Skip to main content

Full text of "Mémoires"

See other formats


.>»• 


w„-    j^S 


» . 


3/ 

MÉMOIRES 


DU 


CARDINAL   DE   RICHELIEU 


IMPRIMERIE  DAUPELEY-GOUVERNEUR 


A    NOGENT-LE-ROTROU. 


tr  o 


MÉMOIRES 


DU 


CARDINAL  DE  RICHELIEU 

PUBLIÉS 

d'après  les  manuscrits  originaux 

POUR    LA    SOCIÉTÉ    DE    l'hISTOIRE    DE    FRANCE 
AVEC   LE   CONCOURS   OB 

I /INSTITUT   DE   FRANCE   —  ACADÉMIE   FRANÇAISE 

(FONDATIONS    DEBROLSSE    ET    GAS) 


TOME  CINQUIÈME 

(1625-1626) 


m 


A  PARIS 

soi  II   II     l»|.    I.  MlslolHK    M    I  B  \N.  I 
'     46,     mu»     JACOB 


• 


. 


pi 


MÉMOIRES 


DU 


CARDINAL  DE  RICHELIEU 


TOME  CINQUIÈME 

(1625-1626) 

PUBLIÉ    SOCS    LA    DIBBCTIOIf    DE 

M.   Loois  DELAVAUD 

MB 

Rogbr  GAUCHERON  bt  Emile  DERMENGHI  M 


MDCCCCXXI 


EXTRAIT   DU    REGLEMENT. 

Art.  14.  —  Le  Conseil  désigne  les  ouvrages  à  publier, 
et  choisit  les  personnes  les  plus  capables  d'en  préparer  et 
d'en  suivre  la  publication. 

Il  nomme,  pour  chaque  ouvrage  à  publier,  un  Commis- 
saire responsable,  chargé  d'en  surveiller  l'exécution. 

Le  nom  de  l'éditeur  sera  placé  en  tête  de  chaque  volume. 

Aucun  volume  ne  pourra  paraître  sous  le  nom  de  la 
Société  sans  l'autorisation  du  Conseil,  et  s'il  n'est  accom- 
pagné d'une  déclaration  du  Commissaire  responsable,  por 
i;uit  que  le  travail  lui  a  paru  mériter  d'être  publié. 


Le  Directeur  de  la  publication  soussigné  déclare  que  le 

tome  V des  Mémoires  du  Cardinal  de  Richelieu,  préparé 

kfM.  Roger  Gaucheron  et  Emile  Dbrmbnghbm,  lui  a 

paru  digne  d'être  publié  par  la  Société  db  l'Histoirb  db 

France. 

l' iris,  le  1er  octobre  1921. 

Signé  :  L.  DELAVAUD. 

Certifié  s 
-••crétaire  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France, 
R.    DELACHENAL. 


MÉMOIRES 


DU 


CARDINAL  DE  RICHELIEU 


ANNÉE  1625. 

L'année   Mîi")1  \il   «les  son  commencement  éclore 
une  infâme  rébeUioo  de  nos  hérétiques,  <|ui  fut  tramée 
.  lorsqu'on  n'attcndoit  point  de  lui  une 
aemblable  infidélité.  Il  étoit  signalé  entre  les  rebelles 
qu'il  ;i\<»il  été  I»'  premier  de  tous  qui  s'étoit  osé 
ntri  pour  défendre  au  Roi  l'entrée  en  une  de  ses 
villes.  Sortant  de  Saint-Jean-d'Angély3  par  composi- 
tion, il  jura  «le  ne  plus  porter  les  armes  contre  S.  M. 
\n   préjudice  <!<■  son  serment,   il  ne  laissa  pas,  à 
quelque  temps  de  là,  <l<-  se  saisir  des  SaMes-d'Oloone, 

l.  Le  13"  cahier  du  laannifril   I  comprend)  ontre  la  h  de 
le  débul  du  récif  de  1625,  ainai  qu'il  i  été"  explique*  dam 

tome  in  .  1.  i mu i.  i..i. s.  i.i  na§  imliiw di  manne 

i   reprise  en  ce  point  (actuellenMUl  M.  127).  Sancy  a 
•  •lit    i   li    Barge,   en  regard  de   la   première  ligne  :  «  L'an 

il  de  la  rébellion  dr  SOUMM  Ml  I  inpninté  au 
nrr  \nuit  '.ts,   I      \l.   |,  liv. 

i  \..\.v  notre  toene  m.  |».  148 

I  t 


2  MÉMOIRES  11625] 

où,  voyant  le  Roi  fondre  sur  lui,  il  se  retira  à  la 
Rochelle,  comme  les  oiseaux  craintifs  se  cachent  dans 
les  creux  des  rochers  quand  l'aigle  les  poursuit.  Là  il 
reçut  encore  grâce  pour  la  seconde  fois  de  S.  M. 
Mais,  comme  la  reconnoissance  des  infidèles  est  aussi 
infidèle  qu'eux,  ces  grâces  descendirent  si  peu  avant 
dans  son  coeur  que,  ne  lui  en  demeurant  aucun  senti- 
ment ni  mémoire,  sa  rébellion,  aussi  féconde  que 
l'hydre,  renaît  de  nouveau.  Il  met  le  feu  dans  le 
royaume  tandis  que  le  Roi  est  employé  en  la  défense 
de  ses  alliés,  ainsi  qu'Érostrate  embrasa  le  temple  de 
Diane  tandis  qu'elle  étoit  attentive  à  promouvoir  la 
naissance  d'Alexandre1. 

Dès  l'automne  de  l'année  précédente,  machinant  en 
son  esprit  cette  méchante  entreprise,  il  alla  en  Lan- 
guedoc trouver  le  duc  de  Rohan2,  son  frère,  pour  la 
concerter  avec  lui.  Il  lui  dit  que  les  grands  vaisseaux 
de  S.  M.3  sont  au  port  de  Blavet,  sans  garde,  en  assu- 
rance et  en  belle  prise.  11  feint  de  vouloir  faire  un 
voyage  de  long  cours  et,  sous  ce  prétexte,  arme 
quelques  vaisseaux^  pour  s'aller  saisir  de  ceux-là,  et 

1.  Les  trois  phrases  qui  précèdent  figurent  dans  un  discours 
prononcé  par  le  sieur  d'Olive,  premier  avocat  du  Roi  en  la 
sénéchaussée  de  Toulouse,  et  inséré  dans  le  Mercure  francois, 
t.  XI,  p.  215. 

2. 11  y  avait  été  précédé  par  son  agent  La  Milletière.  Sur  l'op- 
position tout  d'abord  manifestée  par  Rohan  aux  projets  de 
Soubise,  voyez  Mémoires  de  Bouffard-Madiahe,  publ.  par 
Ch.  Pradel,  p.  75-81. 

3.  L'escadre  de  la  Milice  chrétienne  achetée  par  le  Roi.  Le 
manuscrit  A  portait  tout  d'abord  :  «  Les  grands  vaisseaux 
appartenant  partie  au  Roi,  partie  à  M.  de  Ne  vers.  » 

4.  Soubise  prépara  son  expédition  à  Chef-de-Baye,  près 
la  Rochelle;  M.  de  Loudrières  était  l'un  de  ses  principaux  par- 


DE  RICHELIEU.  3 

quant  et  <|iiuul  tenter  de  surprendre  le  château,  qui 
Bal  une  place  qu'il  seroil  difficile  bu  Roi  de  reprendre 

mu  eux  s'ils  l'avoient  entre  les  mains.  Il  n'est  point 
h. -snin   «le  rapporter  ici  les  raisons1  <|iiil  lui  mit  en 

ml  poor  lui  faire  trouver  bon  ce  dessein;  car,  à 
été  infidèles,  le  seul  pouvoir  de  nuire  sutlit  |  les  y  per- 
suader.  Le  due  de  Hohan  envo\a  ineontinent  sa 
lenime  m  Bas-Languedoc  pour  solliciter  les  villes  à 
r  pendant  qu'il  Iravailloit  au  Haut-Langue- 
doc ;i  la  même  tin. 

Bqubtae,  après  avoir  demeuré  (|uelques  journ<<  s 

us  prétexte4  d'aller  consoler  sa  mère5  sur 

ta  mort  de  sa  tille',  s'en  alla  en  Aunis  pour  exécuter 

ttsans.  Sur  les  ressources  «pi  il>  réunirent,  voyez  Ch.  Bernard, 

//  Tes  >{'•   Lomja  XIII  contre  les  religionnaires 

■n  estât  (1633),  p.  440,  et  la  dépêche  du  9  janvier 

25  de  l'ambassadeur  hollandais  Langerack   :  Bibl.  nat.,  ins. 

0,  loi.  238  v°. 
1.    Première   rédaction    du    manuscrit  A   :    «   raisons   très 
grandes  ». 

■   février  l»>-i.">.  le  duc  de  Rohan  déclara  «  en  pleine 

assemblée  de  la  ville  de  Castres  »  qu'il  voulait  «  suivre  la  bonne 

la  mau\iv  fortune  de  son  frère  de  Soubise  ».  Lettre  d'ÎIer- 

l.anlt   i   Uiajre,  aml.assadeur  a  Venise,  21  février  1625  (Arch. 

'.  fol.  114  v«). 

de  Rohan  à  Niint^.  I  ièa  et  \\ignon, 
voyez  le  Mercure  franrois,  t.  \l,  p.  207-208. 

■  (ion  .lu  manuacril  \        feignit  ». 
rine  <1«-  Partbenay.  Le  L8déceml  r  Ile  reracr- 

!  nal  pour  une  libéralité  n"  le  Roi  à  M'u  de 

■an    ur  loi    I6fl  r*  :  le  21  février  II 

•  lie  s'adressait  i  lui  pour  ><e  plaindra  (fa  doc  da  Vendôme,  qnd 
avait  rais  garnison  dam  sa  maison  de  Josselin  (Catalogue  de 
n  d'autographe»    i  léric  IX,  n*  1189). 

•      li  m,  née  à  la   Rochelle  en  mars  1577, 


4  MÉMOIRES  [1625] 

son  entreprise.  Dès  qu'il  fut  à  la  mer,  il  se  saisit  de 
l'Ile  de  Ré1.  Les  Rochelois,  qui  ne  vouloient  pas  encore 
paroître  de  la  partie  jusqu'à  ce  qu'ils  la  vissent  plus 
assurée,  le  prièrent  de  s'éloigner  afin  qu'il  ne  fit  point 
tomber  l'orage  sur  eux.  Pour  contenter  leur  désir,  il 
fit  voile  plus  tôt  qu'il  n'avoit  pensé  et  arriva,  le  6e  de 
janvier  16252,  à  Blavet  avec  douze  navires3,  force 
barques  et  chaloupes.  Il  se  saisit,  sans  coup  férir,  de 
six  vaisseaux*  qui  étoient  au  port,  entre  lesquels  étoit 
celui  de  la  Vierge,  artillé  de  huictante  canons  de  fonte 
verte;  se  rendit  maître  de  la  ville  de  Blavet5  et  bloqua 
le  château,  qu'il  pouvoit  prendre  s'il  eût  osé  l'atta- 
quer, vu  qu'il  n'y  avoit  que  seize  hommes  dedans 
lorsqu'il  y  arriva.  Mais,  quelques  jours  après,  Quero- 
lhein6,  lieutenant  dans  la  place,  s'y  rendit  avec  les 

1.  Soubise  occupa  l'île  de  Ré  du  7  au  15  janvier.  L'intendant 
de  Bris  s'était  réfugié,  à  son  approche,  dans  le  fort  Louis 
(J.  Guillaudeau,  Diaire,  publ.  par  L.  Meschinet  de  Richemond 
dans  les  Archives  historiques  de  la  Saintonge  et  de  l'Aunis, 
t.  XXXVIII,  1908).  Voyez  la  lettre  écrite  par  Soubise  aux 
Rochelais,  le  13  janvier  1625,  avant  son  départ  de  Saint-Mar- 
tin de  Ré  (Bibl.  nat.,  ms.  Brienne  212,  fol.  306). 

2.  Erreur  des  Mémoires,  dont  la  chronologie  pour  l'année 
1625  est  souvent  fautive.  Soubise  arriva  à  Blavet  dans  la  nuit 
du  18  janvier  1625.  Voyez  le  récit  donné  par  Ch.  B.  de  la  Ron- 
cière,  Histoire  de  la  marine  française,  t.  IV,  p.  464. 

3.  C'était  l'escadre  de  Loudrières,  armée  pour  une  expédi- 
tion en  Guyane  (Ch.  de  la  Roncière,  op.  cit.,  p.  464). 

4.  La  Vierge,  le  plus  important  de  ces  vaisseaux,  était  de 
800  tonneaux,  le  Saint-Michel  et  le  Saint-Jean  de  600,  le  Saint- 
Louis  et  le  Saint-Basile  de  300  (Guillaudeau,  Diaire,  p.  265). 

5.  Sur  cette  ancienne  dénomination  du  Port-Louis,  voyez 
Ch.  Bernard,  Histoire  du  roy  Louis  XIII.  Paris,  1646,  p.  460. 

6.  Nom,  omis  par  le  scribe,  ajouté  en  interligne  sur  le 
manuscrit  A  par  Charpentier.  Querolhein  commanda  à  Hen- 


[1625]  DE  RICHELIEU.  5 

soldats.  1a-  duc  de  Vendôme,  qui  en  reçut  la  nouvelle 
à  Nantes,  y  alla  prnuiptcmcnt  avec  toute  la  noblesse 
<|ifil  put  amasser1  et  lui  tit  quitter  la  ville  et  rentrer 
dan*  Kfl  \aisseaux. 

I.»  Hoi  avoit  eu  avis  plus  d'un  mois8  auparavant  de 
Otite  entreprise  et  avoit  commande  I  Mantin3  et  au 
chevalier  «le  Saint-Julien'  d'y  aller  en  diligence  et  se 
i  d;ni>  les  vaisseaux  avec  nombre  de  soldats  et 
imtelotii  nécessaires  pour  les  détendre;  mais  le  retar- 
dement qœ  les  surintendants5  apportèrent  à  leur  faire 

nebont  de  1612  à  1616  (arch.  du  Morbihan,  H  2405)  ;  il  tenait 
ses  pouvoirs  du  maréchal  de  Rrissac  (Bernard,  Histoire  des 
guerre*....  |».  '«'«'♦  j  voyu  une  lettre  qu'il  écrivit  au  Cardinal  le 
Wf\  étr.,  France  780,  fol.  4).  La  défense  du 
leau  de  Blavet  par  Querolhein  est  longuement  décrite  dans 
un  mémoire  du  sieur  de  Louche,  vicaire  de  Quimperlé  (Aff. 
étr.,  France  783,  fol.  73). 

I     Voyez  la  lettre  de  l'envoyé  de  Lorraine,  Bréval,  du  2  fé- 
i    L626  :  «  Les  nouvelles  de  Blavet  sont  très  bonnes  et  le 
iverneur  répond  au  Roi  de  la  place;  toute  la  côte  de  Bre- 
tagne est  en  armes  »  (Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisitions  fran- 
çaises 3145,  fol.  209  v°). 

ter  les  mesures  de  précaution  prises  contre  les  a  pra- 
tiquas tl   menées  des   huguenots  »,  voyez  une  lettre  d'Her- 
bault  à   Béthune    du  4  janvier  1625    (Bibl.   nat.,   ms.    Fran- 
:<>67,  fol. 
3.  Manuscrits  A  et  B  :   «  Manty  ».  —  Théodore  de  Mantin, 
■  I.-  I  d'escadre  et  vice-amiral.  Cf.  Avenel,  Lettres  du  cardinal  de 
IV  ,  |».  738,  et  Pithon  Cuit.  Histoire  de  la  noblesse 
>mtat-\'ennissin,  t.  Il,  p.  229. 
'i    le  chevalier  Saint-Julien  lut  chargé  d'une  mission  en  Hol- 
lande dans  le  <  ourant  de  1625  et  se  distingua  dans  la  bataille 
naval.-  .lu  !.">  septembre.  Cf.  Gh.  de  la  Roncière,  op.  cit.,  p.  470. 
I.i  Vi.uvill.   et   iu\  lliùluii  écartés  par  Richelieu  avaient 
succédé  les  surintendants  de  Cli.mqiigny  et  de  Marilluc,  assis- 
tés des  quatre  intendants  des  finances  d<    Ckcnij.    lr<>us>on, 
Bomatj  •  i  <\-  Soapir. 


6  MÉMOIRES  [1625] 

délivrer  l'argent  qui  avoit  été  ordonné  à  cette  fin  fut 
cause  qu'ils  n'y  purent  arriver  que  trois  jours  après. 
Par  là  voit-on  clairement  combien  les  plus  petits 
manquements  produisent  de  grands  inconvénients, 
avec  quelle  exacte  diligence  il  faut,  en  matière  d'État, 
exécuter  ce  qui  est  commandé  et  que  les  maux,  pour 
'légers  qu'ils  soient  en  leurs  commencements,  ne 
doivent  pas  être  méprisés1.  Le  point2  est  le  commen- 
cement d'une  ligne  infinie  s'il  y  en  a  quelqu'une,  et  les 
plus  grands  fleuves  ne  sont  pas  plus  considérables  en 
leurs  sources  que  les  moindres  ruisseaux. 

Le  duc  de  Vendôme,  nonobstant  toutes  les  troupes 
et  le  canon  qu'il  avoit,  ne  put  ou  ne  voulut  empê- 
cher3, durant  dix  ou  douze  jours,  Soubise  de  calfater 
et  équiper  à  sa  vue  les  navires  qu'il  avoit  pris  ;  après 

1.  Richelieu  a  exprimé  à  maintes  reprises  la  même  pensée. 
Voyez  notamment  Testament  politique,  éd.  1689,  2e  partie, 
p.  17  et  206. 

2.  Le  manuscrit  A  portait  fautivement  :  «  pont  »  ;  cette 
bévue  du  copiste  a  été  corrigée  par  Charpentier. 

3.  Bassompierre  {Mémoires,  éd.  de  la  Société  de  l'histoire  de 
France,  t.  III,  p.  199),  envoyé  parle  Roi  à  Blavet,  se  rencontra 
le  7  février  avec  Vendôme,  «  lequel  étoit  fort  malheureux  et 
fort  peu  aimé,  mais  nullement  coupable  des  choses  dont  on 
l'accusoit  ».  En  revanche,  la  complicité  de  Vendôme  est  attes- 
tée par  les  dépositions  recueillies  au  cours  de  l'enquête  de 
1626,  notamment  celles  de  Châteaubriant  et  du  chevalier  de 
Rasilly  (Aff.  étr.,  France  783,  fol.  65  et  72  v°;  voyez  les  lettres 
de  Vendôme  au  Cardinal,  15  et  22  janvier  1625  :  Aff.  étr., 
France  780,  fol.  1,  et  France  1503,  fol.  235)  ;  il  expliquait  dans 
la  seconde  lettre  «  la  peine  que  j'ai  eue  pour  faire  équiper  des 
navires  ici  [à  Saint-Malo]  pour  renforcer  l'armée  navale  de 
S.  M.,  suivant  son  commandement,  faisant  cet  armement  à  mes 
dépens,  seul,  sans  aide  ni  contribution  de  qui  que  ce  soit  au 
monde  ». 


[16?5J  DE  RICHKLIEU.  7 

quoi  il  fit  voile1  et  s'en  ;illa  le  loiif^  de  la  côte,  prenant 
dans  l<">  ports  les  vaisseaux  qu'il  rencontroit  pour 
grossir  sa  flotte*. 

Le  Koi,  incontinent  qu'il  sut  que  ses  vaisseaux 
'lin»  nt  prit,  en  envoya  dem;iml»T  M  roi  d'Angleterre, 
(|ui  lui  | m  omit  de  l'en  assister  de  huit3,  ne  pouvant 

1    Dans  la  nuit  du  4  février  1625  (voyez  Ch.  de  la  Koncière, 
...  t.   I\  ,   p.  465).  Des  prisonniers  furent  faits  par  les 
troupes  royales,  lors  de  l'embarquement.  Soubise  revendiquait 
en  leur  laveur,  par  dm  lettre  adressée   le  20   mars  à  M.  de 
Cossé,  président  au  parlement  de  Rennes,  le  traitement  réservé 
aux  «  gens  de  guerre  »  et  déclarait  être  à  la  tête  d'un  parti 
ou  •  tout  le  général  de  notre  religion  prend  part  »  (Bibl. 
nat.,  uis.  Dupuj  100,  fol.  145).  Voyez  le  récit  donné  au  Cardi- 
nal le  15  février  1625,  de  Port-Louis,  par  François  de  Cossé  : 
m  M"  d<-  Ntndùme  et  de  Retz  ...  ont  été  tellement  soupçon- 
ne province  qu'il  se  peut  dire  que  sans  moi  on  leur 
auroit  refusé  l'entrée  des  villes,  et  principalement  celle  de 
'  boni.  Quand  il  vous  plaira  vous  enquérir  de  la  vérité, 

vous  trouverez  que  toute  la  noblesse  du  pays  m'assistoit  à  char- 
ger les  snnemis  et  que  ceux  qui  en  eurent  nouvelles  les  Grent 
la  ville  du  Port-Louis  pour  se  jeter  dans  leurs  vais- 
seaux, ce  que  je  ne  trouve  point  étrange,  parce  que,  les  ayant 
fait  venir,  il  (toit  bien  raisonnable  qu'ils  leur  donnassent  le 
d  de  se  retirer  sains  et  saufs.  Je  puis  dire  avec  vérité  que 
les  ennemis  ont  été  seulement  maltraités  par  ceux  de  cette 
s  leur  avons  coulé  à  fond  huit  navires,  contraint 
•<seau  appelé  le  Saint-Framois  de  se  rendre  à  discrétion, 
nt  ou  six  vingts  prisonniers  des  leurs,  tué  trois  cents 
bouillies  oe  l<ur  armée  et  rendu  les  plus  grands  vaisseaux  en 
t  que  le  moindre  a  plus  de  deux  cents  coups  de  canon  » 
Vif.  fer.,  France  1503,  loi.  3 
I    Noyez  la  lettre  dllerbault  à  l'ambassadeur  de  Venise, 
:  «  Le  s'  de  Soubise  est  en  mer  qui  mutuelle  les  cotes 
I  de  ce  royaume  .  t  tient  en  alanm    tel  -ujels  de  S.  M.  » 
(Arcb   nat..  KK  1361,  toi    115,  21  février  K125). 

I    la  demande  du  Roi  avait  été  faite  le  23  janvier;  dès  le 


8  MÉMOIRES  [1625] 

lui  en  bailler  davantage  à  cause  de  la  grande  flotte 
qu'il  préparait  pour  envoyer  en  Espagne1. 

Il  manda  au  Roi  que,  s'il  avoit  besoin  de  sa  propre 
personne,  il  irait  le  trouver,  bien  qu'il  eût  sujet  de  se 
phindre  de  Madame,  qui  n'avoit  pas  voulu  recevoir 
ses  lettres  ni  celles  de  son  fils,  sans  en  avoir  eu  aupa- 
ravant la  permission  de  la  Reine  sa  mère;  qu'elle 
l'avoit  satisfait  après  en  avoir  eu  la  licence2,  mettant 
sa  lettre,  après  qu'elle  l'eut  lue,  sous  son  chevet,  et 
celle  de  son  fils  en  son  sein,  voulant  par  là  donner  à 
connoître  qu'elle  vouloit  avoir  son  appui  en  lui  et  loger 
son  fils  en  son  cœur3. 

En  ce  temps-là,  qui  étoit  le  mois  de  février,  le 
Père  de  Bérulle,  qui  avoit  été  envoyé  à  Rome  pour  la 
dispense  du  mariage  d'Angleterre,  après  avoir  sur- 
monté toutes  les  traverses  que  l'Espagne  apporta  pour 
l'empêcher,  l'obtint  enfin  de  S.  S.,  qui  l'envoya  à  son 

2  février,  Effiat  annonçait  le  consentement  de  Jacques  Ier  (S.  R. 
Gardiner,  Documents  illustrating  the  impeachment  of  the  Duke 
of  Buckingham,  p.  140  et  144). 

1.  Cette  expédition,  dont  l'objectif  final  fut  Cadix,  n'eut  lieu 
qu'en  octobre  1625.  Voyez  plus  loin. 

2.  Manuscrit  A  :  mais  qu'elle  l'avoit...  —  Var.  (ms.  Fran- 
çais 17542)  :  sans  en  avoir  eu  auparavant  la  licence,  met- 
tant... —  C'est  là  une  bévue  du  scribe,  qui  a  omis  une  ligne 
du  manuscrit  qu'il  copiait. 

3.  Emprunt  au  Mercure  françois,  t.  X,  p.  869,  qui  rapporte 
les  propos  tenus  par  le  roi  Jacques,  le  15  février,  devant  sa 
cour  :  «  Lorsqu'elle  sera  par  deçà,  je  lui  ferai  là  guerre  de  ce 
qu'elle  n'a  voulu  lire  ma  lettre  ni  celle  de  mon  fils  sans  avoir 
premièrement  eu  le  consentement  de  la  Reine,  sa  mère.  Je  lui 
sais  néanmoins  bon  gré  de  ce  qu'après  les  avoir  lues  elle  a  mis 
la  mienne  dans  son  coussin  et  l'autre  dans  son  sein,  comme 
voulant  dire  qu'elle  se  veut  appuyer  sur  moi  et  loger  mon  fils 
dans  son  cœur.  » 


[1625]  M  U  IIKI.1EU.  9 

nomv1  avec  ordre  de  M  U  point  délivrer  que  les 
articles,  qu'elle  avoit  dressés  eu  langue  latine,  ne 
lussent  M-noclr  la  main  des  deux  rois*. 

Cela  apporta  un  grand  trouble  en  cette  affaire3,  le  roi 
delà  tonde-Bretagne  faisant  difficulté  de  signer  rien 
•  If  nouveau  outre  ce  qu'il  avoit  déjà  signé,  pour  ce 
que,  la  mbetance  <ies  articles  latins  étant  la  même  de 

1 .  Hernardino  Spada,  archevêque  de  Damiette  et  nonce  apos- 
t..li.|u.    en  1  rance  de  1614  à  1627.  Le  20  mars,  La  Ville-aux- 
■  s  écrivait  à  Klliat  :  «  MM.  les  cardinaux  de  la  Rochefou- 
ild  <  t  «If  Richelieu,  que  j'ai  accompagnés  chez  M.  le  Nonce  », 
n'ont  pu  le  «  persuader  de  délivrer  la  dispense  »  (Bibl.  nat., 
.1.  142). 
1    Le  Père  de  Bérulle  l'annonça  au  Cardinal,  de  Turin,  le 
;  limer  1625  :  «  Je  vous  écris  ce  mot  en  chemin  pour  vous 
■ncore  que  les  affaires  d'Angleterre  s,-  soient  pas- 
mu.-  on  peut  d.sirer  et  que  la  dispense  soit  pure  et 
simpl.-.  el  '|u"il  n  \  ait  «ju'niir  .tiiidue  de  paroles  un  peu  plus 
■tes  et  expresses  dans  les  conditions  approuvées  par  S.  S., 
*t-ce  que  M.  1.-  Nonce,  auquel  la  dispense  est  envoyée,  ne 
la   délivrera   pas   que    ces    articles,   selon   cette   étendue   de 
par  oient  signés  des  deux  rois  »  (Aff.  étr.,  Rome  36, 

l-.l.  59). 

est  sur  un  refus  formel  de  Carlisle  et  Holland  de  rece- 
voir l.s  nouveaux  articles  que  Richelieu  entreprit  une  démarche 
-npréme  auprès  du  Pape.  Carlisle  ■  nous  met  le  marché  à  la 
main  »,  écrit  L<mi.-ni.-  à  M.  .lhfli.it  I»-  li>  mars  1625  (Bibl.  nat., 
ms    !  roi.  141).  Voyez  aussi  la  Litre  de  Carlisle  et 

IL.IIaml  i  Richelieu  el  Schonberg  <Ju  19  mars  (Bibl.  nat.,  rns. 
Dn|.ii\    ir..      I     17 3  v°).  —  De  ces  «  pressements  extraordi- 
naires »  des  ambassadeurs  d'  \n^I,t<rr.\  m.nti.>nn<  s  dans  Lins- 
tni'  tion  à  Béthune  du  1  3   mars,  il  .si  à  p. -in.-  trace  dans  les 
rns  mi.-  lettre  «lu  Jl  mars  adressé.-  |  M.  il  Klliat. 
Il   H « > i  m. mil. -siaii   |.    ,|.  iir  de  voir  la  négociation  du  mariage 
ufiéc  au  dm    <1<-   Mm  kingham  :  «  Cette  a  II  aire 
it  bien  aller,  ni  aucun  tant  que  le  eoeafl  de 

CarlM»-  l'es  entremettra,  ne  |"  us.  il  ,i<-  deeje  qm-  des 


10  MEMOIRES  [1625] 

ceux  qu'il  avoit  signés  en  françois1,  il  sembloit  que  ce 
qu'on  lui  demandoit  maintenant  n'étoit  qu'en  dessein 
de  le  faire  intervenir  en  un  acte  qui  parlât  en  catho- 
lique; ce  qu'il  ne  vouloit  pas,  estimant  que  S.  M.  Très 
Clin-tienne  ne  l'y  pouvoit  raisonnablement  astreindre 
et  obliger,  et  qu'il  suffisoit  qu'ils  fussent  signés  par 
elle,  qui  seule  traite  avec  le  Pape,  et  non  pas  lui. 

Le  Roi  dépêcha  pour  cet  elfet  un  courrier  en  dili- 
gence à  Rome8,  rendant  par  cet  envoi  un  nouvel  acte 
d'obéissance  et  de  respect  à  S.  S.  et  au  Saint-Siège, 
nonobstant  l'empêchement3  de  ses  affaires  et  l'avis  de 
la  plupart  de  ses  conseillers,  qui  lui  disoient  qu'il 
pouvoit  et  devoit  passer  outre  ;  ce  qu'il  fut  néanmoins 

huguenots  qui  ne  veulent  point  le  mariage  »  (Bibl.  nat.,  ms. 
Baluze  154,  fol.  144).  Le  Cardinal  et  Schonberg  firent  appel  à 
la  médiation  de  l'ambassadeur  vénitien  Morosini.  Voyez  sa 
dépêche  du  23  mars,  Calendar  of  State  Papers,  Venice, 
vol.  XVIII,  1912,  p.  619. 

1.  Le  récit  qui  va  suivre  est  emprunté  à  1'  «  Instruction 
envoyée  à  M.  de  Béthune  pour  la  dispense  du  mariage  d'Angle- 
terre »,  le  23  mars  1625.  La  copie  de  ce  document,  utilisée  par 
les  secrétaires  des  Mémoires,  est  conservée  à  la  Bibl.  nat.,  ms. 
Français  15990,  fol.  287  ;  elle  est  de  la  main  de  Le  Masle  des 
Hoches.  Une  minute,  d'ailleurs  incomplète,  de  la  même  ins- 
truction, et  corrigée  par  le  Père  de  Bérulle,  figure  dans  les 
papiers  de  l'Oratoire  (Arch.  nat.,  M  232).  Le  travail  d'adapta- 
tion des  fragments  de  l'instruction  transcrits  par  le  scribe  a 
été  fait  sur  le  manuscrit  A  par  Sancy. 

2.  Voyez  la  lettre  d'Herbault  à  Bullion  du  29  mars  1625  : 
«  Le  Roi  a  dépêché  par  exprès  deux  courriers,  l'un  par  la 
Suisse,  l'autre  par  Marseille,  pour  porter  ordre  à  M.  de 
Béthune  de  poursuivre  instamment  la  délivrance  de  la  dispense 
du  mariage;  mais,  comme  le  Roi  a  satisfait  à  tout  ce  qui 
dépend  de  lui  et  que  cette  dispense  ne  peut  lui  être  dénuée, 
S.  M.,  sur  cette  créance,  passera  à  l'accomplissement  dudit 
mariage  »  (Arch.  nat.,  KK  1361,  fol.  206  v°). 

3.  L'instruction  originale  portait  :  «  empressement  ». 


DE   RK  MEI.IEU.  1! 

retenu  de  taire  par  la  grande  révérence  qu'il  ■  tou- 
jours rendue  et  vouloit  rendre  au  Saint-Père1. 

S.  M.  commanda  par  le  courrier  au  sieur  de 
Béthune*,  son  iimhitBaadcur,  «le  supplier  S.  S.  de  sa 
part  de  ne  s'arrêter  point  en  cette  affaire,  si  impor- 
tant»- à  la  chrétienté,  sur  de  amples  formalités  wns 
substance  «t  Bans  réalité. 

Que  le  principal  point,  <|ui  doit  l'article  secret 
demandé  en  faveur  des  catholiques,  étoit  déjà  obtenu, 
et  l«'  roi  Très  Chrétien  en  avoit  livré  l'original  es 
mains  <!»•  M.  le  Nonce  pour  assurer  davantage  S.  S. 
Il  n  \  avoit  que  cette  différence,  qu'on  le  lui  donnoit 
<n  Iraoçois  et  il  le  désiroit  en  latin. 

Il  donna  encore  à  M.  le  Nonce,  en  latin  et  en 
la  même  forme  que  S.  S.  l'avoit  prescrite,  toutes  les 
obligations  particulières  qui  avoient  été  ordonnées 
S.  S. 

Teflemenl  que  tout  étoit  accompli,  hors  cette  seule 

différence,  que  quelques  articles  latins  n'étoient  pas 

-  <ln  roi  de  la  Grande-Bretagne,  niais  la  subs- 

tance  en  étoil  signée  en  f'ranrois,  et  la  garantie  de  tous 

articles  latins  étoit  donner  par  S.  M.; 

on  il  ne  talloil  pas  que  cette  affaire,  si  grande  et 

très  le  passage  correspondant  de  l'instruction  ori- 

i    \  ■  •  i  effet,  S.  M    dépêche  en  diligence  ce  courrier 

pour  l'en  supplier  très  bnmblement,  M  s.  s. 

considérera,  s'il   lui  plaît,  <jue  ce  nouv.  1  envoi  est  un  nouvel 

m  le  .1  obéisse  n<  «    el  de  respect  que  S.  M.  rend  à  S.  S.  et  au 

Saint  Siège,  fiofiolistani  lVui|  affaires  el  l'avis 

<J<-  plosieurs  <|ui  lui  <1  î  >.•  m  t  qu'elle  peut  el  doit  passer  outre,  ce 

qu'elle  est  retenue  de  (sire  par  le  grand  respect  qu'elle  veut 

rendre  su  &aint>P<  rtj  ebosM    qui  mérite  <l  être   bien  consi- 

.-.  • 

Philippe  de  Béthune,  ambes>i<l.  m   ..idinaiiv  du   (lui  à 

Raine  depuis  juin  i1 


12  MÉMOIRES  [1625] 

importante  à  la  France  et  à  l'Angleterre,  et  peut-être 
à  la  chrétienté,  fût  réduite  en  extrémité,  non  par 
aucun  point  de  substance  et  de  considération  particu- 
lière, mais  par  une  simple  formalité. 

Et  qu'U  n'étoit  pas  à  présumer  que  S.  S.  fit  plus 
d'état  de  cette  simple  formalité  que  des  grands  périls 
et  inconvénients  qui  suiv[r]oient  la  rupture  de  cette 
affaire  dans  l'Angleterre,  dans  la  France,  peut-être 
dans  l'Europe1  ; 

Que,  si  ce  mariage  se  rompoit,  la  religion  hugue- 
note étoit  fortifiée  en  France  par  le  secours  des 
Anglois,  lequel  eût  été  empêché  par  ce  mariage,  et  la 
religion  catholique  étoit  perdue  en  Angleterre,  car, 
très  assurément,  le  prince  seroit  marié  à  une  héré- 
tique s'il  n'épousoit  la  sœur  du  roi  Très  Chrétien,  et  le 
dessein  en  étoit  tout  formé.  Ç'avoit  toujours  été  le  but 
des  puritains,  lesquels  ont  toujours  tramé  la  rupture 
de  tout  mariage  catholique,  et  de  celui  d'Espagne 
comme  de  celui-ci. 

Au  contraire,  si  ce  mariage  se  faisoit,  la  religion 

1.  Le  passage  suivant  de  l'instruction  n'a  pas  été  reproduit  : 
«  S.  S.  est  donc  très  humblement  suppliée  de  considérer 
qu'en  l'affaire  de  ce  mariage  c'est  le  roi  Très  Chrétien  qui 
traite  seul  avec  le  Pape,  et  qui  seul  demande  la  dispense,  et 
auquel  seul  elle  est  adressée.  Que  le  roi  de  la  Grande-Bretagne 
ne  veut  intervenir  en  actes  qui  parlent  en  catholique,  et  le  Roi 
ne  peut  l'y  astreindre  et  obliger.  Qu'en  effet  le  Roi  seul  est 
envers  S.  S.  le  garant  de  ces  articles,  car  S.  S.  ne  reçoit  ni 
traité,  ni  parole  des  hérétiques,  et  la  garantie  du  Roi  est  si 
bonne  et  si  digne  qu'elle  suffit  à  décharger  S.  S.  et  devant  Dieu 
et  devant  la  chrétienté.  Qu'il  plaise  donc  à  S.  S.  se  contenter 
de  la  signature  et  garantie  du  roi  de  France  et  de  tous  les 
autres  actes  qu'elle  a  désirés  de  S.  M.,  laquelle  est  toute  prête 
de  les  mettre  tous  es  mains  de  M.  le  Nonce.  » 


DE   itli  HKI.IEU.  13 

catholique  recevrai!  un  très  grand  appui  en  Angle- 
terre ri  !.i  religion  huguenote  leroît  ruinée  en  France, 
car,  les  huguenots  ayanl  donné  au  Roi  parleur  réhcl- 
lion  de  lea  châtier  «-i  les  perdre,  S.  M.  les  vouloit 
pousser  jusqu'au  houl,  cl  le  t'eroit  d'autant  plus  faci- 
lement qu'ils  ne  pourroient  être  si  ouvertement  secou- 
rus ni  de  Hollande  ni  d'Angleterre; 

Que  le  Roi,  pressé  «le  ces  considérations  si  puis- 
santes <•(  voyanl  qu'il  n'y  avoil  rien  d'important  et 
lui  dans  les  articles  latins  envoyés  de  Rome  qui 
ne  lui  compris  virtuellement,  quoique  avec  moins 
d'étendue,  dans  les  articles  franootS  signes  du  roi  de 
h  Grande-Bretagne,  avoit  cru  devoir  absolument  empê- 
cher la  rupture  île  ce  mariage;  et,  ayant  une  parfaite 
confiance  en  l'affection  paternelle  de  S.  S.  vers  sa  per> 
sonne  et  mi  grand  jugement  qu'elle  a  de  ce  qui  peut 
arriver  dans  les  allaites  présentes  par  l'expérience  du 
passé,  ne  lui  restant  aucun  autre  moyen  d'empêcher 
cette  rupture,  a  voit  pensé  devoir  promettre  dans  un 
unis  l'aocomplissement  du  mariage  dont  il  avoit  plu 
3.  S.  accorder  la  dispense,  se  réservant  ce 
temps  pour  obtenir  de  S.  S.  ordre  exprès  à  son 
Dûace  «le  la  délivrer  sans  autre  condition  que  les 
>  qui  lui  seroient  délivrées  par  son  ambassa- 
deur1 <!  («Iles  qu'il  devoil  mettre  es  mains  (lu 
nonee'-'.  selon  les  formes  prescrites  par  S.  S.,  hors 

I     La  ratification  par  Lovil  Mil  dM  articles  proposés  parle 
promette  du   mariai   lut  donnée   par  le    Roi,   1< 
i  renouvelée  pour  un  mois,  le  11  avril  (liihl.  nat., 
■M  1.".'..  loi.  L67). 

i  ;.  inaui  <1'-  l'écril  particulière!  'lu  ter  ment  signés 

perle  roi  de  la  Grande-Bretagne  el  l(   prince  de  Galles  »  (Bibl. 
Français  3667,  fol.  123). 


14  MÉMOIRES  [1625] 

ces  articles  latins,  signés  par  le  roi  de  la  Grande-Bre- 
tagne* ; 

Que  si  S.  S.,  après  que  toutes  ces  choses  lui  auroient 
été  représentées,  n'étoit  pas  encore  entièrement  satis- 
faite, il  la  supplioit  de  donner  plein  pouvoir2  à 
MM.  les  cardinaux,  conjointement  avec  M.  le  Nonce, 
pour  délivrer  ladite  dispense  aux.  conditions  qu'ils 
estimeroient  en  conscience  le  pouvoir  et  devoir  faire  ; 
et,  d'autant  que  d'ordinaire  l'opinion  des  hommes  se 
trouve  différente,  qu'il  seroit  bon  que  le  pouvoir  por- 
tât (ce  qui  est  commun  en  toute  délibération)  que  les 
deux  emportent  le  troisième. 

Si,  d'aventure,  S.  S.  vouloit  que,  pour  plus  grande 
lumière  et  pour  plus  grande  décharge  en  cette  affaire, 
MM.  les  cardinaux  appelassent  en  cette  délibération 
un  des  premiers  professeurs  de  théologie  en  la  Sor- 
bonne,  avec  le  confesseur  du  Roi3  et  le  Père  de  Bérulle, 
qui  a  connoissance  de  toute  cette  affaire,  S.  M.  se  con- 

1.  L'instruction  contenait  le  paragraphe  suivant,  omis  : 
«  Le  sr  de  Béthune  représentera  que  le  Roi  a  été  obligé  à 
cela  par  des  pressements  extraordinaires  et  outre  pour  sauver 
la  religion  perdue  à  jamais  dans  l'Angleterre  si  le  prince 
épouse  une  protestante,  comme  le  dessein  en  est  tout  formé; 
quoiqu'il  ne  soit  engagé  sur  l'assurance  qu'il  a  pris  que 
S.  S.  l'ordonneroit  ainsi  à  M.  le  Nonce,  que  s'il  arrivoit  qu'il 
ne  l'obtînt  pas,  le  bien  de  la  chrétienté  et  l'état  où  il  se  trouve 
l'obligeroient,  quoiqu'avec  un  extrême  regret,  à  passer  outre.  » 

2.  Comparez  l'instruction  originale  :  «  A  toute  extrémité, 
si  le  Pape  est  résolu  de  ne  point  se  relâcher  aux  conditions 
demandées  pour  faire  délivrer  la  dispense,  on  peut  lui  propo- 
ser de  donner,  etc..  » 

3.  Gaspard  de  Séguiran  (1568-1634),  de  la  Compagnie  de 
Jésus,  confesseur  et  prédicateur  du  Roi  de  1621  à  1625.  Voyez 
François  Garasse,  Mémoires,  publ.  par  Ch.  Nisard,  1861, 
p.  5,  n.  2. 


[1625]  DE  RICHELIEU.  15 

tenleroil  de  «cl  expédient ,  pourvu  que  S.  S.  leur  com- 
mandai de  terminer  cettr  ;i(ï;ure  sans  délai1. 

choses  étant  ainsi  repiVM ut  ^  au  Saint-Père2, 
il  m  i  sniut  de  donner  an  Roi  ta  ooateaieaeal ;  «ju'il 
lit4. 

1.  I..i  lin  de  rinstmclion  et!  reproduite  sans  tnodification. 
ment  fut  thune  une  dépêche  royale 

i   Bibl.  nat..  ms.  Français  36G7,  fol.  122). 
Bk    lut    certainement    i  on  :  .r  le   Cardinal,  puisque  la 

minute  Ali.  étr.,  Espagne  14,  fol.  152)  a  été  écrite  par  le  secré- 
taire de  la  main.  Nous  .  n  reproduisons  le  passage  essentiel  : 
■  M.  l'Ambassadeur  se  comportera  lortement  et  si  diligem- 
tion  qu'elle  se  termine  dans  huit  jours  et, 
n  il  ,|u'il  y  eût  difficulté  dol.tenir  du   Pape  ce  qu'il 

■Inde,  il  i  D  donnera  proraptement  avis  secret  au  Roi  afin 
qu'auparavant  la  résolution  du  refus,  dont  en  ce  cas  il  prolon- 
gera la  prononciation  par  sa  conduite,  on  puisse  passer  outre 
en  I  exécution  du  mariage,  sur  l'assurance  que  S.  M.  témoignera 
de  l'obtention  de  sa  demande.  » 

iii.nl  en  outre  adressées  au  Pape  par  Louis  Mil 
elle  «  estime  avoir  beaucoup  de  crédit 
près  s    s .  .  .  écrit  Berbault  à  Béthune  le  23  mars, 'et  «  désire 
omplissement  du  mariage  de  Madame  avec  passion  ». 

■  « i v i  lie  fut  annoncée  par  Marquemont,  le  12  avril 
">,  au  cardinal  <1<    Richelieu  :  ■  Nous  avons  eu  la  dépêche 
.lu  i  rar  le  mjel  de  la  dispente,  pour  laquelle  le  Nonce 

nous  i  écrit  loi  t  favorablement,  et  sa  recommandation»  jointe 
à  la  diligence  et  dextérité  de  M.  d>  lléthune,  a  produit  un  si 
boa  effet  que  ce  courrier  vous  porte  de  quoi  achever  le 
mariage,  n  ne  désire  plus  rien  du  roi  anglois  et  qu'on 

se  i  des  promesses  de  S.   M.   »  (AU    étr.,    Home  36, 

loi  310;  voyez  aussi  une  lettre  de  Béthune  M  Père  de  Bémlle, 
11  .  .    \r<  li.  nal  .    M  232  .   la   (Uapense   ht   remise  à 

Man-  d<  M.  ii  -  par  le  nonce  Spada,  le  8  mai  L625  H-rl.ault 
à  Béthune,  7  mai  1625  :  Hil.l.  ntt.,  ms.  Français  3702,  fol.  45). 
mière  version  de  A  :  «  et  manda  ».  Les 
Mémoires  devaient  donc  reproduire  la  réponse  du  l\q>« ■.  mais 
ces  deux  mots  furent  supprima  Ion  de  la  révision  du  manus- 


16  MÉMOIRES  [1625] 

Cependant,  Jacques,  roi  d'Angleterre,  mourut  en 
mars  1 625 !  ;  le  prince  son  fils  lui  succéda.  Dès  qu'il 
est  venu  à  la  couronne,  il  écrit  au  Roi  et  le  supplie 
de  hâter  ses  fiançailles  avec  Madame,  sa  sœur.  Elles 
furent  célébrées  le  11e  de  mai2  sur  un  échafaud 
dressé  à  la  porte  de  l'église  cathédrale  de  Notre- 
Dame  de  Paris,  tout  ainsi  et  avec  les  mêmes  cérémo- 
nies dont  on  avoit  usé  au  mariage  du  feu  roi  Henri 
le  Grand,  lors  roi  de  Navarre,  avec  la  reine  Mar- 
guerite. 

Cette  cérémonie  fut  suivie  d'un  festin  royal3  en  la 
salle  de  l'archevêché,  de  feux  de  joie  par  toutes  les 
rues  de  Paris  et  de  lumières  aux  fenêtres,  qui  sem- 
bloient  faire  d'une  nuit  un  beau  jour4. 

Le  Cardinal,  qui  avoit  avec  tant  de  peine  et  de  pru- 
dence conduit  cette  alliance  à  une  heureuse  fin,  se 

crit;  une  note  de  Sancy  porte  à  la  marge  :  «  Je  ne  sçay  pas 
l'ordre  qu'il  donna.  » 

1.  Le  G  avril  1625  (27  mars,  a.  st.),  à  Théobalds,  comté  de 
Hertford. 

2.  Les  manuscrits  A  et  B  portent  :  «  deuxième  ».  La  «  lec- 
ture du  contrat  »  et  les  «  fiançailles  »  eurent  lieu  au  Louvre  le 
8  mai.  Cf.  lettre  d'Herbault  à  Aligre,  8  mai  1625  (Arch. 
nat.,  RK1361,  fol.  311).  Le  mariage  fut  célébré  le  dimanche 
11  mai  à  Notre-Dame  par  le  cardinal  de  la  Rochefoucauld, 
grand  aumônier  de  France.  Le  duc  de  Chevreuse  avait  reçu  du 
roi  d'Angleterre  procuration  pour  le  représenter.  Voyez  L.  Ba- 
tiffol,  la  Duchesse  de  Chevreuse,  1913,  p.  45. 

3.  Voyez  L.  Batiffôl,  op.  cit.,  p.  47. 

4.  L'Histoire  de  la  maison  de  Guise  (Bibl.  nat.,  ms.  Fran- 
çais 5801,  fol.  262  v°)  emploie  une  image  analogue  pour 
décrire  les  joyaux  de  Chevreuse  :  a  Le  duc  de  Chevreuse  avoit 
son  habit,  sa  toque  et  son  écharpe  si  couverts  de  diamants  et 
de  pierreries  que  leur  éclat  étoit  capable  de  tourner  la  nuit  en 
beau  jour.  » 


DE  RICHELIEU.  17 

sentant  comme  obligé  «I»-  témoigner  son  contentement, 
qui  exoédoil  celui  de  tous  les  autres, fit  à  LL.  MM.  et 
a  toute  h  cour  une  collation  et  un  feu  d'artifice  qui 
«toi» ni  dignes  «le  la  magnificence  de  la  France1. 

Haii  ne  nous  \  arrêtons  point  davantage;  retour- 
nons trouver  Soubise,  qui  »si  ;I  la  mer  avec  les  vais- 
i  du  Roi  qu'il  a  enlevi  9. 

Il  n'eut  |ms  plus  toi  lait  cette  infidèle  équipée*  que 
la  Rochelle  el  les  huguenots,  qui  lui  avoient  donné  le 
conseil  cl  les  moyens  «  1  «  *  la  faire,  la  Rochelle  lui  ayant 

rat  lieu  le  27  mai  au  palais  du  Luxembourg  : 
«  M.  le  cardinal  de  Richelieu  fit  une  superbe  collation  de 
•  onliiun-s  dans  la  grande  galerie  de  Luxembourg  aux  trois 
reines,  aux  ■mhwadaaw  d'Angleterre  et  à  tout  ce  qu'il  y 
avt.it  tir  relevé*  lia  <,>iir.it  li-ur  lit  ouïr  toute  sorte  de  musique, 

t  m  m  t 'Mis  dans  les  chambres  dudit  Luxembourg, 
qui  a\  superbement  parées,  et  leur  fit  voir  dans  le  jar- 

din un  hu  d'artifice,  le  plus  superbe  et  de  la  plus  belle  inven- 
viic  de  longtemps.  Le  Koi  n'v  put  assister,  à 
cause  qu'il  m-  rasaeatoil  encore  de  son  indisposition  »  (Bibl. 
nat.,  ms.  Orienne  49,  fol.  327).  Le  légat  ne  s'était  pas  rendu  à 
la  fête,  afin  d'éviter  de  se  rencontrer  avec  Buckingham  et  les 
ambassadeurs  d'Angleterre  (Herbault  à  Béthune,  23  mai  1625  : 
Bibl.  nat..  ms.   Français  3702,  fol.  62).  Le  choix  du  l.uxem- 

\|>liquer  par  le  désir  de  Richelieu  de  rendre 
hommage  »  la  Reine  m*re;  la  grande  galerie  du  Luxembourg 

roir  li  décoration  de*  peintures  da  ftahaai 
retraçant  la  vie  de  Marie  de  Médi<  is.  llul»  us  séjournait  alors 
•  l'iris  et  avait  assisté  au  mariage  di  Henriette  •!••  France. 
/  Correspondance,  t.  III,  p.  319  -t  851.  Le  i'  Oaff  BM  , 
critiquant  la  munificence  déplovi .  par  h  Cardinal,  prétend 
<|u.-  I.  s  hais  de  la  collation  s'étaient  élevés  à  40,000  livres 
{Mémoires,  éd.  cl,    N.sard,  1861,  p.  69). 

mimnce  le  a  quinzième  cahier  »  du  manuscrit  A; 
comme  1  indique  une  note  de  la  main  de  Sancv    loi.  IV»),  «  il 
n'y  a  point  de  quatorzième  cahier  »  ;  la  page  de  garde  porte 
I  2 


18  MÉMOIRES  [1625] 

fourni  l'argent,  le  corps  et  l'équipage  de  ses  vaisseaux, 
désavouèrent  par  écrit  public  et  par  les  députés  géné- 
raux en  cour  ce  qu'il  avoit  fait'. 

Mais  dès  qu'ils  virent  que  la  flotte  étoit  grossie  et 
que,  par  l'enlèvement  des  vaisseaux2  qu'il  alloit  ravis- 
sant de  port  en  port,  elle  s'étoit  rendue  puissante  et 
considérable,  ils  se  déclarèrent  en  sa  faveur,  nonobs- 
tant les  désaveux  passés3. 

Castres  et  Montauban  commencèrent.  Le  duc  de 
Rohan  prit  ouvertemeut  les  armes  et  déclara  de  bonne 
prise  tous  les  serviteurs  du  Roi  qu'il  put  attraper. 

Le  Roi,  pour  leur  faire  sentir  sa  juste4  colère  et 

également  le  résumé  habituel,  de  la  main  de  Charpentier  : 
«  La  Rochelle  et  les  huguenots  se  déclarent  pour  Souhise. 
Dégâts  de  Castres  et  de  Montauban.  Avis  du  Cardinal  sur  les 
affaires  présentes.  Entrée  de  Soubise  en  la  rivière  de  Bordeaux. 
Le  Roi  demande  des  vaisseaux  aux  Hollandois.  » 

1.  La  déclaration  de  Montmartin  et  Maniald,  «  députés  géné- 
raux des  églises  réformées  de  France,  résidant  près  la  personne 
du  Roi  »,  est  datée  du  21  janvier  1625  [Des  adieu  des  députez 
généraux  des  églises  prétendues  réformées  de  France.  Paris, 
1625,  in-8°,  7  p.).  —  Des  députés  de  la  Rochelle  se  présen- 
tèrent, en  outre,  à  la  cour  le  6  février.  Voyez  la  lettre  de  l'en- 
voyé de  Lorraine,  Bréval,  du  8  février  :  «  MM.  les  députés  de 
la  Rochelle  arrivèrent  avant-hier,  qui  disent  de  belles  choses 
de  leur  fidélité  et  blâment  l'action  de  M.  Soubise;  mais  je  ne 
sais  si  leurs  discours  ont  point  besoin  de  caution  »  (Bibl.  nat., 
Nouvelles  acquisitions  françaises  3145,  fol.  212). 

2.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  le  vol  des  vais- 
seaux ». 

3.  Le  traité  d'alliance  conclu  entre  Soubise  et  les  maire  et 
échevins  de  la  Rochelle  porte  la  date  du  17  mai  (Bibl.  nat., 
ms.  Français  4102,  p.  146;  cité  par  J.  Roman,  Histoire  géné- 
rale du  Languedoc,  t.  XI,  p.  991). 

4.  Cet  adjectif  a  été  omis  par  le  manuscrit  B.  Nous  le  réta- 
blissons d'après  la  leçon  de  A. 


DE  \{U •IIKI.IKU.  19 

i|t|>n  ImikIc!  d'être  assiégés,  envoya  le  duc  d'Éper- 
noo1  foire  !<•  dégât  autour  de  Mont.uikm  et  le  sieur  de 
Tbémioefl  ;i  (lastres2. 

Cette  révolte  venoil  >i  ;i  ooetretempfl  au  Roi  en 
cette  saison  <>ù  il  avoii  tant  d'affaires  au  dehors,  que 
la  plupart  de  ceux  de  son  Conseil  étoient  si  éperdus3 
que  tantôt  ils  vouloient  qu'on  Ht  une  paix  honteuse 
avec  l'Espagne,  tantôt  qu'on  accordât  aux  huguenots 
|»Iiin  qu'ils  ne  deinandoient. 

Le  Cardinal4,  au  contraire,  regardant  d'un  cœur 
assuré  toute  cette  tempête,  dit  au  Roi5  : 

Que   pour  bien  juger  quelle   résolution   il   devoit 

1 .  I-»-  dur  <l  K|>t non,  gOUverMor  de  Guyenne,  avait  sous  ses 
ordres  lei  trois  régiment!  :  Sainte-Croix  d'Ornano,  Foucaude 
<t  Maillé;  il  rassembla  ses  troupes  à  Moissac  en  juin  et  com- 
mença ses  opérations  devant  Montauhan  au  début  de  juillet 
Girard,  Histoire  de  ta  vie  du  duc  d  fcpernon,  p.  411-413,  et 
ira  franrois,  t.  \|.  p.  787-789). 

i  »■  maréchal  de  Thémines,  nommé  le  20  mai  au  comman- 
dement de  l'armée  de  Languedoc,  «  pour  faire  le  dégât  aux 
«  tivir>>iis  de  Castres  »,  rejoignit  Toulouse  le  9  juin;  son  armée 
imposée  de  5,500  hommes  d'infanterie  et  de  600  chevaux. 
Lee  opération!  eurent  pour  premier  résahat,  le  21  juin,  la  prise 
■  lu  r-hAleau  de  Bonnac;  elles  s'achevèrent,  en  octobre,  par  une 
tentative  infructuense  sur  le  Mas-d'Azil.  Voyes  /// Gloire  géné- 
rale du   LoMgnedœ,  t.   \l.  p.  902,  I  l   Mercure  françois,  t.  XI, 
"»  et  755. 
a-.  :Tool  éperdas.  Tantol  lli  TOaloinnt     (anaaarritÉ) 
I    I  i  lource  de  ce  passage  est  un  mémoire  <lu  Cardinal  au 
Roi  public  par   \v.-n.I,  t.   II.  p.   77-8%,  d*tprtÉ   France  2'i<i.  et 
daté  |>ar  lui  de  la  Un  d'avril  ou  du  début  de  mai  1626;  il  a  été 
par  le  secrétaire  de  la  main.   Sancv  a  apporté,   MUT  !«• 
manuscrit  A,  d'assez  nombreuses  corrections  de   forme  à  ce 
document. 

5.  Première  version  du  manuscrit  A  :  «  Le  Cardinal,  au  con 


20  MÉMOIRES  [1625] 

prendre  il  falloit  voir  et  considérer  mûrement  quelle 
étoit  la  face  des  affaires  présentes  en  toute  la  chré- 
tienté ; 

Qu'il  sembloit  que  toutes  choses  conspirassent 
maintenant  à  rabattre  l'orgueil  d'Espagne; 

Qu'il  n'y  avoit  personne  qui  ne  sût  l'état  des  armes 
du  Roi  en  Italie,  qui  étoit  tel  qu'en  un  mot  il  étoit 
maître  de  la  Valteline  et  que  difficilement  Gênes  pou- 
voit-il  éviter  d'être  pris  ' . 

Celui  des  Pays-Bas  étoit  aussi  connu  d'un  chacun  ; 
le  siège  de  Bréda,  dont  l'événement  à  la  vérité  étoit 
incertain,  au  moins  portoit-il  ce  préjudice  aux  Espa- 
gnols que,  quand  même  ils  l'auroient  pris,  leur  armée 
seroit  tellement  ruinée  qu'il  leur2  seroit  impossible 
de  faire  aucun  effet  notable  de  tout  l'été,  vu,  princi- 
palement, que  les  États  avoient,  outre  leur  armée 
ordinaire,  celle  de  Mansfeld,  capable  d'empêcher, 
pour  cette  année,  que  l'armée  de  Spinola  ne  fit  en 
leur  pays  ou  ailleurs  autre  progrès  que  celui  de  Bréda, 
quand  même  ils  ne  pourroient  secourir  la  place  à 
cause  que  de  longtemps  les  assiégeants  s'étoient 
retranchés  et  fortifiés 3  ; 

traire,  voyant  d'un  cœur  assuré  toute  cette  tempête,  dit  au  Roi 
ce  qui  s'ensuit.  » 

1.  Lesdiguières  s'était  emparé,  le  26  avril,  du  château  de 
Gavi.  Marquemont  écrivait  le  5  mai,  de  Rome,  au  cardinal  de 
la  Valette  :  «  L'on  tient  l'effroi  et  la  confusion  être  si  forts 
parmi  eux  [les  Génois]  que  quand  l'armée  sera  à  vue  de  leur 
ville  ils  parleront  incontinent  de  composition  »  (Bibl.  nat.,  ms. 
Français  6644,  fol.  82). 

2.  France  246,  et  première  édition  du  manuscrit  A  • 
«  lui  ». 

3.  La  place  était  investie  depuis  le  27  août  1624. 


[1625]  DE   RICHELIEU.  ?1 

nu  Vu  Allemagne  Vs  princes  et  États  de  la  Basse-Saxe 
ivun  nt  élu  capitaine  gcuéral  de  leur  cercle  le  roi  de 
Danemark,  qui  est  membre  de  leur  corps  à  cause  de 
son  duché  de  Holstein1;  (jue  ce  roi,  avec  celui  de 
Suède* et  le  marquis  de  Brandebourg3  mettoient  une 
h  in»  »  très  puissante  sur  pied  pour  rétablir  les  princes 
dépouillés  par  la  maison  d'Autriche  et  ses  adhérents; 

Que  déjà  ils  a  voient  assemblé4  plus  de  vingt-cinq 
mille  hommes  de  pied  et  quatre  mille  chevaux;  qu'on 
a  voit  aussi  nouvelle  que  Gabor  étoit  armé5  et  vouloit 
OOtrer  en  la  Hongrie.  Mansfeld,  ayant  fait  ce  qu'il 
odoîl  taire  en  Hollande,  entreroit  aussi  en  Alle- 
magne du  côté6  ,  et  tous  les  princes  de  deçà, 
Wflrtemberg  et  autres,  se  joindroient  à  lui  avec  leurs 
forces  ; 

1.  Manuscrits  A  et  B  :  «  Holsace  ».  La  mention  de  l'élection 
du  roi  de  Danemark  ne  figurait  pas  dans  le  mémoire  original; 
elle  a  été  ajoutée,  en  interligne,  sur  le  manuscrit  A.  Chris- 
tian IV,  roi  de  Danemark  (1588-1648),  était  à  la  tête  de  la  ligue 
réformée  pour  le  rétablissement  du  Palatin;  il  fut  élu  capitaine 
du  cercle  de  Basse-Saxe  à  la  diète  de  Brunswick,  en  mai  1625, 
en  remplacement  de  Christian  de  Brunswick-Lùnebourg-Zell, 
demeuré  fidèle  à  l'Empereur.  B.  Xani  [Historia  délia  republica 
Veneta.  Venetia,  1662,  in-4°,  t.  I,  p.  349)  parle  du  méconten- 
tement que  cette  élection  apporta  à  l'empereur  Ferdinand. 

1.  Gustave-Adolphe. 

'•eorges-Guillaume,   margrave  de   Brandebourg,  né  en 
•lue  de  Prusse,  électeur  (1619-1640),  tenait  à  s'assurer 
l'administration  de  l'archevêché  de  Magdebourg  et  recevait  des 
subsides  des  villes  hanséatiques. 

' 'or.  :  amassé  (ms.  Français  17542). 

5.  France  246  :  «  On  a  nouvelle  que  Gabor  est  aussi 
armé  ». 

Le  nom  est  demeuré  en  blanc  dans  les  manuscrits  A  et  B, 
BOMM  dans  le  mémoire  original. 


22  MÉMOIRES  [1625] 

Qu'aux  Indes  un  chacun  savoit  les  pertes  qu'y 
avoient  faites  les  Espagnols,  tant  à  la  baie  de  Todos- 
los-Santos1  qu'à  la  dernière  flotte,  qui  fut  défaite  par 
celle  de  l'Hermite,  et  que  les  Hollandois  seuls  étoient 
capables  d'occuper  tous  les  armements  de  mer  qu'ils 
sauroient  faire; 

Qu'il  se  préparoit  un  grand  armement  de  cent  voiles 
en  Angleterre,  tel  que  de  deux  cents  ans  on  n'en  avoit  vu 
nu  pareil,  qui  n'avoit  autre  fin  que  l'abaissement  d'Es- 
pagne, tant  le  roi  d'Angleterre  se  tenoit  offensé  en  ce 
qui  s'étoit  passé  sur  le  fait  de  son  mariage2; 

Que  les  Espagnols  n'avoient  point  d'argent,  ni  en 
Espagne,  ni  en  Flandre,  ni  en  Italie;  tous  leurs  peuples 
étoient  extrêmement  mécontents  de  leur  gouverne- 
ment, harassés  et  ruinés  des  gens  de  guerre  qui, 
n'ayant  point  été  payés,  ont  vécu  à  discrétion  et  à  la 
foule  du  pays,  particulièrement  en  Flandre  et  en 
Italie. 

Quelque  effort  qu'ils  pussent  faire  pour  défendre 
l'Italie,  il  étoit  difficile  qu'ils  la  pussent  garantir,  vu, 
principalement,  que  l'Italie  avoit  toujours  tiré  son 
secours  de  Gênes3  quant  à  l'argent  et  d'Allemagne 

i.  San-Salvador  ou  Bahia  (Brésil),  sur  la  baie  de  Todos-los- 
Santos,  fut  pris  par  les  Hollandais  le  9  mai  1624;  mais,  le 
28  avril  1625,  les  Espagnols  s'emparèrent  à  nouveau  de  la 
ville,  sous  le  cora mandement  de  Don  Frédéric  de  Toledo. 
Voyez  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  396. 

2.  France  246  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  au 
projet  fait  de  son  mariage  ». 

3.  Sur  les  levées  de  troupes  allemandes  faites  en  1625  par 
Feria  avec  l'argent  de  Gênes,  voyez  Capriata,  Libri  dodici  ne 
quali  si  contengono  tutti  i  movimenti  d'arme  successi  in  Italia  dal 
MDCXin  sino  al  M DCXXXIV.  Genève,  1640,  p.  650. 


[1625]  DE  RICHELIEU.  23 

pour  les  hommes;  ce  qu'elle  ne  sauroit  faire,  supposé 
la  prise  de  Gènes  et  les  troubles  qu'on  voyoit  naître 
M  Allemagne; 

Que  le  Roi  avoit  force  argent  devant  lui  et,  sans 
hyperbole,  pouvoit  faire  «tat   de  douze  millions  de 
l  pour  le  fonds  de  la  guerre*; 

Que  ses  armes  étaient  victorieuses  en  la  Valteline  et 
«lu  enté  de  Génee  sa  réputation  très  grande;  il  avoit, 
mii*  ses  frontières  de  Champagne  et  Picardie,  des 
armées  considérables  et  considérées  de  ses  ennemis, 
i|iii  les  iv^ardoient  avec  crainte; 

Ont  le  roi  d'Angleterre,  avec  qui  il  contractoit  une 
nouvelle  alliance,  en  la  naissance  desquelles  on  en  tire 
ton  jouis  quelque  profit ,  rfciiroil  la  guerre  avec  Espagne 
et  ne  pouvoit  aisément  s'y  réconcilier  à  cause  de  ses 
intérêts; 

Que  le  duc  de  Savoie,  qui  avoit  un  cœur  de  roi  et  ne 
1  «  toit  pas  de  sa  naissance,  n'avoit  autre  but  que  la 
guerre,  somme  le  seul  moyen2  par  lequel  il  le  pouvoit 
devenir,  mi  dépens  d'Espagne  ou  de  ses  alliés  ; 

Que  Venise,  qui  craint  et  hait  la  puissance  d'Es- 
pugne,  «Mimant  le  t«mps  propre  à  la  diminuer,  dési- 
roit  passionnément  qu'on  le  fît  et  crai^noit  que,  si 
on  perdoit  cette  occasion,  Il  attendit  son  temps 

pour  en  prendre  revanche  à  leurs  dépens,  puisqu'elle 
le  pouvoit  (aire  [dus  ijeémeul  sur  en  que  sur  aucuns 
antree; 

(^ic  tous  les  princes  d'Italie  qui  étoient  attach 

1.  Dix  millions  de  livres,  d'après  une  lettre  du  Cardinal  à 
I  archevêque  de  Lyon,  Marquemont,  13  mars  1625  (Avenel, 
t.  II.  »,  70). 

f'jr.  ■  eoMM  !<•  làr  m  I       §■!■  L764S). 


24  MÉMOIRES  [1625] 

l'Espagne,  l'étant  plus  par  crainte  que  par  amour, 
n'attendoient  autre  chose  qu'à  voir  qui  sera  le  plus 
fort  pour  s'y  joindre,  et  que  c'étoit  chose  sans  doute 
qu'ils  suivroient  la  fortune  du  victorieux,  de  peur 
qu'en  voulant  s'y  opposer  ils  en  fussent  la  proie  ; 

Que  le  Pape  même  voudroit  que  les  Espagnols 
fussent  hors  de  l'Italie,  et  ne  prendroit  nul  intérêt  en 
cette  affaire,  sans  celui  qu'il  y  prétend  avoir,  en  ce 
que  ses  gens  ont  été  délogés  de  la  Valteline  ; 

Que  tous  les  protestants  d'Allemagne  étoient  obligés 
de  jouer  leur  reste  en  cette  occcasion  et  s'y  prépa- 
roient.  Le  duc  de  Bavière1  même  ne  s'intéresseroit  pas 
en  la  diminution  de  la  maison  d'Autriche,  pourvu  qu'il 
fût  assuré  qu'on  ne  le  voulût  point  priver  de  la  qualité 
d'électeur2,  ni  de  quelques  autres  avantages  dont  il 
étoit  aisé  de  s'accorder  avec  lui  ; 

Que  le  roi  de  la  Grande-Bretagne  vouloit  se  servir 
de  cette  occasion  pour  le  rétablissement  de  son  beau- 
frère3,  en  considération  duquel  il  préparoit  l'armement 
de  mer  mentionné  ci-dessus  ; 

Que,  par  toutes  ces  considérations,  il  sembloit  qu'il 
n'y  eût  une  si  belle  occasion  au  Roi  d'augmenter  sa 
puissance  et  rogner  les  ailes  à  ses  ennemis;  mais  qu'il 
falloit  tourner  le  feuillet  et  voir  quelles  autres  considé- 
rations pouvoient  contre-peser  celles  qui  sont  ci-des- 
sus déduites  ; 

Qu'il  ne  mettroit  point  en  avant  qu'il  semble  qu'il 

1.  Maxirailien  de  Bavière,  duc  de  Bavière  (1597),  électeur  et 
chef  de  la  ligue  catholique  allemande  (1610-1625). 

2.  Elle  lui  avait  été  conférée  par  la  diète  de  Ratisbonne,  le 

25  février  1623. 

3.  Frédéric  V,  électeur  palatin,  roi  de  Bohême. 


[1625]  DE  RICHELIEU.  25 

doit  difficile  de  prendre  tous  les  avantages  qu'on 
peut  »■>  OOOMMM  présentes,  sans  diminution  de  la 
religion  en  quelque  chose,  d'autant  que,  bien  que 
cela  fût  en  apparence  au  commencement,  le  zèle  et  la 
piété  «lu  Roi  feroient  qu'à  là  fin  elle  y  trouveroit  son 

Qu'il  ne  diroit  point  que  nous  avons  toujours  été 
isM/  heureux  ;i  conquérir  en  Italie,  mais  si  malheu- 
reux à  conserver  que  les  lauriers  qu'on  y  a  voit  cueil- 
lis a  voient  promptement  été  changés  en  cyprès,  d'au- 
tant qu'étant  devenus  sages  à  nos  dépens  nous  avions 
ap|)i M  que  le  vrai  secret  des  affaires  d'Italie  étoit  de 
dépouiller  le  roi  dlhpagœ  de  ce  qu'il  y  tenoit,  pour 
en  revêtir  lei  princes  et  potentats  d'Italie,  qui,  par 
l'intérêt  de  leur  propre  conservation,  seroient  tous 
unis  ensemble  pour  conserver  ce  qui  leur  auroit  été 
donié,  et  que,  bien  que  nous  n'eussions  pas  été  assez 
fbrtt1  pour  maintenir  ce  que  nous  avions  conquis, 
notre  force  et  leur  prudence  seroient  plus  que  suffi- 
natM  pour  produire  infailliblement  cet  effet.  Et  le 
seul  partage  que  devoit  désirer  la  France  en  toute 
cotte  eooqoèU  DC  devoit  être  que  la  diminution  de 
l'Espagne,  qui  prétendoit  égalité  avec  elle  et  qui  nous 
voulait  iflbibHr,  et  l'avoit  fait  depuis  (|uelcjue  temps2; 
Qu'il  ne  mettrait  point  encore  en  avant  qu'on  pou- 
\mt  craindre  que  I  !  ;,  pressée  à  l'extrémité  par 

nous,  pnt  entrer  à  foroe  ouverte  en  France,  soit  du 
<«»te  «Il  ou  de  la  Flandre,  tant  parce  qu'il  étoit 

1    I  ii        246  ■  t  première  version  du  manuscrit  A  :  «  assez 
l»i  ucl.iits  et  assez  forts  ». 

i  muscrii  A  :  les  verbes  de  cette  phrase  sont  demeurés 
au  présent 


26  MÉMOIRES  [1625] 

aisé  de  l'en  garantir  du  côté  d'Espagne  avec  de 
médiocres  forces,  à  cause  de  la  situation  du  pays,  que 
parce  que  le  Roi  avoit  une  armée  fraîche  et  puissante 
sur  la  frontière  de  Picardie  et  Champagne,  laquelle, 
sans  nouvelle  dépense,  il  fortifieroit  toujours  de  six 
mille  hommes  de  pied1  et  de  mille  chevaux,  en  y  por- 
tant sa  personne,  que  parce  que  le  Roi,  contribuant 
aux  frais  de  Mansfeld,  il  pouvoit  faire  en  sorte  que, 
au  cas  que  Spinola  tournât  tête  vers  la  France,  cette 
armée  le  suivroit  en  queue. 

Mais  qu'il  falloit  considérer  que  les  rébellions  sont 
si  ordinaires  en  France  qu'il  étoit  à  craindre  que, 
tandis  que  nous  penserions  à  humilier  autrui,  nous  ne 
reçussions  plus  de  mal  de  nous-mêmes  que  nous  n'en 
saurions  faire  à  nos  propres  ennemis  ; 

Que  ces  rébellions  ne  pouvoient  venir  que  des  grands 
du  royaume  mécontents  ou  des  huguenots. 

Des  grands,  il  n'y  avoit  rien  à  craindre  maintenant, 
tant  à  cause  de  leur  impuissance  que  par  ce,  aussi 
véritablement,  que  bien  qu'il  y  en  eût  beaucoup  qui 
désireroient  qu'il  arrivât  quelque  remuement,  pour 
cependant  faire  mieux  leurs  affaires,  il  n'y  en  avoit 
aucun  qui  en  voulût  être  auteur,  pour  la  connoissance 
que  tous  ont  que  ce  n'est  plus  le  temps  d'en  tirer 
avantage. 

Quant  aux  huguenots,  qu'ils  étoient  si  accoutumés 
à  faire  leurs  affaires  aux  dépens  de  l'État  et  d'en 
prendre  le  temps  lorsqu'ils  nous  voient  occupés 
contre  ceux  qui  en  sont  ennemis  déclarés,  ainsi  qu'ils 
firent  pendant  le  siège  d'Amiens2,  que  nous  devons 

1.  Les  mots  «  de  pied  »  manquent  dans  France  246. 

2.  Dans  sa  Réponse  au  manifeste  du  sT  de  Soubize,  Jérémie 


DE  RICHELIEU.  27 

appréhender  qu'ils  ne  fissent  de  même  en  cette  occa- 
sion, la  prise  (1rs  armée  et  les  insolentes  demandes 
qu'ils  font  ôtant  tout  lieu  d'en  douter: 

Partant  qu'il  lalloit  voir  si  leur  puissance  étoit  assez 
considérable  pour  arrêter  le  Roi  de  poursuivre  le  des- 
sein qu'il  avoit  de  faire  la  guerre  au  dehors; 

Qu'il  étoit  certain  que  d'eux-mêmes  ils  n'étoient  pas 

puissants,  mais  qu'ils  le  pouvoient  être  par  accident, 

qnt   l'Espagne  les  pouvoit  favoriser  d'argent  et 

isseaux,  comme  nous  en  avons  déjà  quelque  con- 

noissance1; 

Que  ■  par  hasard  ils  avoient  quelque  bon  succès, 
ce  qui  pouvoit  arriver  par  la  trahison  de  quelque  gou- 
\erneur  qui,  par  quelque  surprise  volontaire,  leur 
vendioit  sa  place,  tel  maintenant  qui  ne  les  favorisoit 
que  <!<•  volonté  se  déclareroit  pour  eux  en  effet  et 
ponrroil  mettre  l<s  allaires  en  compromis; 

Qu'il  talloit  oooaidcrcr  davantage  que  les  affaires 
sont  eomme  le  corps  humain,  qui  Ont  leur  crois- 
MMSe,  leur  perfection  et  leur  déclin  ;  que  toute  la  pru- 
denee  politique  ne  consiste  qu'à  prendre  l'occasion  la 
plm  trantagenae  qu'il  se  peut  de  taire  ce  qu'on  veut; 

One  maintenant   tout   Irembloit  sous  la  terreur  des 

du  Perrier  éroqae  également  la  conduite  des  huguenots  à 
l'égard  d<-  Henri  IV  durant  le  si» kge  d  \  miens  par  les  Espa- 
gaob,  BB  1597  :  «  Ils  l'ont  abandonné  au  siège  d'Amiens  et 
t. m-   la  némc  procédure  qu'ils  tiennent  à  présent.  » 

l  \«.\./  l.i  lettre  de  Béthanc  ta  Roi,  Il  février  1625  :  «  Je 
eoesprenoii  de  la  lettre  de  V.  M.  que  cette  Ulfldélité  et  perfidie 
du  sr  de  SoubUe  el  def  autres  d<-  s-m  intelligence  n'avoit  été 
entreprise  parles  uns  ni  parlas  autres  qu'à  la  sollicitation  des 
'  .  nol>  et  par  le  moyen  de  l'argent  <|u'ils  avoient  charitable- 
hlemi-nt  aaailoycl  en  tellei  aumôm-s  pour  raccroieeeinent  de  la 
religion  i  atl.oli.pie  >  (Ai",  étr.,  Rome  36,  fol.  82). 


28  MÉMOIRES  [1625] 

armes  de  la  France;  jusques  ici  tout  avoit  succédé  I 
souhait;  on  ne  s'étoit  point  aperçu1  des  divisions  qui 
se  mettent  d'ordinaire  dans  les  armées  des  ligues, 
bien  que  nous  ne  puissions  ignorer  que  la  semence  en 
étoit  déjà  germée  en  celle  de  Piémont2; 

Que,  quoique  le  Roi  eût  de  l'argent,  comme  il  avoit 
dit  ci-dessus  et  qu'il  n'eût  point  encore  manqué  aux 
armées,  les  dépenses  étoient  si  excessives  en  France 
qu'il  n'y  avoit  personne  qui  pût  répondre  qu'on  pût 
toujours  fournir  à  si  grands  frais,  vu  principalement 
qu'en  matière  de  guerres  on  sait  bien  comment  et 
quand  elles  commencent,  mais  nul  ne  peut  prévoir  le 
temps  et  la  qualité  de  leur  fin,  d'autant  que  l'appétit 
vient  quelquefois  en  mangeant  et  que  les  armes  sont 
journalières  ; 

Partant  qu'il  croyoit  qu'il  n'y  avoit  personne  qui 
n'estimât  qu'il  falloit  par  nécessité  donner  la  paix3  à 
soi-même,  en  l'assurant  au  dedans  de  l'État,  ou  la 
donner  à  ses  ennemis  étrangers,  étant  certain  que  tout 
homme  qui  aura  du  jugement  avouera  que  c'est  trop 
d'avoir  deux  affaires  à  la  fois,  dont  l'une  seule  est 
capable  d'occuper; 

Que  les  médecins  tiennent  pour  aphorisme  assuré 
qu'un  mal  interne,  quoique  petit  en  soi-même,  est  plus 

1.  Manuscrit  A  :  les  trois  verbes  qui  précèdent  sont  demeu- 
rés au  présent. 

2.  Des  difficultés  s'étaient  élevées,  en  mars  et  surtout  à  la 
fin  d'avril  1625,  entre  le  duc  de  Savoie  et  le  Connétable, 
notamment  pour  le  choix  de  la  garnison  de  Gavi.  Sur  la  foi 
de  bruits  calomnieux  venant  de  Gênes,  le  duc  aurait  même 
insinué  que  Lesdiguières  recevait  des  subsides  de  l'ennemi 
(Capriata,  op.  cit.,  p.  749-753). 

3.  France  246  :  «  se  donner  la  paix  ». 


[1625]  DE  l!l.  IIKI.IEU.  29 

;i  nraindrr  qu'un  externe  beaucoup  plus  grand  et  dou- 
loureux;  que  cela  nous  devott  faire  oewoUrc  qu'il 
falloil  abandonner  le  dehors  pour  pourvoir  m  dedans, 
s'il  v  pouvait,  par  remèdet  simples  et  pulsations 
s  qui  n'émeuvenl  ni  n'altèrent  point  le  corps; 
qu'il  se  falloil  bien  donner  garde  d'avoir  recours  à 
d'autres;  mais  que,  si  la  maladie  étoit  si  grande  que 
tel  remède  ne  lit  qu'aigrir1  le  mal  au  lieu  de  le  gué- 
rir, il  talloit  se  servir  de  ceux  qui  étaient  capables  d'en 
couper  les  racines,  pourvoyant  non  seulement  au  prê- 
tent, maki  a  l'avenir  qu'il  talloit  prévoir; 

Que,  tant  que  lea  buguenoia  auroient  le  pied  en 
France,  le  Roi  n<-  aeroil  jamais  le  maitre  au  dedans2, 
ni  ne  pouiroil  entreprendre  aucune  action  glorieuse 
au  dehors'; 

la  difficulté  étoit  de  (aire  la  paix  avec  l'Es- 
orte  qu'elle   fût   Mire,  honorable,  et  que 
nos  alliés  y  pussent  avoir  l'avantage  que  raison- 
nablement   ils  pouvoient    désirer,   vu   qu'autrement, 
pour  sp.-i ieuse  qu'elle  fut,  elle  seroit  très  domma- 
ble; 

(ju'il  «  toit  certain  que,  quand  une  fois  nous  aurions 
lea  arnu  s.  aj  |\ -tablissenu-nt  de  la  paix  n'étoit 
BEI  .  BOUS  aurions  de  l.i  peine  ;i  porter  nos  collègues  a 
les  reprendre  de  nouveau  et  ;i  nous  y  résoudre  nous 

1  Le  icribc  «lu  iMnnwril  A  éveil  écrit  «  gaigner  »;  cette 
hatfl    !  a  été  corrigée  par  Charpentier. 

•■  manuscrit  A  portail  tout  d'abord  «  au  dehors  »  ;  Ter- 
ni.m  rectifiée  par  Charpentier. 
3.  Manuscrit  A  :  «  Que  tant  que  les  huguenots  auront  le  pied 
înce  le  Roi  ne  sera  jamais  le  maître  au  dedans,  ni  ne 
ii  entreprendre  aucune  action  glorieuse  au  d< 


30  MÉMOIRES  [1625] 

mêmes,  étant  des  États  comme  des  hommes,  qui  ont 
un  certain  feu  hors  lequel  on  ne  peut  attendre  d'eux 
ce  que  pendant  icelui  on  n'eût  su  empêcher. 

Que  c'étoit  chose  aussi  très  assurée  que,  s'il  y  avoit 
quelque  condition  foible  dans  le  traité  qu'on  feroit, 
toute  la  gloire  et  réputation  qu'on  avoit  eue  jusques 
alors  se  convertiroit  en  honte  ; 

Qu'au  reste,  si  nous  manquions  à  procurer  l'avan- 
tage de  nos  alliés,  nous  n'en  pourrions  plus  faire  état 
à  l'avenir,  ce  qui  feroit  que  nous  aurions  beaucoup 
plus1  perdu  en  cette  affaire  que  gagné. 

La  question  étoit  donc  de  faire  la  paix  de  la  Valte- 
line,  de  Gênes  et,  s'il  se  pouvoit,  du  Palatinat,  en 
sorte  que  chacun  eût  raisonnablement  son  compte  et 
que  nous  demeurassions  plus  liés  que  jamais  ; 

Qu'il  falloit  voir  promptement  la  fin  des  négociations 
qu'on  proposoit  sur  ce  sujet,  afin  que,  si  elles  ne  pou- 
voient  réussir,  S.  M.  contentât  les  huguenots  et  se 
disposât,  de  toutes  parts,  fortement  à  la  guerre  contre 
les  Espagnols,  étant  certain  que  les  Espagnols  ne  la 
pourroient  soutenir  longtemps,  si  en  même  instant 
on  les  attaquoit  puissamment  de  divers  côtés2,  au  lieu 
que,  si  l'effort  qu'on  feroit  étoit  foible,  ils  la  suppor- 
teroient  aisément,  ce  qui  nous  mettroit  en  une  guerre 
de  durée,  en  laquelle  ils.  auroient  autant  d'avantage, 
par  l'habitude  qu'ils  ont  à  pâtir,  comme  nous  en  avons 
aux  entreprises  dont  le  bon  succès  dépend  de  la  furie 
françoise3. 

1.  Ce  mot  a  été  ajouté  par  Charpentier  sur  le  manuscrit  A. 

2.  France  246  :  «  de  diverses  parts  ».  On  a  voulu  éviter  une 
répétition. 

3.  Ici  prend  fin  l'emprunt  au  mémoire  du  Cardinal. 


DE  RICHELIEU.  31 

i  ependant,  Soubise  entra  le  11*  juin*  en  la  rivière 
de  Borde.  <  suivante-quatorze  voiles,  descendit 

tillon  en  Médoc  elle  prit,  mil  «lu  canon  en  terre, 
lit  quelques  courses  pour  épouvanter  I»-  pays  et  voir 
si  quelques-uns  se  voudroient  joindre  à  lui;  mais  le 
maréchal  de  Praslin,  qui  étoit  à  Tentour  de  la 
M<»«  licll.'.  \  envoya  le  sieur  de  Toiras*  avec  ses  forces, 
(jui  le  lit  retirer  eu  ses  vaisseaux  et  quitter  la  rivière. 

|i  Roi,  ne  pouvant  pas  assez  promptement  faire 
équiper  en  son  royaume  nombre  suffisant  de  navires 
pour  s'opposer  à  la  Botte  de  Soubise  et  ne  tenant  l'as- 
ce  »l<  s  huit  vaisseaux  anglois  qui  lui  avoient 
été  promis  sutlisant,  demanda  secours  de  vingt  vais- 
seaux ;m\  lloll  uidois,  selon  qu'ils  étoient  obligés 
par  l'alliance  renouvelée  avec  eux  en  juin  16243,  et 
[»Iu>  particulièrement  parle  contrat  qu'avoit  t'ait  avec 
SU  Beoujoo  au  nom  du  Connétable,  bien  que  ce  fût 
pour  employer  i  la  guerre  de  Gênes4. 

!  s  ni  :  .  luttait  mettre  à  profit  l'absence  du  duc  d'Éper- 
ii'.n.  cpii  diii-f.iit  le  «  dégât  *  de  la  région  de  Montauban 
[Mercure  françois,  t.  XI,  p.  7«.K)-800). 

I.   roini  connuadait,  outre  ses  chevau-légers,  treize  com- 
pagnies de  gens  de  pied.  Venu  du  Fort-Louis,  il  gagna  Mor- 
passa  la  Gironde  i  BUye  >t  attaqua  Soubise  dans  Casttt- 
loti  ;   il   .[iii.i    ensuit.-   |   Bordeaux  à  la  tête    de  ses    troupes 
M.  Bauditr,  ><p.  eiLt  p.  33).  Une  lettre  de  Rabeni  à  linfante 
15  marfl  L625  (Correspondance,  t.   III,  p,  .'{43), 
nous  moiitr>   lu.  Ii.  lieu  et  la  Reine  raère  «  contrecarrant  »  l'in- 
lliK-nce  de  Toiras  a  autant  qu'ils  peuvent  ». 

ur  la  conclusion  du  traité  de  Compiègne  (10  juin  1024), 
voyez  t.  IV,  p 

I     I  rai  fut  envoyé  à  la  Haye  afin  de  hâter  le 

t  des  vaisseaux  promis  à  Bellojoo;  il  rendit  compte  de  sa 

mission  par  lettres  adressées  au  Cardinal  les  0  et  11  février 


32  MÉMOIRES  [1625] 

Ils  l'eussent  volontiers  refusé  contre  leurs  frères 
s'ils  eussent  pu;  mais  au  moins  s'opposèrent-ils  à  une 
condition  avec  laquelle  le  Cardinal  vouloit  absolument 
qu'on  les  leur  demandât;  c'est  que,  prévoyant  bien 
que,  si  on  en  venoit  aux  mains  avec  Soubise,  ils 
eussent  fait  un  faux  bond  au  Roi  et  n'eussent  pas  voulu 
combattre,  ou  l'eussent  fait  foiblemerit,  si  les  vais- 
seaux eussent  été  en  leur  puissance  et  commandés  par 
eux,  il  leur  fit  dire  que  le  Roi  vouloit  mettre  sur 
douze  de  leurs  vaisseaux  des  capitaines  et  des  soldats 
françois  ' . 

Ils  y  firent  grande  résistance  et  le  refusèrent 
entièrement2.  En  l'absence  du  Cardinal,  on  se  relâcha 
de  cette  condition3;  mais  le  Cardinal  la  reprit  et  mon- 
tra que,  bien  que  le  corps  des  États  eût  bonne  inten- 
tion, la  malice  d'un  seul  capitaine  particulier  pouvoit 
ruiner  une  armée  et  donner  victoire  aux  ennemis, 
dont  jamais  on  ne  relèveroit,  étant  certain  que,  si  une 
fois  ils  avoient  du  succès,  les  huguenots  et  catholiques 
mal  affectionnés  y  courroient  tous. 

(Aff.  étr.,  Hollande  10,  fol.  5  et  224).  Il  fut  rejoint  le  16  mars 
1625  par  Saint-Julien  et  Mantin,  chargés  de  procéder  au 
«  choix  des  matelols  et  de  faire  faire  les  victuailles  et  muni- 
tions de  guerre  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3682,  fol.  118  v°). 

1.  Voyez  les  instructions  données  le  28  février  1625  par  le 
Roi  à  l'ambassadeur  à  la  Haye,  Espesses  (Bibl.  nat.,  ms.  Fran- 
çais 3682,  fol.  127). 

2.  Notamment  par  une  lettre  adressée  le  23  mars  à  leur 
représentant  à  Paris,  l'ambassadeur  Langerack,  dont  copie  est 
conservée  aux  Aff.  étr.,  Hollande  10,  fol.  11. 

3.  Probablement  à  la  fin  de  mars  1625  et  durant  un  séjour 
de  Richelieu  à  Limours.  Voyez  Bibl.  nat.,  ms.  Français  3667, 
fol.  129  v°. 


DE  RICHELIEU.  33 

Partant  qu'il  t'alloit1  avoir  des  vaisseaux  absolument 
et  sans  condition  et  soutint  qu'ils  n'étoient  point  en 
étal  de  le  refuser,  vu  le  secours  qu'ils  tiroient  de  nous 
en  irgenl  et  en  hommes,  en  l'occasion  présente  du 
Mansfeld. 

Poar  cet  effet,  qu'A  t'alloit  faire  une  forte  dépèche8 

qui  témoignât  combien  le  Roi  trouva  étrange,  vu  les 

obligations  qu'ils  lui  avoient,  (|n'ils  lui  voulussent  don- 

■  m  nu  >ecours  (|ui  lui  seroit  à  plus  de  préjudice  qu'à 

| 

Un  mousse  peut  ruiner  toute  une  armée,  et  un  capi- 
taine <Ie  navire,  étant  assuré  par  les  ennemis  du  paie- 
ment de  son  vaisseau,  peut  entreprendre  de  brûler 
toute  l'année,  et  ce  d'autant  plus  facilement  qu'il 
peneeroil  Eure  un  grand  sacrifice  à  Dieu  à  cause  de  sa 
!  ion. 

Rn  e» il,  le  Cardinal  se  mettoit  en  grand  hasard 
aoprèfl  du  Roi;  car  il  soutint  absolument  qu'en  tenant 
tenue   (t    menaçant    les   Hollandois3   de   les  priver 

1 .  !..  s  eom  'tions  de  temps  que  présente  le  manuscrit  A  pér- 
it de  supposer  que  ce  passage  a  été  emprunté  à  un  Avis 

du  Cardinal  au  Roi  que  nous  n'avons  pas. 

I  '!•■   lut  •■nvoyée  à  l'ambassadeur  d'Espesses,  le  2  avril 
Ma  résolution  est  d'avoir  dès  à  présent  et  sans  délai 

l<s  vingt  vaisseaux  destinés  pour  Rellujon  et  la  disposition 

entière  sur  douce  d'iceux  pour  y  mettre  tels  capitaines  et  tels 

nombre  de  gens  de  guerre  que  je  verrai  bon  être  »  (Bibl.  nat., 

ms.  I  J683,  fol.  51  v*). 

aperce  le  texte  de  la  dépêche  royale  du  2  avril  :  «  \  ovi 

leur  [au\  Etats]  ferez  donc  connottre  >\n>-,  si  ces  raisons  ne  les 
i  k  ce  que  je  désire  et  que  recevant  oTcjax,  en  cette  occa- 

aJoa,   lai   BOarquei  d'une  froide  affection  en  mon  endroit,  je 
obligé  de  tempérer  les  miennes,  dont  ils  ont  toujours 

jusqu.  i  des  effets  très  avantageux,  et  ne  pourrois  faire 

V  3 


34  MÉMOIRES  [1625] 

du  *  secours  que  le  Roi  leur  donnoit,  s'ils  manquoient  à 
faire  en  cela  ce  que  S.  M.  désireroit,  assurément  ils 
accorderoient  ce  qu'on  demandoit.  En  quoi  on  eut  ce 
bonheur  que  la  chose  réussit  comme  on  l'avoit  pré- 
dite, et  le  Roi  eut  pouvoir  de  mettre  non  seulement 
sur  les  vaisseaux  des  capitaines  françois,  mais,  qui 
plus  est,  sur  chaque  vaisseau  cent  François2. 

Mais  le  malheur  du  temps  étoit  tel  qu'il  sembloit 
qu'on  fût  responsable  de  tous  les  événements,  tant 
parce  que  la  cour  étoit  pleine  de  gens  qui  n'atten- 
doient  autre  chose  qu'un  mauvais  succès  pour  se  ser- 
vir du  talent  qu'ils  avoient  acquis  à  faire  du  mal  à 
ceux  qui  servoient  le  public,  que  parce  que  les  princes 

autre  chose  que  révoquer  tout  le  secours  que  je  leur  donne, 
tant  d'hommes  que  d'argent,  puisqu'ils  manqueroient  à  celui 
qu'ils  me  doivent  par  leurs  traités.  » 

i.  Ici  commence  (fol.  144)  le  16e  cahier  du  manuscrit  A. 
Charpentier  a  transcrit  sur  la  feuille  de  garde  ce  résumé  : 
«  Le  Roi  obtient  les  vaisseaux  hollandois  et  anglois  comme 
il  désiroit.  Le  connétable  de  Lesdiguières  envoie  Bellujon  aux 
Rochelois  et  huguenots.  Négociation  de  paix  avec  eux.  Avis 
du  Cardinal  sur  la  rébellion  de  Soubise.  Soubise  brûle  le  vais- 
seau de  l'amiral  Haultain.  » 

2.  Ainsi  que  le  stipulait  le  traité  conclu  le  12  avril  par 
Espesses  avec  les  États  et  ratifié  le  10  mai  par  le  roi  de  France 
(Aff.  étr.,  Hollande  10,  fol.  2).  Aux  négociations  de  la  Haye 
participèrent,  avec  l'ambassadeur,  La  Forest-Toiras,  le  cheva- 
lier de  Saint-Julien  et  Mantin.  Le  2  mai,  le  secrétaire  d'État 
Potier  d'Ocquerre  mandait  à  Espesses  :  «  Le  traité  du  12  avril 
a  été  approuvé  et  trouvé  conforme  aux  intentions  du  Roi  » 
(Bibl.  nat  ,  ms.  Français  3683,  fol.  137  v°).  —  Une  lettre  de 
Herbault  à  Béthune,  7  mai,  mentionne  l'arrivée  «  des  vingt 
vaisseaux  de  Hollande  en  bon  équipage  au  port  de  Vie,  à  six 
lieues  de  Calais;  l'on  les  fera  avancera  Dieppe  pour  y  prendre 
les  soldats  qui  ont  été  levés  pour  mettre  sur  les  vaisseaux  » 
(Bibl.  nat.,  ms.  Français  3702,  fol.  45). 


DE  RICHELIEU.  35 

d'ordinaire  jettent  sur  ceux  qui  sont  auprès  d'eux  les 
mauvais  suives  des  choses  qui  leur  ont  été  bien  con- 
ciliées. 

Qui  se  fût  considéré  soi-même  n'eût  peut-être  pas 
[>ri>  06  chemin,  <|ui.  étanfl  le  meilleur  pour  les  affaires, 
l  pas  l<-  plus  mii  pour  ceux  qui  les  traitoient; 
mais,  sachant  que  la  première  condition  de  celui  qui 
;i  |>;ui  m  gouvernement  des  États  est  de  se  donner 
«lu  tout  au  public  et  ne  penser  point  à  soi-même,  on 
passa  par-dessus  toutes  eousidérntions  qui  pouvoient 
arrêter,  aimant  mieux  se  perdre  que  manquer  à  aucune 
chose  nécessaire  pour  sauver  l'État,  auquel  on  peut 

•  lin-  que  les  procédures  basses  et  lâches  des  ministres 
passés  avoient  changé  et  terni  toute  la  face. 

il  «ut  h  même  difficulté  avec  les  vaisseaux  anglois1. 
Bans  lui.  on  les  eût  reeus  pour  ruiner  les  affaires  du 
Roi,  et  non  pour  y  servir;  car  les  matelots,  soldats 

•  !  capitaines  ;m^lois  disoient  ouvertement  qu'ils  ne 
lir<  roirnt  pas  un  coup  de  canon  contre  les  huguenots, 
qu'on  ssvoU  d'ailleurs  s'en  tenir  tout  assurés2. 

■i  < M  asité  qu'en  avoit  de  vaisseaux  étoit  si  grande 

1  !  f*s  huit  vaisseaux  commandés  par  John  Pennington  arri- 
vèrent à  Dieppe  le  13  juin.  Pennington,  s'appuvant  sur  les  ins- 
tru<  ti.>ns  du  r<>i  d'Angleterre  datées  du  20  mai,  refusa  d'em- 
banjuer  les  détachements  français  concentrés  à  Dieppe  et  prit 
le  large  le  27  juin,  au  lendemain  de  l'arrivée  de  Montmorency, 
r  en  revue  les  TitiflfOTi  (S.  R.  Gardimr. 
utd,  i    N .  |>.  379,  et  Ch.  B.  de  la  Roncière,  op. 

■À.,   t      |\       p     ',67). 

uni'  note  marginale  de  a  l'Avis  sur  les  propositions 

du  dm  <I.   Km  Lin^'ham  ».  ■  Il  ne  faut  oublier  ce  que  les  vais- 

tnglois  ont  dit  à  Rasillv  en  s'embarquant,  qui  etl  on  un 

■04    |u  lu  m-  vouloient  point  aller  contre  la  Rochelle  »  (Aff. 

Vnglcterre  33,  l«»l.  221  v*). 


36  MÉMOIRES  [1625] 

que  tout  le  Conseil  étoit  d'avis  qu'on  les  devoit  prendre 
à  ces  conditions  plutôt  que  de  ne  les  avoir  point.  Le 
Cardinal1  seul  soutint  le  contraire,  dit  qu'il  valoit 
mieux  ne  les  prendre  point  que  de  les  prendre  ainsi, 
pour  plusieurs  raisons  aisées  à  concevoir  et  trop 
longues  à  déduire;  qu'au  reste  il  ne  doutoit  point 
que,  si  on  opiniàtroit  à  les  avoir  sans -matelots,  offi- 
ciers et  soldats  anglois,  le  roi  de  la  Grande-Bretagne 
ne  les  dénieroit  pas  à  l'extrémité,  quoi  qu'il  eût  fait 
et  dit  jusqu'ici  ;  que  la  chaleur  d'une  alliance  fraîche- 
ment laite  et  la  nécessité  qu'il  avoit  de  la  France  en 
beaucoup  d'autres  choses  ne  lui  permettoient  pas  de 
faire  ce  refus; 

Que,  pour  parvenir  à  ce  qu'on  désiroit,  il  n'y  avoit 
qu'à  renvoyer  les  vaisseaux2  et  faire  entendre  claire- 
ment que  le  Roi  aimoit  mieux  ne  les  avoir  point  que 
de  les  avoir  en  sorte  qu'il  n'en  fût  pas  le  maître. 

Tout  le  monde  fut  d'avis  contraire,  et  cependant  le 
Roi,  déférant  par  sa  bonté  à  celui  du  Cardinal',  il 
succéda  en  sorte  que  le  roi  d'Angleterre  envoya  les 
vaisseaux  au  Roi  avec  plein  pouvoir  d'en  user  comme 
bon  lui  sembleroit4. 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Araadeau  ».  Sur  ce 
surnom  de  Richelieu  employé  dans  l'intimité,  voyez  Avenel, 
t.  VII,  p.  541. 

2.  Comparez  la  lettre  du  Roi  du  27  avril  1625  au  duc  de 
Chevreuse  et  à  M.  de  la  Ville-aux-Clercs,  où  il  déclare  qu'il 
renoncera  aux  vaisseaux  plutôt  que  de  les  a  recevoir  à  condi- 
tions telles  qu'ayant  l'apparence  de  quelque  secours  je  n'en 
puisse  avoir  l'effet  »  (S.  Gardiner,  Documents  illustrating  the 
impeachment  of  the  Duke  of  Buckingham  in  1626,  p.  184). 

3.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Amadeau  ». 

4.  Louis  XIII  obtint  finalement  la  libre  disposition  des  vais- 


DE  RICHELIEU.  37 

Le  temps  justifia  bien  l'utilité  de  ce  conseil  non 
seulement  par  le  gain  de  la  bataille  navale1,  où  les 
Aiii;l<  fussent  pas  trouvés  s'ils  eussent  été  sur 

lissraux,  et  où  il  fallut  que  le  chevalier  de  Sajnt- 
Julien  portai  l'épée  à  la  gorge  d'un  capitaine  hollan- 
dois  sur  le  vaisseau  duquel  il  commandoit,  parce 
qu'il  m  vouloit  pas  aborder  un  vaisseau  ennemi*; 
n  u if,  en  outre,  par  les  instances  et  poursuites  pres- 
santes  que    les  Anglois  et    Hollandois,   touchés   du 

•  lé-plaisir  du  gain  de  cette  bataille,  firent  plusieurs  l'ois 
depuis  pour  ravoir  leurs  vaisseaux,  ce  qu'on  empêcha 

seaux,  Buckin^ham  ayant  enjoint  aux  capitaines  de  «  recevoir 
en  leurs  bords  autant  de  soldats  qu'ils  en  pourront  porter  »  : 
lettre  <ie  ÛhsvraMC  et  Ville-aux-Clercs  à  Louis  XIII,  Londres, 
10  juillet  1625  (Gardiner,  op.  cit.,  p.  220).  Voyez  aussi  la 
d'Herbault  à  Béthune,  du  25  juillet  1625  :  «  Les  vais- 
seaux anglois  qui,  après  avoir  été  en  nos  côtes,  s'étoient  reti- 
i  Angleterre,  ont  été  renvoyés  par  le  roi  de  la  Grande- 
Bretagne,  avec  ordre  et  commandement  exprès  à  ceux  qui  les 

•  "inuiJiidVnt  d'y  recevoir  tel  nombre  de  François  que  S.  M. 
ordonnera,  et  de  faire  tout  ce  qui  leur  sera  commandé  par 

Unirai,  tellement  que  ce  soit  paix  ou  guerre  le  Boi  aura 
moyen  de  réduire  ceux  de  la  Bocbelle  à  la  raison  »  (Bibl.  nat., 
7<)2,  fol.  95).  L'embarquement  eut  lieu  à  Dieppe; 
le  chevalier  de  Bis  prit  le  commandement  des  vaisseaux  et  ral- 
lia la  flotte  de  Montmorency  :  lettres  du  Boi  et  du  secrétaire 
Potier  d'Ocquerre  à  M.  d 'Elliat,  15  août  l<ir>  (Bibl.  nat., 
luze  154,  fol.  254  et  264).  Voici  un  extrait  de  cette  der- 
nière lettre  :  «  Puisque  l'amiral  l'ennington  est  devenu  homme 
ni  (jue  votre  dépêche  m'a  lait  voir,  je  vous  dirai 
qu'elle  a  donné  une  réjouissance  au  Boi  et  à  toute  la  cour,  » 

I  l.a  bataille  navale  du  Pertuis-Breton,  livrée  les  15,  16  et 
17  leptembre. 

'robahlemeal  le  fttpfîtinf  hollandais  de  I.\  tt'aihre.  Le  fait 
n'est  pas  rapparié*   ÉMH   les  relations  contemporaines  de  la 


38  mkmoh;i  [1625] 

par  les  mêmes  façons  qu'on  avoit  obtenu  contre  leur 
gré  ledit  secours. 

Les  légèretés  et  inégalités  ordinaires  des  Anglois 
feront  assez  juger  la  peine  qu'il  y  eut  d'obtenir  d'eux 
leurs  vaisseaux  et  résister  aux  importunités  avec  les- 
quelles ils  les  redemandoient.  Il  est  impossible  de  les 
concevoir  toutes,  si  on  ne  sait  qu'en  même  temps  le 
parlement  d'Angleterre,  animé  contre  le  duc  de  Buc- 
kingham,  lui  imputa  à  crime  ce  secours  de  vaisseaux, 
ce  qui  le  rendoit  d'autant  plus  soigneux  de  les  ravoir. 

Durant  les  peines  qu'on  avoit  à  obtenir  ces  vais- 
seaux anglois  et  hollandois  en  la  manière  que  le  Roi 
les  demandoit  et  qu'il  savoit  être  seule  utile  à  son 
service,  on  traitoit  avec  les  huguenots  par  l'entremise 
du  connétable  de  Lesdiguières l ,  qui,  voyant  bien  que 
ce  soulèvement  retranchoit  toute  l'espérance  de  la 
gloire  qu'il  avoit  conçue  de  son  voyage  en  Italie,  obli- 
geant le  Roi  d'y  employer  les  vaisseaux  qu'il  avoit  des- 
tinés pour  le  secourir,  employa  tous  ses  efforts  pour 
le  terminer  par  une  bonne  paix. 

Il  envoya,  pour  cet  effet,  avec  la  permission  du  Roi, 
le  sieur  de  Bellujon2,  en  qui  il  avoit  beaucoup  de  con- 

1.  Le  22  janvier  1625,  Bullion  écrivait  de  Vizille  à  Riche- 
lieu :  «  M.  le  Connétable  a  dépêché  de  tous  côtés  pour  empê- 
cher de  tout  son  pouvoir  que  les  huguenots  ne  remuent  du 
côté  du  Dauphiné,  Provence  et  Languedoc.  J'appréhende  le 
dernier  à  cause  de  Castres  et  de  celui  qui  est  dedans.  »  Voyez 
aussi  la  lettre  de  Lesdiguières  à  Herbault,  31  mars  (Aff.  étr., 
Suisse  18,  fol.  244). 

2.  Bellujon  arriva  à  la  cour  en  février  1625;  il  avait  été 
annoncé  à  Richelieu  par  une  lettre  du  Connétable  du  3  février  : 
«  Il  a  si  bien  réussi  en  son  voyage  de  Hollande  et  témoigne 
tant  d'affection  et  de  fermeté  au  service  du  Roi  que  je  ne  crains 


[1625]  DE  RICHELIEU.  39 

ti;ni<v.  \»is  les  sieurs  de  Rohan  et  de  Soubise,  les 
ville  s  du  Languedoc  et  de  la  Rochelle1,  et  fit  tant,  par 
remontrances  et  par  menaces,  qu'il   les  fit  condes- 

point  d'assurer  S.  M.  et  vous-même  qu'il  continuera  jusques  à 
s.i  lin  ci  qu'elle  n'en  sera  jamais  que  très  satisfaite  »  (Aff.  étr., 
Turin  5,  fol.  66).  Néanmoins,  sa  mission  souleva  d'abord  des 
difficultés.  Voyez  la  lettre  d'Herbault  à  Bullion  du  21  février 
«  M.  de  Bellujon,  que  vous  nous  avez  envoyé  par  deçà, 
I  tait  quelque*  propositions  pour  retirer  M"  de  Rohan  et  de 
Soubise  de  la  débauche  où  ils  sont  et  leur  donner  emploi  dans 
l'armée  delà  les  monts;  d'abord  ledit  sr  de  Bellujon,  ayant 
voulu  mêler  les  ambassadeurs  d'Angleterre,  Venise,  Savoie  et 
Hollande  en  ce  sujet  et  assemblé  aucuns  des  principaux  de  sa 
religion  pour  en  conférer  à  grand  mouvement,  éloigna  le  Roi 
l' mli'  ;  depuis,  les  choses  ayant  été  modérées  et  réduites 
à  la  seule  entremise  de  M.  le  Connétable,  sans  y  engager  ni 
|)( n  ni  prou  le  nom  du  Roi,  ni  celui  des  autres  princes,  la 
r  lios,-  |  été  mieux  reçue  et  semble  qu'il  soit  en  terme  de  se 
len  lr  de  cet  expédient.  »  Bullion  répondit  le  3  mars  :  «  Quant 
I  Bellujon.  il  va  trop  vite;  prenez  occasion  de  nous  le  ren- 
voyer; il  est  allé  trop  avant  de  mêler  les  ambassadeurs  dans 
une  telle  négociation,  où  les  étrangers,  moins  qu'en  toute  autre 
affaire,  doivent  avoir  part  ni  communication  »  (Aff.  étr., 
Turin  5,  fol.  145  v°). 

1.   II.  Ilujoii  se  rendit  auprès  de  Rohan  au  début  de  mars 

ll>  il>aull  annonce  son  retour  à  l'ambassadeur  d'Aligre  le 

Le  i1  'le  Bellujon  est  de  retour  du  voyage  qu  il  i 

i-s  M.  (!»•  Kohan,  dont  il  a  apporté  toute  assurance  de 

paix  du  côté  du  Languedoc  et  bonnes  paroles  d'obéissance  de 

la  part  dudit  duc  ;  mais  il  propose  trois  choses  :  l'une  que  l'on 

lui  donne  commission  pour  lever  en  France  6,000  hommes  de 

00  chevaux  pour  mener  en  Italie;  l'autre  que  l'on 

lr  commandement  des  vaisseaux  qui  sont  en  la  mer  de 

i  I  M    -I.   Souliisr  pour  aller  s.rvir  en  Italie,  avec  paie- 

de  Sicile  pour  trois  mois;  en  dernier  lieu,  il  supplie 

M.  de  Savoie  et  le  Connétable  de  s'entremettre  envers  1<    Hoi 

le    rasement   du    Fort-Louis  »   (Arch.   nat.,    KK.   1361, 

•0  v#).  Le  16  avril ,  il  fut  chargé  d'une  nouvelle  mission 


40  MÉMOIRES  [1625] 

cendre  à  quelques  conditions  de  celles  que  S.  M.  pou- 
voit  désirer. 

Mais,  comme  leur  esprit  étoit  dans  la  fureur  de 
la  rébellion,  ils  faisoient  incontinent  des  nouvelles 
demandes  outre  les  choses  qu'ils  avoient  première- 
ment proposées,  et  y  avoit  une  extrême  peine  pour 
les  faire  joindre  et  mettre  à  la  raison. 

Le  Roi,  qui  ne  vouloit  pas  leur  faire  croire  qu'il  n'y 
eût  qu'à  demander  pour  obtenir,  ce  qui  eût  augmenté 
leur  audace  à  l'infini,  demeura  ferme  à  ce  dont  il  étoit 
convenu. 

Sur1  quoi  Bellujon,  répondant  de  leur  part  que  les 

auprès  des  Rochelais  et  de  Soubise  (Guillaudeau,  Diaire, 
p.  275-276).  L'ambassadeur  hollandais  Botzelaer  rapporte  que 
le  Roi,  la  Reine  mère,  le  Cardinal  et  Schônberg  délibérèrent  à 
Rueil,  le  28  avril,  «  sur  le  rapport  de  M.  de  Bellujon  touchant 
l'accommodement  de  M.  de  Soubise,  et  que,  dans  cette  confé- 
rence, ledit  cardinal  de  Richelieu  avoit  fort  vigoureusement 
parlé  pour  la  paix  de  dedans  le  royaume  et  la  continuation  de 
la  guerre  au  dehors,  disant  que  le  Roi  étoit  beaucoup  plus 
intéressé  et  engagé  pour  continuer  la  guerre  au  dehors  que 
pour  la  commencer  au  dedans,  et  qu'on  pouvoit  apaiser  cette 
dernière  avec  peu  de  chose,  en  donnant  ce  que  S.  M.  avoit  si 
solennellement  promis  à  ceux  de  la  Religion,  et  que  cela  étoit 
son  seul  sentiment  qui  provenoit  d'un  cœur  véritablement  fran- 
çois  et  qui  aimoit  la  prospérité  et  le  bien  du  royaume,  ajoutant 
toutefois  à  la  fin  qu'il  remettoit  tout  à  la  prudence  et  à  la  dis- 
crétion de  S.  M.  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  17940,  fol.  254). 
Finalement,  Bellujon  se  rendit  pour  la  seconde  fois  à  la 
Rochelle  et  reçut  le  7  mai  les  propositions  écrites  du  corps  de 
ville  (Guillaudeau,  Diaire,  p.  269,  et  lettre  d'Herbault  à  Bul- 
lion  :  Arch.  nat.,  KK  1361,  fol.  326  v°,  9  mai  1625). 

1.  Ici  commence  un  emprunt  à  un  mémoire  adressé  le  25  mai 
1625  par  le  Cardinal  à  Bellujon  et  publié  par  Avenel,  t.  II, 
p.  87,  d'après  le  vol.  France  780,  fol.  29.  Ce  document,  qui 
est  de  la  main  de  Charpentier,  porte  la  mention  «  Employé  »  ; 


DE  RICHELIEU.  41 

noiiYt'Ik's  demandes1  ne  se  faisoienl  pas  par  capitula- 
lion,  mais  étoient  seulement  prétendues  de  grâce,  le 
Roi  lui  donna  charge  tl«'  mander  a  Soubise,  et  à  ceux 
<lt-  la  Rochelle,  qu'à  cette  condition  ils  pouvoient 
envoyer  au  plus  tôt  leurs  députés  bien  intentionnés  et 
autorisés,  et  leur  faire  savoir,  comme  de  lui-même', 
qu'étant    auprès    de    S.    M.    ils    pouvoient    bientôt 

■  >udre  ce  qui  étoit  à  polir  et  éclaircir,  pour  ajuster 
(  ntièrement  leurs  demandes  avec  l'intention  de  Sadite 
Majesté3; 

nue  pour  faciliter  le  moyen  de  l'envoi  de  leursdits 
députés  et  faire  voir  comme  même  le  Roi  les  convioit 
derechef  à  la  paix  sûre  et  perpétuelle  qu'il  vouloit 
donner  à  tous  ses  sujets,  ledit  sieur  de  Bellujon  obtint 
de  S.  M.  tous  les  passeports  nécessaires  qui  leur 
nt  envoyés; 

nu<  m  le  sieur  de  Soubise  n'avoit  déjà  dépêché  au 
duc  de  Rohan,  avec  le  passeport  du  sieur  de  Praslin*, 

il  a  été  reproduit  dans  le  manuscrit  A,  à  l'exception  des  deux 

premières  phrases  qui  ont  été  omises  ;  ultérieurement,  Sancy  a 

entièrement  modifié  l'ordre  des  cinq  derniers  paragraphes,  en 

ayant  recours,  pour  guider  le  copiste,  aux  signes  convention- 

-i>.  B-F,  (■  il 

nr  ces  propositions  des  Rochelais  reçues  par  Bellujon 

mt  son   s.-jour  à  Marans,   le  16  mai,  voyez  Guillaudeau, 

Diaire,  p.  282. 

M  quatre  mots  ne  figuraient  pas  dans  le  manuscrit  origi- 
nal.  L'envoyé   porteur   des   lettres    de    Bellujon   arriva  à   la 
telle  le  28  mai  (Guillaudeau,  Diaire,  p.  284). 
rance  780  :  <  leurs  réponses  avec  lesdits  articles,  c'est- 
à-dire  avec  les  articles  du  7  mai  » . 

Iiarles  de  Choiseul,  marquis  de  Praslin,  maréchal  de 
France  et  lieutenant  général  au  gouvernement  des  pays  de  Sain- 
tonge,  Angoumois,  Aunis  et  ville  de  la  Rochelle. 


42  MÉMOIRES  [1625] 

pour  le  faire  convenir  à  même  intention  que  lui  et 
faire  cesser  tous  actes  d'hostilité  de  sa  part,  il  lui 
seroit  envoyé  un  passeport  du  Roi  pour  un  des  siens, 
afin  qu'il  le  dépêchât  en  diligence  vers  ledit  sieur  de 
I  loi  uni  et  fit  que  son  député,  bien  autorisé,  se  trouvât 
à  la  cour  en  même  temps  que  les  autres; 

Que  S.  M.,  croyant  que  le  sieur  de  Faye-Saint- 
Orse1  étoit  bien  intentionné  et  informé  de  ce  qui  étoit 
à  faire,  selon  la  volonté  du  Roi,  pour  cet  accommode- 
ment, S.  M.  trouvoit  bon  qu'il  retournât  diligemment 
vers  M.  de  Rohan,  avec  les  lettres  dudit  sieur  de  Bel- 
lujon  et  des  députés  généraux,  pour  l'informer  des 
réponses  rapportées  de  la  Rochelle  par  ledit  sieur  de 
Bellujon  et  de  ce  que  le  conseil  du  Roi  avoit  répondu 
sur  icelles2; 

Qu'il  procureroit  que  les  députés  de  Montauban, 
Castres,  Nîmes,  Uzès  et  Milhau  vinssent  en  même 
temps  que  celui  de  M.  de  Rohan  faire  leurs  protesta- 
tions au  Roi,  suivant  ce  qui  étoit  porté  par  lesdits 
articles  du  7e  mai3; 

Et  procureroit  aussi  de  faire  retirer  de  la  campagne 
les  gens  de  guerre  que  M.  de  Rohan  y  avoit  mis,  afin 
que  les  troupes  du  Roi  ne  fussent  point  obligées  à  agir 
contre  eux,  dont  il  arriveroit  des  effets  tout  contraires 

1.  N.  de  Peyrebrune,  seigneur  de  Saint-Orse,  gouverneur  de 
Clairac;  il  avait  accompagné  Bellujon  à  Castres  en  mars  1625 
et  fut  chargé  d'une  nouvelle  mission  auprès  de  Rohan  au  début 
de  mai  (Bouffard-Madiane,  Mémoires,  p.  81). 

2.  Cet  alinéa  était  l'avant-dernier  dans  le  mémoire  original. 

3.  Les  articles  du  7  mai  remis  par  les  Rochelais  à  Bellujon 
avaient  été  déjà  cités  dans  le  préambule  du  document  que  les 
Mémoires  n'ont  pas  reproduit  :  «  les  articles  du  7  mai  dont  on 
ne  prétend  point  se  départir  ». 


[1625]  DE  RICHELIEU  43 

;i  l'accommodement  que  S.  M.  désiroit  voir  en  ces 
affaires,  par  le  moyen  du(|u<-l  elle  auroit  le  contente- 
ment de  voir  sefl  sujet*  délivres  des  appréhensions  et 
malheurs  que  les  guerres  civiles  apportent1  ; 

l'.l  «|iie  cependant  il  seroit  mande  auxdits  sieurs  de 
l'raslin  et  de  la  Rochefoucauld  de  contenir  les  troupes 
du  Roi  sans  rien  altérer,  afin  que,  par  mésintelligence, 
cette  all'aire,  qui  étoit  en  très  bon  état,  ne  se  gâtât; 
pourvu  mm  que  les  vaisseaux  du  sieur  de  Soubise  et 
des  Rochelois  ne  tissent  aucun  préjudice  durant  ce 
temps-là  aux  sujets  de  S.  M.; 

Que  Ton  ménageroit  au  plus  tôt  aussi  l'amiral  Haul- 
tam2  pour  le  disposer  à  l'échange  de  cinq  vaisseaux3, 
MO  convenir  de  la  qualité  d'iceux,  de  ce  qu'il  fera 
des  hou  unes  qui  sont  dedans,  et  autres  particularités  à 
d<  mèl.  r  avec  lui,  s'il  n'étoit  trouvé  plus  à  propos  de 
M  mander  de  venir  en  cour  en  diligence,  puisqu'il  est 
h iv  côtes  de  la  France4,  de  peur  que  l'on  ne  se  trouve 
avoir  compte  sans  son  hôte  au  fait  du  change  desdits 
vaisseaux5. 

1    <  Sa  paragraphe  formait  la  conclusion  du  mémoire  original. 

2.  Guillaume  Haultain  de  Zoete,  amiral  de  Zélande,  comman- 
dant de  la  flotu-  hollandaise  prêtée  à  Louis  XIII. 

3.  Il  s'agit  Là  des  cinq  vaisseaux  hollandais  que  devait  rece- 
voir Soubise,  après  avoir  restitué  les  navires  enlevés  à  Bla- 
vet.  Le  journal  de  l'ambassadeur  hollandais  Botzelaer,  en  date 
du  21  avril,  nous  apprend  que  Soubise  se  refusait  à  «  accepter 
les  cinq  navires  du  Hoi,  après  avoir  rendu  les  dix  ou  douze, 
sous  la  condition  offerte  que  S.  M.  y  vouloit  mettre  des  capi- 
taim  s.  .(liciers  et  matelots  à  sa  dévotion;  à  quoi  ledit  •'  de 

rèpoadoit  qu'en  tel  cas  il  seroit  mis  comme  en  une 
i.  »    Itil.l.  nat.,  ms.  Français  17940,  fol.  253). 
I     \"  Il  .race.  Lettre  d  ll-i  hault  à  Aligre,  26  mai 

\rcb.  nat  .  U  1  {91,  fol.  315). 
Ici  s'arrête  l'emprunt  à  France  780. 


44  MÉMOIRES  [1625] 

Par  les  ordres  susdits,  il  se  voit  qu'on  n'oublioit 
précaution,  industrie,  ni  diligence  quelconque,  pour 
rassurer  ces  esprits  dévoyés  et  les  faire  rentrer  en  leur 
devoir. 

La  plus  grande  difficulté  de  la  part  des  villes  étoit 
le  rasement  du  Fort-Louis;  de  la  part  des  sieurs  de 
Rohan  et  de  Soubise,  le  paiement  de  ce  qu'ils  pré- 
tendoient  leur  avoir  été  promis  par  le  traité  de  Mont- 
pellier. Le  premier,  outre  cela,  demandoit  de  com- 
mander un  petit  corps  d'armée  pour  aller  joindre  par 
terre  le  connétable  de  Lesdiguières1,  et  le  dernier 
demandoit  être  fait  duc  et  pair  et  employé  par  le  Roi 
avec  des  vaisseaux  pour  son  service  en  Italie.  Moyen- 
nant cela,  Soubise  promettoit  de  démolir  ce  qu'il  a  voit 
fortifié  de  nouveau  es  îles  de  Ré  et  d'Oléron. 

Selon  ces  propositions,  les  huguenots  envoyèrent, 
en  juillet,  des  députés  à  Fontainebleau  pour  deman- 
der la  paix  au  Roi2. 

S.  M.  leur  accorda  la  plupart  de  ce  qu'ils  deman- 
doient,  mais  demeura  ferme  sur  le  refus  du  rasement 
du  Fort-Louis3,  le  Cardinal  y  insistant  absolument, 

1.  Le  11  juin,  le  Connétable  demandait  au  Roi  de  «  pardon- 
ner à  ceux  qui  se  sont  émancipés  et  d'étouffer  la  naissance 
d'un  mal  dont  l'accroissement  pourroit  donner  occasion  aux 
brouillons  catholiques  mécontents,  ou  prétendus  tels,  et  à  beau- 
coup d'autres  qui  n'attendent  que  leur  temps  pour  l'exécution 
de  leurs  mauvais  projets  »  (Aff.  étr.,  Turin  5,  fol.  319  v°). 

2.  Ils  furent  reçus  le  4  juillet  par  le  Roi.  «  Mémoire  de  l'ar- 
rivée auprès  de  S.  M.  des  députés  de  Mrs  de  Rohan,  de  Sou- 
bise, de  la  Rochelle,  Montauban  et  Castres  »  (Aff.  étr., 
France  1743,  fol.  25). 

3.  «  Toute  la  difficulté  consiste  en  ce  fort  de  la  Rochelle, 
dont  ils  demandent  la  démolition;  S.  M.  ne  peut  consentir  à 
leur  faire  cette  grâce   en   cette    conjoncture,    mais  voudroit 


[HHJ  DE  RICHELIEU.  45 

bien  que  !*•  doc  <1<  (iui.M-  ïùt  ouvertement  d'opinion 
imnirrifT,  fondé  sur  quelques  raisons  apparentes,  les- 
quelles furent  détruites,  < 1 1 1< »î< | n« -  non  sans  hasard  pour 
infini,  vu  que,  si  YérrèaétOBBà  «ïil  été  mauvais, 
il  en  «fit  été  responsable. 

Il  représenta  tu  Roi1  que,  bien  que  l'audace2  et  le 
trime  du  nenr  de  SoubÎK  Iusm-iiI  tels  qu'ils  méri- 
tanenl  no  chàtimeot  exemplaire,  et  non  aucun  par- 
don. S.  M  .  néanmoins,  devoit  considérer3  que  le 
t  «lu  gouvernement  des  États  consistoit  à  prendre 
ions  les  plus  propres  aux  actions  qu'on  veut 
faire,  et  que  les  -landes  et  diverses  affaires  qu'elle 
avoit  Ion  sur  les  bras  requéroient  que  S.  M.  ne  regar- 
dai paa  présentement  l'excès  de  cette  faute,  ains  la 
eoiivril  de  ■  prudence  et  se  contentât  de  recevoir, 
pour  le  présent,  des  satisfactions  qui  fussent  suffi- 

•  |u "ils  >»<•  missent  en  étal  de  le  mériter  par  leur  obéissance  et 

nra  services,  afin  qu'elle  pût  avoir  juste  sujet  de  leur 

1er  »  :  Herhault  à  Béthune,  \  juillet  1625  (Bibl.  nat.,  ms. 

in  3702,  fol.  86).  Parmi  les  nombreux  pamphlets  où  la 

ition  du  fort  était  demandé)  re  et  libre  rtis- 

court  par  supplications  et  remonstranecs  très  humbles  au  Roy, 

iê  salutaire  au  Boy  sur  les  affaires  présentes, 

1.  Preasi«ère  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Le  Cardinal  donna 
au  R«>i  «n  eette  occasion  l'avis  suivant.  » 

Ici  commence  la  repnxlu.  tion  d'un  «  Avis  sur  la  rébellion 
du  sr  de  Soobise  »,  émanant  du  Cardinal  et  composé  certaine- 
ment au  milieu  de  juillet,  durant  les  pourparlers  de  Fontaine- 
locumenl.  écrit  par  le  «  secrétaire  de  la  main  »,  a 
Mi<-  par  Avenel,  t.  Il,  p.  97,  d'après  France  880,  fol.  117; 
il  a  été  transcrit  textuellement  dans  le  manuscrit  A,  qui  port! 
trace  des  corrections  de  temps  et  de  style  faites  postérieure- 
m. m. 

■M  780  :  «  S.  M.  considérera  s'il  lui  plait  ». 


46  MÉMOIRES  [1625] 

santés  au  public  et  n'arrêtassent  le  cours  des  des- 
seins de  S.  M.1,  qui  pourvoiroit  puis  après  aisément* 
à  tous  ces  désordres  ; 

Que  les  demandes  des  sieurs  de  Rohan  et  Soubise 
étoient  diverses.  Les  unes  regardoient  leur  particulier 
et  les  autres  le  général  de  leurs  églises  prétendues. 
L'aîné  désiroit  être  employé  par  terre  avec  six  mille 
hommes  et  cinq  cents  chevaux  en  Italie  et  être  payé 
de  cent  cinquante  mille  écus  qui  lui  avoient  été  pro- 
mis par  le  traité  fait  à  Montpellier3. 

Le  second  demandoit  être  employé  en  Italie  par 
mer,  avec  les  vaisseaux  qu'il  avoit  pris,  ceux  qu'il 
avoit  et  ceux  qu'il  pourroit  mener  de  la  Rochelle. 

Pour  l'intérêt  général  des  huguenots,  ils  deman- 
doient  tous  deux  le  rasement  du  fort  de  la  Rochelle. 

Que  le  Roi  pouvoit  donner  emploi  à  M.  de  Rohan  en 
Italie*,  pourvu  qu'on  ne  lui  donnât  point  plus  grand 
nombre  de  troupes  qu'un  régiment  et  une  compagnie 
de  gendarmes5.  Gela  le  pouvoit  contenter  et  ne  pour- 
roit lui  donner  le  moyen  de  desservir  le  Roi  ;  mais 
que  le  nombre  plus  grand  des  troupes  qu'il  deman- 
doit lui  donneroit  un  corps  dans  lequel  il  s'autorise- 
roit  et  avec  lequel  il  pourroit  revenir  en  France,  au 

1.  La  campagne  de  Valteline  et  l'expédition  de  Gênes. 

2.  Manuscrit  A  et  France  780  :  «  aisément  et  assurément  ». 

3.  Comparez  les  reproches  adressés  par  Fancan  dans  la 
France  mourante  aux  ministres  qui,  en  1623,  n'exécutaient  pas 
les  clauses  du  traité  de  Montpellier. 

4.  France  780  :  «  et  sans  aucun  intérêt  ».  Ces  quatre  mots  ont 
été  biffés  lors  de  la  révision  du  manuscrit  A. 

5.  Par  lettre  du  26  juillet  1625,  le  Roi  proposait  à  Rohan 
2,000  hommes  de  pied  et  200  chevaux  (Bibl.  nat.,  ms.  Du- 
puy  502,  fol.  143  v°). 


DE  RICHELIEU.  47 

préjudice  de  la  tranquillité  publique  et  du  service  de 

M. 

Quant  à  l'argent,  S.  M.  lui  pcmmil  accorder  sans 
i  m.  hit  .h.  à  sa  réputatk»!  puisqu'il  lui  «toit  dû,  et 
i|ii<\  s'il  n'a\oit  été  payé,  OS  n  Y-toit  que  parla  faute 
de  ceux  <|ui  avoient  l'administration  de  ses  finances. 

Our  le  sieur  de  Soubise  devoit  rendre  à  S.  M.  !<■> 
▼aisseaux  de  M.  de  Nevers  qu'il  a  voit  pris,  et  lors 
S.  M.,  après  avoir  mis  sur  lesdits  vaisseaux  les  mêmes 
capitaines  et  soldats  qu'elle  a  voit  destinés  devant  qu'ils 
lussent  pris,  pouvoit  bien  les  prêter  à  S.  A.  de  Savoie 
et  approuver  qu'ils  tussent  joints  à  une  escadre  que  le 
sieur  de  Soubise  commanderait,  mais  qu'on  ne  pou- 
voit permettre  qu'il  les  emmenât  autrement,  et  il  ne  le 
deroil  pas  désirer,  vu  que  ce  serait  lui  donner  lieu 
«ire  voir  aux  pays  étrangers  les  marques  de  la 
honte  de  la  France  et  les  trophées  d'une  victoire  qu'il 
n'avoit  acquise  que  par  surprise  et  trahison. 

Sur  les  prétentions  de  la  Rochelle,  il  falloit  consi- 
qu'il  n'\  avoit  personne  qui  ne  vît  que  S.  M.  ne 
pouvoil  maintenant  ni  raser  le  fort,  ni  le  permettre 
<»u  en  donner  espérance  pour  sa  réputation,  tant  s 
cause  qu'il  semblerait  «pion  extorquerai!  par  force 
cet  a\  qui  devait  être  reconnu  de  la  pure  bonté 

«lu  Boi,  que  perce  aussi  que  ceux  qui  en  recevraient 
le  li  uit  m  sauroient  le  gré  aux  sieurs  de  Soubise  et 
Itohaii.  qui.  parer  mo\en.  triment  réussir  les  pi  .Ini- 
tions qu'ils  avoieni  toujours  eues  <lc  se  rendre  chefs 
mIi  ; 

Mail  qw  S.  M.  pouvoit  bien  permettre  au  Conné- 
table <!••  dire  aux  Roclirlms  qu'il  avoit  toujours  connu 
la  volonté  du  Roi  être  de  satisfaire  à  ce  qui  avoit  été 


48  MÉMOIRES  [1625] 

ci-devant  promis  en  son  nom,  dont  il.avoit  été  diverti 
jusqu'à  présent  par  diverses  rencontres;  qu'il  s'en 
présentait  une  maintenant  plus  considérable  qu'au- 
cune autre  passée,  ce  qui  faisoit  qu'il  n'y  avoit  point 
de  lieu  maintenant  de  demander  l'exécution  qu'ils 
souhaitoient  ; 

Qu'il  falloit  laisser  passer  ces  occasions  présentes, 
qui  justement  dévoient  arrêter  le  cours  de  la  bonne 
volonté  du  Roi  ;  mais,  qu'étant  passées,  il  leur  pro- 
mettoit  de  s'en  venir  en  cour  et  se  faisoit  fort  d'obtenir 
ce  qu'ils  désiroient,  pourvu  que,  pour  donner  sujet  au 
Roi  de  l'accorder,  s'il  restoit  quelque  chose  à  exécuter 
de  ce  qui  avoit  été  promis  de  leur  part,  ils  le  fissent 
premièrement. 

Cet  avis  étoit  sans  péril  pour  deux  raisons  : 

La  première,  que  l'exécution  qui  étoit  préalable- 
ment désirée  de  la  part  des  Rochelois  tireroit  de 
longue  des  années  entières. 

La  seconde,  que  le  grand  âge  du  Connétable  don- 
noit  lieu  de  prévoir  plutôt  sa  fin  que  celle  de  cette 
affaire,  dont  l'exécution  ne  se  pouvoit  faire  en  peu  de 
temps. 

En  tout  cas,  il  n'étoit  question  que  de  laisser  perdre 
aux  mutins  de  la  Rochelle  cette  occasion  de  témoigner 
leur  mauvaise  volonté,  étant  certain  que,  quand  par 
après  ils  continueroient  leurs  desseins,  ils  ne  pour- 
roient  entreprendre  de  les  exécuter  qu'avec  leur  ruine 
totale;  mais  qu'on  ne  pouvoit,  en  façon  quelconque, 
faire  intervenir  M.  de  Savoie,  parce  qu'étant  prince 
étranger,  cela  lui  donneroit  liaison  et  autorité  avec  un 
corps  formé  dans  le  royaume;  ce  qui,  en  certain  temps 
et  certaines  occasions,  lui  pourroit  donner  lieu  d'en- 


DE  RICHELIEU.  49 

-  ii  <li\ers  desseins,  vu  principalement  les  pré- 
Iriiiimis  qu'il  avoil  eues  sur  la  France  et  la  condition 
de  son  esprit,  (|iii,  à  quelque  prix  que  M  lût,  vouloit 
indir  aux  dépens  de  ses  voisins,  et  même  des 
deux  principaux,  bien  qu'ils  fussent  plus  puissants 
i |ti«-  lui1. 

Les  députés  généraux  de  la   Religion  prétendue 

n  i..i  ruée  dirent  qu'ils  ne  pouvoienl  recevoir  ni  approu- 

\<t  d'eux-mêmes  ce  que  le  Roi  leur  faisoit  l'honneur 

de  leur  olVrir,  si  le  duc  de  Rohan  et  la  Rochelle  ne 

.»i.  ut    . 

\\>  dépêchèrent  vers  eux3;  le  duc  ne  voulut  rien 

r  (ju'il  n'eûl  fait  auparavant  une  assemblée  de 

eoSoques  des  prétendues  églises  du  haut  et  du  bas 

guedoc  «I  o'eûl  pas  eu  leur  avis. 

Bl  ceux  de  la  Rochelle  demeurèrent  en  doute  de  ce 

qu'Os  dévoient  faire,  i  cause  qu'ils  n'avoient  pas  le 

boutentemenl  qu'ils  se  promettoieul  du  rasement  de 

leur  fort4. 

1.  I<  i  prend  fin  l'emprunt  à  1'  «  Avis  du  Cardinal  ». 
1.   Le  Mercure  francoi>.  t    \l.  p.  873,  prête  cette  réponse 
potée  d<-  Kohan  et  Soubise  et  des  «  quatre  villes  décla- 
rées de  leur  parti  ». 

D  délai  de  vingt  jours  avait  été  accordé  pour  la  conclu- 
sion de  la  paix.  Sur  le  voyage  de  Madiane  qui,  muni  le 
2.">  juillet  d'un  passeport  royal,  vint  soumettre  à  Castres  les 
conditions  <1<-  paix,  voyez  Ch.  de  Houflard-Madiane,  Mémoires, 

••s  trois  alinéas  qui  précèdent  lont  empruntée  au  Mer- 

curr  fntrixiis.    t.    \l,    p.  S~A,  qui   ajoute   le  détail   suivant  : 

ce  parti  parlent  hautement j  on  ne  voit  que  les 

livrets  qu'ils  font  courir  I  leur  avantage.  »  Voyez  la  lettre  de 

:        iult  à  Béthune,  3  août  :  i  Nous  n'avons  point  encore  de 

nouvelles  que  ceux  de  la  Rochelle  aient  accepté  ou  refusé  les 

V  4 


50  MÉMOIRES  [1625] 

En  ces  entrefaites,  le  bruit  étoit  incertain  de  la  |>;iix 
ou  de  la  continuation  de  la  guerre,  et,  comme  on 
espère  d'ordinaire  ce  que  l'on  désire  le  plus,  l'opi- 
nion la  plus  commune  étant  de  la  paix,  le  duc  de 
Montmorency1,  qui  devoit  commander  l'armée  navale 
du  Roi,  demeura  à  Fontainebleau  et  ne  se  hâta  pas 
d'aller  en  sa  charge. 

L'armée  du  Roi,  composée  de  trente  grands  vais- 
seaux françois  et  hollandois,  s'étant  avancée  jusques 
aux  côtes  de  Poitou,  où  vingt-six  vaisseaux  olonnais 
la  dévoient  joindre,  Soubise  envoya  prier  l'amiral  des 
Hollandois,  nommé  flaultain,  de  n'entreprendre  point 
sur  lui  ni  sur  ses  vaisseaux  jusques  à  ce  que  le  traité 
de  paix  fût  entièrement  fait  ou  failli,  et  qu'il  feroit  le 
même  envers  lui. 

Mantin,  vice-amiral  françois,  qui  n'aimoit  pas  voir 
tant  d'intelligence  entre  Haultain  et  Soubise,  l'en  dis- 
suada tant  qu'il  put,  mais  en  vain.  Ils  firent  ledit 
accord  et  se  donnèrent  des  otages. 

Mais,  ceux  qui  manquent  de  foi  à  Dieu  et  à  leur 
prince  ne  la  pouvant  garder  à  des  particuliers,  ni  à 

conditions  qui  leur  ont  été  portées  par  leurs  députés;  d'un 
peuple  tel  que  celui  de  cette  communauté,  il  faut  tenir  toutes 
choses  douteuses  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3702,  fol.  106  v°). 
1.  Henry  II,  duc  de  Montmorency  et  Damville,  pair  et  ami- 
ral de  France,  gouverneur  et  lieutenant  général  pour  le  Roi  en 
Languedoc,  premier  gentilhomme  de  sa  chambre  (Arch.  nat., 
Y  165,  fol.  249).  Il  avait  ouvert  le  12  mars  les  états  de  Langue- 
doc à  Béziers  et  séjourna  à  la  cour  de  la  fin  de  mai  au  début 
d'août.  Son  départ  est  mentionné  dans  une  lettre  de  Potier 
d'Ocquerre  à  Espesses  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3684,  fol.  87, 
6  août  1625).  Voyez  sur  ses  démêlés  avec  les  Hollandais,  Simon 
du  Gros,  Histoire  de  la  vie  de  Henry,  dernier  duc  de  Montmo- 
rency, 1643,  p.  79-83. 


DE  RICHELIEU.  51 

i  ii\-m.  inr>.  ni  à  leur  propre  bien,  Soubise  prit  de  sa 
promeeoc  occasion  de  faire  à  Haultain  une  insigne 
perfidie  :  il  se  mit  à  la  voile  peu  de  jours  après,  qui 
lut  le  16e  juillet,  avec  trente-neuf  vaisseaux,  tant  petits 
i|n«'  grands,  et,  arrivanJ.  i  l'amiral  beflandoie1,  le  fit 
■barder  par  deux  pataabaa  jointes  ensemble,  qui, 
étanJ  pleines  d'artifices  de  feu,  consumèrent  et  brû- 
Irivnl  ledit  vaisseau  en  moins  d'un2  (juart  d'heure. 
Eaoltain,  avec  soixante  des  siens,  se  sauva  à  l'Kqui- 
lon3.  Il  en  voulut  Etire  autant  à  Mantin,  (jui  s'en  garan- 
tit .  ^«»ul>i>(  voulant  se  retirer  après  cet  effet,  Mantin  le 
suivit  avec  toute  sa  flotte  quatre  heures  durant;  mais 
le  vent  contraire  le  fit  retourner  par  le  pertuis  d'An- 
tîoche,  où  il  joignit  les  vin^t-deux  vaisseaux  olonnois, 
t  t  K  r-  in  i  i  la  rade  d'Ofoone,  et  Soubise  à  Saint-Mar- 
tin-(l«'-l;«-  et  .1  Clifl-de-Bois4. 

Haultain,  restant  blessé  au  vif  de  l'affront  qu'il  avoit 
i«.  ii.  -.  résout  de  faire  payer  à  Soubise  la  peine  de 
son  infidélité5. 

1.  Inexactitude  des  Mémoires  qui  suivent  le  récit  du  Mer- 

Ce  n'est  pas  le  vaisseau  de  Haultain,  mais  celui  de  son 

vice-amiral.   Dorp,   que  firent  sauter  les  brûlots  de  Soubise 

(iiiillaudeau,  Diaire,  p.  291,  et  Ch.  de  la  Roncière,  op.  cit., 

l.  IN.  p.  V 

le  19*  cahier  du  manuscrit  A.  Charpentier 
a  Iran*  rit,  comme  i  l'ordinaire,  le  sommaire  sur  la  feuille  de 
garde  i  Suit>-  du  pom-parler  de  paix  avec  les  Rochelois  inu- 
iiti-.  Le  duc  de  Montmorency  ga^m-  la  bataille  navale,  Ré  et 
I  i  \.|»lni^    de    l'armée    du  ible   et   du   duc   de 

Savoie  ilatis  I.  Génois.  Siège  d<-  Verrue.  Siège  de  Bréda.  » 

i  rade  d'Aiguillon,  à  l'embouchure  de  la  Serre  uiortaiae. 
v  i  i  pointe  de  C2>e£»de-BoisouChef»de-BaYe  limite  au  nord 
l'avant-|M.i  t  ,i.  |.,  Rochelle. 

•  m  porté  par  Herbault,  dans  une  l«ttre  à 
Béthune,  !•■  25  juillet  1625     «  iNous  espérons  tout  avantage  de 


52  MÉMOIRES  [WtS\ 

Nonobstant  toutes  ces  choses,  on  ne  discontinuoit 
point  le  pourparler  de  la  paix1  ;  on  fait  des  allées  et 
des  venues  de  part  et  d'autre  sur  ce  sujet.  Il  importe 
au  service  du  Roi  qu'on  croie  qu'elle  soit  faite,  encore 
qu'elle  ne  le  soit  pas,  à  cause  que  cette  opinion  faci- 
lite, en  Angleterre,  l'octroi  des  vaisseaux  qu'on  leur 
demande2,  espérant  qu'ils  contenteront  le  Roi  et  ne 
désobligeront  point  le  parti  huguenot,  duquel  il  fut 
dit,  en  plein  conseil  d'Angleterre,  qu'ils  dévoient  foire 
plus  de  compte  que  de  l'Irlande,  tant  pour  se  faire 
rechercher  d'Espagne  que  pour  affoiblir  le  Roi  en  cas 
de  guerre  contre  eux. 

On  est  contraint  d'user  de  merveilleux  artifices  pour 
cela  ;  les  Rochelois  demeurent  fermes  à  vouloir  que  le 
fort  fût  présentement  rasé,  sans  cela  ils  disent  tout 
haut  qu'ils  veulent  faire  la  guerre3.  On  leur  envoya 

cet  incident  si  la  guerre  continue,  car  lesdits  Hollandois,  qui 
serabloient  marcher  trop  froidement  à  l'égard  de  ceux  de  la 
Rochelle,  animés  de  cette  surprise,  ou,  comme  l'on  peut  dire, 
trahison,  procéderont  à  présent  avec  plus  de  vigueur  et  de 
courage  contre  les  Rochelois  et  ne  les  épargneront  plus  comme 
frères  de  leur  religion  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3702, 
fol.  95). 

1.  Cependant,  les  «  armes  du  Roi  dévoient  continuer  leurs 
progrès,  sans  aucurae  intermission  ni  relâche  »  (Bibl.  nat.,  ms. 
Dupuy  502,  fol.  143  v°,  26  juillet  1625). 

2.  Le  24  août  1625,  le  secrétaire  d'État  Conway  annonça  au 
Parlement,  siégeant  à  Oxford,  que  le  roi  de  France  avait  con- 
clu la  paix  avec  les  huguenots  [The  Annals  of ...  King  Charles 
the  First.  London,  1681,  p.  109). 

3.  Voyez  Guillaudeau,  Diaire,  p.  294,  qui  rapporte  une  déci- 
sion des  Rochelais  du  8  août,  selon  laquelle  «  il  falloit  plutôt 
faire  la  guerre  que  prendre  la  paix  telle  qu'on  nous  la  vouloit 
donner  »,  et  une  lettre  de  l'envoyé  lorrain  Bréval,  23  août  : 
«  Les  Rochelois  font  les  mauvais  et  semblent  plutôt  se  porter 


DE  RICHELIEU.  53 

>charnaud  '  et  Noaillan2  pour  les  adoucir  et  persua- 
der au  contraire.  Ils  demeurèrent  longtemps  à  traiter 
BOX.  Sur  le  retardement  de  leur  retour,  on  fait 
I  la  cour  divers  jugements3  et  tous  au  désavantage 
du  service  du  Roi4. 

à  rupture  qu'à  la  paix.  Ils  demandent  que  le  Roi  retire  son 
armée,  et  déjà  ceux  du  fort  et  eux  se  sont  tiré  quelques  canon- 
nades. » 

1.  Sur  le  voyage  de  Pescharnaud,  «  gentilhomme  périgour- 
diii  '  .  à  Castres  et  la  Rochelle,  et  porteur  de  dépêches  à  Rohan 

SoubÎM  o  de  la  part  de  S.  A.  R.  de  Savoie  pour  les  invitera 
prendre  part  avec  elle  dans  la  guerre  de  Gênes  »,  voyez  Rouf- 
fard-Madiam-,  Mémoires,  p.  100. 

1  Pierre  [foaillan,  avocat  de  Montauban  (1629),  représentait 
•  ville  durant  les  pourparlers  de  1625;  sur  sa  mission  à  la 
Rochelle  et  son  retour  à  la  cour  le  4  septembre  1625,  voyez 
une  lettre  d'Herbault  à  Bullion,  5  septembre  (Arch.  nat., 
KK  1362,  fol.  201  v°).  Consul  de  Montauban  (1629),  il  pro- 
nonça une  harangue  à  l'occasion  de  la  réception  du  Cardinal,  le 
20  août  (H.  Le  Bret,  Histoire  de  Montauban,  t.  II,  p.  318). 

IT les  influences  rivales  qui  s'exerçaient  pour  et  contre  la 
paix  avec  les  huguenots,  voyez  la  lettre  adressée  par  le  Cardi- 
nal, de  Liraours,  à  Marie  de  Médicis,  le  16  août  :  «  Je  supplie 
I  M.  «le  dire  au  Roi,  l'avertissant  qu'il  lui  plaise  garder  un 
t  Impénétrable,  que,  depuis  que  je  suis  ici,  j'ai  découvert 
comme  il  y  a  des  gens  qui  veulent  abondamment  de  la  guerre 
contre  les  huguenots,  sans  regarder  si  le  temps  y  est  commode 
ou  non:  il  \  en  a  une  cabale  d'autres  qui  veulent  embarquer  le 
lui  à  la  guerre  contre  Espagne  et  à  la  paix  avec  lesdits 
BOgaenoU,  sans  considérer  si  c'est  le  bien  du  Roi,  oui  ou  non, 
et  ai  de  grands  arguments  de  croire,  pour  des  raisons  que  je  ne 
pais  écrire,  mais  que  je  dirai  au  Roi  et  à  V.  M.  de  bouche,  que 
1  homme  qui  avertit  de  chez  l'ambassadeur  d'Espagne  peut  être 
lié  par  telles  gens  »  (Catalogue  de  la  collection  d'auto- 
grahes  A.  Morrison). 

I.  I  •  Cardinal  était  alors  éloigné  de  la  cour  par  la  maladie. 
-  l.i  lettre  <|u  il  écrirait,  le  27  juillet,  de  Courances,  à  la 


54  MÉMOIRES  [1625] 

Le  Cardinal1,  qui  craint  encore  qu'enfin  S.  M.  se 
dégoûte  de  donner  la  paix  à  ses  sujets,  par  leur  trop 
opiniâtre  continuation  en  leur  désobéissance2,  pour 
éluder  la  curiosité  des  ennemis  de  la  paix3,  conseille 
d'envoyer  secrètement  Bellujon  au-devant  d'eux,  pour 

Reine  mère  :  a  J'ai  un  extrême  déplaisir  que  mon  incommodité 
m'empêche  d'être  auprès  d'elles  [de  Vos  Majestés]  pour  leur 
rendre  le  service  que  je  leur  dois  plus  encore  par  obligation 
que  par  naissance.  V.  M.  n'ignore  pas  la  connoissance  que  j'ai 
de  celles  qu'il  lui  a  plu  acquérir  sur  moi,  et  je  confesse  que, 
depuis  qu'il  a  plu  au  Roi  me  mettre  en  son  conseil,  la  façon 
avec  laquelle  il  daigne  se  confier  en  moi  me  rend  redevable  en 
son  endroit  de  plus  de  mille  vies  si  je  les  avois.  J'ai  un  indicible 
contentement  de  croire  qu'il  connoît  toute  la  passion  que  j'ai  à 
son  service,  que  je  conserverai  jusqu'au  tombeau.  Si  je  n'ai 
toute  la  santé  que  je  désirerois  pour  servir  V.  M.,  j'en  porte  le 
premier  la  peine,  principalement  par  le  désir  que  j'en  ai.  V.  M. 
sait  que  deux  ans  en  deux  ans  je  suis  toujours  traînant  deux  ou 
trois  mois.  Je  crois  que  j'en  aurai  bien  pour  autant  cette 
fois...  »  (Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisitions  françaises  5131, 
fol.  75). 

1.  Les  trois  alinéas  qui  suivent  sont  empruntés  à  un  mémoire 
émanant  du  Cardinal  et  remis  le  30  août  1625  par  Bellujon  au 
maréchal  de  Schônberg,  qui  devait  le  soumettre  au  Roi.  La 
minute  de  ce  document  est  conservée  aux  Affaires  étrangères 
(France  780,  fol.  52)  et  a  été  reproduite  par  Avenel,  t.  II, 
p.  117. 

2.  Le  mémoire  cité  porte  l'annotation  marginale  suivante  de 
la  main  de  Richelieu  :  «  On  estime  cet  expédient  nécessaire, 
afin  que  S.  M.  ne  soit  pas  dégoûtée  de  donner  la  paix  à  ses 
sujets  par  la  continuation  de  leur  désobéissance.  » 

3.  Du  premier  alinéa  du  mémoire,  seul  ce  membre  de  phrase 
a  été  conservé  :  «  Ce  qui  semble  à  M.  le  cardinal  de  Richelieu 
de  faire,  après  en  avoir  conféré  avec  Bellujon,  c'est  qu'au  cas 
que  Pescharnaud  et  Noaillan  reviennent  aujourd'hui  et  qu'ils 
ne  rapportent  le  contentement  qu'on  se  promet  de  leur  voyage, 
que,  néanmoins,  on  publie  le  contraire  et  que,  pour  éluder  la 


DE  RICHELIEU.  55 

les  aller  rencontrer  où  il  pourra1;  s'ils  rapportent  de 
bornes  nouvelles,  revenir  avec  eux,  ou  sinon  les  faire 
i  •  en  autre  lieu  qu'en  la  cour,  et,  quant  à  lui, 
É rire  '  tous3  qu'il  a  lieu  d'espérer  tout  contente- 
ment pour  le  Roi,  et  cependant  continuer  diligemment 
son  voyage  vers  la  Rochelle  pour  y  faire  le  dernier 
effort,  assurer  les  Rochelois*,  de  la  part  du  Conné- 
table, 'lia-  véritablement  le  Roi  veut  raser  le  fort,  et, 
pour  les  délivrer  de  l'appréhension  qu'ils  avoient  qu'il 
n  v  lut  pas  satisfait,  leur  proposer  que  la  Reine  mère 
et  l«s  ministres,  par  le  commandement  du  Roi,  pro- 
BMttrctent  solennellement  de  procurer  par  effet  auprès 
(!•■  S.  M.  le  rasement  du  toit  dans  quelque  temps5. 
Que,  pour  faciliter  d'autant  plus  son  dessein  d'ame- 
«  peuple  elVarouché  à  la  confiance  et  à  l'obéis- 
siiict'.  donnant  quelque  satisfaction*  à  Loudrières7, 

miMité  des  ennemis  de  la  paix,  on  dise  qu'ils  ont  devancé  la 
venue  des  députés  et  que,  assurément,  ils  reviennent  avec  le 
.  niitt-ntement  du  Roi.  » 

1  France  780  :  «  pour  aller  les  rencontrer  à  Etampes  jusques 
à  Orléans  ». 

1    \  rance  780  :  «  ou  sinon  il  le  fera  évanouir  et  arrêter  ». 
France  780  :  «  ledit  sr  de  Bellujon  écrira  à  la  cour  ». 

I  France  780  :  «  qui  consiste  à  assurer  les  Rochelois  du 
rasement  de  ce  fort  dans  le  temps  que  le  Roi  l'a  limité  ». 

5.  France  780  :  «  dans  ledit  temps  ».  —  D'après  Guillau- 
deau,  Di'iirc,  p.  293,  Goyer  et  Couvrelles,  députés  venant  de 
la  cour,  annoncèrent  à  la  Rochelle  «  que  le  Roi  nous  donnoit 
la  paix,  mais  que,  pour  la  démolition  du  fort,  il  promcttoit,  sur 
sa  parole,  de  le  faire  démolir  dedans  six  mois  ou  qu'il  donne- 
mit  billet  de  le  démolir  dedans  un  an  ». 

90  :  «  quelque  raisonnable  satisfaction  ». 

7.  René  de  Talansac,  sieur  de  Loudrières,  sénéchal  de  la  jus- 
tice à  la  Rochelle  depakl  1607.  H  mourut  le  3  mai  1628  (Guil- 


56  MÉMOIRES  [1625] 

au  comte  de  Laval1  et  autres  tribuns  et  boutefeux,  il 
eut  pouvoir  de  leur  assurer  la  distribution  de  qua- 
rante mille  livres. 

Enfin,  il  prit  pour  ceux  de  la  Rochelle  de  bonnes 
lettres  du  Connétable,  dont  il  avoit  des  blancs,  excita- 
tives  à  leur  devoir,  et  pour  Soubise  aussi  des  blancs, 
pour  les  remplir,  sur  les  difficultés  que  lesdits  Pes- 
charnaud  et  Noaillan  pourroient  rapporter2. 

laudeau,  Diaire,  p.  367).  Sur  son  association  avec  La  Ravan- 
dière,  explorateur  du  Maranhao  au  Brésil,  voyez  Ch.  Bourel  de 
la  Roncière,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  361. 

1.  Frédéric  de  la  Trémoïlle,  comte  de  Benon  et  de  Laval 
(mort  en  février  1642  à  Venise),  avait  quitté  la  cour  le  12  avril 
1625  pour  passer  aux  Rochelais  «  soudainement  et  sans  dire 
mot  à  Madame  sa  mère  et  à  Monsieur  son  frère  »  ;  son  départ 
aurait  été  provoqué  par  le  «  refus  qu'on  lui  avait  fait  de  quelque 
charge  militaire  dans  la  Champagne  avec  M.  le  duc  d'Angou- 
lême  »  (Correspondance  de  l'ambassadeur  hollandais  Botzelaer  : 
Bibl.  nat.,  ms.  Français  17940,  fol.  249;  voyez  aussi  le  Jour- 
nal inédit  d'Arnauld  d'Andilly,  année  1625,  p.  16).  Commen- 
tant cette  défection,  Herbault  écrivait  à  Bullion  le  15  avril  : 
«  Vous  connoissez  le  personnage;  le  parti  n'en  sera  pas  beau- 
coup fortifié,  car  M.  de  la  Trémoïlle,  son  frère,  demeure  en 
son  devoir  »  (Arch.  nat.,  KK  1371,  fol.  363  v°).  Arrivé  le 
17  avril  à  la  Rochelle,  le  comte  de  Laval  déclara  que  «.  Bellujon, 
qu'on  nous  avoit  envoyé,  étoit  un  méchant  homme  et  qu'il  nous 
tromperoit  s'il  pouvoit  ».  Durant  le  combat  naval  du  16  juillet, 
il  était  aux  côtés  de  Soubise,  à  bord  de  la  Vierge  (Guillaudeau, 
Diaire,  p.  292). 

2.  France  780  :  «  Il  prendra  de  bonnes  lettres  à  M.  le  Con- 
nétable, dont  il  a  des  blancs,  excitatives  à  leur  devoir,  et  à 
M.  de  Soubise  aussi,  en  des  blancs  pour  les  remplir  sur  les  dif- 
ficultés que  les  s"  de  Pescharnaud  et  Noaillan  pourront  rap- 
porter. »  Le  mémoire  concluait  :  «  Tout  ceci  étant  communiqué 
et  agréé  par  le  Roi,  M.  le  maréchal  de  Schônberg  y  ajoutera 
ou  changera  par  l'ordre  de  S.  M.  ce  qu'elle  aura  agréable  de 
lui  dire  et  de  commander  au  sr  de  Rellujon.  »  Le  départ  de  Bel- 


DE  RICHELIEU.  57 

DoiMll  eet  allées  et   remet?,   le  duc  de  Montmo- 

!«Nc\  va  ;i  >a  charge,  les  vaisseaux  d'Angleterre 
.urivcnt,  on  les  fait  équiper  de  matelots  et  soldats 
feftOÇOIS,  ils  joignent  la  flotte  du  Roi. 

I»<  -s  ijuils  l'ont  jointe,  ledit  duc  va,  le  14e  septembre, 
<  li»  relu  r  l'armée  ennemie  qui  est  à  la  Fosse-de-Loix  ; 
il  la  canonne,  elle  se  retire  a  l'accul  de  ladite  Fosse, 
où,  la  naarée  te  retirant  peu  à  peu,  ils  échouèrent 
l« -m -s  vaisseaux   . 

A  la  faveur  de  son  armée,  les  sieurs  de  Saint-Luc, 
de  la  Rochefoucauld,  Toiras  et  autres  descendent  en 
Plie  de  Ré  et  s'en  rendent  maitres,  quelque  résistance 
<|u<    leur  puissent  faire  les  troupes  de  Soubise,  qui, 

Injon  est  annoncé  au  Cardinal  dans  une  lettre  de  Schônberg  du 
tout,  dont  nous  n'avons  que  l'analyse  (Aff.  étr.,  France  780, 
fol.  327  ▼•). 

1.  Le  bruit  courut  à  Fontainebleau,  le  12  septembre,  que  la 
paix  allait  être  conclue.  Voyez  la  dépêche  de  Bréval  au  duc  de 
Lorraine  :   i   L'on  tient  la  paix  des  huguenots  toute  résolue. 
Léon   'Imputés   sont   retournés  à  la    Rochelle   et  le   Roi  fait 
entendre  lei  intentions  à  M.  l'Amiral  sur  ce  sujet.  L'on  veut 
tenir  encore  la  chose  secrète;  c'est  pourquoi  je  ne  saurai  dire 
encore  à  V.  A.  les  particularités  des  conditions  »  (Bibl.  nat., 
fol.  .)<»7f,  et  la  lettre  d'IIerbault  à  Réthune  du  même  jour  : 
«  Milletière  et  Médiane  qui  sont  à  M.  de  Rohan  sont  les  dépu- 
tés qui  sont  retournés  à  la  Rochelle;  ils  nous  promettent  d'en 
j.orter  contentement  au  Roi  et  que,  dans  le  18e  ou  20e, 
M.  de  S. >n lii->e  et  les  Rochelois  auront  fait  leurs  soumissions; 
ledit   Soubise  \    est  tout  porté,  le   corps  de   la  ville  de   la 
belle  encore  plus,  mais  cette  factieuse  populace  ne  se  peut 
ramener  par  raison,  et  l<-  pis  est  «pie,  par  sa  multitude,  elle 
emporte  le  plus  toovenl  les  autres  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Fran- 
\  fol.   l  »  v°). 
ii   I.    combat  du  l'crtuis-Hntmi  Ch,  de  la  K<»n- 

t.  IV,  p.  /•()<>  et  suiv. 


58  MÉMOIRES  [1625] 

durant  le  combat,  se  tenoit  avec  cinq  ou  six  chevaux 
derrière  les  bataillons  pour  voir  quelle  en  seroit 
l'issue. 

Dès  qu'il  vit  quelque  apparence  qu'elle  ne  seroit  pas 
bonne  pour  lui  et  que  la  victoire  commençoit  à  incli- 
ner du  côté  du  Roi,  il  se  retira,  laissant  pour  gage 
son  épée  et  son  chapeau,  qui  lui  tombèrent  en 
fuyant1,  et  se  retira  dans  une  chaloupe  en  Oléron.  Ses 
vaisseaux  étant  échoués  en  la  Fosse-de-Loix,  la  plu- 
part de  l'armée  du  Roi  croyoient  qu'ils  étoient  amor- 
tis et  qu'il  n'y  avoit  point  de  marée,  pour  grande 
qu'elle  fût,  qui  les  pût  remettre  à  flot.  Sur  cette  pen- 
sée, ils  prirent  résolution  d'aller  à  Ghef-de-Bois  pour 
l'affamer,  empêchant  la  communication  de  la  Rochelle 
avec  lui. 

Mais  ils  furent  étonnés  que  dès  le  lendemain  matin2 
Soubise,  voyant  le  vent  bon,  s'en  servit  et  vint  avec 
tous  ses  vaisseaux  droit  à  eux.  L'amiral  du  Roi  ne 
perd  point  temps  et  fit  si  bien  qu'il  reprit  le  vent  sur 
les  rebelles. 

Le  combat  fut  âpre;  les  ennemis  eurent  du  pire  et 
se  voulurent  retirer;  la  nuit  qui  survint  favorisa  leur 
dessein;  néanmoins,  ils  furent  si  vivement  poursuivis 
que  le  lendemain,  au  point  du  jour,  on  prit  huit3  de 
leurs  vaisseaux. 

1.  Nouvel  emprunt  au  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  215.  Ce 
récit  est  confirmé  par  le  témoignage  de  Madiane  :  «  M.  de  Sou- 
bise, voyant  la  déroute,  conduit  par  Treslebois,  eut  peine  de 
gagner  une  chaloupe  cachée  sous  une  cale  qui  le  porta  à  Olé- 
ron »  [Mémoires,  p.  105). 

2.  Le  16  septembre. 

3.  Neuf  bâtiments,  d'après  Ch.  de  la  Roncière,  op.  cit., 
p.  474. 


DE  RICHELIEU.  59 

!ii;ii.»-  M  I-  tirant,  la  Vingt'  et  Saint-Michel  tou- 
cli.i. ut  ci  ne  purent  gagner  Oléron,  où  une  partie  du 
reste  de  leurs  vaisseaux  s  étoit  retirée. 

On  prit  ledit  Saint- Michel  ;  la  Vierge  se  défendit  et 
>•  l.rula  avec  quatre  vaisseaux1  du  Roi  qui  étoient 
attaches  a  elle. 

Haiiltain  se  signala  en  cette  journée*  et  combattit 
oooragi  nsement  contre  sa  première  intention,  pour 
avi.ir  revanche  de  l'injure  du  vaisseau  que  Soubise  lui 
avoit  meeli;mim.iit  brûlé,  an  préjudice  de  l'accord  lait 
entre  ,-nx. 

basalte,  le  tort  de  Saint-Martin  de  Ré  se  rendit  a 
composition  .  De  la,  le  duc  de  Montmorency  fit  voile 
en  r.rouage  pour  chasser  les  rebelles  de  l'île  d'Oléron 
et  du  toit  qu'ai  y  taisoient.  Soubise  s'enfuit  avec  deux 

I.  Le  Harlem,  le  Saint- Louis,  YOlonnoisel  le  Saint- François 
.  Histoire  de  la  Rochelle,  t.  Il,  p.  216).  Voyez  la  lettre 
de  Rréval  au  duc  de  Lorraine,  Fontainebleau,  26  septembre 
«  Le  Roi  n'a  perdu  en  tout  ce  combat  que  M.  le  comte 
de  Vauvert,  frère  de  M.  de  Ventadour,  qui  est  mort  très  cou- 
sement,   avant  accroché  un  grand  vaisseau    nommé  la 
!-•  premier  dedans;  mais,  comme  il  pensait  s'en 
•■  maître,  le  capitaine  mit  le  feu  aux  poudres  et  le  fit  sau- 
ter avec  le  reste  de  ses  gène;  étant  déjà  blessé  d'une  mousque- 
tade  à  la  ruisse,  ledil  ■  apitaioi-  se  jeta  ea  mer  et  a  été  repêché 

•  t    pria    prisonnier  et   court    fortune  d'être  pendu    si   le   Roi 

d'avis   »   (Bibl.   nat.,   NonveUea  acquisitions  fran- 

la  lettre  de  Rubens  à  Valavez,  18  octobre  1625  : 
«  Les  BoUandoil  l'attribuent  [la  défaite  de  Soubise]  tout 
entière  a  leur  amiral,  M    Hanltain  »  [Correspondu m ■• ,  t.  III, 

lion  du  manuscrit   I         Le  8*  septembre, 
i   •  !•    Saint-Martin  de  Ré.  La  garnison  de  six  cent  cin- 

•  !•»«"'•  aoaeaeei  .t. >ii  eoaaaaandée  par  Saint-Jnst  »  (Ch.  de  la 
K..HI  ière,  op.  cit  ,  t    l\ ,  p.  476). 


60  MÉMOIRES  [1625] 

ou  trois  vaisseaux  en  Angleterre;  Mantin  l'y  suit, 
assisté  de  quelques  vaisseaux  que  Haultain  com- 
mandoit1. 

Cette  grande  diversion  des  armes  du  Roi  contre  ses 
sujets  rebelles  affaiblit  bien  celle  qu'il  faisoit  en  Italie 
des  armes  d'Espagne2  pour  faciliter  le  recouvrement 
de  la  Valteline,  dont  ils  s'étoient  emparés. 

L'armée  du  Connétable  et  de  M.  de  Savoie,  compo- 
sée de  vingt-six  mille  hommes3,  fut,  dès  le  mois  de 
mars,  en  campagne  aux  environs  d'Asti;  ils  en  par- 
tirent le  9e.  Le  Connétable  menoit  l'avant-garde  et  le 
duc  de  Savoie  le  corps  de  l'armée4. 

Ils  allèrent  attaquer  Acqui5,  qu'ils  prirent,  Novi6  et 
plusieurs  autres  petites  places7  qui  ne  durèrent  point 
devant  eux.  Gavi8  leur  fît  quelque  résistance  et  ne  se 
rendit  que  le  dernier  avril. 

1.  Soubise  se  réfugia  dans  le  havre  de  Falraouth.  Voyez  plus 
loin. 

2.  Var.  :  aux  armes  d'Espagne  (manuscrit  A).  La  première 
rédaction  du  manuscrit  portait  :  «  contre  le  roi  d'Espagne  ». 

3.  Le  contingent  français  comprenait  huit  mille  hommes  de 
pied  et  mille  chevaux  (Bibl.  nat.,  ms.  Dupuy  93,  fol.  11  v°).  Les 
renseignements  qui  suivent  sont  empruntés  au  Mercure  fran- 
çois,  t.  XI,  p.  469  et  suiv. 

4.  Le  tiers  des  forces  était  placé  sous  les  ordres  du  Conné- 
table, qui  aurait  préféré  que  les  opérations  fussent  immédiate- 
ment engagées  contre  Savone  (Ch.  Dufayard,  le  Connétable  de 
Lesdiguières,  p.  545). 

5.  Acqui,  ville  de  la  Haute-Italie,  à  trente-deux  kilomètres 
au  sud  d'Alexandrie,  sur  la  rive  droite  de  la  Bormida. 

6.  Novi,  ville  de  la  province  d'Alexandrie,  sur  le  versant 
septentrional  de  l'Apennin  ligure.  Elle  fut  occupée  par  le  mar- 
quis d'Huxelles  et  Créquy.  M.  de  la  Grange  y  tint  garnison 
jusqu'à  la  reprise  de  la  place  par  les  Génois. 

7.  Ovada,  Rossiglione  et  Campo. 

8.  Gavi,  ville  de  la  province  d'Alexandrie,  à  dix  kilomètres 


h  nom  h  i  Gi 

Cependant,  le  duc  de  Savoie  prit  tes  tnMpea,  tira 
<lii  ooté  delà  rrrièredu  Ponanl  pour  préparer  le  ehe- 
inin  au  siège  <lr  Savone.  Tout  cède  ;•  ses  armes,  et, 
rntrv  plusieurs  places,  prend  Piève1  et  Ktage2,  où  il  fit 
ijuanlilc  ilt-  prisonniers  et  de  grande  qualité;  il  prit 
lit'ulc  drapeam  qu'il  envoya  à  S.  M.  <'t  lui  fareflt  pré- 
senté! le  21e  mai3. 

Les  < itiiois  prirent  Oneuie1  sur  lui;  mais  il  les  en 
chassai  liiriitot  après. 

an  ml!  JÎOTÎ.  Sur  la  résistance  du  château  de  Gavi,  soli- 

dement fortifié  par  les  Génois,  voyez  une  lettre  de  Bullion  à 
Il  mit,  21  avril  102."»  (Aff\  étr.,  Turin  5,  fol.  170).  La  ville, 
OCCapéc  par  Ii-  capitaine  Meazza,  avait  été  prise  dès  le  18  avril; 
1<-  château  capitale  le  20. 

1.  Pieve  di  Teco,  ville  de  la  province  et  à  vingt  et  un  kilo- 
l'orto-M  un  i/io    Lignrie),  sur  l'Arrosria,  tributaire 

Ife  de  Gènes.  Piève  fut  pris  le  11  mai  par  le  prince  de 
Piémont  :  I)'-  quatre  mille  hommes  commandés  par  Girolamo 
il  y  en  a  plus' de  mille  tués  sur  la  place,  lui  prisonnier 
avec  cin<|  ou  six  cents  autres,  et  la  ville  de  Piève  s'est  rendue 
ensuite.  »  Lettre  de  l'envoyé  de  Lorraine,  Bréval  (Bibl.  nat., 
Nouvelles  acquisitions  françaises  3145,  fol.  251,  24  mai). 

•ttaggioou  Voltaggio,  grosse  bourgade  au  pied  de  l'Àpen- 
nin,  sur  le  Lemno,  entre  Gavi  et  Pontedecirao.  Charles-Emma- 

mit  en  déroute,  le  8  avril,  les  troupes  de  Tommaso  Carac- 
ciulu  et  lit  prisonnier  ce  dernier. 

Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  et  deux  bâtons  de 
M"  de  camp  ».  Charpentier  avait  ajouté  en  interligne,  au-des- 
MU  de  >  abréviation,  «  maréchaux  »,  puis  «  maîtres  ».  Final. ■- 

le  tout  a  été  rayé.  Voyez,  sur  la  remise  de  ces  trophées 

i  par  le  comte  de  Caluno,  fils  du  comte  de  Verrue,  Gui- 
chenon,  Histoire  généalogique  de  la  royale  maison  de  Savoie, 
t   I.  p.  S34. 

1  >neglia,  à  quatre  kilomètres  à  l'est  de  Porto-Maurizio, 
sur  le  golfe  de  Gènes,  acquise  en  1566  par  Emmanu.l-Pliili- 
bert  de  Savoie,  était  passée  aux  Espagnols  en  1614  et  à  Gènes 
en  i< 


62  MÉMOIRES  [1625] 

Les  armes  du  Roi  ne  passèrent  pas  jusques  à  Gênes, 
faute  de  l'armée  de  mer  qui  leur  devoit  servir  pour 
avoir  des  vivres,  laquelle  fut  divertie  et  employée 
contre  Soubise1.  Ce  retardement  donna  loisir  à  la  répu- 
blique d'assembler  quarante  galères  et  faire  une  armée 
de  dix  mille  hommes  de  pied,  cinq  mille  chevaux  et 
quatorze  canons*. 

Avec  cette  armée,  elle  vint  droit  à  Acqui,  où,  les 
Valaisans  que  le  duc  de  Savoie  y  avoit  mis  en  garni- 
son ne  voulant  point  combattre,  le  gouverneur  fut 
contraint  de  se  rendre3.  Cette  nouvelle  fit  retourner 
le  Connétable  qui  s'acheminoit  vers  Savone  pour  l'as- 

1.  Sur  l'inactivité  des  onze  galions  de  la  flotte  de  l'amiral 
Charles  de  Guise,  en  présence  des  forces  supérieures,  voyez  La 
Roncière,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  461.  Guise  écrivait  en  juin  à  Bul- 
lion  :  o  Toutes  mes  diligences  auprès  du  Roi  sont  inutiles;  il 
me  dénie  seulement  ce  qu'il  m'avoit  promis  auparavant;  néan- 
moins, je  m'en  vais  à  Villefranche  ;  mais  si,  de  votre  côté,  vous 
ne  pourvoyez  à  mon  armement,  je  serai  contraint  de  ramener 
mon  équipage.  Si  vous  en  avez  besoin,  ne  me  laissez  pas  sentir 
la  nécessité,  car,  passé  ce  mois,  je  n'ai  plus  de  fonds  et  faut 
payer  mes  gens  par  avance  »  (Aff.  étr.,  Suisse  18,  fol.  322). 

2.  Gênes  reçut,  en  juin  1625,  un  renfort  de  cinq  mille  Napo- 
litains, transporté  sur  les  galères  du  marquis  de  Santa-Cruz; 
ces  troupes  avaient  été  levées  aux  frais  de  la  république  génoise. 
En  même  temps,  le  contingent  des  troupes  des  Pays-Bas  et 
d'Allemagne,  commandé  par  Gonsalve  de  Cordoue,  se  joignit 
à  l'armée  du  duc  de  Feria  (Claude  Malingre,  Histoire  générale 
des  guerres  de  Piémont,  Savoie,  Mont  ferrât  (1630),  t.  Il, 
p.  637). 

3.  La  place  était  commandée  par  Balthasard  Ambuel,  bourg- 
mestre de  Sion  (1623)  et  colonel  au  service  du  duc  de  Savoie. 
Sur  l'ordre  donné  par  Charles -Emmanuel  d'emprisonner 
Ambuel,  voyez  Ed.  Rott,  Histoire  de  la  représentation  diploma- 
tique de  la  France  auprès  des  cantons  suisses,  t.  III,  p.  914. 


[16551  DE  RICHELIEU.  63 

siéger.  Bien  que  son  innée  lui  inégale,  il  tourna  tète 
droit  a  l'année  ennemie  et  la  vouloit  combattre;  mais 
il  ta  trouva  logée  si  avantageusement  qu'il  se  retira  à 
Cannes1  en  Piémont. 

Le  duc  de  Feria2,  en  même  temps,  s'en  alla  à  Nice- 
de-la-hullc  ;  ;  de  là,  il  |>;i*s;i  par  Gavi,  qui  ne  se  vou- 
lut pas  rendre  à  lui,  mais  se  rendit  peu  après  à  l;ii- 
de  Gênes4,  puis  il  prit  sa  brisée  vers  Asti  et  se 
vint  loger  à  une  canonnade  de  la  ville  à  la  fin  de 
juill. 

Le  Connétable,  qui  y  étoit  demeuré  malade  il  y 
;i\oil  trois  semaines,  en  sortit'1,  et  le  sieur  de  Créquy 

1.  Ctnelli,  «ircondario  d'Asti,  province  d'Alexandrie. 

_'.  Mon  Goraez  Suarez  de  Figueroa,  duc  de  Feria,  gouverneur 
il  de  l'état  de  Milan  et  capitaine  général  en  Italie  de  1618 
i  1627.  s«»n  infanterie  était  commandée  par  Gerbellon  et  sa 
i -i«-  par  Pimente!  et  Piccoloraini  (Bibl.  nat.,  ms.  Dupuv  03, 
lui.  30).  Se*  forces,  évaluées  à  20,000  fantassins  et  4,000  che- 
vaux, avaient  été  concentrées  dans  la  région  d'Alexandrie. 

3.  Nizza  délia  Paglia,  aujourd'hui  Nizza  Monferratto,  circon- 
dario  d'Aeqni  et  province  d'Alexandrie. 

•     l  \.iit  duré  du  13  au  24  juillet  1625;  la  garni- 

son, |  <|ui  l.s  Génois  avaient  accordé  libre  passage,  débarqua 
dans  la  miil  <lu  2  aoàl  rai  Salins  d'Hyères.  (iouvernon,  qui 
COnmandail  I*  place,  fut  inculpé  de  trahison  al  mourut  en 
prison  liil.l  ni i  .  ms.  Dupuy  <).'{,  f(.|.  M  et  sniv.).  Voyez 
également,  dans  les  Histoires  tragiques  de  noslre  temps  (Rouen, 
1641,  [».  7-s;{  et  suiv.),  If  ehapitra  intitulé  :  «  Des  sieurs 
Gosvêmon  et  (lr. ingères,  gouverneurs  pour  la  Bov  en  la 
vilb-  (!>•  (i.i\i.  .tu  pays  de  Lycurgie.  »  En  vertu  d'un  arrêt  du 
partemeal  <l  \ix  du  14  aovemhca  1625,  le  cadavre  de  Gouver- 
i fut  brûlé  à  Toulon  »i  Grangères  condamné  au  pilori  et  à 

5.  A  la  Ci'" .  Bianca. 

6.  Il  se  retira  à  Moncalieri,  puis  a  Cliaummit,  «  i  écrivait  le 


64  MÉMOIRES  [1625] 

y  entra  en  sa  place,  avec  quatre  mille  hommes  des 
troupes  du  Roi,  le  3e  août1. 

Il  y  avoit  déjà  six  jours  que  l'armée  ennemie  éloil 
campée  à  l'entour  de  la  ville  et  se  retranchoit  lorsque 
le  sieur  de  Créquy  y  arriva. 

Dès  le  lendemain,  4e  août,  il  sortit  de  la  ville  du 
côté  des  ennemis  et  leur  fit  quitter  un  pont2  qu'ils  gar- 
doient  sur  une  petite  rivière  nommée  la  Verse,  qui 
passe  près  des  murailles  de  ladite  ville;  le  duc  de 
Feria,  désespérant  de  la  prendre,  leva  le  siège.  Pour 
mettre  son  armée  en  curée,  il  alla  assiéger  Verrue3,  le 
long  du  Pô,  assise  sur  un  roc.  Le  château  n'est  qu'une 
maison  ancienne  composée  d'une  tour  et  d'un  corps 
de  logis  sans  fossés  ni  boulevard,  et  la  ville  et  le  fau- 
bourg qui  en  est  détaché  ne  font  ensemble  que  qua- 
rante ou  cinquante  feux.  On  délibéra  si  on  pouvoit 
défendre  le  faubourg;  enfin  le  courage  françois  réso- 
lut qu'il  ne  falloit  pas  laisser  prendre  l'avantage  d'une 
seule  maison  à  l'armée  espagnole. 

Pour  la  facilité  du  secours,  nos  gens  firent  un  pont 

27  août  au  Roi  :  «  Il  ne  faut  plus  faire  état  des  forces  de  V.  M. 
en  Italie;  elles  sont  perdues;  il  n'y  a  plus  que  3,000  hommes 
qui  ne  sauroient  durer  quinze  jours  ;  le  retardement  extrême 
des  montres,  la  faim,  les  maladiesjes  accablent  ;  les  Espagnols, 
qui  sont  forts  et  qui  se  le  rendent  tous  les  jours,  les  travaillent 
sans  relâche  »  (Aff.  étr.,  Turin  6,  fol.  186). 

1.  Sur  l'entrée  de  Créquy  dans  Asti,  avec  3,000  hommes  de 
pied  et  300  chevaux,  le  dimanche  3  août,  voyez  sa  lettre  du 
4  août  à  Herbault  :  Aff.  étr.,  Turin  6,  fol.  92. 

2.  Créquy  était  accompagné  du  prince  Thomas;  il  dispersa 
la  cavalerie  allemande  du  colonel  Lullo  Capriata  [Historia, 
Genève,  1644,  p.  774). 

3.  Verrue,  à  trente-huit  kilomètres  au  nord  de  Turin,  sur  la 
rive  droite  du  Pô. 


[1625]  DE  RICHELIEU.  65 

sur  le  Pô  entre  Crescentin4  et  Verrue  et  logèrent 
leurs  troupes  partie  deçà  et  partie  delà  le  Pô. 

Le  siège,  qui  commença  vers  la  mi-août,  dura 
jus<|ii<s  m  17a  novembre2,  auquel  le  Connétable, 
étant  allé  de  Turin  à  l'armée3,  où  étoit  arrivé  un  nou- 
renfort  de  six  régiments4  que  Vignoles5  com- 
m;uKloit,  il  considéra  et  remarqua  d'un  lieu  haut  les 
fatftfl  des  ennemis,  et,  les  faisant  attaquer  courageuse- 
ment, les  emporta  tous  en  moins  d'un  quart  d'heure; 
OC  «jui  leur  donna  un  tel  effroi  qu'ils  firent  mettre 
fcdOte  l'année  en  bataille  pour  regagner  ce  qu'ils 
;i\oirnt  perdu;  mais  ils  furent  si  bien  reçus  et  sou- 

1.  Crescentino,  ville  de  la  province  de  Novare  (Piémont),  à 
-deux  kilomètres  sud-ouest  de  Verceil,  sur  la  rive  gauche 
Sur  la  construction  de  ce  pont  de  bateaux,  voyez  Capriata, 
op.  cit.,  p.  780,  et  lettre  de  Créquy  au  Roi,  15  août  1625  :  Aff. 
/•tr.,  Turin  (>.  fol.  131.  La  garnison  fut  renforcée  par  le  régi- 
ment lorrain  du  marquis  de  Saint-Reran  (Guichenon,  op.  cit., 
t.  I.  p    838). 

siège  avait  duré  trois  mois  et  dix  jours. 
3.  Il  arriva  à  Crescentin  le  17  novembre. 
i  Les  documents  contemporains  mentionnent  l'arrivée  de 
sept  régiments  :  Longue  val,  La  Noue,  Nubecourt,  Origny, 
Tavannes,  Verdun  et  Navailles.  Le  5  novembre,  Bullion  signa- 
lait la  présence  de  cinq  de  ces  régiments  à  Ivrée,  avec  Vignoles, 
t.iiiclis  que  deux  autres  venaient  de  Savoie  (Aff.  étr.,  Turin  6, 
fol.  397). 

5.  Bertrand  de  Vignoles  était  parti  pour  le  Piémont  le  20  sep- 
t'-ml.i  es  troupes  placées  sous  ses  ordres  suivirent  deux 

tires  :  «  Les  uns,  qui  étoient  en  Champagne,  Picardie  et 
Bourgogne,  doivent  aller  en  Bresse  et  s'embarquer  sur  le  lac 
de  Genève,  route  que  mon  oncle  le  duc  de  Savoie  m'a  propo- 
sée comme  la  plus  courte  de  plusieurs  journées;  les  autres 
[tasser  à  Suse  par  la  voie  accoutumée.  La  cavalerie  sui- 
vra aussi  cet  ancien  chemin,  »  Louis  XIII  à  Lesdiguières  : 
aat.,  Kk  136  jo,  23  sept.u.i.r.-  P 

V  5 


66  MÉMOIRES  [1625] 

tenus  par  les  troupes  du  Hoi  qu'ils  ne  purent  reprendre 
qu'un  de  leurs  forts  qui  étoit  par  trop  commandé1. 

La  nuit  même  les  Espagnols  se  retirèrent  et  lais- 
sèrent dans  leur  camp  les  morts,  les  blessés  et  une 
partie  du  bagage2. 

Cette  déroute  releva  l'honneur  des  armes  du  Roi, 
qui  étoient  décriées  en  Italie  pour  avoir  en  un  long 
temps  fait  si  peu  de  chose  qu'en  quatre  jours  les 
ennemis  regagnèrent  sur  eux  ce  qu'en  trois  mois  ils 
leur  avoient  pris.  Cette  action  fut  si  glorieuse3  qu'elle 
effaça  tout  le  blâme  qu'on  leur  pouvoit  donner.  On 
peut  dire,  avec  vérité  et  sans  vanterie,  qu'elle  est 
due  à  la  seule  prudence  et  à  la  fermeté  du  courage 
du  Cardinal4,  car  le  Roi  étant  embarqué  dans  les 
affaires  d'Italie,  mais  quant  et  quant  diverti  par  la 
rébellion  des  huguenots,  il  ne  pouvoit  pas  facilement 
maintenir  ses  armées  en  l'état  auquel  elles  dévoient 
être5.  Cependant,  on  voyoit  qu'il  se  formoit  une  nuée 

1.  D'après  Capriata,  op.  cit.,  p.  803,  cette  contre-attaque  fut 
exécutée  par  les  Allemands  de  Sultz. 

2.  Feria  s'était  retiré  auparavant  à  Pontestura  (Capriata, 
op.  cit.,  p.  786). 

3.  Voyez  la  lettre  de  Créquy  au  Roi,  «  du  camp  de  Verrue  », 
19  novembre  1625  :  «  Voilà  le  siège  de  Verrue  levé  et  les 
armées  de  V.  M.  sont  maintenant  aussi  glorieuses  en  Italie  que 
celles  d'Espagne  s'y  trouvent  pleines  de  confusion  »  (Aff.  étr., 
Turin  6,  fol.  445). 

4.  Sur  le  rôle  joué  par  le  Cardinal  dans  l'envoi  des  renforts, 
voyez  Ch.  Vialart,  Histoire  du  ministère .. .  du  cardinal  de  Riche- 
lieu, p.  138.  Le  27  juillet  1625,  il  écrivait  de  Courances  à  la 
Reine  mère  :  «  Il  est  besoin  de  faire  semblant  de  faire  un  grand 
préparatif  pour  la  guerre  d'Italie,  afin  de  disposer  mieux  les 
choses  à  la  paix  »  (Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisitions  fran- 
çaises 5131,  fol.  75). 

5.  Le  chiffre  des  contingents  que  devait  fournir  le  Roi  avait 


[4ftt]  DE  RICHELIEU.  67 

d'hommes  en  Allemagne  pour  passer  au  Milanois  et 
tiiiiv  cette  armée  de  trente  mille  combattants  pour  le 
s»  i  \  ice  d'Espagne,  qui,  depuis,  fut  celle  qui  descendit 
en  Piémont  et  assiégea  Verrue. 

Le  Cardinal  crut  qu'à  cette  occasion  il  falloit,  pour 
l'honneur  des  armes  du  Roi,  faire  un  grand  effort. 

Il  ivpivsentoit  sans  cesse  que  ce  n'étoit  rien  de  bien 
commencer  et  d'avoir  de  bons  desseins  si  on  ne  pré- 
paroit  les  moyens  proportionnés  à  cette  fin;  que  la 
guerre  qui  ne  se  fait  d'un  courage  délibéré  et  avec 
toutes  les  forces  et  l'industrie  qui  se  peut  n'a  jamais 
un  heureux  succès;  que  le  défaut1  d'une  résolution 
po— glane  faifl  qu'on  obtient  toujours  moins  qu'on  ne 
proposé  et,  partant,  qu'il  faut  que  les  prépara- 
tifs soient  toujours  plus  grands  que  ce  qui  semble  qui 
doit  suffire  pour  ce  que  Ton  entreprend 2  ; 

Que  rien  n'emporte  les  Espagnols  qu'une  fermeté 
continue;  <|iie  c'est  par  là  qu'ils  ont  eu  avantage  sur 
nous  jusqu'aujourd'hui  et,  partant,  qu'il  faut  faire  de 
nouvelles  levées3  de  gens  de  guerre  pour  rafraîchir 
l'armée  du  Roi. 

Il  avoit  beau  dire,  on  n'y  prenoit  point  de  résolu- 
été  fixé  par  le  traité  de  Suse,  signé  le  18  octobre  1624  par  le 
connétable  et  le  duc  de  Savoie.  Voyez  la  lettre  de  Bullion  au 
Cardinal,  du  19  février  1625  (Aff.  étr.,  Turin  5,  fol.  92). 

1.  Pr. niière  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  manque  ». 

2.  Var.  :  ce  que  l'on  prétend  (ms.  Français  17542). 

3.  «  L'on  n'a  pu  affoihlir  les  armes  de  S.  M.  et  l'on  a  été 
obligé  d'avoir  recours  à  de  nouvelles  levées,  lesquelles  on  nous 
dit  devoir  être  si  diligemment  faites  qu'elles  seront  prêtes  à 
passer,  si  elles  ne  sont  passées,  dans  la  fin  du  mois  prochain.  » 
Herbault  à  Créquy,  1"  septembre  1625  (Arch.  nat.,  K.K  1362, 
M.  141  v). 


68  MÉMOIRES  [1625] 

tion,  soit  manque  de  prévoyance,  manque  d'affection 
au  service  du  Roi  ou  manque  d'argent  * . 

Enfin,  il  fit  telle  instance  qu'on  tira  de  l'armée  de 
Champagne2  six  mille  hommes  et  mille  chevaux,  qui 
furent  envoyés  promptement  en  Italie  sous  la  con- 
duite du  sieur  de  Vignoles,  maréchal  de  camp\  et 
quant  et  quant  fut  commandé  de  faire  de  nouvelles 
levées4  en  diligence  du  même  nombre  d'hommes,  pour 
remplacer  les  troupes  qu'on  avoit  ôtées  de  ladite 
armée,  lesquelles  on  jugeoit  bien  devoir  être  assez  à 
temps  pour  s'opposer  à  ce  qu'on  voudroit  entre- 
prendre sur  cette  frontière.  , 

1.  Voyez  le  mémoire  adressé  de  Limours,  le  13  août  1625, 
par  le  Cardinal  au  secrétaire  d'État  Potier  d'Ocquerre,  au  sujet 
des  mesures  de  défense  à  prendre  en  Picardie  contre  une 
attaque  éventuelle  des  Espagnols  :  «  Quelque  intention  qu'ils 
aient,  si  on  avoit  fait  tout  ce  qui  avoit  été  prévu  et  que  S.  M. 
a  ordonné,  on  se  moqueroit  de  toutes  les  alarmes  que  l'Es- 
pagne nous  veut  donner.  Mais  en  vain  prévoit-on  les  maux 
qui  doivent  arriver  et  les  remèdes  pour  non  seulement  s'en 
garantir,  mais  même  de  l'appréhension  qu'ils  peuvent  donner, 
si  on  ne  les  exécute  en  temps  et  lieu  »  (AfJT.  étr.,  Grisons  4, 
fol.  335  v°). 

2.  L'opposition  de  Louis  de  Marillac,  prévenu  de  cette  déci- 
sion par  son  frère  Michel,  et  de  M.  d'Angoulême  empêcha  fina- 
lement tout  prélèvement  sur  l'armée  de  Champagne,  et  Bas- 
sorapierre  nous  apprend  [Mémoires,  éd.  de  la  Société  de 
l'Histoire  de  France,  t.  III,  p.  207)  qu'il  refusa  de  prendre  le 
commandement  des  renforts,  composés  uniquement  de  troupes 
récemment  levées. 

3.  Bertrand  de  Vignoles,  né  vers  1565,  maréchal  de  camp 
en  1621,  lieutenant  général  au  gouvernement  de  Champagne  et 
gouverneur  de  Sainte- Menehould  (8  août  1626),  mort  à  Péronne 
le  5  octobre  1636. 

4.  «  On  lève  par  toute  la  France,  soit  pour  Italie,  soit  pour 
Picardie  ».  Chan vallon  à  Voillot,  Paris,  6  septembre  1625 
(Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisitions  françaises  3145,  fol.  300). 


DE  RICHELIEU.  69 

Cette  levée  vint  si  à  propos  qu'aussitôt  qu'elle 
i in \a  au  siège  de  Verrue  le  Connétable  s'en  servit1 
si  heureusement  qu'il  en  fit  l'effet  que  nous  avons  dit 
ei-dessus,  faisant  succomber  les  Espagnols  sous  le 
poids  des  armes  du  Roi,  démentant  leur  maxime 
qu'il  n'appartient  qu'à  eux  d'assiéger  et  prendre  les 
s,  puisqu'une  méchante  bicoque  comme  Verrue 
leur  a  t'ait  tête2. 

I\ir  ce  moyen,  le  Roi  fut  garanti  de  l'opprobre 
qn'eot  apporté  à  sa  réputation  la  foiblesse  de  nos 
uni»  >  en  Italie,  causée  par  la  diversion  de  la  rébellion 
de  l'hérésie  en  France. 

Si  ce  soulèvement  de  nos  hérétiques  empêcha  que  le 
Kni  ne  s'appliquât  avec  tant  d'affection  aux  affaires 
d'Italie3  qu'il  eût  désiré,  et  pour  son  honneur  et  pour 

1.  Les  régiments  de  Vignoles  ne  furent  pas  engagés  sous 
Verrue  (Bassompierre,  Mémoires,  t.  III,  p.  207).  L'opération 
fut  exécutée  par  «  trois  ou  quatre  mille  hommes,  vieux  soldats, 
qui  a  voient  toujours  été  avec  M.  de  Créquy  devant  ledit  Ver- 
rue ».  Lettre  de  Chanvallon,  29  novembre  1625  (Bibl.  nat., 
Iles  acquisitions  françaises  3145,  fol.  394).  Ardier 
expliqua  que  «  l'on  avoit  jugé  à  propos  de  laisser  lesdites 
troopei  nouvelles  dans  les  quartiers,  craignant  que,  si  l'on  les 
laisoit  venir  à  l'armée  parmi  les  malades,  et  camper  deux  ou 
trois  nuits,  qui  lors  étoient  froides  et  longues,  ce  travail  n'eût 
beaucoup  diminué  leur  nombre  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  4058, 
fol.  64  ▼•). 

imparez  Testament  politique,  éd.  1689,  2*  partie,  p.  60  : 

«  Les  moindres  bicoques  se  trouvent  imprenables  par  la  fermeté 

irage  de  ceux  qui  les  défendent  »,  etCh.  Vialart,  op.  cit., 

3  :  «  [Les  Espagnols]  consommèrent  devant  cette  bicoque 

une  armée  de  quarante  mille  hommes,  leurs  chefs  y  perdirent 

1  li-.riiifiir,  leurs  armes  n'en  furent  pas  peu  discréditées.  » 

3.  Voyez  la  lettp  <l  IL-rbauIt  à  Bullion  du  21  novembre  1625: 

Bprésenttt  la  <•.  institution  des  affaires  présentes 

de  cet  État,  les  troubles  où  nous  sommes  avec  les  rebelles  de  la 


70  MÉMOIRES  [1625] 

le  secours  de  ses  alliés,  il  ne  fut  pas  moins  domma- 
geable à  la  défense  de  Bréda,  laquelle  néanmoins  le 
Roi  n'abandonna  pas  entièrement,  mais  bien  n'eut-il 
pas  moyen  d'y  faire  tout  ce  qu'il  eût  fait  sans  cela. 

Le  Roi  avoit  résolu  avec  le  roi  d'Angleterre  d'y 
envoyer  Mansfeld  avec  ses  troupes  ;  l'infanterie  devoit 
être  angloise  et  la  cavalerie  françoise.  Il  y  en  eût 
envoyé  davantage  s'il  n'en  eût  eu  de  besoin  contre 
ses  propres  sujets. 

Il  y  avoit  diversité  d'opinions  sur  le  moyen  qu'il  fal- 
loit  tenir  pour  l'y  faire  passer.  Le  comte  Maurice  sol- 
licitoit  fort  le  Roi  de  l'y  envoyer  par  terre  et  propo- 
soit  quatre  divers  chemins  qu'il  devoit  tenir1  : 

Le  premier  marchant  dans  la  Flandre  tout  du 
long  de  la  côte  jusques  à  Dunkerque,  se  rendant 

religion  prétendue  réformée,  les  armées  que  le  Roi  entretient 
dans  le  royaume  par  mer  et  par  terre,  celle  de  la  Valteline,  le 
secours  de  deniers  donné  à  M.  de  Savoie  et  à  plusieurs  princes 
et  États  d'Allemagne,  vous  conclurez  vous-même  que,  quand  le 
Roi  propose  d'entretenir  dix-sept  régiments  de  pied  dans  son 
armée  d'Italie,  quatre  autres  qu'elle  a  résolu  de  faire  lever, 
28,000  chevaux  et  un  attirail  d'artillerie,  elle  entreprend,  si 
j'ose  dire,  au  delà  de  ses  forces,  et  que  l'on  ne  doit  prétendre 
aucune  augmentation  de  François,  moins  encore  de  Suisses  » 
(Arch.  nat.,  KR  1362,  fol.  377  v°). 

1.  Les  propositions  adressées  par  le  comte  Maurice  à 
Louis  XIII  ne  sont  connues  que  par  les  extraits  qu'en  donnent 
les  Mémoires.  Elles  remontent  vraisemblablement  à  la  fin  de 
l'année  1624  et  furent  peut-être  apportées  au  Roi  par  le 
commissaire  Doublet,  qui  avait  été  annoncé  au  Cardinal  par  le 
prince  d'Orange  le  20  décembre  (Aff.  étr. ,  France  246, 
fol.  17  v°),  et  dont  l'arrivée  est  mentionnée  le  5  janvier  par  Potier 
d'Ocquerre  :  «  Le  sieur  Doublet  est  arrivé  ce  soir  chargé  de 
très  amples  instructions  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3682, 
fol.  68).  Le  manuscrit  A,  dans  sa  rédaction  primitive,  devait 


[1625]  DE  RICHELIEU.  71 

maître,  en  passant,  de  deux  forts  qui  y  ont  été  faits, 
assez  incapables  de  résistera  une  si  puissante  armée, 
et  toutefois  si  bien  situes  qu'étant  entre  les  mains  de 
Mansl»  M  ils  se  pourraient  aisément  garder  et  donne- 
raient moyen  d'avoir  par  mer  autant  de  vivres  et 
coumioclit.  s  qu'on  voudroit,  par  le  bénéfice  du  canal 
appelé  le  Scheurken  ou  la  Tente. 

Le  second  faisant  marcher  son  armée  plus  haut  dans 
la  Flandre,  entre  les  rivières  de  Leye1  et  de  l'Escaut, 
ou  bien  vers  les  villes  d'Ypres  et  Bruges,  où  il  y  a 
plusieurs  places  ouvertes  et  fort  riches,  lesquelles, 
sans  aucun  doute,  eussent  bien  pressé  Spinola  de  leur 
donner  une  vigoureuse  assistance. 

Le  troisième  attaquant  les  pays  d'Artois  et  Hainaut, 
lesquels  («uisistant2  en  une  puissante  noblesse  et 
bonnes  villes,  les  Espagnols  eussent  assurément  fait 
tout  devoir  pour  ne  les  point  abandonner  et  les  assis- 
ter promptement,  de  crainte  d'une  plus  grande  con- 
s.  -quence  et  du  soulèvement  général  de  ce  pays-là, 
glorieux  et  non  accoutumé  d'être  laissé  en  proie  aux 
ennemis. 

suivre  de  très  près  le  mémoire  du  prince  d'Orange,  mais  des 
corrections  importantes  ont  été  effectuées  par  Sancy  lors  de  la 
ion  du  travail;  nous  signalerons  les  plus  importantes  de 
ces  variantes. 

1.  La  Lys  ou  Leye,  rivière  de  France  et  de  Belgique,  affluent 
de  l'Escaut. 

remière  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Lesquels,  ayant  fait 
toujours  si  grande  gloire  de  leurs  privilèges  et  consistant  en 
une  puissante  noblesse  et  bonnes  villes,  n'eussent  jamais  pensé 
ii •!!>•  invasion  et  feroient  tout  devoir  pour  n'être  point 
Abandonnés,  ains  assistés  promptement  de  crainte  d'une  plus 
grande  conséquence  et  combustion.  > 


72  MÉMOIRES  [1625] 

Le  quatrième  allant  droit  vers  le  Cambrésis  et 
poussant  jusques  à  Bruxelles,  là  où  et  aux  environs  il 
demeureroit  campé,  faisant  contribuer  Brandtschatter, 
brûler  et  piller  tout  le  pays  sans  distinction,  ce  qu'il 
faudroit  faire  aussi  tenant  les  autres  trois  chemins 
ci-dessus  spécifiés;  et  si,  nonobstant  cela,  l'ennemi  ne 
vouloit  point  encore  déloger  de  devant  Bréda,  qu'il 
faudroit  alors  marcher  plus  avant  vers  les  villes  de 
Lumen1,  Thienen2,  Hasselt3  et  les  pays  circonvoisins 
qu'on  trouveroit  abondants  en  fourrages4,  vivres  et 
autres  commodités  pour  nourrir  longtemps  l'armée, 
joint  que  les  deux  armées  se  pourroient  aider  d'armes 
et  de  conseil,  selon  les  besoins  qu'ils  en  pourroient 
avoir. 

Le  premier  chemin  de  Dunkerque  lui  sembloit  le 
plus  sûr  et  profitable,  pour  ce  qu'il  étoit  le  plus  court, 
qu'il  n'y  falloit  pas  grand  attirail  de  chariots,  de  che- 
vaux et  autres  choses  nécessaires  pour  le  train  d'une 
grande  armée;  que  cette  entreprise  se  pouvoit  faire, 
sans  crainte  de  résistance,  en  tout  temps  et  en  toutes 
les  marées  basses,  à  la  faveur  du  fort  que  S.  M.  avoit 
fait  faire  sur  la  frontière  près  de  Gravelines  ;  qu'on  se 
pouvoit  aisément  emparer  des  villes  de  Dunkerque, 
Bourbourg  et  autres  places  voisines,  lesquelles  prises 
tout  le  pays  d'alentour,  qui  est  fort  riche,  seroit  mis 

1.  Localité  du  Limbourg  belge,  au  nord-ouest  de  Hasselt. 

2.  Thienen  ou  Tirlemont,  ville  du  Brabant  méridional. 

3.  Dans  le  Limbourg  belge. 

4.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Lesquels  seroient 
trouvés  abondants  en  fourrages,  vivres  et  autres  sortes  de  com- 
modités pour  nourrir  un  bon  espace  de  temps  ladite  armée,  là 
où  aussi  ses  deux  armées  se  pourroient  aider  d'armes  et  con- 
seil aux  besoins.  » 


DE  RICHELIEU.  73 

m  contribution;  et  enfin  que,  par  le  moyen  de  la 
[irise  des  deux  forts  qui  sont  sur  le  canal,  l'armée 
pourrait  être  rafraîchie  de  vivres  et  d'autres  commo- 
ditt  •>.  suis  les  tirer  de  la  France  par  terre,  et  donner 
MB  Espagnols  prétexte  de  faire  plainte  de  nous1. 

Le  second  chemin  lui  sembloit  aussi  facile  à  entre- 
prendre et  sans  beaucoup  de  danger;  mais  il  craignoit 
qu'il  tût  de  peu  d'effet,  tant  pour  ce  que  Spinola  n'au- 
roit  pas  d'appréhension  que2  les  grandes  villes  bien 
muni»  s,  comme  elles  étoient,  pussent  être  prises  si  tôt 
qu'il  n'eût  loisir  de  prendre  Bréda  auparavant,  que 
l«»ui  ce  qu'il  redouteroit  peu  notre  armée,  sachant 
qu'il  doit  bien  difficile  qu'en  ces  lieux-là  elle  pût 
recevoir  aucun  secours  d'Angleterre  ni  des  Provinces- 
Unies  et  qu'il  avoit  moyen  d'y  envoyer  les  troupes  du 
baron  d'Anholt3  et   les   nouvelles    levées  faites  en 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Le  premier  che- 
min de  Dunkerque  lui  sembloit  le  plus  sûr  et  profitable,  pre- 
mièrement parce  qu'il  est  le  plus  proche,  qu'il  n'y  faut  pas 
grand  attirail  de  chariots,  de  chevaux  et  d'autres  choses  néces- 
saires pour  le  train  d'une  si  grande  armée.  Que  l'invasion  se 

i  voit  faire  sans  résistance  en  tout  temps  et  à  toutes  les  marées 
basses  sous  la  faveur  du  port  que  S.  M.  a  fait  faire  sur  les 
limites  près  de  Gravelines  ;  secondement  que  les  villes  de 
DiniLerque,  Bonrboon  et  autres  places  voisines  pouvoient 
être  prises  aisément,  par  la  prise  desquelles  tout  le  pays  cir- 
eonvoisin,  fort  riche,  sera  mis  en  contribution;  joint  aussi  que 
l'armée  dudit  comte  de  Mansfeld,  par  la  prise  des  deux  forts 
sur  le  canal,  pourra  être  rafraîchie  et  nourrie  de  vivres  et 
d'autres  commodités  sans  aucun  reproche  que  les  malveillants 
voudraient  faire  à  la  France  et  à  l'Angleterre.  » 

•-  manuscrit  B  porte  fautivemeut  :  «  d'appréhension  et 
que  ». 

3.  J<  ios  de  Brouchorst,  baron  d'Anholt,  rejoignit,  i 

la  tête  de  renforts,  l'armée  commandée  par  Spinola,  en  avril 


74  MÉMOIRES  [1625] 

Artois  et  en  Hainaut,  sans  diminuer  ses  troupes 
devant  Bréda,  où  il  seroit  encore  assuré  de  ne  pou- 
voir être  attaqué  que  de  l'armée  des  États1. 

Le  troisième  chemin,  par  l'Artois  et  le  Hainaut,  lui 
sembloit  avoir  quelque  difficulté,  pour  ce  que  la  plu- 
part de  ces  villes-là  sont  bien  fortifiées,  tout  le  plat 
pays  y  porteroit  ses  commodités,  et  s'y  retireroit. 

La  noblesse  y  est  en  grand  nombre  et  courageuse 
et  tout  le  peuple  adroit  aux  armes,  qiù,  avec  les 
bandes  d'ordonnance  qui  étoient  déjà  sur  pied,  s'op- 
poseroient  si  puissamment  à  notre  armée  dès  son 
entrée  dans  le  pays  que  difficilement  s'y  pourroit- 
elle  avancer  si  elle  n'étoit  assistée  d'un  bon  nombre 
de  cavalerie  françoise  pour  combattre  celle  de  l'en- 
nemi; et2  quand  bien  elle  trouveroit  point  de  résis- 

1625  (Mémoires  de  Frédéric-Henri  de  Nassau,  p.  30).  Voyez 
aussi,  sur  les  opérations  d'Anholt  devant  Wesel,  Villermont, 
Ernest  de  Mansfeld,  t.  II,  p.  307. 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Le  second  chemin 
d'entrer  plus  avant  dans  la  Flandre,  entre  les  rivières  de  l'Es- 
caut et  de  la  Leye,  ou  vers  Ypres  et  Bruges,  lui  sembloit  pou- 
voir être  aussi  exécuté  facilement  et  avec  peu  de  danger,  selon 
toutes  apparences;  mais,  craignant  qu'il  ne  fût  pas  de  grand 
effet,  d'autant  que  ces  grandes  villes  étoient  bien  pourvues, 
ladite  invasion  ne  seroit  pas  tant  appréhendée,  étant  bien  dif- 
ficile de  secourir  d'Angleterre  ou  des  Provinces-Unies  ladite 
armée  ;  joint  aussi  que  par  cette  voie  le  marquis  de  Spinola 
seroit  hors  de  toute  appréhension  d'être  molesté  ou  attaqué  en 
son  siège,  sinon  que  par  l'armée  desdites  Provinces-Unies,  se 
pouvant  imaginer  qu'il  auroit  assez  de  temps  de  s'aller  oppo- 
ser après  la  prise  de  Bréda,  laquelle  il  croyoit  être  en  grande 
nécessité,  pouvant  en  outre  faire  avancer  les  troupes  du  baron 
d'Anholt  et  les  nouvelles  levées  en  Artois  et  Hainaut,  sans 
aucunement  diminuer  ses  forces  devant  Bréda.  » 

2.  Ici  commence  le  dix-huitième  cahier  du  manuscrit  A. 
Sancy  a  écrit  sur  la  feuille  de  garde,  d'une  large  écriture  : 


[1625]  DE  RICHELIEU.  75 

tance  à  son  passage,  cette  diversion  ne  seroit  pas 
assiv  puissante  de  faire  lever  le  siège  devant  Bréda*, 
qur  Spinola  croyoit  être  si  pressé  qu'il  ne  pouvoit 
BtCer  longtemps,  et  que  cependant  l'Artois  et  le 
I Ii i liant  ne  recevroient  pas  de  dommage  si  considé- 
rable qu'il  ne  réparât  en  peu  de  jours,  y  allant  avec 
toute  son  armée  incontinent  après  la  prise  de  la  place. 
Néanmoins,  que  cela  n'empêcheroit  pas  les  clameurs 
du  pays,  qui  presserait  d'être  secouru  avec  protesta- 
tion contre  le  gouvernement  étranger  des  Espagnols, 
auxquels  le  siège  de  Bréda  auroit  été  plus  considé- 
rable que  leur  protection;  ce  qui  feroit  peine  aux 
Espagnols,  outre  la  crainte  qu'ils  pourroient  avoir  que 
S.  M.,  en  cas  de  quelque  bon  succès,  voulût  ouverte- 
<[  seconder  ledit  sieur  de  Mansfeld*. 

«  cahier  18e  »,  et  au-dessous  Charpentier  un  court  sommaire  : 
«  Suite  du  siège  de  Bréda.  Armée  de  Mansfeld  et  du  roi  de 
Danemark.  » 

1  La  première  rédaction  du  manuscrit  A,  jusqu'à  «  avec 
protestation  »,  était  ainsi  conçue  :  «  Attendu  qu'il  croira  pou- 
voir réparer  ledit  dommage  après  avoir  pris  cette  place,  et, 
pouvant  alors  faire  marcher  toute  son  armée  à  l'enconlre  dudit 
Mansfeld,  toutefois  ceci  n'empêcheroit  point  que  la  noblesse  et 
les  habitants  du  pays,  grand  et  petit,  ne  demandassent  prompte 
assistance  au  marquis  de  Spinola...  »  Sancy  avait  commencé  à 

riger  la  phrase  qui  précède  :  «  Pour  ce  que  Spinola  croiroit 
avoir  assez  de  loisir  d'aller  avec  toute  son  armée  pour   la 

ulre  et  après  l'avoir  prise...  »,  puis  il  a  rayé  cette  phrase 
et  ajouté  en  regard  la  note  suivante  :  «  \  .  \>.   1  mes  correc- 

s.  »  La  feuille  de  corrections  à  laquelle  Sancy  fait  allusion 
n'a  pas  été  conservée. 

2.  Cet  alinéa  était,  dans  la  première  rédaction  de  A,  conçu 
connu-'  il  suit  :  i  La  troisième  chemin,  il  croyoit  qu'il  pourrait 
sans  doute  causer  quelque  altération  es  villes  et  pays  d'Artois 

l  linaut  qui  sont  riches  et  non  accoutumés  d'être  ainsi  atta- 


76  MÉMOIRES  [1625] 

Le  quatrième  chemin  lui  sembloit  être  le  plus  hasar- 
deux, mais  aussi,  après  le  premier,  le  plus  expédient, 
pourvu  que  ledit  Mansfeld  pût  être  renforcé  de  plus 
de  troupes,  et  principalement  de  cavalerie,  afin  de 
pouvoir  rompre  le  premier  effort  et  rencontre  des 
ennemis.  Car  toutes  les  villes  et  le  plat  pays  seroient 
en  confusion,  se  voyant  surpris  d'un  orage  si  inopiné, 
et  chacun,  appréhendant  un  plus  grand  et  général 
saccagement,  enverroit  à  foule  à  Spinola  demander 
assistance,  et  lui-même  seroit  réduit  à  tel  point  qu'il 
faudroit  qu'il  se  résolût  ou  d'être  affamé  devant 
Bréda,  ou  de  faire  sa  retraite  entre  deux  puissantes 

qués  et  délaissés  à  l'abandon.  Mais  il  est  à  considérer  que  la 
plupart  desdites  villes  sont  bien  fortifiées  à  cause  des  guerres 
passées;  que  ceux  du  plat  pays  chercheront  de  sauver  leurs 
biens  et  personnes  de  bonne  heure  ;  joint  que  ces  deux  ou  trois 
provinces  sont  remplies  d'une  bonne  et  courageuse  noblesse 
d'habitants  adroits  aux  armes,  lesquels,  avec  les  bandes  d'or- 
donnance déjà  sur  pied,  s'opposeront  à  ladite  armée;  que  ledit 
sieur  comte  de  Mansfeld  pourra  trouver,  dès  le  commence- 
ment, des  obstacles  et  du  retardement  à  avancer  plus  avant 
dans  le  pays,  si  ce  n'étoit  qu'il  fût  renforcé  de  quelque  bon 
nombre  de  cavalerie  pour  pouvoir  combattre  celle  de  l'ennemi, 
et,  en  tout  cas,  que  si  bien  il  ne  trouvoit  point  une  telle  résis- 
tance, qu'on  pourroit  penser  que  l'ennemi  ne  bougera  pas 
pourtant  si  facilement  de  devant  Bréda,  attendu  qu'il  croira 
pouvoir  réparer  ledit  dommage  après  avoir  pris  cette  place,  et 
pouvant  alors  faire  marcher  toute  son  armée  à  l'encontre  dudit 
Mansfeld;  toutefois  ceci  n'empêcheroit  point  que  la  noblesse  et 
les  habitants  du  pays,  grand  et  petit,  ne  demandassent  prompte 
assistance  du  marquis  de  Spinola,  avec  protestation  contre  le 
gouvernement  étranger  des  Espagnols,  voyant  que  le  siège  de 
Bréda  leur  étoit  plus  considérable  que  leur  protection,  outre 
la  crainte  qu'ils  pouvoient  avoir  que  S.  M.,  ouvertement,  en 
cas  de  quelque  bons  succès,  voulût  seconder  ledit  comte  de 
Mansfeld.  » 


DE  RICHELIEU.  77 

armées  ennemies,  non  sans  danger  de  grands  accidents, 
son  année  étant  fort  affaiblie  et  matée  par  les  incom- 
modités d'un  si  long  siège1; 

Que,  pour  exécuter  cela,  il  étoit  besoin  d'user  de 
diligence  et  de  secret  et  d'une  correspondance  par- 
laite  avec  l'armée  hollandoise,  afin  que  toute  l'affaire 
lut  conduite  d'un  même  esprit  et  n'eût  qu'un  même 
MMraement,  et  qu'assurément  cet  exploit  se  feroit 
putation  et  fruit  si  les  affaires  du  Roi  pouvoient 
porter  qu'il  voulût  fortifier  les  troupes  de  Mansfeld  de 
mille  chevaux  françois2,  ou  au  moins  envoyer  quelque 

galerie  et  infanterie  sur  les  frontières,  loin  du  lieu 
par  où  ledit  Mansfeld  devroit  faire  entrer  dans  le  pays, 
atin  «le  faire  diviser  les  forces  de  l'ennemi  par  incerti- 
Ulde  et  jalousie3. 

1.  La  version  primitive  de  A  était  :  «  Réduit  en  tels  termes 
qu'il  seroit  contraint  de  choisir  l'un  de  ces  deux  partis  ou  de 
venir  affamé  devant  Bréda,  ou  de  chercher  sa  retraite  entre 
deux  puissantes  armées,  non  sans  danger  de  grands  accidents, 
son  armée  «'-tant  si  affaiblie  et  matée  par  les  grands  inconvé- 
audit  siège.  » 
l  Var.  :  les  troupes  de  Mansfeld  de  François  (ms.  Fran- 
çais 17542). 

ir.  :  incertitudes  et  jalousie  (ras.  B).  Le  texte  de  cet  ali- 
•   li<m  primitive  do  A,  était  le  suivant  :  a  Et 
<as  que  S.  M.  voulût  choisir  ce  dernier  chemin,  il  seroit 
nécessaire  que  cela  fût  tenu  fort  secret,  dextrement  conduit  et 
t  exécuté,  sans  perdre  aucun  temps,  et  S.  E.  dispo- 
sera en  cela  toutes  ses  affaires  et  pouvoirs,  afin  que  tout  soit 
fait  et  exécuté  d'un  bon  jugement  et  correspondance  de  temps 
eu  t.iiips.  Il  assure  S.  M.  que  cet  exploit  se  feroit  avec  réputa- 
tion «  t  huit,    si  l.s  .iHairc   poti\  oient  porter  qu'elle  renforçât 
les  troupes  de  Mansicld  ;  si  elle  ne  vouloit  employer  en  cela  sa 
cavalei  i  re,  au  moins  qu'il  lui  plût  faire  assembler  un 

s  de  sa  cavalerie  et  quelquuns  de  ses  régiments  sur  les  iron- 


78  MÉMOIRES  [1625] 

Cet  avis  des  Hollandois  étoit  bon  pour  leur  État, 
mais  préjudiciable  au  Roi,  pour  ce  qu'il  ne  pouvoit 
être  exécuté  sans  rompre  avec  le  roi  d'Espagne, 
puisque  cette  armée,  en  partie  composée  de  François, 
fût  partie  de  France  pour  entrer  en  ses  États  et  les 
ravager1. 

C'est  pourquoi  le  Cardinal  proposa  à  S.  M.  qu'il 
étoit  expédient  de  faire  passer  cette  armée  dans  des 

tières,  loin  de  la  place  où  ledit  Mansfeld  devroit  faire  son  inva- 
sion, afin  de  distraire  et  diviser  les  forces  de  l'ennemi  par 
incertitude  et  jalousie.  » 

1.  La  décision  prise  par  le  Roi  rencontra  une  vive  résistance 
auprès  de  la  cour  d'Angleterre,  d'abord  hostile  à  l'expédition 
de  Bréda.  On  allégua  tout  d'abord  pour  la  justifier  la  faute 
commise  par  l'envoyé  hollandais  en  France  :  «  M.  de  la  Ville- 
aux-Clercs  se  souviendra,  en  écrivant  en  Angleterre,  de  man- 
der que  la  résolution  que  le  Roi  a  prise  de  ne  laisser  point  pas- 
ser le  Mansfeld  en  France  vient  principalement  de  la  faute 
qu'a  faite  le  commissaire  Doublet,  envoyé  par  le  prince 
d'Orange,  d'avertir  l'ambassadeur  de  Flandre  de  tous  les  lieux 
par  où  il  pouvoit  passer.  Ce  qui  fait  que  les  ennemis  l'attendent 
sur  tous  ces  passages  avec  tant  de  préparatifs  que,  probable- 
ment, ils  lui  donneroient  beaucoup  d'affaires  et  le  contrain- 
droient  même  de  hasarder  un  combat  qui  seroit  cause  que  le 
retardement  rendroit  enfin  le  dessein  infructueux,  ce  qu'il  faut 
éviter,  puisqu'il  le  peut  en  prenant  une  autre  route  »  (Mémoire 
touchant  le  passage  du  comte  de  Mansfeld  :  Bibl.  nat.,  ms. 
Brienne  48,  fol.  215).  Dans  une  lettre  adressée  le  21  janvier  à 
M.  d'Effiat,  le  Roi  déclarait  ne  pouvoir  s'exposer  à  «  l'incerti- 
tude d'un  combat  dont  l'événement  désavantageux  rejetteroit 
les  vaincus  et  les  vainqueurs  en  mes  Etats  »  (Bibl.  nat.,  ms. 
Baluze  154,  fol.  19);  répondant,  le  8  février,  aux  plaintes  de 
Buckingham,  il  ajoutait  dans  une  lettre  au  même  :  «  Je  ne 
désavoue  point  le  commandement;  je  l'ai  fait  et  dû  faire,  car, 
Mansfeld  devant  avoir  la  liberté  d'aller  par  où  il  seroit  plus 
expédient,  je  n'ai  dû  souffrir  qu'on  le  contraignît  à  passer  où 
indubitablement  il  auroit  à  combattre,  ce  qui  ne  lui  pourroit 


[1625]  DE  RICHELIEU.  79 

\  en  Hollande;  ce  qui  fut  exécuté  dès  le  mois 
de  mars.  Son  infanterie  fit  sa  descente  près  de  Lan- 
gnestrate1,  au-dessus  de  Gertruydenberg2,  et  partie 
•  Je  la  cavalerie  françoise  s'embarqua  en  cinquante-deux 
eaux  le  7*  mars,  et  le  reste3  en  cinquante-cinq  le 
13e,  qui  furent  jetés  en  divers  havres  de  Hollande  et 
d«-  /«lande4. 

Toute  son  infanterie  consistoit  en  treize  mille  Anglois, 
mille  Allemands,  et  sa  cavalerie  en  deux  mille  Fran- 
.  deux  cents  Anglois  et  trois  cents  Allemands5. 
Ed  avril,   le  comte  Maurice  mourut6  après  avoir 

qu'être  désavantageux,  n'ayant  que  des  troupes  nouvelles,  sans 
discipline  et  sans  ordre  et  sans  connoissance  les  unes  des  autres  » 
in.  fol.  52). 
1     l.angstraat,  région  de  la  province  du   Nord-Brabant,   à 
l'est  de  Geertruydenberg  (Pays-Bas). 

2.  (ieertruydenberg,  ville  de  la  province  du  Nord-Brabant, 
à  quatorze  kilomètres  nord-est  de  Bréda,  sur  la  rive  méridio- 
lu  Biebosch. 
•s  renseignements  sont  empruntés  au  Mercure  françois, 
t.  M.  p.  «06. 

4.  Sur  l'embarquement  de  ces  troupes  à  Calais,  voyez  une 
lettre  de  Villars,  qui  avait  été  chargé  de  diriger  l'opération, 
rdinal,  14  renier  1625  (Aff.  étr.,  France  1675,  fol  122). 
Ce  contingent  de  cavalerie  était  commandé  par  Christian  de 
Brunswick,  évéque  d'Halberstadt.  Les  instructions  données  à 
Villar».  .i  la  fin  de  décembre  1624,  ont  été  publiées  par  Avenei, 
t.  Il,  p.  58. 

née  de  Mansfeld  était  concentrée  au  camp  de  Sprang, 
(if.rtnivdenberg  et  Bois-le-Duc.  Voyez  Mercure  fran- 
çois, t.  XI,  p.  808,  qui  donne  les  chiffres  reproduits  par  les 
Mémoire*. 

6.  Le  comte  Maurice  mourut  à  la  Haye  le  23  avril  1625  {Mer- 
cure françois,  t.  XI,  p.  418-419).  Le  Boi  dépécha  en  Hollande 
.i  *  .tu-  occasion  M.  de  la  Fores  t  (Bibl.  nat.,  ins.  Français  3683, 
25). 


80  MÉMOIRES  [1625] 

tenté  une  entreprise  sur  Anvers1,  qui  étoit  infaillible 
si  on  eût  eu  le  courage  de  la  poursuivre  comme  il 
falloit.  Ce  déplaisir  lui  avança  ses  jours. 

Les  États  firent  héritier  de  ses  charges  son  frère 
Henri2,  qui  partit  le  second  jour  de  mai  avec  leur 
armée  pour  aller  faire  le  dernier  effort  de  secourir 
Bréda,  plus  pour  satisfaire  au  désir  des  États  que  pour 
espérance  qu'il  eût  d'en  venir  à  bout. 

Le  lendemain,  Mansfeld  partit  avec  la  sienne.  Le 
prince  d'Orange  attaqua  un  des  forts  du  marquis  de 
Spinola;  mais,  en  étant  repoussé,  il  retourna  dans  ses 
retranchements  et  manda  aux  assiégés  la  mort  du 
comte  Maurice,  son  frère,  l'attaque  qu'il  avoit  faite  en 
vain,  pensant  les  secourir,  le  peu  d'espérance  qui  lui 
restoit  de  le  pouvoir  faire,  et  partant  qu'ils  fissent  le 
mieux  qu'ils  pourroient. 

Ils  ne  voulurent  néanmoins  penser  à  capituler3 
qu'ils  n'en  eussent  auparavant  un  ordre  signé  de  lui, 
lequel  il  leur  envoya  incontinent,  leur  mandant  qu'ils 
eussent  à  se  rendre  sans  attendre  davantage  et  qu'ils 
n'avoient  pas  seulement  à  répondre  de  la  place,  mais 
encore  de  leurs  personnes  et  des  soldats  qui  leur 
avoient  été  donnés.  Suivant  ce  commandement,  ils 
capitulèrent  et  la  ville  fut  rendue  le  25e  ensuivant4. 

1.  Le  12  octobre  1624. 

2.  Henri  de  Nassau,  prince  d'Orange,  né  à  Delftle  28  février 
1584,  mort  le  14  mars  1647.  Il  avait  épousé  la  fille  de  Jean- 
Albert,  comte  de  Solers,  et  exerçait  la  charge  de  général  de  la 
cavalerie.  Ses  Mémoires  ont  été  publiés  en  1733  par  Beau- 
sobre. 

3.  La  place  était  commandée  par  le  comte  Justin  de  Nassau. 

4.  La  capitulation  de  Bréda  fut  signée  le  25  mai,  et  la  sortie 
de  la  garnison  eut  lieu  le  5  juin.  Sur  la  mésintelligence  qui 


DE  RICHELIEU.  81 

Mtnsfeid  ayant  perdu  de  maladie  la  plupart  de  son 
inltiit»  rie  ungloisc,  les  François  aussi  se  débandant, 
.  t  t ut  chacun  revenu  en  France  par  où  il  avoit  pu,  il 
reprit  le  chemin  du  Rhin  avec  ce  qui  lui  restoit  de 
troupes  et  cinq  mille  lansquenets  qui  lui  arrivèrent  de 
renfort,  et  rentra  en  la  Westphalie1  pour  aller  joindre 
le  roi  de  Danemark,  qui,  ayant  été8,  par  le  cercle  de 
la  l'.asse-Saxe,  dont  il  est  membre  à  cause  de  son 
taché  de  llolstein,  élu  capitaine  général,  avoit  fait  une 

iode  année,  cl  *  toit  lors  campée  sur  le  Weser,  où 

régnait  entre  Mansfeld  et  les  Hollandais,  voyez  la  lettre  de 
Potier  d'Ocquerre  à  Espésses,  du  23  juin  1625  :  «  Je  m'étonne 
de  l'envie  et  du  peu  de  satisfaction  que  l'on  a  donné  au  comte 
Mansfeld  après  l'avoir  attiré  à  un  secours  imaginaire  de  Bréda, 
car  l'on  jugeoit  bien  dès  lors  l'événement;  cependant,  ce  pas- 
sage nous  a  fait  une  très  grande  dépense  et  causé  à  lui  la  ruine 
iei  troupes,  outre  des  plaintes  continuelles  de  la  part  d'An- 
terre,  de  Venise  et  Savoie,  qui  l'avoient  destiné  ailleurs 
pour  agir  plus  utilement  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3684, 
fol.  23). 

1 .  \  oyez  la  lettre  de  Mansfeld  au  Cardinal,  12  octobre  1625  : 
«  Je  sais  que  le  bruit  que  l'on  a  fait  courir  de  notre  foiblesse 
aura  été  épandu  à  la  Cour;  mais  l'expérience  qu'on  a  faite  ces 
jours  passés  que  nous  avons  commencé  à  marcher  en  deçà  du 
Khin  témoignera  que  nous  ne  sommes  diminués  de  tant  qu'on 
le  crovoit  »  (Aff.  étr.,  Danemark  1,  fol.  51). 

I  première  version  de  A  précisait  :  «  dès  le  mois  de  mai 
Les  intentions  du  Roi  seront  exposées  dans  une  lettre 
adressée,  le  15  septembre,  à  l'ambassadeur  à  Venise,  Aligre  : 
•  Il  importe  au  bénéfice  commun  de  tous  les  princes  collègues 
d'empêcher  que  les  princes  protestants  succombent  à  la  maison 
(1  \iitrn  h»  .  Il  u  y  a  jusques  à  présent  que  le  roi  de  Danemark, 
qui,  avec  son  armée,  les  a  fait  subsister,  mais  il  ne  pourra  leur 
continuer  son  assistance  pour  leur  conservation,  s'il  n'est 
secouru  des  forces  du  comte  de  Mansfeld  pour  s'opposer  à 
TilU       A.,  h.  nat.,  KK  1362,  fol.  203). 

v  0 


82  MÉMOIRES  [16251 

Tilly  d'un  côté,  avec  l'armée  de  la  ligue  catholique,  et 
Friedland1  de  l'autre,  avec  ses  troupes,  s'étoient  venus 
opposer  à  lui. 

Tandis2  que  Bréda  se  défend  et  est  réduit  à  l'extré- 
mité de  se  rendre,  le  marquis  de  Cœuvres  en  la  Val- 
teline  et  es  comtés  de  Ghiavenne  et  de  Bormio,  ayant 
pris  tous  les  forts3,  assiège  celui  de  Rive4,  qui  seul 
restoit  en  la  puissance  des  ennemis. 

Le  Pape,  voyant5  que  les  Espagnols  n'avoient  pas 
de  forces  suffisantes  pour  résister  audit  marquis,  se 
résout  d'envoyer  le  cardinal  Barberin6,  son  neveu, 
légat  en  France,  pour  se  plaindre  du  tort  qu'il  préten- 
doit  lui  avoir  été  fait  en  la  prise  des  forts  qui  avoient 
été  déposés  entre  ses  mains,  en  demander  la  restitu- 

1.  Manuscrit  B  :  «  Foriland  ».  Albert-Wenzel-Eusèbe  de 
Wallenstein,  duc  de  Friedland,  avait  été  nommé  le  9  juin  1625 
général  en  chef  des  armées  impériales  et  avait  établi  son  quar- 
tier général  à  Éger. 

2.  Ici  commence  le  dix-neuvième  cahier  du  manuscrit  A, 
Sont  voici  le  sommaire  (fol.  169),  de  la  main  de  Charpentier  : 
a  Arrivée  de  M.  le  Légat  à  Paris.  Celle  de  Buckingham.  Ses 
propositions  et  l'avis  du  Cardinal  sur  icelles.  Départ  de 
Madame.  Négociation  de  M.  le  Légat.  » 

3.  La  prise  de  Chiavenna  (9  mars)  avait  été  suivie  de  celle  de 
Codera  (1er  avril). 

4.  Riva  di  Chiavenna  était  tenue  par  une  garnison  espagnole. 
Devant  la  résistance  opposée  par  les  défenseurs,  le  marquis  de 
Cœuvres  dut  renoncer  à  enlever  la  place  (juin  .1625).  Voyez 
E.  Rott,  Histoire  de  la  représentation  diplomatique  de  la  France 
auprès  des  cantons  suisses,  1906,  t.  III,  p.  904. 

5.  Première  version  du  manuscrit  A  :  a  connut  ». 

6.  François  Barberini  (1597-1679),  cardinal,  secrétaire 
d'État  (octobre  1623),  légat  a  latere  en  France  (avril-septembre 
1625)  et  en  Espagne  (1626),  vice-chancelier  de  l'Église,  évêque 
d'Ostie  et  de  Velletri. 


[1625]  DE  RICHELIEU.  83 

lion  et  faire  instance  particulière  que  la  souveraineté 
de  la  Yalh'lim'  lut  otée  aux  Grisons1. 

Le  Roi,  ayant  eu  avis  de  sa  résolution2,  commanda 
au  sieur  de  Béthune  d'en  empêcher  l'exécution,  attendu 
qu'elle  n'alloit  qu'à  la  diminution  de  sa  gloire  et  au 
dommage  de  ses  alliés3. 

Il  travailla  en  vain.  Le  légat  part  de  Rome*,  arrive 
à  Paris  le  21"  mai,  où  il  est  reçu  avec  toutes  les 
magnificences  dues  à  sa  qualité3,  dit  à  Fontainebleau 
la  messe6  à  la  mi-août,  où  il  communia  le  Roi  et  les 

1.  Comparez  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  184,  d'où  ce  pas- 
sage est  tiré. 

2.  Klle  fut  annoncée,  en  consistoire,  par  Urbain  VIII,  le 
19  février  1625  (Aff.  étr.,  Rome  36,  fol.  102,  Béthune  à  Her- 
bault  . 

3.  L'ambassadeur  avait  pour  mission  d  a  éluder  »  la  nomi- 
nation du  légat  et  de  demander  que  les  négociations  fussent  pour- 
<«uivies  directement  avec  le  pape  à  Rome  (Aff.  étr.,  Rome  36, 
fol.  125,  Béthune  à  Herbault,  24  février  1625). 

4.  Il  s'embarque  à  Cività-Vecchia  le  22  mars  (Aff.  étr., 
Rome  36,  fol.  188).  A  son  passage  à  Gènes  il  fit  proposer  par 
le  dataire  de  la  légation,  G.-B.  Pamphilio,  une  suspension 
d'armes  entre  cette  ville  et  le  duc  de  Savoie  :  Bullion  à  Her- 
bault, 9  avril  1625  (Aff.  étr.,  Turin  5,  fol.  180). 

5.  Sur  l'entrée  du  légat  à  Paris,  voyez  Mercure  françois, 
t  XI,  p.  625,  et  Journal  inédit  d'Arnauld  d'Andilly,  p.  27.  Il 
fut  r<  (,u  en  audience  publique  par  le  Roi  le  27  mai,  a  à  trois 
heures  du  soir  »  :  Herbault  à  Aligre,  30  mai  1625  (Arch.  nat., 
KK  1361,  M.  315  y"). 

6.  Ces  détails  sont  empruntés  au  Mercure  françois,  t.  XI, 
p.  851.  Voyez  également  le  P.  Dan,  le  Trésor  des  merveilles  de 
la  maison  royale  de  Fontainebleau,  p.  305  :  «  Durant  cette 
messe,  les  chantres  de  la  chapelle  du  Roi,  avec  la  musique  de 
sa  chambre  et  des  Reines,  composant  divers  chœurs,  se  firent 
admirer.  >  Le  légat  était  logé  au  château,  a  en  un  très  beau 
dép.i  »,    tout  proche  de  ceux  du  Bol  0t  de  la  Reiii'-, 


84  MÉMOIRES  [1625] 

Reines;  le  19e,  dîne  avec  S.  M.1,  aux  dépens  de 
laquelle  il  fut  toujours  traité  et  défrayé,  lui  et  sa  suite, 
avec  une  dépense  convenable  à  la  grandeur  de  cet  État. 
A  peine  le  légat  étoit-il  arrivé  que  Buckingham,  qui 
avoit  été  favori  du  roi  Jacques  d'Angleterre  et,  par 
une  fortune  peu  ordinaire,  l'étoit  encore  du  roi  son 
fils2,  vint  le  24e  mai  en  France,  son  ambassadeur 
extraordinaire,  sous  couleur  de  témoigner  la  joie  du 
roi  son  maître  sur  le  sujet  de  son  mariage,  mais  en 
effet  pour  deux  autres  fins3. 

«  à  savoir  entre  l'un  des  pavillons  et  le  grand  escalier  de  la 
cour  du  donjon,  département  qui  ne  se  donne  point  qu'à 
quelque  souverain  ou  à  quelque  prince  du  sang  ». 

1.  Une  relation  du  repas  est  donnée  par  le  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  nationale  Brienne  269,  fol.  265  :  L'ordre  de  l'as- 
siette au  festin  royal  fait  à  Fontainebleau  le  19  août  1625  : 
«  On  avoit  dressé  [dans  la  grande  salle  du  bal],  au-devant  de 
la  cheminée  et  sur  le  haut  dais  qui  est  élevé  de  trois  degrés, 
une  longue  table  avec  deux  couverts  d'un  même  côté,  l'un 
pour  le  Boi,  l'autre  pour  M.  le  Légat.  » 

2.  Emprunt  au  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  365;  Buckingham 
était  descendu  à  l'hôtel  du  duc  de  Chevreuse,  rue  Saint-Nico- 
las-du-Louvre,  «  le  plus  richement  meublé  qui  soit  à  présent 
en  France  ». 

3.  Avec  ce  paragraphe  commence  un  long  emprunt  à  la 
«  Belation  de  ce  qui  s'est  passé  avec  le  duc  de  Buckingham  » 
(Aff.  étr.,  Angleterre  33,  fol.  155-159).  Ce  dernier  document 
est  un  exposé,  au  style  direct,  fait  par  le  Cardinal,  de  la  part 
qu'il  avait  prise  aux  pourparlers  engagés  avec  l'envoyé  du  roi 
Charles  ;  il  porte  des  corrections  de  forme  faites  par  Charpen- 
tier en  vue  de  son  entrée  dans  les  Mémoires.  Nous  possédons 
en  outre  un  «  Avis  sur  les  propositions  du  duc  de  Buckin- 
gham »  (Angleterre  33,  fol.  221-222),  adressé  par  le  Cardinal 
au  Boi,  au  cours  même  de  la  négociation;  il  présente  certaines 
analogies  avec  la  relation,  composée  ultérieurement  et  insérée 
dans  les  Mémoires,  et  porte  en  tête  de  la  première  page  la 
mention  a  employé  ». 


[1625]  DE  RICHELIEU.  85 

première  pour  empêcher  la  paix  entre  nous  et 
e,  dont  la  venue1  du  légat  leur  donnoit  appré- 
hension; 

La  seconde  pour  avancer  le  dessein  que  les  Anglois 
avoient  toujours  eu,  depuis  la  perte  du  Palatinat,  de 
(tire  une  ligue  offensive2  avec  nous3. 

Il  ri 'ou  Nia  rien  de  ce  qui  se  pouvoit  imaginer  pour 
l'effet  qu'il  désiroit;  mais  le  Roi  ne  fut  pas  conseillé 
de  se  relâcher  ni  en  l'un  ni  en  l'autre,  n'y  ayant  appa- 
n  n<  <•  de  faire  une  ligue  offensive  et  défensive,  ni  à  se 
lier  les  mains  pour  ne  pas  faire  la  paix*. 

On  lui  fit  connoitre  que  l'on  vouloit  bien  promou- 
voir la  restitution  du  Palatinat,  mais  qu'il  n'étoit  pas 
raisonnable  »!e  nous  y  engager  jusques  à  ce  point  de 
I  i  4  ue  offensive  et  défensive 5  ; 

1.  Angleterre  33  :  «  l'arrivée  du  légat  ». 

2.  Angleterre  33  :  «  une  ligue  offensive  et  défensive  ». 

3.  L'ordre  des  deux  paragraphes  qui  précèdent  était  inverse 
dans  la  relation  originale. 

ngleterre  33  :  a  ne  faire  pas  la  paix  ».  Le  long  fragment 
qui  va  suivre  ne  figurait  pas  dans  la  relation  originale;  il 
i  représenté  que  par  une  phrase  unique  :  a  On  lui  fit  con- 
noitre que  la  ligue  offensive  étoit  préjudiciable  aux  deux  cou- 
ronnes. »  Il  a  été  introduit  dans  le  manuscrit  A,  conformément 
indication  marginale,  de  la  main  de  Charpentier,  portée 
mu  l.i  relation  :  «  11  faudra  insérer  les  raisons.  » 

irez  la  lettre  de  Richelieu  à  d'Effiat,  20  mai  1625  : 
«  urs  les  ambassadeurs  ne  pénètrent  pas  bien  nos  des- 
sins, car  je  ne  vois  point  d'apparence  à  faire  la  ligue  qu'ils 
nt  [»ar  l'avis  qu'ils  donnent.  Pour  la  défensive,  on  la 
renouvellera  volontiers  si  l'on  veut.  M.ii-*  \<>us  itvti  l>ien  ce 
s  ai  mandé  de  l'offensive,  ce  que  je  vous  confirme 
encore,  nul  de  nous  n'estimant  que  nous  le  devons  faire.  J'ai 
parlé  doucement  à  Goring  sur  ce  sujet,  lui  disant  qu'on  ne  pren- 
drait aucune  résolution  définitive  sur  ce  sujet  qu'à  votre  retour. 
Mais  cependant  que  je  prévoyois  beaucoup  de  difficultés  en 


86  MÉMOIRES  [1625] 

Que  trois  sortes  d'intérêts  doivent  joindre  et  pous- 
ser ceux  qui  pensoient  à  rétablir  le  Palatin  ; 

Que  le  premier  étoit  de  ceux  qui  perdent  leurs 
États,  et  sont  intéressés  en  cette  affaire  pour  intérêt 
utile  ; 

Le  second  étoit  de  ceux  à  qui  c'est  honte  de  souf- 
frir l'injure  qui  est  faite  au  prince  dépouillé,  qui  sont 
intéressés  en  son  rétablissement  par  intérêt  d'hon- 
neur; 

Le  troisième  étoit  un  intérêt  plus  général,  qui  est 
de  tous  ceux  qui  doivent  désirer  que  les  affaires  de  la 
chrétienté  soient  en  balance,  une  puissance  n'étant 
pas  si  grande  qu'elle  puisse  engloutir  les  autres,  et 
cet  intérêt  est  d'État  et  concerne  tous  les  princes. 

Que  le  roi  d'Angleterre  se  devoit  porter  en  cette 
affaire,  pour  la  considération  de  ces  trois  intérêts  '  : 

Par  celle  du  premier,  puisque  c'étoit  son  frère,  qui 
étoit  un  autre  soi-même,  qui  étoit  dépouillé  ; 

Par  celle  du  second,  puisqu'à  proprement  parler  il 

cette  affaire  qui  peut-être  ne  se  trouveroit  pas  utile  pour  les 
uns  et  pour  les  autres,  pour  beaucoup  de  raisons  que  je  vous 
dirai  au  long.  L'intérêt  qui  fait  désirer  à  l'Angleterre  cette 
ligue  est  l'affaire  du  Palatinat,  sur  laquelle  il  pourra  bien  être 
qu'ils  obtiendront  quelque  continuation  de  payement  de  Mans- 
feld,  outre  les  sept  mois  arrêtés;  si  cela  arrive,  ils  auroient 
tout  l'avantage  qu'ils  peuvent  espérer  d'une  ligue,  et  nous  ne 
serions  point  au  hasard  les  uns  et  les  autres  de  recevoir  le  mal 
qui  nous  en  peut  arriver  par  une  contre-ligue,  que  le  Pape, 
l'Espagne  et  plusieurs  autres  princes,  sous  prétexte  de  religion, 
feroient  ensemble.  En  ce  cas,  ils  nous  feroient  passer  à  Rome 
et  partout  pour  hérétiques,  ce  que  nous  voulons  et  devons  évi- 
ter »  (Aff.  étr.,  Angleterre  33,  fol.  147). 

1.  Sancy  a  corrigé  dans  les  trois  alinéas  qui  précèdent  les 
verbes  demeurés  au  présent  dans  le  manuscrit  B. 


[1625]  •       DE  RICHELIEU.  87 

ne  touchoit  que  lui,  en  tant  qu'il  «toit  le  seul  proche 
du  Palatin  dépouillé  qui  eût  puissance  de  le 
remettre; 

lai  celle  du  troisième,  puisqu'il  étoit  commun  à 
t«>us  les  princes;  que  la  France  n'y  avoit  que  ce  der- 
nier intérêt  d'État,  et  étoit  par  conséquent  moins 
obligée  à  y  contribuer  que  l'Angleterre. 

De  plus,  on  lui  représenta  que  ladite  ligue  seroit 
préjudiciable  aux  deux  couronnes,  parce  que  de  là  on 
donnerait  lieu  à  tous  les  princes  catholiques  d'Alle- 
in la n-  de  s'unir  avec  le  roi  d'Espagne,  et  faire  une 
ligne  catholique,  qui,  sous  prétexte  de  procurer  l'avan- 

f  de  la  religion,  n'aurait  autre  effet  que  la  grandeur 
d'BapagM  I  la  ruine  de  la  chrétien!    : 

nue1  l'on  n'espérait  point  la  paix  avec  l'Espagne2, 
m  lis  qu'il  n'etoit  pas  raisonnable  de  s'engager  à  ne  la 
taire  pas. 

De  la  il  descendit  a  des  propositions  plus  douces  en 
apparence,  disant  qu'il  ne  vouloit  plus  parler  du  nom 
df  ligne,  mais  désiroit  qu'il  se  passât  quelque  chose 
entre  lei  deux  couronnes  qui  eût  le  même  effet; 

Qu'il  sembloit  au  moins  raisonnable  de  joindre 
l'affaire  du  Palatinat  avec  celles  de  la  Valteline  et  de 
Gènes,  en  sorte  que  l'on  ne  terminât  point  l'une  par 
accord,  que  par  la  même  voie  on  n'eût  satisfaction 
pour  les  autres. 

On  lui  dit  franchement  que  ces  propositions  ne 
pouvoi. -ut   être  reçues;  que  retrancher  le    nom  de 

ne  et  en  retenir  la  substance  ne  remédioit  pas  aux 

1.  Ici  reprend  l'emprunt  à  la  relation  du  volume  Angle- 

2.  Ces  trois  derniers  mots  manquent  dans  Angleterre  33. 


88  MÉMOIRES  [1625] 

inconvénients  susdits,  vu  que  les  noms  ne  changent 
point  la  nature  des  choses  ; 

Qu'au  reste,  il  n'étoit  pas  raisonnable  de  joindre  les 
affaires  d'Allemagne  avec  celles  d'Italie,  puisque  les 
unes  étoient  quasi  finies  et  que  les  autres  étoient 
encore  à  commencer,  et  que  le  Roi  ne  le  pouvoit  faire, 
vu  qu'es  affaires  d'Italie,  il  avoit  Venise  et  Savoie  pour 
collègues,  qui,  s'étant  unis  à  lui  par  intérêt  qu'ils  y 
avoient,  ne  voudroient  pas  faire  le  même  pour  le 
Palatinat  où  ils  n'en  ont  point. 

Après  cela,  il  proposoit  de  faire  la  paix  avec  les 
huguenots,  pour  faire  plus  fortement  la  guerre  à 
l'Espagne. 

On  lui  représenta  que  le  Roi  désiroit  passionnément 
le  repos  de  son  royaume,  mais  que  l'intérêt  du  roi 
son  maître  le  devoit  empêcher  d'en  parler,  nul  prince 
ne  devant  assister,  même  de  paroles,  les  sujets  rebelles 
d'un  autre  ; 

Que  si  cette  maxime  générale  étoit  vraie,  moins 
devroit-on  aider  les  huguenots,  pour  le  genre  parti- 
culier de  leur  rébellion,  faite  en  une  occasion  où  ils 
dévoient  épandre  jusqu'à  la  dernière  goutte  de  leur 
sang,  puisqu'il  s'agissoit  non  seulement  de  l'abaisse- 
ment des  étrangers,  qui  sont  particulièrement  leurs 
ennemis,  mais  en  outre  de  rendre  la  liberté  à  nos  con- 
fédérés, qui  sont  particulièrement  leurs  amis  communs, 
professant  une  même  créance4. 

Il  reçut  fort  bien  ces  raisons  et  n'insista  pas  davan- 
tage2. Mais,  pour  nous  porter  à  ce  qu'il  désiroit,  plus 

1.  Angleterre  33  :  «  qui  sont  particulièrement  de  leurs  amis 
comme  professant  une  même  créance  ». 

2.  Angleterre  33  :  «  pas  davantage  ouvertement  ».  C'est  à 


[If..  DE  RICHELIEU.  89 

par  intérêt  que  par  persuasion,  il  fit  entendre  que, 
la  Fiance  n'agréant  pas  ces  propositions,  le  roi  son 
maître  seroit  contraint  de  rechercher  l'amitié  d'Es- 

gM  »  I  procurer  la  restitution  du  l'alatinat  par  traité; 
m  lieu  qu'au  contraire  si  on  y  condescendoit,  il  enver- 
rait la  Botte  qu'il  avoit  préparée  de  cent  voiles  des- 
cendre en  Espagne,   brûler  tous   les   vaisseaux  qui 

oienl  dans  les  ports,  se  saisir  de  Cadix,  faire  des- 

ulre  une  armée  de  15,000  Anglois  en  Flandres, 
pourvu  qu'il  plût  au  Roi  y  joindre  6,000  chevaux; 
que  cette  armée,  jointe  à  celle  de  Mansfeld,  con- 
querroit  l'Artois;  qu'il  consentoit  que  le  Roi  le  prit 
pour  lui,  etc. 

A  cela  on  répondit  que  c'étoit  à  eux  de  considérer 
si  le  bien  de  leurs  affaires  requéroit  qu'ils  envoyassent 
leur  flotte  en  Espagne,  et  lissent  descendre  une  armée 
.h  Flandres;  que  le  Roi  leur  conseilloit  de  bien  penser, 
devant  que  l'entreprendre,  si  par  ce  moyen  ils  pour- 
raient ravoir  le  Palatinat;  que,  s'ils  pouvoient  faire 
le  même  effet  par  traité,  il  leur  conseilloit  de 
prendre  cette  dernière  voie,  préférable  à  toute 
mitre; 

Que,  pour  l'offre  qu'ils  lui  faisoient  de  la  conquête 

cette  seconde  phase  des  négociations  que  se  rapporte  1'  «  Avis  » 
du  Cardinal  déjà  cité  :  a  Sur  ce  que  M.  de  Ruckingham  a  fait 
entendre  ta  K<>i  que  le  roi  de  la  Grande-Bretagne,  son  frère, 
de  remettre  le  Prince  Palatin  en  Allemagne,  a  proposé 
a  cette  fin  un  armement  de  cent  voiles,  Leqsd  il  test  envoyer 
I  IBlgTMl  prendre  les  ports,  brûler  les  vaisseaux,  après  s'en 
être  premièrement  servi  à  traiter  une  armée  de  quinze  mille 
hommes  en  Flandres  pour  secourir  Bréda,  pour  de  là  entrer 
au  l'al.itinat  ou  faire  autre  action  convenable  à  la  restitution 
•1  h  .lui.  » 


90  MÉMOIRES  [1625] 

d'Artois,  il  les  pouvoit  assurer  qu'au  mariage  qui 
s'étoit  fait,  il  n'avoit  désiré  faire  autre  acquêt  que  l'al- 
liance et  l'amitié  du  roi  son  frère;  qu'il  n'avoit  pas 
pris  les  armes  en  Italie  et  aux  Grisons  pour  y  faire 
aucune  conquête,  mais  seulement  pour  délivrer  ses 
alliés  de  l'oppression  et  leur  rendre  la  liberté;  mais 
que  si  le  roi  son  frère,  après  avoir  tenté  les  voies  de 
douceur,  ne  pouvoit  ravoir  le  Palatinat,  S.  M.,  qui 
àffectionnoit  ses  intérêts  comme  les  siens  propres,  ver- 
roit  quelle  aide  elle  lui  pourroit  donner. 

Ce  fut  sur  ce  point  que  S.  M.,  par  une  ferme  et 
et  forte  délibération  avec  son  Conseil,  eut  à  prendre 
une  résolution  définitive  pour  ce  qui  est  du  bien  de  la 
chrétienté.  Il  y  eut  diversité  d'opinions;  les  uns 
furent  d'avis  qu'il  falloit  refuser  toutes  les  offres  des 
Anglois,  de  peur  qu'ils  n'empêchassent  la  paix  qu'on 
vouloit  faire  avec  Espagne  et  n'embarquassent  le  Roi 
à  la  guerre.  Ils  alléguoient  que  la  dépense  de  la  cavale- 
rie seroit  très  grande,  que  le  Roi  en  faisoit  déjà  beau- 
coup sans  s'engager  davantage,  et  plusieurs  autres 
considérations.  En  ces  pensées,  ils  passèrent  jusques  à 
ce  point  de  croire  qu'il  valoit  mieux  que  les  Anglois 
s'en  allassent  mécontents  que  de  leur  laisser  aucune 
espérance. 

Le  Cardinal,  désirant  la  paix  autant  qu'eux,  ne 
put  néanmoins  être  de  leur  avis,  et  n'estimoit  pas 
que  la  voie  qu'ils  prenoient  fût  propre  à  mener  à  une 
telle  fin;  ains  au  contraire,  le  Roi  lui  commandant 
de  proposer  ses  raisons,  il  dit  *  qu'en  cette  affaire  il  y 

1.  Comparez  le  passage  correspondant  de  la  relation  Angle- 
terre 33  :  «  Je  confesse  que,  désirant  la  paix  autant  qu'eux,  je 


[1625]  DE  RICHELIEU.  91 

avoit  troifl  choses  à  désirer  et  une  principale  à  éviter; 

Que  les  trois  qu'on  devoit  désirer  étoient  de  demeu- 
ivr  en  bonne  intelligence  avec  les  Anglois,  de  les 
embarquer  à  la  guerre  avec  les  Espagnols,  et  conser- 
ver en  pleine  liberté  de  faire  la  paix  entre  nous  et  les- 
dits  Espagnols1  ; 

Que  la  première  étoit  nécessaire2,  parce  qu'en  vain 
aurions-nous  contracté  alliance  entre  la  France  et 
l'Angleterre,  si  ces  deux  couronnes  ne  demeuroient 
en  «tat  d'en  tirer  quelque  profit  mutuel;  que  si  nous 
nous  séparions  mal,  on  nous  accuseroit  d'une  légèreté 
bien  inconsidérée,  de  laquelle  nous  pourrions  bien 
nous  ressentir  les  premiers,  en  ce  qu'il  leur  étoit  aisé 
ster  les  huguenots,  dont  le  Roi  vouloit  châtier  la 
rébellion,  et  qu'il  étoit  croyable  qu'ils  le  feroient,  au 
moins  sous  main,  lorsque,  n'ayant  rien  à  espérer  de 
nous,  ils  penseroient  ne  gagner  pas  peu  en  nous  lais- 
sant cette  épine  au  pied. 

ne  pus  néanmoins  être  de  leur  avis  et  n'estimai  pas  que  la  voie 
qu'ils  prenoient  fût  propre  à  mener  à  une  telle  fin.  Ainsi,  au 
contraire,  le  Roi  me  commandant  de  proposer  mes  raisons,  je 
dis...  » 

1.  Comparez  la  note  suivante,  qui  figurait  au  bas  de  1'  «  Avis 
sur  les  propositions  de  M.  le  duc  de  Buekingham  »  et  a  été 
biffée  :  «  Et  à  mon  avis  qu'en  ce  point  la  vraie  prudence  et 
toutes  sortes  de  raisons  doivent  porter  le  Roi  à  faire  la  paix 
entre  lui  et  1  Kspagne  pour  ce  qui  est  de  l'Italie,  et  laisser  la 
guerre  entre  les  protestants  d'Allemagne  et  les  Anglois  joints 

utile  avec  l'Espagne,  ce  qui  montre  bien  que  par  raison 
;  il  faut  demeurer  avec  les  Allemands  et  Anglois  une  liai- 
son suffisante  à  les  engager  à  la  guerre  sans  se  déclarer  ici 
■eue.  » 

2.  Angleterre  33  :  «  Je  représenterai  que  nous  devons  dési- 
rer la  première,  parce  qu'en  vain...  » 


92  MÉMOIRES  [1625] 

La  seconde,  parce  que,  si  nous  avions  la  guerre  avec 
Espagne,  celle  qu'y  auroient  les  Anglois  empêcheroit 
que  nous  aurions  l'effort  de  toute  leur  puissance  sur 
les  bras,  et  les  contraindroit  de  diviser  leurs  forces 
déjà  occupées  en  divers  lieux. 

Si  aussi  nous  faisions  la  paix  avec,  eux,  la  même 
chose  nous  étoit  nécessaire,  afin  que  l'occupation  qu'ils 
auroient  ailleurs  les  obligeât  à  garder  les  conditions 
qu'ils  auroient  arrêtées  avec  nous;  ce  qu'autrement  ils 
ne  feroient  pas. 

La  troisième,  parce  que  rien  ne  devoit  nous  empê- 
cher de  retirer,  par  une  paix  honorable  et  glorieuse,  le 
fruit  des  armes  du  Roi  qui,  jusques  alors,  avoient  été 
victorieuses  en  Italie;  ce  qui  faisoit  qu'on  n'eût  pu 
prendre  un  temps  plus  commode  de  se  retirer  sur  son 
avantage,  vu  principalement  que  la  Valteline,  qui  étoit 
le  sujet  du  différend,  étoit  reconquise. 

Il  ajouta1  que  celle  qu'il  falloit  éviter  étoit  d'entrer 
ouvertement  en  cause  pour  raison  des  affaires  d'Alle- 
magne, parce  que,  si  on  faisoit  autrement,  il  seroit  à 
craindre  que  cela  empêchât  qu'on  ne  pût  faire  la  paix 
pour  l'Italie  séparément  ; 

Qu'on  romproit  tout  à  fait  avec  la  ligue  catholique 
d'Allemagne,  avec  laquelle  (bien  qu'il  fût  bien  difficile 
de  demeurer  en  bonne  intelligence  en  assistant  sous 
main  l'Angleterre  contre  eux),  si  est-ce  toutefois  qu'en 
ne  faisant  pas  davantage  on  ne  seroit  pas  hors  d'état 
de  réconciliation,  ni  privé  du  moyen  de  se  rendre 
arbitre  amiable  de  leur  différend. 

1.  Angleterre  33  :  «  j'ajoutai  ». 


DE  RICHELIEU.  93 

Sur  ces  considérations,  il  conclut  que  S.  M.  ne 
<1<  \<>it  faire  aucune  difficulté  de  s'engager  à  la  conti- 
nuation du  paiement  de  Mansfeld  pour  autant  de  temps 
qu'elle  avoit  déjà  promis1; 

Qu'elle  devoit  assurer  aussi  l'exécution  du  traité 
secret  lait  pour  l'entretien  de  l'armée  de  Danemarck 
en  Allemagne2; 

Qu'elle  pouvoit  davantage  accorder  une  levée  de 

valerie  de  2,000  chevaux,  et  suffisante  à  l'effet 
désiré  des  Anglois,  et  qu'il  n'en  pouvoit  arriver  aucun 
iixoiiN. nient,  pourvu  que  l'embarquement  s'en  fit  à 
Dieppe  <t  non  en  Picardie,  de  peur  que  la  proximité 
de  la  Iront ière  ne  donnât  lieu  aux  Anglois  d'entrer  en 
Artois  par  la  France,  et  que  la  levée  ni  l'entretien  de 
troupes  ne  se  fit  aux  dépens  du  Roi,  ce  que  les 
An-lois  consentiroient  indubitablement,  .vu  qu'il   ne 

1.  Comparez  la  lettre  de  Richelieu  à  Klliat,  30  mai  1625  : 
«  Je  vous  dis  encore  avec  ma  franchise  qu'il  y  a  tant  de  raisons 
pour  ne  faire  pas  la  ligue,  raisons  importantes  autant  à  l'An- 
gleterre comme  à  la  France,  que  si  le  Roi  la  faisoit  il  témoigne- 
r<>it  n'aimer  pas  le  roi  comme  il  fait.  Je  vous  dis  plus  qui  est 
<|u-  .  si  le  roi  d'Angleterre  ne  veut  point  employer  sa  flotte,  la 
continuation  du  paiement  de  Mansfeld  est  inutile,  mais  le  Roi 
l'affectionne  tellement  que,  s'il  se  sert  de  sa  flotte,  il  reconnoîl 
qu'une  diversion  puissante  lui  est  nécessaire.  Et  partant  je 
juge  comme  de  moi  que  le  Roi  lui  accordera  une  continuation 
du  |>ai<m>nt  de  Mansfeld  pour  quelque  temps.  Voilà  à  quoi 
aboutira  l'affaire,  vous  assurant  que  la  ligue  ne  se  fera  point 
et  ne  se  peut  faire  »  (Aff.  étr.,  Angleterre  33,  fol.  153). 

2.  Aux  termes  d'un  traité  conclu  en  avril  1625  avec  l'envoyé 
de  l'électeur  de  Brandebourg,  Belin,  le  roi  de  France  s'enga- 
geait à  payer  aux  rois  de  Suède  et  de  Danemark  une  somme  de 
un  million  de  livres  en  deux  ans. 


94  MÉMOIRES  [1625] 

seroit  pas  juste  de  leur  donner  ce  secours  autrement 
qu'ils  nous  prêtent  leurs  vaisseaux,  savoir  est  aux  frais 
de  ceux  qui  les  emploient1. 

Il  dit  que,  par  ce  moyen,  nous  demeurerions  en  par- 
faite intelligence  avec  les  Anglois,  nous  les  embarque- 
rions à  la  guerre,  puisqu'ils  ne  pouvoient  recevoir 
notre  assistance  qu'à  cette  condition,  et  que  nous  nous 
réserverions  le  pouvoir  de  faire  la  paix  en  Italie,  puisque 
nous  ne  nous  obligerions  point  envers  eux  à  ne  la  faire 
pas,  et  qu'en  effet  nous  ne  faisions  rien  qui  dût  empê- 
cher l'Espagne  de  traiter  avec  nous  pour  ce  qui  est  de 
l'Italie,  vu  que  les  affaires  le  requéroient,  et  qu'ils  ne 
dévoient  pas  trouver  étrange  si,  lorsque  nous  étions 
mal  avec  eux,  nous  nous  étions  engagés  à  ce  que  des- 
sus, puisque  ce  n'étoit  qu'un  échange  du  secours  que 
nous  avions  reçu  des  vaisseaux  anglois  contre  nos 
rebelles2. 

Il  dit  davantage,  en  rebattant  ce  qu'il  avoit  déjà 

1.  Le  paragraphe  qui  précède  et  les  deux  suivants  sont  ins- 
pirés de  1'  «  Avis  sur  les  propositions  de  M.  le  duc  de  Buckin- 
gham  »  :  «  Quant  à  la  dépense  on  l'évitera  avec  raison,  n'étant 
pas  juste  qu'on  leur  prête  ce  secours  autrement  qu'ils  nous 
prêtent  les  vaisseaux,  savoir  est  aux  frais  de  ceux  qui  les 
emploient.  La  descente  de  l'armée  angloise  ne  se  pourra  faire 
par  la  France  si  on  stipule  particulièrement  que  les  Anglois 
embarqueront  la  cavalerie  qu'on  leur  prête  à  Dieppe,  ce  qui  se 
fera  insensiblement  sous  le  prétexte  que  la  cavalerie  a  été  levée 
en  Normandie  et  que  le  pays  a  été  ruiné  par  le  premier  embar- 
quement fait  en  Picardie.  » 

2.  Au  reste,  concédant  ce  secours  demandé,  comparez 
1'  «  Avis  »  :  a  Tandis  que  nous  sommes  mal  avec  Espagne,  pour  ce 
qui  est  de  l'Italie,  s'il  arrive  qu'on  fasse  la  paix,  on  leur  fera  con- 
noitre  qu'on  ne  peut  manquer  d'effectuer  ce  que  l'on  a  promis  qui 


[1625]  DE  RICHELIEU.  95 

taché1,  <jue  si,  au  commencement  de  notre  alliance, 
lu  Valois  ne  pouvoient  espérer  le  secours  qu'ils 
désiroient  de  nous2,  la  France  ne  devoit  jamais  attendre 
non  fruit  de  ce  mariage,  et  que,  si  on  laissoit  ralen- 
tir l'ardeur  qu'ils  a  voient  à  la  guerre,  dans  le  com- 
Beneement  du  règne  de  ce  roi,  où  d'ordinaire  on  se 
veut  signaler,  et  dans  l'occasion  du  Palatinat,  où  il 
alloit  de  l'intérêt  de  tout  le  bien  de  son  beau-frère, 
jamais  on  ne  pourroit  les  y  échauffer  en  autre  occa- 
sion; étant  clair  qu'en  certains  temps  on  fait  beaucoup 
ptor  peu  de  chose,  et  lorsqu'ils  sont  passés  on  n'y 
[«■ut  plus  revenir,  quoiqu'on  veuille  y  travailler  et 
dépendre  beaucoup  davantage3. 

n'est  que  pour  un  temps;  on  justifiera  davantage  qu'on  l'a  dû 
faire,  parce  que  ce  n'est  qu'un  échange  du  secours  qu'ils  nous 
ont  donné  des  vaisseaux.  » 

1      \ngleterre  33  :  «  Je  dis  davantage  en  rebattant  ce  que 
j'avois  déjà  touché...  » 

•  mparez  1'  «  Avis  »  :  «  En  quelque  façon  que  ce  soit,  il 
faut  les  contenter,  car  si,  au  commencement  de  notre  alliance, 
les  Anglois  ne  peuvent  espérer  le  secours  qu'ils  désirent  de 
nous,  il  faut  jamais  attendre  aucun  fruit  de  ce  mariage  avanta- 
geux pour  la  France,  et  si  on  laisse  ralentir  l'ardeur  qu'ils  ont 
à  la  guerre  dans  le  commencement  du  règne  de  ce  roi,  où 
(l>rdinaire  on  se  veut  signaler,  et  dans  l'occasion  du  Palatinat, 
où  il  va  de  l'intérêt  de  tout  le  bien  de  son  beau-frère,  jamais 
on  ne  pourra  les  y  échauffer  en  autre  occasion,  mais  cepen- 
dant aux  conditions  les  moins  onéreuses  qu'il  se  pourra.  » 

3.  Le  manuscrit  B  portait  tout  d'abord  :  «  quoiqu'on  y  veuille 
faire  beaucoup  davantage  ».  L'  «  Avis  sur  les  propositions  du 
duc  de  Buckingliam  »  avait  exprimé  la  même  pensée  :  «  Etant 
:  un  qu'il  y  a  des  temps  où  pour  peu  de  chose  on  fait  beau- 
coup. Itiqiili  étant  passés  on  n'y  peut  plus  revenir,  quoiqu'on 
veuille  faire  beaucoup  davantage  »  (AfT.  étr.,  Angleterre  33, 
fol.  222).  Le  mot  «  dépendre  »,  qui  manque  à  la  fois  dans  la 


96  MÉMOIRES  [1625] 

Il  représenta,  de  plus,  qu'étant  incertain  si  nous 
aurions  la  paix  avec  l'Espagne,  puisque  le  légat  ne 
faisoit  nulle  ouverture1  par  laquelle  on  vît  qu'elle  se 
pût  faire,  quoiqu'on  lui  eût  fait  témoigner  par  voie 
secrète,  mais  suffisamment  autorisée  pour  qu'il  y  ajou- 
tât foi,  qu'en  considération  du  Pape  et  du  bien  de  la 
chrétienté  on  s'y  porteroit,  pour  après  embrasser  des 
desseins  très  avantageux  à  la  religion  catholique. 

Et  le  sieur  de  Béthune  nous  ayant  donné  avis2  de 
l'incertitude  et  du  changement  qui  arrivoit  souvent  es 
résolutions  de  S.  S.,  par  les  divers  artifices  et  intimi- 
dations des  partisans  d'Espagne  ; 

Nul  ne  pouvant  douter  encore  de  l'humeur  des 
Espagnols,  dont  la  principale  maxime  et  prudence 
consiste  à  attendre  leur  temps  et  ne  le  perdre  pas; 
n'ayant  autre  foi  que  celle  à  laquelle  la  nécessité  de 
leurs  affaires  les  oblige,  et  n'étant  jamais  portés  à  la 
raison  que  par  contraire3  ; 

L'expérience   faisant,    de    plus,    connoître    qu'en 

relation  et  le  manuscrit  A,  a  été  ajouté  en  cours  de  révision  du 
manuscrit  B.  —  Var.  :  quoiqu'on  y  travaille  et  dépende  beaucoup 
davantage  (ms.  Français  17542). 

1.  Angleterre  33  :  «  Je  représentai  en  plus  qu'étant  incertain 
si  nous  aurions  la  paix  avec  Espagne,  en  ce  que  le  légat  ne  faisoit 
nulle  ouverture...  ».  Sancy  a  corrigé  le  manuscrit  A,  rempla- 
çant «  en  ce  »  par  «  puis  ». 

2.  Angleterre  33  :  «  qu'étant  davantage  averti  par  le  sieur 
de  Béthune  ».  La  correction  a  été  faite  sur  le  manuscrit  A,  ' 
également  par  Sancy. 

3.  En  regard  de  ce  paragraphe  figure,  dans  la  relation  ori- 
ginale, une  note  marginale  de  Charpentier  :  «  Témoin  le  traité 
de  Madrid  et  de  Verceil,  sans  remonter  plus  haut  dans  l'his- 
toire. » 


[1625]  DE  RICHELIEU.  97 

matière  <le  ligue  on  doit  être  grandement  soigneux 
.lot.  r  tout  sujet  d'appréhension*  aux  collègues  les 
plus  (bibles2,  d'autant  que,  quand  elle  les  surprend, 
ils  se  portent  facilement  à  y  chercher  remède  par  des 
crets,  il  n'y  avoit  personne  qui,  avec  juge- 
nu  'nt,  pût  être  assez  hardi  pour  donner  conseil  au  Roi 
de  se  séparer  des  Anglois,  en  sorte  que,  n'espérant 
■H  de  lui  ce  qu'ils  en  pourroient  désirer  pour  le  Pala- 
tinat,  ils  eussent  lieu  d'entrer  en  quelque  traité  avec 
l'Espagne,  ou  au  inoins  ils  se  déportassent  à  la  vue  de 
tout  le  inonde  d'entreprendre  contre  elle3.  D'où  il  arri- 
veroit  indubitablement  que  la  paix  entre  nous  et  elle* 
seroit  impossible,  ou  au  moins  plus  difficile;  que  nos 
« imt'ini.s  prendroient  courage  et  ne  perdroient  pas 
leur  temps,  et  que  nos  collègues  se  dégoûteroient  et 
nous  s« roient  peu  assurés. 

M.  ri»  ut  pas  plutôt  entendu  cet  avis  qu'elle  n'es- 
timât qu'il  le  falloit  suivre,  et  qu'en  cette  conjoncture 
li  mue  prudence  et  toutes  sortes  de  raisons  la  dévoient 
porter  i  taire  la  paix  entre  lui  et  Espagne  pour 
H  <|ui  est  de  l'Italie,  et  laisser  la  guerre  d'Alle- 
e  entre  la  maison  d'Autriche,  ses  partisans  et 
les  Anglois. 

Partant,  elle  commanda  de  rendre  cette  réponse 
au  due  de  Buckingham,  que  par  après  elle  continua 
de  sa  bouche;  le  priant  de  faire  en  sorte,  envers  le 

!     \ngleterre  33  :  «  toute  apparence  de  crainte  ». 
2.  La  relation  porte  également,  en  ce  point,  une  note  de 
Charpentier  :  «  On  a  avis  que  Venise  branle.  » 

wigleterre  33  :  ■  d'entreprendre  rien  contre  eux  ». 
4.  Angleterre  33  :  «  la  paix  entre  nous  et  Espagne  ». 
V  7 


98  MÉMOIRES  [1625] 

roi  son  frère1,  qu'il  n'acceptât  point  le  secours  qu'il 
lui  offroit,  s'il  n'étoit  résolu  de  faire  quelque  grand 
effort  capable  de  produire  l'effet  qu'il  désiroit  pour  la 
restitution  du  Palatinat,  et  qu'il  lui  donnât  parole  qu'il 
ne  se  feroit  rien  en  Allemagne,  soit  en  paix,  soit  en 
guerre,  sans  son  consentement2. 

Il  arriva  aussi  un  ambassadeur  extraordinaire  de 
Hollande3  pour  la  même  fin;  mais  le  Roi,  pour  les 
mêmes  raisons  d'État,  n'y  put  condescendre. 

Buckingham,  qui  étoit  venu  sous  le  prétexte  de 
hâter  le  partement  de  la  reine  d'Angleterre,  le  solli- 
cita avec  tant  de  soin  qu'elle  partit  de  Paris  le  2e  jour 
de  juin4  pour  aller  s'embarquer  à  Boulogne,  où  les 
vaisseaux  du  roi  d'Angleterre  la  vinrent  recevoir. 

1.  Var.  :  auprès  du  roi  son  frère  (ms.  Français  17542). 

2.  Ici  prend  fin  l'emprunt  à  la  relation,  dont  la  conclusion  est 
reproduite  sans  modification.  Comparez  la  phrase  finale  de 
1'  «  Avis  »  :  «  Moyennant  tout  ce  que  dessus,  sera  arrêté  qu'en 
Allemagne  il  ne  se  fera  rien  soit  en  paix,  soit  en  guerre,  sans  le 
consentement  du  Roi.  »  Parmi  les  pamphlets  composés  en 
faveur  de  la  ligue,  voyez  «  la  Ligue  nécessaire  contre  les  per- 
turbateurs du  repos  de  l'Estat  ».  Ce  libelle  fut  rédigé  après  le 
départ  de  Buckingham,  car  il  y  est  fait  allusion  aux  échecs 
subis  en  Piémont  par  Lesdiguières. 

3.  François  d'Aerssen,  seigneur  de  Sommelsdyk,  fils  de  Cor- 
neille d'Aerssen,  naquit  à  Bruxelles  en  1572;  après  avoir  étu- 
dié à  Louvain  et  à  Leyde,  il  fit  partie  de  la  suite  de  du  Plessis- 
Mornay  (1594-1596);  agent  des  Provinces-Unies  auprès  du  roi 
de  France  de  1598  à  1613;  chargé  d'une  mission  à  Venise  en 
1620  et  en  Angleterre  en  1624;  mort  le  27  décembre  1641.  Sur 
sa  mission  à  Paris  en  novembre  1624,  voyez  plus  loin. 

4.  Les  manuscrits  A  et  B  portent  par  erreur  le  «  onzième 
jour  de  juin  ».  Sur  le  voyage  de  la  Reine,  voyez  Louis  Batiflbl, 
la  Duchesse  de  Chevreuse ,  p.  59-64. 


DE  RICHELIEU.  99 

Le  Roi  l'accompagna  jusques  à  Compiègne,  les 
Urines  jusques  à  Amiens1,  et  Monsieur2  jusques  à 
Boaltgae.  Par  ordre  du  Roi,  on  lui  fit  des  entrées 
superbes  par  toutes  les  villes  où  elle  passa,  et  elle 
donna  liberté  aux  prisonniers. 

Le  Cardinal,  qui  jugea  que  cette  princesse,  qui 
alloit  en  un  pays  étranger  et  de  religion  différente  à 
la  sienne,  avoit  besoin  de  bons  et  sages  conseils  pour 
se  savoir  conduire  parmi  les  périls  dont  elle  seroit 
environnée,  et  qu'il  étoit  bien  besoin  que  ces  salu- 
t.iin  s  avis  lui  fussent  donnés  par  une  personne  le 

1  Marie  de  Médicis  se  sépara  d'Henriette  de  France  le  16  juin 
1625  à  Amiens;  le  17  juin,  Buckingham  et  Holland  revinrent  à 
l'improi  iste  dans  cette  ville,  afin  de  soumettre  à  la  Reine  mère 
les  propositions  du  duc  de  Savoie,  qui  demandait  la  participa- 
tion de  vaisseaux  anglais  à  l'expédition  de  Gênes...  Lettre  de 
Marie  de  Médicis  à  Louis  XIII,  Amiens,  17  juin  1625  (Bibl.  nat., 
ms.  Français  3708,  fol.  69).  Richelieu  écrivait,  le  19  juin,  à  la 
Reine  mère  :  «  Le  Roi,  dépêchant  à  V.  M.  pour  l'affaire  de 
M.  le  comte  de  Schônberg,  j'ai  cru  qu'elle  n'aura  désagréable 
que  je  lui  envoie  Marsillac  sur  le  même  sujet  et  pour  l'assurer 
-races  à  Dieu,  la  santé  de  S.  M.  ne  fut  jamais  meilleure 
qu'elle  est  maintenant,  très  aise  que  V.  M.  ne  passe  point  outre 
en  son  voyage  qui  n'eût  pu  qu'augmenter  son  indisposition,  de 
laquelle  il  m'a  témoigné  avoir  un  tel  ressentiment  qu'il  n'a  pu 
r  tes  larmes,  étant  venu  jusques  à  ce  point  de  me  dire 
que  s'il  apprend  qu'elle  continue  il  ira  incontinent  en  poste 
r    \.    M  (Bibl.    nat.,    Nouvelles   acquisitions   fran- 

çaises 5121,  fol.  74). 

2.  Voyez  la  correspondance  échangée  au  cours  du  voyage 
.ntr.  |.,,im  Mil  et  Gaston  d'Orléans  (Bibl.  nat.,  ms.  Baluze348, 
I..I.  i  i  1625,  et  Arch.  nat.,  KK  1355,  fol.  93-94).  Un 

mollit  uV  préséance  s'éleva  à  Boulogne  entre  le  duc  de 
t.haulnes  et  M.  d'Aumont  pour  la  réception  d'Henriette  de 
li. h, 


100  MÉMOIRES  [1625] 

respect  de  laquelle  les  lui  fît  graver  dans  le  cœur  et 
les  observer  religieusement,  dressa  une  instruction1 
ample,  pleine  de  piété  et  de  prudence,  qu'il  mit 
entre  les  mains  de  la  Reine  sa  mère  pour  la  lui  donner, 
comme  le  plus  précieux  et  le  dernier  gage  de  son 
amour. 

Cette  instruction  est  si  pleine  d'enseignements  qui 
peuvent  utilement  servir  en  semblables  occasions,  que 
ce  seroit  ravir  un  trésor  au  public  de  ne  la  pas  expo- 
ser à  la  vue  de  tout  le  monde.  C'est  pourquoi  nous  la 
mettrons  à  la  fin  de  ce  volume2.  Elle  fut  donnée  et 
reçue  avec  larmes. 

La  reine  d'Angleterre  l'emporte,  s'embarque  le 
24e  juin3,  arrive  dès  le  soir  à  Douvres,  où  le  roi  d'An- 
gleterre la  vient  trouver  le  lendemain. 

Laissons-les-y  pour  quelque  temps  en  repos  goûter 
les  plaisirs  de  leur  première  entrevue,  mais  en  sorte, 

1.  Cette  instruction  est  formellement  attribuée  au  Père  de 
Bérulle  par  l'auteur  de  sa  Vie  manuscrite,  t.  I,  1.  V,  p.  180, 
conservée  dans  les  papiers  de  l'Oratoire  (Arch.  nat.,  M  232). 
Voyez  aussi  les  mentions  qui  figurent  sur  les  manuscrits  de  la 
Bibl.  nat.,  Dupuy631,  fol.  82,  Cinq-Cents  Colbert2,  fol.  107. 

2.  L'instruction  était  primitivement  insérée  dans  le  corps  du 
récit;  elle  occupe  les  fol.  176  v°-183  du  manuscrit  A.  Une 
note  de  Sancy  indique  qu'elle  doit  être  omise  dans  la  trans- 
cription de  ce  manuscrit;  aussi  ne  figure-t-elle  pas  dans  le 
manuscrit  B.  Nous  en  donnons  le  texte  à  l'appendice  I  du  pré- 
sent volume. 

3.  Le  22  juin,  d'après  les  documents  contemporains.  Voyez 
L.  Batiffol,  la  Duchesse  de  Chevreuse,  p.  67,  et  une  lettre 
d'Herbault  à  l'ambassadeur  à  Venise  Aligre,  du  27  juin  1625  : 
«  La  reine  d'Angleterre  passa  dimanche  dernier,  22e  de  ce 
mois,  à  Douvres;  son  passage  fut  en  trois  heures  et  tellement 
heureux  pour  sa  personne  qu'elle  n'y  reçut  aucune  incommo- 
dité ni  indisposition  »  (Bibl.  nat.,  KR  1361,  fol.  385  v«). 


[1625]  DE  RICHELIEU.  101 

toutefois,  que  nous  ayons  toujours  l'œil  tourné  vers 
eux  pour  les  revenir  trouver  ci-après. 

Mi  intenant  retournons  au  légat  et  à  sa  négociation 
si  [importante,  qui  dès  longtemps  nous  appelle,  et], 
comme  un  gouffre,  entraine  notre  discours. 

Incontinent  après  l'arrivée  du  légat  auprès  de  S.  M.1, 
avant  que  d'entrer  en  négociation  avec  lui,  il  lui  fut 
demandé,  de  la  part  du  Roi,  s'il  avoit  pouvoir  valable 
du  roi  d'Espagne  pour  l'accomplissement  de  ce  qui 
seroit  convenu  avec  lui.  Sur  quoi  il  assura  qu'il  seroit 
b'ui)  avoué  de  la  part  d'Espagne  de  ce  qu'il  traiteroit 
avec  S.  M.  D'ailleurs  le  Pape  ayant  donné  parole  sem- 
blable au  sieur  de  Béthune,  son  ambassadeur  à  Rome, 
S.  M.  ne  voulut  différer  de  se  faire,  traiter  avec  ledit 
[>om  témeigner  la  particulière  confiance  qu'elle 
prenoit  en  la  parole  de  S.  S.  et  en  la  sienne,  et  pour 

1.  Les  Mémoires  reproduisent  jusqu'à  la  page  118  la  «  Rela- 
tion sommaire  de  ce  qui  s'est  passé  en  la  négociation  de  M.  le 
cardinal  Barberin,  légat  en  France  »,  envoyée  aux  ambassa- 
le  4  octobre  1625  (Aff.  étr.,  Rome  37,  fol.  262-266).  Ave- 
nel  a  publié,  t.  II,  p.  142-145,  un  fragment  de  cette  relation, 
dont  le  mémoire  intitulé  «  Négociation  du  cardinal  Barberin  » 
nu  ntionne  l'envoi  :  «  L'on  dépécha  divers  courriers  à  tous  les 
ambassadeurs  et  ministres  du  Roi  étant  hors  du  royaume  pour 
leur  donner  avis  de  ce  qui  avoit  été  traité  avec  le  légat  et  des 
causes  pour  lesquelles  le  Roi  n'avoit  entendu  à  ses  proposi- 
tions. Par  toutes  les  dépêches,  l'on  se  louoit  des  bonnes  et  sin- 
cères  intentions   du   légat,  mais  l'on  témoignoit  que  le  Roi 
a\«it  occasion  de  se  plaindre  de  ce  que  le  Pape  avoit  envoyé 
son  neveu  en  France  sans  aucun  pouvoir  que  de  faire  des  pro- 
mis que  S.  M.  ne  pouvoit  avec  raison  juger  recevables  » 
ir.,  Rome  37,  fol.  341  v°).  Ce  document,  d'abord  trans- 
ir le  manuscrit  A  sous  sa  forme  originale,  a  subi  d'assez 
nombreuses  modifications  ;  nous  signalerons  au  fur  et  à  mesure 
les  plus  importantes. 


102  MÉMOIRES  11625] 

montrer  plus  clairement  ses  bonnes  intentions  au  bien 
de  la  paix. 

La  première  proposition  dudit  légat  fut  une  suspen- 
sion d'armes.  S.  M.  ne  la  put  ni  ne  la  dut  recevoir  et 
accepter1,  parce  que  cette  surséance  ne  pouvoit  pro- 
duire aucun  effet  que  de  donner  loisir  aux  adversaires 
d'assembler  leurs  forces  et  de  se  former  contre  celles 
de  S.  M.  et  de  ses  alliés,  joint  qu'il  étoit  nécessaire 
d'avoir  convenu  des  articles  de  la  paix  auparavant  que 
traiter  une  trêve2,  suivant  l'ordre  et  l'usage  accou- 
tumé, et  qu'il  étoit  évident  que  les  conditions  n'en 
seroient  pas  moins  difficiles  à  établir  que  celles  du 
principal  différend,  qui  pouvoit  être  terminé  en  peu 
de  temps,  sur  le  fondement  du  traité  de  Madrid,  y 
ajoutant  ce  qui  seroit  jugé  convenable  pour  la  religion 
catholique. 

La  seconde  proposition  fut  sur  le  sujet  de  la  satis- 
faction du  Pape  pour  ce  qui  s'étoit  passé  en  la  Valte- 
line.  On  lui  dit  que  le  Roi  n'avoit  jamais  consenti3  le 
dépôt  des  forts  qu'à  condition  d'un  temps  limité,  dans 
lequel  S.  S.  devoit  faire  exécuter  le  traité  de  Madrid  ; 
que  les  longues  négociations  qui  s'en  sont  ensuivies, 
sans  venir  à  l'effet  du  rasement  desdits  forts,  les  décla- 

1.  Comparez  Rome  37  :  «  La  première  proposition  dudit 
légat  a  été  la  suspension  d'armes  faite  en  tel  temps  qu'il  a  été 
bien  reconnu  que  S.  M.  n'avoit  pu  ni  dû  la  recevoir  et  accep- 
ter... »  Ce  texte  a  été  corrigé  par  Sancy  sur  le  manuscrit  A. 

2.  Rome  37  :  «  auparavant  que  d'arrêter  une  trêve  ». 

3.  Rome  37  :  i  Quant  à  la  satisfaction  du  Pape  de  ce  qui 
s'étoit  passé  en  la  Valteline,  qui  a  été  le  second  point  proposé 
par  ledit  légat,  l'on  doit  savoir  que  le  Roi  n'a  jamais  con- 
senti... »  La  correction  a  été  faite  également  par  Sancy  sur  le 
manuscrit  A. 


DE  RICHELIEU.  103 

niJOM  faites  au  nom  de  S.  M.  m  l'ape  par  ledit  sieur 
thune,  et  les  divers  partis  par  lui  proposés,  immé- 
diatement avant  la  soulrvation  des  (irisons,  pour  dis- 
poser  S.   S.   d'apporter  |fl  mnede  rlleetif  au  trouble 
«]ui  menaçoit  l'Italie1,  pouvoient  justifier  suffisamment 
t  tout  le  monde  l'action  qui  s'y  étoit  laite8,  joint 
a  iv  l<  respect  rendu  par  le  marquis  de  Cœuvres  à  tout 
( •»•  i|in  sY'toit  couvert  du  nom  de  S.  S.,  bien  que  les 
I  do  Pape  le  fussent  venues  attaquer  jusques  à 
Poschiavo3,    lorsqu'il    ne    pensoit    seulement    qu'à 
pivndre  son  passage  dans  la  Valteline,  sans  toucher 
aux  torts,  pour  se  joindre  aux  Vénitiens,  et  n'être  pas 
réduit    a    nécessité  de  vivres,  les  pouvant  tirer  du 
Bressan4. 

iimoins  la  révérence  de  S.  M.  envers  le  Saint- 
«  toit  si  grande,  qu'elle  offrit  audit  légat  la  satis- 
faction tille,  pour  ce  sujet,  qui  seroit  jugée  convenable 
à  la  dignité  de  S.  S.  et  à  celle  de  S.  M.5. 

1.  La  phrase  suivante  de  la  Relation  a  été  omise  dans  les 

res  :  •  L'entrée  et  descente  des  Espagnols  et  du  régiment 

de  Serbellon  dans  la  Valteline  auparavant  ou  du   moins  en 

même  temps  que  les  Grisons,  assistés  du  marquis  de  Cœuvres, 

y  entrassent.  » 

1    La  fin  de  l'alinéa  ne  figurait  pas  dans  la  Relation;  elle  a 
iterealée  par  Sancy  dans  le  manuscrit  \ 

3.  Le  29  novembre  1624.  Voyez  E.  Rott,  Histoire  de  la  repré- 
sentation diplomatique  de  la  France  auprès  des  cantons  suisses, 
:.  III.  p.  802-803. 

4.  Le  district  de  Brescia. 

5.  Ces  deux  premières  propositions  du  légat  furent  exami- 
nées dans  une  conférence  tenue  à  Paris  le  l,r  juin,  à  laquelle 
participèrent  le  cardinal  de  Richelieu,  Schftnberg  et  Herbault. 
Les  pourparlers  furent  ensuite  suspendus  durant  deux  semaines 
en  raison  du  départ  du    K..i   posr  <À>mpiègne.   Voyez  lettre 


104  MÉMOIRES  [1625] 

La  troisième  fut  pour  le  regard  de  la  sûreté  de  la  reli- 
gion catholique  en  la  Valteline,  comtés  de  Bormio  et 
Chiavenne,  avec  laquelle  il  joignoit  ce  qui  touchoit  la 
souveraineté  desdits  lieux1.  On  lui  répondit  que,  outre 

d'Herbault  à  Béthune,  2  juin  1625  (Bibl.  nat.,  ms.  Fran- 
çais 3702,  fol.  65),  et  surtout  la  «  Négociation  du  cardinal 
Barberin,  légat  en  France  près  du  roi  Louis  XIII  pour  les 
affaires  de  la  Valteline,  1625  »,  due  probablement  à  Ardier 
(Aff.  étr.,  Borne  37,  fol.  271-344). 

1.  Les  négociations  reprirent  à  Fontainebleau,  au  milieu  de 
juin,  en  l'absence  du  Cardinal  ;  finalement  les  propositions  du 
Boi  furent  remises  au  légat  le  10  juillet  («  Négociation  du  car- 
dinal Barberin  »,  fol.  306).  Devant  le  silence  du  légat,  Biche- 
lieu  soumit  au  Boi  une  «  dépêche  qu'on  estime  devoir  faire  en 
diligence  à  M.  de  Béthune,  sans  communiquer  à  M.  le  Légat 
qu'on  écrive  le  contenu  en  icelle  ».  «  Faut  écrire  à  M.  de 
Béthune  l'état  précis  auquel  est  la  négociation  avec  M.  le 
Légat,  qui  ne  veut  point  parler  de  la  restitution  de  la  souverai- 
neté aux  Grisons.  Que  le  Boi  ne  veut  en  aucune  façon  se 
séparer  de  cet  article  pour  sa  réputation,  mais  que  ladite  res- 
titution se  faisant,  l'ancienne  alliance  du  Boi  étant  conservée, 
les  Espagnols  étant  exclus  des  passages  qui  demeureront  tels 
qu'ils  étoient  auparavant,  les  forts  étant  rasés  entre  les  mains 
de  S.  M.,  elle  consentiroit  tout  ce  qui  pourra  contenter  le 
Pape...  M.  le  Légat  ne  fait  difficulté  quelconque  à  la  conserva- 
tion de  l'alliance  du  Boi  comme  elle  étoit,  à  exclure  les  Espa- 
gnols du  passage;  mais  il  s'arrête  absolument  sur  cette  resti- 
tution des  Grisons,  qu'il  ne  veut  pas,  et  qui  plus  est  il  voudroit 
que  les  forts  fussent  remis  entre  les  mains  du  Pape  pour  être 
rasés  par  lui...  Mon  intention  est  que  vous  lui  [au  Pape]  repré- 
sentiez que  je  ne  pense  pas  qu'il  ait  voulu  envoyer  un  légat 
pour  me  demander  des  conditions  contraires  à  ma  réputation, 
qui  est  tout  ce  que  mes  propres  ennemis  pourroient  souhaiter 
pour  me  perdre.  Que  s'il  a  douté  de  la  fermeté  que  j'ai  es 
choses  qui  concernent  mon  honneur,  il  me  fait  tort  et  connoî- 
tra  par  l'événement  qu'on  lui  a  donné  une  impression  bien  con 
traire  à  ce  que  je  suis.  Que  je  le  supplie  de  me  dire  ou  qu'il  ne 
veut  pas  la  paix,  et  que  le  légat  n'est  venu  que  pour  m'amu- 


[|r vr,]  DE  RICHELIEU.  105 

qae  les  actions  passées  de  S.  M.  l'avoient  fait  con- 
noihv  autant  zélée1  à  la  gloire  de  Dieu  et  à  l'accrois- 
ment  de  la  religion  catholique  que  prince  qui  l'eût 
devancé  ou  qui  fût  à  présent  en  la  chrétienté,  il  fai- 
soit  encore  clairement  voir,  en  l'affaire  qui  se  traitoit, 
<|if  il  et  oit  roi  Très  Chrétien  et  premier  fils  de  la  sainte 
lise*,  puisqu'il  consentoit  à  des  conditions  plus 
livorables  que  celles  mêmes  qui  avoient  été  proposées 
par  les  Valtelins;  que,  comme  en  cet  intérêt  de  reli- 

ser,  pendant  que  les  Espagnols  se  fortifieroient,  on  qu'il  me  la 
demande  à  des  conditions  raisonnables...  Si  le  Pape  ne  veut 
rien  faire,  vous  lui  représenterez  qu'outre  que  ses  longueurs 
a  pardonner  aux  huguenots  qu'autrement  j'eusse 
mis  en  état  de  ne  pouvoir  plus  faire  de  mal,  il  me  contraint  de 
m'uniravec  les  Ânglois  et  toute  sorte  de  protestants  ;  quejusques 
ici  j'ai  plus  fait  que  n'a  jamais  fait  Roi  pour  éviter  cette  con- 
trainte, mais  que  maintenant  je  penserai  le  faire,  non  seule- 
ment S.  S.  n'y  répugnant  pas,  mais  qui  plus  est  avec  sa  per- 
mission et  son  autorité,  puisque  volontairement  il  m'y  con- 
traint; que  je  me  décharge  sur  lui  de  quelque  événement  qui 
en  puisse  arriver,  lesquels  il  faut  assez  bien  considérer  pour 

:re  pas  besoin  de  lui  dire...  Je  vous  dirai  que  ma  pensée 
n'est  pas  que  le  légat  ne  conclût  la  paix,   s'il  en  avoit  le  pou- 

i .  Mais  je  crois  quejusques  ici  on  lui  a  envoyé  des  limita- 
tions telles  qu'elles  ne  conviennent  point  avec  ce  que  je  puis 
faire  en  conservant  ma  réputation  »  (Aff.  étr.,  Rome  37,  fol.  89, 
(!-■  la  main  de  Charpentier).  La  dépêche  fut  envoyée  à  Béthune 
le  3 août. 

1.  Hcfii.-  37  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Pour 
le  regard  de  la  sûreté  de  la  religion  catholique  en  la  Valteline, 
comtés  de  Bormio  et  Chiavenne,  avec  laquelle  on  a  joint  ce  qui 
lioit  la  souveraineté  desdits  lieux,  il  a  été  jugé  que,  outre* 
que  les  actions  passées  de  S.  M.  l'avoient  fait  connottre  autant 
zélée...  » 

lome  37  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  En 
l'alfair.-  qui  m  traitc.it  <ju'il  vooloit  paroltre  roi  Très  Chrétien 
et  premier  iils  de  la  sainte  Église  ». 


106  MÉMOIRES  [1625] 

gion  sa  piété  le  faisoit  reluire,  il  ne  pouvoit  aussi,  en 
l'intérêt  politique,  approuver  ni  souffrir  le  déni  et  refus 
absolu1  que  l'on  faisoit  de  rendre  la  souveraineté  de 
la  Valteline  aux  Grisons  ses  alliés,  qui  en  sont  les  légi- 
times seigneurs  ;  que  le  droit  divin  et  humain  ordon- 
noit  de  faire  rendre  à  un  chacun  ce  qui  lui  appartient  ; 
que  ce  refus  étoit  fondé  sur  une  opinion  nouvelle, 
contraire  aux  premières  qui  avoient  été  tenues  à 
à  Rome,  concertées  du  commandement  du  Pape,  et 
qui  ne  pouvoit  être  ouvertement  soutenue  ni  par  les 
théologiens,  ni  par  les  jurisconsultes;  que  l'intérêt 
général  des  princes  étoit  de  ne  favoriser,  sous 
quelque  prétexte  que  ce  fût,  la  révolte  des  sujets 
contre  leur  souverain,  ni  de  permettre  que  des  sujets, 
pour  cause  de  religion,  fussent  soustraits  de  la  domi- 
nation de  leur  vrai  et  légitime  seigneur  ;  que  l'exemple 
et  la  conséquence  en  étoient  périlleux  pour  les  rois 
dans  les  États  desquels  il  avoit  plu  à  Dieu  (de  qui  seul 
ils  tiennent  le  sceptre)  de  permettre,  pour  certaines 
causes  secrètes,  la  diversité  de  religions,  parce  que  ce 
seroit  donner  argument  aux  sujets  qui  sont  ou  pour- 
roient  être  imbus  d'opinions  contraires  à  la  religion  de 
leur  prince  de  croire  qu'ils  seroient  déchargés  envers 
eux  de  la  sujétion.  Mais  quant  au  particulier  de  S.  M., 
qui  agissoit  en  ce  sujet  comme  prince  allié  et  protec- 
teur des  Grisons,  qu'il  ne  pouvoit  avec  justice,  hon- 
neur et  réputation,  consentir  qu'ils  fussent  dépouillés 
de  leur  souveraineté,  et  étoit  obligé,  par  les  mêmes 

1.  Rome  37  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  a  Que 
l'on  ne  pouvoit  assez  approuver  la  fermeté  et  persévérance 
qu'il  avoit  montrée  en  l'intérêt  politique  contre  le  déni  et 
refus.  » 


DU  il ÏIEUEU.  107 

ajaauaViènnoDS,  d'employer  les  forces  de  son  royaume 
pour  les  \  maintenir  et  protéger1. 

oiiiint  I  oeqtri  cooeernoit  l'article  de  l'alliance  et  îles 
passages  par  les  (irisons  et  la  Yaltcline,  on  lui  dit  que 

:  intérêt  doit  reconnu  si  important  a  la  France,  qui 
avoit  consomin--  tant  de  millions  d'or  pour  les  conser- 
ver ru  leur  entier,  depuis  oeol  ans  que  l'alliance  étoit 
i-t  aMie,  que  le  Roi  devoit  être  soigneux  et  jaloux  de 
n  \  laisser  apporter  aucune2  altération,  et  que  toutes 
raisons  il'Ktat  et  <!<•  réputation  l'obligeoient  de  main- 
tenir cette  couronne  en  la  possession  en  laquelle  elle 
«toit   aeok  deadita1  pa  vu  que  son  intention 

semblable  a  celle  des  rois  ses  prédécesseurs, 
d'user  desdits  passages  pour  le  bien  de  la  religion 
catholique,  le  secours  et  assistance  des  princes  d'Ita- 

1 .  Dès  le  li  avril  1625,  Richelieu  écrivait  à  Brùlart  de  Léon  : 
«  D'une  chose  vous  puis-je  assurer  que  la  France  ne  consentira 
ni  ne  fera  aucune  paix  qu'à  condition  du  tout  honorable,  et 
que  la  voie  d'une  longue  suspension  ne  sera  pas  celle  qui  sera 
choisie  pour  la  meilleure.  Le  Roi  ne  voudra  aucune  condition 
<jui  diminue  la  supériorité  des  Grisons  sur  les  Valtelins,  d'au- 
:  que  par  ce  moyen  ils  pourraient  penser  que  les  armes  de 
M.  ne  leur  auroient  pas  été  fort  utiles,  ce  qui  feroit  que 
d'autres  confédérés  les  appréhenderaient  en  pareilles  occa- 
sions »  (Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisitions  françaises  5131, 
fol.  7H  .  Voyez  également  le  «  Mémoire  touchant  la  réponse 
aux  expédients  proposés  par  M.  le  Légat  »,  de  la  main  de 
Charpentier  (Aff.  étr.,  Grisons  4,  fol.  460). 

i  '-0111111. ure  le  vingtième  cahier  du  manuscrit  A  (fol.  187)  : 
«  Suite  de  la  négociation  de  M.  le  Légat.  Assemblée  de  Fon- 
tainebleau VU  i<  »lle.  Ambassade  extraordinaire  du  maréchal 
de  Bassompierre  en  Suisse,  et  ses  ordres.  »  Ce  sommaire  est  de 
la  main  de  Charpentier. 

t  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  En  la 
possession  en  laquelle  elle  étoit  seule  desdites  alliances  et  pas- 
sage»... » 


108  MÉMOIRES  [1625] 

lie  et  surtout  du  Saint-Siège,  en  cas  que,  par  une  puis- 
sance supérieure,  ils  vinssent  à  être  assaillis  et 
opprimés. 

Le  légat  s'arrêta  opiniâtrement  à  ne  pouvoir  con- 
seiller à  S.  S.  d'autoriser  un  traité  par  lequel !  les  Val- 
telins  fussent  remis  sous  la  sujétion  des  Grisons,  disant 
que,  comme  chef  de  l'Église,  il  ne  le  pouvoit  en  cons- 
cience, et  que  ce  qui  avoit  été  ci-devant  traité  l'avoit 
été  entre  les  deux  rois,  S.  S.  permettant  seulement  ce 
qui  s'arrêtoit  entre  eux  et  y  fermant  les  yeux2,  comme 
elle  feroit  encore  si  l'Espagne  intervenoit  avec  le  Roi 
au  traité.  Et,  sur  ce  qu'on  lui  répondit  que  S.  S.  lais- 
sât accorder  les  Grisons  et  les  Valtelins  ensemble, 
sans  y  intervenir3,  et  que  par  après  elle  toléreroit  ce 
qu'ils  auroient  fait,  qui  est  le  propre  de  l'Église,  non 
seulement  aux  choses  indifférentes,  mais  mauvaises, 
il  y  consentit  facilement  au  nom  du  Pape,  mais 
demanda  qu'afin  que  ce  traité  se  pût  faire  librement4, 

1.  Rome  37  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Mais 
le  Pape  ne  voulant  en  aucune  façon  autoriser  un  traité  par 
lequel  ..  »  Comparez  la  Négociation  du  cardinal  Barberin, 
fol.  326-329  v°,  qui  met  dans  la  bouche  du  cardinal  de  Riche- 
lieu «  qui  avoit  la  parole  en  toutes  ces  conférences  »  les 
réponses  faites  au  légat. 

2.  Ces  cinq  mots  ont  été  ajoutés  en  interligne  par  Sancy  sur 
le  manuscrit  A. 

3.  Rome  37  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Il  a  été 
en  dernier  lieu  proposé  audit  légat  que  S.  S.  laisse  accorder  les 
Grisons  et  les  Valtelins  sans  intervenir.  » 

4.  Rome  37  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Ledit 
légat  a  répondu  qu'il  y  consentoit  au  nom  du  Pape;  mais,  afin 
que  ce  traité  se  pût  faire  librement,  il  a  demandé  tous  les  forts 
de  la  Valteline  sans  condition  aucune.  »  Cette  correction, 
comme  les  précédentes  et  celles  qui  suivent,  a  été  faite  sur  le 
manuscrit  A  par  Sancy. 


[1625]  DE  RICHELIEU.  109 

tous  les  forts  de  la  Valteline,  sans  condition  aucune, 
fussent  remis  entre  les  mains  de  S.  S.,  afin  que 
l'on  M  put  dire  que  les  Valtelins  l'eussent  fait  par 
force. 

On  lui  dit  premièrement  que  si,  en  un  tel  traité,  il 
pouvoit  y  avoir  présomption  de  force,  ce  seroient  les 
seuls  Grisons  qui  se  relàcheroient  de  quelques  grâces 
aven  les  Valtelins,  qui  le  pourroient  alléguer,  mais 
non  les  Vnltelins  qui  recevroient  faveur  en  ce  traité, 
n'y  ayant  personne  qui  ne  connût  que  celui  qui  reçoit 
grâce  eu  un  traité,  et  n'y  perd  rien,  ne  peut  prétendre 
en  être  relevé  sous  prétexte  de  force; 

Secondement,  que  la  restitution  des  forts  ne  se  devoit 
faire,  attendu  que  S.  S.  ne  pouvoit  donner  de  sûreté 
que  (au  cas  qu'on  la  fit)  la  souveraineté,  qu'il  ne  vou- 
lut pas  accorder  aux  Grisons,  leur  demeureroit  par 
le  t mite  qu'ils  feroient  entre  eux; 

Que  les  Espagnols  fussent  déboutés  du  passage,  et 
que  les  forts  fussent  rasés. 

Il  ne  laissa  pas  d'en  continuer  l'instance,  assurant 
que  S.  S.  n'empécheroit  pas  que  les  Valtelins  consen- 
Htacnt  de  demeurer  en  la  sujétion  des  Grisons,  et 
qu'il  n'y  avoit  pas  de  doute  qu'ils  ne  s'en  conten- 
tassent ; 

Qu'elle  raseroit  les  forts,  et  qu'il  avoit  parole  des 
Espagnols  que,  moyennant  la  restitution  des  forts,  ils 
consentiraient  à  ce  que  la  France  demandoit  pour  les 
passages;  mais  <|ii'il  ne  l'avoit  pas  par  écrit,  parce  qu'ils 
•ij|<»i<  nt  pas  se  déclarer  que  les  forts  ne  fussent 
entre  les  mains  du  Pape1. 

1.  Home  37  et  première  rédaction  de  A  :  «  Au  premier  point 
S.  S.  répond  qu'il  n'empêchera  pas  que  les  Valtelins  consentent 


HO  MÉMOIRES  [1625] 

A  tout  cela,  on  lui  dit  qu'en  matière  de  traités  il  fal- 
loit  des  assurances  réelles  ;  que  celles-là  n'étoient  que 
de  paroles  bien  incertaines  ;  que,  s'il  ne  s'agissoit  que 
de  la  parole  du  Pape,  le  Roi  s'y  confieroit  absolument  ; 
mais  que  les  Valtelins  le  pouvoient  faire  manquer,  bien 
plus  les  Espagnols,  qui  sont  sujets  à  n'exécuter  pas  ce 
qu'ils  promettent. 

Il  répliqua  que  cela  n'arriveroit  pas,  mais  que,  s'il 
arrivoit  contre  la  volonté  de  S.  S.,  elle  ne  rendroit 
les  forts,  ni  aux  Espagnols,  ni  aux  François,  mais  les 
garderoit. 

S.  M.  ne  jugea  pas  que,  s' étant,  par  une  ligue, 
obligé  avec  ses  collègues  à  faire1  que  les  Grisons 
fussent  remis  en  l'état  qu'ils  étoient  auparavant,  elle 
pût  ni  dût,  après  avoir  beaucoup  dépendu  et  pris  la 
Valteline,  remettre  les  choses  en  plus  grand  hasard 
qu'elles  n'étoient  auparavant  la  prise  des  armes;  vu 
que,  de  tout  ce  qui  se  proposoit,  on  ne  donnoit  aucune 
sûreté  que  la  parole  du  Pape,  l'exécution  de  laquelle 
dépendoit  de  la  volonté  des  Valtelins  et  de  celle  des 
Espagnols,  qui  seroient  sans  doute  bien  aises  de  tirer 
les  affaires  en  longueur,  sans  exécution,  comme  ils  ont 
fait  au  traité  de  Madrid,  et  qui  feroient  jouer  tel  jeu 

de  demeurer  en  la  sujétion  des  Grisons  et  qu'il  n'y  a  point  de 
doute  qu'ils  ne  s'en  contentent.  Au  deuxième,  il  répond  qu'il  a 
parole  des  Espagnols  que,  moyennant  la  restitution  des  forts, 
ils  consentent  à  ce  que  la  France  demande  pour  les  passages. 
A  cela  on  dit  qu'il  le  falloit  voir  par  écrit.  On  a  répondu  qu'on 
ne  l'avoit  pas  et  que  les  Espagnols  ne  veulent  pas  se  déclarer, 
que  les  forts  ne  soient  entre  les  mains  du  Pape,  mais  qu'on  en 
est  bien  assuré.  » 

1.  Rome  37  et  première  rédaction  de  A  :  «  La  question  est 
de  savoir  si  le  Roi  qui,  par  une  ligue,  s'est  obligé  avec  ses 
collègues  à  faire  que  les  Grisons  fussent  remis...  » 


[1625]  DE  RICHELIEU.  111 

qu'As  voudraient  aux  Valtelins,  qui  n'agissent  que  par 
Iriir  mouvement. 

Si.  au  cas  que  les  Valtelins  et  les  Espagnols  vou- 
lussent manquer,  le  Pape  a  voit  moyen  de  s'en  garan- 
ti!-, il  n "y  anroit  rien  à  dire;  mais,  outre  que  S.  S.  est 
mortelle,  on  ne  proposoit  autre  expédient  en  tel  cas 
que  de  conserver  les  forts,  qui  étoit  un  remède  égal 
au  mal  même,  puisque  tous  les  deux  privoient  les  Gri- 
sons de  leur  liberté. 

Eue  lit  représenter  au  légat  que,  pour  un  scrupule 
inaire  et  sans  fondement,  ils  alloient  mettre  toute 
la  chrétienté  en  feu.  A  quoi  il  répondit  que,  s'il  ne 
trnoit  qu'à  son  sang1  pour  éteindre  le  feu,  il  le  donne- 
roit  volontiers,  mais  qu'il  n'avoit  point  de  pouvoir  de 
taire  autres  propositions2. 

1.  Rome  37  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  A  cela, 
M.  te  Légat,  qui  véritablement  a  fait  tout  ce  qu'il  a  pu  pour  la 
paix,  a  témoigné  plus  encore  en  effet  que  de  paroles  que,  s'il  ne 
It-nuit  qu'à  son  sang...  » 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  On  fit  toutes  les 
tures  dont  on  put  s'aviser  pour  le  faire  condescendre  à 
quelque  chose  raisonnable  et  que  S.  M.  pût  accorder  sans  pré- 
judice de  sa  réputation  et  de  l'intérêt  de  ses  alliés;  mais  il  n'y 
eut  jamais  de  moyen  de  le  faire  désister  de  ses  premières  pro- 
position*. Le  Cardinal,  voyant  cette  volonté  si  déterminée, 
crut  qu'il  n'y  avoit  point  de  remède  meilleur  pour  di  tromperie 
légat  et  tous  les  peuples  que  de  convoquer  une  assemblée  géné- 
rale des  personnes  plus  qualifiées  de  ce  royaume,  auxquelles 
S.  M.  fit  voir  I  état  de  cette  affaire,  les  moyens  qu'il  avoit  tenus 
pour  les  conduire  à  une  bonne  fin,  et  leur  demander  leurs  avis 
sur  ce  stjj«  t.  ||  en  écrivit  de  Limours  au  Roi  le  3"  seph-mluv  la 
h  Kfi  Clivante.  »  Après  avoir  apporté  quelques  modifie. nions 
à  ce  t'  y  a  rayé  le  tout,  à  partir  de  «  mais  il  n'y  eut...  », 

et  a  renvoyé  le  copiste  aux  feuilles  de  correction  :  «  Voyez  les 
lions  ». 


112  MÉMOIRES  fl625] 

Le  Cardinal1  l'y  voyant  toujours  arrêté,  quelques 
ouvertures  qu'on  se  pût  aviser  de  lui  faire  pour  le 
faire  condescendre  à  quelque  chose  raisonnable  que 
S.  M.  pût  accorder,  sans  préjudice  de  sa  réputation 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  B  :  «  èsquelles  demeu- 
rant toujours  arrêté...  ».  Sur  l'ordre  du  Roi,  Richelieu  avait 
repris  les  pourparlers  avec  le  nonce.  Voyez  sa  lettre  à  Louis  XIII 
du  24  août  1625,  écrite  de  Limours  :  «  J'ai  reçu  le  commande- 
ment qu'il  vous  a  plu  me  faire  de  travailler  à  la  paix  avec  des- 
sein de  ne  rien  omettre  de  toutes  les  choses  qui  la  pourront 
•avancer  et  rendre  avantageuse  à  V.  M.;  pour  voir  plus  promp- 
tement  avec  M.  le  Nonce  à  quoi  cette  affaire  pourra  aboutir, 
je  m'approcherai  dès  aujourd'hui  de  six  lieues  de  Fontainebleau, 
et  lorsqu'on  verra  plus  après  les  articles  desquels  on  pourra 
convenir,  comme  la  raison  requiert  que  vous  en  soyez  le  souve- 
rain juge,  il  sera  du  tout  nécessaire  pour  le  bien  de  l'affaire 
qu'il  plaise  à  V.  M.  bien  considérer  ces  articles  »  (Bibl.  nat., 
Nouvelles  acquisitions  françaises  5131,  fol.  76).  Les  entretiens 
eurent  lieu  à  la  Maison-Rouge  et  se  prolongèrent  du  26  au 

28  août.  Voyez  la  lettre  d'Herbault  à  Béthune,  Fontainebleau, 

29  août  1625  :  «  Il  s'est  tenu  depuis  trois  jours  une  conférence 
à  la  Maison-Rouge  qui  est  à  M.  le  président  Le  Jay,  où,  de  la 
part  du  Roi,  M.  le  cardinal  de  Richelieu,  M.  le  maréchal  de 
Schônberg  et  moi,  et,  de  la  part  de  M.  le  Légat  et  du  Pape, 
M.  le  nonce  Spada,  MM.  Assolini  et  Pamphilio  se  sont  trouvés. 
La  conférence  commença  mercredi  matin  et  finit  hier  soir  qui 
étoit  jeudi  que  chacun  est  revenu  chez  soi  sans  aucune  conclu- 
sion »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3702,  fol.  120).  Voyez  surtout  le 
mémoire  adressé  le  29  par  le  Cardinal  à  Schônberg  :  «  ...  Le 
changement  qui  est  en  M.  le  Nonce  ne  peut  venir  d'autre  chose  à 
mon  avis,  sinon  qu'il  s'imagine  que  nous  voulons  absolument 
la  paix  et  que  nous  n'avons  nulle  disposition  à  la  guerre,  et 
qu'il  seroit  bien  aise  d'emporter  cet  avantage  aux  Espagnols, 
quoiqu'il  pense  bien  en  lui-même  qu'ils  aient  consenti  à  davan- 
tage; il  penseroit  par  là  se  faire  canoniser  dans  Rome.  L'ex- 
clusion du  passage  et  alliance  comme  on  la  propose  maintenant 
est  en  termes  moins  forts  que  comme  on  l'a  proposée  au  passé. 
On  accorde  plus  pour  les  Valtelins  et  pour  la  religion  qu'on  ne 


[1625]  DE  RICHELIEU.  113 

<  l  de  l'intérêt  de  ses  alliés,  il  écrivit  de  Limours1  au 
Uni,  le  T  septembre,  et  lui  manda  qu'il  lui  conseillent 
<!«■  M  servit-,  en  cette  affaire  de  très  grande  impor- 
l;m< v.  en  laquelle  il  alloit  de  la  paix  de  la  chrétienté, 

fît  jamais  jusques-là,  qu'avec  raison  on  ne  peut  désirer  davan- 
tage. L'intérêt  du  légat  et  de  tous  ceux  qui  sont  avec  lui  est  que 
l.i  paix  se  fasse,  vu  que  jamais  légat  n'eut  un  tel  affront  que  lui 
si  t  lie  ne  se  fait  point,  et  que  les  autres  ne  seront  point  cardi- 
naux ;  «pii  plus  r>t  tous  craignent  trop  que  les  huguenots  fran- 
et  la  flotte  des  Anglois  entrent  en  Italie;  enfin  ils  savent 
bien  qu'encore  que  les  Espagnols  aient  quelque  léger  avantage 
sur  M.  de  Savoie,  leurs  affaires  ne  sont  point  en  état  de  désirer 

uerre  avec  la  France,  ayant  assez  de  besogne  taillée  ailleurs. 
Partant,  par  raison,  il  n'y  a  apparence  quelconque  que  le  légat 
la  paifM  ni  veuille  refuser  aux  conditions  proposées.  Qui  plus 
est,  Venise,  qui  est  celui  de  nos  collègues  qui  se  rendra  le  plus 
facile,  ne  la  eonsentiroit  pas  autrement.  Tout  ce  que  dessus  me 
enulruie  en  la  résolution  que  le  Cardinal,  Schônberg,  MM.  de 
la  \  ill<-au\-Clercs  et  d'Herbault  prirent  hier  tous,  unanime- 
ment, de  ne  se  relâcher  davantage,  comme  chose  qui  eût  fait 
loiblesse  et  n'eût  fait  autre  effet  que  donner  mauvaise 
réputation  a  la  France.  Le  nonce  sans  doute  portera  le  légat  à 
faire  feinte  de  s'en  aller,  et  on  croit  qu'au  point  où  sont  les 
affaires,  rien  nfmportera  la  paix  que  de  témoigner  à  ces 
gens-ci  qu'on  ne  l'appréhende  pas,  qu'on  ne  craint  point  la 
guern-  et  une  pour  rien  au  monde  on  ne  voudroit  la  paix  avec 
!a  moindre  condition  déshonorable.  Il  est  nécessaire  que  M.  de 
rg  représente  au  Roi  particulièrement  tout  ce  qui  s'est 

lé,  et  que,  devant  la  Heine  sa  mère  et  M.  le  Chancelier  et 
lui,  il  pi  M.  prendre  résolution  de  ce  qu'elle  estimera 

«pi  il  faille  faire,  les  affaires  de  tel  genre  devant  être  particuliè- 

nt  jngéea  par  S.  M.  »  (Aff.  étr.,  Grisons  4,  fol.  361  -:?' 
d--  la  main  de  Cliai-pmtier). 

1     Cmmn  1  indique  la  première  rédaction  du  manuscrit  A 
cit«  as,  la  lettre  du  Cardinal  au  Itoi  a\ait  été  nproduite 

Intégralement  dans  ce  manuscrit;  procédant  au  travail  de  révi- 
sion, Sancy  ne  conserva  que  cinq  extraits  delà  lettre  désignés 
resp<<  ii\.  un  ni  par  les  si^  n  nllmwall  ;  \-l>.  <    l>.  I-Fet 

V  8 


114  MÉMOIRES  [1625] 

de  la  réputation  de  la  France  et  de  la  conservation  de 
ses  alliés,  d'une  précaution  dont  ses  prédécesseurs  et 
le  Reine  sa  mère,  en  sa  minorité,  avoient  souvent  usé 
en  semblables  occasions,  qui  étoit  d'assembler  un  con- 
seil extraordinaire  des  premiers  de  son  royaume  et 
personnes  plus  qualifiées  qui  se  trouveroient  près  de 
la  sienne,  leur  faire  voir  l'état  de  cette  affaire,  les 
difficultés  qui  s'y  rencontroient,  les  moyens  qu'il 
avoit  tenus  pour  la  conduire  à  bonne  fin,  et  leur 
demander  leur  avis  sur  ce  sujet,  avant  qu'en  former 
sa  résolution  ; 

Qu'il  la  supplioit  de  se  ressouvenir  qu'il  avoit  sou- 
vent pris  la  liberté  de  lui  dire,  quand,  par  hasard,  il 
s' étoit  trouvé  seul  auprès  d'elle,  et  qu'il  se  présentoit 
des  affaires,  bien  qu'ordinaires,  qu'elle  eût  agréable  de 
ne  s'en  reposer  pas  sur  l'avis  de  lui  seul,  mais  de 
prendre  encore  celui  de  ceux  qui  avoient  l'honneur  de 
la  servir  comme  lui  en  ses  affaires  ;  maintenant,  qu'il 
la  supplioit,  au  nom  de  tous  ceux  de  son  Conseil,  qu'en 
une  rencontre  si  importante  à  toute  la  chrétienté,  il 
prît  l'avis  des  principaux  de  son  royaume  qui  étoient 
auprès  d'elle  ; 

Commandât  à  tous  les  princes,  ducs,  pairs,  officiers 
de  la  couronne,  aux  premiers  présidents  et  procu- 
reurs généraux  des  cours  de  Parlement,  des  Aides  et 
Chambre  des  comptes,  et  Prévôt  des  marchands  de 

G-H  (fol.  190-191);  il  semble  que  ces  suppressions  n'aient  eu 
pour  but  que  d'alléger  la  rédaction  des  Mémoires.  En  outre,  le 
style  indirect  fut  adopté  pour  les  fragments  qui  subsistaient.  La 
lettre  du  3  septembre  a  été  publiée  par  Avenel,  t.  II,  p.  119 
à  124,  d'après  la  minute  des  Affaires  étrangères,  France  246, 
fol.  11-15. 


DE  Mi  HF.I.IEU.  115 

l,  de  se  trouver,  à  tel  jour,  au  lieu  que  S.  M. 
ordonnerait;  mandat  aussi  à  l'assembler  du  clergé  d'y 
.  ajvoyer  quatre  prélats  pour  entendre  ce  qu'il  lui  plai- 
i-oii  leur  déclarer  touchant  te  traité  de  paix  pro- 
par  M.  le  Légat,  et,  sur  ce,  donner  leurs  bons 
avis; 

Que  S.  M.  tireroit  pour  son  service  de  notables 

«*s  de  cette  assemblée; 
Qu'elle  justifierait  le  Conseil  de  S.  M.,  faisant  recon- 
naître li  v«  i  ité  des  choses,  et  ferait  qu'on  rejetterait 
le  Marne  des  malheurs  que  la  guerre  apporte  sur  ceux 
œnt  qui  en  seront  cause,  et  préviendrait  les 
calomnies  que  les  ennemis  de  la  couronne,  par  leurs 
artifices  ordinaires,  pourraient  publier,  qu'il  ne  tien- 
droit  qu'à  S.  M.  et  son  Conseil  que  la  chrétienté  ne 
lut  remise  en  paix  et  ne  jouit  d'un  parfait  repos; 
Qu'eue  apporterait  à  S.  M.  un  grand  repos  de  cons- 
ivoir  t'ait  mûrement  examiner,  par  le  juge- 
le  diverses  personnes  capables  que  S.  M.appelle- 
roit,  si  les  considérations  qui  arrêtent  S.  M.  en  ce 
v  touchent  tellement  sa  réputation  et  celle 
de  son  État,  qu'elles  doivent  empêcher  l'effet  d'un  si 
I  bien,  pour  lequel  procurer  il  donnerait  volon- 
tiers son  sang  et  n'y  plaindrait  pas  sa  vie;  mais  que 
lui.    m t)   h  c'étoit   préparer   une   nouvelle 

guerre,  et  quelquefois  pire  que  celle  que  l'on  vouloit 
finir; 
Que  tous  les  sujets  de  S.  M.,  ayant  eu  l'honneur  d'y 
donne  leurs  a\is  en  la  personne  des  principaux 

qui  seraient   appelés  60  66  conseil,  et  étant  par  eux 
rendus  capables  de  ses  saintes  intentions  i  euses 


H6  MÉMOIRES  [1625] 

résolutions,  seroient  d'autant  plus  affectionnés  et  obli- 
gés d'y  contribuer  et  leur  bien  et  leur  vie,  s'il  en  étoit 
besoin,  pour  le  service  de  S.  M.;  et  les  principales 
compagnies  du  royaume,  connoissant  ses  justes  rai- 
sons, se  porteroient  plus  volontiers,  les  uns  à  la  servir 
de  leurs  personnes,  les  autres  à  favoriser  les  moyens 
extraordinaires  dont  elle  auroit  besoin  en  telle  occa- 
sion, en  laquelle,  par  ce  moyen,  on  auroit  lieu  de  por- 
ter MM.  du  clergé  à  subvenir  en  cette  guerre  à  ses 
nécessités;  au  moins  en  recevroit-on  ce  profit,  que, 
s'ils  ne  donnoient  de  l'argent,  ils  condamneroient  les 
prétentions  et  le  procédé  de  ceux  qui  conseillent  M.  le 
Légat,  et  conseilleroient  à  S.  M.,  en  tel  cas,  de  donner 
la  paix  à  son  royaume  :  ce  qui  remédieroit  fortement 
aux  mauvais  bruits  que  quelques  personnes  assez 
connues  épandent  tous  les  jours,  que  S.  M.  et  son 
Conseil  protègent  ouvertement  les  hérétiques  ' . 

On  gagneroit  temps  avec  M.  le  Légat,  auquel  on 
feroit  comprendre  que  S.  M.  ne  pourroit  rendre  une 
dernière  réponse  sur  ces  propositions,  qu'après  avoir 
tenu  cette  assemblée,  qu'elle  différait  jusques  à  lundi, 
ou  tel  autre  jour  qu'il  plairoit  à  S.  M.; 

Que  toutes  ces  choses  feroient  penser  audit  sieur  le 
Légat  à  ne  partir  pas  sans  conclure  la  paix  ;  que  l'inté- 
rêt du  Saint-Siège  et  le  sien,  auquel  les  Italiens  sont 

1.  Comparez  la  Négociation  du  cardinal  Barberin,  fol.  336  : 
«  Les  Espagnols  répandent  des  libelles  pour  persuader  aux 
simples  que  les  ministres  du  Roi  abandonnent  les  intérêts  de 
la  vraie  religion  et  l'amitié  des  princes  catholiques  pour  se  lier 
et  s'unir  entièrement  avec  les  hérétiques...  Ce  qui  se  faisoit 
avec  grande  prudence  pour  assurer  la  paix  du  royaume  étoit 
décrié  par  eux  comme  un  crime  contre  la  religion.  » 


[1625]  DE  RICHELIFi  117 

t<>it  sensibles,  le  dévoient  faire  croire;  étant  certain 
que  l'autorité  du  Pape  et  de  la  religion  ne  pouvoient 
que  beaucoup  pàtir  pour  la  continuation  des  guerres 
qu'il  pourroit  apaiser,  et  qu'au  particulier  dudit  sieur 
Légat,  c'étoit  le  plus  perdu  homme  du  monde  s'il  s'en 
retoumoit  comme  il  étoit  venu. 

Kii  tout  cas  qu'il  avoit  trouvé  deux  ou  trois  façons 
nouvelles  de  coucher  les  articles  contestés,  au  conten- 
tement de  S.  M.,  dans  les  termes,  à  son  avis,  que  ces 
messieurs  avoient  témoigné  désirer;  et  quand  ils  ne 
voudraient  rien  faire,  ce  qui  ne  pouvoit  être,  s'il  étoit 
question  d'arrêter  davantage  M.  le  Légat,  comme  en 
elVet  il  le  jugeoit  nécessaire  pour  conclure  la  paix  des 
hwgmnotli  et  attendre  que  les  recrues  et  nouvelles 
troupes  de  S.  M.  fussent  sur  pied,  devant  que  les  Espa- 
gnols perdissent  l'espérance  de  la  paix,  on  pourroit 
faire  venir  en  jeu  le  traité  de  la  ligue  fait  avec  Venise 
et  Savoir,  qui  obligeoit  S.  M.  de  ne  rien  faire  sans  leur 
Ëfît;  ce  qui  faisoit  que,  leurs  ambassadeurs1  ne 
sachant  pas  les  résolutions  de  leurs  maîtres,  elle  ne 
I  m  »ii voit  leur  dénier  du  temps  d'envoyer  vers  eux  pour 
l'apprendre.  Ainsi  S.  M.  auroit  fait  tout  ce  qui  se  pou- 
voit imaginer  au  monde  pour  donner  la  paix  à  la  chré- 
tienté, et  malheur  arriveroit  à  qui  troubleroit  un  si 

bOO   drv»riii. 

Après  cette  lettre  écrite,  il  ajouta  encore  un  billet  à 

S.  M..  |>  ai  lequel  il  la  supplia  détenir  ce  conseil  secret, 

mt  qu'il  venoit  d'apprendre,  par  un  homme  qui 

1  Sur  la  consultation  des  ambassadeurs  de  Venise  et  de 
Savoie,  Morosini  et  Scaglia,  favorables  l'un  a  la  paix  et  l'autre 
à  la  guerre,  voyez  Négociation  du  cardinal  Barberin, 
fol.  334. 


118  MÉMOIRES  [1625] 

avoit  de  bonnes  habitudes  chez  le  légat,  que  le  fonde- 
ment de  leur  obstination  venoit  de  ce  qu'ils  jugeoient 
qu'on  leur  accorderoit  tout  ce  qu'ils  voudroient,  parce 
que,  à  quelque  prix  que  ce  fût,  on  vouloit  la  paix  ;  que 
ce  qui  lui  faisoit  croire  cet  avis  étoit  que  celui  qui  le 
savoit  l'avoit  appris  par  voie  très  secrète;  qu'ils 
disoient  que  S.  M.  n'avoit  point  d'argent,  que  les 
huguenots  la  pressoient,  et  que  tous  ses  sujets  catho- 
liques étoient  mal  affectionnés  à  cette  guerre  ;  ce  qui 
le  confirmoit  de  plus  en  plus  en  l'assemblée  ci-dessus, 
vu  que  par  là  le  contraire  paroîtroit  indubitablement, 
et  surtout  qu'il  étoit  important  qu'on  ne  crût  point 
que  S.  M.  se  souciât  que  le  légat  s'en  allât. 

Le  Roi,  trouvant  cet  avis  très  utile  à  son  service, 
commanda  que  l'on  convoquât  cette  assemblée  au 
plus  tôt. 

Le  légat,  sans  vouloir  attendre,  partit  dès  le  lende- 
main1 de  la  nouvelle  que  le  Roi  reçut  de  la  victoire 
que  son  armée  navale  avoit  remportée  sur  Soubise  et 
les  hérétiques  ;  mais  il  promit  de  séjourner  en  Avignon 

1.  Le  légat  quitta  Fontainebleau  le  24  septembre  après  avoir 
été  reçu  en  audience  privée  par  le  Roi.  «  Ce  parteraent  si 
brusque  fut  trouvé  un  peu  extraordinaire  à  la  cour  »  {Négo- 
ciation du  cardinal Barberin,  fol.  331).  Louis  XIII  avait  lui-même 
annoncé  au  légat  la  convocation  de  l'assemblée  dans  «  les  deux 
dernières  audiences  »  (22  et  24  septembre)  qu'il  lui  avait  accor- 
dées (Aff.  étr.,  Rome  57,  fol.  232).  Le  marquis  de  Saint-Cha- 
mond,  qui  le  rejoignit  à  Sens,  écrivait  le  27  à  Herbault  :  «  Je 
n'ai  reconnu  autre  cause  de  son  prompt  départ  de  Fontaine- 
bleau que  la  créance  qu'il  a  eue  que  le  Roi  assembloit  le  lende- 
main les  princes,  pairs  et  officiers  de  sa  couronne  pour  faire 
condamner  par  eux  son  procédé  au  traité  de  paix,  et  a  cru 
qu'il  étoit  plus  avantageux  pour  lui  d'en  être  loin  que  près  en 
cette  occasion  »  (Aff.  étr.,  Rome  37,  fol.  223). 


DE  RICHELIEU.  119 

ftatptâ  i  M  qu'il  eût  su  la  (kluKtCJ  volonté  de  S.  M., 
qui,  00  partant,  lui  bailli  une  lettre1  pour  S.  S.,  en 
laquelle  elle  lui  mandott  queoe  qui  avoit  empêché  que 
la  paix,  selon  son  désir,  n'avoit  pu  être  conclue,  c'étoit, 
qu«-  S.  S.  ne  lui  avoit  pas  proposé  les  conditions  aux- 
quelles S.  M.  la  pût  consentir,  n'y  ayant  personne  qui 
^  it  bien  qu'elle  ne  pouvoit  ni  devoit  en  façon 
qurlron  |ur  permettre  que  les  Grisons,  ses  anciens 
■Blés,  foMeol  dépouillés  de  ce  qui  leur  appartenoit; 
quelle   étoit  et  seroit  toujours  d'autant  plus  ferme 

1     Le  manuscrit  A,  dans  sa  forme  primitive,  reproduisait 

textuellement  la  lettre  de  Louis  XIII  du  30  septembre  1625, 

la  légat   par   le    marquis   de   Saint -Charaond.    Mais 

Sancy,  lors  de  la  revision  du  manuscrit,  a  supprimé  d'un  trait 

de  plume  la  première  partie  de  la  lettre  et  l'a  remplacée  par 

-impie  transition  qui  devait  figurer  sur  une  des  feuilles  de 
correction,  comme  l'indique  au  bas  du  fol.  192  v°  la  mention 
mirante  :  «  V[oir]  corrections  o.  Voici  le  passage  supprimé, 
tel  qu'il  existait  dans  le  manuscrit  A  :  «  Très  Saint-Père,  il 
nous  est  imposable  de  ne  témoigner  pas  à  V.  S.  que  nous 
avons  vu  de  très  bon  œil  notre  cousin  le  cardinal  Barbarin,  et 

nnu  en  lui  beaucoup  de  conduite,  de  piété,  de  zèle  et  en 
général  toutes  les  bonnes  qualités  qu'on  y  sauroit  désirer.  Vous 
saurez  de  lui,  je  m'assure,  comme  toutes  les  occupations  que 
nous  avons  au  dehors  de  notre  royaume  ne  nous  ont  pas  erapè- 

•<  de  faire  pour  l'extirpation  de  l'hérésie  tout  ce  qu'on  eût  pu 
attendre  d'un  autre  en  pleine  paix.  En  cela,  nous  avons  suivi 
votre  Inclination  et  vos  désirs;  nous  poursuivrons  toujours  le 
dessein  que  nous  avons  de  procurer  l'avantage  de  l'Eglise  en 
Lte  occasion,  si  nous  n'en  sommes  empêchés  par  ceux  mêmes 
que  nous  savons  qui  désirent  nous  y  aider.  Nous  nous  sommes 
contormés  en  ce  qui  nous  a  été  possible  au  désir  que  notre 

in  le  légat  nous  a  témoigné  que  vous  aviez  de  la  paix  en 

In-  tienté  ;  si  elle  n'a  réussi,  nous  ne  doutons  point  que  vous 
ne  reconnoissiez  que  ce  qui  l'a  empêchée  est  que  V.  S.,  nous 
y  conviant,  ne  nous  a  pas  proposé  des  conditions...  » 


120  MÉMOIRES  [1625] 

en  cette  résolution  qu'elle  n'empêchoit  point  de  vou- 
loir procurer  toutes  les  sûretés  qu'on  sauroit  raison- 
nablement souhaiter  pour  la  religion1,  que  S.  S.  ne 
voudroit  pas  lui  conseiller  d'en  user  autrement,  et  elle 
se  pouvoit  assurer  qu'elle  ne  feroit  jamais  rien  qui  ne 
fût  digne  du  bonheur  qu'elle  avoit  d'être  successeur 
de  plusieurs  rois  qui  ont  servi  et  secouru  le  Saint- 
Siège  lorsqu'il  étoit  opprimé  par  d'autres;  qu'elle 
prioit  Dieu  de  n'avoir  jamais  occasion  de  faire  con- 
noitre,  par  effet,  à  toute  la  chrétienté  que  leur  zèle 
n'avoit  point  passé  le  sien;  mais,  quoi  qu'il  arrivât, 
elle  auroit  toujours  la  volonté  de  lui  faire  paroître  qu'il 
n'y  a  personne  au  monde  qui  l'égalât  au  respect  et  en 
la  vraie  affection  qu'elle  lui  portoit. 

En  cette  assemblée2,  après  que  le  Roi  eut  remis  au 
Chancelier  à  faire  entendre  le  sujet  pour  lequel  il  les 
avoit  fait  appeler,  et  que  ledit  Chancelier  y  eut  satis- 
fait3, le  Cardinal  parla4  à  la  recommandation  de  la 

1.  La  lettre  originale  précisait  :  a  en  la  Valteline  »  (Arch. 
nat.,  KK  1362,  fol.  198). 

2.  Elle  eut  lieu  le  29  septembre  au  château  de  Fontainebleau 
dans  le  cabinet  de  l'Ovale. 

3.  C'était  Etienne  d'Aligre.  Il  «  représenta  sommairement 
l'affaire  depuis  son  origine,  ce  qui  s'étoit  traité  avec  M.  le 
Légat,  les  difficultés  échues  en  la  négociation,  savoir  sur  l'ar- 
ticle du  passage  duquel  on  refusoit  d'assurer  la  possession 
à  la  France  seule,  comme  elle  en  avoit  toujours  joui,  et  sur  la 
souveraineté  des  Grisons  qu'on  vouloit  abolir,  à  quoi  S.  M.  ne 
pouvoit  se  résoudre  pour  l'intérêt  de  cet  État,  de  sa  réputa- 
tion et  de  ses  alliés,  et  qu'elle  désiroit  que  chacun  de  ceux  qui 
étoient  présents  en  dît  librement  son  opinion  »  {Négociation 
du  cardinal  Barberin,  fol.  338  v°).  Après  Aligre,  prirent  la 
parole  Schônberg,  le  premier  président  au  Parlement,  de  Ver- 
dun, les  cardinaux  de  Sourdis  et  de  la  Valette. 

4.  L'analyse  du  discours  est  empruntée  au  Mercure  françois, 


[1625]  DE  RICHELIEU.  121 

pai\.  m;iis  <|ifil  falloit  qu'elle  se  fît  honorablement1 

pour  S.   M.  et  utilement  pour  son  royaume;  que  la 

négociation  du  légat  avoit  témoigné  un  tout  contraire 

t  été  rien  proposé  par  lui  qu'à  l'avan- 

Bl  «l'Espagne,  se  réglant  toujours  sur  les  événements 
de  la  guerre  d'Italie;  que,  lorsque  les  succès  nous 
étoient  favorables,  ils  nous  demandoient  la  paix,  mais 

iiimnius  à  des  conditions  honteuses;  s'il  nous  fût 
arrive  quelque  disgrâce,  ils  nous  eussent  méprisés 
d'effets  et  de  paroles;  qu'on  pou  voit  alléguer  trois 
abuses  pour  nous  dissuader  la  guerre  :  la  dissipation 
d'une  partie  de  nos  troupes  en  Italie,  de  nos  finances, 
et  la  rébellion  de  nos  hérétiques. 

Qu'à  ces  trois  raisons  il  y  avoit  une  réponse  géné- 
rale :  que  la  réputation  de  l'État  est  préférable  à  toutes 
chose*;  que,  sans  elle,  tous  les  hommes  et  tout  l'or  du 
monde  ne  nous  serviroient  de  rien,  et  nos  vies  et  nos 
biens  seroient  exposés  en  proie  à  l'étranger  ;  que  le 
Roi  faisoit  des  recrues  qui  rendroient  son  armée  très 
redoutable;  que  les  surintendants  assuroient  qu'il  y 
.in  <>it  fonds  suHîs;iiit  pour  quatre  montres  entières  sans 
toucher  au  courant,  et  quand  il  en  faudroit  venir  à 
quelques  moyens  extraordinaires,  les  compagnies  et 
le>  bons  sujets  du  Roi  ne  voudraient  rien  épargner  en 
une  si  juste  occasion. 

Comparez  le  «  Discours  de  Monseigneur  sur  la 

lors  de  la  venue  de  M.  le  Légat  »,  publié  par  M.  G.  Hano- 

taux  et  fragments  politiques,   p.    87),   et  le 

i rôles  du  Cardinal  donné  dans  la  Xrgociation  du 

!mal  Barberin,  fol.  340  v°. 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  favorablement  », 

tne  dans  la  version  du  Mercure  franrois.  La  correction  a 

mcy. 


122  MÉMOIRES  [1625] 

Quant  aux  huguenots,  que  la  signalée  victoire  que  le 
Roi  avoit  obtenue  sur  eux  les  avoient  mis  si  bas  qu'ils 
ne  sauroient  s'en  relever  ; 

Et  que  les  grandes  offres  que  feroit  le  clergé  suffi- 
roient  pour  les  subjuguer  entièrement,  sans  toucher 
aux  finances  du  Roi,  qui  seroient  réservées  pour  la 
guerre  étrangère,  à  laquelle  le  Cardinal  conclut. 

Le  légat  ayant  reçu  cette  dernière  résolution,  en 
donna  avis  à  S.  S.,  qui  ensuite  écrivit  au  Roi,  l'ex- 
hortant à  la  paix,  remettant  le  surplus  en  créance 
sur  son  nonce,  qui,  en  vertu  d'icelle,  déclara  que 
S.  S.  vouloit  envoyer  six  mille  hommes  en  la  Valte- 
line1. 

Le  Roi,  pour  réponse,  assura  le  Saint-Père  qu'il 
n'avoit  jamais  eu  autre  intention  que  de  procurer  de 
tout  son  possible  la  paix  en  la  chrétienté2; 

1.  Le  bref  d'Urbain  VIII,  daté  du  14  janvier  1626,  fut  rerais 
au  Roi  le  28  février  :  Ardier,  Mémoires  sur  l'affaire  des  Grisons 
et  la  Valteline  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  4058,  fol.  97  v°).  L'ob- 
jet de  l'expédition,  dont  les  dépenses  devaient  être  supportées 
par  le  roi  d'Espagne,  était  la  reprise  sur  les  Grisons  des  forts 
de  la  Valteline.  Torquato  Conti,  qui  avait  reçu  le  commande- 
ment des  troupes  du  Saint-Siège,  se  rendit  à  Ferrare  le  22  fé- 
vrier. Voyez  E.  Rott,  Histoire  de  la  représentation  diplomatique 
de  la  France  auprès  des  cantons  suisses,  t.  III,  lre  partie, 
p.  968  et  suiv. 

2.  La  lettre  de  Louis  XIII  porte  la  date  du  10  mars  1626. 
Nous  en  donnons  le  texte  d'après  le  registre  des  Archives 
nationales  K.K  1363,  fol.  161  v°  :  «  Nous  avons  reçu  par  les 
mains  de  notre  cousin,  le  cardinal  Spada,  nonce  de  V.  S.  près 
nous,  le  bref  qu'il  lui  a  plu  nous  écrire  du  14e  janvier,  par 
lequel  V.  S.  continue  de  nous  exhorter  à  la  paix  publique, 
ledit  cardinal  nous  ayant  toutefois  fait  entendre  la  résolution 
qu'elle  a  prise  sur  les  concurrences  présentes  de  la  Valteline, 
sur  quoi  nous  dirons  à  V.  S.  que  notre  conduite  et  nos  actions 


[I6?5]  DE  RICHELIEU.  123 

Que  S.  S.  savoit  bien  que  le  vrai  moyen  de  l'établir 
la  maintenir  «  toit  d'empêcher  que  le  fort  n'op- 
primât le  toil>le,  qui  étoit  la  seule  raison  pour  laquelle 
il  avoit  entrepris  de  défendre  ses  alliés,  en  quoi  l'Ita- 
lie n'avoit  pas  peu  d'intérêt; 

S.  M.  se  promettoit  que,  comme  S.  S.  le  con- 
viait à  li  paix,  elle  ne  ferait  aucune  action  qui  l'en  dût 
détourner,  l'assurant  qu'honorant  particulièrement 
sa  personne  comme  elle  faisoit,  elle  serait  extrême- 
ment   tachée   qu'elle    le   contraignit  a   prendre   une 

ont  toujours  fait  connoître,  et  nous  l'avons  plusieurs  fois 
déclaré,  que  nous  n'avions  autre  intention  que  de  procurer  et 
assurer  autant  qu'il  nous  a  été  possible  la  paix  de  la  chrétienté, 

Bine  \  ,  S.  sait  que  le  vrai  moyen  de  l'établir  et  de  la 
maintenir  est  d'empêcher  que  le  foible  soit  opprimé  par  le 
plus  fort,  aussi  est-ce  la  seule  raison  qui  nous  a  mû  d'entre- 
prendre la  juste  défense  de  nos  alliés,  en  quoi  nous  estimons 
que  tous  les  princes,  et  principalement  ceux  d'Italie,  ont  un 
notable  intiit't.  Nous  HOU  promettons  aussi  que  V.  S.,  nous 
conviant  à  la  paix,  ne  fera  aucune  action  qui  nous  en  puisse 
par  nécessité  détourner,  l'assurant  que,  comme  nous  honorons 
particulièrement  sa  personne,  nous  aurions  un  extrême  déplai- 
sir si  nous  étions  contraints  à  prendre  une  résolution  contraire 
au\  uit. nti nu,  que  nous  avons  eues  jusques  à  présent,  et  nous 
i  -  m-  it.uit  «lu  surplus  à  ce  que  le  sieur  de  Béthune  lui  dira  de 
part,  nous  prierons  Dieu,  Très  Saint-I'i  re,  qu'il  railla 
veiller  Y.  S.  »  Ardier,  dans  le  manuscrit  cil»-,  rapporte  la 
•  de  Louis  Mil  au  nonce  :  «  A  cette  déclaration  v  M 

Mit  qu'elle  eût  plutôt  attendu  de  la  prudence  de  S.  S.  une 
sage  entremise  pour  éteindre  et  pacifier  les  troubles  entre  les 
résolution  qui  les  pût  brouiller  davantage,  que 
S.  M.  ne  laisserait  pas  de  cons<r\<  i  tout  \r.  respect  qu'elle 
la  dignité  du  Saint-Siège,  mais  que,  les  gens  du  Pipe 
étant  joints  avec  les  Espagnols,  ses  soldats  ne  pourraient  pas 
les  distinguer  et  Ul  traiteraient  désormais  comme  gens  de  solde 
et  de  faction  espagnole.  » 


124  MÉMOIRES  [1625] 

résolution  contraire  à  celle  qu'elle  avoit  toujours  eue 
jusques  à  présent  ;  que  le  sieur  de  Béthune  lui  en  diroit 
davantage. 

Cependant,  pour  ce  que  le  Roi  se  voyoit  être  peu 
assuré  des  Suisses  en  cette  occasion,  attendu  que  le 
duc  de  Féria  avoit,  depuis  peu,  levé  aux  cantons 
catholiques  trois  régiments  qui  font  sept  mille 
hommes1,  dont  il  se  servoit  en  son  armée  d'Italie 
contre  le  Roi,  afin  de  voir  quel  secours  il  pouvoit 
attendre  d'eux  en  l'affaire  de  la  Valteline,  les  choses  ne 
venant  pas  à  être  terminées  si  promptement,  et  pour 
les  exciter  à  s'employer  de  tout  leur  pouvoir  en  une 
occasion  si  importante,  S.  M.  se  résolut  d'envoyer  en 
Suisse  le  maréchal  de  Bassompierre  en  qualité  de  son 
ambassadeur  extraordinaire2. 

Il  lui  donna  charge3  de  représenter  ce  qui  s'étoit 
passé  en  la  négociation  de  M.  le  Légat,  et  comme  le 
Roi  n'avoit  rien  oublié  de  tout  ce  qu'il  avoit  jugé  con- 
venable à  sa  cordiale  affection  vers  la  république  helvé- 
tienne,  et  à  sa  dignité  royale  qui  doit  procurer  le  bien 

1.  Notamment  les  deux  régiments  de  Beroldingen  et  de  Fle- 
chenstein  (E.  Rott.,  op.  cit.,  p.  868).  La  demande  en  avait  été 
présentée  aux  députés  catholiques  réunis  à  Lucerne  (31  janvier 
1625)  par  l'ambassadeur  d'Espagne,  Ogliani. 

2.  L'ambassadeur  ordinaire  était  Robert  Miron,  qui  repré- 
senta le  roi  de  France  auprès  des  cantons  suisses  du  16  no- 
vembre 1617  au  19  juin  1627. 

3.  Les  Mémoires  reproduisent  de  longs  extraits  de  1'  «  Ins- 
truction baillée  à  M.  le  maréchal  de  Bassompierre,  allant 
ambassadeur  extraordinaire  en  Suisse,  du  28  octobre  1625  » 
(Aff.  étr.,  Suisse  19,  fol.  247-257).  Ce  document  ne  porte  tou- 
tefois aucune  trace  d'utilisation  par  Sancy  ou  ses  collabora- 
teurs. Les  instructions  données  à  Bassompierre  ont  été  minu- 
tieusement analysées  par  M.  E.  Rott.,  op.  cit.,  p.  922-924. 


[1625]  DE  RICHELIEU.  125 

1 1  l<  repos  de  ses  alliés,  pour  induire  S.  S.,  avec  tout 
le  respect  qu'elle  lui  vouloit  rendre,  à  moyenner, 
rumine  père  commun,  le  rétablissement  de  toutes 
choses  en  la  Valteline,  comme  elles  étoient  par  le 
pute,  <-t  la  paix  en  Italie; 

Qu'il  en  avoit  fait  de  grandes  instances,  mais  que 
tout  cela  ne  s'étant  pas  terminé  à  la  fin  qu'il  eût  désiré, 
S.  M.,  voyant  que  les  choses  prenoient  le  chemin  de 
tin  i  en  longueur,  l'a  voit  dépêché  vers  eux  pour  les 
disposer,  ou  d'entrer  en  ligue  avec  elle,  la  république 
de  Venise  et  M.  le  duc  de  Savoie1,  pour  procurer  la 
restitution  entière  de  la  Valteline  et  desdits  comtés  aux 
Grisons,  ou,  sans  entrer  en  ligue,  de  continuer  leurs 
instances  particulières  au  Pape  et  au  roi  d'Espagne  de 
remettre  les  Grisons  en  ce  qui  leur  appartient,  ou  de 
faire  un  accord  par  lequel  la  France,  Venise  et  eux 
eoDtribueroîeni  a  la  garde  des  forts  tenus  à  présent 
par  S.  M.  en  la  Valteline  et  aux  Grisons,  pour  la  con- 
servation desdits  pays; 

Qu'ils  dévoient  considérer  qu'il  y  avoit  grande  diffé- 
rence1 des  intentions  de  cette  couronne  à  celles  d'Es- 
oe  en  leur  endroit; 

<Jue  la  France  n'avoit  tra\  aillé  qu'à  leur  repos  et 
conservation,  ft  raffermissement  d'une  bonne  union3  et 

1.  Il  s'agissait  d'obtenir  l'adhésion  des  cantons  aux  stipu- 
lations du  7  février  1623,  connues  sous  le  nom  de  ligue  d'Avi- 
gnon. 

2.  Manuscrit  A  :  a  qu'il  y  a  ».  La  plupart  des  corrections  de 
temps  n'ont  été  faites,  pour  les  huit  alinéas  qui  suivent,  que  sur 
I'   manuscrit  B. 

i  i  commence  le  vingt  et  unième  cahier  du  manuscrit  A, 
ainsi  résumé  par  Charpentier  :  «  Suite  des  ordres  du  mar< •<  liai 
de  BassMinpi!  rrt  .illant  m  Suisse.  Espagne  recherche  la  paix.  » 


126  MÉMOIRES  [1625] 

correspondance  entre  les  uns  et  les  autres;  au  con- 
traire, les  Espagnols  travailloient  incessamment  à  les 
diviser  et  désunir  par  les  jalousies  qu'ils  jetoient  entre 
les  catholiques  et  les  protestants,  en  dessein,  lorsqu'ils 
les  auroient  affoiblis,  de  les  assaillir  et  les  assujétir  les 
uns  après  les  autres,  sous  divers  prétextes  de  religion 
ou  de  prétentions  anciennes  de  la  maison  d'Autriche 
sur  leurs  États,  de  laquelle  ils  disoient  que  lesdits 
cantons  s'étoient  soustraits,  et  que  de  ce  dessein  les- 
dits cantons  en  dévoient  avoir  d'autant  plus  de  défiance, 
qu'outre  les  avantages  qu'avoient  les  Espagnols  de  les 
environner  et  enfermer  par  les  États  de  Milan,  de 
Bourgogne  et  d'Allemagne,  il  étoit  évident  que  leur 
ambition  n'avoit  point  de  bornes,  et  qu'ils  aspiroient 
à  l'invasion  entière  de  l'Italie,  de  l'Allemagne  et  de 
tout  leur  pays; 

Que  le  Roi  n'avoit  entrepris  cette  affaire  de  la  Valte- 
line  que  pour  l'intérêt  qu'ils  avoient  de  ne  pas  permettre 
le  démembrement  que  l'on  vouloit  commencer  de  l'État 
des  Grisons; 

Que  la  bonne  ou  mauvaise  issue  de  cette  affaire 
leur  pouvoit  causer  du  trouble  ou  du  repos  pour 
l'avenir  ; 

Qu'ils  déclarassent  à  S.  M.  quels  remèdes  ils  esti- 
moient  plus  convenables  pour  terminer  les  maux 
présents,  tous  lui  étant  indifférents,  pourvu  qu'ils 
fussent  bons  et  utiles  pour  eux  et  pour  leurs  alliés1  ; 

1.  Les  Mémoires  omettent  la  fin  de  la  phrase,  qui  précise 
l'attitude  à  suivre  par  Bassompierre  :  «  Essayant  avec  adresse 
dans  l'examen  des  expédients  qui  se  pourroient  y  prendre  de 
les  faire  tomber  d'eux-mêmes  à  l'un  des  sus-exprimés,  qui  sont 
les  seuls  dont  ils  peuvent  retirer  avantage  »  (Aff.  étr.,  Suisse  19, 
fol.  251). 


DE  RICHELIEU.  127 

Qq(  la  proposition  d'entrer  en  ligue  avec  S.  M., 
Venise  et  Savoie,  n'étoit  point  hors  de  raison,  pour  ce 
qu'ils  ut-  Muraient  jamais  s'engager  en  une  affaire  avec 
l»lu>  d'honneur,  de  sûreté  et  de  justice  que  celle-là1. 

Kt  outre  cela,  que  cette  union  produiroit  incontinent 
la  paix  et  le  rétablissement  des  Grisons  en  leur  pays, 
tel  qu'il  se  pouvoit  désirer,  vuque,  lorsque  les  Espagnols 
verroient  que  tout  le  corps  seroit  joint  en  cette  ligue, 
et  «iue  l'on  offriroit  de  pourvoir  suffisamment  à  la 
de  la  religion  catholique,  ilsseroient  contraints 
d'acquiescer  et  consentir  à  un  accord  raisonnable2, 
parce  que,  outre  qu'ils  ne  pourroient  pas  s'opposer  à 
telles  puissances,  le  prétexte  de  religion  dont  ils 
l'<  ti.  nt  servis  jusques  à  présent  leur  seroit  ôté,  et 
Dette  résolution  ne  seroit  pas  irnprouvée  par  le  Pape, 
qui  (lésii-oit  la  paix;  au  contraire  l'on  devoit  juger  qu'il 
r.ini'oit  birii  tgréable,  afin  «l'avoir  plus  de  force  sur 
nols  pour  les  induire  à  lui  faire  instance  de 
<•« Été  restitution  de  la  Valteline  aux  Grisons,  à  quoi 
depuis  quelque  temps  ilsavoient  résisté3. 

1  La  phrase  suivante  du  texte  primitif  a  été  supprimée  l«>rs 
de  la  i  lu  mamiM-rit  :  «  Étant  certain  que  cette  uni. m 

produira  incontinent  la  paix.  Mais  outre  qu'ils  ne  pourraient 
I  s'engager  en  une  affaire  avec  plus  de  justice  que  celle 
«jui  >.-  présente  avec  les  princes  confédérés,  ledit  sieur  maré- 
chal leor  fera  connottre...  » 

Misiru.  ti..u  |.. ut.   :  «  accommodement  ». 
•  inière  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Que  celle  qui  leur 
!■•  de  demander  an  Pape  le  restitution  d<-  ladite  \  alteline 
an  faveur  dj  esl  sans  péril  et  ne  peut 

tisses  «M   se  venlenl  abandonner  à  eux-mêmes,  joint 
<|u.    déjl  les  «aillons  catholiques  sont  d'eux-mêmes  entrés  en 
<:••  paragraphe  «  été  également  supprimé  lors 
i"u  «lu  manuscrit 


128  MÉMOIRES  [1625] 

Que  le  second  expédient1,  qui  étoit  de  continuer 
leurs  instances  pour  la  restitution  de  la  Valteline  aux 
Grisons,  étoit  sans  péril,  et  ne  pouvoit  être  rejeté  si 
lesdits  Suisses  ne  se  vouloient  abandonner  eux-mêmes 
sur  ce  sujet;  que  les  cantons  catholiques  étoient  entrés 
d'eux-mêmes  en  cette  instance2,  ayant,  en  l'assemblée 
qu'ils  avoient  tenue  à  Lucerne  le  mois  de  septembre 
dernier3,  déclaré  que  le  seul  remède  pour  terminer  les 
différends  de  la  Valteline  étoit  de  la  rendre  aux  Gri- 
sons, leurs  légitimes  maîtres,  avec  suffisantes  assu- 
rances pour  la  religion  catholique,  et  ensuite  avoient 
écrit  au  Pape,  à  S.  M.  et  au  roi  d'Espagne,  pour  les 
exhorter  à  la  paix,  ainsi  qu'il  se  voyoit  plus  particu- 
lièrement par  Yabscheid  de  l'assemblée,  et  par  les 
lettres  desdits  cantons4; 

Que  la  troisième  proposition  qu'on  leur  mettoit  en 
avant,  touchant  la  garde  des  forts  de  la  Valteline  et 
conservation  du  pays  des  Grisons5,  étoit  aussi  du  tout 

1.  Le  manuscrit  A  portait  tout  d'abord,  comme  l'instruction  : 
«  Pour  le  second  expédient  qui  aboutit  à  faire  que  les  Suisses 
demandent  la  restitution  de  la  Valteline  »  ;  la  correction  a  été 
faite  sur  ce  manuscrit  par  Sancy. 

2.  Le  manuscrit  A,  dans  sa  forme  primitive,  était  ainsi  conçu  : 
Il  est  à  propos  que  ledit  sieur  maréchal  sache  que  les  cantons, 
etc..  ».  Les  neuf  premiers  mots  ont  été  biffés  lors  de  la  révi- 
sion du  texte. 

3.  Sur  la  diète  de  Lucerne  (10-12  septembre),  voyez  E.  Rott, 
op.  cit.,  p.  906  et  suiv.  Le  recès  adopté  par  l'assemblée  des 
cantons  catholiques  fut  d'ailleurs  modifié  peu  après  dans  un 
sens  favorable  aux  demandes  du  Saint-Siège. 

4.  Comparez  le  texte  de  l'instruction  :  «  Ainsi  qu'il  se  verra 
plus  particulièrement  par  Yabscheid  de  l'assemblée  et  par  les 
copies  des  lettres  desdits  cantons  qui  seront  baillés  audit  sieur 
maréchal  ». 

5.  Dans  l'instruction  originale,  le  même  paragraphe  com- 


DE  RICHELIEU.  429 

nécessaire  si  les  affaires  ne  se  terminoient  prompte- 
mciil1,  étant  certain  qu'autrement  les  Suisses  et  les 
(ii mm >i in  se  trouveroient  enfin  incommodés  des  grandes 
■finéea  qui  passeroient  et  séjourneroient   sur   leurs 

I  (afs;  au  lieu  que,  la  garde  des  forts  ayant  été  bien 
établie,  le  différend  de  la  Valteline  ne  les  empêcheroit 

le  vivre  comme  s'ils  étoient  en  bonne  paix,  et,  de 
plus,  ils  se  rendroient  maîtres  des  lieux  que  Ton  vou- 
loit  usurper  et  des  passages  dont  les  Espagnols  ne  se 
pouvoient  servir  que  pour  se  rendre  maîtres  de  l'Italie 
et  de  l'Allemagne,  ce  qui,  par  suite  infaillible,  rejail- 
liroit  enfin  à  eux; 

Que  s'ils  ne  vouloient  entendre  à  contribuer  à  la 
dépense*,  mais  a  fournir  seulement  d'hommes,  pour 
tenir,  avec  les  François,  garnison  es  dits  forts,  à  la 
solde  de  S.  M.  et  de  Venise,  il  seroit  au  moins  de 
besoin  qu'ils  entrassent  en  accord  avec  eux  pour  la 
sûreté  et  conservation  d'iceux  envers  et  contre  tous, 

I I  pour  la  manutention  des  Grisons  en  leurs  États  et 
pays,  jus(|u«  s  a  ce  que  le  principal  différend  entre  les- 
dits  Grisons  et  Valtelins  fût  terminé,  et  que  les  choses 
fussent  rétablies  entre  eux*  dans  un  bon  ordre,  pour 
leur  repos  commun,  et  que  S.  M.  auroit  à  plaisir  que 

menée  ainsi  :  «  Le  troisième  expédient  qui  consiste  à  faire  con- 
venir les  cantons  avec  S.  M.  et  la  république  de  Venise  pour 
la  garde  des  forts  de  la  Valteline  et  la  conservation  du  pays 
■•te...  » 
1.  Instruction  originale  :  «  par  une  bonne  et  prompte  paix  ». 
[/instruction  contenait  une  appréciation  défavorable  à 
l'égard  cl.-,    Suisses,   <ju.-  l.-s   Mémoire*   n*OBl    pas   reproduite  : 
<•  sont  gens  qui  ont  accoutumé  de  se  Caire  si  viraux 
dépens  d'autnii,  il  y  a  grande  apparence  qu'ils  n'y  voudront 
pas  enlrii'li 

\  9 


130  MÉMOIRES  [1625] 

les  cantons  protestants,  conjointement  avec  les  catho- 
liques, intervinssent  à  cet  accord  par  un  mutuel  désir 
et  consentement. 

Ledit  maréchal,  ayant  reçu  ce  commandement  de 
S.  M.,  s'y  achemina  au  mois  de  novembre  de  ladite 
année1. 

Peu  après  le  partement  de  M.  le  Légat,  les  Espa- 
gnols, que  leurs  affaires  pressoient  de  faire  la  paix  en 
Italie,  et  qui  avoient  espéré  que,  sans  qu'ils  fissent 
mine  de  s'en  mêler,  elle  se  feroit  avec  plus  grande 
réputation  par  l'entremise  du  légat,  qui  ne  parloit 
qu'au  nom  de  S.  S.,  sans  qu'ils  y  intervinssent  aucu- 
nement, se  voyant  trompés  en  leurs  espérances,  cher- 
chèrent d'autres  moyens  pour  renouer  le  traité  de 
la  paix. 

Pour  cet  effet,  ils  écrivirent  à  Rome  et  sollicitèrent 
qu'on  leur  envoyât  le  légat  en  Espagne,  et  donnèrent 
charge  au  marquis  de  Mirabel,  leur  ambassadeur  en 
France,  de  voir  si  dextrement  il  pourroit,  avec  la  répu- 
tation de  son  maître,  en  entrer  en  propos  avec  les 
ministres  de  l'État2. 

1.  Cette  phrase  a  été  intercalée  dans  le  manuscrit  A  par 
Sancy,  à  la  suite  de  l'instruction  de  Bassompierre.  Bassorapierre 
quitta  Paris  le  18  novembre  et  fit  son  entrée  à  Soleure,  siège 
de  l'ambassade,  le  12  décembre.  Voyez  E.  Rott,  op.  cit.,  t.  III, 
p.  1001. 

2.  Les  Mémoires  reproduisent  à  partir  du  paragraphe  suivant 
le  récit  de  la  négociation  rédigé  par  Schônberg  :  «  Propos 
tenus  entre  M.  le  maréchal  de  Schônberg  et  le  marquis  de 
Mirabel.  »  Ce  document,  conservé  aux  Affaires  étrangères, 
Espagne  14,  fol.  285,  porte  des  corrections  de  la  main  de 
Sancy,  qui  a  modifié  le  style  direct  de  la  relation  (voyez,  sur 
l'ouverture  de  ces  pourparlers,  Vittorio  Siri,  Memorie  recondite, 
t.  VII,  p.  29,  et  Bassompierre,  Mémoires,  t.  III,  p.  210).  L'ini- 


[1625]  DE  RICHELIEU.  131 

Il  vit  le  maréchal  de  Schônberg1,  et  commença  son 
discours  par  le  déplaisir  qu'il  avoit  de  ce  que  le  légat 
ttoit  parti  de  la  cour  sans  rien  faire,  et  qu'il  sembloit 
qu'il  en  voulût  rejeter  la  cause  sur  l'Espagne,  qu'il 
avoit  charge  de  son  maître  de  déclarer  ici  que  les  dif- 
louftéfl  ne  procédoient  point  de  lui,  et  le  prioit  de  dire 

B  M.  et  à  son  Conseil  que  le  roi  d'Espagne  lui  avoit 
donne  charge  de  dire  qu'il  désiroit  la  paix,  et  ne  s'ar- 

tiative  en  aurait  été  prise  par  Mirabel,  qui  pressentit  Bassom- 
pierre  à  Fontainebleau,  le  27  septembre;  finalement,  avec  l'as- 
sentiment du  Cardinal,  une  première  conférence  eut  lieu  entre 
l'ambassadeur  d' Espagne  et  Schônberg,  dans  la  demeure  de 
ce  dernier,  à  Saint-Germain,  le  27  octobre.  Ardier  a  également 
utilisa  la  relation  de  Schônberg  fausses  Mémoires  sur  l'affaire 
drs  Grisons  et  Valteline  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  4058,  fol.  101), 
d'où  l'analogie  que  présentent  son  récit  et  le  texte  des 
Mémoires,  sans  qu'il  y  ait  filiation  entre  les  deux  documents. 
Voyez  l'étude  consacrée  par  M.  Delavaud  à  l'œuvre  d'Ardier, 
Rapports  et  notices,  fasc.  V,  p.  213. 

1  Henri  de  Schônberg  avait  reçu,  en  juin  1625,  la  charge 
de  maréchal  de  France,  rendue  vacante  par  la  mort  de  Roque- 
laure.  Selon  l'ambassadeur  vénitien  Morosini  (dépêche  du 
22  juin,  Calendar  of  state  papers,  Venice,  t.  XIX),  ce  choix 
avait  paru  comme  un  gage  donné  par  le  Roi  aux  partisans  de 
la  guerre  contre  les  huguenots  et  semblait  devoir  préparer  la 
disgrâce  du  Cardinal  et  le  rappel  à  la  cour  du  prince  de  Condé. 
I  i  la  lettre  adressée  d'Amiens  par  Marie  de  Médicis  à 
Louis  XIII,  le  18  juin  1625  :  «  Je  suis  très  aise  du  choix  que 
vous  avez  fait  du  comte  de  Schônberg  pour  remplir  la  charge 
de  maréchal  de  France  que  tenoit  mon  cousin  le  maréchal  de 
Roquelaure.  Cette  marque  d'honneur  que  vous  lui  donnez 
loublera  le  courage  pour  continuer  à  vous  servir  digne- 
ment i-omiiie  il  a  fait  jusques  ici  »  (Bibl.  n.it.,  m  s.  Français  3708, 
1  M  lettre  de  Richelieu  au  cardinal  de  la  Valette  de 
septembre  1624  (ms.  Nouvelles  acquisitions  françaises  1  ;i 
9    faisait  déjà  allusion  à  la  rentrée  en  grâce  de  Schôn- 

btrg. 


132  MÉMOIRES  [1625] 

rêtoit  point  à  cette  vanité  qui  parlerait  le  premier; 
qu'il  traiteroit  ici  par  ledit  marquis  de  Mirabel,  ou  bien 
enverroit,  pour  cet  effet,  quelque  autre  vers  le  Roi, 
et  le  prioit  qu'il  lui  voulût  faire  prompte  réponse,  d'au- 
tant que  les  affaires  pressoient. 

Après  cela,  il  voulut  rentrer  dans  la  négociation  de 
M.  le  Légat  et  dans  le  traité  du  commandeur  de  Sil- 
lery,  disant  qu'il  falloit  avoir  égard  à  contenter  le  Pape. 
Puis  après  il  parla  des  passages,  et  insista  qu'il  en 
fût  fait  quelque  petite  mention,  en  telle  forme  que  le 
Roi  ne  fût  pas  blessé  en  sa  réputation.  Et  cela  en 
termes  si  honnêtes  qu'il  étoit  aisé  à  juger  qu'il  s'en 
départiroit,  moyennant  que  S.  M.  ne  demandât  en 
iceux  que  les  mêmes  choses  qu'elle  avoit  eues  au  passé. 
Il  ne  fit  point  d'autre  difficulté  audit  maréchal,  recon- 
noissant  même  qu'il  ne  seroit  juste  que  les  Grisons 
perdissent  leur  souveraineté  sur  les  Valtelins1. 

Le  maréchal  lui  répondit  que  l'état  des  affaires  ne 
permettoit  pas  de  faire  un  nouveau  traité;  que,  si  la 
négociation  duroit  plus  d'un  mois,  les  choses  seroient 
engagées  entre  les  deux  couronnes;  qu'il  en  falloit 
demeurer  au  premier  article  du  traité  de  Madrid,  et 
que,  pour  parvenir  à  un  accommodement,  il  étoit 
nécessaire  que  les  deux  rois  ne  prétendissent  tirer 
aucun  avantage  sur  l'honneur,  les  États  et  les  alliés 
l'un  à  l'autre  ;  que  de  rentrer  dans  les  difficultés  de 
M.  le  Légat  et  celles  du  traité  de  Rome,  ce  ne  seroit 

1.  Comparez  le  texte  de  la  relation  de  Schônberg  :  «  En 
termes  si  honnêtes  qu'à  mon  avis  il  s'en  départira,  moyennant 
que  S.  M.  ne  demande  en  iceux  que  les  mêmes  choses  qu'elle 
a  eues  au  passé,  et  ne  m'a  point  fait  d'autre  difficulté,  recon- 
noissant  même  qu'il  ne  seroit  pas  juste  que  les  Grisons  per- 
dissent leur  souveraineté  sur  les  Valtelins.  » 


DE  RICHELIEU.  133 

jamais  l'ait,   et   qu'il  falloit  voir  quelles  ditlieull. 
pourraient  rencontrer  entre  les  deux  couronnes  pour 
< .  l  mommodemeot;  et  puis,  si  les  parties  convenoient 
ensemble,  qu'elles  trouveraient  bien  aisément  après 
l<s  moyens  «le  contenter  le  Pape. 

Ils  demeurèrent  d'accord  que  leur  entretien  devoit 
être  tort  secret. 

S.  M.,  ayant  su  ce  discours,  commanda  qu'on  dit, 
de  sa  part,  au  marquis  de  Mirabel  ■  : 

Qu'il  avoit  eu  fort  agréable  la  proposition  qui  avoit 
Hé  faite  par  ledit  marquis,  avec  la  candeur  et  fran- 
chise dont  il  avoit  usé,  qui  faisoit  connoitre  l'affection 
du  roi  d'Espagne  envers  S.  M.,  laquelle  de  sa  part 
ooatribueroifl  ce  que  l'on  pouvoit  justement  désirer 
d'elle  pour  le  maintien  de  cette  bonne  intelligence; 

Que  !<•  vrai  moyen  de  taire  la  paix  étoit  que  les  deux 

M  voulussent  pas  en  icelle  tirer  l'avantage  l'un 

sur  l'autre,  parce  que,  désirant  tous  deux  conserver 

leur  honneur  plus  que  leur  vie,  ils  hasarderaient  de  la 

perdre  plutôt  que  délaisser  entamer  leur  réputation; 

Que   le  roi  (TflnpigUf  ne  pouvoit  rien  prétendre 
le*  GrtSOtlS d  MB  1rs  Valtelinsqui  ne  tût  préjudi- 
ciable a  l'homieor  du  Roi,  puisque  ce  serait  une  nou- 
veauté et  un  accroissement  I  l'Espagne  sur  les  alliés 
de  S  té; 

Que  le  seul  moyen  donc  de  taire  la  paix  serait  que 
ledit  roi,  de  bonne  foi,  se  départit  de  la  prétention 

1    La  source  de  ce  passage  est  la  «  Réponse  qui  sera  faite  au 
nom  du  Roi  au  marquis  de  Mirabel  »   (Vff.  étr.,  Espagne  14, 
IM  de  guider  le  copiste,  les  lettres  Cet  D,  portées 
sur  ce  document,  indiquent  le  coiinm-m  «nient  et  la  fin  du  pas- 
sage à  transcrire. 


134  MÉMOIRES  [1625] 

des  passages,  qui  sont  toute  la  cause  de  ce  différend. 

Et  pour  le  regard  du  Pape,  Sa  Majesté  procureroit 
avec  effet  tous  les  avantages  que  Sa  Sainteté  pourroit 
raisonnablement  désirer  pour  la  religion  catholique,  et 
les  deux  rois,  en  l'exécution  de  ce  traité,  observeroient 
tout  ce  que  des  enfants  très  affectionnés  au  Saint-Père 
doivent  et  peuvent  faire  pour  sa  satisfaction. 

En  même  temps  Fargis1,  ambassadeur  du  Roi  en 
Espagne,  mandoit  de  deçà  qu'il  voyoit  bien  que  les 
Espagnols  désiroient  bien  passionnément  la  paix,  pres- 
sés par  l'état  présent  de  leurs  affaires  en  Italie  et  en 
Allemagne8,  et  que  le  comte  d'Olivarès  lui  avoit  deux 
ou  trois  fois  tenu  des  discours  par  lesquels  il  montroit 
qu'il  la  désiroit  absolument. 

Sur  ces  avis,  le  Roi  lui  fit  réponse,  le  29e  octobre3, 
qu'il  prît  bien  garde  à  conserver  tellement  la  dignité 
de  S.  M.,  qu'il  ne  fit  rien  dont  ceux  qui  raffinent  le 
point  d'honneur  pussent  tirer  avantage  ; 

1.  Charles  d'Angennes,  seigneur  du  Fargis,  conseiller  d'Etat, 
maréchal  de  camp  des  armées  du  Roi.  Il  occupa  l'ambassade 
de  Madrid  de  1620  à  1629.  En  juillet  1625,  il  sollicita  la  suc- 
cession de  M.  de  Béthune  à  Rome  (Aff.  étr.,  Espagne  14, 
fol.  212);  mais  Marie  de  Médicis,  «  affectionnée  à  tout  ce  qui 
vous  convient  »,  dit  Herbault  à  Fargis,  jugea  la  demande  pré- 
maturée (Arch.  nat.,  KK  1362,  fol.  155,  26  août  1625). 

2.  Comparez  la  lettre  du  Roi  à  du  Fargis  du  29  octobre  : 
«  Sollicités  et  pressés,  comme  j'estime,  par  l'état  présent  de 
leurs  affaires  en  Italie  et  en  Allemagne  »  (Aff.  étr.,  Espagne  14, 
fol.  283). 

3.  Louis  XIII  donna  ses  instructions  à  l'ambassadeur  du  Far- 
gis par  deux  lettres  datées  du  25  et  du  29  octobre  et  adressées 
par  le  même  courrier,  qui  ont  été  l'une  et  l'autre  reproduites 
en  partie  dans  les  Mémoires.  La  lettre  du  29  a  été  la  première 
utilisée. 


DE  RICHELIEU.  135 

Qu'il  y  ■  tant  «l<"  différence  entre  ce  que  les  Espa- 
gnols «lisent  et  œ  qu'ils  l'ont,  voire  même  en  ce  qu'ils 
disent  un  jour  <t  œ  qu'ils  dieenl  l'antee,  qu'on  ne 
saurait  l'aire  un  jugement  certain  des  intentions  et 
desseins  de  telles  gens. 

Il  seurotl  donc  que,  si  la  paix  se  pouvoit  faire  à  con- 
ditions honorables  et  ftàra,  en  sorte  que  la  chrétienté 
n  \  trouve  rien  à  redire,  et  que  ce  qui  seroit  arrêté 
lût  nel  et  effectif1,  S.  M.  ne  s'en  éloignerait  pas, 
ains  au  contraire  y  entendroit  volontiers,  n'ayant 
point  entrepris  cette  guerre  par  aversion  qu'il  eût  à 
.  mais  par  la  nécessité  qu'il  avoit  de  conser- 
ter  ses  stt 

nue  les  conditions  que  le  Roi  demandoit  n'aboutis- 
soient  qu'à  deux  principales  :  l'une  à  l'exclusion  des 
passages,  l'autre  à  la  conservation  de  la  souveraineté 
des  Grisons; 

Que  le  légat  n'a  jamais  (ait  difficulté  invincible  que 
pour  la  souveraineté,  croyant  bien  que  sur  les  pas- 
MSjSs  l'Espagne  s'accommoderoit  à  ce  que  la  France 
e  raisonnablement,  et  de  la  souveraineté  encore 
il  ne  l'.  n  suit  difficulté  que  sur  ce  que  c'étoit  le  Pape 
srul  ijin  t'aisoit  le  traité,  sans  qu'aucune  des  deux  cou- 
raonee  y  intervint;  «'t  il  lui  sembloit  honteux  que  le 
Saint-Pérc  soumit,  par  un  acte  qui  provint  purement 

de  lui.  les  catholiques  I  le  domination  des  hérétiques, 
-l'on  il  ee  Noii  rnsntiestemenl  <|u»\  si  l'Espagne  inter- 

\«  nuit*  avec  la  France  en  un  traité,  S.  S.  n'auroit 

la  lettre  du  25  octobre  :  «  et  que  ce  qui  sera 
i  réellement  exécuté  ». 
2.  Lettre  du  25  octobre  :  «  Mais  afin  que  \<>us  jttgfol  mieux 
de  tout,  je  tous  envoie  un  mémoire  succinct  des  principaux 


136  MEMOIRES  [1625] 

peine  quelconque  d'adjuger  ladite  souveraineté  à  qui 
elle  appartient; 

Que  la  question  donc  consisteroit  à  ce  que  les  deux 
rois  y  intervinssent  ensemble;  que,  puisque  le  comte 
d'Olivarès  n'en  fait  pas  difficulté,  mais  seulement 
de  savoir  qui  commencera  à  témoigner  désirer  que 
son  compagnon  intervienne,  ledit  Fargis,  s'il  est 
assuré  que  la  paix  s'en  ensuive,  pourroit  dire  au  comte 
d'Olivarès  : 

Que  le  légat  étant  venu  en  France,  et  ayant  presque 
tout  ajusté,  fors  ce  qui  est  de  la  souveraineté,  faute 
de  l'intervention  d'Espagne1,  le  Roi  sera  bien  aise  de 
savoir  si  ce  sont  eux  qui  font  cette  difficulté  ; 

Qu'ils  pourront  répondre  que  ce  n'est  point  eux,  et 
sur  cette  demande  et  réponse  il  faudra  convenir  et 
intervenir  pour  lever  cet  empêchement. 

Et  d'autant  que  le  comte  d'Olivarès  pourroit2,  sur 
l'ouverture  de  cette  intervention,  répondre,  selon  les 
termes  qui  ont  été  tenus  vers  le  Pape,  que  le  roi  d'Es- 
pagne est  prêt  d'entrer  en  traité,  pourvu  que  les  forts 
soient  remis,  avant  toutes  choses,  es  mains  de  S.  S., 
que  S.  M.  entend  que  cette  difficulté  soit  vidée  avant 
que  faire  la  proposition  qu'elle  lui3  a  ordonné,  et  que 

points  qui  ont  été  agités  en  la  négociation  dudit  légat,  par  où 
vous  verrez  que  si  l'Espagne  intervenoit...  » 

1.  Lettre  du  25  octobre  :  «  Fors  ce  qui  est  de  la  souverai- 
neté des  Grisons,  à  laquelle  il  dit  ne  pouvoir  toucher  sans  lin 
tervention  d'Espagne...  » 

2.  Les  trois  paragraphes  suivants  reproduisent  un  fragment 
de  la  lettre  du  Roi  du  29  octobre  (Aff.  étr.,  Espagne  14, 
fol.  283).  En  regard  du  passage  à  transcrire,  Sancy  a  tracé  les 
lettres  G-H  à  la  marge. 

3.  A  du  Fargis. 


(Il  DE  RICHELIEU.  137 

si  ledil  <« »mt «■  insiste  sur  cette  formalité,  < ju'il  essaye 
de  le  rendre  capable  de*  raisons  pour  Lesquelles  elle 
n'y  peut  entendre1,  ajoutant  que,  s'il  désire  la  paix, 
il  in-  doit  pas  s'arrêter  aux  choses  qui  ne  regardent 
pas  l'intérêt  île  son  maître;  que  S.  M.  conviendra  aisé- 
ment de  ce  qui  s'est  passé  en  la  Valteline  avec  le  Pape, 
lorsque  les  autres  points  auront  été  arrêtés,  et  qu'elle 
est  résolue  de  donner  a  S.  S.  toute  la  satisfaction  rai- 
sonnable qu'elle  pourra  désirer;  mais  que  si,  au  pré- 
judice de  ces  raisons,  ledit  comte  s'affermit  à  prétendre 
e» -tte  restitution  préalable  des  forts,  comme  ce  sera  une 
preuve  évidente  qu'il  M  désirera  pas  la  paix,  ledit 
-  qu'il  aura  fait  tout  ce  qui  lui  sera  pos- 
sible pour  surmonter  cette  difficulté,  s'il  n'y  peut  par- 
venir, ne  passerait  pas  outre  à  la  proposition  susdite 
de  l'intervention  et  demeureroit  sur  la  réserve  plus 
qu'auparavant  ; 

Que  si  on  traitoit,  il  falloit  conclure  directement  la 
pail  sans  passer  par  une  surséance  d'armes,  laquelle 
si  on  proposoit  il  devoit  rejeter,  faisant  connoitre 
qu'elle  ne  pouvoit  avoir  lieu  qu'après  que  les  choses 
.un  oit  ni  été  ajusté*!,  et  que  la  paix  ne  seroit  pas  plus 
difficile  à  établir  qu'une  trêve*. 

Pour  tin,  S.  M.  lui  recommanda  le  secret,  et  décou- 
vrir les  conférences  qu'il  pourroit  avoir  avec  ledit 
comte  du  prétexte  dm  s.iisies  des  biens  des  sujets  des 
«l«n\   <  ..inonnes3,   afin  que  les   ministres  des  antres 

1     Ltf  Mémoire»  n'ont  pas  reproduit  le  membre  de  phrase 
il  :  i  telles  <|n'eltes  vous  ont  été  ci-devant  mandées  et 
>re  par  la  relation  que  je  vous  envoie  ». 
-    I  -  deui  derniers  paragraphes  de  la  lettre  origi- 

nale a  été  iii"<li(i<   dans  les  Mémoire». 

Les  saisies  des  biens  des  Français  établis  en  Espagne 


138  MÉMOIRES  [1625] 

princes  n'y  puissent  rien  pénétrer  ni  apporter  obs- 
tacle; qu'il  en  pouvoit  donner  part  au  nonce,  s'il  le 
jugeoit  à  propos  et  croyoitque  le  comte  fût  pour  lui  en 
parler1. 

Quelques  jours  après  que  le  marquis  de  Mirabel  eut 
tenu  au  maréchal  de  Schônberg  le  discours  que  nous 
avons  dit  ci-devant,  il  se  rétracta  et  parla  tout  d'un 
autre  air  et  avec  beaucoup  de  froideur2,  ce  qui  fit  que 
le  Roi  commanda  au  Fargis  de  faire  le  même,  et  d'al- 
ler plus  retenu  aux  offices  qu'il  lui  avoit  commandés 
par  sa  lettre  susdite. 

Ledit  comte  d'OIivarès  dressa  une  forme  d'écrit 
pour  le  commencement  du  traité,  dans  laquelle  il 
s'efforçoit  de  faire  voir  que  le  Fargis  avoit  parlé  le  pre- 
mier et  fait  offre  de  contentement  pour  le  roi  d'Es- 

avaient  commencé  le  28  mai,  «  plus  par  animosité  que  par 
esprit  de  représaille  »  (lettre  de  Fargis  à  Herbault,  Madrid, 
2  juin  1625  :  Aff.  étr.,  Espagne  14,  fol.  172). 

1.  Comparez  la  lettre  du  29  octobre  :  «  Je  vous  recommande 
encore  de  tenir  ces  propositions  secrètes,  de  couvrir  les  con- 
férences que  vous  pourrez  avoir  avec  ledit  comte  du  prétexte 
des  saisies  de  biens  des  sujets  des  deux  couronnes,  afin  que 
personne,  ni  même  les  ministres  de  mes  confédérés  n'y 
puissent  rien  pénétrer  ni  apporter  obstacle.  Je  remets  à  votre 
prudence  d'en  donner  part  au  nonce  si  vous  le  jugez  à  propos 
et  que  ledit  comte  soit  pour  lui  en  parler.  » 

2.  Herbault  annonça  dès  le  30  octobre  à  du  Fargis  le  chan- 
gement d'attitude  du  marquis  de  Mirabel  (Arch.  nat., 
KK  1362,  fol.  311  v°).  Voyez  aussi  la  lettre  du  Roi  à  Béthune, 
7  novembre  1625  :  «  Le  comte  d'OIivarès  s'est  aucunement 
rétracté  de  ce  qu'il  avoit  discouru  avec  le  sieur  du  Fargis, 
comme  a  fait  le  marquis  de  Mirabel  des  ouvertures  qu'il  avoit 
faites  à  aucuns  des  principaux  de  mon  conseil  »  (Bibl.  nat., 
ms.  Français  3669,  fol.  14). 


DE   HU'HKLIBU.  139 

<•,  essayant  de  faire  voir  qu'il  était  dû  quelque 
chose  ;i  l;i  satisfaction  do  son  maitre. 

Le  l'.oi  la  rejeta  et  manda,  le  6«  décembre,  audit 
taPgifl  qu'il  ne  vouloit  pas  souffrir  que  ledit  comte 
emportât,  pour  son  maitre,  le  dessus  au  point  de  la 
réputation,  non  plus  qu'en  l'essence  de  la  chose; 

Otfil  ne  devoit  rien  à  la  satisfaction  du  roi  d'Es- 
.  qui  a  voit  eu  tout  le  tort  et  n'en  avoit  point  rem, 
et,  partant,  qu'il  montrât  dorénavant  plus  de  rete- 
nue envers  ledit  comte,  comme  ayant  occasion  de 
se  douloir  de  l'artifice  de  son  procédé;  néanmoins 
qu'il  observât  ses  mouvements  le  plus  qu'il  pour- 
roit,  pour  en  donner  avis  ponctuellement  à  Sadite 
Majesté 1 . 

1.  \.>-  troifl  paragraphes  qui  précèdent  sont  empruntés  à 
une  lettre  d'IIerbault  à  du  Fargis  du  6  décembre  (Aff.  étr., 
Espagne  14,  fol.  287),  dont  voici  le  texte  :  a  Pour  le  regard 
des  affaires  dont  vous  avez  traité  avec  le  comte  d'Olivarès,  je 
ne  puis  que  peu  ajouter  à  ce  que  le  Roi  vous  écrit.  En  effet, 
nous  connoissons  que  ledit  comte  désire  la  paix,  et  que  S.  M. 
ne  s'en  éloigne  pas  ;  mais  il  prétend  non  seulement  emporter  le 
dessus  au  point  de  la  réputation,  mais  aussi  en  l'essence  de  la 
re  qui  se  reconnoît  assez  par  les  termes  de  son  écrit, 
où  il  s'efforce  de  faire  voir  que  vous  avez  parlé  le  premier  et 
fait  "i1  ntentement  pour  la  n>i  d'Kspagne;  puis  il  ajoute 

ces  mots  de  satisfaction  publique,  qui  sont  autant  injurieux 
OOOMM  est  vaine  et  injuste  la  prétention  que  montre  ledit 
qu'il  toit  dû  quelque  chose  à  la  satisfaction  de  son 
maître,  notai  encore  compensation.  De  manière  que  vous 
êtes  loué  d'avoir  absolument  rejeté  cet  écril,  et  S.  M.  trouve 
h  >n  qu.  \.iis  uiMiitri./  ensuite  plus  de  retenue  envers  ledit 
BMM  ftyant  D  <b-  WMM  dowlotr  de  l'artiflce  de 

s«.n  procédé.  Néanmoins  vous  observerez  ses  mouvements  le 
plus  qui-  vous  pourrez  pour  en  donner  avis  ponctuellement  à 
S.  M.  » 


140  MÉMOIRES  [1625] 

Nous1  ajouterions  ici  la  suite  de  ces  entretiens; 
mais,  parce  que  la  fin  de  cette  négociation2  ne  fut 
qu'en  l'année  suivante,  nous  la  remettrons  en  ce 
temps-là,  joint  que  la  reine  de  la  Grande-Bretagne, 
que  nous  avons  seulement  conduite  jusqu'à  Douvres3, 
nous  convie  de  la  retourner  trouver,  et  laisser  main- 
tenant ces  choses,  qui  sont  de  moindre  considération 
qu'elle. 

Elle  s'étoit  imaginé  de  rencontrer  en  Angleterre 
une  magnificence  au  moins  égale  à  celle  de  la  cour 
de  France,  vu  que  les  ambassadeurs  lui  en  avoient 
parlé,  en  sorte  que  de  leurs  paroles  elle  avoit  lieu  de 
croire  qu'elle  la  surmontoit  de  beaucoup. 

Elle  s'attendoit  aussi  d'être  reçue  du  roi  avec  des 
témoignages  d'une  extrême  bienveillance,  et  de  voir 
un  prince  qui  l'aimât  autant  comme  elle  avoit  d'amour 
pour  lui,   et  qui  ne  lui  voulût  refuser  aucune  des 

1.  Ici  commence  le  22e  cahier  du  manuscrit  A  (fol.  206), 
ainsi  résumé  par  Charpentier  :  «  Arrivée  de  la  Reine  en 
Angleterre.  Procédé  de  Buckingham  envers  elle.  Le  sieur  de 
Blainville  y  va  en  ambassade  extraordinaire.  » 

2.  Herbault  écrivait  à  ce  propos  le  19  décembre  à  Béthune  : 
«  La  négociation  de  la  paix  est  finie  ou  du  moins  si  assoupie 
qu'il  ne  s'en  parle  plus  ni  de  deçà  ni  ailleurs;  en  Espagne,  il 
s'étoit  tenu  quelques  propos  en  général  sur  ce  sujet  entre 
M.  du  Fargis  et  le  comte  d'Olivarès;  mais  il  n'en-  est  réussi 
aucune  conclusion.  Ce  que  nous  avons  reçu  est  que  les  Espa- 
gnols désirent  la  paix  et  qu'ils  en  ont  besoin,  mais  qu'ils  y 
veulent  prendre,  s'ils  pouvoient,  des  avantages  au  préjudice  de 
la  réputation  du  Roi  et  de  l'intérêt  de  ses  alliés.  Ainsi  nous 
nous  trouvons  bien  loin  de  compte  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Fran- 
çais 3669,  fol.  31). 

3.  Le  22  juin  1625.  Voyez  Louis  Batiffol,  la  Duchesse  de  C/ie- 
vreuse,  1913,  p.  68. 


[1625]  DE  RICHELIEU.  141 

grâces  que  raisonnablement  elle  lui  pouvoit  demander. 

•Ile  fut  étonnée  que,  arrivant  à  Douvres,  elle  est 

dans  un  château  mal  meublé1,  toute  sa  cour  fort 

mal  reçue,  pour  un  jour  d'entrée  au  royaume  dont 

elle  venoit  prendre  possession2. 

Le  lendemain,  le  roi  la  vint  trouver  sur  son 
dîner,  usez  mal  accompagné,  n'ayant  pas  l'ombre 
seulement  de  la  grandeur  avec  laquelle  le  roi  de 
tance  vit. 

Tout  ce  qui  l'étonné  le  plus,  c'est  que  dès  le  soir 
de  sou  arrivée  on  met  les  prêtres  et  les  catholiques  en 
prison,  comme  si  on  vouloit  à  sa  vue  les  affliger, 
au  lieu  qu'elle  espéroit  les  soulager  par  sa  présence, 
bien  qu'on  les  relâchât  depuis  à  l'instante  prière  qu'elle 
en  fît . 

An  partir  de  Douvres,  le  roi  la  mit  en  un  carrosse 
plein  de  il;unes  angloises,  afin  d'éloigner  les  dames 
li  -niçoises  qu'elle  a  voit  amenées  avec  elle3. 

1.  l'n  appartement  de  neuf  chambres  y  avait  été  préparé 
pour  elle  sur  l'ordre  de  Buckingham,  qui  possédait  le  château 
en  sa  qualité  d'amiral  des  Cinq  ports  (dépêche  du  27  juin  de 
l'ambassadeur  vénitien  à  Londres,  Zuane  Pesaro  :  Calendar 
of  State  Papers,  Venice,  t.  XIX,  p.  87). 

1.  Les  Mémoires  s'inspirent,  pour  tout  le  récit  du  séjour  de 
Henriette  de  France  en  Angleterre,  de  la  narration  de  Tillières 
ires,  éd.  ('..  Eippeao,  i  ihap.  vi,  p.  88  à  115).  Mais  l'ex- 
posé dt-  Tillières  a  été  considérablement  abrégé;  aucun  doea- 
Best  ne  permet  d'ailleurs  de  déterminer  de  manière  précise 
les  conditions  dans  lesquelles  a  été  effectué  le  travail  d'adap- 
il  <si  impossible  de  le  reconstituer  à  l'aide  des  correc- 
pea  DOmbranses  que  présente  cette  partit-  du  neJMMCril  I , 
dnt-Georges,  les  comtesses  de  Tillières  et  de 
Clprières,  «  dames  d<  la  chambre  du  lit  »,  et  M""  de  Fouges, 
«  dame  d'atour  »  (Aff.  étr.,  Angleterre  39,  fol.  88  v°). 


142  MÉMOIRES  [1625] 

Elle  ne  put  souffrir  sans  larmes  de  se  voir,  jeune 
princesse,  quasi  comme  étrangère  (puisque  c'est  le  jour 
de  son  arrivée),  toute  seule  parmi  des  personnes  de 
langue  et  de  religion  différentes,  séparée  de  celles  en 
qui  elle  a  voit  créance. 

Ses  larmes  ne  purent  obtenir  qu'on  donnât  au  moins 
place  en  son  carrosse  à  sa  dame  d'honneur1  ;  mais  les 
instances  des  ambassadeurs  du  roi  l'obtinrent2.  Le 
refus  qu'on  lui  en  avoit  fait  lui  fut  moins  sensible  que 
de  voir  que  l'autorité  desdits  ambassadeurs  eût  eu  plus 
de  crédit  envers  le  roi  son  mari  que  ses  prières. 

Tout  le  voyage  jusqu'à  Londres  alla  du  même  air3  ;  y 
arrivant,  elle  n'y  reçut  aucuns  honneurs,  et  ne  vit  nulle 
des  galanteries  qu'on  a  accoutumé  de  voir  en  occasions 
semblables. 

Dans  la  maison  du  roi4,  elle  trouva  pour  son  lit  de 
parade  un  de  ceux  de  la  reine  Elisabeth,  qui  étoit  si 

1.  Mme  de  Saint -Georges,  marquise  de  Monglat  (même 
document).  En  août  1625,  Richelieu  songea  à  la  remplacer  par 
la  marquise  de  Maignelay  (Aff.  étr.,  Angleterre  33,  fol.  208). 

2.  Sur  l'intervention  de  Brienne  et  d'Effiat,  au  moment  du 
départ  pour  Cantorbéry,  voyez  Brienne,  Mémoires,  1. 1,  p.  223, 
et  la  lettre  adressée  par  lui  au  Cardinal  le  26  juin  1625  :  Bibl. 
nat.,  ms.  Brienne  49,  fol.  194  v°. 

3.  L'entrée  de  Charles  Ier  et  de  Henriette  de  France  à 
Londres  eut  lieu  le  26  juin  1625;  le  voyage  royal  s'était 
achevé,  de  Gravesend  à  Londres,  sur  la  Tamise  (Tillières, 
Mémoires,  p.  91  et  92). 

4.  A  Somerset  House,  connue  encore  sous  le  nom  de  Den- 
mark  House,  parce  que  la  reine  Anne  de  Danemark,  femme  de 
Jacques  Ier,  y  avait  établi  sa  résidence.  Cet  hôtel  fut  donné  à 
la  reine,  par  acte  du  14  février  1626.  Voyez  S.  R.  Gardiner, 
History  of  England,  t.  V,  p.  335,  et  The  Annals  ofKing  James 
and  King  Charles  the  First.  Londres,  1681,  in-fol.,  p.  108. 


[1625]  DE  RU  HKI.IEU.  U3 

antique  que  les  plus  vieux  ne  se  souvenoient  point  d'en 
i  jain.iis  vu  la  mode  de  leur  temps. 

A  peine  est-elle  arrivée  que  Ton  recommence  les 
cruautés  contre  les  catholiques;  on  remplit  les  prisons 
df  leurs  personnes,  les  encans  de  leurs  meubles  et  le 
fisc  de  leurs  biens.  Dieu,  qui  vouloit  montrer  qu'il 
voyoit  de  l'œil  de  sa  colère  une  telle  injustice,  les 
frappa  d'une  peste  si  furieuse,  qu'en  une  semaine, 
en  la  ville  de  Londres  seule,  il  en  mourut  plus  de 
sept  mille1. 

l'uur  fuir  le  mal  le  roi  la  mena  à  la  campagne*, 
continuant  toujours  envers  elle  le  même  traitement 
qu'il  avoit  commencé,  ce  qui  lui  causoit  un  tel 
déplaisir,  qu'une  personne  bien  plus  âgée  qu'elle  n'eût 
pas  eu  assez  de  force  pour  s'empêcher  d'en  donner 
quelque  connoissance  au  dehors.  Elle  n'en  donnoit 
point  d'autre  néanmoins,  sinon  qu'il  paroissoit  bien 
qu'elle  avoit  quelque  ennui  qui  la  travailloit  au  dedans. 

Buckin^liam  prit  cette  occasion  pour  lui  rendre  de 
mauvais  offices  auprès  du  roi,  et  s'échapper  encore, 
OOnftft  le  respect  qu'il  lui  devoit,  en  de  fâcheuses 
paroles3. 

1.  Les  deux  alinéas  précédents  reproduisent  presque  tex- 
tii»  HrriMht  un  passage  de  Tillières  [Mémoires,  p.  92). 

Le  départ  du  roi  et  de  la  reine  est  mentionné  dans  une 

lettre  de  Locke  à  Carleton,  9  juillet  1625  (Calendar  of  Stuic 

Papers,  Domestic  .Séries,  1625-1626.  Londres,  1858,  p.  57).  La 

cour  se  rendit  à  Windsor,  à  Woking  et  Nonsuch  et  enfln  à 

;.   1\  juillet,  pow  l'ouverture  du  Parlement. 

ri  du  manuscrit   A    :    a    Buckingharn  prit 
cette  i  non  seulement  de  lui  rendre  de  mauvais  offices 

-    du   roi,   mais  d'échapper  encore  contre    le    respect, 
etc..  »  Cf.  ïïlli. -r«  s.  Mémoires,  p.  93. 


144  MÉMOIRES  [1625] 

Il  la  menaça  qu'elle  seroit  la  plus  malheureuse  prin- 
cesse de  la  terre,  si  elle  ne  vouloit  vivre  avec  plus  de 
gaîté  avec  le  roi;  que  ce  n'étoit  pas  lui  témoigner 
qu'elle  l'aimât,  que  d'être  triste  en  sa  présence. 

Quant  à  lui,  qu'il  savoit  bien  qu'elle  lui  vouloit  mal  ; 
mais  que  cela  lui  étoit  indifférent,  pourvu  qu'il  fût  en 
la  bonne  grâce  de  son  maître. 

Tout  le  mal  qu'il  disoit  qu'elle  lui  vouloit  n'étoit 
autre  chose  sinon  qu'elle  a  voit  fait  instance  que  ses 
dames,  au  moins  celle  d'honneur,  demeurassent  en 
son  carrosse,  et  ne  fussent  point  chassées  pour  celles 
qu'on  lui  vouloit  donner  par  force,  qui  étoient  la 
femme,  la  sœur  et  la  nièce  de  Buckingham1. 

Nonobstant  l'effronterie  avec  laquelle  il  avoit  parlé 
à  la  reine,  comme  si,  par  excès  de  présomption  ou 
de  folie,  il  estimoit  les  offenses  être  courtoisies,  il  ne 
laissa  pas,  dès  le  lendemain,  de  la  venir  supplier  de 
recevoir  ces  trois  dames  pour  ses  dames  de  lit. 

La  reine  répondit  très  sagement  que  la  feue  reine 
d'Angleterre  n'en  avoit  que  deux;  qu'elle  en  avoit 
amené  trois  de  France,  et  se  contentoit  bien  de  ce 
nombre. 

Cette  affaire  fut  poursuivie  avec  chaleur  ;  il  en  fut 

1.  La  duchesse  de  Buckingham,  la  comtesse  de  Denbigh  et 
la  marquise  d'Hamilton.  D'après  une  lettre  de  l'évêque  de 
Mende  (Aff.  étr.,  Angleterre  33,  fol.  204),  datée  de  Richmond, 
1er  juillet  1625,  et  adressée  au  Cardinal  :  «  M.  le  duc  de  Buc- 
kingham ne  s'est  pas  contenté  d'avoir  sa  mère  et  sa  femme 
pour  dames  du  lit,  et  a  prié  les  ambassadeurs  de  poursuivre 
près  de  vous  cet  honneur  pour  sa  sœur.  »  Le  roi  avait  autorisé 
le  31  juillet  1625  l'entrée  dans  la  maison  de  Henriette  de  France 
de  la  comtesse  et  de  la  duchesse  de  Buckingham  (Bibl.  nat., 
ms.  Français  3722,  fol.  195  v°). 


DE  RICHELIEU.  145 

fait  instance  aux  ambassadeurs,  qui  étoient  le  duc  de 
Clit  \it  iim' et  les  sieurs  de  la  Ville-aux-Clercs  et  d'Ef- 
tiat.  Il  y  a  voit  raison  pour  et  contre  *;  mais  enfin  celle 
du  péril  de  la  religion  de  la  reine,  si  on  les  admettoit 
sitôt,  l'emporta*. 

La  peste  de  Londres  avoit  fait  remettre  le  Parle- 
ment à  Oxford3.  Il  témoignai  une  grande  animosité 
eontre  Buckingham,  qui,  pensant  faire  chose  qui  lui 

l.  Klles  sont  exposées  dans  un  mémoire  adressé  au  Roi  par 
•  linal  le  3  août  1625  :  «  Pour  ce  qui  est  de  l'Angleterre, 
il  faut  prendre  les  remèdes  aux  exécutions  qui  se  font  aux 
choses  accordées  par  le  traité  de  mariage,  de  l'avis  de  MM.  les 
.mil>.issa<lriir>  qui.  avant  vu  le  mal,  doivent  mieux  connoître 
us  autres  les  moyens  de  le  réparer.  Seulement  peut-on 
•lin-  «put  est  à  propos  de  se  montrer  ferme  à  cette  occasion, 
parce  que,  si  on  se  relâche  aux  choses  promises  et  stipulées, 
ils  empiéteront  de  telle  sorte  qu'enfin  la  conscience  de  la  reine 
ne  sera  pas  assurée.  Cependant,  il  est  nécessaire  d'éviter  une 
rupture  avec  le  duc  de  Buckingham  »  (Afl*.  étr.,  France  780, 
159). 
1    Voyez  une  lettre  adressée  par  le  Roi  à  Effiat  à  la  fin  d'août 
Atf.  étr.,  Angleterre  33,  fol.  208)  :  «  Par  une  dépêche 
roui  écrivis  pour  lors,  je  consentois  volontiers  aux  pro- 
ions que  vous  faisiez  de  souffrir  en  la  maison  de  la  reine 
l  introdui  ti<>n   de  la  mère  et  de  la  femme  de  Buckingham,  à 
ge  d'en  exclure  toute  autre;  maintenant  j'ai  changé  d'opi- 
nion, estimant  qu'ils  imputeront  ce  consentement  à  foihlesse 
ou  à  peu  de  soin  d'entretien  des  conditions  du  mariage  et  de 
zèle  pour  la  religion.  »  Tillières  (p.  94)  attribue  ce  changement 
de  décision  à  l'intervention  de  l'évêque  de  Mende. 

3.  Le  l'arlem  t  s'était  réuni  à  Westminster  le  18  juin; 
ajxurn.  U  1 1  j  •  t,  il  fut  convoqué  à  Oxford  le  1"  août  et  y 
siégea  jusqu'au  12  août  (anc.  st.),  date  de  sa  dissolution.  Samuel 
R.  Gardiner  a  publié,  d'après  un  manuscrit  OMtMBOrtin,  un 
compte-rendu  des  séances  (Debates  in  t/><-  House  of  Commons 

m    U  •  l •  I >  .    \-  *    s,  Ml  v     (.    \  |,    1873). 

V  10 


146  MÉMOIRES  [1625] 

fût  agréable,  ne  se  contenta  pas  de  remettre  en  vigueur 
les  anciennes  lois  contre  les  catholiques,  mais  en  fit 
encore  proposer  de  nouvelles  plus  rigoureuses1,  et 
quant  et  quant  offrit  de  faire  chasser  les  François  qui 
étoient  auprès  de  la  reine.  Mais  Dieu,  qui  confond  les  des- 
seins des  méchants,  fit  que  le  Parlement  répondit  qu'il 
falloit  garder  les  promesses  que  le  roi  d'Angleterre 
avoit  faites  à  S.  M.  Très  Chrétienne;  mais  que,  s'il  y 
avoit  en  elles  quelques  choses  qui  fussent  contre  le 
droit  et  les  lois  du  royame,  il  falloit  châtier  ceux  qui 
les  avoient  accordées. 

Le  comte  de  Garlisle,  avec  cet  esprit  de  mensonge 
qui  ne  le  quitte  jamais,  dit  impudemment  tout  haut, 
devant  toute  la  compagnie,  que  S.  M.  Très  Chrétienne 
et  ses  ministres  lui  avoient  dit  qu'ils  n'entendoient  pas 
que  les  articles  concernant  les  catholiques  fussent 
observés,  et  qu'ils  n'en  faisoient  mention  que  pour  con- 
tenter le  Pape2. 

Mais  cette  fausseté  étoit  si  évidente,  et  il  étoit  si 

1.  Voyez  la  lettre  de  Tillières  au  Roi,  18  août  1625  (Bibl. 
nat.,  ms.  Dupuy  403,  fol.  27).  Buckingham  annonçait  que  le 
Parlement  l'obligeait  à  1'  «  exécution  des  anciennes  lois  contre 
les  catholiques  »,  mais  promettait  que,  l'application  «  étant  entre 
ses  mains,  il  en  useroit  fort  modérément  ». 

2.  Le  P.  de  Bérulle  mentionne  également,  dans  une  lettre 
adressée  le  31  août  au  Cardinal,  les  «  assurances  »  -données  au 
Parlement  d'Angleterre  par  Buckingham  et  Carlisle  «  que  les 
promesses  faites  n'avoient  point  été  requises  du  Roi  Très  Chré- 
tien pour  avoir  effet,  mais  seulement  pour  apparence  et  pour 
prétexte  au  l'ape  de  donner  la  dispense  »  (Aff.  étr.,  Angle- 
terre 33,  fol.  219).  D'après  l'ambassadeur  vénitien  Zuane 
Pesaro,  John  Williams,  lord  Reeper  s'était  prononcé  en  faveur 
de  l'exécution  des  engagements  pris  par  le  roi  (dépêche  du 
21  août  1625,  dans  le  Calendar  of  State  Papers,  Venice,  p.  143). 


[16Î5]  DE  RICHELIEU.  147 

hors  d'apparence  qu'un  grand  prince  comme  le  roi 
eût  pu  traiter  avec  tant  d'indignité  et  si  peu  de  resr 
pect  de  la  religion  qu'il  professe1,  que  le  Parlement, 
vaut  point  d'égard,  continua  avec  le  même  cou- 
de procéder  avec  Bu<  ki  ng  h  un,  qui  lut  enfin  con- 
traint de  le  rompre,  mais  avec  dessein  de  le  remettre 
à  peu  de  temps  de  là,  se  retenant1  à  tirer  une  si  rude 
vengeance  de  tous  ceux  qui  lui  avoient  été  contraires 
m  m  parlement-ci,  que  ceux  qui  seroient  élus  en  l'autre 
appréhenderoient  de  recevoir  le  même  traitement. 

Kn  ce  temps,  le  comte  de  Tillières  reçut  ordre  du 
Roi  de  traiter  avec  ledit  duc  de  quelque  chose  con- 
«  «  ruant  les  affaires  d'Allemagne,  lui  dire  force  paroles 
honnêtes  de  sa  part,  et  lui  recommander  instamment 
l'affaire  des  catholiques,  qui  étoient  extraordinairement 
persécutés,  au  préjudice  des  promesses  et  des  serments 
qu'il  a  voit  faits  au  contraire  en  faveur  du  mariage. 
Maie,  Mmm»  s  il  eût  été  mù  par  ses  instances  de  faire 
»  -m  -lire  pis,  il  poussa  le  roi  de  la  Grande-Bretagne,  dèf 
le  lendemain,  a  faire  une  proclamation  contre  eux  plus 
plus  inhumaine  encore  que  toutes  celles 
qui  avoient  été  auparavant3. 

1.  Cette  phrase  ne  se  retrouve  pas  dans  les  Mémoires  de  Til- 
lières, auxquels  ont  été  empruntés  en  revanche  les  deux  ali- 
néas qui  précèdent  (p.  96). 

Rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Se  résolvant  à  tirer  si  rude 
vengeance  connue  il  fit  de  tous  ceux  qui  lui  avoient  été  con 

l  au  parlement  passé...  »  Cf.  Tillières,  Mémo, 
et  Aff.  étr.,  Angleterre  41,  fol.  289  v°. 

l'remière  i  du  manuscrit  A  :  «  plus  inhumaine 

ijin-  imites  celles  qui  avaient  j.iin.ti  i  alinéa  est 

un  résumé  de  Tillières  (Mémoires,  p.  opk  de  la  pro- 

clamation, datée  du  14  août  1625,  est  conservée  aux  AH 


148  MÉMOIRES  [1625] 

Après  cette  action,  ils  menèrent  la  reine  à  Titch- 
field1,  maison  du  comte  de  Southampton  ;  vers  la 
mi-août,  le  roi  s'en  alla  à  la  Forét-Neuve,  qui  en  est 
distante  de  trois  ou  quatre  lieues. 

Buckingham,  pour  la  combler  de  tristesse,  lui  dit 
que  le  temps  de  l'affliction  pour  elle  étoit  venu,  qu'elle 
ne  seroit  plus  traitée  en  reine,  mais  comme  elle  méri- 
toit.  A  quoi  elle  lui  répondit  fort  sagement  et  modes- 
tement2. 

A  quelque  temps  de  là,  on  reçut  nouvelle  que  le 
sieur  de  Blain ville3  devoit  bientôt  être  envoyé,  de  la 

Angleterre  33,  fol.  217.  «  Elle  renouvelle,  écrit  Bérulle  dans  la 
lettre  citée  plus  haut,  toutes  les  lois  pénales  qui  ont  jamais  été 
faites  et  quelques-uns  même  disent  qu'elle  en  ajoute  de  nou- 
velles. »  Elle  avait  été  annoncée  au  Parlement  avant  sa  disso- 
lution (The  Annals  ofKing  Charles  the  First,  p.  111). 

1.  Le  roi  chassait  dans  la  New  Forest  et  résidait  à  Beaulieu 
(Holborn),  tandis  que  la  reine  séjournait  à  Titchfield,  nord- 
ouest  de  Gosport  (Hampshire),  sur  la  rive  opposée  du  «  Sou- 
thampton water  ».  La  résidence  de  la  reine  avait  été  construite 
sous  le  règne  de  Henry  VIII  par  le  chancelier  Wriothesley, 
comte  de  Southampton,  sur  les  ruines  d'une  ancienne  abbaye; 
elle  appartenait  alors  à  Thomas  Wriothesley,  quatrième  comte 
de  Southampton  (1607-1667).  C'est  dans  cette  demeure  que 
Charles  Ier  chercha  refuge  en  1647  et  fut  arrêté  le  12  novembre 
par  le  colonel  Hammond  (Cassell,  Gazetteer  of  Great  Britain 
and  Ireland,  t.  VI,  p.  198). 

2.  Cf.  les  Mémoires  de  ïillières  (p.  99)  qui  donnent  de  cet 
incident  un  récit  détaillé. 

3.  Blainville  avait  été  l'ami  du  maréchal  d'Ancre  et  du  duc 
de  Luynes.  «  Esprit  fort  adroit  dans  les  intrigues  de  la  cour  », 
écrit  Bréval  au  duc  de  Lorraine  le  30  août  1625  (Bibl.  nat., 
Nouvelles  acquisitions  françaises  3145,  fol.  298).  Il  arriva  à 
Londres  le  21  octobre  1625.  Voyez  l'abbé  Houssaye,  l'Ambas- 
sade de  M.  de  Blainville.  Bévue  des  questions  historiques, 
t.  XXIII,  p.  176-204.  Herbault  mandait  le  24  octobre  à  Béthune 


DE  lliriiEMEU.  149 

part  1 1  ci  Roi,  ambassadeur  extraordinaire  pour  se 
plaindre  de  tant  de  contraventions  qu'ils  faisoient  à  ce 
qu'ils  avoient  promis,  et  informer  S.  M.  de  la  Vérité 
•portements  de  la  reine,  <l<>nt  tes  An^lois,  pour 
■MBer  leur  barbarie  envers  elle,  se  plaignoient. 

On  jugea  à  propos  de  dépêcher  le  Père  de  Bérulle 
en  Prince,  pour  faire  entendre  la  vérité  de  toutes 
dwnc<  au  Roi  et  au  Cardinal,  afin  d'avoir  plus  de 
lumière  pour  donner  instruction  à  l'ambassadeur  de  ce 
qu'il  avoi!  à  faire1.  Il  arriva  à  temps  pour  cela. 

doc  de  Chevreuse  et  sa  cabale,  qui  n'étoit  pas  bien 

ju'il  paroi  qu'il  n'avoit  pas  mis  en  Angleterre  les 

affaires  au  point  qu'il  devoit,  et  qu'un  autre  ambassa- 

■  leur  tût  envoyé  pour  corriger  les  fautes  qu'il  avoit  faites 

<  t  donner  un  meilleur  établissement  à  toutes  choses, 

m.iiida  en  Angleterre  qu'on  se  devoit  bien  donner 

le  de  rien  taire  en  faveur  dudit  ambassadeur; 

Qu'il  nVtoit  pas  de  si  grande  considération  pour  sa 

Mme,  qu'on  dût  beaucoup  se  soucier  en  France 

du  traitement  qu'on  lui  tordit  l'ait;  qu'on  l'envoyoit 

comme  un  homme  habile  et  le  plus  rusé  qui  fût  en  la 

OOOr;  <ju'il  teroit  gloire  «le  les  avoir  trompés  s'il  obte- 

noit    quelque  «hangement  d'eux  au  procédé    qu'ils 

lent  tenu  jusque*  ici*. 

L'ambassadeur,  «les  son  an  éprouva  un  effet 

que  Rlainvill-  <  t  ait  envoyé  en  Angleterre  «  pour  accommoder 
les  petites  l>r<>uill.Ti.-s  qui  étoient  dans  la  maison  de  la  reine  >t 
M  plaindre  de  quelques  édits  pabKél  BOTtre  Ictt  •  .  »  1 1 1  •  »— 
BfMI  i    MU.  nat  .  tus.  Français  3699,  fol.  12). 

1     Ktnpiiint  aux    M  de  Tilli.'-f-s,   p,   101. 

1    I  is  trace  de  cette  intervention  <iu  duc  de 

vreose  dans  les  Mémoire»  de  Til Hères. 


150  MÉMOIRES  [1625] 

de  cette  instruction.  On  n'envoya  au-devant  de  lui 
qu'un  vicomte;  on  ne  lui  donna  point  de  dais  en  sa 
chambre.  En  sa  seconde  audience,  on  ne  le  fit  accom- 
pagoer  que  par  un  baron1. 

Exposant  au  roi  son  ambassade,  qui  consistoit  en 
deux  points,  savoir  et  le  repos  des  catholiques  et  l'éta- 
blissement de  la  maison  de  la  reine,  le  roi  lui  répondit 
qu'il  ne  s'étoit  rien  fait  contre  les  catholiques  que  pour 
le  bien  de  son  État  ; 

Que,  pour  la  maison  de  sa  femme,  il  en  vouloit  être 
le  maître  et  en  disposer  à  son  gré  ; 

Qu'il  a  accordé  à  son  parent  le  duc  de  Chevreuse 
tout  ce  qui  se  peut  accorder,  et  que  si  d'autres  en 
espèrent  davantage  ils  se  trompent. 

Le  sieur  de  Blainville  lui  repart  que  ce  qu'il  demande 
est  au  nom  de  son  maître,  et  qu'il  parle  en  qualité  de 
son  ambassadeur,  et  non  comme  Blainville,  et  que  le 
duc  de  Chevreuse  n'avoit  rien  dû  ni  pu  obtenir  qu'en 
cette  même  qualité2. 

Le  roi  ajouta  alors  que  S.  M.  a  voit  fait  un  tour  d'Es- 
pagnol d'avoir  surpris  Soubise  au  temps  que  l'on  cro- 
yoit  la  paix  être  assurée3. 

1.  Cf.  la  copie  des  Mémoires  de  Tillières,  conservée  aux  Afl\ 
étr.,  Angleterre  41,  fol.  283  et  suiv.,  à  laquelle  cette  phrase  est 
empruntée  à  peu  près  textuellement. 

2.  Tout  ce  qui  précède  est  inspiré  de  Tillières,  Mémoires, 
p.  105. 

3.  Ce  passage  est  emprunté  à  un  «  mémoire  envoyé  de  M.  de 
Blainville  au  cardinal  de  Richelieu,  reçu  le  jour  de  la  Tous- 
saint »  (Aff.  étr.,  Angleterre  26,  fol.  473).  «  Le  roi  de  la 
Grande-Bretagne  même  s'échappa  à  mon  audience  à  me  dire 
que  le  Roi  avoit  fait  un  tour  d'Espagnol,  n'osant  prononcer  le 
nom  de  supercherie,   d'avoir  surpris  M.  de  Soubise  dans  le 


M '>? .V  I)K  RICHELIEU.  151 

Cette  parole  nltciisa  Blain ville.  Il  répondit  néanmoins 
civilement  (|iie  le  Roi  son  maih  e  ne  se  servoit  point  de 
1  <  \< ni|ile  île  personne,  mais  le  donnoit  à  ceux  qui 
votiloient  agir  pnennsement. 

Si  les  paroles  du  roi  furent  mauvaises,  les  effets 
lurent  encore  pires.  Il  envoya,  dès  le  jour  même,  qué- 
rir le  comte  de  Tillières,  et  lui  commanda  de  faire  prê- 
ter le  serment  à  deux  Anglois  huguenots  qu'il  vouloit 
(aire  recevoir  en  la  maison  de  la  reine1.  Ledit  comte, 
Blainville  et  la  reine  eurent  grande  peine  à  esquiver 
ce  coup. 

Buckin^ham  i  toit  encore  à  Plymouth,  où  il  étoit  allé 
pour  donner  ordre  au  partement  de  l'armée  nationale 
pour  Cadix-,  laquelle  étoit  commandée3  par  le  comte 

t**m|»s  que  l'on  disoit  la  paix  être  assurée.  »  Les  corrections 
« 1 11  < ■  prêtent!  en  ce  point  le  manuscrit  A  permettent  de  conclure 
que  toutr  cette  partie  des  Mémoires  a  été  revue  successivement 

harpentier  et  Sancy.  Cette  phrase  se  présente  en  effet 

loi.  211  y*)  :  1°  version  du  scribe  :   «  Que  le 

Roi  avoit  fait  un  tour  d'Espagnol  d'avoir  surpris  Soubise  autant 

< I » i •  •  I  on  eroyoit  la  paix  être  assurée  »;  2°  correction  de  Cbar- 

r  :  «  Le  roi  ajouta  que  le  Roi  avoit  fait  un  tour  d'ItMk- 
gaol  rection  de  Sancy  :  «  Le  roi  ajouta  alors   que 

v  M.  avoit  fait  un  tow  d'Espagnol...  » 

llières,  Air.  étr.,  Angleterre  41,   loi.  286  :  «  Si  les 

paroles   sont   mauvaises,  les  effets  sont   pèrtft.    Il    l'ail   dire  au 

<  oint.   uV  TUlièrei  dès  le  soir  mèmt  par  un  nommé  (iourdon 

qu'il  \tiit  qu  il  fasse  prêter  le  serment  et  recevoir  serviteurs  de 

me  sa  femme,  deux  Anglois  huguenots.  » 

li    lotti    quitta    l'Uruoiilli    1»-    1S    octobre.    La     ville    de 
Londi  .iirni    1,000  hommes  à  l'expédition.  CI.   K. '•-. 

rpe,  London  <ind  the  Kin^dom,    1884,  t.   II.  |>. 

I  •■  commandement  de  la  flotte,  primitivem.  nt  réservé  à 

Dgham,  lut  confié  à  Sir  Edward  Ctcfl,   \iromte  il«'  Wim- 
bUdoi  H>38),  assisté  du  comte  d'Essex,  «  vice-admiral  >, 


152  MÉMOIRES  [1625] 

de  Denbigh1,  son  beau-frère,  homme  de  peu  de  sens 
et  de  nulle  expérience  en  la  mer2. 

Il  revint  à  quelques  jours  de  là  à  Salisbury3  où 
étoient  Leurs  Majestés,  vit  Blainville,  le  paya  de  grands 
compliments,  ne  voulant  venir  avec  lui  à  rien  de  par- 
ticulier, espérant  peut-être  aller  en  France*  de  Hol- 

et  du  comte  Denbigh,  «  rear-admiral  ».  Ce  dernier  exerça  pro- 
visoirement le  commandement  de  la  flotte  du  24  octobre  au 
1er  novembre,  alors  que  Sir  Edward  dirigeait  en  personne  les 
opérations  sur  terre  (voyez  The  voyage  to  Cadiz  in  1625,  being 
ajournai  uritten  by  John  Glanville,  éd.  A.  B.  Grosart.  Cam- 
den  Society,  New  Séries,  1883,  t.  XXXII,  p.  50).  Commentant 
l'échec  de  l'expédition,  Blainville  écrit  le  20  décembre  au  Car 
dinal  :  «  Cette  nouvelle  afflige  un  peu  cette  cour  et  les  parti- 
sans de  Buckingham  témoignent  qu'il  faut  réparer  cette  faute, 
donnant  secours  à  la  Rochelle.  Pour  moi,  j'estime  qu'ils  ne 
vous  feront  pas  grand  mal  et  qu'il  est  aussi  aisé  de  les  battre 
en  France  comme  en  Espagne  »  (Aff.  étr.,  Angleterre  33, 
fol.  314). 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  mmandée  parle 
comte  d'Einby,  beau-frère  du  duc  ».  La  correction  a  été  faite 
par  Sancy.  William  Feilding,  premier  comte  de  Denbigh,  né 
avant  1582,  avait  épousé  Suzanne  Villiers,  sœur  de  Buckin- 
gham; il  reçut  le  titre  de  comte  de  Denbigh  le  14  septembre 
1622;  il  accompagna  le  prince  de  Galles  et  Buckingham  en 
Espagne,  servit,  au  cours  de  l'expédition  de  Cadix  (1625), 
comme  rear-admiral,  et  reçut  le  commandement  de  la  flotte 
envoyée  en  avril  1628  devant  la  Rochelle  ;  blessé  lors  de  l'at- 
taque du  régiment  de  Rupert  sur  Birmingham  le  3  avril  1643, 
il  mourut  des  suites  de  ses  blessures  le  8  avril.  Voyez  Dictionary 
of  National  Biography,  1889,  t.  XVIII. 

2.  Emprunt  aux  Mémoires  de  Tillières,  p.  101  :  «  Le  géné- 
ral qu'on  envoyoit  pour  la  [l'armée  navale]  commander...  étoit 
sans  nulle  expérience  de  la  mer  et  homme  de  peu  de  sens.  » 

3.  Salisbury,  chef-lieu  du  comté  de  Wilts,  au  confluent  du 
Bourne  et  du  Nadder. 

4.  Dès  le  15  novembre,  Bréval  mandait  au  duc  de  Lorraine 


[I6?f>]  DE  RICHELIEU.  153 

lande,  on  son  maître  IVnvovoit  en  ambas>adc  extraor- 

dmeire. 

l.limvillr  cuit  être  obligé  de  donner  avis  parti- 
culier au  Roi  de  tout  ce  qui  se  pas.soit.  et  lui  cn\<>\a 
MO  secrétaire,  le  2*  de  novembre  pour  l'informer  de 
tmito  choses1. 

le  bruit  d'un  voyage  de  Louis  Mil  à  Ittlent  :  «  Je  crois  que  le 
vrai  motif  est  le  retour  de  Hollande  du  duc  de  BncJdngham, 
qui  veut  voir  le  Roi  en  passant,  lequel  ne  désire  pas  qu'il 
fitBB6  ici  pour  beaucoup  de  raisons  générales  et  particulières, 
publiques  et  domestiques,  que  V.  A.  jugera  bien  »  (Bibl.  nat., 
N    ivelles  acquisitions  françaises  3145,  fol.  388). 

1 .  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Pour  savoir  sa 
volonté  sur  six  points.  Lt  premier  sur  les  domestiques  de  la 

o  de  la  reine,  que  le  roi  d'Angleterre,  contre  le  traité  du 
mariage,  vouloit  mettre  à  sa  fantaisie  et  de  sa  secte;  le 
deuxième,  quelle  instance  il  devoit  faire  sur  le  mauvais  traite- 
ment des  catholiques;  le  troisième,  touchant  la  restitution  des 

aux  que  Soubise  avoit  avec  lui,  et  particulièrement  de 
celui  de  Saint-Jean;  le  quatrième  sur  les  vaisseaux  anglois  qui 
avoient  s>r\i  le  Roi  en  son  armée,  lesquels  le  roi  de  la  Grande- 
Bretagne  demandoit  lui  être  renvoyés.  Ces  vaisseaux  étoient 
HM  At  Iniit  M'en  a\oit  promis,  le  capitaine  du  huitième, 
n'avant  pas  voulu  dès  le  commencement  servir  le  Roi,  s'en 
étant  enfui  de  nuit.  De  ces  vaisseaux,  les  six  étoient  marchands 
et  avo  |>ar  permission  du  roi  d'\n-lri«-rre  nolisés  au 

nom  de  S.  M.  pour  dix-huit  mois,  le  septième  étoit  un  vais- 
seau du  roi  d  Angleterre.  Le  cinquième,  si  la  reine  devoit 
recevoir  les  dames  de  lit  huguenotes  que  Bm -kin^ham  lui  fai- 
soit  prétenter  par  le  roi.  lilainville  ajouta  son  avis  qui  étoit 
que,   par  la   d>  amaii  ambassadeur  D  a\oit    avancé   ni 

n'avtnceroit  rien  en  Angleterre,  vu  qu'ils  teetoitnfl  et  la  civi- 
lité .t  particulièrement  qu'on  leur  pouvoit  mettTt  lt  mandé 
en  la  m  un  m  ce  temps  auquel  ils  avoient  grand  besoin  des 
tint  du  mariage;  que  Buckin^ham  «toit 
en  nu  i-lligence  avec  le  Parlement;  qu'ils  étoitnl  te 

entfrt  pnenrtt  avec  les  Espagnols,  te  ligue  avec  leurs  alliés  pour 


154  MÉMOIRES  [1625] 

Le  Cardinal  pour  réponse1  lui  donna  charge  de  dire 
à  Buckingham  qu'on  n'auroit  pas  sujet  d'ajouter  loi 
aux  promesses  qu'il  faisoit  en  ses  entreprises  qu'il 
proposoit,  s'il  manquoit  non  seulement  aux  paroles 
qu'il  avoit  données  par  le  passé,  mais  à  des  articles 
d'un  contrat  de  mariage,  entre  lesquels  un  des  prin- 
cipaux est  que  tous  les  domestiques  de  la  reine  seront 
catholiques;  que  si  on  vouloit  avec  violence  la  con- 
traindre à  en  recevoir  d'autres,  elle  craindroit  qu'on 
la  voulût  enfin  passer  jusques  à  sa  personne  et  la  forcer 
en  sa  religion2. 

le  recouvrement  du  Palalinat  et  en  crainte  que  le  Roi  prît  volonté 
de  faire  la  paix  avec  le  roi  d'Espagne;  que  le  mal  étoit  qu'ils 
étoient  ponctuellement  avertis  de  France  de  toutes  les  all'aires 
par  personnes  qui,  pourvu  qu'ils  ruinassent  son  ambassade,  ne 
se  soucioient  pas  du  public;  et  que,  si  on  lui  donnoit  ordre  de 
témoigner  avec  courage  et  paroles  hardies  le  ressentiment  que 
le  Roi  avoit  de  leur  mauvaise  conduite  en  ce  qui  le  regardoit, 
assurément  (pourvu  que  cela  fût  secret)  ils  en  seroient  éton- 
nés, pour  ce  qu'on  leur  donnoit  tous  les  jours  avis  de  ne  se 
point  relâcher  et  tenir  bon  et  ne  rien  craindre  du  côté  de  la 
France,  vu  que  la  crainte  fait  tout  faire  au  Conseil  de  France, 
où  personne  n'oseroit  donner  au  Roi  un  conseil  hardi;  enfin 
que  Ruckingham,  quoiqu'il  fît  le  bravache,  appréhendoit  une 
rupture.  »  Tout  ce  passage  a  été  supprimé  par  Sancy  lors  de 
la  révision  du  manuscrit  A. 

1.  Ici  commence  un  long  emprunt  à  une  lettre  du  Cardinal 
du  11  novembre  1625,  dont  la  minute,  écrite  par  Charpentier, 
est  conservée  aux  Aff.  étr.,  Angleterre  33,  fol.  274.  Cette 
minute  porte  en  tête  un  renvoi  au  22e  cahier  des  Mémoires  : 
«  en  la  feuille  22  »,  et  présente  des  corrections  de  temps  et  de 
style  faites  tant  par  Charpentier  que  par  Sancy.  Malgré  ce  tra- 
vail préliminaire,  des  modifications  nouvelles  ont  été  apportées 
par  Sancy  sur  le  manuscrit  A. 

2.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Le  Cardinal,  par 
commandement  du  Roi,  lui  répondit  qu'on  ne  pouvoit  penser 


[1625]  DE  RICHELIEU.  155 

pliant  à  ce  <|tuls  prétendoient  être  aussi  l>ien  fondés 
à  se  mêler  de  nos  huguenots1,  connue  le  Hoi  lïtoit  à 
agir  pour  les  catholiques  d'Angleterre,  il  leur  devoit 
répondre  qu'il  ne  demandoit  pour  lesdits  catholiques 
■ne  < ■■■  «jui  avoit  été  promis  par  le  roi  d'Angleterre 
iiirriie,  et  eux  demandent  pour  les  huguenots  non  une 
chose  due  comme  promise,  ni  une  grâce  pour  des 

en  France  comme  Buckingham,  qui  faisoit  tout  en  Angleterre, 
se  pouvoit  excuser  de  faire  exécuter  les  choses  solennellement 
promise*  par  un  traité  de  mariage,  vu  qu'il  seroit  difficile  qu'on 
pût  ajouter  foi  aux  promesses  qu'il  veut  faire  dans  ses  entre- 

I  à  l'avenir,  s'il  manque  non  seulement  aux  paroles  qu'il 
a  données  par  le  passé,  mais  à  des  articles  d'un  contrat  dont 
il  veut  bien  qu'on  lui  attribue  la  gloire  et  qui  sont  si  authen- 
tiques comme  sont  ceux  d'un  mariage  fait  non  seulement  pour 
lier  deux  personnes,  mais  deux  couronnes;  qu'il  lui  devoit 
témoigner  ouvertement  que  l'inobservation  de  ce  qui  avoit  été 
promit  ne  pouvoit  être  continué  avec  la  conservation  d'une 
boue  intelligence  avec  la  France  et  de  l'amitié  du  Roi,  ni 
même  de  la  reine  sa  maîtresse.  Si  nonobstant  tel  langage  ils 
M  portotent  à  l'extrémité  de  vouloir  mettre  des  officiers  pro- 

ts  dans  la  maison  de  la  reine,  elle  seroit  très  bien  fondée 
I  Im  resnser  tout  .1  plat  et  Itui-  iléfendre  l'entrée  de  sa  maison, 
leur  disant  tTM  Moéottfo,  mais  force  et  vigueur,  qu'elle  ne  les 
fM.urroit  souffrir,  parce  que,  si  on  usoit  de  violence  pour  M 
c|iii  .  t  >it  stipulé  pour  ses  domestiques  en  faveur  de  son  mariage, 

raiadroit  qu'on  la  voulût  continuer  et  augmenter  jusqu'à 
sa  personne  en  ce  qui  la  concerne  pour  la  lil  i  reli- 

gion. Kn  |a|  <as,  elle  pourroit  encore  parler  au  roi  sou  mari, 
qui,  sans  doute,  ne  se  résoudroit  jamais  à  mépriser  ses  senti- 
ments .t  u  reJton  tout  enseenble.  » 

1  Ce  début  d'alinéa  se  présente  sur  le  manuscrit  \  MMSS 
troll  première  version  (conlonm  a  Angle- 

terre   ■  J74)  :  «  Qm  quant  à   ce  qu'il  a  ponrsnivi  M 

faveur  des  i  atlioli.pics,  on  se  moque  en  Angleterre  quand  on 
fait  semMant  >\>  I.  tpuncr  mauvais  et  de  <  roir-  qu'ils  sont 
aussi  bien  faedàl  à  parler  des  huguenots...  »  Deuxième 


156  MÉMOIRES  [1625] 

innocents,  mais  impunité  et  récompense  pour  des 
rebelles,  et  ce  contre  les  règles  de  tout  État. 

En  ce  qui  regardoit  la  demande  des  vaisseaux  que 
Soubise  avoit  pris  au  Roi  et  volés  à  ses  sujets,  que  les 
Anglois  ne  se  pouvoient  exempter  d'y  répondre  favo- 
rablement, vu  qu'il  s'agissoit  non  de  grâce  mais  de  jus- 
tice, qui  en  pareil  cas  ne  pourroit  être  déniée  ni  par 
le  Pape  au  Turc,  ni  par  les  Anglois  au  Pape,  et  qu'en 
effet  la  détention  de  ces  vaisseaux  ne  pouvoit  être  con- 
tinuée sans  manifeste  hostilité,  ce  qu'il  leur  devoit  dire 
fortement  ' . 

Et  que  S.  M.  en  useroit  bien  autrement  envers  le 
roi  son  frère;  car,  puisqu'il  désiroit  la  roberge  qu'il 
lui  avoit  prêtée,  quoiqu'on  n'eût  jamais  cru  que  ce  fût 
pour  un  temps  si  court,  le  Koi  étoit  tout  près  de  la  lui 
renvoyer. 

Pour  les  six  vaisseaux  loués  de  marchands  anglois, 
le  marché  étant  fait  pour  autant  de  temps  qu'on  s'en 
voudroit  servir,  S.  M.  devoit  présupposer  que  le  roi 
son  frère  étoit  bien  aise  qu'en  faisant  gagner  ses  sujets 
il  se  servît  de  leurs  vaisseaux2. 

sion,  revue  par  Sancy  :  «  Quant  à  ce,  lorsqu'il  avoit  poursuivi 
quelque  faveur  aux  catholiques,  on  s'en  étoit  moqué  en  la  cour 
et  avoit-on  fait  semblant  de  le  trouver  mauvais  et  de  croire 
qu'ils  étoient  aussi  bien  fondés  à  parler  des  huguenots.  »  Troi- 
sième version,  corrigée  par  Sancy  ;  c'est  celle  qui  est  passée 
dans  le  manuscrit  B  :  «  Quant  à  ce  qu'ils  prétendoient  être 
aussi  bien  fondés  à  se  mêler  de  nos  huguenots.  » 

1.  Angleterre  33,  fol.  274  v°  :  «  fortement  et  nettement  à 
mon  avis  ».  La  correction  a  été  faite  sur  la  minute  même. 

2.  Le  passage  suivant  de  la  lettre  du  Cardinal,  d'abord 
reproduit  dans  le  manuscrit  A,  a  été  finalement  supprimé  : 
«  Qu'il  falloit  bien  faire  remarquer  le  procédé  du  Roi  qui 
s'exempteroit,  s'il  vouloit,  de  renvoyer  la  roberge,  même  en  ce 


DE  RICHELIEU.  157 

Le  Cardinal  ajoute  qu'il  étoit  nécessaire  qu'il  remer- 
oilfl  te  roi  de  1 1  Gnode-Bretagoe  de  ce  qu'il  n'avoit 
>ulu  voirSoubise,  et  qu'ainsi  <|ue  par  art  il  devoit 
humilité  en  semblables  occasions,  il  falloit 
•  |u'  i  l'opposite  il  agit  par  raison  avec  fermeté  aux1 
;uitn  s.  powœ  qu'en  un  mot  il  verroit,  par  expérience, 
que  l'humeur  des  An^lois est  telle  que  nous  ferions  tou- 
jours concert  de  musique  avec  eux  :  si  nous  parlons 
ils  parleront  haut;  et  parce  qu'il  y  a  avantage  à 
tenir  le  dessus,  il  seroit  bon  qu'il  prit  en  certaine 
occasion  un  ton  si  haut  qu'ils  ne  puissent  le  renvier*. 

Que3  l'extraordinaire  insolence  et  rébellion  de  la 
Rochelle  faisoit  que  le  Roi,  voulant  donner  la  paix  à 
tous  les  lx)ns  huguenots  de  son  royaume,  étoit  résolu 
d'humilier  efl  mettre  à  raison  cette  ville;  partant  il 

que,  quand  le  sieur  d'Effiat  revint  d'Angleterre,  il  apporta  une 
lettre  du  roi  de  la  Grande-Bretagne  au  Roi,   qui   portoit  en 
termes  exprès  qu'il  pouvoit  retenir  les  vaisseaux  pour  autant 
de  temps  qu'il  étoit  porté  par  le  contrat,  par  lequel    il  est 
à    noter    qu'il    est    libre   à    S.    M.    de    s'en    servir    dix-huit 
mois  si  bon  lui  semble;  qu'offrant  de  renvoyer  ce  vaisseau, 
quoiqu'il  n'eût  de  rien  servi,  il  seroit  à  propos  d'en  faire  de 
grands  remerciements  pour  prendre  en  certaines  choses  un 
ééi  <lu  t •  > 1 1 1  au  contraire  au  leur.  » 
1     l<  i  eOflBOMBM  le  29  nhitr  du  manuscrit  A,  ainsi  résumé 
barpctttier  (fol.  210]  :  •  Dessein  de  Buckingham  de  venir 
vage  en   Hollande.  Les  Ibdlandois  retirent 
vaisseaux  de  France.  Procédé  de  Buckingham   vers  la 
ne  d'Angleterre.  Envoi  du  sieur  Bautru  en  Angle 
••.  # 
I  air»-  un  r»-n\i;  têCTM  «In  JM  et  br-lan. 

méa  est  emprunté  à  une  autre  minute  de  Richelieu 
N  LOaoi  ffiibre  1625  (Angl« item  B8, 

>i»i—ceiii' m  -i  la  lin  du  passage  i  inimrint 
<»ni  été  indiqués  au  copiste  .t  I  aida  des  lettres  n  et  o. 


158  MÉMOIRES  [1625] 

jugeroit  bien  qu'il  n'étoit  pas  à  propos  de  rompre  avec 
les  Anglois,  mais  que,  pour  éviter  cet  inconvénient, 
le  meilleur  moyen  étoit  de  leur  témoigner  qu'on  ne 
l'appréhendoit  pas  ' . 

Que  la  froideur  avec  laquelle  ils  se  portoient  aux 
actions  dont  l'utilité  est  commune  à  toute  la  chrétienté, 
et  la  chaleur  avec  laquelle  ils  témoignoient  vouloir 
embrasser  celles  qui  nous  sont  préjudiciables  en  faveur 
des  huguenots  n'avanceroient  ni  ne  retarderoient  le 
Roi  en  ses  desseins  ; 

Qu'on  ne  pouvoit  croire  le  roi  d'Angleterre  si  mal 
conseillé  qu'il  se  voulût  porter  à  une  action  dont  toute 
la  chrétienté  lui  donneroit  du  blâme,  en  un  temps  où 
le  Roi  n'avoit  les  armes  en  la  main  contre  les  étrangers 
que  pour  libérer  d'oppression  ses  alliés2,  et  que  l'oc- 
cupation qu'il3  donne  à  l'Espagne4  favorise  ses  intérêts 
particuliers  en  Allemagne,  au  lieu  que  ceux  de  S.  M. 
sont  seulement  dans  le  bien  commun5. 

1.  La  lettre  du  11  novembre  contenait  ici  un  alinéa  qui  n'a 
point  été  reproduit  par  les  Mémoires  :  «  Us  font  les  fins  sur  le 
sujet  de  Mansfeld  et  pensent,  en  méprisant  le  secours  que  le 
Roi  leur  donne,  obliger  à  en  faire  davantage.  Il  est  de  votre  dex- 
térité de  leur  témoigner  clairement  que,  s'ils  n'estiment  cette 
assistance  ni  utile  ni  nécessaire  à  leurs  affaires,  le  Roi  sera 
bien  aise  de  le  savoir  pour,  selon  leur  avis,  prendre  ses 
mesures  et  se  décharger  à  l'avenir  des  dépenses  qu'ayant  en 
partie  commencées  en  Allemagne,  pour  l'intérêt  de  la  Valteline, 
il  ne  peut  plus  être  obligé  de  les  continuer,  si  ce  n'est  pour  la 
considération  du  Palatinat.  » 

2.  Angleterre  33  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  : 
«  ceux  qui  sont  de  sa  créance  ». 

3.  Le  roi  d'Angleterre. 

4.  L'expédition  de  Cadix. 

5.  Ici  suit,  dans  Angleterre  33,  un  long  passage  qui  porte 


DB  RICHELIEU.  159 

l'iiin  < -(inclusion.  que,  si  lîuokin^ham  continuoit  le 
dessein  de  son  voyage  de  France,  il  lui  dit  franchement 
qu'il  .«voit  reçu  des  nouvelles  de  France,  par  lesquelles 
il  a\.»it  ippris  une  chose  dont  il  n'étoit  point  en  doute, 
<|in  étoil  que,  s'il  \  vouloit  aller  comme  ami  de  l'État 
«t   iH  ni  Hoi,  après  avoir  n-fusc  au  Roi  tous 

nti -ntementsqui  ne  lui  pouvoient  être  déniés  avec 
justice,  comme  sont  ceux  des  articles  promis  par  le 
Indlé  de  mariage,  tant  en  faveur  des  catholiques  que 
pour  l.i  maison  de  la  reine,  et  la  restitution  des  vais- 

rju»  l(|ti.  s  ..n.<  ti<>ns  de  Charpentier,  mais  n'est  pas  entré  fina- 
(  dans  les  Mémoires  :  «  On  croit  que  M.  de  Buckingham 
pensera  à  sa  conscience  si,  lui  offrant  l'amitié  de  la  France  et 
de  la  reine  sa  maîtresse,  vous  lui  dites  franchement  que,  s'il 
les  estime  inutiles,  vous  serez  bien  aise  de  le  savoir,  afin  que 
Lb.  MM.  n'ignorent  pas  l'état  qu'elles  doivent  faire  de  son  affec- 
tion; en  Mttfl  us  direz  peu  pour  laisser  beaucoup  à 
terrant  toujours  lieu  d'explication,  jusques 
à  ce  que  la  rupture  soit  ouverte  entre  l'Angleterre  et  rit» 
pagne.  Quant  à  sa  soeur  et  à  sa  femme,  c'est  à  vous  et  au  sieur 
de  Mende  de  juger  si  on  les  peut  rm-ttre  en  la  maison  de  la 
reine,  sans  préjudice,  et,  en  cas  qu'il  le  faille  faire,  prendre  le 
si  a  propos  que  cette  faveur  nous  en  vaille  une  autre,  et 
in-  pensent  j>as  avoir  emporté  de  haute  lutte  ce  qu'ils 
nt  à  la  seule  courtoisie  du  Roi.  Vous  devez  poursuivre  le 
■  lu  sieur  l.uijiienard  puissamment,  puisqu'il  ne 
fiasse  que  pour  être  catholi<jn.-  ou  pour  avoir  servi 
la  France.  Le  Roi  est  résolu  de  suivre  l'avis  que  vous  donm •/ 
noigner  son  indignation  à  ceux  qui  le  desservent  en  ces 
occasions;  il  battra  le  chien  devant  le  lion,  alin  que  la  peur 
m  wrs  les  plus  élevés  le  même  effet  que  la  punition  envers 
les  autres.  Au  reste,  si  ces  Messieurs  [<  la  les  Anglois  i 
continuent  à  mépriser  la  France,  ils  contraindront  le   Roi   à 
s'accommoder  avec  ceux  <pi  iU  n 'aiment  pas.  M.  de  Chevrcuse 
a  li  rit  de  lui- même  à  M.  de  buckingham  sur  cesup  i 
laut     roM  ^  irez  ce  que  produira  son  entremise.  • 


160  MÉMOIRES  [1625] 

seaux  du  Roi,  il  pou  voit  bien  juger  qu'il  ne  pourroit 
ni  ne  devroit  y  être  bien  reçu. 

Que,  pour  lui  montrer  que  ce  n'étoit  que  la  nature 
des  affaires  qui  oblige  les  princes  à  certaines  choses, 
desquelles  il  ne  faut  jamais  qu'ils  se  relâchent,  et  qui  en 
ce  cas  empêcheroit  sa  bonne  réception,  il  le  pou  voit 
bien  assurer  qu'ayant  mis  ordre  aux  choses  susdites, 
et  ajusté  avec  lui  les  affaires  d'Allemagne  en  sorte  qu'il 
n'y  eût  plus  qu'à  les  signer  en  France,  il  y  seroit  très 
bien  reçu  par  le  Roi,  qui  l'affectionneroit  toujours  s'il 
ne  le  forçoit  à  faire  le  contraire. 

De  plus,  on1  donna  pouvoir  audit  Blainville  de  parler 
et  d'agir  selon  qu'il  verroit  être  de  la  dignité  du  Roi, 
et  le  Cardinal  lui  manda  que  ce  seroit  à  lui  d'en  user 
en  sorte  que  le  succès  en  revînt  au  compte  de  S.  M., 
s'avançant  ou  se  retenant,  selon  qu'il  verroit  que  le 
temps  et  les  occurrences  lui  en  donneroient  lieu 2  ; 

Qu'on  ne  jugeoit  pas  que,  si  Buckingham  étoit  sage, 
il  voulût  porter  les  affaires  à  l'extrémité,  vu  le  peu  de 
créance  que  l'Allemagne  et  tous  les  étrangers  avoient  de 
leurs  forces,  et  la  connoissance  qu'eux-mêmes  dévoient 
avoir  que,  sans  la  France,  ils  ne  pou  voient  rien  faire 
contre  l'Espagne,  et  que,  s'ils  nous  fâchoient,  on 
pourroit  facilement  s'accommoder  avec  elle,  et  entrer 
en  intelligence  avec  Bavière,  jusqu'à  un  point  qu'ils 
seroient  à  jamais  frustrés  du  Palatinat 3  ; 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  il  fit  aussi  que  le 
Roi  donna...  ». 

2.  Comparez  Angleterre  33,  fol.  276  :  «  Ce  sera  à  vous  d'user 
de  votre  pouvoir  en  sorte  que  le  succès  en  revienne  au  compte 
de  S.  M.,  vous  avançant  ou  retenant  selon  ce  que  vous  verrez 
que  le  temps  et  les  occurrences  vous  en  donneront  lieu.  Un 
homme  sage  est  tout  averti.  » 

3.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Joint  encore  les 


((625]  DE  RICHELIEU.  161 

Mais  néanmoins  que,  nonobstant  tout  cela,  il  falloit 
craindre  l'aveuglement  et  la  brutalité  des  Anglois  et 
Il  passion  deBuekm^ham,  <  jui  les  pourroit  faire  passer 
pUMBeasofl  li  coosidératioa  de  leur  bien,  principale- 
iniiil  1«-  roi  son  maître  n'ayant  point  d'yeux  que  les 
si» us1,  et  partant  que  c'étoit  à  lui  à  avoir  l'œil  ouvert 
a  tout  et  tenir  le  Roi  bien  averti8. 

lilainville3,  ayant  reçu  cette  dépêche,  s'en  servit 

raisons  particulières  que  ledit  Blainville  avoit  déduites  en  sa 
lettre.  »  Cet  alinéa  était  beaucoup  plus  développé  dans  la 
dépêche  originale  :  «  La  condition  de  leur  pays  qui,  quoique 
puissant  à  se  défendre  à  raison  de  sa  situation,  est  impuissant 
au  dehors  faute  d'argent,  l'engagement  auquel  ils  sont  entrés 
contre  l'Espagne,  le  besoin  qu'ils  ont  de  retirer  le  Palatinat,  le 
peu  de  créance  que  l'Allemagne  et  tous  les  étrangers  ont  de 
leur  force  et  de  leur  puissance,  la  connoissance  qu'ils  ont  que 
sans  la  France  ils  ne  peuvent  rien  faire  contre  l'Espagne,  leur 
légèreté  ordinaire  qui,  les  portant  aisément  à  tenter  beaucoup, 
les  ramène  aussi  facilement  d'une  extrémité  à  l'autre,  n'ayant 
souvent  autre  remède  à  leurs  mauvaises  entreprises  que  de  les 
quitter  tout  à  fait.  Si  ces  Messieurs  se  joignent  avec  nous  pour 
entreprendre  quelque  chose  de  grand,  leurs  rodomontades  ne 
seront  pas  suivies  de  mauvais  effets  pour  nous;  quoique  leur 
passion  les  aveugle  souvent,  ils  ont  assez  de  jugement  pour 
connoitre  que,  s'ils  portoient  France  à  l'extrémité,  elle  pourroit 
fort  aisément  s'accommoder  avec  l'Espagne  et  entrer  en  intel- 
ligence avec  Bavière,  jusques  à  un  point  qu'ils  seroient  pour 
jamais  frustrés  du  Palatinat.  » 

1.  Ce  début  de  phrase  ne  figure  pas  dans  la  dépêche  origi- 
nal.-. 

2.  Comparez  Angleterre  33,  fol.  275  :  «  J'estime  que,  quoi 
qu'un  dise  et  qiitl.jne  volonté  qu'on  ait,  les  lAûres  <l  Angle- 
terre ne  prnn.-ttrnt  pas  de  venir  à.  une  rupture  ouverte  avec 

Ce  sera  cependant  à  vous  à  avoir  l'ail  ouvert  à  tout  et  à 
t.-nir  le  Uni  l>i<Mi  evrrli 

l'tni.r.-  réélection  du  manuscrit  A  :  t  Blainville,  ayant 
'■Me  dépêche,  s'en  servit  aver  teJOte  l'adresse  qu'un  ptM* 
V  11 


162  MÉMOIRES  [1625] 

avec  toute  l'adresse  qu'on  pouvoit  désirer  ;  mais,  quoi 
qu'il  fît,  si  ne  put-il  retenir  Buckingham  qu'il  ne  partît 
sans  rien  conclure  avec  lui  pour  aller  en  Hollande1  faire 
alliance  entre  les  États,  le  roi  de  Danemark  et  le  roi 
son  maître,  pour  le  rétablissement  du  Palatin,  sous  le 
prétexte  général  de  la  liberté  de  Germanie2. 

Il  y  fit  le  9e  décembre  une  alliance  avec  eux 3  et  le 
roi  de  Danemark,  non  pas  offensive  et  défensive 
comme  il  eût  bien  désiré  et  comme  ils  en  a  voient,  le 
12  juin  de  la  même  année,  fait  une  avec  les  États,  qui 
devoit  durer  jusqu'à  ce  que  le  Palatin  fût  rétabli  et 
que  la  maison  d'Autriche  cessât  de  rien  prétendre  sur 
les  Provinces-Unies. 

Par  cette  dernière,  les  Hollandois  s'obligeoient  de 
payer  cinquante  mille  florins  par  mois  au  roi  de 
Danemark  et  les  Anglois  cent  mille  pour  l'entretène- 
ment  de  son  armée,  et  de  faire  encore  une  autre  armée 
navale  pour  renvoyer  en  Espagne.  Ils  avoient  arrêté 
qu'ils  prieroient  le  Roi  d'y  vouloir  entrer;  mais  notre 
ambassadeur  s'en  démêla,  leur  remontrant  que  leur 
demande  leur  étoit  préjudiciable,  pour  ce  qu'ils  pour- 
voit désirer.  Buckingham  néanmoins,  sans  rien  conclure  avec 
lui,  s'en  va  en  Hollande  pour  faire  alliance...  » 

1.  «  Le  duc  de  Buckingham  s'est  embarqué  le  15  de  ce  mois 
pour  aller  en  Hollande,  accompagné  de  vingt  navires  donl  il  y 
en  a  six  au  roi  et  quatorze  appartenant  à  la  bourse  de  Londres.  » 
Lettre  de  l'évêque  de  Mende  au  Cardinal,  Hamptoncourt,  21  no- 
vembre 1625  (Aff.  étr.,  Angleterre  33,  fol.  280). 

2.  Ici  figurait  primitivement  dans  le  manuscrit  A  un  a  Avis 
de  ce  qu'il  faut  faire  sur  le  voyage  de  Buckingham  ».  Nous  en 
donnons  le  texte  à  l'appendice  IV  du  présent  volume. 

3.  Voyez  le  texte  du  traité  de  la  Haye  du  9  décembre  1625 
[Calendar  of  State  Papers,  Venice,  t.  XIX,  p.  257). 


(16:r.  DE  RICHELIEU.  163 

n  tient  maintenant  se  servir  de  la  puissance  entière  du 
Roi  et  que  c'étoit  la  partager  de  l'obligera  la  garde 
>n  propre  État1. 
Après  qu'il  eut  achevé  sa  négociation  en  Hollande, 
il  désira  passer  en  France  ;  mais  ledit  ambassadeur  du 
Roi  lui  témoigna  que2,  sur  l'inexécution  des  traités, 
S.  M.  ne  pouvoit  approuver  son  dessein  qu'on  ne  lui 
eût  premièrement  donné  contentement  sur  les  articles 
Qjfc'ou  lui  avoit  promis.  Cela  le  tacha  si  fort  que,  pour 
s'en  venger,  il  fit  que  les  Hollandois  rappelèrent  l'ami- 
ral Haultain,  avec  les  vaisseaux  hollandois  qu'il  com- 
mandait, un  desquels  étoit  avec  Mantin  à  l'entrée  du 

1.  Voyez  la  dépêche  d'Herbault  à  Béthune  du  5  décembre 
1625  :  «  Le  duc  de  Buckingham  est  encore  en  Hollande,  qui  fait 
son  compte  de  venir  trouver  le  Roi  à  son  retour;  ce  sera  volon- 
tiers pour  lui  faire  quelque  proposition  sur  la  nouvelle  ligue 
laid-  par  son  maître,  à  quoi  le  Roi  ne  s'engagera  point,  s'en 
étant  déjà  déclaré  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3669,  fol.  28),  et 
la  lettre  d'Espesses  à  Ocquerre,  du  fc"  décembre  :  «  Ce  duc 
paroit  ici  avec  une  merveilleuse  pompe  et  fait  ostentation  de  sa 
faveur  avec  des  vanités  très  affectées  »  (ms.  Français  3685, 
v«). 

1    les  instructions  envoyées  à  Espesses  le  8  novembre  (Bibl. 

nat.,  ms.  Français  3685,  fol.  122  lui  donnaient  pour  mission  de 

«  divertir  et  d'empêcher  te  voyage  du  duc  de  Buckingham  en 

cette  cour  >.  Elles  furent  modifiées  par  une  dépêche  dat<  <•  <lu 

7  décembre.  «  Vous  lui  direz,  écrivait  le  Roi  i  son  amhassa- 

|t*  ne  puis  croire  qu'il  voulût  venir  en  France  sans 

dessein  uY  m  apporter  satisfaction  sur  tous  les  chefs  and  lui  oui 

été  proposés  en  Angleterre  par  le  sieur  de  Blainvilleet  l'éfécjM 

de  Mende,  et,  s'il  y  vient  avec  volonté  de  me  contenter  sur  iceux, 

il  y  sert  tr. i  l>i<  n  venu,  mais  que,  si  cela  n'est  point,  je  serois 

pi.-  la  raison  d'Etal  ne  me  permit  pas  de  l'y  bien  rece- 

inine  il  désireroit   »    (Bibl.    nat.,   ms.   Français  3686, 

fol.  27).  Mais  cette  dépêche  ne  par\ int  i  M.  d  Lspesse<.  qu'après 

le  départ  de  Buckingham. 


W.i  MÉMOIRES  [16251 

havre  de  Portsmouth  ' ,  où  ils  tenoient  Soubise  assiégé2. 

Ils  prirent  leur  prétexte  sur  ce  que  le  Roi,  disoient- 
ils.  n'avoit  plus  d'ennemis,  puisque  S.  M.  les  avoit 
vaincus,  et  partant  qu'ils  n'étoient  pas  obligés  de  lui 
prêter  davantage  leurs  vaisseaux. 

Le  Roi  en  ayant  avis,  tous  ceux  de  son  Conseil  pen- 
soient  qu'il  n'y  avoit  nul  remède  à  ce  mal  :  le  Cardi- 
nal seul  tint  bon  et  dit  au  Roi  que  les  Anglois  et  les 
Hollandois  le  vouloient,  par  ce  moyen,  contraindre  de 
faire  la  paix  avec  les  huguenots,  ce  qu'il  ne  falloit 
jamais  qu'il  fît  par  contrainte,  mais  avec  la  gloire  et 
la  réputation  qui  étoient  dues  à  S.  M.  ; 

Qu'il  étoit  assuré  que,  menaçant  les  Hollandois  de 
dénier  le  secours  annuel  qu'on  leur  donne  en  argent, 
au  cas  qu'ils  voulussent  dénier  la  continuation  de  leur 
flotte  au  service  du  Roi,  ils  seroient  contraints  de  la 
donner. 

1.  Manuscrits  A  et  B  :  «  Porchemut  ».  Inexactitude  des 
Mémoires.  Soubise  s'était  réfugié  dans  le  havre  de  Falmouth, 
port  de  la  côte  méridionale  du  comté  de  Cornwall,  à  quarante- 
trois  kilomètres  sud-ouest  de  Bodminetquatre-vingts  kilomètres 
de  Plymouth. 

2.  Cet  alinéa  était  plus  développé  dans  la  première  version 
du  manuscrit  A.  Le  texte  primitif,  modifié  ensuite  par  Sancy, 
était  le  suivant  :  «  Il  [Buckingham]  sollicita  particulièrement 
les  Etats  de  rappeler  l'amiral  Haultain  avec  ses  vaisseaux,  que 
nous  avons  dit  ci-devant  avoir  accompagné  Mantin  en  la  pour- 
suite de  Soubise,  qui,  après  la  défaite  .de  l'armée  navale  des 
rebelles,  s'en  étoit  fui  en  Angleterre,  les  habitants  de  la  côte 
de  laquelle,  à  son  arrivée,  servirent  à  sa  défense.  Ledit  Sou- 
bise avoit  avec  lui  le  vaisseau  nommé  Saint-Jean,  qu'il  avoit 
pris  au  Port-Louis,  et  quelques  autres  vaisseaux  françois  qu'il 
avoit  volés.  Blainville  en  demanda  la  restitution,  laquelle  on 
lui  refusa  et,  non  content  de  cela,  ils  sollicitèrent  en  Hollande 
que  l'on  rappelât  Haultain.  » 


tu    Ith  llhl.lKU.  165 

LBHmftmeJ  prit  la  commission  dru  parler  au  sieur 
^en*,  leur  ■mlMmidflIf.  «t  lui  «lit  que,  si  MM.  les 
Ktats  persistaient  eu  la  résolution  du  refus  oV  leurs  vais- 
MBI,  S.  M.  auroit  lieu  de  croire  qu'ils  ne  voudroient 
■  intrihini*  a  la  prospérité  de  ses  alVaires  et  qu'ils 
sen.ieut  rapables  «les  impNMMOI  que  ceux  qui  vou- 
li  «lent  traverser  son  service  leur  pourroient  donner; 
•  pie  Im  ligue  qu'ils  avoient  signée  à  la  Haye  n'auroit 
pas  pour  but  la  liberté  de  L'Empire  et  l'abaissement 
d'Espagne,  mais  bien  celui  de  la  religion  catholique, 
I-    tous  les  princes  qui  la  professent,  et  particulière- 
ment I.'  si.  ii3; 

1    l.a  source  de  ce  qui  suit  est  une  dépêche  adressée  le  24  dé- 
cembre par  le  Roi  à  l'ambassadeur  d'Espesses  et  dont  copie  est 
ée  à  la  Bibl.  nat.,  ms.  Français  3686,  fol.  42. 
_    i  rançois  d'Aerssen,  dont  la  mission  à  déjà  été  mentionnée 
par  li-s  Mémoires,  p.  98,  arriva  à  Paris  le  23  novembre;  a  il 
est  logé  et  défrayé  par  présent,    écrit   Potier  d'Ocquerre  à 
hpeiMl  le  25  novembre,  à  l'hôtel  des  ambassadeurs  extraor- 
dinaires et  le  sera  jusques  au  jour  de  l'audience  »  (Bibl.  nat., 
lis  3686,  fol.  3  v°).  Une  dépêche  de  l'ambassadeur 
vénitien    Morosini,    12  décembre,   nous  apprend   qti'Aerssen 
avait   reçu  mission  de  demander  le  retour  en   Hollande  des 
vingt  vaisseaux  [Calendnr  o/  State  Papers,    Venice,  t.    \l\. 
p.  2'. 

Comparez  le  passage  correspondant  de  la  dépêche  du 
24  décembre  :  a  Ce  changement  m'a  obligé  de  faire  connoitre 
ii-  \erssen,  leur  ambassadeur  extraordinaire,  que,  si  les- 
dit>  rieurs  les  Ktats  persistent  en  la  résolution  du  refus,  j  .  tan  il 
lieu  de  croire  qu'ils  ne  veulent  pas  contrihuer  à  la  prosj» faite 
de  mes  affaires  et  qu'ils  seroienl  capables  des  impressions  que 
|iù  let  IQaoïoal  traverser  leur  pourroient  donner;  que 
la  UgM  qu'ils  ont  depuis  peu  signée  à  la  Haye  n'auroit  pour 
but  la  libei  ■pin  ni  l'abaissern  igné,  mais  bien 

«•-lui  de  la  religion  catholique,  d<   ions  les  princes  qui  la  pro- 
fessent  et  parti  ut  I.-  mien.  » 


166  MKMOliîi  -  [1625] 

Qu'il  ne  pouvoit  assez  s'étonner  de  ce  refus  ;  que  ce 
qui  l'en  fàchoit  le  plus1  étoit  que,  s'ils  y  persistaient, 
ils  feroient,  par  ce  moyen,  connoître  à  tout  le  monde 
que,  bien  que  la  France  les  ait  toujours  protégés,  ils 
feroient  difficulté  de  l'assister  contre  des  rebelles,  parce 
qu'ils  seroient  protestants  comme  eux,  bien  qu'ils  ne 
se  fussent  soulevés  que  lorsqu'ils  auroient  vu  le  Roi 
puissamment  armé  pour  assister  ceux  qui  professent 
leur  même  créance;  ce  qui  feroit  que  S.  M.  ne  pourroit 
avec  honneur  leur  continuer  son  assistance  contre  un 
prince  catholique,  aussi  peu  entrer  directement  ou  indi- 
rectement en  la  ligue  faite  à  la  Haye,  ains  au  contraire 
seroit  contrainte  de  prendre  des  pensées  opposées2  ; 

Que  le  Roi  seroit  bien  fâché3  d'être  réduit,  contre  sa 
volonté,  à  cette  extrémité  ;  qu'il  sa  voit  bien  que  MM.  les 
États  considéroient  son  affection  et  témoigneroient 
par  effet  l'avoir  en  la  considération  qu'il  méritoit  et 
qu'il  désiroit;  qu'en  ce  cas,  il  abandonneroit  plutôt 
tous  ses  intérêts  que  les  leurs. 

Pour  conclusion,  il  lui  fit  connoître  qu'il  désiroit 
particulièrement  deux  choses  de  lui  : 

L'une,  qu'il  écrivît  à  MM.  les  États  par  un  courrier 
que  S.  M.  dépêcheroit,  et  qu'il  n'omît  aucune  chose  de 
ce  qui  pouvoit  les  porter  à  le  contenter;  l'autre,  qu'il 
mandât  à  l'amiral  Haultain  qu'il  attendît  avec  patience 
un  nouvel  ordre  de  MM.  les  États4. 

1.  Dépêche  du  24  décembre  :  «  ce  que  je  trouve  le  plus  mau- 
vais ». 

2.  La  dépêche  originale  et  la  première  version  du  manus- 
crit A  portaient  :  «  des  pensées  contraires  »  ;  la  correction  a 
été  faite  sur  le  manuscrit  A  afin  d'éviter  une  répétition. 

3.  Dépêche  du  24  décembre  :  «  très  marri  ». 

4.  Voici  le  texte  de  la  dépêche  :  «  Pour  conclusion,  j'ai  fait 


[1625]  DE  RICHELIEU.  167 

Il  promit  et  lit  le  premier.  Il  ne  voulut  dm  s'engager 
m  noond  ;  mais  on  y  suppléa,  car  DO  sut  si  l»ien  traiter 
ilault;iin,  (ju'on  lui  persuada  d'attendre  un  nouvel 
onlir.  lequel  vint  peu  de  temps  après,  en  vertu  de  la 
lettre  d'Aerssen  et  de  la  poursuit»-  <|u'en  tit  l'ambassa- 
deur du  Hoi  en  Hollande,  selon  les  ordres  qui  lui  en 
lurent  donnés. 

Mais  le  Cardinal,  qui  savoit  qu'il  ne  faut  jamais,  en 
affaire  d'importance,  prendre  assurance  en  la  foi  d'au- 
tciii.  unis  en  sa  propre  puissance,  et  qui  prévoyoit 
bien  qu< •.  quoi  que  les  Hollandois  dissent,  ils  n'étoient 
pas  contents  de  voir  leurs  vaisseaux  employés  contre 
leurs  frères1  et  ne  les  laisseroient  pas  longtemps  au 
K  du  Roi,  donna  chaire  quant  et  quant  à  La un a y- 
llasills  •   d'amener,   en  toute  diligence,   six  des  plus 

eoniioitre  que  je  désirois  particulièrement  deux  choses  de  lui, 

l'une  qu'en  écrivant  auxdits  sieurs  les  Etats,  il  n'omette  aucune 

chose  pour  les  porter  à  me  donner  contentement,  l'autre  qu'il 

écrive  a  l'amiral  Ilaultain  qu'il  attende  avec  patience  un  nouvel 

lits  sieur-   I m   I  lits.    »   l<i  s'arrête  l'emprunt  des 

tiret.  Le  Roi  ajoutait  que,  si  les  États  pouvaient  lui  céder 

les  six  vaisseaux  dont  l'achat  était  négocié  à  la  Haye,  il  serait 

»é  à  rendre  le  reste  de  la  flotte,  bien  que  le  traité  conclu 

par  Bellujon  lui  en  accordât  libre  disposition  pour  dix-huit  mois. 

Bautru,  dépéché  spécialement  auprès  de  l'ambassadeur,  devait 

le  renseigner  plus  amplement  i  cet  égard. 

1    L'attitude  des  Hollandais  est  eoflMMBtèe  par  le  Cardinal 

dans  une  nota  qu'a  publiée  H.  ('•.  Hanotaux  :  Màximu d  I 

fragments  inédite t  p.  64  :  t  La  retraite  des  flottes  hollandoises... 

quels  sont  les  li<T.tiques  pour  lui  et  comme, 

«|url(|ii.    traité  et  alliaru ■«■  qu'ils  aient,  ils  ne  les  gardent  pas 

(•  iiips  qu'elles  sont  à  h  ur  protit.  » 

2.  Claude  de  Rasilly,   dit   Launay-Rasillv.   Né  &  Tours  en 

décembre  1593,  frère  d'Isaac  de  EUsfllj  :  il  Mti  sur  mer;  il  aM 

successivement  capitaine  de  l'un  des  vaisseaux  du  Hoi,  li-ui.  - 


168  MÉMOIRES  [1625] 

grands  vaisseaux  qu'il  pourroit  trouver  à  Saint-Malo, 
en  payant  le  nolis;  ce  qui  réussit  si  à  propos,  que 
ces  vaisseaux  arrivèrent  à  la  Rochelle  trois  jours  après 
que  les  Hollandois,  par  un  secret  ordre  qu'ils  reçurent 
de  Hollande,  s'étoient  retirés1.  Le  seul  dommage  que 
le  Roi  en  reçut  fut  que  Mantin,  demeurant  plus  foible 
que  Soubise  à  Portsmouth,  fut  contraint  de  le  laisser 
là,  et  de  s'en  revenir. 

Si  Buckingham  montra  un  cœur  si  envenimé  contre 
nous  en  Hollande,  il  ne  revint  pas  en  Angleterre  avec 
dessein  de  nous  y  faire  mieux. 

Il  avoit  donné  charge  au  comte  de  Garlisle,  en  par- 
tant, de  faire  tous  les  mauvais  offices  qu'il  pourroit  à 
la  reine  et  à  tous  ceux  de  sa  suite,  pour  préparer  la 
voie  à  un  bannissement  général  de  tous  les  Fran- 
çois, dont  on  parloit  assez  ouvertement  en  la  maison 
du  roi.  Il  ne  manqua  pas  d'en  faire  naître  plusieurs 
occasions  et  ne  laissa  perdre  aucune  de  celles  qui  se 
présentèrent. 

Blainville  faisant  grande  instance  qu'on  lui  remît 
entre  les  mains  les  vaisseaux  de  Soubise,  l'un  des- 
quels il  avoit  volé  au  Port-Louis2,  les  autres  aux  sujets 

nant  général  au  gouvernement  de  Brouage,  commandant  des 
île  et  fort  d'Oléron  en  1627,  premier  chef  d'escadre  des  vais- 
seaux du  Roi  en  Bretagne  et  vice-amiral  de  ses  armées  navales 
(1637);  ambassadeur  en  Angleterre;  mort  au  château  de  Velort 
le  22  mai  1654  (voyez  Généalogie  de  la  famille  de  Rasilly, 
p.  338).  Le  même  ouvrage  mentionne  la  mission  accomplie  le 
5  novembre  par  Rasilly  à  Saint-Malo,  où  il  acheta  notamment 
le  Saint- Louis  et  la  Marguerite. 

1.  Le  3  février  1626  (Ch.  de  la  Roncière,  Histoire  de  la 
marine  française,  t.  IV,  p.  479). 

2.  Le  «  Saint- Jean  qui  fut  dérobé  au  Roi  à  Blavet  »  (lettre 


[H,J.,|  DK  RICHELIEU. 

du  Roi,  on  éluda  toujours  sa  poursuite  par  diverses 

uses  hors  de  toule  raison. 

Les  |  m  h  t>  turent  termes1;  Blainville  voulant  en\i>\er 
son  secrétaire  en  France,    ils   l'arrêtèrent    prisonnier 

et  le  maltraitèrent. 

Davantage,  le  roi  ayant  donné  congé  à  on  des  prin- 

eipuix  otïiciers  de  la  reine*,  elle  ne  put  jamais  le 
détourner  de  ce  dessein,  qu'elle  ne  se  fût  mise  à  genoux 
pour  l'en  supplier. 

Le  comte  de  Carlisle,  peu  de  jours  après,  comme  si 
c'eût  été  avoir  gagne  nu  empire  que  d'avoir  ainsi, 
bon  de  sujet,  fait  humilier  cette  jeune  princesse, 
poussa  le  roi  Bon  maître  à  taire  une  nouvelle  procla- 
mation d'une  cruauté  inouïe  contre  les  catholiques3. 

Leur  Hotte,  qui  ne  fit  nul  effet  en  Espagne,  retourna, 
en  ce  temps-la,  maltraitée  en  Angleterre,  rencontra 
trois  ou  quatre  de  nos  vaisseaux,  dont  aucuns 
vtnoiriit  d?Espagne.  Ils  prirent  les  uns,  sous  couleur 
qu'ils  n'avoient  voulu  amener  les  voiles,  et  les  autres, 
sous  prétexte  qu'ils  étoient  chargés  de  marchandises 
appartenantes  aux  Espagnols. 

On  les  redemanda  avec  grande  instance.  On  prouva 

de  Mantin  à  Blainville,  s.  d.  Bibl.  nat.,  ras.  Français  3693, 
fol.  60  .  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  l'un  desquels 
il  avoit  volé  au  Port-Louis,  les  autres  à  ses  sujets  ». 

1.  I'  <la<tiiin  du  manuscrit  A  :  «  les  ports  furent 

fermés  >•  n  fciglaturm  ■ 

_'    Dansera*,  secrétaire  delà  reine  (AH',  «n-.,  âagUtarn 

>t  longuement   rapporte  par  Tillières, 
<<•<%  p.  109. 

pi<-  <!••  1  .-dit  rOTtl  'In  M  novembre  1625  ■  pour  la 
suppression  de  la  religion  papiste  »  est  conservée  aux  Arch. 

nat   . 


170  MÉMOIRES  [1625] 

que  le  bien  appartenoit  aux  sujets  du  Roi.  L'un  d'eux, 
qui  étoit  du  Havre,  fut  relâché  parce  que  le  gouver- 
neur de  la  place  a  voit,  par  représailles,  arrêté 
quelques  Anglois. 

Les  marchandises  des  autres  furent  vendues  à  vil 
prix,  à  la  vue  de  Blainville,  et  ne  fut  pas  permis  aux 
marchands  à  qui  elles  étoient  de  les  retirer  à  l'encan 
pour  le  prix  auquel  les  autres  les  achetoient1. 

Buckingham  arrive  là-dessus,  fait  semblant  d'être 
marri  qu'en  son  absence  on  ait  lait  ces  choses,  met 
la  faute  sur  Blainville,  la  présence  duquel  il  dit  être 
nuisible  aux  affaires;  qu'il  adouciroit  l'esprit  du  roi 
tant  qu'il  pourroit,  bien  qu'il  eût  été  traité  en  Hol- 
lande un  peu  rudement  de  la  part  de  la  France. 

Au  lieu  de  le  faire,  il  s'en  alla  aux  champs  pour 
laisser  plus  facilement,  en  son  absence,  traiter  mal  la 
reine  et  les  catholiques,  sans  en  pouvoir  être  apparem- 
ment accusé. 

Bien  que  toutes  ces  choses  se  fissent  en  suite  du 
dessein  qu'ils  avoient  pris  dès  le  commencement  de 
chasser  les  François,  il  n'osa  pas  néanmoins  se  porter 
alors  à  cette  extrémité,  et  pendant  qu'il  fut  éloigné 
les  affaires  demeurèrent  au  même  état  qu'elles  étoient; 
mais  celles  qui  concernoient  l'ambassadeur  alloient 
toujours  en  empirant2. 

1.  Voyez  la  dépêche  de  Blainville  du  29  décembre  :  «  La 
résolution  que  le  Roi  a  projetée  d'arrêter  les  vaisseaux  anglois 
a  mis  un  peu  l'alarme  parmi  les  marchands.  Cela  a  été  cause 
que  Buirlemae  m'est  venu  trouver  pour  me  prier  de  donner 
ordre  que  cela  ne  s'exécutât  pas  en  France  et  qu'assurément 
on  auroit  justice  en  ces  quartiers  dans  dix  ou  douze  jours  au 
plus  tard  »  (Angleterre  33,  fol.  315).  Cet  incident  n'est  pas  rap- 
porté par  Tillières. 

2.  Comparez  Tillières,  Mémoires,  p.  110. 


DE   KII'IIKMEU.  171 

Le  Cardinal,  ■▼erti  de  toutes  DM  choeee*  en  prévoit 
encore  de  pires  à  l'avenir  si  elles  n'«  loicnt  prévenues 
par  un  iage  conseil4. 

Il  considère  que  l'ambassadeur  «lu  lloi  en  Hollande 
i  «miimis  une  grande  faute  au  refus  absolu'2  qu'il  a 
tait,  (le  la  part  «lu  Roi,  au  duc  de  Buclvin^ham  de  venir 
eu  France,  ayant  pensé  que  la  dépêche  qu'il  avoit 
i  e  ne  «le  la  cour  l'obligeoit  «le  parler  ainsi;  au  lieu  que 
l'ordre  du  Conseil  avoit  été  simplement  qu'il  tint  un 
ige  au  duc  qui  le  conviât,  en  venant  en  France, 
d'apporter  contentement  au  Roi  ; 

Que  cette  faute  avoit  produit  sur-le-champ  le  rappel 
dei  faiaeeaux  des  Hollandois,  et,  ayant  animé  Buckin- 
gham  contre  la  France,  lui  faisoit  promettre  tout 
secours  aux  huguenots  de  la  part  du  roi  son  maître; 

Qu'en  matière  d'État,  quoiqu'il  n'y  ait  rien  plus 
facile  que  de  faillir,  si  est-il  plus  difficile  encore  de 
n  parer  une  faute  qu'il  n'est  aisé  de  la  commettre; 
BHM  que,  pour  réparer  celle-ci,  le  meilleur  moyen  étoit 

I  Ici  commence  probablement  un  emprunt  à  un  avis  contem- 
porain du  Cardinal,  qui  ne  nous  est  pas  parvenu  sous  sa  forme 
originale. 

1  spesses  lente  de  justifier  sa  conduite  dans  une  dépêche 
lé*  le  25  décembre  au  Roi  :  «  Je  puis  dire  que,  l'[Buckin- 
ayant  irouvé  d'un  côté  en  humeur  de  subtiliser  sur  tout 
et  d'autre  de  ne  perdn*  nullf  occasion,  pour  légère  qu'elle  fût, 
de  s'offenser,  je  me  suis  trouvé  fort  empêché,  lui  voulant  faire 
iili'  ation  qui  m'étoit  1res  précisément  ordonnée  de  la  part 
de  V.  M.,  jf  'mu  rois  fortune  qu'il  ne  l'eût  pas  tenue  pour  assez 
forrii.ll.  ,  it  je  me  fusse  mis  i  le  trop  radoucir  et  dissoudre  en 
belles  paroles,  inconvénient  que  je  jugeois  plus  grand  et  plus 
BOUarain  à  l'intention  de  V.    M.  <|ii<-  «•-lui  de  If  piquer,  dont 
néanmoins  y  me  suis  gardé  au  possible  jusques  à  user  de  beau- 
coup de  patience  pour  lui  laisser  évaporer  sa  colère  qu'il  <  pan 
<  huit  partout  »  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  3686,  fol.  30). 


172  MÉMOIRES  [1625] 

d'y  employer  le  crédit  particulier1  que  M.  et  Mme  de 
Chevreuse  y  avoient. 

Ce  qui  lui  donnoit  peine  étoit  qu'il  jugeoit  bien  que 
la  jalousie  de  Blainville,  qui  étoit  en  Angleterre,  lui 
feroit,  s'il  se  pouvoit,  mesurer  ce  conseil  par  l'événe- 
ment. Mais  enfin,  après  y  avoir  longtemps  pensé,  pré- 
voyant qu'il  falloit  nécessairement2  ou  chercher 
quelque  voie  d'accommodement,  ou  venir  à  une  rup- 
ture ouverte,  laquelle,  quoique  ledit  Blainville,  pas- 
sionné, pensât  tout  le  contraire,  ne  pouvoit  être  jugée 
de  saison,  il  passa  par-dessus  cette  considération. 
Et,  pour  exécuter  son  dessein  de  l'entremise  desdits 
sieur  et  dame  de  Chevreuse,  usa  de  cette  dextérité  :  il 
fit  que  le  Roi,  comme  lassé  de  toutes  les  plaintes  qui  lui 
venoient  d'Angleterre,  fit  reproche  au  duc  de  Chevreuse 
que  les  secrètes  intelligences  que  lui  et  sa  femme  y 
entretenoient  étoient  préjudiciables  à  son  service  et 
au  bien  de  la  religion,  et  qu'ayant  fait  le  mal  il  vouloit 
qu'il  y  apportât  le  remède. 

Le  duc,  pour  sa  justification,  consentit  que  Bautru 
allât  en  son  nom  en  Angleterre  pour  dire  de  sa  part, 
au  roi  et  à  Buckingham,  ce  que  S.  M.  trouveroit  bon. 

Il  partit  avec  charge  de  dire3  ingénument  qu'il  étoit 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  pour  réparer 
celle-ci,  il  proposa  d'y  employer  le  crédit  particulier  ». 

2.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  Cependant,  jugeant 
bien  que  la  jalousie  de  Blainville  qui  est  en  Angleterre  feroit, 
s'il  se  pouvoit,  mesurer  ce  conseil  par  l'événement,  il  différa 
longtemps.  Enfin,  prévoyant  qu'il  falloit  ou  chercher  quelque 
voie  d'accommodement  ou  venir  à  une  rupture  ouverte.  »  —  Ce 
passage,  comme  le  précédent,  porte  trace  de  corrections  de 
Sancy. 

3.  Les  Mémoires  reproduisent  1'  «  instruction  au  sieur  Bau- 


[16 JV  DE  RICHELIEU.  173 

envoyé  dudit  sieur  de  Chevreuse,  à  qui  on  imputait 

<ii  France  tout  ce  <|iii  arrivoit  de  mal  en  Angletcnv. 
Ce  |iii  avoit  t';iit  qu'y  voyant  les  affaires  prêtes  d'en 
venir  a  lY\treiiiité,  il  avoit  désiré  voir  s'il  y  avoit  lieu 
•  le  remède,  pour  prendre  ses  mesures  sur  cela; 

Que  sa  femme  était  celle  qui  avoit  fait  naître  le 
tant  au  désespoir  de  se  voir  réduite  à  quitter 
pour  jamais  la  cour  si  les  choses  n'alloient  bien1; 

Que,  pour  son  intérêt  particulier,  elle  ne  voudroit 
pes  donner  conseil  qui  leur  lût  contraire  ;  mais  que,  si 
îfaires  le  leur  pouvoient  permettre,  ils  l'oblige- 
raient grandement  de  faire  en  sorte  que  toutes  choses 
s'accommodassent,  afin  qu'elle  eût  triple  contente- 
ment :  l'un,  de  n'être  point  maltraitée  de  ses  proches, 
«le  qui  elle  recevoit  mille  mauvais  offices  en  cette 
occasion  ;  l'autre,  de  n'être  point  soupçonnée  de  tout 
le  monde  universellement  qui  la  maudissoit;  le  troi- 
si»  tut.  de  pouvoir  voir  ce  qu'elle  aiTectionnoit  ; 

tru,  allant  en  Angleterre  »;  cette  instruction,  qui  est  certaine- 
ment l'œuvre  du  Cardinal,  n'est  pas  signalée  par  Avenel.  La 
copie  du  document  qui  a  servi  aux  secrétaires  des  Mémoires 
nservée  à  la  Bibl.  nat.,  ras.  Français  15990,  p.  143-l'i4; 
Il  de  la  main  de  Le  Masle  des  Roches;  en  tête  figure  la 
mention  i  employé  »  écrite  par  Charpentier.  D'après  le  témoi- 
gnage de  l'ambassadeur  vénitien  Morosini,    Richelieu  aurait 
lui-iiii'-m.-  établi  l' s  inxtnii  tions  de  Guillaume  Bautru,  ne  met- 
tant dans  la  confidence  que  le  nonce,  Chevreuse  et  Morosini 
(dépêche  du  lo'  décembre),  et  l'envoi  de  cet  agent  en  Angleterre 
.mi. m    !■•  ncontré   la  plus  vive   opposition  de  la  part  du   Roi 
lies  du  17  et  du  30  décembre).  Ces  documents  ont  été 
publiés  par  M.   Allen   B.    Minds,    Calendar  of  State   Papers, 
Venice,  vol.  \l\.  1913,  p.  249-263. 

1    sur  1<-  retour  à  la  cour  de  la  duchesse  de  CLflfrf  m  en 
juillet  1(12"»,  fOjm  !..  Matillol.  la  Duchesse  de  Chevreuse,  p,  7.".. 


174  MÉMOIRES  [1625] 

Que  ledit  duc  avoit  parlé  aux  ministres1,  de  tous 
lesquels  il  a  appris  qu'ils  ne  pouvoient  croire  qu'il2  vînt 
en  France  sans  apporter  tout  contentement  au  Roi  ; 
qu'y  venant  ainsi  il  seroit  bien  venu  et  bien  reçu,  ce 
qui  paroissoit  bien,  en  ce  que,  quand  il  viendroit  autre- 
ment, le  Roi  seroit  très  fâché  de  ne  pouvoir,  par  con- 
sidération de  sa  dignité  et  par  raison  d'État,  le  recevoir 
comme  S.  M.  le  désireroit. 

Et  sur  ce  qu'il  s'étoit  plaint  qued'Espesses3,  ambas- 
sadeur du  Roi  en  Hollande,  lui  avoit  bien  tenu  un 
autre  langage,  il  eut  charge  de  lui  dire  que  l'intention 
du  Roi  n'avoit  jamais  été  autre  que  ce  qu'il  lui  disoit, 
et  que  M.  de  Ghevreuse  s'en  étoit  fort  bien  éclairci; 
mais  que,  s'il  se  met  sur  les  rodomontades,  il  lui  fit 
connoître  vertement  qu'il  trouveroit  qu'on  ne  les 
appréhendoit  point,  et  qu'il  étoit  à  craindre  que  par  là 
ils  ne  nous  portassent  à  faire  la  paix  avec  l'Espagne. 

S'il  disoit  qu'il  secourroit  la  religion,  qu'il  argu- 
mentât avec  lui  comme  de  lui-même4  en  cette  sorte  : 

Qu'en  premier  lieu,  ils  seroient  blâmés  de  tout  le 
monde  en  le  faisant,  nul  ne  pouvant  approuver  qu'un 
prince  secourût  des  rebelles  en  l'État  d'autrui;  que, 
comme  l'exemple  en  est  mauvais,  la  conséquence 
pourroit  n'en  être  pas  bonne  ; 

1.  Sancy  a  corrigé  sur  l'instruction  originale  :  «  de  la  part  du 
mari,  il  dira  qu'il  a  parlé  aux  ministres  »,  remplaçant  ces  mots 
par  :  «  que  ledit  duc  a  parlé  aux  ministres  ». 

2.  Buckinghara. 

3.  L'instruction  portait  :  «  s'il  dit  que  d'Espesses  »  ;  la  correc- 
tion a  été  faite  sur  ce  texte  même  par  Sancy. 

4.  Le  manuscrit  B  porte  par  erreur  :  «  avec  lui-même  »  ;  il 
faut  suivre  la  leçon  du  manuscrit  A,  conforme  à  l'instruction 
originale. 


[1025]  DE  RICHELIEU.  175 

<x>u«\  pour  le  faire,  il  le  faudroit  faire  fortement  ou 
faiblement;  si  faiblement,  à  couvert,  ils  seroient 
battus;  si  fortement,  il  faudroit  qu'ils  le  fissent  par 
rupture  ouverte,  action  dont  ils  seroient  blâmés  de 
tout  le  monde,  et  <|ni  l»s  reiulroit  irréconciliables  pour 
jamais. 

Le  duc  de  Chevreuse  lui  bailla  une  lettre  pour  le  duc 
dt   Buckingham1,  par  laquelle,  outre  partie  des  choses 

! .  Cette  lettre,  comme  l'instruction  qu'on  vient  de  lire,  a  été 
certainement  rédigée  par  le  Cardinal.  Les  Mémoires  n'en 
donnent  qu'un  court  fragment  emprunté  à  la  fin  de  ce  docu- 
ment. Nous  reproduisons  la  «  dépesche  que  le  sieur  Bautru  a 
portée  en  Angleterre  »  d'après  la  copie  utilisée  par  les  secré- 
taires des  Mémoires  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  15990,  p.  147); 
elle  est  de  la  main  de  Le  Masle  des  Roches,  à  l'exception  du 
rit  par  Charpentier  :  «  M.  de  Ch[evreuse]  écrira  par 
Bautru  à  M.  de  Buck  ingham]  qu'ayant  su  que  M.  d'Espesses  lui 
•voit  tenu  quelque  langage  qui  lui  pouvoit  déplaire,  il  a  voulu 

lérlr  partieulièrenient  du  fondement    que   tel    discours 

it  avoir.  Qu'il  a  su  du  roi  même  que  d'Espesses  n'avoit 
eu  autre  charge  sinon  que  de  lui  témoigner  que  S.  M.  se  réjouis- 
soit  qu'il  vint  en  France,  parce  qu'elle  savoit  bien  qu'il  n'y 
viendrait  pas  sans  lui  apporter  contentement,  ce  qui  lui  don- 

:  lieu  de  le  recevoir  d'autant  mieux  que,  outre  qu'elle  le 
ferait  avec  approbation  de  tout  le  monde,  recevant  satisfaction 
par  lui  du  roi  son  frère,  il  est   personne  qu'il  aime  et  qu'il 

!■  re  comme  étant  envoyé  du  roi  son  frère.  Que,  pour  lui 
téflKMgner  la  bonne  volonté  qu'il  a  pour  lui,  il  auroit  plus  de 
une  si,  venant  sans  lui  apporter  contente- 
la  considération  de  la  dignité  des  rois  et  la  raison  d  I 
lui  (KTiuet  toit  pas  de  lui  donner  en  apparence  ton  s  1rs  témoignages 
qu'il  voudroit  lui  rendre  en  effet  de  sa  bienveillance.  Que  B  M 
.i  <l'.uné  charge  a  ses  ambassadeurs  Blain ville  et  Espesses  de 
lui  tenir  le  même  langage,  ce  dont  il  a  été  très  aise  en  son  par- 
tiiuliir,  perce  que  cela  lui  fait  connoître  la  bonne  volonté*  du 
(toi  et  lui  donne  lien  d'achever  son  voyage  pour  unir  de  plus 
en  plus  < .  uronnes  et  penser  a  mettre  en  exécution  lei 


476  MÉMOIRES  [1625] 

susdites  qu'il  lui  mandoit,  il  ajouta  encore  qu'il  lui 
conseilloit  de  venir  si  son  voyage  étoit  avec  dessein  et 
matière  pour  contenter  la  France  sur  le  sujet  des  vais- 
seaux du  Roi,  tant  marchands  qu'autres,  qu'ils  rete- 
noient,  et  ce  qui  concernoit  la  reine  et  son  mariage. 
Si  aussi  il  avoit  un  autre  dessein,  il  né  le  lui  conseilloit 

généreux  desseins  qu'il  a  pour  la  chrétienté.  Au  reste,  je  vous 
puis  dire  de  vous  à  moi  que  j'ai  voulu  particulièrement  m'en- 
quérir  si  d'Espesses  a  eu  charge  de  vous  tenir  le  langage  qu'il 
a  fait;  j'ai  trouvé  véritablement  que  non  et  qu'il  n'avoit  eu 
autre  charge  que  ce  qui  est  porté  ci-dessus.  J'ai  voulu  de  plus 
savoir  s'il  avoit  été  mandé  en  dessein  de  vous  empêcher  de 
venir;  j'ai  trouvé  que  non,  mais  bien  en  dessein  de  pénétrer 
vos  pensées  et  de  vous  donner  lieu  d'obtenir  du  roi,  votre 
maître,  facilité  au  juste  contentement  désiré  du  Roi  es  choses 
qui  ne  sont  pas  de  considération  au  prix  des  grands  desseins 
que  des  hommes  de  votre  esprit  et  de  votre  courage  doivent 
avoir.  J'ai  voulu  encore  savoir  de  quelle  façon  Blainville  a 
écrit  de  deçà  s'être  acquitté  en  Angleterre  de  la  charge  portée 
ci-dessus.  J'ai  trouvé  qu'il  a  mandé  avoir,  depuis  votre  départ, 
dit  au  secrétaire  Conway  que  le  Roi  se  réjouissoit  de  votre 
venue  parce  qu'il  ne  doutoit  pas  que  vous  ne  lui  apportassiez 
tout  contentement,  ce  qui  lui  donneroit  lieu  de  vous  recevoir 
comme  une  personne  qu'il  aime  particulièrement.  Et  que  si 
vous  venez  autrement  il  seroit  bien  fâché  d'être  contraint,  par 
raison  d'État,  de  diminuer  des  apparences.  Vous  jugerez  donc 
s'il  vous  plait,  si  vos  affaires  (le)  requièrent,  que  vous  veniez 
ou  non,  vous  assurant  qu'il  n'y  a  de  deçà  aucune  aversion  contre 
votre  personne  et  que  seulement  veut-on  éviter  le  blâme  qu'on 
recevroit  si,  en  ne  faisant  rien  pour  la  France,  il  sembleroit 
qu'on  fît  beaucoup  pour  l'Angleterre.  Après  tout  cela,  si  vous 
me  demandez  mon  conseil,  si  vous  venez  avec  dessein  et  matière 
pour  contenter  la  France  sur  le  sujet  des  vaisseaux  du  Roi, 
tant  marchands  que  autres,  que  vous  retenez,  et  de  ce  qui  con- 
cerne la  reine  et  son  mariage,  je  vous  conseille  d'y  venir;  si 
aussi  vous  aviez  un  autre  dessein,  je  ne  le  voudrois  pas  faire, 
prévoyant  bien  que  votre  séjour  à  la  cour  seroit  fort  mélanco- 
lique. Si  vous  venez,  avertissez-moi,  car  vous  trouverez  mon 


DE  R1PHEI.IEU.  177 

prévoyant  bien  que  son  séjour  à  la  cour  seroit 
fort  Mélancolique. 

Que,    cependant,    on   se   préparoi t    fortement   en 
1 1 m ikt,  tant  pour  la  guerre  du  dedans  que  du  dehors, 
et  qu'à  dire  vrai  il  ne  voyoit  pas  qu'on  y  appréhendât 
Demenfl  ni  de  l'une  ni  de  l'autre,  ce  qui  lui  faisoit 
croire  qu'on  avoit  volontiers  deux  cordes  en  son  arc. 
Bautru  arriva  avec  ces  ordres  en  Angleterre  au 
mois  de  décembre*.  Sa  négociation  eut  une  heureuse 
car  il  emmena  avec  lui  des  ambassadeurs  extra- 
ordinaires, qui  lurent  le  comte  Holland  et  Carlton4  : 
le  premier  desquels  le  roi  d'Angleterre  croyoit  être 
ible  en  France5,  et  tenoit  le  second  pour  homme 
entendu  à  traiter  avec  les  princes  étrangers. 

logis  préparé.  Je  ne  vous  mande  rien  de  l'état  des  affaires 
publiques,  parce  que  ce  n'est  point  à  moi.  On  se  prépare  ici 
hrtNMM  tant  pour  la  guerre  du  dedans  que  du  dehors,  et,  à 
vous  dire  le  vrai,  je  ne  vois  pas  qu'ils  appréhendent  l'événe- 
ment ni  de  l'une  ni  de  l'autre,  ce  qui  me  fait  croire  qu'on  a 
vol.mti.rs  deux  cordes  à  son  arc.  » 

1.  h  i  (  ommence  le  24e  cahier  du  manuscrit  A  (fol.  228), 
ainsi   résumé  par  Charpentier  :   «  L'évêque  de   Mende  vient 

leterre  en  France.  Les  Rochelois  et  huguenots  demandent 
la  paix  au  Roi.  Avis  du  Cardinal  sur  icelle.  » 

2.  Guillaume  Bautru  quitta  Paris  le  24  décembre  (Bibl.  nat., 
I  rançais  368b*,  fol.  49  v°). 

Il  rendit  compte  au  Cardinal  de  sa  mission,  le  G  janvi.  r 
1626,  par  une  longue  lettre  qui  éclaire  et  complète  le  récit  des 
Mémoires  (Aff.  étr.f  Angleterre  33,  fol.  10-13).  Ce  document  Ml 
•luit  à  l'appendice  V  du  présent  volume. 
i  Dudley,  lord  Carlton  d'Imbercourt  (1573-1631),  vice- 
chambellan  du  roi  Charles  I*r,  devint  ensuite  vicomte  de  Dos- 
cbtiter. 

5.  Sur  1<  s  Mjours  précédente  d<    Holland  en  France,  voye* 
L.  Batitfol,  la  Duchesse  de  Chevreusc,  p.  49  et  suiv. 

I  1? 


178  MÉMOIRES  [1625] 

Leur  voyage  pensa  être  rompu  par  un  fâcheux 
accident.  Un  bénédictin  et  un  jésuite  anglois,  qui  ser- 
voient  d'aumôniers  à  Blainville,  se  promenant  par  la 
ville  furent  pris.  Blainville  les  demande,  on  les  lui 
refuse  plusieurs  fois;  la  chose  va  si  ayant,  qu'il  pro- 
teste de  se  retirer  de  la  cour  si  on  ne  les  lui  rend.  Ce 
qu'étant  près  d'exécuter  on  les  lui  renvoie;  de  quoi  il 
se  sent  peu  obligé;  car,  bien  qu'au  fond  il  soit  content, 
la  façon  dont  ils  se  sont  portés  l'offense1. 

Quand  il  sut  la  résolution  qu'avoit  prise  le  roi  d'An- 
gleterre d'envoyer,  avec  Bautru,  des  ambassadeurs 
extraordinaires  en  France,  sans  qu'on  lui  en  eût  donné 
aucune  communication2,  ne  pénétrant  pas  la  cause  de 
leur  envoi,  et  craignant  qu'ils  informassent  le  Roi  à 
son  désavantage,  lui  faisant  croire  de  lui  et  du  pro- 

1.  Comparez  les  Mémoires  de  Tillières  (Aff.  étr.,  Angle- 
terre 41,  fol.  301  v°),  auxquels  cet  alinéa  est  emprunté  :  «  Mais 
un  fâcheux  accident  pensa  sinon  le  rompre,  au  moins  l'inter- 
rompre. Deux  religieux  anglois,  l'un  jésuite  et  l'autre  bénédic- 
tin, demeuroient  chez  M.  de  Blainville  et,  faisant  la  charge 
d'aumôniers,  s'en  vinrent  et  certes  avec  bien  peu  de  discrétion 
se  promener  à  Londres.  Là  ils  sont  pris.  Ledit  sieur  de  Blain- 
ville les  redemande  ;  on  les  lui  refuse  une  fois,  deux  fois.  Enfin 
la  chose  va  si  avant  qu'il  proteste  de  sortir  de  la  cour  d'Angle- 
terre, au  cas  que  l'on  ne  les  lui  rende;  ce  qu'étant  près  d'exé- 
cuter, on  les  lui  renvoie;  de  quoi  il  se  sent  peu  obligé,  car, 
encore  qu'au  fond  il  soit  content,  les  formes  lui  déplaisent.  » 

2.  Voyez  la  lettre  de  Blainville  et  de  l'évêque  de  Mende  au 
cardinal  de  Richelieu  du  5  janvier  162G  (Aff.  étr.,  Angle- 
terre 33,  fol.  13)  :  «  Nous  aurions  à  la  vérité  bien  désiré  que 
Bautru  ne  nous  eût  pas  tenu  sa  personne  et  ses  intentions  si 
secrètes,  que  d'avoir  été  quatre  ou  cinq  jours  à  Londres  sans 
nous  voir,  et  arrivant  à  la  cour  avec  le  duc  de  Buckingham  sans 
avoir  fait  part  de  sa  commission  à  l'ambassadeur  [Blainville], 


[lf,25]  DE  RICHELIEU.  179 

1.'  la  reine  ce  qui  nYtoit  pM  véritable,  il  pria 
|oe  de  Mende  de  vouloir,  pour  la  défense  de  la 
cause  commune,  aller  en  France  et  les  prévenir. 

Il  prit  pour  prétexte  de  son  voyage  d'aller  informer 
le  Roi  de  la  cérémonie  du  couronnement  du  roi  d'An- 
gleterre, qui  devoit  être  faite  en  l'année  suivante,  et 
en  laquelle  ledit  roi  vouloit  joindre  celle  du  couron- 
nement de  la  reine  sa  femme,  laquelle  y  avoit  aversion 
parce  quelle  se  devoit  faire  par  un  évèque  protestant  ; 
mais  elle  étoit  bien  aise  que  la  France  se  chargeât  de 
ce  refus,  afin  qu'elle  n'offensât  point  le  roi  son  mari, 
lui  refusant  aucune  chose  de  ce  qu'il  désiroit  d'elle, 
que  de  Mende  dit  au  roi  de  la  Grande-Bretagne 
que  cette  action  étoit  importante,  et  qu'il  étoit  besoin 
qu'il  en  allât  informer  le  Roi  et  le  Cardinal. 

Ru«  kingham  fut  étonné  de  ce  conseil  si  soudain,  et 
lui  fit  néanmoins  au  départ  mille  civilités,  et  le  roi 
4* Angleterre  l'honora  d'un  beau  diamant. 

avoir  tenu  des  conférences  avec  tous  les  ministres.  »  Le  7  jan- 
vier, Blain ville  annonçait  le  départ  d'Holland  et  Carlton  à 
M.  de  la  \ "ilU'-.nix-Cl •  rcs  :  «  L'affaire  s'est  résolue  entre  les 

il  e!  M  «le  Bautru,  et  ce  soir  on  me  l'est  venu  signifier. 
Si  je  l'eusse  su  plus  tôt,  vous  en  eussiez  eu  plus  tôt  la  nou- 
velle; mais,  puisque  je  ne  suis  qu'ambassadeur  de  nom,  vous 

nvez  pas  trouver  mauvais  mon  peu  de  connoissance  des 
^sentes  »  (Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisitions  fran- 
çaises 7022,  fol.  841  v*).  Le  20  janvier,  dans  une  lettre  au  Hoi. 
il  déplore  encore  la  mistloa  de  Bautru  :  «  J'aiirois  à  la  \<  ritt 
souliuiti-  qu'il     llolland     lui  parti  d'Angleterre  |.<>ur  la  gloire 

•  nti«  r>  il-  \  \|  <»mme  il  eût  fait  inlaillil.liinent,  sans  qu'il 
••fit    paru   qu'elle   I  eût   »*iivo\é    dViuandef  jus.pi.'s   i<  i,   recher- 

•  liant  l.i'  nent  avec  trop  d'ardeur  »  (Bibl.  nat 
reliai  aeqpbhkmi  françaises  7022,  fol.  366  r*). 


180  MÉMOIRES  [1625] 

Il  partit  sur  la  fin  de  décembre1,  un  jour  auparavant 
les  ambassadeurs  et  Bautru2. 

Le  roi  lui  dit,  en  partant,  qu'il  fît  entendre  au  Roi 
et  à  la  Reine  sa  mère  qu'il  entendoit  pourvoir  à  toutes 
les  charges  de  la  maison  de  la  reine  sa  femme;  et, 
quelques  remontrances  que  lui  fît  ledit  évoque  que 
cela  étoit  contraire  à  ses  promesses,  tant  verbales  que 
par  écrit,  il  n'en  put  tirer  autre  chose. 

Tout  ce  mauvais  traitement  de  la  reine,  de  tous  les 
siens,  des  catholiques  anglois  et  de  l'ambassadeur  du 
Roi,  l'offense  qui  étoit  faite  à  S.  M.,  non  seulement  en 
l'inexécution  des  choses  si  solennellement  promises, 
mais  es  injures  actuelles  que  ses  sujets  recevoient,  et 
en  celles  qui  étoient  faites  à  la  personne  de  son  ambas- 
sadeur; tout  cela  provenoit  de  la  bizarrerie  de  l'hu- 
meur de  Buckingham,  du  désir  qu'il  avoit  de  faire 
perdre  à  la  reine  sa  religion,  pour  acquérir  la  répu- 
tation de  zélé  protestant  dans  le  Parlement,  et  de  la 
mettre  mal  avec  le  roi;  de  peur  que,  jeune,  belle  et 
sage  princesse  comme  elle  étoit,  elle  ne  gagnât  son 
esprit  à  son  désavantage,  et  pour  s'ouvrir  le  chemin 
de  renvoyer  en  France  tous  les  serviteurs  françois  de 
S.  M.  et  y  établir  des  Anglois  en  leur  place,  pour 
environner  la  reine  de  ses  créatures. 

Il  ne  considéroit  pas  que  les  affaires  de  son  maître 
en  pâtissoient  et  que  le  Roi,  offensé  comme  il  étoit  du 
mauvais  procédé  d'Angleterre,  ne  secourroit  pas  avec 
tant  de  franchise  Danemark  pour  son  affaire  du  Pala- 

1.  Sur  le  départ  de  M.  de  Mende,  voyez  la  lettre  de  Blain- 
ville  au  Roi  du  8  janvier  1626  (Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisi- 
tions françaises  7022,  fol.  352). 

2.  Comparez  Tillières,  Mémoires,  p.  115. 


DE  RU  'IIELIEU.  181 

tiuat.  r\  pourrait  être  patte  I  h  paix  avec  Espagne, 

pour  M  <i«  livrer  de  la  nécessité  de  souffrir  tant  d'alga- 
I  d'un  mauvais  allié,  et  prendre  volonté  d'exter- 
niiiit t  le  parti  huguenot  en  France;  la  considération 
duquel  seul  leur  donnoit  hardiesse  de  mépriser  les 
(•.ires  de  S.  M. 

Après  la  bataille  navale  en  laquelle  les  Rochelois 
furent  défaits,  les  rebelles  du  Languedoc  et  les  habi- 
1 1  nt  i  de  1;»  Rochelle  envoyèrent  au  Roi  leurs  députés 
pour  le  supplier  très  humblement  de  leur  donner  la 
paix,  avouant  la  faute  qu'ils  avoient  faite  de  prendre 
mes  contre  S.  M.,  et  lui  en  demandant  pardon1. 

Il  fut  alors  diversement  agité  au  Conseil  du  Roi  si 
S.  M.,  vu  la  guerre  qu'elle  avoit  en  Italie,  se  devoit 

1.  Les  députés  «  envoyés  pour  l'acceptation  de  la  paix  géné- 
rale »  avaient  été  désignés  par  l'assemblée  de  Milhau  le 
l,r  novembre;  ils  furent  présentés  au  Roi  par  Maniald,  le  21  no- 
vembre, à  S.iint-Germain-en-Laye  (Aff.  étr.,  France  780,  fol.  93). 
Leur  arrivée  est  mentionnée  dans  une  lettre  d'Herbault  à  Bul- 
!u  il  novembre  1625  (Arch.  nat.,  KK  1362,  fol.  376). 
Les  députés  des  états  du  Languedoc  furent  entendus  par  le 
Conseil  le  19  novembre.  «  Ensuite,  les  députés  des  huguenots 
du  pays  se  présentèrent:  nais,  comme  ils  laissèrent  entendre 
de  n'avoir  point  autre  ordre,  sinon  de  demander  la  paix  géné- 
rale, tant  pour  la  Rochelle  comme  pour  eux,  le  Roi  ne  leur 
voulut  point  donner  d'audience,  mais  commanda  simplement 
iju  il-  misant  leurs  mémoires  entre  les  mains  de  M.  d'Herbault 
pour  en  faire  un  rapport  au  (Conseil.  Je  vois  peu  d'apparence 
qu'on  les  puisse  désunir,  et  moins  que  le  Roi  puisse  ni  ne 
ln-ser  la  les  Rochelois,  a\ant  si  lu-Ile  occasion  de  se 
t .  1 1 .  !  i .  mi  it<  «le  leur  ville  et  de  châtier  leur  désobéissance  » 
21  aoTtmhri  L62S.  Bréval  a  M.  Voillot  :  Bibl.  nat.,  Nouvelles 
iea  1144,  fol.  381  .  Kn  recevant  les  députés, 
le  Roi  déclara  qu'il  était  prêt  à  accorder  la  paix  au  Lan:. 
et  aux  autres  provinces,  mais  que  a  pour  la  lt<><  h,  II.   <  etl  UM 


182  MÉMOIRES  [1625] 

accommoder  avec  les  Rochelois,  à  quelques  conditions 
que  ce  fût,  ou  avec  l'Espagne,  pour  les  réduire  après 
plus  aisément  par  la  force  à  leur  devoir.  Après  qu'un 
chacun  eut  dit  son  avis,  le  Cardinal,  parlant  le  der- 
nier, dit  au  Roi1  : 

Que  c'étoit  chose  certaine  que,  tant  que  le  parti  des 
huguenots  subsisteroit  en  France,  le  Roi  ne  seroit 
point  absolu  dans  son  royaume;  qu'il  ne  pourroit2 
établir  l'ordre  et  la  règle  à  quoi  sa  conscience  l'obli- 
geoit  et  que  la  nécessité  de  ses  peuples  requéroit; 
aussi  peu  rabattre  l'orgueil  des  grands,  qui,  se  gou- 
vernant mal,  regarderoient  toujours  la  Rochelle  comme 
une  citadelle  à  l'ombre  de  laquelle  ils  pourroient 
témoigner  et  faire  valoir  impunément  leur  méconten- 
tement ; 

Qu'il  étoit  certain,  en  outre,  que  pendant  ce  temps 
on  n'oseroit  rien  entreprendre  de  glorieux3,  pas 
même  s'opposer  aux  entreprises  étrangères,  parce 
qu'au  même  temps  ce  parti  ne  manqueroit  pas,  comme 
il  avoit  paru  par  deux  expériences,  d'Amiens  et  de 

autre  chose  »  [Harangue  des  députez  généraux  de  ceux  de  la 
religion,  présentée  par  M.  de  Maniald,  présentant  au  Roy  les 
députez  envoyez  pour  l'acceptation  de  la  pair  générale  cy-devant 
accordée  par  S.  M.  avec  la  response  du  Roy,  1625  :  Aff.  étr., 
France  780). 

1.  Les  Mémoires  reproduisent  jusqu'à  la  page  199  un  «  Dis- 
cours tendant  à  voir  si,  ayant  la  guerre  avec  l'Espagne  en  Ita- 
lie, il  faut  la  faire  aussi  au  dedans  du  royaume  »  ;  ce  document, 
daté  du  25  novembre  1625,  figure  dans  le  volume  France  246, 
fol.  32  à  39;  il  porte  diverses  corrections  de  la  main  de 
Richelieu.  Ce  document  a  été  mentionné  par  G.  Avenel. 

2.  Var.  de  France  246  et  première  rédaction  du  manus- 
crit A  :  «  qu'il  ne  sauroit  ». 

3.  Var.  de  France  246  :  «  de  glorieux  au  dehors  ». 


de  nniir  Itt 

la  guerre  dernière,  <le  vouloir  profiler  de  l'occasion; 

Partant,  qu'il  n'y  avoit  point  è  douter  que  le  pre- 
mier efl  principal  d  marin  que  S.  M.  devoit  avoir  De 
lût  de  ruiner  ce  parti  ; 

Mais  qu'il  falloit  voir  si  le  temps  et  l'occasion  y 
étaient  aussi  propres,  maintenant  (|ue  l'on  avoit  de 
l'occupation  au  dehors,  comme  le  sujet  qu'ils  en 
avoient  donne  par  leur  longue  rébellion  efl  étoit  grand 
et  odieux  à  tout  le  monde  ; 

Que,  pour  le  bien  juger,  il  falloit  voir  les  raisons 
qui  pon\  oient  donner  lieu  de  continuer  sans  délai  cette 
entreprise,  et  celles  au^si  qui  pouvoient  convier  à 
remettre  la  partie  à  une  autre  fois; 

Que  tous  les  peuples  et  communautés,  et  la  plupart 
des  compagnies  souveraines  de  ce  royaume,  étoient 
tellement  prévenues  en  l'opinion  que  l'on  devoit  faire 
présentement  la  guerre  aux  huguenots1,  et  que  leur 
mine  était  aisée,  qu'ils  tenoient  et  publioient  pour 
mauvais  catholiques  ceux  qui  parloient  seulement 
contre  ce  sentiment,  étant  fomentés  en  cette  pensée 
par  plusieurs  grands  mécontents*; 

I  Comparez  la  Harangue  des  députés  généraux  de  ce  in  <{<• 
la  religion,  présentée  par  M.  de  ManiaUl  au  Roi  le  21  no- 
o*$nhrt  1025  :  «  Si  la  Rochelle  deraeuroit  en  l'indignation  du 
Hoi,  il  leroil  impossible  doter  (appréhension  à  tous  les  peuples 
qui  foui  profession  de  la  religion  que  par  la  raine 
de  cette  ville  ne  se  commençât  la  leur  générale.  Vu  principale- 
iii. 'ut  . | u  < >n  en  voit  déjà  les  menaces  qu'en  ont  fait  publique- 

le  clergé  il  qnekxaee-vnJ  dee  parlements  et  d<  s  princi- 
pales  personnes  de  l'Etat,  qui  parient  ouvertement  d'extirper 

sie  et  de  commencer  par  la  Rochelle,  dont  lei  Imprimée 
se  sont  vendus  publiquement  à  Paris  »  (Aff.  étr.,  France  780, 
loi    93). 

•ans  une  lettre  au  ll<<i.  <|m  lut  rendue  publique,  le prittCC 


184  MÉMOIRES  [1625] 

Qu'il  étoit  à  craindre  que,  s'il  l'on  arrêtoit  le  cours 
des  armes  contre  les  huguenots,  l'on  ne  commençât  à 
jeter  dans  le  cœur  des  peuples  des  impressions 
capables  de  produire  une  ligue,  comme  autrefois  l'on 
avoit  t'ait  sur  pareil  sujet  ; 

Que  le  malheur  du  siècle  vouloit  que  les  zélés, 
levant  les  épaules  avec  un  soupir  entrecoupé,  feroient 
plus  de  mal  à  la  réputation  des  hommes  avec  les 
grains  de  leur  chapelet,  que  les  plus  puissants  mo- 
narques du  monde,  avec  les  boulets  de  leurs  canons, 
à  la  vie  de  ceux  qui  y  sont  exposés  ; 

Qu'on  ne  devoit  pas,  s'il  l'on  n'y  étoit  contraint  par 
la  nécessité  des  affaires,  mépriser  la  calomnie  que 
telles  gens  savoient  vomir  contre  ceux  qui,  ayant  les 
mêmes  fins  qu'ils  ont,  prenoient  d'autres  voies  pour 
y  parvenir  que  celles  qu'ils  estiment  les  meilleures  ; 

Qu'il  étoit  à  craindre  que  le  clergé,  qui  vouloit  main- 
tenant contribuer  à  cette  entreprise1,  n'y  fût  pas  dis- 

de  Condé  écrivait  le  7  octobre  :  «  Je  maintiens  qu'il  nous  faut 
en  pleine  paix  avec  les  huguenots  autant  de  forces  autour  d'eux 
pour  être  assuré  qu'ils  ne  réveilleront  s'ils  voient  le  beau 
temps,  qu'il  en  faut  pour  les  ruiner  entièrement.  Dieu  fait 
miracle  pour  vous;  ruinez  ses  ennemis,  Sire,  et  il  vous  exau- 
cera. »  Cette  intervention  lui  valut  le  blâme  de  Louis  XIII 
(Duc  d'Aumale,  Histoire  des  princes  de  Condé,  t.  III,  p.  504). 

1.  Dès  le  12  septembre,  le  cardinal  de  Sourdis  avait  annoncé  à 
Richelieu  que  le  clergé  était  disposé  à  fournir  une  importante 
contribution  pécuniaire  en  vue  de  réduire  à  la  soumission  la 
Rochelle,  Montauban  et  Castres  (Aff.  étr.,  France  780,  fol.  353). 
Sur  les  délibérations  de  l'assemblée  du  clergé,  voyez  une 
lettre  de  Loménie  de  Brienne  adressée  également  au  Cardinal, 
le  22  octobre  1625  :  «  M.  de  Maillezais,  frère  du  cardinal  de 
Sourdis,  pour  décrier  les  affaires  du  Roi  ou  réduire  les 
choses  à  passer  par  la  fantaisie  de  M.  le  Cardinal,  son  frère,  a 
avancé  que  la  paix  étoit  résolue  avec  les  Rochelois  et  que  vous 


[I (,.>;.]  DE  RICHELIEU.  185 

ou  h»  tût  pas  en  pied  pour  le  faire  une  autre 
fois  ; 

Qo'il  sembloit  que  l'occasion  M  tût  jamais  plus 
belle,  en  ee  que  la  Rochelle  étoit  fort  incommodée 
d'elle-même;  que  tous  les  huguenots  de  France  étoient 
I  tonués  et  du  tout  abattus,  et  que  ceux  qui,  du  dehors, 
MUToien!  aider,  comme  l«'s  Hollandois,  et  parti- 
culièrement les  Anglois,  ne  le  sauroient  faire,  pour 
être  occupés  ailleurs  et  avoir  besoin  de  nous.  Au  lieu 
que,  si  on  attendoit  une  autre  conjoncture  où  ces  deux 
rmiMdérations  n'eussent  plus  de  lieu,  il  y  avoit  grande 
;ipp;»rence  qu'ils  mettroient  à  effet  la  bonne  volonté 
qu'ils  avoient  de  tout  temps  pour  cette  ville-là; 

Que  la  saison  de  l'hiver  faisoit  qu'il  n'y  avoit  pas 
grand  lieu  de  eraindre  qu'une  attaque  étrangère  des 
InjMgBoki  pût  détourner  S.  M.  présentement  d'une 
telle  entreprise1,  et  il  étoit  certain  que,  si  l'on  avoit 

l'aviez  conclue,  ajoutant  qu'il  étoit  inutile  de  donner  aucun 

secours  à  S.  M.  »  (Aff\  étr.,  France  780,  fol.  80).  Par  lettre 

datée  de  Saint-Germain,  3  novembre,  et  contresignée  Le  Beau- 

!<■  Koi  invita  l'assemblée  à  hâter  sa  décision,  «  résolvant 

simplement  de  quelle  somme  vous  entendrez  nous  secourir, 

r  la  oonelasÛMi  par  la  discussion  des  moyens 

«!••  I Vflectuer,  qui  se  fera  facilement  par  après  »  (Bibl.   nat., 

180,  l"l    '»02).  Le  7  novembre,  Herbault  faisait 

owmaitiv   I   BoJttofl  le  résultat  de  cette  intervention   :   «   Le 

clergé  à  accordé  cinq  cent  mille  écus  pour  faire  le  siège  ou  le 

il  [de  la  Rochelle];  il  scroit  betota  d'un  bien  plus  grand 

secours  pour  subvenir  aux  affaires  que  la  suite  de  cette  entre- 

prfaM  |...urra  donner  »  (Arch.  nat.,  KK  |8tt,  fol.  374  v°). 

1     I à   _'l  novrinlu  !•  •rbatilt  écrivait  à  Bothune  :  «  Sur 

le  pr.'j.cis  de  ce  blocus  de  la  Rochelle,  je  vous  dirai  qu'il  est 

...fiiiiK-  résolu.  Ceux  de  cette  ville  avoient  envoyé  ici  des  dépu- 

nr  demander  la  paix.  Ils  n'ont  pas  encore  été  ouïs  et  ne 

seront  point  admis  aux  pieds  de  S.  M.,  s'ils  ne  se  soumettent  à 


186  MÉMOIRES  [1625J 

deux  mois  de  temps  pour  faire  la  clique  dans  le  port 
de  la  Rochelle,  tous  les  princes  du  monde  ne  la  sau- 
roient  secourir. 

Ce  temps  étoit  très  propre  à  l'exécution  de  diverses 
entreprises  projetées  contre  le  parti,  lesquelles  seroient 
toutes  perdues  si  l'on  les  différoit  à  une  autre  fois, 
comme  l'on  feroit  si  l'on  faisoit  la  paix;  et,  si  elles 
réussissoient,  la  Rochelle  seroit  tellement  afToiblie 
qu'elle  ne  sauroit  s'exempter  de  revenir  à  son  devoir. 

Le  lèvement  du  siège  de  Verrue  devoit  empêcher 
que  l'on  ne  se  précipitât  en  cette  paix,  y  ayant  grande 
apparence  que  ce  succès  feroit  penser  les  Espagnols 
à  leur  conscience  et  se  rendre  faciles  à  la  paix.  Ce  qui 
faisoit  qu'il  étoit  de  la  prudence  d'attendre  ce  que  pro- 
duiroit  cet  accident,  comme  aussi  la  surprise  de  Cadix, 
laquelle  ne  pouvoit  succéder  sans  changer  la  face  de 
leurs  affaires  *  ; 

Que  les  divers  avis  que  ceux  qui  commandoient  les 
armées  qui  étoient  en  Piémont  et  en  la  Valteline  don- 
noient  au  Roi,  d'avoir  des  entreprises  avantageuses 
contre  ses  ennemis,  faisoient  que,  par  raison,  il  étoit 
bon  d'en  attendre  le  succès  devant  que  de  prendre 
une  résolution  définitive  pour  les  affaires  du  dedans  ; 

une  entière  obéissance  et  à  la  démolition  de  leurs  fortifications, 
chose  que  l'on  ne  doit  pas  espérer  de  leurs  aveuglements,  bien 
que  ce  fût  le  seul  moyen  pour  éviter  leur  ruine  »  (Bibl.  nat., 
ms.  Français  3669,  fol.  23). 

1.  Le  membre  de  phrase  :  «  comme  aussi  la  surprise...  »,  est 
dans  le  discours  original,  de  la  main  de  Richelieu.  On  comp- 
tait encore  sur  le  succès  de  l'expédition,  sur  la  foi  de  nouvelles 
d'Espagne,  datées  du  7  novembre,  ainsi  qu'en  témoigne  une 
dépêche  de  Morosini  du  25  novembre,  publiée  dans  le  Calen- 
darof  State  Papers,   Venice,  t.  XIX,  p.  230. 


DE  Kl<  HKUEU.  187 

Qm  la  passion  que  le  /de  de  M.  le  Légal  lui  donnoit 
;i  faire  la  paix,  outre  que  NI  intérêts  l'y  portaient, 
sembloit  requérir  que  l'on  se  donnât  la  patience  de 
voir  <  •(•  queproduiroit  son  ai  rivée  a  Rome,  s'il  y  alloit, 
vu,  principalement,  qu'elle  seroit  au  même  temps  de 
la  déroute  de  Verrue  et  des  avantages  que  l'on  atten- 
dnit  ea  Italie,  si  les  desseins  réussissoient  selon  les 
projets; 

Que  toutes  les  raisons  susdites  nous  convioient  à 
poursuivre  notre  pointe  contre  nos  huguenots,  mais 
que  de  l'autre  paît  aussi  il  talloit  considérer1  : 

Que  la  prudence  ne  permet  pas  d'entreprendre 
«I.  n\  un.  ii.  s  ,i  |;i  lois;  que  l'on  ne  sauroit,  quand  on 
voudroit,  terminer  celle  d'Italie,  et  partant  qu'il  sem- 
bloit que  la  raison  voulût  que  l'on  pacifiât  les  aflaiivs 
du  dedans,  puisque  l'on  recouvreroit,  quand  on  vou- 
drait, l'occasion  des  huguenots*,  au  lieu  que,  si  l'on 
pn.loit  celle  de  résister  aux  entreprises  des  étran_ 
il  M  seroit  plus  licite  d'y  revenir  une  autre  fois; 

Que  l'on  devoit  d'autant  plus  se  porter  à  pacifier  les 
■Aâreado  dedans,  que  l'on  avoit  même  des  expédients 
pour  miner  par  la  paix  le  parti  huguenot; 

nue  telle  paix  feroit  taire  indubitablement  celle 
d'Bapagne,  qui,  ayant  eu  des  désavantages  avec  nous, 
kan  m» nie  que  nous  avions  une  guerre  intestine,  ne 
voudroit  point  nous  avoir  sur  les  bras  quand  nous  pour- 
rions employer  toutes  nos  forces  contre  eux  ; 

IM  a  été  ajoutée  par  Sancy  dans  le  manuscrit  A; 
le  discours  portait  à  cet  endroit  un  titre  :  «  Raisons  pour  faire 
la  guen.  ,iu  il.  dans  »;  transcrit  sur  le  manuscrit  A,  il  a  été 
liill.;  .1  un  trait  .1-   plume. 

2.  France  246  :  «  l'occasion  de  perdre  les  huguenots  ». 


188  MÉMOIRES  [1625] 

Que  les  armes  du  Roi  alloient  entrer  dans  le  Milanois, 
tant  du  côté  de  Piémont  que  de  la  Valteline;  partant  il 
étoit  à  craindre  que  les  Espagnols,  qui  ne  sont  pas  insen- 
sibles, n'en  voulussent  prendre  revanche  dans  nos  fron- 
tières, qui  étoit  le  seul  moyen  par  lequel  ils  se  pou- 
voient  garantir; 

Que  si  nous  avions  la  paix  au  dedans,  il  n'y  avoit 
rien  à  craindre  quand  ils  le  feroient,  et  que,  apparem- 
ment et  par  raison,  ils  ne  Pentreprendroient  pas  ;  mais, 
si  l'on  étoit  bien  embarqué  au  siège  de  la  Rochelle,  la 
connoissance  qu'ils  auroient  qu'ils  pourroient  faire 
cette  entreprise  sans  qu'il  leur  en  pût  arriver  incon- 
vénient feroit  qu'ils  l'entreprendroient,  et  en  tel  cas 
il  faudroit  quitter  prise  ; 

Qu'on  ne  pourroit  plus  faire  la  paix  avec  les  hugue- 
nots qu'en  perdant  tous  les  avantages  que  l'on  avoit 
sur  eux  maintenant,  et  qui  sans  doute  avec  le  temps 
causeroient  la  ruine  de  ce  parti;  qu'ils  deviendroient 
plus  orgueilleux  que  jamais,  factionnaires  d'Espagne 
par  force  ;  et  comme  ils  se  résoudroient  alors  de  ser- 
vir l'Espagne  pour  leur  intérêt,  l'Espagne  se  résoudroit 
aussi  d'exécuter  les  pensées  qu'ils  ont  eues  plusieurs 
fois  de  leur  donner  de  l'argent  pour  nourrir  la  guerre 
dans  nos  entrailles  ; 

Au  reste,  qu'il  seroit  à  craindre  que  Spinola  d'un 
premier  effort  emportât  quelque  place,  laquelle  on 
auroit  bien  de  la  peine  à  reconquérir1,  et  qui  seroit 
capable  de  faire  perdre  tous  les  progrès  que  l'on  auroit 
faits  en  Italie  ; 

1.  Sur  la  menace  d'une  attaque  espagnole  sur  Calais  en  août 
1625,  voyez  le  mémoire  du  Cardinal  à  Potier  d'Ocquerre  (AfF. 
étr.,  Grisons  4,  fol.  335). 


[1625]  DE  RICHELIEU.  189 

One  si  Toii  joi^noit  à  cette  raison  cette  autre-là,  que, 
par  les  lettres  prises  à  Pioootomim1,  il  apparoissoit  que 
Spinola  avoit  ordre  de  faire  (|iiel<|iies  entreprises  sur 
b  France,  et  que  c'étoit  le  droit  du  jeu  d'une  aimée 
et  rainée  comme  la  sienne  par  le  siège  de 
Bréda  «le  se  mettre  pendant  l'hiver  en  garnison  pour 
i_ii  puissamment  au  printemps,  elle  seroit  de  très 
ad  poids 

Que  les  divers  et  récents  avis  que  le  connétable3, 
Bullion4  et  les  autres  qui  étaient  auprès  de  lui  don- 

1.  Octave  Piccolomini  (1599-1656). 

il  t  alinéa,  ainsi  que  les  trois  suivants,  ne  faisait  pas  par- 
lie  du  discourt  original;  ils  apparaissent  pour  la  première  fois 
dans  le  manuscrit  A.  On  n'a  pu  en  trouver  la  source. 

3.  Lesdiguières  préconisait  la  conclusion  de  la  paix  avec  les 
>tants  dans  un  mémoire  adressé  au  Roi  en  octobre  :  «  afin 
if  ri.-  point  unir  les  Kspagnols  et  huguenots,  qui  seroit  une  fac- 
tion la  plus  dangereuse  qui  puisse  attaquer  la  dignité  du  Roi  » 
(Actes  et  corrcsp.  du  connétable  de  Lesdiguières,  t.  II,  p.  421). 

'•  Uaude  de  Bullion  avait  été  chargé  de  l'intendance  des 
finances  et  justice  à  l'armée  de  Gênes.  Sur  les  attaques  diri- 
gées contre  sa  gestion,  voyez  Mercure  francois,  t.  XI,  p.  522, 
<  i  l.s  t.iiiuignages  de  confiance  que  lui  adressèrent  Herhault  et 
Le  Beauclerc  (Bihl.  nat.,  ms.  Français  9M4,  fol.  93  et  99, 
2'.*  juill.t  1625).  Il  écrivait  le  6  novembre  à  Bellujon  :  «  Ne 
vous  I.iss.  /  point  el  laites  tout  ce  que  vous  pourrez  pour  pro- 

I  un  i  la  |.ai\  publique  au  dedans...  Je  vous  confesse  que  je  ne 
suis  ni  huguenot  ni  espagnol  et  que  je  n'ai  pour  but  que  de 

s  il  plaît  à  Dieu,  dans  sa  crainte,  sous  l'obéissance  du 

maître;  il  m'est  toutefois  impONiblc  d'approuver  les  avis  de 

■  •  ii x  .pii,  sous  couleur  de  l'extirpation  de  l'hérésie,  veulent 

iner  de  tous  côtés  les  fleurs  de  lis  et  nous  veulent  taire 

qu'il  n'\  a  moyen  de  se  sauver  qu'en  reconnoissant  l'au- 

etpagnota,  en  ruinant  nos  alliés,  et  d'une  extrémité  vont 

à  l'astre,  disant  qu'il  vaut  mi<  u\  être  espagnol  qu'huguenot. 

II  ne  faut  être   ni    l'un   ni  l'autre,   mais  demeurer  dans  les 


190  MÉMOIRES  [1625] 

noient  de  faire  la  paix  avec  les  huguenots  dévoient 
donner  à  penser  et  à  craindre  que,  lorsque  ce  bon 
homme  peu  zélé,  et  catholique,  comme  tout  le  monde 
croit,  de  légère  teinture,  verroit  la  guerre  intestine  bien 
allumée,  il  ne  ralentit  le  cours  des  armes  du  Roi  en  Italie, 
lesquelles,  jusqu'à  présent,  il  n'avoit  pas  menées  trop 
vite,  expressément  pour  contraindre  le  Roi  à  ce  à  quoi 
il  le  convioit  maintenant  par  cet  avis1  ; 

Que  la  crainte  qu'il  y  avoit  d'employer  en  cette 
guerre  des  personnes  aussi  négligentes  à  faire  leur 
devoir,  comme  l'on  rapportoit  que  M.  de  Praslin2  étoit 

maximes  du  gouvernement  du  feu  Roi,  qui  est  mort  meilleur 
catholique  que  tous  ces  nouveaux  catholiques  zélés  espagnoli- 
sés  »  (AIT.  étr.,  Turin  6,  fol.  399). 

1.  Le  manuscrit  A  contenait  des  accusations  plus  précises 
contre  Lesdiguières  :  «  Que  les  conjectures  et  présents  indices 
que  le  procès  de  Drevet  donnoit  du  peu  de  fidélité  de  ce  bon 
homme,  avec  le  sujet  qu'on  avoit  de  soupçonner  d'ailleurs  qu'il 
eût,  en  commencement,  ralenti  l'entreprise  de  Gênes,  lorsqu'il 
avoit  pensé  en  tirer  de  l'argent,  étoient  considérations  de  très 
grand  poids.  »  Cet  alinéa  a  été  supprimé  lors  delà  révision  du 
manuscrit.  Sur  les  menées  de  Drevet,  qui  s'était  donné  en 
Espagne  comme  l'envoyé  du  connétable,  tout  en  intriguant  en 
faveur  des  rebelles  huguenots,  voyez  la  demande  d'explications 
adressée  par  Herbault  àBullion,  le  21  février  1625  (Arch.  nat., 
KK.1361,  fol.  135).  Voyez  le  jugement  porté  sur  Lesdiguières 
dans  les  Maximes  d'État,  p.  38. 

2.  Sur  les  mesures  d'ordre  militaire  prises  devant  la  Rochelle, 
voyez  la  lettre  déjà  citée  d'Herbault  à  Béthune  :  «  L'on  fait 
venir  de  l'armée  de  Champagne  les  régiments  de  Piémont, 
Manicamp  et  de  Beuvron,  les  compagnies  de  gendarmes  de  la 
Reine  et  de  Monsieur.  L'on  fait  pourvoir  à  tous  ustensiles  et 
munitions  de  guerre  et  de  vivres  pour  cette  entreprise  du  côté 
de  la  terre  ferme  et  de  mer;  l'on  commet  plusieurs  officiers 
capables,  et  l'on  a  mandé  à  M.  le  maréchal  de  Thémines  pour 
commander  conjointement  en  cette  armée  avec  M.  le  maréchal 


[1625]  DE  lui  IIKI.IEU.  191 

u\,  non  seulement  de  ne  faire  pas  de  mal  à  ceux 
de  II  Kochelle,  mais,  en  outre,  «le  leur  permettre  d'en 
I m.  ;ni\  sujets  du  Roi  et  s'avantager  au  préjudice  de 
>■■  propre  réputation,  devait  bien  mûrement  faire 
M  l'embarquer  DM  en  un  dessein  dont  il  ne 
revient  que  préjudice  et  honte; 

Que  les  divers  discours  de  M.  de  Montmorency,  qui 
promettoit  tantôt  de  faire  des  mei\eilles,  et  disoit  par 
eprèa  ouvertement,  a  la  première  piqûre  de  mouche, 
qu'il  aerviroil  mal.  joint  se^  inégalitéa  ordinaires, 
dévoient  être  bien  considérés  en  cette  occasion, 
(|ii<»i«ju.  lee  I lui  njs  tissent  souvent  bien,  lors  même 
qu'ils  parloient  mal1; 

Que  le  peu  de  sûreté  qu'il  y  a  aux  grands,  parmi 
lesquels  >»  trouve  peu  de  capitaines  pour  faire  tête  à 
<\  composée  de  vieux  soldats,  com- 
mander par  un  tel  chef,  devoit  faire  penser  mûrement 
à  cet  inconvénient; 

Qu'il  etoit  aisé  de  remédier  à  l'appréhension  que 

de  Praslin  »  (21  novembre).  L'ordre  avait  été  donné  par  le  Roi 
I  Théorises,  le  13  novembre  1625,  après  l'échec  de  l'attaque 
sur  I.  I      <•   Faisant  considération  sur  l'état  £• 

de  mes  affaires  et  re<-nnn<>issant  que  ceux  de  la  Rochelle 
m'entretiennent  <i«-  belles  paroles,  sans  me  donner  aucun  effet 
;i  fidélité,  el  que  leur  désobéissance  ne  me  permet  pas  de 
r  la  paix  à  tout  mon  royaume,  comme  j'aurois  désiré,  j'ai 
résolu,  ayant  égard  qu'en  mon  armée  d'Aunis  il  offriroit  un 
digne  emploi  pour  deux  maréchaux  de  France,  de  me  servir  de 
vous  en  cette  importante  occasion  »  (Aff.  étr.,  France  1627, 
loi.  245). 

1    Bar  Ufl  pi  "positions  faites  par  Montmorency  en  vue  d'une 
!.i  Rochelle  et  le  mauvais  an  ucil  qa'ellei  ren- 
contrèrent à  la  cour,  voyez  le  récit  donné  pif  s    du  Cros,  op. 

;       1 '     -114. 


192  MÉMOIRES  [1625] 

l'on  avoit  que  les  Anglois  et  les  Hollandois  assistassent 
la  Rochelle  en  une  autre  occasion,  et  qu'en  faisant  la 
paix  on  les  pouvoit  obliger  à  seconder  le  Roi  une  autre 
fois  à  ce  dessein,  étant  certain  qu'ils  désiroient  avec 
grande  passion  que  les  troubles  du  dedans  du  royaume 
s'apaisassent  maintenant,  et  que  si  l'on  leur  faisoit 
connoître  que  le  Roi,  mettant  sous  les  pieds  ses  propres 
intérêts,  vouloit  donner  la  paix  à  son  royaume,  pour 
vaquer  plus  puissament  aux  affaires  qu'ils  ont  contre 
les  étrangers,  pourvu  qu'ils  s'obligent  d'en  prendre 
revanche,  en  assistant  ouvertement  S.  M.,  lorsque,  par 
après,  il  voudra  avoir  raison  de  ses  rebelles,  indubi- 
tablement ils  s'y  porteroient. 

Ou  si,  au  contraire,  l'on  continuoit  la  guerre  et  étoit 
vrai  que  Buckingham  agît  par  boutade  et  non  par  rai- 
son, il  étoit  à  craindre  qu'il  ne  leur  fît  donner  quelque 
secours  sous  main,  qui  rendît  cette  entreprise  de 
longue  haleine  et  par  conséquent  de  douteux  événe- 
ment, vu  qu'outre  que  les  François  ne  demeurent  pas 
longtemps  en  même  résolution,  il  pouvoit  arriver  beau- 
coup d'accidents  qui  la  feroient  changer. 

Au  reste,  quand  même  la  paix  seroit  faite  avec 
l'Espagne,  elle  ne  sauroit  être  exécutée  de  six  mois,  et 
que  c' étoit  chose  ordinaire  aux  Espagnols  de  ne  tenir 
ce  qu'ils  promettent,  et  dont  ils  conviennent  par  traité, 
que  lorsqu'ils  ne  s'en  peuvent  empêcher  et  que  l'on  les 
peut  contraindre. 

Ce  qui  montroit  bien  que  la  paix  étoit  nécessaire  au 
dedans,  vu  que,  si  elle  n'y  étoit  pas,  on  seroit  si  empê- 
ché à  y  vaquer  à  la  guerre,  que  l'on  n'auroit  pas  lieu 
de  faire  exécuter  la  paix  du  dehors  ;  et  sans  doute  les 
Espagnols  n'oublieroient  rien  de  ce  qui  leur  seroit  pos- 


M    Kl<  HKI.1EU.  M 

sible  |><>ur  fomenter  n<»s  divisions  intestines,  pour  oe 
que  le  traité  l'ait  avec  eux  demeurerait  sans  effet; 

Que  1rs  affaires  d'Allemagne  étoienl  en  tel  étal 
que,  m  le  Roi  les  aliaudonnoit.  la  maison  d'Autriche 
M  reodroit  maîtresse  de  toute  l'Allemagne,  et  ainsi 
sçeroit  la  Fiance  de  tous  cotés.  Or  est-il  que,  si 
le  Roi  avoit  la  guerre  en  France,  il  ne  pourroit  secou- 
rir les  princes  de  la  Germanie  opprimés;  ou,  au  con- 
:  i m.  .  s  il  avoit  la  paix  dans  son  royaume,  sans  entre- 
prendre la  guerre  de  son  chef,  il  pouvoit,  en  assistant 
km  princes1  d'argent  sous  main,  et  les  Anglois  de 
quelque  cavalerie,  aidera  rendre  la  liberté  à  ses  anciens 
iillu -s  ,  restituer  la  paix  à  l'Allemagne  et  y  remettre  les 
ehesea  en  une  juste  balance;  que,  si  l'on  n'y  pour- 
ntement,  la  maison  d'Autriche,  dans  six 
ans  au  plus  tard,  lorsqu'elle  n'auroit  plus  rien  à  con- 
quérir en  Allemagne,  taeheroit  de  s'occuper  en  France 
dépens4;  et  s'il  est  vrai  que  l'on  tient  une  place 
perdue  quand  tous  les  dehors  en  sont  gagnés,  il  seroit 

■  lindre  qu'elle  nous  feroit  bien  du  mal  ; 

1  Ki, m  e  246  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  en 
aidant  lei  princes     .   Sancj   a  substitué  à  €  aidant  »   «   tS&ÎS- 

tahl 

l.  Le  discourt  portait  primiti  Fraient  :  «  aider  à  rendre  la 
IiImii.  ,ih\  prince»  opprimât  ■.  tel  dam  dernière  awta  ont  été 
OOrrifél  par  le  <  ardiaal  (France  246). 

i\  mots  ont  été  ajoutés  par  le  Cardinal  dans  l<  .lis 
_inal  (France  24 

•  e  246  et  premier*    rédafetfOO  <lu  manus- 

erit  v     "  Que  »i  l'on  n'\  pourvoit  maintenant,  dani  lis  aiiN.iu 

pie  la  maison  d  Latricn*  n'aare  piu  rien  à  eon* 

■    en    \ll<inagne,  elle  tâchei  r  en  Krance  à 

ii  porta  i  ih  iiH.is  i  ;  m«J] 

bm  erreui  <lu  •  opi 

!  13 


194  MÉMOIRES  [1625] 

Que  la  calomnie  ne  dureroit  qu'un  mois  ;  le  bon  suc- 
cès que  l'on  pourroit  avoir  au  dehors  l'étoufTeroit  incon- 
tinent, ceux  qui  sont  capables  de  raison  considérant 
bien  qu'ainsi  que,  si  le  Roi  rasoit  le  Fort1  par  la  paix, 
l'on  pourroit  dire  qu'elle  seroit  honteuse  ;  aussi,  pour  la 
faire  honorable,  c'étoit  assez,  pendant  que  l'on  est 
occupé  au  dehors,  de  maintenir  les  choses  au  dedans 
ainsi  qu'elles  étoient  auparavant  ;  de  façon  que  si,  pas- 
sant plus  avant,  le  Roi  donnoit  la  paix  après  avoir 
gagné  une  bataille2,  conservant  les  îles  qui  en  sont  le 
fruit  et  les  dépouilles,  et  réduisant  les  huguenots  à  des 
conditions  beaucoup  pires  qu'ils  n'avoient  jamais  été, 
elle  seroit  glorieuse  et  telle  qu'elle  ne  pourroit  être 
improuvée  que  de  ceux  qui  seroient  aveugles  par  pas- 
sion ou  par  un  zèle  inconsidéré  ;  n'y  ayant  homme  de 
jugement  qui  ne  connoisse  que  quiconque  entreprend 
deux  grandes  guerres  à  la  fois  se  confie  plus  à  son 
bonheur  et  à  sa  fortune  qu'à  sa  conduite  et  à  sa  pru- 
dence ; 

Que  jamais  le  Turc,  pour  puissant  qu'il  soit,  n'a 
guerre  avec  le  Persan  qu'il  ne  fasse  la  paix  avec  les 
chrétiens.  L'Empereur,  ayant  maintenant  la  guerre  en 
Allemagne,  n'a  rien  oublié  pour  faire  la  paix  avec  lui, 

1.  Annonçant  la  première  demande  de  paix  présentée  par  les 
Rochelais,  après  la  bataille  navale,  Herbault  écrivait,  le  25  sep- 
tembre, à  l'ambassadeur  Aligre  :  «  S'ils  demandoient  la  paix 
sans  condition  aucune,  j'estime  que  la  bonté  du  Roi  se  pourroit 
étendre  jusques  à  ce  point  de  leur  faire  grâce  ;  mais,  s'ils  per- 
sistent dans  leurs  propositions  du  rasement  du  Fort-Louis 
dans  certain  temps  qui  leur  avoit  été  promis,  et  autres  grâces 
qu'on  leur  avoit  fait  espérer,  je  ne  crois  pas  qu'ils  soient 
reçus  »  (Arch.  nat.,  KK  1462,  fol.  207). 

2.  Le  combat  naval  du  Pertuis-Breton. 


DE   R!<  HFUEU. 

et  ;i  tons  1rs  jours  des  agents  à  sa  Porte  pour  empê- 
cher qu'elle  ne  se  rompe; 

Ouc  si  le  Roi  ttoit  contraint  de  faire  la  paix  pour  ces 
raisons.  Dieu,  qui  pénètre  les  cœurs,  connoissant  la 
sainteté  de  ses  intentions,  les  feroit  connoitre  au  monde 
et  dooneroH  bon  succès  à  la  première  entreprise  pour 
taire  missir  la  seconde; 

Que  le  secours  que  Messieurs  du  clergé  donneroient 
au  Roi  ne  seroit  point  perdu,  S.  M.  en  pouvant  conser- 
ve! le  fonds,  et  acquérir  une  grande  réputation  et  pro- 
bité de  foi  du  tout  nécessaire  dans  les  affaires  publiques, 
si,  au  cas  que  pour  le  présent  il  ne  faisoit  point  la  guerre 
au  dedans,  il  disoit  à  ces  Messieurs  qu'il  ne  vouloit  pas 
toucher  leur  urgent  maintenant,  mais  qu'il  désireroit 
qu'ils  le  conservassent  avec  leur  bonne  volonté,  pour 
s  Vu  aider  lorsque  les  mauvais  déportements  des  hugue- 
not s  lui  donneroient  lieu  de  s'en  servir  à  propos; 

Que,  pour  conclusion,  après  avoir  considéré  tout  ce 
que  dessus,  toutes  raisons  de  prudence  sembloient 
convenir  à  n'avoir  pas  deux  guerres  à  la  fois;  mais 
que  d'autant  que  Dieu  fait  souvent  des  miracles  pour 
la  France,  qui!  les  falloit  particulièrement  attendre  en 
ce  sujet.  Et  afin  qu'en  outre  nul  ne  pût  dire  qu'on  se 
seroil  préeipité  sur  des  ombres,  il  estimoit  que  le  vrai 
conseil  qu'on  devoit  prendre  étoit  de  tenir  les  affaires 
en  étal  que  l'on  pût  avoir  la  paix  au  dedans  que  l'on 
VOtldrOtt,  et  cependant  ne  la  eonelnre  pas  pour  les  con- 
si.l.  talions  suivantes  : 

Qu'il  «toit  I  propos  d'attendre  des  nouvelles  d'Ita- 
lie, pour  lavoir  comme  les  aflEurea  turoienl  bug 

et   quelles  inees   auroient   ceux  qui   servoient  le 

i  attendre  aussi  de  diverses  entreprises  «pie 


196  MÉMOIRES  [1625] 

l'on  avoit  en  Languedoc,  lesquelles  il  falloit  hâter  le 
plus  qu'il  seroit  possible  ;  de  savoir  ce  qu'auroit  pro- 
duit la  dernière  dépêche  que  l'on  avoit  envoyée  à 
Blainville,  laquelle  lui  donnoit  pouvoir  de  parler  hau- 
tement, s'il  jugeoit  que  les  Anglois  demeurassent  en 
l'obstination  de  ne  donner  point  de  contentement  au 
Roi,  et  s'ils  étoient  disposés  à  secourir  la  Rochelle 
comme  il  avoit  déjà  mandé;  d'attendre  des  nouvelles 
de  M.  de  Montmorency,  pour  voir  si  les  Hollandois 
étoient  résolus  de  servir  le  Roi  fidèlement  contre 
la  Rochelle,  ou  si,  comme  disoit  M.  de  Toiras1,  ils  ne 
le  feroient  pas;  de  voir  aussi  ce  que  diroient  sur  ce 
sujet  les  sieurs  Aerssen 2  et  Buckingham,  avant  la  venue 
duquel,  s'il  avoit  à  venir,  il  étoit  du  tout  nécessaire 
de  faire  partir  les  députés  qui  iroient  en  Languedoc  et 
à  la  Rochelle  pour  éviter  les  importunités  et  sollicita- 
tions qu'il  feroit  en  leur  faveur;  et,  en  outre,  de  faire 
auparavant  séparer  l'assemblée  du  clergé. 

Que  si  l'on  avoit  de  bonnes  nouvelles  de  toutes  parts, 
l'on  pourroit  continuer  la  guerre,  entretenant  toujours 
quelque  pratique  secrète  de  paix  ;  si  aussi  l'on  en  avoit 
de  mauvaises,  il  faudroit  faire  la  paix  en  effet. 

Et  pour  ce3  qu'il  seroit  fort  difficile  de  tenir  les 
affaires  en  tel  tempérament,  que  présentement  l'on 
s'exemptât  de  conclure  paix  ou  guerre  avec  les  hugue- 

1.  Toiras  fut  nommé  gouverneur  de  l'île  de  Ré  par  lettres  de 
provision  du  2  décembre  1625. 

2.  Aerssen  (ci-dessus,  p.  165)  avait  eu  sa  première  audience 
le  30  novembre  1625  [Calendar  of  State  Papers,  Venice,  t.  XIX, 
p.  235). 

3.  Ces  trois  mots  ont  été  ajoutés  par  Sancy  sur  le  discours 
original  (France  246,  fol.  37  v°);  c'est  la  preuve  que  ce  docu- 
ment a  été  entre  les  mains  des  rédacteurs  des  Mémoires. 


DE  IUfHKLlEU.  l'JT 

iiots.  d'autant  qu'étant  BOnpçoMMB  comme  ils  sont, 
ils  presseroieol  fort  une  conclusion,  toutefois  l'on 
iMJWItiil  s'exempter  de  conclure  par  le  moyen  (|iii 
-uit  : 

Qu'il  faudroit  dire  aux  députés  du  Languedoc  que 
le  Roi  vouloit  leur  donner  la  paix,  s'ils  la  savoient 
prendre;  mais  que,  pour  l'honneur  et  réputation, 
S.  M.  ne  vouloit  pas  ouïr  parler  de  la  jonction  qu'ils 
"iidoient  faire  avec  ceux  de  la  Rochelle1,  parce 
qu'elle  témoignoit  faction  et  parti. 

Perlent,  que  c'étoit  à  eux  d'accepter  la  paix  sans 
jonction,  ou,  s'ils  n'en  avoient  le  pouvoir,  envoyer 
quelqu'un  d'entre  eux  pour  y  disposer  leurs  provinces. 

Que,  pour  porter  à  ce  que  dessus  les  plus  mauvais, 
il  I .uidroit  leur  faire  connoltre  bonnement  que  cette 
séparation  d'union  désirée  par  le  Roi  ne  faisoit  pas 
(ju'il  ne  voulût  en  effet  donner  la  paix  à  la  Rochelle, 
pourvu  qu'ils  la  reçussent  à  des  conditions  qui  pussent 
compatir  avec  la  dignité  et  réputation  du  Roi,  qui,  autre- 
ment, recevroil  ^rand  préjudice  par  la  calomnie  et  le 
zèle  inconsidéré  de  plusieurs  catholiques; 

Qu'il  faudroit  même,  pour  mieux  jouer  ce  person- 

que  quelques-uns  des  ministres  parlassent,  non 

<!<•  la  péri  <lu  Rot,  mais  comme  d'eux-mêmes,  en  grand 

I  ;   leur  donnassent    péri   de   quelques-unes   des 

conditions  que  l'on  dësiroU  en  la  paix,  avec  la  plus 

douce  sauce  qu'us  pourroient,  leur  disant  que  l'on 

»it  celles  qui  senihloienl  les  pins  rudes,  plus  pour 
reppereoce  et  pour  éviter  le  l»ruit  des  catholiques* 
qu'autrement,  pourvu  qu'au  même  temps  que  l'on 

1.  Franc»*  2/*6  :  «  avec  la  Rochelle  ». 
]    I  rance  246  :  «  cagot»  ». 


198  \ii.\ioiiu:s  [1625] 

joueroit  ce  personnage  avec  Bellujon  et  quelques 
autres  qu'on  choisiroit,  l'on  parlât  hautement  de 
guerre  ; 

Qu'il  y  avoit  grande  apparence  que  l'on  obtiendroit 
d'eux  qu'un  de  leurs  députés  de  la  Rochelle  demeurant 
en  cour1,  l'autre  s'en  retournât  pour  faire  agréer  les- 
dites  conditions,  et  que  Madiane2  et  du  Gros3  iroient 
pareillement  en  Languedoc,  La  Milletière4  et  le  baron 
d'Aubais5  demeureroient  ici. 

Cela  étant6,  si  l'on  faisoit  connoître  auxdits  Madiane7 
et  du  Cros  que  l'on  voulût  donner  la  paix  à  la  Rochelle 
à  conditions  supportables,  desquelles  même  on  leur 

1.  France  246  :  «  demeurant  ici  ». 

2.  Madiane.  Jean  de  Bouffard,  dit  Madiane,  né  à  Castres  le 
1er  janvier  1597,  fut  nommé  consul  de  Castres  par  Rohan  et 
négocia  en  novembre  1622  la  reddition  de  Montpellier  au  Roi; 
il  participa  aux  pourparlers  engagés  avec  la  cour  en  1625 
comme  représentant  de  Castres  ;  il  se  rallia  finalement  au  Car- 
dinal. Il  mourut  le  24  décembre  1674.  Ses  Mémoires  sur  les 
guerres  civiles  du  duc  de  Rohan  (1610-1629)  ont  été  publiés  en 
1897  par  Ch.  Pradel  :  Archives  historiques  de  l'Albigeois, 
fasc.  V. 

3.  Sur  la  mission  de  du  Cros,  chargé  d'  «  un  écrit  portant 
précisément  la  volonté  de  S.  M.  et  ordre  de  lui  porter  réponse 
de  même  »  en  Bas-Languedoc,  voyez  Mémoires  de  Madiane, 
p.  124. 

4.  Théophile  Brachet,  sieur  de  la  Milletière. 

5.  Le  baron  d'Aubais  avait  présidé  la  conférence  réunie  à 
Milhau  le  25  octobre  et  fut  envoyé  à  la  cour  avec  La  Mille- 
tière le  1er  novembre;  lieutenant  du  duc  de  Rohan  à  Nîmes 
(1627),  il  fut  tué  en  1637  au  siège  de  Leucate  [Histoire  générale 
du  Languedoc,  t.  XI,  p.  999).  Les  manuscrits  A  et  B  portent  : 
«  Daubes  ». 

6.  Ces  deux  mots  ont  été  intercalés  par  Sancy  dans  le  mémoire 
original. 

7.  Le  manuscrit  B  porte  par  erreur  :  «  Miletière  ». 


[16-25)  DE  RICHELIEU.  199 

<lnnri<Toit  en  grand  secret  quelque  connoissance,  mais 
<|ii«    le  Roi  la  leur  voulait  donner  sans  union  avec  le 
H»  (I(m   pour  éviter  la  faction  et  agir  avec  réputa- 
tion, suis  doute  ils  rapporteraient  contentement1. 

1  !..  roL  Franco  24<>  contient,  à  la  suite  du  mémoire  du 
2."i  n. .  vembre  1625,  les  «  conditions  de  paix  »  suivantes  (fol.  38  v°)  : 
«  Si  l'on  est  contraint  de  faire  la  paix,  il  faut  prendre  quelque 
sujet  plausible  comme  le  refus  de  la  vérification  de  quelques 

si  le  parlement  en  fait  difficulté,  crainte  pour  quelques 
places  de  frontières,  si  l'on  en  reçoit  des  avis,  et  des  monopoles 
des  grande  qai  témoignent  toujours  trop  ouvertement  leur 
mécontentement.  Faut  insérer  dans  le  traité  quelques  condi- 
tions par  lesquelles  l'on  puisse  revenir  à  la  guerre  toutes  fois 
et  quantes  qu'on  le  voudra.  Comme  par  exemple  que  ceux  de 
la  Rochelle  ouvriront  leurs  portes  au  Roi  toutes  les  fois  qu'il 
voudra  aller  en  leur  ville.  Pour  les  disposer  aux  conditions  qui 
sont  de  cette  nature,  l'on  leur  dira  que  l'on  ne  les  désire  que 
pour  l'honneur  et  réputation  du  Roi,  qui  ne  peut  donner  la  paix 
s'il  n'y  a  en  icelle  de  quoi  contenter  les  catholiques  et  le  clergé, 
mais  qu'en  effet  le  Roi  n'ira  pas.  Faudra  mettre  aussi  qu'ils 
raseront  toutes  leurs  fortifications,  et  si  on  ne  le  peut  obtenir, 
ronoric  il  n'y  a  pas  d'apparence,  par  un  traité  à  part,  il  sera  dit 
qu'on  s'en   <  «intentera  du   rasement  d'une   partie  qui   seront 

ées.  De  plus,  qu'ils  prendront  un  intendant  de  justice  de 
la  part  du  Roi.  Que  le  gouvernement  de  la  ville  ne  sera  plus 
entre  les  mains  du  peuple,  mais  des  magistrats.  Qu'ils  n'auront 
plus  de  vaisseaux  de  guerre,  mais  seulement  pour  aller  en  mar- 
chandise; qu'ils  ne  feront  plus  voyager  qu'avec  congé  de  l'in- 
tendant et  après  avoir  donné  avis  à  celui  qui  commande  au 
p«»rt  huit  jours  auparavant  leur  parlement.  Que  les  draps  volés 
au  marchand  d'Orléans  et  retirés  dans  leur  ville  seront  rendus. 

ii-  les  biens  des  ecclésiastiques  possédés  en  leur  ville 
seront  QfM  si  M.  de  BomUm  est  MMSprif  dans  o   mité, 

il  faudra  mettre  que  tous  les  vaisseaux  pris  par  ledit  sieur,  tant 
sur  I.  Itoi  <|in-  sur  se5  sujets,  seront  rendus:  tuais  il  vaut  mieux 
pardonner  à  ces  conditions  audit  sieur  de  Soubise  par  un  traité 
a  part.   »  Il  semble  que  ce  document  était  d'abord  destin.-  | 

dans  les  Mémoires,  puisqu'une  note  de  la  main  X  Sancy  : 


200  mimoiuks  [1625] 

Tel  lui  l'avis  du  Cardinal,  qui  fut  agréé  du  Roi;  et  il 
arriva  que  le  peuple  mutin  de  la  Rochelle,  nonobs- 
tant sa  foiblesse  et  l'extrémité  en  laquelle  il  doit  réduit, 
ne  vouloit  pas  recevoir  la  paix  à  ces  conditions1,  ce 
qui  fit  que  l'année  se  passa  avant  qu'elle  fût  résolue,  et 
que  les  ambassadeurs  d'Angleterre  eurent  loisir  d'ar- 
river pour  servira  les  y  faire  condescendre,  espérant 

«  cette  page  est  bonne  »,  figure  au  haut  du  fol.  38  v°  ;  le  feuillet 
suivant  porte  également  la  mention  :  «  bon  ».  Finalement,  les 
deux  pages  ont  été  biffées  d'un  trait  de  plume. 

1.  La  remise  des  conditions  de  paix  aux  députés  rochelais 
est  annoncée  le  30  novembre  par  Herbault  à  du  Fargis  :  «  Le 
Roi  a  trouvé  bon  d'admettre  à  ses  pieds  les  députés  de  la  Rochelle 
qui  ont  demandé  la  paix  à  S.  M.  avec  grandes  soumissions. 
S.  M.  leur  a  fait  répondre  qu'elle  leur  feroit  grâce  et  donneroit 
la  paix,  mais  qu'elle  vouloit  qu'elle  fût  de  durée  et  sûre  pour 
la  tranquillité  de  ce  royaume;  pour  cet  effet,  elle  leur  a  déclaré 
plusieurs  conditions  qu'elle  désiroit  d'eux,  entre  autres  le  rase- 
ment  de  toutes  leurs  fortifications  à  la  réserve  de  l'ancienne 
enceinte,  telle  qu'elle  étoit  en  l'an  1560,  le  changement  du  con- 
seil de  ville  et  d'y  recevoir  un  intendant  de  justice,  ce  que  les- 
dits  députés  ont  dit  qu'ils  rapporteroient  à  leurs  concitoyens 
avec  peu  d'espérance  de  les  y  faire  acquiescer  »  (Arch.  nat., 
KK1362,  fol.  386).  Le  5  décembre,  Herbault  faisait  part  à 
Réthune  de  la  résistance  des  députés  :  «  Ceux  de  la  Rochelle 
témoignent  assez  que  leurs  concitoyens  ne  voudront  pas 
acquiescer  à  ces  conditions.  Je  crains  que  les  autres  ne  veuillent 
pas  aussi  se  séparer  de  leur  uniqji  et  qu'ainsi  le  feu  ne  s'allume 
en  plusieurs  endroits.  M.  de  Rohan  a  été  reçu  à  Nîmes  et 
à  Uzès  et  villes  des  Cévennes  ;  elles  danseront  le  même  branle 
des  factieuses.  J'espère  aussi  qu'elles  recevront  le  même  châ- 
timent »  (Ribl.  nat.,  ms.  Français  3667,  fol.  29  v°).  Sur  l'arri- 
vée à  la  Rochelle,  le  15  décembre,  des  députés  venant  de  la 
cour,  voyez  Guillaudeau,  Diarii,  p.  311  :  «  On  nous  vouloit 
bien  donner  la  paix,  mais  sous  des  conditions  si  rudes  qu'il 
eût  bien  valu  mieux  demeurer  perpétuellement  en  guerre  que 
d'^  l'accepter.  » 


DE  BM  il  m  m  201 

par  <•••  moyen  fortifier  l'effort  qu'ils  faisoient  en  Alle- 
magne pour  U'  recouvrement  du  Palatinat. 

Il  M  til  en  Italie.  BUT  la  guerre  de  la  Valleline.  deux1 
méchants  livres,  mus  nom  d'auteur,  lesquels,  pour 
le  lieu  d'où  ils  venoieut.  »>n  lit  premièrement 
distribuer  en  Flandre,  les  attribuant  sous  main  à  Bou- 
<liery.  <pii.  par  lettre  qu'il  écrivit  a  ses  amis,  s'en 
e\eusa3.  Le  premier  étoit  intitule  :  Mystères  politiques' , 
et    le  dernier   portail    pour  titre    :    Admonition*,  par 

1.  Ici  commence  le  25'  cahier  du  manuscrit   \,  ainsi  résumé 

par  Charpentier  fol.  240)  :  a  Mystères  politiques  et  Admonition, 

M  s  il  est  licite  de  secourir  les  Hollandois.  » 

lean  Boucher,  né  1  Paris  vers  1548,  mort  à  Tours  en 

•  m-  de  11  Diversité  <!'•  Paris,  prieur  «i  docteur  de 

Sorbonne,  >aint-Benoît,  archidiacre  de  la  cathédrale 

■rnaj  .  Il  protesta,  le  3J  mai  1026,  dans  une  lettre  au  Roi 

écrite  de  Tourna}  contre  I'      imputation  calomnieuse  »  qui  lui 

était  fait»-  par  I  Admonitio  :  Défense  de  M.  .Iran  Boucher,  doc- 

l'u  Faculté  -fr  f'nri--,  ■lutnninr  et  nrrhiitinrrr 

Tourna?,  de  l'imprimerie  d'Adrien  Quinqué, 
mih:\\\  i 

I  mprunt  au  Mercure  françois,  t.  \l,  p.   10 
h/sterin  politica,  etc.   :  voyez  Rapports  et  notices,  t.  Il, 

p.  103-103. 

5.  Admonitio  ad  /.'  te.  -    Bullîon,  dans  une  lettre  du 

B novembre  an Cardinal,  sttribuail  cet  dus rage  à  Gaspard  Cbo 
pius  et  (aisail  connaître  le  désir  du  duc  de  Savoie  que  *  ce 

li\  n  -t  lût  censuré  par  la  Sorbonne     :  poitr  H  part,  il  s'en  remet- 
tait   i  la  ■  prudence  el    au    jugement   tn-s    ^<  »  1  i  <  i  •■  et    pénétrant 

tecasions  du  Cardinal,  afin  d'ordonner  l'il  Paul 
mettre  cette  alfaire  au  public  et  su  jugement  de  la  Sorbonne, 
ou  la  supprimer  si  I  étouffer  tant  qu'il  sera  possible  comme  une 

qui   peut  donner,  étant   remuer,   <b-  1res 

mauv.i  un  i      Ml    étT  .    I  urin  (>,  loi.  .'i'.»"  v°J.  Il  est  lon- 

gnemenl   parié  de»  Mysteria  et  de  Y  Admonitio  dans  le  récent 

M    kiaiimin  Deloche,  Autour  de  Ut  plume  du  e«r- 


202  MÉMOIRES  [4026] 

laquelle  brièvement  et  fortement  on  démontre  que  la 
France  a  vilainement  et  honteusement  fait  une  ligue 
impie,  et  mû  une  guerre  injuste,  en  ce  temps,  contre  les 
catholiques,  qu'elle  ne  saur  oit  poursuivre  sans  préjudi- 
cier  à  la  religion. 

Le  dedans  du  livre  et  oit  conformé  à  cette1  calom- 
nieuse et  fausse  inscription  ;  on  y  déduisoit  au  long, 
avec  un  style  envenimé,  qu'assister  les  Hollandois 
contre  Espagne,  le  Palatin  contre  Bavière,  Savoie  contre 
Gênes,  Venise  contre  la  Valteline,  étoit  faire  la  guerre 
directement  contre  les  catholiques,  violant  tout  droit 
divin  et  humain.  L'auteur,  parmi  son  discours,  mêloit 
des  injures  atroces  contre  le  Cardinal,  qu'il  appeloit  le 
boute-feu  de  cette  guerre,  le  promoteur  du  mariage 
d'Angleterre,  et  l'auteur  de  la  dernière  ligue  avec  les 
potentats  et  autres  mauvais  catholiques. 

Par  la  suite  de  la  guerre  de  la  Valteline  que  nous  avons 
représentée,  la  justice  des  armes  du  Roi  est  aisée  à 
juger;  la  pureté  du  dessein  du  mariage  d'Angleterre 
paroît  assez  par  la  dispense  que  S.  S.  en  a  accordée. 

Quant  à  l'équité  de  la  guerre  du  Palatinat,  elle  est 
assez  évidente,  en  ce  que  les  princes  catholiques  d'Al- 
lemagne mêmes  en  désirent  le  rétablissement,  et  ne  se 
sont  jamais  arrêtés  que  sur  les  conditions  de  l'accom- 
modement. 

dinal  de  Richelieu,  Paris,  1920,  p.  257-259,  271-280,  289, 
337,  344,  368  et  suiv.,  380.  L'auteur  attribue  les  Mysteria  au 
P.  Keller  et  discute  l'attribution  de  YAdmonitio.  Ces  deux 
ouvrages  furent  d'abord  publiés  en  latin,  puis  réédités  en 
français. 

1.  Ce  commencement  de  phrase  est  dans  le  manuscrit  A  de 
la  main  de  Sancy. 


Di.  UQBMUBO. 

L'altiance  de  Hollande,  deill  la  justice  n'est  pas 
paoindre,  mais  qui  eal  la  première  quia  été  calomniée, 
et  «Mi  laquelle  ils  onl  eu  un  prétexte  plus  trompeur  et 

plus  apparent  pour  décevoir  les  peuple*,  mérite  bien 
que  noua  nous  y  arrêtions  pour  l<s  déaabuaer;  mais, 
pour  ce  que  l<-  discours  qui  prouve  Injustice  de  cette 
alliance  csl  un  peu  plus  long  <|ii<'  l;i  brièveté  de  cette 
hâatoire  ne  requiert,  nous  nous  contenterons  de  l'insé- 

la  lin  de  cette  ainer1,  laissant  ;i  inférer  à  ceux  qui 
la  liront  <|ue  les  libeller  pleins  de  blâme  de  la  conduite 
•  lu  Roi  en  la  guerre  de  la  Valtetine,  en  l'alliance  de  Hol- 
lande, au  mariage  d'Angleterre,  et  li^ue  avec  Venise  et 
Nivuir.  procédoient,  non  <le  la  sincérité  d'un  cœur 
ekretien,  maiade  la  passion  d'une  Ime  intéressée  en  la 
i.k  tiun  d'Eapagne. 

>t  pourquoi,  ayant  été  envoyés  et  épandus  en 
France,  et  étant  estimés  être  autant  de  comètes  qui 

igenl  <-i  excitent  lea  oragea  dans  lea  Ktats,  comme 
BOoa  «h  ;i\nns  vu  en  celui-ri  plusieurs  exemples  en  nos 
bromlleriee  p  ils  émurent  les  docteurs  de  la 

Faculté  de  théologie  de  Paris  à  les  faire  lire  par  quel- 
ques-uns d'entre  eux,  dépotée  a  cet  effet,  pour,  leur 
tait  lr  rapport,  aviser  au  jugement  qu'ils 
auraient  a  en  taire  de  la  doctrine*. 

1.  Le  «  !  i  st  i  .11  rs  sur  les  alliances  avec  Im  hérétiques,  d'abord 

dans  le  corps  du  récit  (fol.  2'«2-2*V2  du  manuscrit  A),  fut 

ainsi  que  l'indique  la  phrase  précédente 

par  (liarpentier  sur  le  manuscrit  \,  elle  est  iceoflipa- 

i  à   la  paea  2.57  de  l'ancienne  numérotation  : 

pafji    137.  A  ».  Nous  donnons  le  texte  du  «  dis- 

eoan     ■'  i  ippeadiee  il  du  présent  volaaM. 

2.  Une  lenteoce  dl   prévôt  de  Paris,  du  30  octobre  1625, 


•204  MEMOIRES  [1625J 

Un  mois  après,  qui  fut  le  26e  novembre,  ils  déclarent 
que  ce  livre  étoit  rempli  de  termes  très  séditieux,  et 
que,  sous  le  masque  de  conserver  la  religion  catho- 
lique, il  exhortoit  les  grands  de  ce  royaume  à  une 
déloyale  désertion,  et  tout  le  peuple  à  une  rébellion 
générale;  divertissoit  tous  les  sujets  de  l'obéissance 
due  aux  puissances  séculières;  abusoit  malicieusement 
des  saintes  Écritures,  les  interprétant  à  contresens, 
contre  l'intention  du  Saint-Esprit;  enfin  contenoit 
beaucoup  de  choses  contraires  à  la  vraie  doctrine  de 
l'Église1. 

Pour  lesquelles  raisons  ils  supplioient  Messieurs  les 
prélats  et  juges  séculiers  d'interposer  leur  autorité 
pour  arrêter  le  cours  de  la  vente  de  ce  livre  et  en 
châtier  les  auteurs. 

L'assemblée  générale  du  clergé,  qui  se  tenoit  lors, 
trouva  bon  de  censurer  ce  méchant  livre,  et  donna 
charge  à  l'évêque  de  Chartres-  de  rédiger  cette  cen- 
sure par  écrit.  Il  en  fit  imprimer  une  le  3e  décembre 
de  ladite  année,  dont  il  y  eut  beaucoup  de  bruit,  ainsi 
que  nous  verrons  ci-après. 

avait  prescrit  que  ces  «  deux  pernicieux  et  méchants  livres  » 
seraient  o  lacérés  et  brûlés  »  (A.ff.  étr.,  France  780,  fol.  91). 

1.  Comparez  la  Censure  de  la  sacrée  Faculté  de  théologie  de 
Paris  faite  contre  un  séditieux  libelle  intitulé  «.Admonition  de 
J.  J.  R.,  théologien,  à  Très  Chrestien  Roy  de  France  et  de 
Navarre  Loys  XIII  ».  Paris,  Cl.  Griset,  1635,  in-16,  p.  11  et 
12,  à  laquelle  ce  passage  a  été  emprunté. 

2.  Léonor  d'Estampes-Valençay. 


DE   RICHELIEU.  205 

ANNÉE  1626. 

Le  commencement  de  cette  année  fut  signalé  par 
deux  étions  importantes  et  peu  attendues  qui  don- 
n«Tt  ut  au  Roi  le  repos  au  dehors  et  au  dedans  de  son 
royaume  et  lui  ouvrirent  le  chemin  pour  exterminer 
le  parti  huguenot,  qui,  depuis  cent  ans,  divisoit  son 
Bal1.  Ces  deux  affaires  furent  la  conclusion  de  la  paix 
avec  Espagne,  et  celle  avec  les  huguenots. 

[/Espagne,  qui  jugeoit  bien  que  le  Roi  teroit  la 
|).n\  avec  les  huguenots  si  la  guerre  d'Italie  tiroit  de 
longue,  et  qui  ne  erovo  t  pas  qu'il  la  voulût  faire  s'il 
n'y  étoit  force  d'ailleurs,  désirant  de  lui  donner  occa- 
sion de  la  continuer,  hâta,  tant  qu'elle  put,  l'accom- 
modement de  l'affaire  d'Italie. 

Les  Anglois,  d'autre  côté,  que  l'acheminement  du 
en  Espagne  mettoit  en  crainte  qu'il  ne  terminât, 
en  oe  second  voyage,  ce  qu'il  n'avoit  pu  faire  au  pre- 
iiik t,  envoyèrent  leurs  ambassadeurs  en  France*,  avec 
charge  de  solliciter  les  Rochelois  de  recevoir  la  paix 
■  |ue  le  Roi  leur  avoit  offerte,  et  n'oublièrent  ni  raisons 

1     l-e   Testament  /><>/i:i</n>\  éd.  de  17<m.  I     I.  p.  2,  dit  <pi.ni 
<J>  Lui  du  ministère  de  Richelieu  «  les  huguenots  partageaient 
avec  le  Roi  ». 
1    M> ni  \    RJch,  comte  de  tlolland,  et  sir  Dudley  Carleton, 
ambassadeurs  extraordinaires,  30  décembre  1625-4  avril  1636 
instructions  dans   Rymer,   Fcrdera...,  t     Wlll,  p.  250;   Atatf 
I  rance,   vol.  70,   30  décembre  1625).  Cf.  Cardin. r, 
/liston,  ùf  Sngtmmd,  t.  M,  p.  89,  II.  l'i.ili. 

Note»  on  lit,-  diplomatie»  relation»  uf  KngUmd  <ui<l  Fr^mct . 
1688.  Oxford,  1906,  in-8°. 


206  MÉMOIRES  [1626] 

ni  menaces  pour  parvenir  à  cette  fin  ;  d'où  il  arriva 
que,  par  une  conduite  pleine  d'industrie  inaccoutu- 
mée, on  porta  les  huguenots  à  consentir  à  la  paix  de 
peur  de  celle  d'Espagne,  et  les  Espagnols  à  faire  la 
paix  de  peur  de  celle  des  huguenots1, 

En  cela,  on  peut  voir  clairement  combien  un  bon 
conseil,  donné  à  propos,  produit  d'effets  salutaires; 
car  tout  ce  bien  arriva  à  la  France  en  suite  des  ambas- 
sadeurs extraordinaires  que,  par  invention,  on  fit  que 
le  roi  d'Angleterre  envoya.  Car  ces  ambassadeurs  don- 
nèrent jalousie  aux  Espagnols  et  les  firent  hâter  à  con- 
condescendre  à  beaucoup  d'articles  qu'ils  n'eussent 
jamais  accordés  sans  cela,  et,  d'autre  part,  firent 
mettre  nos  huguenots  à  la  raison2. 

La  plus  grande  difficulté  que  le  Cardinal  eut  à  sur- 
monter fut  dans  le  Conseil  du  Roi,  où  les  principaux3, 
par  un  trop  ardent  et  précipité  désir  de  ruiner  les 
huguenots,  ou  par  foiblesse,  ou  par  une  trop  bonne 
et  fausse  opinion  qu'ils  avoient  d'Espagne,  vouloient, 

1.  Le  Veneur  de  Tillières,  dans  ses  Mémoires  (p.  113),  dit  à 
ce  propos,  dans  un  mémoire  sur  le  bannissement  des  Français 
qui  avaient  accompagné  la  reine  d'Angleterre  :  a  La  fin  a 
montré  avec  quelle  prudence  cet  avis  étoit  digéré  ;  car  les 
Anglois,  craignant  la  paix  d'Espagne,  ont  poussé  à  celle  des 
huguenots,  et  les  Espagnols,  ayant  peur  de  celle  des  hugue- 
nots, ont  achevé  celle  d'Italie.  » 

2.  Sur  la  pression  exercée  par  les  ambassadeurs  anglais  sur 
les  protestants,  on  peut  consulter  les  Mémoires  de  Bouffard- 
Madiane  dans  les  Archives  historiques  de  l'Albigeois,  fasc.  V, 
p.  134. 

3.  Le  parti  des  «  dévots  »  était  représenté  dans  le  Conseil 
par  Marillac,  Aligre,  Schônberg.  Il  était  soutenu  par  Marie  de 
Médicis  et  son  directeur,  le  cardinal  de  Bérulle. 


DE  RICHELIEU.  207 

I  quelques  prix  et  conditions  que  ce  fût,  qu'on  s'ac- 
commodât avec  elle,  sans  se  soucier  de  se  relâcher  à 
des  choses  désavantageuses  à  la  réputation  du  Roi, 
lesquelles  ils  estimoient  assez  récompensées  par  le 
ini.\<n  que  cette  paix  donneroit  au  Roi  d'employer 
toutes  ses  forces  pour  nettoyer  le  dedans  de  son 
royaume. 

Le  gtrde  des  sceaux  de  Mari I lac1  étoit  de  cet  avis 
«l  représenta,  en  plein  Conseil  du  Roi,  qu'il  falloit 
terminer  le  ditlérend  de  la  Valteline,  en  quelque  manière 
que  ce  fût,  sinon  en  celle  que  l'on  voudroit  en  celle 
que  I  ou  pourroit,  ne  refusant  aucun  parti  honnête 
plutôt  que  de  rompre; 

une  cette  guerre  étoit,  à  l'extérieur,  entreprise  pour 
la  défense  de  nos  alliés,  mais  en  effet  pour  notre  inté- 
rêt en  la  conservation  des  passages;  que  l'une  ni  l'autre 
raison  n'étoit  considérable  au  prix  de  la  ruine  de  l'hé- 
que  nous  pouvions  extirper  en  France  si  nous 
faisions  cette  paix; 

nue  le  Roi  ne  devoit  pas  abandonner  ses  amis, 
m  M  qu'il  ne  devoit  pas  aussi  se  ruiner  pour  l'amour 
d'eox; 

Que  les  huguenote  M  se  soumettroient  qu'à  des 
conditions  honteuses  pour  le  Roi,  s'ils  le  voyoient 
outre  le  roi  d'Espagne; 

(Jue  les  princes  protestants  qui  restei  oient  nos  prin- 
cipaux alliés  noua  obtigeroieoJ  i  les  recevoir;  que  le 

1  Marillac  ne  reçut  les  sceaux  que  <|ii>  lques  mois  après, 
Ion  d  race  du  chancelier  d'Aligre.  Il  était  alors  seule- 

ment I  un  des  deux  directeur*  des  finances  qui  remplaçaient  le 
Minut-  luj.nit  depaû  lo24. 


208  M  K. MO  IRE  S  [1626] 

I  • 

Roi  n'avoit  pas  d'argent  pour  supporter  les  dépenses 
des  deux  guerres  à  la  fois  ;  qu'il  en  faudroit  venir  à  de 
grandes  exactions  sur  les  peuples; 

Qu'il  falloit  avoir  quelque  soin  de  la  réputation  des 
principaux  du  Conseil  du  Roi,  quiseroient  diffamés 
comme  peu  soucieux  de  la  religion,  si  on  s'affermis- 
soit  à  vouloir  conserver  aux  Grisons  la  souveraineté 
sur  la  Valteline;  que  cela  n'étoit  pas  juste,  que  Dieu 
y  étoit  offensé  et  qu'il  étoit  à  craindre  que  ce  ne  fût 
l'heure  que  plusieurs  âmes  très  saintes  prévoyoient  de 
la  punition  de  cet  État  si  on  négligeoit  les  moyens  que 
Dieu  présentoit  de  ruiner  l'hérésie1. 

Tels  avis  fondés  sur  des  raisons  de  piété,  pleins 
de  doutes  raisonnables  et  de  craintes  de  toutes  parts, 
font  voir  manifestement  quelle  force  et  fermeté  de 
courage  il  a  fallu  avoir  pour  soutenir  la  réputation 
du  Roi  en  cette  affaire  et  la  terminer  aux  conditions 
glorieuses  à  la  France  que  nous  vous  déduirons  main- 
tenant. 

Ce  qui  étoit  le  plus  fâcheux  au  Roi2  étoit  que  le 
Pape  se  déclaroit  pour  le  roi  d'Espagne,  envoyoit  à 
la  Valteline  les  six  mille  hommes  dont  il  nous  avoit 
menacés  par  son  nonce;  sur  quoi,  le  Roi  lui  fit  dire  par 
son  ambassadeur3  qu'il  n'eût  jamais  cru  que  de  père 
commun  il  eût  voulu  devenir  partial  et  sectateur  d'Es- 

1.  Le  discours  de  Marillac,  dont  tout  ce  qui  précède  n'est 
que  le  résumé,  se  trouve  in  extenso  dans  le  manuscrit  A, 
tome  II,  fol.  3-8  v°.  On  en  trouvera  le  texte  à  l'appendice  VI. 

2.  Ce  paragraphe,  jusqu'à  «  par  son  ambassadeur  »,  a  été 
ajouté  de  la  main  de  Sancy,  en  marge  du  manuscrit  A,  fol.  8  v°. 

3.  La  fin  de  ce  paragraphe  et  le  suivant  se  retrouvent,  mais 
au  style  direct,  dans  un  Avis  sur  les  affaires  présentes  qu'a  le 


DE  RICHELIEU.  209 

[ue  rien  ne  lui  ferait  perdre  le  respect  et  la 
C  qu'il  doit  à  S.  S.,  mais  qu'il  étoit  prêt  ft 
(un  .  'oiimiitre  à  tout  le  monde  qu'obéissant  religieux 
ment  ;i  un  pape  èa  choses  spirituelles,  on  peut  s'oppo- 
ser justement  èfl  desseins  temporels  (|u'ils  prennent1 
pot?  favoriser  ceux  mêmes  qui  opprimoient  l'autorité 
de  l'Église,  quand  ses  prédécesseurs  avoient  les  armes 
en  main  pour  la  défendre; 

Qu'elle-  se  défendrait  bien  de  tous  ceux  qui  vou- 
draient faire  contre  elle,  et  s'y  préparait  d'autant  plus 
puissamment  que  peut-être,  lorsque  S.  S.  penseroit  à 
l'attaquer,  aurait-elle  besoin  de  ses  armes  pour  la  ser- 
vir contre  ceux  qui,  sous  prétexte  de  lui  nuire,  voû- 
taient perdre  tout  à  fait  le  saint-siège. 

Mus,  tandis3  que  S.  S.  et  ses  ministres  faisoient 
((Mine  le  brait  qu'il  étoit  offensé  que  le  voyage  du 
<n  France  n'\  eût  produit  aucun  fruit,  et  qu'il 
envoyoit  lesdits  six  mille  hommes  en  la  Valteline  en 
faveur  des  Espagnols  et,  d'autre  part,  que,  sous  ombre 
de  tenir  sur  les  fonts  de  baptême  l'infante  nouvelle- 
ment n.c,  il  se  préparait  à  envoyer  le  même  légat  en 
Espagne,  afin  qu'en  quelque  manière  que  ce  fût  raccom- 
modement des  deux  couronnes  ne  se  fit  point  sans 

Roi  en  février   1626,   publié  par  Avenel  (t.    II,  p.  193-202 \ 
•it  des  Alf.  »tr.,  France  210,  loi.  'è7- 
1     Vinsi  dans  le  manuscrit. 

tu  elle,  comme  si  ce  pronom  remplaçait  ^té  ». 

La  source  porte  en  etfet  :  ■  S.  M  pourra  ajouter  :  Je  me 
<lrai  bien...  » 
•■  passage  a  été  corrigé  par  Sancv  dans  le  manuscrit  \. 
Le  texte  priiuitil  était  :  »  Tandis  <ju<  les  minisires  du  Pape 
faisoient  eosne.  »  C'est  pour  i  ela  fM  le  texte  porte  :  ■  qu'il 
étoit  offensé.  » 


210  MÉMOIRES  [1626] 

son  intervention,  Le  Fargis,  ensuite  des  pourparlers 
qu'il  avoit  eus,  par  permission  du  Roi,  avec  le  comte 
d'Olivarès1  sur  ce  sujet,  signa,  sans  avoir  charge  de 
S.  M.,  un  traité2  qui  lui  sembloit  n'être  pas  éloigné 
des  intentions  de  Sadite  Majesté  et  le  lui  envoya  par 
une  dépêche3  du  7  janvier,  en  laquelle,  pour  toute  rai- 
son, il  allègue  qu'il  n'a  pu  se  conformer  aux  ordres 

1.  Le  Roi  à  M.  du  Fargis,  25  octobre  1625;  copie  de  Char- 
pentier :  Aff.  étr.,  Espagne  14,  fol.  273,  et  fol.  321-322  : 
«  Minute  de  la  dépêche  pour  Espagne  envoyée  de  Noisy  à 
M.  d'Herbault  pour  être  délibérée  en  Conseil.  »  Au  dos,  la 
mention  :  «  Employée,  1626  »,  de  la  main  de  Charpentier. 

2.  Le  texte  de  ce  projet  de  traité,  daté  de  Madrid  et  du 
1er  janvier  1626,  se  trouve  à  la  Bibliothèque  nationale,  coll. 
Du  Puy401,  fol.  880,  et  coll.  Brienne  117,  fol.  416.  Il  sacrifiait 
à  la  fois  les  intérêts  des  Grisons  et  ceux  des  alliés  italiens  de 
la  France.  Voici  comment  le  Testament  politique  le  juge  : 
«  Votre  Majesté  eût  affranchi  pour  jamais  les  Grisons,  dit-il, 
de  la  tyrannie  de  la  maison  d'Autriche  si  Fargis,  son  ambassa- 
deur en  Espagne,  n'eût,  à  la  sollicitation  du  cardinal  de  Bé- 
rulle,  fait,  ainsi  qu'il  l'a  confessé  depuis,  sans  votre  su  et  contre 
les  ordres  exprès  de  Votre  Majesté,  un  traité  fort  désavanta- 
geux auquel  vous  adhérâtes  enfin  pour  complaire  au  Pape,  qui 
prétendoit  être  aucunement  intéressé  dans  cette  affaire.  »  Ce 
passage  est  reproduit  à  peu  près  textuellement  dans  la  Vie  du 
Père  Joseph  [Archives  curieuses,  2e  série,  t.  IV,  p.  171-172). 
Sur  ce  qui  concerne  le  traité  du  Fargis,  on  peut  consulter 
notamment  :  Mémoires  d'Ardier  sur  la  Valleline,  présentés  à 
Richelieu  (Bibl.  nat.,  nos.  fr.  4508,  fol.  100  et  sûiv.),  les  Mé- 
moires de  Bassompierre  et  les  ouvrages  modernes  d'Avenel,  de 
Rott,  de  Fagniez  et  celui  de  l'abbé  Houssaye  sur  le  cardinal  de 
Bérulle. 

3.  Cette  dépêche  était  insérée  dans  le  manuscrit  A,  fol.  9-10. 
Il  en  existe  une  copie  aux  Archives  nationales,  M  232,  liasse  3, 
pièce  3,  et  une  autre,  de  la  main  de  Charpentier,  aux  archives 
des  Affaires  étrangères,  Correspondance  politique,  Espagne  14, 
fol.  320.  On  en  trouvera  le  texte  à  l'appendice  VIL 


?6]  DE   RICHELIEU.  211 

que  lui  preecrivoit  S.  M.  par  sa  dernière  dépêche1, 
pour  ce  que  cela  eût  donné  beaucoup  d'ombrage  par 
delà,  et  qu'il  se  console  en  ce  que  le  roi  Henri  le 
Grand,  en  même  sujet,  se  contenta  à  beaucoup  moins 
que  ce  qu'il  avoit  obtenu  du  comte  Olivarès,  et  qu'il  lui 
M  tnbloit  qu'il  n'avoit  rien  oublié  d'essentiel,  puisque 
tel  Bepagnok  laissoient  aux  Grisons  la  souveraineté 
sur  les  Valtelins  et  ne  prétendoient  aucun  droit  ni 
usage  de  leurs  passages. 

Le  Roi  et  tout  son  Conseil  furent  fort  surpris8  à 
l'arrivée  de  cette  dépèche,  qui  leur  donnoit  avis  d'une 
<  liose  qu'ils  n'atteudoient  point,  et  le  furent  encore 
davantage  quand  ils  eurent  va  le  traité  qui  l'accompa- 
gnoit. 

Il  «toit  défectueux  en  beaucoup  de  points  très 
importants.  « -01111110  ayant  été  fait  à  trois  cents  lieues 
du  Roi,  sans  son  su  et  sa  communication,  et,  au  con- 
traire, «j.tns  le  cabinet  du  roi  d'Espagne,  au  milieu  de 
son  Conseil3. 

•tte  dépêche  du  Roi  avait  été  envoyée  le  6  décemluv 

.    irch.  des  Aff.  étr.,  Espagne  14,  fol.  274).  Elle  arriva 

trop  tard  poor  «pie  l'ambassadeur,  dont  les  négociations  étaient 

-  avancées,  pût  tenir  compte  des  instructions  plus  précises 

du  Koi.  Cette  pièce  porte  en  note  :  «  Reçu  par  M.  du  Fargis 

le  27  décembre,  par  l'ordinaire  de  Flandres.  » 

tte  surprise  de  Richelieu  est  peut-être  un  peu  feinte.  Il 
avait  lui-même  engagé  1  ambassadeur  à  répondre  aux  avances 
d'Oli  tt.  t    l\  .  p.  8  <  t  Miiv    .  Bassompierre  [Mémoir. 

III.   p.   242]  dit  qu'au  Conseil  «  un  chacun 

s'amusa  plus  à  blâmer  l'ouvrier  qu'à  démolir  l'ouvrage...    » 

Cf.  HaMM  le  sur  des  maximes  nul  des 

.  p.  509. 

ans  une  pièce  des  An  ■ivtf  nationales  (M  232,  liasse  3, 

e  1 1    intitulée  :  Considérations  du  cardinal  de  Bertille  sur 


212  MÉMOIRES  [1626] 

Au  préambule  de  ce  traité,  les  Espagnols  gardoient 
cet  avantage  que  la  proposition  de  la  paix  étoit  faite 
par  Le  Fargis,  étant  dit  :  il  proposa  et  proposèrent 
ensemble. 

En  second  lieu,  la  porte  étoit  ouverte  aux  Espagnols 
de  prendre  occasion  de  brouiller  quand  ils  voudroient, 
étant  dit  que,  en  cas  que  les  Grisons  contrevinssent  à 
ce  traité,  ils  seroient  privés  de  leur  souveraineté. 

En  troisième  lieu,  il  n'avoit  pas  eu  égard  aux  inté- 
rêts des  alliés  du  Roi  comme  il  devoit. 

Le  Cardinal,  appréhendant  plus  que  personne  les 
inconvénients  qui  pouvoient  arriver  de  ce  traité,  l'im- 
possibilité pour  l'honneur  du  Roi  à  le  recevoir,  la  dif- 
ficulté qu'il  y  auroit  de  le  raccommoder,  le  sujet  de 
plainte  que  nos  alliés  penseroient  avoir  de  nous,  esti- 
mant en  avoir  été  délaissés  et  méprisés,  et,  enfin,  cet 
accident  aigrissant  plutôt  les  esprits  que  de  les  dispo- 
ser à  un  bon  accord,  après  avoir  mûrement  considéré 
en  lui-même  tous  les  moyens  qu'il  y  a  voit  pour  sortir 
de  cette  affaire,  dit  au  Roi1  : 

Qu'il  falloit  proposer  à  l'ambassadeur  d'Espagne 

le  traité  de  Montçon,  on  trouve  la  même  idée  et  les  mêmes 
expressions  pour  qualifier  le  traité  de  M.  du  Fargis  :  «  Il  se 
fait  aux  pieds  du  roi  d'Espagne  et  à  trois  cents  lieues  du  roi 
de  France,  sans  son  su  et  communication...  »  Mais  l'auteur  en 
conclut  que  ses  «  défauts  tombent  sur  l'ambassadeur  et  les 
avantages  sur  la  France.  »  Dans  une  lettre  au  marquis  de 
Cœuvres,  du  9  mars  1626,  Herbault  exprimait  cette  opinion 
que  l'intérêt  espagnol  était  de  traiter  à  Madrid  avec  un  ambas- 
sadeur incapable  (Arch.  nat.,  Papiers  d'Herbault,  KR  1363, 
fol.  209). 

1.  Toute  la  délibération  qui  suit,  sur  le  traité,  est  au  style 
direct  dans  le  manuscrit  A,  fol.  11  v°-13.  La  correction  est  de 
Sancy.   L'original  est   aux  arch.   des  Aff.   étr.,   Espagne  13, 


DE  Itli  MK1.IEU. 

deux  partis  :  ou  de  raccommoder  maintenant  le  traité, 
mi  (I.  le  tenir  secret  jusqu'à  tant  qu'on  eût  (ait  venir 
famÉMStadear  pour  être  informé  plus  particulière- 
ment di ;s  motifs  de  son  action; 

Qu'en  ce  cas  on  pourroit  mander  à  l'ambassadeur 
qu'il  vit  a  raccommoder  l'affaire  avec  Olivarès,  s'il 
[xuivoit;  s'il  arrivoit,  à  la  bonne  heure1;  sinon,  il  fal- 
loit  st  servir  du  temps  <|iiil  lui  talloit  à  arriver  pour 
t .un-  li  paix  avec  les  huguenots. 

Si  l'affaire  se  divulguoit  ou  que  l'ambassadeur  n'ap- 
UffUOtAI  pas  de  la  lenii  secrète  jusqu'au  retour  de  Far- 
cis, qu'il  la  talloit  dire  en  grand  secret  aux  ambassa- 
deon  île  Savoie  et  de  Venise2,  les  assurer  que  le  Roi 
l  vouloit  remédier  et  en  avoir  raison,  les  rendant 
i  apahtco  que  h  France  se  servît  d'une  telle  faute  pour 
porter  lea  huguenots  à  une  paix  honorable; 

Qu'il1  jivoit  peur  que,  quand  Venise  et  Savoie  sau- 
roient  l<  traité,  ils  ne  pussent  plus  prendre  confiance 
au  Roi  ;  qu'il  étoit  à  craindre  aussi  qu'au  même  ins- 
tant ils  regardassent  à  traiter  avec  le  Pape  et  qu'il  ne 
\n\nit  point  de  moyen  de  remédier  à  ces  maux  si  on 

.  de  la  main  de  Charpentier,  et,  pour  le  dernier 
paragraphe,  de  celle  de  Richelieu  lui-même. 
1    s  il  parvenait  à  cela,  tant  mieux. 

2.  On  ne  prit  pas  ce  parti;  mais  on  avait  préparé  on  projet 
de  «  répons»-  crac  le  Koi  fera  au  prince  de  Piémont  et  à  l'am- 
bassadeur de  Venis»*  si  S    M.  la  agréable  »,  publié  dans  Ave- 
n»  I,  t    Vil.  [>    .".75-576,  d'après  une  mise  au  net  de  la  main  de 
h    .l.-s    \H\  .  t.  .,  Turin  7,  fol.   178). 
mi  krrartc  i<i  dm  la  Mon  ••  ce  passage  :  «  Il  faudra  pour 
-u|.  t  <]!■•-  l'ambassadeur  d»'  BSTOtC  BVTOchi  à  son 

maître  au  lieu  d'écrire;  les  ambassadeurs  de  \  .•ni-.   •  n\.  iront 
aus  mais  la  difficulté  sera  de  faire  garder  le 

MCftfl  1  \  taitt,  à  eau-  ^s  passent  par  le  Conseil.  » 


214  MKMOIRES  [1626] 

ne  se  lioit  de  nouveau  à  la  guerre  avec  eux,  ce  qui 
seroit  s'embarquer  plus  que  jamais  lorsqu'il  y  avoit 
lieu  de  sortir  d'affaires; 

Que  le  Roi  pourrait  déclarer  par  écrit  le  traité 
avoir  été  fait  sans  son  pouvoir  et  consentement,  pro- 
mettre à  ses  collègues  de  faire  voir  cette  vérité  si 
claire  qu'ils  n'en  pourront  douter,  et,  de  plus,  décla- 
rer de  tenir  pour  nul  ledit  traité  ;  que  tous  ces  remèdes 
empiroient  le  mal  ;  mais  il  étoit  tel  qu'il  n'y  en  avoit 
point  qui  le  pût  guérir  ; 

Qu'il1  sembloit  qu'il  fallût  donner  permission  à  du 
Fargis  d'aller  prendre  congé  du  roi  d'Espagne,  afin  de 
voir  avec  Olivarès  s'il  pouvoit  raccommoder  sa  faute, 
lui  faisant  connoître  que  le  Roi  avoit  trouvé  son  action 

1.  On  trouve  ici  dans  la  source  :  «  Je  crois  qu'il  leur  faudra 
dire  et  montrer  qu'on  avoit  écrit  ce  qui  s'ensuit  :  Quant  à  ce 
que  vous  dites  que  les  Espagnols  désirent  la  paix,  je  n'ai  rien 
à  répondre,  sinon  que  leurs  affaires  la  requièrent  et  que,  s'ils 
fussent  intervenus  au  traité  du  légat,  ni  moi  ni  mes  collègues 
ne  nous  fussions  éloignés  de  la  raison.  Quant  à  ce  que  vous  me 
mandez  que,  parlant  avec  le  comte  d'Olivarès  de  ce  qui  s'est 
passé  avec  M.  le  Légat,  il  vous  a  témoigné  qu'il  avoit  tort  de 
dénier  la  souveraineté  aux  Grisons  et  que,  quant  à  lui,  il  seroit 
bien  fâché  d'y  mettre  empêchement,  vous  lui  pourrez  dire 
comme  de  vous-même,  s'il  revient  à  vous  parler  de  cela,  que 
moi  ni  mes  collègues  ne  voulant  point  nous  rendre  maîtres  de 
la  Valteline,  si  son  maître  fût  intervenu  avec  cet  esprit,  sans 
doute  nous  fussions  sortis  d'affaire.  Si  le  désir  qu'il  a  de  la 
paix  est  si  grand,  qu'il  vous  dise  qu'il  est  près  d'intervenir  de 
nouveau  !  Il  y  a  si  peu  d'apparence  aux  paroles  espagnoles  que 
je  ne  me  résoudrai  point  de  reporter  mes  collègues  et  moi  à 
un  nouveau  traité  si  l'Espagne  ne  s'oblige  pas,  par  écrit,  à 
intervenir  à  Rome  ou  autre  lieu  tiers  en  un  traité  raisonnable 
qui  remette  les  Grisons  comme  ils  étoient  en  leur  souveraineté, 
et.  si  vous  n'êtes  assuré  sous  main  qu'elle  renonce  à  sa  préten- 
tion des  passages.  Or,  afin  que  vous  ne  puissiez  vous  tromper, 


DE  RICHELIEU.  215 

si  mauvaise  qu'elle  ne  pouvoit  subsister;  qu'il  le  con- 
|iiiMt  de  lui  donner  lien  de  garantir  sa  réputation  et  le 
er  du  blâme  que  tout  le  monde  lui  donneroit, 
et,  m  reste,  que,  puisqu'il  désiroit  la  paix,  il  devoit 
consentir  à  des  tempéraments  qui  la  pussent  établir; 

om  S.  M .  eut  agréable  de  dire  à  l'ambassadeur  d'Es- 
qu'elle  écrivoit  au  Fargis  qu'il  la  vint  trouver 
poiii  lui  rendre  compte  de  sa  faute;  que,  outre  que  le 
traité  qu'il  avoit  envoyé  étoit  défectueux  en  sa  forme, 
il  rétoit  encore  en  sa  matière,  y  ayant  à  désirer  plu- 
sieurs choses  pour  la  satisfaction  de  ses  alliés;  qu'elle 
ru  refuse  point  la  paix,  au  contraire;  que,  n'ayant 
jamais  eu  autre  dessein  que  de  conserver  à  ses  alliés 
ce  qui  leur  appartient,  elle  seroit  bien  aise  que  le  roi 
son  frère  lui  donnât  contentement  en  ce  que  dessus; 

Que  S.  M.  mandat  au  duc  de  Rohan  qu'il  se  tînt  prêt 
pour  p.isser  en  Italie  avec  les  troupes  du  Languedoc2; 
qu'on  feroit  aussi  marcher  les  régiments  de  Norman- 
die et  d'Aiguebonne3  en  la  Valteline;  on  manderoit  à 

la  forme  et  les  termes  de  l'acte  qu'il  faudroit  qu'elle  signât,  ce 
que  vous  pourriez  faire  aussi,  sera  tel.  »  Ici  devait  s'intercaler 
un  précis  des  engagements  à  prendre  par  l'Espagne.  La  fin  de 
ce  est  de  la  main  du  Cardinal  et  correspond  au  paragraphe 
suivant 

1    Les  quatre  paragraphes  suivants  ont  pour  source  le  pro- 
réponse au  prince  de  Piémont  et  à  l'ambassadeur  de 
■  (Avenel,  t.  Ml,  |>    575),  cité  ci-dessus,  p.  213,  note  2. 
2.  Cette  idée  est  aussi  dans  l'Avis  sur  les  affaires  présentes 
-I.  i    II.  p.  201). 

décision  était  due  aux  prières  instantes  de  Oeuvres. 

Rottain^-- \nioine  d'Urre  du  Puy  Saint-Martin,  seigneur  d'Ai- 

gMboaiM,    "iu<|tiis  de  Tréfort,   fils   d'Antoine  d'I'rre  et  de 

tînt  de  Simiane,  mestre-de-carap  d'un  régiment  d'infan- 

eonteUler  «In  Roi,  lieutenant  général  de  ses 

armées  en  1648,  négocia  la  paix  avec  Monsieur  en  1632. 


216  MÉMOIRES  [1626] 

M.  de  Vignoles  qu'il  eût  à  border  toute  la  frontière 
des  États  de  M.  de  Savoie,  du  côté  du  Milanois,  selon 
que  S.  A.  le  désiroit,  pour  donner  lieu  à  Sadite  Altesse 
de  mettre  toutes  ses  troupes  en  corps  s'il  en  avoit 
besoin,  et  qu'on  enverroit  pour  faire  fajre  montre  à  l'ar- 
mée de  S.  M.; 

Que,  si  l'Espagne  refusoit  à  donner  contentement 
sur  ce  qui  étoit  en  ce  traité  justement  désiré  d'elle,  l'ar- 
mée du  Roi  seroit  en  état  de  faire  grand  effet  dans  la 
duché  de  Milan. 

S.  M.,  ensuite,  écrivit1  à  Fargis  qu'il  essayât  de 

1.  Au  lieu  de  cette  courte  analyse,  le  manuscrit  A  (fol.  13  v°- 
15  v°)  donne  le  texte  même  de  la  lettre  du  Roi  à  M.  du 
Fargis,  publiée  par  Avenel,  t.  II,  p.  187.  La  minute  en 
est  aux  arch.  des  Aff.  étr.,  Espagne  14,  fol.  41-42.  On 
en  trouve  des  copies  aux  Arch.  nat.,  KK  1363,  fol.  131; 
à  la  Bibl.  nat.,  mss.  Dupuy  401,  fol.  106,  et  Brienne  117, 
fol.  429.  La  date  officielle  est  du  4  février;  niais  la  minute  fut 
rédigée  le  31  janvier,  et  il  y  est  question  de  la  lettre  envoyée 
par  M.  du  Fargis  le  «  7e  de  ce  mois  ».  Dans  le  manuscrit  A,  la 
lettre  a  été  raturée,  sauf  le  passage  spécialement  résumé  dans 
le  manuscrit  B.  Ce  fut  M.  de  Lingendes,  maître  ordinaire  de 
l'hôtel  du  Roi  et  frère  de  l'ecclésiastique  Nicolas  de  Lingendes, 
qui  partit  avec  cette  dépêche  le  5  février  (cf.  lettre  d'Her- 
bault  à  du  Fargis,  du  6  février,  aux  Arch.  nat.,  KK  1363, 
fol.  1331).  Il  emportait  également  une  lettre  de  Richelieu,  «  les 
articles  réformés  »  (arch.  des  Aff.  étr.,  Espagne  14,  fol.  2-9; 
Bibl.  nat.,  ms.  Dupuy  401,  fol.  66-73),  et  un  «  Mémoire  des 
observations  faites  sur  chacun  desdits  articles  pour  servir 
d'instruction  »  à  l'ambassadeur  (Espagne  14,  fol.  10  et  suiv. 
et  fol.  445-453.  L'ordre  n'est  pas  le  même  dans  ces  deux 
copies.  Il  est  rectifié  dans  la  première  rédaction  (fol.  445)  par 
des  lettres  en  marge  de  chaque  alinéa.  Une  autre  copie  est  à 
la  Bibl.  nat.,  ms.  Dupuy  401,  fol.  74-86).  Sur  la  lettre  du  Roi, 
cf.  aussi  Avenel,  t.  VII,  p.  577;  Fagniez,  le  P.  Joseph,  p.  231; 
A.  Baschet,  Histoire  de  la  chancellerie  secrète,  p.  324. 


DE  RICHELIEU.  jN9 

raccommoder  cette  affaire  avec  le  comte  d'Olivares,  et, 
s'il  ne  le  pouvoit,  <|u'il  prit  congé  et  revint  en  France 
poiir  rendre  compte  de  sea  i  lions,  et  qu'avant  par- 
tir il  lit  entendre  au  nonce  et  aux  ambassadeurs  de 
oafédéréfl  qu'il  avoit,  sans  charge  et  au  hasard  de 
te,  tait,  conclu  et  signé  ce  traite,  qu'il  estime 
avantageux  pour  ses  collègues1,  puisque  les  passages 
daputee  et  la  souveraineté  des  Grisons  demeurent 
■  munir  ils  sauroieut  souhaiter. 

Les1  principaux  points  que  le  Roi  demandoit  étoient 
qu'à  l'entrée  du  traité  la  proposition  en  fût  faite  de  la 
part  des  deux  rois  ensemble  et  que  les  peines  qui 
•croient  imposées  aux  contravention!  qui  pourroient 
arriver  de  la  part  des  Grisons  n'allassent  pas  jusqu'à 
la  privation  de  leur  souveraineté  sur  la  Valteline3,  pour 
ce  qu'il  se  feroit  toujours  en  cela  de  la  fraude  de  la  part 
«lu  roi  d'Espagne4;  mais  qu'il  suffisoit  qu'ils  fussent 

1.  C'est-à-dire  pour  les  confédérés  du  Roi. 

i  liea  de  donner  intégralement,  d'après  le  manuscrit  \. 
loi.  15  I  -20,  la  lettre  de  Richelieu  à  M.  du  Fargis,  du  4  fé- 
vrier 1626,  publiée  par  Avenel,  t.  Il,  p.  180-193  (la  minute  des 
mains  de  Charpentier  et  de  Richelieu  est  aux  arch.  des  Ah". 
_;ne  1'»,  fol.  >27-328,  portant  la  mention  :  «  Em 
ployé  »;  copie  aux  Arch.  nat..  M  232,  liasse  3,  pièce  4),  le 
manuscrit  H  n'en  donne  que  les  phrases  principales.  Cette 
lettre  'i  II     >urce  des  cinq  paragraphes  suivants. 

\n   fond,   Ki<  italien   ne   tenait   pas  essentiellement  à  ce 

taux,  dans  un  article  du  Journal  des  Savants, 

oontre  qu'il  y  tenait  même  si  peu  que,  dans  les 

articles  de  son  Ulitniction,  il  .iiitnrisait  M.  du  Fargis  à  li 

à  la  rigueur,  un  article  secret  privant  les  Gl  leur  auto- 

'  prérogative!  pu  lei  Valtetins.  il  donne  pour  preoi*.  de 

i.il)le  pensée  du  Cardinal  le  fragment  31  des  Muximm 

d  luit. 

ite  ne  se  trouve  pas  dans  la  source. 


218  MÉMOIRES  [1626J 

privés  de  la  somme  d'argent  qu'il  étoit  accordé  que  les 
Valtelins  leur  donneraient  tous  les  ans  pour  le  droit 
qu'ils  leur  relàchoient  d'élire  leurs  juges  et  magistrats 
d'entre  eux,  ou  qu'à  l'extrémité  ils  se  soumissent  encore 
à  perdre  le  droit  qu'ils  s'étoient  réservé  de  les  confir- 
mer, et  à  telles  autres  peines  que  les  deux  rois  arbi- 
treraient ensemble. 

Néanmoins,  afin  de  ne  rien  oublier  qui  pût  amener 
une  bonne  paix,  le  Roi  fit  mander  au  Fargis  qu'en 
cas  qu'il  ne  pût  réduire  les  choses  pleinement  au  point 
qu'il  étoit  désiré,  il  pou  voit  condescendre  à  faire  un 
article  secret1  qui  portât,  qu'en  cas  que  les  Grisons, 
par  résolution  publique,  dérogeassent  aux  présentes 
capitulations  et  ne  voulussent  s'en  désister  en  l'ins- 
tance qui  leur  en  seroit  faite  par  les  deux  rois,  les  deux 
rois  les  déclareroient  privés  de  leur  autorité  et  préro- 
gatives sur  les  Valtelins,  comtés  de  Bormio  et  de  Chia- 
venne.  Auquel  cas  les  Valtelins  et  comtés  auroient 
toujours  les  mêmes  obligations  à  la  couronne  de  France 
que  les  Grisons  en  ce  qui  touche  les  alliances  et  pas- 
sages, en  feroient  serment  solennel  et  en  passeroient 
patentes  authentiques,  sur  peine  de  déchoir  des  pri- 
vilèges qui  leur  étoient  accordés  par  le  présent  traité. 

On  lui  manda  aussi  qu'il  essayât  avec  dextérité  à 
ménager  un  point  qui2  n'importoit  point  à  l'Espagne 

1.  Au  lieu  du  commencement  de  cet  alinéa,  on  lit  dans  la 
source  :  «  En  tout  cas,  si  vous  êtes  contraint  d'accorder  le 
traité  sans  les  conditions  portées  au  formulaire  que  M.  d'Her- 
bault  vous  envoie,  il  vaudroit  beaucoup  mieux  mettre  les  neuf 
et  onzième  articles  comme  ils  sont  désignés  en  cette  lettre,  et 
faire  un  article  secret...  »  Ce  passage,  reproduit  dans  le  ma- 
nuscrit A,  a  été  ensuite  mis  par  Sancy  au  style  indirect. 

2.  De  la  main  de  Sancy  dans  le  manuscrit  A,  fol.  19  v°.  Le 


DE  RICHELIEU. 

«i  .innnrioit  contentement  au  Roi;  cYtoit  «pie,  dans 
l'un  (l»s  ;m  ticlcs1,  au  lieu  qu'il  «toit  porté  absolument 
gjBS  l«-s  Valtelins  aurnieut  pouvoir  d'élire  leurs  juges, 
magistrats,  <>n  désirerotl  qu'ils  eussent 
pouvoir  de  nommer  trois  Valtelins  ou  Grisons,  tous 
catholiques,  et  non  autres,  dont  les  Grisons  en  pour- 
roi,  -ut  choisir  un;  ou,  s'il  se  pouvoit  faire,  que  ce 
-m  rit  les  (irisons  qui  nommassent  les  trois  susdits 
pour  que  les  Valtelins  en  choisissent  un,  ce  qui  seroit 
encore  le  meilleur,  et,  qu'en  ce  dernier  cas,  on  pour- 
ioit  exempter  les  Valtelins  de  payer  la  somme  dedeniers 
stipulée  pour  cela*;  et  enfin  que,  pour  vider  tout 
dihYrcml  «  A  «  puiser  les  sources  qui  en  pourroient  faire 
mitre  à  l'avenir3,  il  seroit  bon  de  mettre  un  article  par 
lequel  les  deux  rois  s'obligeroient  de  vider  à  l'amiable 
le  différend  qui  était  entre  les  Grisons  et  l'archiduc 
pold;  que  cet  article  pourrait  se  mettre  dans  le 
ps  du  traité  ou  être  secret,  et  le  Roi  pourroit  se 
faire  fort  pour  les  Grisons,  et  le  roi  d'Espagne  pour 
l'archiduc  Léopold  '. 

niiii  |»>rtail  :  «  Il  y  auroit  encore  un  point  à  ménager 
. |u i  n  Importe  point  à  l'Espagne...  >  Ce  paragraphe  et  les  deux 
suivants  correspondent  au  post-srriptuiu  de  la  lettre  de 
Rjebdtta.  Le  copiste  ayant  oublié  une  partie  du  premier, 
Charpentier  l'a  ajoatéc  >-\\  marge. 

1.  «  Dans  l'article  troisième  »,  dit  la  source. 

2.  «  Par  le  neuvième  article  »  (ibid.). 

tien  par  Sancy  dans  le  manuscrit  A.  Ce  qui  corres- 
pond .igraphe  dans  la  source  est  de  la  main  de  Richelieu, 
i  montent  oà  Richelieu  •■<  rivait  cette  lettre  paraissait  un 
opnsi  uli-  de  l'aine  des  Sainte-Marthe,  <p'i   travaillait  évidem- 
ment  sur  l'ordre  du  Cardinal  :  Kxpediiie  Valtclinara  auspiciis 

nistimi    stiserpta . 

uatprimé  ebei  Robert,  avec  privilège  du  6  février  16 


220  MÉMOIRES  [1626] 

Tandis  que  ces  choses  se  passoient  avec  le  roi 
d'Espagne  et  que  tout  s'acheminoit  à  la  paix1,  les 
ambassadeurs  d'Angleterre,  qui  n'en  sa  voient  rien, 
arrivèrent  à  Paris  pour  rechercher  une  alliance  défen- 
sive avec  le  Roi,  traiter  des  affaires  d'Allemagne2  et  se 
plaindre  de  Blainville,  rejetant  sur  lui  toutes  les  fautes 
qu'ils  avoient  faites,  et  solliciter  les  huguenots  de  s'ac- 
commoder, à  quelque  prix  que  ce  fût,  avec  le  Roi3. 

Pour  l'alliance  défensive,  le  Roi  demanda  que  la 
restitution  des  vaisseaux  qu'ils  avoient  pris  seroit 
préalablement  faite,  mais  que,  si  leur  humeur  n'étoit 
pas  qu'elle  y  fût  mise,  comme  ils  chicanent  en  toutes 
choses,  il  n'étoit  pas  honorable  à  S.  M.  de  renouveler 
cette  alliance  sans  cela. 

Sur  les  propositions  qu'ils  firent  touchant  les  affaires 
d'Allemagne,  on  ne  s'y  arrêta  guère,  étant  reconnus 
pour  gens  qui  disent  toujours  beaucoup  de  choses 
et  ne  proposent  rien  qui  se  puisse  ou  qu'ils  veulent 
exécuter. 

On  donna  ordre  de  leur  faire  ramener  les  vaisseaux 
anglois  qui  avoient  servi  à  l'armée  navale,  lesquels  ils 
redemandoient. 

1.  Voyez  ci-après,  p.  247.  La  négociation  avec  l'Espagne  se 
trouve  coupée  en  deux. 

2.  Ces  quatre  mots  ont  été  ajoutés  par  Sancy  (ms.  A, 
fol.  20  v°). 

3.  Cf.  dans  V.  Siri,  Memorie  recondite,  t.  VI,  p.  79,  un 
résumé  d'une  audience  des  ambassadeurs  anglais  du  24  janvier 
1626.  Louis  XIII,  dans  une  lettre  à  Blainville  du  14  mars  (Arch. 
nat.,  KK 1363,  fol.  235,  et  Bibl.  nat.,  ms.  Brienne  51,  fol.  406- 
408,  copies),  parle  d'une  audience  qu'il  leur  donna.  Cette 
lettre  n'est  pas  la  source  directe  des  paragraphes  suivants  ; 
mais  on  y  retrouve  les  mêmes  idées,  parfois  les  mêmes 
phrases. 


DE  RiriiFLIBU.  8M 

Kt.  pour  If  regard  de  Blainville,  le  Roi  leur  fit  sen- 

-nparavant  que  de  les  voir,  qu'il  étoit  offensé  du 

murait  traitement  qu'il  avoit  reçu1  et  que  tout  le  tort 

rtcit  de  Ifiir  ente.  Ce  qui  leur  fit  changer  le  langage 

qu'Ai  a\< tient  prémédité*  ft  dirf  au  Roi,  en  leur  pre- 

audience,  qu'ils  avoient  ordre  de  continuer  à 

S.    M.  les  plaintes  que  le  roi  leur  maître  lui   avoit 

déjà  faites  de  la  mauvaise  conduite  de  Blainville,  mais 

que.  ayant  su  depuis  que  S.  M.  avoit  été  autrement 

informée  et  qu'on  lui  avoit  voulu  persuader  que  sa 

\<>it  été  blessée  en  la  qualité  qu'il  portoit  de 

unbassadeur,  ils  venoient  pour  l'assurer  que  cela 

étoit  tellement   éloigné  des   intentions  du    roi   leur 

maiti  <\  qu'il  recfvroit  des  honneurs  et  des  respects  si 

publics  que  personne  ne  pourroit  douter  du  dessein 

qu'il  avoit  de  conserver  par  toutes  voies  son  amitié  et 

bonne  intelligence,  si  nécessaires  au  bien  de  ces  deux 

I  tats,  el  que,  pour  cet  effet,  ils  déclaraient  à  S.  M. 

que   le   rai  leur  maître  n'avoit  jamais  entendu   lui 

-iirles  mauvais  traitements  subis  par  Blainville  en  Angle- 
terre, cf.  sa  correspondance,  pour  l'année  1626,  aux  arch.  des 
Angleterre  36,  37,  38  et  41,  piiih, 
I     La  lettre  de  Louis  XIII  à  Blainville  porte  :   «  Us  m'ont 
demandé  audience  et  m'ont  tenu  les  propos  contenus  en  deux 
que  je  vous  envoie,  par  lesquels  vous  verrez  qu'ils  m'ont 
assuré  que  vous  recevriez  des  honneurs  et  respects  si  publics 
que  personne  ne  pourroit  douter  de  l'intention  qu'a  ledit  roi 
m  h   beau-frère  de  conserver  par  toute  voie  mon  amitié  et 
intelligence,  si  nécessaire  au  bien  de  ces  deux  Etats. 
Ouaiit    i   voir»    ieen  taire,   encore  que    lesdits   ambassadeurs 
nient  qu'il   ait   été  innocemment  arrêté  par  les  olli.  iers 
des  lieux,  ils  ont  toutefois  promis  qu'ils  recevront  telle  peine 
voudrai,  comme  aussi  qu  il  me  seroit  donné  toute  satis- 
on  sur  cette  violence  faite  en  votre  logis...  » 


222  MÉMOIRES  [1626] 

défendre  les  libertés  permises  et  dues  aux  ambassa- 
deurs. 

Et  quant  au  secrétaire,  qui  avoit  été  retenu,  ils 
assuroient  S.  M.  qu'il  n'avoit  point  été  reconnu;  que 
le  roi  leur  maître  étoit  très  fâché  de  cette  méprise 
et  qu'il  mettroit  si  bon  ordre  que  tels  inconvénients 
n'arriveroient  plus;  et  que,  bien  que  les  maires 
des  lieux  où  il  avoit  été  arrêté  l'eussent  fait  inno- 
cemment, ils  recevroient  telle  peine  que  voudroit 
S.  M.1. 

Ils  demandèrent  après  la  mainlevée  de  toutes  les 
marchandises  et  navires  appartenant  aux  Anglois2 
qui  avoient  été  arrêtés  en  cet  État,  et,  pour  empêcher 
semblables  maux  à  l'avenir,  que  S.  M.  eût  agréable  de 

1.  Le  manuscrit  A,  fol.  20  v°,  porte,  raturé  :  «  Le  Roi  leur 
répondit  :  Je  suis  très  aise  de  l'éclaircissement  que  vous  me 
donnez,  vous  confessant  que  cette  affaire  me  tenoit  au  cœur. 
Si  mon  ambassadeur  avoit  manqué  à  ce  qui  est  dû  au  roi  mon 
frère  et  à  ce  que  je  veux  qu'il  lui  soit  rendu,  j'en  aurois  plus 
de  déplaisir  que  lui.  Lors  ils  ajoutèrent  :  Nous  supplions  très 
humblement  V.  M.  de  nous  donner  consentement  sur  la  prière 
que  nous  lui  avons  faite  d'accorder  la  mainlevée.  » 

2.  La  lettre  de  Louis  XIII  à  Blainville,  du  14  mars  1626, 
porte  :  «  Vous  verrez  aussi  par  le  second  écrit  ce  qui  a  été 
traité  sur  la  levée  et  restitution  des  vaisseaux  et  effets  des 
sujets  des  deux  couronnes  et  comme,  lesdits  ambassadeurs 
m'ayant  donné  parole  solennelle,  par  ordre  reçu  de  leur 
maître,  de  faire  restituer  dans  trois  semaines,  pour  tout  délai, 
les  marchandises  détenues  en  Angleterre,  je  leur  ai  accordé  la 
mainlevée  des  saisies  faites  sur  les  effets  et  marchandises  des 
Anglois.  Suivant  ce  conseil,  vous  aurez  à  poursuivre  par  delà 
l'effet  de  cette  restitution  dans  le  terme  préfix,  sans  presser 
néanmoins  le  jugement  des  prises  jusques  à  ce  que  le  sieur 
évêque  de  Mende,  qui  partira  dans  peu  de  jours,  soit  arrivé 
par  delà.  » 


[MM]  DE  RICHELIEU.  223 

i.  ik,u\.  It  i  !«•  traité  lait  en  l'an  I6101,  Tassurant,  par 
onliv  .  \|ir«  s  qu'ils  disoient  80  avoir  reçu  du  roi  leur 
maître,  <|ue  l'on  restitueroit,  dans  trois  semaines  pour 
huit  délai,  les  marchandises  et  navires  «letenus  en 
Angleterre  et  qui  seroient  justifiés  appartenir  aux 
sujets  de  S.  M. 

Le  Roi  la  leur  accorda,  mais  à  telle  condition  que2, 
si  •  n  Angleterre  on  n'exécutoit  pas  fidèlement  ce 
qu'ils  promettaient  si  solennellement,  et  que  son 
ambassadeur,  ou  l'évêque  de  Mende,  qui,  par  le  traite. 
|m»ii\uk  ni  assister  au  jugement,  lui  écrivoient  que 
l'on  retint  quelque  choM  à  ses  sujets,  le  roi  son  frère 
tmin.ioit  bon  qu'il  60  fit  de  même3. 

I.  Herbault  à  Blainville,  8  mars  1G2G  (Arch.  nat.,  KK  1363, 
foi.  232  v°-233  v°,  et  Bibl.  nat.,  ms.  Brienne  51,  fol.  403-404, 
copies)  :  «  Lesdits  ambassadeurs  ont  depuis  quelques  jours  fait 
instance  pour  le  renouvellement  du  traité  de  l'an  1610,  confor- 
mément au  troisième  article  d'icelui,  ce  qui,  volontiers,  leur 

•  té  accordé;  mais  comme,  en  même  temps,  ils  poursui- 
voient  la  mainlevée  de  la  saisie  faite  par  les  juges  ordinaires 

mandie,  des  vaisseaux,  biens  et  effets  de  leurs  sujets,  pré- 
tendant qu'elle  ne  leur  pouvoit  être  déniée,  suivant  la  teneur 
du  dit    article  dudit  traité,  dont  je  vous  envoie  un  extrait...  » 

•-ci  a  été  corrigé  par  Sancy  (fol.  22).  Le  manuscrit  A 
12]  portait  primitivement  :  «  Le  Roi  leur  dit  :  Je  m'assure 
sur  la  parole  solennelle  que  vous  me  donnez  et  m'y  confie  de 
u  ||.    aorte  que,  dès  cette  heure,  je  veux  faire  donner  main- 
levée. Mais  si  en  Angleterre...  » 

!  ••  manuscrit  A,  fol.  11  \",  donnait  ici  la  fin  d'un  discours 

i  :  «  Je  viens  d'avoir  avis  d'une  nouvelle  offtOM  qui  a 
été  faite  en  la  maison  de  mon  ambassadeur.  Je  ne  vous  en  dis 
ri.  n,  parce  que  je  veux  croire  que  la  réparation  et  le  châti- 
ment de  ceux  qui  l'ont  commise  aura  été  suivi  tout  à  l'instant; 

cela  n'ét<  fa  grand  sujet  de  me  plaindre.  »  A 

quoi  ils  répartirent  :  «  Sire,  V.  M.  aura  raison  d'en  user  ainsi 


224  MÉMOIRES  [1626] 

Le  Roi  donna  avis  à  Blainville  de  tout  ce  qui  s'étoit 
passé  avec  eux  sur  son  sujet  et  lui  commanda  de 
demander  audience  au  roi  d'Angleterre  pour  recevoir 
de  lui  les  bonnes  paroles  qu'il  lui  diroit  comme  ambas- 
sadeur, conformément  au  langage  tenu  ici  par  les  siens 1  ; 
après  laquelle  il  demeureroit  deux  ou  trois  jours,  plus 
ou  moins,  tant  qu'il  estimeroit  à  propos,  puis  deman- 
deront son  audience  de  congé  et  s'en  viendroit.  Si, 
en  partant,  il  pouvoit  obtenir  la  délivance  des  mar- 
chandises françoises,  ou  de  partie,  il  seroit  bon  ;  sinon, 
qu'il  ne  s'y  arrêtât  pas.  S'il  revenoit  ayant  été  satisfait 
pour  le  Roi,  S.  M.  enverroit,  peu  après,  le  sieur  de 
Fossez  pour  y  être  son  ambassadeur  ordinaire,  sinon 
le  partement  dudit  sieur  Fossez  seroit  fort  différé,  S.  M . 
laissant  à  penser  si  elle  voudroit  envoyer  un  ambas- 
sadeur en  lieu  où  les  siens  seroient  si  mal  traités2. 

On  traitoit  la  paix  en  Espagne  avec  un  si  grand 
secret3  que  non  seulement  on  ne  le  savoit,  mais  on  ne 

si  l'on  ne  fait  justice  sur  la  plainte  des  François.  Quant  au 
nouvel  avis  qu'elle  a  reçu,  nous  l'assurons  qu'elle  aura  toute 
satisfaction  sur  ce  sujet.  » 

1.  Ici  le  manuscrit  A,  fol.  22  v°,  porte  :  «  Et,  pour  cet  effet, 
il  lui  envoya  la  lettre  suivante  pour  le  roi  [d'Angleterre].  »  Le 
fragment  de  cette  lettre,  dont  une  copie  intégrale  se  trouve 
aux  Arch.  nat.,  KK  1363,  fol.  234  v°,  a  été  raturé.  Voyez 
le  texte  à  l'appendice  VIII. 

2.  Ce  paragraphe  résume  une  lettre  de  Louis  XIII  à  Blain- 
ville, du  20  mars  1626  (Arch.  nat.,  KK  1363,  fol.  237;  Bibl. 
nat.,  ms.  Brienne  51,  fol.  419,  et  arch.  des  Aff.  étr.,  Angle- 
terre 36,  fol.  378,  copies).  Voyez  l'appendice  IX.  Satisfaction 
fut  donnée  à  la  France,  du  moins  en  partie,  et  le  Roi  réitéra 
son  congé  à  Blainville  le  18  avril  1626. 

3.  Sur  le  secret  gardé,  cf.  une  lettre  d'Herbault  à  Coeuvres, 
19  mars  1626  (Arch.  nat.,  KK  1363,  fol.  216  v°). 


[1626]  DE  IU<  MKI.IEU.  225 

l'ai  doutoil  pas,  »'t  !«•  Koi  se  préparait  *ï  fortement  i 
!.i  geerre,  qu'il  n'y  avoit  aucun  qui  ne  crût  que  ce  ne 
lut  un  dessein  arrêt 

!..  prioce  de  Piémont  même  vint  en  cour1,  quelque 
:u  titice  dont  on  put  user  pour  l'en  empêcher,  et  solli- 
toit  incessamment  la  charge  de  lieutenant  général  des 
anses  du  Roi  eu  Italie. 

Les  ambassadeurs  d'Angleterre*  pour  ne  laisser 
idir  l'ardeur  avec  laquelle  ils  voient  poursuivie 
M  dessein*,  menaçoient  les  huguenots  de  les  abandon- 
entièrement  si,  par  la  continuation  de  leur  rébel- 
lion, ils  divertissoient  les  armes  de  S.  M.  Le  eonin- 

1  II  arriva  le  lundi  9  février  et  s'en  retourna  le  mercredi 
1er  avril,  selon  le  Journal  inédit  d"Arnauld  d'Andilly,  162G, 
p.  8  et  15.  Dans  son  An»  sur  les  affaires  présentes,  cité  plus 
liant  Avenel.  t.  II.  p.  195  et  201),  Richelieu  écrivait  :  «  Pour 
M.  le  prince  de  Piémont,  son  voyage  peut  avoir  et  va  appa- 
remment à  deux  fins;  la  première  à  embarquer  ouvertement  le 
Roi  à  la  guerre  et  faire  entrer  dans  le  Milanois.  La  seconde  à 
empêcher  le  retour  de  MM.  le  Connétable  et  de  Créquy  en 
1  'lit  et  avoir  le  commandement  des  armées  du  Roi  en  Ita- 

lie. »  Bassompierre,  dans  ses  Mémoires  (éd.  Chantérac,  t.  III, 
rai*.),  dit  de  même  :  «  Je  trouvai  à  la  cour  M.  le 
de  Piémont,  envoyé  par  le  duc  son  père  pour  échauffer 
.  à  faire  Tannée  prochaine  une  bonne  61  fort*  guerre  en 
\  oyez,  dans  le  Memoriv  •  de  V.  Siri  (t.  M, 

it  d'une   séance  du    COBMii  d«  22  mars,  oè  1<- 
ont  parla  pour  la  guerre.  La  cour  de  Tarin 
espérait  y  réussir,  comme  on  le  voit  dans  U  >&danC6  d<- 

ni.  qui  représentait  la  France  dans  cette  ville  (arch. 
nt  7,  pmâwim,  et  aocaauntai  fol.  M  et  62, 
■  lu  u  lévrier  1626  .  Le  prince  quitta  la  i  ur  ne 

pas  assistera  la  ratification  de  la  paix,  ojn  ;1  l  indignait  <l 

ttée  par  le  Roi  sous  le  faux  prétexte  du  manque  d'argent 
[Ibid.,  loi.  114-118,  lettre  de  17  avril  Ki26). 

•  stàdire  la  conclusion  de  la  paix  avec  l'Espagne. 
\  15 


226  MÉMOIRES  [1626] 

table  de  Lesdiguières  y  ajoutoit  ses  offices  et  craignoit 
que  l'esprit  du  Roi  fût  si  ulcéré  contre  eux  qu'il  eût 
peine  à  se  résoudre  de  leur  pardonner  l'atrocité  de 
tant  de  crimes  qu'ils  ayoient  commis  contre  S.  M.1. 

D'autre  côté,  le  maréchal  de  Thémines2,  qu'on  avoit 
envoyé  à  la  Rochelle  au  lieu  du  maréchal  de  Praslin, 
les  resserra  de  si  près,  dès  qu'il  fut  arrivé,  qu'ils 
abaissèrent  leur  orgueil  et  se  soumirent  à  de  plus 
équitables  conditions  qu'ils  n'avoient  fait  jusques 
alors. 

Par  ces  moyens,  les  choses  furent  si  bien  conduites 
et  si  chaudement  poursuivies  que  la  paix  fut  conclue 
et  signée  le  5e  février  avec  les  conditions  avantageuses 
qui  suivent. 

1.  Une  longue  lettre  du  connétable  de  Lesdiguières  au  Roi, 
de  Turin,  24  décembre  1625,  figure  à  cette  place  dans  le  ma- 
nuscrit A,  fol.  24-28,  où  elle  a  été  rayée  d'un  trait  de  plume. 
Des  copies  en  existent  aux  arch.  des  Aff.  étr.,  France  780, 
fol.  109-110,  et  à  la  bibl.  de  Carpentras,  ms.  Peiresc, 
reg.  XXXI,  vol.  2,  p.  296.  Elle  a  été  publiée  par  le  comte 
Douglas  et  J.  Roman  dans  Actes  et  correspondance  du  conné- 
table de  Lesdiguières,  t.  II,  p.  430-431.  C'est  la  copie  du  fonds 
France  qui  a  été  employée  pour  le  manuscrit  A.  On  y  trouve 
au  fol.  110,  de  la  main  de  Charpentier  :  «  Ceci  entre  en  la 
28e  feuille.  »  Le  connétable,  dans  cette  lettre,  fait  surtout 
valoir  le  péril  espagnol  pour  engager  le  Roi  à  assurer  la  paix 
intérieure. 

2.  Cf.  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  119  :  «  Cependant,  le  ma- 
réchal de  Thémines  (qui  avoit  succédé  au  maréchal  de  Praslin 
[mort  le  31  janvier]  au  commandement  de  l'armée  devant  la 
Rochelle)  resserroit  les  courses  des  Rochelois.  Les  prières  et 
supplications  réitérées  des  députés  généraux  de  ceux  de  la 
religion  prétendue  réformée  l'emportèrent  enfin  et  gagnèrent 
la  clémence  de  S.  M.,  qui  leur  donna  la  paix  aux  conditions 
suivantes...  »    • 


[1626]  DE  RICHELIEU.  H 

I.'     Roi,  désirant  donner  la  paix  à  ses  sujets  de  la 

ville  de  la  Rochelle,  de  la  i eli-ion  prétendue  réïonin •»•, 

i|in  la  lui  ont  demandée  avec  toutes  sortes  d'instain  •  ^. 

OS  et  de  respects,  la   leur  aecorde  aux 

conditions  qui  ensuivent8  : 

i. 

Que  le  conseil  et  gouvernement  de  ladite  ville  sera 
remit  et  rétabli  es  mains  de  ceux  qui  sont  du  corps 
(ficelle,  en  la  forme  qu'il  étoit  en  l'année  1610. 


Qu'ils  recevront  un  commissaire  pour  y  faire  exé- 
entt-r  les  choses  qui  seront  arrêtées  pour  l'exécution 
de  la  paix  et  y  demeurer  tant  qu'il  plaira  à  S.  M. 

m. 

Qu'ils  n'auront  aucuns  vaisseaux  armés  en  guerre 
dans  leur  ville  et  observeront,  pour  le  trafic,  les  formes 
établies  et  usitées  au  royaume,  sans  déroger  (pour  ce 
qui  oeecerne  ledit  trafic)  à  leurs  privilèges. 

1  Set  alinéa  a  été  rayé  d'un  trait  de  plume  dans  le  manus- 
crit H;  nous  le  conservons  cependant  parce  qu'il  n'a  pas  été 
biffé  dans  le  manuscrit  A.  Il  fait  défaut  dans  le  ms.  Fran- 
çais 17542  de  la  Bibliothèque  national*  . 

ni-  Ufl  articles  de  la  paix  :  arrb.  des  Ali*,  étr., 
France  782,  fol.  '«S;  Mercure  francois,  t.  XI,  p.  120;  Claude 
Malingre,  Histoire  de  nostrr  temps,  partie  intitule.  :  Suite  de 
l  histoire  de  la  rébellion  pendant  les  année 

fus,/,,  .,  I  :'».  .., -S  .  I  M.  ,,.  VIS:    i:,lit  Mit-  la 

Am    Ml.  étr  .   Franc-  ~H2,   lui.  106  et 
-    r  ce  sujet,  voyez  aussi  :  Mémoires  de  Rolmn,  éd.  Mi- 
•iil.it.  |.   ."i52-553. 


228  MÉMOIRES  [1626] 


IV. 

Qu'ils  restitueront  tous  les  biens  ecclésiastiques  qui 
se  trouveront  par  eux  possédés,  conformément  à  l'édit 
de  1598  et  exécution  d'icelui. 

v. 

Qu'ils  laisseront  jouir  pleinement  et  paisiblement  les 
catholiques  de  l'exercice  et  fonction  de  la  religion 
catholique,  apostolique  et  romaine,  et  des  biens  qui  leur 
appartiennent  en  ladite  ville,  et  leur  restitueront  ce  qui 
se  trouvera  être  en  nature  et  raseront  le  fort  de  Tadon 
par  eux  nouvellement  construit. 

VI. 

Et  S.  M.,  ne  pouvant  accorder  le  rasement  du  Fort- 
Louis,  dont  ceux  de  ladite  ville  de  la  Rochelle  faisoient 
instance,  promettoit,  par  sa  bonté,  de  faire  établir  un 
tel  ordre  dans  les  garnisons  qu'il  lui  plairoit  laisser 
audit  fort,  comme  dans  les  îles  de  Ré  et  d'Oléron, 
que  les  Rochelois  ne  recevroient  aucun  trouble  ni 
empêchement  en  la  sûreté  et  liberté  du  commerce 
qu'ils  voudroient  faire,  suivant  les  lois,  ordonnances  et 
coutumes  du  royaume,  non  plus  qu'en  la  jouissance 
des  biens  et  perception  des  fruits  qu'ils  ont  dans  les- 
dites  îles. 

Fait  et  arrêté  à  Paris1,  le  5e  jour  de  février  16262. 

1.  Le  Mercure  porte  :  «  au  Louvre  ». 

2.  Cette  ligne,  conservée  dans  le  manuscrit  A,  est  rayée  dans 
le  manuscrit  B.  Elle  fait  défaut  dans  le  ms.  Français  17542. 
A  la  suite  figure  dans  le  manuscrit  A,  fol.  29  v°  (on  l'avait 


DE  RICHELIEU.  2?9 

Il  est  bien  juMr  de  s'arrêter  un  |>«'u  ici  à  ronotdérer 
li  prudence  «'t  le  courage  que  le  Cardinal  a  apporta 
en  l.i  conduite  de  cette  affaire.  Il  b'ignoroit  point  que, 
l.iisinl  taire  la  paix  avec  les  huguenots  et  leur  témoi- 
gnant i|tK'l<|ue  inclination  à  les  favoriser  auprès  du 
Roi.  il  ne  s'exposât  à  se  mettre  en  mauvaise  réputation 
à  Rouie  Mais  il  ne  pouvoit  venir  par  autre  voie  aux 
tins  <1<  S.  M.  Sa  robe  le  rendoit  suspect  aux  hugue- 
note, il  étoil  <lnnc  nécessaire  qu'il  se  conduisît  en 
sorte  qu'ils  crussent  qu'il  leurétoit  favorable;  car,  ce  fai- 
sant, il  avoit  moyen  d'attendre  plus  commodément  le 
tettfN  de  les  réduire  un  ternes  où  tous  sujets  doivent 
tftre  en  no  Etat,  c'est  à'  dire  de  ne  pouvoir  faire  aucun 
oorns  séparé  <t  «  1  ■  pendre  des  volontés  de  leur  sou- 
iin. 

d'abord  placé  an  fol.  2S,  .»ù  il  a  été  barré;  en  marge  :  «  N'est  à 

son  rang  »  ;  la  phrase  n'y  est  pas  dans  le  même  ordre),  un  dis- 

<tu  Chancelier  d'après  Aff.  étr.,  France  783,  fol.  73,  qui 

<>l   pobKé  <l;tns  le    Mercure  français,   t.   XI,  p.   123.   Voici   ce 

!.<■   Chancelier,   délivrant   le   traité  de   paix   aux 

<i>  ipatéf  de  l.i  Rochelle,  leur  dit  ces  paroles  :  «  Le  Roi  vous 

-l"nne  la  paix  de  bon  cœur.  Il  se  promet  que  vos  actions  à 

rendront  dignes  de  cette  grâce.  Tout  son  Con- 

uit    fort.  Je  ne  doute   point  qu'elle  ne  soit  de 

dorée  et  que  roui  ne  rendiei  <!•■  perpétuel!  témoignages  de 

g  ti.l-lii.  .m  Roi     \insi.  paf  vos  longs  services  et  conti- 

obéissance,  vous  poavej  attendre  de  la  bonté  du  Roi  ce 

■  <jii<-  vous  n  .ussie/.  jamais  ..I.i.tm  par  .iiium  traité,  es  choses 

[M  vous  estiiiM/    les  plus  pressantes,  èsquelles  on 

■  |M.mia.  «n  temps  oonrenablei  écouter,  vos   nipplicationa, 
«  étant  faites  avec  dû   respect  et   humilité.   »  —  Au  lieu  de 

.  la  MConde  •  "|>ie  du  manuscrit  A  porte  continuelle  et 

mtet  au  lieu  de  pressante*.  —  Cf.  «  Acte  d«-  réception  de 

la  paix  par  la  rUIt  «le  la  Rorli.  II.  .fuis  |.-s    M,  i  nous  ,1  I  i,,i, 

p  r.7   n  i,.  Iftrnnre  franc. >i*.  t    \l.  p.  123. 


230  MÉMOIRES  [1626] 

Ce  lui  étoit  une  chose  fâcheuse  à  supporter,  de  se 
voir  si  injustement  suspect  à  la  cour  romaine  et  à  ceux 
qui  affectent  autant  le  nom  de  zélés  catholiques  que 
l'effet1;  mais  il  se  résolvoit  de  prendre  patience  aux 
bruits  qu'on  faisoit  courre  de  lui,  d'autant  que,  s'il  eût 
voulu  s'en  purger  par  effet,  il  n'eût  pas  trouvé  le 
compte  de  son  maître  ni  celui  du  public. 

Il  ménagea,  par  ce  moyen,  si  sagement  cette  affaire, 
que  la  paix  se  fit  avec  l'entremise  des  ambassadeurs 
d'Angleterre,  sans  toutefois  qu'ils  s'en  mêlassent 
autrement  qu'en  témoignant  aux  huguenots  que,  quoi 
qu'on  leur  eût  dit  par  le  passé,  ils  ne  dévoient  attendre 
aucun  secours  du  roi  leur  maître,  qui,  au  contraire, 
assisteroit  le  Roi  de  toutes  ses  forces  en  cette  occa- 
sion2; de  sorte  qu'ils  agirent  en  cette  affaire  non 
comme  arbitres,  mais  comme  parties  seulement. 

L'on  surprit  un  avis  que  le  duc  de  Rohan3  envoyoit 
à  Soubise,  par  lequel  il  reconnoissoit  que,  sans  la  sollici- 
tation desdits  ambassadeurs,  ils  n'eussent  jamais  reçu 
la  paix;  mais  qu'ils  avoient  peur,  les  refusant,  d'of- 

1.  Voyez  les  Maximes  d'État,  fragment  157. 
,  2.  Quelques  jours  après  la  signature  de  la  paix,  le  11  fé- 
vrier, les  ambassadeurs  anglais  avaient  donné  aux  députés  des 
églises  réformées  un  écrit  rendant  leur  maître  garant  du  traité 
et  promettant  de  les  aider  à  obtenir  la  démolition  du  Fort- 
Louis  (Aff.  étr.,  Angleterre  41,  fol.  23;  Bibl.  nat.,  Cinq-Cents 
Colbert,  t.  XVII,  fol.  343  et  345  v°,  copies;  publié  par  Benoît, 
Histoire  de  l'Édit  de  Nantes,  t.  II,  pièces  justificatives,  p.  80). 
L'ambassadeur  de  Hollande,  Aerssen,  s'était  aussi  entremis  pour 
la  paix.  Cf.  deux  lettres  de  lui  à  Richelieu,  dans  les  Archives 
de  la  maison  d' Orange-Nassau,  t.  III. 

3.  Sur  le  rôle  de  Henri  de  Rohan  à  cette  époque,  cf. 
G.  Schybergson,  le  Duc  de  Rohan  et  la  chute  du  parti  protes- 
tant en  France.  Paris,  1880,  in-8°. 


DE  M  HfcUEU. 

feoeci  celui  duquel  seul  la  Rochelle  avoit  espéré  assis- 
t.HK  .  ;  mus  <jue  lesdits  ambassadeurs,  bien  qu'a\ 
M  liiiss.rnii  décevoir  par  la  prudence  du  Cardinal, 
pour  ce  qu'il*  eapéroiefll  que  le  Roi,  ayant  la  paix 
<  h</  lui,  se  résoudrait  plus  facilement  d'entrer  en 
ligue  offensive  avec  l'Angleterre  et  d'embrasser  la 
protection  dea  llollandois  et  des  Allemands  contre  la 
■MÉMO  d'Autriche,  et  qu'après  on  pourroit  obtenir, 
par  rintcn  (  ssion  du  roi  d'Angleterre,  le  rasement  du 
Fort-Louis  et  faire  remettre  les  iles  de  Ré  et  d'Oléron 
•h  leor  premier  état,  ce  qui  h  seroit  pas1. 

Cette  poix,  si  désavantageuse  pour  eux,  les  met  en 
tel  désespoir  que  Mm'de  Rohan*,  leur  mère,  ne  sachant 
plus  Qjnel  oontei]  donner  à  Soubise,  le  persuade,  par 
une  lettre  interceptée  du  23e  mai3,  de  se  joindre  aux 
corsaires  morisques  et  M  retirer  en  Barbarie.  Et,  pour 
pallier  sou  impiété,  elle  lui  use  de  ces  paroles  :  «  C'est 
■M  dme  approuvée  en  cas  de  nécessite.  Ils  ne  sont 
point  Turcs;  mais  les  catholiques  les  nomment  tels 
parce  qu'ils  ne  reconnoissent  point  le  Pape.  Mais,  au 
leur  religion  est  plus  semblable  à  celle  de  ceux 

1    Ce  paragraphe  et  les  deux  suivants  ont  été  ajoutés  sur  une 
feuille  supplémentaire  dans  le  manuscrit  \.  loi.  3i. 

1.  \  oyes  l'ouvrage  du  comte  de  Chabot,  Une  cour  huguenote 
s-Poi/mt.    Cit/irririr  de   l'nrilnnny,   duchesse   de   Hohan. 

»,  1904. 

Dans  une  lettre  de  Richelieu  a  l'évèque  de  Mende,  en 
Angleterre,  du  26  juillet  1696  àJR  étr.,  Angleterre  41, 
loi  L64,  eopk  de  la  naaifl  de  Charpentier;  publiée  par  Avenel, 
t.  \ll.  p  588  ,  <>n  lit  :  u  ...  nous  avons  surpris  un  paquet  de 
M"*  d<  Koli.ni,  la  mère,  k  M.  dfl  Soubise  en  Angleterre,  qui 
DBBM  mu-  mégère  à  faire  ce  qu'il  pourra  pourrecom- 
mencer  la  vie  qu'il  a  faite.  Nous  M  doutons  pas  de  sa  bonne 
volontr.  Bail  UtH  M  >•«  |niissance...  » 


232  M  K  MOIRES  [1626] 

de  la  religion  qu'à  celle  des  catholiques.  Ils  n'ont  aussi 
que  le  nom  de  turc,  car  ils  sont  chrétiens  et  négocient 
avec  les  Hollandois  avec  qui  ils  ont  alliance.  On  ne 
vous  propose  pas  de  les  aller  trouver,  mais  de  se 
trouver  ensemble  sur  mer  pour  y  chasser  de  compa- 
gnie. » 

Mère'  indigne  du  nom  de  mère,  dont  la  nature  et  le 
devoir  est  de  procurer  du  bien  à  ses  enfants.  Et  elle, 
non  contente  d'avoir  élevé  le  sien  au  mal,  voyant  qu'il 
n'en  peut  plus  faire  à  la  France,  le  porte  à  nuire  à  toute 
la  chrétienté,  essayant  néanmoins,  pour  sa  consola- 
tion, de  se  faire  croire  que  les  Turcs  ne  sont  point 
Turcs  et  qu'il  n'est  point  jour  en  plein  midi;  disant 
seulement  vérité  en  une  chose,  que  la  religion  hugue- 
note a  de  la  conformité  avec  celle  des  Morisques,  car 
l'une  et  l'autre  vient  d'un  même  principe,  qui  est  le 
malin  esprit. 

Si  le  Roi  avoit  donné  la  paix  à  ses  sujets  rebelles,  il 
n'étoit  pas  moins  nécessaire  de  la  mettre  entre  le 
clergé  et  le  Parlement,  qui  étoient  aux  prises,  bien 
avant,  sur  la  censure  que  l'évêque  de  Chartres  avoit 
fait  imprimer8.   Il  s'étoit  ému  quelques   paroles,  le 

1.  Avant  d'être  corrigé  par  Sancy,  le  manuscrit  A,  fol.  31  v°, 
portait  simplement  :  «  Mère  indigne  de  ce  nom,  qui  d'ordi- 
naire procure  du  bien  à  ses  enfants,  puisque,  non  contente  de 
l'avoir  élevé  au  mal,  voyant  qu'il  n'en  peut  plus  faire  à  la 
France,  le  porte  à  nuire  à  toute  la  chrétienté.  » 

2.  Léonor  d'Estampes,  évêque  de  Chartres,  avait  présenté  à 
l'assemblée  du  cierge,  le  13  décembre  1625,  une  déclaration 
censurant  les  libelles  Admonitio  et  Mysteria  politica.  Outre 
les  impressions  à  part  de  cette  pièce,  on  la  trouve  dans  la 
Collection  des  procès-verbaux  des  assemblées  générales  du 
clergé  de  France.  Paris,  1678,  t.  II,  pièces  justificatives,  n°  XV, 
p.  101-115.  Le  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  1068,  en  donne  une 


DE  ItirilKI.IBU.  ÏSA 

17e  janvier1,  entre  les  <  \<,|urs  de  Soissons  et  de 
res  but  le  sujet  de  cette  censure,  laquelle  relui 
de  Langres  improuvoit  aux  termes  aux(|uels  elle  étoil 
couchée. 

Le  Parlement,  craignant  que  l'on  y  changeai  quelque 
chose  d'essentiel  et  que  les  droits  du  Roi  reçussent 
quelque  préjudice,  fit  défenses,  par  arrêt  du  21e  jan- 
vier. ;i  mm.  les  prélats  de  s'assembler  pour  faire 
antre  censure  des  libelles  intitulés  :  Mystères  polùiqusi 
<i  Admonàio,  que  celle  du  13e  décembre,  ni  d'en 
publier  aucune  autre  que  celle-là3. 

Les  prélats,  n'.tvjuil  \\;\>  cro  devoir  en  cela  déférer 
m  Parlement,  étaiit  assurés  de  la  piété  du  Roi,  qui  veut 
que  m  »us  bob  règne  l'Église  soit  conservée  en  ses  pri- 
vilèges et  libertés,  ne  laissèrent  pas  de  s'assembler  chez 
li  cardinal  «l<  la  Rochefoucauld  les  26e  et  27"  février, 
et  <l'nn  unanime  consentement  désavouèrent  la  cen- 

traduction  française.  Le  ms.  Brienne  172  (Nouvelles  acquisi- 
tions françaises  7143]  de  la  Bil>l.  nat.  en  renferme  une  copie 
[fol.  1-17  .  ainsi  que  de  nombreuses  autres  pièces  relatives  à 
iffaire.  Cette  censure  des  libelles  est  une  apologie  de  la 
politique  de  Richelieu.  Sur  cette  affaire,  cf.  notamment  . 
Hnbanlt,  De  politici»  in  Riekelium  lingua  latina  libcllis,  1856; 
.  I  Opinion  publique  et  la  presse  politique  sous 
i  ZIII         bé  HOUSM  nliniil  ilr  Hérullf  et  le  eardi- 

chelieu,  p.  <>0  et  muv. 
1.  Cf.  Mercure  franeois,  I.   \l.  |».  !)9. 

uiDn  le  Gras,  évêque  de   Soissoni   M    1624,  -J-  1656; 
ti-  i,  /,inif>t,  évéque  de  Langres  en  1615,  -J-  1655. 
Lrch.   n.it..   registre  du    Parlement   de   Paris.  Conseil, 

II,  p    99-102;  du 

'  ntré,  évoque  de  Tulle,  Cotttedo  fudieiorum  de 

i  199-200.  Cet  arrAt  fut  réi- 

V      1966,    fol.  reure 

\i    |i.  103    '  m,  t.  il.  p.  200-201 


234  MKMOIKKS  [1626] 

sure  de  l'évêque  de  Chartres  et  en  firent  une  autre 
selon  leur  intention  * . 

Le  Parlement  l'ayant  su  donna  un  arrêt,  le  3e  mars, 
par  lequel  il  cassoit  et  annuloit  ladite  assemblée  laite 
au  préjudice  de  leur  défense,  qu'elle,  réitéroit  de  nou- 
veau pour  l'avenir,  et  enjoignoit  à  tous  les  prélats  de 

1.  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  105;  Collectio  judiciorum, 
t.  Iï,  p.  201;  Collection  des  procès-verbaux  du  clergé,  t.  Il, 
pièces  justificatives,  p.  116.  On  trouve  aussi  imprimées  à  part 
(Bibl.  nat.,  Lb36  2549)  ces  Propositions  accordées  à  Sainte- 
Geneviève,  présent  Mgr  le  Cardinal,  sur  le  fait  de  la  censure. 
S.  1.,  1626,  in- 16.  Voici  cette  pièce,  dont  la  fin  a  servi  à  la 
rédaction  des  Mémoires,  pour  ce  qui  va  suivre  :  «  Les  évêques 
d'Avranches,  de  Chartres  et  de  Soissons  tomberont  d'accord 
de  l'acte  qui  a  été  signé  le  26  février  1626,  à  Sainte-Geneviève, 
chez  Mgr  le  cardinal  de  la  Rochefoucauld,  sur  le  fait  de  la  cen- 
sure en  date  du  13  décembre  dernier,  pourvu  que  ceux  qui 
l'ont  signé  demeurent  pareillement  d'accord  avec  lesdits  sieurs 
évêques  des  trois  propositions  qui  ensuivent  :  La  première  : 
que,  pour  quelque  cause  et  occasion  que  ce  puisse  être,  il 
n'est  permis  de  se  rebeller  et  prendre  les  armes  contre  le  Roi. 
La  deuxième  :  que  tous  sujets  sont  tenus  d'obéir  au  Roi  et 
que  personne  ne  les  peut  dispenser  du  serment  de  fidélité.  La 
troisième  :  que  le  Roi  ne  peut  être  déposé  par  quelque  puis- 
sance que  ce  soit,  sous  quelque  prétexte  ou  occasion  que  ce 
puisse  être.  Nous,  évêques  d'Avranches,  de  Chartres  et  de 
Soissons,  souscrivons  ce  que  dessus.  Fait  à  Paris,  le  27  février 
1626.  Étant  signé,  à  savoir  :  François,  évêque  d'Avranches, 
avec  protestation  de  n'avoir  signé  l'acte  fait  à  Sainte-Geneviève 
[c'est-à-dire  la  nouvelle  censure]  qu'à  cette  condition;  —  Léo- 
nor  d'Estampes,  évêque  de  Chartres;  —  Simon  Le  Gras,  évêque 
de  Soissons.  Pour  collation,  signé  :  Édeline,  secrétaire  de 
Mgr  l'évêque  de  Chartres.  »  Ces  Propositions  se  trouvent 
encore  dans  le  Mercure  françois,  1625,  t.  XI,  p.  1097,  «  où 
il  est  dit  que  la  Déclaration  fut  imprimée  tant  en  latin  qu'en 
françois  et  louée  pour  les  belles  maximes  qu'elle  contenoit, 
conformes  aux  lois  de  l'État,  savoir  :  ...  » 


DE   Hl<  HkUBU. 

se   retirer  dans  qtrinse   joins  M  leurs  diocèses,  sur 
im   <l.  saisie  de  leur  temporel *.  Cet  arrêt  leur  ayant 
nifié  l<  7  mars,  le  sieur  M ir< m,  évéque d'Angers3, 
Ht  H   nom  {ficelle  une  réponse  par  écrit3,  avec  tant 
dk   liberté    «t    d'assurance,    que    le    Parlement,   les 
Msembléea,  condamna  ladite  réponse  à  être 
Mita   par   l'exécuteur  de  haute  justice   et  décréta 
'iriitmt'Nt  personnel  contre  ledit  éréque*.  L'évêque 
de  Chartres,  d'autre  part,  qui  etoit  en  l'assemblée  où 
<xi  désavoua  sa  censure,  ne  se  voulut  pas  rendre  à  la 
voix  commune,  mais  dit  seulement  (ju'il  souscriroit  à 
leur  avis,   pourvu   qu'ils  demeurassent  pareillement 
d 'aeeord   avec  lui   des  trois  propositions   qui   s'en- 
suivent5 : 

La  première,  que,  pour  quelque  cause  et  occasion 
que  ee  poisse  être,  il  n'est  permis  de  se  rebeller  et 
prendre  les  armes  contre  le  Roi; 
La  deuxième,  que  tous  sujets  doivent  obéir  au  Roi, 

1.   \r»|i.  nat.,  V  I.  12  du  jour;  Mercure  francois, 

t.  \l.  p.  106;  Collectio  judiciorum,  t.  Il,  p.  202. 

:  nin,  1560-16  août  1838,  fils  de  Marc  Miron, 
de  Henri  III.  évéque  d  LngflCT  à  dix-huit  ans  168 
>on  évéché  en  1615,  à  la  suite  de  démêlés  avec  son 
chapitre,  se  retire  à  Saint-Loraer  de  Bloil  COMS  ibbé,  rede- 
vi<  nt  ivêque  d'Angers  en  1022  à  la  mort  d<-  (iiiillaume  Fou- 
<|ii>-t,  a  de  nouvelles  querelles,  et,  pour  les  terminer,  le  Pape 
le  noninx-  irehtréqae  '1'  Lyon,  ce  iju  Onttf  lalon  estime  con- 
traire aux  lihertés  d«-  l'Église  gallicane. 

-  '    II,  p.  116. 

<rs  (Arch.  nat       V     11>67,    fol.   2   v°  du 
m  francois,  t.    M,   p.    I  ctio  judiciorum, 

t.  II.  |-    » 

phrase  et   1<  :ti->ns  suivantes,  voyez 

piai  liant.   QOli 


236  MÉMOIRES  [1626] 

et  que  personne  ne  les  peut  dispenser  du  serment  de 
fidélité  ; 

La  troisième,  que  le  Roi  ne  peut  être  déposé  par 
quelque  puissance  que  ce  soit,  ni  sous  quelque  prétexte 
et  occasion  que  ce  puisse  être. 

Les  évêques  d'Avranches  et  de  Soissons  signèrent 
cette  réponse  avec  l'évêque  de  Chartres. 

Ce  différend  causoit  un  grand  bruit.  Le  clergé  étoit 
divisé.  Le  Parlement  s'animoit  contre  l'Église,  et  la 
matière  de  la  dispute  touchoit  l'autorité  et  la  personne 
du  Roi.  Il  falloit  empêcher  le  schisme,  réunir  le  clergé, 
maintenir  l'autorité  de  l'Église,  et  ne  pas  violer  celle 
du  Parlement,  qui,  en  beaucoup  d'occasions  impor- 
tantes, est  nécessaire  à  la  manutention  de  l'État. 

Le  Cardinal ,  intéressé  en  ces  deux  corps  par  la 
dignité  qu'il  a  en  l'Église  et  par  la  qualité  de  premier 
ministre  de  l'État,  sans  blesser  les  droits  d'aucune  des 
parties,  par  un  sage  tempérament  les  mit  d'accord. 
Il  conseilla  au  Roi  d'évoquer  à  sa  propre  personne 
la  connoissance  de  cette  affaire;  ce  qui  fut  fait  par 
arrêt  du  Conseil  du  26e  mars1.  A  quoi  le  Parlement  ne 
déférant  pas  absolument2,  comme  il  eût  dû,  le  Cardi- 
nal crut  devoir  conseiller  au  Roi  de  mener  cette  affaire 
avec  grande  douceur  et  force  tout  ensemble.  Il  lui 
remontra  que  ce  n'étoit  pas  d'aujourd'hui  que  les 
Parlements  veulent  prendre  connoissance  des  affaires 
générales  ; 

1.  Les  manuscrits  des  Mémoires  portent  à  tort  la  date  du 
6  mars  (Mercure  françois,  t.  XI,  p.  109;  Collectio  judiciorum, 
t.  11,  p.  207). 

2.  Arrêt  du  Parlement  du  28  mars,  confirmant  les  premiers 
(Arch.  nat.,  X1a  1967;  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  109-110; 
Collectio  judiciorum,  t.  II,  p.  208). 


M    RH  HKI.IKU.  237 

Qu'ils  ne  oonsidèi  ■«■ut  point  qu'As  M  sont  pas  instituts 
pOW  ode,  d  que  les  grandes  compagnies  sont  bonnes 
s  (aire  exécuter  sévèrement  ce  qui  est  délibéré  et  résolu 
par  peu,  étanl  <le  Is  multitude  des  conseillers  au  res- 
|m  «  t  d'un  État  comme  il  est  de  celle  des  médecins  au 
rd  d'un  malade,  où  le  grand  nombre  est  nuisible, 
eommedi^nit  un  empereur  en  mourant  que  la  multitude 
nédecins  l'avoient  tué,  et  partant,  qu'ilétoità  pro- 
pos  que  S.  M.,  au  Conseil  qui  se  tiendroit  sur  ce  sujet, 
témoignai  son  indignation  être  grande  contre  eux. 

qu'elle  lit  \  et  peu  de  jours  après  envoya  quérir 

1.  Au  lieu  de  la  fin  de  cet  alinéa,  on  lisait  dans  le  manus- 
crit A,  fol.  33  v°  :  «  Et  dit  qu'elle  trou  voit  bon  que  le  Parle- 
ment lui  remontrât  ses  raisons  quand  il  estimoit  en  avoir  lieu, 
•■t  qu'elle  y  faisoit  volontiers  considération  quand  elle  le 
jugeoit  à  propos  et  qu'elle  le  pouvoit;  mais  de  disputer  tous 

un  i  omme  pair  et  compagnon  avec  lui  et  tirer  au  court 
bâton  pour  savoir  qui  sera  le  maître,  elle  ne  le  pouvoit  sup- 

:  ;  que  c'étoit  à  eux  de  rendre  la  justice  aux  particuliers, 
n<>n  pas  se  mêler  des  choses  générales  qui  concernent  le  gou- 
vernement de  l'Etat  :  qu'elle  savoit  comme  le  Roi  son  père  en 
avoit  usé,  qu'elle  ne  se  considéroit  pas  moins  que  lui  et  leur 
montreroit  qu'elle  étoit  !<•  naître.  Tout  ceci,  dit-elle,  va  à 
broailierie;  le  général  a  bonne  intention,  mais  les  particuliers 
nui  tl  'antres  pensées".  Je  loue  le  Parlement  d'empêcher  le 
MJMrtdc  Ml  in.iinais  livivs;  m,ii>  il  ne  faut  pas  qu'ils  viennent 

mit.  s  qui  puissent  porter  des  lurieux  à  venir,  sous 

Ktl  de  religion,  I  l'exécution  de  l<-in    mauvaise  doctrine, 
lai    beéaeonp   d'affaires  ;    quand   j'aurai  mi.s   Ordre    aux    plus 
pressées,  je  penserai  aux  autres.  •  Le  Roi,  après  avoir  pro- 
féré ces  paroles  de  rigueur,  lit  opiner  un  eharun,  puis  ajouta 
t  tenter  toute  voie  donee  auparavant  que  de  M 
on  sutorité.  Kt  partant  qu'elle  vonloil  preznièreasenl 
parler  aux  présidents  et  leur  témoigner  les  raisons 
an'efle  ivoil  'i  ta  aaer  einti,  il  qu'elle  l'attarotl  qa  il  >  m  m  -i- 
i  •  n  leur  devoir,  a  quelques  Jonn  de  14,  elle  envoya 


238  m i:\ioiiti  s  [1626] 

quelques-uns  du  Parlement  qu'elle  reprit  de  leur  faute, 
puis  Messieurs  du  clergé,  auxquels  elle  dit  qu'elle  les 
maintiendroit  toujours  en  leurs  immunités,  n'approu- 
voit  pas  les  arrêts  du  Parlement  contre  eux  ;  mais  aussi 
qu'ils  se  dévoient  abstenir  en  leurs  réponses  de  termes 
qui  piquassent  cette  Compagnie. 

Cela  mit  bien  une  fin  à  la  dispute  du  clergé  avec  le 
Parlement;  mais  dans  le  clergé  l'émotion  s'augmentoit 
contre  ce  qu'avoit  fait  l'évêque  de  Chartres,  d'autant 
qu'il  sembloit  qu'en  la  censure  qu'il  avoit  fait  impri- 
mer, il  blàmoit  d'hérésie  quelques  opinions  qui  sont 
tenues  et  suivies  pour  bonnes  en  plusieurs  lieux  de  la 
chrétienté,  et  particulièrement  à  Rome. 

Le  Cardinal  étendit  encore  son  soin  sur  ce  sujet,  et 

quérir  Messieurs  du  clergé  et  leur  dit  qu'elle  les  maintiendroit 
toujours  en  leurs  immunités;  qu'elle  n'approuvoit  pas  les 
arrêts  du  Parlement  contre  eux,  mais  aussi  qu'ils  dévoient 
s'abstenir  en  leurs  réponses  de  termes  qui  piquassent  cette 
compagnie  ;  qu'il  entendroit  le  Parlement  et  leur  feroit  raison 
à  tous.  S.  M.  ensuite  ayant  appelé  quelques-uns  du  Parlement, 
leur  dit  qu'il  étoit  fâché  que  le  clergé  et  eux  s'étoient  portés 
d'une  si  grande  aigreur;  qu'il  savoit  bien  que  leurs  intentions 
alloient  toujours  au  bien  de  sa  couronne  et  qu'il  prenoit  le  soin 
de  pourvoir  à  cette  affaire.  Cela  mit  bien  une  fin,  etc.  »  En 
marge,  de  la  main  de  Sancy  :  «  On  pourroit  accourcir  cette 
page  et  la  suivante  ainsi  :  Ce  qu'elle  fit,  et  peu  de  jours  après, 
etc..  »  Le  28  mars,  le  Roi  envoya  chercher  les  présidents  du 
Parlement  et  quelques-uns  de  ses  conseillers  par  Sauveterre, 
son  valet  de  chambre  (Arch.  nat.,  X1a  1967,  fol.  1  du  jour).  Le 
lundi  30,  le  premier  président  rendit  compte  de  l'entrevue. 
On  voit  dans  la  Collection  des  procès-verbaux  du  clergé  que,  le 
28  mars,  les  prélats  envoyèrent  le  cardinal  de  la  Valette  et 
quelques  autres  demander  audience  au  Roi,  qui  la  leur  promit 
pour  le  30,  et  témoigna  son  mécontentement  de  l'arrêt  du 
Parlement.  Celui-ci  ayant  déféré  à  l'évocation  le  30,  l'audience 
n'eut  pas  lieu. 


DE  RICHELIEU.  Î39 

\  trouva  plus  do  difficulté  qu'il  n'avoit  l'ait  en  tout  le 
l'affaire;  car  il  «toit  question  de  faire  rétrac- 
!••!•  un  homme  constitué  <mi  dignité,  et  qui  se  voyoit 
appuyr  de  personnes  puissantes  qui  eussent  bien  voulu 
quo  la  dispute  fût  allée  plus  avant.  Néanmoins,  à  la 
lin.  moitié  par  douceur  et  moitié  par  autorité,  il  obli- 
gea l'éféque  de  Chaitm  à  donner  la  déclaration  sui- 
\.mt<\  écrite  et  signée  de  sa  main1  : 

c  Nous,  soussigné,  évêque  de  Chartres,  déclarons 
qu'en  la  déclaration  que  nous  avons  faite,  par  le  comman- 
dement du  clergé,  pour  réfuter  et  condamner  les  livres 
Admonitio  ad  Regem  et  Mysteria  politica,  souscrite 
<l<  nous,  en  date  du  13'  jour  de  décembre  dernier, 
nous  n'avons  eu  autre  intention  que  de  suivre  la 
doctrine  qui  a  toujours  été  tenue  en  ce  royaume, 
tant  pour  la  sûreté  de  la  personne  de  nos  rois  que 
de  leur  État,  sans  avoir  voulu  ni  entendu,  en  aucune 
l,  condamner  ni  l'opinion  contraire  ni  aucune  autre 
ifbèréaie. 

«  Fait  à  Paris,  ce  29e  jour  de  février  1626. 

«  L.  d'Estampes,  évêque  de  Chartres.  > 

Il  s  r|.  va'  en  même  temps  une  dangereuse  tempête 

I  (  .  ii.  (1. .  laration  se  trouve  dans  Aff.  étr.,  France  782, 
fol.  05-66,  avec  la  mention  :  «  Km  ployé  »,  et  au  dos,  de  la 
main  de  Charpentier  :  «  Re<  onnoissance  de  M.  de  Chartres  sur 
mn  ilu  2^  février  1i>:m,  (pii  servira  à  prouver  que  Mon- 
sieur le  Cardinal  ne  connut  pas  plus  tôt  le  mal  du  livre  de 
M    «le  Chartres  qu  il  n'y  chercha  remède.  » 

!  iiunrs  d  liai  01  fragment*  politiques,  publiés  par 
H,ui..i.iii\.  fragment  158,  qui,  dans  le  manuscrit  B  (Bibl.  nat., 
Clairambault  181,  fol.  83),  porte  la  mention  :  «  Employé  »  : 

Il  an  iv.  ii il-  tempête  contre  les  Jésuites,  excitée  contre  eux 


240  M  K. MOIRES  [1626J 

contre  les  Pères  jésuites,  les  libelles  dont  nous  avons 
parlé  ci-dessus  leur  étant  attribués,  comme  étant  la 
pernicieuse  doctrine  qu'ils  contiennent,  la  doctrine  par- 
ticulière de  leur  ordre.  On  prit  le  sujet  de  cette  accu- 
sation sur  le  plus  méchant  de  tous  les  livres  de  cette 
sorte,  qui  fut  envoyé  de  Rome  en  France,  composé  par 
un  d'entre  eux  nommé  Sanctarellus1,  et  approuvé  de 
Vitelleschi,  leur  général2.  Entre  plusieurs  fausses 
maximes  que  l'esprit  de  flatterie,  non  de  vérité,  lui 
fait  écrire  à  Rome,  sont  celles-ci3  : 

«  Que  le  Pape  peut  donner  des  curateurs  aux  empe- 

tant  par  certains  livres  contenant  une  dangereuse  doctrine 
contre  les  rois  que  par  la  lassitude  que  chacun  avoit  de  voir 
qu'ils  se  mêlassent  de  trop  d'affaires.  Les  parlements  firent 
brûler  [le  livre  de]  Santarellus  dont  il  est  question  et,  en  outre, 
les  vouloient  contraindre  à  soussigner  quatre  points  qu'ils  vou- 
loient  qu'ils  crussent  comme  étant  de  leur  croyance...  » 

1.  Tractatus  de  hseresi,  schismate,  apostasie/,  sollicitatione  in 
sacramento  pœnitentise  et  de  potestate  Summi  Pontificis  in  /lis 
delictis  puniendis.  Rome,  1625,  in-4°,  dédié  au  cardinal  de 
Savoie.  Antonio  Santarelli,  né  à  Atri  en  1569,  mort  à  Rome  le 
5  décembre  1649,  jésuite  à  seize  ans,  professeur  de  théologie 
à  Rome,  est  aussi  l'auteur  d'une  Vie  de  Jésus  et  de  la  Vierge 
(1625). 

2.  Il  avait  été  aussi  approuvé  par  le  vice-régent  de  S.  S.  et 
par  le  maître  du  Sacré-Palais  [Mercure  françois,  t.  XI,  p.  83). 
Sur  Santarel  et  cette  affaire,  on  peut  consulter  V.  Siri,  Mcmo- 
rie  recondite,  t.  VI,  p.  120;  le  P.  Fr.  Garasse,  Histoire  des 
Jésuites  de  Paris,  publiée  par  le  P.  Carayon,  1864,  ch.  xvi, 
p.  138  et  suiv.;  le  P.  Prat,  Recherches  historiques  et  critiques 
sur  la  Compagnie  de  Jésus,  t.  IV,  livre  II,  ch.  n). 

3.  Les  propositions  qui  suivent  sont  la  traduction  de 
quelques-unes  de  celles  qui  se  trouvent  dans  un  «  Extrait  du 
livre  d'Antoine  Santarel...  »  (Aff.  étr.,  Rome  40  (année  1627), 
fol.  311-313).  Toutefois,  les  alinéas  4  et  8  ne  se  trouvent  pas 
dans  l'extrait  et  l'ordre  n'est  pas  le  même.  Voyez  aussi  l'extrait 


DE  RICHELIEU  'il 

iux  princes,  quand  ils  sont  inutiles  a  bien  gOU- 

fera 

«  Qu'il  peut  punir  et  dépoter  quelqUf  prince  de  la 
i(ii-  que  ce  soit,  quelque  exempté  qu'il  puisse  être1; 

t  Qu'il  a  pouvoir  de  déposer  les  rois,  non  seulement 
pou?  hérésie  et  pour  schisme,  mais  pour  quelque  crime 

intolérable,  ou  pour  leur  insutïisance,  ou  pour  leur 
m  _li_<  nce ; 

«  Qu'il  a  pouvoir  d'admonester  les  rois  et  les  punir 
de  peine  de  mort  : 

t  Qu'il  peut  non  seulement  tout  ce  que  les  princes 
■écuben  peuvent,  mais  en  l'aire  des  nouveaux,  dépo- 
ser lee  •nhes  et  diviser  les  empires; 

t  Qu'il  est  serviteur  des  serviteurs  de  Dieu  quant  à 
l'humilité;  mais  quant  à  la  puissance,  il  est  seigneur 
neurs,  et  quelque  puissance  qui  soit  sous  le 
»iel  est  m  lui; 

c  Qu'il  a  une  puissance  temporelle  très  ample  sur 
tOW  les  princes,  rois  et  empereurs; 

t  Que  tous  les  princes  qui  gouvernent  les  États 
ouvernent  comme  en  ayant  commission  de  S.  S., 
qui  les  pourroH  gouverner  par  elle-même.  » 

Ces  maximes  sont   capables  de  ruiner  toute  l'Église 

de  hou,  ,i  laquelle  lee  puieeancee  temporelles  doivent 

-Miimises  par  amour,  qui  est  la  soumission  de  la 

puMié  dans  le  Mercure  francois,  t.  XI,  p.  84,  et  dans  la  Col- 
tectio  judiciorum,  t.  M,  p.  203.  Toutes  ces  proportions  M 
retrouvent  dans  l'ouvrag*  uV  SantaraUi,  p.  293-300. 

I     \  a-    Al  l'extrait  indiqué  ci-dessus  :  «  Or,  il  B  \  I  point 

de  roi  en  la  chrétien!»-  eionpté  <!••  L'oxcomoianicition  du  Pape 

que  le  roi  de  France,  et  ce  par  plusieurs  blllei  qui  sont  dans 

le»  chartes  du   Roi,  de   lOftc  qvc  «  elui-là  marque  le  roi  il 

ce.  » 

\  16 


242  MÉMOIRES  [1626] 

grâce,  non  par  force  et  contrainte,  qui  est  la  soumis- 
sion de  l'enfer.  Il  y  auroit  peu  d'assurance  dans  les 
États  si  elles  avoient  lieu.  Qui  est  le  prince  à  qui  on 
ne  puisse  faussement  imputer  des  crimes,  plus  faci- 
lement de  l'insuffisance  à  gouverner  et  davantage 
encore  de  la  négligence  à  s'en  acquitter  comme  il 
doit?  Qui  seroit  le  juge  de  ces  choses?  Qui  les  considé- 
reroit  sans  passion  et  sans  intérêt?  Ce  ne  seroit  pas 
le  Pape,  qui  est  prince  temporel,  et  n'a  pas  telle- 
ment renoncé  aux  grandeurs  de  la  terre  qu'il  y  soit 
indifférent.  Il  n'y  a  que  Dieu  seul  qui  en  puisse  être 
juge;  aussi  les  rois  ne  pèchent-ils  qu'envers  lui,  à 
qui  seul  appartient  la  connoissance  de  leurs  actions. 

Comment  les  souverains  pontifes  auroient-ils  auto- 
rité de  punir  les  princes  de  peine  de  mort,  puis- 
qu'ils sont  vicaires  de  Jésus-Christ  et  pasteurs  sous 
celui  qui  est  venu  au  monde  afin  de  donner  vie  et 
abondance  de  vie,  et  pour  subir  la  mort  plutôt  que  de 
la  donner? 

Quant  à  l'appeler  seigneur  des  seigneurs,  c'est  vou- 
loir faire  d'un  pape  un  roi  de  Perse,  et  d'un  vicaire  de 
Jésus-Christ  un  lieutenant  de  Mahomet. 

Il  est  croyable  que  le  Pape  établiroit  mieux  son 
autorité  légitime  s'il  arrêtoit  le  cours  des  écrivains 
qui  ne  lui  prescrivent  point  de  bornes,  d'autant  que 
cela  donne  lieu  à  beaucoup  de  gens  mal  affectionnés 
au  Saint-Siège  de  ravaler  sa  puissance  au  delà  de  ce 
qu'elle  doit  être  en  effet. 

C'est  ce  que  dit  saint  Bernard  en  termes  exprès, 
lorsque,  parlant  au  Pape,  il  fait  comparaison  d'un 
créancier  qui,  pour  demander  plus  qu'il  ne  lui  est  dû, 
oblige  celui  qui  lui  doit  légitimement  à  nier  la  dette, 


DE   RICHELIEU.  Ml 

et  montre  ru  Pape  que  souvent  les  prétentions  de 
eelui  qui  veut  tout  sont  réduites  à  rien. 

Il  est  utile  dans  les  États  d'empêcher  le  cours  des 
-  qui  détruisent  la  légitime  autorité  des  princes1 
et  contiennent  de  pernicieuses  maximes  pour  leurs 
personnes  en  faveur  «les  papes;  mais  il  le  faut 
fuie  avec  le  moins  de  bruit  et  d'éclat  qu'il  est  pos- 
sible, de  peur  «ju'il  ne  se  trouve  des  furieux  qui,  sous 
prétexte  de  défendre  les  droits  de  l'Église  mal  enten- 
dus par  eux,  ne  se  portent  ;i  attaquer  et  opprimer  les 
droits  et  les  personnes  des  princes  les  meilleurs  du 
monde. 

méchant  livre,  composé  par  un  jésuite,  fit  émou- 
voir l'Université  contre  eux,  taxant  leur  doctrine,  et 
soulever  plusieurs  autres  qui  déjà  leur  étoient  mal 
;itïeetii»:m« -s.  par  la  lassitude  que  chacun  a  de  voir 
qu'ib  se  mêlent  de  trop  d'affaires2.  La  cour  de  Parle- 
ment tit  brûler  ce  livre  par  arrêt  du  13e  mars3.  La 
Soiltonne-  le  censura  comme  contenant  une  doctrine 

1     \/  //////...,  appendice  I,  d'après  Bibl.  nat.,  ras. 

Français  25666,  fol.  70-73  :  «  Ce  que  M.  [le  cardinal  de  Riche- 
lieu] dit  au  Roi  00  février  1620  sur  le  sujet  de  la  censure  de 
Saiil.it.  I  Cf.    aussi     Cnllertio   jutlicinriiiu,    t.    II,    2e    partir. 

rare  cette  idée  qu'il  est  nécessaire  d'em- 
pêcher le  cours  de  OC  pernicieux  livre;  i  mais  on  a  esiinn- 
qu'il  lalloit  parvenir  à  cette  fin  par  ne  vota  innocente,  et  non 
loUe  qu'elle  mit  la  personne  du   \\<<\  00   plus  grand  péril  que 

eehd  qu'on  rem  éviter.  » 

lignant   le  scandale  et    l'ell'ct    produit 
sur  l 'opinion  pul.lique  par  ce  livre,  avait  essayé  d'en  retirer 
[et  mesaplairee. 

nai.,  X'*  1967,  fol.  5  du  jour;  Collectio  jmiieiorum, 
t     II  Xfcrcurc  '  M.   p    87. 

|    Ce  paragraphe  a  été  ajouté  en  marge  du   manuscrit  A, 


244  MÉMOIRES  [16261 

nouvelle,  fausse,  erronée,  contraire  «à  la  parole  de 
Dieu,  et  qui  rend  la  dignité  du  Souverain  Pontife 
odieuse  ;  ouvre  le  chemin  au  schisme,  déroge  à  l'auto- 
rité souveraine  des  rois,  qui  ne  dépend  que  de  Dieu 
seul,  et  empêche  la  conversion  des  princes  infidèles  et 
hérétiques  ;  trouble  la  paix  publique,  renverse  les  États, 
royaumes  et  républiques,  détourne  les  sujets  de  l'obéis- 
sance qu'ils  doivent  à  leurs  souverains  et  les  induit 
à  des  factions,  rébellions  et  séditions,  et  à  attenter  à 
la  vie  de  leurs  princes.  Cette  censure  fut  faite  le 
1er  avril  et  revue  le  4e. 

Le  Parlement  envoya  quérir  les  Jésuites1  et  les 
voulut  contraindre  à  soussigner  quatre  propositions 
qu'il  leur  présenta,  concernant  l'autorité  indépendante 
du  Roi.  Ils2  s'en  excusèrent3,  s'offrant  d'y  souscrire, 

fol.  39,  par  Charpentier.  Il  est  extrait  de  la  censure  de  la  Fa- 
culté de  théologie  :  Collectio  judiciorum,  t.  Il,  p.  210-214;  Mer- 
cure françois,  t.  XI,  p.  95-98.  Elle  a  été  aussi  publiée  à  part, 
chez  P.  Durand,  en  1626. 

1.  Arch.  nat.,  X1al967,  14  mars;  Mercure  françois,  t.  XI, 
p.  89  et  suiv.;  le  P.  d'Avrigny,  Mémoires  chronologiques  et 
dynastiques,  t.  I,  p.  397;  Jourdain,  Histoire  de  l'Université  de 
Paris  au  XVIIe  et  au  XVIIP  siècle,  p.  111.  —  Les  Jésuites 
convoqués  étaient  les  PP.  Cotton,  Filleau,  Brossault  et  Ignace 
Armand.  Les  propositions  que  le  Parlement  voulait  leur  faire 
signer  étaient  :  «  Le  Roi  ne  tient  son  état  que  de  Dieu  et  de 
son  épée.  Le  Pape  n'a  aucune  puissance,  ni  coércitive,  ni  direc- 
tive, sur  les  souverains.  Le  Roi  ne  peut  être  excommunié  per- 
sonnellement. Le  Pape  ne  peut  délier  ses  sujets  du  serment  de 
fidélité,  ni  mettre  le  royaume  en  interdit,  pour  quelque  cause 
que  ce  puisse  être.  » 

2.  Les  paragraphes  suivants  ont  pour  source  le  fragment  158 
des  Maximes  d'Etat. 

3.  La  source  porte  :  «  Ils  s'en  exemptèrent,  disant  qu'ils  les 
signeroient  si  le  clergé...  » 


DE   Kl<  HELIEU.  24ô 

si  le  clergé  de  France  et  la  Sorbonne   faisoient  de 

(Mi  vouloit1  passer  outre  I  teor  vouloir  défendre  de 
plus  enseigiM t  e!  ouvrir  leurs  école**,  ou  à  les  chasser 

de  France.  Le  Cardinal  dit  m  Hoi  qu'il  y  a  cer- 
tains ;il»us  qu'on  abolit  plus  aisément  en  les  tolérant 
qu'en  la  roulant  détruire  ouvertement;  que  bien 
qo'aoconefl  lois3  on  sache  des  opinions  être  mauvaises, 
t  dangereux  de  s'y  opposer,  principalement 
quand  elles  sont  colorées  du  prétexte  de  religion; 
qu'il  estimoil  •  < j n' il  étoh  bon  que  S.  M.  louât  le  Par- 
IniK ut  «le  l'action  qu'il  avoit  faite  en  Matai  brûlerie 

«I  empêchant  que  telle  pernicieuse  doctrine 
n'eut  noun  en  ce  royaume,  mais  qu'il  falloit  mettre 
ordre  qu'ils  ne  passassent  jusqu'à  un  point  qui  pou- 
vait être  aussi  préjudiciable  à  son  service  comme  leur 
action  y  avoil  été  utile.  La  raison  de  ce  conseil  abou- 
t  i  ce  qu'il  falloit  réduire  les  Jésuites  en  un  état 
qu'ut  ne  puissent  nuire  par  puissance,  mais  tel  aussi 
qu'ils  n»'  se  portassent  pas  à  le  faire  par  désespoir; 

1 .  La  source  porte  :  «  Le  Parlement  vouloit  passer  outre  ; 
Uitfl  laoaitBituill  alloiont  à  leur  défendre  d'enseignor  en  leurs 
écoles...  » 

I    f'ancan  rep  ette  idée  dans  un  Avis  au  Roi  (entre 

ml.re  1627)  (AIL  Mr.,  l'rance  787,  fol.  22, 
publié  par  <<  Pagni  I  la  suite  de  Fancan  et  Richelieu  -.Revue 
hûlorii/w,   1911 

i  dans  I»'  premier  état  du  BMHBM ■  il  V.  M.  39  v°, 

il  d'abord  :      l'oiriaill  »  ;  puis  Charpentier 
i  igea  :  «  Le  Cardin. il  ■  •Mima.  » 

porte  :  «  qu'il  falloii  empêcher  >■,  d<-  même  que 
n  rnier  état  du  manuscrit  A,  fol.  39  v°.  La  oorrectioa  Btl 


246  MÉmoikks  [1626] 

auquel  cas  il  se  pourroit  trouver  mille  âmes  furieuses 
et  endiablées  qui,  sous  le  prétexte  d'un  faux  zèle, 
seroient  capables  de  prendre  de  mauvaise  résolutions 
qui  ne  se  répriment  ni  par  le  feu  ni  par  autres  peines. 
Ensuite  de  quoi  la  cour  se  contenta  d'une  déclara- 
tion du  1 6e  mars,  que  les  Jésuites  donnèrent  par  écrit4 , 
par  laquelle  ils  reconnoissoient  que  les  rois  relèvent 
indépendamment  de  Dieu,  détestoient  la  mauvaise 
doctrine  de  Santarel  en  ce  qui  concerne  la  personne 
des  rois,  leur  autorité  et  leurs  États,  et  promettoient 
souscrire  à  la  censure  qui  en  pourroit  être  faite  par  le 
clergé  et  la  Sorbonne,  et  ne  professer  jamais  aucune 
doctrine  contraire  à  celle  qui  seroit  tenue  en  cette  ma- 
tière par  le  clergé,  les  universités  du  royaume  et  ladite 
Sorbonne.  Ainsi  on  empêcha  la  ruine  des  Jésuites  et  on 

1.  Ce  paragraphe  se  réfère  à  la  déclaration  du  16  mars  1626, 
signée  par  quatorze  Jésuites  (Bibl.  nat.,  ms.  Clairambault  521, 
fol.  85;  ms.  Français  4825,  fol.  110;  Maximes  d'Etat,  frag- 
ment 160;  Mercure  françois,  t.  XI,  p.  92;  Collectio  judicio- 
rum,  t.  II,  p.  206).  Richelieu  s'était  employé  à  cet  accommo- 
dement et  avait  été  jusqu'à  dire  au  P.  Ignace  Armand  qu'il 
fallait  signer  ou  sortir  du  royaume.  Cependant,  l'affaire  n'en 
resta  pas  là.  Selon  un  arrêt  du  Parlement  du  17  mars  (et  non 
du  22,  comme  dit  le  fragment  159  des  Maximes  d'Etat,  car  le 
22  était  un  dimanche),  les  Jésuites  durent  désavouer  également 
YAdmonitio  (20  mars)  et  faire  une  déclaration  en  français  et  en 
latin  touchant  la  souveraineté  du  Pape  et  du  Roi,  qui  est 
reproduite  dans  l'ouvrage  de  Garasse,  p.  207-224.  Après  la 
censure  de  la  Sorbonne  (4  avril)  vint  celle  de  l'Université 
(20  avril).  Parmi  les  feuilles  controverses  publiées  à  ce  propos, 
voyez  Raisons  pour  les  condamnations  ici  devant  faictes  du 
libelle  Admonition,  du  livre  de  Santarelli  et  autres  semblables 
contre  les  santarélistes  de  ce  temps  et  leurs  fauteurs,  par  un 
Françoys  catholique,  1626,  in-12  (bibl.  Sainte-Geneviève, 
E3417). 


JMM|  DE  RICHELIEU.  247 

;nifl;i  le  cours  de  cette  mauvaise  doctrine  s;ms  nuire  à 
iiirnn1. 

st  assez  parler  de  la  guerre  entre  ceux  que  la 
robe  tt  leur  profession  obligeai  a  la  paix;  parlons  de 
l.i  |«aix  entre  ceux  que  la  conservation  de  leur  gran- 
deur obfige  souvent  à  la  guerre. 

Le1  fergifl  ayant  reçu  le  désaveu  de  son  traité, 
qu'il  a  voit  fait  s;ms  le  su  et  consentement  du  Roi,  les 
lions  que  S.  M.  désiroit  y  être  apportées,  et  le 
commandement  absolu  de  prendre  congé  si  on  n'y 
vouloit  pas  condescendre,  part  de  Madrid,  s'en  va  en 
on,  en  la  ville  de  Monçon  où  lors  étoit  la  cour, 
donne  part  au  comte  d'Olivarès  de  ses  ordres,  et,  ayant 

1    sur  le  retentissement  de  cette  affaire  à  Rome  et  le  rôle  du 
<da,  cf.  Aff.  étr.,  Rome  38,  passim,  et  Ribl.  nat., 
lorid^  italien  64.  Voyez  aussi  Houssaye,  le  Cardinal  de  Bertille, 
<h.  o 

1    \  ariante  du  manuscrit  A,  fol.  40,  avec,  en  marge,  une 

indication  de  Sancv  qui  renvoie  à  ses  corrections  :  «  Le  traité 

.\(.it  ligné  sans  le  su  et  le  consentement  du  Roi 

a. .int    i/U   désavoué,   comme   nous  avons  dit,   et   le    Roi    lui 

a\ant  tttwojé  les  corrections  et  les  additions  qu'il  désiroit  y 

être  apportées,  Le   Kargis  déclara  au  comte  d'Olivarès  qu'il 

avnit  un  commandement  absolu  de  prendre  congé  si  les  choses 

nt  pas  rétablies  en  la  manière  qu'il  le  lui  proposoit.  U 

le  fit  condescendre  à  la  plupart  de  celles  qu'il  désiroit,  et  les 

plus  UMBtieUes,  l'ien  qu'il  ne  pût  venir  à  bout  de  toutes;  et, 

lui  semblant  . j o>   m  <|ni  iii.Hi>|imit  à  l'entier  désir  du  Roi  étoit 

•  ii  «  hoses  légères  et  de  peu  de  considération,  il  ne  fit  pas  dif- 

lité   ainsi   raccommodé  le  5'  mars.  Il 

s.  M.  avec  deux  lettres...,  lesquelles,  pour  ce  qu'elle 

ne  les  a  pas  écrites  sans  concert  du  conseil  d'Espagne  et  qu'elle 

igné  avoir  un  ardent  désir  de  la  paix,  nous  avons  cru 

« j ii  il  u 'toit  inutile  d'inv'-rcr  ici       On  peu!  remarquer  que  la 

première    rédaction    condamnait    moins    \iol.mment    M.    du 

! 


248  mi:moiiii:n  [1626J 

obtenu  de  lui  sans  beaucoup  de  difficulté,  de  crainte 
de  la  continuation  de  la  guerre,  une  partir  de  ce  que 
S.  M.  désiroit,  se  relâche  encore,  par  une  légèreté  d'es- 
prit et  hardiesse  non  excusable,  à  quelques  conditions 
contraires  à  la  volonté  et  aux  ordres  qu'il  avoit  de 
S.  M.;  et  ayant  signé  ce  nouveau  traité  le  5e  mars, 
l'envoie  à  S.  M.,  s'excusant  sur  ce  qu'il  lui  sembloit 
que  ce  qui  y  manquoit  au  désir  du  Roi  étoit  en  choses 
légères  et  de  peu  de  considération,  et  accompagna  sa 
dépêche4  de  deux  lettres  de  la  reine  d'Espagne  à  la 
Reine  mère  et  au  Cardinal,  par  lesquelles  elle  leur 
témoignoit  un  extrême  désir  de  la  paix  et  un  grand 
ressentiment  de  ce  qu'ils  l'avoient  facilitée,  et  prioit 
S.  M.  qu'elle  eût  agréable  de  lui  renvoyer  M.  du 
Fargis2. 

Le  Roi  fut  si  offensé  de  ce  procédé,  qu'il  eut  volonté 
de  punir  Le  Fargis  de  sa  présomption3,  et  dit  à  l'am- 
bassadeur d'Espagne,  qui  lui  parloit  de  ce  traité 
comme  s'il  eût  été  tel  que  S.  M.  désiroit,  qu'elle  eût 
voulu  que  Le  Fargis  eût  été  aussi  habile  homme 
que  lui,  qui  étoit  fort  sage,  mais  Le  Fargis  étoit  un 

1.  M.  du  Fargis  au  Roi,  Monçon,  le  5  mars  1626  (Aff.  étr., 
Espagne  14,  fol.  376).  Le  même  à  M.  d'Herbault,  même  date 
(Ibid.,  fol.  377-378,  copies). 

2.  Ces  deux  lettres  se  trouvaient  reproduites  dans  le  manus- 
crit A,  fol.  40  v°  et  suiv.  Celle  adressée  à  Richelieu  venait 
d'abord,  mais  Charpentier  a  mis  en  marge  :  «  Cette  lettre  doit 
aller  après  celle  de  la  Reine.  »  On  les  trouvera  à  l'appendice  X. 

3.  Premier  état  du  manuscrit  A,  fol.  42  :  «  Quand  le  Roi  eut 
vu  ce  traité  et  ne  le  trouva  pas  conforme  aux  mémoires  qu'il 
lui  avoit  envoyés  sur  ce  sujet,  il  fut  tellement  offensé  de  son 
procédé  qu'il  vouloit  punir  du  Fargis  de  sa  présomption,  sans 
ratifier  ce  qu'il  avoit  accordé.  L'ambassadeur  d'Espagne  étant 
venu...  » 


DE  RICHELIEU.  Ji'J 

loi  pariait';  que,  la  première  fois,  il  avoél   lait  une 

eliose  il.-  >;i  ((*'(«'  siins  son  su;  la  seooude,  il  navoit  pas 

suivi  ses  ordres;  qu'elle  le  châtierait  exemplairement. 

Cepeodaol  I»'  profit  que  les  deux  rois  tiroicnt  de  sa 

folie  •  toit  que  maintenant  ils  connoissoient  tous  deux 

qu'il  n'y  avoit  plus  d'aigreur  en  leurs  esprits,  et  qu'ils 

fouloieafl  bien  la  paix  ;  et  qu'afin  de  le  lui  témoigner  <le 

sa  part  par  e(Tet,  bien  qu'elle  ne  pût  recevoir  le  traite 

<|ii  ivoit  (ait  ledit  Fargis,  elle  en  renverroit  un  autre 

en  Espa§  le  signé  d'elle,  où  elle  apporterait  le  moins 

Rangeaient  qu'elle  pourroit;  mais  comme  elle  y 

ajouteroil  le  moins  qu'il  lui  seroit  possible,  ce  seroil 

aussi  an  roi  son  frère  de  n'en  taire  aucune  difficulté'-. 

tutti  corrigé,  fut  enfin  reçu  et  ratifié  en 

Espagne,  où  ils  avoient  bien  préjugé  que  le  roi  ne 

pteroif   pas  Dûment,   tel    qu'ils  le  lui  avoient 

«■ii\(,\ 

1.  La  fin  de  cette  phrase  et  les  quatre  paragraphes  suivants 
reproduisent,  en  les  mettant  au  style  indirect,  la  a  Réponse 

.1  I  ambassadeur d'Espagne  touchant  le  traité  fait  parle 
■darda  I  argis  »,  publiée  par  Hanotaux,  âfa.Wmai  '/  ÉUU,  frag- 
ment l.Vt.  il  aprèi  une  note  (Bibl.  nat.,  ms.  Clairambault  521, 
loi.  77  US  I.i  main  de  Charpentier,  portant,  an  inai^r,  la  men- 
tion :  «  Employé.  »  Les  corrections  dans  le  manuscrit  \. 
fol.  a2,  ><>iit  tle  Sancy. 

porte  encore  :  «  Monsieur  l'Ambassadeur,  je  m 
m  éloigne  pal  de  penser  de  grandes  choses  avec  le  roi  mon 

La  Reine  mère  du  Roi  a  parlé  conformément.   »  Cette 

.  «lit  M.  Dan  i  qui  lait  espérer  à  l'ambas- 

igné    qu'une   BOrte  de    communauté*   de  vues  et 

prises  va  désormais  régn>  les  deux  cour 

Lien    importa!!  une    habileté    du    Cardinal. 

Mais,  en  présence  de  l'évidence  oontr  riaura^ 

"tivenir  |  la  postérité.  I 
lu  à  Barrelone,  où   on  l'antidata  du  5  Bjan 


MftMOIftKM  [ffM] 

I...   |.ln     •'»..(,.!<    (JilliMjll.  ,!,;<   ru  nlli 

••Mil  IM     llil    î|      II', il  .<   I     ||    liM.y.   Il    <l«     |,,|H     <  M, ll<     |;,    | 

<l«-  "•  <|in      <  l'-.l    ;  milii^fnlfiii      -I'      |»i  ne  < 

:illi'  |   df  K.    M        <|H<     1,1    MOI  ■     -  .      II..  I    HIJI- 

|»i  i     |»'»m   «  '    <|u  il-,  ii<   ••  'idiilfj iiin.-iiiM  ni'  ni  <l«    '  <  II' 

ik  y>«  iili'.n     <l    I  iiii|)iil'»<  ni    ;i|u|    |><«ll  n|.l<    <|ii' 

i.  i','.i  i  .-ii  Lui  .i  .ni  ii.ni.    m   V  "i  i  d  don 

lu'r  ovin. 

i,      |M>UI    '     il'  i     II 
<  0010)1      il    oflTl  |  '  lui  '  i 

i.  ponéli  qui  U  nul  I 

i.     nul,,    K    1034      l!»l.l      Ml 
,'H     I,,l    0(  l;,|,|    ,,.,i 

i<.l    in  -     i  i  ij.in     i»  i  ,,, r    „,,,  ■  i  il  ,i<  dlplo 

matlqm    '   V    '■'  |."  1 1-    |-   w. .  Mêroun  françoU   ■    xil.èl» 

lin   -I.    I  uniii  i     10  "  il<    iioiiiIh 

Il    |    I  .,..1.1       -   ,        Il  ..il.        '   I      '  <   lui     ,|,  \|.   Ii 

■  inuiiii ,   Ail     -  'ii       I     |, ..;  -i,-    1  ', 

0rUoa#  f»  MM    m FrtOMU  3701,  «fc 

T.     M,, Il     l„    ,,,!,,,,.      inimiiiui    •!•       •  !•„,,  i,,,  „i  ■/.  //(/#/-    .,//,■ 

i   .     ,/,//,    /.     ,,,./,,  ,     ,/  bthllothèiiiu    di   Pari 

1    i 1610  1041    loti    M  i i    IV,  eh    n   p 

i    i    \n    ,,     ,v,  /  .  i    ,,    n  : 

LtftMOf ,  op   -//     i    v    |,   /,nn  .  i  m.iv     i.    p    <,nii.i    // 

,1,    /,,„,•    Mil     \     I  HOU     I    '      "/'    ■  "      '!•     m , 

flfittl  M    "'      p      '  '■  I   I  i     | 

i    ii....    i.   ..,.,.,..  -mi  \    i-.i    42  »  .  Ni 

■  ,  k  •«•  mu  i  < Lftf  Mémoln •■>  i<  (ii'.'l  Mini 

•  .,1   ||    |ot)|     n  '  ■     '"   /■  •    "//"'  "''        ,1,  |.,  «  il, 

m  i   i   n  ,,  n .  io'J  ,i  .,,..     mi  i  n 

1         'i  n.    ,|,i  >,i,  n  i  |,.,    i ..,,  oi   ■  ■    un    \i    n  m 

dtfl       ||  rit   i     'I  ""    Il  lit    'I'      plni.i.        |  .  IL        ,|u, 

nul    m  ,•,!•,  |i     m.'I.i  «  -  i     I  -       ,|. 

i-.  iphi     i  on<  •  i  riMiil   h    n  ..ii-    -M  n  |..  •  'i.i.i     'i 

-i  pi h   i   i        di  ',1  |..i . 

,i  ,,,    i  . 


PM|  01  UCHEUU  |i 

ublia  rien  pour  leur  faire  connoitre  la  sincérité 
du  procédé  de  S.  M.,  <i  i,  la  première,  été  mji- 

prise  parla  précipitation  du  Fargts,  et  on  leur  remon- 
tra que  leurs  intérêts  y  a  voient  été  conservés,  bien  que 
le*  choses  rie  fussent  pas,  en  toutes  leur»  circonstance*, 
■  point  <Vi<-  >.  M  les  .ut  iiriaéas,  si  !«-•>  \  «i.t  saj*> 
nées  sans  rinconsidération  de  son  ambassadeur;  néan- 
moins qu'il  y  a  voit  plus  de  faute  en  la  personne  qui  a  % 
traité  qu'au  que  la  souveraineté  étoit  conservée 

aux  Grisons,  qui  étoit  le  principal  point;  que  les  Espa- 
gnols étoient  exclus  des  passages  auxquels  ils  a  voient 
prétendu  depuis  si  longtemps,  qui  étoit  tout  ce  en  quoi 
consiste  l'intérêt  des  Vénitiens,  qui  n'en  a  voient  point 
d'autre  que  celui-là  :  «ju  ou  avofil  pourvu  au  différend* 
de  Zucarel.  en  sorte  <ju  il  ne  tiendroit  «ju'au  duc  de 
Savoie  qu'il  n'eût  contentement. 

rit.  qui  étoit  à  U  cour,  reoofinois- 
aoit  bien  que  les  choses  s'étoient  passées  en  la  manière 
rjsfoa  lui  d'tsoit,  et  demeuroit  en  son  coeur  satisfait  de  la 
sincérib  <iu  Roi 4.  Mais  le  duc  de  Savoie,  pour  l'espérance 

t.  Hanuw  rit  A,  fol.  44  :  «  V>u»  a  von*  à  persuader  noi  allié* 
que  ce  traité  a  été  tait  tan»  eoauaaademeat  du  Roi.  Lear  H 
eooaolu*e  que  leur»  ialéréu  néanmoin»  y  tout  contenré* 
BSS  et  la  Savoie, 
as  deas  paragraphe*  aaivant*  toat  dan*  le  aaaautcrit  A . 
fol.  63,  et  non  à  cette  place,  <jui  e*t  occapée  par  YAvu  de 
Kû-beiieu.   Le   premier  kU  jui,  par 

>du  (urdioal,  fat  donné  §m*  affaire*.  Et  pour  ce  qu'encore 
que  le  prince  de  Piémont  fût  m  U  cour  et  pui  riuble- 

iminrm*  de  U  manière  dont  le*  cbo*e»  t'étoient  paaaée^ 
Boaaiaaeal,  dut  être  aatUUit  de  1a  aiocéritr  du   loi, 
le  émt  de  Savoie,  pour  I  eapéranee,  •  I 
4.  lien  sa  euti  I  «> oit  été  fort  aui  <«l  *att*« 


252  MÉMOIRES  [1626] 

qu'il  avoit  eue  que  la  guerre  se  porteroit  dans  le  Mila- 
nois,  de  laquelle  il  se  voyoit  frustré,  ne  vouloit  pas  recon- 
noître  la  vérité  ;  mais,  prenant  divers  prétextes,  faisoit 
paroître  être  offensé,  et  principalement  de  ce  qu'au 
temps  même  que  la  paix  arriva  on  donnoit  audit 
prince  son  fils  la  commision  de  lieutenant  général  pour 
le  Roi  en  son  armée  de  Piémont,  laquelle  il  recherchoit 
très  instamment1. 

S.  M.,  pour  n'oublier  aucun  moyen  de  le  gagner, 
lui  envoya  en  ambassade  extraordinaire  M .  de  Bullion 
pour  lui  représenter  que,  puisqu'elle  avoit  obtenu  les 
principales  fins  pour  lesquelles  l'union  étoit  faite  avec 
les  collègues,  il  ne  se  pouvoit  dire  que,  faisant  la  paix, 
il  eût  contrevenu  à  l'article  qui  porte  que  l'un  ne  fasse 
rien  sans  l'autre,  vu  que  cela  se  doit  entendre  lorsqu'il 
est  question  de  déroger  aux  fins  générales  qu'on  s'est 
proposé  de  remporter,  mais  non  pas  quand  on  les  obtient 
tout  entières2; 

fait  du  traité  de  paix  conclu  en  Espagne  par  M.  du  Fargis  » 
[Journal  inédit  d'Arnauld  d'Andilly,  1626,  p.  15).  Voyez 
V.  Siri,  Memorie  recondite,  t.  VI,  p.  104;  Avenel ,  t.  II, 
p.  205  ;  et  dans  la  suite  les  Mémoires  laisseront  passer  une 
phrase  avouant  qu'il  était  parti  fort  «  mal  content  ».  Herbault 
écrivait  à  Béthune  à  Rome,  de  Paris,  le  6  avril  1626  (Bibl. 
nat.,  ms.  Français  3670,  fol.  5-6),  que  le  prince  était  parti 
«  avec  démonstration  assez  ouverte  de  mécontentement  ». 
Voyez  ci-dessus,  p.  225,  note  1. 

1.  Voyez  la  lettre  citée  par  Rott,  t.  IV,  p.  28.  On  trouvera 
d'ailleurs  dans  ce  chapitre  tous  les  détails  des  négociations 
entre  la  France,  l'Espagne  et  leurs  alliés. 

2.  Cf.  Instruction  au  sieur  de  Bullion,  allant  ambassadeur 
extraordinaire  en  Piémont,  au  mois  de  Juin  1626,  à  Paris,  dans 
Aff.  étr.,  Turin  7,  fol.  173-179;  Bibl.  nat.,  Nouvelles  acquisi- 
tions françaises  7088  (Brienne  117),  fol.  370  et  suiv.  Résumée 
par  Avenel,  t.  Vil,  p.  949.  On  y  retrouve  les  mêmes  idées, 


[1626]  DE  RICHELIEU.  253 

Qu'il  n'avoit  point  de  prétexte1  de  mécontente- 
ment des  conditions  dudit  traité,  mais  seulement  de 
la  forme; 

Qm  son  ambassadeur  avoit  assez  librement  avoué 
que  toutes  les  précaution*  qu'on  pourroit  prendre  pour 
li  nrcté  «le  la  Vallée  ne  pourroient  pas  empêcher  que 
_;iols  ne  s'en  rendissent  toujours  les  maîtres 
quand  ils  voudraient;  mais  que,  pour  y  apporter  un 
mede,  il  t'alloit  embrasser  l'opportunité  qui 
H  |>i   lentoit  de  les  chasser  de  l'État  de  Milan. 

<>i\  le  détail  des  formes,  en  une  conjoncture  si  impor- 
tante, ne  .1.  voit  pas  être  la  cause  d'un  si  grand  trouble 
dans  le  public,  et  empêcher  le  fruit  que  S.  M.  est  assu- 
qn'elle  et  ses  alliés  recueilleront  de  cette  paix2; 

Qu'en  choeea  grandea  il  ne  faut  pas  s'arrêter  à  des  loi  - 
niiilités;  qu'on  ne  rend  jamais  raison  d'un  heureux 
événement,  non  plus  que  d'une  victoire  et  d'une  con- 
quête, le  bien  de  l'État  étant  la  loi  souveraine; 

0  partant  que,  n'ayant  pas  occasion  de  se  douloir 
de  la  conclusion  dudit  traité,  il  ne  devoit  faire  aucune 
difficulté  d'y  donner  son  approbation. 

m.ii ^   ploi    '1'  wrloppées,  que  dans  tes  Mémoires  et  quelques 
j .li i  ases  à  peu  près  identiques. 

1  Corrigé  par  Sancv;  le  manuscrit  \.  fol.  53  v",  portait 
d'abord  :  «  Ledit  duc  de  Savoie  n'a  pas  montré  de  méconten- 
tement. » 

2.  Dans  Y  Instruction  :  «  ...  et  qu'en  cette  conjoncture  et  réso- 
lution, si  importante,  il  lui  a  semblé  (au  Roi  que  le  défaut  des 
l  m  •!•  voit  pas  être  la  cause  d'un  si  grand  trouble  dans 
\r  public  et  empêcher  le  fruit  que  S.  M.  est  UNTM  qu'elle  et 
ses  alliés  recueilleront  de  cette  ptil  :  qu'en  affaires  de  cette 
qualité  il  ne  falloil  pas  s'arrêter  à  des  formalités;  que  l'on  m 
rendoit  jamais  raison  d'un  heun-u\  sucer*,  non  phu  qM  il'um- 
%ii -toire  et  conquête,  le  bien  uV  Triai  «'-tani  l.i  l«>i  looveraine.  i 


254  MÉMOIRES  [4626] 

S.  M.  donna  aussi  charge  audit  sieur  de  ttullion  de 
prier  quant  et  quant,  de  sa  part,  ledit  duc1  de  choi- 
sir des  arbitres  pour  le  différend  de  Zucarel  avec  les 
Génois  et  de  lui  dire  franchement  ses  prétentions 
et  intérêts,  afin  que  S.  M.  les  soutînt  et  protégeât 
avec  la  même  affection  qu'elle  faisoit  les  siens  propres, 
comme  aussi  de  le  disposer  à  la  suspension  d'armes 
avec  lesdits  Génois,  S.  M.  faisant  donner  charge  au 
sieur  de  Vignoles,  maréchal  en  ses  camps  et  armées, 
et  autres  chefs  et  capitaines  commandants,  de  garder 
la  suspension  promise  par  le  traité  et  de  veiller  à  la 
garde  et  sûreté  des  États  dudit  duc,  mais  de  ne  rien 
entreprendre  hors  d'iceux  contre  qui  et  pour  quelque 
cause  et  prétexte  que  ce  pût  être;  qu'enfin,  pour  le 
contenter,  il  le  flattât  de  l'espérance  de  la  qualité  de 
roi2,  que  S.  M.  lui  promettoit  de  favoriser  à  la  cour 
de  Rome. 

Ce3  qu'elle  fit  aussi,  et  manda  au  sieur  de  Béthune, 

1.  Correction  de  Sancy;  le  manuscrit  A,  fol.  54,  portait  : 
«  Il  avoit  charge  aussi  de  le  prier  quant  et  quant  de  choisir...  » 

2.  Roi  de  Chypre.  Correction  de  Sancy;  le  manuscrit  A, 
fol.  54  v°,  portait  :  «  Enfin,  il  le  devoit  flatter...  »  Sur  l'ambas 
sade  de  Bullion,  cf.  les  Mémoires  d'Ardier  (Bibl.  nat.,  ms. 
Français  4058,  fol.  115  v°  et  suiv.). 

3.  Ici  le  manuscrit  A,  fol.  54  v°,  renvoie  à  la  p.  74  (aujour- 
d'hui fol.  44  v°),  où  se  trouve  ce  paragraphe  qui  a  pour  source 
un  passage  de  la  Response  que  le  Roi  fera  au  prince  de  Pié- 
mont et  à  V ambassadeur  de  Venise...,  déjà  citée,  publiée  par 
Avenel,  t.  VII,  p.  575-576.  Le  texte  des  Mémoires  est  légère- 
ment abrégé.  Sancy  a  corrigé  les  futurs  en  parfaits.  On  a  bou- 
leversé la  rédaction  primitive  du  manuscrit  A,  qui,  suivant 
Y  Avis  sur  les  affaires  présentes,  traitait  d'abord  des  affaires  de 
la  reine  d'Angleterre  (fol.  43  v°),  puis  du  plan  d'action  en  Alle- 
magne (fol.  49),  puis  de  la  mission  de  Châteauneuf  (fol.  54)  et 
enfin  des  duels  (fol.  59  et  suiv.). 


[1626]  DE  Rit  MF.LIEU.  ?55 

son  ambassadeur  à  Rome,  qu 'après  s'être  plaint  au 
l';i[>.-  des  six  mille  hommes  qu'il  avoit  envoyés 
I  la  Yalteline,  et  lui  avoir  fait  oonnoltre  comme 
gnols  l'ont  traité  en  ce  fait,  extorquant  de  lui 
ce  secours,  lorsque,  traitant  de  paix,  ils  savoientbien 
util  avoir  plus  affaire,  il  lui  donnât  avis  comme  toutes 
choses  sYtoieiit  passés;  puis  lui  fit  connoitre  que, 
pour  humilier  l'Espagne  en  Italie  et  y  rendre  le 
Bsios-Slègi  .  «  t  partirulièrcment  la  personne  de  S.  S., 
plus  puissant,  le  meilleur  moyen  étoit  d'y  élever  le 
duc  de  Savoie,  qu'elle  s'attacheroit  par  ce  moyen,  pour 
dépendre  absolument  de  ses  volont 

S.  M.1,  en  même  temps,  dépêcha  le  sieur  de  Chà- 
tt -;aiiiit -ul,  ambassadeur  extraordinaire  à  Venise,  et  de 
là  aux  Grisons2,  et  lui  donna  charge  de  représenter  à  la 
République  que,  pour  préparer  le  défaut  (s'il  y  en 
i\t»it  eu)  de  quelque  formalité  en  ce  traité  de  paix,  qui 
avoit  été  conclu  sans  qu'il  en  eût  été  préalablement 
averti,  S.  M.  avoit  voulu  les  honorer  de  cette  ambas- 
Mde  extraordinaire  pour  faire  une  démonstration  plus 
honorable  vers  la  République  et  donner  à  connoître  en 
quelle  estime  et  considération  elle  la  tient; 

Qu'elle  avoit  voulu  que  ledit  Chàteauneuf  passât  vers 
elle  a\ant  qu'il  allât  aux  Grisons  afin  de  lui  faire  voir 

i .  Manscrii  a,  fol.  54  v°. 

harles   de   l'Aubespine,    tiiar<|iiis    uV    CliAtt-auneuf  des 

\,  ambassadeur  extraordinaire  en  Valteline,  aux  Ligues 

et  en  Suisse,  août  1626-février  1627.  Il  partit  de  Paris 

;uiii  - 1  passa  par  Venise  (6n  juillet-24  août)  :  cf.   Ilott. 

t     IV     J    |  astnit  l i<»n>  <|ii'il  rcrut  MOI  datées 

d<-  Mois,  !-•  16  juin  LOtt    àrch.  i.at.,  KK  1868,  fol.  392-398, 

tj  minute  du   12  juin  au\    Ml'.  <lr.,  Votts*   '•'«.   fol.    103-114'. 

Kll.  s  n'ont  pas  été  tout  a  fait  dii  employées  pour  foi 


256  MÉMOIRES  |462G] 

et  agréer  le  traité,  auparavant  que  de  le  porter  aux 
autres  pour  en  commencer  l'exécution  ;  ce  qui  montre 
assez  que  la  paix  ne  s'est  point  faite  sans  le  consente- 
ment de  la  Seigneurie. 

Et  pour  ce  que  la  République  trouvoit  quelque  chose 
à  dire  en  deux  articles  de  ce  traité,  l'un  concernant 
les  juges  de  la  Valteline,  qui,  à  l'avenir,  ne  pouvoient 
plus  être  élus  que  par  les  Valtelins,  les  Grisons  étant 
exclus  de  les  élire;  l'autre  concernant  la  démolition  des 
forts,  en  la  conservation  desquels  la  République  croyoit 
que  consistoit  la  sûreté  de  la  Valteline,  il  fut  donné 
charge  audit  Châteauneuf  de  dire,  quant  au  premier, 
que  la  considération  de  la  religion  catholique  avoit 
obligé  le  Roi  d'y  condescendre,  étant  certain  que  tous 
les  désordres  et  troubles  de  la  Valteline  n'ont  été  excités 
que  par  les  juges  hérétiques  grisons  qui  leur  étoient 
donnés;  mais4,  néanmoins,  que  la  confirmation  leur 
en  étoit  donnée,  ce  qui  étoit  un  grand  droit  qui  témoi- 
gnoit  leur  souveraineté  ; 

Quant  au  second,  qu'au  contraire  de  leur  opinion 
le  Roi  croyoit  que  la  sûreté  de  la  Valteline  consistoit 
en  la  démolition  desdits  forts;  que  la  conservation  en 
étoit  onéreuse,  non  seulement  à  raison  de  la  dépense, 
mais  de  la  perte  des  hommes  qui  se  fussent  consom- 
més en  ces  lieux  si  malsains,  et  qu'il  n'eût  pas  été 
assuré  qu'ils  eussent  pu  suffire  à  fermer  et  empêcher 
le  passage  de  la  Vallée. 

dix-huit  paragraphes  suivants,  mais  les  idées  sont  les  mêmes, 
plus  développées  que  dans  les  Mémoires,  et  quelques  phrases 
sont  identiques.  Sur  cette  ambassade,  cf.  les  Mémoires  d'Ar- 
dier  (Bibl.  nat.,  ms.  Français  4058,  fol.  120  et  suiv.). 

1.  La  fin  de  ce  paragraphe  a  été  ajoutée  par  Sancy,  manus- 
crit A,  fol.  55. 


[1626]  DE  RICHELIEU.  257 

1>;i  vantait*,  les  forts  mtrrrt  été  sujets  a  être  surpris 
par  les  habitants,  dont  le  naturel  est  rude  et  ennemi  de 
toute  contrainte.  Les  Espagnols  eussent  incessanimenl 
< t lit-  ;i  même  tin,  et,  <|iiand  l'opportunité  se  tût 
remontrée,  ils  les  eussent  attaques  a  torce  ouverte  ;  et 
la  Grisons  mêmes  se  fussent  enfin  ennuyés  de  voir 
leur  pays  tenu  et  gardé  par  des  forces  étrangères,  dont 
IVnvit -.  tant  d'eux  que  du  public,  eût  tourné  sur  S.  M. 
et  la  République. 

Kritin.  <|ue  c'étoit  laisser  un  sujet  de  trouble  qui  eût 
tenu  la  République  en  perpétuelles  jalousies  et  inquié- 
tudes, l'eût  obligée  a  se  tenir  armée  et  à  être  incessam- 
ment sur  leurs  gardes  contre  les  entreprises  et  ven- 
des des  Espagnols  et  lui  eût  fait,  après  plusieurs 
dépenses,  désirer  de  venir  au  tempérament  dont  on 
it  convenu. 

Il  lui  tut,  en  outre,  donné  charge  de  prier  la  Répu- 
blique de  déclarer  franchement  les  choses  qu'elle  dési— 
n>il  pour  ses  intérêts,  sûreté  et  contentement;  et  que, 
s'ils  ne  se  vouloient  pas  laisser  entendre,  il  leur  dit  que 
M  que  S.  M.  vouloit  accorder  à  la  République  consis- 
loit  ni  trois  choses1  : 

I  i  première,  employer  l'autorité  de  son  nom  envers 
les  Suisses,  pour  leur  faire  confirmer  la  résolution 
qu  ils  ont  prise  de  fermer  leurs  passai  s  m  troupes 
allemandes  qui  se  pouvoient  présenter  pour  passer  en 
Italie,  <t  Eure  les  mêmes  offices,  m  temps  du  renou- 
vellement de  l'alliance  de  Milan,  pour  essayer  au  moins 
lire  que  les  <  antous  catholiques  ne  permettent  le 

I  La  fin  de  cette  phrase  était  d'abord  au  présent  dans  le 
manuscrit  A,  foi.  56.  La  correction  est  de  Sancy. 

\  17 


258  MÉMOIRES  [1626] 

passage  que  pour  la  défense  de  l'État  de  Milan  lors- 
qu'il seroit  assailli. 

La  seconde,  que  le  Roi  entrera  volontiers  en  uwr 
ligue  défensive  avec  la  République,  et  obligation  d'as- 
sistance pour  la  défense  de  ses  États. 

La  troisième,  que  l'alliance  du  Roi  avec  les  Grisons 
lui  donnant  faculté  de  faire  passer  ses  amis  et  alliés 
par  les  Grisons  et  la  Valteline,  S.  M.  donne  pouvoir 
audit  Ghâteauneuf  de  promettre,  par  un  écrit  particu- 
lier et  secret  entre  S.  M.  et  eux,  que,  durant  dix  ans, 
elle  leur  moyennera  la  liberté  du  passage  en  vertu 
de  son  alliance,  sans  que  cela  préjudicie  au  traité 
de  paix  fait  en  Espagne,  les  alliances  de  France  avec 
les  Grisons  y  demeurant,  comme  elles  ont  été  par  le 
passé,  en  leur  entier,  de  sorte  que,  comme  elle  a  tou- 
jours eu  droit  de  faire  accorder  les  passages  à  ses 
amis  et  alliés,  elle  en  peut  disposer  sans  contrevenir 
au  traité. 

Enfin,  pource  que  S.  M.  désiroit  établir  une  union 
très  étroite  avec  ladite  République,  elle  commanda 
audit  Ghâteauneuf  de  les  disposer  à  s'unir  avec  S.  M. 
pour  la  défense  des  Grisons  et  observation  de  ce  traité 
de  paix,  faisant  aussi  entrer  en  cette  ligue,  s'il  y  trou- 
voit  jour,  les  Suisses  et  les  Grisons. 

De  là,  il  eut  charge  de  passer  aux  Grisons  et  de 
procurer,  par  lui-même,  que  la  République  donnât 
ordre  aux  ministres  qu'elle  tenoit  auxdits  pays  de 
s'unir  avec  lui  pour  faire  approuver  ledit  traité,  régler 
équitablement  la  somme  qui  doit  être  payée  par  les 
Valtelins  par  chacun  an  pour  la  faveur  qu'ils  reçoivent 
d'avoir  à  l'avenir  le  choix  de  leurs  juges,  et  réformer 
leur  gouvernement  en  une  manière  plus  ordonnée 
que  celui  qu'ils  ont  tenu  par  le  passé,  étant  si  tumul- 


[1626]  DE  RICHELIEU.  259 

tua  ire  qu'il  est  impossible  d'y  prendre  assurance; 
entin,  les  disposer  à  se  tenir  bien  unis  avec  S.  M.  et 
mtons  des  Suisses,  pour  le  repos  et  la  tranquil- 
lité de  leur  État.  Des  Grisons,  il  eut  ordre  d'aller  en 
Suisse  pour  leur  proposer  l'approbation  dudit  traité, 
que  les  cantons  catholiques  ne  faisoient  pas  difficulté 
niais  bien  les  protestants,  à  cause  que  l'élec- 
tion des  juges  de  la  Valteline  et  des  comtés  de  Chia- 
venne  et  de  Bormio  étoit  ôtée  aux  Grisons. 

Il  eut  commandement  de  leur  représenter  que  S.  M. 
avoit  trouve  eet  article  bien  plus  tolérable  que  celui 
qui  et  oit  proposé  par  les  cantons  catholiques,  qUe 
Ictdkl  officiers  fussent  Grisons  et  choisis  par  eux, 
|M)ur\u  qu'ils  tussent  catholiques;  d'autant  que  cette 
•  Jistim 'tinii  <  I  différence  des  catholiques  d'avec  les 
l»iol<  si.ints,  pour  être  admis  aux  charges,  eût  pu 
causer  du  trouble  parmi  les  Grisons;  que  leur  souve- 
raineté <v,t  ■murée  par  la  confirmation  qui  leur  doit 
être  demandée  de  l'élection  des  juges;  au  reste,  que 
< •«•  trmpéi  ament  rend  l'établissement  de  la  paix  plus 
durable,  mettant  les  Valtelins  en  état  de  subsister  avec 
quelque  contentement,  et  les  Grisons  ne  sont  pas  exclus 
de  pouvoir  être  élus  par  les  Valtelins  ;  joint  que,  s'ils 
"i\ent  quelque  perte,  ils  en  sont  récompensés 
|>ar  la  somme  raisonnable  que  les  Valtelins  sont  obli- 
gés leur  ptyer  annuellement  ;  ce  qui  est  plus  cher  aux 
<.iis.>iis  que  leur  juridiction,  puisque,  moyennant  de 
l'argent,  ils  avoient  renoncé  a  leur  souveraineté  même 
par  l<  trait/  qu'ils  avoient  fait  avec  le  duc  de  Péril  ;< 
Milan. 

n>,  il  eut  charge  de  moyenner  en  faveur  de 
faute  sur  le  fait  du  passage  des  Suisses,  ce  que  ei-des- 
sus  il  leur  a  offert  de  la  part  de  S.  M. 


260  MÉMOIRES  [1626] 

Mais  le  partement  de  l'un  et  de  l'autre  ne  fut  qu'à 
quelques  mois  de  là,  après  que  le  second  traité,  ren- 
voyé en  Espagne  pour  y  réformer  ce  qui  y  avoit 
encore  été  consenti  par  Le  Fargis  contre  les  ordres  de 
S.  M.,  fut  corrigé  à  peu  près  selon  tout  ce  que  S.  M. 
désiroit1. 

Voilà  comme  le  Roi  se  gouverna  pour  donner  con- 
tentement à  la  plus  grande  partie  de  ses  alliés  et  leur 
faire  agréer  le  traité  de  Monçon.  Les  ambassadeurs 
d'Angleterre,  qui  étoient  à  Paris  lorsque  le  traité  fut 
fait,  en  furent  plus  surpris  que  tous  les  autres;  car  ils 
avoient  fait  de  puissants  offices  pour  la  conclusion  de 
la  paix  avec  les  huguenots  et  se  voyoient  frustrés  de 
la  fin  pour  laquelle  ils  les  avoient  faits,  qui  étoit  la  con- 
tinuation de  la  guerre  en  Italie2.  Mais  on  leur  remon- 
tra qu'ils  n'avoient  point  de  sujet  de  se  douloir  du  Roi 
et  qu'il  leur  devoit  suffire  que  S.  M.  leur  promît  de  ne 
discontinuer  point  le  dessein  d'Allemagne,  auquel  on 
agiroit  d'autant  plus  puissamment  qu'on  seroit  moins 
engagé  ailleurs3; 

Que  S.  M.  y  concourroit  par  bons  effets  avec  tous 
ceux  qui  voudroient  procurer  la  liberté  de  l'Empire, 

1.  Ici  le  manuscrit  A,  fol.  59,  porte  en  marge  une  note  de 
la  main  de  Sancy  :  «  V.  mes  corrections  »,  et  passe  directe- 
ment à  la  question  des  duels.  Ce  qui  suit  est  dans  le  manus- 
crit A  au  fol.  59. 

2.  Cf.  ci-dessus,  p.  1  et  13,  et  Rott,  t.  IV,  p.  40. 

3.  Cf.  Avis  sur  les  affaires  présentes,  déjà  cité  (Avenel,  t.  II, 
p.  193-201;  Aff.  étr.,  France  246,  fol.  47-52)  :  «  Quant  au 
grand  dessein  qu'ils  (les  Anglais)  ont  pour  l'Allemagne,  le  Roi 
peut  concourir  par  bons  effets,  etc..  »  Les  paragraphes  sui- 
vants qui  concernent  le  plan  d'action  en  Allemagne  ont  pour 
source  cet  Avis,  qui  est  daté  de  1626,  contemporain,  par  con- 
séquent, des  faits  racontés. 


[1626]  DE  RICHELIEU.  261 

sans  entrer  néanmoins  ouvertement  en  la  ligue  faite  en 
Hollande  l  cette  lin; 

On'il  yavoit  même  oéoeasfté  de  le  faire,  parce  qu'à 
bote  de  son  secours  la  perte  d'Allemagne  étoit  assu- 
rée, et,  si  l'Espagne  en  étoit  maîtresse,  elle  auroit 
beaucoup  avance  le  dessein  qu'elle  a  à  la  monarchie 
universelle; 

M;n>  que1,  pour  faire  réussir  ce  dessein,  il  falloit 
attaquer  lee  forces  ennemies  de*  deux  parts  :  l'une  du 
lu  nord  par  une  armée  puissante,  composée  des 
•  de  Danemark,  Suède,  Brandebourg,  Bruns- 
wick et  autre*  princes  associés  et  voisins;  l'autre  du 
«le  deçà  par  les  forces  de  France,  Angleterre, 
Hollande  et  de  tous  ceux  qui  voudront  prendre  part 
en  cette  cause  commune  ;  que  ces  deux  armées  doivent 
agir  a  même  tempe  par  un  dessein  commun  et  avec 
certitude  d'une  fidèle  exécution  des  choses  convenues; 
que  chacune  d'icelles  devoit  être  composée  de  vingt- 
cinq  mille  hommes  de  pied  et  trois  mille  chevaux. 

Celle  de  Danemark  seroit  entretenue  aux  dépens 

iois  de  Danemark  et  de  Suède,   Brandebourg, 

Bnmewick,   villes  unies,  et  de  la  contribution   <|ifils 

recevront  d'Angleterre;  celle  de  deçà  aux  dépens  de 

h  France,  Angleterre  et  Hollande; 

Que  la  France  soudoieroit  dix  mille  hommes  de  pied 
(I  liei/t  (  « uts  chevaux,  l'Angleterre  autant  et  la  Hol- 
l.uitlr  (in. |  mille  hommes  de  pied  et  quatre  cents  che- 
vaux; que  Vente  et  Savoie  porteroient  partie  de  cette 
dépeooe,  <>ii  par  nouvelles  troupes  renforceroient  cette 
iinii-r.  m  on  les  peut  faire  entrer  en  ce  dessein 

!   <  .  scl.iix  mots  sont  .1.   s..m  \    m.t miscrit  A,  fol.  49  v*),  ainsi 
<|ur  lai  >  htngetnents  de  styl«  dlrtcl  SB  Itytt  indirect. 
I    La  Mi.imiM  rit  B  porte  :  «  des  ». 


262  MÉMOIRES  [1626] 

Ceux  qui  sont  les  plus  intéressés  en  cette  affaire  y 
dévoient  aussi  contribuer  plus  fortement  que  les 
autres;  et,  partant,  les  Anglois  qui,  outre  l'intérêt 
commun,  ont  le  particulier  du  Palatinat,  dont  ils 
sont  obligés,  par  honneur  et  par-  sang,  de  pour- 
suivre la  restitution,  dévoient  faire  davantage  que  la 
France  ; 

Qu'en  cette  considération,  ce  n'étoit  pas  merveille  si, 
par  ce  traité,  les  Anglois  demeuroient  obligés  de  con- 
tinuer le  secours  qu'ils  donnoient  à  Danemark,  quoique 
la  France  n'en  fît  pas  autant  ; 

Que  la  difficulté  seroit  à  convenir  du  lieu  par  où 
cette  armée  passeroit  en  Allemagne,  où  elle  se  mettroit 
ensemble,  qui  en  auroit  la  conduite.  Si  on  pou  voit 
convenir  d'un  chef  allemand  qu'on  pût  juger  n'avoir 
autre  principal  intérêt  que  la  liberté  de  l'Empire,  on 
en  tireroit  de  grands  avantages  ; 

Que1  les  Anglois  pourroient  passer  par  la  Hollande, 
venir  à  Juliers,  le  laisser  à  main  droite,  passant  entre 
Cologne  qui  est  sur  le  Rhin  et  Lunebourg  ;  de  là,  ils 
entreroient  dans  l'évêché  de  Trêves,  passeroient  la 
Moselle  vers  Coblentz  et  viendroient  joindre  les  troupes 
françaises  entre  Metz  et  Wormssurle  Rhin,  dans  le  bas 
Palatinat  ; 

Qu'il  sembloit  que  le  marquis  de  Baden  fût  le  meil- 
leur qu'on  pût  prendre  maintenant  en  Allemagne,  et 
pour  son  expérience  et  pour  la  créance  qu'il  a  parmi 
les  gens  de  guerre2; 

1.  Ce  paragraphe  en  sépare  deux  autres  qui  devraient  être 
unis  ;  il  se  trouve  dans  la  source,  en  marge,  écrit  de  la  main 
de  Charpentier.  Cf.  Avenel,  t.  II,  p.  199,  notes  1  et  3. 

2.  Ici  le  manuscrit  A,  fol.  50  v°,  et  la  source  ajoutaient  : 
«  M.  de  Savoie  pourroit  bien  peut-être  prendre  le  commande- 


[l'.V]  DK  RICHELIEU.  263 

Qu'une  des  choses  à  quoi  il  falloit  autant  veiller 
«  -toit  i  oter  le  soupçon  aux  princes  catholiques  qu'en 
[>!•<•« tirant  la  liberté  de  l'Allemagne  on  n'établît  H l 
sie,  attendu  que  cette  appréhension  avoit  jusques  ici 
emp» "■( -lu-  les  princes  catholiques  de  s'unir  à  ce  des- 
sein, ou,  si  une  fois  on  le  levoit,  on  pourroit  gagner 
en  peu  de  temps  quelques  électeurs  catholiques,  ecclé- 
siastiques  <»u  seeuliers. 

Ce  qui  sembloit  nécessaire  à  cette  fin  étoit  de  ne 
changer,  en  aucun  lieu,  la  religion  qui  s'y  trouveroit 
établie  el  ne  point  contrevenir,  durant  cette  conquête, 
à  la  Bulle  d'or  qui  exclut  les  calvinistes  de  beaucoup 
de  lieux  où  le  luthéranisme  est  toléré1. 

Quelque  traité  qu'on  fît,  il  falloit  que  ceux  qui  y 
entreroient  donnassent  chacun  un  banquier  solvable 
qui  répondu  et  s'obligeât  de  faire  tenir  à  tous  les  lieux 
où  seroit  l'année  les  montres  de  chaque  prince. 

Il  <toit  bon  aussi,  pour  éviter  les  dépenses  inutiles, 
de  ne  s'engager  qu'à  des  conditions  exécutables,  autant  * 
leoJement  que  le*  intéressés  feroient  de  leur  part  les 
choses  qui   un  oient  été  stipulées;  que,  s'ils  pouvoient 

ment,  si  on  lui  lait  iwmilli il  iju'il  y  a  de  la  gloire  et  de  l'uti- 
lit.  m  < •••!  emploi.  >•  Sancy  a  supprimé  cette  phrase. 

1.  I<  i  l<   minus,  ni   \.  fol.  51,  et  la  source  ajoutaient  :  «  On 

voudra  obliger  le  Roi  à  ne  point  faire  la  paix  en  Italie  que  la 

I  (i  Mlnnagne  ne  soit  i«-rmin« !•]  mais  ce  n'est  pas  la  rai- 

(ii  il  promette  de  ne  point  discontinuer  le  des- 

t  Ml.  magne,  eoqmd  on  agira  d'autant  plus  puissamment 

qu'ailK-iirs  <>n  sera  moins  engagé.  L'Angl»  m  souciera 

Meoap  de  cet  artifice,  si  ce  n'est  CM  l'intérêt  de  s 
les  porte  à  faire  cette  demande.  » 

I  rs  raanusrrits  porteal  :  «  au  temps  ».  «  C'est  une  nou- 
velle prewe,  remarque   aveael,  <|u«-  les  secrétaires  qui 
vaient  sous  la  dictée  imitaient  le  son,  sans  s'occuper  du  H 


264  MÉMOIRES  [1626] 

porter  le  roi  leur  maître1  à  prendre  quelque  tempé- 
rament avec  Bavière,  par  lequel  il  eût  contentement 
sur  l'électorat,  sans  doute  le  dessein  qu'on  avoit  réus- 
sirent, étant  certain  ou  que  lui-même  y  aideroit,  ou 
qu'il  n'y  seroit  pas  contraire2;  qu'il. falloit  aussi  lever 
le  soupçon  que  les  Allemands  pourroient  prendre, 
qu'en  chassant  les  Espagnols  on  voulût  introduire  une 
autre  domination  qui  leur  seroit  également  redoutable  ; 
et,  partant,  qu'il  seroit  bon  de  déclarer  ouvertement 
que  la  liberté  de  l'Empire,  pour  laquelle  on  prenoit 
les  armes,  consistoit  à  remettre  les  choses  en  l'état 
qu'elles  doivent  être,  sans  qu'aucun  étranger  y  pût 
prendre  part. 

Quant3  à  ce  qui  étoit  des  affaires  de  la  reine  d'An- 
gleterre, tant  de  celles  de  son  domaine  que  des  autres 
avantages  qui  concernoient  sa  maison,  on  ne  leur  en 
parla  point,  le  Cardinal  estimant  qu'il  étoit  bon  de 
ne  les  procurer  qu'à  mesure  qu'on  pourroit  obtenir 

1.  Le  roi  d'Angleterre.  La  source  porte  :  «  si  on  peut  porter 
les  Anglois...  »  On  trouvera  des  détails  sur  les  affaires  de 
de  Bavière  et  d'Allemagne  dans  un  mémoire  de  février  ou  mars 
1626,  publié  par  Avenel,  t.  VII,  p.  579.  La  préoccupation  de 
Richelieu  semble  avoir  été  alors  de  ne  mécontenter  en  Alle- 
magne ni  les  catholiques  ni  les  protestants. 

2.  En  marge,  dans  la  source  (Aff.  étr.,  France  246,  fol.  50  v°), 
de  la  main  de  Charpentier  :  «  Faut  traiter  avec  son  agent  pour 
empêcher  que  son  maître  ne  signe  avec  l'Espagne  la  ligue 
qu'elle  désire.  » 

3.  Ce  paragraphe  est  dans  le  manuscrit  A,  fol.  30  v°,  et  dans 
Y  Avis  sur  les  affaires  présentes  (Avenel,  t.  II,  p.  196).  Dans  le 
ms.  des  Aff.  étr.,  France  246,  fol.  47,  il  est  ajouté  en  marge  de 
la  main  de  Charpentier.  La  source  porte  :  «  Quant  à  ce  qui  est 
du  domaine  de  la  Reine  et  autres  avantages  qui  concernent  sa 
maison,  j'estime  qu'il  est  bon  de  ne  les  procurer  qu'à  mesure 
qu'on  pourroit,  etc..  » 


[Ml  DE  ltl< 'I1KI.IEU.  265 

du  soulagement  pour  les  catholiques,  aiiu  qu'ils  vinornl 
que,  quand  il>  souffrent,  elle  est  maltraitée,  et  ainsi 
qu'elle  csi  en  une  cause  commune  avec  eus  et  l'ait 
manlicr  leurs  intérêt!  premien  que  les  siens  parti- 
culiers. Si  on  faisoit  autrement,  ils  croiroicnt  être 
■bnndonn  i. 

Le  Roi,  ayanl  ainsi  pacifié  tous  les  troubles  de  son 
Etat.  suscitée  au  dedans  par  la  rébellion  des  hérétiques 
•  I  an  dehors  par  l'entreprise  des  Espagnols  en  la  Val- 
teline.  tourna  les  yeux  de  sa  bonté  sur  sa  noblesse 
pour  trouver  moyen  d'arrêter  l'effusion  qui  se  faisoit 
josroeflemenf  de  l«-t n  sang  dans  les  duels,  où  ils  expo- 
sni. nt.  s;ins  crainte  ni  de  Dieu  ni  des  hommes  et  pour 
du  es,  leur  vie  et  leur  salut. 

Lee  duels  étoienl  devenus  si  communs,  si  ordinaires 
en  France,  que  les  rues  commençoieni  s  servir  de 
champ  «le  combat1,  et,  comme  si  le  jour  n'étoit  pas 
pour  exercer  leur  furie,  ils  se  battoient  à 
la  laveur  «les  astres  ou  a  la  lumière  des  flambeaux 
qui  leur  servoienfl  d'un  funeste  soleil.  La  multitude  de 
ceux  qui  se  battoient  étoit  si  grande  et  les  peines 
ordonnées  par  les  édits  précédents  *i  rigoureuses,  que 

1      Mercure  françoi-.    t     \l.    p,    Il    :  •    Les  duels  par  un 
noblesse  françoise  s'étoient  rendus  si  com- 
muns cj  is  leur  servoient  ordinairement  il 
mliat    ».    Cf.,   dans    le   Journal   inédit    d'Arnnuhi 

'dniy,  1626,  1rs  Bombrêai  daeli  sje  il  \  eal  pendant  les 

•tels  Boh   de   if\rii  i    •(    m. h  s  de  cette  année.   I  eeal 

.  éd.  de   1764,   t    l.   |».   190  <t  Mii\.,  développe  les 

m.'tii.s  idées,  mais  moins  longuement  que  les  Mémoires.  On  \ 

i    style,  mais  jamais  exactement  les   mêmes 

phrases    Voyea  .ms^i  |e  passage  conrernant  les  duels  dans  un 

i  royaume,  puMie  par  \ 
Bel,  t.  II.  p     166  !  lOfl  minute  de  la  main  <i<    (  li.u- 

peati 


266  MÉMOIRES  [1626] 

le  Roi  avoit  peine  de  les  faire  punir,  d'autant  que  ce 
n'eût  plus  été  un  effet  de  justice,  qui  est  d'en  châtier 
un  petit  nombre  pour  en  rendre  sages  beaucoup,  mais 
plutôt  un  effet  d'une  rigueur  barbare,  qui  est  d'étendre 
la  punition  à  tant  de  personnes  qu'il  semble  n'en  res- 
ter plus  qui  puissent  s'amender  par  l'exemple. 

Cependant,  on  n'entendoit  retentir  toutes  les  églises 
d'autre  chose  que  des  plaintes  que  les  prédicateurs 
faisoient  sur  ce  sujet  et  des  justes  menaces  de  la  part 
de  Dieu  sur  ce  royaume,  si  le  Roi,  qui  avoit  en  main 
sa  puissance,  n'y  apportoit  le  remède  qui  y  étoit  néces- 
saire. A  quoi  il  étoit  particulièrement  obligé  par 
l'exemple  du  feu  Roi,  la  manière  de  la  mort  duquel 
étoit  quasi  attribuée  à  punition  de  Dieu  pour  avoir 
toléré  les  duels1. 

Outre  les  larmes  et  les  soupirs  de  toutes  les  familles, 
dans  lesquelles  les  uns  pleuroient  leurs  proches  que  le 
sort  des  armes,  les  autres  que  la  rigueur  de  la  loi 
leur  avoit  ravis,  les  uns  conseilloient  au  Roi  d'arrêter, 
par  une  inflexible  sévérité,  le  cours  de  ce  mal,  et  qu'il 
n'y  a  rien  qu'enfin  la  prévoyance  d'une  punition  de 
mort  inévitable  n'emporte  sur  les  esprits  des  hommes2. 
Les  autres  proposoient  au  Roi  de  permettre  les  duels 
en  certains  cas  et  ne  punir  que  ceux  qui  les  commet- 

1.  Cf.  Mémoires  de  messire  Robert  Arnauld  d'Andilly,  écrits 
par  lui-même.  Hambourg,  1734,  2e  partie,  p.  21.  Il  dit  un  jour 
à  Louis  XIII  :  «  Pardonnez-moi,  Sire,  si  j'ose  ajouter  que  le  Roi 
votre  père,  ce  grand  prince,  ayant  permis  que  le  sang  de  sa 
noblesse  ait  été  répandu  par  les  duels,  Dieu  a  permis  que  le 
sien  l'a  été.  »  Ces  paroles  le  touchèrent  extrêmement.  Voyez 
aussi  les  présents  Mémoires  du  cardinal  de  Richelieu,  1. 1,  p.  83. 

2.  Voyez,  dans  Aff.  étr.,  France  795,  fol.  281-284  et  285- 
287,  deux  consultations,  en  latin  et  en  français,  sur  les  duels, 
classées  en  1629. 


Pnq  DE  RICHELIEU.  267 

Iraient  pour  < m  s,  ou  qui  auraient  pu  faci- 

lement tomba1  en  accord  et  ne  se  seraient  adressés  à 
H  que  S.  M.   aurait   ordonné!   pour  cet  effet.   Ils 
apportoirnt   pour  raison  que  la  figUCUT,  qui  aigrit  et 
nies  esprits,  serait,  par  ce  moyen,  adoucie,  et 
qu'un  chacun,  voyant  que  tout  lieu  de  tirer  raison  de 
l'injure  reçue  ne  lui  sentit  pas  fermé,  se  remettrait 
ilcment  au  moyen  qui*  le  Roi  lui  en  aurait  donn»  . 
KL  pour  montrer  que  S.  M.  en  pouvoit  justement  user 
ainsi  et  qu'il  s'en  ensuivrait  ce  que  nous  disons,  ils 
produis* tient  l'exemple  des  siècles  passés,  èsquels  l'his- 
toire nous  enseigne  que,  lorsqu'on  ne  pouvoit  savoir  la 
it.    «l'un   méfiât,   on  en  remcttoit  le  jugement  au 
it-it  entre  l'accusant  et  l'accusé,  auquel  celui  qui 
t   vaincu  soutirait  la  peine1;  et  nus  théologiens* 
disent   qu'ils  appeloient  cette  décision-là  le  jugement 
de  Dieu,  et,  tandis  que  cette  coutume  a  été  observée, 
il  ne  -m    foyoH  point  de  duels  d'autorité  privée. 
Le  Cardinal  trouva  un  tempérament  entre  ces  deux 
•>  opposés  l'un  à  l'autre.  Punir  de  mort  tous  rcux 
qui  se  seraient    hatlus  ou   auroicnt    appelé,   lui   sem- 
l»loit  chose  trop  rigoureuse.  D'autre  part  aussi,  per- 
mettre les  iluels  pour  quelque  occasion  que  ce  soit, 
lui  semltloit  être  trop  se  relâcher  de  la  droiture  de  la 
justice,  laquelle  ne  permet  point  10  Roi  d'en  pouvoir 
i     hum:  joint   que  cela    ne   -iienroit    pas  le   mal    a 
l'avenir;  CSX  l'usine  <!«'  ces  permissiois  peu  a  peu  Se 

rendrai!  m  commun  qu'il  en  faudroif  bientôt  irréter 

Il  exprimé  dans  la  seconde  des  deux  consultation 
celées  dans  la  note  précédente,  qui  a  un  caractère  ihéologiui 

•.•••lu  manu»  rit    \.t"l    i>1.«l.   |.(  main  il.-  r.harpcn- 

Mttl  opininii 
se  retrouvent  dans  la  consultation  théologique  sur  les  duels. 


268  MÉMOIRES  [1626] 

le  cours,  comme  firent  autrefois  les  évêques  de  France, 
qui  furent  contraints,  en  l'an  855,  de  s'assembler  à 
Valence  pour  défendre  ces  combats-là1  et  sollicitèrent 
ardemment  le  Roi  de  ne  les  permettre  jamais;  et  les 
rois  saint  Louis,  Philippe  le  Bel  et  .autres  firent  plu- 
sieurs éditspour  retrancher  ces  abus. 

Tous2  les  théologiens,  disoit-il,  conviennent  que  le 
duel,  pour  cause  singulière,  ne  peut  être  permis  selon 
la  loi  de  Dieu  ;  mais  je  n'en  ai  vu  aucun  qui  en  exprime 
bien  clairement  la  vraie  raison.  Quelques-uns  estiment 
qu'elle  tire  son  origine  de  ces  mots  :  mihi  vindictam 
et  ego  rétribuant;  mais  ils  montrent  bien  que  les  parti- 
culiers de  leur  autorité  ne  peuvent  chercher  par  cette 
voie  la  vengeance  des  injures  qu'ils  ont  reçues,  mais 
non  pas  qu'un  prince  ne  la  puisse  ordonner,  ainsi 
qu'il  peut  commander  à  un  exécuteur  de  justice  de 
mettre  à  mort  celui  qui  aura  violé  la  propre  fille  du 
même  exécuteur.  Auquel  cas,  ledit  ministre  de  justice 
venge,  non  de  soi-même,  mais  par  autorité  du  prince, 
l'injure  que  le  public  a  reçue  en  sa  famille,  et  ce  sans 
péché,  pourvu  qu'il  rectifie  son  intention  ;  ce  qui  fait 

1.  Le  concile  de  Valence  décréta  le  bannissement  des  duel- 
listes et,  assimilant  aux  suicidés  ceux  qui  seraient  tués  en  duel, 
les  priva  des  prières  de  l'Eglise.  La  consultation  dit  :  «  L'usage 
en  était  si  commun  que  l'année  855  les  évêques  de  France  s'as^ 
semblèrent  à  Valence  pour  arrêter  les  progrès  de  ce  mal  et  solli- 
citèrent ardemment  le  Roi  d'ajouter  à  leurs  censures  les  menaces 
du  bras  séculier.  Et  saint  Louis,  Philippe  le  Bel,  Charles  V  et 
VI  ont  fait  plusieurs  édits  pour  retrancher  cet  abus.  » 

2.  Les  paragraphes  suivants  ont  pour  source  une  pièce  des 
Aff.  étr.,  France  795,  fol.  288,  classée  en  1629,  au  dos  de 
laquelle  on  lit  :  «  Raisons  pour  lesquelles  le  Roi  ne  peut  accor- 
der les  duels  et  Raisons  pour  lesquelles  le  Parlement  doit  véri- 
fier ledit  des  duels.  Feuilles  34,  35.  »  Ce  mémoire  s'est  inspiré 
souvent  de  la  consultation  théologique  citée  ci-dessus. 


DE  RICHELIEU.  269 

qne,  ■  les  dada  n'étoienl  dètèaêm  qu'en  vertu  de  ce 
principe,  on  !<■>  pourroifl  pratiquer,  ptr  i-ommande- 

iiMiit  du  prince,  avec  tes  mêmes  circonstances  qu'un 

uteur  de  justice  doit  garder  en  sa  conscient 

l.i  vraie  primitive  et  fondamentale  raison  est  p 

que  les  rois  ne  sont  point  maîtres  absolus  de  la  vie  des 

hommes,  et,  par  conséquent,  ne  peuvent  les  condam- 

la  mort  sans  crime;  ce  qui  fait  que  la  plupart  des 

sujets  des  querelles  n'étant  pas  dignes  de  mort,  ils  ne 

peuvent,  en  ce  cas,  permettre  le  duel  qui  expose  à  ce 

genre  de  peine.  Qui  plus  est,  quand  même  une  offense 

seroit  telle  que  Polïensant  mériteroit  la  mort,  le  prince 

ii<  priit  pour  cela  permettre  le  combat,  puisque,  le  sort 

tant  douteux,  il  expose,  par  ce  moyen, 

l 'iniioei nt    i  la  peine  qui  n'est  méritée  que  du  cou- 

|..i!»lr1.  ce  qui  est  de  toutes  les  injustices  la  plus  grande 

qui  puisse  être  faite. 

I  s  rois  doivent  la  justice  déterminément,  et,  par 
BSOaequent,  i!^  sont  obligés  de  punir  les  coupables 
saiib  péril  et  hasard  pour  l'innocent.  Si  Dieu  sVtoit 

de  faire  que  le  sort  «les  armes  tombât  toujours 
mu  le  coupable,  on  pourroit  pratiquer  cette  voie;  mais, 
puisqu'il  D'est  pas  linsi,  elle  est  plus  que  brutale  pour 
la  raison  médite. 

II  est  vrai  que*  cette  raison  montre  bien  que,  pour 
m ii-  cause  particulière,  <>n  ne  peut  permettre  le  duel, 

non  pas  pour  un  sujet  public,  comme  pour  évi- 
ter une  bataille,  puisque  de  deux  maux  on  doit  tou- 

1  /•■stanu-nt  politique,  éd.  1764,  t.  1,  p.  192  :  ■  qu'ils  ne 
sauraient  permettre  les  combats  particuliers  sans  exposer  l'in- 
nocent a  recevoir  la  peine  du  coupable  ». 

2.  Ces  quatre  mots  ont  été  ajoutés  par  Sancy  et  ne  se  trouvent 
pas  dans  la  source. 


270  MÉMOIRES  [1626] 

jours  choisir  le  moindre;  que  le  sort  des  armes  est 
aussi  douteux  entre  deux  armées  comme  entre  deux 
particuliers  et  qu'il  vaut  mieux  exposer  deux  hommes 
au  péril  de  la  mort  que  vingt  mille  âmes,  dans  le 
nombre  desquelles  ils  eussent  été  compris. 

11  conseilla  donc  au  Roi  de  ne  permettre  jamais  les 
duels  pour  quelque  cause  que  ce  soit,  de  ne  les  laisser 
pas  impunis,  mais  de  les  punir  d'une  autre  façon  que 
l'on  avoit  fait  par  le  passé,  savoir  est  d'une  peine 
plus  douce,  puisque  la  rigueur  des  peines  des  autres 
édits  les  avoit  rendus  inobservables. 

Suivant1  ce  conseil  l'édit  fut  dressé,  qui  portoitque, 
pardonnant,  en  considération  du  mariage  de  la  reine 
de  la  Grande-Bretagne2,  à  tous  ceux  qui  avoient 
appelé  ou  s'étoient  battus  jusqu'alors,  ayant  au  préa- 
lable satisfait  à  la  partie  civile,  le  Roi  ordonnoit  qu'à 
l'avenir  ceux  qui  appelleroient  ou  se  battroient  demeu- 
reroient  dès  lors  privés  de  toutes  leurs  charges,  s'ils  en 
avoient,  auxquelles  à  l'instant  il  seroit  pourvu,  et  pareil- 
lement déchus  de  toutes  les  pensions  et  autres  grâces 
qu'ils  tiendroient  de  S.  M. ,  sans  espérance  de  les  recou- 
vrer jamais. 

1.  En  marge  du  manuscrit  A,  fol.  62  v°,  de  la  main  de  Char- 
pentier :  «  L'édit  des  duels  est  au  Mercure  françois,  t.  XI, 
année  1626,  fol.  11.  »  Cf.  Isambert,  Recueil  des- anciennes  lois 
françaises,  t.  XVI,  p.  175.  Il  est  daté  du  mois  de  février.  Le 
préambule  exprime  l'idée  contenue  dans  le  paragraphe  précé- 
dent. L'édit  de  Saint-Germain  (août  1623)  avait  supprimé  les 
adoucissements  de  l'édit  de  1609.  L'édit  de  1626  revint  sur  les 
sévérités  inapplicables  de  1623  et  rétablit  les  distinctions  faites 
selon  la  gravité  des  cas. 

2.  Une  amnistie  générale  avait  été  accordée  à  l'occasion  du 
mariage  de  Henriette  de  France  avec  Charles  Ier  d'Angleterre 
en  1625. 


(1626]  DK   FUCHF.UEU.  271 

Outre  cela,  il  étoit  remis  à  la  conscience  des  juges 
de  les  punir  selon  la  rigueur  des  édits  précédents, 
;iinsi  qu'île  vtiïoi.-nt  que  l'atrocité  des  crimes  et  cir- 
constance cTiceoi  le  pourraient  mériter,  hormis  s'ils 
■votent  tué,  auquel  cas  S.  M.  entemloit  qu'absolument 
.ueur  de  ses  édits  précédents  eût  lieu.  Et,  en  cas 
OUI  qui  seroient,  par  ce  moyen,  déchus  des  gra- 
tili<;iti<nis  qu'ils  auroient  de  S.  M.,  se  voulussent  res- 
sentir et  se  battre  avec  ceux  à  qui  elle  les  auroient  don- 
nées, elle  les  déclaroit  dégradés  de  noblesse,  infâmes  et 
punis  de  mort,  encore  qu'ils  ne  se  fussent  battus  que 
par  rencontre  seulement. 

B,  M .  il. icki  <»it  aussi  le  tiers  du  bien  des  appelants  et 
des  appelés  confisque  et  les  bannissoit  pour  trois  ans 
hors  du  royaume. 

La  cour  de  Parlement  ordonne  la  vérification  de 
I  •  dit  en  ce  qui  concernoit  l'abolition  des  crimes  com- 
ontre  les  précédents  édits  des  duels  et  rencontres  ; 
•  t  que,  quant  .in  reste,  qui  consistoiten  la  modification 
des  peines,  rempntitoces  seroient  faites  à  S.  M.  pour 
h  mpplier  de  ne  ne  rien  relâcher  de  la  rigueur  des 
uts  édits1. 

1.    \r<  h.  nat.,  Registres   du   Parlement  de    Paris,  Conseil, 

Le  samedi  7  mars,  le  Parlement  rejette  entièrement 

fl  fait  d'abord  de  même  le  9,  malgré  les  lettres  de  jus- 

!u  7:  [.uis,  le  même  jour  (fol.  3),  •  tout  bien  considéré, 

ladite  cour  a  arrêté  et  ordonné  la  vériûcation  du  contenu  au 

premier  article  dodit  édit,  i  <>ncernant  les  abolitions  des  cas  et 

-devant  commis  contre  les  édits  des  duels  et  ren- 

•  s,  à  la  charge  que  ceux  qui  se  sont  battus  et  auront  tué 

Bt  encore  vivants  seront   U  nu-  prendre  lettres  par tiiu- 

lières  du  Roi  adressantes  à  ladite  cour  suivant  ledit  premier 

iti<.i).  el  <I«  Mtiefaire  aux  parties  civiles,  et 

quant  aux  autres  articles,  que  ladite  QOV  M  DMl  ni  doit  les 


272  MÉMOIRES  [1626] 

Sur  quoi  le  Cardinal  dit  au  Roi1  : 

Que  le  Parlement  refusoit  l'édit  parce  que  les  peines 
y  étoient  trop  douces,  et,  cependant,  il  vérifioif  le 
même  édit  quant  au  seul  article  qui  étoit  le  plus  doux, 
en  tant  qu'il  abolissoit  tous  les  crimes  passés; 

Qu'il  ne  vouloit  pas  vérifier  l'édit,  s'il  ne  portoit 
en  termes  exprès  la  peine  de  la  mort  aux  délinquants, 
et,  cependant,  il  vérifioit  au  même  édit  l'article  qui 
absolvoit  de  la  même  peine  tous  ceux  qui  avoient 
délinqué  ; 

Que  menacer  de  la  mort  tous  ceux  qui  se  battroient 
à  l'avenir  et  en  absoudre  tous  ceux  qui  s'étoient  battus 
par  le  passé  donnoit  lieu,  ce  sembloit,  de  ne  croire 
pas  que  ces  menaces  eussent  autre  effet  que  celles  qui 
les  avoient  précédées  ; 

Qu'un  médecin  qui,  par  plusieurs  expériences,  avoit 
reconnu  un  remède  inutile,  ne  pouvoit  être  blâmé  s'il 
en  cherchoit  et  s'il  en  prescrivoit  un  nouveau,  parti- 
culièrement s'il  ne  détruisoit  point  le  premier,  mais 
qu'il  le  laissât  en  sa  propre  force  ; 

Que  celui  qui  demandoit  un  écu  et  qui  en  donnoit 
deux  ne  donnoit  aucun  sujet  de  plainte; 

Que  le  Roi  s'obligeoit  à  ne  dispenser  jamais  de  cer- 
taines peines  qu'il  établissoit  de  nouveau;  qu'il  ne 
s'obligeoit  pas  à  donner  grâce  des  premières;  il  lais- 
soit  son  Parlement  en  pleine  liberté  de  lés  faire  exécu- 

vérifier,  et  sera  le  Roi  très  humblement  supplié  d'envoyer  à 
ladite  cour  déclaration  conforme  aux  précédents  édits  des 
duels.  » 

1.  Cette  consultation,  que  Richelieu  adresse  au  Roi  à  propos 
des  remontrances  du  Parlement,  était  d'abord  au  style  direct 
et  au  .présent  de  l'indicatif  dans  le  manuscrit  A,  fol.  63  v°.  Les 
corrections  sontdeSancy.  La  source  est  la  pièce  déjà  citée  des 
Aff.  étr.,  France  795,  fol.  288-289. 


[1626]  DE  RICHELIEU.  273 

t.  partant,  que  ce  nouveau  remède  étoit  plus 
fort  et  sembloit  être  plus  proportionné  au  mal  qu'on 
vouloit  guérir  (juc  les  premi 

Oiion  considéroit  cet  édit  comme  doux  envers  ceux 
pu  m  battoienl  ;  mais  les  raisons  ci-dessus  montroient 
qu'il  ne  lvétoit  pas;  mais,  quand  il  le  seroit,  une  aug- 
mentation <le  sévérité  en  l'exécution  d'une  moindre 
peine  rendoit  une  loi  plus  rigoureuse  et  plus  propre 
aux  fins  pour  lesquelles  elle  étoit  faite. 

Faire  une  loi  et  ne  la  pas  faire  exécuter,  c'étoit  auto- 
riser la  chose  qu'on  vouloit  défendre1;  partant,  il 
v;iloit  beaucoup  mieux  réduire  l'édit  en  un  point  où  il 
pût  être  infailliblement  observé  que  le  rendre  plus  ter- 
rible en  apparence,  pour  n'être  pas  suivi  d'effet;  ce 
•  |in  irriveroit  si  l'édit  demeuroit  tel  qu'il  étoit,  puisque 
ce  royaume  étoit  le  même  qu'il  avoit  été  par  le  passé  ; 

Que  les  conseils  de  prudence  dévoient  venir  de  peu 
,ens  et  que  les  grandes  compagnies  n'étoient 
bonnes  qu'à  faire  observer  une  règle  écrite,  mais  non 
l  la  tiiire.  La  raison  étoit  que,  comme  les  bons 
esprits  sont  beaucoup  moindres  en  nombre  que  les 
m»<liocres  ou  les  mauvais,  la  multitude  de  ceux  de  ces 
déni  derniers  genres  étouffait  les  sentiments  des  pre- 
miers d'ans  une  grande  compagnie. 

Le  Roi,  ayant  entendu  ces  raisons,  envoya  au  I'ar- 

!  (  .t  Maximes  d'État,  fragment  139  :  «  C'est,  disait  le  con- 
sul Fronto,  une  grande  pitié  de  vivre  sous  un  prince  qui  ne 
rien  remettre  de  la  rigueur  du  droit.  Mais  elle  est  encore 
plus  grande  de  demeurer  au  pays  d'un  autre  sous  lequel 
toutes  choses  sont  loifiblM  et  qui,  par  un.-  pusillanimité  ou 
ii"n  lialance,    pardonne    sans    auon,  ion    toutes    les 

choses  qui  s'y  font  contre  la  loi  et  la  raison.  > 

I  M 


274  MÉMOIRES  DE  RICHELIEU.  [16261 

lement  une  jussion  en  vertu  de  laquelle  l'édit  fut  vérifié, 
selon  sa  forme  et  teneur,  le  24e  mars1. 

L'effet  a  montré  combien,  d'une  part,  la  modéra- 
tion de  la  peine,  et,  de  l'autre,  l'inflexible  fermeté  à 
n'en  exempter  aucun,  ont  été  profitables,  vu  que,  depuis 
ce  temps,  cette  fureur,  qui  étoit  si  ardente,  s'est  ralen- 
tie, et  il  ne  s'est  quasi  plus  entendu  parler  de  duels. 

Praslin2,  le  premier  infracteur  de  l'édit,  quoiqu'il  fût 
homme  de  considération  pour  les  services  de  son  père 
et  particulièrement  en  la  bonne  grâce  du  Roi,  subit 
toutes  les  peines  ordonnées,  sans  qu'on  lui  en  relâchât 
aucune.  Il  fut  banni,  perdit  sa  lieutenance  du  Roi  en 
Champagne,  sa  charge  de  bailli  de  Troyes  et  le  gouver- 
nement de  Marans,  auxquelles  charges  le  Roi  pourvut 
incontinent3. 

Cette  exacte  observation  de  l'édit  en  sa  personne  en 
fit  sages  plusieurs  autres,  qui  croyoient  que  le  pardon 
seroit  aussi  facile  à  obtenir  qu'auparavant. 

1.  Arch.  nat.,  X*a  1967,  fol.  11  v°-20  v°  de  ce  jour. 

2.  Roger  de  Choiseul,  marquis  de  Praslin,  fils  du  maréchal 
de  Praslin,  mestre-de-camp  général  de  la  cavalerie  légère, 
maréchal  de  camp,  lieutenant  général  au  gouvernement  de 
Champagne,  tué  à  la  Marfée,  dans  l'armée  royale,  le  6  juillet 
1641.  Il  se  battit  en  duel  avec  le  marquis  de  Vardes  dans  le  cou- 
rant de  mai  suivant. 

3.  Cf.  Journal  inédit  d'Arnauld  d'Andilly,  1626,  p.  26,  mardi 
2  juin.  «  Ils  furent  les  premiers,  dit  le  Mercure  françois, 
t.  XII,  p.  334,  à  qui  l'on  fit  pratiquer  le  dernier  édit  des 
duels  touchant  le  bannissement  pour  six  ans;  tous  deux  per- 
dirent leurs  pensions;  le  marquis  de  Praslin  perdit  sa  lieute- 
nance du  Roi  en  Champagne  et  son  état  de  bailli  de  Troyes, 
desquels  Barradas,  appelé  Monsieur  le  Premier,  fut  pourvu,  et 
son  gouvernement  de  Marans  fut  donné,  dit-on,  au  sieur  de 
Guron.  » 


APPENDICES 


Appendicb  I. 

Instruction  remise  par  Marie  de  Mèdicis  à  Henriette 
de  France  avant  son  départ  pour  l'Angleterre1. 

N  M  reproduisons  ce  document  d'après  le  manuscrit  A, 
fol.  176-183,  (}ue  nous  avons  rapproché  de  sa  source,  conser- 
vée aux  Affaires  étrangères,  Angleterre,  supplément  1,  fol.  228- 
231.  Cette  copie  porte  au  dos  la  mention  suivante  de  Charpen- 
tier :  €  Instruction  de  la  Reine  mère  du  Roi  à  la  reine  de  la 
Grande-Bretagne,  sa  fille,  allant  en  Angleterre.  Employé.  » 

A  Amiens,  le  15  juin  16252. 
Mi  fille,  roui  séparant  de  moi,  je  ne  me  puis  séparer 
de  vous;  je  vous  conserve  dans  mon  cœur,  en  mon  sein  et 
en  ma  mémoire,  et  veux  que  ce  papier  vous  demeure  pour 
un  souvenir  perpétuel  de  ce  que  je  vous  suis.  Il  suppléera 
à  mon  défaut  et  parlera  pour  moi  lorsque  je  ne  vous  pour- 
nu  plus  parler  moi-même.  Je  vous  le  donne  dans  le  der- 
nier adieu  que  je  vous  fais  avant  de  vous  quitter  pour 
l'imprimer  «l;tv;mtage  en  votre  esprit  et  vous  le  donne 
écrit  de  ma  propre  main,  afin  <|ii'il  vous  soit  plus  cher  et 
que  vous  fassiez  plus  d'étal  de  ce  qu'il  contient  pour  votre 
eoodnitc  envers  Dieu,  envers  le  roi  votre  m;iri.  fet  sujets, 
vos  domestiques  et  vous-même.  Je  vous  dis  ici  sincère- 

1.  Ci-dessus,  p.  100. 

2.  Cette  date  est  donnée  par  les  copies  du  document  qui  se 

nt  a  la  Bibliothèque  nationale,  rus.  Dupuy  031,  fol.  98, 
.  t  Ciu.j-r.'nts  Colbcrt  2,  fol.  114. 


276  APPENDICES. 

ment,  en  la  dernière  heure  de  notre  entretien,  ce  que  je 
vous  dirois  à  la  dernière  heure  de  ma  vie,  si  lors  je  vous 
avois  proche  de  moi.  Je  considère,  à  mon  grand  regret,  que 
vous  n'y  pourrez  être  et  que  la  séparation  qui  se  fera  lors 
de  vous  et  de  moi  est  anticipée  par  ce  partement  qui  nous 
sépare  pour  longtemps. 

Vous  n'avez  plus  sur  la  terre  que  Dieu  pour  père.  Il  le 
sera  à  jamais,  puisqu'il  est  éternel.  C'est  celui  de  qui  vous 
tenez  l'être  et  la  vie  ;  c'est  lui  qui,  vous  ayant  fait  naître 
d'un  grand  foi,  vous  met  aujourd'hui  une  couronne  sur 
la  tête  et  vous  établit  en  Angleterre,  où  vous  devez  croire 
qu'il  veut  que  vous  le  serviez  et  y  fassiez  votre  salut. 
Qu'il  vous  souvienne,  ma  fille,  chaque  jour  de  votre  vie, 
qu'il  est  votre  Dieu  et  qu'il  vous  a  mise  sur  la  terre  pour 
le  ciel  et  vous  a  créée  pour  lui-même  et  pour  sa  gloire.  Le 
feu  roi  votre  père  a  déjà  passé  et  n'est  plus  ici-bas  qu'un 
peu  de  poudre  et  de  cendre  cachée  à  nos  yeux;  un  de  vos 
frères  a  fait  le  même  dès  son  enfance.  Dieu,  qui  l'a  retiré 
de  si  bonne  heure,  vous  a  réservée  au  monde  pour  vous  y 
combler  de  ses  bienfaits.  Mais,  comme  il  vous  a  avantagée1 
de  cette  sorte,  il  vous  oblige  aussi  à  lui  en  rendre  plus  de 
reconnoissance,  étant  juste  que  les  devoirs  augmentent  à 
proportion  que  les  grâces  et  les  faveurs  sont  plus  grandes 
et  plus  signalées.  Donnez-vous  bien  garde  d'abuser  de  celles 
qu'il  vous  fait.  Pensez  que  la  grandeur,  la  bonté  et  la  jus- 
tice de  Dieu  sont  infinies,  et  employez  toute  la  force  de 
votre  esprit  à  adorer  sa  puissance  suprême,  h  aimer  son 
incroyable  bonté  et  craindre  son  exacte  et  rigoureuse  jus- 
tice, laquelle  il  fait  ressentir  à  ceux  qui  se  rendent  indignes 
de  ses  grâces.  Commencez  et  finissez  chaque  journée  en 
votre  oratoire  par  ces  bonnes  pensées,  et  là,  en  vos  prières, 
prenez  résolution  de  conduire  le  cours  de  votre  vie  selon 
les  lois  de  Dieu  et  non  selon  les  vanités  du  monde,  qui  n'est 

1.  Angleterre,  supplément  1  :  «  il  vous  avantage  ». 


MM;  277 

.1  nhnouu  de  nt»ii>  « 1 11  '  11 11  inouï. Mil  duquel  dépend  votre  éter- 
n i t.-  que  vous  devez  passer  l'iiim  paradis  a\er  Dieu  si  vous 
bien,   ou  en  enfer  avec  les  teints   malins  si  vous 
«>  mal. 
venez-vous  que  vous  êtes  fille  de  l'Église  etquec'est 
principale  qualité  que  vous  ayez  et  que  vous 
a  un  ■/.  jamais     i   est   <  elle  rjui  vous  donne  entrée  au  ciel; 
tira  tKgi    tés,  comme  venantes  de  la  terre,  ne  passent 
point    la    terre,    mais  celle-ci,   comme  venante  du  ciel, 
renne  source  et  vous  y  élève.  Rendez  grâces  à 

I)i<u   chaque  jour  de  ce  qu'il   vous  a   fait  chrétienne  et 
catholique     -  -stimezce  bienfait  comme  il  le  mérite  et  con- 
/  qu'ainsi  qu'il  nous  est  acquis  et  communiqué  par 
i\auv   et   par  le  sang  précieux  de   son    fils   unique 
Jésus-Christ  notre  Sauveur,  il  doit  être  aussi  conservé  par 
nos  peines  et   même  au  prix  de  notre  sang,   s'il   en  est 
besoin.    Offre/    votre   âme  et  votre  vie  à  celui  qui  vous 
ir  sa  puissance  et  rachetée  par  sa  bonté  h  misé- 
priez-le  et   le   faites  prier  incessamment  qu'il 
le   don  précieux  de    la  foi  et  de   la  g 
et  qu'il    lui    plaise  que  vous    perdiez    plutôt    la   vie    que 
déchoir.  Vous  êtes  petite-fille  de  saint  Lotus;  je  veux 
i|u<  roof  reeeriei  de  moi  en  ce  dernier  adieu  la  même  ins- 
irin  lion  qa>'il    recevoit    soureut  de  sa  mère  qui    lui  disoit 
qu'elle  aimoit  miens  le  voir  mourir  que  de  le  voir  offen- 
iet  Dion,  qui  est  notre  tout  «-t  notre  rie.  (''est cette  instruc- 
tion qui  |  i  ommenoé  ■  le  faire  saint  et  qui  l'a  rendu  digne 
d'emploj(  et  sa  couronne  pour  le  bien  de  la  foi  et 

letton  il.    l'Eglise.  Sovez  ferme  et  zélée  en  la  religion 
qu'elle  roui  et  pour  la  défense  de  laquelle  ce  saint. 

\otre  bisaïeul,  a  exposé  sa  vie  et  est  mort  saint  et  fidèle 
.  -litre  les  infidèles  et  pervers.  N'écoutez  et  ne  souffrez  jamais 
\oire  présence  on    dise   rien  de  contraire  à  votre 
créance  et  à  votre  religion.  Nous  avons  les  proi 

;  de  la  Grande-Bretagne  et  du  roi  son  file,  rotre  Henri, 


278  APPENDICES. 

qu'on  ne  le  fera  pas;  mais  il  est  de  besoin  que  vous  appor- 
tiez de  votre  part  une  si  ferme  résolution  et  une  telle  sévé- 
rité en  ce  point  que,  si  quelqu'un  vouloit  entreprendre  le 
contraire,  il  aperçoive  aussitôt  que  vous  ne  pouvez  souffrir 
cette  licence.  Votre  zèle  et  votre  courage  seront  fort  bien 
employés  en  ce  sujet  et,  dans  la  connoissance  que  vous 
avez  de  ce  qui  est  nécessaire  pour  votre  salut,  votre  humi- 
lité sera  estimée,  si  vous  fermez  les  oreilles  aux  propos 
qu'on  voudroit  vous  tenir  de  la  religion  et  remettre  à  l'Eglise 
d'en  parler  pour  vous,  persévérant  en  la  simplicité  de  la  foi, 
en  laquelle,  pour  vous  affermir  de  plus  en  plus,  vous  ouvri- 
rez votre  esprit  à  ceux  qui  auront  le  soin  de  votre  cons- 
cience pour  leur  rendre  compte  de  tout  ce  qui  la  regardera. 
Fréquentez  les  sacrements,  qui  sont  la  vraie  nourriture  des 
bonnes  âmes,  et  communiez  tous  les  premiers  dimanches 
des  mois,  toutes  les  fêtes  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ 
et  celle  de  sa  très  sainte  mère,  à  laquelle  je  vous  exhorte 
d'avoir  une  dévotion  particulière.  Vivant  ainsi,  vous  ferez 
des  œuvres  dignes  de  la  foi  que  Dieu  vous  a  empreinte  et 
que  vous  devez  conserver  beaucoup  plus  chèrement  que 
votre  propre  vie. 

Ayez  soin  de  protéger  envers  le  roi  votre  mari  les  catho- 
liques, afin  qu'ils  ne  tombent  plus  dans  la  misère  d'où 
ils  sont  sortis  parle  bonheur  de  votre  mariage.  Soyez  envers 
eux  une  Esther,  qui  eut  cette  grâce  de  Dieu  que  d'être  la 
défense  et  la  délivrance  de  son  peuple  envers  son  mari 
Assuère.  Par  eux,  Dieu  vous  bénira  même  dès  ce  monde, 
vous  fera  en  leur  faveur  beaucoup  de  grâces  et  tiendra  fait 
à  lui-même  ce  que  vous  ferez  en  leur  personne.  Ne  les 
oubliez  pas,  ma  fille;  Dieu  vous  a  envoyée  en  ce  pays 
pour  eux  ;  car  c'est  son  peuple  et  son  peuple  qui  a  souf- 
fert depuis  tant  d'années.  Accueillez -les  avec  charité, 
écoutez-les  avec  facilité,  protégez-les  avec  assiduité.  Vous 
le  devez,  car  ils  sont  recommandables,  non  seulement  à 
cause  des  afflictions  qu'ils  ont  reçues,  mais  encore  davan- 


APPENDICES.  M 

tage  à  cause  de  la  religion  pour  laquelle  ils  ont  pâti.  En 
minaudant  ceux-ci,  je  n'entends  pas  que  vous 
oubliiez  en  m»>  charités  et  en  vos  fimtm  ceux  mêmes 
(|in  sont  d'une  autre  religion,  car  c'est  assez  qu'ils 
soient  en  ailliction  pour  vous  obliger  à  les  secourir;  et, 
puisque  Dieu  vous  fait  leur  reine,  il  vous  oblige  con- 
séquemmenl  à  les  assister,  et  vous  le  devez  faire  d'au- 
tant plus  volontiers  que  vous  devez  les  édifier  par  cette 
voie  et  les  disposer  charitablement  à  sortir  de  l'erreur  où 
le  malheur  du  siècle  les  a  portés  plus  que  leur  propre 
volonté.  En  quoi  peut-être  votre  assistance  leur  donnera 
sujet  de  se  convertir  à  Dieu,  en  sorte  qu'un  jour  ils  vous 
précéderont  au  rovaume  des  cieux. 

Après  Dieu  et  la  religion  qu'il  a  établie  au  monde  pour 
nous  donner  moyen  de  le  servir  et  d'opérer  notre  salut, 
votre  premier  devoir  c'est  au  roi  auquel  Dieu  vous  a  liée 
par  le  sacrement  de  mariage.  Aimez-le  comme  votre  époux 
et  l'honorai  comme  votre  roi,  sans  que  l'amour  diminue 
le  respect,  ni  le  respect  l'amour  que  vous  lui  devez.  Ayez 
toujours  une  familiarité  respectueuse  envers  lui,  le  consi- 
dérant \otr«>  (  lui.  Hende/.-vous  douce,  humble  et  patiente 
en  ses  volontés,  mettant  votre  contentement  non  à  vous 
lire,  mais  à  le  contenter.  Que  s'il  y  avoit  quelque 
chose  a  donner  ;i  Dieu  en  cela,  vous  le  devez,  et  si  vous  le 
faites,  Dieu  vous  bénira  et  en  la  terre  et  au  ciel.  Prenez 
auprès  de  lui  d'autant  moins  d'autorité  en  apparence,  que 
plus  il  s.-  portetl  pnrea  bonté  ;t  \<>us  en  donner  en  effet; 
votre  soin  doit  être  de  l'ai  met  H  I  et  non  pas  de 

régner.  Ne  faites  du  tout  rien  que  nous  pensiez  lui  déplaire 
t. oit  soit  peu  Oui  \<>tre  conduite  lui  témoigne  comme,  après 
Dieu,  tout  votre  désir  est  de  lui  |  >l;ii  te  ;  soyez  fidèle  et  secrète 
en  ce  qu  il  rendra,  vous  communiquer1;  c'est  ainsi  que 
amour  doit  é  <t   conduit  en\ers  lui,  amour 

1     \iu'lit.rir,  MpplénMnl  i  :  ■  témoigner  ». 


280  APPENDICES. 

sincère,  humble  et  fidèle,  amour  honnête  et  respectueux. 
Vous  lui  devez  encore  une  autre  sorte  d'amour,  c'est  un 
amour  chrétien  aimant  son  âme  et  son  salut,  l'aimant  pour 
le  ciel  et  non  pour  la  terre.  Par  cette  sainte  affection,  priez 
chaque  jour  et  faites  prier  Dieu  extraordinairement  pour 
lui,  a  ce  qu'il  daigne  le  tirer  à  la  vérité  de  la  religion  en 
laquelle  et  pour  laquelle  même  est  morte  sa  grand'mère. 
C'est  un  souhait  qu'elle  a  dans  le  ciel  pour  son  petit-fils, 
et  ce  doit  être  votre  plus  ardent  désir  en  la  terre;  c'est  un 
des  fruits  qu'il  faut  espérer  de  votre  mariage,  et  comme  je 
crois  c'est  un  des  desseins  de  Dieu  sur  vous,  qui  vous  veut 
faire  en  nos  jours  une  autre  Berthe,  fille  de  France  comme 
vous,  et  reine  d'Angleterre  comme  vous,  laquelle  obtint 
par  sa  sainte  vie  et  par  ses  prières  le  don  de  la  foi  à  son 
mari,  et  à  cette  île  en  laquelle  vous  allez  entrer.  Par  ce 
saint  désir,  vous  devez  faire  effort  à  vous-même  en  plusieurs 
choses  qui  seront  peut-être  difficiles  à  votre  humeur;  mais 
vous  êtes  obligée  de  vous  oublier  pour  vous  rendre  davan- 
tage a  celui  que  Dieu  vous  donne,  et  pour  lui  complaire  en 
ses  humeurs  et  volontés,  j'entends,  ma  fille,  hors  ce  qui 
concerne  la  religion.  Car,  en  ce  point,  vous  devez  avoir  et 
montrer  de  bonne  heure  tant  de  constance  et  de  fermeté,  que 
vous  ne  craigniez1  point  de  lui  dire  hardiment  et  franche- 
ment que  vous  aimeriez  mieux  mourir  que  de  vous  relâcher 
en  la  moindre  chose  du  monde  en  ce  qui  est  de  votre  religion  ; 
il  vous  en  estimera  davantage,  étant  certain  que,  s'ilvoyoit 
que  vous  manquassiez  à  Dieu  à  son  occasion,  il  croiroit 
aisément  que  vous  manqueriez  encore  plus  facilement  à 
lui-même,  puisqu'il  n'est  rien  que  l'ombre  et  l'image  de 
Dieu.  Pensez-y  bien,  ma  fille,  et  vous  souvenez  qu'il  y  va 
de  votre  salut  et  de  votre  éternité.  La  crainte  de  ce  péril 
est  la  seule  chose  qui  me  fait  trembler  eu  vous  laissant,  et 

1.  Nous  suivons  la  leçon  d'Angleterre,  supplément  1.   Le 
manuscrit  A  porte  par  erreur  «  croyez  ». 


UN  MHi  KS  281 

(|ui  m  a  m. u  Mines  fois  arrêter  dans  le  traité  de  cette 
alliance.  J'ai  mon  recours  à  Dieu  et  la  supplie  (|u'il  vous 
le  «  «•  danger,  et  que  jamais  vous  n'écoutiez  la  voix 
du  serpent  <|tii  h  séduil  Eve  el  qui  vous  voudrait  séduire 
Il  m  peut  entrer  en  ma  pensée  tjm-  ce  malheur  vous  arrive, 
ipère  (le  la  bonté  de  Dîeo  «jim*  œU  M  sera  jamais; 
mais,  s  il  arrivoit,  j'ai  horreur  de  penser  que  je  serois  con- 
trainte de   donner  ma   malédiction   à   une   personne   qui 

si  chère,  ne  vous  pouvant  tenir  pour  ma  fille  qu'au- 
tant <|in'  vous  demeurerez  fille  de  Jésus-Christ  et  de  son 
se,  hors  laquelle  il  n'y  a  point  de  salut. 

iiour  que  nous  devez  au  roi  votre  mari  vous  oblige  à 
aimer  ses  sujets',  à  leur  donner  accès  avec  lui  et  à  leur  pro- 

•n  tout»   occasion  tout  le  bien  qui  vous  sera  possible, 
•  mme  Dieu  vous  a  fait  leur  reine,  rendez-vous  leur 

et  qu'ils  re<  onnoissent  en  vous  ces  deux  qualités. 
Le  mariage  vous  donne  I  une,  et  votre  bonté  envers  eux 
\oiis  doit  donner  l'autre,  qui  vous  rendra  beaucoup  plus 
aimée  et  honorée.  Votre  qualité  de  reine  vous  lie  à  l'An- 
gleterre, et,  partant,  vous  devez  désormais  en  considérer 
les  intérêts  :  et  parce  qu'un  des  principaux  est  d'être  insé- 
parablement unie  avec  ce  royaume  à  qui  telle  union 
importe  également,  vous  êtes  obligée  de  vous  rendre  le  lien 
e:  le  c 'inieiu  de  (es  deux  eouroinies.  et  contribuer  tout  ce 
<|ue  nous  ponrTM  i  lent  bien  mutuel.  Il  vous  sera  d'au- 
tant plus  .lis.,-  ,|,   latîsfiûn  en  ce  point  aux  obligations  de 

i aissance  et  de  votre  mariage  que  vous  n'aurez  qu'à 
suivre  rinclination  et  la  bonne  intelligence  qui  est  entre 
deux  rois,   dont  l'un  est  votre  frère  et  l'autre  est  votre 

1.  Angleterre,  supplément  1  :  «  à  aimer  ses  sujets  et   ion 

i   donc    prompte   et    facile  à  bien  faire  à  ses 
sujets,  à  leur  donner  accès  envers  lui...  » 

2.  M  |       -•  moi  i  .t.-  déformé  par  le  scribe;  nous  le 
rétablissons  d'après  Angleterre,  supplément  1 


282  APPENDICES. 

Ce  que  je  vous  ai  dit  jusques  ici  regarde  vos  devoirs 
principaux  envers  Dieu  et  la  religion,  envers  le  roi  et  le 
royaume  :  il  me  reste  encore  à  vous  entretenir  de  ce  que 
vous  devez  à  vos  domestiques  et  à  vous-même.  Ayez  soin 
que  tous  vos  domestiques,  excités  par  votre  exemple, 
rendent  à  Dieu  et  à  la  religion  ce  qu'ils  doivent,  et  qu'ils 
soient  remarquables  en  l'intégrité  des  mœurs.  Vous  pou- 
vez assurément  croire  que,  s'ils  servent  bien  Dieu,  il  vous 
serviront  bien;  qu'ils  sachent1  que  vous  avez  cette  créance 
et  que  vous  ne  pouvez  autrement  prendre  confiance  en  eux. 
Ne  souffrez  entre  eux  aucunes  personnes  vicieuses,  dont  le 
mauvais  exemple  attireroit  sur  vous  l'indignation  de  Dieu 
et  le  mépris  des  hommes.  Traitez  bien  vos  serviteurs  et  les 
aimez  également,  n'y  faisant  autre  différence  dans  votre 
bienveillance  et  vos  bienfaits  que  celle  que  le  mérite  et  la 
vertu  y  apporteront  :  ainsi  ils  vous  honoreront  et  serviront 
comme  maîtresse  et  vous  reconnoîtront  et  aimeront 
comme  mère. 

Pour  ce  qui  est  de  votre  particulier,  ma  fille,  soyez  un 
exemplaire  d'honneur,  de  vertu  et  de  modestie  ;  que  votre 
port,  votre  maintien  ressentent  l'honnêteté,  la  pudicité,  la 
débonnaireté  même,  en  un  mot  la  dignité  de  votre  nais- 
sance et  du  rang  que  vous  tenez.  Ayez  une  douceur  accom- 
pagnée d'une  gravité  royale  ;  usez  d'une  très  grande  dis- 
crétion en  la  licence  que  la  façon  de  vivre  d'Angleterre 
donne  aux  dames,  qui  y  ont  autant  de  liberté  comme  elles 
ont  de  contrainte  en  d'autres  royaumes.  Comme  votre  nais- 
sance vous  rend  relevée  par-dessus  les  personnes  ordinaires, 
vous  le  devez  aussi  être  en  votre  façon  de  vivre,  vous  condui- 
sant en  sorte  que  cette  retenue  que  je  vous  conseille  d'obser- 
ver paraisse  en  vous  non  forcée,  mais  naturelle.  Soyez  offi- 
cieuse et  presque  respectueuse  envers  tous,  n'offensant 
jamais  personne  ni  de  parole  ni  d'effet;  faites  qu'ils  con- 

1 .  Angleterre,  supplément  1  :  a  qu'ils  sachent,  je  vous  prie  ». 


APPENDICES.  283 

t  ijiie  rautorité  que  vous  avez  par-dessus  eux  est 
[><»ur  l«Mir  bien  faire  el  DM  pour  les  déprimer  ou  offenser. 
misse/  de  \otre  personne  II  médisance  et  la  moquerie, 
\i< n  1  ordinaires  en  la  tour  dos  grands,  qui  diminuent  l'af- 
u)  <l«  s  sujets  envers  leur  princes. 
Je  ne  finirais  jamais  si  je  n'arrétois  les  mouvements  de 
mou  cn'iir,  tant  je  suis  émue  et  remplie  de  diverses  pen- 
sées; mais  il  faut  achever.  Il  faut  me  j«  \ous  laisse  partir, 
que  je  donne  lieu  à  mes  pleurs  et  que  je  prie  Dieu  vous 
inspirer  pour  moi  ce  que  je  ne  puis  vous  dire  et  ce  que  mes 
larmes  effaceraient  si  je  pensois  l'écrire.  Adieu,  ma  fille, 
je  vous  Liisse  et   \ous  livre  à  la  garde  de  Dieu  et  de  son 
ange;  je  vous  donne  à  Jésus-Christ,  son  fils  unique,  Notre- 
_rneur  et  Rédempteur.  Je  supplie  la  Vierge,  de  laquelle 
\ous  porte/  le  nom,  de  daigner  être  mère  de  votre  âme,  en 
l'honneur  de  ce  qu'elle  est  mère  de  votre  Dieu  et  votre 

lien  encore  une  ou  plusieurs  fois;  vous  êt« 
Dieu:  demeure/,  ii  Dieu  pour  jamais1. 

Appendice  II. 

Discours  sur  la  légitimité  d'une  alliance  avec  les  hérétiques 

et  les  infidèles. 

La  source  principale  du  «  Discours  qui  prouve  la  justice 
de  l'alliance  du  roi  de  France  avec  les  hérétiques  et  les  infi- 
dèles* »  est  un  mémoire  conservé  aux  AIT.  étr.,  Hollande  9, 
fol.  107-415,  et  signalé  par  Avenel,  t.  ¥1,  p.  543,  note  2  : 
«  Sa  de  secourir  les  !l<.|landois  ».  Ce  docu- 

ment porte  la  mention  «  Employé  »  ;  il  a  été  établi  pow  une 

I  large  part  à  l'aide  d  emprunts  au  Cat/iuli<jit,  ./  /  Mol  (1025) 
r*. 

1    ci-dessus,  p.  203. 

I  oyez  l'allusion  à  ce  discours  faite  dans  le   Testament 
politique.  .Succincte  nurnitton,  éd.  de  1764,  p.  19. 

lavaud  a  déjà  péri    <lu  CmtÂdi^m»  <i  Emoi  dans  les 


284  APPENDICES. 

Le  mémoire  de  Hollande  9  contient  plusieurs  allusions  à  des 
faits  très  postérieurs  à  l'année  1625  (conclusion  du  traité  de 
Rohan  avec  l'Espagne;  invasion  des  États  du  duc  de  Mantoue  : 
«  Le  Roi,  qui  a  abattu  la  rébellion  de  l'hérésie.:.  »);  il  a  été 
probablement  rédigé  à  la  fin  de  1629  ou  au  début  de  1630,  en 
vue  du  renouvellement  de  l'alliance  hollandaise  conclu  le  17  juin 
1630.  Les  secrétaires  des  Mémoires,  tout  en  notant  ces  ana- 
chronismes,  les  ont  cependant  laissés  subsister,  à  l'exception 
d'une  phrase  modifiée  par  Sancy. 

Le  mémoire  intitulé  :  «  Savoir  s'il  est  licite  de  secourir  les 
Hollandois  »,  a  été  complété  par  un  exposé  des  rapports  de 
Henri  III  et  Henri  IV  avec  l'Espagne  et  des  responsabilités 
encourues  par  Charles-Quint  à  l'occasion  du  schisme  d'Alle- 
magne et  d'Angleterre. 

Il  n'y  a  pas  de  doute  qu'on  peut  appeler  les  hérétiques, 
voire  même  les  infidèles,  à  son  secours,  et  faire  ligue  avec 
eux  pour  se  défendre  simplement  d'un  ennemi.  La  raison 
naturelle  qui  oblige  un  chacun  à  sa  conservation  par  toutes 
sortes  de  moyens  non  illicites  nous  le  fait  connoître,  puis- 
qu'il n'y  a  point  de  loi  qui  nous  défende  un  tel  secours. 

L'Ecriture  nous  enseigne  la  même  chose  par  divers 
exemples  de  ligues  avec  des  infidèles,  et  l'histoire,  qui 
fait  foi  de  la  pratique  des  siècles  passés,  nous  ôte  tout  lieu 
d'en  douter. 

Le1  roi  Salomon  a  eu  alliance  avec  le  roi  Hiran  et  a 
baillé  et  assujetti  une  des  villes  du  peuple  de  Dieu  à  un 
roi  idolâtre  et  infidèle;  il  épousa  aussi  la  fille  de  Pharaon. 

David  avoit  alliance  avec  Hanum  et  plusieurs  autres 
princes  infidèles. 

Rapports  et  notices  sur  les  Mémoires  de  Richelieu,  t.  II,  p.  117, 
et  M.  Maximin  Deloche  en  a  fait  une  étude  complète  dans  Autour 
de  la  plume  du  cardinal  de  Richelieu,  p.  297-348. 

1.  Ici  commence  un  long  fragment  qui  figure  à  la  marge  du 
mémoire  original  et  est  tout  entier  emprunté  au  Catholique 
d' Estât,  p.  152-160. 


APPENDICES.  285 

Les  empereurs  chrétiens  ont  lai»  souvent  alliance  avec 
\m  (i<»ths  et  les  Arabes,  qui  ont  été  des  fléaux  horribles 
sur  la  chrétienté. 

Nicetas  témoigne  qu'Isacius  Angélus,  empereur  de  Cons- 
tantinople,  qui  avoil  été  homme  d'Eghsc  et  qui  M  bou- 
les religieux,  fit  alliance  avec  un  roi  des 
Arabes  sarrasins  et  s'en  servit  oonlra  «les  catholiques.  Si 
.  alliance  est  remarquable  a  cause  de  la  dévotion  par- 
ticulière d'Isacius,  elle  ne  l'est  pas  moins  pour  la  forme 
qu'ils  pratiquèrent.  Ils  se  firent  tous  deux  ouvrir  une  veine 
.  t  luirent  .lu  sang  l'un  de  l'autre  :  ce  qui  montre  ce  que 
peut  la  nécessité,  puisqu'elle  contraignoit  ce  pieux  empe- 
reur de  suisie  la  forme  des  Arabes. 

I  es  rois  de  France  de  la  première  race  ont  épousé  des 

tilles  [des  Goths];   les  rois  d'Espagne  sont  descendus  de 

(.util»  .t  leurs  écrivains  prouvent  qu'ils  doivent  pré- 

ler  les  rois  de  France,  parce  qu'ils  sont  plus  anciens 

somme  étant  venus  de  ces  Goths. 

Abraham  lit  alliance  avec  Abimélech  pour  lui  et  sa  pos- 
térité en  Bersebat. 

A>  fit  alliance  avec  Laban,  idolâtre,   et  épousa  ses 

Les  enfants  d'Israël,  excepté  les  sept  peuples  dont  Dieu 
leur  avoil    Interdit   l'alliance,  avoient  paix  et  intelligence 
LOtlOS,   encore  qu'ils  lussent   tous  infidèles. 
I.oth,   neveu    <l '  Mtraham,   étoit  allié   avec    les  rois  de 

.  ivc.it  al  enmbatloit  avec  eux. 
Bnbor  «toit  allié  avec  Jabin,  infidèle. 

Les    MaohabéOS,    quoique    très   grands    /«dateurs    en    la 
essité  de  leurs  affaires,  ont  fait  alliance  avec  les  Lacé- 
démoniens  et  avec  les  Romains.  Josèphe  .  t  quelque»  autres 
ju'ils  ont   failli;  niais  S-  1 1  ..tins,  jésuite,   prouve  pal 
M  i.iiscns  que  cela  est  faux,  loue  leur  action  et  en  éta- 
blit  puissamment  la  justice. 

•  les  nécessités  urgentes,  il  y  a  eu  des  papes  qui  ont 


286  APPENDICES. 

traité  avec  des  Turcs;  et  le  Pape  se  plaignant  au  cardinal 
d'Ossat  de  ce  que  le  Roi  avoit  reçu  l'ambassadeur  de  Hol- 
lande, il  lui  répondit  :  «  Saint-Père,  vous  avez  bien  reçu 
celui  de  Perse5.  » 

Mais  il  est  question  de  savoir  si  l'on  peut  faire  ligue 
avec  tels  gens  pour  attaquer  un  prince  catholique  au  détri- 
ment de  la  religion  ;  la  réponse  est  aisée. 

On  ne  peut  sans  péché  s'allier  et  faire  ligue  avec  des 
hérétiques  ou  infidèles  ayant  pour  but  d'attaquer  un 
prince  catholique  pour  faire  détriment  à  la  religion,  vu 
que  cette  fin  est  pernicieuse  et  damnable,  et  qu'il  n'est 
jamais  permis  de  faire  un  mal,  quelque  bien  qu'il  en 
puisse  arriver1. 

Mais  un  État  qui  a  légitime  sujet  de  se  plaindre  d'un 
prince  catholique  pour  les  torts  qu'il  en  a  reçus  et  a  juste 
occasion  de  craindre  d'en  recevoir  encore  à  l'avenir,  vu 
sa  grande  puissance  et  la  mauvaise  volonté  qu'il  lui  porte, 
peut  bien  pour  sa  sûreté  faire  sans  péché  ligue  avec  des 
hérétiques  et  infidèles  contre  le  susdit  prince  catholique, 
et  en  suite  d'icelle  ligue  les  attaques  qu'on  fera  contre 
ce  prince  seront  licites,  parce  que  ledit  détriment  n'arrive 
pas  par  dessein  comme  si  l'on  s'étoit  proposé  pour  fin  de 
le  procurer,  mais  seulement  par  accident,  et  qu'on  le  voit 
avec  déplaisir,  et  le  souffre-t-on  parce  qu'on  ne  sauroit 
l'empêcher,    supposé    la    liaison    ci-dessus    mentionnée, 

1.  Catholique  d' Estât,  p.  160.  Ici  finit  le  passage  ajouté  à  la 
marge  de  Hollande  9. 

2.  Comparez  le  passage  suivant  du  mémoire  du  P.  Joseph, 
cité  par  l'abbé  Dedouvres,  le  Père  Joseph  polémiste,  p.  577  : 
«  La  plus  importante  difficulté  est  de  savoir  si  on  peut  faire  la 
guerre  avec  telles  gens,  hérétiques  ou  infidèles,  pour  attaquer 
un  prince  catholique  au  détriment  de  la  religion.  A  quoi  la 
réponse  est  pourtant  aisée,  étant  véritable  que  cette  alliance 
n'est  pas  illicite,  si  ce  n'est  qu'elle  fût  à  dessein  exprès  de  rui- 
ner ou  causer  quelque  dommage  à  la  religion.  » 


APPENDICES.  287 

laquelle  la  raison  ei  !■  pmdnuui  Iiiiiusjmsj  fciil  jngat  litote 
pour  procurer  hi  subsistance  «  1  *  *  l'Étal  auquel  on  est. 
point,  il  faut  considérer  qu  il  v  ;i  deux  sortes  de 
défense*. 

Ls  première,  par  laquelle  nons résistons  a  un  effort  pré- 
<<nt  en  sctnel  qu'on  fait  contre  nous. 

Ls  seconde,  par  laquelle  connoissanl  la  mauvaise  vo- 
lonté  de  dos  ennemis,  nons  nous  fortifions  et  imitons  en 
étal  de  nous  garantir  de  leur  malice  :  ce  qui  mil  quelque- 
lois   que  ce   qui  seroil   attaqné   sous  cette  considération 
passe  et  est  réputé  pour  juste  défense,  principalement  si 
ipérience  dommageable  nous  a  fait  connottre  la  mau- 
rolonté  de  nos  ennemis,  et  que  nous  n'ayons  aucune 
.h  de  croire  qu'ils  l'ayent  perdue,  ains  au  contraire 
tout  sii|.  i  d'estimer  qu'ils  nous  veulent  autant  de  mal  que 
j.im.iis. 

Nous  sommes  en  cet  état  au  respect  des  Espagnol!  qni 

entreprennent  ouvertement  sur  nous,  et  partant  la  France 

peut  et  justement  avoir  fait  et  renouvelé  et  entretenir'  i  al- 

qu'elle  a  de  longtemps  avec  les  Hollandois  contre 

igné,  et  ce  il  plusieurs  titres. 

nièrement,  parce  qu'un  prince  est  obligé  de  se  ser- 
vir de  tontes  sortes  de  moyens  non  prohibés  pour  la  con- 
rioo  de  l'Étal  qui  lui  est  commis,  el  qu'il  n'y  n  ni  loi 
« I ni  défende  d'assister  aussi  les  infidèles  quand  on  l< 
s.ul«  nu  ni  pour  se  garantir  de  mal,  ni  aucune  raison  qui 
l'emp  qurbju'une  le  pou\oit  Eure,  et  serait  celle 

du  détriment  qui  peut  arriver  à  la  religion;  mais  elle  n 'est 
pas  sullisante  pour  empêcher  de  pratiquer  OS  qui  est  néces- 

1  Manuscrit  \  QSf  huit  mots  sont  de  la  main  de  Sancy.  La 
rédaction  primitive  :  «  partant  la  Franc-  peut  renouveler  l'al- 
liance <|u  alla  I  de  longtemps  »,  était  conforme  SS)  Uiéssotrc  orl 
gfaul  Hollande  9,  fol.  407  v°).  Sancy  a  voulu  donnera  cette 
phrase  une  portée  générale. 


288  APPENDICES. 

saire  à  la  subsistance  d'un  Etat,  la  nécessité  duquel  rend 
licite  ce  qui  autrement  seroit  illicite  et  défendu. 

Au  reste,  la  cause  du  détriment  de  la  religion  est  en  tel 
cas  imputée  à  celui  qui  nous  donne  juste  sujet  de  craindre 
sa  mauvaise  volonté  et  sa  puissance,  ainsi  que  tous  les 
théologiens  enseignent  que  le  prince  qui  a  tort  en  une 
guerre  est  censé1  cause  de  tous  les  désordres  que  sa  partie 
adverse  ne  peut  empocher  que  son  armée  ne  fasse  pen- 
dant icelle. 

La  seconde  raison  consiste  en  ce  qu'ainsi  qu'un  particu- 
lier peut  dérober  ou  prendre  une  somme  d'argent  qui  lui 
est  légitimement  due,  si  par  autre  voie  il  ne  la  peut  avoir  : 
auquel  cas,  ce  qui  n'est  pas  licite  de  soi-même  le  devient 
par  occasion.  Ainsi,  est-il  permis  à  un  prince  de  recher- 
cher et  prendre  des  moyens  qui  de  soi  ne  seroient  pas 
licites  pour  se  faire  raison  d'un  tort  qui  lui  est  fait  quand 
il  ne  la  peut  avoir  par  autre  voie. 

Or,  est-il  que  le  roi  d'Espagne  ne  satisfait  pas  à  plu- 
sieurs obligations  qu'il  a  envers  la  France.  Il  lui  retient 
plusieurs  dépendances  de  cette  couronne;  il  est  obligé 
depuis  peu  et  par  le  droit  des  gens,  et  par  le  traité  de 
Madrid2,  de  rendre  la  Valteline,  envahie  sans  sujet  quel- 
conque, au  préjudice  de  ce  qui  appartient  légitimement  ou 
au  Roi  ou  à  ses  alliés  qui  sont  en  sa  protection. 

Il  attaque,  sans  raison,  le  duc  de  Mantoue  et  veut  enva- 
hir ses  États3.  Par  le  traité  fait  à  Suse,  il  est  obligé  de  les 
laisser  paisibles;  il  viole  manifestement  la  justice  et  manque 
ouvertement  à  sa  parole  et  à  ses  écrits  et  à  sa  foi. 

Il  a  fait  un  traité  avec  les  huguenots  de  France  pour  les 

1.  Manuscrit  A  :  ce  mot  a  été  corrigé  par  Charpentier. 

2.  Conclu  le  25  avril  1621.  Sur  les  protestations  soulevées 
par  l'inexécution  du  traité  de  Madrid,  voyez  le  Discours  sur 
l'occurence  des  affaires  présentes  [Mercure  françois ,  t.  XI, 
p.  71). 

3.  En  1G29. 


UM'KNMCES.  M| 

souIi-m  i  contre  le  Koi,  par  lequel  il  l'obligeoit  a  leurdon< 
»  mille  livres  tous  les  ,m->  pour  leur  donner  moyen 
de  i  maintenir  en  corpa  d'Etat1. 

I)<»iic  le  Koi  peut,  eu  conscience,  secourir  MM.  les  États, 
;ifin  qu'en  lui  taillant  de  la  besogne  il  oblige  Le  roi  d'Espagne 
<|u'il  retient  injustement  et  a  s'abstenir  de  lui 
«lu  mal. 

troisième  raison  se  lire  de  ce  qu'ainsi  qu'il  est  per- 
mis i  un  homme  d'en  tuer  un  autre  quand  il  le  voil  venir 
I  lui  avec  dessein  de  lui  ôter  la  vie,  ainsi  est-il  p. nuis  à 
un  prince  d'en  occuper  un  autre  en  assistant  ses  enne- 
mis, quand  il  le  nul  seulement  pour  se  garantir  de  plu- 
aieuri  ineonvénienui  qui   lui  tirivefoae&t  si  son  ennemi 

etoit   paisilde. 

i    \nthuniii     remarqne,  par  un  long  et  solide  dis- 
cours, qu'on  enfant  peut  licitement  tuer  son  père,  le  mari 
la  femme,  el  la  femme  le  mari,  ru  m  moderamine  i*cubpm 
tx  tutelle;  c'est-à-dire  quand  on  fait  ce  que  l'on  peut  pour 
se  défendre  autrement*. 

Que   si    Ton   dit   que    le  péril  qui    est    imminent4   |   la 
par  la    main  aise  volonté  et  la   puissance  d'Espagne 

n'est  pas  si  proche,  comme  si  quelqu'un  etoit  pies  d'otèr 
la   vie    d'un    autre   et    le    poursuivoit    l'épée    à   la    main: 

|.hrase  figure  en  marge  du  mémoire  original.  Les 
neiil   liguas  qui  précèdent  ont  été  soulignées  dans  le  SianUi 

<  rit   \     m  regsrd,  Charpentier  a  ajouté  la  note  suivant- 
«  Noter  que  ce  qui  est  souligné  n'est  pi  a  1625.  » 

IgUSture  de  ce  traité,  qui  aurait  été  eouels  le  \\  mai 
par  un  agent  de  Rohan,  Clausel,  voyez  J.  Le  Comte,  His- 
de  Louis  XI//,  t    II,  p.  522. 

> menée  un  nouveau  passage  ajouté  à  la  marge  du 

^ancy  a  ajouté  <■,  bkm  mu  le  aaanuaerit  \ 
i  u|..  mi- 1  ,«  corrigé  ici  ure  lu  scribe,  qui  avait 

écrit  lient  ■  au  lien  iJ<  «  imminent  >. 

\  19 


290  APPENDICES. 

auquel  cas  il  serait  permis  de  se  défendre  et  de  le  tuer. 
L'on  répond  que  les  princes  ne  doivent  pas  attendre 
qu'ils  soient  réduits  à  cette  nécessité,  étant  très  difficile 
en  matière  d'État,  où  les  pas  sont  si  glissants,  d'éviter  que 
l'on  ne  tombe  dans  le  précipice  lorsque  l'on  s'est  liiissé 
pousser  jusques  au  bord;  et  cette  -faute  ne  peut  être 
exempte  de  blâme  et  de  coulpe  si  elle  procède  de  négli- 
gence. 

Pour  venir  au  particulier,  c'est  aux  ministres  de  l'Etat 
de  juger  s'il  est  vrai  que  l'alliance  du  Roi  avec  les  Hol- 
landois  soit  nécessaire  pour  s'opposer  aux  mauvais  des- 
seins de  l'Espagne  sur  ce  royaume;  ce  qui  dépend  de  la 
connoissance  de  choses  infinies  que  le  vulgaire  ne  peut 
discerner,  en  quoi  il  se  doit  apaiser  et  soumettre  son  juge- 
ment, ainsi  que  tous  les  docteurs  tiennent  que  les  sujets 
sont  obligés  d'aller  à  la  guerre  quand  le  prince  leur  com- 
mande, se  remettant  à  lui  de  discerner  si  elle  est  juste 
ou  non. 

Quant  aux  ministres,  il  est  vrai  qu'ils  sont  obligés  de 
considérer  fort  attentivement  et  de  bonne  foi1  si  les  princes 
qui  prennent  leur  conseil  se  peuvent  passer  de  telles 
alliances,  et  remédier  par  autres  moyens  moins  préjudi- 
ciables à  la  religion  et  aux  maux  qu'ils  appréhendent, 
laquelle  discussion  ne  doit  être  métaphysique  et  dans  une 
preuve  infaillible  de  nécessité,  mais  morale  et  conforme  à 
la  raison,  selon  laquelle  se  conduisent  les  affaires  des 
hommes2. 

La  quatrième  résulte  de  ce  que  le  Roi,  qui  a  affoibli  la 
rébellion  de  l'hérésie  3,  mais  non  abattu  l'hérésie  qui  subsiste 

1.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  et  Hollande  9  :  «  sans 
parler  de  Hollande,  mais  traitant  de  la  thèse  en  général  ».  Fina- 
lement, ce  membre  de  phrase  a  été  barré. 

2.  Ici  prend  fin  le  passage  écrit  à  la  marge  du  mémoire 
original. 

3.  Première  rédaction  du  manuscrit  A  et  Hollande  9  :  «  La 


UPEND1CE8.  291 

i.»ii|«»iiin. m  MM  rmaumc, ne  saurait,  sanscela.\enii  a  hout  «lu 
glorieux  dessein  qu'il  ;i  de  l'extirper  de  la  France;  ce  qu'il 
indubitablement  s'U  «oooterve  la  paix  en  ses  Etals.  D'où 
il  s'ensuit  que.  puisqu'un  prince  ost  plus  obligé  de  procurer 
la  gloire  de  Dieu  en  ses  Étals  qu'en  ceux  d'autrui,  la  France 
peut  contribuer  à  la  guerre  «iiii  est  entre  les  llollandois  et 
iflli  in)i.nl»si;nit  même  le  détriment  qu'en  peut  rece- 
voir la  religion,  vu  que  ce  détriment  n'est  point  la  fin  de 
liaison  et  que  la  religion  recevra  plus  d'augmenta- 
tion en  France  que  de  diminution  aux  I'  jomt  que 
l'avantage  qu'elle  doit  recevoir  en  France  si  l'on  v  cou- 
la paix  est  certain,  et  que  le  détriment  qu'elle  peut 
>ir  en  Flandres  si  l'on  y  continue  la  guerre  ne  l'est  p. «s, 
en  tant  «pie  les  e\enements  de  la  susdite  guerre  peinent 

:  «Notables  pour  l'Espagne  :  auquel  cas  l'Kglil 
trouvera  faire   progrés,   non  seulement  contre   les   héré- 
ti.pies  en  France,  mais  encore  contre  ceux  des  Pays-Bas. 

On  tire  une  cinquième  raison  de  ce  que  tous  les  auteurs 
«jui  déclarent  et  font  énumération  de  ceux  qui  sont  com- 
pris en  la  huile  lu  (\ena  Domina,  qui  excommunie  les 
laut.urN  <l 'hérétiques,  en  exceptent  ceux  qui  les  assistent 
en  une  juste  guerre  contre  des  catholiques. 

Partant,  il  paraît  par  ces  misons  que  nous  pouvons  lici- 
tement nous  joindre  aux  Hollandois,  qui  font  la  guerre  à 
l'Espagne,  vu  que  non  seulement  c'est  la  meilleure,  mais 
l'unique  voie  que  nous  ayons  d'établir  notre  subsistance 
avec  sûreté. 

Un  esprit  plus  hardi  passera  outre  et  dira  avec  raison 

quatrième  résulte  de  ce  que  le  Roi  a  abattu  la  rébellion  de 
l'hérésie,  mais  non  l'hérésie  qui  rahrfttft  »  La  correction  a  été 
tait'*  ,  probablement  pour  mettre   en   harmonie   M 

passage  avec  le  récit  de  l'année  14 

le  ce  passage  figure,  dans  le  mémoire  original, 
■■■  suivante  de  Charpentier  :  «  Faut  voir  la  bulle  et  coter 
les  auteurs.  • 


292  APPENDICES. 

qu'il  n'i'si  pus  seulement  licite,  mais  expédient  et  néces- 
saire pour  la  France,  pour  l'Eglise  et  pour  toute  la  chré- 
tienté d'en  user  ainsi. 

Pour  la  France,  parce  que  le  Roi  ne  sauroit  faire  une 
action  plus  méritoire  que  d'extirper  l'hérésie  du  royaume, 
soulager  son  peuple  et  établir  une  Jiscipline  générale, 
juste  et  raisonnable  par  tout  son  Etat,  vu  que  sa  charge 
l'oblige  en  conscience  de  travailler  à  cette  fin  et  le  rend 
responsable  devant  Dieu  s'il  ne  le  fait. 

Or,  est-il  qu'il  ne  peut  satisfaire  à  cette  obligation  s'il 
ne  conserve  la  paix  en  ses  Etats,  étant  certain  que,  si  l'on  a 
la  guerre  de  quelque  côté  que  ce  puisse  être,  il  faudra  sur- 
charger son  peuple  au  lieu  de  le  soulager;  l'hérésie  et  la 
rébellion  reprendront  force  et  vigueur  au  lieu  de  pouvoir 
être  éteintes,  et  les  divers  corps  de  l'Etat  se  dérégleront  de 
nouveau  au  lieu  de  se  rendre  capables  de  discipline. 
D'autre  part,  c'est  chose  assurée  que  la  guerre  ne  peut 
venir  en  France  que  par  les  forces  ou  les  menées  de  l'Es- 
pagne ou  de  l'Empire.  Conséquemment,  puisque  les  infi- 
délités de  la  maison  d'Autriche  ne  nous  permettent  pus 
d'éviter  le  mal  de  la  guerre  par  des  négociations  et  traitée 
èsquels  l'expérience  nous  fait  connoître  qu'on  ne  trouve 
nulle  sûreté  avec  telles  gens,  il  n'y  a  autre  moyen  pour 
procurer  les  biens  ci-dessus  mentionnés  a  cet  Etat  que  de 
s'accommoder  avec  les  ennemis  de  l'Empereur  et  du  roi 
d'Espagne  pour  tenir  leur  puissance  occupée  hors  du 
royaume,  ce  qui  fait  voir  clairement  qu'il  est  expédient  et 
nécessaire  d'en  user  ainsi  pour  le  bien  de  la  France. 

Il  l'est  encore  pour  le  bien  de  l'Eglise  et  de  la  chré- 
tienté, parce  que  la  monarchie  universelle1^  laquelle  aspire 

i.  Comparez  YAdvis  sur  V estât  présent  des  affaires  d'Alle- 
magne (Mercure  françois,  t.  XII,  p.  731)  :  «  Il  y  a  quelque  cen- 
taine d'années  que  la  maison  d'Autriche  aspire  ambitieusement 
à  la  monarchie  universelle,  surtout  la  branche  qui  domine  en 
Espagne.  » 


APPENDICES.  fefl 

Espagne,  est  très  préjudiciable  à  la  «In <t i»n i .  .  ■.< 
Isa  et  au  Pape,  la  raison  et  l'expérience  nous  mon- 
trant qu'il  faut,  |><>ur  le  bien  de  l'Église,  qu'il  y  ail  balance 
rutrc  l<>  princes  temporels,  en  sorte  que  dans  leur  égalité 
lisse  subsister  et  se  maintenir  en  ses  fonctions  et 
en   sa   splendeur;   autrement   le    Pape   ne    pourrait    être, 
riiinmi'  il  doit,  père  commun  de  tous  les  princes  chrétiens, 
serait   contraint  d'être  serf  et  simple  chapelain  du 
plus  puissant. 

Après  tout  ce  que  dessus,  qui  voudrait  faire  voir  comme 

es    Es      ■jnols    n'ont   seulement  jamais    fail    difficulté   de 

faire  la  même  chose  que  nous  faisons  pour  les  Hollandois, 

en  «mire  n'ont  pas  douté  de  se  servir  des  alliant tes 

des   hérétiques  et  infidèles  pour  favoriser  leurs  injustes 

ions,  et  de  contracter  lesdites  alliances  à  des  condi- 

inj usies,  honteuses    et   païennes,  seroit  obligé  de 

dea  noI urnes  entiers  s'il  vouloit  rapporter  tous  les 

exemples  qui  l'en  trouvent. 

Ce  qui  montre  bien  que  nous  pouvons  et  devons  leur 
iloum •[  dea  affaires,  leur  procurer  hors  du  royaume  de 
I  o( ciip;ition.  ru  qu'autrement  il  n'\  i  rien  de  si  illicite 
•  |u  ils  ne  soient  capables  d'entreprendre  pour  nous  faire 
«lu  mal. 

dinand1,  roi  d'Espagne,  s'allia  avec  Soliman  et  lui 
reautil  uibutaire  la  Hongrie,  afin  que  la  miiaon  d'Autriche 
.  ùi  plus  de  liberté  de  travailler  la  France2. 

Il  abandonna  qoelqnes filles  du  Péloponèss  ehrétiennea 

loi. ut  données  il  lui,  et  ce  pour  faire  plaisir  au  'l'un 

l'.in   1603,  quoique   les  Espagnol!  uooi  objectenl 
l'alliance  <lu  Turc,  M.  d'Ossat  écrit  au  Koi  que  les  - 

1.  tel  commence  un  passage  qui  aél  i  la  marge  du 

iriginaJ  »-t  parait  avoir  été  emprunté  au  Catholique 
tmt,  p.  145. 

•  •  iiHinlire  de  phrase,  d<  pin  ..,aété  ajouté  par 

\  sur  le  mémoire  original 


294  APPENDICES. 

ii'ius  du  roi  d'Espagne  le  recherchoient  pour  faire  par  son 
moyen  alliance  avec  le  Turc. 

Depuis  dix  ans,  le  roi  d'Espagne  a  employé  soigneuse- 
ment diverses  personnes  et  entre  autres  un  jacobin  dans 
Cmisiantinople  pour  l'avoir1.  Les  Espagnols  prouvent 
qu'ils  ont  justement  occupé  les  Indes,  parce  qu'ils  l'ont  fait 
en  assistant  des  Indiens  infidèles  avec  lesquels  ils  avoient 
fait  alliance  contre  des  autres2. 

Rodolphe  d'Absbourg,  comte  du  pays  de  Suisse,  qui 
entra  dans  la  maison  d'Autriche  et  qui  est  le  premier  em- 
pereur de  la  maison  en  l'année  1278,  faisant  la  guerre 
avec  Octocarus,  roi  de  Bohême,  avoit  dans  son  armée  dix 
mille  Comans  (c'étoient  des  Tartares  qui  étoient  infidèles 
et  mécréants),  lesquels,  parla  Moravie,  Autriche  et  Styrie, 
emmenoient  les  chrétiens  captifs,  ad  Paganistiam,  au  pays 
ou  à  la  religion  des  païens.  Et  néanmoins,  à  son  retour  de 
la  guerre  et  de  ses  horribles  exploits,  le  clergé  et  les 
moines  venoient  chanter  des  hymnes  au-devant  de  lui  avec 
la  croix  et  la  bannière3. 

En  l'année  716,  Aurélius,  roi  d'Espagne,  qui  tua  Froila, 
fit  alliance  avec  les  Mores  et  Sarrasins,  et  leur  payoit 
tous  les  ans  un  tribut  de  cent  jeunes  filles  catholiques. 

Quelque  temps  après,  un  de  ses  successeurs,  renouve- 

1.  Comparez  Catholique  d' Estât,  p.  144  :  «  L'alliance  du  Turc 
nous  est  souvent  reprochée  par  ceux-là  mêmes  qui  la  recherchent 
encore  tous  les  jours.  Ces  années  passées,  le  roi  d'Espagne  y  a 
employé  un  moine  jacobin  dans  Constantinople  et,  encore 
aujourd'hui,  il  y  a  un  Italien  qui  donne  de  l'argent  pour  la  lui 
faire  avoir.  »  G.  Guay  publia  en  1625  les  Alliances  du  Roy  avec 
le  Turc  et  autres  justifiées,  etc.;  voyez  l'ouvrage  de  Deloche, 
p.  326  et  suivantes. 

2.  Catholique  d' Estât,  p.  165. 

3.  Cet  alinéa  reproduit  textuellement  le  Catholique  d'Estat, 
p.  166.  Tous  les  exemples  suivants,  tirés  de  Mariana,  sont  éga- 
lement empruntés  à  cet  ouvrage,  p.  167-168. 


M'I'ENDICIS.  295 

lanl  cet  abominable  tribut,  le  diversifia,  donnant  tous  les 

■M  MU  inlitl»  les  cinquante  tilles  damoiselles  et  cinquante 

lies  <lu  peuple. 

Alphonse,  surnommé   le   Grand,   fit   alliance   avec   les 

s,  à  la  charge  de  leur  bailler  son  fils  Ordonius  pour 

être  Boom  et  élevé  parmi  eux. 

Plusieurs  des  grands  d'Espagne,  en  Tannée  984,  com- 
battirent avec  9,000  chrétiens  pour  les  Morisques  contre 
le  roi  de  Léon1. 

Sa  l'année  1035,  Ramirus,  roi  d'Aragon,  assisté  des 
Mores,  fit  la  guerre  à  son  frère  Garsias,  roi  de  Navarre. 
Ainsi  Sanches,  roi  de  Castille,  chassa  le  roi  d'Aragon,  son 
ooele,  par  l'aide  des  infidèles;  les  frères  s'en  sont  servis 
contre  les  frères  et,  ce  qui  est  horrible,  les  enfants  contre 
bur  propre  père*. 

-  Grenadins  étoient  alliés  de  Ferdinand,  surnommé  le 
Saint;  ce  lui  étoit  une  grande  gloire  que  les  hommes  de 
contraire  religion  se  fiassent  en  lui  :  c'est  l'éloge  que  leur 
histoire  donne  à  telles  alliances. 

grand  mathématicien  Alphonse,  roi  de  Castille,  fut 
si  malheureux  que  son  fils   plus  jeune,  Sanches,   le   fit 

1  Comparez  le  passage  du  mémoire  sur  l'alliance  avec  les 
lues  du  P.  Joseph,  cité  par  l'abbé  Dedouvres,  op.  cit., 
p.  578  :  «  En  l'année  984,  plusieurs  des  grands  d'Espagne  com- 
battirent avec  9,000  chrétiens  pour  les  Morisques  contre  le 
on.  »  Il  est  probable  que  le  P.  Joseph,  tout  comme 
l'auteur  du  présent  mémoire,  a  fait  un  large  usage  du  Catho- 
lujur  d  Estai;  mais  cette  similitude  ne  saurait  lui  justifier  l'at- 
tribution d'an  oavrage  qac  des  témoignages  contemporains 
tndiqeenl  formellement  comme  étant  l'œuvre  de  Ferrier.  Voyez 
1  •  iii'l-  •!'  G  Fagniez,  Bévue  des  questions  historiques,  année 
1896,  al  surtout  M.  Deloche,  Autour  de  la  plume  de 

dieu,  p.  297  et  suivantes. 

i •••  original    Hollande  9)  porte,  comme  le  pas- 
sage correspondant  de  Ferrier  :  «  contre  leurs  propres  pères  » . 


296  APPENDICES. 

dégrader  de  la  royauté  et  le  chassa  par  l'aide  et  par  le 
secours  des  Grenadins1. 

Outre  ces  raisons,  nous  en  avons  un  exemple  formel  en 
l'Ecriture. 

David  n'étant  qu'homme  privé,  se  voyant  persécuté 
injustement  par  le  roi  Saùl,  se  retire  chez  Achis,  roi  des 
Philistins,  ennemi  du  peuple  de  Dieu.  Et  lorsque  lesdits 
Philistins  sont  sur  le  point  de  donner  bataille  contre  les 
Israélites,  le  roi  Achis  prie  David,  comme  son  ami,  de  le 
servir  en  cette  occasion.  David  n'en  fait  aucun  refus,  vient 
à  l'armée  des  Philistins  avec  six  cents  hommes  de  sa  suite 
et  de  sa  nation,  prend  sa  place  au  champ  de  bataille 
et  promet  au  roi  Achis  de  combattre  courageusement 
contre  ses  ennemis,  la  victoire  desquels  ne  pouvoit  être 
que  très  funeste  à  la  religion,  ainsi  que  l'effet  fit  paroître; 
d'autant  que,  l'ayant  emportée,  les  Israélites,  étonnés  de 
cette  grande  perte  où  le  roi  Saùl  fut  tué,  abandonnèrent 
plusieurs  de  leurs  villes  où  les  Philistins  vinrent  habiter  et 
en  ôtèrent  le  culte  divin. 

Plusieurs  auteurs  de  marque,  expliquant  ce  passage, 
approuvent  cette  action,  entre  lesquels  est  Siranus,  qui 
soutient  manifestement  que  David  pouvoit  secourir  les 
Philistins  sans  blâme,  avec  cette  intention  d'être  aidé  par 
leur  assistance  et  par  la  force  de  leurs  armes  pour  parve- 
nir à  la  couronne  de  Juda,  qui  lui  appartenait  par  l'or- 
donnance de  Dieu. 

Telle  est  l'opinion  de  Silvestre;  et  Denys  le  Chartreux, 
en  ses  commentaires  sur  ce  lieu,  dit  que  c'est  aussi  l'avis 
de  plusieurs,  quoique  ce  ne  soit  pas  le  sien. 

Becanus,  grand  théologien  entre  les  Jésuites,  se  sert 
aussi  de  cet  exemple  de  David  pour  prouver  ce  qu'il  sou- 
tient en  termes  exprès  :  licitum  esse  in  bello  Justo  ut 
princeps  fidelis  prœbeat  auocilium  infidelibus  contra 
fidèles. 

1.  Ici  prend  fin  l'emprunt  au  Catholique  d  Estât. 


vriMMUi  t:s  297 

I  ii  ;iriu>  ',  en  ses  commentaires  sur  les  chapitres  28  et  29 
du  premier  des  Rois,  trouve  cette  action  si  licite  et  si  juste 
qu'il  dit  en  ces  mêmes  mots  :  Per  David  oui  voluit  ire  con- 
tre filins  Isr.irl  ,ii m  J'hilistdi.s  si^nantur  sancti  (jiii  in 
l>iuutionil>iis  fulelium  factis  per  manus  infidelium  applau- 
dunt  /usti<  im  Dei;  illitd  paafmi  lœtabitur  justus  cum 
viderit  vindirlam;  munus  suas  lava  bit  in  sanguine  pec- 
ctitoris. 

il  et  quelques  autres,  en  leur  commentaire  sur  le 
texte  du  Livre  des  Rois,  font  grand  tort  a  David,  le  voulant 
excuser,  en  oc  qu  ils  disent  qu'il  s'était  mis  à  l'armée  des 
Philistins  pour  trahir  le  roi  Achis,  son  bienfaiteur  :  ce  qui 
M  Lien  éloigné  de  l'esprit  de  ce  prince  et  répugne  gran- 
dement a  la  «Imite  raison  et  à  la  théologie,  qui  veut  qu'on 
garde  sa  foi  aux  ennemis  et  beaucoup  plus  aux  amis  et 

allies 

.tuteurs,  pour  couvrir  leur  mauvais  sens,  allèguent 
qui-  David  n's  pas  fait  difficulté  de  mentir  en  cette  occa- 
sion, promettant  au  roi  Achis  de  l'assister,  ainsi  que  le 
David3  avoil  usé  envers  lui  de  menterie  et  de 
fraude,  lorsqu'il  lui  aaaoroil  qu'il  faisait  de  grands  butins 
sur  le  peuple  d'Israël  et  lui  faisait  une  rude  guerre,  afin 
qu  \<  dis  s.  ti.it  davantage  en  lui,  combien  qu'il  fût  véri- 
table qui-  l)a\  id  fàisoil  sis  eoarses  sur  le  j>a\>  des  ennemis 
des  Israélites  et  non  pas  sur  leurs  terres.  Bn  quoi  ils  te 
trompent,  car  il  n'a  commis  aucune  menterie  ni  infidélité, 
pource  qu'il  DC  disoil   pas  au  roi   \<  bis  ;  qu'il  alloil  faire  le 

dégât  sur  le  territoire  de  Fnda,  mais  du  côté  di  midi  qui 
regarde  fnda,   contra   mëridjgm    /atdar;   auquel    endroit 

I  lt'  mi,.  .  a  BU  HOUVeaa  Iragment  ajouté  à  la  marge  du 
mène  mal. 

trois  mots  ont  été  ajout  SOT. 

Première  rédaction  du  Manuscrit  A  et  Hollande  9  :  •  eu 
quoi  il  ii ..  connu  aucune  menti  i  le,  ai  Infidélité,  <  sr  il  dm 
pas  au  roi  \<  lus...  »  La  lits  par  Sancy. 


298  APPENDICES. 

étoient  quelques  bourgades  des  Amalécites,  qui  étoienl 
les  ennemis  jurés  du  peuple  d'Israël  et  ne  dépendoient 
point  du  roi  Achis1.  Aussi  n'est,  comme  dit  saint  Augustin, 
le  mensonge  jamais  permis  et,  comme  la  vérité  est  la  pre- 
mière de  toutes  les  vertus  et  particulièrement  attribuée  à 
Dieu,  le  mensonge  est  le  principe  de  tout  mal  et  le  diable 
en  porte  le  nom. 

David  vint  donc  trouver  le  roi  Achis,  dans  les  Etats 
duquel  il  étoit  réfugié,  pour  combattre  avec  lui,  et  ce 
contre  les  Israélites,  bien  qu'ils  fussent  le  peuple  de  Dieu, 
le  vrai  culte  duquel  étoit  entre  eux  seulement2. 

L'Écriture,  qui  reprend  et  remarque  tous  les  manque- 
ments de  David  comme  l'homicide  d'Urie,  l'adultère  de 
Bethsabée,  le  dénombrement  du  peuple,  et  lorsqu'il  se  fit 
une  couronne  de  l'or  conquis  en  la  guerre  contre  les  enne- 
mis de  Dieu,  ne  blâme  en  aucune  sorte  cette  action  de 
David,  laquelle,  si  elle  n'étoit  licite  par  la  raison  d'une 
juste  défense,  seroit  aussi  criminelle  qu'aucune  des  autres, 
étant  directement  opposée  à  la  religion  et  contre  le  com- 
mandement que  Dieu  a  fait  plusieurs  fois  à  Moïse  et  aux 
enfants  d'Israël  de  ne  se  point  allier  avec  des  infidèles. 

David,  à  la  vérité,  ne  se  trouva  pas  au  combat,  d'autant 
que  les  chefs  de  l'armée  philistine  prirent  soupçon  de  lui 
et  le  firent  retirer  de  leur  camp  ;  mais  il  ne  tint  pas  à  lui 
qu'il  ne  fût  à  la  bataille  et  témoigna  d'en  sortir  à  regret,  et 
qu'il  étoit  près  de  combattre  pour  le  service  du  roi  Achis, 
qu'en  ce  lieu-là  il  appelle  son  maître,  et  comme  étant 
obligé  de  lui  garder  la  foi.  Or,  en  ce  qui  est  du  péché  et  de 
la  conscience,  la  volonté  est  réputée  pour  le  fait3. 

1.  Ici  prend  fin,  dans  le  mémoire  original,  le  fragment  ajouté 
à  la  marge. 

2.  Les  deux  phrases  qui  précèdent  ne  figuraient  pas  dans  le 
mémoire  original;  elles  ont  été  ajoutées  par  Sancy  sur  le  ma- 
nuscrit A. 

3.  Comparez  le  passage  correspondant  du  mémoire  du  P.  Jo- 
seph, cité  par  Dedouvres,  op.  cit.,  p.  579  :   «  Il  est  vrai  que 


m  l'BNDICBS.  •'''• 

B    David  ii'.i  rien  fait  que  de  licite.  :i  | » 1 1 1 ^  forte  raison  le 

H<>i   peut-il   secourir  les   Hollandois  contre  le   roî  d'Es* 

pagne.  Car  il  n'etl   pas  le   maître  du  Hoi,  ainsi  que  Settl 

de    David,  qui  ne   laisse   pourtant   «I»'  secourir  ses 

ennemis. 

Oui  pins  est,  Dieu  n'a  pas  déclaré  partt  parole  expresse 
qu'il  veut  que  les  Kspa^nols  soient  les  maîtres  des  Hollan- 
dois. ainsi  que  Dien  a\oit  «lit  tant  de  fois  qu'il  vouloil  que 
les  Hébreux  fussent  maîtres  et  légitimes  possesseurs  de  la 
Judée,  à  l'exclusion  des  Philistins  :  ce  que  David  ne  pou- 
roil  ignorer,  qui  lui-même  1  'a\oit  si  souvent  exprime  dans 
-drnes  et  notamment  quand  il  dit,  parlant  des  peuples 
de  li  Palestine  :  Dédit  terram  eorum  jiuwssflf  tissas,  fuvre- 
(litntem  Israël  s,'tk;.  suo.  Kt  toutefois  David  ne  laisse  pas 
d'assister  l'un  des  plus  puissants  rois  de  ce  pavs-lh  qui 
\ouloit  «>n  chasser  les  Israélites. 

osple  décide  clairement  l'affaire  dont  il  est  ques- 
tion et  semble  que  c'est  un  trait  de  la  providence  de  Dieu 
extraordinaire  qu'il  se  soit  trouvé  en  l'Écriture  pour 
apprendre  aux  princes,  a  qui  le  soin  des  l-'.tats  est  com- 
mis, jiis<jues  où  va  l'étendue  de  ce  qu'ils  peuvent  faire 
pour  leur  bien,  et  ce  n'est  pas  merveille  si  les  saintes 
lettrée  n'en  ont  aucun  autre  semblable  qui  soit  au  m 
de  la  question  présente,  m  que  le  peuple  d'Israël,  qui 
seul  -tcii  fidèle,  n'étoit  point  divisé.  Ce  qui  fait  qu'il  ne 
rroîrdet  alliances  du  peuple  de  Dieu  avec  des 
infidèles  contre  les  fidèles,  puisqu'il  n  \  iretl  point  d'autres 
fidèles '  que  les  Israélites,  et  que  depuis  que  dix  tribus  se 

David  uva  pas  au  combat,  pan  .   que  les  rhefs  de  l'ar- 

mée philistins  conçurent  quelqw  d  de  lui  et  le  firent 

r;  en  effet,  il  étoit  en  dessein  d'y  assister  et  tout  près  de 
combattre  p.. m  l«-  lenrice  d'Achis,  qu'en  ce  lieu  (1,  R->is.  kxu, 

8)  il  appelle  son   inaiti.  .  iM'imie  .tant   obligé  de  lui  garder 
la  toi.  » 

us  le  mérn  mal,  est  de  la  main  de  Char- 

pentier. 


300  APPENDICES. 

séparèrent  sous  le  règne  de  Roboara  des  deux  de  fada  et 
Benjamin,  qui  demeurèrent  toujours  fidèles.  Ces  dix  furent 
toujours  schismatiques  et  deux1  idolâtres  comme  adorant 
le  veau  d'or. 

Un  roi  manqueroit  à  sa  charge  et  commettroit  un  péché 
si,  par  un  zèle  inconsidéré  et  par  un' excès  de  confiance 
non  fondée,  il  attendoit  que  Dieu  sauvât  son  État  par  voies 
extraordinaires  et  miraculées  et  négligeoit  les  moyens  que 
sa  prudence  lui  doit  faire  prendre,  comme  étant  permis  de 
Dieu,  pour  se  défendre  contre  ceux  qui  injustement  vou- 
droient  s'emparer  de  ce  qui  appartient  à  autrui. 

Cartagène,  Espagnol,  religieux  cordelier,  auteur  pieux  et 
célèbre,  enseigna  clairement  avec  saint  Anthonin,  le  car- 
dinal Caietan  et  Molina,  jésuite,  que,  non  seulement  est-il 
loisible  de  se  servir  du  secours  des  infidèles  contre  les 
catholiques,  mais  en  outre  qu'il  est  loisible  à  un  prince 
chrétien  de  secourir  un  infidèle  en  la  guerre  contre  un 
autre  prince  chrétien2. 

Becanus  dit  en  termes  exprès  qu'il  est  permis,  en  une 
juste  guerre,  de  donner  secours  à  des  infidèles  contre  des 
fidèles. 

Banès  et  plusieurs  autres  auteurs  qu'il  allègue  enseignent 
le  même. 

Lorichus,  Navarre,  etc.,  sont  de  semblable  opinion. 

On  alléguera  peut-être  que  Dieu  reprend  en  divers 
endroits  de  l'Ecriture  les  princes  et  les  peuples  qui  font 
alliance  avec  les  infidèles,  jusque-là  même  qu'il  en  châtie 
quelques-uns. 

Mais  la  réponse  est  claire  par  les  lieux  mêmes  dont  on 
se  peut  servir  pour  vérifier  cette  objection,  puisqu'il  est 
certain  que  Dieu  ne  blâme  pas  simplement  telles  alliances, 
lesquelles  il  autorise  en  divers  lieux,  mais  bien  blâme-t-il 

1.  Var.  du  mémoire  original  (Hollande  9)  :  beaucoup. 

2.  Comparez  Catholique  d'Estat,  p.  162,  qui  paraît  être  la 
source  de  ce  passage. 


APPKMiH'Ks.  301 

que  les  primes  qui  les  OBI  laites  aient  eu  plus  de  confiance 
.11  iotllet  i|u*;i  son  secourt,  eonune  il  paraît  au  lait  d'Asa, 
<|iii  .  si  iiissi  bien  blâmé,  étant  malade,  d'avoir  eu  plus  de 
confiance  aux  médecins  «pi 'en  Dieu,  bien  qu'il  soit  permis 
rrirdes  médecins  institues  de  Dieu  a  cette  lin1. 
Il  blâme  aussi  telles  tilitnoet  quand  on  les  fait  uni 

nécessité    pour    augmenter  sans   sujet    la    domination   (les 
infidèles,  desquels  il  avoil  ouvertement  lait  connoître  par 
s.  s  prophèb  -  qu'il  vouloil  la  perte;  comme  celle  de  Josa- 
l>hai  ijni  s  est  joint  a   \chab.  non  par  nécessité,  puisque 
ture  remarque  qu'il  étoit  très  riche,  très  puissant  et 
beureux,  craint  et  redoute  de  tana  ses  minai  et  si 
i    que  tous  lui  faisoienl  nommage  et  lui  apportoient 
des  pi  niais  par  la  considération  d'une   amitié  hu- 

maine et  pour  favoriser  Aeaab,  duquel  le  prophète  Hélie 
tvoil  prophétise  qu'en  vengeance  de  la  mort  de  Nabot  h  les 
chiens  lécheraient  son  sang  au  même  lieu  où  il  l'avoit  lait 
mourir  et  qu'il  détrniroit  sa  maison  et  sa  race. 

Il  \  a  plus,  Josaphat  faillit  encore  grandement  parée  que 
Michee.   qu'il   tenoit   lui-même    pour  prophète  véritable, 
lit  qu'il  laisoit  une  mauvaise  entreprise,  i|u'elle  réus- 
siioit  mal  et  que  Dieu  ruinerait  son  dessein. 

Or.  est-il  que,  bien  DM  nous  Taisions  alliance  avec  les 
Hollandois.  nous  avons  plus  de  confiance  au  secours  de 
Dieu  qu'es  eux.  Nous  ne  faisons  pas  cette  alliance  sans 
sujet  pour  les  agrandir,  msk  par  nécessité  pour  empêcher 

diminution   :   ce  qui   paroit    hien   en  et  qot   Ul    . 

«leur  «les  Hollsndois,  considérée  par  elle-même,  nous  esi 
préjudiciable 

\n  reste,  nous  n'aTOnt  point  de  prophétie  qui  nous 
fasse   connoître    que    Dieu    veut    que    les    Bollandoit    se 

!<-nt  et  «pie  les  Espagnols  dominent  le  monde. 
\u    émit  peut    .  msoii    qu'ainsi   que 

les   prophètes  otit   souvent   déclare  (pte    Dieu   avoit   suseii, 

1    <   >ui[>arez  Catholique  d  Estât,  p.  159. 


302  APPENDICES. 

les  Chaldéens  idolâtres  pour  punir  l'orgueil  des  rois  àt 
Juda,  peuple  fidèle,  et  réprimer  les  outrages  et  l'oppres- 
sion que  leurs  voisins  en  recevoient,  ainsi  a-t-il  suscité  les 
Hollandois  pour  la  même  fin  envers  les  Espagnols,  qui 
font  tant  de  mal  à  la  chrétienté. 

Le  prophète  Ezéchiel,  19,  confirme  cette  histoire  par 
une  comparaison  fort  pathétique  quand  il  représente  Joa- 
chim,  roi  de  Juda,  sous  la  figure  d'un  lion  qui,  pour  avoir 
usurpé  les  biens  d'autrui  et  mis  ses  voisins  en  proie,  est 
châtié  par  les  Babyloniens,  en  sorte  qu'ils  le  courent  h 
force  et  le  prennent  comme  une  bête  farouche,  le  faisant 
tomber  dans  les  toiles  et  les  filets  avec  de  grandes  bles- 
sures et  guerres  de  part  et  d'autre. 

Hiérémie  en  rapporte  une  autre  sur  le  même  sujet,  qui 
n'est  pas  moins  remarquable  ni  moins  naturelle  au  sujet 
dont  il  s'agit. 

Le  prophète  Ananias,  porté  d'un  zèle  inconsidéré, 
s'oppose  à  la  volonté  de  Dieu,  en  ce  que  Dieu  déclare  par 
le  prophète  Hiérémie  qu'il  veut  châtier  le  roi  de  Juda, 
quoique  fidèle,  par  les  Babyloniens  infidèles,  lesquels  il  a 
suscités  contre  lui. 

Ananias  soutient  publiquement  que  les  Chaldéens  seront 
détruits  et  qu'il  faut  que  tous  les  gens  de  bien  s'opposent 
à  eux  et  que  le  maître  de  Juda  doit  être  le  maître  et  ravoir 
ce  qu'ils  lui  ont  ôté. 

Et  d'autant  que  le  roi,  les  prêtres  et  le  peuple  suivoient 
l'opinion  d' Ananias,  qui  sembloit  avoir  bonne  intention  et 
le  zèle  de  la  loi  et  l'honneur  du  culte  divin  devant  les 
yeux,  en  ce  qu'il  soutenoit  qu'il  falloit  s'opposer  aux 
Chaldéens,  le  prophète  Hiérémie  prédit,  de  la  part  de 
Dieu,  qu'Ananias  seroit  chassé  et  qu'il  mourroit  dans  un 
an,  ce  qui  arriva. 

Ce  qui  peut  faire  voir  qu'il  ne  faut  pas  se  porter  par  un 
zèle  indiscret  à  favoriser  les  rois  fidèles  contre  les  peuples 
infidèles,  bien  même  qu'ils  les  aient  injustement  offensés, 


APPENDICES.  |p 

pour  <•«•  qu'il  peut  ètie  que  Dieu  s'en  veut  servir  pour 
i -lifitii-r  l<  sdiis  fidèles1,  les  humilier  et  empêcher  que  sous 
la  nom  <t  le  prétexte  de  piété  ils  n'oppriment  les  autres. 

Dont  on  peut  dire,  avec  vérité,  que  lis  bonnes  et 
valables  raisons  nous  portent  à  l'alliance  des  Hollandois 
et    qu'aucune    de    poids   et  de  considération  ne  nous  en 

(l.'I.Ml 

On  dira  volontiers2  qu'il  n'est  pas  permis  d'assister  des 

rebellai  comme    rebelles,  ni  des  hérétiques  comme  tels; 

demeurant  dans  les  principe!  ci-dessus  rapportés, 

ne  oette  proposition  et  dis  qu'au  secours  des  Hollan- 

I  n'est  question  ni  de  l'un  ni  de  l'autre.  Car  le  Roi 

iste  pas  les  Hollandois  comme  rebelles  et  hérétiques, 

-•lin    pour  favorise!  et   maintenir  leur  rébellion  et 

leur  Ihiisic,  qu'il  déteste  de  bon  coin  ;  mais  la  seule  fin 

du  secours  qu'il  leur  donne   est  la  défense   de  son  État, 

puisqu'il  n'a  autre  dessein   que  d'occuper  tellement  ceux 

sentie  qui  ils  agissent,  qu'ils  ne  lui  puissent  faire  du  mal 

snsnsnt  ils  ont  t'ait  pnff  le  passé. 

Au  reste,  les  Hollandois  ne  peuvent  et  ne  doivent  main- 
tenant être  considérés  comme  rebelles,  puisqu'il  y  a  douze 
ans  que  le   roi  d'Espagne  a  fait  un  trait»-  de  trêve3  avec 
•  mmr  peuples  libres  et  indépendants;  que  si  le  roi 
d  Espagne,  qui  seul  prétend  pouvoir  sur  eux,  les  reconnoit 
.il  n'y  a  prince  qui  ne  puisse  traiter  avec  eux  comme 
Im  penpiei  indépendants. 
Il  \  a  cinquante  ans*  qu'ils  sont  en  la  possession  où  ils 
it,  sa  maiii  rie  d'États,  il  arrive  d'ordinaire  que  l'ai  - 

1  Hollande  9  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  :  «  pour 
châtier  lesdits  infidèles...  ». 

1  Dans  Hollande  9,  ce  paragraphe  est  précédé  du  titre 
Objections. 

la  1609.  Cet  alinéa  serait  donc  tiré  d'un  mémoire] 
i  saonoeé  aa  i<i2i. 

e  soulèvement  de  1567. 


304  APPENDICES. 

quisition  en  est  injuste  et  la  possession  équitable  :  on  les 
prend  contre  raison,  mais  on  les  retient  avec  droit,  le  temps 
ou  l'affection  des  peuples  rendant  volontaire  l'obéissance 
à  laquelle  au  commencement  ils  étoient  contraints. 

Auguste,  comme  enseigne  saint  Augustin  en  la  Cité  de 
Dieu,  avoit  ôté  injustement  la  liberté  àsa  patrie  et  néan- 
moins, ayant  été  affermi  dans  le  gouvernement  par  quelque 
temps,  Dieu  n'a  pas  laissé  de  recommander  en  sa  parole 
qu'on  lui  obéît  comme  souverain. 

Les  Suisses  étoient  sujets  de  la  maison  d'Autriche,  et 
cependant  la  chrétienté,  sans  omettre  le  Pape,  les  reconnoîi 
comme  souverains  maintenant1,  quoique  la  rébellion  ait 
été  le  premier  titre  de  leur  souveraineté. 

Quelqu'un  dira  peut-être  encore  la  plupart  des  raisons 
et  des  auteurs  ci-dessus  allégués  qui  enseignent  qu'on  peut 
donner  secours  à  des  hérétiques  et  infidèles  contre  les 
fidèles,  supposent  que  la  guerre  des  hérétiques  soit  juste, 
ce  qui  ne  se  trouve  pas  en  celle  des  Hollandois  ;  mais  la 
réponse  est  prompte,  car,  quand  même  la  guerre  que  les 
Hollandois  font  contre  l'Espagne  seroit  injuste,  ce  qu'on 
n'examine  pas  ici2,  la  France,  ayant  juste  sujet  de  se 
plaindre  des  injures  qu'elle  a  reçues  d'Espagne  et  légitime 
occasion  d'en  appréhender  d'autres  à  l'avenir,  comme  il  a 
paru  ci-dessus,  peut,  sans  péché3,  contribuer  a  entretenir 
la  guerre  desdits  Hollandois,  par  la  même  raison  encore 
qu'un  homme  qui  a  besoin  d'argent  en  peut  prendre  d'un 
usurier  qui  pèche  en  le  prêtant,  pour  la  même  raison 
encore  qu'on  se  peut  servir  du  serment  d'un  infidèle  qui 
jure  par  ses  faux  dieux  pour  attester  une  vérité  dont  la  con- 
noissance  est  nécessaire  à  celui  qui  le  fait  jurer  :  et  c'est  en 

1.  Comparez  Catholique  d'Estat,  p.  177. 

2.  Ces  sept  mots  ont  été  ajoutés  par  Charpentier  dans  le 
manuscrit  original. 

3.  Ces  deux  mots  sont,  dans  le  manuscrit  A,  de  la  main  de 
Sancy. 


APPENDICES.  305 

( •»•  s.ns  (|ue  saint  Thomas  enseigne  qu'on  peut  sans  péché 
se  servir  .  t  se  prévaloir  du  péché  d'un  autre1. 

A  l'avènement  du  roi  Henri  III'  a  la  couronne,  les 
nanPM  qu'il  eut  contre  les  huguenots  furent  fomentées  et 
eut  retenues  de  l'argent  que  Philippe  IIe  donnoit  en  Lan- 
g— doc  au*  catholiques  unis  avec  les  huguenots,  ce  qui  fut 
<!<•>>  longtemps  auparavant  que  le  duc  d'Alençon  eût  pensé 
d'aller  en  Flandres. 

Depuis  encore,  ce  bon  prince,  tant  vanté  pour  sa  piété, 
offrit  souvent  de  l'argent  au  roi  Henri  le  Grand,  lorsqu'il 
n  »  tnit  que  roi  de  Navarre  et  qu'ils  l'appeloient  archihu- 
NOMl  I -t  n  laps,  pour  faire  la  guerre  à  Henri  IIIe,  son  roi 
légitime,  bien  qu'il  fût  beau-frère  de  Philippe  et  si  catho- 
lique que,  par  un  excès  de  dévotion  qui  tenoit  quelque 
chose  de  la  superstition,  il  vivoit  plutôt  en  religieux 
qu'en  roi. 

Bonn  IVe  eut  une  si  grande  horreur  de  cette  lâcheté 
qu'il  envoya  au  roi  Henri  IIIe  l'original  de  la  lettre  de 
Philippe,  par  laquelle  il  lui  faisoit  les  offres  et  le  sollicitoit 
de  lui  oier  la  conduite  du  royaume  qu'il  gouvernoit  si  mal. 

I  •    lui!  in  avant  fait  plainte  à  l'ambassadeur  d'Espagne, 

il  en  donna  avis  à  son  maître,  qui  n'écrivit  plus  audit  roi 

de  Navarre,  mais  lui  fit  dire  que,  nonobstant  ce  qu'il  avoit 

fait,  il  ne  laissèrent  pas  de  lui  donner,  quand  il  le  requer- 

le  secours  qu'il  lui  avoit  promis. 

Depuis  i|u  il  lot  venu  a  la  couronne  un  nonce  de  Sa 
Sainteté  le  sollicitant  d'abandonner  les  Hollamlois  et  lui 
ilisint  < | n •  le  roi  il  Espagne  ne  voudrait  assister  les  hugue- 
nots en  nulle  part  du  monde,  S.  M.  lui  raconta  cette  his- 
ilnnt  il  .1- ■m.  ni. i  fort  étonné,  et  prit  une  autre 
Espagne  que  celle  qu'il  a\ oit  eue  jusques  alors. 

Mais  il   ne   faut   j  mer  si  Philippe   a  vécu  ainsi, 

!  C  est  sur  cette  phrase  que  prend  fin  le  mémoire  de  Ilnl- 
land< 

\ 


306  APPENDICES. 

puisque  Charles  le  Quint,  son  père,  qui  est  le  fondateur 
de  la  maison,  qu'ils  suivent  et  qu'ils  imitent  en  tout,  comme 
ayant  le  premier  conçu  le  vain  dessein  de  la  monarchie  uni- 
verselle, n'a  pas  fait  difficulté  en  occasions  semblables  de 
faire  le  même  et  beaucoup  davantage. 

Il  fit  une  ligne  ouverte  avec  le  roi  Henri  VIIIe  d'Angle- 
terre, schismatique,  contre  le  roi  François  Ier,  et  le  fit  des- 
cendre avec  une  armée  en  France. 

En  Allemagne,  ayant  vaincu  en  bataille  rangée  Frédé- 
ric, duc  de  Saxe,  luthérien,  et  pouvant  rappeler  à  la  reli- 
gion catholique  toute  cette  province,  en  laquelle,  comme 
en  toutes  les  autres  d'Allemagne,  les  peuples  suivent  la 
créance  de  leurs  princes,  il  préféra  son  intérêt  à  toute 
considération  de  Dieu  et  aima  mieux  établir  en  sa  place 
Maurice,  luthérien,  mais  qui  lui  étoit  affidé,  que  non  pas 
aucun  autre  de  la  même  maison  qui  étoient  catholiques. 

Depuis  Maximilien,  l'an  1516,  étant  irrité  de  ce  que  les 
Polonois  ne  l'avoient  pas  voulu  élire  pour  leur  roi,  ne  fit 
point  de  difficulté  pour  essayer  à  se  venger  de  faire  ligue 
contre  eux  avec  le  Danois,  le  Suédois,  le  Moscovite  et  le 
duc  de  Saxe,  tous  princes  hérétiques. 

Si  nous  voulons  venir  à  notre  temps  et  en  la  même 
année  dont  nous  écrivons  maintenant  l'histoire,  le  comte 
d'Olivarès  a  fait  faire  à  M.  de  llohan  le  soulèvement  der- 
nier que  nous  venons  d'écrire1,  l'en  ayant  sollicité  par  un 
qu'il  faisoit  nommer  Don  Caries,  son  secrétaire,  déguisé, 
qu'il  lui  envoya. 

Le  duc  de  Milan,  ensuite  de  cela,  ayant  levé  les  armes, 
envoya  La  Rousselière2  et  Campredon3  en  Espagne,  qui  a 
depuis  été  convaincu,  condamné  et  exécuté  à  mort. 

1.  Le  soulèvement  de  1625. 

2.  Sur  les  menées  de  La  Rousselière,  gouverneur  de  Saint- 
Jean-de-Bruel,  en  Espagne,  voyez  Ch.  de  Bouffard-Madiane, 
Mémoires,  p.  98  et  112. 

3.  Manuscrit  A  :  «  Camredon  ».  Pierre  Campredon  apparte- 
nait en  1625  à  la  suite  de  Rohan  et  avait  guidé  La  Rousselière 


MTRNDICE8. 

Il  M  «|iii  est  encore  ici  plus  à  considérer,  c'est  qu'ils 
font  alliance  avec  les  infidèles  cl  hérétiques  pour  envahir 
les  provinces  d'aulrui;  et  nous  ne  le  laisousque  pour  notre 
(I.  I-  use  et  empêcher  qu'ils  ne  dépouillent  uns  alliés  de 
leurs  États  :  de  sorte  que,  s'il  y  a  quelque  chose  à  re- 
prendre en  cela,  ce  n'est  pas  à  nous,  mais  i  eux,  que  le 
Mime  doit  être  imputé. 

ht,  h  la  vérité,  qui  voudrait  exactement  examiner  la 
de  la  raine  de  la  religion  en  bt  chrétienté  trouvera 
CHM  la  maison  d'Autriche  ;i  ouvert  la  porte  au  Turc  pour 
envahir  lee  provinces  catholiques,  a  donné  établissement 
i  cours  à  l'hérésie  de  Luther  et  de  Calvin,  qui  ravage  la 
plupart  <le  l'Europe  et  est  cause  du  schisme  d'Angleterre 
suivi  de  l'hérésie  sous  laqaeUe  nette  île  est  opprimée 
depuis  un  long  temps 

OU  ne  sauroit  lire  sans  larmes  l'histoire  de  Hongrie,  en 
laquelle  on  vit  Ferdinand,  frère  de  Charles  le  Quint,  a 
I  app.  in  de  son  ambition  pourse  faire  roi  de  Hongrie,  for- 
cer celui  que  le  pays  avoit  élu  a  appeler  le  Turc  pour  le 
Ire  contre  la  violence  de  ses  armes  qui  le  vouloient 
dépouiller. 

Enfin,  par  trait  de  temps,  continuant  toujours  ses  entre- 
pris.-s  contre  ce  pauvre  royaumCi  Soliman,  après  avoir  été 
appelé  m  leeonn  plmionn  fois,  se  saisit  des  meilleures 
villes  et  places  pour  le  remboursement  des  frais  de  la 
-lierre,  et  depuis  s'étendit  si  avant  qu'il  n'en  reste  plus 
qu'une  petite  partie  aux  chrétiens. 

L'hérésie  de  Luther  étoit  poursuivie  et  combattue  par 
toute  la  chrétienté;  on  brùloit  en  France  MU  qui  en  ÛnV 
soieiil  profession  ;  on  ne  les  tniiloil  pas  plus  favorablement 

en  Angleterre  En  Allemagne,  ils  étoieni  attaqués,  lorsque, 
tout  d'un  coup.  Charles  le  Quint,  pour  avoir  plus  de 
moyens   de    tourner  ses    forces    contre    la    France,    leur 

en  Espagne;  il  Tut  arrêté  à  Belpech  et  écarte  lé  à  Toulouse  le 
6  avril  1626  (Ch.  de  Bouffa rd-Madiane,  Mémoires,  p.  281). 


308  APPENDICES. 

accorde  l'intérim,  par  lequel  il  priva  plus  de  quatre 
mille  villes  et  bourgades  de  l'exercice  de  la  religion 
catholique1,  et,  ayant  donné  à  l'hérésie  cet  affermissement, 
elle  s'est  depuis  épandue  par  toute  l'Europe  et  y  a  fait  les 
maux  qu'un  chacun  sait. 

Quant  au  schisme  d'Angleterre,  à  qui  eh  peut  être  attri- 
buée la  cause  qu'à  Charles  le  Quint?  Par  ses  poursuites 
continuelles,  il  a  fait  que  le  Pape  a  traité  avec  un  peu  de 
rigueur  le  roi  Henri  VIIIe,  qui,  par  désespoir,  se  jeta  dans 
un  schisme  formel*. 

Depuis,  ce  roi  reconnoissant  sa  faute  et  se  voulant 
réconcilier  à  l'Église,  Haederus  écrit  que  Charles  le  Quint, 
par  son  autorité,  empêcha  que  S.  S.  le  reçut  si,  aupara- 
vant, il  n'avoit  restitué  à  l'Eglise  tous  les  biens  qu'il  lui 
avoit  ravis,  ce  qui  n'étoit  pas  en  sa  puissance. 

Le  roi  François  Ier  fit  en  sa  faveur,  mais  en  vain,  tous 
les  offices  qu'il  put  envers  S.  S.  Le  roi  Henri  VIIIe,  voyant 
que  l'affaire  dépendoit  de  Charles  le  Quint,  fit  ligue  avec 
lui  contre  le  roi  François  pour  l'obliger  à  obtenir  du  Pape 
ce  qu'il  lui  demandoit;  mais  la  vengeance  étoit  si  fort 
enracinée  en  son  cœur  qu'il  n'amollit  jamais  sa  dureté 
envers  lui. 

Et,  pour  montrer  que  ce  n'étoit  que  sa  seule  passion 
quiempêchoitcet  accommodement  si  nécessaire  à  l'Eglise, 
c'est  que,  tôt  après,  Henri  étant  décédé,  Philippe,  fils  de 
Charles  le  Quint,  épousa  Marie,  fille  de  Henri,  laquelle 
rétablit  la  religion  catholique  en  Angleterre,  à  condition 
que  tous  les  biens  qui  avoient  été  ôtés  aux  ecclésiastiques 
demeureroient  sécularisés,  qui  est  ce  que  seulement  de- 
mandoit ledit  Henri  et  qu'à  faute  de  lui  avoir  été  accordé 
a  causé  la  ruine  de  l'Eglise  en  ce  royaume. 

1.  Comparez  Catholique  d'Estat,  p.  81  :  «  Il  a  chassé  la  reli- 
gion catholique  de  plus  de  quatre  mille  lieux  en  Allemagne.  » 

2.  Comparez  le  Catholique  d'Estat,  p.  91  et  suivantes. 


APPKM'h  I  s  309 

Appbndice  III. 

vrs  prononcé  par  le  cardinal  de  Richelieu  à  l'assem- 
de  Fontainebleau  du  29  septembre  1625*. 

I  cardinal  de  Richelieu  s'adressant  au  Roi,  parlant  avec 
ce  et  l'éloquence  qui  lui  sont  naturelles,  dit  à  S.  M. 
on  substance  que,  depuis  que  S.  M.  lui  avoit  fait  l'honneur 
de  l'appeler  en  ses  conseils,  il  avoit  toujours  reconnu  qu'elle 
avoit  été*  très  bien  conseillée  d'entreprendre  par  les  armes 
le  recouvrement  de  la  Valteline,  puisque  par  les  négocia- 
tions olle  ne  l'avoit  pu  obtenir;  que  le  roi  d'Espagne  n'avoit 
ne  trop  fait  connoître  le  dessein  qu'il  avoit  de  prendre 
avantage  en  l'issue  de  cette  affaire  et  d'en  ôter  la  gloire  à 
S.  M .  :  qu'il  étoit  difficile  par  la  voie  des  traités  avec  le  Pape 
d'an  tirer  ;•  présent  une  fin  honorable  à  cause  du  prétexte 
de  la  religion;  que,  pour  l'avoir,  il  étoit  expédient  de  faire 
une  bonne  guerre  et  à  quelque  prix  que  ce  fût  conserver  à 
la  France  le  passage  de  la  Valteline  et  aux  Grisons  leur 
souveraineté;  qu'il  seroit  trop  honteux  de  consentir  à  la 
perte  ou  diminution  de  l'un  ou  de  l'autre,  et  que,  si  la 
France  abiindonnoit  ses  alliés,  elle  ne  trouverait  plus  de 
support  ni  d'assistance  chez  les  princes  ses  voisins,  qui  la 
qoitteroienl  pour  suivre  le  parti  d'Espagne;  qu'il  savoit 
bien  que  la  pais  étoil  préférable  a  la  guerre,  mais  non  pas 
une  paix  honteuse,  qui  tire  en  conséquence  la  perte  de  sa 

1 .  Il  nous  a  semblé  intéressant  de  rapprocher  de  la  version 
aVwmét  par  les  Mémoires  de  ce  discours,  d'après  le  Mercure 

•ts,  celle  qui  figure  dans  la  relation  intituler  «  Négocia- 
tion du  . -animal  Harberin  »  et  composée  probablement  par 
Lrdier    I  140  v°).  —  Ci-dessus,  p.  L20- 

131,        M    ll.motaux  en  a  publie  un  premier  projet  (Ma 

.  p.  87-91);  voyez  aussi,  dans  Rapporta  -  ,  t.  II. 

!.  M  OJM  «lit  M    Delavaud  à  ce  %\ 


310  APPENDICES. 

réputation  ;  que,  si  l'on  lui  disoit  que  les  affaires  du  royaume 
pouvoient  détourner  S.  M.  de  porter  ses  armes  ailleurs,  il 
répondroit  qu'avec  peu  de  forces  on  pourroit  réduire  les 
rebelles  a  l'obéissance  et  en  même  temps  avec  une  bonne 
armée  faire  la  guerre  au  dehors; 

Que,  si  l'on  mettoit  en  avant  que  pour  faire  la  guerre  il 
falloit  de  l'argent,  Messieurs  des  finances,  qui  étoient 
là  présents,  pourroient  répondre  qu'ils  avoient  du  fonds 
pour  faire  quatre  montres  sans  toucher  aux  moyens  extraor- 
dinaires ni  au  revenu  de  l'année  suivante;  que,  lorsque  les 
princes  voisins  verroient  S.  M.  dans  des  desseins  généreux, 
ils  seroient  tous  incontinent  pour  elle,  et,  tant  qu'elle  conti- 
nueroit,  jamais  ne  l'abandonneroient;  qu'enfin  l'honneur 
étoit  le  vrai  patrimoine  des  rois,  qu'il  falloit  que  S.  M. 
conservât  le  sien,  et  que  pour  cela  il  falloit  hasarder  tout 
le  reste,  et  partant  qu'il  estimoit  que  le  Roi  pouvoit  écrire 
au  Pape  et  au  légat  que,  par  l'avis  de  son  Conseil  et  de  ses 
cours,  S.  M.  ne  pouvoit  recevoir  les  propositions  qui  lui 
avoient  été  faites  et  qu'elle  seroit  toujours  prête  d'entendre 
à  des  conditions  de  paix  honorables  pour  elle  et  pour  ses 
alliés1. 

1.  Comparez  l'extrait  suivant  d'une  dépêche  adressée  par  le 
Roi  à  son  ambassadeur  à  Rome,  Béthune.  Fontainebleau,  4  oc- 
tobre 1625  :  *  Depuis  le  départ  du  cardinal-légat,  j'ai  fait 
assembler  en  ce  lieu  les  princes  officiers  de  ma  couronne,  prin- 
cipaux de  mon  Conseil,  ensemble  les  premiers  présidents  et  mes 
avocats  et  procureurs  généraux  de  mes  cours  souveraines  de 
Paris,  auxquels,  ayant  fait  entendre  les  raisons  qui  m'avoient 
obligé  et  contraint  de  prendre  les  armes  pour  faire  rendre  aux 
Grisons,  mes  alliés,  la  Valteline,  ce  qui  avoit  été  traité  avec  ledit 
sieur  légat  et  les  causes  de  la  rupture  de  ses  négociations,  tous 
d'une  commune  voix  ont  loué  et  approuvé  le  soin  que  j'avois 
pris  des  avantages  de  la  religion  catholique  en  la  Valteline  et 
plus  encore  la  fermeté  que  j'avois  montrée  pour  conserver  à 
mesdits  alliés  leur  souveraineté,  de  sorte  que  j'ai  conclu  avec 
eux  qu'il  étoit  plus  expédient  de  continuer  une  juste  guerre 


M'I'KNDICES.  M 

Appendice  IV. 

i  de  Richelieu  sur  le  voyage  de  Buckirigham*. 

Manuscrit  A  renfermait  primitivement  (fol.  219-220)  un 
tail  du  (Cardinal  sur  le  projet  de  voyage  de  Buckingham  en 
France;  ce  passage  a  été  supprimé  lors  de  la  revision  générale 
du  manuscrit  ;  nous  reproduisons  ci-dessous  ce  document  tel 
qu'il  figurait  dans  le  manuscrit  A,  en  indiquant  les  principales 
variantes  qu'il  présente  sur  l'avis  original,  dont  Avenel  a 
donne  des  extraits  t.  VII,  p.  569,  d'après  le  vol.  Angleterre  26, 
fol.  2 

La  nouvelle  en  étant  venue  en  France,  le  Cardinal  crai- 
gnit (|ui-  ilillicilement  se  pourroit-on  dégager  de  la  presse 
importune   qu'il  feroit  d'avoir  permission  de  venir  en  la 
cour  et  dit  ;m  Koi  que,  puisqu'il  avoit*  passé  la  mer  après 
■voir  reçu  tous  les  avis  qu'on  lui  aura  donnés  en  Angle- 
-u!   le  sujet  de  son  voyage,  rien  ne  l'arrêteroit.  el 
qu'il    a\oit    grande   apparence    qu'il    surprendroit    le    Uni 
l<irs<|ii  il  i  pi-nseroit  la  inoins,  tels  tours  étant  ordinaires  en 
.    et,   qui   plus  est,  à  son  humeur;   mais  qu'il 
faudroit  qu'il  eùl  perdu   la  raison  pour  venir  sans  dénoua 
&•  M.  en  ses  affaires.  Qu'il  n'\   avoit  rien  si 
aisé  aux  hommes  que  de  se  tromper  en  leurs  jugements, 
pi  im ■ipalrno-ni  quand  ils  les  font  de  personnes  dont  la  con- 
duite n'rsi  | lis  réglée  et  qui  agissent  par  boutades  el   non 

pow  parvenir  à  une  bonne  et  honorable  pai\  qoe  de  faire  one 
paix  bonteOM  qui  fût  le  fondement  d'une  longue  et  lâcheuse 
guerre  •  [Bibl.  nat.,  ms.  Français  3669,  fol.  1). 

l.  o-dî 

Première  rédaction  du  manuscrit  A,  corrigée  ensuite  par 
Sancy  :  «  C'est  pourquoi,  afin  de  n'être  pas  surpris,  il  donna 
au  Roi  l'avis  suivant  sur  ee  sujet.  Il  sera  I  empêcher 

>pi<   liucLm-liam  ne  vienne  ici,  car  s'il  a  passé...  • 


312  APPENDICES. 

par  raison  et  par  prudence.  Mais  qu'il  étoit1  le  plus  trompé 
du  monde  si  ce  personnage,  qui  savoit  toutes  les  plaintes 
que  la  France  faisoit  de  l'Angleterre,  ne  venoit  garni  de 
remèdes,  prétendant  par  ce  moyen  se  faire  faire  un  bon 
visage  et  faire  un  tour  des  neuf  preux  semblable  à  celui 
qu'il  fit  faire  à  son  maître  quand  il  le  mena  en  Espagne 
sans  grand  fondement;  que,  quelque  dessein  qu'il  eût  de 
donner  contentement,  il  ne  laisseroit  pas  de  parler  pour 
les  huguenots  et  pour  sa  ligue  offensive2,  mais  il  n'y  a  point 
d'apparence  qu'il  s'arrêtât  ni  à  l'un  ni  à  l'autre.  Et,  quand 
il  le  feroit,  il  faudroit  être  aussi  ferme  à  refuser  comme 
lui  à  demander,  et,  d'abord,  il  faudroit  lui  dire  les  condi- 
tions èsquelles  on  pouvoit  entrer  avec  l'Angleterre  pour  la 
guerre  d'Allemagne,  afin  de  retrancher  la  longueur  de  sa 
négociation. 

Que  son  but  seroit  de  ne  la  finir  pas  si  tôt,  et  celui  de  la 
France  devoit  être,  sans  le  témoigner  de  parole,  de  ne  le 
retenir  pas  longtemps. 

Qu'il  falloit  s'abstenir  de  parler  mal  de  lui,  tant  devant 
son  arrivée  que  lorsqu'il  seroit  ici,  et  que  le  Roi  n'avoit  a 
tenir  autre  langage  à  ceux  qui  lui  parleroient  qu'il  devoit 
venir,  sinon  qu'il  seroit  le  très  bien  venu  s'il  lui  apportoit 
contentement  sur  les  inexécutions  dont  S.  M.  avoit  à  se 
plaindre,  et  qu'il  savoit  bien  qu'il  étoit  trop  avisé  pour  venir 
autrement;  qu'il  estimoit  beaucoup  sa  personne,  mais  que 
les  rois  regardent  principalement  aux  intérêts  de  leurs 
États. 

Qu'il  sembloit  qu'on  ne  sauroit  faire  autre  chose  que  le 
loger  chez  M.  de  Chevreuse,  par  les  intérêts  duquel  il  fau- 
droit tâcher  de  le  ménager,  sans  lui  dire  que  ce  qu'on  vou- 
droit  que  l'autre  sût,  et  lui  témoignant  ne  se  soucier  pas 
beaucoup,  quelque  résolution  qu'ils  prissent. 

1.  Angleterre  26  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  : 
«  mais  je  suis...  ». 

2.  Angleterre  26  :  «  et  pour  sa  ligue  offensive  et  défensive  ». 


APPENDICES. 

I»  Kll'uit  pourroit  aussi  servir  en  cette  affaire.  Quelque 
voyage  que  le  Roi  fit,  il  n'empêcheroit  pas  ledit  Buc- 
kingham  de  venir  ici,  étant  certain  qu  il  n'y  auroit  point 
(1  apparence  de  lui  en  dénier  la  permission  quand  il  la 
demandèrent  pour  venir  voir  les  reines. 

Qu'il  seroit  utile,  à  cause  de  l'affaire  des  huguenots, 
qu'il  n'\  \itii  point;  m;iis  qu'il  y  avoit  des  rencontres  où 
il  n'y  a  point  d'autres  remèdes  que  de  faire  bonne  mine, 
cacher  ses  sentiments  et  ménager  adroitement  ses  avan- 
tages; 

Ou'on  pourroit  accorder  aux  Anglois  la  continuation  de 
Il  | >;i\e  qu'on  donnoit  à  M ansfeld  pour  un  an,  plus  ou  moins; 
ce  qu'on  avoit  promis  à  Belin  pour  l'armée  du  roi  de  Dane- 
mark, de  la  cavalerie  à  leurs  dépens,  si  mieux  ils  n'aimoient 
i tenter  de  l'entretien  du  Mansfeld  et  de  la  cavalerie 
à  nos  dépens,  pour  joindre  actuellement  de  l'infanterie 
angloise  lorsqu'ils  résoudront  d'en  faire  entrer  dans  le 
Palatin. il  : 

Que  l'on  croit  qu'il  étoit  utile  de  faire  un  tel  traité  avec 
«ux,  parce  que,  par  ce  moyen,  on  entretiendroit  sous  leur 
nom  la  guerre  en  Allemagne  et  peut-être  y  remettroit-on 
les  affaires  en  la  balance  où  elles  doivent  être,  chose  du 
tout  nécessaire  ; 

.  e,  en  outre,  que  par  ce  moyen  oh  engageroit1  les 
Anglois  à  ne  rien  faire  contre  vous  en  ce  qui  concerne  les 
huguenots; 

Moyennant  ces  conditions,  il  faudroit  obliger  les  Anglois 
à  exécuter  ce  qui  étoit  pwii  tant  pour  les  catholique* 
que  pour  la  maison  de  la  Reine,  à  rendre  tous  les  vais- 
i  tant  pris  par  M.  de  Soubise  qui-  pu  tfB,  et,  de  plus, 
s'il  se  pouvoit,  à  assister  S.  M  eontft  les  rebelles,  étant 
nécessaire  de  traiter  avec  eux,  en  sorte  que  plus  ils  s'en- 

1 .  Angleterre  26  :  «  vous  engagez  les  Anglois  »  ;  &  la  ligne 
suiva  v  a  oublié  de  corriger  vous  en  S.  M. 

I    Angleterre  26  :  <■  1  vous  assister  ». 


314  APPENDICES. 

gageront  a  la  servir1,  plus  aussi  entrera-l-on  en  leurs 
affaires. 

On  pourroit  aussi  faire  quelque  société  avec  eux  pour  le 
commerce. 

Mais  que,  quoi  qu'ils  disent  ou  fissent,  il  falloit  bien  se 
garder  de  joindre  l'affaire  de  la  Valteline  avec  le  Palatinat, 
en  sorte  qu'on  ne  pût  terminer  l'une  sans  l'autre;  que 
ç'avoit  toujours  été  le  but  des  Anglois,  quoique  sans  raison 
et  sans  fondement,  et  surtout  qu'il  falloit  dépêcher  les 
députés  des  huguenots  devant  ladite  venue2. 

Appendice  V. 

Lettre  de  Guillaume  Bautru  au  cardinal  de  Richelieu 
sur  sa  mission  en  Angleterre3. 

A  Hampton-Court,  6  janvier  1626. 
Monseigneur, 
J'ai  ponctuellement  suivi  l'ordre  de  mon  voyage  comme 
je  l'avois  projeté  avec  M.  de  Chevreuse.  Le  retour  du  duc 
de  Buckingham  m'a  fait  passer  en  Angleterre.  Il  n'est 
arrivé  que  le  2e  du  courant  d'une  maison  qu'il  a  sur  la 
frontière  d'Ecosse,  où  sa  femme  est  accouchée4.  J'ai  passé 
quatre  jours  à  Londres  en  attendant  sans  qu'on  en  ait  rien 

1.  Angleterre  26  :  «  à  vous  servir  ». 

2.  Angleterre  26  et  première  rédaction  du  manuscrit  A  : 
«  devant  la  venue  de  Buckingham  ».  La  correction  a  été  faite 
sur  le  manuscrit  A  par  Sancy.  Comme  la  remise  des  conditions 
de  paix  aux  députés  eut  lieu  le  30  novembre,  1'  cr  Avis  »  a  été 
certainement  composé  dans  les  premiers  jours  de  décembre. 

3.  Ci-dessus,  p.  177.  Cette  lettre  inédite,  par  laquelle  l'en- 
voyé du  Cardinal  rend  compte  de  la  mission  dont  il  avait  été 
chargé,  est  conservée  aux  Aff.  étr.,  Angleterre  41,  fol.  10-13. 
Elle  est  entièrement  de  la  main  de  Bautru. 

4.  Elle  avait  donné  le  jour  à  Charles  Villiers,  né  le  27  no- 
vembre 1625  et  décédé  le  26  mars  1627. 


APPENDICES.  315 

su  pat  il.,  i  II  me  reçut,  me  logea  à  Londres,  .1  ici  où 
j'ani\ai  le  3*.  Je  fus  d'abord  faire  la  n\.i.m  .>  a  la  reine1, 
a  laquelle  je  «lis  dei  nouvelles  de  LL.  MM.  et  des  vôtres, 
in.ii»  mm  recommandations,  Ésea  dessein  ayant  été  de 
1  en  Hollande,  on  j'avois  à  parler  à  M.  de  Huekingham 
de  la  part  de  M.  de  Chevreuse. 

Après  une  heure  de  conversation  particulière,  quoique 
toute  sa  cour  en  fût,  le  duc  me  mena  faire  la  révérence  au 
roi.  lequel,  après  m'avoir  dit  des  paroles  beaucoup  plus 
obligeantes  et  plus  courtoises  que  je  ne  devois  espérer,  se 
-ur  les  mécontentements  qu'il  avoit  de  M.  l'Ambassa- 
deur, «lisant  qu'il  ne  parloit  jamais  à  lui  sans  menaces, 
qu'il  aigrissoit  l'esprit  de  sa  femme  contre  lui  et  ses  servi- 
teurs, qu'il  empêchoit  les  domestiques  de  sadite  femme 
de  vivre  connnr  il  étoit  convenable,  et  une  Iliade  d'autres 
plaintes  de  pareille  étoffe;  puis  il  passa  dans  l'aflaire  de 
ses  vaisseaux  ;  que  le  Roi  mon  maître  lui  refusoit,  après  l'en 
avoir  si  cordialement  obligé;  que  toutes  ces  choses  lui 
faisaient  croire  qu'il  n'étoit  pas  aimé  du  Roi  son  frère, 
somme  il  s'étoit  imaginé  et  qu'il  erovoit  que  son  affection 
nu -ritoit.  Il  ajouta  encore  que  l'ambassadeur  prenoit  pan* 
licnlièrement  à  tâche  de  désobliger  le  duc  de  Buckingliain, 
qui  lui  étoit  dus  personne  si  chère  si  si  utile  et  qui  seuil 
si  bien  servi  notre  nation  selon  son  pouvoir. 

pondis  à  S.  M.  que,  depuis  quatre  jours  que  j'étois 

j  ■VOIS  appris  qu'il   \  tVOfl  de  la  mauvaise 

intelligence  entre  le  Roi  mon  maître  et  lui;  qu'il  nie  fai- 

snit  beaucoup  d'honneur  de  s'ouvrir  a  moi,  qui  n'étois  en 

sjaume  que  de  ls  part  d'un  prince  partsenheH  vers 

lire  seigneur  des  siens,  mais  que  je  liuavoû  psi  1» 

1 .  Henriette  de  France. 
Blalavflle 

J.    Les    huit    vaisseaux    prêtés    pour    l'sipédltion    contre 
Isahissi 

V  l     du<   <!•  <  ln-vreusc. 


316  APPENDICES. 

bouche  de  S  M.  les  aigreurs  beaucoup  moindres  que  je 
ra'étois  imaginé,  depuis  ce  que  j'en  avois  appris  dans  ses 
Etats,  les  causes  de  cette  mésintelligence  étant  si  légères 
qu'elles  ne  pouvoient  produire  aucun  mauvais  effet.  Car, 
pour  ce  qui  touchoitM.  l'Ambassadeur,  quand  il  y  auroit 
quelque  chose  à  désirer  en  la  forme  de  parler,  qu'il  étoit 
très  aisé  d'y  remédier;  que  les  établissements  nouveaux 
d'étrangers,  de  personnes  de  diverse  langue  et  religion,  ne 
se  pouvoient  faire  sans  qu'il  se  trouvât  quelques  mauvais 
passages,  qui  ne  seroient  pas  capables  d'arrêter  la  bonne 
intelligence  entre  le  roi  Très  Chrétien  et  lui,  s'il  vouloit  se 
laisser  persuader  par  les  intérêts  communs,  par  l'exécution 
des  choses  promises  où  son  honneur  étoit  engagé  et  par 
les  charmes  de  l'amour  d'une  si  belle  princesse  que  la 
reine,  qui  véritablement  étoit  embellie  plus  que  je  n'eusse 
pu  m'imaginer  depuis  qu'elle  étoit  entre  ses  mains;  qu'au 
moins  porterois-je  à  la  reine,  sa  belle-mère,  de  laquelle 
j'avois  l'honneur  d'être  domestique1,  cette  bonne  nou- 
velle qui  lui  seroit  extrêmement  agréable,  n'y  ayant 
rien  au  monde  qui  la  touchât  si  sensiblement  que  ce  qui 
concernoit  la  santé  et  le  contentement  de  cette  chère  fille. 
Quant  à  ce  qui  étoit  des  vaisseaux,  que  je  m'étonnois 
plus  que  je  ne  pouvois  exprimer  à  S.  M.  que  sept  ou  huit 
navires  prêtés  au  Roi  son  beau-frère  pussent  causer  aucun 
désordre  entre  personnes  si  éminentes;  qu'il  y  avoit  à 
Paris,  à  Londres  et  à  Amsterdam,  cinquante  marchands  en 
chacune  qui  ne  feroient  pas  un  procès  à  leurs  compères 
pour  chose  de  pareille  valeur  ;  que  la  demande  exacte  qu'il 
faisoit  de  cette  restitution  donnoit  quittance  au  Roi  mon 
maître  de  l'obligation  qu'il  lui  en  avoit,  outre  que,  dans 

1.  Guillaume  Bautru  bénéficiait  d'une  pension  de  3,000  livres 
accordée  par  la  Reine  mère  le  6  juin  1624  (Bibl.  nat.,  Dossiers 
bleus,  66).  Il  avait  reçu  la  charge  de  mestre  de  camp  d'un  régi- 
ment d'infanterie  par  commission  de  Marie  de  Médicis  du 
20  juillet  1620  et  avait  participé  à  l'action  du  Pont-de-Cé. 


APPENDICES.  317 

les  termes  ordinaires,  il  ne  les  pouvoit  redemander  qu'après 
(li\-liuil    mois  expirés. 

ht  pour  ce  qui  touchoit  M.  de  Buckingham,  qu'il  pou- 
\<>ii.  si  lui  plusoit,  \<>ir  la  lettre  que  M.  de  Chevreuse 
.«•risoit  audit  sieur  duc1,  et  qu'il  verroit  là  dedans  com- 
bien l<s  intentions  de  mon  maître  étoient  éloignées  des 
bruits  que  l<urs  ennemis  communs  épandoient  pour  profi- 
ter il.  leur  division.  Mon  discours  seroit  de  la  taille  d'un 
<l<  l'arehevêque  de  Rouen2,  si  je  voulois  ne  ri« m 
omettre  de  la  longue  conversation  que  j'eus  avec  ce  roi  qui 
m*-  donna  la  plus  bénigne  et  favorable  audience  que  je 
|H>u\..is  souhaiter,  et  tant  s'en  faut  qu'il  prit  en  mauvaise 
part  rien  de  ce  que  je  lui  dis,  qu'il  me  témoigna  avoir  très 
agréable  et  la  liberté  de  laquelle  j'usois,  et  les  raisons  que 
je  lui  ITOÎI  apportées. 

I<   lendemain,  j'ai  fait  aboucher  MM.  de  Blainville,  de 

Mende  et  de  Tillièrea  avec  le  duc,  où  ils  ont  fait  des  pro- 

tions  d'amitié  telles  qu'il  se  peut  désirer,  et  particuliè- 

it  M.  île  Mende  s'est  lié  de  très  étroite  affection  avec 

lui.  le  priant  instamment  qu'il  voulût  être  médiateur  de 

bienveillance  en  son  endroit.  Je  ne  fus  jamais  plus 

etimne  (|ue  lorsqu'il  me  dit  que  tout  le  monde  lui  disoit 

i|iie  \<>iis  m  I  aimiez  point,  vous  qu'il  estimoit  par  sus  tous 

les  ministres  ,|,s  pou  'lu  momie,  et  de  qui  il  avoit  reeher- 

<he  la  bonne  volonté  avec  une  passion  très  violente;  qu'il 

sa\oit  bien  que  ses  ennemis  vous  avoient  voulu  faire  croire 

<|u  il  se  réjouissoil  que  vous  fussiez  malade  et  qu'il  n'a\oit 

nulles  lionnes  intentions  pour  votre  service,  ce  qui  étoit, 

il  .  plus  faux  que  les  diables  mêmes  auxquels  il  se 

donnoit.  s  il  as  oit  jamais  tant  regretté  chose  que  l'éloigne- 

1     Noos  avons  donné  le  texte  de  cette  lettre,  dictée  par 
lien,  p.  17").  n.  1. 

'  rançois  de  Harlay  de  Champvallon  avait  publié  en  1625 
les  «  Apologia  Evangelii  pro  catholicis  ad  Jacobum  Majoris 
annise  regem  »,  in-fol.,  988  p. 


318  APPENDICES. 

ment  de  vos  bonnes  grâces;  qu'il  savoit  que  vous  aviez 
trouvé  mauvais  qu'il  eût  changé  de  façon  de  vous  écrire, 
mais  que  vous  aviez  commencé  auparavant,  et  qu'il  vou- 
drait s'être  rompu  les  doigts  lorsqu'il  fit  la  suscription 
hors  la  coutume. 

Je  pris  la  parole,  Monseigneur,  sur  cet  article  et  dis  que 
ces  choses-là  faisoient  si  peu  d'impression  en  votre  esprit 
que,  lorsque  vous  aviez  reçu  la  lettre  des  mains  de  M.  de 
Chevreuse  à  Noisy,  je  croyois  que  ç'avoit  été  M.  d'Eflufl 
ou  moi  qui  en  avions  fait  l'observation1  ;  que  pour  la  haine 
prétendue  que  tant  s'en  faut  qu'il  en  dût  rien  croire,  qu'il 
avoit  des  arguments  très  pressants  du  contraire  par  la 
façon  que  vous  aviez  traité  avec  lui  lorsqu'il  étoit  en 
France,  par  ce  qu'il  valoit  et  par  votre  naturel,  qui  étoit 
entièrement  répugnant  à  toutes  démonstrations  d'altération 
et  de  haine,  et  là-dessus  je  lui  ai  conté,  devant  ledit  sieur 
de  Mende,  l'histoire  d'entre  vous  et  feu  Ruccellaï2;  qu'au 
contraire  je  serois  caution  de  ma  vie  et  que  je  vous  l'avois 
souvent  ouï  dire  que  vous  auriez  une  extrême  joie  que  les 
choses  qui  pourroient  apporter  contentement  à  notre  Roi 
vinssent  par  son  moyen,  et  qu'il  ne  s'arrêtât  point  à  tous 
ces  petits  contes-là  que  lui  faisoient  des  personnes  pleines 
de  mauvaise  intention  envers  nos  maîtres,  mais  qu'il 
leur  donnât  des  démentis  par  des  effets  et  qu'il  verroit  que 
vous  le  chéririez  et  aimeriez,  comme  sa  condition,  son 
mérite  et  la  personne  qu'il  soutient  en  cet  état  le  requièrent. 

M.  de  Mende  a  ajouté  avec  serment  que,  depuis  quinze 
jours,  il  avoit  reçu  deux  ou  trois  de  vos  lettres,  qui  toutes 

1.  Cet  incident  est  rapporté  par  Tillières,  Mémoires,  p.  68. 
Voir  aussi  Amelot  de  la  Houssaye,  Mémoires  historiques... ,  1. 1, 
Amsterdam,  1722,  p.  546. 

2.  Sur  l'intervention  du  Cardinal,  en  1619,  auprès  de  la 
Reine  mère  en  faveur  de  Ruccellaï,  voyez  le  tome  II  de  nos 
Mémoires,  p.  356. 


APPENDICES. 

lui  enjoignaient  de  bien  vivre  avec  lui,  avec  témoignages 
.1  .l 'estime  et  de  bonne  volonté  de  votre  part  en  son 
endroit 

Monsieur  l'Ambassadeur  a  voulu  venir  aux  éclaircisse- 
ments sur  le  particulier  de  toutes  les  affaires,  mais  M.  de 
Mande  et  moi  l'avons  prié  que  l'on  changeât  de  méshuy 
M  st\le  de  débats  en  oubliant  entièrement  le  passé,  mais 
bien  qu'on  vit  les  effets  des  protestations  d'amitié  que  l'on 
\enoit  de  faire  de  part  et  «l'autre.  Je  crois  qu'il  y  avoit 
plus  de  deux  mois  < jn'ils  n'avoient  parlé  d'affaires  audit 
doc,  même  que,  depuis  trois  jours  que  le  Carlisle  avoit  été 
pour  soir  latnbassadeur,  son  valet  de  chambre  lui  avoit 
dit  ijue  l'on  ne  voyoit  point  et  qu'il  avoit  pris  médecine. 
Le  comte  de  llolland  et  Carlton  partent  dans  trois  jours 
pour  aller  en  France.  Vous  en  aurez  été  averti  avant  la 
mi<  une,  le  comte  de  Holland  étant  allé  en  donner  avis  à 
M.  de  l>lain\ille 

I  oearoia  quasi  assurer,  Monseigneur,  que,  si  l'on  conduit 

daires  par  le  chemin  que  je  vous  ai  dit,  l'on  fera  plus 

en  un  jour  qu'en  un  an  par  une  autre  voie.  Je  voulois  m'en 

retournai  ■▼ac  M    de  Mende,  mais  je  n'ai  pu  obtenir  congé 

prime,  qui  me  fait  beaucoup  plus  d'honneur  que  je 
n'en  veux,  ni  que  je  n'en  mérite. 

irdon  cro\oit  partir  dans  deux  jours,  mais  j'ai  rompu 
ce  voyage,  ne  le  jugeant  aucunement  à  propos;  ce  n'a  pas 
été  sans  l'avis  de  M.  de  Mende,  duquel  je  ne  saurois  assez 
louer  l'affection  au  service  de  M  maîtresse,  son  adresse  et 

indusirie  en   l.i  gestion  des  affaires  et  la  passion  en   tout  ce 
qui  touche  \otre  nom 

\u  reste,  Monseigneur,  je  vous  supplie  très  humblement 
iii<   «pie  je  suis  demeuré  dans  les  termes  |,i ,  mi  ils,  Sans 
re  avancé  de  la  moindre  chose  en  rien  qui  pût  blesser 
ni    la   dignité   du    maili-'.   ni   eonlrexenir  à   VOS  commande- 
ments, qui  DM  seront   a  jamais  des  lois  inviolables,  étant] 


320  APPENDICES. 

s;iiis  condition  ni  réserve,  Monseigneur,  votre  très  humble, 
très  obéissant  et  très  obligé  serviteur. 

Bautru. 

(.4/*  dos  :)  A  Monseigneur,  Monseigneur  le  cardinal  de 
Richelieu. 

Appendice  VI. 

Avis  du  garde  des  sceaux  de  Marillac  au  sujet  de  la  paix 
avec  l'Espagne  (début  de  1626 1). 

Le  Roi  a  la  guerre  en  deux  endroits,  hors  son  royaume 
couvertement  avec  le  roi  d'Espagne,  et  dedans  son  royaume 
ouvertement  contre  les  huguenots  en  plusieurs  provinces. 

On  traite  de  la  paix  de  l'un  et  l'autre  côté  :  du  côté 
d'Espagne  par  l'entremise  du  Pape  et  ministère  de  Mon- 
sieur le  Légat. 

En  ce  traité,  le  premier  article  est  pour  la  Valteline,  que 
le  Pape  demande  être  délivrée  de  la  sujétion  des  Grisons 
et  que  la  religion  catholique  y  soit  tellement  assurée  qu'il 
ne  reste  rien  à  craindre  de  la  puissance  des  hérétiques  sur 
eux.  A  quoi  se  présente  une  difficulté  que  le  Roi  se  ren- 
droit  blâmable  si  le  secours  qu'il  donne  à  ses  alliés  alloit 
à  les  priver  de  leurs  Etats  et  soustraire  de  leur  obéissance 
les  provinces  qui  y  sont  sujettes. 

Car  toute  la  face  extérieure  de  cette  guerre  est  que  le 

1.  Ci-dessus,  p.  208.  —  Ms.  A,  t.  II,  fol.  3v°-8v°;  Archives 
nationales,  Papiers  de  l'Oratoire,  M  232,  fol.  71,  copies.  —  Cf. 
Houssaye,  le  Cardinal  de  Bérulle  et  le  cardinal  de  Richelieu, 
p.  50.  Le  légat  partit  le  24  septembre  1625.  —  Nous  donnons 
le  texte  du  manuscrit  A.  Dans  M  232,  le  discours  de  Marillac 
ne  commence  qu'à  ces  mots  :  «  Si  le  Roi  rompt  le  traité  de 
paix...  »,  vers  le  milieu  du  texte,  et  les  quelques  lignes  qui  ter- 
minent la  copie  du  manuscrit  A  à  partir  de  :  «  Conserver  et 
ne  pas  perdre  l'honneur  de  ceux  qui  servent  le  Roi...  », 
ne  s'y  trouvent  pas. 


APPENDICES.  321 

Roi  donne  secours  aux  Grisons,  ses  alliés,  pour  raoosmei 
la  Valtelinç  que  l'Espagnol  leur  a  usurpée. 

Oi  fait  mu  «(la  beaucoup  d'ouvertures  pour  accommo- 
der l'affaire,  auxquelles  je  n'entre  point.  Je  me  contente 
(l«-  «lin  «ju'il  n'est  pas  malaisé  d'en  trouver  et  de  considé- 
rer les  raisons  qui  peuvent  mouvoir  à  faciliter  cette  affaire 
et  la  résoudre,  sinon  en  la  manière  que  l'on  voudroit,  au 
moins  en  celle  qui  en  approche  le  plus,  quoiqu'elle  ne 
i  isse  pas  entièrement;  mais  il  la  faut  prendre  plutôt 
ne  (!<■  rompre;  car  il  faut  prendre  tous  partis  qui  peuvent 
être  honnêtes  plutôt  que  de  rompre. 

lis  donc  qu'en  l'extérieur  cette  guerre  est  le  muni 
que  le  Roi  donne  aux  Grisons;  mais,  en  effet,  c'est  le  Roi 
(|iii  m  Mil  du  prétexte  des  Grisons  pour,  avec  eux,  entrer 
en  la  Valteline  et  s'en  rendre  le  maître  pour  s'assurer  des 
passages  et  du  pays;  et  le  principal  intérêt  au  traité  de  la 
paix  regarde  le  Roi,  lequel,  néanmoins,  ne  doit  pas  aban- 
donner ses  amis,  mais  aussi  ne  doit-il  pas  se  ruiner  à  cause 
de  ses  amis.  Il  se  doit  rendre  maître  de  l'affaire  et  faire 
pour  soi  et  pour  ses  amis  ce  qui  est  du  bien  de  l'un  et  «le 

I  au!' 

Rendre  absolument  la  Valteline  aux  Grisons  et  remettre 
les  Valtelins  en  leur  pleine  puissance,  il  n'est  ni  juste  ni 

mil<-  ;i    l'un   ni    a    l'autre.   Il    n'est    pas  juste,  car  «'est    les 

metirc  <mi  manifeste  oppression  «t  ruine,  «le  laquelle  !<•  Roi 
la  doit  garantir  solam  qu'il  pool  bosmétemeat,  puisque 

Dieu   l'a   établi    prince   puissant  sur  les  alliés  et   que  MO 

«t. dit   «>t  son  nom  peut   les  réduire   civilement  a  la  raison. 

Il  est  .more  moins  juste  «jue.  Dieu  ayant  donné  au  Roi 

-  t    autorité    sur  un    peuple    Catholique,    il    le  jotM    a 

l'abandon  <l«-  la  fureui  <i  «ruante  «les  hérétiques,  principn- 

i  si,  |»;u  quelques  honnêtes  conditions,  il  s'en  peut 

exemp 

Il  «si  anoure  moins  juste  que,  troerram  une  proi 
délivre.-  «h-   i  :  ,11  le  nom  <l.-   Dieu  esi  purement 

V  H 


322  APPENDICES. 

invoqué,  il  ôte  par  ses  armes  cette  province  à  Jésus-Christ 
et  la  rende  à  Satan,  vu  qu'il  peut  justement  éviter  cet 
écueil,  que  le  royaume  de  Dieu  est  accompagné  de  justice, 
qu'on  le  peut  toujours  chercher  et  satisfaire  amplement 
à  tout  ce  qui  est  juste  et  honnête;  et,  s'il  arrivoitque  S.  M. 
fût  conseillée  de  faire  cette  action,  je  crairidrois  grandement 
le  retour  de  la  punition  divine,  lui  faisant  perdre  de  ses 
propres  provinces  et  un  grand  blâme  en  toute  la  chrétienté 
sur  ce  conseil,  vu  principalement  que  tout  le  monde  sait 
que  par  honnêtes  moyens  et  sans  violence,  mais  pour  les 
offices  justes  et  dignes  d'un  roi  Très  Chrétien,  il  peut  per- 
suader les  Grisons  et  les  faire  contenter  autrement. 

Il  est  aussi  contre  le  bien  de  tous.  Il  n'est  pas  utile  au* 
Grisons  mêmes,  pour  ce  que  les  Valtelins  ne  sauraient  sup- 
porter leur  domination  hérétique  et  se  remettront  sans 
doute  sous  l'Espagnol  ou  tout  autre  qui  les  en  pourroit 
délivrer;  en  quoi  non  seulement  les  Grisons  perdront  ce 
pays,  mais  y  auront  encore  ce  désavantage  d'avoir  l'Espa- 
gnol dans  leur  pays,  ayant  par  là  le  moyen  d'entreprendre 
toujours  davantage . 

Il  est  aussi  contre  le  bien  du  Roi,  d'autant  qu'il  perdra, 
par  ce  moyen,  ces  alliés  et  le  passage. 

Mais  il  lui  est  encore  plus  nuisible,  d'autant  que,  pre- 
nant cette  résolution  ainsi  simple  et  absolue,  c'est  rompre 
le  traité  de  paix  et  entrer  en  une  guerre  malaisée  à  termi- 
ner que  par  la  ruine  de  l'un  ou  de  l'autre,  dont  le  conseil 
du  Roi  sera  d'autant  plus  blâmé  que  l'on  saura  que  tout 
cela  n'est  que  pour  avoir  voulu  conserver  un  morceau  de 
terre  aux  Grisons,  les  pouvant  contenter  autrement,  et 
perdu  une  province  catholique,  la  pouvant  préserver  par 
moyens  justes  et  honnêtes. 

Si  le  Roi  rompt  le  traité  de  paix  et  laisse  partir  Mon- 
sieur le  Légat  sans  rien  faire,  que  dira-t-on  que  l'on  ait  fait 
tant  de  plaintes  du   Pape  de  ce  qu'il   laissoit  allumer  si 


APPENDICES.  323 

avant    le     feu    en    la    chrétienté    sans    s'entremettre    de 
l'éteindre,  et  qu'à  présent  qu'il  s'en  mêle  à  si  bon  escient 
_e  son  entremise? 

Que  dira-t-on  que,  pour  ces  petits  respects  remédiables 
|i;ir  Mlle  voies,  le  Roi  laisse  consommer  son  royaume  et 
l'expose  à  la  ruine  et  que,  pour  sauver  un  morceau  de 
terre  à  des  Suisses,  il  procure  un  si  grand  mal  à  son  État? 
Il  semble  que  les  auteurs  de  ce  conseil  MM  -ouïront  un 
grand  blâme  et  faut  craindre  que  le  Roi,  se  voyant  aux 
t  Mu  -mités  et  angoisses  où  cela  le  jettera,  ne  convertisse 
son  esprit  en  indignation  contre  eux. 

Si  le  Roi  rompt  et  se  résout  à  la  guerre,  il  aura  les 
huguenots  qui,  de  leur  côté,  fourrageront  son  pays  de 
toutes  parts. 

On  pourra  dire  que  le  Roi  fera  paix  avec  eux  et  leur 
donnera  contentement,  ce  qui  seroit  bien  honteux,  et  que 
S.  M.  fût  si  peu  sensible  d'un  si  infâme  mépris,  se  laissant 
emporter  à  des  petits  sentiments  d'intérêts  étrangers  aux- 
quels encore  il  peut  satisfaire.  Il  est  roi  et  père  de  son 
peuple;  il  est  roi  Très  Chrétien  :  ce  sont  qualités  qui 
l'obligent  à  beaucoup  et  à  ne  les  pas  renverser  toutes  deux 
en  cette  MCMMM. 

>n  rompt,  il  ne  se  passera  pas  beaucoup  de  temps 
que  l'on  n'y  ait  regret;  on  verra  lors  à  combien  peu  on 
s'est  tenu,  et  ne  sera  plus  temps. 

Si  l'étrai  que  le  royatUM  en  plusieurs  endroits, 

il    faudra    plusieurs   armées    pour  y  résister  et    pioMUl 
autres  pour  s'opposer  aux  huguenots. 

Les  places  mal  munies  et  mal  fortifiées,  les  soldats  et 
les  (  hefs  infidèles,  les  compagnies  réduites  au  tiers  et  au 
juin,  la  mauvaise  volonté  des  grands,  le  peu  de  personnes 
a  qui  le  Roi  puisse  confier  une  armée  rendront  les  événe- 
ments des  armes  fort  douteux. 

S   l'ennemi   fait  quelque  progrès,  l'épouvante  ira  par- 


324  APPENDICES. 

tout;  les  villes  iront  au-devant  pour  se  sauver.  Ajou- 
tez à  cela  les  trahisons  de  plusieurs  qui  commandent  aux 
places  qui  se  joindront,  qui  à  l'ennemi,  qui  au  parti 
huguenot,  ou  qui  se  feront  acheter  à  millions. 

Le  Roi  se  trouvera  épuisé  de  deniers  pour  faire  la  guerre. 
Il  ne  demandera  pas  la  paix  à  son  ennemi,  car  il  faut  cre- 
ver plutôt  que  d'en  venir  là;  cependant,  il  faut  continuer 
la  guerre  partout  et,  pour  l'entretenir,  trouver  de  l'argent 
et  le  prendre  de  tous  côtés,  y  employer  les  recettes  géné- 
rales et  les  fermes,  ne  payer  ni  gages,  ni  rentes,  ni  appoin- 
tements; cela  encore  ne  suffisant  point,  on  viendra  par 
force  aux  violences  et  extraordinaires,  car  un  roi  ne  se 
rend  jamais  faute  d'argent.  Il  faut  tout  mettre  pour  durer  : 
tout  cela  aliénera  les  peuples  qui  diront  qu'on  pouvoit 
avoir  la  paix,  qu'on  l'a  négligé;  les  factions  profiteront  de 
ces  aliénations,  et  il  y  a  sur  cela  beaucoup  de  choses  à 
prévoir  et  à  craindre  que  l'on  ne  peut  écrire. 

On  pourra,  dans  les  extrémités,  rechercher  la  paix  des 
huguenots,  qui  seroit  la  ruine  de  l'État,  car  leur  insolence 
les  portera  à  des  demandes  si  étranges  que  l'on  ne  les 
pourra  contenter  sans  ignominie.  En  quoi  il  faut  remar- 
quer qu'alors  la  France  n'aura  plus  d'alliance  qu'avec  les 
princes  hérétiques,  lesquels  favoriseront  ceux  du  royaume 
et  les  soutiendront  pour  avoir  des  conditions  plus  avanta- 
geuses auxquelles  on  sera  contraint  de  s'accommoder, 
pour  ce  que  le  Roi  n'aura  secours  que  de  ces  princes,  qui 
ne  l'assisteront  qu'à  ces  conditions. 

Quand  je  considère  ces  événements  et  l'appréhension  de 
cette  dévastation,  je  crains  que  ce  ne  soit  l'heure  que  plu- 
sieurs âmes  très  saintes  prévoient  de  la  punition  de  cet 
Etal,  si  on  néglige  les  moyens  que  Dieu  présente  d'y  rui- 
ner l'hérésie. 

C'est  pourquoi  il  me  semble  qu'il  faut  bander  tous  ses 
esprits  pour  acheminer  les  affaires  de  la  paix  et  n'en  négli- 
ger les  ouvertures,  prenant  toujours  celles  qui  approchent 


tPI'ENDIGM  325 

plus  de  ce  que   nous  prétendons,   mais  en   effet  ne   point 
rompu-,  a  quelque  prix  que  ce  suit; 

\poxt  i  le  rojaame  i  tant  de  ruines  pour  une  poignée 
(I.  Suisses  donl  le  Roi  prend  II  querelle  pour  son  avan- 
tage; mais  il  ne  doit  pas  prendre  leur  avantage  pour  sa 
ruin 

N'exposer  pas  le  royaume  a  l'heresie  et   a   la  perte  de 
les  avantages  que  le  Roi  ;i  eus  contre  les  huguenots; 
Ne  donner  cet  avantage  aux  factions  et  mauvaises  volon- 
tés  de  plusieurs  grandi  et  poil 

ler  l'extrême  indignation  de  tout  le  cierge,  les  parle- 
ments,  les  villes  et   le  peuple; 

Conserver  et  ne  pas  perdre  l'honneur  de  ceux  qui  servent 
tl    aux   principaux   conseils  de  son    htat  et  ne  les   pat 
li asard»  i  ;m  mécontentement  du  Roi; 

N'e.xposeï   S    M.  a   la   nécessité  de   faire  plusieurs  fio- 
ea  et  autn  pour  avoir  de  l'argent  pour  faire  la 

b,  de  laquelle  on  peut  si  aisément  s.  garantir  et 
Ire  la  plus  belle  occasion  qui  s'offrira  jamais  de  ruiner 
l'hérésie  et  la  faction  buguenote-en  Prenne;  rendre  le  Roi 
seul  et  absolu  nattre  de  son  l.iat  et.  pai  ce  moyen,  puis- 
sant contre  toutes  les  factions  et  mauvaises  volontés, 
élevant     ainsi    sa    couronne    au     plus    haut    point     qu'elle 

puisse   êtl 

l'avis  ci-dessus  et  les  conditions  glorieuses    ma 

nous  avec    lesquelles   le    Hoî    termina    la 

d'Italie,  il  parofl  tnanifestemenl  quelle  Force  et  fer- 

lu  avoir  pour  soutenir  la  réputation 

du  II. h  .h  .  ette  affaire  si  important-' .  t  sm  laquelle  toute  la 

( •hretieiil.-     |,!<(it     les   Veux    .1     .luit    si     intéressée    qu'oïl    poil- 

voit  dira  que  d'elle  seule  dépendait  ■  l'avenir  s.,  servitude 

ou  sa   lile 

Ce  qui  'toit    le   plus  fâcheux,  /me   ,{ltns  le 


326  APPENDICES. 

Appendice  VII. 
Lettre  de  M.   du  Fargis  au  Roi*. 

A  Madrid,  ce  7e  janvier  1626. 
Sire, 
N'ayant  reçu  celle  qu'il  a  plu  à  V.  M.  de  m'écrire  du  5e 
du  passé  que  le  27e  du  même*  mois,  je  me  suis  trouvé  tel- 
lement engagé  par  les  conférences  que  j'ai  eues  avec  le 
comte  d'Olivarès,  ensuite  -de  celles  dont  j'ai  informé 
V.  M.3,  qu'il  m'a  semblé  ne  m'en  pouvoir  retirer  selon 
que  V.  M.  me  faisoit  l'honneur  de  me  commander,  sans 
causer  beaucoup  d'ombrage  par  deçà,  et  même  dommage 
à  l'effet  des  intentions  de  V.  M.,  lesquelles  il  vous  plut 
me  faire  savoir  par  des  dépêches  des  25e  et  29e  d'octobre, 
et  qui  me  sont  même  confirmées  par  la  conclusion  de 
ladite  dernière  du  5e  du  passé.  De  sorte,  Sire,  que,  m'ayant 
semblé  que  les  choses  s'étoient  approchées  et  comme 
réduites  aux  termes  où  V.  M.  a  toujours  désiré  qu'elles 
fussent,  savoir  que  MM.  du  Conseil  d'Espagne  ne  préten- 
dissent, au  nom  du  roi  leur  maître,  ni  d'ôter  aux  Grisons 
la  puissance  et  souveraineté  qu'ils  ont  sur  les  Valtelins,  ni 
de  se  conserver  aucun  droit  ou  usage  dans  les  passages  de 
ladite  vallée,  j'ai  hardiment  usé  de  la  licence  qu'il  vous  a 
plu  me  donner  par  celles  du  25°  d'octobre  et  ai  signé 
avec  M.  le  comte  d'Olivarès  les  articles  que  j'envoie  à 
V.  M.  avec  les  raisons  qui  se  sont  dites  et  pensées  es  con- 
testations qui  se  sont  offertes  avant  que  nous  y  descendis- 

1.  Ci-dessus,  p.  210.  —  Ms.  A,  t.  II,  fol.  9-10  v°;  Aff.  étr., 
Espagne  14,  fol.  320  (copie  de  Charpentier);  Arch.  nat.,  M 232, 
liasse  3,  pièce  3,  copie. 

2.  La  copie  de  M  232  porte  par  erreur  :  «  du  présent  ». 

3.  Var.  :  tenu  V.  M.  informée. 


APPEMHI  I  S 

sions  et  que  nous  en  tombassions  d'accord1.  Au-devant  de 
tout. -s  lesquelles  raisons  et  considérations  je  supplie  très 
humblement  V.  M.  de  donner  rang  à  l'exemple  du  feu 
Hoi.  de  très  glorieuse  mémoire,  père  de  V.  M.,  lequel,  en 
même  sujet  et  toute  telle  altération  dans  les  Grisons,  il  y  a 

ans,  se  contenta  à  beaucoup  moins,  et  hors  quasi  de 
(••ut.  comparaison  que  ce  que  nous  avons  obtenu,  ainsi 
que  l'a  écrit  du  depuis  celui  qui  avoit  l'honneur  de  le  ser- 
vir auprès  des  Ligues  Grises  en  la  même  fonction  que 
j'exerce  par  votre  commandement  de  deçà.  Or,  Sire, 
comme  les  résolutions  et  conduite  de  ce  grand  monarque 
sont,  après  les  exprès  commandements  de  V.  M.,  ce  que 

levons  regarder  en  cette  vie  avec  plus  de  vénération 
et  suivre  avec  plus  d'assurance,  je  ne  puis  craindre  que 
V  M .  m  trouve  bon  que  j'aie  donné  à  cet  exemple  le  rang 
qu'il  doit  tenir  en  la  conduite  de  cette  action,  laquelle, 
rouant  il  voua  être  agréable,  je  serai  arrivé  au  bout  de 
toutes  nos  intentions  et  desseins,  lesquels  j'ai  toute  ma  vie 

§  au  service  seul  de  V.  M.,  et  lesquels  j'ai  animes  par- 
tieulierement  et  de  nouveau  en  ce  sujet,  les  accompagnant 

peu  «I  industrie  que  je  puis  employer. 

il- t.  Nie,  si  je  mesurois  lu  qualité  de  ce  service 
:i  11  peine  que  ces  gens  ici  m'ont  donnée  par  leur  artifice  et 
dureté,  j'aurois  quelque  occasion  d'en  demeurer  s;itis(;iit 
Toutefois,  puisque  ma  règle  est  et  doit  être  en  toutes 
choses  l'utilité  et  satisfaction  de  V.  M.,  je  serai  en  l;i 
peine  que  mon  juste  respect  me  doit  donner  jusques  à  ce 
que  je  s;i.|)e  que  V.  M.  ait  eu  à  plaisir  ce  qui  s'est  passé, 
;tinsi  qui-  m  désire  qui  soit,  et  par-dessus  toutes  choses  de 
ce  morille,  après  la  conservation  de  votre  prospérité  et 
s.uite.  selon  le  devoir   de   celui  qui  est  de  V.    M    .   Sire,  très 

humide,  très  obéissant  et  très  fidèle  serviteur  et  sujet 

Du   Farcis. 

1    <f.  «  Considérations  de  M.  du  Fargis  sur  ledit  traité  » 
(Aff  ..•  •    1'.,  fol.  32  V-.'W.  Copie). 


32S  APPENDICES. 


Appendice  VIII. 


Lettre  de  Louis  XIII  au  roi  d'Angleterre^. 

13  mars  1626  (antidatée). 

Très  haut,  très  excellent  et  très  puissant  prince,  notre 
cher  et  très  aimé  bon  frère,  beau-frère,  cousin  et  ancien 
allié. 

Le  désir  que  nous  avons  toujours  eu  d'entretenir  entre 
nous  la  sincère  et  étroite  intelligence  nécessaire  pour  l'in- 
térêt commun  de  nos  couronnes  et  l'intime  et  cordiale 
amitié  que  nous  portons  a  votre  personne,  semblable  à 
celle  que  nous  nous  sommes  toujours  promis  de  vous,  nous 
a  fait  entendre  avec  déplaisir,  tant  par  votre  lettre  du  7e  du 
mois  passé  que  par  la  créance  de  vos  ambassadeurs,  les 
plaintes  qui  nous  ont  été  faites  en  votre  nom  de  la  con- 
duite du  sieur  de  Blainville,  notre  ambassadeur.  D'ailleurs, 
il  ne  nous  a  pas  été  moins  sensible  de  savoir  qu'il  se  fut 
passé  en  sa  personne8  quelques  rencontres  dans  lesquelles 
notre  dignité  semble  avoir  été  blessée,  mais,  ayant  depuis 
été  éclairci  et  assuré  par  vosdits  ambassadeurs  que  c'étoit 
chose  dont  vos  intentions  étoient  entièrement  éloignées, 
et  que  notre  dit  ambassadeur  recevroit  des  traitements  si 
honorables  que  personne  n'en  pourroit  douter,  nous  avons 
donné  ordre  à  notredit  ambassadeur  de  continuer  ses  ser- 
vices près  de  votre  personne,  estimant  (comme  vous)  être 
à  propos  pour  le  bien  commun  de  nos  États  et  la  réputa- 

1.  Ci-dessus,  p.  224.  —  Arch.  nat.,  papiers  d'Herbault, 
KK1363,  fol.  234  v°.  Copie.  —  Cf.  la  pièce  suivante. 

2.  Le  manuscrit  A.  (t.  II,  fol.  23)  reproduisait  à  peu  près 
textuellement  la  fin  de  cette  lettre  :  «  Ayant  été  averti  qu'il 
s'étoit  passé  quelque  chose  à  la  personne  de  mon  ambassadeur 
où  ma  dignité,  etc..  » 


\iti-:m»u  i>  329 

tion  de  nos  affaires  de  faire  voira  tout  le  monde  la  per- 
•  !i  de  notre  bonne  intelligence  et  correspondance,  à 
i|tioi  nous  contribueront  toujours  de  noire  part  tout  le  soin 
.1  affection  <|tii  dépendra  de  nniis,  vous  assurant  que  nous 
aurions  plus  de  sentiment  que  \ous-mème  si  aucun  de 
ceux  qui  nous  appartiennent  vous  dommit  sujet  de  mécon- 
tentement. Nous  nous  remettons  du  surplus  a  notredit 
ambassadeur,  auquel  nous  vous  prions  de  donner  toute 
M».-.  Nous  prions  Dieu,  etc. 

Appbnoicb  IX. 
Lettre  de  Louis  XI 11  à  M.  de  BlainvilleK 

20  mars  1626. 

Monsieur  de  l'Iaim  ille, 

lie  que  le  sieur  de  la  Folaine  vous  aura  ren- 
due de  ma   part,  je  \((iis  ;ii  donné  avis  des  propos  que  les 

ambassadeurs  du  roi  de  la  Grande-Bretagne,  mon  beau- 
frère,  m'avoient  tenus  sur  les  chotef  ci-devant  arrivées  par 
delà   et   lei  assurances  qu'ils  m'avoient  données  que  j'en 
mis  toute  latiafaction.  le  veux  donc  croire  que  les 

effets  s'en  seront  ensuivis  Néanmoins,  attendant  que  j'aie 
de  »oa  nouvelles  sur  ce  sujet,  j';ii  résolu  de  renvoyer  vers 
vous  \f  rieur  de  Rome  et  vous  adresser  par  lui  deux  lettrée 
puni  ledit  roi  mon  I».  au-frère.  I.a  première,  qui  est  anti- 
.  servira  «le  répons,-  |  la  si. •une.  Kl  j,-  détire  qu'in- 
continent la  présente  reçue  nous  demandie/.  audience  pour 
la    pi.  udit    roi,    l'accompagnant    de    telles    parolea 

civiles  et  respectueuses  qne  tous  ju^'i/  convenables,  eu 

1.   «li-dessus,   p.   22V    —  Arch.   nat  .   papiers   d'Herbtalt, 
kk  1363,  loi.  137.  Copie;  krefc  des  \n    étr  .  Angleterre  36, 
■    pte, 

1 


330  APPENDICES. 

égard  à  l'état  où  se  trouveroient  les  choses  ii  l'arrivée  du 
sieur  de  Rome,  soit  de  la  satisfaction  qui  pourroit  déjà  vous 
avoir  été  donnée,  comme  à  mon  ambassadeur,  ou  du 
retardement  qui  pourroit  y  avoir  été  apporté.  Vous  pour- 
rez aussi  prendre  sujet  de  faire  offre  en  cette  audience,  en 
mon  nom,  pour  la  restitution  des  vaisseaux  et  marchandises 
de  mes  sujets,  suivant  les  paroles  que  lesdits  ambassadeurs 
m'ont  données.  Et,  soit  que  vous  obteniez  la  délivrance 
de  tout  ou  de  partie  d'iceux,  ou  que  le  refus  vous  en  soit 
fait,  ou  que  vous  ayez  reçu,  comme  mon  ambassadeur, 
satisfaction,  ou  qu'elle  ait  été  retardée,  je  vous  accorde  la 
permission  de  revenir  près  de  moi,  que  vous  m'avez  plu- 
sieurs fois  demandée. 

Et  mon  intention  est  que  trois  ou  quatre  jours  après 
cette  première  audience,  plus  ou  moins,  selon  que  vous 
verrez  être  à  propos,  vous  en  demandiez  une  seconde  audit 
roi  pour  y  présenter  mon  autre  lettre  et  pour  y  prendre 
votre  congé.  Ce  qu'ayant  pareillement  accompli  avec  la 
reine,  ma  sœur,  vous  pourrez  vous  mettre  aussitôt  en  che- 
min pour  me  venir  trouver,  sans  vous  arrêter  davantage 
par  delà,  me  proposant,  si  la  satisfaction  est  faite,  d'y 
envoyer  par  après  le  sieur  de  Fossé,  mon  ambassadeur 
ordinaire.  Sinon,  son  départ  sera  différé,  et  je  prendrai 
temps  pour  penser  si  j'aurai  à  envoyer  un  ambassadeur  en 
[un]  lieu  où  ma  dignité  en  leurs  personnes  est  si  peu  res- 
pectée. Cependant,  je  ferai  acheminer  le  sieur  évêque  de 
Mende  pour  servir  près  de  la  reine,  ma  sœur,  et  ailleurs 
selon  que  les  occurrences  s'en  présenteront.  C'est  ce  que  je 
vous  ferai  savoir  par  ledit  sieur  de  Rome,  me  remettant 
sur  lui  de  toutes  nouvelles  et  occurrences  de  deçà  et  du 
contentement  que  j'ai  de  vos  services.  Sur  ce,  je  prie 
Dieu... 


\iri;\i>it  i>  XM 

Appendice  X. 

Lettre*  >(t'  ht  reine  d'Espagne  au  eardùutl  de  Richelieu 
et  à  lu  Heine  mère{. 

25  février  1626. 
Mon  cousin, 

bons  et  fidèles  services  que  vous  rendez  et  avez  tou- 
jours rendus  au  Roi  Monsieur  mon  frère  et  à  la  Reine 
Madame  ma  mère,  avec  l'estime  particulière  que  je  fais  de 
votre  personne,  m'ont  toujours  fait  désirer  de  vous  témoi- 
gner ma  bonne  volonté  en  toutes  occasions;  mais  je  m'y 
trouve  bien  plus  particulièrement  obligée  à  cette  heure 
que  je  sais  que,  si  le  mauvais  état  où  a  été  au  passé  la  cor- 
respondance de  ces  couronnes  a  du  changement,  votre 
bonne  intention  et  industrie  y  ont  contribué  autant  ou 
plus  que  tous  les  autres  ensemble.  Et,  bien  que  je  fasse 
profession  de  ne  me  mêler  point  d'affaires,  j'ai  eu  celui-là 
si  ;i  cœur  que  je  l'ai  toujours  appelé  et  le  tient  comme 
mien,  comme  étant  le  plus  glorieux  que  je  veuille  entre- 
prendre. C'est  pourquoi,  après  vous  avoir  remercié  de  ce 
m  MWM  J  ivez  fait  jusques  ici,  je  vous  exhorte  <le  conti- 
nuer courageusement.  L'honneur  vous  en  demeurera 
devant  Dieu  et  le  monde,  et  à  moi  le  désir  de  vous  témoi- 
i  ooe  je  suis,  mon  cousin,  votre  bonne  cousine 

I    I  l/.ABKTH. 

I).   Madrid,  ce  25*  février. 

J<>  f.-M-irr   lf>26. 
Madame, 

I  m  mi   de  r.imliassadcur  du  Hoi   Monsieur  mon   I 
orne  la  bonne  intelligence  «l'entre  ces  couronnes,  que  j'ai 

1.  «      '  '         —  Ms.  A,  t.  Il,  fol    '.o  Il 


332  APPENDICES. 

toujours  désirée  comme  mon  propre  salut,  n'étok  DM 
encore  en  si  bons  termes  comme  nous  avions  espéré  ces 
jours  passés;  néanmoins,  j'ose  me  promettre  de  la  bonté 
de  Dieu  et  de  la  vôtre,  sachant  que  je  dois  beaucoup  à 
V.  M.  pour  ce  regard,  que  tout  ira  bien.  J'ai  écrit  au  comte 
d'Olivarès  par  l'ambassadeur,  lequel  est  parti  pour  Ara- 
gon, avec  le  plus  d'efficace  que  j'ai  pu,  afin  qu'il  contri- 
buât tout  ce  qu'il  pourroit  à  un  si  bon  œuvre,  et  vous  sup- 
plierai, Madame,  de  me  continuer  en  cela  les  preuves  que 
vous  m'avez  toujours  rendues  de  votre  bon  naturel  et  ami- 
tié pour  moi,  de  laquelle  je  suis  et  serai  toujours  très 
reconnoissante.  Et,  au  cas  que  les  affaires  s'accommo- 
dassent et  que  le  service  du  Roi  Monsieur  mon  frère  le 
pût  permettre,  je  désirerois  bien  de  ravoir  près  de  moi 
Mme  du  Fargis,  car  je  l'aime  et  ai  toujours  connu  en  elle 
beaucoup  de  fidélité  et  d'affection  à  mon  service.  Je  sais 
que  V.  M.  a  tant  de  bonne  volonté  pour  moi  qu'elle  pren- 
dra plaisir  que  je  m'adresse  à  elle  pour  les  choses  que  je 
désire  pour  mon  bien  et  mon  repos,  dont  la  principale  est 
que  ces  couronnes  soient  bien  ensemble  et  V.  M.  en  aussi 
bonne  santé  comme  je  le  souhaite,  étant  à  jamais,  de  tout 
mon  cœur,  votre  très  humble  et  très  obéissante  fille. 

Élizabeth. 
De  Madrid,  ce  20e  février. 

Appendice  XI. 

Liste   des  principaux  documents  manuscrits   utilisés 
pour  la  rédaction  du  tome  V  des  Mémoires. 

Archives  des  Affaires  étrangères. 

France  245. 

Pafjes 

1625.  —  3  septembre.  Lettre  du  Cardinal  au  roi 

sur  la  convocation  d'une  assemblée      .      .      .      113-117 


apim  333 

France  246. 

».  —  Mai.  Discours  sur  l'état  des  affaires  prê- 
tes     19-30  et  250  et  suivantes 

—  25   novembre.   «   Discours  tendant   ;■   \<>ir  si, 

mi  la  guerre  avec  l'Espagne  en  Italie,  il 
frai  la  faire  aussi  en  dedans  du  royaume  »   .     182-199 

France  780. 

—  25  mai.  Mémoire  au  sieur  Bellujon  sur  l'accom- 
modement i  hiire  avec  les  huguenots  .  40-43 

—  Juillet.  Mémoire  du  Cardinal  sur  la  rébellion  du 

sieur  de  Soubise 45-53 

—  30  août.   Mémoire   du   Cardinal  à   Schonberg 
touchant  la  paix  avec  les  huguenots    .      .  54-56 

France  782. 

-.  —  Février.  Déclaration  de  l'évêque  de 
Chartres  au  sujet  de  l'.A<//wom7ioetdes  Mysteria 
jinlttuil 239 

France  795. 

—  Raisons  pour  lesquelles  le  Roi  ne  peut  aecorder 

les  duels 268-273 

Angleterre 

1625.  —  Juin    Relation  de  ce  qui  s'est  passé  a\< ■< 

h-  «lin   (I.-  l'.iu  kingham 84-98 

—  Juin.  Avis  sur  les  [ini|i<>sitions  du  duc  de  Bu<- 
Unghaa 84-98 

—  Il  niivcmlii.-   Lettre  de  Rieheliee  a  Blafamlle, 

ami. ass.nl. -m  en   \n-leterre 154-161 


334  APPENDICES. 

Pages 

1625.  — Décembre.  Avis  du  Cardinal  sur  le  voyage 

de  Buckingham App.  IV 

Angleterre,  supplément  1. 

—  Juin.  Instruction  de  Marie  de  Médicis  à  Hen- 
riette de  France  allant  en  Angleterre  .     .     App.  I 

Espagne  14. 

—  Octobre.  «  Propos  tenus  entre  M.  le  maréchal 

de  Schônberg  et  le  marquis  de  Mirabel  ».  130-133 

—  Octobre.  «  Réponse  qui  sera  faite  au  nom  du 

Roi  au  marquis  de  Mirabel  » 133 

—  29  octobre.  Lettre  du  Roi  à  du  Fargis,  ambas- 
sadeur en  Espagne 134-138 

—  6  décembre.  Lettre  de  M.  d'Herbault  à  M.  du 
Fargis 138-139 

1626.  —  7  janvier.  Lettre  de  M.  du  Fargis  au  Roi.       210 

—  Janvier.  Avis  du  Cardinal  sur  le  traité  de  Mon- 

çon 212-214 

—  Février.  Lettre  du  Cardinal  à  M.  du  Fargis.     217-219 

Hollande  9. 

Sans  date.  —  «  Savoir  s'il  est  licite  de  secourir  les 

Hollandois  » App.  II 

Rome  37. 

1625.  —  Relation  sommaire  de  ce  qui  s'est  passé  en 
la  négociation  de  M.  le  cardinal  Barberin,  légat 
en  France 101-111 

Suisse  19. 

—  28  octobre.  Instruction  baillée  à  M.  le  mare- 


APPENDICES.  335 

chai  de  I  lasso  m  pierre  allant  ambassadeur  extraor- 
dinaire en  Suisse 124-129 


Turin   7. 

».  — Janvier.  Réponse  que  le  Roi  fera  au  prince 
de  Piémont  et  à  l'ambassadeur  de  Venise.  215-216 

—  Juin.  Instruction  au  sieur  de  Bullion  allantambas- 
sadeur  extraordinaire  en  Piémont   ....     252-253 

Venise  44. 

—  Instruction  au  sieur  de  Châteauneuf  allant  ambas- 
sadeur à  Venise,  en  Valteline  et  en  Suisse  255-259 

Bibliothèque  nationale. 

Français  3686. 

1625.  —  24  décembre.  Lettre  du  Roi  a  M.  d'Es- 

165-166 

Français  15990. 

—  23  mars   i  Instruction  envoyée  à  M.  de  Héthune 

pOOI  11  dispense  du   mariage  d'Angleterre  »      .    10-15 

—  Décembre.  «  Instruction  au  sieur  Hautru  allant 

-n   \n-leterre  » 172-174 

—  Décembre.  «  Dépêcha  que  le  sieur  Hautru  a  por- 

-n  Angleterre  » 175 

Clairambault  521. 

—  RépOBjedfl  Uni  a  l'ambassadeur  d'Espagne 
tout  liant  le  traité  fait  par  le  sieur  du  Fargis  . 


336  APPENDICES. 

Archives  nationales. 
KK  1363. 

Page» 

1626.  —  Mars.  Lettre  du  Roi  à  M.  de  Blainville    .       224 

M  232. 

—  Avis  du  garde  des  sceaux  de  Marillac  au  sujet 

de  la  paix  avec  l'Espagne 207-209 


SOMMAIRES  DU  TOME  CINQUIÈME 


Année   1625. 


Rébellion  de  Soubise;  il  s'empare  de  l'île  de  Ré  et  de  vaisseaux 
à  Blavet,  p.  1-7.  —  Projet  de  mariage  de  Madame  Henriette 
avec  le  roi  d'Angleterre;  retour  du  P.  de  Bérulle  de  Rome; 
diiiicultés  au  sujet  de  la  religion;  concessions  faites  par  le 
Pape,  8-15.  —  Avènement  de  Charles  Ier;  son  mariage  avec 
Henriette  de  France,  16-17.  —  Révolte  des  protestants  en 
Languedoc;  mémoire  de  Richelieu  au  Roi  au  sujet  de  la 
marche  à  suivre  pour  les  négociations  de  la  paix,  17-30.  — 
Descente  de  Soubise  à  Castillon  de  Médoc;  le  Roi  demande 
des  vaisseaux  aux  Hollandais  ;  négociations  avec  eux  et  avec 
les  Anglais,  31-38.  —  Négociations  avec  MM.  de  Rohan  et 
de  Soubise  et  avec  les  protestants,  39-49.  —  Soubise  sur- 
prend traîtreusement  l'amiral  Haut  tain,  50-51.  —  Suite  des 
négociations  avec  les  protestants,  52-56.  —  Victoire  navale 
du  duc  de  Montmorency  sur  Soubise,  57-60.  —  Campagne 
de  Lesdiguières  en  Savoie  ;  sièges  d'Asti  et  de  Verrue  par  le 
duc  de  Feria  ;  sa  déroute  par  le  connétable,  60-69.  —  Affaires 
des  Pays-Bas;  défense  de  Bréda;  projets  divers  pour  y  faire 
passer  des  troupes;  elles  y  sont  envoyées  par  mer,  69-79.  — 
Mort  de  Maurice  de  Nassau;  capitulation  de  Bréda;  retraite 
de  Mansfeld  en  Allemagne,  79-82.  —  Affaires  de  la  \ 
Hfttj  le  Pape  envoie  un  légat  en  France,  82-84.  —  Arrivée 
du  duc  de  Buckingham  en  France;  demandes  qu'il  fait;  avis 
du  Cardinal  suivi  par  le  Roi,  84-98.  —  Départ  de  la  je*M 
reine  d'Angleterre;  instruction  qui  lui  est  remise  par  sa 
mère  ;  elle  débarque  à  Douvres,  98-100.  —  Négociations  avec 
le  légat  au  sujet  de  la  paix  avec  l'Espagne  et  des  affaires  de 
Il  Valteline  et  des  (ni  KM  ft,  101  1  H  — Le  Cardinal  cons.il  I. 
au  Roi  la  tenue  d'un  conseil  extraordinaire!  il-  lis.  — 
Départ  du  légat  pour  Avignon;  lettre  du  Roi  au  Pape,  118- 
N  H 


338  SOMMAIRES  DU  TOME  CINQUIÈME. 

120.  —  Tenue  de  l'assemblée  extraordinaire  ;  discours  du 
Cardinal;  suite  de  la  négociation,  120-124.  —  Bassompierre 
envoyé  en  Suisse  comme  ambassadeur  extraordinaire;  son 
instruction,  124-130.  —  L'Espagne  renoue  les  négociations 
par  son  ambassadeur  en  France,  130-134.  —  Avis  conforme 
de  M.  du  Fargis  ;  instruction  qui  lui  est  envoyée;  propositions 
d'Olivarès  rejetées  par  le  Roi,  134-139.  —  Arrivée  d'Hen- 
riette de  France  en  Angleterre;  procédés  du  roi  et  de  Buc- 
kingham  à  son  égard;  peste  de  Londres,  140-145.  —  Diffi- 
cultés en  Angleterre  à  propos  de  la  maison  catholique  de  la 
reine  ;  envoi  de  Blainville  comme  ambassadeur  extraordinaire, 
145-151.  —  Duplicité  de  Buckingham  ;  réponse  du  Cardinal 
à  ses  demandes,  151-162.  —  Alliance  conclue  entre  l'Angle- 
terre et  la  Hollande  ;  Buckingham  mécontent  qu'on  refuse  de 
le  recevoir  en  France  ;  il  fait  redemander  par  les  Hollandais 
les  vaisseaux  prêtés  au  Roi,  162-168.  —  Nouvelles  vexations 
en  Angleterre  contre  la  reine  et  les  Français;  mécontente- 
ment de  Buckingham,  168-170.  —  Le  Cardinal  emploie  l'in- 
fluence du  duc  de  Chevreuse  en  Angleterre  ;  envoi  de  Bautru 
à  Londres,  171-177.  — Retour  de  Bautru  avec  des  ambassa- 
deurs anglais;  voyage  de  l'évêque  de  Mende  en  France,  177- 
181.  —  Reprise  des  négociations  avec  les  protestants;  avis 
du  Cardinal  au  Roi  sur  la  marche  à  suivre  pour  arriver  aux 
différentes  paix,  181-200.  —  Apparition  des  Mysteria  poli- 
tica  et  de  ÏÂdmonitio  ad  Regem  ;  leur  condamnation  par  la 
Sorbonne,  201-204. 

Année  1626. 

Discussions  au  Conseil  au  sujet  de  la  paix  avec  l'Espagne  et  avec 
les  protestants;  avis  de  Marillac,  p.  205-209.  —  M.  du  Fargis 
signe  à  Madrid,  contre  ses  instructions,  un  traité  désavanta- 
geux; mécontentement  du  Roi,  209-212.  —  Moyen  proposé 
par  le  Cardinal  pour  réparer  cette  faute;  instructions  nou- 
velles à  du  Fargis,  212-219.  — Négociations  avec  les  ambas- 
sadeurs d'Angleterre,  220-224.  —  Venue  du  prince  de  Pié- 
mont à  Paris,  224-225.  —  Conclusion  de  la  paix  avec  les 
protestants  ;  conditions  du  traité,  225-228.  —  Réflexions  sur 
la  conduite  du  Cardinal  à  cette  occasion,  229-230.  —  Mécon- 
tentement des  Rohans,  230-232.  —  Conflit  entre  le  Parlement 


SOMMAIRES  DU  TOME  CINQUIÈME.  339 

et  l'assemblée  du  clergé  au  sujet  des  Mysteria  et  de  ÏAdmo- 
nitio,  et  de  la  censure  de  l'évêque  de  Chartres,  232-239.  — 
Tempête  contre  les  Jésuites  à  propos  du  livre  de  Santarelli, 
239-247.  —  Nouvelles  fautes  de  M.  du  Fargis  en  Espagne; 
traité  de  Monçon;  mécontentement  du  Roi,  247-249.  — 
Diilii  ulté  de  le  faire  admettre  aux  alliés  de  la  France;  envoi 
H.  de  Bullion  en  Savoie  à  ce  sujet,  250-254.  —  Envoi  de 
Chlteauneuf  à  Venise,  aux  Grisons  et  près  des  cantons  suisses 
|M>ur  le  même  objet,  255-260.  —  Surprise  des  ambassadeurs 
d'Angleterre;  projet  de  convention  avec  eux  pour  la  conti- 
nuation de  la  guerre  en  Allemagne,  260-265.  —  Édit  contre 
I-  >  duels;  punition  du  marquis  de  Praslin,  265-274. 

Appendices. 

I.  In>tiu<  tion  remise  par  Marie  de  Médicis  à  Henriette  de  France 
avant  son  départ  pour  l'Angleterre,  p.  275.  —  II.  Discours  sur 
la  légitimité  d'une  alliance  avec  les  hérétiques  et  les  infidèles, 
283.  —  III.  Discours  prononcé  par  le  cardinal  de  Richelieu 
a  l'assemblée  de  Fontainebleau  du  29  septembre  1625,  309. 

—  IV.  Avis  de  Richelieu  sur  le  voyage  de  Buckingham,  311. 

—  V.  Lettre  de  Guillaume  Bautru  au  cardinal  de  Richelieu 
sur  sa  mission  en  Angleterre,  314.  —  VI.  Avis  du  garde  des 
sceaux  de  Marillac  au  sujet  de  la  paix  avec  l'Espagne,  320. 

—  VII.  Lettre  de  M.  du  Fargis  au  Roi,  326.  -  VIII.  Lettre 
de  Louis  \III  au  roi  d'Angleterre,  328.  —  IX.  Lettre  de 
Louis  XIII  à  M.  de  Blainville,  329.  —  X.  Lettres  de  la  reine 
d'Espagne  au  cardinal  de  Richelieu  et  à  la  Reine  mère,  331. 

—  XI.  Liste  des  principaux  documents  manuscrits  utilisés 
pour  II  i  du  tome  V  des  Mémoires,  332. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


Acqui   la  ville  d'),  #60,  62. 

pamphlet,  201-204, 

Aerssen  (François  d'I,  ambassa- 
deur ilf  llolfande  en  France, 
196. 
txjnne  (Rostaing- Antoine 
15. 
Aiguillon  (le  port  d'),  l'Équilon, 

Alexandre,  roi  do  Macédoine,  2. 
Aligre  (Etienne  d'),  chancelier, 

Allemagne  (1*),  21-23,  67,  87, 
88,  :,  98,  12». 

193,  194,  201, 
-263. 
Allemand»  (les).  79,  231,  264. 
Angers  il'evèque  d').  Voy.  Miron 

is  (la  ville  d'),  26,99, 182. 

Anglais  (les),  U  79,85, 

6-158,  161, 

.  185,  192, 

262. 

12,  13,  22,  52, 

.   140, 

Angleterre    (le    roi    d').    Voy. 
I". 

—  (la  riette 

—  (les  ambassadeurs  d'i  en 
Frai  <iarllon  et  H<>l- 
land. 

A  nlmlt  (Jean-Jacques  de  Brou- 
efaot 

An l'Antri  M     de 

M. 


Antioche  (le  pertuis  d'),  51. 
Anvers  (la  ville  d),  80. 
Aragon  (!'),  247. 
Archevêché  d'i,  à  Paris,  16. 
Artois  d'),  71,  74, 75, 89,  90,93. 
Asti  lia  ville  d'),  60,  63,  64. 
Aubais  (le  baron  d'),  M98. 
Autriche  (la  maison  d'),  21,  24, 

97,  126,  162,  193,  231. 
Avignon  (la  ville  d'),  118. 
Avranches  (l'évoque  d').  Voy. 

Péricard  (François  de). 


B 


Baden  (le  marquis  de),  262. 

Barbarie  (la),  231. 

Barberini  (François,  cardinal), 

"82-85,  96,  lOÎ -132, 135,  136, 

187. 
Baspompierre  (le  maréchal  de), 

124,  130. 
Bautru  (Guillaume),  172,  177, 

Bavière  (Maximilien,  duc  de), 

—  (la),  160,  202,  264. 
Bellujon  (Daniel    de),    31,  38, 

."-;  198. 

Bernard  (saint), 
Bérulle  (le  P.  de),  8,  14,  149. 
Béthune  (Philippe,  comte  de), 

amtassadeiir    de    France    à 

Berne.    11,    13,  83,  96,  101, 
255. 
Blainville  mhmirtmf 

de   Franco  à   Londres,   148- 

Blavet  (le  port  de),  2,  4. 

31. 
Bormio  (la  ville  et  le 

22* 


342 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Boucher  (le  docteur  Jeau),  *20i . 

Boulogne-sur-Mer  (la  ville  de), 
98. 

Bourbourg  (la  ville  de),  72. 

Bourgogne  (la),  126. 

Brandebourg  (  Georges  -  Guil- 
laume, margrave  de),  *21. 

—  (le),  261. 

Brandtschatter  (le  pays  de),  72. 
Bréda  (la  ville  de),  20,  70,  72- 

77,  80,  82,  189. 

Bressan  (le),  pays  de  Brescia, 
103. 

Brouage  (le  port  de),  59. 

Bruges  (la  ville  de),  71. 

Brunswick  (le  duché  de),  261. 

Bruxelles  (la  ville  de),  72. 

Buckingham  (Georges  Villiers, 
duc  de),  38,  84-89,  97,  98, 
143-148,  151,  152,  154,  159- 
163,  168-172,  174-176,  179, 
180,  192,  196. 

—  (la  duchesse  de),  144. 
Bulle  d'or  (la),  263. 

Bullion  (Claude  de),  189,  252, 
254. 


Cadix  (la  ville  de),  89, 151,  186. 

Cambrésis  (le),  72. 

Canelli  (le  bourg  de),  Cannes, 
*63. 

Cannes.  Voy.  Canelli. 

Cardinaux  (les),  14. 

Garlisle  (le  comte  de),  146,  168, 
169. 

Carlton  (Dudley,  lord),  ambas- 
sadeur d'Angleterre,  M77, 
180,  220,  221,  225,  230,  231, 
260. 

Castillon  (la  ville  de),  en  Mé- 
doc,  31. 

Castres  (la  ville  de),  18,  19,  42. 

Champagne  (la),  24,  26,  28. 

—  (la  lieutenance  de  Roi  de), 
274. 

Chancelier.de  France  (le).  Voy. 
Aligre  (Etienne  d'). 

Charles  Ier,  roi  d'Angleterre,  8, 
12,  16,  22-24,  36,  70,  84,  86, 
88-90,  95,  98-100,  140-144, 
146-148,  150,    151,  155-158, 


161,  162,    168-172,    177-180, 

206,  221,  223,  224,  230. 
Chartres    (l'évèque  de).    Voy. 

Valençay  (Léonor  d'Estampes 

de). 
Chàteauneuf  (Charles  de  l'Au- 

bespine,  marquis  de),  *255- 

260. 
Chef-de-Bayé  ou  Chef-de-Bois, 

près  la  Rochelle,  *51,  58. 
Chevreuse  (le  duc  de),  145,  149, 

150,  172-176. 
—  (la  duchesse  de),  172-173. 
Chiavenna  (la  ville  et  le  comté 

de),  82,  104,  218,  259. 
Christian  IV,  roi  de  Danemark, 

*21,  81,  162,  180. 
Clergé  de  France  (le),  195,  196, 

204,  232-238,  245,  246. 
Coblentz  (la  ville  de),  262. 
Cœuvres      (  François  -  Annibal 

d'Estrées,   marquis   de),  82, 

103. 
Cologne  (la  ville  de),  262. 
Compiègne  (la  ville  de),  99. 
Confesseur  du   Roi  (le).  Voy. 

Séguiran  (le  P.  de). 
Créquy  (Charles   de   Blanche- 
fort  de),  63,  64. 
Crescentin  (la  ville  de),  *65. 
Gros  (le  sieur  du),  198. 


D 


Danemark  (le),  93,  261,  262. 

—  (le  roi  de) .  Voy .  Christian  IV . 
Denbigh    (William    Fielding, 

comte  de),  *152. 

—  (la  comtesse  de),  444. 
Diane  (la  déesse),  2. 
Dieppe  (la  ville  de),  93. 
Douvres  (la  ville  de),  100,  140, 

141. 
Duels  (l'édit  sur  les),  265-274. 
Dunkerque  (la  ville  de),  70,  72. 


E 


Effiat  (le  marquis  d'),  145. 

Électeur  palatin  (T).  Voy.  Fré- 
déric V. 

Elisabeth,  reine  d'Angleterre, 
142. 


I  UJLE    ILPUAM  i  ; 


l-'rance,     reine 
d'Espagne.  248. 
Empereur    (1').     Voy.     I 

nanti  II. 
Epcrnon  (Jean-Louis  de  Noga- 

rot  de  la 
Èquili  y.  Aiguillon. 

»,  2. 
.  71 
Espagne  <l'),  8,  19,  20,  2 

94,  96,  '.'T.  101,  108, 

133,  135,  136,  158,  160, 

165,  169,  17'..  181,  182, 

..  203,  205- 

..  249,255, 

258,  260. 

—  (le  roi  d').  Voy.  Philippe IV. 

—  lia  reine  à").  Voy.  Elisabeth 

—  ll'amhassadeur  d')  en  France. 

abel  (le  marquis  de). 
Espag  i,  30, 

•2,91, 
',130, 
186,  188, 
192.  211,212,251, 

255,  265. 

Espesses  (M.  d'),  ambassadeur 
de  France  en  Hollande,  162, 
171,174 
Étage.  Voy.  Ottagio. 
pe  (T),  12. 

tbriel  de  la  Vallée- 
>sez,  marquis  d'),  224. 


a    (Charles    d'Angennes, 
seigneur 

Faye-S a  i    de  Pey  re- 

lirai '12. 

Ferdinand  II.  empereur    ' 

; 

i,259. 
Flandre  lia  1,89, 

Fontainebleau  (le  chàtea 
,50,83. 

e|  la),  en  Angleterre, 
148. 
i  -    (le),    près    la    Ro- 


che. 

.  (la),  57,  58. 

Fosse/,  (le  sieur  de).  Voy.  I 
lv  île  marqui- 

Français  (les),  78,  79,  81,  110, 
I  16,  168,  170,  191. 

France  [la),  1-2.  13.  17.  î 
28,  46,  49,  69,  73,  78,  81,  84, 
87,  89,91,  95,  107,  109, 
125,  135,  136,  140,  1411 
159,  160,  166,  170,  171 
174,  176,  177,  179,  185,  193, 
195,  '20:<,  207. 
245,  258,  261,  202, 

—  à  Ruine  (l'ai:  ir  de). 

Voy.      Béthune     (  Philippe, 
comte  de). 

Friedland    (le   duc    de).    Voy. 
Wallenstein. 


(iabor  (liethlen  . 

Gavi  (la  ville  de),  *60,  63. 

9  da  ville  et  la  république 

de),  -20.  22,  23,  30,  31,  • 

87,  ! 
Génois  (les),  61,  254. 
Germanie  (la),  162,  193. 
Gertruydenberg   (la    ville   de), 

*79. 
Gravelines  (la  ville  de),  72. 
Grisons  (les),  83.  .  106- 

111,  119,  ,  133, 

135,  208,  211  7-219, 

255-259. 
Guise  (Charles  de  Lorraine,  duc 

Gustave-Adolphe,  roi  de  Suède, 
21. 


11 


îlamilton  (la  marquise  d 
Hasselt  (la  vill. 
Haultain  de  Zoete  (Guillai 
amiral  de  Zélande, 

Havre  (le  port  du),  1 

Raye  lia  ville 

Henri  [V.  r-.i  de  France  et  de 

Nav 


344 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Henriette  de  France,  dite  Ma- 
dame, reine  d'Angleterre,  8, 
12,  16,  98-100,  140-146,  148- 
151,  154,  159,  168,  169,  176, 
178-180,  264,  270. 

Hermite  (le  sieur  L'),  marin,  22. 

Holland  (le  comte),  ambassa- 
deur d'Angleterre,  177,  180, 
220,  221,  225,  230,  231,  260. 

Hollandais  (les),  22,  31,  33,  37, 
50,78,162-168,171,185,192, 
196,  202,  231,  232. 

Hollande  (la),  13,  21,  79,  152, 
153,  162,  163,  168,  170,  203, 
261,  262. 

Holstein  (le  duché  de),  21,  81. 

Hongrie  (la),  21. 

Huguenots  (les).  Voy.  Protes- 
tants. 


I 


Indes  occidentales  (les),  22. 

Irlande  (D,  52. 

Italie  (F),  20,  22,  24,  25,  44,  46, 
60,  66,  68,  69,  88,  90,  92,  94, 
97,  103,  l'M,  123-126,  129, 
130,  134,  181,  187,  188,  190, 
195,  201,  285,  215,  255,  257, 
260. 

—  (les  princes  d'),  23-25. 

Italiens  (les),  116. 


Jacques  Ier,  roi  d'Angleterre, 

7-16,  84. 
Jésuiles  (les),  240,  244-246. 
Juliers  (la  ville  de),  262. 


Langres   (l'évêque    de).    Voy. 

Zamet  (Sébastien). 
Langstraat  (la  région  de),  *79. 
Languedoc  (le),  2,   3,  39,  49, 

181,  196-198,  215. 
Launay-Rasilly    (Claude    de), 

*167. 
Laval    (Frédéric    de    la    Tré- 

moïlle,  comte  de),  *56. 
Légat  du  Pape  (le).  Voy.  Bar- 

berini  (François,  cardinal). 


Le  Gras  (Simon),  évêque  de 
Soissons,  233,  236. 

Léopold  (l'archiduc),  219. 

Lesdiguières  (le  connétable  de), 
31,  44,  47,48,  55,  56,60,62, 
63,  65,  69,  189,  190,  226. 

Leye  (la).  Voy.  Lys  (la). 

Limours  (le  château  de),  113. 

Londres  (la  ville  de),  142,  143, 
145. 

Loudrières  (René  de  Talansac, 
sieur  de),  *55. 

Louis  (saint),  roi  de  France, 
268. 

Louis  XIII,  roi  de  France,  1-3, 
5,  7-17,  18-20,  23-30,  32-38, 
40-49,  52,  54,  55,  61,  66,  69, 
70,  77,  78,  83-85,  88-93,  97- 
103,  105-110,  112-129,  131- 
139,  146-150,  153,  156-166, 
171,  172,  174,  178-183,  186, 
187,  190,  192-197,  200,  203, 
205,  207-230,  232,  233,  236- 
238,  245,  247-251,  254-260, 
265-267,  270-274. 

Lucerne  (la  ville  de),  128. 

Lumen  (la  ville  de),  *72. 

Lunebourg  (la  ville  de),  262. 

Lys  (la)  ou  Leye,  rivière,  71. 

M 

Madame.    Voy.    Henriette    de 

France,  reine  d'Angleterre. 
Madiane  (Jean  de  Bouffard,  dit), 

M98. 
Madrid  (la  ville  de),  247. 
—  (le  traité  de),  102,  110,  132. 
Mahomet,  242. 
Mansfeld    (Ernest,   comte   de), 

20,  21,  26,  33,  70,  71,  75-77, 

80,81,  89,  93. 
Mantin  (Théodore  de),  *5,  50, 

60,  163,  168. 
Marans  (le  gouvernement  de), 

274. 
Marguerite  de  Valois,  reine  de 
.   Navarre,  16. 
Marie    de    Médicis,    reine    de 

France,  8,  55,  84,  99,  100, 

114,  180,  248. 
Marillac  (Michel  de),  garde  des 

sceaux,  207. 


TABLE  ALIMIM  1  I  I 


345 


Maurice  (le  comte).  Voy.NaMau. 
•i]uode).  Voy.  Motte* 
Bondancourt  (Daniel  de 

Milan  (la  ville  et  l'Etat  de)  ou 

-259. 
m  (la  ville  de),  42. 

ichet, 
sieur  de  la),  198. 
Mirabel  (le  marquis  de),  ambas- 
sadeur d'Espagne  en  France. 
130-133,  138,  212,  213,  215, 
248. 
Miron  (Charles),  évoque  d'An- 

Ktt. 
Monçon  (la  ville  et  le  traité  de), 

>*ur.  Voyez  Orléans  (Gas- 
ton, duc  il'). 
Montauban  (la  ville  de),  18,  19, 

Montmorency  (Henry   II,    duc 
de),  ûO,  57,  59,  191,  1%. 

■•Hier  île  traité  de), 44,  46. 
lues  (les). 

lloudancourt  (Daniel  de 
me  de   Mende,   179, 
180, 
Mysteriapolitica,  pamphlet, 201- 

N 

Nantes  (la  ville  dei,  5. 
Nassau  (le  comte  Maurice  de), 
70,  79,  80. 

-  (Charles  de  Gonzague- 
Clèves,  duc  de),  47. 

le-la-Paille  (la  ville  de)/te. 

Noailla  I,  56. 

•lu  Pape  ranoe. 

v.  Spada  (  Bernard  i: 
Normandie  (1er. 

(la  ville  de|,  #60. 

O 
D  (l'île  d'),  14,57,  59,228, 


Olivarès  (Gaspard  de  Guzmun, 
comte-duc  û\  134,  137-138, 
210,  211,  213,  214,  217,  247, 

Olonne  (le  port  d'),  M 
Oneglia  (la  ville  d'),  Oneille, 

•61. 
Orange  (Ilenri  de  Nassau,  prince 

•80. 
Orléans   (Gaston,  duc  d'),  dit 

Monsieur,  99. 
Ottagio  (le  bourg  d'),  Étage,  *61. 
Oxford  (la  ville  d'),  145. 


Palatin  (Frédéric  V,  électeur), 
24,  86,  87,  95,  162,  202. 

Palatinat  (le|,  30, 85,  87-90, 95, 
97,98,160,180,201,202,262. 

Papes  (les),  240-243.  Voy.  Ur- 
bain VIII. 

Paris  (la  ville  de),  16,  83,  98, 
220,  260. 

Parlement  d'Angleterre  (le), 
38,  145-147,  180. 

—  de  Paris  (le),  232-238,  243- 
245,  271,  272. 

Pays-Bas  (les),  20. 

Péricard  (François  de),  évèque 

d'Avranches,  236. 
Persans  îles),  194. 
Pescharnaud  (le  sieur  de),  *53, 

56. 
Philippe  IV,  roi  d'Espagne,  25, 

78,  87,    Kil,  .   131, 

,  217, 

Philippe  le  Bel,  roi  de  France, 

m. 

die  (la),  23,  16,  93. 

îni  (Octave),  M89. 

\  médée    I*' 
de  8  rince  de),  225, 

-  (le, 

•  (la  ville 
IMvmouth  (la  ville  de),  151. 

ml  (la  ri\; 
Pnri-Uui»  (le). 


346 


TABLK   AM'IIAKKTIQUE. 


IVrtsmoulh   (la  ville  de),   164, 

168. 
Poschiavo  (la  ville  de),  103. 
l'nislin    (Charles   de    Chuiseul, 

maréchal    de),    31,   *41,    43, 

190,  191,  226,274. 

—  (Roger  de  Choiseul,  marquis 
de),  TO. 

Protestants  (les),  1,  12,  13,  17, 
19,24,  26,27,  29,30,  35,38, 
49,65,  88,  91,  118,  122,  155, 
157,  164,  171,  181-190,  194, 
196,  197,  205-207,  213,  220, 
225-230,  232,  263,  265. 

Provinces- Unies  (les),  73,  162. 
Voy.  Hollande. 

Puritains  (les),  12. 

Q 
Querolhein  (le  sieur  de),  *4. 
R 

Ré  (l'île  de),  4,  44,57,228,231. 

Rhin  (le),  81,  262. 

Richelieu  (le  cardinal  de),  16, 
17,  19,  32,  33,  35,  36,  44,  45, 
54,  66-68,  78,  83,  90-96,  99, 
112-117,  120-122,  149,  154, 
157,  160,  164,  165,  167,  171, 
179,  182,  183,  200,  202,  206, 
212-215,  229-231,  236,  239, 
240,  245,  248,  264,  267-269, 
272,  273. 

Riva  di  Ghiavenna(la  ville  de), 
*82. 

Rochefoucauld  (François  V, 
duc  de  la),  43,  57. 

—  (le  cardinal  de  la),  233. 
Rochelais  (les),  4,  43,  47,  48, 

52,  55,  181,  182,  205,228. 
Rochelle  (la  ville  de  la),  17, 18, 

31,  39,  41,  42,  46,  47,49,  55, 

56,  58,  157,   168,    181,   185, 

186,  188,  191,  192,  196-498, 

200,  226-228. 
Rohan  (Henri,  duc  de),  2,  3, 18, 

39,  41,42,44,46,47,49,215, 

230. 

—  (Catherine  de  Parthenay, 
dame  de),*3,  231,  232. 

—  (Marguerite  de  Béthune,  du- 
chesse de),  3. 


Rohan  [Henriette,  demoiselle 

de),  *3. 
Rome  (la  ville  et  la  cour  de),  S, 
10,    13,  83,    106,    13(1, 
187,  229,  230,  238,  240,  254, 
255. 


s 


Sahles-d'Olonne  (la  ville  des),  1 . 
Saint-Georges  (Mme  de),  dame 

d'honneur     d'Henriette     de 

France,  *142,  144. 
Saint-Jean-d'Angély   (la   ville 

de),  1. 
Saint- Julien  (le  chevalier  de), 

5,  37. 
Saint-Luc   (Timoléon    d'Espi- 

nay,  marquis  de),  57. 
Saint-Malo  (la  ville  de),  168. 
Saint-Martin-de-Ré  (le   bourg 

de),  51,  59. 
Saint-Michel  (le),  vaisseau,  59. 
Salisbury  (la  ville  de),  152. 
Santarelli  (Antonio),  *240-247. 
Savoie  (Charles-Emmanuel  Ier, 

duc  de),  23,  47,  48,  60-62, 

125,216,251,  252,  254,255, 

261. 

—  (l'ambassadeurde)en  France, 
213. 

—  (la),  88,  117,  127,  202,  203, 
213,  216. 

Savone  (la  ville  de),  61,  62. 
Saxe  (la),  21. 

—  (le  cercle  de  Basse-),  81. 
Scheurken  (le  canal  de),  71. 
SchOnberg    (Henri,    maréchal 

de),  131,  132,  138. 
Séguiran  (le  P.  Gaspard   de), 

confesseur  de  Louis  XIII,  *l4. 
Sillery  (le  commandeur  de) ,  1 32. 
Soissons  (l'évèque  de).  Voy.  Le 

Gras  (Simon). 
Sorbonne  (la),  14,  203, 204,  243- 

246. 
Soubise  (Benjamin  de  Rohan, 

seigneur  de),  1-7,  17,  18,  31, 

32,  39,  41,  43-47,  50,  51,  56- 

59,  62,   118,   150,  156,  157, 

164,  168,230,  231. 
Southampton  {Thomas  Wrio- 

thesley,  comte  de),  M 48. 


I  \lil.l     M  PHAI 


347 


Spada  :  moi,  nonce  du 

pape  en  France,  9,  11! 

189. 
- 

Gustave- 


>s  eau 


T 


.  à  la  Ro- 
che 

mal  de  la 

!e  maréchal  de),  19, 

.  Tirlemont. 
..te  de),  147.  151. 
Tilly  omte 

Tirlemont  (la  ville  de)  ou  Thie- 


(le  château  dei. 
■Santos  (la  baie  de), 


Toiraa  (Jean  de  Saint-Bonnet, 
seigneur  de),  39,  57,  196. 

-s  (la  charge  de  bailli  de), 

I 

Turin  (la  ville  de),  65. 


U 


Urbain  VIU,  pape,  8,  10-15,24, 
6,  108-111, 


:  Kstam|ies 


Valence  (le  concile  de),  en  855, 

.  102-111,  122, 

201  209,  215,    217, 

253   255-258. 
Valtelins  (l'es)',   129,  132,  133, 

Vendôme  (César,  duc  de),  5,  6. 
Venise  (la  ville  et  la  république 
del.23,88,  HT.  125,  121 

—  (l'ambassadeur  de)  à  Paris, 
213. 

îens  (les),  103.  I 
Verrue  (la  ville  de),  *64,  65,  67, 
69,  ! 

|la  rivière  de  la),  64. 
Vierge  (lai. 

i'.ertrand  de),  65,  *68, 
254. 
Ville-aux-Clercs(M.dela 
Vitelleschi,  général  desJé- 

W 

Wallenstein  (Albert  de),  duc 

de  Friedland. 
Weser  (le),  81. 
tphalie  (la),  81. 
n  (la  ville 
Wurtemberg  (le  duc  de),  21, 


M  ila  ville  d'i,  7t. 
/ 
Zamet  (Sébastien),  évoque  <le 

Zucarol  (la 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS. 


Page  18,  note  1,  ligne  3.  Au  lieu  de  :  adieu,  lire  :  adieux. 
Page  100,  note  3,  dernière  ligne.  Au  lieu  de  :  Bibl.  nat.,  lire  : 
Arc/i.  nat. 

Page  112,  note  1,  première   ligne.   Au   lieu   de    :   Première 
rédaction  du  manuscrit  B,  lire  :  du  manuscrit  A. 

Page  212,  note  1,  ligne  3.  Au  lieu  de  :  Espagne  13,  lire  : 
Espagne  lk. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  Daupeley-Gouverneur. 


^%6 


r* 


* 


* 


*J*Jà