 

(p.  197) 363 

174.  Le  marquis  d'O  et  ses  entrées  chez  le  Roi  (p.  202) 363 

173.  Les  domestiques  des  princes  du  sang  n'entrent  point  dans 

les  carrosses  du  Roi  (p.  204) » 

176.  Les  dames  d'honneur  des  princesses  du  sang  n'ont  droit  ni 

aux  carrosses  ni  à  la  table  {p.  208) 366 

177.  Mme  de  Poigny  et  la  charge  de  dame  d'honneur  de  la  prin- 

cesse de  Conti  {p.  208) 

178.  Privilège   des   dames  et  filles  d'honneur  de  la  princesse  de 

Conti  (p.  208).  .- 367 

179.  Mme  de  Maintenon  et  ses  débuts  à  la  cour  (/).  217) 

180.  La  première  duchesse  de  Richelieu  (p.  221) 368 

181.  M.  de  Brionne  et  ses  prétentions  à  la  qualification  d'Altesse 

Royale  (p.  269) ■> 

182.  Cérémonial    pour    la    réception  de  la  princesse  de  Savoie 

{p.  270) 369 

183.  Présentations  à  la  princesse  de  Savoie  (;;.  274) 370 

184.  Le  duc  de  Chaulnes;    son  aventure  avec  Ilarlav-Bonneuil 

(P-  283) « 


TABLE  DE   L'APPENDICE.  579 

18o.  L'ambassadeur  Callières  {p.  293) 37-2 

186.  Le  prince  Auguste  de  Saxe  (p.  305,  note  7) 373 

•187.  La  marquise  de  Béthune,  femme  de  l'ambassadeur  [p.  310).  » 
188.  Mme  de  Bétliune  et  ses  prétentions  comme  dame  d'atour 

ijp-  310) » 

489.  Disgrâce  de  Mme  de  Saint-Géraa  {p.  319) 374 

■190.  Le  marquis  de  Castries,  neveu  du  cardinal  de  Bonsy  {p.  329).  » 

•191  et  192.  Mme  de  Jussac  et  ses  filles  {p.  334).  ........  » 


SECONDE    PARTIE 

I 

La  succession  du  dernier  Longueville;  fragment  inédit  de  Saint- 
Simon  370 

II 

Le  maréchal  du  Plessis,  sa  femme  et  ses  enfants;  fragment  inédit 
de  Saint-Simon 378 

III 

La  principauté  de  Monaco  ;  fragment  inédit  de  Saint-Simon  et 
mémoires  divers 381 

IV 

La  duchesse  de  Guise  ;  fragment  inédit  de  Saint-Simon  et  portrait 
par  Spanheim 387 

V 

M.  et  Mme  de  Saint-Géran  ;  fragments  inédits  de  Saint-Simon  .  .     389 

VI 

La  marquise  de  Sévigné  et  les  Giignan;  fragment  de  Saint-Simon.     393 

VII 

La  maison  de  Chaumont-Guitry  ;  fragment  inédit  de  Saint-Simon.     395 

VIII 

Conflit  entre  le  duc  de  la  Rochefoucauld  ot  M.  de  Coislin,  évêque 
d'Orléans 397 


580  TABLE   DE   L'APPENDICE. 

Pages. 

IX 

Procès  des  ducs  et  pairs  contre  le  duc  de  Montmorency-Luxem- 
bourg      391) 

X 

L'évèque  de  Metz  et  le  duc  de  la  Feuiilade -410 

XI 

Le  comte  du  Montai;  fragment  inédit  de  Saint-Simon Wi 

XII 

liocuments  et  notes  sur  Varillas 414 

XIII 

Négociations  avec  la  Savoie 41!) 

XIV 

Lettre  du  marquis  de  Cliandenier  à  l'abbé  de  Bourzeis 4-'')0 

XV 

Le  duc  et  la  duchesse  d'Arpajon;  fragment  inédit  de  Saint-Simon.     4."»] 

XVI 

Le  marquis  et  la  marquise  de  Dangeau  et  leur  fds;  fragments  iné- 
dits de  Saint-Simon,  avec  notes  et  portrait  par  Spanheim  .    .  .     4o3 

XVII 

Le  marquis  et  la  marquise  d'O  ;  fragment  inédit  de  Saint-Simon.     47o 

XVIII 

Le  maréchal  de  Bellefonds  et  sa  famille  ;  fragment  inédit  de  Saint- 
Simon  et  portrait  par  Spanheim 4TG 

XIX 

La  marquise  de  Guercheville  :  fragment  inédit  de  Saint-Simon.  .     4^0 

XX 

La  maison  d'Albret-Miossens,  le  maréchal  d'Albret  et  Mme  d'Heu- 
dicourt;  fragment  inédit  de  Saint-Simon 4S2 


TABLE  DE   L'APPENDICE.  581 

Pages. 

XXI 

Correspondance  du  marquis  d'IIarcourt  avec  le  maréchal  de  Clioi- 
seul 483 

XXII 

Nicolas  de  Frémont 488 

XXIII 

Ciirrespondance  relative  à  l'arrivée  de  la  princesse  de  Savoie  en 
France 497 

XXIV 

Le  comte  de  Brionne  ;  fragment  inédit  de  Saint-Simon 308 

XXV 

Les  intendants  et  la  taille 309 

XXVI 

Le  duc  de  Longueville  candidat  en  Pologne;  fragment  inédit   de 
Saint-Simon 317 

XXVII 

Le  grand  trésorier  Morstin 519 

XXVIII 

Candidature  du  prince  de  Conti  au  trône  de  Pologne 330 

XXIX 

Les  Rouannez  ;  fragments  inédits  de  Saint-Simon 333 

XXX 

Les  marquis  de  Castries  ;  fragment  inédit  de  Saint-Simon  ....     337 


TABLE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES  DANS  LE  TROISIÈME  VOLUME. 


Pages. 

Avertissement i 

MÉMOIRES  DE  SAINT-SIMON  (1696) 1 

APPENDICE. 

Première  partie.  —  Additions  de  Saint-Simon  au  Journal  de 

Dangeau  (n-  136-192) 339 

Seconde  partie.  —  Notices  et  pièces  diverses 376 

ADDITIONS  ET  CORRECTIONS 539 

TABLES. 

I.  Table  des  sommaires  qui  sont  en  marge  du  manuscrit.  S51 

II.  Table  alphabétique  des  noms  propres  et  des  mots  et 
locutions  annotés  dans  les  Mémoires 535 

III.  Table  de  l'Appendice 577 


FIN   DU    TOME   TROISIÈME. 


Imprimerie  A.  Lahure,  rue  de  Fleiirus,  9,  à  Paris. 


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