.>»•
w„- j^S
» .
3/
MÉMOIRES
DU
CARDINAL DE RICHELIEU
IMPRIMERIE DAUPELEY-GOUVERNEUR
A NOGENT-LE-ROTROU.
tr o
MÉMOIRES
DU
CARDINAL DE RICHELIEU
PUBLIÉS
d'après les manuscrits originaux
POUR LA SOCIÉTÉ DE l'hISTOIRE DE FRANCE
AVEC LE CONCOURS OB
I /INSTITUT DE FRANCE — ACADÉMIE FRANÇAISE
(FONDATIONS DEBROLSSE ET GAS)
TOME CINQUIÈME
(1625-1626)
m
A PARIS
soi II II l»|. I. MlslolHK M I B \N. I
' 46, mu» JACOB
•
.
pi
MÉMOIRES
DU
CARDINAL DE RICHELIEU
TOME CINQUIÈME
(1625-1626)
PUBLIÉ SOCS LA DIBBCTIOIf DE
M. Loois DELAVAUD
MB
Rogbr GAUCHERON bt Emile DERMENGHI M
MDCCCCXXI
EXTRAIT DU REGLEMENT.
Art. 14. — Le Conseil désigne les ouvrages à publier,
et choisit les personnes les plus capables d'en préparer et
d'en suivre la publication.
Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commis-
saire responsable, chargé d'en surveiller l'exécution.
Le nom de l'éditeur sera placé en tête de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la
Société sans l'autorisation du Conseil, et s'il n'est accom-
pagné d'une déclaration du Commissaire responsable, por
i;uit que le travail lui a paru mériter d'être publié.
Le Directeur de la publication soussigné déclare que le
tome V des Mémoires du Cardinal de Richelieu, préparé
kfM. Roger Gaucheron et Emile Dbrmbnghbm, lui a
paru digne d'être publié par la Société db l'Histoirb db
France.
l' iris, le 1er octobre 1921.
Signé : L. DELAVAUD.
Certifié s
-••crétaire de la Société de l'Histoire de France,
R. DELACHENAL.
MÉMOIRES
DU
CARDINAL DE RICHELIEU
ANNÉE 1625.
L'année Mîi")1 \il «les son commencement éclore
une infâme rébeUioo de nos hérétiques, <|ui fut tramée
. lorsqu'on n'attcndoit point de lui une
aemblable infidélité. Il étoit signalé entre les rebelles
qu'il ;i\<»il été I»' premier de tous qui s'étoit osé
ntri pour défendre au Roi l'entrée en une de ses
villes. Sortant de Saint-Jean-d'Angély3 par composi-
tion, il jura «le ne plus porter les armes contre S. M.
\n préjudice <!<■ son serment, il ne laissa pas, à
quelque temps de là, <l<- se saisir des SaMes-d'Oloone,
l. Le 13" cahier du laannifril I comprend) ontre la h de
le débul du récif de 1625, ainai qu'il i été" explique* dam
tome in . 1. i mu i. i..i. s. i.i na§ imliiw di manne
i reprise en ce point (actuellenMUl M. 127). Sancy a
• •lit i li Barge, en regard de la première ligne : « L'an
il de la rébellion dr SOUMM Ml I inpninté au
nrr \nuit '.ts, I \l. |, liv.
i \..\.v notre toene m. |». 148
I t
2 MÉMOIRES 11625]
où, voyant le Roi fondre sur lui, il se retira à la
Rochelle, comme les oiseaux craintifs se cachent dans
les creux des rochers quand l'aigle les poursuit. Là il
reçut encore grâce pour la seconde fois de S. M.
Mais, comme la reconnoissance des infidèles est aussi
infidèle qu'eux, ces grâces descendirent si peu avant
dans son coeur que, ne lui en demeurant aucun senti-
ment ni mémoire, sa rébellion, aussi féconde que
l'hydre, renaît de nouveau. Il met le feu dans le
royaume tandis que le Roi est employé en la défense
de ses alliés, ainsi qu'Érostrate embrasa le temple de
Diane tandis qu'elle étoit attentive à promouvoir la
naissance d'Alexandre1.
Dès l'automne de l'année précédente, machinant en
son esprit cette méchante entreprise, il alla en Lan-
guedoc trouver le duc de Rohan2, son frère, pour la
concerter avec lui. Il lui dit que les grands vaisseaux
de S. M.3 sont au port de Blavet, sans garde, en assu-
rance et en belle prise. 11 feint de vouloir faire un
voyage de long cours et, sous ce prétexte, arme
quelques vaisseaux^ pour s'aller saisir de ceux-là, et
1. Les trois phrases qui précèdent figurent dans un discours
prononcé par le sieur d'Olive, premier avocat du Roi en la
sénéchaussée de Toulouse, et inséré dans le Mercure francois,
t. XI, p. 215.
2. 11 y avait été précédé par son agent La Milletière. Sur l'op-
position tout d'abord manifestée par Rohan aux projets de
Soubise, voyez Mémoires de Bouffard-Madiahe, publ. par
Ch. Pradel, p. 75-81.
3. L'escadre de la Milice chrétienne achetée par le Roi. Le
manuscrit A portait tout d'abord : « Les grands vaisseaux
appartenant partie au Roi, partie à M. de Ne vers. »
4. Soubise prépara son expédition à Chef-de-Baye, près
la Rochelle; M. de Loudrières était l'un de ses principaux par-
DE RICHELIEU. 3
quant et <|iiuul tenter de surprendre le château, qui
Bal une place qu'il seroil difficile bu Roi de reprendre
mu eux s'ils l'avoient entre les mains. Il n'est point
h. -snin «le rapporter ici les raisons1 <|iiil lui mit en
ml poor lui faire trouver bon ce dessein; car, à
été infidèles, le seul pouvoir de nuire sutlit | les y per-
suader. Le due de Hohan envo\a ineontinent sa
lenime m Bas-Languedoc pour solliciter les villes à
r pendant qu'il Iravailloit au Haut-Langue-
doc ;i la même tin.
Bqubtae, après avoir demeuré (|uelques journ<< s
us prétexte4 d'aller consoler sa mère5 sur
ta mort de sa tille', s'en alla en Aunis pour exécuter
ttsans. Sur les ressources «pi il> réunirent, voyez Ch. Bernard,
// Tes >{'• Lomja XIII contre les religionnaires
■n estât (1633), p. 440, et la dépêche du 9 janvier
25 de l'ambassadeur hollandais Langerack : Bibl. nat., ins.
0, loi. 238 v°.
1. Première rédaction du manuscrit A : « raisons très
grandes ».
■ février l»>-i.">. le duc de Rohan déclara « en pleine
assemblée de la ville de Castres » qu'il voulait « suivre la bonne
la mau\iv fortune de son frère de Soubise ». Lettre d'ÎIer-
l.anlt i Uiajre, aml.assadeur a Venise, 21 février 1625 (Arch.
'. fol. 114 v«).
de Rohan à Niint^. I ièa et \\ignon,
voyez le Mercure franrois, t. \l, p. 207-208.
■ (ion .lu manuacril \ feignit ».
rine <1«- Partbenay. Le L8déceml r Ile reracr-
! nal pour une libéralité n" le Roi à M'u de
■an ur loi I6fl r* : le 21 février II
• lie s'adressait i lui pour ><e plaindra (fa doc da Vendôme, qnd
avait rais garnison dam sa maison de Josselin (Catalogue de
n d'autographe» i léric IX, n* 1189).
• li m, née à la Rochelle en mars 1577,
4 MÉMOIRES [1625]
son entreprise. Dès qu'il fut à la mer, il se saisit de
l'Ile de Ré1. Les Rochelois, qui ne vouloient pas encore
paroître de la partie jusqu'à ce qu'ils la vissent plus
assurée, le prièrent de s'éloigner afin qu'il ne fit point
tomber l'orage sur eux. Pour contenter leur désir, il
fit voile plus tôt qu'il n'avoit pensé et arriva, le 6e de
janvier 16252, à Blavet avec douze navires3, force
barques et chaloupes. Il se saisit, sans coup férir, de
six vaisseaux* qui étoient au port, entre lesquels étoit
celui de la Vierge, artillé de huictante canons de fonte
verte; se rendit maître de la ville de Blavet5 et bloqua
le château, qu'il pouvoit prendre s'il eût osé l'atta-
quer, vu qu'il n'y avoit que seize hommes dedans
lorsqu'il y arriva. Mais, quelques jours après, Quero-
lhein6, lieutenant dans la place, s'y rendit avec les
1. Soubise occupa l'île de Ré du 7 au 15 janvier. L'intendant
de Bris s'était réfugié, à son approche, dans le fort Louis
(J. Guillaudeau, Diaire, publ. par L. Meschinet de Richemond
dans les Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis,
t. XXXVIII, 1908). Voyez la lettre écrite par Soubise aux
Rochelais, le 13 janvier 1625, avant son départ de Saint-Mar-
tin de Ré (Bibl. nat., ms. Brienne 212, fol. 306).
2. Erreur des Mémoires, dont la chronologie pour l'année
1625 est souvent fautive. Soubise arriva à Blavet dans la nuit
du 18 janvier 1625. Voyez le récit donné par Ch. B. de la Ron-
cière, Histoire de la marine française, t. IV, p. 464.
3. C'était l'escadre de Loudrières, armée pour une expédi-
tion en Guyane (Ch. de la Roncière, op. cit., p. 464).
4. La Vierge, le plus important de ces vaisseaux, était de
800 tonneaux, le Saint-Michel et le Saint-Jean de 600, le Saint-
Louis et le Saint-Basile de 300 (Guillaudeau, Diaire, p. 265).
5. Sur cette ancienne dénomination du Port-Louis, voyez
Ch. Bernard, Histoire du roy Louis XIII. Paris, 1646, p. 460.
6. Nom, omis par le scribe, ajouté en interligne sur le
manuscrit A par Charpentier. Querolhein commanda à Hen-
[1625] DE RICHELIEU. 5
soldats. 1a- duc de Vendôme, qui en reçut la nouvelle
à Nantes, y alla prnuiptcmcnt avec toute la noblesse
<|ifil put amasser1 et lui tit quitter la ville et rentrer
dan* Kfl \aisseaux.
I.» Hoi avoit eu avis plus d'un mois8 auparavant de
Otite entreprise et avoit commande I Mantin3 et au
chevalier «le Saint-Julien' d'y aller en diligence et se
i d;ni> les vaisseaux avec nombre de soldats et
imtelotii nécessaires pour les détendre; mais le retar-
dement qœ les surintendants5 apportèrent à leur faire
nebont de 1612 à 1616 (arch. du Morbihan, H 2405) ; il tenait
ses pouvoirs du maréchal de Rrissac (Bernard, Histoire des
guerre*.... |». '«'«'♦ j voyu une lettre qu'il écrivit au Cardinal le
Wf\ étr., France 780, fol. 4). La défense du
leau de Blavet par Querolhein est longuement décrite dans
un mémoire du sieur de Louche, vicaire de Quimperlé (Aff.
étr., France 783, fol. 73).
I Voyez la lettre de l'envoyé de Lorraine, Bréval, du 2 fé-
i L626 : « Les nouvelles de Blavet sont très bonnes et le
iverneur répond au Roi de la place; toute la côte de Bre-
tagne est en armes » (Bibl. nat., Nouvelles acquisitions fran-
çaises 3145, fol. 209 v°).
ter les mesures de précaution prises contre les a pra-
tiquas tl menées des huguenots », voyez une lettre d'Her-
bault à Béthune du 4 janvier 1625 (Bibl. nat., ms. Fran-
:<>67, fol.
3. Manuscrits A et B : « Manty ». — Théodore de Mantin,
■ I.- I d'escadre et vice-amiral. Cf. Avenel, Lettres du cardinal de
IV , |». 738, et Pithon Cuit. Histoire de la noblesse
>mtat-\'ennissin, t. Il, p. 229.
'i le chevalier Saint-Julien lut chargé d'une mission en Hol-
lande dans le < ourant de 1625 et se distingua dans la bataille
naval.- .lu !."> septembre. Cf. Gh. de la Roncière, op. cit., p. 470.
I.i Vi.uvill. et iu\ lliùluii écartés par Richelieu avaient
succédé les surintendants de Cli.mqiigny et de Marilluc, assis-
tés des quatre intendants des finances d< Ckcnij. lr<>us>on,
Bomatj • i <\- Soapir.
6 MÉMOIRES [1625]
délivrer l'argent qui avoit été ordonné à cette fin fut
cause qu'ils n'y purent arriver que trois jours après.
Par là voit-on clairement combien les plus petits
manquements produisent de grands inconvénients,
avec quelle exacte diligence il faut, en matière d'État,
exécuter ce qui est commandé et que les maux, pour
'légers qu'ils soient en leurs commencements, ne
doivent pas être méprisés1. Le point2 est le commen-
cement d'une ligne infinie s'il y en a quelqu'une, et les
plus grands fleuves ne sont pas plus considérables en
leurs sources que les moindres ruisseaux.
Le duc de Vendôme, nonobstant toutes les troupes
et le canon qu'il avoit, ne put ou ne voulut empê-
cher3, durant dix ou douze jours, Soubise de calfater
et équiper à sa vue les navires qu'il avoit pris ; après
1. Richelieu a exprimé à maintes reprises la même pensée.
Voyez notamment Testament politique, éd. 1689, 2e partie,
p. 17 et 206.
2. Le manuscrit A portait fautivement : « pont » ; cette
bévue du copiste a été corrigée par Charpentier.
3. Bassompierre {Mémoires, éd. de la Société de l'histoire de
France, t. III, p. 199), envoyé parle Roi à Blavet, se rencontra
le 7 février avec Vendôme, « lequel étoit fort malheureux et
fort peu aimé, mais nullement coupable des choses dont on
l'accusoit ». En revanche, la complicité de Vendôme est attes-
tée par les dépositions recueillies au cours de l'enquête de
1626, notamment celles de Châteaubriant et du chevalier de
Rasilly (Aff. étr., France 783, fol. 65 et 72 v°; voyez les lettres
de Vendôme au Cardinal, 15 et 22 janvier 1625 : Aff. étr.,
France 780, fol. 1, et France 1503, fol. 235) ; il expliquait dans
la seconde lettre « la peine que j'ai eue pour faire équiper des
navires ici [à Saint-Malo] pour renforcer l'armée navale de
S. M., suivant son commandement, faisant cet armement à mes
dépens, seul, sans aide ni contribution de qui que ce soit au
monde ».
[16?5J DE RICHKLIEU. 7
quoi il fit voile1 et s'en ;illa le loiif^ de la côte, prenant
dans l<"> ports les vaisseaux qu'il rencontroit pour
grossir sa flotte*.
Le Koi, incontinent qu'il sut que ses vaisseaux
'lin» nt prit, en envoya dem;iml»T M roi d'Angleterre,
(|ui lui | m omit de l'en assister de huit3, ne pouvant
1 Dans la nuit du 4 février 1625 (voyez Ch. de la Koncière,
... t. I\ , p. 465). Des prisonniers furent faits par les
troupes royales, lors de l'embarquement. Soubise revendiquait
en leur laveur, par dm lettre adressée le 20 mars à M. de
Cossé, président au parlement de Rennes, le traitement réservé
aux « gens de guerre » et déclarait être à la tête d'un parti
ou • tout le général de notre religion prend part » (Bibl.
nat., uis. Dupuj 100, fol. 145). Voyez le récit donné au Cardi-
nal le 15 février 1625, de Port-Louis, par François de Cossé :
m M" d<- Ntndùme et de Retz ... ont été tellement soupçon-
ne province qu'il se peut dire que sans moi on leur
auroit refusé l'entrée des villes, et principalement celle de
' boni. Quand il vous plaira vous enquérir de la vérité,
vous trouverez que toute la noblesse du pays m'assistoit à char-
ger les snnemis et que ceux qui en eurent nouvelles les Grent
la ville du Port-Louis pour se jeter dans leurs vais-
seaux, ce que je ne trouve point étrange, parce que, les ayant
fait venir, il (toit bien raisonnable qu'ils leur donnassent le
d de se retirer sains et saufs. Je puis dire avec vérité que
les ennemis ont été seulement maltraités par ceux de cette
s leur avons coulé à fond huit navires, contraint
•<seau appelé le Saint-Framois de se rendre à discrétion,
nt ou six vingts prisonniers des leurs, tué trois cents
bouillies oe l<ur armée et rendu les plus grands vaisseaux en
t que le moindre a plus de deux cents coups de canon »
Vif. fer., France 1503, loi. 3
I Noyez la lettre dllerbault à l'ambassadeur de Venise,
: « Le s' de Soubise est en mer qui mutuelle les cotes
I de ce royaume . t tient en alanm tel -ujels de S. M. »
(Arcb nat.. KK 1361, toi 115, 21 février K125).
I la demande du Roi avait été faite le 23 janvier; dès le
8 MÉMOIRES [1625]
lui en bailler davantage à cause de la grande flotte
qu'il préparait pour envoyer en Espagne1.
Il manda au Roi que, s'il avoit besoin de sa propre
personne, il irait le trouver, bien qu'il eût sujet de se
phindre de Madame, qui n'avoit pas voulu recevoir
ses lettres ni celles de son fils, sans en avoir eu aupa-
ravant la permission de la Reine sa mère; qu'elle
l'avoit satisfait après en avoir eu la licence2, mettant
sa lettre, après qu'elle l'eut lue, sous son chevet, et
celle de son fils en son sein, voulant par là donner à
connoître qu'elle vouloit avoir son appui en lui et loger
son fils en son cœur3.
En ce temps-là, qui étoit le mois de février, le
Père de Bérulle, qui avoit été envoyé à Rome pour la
dispense du mariage d'Angleterre, après avoir sur-
monté toutes les traverses que l'Espagne apporta pour
l'empêcher, l'obtint enfin de S. S., qui l'envoya à son
2 février, Effiat annonçait le consentement de Jacques Ier (S. R.
Gardiner, Documents illustrating the impeachment of the Duke
of Buckingham, p. 140 et 144).
1. Cette expédition, dont l'objectif final fut Cadix, n'eut lieu
qu'en octobre 1625. Voyez plus loin.
2. Manuscrit A : mais qu'elle l'avoit... — Var. (ms. Fran-
çais 17542) : sans en avoir eu auparavant la licence, met-
tant... — C'est là une bévue du scribe, qui a omis une ligne
du manuscrit qu'il copiait.
3. Emprunt au Mercure françois, t. X, p. 869, qui rapporte
les propos tenus par le roi Jacques, le 15 février, devant sa
cour : « Lorsqu'elle sera par deçà, je lui ferai là guerre de ce
qu'elle n'a voulu lire ma lettre ni celle de mon fils sans avoir
premièrement eu le consentement de la Reine, sa mère. Je lui
sais néanmoins bon gré de ce qu'après les avoir lues elle a mis
la mienne dans son coussin et l'autre dans son sein, comme
voulant dire qu'elle se veut appuyer sur moi et loger mon fils
dans son cœur. »
[1625] M U IIKI.1EU. 9
nomv1 avec ordre de M U point délivrer que les
articles, qu'elle avoit dressés eu langue latine, ne
lussent M-noclr la main des deux rois*.
Cela apporta un grand trouble en cette affaire3, le roi
delà tonde-Bretagne faisant difficulté de signer rien
• If nouveau outre ce qu'il avoit déjà signé, pour ce
que, la mbetance <ies articles latins étant la même de
1 . Hernardino Spada, archevêque de Damiette et nonce apos-
t..li.|u. en 1 rance de 1614 à 1627. Le 20 mars, La Ville-aux-
■ s écrivait à Klliat : « MM. les cardinaux de la Rochefou-
ild < t «If Richelieu, que j'ai accompagnés chez M. le Nonce »,
n'ont pu le « persuader de délivrer la dispense » (Bibl. nat.,
.1. 142).
1 Le Père de Bérulle l'annonça au Cardinal, de Turin, le
; limer 1625 : « Je vous écris ce mot en chemin pour vous
■ncore que les affaires d'Angleterre s,- soient pas-
mu.- on peut d.sirer et que la dispense soit pure et
simpl.-. el '|u"il n \ ait «ju'niir .tiiidue de paroles un peu plus
■tes et expresses dans les conditions approuvées par S. S.,
*t-ce que M. 1.- Nonce, auquel la dispense est envoyée, ne
la délivrera pas que ces articles, selon cette étendue de
par oient signés des deux rois » (Aff. étr., Rome 36,
l-.l. 59).
est sur un refus formel de Carlisle et Holland de rece-
voir l.s nouveaux articles que Richelieu entreprit une démarche
-npréme auprès du Pape. Carlisle ■ nous met le marché à la
main », écrit L<mi.-ni.- à M. .lhfli.it I»- li> mars 1625 (Bibl. nat.,
ms ! roi. 141). Voyez aussi la Litre de Carlisle et
IL.IIaml i Richelieu el Schonberg <Ju 19 mars (Bibl. nat., rns.
Dn|.ii\ ir.. I 17 3 v°). — De ces « pressements extraordi-
naires » des ambassadeurs d' \n^I,t<rr.\ m.nti.>nn< s dans Lins-
tni' tion à Béthune du 1 3 mars, il .si à p. -in.- trace dans les
rns mi.- lettre «lu Jl mars adressé.- | M. il Klliat.
Il H « > i m. mil. -siaii |. ,|. iir de voir la négociation du mariage
ufiéc au dm <1<- Mm kingham : « Cette a II aire
it bien aller, ni aucun tant que le eoeafl de
CarlM»- l'es entremettra, ne |" us. il ,i<- deeje qm- des
10 MEMOIRES [1625]
ceux qu'il avoit signés en françois1, il sembloit que ce
qu'on lui demandoit maintenant n'étoit qu'en dessein
de le faire intervenir en un acte qui parlât en catho-
lique; ce qu'il ne vouloit pas, estimant que S. M. Très
Clin-tienne ne l'y pouvoit raisonnablement astreindre
et obliger, et qu'il suffisoit qu'ils fussent signés par
elle, qui seule traite avec le Pape, et non pas lui.
Le Roi dépêcha pour cet elfet un courrier en dili-
gence à Rome8, rendant par cet envoi un nouvel acte
d'obéissance et de respect à S. S. et au Saint-Siège,
nonobstant l'empêchement3 de ses affaires et l'avis de
la plupart de ses conseillers, qui lui disoient qu'il
pouvoit et devoit passer outre ; ce qu'il fut néanmoins
huguenots qui ne veulent point le mariage » (Bibl. nat., ms.
Baluze 154, fol. 144). Le Cardinal et Schonberg firent appel à
la médiation de l'ambassadeur vénitien Morosini. Voyez sa
dépêche du 23 mars, Calendar of State Papers, Venice,
vol. XVIII, 1912, p. 619.
1. Le récit qui va suivre est emprunté à 1' « Instruction
envoyée à M. de Béthune pour la dispense du mariage d'Angle-
terre », le 23 mars 1625. La copie de ce document, utilisée par
les secrétaires des Mémoires, est conservée à la Bibl. nat., ms.
Français 15990, fol. 287 ; elle est de la main de Le Masle des
Hoches. Une minute, d'ailleurs incomplète, de la même ins-
truction, et corrigée par le Père de Bérulle, figure dans les
papiers de l'Oratoire (Arch. nat., M 232). Le travail d'adapta-
tion des fragments de l'instruction transcrits par le scribe a
été fait sur le manuscrit A par Sancy.
2. Voyez la lettre d'Herbault à Bullion du 29 mars 1625 :
« Le Roi a dépêché par exprès deux courriers, l'un par la
Suisse, l'autre par Marseille, pour porter ordre à M. de
Béthune de poursuivre instamment la délivrance de la dispense
du mariage; mais, comme le Roi a satisfait à tout ce qui
dépend de lui et que cette dispense ne peut lui être dénuée,
S. M., sur cette créance, passera à l'accomplissement dudit
mariage » (Arch. nat., KK 1361, fol. 206 v°).
3. L'instruction originale portait : « empressement ».
DE RK MEI.IEU. 1!
retenu de taire par la grande révérence qu'il ■ tou-
jours rendue et vouloit rendre au Saint-Père1.
S. M. commanda par le courrier au sieur de
Béthune*, son iimhitBaadcur, «le supplier S. S. de sa
part de ne s'arrêter point en cette affaire, si impor-
tant»- à la chrétienté, sur de amples formalités wns
substance «t Bans réalité.
Que le principal point, <|ui doit l'article secret
demandé en faveur des catholiques, étoit déjà obtenu,
et l«' roi Très Chrétien en avoit livré l'original es
mains <!»• M. le Nonce pour assurer davantage S. S.
Il n \ avoit que cette différence, qu'on le lui donnoit
<n Iraoçois et il le désiroit en latin.
Il donna encore à M. le Nonce, en latin et en
la même forme que S. S. l'avoit prescrite, toutes les
obligations particulières qui avoient été ordonnées
S. S.
Teflemenl que tout étoit accompli, hors cette seule
différence, que quelques articles latins n'étoient pas
- <ln roi de la Grande-Bretagne, niais la subs-
tance en étoil signée en f'ranrois, et la garantie de tous
articles latins étoit donner par S. M.;
on il ne talloil pas que cette affaire, si grande et
très le passage correspondant de l'instruction ori-
i \ ■ • i effet, S. M dépêche en diligence ce courrier
pour l'en supplier très bnmblement, M s. s.
considérera, s'il lui plaît, <jue ce nouv. 1 envoi est un nouvel
m le .1 obéisse n< « el de respect que S. M. rend à S. S. et au
Saint Siège, fiofiolistani lVui| affaires el l'avis
<J<- plosieurs <|ui lui <1 î >.• m t qu'elle peut el doit passer outre, ce
qu'elle est retenue de (sire par le grand respect qu'elle veut
rendre su &aint>P< rtj ebosM qui mérite <l être bien consi-
.-. •
Philippe de Béthune, ambes>i<l. m ..idinaiiv du (lui à
Raine depuis juin i1
12 MÉMOIRES [1625]
importante à la France et à l'Angleterre, et peut-être
à la chrétienté, fût réduite en extrémité, non par
aucun point de substance et de considération particu-
lière, mais par une simple formalité.
Et qu'U n'étoit pas à présumer que S. S. fit plus
d'état de cette simple formalité que des grands périls
et inconvénients qui suiv[r]oient la rupture de cette
affaire dans l'Angleterre, dans la France, peut-être
dans l'Europe1 ;
Que, si ce mariage se rompoit, la religion hugue-
note étoit fortifiée en France par le secours des
Anglois, lequel eût été empêché par ce mariage, et la
religion catholique étoit perdue en Angleterre, car,
très assurément, le prince seroit marié à une héré-
tique s'il n'épousoit la sœur du roi Très Chrétien, et le
dessein en étoit tout formé. Ç'avoit toujours été le but
des puritains, lesquels ont toujours tramé la rupture
de tout mariage catholique, et de celui d'Espagne
comme de celui-ci.
Au contraire, si ce mariage se faisoit, la religion
1. Le passage suivant de l'instruction n'a pas été reproduit :
« S. S. est donc très humblement suppliée de considérer
qu'en l'affaire de ce mariage c'est le roi Très Chrétien qui
traite seul avec le Pape, et qui seul demande la dispense, et
auquel seul elle est adressée. Que le roi de la Grande-Bretagne
ne veut intervenir en actes qui parlent en catholique, et le Roi
ne peut l'y astreindre et obliger. Qu'en effet le Roi seul est
envers S. S. le garant de ces articles, car S. S. ne reçoit ni
traité, ni parole des hérétiques, et la garantie du Roi est si
bonne et si digne qu'elle suffit à décharger S. S. et devant Dieu
et devant la chrétienté. Qu'il plaise donc à S. S. se contenter
de la signature et garantie du roi de France et de tous les
autres actes qu'elle a désirés de S. M., laquelle est toute prête
de les mettre tous es mains de M. le Nonce. »
DE itli HKI.IEU. 13
catholique recevrai! un très grand appui en Angle-
terre ri !.i religion huguenote leroît ruinée en France,
car, les huguenots ayanl donné au Roi parleur réhcl-
lion de lea châtier «-i les perdre, S. M. les vouloit
pousser jusqu'au houl, cl le t'eroit d'autant plus faci-
lement qu'ils ne pourroient être si ouvertement secou-
rus ni de Hollande ni d'Angleterre;
Que le Roi, pressé «le ces considérations si puis-
santes <•( voyanl qu'il n'y avoil rien d'important et
lui dans les articles latins envoyés de Rome qui
ne lui compris virtuellement, quoique avec moins
d'étendue, dans les articles franootS signes du roi de
h Grande-Bretagne, avoit cru devoir absolument empê-
cher la rupture île ce mariage; et, ayant une parfaite
confiance en l'affection paternelle de S. S. vers sa per>
sonne et mi grand jugement qu'elle a de ce qui peut
arriver dans les allaites présentes par l'expérience du
passé, ne lui restant aucun autre moyen d'empêcher
cette rupture, a voit pensé devoir promettre dans un
unis l'aocomplissement du mariage dont il avoit plu
3. S. accorder la dispense, se réservant ce
temps pour obtenir de S. S. ordre exprès à son
Dûace «le la délivrer sans autre condition que les
> qui lui seroient délivrées par son ambassa-
deur1 <! («Iles qu'il devoil mettre es mains (lu
nonee'-'. selon les formes prescrites par S. S., hors
I La ratification par Lovil Mil dM articles proposés parle
promette du mariai lut donnée par le Roi, 1<
i renouvelée pour un mois, le 11 avril (liihl. nat.,
■M 1.".'.. loi. L67).
i ;. inaui <1'- l'écril particulière! 'lu ter ment signés
perle roi de la Grande-Bretagne el l( prince de Galles » (Bibl.
Français 3667, fol. 123).
14 MÉMOIRES [1625]
ces articles latins, signés par le roi de la Grande-Bre-
tagne* ;
Que si S. S., après que toutes ces choses lui auroient
été représentées, n'étoit pas encore entièrement satis-
faite, il la supplioit de donner plein pouvoir2 à
MM. les cardinaux, conjointement avec M. le Nonce,
pour délivrer ladite dispense aux. conditions qu'ils
estimeroient en conscience le pouvoir et devoir faire ;
et, d'autant que d'ordinaire l'opinion des hommes se
trouve différente, qu'il seroit bon que le pouvoir por-
tât (ce qui est commun en toute délibération) que les
deux emportent le troisième.
Si, d'aventure, S. S. vouloit que, pour plus grande
lumière et pour plus grande décharge en cette affaire,
MM. les cardinaux appelassent en cette délibération
un des premiers professeurs de théologie en la Sor-
bonne, avec le confesseur du Roi3 et le Père de Bérulle,
qui a connoissance de toute cette affaire, S. M. se con-
1. L'instruction contenait le paragraphe suivant, omis :
« Le sr de Béthune représentera que le Roi a été obligé à
cela par des pressements extraordinaires et outre pour sauver
la religion perdue à jamais dans l'Angleterre si le prince
épouse une protestante, comme le dessein en est tout formé;
quoiqu'il ne soit engagé sur l'assurance qu'il a pris que
S. S. l'ordonneroit ainsi à M. le Nonce, que s'il arrivoit qu'il
ne l'obtînt pas, le bien de la chrétienté et l'état où il se trouve
l'obligeroient, quoiqu'avec un extrême regret, à passer outre. »
2. Comparez l'instruction originale : « A toute extrémité,
si le Pape est résolu de ne point se relâcher aux conditions
demandées pour faire délivrer la dispense, on peut lui propo-
ser de donner, etc.. »
3. Gaspard de Séguiran (1568-1634), de la Compagnie de
Jésus, confesseur et prédicateur du Roi de 1621 à 1625. Voyez
François Garasse, Mémoires, publ. par Ch. Nisard, 1861,
p. 5, n. 2.
[1625] DE RICHELIEU. 15
tenleroil de «cl expédient , pourvu que S. S. leur com-
mandai de terminer cettr ;i(ï;ure sans délai1.
choses étant ainsi repiVM ut ^ au Saint-Père2,
il m i sniut de donner an Roi ta ooateaieaeal ; «ju'il
lit4.
1. I..i lin de rinstmclion et! reproduite sans tnodification.
ment fut thune une dépêche royale
i Bibl. nat.. ms. Français 36G7, fol. 122).
Bk lut certainement i on : .r le Cardinal, puisque la
minute Ali. étr., Espagne 14, fol. 152) a été écrite par le secré-
taire de la main. Nous . n reproduisons le passage essentiel :
■ M. l'Ambassadeur se comportera lortement et si diligem-
tion qu'elle se termine dans huit jours et,
n il ,|u'il y eût difficulté dol.tenir du Pape ce qu'il
■Inde, il i D donnera proraptement avis secret au Roi afin
qu'auparavant la résolution du refus, dont en ce cas il prolon-
gera la prononciation par sa conduite, on puisse passer outre
en I exécution du mariage, sur l'assurance que S. M. témoignera
de l'obtention de sa demande. »
iii.nl en outre adressées au Pape par Louis Mil
elle « estime avoir beaucoup de crédit
près s s . . . écrit Berbault à Béthune le 23 mars, 'et « désire
omplissement du mariage de Madame avec passion ».
■ « i v i lie fut annoncée par Marquemont, le 12 avril
">, au cardinal <1< Richelieu : ■ Nous avons eu la dépêche
.lu i rar le mjel de la dispente, pour laquelle le Nonce
nous i écrit loi t favorablement, et sa recommandation» jointe
à la diligence et dextérité de M. d> lléthune, a produit un si
boa effet que ce courrier vous porte de quoi achever le
mariage, n ne désire plus rien du roi anglois et qu'on
se i des promesses de S. M. » (AU étr., Home 36,
loi 310; voyez aussi une lettre de Béthune M Père de Bémlle,
11 . . \r< li. nal . M 232 . la (Uapense ht remise à
Man- d< M. ii - par le nonce Spada, le 8 mai L625 H-rl.ault
à Béthune, 7 mai 1625 : Hil.l. ntt., ms. Français 3702, fol. 45).
mière version de A : « et manda ». Les
Mémoires devaient donc reproduire la réponse du l\q>« ■. mais
ces deux mots furent supprima Ion de la révision du manus-
16 MÉMOIRES [1625]
Cependant, Jacques, roi d'Angleterre, mourut en
mars 1 625 ! ; le prince son fils lui succéda. Dès qu'il
est venu à la couronne, il écrit au Roi et le supplie
de hâter ses fiançailles avec Madame, sa sœur. Elles
furent célébrées le 11e de mai2 sur un échafaud
dressé à la porte de l'église cathédrale de Notre-
Dame de Paris, tout ainsi et avec les mêmes cérémo-
nies dont on avoit usé au mariage du feu roi Henri
le Grand, lors roi de Navarre, avec la reine Mar-
guerite.
Cette cérémonie fut suivie d'un festin royal3 en la
salle de l'archevêché, de feux de joie par toutes les
rues de Paris et de lumières aux fenêtres, qui sem-
bloient faire d'une nuit un beau jour4.
Le Cardinal, qui avoit avec tant de peine et de pru-
dence conduit cette alliance à une heureuse fin, se
crit; une note de Sancy porte à la marge : « Je ne sçay pas
l'ordre qu'il donna. »
1. Le G avril 1625 (27 mars, a. st.), à Théobalds, comté de
Hertford.
2. Les manuscrits A et B portent : « deuxième ». La « lec-
ture du contrat » et les « fiançailles » eurent lieu au Louvre le
8 mai. Cf. lettre d'Herbault à Aligre, 8 mai 1625 (Arch.
nat., RK1361, fol. 311). Le mariage fut célébré le dimanche
11 mai à Notre-Dame par le cardinal de la Rochefoucauld,
grand aumônier de France. Le duc de Chevreuse avait reçu du
roi d'Angleterre procuration pour le représenter. Voyez L. Ba-
tiffol, la Duchesse de Chevreuse, 1913, p. 45.
3. Voyez L. Batiffôl, op. cit., p. 47.
4. L'Histoire de la maison de Guise (Bibl. nat., ms. Fran-
çais 5801, fol. 262 v°) emploie une image analogue pour
décrire les joyaux de Chevreuse : a Le duc de Chevreuse avoit
son habit, sa toque et son écharpe si couverts de diamants et
de pierreries que leur éclat étoit capable de tourner la nuit en
beau jour. »
DE RICHELIEU. 17
sentant comme obligé «I»- témoigner son contentement,
qui exoédoil celui de tous les autres, fit à LL. MM. et
a toute h cour une collation et un feu d'artifice qui
«toi» ni dignes «le la magnificence de la France1.
Haii ne nous \ arrêtons point davantage; retour-
nons trouver Soubise, qui »si ;I la mer avec les vais-
i du Roi qu'il a enlevi 9.
Il n'eut |ms plus toi lait cette infidèle équipée* que
la Rochelle el les huguenots, qui lui avoient donné le
conseil cl les moyens « 1 « * la faire, la Rochelle lui ayant
rat lieu le 27 mai au palais du Luxembourg :
« M. le cardinal de Richelieu fit une superbe collation de
• onliiun-s dans la grande galerie de Luxembourg aux trois
reines, aux ■mhwadaaw d'Angleterre et à tout ce qu'il y
avt.it tir relevé* lia <,>iir.it li-ur lit ouïr toute sorte de musique,
t m m t 'Mis dans les chambres dudit Luxembourg,
qui a\ superbement parées, et leur fit voir dans le jar-
din un hu d'artifice, le plus superbe et de la plus belle inven-
viic de longtemps. Le Koi n'v put assister, à
cause qu'il m- rasaeatoil encore de son indisposition » (Bibl.
nat., ms. Orienne 49, fol. 327). Le légat ne s'était pas rendu à
la fête, afin d'éviter de se rencontrer avec Buckingham et les
ambassadeurs d'Angleterre (Herbault à Béthune, 23 mai 1625 :
Bibl. nat.. ms. Français 3702, fol. 62). Le choix du l.uxem-
\|>liquer par le désir de Richelieu de rendre
hommage » la Reine m*re; la grande galerie du Luxembourg
roir li décoration de* peintures da ftahaai
retraçant la vie de Marie de Médi< is. llul» us séjournait alors
• l'iris et avait assisté au mariage di Henriette •!•• France.
/ Correspondance, t. III, p. 319 -t 851. Le i' Oaff BM ,
critiquant la munificence déplovi . par h Cardinal, prétend
<|u.- I. s hais de la collation s'étaient élevés à 40,000 livres
{Mémoires, éd. cl, N.sard, 1861, p. 69).
mimnce le a quinzième cahier » du manuscrit A;
comme 1 indique une note de la main de Sancv loi. IV»), « il
n'y a point de quatorzième cahier » ; la page de garde porte
I 2
18 MÉMOIRES [1625]
fourni l'argent, le corps et l'équipage de ses vaisseaux,
désavouèrent par écrit public et par les députés géné-
raux en cour ce qu'il avoit fait'.
Mais dès qu'ils virent que la flotte étoit grossie et
que, par l'enlèvement des vaisseaux2 qu'il alloit ravis-
sant de port en port, elle s'étoit rendue puissante et
considérable, ils se déclarèrent en sa faveur, nonobs-
tant les désaveux passés3.
Castres et Montauban commencèrent. Le duc de
Rohan prit ouvertemeut les armes et déclara de bonne
prise tous les serviteurs du Roi qu'il put attraper.
Le Roi, pour leur faire sentir sa juste4 colère et
également le résumé habituel, de la main de Charpentier :
« La Rochelle et les huguenots se déclarent pour Souhise.
Dégâts de Castres et de Montauban. Avis du Cardinal sur les
affaires présentes. Entrée de Soubise en la rivière de Bordeaux.
Le Roi demande des vaisseaux aux Hollandois. »
1. La déclaration de Montmartin et Maniald, « députés géné-
raux des églises réformées de France, résidant près la personne
du Roi », est datée du 21 janvier 1625 [Des adieu des députez
généraux des églises prétendues réformées de France. Paris,
1625, in-8°, 7 p.). — Des députés de la Rochelle se présen-
tèrent, en outre, à la cour le 6 février. Voyez la lettre de l'en-
voyé de Lorraine, Bréval, du 8 février : « MM. les députés de
la Rochelle arrivèrent avant-hier, qui disent de belles choses
de leur fidélité et blâment l'action de M. Soubise; mais je ne
sais si leurs discours ont point besoin de caution » (Bibl. nat.,
Nouvelles acquisitions françaises 3145, fol. 212).
2. Première rédaction du manuscrit A : « le vol des vais-
seaux ».
3. Le traité d'alliance conclu entre Soubise et les maire et
échevins de la Rochelle porte la date du 17 mai (Bibl. nat.,
ms. Français 4102, p. 146; cité par J. Roman, Histoire géné-
rale du Languedoc, t. XI, p. 991).
4. Cet adjectif a été omis par le manuscrit B. Nous le réta-
blissons d'après la leçon de A.
DE \{U •IIKI.IKU. 19
i|t|>n ImikIc! d'être assiégés, envoya le duc d'Éper-
noo1 foire !<• dégât autour de Mont.uikm et le sieur de
Tbémioefl ;i (lastres2.
Cette révolte venoil >i ;i ooetretempfl au Roi en
cette saison <>ù il avoii tant d'affaires au dehors, que
la plupart de ceux de son Conseil étoient si éperdus3
que tantôt ils vouloient qu'on Ht une paix honteuse
avec l'Espagne, tantôt qu'on accordât aux huguenots
|»Iiin qu'ils ne deinandoient.
Le Cardinal4, au contraire, regardant d'un cœur
assuré toute cette tempête, dit au Roi5 :
Que pour bien juger quelle résolution il devoit
1 . I-»- dur <l K|>t non, gOUverMor de Guyenne, avait sous ses
ordres lei trois régiment! : Sainte-Croix d'Ornano, Foucaude
<t Maillé; il rassembla ses troupes à Moissac en juin et com-
mença ses opérations devant Montauhan au début de juillet
Girard, Histoire de ta vie du duc d fcpernon, p. 411-413, et
ira franrois, t. \|. p. 787-789).
i »■ maréchal de Thémines, nommé le 20 mai au comman-
dement de l'armée de Languedoc, « pour faire le dégât aux
« tivir>>iis de Castres », rejoignit Toulouse le 9 juin; son armée
imposée de 5,500 hommes d'infanterie et de 600 chevaux.
Lee opération! eurent pour premier résahat, le 21 juin, la prise
■ lu r-hAleau de Bonnac; elles s'achevèrent, en octobre, par une
tentative infructuense sur le Mas-d'Azil. Voyes /// Gloire géné-
rale du LoMgnedœ, t. \l. p. 902, I l Mercure françois, t. XI,
"» et 755.
a-. :Tool éperdas. Tantol lli TOaloinnt (anaaarritÉ)
I I i lource de ce passage est un mémoire <lu Cardinal au
Roi public par \v.-n.I, t. II. p. 77-8%, d*tprtÉ France 2'i<i. et
daté |>ar lui de la Un d'avril ou du début de mai 1626; il a été
par le secrétaire de la main. Sancv a apporté, MUT !«•
manuscrit A, d'assez nombreuses corrections de forme à ce
document.
5. Première version du manuscrit A : « Le Cardinal, au con
20 MÉMOIRES [1625]
prendre il falloit voir et considérer mûrement quelle
étoit la face des affaires présentes en toute la chré-
tienté ;
Qu'il sembloit que toutes choses conspirassent
maintenant à rabattre l'orgueil d'Espagne;
Qu'il n'y avoit personne qui ne sût l'état des armes
du Roi en Italie, qui étoit tel qu'en un mot il étoit
maître de la Valteline et que difficilement Gênes pou-
voit-il éviter d'être pris ' .
Celui des Pays-Bas étoit aussi connu d'un chacun ;
le siège de Bréda, dont l'événement à la vérité étoit
incertain, au moins portoit-il ce préjudice aux Espa-
gnols que, quand même ils l'auroient pris, leur armée
seroit tellement ruinée qu'il leur2 seroit impossible
de faire aucun effet notable de tout l'été, vu, princi-
palement, que les États avoient, outre leur armée
ordinaire, celle de Mansfeld, capable d'empêcher,
pour cette année, que l'armée de Spinola ne fit en
leur pays ou ailleurs autre progrès que celui de Bréda,
quand même ils ne pourroient secourir la place à
cause que de longtemps les assiégeants s'étoient
retranchés et fortifiés 3 ;
traire, voyant d'un cœur assuré toute cette tempête, dit au Roi
ce qui s'ensuit. »
1. Lesdiguières s'était emparé, le 26 avril, du château de
Gavi. Marquemont écrivait le 5 mai, de Rome, au cardinal de
la Valette : « L'on tient l'effroi et la confusion être si forts
parmi eux [les Génois] que quand l'armée sera à vue de leur
ville ils parleront incontinent de composition » (Bibl. nat., ms.
Français 6644, fol. 82).
2. France 246, et première édition du manuscrit A •
« lui ».
3. La place était investie depuis le 27 août 1624.
[1625] DE RICHELIEU. ?1
nu Vu Allemagne Vs princes et États de la Basse-Saxe
ivun nt élu capitaine gcuéral de leur cercle le roi de
Danemark, qui est membre de leur corps à cause de
son duché de Holstein1; (jue ce roi, avec celui de
Suède* et le marquis de Brandebourg3 mettoient une
h in» » très puissante sur pied pour rétablir les princes
dépouillés par la maison d'Autriche et ses adhérents;
Que déjà ils a voient assemblé4 plus de vingt-cinq
mille hommes de pied et quatre mille chevaux; qu'on
a voit aussi nouvelle que Gabor étoit armé5 et vouloit
OOtrer en la Hongrie. Mansfeld, ayant fait ce qu'il
odoîl taire en Hollande, entreroit aussi en Alle-
magne du côté6 , et tous les princes de deçà,
Wflrtemberg et autres, se joindroient à lui avec leurs
forces ;
1. Manuscrits A et B : « Holsace ». La mention de l'élection
du roi de Danemark ne figurait pas dans le mémoire original;
elle a été ajoutée, en interligne, sur le manuscrit A. Chris-
tian IV, roi de Danemark (1588-1648), était à la tête de la ligue
réformée pour le rétablissement du Palatin; il fut élu capitaine
du cercle de Basse-Saxe à la diète de Brunswick, en mai 1625,
en remplacement de Christian de Brunswick-Lùnebourg-Zell,
demeuré fidèle à l'Empereur. B. Xani [Historia délia republica
Veneta. Venetia, 1662, in-4°, t. I, p. 349) parle du méconten-
tement que cette élection apporta à l'empereur Ferdinand.
1. Gustave-Adolphe.
'•eorges-Guillaume, margrave de Brandebourg, né en
•lue de Prusse, électeur (1619-1640), tenait à s'assurer
l'administration de l'archevêché de Magdebourg et recevait des
subsides des villes hanséatiques.
' 'or. : amassé (ms. Français 17542).
5. France 246 : « On a nouvelle que Gabor est aussi
armé ».
Le nom est demeuré en blanc dans les manuscrits A et B,
BOMM dans le mémoire original.
22 MÉMOIRES [1625]
Qu'aux Indes un chacun savoit les pertes qu'y
avoient faites les Espagnols, tant à la baie de Todos-
los-Santos1 qu'à la dernière flotte, qui fut défaite par
celle de l'Hermite, et que les Hollandois seuls étoient
capables d'occuper tous les armements de mer qu'ils
sauroient faire;
Qu'il se préparoit un grand armement de cent voiles
en Angleterre, tel que de deux cents ans on n'en avoit vu
nu pareil, qui n'avoit autre fin que l'abaissement d'Es-
pagne, tant le roi d'Angleterre se tenoit offensé en ce
qui s'étoit passé sur le fait de son mariage2;
Que les Espagnols n'avoient point d'argent, ni en
Espagne, ni en Flandre, ni en Italie; tous leurs peuples
étoient extrêmement mécontents de leur gouverne-
ment, harassés et ruinés des gens de guerre qui,
n'ayant point été payés, ont vécu à discrétion et à la
foule du pays, particulièrement en Flandre et en
Italie.
Quelque effort qu'ils pussent faire pour défendre
l'Italie, il étoit difficile qu'ils la pussent garantir, vu,
principalement, que l'Italie avoit toujours tiré son
secours de Gênes3 quant à l'argent et d'Allemagne
i. San-Salvador ou Bahia (Brésil), sur la baie de Todos-los-
Santos, fut pris par les Hollandais le 9 mai 1624; mais, le
28 avril 1625, les Espagnols s'emparèrent à nouveau de la
ville, sous le cora mandement de Don Frédéric de Toledo.
Voyez Mercure françois, t. XI, p. 396.
2. France 246 et première rédaction du manuscrit A : « au
projet fait de son mariage ».
3. Sur les levées de troupes allemandes faites en 1625 par
Feria avec l'argent de Gênes, voyez Capriata, Libri dodici ne
quali si contengono tutti i movimenti d'arme successi in Italia dal
MDCXin sino al M DCXXXIV. Genève, 1640, p. 650.
[1625] DE RICHELIEU. 23
pour les hommes; ce qu'elle ne sauroit faire, supposé
la prise de Gènes et les troubles qu'on voyoit naître
M Allemagne;
Que le Roi avoit force argent devant lui et, sans
hyperbole, pouvoit faire «tat de douze millions de
l pour le fonds de la guerre*;
Que ses armes étaient victorieuses en la Valteline et
«lu enté de Génee sa réputation très grande; il avoit,
mii* ses frontières de Champagne et Picardie, des
armées considérables et considérées de ses ennemis,
i|iii les iv^ardoient avec crainte;
Ont le roi d'Angleterre, avec qui il contractoit une
nouvelle alliance, en la naissance desquelles on en tire
ton jouis quelque profit , rfciiroil la guerre avec Espagne
et ne pouvoit aisément s'y réconcilier à cause de ses
intérêts;
Que le duc de Savoie, qui avoit un cœur de roi et ne
1 « toit pas de sa naissance, n'avoit autre but que la
guerre, somme le seul moyen2 par lequel il le pouvoit
devenir, mi dépens d'Espagne ou de ses alliés ;
Que Venise, qui craint et hait la puissance d'Es-
pugne, «Mimant le t«mps propre à la diminuer, dési-
roit passionnément qu'on le fît et crai^noit que, si
on perdoit cette occasion, Il attendit son temps
pour en prendre revanche à leurs dépens, puisqu'elle
le pouvoit (aire [dus ijeémeul sur en que sur aucuns
antree;
(^ic tous les princes d'Italie qui étoient attach
1. Dix millions de livres, d'après une lettre du Cardinal à
I archevêque de Lyon, Marquemont, 13 mars 1625 (Avenel,
t. II. », 70).
f'jr. ■ eoMM !<• làr m I §■!■ L764S).
24 MÉMOIRES [1625]
l'Espagne, l'étant plus par crainte que par amour,
n'attendoient autre chose qu'à voir qui sera le plus
fort pour s'y joindre, et que c'étoit chose sans doute
qu'ils suivroient la fortune du victorieux, de peur
qu'en voulant s'y opposer ils en fussent la proie ;
Que le Pape même voudroit que les Espagnols
fussent hors de l'Italie, et ne prendroit nul intérêt en
cette affaire, sans celui qu'il y prétend avoir, en ce
que ses gens ont été délogés de la Valteline ;
Que tous les protestants d'Allemagne étoient obligés
de jouer leur reste en cette occcasion et s'y prépa-
roient. Le duc de Bavière1 même ne s'intéresseroit pas
en la diminution de la maison d'Autriche, pourvu qu'il
fût assuré qu'on ne le voulût point priver de la qualité
d'électeur2, ni de quelques autres avantages dont il
étoit aisé de s'accorder avec lui ;
Que le roi de la Grande-Bretagne vouloit se servir
de cette occasion pour le rétablissement de son beau-
frère3, en considération duquel il préparoit l'armement
de mer mentionné ci-dessus ;
Que, par toutes ces considérations, il sembloit qu'il
n'y eût une si belle occasion au Roi d'augmenter sa
puissance et rogner les ailes à ses ennemis; mais qu'il
falloit tourner le feuillet et voir quelles autres considé-
rations pouvoient contre-peser celles qui sont ci-des-
sus déduites ;
Qu'il ne mettroit point en avant qu'il semble qu'il
1. Maxirailien de Bavière, duc de Bavière (1597), électeur et
chef de la ligue catholique allemande (1610-1625).
2. Elle lui avait été conférée par la diète de Ratisbonne, le
25 février 1623.
3. Frédéric V, électeur palatin, roi de Bohême.
[1625] DE RICHELIEU. 25
doit difficile de prendre tous les avantages qu'on
peut »■> OOOMMM présentes, sans diminution de la
religion en quelque chose, d'autant que, bien que
cela fût en apparence au commencement, le zèle et la
piété «lu Roi feroient qu'à là fin elle y trouveroit son
Qu'il ne diroit point que nous avons toujours été
isM/ heureux ;i conquérir en Italie, mais si malheu-
reux à conserver que les lauriers qu'on y a voit cueil-
lis a voient promptement été changés en cyprès, d'au-
tant qu'étant devenus sages à nos dépens nous avions
ap|)i M que le vrai secret des affaires d'Italie étoit de
dépouiller le roi dlhpagœ de ce qu'il y tenoit, pour
en revêtir lei princes et potentats d'Italie, qui, par
l'intérêt de leur propre conservation, seroient tous
unis ensemble pour conserver ce qui leur auroit été
donié, et que, bien que nous n'eussions pas été assez
fbrtt1 pour maintenir ce que nous avions conquis,
notre force et leur prudence seroient plus que suffi-
natM pour produire infailliblement cet effet. Et le
seul partage que devoit désirer la France en toute
cotte eooqoèU DC devoit être que la diminution de
l'Espagne, qui prétendoit égalité avec elle et qui nous
voulait iflbibHr, et l'avoit fait depuis (|uelcjue temps2;
Qu'il ne mettrait point encore en avant qu'on pou-
\mt craindre que I ! ;, pressée à l'extrémité par
nous, pnt entrer à foroe ouverte en France, soit du
<«»te «Il ou de la Flandre, tant parce qu'il étoit
1 I ii 246 ■ t première version du manuscrit A : « assez
l»i ucl.iits et assez forts ».
i muscrii A : les verbes de cette phrase sont demeurés
au présent
26 MÉMOIRES [1625]
aisé de l'en garantir du côté d'Espagne avec de
médiocres forces, à cause de la situation du pays, que
parce que le Roi avoit une armée fraîche et puissante
sur la frontière de Picardie et Champagne, laquelle,
sans nouvelle dépense, il fortifieroit toujours de six
mille hommes de pied1 et de mille chevaux, en y por-
tant sa personne, que parce que le Roi, contribuant
aux frais de Mansfeld, il pouvoit faire en sorte que,
au cas que Spinola tournât tête vers la France, cette
armée le suivroit en queue.
Mais qu'il falloit considérer que les rébellions sont
si ordinaires en France qu'il étoit à craindre que,
tandis que nous penserions à humilier autrui, nous ne
reçussions plus de mal de nous-mêmes que nous n'en
saurions faire à nos propres ennemis ;
Que ces rébellions ne pouvoient venir que des grands
du royaume mécontents ou des huguenots.
Des grands, il n'y avoit rien à craindre maintenant,
tant à cause de leur impuissance que par ce, aussi
véritablement, que bien qu'il y en eût beaucoup qui
désireroient qu'il arrivât quelque remuement, pour
cependant faire mieux leurs affaires, il n'y en avoit
aucun qui en voulût être auteur, pour la connoissance
que tous ont que ce n'est plus le temps d'en tirer
avantage.
Quant aux huguenots, qu'ils étoient si accoutumés
à faire leurs affaires aux dépens de l'État et d'en
prendre le temps lorsqu'ils nous voient occupés
contre ceux qui en sont ennemis déclarés, ainsi qu'ils
firent pendant le siège d'Amiens2, que nous devons
1. Les mots « de pied » manquent dans France 246.
2. Dans sa Réponse au manifeste du sT de Soubize, Jérémie
DE RICHELIEU. 27
appréhender qu'ils ne fissent de même en cette occa-
sion, la prise (1rs armée et les insolentes demandes
qu'ils font ôtant tout lieu d'en douter:
Partant qu'il lalloit voir si leur puissance étoit assez
considérable pour arrêter le Roi de poursuivre le des-
sein qu'il avoit de faire la guerre au dehors;
Qu'il étoit certain que d'eux-mêmes ils n'étoient pas
puissants, mais qu'ils le pouvoient être par accident,
qnt l'Espagne les pouvoit favoriser d'argent et
isseaux, comme nous en avons déjà quelque con-
noissance1;
Que ■ par hasard ils avoient quelque bon succès,
ce qui pouvoit arriver par la trahison de quelque gou-
\erneur qui, par quelque surprise volontaire, leur
vendioit sa place, tel maintenant qui ne les favorisoit
que <!<• volonté se déclareroit pour eux en effet et
ponrroil mettre l<s allaires en compromis;
Qu'il talloit oooaidcrcr davantage que les affaires
sont eomme le corps humain, qui Ont leur crois-
MMSe, leur perfection et leur déclin ; que toute la pru-
denee politique ne consiste qu'à prendre l'occasion la
plm trantagenae qu'il se peut de taire ce qu'on veut;
One maintenant tout Irembloit sous la terreur des
du Perrier éroqae également la conduite des huguenots à
l'égard d<- Henri IV durant le si» kge d \ miens par les Espa-
gaob, BB 1597 : « Ils l'ont abandonné au siège d'Amiens et
t. m- la némc procédure qu'ils tiennent à présent. »
l \«.\./ l.i lettre de Béthanc ta Roi, Il février 1625 : « Je
eoesprenoii de la lettre de V. M. que cette Ulfldélité et perfidie
du sr de SoubUe el def autres d<- s-m intelligence n'avoit été
entreprise parles uns ni parlas autres qu'à la sollicitation des
' . nol> et par le moyen de l'argent <|u'ils avoient charitable-
hlemi-nt aaailoycl en tellei aumôm-s pour raccroieeeinent de la
religion i atl.oli.pie > (Ai", étr., Rome 36, fol. 82).
28 MÉMOIRES [1625]
armes de la France; jusques ici tout avoit succédé I
souhait; on ne s'étoit point aperçu1 des divisions qui
se mettent d'ordinaire dans les armées des ligues,
bien que nous ne puissions ignorer que la semence en
étoit déjà germée en celle de Piémont2;
Que, quoique le Roi eût de l'argent, comme il avoit
dit ci-dessus et qu'il n'eût point encore manqué aux
armées, les dépenses étoient si excessives en France
qu'il n'y avoit personne qui pût répondre qu'on pût
toujours fournir à si grands frais, vu principalement
qu'en matière de guerres on sait bien comment et
quand elles commencent, mais nul ne peut prévoir le
temps et la qualité de leur fin, d'autant que l'appétit
vient quelquefois en mangeant et que les armes sont
journalières ;
Partant qu'il croyoit qu'il n'y avoit personne qui
n'estimât qu'il falloit par nécessité donner la paix3 à
soi-même, en l'assurant au dedans de l'État, ou la
donner à ses ennemis étrangers, étant certain que tout
homme qui aura du jugement avouera que c'est trop
d'avoir deux affaires à la fois, dont l'une seule est
capable d'occuper;
Que les médecins tiennent pour aphorisme assuré
qu'un mal interne, quoique petit en soi-même, est plus
1. Manuscrit A : les trois verbes qui précèdent sont demeu-
rés au présent.
2. Des difficultés s'étaient élevées, en mars et surtout à la
fin d'avril 1625, entre le duc de Savoie et le Connétable,
notamment pour le choix de la garnison de Gavi. Sur la foi
de bruits calomnieux venant de Gênes, le duc aurait même
insinué que Lesdiguières recevait des subsides de l'ennemi
(Capriata, op. cit., p. 749-753).
3. France 246 : « se donner la paix ».
[1625] DE l!l. IIKI.IEU. 29
;i nraindrr qu'un externe beaucoup plus grand et dou-
loureux; que cela nous devott faire oewoUrc qu'il
falloil abandonner le dehors pour pourvoir m dedans,
s'il v pouvait, par remèdet simples et pulsations
s qui n'émeuvenl ni n'altèrent point le corps;
qu'il se falloil bien donner garde d'avoir recours à
d'autres; mais que, si la maladie étoit si grande que
tel remède ne lit qu'aigrir1 le mal au lieu de le gué-
rir, il talloit se servir de ceux qui étaient capables d'en
couper les racines, pourvoyant non seulement au prê-
tent, maki a l'avenir qu'il talloit prévoir;
Que, tant que lea buguenoia auroient le pied en
France, le Roi n<- aeroil jamais le maitre au dedans2,
ni ne pouiroil entreprendre aucune action glorieuse
au dehors';
la difficulté étoit de (aire la paix avec l'Es-
orte qu'elle fût Mire, honorable, et que
nos alliés y pussent avoir l'avantage que raison-
nablement ils pouvoient désirer, vu qu'autrement,
pour sp.-i ieuse qu'elle fut, elle seroit très domma-
ble;
(ju'il « toit certain que, quand une fois nous aurions
lea arnu s. aj |\ -tablissenu-nt de la paix n'étoit
BEI . BOUS aurions de l.i peine ;i porter nos collègues a
les reprendre de nouveau et ;i nous y résoudre nous
1 Le icribc «lu iMnnwril A éveil écrit « gaigner »; cette
hatfl ! a été corrigée par Charpentier.
•■ manuscrit A portail tout d'abord « au dehors » ; Ter-
ni.m rectifiée par Charpentier.
3. Manuscrit A : « Que tant que les huguenots auront le pied
înce le Roi ne sera jamais le maître au dedans, ni ne
ii entreprendre aucune action glorieuse au d<
30 MÉMOIRES [1625]
mêmes, étant des États comme des hommes, qui ont
un certain feu hors lequel on ne peut attendre d'eux
ce que pendant icelui on n'eût su empêcher.
Que c'étoit chose aussi très assurée que, s'il y avoit
quelque condition foible dans le traité qu'on feroit,
toute la gloire et réputation qu'on avoit eue jusques
alors se convertiroit en honte ;
Qu'au reste, si nous manquions à procurer l'avan-
tage de nos alliés, nous n'en pourrions plus faire état
à l'avenir, ce qui feroit que nous aurions beaucoup
plus1 perdu en cette affaire que gagné.
La question étoit donc de faire la paix de la Valte-
line, de Gênes et, s'il se pouvoit, du Palatinat, en
sorte que chacun eût raisonnablement son compte et
que nous demeurassions plus liés que jamais ;
Qu'il falloit voir promptement la fin des négociations
qu'on proposoit sur ce sujet, afin que, si elles ne pou-
voient réussir, S. M. contentât les huguenots et se
disposât, de toutes parts, fortement à la guerre contre
les Espagnols, étant certain que les Espagnols ne la
pourroient soutenir longtemps, si en même instant
on les attaquoit puissamment de divers côtés2, au lieu
que, si l'effort qu'on feroit étoit foible, ils la suppor-
teroient aisément, ce qui nous mettroit en une guerre
de durée, en laquelle ils. auroient autant d'avantage,
par l'habitude qu'ils ont à pâtir, comme nous en avons
aux entreprises dont le bon succès dépend de la furie
françoise3.
1. Ce mot a été ajouté par Charpentier sur le manuscrit A.
2. France 246 : « de diverses parts ». On a voulu éviter une
répétition.
3. Ici prend fin l'emprunt au mémoire du Cardinal.
DE RICHELIEU. 31
i ependant, Soubise entra le 11* juin* en la rivière
de Borde. < suivante-quatorze voiles, descendit
tillon en Médoc elle prit, mil «lu canon en terre,
lit quelques courses pour épouvanter I»- pays et voir
si quelques-uns se voudroient joindre à lui; mais le
maréchal de Praslin, qui étoit à Tentour de la
M<»« licll.'. \ envoya le sieur de Toiras* avec ses forces,
(jui le lit retirer eu ses vaisseaux et quitter la rivière.
|i Roi, ne pouvant pas assez promptement faire
équiper en son royaume nombre suffisant de navires
pour s'opposer à la Botte de Soubise et ne tenant l'as-
ce »l< s huit vaisseaux anglois qui lui avoient
été promis sutlisant, demanda secours de vingt vais-
seaux ;m\ lloll uidois, selon qu'ils étoient obligés
par l'alliance renouvelée avec eux en juin 16243, et
[»Iu> particulièrement parle contrat qu'avoit t'ait avec
SU Beoujoo au nom du Connétable, bien que ce fût
pour employer i la guerre de Gênes4.
! s ni : . luttait mettre à profit l'absence du duc d'Éper-
ii'.n. cpii diii-f.iit le « dégât * de la région de Montauban
[Mercure françois, t. XI, p. 7«.K)-800).
I. roini connuadait, outre ses chevau-légers, treize com-
pagnies de gens de pied. Venu du Fort-Louis, il gagna Mor-
passa la Gironde i BUye >t attaqua Soubise dans Casttt-
loti ; il .[iii.i ensuit.- | Bordeaux à la tête de ses troupes
M. Bauditr, ><p. eiLt p. 33). Une lettre de Rabeni à linfante
15 marfl L625 (Correspondance, t. III, p, .'{43),
nous moiitr> lu. Ii. lieu et la Reine raère « contrecarrant » l'in-
lliK-nce de Toiras a autant qu'ils peuvent ».
ur la conclusion du traité de Compiègne (10 juin 1024),
voyez t. IV, p
I I rai fut envoyé à la Haye afin de hâter le
t des vaisseaux promis à Bellojoo; il rendit compte de sa
mission par lettres adressées au Cardinal les 0 et 11 février
32 MÉMOIRES [1625]
Ils l'eussent volontiers refusé contre leurs frères
s'ils eussent pu; mais au moins s'opposèrent-ils à une
condition avec laquelle le Cardinal vouloit absolument
qu'on les leur demandât; c'est que, prévoyant bien
que, si on en venoit aux mains avec Soubise, ils
eussent fait un faux bond au Roi et n'eussent pas voulu
combattre, ou l'eussent fait foiblemerit, si les vais-
seaux eussent été en leur puissance et commandés par
eux, il leur fit dire que le Roi vouloit mettre sur
douze de leurs vaisseaux des capitaines et des soldats
françois ' .
Ils y firent grande résistance et le refusèrent
entièrement2. En l'absence du Cardinal, on se relâcha
de cette condition3; mais le Cardinal la reprit et mon-
tra que, bien que le corps des États eût bonne inten-
tion, la malice d'un seul capitaine particulier pouvoit
ruiner une armée et donner victoire aux ennemis,
dont jamais on ne relèveroit, étant certain que, si une
fois ils avoient du succès, les huguenots et catholiques
mal affectionnés y courroient tous.
(Aff. étr., Hollande 10, fol. 5 et 224). Il fut rejoint le 16 mars
1625 par Saint-Julien et Mantin, chargés de procéder au
« choix des matelols et de faire faire les victuailles et muni-
tions de guerre » (Bibl. nat., ms. Français 3682, fol. 118 v°).
1. Voyez les instructions données le 28 février 1625 par le
Roi à l'ambassadeur à la Haye, Espesses (Bibl. nat., ms. Fran-
çais 3682, fol. 127).
2. Notamment par une lettre adressée le 23 mars à leur
représentant à Paris, l'ambassadeur Langerack, dont copie est
conservée aux Aff. étr., Hollande 10, fol. 11.
3. Probablement à la fin de mars 1625 et durant un séjour
de Richelieu à Limours. Voyez Bibl. nat., ms. Français 3667,
fol. 129 v°.
DE RICHELIEU. 33
Partant qu'il t'alloit1 avoir des vaisseaux absolument
et sans condition et soutint qu'ils n'étoient point en
étal de le refuser, vu le secours qu'ils tiroient de nous
en irgenl et en hommes, en l'occasion présente du
Mansfeld.
Poar cet effet, qu'A t'alloit faire une forte dépèche8
qui témoignât combien le Roi trouva étrange, vu les
obligations qu'ils lui avoient, (|n'ils lui voulussent don-
■ m nu >ecours (|ui lui seroit à plus de préjudice qu'à
|
Un mousse peut ruiner toute une armée, et un capi-
taine <Ie navire, étant assuré par les ennemis du paie-
ment de son vaisseau, peut entreprendre de brûler
toute l'année, et ce d'autant plus facilement qu'il
peneeroil Eure un grand sacrifice à Dieu à cause de sa
! ion.
Rn e» il, le Cardinal se mettoit en grand hasard
aoprèfl du Roi; car il soutint absolument qu'en tenant
tenue (t menaçant les Hollandois3 de les priver
1 . !.. s eom 'tions de temps que présente le manuscrit A pér-
it de supposer que ce passage a été emprunté à un Avis
du Cardinal au Roi que nous n'avons pas.
I '!•■ lut •■nvoyée à l'ambassadeur d'Espesses, le 2 avril
Ma résolution est d'avoir dès à présent et sans délai
l<s vingt vaisseaux destinés pour Rellujon et la disposition
entière sur douce d'iceux pour y mettre tels capitaines et tels
nombre de gens de guerre que je verrai bon être » (Bibl. nat.,
ms. I J683, fol. 51 v*).
aperce le texte de la dépêche royale du 2 avril : « \ ovi
leur [au\ Etats] ferez donc connottre >\n>-, si ces raisons ne les
i k ce que je désire et que recevant oTcjax, en cette occa-
aJoa, lai BOarquei d'une froide affection en mon endroit, je
obligé de tempérer les miennes, dont ils ont toujours
jusqu. i des effets très avantageux, et ne pourrois faire
V 3
34 MÉMOIRES [1625]
du * secours que le Roi leur donnoit, s'ils manquoient à
faire en cela ce que S. M. désireroit, assurément ils
accorderoient ce qu'on demandoit. En quoi on eut ce
bonheur que la chose réussit comme on l'avoit pré-
dite, et le Roi eut pouvoir de mettre non seulement
sur les vaisseaux des capitaines françois, mais, qui
plus est, sur chaque vaisseau cent François2.
Mais le malheur du temps étoit tel qu'il sembloit
qu'on fût responsable de tous les événements, tant
parce que la cour étoit pleine de gens qui n'atten-
doient autre chose qu'un mauvais succès pour se ser-
vir du talent qu'ils avoient acquis à faire du mal à
ceux qui servoient le public, que parce que les princes
autre chose que révoquer tout le secours que je leur donne,
tant d'hommes que d'argent, puisqu'ils manqueroient à celui
qu'ils me doivent par leurs traités. »
i. Ici commence (fol. 144) le 16e cahier du manuscrit A.
Charpentier a transcrit sur la feuille de garde ce résumé :
« Le Roi obtient les vaisseaux hollandois et anglois comme
il désiroit. Le connétable de Lesdiguières envoie Bellujon aux
Rochelois et huguenots. Négociation de paix avec eux. Avis
du Cardinal sur la rébellion de Soubise. Soubise brûle le vais-
seau de l'amiral Haultain. »
2. Ainsi que le stipulait le traité conclu le 12 avril par
Espesses avec les États et ratifié le 10 mai par le roi de France
(Aff. étr., Hollande 10, fol. 2). Aux négociations de la Haye
participèrent, avec l'ambassadeur, La Forest-Toiras, le cheva-
lier de Saint-Julien et Mantin. Le 2 mai, le secrétaire d'État
Potier d'Ocquerre mandait à Espesses : « Le traité du 12 avril
a été approuvé et trouvé conforme aux intentions du Roi »
(Bibl. nat , ms. Français 3683, fol. 137 v°). — Une lettre de
Herbault à Béthune, 7 mai, mentionne l'arrivée « des vingt
vaisseaux de Hollande en bon équipage au port de Vie, à six
lieues de Calais; l'on les fera avancera Dieppe pour y prendre
les soldats qui ont été levés pour mettre sur les vaisseaux »
(Bibl. nat., ms. Français 3702, fol. 45).
DE RICHELIEU. 35
d'ordinaire jettent sur ceux qui sont auprès d'eux les
mauvais suives des choses qui leur ont été bien con-
ciliées.
Qui se fût considéré soi-même n'eût peut-être pas
[>ri> 06 chemin, <|ui. étanfl le meilleur pour les affaires,
l pas l<- plus mii pour ceux qui les traitoient;
mais, sachant que la première condition de celui qui
;i |>;ui m gouvernement des États est de se donner
«lu tout au public et ne penser point à soi-même, on
passa par-dessus toutes eousidérntions qui pouvoient
arrêter, aimant mieux se perdre que manquer à aucune
chose nécessaire pour sauver l'État, auquel on peut
• lin- que les procédures basses et lâches des ministres
passés avoient changé et terni toute la face.
il «ut h même difficulté avec les vaisseaux anglois1.
Bans lui. on les eût reeus pour ruiner les affaires du
Roi, et non pour y servir; car les matelots, soldats
• ! capitaines ;m^lois disoient ouvertement qu'ils ne
lir< roirnt pas un coup de canon contre les huguenots,
qu'on ssvoU d'ailleurs s'en tenir tout assurés2.
■i < M asité qu'en avoit de vaisseaux étoit si grande
1 ! f*s huit vaisseaux commandés par John Pennington arri-
vèrent à Dieppe le 13 juin. Pennington, s'appuvant sur les ins-
tru< ti.>ns du r<>i d'Angleterre datées du 20 mai, refusa d'em-
banjuer les détachements français concentrés à Dieppe et prit
le large le 27 juin, au lendemain de l'arrivée de Montmorency,
r en revue les TitiflfOTi (S. R. Gardimr.
utd, i N . |>. 379, et Ch. B. de la Roncière, op.
■À., t |\ p ',67).
uni' note marginale de a l'Avis sur les propositions
du dm <I. Km Lin^'ham ». ■ Il ne faut oublier ce que les vais-
tnglois ont dit à Rasillv en s'embarquant, qui etl on un
■04 |u lu m- vouloient point aller contre la Rochelle » (Aff.
Vnglcterre 33, l«»l. 221 v*).
36 MÉMOIRES [1625]
que tout le Conseil étoit d'avis qu'on les devoit prendre
à ces conditions plutôt que de ne les avoir point. Le
Cardinal1 seul soutint le contraire, dit qu'il valoit
mieux ne les prendre point que de les prendre ainsi,
pour plusieurs raisons aisées à concevoir et trop
longues à déduire; qu'au reste il ne doutoit point
que, si on opiniàtroit à les avoir sans -matelots, offi-
ciers et soldats anglois, le roi de la Grande-Bretagne
ne les dénieroit pas à l'extrémité, quoi qu'il eût fait
et dit jusqu'ici ; que la chaleur d'une alliance fraîche-
ment laite et la nécessité qu'il avoit de la France en
beaucoup d'autres choses ne lui permettoient pas de
faire ce refus;
Que, pour parvenir à ce qu'on désiroit, il n'y avoit
qu'à renvoyer les vaisseaux2 et faire entendre claire-
ment que le Roi aimoit mieux ne les avoir point que
de les avoir en sorte qu'il n'en fût pas le maître.
Tout le monde fut d'avis contraire, et cependant le
Roi, déférant par sa bonté à celui du Cardinal', il
succéda en sorte que le roi d'Angleterre envoya les
vaisseaux au Roi avec plein pouvoir d'en user comme
bon lui sembleroit4.
1. Première rédaction du manuscrit A : « Araadeau ». Sur ce
surnom de Richelieu employé dans l'intimité, voyez Avenel,
t. VII, p. 541.
2. Comparez la lettre du Roi du 27 avril 1625 au duc de
Chevreuse et à M. de la Ville-aux-Clercs, où il déclare qu'il
renoncera aux vaisseaux plutôt que de les a recevoir à condi-
tions telles qu'ayant l'apparence de quelque secours je n'en
puisse avoir l'effet » (S. Gardiner, Documents illustrating the
impeachment of the Duke of Buckingham in 1626, p. 184).
3. Première rédaction du manuscrit A : « Amadeau ».
4. Louis XIII obtint finalement la libre disposition des vais-
DE RICHELIEU. 37
Le temps justifia bien l'utilité de ce conseil non
seulement par le gain de la bataille navale1, où les
Aiii;l< fussent pas trouvés s'ils eussent été sur
lissraux, et où il fallut que le chevalier de Sajnt-
Julien portai l'épée à la gorge d'un capitaine hollan-
dois sur le vaisseau duquel il commandoit, parce
qu'il m vouloit pas aborder un vaisseau ennemi*;
n u if, en outre, par les instances et poursuites pres-
santes que les Anglois et Hollandois, touchés du
• lé-plaisir du gain de cette bataille, firent plusieurs l'ois
depuis pour ravoir leurs vaisseaux, ce qu'on empêcha
seaux, Buckin^ham ayant enjoint aux capitaines de « recevoir
en leurs bords autant de soldats qu'ils en pourront porter » :
lettre <ie ÛhsvraMC et Ville-aux-Clercs à Louis XIII, Londres,
10 juillet 1625 (Gardiner, op. cit., p. 220). Voyez aussi la
d'Herbault à Béthune, du 25 juillet 1625 : « Les vais-
seaux anglois qui, après avoir été en nos côtes, s'étoient reti-
i Angleterre, ont été renvoyés par le roi de la Grande-
Bretagne, avec ordre et commandement exprès à ceux qui les
• "inuiJiidVnt d'y recevoir tel nombre de François que S. M.
ordonnera, et de faire tout ce qui leur sera commandé par
Unirai, tellement que ce soit paix ou guerre le Boi aura
moyen de réduire ceux de la Bocbelle à la raison » (Bibl. nat.,
7<)2, fol. 95). L'embarquement eut lieu à Dieppe;
le chevalier de Bis prit le commandement des vaisseaux et ral-
lia la flotte de Montmorency : lettres du Boi et du secrétaire
Potier d'Ocquerre à M. d 'Elliat, 15 août l<ir> (Bibl. nat.,
luze 154, fol. 254 et 264). Voici un extrait de cette der-
nière lettre : « Puisque l'amiral l'ennington est devenu homme
ni (jue votre dépêche m'a lait voir, je vous dirai
qu'elle a donné une réjouissance au Boi et à toute la cour, »
I l.a bataille navale du Pertuis-Breton, livrée les 15, 16 et
17 leptembre.
'robahlemeal le fttpfîtinf hollandais de I.\ tt'aihre. Le fait
n'est pas rapparié* ÉMH les relations contemporaines de la
38 mkmoh;i [1625]
par les mêmes façons qu'on avoit obtenu contre leur
gré ledit secours.
Les légèretés et inégalités ordinaires des Anglois
feront assez juger la peine qu'il y eut d'obtenir d'eux
leurs vaisseaux et résister aux importunités avec les-
quelles ils les redemandoient. Il est impossible de les
concevoir toutes, si on ne sait qu'en même temps le
parlement d'Angleterre, animé contre le duc de Buc-
kingham, lui imputa à crime ce secours de vaisseaux,
ce qui le rendoit d'autant plus soigneux de les ravoir.
Durant les peines qu'on avoit à obtenir ces vais-
seaux anglois et hollandois en la manière que le Roi
les demandoit et qu'il savoit être seule utile à son
service, on traitoit avec les huguenots par l'entremise
du connétable de Lesdiguières l , qui, voyant bien que
ce soulèvement retranchoit toute l'espérance de la
gloire qu'il avoit conçue de son voyage en Italie, obli-
geant le Roi d'y employer les vaisseaux qu'il avoit des-
tinés pour le secourir, employa tous ses efforts pour
le terminer par une bonne paix.
Il envoya, pour cet effet, avec la permission du Roi,
le sieur de Bellujon2, en qui il avoit beaucoup de con-
1. Le 22 janvier 1625, Bullion écrivait de Vizille à Riche-
lieu : « M. le Connétable a dépêché de tous côtés pour empê-
cher de tout son pouvoir que les huguenots ne remuent du
côté du Dauphiné, Provence et Languedoc. J'appréhende le
dernier à cause de Castres et de celui qui est dedans. » Voyez
aussi la lettre de Lesdiguières à Herbault, 31 mars (Aff. étr.,
Suisse 18, fol. 244).
2. Bellujon arriva à la cour en février 1625; il avait été
annoncé à Richelieu par une lettre du Connétable du 3 février :
« Il a si bien réussi en son voyage de Hollande et témoigne
tant d'affection et de fermeté au service du Roi que je ne crains
[1625] DE RICHELIEU. 39
ti;ni<v. \»is les sieurs de Rohan et de Soubise, les
ville s du Languedoc et de la Rochelle1, et fit tant, par
remontrances et par menaces, qu'il les fit condes-
point d'assurer S. M. et vous-même qu'il continuera jusques à
s.i lin ci qu'elle n'en sera jamais que très satisfaite » (Aff. étr.,
Turin 5, fol. 66). Néanmoins, sa mission souleva d'abord des
difficultés. Voyez la lettre d'Herbault à Bullion du 21 février
« M. de Bellujon, que vous nous avez envoyé par deçà,
I tait quelque* propositions pour retirer M" de Rohan et de
Soubise de la débauche où ils sont et leur donner emploi dans
l'armée delà les monts; d'abord ledit sr de Bellujon, ayant
voulu mêler les ambassadeurs d'Angleterre, Venise, Savoie et
Hollande en ce sujet et assemblé aucuns des principaux de sa
religion pour en conférer à grand mouvement, éloigna le Roi
l' mli' ; depuis, les choses ayant été modérées et réduites
à la seule entremise de M. le Connétable, sans y engager ni
|)( n ni prou le nom du Roi, ni celui des autres princes, la
r lios,- | été mieux reçue et semble qu'il soit en terme de se
len lr de cet expédient. » Bullion répondit le 3 mars : « Quant
I Bellujon. il va trop vite; prenez occasion de nous le ren-
voyer; il est allé trop avant de mêler les ambassadeurs dans
une telle négociation, où les étrangers, moins qu'en toute autre
affaire, doivent avoir part ni communication » (Aff. étr.,
Turin 5, fol. 145 v°).
1. II. Ilujoii se rendit auprès de Rohan au début de mars
ll> il>aull annonce son retour à l'ambassadeur d'Aligre le
Le i1 'le Bellujon est de retour du voyage qu il i
i-s M. (!»• Kohan, dont il a apporté toute assurance de
paix du côté du Languedoc et bonnes paroles d'obéissance de
la part dudit duc ; mais il propose trois choses : l'une que l'on
lui donne commission pour lever en France 6,000 hommes de
00 chevaux pour mener en Italie; l'autre que l'on
lr commandement des vaisseaux qui sont en la mer de
i I M -I. Souliisr pour aller s.rvir en Italie, avec paie-
de Sicile pour trois mois; en dernier lieu, il supplie
M. de Savoie et le Connétable de s'entremettre envers 1< Hoi
le rasement du Fort-Louis » (Arch. nat., KK. 1361,
•0 v#). Le 16 avril , il fut chargé d'une nouvelle mission
40 MÉMOIRES [1625]
cendre à quelques conditions de celles que S. M. pou-
voit désirer.
Mais, comme leur esprit étoit dans la fureur de
la rébellion, ils faisoient incontinent des nouvelles
demandes outre les choses qu'ils avoient première-
ment proposées, et y avoit une extrême peine pour
les faire joindre et mettre à la raison.
Le Roi, qui ne vouloit pas leur faire croire qu'il n'y
eût qu'à demander pour obtenir, ce qui eût augmenté
leur audace à l'infini, demeura ferme à ce dont il étoit
convenu.
Sur1 quoi Bellujon, répondant de leur part que les
auprès des Rochelais et de Soubise (Guillaudeau, Diaire,
p. 275-276). L'ambassadeur hollandais Botzelaer rapporte que
le Roi, la Reine mère, le Cardinal et Schônberg délibérèrent à
Rueil, le 28 avril, « sur le rapport de M. de Bellujon touchant
l'accommodement de M. de Soubise, et que, dans cette confé-
rence, ledit cardinal de Richelieu avoit fort vigoureusement
parlé pour la paix de dedans le royaume et la continuation de
la guerre au dehors, disant que le Roi étoit beaucoup plus
intéressé et engagé pour continuer la guerre au dehors que
pour la commencer au dedans, et qu'on pouvoit apaiser cette
dernière avec peu de chose, en donnant ce que S. M. avoit si
solennellement promis à ceux de la Religion, et que cela étoit
son seul sentiment qui provenoit d'un cœur véritablement fran-
çois et qui aimoit la prospérité et le bien du royaume, ajoutant
toutefois à la fin qu'il remettoit tout à la prudence et à la dis-
crétion de S. M. » (Bibl. nat., ms. Français 17940, fol. 254).
Finalement, Bellujon se rendit pour la seconde fois à la
Rochelle et reçut le 7 mai les propositions écrites du corps de
ville (Guillaudeau, Diaire, p. 269, et lettre d'Herbault à Bul-
lion : Arch. nat., KK 1361, fol. 326 v°, 9 mai 1625).
1. Ici commence un emprunt à un mémoire adressé le 25 mai
1625 par le Cardinal à Bellujon et publié par Avenel, t. II,
p. 87, d'après le vol. France 780, fol. 29. Ce document, qui
est de la main de Charpentier, porte la mention « Employé » ;
DE RICHELIEU. 41
noiiYt'Ik's demandes1 ne se faisoienl pas par capitula-
lion, mais étoient seulement prétendues de grâce, le
Roi lui donna charge tl«' mander a Soubise, et à ceux
<lt- la Rochelle, qu'à cette condition ils pouvoient
envoyer au plus tôt leurs députés bien intentionnés et
autorisés, et leur faire savoir, comme de lui-même',
qu'étant auprès de S. M. ils pouvoient bientôt
■ >udre ce qui étoit à polir et éclaircir, pour ajuster
( ntièrement leurs demandes avec l'intention de Sadite
Majesté3;
nue pour faciliter le moyen de l'envoi de leursdits
députés et faire voir comme même le Roi les convioit
derechef à la paix sûre et perpétuelle qu'il vouloit
donner à tous ses sujets, ledit sieur de Bellujon obtint
de S. M. tous les passeports nécessaires qui leur
nt envoyés;
nu< m le sieur de Soubise n'avoit déjà dépêché au
duc de Rohan, avec le passeport du sieur de Praslin*,
il a été reproduit dans le manuscrit A, à l'exception des deux
premières phrases qui ont été omises ; ultérieurement, Sancy a
entièrement modifié l'ordre des cinq derniers paragraphes, en
ayant recours, pour guider le copiste, aux signes convention-
-i>. B-F, (■ il
nr ces propositions des Rochelais reçues par Bellujon
mt son s.-jour à Marans, le 16 mai, voyez Guillaudeau,
Diaire, p. 282.
M quatre mots ne figuraient pas dans le manuscrit origi-
nal. L'envoyé porteur des lettres de Bellujon arriva à la
telle le 28 mai (Guillaudeau, Diaire, p. 284).
rance 780 : < leurs réponses avec lesdits articles, c'est-
à-dire avec les articles du 7 mai » .
Iiarles de Choiseul, marquis de Praslin, maréchal de
France et lieutenant général au gouvernement des pays de Sain-
tonge, Angoumois, Aunis et ville de la Rochelle.
42 MÉMOIRES [1625]
pour le faire convenir à même intention que lui et
faire cesser tous actes d'hostilité de sa part, il lui
seroit envoyé un passeport du Roi pour un des siens,
afin qu'il le dépêchât en diligence vers ledit sieur de
I loi uni et fit que son député, bien autorisé, se trouvât
à la cour en même temps que les autres;
Que S. M., croyant que le sieur de Faye-Saint-
Orse1 étoit bien intentionné et informé de ce qui étoit
à faire, selon la volonté du Roi, pour cet accommode-
ment, S. M. trouvoit bon qu'il retournât diligemment
vers M. de Rohan, avec les lettres dudit sieur de Bel-
lujon et des députés généraux, pour l'informer des
réponses rapportées de la Rochelle par ledit sieur de
Bellujon et de ce que le conseil du Roi avoit répondu
sur icelles2;
Qu'il procureroit que les députés de Montauban,
Castres, Nîmes, Uzès et Milhau vinssent en même
temps que celui de M. de Rohan faire leurs protesta-
tions au Roi, suivant ce qui étoit porté par lesdits
articles du 7e mai3;
Et procureroit aussi de faire retirer de la campagne
les gens de guerre que M. de Rohan y avoit mis, afin
que les troupes du Roi ne fussent point obligées à agir
contre eux, dont il arriveroit des effets tout contraires
1. N. de Peyrebrune, seigneur de Saint-Orse, gouverneur de
Clairac; il avait accompagné Bellujon à Castres en mars 1625
et fut chargé d'une nouvelle mission auprès de Rohan au début
de mai (Bouffard-Madiane, Mémoires, p. 81).
2. Cet alinéa était l'avant-dernier dans le mémoire original.
3. Les articles du 7 mai remis par les Rochelais à Bellujon
avaient été déjà cités dans le préambule du document que les
Mémoires n'ont pas reproduit : « les articles du 7 mai dont on
ne prétend point se départir ».
[1625] DE RICHELIEU 43
;i l'accommodement que S. M. désiroit voir en ces
affaires, par le moyen du(|u<-l elle auroit le contente-
ment de voir sefl sujet* délivres des appréhensions et
malheurs que les guerres civiles apportent1 ;
l'.l «|iie cependant il seroit mande auxdits sieurs de
l'raslin et de la Rochefoucauld de contenir les troupes
du Roi sans rien altérer, afin que, par mésintelligence,
cette all'aire, qui étoit en très bon état, ne se gâtât;
pourvu mm que les vaisseaux du sieur de Soubise et
des Rochelois ne tissent aucun préjudice durant ce
temps-là aux sujets de S. M.;
Que Ton ménageroit au plus tôt aussi l'amiral Haul-
tam2 pour le disposer à l'échange de cinq vaisseaux3,
MO convenir de la qualité d'iceux, de ce qu'il fera
des hou unes qui sont dedans, et autres particularités à
d< mèl. r avec lui, s'il n'étoit trouvé plus à propos de
M mander de venir en cour en diligence, puisqu'il est
h iv côtes de la France4, de peur que l'on ne se trouve
avoir compte sans son hôte au fait du change desdits
vaisseaux5.
1 < Sa paragraphe formait la conclusion du mémoire original.
2. Guillaume Haultain de Zoete, amiral de Zélande, comman-
dant de la flotu- hollandaise prêtée à Louis XIII.
3. Il s'agit Là des cinq vaisseaux hollandais que devait rece-
voir Soubise, après avoir restitué les navires enlevés à Bla-
vet. Le journal de l'ambassadeur hollandais Botzelaer, en date
du 21 avril, nous apprend que Soubise se refusait à « accepter
les cinq navires du Hoi, après avoir rendu les dix ou douze,
sous la condition offerte que S. M. y vouloit mettre des capi-
taim s. .(liciers et matelots à sa dévotion; à quoi ledit •' de
rèpoadoit qu'en tel cas il seroit mis comme en une
i. » Itil.l. nat., ms. Français 17940, fol. 253).
I \" Il .race. Lettre d ll-i hault à Aligre, 26 mai
\rcb. nat . U 1 {91, fol. 315).
Ici s'arrête l'emprunt à France 780.
44 MÉMOIRES [1625]
Par les ordres susdits, il se voit qu'on n'oublioit
précaution, industrie, ni diligence quelconque, pour
rassurer ces esprits dévoyés et les faire rentrer en leur
devoir.
La plus grande difficulté de la part des villes étoit
le rasement du Fort-Louis; de la part des sieurs de
Rohan et de Soubise, le paiement de ce qu'ils pré-
tendoient leur avoir été promis par le traité de Mont-
pellier. Le premier, outre cela, demandoit de com-
mander un petit corps d'armée pour aller joindre par
terre le connétable de Lesdiguières1, et le dernier
demandoit être fait duc et pair et employé par le Roi
avec des vaisseaux pour son service en Italie. Moyen-
nant cela, Soubise promettoit de démolir ce qu'il a voit
fortifié de nouveau es îles de Ré et d'Oléron.
Selon ces propositions, les huguenots envoyèrent,
en juillet, des députés à Fontainebleau pour deman-
der la paix au Roi2.
S. M. leur accorda la plupart de ce qu'ils deman-
doient, mais demeura ferme sur le refus du rasement
du Fort-Louis3, le Cardinal y insistant absolument,
1. Le 11 juin, le Connétable demandait au Roi de « pardon-
ner à ceux qui se sont émancipés et d'étouffer la naissance
d'un mal dont l'accroissement pourroit donner occasion aux
brouillons catholiques mécontents, ou prétendus tels, et à beau-
coup d'autres qui n'attendent que leur temps pour l'exécution
de leurs mauvais projets » (Aff. étr., Turin 5, fol. 319 v°).
2. Ils furent reçus le 4 juillet par le Roi. « Mémoire de l'ar-
rivée auprès de S. M. des députés de Mrs de Rohan, de Sou-
bise, de la Rochelle, Montauban et Castres » (Aff. étr.,
France 1743, fol. 25).
3. « Toute la difficulté consiste en ce fort de la Rochelle,
dont ils demandent la démolition; S. M. ne peut consentir à
leur faire cette grâce en cette conjoncture, mais voudroit
[HHJ DE RICHELIEU. 45
bien que !*• doc <1< (iui.M- ïùt ouvertement d'opinion
imnirrifT, fondé sur quelques raisons apparentes, les-
quelles furent détruites, < 1 1 1< »î< | n« - non sans hasard pour
infini, vu que, si YérrèaétOBBà «ïil été mauvais,
il en «fit été responsable.
Il représenta tu Roi1 que, bien que l'audace2 et le
trime du nenr de SoubÎK Iusm-iiI tels qu'ils méri-
tanenl no chàtimeot exemplaire, et non aucun par-
don. S. M . néanmoins, devoit considérer3 que le
t «lu gouvernement des États consistoit à prendre
ions les plus propres aux actions qu'on veut
faire, et que les -landes et diverses affaires qu'elle
avoit Ion sur les bras requéroient que S. M. ne regar-
dai paa présentement l'excès de cette faute, ains la
eoiivril de ■ prudence et se contentât de recevoir,
pour le présent, des satisfactions qui fussent suffi-
• |u "ils >»<• missent en étal de le mériter par leur obéissance et
nra services, afin qu'elle pût avoir juste sujet de leur
1er » : Herhault à Béthune, \ juillet 1625 (Bibl. nat., ms.
in 3702, fol. 86). Parmi les nombreux pamphlets où la
ition du fort était demandé) re et libre rtis-
court par supplications et remonstranecs très humbles au Roy,
iê salutaire au Boy sur les affaires présentes,
1. Preasi«ère rédaction du manuscrit A : « Le Cardinal donna
au R«>i «n eette occasion l'avis suivant. »
Ici commence la repnxlu. tion d'un « Avis sur la rébellion
du sr de Soobise », émanant du Cardinal et composé certaine-
ment au milieu de juillet, durant les pourparlers de Fontaine-
locumenl. écrit par le « secrétaire de la main », a
Mi<- par Avenel, t. Il, p. 97, d'après France 880, fol. 117;
il a été transcrit textuellement dans le manuscrit A, qui port!
trace des corrections de temps et de style faites postérieure-
m. m.
■M 780 : « S. M. considérera s'il lui plait ».
46 MÉMOIRES [1625]
santés au public et n'arrêtassent le cours des des-
seins de S. M.1, qui pourvoiroit puis après aisément*
à tous ces désordres ;
Que les demandes des sieurs de Rohan et Soubise
étoient diverses. Les unes regardoient leur particulier
et les autres le général de leurs églises prétendues.
L'aîné désiroit être employé par terre avec six mille
hommes et cinq cents chevaux en Italie et être payé
de cent cinquante mille écus qui lui avoient été pro-
mis par le traité fait à Montpellier3.
Le second demandoit être employé en Italie par
mer, avec les vaisseaux qu'il avoit pris, ceux qu'il
avoit et ceux qu'il pourroit mener de la Rochelle.
Pour l'intérêt général des huguenots, ils deman-
doient tous deux le rasement du fort de la Rochelle.
Que le Roi pouvoit donner emploi à M. de Rohan en
Italie*, pourvu qu'on ne lui donnât point plus grand
nombre de troupes qu'un régiment et une compagnie
de gendarmes5. Gela le pouvoit contenter et ne pour-
roit lui donner le moyen de desservir le Roi ; mais
que le nombre plus grand des troupes qu'il deman-
doit lui donneroit un corps dans lequel il s'autorise-
roit et avec lequel il pourroit revenir en France, au
1. La campagne de Valteline et l'expédition de Gênes.
2. Manuscrit A et France 780 : « aisément et assurément ».
3. Comparez les reproches adressés par Fancan dans la
France mourante aux ministres qui, en 1623, n'exécutaient pas
les clauses du traité de Montpellier.
4. France 780 : « et sans aucun intérêt ». Ces quatre mots ont
été biffés lors de la révision du manuscrit A.
5. Par lettre du 26 juillet 1625, le Roi proposait à Rohan
2,000 hommes de pied et 200 chevaux (Bibl. nat., ms. Du-
puy 502, fol. 143 v°).
DE RICHELIEU. 47
préjudice de la tranquillité publique et du service de
M.
Quant à l'argent, S. M. lui pcmmil accorder sans
i m. hit .h. à sa réputatk»! puisqu'il lui «toit dû, et
i|ii<\ s'il n'a\oit été payé, OS n Y-toit que parla faute
de ceux <|ui avoient l'administration de ses finances.
Our le sieur de Soubise devoit rendre à S. M. !<■>
▼aisseaux de M. de Nevers qu'il a voit pris, et lors
S. M., après avoir mis sur lesdits vaisseaux les mêmes
capitaines et soldats qu'elle a voit destinés devant qu'ils
lussent pris, pouvoit bien les prêter à S. A. de Savoie
et approuver qu'ils tussent joints à une escadre que le
sieur de Soubise commanderait, mais qu'on ne pou-
voit permettre qu'il les emmenât autrement, et il ne le
deroil pas désirer, vu que ce serait lui donner lieu
«ire voir aux pays étrangers les marques de la
honte de la France et les trophées d'une victoire qu'il
n'avoit acquise que par surprise et trahison.
Sur les prétentions de la Rochelle, il falloit consi-
qu'il n'\ avoit personne qui ne vît que S. M. ne
pouvoil maintenant ni raser le fort, ni le permettre
<»u en donner espérance pour sa réputation, tant s
cause qu'il semblerait «pion extorquerai! par force
cet a\ qui devait être reconnu de la pure bonté
«lu Boi, que perce aussi que ceux qui en recevraient
le li uit m sauroient le gré aux sieurs de Soubise et
Itohaii. qui. parer mo\en. triment réussir les pi .Ini-
tions qu'ils avoieni toujours eues <lc se rendre chefs
mIi ;
Mail qw S. M. pouvoit bien permettre au Conné-
table <!•• dire aux Roclirlms qu'il avoit toujours connu
la volonté du Roi être de satisfaire à ce qui avoit été
48 MÉMOIRES [1625]
ci-devant promis en son nom, dont il.avoit été diverti
jusqu'à présent par diverses rencontres; qu'il s'en
présentait une maintenant plus considérable qu'au-
cune autre passée, ce qui faisoit qu'il n'y avoit point
de lieu maintenant de demander l'exécution qu'ils
souhaitoient ;
Qu'il falloit laisser passer ces occasions présentes,
qui justement dévoient arrêter le cours de la bonne
volonté du Roi ; mais, qu'étant passées, il leur pro-
mettoit de s'en venir en cour et se faisoit fort d'obtenir
ce qu'ils désiroient, pourvu que, pour donner sujet au
Roi de l'accorder, s'il restoit quelque chose à exécuter
de ce qui avoit été promis de leur part, ils le fissent
premièrement.
Cet avis étoit sans péril pour deux raisons :
La première, que l'exécution qui étoit préalable-
ment désirée de la part des Rochelois tireroit de
longue des années entières.
La seconde, que le grand âge du Connétable don-
noit lieu de prévoir plutôt sa fin que celle de cette
affaire, dont l'exécution ne se pouvoit faire en peu de
temps.
En tout cas, il n'étoit question que de laisser perdre
aux mutins de la Rochelle cette occasion de témoigner
leur mauvaise volonté, étant certain que, quand par
après ils continueroient leurs desseins, ils ne pour-
roient entreprendre de les exécuter qu'avec leur ruine
totale; mais qu'on ne pouvoit, en façon quelconque,
faire intervenir M. de Savoie, parce qu'étant prince
étranger, cela lui donneroit liaison et autorité avec un
corps formé dans le royaume; ce qui, en certain temps
et certaines occasions, lui pourroit donner lieu d'en-
DE RICHELIEU. 49
- ii <li\ers desseins, vu principalement les pré-
Iriiiimis qu'il avoil eues sur la France et la condition
de son esprit, (|iii, à quelque prix que M lût, vouloit
indir aux dépens de ses voisins, et même des
deux principaux, bien qu'ils fussent plus puissants
i |ti«- lui1.
Les députés généraux de la Religion prétendue
n i..i ruée dirent qu'ils ne pouvoienl recevoir ni approu-
\<t d'eux-mêmes ce que le Roi leur faisoit l'honneur
de leur olVrir, si le duc de Rohan et la Rochelle ne
.»i. ut .
\\> dépêchèrent vers eux3; le duc ne voulut rien
r (ju'il n'eûl fait auparavant une assemblée de
eoSoques des prétendues églises du haut et du bas
guedoc «I o'eûl pas eu leur avis.
Bl ceux de la Rochelle demeurèrent en doute de ce
qu'Os dévoient faire, i cause qu'ils n'avoient pas le
boutentemenl qu'ils se promettoieul du rasement de
leur fort4.
1. I< i prend fin l'emprunt à 1' « Avis du Cardinal ».
1. Le Mercure francoi>. t \l. p. 873, prête cette réponse
potée d<- Kohan et Soubise et des « quatre villes décla-
rées de leur parti ».
D délai de vingt jours avait été accordé pour la conclu-
sion de la paix. Sur le voyage de Madiane qui, muni le
2."> juillet d'un passeport royal, vint soumettre à Castres les
conditions <1<- paix, voyez Ch. de Houflard-Madiane, Mémoires,
••s trois alinéas qui précèdent lont empruntée au Mer-
curr fntrixiis. t. \l, p. S~A, qui ajoute le détail suivant :
ce parti parlent hautement j on ne voit que les
livrets qu'ils font courir I leur avantage. » Voyez la lettre de
: iult à Béthune, 3 août : i Nous n'avons point encore de
nouvelles que ceux de la Rochelle aient accepté ou refusé les
V 4
50 MÉMOIRES [1625]
En ces entrefaites, le bruit étoit incertain de la |>;iix
ou de la continuation de la guerre, et, comme on
espère d'ordinaire ce que l'on désire le plus, l'opi-
nion la plus commune étant de la paix, le duc de
Montmorency1, qui devoit commander l'armée navale
du Roi, demeura à Fontainebleau et ne se hâta pas
d'aller en sa charge.
L'armée du Roi, composée de trente grands vais-
seaux françois et hollandois, s'étant avancée jusques
aux côtes de Poitou, où vingt-six vaisseaux olonnais
la dévoient joindre, Soubise envoya prier l'amiral des
Hollandois, nommé flaultain, de n'entreprendre point
sur lui ni sur ses vaisseaux jusques à ce que le traité
de paix fût entièrement fait ou failli, et qu'il feroit le
même envers lui.
Mantin, vice-amiral françois, qui n'aimoit pas voir
tant d'intelligence entre Haultain et Soubise, l'en dis-
suada tant qu'il put, mais en vain. Ils firent ledit
accord et se donnèrent des otages.
Mais, ceux qui manquent de foi à Dieu et à leur
prince ne la pouvant garder à des particuliers, ni à
conditions qui leur ont été portées par leurs députés; d'un
peuple tel que celui de cette communauté, il faut tenir toutes
choses douteuses » (Bibl. nat., ms. Français 3702, fol. 106 v°).
1. Henry II, duc de Montmorency et Damville, pair et ami-
ral de France, gouverneur et lieutenant général pour le Roi en
Languedoc, premier gentilhomme de sa chambre (Arch. nat.,
Y 165, fol. 249). Il avait ouvert le 12 mars les états de Langue-
doc à Béziers et séjourna à la cour de la fin de mai au début
d'août. Son départ est mentionné dans une lettre de Potier
d'Ocquerre à Espesses (Bibl. nat., ms. Français 3684, fol. 87,
6 août 1625). Voyez sur ses démêlés avec les Hollandais, Simon
du Gros, Histoire de la vie de Henry, dernier duc de Montmo-
rency, 1643, p. 79-83.
DE RICHELIEU. 51
i ii\-m. inr>. ni à leur propre bien, Soubise prit de sa
promeeoc occasion de faire à Haultain une insigne
perfidie : il se mit à la voile peu de jours après, qui
lut le 16e juillet, avec trente-neuf vaisseaux, tant petits
i|n«' grands, et, arrivanJ. i l'amiral beflandoie1, le fit
■barder par deux pataabaa jointes ensemble, qui,
étanJ pleines d'artifices de feu, consumèrent et brû-
Irivnl ledit vaisseau en moins d'un2 (juart d'heure.
Eaoltain, avec soixante des siens, se sauva à l'Kqui-
lon3. Il en voulut Etire autant à Mantin, (jui s'en garan-
tit . ^«»ul>i>( voulant se retirer après cet effet, Mantin le
suivit avec toute sa flotte quatre heures durant; mais
le vent contraire le fit retourner par le pertuis d'An-
tîoche, où il joignit les vin^t-deux vaisseaux olonnois,
t t K r- in i i la rade d'Ofoone, et Soubise à Saint-Mar-
tin-(l«'-l;«- et .1 Clifl-de-Bois4.
Haultain, restant blessé au vif de l'affront qu'il avoit
i«. ii. -. résout de faire payer à Soubise la peine de
son infidélité5.
1. Inexactitude des Mémoires qui suivent le récit du Mer-
Ce n'est pas le vaisseau de Haultain, mais celui de son
vice-amiral. Dorp, que firent sauter les brûlots de Soubise
(iiiillaudeau, Diaire, p. 291, et Ch. de la Roncière, op. cit.,
l. IN. p. V
le 19* cahier du manuscrit A. Charpentier
a Iran* rit, comme i l'ordinaire, le sommaire sur la feuille de
garde i Suit>- du pom-parler de paix avec les Rochelois inu-
iiti-. Le duc de Montmorency ga^m- la bataille navale, Ré et
I i \.|»lni^ de l'armée du ible et du duc de
Savoie ilatis I. Génois. Siège d<- Verrue. Siège de Bréda. »
i rade d'Aiguillon, à l'embouchure de la Serre uiortaiae.
v i i pointe de C2>e£»de-BoisouChef»de-BaYe limite au nord
l'avant-|M.i t ,i. |., Rochelle.
• m porté par Herbault, dans une l«ttre à
Béthune, !•■ 25 juillet 1625 « iNous espérons tout avantage de
52 MÉMOIRES [WtS\
Nonobstant toutes ces choses, on ne discontinuoit
point le pourparler de la paix1 ; on fait des allées et
des venues de part et d'autre sur ce sujet. Il importe
au service du Roi qu'on croie qu'elle soit faite, encore
qu'elle ne le soit pas, à cause que cette opinion faci-
lite, en Angleterre, l'octroi des vaisseaux qu'on leur
demande2, espérant qu'ils contenteront le Roi et ne
désobligeront point le parti huguenot, duquel il fut
dit, en plein conseil d'Angleterre, qu'ils dévoient foire
plus de compte que de l'Irlande, tant pour se faire
rechercher d'Espagne que pour affoiblir le Roi en cas
de guerre contre eux.
On est contraint d'user de merveilleux artifices pour
cela ; les Rochelois demeurent fermes à vouloir que le
fort fût présentement rasé, sans cela ils disent tout
haut qu'ils veulent faire la guerre3. On leur envoya
cet incident si la guerre continue, car lesdits Hollandois, qui
serabloient marcher trop froidement à l'égard de ceux de la
Rochelle, animés de cette surprise, ou, comme l'on peut dire,
trahison, procéderont à présent avec plus de vigueur et de
courage contre les Rochelois et ne les épargneront plus comme
frères de leur religion » (Bibl. nat., ms. Français 3702,
fol. 95).
1. Cependant, les « armes du Roi dévoient continuer leurs
progrès, sans aucurae intermission ni relâche » (Bibl. nat., ms.
Dupuy 502, fol. 143 v°, 26 juillet 1625).
2. Le 24 août 1625, le secrétaire d'État Conway annonça au
Parlement, siégeant à Oxford, que le roi de France avait con-
clu la paix avec les huguenots [The Annals of ... King Charles
the First. London, 1681, p. 109).
3. Voyez Guillaudeau, Diaire, p. 294, qui rapporte une déci-
sion des Rochelais du 8 août, selon laquelle « il falloit plutôt
faire la guerre que prendre la paix telle qu'on nous la vouloit
donner », et une lettre de l'envoyé lorrain Bréval, 23 août :
« Les Rochelois font les mauvais et semblent plutôt se porter
DE RICHELIEU. 53
>charnaud ' et Noaillan2 pour les adoucir et persua-
der au contraire. Ils demeurèrent longtemps à traiter
BOX. Sur le retardement de leur retour, on fait
I la cour divers jugements3 et tous au désavantage
du service du Roi4.
à rupture qu'à la paix. Ils demandent que le Roi retire son
armée, et déjà ceux du fort et eux se sont tiré quelques canon-
nades. »
1. Sur le voyage de Pescharnaud, « gentilhomme périgour-
diii ' . à Castres et la Rochelle, et porteur de dépêches à Rohan
SoubÎM o de la part de S. A. R. de Savoie pour les invitera
prendre part avec elle dans la guerre de Gênes », voyez Rouf-
fard-Madiam-, Mémoires, p. 100.
1 Pierre [foaillan, avocat de Montauban (1629), représentait
• ville durant les pourparlers de 1625; sur sa mission à la
Rochelle et son retour à la cour le 4 septembre 1625, voyez
une lettre d'Herbault à Bullion, 5 septembre (Arch. nat.,
KK 1362, fol. 201 v°). Consul de Montauban (1629), il pro-
nonça une harangue à l'occasion de la réception du Cardinal, le
20 août (H. Le Bret, Histoire de Montauban, t. II, p. 318).
IT les influences rivales qui s'exerçaient pour et contre la
paix avec les huguenots, voyez la lettre adressée par le Cardi-
nal, de Liraours, à Marie de Médicis, le 16 août : « Je supplie
I M. «le dire au Roi, l'avertissant qu'il lui plaise garder un
t Impénétrable, que, depuis que je suis ici, j'ai découvert
comme il y a des gens qui veulent abondamment de la guerre
contre les huguenots, sans regarder si le temps y est commode
ou non: il \ en a une cabale d'autres qui veulent embarquer le
lui à la guerre contre Espagne et à la paix avec lesdits
BOgaenoU, sans considérer si c'est le bien du Roi, oui ou non,
et ai de grands arguments de croire, pour des raisons que je ne
pais écrire, mais que je dirai au Roi et à V. M. de bouche, que
1 homme qui avertit de chez l'ambassadeur d'Espagne peut être
lié par telles gens » (Catalogue de la collection d'auto-
grahes A. Morrison).
I. I • Cardinal était alors éloigné de la cour par la maladie.
- l.i lettre <|u il écrirait, le 27 juillet, de Courances, à la
54 MÉMOIRES [1625]
Le Cardinal1, qui craint encore qu'enfin S. M. se
dégoûte de donner la paix à ses sujets, par leur trop
opiniâtre continuation en leur désobéissance2, pour
éluder la curiosité des ennemis de la paix3, conseille
d'envoyer secrètement Bellujon au-devant d'eux, pour
Reine mère : a J'ai un extrême déplaisir que mon incommodité
m'empêche d'être auprès d'elles [de Vos Majestés] pour leur
rendre le service que je leur dois plus encore par obligation
que par naissance. V. M. n'ignore pas la connoissance que j'ai
de celles qu'il lui a plu acquérir sur moi, et je confesse que,
depuis qu'il a plu au Roi me mettre en son conseil, la façon
avec laquelle il daigne se confier en moi me rend redevable en
son endroit de plus de mille vies si je les avois. J'ai un indicible
contentement de croire qu'il connoît toute la passion que j'ai à
son service, que je conserverai jusqu'au tombeau. Si je n'ai
toute la santé que je désirerois pour servir V. M., j'en porte le
premier la peine, principalement par le désir que j'en ai. V. M.
sait que deux ans en deux ans je suis toujours traînant deux ou
trois mois. Je crois que j'en aurai bien pour autant cette
fois... » (Bibl. nat., Nouvelles acquisitions françaises 5131,
fol. 75).
1. Les trois alinéas qui suivent sont empruntés à un mémoire
émanant du Cardinal et remis le 30 août 1625 par Bellujon au
maréchal de Schônberg, qui devait le soumettre au Roi. La
minute de ce document est conservée aux Affaires étrangères
(France 780, fol. 52) et a été reproduite par Avenel, t. II,
p. 117.
2. Le mémoire cité porte l'annotation marginale suivante de
la main de Richelieu : « On estime cet expédient nécessaire,
afin que S. M. ne soit pas dégoûtée de donner la paix à ses
sujets par la continuation de leur désobéissance. »
3. Du premier alinéa du mémoire, seul ce membre de phrase
a été conservé : « Ce qui semble à M. le cardinal de Richelieu
de faire, après en avoir conféré avec Bellujon, c'est qu'au cas
que Pescharnaud et Noaillan reviennent aujourd'hui et qu'ils
ne rapportent le contentement qu'on se promet de leur voyage,
que, néanmoins, on publie le contraire et que, pour éluder la
DE RICHELIEU. 55
les aller rencontrer où il pourra1; s'ils rapportent de
bornes nouvelles, revenir avec eux, ou sinon les faire
i • en autre lieu qu'en la cour, et, quant à lui,
É rire ' tous3 qu'il a lieu d'espérer tout contente-
ment pour le Roi, et cependant continuer diligemment
son voyage vers la Rochelle pour y faire le dernier
effort, assurer les Rochelois*, de la part du Conné-
table, 'lia- véritablement le Roi veut raser le fort, et,
pour les délivrer de l'appréhension qu'ils avoient qu'il
n v lut pas satisfait, leur proposer que la Reine mère
et l«s ministres, par le commandement du Roi, pro-
BMttrctent solennellement de procurer par effet auprès
(!•■ S. M. le rasement du toit dans quelque temps5.
Que, pour faciliter d'autant plus son dessein d'ame-
« peuple elVarouché à la confiance et à l'obéis-
siiict'. donnant quelque satisfaction* à Loudrières7,
miMité des ennemis de la paix, on dise qu'ils ont devancé la
venue des députés et que, assurément, ils reviennent avec le
. niitt-ntement du Roi. »
1 France 780 : « pour aller les rencontrer à Etampes jusques
à Orléans ».
1 \ rance 780 : « ou sinon il le fera évanouir et arrêter ».
France 780 : « ledit sr de Bellujon écrira à la cour ».
I France 780 : « qui consiste à assurer les Rochelois du
rasement de ce fort dans le temps que le Roi l'a limité ».
5. France 780 : « dans ledit temps ». — D'après Guillau-
deau, Di'iirc, p. 293, Goyer et Couvrelles, députés venant de
la cour, annoncèrent à la Rochelle « que le Roi nous donnoit
la paix, mais que, pour la démolition du fort, il promcttoit, sur
sa parole, de le faire démolir dedans six mois ou qu'il donne-
mit billet de le démolir dedans un an ».
90 : « quelque raisonnable satisfaction ».
7. René de Talansac, sieur de Loudrières, sénéchal de la jus-
tice à la Rochelle depakl 1607. H mourut le 3 mai 1628 (Guil-
56 MÉMOIRES [1625]
au comte de Laval1 et autres tribuns et boutefeux, il
eut pouvoir de leur assurer la distribution de qua-
rante mille livres.
Enfin, il prit pour ceux de la Rochelle de bonnes
lettres du Connétable, dont il avoit des blancs, excita-
tives à leur devoir, et pour Soubise aussi des blancs,
pour les remplir, sur les difficultés que lesdits Pes-
charnaud et Noaillan pourroient rapporter2.
laudeau, Diaire, p. 367). Sur son association avec La Ravan-
dière, explorateur du Maranhao au Brésil, voyez Ch. Bourel de
la Roncière, op. cit., t. IV, p. 361.
1. Frédéric de la Trémoïlle, comte de Benon et de Laval
(mort en février 1642 à Venise), avait quitté la cour le 12 avril
1625 pour passer aux Rochelais « soudainement et sans dire
mot à Madame sa mère et à Monsieur son frère » ; son départ
aurait été provoqué par le « refus qu'on lui avait fait de quelque
charge militaire dans la Champagne avec M. le duc d'Angou-
lême » (Correspondance de l'ambassadeur hollandais Botzelaer :
Bibl. nat., ms. Français 17940, fol. 249; voyez aussi le Jour-
nal inédit d'Arnauld d'Andilly, année 1625, p. 16). Commen-
tant cette défection, Herbault écrivait à Bullion le 15 avril :
« Vous connoissez le personnage; le parti n'en sera pas beau-
coup fortifié, car M. de la Trémoïlle, son frère, demeure en
son devoir » (Arch. nat., KK 1371, fol. 363 v°). Arrivé le
17 avril à la Rochelle, le comte de Laval déclara que «. Bellujon,
qu'on nous avoit envoyé, étoit un méchant homme et qu'il nous
tromperoit s'il pouvoit ». Durant le combat naval du 16 juillet,
il était aux côtés de Soubise, à bord de la Vierge (Guillaudeau,
Diaire, p. 292).
2. France 780 : « Il prendra de bonnes lettres à M. le Con-
nétable, dont il a des blancs, excitatives à leur devoir, et à
M. de Soubise aussi, en des blancs pour les remplir sur les dif-
ficultés que les s" de Pescharnaud et Noaillan pourront rap-
porter. » Le mémoire concluait : « Tout ceci étant communiqué
et agréé par le Roi, M. le maréchal de Schônberg y ajoutera
ou changera par l'ordre de S. M. ce qu'elle aura agréable de
lui dire et de commander au sr de Rellujon. » Le départ de Bel-
DE RICHELIEU. 57
DoiMll eet allées et remet?, le duc de Montmo-
!«Nc\ va ;i >a charge, les vaisseaux d'Angleterre
.urivcnt, on les fait équiper de matelots et soldats
feftOÇOIS, ils joignent la flotte du Roi.
I»< -s ijuils l'ont jointe, ledit duc va, le 14e septembre,
< li» relu r l'armée ennemie qui est à la Fosse-de-Loix ;
il la canonne, elle se retire a l'accul de ladite Fosse,
où, la naarée te retirant peu à peu, ils échouèrent
l« -m -s vaisseaux .
A la faveur de son armée, les sieurs de Saint-Luc,
de la Rochefoucauld, Toiras et autres descendent en
Plie de Ré et s'en rendent maitres, quelque résistance
<|u< leur puissent faire les troupes de Soubise, qui,
Injon est annoncé au Cardinal dans une lettre de Schônberg du
tout, dont nous n'avons que l'analyse (Aff. étr., France 780,
fol. 327 ▼•).
1. Le bruit courut à Fontainebleau, le 12 septembre, que la
paix allait être conclue. Voyez la dépêche de Bréval au duc de
Lorraine : i L'on tient la paix des huguenots toute résolue.
Léon 'Imputés sont retournés à la Rochelle et le Roi fait
entendre lei intentions à M. l'Amiral sur ce sujet. L'on veut
tenir encore la chose secrète; c'est pourquoi je ne saurai dire
encore à V. A. les particularités des conditions » (Bibl. nat.,
fol. .)<»7f, et la lettre d'IIerbault à Réthune du même jour :
« Milletière et Médiane qui sont à M. de Rohan sont les dépu-
tés qui sont retournés à la Rochelle; ils nous promettent d'en
j.orter contentement au Roi et que, dans le 18e ou 20e,
M. de S. >n lii->e et les Rochelois auront fait leurs soumissions;
ledit Soubise \ est tout porté, le corps de la ville de la
belle encore plus, mais cette factieuse populace ne se peut
ramener par raison, et l<- pis est «pie, par sa multitude, elle
emporte le plus toovenl les autres » (Bibl. nat., ms. Fran-
\ fol. l » v°).
ii I. combat du l'crtuis-Hntmi Ch, de la K<»n-
t. IV, p. /•()<> et suiv.
58 MÉMOIRES [1625]
durant le combat, se tenoit avec cinq ou six chevaux
derrière les bataillons pour voir quelle en seroit
l'issue.
Dès qu'il vit quelque apparence qu'elle ne seroit pas
bonne pour lui et que la victoire commençoit à incli-
ner du côté du Roi, il se retira, laissant pour gage
son épée et son chapeau, qui lui tombèrent en
fuyant1, et se retira dans une chaloupe en Oléron. Ses
vaisseaux étant échoués en la Fosse-de-Loix, la plu-
part de l'armée du Roi croyoient qu'ils étoient amor-
tis et qu'il n'y avoit point de marée, pour grande
qu'elle fût, qui les pût remettre à flot. Sur cette pen-
sée, ils prirent résolution d'aller à Ghef-de-Bois pour
l'affamer, empêchant la communication de la Rochelle
avec lui.
Mais ils furent étonnés que dès le lendemain matin2
Soubise, voyant le vent bon, s'en servit et vint avec
tous ses vaisseaux droit à eux. L'amiral du Roi ne
perd point temps et fit si bien qu'il reprit le vent sur
les rebelles.
Le combat fut âpre; les ennemis eurent du pire et
se voulurent retirer; la nuit qui survint favorisa leur
dessein; néanmoins, ils furent si vivement poursuivis
que le lendemain, au point du jour, on prit huit3 de
leurs vaisseaux.
1. Nouvel emprunt au Mercure françois, t. XI, p. 215. Ce
récit est confirmé par le témoignage de Madiane : « M. de Sou-
bise, voyant la déroute, conduit par Treslebois, eut peine de
gagner une chaloupe cachée sous une cale qui le porta à Olé-
ron » [Mémoires, p. 105).
2. Le 16 septembre.
3. Neuf bâtiments, d'après Ch. de la Roncière, op. cit.,
p. 474.
DE RICHELIEU. 59
!ii;ii.»- M I- tirant, la Vingt' et Saint-Michel tou-
cli.i. ut ci ne purent gagner Oléron, où une partie du
reste de leurs vaisseaux s étoit retirée.
On prit ledit Saint- Michel ; la Vierge se défendit et
>• l.rula avec quatre vaisseaux1 du Roi qui étoient
attaches a elle.
Haiiltain se signala en cette journée* et combattit
oooragi nsement contre sa première intention, pour
avi.ir revanche de l'injure du vaisseau que Soubise lui
avoit meeli;mim.iit brûlé, an préjudice de l'accord lait
entre ,-nx.
basalte, le tort de Saint-Martin de Ré se rendit a
composition . De la, le duc de Montmorency fit voile
en r.rouage pour chasser les rebelles de l'île d'Oléron
et du toit qu'ai y taisoient. Soubise s'enfuit avec deux
I. Le Harlem, le Saint- Louis, YOlonnoisel le Saint- François
. Histoire de la Rochelle, t. Il, p. 216). Voyez la lettre
de Rréval au duc de Lorraine, Fontainebleau, 26 septembre
« Le Roi n'a perdu en tout ce combat que M. le comte
de Vauvert, frère de M. de Ventadour, qui est mort très cou-
sement, avant accroché un grand vaisseau nommé la
!-• premier dedans; mais, comme il pensait s'en
•■ maître, le capitaine mit le feu aux poudres et le fit sau-
ter avec le reste de ses gène; étant déjà blessé d'une mousque-
tade à la ruisse, ledil ■ apitaioi- se jeta ea mer et a été repêché
• t pria prisonnier et court fortune d'être pendu si le Roi
d'avis » (Bibl. nat., NonveUea acquisitions fran-
la lettre de Rubens à Valavez, 18 octobre 1625 :
« Les BoUandoil l'attribuent [la défaite de Soubise] tout
entière a leur amiral, M Hanltain » [Correspondu m ■• , t. III,
lion du manuscrit I Le 8* septembre,
i • !• Saint-Martin de Ré. La garnison de six cent cin-
• !•»«"'• aoaeaeei .t. >ii eoaaaaandée par Saint-Jnst » (Ch. de la
K..HI ière, op. cit , t l\ , p. 476).
60 MÉMOIRES [1625]
ou trois vaisseaux en Angleterre; Mantin l'y suit,
assisté de quelques vaisseaux que Haultain com-
mandoit1.
Cette grande diversion des armes du Roi contre ses
sujets rebelles affaiblit bien celle qu'il faisoit en Italie
des armes d'Espagne2 pour faciliter le recouvrement
de la Valteline, dont ils s'étoient emparés.
L'armée du Connétable et de M. de Savoie, compo-
sée de vingt-six mille hommes3, fut, dès le mois de
mars, en campagne aux environs d'Asti; ils en par-
tirent le 9e. Le Connétable menoit l'avant-garde et le
duc de Savoie le corps de l'armée4.
Ils allèrent attaquer Acqui5, qu'ils prirent, Novi6 et
plusieurs autres petites places7 qui ne durèrent point
devant eux. Gavi8 leur fît quelque résistance et ne se
rendit que le dernier avril.
1. Soubise se réfugia dans le havre de Falraouth. Voyez plus
loin.
2. Var. : aux armes d'Espagne (manuscrit A). La première
rédaction du manuscrit portait : « contre le roi d'Espagne ».
3. Le contingent français comprenait huit mille hommes de
pied et mille chevaux (Bibl. nat., ms. Dupuy 93, fol. 11 v°). Les
renseignements qui suivent sont empruntés au Mercure fran-
çois, t. XI, p. 469 et suiv.
4. Le tiers des forces était placé sous les ordres du Conné-
table, qui aurait préféré que les opérations fussent immédiate-
ment engagées contre Savone (Ch. Dufayard, le Connétable de
Lesdiguières, p. 545).
5. Acqui, ville de la Haute-Italie, à trente-deux kilomètres
au sud d'Alexandrie, sur la rive droite de la Bormida.
6. Novi, ville de la province d'Alexandrie, sur le versant
septentrional de l'Apennin ligure. Elle fut occupée par le mar-
quis d'Huxelles et Créquy. M. de la Grange y tint garnison
jusqu'à la reprise de la place par les Génois.
7. Ovada, Rossiglione et Campo.
8. Gavi, ville de la province d'Alexandrie, à dix kilomètres
h nom h i Gi
Cependant, le duc de Savoie prit tes tnMpea, tira
<lii ooté delà rrrièredu Ponanl pour préparer le ehe-
inin au siège <lr Savone. Tout cède ;• ses armes, et,
rntrv plusieurs places, prend Piève1 et Ktage2, où il fit
ijuanlilc ilt- prisonniers et de grande qualité; il prit
lit'ulc drapeam qu'il envoya à S. M. <'t lui fareflt pré-
senté! le 21e mai3.
Les < itiiois prirent Oneuie1 sur lui; mais il les en
chassai liiriitot après.
an ml! JÎOTÎ. Sur la résistance du château de Gavi, soli-
dement fortifié par les Génois, voyez une lettre de Bullion à
Il mit, 21 avril 102."» (Aff\ étr., Turin 5, fol. 170). La ville,
OCCapéc par Ii- capitaine Meazza, avait été prise dès le 18 avril;
1<- château capitale le 20.
1. Pieve di Teco, ville de la province et à vingt et un kilo-
l'orto-M un i/io Lignrie), sur l'Arrosria, tributaire
Ife de Gènes. Piève fut pris le 11 mai par le prince de
Piémont : I)'- quatre mille hommes commandés par Girolamo
il y en a plus' de mille tués sur la place, lui prisonnier
avec cin<| ou six cents autres, et la ville de Piève s'est rendue
ensuite. » Lettre de l'envoyé de Lorraine, Bréval (Bibl. nat.,
Nouvelles acquisitions françaises 3145, fol. 251, 24 mai).
•ttaggioou Voltaggio, grosse bourgade au pied de l'Àpen-
nin, sur le Lemno, entre Gavi et Pontedecirao. Charles-Emma-
mit en déroute, le 8 avril, les troupes de Tommaso Carac-
ciulu et lit prisonnier ce dernier.
Première rédaction du manuscrit A : « et deux bâtons de
M" de camp ». Charpentier avait ajouté en interligne, au-des-
MU de > abréviation, « maréchaux », puis « maîtres ». Final. ■-
le tout a été rayé. Voyez, sur la remise de ces trophées
i par le comte de Caluno, fils du comte de Verrue, Gui-
chenon, Histoire généalogique de la royale maison de Savoie,
t I. p. S34.
1 >neglia, à quatre kilomètres à l'est de Porto-Maurizio,
sur le golfe de Gènes, acquise en 1566 par Emmanu.l-Pliili-
bert de Savoie, était passée aux Espagnols en 1614 et à Gènes
en i<
62 MÉMOIRES [1625]
Les armes du Roi ne passèrent pas jusques à Gênes,
faute de l'armée de mer qui leur devoit servir pour
avoir des vivres, laquelle fut divertie et employée
contre Soubise1. Ce retardement donna loisir à la répu-
blique d'assembler quarante galères et faire une armée
de dix mille hommes de pied, cinq mille chevaux et
quatorze canons*.
Avec cette armée, elle vint droit à Acqui, où, les
Valaisans que le duc de Savoie y avoit mis en garni-
son ne voulant point combattre, le gouverneur fut
contraint de se rendre3. Cette nouvelle fit retourner
le Connétable qui s'acheminoit vers Savone pour l'as-
1. Sur l'inactivité des onze galions de la flotte de l'amiral
Charles de Guise, en présence des forces supérieures, voyez La
Roncière, op. cit., t. IV, p. 461. Guise écrivait en juin à Bul-
lion : o Toutes mes diligences auprès du Roi sont inutiles; il
me dénie seulement ce qu'il m'avoit promis auparavant; néan-
moins, je m'en vais à Villefranche ; mais si, de votre côté, vous
ne pourvoyez à mon armement, je serai contraint de ramener
mon équipage. Si vous en avez besoin, ne me laissez pas sentir
la nécessité, car, passé ce mois, je n'ai plus de fonds et faut
payer mes gens par avance » (Aff. étr., Suisse 18, fol. 322).
2. Gênes reçut, en juin 1625, un renfort de cinq mille Napo-
litains, transporté sur les galères du marquis de Santa-Cruz;
ces troupes avaient été levées aux frais de la république génoise.
En même temps, le contingent des troupes des Pays-Bas et
d'Allemagne, commandé par Gonsalve de Cordoue, se joignit
à l'armée du duc de Feria (Claude Malingre, Histoire générale
des guerres de Piémont, Savoie, Mont ferrât (1630), t. Il,
p. 637).
3. La place était commandée par Balthasard Ambuel, bourg-
mestre de Sion (1623) et colonel au service du duc de Savoie.
Sur l'ordre donné par Charles -Emmanuel d'emprisonner
Ambuel, voyez Ed. Rott, Histoire de la représentation diploma-
tique de la France auprès des cantons suisses, t. III, p. 914.
[16551 DE RICHELIEU. 63
siéger. Bien que son innée lui inégale, il tourna tète
droit a l'année ennemie et la vouloit combattre; mais
il ta trouva logée si avantageusement qu'il se retira à
Cannes1 en Piémont.
Le duc de Feria2, en même temps, s'en alla à Nice-
de-la-hullc ; ; de là, il |>;i*s;i par Gavi, qui ne se vou-
lut pas rendre à lui, mais se rendit peu après à l;ii-
de Gênes4, puis il prit sa brisée vers Asti et se
vint loger à une canonnade de la ville à la fin de
juill.
Le Connétable, qui y étoit demeuré malade il y
;i\oil trois semaines, en sortit'1, et le sieur de Créquy
1. Ctnelli, «ircondario d'Asti, province d'Alexandrie.
_'. Mon Goraez Suarez de Figueroa, duc de Feria, gouverneur
il de l'état de Milan et capitaine général en Italie de 1618
i 1627. s«»n infanterie était commandée par Gerbellon et sa
i -i«- par Pimente! et Piccoloraini (Bibl. nat., ms. Dupuv 03,
lui. 30). Se* forces, évaluées à 20,000 fantassins et 4,000 che-
vaux, avaient été concentrées dans la région d'Alexandrie.
3. Nizza délia Paglia, aujourd'hui Nizza Monferratto, circon-
dario d'Aeqni et province d'Alexandrie.
• l \.iit duré du 13 au 24 juillet 1625; la garni-
son, | <|ui l.s Génois avaient accordé libre passage, débarqua
dans la miil <lu 2 aoàl rai Salins d'Hyères. (iouvernon, qui
COnmandail I* place, fut inculpé de trahison al mourut en
prison liil.l ni i . ms. Dupuy <).'{, f(.|. M et sniv.). Voyez
également, dans les Histoires tragiques de noslre temps (Rouen,
1641, [». 7-s;{ et suiv.), If ehapitra intitulé : « Des sieurs
Gosvêmon et (lr. ingères, gouverneurs pour la Bov en la
vilb- (!>• (i.i\i. .tu pays de Lycurgie. » En vertu d'un arrêt du
partemeal <l \ix du 14 aovemhca 1625, le cadavre de Gouver-
i fut brûlé à Toulon »i Grangères condamné au pilori et à
5. A la Ci'" . Bianca.
6. Il se retira à Moncalieri, puis a Cliaummit, « i écrivait le
64 MÉMOIRES [1625]
y entra en sa place, avec quatre mille hommes des
troupes du Roi, le 3e août1.
Il y avoit déjà six jours que l'armée ennemie éloil
campée à l'entour de la ville et se retranchoit lorsque
le sieur de Créquy y arriva.
Dès le lendemain, 4e août, il sortit de la ville du
côté des ennemis et leur fit quitter un pont2 qu'ils gar-
doient sur une petite rivière nommée la Verse, qui
passe près des murailles de ladite ville; le duc de
Feria, désespérant de la prendre, leva le siège. Pour
mettre son armée en curée, il alla assiéger Verrue3, le
long du Pô, assise sur un roc. Le château n'est qu'une
maison ancienne composée d'une tour et d'un corps
de logis sans fossés ni boulevard, et la ville et le fau-
bourg qui en est détaché ne font ensemble que qua-
rante ou cinquante feux. On délibéra si on pouvoit
défendre le faubourg; enfin le courage françois réso-
lut qu'il ne falloit pas laisser prendre l'avantage d'une
seule maison à l'armée espagnole.
Pour la facilité du secours, nos gens firent un pont
27 août au Roi : « Il ne faut plus faire état des forces de V. M.
en Italie; elles sont perdues; il n'y a plus que 3,000 hommes
qui ne sauroient durer quinze jours ; le retardement extrême
des montres, la faim, les maladiesjes accablent ; les Espagnols,
qui sont forts et qui se le rendent tous les jours, les travaillent
sans relâche » (Aff. étr., Turin 6, fol. 186).
1. Sur l'entrée de Créquy dans Asti, avec 3,000 hommes de
pied et 300 chevaux, le dimanche 3 août, voyez sa lettre du
4 août à Herbault : Aff. étr., Turin 6, fol. 92.
2. Créquy était accompagné du prince Thomas; il dispersa
la cavalerie allemande du colonel Lullo Capriata [Historia,
Genève, 1644, p. 774).
3. Verrue, à trente-huit kilomètres au nord de Turin, sur la
rive droite du Pô.
[1625] DE RICHELIEU. 65
sur le Pô entre Crescentin4 et Verrue et logèrent
leurs troupes partie deçà et partie delà le Pô.
Le siège, qui commença vers la mi-août, dura
jus<|ii<s m 17a novembre2, auquel le Connétable,
étant allé de Turin à l'armée3, où étoit arrivé un nou-
renfort de six régiments4 que Vignoles5 com-
m;uKloit, il considéra et remarqua d'un lieu haut les
fatftfl des ennemis, et, les faisant attaquer courageuse-
ment, les emporta tous en moins d'un quart d'heure;
OC «jui leur donna un tel effroi qu'ils firent mettre
fcdOte l'année en bataille pour regagner ce qu'ils
;i\oirnt perdu; mais ils furent si bien reçus et sou-
1. Crescentino, ville de la province de Novare (Piémont), à
-deux kilomètres sud-ouest de Verceil, sur la rive gauche
Sur la construction de ce pont de bateaux, voyez Capriata,
op. cit., p. 780, et lettre de Créquy au Roi, 15 août 1625 : Aff.
/•tr., Turin (>. fol. 131. La garnison fut renforcée par le régi-
ment lorrain du marquis de Saint-Reran (Guichenon, op. cit.,
t. I. p 838).
siège avait duré trois mois et dix jours.
3. Il arriva à Crescentin le 17 novembre.
i Les documents contemporains mentionnent l'arrivée de
sept régiments : Longue val, La Noue, Nubecourt, Origny,
Tavannes, Verdun et Navailles. Le 5 novembre, Bullion signa-
lait la présence de cinq de ces régiments à Ivrée, avec Vignoles,
t.iiiclis que deux autres venaient de Savoie (Aff. étr., Turin 6,
fol. 397).
5. Bertrand de Vignoles était parti pour le Piémont le 20 sep-
t'-ml.i es troupes placées sous ses ordres suivirent deux
tires : « Les uns, qui étoient en Champagne, Picardie et
Bourgogne, doivent aller en Bresse et s'embarquer sur le lac
de Genève, route que mon oncle le duc de Savoie m'a propo-
sée comme la plus courte de plusieurs journées; les autres
[tasser à Suse par la voie accoutumée. La cavalerie sui-
vra aussi cet ancien chemin, » Louis XIII à Lesdiguières :
aat., Kk 136 jo, 23 sept.u.i.r.- P
V 5
66 MÉMOIRES [1625]
tenus par les troupes du Hoi qu'ils ne purent reprendre
qu'un de leurs forts qui étoit par trop commandé1.
La nuit même les Espagnols se retirèrent et lais-
sèrent dans leur camp les morts, les blessés et une
partie du bagage2.
Cette déroute releva l'honneur des armes du Roi,
qui étoient décriées en Italie pour avoir en un long
temps fait si peu de chose qu'en quatre jours les
ennemis regagnèrent sur eux ce qu'en trois mois ils
leur avoient pris. Cette action fut si glorieuse3 qu'elle
effaça tout le blâme qu'on leur pouvoit donner. On
peut dire, avec vérité et sans vanterie, qu'elle est
due à la seule prudence et à la fermeté du courage
du Cardinal4, car le Roi étant embarqué dans les
affaires d'Italie, mais quant et quant diverti par la
rébellion des huguenots, il ne pouvoit pas facilement
maintenir ses armées en l'état auquel elles dévoient
être5. Cependant, on voyoit qu'il se formoit une nuée
1. D'après Capriata, op. cit., p. 803, cette contre-attaque fut
exécutée par les Allemands de Sultz.
2. Feria s'était retiré auparavant à Pontestura (Capriata,
op. cit., p. 786).
3. Voyez la lettre de Créquy au Roi, « du camp de Verrue »,
19 novembre 1625 : « Voilà le siège de Verrue levé et les
armées de V. M. sont maintenant aussi glorieuses en Italie que
celles d'Espagne s'y trouvent pleines de confusion » (Aff. étr.,
Turin 6, fol. 445).
4. Sur le rôle joué par le Cardinal dans l'envoi des renforts,
voyez Ch. Vialart, Histoire du ministère .. . du cardinal de Riche-
lieu, p. 138. Le 27 juillet 1625, il écrivait de Courances à la
Reine mère : « Il est besoin de faire semblant de faire un grand
préparatif pour la guerre d'Italie, afin de disposer mieux les
choses à la paix » (Bibl. nat., Nouvelles acquisitions fran-
çaises 5131, fol. 75).
5. Le chiffre des contingents que devait fournir le Roi avait
[4ftt] DE RICHELIEU. 67
d'hommes en Allemagne pour passer au Milanois et
tiiiiv cette armée de trente mille combattants pour le
s» i \ ice d'Espagne, qui, depuis, fut celle qui descendit
en Piémont et assiégea Verrue.
Le Cardinal crut qu'à cette occasion il falloit, pour
l'honneur des armes du Roi, faire un grand effort.
Il ivpivsentoit sans cesse que ce n'étoit rien de bien
commencer et d'avoir de bons desseins si on ne pré-
paroit les moyens proportionnés à cette fin; que la
guerre qui ne se fait d'un courage délibéré et avec
toutes les forces et l'industrie qui se peut n'a jamais
un heureux succès; que le défaut1 d'une résolution
po— glane faifl qu'on obtient toujours moins qu'on ne
proposé et, partant, qu'il faut que les prépara-
tifs soient toujours plus grands que ce qui semble qui
doit suffire pour ce que Ton entreprend 2 ;
Que rien n'emporte les Espagnols qu'une fermeté
continue; <|iie c'est par là qu'ils ont eu avantage sur
nous jusqu'aujourd'hui et, partant, qu'il faut faire de
nouvelles levées3 de gens de guerre pour rafraîchir
l'armée du Roi.
Il avoit beau dire, on n'y prenoit point de résolu-
été fixé par le traité de Suse, signé le 18 octobre 1624 par le
connétable et le duc de Savoie. Voyez la lettre de Bullion au
Cardinal, du 19 février 1625 (Aff. étr., Turin 5, fol. 92).
1. Pr. niière rédaction du manuscrit A : « manque ».
2. Var. : ce que l'on prétend (ms. Français 17542).
3. « L'on n'a pu affoihlir les armes de S. M. et l'on a été
obligé d'avoir recours à de nouvelles levées, lesquelles on nous
dit devoir être si diligemment faites qu'elles seront prêtes à
passer, si elles ne sont passées, dans la fin du mois prochain. »
Herbault à Créquy, 1" septembre 1625 (Arch. nat., K.K 1362,
M. 141 v).
68 MÉMOIRES [1625]
tion, soit manque de prévoyance, manque d'affection
au service du Roi ou manque d'argent * .
Enfin, il fit telle instance qu'on tira de l'armée de
Champagne2 six mille hommes et mille chevaux, qui
furent envoyés promptement en Italie sous la con-
duite du sieur de Vignoles, maréchal de camp\ et
quant et quant fut commandé de faire de nouvelles
levées4 en diligence du même nombre d'hommes, pour
remplacer les troupes qu'on avoit ôtées de ladite
armée, lesquelles on jugeoit bien devoir être assez à
temps pour s'opposer à ce qu'on voudroit entre-
prendre sur cette frontière. ,
1. Voyez le mémoire adressé de Limours, le 13 août 1625,
par le Cardinal au secrétaire d'État Potier d'Ocquerre, au sujet
des mesures de défense à prendre en Picardie contre une
attaque éventuelle des Espagnols : « Quelque intention qu'ils
aient, si on avoit fait tout ce qui avoit été prévu et que S. M.
a ordonné, on se moqueroit de toutes les alarmes que l'Es-
pagne nous veut donner. Mais en vain prévoit-on les maux
qui doivent arriver et les remèdes pour non seulement s'en
garantir, mais même de l'appréhension qu'ils peuvent donner,
si on ne les exécute en temps et lieu » (AfJT. étr., Grisons 4,
fol. 335 v°).
2. L'opposition de Louis de Marillac, prévenu de cette déci-
sion par son frère Michel, et de M. d'Angoulême empêcha fina-
lement tout prélèvement sur l'armée de Champagne, et Bas-
sorapierre nous apprend [Mémoires, éd. de la Société de
l'Histoire de France, t. III, p. 207) qu'il refusa de prendre le
commandement des renforts, composés uniquement de troupes
récemment levées.
3. Bertrand de Vignoles, né vers 1565, maréchal de camp
en 1621, lieutenant général au gouvernement de Champagne et
gouverneur de Sainte- Menehould (8 août 1626), mort à Péronne
le 5 octobre 1636.
4. « On lève par toute la France, soit pour Italie, soit pour
Picardie ». Chan vallon à Voillot, Paris, 6 septembre 1625
(Bibl. nat., Nouvelles acquisitions françaises 3145, fol. 300).
DE RICHELIEU. 69
Cette levée vint si à propos qu'aussitôt qu'elle
i in \a au siège de Verrue le Connétable s'en servit1
si heureusement qu'il en fit l'effet que nous avons dit
ei-dessus, faisant succomber les Espagnols sous le
poids des armes du Roi, démentant leur maxime
qu'il n'appartient qu'à eux d'assiéger et prendre les
s, puisqu'une méchante bicoque comme Verrue
leur a t'ait tête2.
I\ir ce moyen, le Roi fut garanti de l'opprobre
qn'eot apporté à sa réputation la foiblesse de nos
uni» > en Italie, causée par la diversion de la rébellion
de l'hérésie en France.
Si ce soulèvement de nos hérétiques empêcha que le
Kni ne s'appliquât avec tant d'affection aux affaires
d'Italie3 qu'il eût désiré, et pour son honneur et pour
1. Les régiments de Vignoles ne furent pas engagés sous
Verrue (Bassompierre, Mémoires, t. III, p. 207). L'opération
fut exécutée par « trois ou quatre mille hommes, vieux soldats,
qui a voient toujours été avec M. de Créquy devant ledit Ver-
rue ». Lettre de Chanvallon, 29 novembre 1625 (Bibl. nat.,
Iles acquisitions françaises 3145, fol. 394). Ardier
expliqua que « l'on avoit jugé à propos de laisser lesdites
troopei nouvelles dans les quartiers, craignant que, si l'on les
laisoit venir à l'armée parmi les malades, et camper deux ou
trois nuits, qui lors étoient froides et longues, ce travail n'eût
beaucoup diminué leur nombre » (Bibl. nat., ms. Français 4058,
fol. 64 ▼•).
imparez Testament politique, éd. 1689, 2* partie, p. 60 :
« Les moindres bicoques se trouvent imprenables par la fermeté
irage de ceux qui les défendent », etCh. Vialart, op. cit.,
3 : « [Les Espagnols] consommèrent devant cette bicoque
une armée de quarante mille hommes, leurs chefs y perdirent
1 li-.riiifiir, leurs armes n'en furent pas peu discréditées. »
3. Voyez la lettp <l IL-rbauIt à Bullion du 21 novembre 1625:
Bprésenttt la <•. institution des affaires présentes
de cet État, les troubles où nous sommes avec les rebelles de la
70 MÉMOIRES [1625]
le secours de ses alliés, il ne fut pas moins domma-
geable à la défense de Bréda, laquelle néanmoins le
Roi n'abandonna pas entièrement, mais bien n'eut-il
pas moyen d'y faire tout ce qu'il eût fait sans cela.
Le Roi avoit résolu avec le roi d'Angleterre d'y
envoyer Mansfeld avec ses troupes ; l'infanterie devoit
être angloise et la cavalerie françoise. Il y en eût
envoyé davantage s'il n'en eût eu de besoin contre
ses propres sujets.
Il y avoit diversité d'opinions sur le moyen qu'il fal-
loit tenir pour l'y faire passer. Le comte Maurice sol-
licitoit fort le Roi de l'y envoyer par terre et propo-
soit quatre divers chemins qu'il devoit tenir1 :
Le premier marchant dans la Flandre tout du
long de la côte jusques à Dunkerque, se rendant
religion prétendue réformée, les armées que le Roi entretient
dans le royaume par mer et par terre, celle de la Valteline, le
secours de deniers donné à M. de Savoie et à plusieurs princes
et États d'Allemagne, vous conclurez vous-même que, quand le
Roi propose d'entretenir dix-sept régiments de pied dans son
armée d'Italie, quatre autres qu'elle a résolu de faire lever,
28,000 chevaux et un attirail d'artillerie, elle entreprend, si
j'ose dire, au delà de ses forces, et que l'on ne doit prétendre
aucune augmentation de François, moins encore de Suisses »
(Arch. nat., KR 1362, fol. 377 v°).
1. Les propositions adressées par le comte Maurice à
Louis XIII ne sont connues que par les extraits qu'en donnent
les Mémoires. Elles remontent vraisemblablement à la fin de
l'année 1624 et furent peut-être apportées au Roi par le
commissaire Doublet, qui avait été annoncé au Cardinal par le
prince d'Orange le 20 décembre (Aff. étr. , France 246,
fol. 17 v°), et dont l'arrivée est mentionnée le 5 janvier par Potier
d'Ocquerre : « Le sieur Doublet est arrivé ce soir chargé de
très amples instructions » (Bibl. nat., ms. Français 3682,
fol. 68). Le manuscrit A, dans sa rédaction primitive, devait
[1625] DE RICHELIEU. 71
maître, en passant, de deux forts qui y ont été faits,
assez incapables de résistera une si puissante armée,
et toutefois si bien situes qu'étant entre les mains de
Mansl» M ils se pourraient aisément garder et donne-
raient moyen d'avoir par mer autant de vivres et
coumioclit. s qu'on voudroit, par le bénéfice du canal
appelé le Scheurken ou la Tente.
Le second faisant marcher son armée plus haut dans
la Flandre, entre les rivières de Leye1 et de l'Escaut,
ou bien vers les villes d'Ypres et Bruges, où il y a
plusieurs places ouvertes et fort riches, lesquelles,
sans aucun doute, eussent bien pressé Spinola de leur
donner une vigoureuse assistance.
Le troisième attaquant les pays d'Artois et Hainaut,
lesquels («uisistant2 en une puissante noblesse et
bonnes villes, les Espagnols eussent assurément fait
tout devoir pour ne les point abandonner et les assis-
ter promptement, de crainte d'une plus grande con-
s. -quence et du soulèvement général de ce pays-là,
glorieux et non accoutumé d'être laissé en proie aux
ennemis.
suivre de très près le mémoire du prince d'Orange, mais des
corrections importantes ont été effectuées par Sancy lors de la
ion du travail; nous signalerons les plus importantes de
ces variantes.
1. La Lys ou Leye, rivière de France et de Belgique, affluent
de l'Escaut.
remière rédaction du manuscrit A : « Lesquels, ayant fait
toujours si grande gloire de leurs privilèges et consistant en
une puissante noblesse et bonnes villes, n'eussent jamais pensé
ii •!!>• invasion et feroient tout devoir pour n'être point
Abandonnés, ains assistés promptement de crainte d'une plus
grande conséquence et combustion. >
72 MÉMOIRES [1625]
Le quatrième allant droit vers le Cambrésis et
poussant jusques à Bruxelles, là où et aux environs il
demeureroit campé, faisant contribuer Brandtschatter,
brûler et piller tout le pays sans distinction, ce qu'il
faudroit faire aussi tenant les autres trois chemins
ci-dessus spécifiés; et si, nonobstant cela, l'ennemi ne
vouloit point encore déloger de devant Bréda, qu'il
faudroit alors marcher plus avant vers les villes de
Lumen1, Thienen2, Hasselt3 et les pays circonvoisins
qu'on trouveroit abondants en fourrages4, vivres et
autres commodités pour nourrir longtemps l'armée,
joint que les deux armées se pourroient aider d'armes
et de conseil, selon les besoins qu'ils en pourroient
avoir.
Le premier chemin de Dunkerque lui sembloit le
plus sûr et profitable, pour ce qu'il étoit le plus court,
qu'il n'y falloit pas grand attirail de chariots, de che-
vaux et autres choses nécessaires pour le train d'une
grande armée; que cette entreprise se pouvoit faire,
sans crainte de résistance, en tout temps et en toutes
les marées basses, à la faveur du fort que S. M. avoit
fait faire sur la frontière près de Gravelines ; qu'on se
pouvoit aisément emparer des villes de Dunkerque,
Bourbourg et autres places voisines, lesquelles prises
tout le pays d'alentour, qui est fort riche, seroit mis
1. Localité du Limbourg belge, au nord-ouest de Hasselt.
2. Thienen ou Tirlemont, ville du Brabant méridional.
3. Dans le Limbourg belge.
4. Première rédaction du manuscrit A : « Lesquels seroient
trouvés abondants en fourrages, vivres et autres sortes de com-
modités pour nourrir un bon espace de temps ladite armée, là
où aussi ses deux armées se pourroient aider d'armes et con-
seil aux besoins. »
DE RICHELIEU. 73
m contribution; et enfin que, par le moyen de la
[irise des deux forts qui sont sur le canal, l'armée
pourrait être rafraîchie de vivres et d'autres commo-
ditt •>. suis les tirer de la France par terre, et donner
MB Espagnols prétexte de faire plainte de nous1.
Le second chemin lui sembloit aussi facile à entre-
prendre et sans beaucoup de danger; mais il craignoit
qu'il tût de peu d'effet, tant pour ce que Spinola n'au-
roit pas d'appréhension que2 les grandes villes bien
muni» s, comme elles étoient, pussent être prises si tôt
qu'il n'eût loisir de prendre Bréda auparavant, que
l«»ui ce qu'il redouteroit peu notre armée, sachant
qu'il doit bien difficile qu'en ces lieux-là elle pût
recevoir aucun secours d'Angleterre ni des Provinces-
Unies et qu'il avoit moyen d'y envoyer les troupes du
baron d'Anholt3 et les nouvelles levées faites en
1. Première rédaction du manuscrit A : « Le premier che-
min de Dunkerque lui sembloit le plus sûr et profitable, pre-
mièrement parce qu'il est le plus proche, qu'il n'y faut pas
grand attirail de chariots, de chevaux et d'autres choses néces-
saires pour le train d'une si grande armée. Que l'invasion se
i voit faire sans résistance en tout temps et à toutes les marées
basses sous la faveur du port que S. M. a fait faire sur les
limites près de Gravelines ; secondement que les villes de
DiniLerque, Bonrboon et autres places voisines pouvoient
être prises aisément, par la prise desquelles tout le pays cir-
eonvoisin, fort riche, sera mis en contribution; joint aussi que
l'armée dudit comte de Mansfeld, par la prise des deux forts
sur le canal, pourra être rafraîchie et nourrie de vivres et
d'autres commodités sans aucun reproche que les malveillants
voudraient faire à la France et à l'Angleterre. »
•- manuscrit B porte fautivemeut : « d'appréhension et
que ».
3. J< ios de Brouchorst, baron d'Anholt, rejoignit, i
la tête de renforts, l'armée commandée par Spinola, en avril
74 MÉMOIRES [1625]
Artois et en Hainaut, sans diminuer ses troupes
devant Bréda, où il seroit encore assuré de ne pou-
voir être attaqué que de l'armée des États1.
Le troisième chemin, par l'Artois et le Hainaut, lui
sembloit avoir quelque difficulté, pour ce que la plu-
part de ces villes-là sont bien fortifiées, tout le plat
pays y porteroit ses commodités, et s'y retireroit.
La noblesse y est en grand nombre et courageuse
et tout le peuple adroit aux armes, qiù, avec les
bandes d'ordonnance qui étoient déjà sur pied, s'op-
poseroient si puissamment à notre armée dès son
entrée dans le pays que difficilement s'y pourroit-
elle avancer si elle n'étoit assistée d'un bon nombre
de cavalerie françoise pour combattre celle de l'en-
nemi; et2 quand bien elle trouveroit point de résis-
1625 (Mémoires de Frédéric-Henri de Nassau, p. 30). Voyez
aussi, sur les opérations d'Anholt devant Wesel, Villermont,
Ernest de Mansfeld, t. II, p. 307.
1. Première rédaction du manuscrit A : « Le second chemin
d'entrer plus avant dans la Flandre, entre les rivières de l'Es-
caut et de la Leye, ou vers Ypres et Bruges, lui sembloit pou-
voir être aussi exécuté facilement et avec peu de danger, selon
toutes apparences; mais, craignant qu'il ne fût pas de grand
effet, d'autant que ces grandes villes étoient bien pourvues,
ladite invasion ne seroit pas tant appréhendée, étant bien dif-
ficile de secourir d'Angleterre ou des Provinces-Unies ladite
armée ; joint aussi que par cette voie le marquis de Spinola
seroit hors de toute appréhension d'être molesté ou attaqué en
son siège, sinon que par l'armée desdites Provinces-Unies, se
pouvant imaginer qu'il auroit assez de temps de s'aller oppo-
ser après la prise de Bréda, laquelle il croyoit être en grande
nécessité, pouvant en outre faire avancer les troupes du baron
d'Anholt et les nouvelles levées en Artois et Hainaut, sans
aucunement diminuer ses forces devant Bréda. »
2. Ici commence le dix-huitième cahier du manuscrit A.
Sancy a écrit sur la feuille de garde, d'une large écriture :
[1625] DE RICHELIEU. 75
tance à son passage, cette diversion ne seroit pas
assiv puissante de faire lever le siège devant Bréda*,
qur Spinola croyoit être si pressé qu'il ne pouvoit
BtCer longtemps, et que cependant l'Artois et le
I Ii i liant ne recevroient pas de dommage si considé-
rable qu'il ne réparât en peu de jours, y allant avec
toute son armée incontinent après la prise de la place.
Néanmoins, que cela n'empêcheroit pas les clameurs
du pays, qui presserait d'être secouru avec protesta-
tion contre le gouvernement étranger des Espagnols,
auxquels le siège de Bréda auroit été plus considé-
rable que leur protection; ce qui feroit peine aux
Espagnols, outre la crainte qu'ils pourroient avoir que
S. M., en cas de quelque bon succès, voulût ouverte-
<[ seconder ledit sieur de Mansfeld*.
« cahier 18e », et au-dessous Charpentier un court sommaire :
« Suite du siège de Bréda. Armée de Mansfeld et du roi de
Danemark. »
1 La première rédaction du manuscrit A, jusqu'à « avec
protestation », était ainsi conçue : « Attendu qu'il croira pou-
voir réparer ledit dommage après avoir pris cette place, et,
pouvant alors faire marcher toute son armée à l'enconlre dudit
Mansfeld, toutefois ceci n'empêcheroit point que la noblesse et
les habitants du pays, grand et petit, ne demandassent prompte
assistance au marquis de Spinola... » Sancy avait commencé à
riger la phrase qui précède : « Pour ce que Spinola croiroit
avoir assez de loisir d'aller avec toute son armée pour la
ulre et après l'avoir prise... », puis il a rayé cette phrase
et ajouté en regard la note suivante : « \ . \>. 1 mes correc-
s. » La feuille de corrections à laquelle Sancy fait allusion
n'a pas été conservée.
2. Cet alinéa était, dans la première rédaction de A, conçu
connu-' il suit : i La troisième chemin, il croyoit qu'il pourrait
sans doute causer quelque altération es villes et pays d'Artois
l linaut qui sont riches et non accoutumés d'être ainsi atta-
76 MÉMOIRES [1625]
Le quatrième chemin lui sembloit être le plus hasar-
deux, mais aussi, après le premier, le plus expédient,
pourvu que ledit Mansfeld pût être renforcé de plus
de troupes, et principalement de cavalerie, afin de
pouvoir rompre le premier effort et rencontre des
ennemis. Car toutes les villes et le plat pays seroient
en confusion, se voyant surpris d'un orage si inopiné,
et chacun, appréhendant un plus grand et général
saccagement, enverroit à foule à Spinola demander
assistance, et lui-même seroit réduit à tel point qu'il
faudroit qu'il se résolût ou d'être affamé devant
Bréda, ou de faire sa retraite entre deux puissantes
qués et délaissés à l'abandon. Mais il est à considérer que la
plupart desdites villes sont bien fortifiées à cause des guerres
passées; que ceux du plat pays chercheront de sauver leurs
biens et personnes de bonne heure ; joint que ces deux ou trois
provinces sont remplies d'une bonne et courageuse noblesse
d'habitants adroits aux armes, lesquels, avec les bandes d'or-
donnance déjà sur pied, s'opposeront à ladite armée; que ledit
sieur comte de Mansfeld pourra trouver, dès le commence-
ment, des obstacles et du retardement à avancer plus avant
dans le pays, si ce n'étoit qu'il fût renforcé de quelque bon
nombre de cavalerie pour pouvoir combattre celle de l'ennemi,
et, en tout cas, que si bien il ne trouvoit point une telle résis-
tance, qu'on pourroit penser que l'ennemi ne bougera pas
pourtant si facilement de devant Bréda, attendu qu'il croira
pouvoir réparer ledit dommage après avoir pris cette place, et
pouvant alors faire marcher toute son armée à l'encontre dudit
Mansfeld; toutefois ceci n'empêcheroit point que la noblesse et
les habitants du pays, grand et petit, ne demandassent prompte
assistance du marquis de Spinola, avec protestation contre le
gouvernement étranger des Espagnols, voyant que le siège de
Bréda leur étoit plus considérable que leur protection, outre
la crainte qu'ils pouvoient avoir que S. M., ouvertement, en
cas de quelque bons succès, voulût seconder ledit comte de
Mansfeld. »
DE RICHELIEU. 77
armées ennemies, non sans danger de grands accidents,
son année étant fort affaiblie et matée par les incom-
modités d'un si long siège1;
Que, pour exécuter cela, il étoit besoin d'user de
diligence et de secret et d'une correspondance par-
laite avec l'armée hollandoise, afin que toute l'affaire
lut conduite d'un même esprit et n'eût qu'un même
MMraement, et qu'assurément cet exploit se feroit
putation et fruit si les affaires du Roi pouvoient
porter qu'il voulût fortifier les troupes de Mansfeld de
mille chevaux françois2, ou au moins envoyer quelque
galerie et infanterie sur les frontières, loin du lieu
par où ledit Mansfeld devroit faire entrer dans le pays,
atin «le faire diviser les forces de l'ennemi par incerti-
Ulde et jalousie3.
1. La version primitive de A était : « Réduit en tels termes
qu'il seroit contraint de choisir l'un de ces deux partis ou de
venir affamé devant Bréda, ou de chercher sa retraite entre
deux puissantes armées, non sans danger de grands accidents,
son armée «'-tant si affaiblie et matée par les grands inconvé-
audit siège. »
l Var. : les troupes de Mansfeld de François (ms. Fran-
çais 17542).
ir. : incertitudes et jalousie (ras. B). Le texte de cet ali-
• li<m primitive do A, était le suivant : a Et
<as que S. M. voulût choisir ce dernier chemin, il seroit
nécessaire que cela fût tenu fort secret, dextrement conduit et
t exécuté, sans perdre aucun temps, et S. E. dispo-
sera en cela toutes ses affaires et pouvoirs, afin que tout soit
fait et exécuté d'un bon jugement et correspondance de temps
eu t.iiips. Il assure S. M. que cet exploit se feroit avec réputa-
tion « t huit, si l.s .iHairc poti\ oient porter qu'elle renforçât
les troupes de Mansicld ; si elle ne vouloit employer en cela sa
cavalei i re, au moins qu'il lui plût faire assembler un
s de sa cavalerie et quelquuns de ses régiments sur les iron-
78 MÉMOIRES [1625]
Cet avis des Hollandois étoit bon pour leur État,
mais préjudiciable au Roi, pour ce qu'il ne pouvoit
être exécuté sans rompre avec le roi d'Espagne,
puisque cette armée, en partie composée de François,
fût partie de France pour entrer en ses États et les
ravager1.
C'est pourquoi le Cardinal proposa à S. M. qu'il
étoit expédient de faire passer cette armée dans des
tières, loin de la place où ledit Mansfeld devroit faire son inva-
sion, afin de distraire et diviser les forces de l'ennemi par
incertitude et jalousie. »
1. La décision prise par le Roi rencontra une vive résistance
auprès de la cour d'Angleterre, d'abord hostile à l'expédition
de Bréda. On allégua tout d'abord pour la justifier la faute
commise par l'envoyé hollandais en France : « M. de la Ville-
aux-Clercs se souviendra, en écrivant en Angleterre, de man-
der que la résolution que le Roi a prise de ne laisser point pas-
ser le Mansfeld en France vient principalement de la faute
qu'a faite le commissaire Doublet, envoyé par le prince
d'Orange, d'avertir l'ambassadeur de Flandre de tous les lieux
par où il pouvoit passer. Ce qui fait que les ennemis l'attendent
sur tous ces passages avec tant de préparatifs que, probable-
ment, ils lui donneroient beaucoup d'affaires et le contrain-
droient même de hasarder un combat qui seroit cause que le
retardement rendroit enfin le dessein infructueux, ce qu'il faut
éviter, puisqu'il le peut en prenant une autre route » (Mémoire
touchant le passage du comte de Mansfeld : Bibl. nat., ms.
Brienne 48, fol. 215). Dans une lettre adressée le 21 janvier à
M. d'Effiat, le Roi déclarait ne pouvoir s'exposer à « l'incerti-
tude d'un combat dont l'événement désavantageux rejetteroit
les vaincus et les vainqueurs en mes Etats » (Bibl. nat., ms.
Baluze 154, fol. 19); répondant, le 8 février, aux plaintes de
Buckingham, il ajoutait dans une lettre au même : « Je ne
désavoue point le commandement; je l'ai fait et dû faire, car,
Mansfeld devant avoir la liberté d'aller par où il seroit plus
expédient, je n'ai dû souffrir qu'on le contraignît à passer où
indubitablement il auroit à combattre, ce qui ne lui pourroit
[1625] DE RICHELIEU. 79
\ en Hollande; ce qui fut exécuté dès le mois
de mars. Son infanterie fit sa descente près de Lan-
gnestrate1, au-dessus de Gertruydenberg2, et partie
• Je la cavalerie françoise s'embarqua en cinquante-deux
eaux le 7* mars, et le reste3 en cinquante-cinq le
13e, qui furent jetés en divers havres de Hollande et
d«- /«lande4.
Toute son infanterie consistoit en treize mille Anglois,
mille Allemands, et sa cavalerie en deux mille Fran-
. deux cents Anglois et trois cents Allemands5.
Ed avril, le comte Maurice mourut6 après avoir
qu'être désavantageux, n'ayant que des troupes nouvelles, sans
discipline et sans ordre et sans connoissance les unes des autres »
in. fol. 52).
1 l.angstraat, région de la province du Nord-Brabant, à
l'est de Geertruydenberg (Pays-Bas).
2. (ieertruydenberg, ville de la province du Nord-Brabant,
à quatorze kilomètres nord-est de Bréda, sur la rive méridio-
lu Biebosch.
•s renseignements sont empruntés au Mercure françois,
t. M. p. «06.
4. Sur l'embarquement de ces troupes à Calais, voyez une
lettre de Villars, qui avait été chargé de diriger l'opération,
rdinal, 14 renier 1625 (Aff. étr., France 1675, fol 122).
Ce contingent de cavalerie était commandé par Christian de
Brunswick, évéque d'Halberstadt. Les instructions données à
Villar». .i la fin de décembre 1624, ont été publiées par Avenei,
t. Il, p. 58.
née de Mansfeld était concentrée au camp de Sprang,
(if.rtnivdenberg et Bois-le-Duc. Voyez Mercure fran-
çois, t. XI, p. 808, qui donne les chiffres reproduits par les
Mémoire*.
6. Le comte Maurice mourut à la Haye le 23 avril 1625 {Mer-
cure françois, t. XI, p. 418-419). Le Boi dépécha en Hollande
.i * .tu- occasion M. de la Fores t (Bibl. nat., ins. Français 3683,
25).
80 MÉMOIRES [1625]
tenté une entreprise sur Anvers1, qui étoit infaillible
si on eût eu le courage de la poursuivre comme il
falloit. Ce déplaisir lui avança ses jours.
Les États firent héritier de ses charges son frère
Henri2, qui partit le second jour de mai avec leur
armée pour aller faire le dernier effort de secourir
Bréda, plus pour satisfaire au désir des États que pour
espérance qu'il eût d'en venir à bout.
Le lendemain, Mansfeld partit avec la sienne. Le
prince d'Orange attaqua un des forts du marquis de
Spinola; mais, en étant repoussé, il retourna dans ses
retranchements et manda aux assiégés la mort du
comte Maurice, son frère, l'attaque qu'il avoit faite en
vain, pensant les secourir, le peu d'espérance qui lui
restoit de le pouvoir faire, et partant qu'ils fissent le
mieux qu'ils pourroient.
Ils ne voulurent néanmoins penser à capituler3
qu'ils n'en eussent auparavant un ordre signé de lui,
lequel il leur envoya incontinent, leur mandant qu'ils
eussent à se rendre sans attendre davantage et qu'ils
n'avoient pas seulement à répondre de la place, mais
encore de leurs personnes et des soldats qui leur
avoient été donnés. Suivant ce commandement, ils
capitulèrent et la ville fut rendue le 25e ensuivant4.
1. Le 12 octobre 1624.
2. Henri de Nassau, prince d'Orange, né à Delftle 28 février
1584, mort le 14 mars 1647. Il avait épousé la fille de Jean-
Albert, comte de Solers, et exerçait la charge de général de la
cavalerie. Ses Mémoires ont été publiés en 1733 par Beau-
sobre.
3. La place était commandée par le comte Justin de Nassau.
4. La capitulation de Bréda fut signée le 25 mai, et la sortie
de la garnison eut lieu le 5 juin. Sur la mésintelligence qui
DE RICHELIEU. 81
Mtnsfeid ayant perdu de maladie la plupart de son
inltiit» rie ungloisc, les François aussi se débandant,
. t t ut chacun revenu en France par où il avoit pu, il
reprit le chemin du Rhin avec ce qui lui restoit de
troupes et cinq mille lansquenets qui lui arrivèrent de
renfort, et rentra en la Westphalie1 pour aller joindre
le roi de Danemark, qui, ayant été8, par le cercle de
la l'.asse-Saxe, dont il est membre à cause de son
taché de llolstein, élu capitaine général, avoit fait une
iode année, cl * toit lors campée sur le Weser, où
régnait entre Mansfeld et les Hollandais, voyez la lettre de
Potier d'Ocquerre à Espésses, du 23 juin 1625 : « Je m'étonne
de l'envie et du peu de satisfaction que l'on a donné au comte
Mansfeld après l'avoir attiré à un secours imaginaire de Bréda,
car l'on jugeoit bien dès lors l'événement; cependant, ce pas-
sage nous a fait une très grande dépense et causé à lui la ruine
iei troupes, outre des plaintes continuelles de la part d'An-
terre, de Venise et Savoie, qui l'avoient destiné ailleurs
pour agir plus utilement » (Bibl. nat., ms. Français 3684,
fol. 23).
1 . \ oyez la lettre de Mansfeld au Cardinal, 12 octobre 1625 :
« Je sais que le bruit que l'on a fait courir de notre foiblesse
aura été épandu à la Cour; mais l'expérience qu'on a faite ces
jours passés que nous avons commencé à marcher en deçà du
Khin témoignera que nous ne sommes diminués de tant qu'on
le crovoit » (Aff. étr., Danemark 1, fol. 51).
I première version de A précisait : « dès le mois de mai
Les intentions du Roi seront exposées dans une lettre
adressée, le 15 septembre, à l'ambassadeur à Venise, Aligre :
• Il importe au bénéfice commun de tous les princes collègues
d'empêcher que les princes protestants succombent à la maison
(1 \iitrn h» . Il u y a jusques à présent que le roi de Danemark,
qui, avec son armée, les a fait subsister, mais il ne pourra leur
continuer son assistance pour leur conservation, s'il n'est
secouru des forces du comte de Mansfeld pour s'opposer à
TilU A., h. nat., KK 1362, fol. 203).
v 0
82 MÉMOIRES [16251
Tilly d'un côté, avec l'armée de la ligue catholique, et
Friedland1 de l'autre, avec ses troupes, s'étoient venus
opposer à lui.
Tandis2 que Bréda se défend et est réduit à l'extré-
mité de se rendre, le marquis de Cœuvres en la Val-
teline et es comtés de Ghiavenne et de Bormio, ayant
pris tous les forts3, assiège celui de Rive4, qui seul
restoit en la puissance des ennemis.
Le Pape, voyant5 que les Espagnols n'avoient pas
de forces suffisantes pour résister audit marquis, se
résout d'envoyer le cardinal Barberin6, son neveu,
légat en France, pour se plaindre du tort qu'il préten-
doit lui avoir été fait en la prise des forts qui avoient
été déposés entre ses mains, en demander la restitu-
1. Manuscrit B : « Foriland ». Albert-Wenzel-Eusèbe de
Wallenstein, duc de Friedland, avait été nommé le 9 juin 1625
général en chef des armées impériales et avait établi son quar-
tier général à Éger.
2. Ici commence le dix-neuvième cahier du manuscrit A,
Sont voici le sommaire (fol. 169), de la main de Charpentier :
a Arrivée de M. le Légat à Paris. Celle de Buckingham. Ses
propositions et l'avis du Cardinal sur icelles. Départ de
Madame. Négociation de M. le Légat. »
3. La prise de Chiavenna (9 mars) avait été suivie de celle de
Codera (1er avril).
4. Riva di Chiavenna était tenue par une garnison espagnole.
Devant la résistance opposée par les défenseurs, le marquis de
Cœuvres dut renoncer à enlever la place (juin .1625). Voyez
E. Rott, Histoire de la représentation diplomatique de la France
auprès des cantons suisses, 1906, t. III, p. 904.
5. Première version du manuscrit A : a connut ».
6. François Barberini (1597-1679), cardinal, secrétaire
d'État (octobre 1623), légat a latere en France (avril-septembre
1625) et en Espagne (1626), vice-chancelier de l'Église, évêque
d'Ostie et de Velletri.
[1625] DE RICHELIEU. 83
lion et faire instance particulière que la souveraineté
de la Yalh'lim' lut otée aux Grisons1.
Le Roi, ayant eu avis de sa résolution2, commanda
au sieur de Béthune d'en empêcher l'exécution, attendu
qu'elle n'alloit qu'à la diminution de sa gloire et au
dommage de ses alliés3.
Il travailla en vain. Le légat part de Rome*, arrive
à Paris le 21" mai, où il est reçu avec toutes les
magnificences dues à sa qualité3, dit à Fontainebleau
la messe6 à la mi-août, où il communia le Roi et les
1. Comparez Mercure françois, t. XI, p. 184, d'où ce pas-
sage est tiré.
2. Klle fut annoncée, en consistoire, par Urbain VIII, le
19 février 1625 (Aff. étr., Rome 36, fol. 102, Béthune à Her-
bault .
3. L'ambassadeur avait pour mission d a éluder » la nomi-
nation du légat et de demander que les négociations fussent pour-
<«uivies directement avec le pape à Rome (Aff. étr., Rome 36,
fol. 125, Béthune à Herbault, 24 février 1625).
4. Il s'embarque à Cività-Vecchia le 22 mars (Aff. étr.,
Rome 36, fol. 188). A son passage à Gènes il fit proposer par
le dataire de la légation, G.-B. Pamphilio, une suspension
d'armes entre cette ville et le duc de Savoie : Bullion à Her-
bault, 9 avril 1625 (Aff. étr., Turin 5, fol. 180).
5. Sur l'entrée du légat à Paris, voyez Mercure françois,
t XI, p. 625, et Journal inédit d'Arnauld d'Andilly, p. 27. Il
fut r< (,u en audience publique par le Roi le 27 mai, a à trois
heures du soir » : Herbault à Aligre, 30 mai 1625 (Arch. nat.,
KK 1361, M. 315 y").
6. Ces détails sont empruntés au Mercure françois, t. XI,
p. 851. Voyez également le P. Dan, le Trésor des merveilles de
la maison royale de Fontainebleau, p. 305 : « Durant cette
messe, les chantres de la chapelle du Roi, avec la musique de
sa chambre et des Reines, composant divers chœurs, se firent
admirer. > Le légat était logé au château, a en un très beau
dép.i », tout proche de ceux du Bol 0t de la Reiii'-,
84 MÉMOIRES [1625]
Reines; le 19e, dîne avec S. M.1, aux dépens de
laquelle il fut toujours traité et défrayé, lui et sa suite,
avec une dépense convenable à la grandeur de cet État.
A peine le légat étoit-il arrivé que Buckingham, qui
avoit été favori du roi Jacques d'Angleterre et, par
une fortune peu ordinaire, l'étoit encore du roi son
fils2, vint le 24e mai en France, son ambassadeur
extraordinaire, sous couleur de témoigner la joie du
roi son maître sur le sujet de son mariage, mais en
effet pour deux autres fins3.
« à savoir entre l'un des pavillons et le grand escalier de la
cour du donjon, département qui ne se donne point qu'à
quelque souverain ou à quelque prince du sang ».
1. Une relation du repas est donnée par le manuscrit de la
Bibliothèque nationale Brienne 269, fol. 265 : L'ordre de l'as-
siette au festin royal fait à Fontainebleau le 19 août 1625 :
« On avoit dressé [dans la grande salle du bal], au-devant de
la cheminée et sur le haut dais qui est élevé de trois degrés,
une longue table avec deux couverts d'un même côté, l'un
pour le Boi, l'autre pour M. le Légat. »
2. Emprunt au Mercure françois, t. XI, p. 365; Buckingham
était descendu à l'hôtel du duc de Chevreuse, rue Saint-Nico-
las-du-Louvre, « le plus richement meublé qui soit à présent
en France ».
3. Avec ce paragraphe commence un long emprunt à la
« Belation de ce qui s'est passé avec le duc de Buckingham »
(Aff. étr., Angleterre 33, fol. 155-159). Ce dernier document
est un exposé, au style direct, fait par le Cardinal, de la part
qu'il avait prise aux pourparlers engagés avec l'envoyé du roi
Charles ; il porte des corrections de forme faites par Charpen-
tier en vue de son entrée dans les Mémoires. Nous possédons
en outre un « Avis sur les propositions du duc de Buckin-
gham » (Angleterre 33, fol. 221-222), adressé par le Cardinal
au Boi, au cours même de la négociation; il présente certaines
analogies avec la relation, composée ultérieurement et insérée
dans les Mémoires, et porte en tête de la première page la
mention a employé ».
[1625] DE RICHELIEU. 85
première pour empêcher la paix entre nous et
e, dont la venue1 du légat leur donnoit appré-
hension;
La seconde pour avancer le dessein que les Anglois
avoient toujours eu, depuis la perte du Palatinat, de
(tire une ligue offensive2 avec nous3.
Il ri 'ou Nia rien de ce qui se pouvoit imaginer pour
l'effet qu'il désiroit; mais le Roi ne fut pas conseillé
de se relâcher ni en l'un ni en l'autre, n'y ayant appa-
n n< <• de faire une ligue offensive et défensive, ni à se
lier les mains pour ne pas faire la paix*.
On lui fit connoitre que l'on vouloit bien promou-
voir la restitution du Palatinat, mais qu'il n'étoit pas
raisonnable »!e nous y engager jusques à ce point de
I i 4 ue offensive et défensive 5 ;
1. Angleterre 33 : « l'arrivée du légat ».
2. Angleterre 33 : « une ligue offensive et défensive ».
3. L'ordre des deux paragraphes qui précèdent était inverse
dans la relation originale.
ngleterre 33 : a ne faire pas la paix ». Le long fragment
qui va suivre ne figurait pas dans la relation originale; il
i représenté que par une phrase unique : a On lui fit con-
noitre que la ligue offensive étoit préjudiciable aux deux cou-
ronnes. » Il a été introduit dans le manuscrit A, conformément
indication marginale, de la main de Charpentier, portée
mu l.i relation : « 11 faudra insérer les raisons. »
irez la lettre de Richelieu à d'Effiat, 20 mai 1625 :
« urs les ambassadeurs ne pénètrent pas bien nos des-
sins, car je ne vois point d'apparence à faire la ligue qu'ils
nt [»ar l'avis qu'ils donnent. Pour la défensive, on la
renouvellera volontiers si l'on veut. M.ii-* \<>us itvti l>ien ce
s ai mandé de l'offensive, ce que je vous confirme
encore, nul de nous n'estimant que nous le devons faire. J'ai
parlé doucement à Goring sur ce sujet, lui disant qu'on ne pren-
drait aucune résolution définitive sur ce sujet qu'à votre retour.
Mais cependant que je prévoyois beaucoup de difficultés en
86 MÉMOIRES [1625]
Que trois sortes d'intérêts doivent joindre et pous-
ser ceux qui pensoient à rétablir le Palatin ;
Que le premier étoit de ceux qui perdent leurs
États, et sont intéressés en cette affaire pour intérêt
utile ;
Le second étoit de ceux à qui c'est honte de souf-
frir l'injure qui est faite au prince dépouillé, qui sont
intéressés en son rétablissement par intérêt d'hon-
neur;
Le troisième étoit un intérêt plus général, qui est
de tous ceux qui doivent désirer que les affaires de la
chrétienté soient en balance, une puissance n'étant
pas si grande qu'elle puisse engloutir les autres, et
cet intérêt est d'État et concerne tous les princes.
Que le roi d'Angleterre se devoit porter en cette
affaire, pour la considération de ces trois intérêts ' :
Par celle du premier, puisque c'étoit son frère, qui
étoit un autre soi-même, qui étoit dépouillé ;
Par celle du second, puisqu'à proprement parler il
cette affaire qui peut-être ne se trouveroit pas utile pour les
uns et pour les autres, pour beaucoup de raisons que je vous
dirai au long. L'intérêt qui fait désirer à l'Angleterre cette
ligue est l'affaire du Palatinat, sur laquelle il pourra bien être
qu'ils obtiendront quelque continuation de payement de Mans-
feld, outre les sept mois arrêtés; si cela arrive, ils auroient
tout l'avantage qu'ils peuvent espérer d'une ligue, et nous ne
serions point au hasard les uns et les autres de recevoir le mal
qui nous en peut arriver par une contre-ligue, que le Pape,
l'Espagne et plusieurs autres princes, sous prétexte de religion,
feroient ensemble. En ce cas, ils nous feroient passer à Rome
et partout pour hérétiques, ce que nous voulons et devons évi-
ter » (Aff. étr., Angleterre 33, fol. 147).
1. Sancy a corrigé dans les trois alinéas qui précèdent les
verbes demeurés au présent dans le manuscrit B.
[1625] • DE RICHELIEU. 87
ne touchoit que lui, en tant qu'il «toit le seul proche
du Palatin dépouillé qui eût puissance de le
remettre;
lai celle du troisième, puisqu'il étoit commun à
t«>us les princes; que la France n'y avoit que ce der-
nier intérêt d'État, et étoit par conséquent moins
obligée à y contribuer que l'Angleterre.
De plus, on lui représenta que ladite ligue seroit
préjudiciable aux deux couronnes, parce que de là on
donnerait lieu à tous les princes catholiques d'Alle-
in la n- de s'unir avec le roi d'Espagne, et faire une
ligne catholique, qui, sous prétexte de procurer l'avan-
f de la religion, n'aurait autre effet que la grandeur
d'BapagM I la ruine de la chrétien! :
nue1 l'on n'espérait point la paix avec l'Espagne2,
m lis qu'il n'etoit pas raisonnable de s'engager à ne la
taire pas.
De la il descendit a des propositions plus douces en
apparence, disant qu'il ne vouloit plus parler du nom
df ligne, mais désiroit qu'il se passât quelque chose
entre lei deux couronnes qui eût le même effet;
Qu'il sembloit au moins raisonnable de joindre
l'affaire du Palatinat avec celles de la Valteline et de
Gènes, en sorte que l'on ne terminât point l'une par
accord, que par la même voie on n'eût satisfaction
pour les autres.
On lui dit franchement que ces propositions ne
pouvoi. -ut être reçues; que retrancher le nom de
ne et en retenir la substance ne remédioit pas aux
1. Ici reprend l'emprunt à la relation du volume Angle-
2. Ces trois derniers mots manquent dans Angleterre 33.
88 MÉMOIRES [1625]
inconvénients susdits, vu que les noms ne changent
point la nature des choses ;
Qu'au reste, il n'étoit pas raisonnable de joindre les
affaires d'Allemagne avec celles d'Italie, puisque les
unes étoient quasi finies et que les autres étoient
encore à commencer, et que le Roi ne le pouvoit faire,
vu qu'es affaires d'Italie, il avoit Venise et Savoie pour
collègues, qui, s'étant unis à lui par intérêt qu'ils y
avoient, ne voudroient pas faire le même pour le
Palatinat où ils n'en ont point.
Après cela, il proposoit de faire la paix avec les
huguenots, pour faire plus fortement la guerre à
l'Espagne.
On lui représenta que le Roi désiroit passionnément
le repos de son royaume, mais que l'intérêt du roi
son maître le devoit empêcher d'en parler, nul prince
ne devant assister, même de paroles, les sujets rebelles
d'un autre ;
Que si cette maxime générale étoit vraie, moins
devroit-on aider les huguenots, pour le genre parti-
culier de leur rébellion, faite en une occasion où ils
dévoient épandre jusqu'à la dernière goutte de leur
sang, puisqu'il s'agissoit non seulement de l'abaisse-
ment des étrangers, qui sont particulièrement leurs
ennemis, mais en outre de rendre la liberté à nos con-
fédérés, qui sont particulièrement leurs amis communs,
professant une même créance4.
Il reçut fort bien ces raisons et n'insista pas davan-
tage2. Mais, pour nous porter à ce qu'il désiroit, plus
1. Angleterre 33 : « qui sont particulièrement de leurs amis
comme professant une même créance ».
2. Angleterre 33 : « pas davantage ouvertement ». C'est à
[If.. DE RICHELIEU. 89
par intérêt que par persuasion, il fit entendre que,
la Fiance n'agréant pas ces propositions, le roi son
maître seroit contraint de rechercher l'amitié d'Es-
gM » I procurer la restitution du l'alatinat par traité;
m lieu qu'au contraire si on y condescendoit, il enver-
rait la Botte qu'il avoit préparée de cent voiles des-
cendre en Espagne, brûler tous les vaisseaux qui
oienl dans les ports, se saisir de Cadix, faire des-
ulre une armée de 15,000 Anglois en Flandres,
pourvu qu'il plût au Roi y joindre 6,000 chevaux;
que cette armée, jointe à celle de Mansfeld, con-
querroit l'Artois; qu'il consentoit que le Roi le prit
pour lui, etc.
A cela on répondit que c'étoit à eux de considérer
si le bien de leurs affaires requéroit qu'ils envoyassent
leur flotte en Espagne, et lissent descendre une armée
.h Flandres; que le Roi leur conseilloit de bien penser,
devant que l'entreprendre, si par ce moyen ils pour-
raient ravoir le Palatinat; que, s'ils pouvoient faire
le même effet par traité, il leur conseilloit de
prendre cette dernière voie, préférable à toute
mitre;
Que, pour l'offre qu'ils lui faisoient de la conquête
cette seconde phase des négociations que se rapporte 1' « Avis »
du Cardinal déjà cité : a Sur ce que M. de Ruckingham a fait
entendre ta K<>i que le roi de la Grande-Bretagne, son frère,
de remettre le Prince Palatin en Allemagne, a proposé
a cette fin un armement de cent voiles, Leqsd il test envoyer
I IBlgTMl prendre les ports, brûler les vaisseaux, après s'en
être premièrement servi à traiter une armée de quinze mille
hommes en Flandres pour secourir Bréda, pour de là entrer
au l'al.itinat ou faire autre action convenable à la restitution
•1 h .lui. »
90 MÉMOIRES [1625]
d'Artois, il les pouvoit assurer qu'au mariage qui
s'étoit fait, il n'avoit désiré faire autre acquêt que l'al-
liance et l'amitié du roi son frère; qu'il n'avoit pas
pris les armes en Italie et aux Grisons pour y faire
aucune conquête, mais seulement pour délivrer ses
alliés de l'oppression et leur rendre la liberté; mais
que si le roi son frère, après avoir tenté les voies de
douceur, ne pouvoit ravoir le Palatinat, S. M., qui
àffectionnoit ses intérêts comme les siens propres, ver-
roit quelle aide elle lui pourroit donner.
Ce fut sur ce point que S. M., par une ferme et
et forte délibération avec son Conseil, eut à prendre
une résolution définitive pour ce qui est du bien de la
chrétienté. Il y eut diversité d'opinions; les uns
furent d'avis qu'il falloit refuser toutes les offres des
Anglois, de peur qu'ils n'empêchassent la paix qu'on
vouloit faire avec Espagne et n'embarquassent le Roi
à la guerre. Ils alléguoient que la dépense de la cavale-
rie seroit très grande, que le Roi en faisoit déjà beau-
coup sans s'engager davantage, et plusieurs autres
considérations. En ces pensées, ils passèrent jusques à
ce point de croire qu'il valoit mieux que les Anglois
s'en allassent mécontents que de leur laisser aucune
espérance.
Le Cardinal, désirant la paix autant qu'eux, ne
put néanmoins être de leur avis, et n'estimoit pas
que la voie qu'ils prenoient fût propre à mener à une
telle fin; ains au contraire, le Roi lui commandant
de proposer ses raisons, il dit * qu'en cette affaire il y
1. Comparez le passage correspondant de la relation Angle-
terre 33 : « Je confesse que, désirant la paix autant qu'eux, je
[1625] DE RICHELIEU. 91
avoit troifl choses à désirer et une principale à éviter;
Que les trois qu'on devoit désirer étoient de demeu-
ivr en bonne intelligence avec les Anglois, de les
embarquer à la guerre avec les Espagnols, et conser-
ver en pleine liberté de faire la paix entre nous et les-
dits Espagnols1 ;
Que la première étoit nécessaire2, parce qu'en vain
aurions-nous contracté alliance entre la France et
l'Angleterre, si ces deux couronnes ne demeuroient
en «tat d'en tirer quelque profit mutuel; que si nous
nous séparions mal, on nous accuseroit d'une légèreté
bien inconsidérée, de laquelle nous pourrions bien
nous ressentir les premiers, en ce qu'il leur étoit aisé
ster les huguenots, dont le Roi vouloit châtier la
rébellion, et qu'il étoit croyable qu'ils le feroient, au
moins sous main, lorsque, n'ayant rien à espérer de
nous, ils penseroient ne gagner pas peu en nous lais-
sant cette épine au pied.
ne pus néanmoins être de leur avis et n'estimai pas que la voie
qu'ils prenoient fût propre à mener à une telle fin. Ainsi, au
contraire, le Roi me commandant de proposer mes raisons, je
dis... »
1. Comparez la note suivante, qui figurait au bas de 1' « Avis
sur les propositions de M. le duc de Buekingham » et a été
biffée : « Et à mon avis qu'en ce point la vraie prudence et
toutes sortes de raisons doivent porter le Roi à faire la paix
entre lui et 1 Kspagne pour ce qui est de l'Italie, et laisser la
guerre entre les protestants d'Allemagne et les Anglois joints
utile avec l'Espagne, ce qui montre bien que par raison
; il faut demeurer avec les Allemands et Anglois une liai-
son suffisante à les engager à la guerre sans se déclarer ici
■eue. »
2. Angleterre 33 : « Je représenterai que nous devons dési-
rer la première, parce qu'en vain... »
92 MÉMOIRES [1625]
La seconde, parce que, si nous avions la guerre avec
Espagne, celle qu'y auroient les Anglois empêcheroit
que nous aurions l'effort de toute leur puissance sur
les bras, et les contraindroit de diviser leurs forces
déjà occupées en divers lieux.
Si aussi nous faisions la paix avec, eux, la même
chose nous étoit nécessaire, afin que l'occupation qu'ils
auroient ailleurs les obligeât à garder les conditions
qu'ils auroient arrêtées avec nous; ce qu'autrement ils
ne feroient pas.
La troisième, parce que rien ne devoit nous empê-
cher de retirer, par une paix honorable et glorieuse, le
fruit des armes du Roi qui, jusques alors, avoient été
victorieuses en Italie; ce qui faisoit qu'on n'eût pu
prendre un temps plus commode de se retirer sur son
avantage, vu principalement que la Valteline, qui étoit
le sujet du différend, étoit reconquise.
Il ajouta1 que celle qu'il falloit éviter étoit d'entrer
ouvertement en cause pour raison des affaires d'Alle-
magne, parce que, si on faisoit autrement, il seroit à
craindre que cela empêchât qu'on ne pût faire la paix
pour l'Italie séparément ;
Qu'on romproit tout à fait avec la ligue catholique
d'Allemagne, avec laquelle (bien qu'il fût bien difficile
de demeurer en bonne intelligence en assistant sous
main l'Angleterre contre eux), si est-ce toutefois qu'en
ne faisant pas davantage on ne seroit pas hors d'état
de réconciliation, ni privé du moyen de se rendre
arbitre amiable de leur différend.
1. Angleterre 33 : « j'ajoutai ».
DE RICHELIEU. 93
Sur ces considérations, il conclut que S. M. ne
<1< \<>it faire aucune difficulté de s'engager à la conti-
nuation du paiement de Mansfeld pour autant de temps
qu'elle avoit déjà promis1;
Qu'elle devoit assurer aussi l'exécution du traité
secret lait pour l'entretien de l'armée de Danemarck
en Allemagne2;
Qu'elle pouvoit davantage accorder une levée de
valerie de 2,000 chevaux, et suffisante à l'effet
désiré des Anglois, et qu'il n'en pouvoit arriver aucun
iixoiiN. nient, pourvu que l'embarquement s'en fit à
Dieppe <t non en Picardie, de peur que la proximité
de la Iront ière ne donnât lieu aux Anglois d'entrer en
Artois par la France, et que la levée ni l'entretien de
troupes ne se fit aux dépens du Roi, ce que les
An-lois consentiroient indubitablement, .vu qu'il ne
1. Comparez la lettre de Richelieu à Klliat, 30 mai 1625 :
« Je vous dis encore avec ma franchise qu'il y a tant de raisons
pour ne faire pas la ligue, raisons importantes autant à l'An-
gleterre comme à la France, que si le Roi la faisoit il témoigne-
r<>it n'aimer pas le roi comme il fait. Je vous dis plus qui est
<|u- . si le roi d'Angleterre ne veut point employer sa flotte, la
continuation du paiement de Mansfeld est inutile, mais le Roi
l'affectionne tellement que, s'il se sert de sa flotte, il reconnoîl
qu'une diversion puissante lui est nécessaire. Et partant je
juge comme de moi que le Roi lui accordera une continuation
du |>ai<m>nt de Mansfeld pour quelque temps. Voilà à quoi
aboutira l'affaire, vous assurant que la ligue ne se fera point
et ne se peut faire » (Aff. étr., Angleterre 33, fol. 153).
2. Aux termes d'un traité conclu en avril 1625 avec l'envoyé
de l'électeur de Brandebourg, Belin, le roi de France s'enga-
geait à payer aux rois de Suède et de Danemark une somme de
un million de livres en deux ans.
94 MÉMOIRES [1625]
seroit pas juste de leur donner ce secours autrement
qu'ils nous prêtent leurs vaisseaux, savoir est aux frais
de ceux qui les emploient1.
Il dit que, par ce moyen, nous demeurerions en par-
faite intelligence avec les Anglois, nous les embarque-
rions à la guerre, puisqu'ils ne pouvoient recevoir
notre assistance qu'à cette condition, et que nous nous
réserverions le pouvoir de faire la paix en Italie, puisque
nous ne nous obligerions point envers eux à ne la faire
pas, et qu'en effet nous ne faisions rien qui dût empê-
cher l'Espagne de traiter avec nous pour ce qui est de
l'Italie, vu que les affaires le requéroient, et qu'ils ne
dévoient pas trouver étrange si, lorsque nous étions
mal avec eux, nous nous étions engagés à ce que des-
sus, puisque ce n'étoit qu'un échange du secours que
nous avions reçu des vaisseaux anglois contre nos
rebelles2.
Il dit davantage, en rebattant ce qu'il avoit déjà
1. Le paragraphe qui précède et les deux suivants sont ins-
pirés de 1' « Avis sur les propositions de M. le duc de Buckin-
gham » : « Quant à la dépense on l'évitera avec raison, n'étant
pas juste qu'on leur prête ce secours autrement qu'ils nous
prêtent les vaisseaux, savoir est aux frais de ceux qui les
emploient. La descente de l'armée angloise ne se pourra faire
par la France si on stipule particulièrement que les Anglois
embarqueront la cavalerie qu'on leur prête à Dieppe, ce qui se
fera insensiblement sous le prétexte que la cavalerie a été levée
en Normandie et que le pays a été ruiné par le premier embar-
quement fait en Picardie. »
2. Au reste, concédant ce secours demandé, comparez
1' « Avis » : a Tandis que nous sommes mal avec Espagne, pour ce
qui est de l'Italie, s'il arrive qu'on fasse la paix, on leur fera con-
noitre qu'on ne peut manquer d'effectuer ce que l'on a promis qui
[1625] DE RICHELIEU. 95
taché1, <jue si, au commencement de notre alliance,
lu Valois ne pouvoient espérer le secours qu'ils
désiroient de nous2, la France ne devoit jamais attendre
non fruit de ce mariage, et que, si on laissoit ralen-
tir l'ardeur qu'ils a voient à la guerre, dans le com-
Beneement du règne de ce roi, où d'ordinaire on se
veut signaler, et dans l'occasion du Palatinat, où il
alloit de l'intérêt de tout le bien de son beau-frère,
jamais on ne pourroit les y échauffer en autre occa-
sion; étant clair qu'en certains temps on fait beaucoup
ptor peu de chose, et lorsqu'ils sont passés on n'y
[«■ut plus revenir, quoiqu'on veuille y travailler et
dépendre beaucoup davantage3.
n'est que pour un temps; on justifiera davantage qu'on l'a dû
faire, parce que ce n'est qu'un échange du secours qu'ils nous
ont donné des vaisseaux. »
1 \ngleterre 33 : « Je dis davantage en rebattant ce que
j'avois déjà touché... »
• mparez 1' « Avis » : « En quelque façon que ce soit, il
faut les contenter, car si, au commencement de notre alliance,
les Anglois ne peuvent espérer le secours qu'ils désirent de
nous, il faut jamais attendre aucun fruit de ce mariage avanta-
geux pour la France, et si on laisse ralentir l'ardeur qu'ils ont
à la guerre dans le commencement du règne de ce roi, où
(l>rdinaire on se veut signaler, et dans l'occasion du Palatinat,
où il va de l'intérêt de tout le bien de son beau-frère, jamais
on ne pourra les y échauffer en autre occasion, mais cepen-
dant aux conditions les moins onéreuses qu'il se pourra. »
3. Le manuscrit B portait tout d'abord : « quoiqu'on y veuille
faire beaucoup davantage ». L' « Avis sur les propositions du
duc de Buckingliam » avait exprimé la même pensée : « Etant
: un qu'il y a des temps où pour peu de chose on fait beau-
coup. Itiqiili étant passés on n'y peut plus revenir, quoiqu'on
veuille faire beaucoup davantage » (AfT. étr., Angleterre 33,
fol. 222). Le mot « dépendre », qui manque à la fois dans la
96 MÉMOIRES [1625]
Il représenta, de plus, qu'étant incertain si nous
aurions la paix avec l'Espagne, puisque le légat ne
faisoit nulle ouverture1 par laquelle on vît qu'elle se
pût faire, quoiqu'on lui eût fait témoigner par voie
secrète, mais suffisamment autorisée pour qu'il y ajou-
tât foi, qu'en considération du Pape et du bien de la
chrétienté on s'y porteroit, pour après embrasser des
desseins très avantageux à la religion catholique.
Et le sieur de Béthune nous ayant donné avis2 de
l'incertitude et du changement qui arrivoit souvent es
résolutions de S. S., par les divers artifices et intimi-
dations des partisans d'Espagne ;
Nul ne pouvant douter encore de l'humeur des
Espagnols, dont la principale maxime et prudence
consiste à attendre leur temps et ne le perdre pas;
n'ayant autre foi que celle à laquelle la nécessité de
leurs affaires les oblige, et n'étant jamais portés à la
raison que par contraire3 ;
L'expérience faisant, de plus, connoître qu'en
relation et le manuscrit A, a été ajouté en cours de révision du
manuscrit B. — Var. : quoiqu'on y travaille et dépende beaucoup
davantage (ms. Français 17542).
1. Angleterre 33 : « Je représentai en plus qu'étant incertain
si nous aurions la paix avec Espagne, en ce que le légat ne faisoit
nulle ouverture... ». Sancy a corrigé le manuscrit A, rempla-
çant « en ce » par « puis ».
2. Angleterre 33 : « qu'étant davantage averti par le sieur
de Béthune ». La correction a été faite sur le manuscrit A, '
également par Sancy.
3. En regard de ce paragraphe figure, dans la relation ori-
ginale, une note marginale de Charpentier : « Témoin le traité
de Madrid et de Verceil, sans remonter plus haut dans l'his-
toire. »
[1625] DE RICHELIEU. 97
matière <le ligue on doit être grandement soigneux
.lot. r tout sujet d'appréhension* aux collègues les
plus (bibles2, d'autant que, quand elle les surprend,
ils se portent facilement à y chercher remède par des
crets, il n'y avoit personne qui, avec juge-
nu 'nt, pût être assez hardi pour donner conseil au Roi
de se séparer des Anglois, en sorte que, n'espérant
■H de lui ce qu'ils en pourroient désirer pour le Pala-
tinat, ils eussent lieu d'entrer en quelque traité avec
l'Espagne, ou au inoins ils se déportassent à la vue de
tout le inonde d'entreprendre contre elle3. D'où il arri-
veroit indubitablement que la paix entre nous et elle*
seroit impossible, ou au moins plus difficile; que nos
« imt'ini.s prendroient courage et ne perdroient pas
leur temps, et que nos collègues se dégoûteroient et
nous s« roient peu assurés.
M. ri» ut pas plutôt entendu cet avis qu'elle n'es-
timât qu'il le falloit suivre, et qu'en cette conjoncture
li mue prudence et toutes sortes de raisons la dévoient
porter i taire la paix entre lui et Espagne pour
H <|ui est de l'Italie, et laisser la guerre d'Alle-
e entre la maison d'Autriche, ses partisans et
les Anglois.
Partant, elle commanda de rendre cette réponse
au due de Buckingham, que par après elle continua
de sa bouche; le priant de faire en sorte, envers le
! \ngleterre 33 : « toute apparence de crainte ».
2. La relation porte également, en ce point, une note de
Charpentier : « On a avis que Venise branle. »
wigleterre 33 : ■ d'entreprendre rien contre eux ».
4. Angleterre 33 : « la paix entre nous et Espagne ».
V 7
98 MÉMOIRES [1625]
roi son frère1, qu'il n'acceptât point le secours qu'il
lui offroit, s'il n'étoit résolu de faire quelque grand
effort capable de produire l'effet qu'il désiroit pour la
restitution du Palatinat, et qu'il lui donnât parole qu'il
ne se feroit rien en Allemagne, soit en paix, soit en
guerre, sans son consentement2.
Il arriva aussi un ambassadeur extraordinaire de
Hollande3 pour la même fin; mais le Roi, pour les
mêmes raisons d'État, n'y put condescendre.
Buckingham, qui étoit venu sous le prétexte de
hâter le partement de la reine d'Angleterre, le solli-
cita avec tant de soin qu'elle partit de Paris le 2e jour
de juin4 pour aller s'embarquer à Boulogne, où les
vaisseaux du roi d'Angleterre la vinrent recevoir.
1. Var. : auprès du roi son frère (ms. Français 17542).
2. Ici prend fin l'emprunt à la relation, dont la conclusion est
reproduite sans modification. Comparez la phrase finale de
1' « Avis » : « Moyennant tout ce que dessus, sera arrêté qu'en
Allemagne il ne se fera rien soit en paix, soit en guerre, sans le
consentement du Roi. » Parmi les pamphlets composés en
faveur de la ligue, voyez « la Ligue nécessaire contre les per-
turbateurs du repos de l'Estat ». Ce libelle fut rédigé après le
départ de Buckingham, car il y est fait allusion aux échecs
subis en Piémont par Lesdiguières.
3. François d'Aerssen, seigneur de Sommelsdyk, fils de Cor-
neille d'Aerssen, naquit à Bruxelles en 1572; après avoir étu-
dié à Louvain et à Leyde, il fit partie de la suite de du Plessis-
Mornay (1594-1596); agent des Provinces-Unies auprès du roi
de France de 1598 à 1613; chargé d'une mission à Venise en
1620 et en Angleterre en 1624; mort le 27 décembre 1641. Sur
sa mission à Paris en novembre 1624, voyez plus loin.
4. Les manuscrits A et B portent par erreur le « onzième
jour de juin ». Sur le voyage de la Reine, voyez Louis Batiflbl,
la Duchesse de Chevreuse , p. 59-64.
DE RICHELIEU. 99
Le Roi l'accompagna jusques à Compiègne, les
Urines jusques à Amiens1, et Monsieur2 jusques à
Boaltgae. Par ordre du Roi, on lui fit des entrées
superbes par toutes les villes où elle passa, et elle
donna liberté aux prisonniers.
Le Cardinal, qui jugea que cette princesse, qui
alloit en un pays étranger et de religion différente à
la sienne, avoit besoin de bons et sages conseils pour
se savoir conduire parmi les périls dont elle seroit
environnée, et qu'il étoit bien besoin que ces salu-
t.iin s avis lui fussent donnés par une personne le
1 Marie de Médicis se sépara d'Henriette de France le 16 juin
1625 à Amiens; le 17 juin, Buckingham et Holland revinrent à
l'improi iste dans cette ville, afin de soumettre à la Reine mère
les propositions du duc de Savoie, qui demandait la participa-
tion de vaisseaux anglais à l'expédition de Gênes... Lettre de
Marie de Médicis à Louis XIII, Amiens, 17 juin 1625 (Bibl. nat.,
ms. Français 3708, fol. 69). Richelieu écrivait, le 19 juin, à la
Reine mère : « Le Roi, dépêchant à V. M. pour l'affaire de
M. le comte de Schônberg, j'ai cru qu'elle n'aura désagréable
que je lui envoie Marsillac sur le même sujet et pour l'assurer
-races à Dieu, la santé de S. M. ne fut jamais meilleure
qu'elle est maintenant, très aise que V. M. ne passe point outre
en son voyage qui n'eût pu qu'augmenter son indisposition, de
laquelle il m'a témoigné avoir un tel ressentiment qu'il n'a pu
r tes larmes, étant venu jusques à ce point de me dire
que s'il apprend qu'elle continue il ira incontinent en poste
r \. M (Bibl. nat., Nouvelles acquisitions fran-
çaises 5121, fol. 74).
2. Voyez la correspondance échangée au cours du voyage
.ntr. |.,,im Mil et Gaston d'Orléans (Bibl. nat., ms. Baluze348,
I..I. i i 1625, et Arch. nat., KK 1355, fol. 93-94). Un
mollit uV préséance s'éleva à Boulogne entre le duc de
t.haulnes et M. d'Aumont pour la réception d'Henriette de
li. h,
100 MÉMOIRES [1625]
respect de laquelle les lui fît graver dans le cœur et
les observer religieusement, dressa une instruction1
ample, pleine de piété et de prudence, qu'il mit
entre les mains de la Reine sa mère pour la lui donner,
comme le plus précieux et le dernier gage de son
amour.
Cette instruction est si pleine d'enseignements qui
peuvent utilement servir en semblables occasions, que
ce seroit ravir un trésor au public de ne la pas expo-
ser à la vue de tout le monde. C'est pourquoi nous la
mettrons à la fin de ce volume2. Elle fut donnée et
reçue avec larmes.
La reine d'Angleterre l'emporte, s'embarque le
24e juin3, arrive dès le soir à Douvres, où le roi d'An-
gleterre la vient trouver le lendemain.
Laissons-les-y pour quelque temps en repos goûter
les plaisirs de leur première entrevue, mais en sorte,
1. Cette instruction est formellement attribuée au Père de
Bérulle par l'auteur de sa Vie manuscrite, t. I, 1. V, p. 180,
conservée dans les papiers de l'Oratoire (Arch. nat., M 232).
Voyez aussi les mentions qui figurent sur les manuscrits de la
Bibl. nat., Dupuy631, fol. 82, Cinq-Cents Colbert2, fol. 107.
2. L'instruction était primitivement insérée dans le corps du
récit; elle occupe les fol. 176 v°-183 du manuscrit A. Une
note de Sancy indique qu'elle doit être omise dans la trans-
cription de ce manuscrit; aussi ne figure-t-elle pas dans le
manuscrit B. Nous en donnons le texte à l'appendice I du pré-
sent volume.
3. Le 22 juin, d'après les documents contemporains. Voyez
L. Batiffol, la Duchesse de Chevreuse, p. 67, et une lettre
d'Herbault à l'ambassadeur à Venise Aligre, du 27 juin 1625 :
« La reine d'Angleterre passa dimanche dernier, 22e de ce
mois, à Douvres; son passage fut en trois heures et tellement
heureux pour sa personne qu'elle n'y reçut aucune incommo-
dité ni indisposition » (Bibl. nat., KR 1361, fol. 385 v«).
[1625] DE RICHELIEU. 101
toutefois, que nous ayons toujours l'œil tourné vers
eux pour les revenir trouver ci-après.
Mi intenant retournons au légat et à sa négociation
si [importante, qui dès longtemps nous appelle, et],
comme un gouffre, entraine notre discours.
Incontinent après l'arrivée du légat auprès de S. M.1,
avant que d'entrer en négociation avec lui, il lui fut
demandé, de la part du Roi, s'il avoit pouvoir valable
du roi d'Espagne pour l'accomplissement de ce qui
seroit convenu avec lui. Sur quoi il assura qu'il seroit
b'ui) avoué de la part d'Espagne de ce qu'il traiteroit
avec S. M. D'ailleurs le Pape ayant donné parole sem-
blable au sieur de Béthune, son ambassadeur à Rome,
S. M. ne voulut différer de se faire, traiter avec ledit
[>om témeigner la particulière confiance qu'elle
prenoit en la parole de S. S. et en la sienne, et pour
1. Les Mémoires reproduisent jusqu'à la page 118 la « Rela-
tion sommaire de ce qui s'est passé en la négociation de M. le
cardinal Barberin, légat en France », envoyée aux ambassa-
le 4 octobre 1625 (Aff. étr., Rome 37, fol. 262-266). Ave-
nel a publié, t. II, p. 142-145, un fragment de cette relation,
dont le mémoire intitulé « Négociation du cardinal Barberin »
nu ntionne l'envoi : « L'on dépécha divers courriers à tous les
ambassadeurs et ministres du Roi étant hors du royaume pour
leur donner avis de ce qui avoit été traité avec le légat et des
causes pour lesquelles le Roi n'avoit entendu à ses proposi-
tions. Par toutes les dépêches, l'on se louoit des bonnes et sin-
cères intentions du légat, mais l'on témoignoit que le Roi
a\«it occasion de se plaindre de ce que le Pape avoit envoyé
son neveu en France sans aucun pouvoir que de faire des pro-
mis que S. M. ne pouvoit avec raison juger recevables »
ir., Rome 37, fol. 341 v°). Ce document, d'abord trans-
ir le manuscrit A sous sa forme originale, a subi d'assez
nombreuses modifications ; nous signalerons au fur et à mesure
les plus importantes.
102 MÉMOIRES 11625]
montrer plus clairement ses bonnes intentions au bien
de la paix.
La première proposition dudit légat fut une suspen-
sion d'armes. S. M. ne la put ni ne la dut recevoir et
accepter1, parce que cette surséance ne pouvoit pro-
duire aucun effet que de donner loisir aux adversaires
d'assembler leurs forces et de se former contre celles
de S. M. et de ses alliés, joint qu'il étoit nécessaire
d'avoir convenu des articles de la paix auparavant que
traiter une trêve2, suivant l'ordre et l'usage accou-
tumé, et qu'il étoit évident que les conditions n'en
seroient pas moins difficiles à établir que celles du
principal différend, qui pouvoit être terminé en peu
de temps, sur le fondement du traité de Madrid, y
ajoutant ce qui seroit jugé convenable pour la religion
catholique.
La seconde proposition fut sur le sujet de la satis-
faction du Pape pour ce qui s'étoit passé en la Valte-
line. On lui dit que le Roi n'avoit jamais consenti3 le
dépôt des forts qu'à condition d'un temps limité, dans
lequel S. S. devoit faire exécuter le traité de Madrid ;
que les longues négociations qui s'en sont ensuivies,
sans venir à l'effet du rasement desdits forts, les décla-
1. Comparez Rome 37 : « La première proposition dudit
légat a été la suspension d'armes faite en tel temps qu'il a été
bien reconnu que S. M. n'avoit pu ni dû la recevoir et accep-
ter... » Ce texte a été corrigé par Sancy sur le manuscrit A.
2. Rome 37 : « auparavant que d'arrêter une trêve ».
3. Rome 37 : i Quant à la satisfaction du Pape de ce qui
s'étoit passé en la Valteline, qui a été le second point proposé
par ledit légat, l'on doit savoir que le Roi n'a jamais con-
senti... » La correction a été faite également par Sancy sur le
manuscrit A.
DE RICHELIEU. 103
niJOM faites au nom de S. M. m l'ape par ledit sieur
thune, et les divers partis par lui proposés, immé-
diatement avant la soulrvation des (irisons, pour dis-
poser S. S. d'apporter |fl mnede rlleetif au trouble
«]ui menaçoit l'Italie1, pouvoient justifier suffisamment
t tout le monde l'action qui s'y étoit laite8, joint
a iv l< respect rendu par le marquis de Cœuvres à tout
( •»• i|in sY'toit couvert du nom de S. S., bien que les
I do Pape le fussent venues attaquer jusques à
Poschiavo3, lorsqu'il ne pensoit seulement qu'à
pivndre son passage dans la Valteline, sans toucher
aux torts, pour se joindre aux Vénitiens, et n'être pas
réduit a nécessité de vivres, les pouvant tirer du
Bressan4.
iimoins la révérence de S. M. envers le Saint-
« toit si grande, qu'elle offrit audit légat la satis-
faction tille, pour ce sujet, qui seroit jugée convenable
à la dignité de S. S. et à celle de S. M.5.
1. La phrase suivante de la Relation a été omise dans les
res : • L'entrée et descente des Espagnols et du régiment
de Serbellon dans la Valteline auparavant ou du moins en
même temps que les Grisons, assistés du marquis de Cœuvres,
y entrassent. »
1 La fin de l'alinéa ne figurait pas dans la Relation; elle a
iterealée par Sancy dans le manuscrit \
3. Le 29 novembre 1624. Voyez E. Rott, Histoire de la repré-
sentation diplomatique de la France auprès des cantons suisses,
:. III. p. 802-803.
4. Le district de Brescia.
5. Ces deux premières propositions du légat furent exami-
nées dans une conférence tenue à Paris le l,r juin, à laquelle
participèrent le cardinal de Richelieu, Schftnberg et Herbault.
Les pourparlers furent ensuite suspendus durant deux semaines
en raison du départ du K..i posr <À>mpiègne. Voyez lettre
104 MÉMOIRES [1625]
La troisième fut pour le regard de la sûreté de la reli-
gion catholique en la Valteline, comtés de Bormio et
Chiavenne, avec laquelle il joignoit ce qui touchoit la
souveraineté desdits lieux1. On lui répondit que, outre
d'Herbault à Béthune, 2 juin 1625 (Bibl. nat., ms. Fran-
çais 3702, fol. 65), et surtout la « Négociation du cardinal
Barberin, légat en France près du roi Louis XIII pour les
affaires de la Valteline, 1625 », due probablement à Ardier
(Aff. étr., Borne 37, fol. 271-344).
1. Les négociations reprirent à Fontainebleau, au milieu de
juin, en l'absence du Cardinal ; finalement les propositions du
Boi furent remises au légat le 10 juillet (« Négociation du car-
dinal Barberin », fol. 306). Devant le silence du légat, Biche-
lieu soumit au Boi une « dépêche qu'on estime devoir faire en
diligence à M. de Béthune, sans communiquer à M. le Légat
qu'on écrive le contenu en icelle ». « Faut écrire à M. de
Béthune l'état précis auquel est la négociation avec M. le
Légat, qui ne veut point parler de la restitution de la souverai-
neté aux Grisons. Que le Boi ne veut en aucune façon se
séparer de cet article pour sa réputation, mais que ladite res-
titution se faisant, l'ancienne alliance du Boi étant conservée,
les Espagnols étant exclus des passages qui demeureront tels
qu'ils étoient auparavant, les forts étant rasés entre les mains
de S. M., elle consentiroit tout ce qui pourra contenter le
Pape... M. le Légat ne fait difficulté quelconque à la conserva-
tion de l'alliance du Boi comme elle étoit, à exclure les Espa-
gnols du passage; mais il s'arrête absolument sur cette resti-
tution des Grisons, qu'il ne veut pas, et qui plus est il voudroit
que les forts fussent remis entre les mains du Pape pour être
rasés par lui... Mon intention est que vous lui [au Pape] repré-
sentiez que je ne pense pas qu'il ait voulu envoyer un légat
pour me demander des conditions contraires à ma réputation,
qui est tout ce que mes propres ennemis pourroient souhaiter
pour me perdre. Que s'il a douté de la fermeté que j'ai es
choses qui concernent mon honneur, il me fait tort et connoî-
tra par l'événement qu'on lui a donné une impression bien con
traire à ce que je suis. Que je le supplie de me dire ou qu'il ne
veut pas la paix, et que le légat n'est venu que pour m'amu-
[|r vr,] DE RICHELIEU. 105
qae les actions passées de S. M. l'avoient fait con-
noihv autant zélée1 à la gloire de Dieu et à l'accrois-
ment de la religion catholique que prince qui l'eût
devancé ou qui fût à présent en la chrétienté, il fai-
soit encore clairement voir, en l'affaire qui se traitoit,
<|if il et oit roi Très Chrétien et premier fils de la sainte
lise*, puisqu'il consentoit à des conditions plus
livorables que celles mêmes qui avoient été proposées
par les Valtelins; que, comme en cet intérêt de reli-
ser, pendant que les Espagnols se fortifieroient, on qu'il me la
demande à des conditions raisonnables... Si le Pape ne veut
rien faire, vous lui représenterez qu'outre que ses longueurs
a pardonner aux huguenots qu'autrement j'eusse
mis en état de ne pouvoir plus faire de mal, il me contraint de
m'uniravec les Ânglois et toute sorte de protestants ; quejusques
ici j'ai plus fait que n'a jamais fait Roi pour éviter cette con-
trainte, mais que maintenant je penserai le faire, non seule-
ment S. S. n'y répugnant pas, mais qui plus est avec sa per-
mission et son autorité, puisque volontairement il m'y con-
traint; que je me décharge sur lui de quelque événement qui
en puisse arriver, lesquels il faut assez bien considérer pour
:re pas besoin de lui dire... Je vous dirai que ma pensée
n'est pas que le légat ne conclût la paix, s'il en avoit le pou-
i . Mais je crois quejusques ici on lui a envoyé des limita-
tions telles qu'elles ne conviennent point avec ce que je puis
faire en conservant ma réputation » (Aff. étr., Rome 37, fol. 89,
(!-■ la main de Charpentier). La dépêche fut envoyée à Béthune
le 3 août.
1. Hcfii.- 37 et première rédaction du manuscrit A : « Pour
le regard de la sûreté de la religion catholique en la Valteline,
comtés de Bormio et Chiavenne, avec laquelle on a joint ce qui
lioit la souveraineté desdits lieux, il a été jugé que, outre*
que les actions passées de S. M. l'avoient fait connottre autant
zélée... »
lome 37 et première rédaction du manuscrit A : « En
l'alfair.- qui m traitc.it <ju'il vooloit paroltre roi Très Chrétien
et premier iils de la sainte Église ».
106 MÉMOIRES [1625]
gion sa piété le faisoit reluire, il ne pouvoit aussi, en
l'intérêt politique, approuver ni souffrir le déni et refus
absolu1 que l'on faisoit de rendre la souveraineté de
la Valteline aux Grisons ses alliés, qui en sont les légi-
times seigneurs ; que le droit divin et humain ordon-
noit de faire rendre à un chacun ce qui lui appartient ;
que ce refus étoit fondé sur une opinion nouvelle,
contraire aux premières qui avoient été tenues à
à Rome, concertées du commandement du Pape, et
qui ne pouvoit être ouvertement soutenue ni par les
théologiens, ni par les jurisconsultes; que l'intérêt
général des princes étoit de ne favoriser, sous
quelque prétexte que ce fût, la révolte des sujets
contre leur souverain, ni de permettre que des sujets,
pour cause de religion, fussent soustraits de la domi-
nation de leur vrai et légitime seigneur ; que l'exemple
et la conséquence en étoient périlleux pour les rois
dans les États desquels il avoit plu à Dieu (de qui seul
ils tiennent le sceptre) de permettre, pour certaines
causes secrètes, la diversité de religions, parce que ce
seroit donner argument aux sujets qui sont ou pour-
roient être imbus d'opinions contraires à la religion de
leur prince de croire qu'ils seroient déchargés envers
eux de la sujétion. Mais quant au particulier de S. M.,
qui agissoit en ce sujet comme prince allié et protec-
teur des Grisons, qu'il ne pouvoit avec justice, hon-
neur et réputation, consentir qu'ils fussent dépouillés
de leur souveraineté, et étoit obligé, par les mêmes
1. Rome 37 et première rédaction du manuscrit A : a Que
l'on ne pouvoit assez approuver la fermeté et persévérance
qu'il avoit montrée en l'intérêt politique contre le déni et
refus. »
DU il ÏIEUEU. 107
ajaauaViènnoDS, d'employer les forces de son royaume
pour les \ maintenir et protéger1.
oiiiint I oeqtri cooeernoit l'article de l'alliance et îles
passages par les (irisons et la Yaltcline, on lui dit que
: intérêt doit reconnu si important a la France, qui
avoit consomin-- tant de millions d'or pour les conser-
ver ru leur entier, depuis oeol ans que l'alliance étoit
i-t aMie, que le Roi devoit être soigneux et jaloux de
n \ laisser apporter aucune2 altération, et que toutes
raisons il'Ktat et <!<• réputation l'obligeoient de main-
tenir cette couronne en la possession en laquelle elle
«toit aeok deadita1 pa vu que son intention
semblable a celle des rois ses prédécesseurs,
d'user desdits passages pour le bien de la religion
catholique, le secours et assistance des princes d'Ita-
1 . Dès le li avril 1625, Richelieu écrivait à Brùlart de Léon :
« D'une chose vous puis-je assurer que la France ne consentira
ni ne fera aucune paix qu'à condition du tout honorable, et
que la voie d'une longue suspension ne sera pas celle qui sera
choisie pour la meilleure. Le Roi ne voudra aucune condition
<jui diminue la supériorité des Grisons sur les Valtelins, d'au-
: que par ce moyen ils pourraient penser que les armes de
M. ne leur auroient pas été fort utiles, ce qui feroit que
d'autres confédérés les appréhenderaient en pareilles occa-
sions » (Bibl. nat., Nouvelles acquisitions françaises 5131,
fol. 7H . Voyez également le « Mémoire touchant la réponse
aux expédients proposés par M. le Légat », de la main de
Charpentier (Aff. étr., Grisons 4, fol. 460).
i '-0111111. ure le vingtième cahier du manuscrit A (fol. 187) :
« Suite de la négociation de M. le Légat. Assemblée de Fon-
tainebleau VU i< »lle. Ambassade extraordinaire du maréchal
de Bassompierre en Suisse, et ses ordres. » Ce sommaire est de
la main de Charpentier.
t première rédaction du manuscrit A : « En la
possession en laquelle elle étoit seule desdites alliances et pas-
sage»... »
108 MÉMOIRES [1625]
lie et surtout du Saint-Siège, en cas que, par une puis-
sance supérieure, ils vinssent à être assaillis et
opprimés.
Le légat s'arrêta opiniâtrement à ne pouvoir con-
seiller à S. S. d'autoriser un traité par lequel ! les Val-
telins fussent remis sous la sujétion des Grisons, disant
que, comme chef de l'Église, il ne le pouvoit en cons-
cience, et que ce qui avoit été ci-devant traité l'avoit
été entre les deux rois, S. S. permettant seulement ce
qui s'arrêtoit entre eux et y fermant les yeux2, comme
elle feroit encore si l'Espagne intervenoit avec le Roi
au traité. Et, sur ce qu'on lui répondit que S. S. lais-
sât accorder les Grisons et les Valtelins ensemble,
sans y intervenir3, et que par après elle toléreroit ce
qu'ils auroient fait, qui est le propre de l'Église, non
seulement aux choses indifférentes, mais mauvaises,
il y consentit facilement au nom du Pape, mais
demanda qu'afin que ce traité se pût faire librement4,
1. Rome 37 et première rédaction du manuscrit A : « Mais
le Pape ne voulant en aucune façon autoriser un traité par
lequel .. » Comparez la Négociation du cardinal Barberin,
fol. 326-329 v°, qui met dans la bouche du cardinal de Riche-
lieu « qui avoit la parole en toutes ces conférences » les
réponses faites au légat.
2. Ces cinq mots ont été ajoutés en interligne par Sancy sur
le manuscrit A.
3. Rome 37 et première rédaction du manuscrit A : « Il a été
en dernier lieu proposé audit légat que S. S. laisse accorder les
Grisons et les Valtelins sans intervenir. »
4. Rome 37 et première rédaction du manuscrit A : « Ledit
légat a répondu qu'il y consentoit au nom du Pape; mais, afin
que ce traité se pût faire librement, il a demandé tous les forts
de la Valteline sans condition aucune. » Cette correction,
comme les précédentes et celles qui suivent, a été faite sur le
manuscrit A par Sancy.
[1625] DE RICHELIEU. 109
tous les forts de la Valteline, sans condition aucune,
fussent remis entre les mains de S. S., afin que
l'on M put dire que les Valtelins l'eussent fait par
force.
On lui dit premièrement que si, en un tel traité, il
pouvoit y avoir présomption de force, ce seroient les
seuls Grisons qui se relàcheroient de quelques grâces
aven les Valtelins, qui le pourroient alléguer, mais
non les Vnltelins qui recevroient faveur en ce traité,
n'y ayant personne qui ne connût que celui qui reçoit
grâce eu un traité, et n'y perd rien, ne peut prétendre
en être relevé sous prétexte de force;
Secondement, que la restitution des forts ne se devoit
faire, attendu que S. S. ne pouvoit donner de sûreté
que (au cas qu'on la fit) la souveraineté, qu'il ne vou-
lut pas accorder aux Grisons, leur demeureroit par
le t mite qu'ils feroient entre eux;
Que les Espagnols fussent déboutés du passage, et
que les forts fussent rasés.
Il ne laissa pas d'en continuer l'instance, assurant
que S. S. n'empécheroit pas que les Valtelins consen-
Htacnt de demeurer en la sujétion des Grisons, et
qu'il n'y avoit pas de doute qu'ils ne s'en conten-
tassent ;
Qu'elle raseroit les forts, et qu'il avoit parole des
Espagnols que, moyennant la restitution des forts, ils
consentiraient à ce que la France demandoit pour les
passages; mais <|ii'il ne l'avoit pas par écrit, parce qu'ils
•ij|<»i< nt pas se déclarer que les forts ne fussent
entre les mains du Pape1.
1. Home 37 et première rédaction de A : « Au premier point
S. S. répond qu'il n'empêchera pas que les Valtelins consentent
HO MÉMOIRES [1625]
A tout cela, on lui dit qu'en matière de traités il fal-
loit des assurances réelles ; que celles-là n'étoient que
de paroles bien incertaines ; que, s'il ne s'agissoit que
de la parole du Pape, le Roi s'y confieroit absolument ;
mais que les Valtelins le pouvoient faire manquer, bien
plus les Espagnols, qui sont sujets à n'exécuter pas ce
qu'ils promettent.
Il répliqua que cela n'arriveroit pas, mais que, s'il
arrivoit contre la volonté de S. S., elle ne rendroit
les forts, ni aux Espagnols, ni aux François, mais les
garderoit.
S. M. ne jugea pas que, s' étant, par une ligue,
obligé avec ses collègues à faire1 que les Grisons
fussent remis en l'état qu'ils étoient auparavant, elle
pût ni dût, après avoir beaucoup dépendu et pris la
Valteline, remettre les choses en plus grand hasard
qu'elles n'étoient auparavant la prise des armes; vu
que, de tout ce qui se proposoit, on ne donnoit aucune
sûreté que la parole du Pape, l'exécution de laquelle
dépendoit de la volonté des Valtelins et de celle des
Espagnols, qui seroient sans doute bien aises de tirer
les affaires en longueur, sans exécution, comme ils ont
fait au traité de Madrid, et qui feroient jouer tel jeu
de demeurer en la sujétion des Grisons et qu'il n'y a point de
doute qu'ils ne s'en contentent. Au deuxième, il répond qu'il a
parole des Espagnols que, moyennant la restitution des forts,
ils consentent à ce que la France demande pour les passages.
A cela on dit qu'il le falloit voir par écrit. On a répondu qu'on
ne l'avoit pas et que les Espagnols ne veulent pas se déclarer,
que les forts ne soient entre les mains du Pape, mais qu'on en
est bien assuré. »
1. Rome 37 et première rédaction de A : « La question est
de savoir si le Roi qui, par une ligue, s'est obligé avec ses
collègues à faire que les Grisons fussent remis... »
[1625] DE RICHELIEU. 111
qu'As voudraient aux Valtelins, qui n'agissent que par
Iriir mouvement.
Si. au cas que les Valtelins et les Espagnols vou-
lussent manquer, le Pape a voit moyen de s'en garan-
ti!-, il n "y anroit rien à dire; mais, outre que S. S. est
mortelle, on ne proposoit autre expédient en tel cas
que de conserver les forts, qui étoit un remède égal
au mal même, puisque tous les deux privoient les Gri-
sons de leur liberté.
Eue lit représenter au légat que, pour un scrupule
inaire et sans fondement, ils alloient mettre toute
la chrétienté en feu. A quoi il répondit que, s'il ne
trnoit qu'à son sang1 pour éteindre le feu, il le donne-
roit volontiers, mais qu'il n'avoit point de pouvoir de
taire autres propositions2.
1. Rome 37 et première rédaction du manuscrit A : « A cela,
M. te Légat, qui véritablement a fait tout ce qu'il a pu pour la
paix, a témoigné plus encore en effet que de paroles que, s'il ne
It-nuit qu'à son sang... »
1. Première rédaction du manuscrit A : « On fit toutes les
tures dont on put s'aviser pour le faire condescendre à
quelque chose raisonnable et que S. M. pût accorder sans pré-
judice de sa réputation et de l'intérêt de ses alliés; mais il n'y
eut jamais de moyen de le faire désister de ses premières pro-
position*. Le Cardinal, voyant cette volonté si déterminée,
crut qu'il n'y avoit point de remède meilleur pour di tromperie
légat et tous les peuples que de convoquer une assemblée géné-
rale des personnes plus qualifiées de ce royaume, auxquelles
S. M. fit voir I état de cette affaire, les moyens qu'il avoit tenus
pour les conduire à une bonne fin, et leur demander leurs avis
sur ce stjj« t. || en écrivit de Limours au Roi le 3" seph-mluv la
h Kfi Clivante. » Après avoir apporté quelques modifie. nions
à ce t' y a rayé le tout, à partir de « mais il n'y eut... »,
et a renvoyé le copiste aux feuilles de correction : « Voyez les
lions ».
112 MÉMOIRES fl625]
Le Cardinal1 l'y voyant toujours arrêté, quelques
ouvertures qu'on se pût aviser de lui faire pour le
faire condescendre à quelque chose raisonnable que
S. M. pût accorder, sans préjudice de sa réputation
1. Première rédaction du manuscrit B : « èsquelles demeu-
rant toujours arrêté... ». Sur l'ordre du Roi, Richelieu avait
repris les pourparlers avec le nonce. Voyez sa lettre à Louis XIII
du 24 août 1625, écrite de Limours : « J'ai reçu le commande-
ment qu'il vous a plu me faire de travailler à la paix avec des-
sein de ne rien omettre de toutes les choses qui la pourront
•avancer et rendre avantageuse à V. M.; pour voir plus promp-
tement avec M. le Nonce à quoi cette affaire pourra aboutir,
je m'approcherai dès aujourd'hui de six lieues de Fontainebleau,
et lorsqu'on verra plus après les articles desquels on pourra
convenir, comme la raison requiert que vous en soyez le souve-
rain juge, il sera du tout nécessaire pour le bien de l'affaire
qu'il plaise à V. M. bien considérer ces articles » (Bibl. nat.,
Nouvelles acquisitions françaises 5131, fol. 76). Les entretiens
eurent lieu à la Maison-Rouge et se prolongèrent du 26 au
28 août. Voyez la lettre d'Herbault à Béthune, Fontainebleau,
29 août 1625 : « Il s'est tenu depuis trois jours une conférence
à la Maison-Rouge qui est à M. le président Le Jay, où, de la
part du Roi, M. le cardinal de Richelieu, M. le maréchal de
Schônberg et moi, et, de la part de M. le Légat et du Pape,
M. le nonce Spada, MM. Assolini et Pamphilio se sont trouvés.
La conférence commença mercredi matin et finit hier soir qui
étoit jeudi que chacun est revenu chez soi sans aucune conclu-
sion » (Bibl. nat., ms. Français 3702, fol. 120). Voyez surtout le
mémoire adressé le 29 par le Cardinal à Schônberg : « ... Le
changement qui est en M. le Nonce ne peut venir d'autre chose à
mon avis, sinon qu'il s'imagine que nous voulons absolument
la paix et que nous n'avons nulle disposition à la guerre, et
qu'il seroit bien aise d'emporter cet avantage aux Espagnols,
quoiqu'il pense bien en lui-même qu'ils aient consenti à davan-
tage; il penseroit par là se faire canoniser dans Rome. L'ex-
clusion du passage et alliance comme on la propose maintenant
est en termes moins forts que comme on l'a proposée au passé.
On accorde plus pour les Valtelins et pour la religion qu'on ne
[1625] DE RICHELIEU. 113
< l de l'intérêt de ses alliés, il écrivit de Limours1 au
Uni, le T septembre, et lui manda qu'il lui conseillent
<!«■ M servit-, en cette affaire de très grande impor-
l;m< v. en laquelle il alloit de la paix de la chrétienté,
fît jamais jusques-là, qu'avec raison on ne peut désirer davan-
tage. L'intérêt du légat et de tous ceux qui sont avec lui est que
l.i paix se fasse, vu que jamais légat n'eut un tel affront que lui
si t lie ne se fait point, et que les autres ne seront point cardi-
naux ; «pii plus r>t tous craignent trop que les huguenots fran-
et la flotte des Anglois entrent en Italie; enfin ils savent
bien qu'encore que les Espagnols aient quelque léger avantage
sur M. de Savoie, leurs affaires ne sont point en état de désirer
uerre avec la France, ayant assez de besogne taillée ailleurs.
Partant, par raison, il n'y a apparence quelconque que le légat
la paifM ni veuille refuser aux conditions proposées. Qui plus
est, Venise, qui est celui de nos collègues qui se rendra le plus
facile, ne la eonsentiroit pas autrement. Tout ce que dessus me
enulruie en la résolution que le Cardinal, Schônberg, MM. de
la \ ill<-au\-Clercs et d'Herbault prirent hier tous, unanime-
ment, de ne se relâcher davantage, comme chose qui eût fait
loiblesse et n'eût fait autre effet que donner mauvaise
réputation a la France. Le nonce sans doute portera le légat à
faire feinte de s'en aller, et on croit qu'au point où sont les
affaires, rien nfmportera la paix que de témoigner à ces
gens-ci qu'on ne l'appréhende pas, qu'on ne craint point la
guern- et une pour rien au monde on ne voudroit la paix avec
!a moindre condition déshonorable. Il est nécessaire que M. de
rg représente au Roi particulièrement tout ce qui s'est
lé, et que, devant la Heine sa mère et M. le Chancelier et
lui, il pi M. prendre résolution de ce qu'elle estimera
«pi il faille faire, les affaires de tel genre devant être particuliè-
nt jngéea par S. M. » (Aff. étr., Grisons 4, fol. 361 -:?'
d-- la main de Cliai-pmtier).
1 Cmmn 1 indique la première rédaction du manuscrit A
cit« as, la lettre du Cardinal au Itoi a\ait été nproduite
Intégralement dans ce manuscrit; procédant au travail de révi-
sion, Sancy ne conserva que cinq extraits delà lettre désignés
resp<< ii\. un ni par les si^ n nllmwall ; \-l>. < l>. I-Fet
V 8
114 MÉMOIRES [1625]
de la réputation de la France et de la conservation de
ses alliés, d'une précaution dont ses prédécesseurs et
le Reine sa mère, en sa minorité, avoient souvent usé
en semblables occasions, qui étoit d'assembler un con-
seil extraordinaire des premiers de son royaume et
personnes plus qualifiées qui se trouveroient près de
la sienne, leur faire voir l'état de cette affaire, les
difficultés qui s'y rencontroient, les moyens qu'il
avoit tenus pour la conduire à bonne fin, et leur
demander leur avis sur ce sujet, avant qu'en former
sa résolution ;
Qu'il la supplioit de se ressouvenir qu'il avoit sou-
vent pris la liberté de lui dire, quand, par hasard, il
s' étoit trouvé seul auprès d'elle, et qu'il se présentoit
des affaires, bien qu'ordinaires, qu'elle eût agréable de
ne s'en reposer pas sur l'avis de lui seul, mais de
prendre encore celui de ceux qui avoient l'honneur de
la servir comme lui en ses affaires ; maintenant, qu'il
la supplioit, au nom de tous ceux de son Conseil, qu'en
une rencontre si importante à toute la chrétienté, il
prît l'avis des principaux de son royaume qui étoient
auprès d'elle ;
Commandât à tous les princes, ducs, pairs, officiers
de la couronne, aux premiers présidents et procu-
reurs généraux des cours de Parlement, des Aides et
Chambre des comptes, et Prévôt des marchands de
G-H (fol. 190-191); il semble que ces suppressions n'aient eu
pour but que d'alléger la rédaction des Mémoires. En outre, le
style indirect fut adopté pour les fragments qui subsistaient. La
lettre du 3 septembre a été publiée par Avenel, t. II, p. 119
à 124, d'après la minute des Affaires étrangères, France 246,
fol. 11-15.
DE Mi HF.I.IEU. 115
l, de se trouver, à tel jour, au lieu que S. M.
ordonnerait; mandat aussi à l'assembler du clergé d'y
. ajvoyer quatre prélats pour entendre ce qu'il lui plai-
i-oii leur déclarer touchant te traité de paix pro-
par M. le Légat, et, sur ce, donner leurs bons
avis;
Que S. M. tireroit pour son service de notables
«*s de cette assemblée;
Qu'elle justifierait le Conseil de S. M., faisant recon-
naître li v« i ité des choses, et ferait qu'on rejetterait
le Marne des malheurs que la guerre apporte sur ceux
œnt qui en seront cause, et préviendrait les
calomnies que les ennemis de la couronne, par leurs
artifices ordinaires, pourraient publier, qu'il ne tien-
droit qu'à S. M. et son Conseil que la chrétienté ne
lut remise en paix et ne jouit d'un parfait repos;
Qu'eue apporterait à S. M. un grand repos de cons-
ivoir t'ait mûrement examiner, par le juge-
le diverses personnes capables que S. M.appelle-
roit, si les considérations qui arrêtent S. M. en ce
v touchent tellement sa réputation et celle
de son État, qu'elles doivent empêcher l'effet d'un si
I bien, pour lequel procurer il donnerait volon-
tiers son sang et n'y plaindrait pas sa vie; mais que
lui. m t) h c'étoit préparer une nouvelle
guerre, et quelquefois pire que celle que l'on vouloit
finir;
Que tous les sujets de S. M., ayant eu l'honneur d'y
donne leurs a\is en la personne des principaux
qui seraient appelés 60 66 conseil, et étant par eux
rendus capables de ses saintes intentions i euses
H6 MÉMOIRES [1625]
résolutions, seroient d'autant plus affectionnés et obli-
gés d'y contribuer et leur bien et leur vie, s'il en étoit
besoin, pour le service de S. M.; et les principales
compagnies du royaume, connoissant ses justes rai-
sons, se porteroient plus volontiers, les uns à la servir
de leurs personnes, les autres à favoriser les moyens
extraordinaires dont elle auroit besoin en telle occa-
sion, en laquelle, par ce moyen, on auroit lieu de por-
ter MM. du clergé à subvenir en cette guerre à ses
nécessités; au moins en recevroit-on ce profit, que,
s'ils ne donnoient de l'argent, ils condamneroient les
prétentions et le procédé de ceux qui conseillent M. le
Légat, et conseilleroient à S. M., en tel cas, de donner
la paix à son royaume : ce qui remédieroit fortement
aux mauvais bruits que quelques personnes assez
connues épandent tous les jours, que S. M. et son
Conseil protègent ouvertement les hérétiques ' .
On gagneroit temps avec M. le Légat, auquel on
feroit comprendre que S. M. ne pourroit rendre une
dernière réponse sur ces propositions, qu'après avoir
tenu cette assemblée, qu'elle différait jusques à lundi,
ou tel autre jour qu'il plairoit à S. M.;
Que toutes ces choses feroient penser audit sieur le
Légat à ne partir pas sans conclure la paix ; que l'inté-
rêt du Saint-Siège et le sien, auquel les Italiens sont
1. Comparez la Négociation du cardinal Barberin, fol. 336 :
« Les Espagnols répandent des libelles pour persuader aux
simples que les ministres du Roi abandonnent les intérêts de
la vraie religion et l'amitié des princes catholiques pour se lier
et s'unir entièrement avec les hérétiques... Ce qui se faisoit
avec grande prudence pour assurer la paix du royaume étoit
décrié par eux comme un crime contre la religion. »
[1625] DE RICHELIFi 117
t<>it sensibles, le dévoient faire croire; étant certain
que l'autorité du Pape et de la religion ne pouvoient
que beaucoup pàtir pour la continuation des guerres
qu'il pourroit apaiser, et qu'au particulier dudit sieur
Légat, c'étoit le plus perdu homme du monde s'il s'en
retoumoit comme il étoit venu.
Kii tout cas qu'il avoit trouvé deux ou trois façons
nouvelles de coucher les articles contestés, au conten-
tement de S. M., dans les termes, à son avis, que ces
messieurs avoient témoigné désirer; et quand ils ne
voudraient rien faire, ce qui ne pouvoit être, s'il étoit
question d'arrêter davantage M. le Légat, comme en
elVet il le jugeoit nécessaire pour conclure la paix des
hwgmnotli et attendre que les recrues et nouvelles
troupes de S. M. fussent sur pied, devant que les Espa-
gnols perdissent l'espérance de la paix, on pourroit
faire venir en jeu le traité de la ligue fait avec Venise
et Savoir, qui obligeoit S. M. de ne rien faire sans leur
Ëfît; ce qui faisoit que, leurs ambassadeurs1 ne
sachant pas les résolutions de leurs maîtres, elle ne
I m »ii voit leur dénier du temps d'envoyer vers eux pour
l'apprendre. Ainsi S. M. auroit fait tout ce qui se pou-
voit imaginer au monde pour donner la paix à la chré-
tienté, et malheur arriveroit à qui troubleroit un si
bOO drv»riii.
Après cette lettre écrite, il ajouta encore un billet à
S. M.. |> ai lequel il la supplia détenir ce conseil secret,
mt qu'il venoit d'apprendre, par un homme qui
1 Sur la consultation des ambassadeurs de Venise et de
Savoie, Morosini et Scaglia, favorables l'un a la paix et l'autre
à la guerre, voyez Négociation du cardinal Barberin,
fol. 334.
118 MÉMOIRES [1625]
avoit de bonnes habitudes chez le légat, que le fonde-
ment de leur obstination venoit de ce qu'ils jugeoient
qu'on leur accorderoit tout ce qu'ils voudroient, parce
que, à quelque prix que ce fût, on vouloit la paix ; que
ce qui lui faisoit croire cet avis étoit que celui qui le
savoit l'avoit appris par voie très secrète; qu'ils
disoient que S. M. n'avoit point d'argent, que les
huguenots la pressoient, et que tous ses sujets catho-
liques étoient mal affectionnés à cette guerre ; ce qui
le confirmoit de plus en plus en l'assemblée ci-dessus,
vu que par là le contraire paroîtroit indubitablement,
et surtout qu'il étoit important qu'on ne crût point
que S. M. se souciât que le légat s'en allât.
Le Roi, trouvant cet avis très utile à son service,
commanda que l'on convoquât cette assemblée au
plus tôt.
Le légat, sans vouloir attendre, partit dès le lende-
main1 de la nouvelle que le Roi reçut de la victoire
que son armée navale avoit remportée sur Soubise et
les hérétiques ; mais il promit de séjourner en Avignon
1. Le légat quitta Fontainebleau le 24 septembre après avoir
été reçu en audience privée par le Roi. « Ce parteraent si
brusque fut trouvé un peu extraordinaire à la cour » {Négo-
ciation du cardinal Barberin, fol. 331). Louis XIII avait lui-même
annoncé au légat la convocation de l'assemblée dans « les deux
dernières audiences » (22 et 24 septembre) qu'il lui avait accor-
dées (Aff. étr., Rome 57, fol. 232). Le marquis de Saint-Cha-
mond, qui le rejoignit à Sens, écrivait le 27 à Herbault : « Je
n'ai reconnu autre cause de son prompt départ de Fontaine-
bleau que la créance qu'il a eue que le Roi assembloit le lende-
main les princes, pairs et officiers de sa couronne pour faire
condamner par eux son procédé au traité de paix, et a cru
qu'il étoit plus avantageux pour lui d'en être loin que près en
cette occasion » (Aff. étr., Rome 37, fol. 223).
DE RICHELIEU. 119
ftatptâ i M qu'il eût su la (kluKtCJ volonté de S. M.,
qui, 00 partant, lui bailli une lettre1 pour S. S., en
laquelle elle lui mandott queoe qui avoit empêché que
la paix, selon son désir, n'avoit pu être conclue, c'étoit,
qu«- S. S. ne lui avoit pas proposé les conditions aux-
quelles S. M. la pût consentir, n'y ayant personne qui
^ it bien qu'elle ne pouvoit ni devoit en façon
qurlron |ur permettre que les Grisons, ses anciens
■Blés, foMeol dépouillés de ce qui leur appartenoit;
quelle étoit et seroit toujours d'autant plus ferme
1 Le manuscrit A, dans sa forme primitive, reproduisait
textuellement la lettre de Louis XIII du 30 septembre 1625,
la légat par le marquis de Saint -Charaond. Mais
Sancy, lors de la revision du manuscrit, a supprimé d'un trait
de plume la première partie de la lettre et l'a remplacée par
-impie transition qui devait figurer sur une des feuilles de
correction, comme l'indique au bas du fol. 192 v° la mention
mirante : « V[oir] corrections o. Voici le passage supprimé,
tel qu'il existait dans le manuscrit A : « Très Saint-Père, il
nous est imposable de ne témoigner pas à V. S. que nous
avons vu de très bon œil notre cousin le cardinal Barbarin, et
nnu en lui beaucoup de conduite, de piété, de zèle et en
général toutes les bonnes qualités qu'on y sauroit désirer. Vous
saurez de lui, je m'assure, comme toutes les occupations que
nous avons au dehors de notre royaume ne nous ont pas erapè-
•< de faire pour l'extirpation de l'hérésie tout ce qu'on eût pu
attendre d'un autre en pleine paix. En cela, nous avons suivi
votre Inclination et vos désirs; nous poursuivrons toujours le
dessein que nous avons de procurer l'avantage de l'Eglise en
Lte occasion, si nous n'en sommes empêchés par ceux mêmes
que nous savons qui désirent nous y aider. Nous nous sommes
contormés en ce qui nous a été possible au désir que notre
in le légat nous a témoigné que vous aviez de la paix en
In- tienté ; si elle n'a réussi, nous ne doutons point que vous
ne reconnoissiez que ce qui l'a empêchée est que V. S., nous
y conviant, ne nous a pas proposé des conditions... »
120 MÉMOIRES [1625]
en cette résolution qu'elle n'empêchoit point de vou-
loir procurer toutes les sûretés qu'on sauroit raison-
nablement souhaiter pour la religion1, que S. S. ne
voudroit pas lui conseiller d'en user autrement, et elle
se pouvoit assurer qu'elle ne feroit jamais rien qui ne
fût digne du bonheur qu'elle avoit d'être successeur
de plusieurs rois qui ont servi et secouru le Saint-
Siège lorsqu'il étoit opprimé par d'autres; qu'elle
prioit Dieu de n'avoir jamais occasion de faire con-
noitre, par effet, à toute la chrétienté que leur zèle
n'avoit point passé le sien; mais, quoi qu'il arrivât,
elle auroit toujours la volonté de lui faire paroître qu'il
n'y a personne au monde qui l'égalât au respect et en
la vraie affection qu'elle lui portoit.
En cette assemblée2, après que le Roi eut remis au
Chancelier à faire entendre le sujet pour lequel il les
avoit fait appeler, et que ledit Chancelier y eut satis-
fait3, le Cardinal parla4 à la recommandation de la
1. La lettre originale précisait : a en la Valteline » (Arch.
nat., KK 1362, fol. 198).
2. Elle eut lieu le 29 septembre au château de Fontainebleau
dans le cabinet de l'Ovale.
3. C'était Etienne d'Aligre. Il « représenta sommairement
l'affaire depuis son origine, ce qui s'étoit traité avec M. le
Légat, les difficultés échues en la négociation, savoir sur l'ar-
ticle du passage duquel on refusoit d'assurer la possession
à la France seule, comme elle en avoit toujours joui, et sur la
souveraineté des Grisons qu'on vouloit abolir, à quoi S. M. ne
pouvoit se résoudre pour l'intérêt de cet État, de sa réputa-
tion et de ses alliés, et qu'elle désiroit que chacun de ceux qui
étoient présents en dît librement son opinion » {Négociation
du cardinal Barberin, fol. 338 v°). Après Aligre, prirent la
parole Schônberg, le premier président au Parlement, de Ver-
dun, les cardinaux de Sourdis et de la Valette.
4. L'analyse du discours est empruntée au Mercure françois,
[1625] DE RICHELIEU. 121
pai\. m;iis <|ifil falloit qu'elle se fît honorablement1
pour S. M. et utilement pour son royaume; que la
négociation du légat avoit témoigné un tout contraire
t été rien proposé par lui qu'à l'avan-
Bl «l'Espagne, se réglant toujours sur les événements
de la guerre d'Italie; que, lorsque les succès nous
étoient favorables, ils nous demandoient la paix, mais
iiimnius à des conditions honteuses; s'il nous fût
arrive quelque disgrâce, ils nous eussent méprisés
d'effets et de paroles; qu'on pou voit alléguer trois
abuses pour nous dissuader la guerre : la dissipation
d'une partie de nos troupes en Italie, de nos finances,
et la rébellion de nos hérétiques.
Qu'à ces trois raisons il y avoit une réponse géné-
rale : que la réputation de l'État est préférable à toutes
chose*; que, sans elle, tous les hommes et tout l'or du
monde ne nous serviroient de rien, et nos vies et nos
biens seroient exposés en proie à l'étranger ; que le
Roi faisoit des recrues qui rendroient son armée très
redoutable; que les surintendants assuroient qu'il y
.in <>it fonds suHîs;iiit pour quatre montres entières sans
toucher au courant, et quand il en faudroit venir à
quelques moyens extraordinaires, les compagnies et
le> bons sujets du Roi ne voudraient rien épargner en
une si juste occasion.
Comparez le « Discours de Monseigneur sur la
lors de la venue de M. le Légat », publié par M. G. Hano-
taux et fragments politiques, p. 87), et le
i rôles du Cardinal donné dans la Xrgociation du
!mal Barberin, fol. 340 v°.
1. Première rédaction du manuscrit A : « favorablement »,
tne dans la version du Mercure franrois. La correction a
mcy.
122 MÉMOIRES [1625]
Quant aux huguenots, que la signalée victoire que le
Roi avoit obtenue sur eux les avoient mis si bas qu'ils
ne sauroient s'en relever ;
Et que les grandes offres que feroit le clergé suffi-
roient pour les subjuguer entièrement, sans toucher
aux finances du Roi, qui seroient réservées pour la
guerre étrangère, à laquelle le Cardinal conclut.
Le légat ayant reçu cette dernière résolution, en
donna avis à S. S., qui ensuite écrivit au Roi, l'ex-
hortant à la paix, remettant le surplus en créance
sur son nonce, qui, en vertu d'icelle, déclara que
S. S. vouloit envoyer six mille hommes en la Valte-
line1.
Le Roi, pour réponse, assura le Saint-Père qu'il
n'avoit jamais eu autre intention que de procurer de
tout son possible la paix en la chrétienté2;
1. Le bref d'Urbain VIII, daté du 14 janvier 1626, fut rerais
au Roi le 28 février : Ardier, Mémoires sur l'affaire des Grisons
et la Valteline (Bibl. nat., ms. Français 4058, fol. 97 v°). L'ob-
jet de l'expédition, dont les dépenses devaient être supportées
par le roi d'Espagne, était la reprise sur les Grisons des forts
de la Valteline. Torquato Conti, qui avait reçu le commande-
ment des troupes du Saint-Siège, se rendit à Ferrare le 22 fé-
vrier. Voyez E. Rott, Histoire de la représentation diplomatique
de la France auprès des cantons suisses, t. III, lre partie,
p. 968 et suiv.
2. La lettre de Louis XIII porte la date du 10 mars 1626.
Nous en donnons le texte d'après le registre des Archives
nationales K.K 1363, fol. 161 v° : « Nous avons reçu par les
mains de notre cousin, le cardinal Spada, nonce de V. S. près
nous, le bref qu'il lui a plu nous écrire du 14e janvier, par
lequel V. S. continue de nous exhorter à la paix publique,
ledit cardinal nous ayant toutefois fait entendre la résolution
qu'elle a prise sur les concurrences présentes de la Valteline,
sur quoi nous dirons à V. S. que notre conduite et nos actions
[I6?5] DE RICHELIEU. 123
Que S. S. savoit bien que le vrai moyen de l'établir
la maintenir « toit d'empêcher que le fort n'op-
primât le toil>le, qui étoit la seule raison pour laquelle
il avoit entrepris de défendre ses alliés, en quoi l'Ita-
lie n'avoit pas peu d'intérêt;
S. M. se promettoit que, comme S. S. le con-
viait à li paix, elle ne ferait aucune action qui l'en dût
détourner, l'assurant qu'honorant particulièrement
sa personne comme elle faisoit, elle serait extrême-
ment tachée qu'elle le contraignit a prendre une
ont toujours fait connoître, et nous l'avons plusieurs fois
déclaré, que nous n'avions autre intention que de procurer et
assurer autant qu'il nous a été possible la paix de la chrétienté,
Bine \ , S. sait que le vrai moyen de l'établir et de la
maintenir est d'empêcher que le foible soit opprimé par le
plus fort, aussi est-ce la seule raison qui nous a mû d'entre-
prendre la juste défense de nos alliés, en quoi nous estimons
que tous les princes, et principalement ceux d'Italie, ont un
notable intiit't. Nous HOU promettons aussi que V. S., nous
conviant à la paix, ne fera aucune action qui nous en puisse
par nécessité détourner, l'assurant que, comme nous honorons
particulièrement sa personne, nous aurions un extrême déplai-
sir si nous étions contraints à prendre une résolution contraire
au\ uit. nti nu, que nous avons eues jusques à présent, et nous
i - m- it.uit «lu surplus à ce que le sieur de Béthune lui dira de
part, nous prierons Dieu, Très Saint-I'i re, qu'il railla
veiller Y. S. » Ardier, dans le manuscrit cil»-, rapporte la
• de Louis Mil au nonce : « A cette déclaration v M
Mit qu'elle eût plutôt attendu de la prudence de S. S. une
sage entremise pour éteindre et pacifier les troubles entre les
résolution qui les pût brouiller davantage, que
S. M. ne laisserait pas de cons<r\< i tout \r. respect qu'elle
la dignité du Saint-Siège, mais que, les gens du Pipe
étant joints avec les Espagnols, ses soldats ne pourraient pas
les distinguer et Ul traiteraient désormais comme gens de solde
et de faction espagnole. »
124 MÉMOIRES [1625]
résolution contraire à celle qu'elle avoit toujours eue
jusques à présent ; que le sieur de Béthune lui en diroit
davantage.
Cependant, pour ce que le Roi se voyoit être peu
assuré des Suisses en cette occasion, attendu que le
duc de Féria avoit, depuis peu, levé aux cantons
catholiques trois régiments qui font sept mille
hommes1, dont il se servoit en son armée d'Italie
contre le Roi, afin de voir quel secours il pouvoit
attendre d'eux en l'affaire de la Valteline, les choses ne
venant pas à être terminées si promptement, et pour
les exciter à s'employer de tout leur pouvoir en une
occasion si importante, S. M. se résolut d'envoyer en
Suisse le maréchal de Bassompierre en qualité de son
ambassadeur extraordinaire2.
Il lui donna charge3 de représenter ce qui s'étoit
passé en la négociation de M. le Légat, et comme le
Roi n'avoit rien oublié de tout ce qu'il avoit jugé con-
venable à sa cordiale affection vers la république helvé-
tienne, et à sa dignité royale qui doit procurer le bien
1. Notamment les deux régiments de Beroldingen et de Fle-
chenstein (E. Rott., op. cit., p. 868). La demande en avait été
présentée aux députés catholiques réunis à Lucerne (31 janvier
1625) par l'ambassadeur d'Espagne, Ogliani.
2. L'ambassadeur ordinaire était Robert Miron, qui repré-
senta le roi de France auprès des cantons suisses du 16 no-
vembre 1617 au 19 juin 1627.
3. Les Mémoires reproduisent de longs extraits de 1' « Ins-
truction baillée à M. le maréchal de Bassompierre, allant
ambassadeur extraordinaire en Suisse, du 28 octobre 1625 »
(Aff. étr., Suisse 19, fol. 247-257). Ce document ne porte tou-
tefois aucune trace d'utilisation par Sancy ou ses collabora-
teurs. Les instructions données à Bassompierre ont été minu-
tieusement analysées par M. E. Rott., op. cit., p. 922-924.
[1625] DE RICHELIEU. 125
1 1 l< repos de ses alliés, pour induire S. S., avec tout
le respect qu'elle lui vouloit rendre, à moyenner,
rumine père commun, le rétablissement de toutes
choses en la Valteline, comme elles étoient par le
pute, <-t la paix en Italie;
Qu'il en avoit fait de grandes instances, mais que
tout cela ne s'étant pas terminé à la fin qu'il eût désiré,
S. M., voyant que les choses prenoient le chemin de
tin i en longueur, l'a voit dépêché vers eux pour les
disposer, ou d'entrer en ligue avec elle, la république
de Venise et M. le duc de Savoie1, pour procurer la
restitution entière de la Valteline et desdits comtés aux
Grisons, ou, sans entrer en ligue, de continuer leurs
instances particulières au Pape et au roi d'Espagne de
remettre les Grisons en ce qui leur appartient, ou de
faire un accord par lequel la France, Venise et eux
eoDtribueroîeni a la garde des forts tenus à présent
par S. M. en la Valteline et aux Grisons, pour la con-
servation desdits pays;
Qu'ils dévoient considérer qu'il y avoit grande diffé-
rence1 des intentions de cette couronne à celles d'Es-
oe en leur endroit;
<Jue la France n'avoit tra\ aillé qu'à leur repos et
conservation, ft raffermissement d'une bonne union3 et
1. Il s'agissait d'obtenir l'adhésion des cantons aux stipu-
lations du 7 février 1623, connues sous le nom de ligue d'Avi-
gnon.
2. Manuscrit A : a qu'il y a ». La plupart des corrections de
temps n'ont été faites, pour les huit alinéas qui suivent, que sur
I' manuscrit B.
i i commence le vingt et unième cahier du manuscrit A,
ainsi résumé par Charpentier : « Suite des ordres du mar< •< liai
de BassMinpi! rrt .illant m Suisse. Espagne recherche la paix. »
126 MÉMOIRES [1625]
correspondance entre les uns et les autres; au con-
traire, les Espagnols travailloient incessamment à les
diviser et désunir par les jalousies qu'ils jetoient entre
les catholiques et les protestants, en dessein, lorsqu'ils
les auroient affoiblis, de les assaillir et les assujétir les
uns après les autres, sous divers prétextes de religion
ou de prétentions anciennes de la maison d'Autriche
sur leurs États, de laquelle ils disoient que lesdits
cantons s'étoient soustraits, et que de ce dessein les-
dits cantons en dévoient avoir d'autant plus de défiance,
qu'outre les avantages qu'avoient les Espagnols de les
environner et enfermer par les États de Milan, de
Bourgogne et d'Allemagne, il étoit évident que leur
ambition n'avoit point de bornes, et qu'ils aspiroient
à l'invasion entière de l'Italie, de l'Allemagne et de
tout leur pays;
Que le Roi n'avoit entrepris cette affaire de la Valte-
line que pour l'intérêt qu'ils avoient de ne pas permettre
le démembrement que l'on vouloit commencer de l'État
des Grisons;
Que la bonne ou mauvaise issue de cette affaire
leur pouvoit causer du trouble ou du repos pour
l'avenir ;
Qu'ils déclarassent à S. M. quels remèdes ils esti-
moient plus convenables pour terminer les maux
présents, tous lui étant indifférents, pourvu qu'ils
fussent bons et utiles pour eux et pour leurs alliés1 ;
1. Les Mémoires omettent la fin de la phrase, qui précise
l'attitude à suivre par Bassompierre : « Essayant avec adresse
dans l'examen des expédients qui se pourroient y prendre de
les faire tomber d'eux-mêmes à l'un des sus-exprimés, qui sont
les seuls dont ils peuvent retirer avantage » (Aff. étr., Suisse 19,
fol. 251).
DE RICHELIEU. 127
Qq( la proposition d'entrer en ligue avec S. M.,
Venise et Savoie, n'étoit point hors de raison, pour ce
qu'ils ut- Muraient jamais s'engager en une affaire avec
l»lu> d'honneur, de sûreté et de justice que celle-là1.
Kt outre cela, que cette union produiroit incontinent
la paix et le rétablissement des Grisons en leur pays,
tel qu'il se pouvoit désirer, vuque, lorsque les Espagnols
verroient que tout le corps seroit joint en cette ligue,
et «iue l'on offriroit de pourvoir suffisamment à la
de la religion catholique, ilsseroient contraints
d'acquiescer et consentir à un accord raisonnable2,
parce que, outre qu'ils ne pourroient pas s'opposer à
telles puissances, le prétexte de religion dont ils
l'< ti. nt servis jusques à présent leur seroit ôté, et
Dette résolution ne seroit pas irnprouvée par le Pape,
qui (lésii-oit la paix; au contraire l'on devoit juger qu'il
r.ini'oit birii tgréable, afin «l'avoir plus de force sur
nols pour les induire à lui faire instance de
<•« Été restitution de la Valteline aux Grisons, à quoi
depuis quelque temps ilsavoient résisté3.
1 La phrase suivante du texte primitif a été supprimée l«>rs
de la i lu mamiM-rit : « Étant certain que cette uni. m
produira incontinent la paix. Mais outre qu'ils ne pourraient
I s'engager en une affaire avec plus de justice que celle
«jui >.- présente avec les princes confédérés, ledit sieur maré-
chal leor fera connottre... »
Misiru. ti..u |.. ut. : « accommodement ».
• inière rédaction du manuscrit A : « Que celle qui leur
!■• de demander an Pape le restitution d<- ladite \ alteline
an faveur dj esl sans péril et ne peut
tisses «M se venlenl abandonner à eux-mêmes, joint
<|u. déjl les «aillons catholiques sont d'eux-mêmes entrés en
<:•• paragraphe « été également supprimé lors
i"u «lu manuscrit
128 MÉMOIRES [1625]
Que le second expédient1, qui étoit de continuer
leurs instances pour la restitution de la Valteline aux
Grisons, étoit sans péril, et ne pouvoit être rejeté si
lesdits Suisses ne se vouloient abandonner eux-mêmes
sur ce sujet; que les cantons catholiques étoient entrés
d'eux-mêmes en cette instance2, ayant, en l'assemblée
qu'ils avoient tenue à Lucerne le mois de septembre
dernier3, déclaré que le seul remède pour terminer les
différends de la Valteline étoit de la rendre aux Gri-
sons, leurs légitimes maîtres, avec suffisantes assu-
rances pour la religion catholique, et ensuite avoient
écrit au Pape, à S. M. et au roi d'Espagne, pour les
exhorter à la paix, ainsi qu'il se voyoit plus particu-
lièrement par Yabscheid de l'assemblée, et par les
lettres desdits cantons4;
Que la troisième proposition qu'on leur mettoit en
avant, touchant la garde des forts de la Valteline et
conservation du pays des Grisons5, étoit aussi du tout
1. Le manuscrit A portait tout d'abord, comme l'instruction :
« Pour le second expédient qui aboutit à faire que les Suisses
demandent la restitution de la Valteline » ; la correction a été
faite sur ce manuscrit par Sancy.
2. Le manuscrit A, dans sa forme primitive, était ainsi conçu :
Il est à propos que ledit sieur maréchal sache que les cantons,
etc.. ». Les neuf premiers mots ont été biffés lors de la révi-
sion du texte.
3. Sur la diète de Lucerne (10-12 septembre), voyez E. Rott,
op. cit., p. 906 et suiv. Le recès adopté par l'assemblée des
cantons catholiques fut d'ailleurs modifié peu après dans un
sens favorable aux demandes du Saint-Siège.
4. Comparez le texte de l'instruction : « Ainsi qu'il se verra
plus particulièrement par Yabscheid de l'assemblée et par les
copies des lettres desdits cantons qui seront baillés audit sieur
maréchal ».
5. Dans l'instruction originale, le même paragraphe com-
DE RICHELIEU. 429
nécessaire si les affaires ne se terminoient prompte-
mciil1, étant certain qu'autrement les Suisses et les
(ii mm >i in se trouveroient enfin incommodés des grandes
■finéea qui passeroient et séjourneroient sur leurs
I (afs; au lieu que, la garde des forts ayant été bien
établie, le différend de la Valteline ne les empêcheroit
le vivre comme s'ils étoient en bonne paix, et, de
plus, ils se rendroient maîtres des lieux que Ton vou-
loit usurper et des passages dont les Espagnols ne se
pouvoient servir que pour se rendre maîtres de l'Italie
et de l'Allemagne, ce qui, par suite infaillible, rejail-
liroit enfin à eux;
Que s'ils ne vouloient entendre à contribuer à la
dépense*, mais a fournir seulement d'hommes, pour
tenir, avec les François, garnison es dits forts, à la
solde de S. M. et de Venise, il seroit au moins de
besoin qu'ils entrassent en accord avec eux pour la
sûreté et conservation d'iceux envers et contre tous,
I I pour la manutention des Grisons en leurs États et
pays, jus(|u« s a ce que le principal différend entre les-
dits Grisons et Valtelins fût terminé, et que les choses
fussent rétablies entre eux* dans un bon ordre, pour
leur repos commun, et que S. M. auroit à plaisir que
menée ainsi : « Le troisième expédient qui consiste à faire con-
venir les cantons avec S. M. et la république de Venise pour
la garde des forts de la Valteline et la conservation du pays
■•te... »
1. Instruction originale : « par une bonne et prompte paix ».
[/instruction contenait une appréciation défavorable à
l'égard cl.-, Suisses, <ju.- l.-s Mémoire* n*OBl pas reproduite :
<• sont gens qui ont accoutumé de se Caire si viraux
dépens d'autnii, il y a grande apparence qu'ils n'y voudront
pas enlrii'li
\ 9
130 MÉMOIRES [1625]
les cantons protestants, conjointement avec les catho-
liques, intervinssent à cet accord par un mutuel désir
et consentement.
Ledit maréchal, ayant reçu ce commandement de
S. M., s'y achemina au mois de novembre de ladite
année1.
Peu après le partement de M. le Légat, les Espa-
gnols, que leurs affaires pressoient de faire la paix en
Italie, et qui avoient espéré que, sans qu'ils fissent
mine de s'en mêler, elle se feroit avec plus grande
réputation par l'entremise du légat, qui ne parloit
qu'au nom de S. S., sans qu'ils y intervinssent aucu-
nement, se voyant trompés en leurs espérances, cher-
chèrent d'autres moyens pour renouer le traité de
la paix.
Pour cet effet, ils écrivirent à Rome et sollicitèrent
qu'on leur envoyât le légat en Espagne, et donnèrent
charge au marquis de Mirabel, leur ambassadeur en
France, de voir si dextrement il pourroit, avec la répu-
tation de son maître, en entrer en propos avec les
ministres de l'État2.
1. Cette phrase a été intercalée dans le manuscrit A par
Sancy, à la suite de l'instruction de Bassompierre. Bassorapierre
quitta Paris le 18 novembre et fit son entrée à Soleure, siège
de l'ambassade, le 12 décembre. Voyez E. Rott, op. cit., t. III,
p. 1001.
2. Les Mémoires reproduisent à partir du paragraphe suivant
le récit de la négociation rédigé par Schônberg : « Propos
tenus entre M. le maréchal de Schônberg et le marquis de
Mirabel. » Ce document, conservé aux Affaires étrangères,
Espagne 14, fol. 285, porte des corrections de la main de
Sancy, qui a modifié le style direct de la relation (voyez, sur
l'ouverture de ces pourparlers, Vittorio Siri, Memorie recondite,
t. VII, p. 29, et Bassompierre, Mémoires, t. III, p. 210). L'ini-
[1625] DE RICHELIEU. 131
Il vit le maréchal de Schônberg1, et commença son
discours par le déplaisir qu'il avoit de ce que le légat
ttoit parti de la cour sans rien faire, et qu'il sembloit
qu'il en voulût rejeter la cause sur l'Espagne, qu'il
avoit charge de son maître de déclarer ici que les dif-
louftéfl ne procédoient point de lui, et le prioit de dire
B M. et à son Conseil que le roi d'Espagne lui avoit
donne charge de dire qu'il désiroit la paix, et ne s'ar-
tiative en aurait été prise par Mirabel, qui pressentit Bassom-
pierre à Fontainebleau, le 27 septembre; finalement, avec l'as-
sentiment du Cardinal, une première conférence eut lieu entre
l'ambassadeur d' Espagne et Schônberg, dans la demeure de
ce dernier, à Saint-Germain, le 27 octobre. Ardier a également
utilisa la relation de Schônberg fausses Mémoires sur l'affaire
drs Grisons et Valteline (Bibl. nat., ms. Français 4058, fol. 101),
d'où l'analogie que présentent son récit et le texte des
Mémoires, sans qu'il y ait filiation entre les deux documents.
Voyez l'étude consacrée par M. Delavaud à l'œuvre d'Ardier,
Rapports et notices, fasc. V, p. 213.
1 Henri de Schônberg avait reçu, en juin 1625, la charge
de maréchal de France, rendue vacante par la mort de Roque-
laure. Selon l'ambassadeur vénitien Morosini (dépêche du
22 juin, Calendar of state papers, Venice, t. XIX), ce choix
avait paru comme un gage donné par le Roi aux partisans de
la guerre contre les huguenots et semblait devoir préparer la
disgrâce du Cardinal et le rappel à la cour du prince de Condé.
I i la lettre adressée d'Amiens par Marie de Médicis à
Louis XIII, le 18 juin 1625 : « Je suis très aise du choix que
vous avez fait du comte de Schônberg pour remplir la charge
de maréchal de France que tenoit mon cousin le maréchal de
Roquelaure. Cette marque d'honneur que vous lui donnez
loublera le courage pour continuer à vous servir digne-
ment i-omiiie il a fait jusques ici » (Bibl. n.it., m s. Français 3708,
1 M lettre de Richelieu au cardinal de la Valette de
septembre 1624 (ms. Nouvelles acquisitions françaises 1 ;i
9 faisait déjà allusion à la rentrée en grâce de Schôn-
btrg.
132 MÉMOIRES [1625]
rêtoit point à cette vanité qui parlerait le premier;
qu'il traiteroit ici par ledit marquis de Mirabel, ou bien
enverroit, pour cet effet, quelque autre vers le Roi,
et le prioit qu'il lui voulût faire prompte réponse, d'au-
tant que les affaires pressoient.
Après cela, il voulut rentrer dans la négociation de
M. le Légat et dans le traité du commandeur de Sil-
lery, disant qu'il falloit avoir égard à contenter le Pape.
Puis après il parla des passages, et insista qu'il en
fût fait quelque petite mention, en telle forme que le
Roi ne fût pas blessé en sa réputation. Et cela en
termes si honnêtes qu'il étoit aisé à juger qu'il s'en
départiroit, moyennant que S. M. ne demandât en
iceux que les mêmes choses qu'elle avoit eues au passé.
Il ne fit point d'autre difficulté audit maréchal, recon-
noissant même qu'il ne seroit juste que les Grisons
perdissent leur souveraineté sur les Valtelins1.
Le maréchal lui répondit que l'état des affaires ne
permettoit pas de faire un nouveau traité; que, si la
négociation duroit plus d'un mois, les choses seroient
engagées entre les deux couronnes; qu'il en falloit
demeurer au premier article du traité de Madrid, et
que, pour parvenir à un accommodement, il étoit
nécessaire que les deux rois ne prétendissent tirer
aucun avantage sur l'honneur, les États et les alliés
l'un à l'autre ; que de rentrer dans les difficultés de
M. le Légat et celles du traité de Rome, ce ne seroit
1. Comparez le texte de la relation de Schônberg : « En
termes si honnêtes qu'à mon avis il s'en départira, moyennant
que S. M. ne demande en iceux que les mêmes choses qu'elle
a eues au passé, et ne m'a point fait d'autre difficulté, recon-
noissant même qu'il ne seroit pas juste que les Grisons per-
dissent leur souveraineté sur les Valtelins. »
DE RICHELIEU. 133
jamais l'ait, et qu'il falloit voir quelles ditlieull.
pourraient rencontrer entre les deux couronnes pour
< . l mommodemeot; et puis, si les parties convenoient
ensemble, qu'elles trouveraient bien aisément après
l<s moyens «le contenter le Pape.
Ils demeurèrent d'accord que leur entretien devoit
être tort secret.
S. M., ayant su ce discours, commanda qu'on dit,
de sa part, au marquis de Mirabel ■ :
Qu'il avoit eu fort agréable la proposition qui avoit
Hé faite par ledit marquis, avec la candeur et fran-
chise dont il avoit usé, qui faisoit connoitre l'affection
du roi d'Espagne envers S. M., laquelle de sa part
ooatribueroifl ce que l'on pouvoit justement désirer
d'elle pour le maintien de cette bonne intelligence;
Que !<• vrai moyen de taire la paix étoit que les deux
M voulussent pas en icelle tirer l'avantage l'un
sur l'autre, parce que, désirant tous deux conserver
leur honneur plus que leur vie, ils hasarderaient de la
perdre plutôt que délaisser entamer leur réputation;
Que le roi (TflnpigUf ne pouvoit rien prétendre
le* GrtSOtlS d MB 1rs Valtelinsqui ne tût préjudi-
ciable a l'homieor du Roi, puisque ce serait une nou-
veauté et un accroissement I l'Espagne sur les alliés
de S té;
Que le seul moyen donc de taire la paix serait que
ledit roi, de bonne foi, se départit de la prétention
1 La source de ce passage est la « Réponse qui sera faite au
nom du Roi au marquis de Mirabel » (Vff. étr., Espagne 14,
IM de guider le copiste, les lettres Cet D, portées
sur ce document, indiquent le coiinm-m «nient et la fin du pas-
sage à transcrire.
134 MÉMOIRES [1625]
des passages, qui sont toute la cause de ce différend.
Et pour le regard du Pape, Sa Majesté procureroit
avec effet tous les avantages que Sa Sainteté pourroit
raisonnablement désirer pour la religion catholique, et
les deux rois, en l'exécution de ce traité, observeroient
tout ce que des enfants très affectionnés au Saint-Père
doivent et peuvent faire pour sa satisfaction.
En même temps Fargis1, ambassadeur du Roi en
Espagne, mandoit de deçà qu'il voyoit bien que les
Espagnols désiroient bien passionnément la paix, pres-
sés par l'état présent de leurs affaires en Italie et en
Allemagne8, et que le comte d'Olivarès lui avoit deux
ou trois fois tenu des discours par lesquels il montroit
qu'il la désiroit absolument.
Sur ces avis, le Roi lui fit réponse, le 29e octobre3,
qu'il prît bien garde à conserver tellement la dignité
de S. M., qu'il ne fit rien dont ceux qui raffinent le
point d'honneur pussent tirer avantage ;
1. Charles d'Angennes, seigneur du Fargis, conseiller d'Etat,
maréchal de camp des armées du Roi. Il occupa l'ambassade
de Madrid de 1620 à 1629. En juillet 1625, il sollicita la suc-
cession de M. de Béthune à Rome (Aff. étr., Espagne 14,
fol. 212); mais Marie de Médicis, « affectionnée à tout ce qui
vous convient », dit Herbault à Fargis, jugea la demande pré-
maturée (Arch. nat., KK 1362, fol. 155, 26 août 1625).
2. Comparez la lettre du Roi à du Fargis du 29 octobre :
« Sollicités et pressés, comme j'estime, par l'état présent de
leurs affaires en Italie et en Allemagne » (Aff. étr., Espagne 14,
fol. 283).
3. Louis XIII donna ses instructions à l'ambassadeur du Far-
gis par deux lettres datées du 25 et du 29 octobre et adressées
par le même courrier, qui ont été l'une et l'autre reproduites
en partie dans les Mémoires. La lettre du 29 a été la première
utilisée.
DE RICHELIEU. 135
Qu'il y ■ tant «l<" différence entre ce que les Espa-
gnols «lisent et œ qu'ils l'ont, voire même en ce qu'ils
disent un jour <t œ qu'ils dieenl l'antee, qu'on ne
saurait l'aire un jugement certain des intentions et
desseins de telles gens.
Il seurotl donc que, si la paix se pouvoit faire à con-
ditions honorables et ftàra, en sorte que la chrétienté
n \ trouve rien à redire, et que ce qui seroit arrêté
lût nel et effectif1, S. M. ne s'en éloignerait pas,
ains au contraire y entendroit volontiers, n'ayant
point entrepris cette guerre par aversion qu'il eût à
. mais par la nécessité qu'il avoit de conser-
ter ses stt
nue les conditions que le Roi demandoit n'aboutis-
soient qu'à deux principales : l'une à l'exclusion des
passages, l'autre à la conservation de la souveraineté
des Grisons;
Que le légat n'a jamais (ait difficulté invincible que
pour la souveraineté, croyant bien que sur les pas-
MSjSs l'Espagne s'accommoderoit à ce que la France
e raisonnablement, et de la souveraineté encore
il ne l'. n suit difficulté que sur ce que c'étoit le Pape
srul ijin t'aisoit le traité, sans qu'aucune des deux cou-
raonee y intervint; «'t il lui sembloit honteux que le
Saint-Pérc soumit, par un acte qui provint purement
de lui. les catholiques I le domination des hérétiques,
-l'on il ee Noii rnsntiestemenl <|u»\ si l'Espagne inter-
\« nuit* avec la France en un traité, S. S. n'auroit
la lettre du 25 octobre : « et que ce qui sera
i réellement exécuté ».
2. Lettre du 25 octobre : « Mais afin que \<>us jttgfol mieux
de tout, je tous envoie un mémoire succinct des principaux
136 MEMOIRES [1625]
peine quelconque d'adjuger ladite souveraineté à qui
elle appartient;
Que la question donc consisteroit à ce que les deux
rois y intervinssent ensemble; que, puisque le comte
d'Olivarès n'en fait pas difficulté, mais seulement
de savoir qui commencera à témoigner désirer que
son compagnon intervienne, ledit Fargis, s'il est
assuré que la paix s'en ensuive, pourroit dire au comte
d'Olivarès :
Que le légat étant venu en France, et ayant presque
tout ajusté, fors ce qui est de la souveraineté, faute
de l'intervention d'Espagne1, le Roi sera bien aise de
savoir si ce sont eux qui font cette difficulté ;
Qu'ils pourront répondre que ce n'est point eux, et
sur cette demande et réponse il faudra convenir et
intervenir pour lever cet empêchement.
Et d'autant que le comte d'Olivarès pourroit2, sur
l'ouverture de cette intervention, répondre, selon les
termes qui ont été tenus vers le Pape, que le roi d'Es-
pagne est prêt d'entrer en traité, pourvu que les forts
soient remis, avant toutes choses, es mains de S. S.,
que S. M. entend que cette difficulté soit vidée avant
que faire la proposition qu'elle lui3 a ordonné, et que
points qui ont été agités en la négociation dudit légat, par où
vous verrez que si l'Espagne intervenoit... »
1. Lettre du 25 octobre : « Fors ce qui est de la souverai-
neté des Grisons, à laquelle il dit ne pouvoir toucher sans lin
tervention d'Espagne... »
2. Les trois paragraphes suivants reproduisent un fragment
de la lettre du Roi du 29 octobre (Aff. étr., Espagne 14,
fol. 283). En regard du passage à transcrire, Sancy a tracé les
lettres G-H à la marge.
3. A du Fargis.
(Il DE RICHELIEU. 137
si ledil <« »mt «■ insiste sur cette formalité, < ju'il essaye
de le rendre capable de* raisons pour Lesquelles elle
n'y peut entendre1, ajoutant que, s'il désire la paix,
il in- doit pas s'arrêter aux choses qui ne regardent
pas l'intérêt île son maître; que S. M. conviendra aisé-
ment de ce qui s'est passé en la Valteline avec le Pape,
lorsque les autres points auront été arrêtés, et qu'elle
est résolue de donner a S. S. toute la satisfaction rai-
sonnable qu'elle pourra désirer; mais que si, au pré-
judice de ces raisons, ledit comte s'affermit à prétendre
e» -tte restitution préalable des forts, comme ce sera une
preuve évidente qu'il M désirera pas la paix, ledit
- qu'il aura fait tout ce qui lui sera pos-
sible pour surmonter cette difficulté, s'il n'y peut par-
venir, ne passerait pas outre à la proposition susdite
de l'intervention et demeureroit sur la réserve plus
qu'auparavant ;
Que si on traitoit, il falloit conclure directement la
pail sans passer par une surséance d'armes, laquelle
si on proposoit il devoit rejeter, faisant connoitre
qu'elle ne pouvoit avoir lieu qu'après que les choses
.un oit ni été ajusté*!, et que la paix ne seroit pas plus
difficile à établir qu'une trêve*.
Pour tin, S. M. lui recommanda le secret, et décou-
vrir les conférences qu'il pourroit avoir avec ledit
comte du prétexte dm s.iisies des biens des sujets des
«l«n\ < ..inonnes3, afin que les ministres des antres
1 Ltf Mémoire» n'ont pas reproduit le membre de phrase
il : i telles <|n'eltes vous ont été ci-devant mandées et
>re par la relation que je vous envoie ».
- I - deui derniers paragraphes de la lettre origi-
nale a été iii"<li(i< dans les Mémoire».
Les saisies des biens des Français établis en Espagne
138 MÉMOIRES [1625]
princes n'y puissent rien pénétrer ni apporter obs-
tacle; qu'il en pouvoit donner part au nonce, s'il le
jugeoit à propos et croyoitque le comte fût pour lui en
parler1.
Quelques jours après que le marquis de Mirabel eut
tenu au maréchal de Schônberg le discours que nous
avons dit ci-devant, il se rétracta et parla tout d'un
autre air et avec beaucoup de froideur2, ce qui fit que
le Roi commanda au Fargis de faire le même, et d'al-
ler plus retenu aux offices qu'il lui avoit commandés
par sa lettre susdite.
Ledit comte d'OIivarès dressa une forme d'écrit
pour le commencement du traité, dans laquelle il
s'efforçoit de faire voir que le Fargis avoit parlé le pre-
mier et fait offre de contentement pour le roi d'Es-
avaient commencé le 28 mai, « plus par animosité que par
esprit de représaille » (lettre de Fargis à Herbault, Madrid,
2 juin 1625 : Aff. étr., Espagne 14, fol. 172).
1. Comparez la lettre du 29 octobre : « Je vous recommande
encore de tenir ces propositions secrètes, de couvrir les con-
férences que vous pourrez avoir avec ledit comte du prétexte
des saisies de biens des sujets des deux couronnes, afin que
personne, ni même les ministres de mes confédérés n'y
puissent rien pénétrer ni apporter obstacle. Je remets à votre
prudence d'en donner part au nonce si vous le jugez à propos
et que ledit comte soit pour lui en parler. »
2. Herbault annonça dès le 30 octobre à du Fargis le chan-
gement d'attitude du marquis de Mirabel (Arch. nat.,
KK 1362, fol. 311 v°). Voyez aussi la lettre du Roi à Béthune,
7 novembre 1625 : « Le comte d'OIivarès s'est aucunement
rétracté de ce qu'il avoit discouru avec le sieur du Fargis,
comme a fait le marquis de Mirabel des ouvertures qu'il avoit
faites à aucuns des principaux de mon conseil » (Bibl. nat.,
ms. Français 3669, fol. 14).
DE HU'HKLIBU. 139
<•, essayant de faire voir qu'il était dû quelque
chose ;i l;i satisfaction do son maitre.
Le l'.oi la rejeta et manda, le 6« décembre, audit
taPgifl qu'il ne vouloit pas souffrir que ledit comte
emportât, pour son maitre, le dessus au point de la
réputation, non plus qu'en l'essence de la chose;
Otfil ne devoit rien à la satisfaction du roi d'Es-
. qui a voit eu tout le tort et n'en avoit point rem,
et, partant, qu'il montrât dorénavant plus de rete-
nue envers ledit comte, comme ayant occasion de
se douloir de l'artifice de son procédé; néanmoins
qu'il observât ses mouvements le plus qu'il pour-
roit, pour en donner avis ponctuellement à Sadite
Majesté 1 .
1. \.>- troifl paragraphes qui précèdent sont empruntés à
une lettre d'IIerbault à du Fargis du 6 décembre (Aff. étr.,
Espagne 14, fol. 287), dont voici le texte : a Pour le regard
des affaires dont vous avez traité avec le comte d'Olivarès, je
ne puis que peu ajouter à ce que le Roi vous écrit. En effet,
nous connoissons que ledit comte désire la paix, et que S. M.
ne s'en éloigne pas ; mais il prétend non seulement emporter le
dessus au point de la réputation, mais aussi en l'essence de la
re qui se reconnoît assez par les termes de son écrit,
où il s'efforce de faire voir que vous avez parlé le premier et
fait "i1 ntentement pour la n>i d'Kspagne; puis il ajoute
ces mots de satisfaction publique, qui sont autant injurieux
OOOMM est vaine et injuste la prétention que montre ledit
qu'il toit dû quelque chose à la satisfaction de son
maître, notai encore compensation. De manière que vous
êtes loué d'avoir absolument rejeté cet écril, et S. M. trouve
h >n qu. \.iis uiMiitri./ ensuite plus de retenue envers ledit
BMM ftyant D <b- WMM dowlotr de l'artiflce de
s«.n procédé. Néanmoins vous observerez ses mouvements le
plus qui- vous pourrez pour en donner avis ponctuellement à
S. M. »
140 MÉMOIRES [1625]
Nous1 ajouterions ici la suite de ces entretiens;
mais, parce que la fin de cette négociation2 ne fut
qu'en l'année suivante, nous la remettrons en ce
temps-là, joint que la reine de la Grande-Bretagne,
que nous avons seulement conduite jusqu'à Douvres3,
nous convie de la retourner trouver, et laisser main-
tenant ces choses, qui sont de moindre considération
qu'elle.
Elle s'étoit imaginé de rencontrer en Angleterre
une magnificence au moins égale à celle de la cour
de France, vu que les ambassadeurs lui en avoient
parlé, en sorte que de leurs paroles elle avoit lieu de
croire qu'elle la surmontoit de beaucoup.
Elle s'attendoit aussi d'être reçue du roi avec des
témoignages d'une extrême bienveillance, et de voir
un prince qui l'aimât autant comme elle avoit d'amour
pour lui, et qui ne lui voulût refuser aucune des
1. Ici commence le 22e cahier du manuscrit A (fol. 206),
ainsi résumé par Charpentier : « Arrivée de la Reine en
Angleterre. Procédé de Buckingham envers elle. Le sieur de
Blainville y va en ambassade extraordinaire. »
2. Herbault écrivait à ce propos le 19 décembre à Béthune :
« La négociation de la paix est finie ou du moins si assoupie
qu'il ne s'en parle plus ni de deçà ni ailleurs; en Espagne, il
s'étoit tenu quelques propos en général sur ce sujet entre
M. du Fargis et le comte d'Olivarès; mais il n'en- est réussi
aucune conclusion. Ce que nous avons reçu est que les Espa-
gnols désirent la paix et qu'ils en ont besoin, mais qu'ils y
veulent prendre, s'ils pouvoient, des avantages au préjudice de
la réputation du Roi et de l'intérêt de ses alliés. Ainsi nous
nous trouvons bien loin de compte » (Bibl. nat., ms. Fran-
çais 3669, fol. 31).
3. Le 22 juin 1625. Voyez Louis Batiffol, la Duchesse de C/ie-
vreuse, 1913, p. 68.
[1625] DE RICHELIEU. 141
grâces que raisonnablement elle lui pouvoit demander.
•Ile fut étonnée que, arrivant à Douvres, elle est
dans un château mal meublé1, toute sa cour fort
mal reçue, pour un jour d'entrée au royaume dont
elle venoit prendre possession2.
Le lendemain, le roi la vint trouver sur son
dîner, usez mal accompagné, n'ayant pas l'ombre
seulement de la grandeur avec laquelle le roi de
tance vit.
Tout ce qui l'étonné le plus, c'est que dès le soir
de sou arrivée on met les prêtres et les catholiques en
prison, comme si on vouloit à sa vue les affliger,
au lieu qu'elle espéroit les soulager par sa présence,
bien qu'on les relâchât depuis à l'instante prière qu'elle
en fît .
An partir de Douvres, le roi la mit en un carrosse
plein de il;unes angloises, afin d'éloigner les dames
li -niçoises qu'elle a voit amenées avec elle3.
1. l'n appartement de neuf chambres y avait été préparé
pour elle sur l'ordre de Buckingham, qui possédait le château
en sa qualité d'amiral des Cinq ports (dépêche du 27 juin de
l'ambassadeur vénitien à Londres, Zuane Pesaro : Calendar
of State Papers, Venice, t. XIX, p. 87).
1. Les Mémoires s'inspirent, pour tout le récit du séjour de
Henriette de France en Angleterre, de la narration de Tillières
ires, éd. ('.. Eippeao, i ihap. vi, p. 88 à 115). Mais l'ex-
posé dt- Tillières a été considérablement abrégé; aucun doea-
Best ne permet d'ailleurs de déterminer de manière précise
les conditions dans lesquelles a été effectué le travail d'adap-
il <si impossible de le reconstituer à l'aide des correc-
pea DOmbranses que présente cette partit- du neJMMCril I ,
dnt-Georges, les comtesses de Tillières et de
Clprières, « dames d< la chambre du lit », et M"" de Fouges,
« dame d'atour » (Aff. étr., Angleterre 39, fol. 88 v°).
142 MÉMOIRES [1625]
Elle ne put souffrir sans larmes de se voir, jeune
princesse, quasi comme étrangère (puisque c'est le jour
de son arrivée), toute seule parmi des personnes de
langue et de religion différentes, séparée de celles en
qui elle a voit créance.
Ses larmes ne purent obtenir qu'on donnât au moins
place en son carrosse à sa dame d'honneur1 ; mais les
instances des ambassadeurs du roi l'obtinrent2. Le
refus qu'on lui en avoit fait lui fut moins sensible que
de voir que l'autorité desdits ambassadeurs eût eu plus
de crédit envers le roi son mari que ses prières.
Tout le voyage jusqu'à Londres alla du même air3 ; y
arrivant, elle n'y reçut aucuns honneurs, et ne vit nulle
des galanteries qu'on a accoutumé de voir en occasions
semblables.
Dans la maison du roi4, elle trouva pour son lit de
parade un de ceux de la reine Elisabeth, qui étoit si
1. Mme de Saint -Georges, marquise de Monglat (même
document). En août 1625, Richelieu songea à la remplacer par
la marquise de Maignelay (Aff. étr., Angleterre 33, fol. 208).
2. Sur l'intervention de Brienne et d'Effiat, au moment du
départ pour Cantorbéry, voyez Brienne, Mémoires, 1. 1, p. 223,
et la lettre adressée par lui au Cardinal le 26 juin 1625 : Bibl.
nat., ms. Brienne 49, fol. 194 v°.
3. L'entrée de Charles Ier et de Henriette de France à
Londres eut lieu le 26 juin 1625; le voyage royal s'était
achevé, de Gravesend à Londres, sur la Tamise (Tillières,
Mémoires, p. 91 et 92).
4. A Somerset House, connue encore sous le nom de Den-
mark House, parce que la reine Anne de Danemark, femme de
Jacques Ier, y avait établi sa résidence. Cet hôtel fut donné à
la reine, par acte du 14 février 1626. Voyez S. R. Gardiner,
History of England, t. V, p. 335, et The Annals ofKing James
and King Charles the First. Londres, 1681, in-fol., p. 108.
[1625] DE RU HKI.IEU. U3
antique que les plus vieux ne se souvenoient point d'en
i jain.iis vu la mode de leur temps.
A peine est-elle arrivée que Ton recommence les
cruautés contre les catholiques; on remplit les prisons
df leurs personnes, les encans de leurs meubles et le
fisc de leurs biens. Dieu, qui vouloit montrer qu'il
voyoit de l'œil de sa colère une telle injustice, les
frappa d'une peste si furieuse, qu'en une semaine,
en la ville de Londres seule, il en mourut plus de
sept mille1.
l'uur fuir le mal le roi la mena à la campagne*,
continuant toujours envers elle le même traitement
qu'il avoit commencé, ce qui lui causoit un tel
déplaisir, qu'une personne bien plus âgée qu'elle n'eût
pas eu assez de force pour s'empêcher d'en donner
quelque connoissance au dehors. Elle n'en donnoit
point d'autre néanmoins, sinon qu'il paroissoit bien
qu'elle avoit quelque ennui qui la travailloit au dedans.
Buckin^liam prit cette occasion pour lui rendre de
mauvais offices auprès du roi, et s'échapper encore,
OOnftft le respect qu'il lui devoit, en de fâcheuses
paroles3.
1. Les deux alinéas précédents reproduisent presque tex-
tii» HrriMht un passage de Tillières [Mémoires, p. 92).
Le départ du roi et de la reine est mentionné dans une
lettre de Locke à Carleton, 9 juillet 1625 (Calendar of Stuic
Papers, Domestic .Séries, 1625-1626. Londres, 1858, p. 57). La
cour se rendit à Windsor, à Woking et Nonsuch et enfln à
;. 1\ juillet, pow l'ouverture du Parlement.
ri du manuscrit A : a Buckingharn prit
cette i non seulement de lui rendre de mauvais offices
- du roi, mais d'échapper encore contre le respect,
etc.. » Cf. ïïlli. -r« s. Mémoires, p. 93.
144 MÉMOIRES [1625]
Il la menaça qu'elle seroit la plus malheureuse prin-
cesse de la terre, si elle ne vouloit vivre avec plus de
gaîté avec le roi; que ce n'étoit pas lui témoigner
qu'elle l'aimât, que d'être triste en sa présence.
Quant à lui, qu'il savoit bien qu'elle lui vouloit mal ;
mais que cela lui étoit indifférent, pourvu qu'il fût en
la bonne grâce de son maître.
Tout le mal qu'il disoit qu'elle lui vouloit n'étoit
autre chose sinon qu'elle a voit fait instance que ses
dames, au moins celle d'honneur, demeurassent en
son carrosse, et ne fussent point chassées pour celles
qu'on lui vouloit donner par force, qui étoient la
femme, la sœur et la nièce de Buckingham1.
Nonobstant l'effronterie avec laquelle il avoit parlé
à la reine, comme si, par excès de présomption ou
de folie, il estimoit les offenses être courtoisies, il ne
laissa pas, dès le lendemain, de la venir supplier de
recevoir ces trois dames pour ses dames de lit.
La reine répondit très sagement que la feue reine
d'Angleterre n'en avoit que deux; qu'elle en avoit
amené trois de France, et se contentoit bien de ce
nombre.
Cette affaire fut poursuivie avec chaleur ; il en fut
1. La duchesse de Buckingham, la comtesse de Denbigh et
la marquise d'Hamilton. D'après une lettre de l'évêque de
Mende (Aff. étr., Angleterre 33, fol. 204), datée de Richmond,
1er juillet 1625, et adressée au Cardinal : « M. le duc de Buc-
kingham ne s'est pas contenté d'avoir sa mère et sa femme
pour dames du lit, et a prié les ambassadeurs de poursuivre
près de vous cet honneur pour sa sœur. » Le roi avait autorisé
le 31 juillet 1625 l'entrée dans la maison de Henriette de France
de la comtesse et de la duchesse de Buckingham (Bibl. nat.,
ms. Français 3722, fol. 195 v°).
DE RICHELIEU. 145
fait instance aux ambassadeurs, qui étoient le duc de
Clit \it iim' et les sieurs de la Ville-aux-Clercs et d'Ef-
tiat. Il y a voit raison pour et contre *; mais enfin celle
du péril de la religion de la reine, si on les admettoit
sitôt, l'emporta*.
La peste de Londres avoit fait remettre le Parle-
ment à Oxford3. Il témoignai une grande animosité
eontre Buckingham, qui, pensant faire chose qui lui
l. Klles sont exposées dans un mémoire adressé au Roi par
• linal le 3 août 1625 : « Pour ce qui est de l'Angleterre,
il faut prendre les remèdes aux exécutions qui se font aux
choses accordées par le traité de mariage, de l'avis de MM. les
.mil>.issa<lriir> qui. avant vu le mal, doivent mieux connoître
us autres les moyens de le réparer. Seulement peut-on
•lin- «put est à propos de se montrer ferme à cette occasion,
parce que, si on se relâche aux choses promises et stipulées,
ils empiéteront de telle sorte qu'enfin la conscience de la reine
ne sera pas assurée. Cependant, il est nécessaire d'éviter une
rupture avec le duc de Buckingham » (Afl*. étr., France 780,
159).
1 Voyez une lettre adressée par le Roi à Effiat à la fin d'août
Atf. étr., Angleterre 33, fol. 208) : « Par une dépêche
roui écrivis pour lors, je consentois volontiers aux pro-
ions que vous faisiez de souffrir en la maison de la reine
l introdui ti<>n de la mère et de la femme de Buckingham, à
ge d'en exclure toute autre; maintenant j'ai changé d'opi-
nion, estimant qu'ils imputeront ce consentement à foihlesse
ou à peu de soin d'entretien des conditions du mariage et de
zèle pour la religion. » Tillières (p. 94) attribue ce changement
de décision à l'intervention de l'évêque de Mende.
3. Le l'arlem t s'était réuni à Westminster le 18 juin;
ajxurn. U 1 1 j • t, il fut convoqué à Oxford le 1" août et y
siégea jusqu'au 12 août (anc. st.), date de sa dissolution. Samuel
R. Gardiner a publié, d'après un manuscrit OMtMBOrtin, un
compte-rendu des séances (Debates in t/><- House of Commons
m U • l • I > . \- * s, Ml v (. \ |, 1873).
V 10
146 MÉMOIRES [1625]
fût agréable, ne se contenta pas de remettre en vigueur
les anciennes lois contre les catholiques, mais en fit
encore proposer de nouvelles plus rigoureuses1, et
quant et quant offrit de faire chasser les François qui
étoient auprès de la reine. Mais Dieu, qui confond les des-
seins des méchants, fit que le Parlement répondit qu'il
falloit garder les promesses que le roi d'Angleterre
avoit faites à S. M. Très Chrétienne; mais que, s'il y
avoit en elles quelques choses qui fussent contre le
droit et les lois du royame, il falloit châtier ceux qui
les avoient accordées.
Le comte de Garlisle, avec cet esprit de mensonge
qui ne le quitte jamais, dit impudemment tout haut,
devant toute la compagnie, que S. M. Très Chrétienne
et ses ministres lui avoient dit qu'ils n'entendoient pas
que les articles concernant les catholiques fussent
observés, et qu'ils n'en faisoient mention que pour con-
tenter le Pape2.
Mais cette fausseté étoit si évidente, et il étoit si
1. Voyez la lettre de Tillières au Roi, 18 août 1625 (Bibl.
nat., ms. Dupuy 403, fol. 27). Buckingham annonçait que le
Parlement l'obligeait à 1' « exécution des anciennes lois contre
les catholiques », mais promettait que, l'application « étant entre
ses mains, il en useroit fort modérément ».
2. Le P. de Bérulle mentionne également, dans une lettre
adressée le 31 août au Cardinal, les « assurances » -données au
Parlement d'Angleterre par Buckingham et Carlisle « que les
promesses faites n'avoient point été requises du Roi Très Chré-
tien pour avoir effet, mais seulement pour apparence et pour
prétexte au l'ape de donner la dispense » (Aff. étr., Angle-
terre 33, fol. 219). D'après l'ambassadeur vénitien Zuane
Pesaro, John Williams, lord Reeper s'était prononcé en faveur
de l'exécution des engagements pris par le roi (dépêche du
21 août 1625, dans le Calendar of State Papers, Venice, p. 143).
[16Î5] DE RICHELIEU. 147
hors d'apparence qu'un grand prince comme le roi
eût pu traiter avec tant d'indignité et si peu de resr
pect de la religion qu'il professe1, que le Parlement,
vaut point d'égard, continua avec le même cou-
de procéder avec Bu< ki ng h un, qui lut enfin con-
traint de le rompre, mais avec dessein de le remettre
à peu de temps de là, se retenant1 à tirer une si rude
vengeance de tous ceux qui lui avoient été contraires
m m parlement-ci, que ceux qui seroient élus en l'autre
appréhenderoient de recevoir le même traitement.
Kn ce temps, le comte de Tillières reçut ordre du
Roi de traiter avec ledit duc de quelque chose con-
« « ruant les affaires d'Allemagne, lui dire force paroles
honnêtes de sa part, et lui recommander instamment
l'affaire des catholiques, qui étoient extraordinairement
persécutés, au préjudice des promesses et des serments
qu'il a voit faits au contraire en faveur du mariage.
Maie, Mmm» s il eût été mù par ses instances de faire
» -m -lire pis, il poussa le roi de la Grande-Bretagne, dèf
le lendemain, a faire une proclamation contre eux plus
plus inhumaine encore que toutes celles
qui avoient été auparavant3.
1. Cette phrase ne se retrouve pas dans les Mémoires de Til-
lières, auxquels ont été empruntés en revanche les deux ali-
néas qui précèdent (p. 96).
Rédaction du manuscrit A : « Se résolvant à tirer si rude
vengeance connue il fit de tous ceux qui lui avoient été con
l au parlement passé... » Cf. Tillières, Mémo,
et Aff. étr., Angleterre 41, fol. 289 v°.
l'remière i du manuscrit A : « plus inhumaine
ijin- imites celles qui avaient j.iin.ti i alinéa est
un résumé de Tillières (Mémoires, p. opk de la pro-
clamation, datée du 14 août 1625, est conservée aux AH
148 MÉMOIRES [1625]
Après cette action, ils menèrent la reine à Titch-
field1, maison du comte de Southampton ; vers la
mi-août, le roi s'en alla à la Forét-Neuve, qui en est
distante de trois ou quatre lieues.
Buckingham, pour la combler de tristesse, lui dit
que le temps de l'affliction pour elle étoit venu, qu'elle
ne seroit plus traitée en reine, mais comme elle méri-
toit. A quoi elle lui répondit fort sagement et modes-
tement2.
A quelque temps de là, on reçut nouvelle que le
sieur de Blain ville3 devoit bientôt être envoyé, de la
Angleterre 33, fol. 217. « Elle renouvelle, écrit Bérulle dans la
lettre citée plus haut, toutes les lois pénales qui ont jamais été
faites et quelques-uns même disent qu'elle en ajoute de nou-
velles. » Elle avait été annoncée au Parlement avant sa disso-
lution (The Annals ofKing Charles the First, p. 111).
1. Le roi chassait dans la New Forest et résidait à Beaulieu
(Holborn), tandis que la reine séjournait à Titchfield, nord-
ouest de Gosport (Hampshire), sur la rive opposée du « Sou-
thampton water ». La résidence de la reine avait été construite
sous le règne de Henry VIII par le chancelier Wriothesley,
comte de Southampton, sur les ruines d'une ancienne abbaye;
elle appartenait alors à Thomas Wriothesley, quatrième comte
de Southampton (1607-1667). C'est dans cette demeure que
Charles Ier chercha refuge en 1647 et fut arrêté le 12 novembre
par le colonel Hammond (Cassell, Gazetteer of Great Britain
and Ireland, t. VI, p. 198).
2. Cf. les Mémoires de ïillières (p. 99) qui donnent de cet
incident un récit détaillé.
3. Blainville avait été l'ami du maréchal d'Ancre et du duc
de Luynes. « Esprit fort adroit dans les intrigues de la cour »,
écrit Bréval au duc de Lorraine le 30 août 1625 (Bibl. nat.,
Nouvelles acquisitions françaises 3145, fol. 298). Il arriva à
Londres le 21 octobre 1625. Voyez l'abbé Houssaye, l'Ambas-
sade de M. de Blainville. Bévue des questions historiques,
t. XXIII, p. 176-204. Herbault mandait le 24 octobre à Béthune
DE lliriiEMEU. 149
part 1 1 ci Roi, ambassadeur extraordinaire pour se
plaindre de tant de contraventions qu'ils faisoient à ce
qu'ils avoient promis, et informer S. M. de la Vérité
•portements de la reine, <l<>nt tes An^lois, pour
■MBer leur barbarie envers elle, se plaignoient.
On jugea à propos de dépêcher le Père de Bérulle
en Prince, pour faire entendre la vérité de toutes
dwnc< au Roi et au Cardinal, afin d'avoir plus de
lumière pour donner instruction à l'ambassadeur de ce
qu'il avoi! à faire1. Il arriva à temps pour cela.
doc de Chevreuse et sa cabale, qui n'étoit pas bien
ju'il paroi qu'il n'avoit pas mis en Angleterre les
affaires au point qu'il devoit, et qu'un autre ambassa-
■ leur tût envoyé pour corriger les fautes qu'il avoit faites
< t donner un meilleur établissement à toutes choses,
m.iiida en Angleterre qu'on se devoit bien donner
le de rien taire en faveur dudit ambassadeur;
Qu'il nVtoit pas de si grande considération pour sa
Mme, qu'on dût beaucoup se soucier en France
du traitement qu'on lui tordit l'ait; qu'on l'envoyoit
comme un homme habile et le plus rusé qui fût en la
OOOr; <ju'il teroit gloire «le les avoir trompés s'il obte-
noit quelque «hangement d'eux au procédé qu'ils
lent tenu jusque* ici*.
L'ambassadeur, «les son an éprouva un effet
que Rlainvill- < t ait envoyé en Angleterre « pour accommoder
les petites l>r<>uill.Ti.-s qui étoient dans la maison de la reine >t
M plaindre de quelques édits pabKél BOTtre Ictt • . » 1 1 1 • »—
BfMI i MU. nat . tus. Français 3699, fol. 12).
1 Ktnpiiint aux M de Tilli.'-f-s, p, 101.
1 I is trace de cette intervention <iu duc de
vreose dans les Mémoire» de Til Hères.
150 MÉMOIRES [1625]
de cette instruction. On n'envoya au-devant de lui
qu'un vicomte; on ne lui donna point de dais en sa
chambre. En sa seconde audience, on ne le fit accom-
pagoer que par un baron1.
Exposant au roi son ambassade, qui consistoit en
deux points, savoir et le repos des catholiques et l'éta-
blissement de la maison de la reine, le roi lui répondit
qu'il ne s'étoit rien fait contre les catholiques que pour
le bien de son État ;
Que, pour la maison de sa femme, il en vouloit être
le maître et en disposer à son gré ;
Qu'il a accordé à son parent le duc de Chevreuse
tout ce qui se peut accorder, et que si d'autres en
espèrent davantage ils se trompent.
Le sieur de Blainville lui repart que ce qu'il demande
est au nom de son maître, et qu'il parle en qualité de
son ambassadeur, et non comme Blainville, et que le
duc de Chevreuse n'avoit rien dû ni pu obtenir qu'en
cette même qualité2.
Le roi ajouta alors que S. M. a voit fait un tour d'Es-
pagnol d'avoir surpris Soubise au temps que l'on cro-
yoit la paix être assurée3.
1. Cf. la copie des Mémoires de Tillières, conservée aux Afl\
étr., Angleterre 41, fol. 283 et suiv., à laquelle cette phrase est
empruntée à peu près textuellement.
2. Tout ce qui précède est inspiré de Tillières, Mémoires,
p. 105.
3. Ce passage est emprunté à un « mémoire envoyé de M. de
Blainville au cardinal de Richelieu, reçu le jour de la Tous-
saint » (Aff. étr., Angleterre 26, fol. 473). « Le roi de la
Grande-Bretagne même s'échappa à mon audience à me dire
que le Roi avoit fait un tour d'Espagnol, n'osant prononcer le
nom de supercherie, d'avoir surpris M. de Soubise dans le
M '>? .V I)K RICHELIEU. 151
Cette parole nltciisa Blain ville. Il répondit néanmoins
civilement (|iie le Roi son maih e ne se servoit point de
1 < \< ni|ile île personne, mais le donnoit à ceux qui
votiloient agir pnennsement.
Si les paroles du roi furent mauvaises, les effets
lurent encore pires. Il envoya, dès le jour même, qué-
rir le comte de Tillières, et lui commanda de faire prê-
ter le serment à deux Anglois huguenots qu'il vouloit
(aire recevoir en la maison de la reine1. Ledit comte,
Blainville et la reine eurent grande peine à esquiver
ce coup.
Buckin^ham i toit encore à Plymouth, où il étoit allé
pour donner ordre au partement de l'armée nationale
pour Cadix-, laquelle étoit commandée3 par le comte
t**m|»s que l'on disoit la paix être assurée. » Les corrections
« 1 11 < ■ prêtent! en ce point le manuscrit A permettent de conclure
que toutr cette partie des Mémoires a été revue successivement
harpentier et Sancy. Cette phrase se présente en effet
loi. 211 y*) : 1° version du scribe : « Que le
Roi avoit fait un tour d'Espagnol d'avoir surpris Soubise autant
< I » i • • I on eroyoit la paix être assurée »; 2° correction de Cbar-
r : « Le roi ajouta que le Roi avoit fait un tour d'ItMk-
gaol rection de Sancy : « Le roi ajouta alors que
v M. avoit fait un tow d'Espagnol... »
llières, Air. étr., Angleterre 41, loi. 286 : « Si les
paroles sont mauvaises, les effets sont pèrtft. Il l'ail dire au
< oint. uV TUlièrei dès le soir mèmt par un nommé (iourdon
qu'il \tiit qu il fasse prêter le serment et recevoir serviteurs de
me sa femme, deux Anglois huguenots. »
li lotti quitta l'Uruoiilli 1»- 1S octobre. La ville de
Londi .iirni 1,000 hommes à l'expédition. CI. K. '•-.
rpe, London <ind the Kin^dom, 1884, t. II. |>.
I •■ commandement de la flotte, primitivem. nt réservé à
Dgham, lut confié à Sir Edward Ctcfl, \iromte il«' Wim-
bUdoi H>38), assisté du comte d'Essex, « vice-admiral >,
152 MÉMOIRES [1625]
de Denbigh1, son beau-frère, homme de peu de sens
et de nulle expérience en la mer2.
Il revint à quelques jours de là à Salisbury3 où
étoient Leurs Majestés, vit Blainville, le paya de grands
compliments, ne voulant venir avec lui à rien de par-
ticulier, espérant peut-être aller en France* de Hol-
et du comte Denbigh, « rear-admiral ». Ce dernier exerça pro-
visoirement le commandement de la flotte du 24 octobre au
1er novembre, alors que Sir Edward dirigeait en personne les
opérations sur terre (voyez The voyage to Cadiz in 1625, being
ajournai uritten by John Glanville, éd. A. B. Grosart. Cam-
den Society, New Séries, 1883, t. XXXII, p. 50). Commentant
l'échec de l'expédition, Blainville écrit le 20 décembre au Car
dinal : « Cette nouvelle afflige un peu cette cour et les parti-
sans de Buckingham témoignent qu'il faut réparer cette faute,
donnant secours à la Rochelle. Pour moi, j'estime qu'ils ne
vous feront pas grand mal et qu'il est aussi aisé de les battre
en France comme en Espagne » (Aff. étr., Angleterre 33,
fol. 314).
1. Première rédaction du manuscrit A : « mmandée parle
comte d'Einby, beau-frère du duc ». La correction a été faite
par Sancy. William Feilding, premier comte de Denbigh, né
avant 1582, avait épousé Suzanne Villiers, sœur de Buckin-
gham; il reçut le titre de comte de Denbigh le 14 septembre
1622; il accompagna le prince de Galles et Buckingham en
Espagne, servit, au cours de l'expédition de Cadix (1625),
comme rear-admiral, et reçut le commandement de la flotte
envoyée en avril 1628 devant la Rochelle ; blessé lors de l'at-
taque du régiment de Rupert sur Birmingham le 3 avril 1643,
il mourut des suites de ses blessures le 8 avril. Voyez Dictionary
of National Biography, 1889, t. XVIII.
2. Emprunt aux Mémoires de Tillières, p. 101 : « Le géné-
ral qu'on envoyoit pour la [l'armée navale] commander... étoit
sans nulle expérience de la mer et homme de peu de sens. »
3. Salisbury, chef-lieu du comté de Wilts, au confluent du
Bourne et du Nadder.
4. Dès le 15 novembre, Bréval mandait au duc de Lorraine
[I6?f>] DE RICHELIEU. 153
lande, on son maître IVnvovoit en ambas>adc extraor-
dmeire.
l.limvillr cuit être obligé de donner avis parti-
culier au Roi de tout ce qui se pas.soit. et lui cn\<>\a
MO secrétaire, le 2* de novembre pour l'informer de
tmito choses1.
le bruit d'un voyage de Louis Mil à Ittlent : « Je crois que le
vrai motif est le retour de Hollande du duc de BncJdngham,
qui veut voir le Roi en passant, lequel ne désire pas qu'il
fitBB6 ici pour beaucoup de raisons générales et particulières,
publiques et domestiques, que V. A. jugera bien » (Bibl. nat.,
N ivelles acquisitions françaises 3145, fol. 388).
1 . Première rédaction du manuscrit A : « Pour savoir sa
volonté sur six points. Lt premier sur les domestiques de la
o de la reine, que le roi d'Angleterre, contre le traité du
mariage, vouloit mettre à sa fantaisie et de sa secte; le
deuxième, quelle instance il devoit faire sur le mauvais traite-
ment des catholiques; le troisième, touchant la restitution des
aux que Soubise avoit avec lui, et particulièrement de
celui de Saint-Jean; le quatrième sur les vaisseaux anglois qui
avoient s>r\i le Roi en son armée, lesquels le roi de la Grande-
Bretagne demandoit lui être renvoyés. Ces vaisseaux étoient
HM At Iniit M'en a\oit promis, le capitaine du huitième,
n'avant pas voulu dès le commencement servir le Roi, s'en
étant enfui de nuit. De ces vaisseaux, les six étoient marchands
et avo |>ar permission du roi d'\n-lri«-rre nolisés au
nom de S. M. pour dix-huit mois, le septième étoit un vais-
seau du roi d Angleterre. Le cinquième, si la reine devoit
recevoir les dames de lit huguenotes que Bm -kin^ham lui fai-
soit prétenter par le roi. lilainville ajouta son avis qui étoit
que, par la d> amaii ambassadeur D a\oit avancé ni
n'avtnceroit rien en Angleterre, vu qu'ils teetoitnfl et la civi-
lité .t particulièrement qu'on leur pouvoit mettTt lt mandé
en la m un m ce temps auquel ils avoient grand besoin des
tint du mariage; que Buckin^ham «toit
en nu i-lligence avec le Parlement; qu'ils étoitnl te
entfrt pnenrtt avec les Espagnols, te ligue avec leurs alliés pour
154 MÉMOIRES [1625]
Le Cardinal pour réponse1 lui donna charge de dire
à Buckingham qu'on n'auroit pas sujet d'ajouter loi
aux promesses qu'il faisoit en ses entreprises qu'il
proposoit, s'il manquoit non seulement aux paroles
qu'il avoit données par le passé, mais à des articles
d'un contrat de mariage, entre lesquels un des prin-
cipaux est que tous les domestiques de la reine seront
catholiques; que si on vouloit avec violence la con-
traindre à en recevoir d'autres, elle craindroit qu'on
la voulût enfin passer jusques à sa personne et la forcer
en sa religion2.
le recouvrement du Palalinat et en crainte que le Roi prît volonté
de faire la paix avec le roi d'Espagne; que le mal étoit qu'ils
étoient ponctuellement avertis de France de toutes les all'aires
par personnes qui, pourvu qu'ils ruinassent son ambassade, ne
se soucioient pas du public; et que, si on lui donnoit ordre de
témoigner avec courage et paroles hardies le ressentiment que
le Roi avoit de leur mauvaise conduite en ce qui le regardoit,
assurément (pourvu que cela fût secret) ils en seroient éton-
nés, pour ce qu'on leur donnoit tous les jours avis de ne se
point relâcher et tenir bon et ne rien craindre du côté de la
France, vu que la crainte fait tout faire au Conseil de France,
où personne n'oseroit donner au Roi un conseil hardi; enfin
que Ruckingham, quoiqu'il fît le bravache, appréhendoit une
rupture. » Tout ce passage a été supprimé par Sancy lors de
la révision du manuscrit A.
1. Ici commence un long emprunt à une lettre du Cardinal
du 11 novembre 1625, dont la minute, écrite par Charpentier,
est conservée aux Aff. étr., Angleterre 33, fol. 274. Cette
minute porte en tête un renvoi au 22e cahier des Mémoires :
« en la feuille 22 », et présente des corrections de temps et de
style faites tant par Charpentier que par Sancy. Malgré ce tra-
vail préliminaire, des modifications nouvelles ont été apportées
par Sancy sur le manuscrit A.
2. Première rédaction du manuscrit A : « Le Cardinal, par
commandement du Roi, lui répondit qu'on ne pouvoit penser
[1625] DE RICHELIEU. 155
pliant à ce <|tuls prétendoient être aussi l>ien fondés
à se mêler de nos huguenots1, connue le Hoi lïtoit à
agir pour les catholiques d'Angleterre, il leur devoit
répondre qu'il ne demandoit pour lesdits catholiques
■ne < ■■■ «jui avoit été promis par le roi d'Angleterre
iiirriie, et eux demandent pour les huguenots non une
chose due comme promise, ni une grâce pour des
en France comme Buckingham, qui faisoit tout en Angleterre,
se pouvoit excuser de faire exécuter les choses solennellement
promise* par un traité de mariage, vu qu'il seroit difficile qu'on
pût ajouter foi aux promesses qu'il veut faire dans ses entre-
I à l'avenir, s'il manque non seulement aux paroles qu'il
a données par le passé, mais à des articles d'un contrat dont
il veut bien qu'on lui attribue la gloire et qui sont si authen-
tiques comme sont ceux d'un mariage fait non seulement pour
lier deux personnes, mais deux couronnes; qu'il lui devoit
témoigner ouvertement que l'inobservation de ce qui avoit été
promit ne pouvoit être continué avec la conservation d'une
boue intelligence avec la France et de l'amitié du Roi, ni
même de la reine sa maîtresse. Si nonobstant tel langage ils
M portotent à l'extrémité de vouloir mettre des officiers pro-
ts dans la maison de la reine, elle seroit très bien fondée
I Im resnser tout .1 plat et Itui- iléfendre l'entrée de sa maison,
leur disant tTM Moéottfo, mais force et vigueur, qu'elle ne les
fM.urroit souffrir, parce que, si on usoit de violence pour M
c|iii . t >it stipulé pour ses domestiques en faveur de son mariage,
raiadroit qu'on la voulût continuer et augmenter jusqu'à
sa personne en ce qui la concerne pour la lil i reli-
gion. Kn |a| <as, elle pourroit encore parler au roi sou mari,
qui, sans doute, ne se résoudroit jamais à mépriser ses senti-
ments .t u reJton tout enseenble. »
1 Ce début d'alinéa se présente sur le manuscrit \ MMSS
troll première version (conlonm a Angle-
terre ■ J74) : « Qm quant à ce qu'il a ponrsnivi M
faveur des i atlioli.pics, on se moque en Angleterre quand on
fait semMant >\> I. tpuncr mauvais et de < roir- qu'ils sont
aussi bien faedàl à parler des huguenots... » Deuxième
156 MÉMOIRES [1625]
innocents, mais impunité et récompense pour des
rebelles, et ce contre les règles de tout État.
En ce qui regardoit la demande des vaisseaux que
Soubise avoit pris au Roi et volés à ses sujets, que les
Anglois ne se pouvoient exempter d'y répondre favo-
rablement, vu qu'il s'agissoit non de grâce mais de jus-
tice, qui en pareil cas ne pourroit être déniée ni par
le Pape au Turc, ni par les Anglois au Pape, et qu'en
effet la détention de ces vaisseaux ne pouvoit être con-
tinuée sans manifeste hostilité, ce qu'il leur devoit dire
fortement ' .
Et que S. M. en useroit bien autrement envers le
roi son frère; car, puisqu'il désiroit la roberge qu'il
lui avoit prêtée, quoiqu'on n'eût jamais cru que ce fût
pour un temps si court, le Koi étoit tout près de la lui
renvoyer.
Pour les six vaisseaux loués de marchands anglois,
le marché étant fait pour autant de temps qu'on s'en
voudroit servir, S. M. devoit présupposer que le roi
son frère étoit bien aise qu'en faisant gagner ses sujets
il se servît de leurs vaisseaux2.
sion, revue par Sancy : « Quant à ce, lorsqu'il avoit poursuivi
quelque faveur aux catholiques, on s'en étoit moqué en la cour
et avoit-on fait semblant de le trouver mauvais et de croire
qu'ils étoient aussi bien fondés à parler des huguenots. » Troi-
sième version, corrigée par Sancy ; c'est celle qui est passée
dans le manuscrit B : « Quant à ce qu'ils prétendoient être
aussi bien fondés à se mêler de nos huguenots. »
1. Angleterre 33, fol. 274 v° : « fortement et nettement à
mon avis ». La correction a été faite sur la minute même.
2. Le passage suivant de la lettre du Cardinal, d'abord
reproduit dans le manuscrit A, a été finalement supprimé :
« Qu'il falloit bien faire remarquer le procédé du Roi qui
s'exempteroit, s'il vouloit, de renvoyer la roberge, même en ce
DE RICHELIEU. 157
Le Cardinal ajoute qu'il étoit nécessaire qu'il remer-
oilfl te roi de 1 1 Gnode-Bretagoe de ce qu'il n'avoit
>ulu voirSoubise, et qu'ainsi <|ue par art il devoit
humilité en semblables occasions, il falloit
• |u' i l'opposite il agit par raison avec fermeté aux1
;uitn s. powœ qu'en un mot il verroit, par expérience,
que l'humeur des An^lois est telle que nous ferions tou-
jours concert de musique avec eux : si nous parlons
ils parleront haut; et parce qu'il y a avantage à
tenir le dessus, il seroit bon qu'il prit en certaine
occasion un ton si haut qu'ils ne puissent le renvier*.
Que3 l'extraordinaire insolence et rébellion de la
Rochelle faisoit que le Roi, voulant donner la paix à
tous les lx)ns huguenots de son royaume, étoit résolu
d'humilier efl mettre à raison cette ville; partant il
que, quand le sieur d'Effiat revint d'Angleterre, il apporta une
lettre du roi de la Grande-Bretagne au Roi, qui portoit en
termes exprès qu'il pouvoit retenir les vaisseaux pour autant
de temps qu'il étoit porté par le contrat, par lequel il est
à noter qu'il est libre à S. M. de s'en servir dix-huit
mois si bon lui semble; qu'offrant de renvoyer ce vaisseau,
quoiqu'il n'eût de rien servi, il seroit à propos d'en faire de
grands remerciements pour prendre en certaines choses un
ééi <lu t • > 1 1 1 au contraire au leur. »
1 l< i eOflBOMBM le 29 nhitr du manuscrit A, ainsi résumé
barpctttier (fol. 210] : • Dessein de Buckingham de venir
vage en Hollande. Les Ibdlandois retirent
vaisseaux de France. Procédé de Buckingham vers la
ne d'Angleterre. Envoi du sieur Bautru en Angle
••. #
I air»- un r»-n\i; têCTM «In JM et br-lan.
méa est emprunté à une autre minute de Richelieu
N LOaoi ffiibre 1625 (Angl« item B8,
>i»i—ceiii' m -i la lin du passage i inimrint
<»ni été indiqués au copiste .t I aida des lettres n et o.
158 MÉMOIRES [1625]
jugeroit bien qu'il n'étoit pas à propos de rompre avec
les Anglois, mais que, pour éviter cet inconvénient,
le meilleur moyen étoit de leur témoigner qu'on ne
l'appréhendoit pas ' .
Que la froideur avec laquelle ils se portoient aux
actions dont l'utilité est commune à toute la chrétienté,
et la chaleur avec laquelle ils témoignoient vouloir
embrasser celles qui nous sont préjudiciables en faveur
des huguenots n'avanceroient ni ne retarderoient le
Roi en ses desseins ;
Qu'on ne pouvoit croire le roi d'Angleterre si mal
conseillé qu'il se voulût porter à une action dont toute
la chrétienté lui donneroit du blâme, en un temps où
le Roi n'avoit les armes en la main contre les étrangers
que pour libérer d'oppression ses alliés2, et que l'oc-
cupation qu'il3 donne à l'Espagne4 favorise ses intérêts
particuliers en Allemagne, au lieu que ceux de S. M.
sont seulement dans le bien commun5.
1. La lettre du 11 novembre contenait ici un alinéa qui n'a
point été reproduit par les Mémoires : « Us font les fins sur le
sujet de Mansfeld et pensent, en méprisant le secours que le
Roi leur donne, obliger à en faire davantage. Il est de votre dex-
térité de leur témoigner clairement que, s'ils n'estiment cette
assistance ni utile ni nécessaire à leurs affaires, le Roi sera
bien aise de le savoir pour, selon leur avis, prendre ses
mesures et se décharger à l'avenir des dépenses qu'ayant en
partie commencées en Allemagne, pour l'intérêt de la Valteline,
il ne peut plus être obligé de les continuer, si ce n'est pour la
considération du Palatinat. »
2. Angleterre 33 et première rédaction du manuscrit A :
« ceux qui sont de sa créance ».
3. Le roi d'Angleterre.
4. L'expédition de Cadix.
5. Ici suit, dans Angleterre 33, un long passage qui porte
DB RICHELIEU. 159
l'iiin < -(inclusion. que, si lîuokin^ham continuoit le
dessein de son voyage de France, il lui dit franchement
qu'il .«voit reçu des nouvelles de France, par lesquelles
il a\.»it ippris une chose dont il n'étoit point en doute,
<|in étoil que, s'il \ vouloit aller comme ami de l'État
«t iH ni Hoi, après avoir n-fusc au Roi tous
nti -ntementsqui ne lui pouvoient être déniés avec
justice, comme sont ceux des articles promis par le
Indlé de mariage, tant en faveur des catholiques que
pour l.i maison de la reine, et la restitution des vais-
rju» l(|ti. s ..n.< ti<>ns de Charpentier, mais n'est pas entré fina-
( dans les Mémoires : « On croit que M. de Buckingham
pensera à sa conscience si, lui offrant l'amitié de la France et
de la reine sa maîtresse, vous lui dites franchement que, s'il
les estime inutiles, vous serez bien aise de le savoir, afin que
Lb. MM. n'ignorent pas l'état qu'elles doivent faire de son affec-
tion; en Mttfl us direz peu pour laisser beaucoup à
terrant toujours lieu d'explication, jusques
à ce que la rupture soit ouverte entre l'Angleterre et rit»
pagne. Quant à sa soeur et à sa femme, c'est à vous et au sieur
de Mende de juger si on les peut rm-ttre en la maison de la
reine, sans préjudice, et, en cas qu'il le faille faire, prendre le
si a propos que cette faveur nous en vaille une autre, et
in- pensent j>as avoir emporté de haute lutte ce qu'ils
nt à la seule courtoisie du Roi. Vous devez poursuivre le
■ lu sieur l.uijiienard puissamment, puisqu'il ne
fiasse que pour être catholi<jn.- ou pour avoir servi
la France. Le Roi est résolu de suivre l'avis que vous donm •/
noigner son indignation à ceux qui le desservent en ces
occasions; il battra le chien devant le lion, alin que la peur
m wrs les plus élevés le même effet que la punition envers
les autres. Au reste, si ces Messieurs [< la les Anglois i
continuent à mépriser la France, ils contraindront le Roi à
s'accommoder avec ceux <pi iU n 'aiment pas. M. de Chevrcuse
a li rit de lui- même à M. de buckingham sur cesup i
laut roM ^ irez ce que produira son entremise. •
160 MÉMOIRES [1625]
seaux du Roi, il pou voit bien juger qu'il ne pourroit
ni ne devroit y être bien reçu.
Que, pour lui montrer que ce n'étoit que la nature
des affaires qui oblige les princes à certaines choses,
desquelles il ne faut jamais qu'ils se relâchent, et qui en
ce cas empêcheroit sa bonne réception, il le pou voit
bien assurer qu'ayant mis ordre aux choses susdites,
et ajusté avec lui les affaires d'Allemagne en sorte qu'il
n'y eût plus qu'à les signer en France, il y seroit très
bien reçu par le Roi, qui l'affectionneroit toujours s'il
ne le forçoit à faire le contraire.
De plus, on1 donna pouvoir audit Blainville de parler
et d'agir selon qu'il verroit être de la dignité du Roi,
et le Cardinal lui manda que ce seroit à lui d'en user
en sorte que le succès en revînt au compte de S. M.,
s'avançant ou se retenant, selon qu'il verroit que le
temps et les occurrences lui en donneroient lieu 2 ;
Qu'on ne jugeoit pas que, si Buckingham étoit sage,
il voulût porter les affaires à l'extrémité, vu le peu de
créance que l'Allemagne et tous les étrangers avoient de
leurs forces, et la connoissance qu'eux-mêmes dévoient
avoir que, sans la France, ils ne pou voient rien faire
contre l'Espagne, et que, s'ils nous fâchoient, on
pourroit facilement s'accommoder avec elle, et entrer
en intelligence avec Bavière, jusqu'à un point qu'ils
seroient à jamais frustrés du Palatinat 3 ;
1. Première rédaction du manuscrit A : « il fit aussi que le
Roi donna... ».
2. Comparez Angleterre 33, fol. 276 : « Ce sera à vous d'user
de votre pouvoir en sorte que le succès en revienne au compte
de S. M., vous avançant ou retenant selon ce que vous verrez
que le temps et les occurrences vous en donneront lieu. Un
homme sage est tout averti. »
3. Première rédaction du manuscrit A : « Joint encore les
((625] DE RICHELIEU. 161
Mais néanmoins que, nonobstant tout cela, il falloit
craindre l'aveuglement et la brutalité des Anglois et
Il passion deBuekm^ham, < jui les pourroit faire passer
pUMBeasofl li coosidératioa de leur bien, principale-
iniiil 1«- roi son maître n'ayant point d'yeux que les
si» us1, et partant que c'étoit à lui à avoir l'œil ouvert
a tout et tenir le Roi bien averti8.
lilainville3, ayant reçu cette dépêche, s'en servit
raisons particulières que ledit Blainville avoit déduites en sa
lettre. » Cet alinéa était beaucoup plus développé dans la
dépêche originale : « La condition de leur pays qui, quoique
puissant à se défendre à raison de sa situation, est impuissant
au dehors faute d'argent, l'engagement auquel ils sont entrés
contre l'Espagne, le besoin qu'ils ont de retirer le Palatinat, le
peu de créance que l'Allemagne et tous les étrangers ont de
leur force et de leur puissance, la connoissance qu'ils ont que
sans la France ils ne peuvent rien faire contre l'Espagne, leur
légèreté ordinaire qui, les portant aisément à tenter beaucoup,
les ramène aussi facilement d'une extrémité à l'autre, n'ayant
souvent autre remède à leurs mauvaises entreprises que de les
quitter tout à fait. Si ces Messieurs se joignent avec nous pour
entreprendre quelque chose de grand, leurs rodomontades ne
seront pas suivies de mauvais effets pour nous; quoique leur
passion les aveugle souvent, ils ont assez de jugement pour
connoitre que, s'ils portoient France à l'extrémité, elle pourroit
fort aisément s'accommoder avec l'Espagne et entrer en intel-
ligence avec Bavière, jusques à un point qu'ils seroient pour
jamais frustrés du Palatinat. »
1. Ce début de phrase ne figure pas dans la dépêche origi-
nal.-.
2. Comparez Angleterre 33, fol. 275 : « J'estime que, quoi
qu'un dise et qiitl.jne volonté qu'on ait, les lAûres <l Angle-
terre ne prnn.-ttrnt pas de venir à. une rupture ouverte avec
Ce sera cependant à vous à avoir l'ail ouvert à tout et à
t.-nir le Uni l>i<Mi evrrli
l'tni.r.- réélection du manuscrit A : t Blainville, ayant
'■Me dépêche, s'en servit aver teJOte l'adresse qu'un ptM*
V 11
162 MÉMOIRES [1625]
avec toute l'adresse qu'on pouvoit désirer ; mais, quoi
qu'il fît, si ne put-il retenir Buckingham qu'il ne partît
sans rien conclure avec lui pour aller en Hollande1 faire
alliance entre les États, le roi de Danemark et le roi
son maître, pour le rétablissement du Palatin, sous le
prétexte général de la liberté de Germanie2.
Il y fit le 9e décembre une alliance avec eux 3 et le
roi de Danemark, non pas offensive et défensive
comme il eût bien désiré et comme ils en a voient, le
12 juin de la même année, fait une avec les États, qui
devoit durer jusqu'à ce que le Palatin fût rétabli et
que la maison d'Autriche cessât de rien prétendre sur
les Provinces-Unies.
Par cette dernière, les Hollandois s'obligeoient de
payer cinquante mille florins par mois au roi de
Danemark et les Anglois cent mille pour l'entretène-
ment de son armée, et de faire encore une autre armée
navale pour renvoyer en Espagne. Ils avoient arrêté
qu'ils prieroient le Roi d'y vouloir entrer; mais notre
ambassadeur s'en démêla, leur remontrant que leur
demande leur étoit préjudiciable, pour ce qu'ils pour-
voit désirer. Buckingham néanmoins, sans rien conclure avec
lui, s'en va en Hollande pour faire alliance... »
1. « Le duc de Buckingham s'est embarqué le 15 de ce mois
pour aller en Hollande, accompagné de vingt navires donl il y
en a six au roi et quatorze appartenant à la bourse de Londres. »
Lettre de l'évêque de Mende au Cardinal, Hamptoncourt, 21 no-
vembre 1625 (Aff. étr., Angleterre 33, fol. 280).
2. Ici figurait primitivement dans le manuscrit A un a Avis
de ce qu'il faut faire sur le voyage de Buckingham ». Nous en
donnons le texte à l'appendice IV du présent volume.
3. Voyez le texte du traité de la Haye du 9 décembre 1625
[Calendar of State Papers, Venice, t. XIX, p. 257).
(16:r. DE RICHELIEU. 163
n tient maintenant se servir de la puissance entière du
Roi et que c'étoit la partager de l'obligera la garde
>n propre État1.
Après qu'il eut achevé sa négociation en Hollande,
il désira passer en France ; mais ledit ambassadeur du
Roi lui témoigna que2, sur l'inexécution des traités,
S. M. ne pouvoit approuver son dessein qu'on ne lui
eût premièrement donné contentement sur les articles
Qjfc'ou lui avoit promis. Cela le tacha si fort que, pour
s'en venger, il fit que les Hollandois rappelèrent l'ami-
ral Haultain, avec les vaisseaux hollandois qu'il com-
mandait, un desquels étoit avec Mantin à l'entrée du
1. Voyez la dépêche d'Herbault à Béthune du 5 décembre
1625 : « Le duc de Buckingham est encore en Hollande, qui fait
son compte de venir trouver le Roi à son retour; ce sera volon-
tiers pour lui faire quelque proposition sur la nouvelle ligue
laid- par son maître, à quoi le Roi ne s'engagera point, s'en
étant déjà déclaré » (Bibl. nat., ms. Français 3669, fol. 28), et
la lettre d'Espesses à Ocquerre, du fc" décembre : « Ce duc
paroit ici avec une merveilleuse pompe et fait ostentation de sa
faveur avec des vanités très affectées » (ms. Français 3685,
v«).
1 les instructions envoyées à Espesses le 8 novembre (Bibl.
nat., ms. Français 3685, fol. 122 lui donnaient pour mission de
« divertir et d'empêcher te voyage du duc de Buckingham en
cette cour >. Elles furent modifiées par une dépêche dat< <• <lu
7 décembre. « Vous lui direz, écrivait le Roi i son amhassa-
|t* ne puis croire qu'il voulût venir en France sans
dessein uY m apporter satisfaction sur tous les chefs and lui oui
été proposés en Angleterre par le sieur de Blainvilleet l'éfécjM
de Mende, et, s'il y vient avec volonté de me contenter sur iceux,
il y sert tr. i l>i< n venu, mais que, si cela n'est point, je serois
pi.- la raison d'Etal ne me permit pas de l'y bien rece-
inine il désireroit » (Bibl. nat., ms. Français 3686,
fol. 27). Mais cette dépêche ne par\ int i M. d Lspesse<. qu'après
le départ de Buckingham.
W.i MÉMOIRES [16251
havre de Portsmouth ' , où ils tenoient Soubise assiégé2.
Ils prirent leur prétexte sur ce que le Roi, disoient-
ils. n'avoit plus d'ennemis, puisque S. M. les avoit
vaincus, et partant qu'ils n'étoient pas obligés de lui
prêter davantage leurs vaisseaux.
Le Roi en ayant avis, tous ceux de son Conseil pen-
soient qu'il n'y avoit nul remède à ce mal : le Cardi-
nal seul tint bon et dit au Roi que les Anglois et les
Hollandois le vouloient, par ce moyen, contraindre de
faire la paix avec les huguenots, ce qu'il ne falloit
jamais qu'il fît par contrainte, mais avec la gloire et
la réputation qui étoient dues à S. M. ;
Qu'il étoit assuré que, menaçant les Hollandois de
dénier le secours annuel qu'on leur donne en argent,
au cas qu'ils voulussent dénier la continuation de leur
flotte au service du Roi, ils seroient contraints de la
donner.
1. Manuscrits A et B : « Porchemut ». Inexactitude des
Mémoires. Soubise s'était réfugié dans le havre de Falmouth,
port de la côte méridionale du comté de Cornwall, à quarante-
trois kilomètres sud-ouest de Bodminetquatre-vingts kilomètres
de Plymouth.
2. Cet alinéa était plus développé dans la première version
du manuscrit A. Le texte primitif, modifié ensuite par Sancy,
était le suivant : « Il [Buckingham] sollicita particulièrement
les Etats de rappeler l'amiral Haultain avec ses vaisseaux, que
nous avons dit ci-devant avoir accompagné Mantin en la pour-
suite de Soubise, qui, après la défaite .de l'armée navale des
rebelles, s'en étoit fui en Angleterre, les habitants de la côte
de laquelle, à son arrivée, servirent à sa défense. Ledit Sou-
bise avoit avec lui le vaisseau nommé Saint-Jean, qu'il avoit
pris au Port-Louis, et quelques autres vaisseaux françois qu'il
avoit volés. Blainville en demanda la restitution, laquelle on
lui refusa et, non content de cela, ils sollicitèrent en Hollande
que l'on rappelât Haultain. »
tu Ith llhl.lKU. 165
LBHmftmeJ prit la commission dru parler au sieur
^en*, leur ■mlMmidflIf. «t lui «lit que, si MM. les
Ktats persistaient eu la résolution du refus oV leurs vais-
MBI, S. M. auroit lieu de croire qu'ils ne voudroient
■ intrihini* a la prospérité de ses alVaires et qu'ils
sen.ieut rapables «les impNMMOI que ceux qui vou-
li «lent traverser son service leur pourroient donner;
• pie Im ligue qu'ils avoient signée à la Haye n'auroit
pas pour but la liberté de L'Empire et l'abaissement
d'Espagne, mais bien celui de la religion catholique,
I- tous les princes qui la professent, et particulière-
ment I.' si. ii3;
1 l.a source de ce qui suit est une dépêche adressée le 24 dé-
cembre par le Roi à l'ambassadeur d'Espesses et dont copie est
ée à la Bibl. nat., ms. Français 3686, fol. 42.
_ i rançois d'Aerssen, dont la mission à déjà été mentionnée
par li-s Mémoires, p. 98, arriva à Paris le 23 novembre; a il
est logé et défrayé par présent, écrit Potier d'Ocquerre à
hpeiMl le 25 novembre, à l'hôtel des ambassadeurs extraor-
dinaires et le sera jusques au jour de l'audience » (Bibl. nat.,
lis 3686, fol. 3 v°). Une dépêche de l'ambassadeur
vénitien Morosini, 12 décembre, nous apprend qti'Aerssen
avait reçu mission de demander le retour en Hollande des
vingt vaisseaux [Calendnr o/ State Papers, Venice, t. \l\.
p. 2'.
Comparez le passage correspondant de la dépêche du
24 décembre : a Ce changement m'a obligé de faire connoitre
ii- \erssen, leur ambassadeur extraordinaire, que, si les-
dit> rieurs les Ktats persistent en la résolution du refus, j . tan il
lieu de croire qu'ils ne veulent pas contrihuer à la prosj» faite
de mes affaires et qu'ils seroienl capables des impressions que
|iù let IQaoïoal traverser leur pourroient donner; que
la UgM qu'ils ont depuis peu signée à la Haye n'auroit pour
but la libei ■pin ni l'abaissern igné, mais bien
«•-lui de la religion catholique, d< ions les princes qui la pro-
fessent et parti ut I.- mien. »
166 MKMOliîi - [1625]
Qu'il ne pouvoit assez s'étonner de ce refus ; que ce
qui l'en fàchoit le plus1 étoit que, s'ils y persistaient,
ils feroient, par ce moyen, connoître à tout le monde
que, bien que la France les ait toujours protégés, ils
feroient difficulté de l'assister contre des rebelles, parce
qu'ils seroient protestants comme eux, bien qu'ils ne
se fussent soulevés que lorsqu'ils auroient vu le Roi
puissamment armé pour assister ceux qui professent
leur même créance; ce qui feroit que S. M. ne pourroit
avec honneur leur continuer son assistance contre un
prince catholique, aussi peu entrer directement ou indi-
rectement en la ligue faite à la Haye, ains au contraire
seroit contrainte de prendre des pensées opposées2 ;
Que le Roi seroit bien fâché3 d'être réduit, contre sa
volonté, à cette extrémité ; qu'il sa voit bien que MM. les
États considéroient son affection et témoigneroient
par effet l'avoir en la considération qu'il méritoit et
qu'il désiroit; qu'en ce cas, il abandonneroit plutôt
tous ses intérêts que les leurs.
Pour conclusion, il lui fit connoître qu'il désiroit
particulièrement deux choses de lui :
L'une, qu'il écrivît à MM. les États par un courrier
que S. M. dépêcheroit, et qu'il n'omît aucune chose de
ce qui pouvoit les porter à le contenter; l'autre, qu'il
mandât à l'amiral Haultain qu'il attendît avec patience
un nouvel ordre de MM. les États4.
1. Dépêche du 24 décembre : « ce que je trouve le plus mau-
vais ».
2. La dépêche originale et la première version du manus-
crit A portaient : « des pensées contraires » ; la correction a
été faite sur le manuscrit A afin d'éviter une répétition.
3. Dépêche du 24 décembre : « très marri ».
4. Voici le texte de la dépêche : « Pour conclusion, j'ai fait
[1625] DE RICHELIEU. 167
Il promit et lit le premier. Il ne voulut dm s'engager
m noond ; mais on y suppléa, car DO sut si l»ien traiter
ilault;iin, (ju'on lui persuada d'attendre un nouvel
onlir. lequel vint peu de temps après, en vertu de la
lettre d'Aerssen et de la poursuit»- <|u'en tit l'ambassa-
deur du Hoi en Hollande, selon les ordres qui lui en
lurent donnés.
Mais le Cardinal, qui savoit qu'il ne faut jamais, en
affaire d'importance, prendre assurance en la foi d'au-
tciii. unis en sa propre puissance, et qui prévoyoit
bien qu< •. quoi que les Hollandois dissent, ils n'étoient
pas contents de voir leurs vaisseaux employés contre
leurs frères1 et ne les laisseroient pas longtemps au
K du Roi, donna chaire quant et quant à La un a y-
llasills • d'amener, en toute diligence, six des plus
eoniioitre que je désirois particulièrement deux choses de lui,
l'une qu'en écrivant auxdits sieurs les Etats, il n'omette aucune
chose pour les porter à me donner contentement, l'autre qu'il
écrive a l'amiral Ilaultain qu'il attende avec patience un nouvel
lits sieur- I m I lits. » l<i s'arrête l'emprunt des
tiret. Le Roi ajoutait que, si les États pouvaient lui céder
les six vaisseaux dont l'achat était négocié à la Haye, il serait
»é à rendre le reste de la flotte, bien que le traité conclu
par Bellujon lui en accordât libre disposition pour dix-huit mois.
Bautru, dépéché spécialement auprès de l'ambassadeur, devait
le renseigner plus amplement i cet égard.
1 L'attitude des Hollandais est eoflMMBtèe par le Cardinal
dans une nota qu'a publiée H. ('•. Hanotaux : Màximu d I
fragments inédite t p. 64 : t La retraite des flottes hollandoises...
quels sont les li<T.tiques pour lui et comme,
«|url(|ii. traité et alliaru ■«■ qu'ils aient, ils ne les gardent pas
(• iiips qu'elles sont à h ur protit. »
2. Claude de Rasilly, dit Launay-Rasillv. Né & Tours en
décembre 1593, frère d'Isaac de EUsfllj : il Mti sur mer; il aM
successivement capitaine de l'un des vaisseaux du Hoi, li-ui. -
168 MÉMOIRES [1625]
grands vaisseaux qu'il pourroit trouver à Saint-Malo,
en payant le nolis; ce qui réussit si à propos, que
ces vaisseaux arrivèrent à la Rochelle trois jours après
que les Hollandois, par un secret ordre qu'ils reçurent
de Hollande, s'étoient retirés1. Le seul dommage que
le Roi en reçut fut que Mantin, demeurant plus foible
que Soubise à Portsmouth, fut contraint de le laisser
là, et de s'en revenir.
Si Buckingham montra un cœur si envenimé contre
nous en Hollande, il ne revint pas en Angleterre avec
dessein de nous y faire mieux.
Il avoit donné charge au comte de Garlisle, en par-
tant, de faire tous les mauvais offices qu'il pourroit à
la reine et à tous ceux de sa suite, pour préparer la
voie à un bannissement général de tous les Fran-
çois, dont on parloit assez ouvertement en la maison
du roi. Il ne manqua pas d'en faire naître plusieurs
occasions et ne laissa perdre aucune de celles qui se
présentèrent.
Blainville faisant grande instance qu'on lui remît
entre les mains les vaisseaux de Soubise, l'un des-
quels il avoit volé au Port-Louis2, les autres aux sujets
nant général au gouvernement de Brouage, commandant des
île et fort d'Oléron en 1627, premier chef d'escadre des vais-
seaux du Roi en Bretagne et vice-amiral de ses armées navales
(1637); ambassadeur en Angleterre; mort au château de Velort
le 22 mai 1654 (voyez Généalogie de la famille de Rasilly,
p. 338). Le même ouvrage mentionne la mission accomplie le
5 novembre par Rasilly à Saint-Malo, où il acheta notamment
le Saint- Louis et la Marguerite.
1. Le 3 février 1626 (Ch. de la Roncière, Histoire de la
marine française, t. IV, p. 479).
2. Le « Saint- Jean qui fut dérobé au Roi à Blavet » (lettre
[H,J.,| DK RICHELIEU.
du Roi, on éluda toujours sa poursuite par diverses
uses hors de toule raison.
Les | m h t> turent termes1; Blainville voulant en\i>\er
son secrétaire en France, ils l'arrêtèrent prisonnier
et le maltraitèrent.
Davantage, le roi ayant donné congé à on des prin-
eipuix otïiciers de la reine*, elle ne put jamais le
détourner de ce dessein, qu'elle ne se fût mise à genoux
pour l'en supplier.
Le comte de Carlisle, peu de jours après, comme si
c'eût été avoir gagne nu empire que d'avoir ainsi,
bon de sujet, fait humilier cette jeune princesse,
poussa le roi Bon maître à taire une nouvelle procla-
mation d'une cruauté inouïe contre les catholiques3.
Leur Hotte, qui ne fit nul effet en Espagne, retourna,
en ce temps-la, maltraitée en Angleterre, rencontra
trois ou quatre de nos vaisseaux, dont aucuns
vtnoiriit d?Espagne. Ils prirent les uns, sous couleur
qu'ils n'avoient voulu amener les voiles, et les autres,
sous prétexte qu'ils étoient chargés de marchandises
appartenantes aux Espagnols.
On les redemanda avec grande instance. On prouva
de Mantin à Blainville, s. d. Bibl. nat., ras. Français 3693,
fol. 60 . Première rédaction du manuscrit A : « l'un desquels
il avoit volé au Port-Louis, les autres à ses sujets ».
1. I' <la<tiiin du manuscrit A : « les ports furent
fermés >• n fciglaturm ■
_' Dansera*, secrétaire delà reine (AH', «n-., âagUtarn
>t longuement rapporte par Tillières,
<<•<% p. 109.
pi<- <!•• 1 .-dit rOTtl 'In M novembre 1625 ■ pour la
suppression de la religion papiste » est conservée aux Arch.
nat .
170 MÉMOIRES [1625]
que le bien appartenoit aux sujets du Roi. L'un d'eux,
qui étoit du Havre, fut relâché parce que le gouver-
neur de la place a voit, par représailles, arrêté
quelques Anglois.
Les marchandises des autres furent vendues à vil
prix, à la vue de Blainville, et ne fut pas permis aux
marchands à qui elles étoient de les retirer à l'encan
pour le prix auquel les autres les achetoient1.
Buckingham arrive là-dessus, fait semblant d'être
marri qu'en son absence on ait lait ces choses, met
la faute sur Blainville, la présence duquel il dit être
nuisible aux affaires; qu'il adouciroit l'esprit du roi
tant qu'il pourroit, bien qu'il eût été traité en Hol-
lande un peu rudement de la part de la France.
Au lieu de le faire, il s'en alla aux champs pour
laisser plus facilement, en son absence, traiter mal la
reine et les catholiques, sans en pouvoir être apparem-
ment accusé.
Bien que toutes ces choses se fissent en suite du
dessein qu'ils avoient pris dès le commencement de
chasser les François, il n'osa pas néanmoins se porter
alors à cette extrémité, et pendant qu'il fut éloigné
les affaires demeurèrent au même état qu'elles étoient;
mais celles qui concernoient l'ambassadeur alloient
toujours en empirant2.
1. Voyez la dépêche de Blainville du 29 décembre : « La
résolution que le Roi a projetée d'arrêter les vaisseaux anglois
a mis un peu l'alarme parmi les marchands. Cela a été cause
que Buirlemae m'est venu trouver pour me prier de donner
ordre que cela ne s'exécutât pas en France et qu'assurément
on auroit justice en ces quartiers dans dix ou douze jours au
plus tard » (Angleterre 33, fol. 315). Cet incident n'est pas rap-
porté par Tillières.
2. Comparez Tillières, Mémoires, p. 110.
DE KII'IIKMEU. 171
Le Cardinal, ■▼erti de toutes DM choeee* en prévoit
encore de pires à l'avenir si elles n'« loicnt prévenues
par un iage conseil4.
Il considère que l'ambassadeur «lu lloi en Hollande
i «miimis une grande faute au refus absolu'2 qu'il a
tait, (le la part «lu Roi, au duc de Buclvin^ham de venir
eu France, ayant pensé que la dépêche qu'il avoit
i e ne «le la cour l'obligeoit «le parler ainsi; au lieu que
l'ordre du Conseil avoit été simplement qu'il tint un
ige au duc qui le conviât, en venant en France,
d'apporter contentement au Roi ;
Que cette faute avoit produit sur-le-champ le rappel
dei faiaeeaux des Hollandois, et, ayant animé Buckin-
gham contre la France, lui faisoit promettre tout
secours aux huguenots de la part du roi son maître;
Qu'en matière d'État, quoiqu'il n'y ait rien plus
facile que de faillir, si est-il plus difficile encore de
n parer une faute qu'il n'est aisé de la commettre;
BHM que, pour réparer celle-ci, le meilleur moyen étoit
I Ici commence probablement un emprunt à un avis contem-
porain du Cardinal, qui ne nous est pas parvenu sous sa forme
originale.
1 spesses lente de justifier sa conduite dans une dépêche
lé* le 25 décembre au Roi : « Je puis dire que, l'[Buckin-
ayant irouvé d'un côté en humeur de subtiliser sur tout
et d'autre de ne perdn* nullf occasion, pour légère qu'elle fût,
de s'offenser, je me suis trouvé fort empêché, lui voulant faire
iili' ation qui m'étoit 1res précisément ordonnée de la part
de V. M., jf 'mu rois fortune qu'il ne l'eût pas tenue pour assez
forrii.ll. , it je me fusse mis i le trop radoucir et dissoudre en
belles paroles, inconvénient que je jugeois plus grand et plus
BOUarain à l'intention de V. M. <|ii<- «•-lui de If piquer, dont
néanmoins y me suis gardé au possible jusques à user de beau-
coup de patience pour lui laisser évaporer sa colère qu'il < pan
< huit partout » (Bibl. nat., ms. Français 3686, fol. 30).
172 MÉMOIRES [1625]
d'y employer le crédit particulier1 que M. et Mme de
Chevreuse y avoient.
Ce qui lui donnoit peine étoit qu'il jugeoit bien que
la jalousie de Blainville, qui étoit en Angleterre, lui
feroit, s'il se pouvoit, mesurer ce conseil par l'événe-
ment. Mais enfin, après y avoir longtemps pensé, pré-
voyant qu'il falloit nécessairement2 ou chercher
quelque voie d'accommodement, ou venir à une rup-
ture ouverte, laquelle, quoique ledit Blainville, pas-
sionné, pensât tout le contraire, ne pouvoit être jugée
de saison, il passa par-dessus cette considération.
Et, pour exécuter son dessein de l'entremise desdits
sieur et dame de Chevreuse, usa de cette dextérité : il
fit que le Roi, comme lassé de toutes les plaintes qui lui
venoient d'Angleterre, fit reproche au duc de Chevreuse
que les secrètes intelligences que lui et sa femme y
entretenoient étoient préjudiciables à son service et
au bien de la religion, et qu'ayant fait le mal il vouloit
qu'il y apportât le remède.
Le duc, pour sa justification, consentit que Bautru
allât en son nom en Angleterre pour dire de sa part,
au roi et à Buckingham, ce que S. M. trouveroit bon.
Il partit avec charge de dire3 ingénument qu'il étoit
1. Première rédaction du manuscrit A : « pour réparer
celle-ci, il proposa d'y employer le crédit particulier ».
2. Première rédaction du manuscrit A : « Cependant, jugeant
bien que la jalousie de Blainville qui est en Angleterre feroit,
s'il se pouvoit, mesurer ce conseil par l'événement, il différa
longtemps. Enfin, prévoyant qu'il falloit ou chercher quelque
voie d'accommodement ou venir à une rupture ouverte. » — Ce
passage, comme le précédent, porte trace de corrections de
Sancy.
3. Les Mémoires reproduisent 1' « instruction au sieur Bau-
[16 JV DE RICHELIEU. 173
envoyé dudit sieur de Chevreuse, à qui on imputait
<ii France tout ce <|iii arrivoit de mal en Angletcnv.
Ce |iii avoit t';iit qu'y voyant les affaires prêtes d'en
venir a lY\treiiiité, il avoit désiré voir s'il y avoit lieu
• le remède, pour prendre ses mesures sur cela;
Que sa femme était celle qui avoit fait naître le
tant au désespoir de se voir réduite à quitter
pour jamais la cour si les choses n'alloient bien1;
Que, pour son intérêt particulier, elle ne voudroit
pes donner conseil qui leur lût contraire ; mais que, si
îfaires le leur pouvoient permettre, ils l'oblige-
raient grandement de faire en sorte que toutes choses
s'accommodassent, afin qu'elle eût triple contente-
ment : l'un, de n'être point maltraitée de ses proches,
«le qui elle recevoit mille mauvais offices en cette
occasion ; l'autre, de n'être point soupçonnée de tout
le monde universellement qui la maudissoit; le troi-
si» tut. de pouvoir voir ce qu'elle aiTectionnoit ;
tru, allant en Angleterre »; cette instruction, qui est certaine-
ment l'œuvre du Cardinal, n'est pas signalée par Avenel. La
copie du document qui a servi aux secrétaires des Mémoires
nservée à la Bibl. nat., ras. Français 15990, p. 143-l'i4;
Il de la main de Le Masle des Roches; en tête figure la
mention i employé » écrite par Charpentier. D'après le témoi-
gnage de l'ambassadeur vénitien Morosini, Richelieu aurait
lui-iiii'-m.- établi l' s inxtnii tions de Guillaume Bautru, ne met-
tant dans la confidence que le nonce, Chevreuse et Morosini
(dépêche du lo' décembre), et l'envoi de cet agent en Angleterre
.mi. m !■• ncontré la plus vive opposition de la part du Roi
lies du 17 et du 30 décembre). Ces documents ont été
publiés par M. Allen B. Minds, Calendar of State Papers,
Venice, vol. \l\. 1913, p. 249-263.
1 sur 1<- retour à la cour de la duchesse de CLflfrf m en
juillet 1(12"», fOjm !.. Matillol. la Duchesse de Chevreuse, p, 7."..
174 MÉMOIRES [1625]
Que ledit duc avoit parlé aux ministres1, de tous
lesquels il a appris qu'ils ne pouvoient croire qu'il2 vînt
en France sans apporter tout contentement au Roi ;
qu'y venant ainsi il seroit bien venu et bien reçu, ce
qui paroissoit bien, en ce que, quand il viendroit autre-
ment, le Roi seroit très fâché de ne pouvoir, par con-
sidération de sa dignité et par raison d'État, le recevoir
comme S. M. le désireroit.
Et sur ce qu'il s'étoit plaint qued'Espesses3, ambas-
sadeur du Roi en Hollande, lui avoit bien tenu un
autre langage, il eut charge de lui dire que l'intention
du Roi n'avoit jamais été autre que ce qu'il lui disoit,
et que M. de Ghevreuse s'en étoit fort bien éclairci;
mais que, s'il se met sur les rodomontades, il lui fit
connoître vertement qu'il trouveroit qu'on ne les
appréhendoit point, et qu'il étoit à craindre que par là
ils ne nous portassent à faire la paix avec l'Espagne.
S'il disoit qu'il secourroit la religion, qu'il argu-
mentât avec lui comme de lui-même4 en cette sorte :
Qu'en premier lieu, ils seroient blâmés de tout le
monde en le faisant, nul ne pouvant approuver qu'un
prince secourût des rebelles en l'État d'autrui; que,
comme l'exemple en est mauvais, la conséquence
pourroit n'en être pas bonne ;
1. Sancy a corrigé sur l'instruction originale : « de la part du
mari, il dira qu'il a parlé aux ministres », remplaçant ces mots
par : « que ledit duc a parlé aux ministres ».
2. Buckinghara.
3. L'instruction portait : « s'il dit que d'Espesses » ; la correc-
tion a été faite sur ce texte même par Sancy.
4. Le manuscrit B porte par erreur : « avec lui-même » ; il
faut suivre la leçon du manuscrit A, conforme à l'instruction
originale.
[1025] DE RICHELIEU. 175
<x>u«\ pour le faire, il le faudroit faire fortement ou
faiblement; si faiblement, à couvert, ils seroient
battus; si fortement, il faudroit qu'ils le fissent par
rupture ouverte, action dont ils seroient blâmés de
tout le monde, et <|ni l»s reiulroit irréconciliables pour
jamais.
Le duc de Chevreuse lui bailla une lettre pour le duc
dt Buckingham1, par laquelle, outre partie des choses
! . Cette lettre, comme l'instruction qu'on vient de lire, a été
certainement rédigée par le Cardinal. Les Mémoires n'en
donnent qu'un court fragment emprunté à la fin de ce docu-
ment. Nous reproduisons la « dépesche que le sieur Bautru a
portée en Angleterre » d'après la copie utilisée par les secré-
taires des Mémoires (Bibl. nat., ms. Français 15990, p. 147);
elle est de la main de Le Masle des Roches, à l'exception du
rit par Charpentier : « M. de Ch[evreuse] écrira par
Bautru à M. de Buck ingham] qu'ayant su que M. d'Espesses lui
•voit tenu quelque langage qui lui pouvoit déplaire, il a voulu
lérlr partieulièrenient du fondement que tel discours
it avoir. Qu'il a su du roi même que d'Espesses n'avoit
eu autre charge sinon que de lui témoigner que S. M. se réjouis-
soit qu'il vint en France, parce qu'elle savoit bien qu'il n'y
viendrait pas sans lui apporter contentement, ce qui lui don-
: lieu de le recevoir d'autant mieux que, outre qu'elle le
ferait avec approbation de tout le monde, recevant satisfaction
par lui du roi son frère, il est personne qu'il aime et qu'il
!■ re comme étant envoyé du roi son frère. Que, pour lui
téflKMgner la bonne volonté qu'il a pour lui, il auroit plus de
une si, venant sans lui apporter contente-
la considération de la dignité des rois et la raison d I
lui (KTiuet toit pas de lui donner en apparence ton s 1rs témoignages
qu'il voudroit lui rendre en effet de sa bienveillance. Que B M
.i <l'.uné charge a ses ambassadeurs Blain ville et Espesses de
lui tenir le même langage, ce dont il a été très aise en son par-
tiiuliir, perce que cela lui fait connoître la bonne volonté* du
(toi et lui donne lien d'achever son voyage pour unir de plus
en plus < . uronnes et penser a mettre en exécution lei
476 MÉMOIRES [1625]
susdites qu'il lui mandoit, il ajouta encore qu'il lui
conseilloit de venir si son voyage étoit avec dessein et
matière pour contenter la France sur le sujet des vais-
seaux du Roi, tant marchands qu'autres, qu'ils rete-
noient, et ce qui concernoit la reine et son mariage.
Si aussi il avoit un autre dessein, il né le lui conseilloit
généreux desseins qu'il a pour la chrétienté. Au reste, je vous
puis dire de vous à moi que j'ai voulu particulièrement m'en-
quérir si d'Espesses a eu charge de vous tenir le langage qu'il
a fait; j'ai trouvé véritablement que non et qu'il n'avoit eu
autre charge que ce qui est porté ci-dessus. J'ai voulu de plus
savoir s'il avoit été mandé en dessein de vous empêcher de
venir; j'ai trouvé que non, mais bien en dessein de pénétrer
vos pensées et de vous donner lieu d'obtenir du roi, votre
maître, facilité au juste contentement désiré du Roi es choses
qui ne sont pas de considération au prix des grands desseins
que des hommes de votre esprit et de votre courage doivent
avoir. J'ai voulu encore savoir de quelle façon Blainville a
écrit de deçà s'être acquitté en Angleterre de la charge portée
ci-dessus. J'ai trouvé qu'il a mandé avoir, depuis votre départ,
dit au secrétaire Conway que le Roi se réjouissoit de votre
venue parce qu'il ne doutoit pas que vous ne lui apportassiez
tout contentement, ce qui lui donneroit lieu de vous recevoir
comme une personne qu'il aime particulièrement. Et que si
vous venez autrement il seroit bien fâché d'être contraint, par
raison d'État, de diminuer des apparences. Vous jugerez donc
s'il vous plait, si vos affaires (le) requièrent, que vous veniez
ou non, vous assurant qu'il n'y a de deçà aucune aversion contre
votre personne et que seulement veut-on éviter le blâme qu'on
recevroit si, en ne faisant rien pour la France, il sembleroit
qu'on fît beaucoup pour l'Angleterre. Après tout cela, si vous
me demandez mon conseil, si vous venez avec dessein et matière
pour contenter la France sur le sujet des vaisseaux du Roi,
tant marchands que autres, que vous retenez, et de ce qui con-
cerne la reine et son mariage, je vous conseille d'y venir; si
aussi vous aviez un autre dessein, je ne le voudrois pas faire,
prévoyant bien que votre séjour à la cour seroit fort mélanco-
lique. Si vous venez, avertissez-moi, car vous trouverez mon
DE R1PHEI.IEU. 177
prévoyant bien que son séjour à la cour seroit
fort Mélancolique.
Que, cependant, on se préparoi t fortement en
1 1 m ikt, tant pour la guerre du dedans que du dehors,
et qu'à dire vrai il ne voyoit pas qu'on y appréhendât
Demenfl ni de l'une ni de l'autre, ce qui lui faisoit
croire qu'on avoit volontiers deux cordes en son arc.
Bautru arriva avec ces ordres en Angleterre au
mois de décembre*. Sa négociation eut une heureuse
car il emmena avec lui des ambassadeurs extra-
ordinaires, qui lurent le comte Holland et Carlton4 :
le premier desquels le roi d'Angleterre croyoit être
ible en France5, et tenoit le second pour homme
entendu à traiter avec les princes étrangers.
logis préparé. Je ne vous mande rien de l'état des affaires
publiques, parce que ce n'est point à moi. On se prépare ici
hrtNMM tant pour la guerre du dedans que du dehors, et, à
vous dire le vrai, je ne vois pas qu'ils appréhendent l'événe-
ment ni de l'une ni de l'autre, ce qui me fait croire qu'on a
vol.mti.rs deux cordes à son arc. »
1. h i ( ommence le 24e cahier du manuscrit A (fol. 228),
ainsi résumé par Charpentier : « L'évêque de Mende vient
leterre en France. Les Rochelois et huguenots demandent
la paix au Roi. Avis du Cardinal sur icelle. »
2. Guillaume Bautru quitta Paris le 24 décembre (Bibl. nat.,
I rançais 368b*, fol. 49 v°).
Il rendit compte au Cardinal de sa mission, le G janvi. r
1626, par une longue lettre qui éclaire et complète le récit des
Mémoires (Aff. étr.f Angleterre 33, fol. 10-13). Ce document Ml
•luit à l'appendice V du présent volume.
i Dudley, lord Carlton d'Imbercourt (1573-1631), vice-
chambellan du roi Charles I*r, devint ensuite vicomte de Dos-
cbtiter.
5. Sur 1< s Mjours précédente d< Holland en France, voye*
L. Batitfol, la Duchesse de Chevreusc, p. 49 et suiv.
I 1?
178 MÉMOIRES [1625]
Leur voyage pensa être rompu par un fâcheux
accident. Un bénédictin et un jésuite anglois, qui ser-
voient d'aumôniers à Blainville, se promenant par la
ville furent pris. Blainville les demande, on les lui
refuse plusieurs fois; la chose va si ayant, qu'il pro-
teste de se retirer de la cour si on ne les lui rend. Ce
qu'étant près d'exécuter on les lui renvoie; de quoi il
se sent peu obligé; car, bien qu'au fond il soit content,
la façon dont ils se sont portés l'offense1.
Quand il sut la résolution qu'avoit prise le roi d'An-
gleterre d'envoyer, avec Bautru, des ambassadeurs
extraordinaires en France, sans qu'on lui en eût donné
aucune communication2, ne pénétrant pas la cause de
leur envoi, et craignant qu'ils informassent le Roi à
son désavantage, lui faisant croire de lui et du pro-
1. Comparez les Mémoires de Tillières (Aff. étr., Angle-
terre 41, fol. 301 v°), auxquels cet alinéa est emprunté : « Mais
un fâcheux accident pensa sinon le rompre, au moins l'inter-
rompre. Deux religieux anglois, l'un jésuite et l'autre bénédic-
tin, demeuroient chez M. de Blainville et, faisant la charge
d'aumôniers, s'en vinrent et certes avec bien peu de discrétion
se promener à Londres. Là ils sont pris. Ledit sieur de Blain-
ville les redemande ; on les lui refuse une fois, deux fois. Enfin
la chose va si avant qu'il proteste de sortir de la cour d'Angle-
terre, au cas que l'on ne les lui rende; ce qu'étant près d'exé-
cuter, on les lui renvoie; de quoi il se sent peu obligé, car,
encore qu'au fond il soit content, les formes lui déplaisent. »
2. Voyez la lettre de Blainville et de l'évêque de Mende au
cardinal de Richelieu du 5 janvier 162G (Aff. étr., Angle-
terre 33, fol. 13) : « Nous aurions à la vérité bien désiré que
Bautru ne nous eût pas tenu sa personne et ses intentions si
secrètes, que d'avoir été quatre ou cinq jours à Londres sans
nous voir, et arrivant à la cour avec le duc de Buckingham sans
avoir fait part de sa commission à l'ambassadeur [Blainville],
[lf,25] DE RICHELIEU. 179
1.' la reine ce qui nYtoit pM véritable, il pria
|oe de Mende de vouloir, pour la défense de la
cause commune, aller en France et les prévenir.
Il prit pour prétexte de son voyage d'aller informer
le Roi de la cérémonie du couronnement du roi d'An-
gleterre, qui devoit être faite en l'année suivante, et
en laquelle ledit roi vouloit joindre celle du couron-
nement de la reine sa femme, laquelle y avoit aversion
parce quelle se devoit faire par un évèque protestant ;
mais elle étoit bien aise que la France se chargeât de
ce refus, afin qu'elle n'offensât point le roi son mari,
lui refusant aucune chose de ce qu'il désiroit d'elle,
que de Mende dit au roi de la Grande-Bretagne
que cette action étoit importante, et qu'il étoit besoin
qu'il en allât informer le Roi et le Cardinal.
Ru« kingham fut étonné de ce conseil si soudain, et
lui fit néanmoins au départ mille civilités, et le roi
4* Angleterre l'honora d'un beau diamant.
avoir tenu des conférences avec tous les ministres. » Le 7 jan-
vier, Blain ville annonçait le départ d'Holland et Carlton à
M. de la \ "ilU'-.nix-Cl • rcs : « L'affaire s'est résolue entre les
il e! M «le Bautru, et ce soir on me l'est venu signifier.
Si je l'eusse su plus tôt, vous en eussiez eu plus tôt la nou-
velle; mais, puisque je ne suis qu'ambassadeur de nom, vous
nvez pas trouver mauvais mon peu de connoissance des
^sentes » (Bibl. nat., Nouvelles acquisitions fran-
çaises 7022, fol. 841 v*). Le 20 janvier, dans une lettre au Hoi.
il déplore encore la mistloa de Bautru : « J'aiirois à la \< ritt
souliuiti- qu'il llolland lui parti d'Angleterre |.<>ur la gloire
• nti« r> il- \ \| <»mme il eût fait inlaillil.liinent, sans qu'il
••fit paru qu'elle I eût »*iivo\é dViuandef jus.pi.'s i< i, recher-
• liant l.i' nent avec trop d'ardeur » (Bibl. nat
reliai aeqpbhkmi françaises 7022, fol. 366 r*).
180 MÉMOIRES [1625]
Il partit sur la fin de décembre1, un jour auparavant
les ambassadeurs et Bautru2.
Le roi lui dit, en partant, qu'il fît entendre au Roi
et à la Reine sa mère qu'il entendoit pourvoir à toutes
les charges de la maison de la reine sa femme; et,
quelques remontrances que lui fît ledit évoque que
cela étoit contraire à ses promesses, tant verbales que
par écrit, il n'en put tirer autre chose.
Tout ce mauvais traitement de la reine, de tous les
siens, des catholiques anglois et de l'ambassadeur du
Roi, l'offense qui étoit faite à S. M., non seulement en
l'inexécution des choses si solennellement promises,
mais es injures actuelles que ses sujets recevoient, et
en celles qui étoient faites à la personne de son ambas-
sadeur; tout cela provenoit de la bizarrerie de l'hu-
meur de Buckingham, du désir qu'il avoit de faire
perdre à la reine sa religion, pour acquérir la répu-
tation de zélé protestant dans le Parlement, et de la
mettre mal avec le roi; de peur que, jeune, belle et
sage princesse comme elle étoit, elle ne gagnât son
esprit à son désavantage, et pour s'ouvrir le chemin
de renvoyer en France tous les serviteurs françois de
S. M. et y établir des Anglois en leur place, pour
environner la reine de ses créatures.
Il ne considéroit pas que les affaires de son maître
en pâtissoient et que le Roi, offensé comme il étoit du
mauvais procédé d'Angleterre, ne secourroit pas avec
tant de franchise Danemark pour son affaire du Pala-
1. Sur le départ de M. de Mende, voyez la lettre de Blain-
ville au Roi du 8 janvier 1626 (Bibl. nat., Nouvelles acquisi-
tions françaises 7022, fol. 352).
2. Comparez Tillières, Mémoires, p. 115.
DE RU 'IIELIEU. 181
tiuat. r\ pourrait être patte I h paix avec Espagne,
pour M <i« livrer de la nécessité de souffrir tant d'alga-
I d'un mauvais allié, et prendre volonté d'exter-
niiiit t le parti huguenot en France; la considération
duquel seul leur donnoit hardiesse de mépriser les
(•.ires de S. M.
Après la bataille navale en laquelle les Rochelois
furent défaits, les rebelles du Languedoc et les habi-
1 1 nt i de 1;» Rochelle envoyèrent au Roi leurs députés
pour le supplier très humblement de leur donner la
paix, avouant la faute qu'ils avoient faite de prendre
mes contre S. M., et lui en demandant pardon1.
Il fut alors diversement agité au Conseil du Roi si
S. M., vu la guerre qu'elle avoit en Italie, se devoit
1. Les députés « envoyés pour l'acceptation de la paix géné-
rale » avaient été désignés par l'assemblée de Milhau le
l,r novembre; ils furent présentés au Roi par Maniald, le 21 no-
vembre, à S.iint-Germain-en-Laye (Aff. étr., France 780, fol. 93).
Leur arrivée est mentionnée dans une lettre d'Herbault à Bul-
!u il novembre 1625 (Arch. nat., KK 1362, fol. 376).
Les députés des états du Languedoc furent entendus par le
Conseil le 19 novembre. « Ensuite, les députés des huguenots
du pays se présentèrent: nais, comme ils laissèrent entendre
de n'avoir point autre ordre, sinon de demander la paix géné-
rale, tant pour la Rochelle comme pour eux, le Roi ne leur
voulut point donner d'audience, mais commanda simplement
iju il- misant leurs mémoires entre les mains de M. d'Herbault
pour en faire un rapport au (Conseil. Je vois peu d'apparence
qu'on les puisse désunir, et moins que le Roi puisse ni ne
ln-ser la les Rochelois, a\ant si lu-Ile occasion de se
t . 1 1 . ! i . mi it< «le leur ville et de châtier leur désobéissance »
21 aoTtmhri L62S. Bréval a M. Voillot : Bibl. nat., Nouvelles
iea 1144, fol. 381 . Kn recevant les députés,
le Roi déclara qu'il était prêt à accorder la paix au Lan:.
et aux autres provinces, mais que a pour la lt<>< h, II. < etl UM
182 MÉMOIRES [1625]
accommoder avec les Rochelois, à quelques conditions
que ce fût, ou avec l'Espagne, pour les réduire après
plus aisément par la force à leur devoir. Après qu'un
chacun eut dit son avis, le Cardinal, parlant le der-
nier, dit au Roi1 :
Que c'étoit chose certaine que, tant que le parti des
huguenots subsisteroit en France, le Roi ne seroit
point absolu dans son royaume; qu'il ne pourroit2
établir l'ordre et la règle à quoi sa conscience l'obli-
geoit et que la nécessité de ses peuples requéroit;
aussi peu rabattre l'orgueil des grands, qui, se gou-
vernant mal, regarderoient toujours la Rochelle comme
une citadelle à l'ombre de laquelle ils pourroient
témoigner et faire valoir impunément leur méconten-
tement ;
Qu'il étoit certain, en outre, que pendant ce temps
on n'oseroit rien entreprendre de glorieux3, pas
même s'opposer aux entreprises étrangères, parce
qu'au même temps ce parti ne manqueroit pas, comme
il avoit paru par deux expériences, d'Amiens et de
autre chose » [Harangue des députez généraux de ceux de la
religion, présentée par M. de Maniald, présentant au Roy les
députez envoyez pour l'acceptation de la pair générale cy-devant
accordée par S. M. avec la response du Roy, 1625 : Aff. étr.,
France 780).
1. Les Mémoires reproduisent jusqu'à la page 199 un « Dis-
cours tendant à voir si, ayant la guerre avec l'Espagne en Ita-
lie, il faut la faire aussi au dedans du royaume » ; ce document,
daté du 25 novembre 1625, figure dans le volume France 246,
fol. 32 à 39; il porte diverses corrections de la main de
Richelieu. Ce document a été mentionné par G. Avenel.
2. Var. de France 246 et première rédaction du manus-
crit A : « qu'il ne sauroit ».
3. Var. de France 246 : « de glorieux au dehors ».
de nniir Itt
la guerre dernière, <le vouloir profiler de l'occasion;
Partant, qu'il n'y avoit point è douter que le pre-
mier efl principal d marin que S. M. devoit avoir De
lût de ruiner ce parti ;
Mais qu'il falloit voir si le temps et l'occasion y
étaient aussi propres, maintenant (|ue l'on avoit de
l'occupation au dehors, comme le sujet qu'ils en
avoient donne par leur longue rébellion efl étoit grand
et odieux à tout le monde ;
Que, pour le bien juger, il falloit voir les raisons
qui pon\ oient donner lieu de continuer sans délai cette
entreprise, et celles au^si qui pouvoient convier à
remettre la partie à une autre fois;
Que tous les peuples et communautés, et la plupart
des compagnies souveraines de ce royaume, étoient
tellement prévenues en l'opinion que l'on devoit faire
présentement la guerre aux huguenots1, et que leur
mine était aisée, qu'ils tenoient et publioient pour
mauvais catholiques ceux qui parloient seulement
contre ce sentiment, étant fomentés en cette pensée
par plusieurs grands mécontents*;
I Comparez la Harangue des députés généraux de ce in <{<•
la religion, présentée par M. de ManiaUl au Roi le 21 no-
o*$nhrt 1025 : « Si la Rochelle deraeuroit en l'indignation du
Hoi, il leroil impossible doter (appréhension à tous les peuples
qui foui profession de la religion que par la raine
de cette ville ne se commençât la leur générale. Vu principale-
iii. 'ut . | u < >n en voit déjà les menaces qu'en ont fait publique-
le clergé il qnekxaee-vnJ dee parlements et d< s princi-
pales personnes de l'Etat, qui parient ouvertement d'extirper
sie et de commencer par la Rochelle, dont lei Imprimée
se sont vendus publiquement à Paris » (Aff. étr., France 780,
loi 93).
•ans une lettre au ll<<i. <|m lut rendue publique, le prittCC
184 MÉMOIRES [1625]
Qu'il étoit à craindre que, s'il l'on arrêtoit le cours
des armes contre les huguenots, l'on ne commençât à
jeter dans le cœur des peuples des impressions
capables de produire une ligue, comme autrefois l'on
avoit t'ait sur pareil sujet ;
Que le malheur du siècle vouloit que les zélés,
levant les épaules avec un soupir entrecoupé, feroient
plus de mal à la réputation des hommes avec les
grains de leur chapelet, que les plus puissants mo-
narques du monde, avec les boulets de leurs canons,
à la vie de ceux qui y sont exposés ;
Qu'on ne devoit pas, s'il l'on n'y étoit contraint par
la nécessité des affaires, mépriser la calomnie que
telles gens savoient vomir contre ceux qui, ayant les
mêmes fins qu'ils ont, prenoient d'autres voies pour
y parvenir que celles qu'ils estiment les meilleures ;
Qu'il étoit à craindre que le clergé, qui vouloit main-
tenant contribuer à cette entreprise1, n'y fût pas dis-
de Condé écrivait le 7 octobre : « Je maintiens qu'il nous faut
en pleine paix avec les huguenots autant de forces autour d'eux
pour être assuré qu'ils ne réveilleront s'ils voient le beau
temps, qu'il en faut pour les ruiner entièrement. Dieu fait
miracle pour vous; ruinez ses ennemis, Sire, et il vous exau-
cera. » Cette intervention lui valut le blâme de Louis XIII
(Duc d'Aumale, Histoire des princes de Condé, t. III, p. 504).
1. Dès le 12 septembre, le cardinal de Sourdis avait annoncé à
Richelieu que le clergé était disposé à fournir une importante
contribution pécuniaire en vue de réduire à la soumission la
Rochelle, Montauban et Castres (Aff. étr., France 780, fol. 353).
Sur les délibérations de l'assemblée du clergé, voyez une
lettre de Loménie de Brienne adressée également au Cardinal,
le 22 octobre 1625 : « M. de Maillezais, frère du cardinal de
Sourdis, pour décrier les affaires du Roi ou réduire les
choses à passer par la fantaisie de M. le Cardinal, son frère, a
avancé que la paix étoit résolue avec les Rochelois et que vous
[I (,.>;.] DE RICHELIEU. 185
ou h» tût pas en pied pour le faire une autre
fois ;
Qo'il sembloit que l'occasion M tût jamais plus
belle, en ee que la Rochelle étoit fort incommodée
d'elle-même; que tous les huguenots de France étoient
I tonués et du tout abattus, et que ceux qui, du dehors,
MUToien! aider, comme l«'s Hollandois, et parti-
culièrement les Anglois, ne le sauroient faire, pour
être occupés ailleurs et avoir besoin de nous. Au lieu
que, si on attendoit une autre conjoncture où ces deux
rmiMdérations n'eussent plus de lieu, il y avoit grande
;ipp;»rence qu'ils mettroient à effet la bonne volonté
qu'ils avoient de tout temps pour cette ville-là;
Que la saison de l'hiver faisoit qu'il n'y avoit pas
grand lieu de eraindre qu'une attaque étrangère des
InjMgBoki pût détourner S. M. présentement d'une
telle entreprise1, et il étoit certain que, si l'on avoit
l'aviez conclue, ajoutant qu'il étoit inutile de donner aucun
secours à S. M. » (Aff\ étr., France 780, fol. 80). Par lettre
datée de Saint-Germain, 3 novembre, et contresignée Le Beau-
!<■ Koi invita l'assemblée à hâter sa décision, « résolvant
simplement de quelle somme vous entendrez nous secourir,
r la oonelasÛMi par la discussion des moyens
«!•• I Vflectuer, qui se fera facilement par après » (Bibl. nat.,
180, l"l '»02). Le 7 novembre, Herbault faisait
owmaitiv I BoJttofl le résultat de cette intervention : « Le
clergé à accordé cinq cent mille écus pour faire le siège ou le
il [de la Rochelle]; il scroit betota d'un bien plus grand
secours pour subvenir aux affaires que la suite de cette entre-
prfaM |...urra donner » (Arch. nat., KK |8tt, fol. 374 v°).
1 I à _'l novrinlu !• •rbatilt écrivait à Bothune : « Sur
le pr.'j.cis de ce blocus de la Rochelle, je vous dirai qu'il est
...fiiiiK- résolu. Ceux de cette ville avoient envoyé ici des dépu-
nr demander la paix. Ils n'ont pas encore été ouïs et ne
seront point admis aux pieds de S. M., s'ils ne se soumettent à
186 MÉMOIRES [1625J
deux mois de temps pour faire la clique dans le port
de la Rochelle, tous les princes du monde ne la sau-
roient secourir.
Ce temps étoit très propre à l'exécution de diverses
entreprises projetées contre le parti, lesquelles seroient
toutes perdues si l'on les différoit à une autre fois,
comme l'on feroit si l'on faisoit la paix; et, si elles
réussissoient, la Rochelle seroit tellement afToiblie
qu'elle ne sauroit s'exempter de revenir à son devoir.
Le lèvement du siège de Verrue devoit empêcher
que l'on ne se précipitât en cette paix, y ayant grande
apparence que ce succès feroit penser les Espagnols
à leur conscience et se rendre faciles à la paix. Ce qui
faisoit qu'il étoit de la prudence d'attendre ce que pro-
duiroit cet accident, comme aussi la surprise de Cadix,
laquelle ne pouvoit succéder sans changer la face de
leurs affaires * ;
Que les divers avis que ceux qui commandoient les
armées qui étoient en Piémont et en la Valteline don-
noient au Roi, d'avoir des entreprises avantageuses
contre ses ennemis, faisoient que, par raison, il étoit
bon d'en attendre le succès devant que de prendre
une résolution définitive pour les affaires du dedans ;
une entière obéissance et à la démolition de leurs fortifications,
chose que l'on ne doit pas espérer de leurs aveuglements, bien
que ce fût le seul moyen pour éviter leur ruine » (Bibl. nat.,
ms. Français 3669, fol. 23).
1. Le membre de phrase : « comme aussi la surprise... », est
dans le discours original, de la main de Richelieu. On comp-
tait encore sur le succès de l'expédition, sur la foi de nouvelles
d'Espagne, datées du 7 novembre, ainsi qu'en témoigne une
dépêche de Morosini du 25 novembre, publiée dans le Calen-
darof State Papers, Venice, t. XIX, p. 230.
DE Kl< HKUEU. 187
Qm la passion que le /de de M. le Légal lui donnoit
;i faire la paix, outre que NI intérêts l'y portaient,
sembloit requérir que l'on se donnât la patience de
voir < •(• queproduiroit son ai rivée a Rome, s'il y alloit,
vu, principalement, qu'elle seroit au même temps de
la déroute de Verrue et des avantages que l'on atten-
dnit ea Italie, si les desseins réussissoient selon les
projets;
Que toutes les raisons susdites nous convioient à
poursuivre notre pointe contre nos huguenots, mais
que de l'autre paît aussi il talloit considérer1 :
Que la prudence ne permet pas d'entreprendre
«I. n\ un. ii. s ,i |;i lois; que l'on ne sauroit, quand on
voudroit, terminer celle d'Italie, et partant qu'il sem-
bloit que la raison voulût que l'on pacifiât les aflaiivs
du dedans, puisque l'on recouvreroit, quand on vou-
drait, l'occasion des huguenots*, au lieu que, si l'on
pn.loit celle de résister aux entreprises des étran_
il M seroit plus licite d'y revenir une autre fois;
Que l'on devoit d'autant plus se porter à pacifier les
■Aâreado dedans, que l'on avoit même des expédients
pour miner par la paix le parti huguenot;
nue telle paix feroit taire indubitablement celle
d'Bapagne, qui, ayant eu des désavantages avec nous,
kan m» nie que nous avions une guerre intestine, ne
voudroit point nous avoir sur les bras quand nous pour-
rions employer toutes nos forces contre eux ;
IM a été ajoutée par Sancy dans le manuscrit A;
le discours portait à cet endroit un titre : « Raisons pour faire
la guen. ,iu il. dans »; transcrit sur le manuscrit A, il a été
liill.; .1 un trait .1- plume.
2. France 246 : « l'occasion de perdre les huguenots ».
188 MÉMOIRES [1625]
Que les armes du Roi alloient entrer dans le Milanois,
tant du côté de Piémont que de la Valteline; partant il
étoit à craindre que les Espagnols, qui ne sont pas insen-
sibles, n'en voulussent prendre revanche dans nos fron-
tières, qui étoit le seul moyen par lequel ils se pou-
voient garantir;
Que si nous avions la paix au dedans, il n'y avoit
rien à craindre quand ils le feroient, et que, apparem-
ment et par raison, ils ne Pentreprendroient pas ; mais,
si l'on étoit bien embarqué au siège de la Rochelle, la
connoissance qu'ils auroient qu'ils pourroient faire
cette entreprise sans qu'il leur en pût arriver incon-
vénient feroit qu'ils l'entreprendroient, et en tel cas
il faudroit quitter prise ;
Qu'on ne pourroit plus faire la paix avec les hugue-
nots qu'en perdant tous les avantages que l'on avoit
sur eux maintenant, et qui sans doute avec le temps
causeroient la ruine de ce parti; qu'ils deviendroient
plus orgueilleux que jamais, factionnaires d'Espagne
par force ; et comme ils se résoudroient alors de ser-
vir l'Espagne pour leur intérêt, l'Espagne se résoudroit
aussi d'exécuter les pensées qu'ils ont eues plusieurs
fois de leur donner de l'argent pour nourrir la guerre
dans nos entrailles ;
Au reste, qu'il seroit à craindre que Spinola d'un
premier effort emportât quelque place, laquelle on
auroit bien de la peine à reconquérir1, et qui seroit
capable de faire perdre tous les progrès que l'on auroit
faits en Italie ;
1. Sur la menace d'une attaque espagnole sur Calais en août
1625, voyez le mémoire du Cardinal à Potier d'Ocquerre (AfF.
étr., Grisons 4, fol. 335).
[1625] DE RICHELIEU. 189
One si Toii joi^noit à cette raison cette autre-là, que,
par les lettres prises à Pioootomim1, il apparoissoit que
Spinola avoit ordre de faire (|iiel<|iies entreprises sur
b France, et que c'étoit le droit du jeu d'une aimée
et rainée comme la sienne par le siège de
Bréda «le se mettre pendant l'hiver en garnison pour
i_ii puissamment au printemps, elle seroit de très
ad poids
Que les divers et récents avis que le connétable3,
Bullion4 et les autres qui étaient auprès de lui don-
1. Octave Piccolomini (1599-1656).
il t alinéa, ainsi que les trois suivants, ne faisait pas par-
lie du discourt original; ils apparaissent pour la première fois
dans le manuscrit A. On n'a pu en trouver la source.
3. Lesdiguières préconisait la conclusion de la paix avec les
>tants dans un mémoire adressé au Roi en octobre : « afin
if ri.- point unir les Kspagnols et huguenots, qui seroit une fac-
tion la plus dangereuse qui puisse attaquer la dignité du Roi »
(Actes et corrcsp. du connétable de Lesdiguières, t. II, p. 421).
'• Uaude de Bullion avait été chargé de l'intendance des
finances et justice à l'armée de Gênes. Sur les attaques diri-
gées contre sa gestion, voyez Mercure francois, t. XI, p. 522,
< i l.s t.iiiuignages de confiance que lui adressèrent Herhault et
Le Beauclerc (Bihl. nat., ms. Français 9M4, fol. 93 et 99,
2'.* juill.t 1625). Il écrivait le 6 novembre à Bellujon : « Ne
vous I.iss. / point el laites tout ce que vous pourrez pour pro-
I un i la |.ai\ publique au dedans... Je vous confesse que je ne
suis ni huguenot ni espagnol et que je n'ai pour but que de
s il plaît à Dieu, dans sa crainte, sous l'obéissance du
maître; il m'est toutefois impONiblc d'approuver les avis de
■ • ii x .pii, sous couleur de l'extirpation de l'hérésie, veulent
iner de tous côtés les fleurs de lis et nous veulent taire
qu'il n'\ a moyen de se sauver qu'en reconnoissant l'au-
etpagnota, en ruinant nos alliés, et d'une extrémité vont
à l'astre, disant qu'il vaut mi< u\ être espagnol qu'huguenot.
II ne faut être ni l'un ni l'autre, mais demeurer dans les
190 MÉMOIRES [1625]
noient de faire la paix avec les huguenots dévoient
donner à penser et à craindre que, lorsque ce bon
homme peu zélé, et catholique, comme tout le monde
croit, de légère teinture, verroit la guerre intestine bien
allumée, il ne ralentit le cours des armes du Roi en Italie,
lesquelles, jusqu'à présent, il n'avoit pas menées trop
vite, expressément pour contraindre le Roi à ce à quoi
il le convioit maintenant par cet avis1 ;
Que la crainte qu'il y avoit d'employer en cette
guerre des personnes aussi négligentes à faire leur
devoir, comme l'on rapportoit que M. de Praslin2 étoit
maximes du gouvernement du feu Roi, qui est mort meilleur
catholique que tous ces nouveaux catholiques zélés espagnoli-
sés » (AIT. étr., Turin 6, fol. 399).
1. Le manuscrit A contenait des accusations plus précises
contre Lesdiguières : « Que les conjectures et présents indices
que le procès de Drevet donnoit du peu de fidélité de ce bon
homme, avec le sujet qu'on avoit de soupçonner d'ailleurs qu'il
eût, en commencement, ralenti l'entreprise de Gênes, lorsqu'il
avoit pensé en tirer de l'argent, étoient considérations de très
grand poids. » Cet alinéa a été supprimé lors delà révision du
manuscrit. Sur les menées de Drevet, qui s'était donné en
Espagne comme l'envoyé du connétable, tout en intriguant en
faveur des rebelles huguenots, voyez la demande d'explications
adressée par Herbault àBullion, le 21 février 1625 (Arch. nat.,
KK.1361, fol. 135). Voyez le jugement porté sur Lesdiguières
dans les Maximes d'État, p. 38.
2. Sur les mesures d'ordre militaire prises devant la Rochelle,
voyez la lettre déjà citée d'Herbault à Béthune : « L'on fait
venir de l'armée de Champagne les régiments de Piémont,
Manicamp et de Beuvron, les compagnies de gendarmes de la
Reine et de Monsieur. L'on fait pourvoir à tous ustensiles et
munitions de guerre et de vivres pour cette entreprise du côté
de la terre ferme et de mer; l'on commet plusieurs officiers
capables, et l'on a mandé à M. le maréchal de Thémines pour
commander conjointement en cette armée avec M. le maréchal
[1625] DE lui IIKI.IEU. 191
u\, non seulement de ne faire pas de mal à ceux
de II Kochelle, mais, en outre, «le leur permettre d'en
I m. ;ni\ sujets du Roi et s'avantager au préjudice de
>■■ propre réputation, devait bien mûrement faire
M l'embarquer DM en un dessein dont il ne
revient que préjudice et honte;
Que les divers discours de M. de Montmorency, qui
promettoit tantôt de faire des mei\eilles, et disoit par
eprèa ouvertement, a la première piqûre de mouche,
qu'il aerviroil mal. joint se^ inégalitéa ordinaires,
dévoient être bien considérés en cette occasion,
(|ii<»i«ju. lee I lui njs tissent souvent bien, lors même
qu'ils parloient mal1;
Que le peu de sûreté qu'il y a aux grands, parmi
lesquels >» trouve peu de capitaines pour faire tête à
<\ composée de vieux soldats, com-
mander par un tel chef, devoit faire penser mûrement
à cet inconvénient;
Qu'il etoit aisé de remédier à l'appréhension que
de Praslin » (21 novembre). L'ordre avait été donné par le Roi
I Théorises, le 13 novembre 1625, après l'échec de l'attaque
sur I. I <• Faisant considération sur l'état £•
de mes affaires et re<-nnn<>issant que ceux de la Rochelle
m'entretiennent <i«- belles paroles, sans me donner aucun effet
;i fidélité, el que leur désobéissance ne me permet pas de
r la paix à tout mon royaume, comme j'aurois désiré, j'ai
résolu, ayant égard qu'en mon armée d'Aunis il offriroit un
digne emploi pour deux maréchaux de France, de me servir de
vous en cette importante occasion » (Aff. étr., France 1627,
loi. 245).
1 Bar Ufl pi "positions faites par Montmorency en vue d'une
!.i Rochelle et le mauvais an ucil qa'ellei ren-
contrèrent à la cour, voyez le récit donné pif s du Cros, op.
; 1 ' -114.
192 MÉMOIRES [1625]
l'on avoit que les Anglois et les Hollandois assistassent
la Rochelle en une autre occasion, et qu'en faisant la
paix on les pouvoit obliger à seconder le Roi une autre
fois à ce dessein, étant certain qu'ils désiroient avec
grande passion que les troubles du dedans du royaume
s'apaisassent maintenant, et que si l'on leur faisoit
connoître que le Roi, mettant sous les pieds ses propres
intérêts, vouloit donner la paix à son royaume, pour
vaquer plus puissament aux affaires qu'ils ont contre
les étrangers, pourvu qu'ils s'obligent d'en prendre
revanche, en assistant ouvertement S. M., lorsque, par
après, il voudra avoir raison de ses rebelles, indubi-
tablement ils s'y porteroient.
Ou si, au contraire, l'on continuoit la guerre et étoit
vrai que Buckingham agît par boutade et non par rai-
son, il étoit à craindre qu'il ne leur fît donner quelque
secours sous main, qui rendît cette entreprise de
longue haleine et par conséquent de douteux événe-
ment, vu qu'outre que les François ne demeurent pas
longtemps en même résolution, il pouvoit arriver beau-
coup d'accidents qui la feroient changer.
Au reste, quand même la paix seroit faite avec
l'Espagne, elle ne sauroit être exécutée de six mois, et
que c' étoit chose ordinaire aux Espagnols de ne tenir
ce qu'ils promettent, et dont ils conviennent par traité,
que lorsqu'ils ne s'en peuvent empêcher et que l'on les
peut contraindre.
Ce qui montroit bien que la paix étoit nécessaire au
dedans, vu que, si elle n'y étoit pas, on seroit si empê-
ché à y vaquer à la guerre, que l'on n'auroit pas lieu
de faire exécuter la paix du dehors ; et sans doute les
Espagnols n'oublieroient rien de ce qui leur seroit pos-
M Kl< HKI.1EU. M
sible |><>ur fomenter n<»s divisions intestines, pour oe
que le traité l'ait avec eux demeurerait sans effet;
Que 1rs affaires d'Allemagne étoienl en tel étal
que, m le Roi les aliaudonnoit. la maison d'Autriche
M reodroit maîtresse de toute l'Allemagne, et ainsi
sçeroit la Fiance de tous cotés. Or est-il que, si
le Roi avoit la guerre en France, il ne pourroit secou-
rir les princes de la Germanie opprimés; ou, au con-
: i m. . s il avoit la paix dans son royaume, sans entre-
prendre la guerre de son chef, il pouvoit, en assistant
km princes1 d'argent sous main, et les Anglois de
quelque cavalerie, aidera rendre la liberté à ses anciens
iillu -s , restituer la paix à l'Allemagne et y remettre les
ehesea en une juste balance; que, si l'on n'y pour-
ntement, la maison d'Autriche, dans six
ans au plus tard, lorsqu'elle n'auroit plus rien à con-
quérir en Allemagne, taeheroit de s'occuper en France
dépens4; et s'il est vrai que l'on tient une place
perdue quand tous les dehors en sont gagnés, il seroit
■ lindre qu'elle nous feroit bien du mal ;
1 Ki, m e 246 et première rédaction du manuscrit A : « en
aidant lei princes . Sancj a substitué à € aidant » « tS&ÎS-
tahl
l. Le discourt portait primiti Fraient : « aider à rendre la
IiImii. ,ih\ prince» opprimât ■. tel dam dernière awta ont été
OOrrifél par le < ardiaal (France 246).
i\ mots ont été ajoutés par le Cardinal dans l< .lis
_inal (France 24
• e 246 et premier* rédafetfOO <lu manus-
erit v " Que »i l'on n'\ pourvoit maintenant, dani lis aiiN.iu
pie la maison d Latricn* n'aare piu rien à eon*
■ en \ll<inagne, elle tâchei r en Krance à
ii porta i ih iiH.is i ; m«J]
bm erreui <lu • opi
! 13
194 MÉMOIRES [1625]
Que la calomnie ne dureroit qu'un mois ; le bon suc-
cès que l'on pourroit avoir au dehors l'étoufTeroit incon-
tinent, ceux qui sont capables de raison considérant
bien qu'ainsi que, si le Roi rasoit le Fort1 par la paix,
l'on pourroit dire qu'elle seroit honteuse ; aussi, pour la
faire honorable, c'étoit assez, pendant que l'on est
occupé au dehors, de maintenir les choses au dedans
ainsi qu'elles étoient auparavant ; de façon que si, pas-
sant plus avant, le Roi donnoit la paix après avoir
gagné une bataille2, conservant les îles qui en sont le
fruit et les dépouilles, et réduisant les huguenots à des
conditions beaucoup pires qu'ils n'avoient jamais été,
elle seroit glorieuse et telle qu'elle ne pourroit être
improuvée que de ceux qui seroient aveugles par pas-
sion ou par un zèle inconsidéré ; n'y ayant homme de
jugement qui ne connoisse que quiconque entreprend
deux grandes guerres à la fois se confie plus à son
bonheur et à sa fortune qu'à sa conduite et à sa pru-
dence ;
Que jamais le Turc, pour puissant qu'il soit, n'a
guerre avec le Persan qu'il ne fasse la paix avec les
chrétiens. L'Empereur, ayant maintenant la guerre en
Allemagne, n'a rien oublié pour faire la paix avec lui,
1. Annonçant la première demande de paix présentée par les
Rochelais, après la bataille navale, Herbault écrivait, le 25 sep-
tembre, à l'ambassadeur Aligre : « S'ils demandoient la paix
sans condition aucune, j'estime que la bonté du Roi se pourroit
étendre jusques à ce point de leur faire grâce ; mais, s'ils per-
sistent dans leurs propositions du rasement du Fort-Louis
dans certain temps qui leur avoit été promis, et autres grâces
qu'on leur avoit fait espérer, je ne crois pas qu'ils soient
reçus » (Arch. nat., KK 1462, fol. 207).
2. Le combat naval du Pertuis-Breton.
DE R!< HFUEU.
et ;i tons 1rs jours des agents à sa Porte pour empê-
cher qu'elle ne se rompe;
Ouc si le Roi ttoit contraint de faire la paix pour ces
raisons. Dieu, qui pénètre les cœurs, connoissant la
sainteté de ses intentions, les feroit connoitre au monde
et dooneroH bon succès à la première entreprise pour
taire missir la seconde;
Que le secours que Messieurs du clergé donneroient
au Roi ne seroit point perdu, S. M. en pouvant conser-
ve! le fonds, et acquérir une grande réputation et pro-
bité de foi du tout nécessaire dans les affaires publiques,
si, au cas que pour le présent il ne faisoit point la guerre
au dedans, il disoit à ces Messieurs qu'il ne vouloit pas
toucher leur urgent maintenant, mais qu'il désireroit
qu'ils le conservassent avec leur bonne volonté, pour
s Vu aider lorsque les mauvais déportements des hugue-
not s lui donneroient lieu de s'en servir à propos;
Que, pour conclusion, après avoir considéré tout ce
que dessus, toutes raisons de prudence sembloient
convenir à n'avoir pas deux guerres à la fois; mais
que d'autant que Dieu fait souvent des miracles pour
la France, qui! les falloit particulièrement attendre en
ce sujet. Et afin qu'en outre nul ne pût dire qu'on se
seroil préeipité sur des ombres, il estimoit que le vrai
conseil qu'on devoit prendre étoit de tenir les affaires
en étal que l'on pût avoir la paix au dedans que l'on
VOtldrOtt, et cependant ne la eonelnre pas pour les con-
si.l. talions suivantes :
Qu'il «toit I propos d'attendre des nouvelles d'Ita-
lie, pour lavoir comme les aflEurea turoienl bug
et quelles inees auroient ceux qui servoient le
i attendre aussi de diverses entreprises «pie
196 MÉMOIRES [1625]
l'on avoit en Languedoc, lesquelles il falloit hâter le
plus qu'il seroit possible ; de savoir ce qu'auroit pro-
duit la dernière dépêche que l'on avoit envoyée à
Blainville, laquelle lui donnoit pouvoir de parler hau-
tement, s'il jugeoit que les Anglois demeurassent en
l'obstination de ne donner point de contentement au
Roi, et s'ils étoient disposés à secourir la Rochelle
comme il avoit déjà mandé; d'attendre des nouvelles
de M. de Montmorency, pour voir si les Hollandois
étoient résolus de servir le Roi fidèlement contre
la Rochelle, ou si, comme disoit M. de Toiras1, ils ne
le feroient pas; de voir aussi ce que diroient sur ce
sujet les sieurs Aerssen 2 et Buckingham, avant la venue
duquel, s'il avoit à venir, il étoit du tout nécessaire
de faire partir les députés qui iroient en Languedoc et
à la Rochelle pour éviter les importunités et sollicita-
tions qu'il feroit en leur faveur; et, en outre, de faire
auparavant séparer l'assemblée du clergé.
Que si l'on avoit de bonnes nouvelles de toutes parts,
l'on pourroit continuer la guerre, entretenant toujours
quelque pratique secrète de paix ; si aussi l'on en avoit
de mauvaises, il faudroit faire la paix en effet.
Et pour ce3 qu'il seroit fort difficile de tenir les
affaires en tel tempérament, que présentement l'on
s'exemptât de conclure paix ou guerre avec les hugue-
1. Toiras fut nommé gouverneur de l'île de Ré par lettres de
provision du 2 décembre 1625.
2. Aerssen (ci-dessus, p. 165) avait eu sa première audience
le 30 novembre 1625 [Calendar of State Papers, Venice, t. XIX,
p. 235).
3. Ces trois mots ont été ajoutés par Sancy sur le discours
original (France 246, fol. 37 v°); c'est la preuve que ce docu-
ment a été entre les mains des rédacteurs des Mémoires.
DE IUfHKLlEU. l'JT
iiots. d'autant qu'étant BOnpçoMMB comme ils sont,
ils presseroieol fort une conclusion, toutefois l'on
iMJWItiil s'exempter de conclure par le moyen (|iii
-uit :
Qu'il faudroit dire aux députés du Languedoc que
le Roi vouloit leur donner la paix, s'ils la savoient
prendre; mais que, pour l'honneur et réputation,
S. M. ne vouloit pas ouïr parler de la jonction qu'ils
"iidoient faire avec ceux de la Rochelle1, parce
qu'elle témoignoit faction et parti.
Perlent, que c'étoit à eux d'accepter la paix sans
jonction, ou, s'ils n'en avoient le pouvoir, envoyer
quelqu'un d'entre eux pour y disposer leurs provinces.
Que, pour porter à ce que dessus les plus mauvais,
il I .uidroit leur faire connoltre bonnement que cette
séparation d'union désirée par le Roi ne faisoit pas
(ju'il ne voulût en effet donner la paix à la Rochelle,
pourvu qu'ils la reçussent à des conditions qui pussent
compatir avec la dignité et réputation du Roi, qui, autre-
ment, recevroil ^rand préjudice par la calomnie et le
zèle inconsidéré de plusieurs catholiques;
Qu'il faudroit même, pour mieux jouer ce person-
que quelques-uns des ministres parlassent, non
<!<• la péri <lu Rot, mais comme d'eux-mêmes, en grand
I ; leur donnassent péri de quelques-unes des
conditions que l'on dësiroU en la paix, avec la plus
douce sauce qu'us pourroient, leur disant que l'on
»it celles qui senihloienl les pins rudes, plus pour
reppereoce et pour éviter le l»ruit des catholiques*
qu'autrement, pourvu qu'au même temps que l'on
1. Franc»* 2/*6 : « avec la Rochelle ».
] I rance 246 : « cagot» ».
198 \ii.\ioiiu:s [1625]
joueroit ce personnage avec Bellujon et quelques
autres qu'on choisiroit, l'on parlât hautement de
guerre ;
Qu'il y avoit grande apparence que l'on obtiendroit
d'eux qu'un de leurs députés de la Rochelle demeurant
en cour1, l'autre s'en retournât pour faire agréer les-
dites conditions, et que Madiane2 et du Gros3 iroient
pareillement en Languedoc, La Milletière4 et le baron
d'Aubais5 demeureroient ici.
Cela étant6, si l'on faisoit connoître auxdits Madiane7
et du Cros que l'on voulût donner la paix à la Rochelle
à conditions supportables, desquelles même on leur
1. France 246 : « demeurant ici ».
2. Madiane. Jean de Bouffard, dit Madiane, né à Castres le
1er janvier 1597, fut nommé consul de Castres par Rohan et
négocia en novembre 1622 la reddition de Montpellier au Roi;
il participa aux pourparlers engagés avec la cour en 1625
comme représentant de Castres ; il se rallia finalement au Car-
dinal. Il mourut le 24 décembre 1674. Ses Mémoires sur les
guerres civiles du duc de Rohan (1610-1629) ont été publiés en
1897 par Ch. Pradel : Archives historiques de l'Albigeois,
fasc. V.
3. Sur la mission de du Cros, chargé d' « un écrit portant
précisément la volonté de S. M. et ordre de lui porter réponse
de même » en Bas-Languedoc, voyez Mémoires de Madiane,
p. 124.
4. Théophile Brachet, sieur de la Milletière.
5. Le baron d'Aubais avait présidé la conférence réunie à
Milhau le 25 octobre et fut envoyé à la cour avec La Mille-
tière le 1er novembre; lieutenant du duc de Rohan à Nîmes
(1627), il fut tué en 1637 au siège de Leucate [Histoire générale
du Languedoc, t. XI, p. 999). Les manuscrits A et B portent :
« Daubes ».
6. Ces deux mots ont été intercalés par Sancy dans le mémoire
original.
7. Le manuscrit B porte par erreur : « Miletière ».
[16-25) DE RICHELIEU. 199
<lnnri<Toit en grand secret quelque connoissance, mais
<|ii« le Roi la leur voulait donner sans union avec le
H» (I(m pour éviter la faction et agir avec réputa-
tion, suis doute ils rapporteraient contentement1.
1 !.. roL Franco 24<> contient, à la suite du mémoire du
2."i n. . vembre 1625, les « conditions de paix » suivantes (fol. 38 v°) :
« Si l'on est contraint de faire la paix, il faut prendre quelque
sujet plausible comme le refus de la vérification de quelques
si le parlement en fait difficulté, crainte pour quelques
places de frontières, si l'on en reçoit des avis, et des monopoles
des grande qai témoignent toujours trop ouvertement leur
mécontentement. Faut insérer dans le traité quelques condi-
tions par lesquelles l'on puisse revenir à la guerre toutes fois
et quantes qu'on le voudra. Comme par exemple que ceux de
la Rochelle ouvriront leurs portes au Roi toutes les fois qu'il
voudra aller en leur ville. Pour les disposer aux conditions qui
sont de cette nature, l'on leur dira que l'on ne les désire que
pour l'honneur et réputation du Roi, qui ne peut donner la paix
s'il n'y a en icelle de quoi contenter les catholiques et le clergé,
mais qu'en effet le Roi n'ira pas. Faudra mettre aussi qu'ils
raseront toutes leurs fortifications, et si on ne le peut obtenir,
ronoric il n'y a pas d'apparence, par un traité à part, il sera dit
qu'on s'en < «intentera du rasement d'une partie qui seront
ées. De plus, qu'ils prendront un intendant de justice de
la part du Roi. Que le gouvernement de la ville ne sera plus
entre les mains du peuple, mais des magistrats. Qu'ils n'auront
plus de vaisseaux de guerre, mais seulement pour aller en mar-
chandise; qu'ils ne feront plus voyager qu'avec congé de l'in-
tendant et après avoir donné avis à celui qui commande au
p«»rt huit jours auparavant leur parlement. Que les draps volés
au marchand d'Orléans et retirés dans leur ville seront rendus.
ii- les biens des ecclésiastiques possédés en leur ville
seront QfM si M. de BomUm est MMSprif dans o mité,
il faudra mettre que tous les vaisseaux pris par ledit sieur, tant
sur I. Itoi <|in- sur se5 sujets, seront rendus: tuais il vaut mieux
pardonner à ces conditions audit sieur de Soubise par un traité
a part. » Il semble que ce document était d'abord destin.- |
dans les Mémoires, puisqu'une note de la main X Sancy :
200 mimoiuks [1625]
Tel lui l'avis du Cardinal, qui fut agréé du Roi; et il
arriva que le peuple mutin de la Rochelle, nonobs-
tant sa foiblesse et l'extrémité en laquelle il doit réduit,
ne vouloit pas recevoir la paix à ces conditions1, ce
qui fit que l'année se passa avant qu'elle fût résolue, et
que les ambassadeurs d'Angleterre eurent loisir d'ar-
river pour servira les y faire condescendre, espérant
« cette page est bonne », figure au haut du fol. 38 v° ; le feuillet
suivant porte également la mention : « bon ». Finalement, les
deux pages ont été biffées d'un trait de plume.
1. La remise des conditions de paix aux députés rochelais
est annoncée le 30 novembre par Herbault à du Fargis : « Le
Roi a trouvé bon d'admettre à ses pieds les députés de la Rochelle
qui ont demandé la paix à S. M. avec grandes soumissions.
S. M. leur a fait répondre qu'elle leur feroit grâce et donneroit
la paix, mais qu'elle vouloit qu'elle fût de durée et sûre pour
la tranquillité de ce royaume; pour cet effet, elle leur a déclaré
plusieurs conditions qu'elle désiroit d'eux, entre autres le rase-
ment de toutes leurs fortifications à la réserve de l'ancienne
enceinte, telle qu'elle étoit en l'an 1560, le changement du con-
seil de ville et d'y recevoir un intendant de justice, ce que les-
dits députés ont dit qu'ils rapporteroient à leurs concitoyens
avec peu d'espérance de les y faire acquiescer » (Arch. nat.,
KK1362, fol. 386). Le 5 décembre, Herbault faisait part à
Réthune de la résistance des députés : « Ceux de la Rochelle
témoignent assez que leurs concitoyens ne voudront pas
acquiescer à ces conditions. Je crains que les autres ne veuillent
pas aussi se séparer de leur uniqji et qu'ainsi le feu ne s'allume
en plusieurs endroits. M. de Rohan a été reçu à Nîmes et
à Uzès et villes des Cévennes ; elles danseront le même branle
des factieuses. J'espère aussi qu'elles recevront le même châ-
timent » (Ribl. nat., ms. Français 3667, fol. 29 v°). Sur l'arri-
vée à la Rochelle, le 15 décembre, des députés venant de la
cour, voyez Guillaudeau, Diarii, p. 311 : « On nous vouloit
bien donner la paix, mais sous des conditions si rudes qu'il
eût bien valu mieux demeurer perpétuellement en guerre que
d'^ l'accepter. »
DE BM il m m 201
par <••• moyen fortifier l'effort qu'ils faisoient en Alle-
magne pour U' recouvrement du Palatinat.
Il M til en Italie. BUT la guerre de la Valleline. deux1
méchants livres, mus nom d'auteur, lesquels, pour
le lieu d'où ils venoieut. »>n lit premièrement
distribuer en Flandre, les attribuant sous main à Bou-
<liery. <pii. par lettre qu'il écrivit a ses amis, s'en
e\eusa3. Le premier étoit intitule : Mystères politiques' ,
et le dernier portail pour titre : Admonition*, par
1. Ici commence le 25' cahier du manuscrit \, ainsi résumé
par Charpentier fol. 240) : a Mystères politiques et Admonition,
M s il est licite de secourir les Hollandois. »
lean Boucher, né 1 Paris vers 1548, mort à Tours en
• m- de 11 Diversité <!'• Paris, prieur «i docteur de
Sorbonne, >aint-Benoît, archidiacre de la cathédrale
■rnaj . Il protesta, le 3J mai 1026, dans une lettre au Roi
écrite de Tourna} contre I' imputation calomnieuse » qui lui
était fait»- par I Admonitio : Défense de M. .Iran Boucher, doc-
l'u Faculté -fr f'nri--, ■lutnninr et nrrhiitinrrr
Tourna?, de l'imprimerie d'Adrien Quinqué,
mih:\\\ i
I mprunt au Mercure françois, t. \l, p. 10
h/sterin politica, etc. : voyez Rapports et notices, t. Il,
p. 103-103.
5. Admonitio ad /.' te. - Bullîon, dans une lettre du
B novembre an Cardinal, sttribuail cet dus rage à Gaspard Cbo
pius et (aisail connaître le désir du duc de Savoie que * ce
li\ n -t lût censuré par la Sorbonne : poitr H part, il s'en remet-
tait i la ■ prudence el au jugement tn-s ^< » 1 i < i •■ et pénétrant
tecasions du Cardinal, afin d'ordonner l'il Paul
mettre cette alfaire au public et su jugement de la Sorbonne,
ou la supprimer si I étouffer tant qu'il sera possible comme une
qui peut donner, étant remuer, <b- 1res
mauv.i un i Ml étT . I urin (>, loi. .'i'.»" v°J. Il est lon-
gnemenl parié de» Mysteria et de Y Admonitio dans le récent
M kiaiimin Deloche, Autour de Ut plume du e«r-
202 MÉMOIRES [4026]
laquelle brièvement et fortement on démontre que la
France a vilainement et honteusement fait une ligue
impie, et mû une guerre injuste, en ce temps, contre les
catholiques, qu'elle ne saur oit poursuivre sans préjudi-
cier à la religion.
Le dedans du livre et oit conformé à cette1 calom-
nieuse et fausse inscription ; on y déduisoit au long,
avec un style envenimé, qu'assister les Hollandois
contre Espagne, le Palatin contre Bavière, Savoie contre
Gênes, Venise contre la Valteline, étoit faire la guerre
directement contre les catholiques, violant tout droit
divin et humain. L'auteur, parmi son discours, mêloit
des injures atroces contre le Cardinal, qu'il appeloit le
boute-feu de cette guerre, le promoteur du mariage
d'Angleterre, et l'auteur de la dernière ligue avec les
potentats et autres mauvais catholiques.
Par la suite de la guerre de la Valteline que nous avons
représentée, la justice des armes du Roi est aisée à
juger; la pureté du dessein du mariage d'Angleterre
paroît assez par la dispense que S. S. en a accordée.
Quant à l'équité de la guerre du Palatinat, elle est
assez évidente, en ce que les princes catholiques d'Al-
lemagne mêmes en désirent le rétablissement, et ne se
sont jamais arrêtés que sur les conditions de l'accom-
modement.
dinal de Richelieu, Paris, 1920, p. 257-259, 271-280, 289,
337, 344, 368 et suiv., 380. L'auteur attribue les Mysteria au
P. Keller et discute l'attribution de YAdmonitio. Ces deux
ouvrages furent d'abord publiés en latin, puis réédités en
français.
1. Ce commencement de phrase est dans le manuscrit A de
la main de Sancy.
Di. UQBMUBO.
L'altiance de Hollande, deill la justice n'est pas
paoindre, mais qui eal la première quia été calomniée,
et «Mi laquelle ils onl eu un prétexte plus trompeur et
plus apparent pour décevoir les peuple*, mérite bien
que noua nous y arrêtions pour l<s déaabuaer; mais,
pour ce que l<- discours qui prouve Injustice de cette
alliance csl un peu plus long <|ii<' l;i brièveté de cette
hâatoire ne requiert, nous nous contenterons de l'insé-
la lin de cette ainer1, laissant ;i inférer à ceux qui
la liront <|ue les libeller pleins de blâme de la conduite
• lu Roi en la guerre de la Valtetine, en l'alliance de Hol-
lande, au mariage d'Angleterre, et li^ue avec Venise et
Nivuir. procédoient, non <le la sincérité d'un cœur
ekretien, maiade la passion d'une Ime intéressée en la
i.k tiun d'Eapagne.
>t pourquoi, ayant été envoyés et épandus en
France, et étant estimés être autant de comètes qui
igenl <-i excitent lea oragea dans lea Ktats, comme
BOoa «h ;i\nns vu en celui-ri plusieurs exemples en nos
bromlleriee p ils émurent les docteurs de la
Faculté de théologie de Paris à les faire lire par quel-
ques-uns d'entre eux, dépotée a cet effet, pour, leur
tait lr rapport, aviser au jugement qu'ils
auraient a en taire de la doctrine*.
1. Le « ! i st i .11 rs sur les alliances avec Im hérétiques, d'abord
dans le corps du récit (fol. 2'«2-2*V2 du manuscrit A), fut
ainsi que l'indique la phrase précédente
par (liarpentier sur le manuscrit \, elle est iceoflipa-
i à la paea 2.57 de l'ancienne numérotation :
pafji 137. A ». Nous donnons le texte du « dis-
eoan ■' i ippeadiee il du présent volaaM.
2. Une lenteoce dl prévôt de Paris, du 30 octobre 1625,
•204 MEMOIRES [1625J
Un mois après, qui fut le 26e novembre, ils déclarent
que ce livre étoit rempli de termes très séditieux, et
que, sous le masque de conserver la religion catho-
lique, il exhortoit les grands de ce royaume à une
déloyale désertion, et tout le peuple à une rébellion
générale; divertissoit tous les sujets de l'obéissance
due aux puissances séculières; abusoit malicieusement
des saintes Écritures, les interprétant à contresens,
contre l'intention du Saint-Esprit; enfin contenoit
beaucoup de choses contraires à la vraie doctrine de
l'Église1.
Pour lesquelles raisons ils supplioient Messieurs les
prélats et juges séculiers d'interposer leur autorité
pour arrêter le cours de la vente de ce livre et en
châtier les auteurs.
L'assemblée générale du clergé, qui se tenoit lors,
trouva bon de censurer ce méchant livre, et donna
charge à l'évêque de Chartres- de rédiger cette cen-
sure par écrit. Il en fit imprimer une le 3e décembre
de ladite année, dont il y eut beaucoup de bruit, ainsi
que nous verrons ci-après.
avait prescrit que ces « deux pernicieux et méchants livres »
seraient o lacérés et brûlés » (A.ff. étr., France 780, fol. 91).
1. Comparez la Censure de la sacrée Faculté de théologie de
Paris faite contre un séditieux libelle intitulé «.Admonition de
J. J. R., théologien, à Très Chrestien Roy de France et de
Navarre Loys XIII ». Paris, Cl. Griset, 1635, in-16, p. 11 et
12, à laquelle ce passage a été emprunté.
2. Léonor d'Estampes-Valençay.
DE RICHELIEU. 205
ANNÉE 1626.
Le commencement de cette année fut signalé par
deux étions importantes et peu attendues qui don-
n«Tt ut au Roi le repos au dehors et au dedans de son
royaume et lui ouvrirent le chemin pour exterminer
le parti huguenot, qui, depuis cent ans, divisoit son
Bal1. Ces deux affaires furent la conclusion de la paix
avec Espagne, et celle avec les huguenots.
[/Espagne, qui jugeoit bien que le Roi teroit la
|).n\ avec les huguenots si la guerre d'Italie tiroit de
longue, et qui ne erovo t pas qu'il la voulût faire s'il
n'y étoit force d'ailleurs, désirant de lui donner occa-
sion de la continuer, hâta, tant qu'elle put, l'accom-
modement de l'affaire d'Italie.
Les Anglois, d'autre côté, que l'acheminement du
en Espagne mettoit en crainte qu'il ne terminât,
en oe second voyage, ce qu'il n'avoit pu faire au pre-
iiik t, envoyèrent leurs ambassadeurs en France*, avec
charge de solliciter les Rochelois de recevoir la paix
■ |ue le Roi leur avoit offerte, et n'oublièrent ni raisons
1 l-e Testament /><>/i:i</n>\ éd. de 17<m. I I. p. 2, dit <pi.ni
<J> Lui du ministère de Richelieu « les huguenots partageaient
avec le Roi ».
1 M> ni \ RJch, comte de tlolland, et sir Dudley Carleton,
ambassadeurs extraordinaires, 30 décembre 1625-4 avril 1636
instructions dans Rymer, Fcrdera..., t Wlll, p. 250; Atatf
I rance, vol. 70, 30 décembre 1625). Cf. Cardin. r,
/liston, ùf Sngtmmd, t. M, p. 89, II. l'i.ili.
Note» on lit,- diplomatie» relation» uf KngUmd <ui<l Fr^mct .
1688. Oxford, 1906, in-8°.
206 MÉMOIRES [1626]
ni menaces pour parvenir à cette fin ; d'où il arriva
que, par une conduite pleine d'industrie inaccoutu-
mée, on porta les huguenots à consentir à la paix de
peur de celle d'Espagne, et les Espagnols à faire la
paix de peur de celle des huguenots1,
En cela, on peut voir clairement combien un bon
conseil, donné à propos, produit d'effets salutaires;
car tout ce bien arriva à la France en suite des ambas-
sadeurs extraordinaires que, par invention, on fit que
le roi d'Angleterre envoya. Car ces ambassadeurs don-
nèrent jalousie aux Espagnols et les firent hâter à con-
condescendre à beaucoup d'articles qu'ils n'eussent
jamais accordés sans cela, et, d'autre part, firent
mettre nos huguenots à la raison2.
La plus grande difficulté que le Cardinal eut à sur-
monter fut dans le Conseil du Roi, où les principaux3,
par un trop ardent et précipité désir de ruiner les
huguenots, ou par foiblesse, ou par une trop bonne
et fausse opinion qu'ils avoient d'Espagne, vouloient,
1. Le Veneur de Tillières, dans ses Mémoires (p. 113), dit à
ce propos, dans un mémoire sur le bannissement des Français
qui avaient accompagné la reine d'Angleterre : a La fin a
montré avec quelle prudence cet avis étoit digéré ; car les
Anglois, craignant la paix d'Espagne, ont poussé à celle des
huguenots, et les Espagnols, ayant peur de celle des hugue-
nots, ont achevé celle d'Italie. »
2. Sur la pression exercée par les ambassadeurs anglais sur
les protestants, on peut consulter les Mémoires de Bouffard-
Madiane dans les Archives historiques de l'Albigeois, fasc. V,
p. 134.
3. Le parti des « dévots » était représenté dans le Conseil
par Marillac, Aligre, Schônberg. Il était soutenu par Marie de
Médicis et son directeur, le cardinal de Bérulle.
DE RICHELIEU. 207
I quelques prix et conditions que ce fût, qu'on s'ac-
commodât avec elle, sans se soucier de se relâcher à
des choses désavantageuses à la réputation du Roi,
lesquelles ils estimoient assez récompensées par le
ini.\<n que cette paix donneroit au Roi d'employer
toutes ses forces pour nettoyer le dedans de son
royaume.
Le gtrde des sceaux de Mari I lac1 étoit de cet avis
«l représenta, en plein Conseil du Roi, qu'il falloit
terminer le ditlérend de la Valteline, en quelque manière
que ce fût, sinon en celle que l'on voudroit en celle
que I ou pourroit, ne refusant aucun parti honnête
plutôt que de rompre;
une cette guerre étoit, à l'extérieur, entreprise pour
la défense de nos alliés, mais en effet pour notre inté-
rêt en la conservation des passages; que l'une ni l'autre
raison n'étoit considérable au prix de la ruine de l'hé-
que nous pouvions extirper en France si nous
faisions cette paix;
nue le Roi ne devoit pas abandonner ses amis,
m M qu'il ne devoit pas aussi se ruiner pour l'amour
d'eox;
Que les huguenote M se soumettroient qu'à des
conditions honteuses pour le Roi, s'ils le voyoient
outre le roi d'Espagne;
(Jue les princes protestants qui restei oient nos prin-
cipaux alliés noua obtigeroieoJ i les recevoir; que le
1 Marillac ne reçut les sceaux que <|ii> lques mois après,
Ion d race du chancelier d'Aligre. Il était alors seule-
ment I un des deux directeur* des finances qui remplaçaient le
Minut- luj.nit depaû lo24.
208 M K. MO IRE S [1626]
I •
Roi n'avoit pas d'argent pour supporter les dépenses
des deux guerres à la fois ; qu'il en faudroit venir à de
grandes exactions sur les peuples;
Qu'il falloit avoir quelque soin de la réputation des
principaux du Conseil du Roi, quiseroient diffamés
comme peu soucieux de la religion, si on s'affermis-
soit à vouloir conserver aux Grisons la souveraineté
sur la Valteline; que cela n'étoit pas juste, que Dieu
y étoit offensé et qu'il étoit à craindre que ce ne fût
l'heure que plusieurs âmes très saintes prévoyoient de
la punition de cet État si on négligeoit les moyens que
Dieu présentoit de ruiner l'hérésie1.
Tels avis fondés sur des raisons de piété, pleins
de doutes raisonnables et de craintes de toutes parts,
font voir manifestement quelle force et fermeté de
courage il a fallu avoir pour soutenir la réputation
du Roi en cette affaire et la terminer aux conditions
glorieuses à la France que nous vous déduirons main-
tenant.
Ce qui étoit le plus fâcheux au Roi2 étoit que le
Pape se déclaroit pour le roi d'Espagne, envoyoit à
la Valteline les six mille hommes dont il nous avoit
menacés par son nonce; sur quoi, le Roi lui fit dire par
son ambassadeur3 qu'il n'eût jamais cru que de père
commun il eût voulu devenir partial et sectateur d'Es-
1. Le discours de Marillac, dont tout ce qui précède n'est
que le résumé, se trouve in extenso dans le manuscrit A,
tome II, fol. 3-8 v°. On en trouvera le texte à l'appendice VI.
2. Ce paragraphe, jusqu'à « par son ambassadeur », a été
ajouté de la main de Sancy, en marge du manuscrit A, fol. 8 v°.
3. La fin de ce paragraphe et le suivant se retrouvent, mais
au style direct, dans un Avis sur les affaires présentes qu'a le
DE RICHELIEU. 209
[ue rien ne lui ferait perdre le respect et la
C qu'il doit à S. S., mais qu'il étoit prêt ft
(un . 'oiimiitre à tout le monde qu'obéissant religieux
ment ;i un pape èa choses spirituelles, on peut s'oppo-
ser justement èfl desseins temporels (|u'ils prennent1
pot? favoriser ceux mêmes qui opprimoient l'autorité
de l'Église, quand ses prédécesseurs avoient les armes
en main pour la défendre;
Qu'elle- se défendrait bien de tous ceux qui vou-
draient faire contre elle, et s'y préparait d'autant plus
puissamment que peut-être, lorsque S. S. penseroit à
l'attaquer, aurait-elle besoin de ses armes pour la ser-
vir contre ceux qui, sous prétexte de lui nuire, voû-
taient perdre tout à fait le saint-siège.
Mus, tandis3 que S. S. et ses ministres faisoient
((Mine le brait qu'il étoit offensé que le voyage du
<n France n'\ eût produit aucun fruit, et qu'il
envoyoit lesdits six mille hommes en la Valteline en
faveur des Espagnols et, d'autre part, que, sous ombre
de tenir sur les fonts de baptême l'infante nouvelle-
ment n.c, il se préparait à envoyer le même légat en
Espagne, afin qu'en quelque manière que ce fût raccom-
modement des deux couronnes ne se fit point sans
Roi en février 1626, publié par Avenel (t. II, p. 193-202 \
•it des Alf. »tr., France 210, loi. 'è7-
1 Vinsi dans le manuscrit.
tu elle, comme si ce pronom remplaçait ^té ».
La source porte en etfet : ■ S. M pourra ajouter : Je me
<lrai bien... »
•■ passage a été corrigé par Sancv dans le manuscrit \.
Le texte priiuitil était : » Tandis <ju< les minisires du Pape
faisoient eosne. » C'est pour i ela fM le texte porte : ■ qu'il
étoit offensé. »
210 MÉMOIRES [1626]
son intervention, Le Fargis, ensuite des pourparlers
qu'il avoit eus, par permission du Roi, avec le comte
d'Olivarès1 sur ce sujet, signa, sans avoir charge de
S. M., un traité2 qui lui sembloit n'être pas éloigné
des intentions de Sadite Majesté et le lui envoya par
une dépêche3 du 7 janvier, en laquelle, pour toute rai-
son, il allègue qu'il n'a pu se conformer aux ordres
1. Le Roi à M. du Fargis, 25 octobre 1625; copie de Char-
pentier : Aff. étr., Espagne 14, fol. 273, et fol. 321-322 :
« Minute de la dépêche pour Espagne envoyée de Noisy à
M. d'Herbault pour être délibérée en Conseil. » Au dos, la
mention : « Employée, 1626 », de la main de Charpentier.
2. Le texte de ce projet de traité, daté de Madrid et du
1er janvier 1626, se trouve à la Bibliothèque nationale, coll.
Du Puy401, fol. 880, et coll. Brienne 117, fol. 416. Il sacrifiait
à la fois les intérêts des Grisons et ceux des alliés italiens de
la France. Voici comment le Testament politique le juge :
« Votre Majesté eût affranchi pour jamais les Grisons, dit-il,
de la tyrannie de la maison d'Autriche si Fargis, son ambassa-
deur en Espagne, n'eût, à la sollicitation du cardinal de Bé-
rulle, fait, ainsi qu'il l'a confessé depuis, sans votre su et contre
les ordres exprès de Votre Majesté, un traité fort désavanta-
geux auquel vous adhérâtes enfin pour complaire au Pape, qui
prétendoit être aucunement intéressé dans cette affaire. » Ce
passage est reproduit à peu près textuellement dans la Vie du
Père Joseph [Archives curieuses, 2e série, t. IV, p. 171-172).
Sur ce qui concerne le traité du Fargis, on peut consulter
notamment : Mémoires d'Ardier sur la Valleline, présentés à
Richelieu (Bibl. nat., nos. fr. 4508, fol. 100 et sûiv.), les Mé-
moires de Bassompierre et les ouvrages modernes d'Avenel, de
Rott, de Fagniez et celui de l'abbé Houssaye sur le cardinal de
Bérulle.
3. Cette dépêche était insérée dans le manuscrit A, fol. 9-10.
Il en existe une copie aux Archives nationales, M 232, liasse 3,
pièce 3, et une autre, de la main de Charpentier, aux archives
des Affaires étrangères, Correspondance politique, Espagne 14,
fol. 320. On en trouvera le texte à l'appendice VIL
?6] DE RICHELIEU. 211
que lui preecrivoit S. M. par sa dernière dépêche1,
pour ce que cela eût donné beaucoup d'ombrage par
delà, et qu'il se console en ce que le roi Henri le
Grand, en même sujet, se contenta à beaucoup moins
que ce qu'il avoit obtenu du comte Olivarès, et qu'il lui
M tnbloit qu'il n'avoit rien oublié d'essentiel, puisque
tel Bepagnok laissoient aux Grisons la souveraineté
sur les Valtelins et ne prétendoient aucun droit ni
usage de leurs passages.
Le Roi et tout son Conseil furent fort surpris8 à
l'arrivée de cette dépèche, qui leur donnoit avis d'une
< liose qu'ils n'atteudoient point, et le furent encore
davantage quand ils eurent va le traité qui l'accompa-
gnoit.
Il «toit défectueux en beaucoup de points très
importants. « -01111110 ayant été fait à trois cents lieues
du Roi, sans son su et sa communication, et, au con-
traire, «j.tns le cabinet du roi d'Espagne, au milieu de
son Conseil3.
•tte dépêche du Roi avait été envoyée le 6 décemluv
. irch. des Aff. étr., Espagne 14, fol. 274). Elle arriva
trop tard poor «pie l'ambassadeur, dont les négociations étaient
- avancées, pût tenir compte des instructions plus précises
du Koi. Cette pièce porte en note : « Reçu par M. du Fargis
le 27 décembre, par l'ordinaire de Flandres. »
tte surprise de Richelieu est peut-être un peu feinte. Il
avait lui-même engagé 1 ambassadeur à répondre aux avances
d'Oli tt. t l\ . p. 8 < t Miiv . Bassompierre [Mémoir.
III. p. 242] dit qu'au Conseil « un chacun
s'amusa plus à blâmer l'ouvrier qu'à démolir l'ouvrage... »
Cf. HaMM le sur des maximes nul des
. p. 509.
ans une pièce des An ■ivtf nationales (M 232, liasse 3,
e 1 1 intitulée : Considérations du cardinal de Bertille sur
212 MÉMOIRES [1626]
Au préambule de ce traité, les Espagnols gardoient
cet avantage que la proposition de la paix étoit faite
par Le Fargis, étant dit : il proposa et proposèrent
ensemble.
En second lieu, la porte étoit ouverte aux Espagnols
de prendre occasion de brouiller quand ils voudroient,
étant dit que, en cas que les Grisons contrevinssent à
ce traité, ils seroient privés de leur souveraineté.
En troisième lieu, il n'avoit pas eu égard aux inté-
rêts des alliés du Roi comme il devoit.
Le Cardinal, appréhendant plus que personne les
inconvénients qui pouvoient arriver de ce traité, l'im-
possibilité pour l'honneur du Roi à le recevoir, la dif-
ficulté qu'il y auroit de le raccommoder, le sujet de
plainte que nos alliés penseroient avoir de nous, esti-
mant en avoir été délaissés et méprisés, et, enfin, cet
accident aigrissant plutôt les esprits que de les dispo-
ser à un bon accord, après avoir mûrement considéré
en lui-même tous les moyens qu'il y a voit pour sortir
de cette affaire, dit au Roi1 :
Qu'il falloit proposer à l'ambassadeur d'Espagne
le traité de Montçon, on trouve la même idée et les mêmes
expressions pour qualifier le traité de M. du Fargis : « Il se
fait aux pieds du roi d'Espagne et à trois cents lieues du roi
de France, sans son su et communication... » Mais l'auteur en
conclut que ses « défauts tombent sur l'ambassadeur et les
avantages sur la France. » Dans une lettre au marquis de
Cœuvres, du 9 mars 1626, Herbault exprimait cette opinion
que l'intérêt espagnol était de traiter à Madrid avec un ambas-
sadeur incapable (Arch. nat., Papiers d'Herbault, KR 1363,
fol. 209).
1. Toute la délibération qui suit, sur le traité, est au style
direct dans le manuscrit A, fol. 11 v°-13. La correction est de
Sancy. L'original est aux arch. des Aff. étr., Espagne 13,
DE Itli MK1.IEU.
deux partis : ou de raccommoder maintenant le traité,
mi (I. le tenir secret jusqu'à tant qu'on eût (ait venir
famÉMStadear pour être informé plus particulière-
ment di ;s motifs de son action;
Qu'en ce cas on pourroit mander à l'ambassadeur
qu'il vit a raccommoder l'affaire avec Olivarès, s'il
[xuivoit; s'il arrivoit, à la bonne heure1; sinon, il fal-
loit st servir du temps <|iiil lui talloit à arriver pour
t .un- li paix avec les huguenots.
Si l'affaire se divulguoit ou que l'ambassadeur n'ap-
UffUOtAI pas de la lenii secrète jusqu'au retour de Far-
cis, qu'il la talloit dire en grand secret aux ambassa-
deon île Savoie et de Venise2, les assurer que le Roi
l vouloit remédier et en avoir raison, les rendant
i apahtco que h France se servît d'une telle faute pour
porter lea huguenots à une paix honorable;
Qu'il1 jivoit peur que, quand Venise et Savoie sau-
roient l< traité, ils ne pussent plus prendre confiance
au Roi ; qu'il étoit à craindre aussi qu'au même ins-
tant ils regardassent à traiter avec le Pape et qu'il ne
\n\nit point de moyen de remédier à ces maux si on
. de la main de Charpentier, et, pour le dernier
paragraphe, de celle de Richelieu lui-même.
1 s il parvenait à cela, tant mieux.
2. On ne prit pas ce parti; mais on avait préparé on projet
de « répons»- crac le Koi fera au prince de Piémont et à l'am-
bassadeur de Venis»* si S M. la agréable », publié dans Ave-
n» I, t Vil. [> .".75-576, d'après une mise au net de la main de
h .l.-s \H\ . t. ., Turin 7, fol. 178).
mi krrartc i<i dm la Mon •• ce passage : « Il faudra pour
-u|. t <]!■•- l'ambassadeur d»' BSTOtC BVTOchi à son
maître au lieu d'écrire; les ambassadeurs de \ .•ni-. • n\. iront
aus mais la difficulté sera de faire garder le
MCftfl 1 \ taitt, à eau- ^s passent par le Conseil. »
214 MKMOIRES [1626]
ne se lioit de nouveau à la guerre avec eux, ce qui
seroit s'embarquer plus que jamais lorsqu'il y avoit
lieu de sortir d'affaires;
Que le Roi pourrait déclarer par écrit le traité
avoir été fait sans son pouvoir et consentement, pro-
mettre à ses collègues de faire voir cette vérité si
claire qu'ils n'en pourront douter, et, de plus, décla-
rer de tenir pour nul ledit traité ; que tous ces remèdes
empiroient le mal ; mais il étoit tel qu'il n'y en avoit
point qui le pût guérir ;
Qu'il1 sembloit qu'il fallût donner permission à du
Fargis d'aller prendre congé du roi d'Espagne, afin de
voir avec Olivarès s'il pouvoit raccommoder sa faute,
lui faisant connoître que le Roi avoit trouvé son action
1. On trouve ici dans la source : « Je crois qu'il leur faudra
dire et montrer qu'on avoit écrit ce qui s'ensuit : Quant à ce
que vous dites que les Espagnols désirent la paix, je n'ai rien
à répondre, sinon que leurs affaires la requièrent et que, s'ils
fussent intervenus au traité du légat, ni moi ni mes collègues
ne nous fussions éloignés de la raison. Quant à ce que vous me
mandez que, parlant avec le comte d'Olivarès de ce qui s'est
passé avec M. le Légat, il vous a témoigné qu'il avoit tort de
dénier la souveraineté aux Grisons et que, quant à lui, il seroit
bien fâché d'y mettre empêchement, vous lui pourrez dire
comme de vous-même, s'il revient à vous parler de cela, que
moi ni mes collègues ne voulant point nous rendre maîtres de
la Valteline, si son maître fût intervenu avec cet esprit, sans
doute nous fussions sortis d'affaire. Si le désir qu'il a de la
paix est si grand, qu'il vous dise qu'il est près d'intervenir de
nouveau ! Il y a si peu d'apparence aux paroles espagnoles que
je ne me résoudrai point de reporter mes collègues et moi à
un nouveau traité si l'Espagne ne s'oblige pas, par écrit, à
intervenir à Rome ou autre lieu tiers en un traité raisonnable
qui remette les Grisons comme ils étoient en leur souveraineté,
et. si vous n'êtes assuré sous main qu'elle renonce à sa préten-
tion des passages. Or, afin que vous ne puissiez vous tromper,
DE RICHELIEU. 215
si mauvaise qu'elle ne pouvoit subsister; qu'il le con-
|iiiMt de lui donner lien de garantir sa réputation et le
er du blâme que tout le monde lui donneroit,
et, m reste, que, puisqu'il désiroit la paix, il devoit
consentir à des tempéraments qui la pussent établir;
om S. M . eut agréable de dire à l'ambassadeur d'Es-
qu'elle écrivoit au Fargis qu'il la vint trouver
poiii lui rendre compte de sa faute; que, outre que le
traité qu'il avoit envoyé étoit défectueux en sa forme,
il rétoit encore en sa matière, y ayant à désirer plu-
sieurs choses pour la satisfaction de ses alliés; qu'elle
ru refuse point la paix, au contraire; que, n'ayant
jamais eu autre dessein que de conserver à ses alliés
ce qui leur appartient, elle seroit bien aise que le roi
son frère lui donnât contentement en ce que dessus;
Que S. M. mandat au duc de Rohan qu'il se tînt prêt
pour p.isser en Italie avec les troupes du Languedoc2;
qu'on feroit aussi marcher les régiments de Norman-
die et d'Aiguebonne3 en la Valteline; on manderoit à
la forme et les termes de l'acte qu'il faudroit qu'elle signât, ce
que vous pourriez faire aussi, sera tel. » Ici devait s'intercaler
un précis des engagements à prendre par l'Espagne. La fin de
ce est de la main du Cardinal et correspond au paragraphe
suivant
1 Les quatre paragraphes suivants ont pour source le pro-
réponse au prince de Piémont et à l'ambassadeur de
■ (Avenel, t. Ml, |> 575), cité ci-dessus, p. 213, note 2.
2. Cette idée est aussi dans l'Avis sur les affaires présentes
-I. i II. p. 201).
décision était due aux prières instantes de Oeuvres.
Rottain^-- \nioine d'Urre du Puy Saint-Martin, seigneur d'Ai-
gMboaiM, "iu<|tiis de Tréfort, fils d'Antoine d'I'rre et de
tînt de Simiane, mestre-de-carap d'un régiment d'infan-
eonteUler «In Roi, lieutenant général de ses
armées en 1648, négocia la paix avec Monsieur en 1632.
216 MÉMOIRES [1626]
M. de Vignoles qu'il eût à border toute la frontière
des États de M. de Savoie, du côté du Milanois, selon
que S. A. le désiroit, pour donner lieu à Sadite Altesse
de mettre toutes ses troupes en corps s'il en avoit
besoin, et qu'on enverroit pour faire fajre montre à l'ar-
mée de S. M.;
Que, si l'Espagne refusoit à donner contentement
sur ce qui étoit en ce traité justement désiré d'elle, l'ar-
mée du Roi seroit en état de faire grand effet dans la
duché de Milan.
S. M., ensuite, écrivit1 à Fargis qu'il essayât de
1. Au lieu de cette courte analyse, le manuscrit A (fol. 13 v°-
15 v°) donne le texte même de la lettre du Roi à M. du
Fargis, publiée par Avenel, t. II, p. 187. La minute en
est aux arch. des Aff. étr., Espagne 14, fol. 41-42. On
en trouve des copies aux Arch. nat., KK 1363, fol. 131;
à la Bibl. nat., mss. Dupuy 401, fol. 106, et Brienne 117,
fol. 429. La date officielle est du 4 février; niais la minute fut
rédigée le 31 janvier, et il y est question de la lettre envoyée
par M. du Fargis le « 7e de ce mois ». Dans le manuscrit A, la
lettre a été raturée, sauf le passage spécialement résumé dans
le manuscrit B. Ce fut M. de Lingendes, maître ordinaire de
l'hôtel du Roi et frère de l'ecclésiastique Nicolas de Lingendes,
qui partit avec cette dépêche le 5 février (cf. lettre d'Her-
bault à du Fargis, du 6 février, aux Arch. nat., KK 1363,
fol. 1331). Il emportait également une lettre de Richelieu, « les
articles réformés » (arch. des Aff. étr., Espagne 14, fol. 2-9;
Bibl. nat., ms. Dupuy 401, fol. 66-73), et un « Mémoire des
observations faites sur chacun desdits articles pour servir
d'instruction » à l'ambassadeur (Espagne 14, fol. 10 et suiv.
et fol. 445-453. L'ordre n'est pas le même dans ces deux
copies. Il est rectifié dans la première rédaction (fol. 445) par
des lettres en marge de chaque alinéa. Une autre copie est à
la Bibl. nat., ms. Dupuy 401, fol. 74-86). Sur la lettre du Roi,
cf. aussi Avenel, t. VII, p. 577; Fagniez, le P. Joseph, p. 231;
A. Baschet, Histoire de la chancellerie secrète, p. 324.
DE RICHELIEU. jN9
raccommoder cette affaire avec le comte d'Olivares, et,
s'il ne le pouvoit, <|u'il prit congé et revint en France
poiir rendre compte de sea i lions, et qu'avant par-
tir il lit entendre au nonce et aux ambassadeurs de
oafédéréfl qu'il avoit, sans charge et au hasard de
te, tait, conclu et signé ce traite, qu'il estime
avantageux pour ses collègues1, puisque les passages
daputee et la souveraineté des Grisons demeurent
■ munir ils sauroieut souhaiter.
Les1 principaux points que le Roi demandoit étoient
qu'à l'entrée du traité la proposition en fût faite de la
part des deux rois ensemble et que les peines qui
•croient imposées aux contravention! qui pourroient
arriver de la part des Grisons n'allassent pas jusqu'à
la privation de leur souveraineté sur la Valteline3, pour
ce qu'il se feroit toujours en cela de la fraude de la part
«lu roi d'Espagne4; mais qu'il suffisoit qu'ils fussent
1. C'est-à-dire pour les confédérés du Roi.
i liea de donner intégralement, d'après le manuscrit \.
loi. 15 I -20, la lettre de Richelieu à M. du Fargis, du 4 fé-
vrier 1626, publiée par Avenel, t. Il, p. 180-193 (la minute des
mains de Charpentier et de Richelieu est aux arch. des Ah".
_;ne 1'», fol. >27-328, portant la mention : « Em
ployé »; copie aux Arch. nat.. M 232, liasse 3, pièce 4), le
manuscrit H n'en donne que les phrases principales. Cette
lettre 'i II >urce des cinq paragraphes suivants.
\n fond, Ki< italien ne tenait pas essentiellement à ce
taux, dans un article du Journal des Savants,
oontre qu'il y tenait même si peu que, dans les
articles de son Ulitniction, il .iiitnrisait M. du Fargis à li
à la rigueur, un article secret privant les Gl leur auto-
' prérogative! pu lei Valtetins. il donne pour preoi*. de
i.il)le pensée du Cardinal le fragment 31 des Muximm
d luit.
ite ne se trouve pas dans la source.
218 MÉMOIRES [1626J
privés de la somme d'argent qu'il étoit accordé que les
Valtelins leur donneraient tous les ans pour le droit
qu'ils leur relàchoient d'élire leurs juges et magistrats
d'entre eux, ou qu'à l'extrémité ils se soumissent encore
à perdre le droit qu'ils s'étoient réservé de les confir-
mer, et à telles autres peines que les deux rois arbi-
treraient ensemble.
Néanmoins, afin de ne rien oublier qui pût amener
une bonne paix, le Roi fit mander au Fargis qu'en
cas qu'il ne pût réduire les choses pleinement au point
qu'il étoit désiré, il pou voit condescendre à faire un
article secret1 qui portât, qu'en cas que les Grisons,
par résolution publique, dérogeassent aux présentes
capitulations et ne voulussent s'en désister en l'ins-
tance qui leur en seroit faite par les deux rois, les deux
rois les déclareroient privés de leur autorité et préro-
gatives sur les Valtelins, comtés de Bormio et de Chia-
venne. Auquel cas les Valtelins et comtés auroient
toujours les mêmes obligations à la couronne de France
que les Grisons en ce qui touche les alliances et pas-
sages, en feroient serment solennel et en passeroient
patentes authentiques, sur peine de déchoir des pri-
vilèges qui leur étoient accordés par le présent traité.
On lui manda aussi qu'il essayât avec dextérité à
ménager un point qui2 n'importoit point à l'Espagne
1. Au lieu du commencement de cet alinéa, on lit dans la
source : « En tout cas, si vous êtes contraint d'accorder le
traité sans les conditions portées au formulaire que M. d'Her-
bault vous envoie, il vaudroit beaucoup mieux mettre les neuf
et onzième articles comme ils sont désignés en cette lettre, et
faire un article secret... » Ce passage, reproduit dans le ma-
nuscrit A, a été ensuite mis par Sancy au style indirect.
2. De la main de Sancy dans le manuscrit A, fol. 19 v°. Le
DE RICHELIEU.
«i .innnrioit contentement au Roi; cYtoit «pie, dans
l'un (l»s ;m ticlcs1, au lieu qu'il «toit porté absolument
gjBS l«-s Valtelins aurnieut pouvoir d'élire leurs juges,
magistrats, <>n désirerotl qu'ils eussent
pouvoir de nommer trois Valtelins ou Grisons, tous
catholiques, et non autres, dont les Grisons en pour-
roi, -ut choisir un; ou, s'il se pouvoit faire, que ce
-m rit les (irisons qui nommassent les trois susdits
pour que les Valtelins en choisissent un, ce qui seroit
encore le meilleur, et, qu'en ce dernier cas, on pour-
ioit exempter les Valtelins de payer la somme dedeniers
stipulée pour cela*; et enfin que, pour vider tout
dihYrcml « A « puiser les sources qui en pourroient faire
mitre à l'avenir3, il seroit bon de mettre un article par
lequel les deux rois s'obligeroient de vider à l'amiable
le différend qui était entre les Grisons et l'archiduc
pold; que cet article pourrait se mettre dans le
ps du traité ou être secret, et le Roi pourroit se
faire fort pour les Grisons, et le roi d'Espagne pour
l'archiduc Léopold '.
niiii |»>rtail : « Il y auroit encore un point à ménager
. |u i n Importe point à l'Espagne... > Ce paragraphe et les deux
suivants correspondent au post-srriptuiu de la lettre de
Rjebdtta. Le copiste ayant oublié une partie du premier,
Charpentier l'a ajoatéc >-\\ marge.
1. « Dans l'article troisième », dit la source.
2. « Par le neuvième article » (ibid.).
tien par Sancy dans le manuscrit A. Ce qui corres-
pond .igraphe dans la source est de la main de Richelieu,
i montent oà Richelieu •■< rivait cette lettre paraissait un
opnsi uli- de l'aine des Sainte-Marthe, <p'i travaillait évidem-
ment sur l'ordre du Cardinal : Kxpediiie Valtclinara auspiciis
nistimi stiserpta .
uatprimé ebei Robert, avec privilège du 6 février 16
220 MÉMOIRES [1626]
Tandis que ces choses se passoient avec le roi
d'Espagne et que tout s'acheminoit à la paix1, les
ambassadeurs d'Angleterre, qui n'en sa voient rien,
arrivèrent à Paris pour rechercher une alliance défen-
sive avec le Roi, traiter des affaires d'Allemagne2 et se
plaindre de Blainville, rejetant sur lui toutes les fautes
qu'ils avoient faites, et solliciter les huguenots de s'ac-
commoder, à quelque prix que ce fût, avec le Roi3.
Pour l'alliance défensive, le Roi demanda que la
restitution des vaisseaux qu'ils avoient pris seroit
préalablement faite, mais que, si leur humeur n'étoit
pas qu'elle y fût mise, comme ils chicanent en toutes
choses, il n'étoit pas honorable à S. M. de renouveler
cette alliance sans cela.
Sur les propositions qu'ils firent touchant les affaires
d'Allemagne, on ne s'y arrêta guère, étant reconnus
pour gens qui disent toujours beaucoup de choses
et ne proposent rien qui se puisse ou qu'ils veulent
exécuter.
On donna ordre de leur faire ramener les vaisseaux
anglois qui avoient servi à l'armée navale, lesquels ils
redemandoient.
1. Voyez ci-après, p. 247. La négociation avec l'Espagne se
trouve coupée en deux.
2. Ces quatre mots ont été ajoutés par Sancy (ms. A,
fol. 20 v°).
3. Cf. dans V. Siri, Memorie recondite, t. VI, p. 79, un
résumé d'une audience des ambassadeurs anglais du 24 janvier
1626. Louis XIII, dans une lettre à Blainville du 14 mars (Arch.
nat., KK 1363, fol. 235, et Bibl. nat., ms. Brienne 51, fol. 406-
408, copies), parle d'une audience qu'il leur donna. Cette
lettre n'est pas la source directe des paragraphes suivants ;
mais on y retrouve les mêmes idées, parfois les mêmes
phrases.
DE RiriiFLIBU. 8M
Kt. pour If regard de Blainville, le Roi leur fit sen-
-nparavant que de les voir, qu'il étoit offensé du
murait traitement qu'il avoit reçu1 et que tout le tort
rtcit de Ifiir ente. Ce qui leur fit changer le langage
qu'Ai a\< tient prémédité* ft dirf au Roi, en leur pre-
audience, qu'ils avoient ordre de continuer à
S. M. les plaintes que le roi leur maître lui avoit
déjà faites de la mauvaise conduite de Blainville, mais
que. ayant su depuis que S. M. avoit été autrement
informée et qu'on lui avoit voulu persuader que sa
\<>it été blessée en la qualité qu'il portoit de
unbassadeur, ils venoient pour l'assurer que cela
étoit tellement éloigné des intentions du roi leur
maiti <\ qu'il recfvroit des honneurs et des respects si
publics que personne ne pourroit douter du dessein
qu'il avoit de conserver par toutes voies son amitié et
bonne intelligence, si nécessaires au bien de ces deux
I tats, el que, pour cet effet, ils déclaraient à S. M.
que le rai leur maître n'avoit jamais entendu lui
-iirles mauvais traitements subis par Blainville en Angle-
terre, cf. sa correspondance, pour l'année 1626, aux arch. des
Angleterre 36, 37, 38 et 41, piiih,
I La lettre de Louis XIII à Blainville porte : « Us m'ont
demandé audience et m'ont tenu les propos contenus en deux
que je vous envoie, par lesquels vous verrez qu'ils m'ont
assuré que vous recevriez des honneurs et respects si publics
que personne ne pourroit douter de l'intention qu'a ledit roi
m h beau-frère de conserver par toute voie mon amitié et
intelligence, si nécessaire au bien de ces deux Etats.
Ouaiit i voir» ieen taire, encore que lesdits ambassadeurs
nient qu'il ait été innocemment arrêté par les olli. iers
des lieux, ils ont toutefois promis qu'ils recevront telle peine
voudrai, comme aussi qu il me seroit donné toute satis-
on sur cette violence faite en votre logis... »
222 MÉMOIRES [1626]
défendre les libertés permises et dues aux ambassa-
deurs.
Et quant au secrétaire, qui avoit été retenu, ils
assuroient S. M. qu'il n'avoit point été reconnu; que
le roi leur maître étoit très fâché de cette méprise
et qu'il mettroit si bon ordre que tels inconvénients
n'arriveroient plus; et que, bien que les maires
des lieux où il avoit été arrêté l'eussent fait inno-
cemment, ils recevroient telle peine que voudroit
S. M.1.
Ils demandèrent après la mainlevée de toutes les
marchandises et navires appartenant aux Anglois2
qui avoient été arrêtés en cet État, et, pour empêcher
semblables maux à l'avenir, que S. M. eût agréable de
1. Le manuscrit A, fol. 20 v°, porte, raturé : « Le Roi leur
répondit : Je suis très aise de l'éclaircissement que vous me
donnez, vous confessant que cette affaire me tenoit au cœur.
Si mon ambassadeur avoit manqué à ce qui est dû au roi mon
frère et à ce que je veux qu'il lui soit rendu, j'en aurois plus
de déplaisir que lui. Lors ils ajoutèrent : Nous supplions très
humblement V. M. de nous donner consentement sur la prière
que nous lui avons faite d'accorder la mainlevée. »
2. La lettre de Louis XIII à Blainville, du 14 mars 1626,
porte : « Vous verrez aussi par le second écrit ce qui a été
traité sur la levée et restitution des vaisseaux et effets des
sujets des deux couronnes et comme, lesdits ambassadeurs
m'ayant donné parole solennelle, par ordre reçu de leur
maître, de faire restituer dans trois semaines, pour tout délai,
les marchandises détenues en Angleterre, je leur ai accordé la
mainlevée des saisies faites sur les effets et marchandises des
Anglois. Suivant ce conseil, vous aurez à poursuivre par delà
l'effet de cette restitution dans le terme préfix, sans presser
néanmoins le jugement des prises jusques à ce que le sieur
évêque de Mende, qui partira dans peu de jours, soit arrivé
par delà. »
[MM] DE RICHELIEU. 223
i. ik,u\. It i !«• traité lait en l'an I6101, Tassurant, par
onliv . \|ir« s qu'ils disoient 80 avoir reçu du roi leur
maître, <|ue l'on restitueroit, dans trois semaines pour
huit délai, les marchandises et navires «letenus en
Angleterre et qui seroient justifiés appartenir aux
sujets de S. M.
Le Roi la leur accorda, mais à telle condition que2,
si • n Angleterre on n'exécutoit pas fidèlement ce
qu'ils promettaient si solennellement, et que son
ambassadeur, ou l'évêque de Mende, qui, par le traite.
|m»ii\uk ni assister au jugement, lui écrivoient que
l'on retint quelque choM à ses sujets, le roi son frère
tmin.ioit bon qu'il 60 fit de même3.
I. Herbault à Blainville, 8 mars 1G2G (Arch. nat., KK 1363,
foi. 232 v°-233 v°, et Bibl. nat., ms. Brienne 51, fol. 403-404,
copies) : « Lesdits ambassadeurs ont depuis quelques jours fait
instance pour le renouvellement du traité de l'an 1610, confor-
mément au troisième article d'icelui, ce qui, volontiers, leur
• té accordé; mais comme, en même temps, ils poursui-
voient la mainlevée de la saisie faite par les juges ordinaires
mandie, des vaisseaux, biens et effets de leurs sujets, pré-
tendant qu'elle ne leur pouvoit être déniée, suivant la teneur
du dit article dudit traité, dont je vous envoie un extrait... »
•-ci a été corrigé par Sancy (fol. 22). Le manuscrit A
12] portait primitivement : « Le Roi leur dit : Je m'assure
sur la parole solennelle que vous me donnez et m'y confie de
u ||. aorte que, dès cette heure, je veux faire donner main-
levée. Mais si en Angleterre... »
! •• manuscrit A, fol. 11 \", donnait ici la fin d'un discours
i : « Je viens d'avoir avis d'une nouvelle offtOM qui a
été faite en la maison de mon ambassadeur. Je ne vous en dis
ri. n, parce que je veux croire que la réparation et le châti-
ment de ceux qui l'ont commise aura été suivi tout à l'instant;
cela n'ét< fa grand sujet de me plaindre. » A
quoi ils répartirent : « Sire, V. M. aura raison d'en user ainsi
224 MÉMOIRES [1626]
Le Roi donna avis à Blainville de tout ce qui s'étoit
passé avec eux sur son sujet et lui commanda de
demander audience au roi d'Angleterre pour recevoir
de lui les bonnes paroles qu'il lui diroit comme ambas-
sadeur, conformément au langage tenu ici par les siens 1 ;
après laquelle il demeureroit deux ou trois jours, plus
ou moins, tant qu'il estimeroit à propos, puis deman-
deront son audience de congé et s'en viendroit. Si,
en partant, il pouvoit obtenir la délivance des mar-
chandises françoises, ou de partie, il seroit bon ; sinon,
qu'il ne s'y arrêtât pas. S'il revenoit ayant été satisfait
pour le Roi, S. M. enverroit, peu après, le sieur de
Fossez pour y être son ambassadeur ordinaire, sinon
le partement dudit sieur Fossez seroit fort différé, S. M .
laissant à penser si elle voudroit envoyer un ambas-
sadeur en lieu où les siens seroient si mal traités2.
On traitoit la paix en Espagne avec un si grand
secret3 que non seulement on ne le savoit, mais on ne
si l'on ne fait justice sur la plainte des François. Quant au
nouvel avis qu'elle a reçu, nous l'assurons qu'elle aura toute
satisfaction sur ce sujet. »
1. Ici le manuscrit A, fol. 22 v°, porte : « Et, pour cet effet,
il lui envoya la lettre suivante pour le roi [d'Angleterre]. » Le
fragment de cette lettre, dont une copie intégrale se trouve
aux Arch. nat., KK 1363, fol. 234 v°, a été raturé. Voyez
le texte à l'appendice VIII.
2. Ce paragraphe résume une lettre de Louis XIII à Blain-
ville, du 20 mars 1626 (Arch. nat., KK 1363, fol. 237; Bibl.
nat., ms. Brienne 51, fol. 419, et arch. des Aff. étr., Angle-
terre 36, fol. 378, copies). Voyez l'appendice IX. Satisfaction
fut donnée à la France, du moins en partie, et le Roi réitéra
son congé à Blainville le 18 avril 1626.
3. Sur le secret gardé, cf. une lettre d'Herbault à Coeuvres,
19 mars 1626 (Arch. nat., KK 1363, fol. 216 v°).
[1626] DE IU< MKI.IEU. 225
l'ai doutoil pas, »'t !«• Koi se préparait *ï fortement i
!.i geerre, qu'il n'y avoit aucun qui ne crût que ce ne
lut un dessein arrêt
!.. prioce de Piémont même vint en cour1, quelque
:u titice dont on put user pour l'en empêcher, et solli-
toit incessamment la charge de lieutenant général des
anses du Roi eu Italie.
Les ambassadeurs d'Angleterre* pour ne laisser
idir l'ardeur avec laquelle ils voient poursuivie
M dessein*, menaçoient les huguenots de les abandon-
entièrement si, par la continuation de leur rébel-
lion, ils divertissoient les armes de S. M. Le eonin-
1 II arriva le lundi 9 février et s'en retourna le mercredi
1er avril, selon le Journal inédit d"Arnauld d'Andilly, 162G,
p. 8 et 15. Dans son An» sur les affaires présentes, cité plus
liant Avenel. t. II. p. 195 et 201), Richelieu écrivait : « Pour
M. le prince de Piémont, son voyage peut avoir et va appa-
remment à deux fins; la première à embarquer ouvertement le
Roi à la guerre et faire entrer dans le Milanois. La seconde à
empêcher le retour de MM. le Connétable et de Créquy en
1 'lit et avoir le commandement des armées du Roi en Ita-
lie. » Bassompierre, dans ses Mémoires (éd. Chantérac, t. III,
rai*.), dit de même : « Je trouvai à la cour M. le
de Piémont, envoyé par le duc son père pour échauffer
. à faire Tannée prochaine une bonne 61 fort* guerre en
\ oyez, dans le Memoriv • de V. Siri (t. M,
it d'une séance du COBMii d« 22 mars, oè 1<-
ont parla pour la guerre. La cour de Tarin
espérait y réussir, comme on le voit dans U >&danC6 d<-
ni. qui représentait la France dans cette ville (arch.
nt 7, pmâwim, et aocaauntai fol. M et 62,
■ lu u lévrier 1626 . Le prince quitta la i ur ne
pas assistera la ratification de la paix, ojn ;1 l indignait <l
ttée par le Roi sous le faux prétexte du manque d'argent
[Ibid., loi. 114-118, lettre de 17 avril Ki26).
• stàdire la conclusion de la paix avec l'Espagne.
\ 15
226 MÉMOIRES [1626]
table de Lesdiguières y ajoutoit ses offices et craignoit
que l'esprit du Roi fût si ulcéré contre eux qu'il eût
peine à se résoudre de leur pardonner l'atrocité de
tant de crimes qu'ils ayoient commis contre S. M.1.
D'autre côté, le maréchal de Thémines2, qu'on avoit
envoyé à la Rochelle au lieu du maréchal de Praslin,
les resserra de si près, dès qu'il fut arrivé, qu'ils
abaissèrent leur orgueil et se soumirent à de plus
équitables conditions qu'ils n'avoient fait jusques
alors.
Par ces moyens, les choses furent si bien conduites
et si chaudement poursuivies que la paix fut conclue
et signée le 5e février avec les conditions avantageuses
qui suivent.
1. Une longue lettre du connétable de Lesdiguières au Roi,
de Turin, 24 décembre 1625, figure à cette place dans le ma-
nuscrit A, fol. 24-28, où elle a été rayée d'un trait de plume.
Des copies en existent aux arch. des Aff. étr., France 780,
fol. 109-110, et à la bibl. de Carpentras, ms. Peiresc,
reg. XXXI, vol. 2, p. 296. Elle a été publiée par le comte
Douglas et J. Roman dans Actes et correspondance du conné-
table de Lesdiguières, t. II, p. 430-431. C'est la copie du fonds
France qui a été employée pour le manuscrit A. On y trouve
au fol. 110, de la main de Charpentier : « Ceci entre en la
28e feuille. » Le connétable, dans cette lettre, fait surtout
valoir le péril espagnol pour engager le Roi à assurer la paix
intérieure.
2. Cf. Mercure françois, t. XI, p. 119 : « Cependant, le ma-
réchal de Thémines (qui avoit succédé au maréchal de Praslin
[mort le 31 janvier] au commandement de l'armée devant la
Rochelle) resserroit les courses des Rochelois. Les prières et
supplications réitérées des députés généraux de ceux de la
religion prétendue réformée l'emportèrent enfin et gagnèrent
la clémence de S. M., qui leur donna la paix aux conditions
suivantes... » •
[1626] DE RICHELIEU. H
I.' Roi, désirant donner la paix à ses sujets de la
ville de la Rochelle, de la i eli-ion prétendue réïonin •»•,
i|in la lui ont demandée avec toutes sortes d'instain • ^.
OS et de respects, la leur aecorde aux
conditions qui ensuivent8 :
i.
Que le conseil et gouvernement de ladite ville sera
remit et rétabli es mains de ceux qui sont du corps
(ficelle, en la forme qu'il étoit en l'année 1610.
Qu'ils recevront un commissaire pour y faire exé-
entt-r les choses qui seront arrêtées pour l'exécution
de la paix et y demeurer tant qu'il plaira à S. M.
m.
Qu'ils n'auront aucuns vaisseaux armés en guerre
dans leur ville et observeront, pour le trafic, les formes
établies et usitées au royaume, sans déroger (pour ce
qui oeecerne ledit trafic) à leurs privilèges.
1 Set alinéa a été rayé d'un trait de plume dans le manus-
crit H; nous le conservons cependant parce qu'il n'a pas été
biffé dans le manuscrit A. Il fait défaut dans le ms. Fran-
çais 17542 de la Bibliothèque national* .
ni- Ufl articles de la paix : arrb. des Ali*, étr.,
France 782, fol. '«S; Mercure francois, t. XI, p. 120; Claude
Malingre, Histoire de nostrr temps, partie intitule. : Suite de
l histoire de la rébellion pendant les année
fus,/,, ., I :'». .., -S . I M. ,,. VIS: i:,lit Mit- la
Am Ml. étr . Franc- ~H2, lui. 106 et
- r ce sujet, voyez aussi : Mémoires de Rolmn, éd. Mi-
•iil.it. |. ."i52-553.
228 MÉMOIRES [1626]
IV.
Qu'ils restitueront tous les biens ecclésiastiques qui
se trouveront par eux possédés, conformément à l'édit
de 1598 et exécution d'icelui.
v.
Qu'ils laisseront jouir pleinement et paisiblement les
catholiques de l'exercice et fonction de la religion
catholique, apostolique et romaine, et des biens qui leur
appartiennent en ladite ville, et leur restitueront ce qui
se trouvera être en nature et raseront le fort de Tadon
par eux nouvellement construit.
VI.
Et S. M., ne pouvant accorder le rasement du Fort-
Louis, dont ceux de ladite ville de la Rochelle faisoient
instance, promettoit, par sa bonté, de faire établir un
tel ordre dans les garnisons qu'il lui plairoit laisser
audit fort, comme dans les îles de Ré et d'Oléron,
que les Rochelois ne recevroient aucun trouble ni
empêchement en la sûreté et liberté du commerce
qu'ils voudroient faire, suivant les lois, ordonnances et
coutumes du royaume, non plus qu'en la jouissance
des biens et perception des fruits qu'ils ont dans les-
dites îles.
Fait et arrêté à Paris1, le 5e jour de février 16262.
1. Le Mercure porte : « au Louvre ».
2. Cette ligne, conservée dans le manuscrit A, est rayée dans
le manuscrit B. Elle fait défaut dans le ms. Français 17542.
A la suite figure dans le manuscrit A, fol. 29 v° (on l'avait
DE RICHELIEU. 2?9
Il est bien juMr de s'arrêter un |>«'u ici à ronotdérer
li prudence «'t le courage que le Cardinal a apporta
en l.i conduite de cette affaire. Il b'ignoroit point que,
l.iisinl taire la paix avec les huguenots et leur témoi-
gnant i|tK'l<|ue inclination à les favoriser auprès du
Roi. il ne s'exposât à se mettre en mauvaise réputation
à Rouie Mais il ne pouvoit venir par autre voie aux
tins <1< S. M. Sa robe le rendoit suspect aux hugue-
note, il étoil <lnnc nécessaire qu'il se conduisît en
sorte qu'ils crussent qu'il leurétoit favorable; car, ce fai-
sant, il avoit moyen d'attendre plus commodément le
tettfN de les réduire un ternes où tous sujets doivent
tftre en no Etat, c'est à' dire de ne pouvoir faire aucun
oorns séparé <t « 1 ■ pendre des volontés de leur sou-
iin.
d'abord placé an fol. 2S, .»ù il a été barré; en marge : « N'est à
son rang » ; la phrase n'y est pas dans le même ordre), un dis-
<tu Chancelier d'après Aff. étr., France 783, fol. 73, qui
<>l pobKé <l;tns le Mercure français, t. XI, p. 123. Voici ce
!.<■ Chancelier, délivrant le traité de paix aux
<i> ipatéf de l.i Rochelle, leur dit ces paroles : « Le Roi vous
-l"nne la paix de bon cœur. Il se promet que vos actions à
rendront dignes de cette grâce. Tout son Con-
uit fort. Je ne doute point qu'elle ne soit de
dorée et que roui ne rendiei <!•■ perpétuel! témoignages de
g ti.l-lii. .m Roi \insi. paf vos longs services et conti-
obéissance, vous poavej attendre de la bonté du Roi ce
■ <jii<- vous n .ussie/. jamais ..I.i.tm par .iiium traité, es choses
[M vous estiiiM/ les plus pressantes, èsquelles on
■ |M.mia. «n temps oonrenablei écouter, vos nipplicationa,
« étant faites avec dû respect et humilité. » — Au lieu de
. la MConde • "|>ie du manuscrit A porte continuelle et
mtet au lieu de pressante*. — Cf. « Acte d«- réception de
la paix par la rUIt «le la Rorli. II. .fuis |.-s M, i nous ,1 I i,,i,
p r.7 n i,. Iftrnnre franc. >i*. t \l. p. 123.
230 MÉMOIRES [1626]
Ce lui étoit une chose fâcheuse à supporter, de se
voir si injustement suspect à la cour romaine et à ceux
qui affectent autant le nom de zélés catholiques que
l'effet1; mais il se résolvoit de prendre patience aux
bruits qu'on faisoit courre de lui, d'autant que, s'il eût
voulu s'en purger par effet, il n'eût pas trouvé le
compte de son maître ni celui du public.
Il ménagea, par ce moyen, si sagement cette affaire,
que la paix se fit avec l'entremise des ambassadeurs
d'Angleterre, sans toutefois qu'ils s'en mêlassent
autrement qu'en témoignant aux huguenots que, quoi
qu'on leur eût dit par le passé, ils ne dévoient attendre
aucun secours du roi leur maître, qui, au contraire,
assisteroit le Roi de toutes ses forces en cette occa-
sion2; de sorte qu'ils agirent en cette affaire non
comme arbitres, mais comme parties seulement.
L'on surprit un avis que le duc de Rohan3 envoyoit
à Soubise, par lequel il reconnoissoit que, sans la sollici-
tation desdits ambassadeurs, ils n'eussent jamais reçu
la paix; mais qu'ils avoient peur, les refusant, d'of-
1. Voyez les Maximes d'État, fragment 157.
, 2. Quelques jours après la signature de la paix, le 11 fé-
vrier, les ambassadeurs anglais avaient donné aux députés des
églises réformées un écrit rendant leur maître garant du traité
et promettant de les aider à obtenir la démolition du Fort-
Louis (Aff. étr., Angleterre 41, fol. 23; Bibl. nat., Cinq-Cents
Colbert, t. XVII, fol. 343 et 345 v°, copies; publié par Benoît,
Histoire de l'Édit de Nantes, t. II, pièces justificatives, p. 80).
L'ambassadeur de Hollande, Aerssen, s'était aussi entremis pour
la paix. Cf. deux lettres de lui à Richelieu, dans les Archives
de la maison d' Orange-Nassau, t. III.
3. Sur le rôle de Henri de Rohan à cette époque, cf.
G. Schybergson, le Duc de Rohan et la chute du parti protes-
tant en France. Paris, 1880, in-8°.
DE M HfcUEU.
feoeci celui duquel seul la Rochelle avoit espéré assis-
t.HK . ; mus <jue lesdits ambassadeurs, bien qu'a\
M liiiss.rnii décevoir par la prudence du Cardinal,
pour ce qu'il* eapéroiefll que le Roi, ayant la paix
< h</ lui, se résoudrait plus facilement d'entrer en
ligue offensive avec l'Angleterre et d'embrasser la
protection dea llollandois et des Allemands contre la
■MÉMO d'Autriche, et qu'après on pourroit obtenir,
par rintcn ( ssion du roi d'Angleterre, le rasement du
Fort-Louis et faire remettre les iles de Ré et d'Oléron
•h leor premier état, ce qui h seroit pas1.
Cette poix, si désavantageuse pour eux, les met en
tel désespoir que Mm'de Rohan*, leur mère, ne sachant
plus Qjnel oontei] donner à Soubise, le persuade, par
une lettre interceptée du 23e mai3, de se joindre aux
corsaires morisques et M retirer en Barbarie. Et, pour
pallier sou impiété, elle lui use de ces paroles : « C'est
■M dme approuvée en cas de nécessite. Ils ne sont
point Turcs; mais les catholiques les nomment tels
parce qu'ils ne reconnoissent point le Pape. Mais, au
leur religion est plus semblable à celle de ceux
1 Ce paragraphe et les deux suivants ont été ajoutés sur une
feuille supplémentaire dans le manuscrit \. loi. 3i.
1. \ oyes l'ouvrage du comte de Chabot, Une cour huguenote
s-Poi/mt. Cit/irririr de l'nrilnnny, duchesse de Hohan.
», 1904.
Dans une lettre de Richelieu a l'évèque de Mende, en
Angleterre, du 26 juillet 1696 àJR étr., Angleterre 41,
loi L64, eopk de la naaifl de Charpentier; publiée par Avenel,
t. \ll. p 588 , <>n lit : u ... nous avons surpris un paquet de
M"* d< Koli.ni, la mère, k M. dfl Soubise en Angleterre, qui
DBBM mu- mégère à faire ce qu'il pourra pourrecom-
mencer la vie qu'il a faite. Nous M doutons pas de sa bonne
volontr. Bail UtH M >•« |niissance... »
232 M K MOIRES [1626]
de la religion qu'à celle des catholiques. Ils n'ont aussi
que le nom de turc, car ils sont chrétiens et négocient
avec les Hollandois avec qui ils ont alliance. On ne
vous propose pas de les aller trouver, mais de se
trouver ensemble sur mer pour y chasser de compa-
gnie. »
Mère' indigne du nom de mère, dont la nature et le
devoir est de procurer du bien à ses enfants. Et elle,
non contente d'avoir élevé le sien au mal, voyant qu'il
n'en peut plus faire à la France, le porte à nuire à toute
la chrétienté, essayant néanmoins, pour sa consola-
tion, de se faire croire que les Turcs ne sont point
Turcs et qu'il n'est point jour en plein midi; disant
seulement vérité en une chose, que la religion hugue-
note a de la conformité avec celle des Morisques, car
l'une et l'autre vient d'un même principe, qui est le
malin esprit.
Si le Roi avoit donné la paix à ses sujets rebelles, il
n'étoit pas moins nécessaire de la mettre entre le
clergé et le Parlement, qui étoient aux prises, bien
avant, sur la censure que l'évêque de Chartres avoit
fait imprimer8. Il s'étoit ému quelques paroles, le
1. Avant d'être corrigé par Sancy, le manuscrit A, fol. 31 v°,
portait simplement : « Mère indigne de ce nom, qui d'ordi-
naire procure du bien à ses enfants, puisque, non contente de
l'avoir élevé au mal, voyant qu'il n'en peut plus faire à la
France, le porte à nuire à toute la chrétienté. »
2. Léonor d'Estampes, évêque de Chartres, avait présenté à
l'assemblée du cierge, le 13 décembre 1625, une déclaration
censurant les libelles Admonitio et Mysteria politica. Outre
les impressions à part de cette pièce, on la trouve dans la
Collection des procès-verbaux des assemblées générales du
clergé de France. Paris, 1678, t. II, pièces justificatives, n° XV,
p. 101-115. Le Mercure françois, t. XI, p. 1068, en donne une
DE ItirilKI.IBU. ÏSA
17e janvier1, entre les < \<,|urs de Soissons et de
res but le sujet de cette censure, laquelle relui
de Langres improuvoit aux termes aux(|uels elle étoil
couchée.
Le Parlement, craignant que l'on y changeai quelque
chose d'essentiel et que les droits du Roi reçussent
quelque préjudice, fit défenses, par arrêt du 21e jan-
vier. ;i mm. les prélats de s'assembler pour faire
antre censure des libelles intitulés : Mystères polùiqusi
<i Admonàio, que celle du 13e décembre, ni d'en
publier aucune autre que celle-là3.
Les prélats, n'.tvjuil \\;\> cro devoir en cela déférer
m Parlement, étaiit assurés de la piété du Roi, qui veut
que m »us bob règne l'Église soit conservée en ses pri-
vilèges et libertés, ne laissèrent pas de s'assembler chez
li cardinal «l< la Rochefoucauld les 26e et 27" février,
et <l'nn unanime consentement désavouèrent la cen-
traduction française. Le ms. Brienne 172 (Nouvelles acquisi-
tions françaises 7143] de la Bil>l. nat. en renferme une copie
[fol. 1-17 . ainsi que de nombreuses autres pièces relatives à
iffaire. Cette censure des libelles est une apologie de la
politique de Richelieu. Sur cette affaire, cf. notamment .
Hnbanlt, De politici» in Riekelium lingua latina libcllis, 1856;
. I Opinion publique et la presse politique sous
i ZIII bé HOUSM nliniil ilr Hérullf et le eardi-
chelieu, p. <>0 et muv.
1. Cf. Mercure franeois, I. \l. |». !)9.
uiDn le Gras, évêque de Soissoni M 1624, -J- 1656;
ti- i, /,inif>t, évéque de Langres en 1615, -J- 1655.
Lrch. n.it.. registre du Parlement de Paris. Conseil,
II, p 99-102; du
' ntré, évoque de Tulle, Cotttedo fudieiorum de
i 199-200. Cet arrAt fut réi-
V 1966, fol. reure
\i |i. 103 ' m, t. il. p. 200-201
234 MKMOIKKS [1626]
sure de l'évêque de Chartres et en firent une autre
selon leur intention * .
Le Parlement l'ayant su donna un arrêt, le 3e mars,
par lequel il cassoit et annuloit ladite assemblée laite
au préjudice de leur défense, qu'elle, réitéroit de nou-
veau pour l'avenir, et enjoignoit à tous les prélats de
1. Mercure françois, t. XI, p. 105; Collectio judiciorum,
t. Iï, p. 201; Collection des procès-verbaux du clergé, t. Il,
pièces justificatives, p. 116. On trouve aussi imprimées à part
(Bibl. nat., Lb36 2549) ces Propositions accordées à Sainte-
Geneviève, présent Mgr le Cardinal, sur le fait de la censure.
S. 1., 1626, in- 16. Voici cette pièce, dont la fin a servi à la
rédaction des Mémoires, pour ce qui va suivre : « Les évêques
d'Avranches, de Chartres et de Soissons tomberont d'accord
de l'acte qui a été signé le 26 février 1626, à Sainte-Geneviève,
chez Mgr le cardinal de la Rochefoucauld, sur le fait de la cen-
sure en date du 13 décembre dernier, pourvu que ceux qui
l'ont signé demeurent pareillement d'accord avec lesdits sieurs
évêques des trois propositions qui ensuivent : La première :
que, pour quelque cause et occasion que ce puisse être, il
n'est permis de se rebeller et prendre les armes contre le Roi.
La deuxième : que tous sujets sont tenus d'obéir au Roi et
que personne ne les peut dispenser du serment de fidélité. La
troisième : que le Roi ne peut être déposé par quelque puis-
sance que ce soit, sous quelque prétexte ou occasion que ce
puisse être. Nous, évêques d'Avranches, de Chartres et de
Soissons, souscrivons ce que dessus. Fait à Paris, le 27 février
1626. Étant signé, à savoir : François, évêque d'Avranches,
avec protestation de n'avoir signé l'acte fait à Sainte-Geneviève
[c'est-à-dire la nouvelle censure] qu'à cette condition; — Léo-
nor d'Estampes, évêque de Chartres; — Simon Le Gras, évêque
de Soissons. Pour collation, signé : Édeline, secrétaire de
Mgr l'évêque de Chartres. » Ces Propositions se trouvent
encore dans le Mercure françois, 1625, t. XI, p. 1097, « où
il est dit que la Déclaration fut imprimée tant en latin qu'en
françois et louée pour les belles maximes qu'elle contenoit,
conformes aux lois de l'État, savoir : ... »
DE Hl< HkUBU.
se retirer dans qtrinse joins M leurs diocèses, sur
im <l. saisie de leur temporel *. Cet arrêt leur ayant
nifié l< 7 mars, le sieur M ir< m, évéque d'Angers3,
Ht H nom {ficelle une réponse par écrit3, avec tant
dk liberté «t d'assurance, que le Parlement, les
Msembléea, condamna ladite réponse à être
Mita par l'exécuteur de haute justice et décréta
'iriitmt'Nt personnel contre ledit éréque*. L'évêque
de Chartres, d'autre part, qui etoit en l'assemblée où
<xi désavoua sa censure, ne se voulut pas rendre à la
voix commune, mais dit seulement (ju'il souscriroit à
leur avis, pourvu qu'ils demeurassent pareillement
d 'aeeord avec lui des trois propositions qui s'en-
suivent5 :
La première, que, pour quelque cause et occasion
que ee poisse être, il n'est permis de se rebeller et
prendre les armes contre le Roi;
La deuxième, que tous sujets doivent obéir au Roi,
1. \r»|i. nat., V I. 12 du jour; Mercure francois,
t. \l. p. 106; Collectio judiciorum, t. Il, p. 202.
: nin, 1560-16 août 1838, fils de Marc Miron,
de Henri III. évéque d LngflCT à dix-huit ans 168
>on évéché en 1615, à la suite de démêlés avec son
chapitre, se retire à Saint-Loraer de Bloil COMS ibbé, rede-
vi< nt ivêque d'Angers en 1022 à la mort d<- (iiiillaume Fou-
<|ii>-t, a de nouvelles querelles, et, pour les terminer, le Pape
le noninx- irehtréqae '1' Lyon, ce iju Onttf lalon estime con-
traire aux lihertés d«- l'Église gallicane.
- ' II, p. 116.
<rs (Arch. nat V 11>67, fol. 2 v° du
m francois, t. M, p. I ctio judiciorum,
t. II. |- »
phrase et 1< :ti->ns suivantes, voyez
piai liant. QOli
236 MÉMOIRES [1626]
et que personne ne les peut dispenser du serment de
fidélité ;
La troisième, que le Roi ne peut être déposé par
quelque puissance que ce soit, ni sous quelque prétexte
et occasion que ce puisse être.
Les évêques d'Avranches et de Soissons signèrent
cette réponse avec l'évêque de Chartres.
Ce différend causoit un grand bruit. Le clergé étoit
divisé. Le Parlement s'animoit contre l'Église, et la
matière de la dispute touchoit l'autorité et la personne
du Roi. Il falloit empêcher le schisme, réunir le clergé,
maintenir l'autorité de l'Église, et ne pas violer celle
du Parlement, qui, en beaucoup d'occasions impor-
tantes, est nécessaire à la manutention de l'État.
Le Cardinal , intéressé en ces deux corps par la
dignité qu'il a en l'Église et par la qualité de premier
ministre de l'État, sans blesser les droits d'aucune des
parties, par un sage tempérament les mit d'accord.
Il conseilla au Roi d'évoquer à sa propre personne
la connoissance de cette affaire; ce qui fut fait par
arrêt du Conseil du 26e mars1. A quoi le Parlement ne
déférant pas absolument2, comme il eût dû, le Cardi-
nal crut devoir conseiller au Roi de mener cette affaire
avec grande douceur et force tout ensemble. Il lui
remontra que ce n'étoit pas d'aujourd'hui que les
Parlements veulent prendre connoissance des affaires
générales ;
1. Les manuscrits des Mémoires portent à tort la date du
6 mars (Mercure françois, t. XI, p. 109; Collectio judiciorum,
t. 11, p. 207).
2. Arrêt du Parlement du 28 mars, confirmant les premiers
(Arch. nat., X1a 1967; Mercure françois, t. XI, p. 109-110;
Collectio judiciorum, t. II, p. 208).
M RH HKI.IKU. 237
Qu'ils ne oonsidèi ■«■ut point qu'As M sont pas instituts
pOW ode, d que les grandes compagnies sont bonnes
s (aire exécuter sévèrement ce qui est délibéré et résolu
par peu, étanl <le Is multitude des conseillers au res-
|m « t d'un État comme il est de celle des médecins au
rd d'un malade, où le grand nombre est nuisible,
eommedi^nit un empereur en mourant que la multitude
nédecins l'avoient tué, et partant, qu'ilétoità pro-
pos que S. M., au Conseil qui se tiendroit sur ce sujet,
témoignai son indignation être grande contre eux.
qu'elle lit \ et peu de jours après envoya quérir
1. Au lieu de la fin de cet alinéa, on lisait dans le manus-
crit A, fol. 33 v° : « Et dit qu'elle trou voit bon que le Parle-
ment lui remontrât ses raisons quand il estimoit en avoir lieu,
•■t qu'elle y faisoit volontiers considération quand elle le
jugeoit à propos et qu'elle le pouvoit; mais de disputer tous
un i omme pair et compagnon avec lui et tirer au court
bâton pour savoir qui sera le maître, elle ne le pouvoit sup-
: ; que c'étoit à eux de rendre la justice aux particuliers,
n<>n pas se mêler des choses générales qui concernent le gou-
vernement de l'Etat : qu'elle savoit comme le Roi son père en
avoit usé, qu'elle ne se considéroit pas moins que lui et leur
montreroit qu'elle étoit !<• naître. Tout ceci, dit-elle, va à
broailierie; le général a bonne intention, mais les particuliers
nui tl 'antres pensées". Je loue le Parlement d'empêcher le
MJMrtdc Ml in.iinais livivs; m,ii> il ne faut pas qu'ils viennent
mit. s qui puissent porter des lurieux à venir, sous
Ktl de religion, I l'exécution de l<-in mauvaise doctrine,
lai beéaeonp d'affaires ; quand j'aurai mi.s Ordre aux plus
pressées, je penserai aux autres. • Le Roi, après avoir pro-
féré ces paroles de rigueur, lit opiner un eharun, puis ajouta
t tenter toute voie donee auparavant que de M
on sutorité. Kt partant qu'elle vonloil preznièreasenl
parler aux présidents et leur témoigner les raisons
an'efle ivoil 'i ta aaer einti, il qu'elle l'attarotl qa il > m m -i-
i • n leur devoir, a quelques Jonn de 14, elle envoya
238 m i:\ioiiti s [1626]
quelques-uns du Parlement qu'elle reprit de leur faute,
puis Messieurs du clergé, auxquels elle dit qu'elle les
maintiendroit toujours en leurs immunités, n'approu-
voit pas les arrêts du Parlement contre eux ; mais aussi
qu'ils se dévoient abstenir en leurs réponses de termes
qui piquassent cette Compagnie.
Cela mit bien une fin à la dispute du clergé avec le
Parlement; mais dans le clergé l'émotion s'augmentoit
contre ce qu'avoit fait l'évêque de Chartres, d'autant
qu'il sembloit qu'en la censure qu'il avoit fait impri-
mer, il blàmoit d'hérésie quelques opinions qui sont
tenues et suivies pour bonnes en plusieurs lieux de la
chrétienté, et particulièrement à Rome.
Le Cardinal étendit encore son soin sur ce sujet, et
quérir Messieurs du clergé et leur dit qu'elle les maintiendroit
toujours en leurs immunités; qu'elle n'approuvoit pas les
arrêts du Parlement contre eux, mais aussi qu'ils dévoient
s'abstenir en leurs réponses de termes qui piquassent cette
compagnie ; qu'il entendroit le Parlement et leur feroit raison
à tous. S. M. ensuite ayant appelé quelques-uns du Parlement,
leur dit qu'il étoit fâché que le clergé et eux s'étoient portés
d'une si grande aigreur; qu'il savoit bien que leurs intentions
alloient toujours au bien de sa couronne et qu'il prenoit le soin
de pourvoir à cette affaire. Cela mit bien une fin, etc. » En
marge, de la main de Sancy : « On pourroit accourcir cette
page et la suivante ainsi : Ce qu'elle fit, et peu de jours après,
etc.. » Le 28 mars, le Roi envoya chercher les présidents du
Parlement et quelques-uns de ses conseillers par Sauveterre,
son valet de chambre (Arch. nat., X1a 1967, fol. 1 du jour). Le
lundi 30, le premier président rendit compte de l'entrevue.
On voit dans la Collection des procès-verbaux du clergé que, le
28 mars, les prélats envoyèrent le cardinal de la Valette et
quelques autres demander audience au Roi, qui la leur promit
pour le 30, et témoigna son mécontentement de l'arrêt du
Parlement. Celui-ci ayant déféré à l'évocation le 30, l'audience
n'eut pas lieu.
DE RICHELIEU. Î39
\ trouva plus do difficulté qu'il n'avoit l'ait en tout le
l'affaire; car il «toit question de faire rétrac-
!••!• un homme constitué <mi dignité, et qui se voyoit
appuyr de personnes puissantes qui eussent bien voulu
quo la dispute fût allée plus avant. Néanmoins, à la
lin. moitié par douceur et moitié par autorité, il obli-
gea l'éféque de Chaitm à donner la déclaration sui-
\.mt<\ écrite et signée de sa main1 :
c Nous, soussigné, évêque de Chartres, déclarons
qu'en la déclaration que nous avons faite, par le comman-
dement du clergé, pour réfuter et condamner les livres
Admonitio ad Regem et Mysteria politica, souscrite
<l< nous, en date du 13' jour de décembre dernier,
nous n'avons eu autre intention que de suivre la
doctrine qui a toujours été tenue en ce royaume,
tant pour la sûreté de la personne de nos rois que
de leur État, sans avoir voulu ni entendu, en aucune
l, condamner ni l'opinion contraire ni aucune autre
ifbèréaie.
« Fait à Paris, ce 29e jour de février 1626.
« L. d'Estampes, évêque de Chartres. >
Il s r|. va' en même temps une dangereuse tempête
I ( . ii. (1. . laration se trouve dans Aff. étr., France 782,
fol. 05-66, avec la mention : « Km ployé », et au dos, de la
main de Charpentier : « Re< onnoissance de M. de Chartres sur
mn ilu 2^ février 1i>:m, (pii servira à prouver que Mon-
sieur le Cardinal ne connut pas plus tôt le mal du livre de
M «le Chartres qu il n'y chercha remède. »
! iiunrs d liai 01 fragment* politiques, publiés par
H,ui..i.iii\. fragment 158, qui, dans le manuscrit B (Bibl. nat.,
Clairambault 181, fol. 83), porte la mention : « Employé » :
Il an iv. ii il- tempête contre les Jésuites, excitée contre eux
240 M K. MOIRES [1626J
contre les Pères jésuites, les libelles dont nous avons
parlé ci-dessus leur étant attribués, comme étant la
pernicieuse doctrine qu'ils contiennent, la doctrine par-
ticulière de leur ordre. On prit le sujet de cette accu-
sation sur le plus méchant de tous les livres de cette
sorte, qui fut envoyé de Rome en France, composé par
un d'entre eux nommé Sanctarellus1, et approuvé de
Vitelleschi, leur général2. Entre plusieurs fausses
maximes que l'esprit de flatterie, non de vérité, lui
fait écrire à Rome, sont celles-ci3 :
« Que le Pape peut donner des curateurs aux empe-
tant par certains livres contenant une dangereuse doctrine
contre les rois que par la lassitude que chacun avoit de voir
qu'ils se mêlassent de trop d'affaires. Les parlements firent
brûler [le livre de] Santarellus dont il est question et, en outre,
les vouloient contraindre à soussigner quatre points qu'ils vou-
loient qu'ils crussent comme étant de leur croyance... »
1. Tractatus de hseresi, schismate, apostasie/, sollicitatione in
sacramento pœnitentise et de potestate Summi Pontificis in /lis
delictis puniendis. Rome, 1625, in-4°, dédié au cardinal de
Savoie. Antonio Santarelli, né à Atri en 1569, mort à Rome le
5 décembre 1649, jésuite à seize ans, professeur de théologie
à Rome, est aussi l'auteur d'une Vie de Jésus et de la Vierge
(1625).
2. Il avait été aussi approuvé par le vice-régent de S. S. et
par le maître du Sacré-Palais [Mercure françois, t. XI, p. 83).
Sur Santarel et cette affaire, on peut consulter V. Siri, Mcmo-
rie recondite, t. VI, p. 120; le P. Fr. Garasse, Histoire des
Jésuites de Paris, publiée par le P. Carayon, 1864, ch. xvi,
p. 138 et suiv.; le P. Prat, Recherches historiques et critiques
sur la Compagnie de Jésus, t. IV, livre II, ch. n).
3. Les propositions qui suivent sont la traduction de
quelques-unes de celles qui se trouvent dans un « Extrait du
livre d'Antoine Santarel... » (Aff. étr., Rome 40 (année 1627),
fol. 311-313). Toutefois, les alinéas 4 et 8 ne se trouvent pas
dans l'extrait et l'ordre n'est pas le même. Voyez aussi l'extrait
DE RICHELIEU 'il
iux princes, quand ils sont inutiles a bien gOU-
fera
« Qu'il peut punir et dépoter quelqUf prince de la
i(ii- que ce soit, quelque exempté qu'il puisse être1;
t Qu'il a pouvoir de déposer les rois, non seulement
pou? hérésie et pour schisme, mais pour quelque crime
intolérable, ou pour leur insutïisance, ou pour leur
m _li_< nce ;
« Qu'il a pouvoir d'admonester les rois et les punir
de peine de mort :
t Qu'il peut non seulement tout ce que les princes
■écuben peuvent, mais en l'aire des nouveaux, dépo-
ser lee •nhes et diviser les empires;
t Qu'il est serviteur des serviteurs de Dieu quant à
l'humilité; mais quant à la puissance, il est seigneur
neurs, et quelque puissance qui soit sous le
»iel est m lui;
c Qu'il a une puissance temporelle très ample sur
tOW les princes, rois et empereurs;
t Que tous les princes qui gouvernent les États
ouvernent comme en ayant commission de S. S.,
qui les pourroH gouverner par elle-même. »
Ces maximes sont capables de ruiner toute l'Église
de hou, ,i laquelle lee puieeancee temporelles doivent
-Miimises par amour, qui est la soumission de la
puMié dans le Mercure francois, t. XI, p. 84, et dans la Col-
tectio judiciorum, t. M, p. 203. Toutes ces proportions M
retrouvent dans l'ouvrag* uV SantaraUi, p. 293-300.
I \ a- Al l'extrait indiqué ci-dessus : « Or, il B \ I point
de roi en la chrétien!»- eionpté <!•• L'oxcomoianicition du Pape
que le roi de France, et ce par plusieurs blllei qui sont dans
le» chartes du Roi, de lOftc qvc « elui-là marque le roi il
ce. »
\ 16
242 MÉMOIRES [1626]
grâce, non par force et contrainte, qui est la soumis-
sion de l'enfer. Il y auroit peu d'assurance dans les
États si elles avoient lieu. Qui est le prince à qui on
ne puisse faussement imputer des crimes, plus faci-
lement de l'insuffisance à gouverner et davantage
encore de la négligence à s'en acquitter comme il
doit? Qui seroit le juge de ces choses? Qui les considé-
reroit sans passion et sans intérêt? Ce ne seroit pas
le Pape, qui est prince temporel, et n'a pas telle-
ment renoncé aux grandeurs de la terre qu'il y soit
indifférent. Il n'y a que Dieu seul qui en puisse être
juge; aussi les rois ne pèchent-ils qu'envers lui, à
qui seul appartient la connoissance de leurs actions.
Comment les souverains pontifes auroient-ils auto-
rité de punir les princes de peine de mort, puis-
qu'ils sont vicaires de Jésus-Christ et pasteurs sous
celui qui est venu au monde afin de donner vie et
abondance de vie, et pour subir la mort plutôt que de
la donner?
Quant à l'appeler seigneur des seigneurs, c'est vou-
loir faire d'un pape un roi de Perse, et d'un vicaire de
Jésus-Christ un lieutenant de Mahomet.
Il est croyable que le Pape établiroit mieux son
autorité légitime s'il arrêtoit le cours des écrivains
qui ne lui prescrivent point de bornes, d'autant que
cela donne lieu à beaucoup de gens mal affectionnés
au Saint-Siège de ravaler sa puissance au delà de ce
qu'elle doit être en effet.
C'est ce que dit saint Bernard en termes exprès,
lorsque, parlant au Pape, il fait comparaison d'un
créancier qui, pour demander plus qu'il ne lui est dû,
oblige celui qui lui doit légitimement à nier la dette,
DE RICHELIEU. Ml
et montre ru Pape que souvent les prétentions de
eelui qui veut tout sont réduites à rien.
Il est utile dans les États d'empêcher le cours des
- qui détruisent la légitime autorité des princes1
et contiennent de pernicieuses maximes pour leurs
personnes en faveur «les papes; mais il le faut
fuie avec le moins de bruit et d'éclat qu'il est pos-
sible, de peur «ju'il ne se trouve des furieux qui, sous
prétexte de défendre les droits de l'Église mal enten-
dus par eux, ne se portent ;i attaquer et opprimer les
droits et les personnes des princes les meilleurs du
monde.
méchant livre, composé par un jésuite, fit émou-
voir l'Université contre eux, taxant leur doctrine, et
soulever plusieurs autres qui déjà leur étoient mal
;itïeetii»:m« -s. par la lassitude que chacun a de voir
qu'ib se mêlent de trop d'affaires2. La cour de Parle-
ment tit brûler ce livre par arrêt du 13e mars3. La
Soiltonne- le censura comme contenant une doctrine
1 \/ //////..., appendice I, d'après Bibl. nat., ras.
Français 25666, fol. 70-73 : « Ce que M. [le cardinal de Riche-
lieu] dit au Roi 00 février 1620 sur le sujet de la censure de
Saiil.it. I Cf. aussi Cnllertio jutlicinriiiu, t. II, 2e partir.
rare cette idée qu'il est nécessaire d'em-
pêcher le cours de OC pernicieux livre; i mais on a esiinn-
qu'il lalloit parvenir à cette fin par ne vota innocente, et non
loUe qu'elle mit la personne du \\<<\ 00 plus grand péril que
eehd qu'on rem éviter. »
lignant le scandale et l'ell'ct produit
sur l 'opinion pul.lique par ce livre, avait essayé d'en retirer
[et mesaplairee.
nai., X'* 1967, fol. 5 du jour; Collectio jmiieiorum,
t II Xfcrcurc ' M. p 87.
| Ce paragraphe a été ajouté en marge du manuscrit A,
244 MÉMOIRES [16261
nouvelle, fausse, erronée, contraire «à la parole de
Dieu, et qui rend la dignité du Souverain Pontife
odieuse ; ouvre le chemin au schisme, déroge à l'auto-
rité souveraine des rois, qui ne dépend que de Dieu
seul, et empêche la conversion des princes infidèles et
hérétiques ; trouble la paix publique, renverse les États,
royaumes et républiques, détourne les sujets de l'obéis-
sance qu'ils doivent à leurs souverains et les induit
à des factions, rébellions et séditions, et à attenter à
la vie de leurs princes. Cette censure fut faite le
1er avril et revue le 4e.
Le Parlement envoya quérir les Jésuites1 et les
voulut contraindre à soussigner quatre propositions
qu'il leur présenta, concernant l'autorité indépendante
du Roi. Ils2 s'en excusèrent3, s'offrant d'y souscrire,
fol. 39, par Charpentier. Il est extrait de la censure de la Fa-
culté de théologie : Collectio judiciorum, t. Il, p. 210-214; Mer-
cure françois, t. XI, p. 95-98. Elle a été aussi publiée à part,
chez P. Durand, en 1626.
1. Arch. nat., X1al967, 14 mars; Mercure françois, t. XI,
p. 89 et suiv.; le P. d'Avrigny, Mémoires chronologiques et
dynastiques, t. I, p. 397; Jourdain, Histoire de l'Université de
Paris au XVIIe et au XVIIP siècle, p. 111. — Les Jésuites
convoqués étaient les PP. Cotton, Filleau, Brossault et Ignace
Armand. Les propositions que le Parlement voulait leur faire
signer étaient : « Le Roi ne tient son état que de Dieu et de
son épée. Le Pape n'a aucune puissance, ni coércitive, ni direc-
tive, sur les souverains. Le Roi ne peut être excommunié per-
sonnellement. Le Pape ne peut délier ses sujets du serment de
fidélité, ni mettre le royaume en interdit, pour quelque cause
que ce puisse être. »
2. Les paragraphes suivants ont pour source le fragment 158
des Maximes d'Etat.
3. La source porte : « Ils s'en exemptèrent, disant qu'ils les
signeroient si le clergé... »
DE Kl< HELIEU. 24ô
si le clergé de France et la Sorbonne faisoient de
(Mi vouloit1 passer outre I teor vouloir défendre de
plus enseigiM t e! ouvrir leurs école**, ou à les chasser
de France. Le Cardinal dit m Hoi qu'il y a cer-
tains ;il»us qu'on abolit plus aisément en les tolérant
qu'en la roulant détruire ouvertement; que bien
qo'aoconefl lois3 on sache des opinions être mauvaises,
t dangereux de s'y opposer, principalement
quand elles sont colorées du prétexte de religion;
qu'il estimoil • < j n' il étoh bon que S. M. louât le Par-
IniK ut «le l'action qu'il avoit faite en Matai brûlerie
«I empêchant que telle pernicieuse doctrine
n'eut noun en ce royaume, mais qu'il falloit mettre
ordre qu'ils ne passassent jusqu'à un point qui pou-
vait être aussi préjudiciable à son service comme leur
action y avoil été utile. La raison de ce conseil abou-
t i ce qu'il falloit réduire les Jésuites en un état
qu'ut ne puissent nuire par puissance, mais tel aussi
qu'ils n»' se portassent pas à le faire par désespoir;
1 . La source porte : « Le Parlement vouloit passer outre ;
Uitfl laoaitBituill alloiont à leur défendre d'enseignor en leurs
écoles... »
I f'ancan rep ette idée dans un Avis au Roi (entre
ml.re 1627) (AIL Mr., l'rance 787, fol. 22,
publié par << Pagni I la suite de Fancan et Richelieu -.Revue
hûlorii/w, 1911
i dans I»' premier état du BMHBM ■ il V. M. 39 v°,
il d'abord : l'oiriaill » ; puis Charpentier
i igea : « Le Cardin. il ■ •Mima. »
porte : « qu'il falloii empêcher >■, d<- même que
n rnier état du manuscrit A, fol. 39 v°. La oorrectioa Btl
246 MÉmoikks [1626]
auquel cas il se pourroit trouver mille âmes furieuses
et endiablées qui, sous le prétexte d'un faux zèle,
seroient capables de prendre de mauvaise résolutions
qui ne se répriment ni par le feu ni par autres peines.
Ensuite de quoi la cour se contenta d'une déclara-
tion du 1 6e mars, que les Jésuites donnèrent par écrit4 ,
par laquelle ils reconnoissoient que les rois relèvent
indépendamment de Dieu, détestoient la mauvaise
doctrine de Santarel en ce qui concerne la personne
des rois, leur autorité et leurs États, et promettoient
souscrire à la censure qui en pourroit être faite par le
clergé et la Sorbonne, et ne professer jamais aucune
doctrine contraire à celle qui seroit tenue en cette ma-
tière par le clergé, les universités du royaume et ladite
Sorbonne. Ainsi on empêcha la ruine des Jésuites et on
1. Ce paragraphe se réfère à la déclaration du 16 mars 1626,
signée par quatorze Jésuites (Bibl. nat., ms. Clairambault 521,
fol. 85; ms. Français 4825, fol. 110; Maximes d'Etat, frag-
ment 160; Mercure françois, t. XI, p. 92; Collectio judicio-
rum, t. II, p. 206). Richelieu s'était employé à cet accommo-
dement et avait été jusqu'à dire au P. Ignace Armand qu'il
fallait signer ou sortir du royaume. Cependant, l'affaire n'en
resta pas là. Selon un arrêt du Parlement du 17 mars (et non
du 22, comme dit le fragment 159 des Maximes d'Etat, car le
22 était un dimanche), les Jésuites durent désavouer également
YAdmonitio (20 mars) et faire une déclaration en français et en
latin touchant la souveraineté du Pape et du Roi, qui est
reproduite dans l'ouvrage de Garasse, p. 207-224. Après la
censure de la Sorbonne (4 avril) vint celle de l'Université
(20 avril). Parmi les feuilles controverses publiées à ce propos,
voyez Raisons pour les condamnations ici devant faictes du
libelle Admonition, du livre de Santarelli et autres semblables
contre les santarélistes de ce temps et leurs fauteurs, par un
Françoys catholique, 1626, in-12 (bibl. Sainte-Geneviève,
E3417).
JMM| DE RICHELIEU. 247
;nifl;i le cours de cette mauvaise doctrine s;ms nuire à
iiirnn1.
st assez parler de la guerre entre ceux que la
robe tt leur profession obligeai a la paix; parlons de
l.i |«aix entre ceux que la conservation de leur gran-
deur obfige souvent à la guerre.
Le1 fergifl ayant reçu le désaveu de son traité,
qu'il a voit fait s;ms le su et consentement du Roi, les
lions que S. M. désiroit y être apportées, et le
commandement absolu de prendre congé si on n'y
vouloit pas condescendre, part de Madrid, s'en va en
on, en la ville de Monçon où lors étoit la cour,
donne part au comte d'Olivarès de ses ordres, et, ayant
1 sur le retentissement de cette affaire à Rome et le rôle du
<da, cf. Aff. étr., Rome 38, passim, et Ribl. nat.,
lorid^ italien 64. Voyez aussi Houssaye, le Cardinal de Bertille,
<h. o
1 \ ariante du manuscrit A, fol. 40, avec, en marge, une
indication de Sancv qui renvoie à ses corrections : « Le traité
.\(.it ligné sans le su et le consentement du Roi
a. .int i/U désavoué, comme nous avons dit, et le Roi lui
a\ant tttwojé les corrections et les additions qu'il désiroit y
être apportées, Le Kargis déclara au comte d'Olivarès qu'il
avnit un commandement absolu de prendre congé si les choses
nt pas rétablies en la manière qu'il le lui proposoit. U
le fit condescendre à la plupart de celles qu'il désiroit, et les
plus UMBtieUes, l'ien qu'il ne pût venir à bout de toutes; et,
lui semblant . j o> m <|ni iii.Hi>|imit à l'entier désir du Roi étoit
• ii « hoses légères et de peu de considération, il ne fit pas dif-
lité ainsi raccommodé le 5' mars. Il
s. M. avec deux lettres..., lesquelles, pour ce qu'elle
ne les a pas écrites sans concert du conseil d'Espagne et qu'elle
igné avoir un ardent désir de la paix, nous avons cru
« j ii il u 'toit inutile d'inv'-rcr ici On peu! remarquer que la
première rédaction condamnait moins \iol.mment M. du
!
248 mi:moiiii:n [1626J
obtenu de lui sans beaucoup de difficulté, de crainte
de la continuation de la guerre, une partir de ce que
S. M. désiroit, se relâche encore, par une légèreté d'es-
prit et hardiesse non excusable, à quelques conditions
contraires à la volonté et aux ordres qu'il avoit de
S. M.; et ayant signé ce nouveau traité le 5e mars,
l'envoie à S. M., s'excusant sur ce qu'il lui sembloit
que ce qui y manquoit au désir du Roi étoit en choses
légères et de peu de considération, et accompagna sa
dépêche4 de deux lettres de la reine d'Espagne à la
Reine mère et au Cardinal, par lesquelles elle leur
témoignoit un extrême désir de la paix et un grand
ressentiment de ce qu'ils l'avoient facilitée, et prioit
S. M. qu'elle eût agréable de lui renvoyer M. du
Fargis2.
Le Roi fut si offensé de ce procédé, qu'il eut volonté
de punir Le Fargis de sa présomption3, et dit à l'am-
bassadeur d'Espagne, qui lui parloit de ce traité
comme s'il eût été tel que S. M. désiroit, qu'elle eût
voulu que Le Fargis eût été aussi habile homme
que lui, qui étoit fort sage, mais Le Fargis étoit un
1. M. du Fargis au Roi, Monçon, le 5 mars 1626 (Aff. étr.,
Espagne 14, fol. 376). Le même à M. d'Herbault, même date
(Ibid., fol. 377-378, copies).
2. Ces deux lettres se trouvaient reproduites dans le manus-
crit A, fol. 40 v° et suiv. Celle adressée à Richelieu venait
d'abord, mais Charpentier a mis en marge : « Cette lettre doit
aller après celle de la Reine. » On les trouvera à l'appendice X.
3. Premier état du manuscrit A, fol. 42 : « Quand le Roi eut
vu ce traité et ne le trouva pas conforme aux mémoires qu'il
lui avoit envoyés sur ce sujet, il fut tellement offensé de son
procédé qu'il vouloit punir du Fargis de sa présomption, sans
ratifier ce qu'il avoit accordé. L'ambassadeur d'Espagne étant
venu... »
DE RICHELIEU. Ji'J
loi pariait'; que, la première fois, il avoél lait une
eliose il.- >;i ((*'(«' siins son su; la seooude, il navoit pas
suivi ses ordres; qu'elle le châtierait exemplairement.
Cepeodaol I»' profit que les deux rois tiroicnt de sa
folie • toit que maintenant ils connoissoient tous deux
qu'il n'y avoit plus d'aigreur en leurs esprits, et qu'ils
fouloieafl bien la paix ; et qu'afin de le lui témoigner <le
sa part par e(Tet, bien qu'elle ne pût recevoir le traite
<|ii ivoit (ait ledit Fargis, elle en renverroit un autre
en Espa§ le signé d'elle, où elle apporterait le moins
Rangeaient qu'elle pourroit; mais comme elle y
ajouteroil le moins qu'il lui seroit possible, ce seroil
aussi an roi son frère de n'en taire aucune difficulté'-.
tutti corrigé, fut enfin reçu et ratifié en
Espagne, où ils avoient bien préjugé que le roi ne
pteroif pas Dûment, tel qu'ils le lui avoient
«■ii\(,\
1. La fin de cette phrase et les quatre paragraphes suivants
reproduisent, en les mettant au style indirect, la a Réponse
.1 I ambassadeur d'Espagne touchant le traité fait parle
■darda I argis », publiée par Hanotaux, âfa.Wmai '/ ÉUU, frag-
ment l.Vt. il aprèi une note (Bibl. nat., ms. Clairambault 521,
loi. 77 US I.i main de Charpentier, portant, an inai^r, la men-
tion : « Employé. » Les corrections dans le manuscrit \.
fol. a2, ><>iit tle Sancy.
porte encore : « Monsieur l'Ambassadeur, je m
m éloigne pal de penser de grandes choses avec le roi mon
La Reine mère du Roi a parlé conformément. » Cette
. «lit M. Dan i qui lait espérer à l'ambas-
igné qu'une BOrte de communauté* de vues et
prises va désormais régn> les deux cour
Lien importa!! une habileté du Cardinal.
Mais, en présence de l'évidence oontr riaura^
"tivenir | la postérité. I
lu à Barrelone, où on l'antidata du 5 Bjan
MftMOIftKM [ffM]
I... |.ln •'»..(,.!< (JilliMjll. ,!,;< ru nlli
••Mil IM llil î| II', il .< I || liM.y. Il <l« |,,|H < M, ll< |;, |
<l«- "• <|in < l'-.l ; milii^fnlfiii -I' |»i ne <
:illi' | df K. M <|H< 1,1 MOI ■ - . II.. I HIJI-
|»i i |»'»m « ' <|u il-, ii< •• 'idiilfj iiin.-iiiM ni' ni <l« ' < II'
ik y>« iili'.n <l I iiii|)iil'»< ni ;i|u| |><«ll n|.l< <|ii'
i. i','.i i .-ii Lui .i .ni ii.ni. m V "i i d don
lu'r ovin.
i, |M>UI ' il' i II
< 0010)1 il oflTl | ' lui ' i
i. ponéli qui U nul I
i. nul,, K 1034 l!»l.l Ml
,'H I,,l 0( l;,|,| ,,.,i
i<.l in - i i ij.in i» i ,,, r „,,, ■ i il ,i< dlplo
matlqm ' V '■' |." 1 1- |- w. . Mêroun françoU ■ xil.èl»
lin -I. I uniii i 10 " il< iioiiiIh
Il | I .,..1.1 - , Il ..il. ' I ' < lui ,|, \|. Ii
■ inuiiii , Ail - 'ii I |, ..; -i,- 1 ',
0rUoa# f» MM m FrtOMU 3701, «fc
T. M,, Il l„ ,,,!,,,,. inimiiiui •!• • !•„,, i,,, „i ■/. //(/#/- .,//,■
i . ,/,//, /. ,,,./,, , ,/ bthllothèiiiu di Pari
1 i 1610 1041 loti M i i IV, eh n p
i i \n ,, ,v, / . i ,, n :
LtftMOf , op -// i v |, /,nn . i m.iv i. p <,nii.i //
,1, /,,„,• Mil \ I HOU I ' "/' ■ " '!• m ,
flfittl M "' p ' '■ I I i |
i ii.... i. ..,.,.,.. -mi \ i-.i 42 » . Ni
■ , k •«• mu i < Lftf Mémoln •■> i< (ii'.'l Mini
• .,1 || |ot)| n ' ■ '" /■ • "//"' "'' ,1, |., « il,
m i i n ,, n . io'J ,i .,,.. mi i n
1 'i n. ,|,i >,i, n i |,., i ..,, oi ■ ■ un \i n m
dtfl || rit i 'I "" Il lit 'I' plni.i. | . IL ,|u,
nul m ,•,!•, |i m.'I.i « - i I - ,|.
i-. iphi i on< • i riMiil h n ..ii- -M n |.. • 'i.i.i 'i
-i pi h i i di ',1 |..i .
,i ,,, i .
PM| 01 UCHEUU |i
ublia rien pour leur faire connoitre la sincérité
du procédé de S. M., <i i, la première, été mji-
prise parla précipitation du Fargts, et on leur remon-
tra que leurs intérêts y a voient été conservés, bien que
le* choses rie fussent pas, en toutes leur» circonstance*,
■ point <Vi<- >. M les .ut iiriaéas, si !«-•> \ «i.t saj*>
nées sans rinconsidération de son ambassadeur; néan-
moins qu'il y a voit plus de faute en la personne qui a %
traité qu'au que la souveraineté étoit conservée
aux Grisons, qui étoit le principal point; que les Espa-
gnols étoient exclus des passages auxquels ils a voient
prétendu depuis si longtemps, qui étoit tout ce en quoi
consiste l'intérêt des Vénitiens, qui n'en a voient point
d'autre que celui-là : «ju ou avofil pourvu au différend*
de Zucarel. en sorte <ju il ne tiendroit «ju'au duc de
Savoie qu'il n'eût contentement.
rit. qui étoit à U cour, reoofinois-
aoit bien que les choses s'étoient passées en la manière
rjsfoa lui d'tsoit, et demeuroit en son coeur satisfait de la
sincérib <iu Roi 4. Mais le duc de Savoie, pour l'espérance
t. Hanuw rit A, fol. 44 : « V>u» a von* à persuader noi allié*
que ce traité a été tait tan» eoauaaademeat du Roi. Lear H
eooaolu*e que leur» ialéréu néanmoin» y tout contenré*
BSS et la Savoie,
as deas paragraphe* aaivant* toat dan* le aaaautcrit A .
fol. 63, et non à cette place, <jui e*t occapée par YAvu de
Kû-beiieu. Le premier kU jui, par
>du (urdioal, fat donné §m* affaire*. Et pour ce qu'encore
que le prince de Piémont fût m U cour et pui riuble-
iminrm* de U manière dont le* cbo*e» t'étoient paaaée^
Boaaiaaeal, dut être aatUUit de 1a aiocéritr du loi,
le émt de Savoie, pour I eapéranee, • I
4. lien sa euti I «> oit été fort aui <«l *att*«
252 MÉMOIRES [1626]
qu'il avoit eue que la guerre se porteroit dans le Mila-
nois, de laquelle il se voyoit frustré, ne vouloit pas recon-
noître la vérité ; mais, prenant divers prétextes, faisoit
paroître être offensé, et principalement de ce qu'au
temps même que la paix arriva on donnoit audit
prince son fils la commision de lieutenant général pour
le Roi en son armée de Piémont, laquelle il recherchoit
très instamment1.
S. M., pour n'oublier aucun moyen de le gagner,
lui envoya en ambassade extraordinaire M . de Bullion
pour lui représenter que, puisqu'elle avoit obtenu les
principales fins pour lesquelles l'union étoit faite avec
les collègues, il ne se pouvoit dire que, faisant la paix,
il eût contrevenu à l'article qui porte que l'un ne fasse
rien sans l'autre, vu que cela se doit entendre lorsqu'il
est question de déroger aux fins générales qu'on s'est
proposé de remporter, mais non pas quand on les obtient
tout entières2;
fait du traité de paix conclu en Espagne par M. du Fargis »
[Journal inédit d'Arnauld d'Andilly, 1626, p. 15). Voyez
V. Siri, Memorie recondite, t. VI, p. 104; Avenel , t. II,
p. 205 ; et dans la suite les Mémoires laisseront passer une
phrase avouant qu'il était parti fort « mal content ». Herbault
écrivait à Béthune à Rome, de Paris, le 6 avril 1626 (Bibl.
nat., ms. Français 3670, fol. 5-6), que le prince était parti
« avec démonstration assez ouverte de mécontentement ».
Voyez ci-dessus, p. 225, note 1.
1. Voyez la lettre citée par Rott, t. IV, p. 28. On trouvera
d'ailleurs dans ce chapitre tous les détails des négociations
entre la France, l'Espagne et leurs alliés.
2. Cf. Instruction au sieur de Bullion, allant ambassadeur
extraordinaire en Piémont, au mois de Juin 1626, à Paris, dans
Aff. étr., Turin 7, fol. 173-179; Bibl. nat., Nouvelles acquisi-
tions françaises 7088 (Brienne 117), fol. 370 et suiv. Résumée
par Avenel, t. Vil, p. 949. On y retrouve les mêmes idées,
[1626] DE RICHELIEU. 253
Qu'il n'avoit point de prétexte1 de mécontente-
ment des conditions dudit traité, mais seulement de
la forme;
Qm son ambassadeur avoit assez librement avoué
que toutes les précaution* qu'on pourroit prendre pour
li nrcté «le la Vallée ne pourroient pas empêcher que
_;iols ne s'en rendissent toujours les maîtres
quand ils voudraient; mais que, pour y apporter un
mede, il t'alloit embrasser l'opportunité qui
H |>i lentoit de les chasser de l'État de Milan.
<>i\ le détail des formes, en une conjoncture si impor-
tante, ne .1. voit pas être la cause d'un si grand trouble
dans le public, et empêcher le fruit que S. M. est assu-
qn'elle et ses alliés recueilleront de cette paix2;
Qu'en choeea grandea il ne faut pas s'arrêter à des loi -
niiilités; qu'on ne rend jamais raison d'un heureux
événement, non plus que d'une victoire et d'une con-
quête, le bien de l'État étant la loi souveraine;
0 partant que, n'ayant pas occasion de se douloir
de la conclusion dudit traité, il ne devoit faire aucune
difficulté d'y donner son approbation.
m.ii ^ ploi '1' wrloppées, que dans tes Mémoires et quelques
j .li i ases à peu près identiques.
1 Corrigé par Sancv; le manuscrit \. fol. 53 v", portait
d'abord : « Ledit duc de Savoie n'a pas montré de méconten-
tement. »
2. Dans Y Instruction : « ... et qu'en cette conjoncture et réso-
lution, si importante, il lui a semblé (au Roi que le défaut des
l m •!• voit pas être la cause d'un si grand trouble dans
\r public et empêcher le fruit que S. M. est UNTM qu'elle et
ses alliés recueilleront de cette ptil : qu'en affaires de cette
qualité il ne falloil pas s'arrêter à des formalités; que l'on m
rendoit jamais raison d'un heun-u\ sucer*, non phu qM il'um-
%ii -toire et conquête, le bien uV Triai «'-tani l.i l«>i looveraine. i
254 MÉMOIRES [4626]
S. M. donna aussi charge audit sieur de ttullion de
prier quant et quant, de sa part, ledit duc1 de choi-
sir des arbitres pour le différend de Zucarel avec les
Génois et de lui dire franchement ses prétentions
et intérêts, afin que S. M. les soutînt et protégeât
avec la même affection qu'elle faisoit les siens propres,
comme aussi de le disposer à la suspension d'armes
avec lesdits Génois, S. M. faisant donner charge au
sieur de Vignoles, maréchal en ses camps et armées,
et autres chefs et capitaines commandants, de garder
la suspension promise par le traité et de veiller à la
garde et sûreté des États dudit duc, mais de ne rien
entreprendre hors d'iceux contre qui et pour quelque
cause et prétexte que ce pût être; qu'enfin, pour le
contenter, il le flattât de l'espérance de la qualité de
roi2, que S. M. lui promettoit de favoriser à la cour
de Rome.
Ce3 qu'elle fit aussi, et manda au sieur de Béthune,
1. Correction de Sancy; le manuscrit A, fol. 54, portait :
« Il avoit charge aussi de le prier quant et quant de choisir... »
2. Roi de Chypre. Correction de Sancy; le manuscrit A,
fol. 54 v°, portait : « Enfin, il le devoit flatter... » Sur l'ambas
sade de Bullion, cf. les Mémoires d'Ardier (Bibl. nat., ms.
Français 4058, fol. 115 v° et suiv.).
3. Ici le manuscrit A, fol. 54 v°, renvoie à la p. 74 (aujour-
d'hui fol. 44 v°), où se trouve ce paragraphe qui a pour source
un passage de la Response que le Roi fera au prince de Pié-
mont et à V ambassadeur de Venise..., déjà citée, publiée par
Avenel, t. VII, p. 575-576. Le texte des Mémoires est légère-
ment abrégé. Sancy a corrigé les futurs en parfaits. On a bou-
leversé la rédaction primitive du manuscrit A, qui, suivant
Y Avis sur les affaires présentes, traitait d'abord des affaires de
la reine d'Angleterre (fol. 43 v°), puis du plan d'action en Alle-
magne (fol. 49), puis de la mission de Châteauneuf (fol. 54) et
enfin des duels (fol. 59 et suiv.).
[1626] DE Rit MF.LIEU. ?55
son ambassadeur à Rome, qu 'après s'être plaint au
l';i[>.- des six mille hommes qu'il avoit envoyés
I la Yalteline, et lui avoir fait oonnoltre comme
gnols l'ont traité en ce fait, extorquant de lui
ce secours, lorsque, traitant de paix, ils savoientbien
util avoir plus affaire, il lui donnât avis comme toutes
choses sYtoieiit passés; puis lui fit connoitre que,
pour humilier l'Espagne en Italie et y rendre le
Bsios-Slègi . « t partirulièrcment la personne de S. S.,
plus puissant, le meilleur moyen étoit d'y élever le
duc de Savoie, qu'elle s'attacheroit par ce moyen, pour
dépendre absolument de ses volont
S. M.1, en même temps, dépêcha le sieur de Chà-
tt -;aiiiit -ul, ambassadeur extraordinaire à Venise, et de
là aux Grisons2, et lui donna charge de représenter à la
République que, pour préparer le défaut (s'il y en
i\t»it eu) de quelque formalité en ce traité de paix, qui
avoit été conclu sans qu'il en eût été préalablement
averti, S. M. avoit voulu les honorer de cette ambas-
Mde extraordinaire pour faire une démonstration plus
honorable vers la République et donner à connoître en
quelle estime et considération elle la tient;
Qu'elle avoit voulu que ledit Chàteauneuf passât vers
elle a\ant qu'il allât aux Grisons afin de lui faire voir
i . Manscrii a, fol. 54 v°.
harles de l'Aubespine, tiiar<|iiis uV CliAtt-auneuf des
\, ambassadeur extraordinaire en Valteline, aux Ligues
et en Suisse, août 1626-février 1627. Il partit de Paris
;uiii - 1 passa par Venise (6n juillet-24 août) : cf. Ilott.
t IV J | astnit l i<»n> <|ii'il rcrut MOI datées
d<- Mois, !-• 16 juin LOtt àrch. i.at., KK 1868, fol. 392-398,
tj minute du 12 juin au\ Ml'. <lr., Votts* '•'«. fol. 103-114'.
Kll. s n'ont pas été tout a fait dii employées pour foi
256 MÉMOIRES |462G]
et agréer le traité, auparavant que de le porter aux
autres pour en commencer l'exécution ; ce qui montre
assez que la paix ne s'est point faite sans le consente-
ment de la Seigneurie.
Et pour ce que la République trouvoit quelque chose
à dire en deux articles de ce traité, l'un concernant
les juges de la Valteline, qui, à l'avenir, ne pouvoient
plus être élus que par les Valtelins, les Grisons étant
exclus de les élire; l'autre concernant la démolition des
forts, en la conservation desquels la République croyoit
que consistoit la sûreté de la Valteline, il fut donné
charge audit Châteauneuf de dire, quant au premier,
que la considération de la religion catholique avoit
obligé le Roi d'y condescendre, étant certain que tous
les désordres et troubles de la Valteline n'ont été excités
que par les juges hérétiques grisons qui leur étoient
donnés; mais4, néanmoins, que la confirmation leur
en étoit donnée, ce qui étoit un grand droit qui témoi-
gnoit leur souveraineté ;
Quant au second, qu'au contraire de leur opinion
le Roi croyoit que la sûreté de la Valteline consistoit
en la démolition desdits forts; que la conservation en
étoit onéreuse, non seulement à raison de la dépense,
mais de la perte des hommes qui se fussent consom-
més en ces lieux si malsains, et qu'il n'eût pas été
assuré qu'ils eussent pu suffire à fermer et empêcher
le passage de la Vallée.
dix-huit paragraphes suivants, mais les idées sont les mêmes,
plus développées que dans les Mémoires, et quelques phrases
sont identiques. Sur cette ambassade, cf. les Mémoires d'Ar-
dier (Bibl. nat., ms. Français 4058, fol. 120 et suiv.).
1. La fin de ce paragraphe a été ajoutée par Sancy, manus-
crit A, fol. 55.
[1626] DE RICHELIEU. 257
1>;i vantait*, les forts mtrrrt été sujets a être surpris
par les habitants, dont le naturel est rude et ennemi de
toute contrainte. Les Espagnols eussent incessanimenl
< t lit- ;i même tin, et, <|iiand l'opportunité se tût
remontrée, ils les eussent attaques a torce ouverte ; et
la Grisons mêmes se fussent enfin ennuyés de voir
leur pays tenu et gardé par des forces étrangères, dont
IVnvit -. tant d'eux que du public, eût tourné sur S. M.
et la République.
Kritin. <|ue c'étoit laisser un sujet de trouble qui eût
tenu la République en perpétuelles jalousies et inquié-
tudes, l'eût obligée a se tenir armée et à être incessam-
ment sur leurs gardes contre les entreprises et ven-
des des Espagnols et lui eût fait, après plusieurs
dépenses, désirer de venir au tempérament dont on
it convenu.
Il lui tut, en outre, donné charge de prier la Répu-
blique de déclarer franchement les choses qu'elle dési—
n>il pour ses intérêts, sûreté et contentement; et que,
s'ils ne se vouloient pas laisser entendre, il leur dit que
M que S. M. vouloit accorder à la République consis-
loit ni trois choses1 :
I i première, employer l'autorité de son nom envers
les Suisses, pour leur faire confirmer la résolution
qu ils ont prise de fermer leurs passai s m troupes
allemandes qui se pouvoient présenter pour passer en
Italie, <t Eure les mêmes offices, m temps du renou-
vellement de l'alliance de Milan, pour essayer au moins
lire que les < antous catholiques ne permettent le
I La fin de cette phrase était d'abord au présent dans le
manuscrit A, foi. 56. La correction est de Sancy.
\ 17
258 MÉMOIRES [1626]
passage que pour la défense de l'État de Milan lors-
qu'il seroit assailli.
La seconde, que le Roi entrera volontiers en uwr
ligue défensive avec la République, et obligation d'as-
sistance pour la défense de ses États.
La troisième, que l'alliance du Roi avec les Grisons
lui donnant faculté de faire passer ses amis et alliés
par les Grisons et la Valteline, S. M. donne pouvoir
audit Ghâteauneuf de promettre, par un écrit particu-
lier et secret entre S. M. et eux, que, durant dix ans,
elle leur moyennera la liberté du passage en vertu
de son alliance, sans que cela préjudicie au traité
de paix fait en Espagne, les alliances de France avec
les Grisons y demeurant, comme elles ont été par le
passé, en leur entier, de sorte que, comme elle a tou-
jours eu droit de faire accorder les passages à ses
amis et alliés, elle en peut disposer sans contrevenir
au traité.
Enfin, pource que S. M. désiroit établir une union
très étroite avec ladite République, elle commanda
audit Ghâteauneuf de les disposer à s'unir avec S. M.
pour la défense des Grisons et observation de ce traité
de paix, faisant aussi entrer en cette ligue, s'il y trou-
voit jour, les Suisses et les Grisons.
De là, il eut charge de passer aux Grisons et de
procurer, par lui-même, que la République donnât
ordre aux ministres qu'elle tenoit auxdits pays de
s'unir avec lui pour faire approuver ledit traité, régler
équitablement la somme qui doit être payée par les
Valtelins par chacun an pour la faveur qu'ils reçoivent
d'avoir à l'avenir le choix de leurs juges, et réformer
leur gouvernement en une manière plus ordonnée
que celui qu'ils ont tenu par le passé, étant si tumul-
[1626] DE RICHELIEU. 259
tua ire qu'il est impossible d'y prendre assurance;
entin, les disposer à se tenir bien unis avec S. M. et
mtons des Suisses, pour le repos et la tranquil-
lité de leur État. Des Grisons, il eut ordre d'aller en
Suisse pour leur proposer l'approbation dudit traité,
que les cantons catholiques ne faisoient pas difficulté
niais bien les protestants, à cause que l'élec-
tion des juges de la Valteline et des comtés de Chia-
venne et de Bormio étoit ôtée aux Grisons.
Il eut commandement de leur représenter que S. M.
avoit trouve eet article bien plus tolérable que celui
qui et oit proposé par les cantons catholiques, qUe
Ictdkl officiers fussent Grisons et choisis par eux,
|M)ur\u qu'ils tussent catholiques; d'autant que cette
• Jistim 'tinii < I différence des catholiques d'avec les
l»iol< si.ints, pour être admis aux charges, eût pu
causer du trouble parmi les Grisons; que leur souve-
raineté <v,t ■murée par la confirmation qui leur doit
être demandée de l'élection des juges; au reste, que
< •«• trmpéi ament rend l'établissement de la paix plus
durable, mettant les Valtelins en état de subsister avec
quelque contentement, et les Grisons ne sont pas exclus
de pouvoir être élus par les Valtelins ; joint que, s'ils
"i\ent quelque perte, ils en sont récompensés
|>ar la somme raisonnable que les Valtelins sont obli-
gés leur ptyer annuellement ; ce qui est plus cher aux
<.iis.>iis que leur juridiction, puisque, moyennant de
l'argent, ils avoient renoncé a leur souveraineté même
par l< trait/ qu'ils avoient fait avec le duc de Péril ;<
Milan.
n>, il eut charge de moyenner en faveur de
faute sur le fait du passage des Suisses, ce que ei-des-
sus il leur a offert de la part de S. M.
260 MÉMOIRES [1626]
Mais le partement de l'un et de l'autre ne fut qu'à
quelques mois de là, après que le second traité, ren-
voyé en Espagne pour y réformer ce qui y avoit
encore été consenti par Le Fargis contre les ordres de
S. M., fut corrigé à peu près selon tout ce que S. M.
désiroit1.
Voilà comme le Roi se gouverna pour donner con-
tentement à la plus grande partie de ses alliés et leur
faire agréer le traité de Monçon. Les ambassadeurs
d'Angleterre, qui étoient à Paris lorsque le traité fut
fait, en furent plus surpris que tous les autres; car ils
avoient fait de puissants offices pour la conclusion de
la paix avec les huguenots et se voyoient frustrés de
la fin pour laquelle ils les avoient faits, qui étoit la con-
tinuation de la guerre en Italie2. Mais on leur remon-
tra qu'ils n'avoient point de sujet de se douloir du Roi
et qu'il leur devoit suffire que S. M. leur promît de ne
discontinuer point le dessein d'Allemagne, auquel on
agiroit d'autant plus puissamment qu'on seroit moins
engagé ailleurs3;
Que S. M. y concourroit par bons effets avec tous
ceux qui voudroient procurer la liberté de l'Empire,
1. Ici le manuscrit A, fol. 59, porte en marge une note de
la main de Sancy : « V. mes corrections », et passe directe-
ment à la question des duels. Ce qui suit est dans le manus-
crit A au fol. 59.
2. Cf. ci-dessus, p. 1 et 13, et Rott, t. IV, p. 40.
3. Cf. Avis sur les affaires présentes, déjà cité (Avenel, t. II,
p. 193-201; Aff. étr., France 246, fol. 47-52) : « Quant au
grand dessein qu'ils (les Anglais) ont pour l'Allemagne, le Roi
peut concourir par bons effets, etc.. » Les paragraphes sui-
vants qui concernent le plan d'action en Allemagne ont pour
source cet Avis, qui est daté de 1626, contemporain, par con-
séquent, des faits racontés.
[1626] DE RICHELIEU. 261
sans entrer néanmoins ouvertement en la ligue faite en
Hollande l cette lin;
On'il yavoit même oéoeasfté de le faire, parce qu'à
bote de son secours la perte d'Allemagne étoit assu-
rée, et, si l'Espagne en étoit maîtresse, elle auroit
beaucoup avance le dessein qu'elle a à la monarchie
universelle;
M;n> que1, pour faire réussir ce dessein, il falloit
attaquer lee forces ennemies de* deux parts : l'une du
lu nord par une armée puissante, composée des
• de Danemark, Suède, Brandebourg, Bruns-
wick et autre* princes associés et voisins; l'autre du
«le deçà par les forces de France, Angleterre,
Hollande et de tous ceux qui voudront prendre part
en cette cause commune ; que ces deux armées doivent
agir a même tempe par un dessein commun et avec
certitude d'une fidèle exécution des choses convenues;
que chacune d'icelles devoit être composée de vingt-
cinq mille hommes de pied et trois mille chevaux.
Celle de Danemark seroit entretenue aux dépens
iois de Danemark et de Suède, Brandebourg,
Bnmewick, villes unies, et de la contribution <|ifils
recevront d'Angleterre; celle de deçà aux dépens de
h France, Angleterre et Hollande;
Que la France soudoieroit dix mille hommes de pied
(I liei/t ( « uts chevaux, l'Angleterre autant et la Hol-
l.uitlr (in. | mille hommes de pied et quatre cents che-
vaux; que Vente et Savoie porteroient partie de cette
dépeooe, <>ii par nouvelles troupes renforceroient cette
iinii-r. m on les peut faire entrer en ce dessein
! < . scl.iix mots sont .1. s..m \ m.t miscrit A, fol. 49 v*), ainsi
<|ur lai > htngetnents de styl« dlrtcl SB Itytt indirect.
I La Mi.imiM rit B porte : « des ».
262 MÉMOIRES [1626]
Ceux qui sont les plus intéressés en cette affaire y
dévoient aussi contribuer plus fortement que les
autres; et, partant, les Anglois qui, outre l'intérêt
commun, ont le particulier du Palatinat, dont ils
sont obligés, par honneur et par- sang, de pour-
suivre la restitution, dévoient faire davantage que la
France ;
Qu'en cette considération, ce n'étoit pas merveille si,
par ce traité, les Anglois demeuroient obligés de con-
tinuer le secours qu'ils donnoient à Danemark, quoique
la France n'en fît pas autant ;
Que la difficulté seroit à convenir du lieu par où
cette armée passeroit en Allemagne, où elle se mettroit
ensemble, qui en auroit la conduite. Si on pou voit
convenir d'un chef allemand qu'on pût juger n'avoir
autre principal intérêt que la liberté de l'Empire, on
en tireroit de grands avantages ;
Que1 les Anglois pourroient passer par la Hollande,
venir à Juliers, le laisser à main droite, passant entre
Cologne qui est sur le Rhin et Lunebourg ; de là, ils
entreroient dans l'évêché de Trêves, passeroient la
Moselle vers Coblentz et viendroient joindre les troupes
françaises entre Metz et Wormssurle Rhin, dans le bas
Palatinat ;
Qu'il sembloit que le marquis de Baden fût le meil-
leur qu'on pût prendre maintenant en Allemagne, et
pour son expérience et pour la créance qu'il a parmi
les gens de guerre2;
1. Ce paragraphe en sépare deux autres qui devraient être
unis ; il se trouve dans la source, en marge, écrit de la main
de Charpentier. Cf. Avenel, t. II, p. 199, notes 1 et 3.
2. Ici le manuscrit A, fol. 50 v°, et la source ajoutaient :
« M. de Savoie pourroit bien peut-être prendre le commande-
[l'.V] DK RICHELIEU. 263
Qu'une des choses à quoi il falloit autant veiller
« -toit i oter le soupçon aux princes catholiques qu'en
[>!•<•« tirant la liberté de l'Allemagne on n'établît H l
sie, attendu que cette appréhension avoit jusques ici
emp» "■( -lu- les princes catholiques de s'unir à ce des-
sein, ou, si une fois on le levoit, on pourroit gagner
en peu de temps quelques électeurs catholiques, ecclé-
siastiques <»u seeuliers.
Ce qui sembloit nécessaire à cette fin étoit de ne
changer, en aucun lieu, la religion qui s'y trouveroit
établie el ne point contrevenir, durant cette conquête,
à la Bulle d'or qui exclut les calvinistes de beaucoup
de lieux où le luthéranisme est toléré1.
Quelque traité qu'on fît, il falloit que ceux qui y
entreroient donnassent chacun un banquier solvable
qui répondu et s'obligeât de faire tenir à tous les lieux
où seroit l'année les montres de chaque prince.
Il <toit bon aussi, pour éviter les dépenses inutiles,
de ne s'engager qu'à des conditions exécutables, autant *
leoJement que le* intéressés feroient de leur part les
choses qui un oient été stipulées; que, s'ils pouvoient
ment, si on lui lait iwmilli il iju'il y a de la gloire et de l'uti-
lit. m < •••! emploi. >• Sancy a supprimé cette phrase.
1. I< i l< minus, ni \. fol. 51, et la source ajoutaient : « On
voudra obliger le Roi à ne point faire la paix en Italie que la
I (i Mlnnagne ne soit i«-rmin« !•] mais ce n'est pas la rai-
(ii il promette de ne point discontinuer le des-
t Ml. magne, eoqmd on agira d'autant plus puissamment
qu'ailK-iirs <>n sera moins engagé. L'Angl» m souciera
Meoap de cet artifice, si ce n'est CM l'intérêt de s
les porte à faire cette demande. »
I rs raanusrrits porteal : « au temps ». « C'est une nou-
velle prewe, remarque aveael, <|u«- les secrétaires qui
vaient sous la dictée imitaient le son, sans s'occuper du H
264 MÉMOIRES [1626]
porter le roi leur maître1 à prendre quelque tempé-
rament avec Bavière, par lequel il eût contentement
sur l'électorat, sans doute le dessein qu'on avoit réus-
sirent, étant certain ou que lui-même y aideroit, ou
qu'il n'y seroit pas contraire2; qu'il. falloit aussi lever
le soupçon que les Allemands pourroient prendre,
qu'en chassant les Espagnols on voulût introduire une
autre domination qui leur seroit également redoutable ;
et, partant, qu'il seroit bon de déclarer ouvertement
que la liberté de l'Empire, pour laquelle on prenoit
les armes, consistoit à remettre les choses en l'état
qu'elles doivent être, sans qu'aucun étranger y pût
prendre part.
Quant3 à ce qui étoit des affaires de la reine d'An-
gleterre, tant de celles de son domaine que des autres
avantages qui concernoient sa maison, on ne leur en
parla point, le Cardinal estimant qu'il étoit bon de
ne les procurer qu'à mesure qu'on pourroit obtenir
1. Le roi d'Angleterre. La source porte : « si on peut porter
les Anglois... » On trouvera des détails sur les affaires de
de Bavière et d'Allemagne dans un mémoire de février ou mars
1626, publié par Avenel, t. VII, p. 579. La préoccupation de
Richelieu semble avoir été alors de ne mécontenter en Alle-
magne ni les catholiques ni les protestants.
2. En marge, dans la source (Aff. étr., France 246, fol. 50 v°),
de la main de Charpentier : « Faut traiter avec son agent pour
empêcher que son maître ne signe avec l'Espagne la ligue
qu'elle désire. »
3. Ce paragraphe est dans le manuscrit A, fol. 30 v°, et dans
Y Avis sur les affaires présentes (Avenel, t. II, p. 196). Dans le
ms. des Aff. étr., France 246, fol. 47, il est ajouté en marge de
la main de Charpentier. La source porte : « Quant à ce qui est
du domaine de la Reine et autres avantages qui concernent sa
maison, j'estime qu'il est bon de ne les procurer qu'à mesure
qu'on pourroit, etc.. »
[Ml DE ltl< 'I1KI.IEU. 265
du soulagement pour les catholiques, aiiu qu'ils vinornl
que, quand il> souffrent, elle est maltraitée, et ainsi
qu'elle csi en une cause commune avec eus et l'ait
manlicr leurs intérêt! premien que les siens parti-
culiers. Si on faisoit autrement, ils croiroicnt être
■bnndonn i.
Le Roi, ayanl ainsi pacifié tous les troubles de son
Etat. suscitée au dedans par la rébellion des hérétiques
• I an dehors par l'entreprise des Espagnols en la Val-
teline. tourna les yeux de sa bonté sur sa noblesse
pour trouver moyen d'arrêter l'effusion qui se faisoit
josroeflemenf de l«-t n sang dans les duels, où ils expo-
sni. nt. s;ins crainte ni de Dieu ni des hommes et pour
du es, leur vie et leur salut.
Lee duels étoienl devenus si communs, si ordinaires
en France, que les rues commençoieni s servir de
champ «le combat1, et, comme si le jour n'étoit pas
pour exercer leur furie, ils se battoient à
la laveur «les astres ou a la lumière des flambeaux
qui leur servoienfl d'un funeste soleil. La multitude de
ceux qui se battoient étoit si grande et les peines
ordonnées par les édits précédents *i rigoureuses, que
1 Mercure françoi-. t \l. p, Il : • Les duels par un
noblesse françoise s'étoient rendus si com-
muns cj is leur servoient ordinairement il
mliat ». Cf., dans le Journal inédit d'Arnnuhi
'dniy, 1626, 1rs Bombrêai daeli sje il \ eal pendant les
•tels Boh de if\rii i •( m. h s de cette année. I eeal
. éd. de 1764, t l. |». 190 <t Mii\., développe les
m.'tii.s idées, mais moins longuement que les Mémoires. On \
i style, mais jamais exactement les mêmes
phrases Voyea .ms^i |e passage conrernant les duels dans un
i royaume, puMie par \
Bel, t. II. p 166 ! lOfl minute de la main <i< ( li.u-
peati
266 MÉMOIRES [1626]
le Roi avoit peine de les faire punir, d'autant que ce
n'eût plus été un effet de justice, qui est d'en châtier
un petit nombre pour en rendre sages beaucoup, mais
plutôt un effet d'une rigueur barbare, qui est d'étendre
la punition à tant de personnes qu'il semble n'en res-
ter plus qui puissent s'amender par l'exemple.
Cependant, on n'entendoit retentir toutes les églises
d'autre chose que des plaintes que les prédicateurs
faisoient sur ce sujet et des justes menaces de la part
de Dieu sur ce royaume, si le Roi, qui avoit en main
sa puissance, n'y apportoit le remède qui y étoit néces-
saire. A quoi il étoit particulièrement obligé par
l'exemple du feu Roi, la manière de la mort duquel
étoit quasi attribuée à punition de Dieu pour avoir
toléré les duels1.
Outre les larmes et les soupirs de toutes les familles,
dans lesquelles les uns pleuroient leurs proches que le
sort des armes, les autres que la rigueur de la loi
leur avoit ravis, les uns conseilloient au Roi d'arrêter,
par une inflexible sévérité, le cours de ce mal, et qu'il
n'y a rien qu'enfin la prévoyance d'une punition de
mort inévitable n'emporte sur les esprits des hommes2.
Les autres proposoient au Roi de permettre les duels
en certains cas et ne punir que ceux qui les commet-
1. Cf. Mémoires de messire Robert Arnauld d'Andilly, écrits
par lui-même. Hambourg, 1734, 2e partie, p. 21. Il dit un jour
à Louis XIII : « Pardonnez-moi, Sire, si j'ose ajouter que le Roi
votre père, ce grand prince, ayant permis que le sang de sa
noblesse ait été répandu par les duels, Dieu a permis que le
sien l'a été. » Ces paroles le touchèrent extrêmement. Voyez
aussi les présents Mémoires du cardinal de Richelieu, 1. 1, p. 83.
2. Voyez, dans Aff. étr., France 795, fol. 281-284 et 285-
287, deux consultations, en latin et en français, sur les duels,
classées en 1629.
Pnq DE RICHELIEU. 267
Iraient pour < m s, ou qui auraient pu faci-
lement tomba1 en accord et ne se seraient adressés à
H que S. M. aurait ordonné! pour cet effet. Ils
apportoirnt pour raison que la figUCUT, qui aigrit et
nies esprits, serait, par ce moyen, adoucie, et
qu'un chacun, voyant que tout lieu de tirer raison de
l'injure reçue ne lui sentit pas fermé, se remettrait
ilcment au moyen qui* le Roi lui en aurait donn» .
KL pour montrer que S. M. en pouvoit justement user
ainsi et qu'il s'en ensuivrait ce que nous disons, ils
produis* tient l'exemple des siècles passés, èsquels l'his-
toire nous enseigne que, lorsqu'on ne pouvoit savoir la
it. «l'un méfiât, on en remcttoit le jugement au
it-it entre l'accusant et l'accusé, auquel celui qui
t vaincu soutirait la peine1; et nus théologiens*
disent qu'ils appeloient cette décision-là le jugement
de Dieu, et, tandis que cette coutume a été observée,
il ne -m foyoH point de duels d'autorité privée.
Le Cardinal trouva un tempérament entre ces deux
•> opposés l'un à l'autre. Punir de mort tous rcux
qui se seraient hatlus ou auroicnt appelé, lui sem-
l»loit chose trop rigoureuse. D'autre part aussi, per-
mettre les iluels pour quelque occasion que ce soit,
lui semltloit être trop se relâcher de la droiture de la
justice, laquelle ne permet point 10 Roi d'en pouvoir
i hum: joint que cela ne -iienroit pas le mal a
l'avenir; CSX l'usine <!«' ces permissiois peu a peu Se
rendrai! m commun qu'il en faudroif bientôt irréter
Il exprimé dans la seconde des deux consultation
celées dans la note précédente, qui a un caractère ihéologiui
•.•••lu manu» rit \.t"l i>1.«l. |.( main il.- r.harpcn-
Mttl opininii
se retrouvent dans la consultation théologique sur les duels.
268 MÉMOIRES [1626]
le cours, comme firent autrefois les évêques de France,
qui furent contraints, en l'an 855, de s'assembler à
Valence pour défendre ces combats-là1 et sollicitèrent
ardemment le Roi de ne les permettre jamais; et les
rois saint Louis, Philippe le Bel et .autres firent plu-
sieurs éditspour retrancher ces abus.
Tous2 les théologiens, disoit-il, conviennent que le
duel, pour cause singulière, ne peut être permis selon
la loi de Dieu ; mais je n'en ai vu aucun qui en exprime
bien clairement la vraie raison. Quelques-uns estiment
qu'elle tire son origine de ces mots : mihi vindictam
et ego rétribuant; mais ils montrent bien que les parti-
culiers de leur autorité ne peuvent chercher par cette
voie la vengeance des injures qu'ils ont reçues, mais
non pas qu'un prince ne la puisse ordonner, ainsi
qu'il peut commander à un exécuteur de justice de
mettre à mort celui qui aura violé la propre fille du
même exécuteur. Auquel cas, ledit ministre de justice
venge, non de soi-même, mais par autorité du prince,
l'injure que le public a reçue en sa famille, et ce sans
péché, pourvu qu'il rectifie son intention ; ce qui fait
1. Le concile de Valence décréta le bannissement des duel-
listes et, assimilant aux suicidés ceux qui seraient tués en duel,
les priva des prières de l'Eglise. La consultation dit : « L'usage
en était si commun que l'année 855 les évêques de France s'as^
semblèrent à Valence pour arrêter les progrès de ce mal et solli-
citèrent ardemment le Roi d'ajouter à leurs censures les menaces
du bras séculier. Et saint Louis, Philippe le Bel, Charles V et
VI ont fait plusieurs édits pour retrancher cet abus. »
2. Les paragraphes suivants ont pour source une pièce des
Aff. étr., France 795, fol. 288, classée en 1629, au dos de
laquelle on lit : « Raisons pour lesquelles le Roi ne peut accor-
der les duels et Raisons pour lesquelles le Parlement doit véri-
fier ledit des duels. Feuilles 34, 35. » Ce mémoire s'est inspiré
souvent de la consultation théologique citée ci-dessus.
DE RICHELIEU. 269
qne, ■ les dada n'étoienl dètèaêm qu'en vertu de ce
principe, on !<■> pourroifl pratiquer, ptr i-ommande-
iiMiit du prince, avec tes mêmes circonstances qu'un
uteur de justice doit garder en sa conscient
l.i vraie primitive et fondamentale raison est p
que les rois ne sont point maîtres absolus de la vie des
hommes, et, par conséquent, ne peuvent les condam-
la mort sans crime; ce qui fait que la plupart des
sujets des querelles n'étant pas dignes de mort, ils ne
peuvent, en ce cas, permettre le duel qui expose à ce
genre de peine. Qui plus est, quand même une offense
seroit telle que Polïensant mériteroit la mort, le prince
ii< priit pour cela permettre le combat, puisque, le sort
tant douteux, il expose, par ce moyen,
l 'iniioei nt i la peine qui n'est méritée que du cou-
|..i!»lr1. ce qui est de toutes les injustices la plus grande
qui puisse être faite.
I s rois doivent la justice déterminément, et, par
BSOaequent, i!^ sont obligés de punir les coupables
saiib péril et hasard pour l'innocent. Si Dieu sVtoit
de faire que le sort «les armes tombât toujours
mu le coupable, on pourroit pratiquer cette voie; mais,
puisqu'il D'est pas linsi, elle est plus que brutale pour
la raison médite.
II est vrai que* cette raison montre bien que, pour
m ii- cause particulière, <>n ne peut permettre le duel,
non pas pour un sujet public, comme pour évi-
ter une bataille, puisque de deux maux on doit tou-
1 /•■stanu-nt politique, éd. 1764, t. 1, p. 192 : ■ qu'ils ne
sauraient permettre les combats particuliers sans exposer l'in-
nocent a recevoir la peine du coupable ».
2. Ces quatre mots ont été ajoutés par Sancy et ne se trouvent
pas dans la source.
270 MÉMOIRES [1626]
jours choisir le moindre; que le sort des armes est
aussi douteux entre deux armées comme entre deux
particuliers et qu'il vaut mieux exposer deux hommes
au péril de la mort que vingt mille âmes, dans le
nombre desquelles ils eussent été compris.
11 conseilla donc au Roi de ne permettre jamais les
duels pour quelque cause que ce soit, de ne les laisser
pas impunis, mais de les punir d'une autre façon que
l'on avoit fait par le passé, savoir est d'une peine
plus douce, puisque la rigueur des peines des autres
édits les avoit rendus inobservables.
Suivant1 ce conseil l'édit fut dressé, qui portoitque,
pardonnant, en considération du mariage de la reine
de la Grande-Bretagne2, à tous ceux qui avoient
appelé ou s'étoient battus jusqu'alors, ayant au préa-
lable satisfait à la partie civile, le Roi ordonnoit qu'à
l'avenir ceux qui appelleroient ou se battroient demeu-
reroient dès lors privés de toutes leurs charges, s'ils en
avoient, auxquelles à l'instant il seroit pourvu, et pareil-
lement déchus de toutes les pensions et autres grâces
qu'ils tiendroient de S. M. , sans espérance de les recou-
vrer jamais.
1. En marge du manuscrit A, fol. 62 v°, de la main de Char-
pentier : « L'édit des duels est au Mercure françois, t. XI,
année 1626, fol. 11. » Cf. Isambert, Recueil des- anciennes lois
françaises, t. XVI, p. 175. Il est daté du mois de février. Le
préambule exprime l'idée contenue dans le paragraphe précé-
dent. L'édit de Saint-Germain (août 1623) avait supprimé les
adoucissements de l'édit de 1609. L'édit de 1626 revint sur les
sévérités inapplicables de 1623 et rétablit les distinctions faites
selon la gravité des cas.
2. Une amnistie générale avait été accordée à l'occasion du
mariage de Henriette de France avec Charles Ier d'Angleterre
en 1625.
(1626] DK FUCHF.UEU. 271
Outre cela, il étoit remis à la conscience des juges
de les punir selon la rigueur des édits précédents,
;iinsi qu'île vtiïoi.-nt que l'atrocité des crimes et cir-
constance cTiceoi le pourraient mériter, hormis s'ils
■votent tué, auquel cas S. M. entemloit qu'absolument
.ueur de ses édits précédents eût lieu. Et, en cas
OUI qui seroient, par ce moyen, déchus des gra-
tili<;iti<nis qu'ils auroient de S. M., se voulussent res-
sentir et se battre avec ceux à qui elle les auroient don-
nées, elle les déclaroit dégradés de noblesse, infâmes et
punis de mort, encore qu'ils ne se fussent battus que
par rencontre seulement.
B, M . il. icki <»it aussi le tiers du bien des appelants et
des appelés confisque et les bannissoit pour trois ans
hors du royaume.
La cour de Parlement ordonne la vérification de
I • dit en ce qui concernoit l'abolition des crimes com-
ontre les précédents édits des duels et rencontres ;
• t que, quant .in reste, qui consistoiten la modification
des peines, rempntitoces seroient faites à S. M. pour
h mpplier de ne ne rien relâcher de la rigueur des
uts édits1.
1. \r< h. nat., Registres du Parlement de Paris, Conseil,
Le samedi 7 mars, le Parlement rejette entièrement
fl fait d'abord de même le 9, malgré les lettres de jus-
!u 7: [.uis, le même jour (fol. 3), • tout bien considéré,
ladite cour a arrêté et ordonné la vériûcation du contenu au
premier article dodit édit, i <>ncernant les abolitions des cas et
-devant commis contre les édits des duels et ren-
• s, à la charge que ceux qui se sont battus et auront tué
Bt encore vivants seront U nu- prendre lettres par tiiu-
lières du Roi adressantes à ladite cour suivant ledit premier
iti<.i). el <I« Mtiefaire aux parties civiles, et
quant aux autres articles, que ladite QOV M DMl ni doit les
272 MÉMOIRES [1626]
Sur quoi le Cardinal dit au Roi1 :
Que le Parlement refusoit l'édit parce que les peines
y étoient trop douces, et, cependant, il vérifioif le
même édit quant au seul article qui étoit le plus doux,
en tant qu'il abolissoit tous les crimes passés;
Qu'il ne vouloit pas vérifier l'édit, s'il ne portoit
en termes exprès la peine de la mort aux délinquants,
et, cependant, il vérifioit au même édit l'article qui
absolvoit de la même peine tous ceux qui avoient
délinqué ;
Que menacer de la mort tous ceux qui se battroient
à l'avenir et en absoudre tous ceux qui s'étoient battus
par le passé donnoit lieu, ce sembloit, de ne croire
pas que ces menaces eussent autre effet que celles qui
les avoient précédées ;
Qu'un médecin qui, par plusieurs expériences, avoit
reconnu un remède inutile, ne pouvoit être blâmé s'il
en cherchoit et s'il en prescrivoit un nouveau, parti-
culièrement s'il ne détruisoit point le premier, mais
qu'il le laissât en sa propre force ;
Que celui qui demandoit un écu et qui en donnoit
deux ne donnoit aucun sujet de plainte;
Que le Roi s'obligeoit à ne dispenser jamais de cer-
taines peines qu'il établissoit de nouveau; qu'il ne
s'obligeoit pas à donner grâce des premières; il lais-
soit son Parlement en pleine liberté de lés faire exécu-
vérifier, et sera le Roi très humblement supplié d'envoyer à
ladite cour déclaration conforme aux précédents édits des
duels. »
1. Cette consultation, que Richelieu adresse au Roi à propos
des remontrances du Parlement, était d'abord au style direct
et au .présent de l'indicatif dans le manuscrit A, fol. 63 v°. Les
corrections sontdeSancy. La source est la pièce déjà citée des
Aff. étr., France 795, fol. 288-289.
[1626] DE RICHELIEU. 273
t. partant, que ce nouveau remède étoit plus
fort et sembloit être plus proportionné au mal qu'on
vouloit guérir (juc les premi
Oiion considéroit cet édit comme doux envers ceux
pu m battoienl ; mais les raisons ci-dessus montroient
qu'il ne lvétoit pas; mais, quand il le seroit, une aug-
mentation <le sévérité en l'exécution d'une moindre
peine rendoit une loi plus rigoureuse et plus propre
aux fins pour lesquelles elle étoit faite.
Faire une loi et ne la pas faire exécuter, c'étoit auto-
riser la chose qu'on vouloit défendre1; partant, il
v;iloit beaucoup mieux réduire l'édit en un point où il
pût être infailliblement observé que le rendre plus ter-
rible en apparence, pour n'être pas suivi d'effet; ce
• |in irriveroit si l'édit demeuroit tel qu'il étoit, puisque
ce royaume étoit le même qu'il avoit été par le passé ;
Que les conseils de prudence dévoient venir de peu
,ens et que les grandes compagnies n'étoient
bonnes qu'à faire observer une règle écrite, mais non
l la tiiire. La raison étoit que, comme les bons
esprits sont beaucoup moindres en nombre que les
m»<liocres ou les mauvais, la multitude de ceux de ces
déni derniers genres étouffait les sentiments des pre-
miers d'ans une grande compagnie.
Le Roi, ayant entendu ces raisons, envoya au I'ar-
! ( .t Maximes d'État, fragment 139 : « C'est, disait le con-
sul Fronto, une grande pitié de vivre sous un prince qui ne
rien remettre de la rigueur du droit. Mais elle est encore
plus grande de demeurer au pays d'un autre sous lequel
toutes choses sont loifiblM et qui, par un.- pusillanimité ou
ii"n lialance, pardonne sans auon, ion toutes les
choses qui s'y font contre la loi et la raison. >
I M
274 MÉMOIRES DE RICHELIEU. [16261
lement une jussion en vertu de laquelle l'édit fut vérifié,
selon sa forme et teneur, le 24e mars1.
L'effet a montré combien, d'une part, la modéra-
tion de la peine, et, de l'autre, l'inflexible fermeté à
n'en exempter aucun, ont été profitables, vu que, depuis
ce temps, cette fureur, qui étoit si ardente, s'est ralen-
tie, et il ne s'est quasi plus entendu parler de duels.
Praslin2, le premier infracteur de l'édit, quoiqu'il fût
homme de considération pour les services de son père
et particulièrement en la bonne grâce du Roi, subit
toutes les peines ordonnées, sans qu'on lui en relâchât
aucune. Il fut banni, perdit sa lieutenance du Roi en
Champagne, sa charge de bailli de Troyes et le gouver-
nement de Marans, auxquelles charges le Roi pourvut
incontinent3.
Cette exacte observation de l'édit en sa personne en
fit sages plusieurs autres, qui croyoient que le pardon
seroit aussi facile à obtenir qu'auparavant.
1. Arch. nat., X*a 1967, fol. 11 v°-20 v° de ce jour.
2. Roger de Choiseul, marquis de Praslin, fils du maréchal
de Praslin, mestre-de-camp général de la cavalerie légère,
maréchal de camp, lieutenant général au gouvernement de
Champagne, tué à la Marfée, dans l'armée royale, le 6 juillet
1641. Il se battit en duel avec le marquis de Vardes dans le cou-
rant de mai suivant.
3. Cf. Journal inédit d'Arnauld d'Andilly, 1626, p. 26, mardi
2 juin. « Ils furent les premiers, dit le Mercure françois,
t. XII, p. 334, à qui l'on fit pratiquer le dernier édit des
duels touchant le bannissement pour six ans; tous deux per-
dirent leurs pensions; le marquis de Praslin perdit sa lieute-
nance du Roi en Champagne et son état de bailli de Troyes,
desquels Barradas, appelé Monsieur le Premier, fut pourvu, et
son gouvernement de Marans fut donné, dit-on, au sieur de
Guron. »
APPENDICES
Appendicb I.
Instruction remise par Marie de Mèdicis à Henriette
de France avant son départ pour l'Angleterre1.
N M reproduisons ce document d'après le manuscrit A,
fol. 176-183, (}ue nous avons rapproché de sa source, conser-
vée aux Affaires étrangères, Angleterre, supplément 1, fol. 228-
231. Cette copie porte au dos la mention suivante de Charpen-
tier : € Instruction de la Reine mère du Roi à la reine de la
Grande-Bretagne, sa fille, allant en Angleterre. Employé. »
A Amiens, le 15 juin 16252.
Mi fille, roui séparant de moi, je ne me puis séparer
de vous; je vous conserve dans mon cœur, en mon sein et
en ma mémoire, et veux que ce papier vous demeure pour
un souvenir perpétuel de ce que je vous suis. Il suppléera
à mon défaut et parlera pour moi lorsque je ne vous pour-
nu plus parler moi-même. Je vous le donne dans le der-
nier adieu que je vous fais avant de vous quitter pour
l'imprimer «l;tv;mtage en votre esprit et vous le donne
écrit de ma propre main, afin <|ii'il vous soit plus cher et
que vous fassiez plus d'étal de ce qu'il contient pour votre
eoodnitc envers Dieu, envers le roi votre m;iri. fet sujets,
vos domestiques et vous-même. Je vous dis ici sincère-
1. Ci-dessus, p. 100.
2. Cette date est donnée par les copies du document qui se
nt a la Bibliothèque nationale, rus. Dupuy 031, fol. 98,
. t Ciu.j-r.'nts Colbcrt 2, fol. 114.
276 APPENDICES.
ment, en la dernière heure de notre entretien, ce que je
vous dirois à la dernière heure de ma vie, si lors je vous
avois proche de moi. Je considère, à mon grand regret, que
vous n'y pourrez être et que la séparation qui se fera lors
de vous et de moi est anticipée par ce partement qui nous
sépare pour longtemps.
Vous n'avez plus sur la terre que Dieu pour père. Il le
sera à jamais, puisqu'il est éternel. C'est celui de qui vous
tenez l'être et la vie ; c'est lui qui, vous ayant fait naître
d'un grand foi, vous met aujourd'hui une couronne sur
la tête et vous établit en Angleterre, où vous devez croire
qu'il veut que vous le serviez et y fassiez votre salut.
Qu'il vous souvienne, ma fille, chaque jour de votre vie,
qu'il est votre Dieu et qu'il vous a mise sur la terre pour
le ciel et vous a créée pour lui-même et pour sa gloire. Le
feu roi votre père a déjà passé et n'est plus ici-bas qu'un
peu de poudre et de cendre cachée à nos yeux; un de vos
frères a fait le même dès son enfance. Dieu, qui l'a retiré
de si bonne heure, vous a réservée au monde pour vous y
combler de ses bienfaits. Mais, comme il vous a avantagée1
de cette sorte, il vous oblige aussi à lui en rendre plus de
reconnoissance, étant juste que les devoirs augmentent à
proportion que les grâces et les faveurs sont plus grandes
et plus signalées. Donnez-vous bien garde d'abuser de celles
qu'il vous fait. Pensez que la grandeur, la bonté et la jus-
tice de Dieu sont infinies, et employez toute la force de
votre esprit à adorer sa puissance suprême, h aimer son
incroyable bonté et craindre son exacte et rigoureuse jus-
tice, laquelle il fait ressentir à ceux qui se rendent indignes
de ses grâces. Commencez et finissez chaque journée en
votre oratoire par ces bonnes pensées, et là, en vos prières,
prenez résolution de conduire le cours de votre vie selon
les lois de Dieu et non selon les vanités du monde, qui n'est
1. Angleterre, supplément 1 : « il vous avantage ».
MM; 277
.1 nhnouu de nt»ii> « 1 11 ' 11 11 inouï. Mil duquel dépend votre éter-
n i t.- que vous devez passer l'iiim paradis a\er Dieu si vous
bien, ou en enfer avec les teints malins si vous
«> mal.
venez-vous que vous êtes fille de l'Église etquec'est
principale qualité que vous ayez et que vous
a un ■/. jamais i est < elle rjui vous donne entrée au ciel;
tira tKgi tés, comme venantes de la terre, ne passent
point la terre, mais celle-ci, comme venante du ciel,
renne source et vous y élève. Rendez grâces à
I)i<u chaque jour de ce qu'il vous a fait chrétienne et
catholique - -stimezce bienfait comme il le mérite et con-
/ qu'ainsi qu'il nous est acquis et communiqué par
i\auv et par le sang précieux de son fils unique
Jésus-Christ notre Sauveur, il doit être aussi conservé par
nos peines et même au prix de notre sang, s'il en est
besoin. Offre/ votre âme et votre vie à celui qui vous
ir sa puissance et rachetée par sa bonté h misé-
priez-le et le faites prier incessamment qu'il
le don précieux de la foi et de la g
et qu'il lui plaise que vous perdiez plutôt la vie que
déchoir. Vous êtes petite-fille de saint Lotus; je veux
i|u< roof reeeriei de moi en ce dernier adieu la même ins-
irin lion qa>'il recevoit soureut de sa mère qui lui disoit
qu'elle aimoit miens le voir mourir que de le voir offen-
iet Dion, qui est notre tout «-t notre rie. (''est cette instruc-
tion qui | i ommenoé ■ le faire saint et qui l'a rendu digne
d'emploj( et sa couronne pour le bien de la foi et
letton il. l'Eglise. Sovez ferme et zélée en la religion
qu'elle roui et pour la défense de laquelle ce saint.
\otre bisaïeul, a exposé sa vie et est mort saint et fidèle
. -litre les infidèles et pervers. N'écoutez et ne souffrez jamais
\oire présence on dise rien de contraire à votre
créance et à votre religion. Nous avons les proi
; de la Grande-Bretagne et du roi son file, rotre Henri,
278 APPENDICES.
qu'on ne le fera pas; mais il est de besoin que vous appor-
tiez de votre part une si ferme résolution et une telle sévé-
rité en ce point que, si quelqu'un vouloit entreprendre le
contraire, il aperçoive aussitôt que vous ne pouvez souffrir
cette licence. Votre zèle et votre courage seront fort bien
employés en ce sujet et, dans la connoissance que vous
avez de ce qui est nécessaire pour votre salut, votre humi-
lité sera estimée, si vous fermez les oreilles aux propos
qu'on voudroit vous tenir de la religion et remettre à l'Eglise
d'en parler pour vous, persévérant en la simplicité de la foi,
en laquelle, pour vous affermir de plus en plus, vous ouvri-
rez votre esprit à ceux qui auront le soin de votre cons-
cience pour leur rendre compte de tout ce qui la regardera.
Fréquentez les sacrements, qui sont la vraie nourriture des
bonnes âmes, et communiez tous les premiers dimanches
des mois, toutes les fêtes de Notre-Seigneur Jésus-Christ
et celle de sa très sainte mère, à laquelle je vous exhorte
d'avoir une dévotion particulière. Vivant ainsi, vous ferez
des œuvres dignes de la foi que Dieu vous a empreinte et
que vous devez conserver beaucoup plus chèrement que
votre propre vie.
Ayez soin de protéger envers le roi votre mari les catho-
liques, afin qu'ils ne tombent plus dans la misère d'où
ils sont sortis parle bonheur de votre mariage. Soyez envers
eux une Esther, qui eut cette grâce de Dieu que d'être la
défense et la délivrance de son peuple envers son mari
Assuère. Par eux, Dieu vous bénira même dès ce monde,
vous fera en leur faveur beaucoup de grâces et tiendra fait
à lui-même ce que vous ferez en leur personne. Ne les
oubliez pas, ma fille; Dieu vous a envoyée en ce pays
pour eux ; car c'est son peuple et son peuple qui a souf-
fert depuis tant d'années. Accueillez -les avec charité,
écoutez-les avec facilité, protégez-les avec assiduité. Vous
le devez, car ils sont recommandables, non seulement à
cause des afflictions qu'ils ont reçues, mais encore davan-
APPENDICES. M
tage à cause de la religion pour laquelle ils ont pâti. En
minaudant ceux-ci, je n'entends pas que vous
oubliiez en m»> charités et en vos fimtm ceux mêmes
(|in sont d'une autre religion, car c'est assez qu'ils
soient en ailliction pour vous obliger à les secourir; et,
puisque Dieu vous fait leur reine, il vous oblige con-
séquemmenl à les assister, et vous le devez faire d'au-
tant plus volontiers que vous devez les édifier par cette
voie et les disposer charitablement à sortir de l'erreur où
le malheur du siècle les a portés plus que leur propre
volonté. En quoi peut-être votre assistance leur donnera
sujet de se convertir à Dieu, en sorte qu'un jour ils vous
précéderont au rovaume des cieux.
Après Dieu et la religion qu'il a établie au monde pour
nous donner moyen de le servir et d'opérer notre salut,
votre premier devoir c'est au roi auquel Dieu vous a liée
par le sacrement de mariage. Aimez-le comme votre époux
et l'honorai comme votre roi, sans que l'amour diminue
le respect, ni le respect l'amour que vous lui devez. Ayez
toujours une familiarité respectueuse envers lui, le consi-
dérant \otr«> ( lui. Hende/.-vous douce, humble et patiente
en ses volontés, mettant votre contentement non à vous
lire, mais à le contenter. Que s'il y avoit quelque
chose a donner ;i Dieu en cela, vous le devez, et si vous le
faites, Dieu vous bénira et en la terre et au ciel. Prenez
auprès de lui d'autant moins d'autorité en apparence, que
plus il s.- portetl pnrea bonté ;t \<>us en donner en effet;
votre soin doit être de l'ai met H I et non pas de
régner. Ne faites du tout rien que nous pensiez lui déplaire
t. oit soit peu Oui \<>tre conduite lui témoigne comme, après
Dieu, tout votre désir est de lui | >l;ii te ; soyez fidèle et secrète
en ce qu il rendra, vous communiquer1; c'est ainsi que
amour doit é <t conduit en\ers lui, amour
1 \iu'lit.rir, MpplénMnl i : ■ témoigner ».
280 APPENDICES.
sincère, humble et fidèle, amour honnête et respectueux.
Vous lui devez encore une autre sorte d'amour, c'est un
amour chrétien aimant son âme et son salut, l'aimant pour
le ciel et non pour la terre. Par cette sainte affection, priez
chaque jour et faites prier Dieu extraordinairement pour
lui, a ce qu'il daigne le tirer à la vérité de la religion en
laquelle et pour laquelle même est morte sa grand'mère.
C'est un souhait qu'elle a dans le ciel pour son petit-fils,
et ce doit être votre plus ardent désir en la terre; c'est un
des fruits qu'il faut espérer de votre mariage, et comme je
crois c'est un des desseins de Dieu sur vous, qui vous veut
faire en nos jours une autre Berthe, fille de France comme
vous, et reine d'Angleterre comme vous, laquelle obtint
par sa sainte vie et par ses prières le don de la foi à son
mari, et à cette île en laquelle vous allez entrer. Par ce
saint désir, vous devez faire effort à vous-même en plusieurs
choses qui seront peut-être difficiles à votre humeur; mais
vous êtes obligée de vous oublier pour vous rendre davan-
tage a celui que Dieu vous donne, et pour lui complaire en
ses humeurs et volontés, j'entends, ma fille, hors ce qui
concerne la religion. Car, en ce point, vous devez avoir et
montrer de bonne heure tant de constance et de fermeté, que
vous ne craigniez1 point de lui dire hardiment et franche-
ment que vous aimeriez mieux mourir que de vous relâcher
en la moindre chose du monde en ce qui est de votre religion ;
il vous en estimera davantage, étant certain que, s'ilvoyoit
que vous manquassiez à Dieu à son occasion, il croiroit
aisément que vous manqueriez encore plus facilement à
lui-même, puisqu'il n'est rien que l'ombre et l'image de
Dieu. Pensez-y bien, ma fille, et vous souvenez qu'il y va
de votre salut et de votre éternité. La crainte de ce péril
est la seule chose qui me fait trembler eu vous laissant, et
1. Nous suivons la leçon d'Angleterre, supplément 1. Le
manuscrit A porte par erreur « croyez ».
UN MHi KS 281
(|ui m a m. u Mines fois arrêter dans le traité de cette
alliance. J'ai mon recours à Dieu et la supplie (|u'il vous
le « «• danger, et que jamais vous n'écoutiez la voix
du serpent <|tii h séduil Eve el qui vous voudrait séduire
Il m peut entrer en ma pensée tjm- ce malheur vous arrive,
ipère (le la bonté de Dîeo «jim* œU M sera jamais;
mais, s il arrivoit, j'ai horreur de penser que je serois con-
trainte de donner ma malédiction à une personne qui
si chère, ne vous pouvant tenir pour ma fille qu'au-
tant <|in' vous demeurerez fille de Jésus-Christ et de son
se, hors laquelle il n'y a point de salut.
iiour que nous devez au roi votre mari vous oblige à
aimer ses sujets', à leur donner accès avec lui et à leur pro-
•n tout» occasion tout le bien qui vous sera possible,
• mme Dieu vous a fait leur reine, rendez-vous leur
et qu'ils re< onnoissent en vous ces deux qualités.
Le mariage vous donne I une, et votre bonté envers eux
\oiis doit donner l'autre, qui vous rendra beaucoup plus
aimée et honorée. Votre qualité de reine vous lie à l'An-
gleterre, et, partant, vous devez désormais en considérer
les intérêts : et parce qu'un des principaux est d'être insé-
parablement unie avec ce royaume à qui telle union
importe également, vous êtes obligée de vous rendre le lien
e: le c 'inieiu de (es deux eouroinies. et contribuer tout ce
<|ue nous ponrTM i lent bien mutuel. Il vous sera d'au-
tant plus .lis.,- ,|, latîsfiûn en ce point aux obligations de
i aissance et de votre mariage que vous n'aurez qu'à
suivre rinclination et la bonne intelligence qui est entre
deux rois, dont l'un est votre frère et l'autre est votre
1. Angleterre, supplément 1 : « à aimer ses sujets et ion
i donc prompte et facile à bien faire à ses
sujets, à leur donner accès envers lui... »
2. M | -• moi i .t.- déformé par le scribe; nous le
rétablissons d'après Angleterre, supplément 1
282 APPENDICES.
Ce que je vous ai dit jusques ici regarde vos devoirs
principaux envers Dieu et la religion, envers le roi et le
royaume : il me reste encore à vous entretenir de ce que
vous devez à vos domestiques et à vous-même. Ayez soin
que tous vos domestiques, excités par votre exemple,
rendent à Dieu et à la religion ce qu'ils doivent, et qu'ils
soient remarquables en l'intégrité des mœurs. Vous pou-
vez assurément croire que, s'ils servent bien Dieu, il vous
serviront bien; qu'ils sachent1 que vous avez cette créance
et que vous ne pouvez autrement prendre confiance en eux.
Ne souffrez entre eux aucunes personnes vicieuses, dont le
mauvais exemple attireroit sur vous l'indignation de Dieu
et le mépris des hommes. Traitez bien vos serviteurs et les
aimez également, n'y faisant autre différence dans votre
bienveillance et vos bienfaits que celle que le mérite et la
vertu y apporteront : ainsi ils vous honoreront et serviront
comme maîtresse et vous reconnoîtront et aimeront
comme mère.
Pour ce qui est de votre particulier, ma fille, soyez un
exemplaire d'honneur, de vertu et de modestie ; que votre
port, votre maintien ressentent l'honnêteté, la pudicité, la
débonnaireté même, en un mot la dignité de votre nais-
sance et du rang que vous tenez. Ayez une douceur accom-
pagnée d'une gravité royale ; usez d'une très grande dis-
crétion en la licence que la façon de vivre d'Angleterre
donne aux dames, qui y ont autant de liberté comme elles
ont de contrainte en d'autres royaumes. Comme votre nais-
sance vous rend relevée par-dessus les personnes ordinaires,
vous le devez aussi être en votre façon de vivre, vous condui-
sant en sorte que cette retenue que je vous conseille d'obser-
ver paraisse en vous non forcée, mais naturelle. Soyez offi-
cieuse et presque respectueuse envers tous, n'offensant
jamais personne ni de parole ni d'effet; faites qu'ils con-
1 . Angleterre, supplément 1 : a qu'ils sachent, je vous prie ».
APPENDICES. 283
t ijiie rautorité que vous avez par-dessus eux est
[><»ur l«Mir bien faire el DM pour les déprimer ou offenser.
misse/ de \otre personne II médisance et la moquerie,
\i< n 1 ordinaires en la tour dos grands, qui diminuent l'af-
u) <l« s sujets envers leur princes.
Je ne finirais jamais si je n'arrétois les mouvements de
mou cn'iir, tant je suis émue et remplie de diverses pen-
sées; mais il faut achever. Il faut me j« \ous laisse partir,
que je donne lieu à mes pleurs et que je prie Dieu vous
inspirer pour moi ce que je ne puis vous dire et ce que mes
larmes effaceraient si je pensois l'écrire. Adieu, ma fille,
je vous Liisse et \ous livre à la garde de Dieu et de son
ange; je vous donne à Jésus-Christ, son fils unique, Notre-
_rneur et Rédempteur. Je supplie la Vierge, de laquelle
\ous porte/ le nom, de daigner être mère de votre âme, en
l'honneur de ce qu'elle est mère de votre Dieu et votre
lien encore une ou plusieurs fois; vous êt«
Dieu: demeure/, ii Dieu pour jamais1.
Appendice II.
Discours sur la légitimité d'une alliance avec les hérétiques
et les infidèles.
La source principale du « Discours qui prouve la justice
de l'alliance du roi de France avec les hérétiques et les infi-
dèles* » est un mémoire conservé aux AIT. étr., Hollande 9,
fol. 107-415, et signalé par Avenel, t. ¥1, p. 543, note 2 :
« Sa de secourir les !l<.|landois ». Ce docu-
ment porte la mention « Employé » ; il a été établi pow une
I large part à l'aide d emprunts au Cat/iuli<jit, ./ / Mol (1025)
r*.
1 ci-dessus, p. 203.
I oyez l'allusion à ce discours faite dans le Testament
politique. .Succincte nurnitton, éd. de 1764, p. 19.
lavaud a déjà péri <lu CmtÂdi^m» <i Emoi dans les
284 APPENDICES.
Le mémoire de Hollande 9 contient plusieurs allusions à des
faits très postérieurs à l'année 1625 (conclusion du traité de
Rohan avec l'Espagne; invasion des États du duc de Mantoue :
« Le Roi, qui a abattu la rébellion de l'hérésie.:. »); il a été
probablement rédigé à la fin de 1629 ou au début de 1630, en
vue du renouvellement de l'alliance hollandaise conclu le 17 juin
1630. Les secrétaires des Mémoires, tout en notant ces ana-
chronismes, les ont cependant laissés subsister, à l'exception
d'une phrase modifiée par Sancy.
Le mémoire intitulé : « Savoir s'il est licite de secourir les
Hollandois », a été complété par un exposé des rapports de
Henri III et Henri IV avec l'Espagne et des responsabilités
encourues par Charles-Quint à l'occasion du schisme d'Alle-
magne et d'Angleterre.
Il n'y a pas de doute qu'on peut appeler les hérétiques,
voire même les infidèles, à son secours, et faire ligue avec
eux pour se défendre simplement d'un ennemi. La raison
naturelle qui oblige un chacun à sa conservation par toutes
sortes de moyens non illicites nous le fait connoître, puis-
qu'il n'y a point de loi qui nous défende un tel secours.
L'Ecriture nous enseigne la même chose par divers
exemples de ligues avec des infidèles, et l'histoire, qui
fait foi de la pratique des siècles passés, nous ôte tout lieu
d'en douter.
Le1 roi Salomon a eu alliance avec le roi Hiran et a
baillé et assujetti une des villes du peuple de Dieu à un
roi idolâtre et infidèle; il épousa aussi la fille de Pharaon.
David avoit alliance avec Hanum et plusieurs autres
princes infidèles.
Rapports et notices sur les Mémoires de Richelieu, t. II, p. 117,
et M. Maximin Deloche en a fait une étude complète dans Autour
de la plume du cardinal de Richelieu, p. 297-348.
1. Ici commence un long fragment qui figure à la marge du
mémoire original et est tout entier emprunté au Catholique
d' Estât, p. 152-160.
APPENDICES. 285
Les empereurs chrétiens ont lai» souvent alliance avec
\m (i<»ths et les Arabes, qui ont été des fléaux horribles
sur la chrétienté.
Nicetas témoigne qu'Isacius Angélus, empereur de Cons-
tantinople, qui avoil été homme d'Eghsc et qui M bou-
les religieux, fit alliance avec un roi des
Arabes sarrasins et s'en servit oonlra «les catholiques. Si
. alliance est remarquable a cause de la dévotion par-
ticulière d'Isacius, elle ne l'est pas moins pour la forme
qu'ils pratiquèrent. Ils se firent tous deux ouvrir une veine
. t luirent .lu sang l'un de l'autre : ce qui montre ce que
peut la nécessité, puisqu'elle contraignoit ce pieux empe-
reur de suisie la forme des Arabes.
I es rois de France de la première race ont épousé des
tilles [des Goths]; les rois d'Espagne sont descendus de
(.util» .t leurs écrivains prouvent qu'ils doivent pré-
ler les rois de France, parce qu'ils sont plus anciens
somme étant venus de ces Goths.
Abraham lit alliance avec Abimélech pour lui et sa pos-
térité en Bersebat.
A> fit alliance avec Laban, idolâtre, et épousa ses
Les enfants d'Israël, excepté les sept peuples dont Dieu
leur avoil Interdit l'alliance, avoient paix et intelligence
LOtlOS, encore qu'ils lussent tous infidèles.
I.oth, neveu <l ' Mtraham, étoit allié avec les rois de
. ivc.it al enmbatloit avec eux.
Bnbor «toit allié avec Jabin, infidèle.
Les MaohabéOS, quoique très grands /«dateurs en la
essité de leurs affaires, ont fait alliance avec les Lacé-
démoniens et avec les Romains. Josèphe . t quelque» autres
ju'ils ont failli; niais S- 1 1 ..tins, jésuite, prouve pal
M i.iiscns que cela est faux, loue leur action et en éta-
blit puissamment la justice.
• les nécessités urgentes, il y a eu des papes qui ont
286 APPENDICES.
traité avec des Turcs; et le Pape se plaignant au cardinal
d'Ossat de ce que le Roi avoit reçu l'ambassadeur de Hol-
lande, il lui répondit : « Saint-Père, vous avez bien reçu
celui de Perse5. »
Mais il est question de savoir si l'on peut faire ligue
avec tels gens pour attaquer un prince catholique au détri-
ment de la religion ; la réponse est aisée.
On ne peut sans péché s'allier et faire ligue avec des
hérétiques ou infidèles ayant pour but d'attaquer un
prince catholique pour faire détriment à la religion, vu
que cette fin est pernicieuse et damnable, et qu'il n'est
jamais permis de faire un mal, quelque bien qu'il en
puisse arriver1.
Mais un État qui a légitime sujet de se plaindre d'un
prince catholique pour les torts qu'il en a reçus et a juste
occasion de craindre d'en recevoir encore à l'avenir, vu
sa grande puissance et la mauvaise volonté qu'il lui porte,
peut bien pour sa sûreté faire sans péché ligue avec des
hérétiques et infidèles contre le susdit prince catholique,
et en suite d'icelle ligue les attaques qu'on fera contre
ce prince seront licites, parce que ledit détriment n'arrive
pas par dessein comme si l'on s'étoit proposé pour fin de
le procurer, mais seulement par accident, et qu'on le voit
avec déplaisir, et le souffre-t-on parce qu'on ne sauroit
l'empêcher, supposé la liaison ci-dessus mentionnée,
1. Catholique d' Estât, p. 160. Ici finit le passage ajouté à la
marge de Hollande 9.
2. Comparez le passage suivant du mémoire du P. Joseph,
cité par l'abbé Dedouvres, le Père Joseph polémiste, p. 577 :
« La plus importante difficulté est de savoir si on peut faire la
guerre avec telles gens, hérétiques ou infidèles, pour attaquer
un prince catholique au détriment de la religion. A quoi la
réponse est pourtant aisée, étant véritable que cette alliance
n'est pas illicite, si ce n'est qu'elle fût à dessein exprès de rui-
ner ou causer quelque dommage à la religion. »
APPENDICES. 287
laquelle la raison ei !■ pmdnuui Iiiiiusjmsj fciil jngat litote
pour procurer hi subsistance « 1 * * l'Étal auquel on est.
point, il faut considérer qu il v ;i deux sortes de
défense*.
Ls première, par laquelle nons résistons a un effort pré-
<<nt en sctnel qu'on fait contre nous.
Ls seconde, par laquelle connoissanl la mauvaise vo-
lonté de dos ennemis, nons nous fortifions et imitons en
étal de nous garantir de leur malice : ce qui mil quelque-
lois que ce qui seroil attaqné sous cette considération
passe et est réputé pour juste défense, principalement si
ipérience dommageable nous a fait connottre la mau-
rolonté de nos ennemis, et que nous n'ayons aucune
.h de croire qu'ils l'ayent perdue, ains au contraire
tout sii|. i d'estimer qu'ils nous veulent autant de mal que
j.im.iis.
Nous sommes en cet état au respect des Espagnol! qni
entreprennent ouvertement sur nous, et partant la France
peut et justement avoir fait et renouvelé et entretenir' i al-
qu'elle a de longtemps avec les Hollandois contre
igné, et ce il plusieurs titres.
nièrement, parce qu'un prince est obligé de se ser-
vir de tontes sortes de moyens non prohibés pour la con-
rioo de l'Étal qui lui est commis, el qu'il n'y n ni loi
« I ni défende d'assister aussi les infidèles quand on l<
s.ul« nu ni pour se garantir de mal, ni aucune raison qui
l'emp qurbju'une le pou\oit Eure, et serait celle
du détriment qui peut arriver à la religion; mais elle n 'est
pas sullisante pour empêcher de pratiquer OS qui est néces-
1 Manuscrit \ QSf huit mots sont de la main de Sancy. La
rédaction primitive : « partant la Franc- peut renouveler l'al-
liance <|u alla I de longtemps », était conforme SS) Uiéssotrc orl
gfaul Hollande 9, fol. 407 v°). Sancy a voulu donnera cette
phrase une portée générale.
288 APPENDICES.
saire à la subsistance d'un Etat, la nécessité duquel rend
licite ce qui autrement seroit illicite et défendu.
Au reste, la cause du détriment de la religion est en tel
cas imputée à celui qui nous donne juste sujet de craindre
sa mauvaise volonté et sa puissance, ainsi que tous les
théologiens enseignent que le prince qui a tort en une
guerre est censé1 cause de tous les désordres que sa partie
adverse ne peut empocher que son armée ne fasse pen-
dant icelle.
La seconde raison consiste en ce qu'ainsi qu'un particu-
lier peut dérober ou prendre une somme d'argent qui lui
est légitimement due, si par autre voie il ne la peut avoir :
auquel cas, ce qui n'est pas licite de soi-même le devient
par occasion. Ainsi, est-il permis à un prince de recher-
cher et prendre des moyens qui de soi ne seroient pas
licites pour se faire raison d'un tort qui lui est fait quand
il ne la peut avoir par autre voie.
Or, est-il que le roi d'Espagne ne satisfait pas à plu-
sieurs obligations qu'il a envers la France. Il lui retient
plusieurs dépendances de cette couronne; il est obligé
depuis peu et par le droit des gens, et par le traité de
Madrid2, de rendre la Valteline, envahie sans sujet quel-
conque, au préjudice de ce qui appartient légitimement ou
au Roi ou à ses alliés qui sont en sa protection.
Il attaque, sans raison, le duc de Mantoue et veut enva-
hir ses États3. Par le traité fait à Suse, il est obligé de les
laisser paisibles; il viole manifestement la justice et manque
ouvertement à sa parole et à ses écrits et à sa foi.
Il a fait un traité avec les huguenots de France pour les
1. Manuscrit A : ce mot a été corrigé par Charpentier.
2. Conclu le 25 avril 1621. Sur les protestations soulevées
par l'inexécution du traité de Madrid, voyez le Discours sur
l'occurence des affaires présentes [Mercure françois , t. XI,
p. 71).
3. En 1G29.
UM'KNMCES. M|
souIi-m i contre le Koi, par lequel il l'obligeoit a leurdon<
» mille livres tous les ,m-> pour leur donner moyen
de i maintenir en corpa d'Etat1.
I)<»iic le Koi peut, eu conscience, secourir MM. les États,
;ifin qu'en lui taillant de la besogne il oblige Le roi d'Espagne
<|u'il retient injustement et a s'abstenir de lui
«lu mal.
troisième raison se lire de ce qu'ainsi qu'il est per-
mis i un homme d'en tuer un autre quand il le voil venir
I lui avec dessein de lui ôter la vie, ainsi est-il p. nuis à
un prince d'en occuper un autre en assistant ses enne-
mis, quand il le nul seulement pour se garantir de plu-
aieuri ineonvénienui qui lui tirivefoae&t si son ennemi
etoit paisilde.
i \nthuniii remarqne, par un long et solide dis-
cours, qu'on enfant peut licitement tuer son père, le mari
la femme, el la femme le mari, ru m moderamine i*cubpm
tx tutelle; c'est-à-dire quand on fait ce que l'on peut pour
se défendre autrement*.
Que si Ton dit que le péril qui est imminent4 | la
par la main aise volonté et la puissance d'Espagne
n'est pas si proche, comme si quelqu'un etoit pies d'otèr
la vie d'un autre et le poursuivoit l'épée à la main:
|.hrase figure en marge du mémoire original. Les
neiil liguas qui précèdent ont été soulignées dans le SianUi
< rit \ m regsrd, Charpentier a ajouté la note suivant-
« Noter que ce qui est souligné n'est pi a 1625. »
IgUSture de ce traité, qui aurait été eouels le \\ mai
par un agent de Rohan, Clausel, voyez J. Le Comte, His-
de Louis XI//, t II, p. 522.
> menée un nouveau passage ajouté à la marge du
^ancy a ajouté <■, bkm mu le aaanuaerit \
i u|.. mi- 1 ,« corrigé ici ure lu scribe, qui avait
écrit lient ■ au lien iJ< « imminent >.
\ 19
290 APPENDICES.
auquel cas il serait permis de se défendre et de le tuer.
L'on répond que les princes ne doivent pas attendre
qu'ils soient réduits à cette nécessité, étant très difficile
en matière d'État, où les pas sont si glissants, d'éviter que
l'on ne tombe dans le précipice lorsque l'on s'est liiissé
pousser jusques au bord; et cette -faute ne peut être
exempte de blâme et de coulpe si elle procède de négli-
gence.
Pour venir au particulier, c'est aux ministres de l'Etat
de juger s'il est vrai que l'alliance du Roi avec les Hol-
landois soit nécessaire pour s'opposer aux mauvais des-
seins de l'Espagne sur ce royaume; ce qui dépend de la
connoissance de choses infinies que le vulgaire ne peut
discerner, en quoi il se doit apaiser et soumettre son juge-
ment, ainsi que tous les docteurs tiennent que les sujets
sont obligés d'aller à la guerre quand le prince leur com-
mande, se remettant à lui de discerner si elle est juste
ou non.
Quant aux ministres, il est vrai qu'ils sont obligés de
considérer fort attentivement et de bonne foi1 si les princes
qui prennent leur conseil se peuvent passer de telles
alliances, et remédier par autres moyens moins préjudi-
ciables à la religion et aux maux qu'ils appréhendent,
laquelle discussion ne doit être métaphysique et dans une
preuve infaillible de nécessité, mais morale et conforme à
la raison, selon laquelle se conduisent les affaires des
hommes2.
La quatrième résulte de ce que le Roi, qui a affoibli la
rébellion de l'hérésie 3, mais non abattu l'hérésie qui subsiste
1. Première rédaction du manuscrit A et Hollande 9 : « sans
parler de Hollande, mais traitant de la thèse en général ». Fina-
lement, ce membre de phrase a été barré.
2. Ici prend fin le passage écrit à la marge du mémoire
original.
3. Première rédaction du manuscrit A et Hollande 9 : « La
UPEND1CE8. 291
i.»ii|«»iiin. m MM rmaumc, ne saurait, sanscela.\enii a hout «lu
glorieux dessein qu'il ;i de l'extirper de la France; ce qu'il
indubitablement s'U «oooterve la paix en ses Etals. D'où
il s'ensuit que. puisqu'un prince ost plus obligé de procurer
la gloire de Dieu en ses Étals qu'en ceux d'autrui, la France
peut contribuer à la guerre «iiii est entre les llollandois et
iflli in)i.nl»si;nit même le détriment qu'en peut rece-
voir la religion, vu que ce détriment n'est point la fin de
liaison et que la religion recevra plus d'augmenta-
tion en France que de diminution aux I' jomt que
l'avantage qu'elle doit recevoir en France si l'on v cou-
la paix est certain, et que le détriment qu'elle peut
>ir en Flandres si l'on y continue la guerre ne l'est p. «s,
en tant «pie les e\enements de la susdite guerre peinent
: «Notables pour l'Espagne : auquel cas l'Kglil
trouvera faire progrés, non seulement contre les héré-
ti.pies en France, mais encore contre ceux des Pays-Bas.
On tire une cinquième raison de ce que tous les auteurs
«jui déclarent et font énumération de ceux qui sont com-
pris en la huile lu (\ena Domina, qui excommunie les
laut.urN <l 'hérétiques, en exceptent ceux qui les assistent
en une juste guerre contre des catholiques.
Partant, il paraît par ces misons que nous pouvons lici-
tement nous joindre aux Hollandois, qui font la guerre à
l'Espagne, vu que non seulement c'est la meilleure, mais
l'unique voie que nous ayons d'établir notre subsistance
avec sûreté.
Un esprit plus hardi passera outre et dira avec raison
quatrième résulte de ce que le Roi a abattu la rébellion de
l'hérésie, mais non l'hérésie qui rahrfttft » La correction a été
tait'* , probablement pour mettre en harmonie M
passage avec le récit de l'année 14
le ce passage figure, dans le mémoire original,
■■■ suivante de Charpentier : « Faut voir la bulle et coter
les auteurs. •
292 APPENDICES.
qu'il n'i'si pus seulement licite, mais expédient et néces-
saire pour la France, pour l'Eglise et pour toute la chré-
tienté d'en user ainsi.
Pour la France, parce que le Roi ne sauroit faire une
action plus méritoire que d'extirper l'hérésie du royaume,
soulager son peuple et établir une Jiscipline générale,
juste et raisonnable par tout son Etat, vu que sa charge
l'oblige en conscience de travailler à cette fin et le rend
responsable devant Dieu s'il ne le fait.
Or, est-il qu'il ne peut satisfaire à cette obligation s'il
ne conserve la paix en ses Etats, étant certain que, si l'on a
la guerre de quelque côté que ce puisse être, il faudra sur-
charger son peuple au lieu de le soulager; l'hérésie et la
rébellion reprendront force et vigueur au lieu de pouvoir
être éteintes, et les divers corps de l'Etat se dérégleront de
nouveau au lieu de se rendre capables de discipline.
D'autre part, c'est chose assurée que la guerre ne peut
venir en France que par les forces ou les menées de l'Es-
pagne ou de l'Empire. Conséquemment, puisque les infi-
délités de la maison d'Autriche ne nous permettent pus
d'éviter le mal de la guerre par des négociations et traitée
èsquels l'expérience nous fait connoître qu'on ne trouve
nulle sûreté avec telles gens, il n'y a autre moyen pour
procurer les biens ci-dessus mentionnés a cet Etat que de
s'accommoder avec les ennemis de l'Empereur et du roi
d'Espagne pour tenir leur puissance occupée hors du
royaume, ce qui fait voir clairement qu'il est expédient et
nécessaire d'en user ainsi pour le bien de la France.
Il l'est encore pour le bien de l'Eglise et de la chré-
tienté, parce que la monarchie universelle1^ laquelle aspire
i. Comparez YAdvis sur V estât présent des affaires d'Alle-
magne (Mercure françois, t. XII, p. 731) : « Il y a quelque cen-
taine d'années que la maison d'Autriche aspire ambitieusement
à la monarchie universelle, surtout la branche qui domine en
Espagne. »
APPENDICES. fefl
Espagne, est très préjudiciable à la «In <t i»n i . . ■.<
Isa et au Pape, la raison et l'expérience nous mon-
trant qu'il faut, |><>ur le bien de l'Église, qu'il y ail balance
rutrc l<> princes temporels, en sorte que dans leur égalité
lisse subsister et se maintenir en ses fonctions et
en sa splendeur; autrement le Pape ne pourrait être,
riiinmi' il doit, père commun de tous les princes chrétiens,
serait contraint d'être serf et simple chapelain du
plus puissant.
Après tout ce que dessus, qui voudrait faire voir comme
es Es ■jnols n'ont seulement jamais fail difficulté de
faire la même chose que nous faisons pour les Hollandois,
en «mire n'ont pas douté de se servir des alliant tes
des hérétiques et infidèles pour favoriser leurs injustes
ions, et de contracter lesdites alliances à des condi-
inj usies, honteuses et païennes, seroit obligé de
dea noI urnes entiers s'il vouloit rapporter tous les
exemples qui l'en trouvent.
Ce qui montre bien que nous pouvons et devons leur
iloum •[ dea affaires, leur procurer hors du royaume de
I o( ciip;ition. ru qu'autrement il n'\ i rien de si illicite
• |u ils ne soient capables d'entreprendre pour nous faire
«lu mal.
dinand1, roi d'Espagne, s'allia avec Soliman et lui
reautil uibutaire la Hongrie, afin que la miiaon d'Autriche
. ùi plus de liberté de travailler la France2.
Il abandonna qoelqnes filles du Péloponèss ehrétiennea
loi. ut données il lui, et ce pour faire plaisir au 'l'un
l'.in 1603, quoique les Espagnol! uooi objectenl
l'alliance <lu Turc, M. d'Ossat écrit au Koi que les -
1. tel commence un passage qui aél i la marge du
iriginaJ »-t parait avoir été emprunté au Catholique
tmt, p. 145.
• • iiHinlire de phrase, d< pin ..,aété ajouté par
\ sur le mémoire original
294 APPENDICES.
ii'ius du roi d'Espagne le recherchoient pour faire par son
moyen alliance avec le Turc.
Depuis dix ans, le roi d'Espagne a employé soigneuse-
ment diverses personnes et entre autres un jacobin dans
Cmisiantinople pour l'avoir1. Les Espagnols prouvent
qu'ils ont justement occupé les Indes, parce qu'ils l'ont fait
en assistant des Indiens infidèles avec lesquels ils avoient
fait alliance contre des autres2.
Rodolphe d'Absbourg, comte du pays de Suisse, qui
entra dans la maison d'Autriche et qui est le premier em-
pereur de la maison en l'année 1278, faisant la guerre
avec Octocarus, roi de Bohême, avoit dans son armée dix
mille Comans (c'étoient des Tartares qui étoient infidèles
et mécréants), lesquels, parla Moravie, Autriche et Styrie,
emmenoient les chrétiens captifs, ad Paganistiam, au pays
ou à la religion des païens. Et néanmoins, à son retour de
la guerre et de ses horribles exploits, le clergé et les
moines venoient chanter des hymnes au-devant de lui avec
la croix et la bannière3.
En l'année 716, Aurélius, roi d'Espagne, qui tua Froila,
fit alliance avec les Mores et Sarrasins, et leur payoit
tous les ans un tribut de cent jeunes filles catholiques.
Quelque temps après, un de ses successeurs, renouve-
1. Comparez Catholique d' Estât, p. 144 : « L'alliance du Turc
nous est souvent reprochée par ceux-là mêmes qui la recherchent
encore tous les jours. Ces années passées, le roi d'Espagne y a
employé un moine jacobin dans Constantinople et, encore
aujourd'hui, il y a un Italien qui donne de l'argent pour la lui
faire avoir. » G. Guay publia en 1625 les Alliances du Roy avec
le Turc et autres justifiées, etc.; voyez l'ouvrage de Deloche,
p. 326 et suivantes.
2. Catholique d' Estât, p. 165.
3. Cet alinéa reproduit textuellement le Catholique d'Estat,
p. 166. Tous les exemples suivants, tirés de Mariana, sont éga-
lement empruntés à cet ouvrage, p. 167-168.
M'I'ENDICIS. 295
lanl cet abominable tribut, le diversifia, donnant tous les
■M MU inlitl» les cinquante tilles damoiselles et cinquante
lies <lu peuple.
Alphonse, surnommé le Grand, fit alliance avec les
s, à la charge de leur bailler son fils Ordonius pour
être Boom et élevé parmi eux.
Plusieurs des grands d'Espagne, en Tannée 984, com-
battirent avec 9,000 chrétiens pour les Morisques contre
le roi de Léon1.
Sa l'année 1035, Ramirus, roi d'Aragon, assisté des
Mores, fit la guerre à son frère Garsias, roi de Navarre.
Ainsi Sanches, roi de Castille, chassa le roi d'Aragon, son
ooele, par l'aide des infidèles; les frères s'en sont servis
contre les frères et, ce qui est horrible, les enfants contre
bur propre père*.
- Grenadins étoient alliés de Ferdinand, surnommé le
Saint; ce lui étoit une grande gloire que les hommes de
contraire religion se fiassent en lui : c'est l'éloge que leur
histoire donne à telles alliances.
grand mathématicien Alphonse, roi de Castille, fut
si malheureux que son fils plus jeune, Sanches, le fit
1 Comparez le passage du mémoire sur l'alliance avec les
lues du P. Joseph, cité par l'abbé Dedouvres, op. cit.,
p. 578 : « En l'année 984, plusieurs des grands d'Espagne com-
battirent avec 9,000 chrétiens pour les Morisques contre le
on. » Il est probable que le P. Joseph, tout comme
l'auteur du présent mémoire, a fait un large usage du Catho-
lujur d Estai; mais cette similitude ne saurait lui justifier l'at-
tribution d'an oavrage qac des témoignages contemporains
tndiqeenl formellement comme étant l'œuvre de Ferrier. Voyez
1 • iii'l- •!' G Fagniez, Bévue des questions historiques, année
1896, al surtout M. Deloche, Autour de la plume de
dieu, p. 297 et suivantes.
i ••• original Hollande 9) porte, comme le pas-
sage correspondant de Ferrier : « contre leurs propres pères » .
296 APPENDICES.
dégrader de la royauté et le chassa par l'aide et par le
secours des Grenadins1.
Outre ces raisons, nous en avons un exemple formel en
l'Ecriture.
David n'étant qu'homme privé, se voyant persécuté
injustement par le roi Saùl, se retire chez Achis, roi des
Philistins, ennemi du peuple de Dieu. Et lorsque lesdits
Philistins sont sur le point de donner bataille contre les
Israélites, le roi Achis prie David, comme son ami, de le
servir en cette occasion. David n'en fait aucun refus, vient
à l'armée des Philistins avec six cents hommes de sa suite
et de sa nation, prend sa place au champ de bataille
et promet au roi Achis de combattre courageusement
contre ses ennemis, la victoire desquels ne pouvoit être
que très funeste à la religion, ainsi que l'effet fit paroître;
d'autant que, l'ayant emportée, les Israélites, étonnés de
cette grande perte où le roi Saùl fut tué, abandonnèrent
plusieurs de leurs villes où les Philistins vinrent habiter et
en ôtèrent le culte divin.
Plusieurs auteurs de marque, expliquant ce passage,
approuvent cette action, entre lesquels est Siranus, qui
soutient manifestement que David pouvoit secourir les
Philistins sans blâme, avec cette intention d'être aidé par
leur assistance et par la force de leurs armes pour parve-
nir à la couronne de Juda, qui lui appartenait par l'or-
donnance de Dieu.
Telle est l'opinion de Silvestre; et Denys le Chartreux,
en ses commentaires sur ce lieu, dit que c'est aussi l'avis
de plusieurs, quoique ce ne soit pas le sien.
Becanus, grand théologien entre les Jésuites, se sert
aussi de cet exemple de David pour prouver ce qu'il sou-
tient en termes exprès : licitum esse in bello Justo ut
princeps fidelis prœbeat auocilium infidelibus contra
fidèles.
1. Ici prend fin l'emprunt au Catholique d Estât.
vriMMUi t:s 297
I ii ;iriu> ', en ses commentaires sur les chapitres 28 et 29
du premier des Rois, trouve cette action si licite et si juste
qu'il dit en ces mêmes mots : Per David oui voluit ire con-
tre filins Isr.irl ,ii m J'hilistdi.s si^nantur sancti (jiii in
l>iuutionil>iis fulelium factis per manus infidelium applau-
dunt /usti< im Dei; illitd paafmi lœtabitur justus cum
viderit vindirlam; munus suas lava bit in sanguine pec-
ctitoris.
il et quelques autres, en leur commentaire sur le
texte du Livre des Rois, font grand tort a David, le voulant
excuser, en oc qu ils disent qu'il s'était mis à l'armée des
Philistins pour trahir le roi Achis, son bienfaiteur : ce qui
M Lien éloigné de l'esprit de ce prince et répugne gran-
dement a la «Imite raison et à la théologie, qui veut qu'on
garde sa foi aux ennemis et beaucoup plus aux amis et
allies
.tuteurs, pour couvrir leur mauvais sens, allèguent
qui- David n's pas fait difficulté de mentir en cette occa-
sion, promettant au roi Achis de l'assister, ainsi que le
David3 avoil usé envers lui de menterie et de
fraude, lorsqu'il lui aaaoroil qu'il faisait de grands butins
sur le peuple d'Israël et lui faisait une rude guerre, afin
qu \< dis s. ti.it davantage en lui, combien qu'il fût véri-
table qui- l)a\ id fàisoil sis eoarses sur le j>a\> des ennemis
des Israélites et non pas sur leurs terres. Bn quoi ils te
trompent, car il n'a commis aucune menterie ni infidélité,
pource qu'il DC disoil pas au roi \< bis ; qu'il alloil faire le
dégât sur le territoire de Fnda, mais du côté di midi qui
regarde fnda, contra mëridjgm /atdar; auquel endroit
I lt' mi,. . a BU HOUVeaa Iragment ajouté à la marge du
mène mal.
trois mots ont été ajout SOT.
Première rédaction du Manuscrit A et Hollande 9 : • eu
quoi il ii .. connu aucune menti i le, ai Infidélité, < sr il dm
pas au roi \< lus... » La lits par Sancy.
298 APPENDICES.
étoient quelques bourgades des Amalécites, qui étoienl
les ennemis jurés du peuple d'Israël et ne dépendoient
point du roi Achis1. Aussi n'est, comme dit saint Augustin,
le mensonge jamais permis et, comme la vérité est la pre-
mière de toutes les vertus et particulièrement attribuée à
Dieu, le mensonge est le principe de tout mal et le diable
en porte le nom.
David vint donc trouver le roi Achis, dans les Etats
duquel il étoit réfugié, pour combattre avec lui, et ce
contre les Israélites, bien qu'ils fussent le peuple de Dieu,
le vrai culte duquel étoit entre eux seulement2.
L'Écriture, qui reprend et remarque tous les manque-
ments de David comme l'homicide d'Urie, l'adultère de
Bethsabée, le dénombrement du peuple, et lorsqu'il se fit
une couronne de l'or conquis en la guerre contre les enne-
mis de Dieu, ne blâme en aucune sorte cette action de
David, laquelle, si elle n'étoit licite par la raison d'une
juste défense, seroit aussi criminelle qu'aucune des autres,
étant directement opposée à la religion et contre le com-
mandement que Dieu a fait plusieurs fois à Moïse et aux
enfants d'Israël de ne se point allier avec des infidèles.
David, à la vérité, ne se trouva pas au combat, d'autant
que les chefs de l'armée philistine prirent soupçon de lui
et le firent retirer de leur camp ; mais il ne tint pas à lui
qu'il ne fût à la bataille et témoigna d'en sortir à regret, et
qu'il étoit près de combattre pour le service du roi Achis,
qu'en ce lieu-là il appelle son maître, et comme étant
obligé de lui garder la foi. Or, en ce qui est du péché et de
la conscience, la volonté est réputée pour le fait3.
1. Ici prend fin, dans le mémoire original, le fragment ajouté
à la marge.
2. Les deux phrases qui précèdent ne figuraient pas dans le
mémoire original; elles ont été ajoutées par Sancy sur le ma-
nuscrit A.
3. Comparez le passage correspondant du mémoire du P. Jo-
seph, cité par Dedouvres, op. cit., p. 579 : « Il est vrai que
m l'BNDICBS. •'''•
B David ii'.i rien fait que de licite. :i | » 1 1 1 ^ forte raison le
H<>i peut-il secourir les Hollandois contre le roî d'Es*
pagne. Car il n'etl pas le maître du Hoi, ainsi que Settl
de David, qui ne laisse pourtant «I»' secourir ses
ennemis.
Oui pins est, Dieu n'a pas déclaré partt parole expresse
qu'il veut que les Kspa^nols soient les maîtres des Hollan-
dois. ainsi que Dien a\oit «lit tant de fois qu'il vouloil que
les Hébreux fussent maîtres et légitimes possesseurs de la
Judée, à l'exclusion des Philistins : ce que David ne pou-
roil ignorer, qui lui-même 1 'a\oit si souvent exprime dans
-drnes et notamment quand il dit, parlant des peuples
de li Palestine : Dédit terram eorum jiuwssflf tissas, fuvre-
(litntem Israël s,'tk;. suo. Kt toutefois David ne laisse pas
d'assister l'un des plus puissants rois de ce pavs-lh qui
\ouloit «>n chasser les Israélites.
osple décide clairement l'affaire dont il est ques-
tion et semble que c'est un trait de la providence de Dieu
extraordinaire qu'il se soit trouvé en l'Écriture pour
apprendre aux princes, a qui le soin des l-'.tats est com-
mis, jiis<jues où va l'étendue de ce qu'ils peuvent faire
pour leur bien, et ce n'est pas merveille si les saintes
lettrée n'en ont aucun autre semblable qui soit au m
de la question présente, m que le peuple d'Israël, qui
seul -tcii fidèle, n'étoit point divisé. Ce qui fait qu'il ne
rroîrdet alliances du peuple de Dieu avec des
infidèles contre les fidèles, puisqu'il n \ iretl point d'autres
fidèles ' que les Israélites, et que depuis que dix tribus se
David uva pas au combat, pan . que les rhefs de l'ar-
mée philistins conçurent quelqw d de lui et le firent
r; en effet, il étoit en dessein d'y assister et tout près de
combattre p.. m l«- lenrice d'Achis, qu'en ce lieu (1, R->is. kxu,
8) il appelle son inaiti. . iM'imie .tant obligé de lui garder
la toi. »
us le mérn mal, est de la main de Char-
pentier.
300 APPENDICES.
séparèrent sous le règne de Roboara des deux de fada et
Benjamin, qui demeurèrent toujours fidèles. Ces dix furent
toujours schismatiques et deux1 idolâtres comme adorant
le veau d'or.
Un roi manqueroit à sa charge et commettroit un péché
si, par un zèle inconsidéré et par un' excès de confiance
non fondée, il attendoit que Dieu sauvât son État par voies
extraordinaires et miraculées et négligeoit les moyens que
sa prudence lui doit faire prendre, comme étant permis de
Dieu, pour se défendre contre ceux qui injustement vou-
droient s'emparer de ce qui appartient à autrui.
Cartagène, Espagnol, religieux cordelier, auteur pieux et
célèbre, enseigna clairement avec saint Anthonin, le car-
dinal Caietan et Molina, jésuite, que, non seulement est-il
loisible de se servir du secours des infidèles contre les
catholiques, mais en outre qu'il est loisible à un prince
chrétien de secourir un infidèle en la guerre contre un
autre prince chrétien2.
Becanus dit en termes exprès qu'il est permis, en une
juste guerre, de donner secours à des infidèles contre des
fidèles.
Banès et plusieurs autres auteurs qu'il allègue enseignent
le même.
Lorichus, Navarre, etc., sont de semblable opinion.
On alléguera peut-être que Dieu reprend en divers
endroits de l'Ecriture les princes et les peuples qui font
alliance avec les infidèles, jusque-là même qu'il en châtie
quelques-uns.
Mais la réponse est claire par les lieux mêmes dont on
se peut servir pour vérifier cette objection, puisqu'il est
certain que Dieu ne blâme pas simplement telles alliances,
lesquelles il autorise en divers lieux, mais bien blâme-t-il
1. Var. du mémoire original (Hollande 9) : beaucoup.
2. Comparez Catholique d'Estat, p. 162, qui paraît être la
source de ce passage.
APPKMiH'Ks. 301
que les primes qui les OBI laites aient eu plus de confiance
.11 iotllet i|u*;i son secourt, eonune il paraît au lait d'Asa,
<|iii . si iiissi bien blâmé, étant malade, d'avoir eu plus de
confiance aux médecins «pi 'en Dieu, bien qu'il soit permis
rrirdes médecins institues de Dieu a cette lin1.
Il blâme aussi telles tilitnoet quand on les fait uni
nécessité pour augmenter sans sujet la domination (les
infidèles, desquels il avoil ouvertement lait connoître par
s. s prophèb - qu'il vouloil la perte; comme celle de Josa-
l>hai ijni s est joint a \chab. non par nécessité, puisque
ture remarque qu'il étoit très riche, très puissant et
beureux, craint et redoute de tana ses minai et si
i que tous lui faisoienl nommage et lui apportoient
des pi niais par la considération d'une amitié hu-
maine et pour favoriser Aeaab, duquel le prophète Hélie
tvoil prophétise qu'en vengeance de la mort de Nabot h les
chiens lécheraient son sang au même lieu où il l'avoit lait
mourir et qu'il détrniroit sa maison et sa race.
Il \ a plus, Josaphat faillit encore grandement parée que
Michee. qu'il tenoit lui-même pour prophète véritable,
lit qu'il laisoit une mauvaise entreprise, i|u'elle réus-
siioit mal et que Dieu ruinerait son dessein.
Or. est-il que, bien DM nous Taisions alliance avec les
Hollandois. nous avons plus de confiance au secours de
Dieu qu'es eux. Nous ne faisons pas cette alliance sans
sujet pour les agrandir, msk par nécessité pour empêcher
diminution : ce qui paroit hien en et qot Ul .
«leur «les Hollsndois, considérée par elle-même, nous esi
préjudiciable
\n reste, nous n'aTOnt point de prophétie qui nous
fasse connoître que Dieu veut que les Bollandoit se
!<-nt et «pie les Espagnols dominent le monde.
\u émit peut . msoii qu'ainsi que
les prophètes otit souvent déclare (pte Dieu avoit suseii,
1 < >ui[>arez Catholique d Estât, p. 159.
302 APPENDICES.
les Chaldéens idolâtres pour punir l'orgueil des rois àt
Juda, peuple fidèle, et réprimer les outrages et l'oppres-
sion que leurs voisins en recevoient, ainsi a-t-il suscité les
Hollandois pour la même fin envers les Espagnols, qui
font tant de mal à la chrétienté.
Le prophète Ezéchiel, 19, confirme cette histoire par
une comparaison fort pathétique quand il représente Joa-
chim, roi de Juda, sous la figure d'un lion qui, pour avoir
usurpé les biens d'autrui et mis ses voisins en proie, est
châtié par les Babyloniens, en sorte qu'ils le courent h
force et le prennent comme une bête farouche, le faisant
tomber dans les toiles et les filets avec de grandes bles-
sures et guerres de part et d'autre.
Hiérémie en rapporte une autre sur le même sujet, qui
n'est pas moins remarquable ni moins naturelle au sujet
dont il s'agit.
Le prophète Ananias, porté d'un zèle inconsidéré,
s'oppose à la volonté de Dieu, en ce que Dieu déclare par
le prophète Hiérémie qu'il veut châtier le roi de Juda,
quoique fidèle, par les Babyloniens infidèles, lesquels il a
suscités contre lui.
Ananias soutient publiquement que les Chaldéens seront
détruits et qu'il faut que tous les gens de bien s'opposent
à eux et que le maître de Juda doit être le maître et ravoir
ce qu'ils lui ont ôté.
Et d'autant que le roi, les prêtres et le peuple suivoient
l'opinion d' Ananias, qui sembloit avoir bonne intention et
le zèle de la loi et l'honneur du culte divin devant les
yeux, en ce qu'il soutenoit qu'il falloit s'opposer aux
Chaldéens, le prophète Hiérémie prédit, de la part de
Dieu, qu'Ananias seroit chassé et qu'il mourroit dans un
an, ce qui arriva.
Ce qui peut faire voir qu'il ne faut pas se porter par un
zèle indiscret à favoriser les rois fidèles contre les peuples
infidèles, bien même qu'ils les aient injustement offensés,
APPENDICES. |p
pour <•«• qu'il peut ètie que Dieu s'en veut servir pour
i -lifitii-r l< sdiis fidèles1, les humilier et empêcher que sous
la nom <t le prétexte de piété ils n'oppriment les autres.
Dont on peut dire, avec vérité, que lis bonnes et
valables raisons nous portent à l'alliance des Hollandois
et qu'aucune de poids et de considération ne nous en
(l.'I.Ml
On dira volontiers2 qu'il n'est pas permis d'assister des
rebellai comme rebelles, ni des hérétiques comme tels;
demeurant dans les principe! ci-dessus rapportés,
ne oette proposition et dis qu'au secours des Hollan-
I n'est question ni de l'un ni de l'autre. Car le Roi
iste pas les Hollandois comme rebelles et hérétiques,
-•lin pour favorise! et maintenir leur rébellion et
leur Ihiisic, qu'il déteste de bon coin ; mais la seule fin
du secours qu'il leur donne est la défense de son État,
puisqu'il n'a autre dessein que d'occuper tellement ceux
sentie qui ils agissent, qu'ils ne lui puissent faire du mal
snsnsnt ils ont t'ait pnff le passé.
Au reste, les Hollandois ne peuvent et ne doivent main-
tenant être considérés comme rebelles, puisqu'il y a douze
ans que le roi d'Espagne a fait un trait»- de trêve3 avec
• mmr peuples libres et indépendants; que si le roi
d Espagne, qui seul prétend pouvoir sur eux, les reconnoit
.il n'y a prince qui ne puisse traiter avec eux comme
Im penpiei indépendants.
Il \ a cinquante ans* qu'ils sont en la possession où ils
it, sa maiii rie d'États, il arrive d'ordinaire que l'ai -
1 Hollande 9 et première rédaction du manuscrit A : « pour
châtier lesdits infidèles... ».
1 Dans Hollande 9, ce paragraphe est précédé du titre
Objections.
la 1609. Cet alinéa serait donc tiré d'un mémoire]
i saonoeé aa i<i2i.
e soulèvement de 1567.
304 APPENDICES.
quisition en est injuste et la possession équitable : on les
prend contre raison, mais on les retient avec droit, le temps
ou l'affection des peuples rendant volontaire l'obéissance
à laquelle au commencement ils étoient contraints.
Auguste, comme enseigne saint Augustin en la Cité de
Dieu, avoit ôté injustement la liberté àsa patrie et néan-
moins, ayant été affermi dans le gouvernement par quelque
temps, Dieu n'a pas laissé de recommander en sa parole
qu'on lui obéît comme souverain.
Les Suisses étoient sujets de la maison d'Autriche, et
cependant la chrétienté, sans omettre le Pape, les reconnoîi
comme souverains maintenant1, quoique la rébellion ait
été le premier titre de leur souveraineté.
Quelqu'un dira peut-être encore la plupart des raisons
et des auteurs ci-dessus allégués qui enseignent qu'on peut
donner secours à des hérétiques et infidèles contre les
fidèles, supposent que la guerre des hérétiques soit juste,
ce qui ne se trouve pas en celle des Hollandois ; mais la
réponse est prompte, car, quand même la guerre que les
Hollandois font contre l'Espagne seroit injuste, ce qu'on
n'examine pas ici2, la France, ayant juste sujet de se
plaindre des injures qu'elle a reçues d'Espagne et légitime
occasion d'en appréhender d'autres à l'avenir, comme il a
paru ci-dessus, peut, sans péché3, contribuer a entretenir
la guerre desdits Hollandois, par la même raison encore
qu'un homme qui a besoin d'argent en peut prendre d'un
usurier qui pèche en le prêtant, pour la même raison
encore qu'on se peut servir du serment d'un infidèle qui
jure par ses faux dieux pour attester une vérité dont la con-
noissance est nécessaire à celui qui le fait jurer : et c'est en
1. Comparez Catholique d'Estat, p. 177.
2. Ces sept mots ont été ajoutés par Charpentier dans le
manuscrit original.
3. Ces deux mots sont, dans le manuscrit A, de la main de
Sancy.
APPENDICES. 305
( •»• s.ns (|ue saint Thomas enseigne qu'on peut sans péché
se servir . t se prévaloir du péché d'un autre1.
A l'avènement du roi Henri III' a la couronne, les
nanPM qu'il eut contre les huguenots furent fomentées et
eut retenues de l'argent que Philippe IIe donnoit en Lan-
g— doc au* catholiques unis avec les huguenots, ce qui fut
<!<•>> longtemps auparavant que le duc d'Alençon eût pensé
d'aller en Flandres.
Depuis encore, ce bon prince, tant vanté pour sa piété,
offrit souvent de l'argent au roi Henri le Grand, lorsqu'il
n » tnit que roi de Navarre et qu'ils l'appeloient archihu-
NOMl I -t n laps, pour faire la guerre à Henri IIIe, son roi
légitime, bien qu'il fût beau-frère de Philippe et si catho-
lique que, par un excès de dévotion qui tenoit quelque
chose de la superstition, il vivoit plutôt en religieux
qu'en roi.
Bonn IVe eut une si grande horreur de cette lâcheté
qu'il envoya au roi Henri IIIe l'original de la lettre de
Philippe, par laquelle il lui faisoit les offres et le sollicitoit
de lui oier la conduite du royaume qu'il gouvernoit si mal.
I • lui! in avant fait plainte à l'ambassadeur d'Espagne,
il en donna avis à son maître, qui n'écrivit plus audit roi
de Navarre, mais lui fit dire que, nonobstant ce qu'il avoit
fait, il ne laissèrent pas de lui donner, quand il le requer-
le secours qu'il lui avoit promis.
Depuis i|u il lot venu a la couronne un nonce de Sa
Sainteté le sollicitant d'abandonner les Hollamlois et lui
ilisint < | n • le roi il Espagne ne voudrait assister les hugue-
nots en nulle part du monde, S. M. lui raconta cette his-
ilnnt il .1- ■m. ni. i fort étonné, et prit une autre
Espagne que celle qu'il a\ oit eue jusques alors.
Mais il ne faut j mer si Philippe a vécu ainsi,
! C est sur cette phrase que prend fin le mémoire de Ilnl-
land<
\
306 APPENDICES.
puisque Charles le Quint, son père, qui est le fondateur
de la maison, qu'ils suivent et qu'ils imitent en tout, comme
ayant le premier conçu le vain dessein de la monarchie uni-
verselle, n'a pas fait difficulté en occasions semblables de
faire le même et beaucoup davantage.
Il fit une ligne ouverte avec le roi Henri VIIIe d'Angle-
terre, schismatique, contre le roi François Ier, et le fit des-
cendre avec une armée en France.
En Allemagne, ayant vaincu en bataille rangée Frédé-
ric, duc de Saxe, luthérien, et pouvant rappeler à la reli-
gion catholique toute cette province, en laquelle, comme
en toutes les autres d'Allemagne, les peuples suivent la
créance de leurs princes, il préféra son intérêt à toute
considération de Dieu et aima mieux établir en sa place
Maurice, luthérien, mais qui lui étoit affidé, que non pas
aucun autre de la même maison qui étoient catholiques.
Depuis Maximilien, l'an 1516, étant irrité de ce que les
Polonois ne l'avoient pas voulu élire pour leur roi, ne fit
point de difficulté pour essayer à se venger de faire ligue
contre eux avec le Danois, le Suédois, le Moscovite et le
duc de Saxe, tous princes hérétiques.
Si nous voulons venir à notre temps et en la même
année dont nous écrivons maintenant l'histoire, le comte
d'Olivarès a fait faire à M. de llohan le soulèvement der-
nier que nous venons d'écrire1, l'en ayant sollicité par un
qu'il faisoit nommer Don Caries, son secrétaire, déguisé,
qu'il lui envoya.
Le duc de Milan, ensuite de cela, ayant levé les armes,
envoya La Rousselière2 et Campredon3 en Espagne, qui a
depuis été convaincu, condamné et exécuté à mort.
1. Le soulèvement de 1625.
2. Sur les menées de La Rousselière, gouverneur de Saint-
Jean-de-Bruel, en Espagne, voyez Ch. de Bouffard-Madiane,
Mémoires, p. 98 et 112.
3. Manuscrit A : « Camredon ». Pierre Campredon apparte-
nait en 1625 à la suite de Rohan et avait guidé La Rousselière
MTRNDICE8.
Il M «|iii est encore ici plus à considérer, c'est qu'ils
font alliance avec les infidèles cl hérétiques pour envahir
les provinces d'aulrui; et nous ne le laisousque pour notre
(I. I- use et empêcher qu'ils ne dépouillent uns alliés de
leurs États : de sorte que, s'il y a quelque chose à re-
prendre en cela, ce n'est pas à nous, mais i eux, que le
Mime doit être imputé.
ht, h la vérité, qui voudrait exactement examiner la
de la raine de la religion en bt chrétienté trouvera
CHM la maison d'Autriche ;i ouvert la porte au Turc pour
envahir lee provinces catholiques, a donné établissement
i cours à l'hérésie de Luther et de Calvin, qui ravage la
plupart <le l'Europe et est cause du schisme d'Angleterre
suivi de l'hérésie sous laqaeUe nette île est opprimée
depuis un long temps
OU ne sauroit lire sans larmes l'histoire de Hongrie, en
laquelle on vit Ferdinand, frère de Charles le Quint, a
I app. in de son ambition pourse faire roi de Hongrie, for-
cer celui que le pays avoit élu a appeler le Turc pour le
Ire contre la violence de ses armes qui le vouloient
dépouiller.
Enfin, par trait de temps, continuant toujours ses entre-
pris.-s contre ce pauvre royaumCi Soliman, après avoir été
appelé m leeonn plmionn fois, se saisit des meilleures
villes et places pour le remboursement des frais de la
-lierre, et depuis s'étendit si avant qu'il n'en reste plus
qu'une petite partie aux chrétiens.
L'hérésie de Luther étoit poursuivie et combattue par
toute la chrétienté; on brùloit en France MU qui en ÛnV
soieiil profession ; on ne les tniiloil pas plus favorablement
en Angleterre En Allemagne, ils étoieni attaqués, lorsque,
tout d'un coup. Charles le Quint, pour avoir plus de
moyens de tourner ses forces contre la France, leur
en Espagne; il Tut arrêté à Belpech et écarte lé à Toulouse le
6 avril 1626 (Ch. de Bouffa rd-Madiane, Mémoires, p. 281).
308 APPENDICES.
accorde l'intérim, par lequel il priva plus de quatre
mille villes et bourgades de l'exercice de la religion
catholique1, et, ayant donné à l'hérésie cet affermissement,
elle s'est depuis épandue par toute l'Europe et y a fait les
maux qu'un chacun sait.
Quant au schisme d'Angleterre, à qui eh peut être attri-
buée la cause qu'à Charles le Quint? Par ses poursuites
continuelles, il a fait que le Pape a traité avec un peu de
rigueur le roi Henri VIIIe, qui, par désespoir, se jeta dans
un schisme formel*.
Depuis, ce roi reconnoissant sa faute et se voulant
réconcilier à l'Église, Haederus écrit que Charles le Quint,
par son autorité, empêcha que S. S. le reçut si, aupara-
vant, il n'avoit restitué à l'Eglise tous les biens qu'il lui
avoit ravis, ce qui n'étoit pas en sa puissance.
Le roi François Ier fit en sa faveur, mais en vain, tous
les offices qu'il put envers S. S. Le roi Henri VIIIe, voyant
que l'affaire dépendoit de Charles le Quint, fit ligue avec
lui contre le roi François pour l'obliger à obtenir du Pape
ce qu'il lui demandoit; mais la vengeance étoit si fort
enracinée en son cœur qu'il n'amollit jamais sa dureté
envers lui.
Et, pour montrer que ce n'étoit que sa seule passion
quiempêchoitcet accommodement si nécessaire à l'Eglise,
c'est que, tôt après, Henri étant décédé, Philippe, fils de
Charles le Quint, épousa Marie, fille de Henri, laquelle
rétablit la religion catholique en Angleterre, à condition
que tous les biens qui avoient été ôtés aux ecclésiastiques
demeureroient sécularisés, qui est ce que seulement de-
mandoit ledit Henri et qu'à faute de lui avoir été accordé
a causé la ruine de l'Eglise en ce royaume.
1. Comparez Catholique d'Estat, p. 81 : « Il a chassé la reli-
gion catholique de plus de quatre mille lieux en Allemagne. »
2. Comparez le Catholique d'Estat, p. 91 et suivantes.
APPKM'h I s 309
Appbndice III.
vrs prononcé par le cardinal de Richelieu à l'assem-
de Fontainebleau du 29 septembre 1625*.
I cardinal de Richelieu s'adressant au Roi, parlant avec
ce et l'éloquence qui lui sont naturelles, dit à S. M.
on substance que, depuis que S. M. lui avoit fait l'honneur
de l'appeler en ses conseils, il avoit toujours reconnu qu'elle
avoit été* très bien conseillée d'entreprendre par les armes
le recouvrement de la Valteline, puisque par les négocia-
tions olle ne l'avoit pu obtenir; que le roi d'Espagne n'avoit
ne trop fait connoître le dessein qu'il avoit de prendre
avantage en l'issue de cette affaire et d'en ôter la gloire à
S. M . : qu'il étoit difficile par la voie des traités avec le Pape
d'an tirer ;• présent une fin honorable à cause du prétexte
de la religion; que, pour l'avoir, il étoit expédient de faire
une bonne guerre et à quelque prix que ce fût conserver à
la France le passage de la Valteline et aux Grisons leur
souveraineté; qu'il seroit trop honteux de consentir à la
perte ou diminution de l'un ou de l'autre, et que, si la
France abiindonnoit ses alliés, elle ne trouverait plus de
support ni d'assistance chez les princes ses voisins, qui la
qoitteroienl pour suivre le parti d'Espagne; qu'il savoit
bien que la pais étoil préférable a la guerre, mais non pas
une paix honteuse, qui tire en conséquence la perte de sa
1 . Il nous a semblé intéressant de rapprocher de la version
aVwmét par les Mémoires de ce discours, d'après le Mercure
•ts, celle qui figure dans la relation intituler « Négocia-
tion du . -animal Harberin » et composée probablement par
Lrdier I 140 v°). — Ci-dessus, p. L20-
131, M ll.motaux en a publie un premier projet (Ma
. p. 87-91); voyez aussi, dans Rapporta - , t. II.
!. M OJM «lit M Delavaud à ce %\
310 APPENDICES.
réputation ; que, si l'on lui disoit que les affaires du royaume
pouvoient détourner S. M. de porter ses armes ailleurs, il
répondroit qu'avec peu de forces on pourroit réduire les
rebelles a l'obéissance et en même temps avec une bonne
armée faire la guerre au dehors;
Que, si l'on mettoit en avant que pour faire la guerre il
falloit de l'argent, Messieurs des finances, qui étoient
là présents, pourroient répondre qu'ils avoient du fonds
pour faire quatre montres sans toucher aux moyens extraor-
dinaires ni au revenu de l'année suivante; que, lorsque les
princes voisins verroient S. M. dans des desseins généreux,
ils seroient tous incontinent pour elle, et, tant qu'elle conti-
nueroit, jamais ne l'abandonneroient; qu'enfin l'honneur
étoit le vrai patrimoine des rois, qu'il falloit que S. M.
conservât le sien, et que pour cela il falloit hasarder tout
le reste, et partant qu'il estimoit que le Roi pouvoit écrire
au Pape et au légat que, par l'avis de son Conseil et de ses
cours, S. M. ne pouvoit recevoir les propositions qui lui
avoient été faites et qu'elle seroit toujours prête d'entendre
à des conditions de paix honorables pour elle et pour ses
alliés1.
1. Comparez l'extrait suivant d'une dépêche adressée par le
Roi à son ambassadeur à Rome, Béthune. Fontainebleau, 4 oc-
tobre 1625 : * Depuis le départ du cardinal-légat, j'ai fait
assembler en ce lieu les princes officiers de ma couronne, prin-
cipaux de mon Conseil, ensemble les premiers présidents et mes
avocats et procureurs généraux de mes cours souveraines de
Paris, auxquels, ayant fait entendre les raisons qui m'avoient
obligé et contraint de prendre les armes pour faire rendre aux
Grisons, mes alliés, la Valteline, ce qui avoit été traité avec ledit
sieur légat et les causes de la rupture de ses négociations, tous
d'une commune voix ont loué et approuvé le soin que j'avois
pris des avantages de la religion catholique en la Valteline et
plus encore la fermeté que j'avois montrée pour conserver à
mesdits alliés leur souveraineté, de sorte que j'ai conclu avec
eux qu'il étoit plus expédient de continuer une juste guerre
M'I'KNDICES. M
Appendice IV.
i de Richelieu sur le voyage de Buckirigham*.
Manuscrit A renfermait primitivement (fol. 219-220) un
tail du (Cardinal sur le projet de voyage de Buckingham en
France; ce passage a été supprimé lors de la revision générale
du manuscrit ; nous reproduisons ci-dessous ce document tel
qu'il figurait dans le manuscrit A, en indiquant les principales
variantes qu'il présente sur l'avis original, dont Avenel a
donne des extraits t. VII, p. 569, d'après le vol. Angleterre 26,
fol. 2
La nouvelle en étant venue en France, le Cardinal crai-
gnit (|ui- ilillicilement se pourroit-on dégager de la presse
importune qu'il feroit d'avoir permission de venir en la
cour et dit ;m Koi que, puisqu'il avoit* passé la mer après
■voir reçu tous les avis qu'on lui aura donnés en Angle-
-u! le sujet de son voyage, rien ne l'arrêteroit. el
qu'il a\oit grande apparence qu'il surprendroit le Uni
l<irs<|ii il i pi-nseroit la inoins, tels tours étant ordinaires en
. et, qui plus est, à son humeur; mais qu'il
faudroit qu'il eùl perdu la raison pour venir sans dénoua
&• M. en ses affaires. Qu'il n'\ avoit rien si
aisé aux hommes que de se tromper en leurs jugements,
pi im ■ipalrno-ni quand ils les font de personnes dont la con-
duite n'rsi | lis réglée et qui agissent par boutades el non
pow parvenir à une bonne et honorable pai\ qoe de faire one
paix bonteOM qui fût le fondement d'une longue et lâcheuse
guerre • [Bibl. nat., ms. Français 3669, fol. 1).
l. o-dî
Première rédaction du manuscrit A, corrigée ensuite par
Sancy : « C'est pourquoi, afin de n'être pas surpris, il donna
au Roi l'avis suivant sur ee sujet. Il sera I empêcher
>pi< liucLm-liam ne vienne ici, car s'il a passé... •
312 APPENDICES.
par raison et par prudence. Mais qu'il étoit1 le plus trompé
du monde si ce personnage, qui savoit toutes les plaintes
que la France faisoit de l'Angleterre, ne venoit garni de
remèdes, prétendant par ce moyen se faire faire un bon
visage et faire un tour des neuf preux semblable à celui
qu'il fit faire à son maître quand il le mena en Espagne
sans grand fondement; que, quelque dessein qu'il eût de
donner contentement, il ne laisseroit pas de parler pour
les huguenots et pour sa ligue offensive2, mais il n'y a point
d'apparence qu'il s'arrêtât ni à l'un ni à l'autre. Et, quand
il le feroit, il faudroit être aussi ferme à refuser comme
lui à demander, et, d'abord, il faudroit lui dire les condi-
tions èsquelles on pouvoit entrer avec l'Angleterre pour la
guerre d'Allemagne, afin de retrancher la longueur de sa
négociation.
Que son but seroit de ne la finir pas si tôt, et celui de la
France devoit être, sans le témoigner de parole, de ne le
retenir pas longtemps.
Qu'il falloit s'abstenir de parler mal de lui, tant devant
son arrivée que lorsqu'il seroit ici, et que le Roi n'avoit a
tenir autre langage à ceux qui lui parleroient qu'il devoit
venir, sinon qu'il seroit le très bien venu s'il lui apportoit
contentement sur les inexécutions dont S. M. avoit à se
plaindre, et qu'il savoit bien qu'il étoit trop avisé pour venir
autrement; qu'il estimoit beaucoup sa personne, mais que
les rois regardent principalement aux intérêts de leurs
États.
Qu'il sembloit qu'on ne sauroit faire autre chose que le
loger chez M. de Chevreuse, par les intérêts duquel il fau-
droit tâcher de le ménager, sans lui dire que ce qu'on vou-
droit que l'autre sût, et lui témoignant ne se soucier pas
beaucoup, quelque résolution qu'ils prissent.
1. Angleterre 26 et première rédaction du manuscrit A :
« mais je suis... ».
2. Angleterre 26 : « et pour sa ligue offensive et défensive ».
APPENDICES.
I» Kll'uit pourroit aussi servir en cette affaire. Quelque
voyage que le Roi fit, il n'empêcheroit pas ledit Buc-
kingham de venir ici, étant certain qu il n'y auroit point
(1 apparence de lui en dénier la permission quand il la
demandèrent pour venir voir les reines.
Qu'il seroit utile, à cause de l'affaire des huguenots,
qu'il n'\ \itii point; m;iis qu'il y avoit des rencontres où
il n'y a point d'autres remèdes que de faire bonne mine,
cacher ses sentiments et ménager adroitement ses avan-
tages;
Ou'on pourroit accorder aux Anglois la continuation de
Il | >;i\e qu'on donnoit à M ansfeld pour un an, plus ou moins;
ce qu'on avoit promis à Belin pour l'armée du roi de Dane-
mark, de la cavalerie à leurs dépens, si mieux ils n'aimoient
i tenter de l'entretien du Mansfeld et de la cavalerie
à nos dépens, pour joindre actuellement de l'infanterie
angloise lorsqu'ils résoudront d'en faire entrer dans le
Palatin. il :
Que l'on croit qu'il étoit utile de faire un tel traité avec
«ux, parce que, par ce moyen, on entretiendroit sous leur
nom la guerre en Allemagne et peut-être y remettroit-on
les affaires en la balance où elles doivent être, chose du
tout nécessaire ;
. e, en outre, que par ce moyen oh engageroit1 les
Anglois à ne rien faire contre vous en ce qui concerne les
huguenots;
Moyennant ces conditions, il faudroit obliger les Anglois
à exécuter ce qui étoit pwii tant pour les catholique*
que pour la maison de la Reine, à rendre tous les vais-
i tant pris par M. de Soubise qui- pu tfB, et, de plus,
s'il se pouvoit, à assister S. M eontft les rebelles, étant
nécessaire de traiter avec eux, en sorte que plus ils s'en-
1 . Angleterre 26 : « vous engagez les Anglois » ; & la ligne
suiva v a oublié de corriger vous en S. M.
I Angleterre 26 : <■ 1 vous assister ».
314 APPENDICES.
gageront a la servir1, plus aussi entrera-l-on en leurs
affaires.
On pourroit aussi faire quelque société avec eux pour le
commerce.
Mais que, quoi qu'ils disent ou fissent, il falloit bien se
garder de joindre l'affaire de la Valteline avec le Palatinat,
en sorte qu'on ne pût terminer l'une sans l'autre; que
ç'avoit toujours été le but des Anglois, quoique sans raison
et sans fondement, et surtout qu'il falloit dépêcher les
députés des huguenots devant ladite venue2.
Appendice V.
Lettre de Guillaume Bautru au cardinal de Richelieu
sur sa mission en Angleterre3.
A Hampton-Court, 6 janvier 1626.
Monseigneur,
J'ai ponctuellement suivi l'ordre de mon voyage comme
je l'avois projeté avec M. de Chevreuse. Le retour du duc
de Buckingham m'a fait passer en Angleterre. Il n'est
arrivé que le 2e du courant d'une maison qu'il a sur la
frontière d'Ecosse, où sa femme est accouchée4. J'ai passé
quatre jours à Londres en attendant sans qu'on en ait rien
1. Angleterre 26 : « à vous servir ».
2. Angleterre 26 et première rédaction du manuscrit A :
« devant la venue de Buckingham ». La correction a été faite
sur le manuscrit A par Sancy. Comme la remise des conditions
de paix aux députés eut lieu le 30 novembre, 1' cr Avis » a été
certainement composé dans les premiers jours de décembre.
3. Ci-dessus, p. 177. Cette lettre inédite, par laquelle l'en-
voyé du Cardinal rend compte de la mission dont il avait été
chargé, est conservée aux Aff. étr., Angleterre 41, fol. 10-13.
Elle est entièrement de la main de Bautru.
4. Elle avait donné le jour à Charles Villiers, né le 27 no-
vembre 1625 et décédé le 26 mars 1627.
APPENDICES. 315
su pat il., i II me reçut, me logea à Londres, .1 ici où
j'ani\ai le 3*. Je fus d'abord faire la n\.i.m .> a la reine1,
a laquelle je «lis dei nouvelles de LL. MM. et des vôtres,
in.ii» mm recommandations, Ésea dessein ayant été de
1 en Hollande, on j'avois à parler à M. de Huekingham
de la part de M. de Chevreuse.
Après une heure de conversation particulière, quoique
toute sa cour en fût, le duc me mena faire la révérence au
roi. lequel, après m'avoir dit des paroles beaucoup plus
obligeantes et plus courtoises que je ne devois espérer, se
-ur les mécontentements qu'il avoit de M. l'Ambassa-
deur, «lisant qu'il ne parloit jamais à lui sans menaces,
qu'il aigrissoit l'esprit de sa femme contre lui et ses servi-
teurs, qu'il empêchoit les domestiques de sadite femme
de vivre connnr il étoit convenable, et une Iliade d'autres
plaintes de pareille étoffe; puis il passa dans l'aflaire de
ses vaisseaux ; que le Roi mon maître lui refusoit, après l'en
avoir si cordialement obligé; que toutes ces choses lui
faisaient croire qu'il n'étoit pas aimé du Roi son frère,
somme il s'étoit imaginé et qu'il erovoit que son affection
nu -ritoit. Il ajouta encore que l'ambassadeur prenoit pan*
licnlièrement à tâche de désobliger le duc de Buckingliain,
qui lui étoit dus personne si chère si si utile et qui seuil
si bien servi notre nation selon son pouvoir.
pondis à S. M. que, depuis quatre jours que j'étois
j ■VOIS appris qu'il \ tVOfl de la mauvaise
intelligence entre le Roi mon maître et lui; qu'il nie fai-
snit beaucoup d'honneur de s'ouvrir a moi, qui n'étois en
sjaume que de ls part d'un prince partsenheH vers
lire seigneur des siens, mais que je liuavoû psi 1»
1 . Henriette de France.
Blalavflle
J. Les huit vaisseaux prêtés pour l'sipédltion contre
Isahissi
V l du< <!• < ln-vreusc.
316 APPENDICES.
bouche de S M. les aigreurs beaucoup moindres que je
ra'étois imaginé, depuis ce que j'en avois appris dans ses
Etats, les causes de cette mésintelligence étant si légères
qu'elles ne pouvoient produire aucun mauvais effet. Car,
pour ce qui touchoitM. l'Ambassadeur, quand il y auroit
quelque chose à désirer en la forme de parler, qu'il étoit
très aisé d'y remédier; que les établissements nouveaux
d'étrangers, de personnes de diverse langue et religion, ne
se pouvoient faire sans qu'il se trouvât quelques mauvais
passages, qui ne seroient pas capables d'arrêter la bonne
intelligence entre le roi Très Chrétien et lui, s'il vouloit se
laisser persuader par les intérêts communs, par l'exécution
des choses promises où son honneur étoit engagé et par
les charmes de l'amour d'une si belle princesse que la
reine, qui véritablement étoit embellie plus que je n'eusse
pu m'imaginer depuis qu'elle étoit entre ses mains; qu'au
moins porterois-je à la reine, sa belle-mère, de laquelle
j'avois l'honneur d'être domestique1, cette bonne nou-
velle qui lui seroit extrêmement agréable, n'y ayant
rien au monde qui la touchât si sensiblement que ce qui
concernoit la santé et le contentement de cette chère fille.
Quant à ce qui étoit des vaisseaux, que je m'étonnois
plus que je ne pouvois exprimer à S. M. que sept ou huit
navires prêtés au Roi son beau-frère pussent causer aucun
désordre entre personnes si éminentes; qu'il y avoit à
Paris, à Londres et à Amsterdam, cinquante marchands en
chacune qui ne feroient pas un procès à leurs compères
pour chose de pareille valeur ; que la demande exacte qu'il
faisoit de cette restitution donnoit quittance au Roi mon
maître de l'obligation qu'il lui en avoit, outre que, dans
1. Guillaume Bautru bénéficiait d'une pension de 3,000 livres
accordée par la Reine mère le 6 juin 1624 (Bibl. nat., Dossiers
bleus, 66). Il avait reçu la charge de mestre de camp d'un régi-
ment d'infanterie par commission de Marie de Médicis du
20 juillet 1620 et avait participé à l'action du Pont-de-Cé.
APPENDICES. 317
les termes ordinaires, il ne les pouvoit redemander qu'après
(li\-liuil mois expirés.
ht pour ce qui touchoit M. de Buckingham, qu'il pou-
\<>ii. si lui plusoit, \<>ir la lettre que M. de Chevreuse
.«•risoit audit sieur duc1, et qu'il verroit là dedans com-
bien l<s intentions de mon maître étoient éloignées des
bruits que l<urs ennemis communs épandoient pour profi-
ter il. leur division. Mon discours seroit de la taille d'un
<l< l'arehevêque de Rouen2, si je voulois ne ri« m
omettre de la longue conversation que j'eus avec ce roi qui
m*- donna la plus bénigne et favorable audience que je
|H>u\..is souhaiter, et tant s'en faut qu'il prit en mauvaise
part rien de ce que je lui dis, qu'il me témoigna avoir très
agréable et la liberté de laquelle j'usois, et les raisons que
je lui ITOÎI apportées.
I< lendemain, j'ai fait aboucher MM. de Blainville, de
Mende et de Tillièrea avec le duc, où ils ont fait des pro-
tions d'amitié telles qu'il se peut désirer, et particuliè-
it M. île Mende s'est lié de très étroite affection avec
lui. le priant instamment qu'il voulût être médiateur de
bienveillance en son endroit. Je ne fus jamais plus
etimne (|ue lorsqu'il me dit que tout le monde lui disoit
i|iie \<>iis m I aimiez point, vous qu'il estimoit par sus tous
les ministres ,|,s pou 'lu momie, et de qui il avoit reeher-
<he la bonne volonté avec une passion très violente; qu'il
sa\oit bien que ses ennemis vous avoient voulu faire croire
<|u il se réjouissoil que vous fussiez malade et qu'il n'a\oit
nulles lionnes intentions pour votre service, ce qui étoit,
il . plus faux que les diables mêmes auxquels il se
donnoit. s il as oit jamais tant regretté chose que l'éloigne-
1 Noos avons donné le texte de cette lettre, dictée par
lien, p. 17"). n. 1.
' rançois de Harlay de Champvallon avait publié en 1625
les « Apologia Evangelii pro catholicis ad Jacobum Majoris
annise regem », in-fol., 988 p.
318 APPENDICES.
ment de vos bonnes grâces; qu'il savoit que vous aviez
trouvé mauvais qu'il eût changé de façon de vous écrire,
mais que vous aviez commencé auparavant, et qu'il vou-
drait s'être rompu les doigts lorsqu'il fit la suscription
hors la coutume.
Je pris la parole, Monseigneur, sur cet article et dis que
ces choses-là faisoient si peu d'impression en votre esprit
que, lorsque vous aviez reçu la lettre des mains de M. de
Chevreuse à Noisy, je croyois que ç'avoit été M. d'Eflufl
ou moi qui en avions fait l'observation1 ; que pour la haine
prétendue que tant s'en faut qu'il en dût rien croire, qu'il
avoit des arguments très pressants du contraire par la
façon que vous aviez traité avec lui lorsqu'il étoit en
France, par ce qu'il valoit et par votre naturel, qui étoit
entièrement répugnant à toutes démonstrations d'altération
et de haine, et là-dessus je lui ai conté, devant ledit sieur
de Mende, l'histoire d'entre vous et feu Ruccellaï2; qu'au
contraire je serois caution de ma vie et que je vous l'avois
souvent ouï dire que vous auriez une extrême joie que les
choses qui pourroient apporter contentement à notre Roi
vinssent par son moyen, et qu'il ne s'arrêtât point à tous
ces petits contes-là que lui faisoient des personnes pleines
de mauvaise intention envers nos maîtres, mais qu'il
leur donnât des démentis par des effets et qu'il verroit que
vous le chéririez et aimeriez, comme sa condition, son
mérite et la personne qu'il soutient en cet état le requièrent.
M. de Mende a ajouté avec serment que, depuis quinze
jours, il avoit reçu deux ou trois de vos lettres, qui toutes
1. Cet incident est rapporté par Tillières, Mémoires, p. 68.
Voir aussi Amelot de la Houssaye, Mémoires historiques... , 1. 1,
Amsterdam, 1722, p. 546.
2. Sur l'intervention du Cardinal, en 1619, auprès de la
Reine mère en faveur de Ruccellaï, voyez le tome II de nos
Mémoires, p. 356.
APPENDICES.
lui enjoignaient de bien vivre avec lui, avec témoignages
.1 .l 'estime et de bonne volonté de votre part en son
endroit
Monsieur l'Ambassadeur a voulu venir aux éclaircisse-
ments sur le particulier de toutes les affaires, mais M. de
Mande et moi l'avons prié que l'on changeât de méshuy
M st\le de débats en oubliant entièrement le passé, mais
bien qu'on vit les effets des protestations d'amitié que l'on
\enoit de faire de part et «l'autre. Je crois qu'il y avoit
plus de deux mois < jn'ils n'avoient parlé d'affaires audit
doc, même que, depuis trois jours que le Carlisle avoit été
pour soir latnbassadeur, son valet de chambre lui avoit
dit ijue l'on ne voyoit point et qu'il avoit pris médecine.
Le comte de llolland et Carlton partent dans trois jours
pour aller en France. Vous en aurez été averti avant la
mi< une, le comte de Holland étant allé en donner avis à
M. de l>lain\ille
I oearoia quasi assurer, Monseigneur, que, si l'on conduit
daires par le chemin que je vous ai dit, l'on fera plus
en un jour qu'en un an par une autre voie. Je voulois m'en
retournai ■▼ac M de Mende, mais je n'ai pu obtenir congé
prime, qui me fait beaucoup plus d'honneur que je
n'en veux, ni que je n'en mérite.
irdon cro\oit partir dans deux jours, mais j'ai rompu
ce voyage, ne le jugeant aucunement à propos; ce n'a pas
été sans l'avis de M. de Mende, duquel je ne saurois assez
louer l'affection au service de M maîtresse, son adresse et
indusirie en l.i gestion des affaires et la passion en tout ce
qui touche \otre nom
\u reste, Monseigneur, je vous supplie très humblement
iii< «pie je suis demeuré dans les termes |,i , mi ils, Sans
re avancé de la moindre chose en rien qui pût blesser
ni la dignité du maili-'. ni eonlrexenir à VOS commande-
ments, qui DM seront a jamais des lois inviolables, étant]
320 APPENDICES.
s;iiis condition ni réserve, Monseigneur, votre très humble,
très obéissant et très obligé serviteur.
Bautru.
(.4/* dos :) A Monseigneur, Monseigneur le cardinal de
Richelieu.
Appendice VI.
Avis du garde des sceaux de Marillac au sujet de la paix
avec l'Espagne (début de 1626 1).
Le Roi a la guerre en deux endroits, hors son royaume
couvertement avec le roi d'Espagne, et dedans son royaume
ouvertement contre les huguenots en plusieurs provinces.
On traite de la paix de l'un et l'autre côté : du côté
d'Espagne par l'entremise du Pape et ministère de Mon-
sieur le Légat.
En ce traité, le premier article est pour la Valteline, que
le Pape demande être délivrée de la sujétion des Grisons
et que la religion catholique y soit tellement assurée qu'il
ne reste rien à craindre de la puissance des hérétiques sur
eux. A quoi se présente une difficulté que le Roi se ren-
droit blâmable si le secours qu'il donne à ses alliés alloit
à les priver de leurs Etats et soustraire de leur obéissance
les provinces qui y sont sujettes.
Car toute la face extérieure de cette guerre est que le
1. Ci-dessus, p. 208. — Ms. A, t. II, fol. 3v°-8v°; Archives
nationales, Papiers de l'Oratoire, M 232, fol. 71, copies. — Cf.
Houssaye, le Cardinal de Bérulle et le cardinal de Richelieu,
p. 50. Le légat partit le 24 septembre 1625. — Nous donnons
le texte du manuscrit A. Dans M 232, le discours de Marillac
ne commence qu'à ces mots : « Si le Roi rompt le traité de
paix... », vers le milieu du texte, et les quelques lignes qui ter-
minent la copie du manuscrit A à partir de : « Conserver et
ne pas perdre l'honneur de ceux qui servent le Roi... »,
ne s'y trouvent pas.
APPENDICES. 321
Roi donne secours aux Grisons, ses alliés, pour raoosmei
la Valtelinç que l'Espagnol leur a usurpée.
Oi fait mu «(la beaucoup d'ouvertures pour accommo-
der l'affaire, auxquelles je n'entre point. Je me contente
(l«- «lin «ju'il n'est pas malaisé d'en trouver et de considé-
rer les raisons qui peuvent mouvoir à faciliter cette affaire
et la résoudre, sinon en la manière que l'on voudroit, au
moins en celle qui en approche le plus, quoiqu'elle ne
i isse pas entièrement; mais il la faut prendre plutôt
ne (!<■ rompre; car il faut prendre tous partis qui peuvent
être honnêtes plutôt que de rompre.
lis donc qu'en l'extérieur cette guerre est le muni
que le Roi donne aux Grisons; mais, en effet, c'est le Roi
(|iii m Mil du prétexte des Grisons pour, avec eux, entrer
en la Valteline et s'en rendre le maître pour s'assurer des
passages et du pays; et le principal intérêt au traité de la
paix regarde le Roi, lequel, néanmoins, ne doit pas aban-
donner ses amis, mais aussi ne doit-il pas se ruiner à cause
de ses amis. Il se doit rendre maître de l'affaire et faire
pour soi et pour ses amis ce qui est du bien de l'un et «le
I au!'
Rendre absolument la Valteline aux Grisons et remettre
les Valtelins en leur pleine puissance, il n'est ni juste ni
mil<- ;i l'un ni a l'autre. Il n'est pas juste, car «'est les
metirc <mi manifeste oppression «t ruine, «le laquelle !<• Roi
la doit garantir solam qu'il pool bosmétemeat, puisque
Dieu l'a établi prince puissant sur les alliés et que MO
«t. dit «>t son nom peut les réduire civilement a la raison.
Il est .more moins juste «jue. Dieu ayant donné au Roi
- t autorité sur un peuple Catholique, il le jotM a
l'abandon <l«- la fureui <i «ruante «les hérétiques, principn-
i si, |»;u quelques honnêtes conditions, il s'en peut
exemp
Il «si anoure moins juste que, troerram une proi
délivre.- «h- i : ,11 le nom <l.- Dieu esi purement
V H
322 APPENDICES.
invoqué, il ôte par ses armes cette province à Jésus-Christ
et la rende à Satan, vu qu'il peut justement éviter cet
écueil, que le royaume de Dieu est accompagné de justice,
qu'on le peut toujours chercher et satisfaire amplement
à tout ce qui est juste et honnête; et, s'il arrivoitque S. M.
fût conseillée de faire cette action, je crairidrois grandement
le retour de la punition divine, lui faisant perdre de ses
propres provinces et un grand blâme en toute la chrétienté
sur ce conseil, vu principalement que tout le monde sait
que par honnêtes moyens et sans violence, mais pour les
offices justes et dignes d'un roi Très Chrétien, il peut per-
suader les Grisons et les faire contenter autrement.
Il est aussi contre le bien de tous. Il n'est pas utile au*
Grisons mêmes, pour ce que les Valtelins ne sauraient sup-
porter leur domination hérétique et se remettront sans
doute sous l'Espagnol ou tout autre qui les en pourroit
délivrer; en quoi non seulement les Grisons perdront ce
pays, mais y auront encore ce désavantage d'avoir l'Espa-
gnol dans leur pays, ayant par là le moyen d'entreprendre
toujours davantage .
Il est aussi contre le bien du Roi, d'autant qu'il perdra,
par ce moyen, ces alliés et le passage.
Mais il lui est encore plus nuisible, d'autant que, pre-
nant cette résolution ainsi simple et absolue, c'est rompre
le traité de paix et entrer en une guerre malaisée à termi-
ner que par la ruine de l'un ou de l'autre, dont le conseil
du Roi sera d'autant plus blâmé que l'on saura que tout
cela n'est que pour avoir voulu conserver un morceau de
terre aux Grisons, les pouvant contenter autrement, et
perdu une province catholique, la pouvant préserver par
moyens justes et honnêtes.
Si le Roi rompt le traité de paix et laisse partir Mon-
sieur le Légat sans rien faire, que dira-t-on que l'on ait fait
tant de plaintes du Pape de ce qu'il laissoit allumer si
APPENDICES. 323
avant le feu en la chrétienté sans s'entremettre de
l'éteindre, et qu'à présent qu'il s'en mêle à si bon escient
_e son entremise?
Que dira-t-on que, pour ces petits respects remédiables
|i;ir Mlle voies, le Roi laisse consommer son royaume et
l'expose à la ruine et que, pour sauver un morceau de
terre à des Suisses, il procure un si grand mal à son État?
Il semble que les auteurs de ce conseil MM -ouïront un
grand blâme et faut craindre que le Roi, se voyant aux
t Mu -mités et angoisses où cela le jettera, ne convertisse
son esprit en indignation contre eux.
Si le Roi rompt et se résout à la guerre, il aura les
huguenots qui, de leur côté, fourrageront son pays de
toutes parts.
On pourra dire que le Roi fera paix avec eux et leur
donnera contentement, ce qui seroit bien honteux, et que
S. M. fût si peu sensible d'un si infâme mépris, se laissant
emporter à des petits sentiments d'intérêts étrangers aux-
quels encore il peut satisfaire. Il est roi et père de son
peuple; il est roi Très Chrétien : ce sont qualités qui
l'obligent à beaucoup et à ne les pas renverser toutes deux
en cette MCMMM.
>n rompt, il ne se passera pas beaucoup de temps
que l'on n'y ait regret; on verra lors à combien peu on
s'est tenu, et ne sera plus temps.
Si l'étrai que le royatUM en plusieurs endroits,
il faudra plusieurs armées pour y résister et pioMUl
autres pour s'opposer aux huguenots.
Les places mal munies et mal fortifiées, les soldats et
les ( hefs infidèles, les compagnies réduites au tiers et au
juin, la mauvaise volonté des grands, le peu de personnes
a qui le Roi puisse confier une armée rendront les événe-
ments des armes fort douteux.
S l'ennemi fait quelque progrès, l'épouvante ira par-
324 APPENDICES.
tout; les villes iront au-devant pour se sauver. Ajou-
tez à cela les trahisons de plusieurs qui commandent aux
places qui se joindront, qui à l'ennemi, qui au parti
huguenot, ou qui se feront acheter à millions.
Le Roi se trouvera épuisé de deniers pour faire la guerre.
Il ne demandera pas la paix à son ennemi, car il faut cre-
ver plutôt que d'en venir là; cependant, il faut continuer
la guerre partout et, pour l'entretenir, trouver de l'argent
et le prendre de tous côtés, y employer les recettes géné-
rales et les fermes, ne payer ni gages, ni rentes, ni appoin-
tements; cela encore ne suffisant point, on viendra par
force aux violences et extraordinaires, car un roi ne se
rend jamais faute d'argent. Il faut tout mettre pour durer :
tout cela aliénera les peuples qui diront qu'on pouvoit
avoir la paix, qu'on l'a négligé; les factions profiteront de
ces aliénations, et il y a sur cela beaucoup de choses à
prévoir et à craindre que l'on ne peut écrire.
On pourra, dans les extrémités, rechercher la paix des
huguenots, qui seroit la ruine de l'État, car leur insolence
les portera à des demandes si étranges que l'on ne les
pourra contenter sans ignominie. En quoi il faut remar-
quer qu'alors la France n'aura plus d'alliance qu'avec les
princes hérétiques, lesquels favoriseront ceux du royaume
et les soutiendront pour avoir des conditions plus avanta-
geuses auxquelles on sera contraint de s'accommoder,
pour ce que le Roi n'aura secours que de ces princes, qui
ne l'assisteront qu'à ces conditions.
Quand je considère ces événements et l'appréhension de
cette dévastation, je crains que ce ne soit l'heure que plu-
sieurs âmes très saintes prévoient de la punition de cet
Etal, si on néglige les moyens que Dieu présente d'y rui-
ner l'hérésie.
C'est pourquoi il me semble qu'il faut bander tous ses
esprits pour acheminer les affaires de la paix et n'en négli-
ger les ouvertures, prenant toujours celles qui approchent
tPI'ENDIGM 325
plus de ce que nous prétendons, mais en effet ne point
rompu-, a quelque prix que ce suit;
\poxt i le rojaame i tant de ruines pour une poignée
(I. Suisses donl le Roi prend II querelle pour son avan-
tage; mais il ne doit pas prendre leur avantage pour sa
ruin
N'exposer pas le royaume a l'heresie et a la perte de
les avantages que le Roi ;i eus contre les huguenots;
Ne donner cet avantage aux factions et mauvaises volon-
tés de plusieurs grandi et poil
ler l'extrême indignation de tout le cierge, les parle-
ments, les villes et le peuple;
Conserver et ne pas perdre l'honneur de ceux qui servent
tl aux principaux conseils de son htat et ne les pat
li asard» i ;m mécontentement du Roi;
N'e.xposeï S M. a la nécessité de faire plusieurs fio-
ea et autn pour avoir de l'argent pour faire la
b, de laquelle on peut si aisément s. garantir et
Ire la plus belle occasion qui s'offrira jamais de ruiner
l'hérésie et la faction buguenote-en Prenne; rendre le Roi
seul et absolu nattre de son l.iat et. pai ce moyen, puis-
sant contre toutes les factions et mauvaises volontés,
élevant ainsi sa couronne au plus haut point qu'elle
puisse êtl
l'avis ci-dessus et les conditions glorieuses ma
nous avec lesquelles le Hoî termina la
d'Italie, il parofl tnanifestemenl quelle Force et fer-
lu avoir pour soutenir la réputation
du II. h .h . ette affaire si important-' . t sm laquelle toute la
( •hretieiil.- |,!<(it les Veux .1 .luit si intéressée qu'oïl poil-
voit dira que d'elle seule dépendait ■ l'avenir s., servitude
ou sa lile
Ce qui 'toit le plus fâcheux, /me ,{ltns le
326 APPENDICES.
Appendice VII.
Lettre de M. du Fargis au Roi*.
A Madrid, ce 7e janvier 1626.
Sire,
N'ayant reçu celle qu'il a plu à V. M. de m'écrire du 5e
du passé que le 27e du même* mois, je me suis trouvé tel-
lement engagé par les conférences que j'ai eues avec le
comte d'Olivarès, ensuite -de celles dont j'ai informé
V. M.3, qu'il m'a semblé ne m'en pouvoir retirer selon
que V. M. me faisoit l'honneur de me commander, sans
causer beaucoup d'ombrage par deçà, et même dommage
à l'effet des intentions de V. M., lesquelles il vous plut
me faire savoir par des dépêches des 25e et 29e d'octobre,
et qui me sont même confirmées par la conclusion de
ladite dernière du 5e du passé. De sorte, Sire, que, m'ayant
semblé que les choses s'étoient approchées et comme
réduites aux termes où V. M. a toujours désiré qu'elles
fussent, savoir que MM. du Conseil d'Espagne ne préten-
dissent, au nom du roi leur maître, ni d'ôter aux Grisons
la puissance et souveraineté qu'ils ont sur les Valtelins, ni
de se conserver aucun droit ou usage dans les passages de
ladite vallée, j'ai hardiment usé de la licence qu'il vous a
plu me donner par celles du 25° d'octobre et ai signé
avec M. le comte d'Olivarès les articles que j'envoie à
V. M. avec les raisons qui se sont dites et pensées es con-
testations qui se sont offertes avant que nous y descendis-
1. Ci-dessus, p. 210. — Ms. A, t. II, fol. 9-10 v°; Aff. étr.,
Espagne 14, fol. 320 (copie de Charpentier); Arch. nat., M 232,
liasse 3, pièce 3, copie.
2. La copie de M 232 porte par erreur : « du présent ».
3. Var. : tenu V. M. informée.
APPEMHI I S
sions et que nous en tombassions d'accord1. Au-devant de
tout. -s lesquelles raisons et considérations je supplie très
humblement V. M. de donner rang à l'exemple du feu
Hoi. de très glorieuse mémoire, père de V. M., lequel, en
même sujet et toute telle altération dans les Grisons, il y a
ans, se contenta à beaucoup moins, et hors quasi de
(••ut. comparaison que ce que nous avons obtenu, ainsi
que l'a écrit du depuis celui qui avoit l'honneur de le ser-
vir auprès des Ligues Grises en la même fonction que
j'exerce par votre commandement de deçà. Or, Sire,
comme les résolutions et conduite de ce grand monarque
sont, après les exprès commandements de V. M., ce que
levons regarder en cette vie avec plus de vénération
et suivre avec plus d'assurance, je ne puis craindre que
V M . m trouve bon que j'aie donné à cet exemple le rang
qu'il doit tenir en la conduite de cette action, laquelle,
rouant il voua être agréable, je serai arrivé au bout de
toutes nos intentions et desseins, lesquels j'ai toute ma vie
§ au service seul de V. M., et lesquels j'ai animes par-
tieulierement et de nouveau en ce sujet, les accompagnant
peu «I industrie que je puis employer.
il- t. Nie, si je mesurois lu qualité de ce service
:i 11 peine que ces gens ici m'ont donnée par leur artifice et
dureté, j'aurois quelque occasion d'en demeurer s;itis(;iit
Toutefois, puisque ma règle est et doit être en toutes
choses l'utilité et satisfaction de V. M., je serai en l;i
peine que mon juste respect me doit donner jusques à ce
que je s;i.|)e que V. M. ait eu à plaisir ce qui s'est passé,
;tinsi qui- m désire qui soit, et par-dessus toutes choses de
ce morille, après la conservation de votre prospérité et
s.uite. selon le devoir de celui qui est de V. M . Sire, très
humide, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet
Du Farcis.
1 <f. « Considérations de M. du Fargis sur ledit traité »
(Aff ..• • 1'., fol. 32 V-.'W. Copie).
32S APPENDICES.
Appendice VIII.
Lettre de Louis XIII au roi d'Angleterre^.
13 mars 1626 (antidatée).
Très haut, très excellent et très puissant prince, notre
cher et très aimé bon frère, beau-frère, cousin et ancien
allié.
Le désir que nous avons toujours eu d'entretenir entre
nous la sincère et étroite intelligence nécessaire pour l'in-
térêt commun de nos couronnes et l'intime et cordiale
amitié que nous portons a votre personne, semblable à
celle que nous nous sommes toujours promis de vous, nous
a fait entendre avec déplaisir, tant par votre lettre du 7e du
mois passé que par la créance de vos ambassadeurs, les
plaintes qui nous ont été faites en votre nom de la con-
duite du sieur de Blainville, notre ambassadeur. D'ailleurs,
il ne nous a pas été moins sensible de savoir qu'il se fut
passé en sa personne8 quelques rencontres dans lesquelles
notre dignité semble avoir été blessée, mais, ayant depuis
été éclairci et assuré par vosdits ambassadeurs que c'étoit
chose dont vos intentions étoient entièrement éloignées,
et que notre dit ambassadeur recevroit des traitements si
honorables que personne n'en pourroit douter, nous avons
donné ordre à notredit ambassadeur de continuer ses ser-
vices près de votre personne, estimant (comme vous) être
à propos pour le bien commun de nos États et la réputa-
1. Ci-dessus, p. 224. — Arch. nat., papiers d'Herbault,
KK1363, fol. 234 v°. Copie. — Cf. la pièce suivante.
2. Le manuscrit A. (t. II, fol. 23) reproduisait à peu près
textuellement la fin de cette lettre : « Ayant été averti qu'il
s'étoit passé quelque chose à la personne de mon ambassadeur
où ma dignité, etc.. »
\iti-:m»u i> 329
tion de nos affaires de faire voira tout le monde la per-
• !i de notre bonne intelligence et correspondance, à
i|tioi nous contribueront toujours de noire part tout le soin
.1 affection <|tii dépendra de nniis, vous assurant que nous
aurions plus de sentiment que \ous-mème si aucun de
ceux qui nous appartiennent vous dommit sujet de mécon-
tentement. Nous nous remettons du surplus a notredit
ambassadeur, auquel nous vous prions de donner toute
M».-. Nous prions Dieu, etc.
Appbnoicb IX.
Lettre de Louis XI 11 à M. de BlainvilleK
20 mars 1626.
Monsieur de l'Iaim ille,
lie que le sieur de la Folaine vous aura ren-
due de ma part, je \((iis ;ii donné avis des propos que les
ambassadeurs du roi de la Grande-Bretagne, mon beau-
frère, m'avoient tenus sur les chotef ci-devant arrivées par
delà et lei assurances qu'ils m'avoient données que j'en
mis toute latiafaction. le veux donc croire que les
effets s'en seront ensuivis Néanmoins, attendant que j'aie
de »oa nouvelles sur ce sujet, j';ii résolu de renvoyer vers
vous \f rieur de Rome et vous adresser par lui deux lettrée
puni ledit roi mon I». au-frère. I.a première, qui est anti-
. servira «le répons,- | la si. •une. Kl j,- détire qu'in-
continent la présente reçue nous demandie/. audience pour
la pi. udit roi, l'accompagnant de telles parolea
civiles et respectueuses qne tous ju^'i/ convenables, eu
1. «li-dessus, p. 22V — Arch. nat . papiers d'Herbtalt,
kk 1363, loi. 137. Copie; krefc des \n étr . Angleterre 36,
■ pte,
1
330 APPENDICES.
égard à l'état où se trouveroient les choses ii l'arrivée du
sieur de Rome, soit de la satisfaction qui pourroit déjà vous
avoir été donnée, comme à mon ambassadeur, ou du
retardement qui pourroit y avoir été apporté. Vous pour-
rez aussi prendre sujet de faire offre en cette audience, en
mon nom, pour la restitution des vaisseaux et marchandises
de mes sujets, suivant les paroles que lesdits ambassadeurs
m'ont données. Et, soit que vous obteniez la délivrance
de tout ou de partie d'iceux, ou que le refus vous en soit
fait, ou que vous ayez reçu, comme mon ambassadeur,
satisfaction, ou qu'elle ait été retardée, je vous accorde la
permission de revenir près de moi, que vous m'avez plu-
sieurs fois demandée.
Et mon intention est que trois ou quatre jours après
cette première audience, plus ou moins, selon que vous
verrez être à propos, vous en demandiez une seconde audit
roi pour y présenter mon autre lettre et pour y prendre
votre congé. Ce qu'ayant pareillement accompli avec la
reine, ma sœur, vous pourrez vous mettre aussitôt en che-
min pour me venir trouver, sans vous arrêter davantage
par delà, me proposant, si la satisfaction est faite, d'y
envoyer par après le sieur de Fossé, mon ambassadeur
ordinaire. Sinon, son départ sera différé, et je prendrai
temps pour penser si j'aurai à envoyer un ambassadeur en
[un] lieu où ma dignité en leurs personnes est si peu res-
pectée. Cependant, je ferai acheminer le sieur évêque de
Mende pour servir près de la reine, ma sœur, et ailleurs
selon que les occurrences s'en présenteront. C'est ce que je
vous ferai savoir par ledit sieur de Rome, me remettant
sur lui de toutes nouvelles et occurrences de deçà et du
contentement que j'ai de vos services. Sur ce, je prie
Dieu...
\iri;\i>it i> XM
Appendice X.
Lettre* >(t' ht reine d'Espagne au eardùutl de Richelieu
et à lu Heine mère{.
25 février 1626.
Mon cousin,
bons et fidèles services que vous rendez et avez tou-
jours rendus au Roi Monsieur mon frère et à la Reine
Madame ma mère, avec l'estime particulière que je fais de
votre personne, m'ont toujours fait désirer de vous témoi-
gner ma bonne volonté en toutes occasions; mais je m'y
trouve bien plus particulièrement obligée à cette heure
que je sais que, si le mauvais état où a été au passé la cor-
respondance de ces couronnes a du changement, votre
bonne intention et industrie y ont contribué autant ou
plus que tous les autres ensemble. Et, bien que je fasse
profession de ne me mêler point d'affaires, j'ai eu celui-là
si ;i cœur que je l'ai toujours appelé et le tient comme
mien, comme étant le plus glorieux que je veuille entre-
prendre. C'est pourquoi, après vous avoir remercié de ce
m MWM J ivez fait jusques ici, je vous exhorte <le conti-
nuer courageusement. L'honneur vous en demeurera
devant Dieu et le monde, et à moi le désir de vous témoi-
i ooe je suis, mon cousin, votre bonne cousine
I I l/.ABKTH.
I). Madrid, ce 25* février.
J<> f.-M-irr lf>26.
Madame,
I m mi de r.imliassadcur du Hoi Monsieur mon I
orne la bonne intelligence «l'entre ces couronnes, que j'ai
1. « ' ' — Ms. A, t. Il, fol '.o Il
332 APPENDICES.
toujours désirée comme mon propre salut, n'étok DM
encore en si bons termes comme nous avions espéré ces
jours passés; néanmoins, j'ose me promettre de la bonté
de Dieu et de la vôtre, sachant que je dois beaucoup à
V. M. pour ce regard, que tout ira bien. J'ai écrit au comte
d'Olivarès par l'ambassadeur, lequel est parti pour Ara-
gon, avec le plus d'efficace que j'ai pu, afin qu'il contri-
buât tout ce qu'il pourroit à un si bon œuvre, et vous sup-
plierai, Madame, de me continuer en cela les preuves que
vous m'avez toujours rendues de votre bon naturel et ami-
tié pour moi, de laquelle je suis et serai toujours très
reconnoissante. Et, au cas que les affaires s'accommo-
dassent et que le service du Roi Monsieur mon frère le
pût permettre, je désirerois bien de ravoir près de moi
Mme du Fargis, car je l'aime et ai toujours connu en elle
beaucoup de fidélité et d'affection à mon service. Je sais
que V. M. a tant de bonne volonté pour moi qu'elle pren-
dra plaisir que je m'adresse à elle pour les choses que je
désire pour mon bien et mon repos, dont la principale est
que ces couronnes soient bien ensemble et V. M. en aussi
bonne santé comme je le souhaite, étant à jamais, de tout
mon cœur, votre très humble et très obéissante fille.
Élizabeth.
De Madrid, ce 20e février.
Appendice XI.
Liste des principaux documents manuscrits utilisés
pour la rédaction du tome V des Mémoires.
Archives des Affaires étrangères.
France 245.
Pafjes
1625. — 3 septembre. Lettre du Cardinal au roi
sur la convocation d'une assemblée . . . 113-117
apim 333
France 246.
». — Mai. Discours sur l'état des affaires prê-
tes 19-30 et 250 et suivantes
— 25 novembre. « Discours tendant ;■ \<>ir si,
mi la guerre avec l'Espagne en Italie, il
frai la faire aussi en dedans du royaume » . 182-199
France 780.
— 25 mai. Mémoire au sieur Bellujon sur l'accom-
modement i hiire avec les huguenots . 40-43
— Juillet. Mémoire du Cardinal sur la rébellion du
sieur de Soubise 45-53
— 30 août. Mémoire du Cardinal à Schonberg
touchant la paix avec les huguenots . . 54-56
France 782.
-. — Février. Déclaration de l'évêque de
Chartres au sujet de l'.A<//wom7ioetdes Mysteria
jinlttuil 239
France 795.
— Raisons pour lesquelles le Roi ne peut aecorder
les duels 268-273
Angleterre
1625. — Juin Relation de ce qui s'est passé a\< ■<
h- «lin (I.- l'.iu kingham 84-98
— Juin. Avis sur les [ini|i<>sitions du duc de Bu<-
Unghaa 84-98
— Il niivcmlii.- Lettre de Rieheliee a Blafamlle,
ami. ass.nl. -m en \n-leterre 154-161
334 APPENDICES.
Pages
1625. — Décembre. Avis du Cardinal sur le voyage
de Buckingham App. IV
Angleterre, supplément 1.
— Juin. Instruction de Marie de Médicis à Hen-
riette de France allant en Angleterre . . App. I
Espagne 14.
— Octobre. « Propos tenus entre M. le maréchal
de Schônberg et le marquis de Mirabel ». 130-133
— Octobre. « Réponse qui sera faite au nom du
Roi au marquis de Mirabel » 133
— 29 octobre. Lettre du Roi à du Fargis, ambas-
sadeur en Espagne 134-138
— 6 décembre. Lettre de M. d'Herbault à M. du
Fargis 138-139
1626. — 7 janvier. Lettre de M. du Fargis au Roi. 210
— Janvier. Avis du Cardinal sur le traité de Mon-
çon 212-214
— Février. Lettre du Cardinal à M. du Fargis. 217-219
Hollande 9.
Sans date. — « Savoir s'il est licite de secourir les
Hollandois » App. II
Rome 37.
1625. — Relation sommaire de ce qui s'est passé en
la négociation de M. le cardinal Barberin, légat
en France 101-111
Suisse 19.
— 28 octobre. Instruction baillée à M. le mare-
APPENDICES. 335
chai de I lasso m pierre allant ambassadeur extraor-
dinaire en Suisse 124-129
Turin 7.
». — Janvier. Réponse que le Roi fera au prince
de Piémont et à l'ambassadeur de Venise. 215-216
— Juin. Instruction au sieur de Bullion allantambas-
sadeur extraordinaire en Piémont .... 252-253
Venise 44.
— Instruction au sieur de Châteauneuf allant ambas-
sadeur à Venise, en Valteline et en Suisse 255-259
Bibliothèque nationale.
Français 3686.
1625. — 24 décembre. Lettre du Roi a M. d'Es-
165-166
Français 15990.
— 23 mars i Instruction envoyée à M. de Héthune
pOOI 11 dispense du mariage d'Angleterre » . 10-15
— Décembre. « Instruction au sieur Hautru allant
-n \n-leterre » 172-174
— Décembre. « Dépêcha que le sieur Hautru a por-
-n Angleterre » 175
Clairambault 521.
— RépOBjedfl Uni a l'ambassadeur d'Espagne
tout liant le traité fait par le sieur du Fargis .
336 APPENDICES.
Archives nationales.
KK 1363.
Page»
1626. — Mars. Lettre du Roi à M. de Blainville . 224
M 232.
— Avis du garde des sceaux de Marillac au sujet
de la paix avec l'Espagne 207-209
SOMMAIRES DU TOME CINQUIÈME
Année 1625.
Rébellion de Soubise; il s'empare de l'île de Ré et de vaisseaux
à Blavet, p. 1-7. — Projet de mariage de Madame Henriette
avec le roi d'Angleterre; retour du P. de Bérulle de Rome;
diiiicultés au sujet de la religion; concessions faites par le
Pape, 8-15. — Avènement de Charles Ier; son mariage avec
Henriette de France, 16-17. — Révolte des protestants en
Languedoc; mémoire de Richelieu au Roi au sujet de la
marche à suivre pour les négociations de la paix, 17-30. —
Descente de Soubise à Castillon de Médoc; le Roi demande
des vaisseaux aux Hollandais ; négociations avec eux et avec
les Anglais, 31-38. — Négociations avec MM. de Rohan et
de Soubise et avec les protestants, 39-49. — Soubise sur-
prend traîtreusement l'amiral Haut tain, 50-51. — Suite des
négociations avec les protestants, 52-56. — Victoire navale
du duc de Montmorency sur Soubise, 57-60. — Campagne
de Lesdiguières en Savoie ; sièges d'Asti et de Verrue par le
duc de Feria ; sa déroute par le connétable, 60-69. — Affaires
des Pays-Bas; défense de Bréda; projets divers pour y faire
passer des troupes; elles y sont envoyées par mer, 69-79. —
Mort de Maurice de Nassau; capitulation de Bréda; retraite
de Mansfeld en Allemagne, 79-82. — Affaires de la \
Hfttj le Pape envoie un légat en France, 82-84. — Arrivée
du duc de Buckingham en France; demandes qu'il fait; avis
du Cardinal suivi par le Roi, 84-98. — Départ de la je*M
reine d'Angleterre; instruction qui lui est remise par sa
mère ; elle débarque à Douvres, 98-100. — Négociations avec
le légat au sujet de la paix avec l'Espagne et des affaires de
Il Valteline et des (ni KM ft, 101 1 H — Le Cardinal cons.il I.
au Roi la tenue d'un conseil extraordinaire! il- lis. —
Départ du légat pour Avignon; lettre du Roi au Pape, 118-
N H
338 SOMMAIRES DU TOME CINQUIÈME.
120. — Tenue de l'assemblée extraordinaire ; discours du
Cardinal; suite de la négociation, 120-124. — Bassompierre
envoyé en Suisse comme ambassadeur extraordinaire; son
instruction, 124-130. — L'Espagne renoue les négociations
par son ambassadeur en France, 130-134. — Avis conforme
de M. du Fargis ; instruction qui lui est envoyée; propositions
d'Olivarès rejetées par le Roi, 134-139. — Arrivée d'Hen-
riette de France en Angleterre; procédés du roi et de Buc-
kingham à son égard; peste de Londres, 140-145. — Diffi-
cultés en Angleterre à propos de la maison catholique de la
reine ; envoi de Blainville comme ambassadeur extraordinaire,
145-151. — Duplicité de Buckingham ; réponse du Cardinal
à ses demandes, 151-162. — Alliance conclue entre l'Angle-
terre et la Hollande ; Buckingham mécontent qu'on refuse de
le recevoir en France ; il fait redemander par les Hollandais
les vaisseaux prêtés au Roi, 162-168. — Nouvelles vexations
en Angleterre contre la reine et les Français; mécontente-
ment de Buckingham, 168-170. — Le Cardinal emploie l'in-
fluence du duc de Chevreuse en Angleterre ; envoi de Bautru
à Londres, 171-177. — Retour de Bautru avec des ambassa-
deurs anglais; voyage de l'évêque de Mende en France, 177-
181. — Reprise des négociations avec les protestants; avis
du Cardinal au Roi sur la marche à suivre pour arriver aux
différentes paix, 181-200. — Apparition des Mysteria poli-
tica et de ÏÂdmonitio ad Regem ; leur condamnation par la
Sorbonne, 201-204.
Année 1626.
Discussions au Conseil au sujet de la paix avec l'Espagne et avec
les protestants; avis de Marillac, p. 205-209. — M. du Fargis
signe à Madrid, contre ses instructions, un traité désavanta-
geux; mécontentement du Roi, 209-212. — Moyen proposé
par le Cardinal pour réparer cette faute; instructions nou-
velles à du Fargis, 212-219. — Négociations avec les ambas-
sadeurs d'Angleterre, 220-224. — Venue du prince de Pié-
mont à Paris, 224-225. — Conclusion de la paix avec les
protestants ; conditions du traité, 225-228. — Réflexions sur
la conduite du Cardinal à cette occasion, 229-230. — Mécon-
tentement des Rohans, 230-232. — Conflit entre le Parlement
SOMMAIRES DU TOME CINQUIÈME. 339
et l'assemblée du clergé au sujet des Mysteria et de ÏAdmo-
nitio, et de la censure de l'évêque de Chartres, 232-239. —
Tempête contre les Jésuites à propos du livre de Santarelli,
239-247. — Nouvelles fautes de M. du Fargis en Espagne;
traité de Monçon; mécontentement du Roi, 247-249. —
Diilii ulté de le faire admettre aux alliés de la France; envoi
H. de Bullion en Savoie à ce sujet, 250-254. — Envoi de
Chlteauneuf à Venise, aux Grisons et près des cantons suisses
|M>ur le même objet, 255-260. — Surprise des ambassadeurs
d'Angleterre; projet de convention avec eux pour la conti-
nuation de la guerre en Allemagne, 260-265. — Édit contre
I- > duels; punition du marquis de Praslin, 265-274.
Appendices.
I. In>tiu< tion remise par Marie de Médicis à Henriette de France
avant son départ pour l'Angleterre, p. 275. — II. Discours sur
la légitimité d'une alliance avec les hérétiques et les infidèles,
283. — III. Discours prononcé par le cardinal de Richelieu
a l'assemblée de Fontainebleau du 29 septembre 1625, 309.
— IV. Avis de Richelieu sur le voyage de Buckingham, 311.
— V. Lettre de Guillaume Bautru au cardinal de Richelieu
sur sa mission en Angleterre, 314. — VI. Avis du garde des
sceaux de Marillac au sujet de la paix avec l'Espagne, 320.
— VII. Lettre de M. du Fargis au Roi, 326. - VIII. Lettre
de Louis \III au roi d'Angleterre, 328. — IX. Lettre de
Louis XIII à M. de Blainville, 329. — X. Lettres de la reine
d'Espagne au cardinal de Richelieu et à la Reine mère, 331.
— XI. Liste des principaux documents manuscrits utilisés
pour II i du tome V des Mémoires, 332.
TABLE ALPHABÉTIQUE
Acqui la ville d'), #60, 62.
pamphlet, 201-204,
Aerssen (François d'I, ambassa-
deur ilf llolfande en France,
196.
txjnne (Rostaing- Antoine
15.
Aiguillon (le port d'), l'Équilon,
Alexandre, roi do Macédoine, 2.
Aligre (Etienne d'), chancelier,
Allemagne (1*), 21-23, 67, 87,
88, :, 98, 12».
193, 194, 201,
-263.
Allemand» (les). 79, 231, 264.
Angers il'evèque d'). Voy. Miron
is (la ville d'), 26,99, 182.
Anglais (les), U 79,85,
6-158, 161,
. 185, 192,
262.
12, 13, 22, 52,
. 140,
Angleterre (le roi d'). Voy.
I".
— (la riette
— (les ambassadeurs d'i en
Frai <iarllon et H<>l-
land.
A nlmlt (Jean-Jacques de Brou-
efaot
An l'Antri M de
M.
Antioche (le pertuis d'), 51.
Anvers (la ville d), 80.
Aragon (!'), 247.
Archevêché d'i, à Paris, 16.
Artois d'), 71, 74, 75, 89, 90,93.
Asti lia ville d'), 60, 63, 64.
Aubais (le baron d'), M98.
Autriche (la maison d'), 21, 24,
97, 126, 162, 193, 231.
Avignon (la ville d'), 118.
Avranches (l'évoque d'). Voy.
Péricard (François de).
B
Baden (le marquis de), 262.
Barbarie (la), 231.
Barberini (François, cardinal),
"82-85, 96, lOÎ -132, 135, 136,
187.
Baspompierre (le maréchal de),
124, 130.
Bautru (Guillaume), 172, 177,
Bavière (Maximilien, duc de),
— (la), 160, 202, 264.
Bellujon (Daniel de), 31, 38,
."-; 198.
Bernard (saint),
Bérulle (le P. de), 8, 14, 149.
Béthune (Philippe, comte de),
amtassadeiir de France à
Berne. 11, 13, 83, 96, 101,
255.
Blainville mhmirtmf
de Franco à Londres, 148-
Blavet (le port de), 2, 4.
31.
Bormio (la ville et le
22*
342
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Boucher (le docteur Jeau), *20i .
Boulogne-sur-Mer (la ville de),
98.
Bourbourg (la ville de), 72.
Bourgogne (la), 126.
Brandebourg ( Georges - Guil-
laume, margrave de), *21.
— (le), 261.
Brandtschatter (le pays de), 72.
Bréda (la ville de), 20, 70, 72-
77, 80, 82, 189.
Bressan (le), pays de Brescia,
103.
Brouage (le port de), 59.
Bruges (la ville de), 71.
Brunswick (le duché de), 261.
Bruxelles (la ville de), 72.
Buckingham (Georges Villiers,
duc de), 38, 84-89, 97, 98,
143-148, 151, 152, 154, 159-
163, 168-172, 174-176, 179,
180, 192, 196.
— (la duchesse de), 144.
Bulle d'or (la), 263.
Bullion (Claude de), 189, 252,
254.
Cadix (la ville de), 89, 151, 186.
Cambrésis (le), 72.
Canelli (le bourg de), Cannes,
*63.
Cannes. Voy. Canelli.
Cardinaux (les), 14.
Garlisle (le comte de), 146, 168,
169.
Carlton (Dudley, lord), ambas-
sadeur d'Angleterre, M77,
180, 220, 221, 225, 230, 231,
260.
Castillon (la ville de), en Mé-
doc, 31.
Castres (la ville de), 18, 19, 42.
Champagne (la), 24, 26, 28.
— (la lieutenance de Roi de),
274.
Chancelier.de France (le). Voy.
Aligre (Etienne d').
Charles Ier, roi d'Angleterre, 8,
12, 16, 22-24, 36, 70, 84, 86,
88-90, 95, 98-100, 140-144,
146-148, 150, 151, 155-158,
161, 162, 168-172, 177-180,
206, 221, 223, 224, 230.
Chartres (l'évèque de). Voy.
Valençay (Léonor d'Estampes
de).
Chàteauneuf (Charles de l'Au-
bespine, marquis de), *255-
260.
Chef-de-Bayé ou Chef-de-Bois,
près la Rochelle, *51, 58.
Chevreuse (le duc de), 145, 149,
150, 172-176.
— (la duchesse de), 172-173.
Chiavenna (la ville et le comté
de), 82, 104, 218, 259.
Christian IV, roi de Danemark,
*21, 81, 162, 180.
Clergé de France (le), 195, 196,
204, 232-238, 245, 246.
Coblentz (la ville de), 262.
Cœuvres ( François - Annibal
d'Estrées, marquis de), 82,
103.
Cologne (la ville de), 262.
Compiègne (la ville de), 99.
Confesseur du Roi (le). Voy.
Séguiran (le P. de).
Créquy (Charles de Blanche-
fort de), 63, 64.
Crescentin (la ville de), *65.
Gros (le sieur du), 198.
D
Danemark (le), 93, 261, 262.
— (le roi de) . Voy . Christian IV .
Denbigh (William Fielding,
comte de), *152.
— (la comtesse de), 444.
Diane (la déesse), 2.
Dieppe (la ville de), 93.
Douvres (la ville de), 100, 140,
141.
Duels (l'édit sur les), 265-274.
Dunkerque (la ville de), 70, 72.
E
Effiat (le marquis d'), 145.
Électeur palatin (T). Voy. Fré-
déric V.
Elisabeth, reine d'Angleterre,
142.
I UJLE ILPUAM i ;
l-'rance, reine
d'Espagne. 248.
Empereur (1'). Voy. I
nanti II.
Epcrnon (Jean-Louis de Noga-
rot de la
Èquili y. Aiguillon.
», 2.
. 71
Espagne <l'), 8, 19, 20, 2
94, 96, '.'T. 101, 108,
133, 135, 136, 158, 160,
165, 169, 17'.. 181, 182,
.. 203, 205-
.. 249,255,
258, 260.
— (le roi d'). Voy. Philippe IV.
— lia reine à"). Voy. Elisabeth
— ll'amhassadeur d') en France.
abel (le marquis de).
Espag i, 30,
•2,91,
',130,
186, 188,
192. 211,212,251,
255, 265.
Espesses (M. d'), ambassadeur
de France en Hollande, 162,
171,174
Étage. Voy. Ottagio.
pe (T), 12.
tbriel de la Vallée-
>sez, marquis d'), 224.
a (Charles d'Angennes,
seigneur
Faye-S a i de Pey re-
lirai '12.
Ferdinand II. empereur '
;
i,259.
Flandre lia 1,89,
Fontainebleau (le chàtea
,50,83.
e| la), en Angleterre,
148.
i - (le), près la Ro-
che.
. (la), 57, 58.
Fosse/, (le sieur de). Voy. I
lv île marqui-
Français (les), 78, 79, 81, 110,
I 16, 168, 170, 191.
France [la), 1-2. 13. 17. î
28, 46, 49, 69, 73, 78, 81, 84,
87, 89,91, 95, 107, 109,
125, 135, 136, 140, 1411
159, 160, 166, 170, 171
174, 176, 177, 179, 185, 193,
195, '20:<, 207.
245, 258, 261, 202,
— à Ruine (l'ai: ir de).
Voy. Béthune ( Philippe,
comte de).
Friedland (le duc de). Voy.
Wallenstein.
(iabor (liethlen .
Gavi (la ville de), *60, 63.
9 da ville et la république
de), -20. 22, 23, 30, 31, •
87, !
Génois (les), 61, 254.
Germanie (la), 162, 193.
Gertruydenberg (la ville de),
*79.
Gravelines (la ville de), 72.
Grisons (les), 83. . 106-
111, 119, , 133,
135, 208, 211 7-219,
255-259.
Guise (Charles de Lorraine, duc
Gustave-Adolphe, roi de Suède,
21.
11
îlamilton (la marquise d
Hasselt (la vill.
Haultain de Zoete (Guillai
amiral de Zélande,
Havre (le port du), 1
Raye lia ville
Henri [V. r-.i de France et de
Nav
344
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Henriette de France, dite Ma-
dame, reine d'Angleterre, 8,
12, 16, 98-100, 140-146, 148-
151, 154, 159, 168, 169, 176,
178-180, 264, 270.
Hermite (le sieur L'), marin, 22.
Holland (le comte), ambassa-
deur d'Angleterre, 177, 180,
220, 221, 225, 230, 231, 260.
Hollandais (les), 22, 31, 33, 37,
50,78,162-168,171,185,192,
196, 202, 231, 232.
Hollande (la), 13, 21, 79, 152,
153, 162, 163, 168, 170, 203,
261, 262.
Holstein (le duché de), 21, 81.
Hongrie (la), 21.
Huguenots (les). Voy. Protes-
tants.
I
Indes occidentales (les), 22.
Irlande (D, 52.
Italie (F), 20, 22, 24, 25, 44, 46,
60, 66, 68, 69, 88, 90, 92, 94,
97, 103, l'M, 123-126, 129,
130, 134, 181, 187, 188, 190,
195, 201, 285, 215, 255, 257,
260.
— (les princes d'), 23-25.
Italiens (les), 116.
Jacques Ier, roi d'Angleterre,
7-16, 84.
Jésuiles (les), 240, 244-246.
Juliers (la ville de), 262.
Langres (l'évêque de). Voy.
Zamet (Sébastien).
Langstraat (la région de), *79.
Languedoc (le), 2, 3, 39, 49,
181, 196-198, 215.
Launay-Rasilly (Claude de),
*167.
Laval (Frédéric de la Tré-
moïlle, comte de), *56.
Légat du Pape (le). Voy. Bar-
berini (François, cardinal).
Le Gras (Simon), évêque de
Soissons, 233, 236.
Léopold (l'archiduc), 219.
Lesdiguières (le connétable de),
31, 44, 47,48, 55, 56,60,62,
63, 65, 69, 189, 190, 226.
Leye (la). Voy. Lys (la).
Limours (le château de), 113.
Londres (la ville de), 142, 143,
145.
Loudrières (René de Talansac,
sieur de), *55.
Louis (saint), roi de France,
268.
Louis XIII, roi de France, 1-3,
5, 7-17, 18-20, 23-30, 32-38,
40-49, 52, 54, 55, 61, 66, 69,
70, 77, 78, 83-85, 88-93, 97-
103, 105-110, 112-129, 131-
139, 146-150, 153, 156-166,
171, 172, 174, 178-183, 186,
187, 190, 192-197, 200, 203,
205, 207-230, 232, 233, 236-
238, 245, 247-251, 254-260,
265-267, 270-274.
Lucerne (la ville de), 128.
Lumen (la ville de), *72.
Lunebourg (la ville de), 262.
Lys (la) ou Leye, rivière, 71.
M
Madame. Voy. Henriette de
France, reine d'Angleterre.
Madiane (Jean de Bouffard, dit),
M98.
Madrid (la ville de), 247.
— (le traité de), 102, 110, 132.
Mahomet, 242.
Mansfeld (Ernest, comte de),
20, 21, 26, 33, 70, 71, 75-77,
80,81, 89, 93.
Mantin (Théodore de), *5, 50,
60, 163, 168.
Marans (le gouvernement de),
274.
Marguerite de Valois, reine de
. Navarre, 16.
Marie de Médicis, reine de
France, 8, 55, 84, 99, 100,
114, 180, 248.
Marillac (Michel de), garde des
sceaux, 207.
TABLE ALIMIM 1 I I
345
Maurice (le comte). Voy.NaMau.
•i]uode). Voy. Motte*
Bondancourt (Daniel de
Milan (la ville et l'Etat de) ou
-259.
m (la ville de), 42.
ichet,
sieur de la), 198.
Mirabel (le marquis de), ambas-
sadeur d'Espagne en France.
130-133, 138, 212, 213, 215,
248.
Miron (Charles), évoque d'An-
Ktt.
Monçon (la ville et le traité de),
>*ur. Voyez Orléans (Gas-
ton, duc il').
Montauban (la ville de), 18, 19,
Montmorency (Henry II, duc
de), ûO, 57, 59, 191, 1%.
■•Hier île traité de), 44, 46.
lues (les).
lloudancourt (Daniel de
me de Mende, 179,
180,
Mysteriapolitica, pamphlet, 201-
N
Nantes (la ville dei, 5.
Nassau (le comte Maurice de),
70, 79, 80.
- (Charles de Gonzague-
Clèves, duc de), 47.
le-la-Paille (la ville de)/te.
Noailla I, 56.
•lu Pape ranoe.
v. Spada ( Bernard i:
Normandie (1er.
(la ville de|, #60.
O
D (l'île d'), 14,57, 59,228,
Olivarès (Gaspard de Guzmun,
comte-duc û\ 134, 137-138,
210, 211, 213, 214, 217, 247,
Olonne (le port d'), M
Oneglia (la ville d'), Oneille,
•61.
Orange (Ilenri de Nassau, prince
•80.
Orléans (Gaston, duc d'), dit
Monsieur, 99.
Ottagio (le bourg d'), Étage, *61.
Oxford (la ville d'), 145.
Palatin (Frédéric V, électeur),
24, 86, 87, 95, 162, 202.
Palatinat (le|, 30, 85, 87-90, 95,
97,98,160,180,201,202,262.
Papes (les), 240-243. Voy. Ur-
bain VIII.
Paris (la ville de), 16, 83, 98,
220, 260.
Parlement d'Angleterre (le),
38, 145-147, 180.
— de Paris (le), 232-238, 243-
245, 271, 272.
Pays-Bas (les), 20.
Péricard (François de), évèque
d'Avranches, 236.
Persans îles), 194.
Pescharnaud (le sieur de), *53,
56.
Philippe IV, roi d'Espagne, 25,
78, 87, Kil, . 131,
, 217,
Philippe le Bel, roi de France,
m.
die (la), 23, 16, 93.
îni (Octave), M89.
\ médée I*'
de 8 rince de), 225,
- (le,
• (la ville
IMvmouth (la ville de), 151.
ml (la ri\;
Pnri-Uui» (le).
346
TABLK AM'IIAKKTIQUE.
IVrtsmoulh (la ville de), 164,
168.
Poschiavo (la ville de), 103.
l'nislin (Charles de Chuiseul,
maréchal de), 31, *41, 43,
190, 191, 226,274.
— (Roger de Choiseul, marquis
de), TO.
Protestants (les), 1, 12, 13, 17,
19,24, 26,27, 29,30, 35,38,
49,65, 88, 91, 118, 122, 155,
157, 164, 171, 181-190, 194,
196, 197, 205-207, 213, 220,
225-230, 232, 263, 265.
Provinces- Unies (les), 73, 162.
Voy. Hollande.
Puritains (les), 12.
Q
Querolhein (le sieur de), *4.
R
Ré (l'île de), 4, 44,57,228,231.
Rhin (le), 81, 262.
Richelieu (le cardinal de), 16,
17, 19, 32, 33, 35, 36, 44, 45,
54, 66-68, 78, 83, 90-96, 99,
112-117, 120-122, 149, 154,
157, 160, 164, 165, 167, 171,
179, 182, 183, 200, 202, 206,
212-215, 229-231, 236, 239,
240, 245, 248, 264, 267-269,
272, 273.
Riva di Ghiavenna(la ville de),
*82.
Rochefoucauld (François V,
duc de la), 43, 57.
— (le cardinal de la), 233.
Rochelais (les), 4, 43, 47, 48,
52, 55, 181, 182, 205,228.
Rochelle (la ville de la), 17, 18,
31, 39, 41, 42, 46, 47,49, 55,
56, 58, 157, 168, 181, 185,
186, 188, 191, 192, 196-498,
200, 226-228.
Rohan (Henri, duc de), 2, 3, 18,
39, 41,42,44,46,47,49,215,
230.
— (Catherine de Parthenay,
dame de),*3, 231, 232.
— (Marguerite de Béthune, du-
chesse de), 3.
Rohan [Henriette, demoiselle
de), *3.
Rome (la ville et la cour de), S,
10, 13, 83, 106, 13(1,
187, 229, 230, 238, 240, 254,
255.
s
Sahles-d'Olonne (la ville des), 1 .
Saint-Georges (Mme de), dame
d'honneur d'Henriette de
France, *142, 144.
Saint-Jean-d'Angély (la ville
de), 1.
Saint- Julien (le chevalier de),
5, 37.
Saint-Luc (Timoléon d'Espi-
nay, marquis de), 57.
Saint-Malo (la ville de), 168.
Saint-Martin-de-Ré (le bourg
de), 51, 59.
Saint-Michel (le), vaisseau, 59.
Salisbury (la ville de), 152.
Santarelli (Antonio), *240-247.
Savoie (Charles-Emmanuel Ier,
duc de), 23, 47, 48, 60-62,
125,216,251, 252, 254,255,
261.
— (l'ambassadeurde)en France,
213.
— (la), 88, 117, 127, 202, 203,
213, 216.
Savone (la ville de), 61, 62.
Saxe (la), 21.
— (le cercle de Basse-), 81.
Scheurken (le canal de), 71.
SchOnberg (Henri, maréchal
de), 131, 132, 138.
Séguiran (le P. Gaspard de),
confesseur de Louis XIII, *l4.
Sillery (le commandeur de) , 1 32.
Soissons (l'évèque de). Voy. Le
Gras (Simon).
Sorbonne (la), 14, 203, 204, 243-
246.
Soubise (Benjamin de Rohan,
seigneur de), 1-7, 17, 18, 31,
32, 39, 41, 43-47, 50, 51, 56-
59, 62, 118, 150, 156, 157,
164, 168,230, 231.
Southampton {Thomas Wrio-
thesley, comte de), M 48.
I \lil.l M PHAI
347
Spada : moi, nonce du
pape en France, 9, 11!
189.
-
Gustave-
>s eau
T
. à la Ro-
che
mal de la
!e maréchal de), 19,
. Tirlemont.
..te de), 147. 151.
Tilly omte
Tirlemont (la ville de) ou Thie-
(le château dei.
■Santos (la baie de),
Toiraa (Jean de Saint-Bonnet,
seigneur de), 39, 57, 196.
-s (la charge de bailli de),
I
Turin (la ville de), 65.
U
Urbain VIU, pape, 8, 10-15,24,
6, 108-111,
: Kstam|ies
Valence (le concile de), en 855,
. 102-111, 122,
201 209, 215, 217,
253 255-258.
Valtelins (l'es)', 129, 132, 133,
Vendôme (César, duc de), 5, 6.
Venise (la ville et la république
del.23,88, HT. 125, 121
— (l'ambassadeur de) à Paris,
213.
îens (les), 103. I
Verrue (la ville de), *64, 65, 67,
69, !
|la rivière de la), 64.
Vierge (lai.
i'.ertrand de), 65, *68,
254.
Ville-aux-Clercs(M.dela
Vitelleschi, général desJé-
W
Wallenstein (Albert de), duc
de Friedland.
Weser (le), 81.
tphalie (la), 81.
n (la ville
Wurtemberg (le duc de), 21,
M ila ville d'i, 7t.
/
Zamet (Sébastien), évoque <le
Zucarol (la
ADDITIONS ET CORRECTIONS.
Page 18, note 1, ligne 3. Au lieu de : adieu, lire : adieux.
Page 100, note 3, dernière ligne. Au lieu de : Bibl. nat., lire :
Arc/i. nat.
Page 112, note 1, première ligne. Au lieu de : Première
rédaction du manuscrit B, lire : du manuscrit A.
Page 212, note 1, ligne 3. Au lieu de : Espagne 13, lire :
Espagne lk.
Nogent-le-Rotrou, imprimerie Daupeley-Gouverneur.
^%6
r*
*
*
*J*Jà